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REVUE
DES
LANGUES ROMANES
MONTPELLIER. — IMPRIMERIE CENTRALE DU MIDI (HANELIN FRÈRES).
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REVUR
DES
LANGUES ROMANES
PUBLIÉE
PAR LA SOCIÉTÉ
POUR L'ÉTUDE DES LANGUES IIOMANES
Quatrième Série
TOME PREMIER
TOME XXXI DE LA COLLECTION
MONTPELLIER
AU BUREAU DES PUBLICATIONS
DE LA SOCIÉTÉ
TOOB L'âTDDK DBS LAMOaitS ROMANES
Rne St-Quilhem, n" 17
PARIS
Maisonneuve et Ch. Leclerc
LIDnAiniCS-ÉDlTEURS
2ô. QUAI VOLTAIRE, 25
M DCCC LXXXVK
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^
REVUE
DES
LANGUES ROMANES
SAINTE MARIE MADELEINE
DANS LA LITTERATURE PROVENÇALE
(Suite et fin)
APPENDICE. — III
Voici, maintenant, pour terminer cet appendice et la présente publi-
cation, les notes bibliographiques que j'ai annoncées en commençant.
Je ne me dissimule pas qu'il y a tout lieu de craindre qu'elles ne soient,
malgré mes recherches et le secours que d'obligeants amis m'ont prêté,
fort incomplètes. Je serai reconnaissant à ceux de mes lecteurs qui
voudront bien me signaler les lacunes qu'ils y auront remarquées.
I. — PIÈCES SUR SAINTE MADELEINE, COMPOSÉES EN PROVENÇAL DEPUIS
LE COMMENCEMENT DU XVII^^ SIÈCLE JUSQU'a NOS JOURS
1. Odo a riiounou de santo Madaleno contro aqueou que nego sa
penilenci a la Santo Baumo, per lou pero J.D.T. Aix, David, 1644,
in-12.
J'ai trouvé la mention de cet ouvrage, que je n'ai pu voir, dans le
recueil ms. de l'abbé Dubreuil (Bibl. Méjanes, no 371}, t. II, p. 443'.
2. Louis Puech, auteur du fameux noël àes Bohémiens . — La Mag-
deleine dans le désert, poëme qui n'a, paraît-il, jamais été imprimé.
* C'est le même que M. Gaut signale dans son Étude sw la littéi'ature
provençale [Mémoires de l' Académie d' Aix , IX, 278).
TOME I DE LA QUATRIÈME SÉRIE. — JaNVIER-FÉVRIER 1887. 1
6 SAINTE MARIE MADELEINE
Je ne le connais que par la mention qu'en fait le P. Bougerel dans
son Parnasse ■provençal, et de laquelle il semble résulter que ce
poëme était bien, comme je le suppose, en provençal *.
3. Le P. Amilha. Les Pions e Souspirs de santo Maddaleno. Neuf
couplets de six vers de huit syllabes [a a\> c cb).
Dans le Tahleu de la hido del parfet creslia, p. 133 del'édit. de
1703. La première est de 1673.
4. Jean-Baptiste d'Isnard, chanoine de Salon. Pour la feste de
sainte Marie Magdelaine. Cinq stances de 4 vers octosyllabiques,
imitées de l'hymne Pater superni luminis.
Cette pièce fait partie des Cantiques provençaux, où les psaumes,
les hymnes et les cantiques de l'Eglise, sont exposés d'une manière
proportionnée à l'intelligence des plus simples, p. 109 de ledit, de
1709. La première, paraît-il, est de 1695.
5. Traduction provençale de l'hymne Victimœ paschali laudes, en
8 stances de 4 vers octosyllabiques. Voir les st. 3-6.
P. 171 des Cantiques spirituels, par H. H., curé d'Orgon, 1749.
6. Cantiquou per la festou de Pas que 7 stances de 7 vers. Voir
les st. 3-6.
P. 98 du. Recueil nouveau de prières et cantiques provençaux,
par un curé de Provence, 1785.
7. L'abbé Nérie, curé d'Alzonne. — Cantique pour le jour de
Sainte Magdelaine . Dix-huit stances de quatre vers .
Dans le Recueil de divers chants d'église en vers patois, par
M. Nérie, curé d'Alzonne, dédié à Monseigneur l'évèque de Carcas-
sonne, pp. 76-79 de la 3e édition (1822).
8. Deux hymnes pour la fête de sainte Marie Madeleine : 1 . Hymne
de las I"^ bespros (Procul maligni, etc.); — 2, Hymne de las 11"^ bes-
pros (Maria, sacro, etc.).
P. 123-125 du Recueil contenant les proses et hymnes des heures
de Carcassonne, en vers patois, avec les mêmes airs du latin,
par un ecclésiastique du diocèse de Carcassonne. Carcassonne, sans
date (vers 1820?).
9. J . Roumanille. — Roumavage a la Santo-Baumo. Juillet 1860.
P. 111 de lis Oubreto en proso de Roumanille. Cf. Armana prou-
vençau, 1861, p. 67.
< Est-ce du même ouvrage ou d'un autre qu"entend parler M. Gaut dans
ce passage de son étude déjà citée (p. 279): « Parmi les productions pieuses
ou religieuses en langue provençale, nous mentionnerons... en 1669, Poëme
de sainte Marie Madeleine en vers provençaux » ?
SAINTE MARIE MADELEINE 7
10. J. Roumanille. — Santo Maclaleno, cantico de la Santo-Bmimo,
1861.
P. 321 de lis Oubreto en vers de Roumanille. Cf. Armana prou-
vençau, 1862, p. 55.
11. Hamelet de la Santo-Baumo, cantico prouvençau a l'ounour
de santo Madeleno. Avignon, Aubanel frères.
Plaquette qui contient, avec le Cantico de la Santo-Baunio de
Roumanille et deux cantiques français, huit pièces provençales ano-
nymes [par l'abbé Bresson, d'après M. Robert Reboul], dont voici les
titres : I. Santo Madaleno ; 11. la Pecairis ; III. louVas d' alab astre ;
IV. loti Noli me tangere ; V. la Santo-Baumo ; VI . lou Sant Pieloun;
VII. lou Sant Trespas;Y\\\. lou Pèlerinage.
12. L'Embarcamen di Santo; lou Desbarcamèn di Santo. (Ex-
trait du Ramelet ^ . )
P. 13-14 de le Ramelet du Pèlerin des Saintes Maries, grand re-
cueil de cantiques. . . en l'honneur des saintes Maries Jacobé et Sa-
lomé et de sainte Sara. Avignon, Aubanel frères.
Les mêmes pièces, avec la même mention «Extrait du Ramelet-»,
se lisent pp. 79-80 des Yies des saintes Marie Jacobé et Marie Sa-
lomé Impr. centrale du Midi, 1879.
13. La Madeleine ou le Pèlerinage à la Sainte-Baume, poëme
légendaire [en français], par Louis Pelabon, de Toulon, suivi des
cantiques populaires de la Provence, en l'honneur de cette sainte.
Toulon, 1869.
Les cantiques populaires annoncés sous ce titre sont: l'^la, Canti-
nella marseillaise, qu'on a lue ci-dessus (texte de Bory); 2°-3*' les
deux chants publiés par Damase Arbaud et que j'ai plus haut men-
tionnés; 4° un autre cantique « sur le même sujet », c'est-à-dire sur
la conversion de Madeleine, en 12 couplets de 6 vers de 7 syllabes,
qui paraît une composition toute moderne, et que je n'ai pas vu im-
primé ailleurs; 5" dix vers alexandrins, d'un tour et d'une langue
aussi peu populaires que possible, et qui sont pourtant précédés de
cette rubrique : <c La foule provençale, après avoir chanté devant la
statue de la Madeleine [à la Sainte-Baume] maints couplets de ces can-
tiques populaires, adresse à la sainte et ilans le même langage les
paroles suivantes. »
14. Félix Gras. — LaRoumanço de Madaleno [Avignon, 1883].
Charmante plaquette et ravissante poésie, où le ton, sinon tout à fait
l'esprit, de la poésie populaire, est imité avec un art exquis.
* Quel Ramelet ? Ces pièces ne soat pas dans \e Ratuelef de la Santo-
Baumo, qui précède.
8 SAINTE MARIE MADELEINE
15. L'abbé Auguste Bongarçon. — A santo Madaleno de la ca-
pello dei minime a Mano, sur l'air Beu Souleu. Cantique publié dans
la Semaine religieuse du diocèse de Digne, juillet 1886; puis à For-
calquier, Bruneau, 1886, in-S».
16. G. du Caire (Gonzague de Rey). — Santo crous, roumavage i
sant lia deProuvenço. Marseille. (Sous presse.)
Ce poëme contient sur sainte Madeleine seize strophes de six
vers .
17. On me reprocherait, à juste titre, de ne pas comprendre dans
cette nomenclature le chant xi de Mireio, où la légende de l'intro-
duction du christianisme en Provence a été mise pour la première
fois en vers dignes du sujet, et dont 4 stances (p. 454-6) sont spé-
cialement consacrées à sainte Madeleine.
II. — PIÈCES CATALANES SUR SAINTE MADELEINE
1. Un sermon anonyme sur sainte Madeleine. XV" siècle. Ms. b 34
de la bibliothèque de Marseille, f" 165. Publié, sauf le début, par
M.Victor Lieutaud, dans le Gai Saher (11 juin 1879).
2. Autre sermon sur sainte Madeleine. XV^ siècle. Même ms.,f° 245.
M. Lieutaud en a pubUé un fragment, ibid., 1er juillet 1880.
3. Danza ou Goig de Santa Magdalena. Ouvrage anonyme du
XVe siècle, cité par Milâ y Fontanals, Resenya dels antichs poetas
catalans^ p. 177*.
4. Père Miquel Carbonell. — Deux pièces lyriques, datées, l'une ^ de
1454, l'autre^ de 1474, dont voici les rubriques:
a. Aquesta es la primera obraqueyo Père Miquel Carbonell, notari
publich de Barcelona he fêta ans que fos notari, ço es en lo quart dig-
menga de Coresma quecumptavem xxx de marc del anymil cccc liiii,
per honorde unajoya de sanla Maria Magdalena, que lo discret mos-
sen Montserrat Torres prevere posa dins la Esglesia de San Just
de la dita ciutat. E jatsia aquesta obra no sia axi be composta e
polida com yo volria ara que so en edat de Lxxx anys, empero per
1 C'est probablement la même pièce que mentionne, sous le titre de Coblas
a Sta Maria Magdalena, Amador de los Rios, dans sa description du chan-
sonnier catalan de Sarragosse. [Historia criticade .la literatura espanola,
VI, 572.)
2 Huit couplets de treize vers, plus une tornada et une endres&a de sept
vers chacune.
^ Sept couplets de huit vers et deux tornades de quatre.
SAINTE MARIE MADELEINE 9
esser la primera e fêta en la florida edat no la vull abilitar sino ques
stiga ut jacet.
Obra brocada de la gloriosa Magdalena parlant de penitcucia, en
honor de laquai fon posada la dita joya en la Elsglesiade Sanct Just
de Barcelona .per mossen Montserrat Torres prevere e per mi en la
trôna de la dita esglesia expandida.
h. Diva>Maria3 Magdalenre orationom tum latino' tum vulgari ser-
mone lythmisque confectam Petrus Michael Carboncllus Barcino-
nensis edidit, canicula régnante anno Christi mcccclxxiiii ^ .
5,Monserrat Torres. — Dança fêta per lo discret mossen Montser-
rat Torres prevere en laor e honor de la gloriosa sancta Maria
Magdalena.
Poésie conservée avec quelques autres du même auteur dans les
Adversariaàe Miquel Carbonell et publiée par l'éditeur des Opuscu-
los ineditos de ce dernier, don Manuel de Bofarull.
6. Jaume Gazull. — La Vida de santa Magdalena, en cables. Expli-
cit : « A lahor y gloria de nostre Senyor Deu y de la gloriosa inte-
merada mare sua fon fêta la présent obra per lo magnifich mossen
Gazull, cavalier, l'any mil quatre cents noranta e sis, la quai a fet
estampar frare Gabriel Pollicer, ermitâ de la ermita de la bencven-
turada santa Maria Magdalena de Mocoro, la quai esta en la baronia
d'Entença. en lo terme de la vila de Mora de Ebro, del molt ilustre
duch de Cardona. Estampada en la insigne ciutat de Valencia per
Joan Jofré, acabada a xv de mars any m. d. e cinch. (Rafaël Ferrer y
Bigné, Estudio histàrico critico sobre los poetas valencianos de
los siglos XII 1, XIV y XV, p. 44). Cf. Grassse, t. V, p. 189. Sur
l'auteur, voy. Ximeno, Escritores del reyno de Valencia, I, 59, et
Fuster, Biblioteca Valenciana, I, 37, qui ne mentionnent cet ouvrage
ni l'un, ni l'autre.
7. Joan Roiz de Corella, mort en (ou vers ?) 1500. — La Istoria de
la gloriosa senta Magdalena.
Cette flc histoire » est conservée dans un ms. contenant vingt-six
ouvrages du même auteur, dont celui-ci est le vingt-troisième. Voy.
Ximeno, Escritores del reyno de Valencia, I, 63 ; Amador de los
Rios, Historia critica de la literatura espanola, VII, 19, note.
1 Chaque couplet est en effet composé de quatre vers latins et de quatre
vers romans dans cet ordre ( je désigne les vers latins par des italiques): a
h h a a c ca.
2 Opusculo.t ineditos del cronista catalan Pedro Miguel Carbonell (Barce-
lona, 1S65), t. II, pp. 333-342.
10 SAINTE MARIE MADELEINE
8. Père Serafi. Vers 1565. — En lahors de sancta Madalena .
Glose de 10 couplets de 8 vers avec texte et tornade de 4. Dans les
Obras poeticas de Père Serafi, Barcelona, 1840, p. 140.
Le même. — Sonet en lahors de sancta Magdalena. Ihid . , p. 153.
9. Fontanella fFrancesch). Vers 1640. — A la Madalena. Pièce
probablement lyrique, dont j'ignore l'étendue, et qui commence:
Elevais al cell los ulls. (Torres-Amat, 262.)
10. Goigs de la gloriosa y benaventurada santa Maria Magda-
lena, qui se venera en la capella del Pont de Vilamara del terme
de RocafortK — Manresa, 1827? (date des dernières indulgences
accordées à qui les récite), 1843, 1869.
Poix que foreu perdonada. . .
1 1 . Goigs de santa Maria Magdalena, dexebla enamorada de
Jesu Christ. — Vich, 1829.
Ab veu clara y molt serena,
Magdalena,
Vostra vida y penetencia
Cantarem ab reverencia.
Les mêmes, sans date de lieu ni d'année, avec quelques légères va-
riantes et ces mots de plus au titre: que se venera en la ciutat de
Matarô .
12. Goigs de santa Maria Magdalena que se venera en sa
propia capella de Vilarrastau, sufraganea de la parroquial iglesia
de santa Coloma de Centella. — Vich, 1852.
CaDtarem ab alogria,
Tots los de Vilarrastau,
Suplicant vos, o Maria
Magdalena, quens oygau..
13. Goigs de santa Maria Magdalena que se venera en lo poble
de Corbera. — Barcelona, 1858.
1 Cette pièce et les suivantes, jusqu'à la fin, appartiennent à un genre de
littérature pieuse (les goigs, en castillan gozos), abondamment représenté en
Espagne et, chez nous, dans le Roussillon. Ce sont des cantiques, populaires
par leur destination, mais composés, la plupart du moins, par des ecclésiasti-
ques, qui s'impriment sur feuille volante, portant en tête l'image du saint in-
voqué, ou quelque emblème pieux. La bibliothèque de Montpellier possède,
dans le fonds de Vallat, plusieurs milliers de ces compositions. C'est là que
j'ai vu celles dont je fais ici l'énuraération.
SAINTE MARIE MADELEINE 11
Magdalena molt dilxosa,
Digna sou de serlloada...
14. Goigs en alabansade la (iloriosaS^^ Maria Magdalena ques
cantan en sa capella, en lo ternie de Sant Privât. — Olot, 1858.
Puix sou tant prodigiosa
Y de Cristo tant araada...
15. Goigs ah que se exalta a santa Maria Magdalena y se es-
plican algims passas de sa vida que se troban esculpits en son
antich retaule de la hermita de Ulldcmolins. — Au bas : « composts
per lo R. doctor Albert Pujol, canonge de S. Ana de Barcelona. » —
Reus, 1851,1859. Un autre exemplaire ne porto aucune date de lieu
ni d'année, non plus que l'indication de l'auteur.
Puitg la santa devociô
Vos porta en aquesta hermita. . .
16. Goigs de la gloriosa penitenta «S'» Maria Magdalena, vene-
rada en sa capella extra mur os de la ciutatde Cervera. — Cervera,
1853.
Puig ab vida llicenciosa
Com vos ofengui al senor,
Ay! Magdalena ditxosa,
Tinguia jo vostre dolor!
Les mêmes, sauf un vers et une strophe changés, pour les appli-
quer à leur nouvelle destination, le titre portant: Goigs en alabanza
de santa Maria Magdalena, ques cantan en la perroquial iglesia
del poble de Esplugas, bisbat de Barcelona. — Barcelona, sans an-
née ; Tarragona, 1849. Dans ce dernier exemplaire, le titre s'arrête à
Magdalena.
ADDITIONS ET CORRECTIONS
T. XXV, p. 157. Le ms. de M. Paul Arbaud n'estjpas le seul, contrai-
rement à ce que j'avais cru, qui nous ait conservé la Vie'de sainte
Madeleine publiée ici pour la pi'emière fois. Il oxistede cepoëme une
autre copie, dans un ms. exécuté, comme celui de M. Arbaud, par un
Provençal, mais plus ancien d'une vingtaine d'années, et dont M. Paul
Meyer a donné récemment une description détaillée dans un article
de la Remania (XIV, 485 et suiv.). Le commencement et la fin de no-
12 SAINTE MARIE MADELEINE
tre poëme, une cinquantaine de vers en tout, y sont rapportés. Je relè-
verai ici les variantes que ces deux fragments nous fournissent, né-
gligeant celles qui sont purement graphiques.
V. 14: Et aysi con perdon voc aysi (corr. a si) conquerre[r'\. —
25. Syrus ac nom som payre e dux fon de Syria. — 29. qui fon. —
Le vers qui manque après celui-ci est : Eucaria l'apela lo libre
qu'es aysi. — 33. Fon sieua eretat. — 1184. Aras fassan conort cels
que peccat auran . — 1188-9. Que gr an mer se lur aia e lur fassa
perdon Dels mais que fahg auran e del ben guizardon, — 1190.
0 fara. — 1197. els dezobediens . — 1202. E cant venra la ora. —
1204. Am los pressios angels. — 1205. denant Dieus prezentar .
V. 98. « savay. » Écrire sa vay en deux mots. Cf. dans le Mystère
de la Passion, v. 1614:
Sa vay, Longin, e fay te en sa.
T. XXVI, p. 123, sur le v. 49.5. La particule affirmative si répond, ré-
gulièrement, à une question de forme négative: No lias ausida messa'^
: — Si hay, senhor (Leys,\l\, 32). Et tel n'est pas le cas dans le vers
cité. De là ma remarque qui a le tort de n'être pas conçue en termes
assez clairs. L'emploi « substantivé » de si, au sens pur et simple de
oc, se rencontre du reste ailleurs que dans la pièce d'Alberic de Ro-
mano à laquelle j'ai renvoyé. En voici deux autres exemples : i\^o
cal temer que diga si per no (Bernart d'Auriac); li beill si eill
plazen no (H. de S, Cire). Il n'y a pas lieu, par conséquent, de songer
à une influence italienne.
P. 124, sur le v. 592. Lis. pueruli.
P. 125, sur le v. 739. percha, indiqué ici comme correction, doit
être en effet la bonne leçon. Cf., outre le passage de Vincent de
Beauvais que j'ai rapporté, les exemples ci-après fournis par des tex-
tes en vieux français:
Mantiax vairs et pelices grises
Qui a ses perces furent mises.
{GuilL d' Angleterre, \m.)
A sa main une nape enpoigne
Qui a la ^e?'ce estoit pendue.
. {Recueil général des fabliaux, I, 127.)
Prenez a celé perce la
Celé robe de menu ver
(Ibid., III, 98.)
P. 126, sur le v. 818. Anafil se lit (sous la forme nafil) dans un
SAINTE MARIE MADELEINE 13
autre texte provençal, la Guerre de Navarre de G, Anelier, v. 4715.
Voy., dans l'édition deM. Francisque Michel, pp. 622-631, une longue
note sur ce passage.
T. XXVII, p. 109, n. l.La rime ôr; or, dont il est ici question, pour-
rait bien n'être pas d'un grand poids en faveur de l'origine catalane
de la cantilène marseillaise. On trouve en effet creatour rimant avec
ton cor, dans une pièce composée à Vence en 1552. Voy. la Revue des
sociétés savantes, 6» série, t. III, p. 432.
P. 261, sur le V. 11. Il n'est pas sûr que a ca soit la meilleure
leçon, et les formes co, a co, en co, renverraient plus tôt à aco, «, en
aco, que à casa, a, en casa. C'est ce que semblent prouver les exemples
suivants, qui nous offrent la forme pleine aco, ou dans lesquels co est
remplacé par so, dont l'origine ne prête à aucun doute : « que foron
mesas an aquo de Rodigo foras la vila »; « an aquo de Galtia »
(Mende, 1472); — «d'aco dels Batirands jusqu'al pe de Mauriac» (Gail-
lac, XVl'' siècle); — « so de Baqué d'Anla »; « en so d'un abitan »;
<( s'escapec de so de sa pay» (St-Béat,Bagnères-de-Luclion); — « ço
d'en Vigo »(Estagell, Pyrénées-Orientales). Maintenant, la forme ca.
de la Catalogne et des Baléares est-elle un renforcement de co = aco,
ou dérive-t-elle de casa, comme cela paraît certain de la forme ita-
lienne? J'en laisse la décision à de mieux informés.
T. xxviii, p. 6. Le fragment de Palma vient d'être réimprimé
récemment dans le Museo Balear (31 août 1886), avec l'article de
D. José Maria Quadrado, qui l'accompagnait dans VUnidad catôlica
du 5 février 1871.
T. XXIX, p. 280. A propos de la Tarasque, rappelons que Jean de
Nostredame attribue à la comtesse de Die un « Tractât de la Tharasca
en rithme provençale. ^> Que la comtesse de Die ait composé un pareil
« traité », personne assurément ne voudra le croire; mais il ne serait
pas impossible que Nostredame ait eu connaissance d'un ancien
poëme provençal, aujourd'hui perdu, dont sainte Marthe, et spéciale-
ment sa victoire sur la Tarasque, était le sujet.
11 SAINTE MARIE MADELEINE
TABLE
Avant-propos, t. 23, p. 105,
I. Vie de sainte Marie Madeleine, extraite d'une traduction proven-
çale de la Legenda aurea, ibid., ett. 25, p. 105.
II. Traduction provençale d'une homélie sur sainte Madeleine, at-
tribuée à Origène, t. 24, p. 53, et t. 25, p. 122.
III. Vie de sainte Madeleine en vers provençaux, t, 25, p. 157, et
t. 26, p. 105.
IV. Cantique provençal en l'honneur de sainte Marie Madeleine,
t. 27, pp. 105 et 261.
V. Le rôle de sainte Marie Madeleine dans le mystère provençal
de la Passion, t. 28, p. 5 et 53.
VI. Description delà Sainte-Baume, par Balthazar delà Burle, t. 28,
p. 65.
Vil. Cantiques populaires sur sainte Madeleine, t. 29, p. 261.
Appendice. — 1. Extraits du Nouveau Testament (version provençale;,
t. 29, p. 275.
2. Vie de sainte Marthe, extraite de la version proven-
çale la Légende dorée, t. 29, p. 279.
3. Bibliographie. — a. Pièces sur sainte Madeleine com-
posées en provençal depuis le XVII* siècle jusqu'à
nos jours, t. 31, p. 5.
b. Pièces catalanes sur sainte Madeleine, t. 31, p. 8.
Additions et corrections, t. 31, p. 11.
C. C.
GRAMMAIRE GASCONNE
Eï FRANÇOISE
(Suite et fin')
ce ou ceci aço
ce que, ce qui so que so qui
ce que vous dites est vrai, ço
que disets qu'es braï
c'est pourquoi pramou de quo
c'est assez qu'es proû
ce n'est pas assez n'es pas proû
combien coiian
combien d'hommes coûan d'ho-
mis?
combien de femmes coûan de
hemnes ?
combien vous coûte coiian bous
couste?
ce chapeau aquet chapeû
civillement cibilleraent
charitablement charitablement
comme comment com quein
comment cela quein aco
ce livre aquet libi
cette femme aquere hemne
ces hommes aquets honiis
ces femmes aqueres hemnes
celui-ci aquez aquet
celle-ci aqueste
ceux-ci aquets assi
celles-ci aquestes
celui-là aquez
celle-là aquere
celui que aques que
celle que aquere que
ceux-là aquets
celles-là aqueres
cruellement cruellement
communément communeraen
car car
cela aco
cela est bon aco qu'es bon
ceci asso
c'est-à-dire qu'es à dire
ce matin aques matin
cette après-midi aqueste après
dinnade
ce soir aques sée
c'est pour rire qu'es prai ide
chaqu'un cadun
chaqu'une cadû
chacun avec son semblable ca-
dun dap son parion
cependant cependen entertan
c'est dommage qu'es doumatge
c'est mon tour qu'es lou mei
tour
c'est tout un qu'es atau medich
chaque fois cade cop
chacun à son tour cadun à son
tour
ci-dessus assi dessus
ci dessus assi débat
celui de aquet dé
• Voir le no de juillet 1886.
16
aRAMMAIRB GASCONNE ET FRANÇOISE
la viande est chère la car qu'es
celle de aquere dé
c'est la même chose qu'es le
même cause
courage monsieur couratge
moussu
cher eau, câ
care
le vin est cher loù bin qu'es caû
tout est cher tout qu'es caû
courageusement dap couratje.
D
demain douman
demain matin douman matin
demain au soir douman sée
de temps en temps de temps en
temps
dans peu de jours en chic de
temps
dès à présent adare
dès lors labets
dans la poche dens la poche
d'abord que de tire que
d'abord qu'il viendra de tire que
bira
dans la rue dens l'arrue
doucement doucement
de bonne heure de bonne hore
de meilleure heure de meilhore
de plus en plus de mé en mé
davantage mée
derrière moi darréjou
derrière vous darré bous
derrière lui, darré et
derrière nous darré nous
de mal en pis de mau en pis
dessus dessus
dessous
débat
de sorte
que dessorte que
devant
duban
dedan
dedans
dehors
dahore
de près
deprez
de loin
de loin
depuis
depuich
dès hier
depuich je
donc donne
d'où douu
duquel de quau
de laquelle de lacaû
desquels dous caiix
déj à déj à
d'ici en avant d'are en aban
de part et d'autre de part e daute
d'où venez -vous? doun bienets
bous?
Dieu me soit en aide Diu m'ajut
de tout mou cœur dé tout mon
cô
difficilement difâcilemen
de suite de suite
de trop bonne heure trop leu .
E-
en un clin d'œil d'un cop de
gouëil
ensemble amasse
en passant en passan
encore que encouëre que
entièrement entièremen
en cachette a sousmac
en particulier en particulier
en un moment dé tire
en gros en gros
en détail au menut
qui achète en gros et vend au
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
en vérité en bertat
17
détail qui crompe en gros et
ben au menut
a besoin de secours Diu que l'a-
jut
en haut en haut
en bas en bas
également égualamen
expressément tout exprez
encore une fois encouëre ung
cop
et moi aussi et jou tabei
en deçà en deçà
en un mot en ung mot
en dépit de moi en despiet de
joû
enfin enfin
excepté sonque si non
en vain enbaganau, enbaudes
en mon pouvoir en mon poudé
entre chien et loup au sou couq^
facilement facilemen
fidèlement fidellement
faussement faussemen
fort bien fort plan
fort souvent fort souben
franchement franquemen
finalement à la fin.
gratis
a nou arre
généralement
generalemen
gracieusement graciousemen.
hier je
hier matin je matin
hormis sounque
hormis moi sounque jou
heureusement hurousemen
hardiment hardimen
habilement abillemen
honnêtement hounestemen
honteusement hountousemen
humblement humblemen.
joliment broyemen
incontinent dé tire
jamais jamés
justement justemen
il est vrai qu'es bray
il vaut mieux que bau mé
ici aci
jusqu'ici entia ci
jusque-là entia là
jusqu'à tantôt entia tantôt
inutilement inutilemen
il y a longtemps tan tems y a
il n'y a pas longtemps n'a gou-
aire
je ne sais que devenir jou ne sai
que débienne
je ne m'en soucie pas jou non
m'en dau
il ne se soucie de rien nés sous-
sie pas d'arré
[C'est-à-dire au soleil couché {sol colc).]
18 GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
il ne tient qu'à moi ne tien pas jusqu'au retour entiau retour
qu'as joû infailliblement chens faute
il est difficile à contenter qu'es insensiblement insensiblemen .
aule
là aqui
le lendemain loû lendouman
le même loû medich
le tout loû tout
légèrement lalijerement
loin loin
loin d'ici loin d'aci
le moindre de tous lou mendre
de touts
le plus petit lou mendre
le plus grand lou maje
les plus grands loûs majes
lequel lou cauoû
loin loin
loin de moi loin de joû
le reste loû reste
les autres lous auts
lorsque quen
le voici assi qu'es
l'un et l'autre l'un et l'aut
les uns et les autres lous ungs
et lous auts
le voilà aqui qu'es
la veille de St-Jean la beille de
St-Jean.
M
mal mal
mon lou mei
mon frère lou mei ray
mes parents mous parents
mais mes
moins meins
moins que moi meins que jou
malgré moi malgré jou
moi-même joumédich
malicieusement à mâles
ni moi non plus ni joû tapauc
malheureux malurous
mal à propos mau à perpaux.
N
non nou
ni l'un ni l'autre ny l'un ni Faut
ni moi ni toi ni tu ni joû
ni plus ni moins ny plus ny
meins
nonobstant encouëre
nullement brigue
nouvellement nabèremen
n'importe n'importe
où (adverbe de lieu) oûn
ouserez-vous :
? oûn serats bous?
dix ou douze dets ou doutze
l'un ou l'autre l'ung ou l'aut
oui ô, es plâ
oui certes obé de bray
on dit que que disen que
on sait que que saben que
on l'a su qu'at [an] sabut
on le saura qu'at sçauran
or or.
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
19
Peut-être beilleu
pourquoi perqué
pour per
par per
par exemple per exemple
pour l'amour de Dieu parmo de
Diu
pour l'amour de moi pramo de
joû
par raillerie prarride
par bonheur per bonheur
premièrement permeremen
par force per force
précisément precisemen
presque juste
plusieurs fois bet arremat de
cops
pas un nat
pas une nadé
puisque puich que
plutôt mei leù
plutôt que moi meileu que joû
proprement propremen
personne arres, nat
il n'y a personne n'y a pas arres
parce que parce que
partout pertout
il va partout que baper tout
pendant penden
par dépit per despieit
parmi enterdemiei
précipitamment à la haste, de
chet
par cœur par côo
par delà per delà
par ma foi per ma fée
peu chic
peu de chose chic de cause
un peu de vin un chic de bin
par heure per ore
par jour per jour
il gagne un écu par jour que
gaigne un escut per jour.
quand quen
quoique encouëre que
quelquefois caûque cop
quelque chose cauque cause
quelqu'un cauqun
que qui que qui
qui vous l'a dit? qui pas t'a dit ?
qui est celui-là? qui est aquet?
qu'est cela? quiesâco?
qu'est ceci? quiés asso?
qui que ce soit qui ques si?
qu'est-il? qu'es et?
nen arre
rarement raremen
rudement rudemen
rusé rusât, fin
rusée rusade
ras ras
rat arrat
raisonnablement resonnable-
ment.
saintement saintemen
sans chens
sans moi chens joû
son, sa son, sa
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
sûrement assegurademen
secrètement secrétemen
si tôt? taleu
si tard ? ta tard?
si fait si bé
sans lumière a l'escurade
selon son dire segon son dire.
20
son père son pay
suivant segoiin suiban
suivant cela suiban aco
sans rien dire chens dire arré
sourdement à panât
seulement soulemen
souvent souben
tantôt tantos
tard tard
tôt ou tard tôt ou tard
il est tard qu'es tard
tout tout
tant soit peu
trop trop
trop de pain
trop certain
tous deux touts dûs
ta chic qu'es pot
trop de pan
trop ségu
toujours toustem
tellement tellemen
tout à la fois tout au cop
tant mieux tan meilloû
tant pis tampis
trop tôt trop leû
tout de bon tout de bon
tous les jours tous loûs jours
toujours toustem.
vilainement bilénemen
vis-à-vis bis à bis
volontiers de bon grat
vers daû constat
vers Paris dou coustat de Paris
vite détire, biste, de het
visiblement bisiblemen
véritablement beritablemen
DE L'INTERJECTION
L'interjection est une partie de l'oraison rarement en usage
dans la langue gasconne. 11 n'y a que dans un cas de désola-
tion, où le rustique se sert, pour exprimersa douleur, du mot
de biahore, qui veut dire à l'aide, au secours ; en sorte que,
lorsqu'un paysan est excédé, il crie biahore, justice, au se-
cours.
Les ouvriers se servent encore d'une autre interjection
pour s'exciter au travail, qui est anern, qui signifie allons ; ou
améha, anem, goujats, allons enfants; a me ha signifie à qui
plus de travail fera : améha goujats, à plus faire, enfants !
Dans un chemin fort écarté, pourdire: autant vaut-il se taire
que de crier au secours, Autan bav. s'esta choûaû corn, de crida
biahor&.
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE 21
Le vulgaire ajoute à ouy et à non une espèce d'interjection,
et, craignant de parler trop crûment en disant o et ?ion, ils
ajoutent Finterjection pla, et disent ospla pour dire oui et nous
pla pour dire non.
C'est par une politesse rustique que le commun croit rendre
aux personnes au-dessus de lui, qu'il leur répond owj en leur
disant o si bous plats, qui signifie s'il vous plaît, et pour une
abréviation de si bous plats, ils disent ospla, nous pla.
Abets disnats? Ospla; avez-vous dîné? ouy.
Boulets tienne? JSous pla ; voulez-vous venir ? nani.
DICTIONNAIRE FRANÇOIS ET GASCON
AB
abattre abate
abattu abatut
abbé abé
abeille abeille
abîme abisme
aboli aboulit
abolir abouli
abus abus
accablé abladat
accabler ablada
accélérer ha diligence
accepté acceptât
accepter accepta
accident acciden, trabuc
par accident per acciden
accroupi accroupit
s'accroupir accroupis
acharné acharnât
s'acharuer s'acharna.
adieu adichats
adjugé adjujats
adjuger adjutjats
admettre amete
AD
administrateur administratou
administration tutele
admirer admira
AF
affabilité bonne sorte
affable affable
affamé ahamiat
affermi renfourçat
affermir renfourça
affirmation affirmation
affirmé affirmai
affirmer affirma
affranchi desguatjats
affranchir desguatja
affreux heroutge.
22
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
AG
agrafé gahat
agrandi agrandit
agrandir agrandi
Aide à maçon monobre
aide ajude
allégresse voye
s'agrandir s'agrandi
agréable agradable
agréablement dap agrat.
AI
aider ajuda, ayda
aigle aigle.
AL
alerte alerte.
AM
amaigri amagrit
amaigrir amagri
amende amende
amande pleine amende
payer l'amende pagua l'amande
amandier amande
amant amoureux
ambitieux ambitioux
ambition ambitioun.
an année an annade
ancêtres ancestres
apaisé apaisât
apaiser apaisa
apparence aparence
aquatique aygat
acqueduc com (?)
acquérir aquéri
arbalète baleste
arbitrage arbiratje
as as
asrae asme, desalen
asmatique asmatic
aspect biste
AN
ancien ancien
appétit apetit, aguigne .
AP
appauvri apraubit
appauvrir apraubi.
AQ
acquêt aquet
acquiescement consentement
acquis aquesit.
AR
arbitral arbitral.
AS
asperge asperjes
assaisonné assaisonat
assaisonner assaisona
assassin assassin
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
23
assassiner assassina
assiégé assiégeât
assiéger assiégea.
AT
attache estaqua, terligue attaché estacat
un chien à l'attache un can à attaché au jeu estacat au jocq.
l'estaque
AV
aubade aubade
auberge houstalerie
aucun nat
aucune nade
aucunement nade brigue
avènement (sic) abenture
bannir horbandi
bâillement badioloû
bâiller badailla
bâilleur badaillayre
badaut pec
bague bague
bile bile
billard billard
billet billet
bis (pain) pan routé, seglas
arriver arriba
avéré aberat
avérer abera
avide ahamias
autoriser autorisa
ayeul paybon.
BA
bahu bahus
bec d'oiseau bec d'auzet
bègue bret
bregayer breteja
béguin d'enfant bejin
bêler baila.
BI
biscuit biscouëit
bissac habersac, gulard
bitume bitum.
BL
blâmé blasmat
blâmer blasma
blanc, blanche blanc, blanque
blé blat
blessé blassat, hérit
blessure blassédure.
BO
boîte bouite
boiteux tort eschamat
boiteuse torte
bœuf beu
boyeau budet
bois à haute futaie bois
bois taillis pachera
bois à brûler bois legne
boisson beuratje
boiter tourteja
bondir perneja
bonifier bonifia.
?4
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
BR
braire brama
braise braze
brèche brèche
bruine esquil
bruit, tumulte batsarre
bruit brut
bu but, bebut
il a bu qu'a but, qu'es beijac
buvez bebets
buvons bébem
faire du bruit ha brut
brûlant arden, bruUan
brûlé bruslat
brûler brusla
se brûler brûla crama.
BV
bourgeon orbecan
bulle bulle
burat burat
bure, étoffe bure
il boit beaucoup que beu fort burette burette.
GA
cabane cabane, huste, mayne cabas cabas
cavale cabale
cabaret cabaret
cabaretier oste, taberné
cabinet armari, cabinet
câble cable.
CE
ceci aço
cédé cedat
céder céda
ceindre sinta
ceint sintat
ceinture sinte
censure correctioun
censurer corrigea
cep de vigne lou pee de la vigne
cercueil taûc
cérémonie cérémouni
cerf cerbi
cession cession
cabat poisson cabos
chagrin chagrin
se chagriner chagrinas
chaîne cadeigne
chaîne d'or cadeigne d'or
chaloupe galupe
chemin camin
chêne (arbre) cassou
chiffonner garfouilla
choisi causit
choisir causi
cierge candelle, siri
cigogne cigogne
ciré cerat
cirer cera
cire cere
citron citron.
CL
clair clâ
parler clair parla clâ
clairvoyant abisat
clairement clairement
clarté claretat
clef clau
fermer à clef barra à claû
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
25
CO
coq hazan
coq d'inde poûïch
cocaigne coûcagne
cochon porc
coffre croffoû
coiffe de femme coiffe
coin coût (sic)
coine coud[ene?]*
crachat escoupit
cracher escoupi
craie grede
craindre creigne
craintif pauruc, creintili
cravate crabate
crédit crédit
crédale
crête de coq cleque de hazan
creû credut
cri crit
criard cridard
crible criet
crin crin
cuiller cuillé
cuire coze
cuisinier couziné
cuisse couëche
cuit coueit
cuivre couyre
culbute birelongue
damas damas
dame dame
danger danjé
dangereux dounjeroux
collé coulât
coller coula
combat combat
combattre combate
comédie cômedi
comédien coumedien
commander commanda
CR
cristal cristau
critique critique
croyable bertadé
croyance credence
croisé crousat
cru crud
la viande est crue la car qu'es
crude
cruche pegaa
Tant va la cruche à l'eau qu'en-
fin elle se brise tan ba lou
pega àlahoun qui tache (?) loû
tutou.
CV
faire la culbute ha le birelongue
cultiver cultiba
curateur curatou
cure d'une plage pensemen
curé curé
cure cure.
DA
dangereusement dounjerouse-
men
danse dance
danser dansa
1 Lis. couenne.
26 GRAMMAIRE GASCOMNE ET FRANÇOISE
danseur dansedou date date,
danseuse dansedoune
DE
de nuit de jour de nouët de jour
de plus de mé
débarqué desbarcat
débarquer desbarca
débatre estergousseja
débité débitât
débiter débita
débiteur débitou
débouché desboussat
déboucher desboussa
débourser desboursa
déboursé desboursat
décapiter escapita
décapité escapitat
décharger descarca
diable - diable
diacre diacre
dicté dictât
dicter dicta
diète diète
Dieu Dîii
diffamer desoundra
diffamé desourdrat
différer deslonca
différé desloncat
déchargé descarcat
décharné descarna
décharner descarnat
décidé décidât
décider décida
déclarer déclara
déclaré déclarât
déclaration déclaration
découcher descoucha
dégât mau damnatge
degout deigous
dégoût, aversion hasti
dégoûter degousta
désordre désordre.
DI
différence diférence
difficile dificile, aule
difficulté difficultat
difforme desfigurat bé
discerner discerna
discrétion discrétion
discret discret
dispensé dispensât
dispenser dispensa
DO
docile proûs
docte saben
doctrine doctrine
doyen doyen
domestique messatjé
domicile case
dominant mestrisan
dominer mestrisa
domté masedat
dompter maseda
donation donation .
donc donc
doré daurat
surdoré suberdaûrat
dot dot
doter dota
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
27
douane bureû
doubler un habit doubla u(
double double
peille.
doubler doubla
DR
dragon dragon
droit drét
drap drap
le côté droit loû coustat dret
drapeau enseigne
drap eu
la main droite la man drète
drapeaux panéts
le droit civil loû drét civil
drapier marchand
drapé
le droit canon loû drét canon.
DV
du commencement
doûcommen
deuil doû
cemen
duel duel
du moins doû meins
dupé atrapat, affrontât
du tout brigue
duper quelqu'un affrounta caû
dû qui est dû deb
iite deu
te
quun
j'ai dû cent pistoles
qu'ei
début dur dû
cen pistole
durée durade
duc duc
durer dura
duchesse duchesse
&
dureté duretat
EA
eau aygue
eau de puits aygue de puts
ébauché esbauchat
ébaucher esbaucha
écaché esclapouchit
écacher esclacha
écarlate escarlate
édifié ediffiat
édifier ediffia
effacé effaçât
effacer effaça
effectif effectif
effectivement effectivemen
eau bénite aygue benedite
eau-de-vie aygue de bi.
EB
ébéne ebene
écho l'arreboum de la boux.
EG
écarté esbarrit
s'écarter s'esbarri.
ED
édit edit
éducation éducation
EF
effet effet
effroi espasme
s'effrayer s'eschenta, s'espasma
effroyable esfroiiyable.
28
GRAMMAIRE GASCONNK ET FRANÇOISE
EG
égal, égale égal, égale
égalé égalât
élargi eslargit
élargir eslargi
élévation pouyade,hausemen
élevé hausat
embarras embarras, piouchiu
embarrassant embarrassant
égaler eguala
s'égaler egualisa.
EL
élever haussa, pouya
élever un enfant adressa un mav-
natye.
EM
embarrassé embarrassât
embarrasser embarrassa
EN
en ça de ques constat
enceinte prein
elle est enceinte qu'es prein
enchanté enchantât, ensoûcier-
rit
EP
épais, épaisse espes, espesse équari esquarrit.
enchanter enchanta, ensourciéri
enchanteur sourcié, hitillé
encre ancre, tinte
envie embege.
EQ
equarnr esquarri
équilibre guimoet (?)
équipage esquipatye
ergot esperon
ériger érigea
escabau trubez
escalade escalade
escalader escalada
équitable juste
équité equitad.
ER
errant baguenaud, bagan
érudition eseignement.
ES
espier gmgna
escarmouche escarmouche.
ET
table estable, escuderie
établi establit
établir establi
s'établir s'establi, s'acoumoudS'
étalon haras
étamé estaignat
étain etain
étançonné empoustat
étançonner empousta
étançon empous
GRAMMAIRE GASCOISISE ET FRANÇOISE 29
entendu, entendue entenut, en-
tenude
éternel éternel
étudier estudeja
étudiant escoulié
étui estuy
étuve estube
étuvée estubée, beu estubat
carpe étuvée carpe à Testubée.
état estât
éteindre estupa
éteint, éteinte estupat, estu-
pade
le feu est éteint lou houëc qu'es
estupat
la chandelle est éteinte la can-
delle qu'es estupade
entendre enténe
EV
évacuation destoute
évacuer bouita
s'évader s'escapa
évêché abescat
évêque abesque
évaluer estima, aprecia
évaluation estimation
éveillé du sommeil deschudat
éveillez-le? deschudats loû
éveillé guay, escarrabillat
éveiller quelqu'un deschuda caii-
qun
éventail esbentail
évident claà
évité ebitat
éviter ebita.
EX
exact exact
exagérer exagéra, habla
excédé exedat
excéder exeda
excepté, hormis souque
excepté exeptat
excepter exepta
expédier expédia
exposé exposât
exposer exposa
s'exposer s'exposa
fabrique fabrique
fabriqué fabricat
fabriquer fabrica
face, visage care, bisatje
face à face care à care
fâché fachat
fâcher fâcha
fécond, fecon aboundous
exterminé exterminât
exterminer extermina
externe extrantje
extirpation treitin
extirpé extirpât, treitinat
extraordinaire extraordinari
extravagance extrabagance
extravagant extrabagan
extrême extrême
extrémité extremitat.
FA
feindre ha com qui
félicité félicitât
femelle hemie
laide femelle leïde hemie
fendre hène
fendu henut
■fer hé
ferme hort
30
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
fermé barrât, fermât
fermer barra
fermer à clef barra en claû
feu houec.
FI
fiché hicat
ficher hica
fidélité fidélitat
fier hida
se fier se hida
ne vous fiez pas à lui nep hidits
pas ad et
fierté fiertat
flagrant tout caut
en flagrant délit
caudemen
foie hitge
foyer laa doû hoûec
folie houlie
folle hole
fol h où
fomenté aguilloiiat
fondé fondât
forcer fourça
fragile prim, freûle
fraîche fresque
fraîcheur frescoû
frais frès
pain frais pan fres
fromage roumatje
fréquentation hantise
fréquenter hanta
friand fréjan gourjut
friandise gourjes
fumé ah u mat
la fumée lou hum
fumer àhuma
il fume que hume
fièvre fièvre, ruïle (?)
figue higue
figuier higué
filé hilat
filer hila
finesse finesse
finesse, ruse suptilitat
finaud un fouïn
FL
flambeau flambeû
flairer soulla.
FO
forcé fourçat
foulé houra
fouler hourat
fourche hourque
four, fournaise, hour
fourrage estrami
fracas fracas.
FR
frileux fredoulie
friperie, friperi arrecarde
fripier arrecarder
fripon fripon
friponnerie friponerie
friponner pana, fripona
frire fricassa, freji
frisé frisât
friser frisa.
FU
fumer la terre hem a la terre
fressure bendresque enterbiu
funérailles doû
furet fisseu
GRAMMAIRE GASCON^E ET FRANÇOISE
furie furie fusil fuzil
furieux furious fusée à poudre fuzeye
fuseau huzèt fût, bois de barrique huste
fusée de fil puntrade
GA
31
gabele gabele
gage, salaire gatjes
gager arrema, gatjà
gageure gatjure
gagner gaigna
gai escarrabillat, gai
galant amouroux
gale gale
galeux galous
galon galon
galonné galounat
giron pieitî pancette
girouette girouette
glace glace
glan glan
glissade eslurade
gobelet gobelet, preûte
goguenard bailleur
gomme goume
grâce graci
gracieusement graciousemen
gracieux gracieux
gradué graduât
graduer gradua
grêle grêle
grêler grêla
grenade, fruit miourane
grenadier miurané
grenadier soldat grenadié
graine soumence
grenier gréé
galonner galouna
galop galop
galoper galoupa
gant goûan
gantier goûantaire
geai, oiseau gay
géant gean
gelinotte poure
gémir gerni
gensive gençibe
GI
gît, ici gît aici que jats.
GL
glisser eslura
glorieux glourioux
glorieusement glouriousemen
GO
gond gon
gorge gorje.
GR
grenouille graôuille
griffe grippe, arpe
gué gouat
passer à gué passa à goùeit
guenille perrec
guêpe bresque
guéri goiiarit
guérir goiiari
guerre guerre
faire la guerre ha la guerre
guet goûat
guêtres gamaches
32 GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
guetter ha loù goûeit guider guida
guide guide
habile abille
habilement abillemen
habileté abilletat
habillé bestit
habiller besti
habit paille, bestit
habitant habitan
habiter habita
hébété estourdit
hébéter estourdi
hémorroïdes mourrengles
hennir henilla
hennissement henillét
herbage herbatje
hideux heroutje
hipocras hipoucras
hirondelle arrongle
guigner guigna
HA
habitude coustume
habituer habitua
hâbleur, babard hâbleur
haché hachât
hacher hacha
hair hai
haï hait.
HE
herbe herbe
hérésie hérésie
hérétique hérétique
héritier berté
héritière hertere
héritage heritatge.
HI
histoire istori
hiver yber
hiverner passa l'hiver.
HO
homélie predic, prédicaille
homicide homicide, murtré
hommage oumatje
homasse houmiau
hongre crés
honnête houneste
un honnête homme ung hounet
homi
honnêteté honnestetat
honneur aunou
honorable aunourable
honoré aunourat
honorer aunoura
honte bergouigne
honteux bergouignous
honteuse bergougnouse
hôtel auta
devant l'hôtel daban Tautâ
hué huât
huguenot huguenaût
huile oli
huissier ussié
huître ustri
HU
des huîtres ustris
humain de bonne sorte
s'humaniser s'apribauza
humble humble
humblement humblemen
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
33
humecté humectât
humecter humecta
humé galat
humer gala
heurter truqua
humeur umoû
jabot gabé
jacinte jacinte
jayét jayét
jalet jalet
are à jalet are à galet
jalousie jalousie
idée idée
idiot pec
idolâtre idolastre
idole idole
jet d'eau jet d'aygue
jet, rejeton brouich, taig
jeté jetât
Ignorance ignourence
illégitime bastard, campiet
illumination enlumination
image imatge
imagination imagination
imaginer imagina
incapable incapable
incendiaire brusladou
incendie bulle
Inceste inceste
incident, inciden, grigne
incité incitât
de bonne humeur debonnehumoû
de mauvaise humeur de mé-
chante umoû
humidité humiditat
humide humide
hupe, oiseau pupe.
lA
jaloux jaloux
jamais jamés
jambon jambon
japer laira
jar, mâle de l'oie guiraut.
ID
jeter jeta
J
J
eu joc
ouer joûga
jeune jouen
jeûne, abstinence jeune
jeûner juna
jeûneur junadou.
IG
IL
ignorant ignouren
ignorer ignoura.
illuminé enluminât
illuminer enlumina.
MI
imité imitât
imiter imita
immobile immobile.
IN
inciter incita
inconstance inconstence
inconstant inconstan, biroulié
inconvénient incombenien
incrédule meichidec
incurable incurable .
34
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
lO
joli broy
jouer jougua
jolie broye
joueur jouguedoû
joliment brojemen
jouir joui
jonc jung
jouissance jouissance
jonchée juncade
joyeusement jouyousemen
joué jouguat
joyeux jouyoux.
IS
issue saillie
hisser issa.
lU
jubilé jubilé
ivresse berjaguerie
juge jutje
juridiction juridiction
jugement jutjemen
jus suc jus chue
juger juitja
juste juste
juif judiu
justement justemen
jument egoû
justesse justesse
ivre berjac
justice justici
femme ivre hemme berjague
justicier justicier.
LA
labeur laboû
laborieux balen, laboûroux
labouré labourât
labourer laboura
laboureur labouredoû
laine lane
laissé lâchât
laisser lâcha
laid, difforme lée
laiet leit
laitue leitugue
lame d'épée lame d'espade
lamentation daydoureri
lance lance
lancette lancette
libéral libéral
libéralité libéralitad
liberté libertat
lande lande
langage lengouatje
léché lecat
léchée lecade
lécher leca
lécher la poêle leca la padère
lecteur lectou
léger laujé
légère laujére
légèrement laujéremen
légèreté laujeretat
légitime légitimât
légitimer légitima
légumes légumes.
LI
libraire librayre
licence licence, permission
ligue ligue, complot
lie
lier
lime
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
ligue, liguette limer lima
35
ligua
lime
locataire estatjan
logé loutjat
loger loutja
long lonc
longue lonque
longueur loncoù
louable laudable
lucarne lucarne
lucratif lucratiu
lucre lucre, gain
lueur luoù, luts
luire luzi
macaron macaron
mâché niasplat
mâcher niaspla
mâchoire gaute, gatila
magasin maguazin
majesté magestat
majestueux magestous
maigre escarnarit, maigre
limité limitât
limiter limita.
LO
louange louange
loué laudat
loué soit Dieu laudat si Diu,
louer lauda
loup loup
louve loube
louveteau loubat.
LU
luisant luzen
luisante luzente
lumière luts
lunettes brigles
la lune le lu.
MA
maillet mailoc, mail
manger minja
mangé minjat
manche manjou
tiens-toi au manche tien te au
manjou
manchon manchon
manchot manchec.
ME
mécanique coumune médiocre miejané
méchanceté mechansetat médisance medisence
mèche de lampe meque, cauzoû médisant medisen
médaille médaille méditation méditation
médecin médecin méditer médita
médicament mediquemen melon meroun.
médiateur acoumoudaire
MI
miaulement niauleri
miauler niaula
mie de pain medout de pan
miel meû
mignard argaignat
mignardise mignardise
36
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
mine du visage mine, care
bonne mine bonne care
mine de fer mine de hé
miner mina
mobile mobile
mode mode
modèle moudèle
modération modération
modéré modérât
modérer modéra
modeste modeste
modestie modestie
mulâtre mulastre
mule mule
mulet mulet
muletier mulaté
multiplier proubaigna
multitude carrebaissalle
mineur en bas âge
mmeur
miroir mirail
misère misère
miséricorde miséricorde.
MO
moine monje
monde mounde
monnaie mounede
monnayeur mounedé
montagnard montagnol
montagne montaigne
mortaise mourtouse
mortalité mourtaille.
MU
meunier moulié
muraille muraille
muré muraillat
murmure plaignét
murmurer plaigne.
NA
nager nada
nageur nadedoù
nage toujours nade tousten
naissance nachence
naître nache
nappe tabaille
mettre la nappe mètre tabaille
nate nate
nation nation
naturalisé naturalisât
naturaliser naturalisa
naveau nap, raboû
naufrage naufratje
nez nas
nez écacbé nas de claque
né nascut
néant nean, arré
nécessaire nécessari
nécessité nécessitât
négligence négligence
négligent négliger
négoce negoci, trafic
NE
négocier negouciâ, trafica
négociant negouciant trafican
neige neu
neiger neba
nerf nerbi
nerveux nerbut
netteté netetat
nettoyer neteja.
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE 37
NI
dénicher les merles desnida loûs
m ni
ni plus ni moins ni me ni meins
niais niais, nigaut
niaiserie nigaudi, niezeri
niche arregaigne, trufe
nid nit
merlous
nier negua
nippes nipes
niveau nibeu
niveler nibela.
NO
noble noble
noblesse noublesse
noces noces
noyau de pêches croch de per-
chée
noyé aneguat
noyer anegua
noyer, arbre nougué
noix nots
noirci noircit, tintât de negue
noircir noirci
noisetier aulané
noisette aulan
noix de gale nots de gale
nombre condat, nombrat
nombrer conda, nombra
nombril pendril
nommé nomat
nommer quelqu'un nouma caù-
qun
notable maje
note merque
noté d'infamie tacat d'infamie
notifié notifficat
notifier notiffica
nourrir nauri
nourrice naurice
nourricier nauricé.
NU
nu nut
être nu esta nut
nudité nuditat, bergouigne
nuire nuise, ha tort
nuit noûeit
pendant la nuit penden la
noûeit
obéi aubedit
obéir aubedi
se faire obéir has aubedi
obéissant aubeissen
nul nad
nulle nade
nul homme nat homi
nullement brigue
nullité nulitat
numérer nombra
nuptial nupciaû.
OB
obéissance aubéissence
objecté objectât
objecter objecta
obligation obligation.
OC
occasion ocasion occupation ocupation
l'occasion fait le larron l'oca- occupé ocupat
sion que hei lou lairon occuper ocupa.
occulte cachât 3
?8
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
OD
odeur aulou
bonne odeur
bonne auloû
odieux hastiaii
odieusement hastialemen.
OE
goûeiUet d'un
œil goueil
œillet, fleur villet, guiroufleye
œillet d'un corps
corcet
offense offence
offensé offençat
offenser offença
oie auque
oison aucât
œuf goûeû
œuvre obre, oubratje
œuvres pies obres pies.
oignon
opération opération
opérer opéra
opiner opina
opiniâtre opigniastre
oracle
oracle
oratje
oraison oraison
orange
iranje
ordonnât
OF
offre offre
offert offert
offrir auffrï
01
oiseau auzét
oisif estedou
oisiveté feneantise.
OL
olive olibe
olivier olibié.
OM
ombrage ombratje
omettre omete
ombrageux oumbratjous
omis omes
ombre ompre
omission omission
ON
once once
ondée de pluie lai
oncle oncle, onçoiin
ongle uncle
onde ound
onguent engoiïen
OP
opinion opinion
oppression opression
opprimer oprimat
opprimé oprinia.
OR
ordonné
ordonner
original
originel
ordonna
ordre
originaû
originel.
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
39
OS
ostentation
ôté estremat
ôter estrema
oubli desmoûnbre
oublié desmounbrat
oublier desmoûnbra
oui'di ourdi
ourdissoir oûrdiné
pacifié pacifficat
pacifier pacifia
pacifique pacifie
pacte pactou
payable payable
payé pagat
payer pagua
paisible passien
pâle palle, blesme
pâlir palli
pâmé espamat
OT
OU
farfanterie
ôtez-vous d'ici
d'aci.
ourler oùrela
ourlet orle
ours ours
outre en aban.
sourtes bous
PA
se pâmer s'engouëcha
pâmoison engouëche
pendu penut
parafe paraffle
parafer paraffla
paresse paresse
paresseux paressous
paresseuse paresseuse
parfum perfani
parfumer perfuma.
PE
péage piatje
peau pét
pêche, fruit prechegue, prechec
peigné pientat
peine peine
à grand'peine à grand peine
peint pintrat
peintre pintre
piailler clapita, claca
picorée pille
aller à la picorée ana à la pille
pièce pèce
pièce de monnaie pèce de mou-
nede
pied pée
piège las
pierre peire
peinture pinture
pèlerin pélegrin
pénétré pénétrât
pensé pensât
la pensée le pensade
penser pensa
penser à mal mau pensât.
PI
pierre de taille peire de taill
piété piétat
pigeon pijon
pigeonnier pijonier
pilier pila
pilé pilât
pillage pillatje
pillard layron.
40
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
PL
placard placard
place place
placet placét, requeste
plaidé pleitejat
plaider pleiteja
plaie plague
plaie, fléau fleu
plainier plané
poche poche
poêle padère
poignard puignaû
poignarder puignarda
poignet puignet
poil peu
poil folet peluzon
prairie arribère, prat
préambule rebaloy
prébende prebande
précaution précaution
procéder desbança
précepte précepte
prêcher prêcha
puant puden
puanteur pudentisse
public public
publication publication
publié publicat
publier publica
puce pus
pucelle puncelle
puer pudi
puissant pouchan
quadrille quadrillou
quai halle
qualité qualitat
planté plantât
planter planta
plombé plombât
plomber plomba
plongé plonjat
plonger plonja
plume plume
plumer pluma.
PO
poinçon ponchon
poindre pouigna
poing puing
point, couture pun
point d'honneur pun d'aunou
sur le point de mourir au pun
de mouri.
PR
pneur priou
principe principe
prison prezon
procuré proucurat
procurer proucura
procureur percuraire
prodigue prodigue.
PU
puits puts
punaise pusnache
pupille pupile
pur, pure pu, pure
vin pur bin pur
eau toute pure aygue toute pure
purement puremen
pureté puretat
purgé purgat
purger purga.
QUA
quantité quantitat
quartier quartié.
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
41
QUE
que que querelle crclle
qu'est-ce que c'est? qu'es aco? querelles crella
que dit-il? que dits et?
quel, quelle quein, queigne
quel des deux cuaû doù dus
quelqu'un caûqun
quelqu'une caûqû
quelqus-uns cauques uns
quelque jour cauque jour
qui qui, queing
qui que ce soit qui que se
quittance quittance
querelleur créions
question, demande question
question, gène lestire
quête queste
quêter questa
queue coude
QUI
quitte, libre quites
quitter, laisser quitta, lécha
RA
rabais rebaich
rabais de monnaie rebaich de
mounéde
rabaissé rebachat
rachat rachat
racheté rachetât
racheter racheta
racine ari-edits
jeter racine ha arredits
raccourci racourcit
raccourcir racourci, abreca
raffiné rassinat
rafOner rassina
rayé rajat
rat arrat
revendeur arroumeraire
railler quelqu'un railla caiiqun
raillerie railleri
railleur railleur
raisin arrezim
raisins secs arrezims secs
raison raison
raisonnable raisonnable
raisonnablement raisounable-
men
rame de papier rame de pape
rame, aviron abiron, pâlot
ramer rama, tira l 'abiron.
RE
rebelle rebelle
se révolter gendarma
rébellion rébellion
rebondi rebondit, pregun
rebondir arreguinna
rebuté rebutât, degoustat
rebuter rebuta
recelé recelât
receler recela
recette recepte
reçu recebut
receveur recebur
recevoir recebe
repoussé repoussât
repousser repoussa.
42
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
RI
care arridente
riant arriden
un \asage riant
riche riche
richement richemen
rideau rideû
tirer le rideau tira lou rideû
rigole gole
rigoureusement rigourousemen
rigoureux ngouroux
rime rime
rimer rima
rincer arresca
rincé arrescat
rincer les verres
beires.
arresca
lous
RO
robe raube
à la ronde à la ronde
robe de chambre raube de
crampe
robe de palais raube de palais
rondeur roundoû
ronfler arrounca, ronffla
rongé arrougagnat
gens de robe gens de raube
rosaire rouzari
robinet roubinét, brouquét
rose arrose
robuste robuste, gouaillard
roseau canabère
roche arroque
rosée arrous, arrourade
rocher roc
rosier arroûzé
rogne roigne
rogner roigna
rosse rosse
rossé arrassat, roussât
rogneur d'écueles roignaire d'es-
cudeles
rosser rossa
rossignol rechinoû
rogneure rougnedure
roi rey
royauté royautat
rois reis
rôt, rôti roustit
rot arrout
roter arouta
rôtie roustide
roitelet, oiseau rey couchic
roue arrode
roman roman
rouer, rompre roua
romarin roumanin
rougeolle sarranpin
rompre, briser rompe, brisa,
rougeur roujou
pouda
rompu romput
rond, ronde redoun, redoune
rousseur au visage lanc
roussâtre roussard
route route .
RU
ruade arresguinet, cuilebét
ruban riban
rubarbe rubarbe
ruche caben
rue arrû
ruine ruine
ruiner ruina
ruisseau arriu
rhumatisme rumatisme
rumeur rumou
rusé rusât.
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
43
SA
salle sable
sabot esclop
sabre sabre
sac sac
sacrifié saccrifficat
sagesse sagesse
saigné sagnat
une saignée n sagnï
saigner sagna
salière salie
salir cascanteya
se salir bas orre
salut salut, coulade
salué saludat
saluer saluda
sanctifier santiffica
sanctifié santifficat
sandale sandale
sang sang
sanglant sanglan
sangle sangle
sanglé sanglât
sangler sangla
sangler, battre truca, da patac
sanglot, hoquet sanglout
sangloter sanglouti
sangsue sangrauze
sape sape
sapé sapât
saper sapa
sapin sapin
sarclé sarclât
sarcler sarcla
sarcloir sarclât.
SE
se se
s'aimer s'aima
se repentir repentis
s'abstenir se priba
se souvenir soubiénés
sec, sèche sec, seque
être à sec esta à sec
sécher seca
secondé secondât
seconder segonda
secoué segoutis
secourir ajuda
secouru ajudat
secours ajiide
secte secte
séculier seculié
séditieux séditieux
sédition sédition
siècle siècle
siège sieti
scellé scellât, cachetât
sceller sella
sel sau
selle de cheval sere de chibaû
sellé serat
semé soumiat
semer souniia
semelle de soulier semelle de
soulié
sentier, chemin sende
sentence sentence
senteur sentou
sentinelle sentinelle
séparation espartide . sépara-
tion
séparé séparât
séparer sépara
séparément separemen
SI
siège de ville siège
sifflé siulat
44
GRAMMAIRE
sifflement siulet
siffler siula
signal signau
signalé signalât
signaler signala
signé signât
signer signa
signification signiffication
signifié signifficat
signifier signiffica
silence silence
faire silence esta chouan
simoniaque simoniaque
simonie simonie
simple simple
GASCONNE ET FRANÇOISE
simple soldat simple sourdat
simplicité simplicitat
sincèi'e sincère
sincèrement sincèremen
sincérité sinceritat
sindic sindic
singe, mounard moune, chimi
singulier singulier
sirène serène
sirop sirop
siroter, boire soufFra lama-
rante (sic)
situation situation
situé situât
situer situa
SO
soie séde solennel solemnel
soie de sanglier peu de sanglier solenniser solemnisa
soif sét
soigner soigna, arregla
soin soin
sole, poisson sole
soleil soureil soû
à soleil levant au soû Ihebat
solennisé solemnisa
solide solide, ferme
solidité soliditat
solive solibe
soliveau, soulibeu
sollicité sollicitât
solliciter sollicita.
SU
subit subit
subitement subitement
submergé anegat
suborné subournat
subside subside, impos, taxe
subsistance subsistance
subsister subsister
substance substance
substanciel substanciel
substituer substituât
substitut substitua
subtil subtil
subtilement subtilemen
subtilité subtilitat
suffoqué suffocat
suffoquer suffoca.
TA
tabac tabac
tabac en poudre tabac en pou-
dre
tabatière tabaquière
tabernacle tabernacle
table taule
couvrir la table mete la tabaille
se mettre à table boutas en
taule
tenir table tene taule, tauleja
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
45
tableau tableu
tablier de femme debantaû
tabouret tambouret, trubez
tambourin tambourin
tache taque
tache d'huile taque d'oli
taché tacat
tacher taca
tâcher, s'efforcer tacha, s'es-
fourça
tacheté taquetat, mirgaillat
tacheter taqueta
tafetas tafetas
taie té
taie à l'œil maille au goueil
teigne tigue
teigne, ver arle
teigneux tignoux
teindre tinta
teint tintât
teint du visage tin
téméraire témerère
témérité temeritat
témoigner témoigna
témoin témoin
tempéré tempérât
tempérer tempera
temple temple
taillé taillât, coupât
tailler tailla, coupa
tailler une plume tailla ù plume
taire cara
se taire caras
taisez-vous carats bous
taire un^secret gouarda un se-
cret
tambour tambour
tambour tambourinaire
tamis sedas, dasséde
tamisé passât au sedas
tamiser passa au sedas
tanche, poisson tengue
taon housseroun.
TE
les temples lous temples
temporel temporel
temporiser delounça
temps tems
dans ce temps dens aquet tems
tendre tendre, teigne
tendre un filet tène u hillat
tendresse tendresse
tendu tenut
ténèbres ténèbres, escurade
teneur lou contienut
tenir tiene
tenir jeu tiene joc.
TI
tiens-toi là tien-te aqui
tiède tiède, tabout
tiédeur tiédou
tige le came
tigre tigre
timide timide, pauruc
timidité timiditat
timon timon ah (sic)
tyran tiraa
tyrannie tirannie
tyranniser tiraniiisa
tirer tira
tirer la corde tira la corde, chir-
gua
tirer l'épée darrigua l'espade
tirer du vin tira bin
tirer le vers du nez tira lou
bermi dou nas
tirer un canon tira un canon
tireur de laine courdaire de lane
tireur tiradou, liraire.
46
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
TO
tocsin toqucsein
toile tele
toléré toléra, souffri, payra
tombé cadut
tomber cade
tombeau hosse
tondeur tounedoû
tondre buscarra, toune
tondu tounut
tonsure tonsure
tonsurer tonsura
tonsuré tonsurat
toper toupâ
tordre torse
tordu toursut
tordre le cou cot torse
taureau taû
torture estire
touché toucat
toucher touca.
TR
tiacas tracas
trace piste
suivre la trace segui la piste
tracé traçât
traduit traduit
traduire traduire
tracer traça
trafic trafic
trafiquer trafica, trafailla
tragédie tragedi
trahi trahit
trahir trahi
trahison trahison
traîné carrussat, arrouseguat
traîner carrussa, arrousegua
traire les vaches mouilla les
baques
trait tret, tirade
boire d'un trait bebed'u len,d'u
tirade
un trait d'esprit u punte d'esprit
traitable de bonne sorte, prous
tremblant tremblen
trembler trembla
tribut tribut
tricher tricha
tricheur, pipeur tricheur, tri-
chot
tricheuse trichote
trompé trompât
tromper trompa
trompette trompeté
trompeter trompeta
tronc d'arbre eau d'arploCi
tronc tronc
troqué baratat, troucat
troquer barata, trouca
trot trot
trotter trouta
trou hourat, trauc
trouer hourada, trauca.
TU
tuer tua, auside
tuerie tuerî
tuyeau canet
tuile teule
tumeur boigne, tumou
tumulte brut, batsarre
turc turc .
GRAMMAIRE GASCOiNMii ET FRANÇOISE
47
va-t-en beiten, adichats
vacances bacances
vache baque
vachei' baqué
vaillant balen
vagabond baguenaud, bandou-
lié
vague de mer bague de maà
vaguer, errer bagua, courre
vaincre bence
veau bétet
vautré brouglat
se vautrer brouglas
veiller beilla
velours belous
vendange brouigne
vendanger brouigna
vendangeur brougnedou
vicaire bicari
vicarie bicaria
vice bici
vicieux bicioux, biciat
vicomte bisconte
vicomte biscontat
victime bictime
victoire bictoire
victorieux bictorioux
vie bite
vieille rance bielle rançouse
vieux bieil
VA
vaisseau nabiu, bachet
vaisselle bachère
valet baik-t
valet de chambre bailét de
crampe
valétudinaire caitiû
valoir balé
vanté bantat
se vanter bantas
variable bariable.
VE
vendangeuse brougnedourc
vendre bene
vendu bendut
vénérable benerable
vénération bénération
vénérer benera
vengé benjat
venger benja.
UL,
ulcère plague, ulcère
uni unit
union union
unique unique
VI
vif biu
vigilance balentisse
vigilant balen
vigile bigili
vin bin
vin d'Espagne bin d'Espaigne
vinaigre biague
vindicatif bindicatiu
voleur bouleur
voleur de chevaux polligaire,
bouleur de chibaous.
UN, UO
fils unique hil unique
uniquement uniquemen
unité unitat
VR
vraiment del rai
vraisemblable braisemblable
48
GRAMMAIRE GASCONNE ET FRANÇOISE
urgent pressan
urine pich, aurine
uriner picha, aurina.
US
usage usatje
usufruitier jouissen
usé uzat
usurier uzuré
user uza
usurière uzurère
usité uzitat
usurper uzurpa
usufruit jouissence.
usurpateur uzurpatour.
UT
utile utile
utilité utilitat.
utilement utillemen
VU
vue biste
vuidé bouitat
la vue le biste
vuider bouita
vuide bouite, bonite
vulgaire paisan, commun
bourse vuide bouce bouite
vulgairement communément.
YA
yeux goueils
yeux enfoncés goueils enfonçats
regarder quelqu'un entre deux
yeux espia cauqun entre deux
goueils.
YV
yvoire ibouere
yvraye yrague
yvre berjac, ivrogne
il est yvre qu'es ivrouigne
yvrognesse berjague
yvrognerie berjaguère.
ZA
zaïn zaïn
zizanie irague.
Fin
NOTE SUR DEUX MANUSCRITS
DES FILS AYMON
Le manuscrit de Peterhouse
Le scribe qui a copié les romans contenus dans le manu-
scrit H, 247 de Montpellier paraît s'être fatigué vers la fin du
volume *. J'ai déjà fait remarquer que, pour le Maugis, ce
ms. ne contient guère que la moitié des vers que donne le ms.
766 de la Bibliothèque nationale -.Le Vivien semble abrégé en
certains endroits. Mais \q Renaud de Montuuban y est plus mal-
traité encore, parce qu'aux torts du copiste se sont ajoutés les
outrages du temps. La fin du manuscrit a été détruite, et le
texte s'arrête au milieu du récit du combat de Renaud et de
l'émir Safadin ^.
L'originalité de la version des Fils Aymon contenue dans le
manuscrit de Montpellier* m'avait fait regretter de n'avoir pu
l'étudier sur un texte plus complet, et ceux qui estimentque le
cycledeRenaud est une des parties les plus importantesde no-
tre littérature épique ont probablement éprouvé le même sen-
timent. Je crois avoir des raisons sérieuses de penser que la
version que je continuerai à désigner par la dénomination de
version de Montpellier, a été conservée à peu près intégrale-
ment dans un autre manuscrit.
La planche 130 des fac-similés à l'usage de l'École des
1 C'est une collection cyclique comprenant: Doon de Maience, Gaufrei,
Ogier de Dannemarche, Gui de Nanteuil, Maugis d'Aigremont, Vivien
l'Amachow de Monbrmic, les Quatre Fils Aymon.
2 V. dans mes Additions aux Recherches sur les Chansons de geste la
note relative au ms. 766.
3 V. au commencement des Recherches le texte, tel que j'ai pu le déchif-
frer, de la fin de ce manuscrit.
* V. dans les Recherches, le chapitre intitulé le Maugis d'Aigremont et le
Renaud de Montauban et le chapitre sur Rinaldo da Montalbano, passim.
50 NOTES SUR DEUX MANUSCRITS
Chartes reproduit une page d'un manuscrit français de la Bi-
bliotlièque de Peterhouse à Cambridge. A la page 34 des cor-
rigés qui accompagnent ces fac-similés, Ton trouve la tran-
scription des premiers vers de ce morceau avec Tindication
suivante : « Début de la Chanson de Maugis d'Aigremont.
Manuscrit 2,2.5 de Peterhouse Cambridge. » Mon attention
ayant été appelée sur ce texte, j'ai reconnu que ce n'est pas
le début du Maugis, mais bien le commencement d'une ver-
sion des Fils Aymon, commencement tout semblable, sauf
quelques points peu importants, au début de la version de
Montpellier.
Cette remarque une fois faite, j'ai immédiatement recouru
à l'obligeance de M. Barnes, bibliothécaire de Peterhouse,
et c'est ainsi que je puis donner quelques renseignements sur
un manuscrit qui méritait d'être plus connu. Il est coté 2.0.5
et non 2.2.5, comme il avait été indiqué inexactement dans
le fac-similé. Il contient deux romans, l'un d'environ 8,000
vers, commençant par les mêmes vers que le Maugis et ter-
miné par la formule: a Explicit des Enfances Maugis »; le
second, d'environ 18,000 vers, qui commence par le passage
reproduit en fac-similé, et qui doit être complet, si ce n'est
qu'au folio final il manque la moitié des dix dernières lignes.
Il se termine par les mots : « Explicit de Montauban . »
D'ailleurs les deux poëmes ne sont précédés d'aucun titre an-
cien.
Nous avons donc un nouveau texte du Maugis d' Aigremont
et du Renaud de Montauban. Il permettra très-probablement
de compléter et de corriger la version déjà connue par le ms.
de Montpellier.
Pour mettre le lecteur à même d'apprécier la ressemblance
des deux versions, je reproduis ici celle de Peterhouse d'après
le fac-similé. On pourra la comparer au texte du même passage
que j'ai donné d'après le ms. de Montpellier, dans le chapitre
sur le Rinaldo da MontalbanoK
Le ms. de Peterhouse est écrit en un français très-pur,
mais il me semble dériver d'un texte moins ancien oue celui
1 V. Revue des l. r., 3e série, t. XVI, p. 167; tirage à part des Recher-
ches, p. 187,
DES FILS AYMON 51
dont s'est servi l'auteur du ms. de Montpellier. J'espèro
d'ailleurs revenir i)lus tard sur cette question, quand j'aurai
achevé l'étude, que j'ai commencée, des principales versions
du Maugis et des Fils Aymon.
Seignour, oiez chançon de grant nobilité;
L'estoire est tote voire, sanz point de fauseté ;
Onques meillor n'oïstes des ce que Dex fu nez.
A Saint-Deniz en France que Dex a tantamé
5 La trueve l'en ou rolle o l'autre autoricté,
Si com Karles de France, li forz rois corronez,
Guerroia le duc Buef * d'Aigremont l'alosé
Et Girart le sien frère qui tant est redoutez,
Et Doo de Nantueil o le grenon mellé,
10 Et Aime de Dordon le vassal aduré.
Cil. iiii. furent frère et d'un père engenré.
Il n'ot si vaillanz homes en la crestienté
Ne qui tant s'entramaissent sanz point de fauseté,
Que- Karles fist ocirre a .i. jor de Noël
15 Le duc Buef^ d'Aigremont que il avoit mandé ;
Ou conduit l'empereur fu li duz deviez,
Puis en fu granz la guerre et la mortalitez
Et tant preudome morz, ociz et afolez,
Renaus li filz Aimon qui tant ot de bontez
20 Occit puis Bertolai d'uneschac pointure,
Le neveu Karlemaine, dunt li rois fu irez.
La terre en fu destruite et tant païs gasté,
Et tante veve dame perdi son avoé,
Tant enfant orphenin en sont déshérité,
25 Et cheu a poverte et a honte livré,
Et puis en fu Renaus !i vassaux malmenez
Entre lui et ses frères chaciez forz dou régné ;
Puis guerroierent Karle lor anemi mortel,
Et li firent maint mal et mainte tempestez.
1 Le corrigé imprime Bues, probablement parce que la barre de Vf est
peu distincte et paraît avoir été grattée.
2 Que ne donne pas de sens. Il faut ou corriger Mais, ou admettre une
lacune.
5Î NOTE SUR DEUX MANUSCRITS
30 Ce fu a Pentecoste après TAsencion ;
Karles fu a Paris en sa mestre meson,
La tint li rois sa cort ainsi com nos diron.
Onques ne tint si grant, de verte le savon.
Tuit i furent venu li chevalier baron,
35 Salemons de Bretaigne, del Manz conte Huon,
Et Yves et Yvoires, Berengiers et Haton,
Et Hernaux de Valence, Galeran de Buillon,
Et tant autre baron dont je ne sai les nous.
La cors fu si pleniere que de fi le set on.
40 Assez i ot venuz chevaliers et barons,
Et Normans et Pouhiers, Poitevins et Gascons.
Lombarz et Berriuiers i furent a fuison.
Et si estoit venuz duz Aimes de Dordon,
Et avec lui si fil qui sont de grant renon.
45 Tuit .iiii. sont vallet, n'ont barbe ne grenon.
Li ber les ama moult, si ot bone reson.
L'empereor salue et parla com preudom.
(( Baront, dit l'empereres, entendez ma reson.
Tante terre ai conquise et tante région
50 Dont li segnor me servent ou il voeillent ou non ;
S' ai tante vile mise a feu et a charbon,
Et tant païs ai mis a grant destrucion,
Et la sainte loi Deu mise par tôt avon.
S'ai conquis Guiteclin ice Sesne félon,
55 Je Focciz a mon brant si que le vit Naimon.
Baudoins i fu morz que nous tant amions.
N'i daignierent venir mi chevalier baron,
Forz li duz des Normans et li rois Salemon.
Par icels de Hurupe ou j'ai sauvacion
60 N'i eiisse conquis vaillant .i. esperon,
Se ne fust Salemon que nos amer devon.
Atot .XX. M. d'omes me secorut par non.
Li duz Bueves sanz barbe i fu sanz achoison,
Baudoins li Baiviers, Estez li fils Ouedon,
65 Et Gaifiers de Bordelle que tant amer devon,
Et si porta l'ensegne Gondrebuez li Frison.
N'i perdismes par lui vaillant .i. esperon.
DES FILS ATMON 53
Assez i mandai autres qui sont de mon roion,
N'i daignierent venir, par le cors .S, Simon.
70 Je mandai en aïde Girart de Rosillon
Et Doon de Nantuel o le flori grenon. »
La parenté des deux débuts est évidente, et l'on a pu re-
marquer que le texte de Montpellier est heureusement com-
plété en plusieurs endroits. Ce qui caractérise cette variante
delà légende des Fils Aymon, c'est l'idée d'expliquer l'ini-
mitié de Charles et de Beuves, non plus par la querelle an-
cienne de l'empereur et de Doon de Nanteuil, frère du duc
d'Aigremont, mais par un refus que Beuves et ses frères au-
raient fait de secourir leur suzerain dans sa guerre contre
les Saxons. Le ms. 766 de Paris n'a pas accepté cette modi-
fication de la légende.
Une comparaison rapide permettra d'apprécier l'impor-
tance du texte de Peterhouse.
Dans le manuscrit de Montpellier, le morceau correspondant
ne contient que 41 vers. Les vers 13-19 sont omis et rempla-
cés par une sorte de résumé vague :
Kalles les haï moult et vers eus fu iré,
Ainsi com vous orrez se je sui escouté.
Le passage ainsi supprimé est important. Le trouvère, qui
sait qu'il va raconter non-seulement la mort de Beuves, mais
l'histoire des Quatre Fils Ajmon, et qui considère les deux
narrations comme ne formant plus qu'un seul roman, croit
devoir présenter une sorte de prologue contenant l'énoncé de
tout son sujet. Le texte donné par M. Michelant date de l'épo-
que où l'on commençait à réciter de suite les deux romans,
mais où cet usage n'avait pas encore entraîné une modifica-
tion profonde du Beuves d'Aigremont. Dès le quatrième vers,
l'on entrait en matière :
Ce fu à Pentecoste, etc. . . .
Mais une fois les deux poèmes confondus en un seul, par
suite du remaniement définitif du premier, le prologue annon-
çant la querelle de Renaud et de Charlemagne est une intro-
4
54 NOTE SUR DEUX MANUSCRITS
duction nécessaire que l'on trouve dans tous les manuscrits,
d'une façon plus ou moins complète, suivant le degré de fidé-
lité de mémoire du jongleur ou d'attention du copiste.
Les vers 33, 37, 39-41, 46, sont omis dans le ms. de Mont-
pellier; mais il donne une bonne leçon au v. 47, qui, dans le
ms. de Peterhouse, n'a pas de sens. Le discours qui suit ne
peut être attribué à Aimes, et il faut lire : « Kallemaines » ou
« l'empereres se lieve », etc. Les vers 51-53, qui développent
l'idée indiquée dans les deux vers précédents; les vers 60, 62,
66, 67, sont omis sans raison. Dans sa hâte d'abréger, le copiste
supprime et modifie de telle sorte que l'histoire du secours des
Hérupois n'est plus intelligible. Trompé par la ressemblance
des noms, il remplace « Beuves sans barbe » par le duc d'Ai-^
gremont, croyant sans doute être arrivé déjà à la querelle de
Charles et de Beuves; puis il reproduit au hasard et inexac-
tement les noms de quelques barons, sans que l'on sache de
quel côté il faut les ranger.
II
Le manuscrit de Venise
Je dois à la complaisance toujours prête de notre éminent
confrère, M. Pio Rajna, de pouvoir donner quelques indica-
tions sur le ms. civ. 3, 16 de la bibliothèque de Venise. C'est
un in-folio sur parchemin de cent feuillets écrit vers la fin du
XIV siècle. Il y a deux colonnes à la page, chacune de 44 vers ;
la fin est incomplète. Le ms. est d'ailleurs bien conservé. Au
dos est écrit Bueves dAgremont. Rom.
Je reproduis le commencement du poëme d'après des notes
que M. Rajna avait prises rapidement, lorsqu'il préparait son
étude sur le Jtinaldo da Montalbano, et qu'il a bien voulu me
communiquer :
Seignors, oes chançon de grant nobilité;
Elle est de voir estoir sans point de fausseté ;
Ains n'oistes meilor en trestot vostre aé.
Si com Karles de France li fort roj coroné
Gueroia li dus Bues d'Aigremont la cité.
DES FILS AYMON 55
Karles le fîst ocire, le fort roy coroné,
[Puis que] li dus Bues ocist Lohier Tadurc.
Renaut ocist après Bertelais le membre
Dont la guerre fu grant et la mortalité.
HéiDiex ! quant gentil homme en fu puis afollé,
Et tante riche dame chaï en poverté,
Tante riche pucelle, tant orfelin clamé I
Ce fu a Pentecoste un jor en esté
Que Karles tint sa cort a Paris sa cité.
Tuit i furent venu etc
Charles parle à ses barons :
« Nus n'est mes contre moi, ce sachies de verte,
» Fors Bueves d'Aigremont qui tant a poesté ;
» Ne me deigne servir, ains m'a le dous torné
» Pour l'amour de Doon que il a tant amé.
» A [moi] ne veill venir et si li ai mandé
» Qu'il venist en Espaigne, cel estraigne reigné.
» Le duc Bues d'Aigremont, ce sachies par verte,
» Ne voult onques venir, s'en ai le cuer enflé,
«Qu'en Espaigne perdi li miex de mon reigné.
» Girart de Rusion m'a moût sovent grevé,
» Il m'a moutgueroié et moût sovent lassé,
» Et li dus Bueves d'Aigremont la cité.
» Il m'a arses mes villes et mon reigne gasté.
» Mes par icel apostre etc. .,...»
Cette variante, en donnant pour raison de la colère de
Charlemagne le refus que Beuves aurait fait de le suivre en
Espagne, s'écarte certainement de la légende primitive plus
que toutes les autres. La version de Montpellier marque un
premier pas dans ce sens, mais fait avec intelligence ; car c'était
une tradition acceptée que, dans la guerre de Saxe, Charles
avait été abandonné par ses barons. Rien de tel n'est rapporté
au sujet des guerres d'Espagne.
Naimes, consulté par Charlemagne,' émet l'avis que l'on in-
vite le duc Beuves à venir rendre hommage à l'empereur; il
conseille de choisir Lohier pour messager. Celui-ci part, et,
56 NOTE SUR DEUX MANUSCRITS
arrivé devant Beuves, il parle avec l'insolence traditionnelle.
Le duc, se conformant aux conseils que lui a donnés la du-
chesse, laisse le messager dire ce qui lui plaît; mais il ne peut
s'empêcher d'ordonner à ses barons de s'emparer de la per-
sonne du fils de l'empereur. Un combat s'engage et Beuves
tue Lohier. Tout ce récit me paraît moins développé que
dans la version publiée par M. Michelant, et le caractère de
Beuves est adouci avec l'intention évidente d'atténuer ce que
le meurtre de Lohier présentait d'odieux.
Quand on apprend l'événement, les barons de Charles sont
fort irrités. Cependant,sur le conseil de Richard de Normandie,
qui est ici substitué à Naymes par suite de l'importance que
son personnage avait acquise dans l'histoire des Fils Aymon,
on décide d'envoyer à Beuves un second messager, Enguer-
rand. Celui-ci se comporte avec plus de prudence que Lohier
et obtient que le duc vienne servir le roi à Paris. Beuves re-
grette ce qu'il a fait :
«Par Dieu, il m'en repent que Lohier fu tuez,
» James joie n'aurai en trestot mon aez. »
Mais Ganelon rappelle à l'empereur que la mort de Lohier
réclame vengeance, et Charles se laisse aller à lui promettre
Aigremont s'il tue Beuves. La trahison réussit, et Beuves est
mis à mort par Fouques de Morillon.
La guerre éclate entre Charles et les frères de Beuves.
Quand la paix a été conclue, Aymes retourne à Dordonne, où
Dame Aye et ses quatre fils viennent à sa rencontre. Il ra-
conte ce qui s'est passé; mais Renaud ne peut cacher son mé-
contentement :
« Sire Diex, dit Renaut, qui en crois fus[tes] mis,
» Et qui la vostre mort pardonastes Longis,
» Quar me leissiez tant vivre par vos saintes mercis
» Que puisse corecier le rois de Saint Denis,
))Qui eissi a moij oncle et tué etocis.
» Mes par icel apostre que l'on quiert a Saint- Lis,
» Se tant pooie vivre que montasse en pris,
» Que je fusse adoubé, armé et fervestis,
DES FILS AYMON 57
» Et je fusse el cheval corant et arabis,
» Je le coroceroie ains sept mois acomplis. »
Ainsi la querelle des Fils Ajmon et de Charlemagne se rat-
tache étroitement à la mort de Beuves; elle en devient la
conséquence prévue et annoncée ; d'ailleurs, toute séparation
matérielle des deux romans a disparu, et, après avoir conté les
fêtes données à Dordonne à l'occasion du retour d'A3'mes et
averti qu'elles seront suivies d'une guerre cruelle, le trouvère
continue sans s'arrêter :
Seignors, or escoutez por le cors Saint Amant,
S'orrez des filz Aimon le rize duc puissant
Qui esmurent tiel guerre dont puis furent dolant.
Ains n'oistes si grand puis le tens Moisant.
Charles tient sa cour. Doon, Ajmes et Girart j sont venus.
La duchesse veut y envoyer ses fils pour qu'ils rendent hom-
mage à l'empereur; mais ils résistent.
« Dame, ce dist Richart, ne seroit pas reison.
» Kalles ocist mon oncle par mortiel traïson,
» En sauf conduit l'ocist, si com bien le savon.
» James ne l'ameroi, foi que nos vous devon,
)) Se Diex nos donne vie encor nos vengeron.
)) Je nel leiroie mie por l'enor d'Avignon
))Que n'en freuge la teste o tôt le zafiron.»
Ils finissent par céder aux instances de leur mère et par-
tent. Arrivés à Paris, leur père les conduit à la cour, où ils
trouvent, entre autres, Amaugis, le terres, fils de Beuves. Re-
naud demande à l'empereur qu'il les arme chevaliers.
Après la cérémonie, a lieu une quintaine dans les prés de
Saint-Germain, et la suite des faits se déroule d'une façon qui
difi'ère peu de ce que l'on a dans le ms. 766 de Paris. Malheu-
reusement le manuscrit est incomplet^ et s'arrête au moment
où Renaud, aj^ant été choisi pour chef par les chrétiens de la
Palestine, livre bataille aux Sarrasins.
Ce remaniement de l'histoire des Fils Aymon__a été fait par
58 NOTE SUR DEUX MANUSCRITS DES FILS AYMON
un trouvère qui connaissait les trois versions plus anciennes
que nous avons dans ITédition de M. Michelant,2°les mss.de
Montpellier et de Cambridge, 3° le ms. 766 de la Bibliothèque
nationale. Le trouvère a modifié la Mort de Beuves en essayant
de concilier les narrations déjà connues, en ajoutant çà et là
quelques inventions qui lui sont propres, mais de peu d'im-
portance, en insistant davantage, sur certaines données. Par
contre, à partir de la mort de Bertolais, il a suivi la version
du ms. 766, qui peut-être eut un moment de vogue, grâce au
caractère familier de certains épisodes, au rôle plus important
qu'y joue Màugis et au fait que la narration est continuée
jusqu'à la mort de tous les membres de la famille de Renaud.
La copie a été faite par un scribe italien, ainsi que le prou-
vent non-seulement les ornements de la première page, mais
surtout de nombreux détails orthographiques. Aigremont est
presque partout Agremont. La conjonction et est écrite e; Vu
est généralement supprimé après le q; ch est souventremplacé
par z. L'on trouve non-seulement les quelques formes que j'ai
respectées comme caractéristiques, mais zamy^aî^we pour Cham-
pagne ow campagne, zambre pour chambre, zazier pour chassier,
auferr and, quand, grand, au lieu des formes en ant, etc. Çà et là
j'ai fait quelques corrections peu importantes sur lesquelles il
n'était pas nécessaire d'appeler l'attention, par exemple estoir
pour estour , de Rusion (Roussillon) pour â'es Husion, etc.
Ferdinand Castets.
DOCUMENTS
SUR LA LANGUE CATALANE
DES ANCIENS COMTÉS DE ROUSSILLON ET DE CERDAGNE
(de 1311 à 1380)
(Suite)
XXXIX
NOMINATION d'uN GARDE DU RUISSEAU ROYAL DE THUIR
Dissapte m. aies dabril, layn de mcccxvi. — Fo tornat En P.
Triles de Montelan per garda a tener condret lo rech de
Toyr de la on fo fejt lo forn de la caus jos lo Pug de Rodes
tro al torrent de Castelnou *, e deu haver per die vi^° dr.
Primo pagaren al dit P. Triles comptantz a xxii. de jujm
II Ibr. — a viiii. de nohembre m Ibr iii^ vi/, e es pagat tro
al primer die de nohembre del dit ajn. — Ilem a xxiii. de
martz mcccxvi, ii. Ibr, e a xx de abril m.ccc.xvh, i Ibr. xvi*
VI. dr, e es pagat de tôt i. ajn, qui fo complit a m. et abril
primer passât. S^ viiii Ibr.
Dissapte m. dies dabril m, ccc.xvi. P. Mauran torna per
gardar e per tener condret lo rech de Tojr sotz la condicio
escrita en laltrapart daquesta carta es escrit a vi. dr per die.
Primo prestam al dit P. Mauran, que li donem comdantz
digous n. de setembre ii. Ib. — e a xiiii. de gêner i. Ib x s. e
1. Ib.x. s, axvi. dabril Mcccxvii, e es pagat per tôt i. ajn.
Daysi havant quitam los ditz reguers, e la davant derrera
carta del libre de les obres de mcccxiiii. e de mcccxv. e de
MCCCXVI. e deMCCcxvii. en cxxxii. cartes.
1 Le four à chaux construit sous le Puig de Rodés, près de Vinca et sar la
rive droite de la Tet, à une faible distance de l'endroit où le ruisseau de
Thuir avait sa prise d'eau.— Le torrent de Castellnou (aujourd'hui Castelnau),
près de la ville de Thuir.
\V-^
60 DOCUMENTS
Totes aquestes pagues desus son madades al dit libre de
les obres en la dita carta,
(Arch. des Pyr.-Or., B. 94, Procuracio real, reg. xvii, f» 32 vo.)
XL
RÈGLEMENT POUR LES ÉCRIVAINS DE PERPIGNAN
Diluns XXX . dies de mag layn de mcccxvi ^ — Lo molt ait
senyor En Sanxo, per la gracia de deu rey de Mayorcha, vole
e atorga de gracia spécial als escrivans qui han e daqui avant
hauran poder de notar cartes dins la vila de Perpenya, que
sien franchs per totz temps que no paguen re do cartes de
testamentz ni daltres escriptures publiques ques faran en lur
nom en les dites escrivanies o en la la daquelles que ad els
pertanyeran jat sia que no sonen en lur nom^ Aquesta gracia
fo atorgada en presencia dels honratz'En P. de BelCasteyl,
cavaler, e dEn Ar. de Codalet, concelers del senyor Rey, e
dEn P. de Bardoyl e dEn Hue de Cantagr[il].
{Ibidem, fo 8 v».)
XLI
NOMINATION d'ÉCRIVAINS PUBLICS A PERPIGNAN
Divenres m dies del mes de setembre en layn de m.ccc.xvi. —
En Gr. de Boscarros en R. Toisa, amdos escrivans de Perpe-
nya, compradors de los escrivanies de la vila de Perpenya,
juraren en poder dels procuradors del senyor Rey que els
be e lialment regiran les dites escrivanies, e penran los preus
de les cartes axi quant acostumat es de penre en temps quel
senyor Rey ténia les dites escrivanies en sa ma. — Item per
vertut del dit sagrament los ditz procuradors manaren ais ditz
escrivans (le reste en blanc).
(Arch. des Pyr.-Or., B. 94, Procuracio real, reg. xvii, f» 34 ro.)
1 Erreur; il faut lire 31 mai 1316.
2 ( Quoique elles ne sonnent pas en leur nom. » Eu 1367, je trouve des
cartes debitories que sonen a Juseus, et en 1385 H carta de dente sonant
a'N Perfayt Duran (juif).
SUR LA. LANGUE CATALANE 61
XLII
REMISE DES MENOTTES, COLLIERS ET CHAINES DE FER
POUR LA PRISON DU CHATEAU DE PERPIGNAN
Divenres a xxvii. del mes dahost mcccxvi. — Los senyors En
P. de Bardoyl en Huch de Cantagril liuraren an R. Sacajl
de Bar, ad ohs^ de la presonera del casteyl de Bar% ii. ferres
ab cadenes e ab mayoteres nous et ab colars, — ques te tôt.
Dihins XXX. dies dahost m.ccc.xvi. — Liurera an Banyuls
escarsseler de la cort de Perpenj^a, dels xxiii. ferrs dels pre-
soners que presem del castell de Perpenya.— xvi. — Item li
liurem, dels ferrs que hagueni de Mirapeys ab colars e ab ca-
dena e ab mayoteres ques tenen, ii.
hem liurem an Gr. Clergue, render de Toluges, per la cort
de Toluges, dels ditz ferrs del castell, ii. ,
Itetn liurem al dit Banyuls, dissapte xi. dies de setembre
seguent, uns ferres grosses que pesaven mig quintal, i.
{Ibidem, fo 90 ro.)
XLIII
contrebande a la « LEUDA » DU BOULOU
Dimartz xxi. die de ynartz. — En Brg Fuser de Figueres so
obliga als senyors procuradors del S. Rey que si apparia quel
dit Brg no haga pagada leuda de i. sach davelanes que ha
passades per Maurelans ^ e que en la leuda del dit sach haga
feyta frau per lo leudari del Volo ^, que el estara a dret de so
que sia tengut al S. Rey per la dita raho, e per ayso establi
fermansa en Boffat Cap de bou de Perpenya parayre lo quai
Boffat présent se obliga per fermansa per !o dit Brg per cora-
1 Comme ad ops, « pour le service »« pour le besoin de. »
2 Le château de Bar (en Barida) était situé sur la rive gauche du Sègre,
entre Puigcerda et la Seu de Urgell. Le village àePont deBai^ existe encore.
^ Maureillas, commune du canton de Céret, à l'entrée de la firorsre du
Pertus.
' Aujourd'hui « le Boulou. » Les chartes indiquent des volos en plusieurs
endroits; mais la racine de ce mot nous est inconnue.
62 DOCUMENTS
plir les causes damunt dites a ho e sa enteneraent ' dels ditz
procuradors.
Test. Jacme Sobira, Bn Cochliure e P. Arbossols.
{Ibidem, fo 90 vo.)
XLIV
DÉFENSE d'employer AUX SCRIVANIES DE PERPIGNAN
AUCUN ÉCRIVAIN TONSURE ^
Dilus a xiiii. del mes de martz ucccxvi. — Per so car En
R. Ymbert, qui fo de sent Ypolit, estant que escrivia en la
escrivania dEn G. de Boscarros, se fe corona, per so car avia
alcuna questio ab en P. Gualo parayre, fo feyt manament an
R. Descaus, sayg, per los senyors En P. de Bardoyl en Hue
de Cantagril, procuradors del molt ait S. Rey de Malorche.?,
quel dit sayg fes e'degues fer manament an G-.de Boscarrons
et an R. Tolza, escrivans qui regien les escrivanies de lavila
de Perpenya del S. Rey, que no deguessen reculir ni lixar
escriure negun hom qui port corona, sotz pena de x. Ibr.
Dimecres xxvii. dm de abril m ccc.vii. — Fo atorgat al dit
R. Ymbert, que puscha intrar e estar en la dita escrivania,
axi corn escriva, per so car lo dit R. se avia gequida^ la co-
rona e no las rayra ^ daqui enant, e axi ho promes.
{Ibidem, fo 34 voj
XLV
CHARGE DONNÉE A BÉRENGER QUILA, PRETRE, DE DIRE LA MESSE
DANS LA CHAPELLE DES REPENTIES DE PERPIGNAN, AU LIEU
i A bo e sa entenement (et souvent en<enwiewf),« abonne et parfaite ni-
fen^eon desdits procureurs,»
2 L'un de ces écrivains portant couronne (tonsurés) s'était fait couronner
à l'occasion d'un procès qu'il avait avec un parent de Perpignan ; mais il
quitta la tonsure et promit qu'il ne la raserait plus. En conséquence, ledit
écrivain a été de nouveau admis aux scrivanies.
3 Gequida, de gequir ou jequir. c II avait laissé » la couronne. Ailleurs :
e va'l jequir anar, « et il le laissa aller. »
* No las rayra pour no se la rayra, « ne se la rasera pas. » En 1370: i»
rasora de rayre pastreyn.
SUR LA LANGUE CATALANE 63
DE FAIRE LE SERVICE DANS LA CHAPELLE DU ROI, POUR LA
PART qu'il a eue SUR LES BIENS DES JUIFS.
Dissapte a xxvi. de martz mcccxvi. — Fo adordonat per lo
senjor Rej, ajxi cons' ho dixs de part devl lo discret Arn, de
Codalet, que En Brg Guila prevere, qui deu cantar en la ca-
pejla quel dit senyor Rey deu fe a Perpenya,per raho de so
que ha ahut dels bens dels juseus, que ara de présent lo dit
Brg Guila dega cantar en la capejla de les Repenedides de
Perpenja, e que li sien donades cascun ay per sa sostentacio
XV. Ibr.
(Arch. des Pyr.-Or.,B. 94, Proc. real., reg. xvii, fo 39 r".)
XLVI
DÉPENSE DE PAYER AUX CHATELAINS d'oPOUL, DE TAUTAVEL ET
AUTRES, LEUR SALAIRE PENDANT LES JOURS OÙ ILS SERONT
ABSENTS DE LEURS POSTES.
Divenres x dies de jurpi de l'ai/n de m. ccc. xvii. — Fo ordo-
nat per lo senjor Rey En Sanxo, per la gracia de deu rey de
Mayorches, quels procuradors sens degen abatre e retener
de la quitacio del castelan dOpou et de Taltauyl e de totz los
altres castelans e gardes de les sues forsses, totes les fayles -
dels dies que seran estatz fora les dites forsses, exceptatz xv.
dies que pusquen penre a lurs aflfers entre tôt i. ayn, e ex-
ceptât daquels dies que seran estatz de fora per manament e
per affers del senyor o per manament de son loc tenent.
(Arch. des Pyr.-Or., B. 94, Proc. rcal., reg. xvii, fo 39 ro.)
XLVII
SUR LES DROITS DE MESURAGE PAYÉS PAR LES PISANS
A COLLIOURB ET A MAJORQUE
Dimartz xxi. die de juyn m. ccc. xvii. — Cellin de Campo
e P. de Graixan, pisans, ciutadans de Pisa, mercaders, jura-
1 Co'ns pour co nos, c ainsi que nous l'a dit. »
2 (.Manques, absences », comme /a/m et /««^^a, du verbe /«///r En 1373:
restitidr tôt lames gui fayll al dit castell.
64 DOCUMENTS
ren enpoder dels procuradors del senyor que, si apparia da-
qui avant que Pisans paguen o degen pagar mesuratge en la
ciutat de Mayorcha, que els que pagaran lo mesuratge del
gran que han portât à Cochluire ab r nau e ab V tarida ', e
apparia que Pisans no sien franchs del dit mesuratge en la ciu-
tat de Mayorcha, lo quel mesuratge lor ha hom ara ralaixat
persoquor^ enten hom quels Pisans sien franchs a Mayorches.
Quant a leuda no lor demanahom re, per so quor es ferm e
cert per privilegis del senyor Rey que totz los Pisans son
franchs de leuda e de pesatge per tota la terra del règne de
Mayorcha e de Rosselon.
(Arch. des Pyr.-Or., B. 94, Proc. real., reg. xvii, fo 88 ro.)
XLVIII
SUR LES DROITS d'aRROSAGE DU RUISSEAU DE RIVESALTES
Bigous XXI. die del mes de abril en layn de u . ccc . xrii . —
Fo adhordonat per lo senyor Camarer de la Grassa e per En
Bn de Ribesaltes, cavaler, e per En Gr. de Codalet, e per En Boy
en Johan Fabre, consols de Ribesaltes, ab volentat dels pro-
homes de Ribesaltes, que la gabela que es mesa e ara es en
la vila de Ribesaltes, el reredelme de les possessions ques po-
den regar de laygua del rech dels molis prop dEspira, valran
al senyor Rey per quascun ayn v" sol. los quais lo senyor Re}'
aga a penre en pagua a so que li es degut per la obra del dit
rech e dels molis, e ayso dur tant longament entre que sia
satisfeyt al senyor Rey en so que li es degut per les dites ra-
lios. E oltre ayso lo senyor camarer en Bn de Ribesaltes en
G. de Codalet se obligaren que pagaran .ii, reredelmes de les
rendes forescapis ^ els provenimentz que auran de les terres
que son tengudes per els dins lo regatiu.
Empero sil S. Rey volia a si retener so que es degut per la
lexa * quel senyor Rey de bona memoria fe al pont de Ribe-
1 Dans Desclot (Ed. Buchon, xxxiv) : e les naus e los xelandrins els lenys
e les tarides foren stablides e carregades de bescuyt e de farina, etc. Ce
sont des navires de diverses formes et dimensions.
- Ou cor. Per so cor, « parce que. »
3 Sic. — •* Lexa et leixa, « legs. »
SUR LA LANGUE CATALANE 65
saltes e penre en pagua en so que li es degut, ques fassa, mes
satisfejt eu tôt al S. Rej, de contenent agen los prohomes de
Ribesaltes a pagar a la obra del pont aytant quant sera, so
que se aura aturat per la dita leixa.
(Arcli. des Pyr.-Or., B. 94, Proc i'eal.,Teg. xvii, fo 36 ro )
XLIX
SUR LE MÊME SUJET
Apres aysso divenr es primer die de juliol layn de m.cccxvii.
— Lo senyor En Sanxo, per la gracia de deu rej de Mayor-
clies, ordona quels ditz v™ sol se degen pagar de so que
liaura liom de la gabela del dit loch, e so quen falra' ques dega
pagar quas(juu ayu per son e per liura per les possessions del
regatiu del dit rech, e dels foriscapis e rendes que exen - de
les dites possessions, en tal manera quel S. Rey sia pagat
quascuu ajn de so que li es degut perla obra del dit rech, de
V™ soi. En aixi, so es saber que si la dita gabela no bastava
o no podia bastar a compliment dels ditz v™ sol. quels homes
qui han possessions al dit regatiu quasqun ayn degen pagar a
les meixons ^ de lurs blatz, de so que falira dels ditz v™ sol.
I. diner perlbr. de la estimacio fejta de les possessions que
han en lo dit regaiiu els senjors de les rendes que prenen en
aqueles. Empero sil diner per Ibr, part la dita gabela, no bas-
tava a compliment dels ditz v™ sol. los prohomes del dit loc
els senyors que prenen rendes en lo dit loc degen assegurar
que aquell romanent degen pagar quasqun ayn en festa de
Martror*. E tôt aysso dur tant e tant longament en la dita
forma tro quel S. Rey sia de tôt satisfeyt de so que ha treyt
en la dita obra.
♦ Mot à mot: « et ce qui eu maoquera. » Falva pour faliir a. On dirait au-
jourd'hui faltara.
^ Comme ixen, «sortent»; de ixir ou exir. En 1358: que no isquats ne
exir siats tenguts, « que vous ne sortiez et ne soyez tenus de sortir. »
^ Meixon et mexon, « moisson», d'où est venu mexonner, «moissonneur.»
On trouve plus souvent messes. Les tnesses eren fêtes et les gents havien
recoLlits lurs biais (Desclot, 147).
* La festa dejtfa?"^?'0>',«La Toussaint. » En 1385 : En la festa de Mertevor.
66 DOCUMENTS
Empero es assaberque la dita ordonacio es feyta enaquesta
condicio quel S. Rej sia pagat quasqun aj'n dels ditz v™ sol.
per termes, so es saber la iii% en festa de sant Michel de se-
tembre la m^ part, e laltra m* part en festa de Nadal, e laltre
rémanent m* part en festa de Pascha. E la primera pagua
deu comensar en la primera yenent festa de sant Michel en
setembre,
(Arch. des Pyr.-Or., B. 94, Proc. real., reg. xvii, fo 36 ro.)
AUTORISATION DE CONSTRUIRE UN MOULIN A FARINE SUR LE
RUISSEAU DE CORBÈRE, AU TERRITOIRE DE SAINT-MICHEL -DE-
LLOTBS.
Divenres primer die de juliol layn de mcccxvii. — Fo donada
licencia an P. Guinardo de Corbera que el que pusca fer i.
casai de molins de un. rodes tant solament so es saber en los
termes o adjencia de sant Michel de Lotes*, en aquesta con-
dicio quel dit senyor Rey no do licencia ad algun de fer mo-
lis en los termes de Corbera ni de Lotes. La quai licencia e
atorgamentfo feyt al dit P. Guinardo sal dret daltruy e pre-
judici, e que aga a ssatisfer a cascun de qui penra terra o es-
pasi de terra per lo dit rech. E deu fer al S. Rey de sent Mi-
chel de setembre primer vinent ai. ayn, e daqui enant^ per
cascun ayn en per tostemps en la dita festa, xii. eymines de
ordi de la moltura dels ditz molis, a viiir mesura a mesura
de Perpenya,e que totahora quels molis o alquna partida da-
quels se vena o sen penyor % quel S. Rey aga daqui fores-
capi, so es m. s mi d. per Ibr. E quel dit P. Guinardo no
sia tengutde mètre res en les messions fasedores perles res-
closes ni per lo rech, nil S. Rey sia tengut ad el per vagacio
* Saiat-Michel-de-Llotes, commune du canton de Vinça, arrondissement de
Prades, composé d'un grand nombre de petits hameaux ou vehiiiats. — Cer-
bère, situé non loin de Saint-Michel, appartient au canton de Milias et à l'ar-
rondissement de Perpignan.
2 Arums, ennans, erians, enant, et mieux en ans. D'aqui en a«5, «à partir
d'aujourd'hui », « d'ici en avant. »
3 Se vena o s'enpenyor, « soit vendue ou hypothéquée. »
SUR LA LANGUE CATALANE 67
del dit rech ; e per cens no paguat quels bens del dit P. Gui-
nardo sien obligatz al S. Rey.
El dit P. Guinardo reliebent la dita licencia e atorgament,
aquestes causes lausa e promes de fer lo dit cens axi quant de
sus se conte, o servarlo ditforescapi. e per ajsso atendre obli-
gua los ditz molis ab totes les obres e melorers fasedors en
aquels, e per cens no pagat obliga sos bens presentz e ende-
venidors.
(Arch. des Pyr.-Or., B. 94, Proc. real., reg. xvii, fo 37 vo.)
LI
NOMINATION d'uN ÉCRIVAIN DV. LA COUR DE LA SOUS-VIGUERIE
Diluns a iiii. de juliol m.cccxvii. — Benardat * Marches,
escriva, genre den Tomas Terrer, escriva, promes e jura en
poder dels discretz en P. de Bardojl en Hue de Cantagril,
procuradors del molt ait senjor rey de Malorches, que ejl
sera bo e liai al S. Rey ^, e se aura ben en lo uffici de la es-
crivania •'' e sufficient ment* de la sotz-vegueria,en penre e en
escriure cartes e altres publiches escriptures, e encara totes
escriptures fasedores per raho de la corte negocis de la dita
sotz vegueria, ajtant can playra al S. Rey, so es queprocu-
rara e fara les dites coses al Volo e Tresserra e Lauro e Mon-
tesquiu e Maurelans, e ayso promes de fer ab conseyl del dit
Tomas, sogre seu.
(Arch. des Pyr.-Or., B. 94, Proc. real., reg. xvir, fo38 r».)
* Sic.
2 Sera bo c liai al senyor rey, « servira le roi avec honnêteté et loyauté. »
3 Se aura ben en lo uffici de la scriva?iia. « Se comportera hien dans le
poste d'écrivain public. »
•* Ici, comme dans bien des cas, la désinence adverbiale est séparée de
l'adjectif. On sait que, si plusieurs adverbes sont à la suite l'un de l'autre, la
terminaison me?it ne s'attache ordinairement qu'à un seul, le plus souvent au
premier. Dans un document de 1395, le scribi; avait écril: Axi vivil inent
com criminal ment; mais il a barré le dernier ment après coup.
68 DOCUMENTS
LU
SUITE DU REGLEMENT DE LA SUCCESSION DU JUIF SALOMON
SOLLAM DE PORTA
Digous xviii . dies del mes de ahost en layn de aicccxvii . —
Fo feyt manament per En Laurens Plazensa, escriva del S.
Rey, que les l. Ib que romanien a pagar dels ditz v™ sol. sien
donades, las ii partz an juceflf dElna, juseu de Perpenya, per
dret que el avia en les dites L. Ibr e en totz les al très dnrs,
e la tertsa part an SoUam Astruch juseu de Vilafrancha de
Penedes, manemessor den Salomon Sollam Sa Porta, car axi
fo conegut per En Mosse Bossenyor de Montpesler e per En
Benvenist, fil dEn Vidal Ben Venist, juseu de Vilafrancha de
Penedes, en poder de qui avien compromes, e quel dit juceflf
dElna se oblig de retre les dites ii. partz, si aparia que altre
hi agues magor dret que el. Et per aqueles ii. partz rededores
e paguadores al senyor Rey, sis convenien de redre, el dit
juceff d'Elna obliga si e sos bens presens e ndevenidors al die
e layn de sus ditz.
Divenres a xxvi. d' ahost, paguem al dit Sollams Astruch
juseu per la iir part que li cayien en les dites l. Ibr, cc.l.
To. qui valen Bar. — a xvi.dr lo To — xvi. lôxiii. s iiii.d.
— item lo dit die paguem an jussefl[os d'Elna juseu, per les
II. partz que li pertanyia en les dites, d. Ib e havemne carta
de regonexensa, — xxxiii. 16. vi. s vid.
(Arch. des Pyr.-Or., B, 94, Proc. real , reg. xvii, fo28ro.)
LUI
NOMINATION D^UN GARDE DES FORETS POSSÉDÉES EN CONFLENT
PAR l'abbé de CUXA
Dissaple a m. del mes de dehembre mcccxvii. — Bertomeu
Pastor de Vilafrancha fo mes per forester en los boschs de
Confient per los procuradors del S. Rey e per frare Jacme
dAtssat, prior de sent Jacme de Casalons*, procurador e loc
* Saiot-Jacques de Casalons ou Calahons, aujourd'hui petit ermitage situé
SUR LA LANGUE CATALANE 69
tenent del honrat senyor En Grimau, per la gracia de deu
abbat del monestir de sent Michel de Cuxan'. Lo quai Ber-
toineu promes e jura cm poder dels ditz senjors que eyl be e
fiselment fara et usara del dit uffici, guardan lo profit dels
senyors Rey e abat e de les gens ; e redra per la dita fores-
teria be e liai comde em poder dels procuradors del S. Rey.
Els ditz senyors promeseren de donar al dit Bertomeu per son
solari cascun ayn que sera foraster per los boschs qui son
enfre els ditz senyor rey el monestir x Ibr. Test Jac. Boca-
nova. Jac. Sobira e Bertomeu de ses Preses-.
Ayso es dampnat per so quar •' lo dit Bertomeu Pastor es
fora de la forasteria molt de temps ha.
(Arch. des Pyr.-Or., B. 94, Proc. real., reg. xvii, f''40 ro.)
LIV
ORDONNANCE DU ROI SANCHE RELATIVE A LA VENTE DU POISSON
DANS LA VILLE DE PERPIGNAN
Idus decembris en layn de mcccxvii. — Fo adhordonat perlo
molt ait senyor En Sanxo.per la gracia de deu rey de Mayor-
ches, que totapersona de Perpenya qui vuyla vendre peyxfresch
aga aquel a vendre en la pexoneria derrerament feyta en lo
mahel^veyl de Perpenya, e no en altre loch ; e quels pexoners
qui an preses a cens les taules de la dita pexoneria no pus-
quen ni ausen penre per taulage de les dites taules, daquels
qui aqui taules no auran a vendre lo dit pex, sino tan so-
lament .un. drs per sengles saumades, e per cascun costal^
n. d,e per pex que post i. home o i* femna i. dr. E que aquel
dans le territoire de la commune de Catllar, était une dépendance de l'abbaye
de Saint-Michel de Cuxa.
* Saint-Mic!iel de Cuxa, abbaye bénédictine, située dans la petite vallée de
Taurinya ou de Codalet, à 2 kilomètres de Prades. — Grimau ou Grimald de
Banyuls administra le monastère de 1315 à 1341 .
- L'article a été barré, ainsi qu'il est dit une ligne plus bas.
3 Comme plus haut per so cor ou quor.
♦ Mahel ou tnacell et mazell, « boucherie. »
5 Costal, ((sa.c.^> En 1368: qui traura saumada o costal o desch o feys de
rasins o de figues o de tauls u de cjuarbes de blat Et en 1297 : tôt
costal en que aya ii. quintals de Montpellei' deu passar per miga cargua.
5
70 DOCUMENTS
qui no portara del dit pexsino l' saumada o carrée de i.home
o de 1* femna, no tenga ni enabarc de les dites taules sino
tan solament la tersa part de i'* taula.
Item quels pexoners qui an preses les dites taules ad acapte
agen ad acuyler e a rehebre en les dites lurs taules tots
aquels qui portaran pex frescli a vendre a la vila de Perpe-
nja. E si no ho fasien, quel S.Rey els sens pusquen fer efer
fer ad aqueles taules en aquela part de la dita plassa que es
de la part ves aguilo, e que aga empero carrera al mig. Mes,
quel dits. Rej nils seus no degen donar licencia ad alcu o
ad alcunsde la vilade Perpenja de vendre pex freschsino en
la dita plassa o en les- taules damont dites, ni fer fer alqunes
altres taules a vendre pex frech, sino ajxi co damont es es-
pressat.
Item que en les vies pobliques ab les quais afronten les
dites taules e les botigues daqueles sien laxats per tostemps
franchs espasis e covinents, per los quais espasis e les dites
vies puscha esser ahut franchament intrades e exides als dits
pexoners e a les dites taules e botigues daquels per comprar
e per vendre pex ayxi co damont es espressat, en ayxi que
per enbargament* dalqu o dalquns no puscha esser torbat
lentrar ni lexir- de les dites taules o botigues.
(Ârch. des Pyr--Or., B. 94, Proc. real, reg. xvii, fo 25 vo.)
LV
AUTORISATION DE CONSTRUIRE UN FOUR A CHAUX AU LIEU DIT
SELUA, ACCORDÉE A DEUX HABITANTS d'oPOUL
Digous a xvi. de febrer m.cccxvii. — Bn Marti et Esteve den
Poncs amdos de Opou en Johan Toscho del dit loch, que com
ejlsfassen evujlen feri, fornde causal loc apelat Selua, que
es en los termes de Opou,e fosquestio enfre homes de Opouel
senj'or Prior d'Espira quel prier disia quels ditz homes se agues-
sen a rehembre ho ad avenir ab ejl per raho del dit forn,
els ditz homes prepausessen lo contrari que no neren tengutz
* Comme embarech ou enbarech, « empêchement. »
^ Lo (!e poisson^ enfrar ni lo exir.
SUR LA LANGUE CATALANE 71
al dit Prior ni ad altre, ffo feyt ayxi et adordonat enfre els
desus nomnatz els senjors procuradors riais en' P. de Pin,
canonge d'Espira,que tota lioraque sia concgut per dret per
micer. Ar. Trauer, els, si deuen pagar ho donar ren^ al dit
Prior d'Espira per la raho desus dita, quels sobre nomnatz
daran e paguaran al dit senyor de Prior x l. s, e daltra part
ques avenran ab los procuradors del S. Rey de tôt so que
degen paguar al dit S. Rey. Et ayso promeseren de atendre
e complir em poder^ dels discretz en P. de Bardoyl en Hue
de Cantagril, sotz obligacio de lurs bens,per les quais cauzes
cascun per lo tôt obliga sos bens presens e 'ndevenidors, en
presencia del dit P, de Pi e den Jac. Bocanova, escriva, e
dEn Bertomeu de ses Preses.
(Arch. des Pyr.-Or., B. 94, Proc. real., reg. xvii, fo91 r'',)
LVI
« MEMORIAL E CAPITOLS DELS GREUGES QUE PER PART DE LA
CIUTAT DE BARCHINONA FOREN POSATS DENANT LO REY DE MA-
LORQUES PER LO FET DE LES LEUDES DE COBLIURE *. )) 1317
Memoria sia al molt ait senyor Rey de Mallorcha e a son
honrat conseyl dels greuges e de les oppressions que a les
gens del molt ait senyor Rey dArago son fêtes es fan de x.
o de XX. anys en sa, en la leuda de Çogliure de mar e de
terra, e al loch del Volo, contra e oltra la forma e us antich.
So es asaber, que fazien pagar los leuders del Volo e de
Çogliure una mesala per Ibr de diners" a tôt hom quin pas-
sas, e aso no solia esser aqui. A la quai cosa es estât pro-
vesit per lo senyor Rey de Mallorcha ab carta sua, que sia
» Een.
- Ren, res et rtf,u rien. » Eu 1363, ce mot est pris substantivement : no sia7i
tenguts de H dar neguna res.
'^ Em comme en. En 1315: En tôt o em yartida. On trouve quelquefois
an, comme dans cet exemple des Maximes morales (183) : La mort ve an
dexopte.
*|Voy., Revue des tangues romanes, IV, 244 et suiv., ce que dit Alart de la
leuda de Collioure.
8 « Une maille par livre de numéraire . »
72 DOCUMENTS
sobresegut ' entro quel senjor Rej lii fassa autre mana-
ment: lo quai manament del senyor Rey entenen los mes-
sagers que sia que la dita leuda sia revocada per totz temps.
Item quel loc del Volo de xx. anys en sa es vengut a la
senyoria del senyor rey de Mallorcha, e dabans no si pagava
leuda ; mes, de pus que es vengut a la senyoria del dit se-
nyor rey de Mallorcha', si es adordonada leuda de besties
6 de mercaderies e daltres coses. E axi sopleguen los messa-
gers al senyor rey de Mallorcha que fassa revocar e revoch
la dita leuda del Volo, con sia noueyla leuda.
Item sia memoria al dit senyor rey de Mallorches de les
leudes noueles ordonades per lo senyor En Jacme de bona
memoria, pare seu, en la leuda de Cogliure per mar e per
terra, de xx. ayns. ensa: les quais lo dit senyor rey de Ma-
llorches, encany^, a Terragona e encara en la ciutat de Bars-
salona, atorga e dix que les revocaria absoltament quant
los messagers de la ciutat de Barssalona fossen a Perpenya.
La quai ordinacio nouella fo daquestes coses ques seguexen,
que dabans antigament passaven franques.
So es asaber:
c. de ours de sers, xviii. dr. *
Flaixs de curs de cavayls,axi meteixs, en axi con de bous.
E de rossins e dazes e de muls^, axi metexs.
Item la carga^ de pesteyl, xii. dr.''
Item carga de reyna % vi. dr.
Item moles de moli, cascuna ii. dr.
Item moles damolar, cascuna i. dr.
Item sabates, lo quintal ii. dr.
1 Du verbe sobre seure, « qu'il soit sursis jusqu'à ce que le seigneur roi.»
^ Le Boulou, ancienae dépendance des barons de Montesquieu (aujourd'iiui
commune du canton d'Argelès, arrondissement de Céret), avait été acquis par
le domaine royal au commencement du siècle.
3 Encanij, comme un guany, « cette année-ci. »
* Sers, cers, comme cervos, « cerfs. »
^ Muls fém. mula, « mulet. » Le masculin a complètement disparu du ca-
talan, qui l'a remplacé par le mot matxo.
6 Ms. carca.
"^ En marge: ?i07i erat consuetum defferri.
* « Résine. »
SUR LA LANGUE CATALANE 73
Item carga de scudelles e de talladors vi. dr.
Item obra de terra de Bartssalona o de semblant terra, la
dotzena pocha, m*.
Item obra de terra de Maliqa, la-dotzena pocha', i. dr.
Item palmeyes, la dotzena pocha, m''-.
Item cordes mjianes desparth, lo c. ii. dr.
Item cordes grosses desparth, lo c. m. dr.
/^em troyeles ^ lo c i. diner.
Item esclops que vagen per vendre, la dotzena, i. dr.
Item restz o palomeres e altra exarcia* que no sia anome-
nada, sol que vaya per vendre, per Ibr. de diners i. dr.
Item liasses de buacels, m*.
Item liassa de cabasses migans, i. d.
hem liasses grosses de sitges, uns ab altres i. dr.
Item liasses de cabasses de Valencia, i. dr.
Item palma, lo quintal m^.
Carbo, lo sach de Cogliure i. dr.
Conffitz, la carga, ab la tara, xii. dr.
Vori, la carga ii. s.
Item ermodatils^, la carga xii. dr.
Item gingols ®, la carga vi. dr.
Item pinyons, la cargua^ vi. dr.
Item gotzema, la carga m. dr.
Item ortxela, la carga xn. dr.
Item payla de méca^, la carga m. dr.
Item sene, la carga ii. s.
Item sal, lo vinte^.
Item asser, lo quintal ii. dr.'"
Item blat tibi sansi", la carga ii. dr.
Item vidriol, la carga m. dr.
Item nous e castanyes, lo cester i. dr.
• Mot-à-mot, « douzaine petite. » — 2 \i« est mis pour mesalla. — 3 C'est
^rès-probablement le mot troyla, que je trouve dans ua document de 1350 :
I. pâli tafatani cum aignis Castelli jacentibus in troyla rubea. — "* Ce mot
s'applique à tous les filets, mais pas aux cordages. — * Plante. — ^ « Jujube. »
— ''Sic. — ^ Sic. — 'En marge : consuetum solvere. — 10 En marge:
Même observation qu'à ^'article précédent, — n Ailleurs: sene, e blanch
tibi sanci.
74 DOCUMENTS
Item arbres e entenes e necles qui vagen per vendre, per
Ibr I dr.
Item sarries, la dotzenai. dr.
Item graneres, la dotzena grossa i, dr.
Item pijes, la carga m. dr.
Item aur e argent e moneda e tota bossonala ', per Ibr. m*.
Item cernais, la somada, i, dr.
Item cercles de semais e de botes, la somada, i dr.
Item la somada de dogam e de fonols ^ m*.
Item sarria desperdenyes i. dr.
Item limons, e ponssirs, e toronges, la carga ma.
Item carga de melgranes i. dr.
Item totes los altres coses que no sien nomenades, segons
lo preu que valran, a coneguda dels leuders, segons les coses
damun [t] dittes.
Item sia memoria al dit senjor rey de Mallorches que, de
XV. o de XX. ayns anssa, se fae ses fêta novelletat en la leuda
de Cogliure, de pesar los fays de totes mercaderies o de pa-
gar segons mes et menys, contra la forma antiga que era e
ba estât : que tôt faix, de quai que mercaderia que fos que pa-
gues leuda, lo quai una bestia pogues portar de la casa entro
a la mar, per gran que fos, ses tôt pes, pagas quantitat sa-
buda segons que era acostumat. Per que, sopleguen los mes-
sagers que sia merce del senyor Rey que, sens altre pes, pa-
guen los fays segons que antigament era acostumat, no con-
trastant noveyl adordonament fet per En G. de Pug dOrfila^
o per qualque autre de pesar los fays, e de forma novelha
posada en la leuda. E disen los messagers que vulha Deus que
sia ben de la anima daquels qui fet ho an tro acsi*, e sia
merce del senyor Rey que ho revocb^
* On trouve ailleurs: bassonalla.'Déik, en 1225: vel aliquam bazonayam
de Cathalonia extraverit. — 2 Ponol et ailleurs /braeyZ, « fond de tonneau. »
— ^ Voyez, dans les Notices historiques sur les communes du Roussillon
de M. Alart, un intéressant travail sur la famille de Puig d'Orfila, de Collioure.
Une des branches de cette famille se fixa dans l'île de Majorque (premières
années du XIV« siècle), où elle a subsisté jusqu'à nos jours, et à laquelle se
rattache une des célébrités scientifiques de la France moderne, le savant
chimiste Orfila. — * Comme ac/ et assi,«. jusqu'ici. » — ^ En marge: daquest
Capitol ha mencio en la caria de gracia.
SUR LA LANGUE CATALANE 75
Item sia memoria al senyor Rey de Mallorcha que, anti-
garaent, ffaixs darros no pagava a Cogliure sino xii. dr, ni
faix de comi mas u. s ; e novellament, de xv. o de xx, anys a
enssa, fan lii pagar faixs d'arros xvi. dre faixs de comi ii. s
viu. dr. E com acsso sia cosa novelha, sia merce del senyor
Rey que ho revoch * .
Item sia memoria al senyor 'Rey de Mallorcha que, antiga-
ment, lo leuder de Cogliure retia al mercader e al ostaler,de
la leuda que avia delsmercaders, a cascun mesala, que eren
XX. dr per Ibr; e ara no sen ret ges. Per que, plasia al se-
nyor Rey que les costumes antigues sien servades, e tota no-
velhetat sia revocada-.
Item sia memoria al dit senyor Rey de Mallorques, que
novellament, de xv. o de xx. anys enssa, es adordonat que
tôt hom qui ischa de les partz del senyor Rey dArago e vaia
a les partz de Prohenssa ho en altres partz, de la hon venga
daqueles partides per mar, qui nos gir a Cogliure que pach e
pagar lx. s. i.dnr perpena, oltra leuda acostumada : la quai
penaes penyorada o fortssada en totz los locs del dit senyor
rey de Mallorcha, o en les partz d'Aygues Mortes e de Mont-
pesler.EjCom asso sia cosa novelha eoppressio deles gens del
dit senyor Rey d'Arago e contra libertatz, sopleguen losditz
messatgcrs del dit senyor Rej' dArago e de la ciutat de Bars-
salona, per si e per les gens del dit senyor rey d'Arago, que
sia revocat^.
E si, per aventura, de les coses damunt dites, allegades e
dites per novelletat, en o podia esser dupte al senyor Rey de
Mallorcha o a son conseyl, sia sa merce que sen * certiffie per
los testimonis qui fa son rehebutz e per altres maneres de ve-
ritat e de consciencia: lesquals son manifestes e poden esser
manifestes al senyor Rey o a son conseyl, e no requeren al-
tra prova, que la veritat es présent.
Item sia memoria al dit senyor Rey de Mallorcha, quel se-
1 En marge lyerwm cargua nu. quintalium, et si est ultra uu.quintalium
solvit pro illo pluri. Idem de cargua de comi.
• Eq marge : iVow tenetur restituer e alirjuid.
s En marge : Ita est consuetum ordinacione factaper G. de Podi Or-
fila ci/ra. — ♦ Se 'n.
76 DOCUMENTS
iijorRey En Jacme de bona memoria, avi seu, senyor lavo-
res de Rosselho e de Cogliure, feu privilegi a la ciutat de
Barssalona de no pagar leuda en les terres els locs seus, del
quai privilegi la dita ciutat de Barssalona ha usât e usa eu
moltz locs. E si per aventura no na^ usât plenerament en lo
loc de Cogliure en mar e en terra, per sa simpleza, per ajso
no deu perdre son dret del privilegi, que escrit es que, per
part usant, retes hom tôt : ho, al menys, no par que per lo
dit privilegi la dita ciutat no aia qualque avantatge, que al
menys no sio tenguda de pus que no sia usât antigament. E
semblant privilegi a tota la terra del senyor Rey dArago.
Per estirs^, drets civils e canonics dizen, que, en leudes,
les quais son hodioses, neguna cosa noveyla no si deu en-
novar ni posar : E aq° metexs veda la s^'' Gleysa de Roma,
cascun diyus de Pascha.
Per estirs, es adordonament de cort gênerai del senyor
Rey En P. ^ de bona memoria, fet en Catalunya, que leuda no
sia creguda ni posada ni novellada de xx. anys en sa entro al
dit 07'donament, lo quai fo feyt en Barssalona xxxirii. anys
ha ; en loqual adordonament gênerai se conten que tota no-
velletat en leuda sia remoguda e tornada en estament antich.
E axi, com les novelletatz damunt dites sien fêtes contra
dret comu, segons que dit es, e encara contra lo dit adordo-
nament de la dita Cort General, lo quai se deu seguir en
Rossello, segons les avinenses fêtes entre lo senyor Rey dA-
rago el senyor rey de Malorcha els lurs predecessors, clamen
merce * los ditz messagers al dit senyor Rey de Mallorcha que
revoch les dites novelletatz.
Item sia memoria al dit senyor Rey de Malorcha, que de
v. anys a enssa, ses fêta es'^ fa novelletat en la leuda de Co-
1 No rCha usât.
' « Au surplus.» Dans un document de 1312, estirn paraît avoir le sens
de « autrement «: que les aga a vendre per la plassa c no per estirs. On
trouve souvent esters au lieu de estirs. M. Morel-Fatio [Romania, no 58-59,
p. 222, donne à per esters le sens de « pour l'extérieur, pour l'apparence.»
^ Pierre lir, roi d'Aragon.
* Expression très-fréquente en catalan, surtout dans Desclot: clamant
merce; clamàli merce ; pregam-vos e clamam-vos' merce ,
'' Es pour e se.
4
SUR LA. LANGUE CATALANE 77
gliure per los leuders del dit loch qui fan pagar la leuda per
fortssa, torneses dargent a xiii* diner, e valen los torneses
XVI. dîners Barch*. E aso es gran dan e gran greuge de les
gens del dit senyor Rey dArago entre les altres, e contra
forma antiga, com les torneses dargent premien en la dita
leuda, abans de v. anys, per xvi dîners Barch.
No contrasta a les coses desus dites so que alcuns volen
allegar e dir, que la leuda de Cogliure se deu pagar a M aigu-
reses he a lur cambi. Que aso, salva reverencia daquels (jui
el contrari dizen, no es ver ; que la leuda de Cogliure no fo
stablida nis mostra nis^ pot mostrar establida a Malgure-
ses ; que la dita leuda, en son us antich, c. l anys ha e mes
ques leva, e la moneda Malguresa no a encara c. v. anys
ques comensa de fer e de batre a Malgur oltra Monpesler,
segons que aso apar per scriptures antigues de les quais los
ditz messagers son apparelatz de fer fe ades ^ al dit senyorRey
e a son honrat conseyl*. Laquai encara moneda Malguresa
no es ni es stada propria moneda de Rossello, ans en Ros-
sello es e a estât moneda propria Rosselleses, e son vuy Bars-
saloneses, e no Malgureses ni altra moneda ; e los quais Mal-
gureses, e tota autra moneda, sino Barssaloneses, son e an
estât moneda reprohada en tôt Rossello. E aso par manifes-
tament per una carta jurada quel senyor Rey en Jacme de
bona memoria, avi del dit senyor Rey de Mallorcha, senyor
lavores de Rossello e dels altres règnes e locs seus, feu e
atorga en laj-n de m.cc.l.viii. que moneda Malguresa ne al-
tra no corregues ni fos en lespartz de Rossello ni de Vallespir,
ni en les altres partz de Catalunya,si no tant solament moneda
1 En marge: Probatum est. — ^ A^'.spour ni se. — ^ ^ides «incontinent. »
Mci, les députés de Barcelone se trompent singulièrement. Il paraît d'abord
certain que les tarifs du leudaire primitif de Collioure étaient marqués en
melgureses. Les députés affirment (en 1317) que la monnaie de Malgone n'a
pas même cent cinq ans d'existence, tandis qu'elle apparaît déjà en Roussil-
lon. en 1084, ainsi que cela résulte d'un acte du Cartulaire du Temple. La
monnaie rosselle ou de Roussillon se montre en 1088: c'était la monnaie des
comtes héréditaires ; mais, dès cette époque, la monnaie de Malgone paraît
avoir été la principale monnaie courante en Roussillon. Elle circulait encore à
Perpignan en 1421, et avait alors une valeur au cours égale à celle de la
monnaie barcelonaise de tern (Arcti.des Pyr.-Or., notule d'Antoine Guitard).
78 DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE
de Barsahneses. Aparsse * encara per les convinensses fêtes
après e confermades ab sagrament e homenatge entre lo se-
nyor reyEn P. de bona memoria, duna part, el senyor rey
En Jacme de bona memoria, pare del dit senyorrey de Mal-
lorcha, daltra, e puxs novellament confermades en aquela
metexa forma ab sagrament e homenatge entre lo senyor
Rey dArago ara vivent, duna part, el dit senyor Rey de Ma-
llorcha, daltra : en les quais convenensses se conten espres-
sament que en Rossello ni en Vallespir no correga altra mo-
neda, sino Bartssaloneses tant solament.
Per estirs, no par que hom pusca dir ab raho que la leuda,
que es hodiosa, sia ni pusca esser de melhor condicio en Ros-
sello quels censsals, quis paguen en Rossello a Barssaloneses
e no a Malgureses, encara si son establitz a Malgureses ; niy
requer hom cambi ne sen pagua, de Malgureses a Barch. E
asos' fa es deu fer, quar la moneda Malguresa es reprohada
en Rossello e no es moneda de Rossello, segons les râlions
damunt dites. "~
Per que sopleguen los ditz messagers al dit senyor Rey de
Mallorques, per nom e per autoritat del senyor Rey dArago
e per nom de la ciutat de Barssalona e de les altres gens del
dit senyor Rey dArago, que sia sa meree que provezescha e
fassa que les gens del senyor rej^ dArago no sien oppremudes
ni agreujades en la sua terra per las cosas damunt dites, e
que les dites novelletatz sien remogudes.
{Lleuda de Coplliure, î» 26 à 30.)
Pierre Vidal.
^ Aparsse. u II résulte encore. »
2 Asos, pour aso se.
DINS LI BOSC
Au felibre A. Arnavielle
I
Que fai bon ana l'estiéu,
Pensatiéu,
Se perdre sout kv ramado,
Pèr vèire dins chasco flour
La couleur
Dis iue de la bèn-amado.
Dis erbiho lou perfum,
Coume un fura,
S'espandis lôugié dins Faire :
— « Bello a desfa lis anéu
« De soun peu ! »
Se dis lou pouèto amaire.
L'auro, dintre li brancas
Dôu bouscas,
Fai entendre uu son d'ourgueno
— « M'encànton bèn mai qu'acô
» Lis ecô
«De sa voués siavo e serenol »
DANS LES BOIS
AufélibreA. Arnavieille
I
Qu'il fait bon aller — pensif, l'été, — se perdre sous la ramée, —
pour trouver dans chaque fleur — la couleur — des yeux de l'adorée .
Des herbes le parfum, — comme une fumée, — monte léger dans
l'air: — « Belle a défait les anneaux — do ses tresses ! » — s'écrie le
poëte amoureux.
Le vent, dans les branches — du bocage, — fait entendre un chant
d'orgue: — « Plus que cela m'enchantent — les échos — de sa voix
suave et sereine ! »
80 DINS LI BOSC
Gai, moudulon sis èr fin,
Cardelin,
Roussignôu e côuquihado:
— « Gramaci, crido, auceloun
» Di valoun,
» Qu'à Bello dounas Taubado ! »
D'un roucas tout sournaru
Sort sens brut
Uno eigueto clarinello :
— «Sourtis ansin de moun cor,
» Sênso esfort,
» Amour, e volo à ma bello ! »
Se i'abéuro pèr plesi,
A lesi,
Tant l'aigo es fresco e risènto,
Murmurant: — «A sipetoun,
» De poutoun
» Soun causo bèn mies plasènto ! »
Lou rajeirôu cascalin
Trais sens fin
De pichot degout sus l'erbo.
— « S'ère Dieu, dis l'amourous,
» Gran courons,
» Sarias lèu perlo superbo !
Gais, ils modulent leurs fins airs, — chardonnerets, — rossignols et
alouettes. — « Grand merci, dit-il, oiselets — du vallon, — qui à Belle
donnez l'aubade ! «
D'un rocher sombre — sort sans bruit — une onde claire. —
«Jaillis ainsi de mon cœur, — sans effort, — amour, et vole à ma
belle ! »
Il s'y abreuve par plaisir, — tout à l'aise, — tant l'eau est fraîche
et rieuse, — murmurant: « A ses pieds mignons, — des baisers —
sont chose bien plus agréable ! »
Le filet murmurant — jette sans fin — des gouttelettes sur l'herbe.
— « Si j'étais Dieu, dit l'amoureux, — grains limpides, — vous seriez
bientôt de superbes perles !
DINS LI BOSC 81
» E ma richo fantasié
» Mountarié
» De brihanti pendeloto,
» E de coulié 'mé très tour
» E d'atour,
» A n'aclapa la raignoto ! »
Dôu grand fiermamen l'azur
Es mai pur
Que di serafin lis aubo :
— « Perqué pas prène un moucèu
» D'aquéu cèu
» E pièi nT en tèisse uno raubo? »
Sus lou founs, li nivo blanc
BarruUant
S'espandisson en resiho :
— a Quauque jour vous raubarai »,
Eu se fai,
(( le servirés de mantiho ! »
Lou soulèu leisso passa,
Agusa,
Si raioun dins lou fueiage:
— « Lis espinglo d'or sarés,
» Fissarés
» Sa mantibo à soun coursage ! »
» Et ma riche fantaisie — monterait — de brillants pendants d'o-
reilles, — et des colliers à triple tour — et des atours — à en sur-
charger la mignonne ! »
L'azur du grand fii-mament — est plus pur — que les aubes des
séraphins : — <( Pourquoi ne pas prendre un fragment — de ce ciel —
et lui en tisser une robe ? )>
Dans le fond, les blancs nuages — vagabonds — s'étendent en un
réseau: — « Quelque jour je vous déroberai, — fait-il, — vous lui
servirez de mantille ! >'
Le soleil laisse passer, — aiguisés, — ses rayons dans le feuillage:
— « Vous serez les épingles d'or — et vous fixerez — sa mantille à
son corsage ! »
82 DINS LI BOSC
II
E, tout en cantant ansin,
Cremesin,
Sentis que la caud lou gagno ;
A soun aise s'espandis
Su 'n tapis
Qu'au matin a vist Teigagno.
Dis aubrage lou cap eu,
Li rampèu,
Fan un pâli sus sa tèsto ;
E countunion li quinsoun,
Si cansoun,
Que meton lou bosc en fèsto.
Tout es preste pèr la som :
Vès soun front
Que sus lou bras, grèu, se clino ;
Si paupèrlo sus lis iue
Fan la niue. . .
S'es endourmi dius Toumbrino !
Quito pas si pensamen
D'un moument,
E toujour sounjo à l'amado ;
II
Et, tout en chantant ainsi, — la figure empourprée. — il sent la
chaleur le gagner; — à son aise il s'étend — sur un tapis — qui au
matin a vu la rosée.
De la forêt voûtée — les rameaux — font un dais sur sa tête, —
et les pinsons continuent — leurs chansons, — qui mettent en liesse
tout le bois.
Tout est prêt pour le sommeil : — voyez son front — qui lourde-
ment sur le bras s'incline ; — ses paupières ferment — ses yeux. . .
— il s'est endormi à l'ombre !
Il n'abandonne pas un seul instant — ses pensées, — et toujours il
DINS LI BOSC 83
Quand la clarta cFun uiau
Fai un trau
Dins lou sourn de la ramado :
D'un nivouloun argènta,
Sa bèuta,
— 0 causo meravihouso ! —
Davans eu qu'es tremoulant,
Barbèlant,
Sourtis touto radiouso.
Oh ! porto pas dins si peu
Negrinèu
Un diadeime d'estello,
Ni pendent, ni bracelet ;
A si det,
Ges de bago ni d'anello;
Sa raubo n'es pas d'azur,
E segur
Prend pas sa mantiho i nivo. . , .
A soun vièsti blanquinèu
Mai que nèu,
La viergeto raubativo ;
A'n èr tendre, calme, dous,
Melicous,
songe à l'aimée ; — lorsque la clarté d'un éclair — ouvre une brèche
— dans l'ombre de la ramée :
D'un nuage argenté, — sa beauté, — ô merveilleuse chose ! — de
vaut lui qui tressaille, — tremblant, — apparaît toute radieuse.
Oh ! elle ne porte pas dans ses cheveux — noirs — un diadème
d'étoiles, — ni pendants, ni bracelets; — à ses doigts, — nulle bague,
nul anneau;
Sa robe n'est pas d'azur, — et sûrement — elle ne prend pas sa
mantille aux nuages. . . — elle a un vêtement blanc — plus que neige,
— la vierge qu'on volerait volontiers ;
Elle a un air tendre, doux — comme miel, — fait de pitié, d'inno-
84 DINS LI BOSC
Fa de pieta, d'inoucènci,
Degràci, de pureta,
De bounta,
De candour e d'indulgènci ;
Parlo, e sa voués es un cant
Pretoucant
Qu'arribo au fin founs de Famo;
Parlo, e veici ço qu'a di
A Fami
Qu'escouto Tesprit en flamo :
((Toun amour m'es agradiéu,
» Car de Dieu
» N'a giscla quauco belugo;
» Countèn pas rèn de carnau,
» Clar fanau,
» Sus nôsto vido esbarlugo.
» T'ame, amor que dins un tèms
» Que prétend
» Tout nega pèr tout counèisse,
» As garda, tu, ferme e fort,
))Dins toun cor,
» Uno fe qu'a fa que crèisse !
» Amor que vuei coume aièr,
» Restes fier
cence, — de grâce, de pureté, — de bonté, — d'indulgence et de
candeur.
Elle parle, et sa voix est un chant — pénétrant — jusqu'au plus
profond de l'âme ; — elle parle, et voici ce quelle a dit — à l'ami —
qui écoute l'esprit en feu :
— « Ton amour me plaît, — car de Dieu — quelque étincelle en a
jailli; — il ne contient rien de charnel : — phare éclatant, — il illu-
mine notre vie.
» Je t'aime, car, à une époque qui prétend — tout nier — pour tout
connaître, — (( tu as gardé, toi, ferme et fort, — dans ton cœur, —
une foi qui s'est toujours accrue !
)) Je t'aime, parce que, — aujourd'hui comme hier, — fier tu restes,
DI>iS LI BOSC 85
» E que marches tèsto drecho,
»Que seguisses toun camin,
» Sens fremin,
)) 'Mai la draio fuffue estrecho !
'o"
» T'ame, amor que ta passioun,
»0 leioun,
» Se trufo de touto entrave;
» S'enchau pau de la douleur
» 0 di pleur,
» E se la Mort vèn, la bravo !
» Tambèn m'agrado toun vers ;
» L'univers
» N'a rèn pèr autant me plaire !
))E se vos, cor d'enfantoun,
» Qu'un poutoun,
» Lèvo-te, te lou vau faire !
» Qu'aquéu bais, encaro mai,
» Dôu verai
»Te doune l'ardour sublime;
))De tu fague lou parié
» Dis ôubrié
» Que trèvon pas que li cimo ! »
Et lou felibre, ravi
De l'ausi,
cheminant — la tête droite, — parce que tu suis ta voie — sans crainte,
— quelque étroite qu'elle soit.
» Je t'aime, car ta passion, — ô lion, — se moque de toute entrave ;
— elle dédaigne la douleur — et les larmes, — et, si la Mort vient,
elle la brave ! y .
» Aussi ton vers m'est agréable ; — l'univers — n'a rien qui m'a-
grée autant; — et si tu ne veux, cœur d'enfant, — qu'un baiser, —
lève- toi, je vais te le faire.
» Que ce baiser, plus encore, — du vrai — te donne l'ardeur su-
blime; — qu'il fasse de toi le pareil ~ de ces ouvriers — qui ne han-
tent que les cimes ! »
Et le félibre, ravi — de l'entendre. — tout en dormant se dresse :
86 DIKS LI BOSC
Tout en dourmiguènt s'aubouro,
E la sarro dins si bras,
A soûlas,
E la bello ris e plouro . . .
Mai sus terro tout prend fin :
Li sausin
An reviha lou dourmèire, . .
S'en torno tout pensatiéu :
— «Pas Adieu »,
Crido au bosc, « mai Au revèire! »
P. Chassart.
DOS POUESIO
revirado dou francés dou felibre majourau En *"
I
UNGUIBUS ET ROSTRO
Ris: se vèi luse en sa bouqueto,
Coume de perlo d'eiganiau
I pie d'uno roso, i'esmau
De si rato fino e blanqueto.
il Tétreint dans ses bras, — à plaisir, — et la belle rit et pleure . .
Mais ici-bas tout prend fin : — les moineaux — ont réveillé le dor-
meur. . . . — Il s'en revient tout pensif. — «Non pas adieu», — crie-t-il
au bois, — «mais au revoir! »
P. Chassary.
i
UNGUIBUS ET ROSTRO
Elle rit : ses lèvres décloses — montrent ses dents, dont Témail
luit — comme les perles de la nuit — au fond du calice des loses.
Son bras, sur son genou posé, — s'échappe de sa large manche —
et laisse pendre sa main blanche — à l'ongle brillant et rosé.
DOS POUESIO 87
De soun èso, superbe e nus,
Souu bras, gisclant subre sa faudo,
Fai vèire à sa man qu'esbrihaudo
Uno ounglo coume avié Venus.
Es uno chatouno coumplido;
Tout agrado en elo, e pamen
Moun regard vai tout unimen
De Tounglo i dent de la poulido,
De-que m'atrivo ? e de-que pou
Faire que moun coi-, que resisto
Pecairete ! à-n-aquelo visto,
Mau-grat iéu tresane de pou?...
Es que li dent qu'ansindo amire
E que m'enclausisson tant bèn,
Sai-que devon, de-fes, tambèn
Saupre mordre autant que sourrire.
L'aprendrai que trop lèu, d'abord,
E qu'aquel oungloun, que caresse,
Miés que l'àrpio d'nno tigresso
Es fa pèr estripa li cor ! . . .
Tout est grâce et beauté chez elle ; — et pourtant toujours mon
regard, — sans s'arrêter nulle autre part, — va de l'ongle aux dents
do la belle.
Quel charme l'y fixe ? et pourquoi, — sans que je puisse m'en dé-
fendre, — mon cœur en lui sent-il descendre, — à cette vue, un va--
gue effroi?
Ah ! c'est que ces dents que j'admire — et dont l'éclat m'attire
ainsi, — elles doivent sans doute aussi — mordre au moins autant
que sourire.
Je l'apprendrai trop tôt, j'ai peur, — et que ces charmants petits
ongles, — mieux que ceux du tigre des jongles, — sont faits pour
déchirer un cœur.
88 DOS POUESIO
II
LOU NIS VUIDE
Dins moun sounge vesiéu un aucèu que piéutavo
Sus li brout despampa d'un aubre, contro un nis
Vuide e mounte un estras souiet de plumo istavo.
Sa voues, coume un resson qu'alin s'estavanis,
Desengaubiado e sourno avié l'èr de se plagne,
E iéu, dins Famo près dôu mau que la pounis,
Plourave. — « Aucelounet, de-qu'as dounc que te lagne
Pèr traire un cant doulènt proche aquéu nis désert?
As pas pou que di niue l'auro frejo te gagne? »
— «Dôu tèms qu'èro vesti de soun fuiage verd,
D'aquest ôume aviéu fa ma demouranço caro;
l'ai couva mi nistoun, qu'èron moun soûl espèr ;
II
LE NID VIDE
Je voyais dans mon rêve un oiseau, sur les branches — d'un arbre
dépouillé, chanter tout seul auprès — d'un nid vide semé de quelques
plumes blanches.
Son chant semblait l'écho de douloureux regrets ; — sa voix était
sans grâce et grêle et comme éteinte ; — mais cette voix allait à
l'âme, et je pleurais.
— « Pourquoi, petit oiseau, dont si triste est la plainte, — près de
ce nid désert ce chant plein de sanglots? — Du vent froid de la nuit,
dis moi, n'as-tu pas crainte? »
— « Du temps qu'un vert feuillage ombrageait ses rameaux, —
j'avais, dit-il, choisi cet arbre pour demeure, — et sous son calme
abri mes petits sont éclos.
DOS POUESIO 89
» Mai, tout just espeli, frrtt ! an fusa ! . . . Toutaro
S'es envoula peréu, — sara ma mort, ai ! las ! —
Moun mignot, lou darrié que me restasse encaro. »
Entremens que parlavo ansin pèr soun soûlas,
léu leissave moun iue clavela de pu belle
Sus lou nis; talamen qu'à la peifiu, foulas :
— (( Vese, aro, d'ounte vèn l'ànsi que te bourrello,
lé faguère ; — mai, digo, aquéu nis, paure aucèu,
Retrais pas un cor d'orne?. . . Ai pas 11 farfantello ! . . . n
— « Es toun cor I — me rebèco, — e Faubras negrinèu
D'ounte s'es envoula l'eissam que ma voues cliamo,
Acô 's tu, qu'as perdu toun pantai lou pu bèu !...)>
— «Mai alor,tu, quau siés?» demandère. — «Toun amol...»
L. ROUMIEUX.
» Mais à peine couvés, tous ont fui. Tout à l'heure, — le seul qui
me restait vient de partir aussi, — et c'était le plus cher. Voilà pour-
quoi je pleure ! »
Mes yeux restaient, tandis qu'il me parlait ainsi, — toujours fixés
au nid, comme sur un prodige; — tant qu'enfin, de surprise et de ter-
reur saisi :
— « Je comprends maintenant ta tristesse, lui dis-je ; — mais écoute:
ce nid, je crois m'apercevoir — que c'est le cœur d'un homme ; ai-je
donc le vertige ? »
Il me dit : « C'est ton cœur ! et l'arbre au rameau noir — d'où
s'envola l'essaim que ma plainte réclame, — c'est toi, veuf aujourd'hui
de ton dernier espoir ! »
— « Mais toi, dis-je, qui donc es-tu? » — « Je suis ton âme ! »
BIBLIOGRAPHIE
Die Aussprache des latein nach physiologisch-historischen
Grundsâtzen, von E. Seelmann. Heslbronu, verlag von Gebr. Henuinger,
;885.
Cet ouvrage est divisé en deux grandes parties . La première, qui
a pour titre général : les Sons comme parties du mot, leur rapport res-
pectif à l'énergie, à la hauteur de la voix, à la durée, au groupement
par syllabes, renierme trois subdivisions : a l°accentet recomposition ;
2° quantité des voyelles ; 3" redoublement des consonnes et distribu-
tion des syllabes»; la seconde partie traite des « sons considérés en
eux-mêmes par rapport à la forme de lenr'articulation et cà leur acous-
tique ; système des voyelles, système des consonnes. » En dernier
lieu vient la conclusion, avec un rapide coup d'œil rétrospectif sur
les principaux résultats de ces recherches appliqués, en vue de la j^ra-
tique, au perfectionnement de la prononciation du latin.
La doctrine est exposée dans le texte imprimé en gros caractère ;
le petit texte est consacré aux citations, aux exemples épigraphiques
et autres compléments de la théorie générale.
Nous ne pouvons songer à faire la critique de ce grand travail. On
lira, dans les revues spéciales, les objections que des juges compé-
tents ont mêlées à leurs éloges. Quant à nous, nous avouons que cette
phonétique transcendante nous adonné le vertige. La faute en re-
vient peut-être un peu à M. Seelmann. Il tient à nous faire savoir que
sa terminologie est son propre ouvrage, et qu'elle n a rien de commun
avec celle des manuels courants. Il est sûr qu'elle doit être très-
claire et très-commode pour lui, qui en est l'auteur et a l'avantage
d'être Allemand. Nous ne savons si elle est meilleure que celle de
Sievers, de Briicke, deTechmerou de Trautmann ; mais certainement
des accumulations de déterminants comme celle-ci: < p. 302, Dist
eine explosiv-plosiv bezw. implosiv-plosiv stimmhate dorsal gebil
dete rein dentale lenis », ne peuvent que lasser la patience d'un lec-
teur français, quand elles se répètent toutes les deux ou trois pages.
Il est vrai que M. Seelmann, comme doit faire un innovateur, a eu
soin d'expliquer, dans ce qu'il appelle Remarques p)hysïologiques p)réli-
minaires, les termes dont il s'est servi. On a donc toujours la ressource
d'y recourir, le cas échéant.
Elles sont d'ailleurs la base de l'ouvrage entier. C'est sur elles que
s'appuient les recherches historiques, entreprises pour x reconnaî-
tre » les sons dont la «connaissance» a été acquise préalablement par
BIBLIOGRAPHIE 91
l'étude physiologique, pour les fliflEérentes voyelles et consonnes. Celle-ci
nous apprend comment les lettres sont formées avec le concours de
la langue, des lèvres, des dents, du voile du palais ; quel angle les
mâchoires doivent former pour telle voj'elle ou consonne, et d'après
quelle loi un son passe à un autre, les organes de la bouche prenant
déjà, pendant l'articulation du premier, la position nécessaire pour ar-
ticuler le second. Ces résultats une fois obtenus ont besoin d'une ga-
rantie, qui, à priori, semble manquer pour une langue morte. Mais
les moyens de contrôle ne font pas défaut à M. Seelmann . Ce sont
(des innombrables inscriptions populaires, où lo même son est rendu
par une orthographe différente; l'emploi, dans les inscriptions en
latin classique, de certains signes, comme VApex, le Sicilicus, la voyelle
redoublée, Vllonga et les trois lettres, inventées par l'empereur Claude ;
les données de la phonétique latine ; les conclusions rétrospectives
qui se dégagent de la grammaire comparée indo-européeime et surtout
des langues romanes ; enfin le traitement que reçoivent les mots et les
groupes de lettres dans la métrique . »
Il faut savoir gré à M. Seelmann de la peine qu'il a prise pour
mettre sous nos yeux les sources mêmes, dans leur plus grande pu-
reté. La simple révision des exemples épigraphiques qu'il a recueillis
ou de ceux qu'il a empruntés aux collections de Corssen, de Ed.
Schmitz, de Schuchardt, ne lui a pas coûté moins d'une année de
travail. Il a rendu aussi un grand service à la science, en essayant
d'interpréter les doctrines des grammairiens latins. Ce n'était pas
chose facile que d'entreprendre la critique de ces témoignages, de
démêler l'influence grecque et de faire la part des époques et des con-
trées diverses. On comprend quelle est l'importance des indications du
« seul Romain qui se soit spécialement occupé de phonétique, Teren-
tianus Maurus. » Il n'est pas moins curieux de connaître les doctrines
de Marins Victorinus, de Priscien, de Diomède, de Servius Honora-
tus, etc.
Encore une fois, nous réservons notre jugement sur l'interprétation
que M. Seelmann a donnée de ces documents historiques dans telle
question, comme de savoir quel est l'élément fondamental de l'accent
latin ou bien quelle est l'origine populaire ou savante de la tendance
à refaire de nouveaux composés, par exemple « commando » au lieu
de <( commendo », « infrangere » au lieu de « infringere. » Pour des
lecteurs qui, comme nous, auront eu beaucoup à apprendre dans ces
400 pages d'un texte toufEu,il ne paraîtra sans doute pas inutile d'avoir
cherché seulement à fah-e naître le désir de lire un ouvrage si profi-
table. On y voit comment la science se fait : on se croirait dans, le
laboratoire du linguiste ; on le suit travaillant à retrouver le moule où
cette matière des sons a été façonnée il y a 2,000 ans par les organes
92 BIBLIOGRAPHIE
romains, et essayant de faire passer un souffle vivifiant dans ces
formes inertes de lettres. Il s'appuie sur les données physiologiques
d'une part, et remonte d'autre part à toutes les sources historiques,
pour reconstituer les sons latins avec leur accent propre, leur ca-
dence, et pour rendre à ia langue de Cicéron et de Catulle la vie et la
chaleur qu'elle avait dans leur bouche, quand l'un prononçait ses Ca-
tilinaires, et que l'autre déclarait sa passion à Lesbie. Il est piquant,
tandis qu'on attaque chez nous l'enseignement du latin comme su-
ranné, de voir un Allemand espérer que cet idiome pourra revivre et
devenir une langue internationale, à la manière du français. Sans
doute, M. Seelmann, avec toute son érudition, malgré les symboles
qu'il imagine pour transcrire en langage phonétique une ode d'Ho-
race, reste encore loin du but, et il n'en peut être autrement. Mais il
a raison de vouloir que nous nous débarrassions de tout préjugé con-
tre une entreprise qui, comme les nouvelles modes, pourrait sembler
ridicule, alors que la génération suivante la trouverait dautant plus
à son goût. Il y a des résultats acquis ; et, sans se flatter de « ramener
la véritable prononciation de l'idiome classique de l'antique Latium»,
on est en droit de combattre la routine et l'ignorance, dans l'intérêt
de la vérité et par amour de la précision scientifique.
Cet amour de la science est ce qui rend M. Seelmann si sévère pour
ses devanciers, MM. Schweisthal et G. Edon, auxquels il n'accorde
pour tout mérite, au premier qu'une certaine valeur pratique et au se-
cond « qu'une table des travaux cités dressée avec un soin exem-
plaire,l'index alphabétique et — le titre pompeux, qui est simplement
un trompe-l'œil. »«: Dans l'ouvrage de Corssen, » dit-il, « à peine im
seul son a été représenté d'une manière qui nous satisfasse aujour-
d'hui, même approximativement.» C'est que M. Seelmann appartient
à cette école des néo-grammairiens qui se sont signalés par un grand
dédain du passé et par l'esprit d'aventure. Ils se font pardonner leurs
injustices et leurs excès par les services réels qu'ils ne cessent de ren-
dre à la connaissance des langues. Si exigeante que la science de-
vienne, à mesure qu'elle avancera, le travail de M. Seelmann, pas plus
que celui de Corssen, ne perdra de sa haute valeur ; car il fait faire
un progrès notable à la connaissance générale du latin.
Il faudrait ajouter et des langues romanes, puisque en phonétique,
comme partout ailleurs, les études latines sont la base des études ro-
manes. C'est pourquoi, sur les instances pressantes de son maître,
Fœrster, M. Seelmann a gardé en réserve une série de recherches dans
le domaine roman, pour publier d'abord le présent ouvrage. Il n'a fait
que se conformer au plan d'ensemble que les deux grands philologues
allemands, W. Fœrster et F.Buecheler, ont arrêté depuis longtemps,
comme des chefs d'armée, et il exprime le vœu que son exemple
BIBLIOGRAPHIE 93
« hâte la jouctiou des forces latines et romanes pour le plus grand
bien de l'œuvre commune, et que la tactique : marcher séparés. —
frapper unis, — trouve aussi son application dans la science.»
J. Bbenous.
Précis de grammaire historique de la langue française, avec une
iati'oductiou sur les origiaes el le doveloppeiiieol de celle lanj^tie, par
Ferdinand Brcnot, ancien élève de l'Ecole normale, maître de conférences
à la Faculté des lettres de Lyon. Paris, G. Masson, mdccclxxxvii. — vni-
692 pages.
La Bévue des langues romanes a déjà souhaité le succès qu'il mé-
rite au Précis de fjrammaire historique de M. B.'; mais une courte
note répondait mal à l'importance de ce livre, et nous demandons à
nos lecteurs la permission de les en entretenir encore.
Le titre adopté par M. B. rappelle celui de la Grammaire, si esti-
mable, de M. Brachet ; c'est un livre analogue, en effet, que M. B. a
voulu écrire ; mais, outre que le nouveau venu a sur son aîné l'avan-
tage d'avoir pu profiter de bien des progrès et de bien des décou-
vertes récemment faites par les romanistes, son plan est beaucoup
plus A'aste et il offre à ses lecteurs des secours beaucoup plus abon-
dants. Ajoutons, pour en bien marquer le caractère, que ce Précis
diffère notablement de l'excellente Grammaire de l'ancienne langue
française de M. Clédat, en ce qu'il prolonge l'étude de la langue jus-
qu'à nos jours : et des grammaires de MM. Ayer et Chassang, en ce
que l'histoire de la langue, au lieu de servir seulement à des expli-
cations et à des remarques plus ou moins nombreuses à propos de
l'usage moderne, fournit ici tous les matériaux de chaque article et
en commande entièrement la distribution. Concevoir un tel livre était
une hardiesse ; mais la hardiesse a été heureuse, car, si l'on peut re-
procher à M. B. quelques inconséquences et quelques erreurs, son
exposition n'en est pas moins fort instructive et n'en plaît pas moins,
par sa clarté, par sa verve et, à l'occasion même, par son esprit.
Le livre P'', Histoire générale de la langue française, est plus au cou
rant et n'offre pas moins d'intérêt que la belle Introduction de M. Bra-
chet; nous ne ferons à M. B. qu'une remarque : peut-être eût-il bien
fait de ne pas mêler le gascon })armi les dialectes de la langue J'oc,
dont il diffère à beaucoup d'égards (p. 13).
Le livre II, sur \r phonétique et les sons, était le plus difficile à
rédiger d'une façon brève et sûre à la fois ; aussi est-il sans doute
» 8« série, t. XVI, p. 59,
94 BIBLIOGRAPHIE
celui qui vaudra à M. B. le plus d'éloges el de critiques. Par exemple,
il était excellent d'indiquer les formes romanes qui ont servi d'inter-
médiaires entre tels ou tels mots latins et leurs correspondants fran-
çais ; mais on eût pu le faire d'une façon plus systématique, citer
Cam'raGum après Cameracum{]). 80), et au contraire viam avant 'rcam
(p. 71); ne pas écrire d'abord que Va est entravé dans volaticum, sans
expliquer comment (p. 74), puisque la dentale disparaît dans vola-
t(i)cum (p. 82)*. — La quantité des voyelles latines n'est pas marquée
aussi souvent qu'on le pourrait désirer ; l'indication en eût pourtant
rendu plus claire l'histoire des voyelles, notamment de l'e et de Vo,
fermés et ouverts. — P. 65, l'observation qui termine le paragraphe 46
devrait être présentée avec plus de réserves. — P. 71, les transfor-
mations .des sons ou et ei sont expliquées d'une façon contestable.
— P. 74, tristem et nullum sont cités mal à propos. — P. 75, 1. 2, le
terme technique infecter, non expliqué, rend obscur un paragraphe,
qu'aucun exemple ne vient éclaircir. — Enfin, je doute qu'il faille
voir une influence de Vu dans locum = leu,lieu (p. 67), tandis que je
verrais une influence du^ dans captivum = chaitif{ç. 69).
Après quelques sages observations sur Vétymologie et V orthogra-
phe, sont placés de nombreux et importants tableaux, où est reprise
et complétée l'histoire des sons latins et des sons fi-ançais. « Ces ta-
bleaux, dit l'auteur, ne sont faits ni pour être étudiés, ni même pour
être lus, mais seulement pour être consultés. » Ils ne le seront pas
sans profit.
Le livre qui suit, non-seulement se peut lire, mais se lit en effet
avec plaisir. Après avoir constaté la mohilité du lexique, M. B. en
étudie le fonds populaire avec les procédés populaires de dérivation
et de composition ; puis les emprunts aux langues étrangères, enfin le
fonds savant avec sa dérivation et sa composition spéciales. Quelques
considérations sur les doublets, les rapports^ de la langue savante et de
la langue p)opulaire, le sens des mots et la pathologie verbale, complètent
cet intéressant ensemble-.
Le livre IV se recommande tout d'abord par une très-heureuse
innovation: l'étude delà syntaxe y est intimement mêlée à celle des
formes, ce qui permet de rendre celle-ci moins aride, celle-là plus
historique, toutes deux plus exactes et plus saisissantes. Par cette ré-
forme, M. B. s'est rencontré avec M. L. Havet, dont la très-simple
1 M. B. se trompe d'ailleurs en cet endroit en tirant ge de cum. C'est vola-
tifcjum qu'il fallait écrire.
2 Commeot ittum peut-il donner ot, otte (p. 159)? Comment bis peut-il
donner gui (p. 175)? L'étude. — s^i complexe, il est vrai. — des sui'tixes et des
préfixes, manque ainsi de quelques explicatioQs.
BIRLIOSRAPHIE 95
et très-8avan+c Grammaire latine est précisément fondée sur le même
plan. En un endroit seulement, M. B. s'est départi de sa méthode
ordinaire; mais la morphologie du verbe étuit trop compliquée pour
n'être pas étudiée à part.
Nous ne pouvons signaler tout ce qui nous a frappé dans cette
partie, la plus longue et la plus importante, de Touvrage ; mais nous
tenons surtout à louer l'esprit libéral dans lequel sont formulées les
règles et les remarques de syntaxe. A plusieurs reprises, M. B. pro-
teste contre des complications et des subtilités qui, jointes aux bi-
zarreries de notre ortliographe, ne constituent pas moins qu'un ob-
stacle à la diffusion, si désirable, de la langue fi-ançaise, ou même à
son maintien dans ses anciennes possessions*. — Ailleurs, des rap-
prochements nombreux avec les formes ou les emplois du langage
populaire et non écrit éclairent l'origine de formes ou de règles plus
académiques^. — Ailleurs encore, de fines analyses rendent compte
des faits que l'histoire ne suffit pas à expliquer 3. — Enfin le choix
d'exemples intéressants, et très-souvent empruntés aux écrivains con-
temporains, rend la lecture plus attrayante et pique la curiosité.
Ces observations générales faites, en voici de toutes menues. —
P. 238, il est peut-être fâcheux de laisser croire (\nQ p'ictor donne
TioYm&lemeni peintre ■ — P. 258, une négligence de rédaction semble
donner à prudens un nominatif en er. — P. 294, il n'y a pas de pléo-
nasme dans ce vers de Piotrou :
Qui se choisit un prince, il se fait son sujet,
il étant l'antécédent de q^ii (cf. p. 299). — P. 312, pourquoi ne pas tra-
duire n'iert pas, par ne sera pas? — P. 408, les termes de participe
fort et de participe faible demanderaient à être expliqués. — P. 422,
il n'eût 2)as été inutile d'expliquer comment perdedi a donné ^err/i;
ici d'ailleurs, comme en plusieuis autres joassages (et, par exemple,
pag. suivante, viderunt = virent j, il eût été bon de marquer raccent
tonique et la quantité. — P. 426, expliquer d'où vient Vo de oi = hâ-
bui. — P. 508, le parag. sur si et le conditionnel demanderait plus
d'explications. — P. 517, nefaudruit-il pas éviter, dans une grammaire
française, des expressions comme « un nom au datif» ? — P. 5"<^7, dans
le vers du Roland:
Paien d'Arabe des nefs se sont issuz,
1 V., p. ex., p. 94; p. 282, rem. m ; p. 238, fin ; p. 526.
2 V. p. 296, je l'aime-ti! p.368, cVe femme; p. 569, c'est pas rigolo, etc.
3 V., p. ex., p. 380-383, ellipse de l'article; et cf. p. 488-5fJ3, la simpli-
cité avec laquelle est exposée la syntaxe du subjonctif.
96 BIBLIOGRAPHIE
il faut issut,on le participe ne se rapporterait pas au sujet. — .P 542,
ne faudrait-il pas dire un mot de l'étymologie de ades, aparmain,
endementrues , etc.? — P. 545, encore s'explique plutôt par Aanc ho-
ram, non par hac hora * . — P. 558, 2° comme, dans les exemples de
Commynes et de Molière, s'explique par de même que , ainsi que,
plus facilement que par c'est-à-dire . — P. 605, 2^our, dans quatre pour
cent , ne signifie-t-il pas en échange de plutôt que en proportion de ?
Arrêtons-nous . S'il faut dire toute notre pensée, le principal dé-
faut du Précis de M. B., c'est de n'être pas partout également élémen-
taire ou également savant, l'auteur n'ayant pas très-bien vu jusqu'à
quel degré il devait pousser ses explications et jusqu'à quel point
il devait compter sm* l'instruction de son lecteur. Mais le défaut
était sans doute inévitable, et il n'est pas bien grave, après tout.
Généralement accessible aux débutants, la nouvelle grammaire sera
précieuse pour ceux qui ont déjà quelques notions de grammaire
historique ; et ceux mêmes qui n'auraient rien à y apprendre se
laisseront gagner à ce quelque chose de vif et de jeune, qui n'est pas
commun en ces sortes d'ouvrages et qui éclate partout dans celui de
M. Brunot^.
E. RlGAL.
Synonymie provençale des Champignons de Vaucluse, par J.-M.-F.
Réguis, Marseille, librairie Bérard, 1886, in-4o,H44 pages.
Voici un excellent ouvrage de vulgarisation scientifique. La syno-
nymie provençale, qui justifie son analyse dans notre Revue, est ac-
compagnée de notions botaniques et médicales qui dénotent la variété
des connaissances de l'auteur. Mycologue consommé, notre honorable
confrère entre dans les détails les plus circonstanciés sur l'organo-
graphie et la taxonomie des champignons. Leur texture élémentaire,
dont des planches assez nettes en facilitent l'intelligence, n'a pas de
secrets pour lui. Il insiste avec raison sur la richesse de leurs pro-
* Mieux encore par hiîic ad horam.
2 Parmi les fautes d'impression, qui sont relativement peu nombreuses,
nous croyons devoir relever les suivantes: p. 211, 1. 21, première colonne,
cumuler au lieu de cumulare; p. 263, 1. 8, paragraphe 218 au lieu de paragra-
phe 215; p. 286, 1. 13, tf video au lieu de te video; p. 391, 1. 16, radical
tonique au lieu de radical atoue; p. 436, 1. 18,1e ?i final au lieu de T?" final;
p. 441,1. i, libaill'froit au lieu de H bailleroit ; p. 5 iO, troisième ligne
avant la fin, reivurent au lieu de revinrent; p. 543, 1. 7, dire ne fent au
lieu de d'ire ne fent; p. 652, 1. 21, Bien me le garde au lieu de Bien le me
garde.
BIBLIOGRAPHIE 97
priétés alimentaires, qui en font une véritable viande végétale, grâce
à l'eau, à l'azote organique, au phosphore et même aux principes
immédiats (albumine, gélatine) et aux phosphates alcalins directe-
ment assimilables, qui entrent dans leur composition. Les accidents
toxiques, dont leur ingestion est trop souvent suivie, ne l'effrayent pas
autre mesure, non qu'il ne croie pas à leur réalité, mais parce qu'il
pense qu'avec un peu d'attention, en ne mangeant que les espèces
populairement connues par leur innocuité, en usant de toutes avec
mesure, en les soumettant toutes, tant les suspectes que celles qui
ont bon renom, à la cuisson préalable dans l'eau bouillante et salée,
on est à peu près certain de les éviter. En véritable gourmet, M. Rc-
guis estime cette dernière précaution suffisante, la macération préa-
lable à froid pendant deux heures dans l'eau vinaigrée et salée, que
d'autres ont recommandée, pouvant altérer le bon goût et l'arôme de
ses chères cryptogames.
Au lieu de l'ordre alphabétique général adopté par l'auteur, il nous
paraît préférable de le modifier un peu, en classant les champignons
d'après leurs propriétés naturelles. Nous allons énumérer ainsi les
champignons comestibles, industriels, employés en médecine, véné-
neux et nuisibles. L'ordre alphabétique sera suivi dans chaque di-
vision. Nous ne garantissons pas que cette classification soit abso-
lument irréprochable, telle espèce pouvant avoir le droit de figurer
dans deux catégories. Mais n'en est-il pas ainsi pour un grand nom-
bre de classifications naturelles? Les espèces à propriétés diverses
seront rangées dans la division correspondante à leurs propriétés les
plus manifestes ou à leurs usages principaux. Ainsi le seigle ergoté,
à la fois dangereux et médical, a été classé parmi les champignons
employés en médecine, à cause de ses précieuses vertus thérapeuti-
ques.
CHAMPIGNONS COMESTIBLES DE BONNE QUALITÉ
Parmi eux, l'oronge, le lactaire délicieux, le pleurote du chardon
Rolland, les helvelles et le bolet édule, jouissent, dit M. Réguis,
d'une innocuité assez généralement reconnue pour pouvoir être pré-
parés sans la cuisson préalable à l'eau salée et bouillante.
Arpio de gat, Clavaria amethystina, clavaire améthyste.
Auriheto, Plenrotus eryngii, pleurote du chardon Rolland.
Auriheto bluio, Tricholoma ni<rf«m, tricholome nu.
Auriheto de kermès, Cantharellus cibarius, chanterelle co-
mestible.
Auriheto spinouso, Hydnum re'pandum,'h^àsxe sinué.
Barigoule, les Agarics.
98 BIBLIOGRAPHIE
Barigoulo de houis, Trie holoma amethystinum ? tricholomo
améthyste?
Bavaréu, Eygrophortis limaceus, hygrophore gluant.
Berigoulo, pleurote du chardon Roland, ou bien Moreheila escu-
lenta, morille commune.
Berigoulo à flot, Tricholoma amethystinum, tricholome amé-
thyste.
Berigoulo panicau, Clitocybe rivulosa, clitocybe des bords des
routes.
Boulet, un peu de tout.
Boulet blanc, Pratella campestris, pratelle champêtre.
Boulet rouge, Amanita cœsarea, amanite oronge.
Boulet sounous, Lactarius deliciosus, lactaire délicieux.
Brus, Clitocybe maxima, clitocybe très-grand.
Cepo, Boletus edulis , bolet édule, cèpe de Bordeaux.
Ghampignoun de monfo, désignation collective des Mycena ru-
gosa, mycène rugueuse ; Clitocybe dealbata, clitocybe blanc d'ivoire;
Inocybe rimosa, inocybe fendu ; Hypholoma appendiculatum, hy-
pholome appendieulé.
Ghampignoun de panicaut, un des noms du pleurote du char-
don Roland.
Ghampignoun de pin, un des noms du lactaire délicieux.
Ghampignoun de Sause, armillaire couleur de miel; Lentinus
tigrinus, ientine tigré; Pholiota œgerita, pholiote pegérite, appelée
aussi Ghampiguoun sauseo et piboulen.
Goucoumelio, Amanita ovoïdea, amanite ovoïde, oronge blan-
châtre .
Gucumello, Lepiota procera, lépiote élevée.
Darmas, Armillaria scruposa, armillaire rude, probablement
aussi la Berigoulo.
Espoungo, Boletus granulatus, bolet granulé. Très-abondante;
pourrie, constitue un excellent engrais .
Ferigouleto, Clavaria aurea, clavaire dorée.
Galineto, Clavaria botrytis, clavaire en grappe; Clavaria flava,
clavaire jaunâtre, appelée aussi Gresto de gau.
Geriho, Cantharellus cibarius, chanterelle comestible.
Griset, Amanita vaginata, amanite vaginée ou engaînée, va-
riété grise.
Gros blanc, autre nom de l'amanite ovoïde.
lôu, nom de l'amanite de César.
Jaune d'iou, idem.
Liiniounous, voyez Bavarèu.
Mato, Ciicocybe offocatella, Clitocybe coffeata.
BIBLIOGRAPHIE 99
Mouragat, "voyez Limounous.
Mouriho, Morchella esculenta, morille commune.
Negroun, Pratella campestris, pratelle]champêtre, champignon
de couche.
Pangoro, voyez Mouriho.
Pecou blu ou Ped blu, voyez Berigoulo à flot.
Ped de poulo, Helvella crispa, helvelle crépue.
Pichot gris, voyez Griset.
Pico-pèd, voyez Berigoulo à flot.
Pignen, Lactaràis deliciosus, lactaire délicieux.
Rabasso. Que les gourmets saluent ce mot au passage. C'est le
nom provençal de la truffe comestible. M. Réguis étudie avec détails
ses diverses variétés, leur culture naturelle et artificielle, la manière
de les récolter, etc.
Rosé, Tricholoma russula, tricholome russule.
Rouge, La.clarhis sanguifluus, lactaire à suc rouge.
Rousset d'iôu, voyez Boulet rouge.
CHAMPIGNONS COMESTIBLES DE QUALITÉ INFÉRIEURE
Auriheto jauno, Crepidotus croceo-lamellalus, crépidote à
feuillets jaunes.
Auriho et Pichot mourra de chin, Genea verrucosa, gênée
verruqueuse.
Berigoulo d'avelanié, Tricholama argyracea, tricholome ar-
gyracé.
Bessiuo de loup, Rliizopogon ruhescens, rhizopogon rougeâtre.
Blancan, Balsamia vulgaris, balsamie vulgaire.
Champignoua d'amourié, d'aubrespin, Armillaria mellea,
arinillaire couleur de miel.
Ghampignoun gris de pin, Tricholoma salero, tricholome sa-
lero.
Gisclaire, TJtraria saccala.
Lengo de biôu, Fislulina hepalica, fistuline hépatique, langue
de bœuf.
CHAMPIGNONS INDUSTRIELS
Amadou ou "Esco, Fomes fomentarius, Famés ignarius, amadou;
assez connu comme combustible, et qui est aussi employé en méde-
cine comme antihémorrhagique local.
L'Espoungo, Boletus granulalus, bolet granuleux. Champignon
alimentaire très-abondant. Très-putrescible et riche en azote II mé-
rite d'être conseillé comme un excellent engrais.
Pan de loup, Pan dou diable, Polyporus versicolor, pain
100 BIBLIOGRAPHIE
de loup, pain du diable, espèce trop coriace pour être mangée, vé-
ritable défi jeté à la palette des peintres, tant sa coloration est
variée.
Ce champignon est sans usage, dit notre auteur ; sec, il brûle très-
bien et pourrait servir à conserver le feu.
Les Pisso-chin, coprins doués d'une vie éphémère, constituant,
malgré le milieu où ils apparaissent, un manger délicat, pourvu qu'ils
soient ramassés à peine éclos et cuits à bref délai; se résolvent quel-
ques heures seulement après leur naissance en un liquide noir comme
de l'encre et pouvant être employé comme telle.
CHAMPIGNONS EMPLOYÉS EN MÉDECINE
Segue cournu, seigle ergoté, altération des grains des céréales
et des cypéracées, surtout du seigle, par le développement d'un cham-
pignon du genre claviceps dans les tissus de l'ovaire.
L'ergot de seigle, seigle ergoté, est le spécifique des hémorrha-
gies, surtout des hémorrhagies utérines. On Ta aussi prescrit comme
agent contractile dans certaines paralysies. 11 ne faudrait pas trop
prolonger son administration, sous peine de voir apparaître des ac-
cidents d'ergotisme plus ou moins analogues à ceux que l'usage de
céréales avariées par sa présence produisait à d'autres âges, et qui
sévissaient quelquefois sur des populations entières.
Le seigle ergoté est donc, comme tant d'autres substances em-
ployées en thérapeutique, un poison médicamenteux.
CHAMPIGNONS VÉNÉNEUX ET NUISIBLES
Boulet rouge di mari, Amanita muscaria, champignon rouge
des mauvais, fausse oronge.
Champignoun de ciprés, Flammula picrea, flammule picrée.
Ghampignoun de l'oulibié, Pleurotus olearius, champignon
de l'olivier.
Gris picouta (gris tacheté), Amanita pantherina, amanite pan-
thère. Espèce des plus toxiques, à propos de laquelle notre auteur
se livre à des considérations liistoriques pleines d'attraits, que nous
croyons devoir reproduire. « Au moyen âge, où l'on n'en connaissait
déjà que trop les propriétés toxiques, les maléficiers et les empoison-
neurs s'en servaient pour désoler les étables, décimer les troupeaux
et commettre impunément des assassinats. Les premiers hachaient
ces agarics et les mélangeaient à la nourriture des bestiaux ; les se-
conds extrayaient le suc de ces redoutables champignons, le conden-
saient àl'air libre sur un feu doux et en oignaient, tantôt entièrement,
tantôt d'un seul côté, les lames ciselées et chargées d'ornements en
BIBLIOGRAPHIE 101
creux des couteaux de l'époque. Oq pouvait, par ces abominables
procédés, se servir d'ua de ces couteaux pour partager un fruit, en
manger impunément une moitié, et, en offrant l'autre à son ennemi,
lui donner la mort. S'il faut en croire des traditions, grâce à Dieu
contestables, le jeune époux de Marie Stuart, le roi François II, et la
mère de Henri IV, Jeanne d'Albret, auraient été les victimes de ce
lâche moyen d'assassinat. »
Les espèces suivantes, moins directement toxiques pour l'homme,
n'en sont pas moins dangereuses, parce qu'elles s'attaquent aux plan-
tes qui sont pour nous et pour les animaux dressés à notre service
d'une incontestable utilité, à nos aliments, à nos boissons et au ver à
soie.
Amarun dou vin, amertume du vin, ou goût du vieux, maladie
causée par des filaments simples ou associés, d'abord incolores, puis
présentant de distance en distance des nœuds rouges ou jaunes,
formés par le dépôt de la matière colorante. Le chauffage à 60°
(Pasteur) guérit cette maladie.
Blanc, Sp/ueroteca castagnei? le blanc, champignon qui attaque
les feuilles de melon et des courges et compromet la récolte. Un au-
tre Sphcerotheca, oïdium leucoconium , qui prend le nom de Sphœ-
rotheca pannosa, quand il a atteint son état parfait, attaque les ro-
siers.
Carboun, carbouna, carbounous, Uaiilago carbo, charbon,
parasite qui se développe dans l'ovaire des graminées comestibles
(blé, avoine, seigle), leur donne une couleur noirâtre et fait des grains
un mauvais aliment.
Cario, Tilletia caries, carie, autre maladie du blé produisant
d'abord l'hypertrophie, puis l'atrophie, la teinte grisâtre et la dimi-
nution de densité des grains,
Flour dou vin, Mycoderma vini, mycoderme du vin (Pasteur),
souvent mêlé au Mycoderma aceti, dans le vin rouge, surtout addi-
tionné d'eau. Le premier, par sa croissance rapide, étouffe générale-
ment le dernier.
Graisso dou vin, champignon encore peu connu, formé de cha-
pelets plus ou moins nombreux de globules sphériques, et qui se
trouve dans les vins gras, huileux ou filants.
Maire dou vinagre, Mycoderma aceii, mère du vinaigre, cham-
pignon assez voisin, par sa forme microscopique, du Mycoderma vini,
mais produisant rapidement i'acétification du vin ; tandis que la
Flour dou vin peut laisser plus ou moins longtemps ce liquide
inaltéré, à la condition que le voile mycodermique ne présente pas la
moindre trace de mère de vinaigre .
Mildieu, Peronospora viticola, mildew, nouveau parasite de la
7
102 BIBLIOGRAPHIE
vigne ; — n"a-t-eile pas assez d'ennemis ? — qui amène le brunisse-
ment, la dessiccation et la chute des feuilles, et pi'oduit ainsi la dénu-
trition de la plante et la non-maturation des fruits. Des arrosages
avec une solution de sulfate de cuivre paraissent le remède efficace.
Mouffo di barrico, Diderma papaverinum racodium cellare,
stilbum typhinum, moisissures des vieux tonneaux .
Mouffo dou pan, Aspergillus glaucus, mucor mucedo, oïdium
aurantiacum, moississure du pain.
Moussiduro, les mêmes que les moisissures du pain, plus des
espèces empruntées au genre A scophora, Pénicillium Ce sont les
champignons qui font le désespoir des ménagères et poussent avec
une rapidité étonnante sur les conserves de fruits, les fruits naturels,
les confitures, le fromage, la viande et toutes sortes de provisions.
Muscardino, Botnjtis bassiana, muscardine, grave maladie bien
connue des vers à soie.
Pourridié, autre maladie de la vigne encore à l'étude.
Pousso dou vin, champignon auquel on attribue l'altération du
vin connue sous le nom de pousse, encore à l'étude.
Roui,Rouvi, rouille urédinée, parasite qui se développe sur toutes
les parties vertes des graminées, principalement à la face inférieure
des feuilles, moins redoutée que le charbon parce qu'elle respecte les
organes de la reproduction.
Si le lecteur juge de l'importance de l'œuvre de M. Réguis par la
longueur de cette analyse, il se convaincra du grand cas que nous en
faisons et de l'estime eu laquelle nous désirons qu'elle soit tenue par
nos confrères.
Une certaine restriction à ce jugement si favorable n'est-elle pas
légitimée par son titre même ? Elle ne produira pas tous les fruits
qui auraient pu en résulter, précisément parce qu'elle est ivo^^ proven-
çale. Nous aurions préféré nomenclature à synonymie. Synonymie
provençale doit s'entendre, non de la version en langage deVaucluse
et d'une partie des Bouches-du-Rhône des noms latins et français des
champignons, mais de la traduction comparée de ces mêmes noms
dans tous les dialectes de langue d'oc, et on sait s'ils sont nombreux.
Ainsi serait pleinement justifié le titre de synonymie provençale. Ce
travail est à faire. Nous le passons à une plume plus compétente.
Dans la synonymie de M. Réguis, la truffe a nom rabasso, c'est-à-
dire par une appellation populaire, bien peu justifiée, grosse rave;
peut-être même à cause de la teinte noirâtre veinée de blanc de son
tissu, mauvaise rave, le suffixe asso {assa, à Montpellier) ayant les
deux sens augmentatif et péjoratif. A Montpellier et dans une
grande partie du Midi, truffa, tout court, veut aussi dire pomme de
terre. Dans la vallée de l'Hérault et ailleurs, on ajoute souvent
BIBLIOGRAPHIE 103
blanca pour désigner ce précieux tubercule alimentaire, que le riche
et le pauvre peuvent également se procurer, truffa negra étant ré-
servé à la truffe proprement dite, au diamant de la cuisine, style
Brillât Savarin. A Marseille, on dit aussi truffo.
On le voit, une substance alimentaii'c bien connue-porte des noms
tout différents dans des localités si voisines que le département de
Vaucluse et le département de l'Hérault. Combien plus doivent être
accusées les variétés dialectales des autres espèces dans les divers
pays de langue d"oc!
A l'honneur de M. Réguis, nous dirons que, suivant l'exemple des
vrais savants, il cite avec autant d'empressement que de bonne foi
les naturalistes qui l'ont précédé. 11 invoque même de nouvelles lu-
mières de la part de tous ceux qui pourront lui en fournir, en annon-
çant sa formelle intention de respecter le sttum ciiique tribuito.
Parmi les auteurs dont il invoque le témoignage, nous mentionne-
rons spécialement les suivants, dont plusieurs sont avantageusement
connus dans la science française : MM. Louis Planchon, à qui le
dictionnaire est dédié, de Seynes, Granel, Figuier, Quelet, Ferry de la
Bellone, Bonnet, Reverchon, etc., et tant d'honorables et modestes in-
stituteurs primaires, que nous ne pouvons dénommer faute d'espace,
qui lui ont fourni des renseignements et n'ont pas rougi — qu'ils en
reçoivent nos félicitations les plus sincères — de s'occuper de patois.
Réellement enflammé de l'amour de son sujet, M. Réguis ne reste
pas un simple naturaliste praticien, il en arrive à écrire de véri-
tables pages littéraires comme celle-ci : « Ce sont en effet de rudes
parasites que les champignons ; rien ne leur est sacré, rien qu'ils
n'attaquent: matières organiques en décomposition, matière vivante,
tout leur est bon, tout leur sert de milieu. Ils pullulent à l'extérieur de
notre corps comme dans son intérieur. On les trouve partout, cher-
chant comme le loup de la fable quelque chose à dévorer. Ils enva-
hissent nos maisons, nos livres, les tentures de nos appartements,
nos fruits en réserve, l'anchois dans la saumure, nas habillements,
les écailles des poissons de nos viviers, le corps des insectes, les sa-
bots de nos chevaux, les soies des sangliers, nos produits médica-
menteux, la charpie à pansements, la chair de l'homme même. Ce
n'est pas tout, poursuivent leur victime jusque dans le cercueil ; ils
la poursuivent sur la statue destinée à perpétuer son visage, et là, ils
narguent celui qui s'intitule pompeusement le roi de la création. Cer-
tains d'entre eux poussent encore plus loin leur crime de lèse-so-
ciété, ils s'établissent en parasites sur d'autres champignons.
))Et ce ne sont pas les plus robustes qui sont les plus redoutables,
bien que quelques-uns contiennent un poison subtil. Ce sont les pyg-
mées, les formes minuscules qui sont surtout à craindre; beaucoup
104 CHRONIQUE
de nos maladies et une foule de faits empruntés à la vie pratique
sont là pour attester la puissance de ces êtres infimes.
)) C'est un de ces petits champignons qui a détruit, au commence-
ment de ce siècle, le Foudroyant, vaisseau de 80 canons de la ma-
rine française, ^t la frégate Reine-Charlotte de la marine anglaise.
Ces masses de bois et de fer avaient bravé maintes fois boulets et
mitrailles; un infiniment petit, une quantité négligeable, a suffi pour
les anéantir. Eternelle lutte du lion et du moucheron !. . . »
Cette page ne serait certainement pas déplacée dans le meilleur des
recueils de littérature scientifique contemporaine.
A. ESPAGNIÏ
CHRONIQUE
Le bureau de la Société est ainsi composé pour l'année 1887 * :
Président : M. Itier;
Vice-président: M. Revillout;
Trésorier : M. Lambert;
Secrétaire: M. Chabaneau;
Secrétaire-adjoint : M. Dubouchet.
M. Alexandre-Charles Germain, doyen et professeur honoraire de
la Faculté des lettres de Montpellier, est mort le 26 janvier 1887 à
l'âge de soixante-dix-sept ans. M. Germain ne faisait pas partie de la
Société des langues romanes. Mais il a rendu trop de services à nos
études, en général, par ses savantes publications, à plusieurs d'entre
nous en particulier par ses conseils et ses obligeantes communications,
pour que \&Rerue des langues romanes n'ait pas le devoir de s'associer
aux regrets que sa mort a inspirés et aux hommages qui ont été ren-
dus à sa mémoire. Ce sont, au reste, deux membres de notre Société,
M. Castets et M. Revillout, qui ont été, à ses obsèques, les inter-
prètes éloquents du deuil de la Faculté des lettres. Un autre de nos
confrères, il. Alphonse Roque- Ferrier, a rappelé, dans un excellent
article du Messager du Midi, les titres de M. Germain à la recon-
naissance des érudits, en signalant, en particulier, parmi les documents
si nombreux qu'il a mis au jour, ceux qui intéressent spécialement
' On a omis d'indiquer, en temps utile, la composition du bureau pour
l'année 1886. Nous la donnons ici pour mémoire :
Président: M. le docteur Espagne;
Vice-président: M. Itier;
Secrétaire-adjoint: M. Chassary;
Secrétaire et trésorier, coramme ci-dessus.
2 Le concours artistique a pour triple programme: l'un dessin: Apo-
théose de Tlicodore Aiibanel ; 2o une statuette d'arlésienne: Mii-eille ;
3o mise en musique de la pièce xiv de la Miôugrano entre-duberto.
CHRONIQUE 105
nos études. Et c'est encore un autre membre de notre Société, M. Mi-
chel Bréal, qui, en sa qualité de président de l'Académie des in-
scriptions et lu'lles-lettres, a prononcé, dans la séance du 4 février
de cette Académie, un élof^e de M. Germain où les ouvrages et le ca-
ractère de l'auteur de l'Histoire de la commune de Montpellier sont
magistralement appréciés.
SOCIETE DES FELIBRES DE PARIS.- Jeux floraux de
1887. — Septième Concours.
Les Jeux floraux de Paris, organisés par la Société des Félibres,
comprendront cette année, comme en 1886, un concours littéraire et
un concours artistique.
Le Félibrige parisien maintient l'adjonction aux sections précé-
demment établies du concours de sculpture et du concours dit clas-
sique, destiné à répandre le goût des études félibréennes parmi les
élèves des classes d'humanités. De nouveaux prix sont attachés à ces
utiles créations.
La distribution solennelle des récompenses aura lieu, suivant l'usage,
en mai prochain, àl'occasion des fêtes annuelles des félibres parisiens,
auxquelles sont conviés tous les amis de la littérature méridionale.
Voici les parties du programme qui concernent la littérature :
Concours littéraire. — A. Prix du Ministre de l'Instruction pu-
blique, à la meilleure étude en prose française sur ce sujet." les Fem-
men troubadours (jusqu'à Clémence Lsaure inclusivement).
B. Prix: une médaille de vermeil, an meilleur envoi (prose en lan-
gue d'oc) sur ce sujet : les Feux de la Saint-Jean.
C. Prix: ime médaille de vermeil, à la meilleure poésie en langue
d'oc sur ce sujet: Théodore Auhunel.
D. Prix: une médaille d'argent, au meilleur sonnet en langue d'oc
sur ce sujet: la Truffe noire.
E. Prix : une médaille d'argent, à la meilleure ti-aduction en lan-
gue d'oc (prose) du passage ci-après du livre II du roman les Miséra-
bles, de Victor Hugo (la Chute): le soir d'un jour de marche, jusqu'à
cette phrase: les soirées d'octohre y sont froides.
F. Prix: une médaille de vermeil, à bi meilleure poésie en langue
d'oc sur ce sujet : les Fêtes du Soleil à Paris.
Concours classique. — Pourront seuls concourir les élèves in-
scrits aux classes d Iiuinanités ou ceux qui suivent des cours d'ensei-
gnement secondaire, quel qu'en soit le caractère (la classe et le cours
doivent être indiqués sous pli cacheté, après le nom de l'auteur).
A . Prix : médaille d'argent et un exemplaire de la nouvelle édition
de Mireille (Lemerre, éditeur), à la meilleure traduction en langue
d'oc (prose) de la première églogue de Virgile {Tltijre, tuiyatulœ, etc.)
B. Prix : Médaille d'argent et un exemplaire des Contes de Rou-
manille, à la meilleure traduction en langue d'oc (prose) du passage
des Caractères de La Bruyère, ci-après désigné : le Distrait (Ménal-
que descend son escalier, etc.), jusqu'à la phrase : la nuit arrive, qu'il
est à peine détrompé.
N.B. — Les divers dialectes romans du midi de la France pour-
ront être employés par les concurrents.
106 CHRONIQUE
Prix Florian. — Une médaille de vermeil grand module, à la
meilleure poésie en langue française sur ce sujet : Florian. — La
poésie classée la première sera lue aux prochaines fêtes de Sceaux par
l'un des acteurs des théâtres nationaux .
AVIS. — La Société des Félibres croit utile de faire connaître, dès
à présent, que le prix du Ministre de l'Instruction public^ue sera ac-
cordé, en 1888, à la meilleure étude en prose française sur le sujet ci-
après : Théodore -4 ît&a?ieZ (Poésies, théâtre, discours).
LTn habile artiste, dont la réputation n'est plus à faire dans le
Midi, M. Edouard Marsal, a dessiné d'après nature, le lendemain
même du décès, Théodore Aubanel sur son lit mortuaire.
Cette œuvre, jusqu'ici inédite, est d'une vérité frappante, d'une fi-
nesse d'exécution hors ligne. Le grand félibre a eu, comme on le
sait, une agonie très-calme. Le fidèle dessin de Marsal le représente
venant de franchir le moment suprême, sans la moindre altération des
traits, dans toute la sérénité d'un tranquille sommeil. C'est Aubanel
vivant encore, saisi en quelque sorte à la dernière minute de son
existence, et, n'était le pieux appareil dont la famille avait entouré la
couche funèbre de son illustre chef, on se prendrait à attendre son
réveil.
MM. Hamelin frères, directeurs de l'Imprimerie centrale du Midi,
ont pensé que les personnes qui s'intéressent à la renaissance des let-
tres méridionales attacheraient quelque prix à l'œuvre de Marsal, et
seraient désireuses de posséder un souvenir si palpitant d'un des
hommes cjui ont le plus puissamment contribué à élever le Félibrige
au-dessus des attaques dont il a été l'objet et à forcer l'admiration de
ses plus acharnés détracteurs. Ils l'ont fait graver par M. Gillot, qui
l'a reproduite dans ses dimensions originales, avec l'exactitude la plus
scrupuleuse et une habileté vraiment remarquable, et ils viennent de
l'éditer avec un soin d'exécution qui leur fait le plus grand honneur.
Théodore Aubanel, sur son lit mortuaire est une œuvre d'art qui ne
sera déplacée dans aucun cabinet d'amateur. Elle est destinée à l'en-
cadrement, imprimée sur demi-raisin, avec larges marges teintées
azur etrehaussées d'un filet outre-mer. Elle est vendue à un prix très-
modéré*, accessible à tous, et qui lui assure un plein succès auprès
des nombreux admirateurs d'Aubanel.
Nous sommes heureux de pouvoir annoncer un autre hommage à
la mémoire de Théodore Aubanel, que lui prépare la piété de ses fils:
il s'agit d'un recueil des principaux discours et articles prononcés
et écrits à l'occasion de sa mort, auxquels seront joints des extraits
de ses œuvres. M. Louis Roumieux donnera aussi ses soins à cette
publication, qui sera comme le tombeau du noble poëte, dont il fut
l'ami le plus intime.
*
Et, puisque nous venons de nommer Louis Roumieux, n'oublions
' Ce prix est de 2 fr . pour les exemplaires pris à Montpellier, et de 2 fr . 50
par la poste, emballage sur rouleau.
CHRONIQUE 107
pas de mentionner, avec les justes éloges qu'elle mérite, la très-élé-
gante plaquette qu'il vient de publier* sous le titre de « Costo-hello,
ouinagi à gcnto donc Antounin Glaize. »
A ce poétique hommage, Théodore Aubanel devait s'associer. La
dernière lettre qu'il a écrite nous l'apprend d'une façon touchante.
Cette lettre est imprimée en tête du volume, et elle est suivie d'un
beau sonnet d'Antouiu Glaize à la mémoire du poëte. La publication
de Louis Roumieux se trouve être ainsi, en même temps qu'un hom-
mage à M™*' Antonin Glaize, un nouvel et précieux hommage à la
mémoire d'Aubanel .
La bibliothèque des « Littératures populaires de toutes les nations »,
publiée par MM. Maisonneuve et Charles Lcclerc, s'est enrichie ré-
cemment d'un nouveau volume qui ne sera pas le moins recherché
de cette élégante et instructive collection. Il a pour titre: Traditions
indiennes du Canada nord-ouest, et comprend cent trente-deux lé-
gendes recueillies, durant un séjour de vingt ans chez les tribus in-
diennes de cette région, par ]\I. Emile Petitot, ancien missionnaire.
A la fin de chaque partie du recueil (il y en a sept, nombre égal à
celui des tribus dont les traditions sont rapportées), M. Petitot donne
un spécimen de la langue de chacuue d'elles, accompagné d'une tra-
duction littérale, qui ajoute, pour les linguistes, un attrait de plus à
sa belle publication.
*
» ♦
Une nouvelle revue, à laquelle nous souhaitons le meilleur succès,
et qu'il serait superflu de recommander à nos lecteurs, vient d'être
fondée à Paris, sous le titre de Revue des patois gallo-romans . Elle
est publiée par M. J. Gilliéron, maître de conférences à l'Ecole pra-
tique des hautes études, et M. l'abbé Rousselot, chargé du cours
d'histoire de la langue française à l'Ecole des Carmes. Nous repro-
duisons avec plaisir le programme c^ui nous a été communiqué.
Objet de la Revue. — La Revue des patois gallo-romans a pour
objet :
1° De recueillir tout ce qui reste encore des patois parlés dans les
limites de l'ancienne Gaule et des colonies françaises :
2° De fournir à ceux qui s'intéressent aux patois le moyen de faire
profiter la science de leurs recherches et de leurs travaux ;
3" De faire connaître les méthodes d'information réclamées par les
exigences de la science;
4° De propager un système graphique uniforme qui permette de
représenter exactement les sons et de comparer sûrement entre elles
les données fournies par les différents patois ;
5° Enfin de publier des articles de fond qui intéressent les études
de patois et de philologie gallo-romane.
Opportunité de la Revue. — Il n'y a pas un village de France, de
Belgique et de Suisse, qui ne contienne dans son patois quelque par-
ticularité intéressante à signaler, et qui ne puisse apporter des lu-
mières soit sur l'histoire de la langue fi'ançaise ou de la langue pro-
vençale, soit sur l'étude si importante de la transformation des sons.
1 Avignoun, empremarié Aubanel fraire, 32 pp. in-4o.
108 CHRONIQUE
Or les patois disparaissent rapidement. Il faut se hâter de les recueil-
lir, si l'on ne veut pas laisser périr toutes les richesses qu'ils renfer-
ment.
D'autre part, la science des langues a, depuis quelques années,
porté son attention sur les parlers populaires. Mais les matériaux lui
manquent, La Revue des patois gallo-romans vient donc à son
heure .
A qui s'adresse la Revue? — La Revue des patois gallo-romans
s'adresse donc tout à la fois aux savants, qui y trouveront des maté-
riaux dignes de foi et faciles à interpréter ; aux amis de notre litté-
rature populaire, à qui elle offrira des contes, des chansons, des pro-
verbes, etc.; aux plus humbles travailleurs, à qui elle servira d'or-
gane pour faire connaître soit le glossaire d'un patois, soit des parti-
cularités de formes ou de sens d'un mot, d'une locution, etc. Des
questions précises posées à nos correspondants faciliteront les en-
quêtes.
Dans le vaste champ qui s'ouvre devant nous, il y a place pour
toutes les collaborations, et nous osons espérer qu'il y aura plaisir et
profit pour tous les lecteurs.
Conditions d'abonnement. — La Revue des patois gallo-romans pa-
raîtra tous les trois mois, par fascicules de cinq feuilles au moins. On
a pu, en supprimant tous les frais accessoires, eu établir le prix à
12 fr. par an pour la France, 14 fr. pour l'étranger. Si le nombre des
souscripteurs le permettait, le nombre de feuilles serait augmenté.
La Maintenance de Provence du Félibrige publiera désormais, par
fascicules mensuels de 16 pages, un « librihoun », qui contiendra non-
seulement les comptes rendus des séances, les rapports, comptes de
gestion et autres documents d'ordre administratif, mais encore des
pièces en prose et en vers des membres delà maintenance et des nou-
velles littéraires. Le prix d'abonnement est de 4 francs. S'adresser à
M. Jean Moné, secrétaire de la maintenance, rue des Belles Feuilles,
17, à Paris.
La Ben Vengudo. Voilà justement ce que nous souhaitons au petit
volume que M. J.-B. Gaut, bibliothécaire de la Méjanes, à Aix, et
félibre majorai, vient de publier sous ce titre. C'est, comme le titre le
dit encore, un mystère eu trois actes, en vers provençaux, mêlés de
chant (musique de Borel). Le sujet est l'adoration des Mages et la
fuite en Egypte de la Sainte Famille. L'auteur, s'inspirant des mystères
du moyen âge, a introduit dans son ouvrage, à une dose assez forte
pour déplaire peut-être à quelques lecteurs, l'élément grotesque. Mais
cet ouvrage est intéressant, écrit dans une bonne langue, et il est à
désirer qu'il subisse le plus tôt possible l'épreuve de la scène
Le Gérant responsable : Ernest Hamelin.
Montpellier, Imprimerie centrale du Midi (Hamelin Frères).
VERS ATTRIBUES A L'ESPRIT MALIN
AVEC COMxMKNTAIRE
Dans le catalogue des manuscrits des bibliothèques des dé-
partements, le ras, H. 4 de la bibliothèque de la Faculté de mé-
decine de Montpellier est décrit de la façon suivante : « Grand
» in-folio sur vélin. — Cassiodori variarum formularum libriiv.
» — Cassiodori varise epistolse. — Sjmachi epistole . — Boetius
» deTrinitate, — Sidonii Apollinaris libri ix — Ejusdem pa-
» negiricus. — XIP-XIII* siècle.
» Fonds do l'Oratoire de Trojes, provenant de Pithou. A
» deux colonnes. Voyez les Archives de M. Pertz, t. VII,
» p. 194.»
Cette description est incomplète. Le traité deBoèce: Liber
de incarnatione Christi ad lohann. commence au feuillet 125,
recto, col. a, et finit au reclo du feuillet 127, col. a, par le mot
Explicit . Puis viennent, sans titre ni séparation aucune, les
vers latins reproduits ci-dessous et leur commentaire.
Ces vers ont été déjà publiés dans Du Cange au mot Ama-
RATUNTA. Voici l'article : «Vox factitia quse cum aliis pluribus
)) occurrit in versibus sequentibus quos eruditissimus vir D.
» le Beuf Canonicus Autissiodor. ad calcem veteris M S. 12
« sec. scriptos reperit cum hoc titulo, Vertus maligni Angeli,
» atque morali eorumdem explicatione. »
Suit le texte, où au v. 6 Du Cange donne praelatura au lieu
de prolatura ; ^m% viennent quelques remarques. « Uh'i Agarne
» dictum puto pro Agarene, Codoxiae pro Cacodoxiae, Dippus
» pro Œdippus, unde arbitror aenigmaticos esse versus, qui-
» bus ad aliquam historiae illius aevi partem alluditur. Certe
» hic versus
» Praelatura tibi jam constat munera plura
TOME I DE LA QUATRIÈME SÉRIE. — MaRS 18S7. S
110 VERS ATTRIBUÉS A l'eSPRIT MALIN
» praelatum aliquem simoniaca labe infectum arguere vide-
» tur. »
On verra que le commentaire latin dont l'abbé Le Beuf
avait indiqué l'existence n'est d'accord avec Du Gange que sur
un seul point, le sens qu'il convient d'attribuer au mot Dippus.
Je propose de covT\^ev[i\dippus, ce qui est conforme à la pro-
nonciation grecque du mojen âge, et les copistes ont pu n'é-
crire que l'un des deux i donnés par la suite tibi idippus.
Quant à l'origine de ces vers, le commentaire mentionne deux
légendes. D'après l'une, qui semble avoir été la plus répandue,
ils auraient été composés par le démon pour nuire à la foi
chrétienne ; une autre légende les attribuait aux bons anges,
et le commentateur s'ingénie à démontrer qu'ils peuvent être
entendus dans un sens favorable à la religion catholique. On
pourra apprécier si son argumentation est partout bien solide;
mais je ne puis m'empêcher d'avouer qu'elle ne m'a pas com-
plètement convaincu.
L'auteur de cette étrange composition en treize vers, nom-
bre qui en pareille matière est peut-être par lui-même digne
d'attention, paraît s'être attaché à envelopper sa pensée sous
les formes les moins intelligibles. Cela doit inspirer au moins
quelque défiance. Le commentateur, malgré son désir de don-
ner une explication orthodoxe, reconnaît qu'il j a là un mé-
lange d'emprunts faits à l'Écriture sainte et de souvenirs
païens. L'impression générale que l'on éprouve en lisant cette
suite de phrases, dont le lien échappe, est plutôt celle d'une
représentation dérisoire de divers moments de la vie du
Christ, et plus particulièrement de la Passion, Il est probable
que le théologien qui s'est donné la peine de les interpréter
en connaissait le véritable sens, et qu'il s'est appliqué à en
présenter une sorte de contre-partie; mais çàetlà, malgré ses
efforts, on entrevoit une façon d'entendre très-différente de
celle qu'il recommande.
Je ne suivrai point le bon commentateur laiin dans sa tâche
ardue, et je laisse au lecteur le soin de décider si le T7'ax
Oroales est bien le diable, et de rechercher quelle est la vic-
time immolée au sommet de la montagne, au milieu des cla-
meurs de la foule ameutée. Voici d'abord le texte de ces vers
si mal famés:
VERS ATTRIBUÉS A l'bSPRIT MALIN 111
Oppositum montem conscendere ceniis Uronten.
Anna tua dextra capios et fer capiid extra.
Hinc glailio raultos umbris mactabis inultos.
Sed piius hoc unus puerorum fert tibi inunus.
5 Lanx, que cum carne tibi diidum servit agarne,
lam prolatura tibi constat muneraplura.
Hinc et pallina datvocem: pandite liua
Fanibus indutos piscesque videte minutes.
Trax caput Orontis iacet hoc in corporc montis,
10 Quem circumstabant acies et vociferabant :
Amaratunta tili c[en]odoxia, noxia Nili
Pensa tibi. [I]dippus eris hoc in lumine lippus,
Victus araore pio. Sic cantatmaxima Clio.
Il faut avouer qu'au point de vue de la prosodie et du style,
ces vers ne mériteraient à leur auteur qu'une note assez fai-
ble : si l'on me passe le mot, qu'ils viennent de l'enfer ou d'ail-
leurs, ils ne valent pas le diable. Ils sont de l'espèce appelée
vers léonins, où le premier hémistiche rime avec le second.
Mais, pour obtenir cette consonnance, l'on a, aux vers 5, 6,
7, allongé une syllabe brève en vertu de la force de la cé-
sure, licence peu classique et assurément condamnable. Le
vers 8 finit deux fois, ce qui est également une faute. Enfin la
première syllabe d'Orontes, brève au premier vers, est em-
ployée comme longue au vers 9.
Il vaut mieux ne rien dire du style. Cependant la fin est
d'un homme tout à fait content et fier de son œuvre. Après
avoir dit au lecteur, autant du moins qu'on peut le supposer,
qu'en présence de ses énigmes il sera comme un Œdipe aveu-
glé par une trop brillante lumière, il s'écrie d'une voix triom-
phante : Sic cantat maxima Cio! se plaçant ainsi sous le pa-
tronage de la Muse antique.
Quoi qu'il en soit du mérite littéraire de ces vers, l'on y ren-
contre quelques mots étranges, qui dénotent une composition
originale et non un simple ceuton. Du Gange, à propos
à'agarne, suppose qu'il est dit pour agarene. Mais ce qu'il
nous apprend à ce sujet est peu suffisant: « Ayarnus proA^a-
renus.N'iàQ in Amaralunta. » C'est revenir au point de départ.
Si l'on veut chercher encore, l'on a:« Agareni, Sarraceni, etc.»
Il ne connaissait pas le mot et a été trompé par une simple
.'12 VERS ATTRIBUÉS A l'eSPRIT MALIN
ressemblance. Notre commentateur en sait plus long: a A^arne
» vel Agarna dicitur esse avis, cuius caro suavis est ad co-
» medendum, sed comedentes se interficit. » On a vu que Du
Cange se borne à dire à' Amaraiunta que c est un mot forgé.
Le commentateur latin j voit un mot syriaque signifiant à la
venue du Seigneur: a Amarathunta vel inaranata magis Sjrum
» quam Hebreum,quamvis ex confinio utrarumque linguarum
» aliquid et Hebreum sonet. Interpretatur autem maranata
» Dominusnostervenit,amaro^AMn^ain Domini nostri adventu
» vel reditu. » L'on a dans Du Cange, à la locution Maran-
Atha: « Voces Sjriacae, quae Dominus venit significant. Im-
» precationis genus quod in chartarum infractores intentari
» solitum erat.» Suivent des exemples, et il est renvoyé à l'ar-
ticle Maranï.Le nom de Marans, en Espagne, finit par désigner
les Maures.
Dans Codoxia,J)\x Cange voit cacocfoj?m, mauvaise doctrine.
Le commentateur l'explique par cenodoxia (/.cvo(?oçta), vaine
gloire ou vaine doctrine, et j'ai proposé d'accepter cette le-
çon, qui donne au vers le nombre de syllabes requis.
A propos du mot Dippi (v. 12), le commentateur et Du Cange
sont d'accord ; mais j'ai cru pouvoir suppléer la première syl-
labe du mot, parce que Œdipus venant de oic/tTrou; aboutit à la
prononciation Idipus (ot = i dans la prononciation grecque
moderne). Le redoublement de la consonne de la dernière syl-
labe n'est qu'une faute d'orthographe, qui a permis de faire
entrer le mot dans un vers hexamètre.
J'arrête ici mes remarques . J'ai hâte'de laisser la parole au
patient commentateur, que l'on trouvera peut-être long, mais
qui ne croyait pas avoir épuisé la matière. Ne termine-t-il pas
en disant: «On pourrait dire encore d'autres choses au sujet
de ces vers ; mais, pour le moment, ces explications doivent
suffire?' »
Hos versus composuisse fertur malignus angélus; ettamen
recta sunt, nisi fallor, que in eis dicuntur, quia nuUus mali-
gnorum spirituum quicquam agere vel loqui potest, nisi quod
• J'ai conservé exactemeulle texle du manuscrit, bieu que quelques incor-
rections paraissent dues plutôt au copiste qu'à l'auteur.
VERS ATTRIBUÉS A i/eSPRIT MALIN 113
disponente Deo permittitur. Non enim est potestas nisi a Deo.
Et videlicet voluntasquidem deraonum sempersit iniusta, po-
testas tamen eorum semper est iusta, quia voluntatem a se
ipsis habent, sed a Deo potestatem. Unde etscriptum est quia
(( spiritus domini malus irruebat in Saul.» Domini enim erat
ipse nequam spiritus per licentiam voluntatis iniuste. Sic et
iste, qui versus istoscomposuit, fortasse spiritus domini malus
fuit. Non ergo videatur incredibile quia malignus spiritus, ali-
quid loqui volens ad deceptionem fidelium, compulsus sit ea
loqui per que fidèles contra deceptionem cauti redderentur, vel
a deceptione liberarentur, quum, scriptura sancta docente,
cognovimus quod et Balaam populo Israhel maledicere voluit,
sed disponente Dei sapientia benedixit ei. Aliis tamen visum
est quod angélus sanctus hos versus composuerit, quod et nos
ipsi approbamus, licet quedam ex libris gentilium in eis cer-
namus. Sed quicumque eorum auctor sit, ecclesia, vel quilibet
fidelium, per eos docetur sive monetur liabere cautelam ad-
versus hereticos super catholicura populum insurgentes, et
gladio verbi domini percutere eos, atque diabolum, cuius ipsi
membra sunt, ab eis amputare, ut adChristum possint perve-
nire. Fallacem quoque persuasionem hostis, que per eos fit, et
mortiferam eorum doctrinam cavere monetur vocemque sal-
vatoris subtili receptaculo mentis percipere et miraculum
quinque panum ac duorum piscium, ubi reseratio testamenti
veteris figurata est, intelligere. Dehinc per huius vocis intel-
ligentiam panumque fractionem ostenditur eiusdem crudelis
adversarii deiectio, dum ad Christum convertitur magna pars
hereticorum,qui eiusdem bostis erant membra etundique de-
fendebantur contra catbolicos ab heresiarchis oblatrantibus ;
sed et ipsorum heresiarcharum perditio demonstratur, que fiet
in adventu.iudicis, quin in abjssum eos arrogantia eorum de-
merget. Rursumque monetur quilibet nostrum ut lancem iuste
ponderationis teneat, et videbit in sentenciis hereticorum te-
nebras, in quibus imperiti lumen esse putant, si pie religionis
amor in eius corde regnaverit.
Quia ergo sensum versuum istorum breviter prelibavimus,
iam de bis, prout dominus dederit, tractare incipiamus. Ait
namque eorum compositor, quisquis ille fuerit, Oppositum
montem conscendere cernis Orontem, et cetera. Orontes dicitur
114 VERS ATTRIBUÉS A l'eSPRIT MALIN
esse Babj'lonis fluvius, Babvlon vero, que interpretatur con-
fusio, civitas est seculi, cuius cives suntomnes reprobi, et est
contraria civitati Dei lerusalem, cuius cives sunt omnes electi .
Quid ergo per OronteraBabjlonis fluvium designatur, nisi lap-
sus hereticorum ad ima confusionis etnequitie mngis ac magis
semperdefluens? Mons autem huic opposituscatholicorum est
populus, fidei in immobili semper celsitudine permanentium,
de quibus canitur : « Qui confidunt in domino sicut mons
Syon. » Aliquotiens vero contingit ut subdolus ille heretico-
rum lapsus magnam sibi partem huius populi subiugans inqui-
naret. Unde nunc ecclesia, que hoc videt fieri, increpatur
quodammodo velud negligens, et ad resistendum excitatur
cum dicitur: Cernis Orontem conscoidere oppositum montem,
id est, vides quod hereticorum decursus insurgat super statum
ecclesie, quem novit contrarium perversitati sue. Quid ad hec
faciès? Numquid hec ita fieri permittes? Nequaquam. Sed in
forti dextera tua, id est in fortibus et electis doctoribus tuis,
copies arma. Hii per apostolum dicunt : « Non secundum car-
nem militamus», nam arma milicie nostre non sunt carnalia,
sed potencia Deo ad destructionem munitionum, consilia des-
truentes etomnem altitudinem extoUentem se adversus scien-
tiam Dei, et in captivitatem redigentes omnem intellectum
in obsequium Christi. In hac ergo dextera, id est spiritalibus
et electis militibus tuis, capies hec arma, per que populum
tuuni ab hereticis defendas. Vel cuilibet ecclesiastico rectori
dicitur, dextera tua, id est bona actione tua, capies arma spi-
ritalia, ut non verbis solummodo, sed et operibus résistas ad-
versariis fidei. Multo enim potentius resistit eis et debellat
eos, qui verba Dei que voce prédicat, operibus confirmât. Et
cum acceperis hec arma, amputa his capud Orontis, et fer
extra, id est abscide Sathanam ab hereticis qui est caput eo-
rum, et eice eum ab ipsis, ut ad Christum convertantur. Dic-
tum est quia Babjlonius Orontes ascendit super montem ec-
clesie, et tu capies arma, ut ei résistas, et hinc quia populus
hereticorum, id est contra catholicos insurgit, et tu armatus
occurres ei. M actabis multos gladio, id est spiritaliter interfi-
cies multos hereticorum sententia anathematis; et mactabis
eos umbris, id est tenebris infernalibus, ut vadant, et non re-
vertantur, ad terram tenebrosam et opertam mortis caligine,
VERS ATTRIBUÉS A l'eSPRIT MALIN 115
terram miserie et tenebrarum. ulii umbra mortis et nuUus
ordo. Eos dico inultos, quia Deus eos non ulciscetur, quum
iuste erunt anathematizati. lUos naraque Deus ulciscitur qui
iniuste condcmpnantur. Sed isti manebunt inulti, quia merito
sue perveisitatis erunt a te iusto anathemate dam{)nati. Sed
priusquam tu sic arma capias et mactes eos, dum adhuc in
negligentia dormitas, unus puerorum, id est singularis prin-
ceps demonum, fert tibi hoc munus, ut Orontes ascendat su-
per montem sibi contrarium. Demones enim vocantur pueri,
quia non creverunt ex quo creati sunt, et quia pulchros et
delectabiles et teneros se fingunt intei'nis aspectibus eorum
quibus amena vitiorum suggerunt. Unde et per Ysayam de
populo ludeorum vel carnalium Christianorum bis spiritibus
per nequissimas delectaciones adherentium dicitur :« et pueris
alienis adheserunt. ))Alieni quippe sunt maligni spiritus ab
omni sorte electorum, et vocantur pueri, sicut dictum est.
Horum unus est ille, qui inter eos singulari malicia notabilior
est, scilicet diabolus, et ipse feyH tibi, id est ministrat ad per-
nitiem tuam, hoc munus, id est hoc ferculum mortis, ut here-
ticorum ftuvius ascendat super montem catholicorum.. Et lans,
id est scutella gerens huiusmodi ferculum, <7we dudum servit
tibi cum carne agame, constat iam prolatvra, id est, certum
est quum profert tibi plura munera talium ciborum. Agame
vel agarna, dicitur esse avis, cuius caro suavis est ad come-
dendum, sed comedentes se interficit; et per hanc designan-
tursentencie hereticorum que delectabiliter sumuntur ab in-
cautis, sed, cum ad cor eorum pervenerint, occidunt animas
eorum. Z^an.r ergo cum carne agame, doctrina est hereticorum
cum ferculo sentenciarum carnalium etdulcium sed in occulto
mortem generantium. Et hec servit tibi,\àes>i sub obtentu
humilitatis fallaciter ministrat tibi mortiferas dapes, que per
carnem agame designantur. Neque modo cepit hoc agere, sed
dudum, id est ex longo iam tempore, sic te querit interficere
et nisi cito restiteris. Constat qxxidi iam profert tibi plura mu-
nera talium ferculorum, ut multiplici fraude ciborum huius
modi puniat animam tuam. Sed hinc, id est quia illi per sug-
gestionem talium cyborum, hoc est sentenciarum, ita dolose
moliuntur te perdere : dat etiam gallina, id est Christus, con-
tra eos per evangelium salutiferum vocem suam que te vivifi-
116 VERS ATTRIBUÉS A l' ESPRIT MALIN
cet et custocliat. Huic enim avi se similavit ipse dicens ad
lerusalem: « Quociens volui congregare filios tuos, quem ad
modum gallina congregat pullos suos sub alas, et noluisti. »
Nam infirmatus est ut nos nutriret, et fortes efficeret. Vide-
mus enim quomodo gallina infirmeturin pullis suis. NuUa enim
alia avis sic mater efficitur.Videmus nidificare passeres, co-
lumbas et alias aves quas, nisi in nidos viderimus, parentes
esse non agnoscimus. Gallina vero sic infirmatur in pullis
suis, ut, etiam si ipsi pulli non sequantur, filios non videamus,
et tamen matrem agnoscamus. Itafit alis demissis, plumis his-
pida, voce rauca, omnibus membris demissa et abiecta, ut
sicutdictum est, filios non videamus, matrem tamen agnosca-
mus . Sic ergo infirmari misericorditer dignatus est Christus
pro nobis, ut nos sub alis sue protectionis foveret, et a miluo,
id est diabolo, custodiret. Hec itaque gallina vocem sue predi-
cationis per evangelium dal, id est gratuite largitur, nullis
precedentibus nostris meritis. Sicut enim vox excitât aliquem
pigrum dum vocat eum, sic doctrina Christi, vocans nos ad
vitam, torporem a nobis excutit, et sicut una vox eum maiori
discretione profertur, ita singularis predicatio que per ipsum
Christum sonuit, discretioret intelligibilior omnibus aliis fuit
ad hanc vocem excipiendam panc?«7e /ma, id est subtiliacor-
dium retia. Sicut enim in retibus ex lino factis capiuntur ac
retinentur pisces, sic in cordibus sanctorum vox domini hac
voce prudenti in lino cordis accepta, videte indutos panibus,
id est oculis intellectualibus considerate quinque milia homi-
num quos Christus non solum saciavit sed etiam induit quin-
que panibus ut bis cooperti viderentur, dum duodecim co-
phini fragmentorum superessent.Et videte àuo's, pisces minutos,
id est minutatim divisos a domino, hoc est dicere : « Prêter
vocem salvatoris que pernovum testamentum sonat, attendite
quid significet miraculum quinque panum et duorum pis-
cium», id est spiritaliter intelligite vêtus testamentum, quia
sic poteritis evadere laqueos hereticorum. Quinque enim pa-
nes V libres Moysi significant, duo pisces prophetas et psal-
mos. Sic enim distinxii ipse dominus dicens: « Oj)ortet implerl
omnia que scripta sunt in lege Mojsi, prophetis et psalmis de
me. )) Fractio panum et piscium est apertio veterum scriptu-
rarum. Hec considerare debemus et non moi'tiferis agarne
VERS A'ITRIBUÉS A l'ESPRIT MALIN 117
carnibus per hei-eticos frandulenter pasci. Vel audita voce
Cliristi /)ow^iY(° lina, id est expandite retia predicationis ad ca-
piendum alios, facti iam piscatores hominum et adimplentes
illud lohannis « qui audit, dicat veni », et ad id docte facien-
dum videte pambus induios pùcesque minutos, ut expositum
est. Tune enim Trax caput Orontis, id est inimicus pacis dia-
bolus qui est caput hereticorum, iacel,\à est amputatum est a
pluribus suis merabris et proiectum in hoc corpore montis, id
est in hoc sublimi populo catholicorum qui sunt unum corpus
Christi. Traces quippe honiines consueveruntsemper delectari
discordiis et bellis et interfectionibus hominum, ideoque Sa-
thanas dicitur Trax, id est similis crudelitati Tracis quia est
inimicus pacis et incentor discordiarumet inimicitiarum atque
homicidiorum et omnium malorum.Qui iacet abscisus a suis
membris et conculcatus perintelligentiam vocis galline et frac-
tionis panum in hoc corpore montis quod est Ecclesia. Unde
et Dominus perYsajam dixeratruQuo modo tractavi,sic eve-
niet ut conteram Assyrium in terra mea et in montibus meis
conculcem eum. » Assyrius enim rex est diabolus. Quem Do-
minus, ut mente tractaverat, id est in consilio sapientie sue
disposuerat, contritum in terra sua, id est in Ecclesia sua vel
in mente suorum et in montibus, id est sublimioribus sanetis,
conculcavit. Hoc est ergo quod nunc iacere dicitur in cor-
pore montis ecclesiastici. Ita iacet capud Orontis, id est con-
fusi hereticorum popiili semper ad inferiora labentis. Quem
scilicet Orontemcircumstabant acies, id est undique tueban-
tur contra catholicos parate ad pugnam multitudinesheresiar-
charum et vociferabant, id est tumultum vocis adversus fidei
magistros emittebant, ut quia racione non poterant saltim
clamore vociferationis vincerent. Sic namque heretici soient
agere dum contra catholicos disputant : multitudine armantur,
non racione, et indisciplinato clamore veritatem querunt op-
primere ne populum sibi irracionabiliter subiectum, cui domi-
nari semper cupiunt, possint amittere. Sed amarathuntha, id
est in adventu Domini, codoxia tili, va.nsi gloria ipsorum here-
ticorum qui sunt similes arbori tilo, eriteis noxia plaga, id est
Rubri Maris, nam sicut Egjptii, persequentes filios Israël et
sibi arroganter subicere volentes, non illis nocuerunt, sed
sibi ipsis, quia omnes pariter submersi sunt, ita heretici, su-
118 VERS ATTRIBUÉS A l'eSPRIT MALIN
perbo fastu persequentes catholicos et sibi subdere querentes,
non illis sedsibimet ipsis nocent, quiaomnes inbaratrum per-
ditionis demergentur in adventu Domini. Amarathunta vel
maranata magis Syrum quam Hebreum, quamvis ex confinio
utrarumque linguarum aliquid et Hebreum sonet. Interpreta-
tur autem maranata « Dominus noster venit », amarathunta
« in Domini nostri adventu vel reditu.» Codoxia vero, id est
cenodoxia, grecum est et interpretatur vana gloria. Tilus au-
tem mollior et fragilior est omnibus ferme reliquis arboribus,
et fiorescitin tempore suo, videturque minutissimum fructum
gignere, sed fructus ille nichil est, quia folliculos sine granis
habet. Apte ergo comparantur heretici tilo, quia spiritale ro-
bur non habent, ut pote quos spiritus consilii et fortitudinis
non confortât, sed molles et inbecilles intrinsecus sunt, et
extrinsecus velutflorem proferunt, dum se bona opéra factu-
res promittunt, sed nullum operis vere boni fructum faciunt,
quum simulatorium et inane est quicquid boni operis agere
videntur. Sed huius tili cenodoxia, id est hereticorum moUium
et inutilium vana gloria, erit eis no:rm plaga Nili, qnin sicut
Egjptios inabjssum demerget eos amarathunta, id est in ad-
ventu Domini nostri. Sit ergo tibi pensa, id est habe libram
iusti examinis ut equa lance penses omnia et videas que sint
graviora et que leviora, ut agnoscas hereticorum verba nul-
lum pondus habere et gloriam eorum fumo similem esse, doc-
trinam autem orthodoxorum pondère veritatis atque sensus
gravidam et gloriam eorum, que in Deo est, solidam. Nam, si
ita fuerit tibi pensa, tu dippus, id est prudens ad solvenda enig-
mata sicut Edippus eris, lippus in hoc lumine sciens hereti-
corum, id est videbis banc scientiam, quam imperiti putant,
esse lumen inquinare et obscuriflcare mentis oculos, non pur-
gare etilluminare. Vel si fuerit tibi pensa iuste ponderationis,
tu qui prius eras lippus, id est sordidos et caligantes habebas
mentis oculos, in hoc lumine pravi dogmatis hereticorum eris
nunc dippus, id est divinator, hoc est enigmatum interpre-
tator et ligatorum prudens solutor; et hoc eris, si victus fue-
ris amore pio, id est sanctam [ecclesiam] repugnaveris ut he-
retici, sed libenter sensum et voluntatem vinci permiseris ab
amore pio divine religioni>!,ut in omnibus adquiescas précepte
caritatis diligens Deum ei proximum. Nam sic cuntat, id est sic
GRAMECIS 119
sepe resonat maxima Clio, id est divina sci-iptura, quum in
his dijobus preceptis universa lex pendet et prophète. Clio
namque una deMusis esse dicitur, sedhoc loco,ut dictum est,
scri[)turam sacrara désignât que nobis gaudia celestis patrie
décantât et muitiplici consolatione nos per dulcedinem sue
vocis in hoc exilio letificat. Congruit et interpretacio nobis
quum Clio dans cogitaciones interpretatur, et scriptura sacra,
dum nos docet et instruit, bonas cogitaciones nobis tribuit.
Possent et alia de his versibus adhuc dici, sed nuncista nobis
sufficiant.
EXPLICIT.
Ferdinand Castets.
GRAMECIS
Al felibre Castelnau, que ven de faire estampa,
« Ma Dinieirola », dount m'a fach oumage.
Vostro Dinieirolo ero pleno
De sôuses nous, d'escuts nouvels,
De louidors de touto meno,
Lous us bels, lous autres pu bels.
L'avès esclafado en familho,
E pèr lous amies soulomen,
GRAND MERCI
Au félibre Castelnau, qui vient de faire imprimer • Ma Tirelire ",
dont il m'a fait hommage.
Votre tirelire était pleine -— de sous neufs, d'écus nouveaux, —
de louis d"or de toute espèce, — les uns beaux, les autres plus
beaux .
Vous l'avez brisée en famille, — et pour les amis seulement, —
lîO GRAMECIS
Entre que Roumieu, malin diilho,
Fasiô 'n superbe bounimen*.
Ai lou regiscle de la festo ;
Gramecis ! ne soi regaudit :
De bouns libres, n'i a pas de resto ;
Lou vostre pares, es gandit.
Es gandit! car la pouesio,
La fe, la sano libertat,
Aco 's lou mel de la patrio,
E n'avem pas lou goust gastat.
Canto, felibre, prèguo, plouro,
Fai tindà lou rire a bel talh ;
Que toun Armado enaure l'ouro
Del patrioutique tustal.
De tas galoios Cabussellos
Retenguen lou counsel moural ;
Sou tant lindos, netos e belles,
Qu'oundrou Foustalieiro e Toustal.
1 Letro-prefaci de « Ma Dinièirola. »
tandis que Roumieux, malin drille, — faisait un superbe boniment'.
J'ai reçu ma part de la fête; — grand merci! j'en suis réjoui : —
de bons livres, il n'y en a pas de reste : — le vôtre paraît, à lui le
succès !
Le succès! car la poésie, — la foi, la saine liberté, — voilà le miel
de la patrie, — et nous n'en avons pas le goût gâté.
Chante, félibre, prie et pleure, — fais sonner le rire à foison ; —
que ton Armée exalte l'heure — de la lutte patriotique.
De ta pièce rieuse des Couvercles — retenons le conseil moral ; —
ils sont si propres, luisants et jolis, — qu'ils honorent ménagère et
ménage .
> Lettre-préCace de Ma Tirelire.
GRAMECIS 121
De tounAse, pauro vittimo,
Se pourrio faire lou sirabel
De l'umanitat, unanimo
A crida sebo al mal nouvel.
Ai ! malurs, doulous e misèro,
Es lou lot de Fumanitat;
Es'aviôpas, sublimo espèro,
Crezenso à l'immourtalitat,
Pla mai que de l'ase bramaire,
Reguinnaire, lourd e testut,
De Tome estrifat de desaire
Calriô plane lou sort caput.
Pamens dessus sa neit escuro
Tombo d'estellos d'amoundaut:
La familho, tendo seguro,
E la pouesio, grand gaud.
D'aquel soûlas de nostre mounde,
N'as a regounfle dins lou nis
Que lou traval, d'amies l'abounde,
E V amour pur raioiivenis^.
De ton Ane, pauvre victime, — on pourrait faire le symbole
— de rhumanité, unanime — à demander grâce aux maux renais-
sants.
Hélas! malheurs, douleurs, misère, — c'est le lot de l'humanité;
— et s'il n'avait, sublime espoir, — croyance en l'immortalité,
Bien plus que de l'âne brayant, — ruant, malpropre et têtu, —
de l'homme brisé de peines, — il faudrait plaindre le sort obstiné.
Pourtant sur sa nuit obscure — tombent des étoiles d'en haut : —
la famille, abri sûr; — la poésie, joie immense.
De ces consolations de notre monde, — tu en regorges dans le nid
— que le travail, une foule d'amis, — et l'amour pur rajeunissent.
1 « Amour dau nis rajouvenis. » Devise de l'auteur.
122 GRAMECIS
D'uno dinieirolo aclapaire,
Te carra lèu laramplassa:
Quand on es nascut espargnaire,
On pot pas jamai s'en passa.
E dessus sa panso redouno,
Marsal, tourna-mai inspirât,
Metra la liste poulidouno
Des cants nouvels qu'auras rimât.
Adounc, quand -d'aquelo coumoulo
Paras sali lous picalhous,
Bravo ! diren toutes en foulo,
La prumieiro a fach de pichous.
E benastrugarem lou paire,
Moudeste e fort, valhente dous,
Que, dins la lenguo de sa maire,
Al lioc d'un trésor n'aura dous.
F. DONNADIEU.
Beziès, 4 févrié 1887.
Une tirelire brisée, — il t'en faudra bientôt une autre : — quand on
est né économe, — on ne peut plus s'en passer.
Et sur sa'panse rebondie, — Marsal, de nouveau inspiré, — mettra
la liste gracieuse — des chants nouveaux que tu auras rimes.
Or, quand de celle-ci comblée — tu feras sortir les monnaies, —
bravo ! dirons-nous en foule, — la première a fait des petits.
Et nous féliciterons le père, — modeste et fort, vaillant et doux, —
qui, dans la langue de sa mère, — au lieu d'un trésor en aura deux.
F. DONNADIEU.
Béziers, 4 février 1887.
RIRE E PLOUR
A bèu cop mai de sabour
Lou rire que lou plour bagno ;
Coumo uno perlo d'eigagno
Sul sen rose d'ano flour,
A bèu cop mai de sabour
Lou rire bagua de plour.
La vido a pèr noste cor
Tant de chaie, car la mort
Nous espincho de tout caire
Coume un traite e marrit laire.
Qu'enchau?A mai de sabour
Lou rire que lou plour bagno ;
Coumo uno perlo d'eigagno
Sus la raubo d'une flour,
A bèu cop mai de sabour
Lou rire bagna de plour.
De que sem? De que sem pas?
De la guerre ou de la pas.
RIRE ET PLEURS
II a bien plus de saveur — le rire que les pleurs mouillent ; —
comme une perle de rosée — au sein rose d'une fleur, — il a bien plus
de saveur — le rire mouillé de pleurs .
La vie a pour notre cœur — tant d'attraits, car la mort — nous
épie de tous côtés — comme un traître et maudit larron.
Qu'importe? Il a plus de saveur — le rire qu'un pleur mouille ; —
comme une perle de rosée — sur la robe d'une fleur, — il a bien plus
de saveur — le rire mouillé de pleurs.
Que sommes-nous? Que ne sommes-nous pas? — De la guerre ou
194 RIRE E PLOUR
E (iôu bonur barrulaire
Quau ten lou secret, pecaire?
Ah ! manco pas de sabour
Lou rire que lou plour bagno ;
Coumo uno perlo d'eigagno
Penjado au cou d'une fllour,
A bèu cop mai de sabour
Lou rire trempe de plour.
I a mai de milo e milo an
Que l'orne lou vai cercan
Lou secret dôu grand mistèri
Que pourrie nous rendre lèri ;
Desempiei, a de sabour
Lou rire que lou plour bagno ;
Coumo perleto d'eigagno
Au front lusent d'une flour,
A bèu cop mai de sabour
Lou rire trempe de plour.
Aqueu que lou troubara
Au destin coumandara ;
Clavaranoste martire,
E sans ploura pourren rire.
de la paix. — Et du bonheur vagabond — qui tient le secret, hélas ?
Ah! point lie manque saveur — au rire que les pleurs mouillent ; —
comme une perle de rosée — qui tremble au cou d'une fleur, — il a
bien plus de saveur — le rire trempé de pleurs.
Voilà des milliers d'années — que l'homme le va cherchant — le
secret du grand mystère — qui pourrait nous rendre joyeux;
Depuis, combien de saveur — a le rire qu'un pleur mouille; —
comme une perle de rosée — au front brillant d'une fleur, — il a bien
plus de saveur — le rire trempé de pleurs.
Celui qui le trouvera — commandera au destin ; — il finira notre
martyre, — et sans pleurer nous pourrons rire.
I
RIRE E PLOUR 1?5
Paraens i a mai de sabour
Au l'ire quelou plour bagno ;
Coumo uno perlo d'eigagno
Fa mai poulido uno flour,
Sempre aura douço sabour
Lou rire bagna de plour.
MANDADIS
Au malin Proutèu-Rouraieu,
Que plouro, ris, canto, danso,
Mandi un gramecis agradieu';
A tauloen Tounour de la panso,
Au soulèu de dous iue vieu,
A Costo-Bello l'estieu
Em' uno gento assistance,
Ou per lausa lou bon Dieu,
A toujour lou fieu,
Roumieu.
F. DONNADIEU.
* Pêr soua pouemo de Costo-Bello e tout ço bèu que l'acoumpagno.
Pourtant il est plus de saveur — au rire que les pleurs mouillent ;
— comme une perle de rosée — rend plus jolie une fleur, — toujours
aura plus dé saveur — le rire mouillé de pleurs.
ENVOI
Au malin Protée-Roumienx, — qui pleure, rit, chante, danse, —
j'envoie un merci gracieux ; — à table en l'honneur de la panse, — au
soleil de deux yeux vifs, — à Coste-Belle l'été — avec une aimable
assemblée, — ou pour louer le bon Dieu, — il est toujours le premier,
■ — Roumieux.
Frédéric Donnadieu.
Béziers, 26 février 1887 .
9
LA FOURNARINO
I
A Rafaël Sanzio
Pelsses d'un blound daurat, uelh d'azur, grand e vieu ;
Nas à prou-peno arquât, bouqueto ferrao efresco,
E dambe soun frount large e soun aire agradieu,
Nous la mostros, ta migo inmourtalo qu'envesco.
0 Mèstre délicat e cremant de passieu,
Metes la que pourtèt miclios à pleno desco
Al Parnasse Clio, l'adreitosdins la fresco
D'Eliodor e per la Transfiguracieu.
Vivento, le colh nud e sens cap de beliso,
La fas sus un papiè qu'an troubat à Veniso,
Retrat que, dejoubs, porto un sounet delicious.
Labelo Fournarino ! Après l'abe pintrado,
Raiant de glorio cando, ô Mèstre, l'as cantado,
Toutjoun dambe l'engenh superbe e gracions
28 de mars 1878.
LA FORNARINE
I
A Raphaël Sanzio
Cheveux d'un blond doré, œil d'azur, grand et vif; — nez à peine
arqué, bouchette ferme et fraîche, — et avec son front large et son air
agréable, — tu nous la montres, ta maîtresse immortelle qui charme.
0 maître délicat et brûlant de passion, — tu places celle qui porta
miches à pleine corbeille — au Parnasse Clio, tu la dresses dans la
fresque — d"Héliodore et dans la Transfiguration.
Vivante, le cou nu et sans aucune pai'ure, — tu la fais sur un
papier que l'on a trouvé à Venise, — portrait qui, au-dessous, porte
un sonnet délicieux.
La belle Fornarine ! Après l'avoir peinte. — raj'onnante de gloire pure,
ô Maître, tu Tas chantée — toujours avec le génie superbe et gracieux.
28 mars 1878.
LA FOURNARINO 1Î7
II
Sounet de Rafaël Sanzio
Coumo la vesi e coumo esclairo clins raoun cor,
La tieu' grando bèutat, ma pincelado franco
N'es pas à la pintra parivo, e me fa raanco,
Per ço qu'è flaco ma per un amour tant fort.
Atal soun tourmentât de l'enfinido ardou !
Visatge al tint rousat se coumoul à pèl blanco,
An, dambe la redoundo e mai delicado anco,
Poulidesso qu'embabarilho d'esplendou.
L'ensemble a moun pensa talonàent emaugut
Que l'art nou sap pas mai, 'co's pr'aco qu'enemigo
Fec la ma que pel pla retraire n'è maugut.
A forço d'estudia fisse à la douço amigo,
Bèutat que soulomental cel aurio cregut,
Fan que moun désira coumplis la mieu' fatigo.
28 de mars 1878.
Auguste FouRÈs.
II
Sonnet de Raphaël Sanzio
Come la veggo e chiara sta nel core,
Tua gran bellezza il mio pennello franco
Non èin pin gère egual e viene manco,
Perché debol riman per fort amore.
Si mi tormenta lo infinito amore l
11 volto roseo, il seno colmo e bianco,
Con lo rotonde dilicato fianco
Ha di vagghezza che abbaglia di splendore.
L'ensieme allô pensier tutto commosse
Che atto non fé il saper percio nemica
Face la man chel al ben ritrar non mosse.
Ognor fisso studiar in dolce amica
Quella beltà che in ciel credea sol fosse.
Fia che il desiar complirà la mia fatica.
(1505-1520.)
A SESTIUS
(HoRAci, Od., I, IV)
Lou ruste ivèr enfi davan Taures s'abauco :
Aici la primo dousso ; atabe vès la mar
Dessus la ribo à sec ou fatz glissa la nauco
E gaujous lou lauraire o quittât soun fou car.
Lous troupèls delargats al sourel s'espandissou,
Debarbasto es pas pus emblanquezit lou prat,
Fo cla de luno e, gais, lous jouvencels courissou
Per parels al cbauri qu'o Venus entrincat
Vezèn qu'escletamen las Ninfos e las Grasses
En batten la mesure i trepeiou lou sou,
Doumentre que pus ièn reboumbissou las massos
Des Cjclopos qu'arden Vulcan sans trego esmou.
A SEXTIUS
Enfin le rude hiver fait place aux vents propices,
Au printemps ; vers la mer on traîne les vaisseaux ;
Le laboureur des champs recherche les délices,
L'étable a relâché les paisibles troupeaux.
Des prés naguère blancs le givre se retire,
La lune éclaire, et gais, empressés, nous voyons,
A la danse où Vénus souriant les attire.
Par couples, accourir et filles et garçons.
Là viennent simplement les Nymphes et les Grâces
Pour fouler le gazon en cadence à leur tour ;
Cependant le marteau des Cyclopes tenaces
Aux forges de Vulcain retentit nuit et jour.
Puisque le renouveau fleurs et myrte nous donne.
Que l'arbre se revêt de rameaux verdoyants,
Tressons dans les jardins une belle couronne
A SBSTIUS 119
A l'entour del cap lis eau mettre uno courolo
De murtro bonoulento e de nouvèlos flous
Vengudos, despiei pauc, sus la terro prou molo ;
Aro eau massoulà dedin lou bosc oumbrous ;
Nous eau plaire à Faunus e sannà per sa festo
Uno agnèlo ou, se vou (el o pas qu'à parla),
Un cabrit. — Adejà la Camardo s'apresto
Desdegnouso à veni per nous fà tremoulà.
Desearado elo vo, piquan, à la boubouso,
Couro à l'uis d'un raesqui, eouro al palai d'un rey :
E per que sap aco noun es la vido urouso.
Las! per un long, espèr trop eourto mi parei !
Del giméric reiaurae aven à fà lou viatge :
Nous en trufan; pamen, eau l'ai vo noun n'i sort
Per nous dire s'i vei d'un eouvit lou reinatge,
Embe de rires fols, jamai tirât al sort.
Pour eu ceindre à l'cnvi nos cheveux odorants ;
Qu'au fond des bois touffus se prépare la fête
Du Faune bienveillant favorable à nos vœux ;
Pour rougir son autel notre victime est prête ;
A cette heure il aura ce qu'il aime le mieux.
Ah! pendant que la Mort vient au hasard, que pâle
Et d'un pied dédaigneux elle heurte le seuil
Du faible ou du puissant, marquant l'heure fatale
Qui dans toute demeure amènera le deuil,
Souviens-toi, fortuné, qu'il ne vaut pas la peine,
Avec des jours bornés, de nourrir long espoir.
« Demain, demain, dis-tu, ma coupe sera pleine ! »
Mais demain, sais-tu bien si tu pourras le voir?
Bientôt dans le royaume, objet de tant de fables,
Du sévère Pluton tu subiras la loi,
Sans rencontrer chez lui des convives aimables
Qui d'un joyeux festin tirent au sort le roi.
130 A SESTIUS
GLOSSAIRE
Abaucà, calmer, apaiser.
Aures, zéphyr, petit vent frais = ital. orezzo (auritium).
Barbasto, gelée blanche.
Camardo, la mort.
Chauri, danse, ballet ;8abbatde8 sorciers ; salle de bal (chorium).
Couvit, banquet, festin, grand repas, = ital. convito.
Descarado, difforme, défigurée, hideuse (cara).
Doumentre, pendant que, cependant (dum interea).
Entrincà, mettre en train (par tragimen =lang. trin).
Escletamen, ingénuement ^ ital. schiettamente (ipar allem. schlechi.
simple).
Esmoure, émouvoir, exciter (exmovere).
Foucar, foyer, maison, domicile, = sp . ^o^ar (focarium) .
Gaujous, joyeux (gaudiosus).
Giniéric, chimérique, fantastique, = ital. chimerico.
Masse, masse, maillet, marteau ; ital . mazza, latin vmttea.
Massoulà,, assommer (mateolare).
Mesqui. pauvre, misérable, malheureux (ital. meschino).
Murtro, myrte = sp. murta ; ital. viirto, mortella; latin myrtus.
Nauco, barque ; vaisseau, navire (navïca, nau'ca).
Pauc, peu (latin ^rtMCMs).
Primo, printemps, renouveau.
Reboumbi, retentir, résonner; v. ital. rimbombio ; l&ng . reboun.
bruit.
Reinatge, la royauté du festin.
Sannà, saigner, égorger (sanguïnare, san'nare).
Sou, la terre, le sol (solum).
Tremoulà,. trembler (tremulare).
Trepeia, fouler, piétiner (tripudiare).
Trufà(si),se moquer, se jouer, = ital. trvffare.
Uis, porte (ostium).
P. Fesqvet.
SOUNETS AMISTADOUSES
A la Felibressa d'Arena, un an après soun maridage
Dona, s'aviei d'Amy lou gaubi 'scrincelaire;
S'ere Coustou, Puget, Pigala ou Bouchardoun,
Dins un marbre pus blanc qu'aleta d'alcioun,
Voudriei, emb moun cisèl, una Safô reiraire.
L'estatua courousa auriè voste bel aire,
Soun front sariè cenchat das ramels d'Apouioun ;
Entre sas mans tendriè li Risènt de l'Alzoïm;
Mourenta, à sous penous, la mar vendriè se jaire.
E sus lou pedestal veiriàs aquestes mots,
Poulidament gravats en letras majouralas :
« La planigués pas pus, o vierjas de Lesbos,
» PeR TOUJOUR PRENOUN Fi, LAGUIS, DOULOUS MOURTALAS,
» Sempre aimaire e fidèl, Faoun es revengut:
)) Venus rend a Safo que ce que i'es déugut . »
SONNETS AMICAUX
A la Féiibresse d'Arène, un an après son mariage
Madame, si j'avais d'Amy le faire magistral; — si j'étais Coustou,
Puget, Bouchardon ou Pigale, — dans un marbre plus blanc que
l'aile d'un alcyon, — je voudrais, avec mon ciseau, représenter une
Sapho.
La statue aurait votre bel air ; — des lauriers dApolIon son front
serait couronné; — elle tiendrait entre ses mains les Sourires de
l'Alzon; — mourante, à ses pieds, la mer viendrait s'étendre.
Et sur le piédestal vous liriez ces mots, — artistement gravés en
beaux caractères : « Ne l.\. plaignez plus, ô vierges de Lesbos,
» Pour toujours prennent fin, chagrins, douleurs mortelles ;
» — A JAMAIS aimant ET FIllÈLE, PhAON EST REVENU : — VÉNUS NE'
)) REND A Sapho que ce qui lui est du. »
132 SOUNETS AMISÏAUOUSES
A-n-uno Castelano
Madame, lou Rauret èi segur enfada ;
Sèmpre dedins soun ort ie plôu vo ie degouto;
La sourao di bonur d'eiça-bas Favès touto,
Car poussedas amour, pas, drudige e santa.
D'aquéu bèn tant requist sias, vous, la clau de vouto ;
Trasès à pleni man e tendresso e bounta;
Voste ome a dins lou cor uno font d'amista:
le pousan mai que d'un, )a font jamai s'agouto.
Tambèn dins lou castèu, galant niset raiôu,
Que pousse longo-mai quauque gaiard maiôu ;
Qu'après Sezeto e Jan n'en vèngue d'autre encaro.
Es tant bon pèr li vièi que lou lassig-e tèn
D'ausi, quand vèn abriéu perfuma de printèms,
Lou rire dis enfant en gaujouso fanfare.
A une Châtelains
Madame, le Rauret est sûrement enchanté ; — toujours, dans son
jardin, il pleut ou il bruine : — tous les bonheurs d'ici-bas, vous les
avez, — car vous possédez amour, paix, abondance et santé.
De ce bien si précieux vous êtes la clé de voûte ; — vous répandez
à pleines mains et bonté et tendresse ; — votre mari a dans le cœur
une vraie source d'amitié: — nous y puisons plusieurs, la source ja-
mais ne tarit.
Aussi dans le château, charmant nid raiol, — que longtemps encore
pousse quelque beau rejeton; — qu'après Suzanne et Jean il en
vienne d'autres.
C'est si doux pour les vieillards que la fatigue afflige — d'ouïr,
quand arrive avril parfumé de printemps, — le rire des enfants en
joyeuse fanfare.
SOUNETS A MISTA DOUCES 133
ANNIVERSÂRI
A-n-aquelo que se souvèn
Dins la tiero di jour que courapauson ma vido,
N'i'a forço qu'ai marca d'uno funebro crous;
Très, sens mai, an pèr sinne uno estello poulido;
Très sens mai, damisello, aquî mi joururous.
Pièi, quand moun armana, coume vuei me counvido
A festeja quaucun di remembre courons,
M'embarre dins roustau,tre moun obro coumplido,
E sounje à moun passa, li iue tôuti plourous.
Dins sa sourno liuenchour, à travès mi lagremo,
Dôuci, pleni d'amour, iéu destrihe très femo,
Qu'à travès de mi pas meteguè lou Destin. . .
Mai de tôuti li très, es vous, encantarello,
Qu'encà dins moun pantai vous moustras la plus belle,
Coume l'erias un vèspre, amount, à Sant-Martin.
ANNIVERSAIRE
A celle qui se souvient
Dans la série des jours qui composent ma vie, — beaucoup sont
marqués d'une funèbre croix ; — trois seulement ont pour signe une
brillante étoile ; — trois seulement, jeune fille, voilà mes jours heu-
reux .
Puis, lorsque mon almanach, comme aujourd'hui m'invite — à fêter
l'îm de ces charmants souvenirs, — je m'isole aussitôt le travail
achevé, — et les yeux en pleurs je songe au passé.
Dans son obscur éloignement, à travers mes larmes, — douces,
pleines d'amour, je distingue trois femmes, — que sur mes pas le des-
tin mit.
Mais de toutes les trois, c'est vous, enchanteresse, — qui dans mon
rêve m'apparaissez la plus belle, — comme vous l'étiez un soir, là-
haut, à Saint-Martin,
134 SOUNETS AMISTADOUSES
IL BACCIO
Or che '1 ciel e la terra e'I vento tace.
Petrarca.
Ebri, bessai d'amour, bessai de pouësio,
Bèn aprè? miejo-niue, emé vous à moun bras,
Triounflant, ufanous, quitave la sesiho,
Pamens vouscouneissiéu que d'un jour tout-escas.
Deforo s'ausissié ges de cant d'auceliho,
Pas mai que s'ausissié lou brut de nôsti pas :
Li mot que nous disian èron de letanio ;
Mai souvent iéu parlave, e vous respoundias pas.
Quand fougue se quita, de iéu proun vous sarrères ;
E, bello que noun-sai, sus ma bouco pausères
Un d'aquéli poutoun qu'i dieu aurien fa gau :
Istave aqui, 'smôugu, sens saupre de que dire,
Quand vous, prenguènt ma man, faguès em' un sourire
«Lou rendrés is anjoun que dormon à l'oustau!»
LE BAISER
A cette heure où le ciel et la terre et le vent se taisent.
(Pétrarque.)
Enivré, peut-être d'amour, peut-être de poésie, — bien après minuit,
avec vous à mon bras, — triomphant, radieux, je quittais rassemblée,
— et cependant je ne vous connaissais que d'un jour à peine.
On n'entendait au dehors aucun chant d'oiseau, — pas plus que
Ton n'entendait le bruit de nos pas : — les mots que nous nous di-
sions étaient des litanies ; — mais souvent je parlais, et vous ne ré-
pondiez rien.
Lorsqu'il fallut se quitter, vous vous êtes approchée de moi, — et,
belle à ravir, vous avez déposé sur ma bouche — un de ces baisers
qu'eussent enviés les dieux :
Je restais là, ému, ne sachant que dire, — quand prenant ma main,
avec un sourire, — vous avez ajouté: «Vous le rendrez aux petits
anges qui dorment chez vous! »
SOUNETS AMISTADOUSES 135
VIAGE EN MAJl
l'gènti fado que fuguèron li coumpagno
de moun escourrido à, Loundro
Lou viage es agradiéu quand on a la mar semo, ~
Lou jour la souleiado, e la niue lou cèu clar;
Quand, i forti sentour qu'adus lou vent dôu larg,
Se mesclo, enebriant, un dous perfum de femo.
Es un chale divin : on leisso à tout asard
Vaga soun cor, que lèu dins un autre s'estremo ;
On fugis lou reèl, toujour plen de lagremo,
Pèr viéure dins lou raive, ounte i'a rèn d'amar.
Vous dereviho pas lou sourd murmur de l'oundo,
Nimai lou bressamen foulas dis erso bloundo ;
Mai un casoai de chato, un rire, acô sufis.
A vautri revenès, e, mirant la poulido,
— Uno nimfo. Venus just de Taigo sourtido, —
Vous dises, amourous : « Gambie de paradis. »
VOYAGE EN MER
Aux charmantes fées qui furent les compagnes de mon excursion
à Londres
Le voyage est agréable quand on a la mer calme, — le jour un
gai soleil, et la nuit le ciel limpide; — quand, aux fortes senteurs
que le veut du large apporte, — se mêle, enivrant, un doux parfum
de femme.
C'est un ravissement divin: on laisse à tout hasard — errer son
cœur, qui bientôt dans un autre s'enferme; — on fuit le réel, toujours
riche en larmes, — pour vivre dans le rêve où rien n'est amer.
On n'est réveillé ni par le sourd murmure des ondes, — ni par le
cahottement de la blonde vague ; — mais un cri de jeune fille, un
éclat de rire suffisent.
On revient à soi, et, admirant la belle, — une nymphe. Vénus sor-
tant des flots. — amoureux, on se dit: « Je change de paradis. »
136 SOUNETS AMISTADOUSES
LIS ISPIRARELLO
A Madamo E. Marsal
Ta de femo que Dieu, au premié jour, marqué
D'un sinne Je sa man ; pièi, ie dounant belesso,
Amour, bounta. grand cor, douçour, vivo arderesso,
— Tôuti li reiauta, — sus terro li traguè.
Un artisto autant lèu faguèt uno escoumesso :
« Mountarai jusqu'à tus, ô bello! » se digue;
E, trespourta, subran au prêta s'atrinquè.
D'un inmourtau cap-d'obro ilustrè sa divesso.
0 vautri qu'avès fa pensa li majourau,
0 Lauro, Beatris, ]\Iirèio de Mistrau,
Elviro, Leonor, Zani, La Fornarino,
Dôu pedestau mounté vous a plaça l'Amour,
Sourrisès, quand d'en bas vous mounto uno rumour,
1 sorre qu'an au front uno marco divino.
LES INSPIRATRICES
A Madame E. Marsal
Il est des femmes que Dieu, au premier jour, marqua — d'un signe
de sa main ; puis, leur donnant beauté, — amour, bonté, grand cœur,
douceur, ardeur vive, — toutes les royautés, sur terre il les jeta.
Un artiste aussitôt fit une gageure: — « Je m'élèverai jusqu'à toi,
belle », se dit-il, — et, transporté, subitement il se mit à l'ouvrage,
— et illustra sa déesse d'un chef-d'œuvre immortel.
0 vous qui avez fait penser les maîtres, — ô Laure, Béatrix, Mi-
reille de Mistral, — Elvire, Éléonore, Zani, la Fornarine,
Du piédestal où l'amour vous a placées, — souriez, lorsque d'en
bas il vous arrive une rumeur, — aux sœurs qui ont au front un divin
signe .
SOUNBTS AMISTADOUSES 137
Ll FIO DE SANT JAN
A-n-uno pageso
Celle qui dans la nuit neuf feux visitera,
Avant la fin de l'an saint Jean la raarîra'
Et ses compagnes
Chantaient: «Renée a vu neuf feux de la Saint-Jean,
Elle aura soa époux avant la fia de l'an. »
(Brizeux, les Hêtres de Lo-Théa.)
Em' eu, chatouneto, — oh ! lis ai coumta, —
Es bèn mai de nôu que n'avès sauta
Di fiô de sant Jan, sant Jan lou segaire,
Elou maridaire, e lou batejaire.
Un mot prouverbiau noun pou desfauta ;
Après sego adoune, l'eirôu desmounta,
Emé lou voulé de paire e de maire
Mero e capelan 'lestiran Tafaire.
LES FEUX DE LA SAINT-JEAN
 une paysanne
Celle qui dans la nuit neuf feux visitera,
Avant la fin de l'an saint Jean la marîra.
Et ses compagnes
Chantaient:» Renée avuneuf feux de la Saint-Jean,
Elle aura son époux avant la fin de l'an
(Brizeux, /es Hêtres de Lo-Théa.)
Avec lui, fillette, — oh! je les ai comptés, — c'est bien plus de
neuf que vous en avez franchi, — des feux de saint Jean, saint Jean
le moissonneur, — saint Jean qui marie et saint Jean qui baptise.
Un mot proverbial ne se trompe jamais; — aussi après la mois-
son, l'aire défaite, — le consentement des parents obtenu, — maire
et curé arrangeront l'affaire .
138 SOUNETS AMISTADOUSES
Viéurés quauc[ui mes vous poutenejant;
E pièi l'an que vèn, lou jour de Sant-Jan,
La bailo adurra vès la glèiso, urouso,
Un nistoun gaiard, tout rose e tout blanc,
E nôste ritou n'en fara 'n crestian !
Sautas donne li fiô, jouvenço amourouso !
P. Chassary.
Vous vivrez quelques mois vous comblant de caresses ; — et l'an-
née prochaine, le jour de la Saint-Jean, — la garde portera, heureuse,
à l'église,
Un gentil poupon, tout rose et tout blanc, — que noti'e recteur fera
tôt chrétien ! . . . — Franchissez donc les feux, jeunesse amoureuse !
P. Chassary.
VIE DE SAINT GEORGE
On m'a, de deux côtés à la fois, exprimé le désir de voir paraître
dans la Revue la suite de la Vie de saint George, dont j'ai naguère
publié le commencement, en appendice aux Litanies à\x nis . d'Avi-
gnon'. C'est pour répondre à ce désir que je donne ici la suite et la
fin de ce petit poëme. Comme pour la partie déjà imprimée, je re-
produis à peu près tel quel le ms., bornant mes corrections à ce qui
paraît indispensable pour le rendi-e intelligible, mais sans me préoc-
cuper de rétablir, là où elle est violée par le copiste, la régularité
grammaticale ou prosodique.
Le ms. qui nous a conservé cette Yie de saint George (n° 14973 de
la B. N.) renferme encore, outre une version déjà plusieurs fois
publiée du chant de la Sibylle, un autre poënie d'environ 1,200 vers,
le Débat du corps et de l'âme. Je publiei'ai avant longtemps ce der-
nier ouvrage, et je présenterai à cette occasion les observations aux-
quelles peuvent donner lieu la graphie et la langue des deux poëmes,
les caractères du manuscrit, à ce double point de vue, étant les mê-
mes d'un bout à l'autre .
Notre poëme concorde en général avec la légende de saint George,
telle qu'on peut la lire dans Jacques de Varaggio. Mais on trouvera
dans la partie que je publie aujoui'd'hui quelques détails que ce der-
nier a passés sous silence; tel est l'épisode de la veuve, qui se trou-
vait pourtant, avec d'autres particularités dont la Légende dorée ne
parle pas davantage, et dont plusieurs manquent aussi dans notre
poëme, dans une Passion de saint George, qui ne m'est connue que
par un passage de Baronius, cité par les Bollandistes, et que je re-
[iroduis ici.
(c Ibi, dit l'annaliste de l'Église, portentosa qusedam et ab omni
uiiraculorum ratione aliéna referuntur, quse quidem (ut sextée Synodi
verbis utar) non ad pietatem legentes, sed ad infidelitatem ad-
ducant. . .Leguntur in iisdem alla nonnuUa indigna Martyre, ut sus-
pectum contubernium vidu?e, ars dolosa ejusdem ad perdendos genti-
liummagos atqueeuecandos gentiles quosque, innumera praiterea tor-
nientorum gênera quibus agitatus Georgius nec mori potuit, ut, praeter
' Revue,l. XXIX, p. 246.— iApril.. t. III, p. 101.
140 VIE DE SAINT GEORGE
equuleos, ungulas ferreas, crates ignitas, rotamque mucronibus un-
dique pi'fefixam calceosque armatos clavis (quse et in aliis leguatur
actis) etiam arca ferrea, clavorum cuspidibus intus ad feriendum
aptata, praecipitium, contusiones malleis fei reis iteratae, columna in-
gentis ponderis super eum posita, ingeiitisque molis saxum super ca-
put revolutum, ferreum ignitum stratum, liquens plumbum superef-
fusum, mersio in putenm, quadraginta igniti clavi quibus est con-
fossus, œneus bos candens, mersio in puteum, ponderis ingentis saxo
ad coUum alligato . Ad h£ec fingitur ibi Dacianus quidam imperator
qui Persis dominetur et septuaginta quinque regibus imperet, sub
quo Georgius passus sit, et alia multa quse potius delirantium som-
nia quam sinceram historiam martyris prse se ferant. »
270 A près a dir
Asimeysejs â gran sospir:
« En aquest mont que vall onor
Ni benanansa * ni rricor?
[33 r°] C'atrr[e]ci morun 11 manens
275 Avladamens de mantenent. »
Tôt cant ell ac endenayret
E tôt a paures o donet.
Saplas que ell avia plus rricor
Que neguns, sal l'emperador.
280 Puey venc alegre e yoy(s)os
Ses temensa, ben conortos,
ATemperaj're Dacian ;
Diy li : « Veti mi crestian ;
Crey jQiell mens ses bausia
285 Jésus, lo flll santa Maria,
Cell que fom en la cros llevat,
Mort es aunit e clavelat,
Colpeyat e batut villmens,
Per tolre nostres falymens ;
290 Apres de mort resucitet,
E puey el cel sus c'en puyet.
Aquell fara veraysaïuens
1 Ms. henanàysa.
VIE DE SAINT GEORGE 141
Rendre, al jorn del yuyament,
A cascun segon que aura fach.
[34 r°] 295 Cer suy que tu auras mail fach,
Car tu serves non sabes a cuy.
Ydolas coles en luoc de luy,
Las calls yeu renée e desfi(s)
Et ayssi las parti de mi,
300 Et a Jesu Crist mi cornant,
De cuy ay fach sermon davant. »
Ado[n]x Dacian, an cor fell,
Gant o aus, ci gita vas ell.
« Digas mi, per call ardiment
305 As tu dich tan gran ausament
A nostres dieus tôt poderos?
Tos parajes e ta(s) ricos *
Non pot valer, si m'ayut fes,
A tu lo valent d'un poges
310 Que yeu non ti fasa mantenent
Turmentar, vesent tota gant,
Si non voles mos dieus aorar.
Ado[n]x t'ajut, si o pot far,
Cel diau(y) que apelas Jesu Crist,
315 Cuy ades as mentaugut^.
Le sans cavalier, ses temor,
Respondet a Tenperador:
[34 v°] « Tas menassas ni tos turmens
Non presi, so die, veramens,
320 Car Jesu Crist, en cui mi fi(s),
A poder de desliurar mi
De tais turmens que cuyas far. »
So dis ell ^ : « Aysso uU yeu assayar »,
Dacian al sant cavalier.
325 Apres, dos homes de mestier
Calls hom apela serados,
Espalus, grans e poderos,
* Ms. parares erasricos on erasticos .
2 Corr. E que tu ades mentauguist ?
' Corr. et, en plaçaat devaQt les guillemets ?
10
142 VIE DE SAINT GEORGE
De mantenent fes apelar,
Als calls lo cavalier serar
330 Mandet e mètre en tal manyera
Que vin amur * cerra travesiera
Puescan lo cavalier cerrar.
Aquist comensan Tobra a far
Que Dacian a comandat.
335 Ajsj con es breu traspassat,
Fom cerrat le sant cavallier.
Ado[n]x venc Dacian permier
E diy al sant cavalier mort:
« Si ton' Jésus t'agues stort,
340 Yeu crejrie que ell a poder;
May aras m'en desesper
[35 r»] Car als mages obs- t'es faljit ^. »
Enans* que ayso fos fenit,
Jesu Crist en aquell luoc fom,
345 An d'angells mot gran légion.
Can ^ tost Jesu lo mort cenjet,
De mantenent reysucitet;
Le cavalier stet sus,
Esguardet laj hom Jesu
350 Fom, que Fa fag viu e san,
E Jesu lo près per sa man
E dis que la destra que formet
Adam, que en paradis pecquet,
Aquell[a] l'a resuscitat,
355 « E ajso cresas per veritat. »
E ajso dic[h], de mantenent
Si part de luj corporall mens.
Ado[n]cx le sans cavalier tenc
Ves l'enperayre lay el renc,
360 E scridet ardidamens :
« E[m]perayre, li tieu turmens
1 Corr. Qu'am una? ou suppr, seulement ur? l\ y a dans le ms., au-
dessus de Viii du mot que j'ai lu amur, un signe de signification douteuse. —
'Ms. obp. — 3 ^\js. falit, a.w&c un y sur Yi, dans l'interligne.—* Ms. enayx. —
' Corr. Tan, el de même aux vv. 463, 566, 60i, 778? Cf. vv. 369, 790.
VIE DE SAINT GEORGE 143
On son anas, que m'avias fach ?
Ar deves creyre per atrasach
Que le myeu senj^er a gran poder.
365 Yeya le pobol si jeu die ver.»
Aqui gran conpanya de gent
Si convertijde mantenent
[35 v°] Ves la fe de Jesu Crist,
Tan tost que an lo miracle vist.
370 L'enperajre ac gran pavor
Cant vij del pobol la rimor ;
Dij que om lo cavalier preses
E comandet c'ô lu' meses,
Ses tota bruda e sesson-,
375 A la vesola ' en sa mason,
C'avia un fiU que non vesia
Ni non parlava ni ausia,
Ni aytan pauc non podie anar,
Per [r]en que la mayre pogues far.
380 Li cers an fach de mantenent
De Dacian lo mandament:
A l'arberc que a comandat
Sécréta mens l'en an menât
Lo sant cavalier e aduch
385 Ses tota bregua e ses bruch.
Cant el fom en l'arberc vengut
On era l'enfant cec e mut,
Ques a la femra un pauc de pan.
Ylly respondet que non (en) a
390 Pan ni vin ni autre manyar,
An que lo pusca confortar.
« Femra, diy ell, sabes per que
[36 r°] Tu non as pan ni autre ben ?
Car fas d'idolas ton senyor,
395 Ton dieu e ton governador,
Las cals per cert non an poder
* Sic, pour lo.— 2 Corr. resson?
5 La veuve dont il est question dans le passage deBaronius rapporté ci-
dessus, p. 139.
144 VIE DE SAINT GEORGE
De darvianda ni autre ben%
N[i] deguna autra ren.
Fol es qui en ellas pansa sa fe.
400 May, femra, si tu mi cresies,
Dyeus Jesu Crist adorarias,
Le cal pe[r] cert a plen poder
De dar so que om li vol querer. »
— « Yeu crey an tu veraya mens,
405 Diy li femra de mantenent,
E en autre ^ dieu non ay ma fe,
Que pusca valer ni far ben,
E prech que sto myeu fill,
C'aura sufer[t] aquest perill,
410 Pos que nasquet, mi deya sanar,
Que yeu su cer[ta] que ell o pot far. »
Le cavalier diy a l'enfant :
« Da part Jesu Crist ti comant,
Efant, parla e aus e ve(s). »
415 Demantenent, car yac fe
Li femra que dieus o pot far,
""se v"] Ausir e veser e. parlar
Donet Jesu Crist al contrach.
Li temra diy : « Pos tan gran fach
420 Per ta oration as volgut far,
Diy, pregue li que lu ^ fassa anar. »
— « Frema, en brieu cera
Que so que queres ton fill aura.
Esfosa* ti de Dieu servir,
425 Qu'el aunpleraton désir, »
Ayso dich, le ssans c'en yntret
E[n] una mayson e trobet
Taulas plenas de tôt bens,
Las cals angels li agron mes,
430 E poc le sans atrobar
Tot'conduch que a volgut ma[n]yar.
Cant de la taula fom levât,
1 Corr. avey? — - Ms. âtre. — ^ sic, pour Ion {lo eti); ou seulement lo?
* Pour esforsa .
VIE DE SAINT GEORGE 145
Le sans cavalier fom demandât
Davant l'enperador venir.
435 Cant fom vengut, commenset a dir
L'enperayre al cavalier :
« (T) eu* vej que an ton^ mallvay mestyer
Metes lo pobûll [sic) en aror,
Car predicas que as ssenjor
[37 r"] 440 E dieu que a plenier poder.
y[eu] crejray que tu dises ver
E que trastot podero[s] es,
Si 'stas cadieras cals veses
Tornan albres que porton fruc. »
445 Diy le ssans : « Lo cor as sluch ^
E suy cer que non dises ver ;
May, per mostrar lo gran poder
Que es^ en lo cel, en tera, en mar,
Li preguaray que o dey a far,
450 Le myeu senyor es font de ben^. »
Am tant de ginolyons ssi mes
E fes a dieu ssa oration®,
E reques cel que fes lo tron. ...''.
Que avem mentaugut davant,
455 Tornesan albres fruc portant.
Aysi con o rreques fom fach :
De mantenent per atra[sa]cb
Las* dichas cadiaras davant
Torneron albres fruc portant.
460 Gran part del pobûl (sic) que era aqui
Diy may tan gran m[ijracle no viy.
E son fach sers de Jesu Crist,
Can tost an lo miracle vist.
Dacian diy aviadamens:
465 « Ayso fas amb encantamens
E non gens per autra vertut
[37 V] Que aya le dieu que as mentaugut. »
1 Ms. en. — ' Ms. tos. — ^ Pour astut? — * Corr. a? — s Corr. bes.
*' Ms. orûn. — ' Lacune de deux vers: Que las cadieiras "? — ' Ms.
Lad.
146 "^lE DE SAINT GEORGE
Diy le sans a l'enperador :
« An lo poder, an la rricor
470 C'a le mieu ceneyr omnipotent,
0 fay, e ' non amb encantamens. »
Dacian li diy sonrient :
« Aora mes dieus de mantenent,
E puej ti promet que poyras
475 Far de mi tôt cant ti voiras. »
Le sans dijs ^ : « Si voles que yeu ador
Tos ^ dieus ni lur fassa onor,
Per la ciutat faras cridar
Que tut si deyan acampar. »
480 Dacian fom ado[n]cx yosos*,
Car cuyet que le sans vencut fos,
E fes cridar per la ciutat
Que tut sian de mantenent ajostat.
Can fom cridat per la ciutat
485 E guandren* foron ajostat,
Gentamens le sans près as anar
Ves los dieus quay per adsorar.
Li vesola lo près a sseguir
An gran plor e an gran sospir(s),
[38 r°] 490 E ayso dient e cridant :
« Amix, Dieu *, que sto myeu enfant,
Cec e mut e sort, m'as sanat,
E tu mesej^s resucitat
Jesu Crist a per sa vertut,
495 E aras vas a dieu cec e mut
Adorar ! senyer, non o far ! »
Ado[n]x près li gent a esguardar
La vessola el cavalier ;
E cay que per son desliurier
500 Le sans o dygua, non per allre ':
« Femra, diy el, cala, si voles.»
E, ayso dig, li fom davant:
1 Ms. e fay o. Corr. fac? — ~ Ms. dins. — 3 ^g ton. — ♦ Sic, pour
yoyos. — 5 Pour gran ren. — * Corr. tu? — ' Corr. als, et à la fin du vers
suivant, sivals?
VIE DE SAINT GEORGE 147
« Femra, dij el, gic ton enfant. »
Illy lo pauset de mantenent
505 Aqui, davanttota la gent,
Si que le pobol esguardet ',
Diy le cavalier a renfa[n]t :
« Yeu ti cornant, perlo poder
De cel que t'a donat veser
510 E t'a fach ausjr e parlar,
Que mantenent deyas anar. »
E l'enfant, davant contrach,
Mantenent s'es en pes levât
[38 v°] E vaj per tôt leugieramens;
515 Don- c'en meravilljan las gens
E adsoran Dieu Yesu Crist,
Car cel que avian mantas ves vist
Cec, mut, sort e non anant,
Veson aras de'lot ben stant.
520 Apres intret ardidament
Le cavalier de mantenent
Lay on las ydolas stan,
E venc ad Apolo davant,
E diy li que li digua ver :
525 « Per-dieu Jesu Crist lo poder.
Perque, diy ell, stas ayssi? »
Ado[n]cx Apolo respon li:
« Tan fort, diy ell, m'as conjurât
Que non ti puesc celar vertat.
530 Lo pobol, diy ell, fac arar^
Qu'estas ydolas adorar
Lur fac, en luac de dieu veray.
Que tan gran[s] vertus per tu fay. »
Diy le sans : « Quon yas"^ tant usat^
535 Qu'en luoc o Dieu ver es nônat,
Tu, foll, ti auses stancar?
Tost, diy ell, pren t'en as anar. »
[39 r°] Vay dell pe en terra ferir,
* Corr. esguardant. Ou y a-t-il une lacune? — 2 Mg. dgy, — 3 Pour fauc
errar. — ^ Pour yes; ou corr. as? — ^ Corr. ausat?
148 VIE DE SAINT GEORGE
E li terra si vaj aubrir
540 E asorbiy, vesent la gent,
Las idolas de mantenent.
Mot de cels que an aj'sso vist
Adoran Dieu Jesu Crist.
Cant Fenperayre ac ausit
545 Que le sans oms ac sons dieus aunit,
El fom irat e mot fell,
E mandet servens e donsells*
C'una gran sartan ^ fasan far
On lo cavalier puasca star,
550 E la cal sobre un gran brasier
Mandet bollir lo cavaljer.
Si cô Dacian lo turment
Déchet, lo fom facli mantenent.
En la sartan sobre lo brajer
555 An pausat lo sans cavallier.
Can tost ell fom aquy pausat,
Uns angel fom aparelyat
Que lo guardet d'aquel turment,
Ses pena e ses nosement,
560 Quell fuoc élla {sic^ flama stey ',
Si que belugua non en parey *.
[39 v"] Ayso viy° gran nôbre de gent
Se convertiy de mantenent,
E si parton de Dacian
565 E puey son fas bons crestians.
Can tost ac vist Femperayris
La gran vertut de Jesu Crist,
La corona del cap ostet
Els nobles vestis despulyet,
570 Apres venc a l'enperador,
E diy li ses tota temor :
« Crestiana suy verasamens
E, per pena ni per turme[n]s
Que yamay om mi ^ pusca far,
* Ou dousells? — 2 Mg. xartazn. — ^ Pour stec. — '• Pour parec. — 5 Corr.
vist ? — * Ms. orne.
VIE DE SAINT GEORGE 149
575 Non mi vull de Jesu Crist guarar. »
Dacian diy:« Ses tôt bestent
Venguan cil que fan lo turment. n
Vengut que son, el lur donet
Pe[r] mandament e comandet
580 L'enperayris, irat et fell,
Que jll la pendan per los cabels.
Alessa[n]dria de mantenent
La(s) gisclon fort espertamens.
Can la batian antrenant,
f40 r°] 585 Illy ci gira daves lo sant
E dij : a Sant orne, pregua per mi
Que Dieu m'adugua a bona fin ;
Plus ti l'equier que, si ti plas,
Mi dones batisme veray. »
590 Amb ajtant sas mans stent le sans,
E del cel venc ajgua rosant
An que renperay[r]is batejet.
Apres Dacian comandet
Que om Tenperayrjs proses
595 E foras la ciutat la rneses,
E perda son cap de mantenent.
Ardidamens, ses tôt bestent,
Li carnacias de enigitat'
An la dona décapitât'.
600 Can fom morta renperayris.
Al cenescal Dacian diys
Que comande ails messagies
Que tost vegnâ lo mesagier •\
Can tost agron lo mandament,
605 Adujseron, ses tôt bestent,
Li corrieu lo cavalier sant
Al fel enperador davant.
[40 V] Dacian di y al cavalier :
« An ton encantador mestier
' Sic, pour eyiiquilat, ou eniguitat? — 2 Ms. decapitar. — s Sic. Corr.
vegna lo cavaliers. On avait d'abord écrit Ig; le copiste n"a pas achevé de
150 VIE DE SAINT GEORGE
610 M'as fach renperajris aussir,
Don n'ay gran dolor e concir ;
May ci so que yeu vull demandar
An ton dieu podes acabar,
Tu non auras demant ni plach
615 De mal ni de dan que ayas fach ;
An ti die que ton dieu asoraray
Yeu, el myeu * »
Diy le sans: « Diguas ton voler ;
Dyeu Jésus Crist a plen poder. »
620 Dacian diy : a For la ciutat
Son de mors guanren soterras,
Segon que avem ausit dir ;
Ma (om) non los viy anc cebelir
Ome que viva en aques tems;
625 Pero en un luoc cay ese[m]ps
Son li cepulcre ajostat.
Pregua Dieu que auras tant guabat,
Cu Jesu Crist soles apelar,
Que los mors deya resucitar;
[41 r"] 630 Puey ti die, ci m'ajut fes.
Que yeu atendray so que ay promes. »
Le sans respondet mantenent :
« Tramet al luoc alcunas gens
C'aporton dels oses dels mors. »
535 Ado[n]cx trames messages fors
L'enperayre al luo[c] nônat
Quevenguan dels oces carguas.
Cant son tornas li mesagiers,
Recontan al sant cavalier
640 Que el luoc von a trames le sans
Non troban ose petit ni gran ;
May cepulcres an ben trobat.
On son agut mors soterras,
« E los cals de pois avem culyt,
645 Car semblen oses demonis -.»
1 La fin de ce vers manque dans le ras. Suppl. die que laissaray ? —
Corr. demenis (pour deme?iil)7
VIE DE SAINT GEORGE 15i
Aqviil] una gran quarititat
D'aquela pois an aportat.
Aquella pois que an culit
E lo cepulcre que aves ausit
650 Aporteron davant lo ssans.
E mes [s']es d'à ginj'olons davant
[41 v°] Le sans e preguet Jesu Crist
Que so que Dacian a requist
Per sa merce dea aymplir \
655 Per tal que le pobûl (sic) pusca dir
Que Jesu Crist a plen poder
De dar tôt cant hom li quer,
Cant ac sa oration côplit,
Una vos an trastut ausit
660 De suj^ lo cel que dij a luy :
« Jorgi, non timias, que an tu suy ;
Querre podes ^ tôt cant ti plaera,
Que tos demans co[ni]plis cera(n). »
De la pois que avê mentaugut
665 A on ^ resucitat e mogut
Dos cens e xxx e v alloc.
Que le sans de la oration moc.
Cant le sans viy lo[s] sucitas,
Sus lo cel a los vuels levât
670 E sa lausor a Dieu rendut,
Car a sa pregiera entendut.
De cels que son resucitas
A le sans I a ci tirât
[42 r"] E a li dich cal nô avia
675 El cegle, ni cal dieuscolia.
El respont que a nom Joël
E non cresia dieu del cel ;
May un autre dieus mut e fol,
Lo cal apelavan Apol,
680 Colia el e li cieu companyons ;
« E per ayso en la mayson
1 Ms. aymplit. — 2 Sic, pour sus.— 3 Ms. podet.— * Corr. An?
152 VIE DE SAIKT GEORGE
D'enfern penas ses tôt conort
Avem sufertat, pos fom mors,
On esperam ades a tornar,
685 Si le sans non nos vol bateiar. »
Cant ac le sans ajso ausit,
Ques aygua tost â gran scrit*;
Pero degun non li auset
Aportar so que ell demandet,
690 Car cascun avia temor
De Dacian l'enperador,
Si Ten donesan, non^ desplagues.
Layceron c'en, que plus non ques.
Lo sans fes lo cenya(n)l de Crist
695 En terra (fes), et anc tu [non] vist
Plus bêla font que li terra det,
Mantenent que le sans la cenyet ;
En la cal lo[s] ressucitatz
[42 v°] A le sans tos(y) bateyatz ;
700 Puey lur a dicli e mentaugut
Que en paradis anon trastutz %
Que el los cegra de mantenent,
Côplit son martir, ces bestent.
Ayso dich, li resucitatz
705 S'en son e paradis anas.
Que om los poc veser
Corporralmens, so die pe[r] ver.
Le pobol que era aqui
Trastot aloc si convertiy,
710 E diy cascu que creire non vol
Autre dieus may cel que Yorgi col.
Cant Tenperayre ac ausit
Que le san miracle es complit,
Si cô aves ausit desus,
715 Spautat es e scomogut,
Sus en sa cadiera estet,
Tal pavo[r] ac tôt tremolet,
< Ms. plutôt strif; scrit =^ escrit, subst. verbal de escridar. — ' Corr.
7iol ? ou A le De du vers précédeut ? — ■' Le ; a été ajouté après coup.
VIE DE SAINT GEORGE 153
E sa centura vay pausar.
Ado[n]cx près fort mens a eridar
720 E dyre : « Ca3^tiu(j), las! que faray ?
[43 r"] Ma onor c'en fug e c'en vaj,
Que Yorgi trastot lo poboU m[ieu] *
M'a tornat tôt a son Dieu,
E a cet ans no may enpyers ^
725 Que ell es estât mon preonyer.
Si ell guayre vyu, yeu suy destr[ut]*,
Car li crey toyorn sa vertut. »
Tantost sos mesagies sonet,
Als cals destrechamens raandet
730 Que yll ses bentansa^ fassan far
Un fren que Yorgi deya portar,
Per tall que non presic la gent ;
E aysa (sic) fach, ses tôt bestent,
Lo menon lay fora la ciutat
735 On an Tautryer décapitât
L'enperayris li carnacies.
Ail luoc nomnat lo cavalier
Fasan venir apertamens,
E perda lo cap de mantenent.
740 Le comant de l'emperador
Fom leu fach, ses tota legor.
Li carnaciar mail aurat
[43 v°j An lias maus a sant Yorgy [liât],
E tiran l'en ves lo turment
745 Per lo fren mot aunidament.
Del pobùl lu près asseguir
Ganren, an plos et an sospirs,
Car viron lo sans tirasar
A tan vill gent ni mail menar.
750 Can fom al luoc von le torment
Si dec far, vesent tota gent,
Le sans, car non lur poc parlar,
Aysi cô poc près a preguar
* La fin de ce mot est rognée dans le ms. — 2 Corr. entyers? — ^ Sic,
pour bestensa .
154 VIE DE SAINT GEORGE
Lo[s] carnacier[s] fort umilment
755 Que, enans que llo liurû al turment,
Pusca far a dieu uration.
Autregeron o li félon
So que le cavalier demandet.
Le sans ado[n]cx las mans Uevet
760 E dix ajso en auta vos :
(( A tu, cenyer drechuryer dous,
Dyeus Jesu Crist, requier e crit
[44 r"] Que ressipias mon sperit ;
May ti requier, plen de merce,
765 Que tos cells que auran e my fe
E marenêbransa faran,
E cels que ma festa colran
L'utana calenda de may*,
Senyer, guarda los, si ti play,
770 De mal e de greu enfermetat,
E lur aver de mortaudat,
Ni le diable aya - poder
A lur perssonas de noser.
Tu, cenyer, en perili de fuoc
775 Lur vall, es en tôt autre luoc,
Si son en terra o e mar,
Ver Dieu, ta los deyas guardar,
Can tost mo nô renêbrarran
A tu, cenyer poderos, gran. »
780 Gant ac sa oration côplit,
Una vos del cel an ausit.
Que diy, ausent tôt en apert:
« Benastruc, le cel t'es uber[t];
[44 V] Ven, iiitra t'en, que autreyat
785 A Dieus tôt cant as demandât. »
Ausit ayso,ardit stet,
Pueys umyl mens son cap elinet
Ves los malvayses carnacias
Le benastruc sant cavalier.
1 Le 23 avril. C'est ce jour-là que l'Église célèbre en effet la fêle de
3. George de Pisidie, qui est le nôtre. — - Ms aza.
VIE DE SAIKT GKORGE 15j
790 Tau tost el ac son cap clinat,
L'an mantenent décapitât,
Et aloc son angells vengutz,
C'an l'arma près e receuput
E l'en portan alegra mens
795 Eli cel, vesent tota la gent,
E Tamenan alarricor
De paradis ' an gran onor,
On las nostras deja(n) alugar
Dieu Jesu Crist e camdelar ^,
800 Cant del vil cos deuran partir.
Tut preguem Dieus nos deja ausir.
A M B N N N .
E[x]plicit vita beati Zeorgii.
J'aurais voulu pouvoir comparer cette vie provençale de saint
George avec le poëme de Wace publié par Luzarche, sous le même
litre, en 1858. Mais il ne m'a pas été possible de me procurer ce der-
nier ouvrage.
Dans l'introduction de la Paraphrase des Litanies (Revue, XXIX,
220), j'ai oublié de mentionner une composition analogue qui fait par-
tie des poésies religieuses du ms. de Wolfenbûttel . C'est celle qui
porte le n° 18 dans l'édition de Bekker, où elle comprend 160 vers
octosyllabiques, divisés en couplets de 8 vers chacun, qui riment en
a b b a c d c cl. On la lira bientôt, ici même, dans l'édition que
M. Emile Lévy a préparée du ms. de Wolfenbûttel pour la Société des
langues romanes .
C. C.
' Ms. paridùs. — ^ Pour capdelar.
VARIETES
BOLHI, BOYE, EN FKANCO-PROVENÇAL
Le lyonnais hollii, hôye, le bressan bolia, le savoyard houille, si-
gnifient jeune fille; le hress.boyaude, fille de ferme.
Ce mot n'existe pas dans les dialectes d'oc, ni dans les dialectes du
nord: normand, picard, wallon, rouchi, Ile-de-France. Il n'existe pas
non plus dans le centre de la France ; mais dans l'ouest, il est re-
monté jusque dans l'Orléanais, où il existe sous la forme hoêle.
Dans le Dictionnaire étymologique du patois lyonnais, j'ai examiné
les diverses étymologies qui se présentafent d'abord à l'esprit : 1° vieux
fr. baille, « nutrix, famula, ancilla »/ 2° bocula ; 3° pullea. J'ai con-
clu que la première, satisfaisant au sens, était inadmissible comme
forme ; que la seconde, satisfaisante comme forme, n'était pas admis-
sible comme sens, l'image de « génisse » pour « jeune fille » n'exis-
tant que dans les poètes latins et nulle part dans les langues roma-
nes ; que la troisième étymologie, satisfaisante comme sens (puisque
lïmage de pulla, pulicella, pour jeune fille, était répandue en roman),
offrait une difficulté de forme qui devait la faii-e repousser.
Je crois aujourd'hui que bolhi est le même que l'ital. bagascia, le
prov. baguassa, prostituée; le vieux fr. baiesse, servante, avec change-
ment du suffixe acea en suffixe ucula; d'où un bas-latin *bagucula
qui donne baoulhi, devenu bouille en savoyard, bolhi en lyonnais,
bolia en bress., boêle en orléan. Ces formes sont très-régulières.
La signification de jeune fille, jeune servante, exclut pour le radie,
l'étymolog. bag, paquet, sac, présentée par Diez, en relation avec
hastard, pour fils de hast, et dont Scheler rapproche le terme inju-
rieux allem. lumpenpaclc. Il faut écarter du thème primitif tout sens
de cette nature. L'étymolog. la plus plausible (sans être le moins du
monde certaine) reste le celt. kymri iac^, .petit; d'où bachgen, un
jeune garçon ; bachgenes, une jeune 1 lie. Faut -il en rapprocher l'angl .
boy?
La dérivation de sens dans l'ital. et le prov. n'a rien d'extraordi-
naire. Elle est identique à celle qui, de putta, jeune fille, a fait ital .
puttana, fr. putain, et du vieux fr, gars, « puer », a fait garce, fille de
I
VARIETES U7
mauvaise vie. En Jura, f/arce sii^nifie encore fille, sans mauvaise ac-
ception. Au rebours, le mot àa fille, en français, est en train de pren-
dre l'acception de prostituée .
Il
CHARAT. CHAROT, EN FRANCO-PROVENÇAL
Dans le Dictionnaire où figure le mot bôlhi, j'ai aussi inséré le mot
charat, coup de poing, giffle, en Lyonnais ; charot. charat, blessure,
en Dauphiué. Je n'ai pas su en donner l'étymologie, et n'ai présenté
quelques h3'po thèses que pour en montrer le peu de fondement.
Je crois aujourd'hui que le mot vient du vieux haut allem. scëran,
scëren, moy. haut allem. schem, « tondere », nordique shëra, ail. sche-
ren, fendre, couper; suédois skdr, dan. skaar, vieux fr. escharre, en-
taille, balafre.
Au rad. scara été, selon la règle, préposé e. Puis le groupe es, qui
persiste en fr., est tombé en lyonn. (cf. chalié, de scalarium ; chi-
nard, de skina; cabelot de acahellum) .
Enfin, on a ajouté le sufï. at, d'atum, dont le lyonn. fait souvent
usage : horsat, garçon nouveau-né ; carat, petit berger ; holiat, mare.
Le dauphinois a parfois substitué le suffixe nt.
m
MAIGNA, MEYNA, EN FRANCO-PROVENÇAL
Le mot de niaigna, meyna, en franco-provençal, a deux significa-
tions bien distinctes: 1" c'est un fémin. coll. signifiant d'abord fa-
mille, ensemble des gens de la maison, puis jeunesse en général. On
le trouve employé dans ce sens au XVIIe siècle par Chapelon : « Pe-
tita meynat, veiquia un présent que je vous fouay La m.eynat de
mon tion. . .* » ; 2o c'est un maso, individuel signifiant enfant, jeune
garçon. « Ye-ton ( c'est un ) magnat-, que me convint ( chans.
bress.) »;
Rien n'est plus biau que la guarra civila,
Surtout, ménos, dins ina motrua villa. (Roquille.)
Dans un vieux noël lyonnais, on lit :
Maigna, maigna, bien devons Noé chanta;
1 Ce maigna, fém. coUect., est aujourd'hui hors d'usage.
^ Le t fiaal ne se prononce pas.
11
158 VARIETES
Et dans un autre, de 1723 :
Meigna veni atropa
A cella bella fêta.
Dans ces deux derniers exemples, maigna peut être un fém. coll.
sing., comme il peut être un maso, pliir.
Puisque j'en suis aux mea culpa, disons que, dans la seconde édition
du Noël satirique (Lyon, 1887), j'ai donné une explication inexacte
de ce mot de meigna, considéré comme masc. dans l'exemple, en y
voyant le vieux picard mesgnie, avec suffixe at, qui est inutile.
Mansïonata donne directement le franco-{)rov. maigna, meynu'
comme le prov. mainada. Dans la forme maigna, n s'est mouillée sous
lïnfluence de s (cf. champ, ègnes, vieux fi*. aisnes, et inègnie à côté
de mesgnie. Romanïa, XV, p. 619).
Meigna masc. répond à mansionatum . De même, en prov., à
côté de meinada (mansionata), on a le limousin memage, le langued.
mainajo,le hé&vn.maynadge (mansionaticum), enfant. Mais la forme
individuelle est postérieure à la collective. C'est celle-ci qui s'est in-
dividualisée par un curieux procédé de dérivation encore vivant, car
M. Chabaneau veut bien me faire observer qu'il a entendu plusieurs
fois \& Wiwonam familha dans le sens individuel : I an douaf< familhas,
ils ont deux enfants.
Autre singularité, le prov. n'a pas comme nous meina, garçon;
mais il a meinado, petite fille, puis une foule de dérivés: meinada,
faire des enfants ; meiiiadello, ûWette ; 7neinadet, meinadot, meinassoii,
petit garçon ; béarn. meynadin, poupon. Il semblerait que la dériva-
tion du sens s'est faite ainsi : meinada coUect., famille, s'est indivi-
dualisé en meinada, fille ; puis sur ce fémin . se sont formés sur les
mots masc. — Au reboiu'S, le franco-prov., qui a mena, ménô, gavQOw,
n'a pas de dérivé pour fille. La dérivation se serait faite ainsi: \° man-
sionata, 2° pueri quibus constat mansionata; 3" pueri; 4° puer .
PUITSPELU.
« ET IN AIUDHA ER »
DANS LES SERMENTS DE STRASBOURG
J'ai proposé ici même {Revue des langues romanes, 3* série, XIV,
309) une correction au texte des Serments de Strasbourg, qui a été
trouvée simultanément par M. Settegast et publiée par lui dans la
Zeitschrift fur romanische Philologie (X, 169). M. Stûrzinger l'a
VARIETES 159
l'Oiubattue une première fois dans les Modem language Notes (mai
1S8G, colonne 140), et il revient à la char^-e dans le dernier numéro
de la Romanm (XV, 633). Il maintient qu'il faut continuer à lire: Si
salvarai eo cist meon fradre Karlo et in aiudha et in cadhuna cosa
si cum om per dreit son fradra salvar d'ift. La correction consiste à
lire: Si salcaraï eo cist meon fradre Karlo et in aiudha icr in ca-
dhuna cosa si cum om per dreit son fradra salvar dif t. M. Stiirzinger
apporte deux arguments à rap})ui de son opinion. Celui qu'il consi-
dère lui-même comme le plus faible repose sur l'omission de et in
aiudha et in cadhuna cosa dans la version allemande. Cette omission
me paraît au contraire appuyer la correction . Il serait singulier, en
eiïet, que le traducteur allemand eût omis un « attribut adverbial »,
destiné à préciser l'idée exprimée par le verbe salvar ; tandis que,
dans mon hypothèse, le second membre de phrase n'est que la répé-
tition pure et simple, en d'autres termes, de l'idée exprimée parle pre-
mier, et pouvait par conséquent être négligé sans inconvénient. L'ar-
gument principal de mon contradicteur consiste à dire que, s'il y
avait deux propositions principales ( saZvaraé — et in aiudha er), il
y aurait deux verbes dans la proposition subordonnée, au lieu du
seul salvar. Est-il admissible que les rédacteurs delà formule de
serment aient eu un pareil souci de l'harmonie parfaite de la phrase,
harmonie de pure forme d'ailleurs, puisque, malgré le dédoublement
du verbe, l'idée reste unique? Ne trouve-t-on pas mille exemples, je
ne dis pas identiques, mais analogues, dans notre ancienne littéra-
ture? Une considération qui doit primer toutes les autres, c'est que le
texte donné parle manuscrit sonne absolument faux au point de vue
de la langue . Traduisons : « Je défendrai mon fi'ère Charles et en
aide et en chaque chose, comme on doit défendre son frère. » Cela a-t-
il jamais pu être du français, même au IX* siècle ? Comparez avec
la traduction de la même phrase, telle que nous proposons de la cor-
riger:» Je défendrai mon frère Charles et lui viendrai en aide, comme
on doit défendre son frère . » Le choix entre les deux formules ne me
paraît pas douteux .
L. Clêdat.
BIBLIOGRAPHIE
La Vie des Mots étudiée dans leurs signiflcations, par Arsène Darmesteter
(Paris, Delagrave, in-18, I-XIl. 1-212.)
La Vie des Mots, ce litre à lui seul nous avertit du point de vue
auquel s'est placé M. Arsène Darmesteter. Pour lui, les langues sont
des organismes véritables, soumis à toutes les lois de la physiologie :
elles naissent, se développent, s'assimilent des éléments nouveaux,
rejettent les anciens, subissent parfois des crises, des arrêts de dé-
veloppement, et sont destinées à se transformer incessamment, sans
échapper à la loi commune de tous les êtres vivants, au dépérisse-
ment et à la mort. M. Darmesteter est'à la fois un philologue et un phi-
losophe: il joint à une connaissance très-précise des faits l'habitude des
analyses de la biologie moderne. Il est de l'école de l'évolution, et
Lamarck, Darwin, Geoffroy St-Hilaire, Spencer, Bain, Haeckel, sont
certainement les maîtres dont il s'inspire le plus volontiers. Evolution,
adaptation au milieu, lutte pour la vie, sélection, différenciation, tous
ces termes lui sont familiers comme à un naturaliste de profession, et
l'on n'est pas surpris de lire dans une de ses notes ' que cet agréable
et instructif traité a déjà paru dans une édition anglaise à Londres.
J'aurais bien quelques réserves à faire au sujet de cette application
hardie à la linguistique de méthodes empruntées à d'autres sciences,
mais j'ai hâte de rendre compte d'abord d'un ouvrage très-intéres-
sant, plein d'observations fines et neuves, et qui donne la meilleure
idée de ce que sera le Dictionnaire général de la langue française.
auquel M. D. collabore depuis quatorze ans avec M. Hatzfeld.
Après une introduction de nature plutôt philosophique, et sur la-
quelle je reviendrai parce qu'elle ne m'a pas complètement convaincu,
M. D. entre en matière. Il diyise son sujet en trois parties : 1° com-
ment naissent les mots ; 2" comment les mots vivent entre eux ;
3° comment les mots meurent.
La première partie (p. 29-120) est la plus développée. Elle est pré-
sentée en une forme rigoureusement méthodique. M. D., ne s'occu-
pant que du français, s'abstient avec raison d'insister sur les origines
latines de notre langue. C'est surtout danéologisme de signification.
c'est-à-dire de l'emploi d'un mot dans une acception nouvelle, qu'il en-
tend s'occuper. Le fonds général des langues aryennes reste le même
* Préface, p. vu.
BIBLIOGRAPHIE 161
depuis des milliers d'années ; mais une force révolutionnaire tend in-
cessamment à modifier la signification des mots. Comment de telles
modifications s'accomplissent-elles? Le chapitre II (conditions logi-
ques des changements de sens) me paraît le plus intéressant de l'ou-
vrage. La vie des mots est la valeur constante que l'esprit leur donne
régulièrement. « Les mots naissent, quand l'esprit fait d'un nouveau
mot l'expression habituelle d'une idée; les mots se développent ou
dépérissent, quand l'esprit attache régulièrement à un même mot un
groupe plus étendu ou plus restreint d'images ou d'idées. Les mots
meurent, quand l'esprit cesse de voir derrière eux les images ou les
idées dont ils étaient les signes habituels, et, par suite, n'usant plus
de ces mots, il les oublie. La vie des mots vient donc de l'activité de
la pensée. ...» La pauvreté du vocabulaire fait qu'un même mot finit
par avoir plusieurs significations distinctes, de telle sorte qu'il n'ap-
paraît à notre esprit, dans le travail delà pensée, qu'avec le sens
requis par l'idée qui nous est présente.
M. D. prend le substantif comme exemple des changements de
sens. Le nom donné à un objet exprime à l'origine une de ses qualités,
et cette qualité n'a pas besoin d'être essentielle. M. D. explique ce
peu d'importance de la caractéristique dans le déterminant par deux
raisons: l'une est que le mot n'a pas pour fonction de définir la chose,
mais seulement d'eu réveiller l'image ; l'autre est que le langage n'a
pas besoin de tout dire. >.< En un mot, tout substantif commence par
désigner l'objet par une de ses qualités: il est alors qualificatif;
puis il éveille dans l'esprit l'image totale de l'objet : il est alors sub-
stantif. L'oubli de la signification étymologique, telle est donc la con-
dition nécessaire de la foimation du substantif. C'est aussi la condi-
tion fondamentale de toute transformation de sens. »
Peut-être cette théorie très- claire, très-utile, comporte-t-elle quel-
ques restrictions. Les exemples donnés par M. D. sont actuellement
bien loin de leur sens étymologique, mais il faut tenir compte du
temps. En second lieu, la plupart des mots français ont leur racine
dans d'autres langues : ce sont pour ceux qui les emploient des
chiffres n'ayant qu'une valeur de convention. De ceux qui disent les
mots évêque ou diacre, combien savent le sens des mots grecs cor-
respondants ? Mais, par exemple, quand on a commencé k dire porte-
bonheur, on sous-entendait bracelet; à propos de remontoir, on sous-
entendait montre. Le mot, dans de tels cas, est longtemps employé
comme substantif sans que l'on ait perdu le souvenir de son étymo-
logie. Entre l'état de qualificatif et celui de substantif, il y a une
période intermédiaire où le mot nouveau continue à rappeler son ori-
gine. C'est d'ailleurs ce que M. D. dit lui-même un peu plus loin, à
propos de la métaphore ,
16Î BIBLIOGRAPHIE
L'étude des tropes est faite d'après les principes qui viennent d'être
indiqués : c'est dire qu'elle est très-différente de ce que nous lisons dans
les traités de rhétorique. M. D. rend justement hommage au livre
de Dumarsais, mais il sait renouveler un sujet qui paraissait banal.
Après avoir défini la si/necdoqtie, la métonymie et la métaphore,
il soumet ces tropes à l'analyse, afin de retrouver la marche que suit
la langue quand elle les met en usage. Pour la synecdoque, il considère
trois cas : le déterminant absorbe le déterminé (écriture anglaise ou
bâtarde), le déterminé absorbe le déterminant (un succès est aujour-
d'hui toujours favorable), le sens s'étend [arracher a signifié enlever
de ses racines, puis enlever de tout ce qui retient) .
C'est par métonymie que les substantifs participiaux ou verbaux
passent du sens concret au sens abstrait {allée, sortie, — dépêche,
avance) .
La métaphore comprend deux moments : celui où elle est encore
sensible, celui où l'on a définitivement oublié la première image. La
catachrèse est définie et expliquée de façon ingénieuse et nouvelle.
]\I. D. y voit simplement un oubli de la signification première du
mot. « Qui songe, en prononçant le mot drapeau, au sens primitif de
pièce de drap ? Le mot, ici, est devenu adéquat à la chose. »
. A propos des transformations de sens qu'il appelle modifications
complexes, M. D. en distingue deux sortes : le rayonnement (racine
d'une plante, d'un mot, d'un mal, d'une quantité algébrique), l'en-
chaînement (mouchoir devient mouchoir de cou, puis a besoin d'un
complément pour recouvrer son premier sens, mouchoir de poche);
ces deux procédés se mêlent et se confondent souvent (par exemple
dans les divers sens du mot timbre) .
M. D. ne reconnaît en réalité que deux figures de pensée : la mé-
tonymie, qui s'appuie sur des rapports constants ; la métaphore, qui
procède d'après les analogies que nous percevons entre les objets
dénommés et les autres.
Le chapitre 111 (Actions psychologiques) a pour objet les change-
ments de sens dérivant de causes historiques (par exemple, le latin
appliqué à l'expression d'idées chrétiennes ou féodales), ou de causes
psychologiques plus intimes (par exemple, sens ironique donné à cer-
tains termes nobles). A ce propos, M. D. pose, plutôt qu'il ne cher-
che à le résoudre, ce qu'il appelle le problème des déterminants.
Pourquoi nombre d'instruments sont-ils dénommés d'après des mé-
taphores tirées du règne animal ? Pourquoi telles séries de noms
propres sont-elles affectées à désigner des animaux, des personnes
ridicules ou peu estimées (Sansonnet, Jeannot, Perronnelle, etc.) ?
M. D. n'oublie pas l'importance des idiotismes et des locutions pro-
verbiales.
BIBLIOGRAPHIE 163
Dans le chapitre IV {Conditions philologiques), il est traité surtout
des néologisnies, et il est fait une distinction légitime entre le néo-
logisuie littéraire, qui relève delà critique, et le néologisme populaire,
dont la science doit rendre compte. M. D. me permettra de lui sou-
mettre à ce sujet quelques objections. Je reconnais volontiers qu'il
est bon de résister au néologisme ii-réfléchi ; mais il me semble que de
ce côté le danger, en ce qui concerne notre langue, va toujours di-
minuant. L'influence romantique d'une part, et l'abus du style acadé-
mique de l'autre, ont pu faire illusion pour un temps ; aujourd'hui
l'on tend plutôt à revenir aux richesses propres do notre langue, à les
étudier, à en tirer parti. Les travaux philologiques dont le français a
été l'objet, la pratique universellement répandue du Dictionnaire de
Littré, des essais de vulgarisation parmi lesquels le livre de M. D.
prend dès à présent la place la plus honorable, font beaucoup pour
rendre à notre langue sa- vigueur native, qui avait été compromise par
un purisme malentendu et par une réaction mal informée. L'influence
des changements inconscients, de la mode, va toujours s'aflFaiblis-
sant. Tel mot risqué pour quelques semaines, avec une acception
plaisante, ne tarde pas à reprendre son sens propre. Quant aux mots
techniques, ils s'accroîtront insensiblement par la force même des
choses, et l'on ne peut songer à chercher dans la langue de Philippe-
Auguste des termes pour désigner les organes des mécanismes que
l'industrie aidée de la science ne cesse d'inventer. La seule précau-
tion à prendre est d'ordre esthétique: il ne faut pas accueillir aisé-
ment ces mots dans l'usage littéraire. Nos aïeux ont eu tort de faire
trop d'emprunts à l'astrologie ; abstenons-nous de demander nos mé-
taphores aux théories sur la lumière et l'électricité, aux pratiques
d'industries spéciales.
La deuxième partie {Comment les mots vivent entre eux, p. 123-148)
forme trois chapitres. — La contagion est cette modification de
sens qui résulte, ou bien de l'association habituelle de deux mots en
une locution {pas devenu négatif), ou bien de l'application définitive
par l'espiit à tel mot d'une signification nouvelle qu'il a prise dans
une locution courante (avec = malgré). Il a beau dire signifie quoi-
qu'il dise, parce que l'ensemble de la phrase implique une idée res-
trictive sous-entendue. M. D. estime que « c'est grâce à cette con-
» spiration de la phrase prise dans son ensemble, qui dégage de la
'I disposition et de la combinaison des termes un sens non exprimé,
» c'est grâce à cette conspiration que l'écrivain peut agir sur les
» mots, en modifier le sens, et leur faire rendre tout un ensemble
» d'effets nouveaux. » Il cite plusieurs passages de Victor Hugo où
le mot fauve prend des acceptions très-remarquables, suivant la fa-
von dont il est enchâssé dans le tissu de la phrase.
164 BIBLIOGRAPHIE
Il y a réaction d'un mot sur un autre: les Indes occidentales im-
posent aux Indes proprement dites le nom d'Indes orientales. Mais
M . D. n'attribue pas aux faits de réaction un rôle considérable dans
la vie du lanf^age. D'après lui, les mots suivent chacun leur destinée,
parce que les hommes en parlant ne font point d'ètymologie: l'usage
détache graduellement les dérivés de leurs primitifs et les en rend
indépendantes.
L'on aboutit ainsi à la concurrence vitale, expression à laquelle
j'avoue préférer l'expression plus nette et plus compréhensible de
lutte pour Vexislence. Les exemples que donne M. D. portent sur
l'histoire des mots estovoir, convenir, falloir, — en, dedans, dans,
— od, avec, — ouïr, entendre, comprendre, — nouer, nager, navi-
guer. M. D. explique très-bien ces variations, mais j'avoue ne pas
y reconnaître bien clairement les effets du principe de la concurrence
vitale. La théorie cadre-t-elle ici bien exactement avec les faits?
La synonymie présente trois cas principaux :
1° Un même mot, par suite des hasards de sa formation, prend deux
formes différentes: plier, ployer. — frêle, fragile. Ces doublets en
général ne sont pas exactement synonymes ;
2" Un même mot est modifié différemment par des préfixes ou des
suffixes spéciaux, ou par des emplois syntactiques différents : porfer,
apporter, — apercevoir, s'apercevoir de.
3° Des mots d'origine ou de signification différente arrivent, dans
le cours de la langue, à s'entre-croiser et, à ce point de leur déve-
loppement, à s'appliquer à un même objet. Ce sont les synonymes
proprement dits, par exemple : rester, demeurer, loger, — mener,
conduire, guider. Ils présentent l'idée avec une nuance propre qui
vient de la signification première. C'est donc à l'étymologie et au
sens premier qu'il faut avant tout demander la clef de cette synony-
mie.
J'ajouterais volontiers que, s'il y a peu de vrais synonymes, cela
tient à un besoin de précision dont l'on trouve à chaque instant la
marque dans notre langue. Nous ne pouvons supporter que deux mots
servent à exprimer une même idée, et nous leur imposons des ac-
ceptions différentes. Ainsi hypothèse et supposition ont au point de
vue étymologique une valeur égale ; l'un néanmoins est dit de telle
méthode scientifique, l'autre appartient à la langue usuelle. Discuter
et disputer sont différenciés, non d'après une raison étymologique,
mais pour marquer deux façons d'être en désaccord.
11 y aurait aussi lieu de remarquer que tels mots ayant d'abord
une valeur égale ont fini par exprimer des degrés différents. Des trois
mots : torture, tourm.cnt, gêne, le premier continue à exprimer l'in-
tensité extrême de la souffrance, le second marque une douleur moin-
BIBLIOGRAPHIE 165
drc, au point que le dérivé tourmenter diffère peu dans l'usage de
taquiner et de lasser, et le troisième n'éveille plus que l'idée d'une
simple incommodité. La différenciation des synonymes se produit dans
de tels cas par l'affaiblissement divers du sens primitif et répond
à l'expression de nuances.
Peut-être ce chapitre serait- il mieux à sa place dans la première
partie (Comment naissent les mots).
La troisième partie (Comment les mois meurent, p. 149-176) est le
développement de deux principes : certains mots s'oublient parce qu'ils
désignent des choses qui disparaissent ; certains mots font place à
d'autres pour exprimer des idées durables.
Les mots historiques ont disparu avec l'idée ou l'objet qu'ils dé-
signent. Les dictionnaires spéciaux les recueillent.
Les termes f/cnéraiix disparaissent quand on cesse de leur attri-
buer telle signification et que la perte du sens entraîne la perte du
mot. A ce point de vue, on distingue les mots qui prennent des si-
gnifications nouvelles sans perdre leur sens primitif, par exemple
corps, embrasser, éclat ; — les mots qui n'ont plus que leur seconde
signification, par exemple, accoucher, charmer, flatter, etc.; — Ips
mots qui ont disparu définitivement.. Ces derniers forment la matière
du Dictionnaire du français du moyen âge, que M. Godefroy publie
actuellement.
Les actions destructives agissent de deux manières : tantôt le mot
n'est pas viable ; tantôt il est écrasé par un autie mot plus heureux,
qui s'empare de ses significations.
La première série présente des mots trop courts, qui à l'époque ro-
mane ont disparu. Ainsi suem, avem, apem, ont fait place à des sy-
nonymes plus sonores. De deux homonymes, le moins usité a disparu
devant le plus connu : ceru, verum. Le mot propre est souvent rem-
placé par une métaphore, par un mot éveillant une image. Caput,
chef, a fini par disparaître devant testa, tête. A ce propos, je remar-
querai que testa a signifié tête dès l'époque latine, par suite de l'ana-
logie de la boite crânienne et d'une amphore. Le sens de fragment
de pot cassé n'a pu être mentionné ici que par distraction. En latin,
testa a signifié par une analogie pareille toute enveloppe dure, d'où
le sens de têt. De même à propos de gamba, la traduction par ge-
nouillère n'éclaire pas. Ce mot vient de /.a/i/Trij, courbure en général,
puis jointure de la jambe chez les bêtes de somme. Littré remarque:
« du latin gamba, qui est dans Végèce avec le sens de jarret. »
L'emploi de ces deux mots pour caput et crus remonte donc au delà
des origines du français.
\J euphémisme a également son rôle. L'exemple de garce, remplacé
166 BIBLIOGRAPHIE
successivement par fille, jeune fille, jeune personne, est curieux. Dans
le même sens, le peuple emploie volontiers le mot de demoiselle.
Tel mot disparaît sans grande raison : ainsi, dextre et senestre.
Pour ceux-ci, j'imaginerais volontiers qu'ils n'avaient pu prendre une
forme assez franchement française; ils ont trop la dureté latine
Quant à i^auche et droit, qui les ont remplacés, pourquoi M. D. blâme-
t-il ces métaphores? La main dont on se sert le moins souvent est
d'un emploi moins sûr et moins rapide que l'autre. Il n'y a pas là de
préjugé, mais une observation aussi ancienne que notre espèce. L'on
na.it droitier, quelques-uns naissent gauchers ; V ambidextre est une
exception très-rare. Ceci est, si je ne me trompe, une question d'em-
bryologie plutôt que de linguistique.
Les archaïsmes sont les mots tombés en désuétude, parce qu'à un
moment donné les idées qu'ils exprimaient ont été représentées par
d'autres mots. Ils ne revivent que par exception, le plus souvent grâce
aux lettrés, car « le langage, pas plus que les générations qui en
continuent la tradition, ne remonte le passé, pour ressaisir ce qu'il
a laissé derrière lui, dans l'écoulement sans fin qui fait sa vie. «
Mais il est des termes archaïques que l'usage maintient dans cer-
taines locutions : ainsi un portrait en pied, en dé'pit de, règne ani-
mal, etc ....
M. D. compare ces acceptions anciennes conservées çà et là à ces
fossiles que rencontre le naturaliste, et qui sont les débris d'orga-
nismes antérieurs. 11 serait peut-être plus conforme à la théorie évo-
lutionniste d'y voir quelque chose d'analogue à ces rudiments d'or-
ganes qui rappellent, dans telle espèce contemporaine, une période
antérieure de son existence.
L'auteur termine en assimilant les lois de l'histoire des langues à
celles de la biologie : « on peut affirmer que la linguistique
» n'est que l'histoire des évolutions, diverses suivant les races et les
>) lieux par lesquels a passé le type primitif. Cette coïncidence est
» fréquente entre les lois de la matière organisée et les lois incon-
» scientes qui suit l'esprit dans le développement naturel qu'il donne
» au langage. Ne semble-t-elle pas nous dire que la vie, sous quelque
» forme qu'elle se présente, est soumise aux mêmes lois, et, si ce n'est
» dépasser les justes limites de l'induction, que l'esprit et la matière
» ne sont que les deux faces d'une même force à jamais insaisissable,
» l'Etre? »
M. D. a eu l'heureuse idée de compléter son livre par un Appen-
dice formé d'une liste de mots latins qui, dans leur passage au franr
çais, n'ont pas changé de signification, et de la reproduction des pages
si intéressantes de La Hniv«*re sur les variations de notre langue. Le
BIBLIOGRAPHIE lfi7
commentaire qui accompagne les remarques de La Bruyère les ra-
jeunit et les complète.
J'ai dit en commençant que je n'étais pas sans éprouver quelques
doutes sur la nécessité do l'application rig-oureuse à la science des
langues, des principes et de la technologie de l'école évolutionniste.
Le livre de M. Darmesteter a-t-il gagné autant qu'il paraît le croire
à ce que l'exposé, excellent comme doctrine et comme choix d'exem-
ples que nous y trouvons, soit mêlé de propositions et d'arguments
empruntés à une théorie qui fait de l'évolution inconsciente l'explica-
tion universelle ? C'est par une analyse fine et précise, par l'étude des
faits, qu'il est arrivé à les classer d'une façon ingénieuse et instruc-
tive. Quoi qu'il en dise, on le lit sans songer du tout à Darwin et à
Spencer, si ce n'est aux endroits où il emploie leur technologie ; on
lui est très-reconnaissant de ce que l'on apprend chez lui, et, s'il ne
se réclamait de la biologie moderne, on ne supposerait pas qu'il lui
soit tellement redevable. La Vie des Mots est très-bien dit, mais il
n'en résulte pas que du coup l'on se trouve dans le domaine de
y inconscient. Il en est du langage comme de l'art et de la science:
ce sont des œuvres de la pensée humaine. 11 faut y distinguer la
part de la nécessité et celle de la libre réflexion. La théorie de l'évo-
lution permet-elle, à elle seule, de résoudre ce problème? Je n'en suis
pas encore convaincu*.
Ces réserves faites, et elles ne portent guère que sur une question
de forme, il faut reconnaître que le livre de M. D. est un de ceux qui
contribuent le plus à répandre le goût de l'étude historique de notre
langue. Il est bon que ceux qui savent fassent ainsi œuyre de vulga-
risation. Beaucoup des lecteurs de M. D. seraient fort en peine de
' Le livre de M. Darmesteter a donné roccasion à M. Gaston Paris
d'écrire sur le sujet traité dans la Vie des Mots des pages que je regrette
de n'avoir pu lire avant que le rompte rendu ci-dessus eût été composé.
M. G. P., tout en rendant pleine justice aux mérites de l'agréable el instruc-
tif traité que j'ai analysé, fait, lui aussi, ses réserves sur l'application de la
doctrine du transformisme à l'histoire des langues (V. Journal des Savants,
cahiers de février et de mars 1887: un troisième article est annoncé). — Pour
donner à ma pensée, sur cette question difficile, une précision plus grande
que je ne l'ai fait plus haut, je dirai que, dès qu'il s'agit d'êtres conscients,
l'évolution doit compter avec la notion delà fin. Il en résulte des consé-
quences que le transformisme ne peut négliger sans être contredit à chaque in-
stant par la réalité. M. G. P. examine, chemin faisant, diverses questions de
linguistique générale, rectifie ou complète certaines parties de la théorie de
M. D.; de telle sorte que nous saurons doublement gréa l'auteur de la Vie
des Mots pour ce qu'il nous a donné et ce qu'il nous a valu.
le*? PERIODIQUES
vérifier l'exactitude de sa doctrine el le croiront sur parole. On ne
pouvait leur souhaiter un meilleur guide.
Ferdinand Castets.
PÉRIODIQUES
Romania, octobre 1886. — Les remarques que fait M. P. Meyer
(p. 625-626) au sujet du second et du troisième des articles que j'ai
publiés dans la Revue des langues romanes sur les rapports des chan-
sons de geste et de l'épopée italienne ( janvier et mars 1885) ne me
sont connues qu'en mai 1887, et, en ce qui concerne \e Renaud de Mon-
tauhan, je crois qu'il me suffira de renvoyer aux articles suivants de
mes Recherches . J'ai essayé d'ajouter aux connaissances que l'on pos-
sédait sur les textes du Renaud de Montauhan, et il a été parlé déjà
dans cette Revue du ms. 766 de Paris, du ms. de Venise d'après les
notes que iM. Kajna a bien a^ouIu me communiquer, et du ms. de Cam-
bridge (Peterhouse) d'après uu des fac-similé publiés pour l'usage de
l'Ecole des Chartes et les indications qui m'ont été fournies par
M. Barnes, bibliothécaire du collège de Peterhouse.
Pour le Maugis d'Aigremont, M. P. M. suppose que j'ignore dans
quelles conditions nous est parvenu le texte de INIontpellier, et il m'ap-
prend l'existence à Cambridge d'un fort bonms. de ce poëme, décou-
vert et signalé, il y a douze ou treize ans, dans la Romania (III, 507).
Puis il donne quelques renseignements sur les mss. de Paris et de
Cambridge; et, « pour que le lecteur, et aussi M. Castets, puissent se
tt faire une idée de la question », il transcrit une courte laisse de Mont-
pellier qu'il fait suivre de la leçon correspondante de Cambridge . Les
lecteurs de la Revue savent que, sans attendre le compte rendu de la
Romania et le conseil de M. Meyer, j'ai commencé à utiliser les textes
de Paris et de Peterhouse. C'est sans doute à ce dernier ms. que M. P.
M. fait allusion quand il parle d'un ras. de Cambridge, et c'est pré-
cisément l'insuffisance de cette désignation qui m'a empêché de pro-
titer de l'indication donnée en 1874 par Va. Romania . J'en reproduis
textuellement les termes: « P. Meyer a continué en août et septembre
» dernier l'exploration des bibliothèques de Cambridge, qu'il avait
» commencée en 1871 . Ses recherches ont été, cette fois, particulière-
» ment fructueuses. Il a trouvé de nouveaux manuscrits de Maudis
» d'Aigremont, de Renaut de Montauhan, de Guillaume d' Angleterre,
PERIODIQUES 169
■ '^tc. {Romanïa, III, 507j. » Comment cela aurait-il pu me mettre
sur la piste d'un ms. que possède la bibliothèque de Peterhouse à
Cambridge, et qui contient le texte complet de Maugis et des Fils
Aymoii? C'est grâce au fac-similé et en le comparant au passage
correspondant du Renaud de Montpellier, que j'ai découvert (à nou-
veau, je l'avoue) ce manuscrit et que j'ai pu en obtenir la communi-
cation. Nul plus (jue rnoi n'apprécie l'utilité des recherches que
M. Mej'er a faites dans de nombreuses collections de manuscrits ; mais,
dans le cas particulier, je ne vois pas trop comment j'en aurais pu
profiter. D'ailleurs, on a vu comment je procède. Xe me reconnaissant
que peu d'autorité en la matière, comme sur trop d'autres points, je
ne vise iju'à communiquer aussi complètement que possible les ren-
seignements que je possède ; je vais continuer à le faire, non pour re-
prendre ici in extenso une discussion sur le j\[augis, mais pour que les
lecteurs communs de la Romania et de la Revue soient tenus au cou-
rant.
Dans les Additions âmes Recherches (Revue des l. rom. d'août-no-
vembre 1886, p . 234), j'ai dit que le texte du Maugis de Montpellier,
comparé à celui de Paris, est écourté en nombre d'endroits, mais me
paraît en général donner une leçon plus ancienne, et j'ai cité quelques
passages qui prouvent qu'il est réellement écourté. En revanche, il
donne seul (avec le Gaufrey) cette longue généalogie qui rattache la
geste des fils Aymon à la geste de Doon. Le Maugis, le Vivien et le
Renaud de Montauban de Montpellier, sont des compositions cycli-
ques. Le ms- de Cambridge est d'accord, pour l'ensemble, avec celui
de Montpellier et contient environ 3,000 vers de plus. Il est fâcheux
([ue le recto du premier feuillet ait beaucoup souffert et soit d'une
lecture très-difficile. Le ms. 70G de Paris semble au premier abord
la reproduction du texte du Cambridge, faite à une date plus récente.
Il présente une lacune considérable (du v. 278 au v. 444 du texte de
Montpellier) : des parties de feuillets ont été déchirées ; mais, par con-
tre, du fol. 10 verso a au fol. 14 recto a, il contient un épisode que
ne donnent pas les deux autres manuscrits. En quittant Oriande.
Maugis, Baudri et Espiet, passent par Palerme, où Maugis est fait pri-
sonnier. Pendant qu'il gît dans une chartre obscure, Espiet amuse
l'amiral de Palerme par ses enchantements. Enfin Maugis brise ses
fers, sort de prison, remonte sur Bayard, et, après bien des combats,
les trois amis peuvent continuer leur voyage. Cette aventure est dé-
veloppée en 586 vers. Elle ressemble fort à une interpolation.
En somme, le texte de Maugis peut être établi à l'aide de ces trois
manuscrits, qui se complètent l'un par l'autre. Je les ai entre les mains
tous trois, mais je suis fort empêché pour en tirer parti. M. P. M.
rappelle qu'autrefois il devait publier ce poëme pour la Collection des
m CHRONIQUE
auciens poëtos de la î'iance ; il nous apprend que M. Gilliéron a pré-
paré, il y a plusieurs années, pour la Société des anciens textes fran-
çais, une édition de Maugis. Il y a quelques années aussi, je reçus la
visite d'un jeune philologue allemand qui, ayant commencé la prépa-
ration d'une édition de Maugis, me pria de lui laisser la priorité. Je
me bornai donc à faire, au sujet de cette chanson de geste, une com-
munication à la réunion des Sociétés savantes de mars 1883, et je
me contentai de me réserver le droit de donner des extraits de
Maugis et le Vivien de Monhrant en entier. Dans mes Recherches,
j'ai évité le plus possible de recourir à d'autres textes que celui de
Montpellier, pour ne point chasser sur le terrain d'autrui. Voilà donc
deux éditions de Maugis en préparation. Ne serait-il pas juste qu'en
ces matières il y eût aussi une sorte de prescription, et que, sans s'in-
quiéter de priorité et de droit d'invention, on encourageât ceux qui
sont réellement en mesure de publier?
Ferdinand Castets.
CHRONIQUE
M. Léon Clédat vient de fonder à Lyon une Revue des patoiji, à
laquelle nous souhaitons cordialement la bienvenue. Dès le mois de
novembre dernier, M. Clédat nous avait averti de cette fondation :
mais nous attendions, pour en aviser nos lecteurs, d'avoir reçu le
prospectus, que nous nous faisons un plaisir de reproduire. On trou-
vera à la suite un extrait de la chronique du premier numéro, actuel-
lement sous presse, que M. Clédat nous a pareillement communiqué,
et qui concerne la Revue des patois gallo-romans de MM. Gilliéron
et Rousselot, annoncée dans notre dernier numéro.
<( Revue des patois , recueil trimestriel, consacré à l'étude des patois
et anciens dialectes romans de la France et des régions limitrophes,
publié par L. Clédat, professeur à la Faculté des lettres de Lyon.
» Principaux collaborateurs :
» MM. Brunot, maître de conférences à la Faculté des lettres de
Lyon .
Chabaneau, professeur à la Faculté des lettres de Montpellier,
correspondant de Tlnstitut.
M.-C. Guigne, archiviste du département du Rhône.
G. Guigue, archiviste de la ville de L^'on.
Joret, professeur à la Faculté des lettres d'Aix.
Monaci, professeur à l'Université de Rome.
Phihpon, arcliiviste-paléographe, député de l'Ain.
Puitspelu (Nizier du), auteur du Dictionnaire étymologique du
patois lyonnais, etc.
CHRONIQUR l7l
(i. Raj-naïul, arcliiviste-paléographe.
Ritter, doyen de la Faculté des lettres de Genève.
Thomas, professeur à la Faculté des lettres de Toulouse.
» Il existe déjà en France deux recueils périodifjues consacrés aux
études romanes, la Revue des langues romanes et la lîoinania; mais
ces recueils s'étendent à toutes les langues néo-latines.
)) La Revue que nous fondons aura un domaine plus restreint, puis-
qu'elle ne s'applique qu'aux patois et anciens dialectes romans de la
France et des régions limitrophes. Par <■ régions limitrophes », nous
entendons la Suisse occidentale, les pays wallons et les régions de
l'Italie et de l'Espagne dont les idiomes peuvent être rangés dans la
même famille que les patois voisins parlés en France. Il va sans dire
que nous comptons étudier ces divers idiomes au point de vue litté-
raire aussi bien qu'au point de vue philologique.
» Il est inutile d'insister sur l'intérêt qu'oiïrent les patois et dia-
lectes, et en eux-mêmes, et par les éclaircissements qu'on en peut
tirer pour l'étude scientifique des langues officielles. Nous ajouterons
qu'il est d'urgent d'entreprendre une enquête sur les patois ; car le
développement si heureux de l'instruction primaire tend à leur en-
lever une grande partie de leur originalité, en y introduisant chaque
jour un plus grand nombre de formes et de tournures françaises.
» Notre désir est donc de centraliser, dans cette Revue, les travaux
sur les patois de France qui sont en cours d'exécution, et d'en pro-
voquer de nouveaux. Nous accueillerons avec reconnaissance les étu-
des qui pourront nous être envoyées sur tel ou tel patois déterminé,
les proverbes et dictons patois, les contes et chansons populaires, les
recueils de locutions, les notices biographiques sur les publications
locales, enfin les textes anciens en langue A'ulgaire que MM. les Ar-
chivistes A'oudront bien extraire de leurs archives.
» Il sera rendu compte de tous les ouvrages sur les patois ou anciens
dialectes de la France qui seront envoyés en double exemplaire à la
rédaction de la Revue.
» La Revue des patois paraîtra tous les trois mois, et formera tous les
ans un beau volume de même format et impression que le présent
prospectus.
» Les personnes désirant souscrire sont priées d'adresser leur de-
mande à M. F. Vieweg, éditeur de la Revue des patois, rue de Riche-
lieu, n° 67, à Paris.
)) Tout ce qui concerne la rédaction doit être adressé à M. Clédat,
professeur à la Faculté des lettres de Lyon. ■>•>
Revue des patois dirigée par M. Clédat. — Extrait de la Chronique
du premier numéro actuellement sous presse.
« Au moment où nous mettons sous presse, nous recevons indirecte-
ment le prospectus d'une Revue des patois gallo-romans, dirigée par
M. Gilliéron. On pensera sans doute qu'il n'était pas très-utile de
fonder en même temps deux revues de patois en France. C'est aussi
notre avis. Mais M. Gilliéron était averti de notre projet dès le mois
de novembre dernier, par une demande de collaboration qui est res-
tée sans réponse. Nous déclinons donc toute responsabilité dans la
concurrence, évidemment regrettable, qui se produit. »
175 CHRONIQUE
M. Clédat nous prie dinsérer la note suivante:
« La première des ballades du XV" siècle que j'ai publiées dans
Lyon-Revue (novembre-décembre 1886) se trouve, avec un acrosti-
che de Villon, dans un manuscrit de Stockholm. La ballade <( Dit-il
voir ? Par ma foi il ment » se trouve dans le manuscrit de Paris
contenant les œuvres d'Eustache Deschamps, et à la fin d'un manu-
scrit àviRoman desDeduiz de Gace de la Buigne (Bibliothèque nation.
de Paris, ms. fr. n" 1619, fol. 99). Voy. sur ce point un article de
la Romania.^IY , 284. M Emile Picot me signale, en outre, la der-
nière des pièces du manuscrit de Lyon comme faisant partie des œu-
vres de Jehan Régnier, p. 144 delà réimpression. Cf. Gasté, Chan-
sons normandes, p. 108, n° 72. Je profite de l'occasion pour relever
deux fautes d'impression. Dans la chansonnette II, à l'avaut-dernier
vers, il faut lire encor au. lieu de « encore. » Dans le dernier rondeau,
il faut supprimer la ligne de blanc qui sépare le deuxième vers du
troisième. »
M. Paul Sebillot a publié récemment (G. Charpentier et C'", édi-
teurs) la 2® série des Légendes, Croyances et Superstitions de la mer.
dont nous annoncions dernièrement le premier volume (Voy. Revue.
XXVIII, 156). Cette seconde série n'est pas moins intéressante que
la première. Elle est spécialement consacrée aux météores et aux tem-
pêtes. Le savant auteur y a réuni toutes les légendes qu'il a pu re-
cueillir au sujet de ces phénomènes qui jouent un rôle si important
dans la vie des peuples maritimes. On y trouvera un grand nombre
de croyances et de superstitions singulières, dont quelques-unes sont
communes aux non civilisés et aux populations de nos côtes.
Le Gérant responsable : Ernest Hamelin.
Montpellier, Imprimerie centrale du Midi (Hamelin Parères).
POESIES RELIGIEUSES
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL
Les poésies religieuses qui forment le contenu de cette publication
sont loin d'être tout à fait inédites. 11 y a déjà plus de quarante ans
iiu'laimanuel Belîker on a publié la plus grande partie dans les
« Abhandlungen der kijniglichen Akademie der \¥issenschaften zu
Berlin », 1842, p. 387» sous le titre de « Provenzalische geistliche
Lieder des dreizehnten Jahrhunderts. » Il a été fait de cette publi-
cation un tirage à jiart qui a pour titre « Geistliche Lieder des drei-
zehnten Jahrhunderts, Provenzalisch » ; Berlin, 1844. Les parties
publiées par Bekkersont les suivantes : A, v. 1-26, 97-130. — B, v. 1-
240, 365-400, 473-626, 605-734, 1075-1200, 1215-1246, 1491-1940,
1966-2055, 21 10-2159, 2166-2403, 2460-2495, 2765-2828,2869-2930.—
C, en entier. — Depuis, M. Bartsch a publié les vers 1551-1678 de B dans
sa « Chrestomathie provençale n, 4c édition, p. 277 ss. J'aurais donc pu
peut-être me borner à publier les vers qui manquent dansTédition de
Bekker, d'autant plus que cette édition est très-bonne et mérite tout
éloge ; car Bekker a non-seulement très-bien lu le manuscrit, mais en-
core introduit dans le texte un assez grand nombre de bonnes cor-
rections, comme ou le verra facilement en parcourant les variantes
mises au bas du texte qui suit, et dans lesquelles j'ai soigneusement
relevé toutes les corrections de Bekker, que j'ai dû accepter. Toute-
fois, comme l'édition de Bekker offie seulement le texte et ne dit rien
ni sur l'auteur, ni sur la langue; comme elle est dépourvue de toute
note et qu'elle laisse sans explication bon nombre de passages ob-
scurs (ce qu'on pourra malheureusement dire aussi de la présente
édition); comme, enfin, les Abhandlunr/en ne sont pas à la portée de
tous ceux qui s'intéressent à la poésie provençale et que le tirage à
part est devenu très-rare, j'ai cru ne pas faire une œuvre complète-
ment inutile en publiant le texte dans son entier, et en. y ajoutant une
introduction et des notes.
J'ai copié le texte moi-même, [)endant un séjour à Wolfenbûttel.
AL Bartsch parle de ces poésies dans sou Gntndriss zur Ge-
schichte der provenzalischen LittercUur, §27; M. Paul Meyer, dans
la Romania,\lU, 161; M. Chabaneau, dans ses Biographies des
Troubadours, Appendice, p. 184, s'en sont pareillement occupés.
TOME I DE LA QUATRIEME SÉRIE. — A VRII.-.Mai-Jui.V 1887. 12
1:4 POÉSIES RELIGIEUSES
INTRODUCTION
Le ms. Extravag. 268 de la bibliothèque de Wolfenbûttel a été
l'objet d'une notice dans le « Catalogi codicum manusciiptorum Bi-
bliothecae Augustae sub titulo Extravagantium Sepositorum Yolumeu
I1I«™. )', Guelpherbj-ti, 4", Sept. 1786, écrit par Lange, dans Ebeit,
» Ueberlieferungen zur Geschichte, Litteratur und Kunst derVor-und
Mitwelt », 1, 183, Dresde, 182G, et dans Schônemann, « Merkwiir-
digkeiten der Herzoglichen Bibliothek zu Wolfenbûttel », p. 43, n''50,
Hannovre, 1849.
C'est un manuscrit sur parchemin, de 17 centimètres de hauteur
sur 12 centimètres de largeur. Il est divisé en deux parties, fol. I-
70 et 71-100.
Avant le fol. 1, il y a un feuilIet-de papier, et un autre avant le
feuillet 71 ; sur le premier se lit de la main d'Ebert: « I. Livre de
Dévotion écrit en 1254, f. 1-70. — II. Aemilii Macri Carnien de Vir-
tutibus herbarum f. 1-30 (70-100) » (les derniers chiffres sont de la
main de M. von Heinemann, directeur actuel de la bibliothèque do
Wolfenbiittel); sur le second feuillet de papier se lit, de la main d'E-
bert: « Aemylii Macri carmcn devirtutibus herbarum seu potius In-
certi cujusdam poetae (Defect.). »
Fol. 1 r" — 3 v". ^ Poésies françaises publiées ci-aprèa sous A.
Fol. 4 en blanc.
Fol. 5 v° — 68 V". — Poésies provençales publiées ci-après sous B.
Fol . 68 v° — 70 r°. — Poésie française publiée ci-après sous C.
B et C sont écrits de la même main et sans interruption ; A est écrit
d'une autre main. Mes connaissances paléographiques ne me per-
mettent pas de me prononcer avec certitude ; mais je crois l'écriture
de A et celle de BC du XIV* siècle.
Au fol. I r", en haut du côté droit, se trouvent les mots ta Livre de
dévotion écrit en 1254. » Ce qui est inexact: 1254 est la date de la
composition de l'original et non du manuscrit. Celui-ci est une copie
postérieure, comme le prouve, entre autres indices, la répétition erro-
née des vers 1999-2005 au fol. 51 i" (cf. la note sur le vers 1999).
Au fol. I r", au bas, on lit : « J.-B. Hautin. » sur une rature. Il
y avait là probablement auparavant un autre nom, celui du possesseur
antérieur.
Au fol. 70 v", on remarque les mots suivants écrits en travers,
d'une écriture du XV« siècle (selon l'obligeante indication de M. von
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 175
Heiaemann), et par places effacés et illi'sibles : « Magnn milii munus
ab Immortali deo beatissime pater oblatum esse video et hac potissi-
mum tempestate una cfi clarissirais coUegis meis hâc augustam ur-
bem hoc sacrum concilium legatus avû(?) cam(?) sanctitatem tuû at-
que hos venerandissimos et sapientissimos fres tuos cum idendi
sumnio desiderio coram. »
Au-dessus, à droite, on lit : « Beatissime pr » En haut de la
page est écrit, non on travers, d'une main postérieure: « Valentissi-
mus », et au-dessous » Arist. »
Fol. 71 r", 100 v". — Macer de viribiis herbarum, défectueux à
la fin, écrit, selon Ebert, au XIII^ siècle.
Ce n'est que de la première partie, celle qui contient les poésies
françaises et provençales, (pie nous avons à nous occuper ici. Le ms.
a été écrit en Italie, comme M. Paul Meyer en a déjà fait la remar-
que Voy. Romania, VIII, 161.
L'antiquaire .1 .-B. Hautin, mort en 1640 (cf. 7?oi»rt;2m, XV, 239),
en a été le possesseur. Commentée ms. est venu d'Italie en Franco
et de là à Wolfenbûttel, je ne saurais le dire.
A. — Les poésies françaises, qui occupent les premières feuilles,
sont indépendantes du reste. M. Paul Meyer a eu l'obligeance de
m'apprendre que ces poésies se rencontrent assez fréquemment dans
d'autres mss.; qu'elles se trouvent, par exemple, à. la Bibl. nat. dans
lems. fr. 12786, fol. 87-88. Etant, pour le moment, hors d'état de
faire les recherches nécessaires et de me procurer tout le matériel
nécessaire pour une édition critique, je me borne à reproduire le texte
tel qu'il est dans le ms., sauf à y revenir une autre fois,
B. — Les poésies provençales publiées sous B se divisent en trois
parties. Jusqu'au vers 844, ce sont des exhortations religieuses; puis
suivent des prières juscju'au vers 2918, et enfin les vers 2919-2936
forment la conclusion. Dans ces derniers, l'auteur exhorte ceux qui
liront. et entendront lire le livre à prier Dieu qu'il leur pardonne et
(ju'il leur donne la joie éternelle. La fin nous fait connaître l'époque
où l'auteur vivait : c'est en 1254 qu'il a composé, achevé et écrit ces
poésies.
Qui était l'auteur? Nous n'en savons rien. 11 ne s'est pas nommé,
et tout ce que nous apprenons par ses poésies à ce sujet (v. 1243 ss.),
c'est qu'il les a écrites étant prisonnier, et qu'il est resté en prison
plus de vingt ans. Nous y voyons de plus qu'il a aimé fes plaisirs
du monde, qu'il a péché contre les commandements de Dieu et qu'il
en ressent une vive repentance. 11 ne dit pas en quoi ses péchés con-
sistent, et c'est d'une manière très-générale qu'il s'en accuse. II était
« plen d'orgoil et plen d'eror, plen d'ira et plen de furor, de totas
vanas glorias plens » (1407); il n'a pas fait tant de bien qu'il pou-
176 POESIES RELIGIEUSES
vait (1411), il a péché w en diç, en faç et en senblan, Regens, pen-
san, veçeu, auçens (1683) »; il prie Dieu de lui pardonner ses « greu
peccaç et malvaç mot » (1813); il a fait trop de ce qui ne convient
pas (2478); il s'est mis en péril « pel cors chaitiu et pelseu f;ils se-
iors » (2513) ; mais il a reconnu ses erreurs et sa folie, il sait mainte-
nant que tout ne vaut rien sans Dieu, et il regrette ce dont il a été
joyeux (2514 ss.) ; il se rend à Dieu sans réserve (9o6, 1487), et il le
prie de lui pardonner ses fautes (1185), de lui donner le pouvoir de
suivre les commandements divins (037), de le défendre des peines de
lenfer (988) et de le recevoir dans son saint règne (1965).
11 résulte de tout cela et de la longue durée de son emprisonne-
ment que l'auteur, à l'époque de la composition de son œuvre, en
1254, était déjà d'un certain âge; mais il n'est pas possible d'en tirej.
des conclusions précises et sûres.
Selon M. Bartsch, Grundriss, p. 37, ces poésies dénotent un au-
teur qui n'était pas sans érudition et qui était probablement ecclé-
siastique. Je n'ose décider cette question ; eu tout cas, il connais-
sait bien la Bible et la vie des saints, et il cite une fois les « saint
paire » (v. 2633] .
L'auteur, comme il le dit lui-même, fut emprisonné plus de vingt
ans. Pour quel motif? Nous ne le savons pas. Dans quel lieu? Nous
l'ignorons également. De quel pays était-il? Il ne lapas dit, mais
nous sommes en mesure de décider cette dernière question par les
particularités de la langue dans laquelle ses poésies sont composées.
L'auteur a voulu écrire en provençal, mais il est évident qu'il savait
mal cette langue. 11 n'a pas observé les règles de la grammaire prov.;
il a employé des formes italiennes et françaises; il a même créé des
néologismes inouïs. Aussi peut-on assurer qu'il n'était pas Provençal.
M. Paul Meyer a déjà émis l'opinion {RomaniafMlW, 161) qu'il
était Italien, parce qu'il faisait rimer es (fermé) et es (ouvert). Je ne
puis" que me ranger tout à fait à l'avis du savant professeur de Pa-
ris. Il me semble hors de doute que l'auteur était de l'Italie, et plus
spécialement de l'Italie septentrionale, car nous rencontrons chez lui
des particularités qui se retrouvent dans les poésies italiennes du
Nord.
Voici les particularités qui, quoique de valeur inégale, me semblent
prouver, dans leur ensemble, que l'auteur de nos poésies était un Ita-
lien du Nord.
1 . é rime avec è, a avec b :
a: prècs : secs, 2808; fèls : éls, 1768 ; béllas : verméllas, 133;
pulçèlla: estélla: vélla (= vêla), Ï&OO: vèrms: ménns, 141 (?J;
fès: es, 43; hês : après, 49; es: près, 87; adès : defés, 177; mes:
cofès, 199; es (= etz):seréSj 1341; bés : confès, 1423; confés : mes-
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 177
près, 1679; vengués : perdes, 196S; es (= elz): mercés, 2739 ;
servèç : aiiréç, 343 ; nuré(;: venèç, 789.
b : afàla: gôla, 313-4; cor: dolçtir, 841 et llOl; pcccadôr: cor,
2042; peccador s : cbr s, 2425.
2. — Le latin au devient ô dans or, v. 95 (aor, v. 281; aur, 732,
1655, 2817). On s:iit que at( reste, en général, enprov., il y a pourtant
dans cette langue un certain nombre d'exemples de è; pour eu. Cf.
LitcralvrbhdL f. germ. n. rom , PIiil.,4, 318.
3. — Les mots commençant par s impur ne reçoivent pas Ve pro-
sthétiqne: schernida, 278, scherniç, 600 (lems. a eso/ierniç, njais la
mesure exige un mot de deux syllabes), schernimens, 1158, à côté
de eschern, 683, 994 ; schut, 1548: mais escut, 2017, 2194^ 2421; —
sperança, 1423, 1822, 1988, 2016, 2407, 2504; mais esperança 1412,
esper 804, 2701; — speriç, 2213, 2472, exigé par la mesure 1917,
2167, spirilals 655; mais esperir 1115-6, 1216, 1352,1384; esj^e-
ritals 67; — spinas 685, mais espinasWb^, exemple qui n'est pas
sur, puisqu'on pourrait écrire de spinas; — sposa 1262 , — stat, 630,
1406, 1680, 1918; mais estaç 719,— slrada 251, 941, 2249; —slella
1602, 1845.
4. — L'aphérèse est fréquente : quest, 49, 361, 438, 773, etc.; mais
airpiest, 152, 2212, 2401, 2760, e{c.\—caxon, 221, 665 (chaque fois
après une voyelle), chaiixonn, 2591; — ternal, 341, 793, 1205, 1479,
etc.; mais clerna, 240, 2548 (peu sûr, car il va chaque fois vida
elerna, ne comptant que pour trois syllabes à la fin du vers); — ne-
mic, 1072,1521, exigé parla mesure 360, 492,1496, 1621,2332;
mais enemic \&è, 1367, 1448; — handona o~2 , mais abandona
1235, — scollar 835, mais esscoUar 8, escoUet 2217, escholLar
2928, ascoUat 2929; — xangelisle \AôQ> , vangelisl, 1950,2876,
2910 ; vangelisla 2034 ; mais evangelisl 2920, et exigé par la me-
sure 1703; — quel, 1698, 1793, exigé par la mesure 1136; mais
ixiqucl, 557, 728, 877 ; aiqtiil, 645; auquella, 665, etc.; — smendon,
2077, smendar, 2582, mais c smend a, 2&il3^, — /e/7}-a??frt, 2389 (le
ms. porte alegrança, mais la mesure exige raphérèse), 2726 (où
le ms. a servir alegrança, ce qui ne donne pas de sens', mais ale-
grança, 1422, 1575, 1859, 2541, etc.; — podera 2499, mais apode-
raç 2502.
Aphérèse d'une syllabe: gan, 1386, à côté de engans, 169, 324; —
slauradas,2Ç)oi. — Cf. Mus3afia,C<?«7m^g, p. \'ô;Monuni. ant., p. 10.
Tobler, Cato, § 13 c; Ugiiçon, § l'a c; Girard Pale g, % 13 c.
5.— Substantifs en -or masculins. Les substantifs en -or sont, on le
sait, féminins en proveuc^-al, tandis que les mots corres|)ondants ita-
liens en -ore sont masculins (cf. Gaspary, Sicil. Dichlerschule, p. 207).
Bertolome Zorzi est, que je sache, le seul troubadour dont les chan-
178 POESIES RELIGIEUSES
sons offrent des exemples de valors, amors, employés comme mas-
culins, et il était Vénitien. Cf. mon édition, 6, 24, et 17,6 note. Dans
notre texte, l'emploi du genre masculin à côté du genre féminin est
fréquent. — Masculin: lo seu amor i\2, 742; lo saint de deu amor
1220, lo dolç santisme amor 1442, la sanlisme amor 1618, son
onor 632, al sens honor 2895, loi spUtndors 1024 , aucuns res-
plandors 2527, dolor malvaç 1778, aiquel dolors 1906, toi do-
lors 1994, sor tôt dolors eral vosire flus greu 2308, tôt bon sa-
bors 1940. — Féminin: las dolors 687, la soa dolçor, 842, 1102,
\2\'è ,la vostra samta valor 1441, sas yranl valors2Ç)2%, s'amor
1710, 1742, 2433, 2585 ; la granç amors 2187, las folors 1930, la
vigors 1938, la fiors 2448, sa colors 2449.
6. — Les adjectifs dois et cortes sont employés au féminin, tandis
que le provençal ne connaît qne dansa et cortesa. Cf. Diez, Gram-
matik, II, 73, et II, 380. Seulement, chez Zorzi se trouve aussi lem-
])loi de corles au féminin, 17, 15, emploi qu'il faut attribuer, comme
le pense M. Chabaneau, aune influence italienne. Cf. Revue des lan-
gues romanes, XXV, 196. Les exemples offerts par notre texte sont
les suivants :
De la dolç tergen maire 2168, exemple cité déjà par Diez, Gr., II,
73, dolç et fedels amansa, 2206, exemple qui n'est pas sûr, puisqu'on
peut écrire dulç'et ; ço es la dolç vergen Sainta Maria. 2621; mais
dolçamens; 935, 1934; — domna cories. coind' et valens, 22&0 à
côté de cortesa ( : mesa, apresa), 1593.
7. — Est-ce aussi à une influence italienne qu'on doit attribuer les
pluriels fém. en -a au lieu de -as, qui se trouvent dans notre texte?
Les substantifs italiens en -a n'ayant pas à's au pluriel, mais finis-
sant par une voyelle comme au singulier, l'auteur se sera-t-il par là
laissé induire à employer aussi enprov. un pluriel finissant par une
voyelle, mais en gardant celle du singulier, tandis que l'italien a -e?
Quoiqu'il en soit, ces formes existent, et quelques-unes sont assurées
par la rime:« qu'a segun guierdona que sun staç Yobra bona », 630;
a de las vostras greus jilaia (: desplaia), 2141 >> (si la leçon du ms.
est bonne ; mais j'avoue que le sens de ce vers m'échappe); « et las
vergens totas que son g racida (: Margarida) », 2877; « sun faiças et
rimada se. aiquestas oracions » (: donada), 2908. Ces exemples
étant sûrs, j'ai dû laisser intacts d'autres passages où il était facile
d'introduire la forme régulière, par exemple, «en las enfernals joena»,
74 (on pourrait corriger: la enfernal);« Eç en rosas molt hel&s, Blanca,
groias, vermellas. De tôt' autra divisa^), 134-5, car on aurait pu cor-
riger blancas, divisas et per nulas guisas au vers 136; « de totas
sas ofensa », 1050 (on pourrait écrire: de tota sa ofensa ), et de
même 1370; « de mos peccaç, de mas offensa », II82 (on pourrait
DU MANUSCRIT DK WOLFENBUETTEL 179
corriger: ma oHeiisa); tais obras complida (: vida), 23G7 (on pourrait
corriger : tal obra); de greus offensai: valença), 2489 (on pourrait cor-
riger : </re« ; ou même, en regardant le tout comme singulier, laisser
(jreus, car l'emploi de la forme du cas sujet, au lieu de celle du cas
oblique, est une autre particularité de la langue de notre auteur,
dont je parlerai tout à l'heure); « et dels peccaç cai faiç et dels
offensa », 2759 ( ou pourrait corriger : « de l'offensa); « aiquestas
obras scûita{: cinquanta) foron faças, escrichas et fenida » (:vida),
2934-5 (pour ce vers, voy. plus bas n" 15). J'ai, en conséquence aussi,
gardé au vers 2815 (( mas plagas de /a quais », où l'on serait
tenté de corriger las.
L'auteur ayant employé des formes en -a, au lieu de celles en -as,
a-t-il aussi commis la faute inverse et employé la désinence as où la
grammaire demande a; en d'autres termes, a-t-il employé la forme
du pluriel au singulier? Cela paraît à peine croyable, et j'avoue que
j'ai longtemps hésité avant d'introduire de telles formes dans mon
texte. Mais, comme les exemples en sont fréquents, comme il n'est
pas impossible qu'un auteur qui savait très-mal le provençal et qui
écrivait « las rosas blanca » ait aussi éciit l'arma dolenlas, et que
l'emploi fréquent du pluriel des substantifs abstraits, par exemple
iras, pouvait le confirmer dans cette erreur, je me suis à la fin dé-
cidé à laisser ces formes telles qu'elles sont dans le ms. Il n'y au-
rait pas eu lieu de douter, si au vers 1160: « per trobar nos veira
tnecinas (: espinas) D'aiquel greus doloros tormens », mecinas devait
absolument être au singulier ; mais je crois qu'on peut nu besoin ad-
mettre le pluriel (voiras = veira}. De l'autre coté, deux vers sem-
blent prouver que les formes en question sont des fautos; du copiste
et devraient être corrigées; ce sont les vers 249 et 317. Au vers 249,
la leçon diî ms. obras doit être changée en obra ( : obra, 3^ pers.
sing.); mais je ne crois pas que nous ayons ici affaire à un singu-
lier, le sens me semble demander un pluriel, et j'ai pour cela écrit
lais obra = lais obras; le copiste aurait donc seulement mis la
forme régulière au lieu de la forme incorrecte employée par l'auteur.
Au vers 317, j'ai changé le guiças du ms. en //»/';"-• à cause de ca-
luiça du vers suivant, puisque c'était le plus naturel ; mais je ne suis
pas persuadé que guiças : camicus aurait été hors de toute possibi-
lité. De même, il serait facile de corriger faicha au v. 685 et relrai-
cha — la dolors aux vers suivants. Ne jugeant don'S' pas ces vers
comme une preuve sûre et décisive, et eu égard aux raisons que j'ai
citées plus haut, je n'ai pas osé prendre sur moi la responsabilité de
changer la leçon du ras., et j'ai mieux aimé courir le risque d'être
blâmé comme trop conservateur que de mériter le reproche d'avoir
changé le texte du ms. sans y être autorisé. J'ai donc gardé dans
180 POESIES RELIGIEUSES
mon teste un assez grand nombre de fém . sing. en -as: par exemple,
totas nauça 2, totas gen 12, l'an faichas la persona 37, qnal caiiças
89, es la mort faichas 100, arma âolenlas 118, vita eternas 240,
Varmas 354, 358 ("? voyez la note sur ce vers), 536, 746, 2102 ; co-
rona faichas 685, auras llS, attiras criatura 848. sens totas failla
872, \eirsi meçi/ias 1160 (vers dont j'ai déjà parlé), en l'oras 1204,
1255, 1373, de l'oras 1426, l'oras 1478, 1643 (où l's serait peut-être
Ys adverbial); colpas 1266, filas 1343, 2289, 2351: totas ma fiança
1421, la saintas amistaç 1454; reginas 1492, Vimas se. ves 1625,
Vautras tallaclas 1626, totas sa voluntat 1820, la segundas se. ves
1972, vidas 2391, totas persona 2556, totas la bontaç 2793, Sanclas
Marthas 2S83.
J'ai de même laissé intact le pron. rnàs pour ma 1419, 1422, 1470,
et celas pour cela 1649 *. — Guidas 2002 peut n'être pas tout à fait
dans le même cas ; il désigne une personne masculine et Vs peut y
avoir été ajouté par fausse analogie, d'après des substantifs mascu-
lins comme reis, mons, etc ,
8. — Article masc. plur. obi. Zt pour las, mais seulement devant
une voyelle et comme enclitique (Z) après une voyelle. Exemple: a.-
« (prec). . . . .toç Vautres apostol » 1042, « que faiç Varbres florir »
1898, « ab Vautres sans valens ))2763.
b : « las stradas el camis » 251, « es donaç al verms » 748, segner
sobrel segnors » 849, « amiga del sans » 1522, maxon del sains »
1993, « el vostr' amies façia perseguir » 2463, « preçichan lo vostre
diç el vostre mandamens » 2468, « (prec) . . .els apostol trestuit eZvan-
gelist » 2876, 2910 ; « (prec) las saintas vergen el seniors » 2913.
De même l'article féminin devant une voyelle est V pour las :i.( qu'a
segun guierdona que sun staç Vobra bona» 630, et peut-être v. 358;
voyez la note sur ce vers.
9. — On trouve une fois au v. 22961epron.pers. 2 pers. pi. sous la
forme ve: « quant Tagnel saint lo saluç v'aporteit. » — L'auteur a-t-il
aussi employé Me à côté de nos? Il y en a quelques exemples qui se-
raient pourtant faciles à corriger et qui pourraient bien être une faute
du copiste. Cepebdant, le v'aporteil du vers 2296 étant sûrement dû à
l'auteur, j'ai aussi laissé les formes ital.du pron.pers.de la première
personne : « que de peina nos gar | en deia perdonar | las nostras fa-
liçons » 1046, « sian defendedor » 1111, « en defenda » 2108 — Se pour
nos se trouve au vers 2454 : « Nos recreçem de ben dir e de far. »
Comme c'est aussi une particularité bien connue des auteurs del'Ita-
1 Qu'il ne faille pas imputer à l'auteur toutes ces fautes, cela est prouvé
par le vers 754, où le ms. porte nonas, tandis que roriginal avait nona
(: doua) .
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL ISl
lie septentrionale (cf. Mussafia, Altmatlàndische Mnndarl, p. 20;
Tobler, Ur/uçon, § 41 a), je n'ai pas changé «os en nons. M. Chaba-
neau a noté (i^JHrtnui, IV, 344) un certain nombre d'exemples du
même phénomène dans des textes modernes prov. et béarnais; mais
il dit n'en pas connaître un seul exemple dans les textes du moyen
âge. Je n'en ai, moi non plus, jamais rencontré.
10. — Pron. pers, conj. :> pers. sgl. /j pour /or. Cf Mussalia,
i-Va /V<o/mo,p, 146 ; Tobler, U(jv(;on, jJ41c, Girard Pale f/, § 41c,
CcUo, jJ 41 c). Par exemple: « Ja mais n'auran dolors Ne ren que
bcn uo^ sia » 79, « Deu reclaman suven, Mas tard es nol valt ren »
330, '( Saian ben ses mentir Grant pros nol pot fallir » 442, «Mais
il pessan allors ; Tan li plai la folors », 514, « Tuç tenon cel ca-
mins Ne de deu uo^ soven » 525, « Deus lor recort el remir lor ta-
len » 2100, « SiaZ per vos questas graiças donada» (à ceux (pu liront
ces oraisons) 2907, '< per lor deian preiar Et per merces li deiaç per-
donar» 2916, « Et quel façaç del rie ioi ternal don » 2918. A côté de
li la bonne forme prov. /or est fréquente, par exemple, 87, 88, 416,
528, 879, etc.
Li au lieu de lor s'emploie encore dans le dialecte moderne de
la Provence et du bas Languedoc ; il y en a quelques rares exem-
ples dans les textes' du moyen âge. Cf. Chabaneau, Romania, IV,
346, et V", 372. Sur li = lor en vieux fr. cf. Mussafia, Gr'ôbers
Zeitschrift, III, 253, n.2.
11. — Pron. pers.masc. \)\. li pour ?05, mais seulement, de même
que l'article, devant une voyelle ou comme enclitique après une
voyelle : « et cill que non an cor En vos, meteç /'en la vera cre-
dença E/ faiç venir a voira penedença » 2044-5, — « e trais fors sos
amis E/ mes en paradis » 704, « Eç anbesdos li/ sugastes » 2734.
12. — Pron. poss. 2* pers. pi. obi. vostre pour vostres: « los
voslre mandamens » 883, 903; « el vostr' amies facia perseguir »
2463, <* el fos^re mandamens » 2468, (( e li lavest de l'aiga de vosir
oils » 2731 .
13. — Pron. poss. Emploi de la forme tonique sans aiticle: « soa
voluntat))422, « mm sperança « 2258, soa cortesia » 2627; mais k la
soa vertut » 566, (( la soa doiçor x 842, 1102», la soa grant bon-
taç » 1105, «eZ scu servis permaner » 1662, « la mia foldat » 2755.
Un autre exemple de la même particulaiité se trouve chez Zorzi,
15, 44: de mia entencio, cf. Revue des l. rom., XXV, 196.
14. — Verbe. Gauder au lieu àe jauzir : « Pauc vos val vostr'
aver Que un iorn poeç gauder nll2. En conséquence, dels gaiidens
1990 à l'intérieur du vers, et esser gauden 2059 (: marrtmen), doi-
vent être conservés, quoiqu'il soit facile de corriger ^aw^ens et ^au-
zen.
182 POESIES RELIGIEUSES
15. — La troisième pers. du sing. sert aussi pour la troisième
pers. du pi. (cf. Tobler, Ugiiçon, § 47, Calo, § 47, Girard Palet/,
^ 47, Mussafia, Mon. ant., p 13). Par exemple: « Plus noir sunt
de carbons Cels que lai les amena » 73, « Qu'ausi longamens viu Los
chaitiu cum los pros » (: çatiu) 102, <( las stradas el camis Queus
port en paradis » 252, « quan volon, uo j)o les » 257, « que d'aiço non
consire Ni deus volon amar » 274, « quar entro qu'il avia Poder...
Non volgron consel prendre » 331, « Que s'il sera la bocha, No po-
don colpas dir » 380, « quel faiç de deu o&^icfax 516 (o&^iV/on au vers
suivant), «tôt desiran quan ve 556, (Adam et Eva). . .que fon formaç
premier » 870, «pauc en son... los voilla raantenir » 90'J, « toç l'an-
gels qii'es laisus » 1031, «los bos ausi cols mais anava » 1140 (mais
venian au vers suivant), « Que cels que an colpa aguda Et vol se
pois a vos tornar » 1267, « et que n'an fait tant cum a mais pogut »
2438, « ben son plens de folors Cil qui vers lei ab umil cor nos pleia»
263?,. . .« qu'aiquist toç un pensaç aia n 2712, etc.
Ayant employé o pour an, vol pour volon, ce qui s'explique par
l'usage italien, l'auteur a-t-il aussi employé an pour a, volon pour
vol, la. forme du pluriel au lieu de celle du singulier, ce qui ne s'ex-
pliquerait que par son ignorance de la langue dans laquelle il vou-
lait écrire? Je n'en suis pas sûr, car il n'y en a pas d'exemple dé-
cisif, et le vers 396, où -le ms. porte far an el au lieu de far al, rendu
nécessaire parla mesure du vers, justifie la supposition que les au-
tres cas de substitution du pluriel au singulier sont également dus
au copiste. Mais ce n'est là qu'uue supposition, et en conséquence je
n'ai pas corrigé. Il y a donc:« deus que l'an faichas la persona »
37, <( la movtXov sunt près» 88, «l'arma... non er?5irfl>?.... non auran...
121-3, « qui se esplcita. . . .se defendran-» 237, « deus los atneran »
238, «l'armas sunt morta « 358 (cf. la note sur ce vers), «la grant
folors Que sun en nos » 2127, « Et a toç ço que contraire me son »
(: mon) 2373, «et queil seran rendut Lo gierdons » 2430.
J'ai dit qu'aucun exemple n'était décisif; peut-être n'aurais-je pas
dû parler d'une manière si absolue, car le v. 2373 semble bien ex-
clure tout doute. Pourtant, comme le prov. employait souvent le
verbe au pluriel a\nès cascus,totz hom{ci. la note sur le v. 409),
ne pourrait-on pas l'admettre aussi après tôt fo .^ (Cf. aussi v. 2917
et note.) Peut-être faudrait-il citer ici aussi les vers 2934-5 : « ai-
•questas obras santa Foron faças, escrichas et fenida »? 11 me sem-
ble même vraisemblable qu'on doit voir dans aiquestas, obras, faças,
etc., des noms sing. en -as, et que cette «oeuvre» désigne l'ensemble
des poésies, le « livre» du vers 2929. Le dernier vers « cel que la
fes » me semble confirmer cette opinion. Il est néanmoins possible
que aiquestas obras désigne «les prières qu'envient de lire», qu'il
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUKTTEL 183
y ait donc vraiment un pluriel, et ([ue sanla 2934 et fenida 2935
appartiennent aux formes dont jai pai-lé j)lus haut sous le n° 7, où
j'ai aussi cité les vers en question. Il faudrait alors ou corriger /r?s
au V. 2936, ou admettre qne l'auteur ait aussi employé le pronom
la au lieu de las.
16. — Prés. 3° pers. sg. conos au lieu de conois : « per que da
vos lo tenon el co?îos))(3' pers. du sing. au lieu de celle du pi.),
V. 2709 assuré par la rime (: vos), et à l'intérieur du vers 2685. Cf.
Girard Patey, v. 269 cognos. Je ne connais pas en prov. un seul
exemple de conos comme 3e pers. sg. ; mais j'ai noté deux exemples
de la même forme à la première pers., qui en général est,on le sait,
conosc : « Dalfin ben sai e conos» (: coilos) .Mahn,Werke, II, 31,
et « Mai per pro, domna, lo sofris el cognos-». Mahn, Ged., 278,
7. Mais je trouve aussi une fois conois comme l«''pers. Mahn, Ged.,
1010, 3 (conoissi, M. G., 1162, 1, et Suchier, Denkmiiler, I, 102 1.
1-16), donc la même forme qui est régulière à la 3^ pers.; il se pour-
rait donc qu'il y ait aussi en prov. une 3"= pers. conos à côté de la
première. — Conois se trouve aux vers 464, 545.
17, — Parfait 2e pers. plur. A la première coujugaisou, nous ne
trouvons pas la forme régulière en -etz, ou avec affaiblissement de
/s, en -es, mais des formes en -as et -fls<. Elles se trouvent souvent
à la rime, mais malheureusement rimant toujours avec elles-mêmes.
a: vedas : coniandas 875-6, degnas 893, 112Î; montas: laisas
901, laissât 1164, 1168, 1824; latas 1347, suscitas 1753, sudas :
preias 1972-3, mostras 2024, formas 2339, dreiças 2465.
b : deignast : sositast 979-80, traversast : gitast 1 175, engendrast:
2)ortast \'S4o, sositast: montast 2120, donast: enluminast 2470, gi-
tast 2735, portast: pauçast 2775.
2^ conjug.: perdis 1904 à côté de perdes (:vengues 1969), nas-
qiies (: vengiies) 1034.
Parf. fort: traisis 961, faqis 975,1391, 1752 (: convertis), tan-
guis 2773, receubist 2775, faisist (: evangelist ) 2909, à côté de
vengues (: mes)\\A2, Iraises (: es) 967, feçes (: es) 845, (: es)
1125, aiguës: feiçes 1189-90, etc.
Dans les textes de l'Italie septentrionale, nous trouvons à la pre-
mière conjugaison -assi, -asse, plus rarement -asti, -as te, dans les
autres conjugaisons -essi, -esse, -issi, -isse, et plus rarement sï au
lieu de ss. Cf. Mussafia, Altmail. Mundart, p. 2S, Monum . antichi,
p. 14; Katharinenlegende, p. 14; Fra Paolino, p. 148; Tobler,
Uguçon, § 52.
Les parf. en -as et -ast ne sont pas, il est vrai, assurés par la
rime ; mais comme ils sont si fréquents, sans qu'un seul exemple de
la forme prov. en-eçou -es y soit mêlé, et que le parf, façis 1752
1S4 POESIES RELIGIEUSES
est assuré par la rime, je ne doute pas que l'ensemble des formes
citées ne soit dû à l'auteur. L'influence italienne est évidente; mais
on ne sait si l'auteur a voulu provençaliser les formes italiennes, en
omettant la voyelle à la fin, ou si en e!fet les formes sans voyelle
existaient en italien. Nous trouvons re?rf^es dans Ugnçon, \ . 2o4;
serait-il trop hardi de supposer que les formes sans voyelle étaient
en réalité plus usitées que cet exemple isolé ne le ferait croire ?
18. — Futur a faUir= fallira (: avenir) 399, a partir = partira
(: acoillir) 2616, et si la correction que je propose est acceptée,
aussi au vers 560 an s'enganar = s'enr/anaran (: giiidar). Les
deux parties dont se compose le futur peuvent bien être séparées
aussi en prov. (cf. Bertrand, Qunestiones Provinciales, diss. de
Bonn, 1864, p. 26 ss., et Cari Fr. Wolff, Futur nnd Conditional ii
im Altprovenzalischen, diss. de Marbourg, 1884, p. 24 ss.); mais
jamais le présent à'aver n'est mis devant l'infinitif, ce qui est fré-
quent en italien. Cf. Mussafia, Monumenti antichi.p. 15; AltmaiJ .
Mitndart,i). 32; Tobler, Uguçon, § 56 b; Girard Pateg, § 56 b.
19. — Participe passé falli (: mi:) 1782; mais aiiçit: dit 140-6.
Cf. Tobler, Uguçon, v. 425 feri. Mais il y a là peut-être une in-
fluence française.
20. — Elisioa de Yo de no, cf. Tobler, Uguçon, p. 33; Girard
Pateg, § 24d. Je n'en ai rencontré d'exemples sûrs en provençal que
chez Rambertiu de Buvalel, qui était de Bologne, cf. Literaturblatt
fur germanische tind roni. Phil..\l, 506, et Vil, 505. Dans notre
texte, les exemples en sont très-fréquents, par exemple, vv. 70, 78,
98, 143, 157,295, 432, 761, 762, 789, etc.
Les particularités que je viens de citer appartiennent décidément
à Fauteur; elles sont assurées ou parla rime ou parla mesure. Mais
il y a dans notre texte encore un assez grand nombre de formes
italiennes, qui se trouvent ou à l'intérieur du vers, ou qui, quand elles
sont à la rime, pourraient être facilement remplacées parles bonnes
formes provençales . Je suis persuadé que toutes n'appartiennent pas
à l'auteur; s'il va par exemple une fois ri'fa 1512 et partout ailleurs,
et assuré par la rime, vida ; s'il y a toujours sabors, mais une fois
saporos 2221, il est extrêmement probable que vita et saporos sont
des fautes du copiste,mais cela ne saurait être considéré comme ab-
solument sûr avec un auteur comme le nôtre. J'ai donc gardé par-
tout le texte du ms. qui nous offre encore les italianismes suivants,
1 . — Insertion de n devant s dans ensiran 121 (pr. eissiran) (mais
1511335) et enscorsat 1720; cf. Tobler, fV/nço«,§24 d, et Cato, § 24
d; Mussafia, Fra Faolino 145, Beitrage lô, Katharinenlegende 10.
2. — Averlas (pr. uhertas) 312(cf. Uguçon v. 1641), vita 1512,
hia^ (fj 2025, saporos 2221.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 185
3. — Article masc. sg. el au lieu de /«.Seulement une fois « eç
os.taç me denant los oils eZ fum » 2481. Cf. Mus.safia, Mon. ant.,
p. 11 ; Fro Paolino, p. 145. Dans d'autres passages « faça el seu
saut ofice » 28, « c'om non poiria cl cens dir » 128, « bon sera el
guierdon >> 222, « qui fara el contraire » 396, « vos fo el cap del cors
partit » 1713, « far contra eZ seu voler » 1740, l'article eZ n'est qu'ap-
parent, car nous trouvons aussi :« qu'a nii el fassa »{= mil = milo)
1646, « m'arma cuidegncç gardar » (=nrarmam = m'arma me)1949;
tôt conort del siec/le c»i desconorta» (= sieglcra = siegle me) 2851 .
J'ai donc corrigé partout ej; écrit /aç«Z, seraZ, etc. Pour l'insertion do
cet e, vovez Chahaùeau, G ra))nnaire limfiusine , p. 354, note sur la
page 58 ' .
Je crois que l'explication de avérer à coté de ovrer, soverain à
côté de sovrain proposée parlNI. Neumann dans Griibers' Zeitschrifi,
VIII, 258-9, doit aussi être acceptée pour Ve en question ; il n'est
qu'un signe pour (jppréscn ter le .S'^/j»») <o>i qui formait syllabe, l'arti-
culation étant plus lente à cause de l'union moins étroite de la forme
enclitique avec le mot précédent. L'articfe eZ n'est pas du reste tout
à fait inconnu en provençal. Cf. i?o)>ia«m, IX, 156-8.
4. — Pron. poss. sos au lieu de sieus : « E pois tan es lo so ries
faiç valen. » Je ne connais en prov. qu'un seul autre exemple : « lus
en la preissa feric caseus lo so.n Chanson d'Anlioche, Qo4.
5. — Prés. \^^ pers. sg. creç (cf. Uguç., v. 635) 974 à côté de
crei 981 (: merceï), 1982 et de cre 1.300 (: merce).
6. — Prés. 3e pers. sg, ^o 257àcôtéde pot 147, 276, 1311,2507,
j^od 576, 600, _po<i 394, 2509 ; sa 540, 2103, 2.577, mais .yaft 2480.
7. — Prés. P* pers. plur. P'^ conjug. en -cm: cknncni 2[{\0 ss.;
aprosmem^2Q07 . De même au subjonctif prés, des autres conjugai-
sons: temem 2572, faiçe m 2-lb3, recrezem 24b4, servem 2452, 2641 .
Cf. Tobler, Uguç., § 55.
8. — Prés. 3«pers. pi. en pour son 494, ;joj? pour podon201] . Il
pourrait sembler que ces deux formes doivent ajipartenir à l'auteur,
puisque en écrivant son au vers 494 {que son au lieu de qu'en) et
podon 2071, les vers auraient une syllabe de trop. F'ourtant cela
n'est pas sûr, car. l'original aurait bien jiu avoir qu'es 494 et pot
2071.
' M. Chabaneau ne cite que des exemples où Ve se développe devant /. On
voit par les passages cités plus liaut, que c'était la-même chose devant m.
On doit y ajouter l's, comme le prouve le passage suivant de Folquet de Lune),
éd. Eichelkraut, IV, 15-16 : « merces, en cuy mos cors s'alura, es mftra en
lieys per aventura. » S'alura es = s'aturas (= s'atura se). «Merci en qui mon
cœur séjourne se mettra en elle. »
185 POESIES RELIGIEUSES
9. — Parf. 3epers. sg. soslen poui- sostenc 2597, ven pour venc
G4S, 652, 1223, 1346.
10. — Parf. 3" pers pi. be conj.: ligan 1975, soleran 2307. Cf.
Tobler, Uguç., § 47 . Comme tous les deux se trouvent à la césure, on
pourrait corriger ligeron, soiereron, la. césure épique étant fréquente
dans notre texte. Ameron se trouve au vers 2884.
11. — Imparf. du subj. Irt- conj. 3"= pers. sg. en -as au lieu de -es,
Supers, pi. -ason au lieu de -eson: donason 502, manias %ll,fi-
nason 2443, degnas 2830. Je nai pas trouvé d'exemple en -es. En
prov., on rencontre quelquefois à la l""? et 2e pers. du pi. -assem et
-asselz ; Diez, Grammatik, II, 200, n. 2, et p. 204, en cite plu-
sieurs exemples ; d'autres se trouvent : Malin, Ged., 954, 3 ; amassetz,
Monch von Montaudon, éd. Klein, 12, 55: regnasseiz, ibid. 10, 9;
cossellasses, tardasses, Flamenca, 2046-7; donases, Flam., &S&2.
Mais je n'ai jamais rencontré un exemple du singulier en -as et de
la 3e pers. pi. en -ason, et pour cetb jaison et \mvce que notre texte
présente tant d'italianismes, je regarde aussi ces formes comme
telles, tout en avouant que les pi. en -assem et -assetz rendent pos-
sible et même probable l'existence du sing. en -as et de la 3« pers. du
pi. en -ason aussi en provençal.
12.— Futur: amera 2ôô0, ameran 23S, legeran 2904, 2928, veran
717, 2052 (mais venrai 1204).
13. — Gérondif: venans 1410, cf. Tobler, Uguç., § 49 j Mussafia,
Altmail.Mundarl, p. 31-2; Mo7i. ant., p. 14. Mais dormens (:plens),
au même vers.
14. — Passif formé avec venir: en greu loc on venian mes 1141,
Il yen a pourtant quelques rares exemples dans d'autres textes pro-
vençaux : Zorzi, Biographie, II, ligne 15: <( un eastel qui ven apel-
latz Covon >y,Revim des Z.rom.,XXIX, 223, v. 72; « qu'ieu las non
venga perdittz»; ib. p. 233, v. 4.56: « que yeu puesca venir
a.fiatz . ))
15. — fin a pour Iro a 1962.
Outre ces italianismes, notre texte offre un grand nombre de for-
mes françaises. Elles sont dues assurément en grande partie à un
copiste, comme le prouvent les vers 549, où le ms. porte riens- au
lieu de res, exigé par la rime (: bes); 966, où il donne fornais pour
fornas (: Jouas); 967, où il y a traisistes, tandis que l'original por-
tait traisses (: es); 1 168 et 2597 crois pour cros (: nos); 1321 mains
pour mans (: flans) ^ Pourtant quelques-unes d'entre, elles appartien-
nent certainement à l'auteur.
1 . — malfeç (: aureç) 120.
2. — grant x>iças 687(?),
3. — sage 444 (: coragé) à côté de savis 449.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 187
.le ne connais qu'un seul exemple de saye dans un autre texte
prov.; c'est dans une chanson anonyme, Mahn, Gf(^.,558, 3. Mais
la langue de cette pièce est loin d'éti'e dupi-ovcuçal pur, et là aussi
sage est une forme française.
4. — Pron. poss. nos, vos, pour nostre, voslre : de far vos man-
danien 980,2159; Saint Jaqueni cos fralre 202(3, auiaç nos prec
2163, presou vos fils 2300, veçen vos oils 2302, nos greus peccaç
2459, vos faiç euutar 2535, el vos braç 2770.
5. — Je ne sais s'il faut aussi attribuer à l'influence française la
3'î pers. pi. du futur de esser : a eron», qui se trouve au vers 2104
(le ms. porte erron, mais c'est évidemment une faute pour eron). Jo
ne connais du moins aucun autre exemple pareil en prov., tandis
qu'en français erent n'est pas rare. Mais il n'y a pas, je crois, lieu
de douter (ju'il ne faille attribuer à l'influence française une autre
particularité delà langue de notre auteur: l'emploi de erou erl non
pas seulement comme 3e pers. sg. du futur, mais aussi comme .Supers,
sg. de l'imparf . Voici les passages qui offrent cette particularité :
« Ja n'er tant orgoillos , Quant plac al segnor deu, Nol convertis
en breu» 1009; « moût vos honret quar il ert vostre paire » 2288.
Peut-être aussi au v. 588:« Qu'anc non fais erni trais Nuls hom...»,
où pourtant l'ordre des mots étant irrégulier (on attendrait non er
fais), j'ai changé le falser du ms. en falset. Le prov. distinguait
bien l'imparf. era du futur er ; mais en français on avait ert aussi à
l'imparf., à côté àe ère ; cf. par exemple, Fôrster, Aiol, 710 note.
6. — Prés, du subj. seit (sU), assuré par la rime au v. 1014
(: perdoneit) et 1805 {:dreil), à l'intérieur des vers 1445, 2332,2.565,
• 2603. Il y a souvent, mais toujours à l'intérieur du vers, soit, par
exemple, 1136, 1278, 1500, 2213, 2272, etc. L'auteur employait aussi
sia, seia et soi, dont je parlerai plus tard.
7. — Parf. pendi, stendi, vendi, au .lieu de liendet.stendet, vende t.
Vendi: jjendi 1285-6, stendi 1321, pendi (: enansi) 1833. Le der-
nier passage prouve que ces formes sont ducs à l'auteur.
8. — Parf. 2e pers. pi. -sles. « Et pel saluç quel mandastes tan
gen » 2352, « Vos desliastes los vostres blons cabels Eç anbesdos lil
sugastes ab els » 2734-35 ; — «Etel vos hvaq noristes et pauçast »
2776; — « Del ventre del poisons Traisistes SainJonas ))965. — Fustes
1149, 11.50, 1159, 1341, 1632 à côté de la forme correcte fos = fotz,
qui se trouve le plus souvent: 1158, 1615, 1618, 1624,1640, 1695
(: angoisos) 1761. 1770, etc. Postes, (\m se trouve aux vers 896, 11.55,
1173, 1440, est un mélange franco-italien ou franco-provençal. Enfin,
on trouve aussi fus 1647, 1904; peut-être y avait-il fos dans l'origi-
nal, que le copiste aura changé par erreur.
Des formes françaises se trouvent en outre en grand nombre dans
Ib8 POESIES RELIGIEUSES
des passages où elles pourraient, sans la moindre difficulté, être rem-
placées par les formes provençales-
Voici le résumé de ce qui me semble le plus essentiel à noter:
I . — E pour a atone : malvaixe 174, ire 273, consire 274, bone
1200, eslres 1243, ombre 2676, etc.
. 2. — E pour a tonique libre: deleç 695, demander 141 .
3. — Article : do 1096, au 960, les 84, 293, 673; des 478, 1634; as
2024 .
4. — Prouom : r/e 994, il 17, 39, 50, 576, 584, etc. ; les 73, soi 1062,
mes 1425, 1582; ses 2451, ice^ 1545.
5. — Verbe. Prés. ind. pe pers. : co^iot'*' 1681, 2505, voyez pourtant
p. 183; pois 141 1, 2374 (pose 2318, 2510; poisc 1428, 2506).— Sepers.
est2622 (es 70, 87 [: près], 98, 99, 258 [: ies], etc.); valt 330,vat{t
2516 {val[: mal], 191,367,2063);— convient \b3 {soven [: mala-
men] 525, ven [: nien] 2093, cove [: merce'] 1364) ; — plaii 528, 741
{plai 3, 554, 743 [: dirai, lai, val'], &t.<i.;plaç [: laç] 361, [: seiac;']
603, [peccaç] 2392); — sat>eç 262.
Prés, du subj . doint 1049, mais cZon 1103.
Imparf. conoxoit 549 (?), «oZeiY 873, tenoit 1328, mais avm (: com-
parpiia) 873, (; sainlifîo) 756, r«Zia (: via) 1327.
Parfait /?< 472,977, mais /es (=feU) 881-2 (: «îesjîres) 1017, 1021,
vint 2215, t^o/^ 1060, 2218, mais vole 2226, 2227.
Futur eri 40, 81, 107,165,456, etc.;sat«reç 106, m&ïa salreç 137.
Condit. saurieç 141.
6. — Par à coté de pcr 25. 201, 1043, 1118, etc.; — o pour «&
977.
Outre les formes italiennes etfrançaises, notre texte offre un cer-.
tain nombre de particularités qui méritent d'être notées. Je veux dire
les formes prov. qui sont ou directement contraires aux règles de
la grammaire, ou ne se trouvent que plus ou moins rarement dans
d'autres textes prov., et s'écartent do l'usage général de la langue
littéraire.
1 . — Les règles de la déclinaison semblent avoir été totalement
inconnues à l'auteur ; il savait que le prov. possédait deux formes au
sing. et deux formes au pi., mais il ne savait apparemment pas
quand l'une ou l'autre devait être employée. Nous trouvons eu con-
séquence, à côté de formes régulièrement employées, non seulement a)
le cas oblique pour le cas sujet, ce qui ne serait pas étonnant dans
un texte de la seconde moitié du XI lie siècle, mais aussi b) le cas
Sujet pour le cas oblique.
a). — Nom sing, masc. g uier don (: ohl. caxon) 222,deu(: den^
débet) 458, hon(: del tron) 628, natural (: oh\. morlal) 698, èon
(: obi. perdon) 825, çaitiu (: m'omeliu) 1313, tort (: obi. mort)
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 18»
1452,5«nc(: oh\. Jianc) 1979, sen (: sen = sentit) 2057, ver (: aver)
2083, greu (: en breu) 2308, aiut 2405, vengut 2428, rendut 2430
(: re/ii<< 3e pers. prés. subj. 2414), esniai f: deschai) 2845, etc. —
Nom . pi . masc. rais (: mais') 84, iuiai- ( : bicnfai;) 156, fis (: paradis)
634, iudeus (: obi, pi. yreiis)2\\f>. aiudar{: nom. sin?. nlnma<;)
2622, peccaç f: sahiaç) 2802, etc.
Nom. sing. fém.: juo>'< 99, où la grammaire demanderait aus.si
fortz pour /b/-^ à la rime du vers suivant; nierce 1000 (à l'intérieur
du vers).
Obi, pi. fém.: yrant galtadas 676 (à l'intérieur du vers).
b) . — Obi. sing. masc. deus (obi. pi. iudeus) 23, guierdos(: nos)
26, d'argens (: las cens) 42, et à l'intérieur des vers 95, 281, pre-
cenç (: obi. pi. obramens) 294, bes (: après) 295, camis (abis) 385,
salvaç{: obi. pi, desesperaç) 805, iugemcnsÇ: nom. sing. secorens]
1027, restauraç (: de toç regiiaç) 1493, cerais (:lais) 1667, comans
(: los sans) 1837, salvamens ]905,batidimens 1913, perdonamens
1921 (: nom . sing. omnipotens 1902, sens 1926, garenc 1945}, guierdos
(: nom. sing. bos) 2551, resplandimens (.-iatas gens) 2825, etc.
Obl.pl. masc, assuré par la rime : inort (: obi. sing. ^or<) 1512,
chaitiu (:.viii = vieil) 1810, falimen(: sen= sentit) 2077 (oii l'on
pourrait, au besoin peut-être, corriger son falimen) .
Ces exemples, absolument sûrs, étant donnés, il n'est pas permis
de modifier d'autres passages où la correction serait facile, par exem-
ple vers 100-1 fort, et ratiu (on pourrait corriger Jo pour los), (j'ai,
en conséquence, noté plus haut vin 102 comme exemple de l'emploi
de la 3epers. sing. au lieu de celle du pi.); los port 941; et à l'inté-
rieur du vers, par exemple, or fan 498, saint 621. 1091, 1353 ; dels
paubre 2005, etc.
Obi. sing. fém. /ms(: nom. sg, aclins), 134, (-.fins nom, sg.)933,
voluntaç (: paç) 1068, saintitaç (.• clamac 2 pi.) 1093, malvesiaç
(: nom, sg. boniaç)li06, mors (: cors = corpus) 1825, «mors 1922,
vigors 1938 (: secors 1916). temors 2408, amors 2433, co.lors 2441,
colors 2449 (: cors 2425), etc.
Obi. pi. fém. de las ofension (:obl. sing, confesion) 196, 972;
las penas enfernal (: voc. ternal) 1206, où Ton pourrait facilement
corriger /a ^ena ,• questas vertut (: refut 3e pi. prés, subj.) 2406, etc.
11 est inutile de noter les exemples de l'emploi coi'rect des formes
diverses qui se rencontrent très-souvent, par exemple, vv. 1, 5, 6,
15, 24, 35, 49, 51, 52, etc.
Les substantifs imparisyllabiques avec accent mobile offrent, comme
on sait, une grande variété de formes ; cf. Revue des langues rom . ,
XXV, 201 SB. L'auteur de nos poésies en a encore augmenté le
nombre par l'emploi des formes du ca? sujet au cas oblique.
13
190 POESIES RELIGIEUSES
Cas sujet sing. — a) mendre 49, anperaire (: faire) 415, peccaire
(: paire) S07, peccaire (: contraire) 1515, peccaire \6S0, perdonaire
1998.
b) peccaires 1309, 1985, 2273, 2800.
c) Salvador s (vocat) (: obi, pi. scgnors) 850, peccadors 1301, pe-
eadors (: nom. dolçors) 2193, enperadors (: cors 2A2b^ sors 2A\Q)
24.57.
d) baron (: don) 414, defendedor (: obi, doîor) WW, peccûdor
1766.
Cas obi. sing.: a) félon (: don, Ire pers. sing. prés.) 168 (: dragon)
1754, segnor (:obl. dolçor) 645, segnor{: obi. dolor) 722, Salvador
(: obi, folor) 2496, segnor 2559.
&^ segner 23, 393, 451, 478, etc ; /"eZ (assuré par la mesure) 1935,
2664; emperaire (: traire) 2682.
c) seg7iors 2432 et salvadors 2452, tous les deux assurés par la
rime: cors 2425 et sors 2440.
Cas sujet pi. : a) maior (: obi. onor) 631, /e^on (; obi. c/taiicon) 666.
fc^ peccadors 2424, servidors 2453, tous les deux assurés par cors
2425.
Cas obi. plur. a) segnors 849. peccadors (; seeors) 833, (: nom.
dolçors) 1002, 2782 ; peccadors 1118.
ftj /e?s (: eZs) 1768, maiers 2696. Fém, gensers {: poders) 1854.
c) peccador (: obi. criator) 1842, à l'intérieur du vers 1867, et 2042
(: cor), voyez la note sur ce vers.
Los meiils pour los meillors se trouve au vers 1880 assuré par la
rime (: ciels).
2. — Article. — L'article féminin apparaît dans la forme encliti-
que— /, Is . On connaît un certain nombre d'autres exemples pour le
singulier. Cf. Hengesbach, Sej^ra^ zurLehre von der Inclination ini
Provenzalischen (diss. de Marbourg, 1885) ^. 22-A, &i Literaturblalt
fur ger'm. und rom. Philologie, VIII p. 229-230; mais pour le pluriel,
je ne connais d'autre exemple que als = a las, Crois. Albig. , 2587. .
Cf. Lit. Blatt,4. 318, ligue 2.
Singulier :« pel iorn del circuncisions » 2115, i<.del vostrasc. bon-
tat » 2795, « al veira trinitat » 2930 .
Pluriel: «los confesors els vergens» 1089, vdels armas gubern »
1890, (( quels vergens » 1993, « dels vergen » 2036, <( dels offensa »
2759, « los sains els sanctas » 2766, 2914.
3. — Pron. pers . : lors pour lor : « car aus preiar por lors » (: obi.
pi. peccadors) 1118.
El, lient souvent employé comme pron. pers, neutre : « s'il vos
plai » 3, 838, 2129, 2142, 2812, 2835; « qu'j7 li plaisa» 1015, useç el
non fos la vostra grans merces » 2274.
DU MANUSCRIT DE WOI PENBUETTEL 191
4. — Pron. poss.: vostros pour vostres; seulement une fois, au
V. 2733. C'est, selon mon opinion, une simple faute. Cf. pourtant ?s<o,
tantos. Revue des long, roni., XXIX, 210. — Sos, sietts pour /or ;
cf. Chabaneau, Gra»i. Uni., p. 130 n. 1, etj). 195; Romania, IV, 345
et V, 234; Revue des lang . rom., VU, 77; XXVI, 116; Zorzi,
Biogr., 11,5, note. Peut-être y a-t-il là une influence italienne. Cf.
C\i3ihsinca.\x, Revue des lang . rom., XXV, 197; Tobler, Ugu(;on, § 44
c. Notre texte offre les exemples suivants: « Non volgron consel
prendre De sas armas défendre» 334, « tôt sh>i penser son fais» (sujet
moît) 374, «meton iot stm poder» 418, «pogron en son aver estar »
509, « lo seu desesperar 1) 1282, « smendon ses falimen » 2077, <« do
cil qu'en vos meton sa dexiransa » 2200. — Mais: « lor bella com-
pagnia» 80, ><fan lor voloutat ))749.
5. — Verôe.— Infinitif: crer 10 (?), Lrar 730, 2348 ; condur 1325,
fair 1327. Cf. mon édition de Zorzi, 4,20, note; Chabaneau, Revue,
XX, 197. Mais: traire 371, faire (: paire) 205, 249, 261, 372, etc.;
/a/- 282, 285, 290 (: aidar), etc.
Prés. ind. 3e pers. sg.: plais (placel) (; rais) 1099, une fois seu-
lement à côté de plai, plat;, plail, me semble une forme créée par
l'auteur pour avoii" une rime en -ais.
Parf. 3e pers. sg. l""*^ conj.: -eit à côté de -et, assuré par la rime
au V. 1013, perdoneit (: seit = sit); puis aneit 702, degneit 1097, pe-
cheit, cudeit 1287, lallieil : salveit \&b\-2 • ktxeit: porteit 2228-9;
entreit 2292, aporleit 2296, torneit 2309, conorteit: alegreit 2312-3;
ameit 2630. De même nasqueit 2297 et 2639, et creit 2636 (= crezeil
— creeit — creit, cf. crer v. 10). Mai.s soscitet : montet 705, clamet:
perdonet 815-6, aportet 1224, entrel 1227, clamet 1289, navret :
clamet 1290-6, garde l 1643, alumet: det 1776-7, etc. — Comment ex-
pliquer cette désinence -eit? L'auteur aurait-il confondu le -eit de
l'imparf. français avec le -et du parf. prov.?
Parf. 3epers. sg. : coneit 1296 pour conoc, qui se trouve v. 1284 (le
conot dums. est une évidente faute du copiste).
Parf. 2a pers. pi. A côté de -as, -ast, -astes, il y a une fois -est,
dans lavest 2731; cf. Revue des lang. rom., XXIX, 217, et enfin
-aç: desusitaç 1178, degnac 1481, mandaç2349.
Ces dernières formes me sont inexplicables et je les crois être des
fautes du copiste ; l'original avait probablement -as ou -ast; cf.
V. 2470, où le ms. porte donac. mais où j'ai écrit donast à cause de
enluminast au vers suivant.
Por^aji' 229, qui m'est tout àfait inexplicable, me semble être une
création de l'auteur,, formée pour avoir une rime en -ais.
Parf. 3epers.pl.: preçon661 , preson 2300, fecon 2116,2117,2298;
meson 2302. Cf. Diez, Gramni.. 4e édit. , II, 213.
192 POESIES RELIGIEUSES
Impart', du subj.: degnesaç 2829 pour degneseç; cf. Chabaneau,
Revue des lang. rom., XIX, 214; XXVI, 145; XXIX, 217; Paul
Meyer, Crois. alb. , II, p. cxii; Bartsch, Sta. Agnes, p. xvi s.; Neu-
mann, Lit. Blatl., III, 469 n.
Impaif. du subj. 3c pers. pi.: foison 211, 505; nialmeson 504.
— Tangids, 3e pers. sg. 2773 pour <«n^t(es, exemple isolé, me sem-
ble une simple faute. Voyez pourtant Bôhmer, i2omanisc/ie (S^t(c?je>j,
III, 137.
Dans faical 1940, 2052, 2377, la chute du -tz devant le pronom
enclitique est remarquable. On en connaît quelques exemples devant
le pronom enclitique -us. Cf. Heugesbach, Inclination, p. 57, et Chdi.-
h&xi&a.n,Revue des lang. rom., XXV, 103, n. 2; cf. aussi la note
sur le V. 1921.
Je regarde comme étrangers à l'auteur et conséquemment comme
des fautes du copiste les trois exemples où cette chute du -<2^alieu,
sans qu'il y ait un pronom enclitique : deia 1437, «via 2729, auria
2831 .
Aver. Parf. 2c pers. pi.: augucs 1167, 1337, 2291, 2294, 2311.
M . Chabaneau a eu la bonté de me signaler un autre exemple dans
le Donat. prov., édit. Stengel 18 A. 1. 13 ; auge= aja est noté par
M. Luchaire dans le glossaire de son iJecweiZ de textes de Vahcien
dialecte gascon. — A côté de augiies, il y a aiguës 1189, et de même
aiguës = 3e pers. sg. de l'imparf. du subj au v. 1293. Je ne con-
nais pas d'autre exemple de cette forme, influencée par la l'"e.pers.
sg. du parf. aie. — Nous trouvons enfin une fois aigeistes 1193,
forme inouïe où l'on retrouve quelque chose des trois langues, que
l'auteur savait ou croyait savoir: le prov. a fourni aie-, le français
la désinence -stes, et ïi de -istes trouve, je crois, son explication
dans l'italien. Cf. avisi dans Ugugon 1749, et avisti, ib . 1788.
Part, passé: augut2\%l et 2504, mais a^rt*^ 786.
Prés, du subj. 2e pers. pi.: abgaç 365 à côté de amç 784, 796,
1188, 1194 ; formée sous l'influence de saber? On pourrait voir l'in-
fluence inverse, c'est-à-dire celle de arer sur sa&e>% dans saia 441,
1956, 2429, 2709 (: aia) à côté de sapça 2539, 2558.
Sui agut = ai estât 1271, 1932; cf. Diez, Gramm., 4 édit., Il,
149 note'; Suchier, Denhn., I, 518; Chabaneau, Revue des l. r.,
XVIIl, 21, n. 1; XXVI, 16; XXIX. 218.
Esser. Prés, l'e pers. pi. sem 914,1104, 2128, 2207, 2605, 2639.
Cf. Chabaneau, Crramm. lim., 229, n. 3,
Prés, du subj . l''epers. sg. seia (: dem) 1588, sei 1798,50/1629;
aux vers 1469, 2020, le mot suivant commence par une voj'elle, on
pourrait donc écrire sei\ soi\
3e pers. sing.: A côté de seit, soit, dont j'ai parlé plus haut, notre
t
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 193
auteur emploie les formes sia (: via) 21, (: baillia) 1073, [: poria)
2653 et scia (: enveïo) 2145, 2651, etc., qui se rencontrent souvent
dans les poésies prov., et enfin sei 810, 2522, qui dans d'autres textes
iiese rencontre que très-rarement. Je l'ai trouvé dans Mahn, Gcd.
795, 5 (: l'ci, rei^) et 1306,4 (: Ici, manei, dei).
G. — Conjonction , — A7. L'i de ni s'élido plusieurs fois devant
une voyelle, 1466,2337, 2430,2554, 2674. cf. Lit. Blatt , VII, 504.
Ne a sans élision, v. 738,
7. — La forme enclitique de l'article et du pron. pers. se trouve
deux fois après un mot finissant par une consonne :« lai sus enl reng»
1786, où je n'ai pas corrigé t'Z à cause du second exemple: « Qanl
conogues, vos convertis en breus » 2730, cf. Mussafia, Mon. uni.,
\). 12; Tobler, Gimril Pateg., § 24 d et Canelln. Arunhln T)a,i!o]h,,
4, 33, note. '
Si j'ajoute enfin que notre auteur affaiblissait Iz en s (mil ves : ges
163, fes (= fccit): mespres 1017, amadris : paradis 1264, de fende-
ris: paradis 1620, etc.) et qu'il employait les mots finissant en -n
mobile tantôt a) avec -n et tantôt &) sans n (a)ren: gen 11, plens :
serpens 316, gariçon : mon 340, soven (3® pers. sg.): malamen 525,
palafrens : garnimens 529, etc. ; — h) guierdos : nos 26, bes : après
49, bos : pros 104, cove : merce 1364, be: merce 1411, etc.), je n'aura
rien oublié, je pense, de ce que sa langue nous offre d'important à
noter.
Il résulte de ce résumé que l'auteur était de l'Italie septentrionale;
qu'il savait mal le provençal ; qu'il y mêlait des formes italiennes et
françaises, et qu'au besoin il créait des formes nouvelles qui n'appar-
tiennent qu'à lui.
Cette langue, déjà si mauvaise, a été encore détériorée par un co-
piste qui y introduisit d'autres formes françaises, et probablement en-
core par un autre copiste qui multipliait les italianismes. Comme,
d'un côté, l'auteur se permettait toute sorte de formes non provençales,
ot que, de l'autre côté, il est en général impossible de décider avec ■
.sûreté ce qui lui appartient en propre et ce qui est dû au copiste, j'ai
laissé le texte tel qu'il est dans le ms., séparant seulement u et v,
et je n'ai introduit que les corrections dont le sens, la mesure ou la
rime, indiquent la nécessité.
Il est évident que l'auteur a voulu rimer exactement; pour attein-
dre ce but, il n'a même pas craint de créer des formes nouvelles; cf.
' Le ms. porte sen. Maha ajoute sei? entre parenthèses, et c'est ain.si en
effet qu'iJ faut corriger. Hofraeister, Sprachl. Untersuchung der Reime Ber-
narts von Ventadorn, p. U, n. 1, cite ce passage, qui est de Bernait, et
propose de lire vei au lieu de sen; mais il y a déjà vei au troisième couplet.
194 POESIES RELIGIEUSES
plais V. 1699, portais, v.2290. Les assonances sont rares: Cr/sio/oL-
apostol 1041, 2024; vergen: legen 2036. Je ne suis pas sûr si l'on
doit y ajouter pauc : gauç 16Q et gauç : claus 1990; car je trouve
guaucx: paucx, raucx, traucx, Aa.n?, une pièce de Peire d'Alvernhe,
Mahn, Ged., 223, 4, et gauiz, qui, par l'afifaiblissement de tz en s,
deviendrait gaus^ est noté par Raynoviard, Lexique roman, III, 442.
Une autre inexactitude est / rimant avec Ih: oils : dolc 673, 759; or-
goils : dois 1765, meills : ciels, 1880; et peut-être aussi « avec nh :
au v. 2246, captens : enseqnamens, car, autant que je sache, on a
toujours captenh en prov. Ou faut-il admettre ici une autre création
de l'auteur?
Il me reste à dire un mot sur la forme métrique de nos poésies.
La première partie, qui comprend des exhortations religieuses (1-
844), est toute en vers de six syllabes rimant par paires ; les 37 prières
qui suivent ont des formes différentes. En voici la liste exacte:
V. 845-942 . Vers de six syllabes rimant par paires .
943-988 — —
989-1028 — —
1029-1052 — —
1053-1074 — —
1075-1112 — —
1113-1122 — —
1123-1214. Vers de huit syllabes —
1215-1246 — . —
1247-1378 — —
1379-1490 — —
V. 1491-1550. Six couplets de dix vers de sept syllabes, dont les
rimes, qui changent à chaque couplet (rinis singulars des Legs
d'amors, 1, 166), présentent la série abba acca \\ ca. Ce sont des co-
hlas capdenals {Legs, I, 282), chaque couplet commençant par le
même mot Yergen ; seulement au premier couplet il y & Ai vergen.
V. 1551-1606. Huit couplets de sept vers : 4a bb 4abb 4« ob 4c.
Rims singulars. M. Bekkerfn" 16) et M. Bartsch, Chrest., 4e éd.,
277, ont donné à cette pièce la forme suivante 10a 10a 10a ib avec
rime intérieure à la césure dans les trois premiers vers. M. Bartsch
y voit une imitation de la strophe sapliique. Il peut avoir raison ;
néanmoins, persistant dans l'opinion sur les rimes intérieures que j'ai
émises dans mon édition de Zorzi, p . 31 , note, je n'ai pas suivi l'exem-
ple de ces deux savants. Le même vers se retrouvant à la fin de cha-
que couplet, cette poésie serait une retroensa, s'il est permis de
donner ce nom à des poésies religieuses (cf. Legs, 1, 286 ; LU. Blatl.,
VI, 198).
V. 1607-78, Neuf couplets de huit vers de sept syllabes: ab ab || ce
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 195
dd. Rims singulars. Pour a, il y a des « VocaWeime ■>•> 1) ida. 2)ado,
3)uda, 4) ida, b)ada,Ç>) uda, l)onda, S)enda, 9)anda.
V. 1679-1838. Vingt couplets de huit vers de huit syllabes : ah bn
Il cd cd. Rims singulars .
V. 1839-1901 . Sept couplets de neuf vers de six syllabes: ah ah ||
bccdd, Rims singulars .
Les deux derniers vers se retrouvent à la fin de chaque couplet ; ce
serait donc aussi une relroensa.
V. 1902-1949. Six couplets de huit vers de dix syllabes : ah ha || cd
cd. Cohlas unissonans. (Legs, I, 278).
V. 1950-1965. Vers de dix syllabes rimant par paires.
1966-2055 — —
2056-2109. Six couplets de neuf vers de dix syllabes: ahahb ||
ce dd. Cohlas tinissonans .
V. 2110-2129. Vers de dix syllabes rimant parpaires.
2130-2150 ' —" —
2160-2165 — — Coblacap-
denal.
V. 2166-2213. Six couplets de huit vers de dix syllabes: ah ah \\ ce
dd . Cohlas dohlas (Legs, 1,264) et cohlas capdenals, chaque couplet
commençant par les mots ^alve Yesiis.
V. 2214-2283. Vers de dix syllabes rimant par paires.
2284-2333 — —
2334-2381 — —
2382-2403 — -
2404-2459. Six couplets de huit vers et deux Lort) ad a s de qua-
tre vers de dix syllabes : ahha \\ ce dd. Cohlas vnissonans.
V. 2460-2549. Vers de dix syllabes rimant par paires.
V. 2550-2616. Sept couplets de neuf vers et une tornada de qua-
tre vers de dix syllabes : r7?)&rfn | ccdd. Câblas unissonans.
V. 2617-2604. Six couplets de huit vers de dix syllabes: ab ab ||
cddc, avec Reimahlusung, c'est-à-dire que, dans les couplets 2, 4, 6,
c et rf occupent la place que a et ^ occupent dans les couplets 1.3,
5, et a et b celle de c et f^
V. 2665-2727. Six couplets de dix vers et une lornada de deux
vers de ^ept syllabes: ab ba \\ cdd cee, ou peut-être à -cause de la
tornada de deux vers: ahha \\ cd de ee. Cohlas doblas.
V. 2728-2764, Vers de dix syllabes rimant par paires .
2765-2868 — —
2869-2898 — —
2899-2918 — —
La conclusion v. 2919-2936 est aussi écrite en vers de dix syllabes
rimant par paires.
196 POESIES RELIGIEUSES
La césure des vers décasyllabiques (les vers de moins de dix syl-
labes n'ont pas une césure réglée) se trouve le plus souvent régu-
lièrement après la quatrième syllabe accentuée. Pourtant la césure
lyrique (après la quatrième atone) est fréquente, par exemple, 1962,
1972, 1998,2001, 2012,2018, 2023, etc.
La césure épique se trouve aux vers 2040, 2222, 2224, 2284,
2538, 2539, 2558, 2733, 2745, 2760, 2765, 2792, 2853, 2869, 2893,
2909, 2914. La césure est après la sixième syllabe accentuée dans
les vers 1968, 2246, 2282, 2423, 2882, et après la cinquième atone aux
vers 2240 et 2425.
Si dans le milieu du vers deux voyelles se rencontrent. Tune à la
fin d'un mot et l'autre au commencement du mot suivant, il y a ou
élision ou synaloephe, ou l'hiatus reste.
Élision: 51, 114, 400, 405, 471, 490, etc.
Synaloephe: 57, 164, 246, 271, 287, 332, 408, 881, etc.
Hiatus : a) la voyelle ne peut pas être élidée : autresi es 99, fara
oblidar 109, deu amar 389, seu amor 412, çai et 553, etc.; — b)
la voyelle peut être élidée : se il 17, que aureç 110, li avec 197, li eis
760, que aiac 784, de amta 1183, que a 1355, ira et 1408, santisme
amor 1442, santisma arma 1446, ma arma 1457, etc.
La voyelle à la fin du mot est appuyée par la césure: sperança |
et 2012, cela | en 2388, abstinença | et 2409, dotnna \ en 2746.
Quoique nos poésies n'aient qu'une valeur médiocre, elles occupent
une place à part dans la littérature provençale, car elles sont les
seules poésies religieuses provençales écrites par un Italien. Et il est
vraiment remarquable qu'un Italien ait employé une langue étrangère
dans un genre de poésie où justement la littérature italienne naissante
se montra originale et indépendante de toute influence étrangère, et
qui produisit dans la seconde moitié du XlIIe siècle bon nombre
d'œuvres importantes. En effet, tandis que je ne saurais nommer au-
cune œuvre provençale comparable à nos poésies, il y a une certaine
ressemblance entre elles et l'œuvre A'Ugncon da Laodho, qui, eHe
aussi, a une partie contenant des prières et une autre contenant des
exhortations morales et religieuses. L'auteur de nos poésies l'a-t-il
connu? Cela n'est pas impossible; car, comme M. Tobler l'a prouvé,
Pietro da Barsegapé a utilisé dans son poëme l'œuvre d'Uguçon, et
le poëme de Pietro se trouve dans un manuscrit de 1274. Cf. Gas-
pary, Geschichte der ital. Lit., p. 131 et 494. Uguçon pourrait donc
être un contemporain de l'auteur de nos poésies. Mais on ne peut
émettre là-dessus que des hypothèses très-vagues; aussi je n'insiste
pas.
C. — La pièce française qui fait suite aux poésies provençales se
compose de huit couplets de huit vers de dix syllabes, dont les rimes
DU MANUSCRIT DE WOLPENBUETTEL IST
qui restent les mêmes dans toute la pièce, présentent la série ab ab
baab.
Un neuvième couplet est resté incomplet, il n'y en a que les quatre
premiers vers. Ce sont des exhortations que l'auteur, en prenant congé
(« a ceste départie » v. 5), adresse à ses amis: exhortations de fuir
les vains plaisirs et honneurs de ce monde, et d'exercer les vertus
par lesquelles l'homme gagne la joie éternelle.
Que cette pièce ne soit pas l'œuvre de l'auteur des poésies proven-
çales, cela me semble hors de doute pour trois raisons: 1° à cause de
la différence delà langue; 2° -parce que l'auteur de B appelle ses audi-
teurs et lecteurs {que léger an e volgran escholtar,\'. 2U28) « senhor ><
(vv. 2, 234, 33G, 389) et jamais « amis », comme le fait l'auteur de la
pièce française (v. 1); 3" parce que les derniers vers de B forment
une conclusion certaine, et qu'il n'est pas vraisemblable qu'après
avoir à la fin prié Dieu pour ceux qui liront son livre, après les avoir
invités à prier pour lui, et enfin après avoir terminé et daté son œu-
vre, l'auteur ait recommencé ses exhortations morales. Peut-être
cette dernière pièce est-elle l'ouvrage du copiste qui, comme nous
l'avons vu plus haut, a introduit des formes françaises qui n'étaient
pas dans l'original de B? Ayant achevé sa copie, il pouvait dire
aussi: « à ceste départie. » En tout cas, l'auteur était de l'Est, comme
le prouvent les rimes: aparellie 29,maisnie A^i, iugieA^wie, dépar-
tie, mie, etc. Il faut alors admettre qu'un second copiste français,
d'une autre contrée, a changé les formes qui lui étaient étrangères en
aparellee, maisnee, iugee.
A
[F" 1 r"] Ajde diex sainte trinite,
Vne gloire, une maieste,
Vns diex, uns rojs, une puissance,
Une deite, une essance,
5 Qui créas terre e firmamêt
Diex sans fin, sans comêcemét,
Biaux sire diex, gardes moi huy
De mal, de perte e dannui,
De courrus, dorgueil e de folie,
10 pde honte e devilonie,
De haine e de mescheance,
De orgueil, de perde, de pesance,
198 POESIES RELIGIEUSES
De tous pechies, de tous outrages,
De tous maux e te tous doumages.
15 De mal dire, penser e fayre
Me defFendes, diex de bonaire,
Diex tous puisans, roys savoreus,
Roys sous tous roys, roys glorieus,
Diex ou ne fait nés une riens,
20 Qui es fontaine de tous biens,
Qui cognois les choses- couuertes
Ausin cum les bien auuertes.
Roys precious, plains damistie,
Conseile moi par ta pitié,
25 Diex iex de ton cuer me regarde.
Cors et arme met en ta garde.
[F" 1 v°] Done moy chose dir e faire,
E ponsce che te puisse plaire,
Manten moy en bone creâce
30 En carite, en penitance.
Et me mantien en ton bien fait,
Car nul mal fayre ne te plait.
Et quât che iai mesfait, biau sire,
Qui es la doys ou len se mire,
35 Per ta grant douceur me pardone,
E per confession me done
Si aquiter tous mes pechies
Dont mis cuers est si intachies
E par veraie repètance,
40 Que ie puisse avoir recordàce,
Car de pechies li ses mesmaie.
Diex cornant que me fait aie.
De coûtes ou de félonie,
Ou de cortoisie ou denuie,
45 Ou de ueoir, ou de sentir.
Ou de iurer, ou de mentir,
Ou de dir vilainie reproche,
Soit de iex dorcile ou de boche,
De langue, de cuer ou de . . .ains,
49. La première lettre du dernier mot est rongée par les vers.
DU MANUSCRIT DE WOLPENBUETTEL 199
50 De cors, de bras, de pies, de mains,
[F" 2 r"' En forfaisant o en obliant,
Ou en allant, ou en venant,
Ou de pariurer ou dorguel,
Perdon querre e merci te vuil
55 E tât cû ie pues merci.
Bleu sire, diex entët mon cri;
Perdone moy par ton plaisir,
Che por nous uout uestre morir.
Glorieux diex, drois drois rois, drois sire,
60 Qui de tous maus garir es mires,
Conseil me done e côfort tel
Que nô chee en pechie mortel
Ne en desconfort ne en despoir
Dont couuigne me arme doloir.
65 Sire diex, garde mo}' de tous maus.
De anemis e da djable faux
Tous mes amis e mes amies,
De tous pechies e de folies
Tout ceus qui onques bien me firent,
70 Einseignerent e norirent,
Dont tuit li bien me sont uenu.
Dont ie uif e dont iaj uescu ;
E tous ceus qui en ton non uiuent
Et qui por toi les maux sehiuent,
75 Qui ta créance ont e ta foy,
E por qui ie prier te doj,
E tous ceux qui en pechie sont
Giete les an, sires dou mont,
F" 2 Vj Per ta doucour, par ta franchise,
80 E les atorne a toun servise.
A toy nos fay souvent penser
E nous done si trespaser
Tous cristiens e cristieues
Par nulles couses tereines
85 Qui nos puisiens la droite voie
Paruenir a la parfaite ioic,
La sus en gloire ou tu as mis
59. Le premier d7-ois est exponctué.
200 POESIES RELie-IEUSES
Tes sains, tes ellis, tes amis;
Ceus e celles qui passe sont
00 En lautre siècle de cest mont
En ta créance, en ton saint nom,
Por qui nos prier te devon,
De qui les armes poine sent et,
Qui ta miséricorde atendent,
95 Biaux sire diex, tu lor pardones
E la ioie sans fins leur dones. —
Douce Virge sainte Marie,
Qui mère Dieu es et amie
Dame dou ciel, dame des anges,
100 Dame rayne e des archanges,
Verais solas veraie lume
Ciel ne terre naque tel iine
Dame deu ciel, dame dou mûde,
Dame de qui tous biens habunde
105 Ne onques ne fui ne iert iamais,
Dame de qui issi li rays,
Qui tout le monde enlumina,
Chi iusque a la mort senclina,
[F° 3 r"] Ce fu tes fils, ce fu tes pères,
110 De qui tu-fus fille e mères,
Dame douce, dame amorouse,
Dame royne glorieuse,
Veray consaus, verai confort,
Veraye amie, veray déport,
115 Leaus réfugies, seure tours,
Noble recoi gentils seucors,
Veray lis, veraye rose,
Ou toute douceur est enclose,
Dame en qui sunt très tous délices,
120 Tu qui passez toutes espices.
Prie ton fil qui me regart
E qui de mal faj-re me gart. —
Tu saut Michel, princes des anges,
102. Après naque, le copiste a coraraeacé, par erreur, une autre lettre dont
il avait déjà faille premier trait qu'il a effaeé, s'étant aperçu de son erreur.
C'est cette ligue effacée que M. Bekker, qui écrit ?ia5'Mer, a pris pour un r.
DU MAKUSCHIT DE WOLFhNBUETTEL 201
Ne me soies, biaux sires, estranges,
125 Forte de bien, saint Gabriel
Dieu merci, saint Rapliael,
Vertus, poestes, seigneuries.
Sains trônes, saintes cOpagnies,
La côpagnie chérubin,
IHO La sainte ordre de séraphin.
Saint Abraam, tuit patriarchies,
Chi dou ciel estes unes estrachies.
Tu sires saint Johan Baptiste,
Prophète, apostre, euâgeliste,
135 Deciple innocet diu martyr,
Confesseur virge qui por tyr,
Por les poines que vous soufFristes
De lamor deu ne vo vousistes,
[F° 3 v°] Anys conqueristes paradis,
140 La ioie que durera tous dis,
En ioie prenes vos meritaes,
Tuit eslit e toutes eslites
Qui corounes aves ataintes
En gloire, tuit saint e toutes saintes,
145 Tout ami diu, pries por moj
Le seigneur dou ciel, le haut roj.
Le glorieux, le tout puissant,
Lamoreux, le bien conoisant, .
Celui qui tout cegnoit e ueoit,
150 Quil me censaut e quil méuoit
Moi etresteus ceus qui le creoient
E qualche leu quil soient,
E qui le doutent e qui lajment,
E qui por droit seignor le clamêt,
155 Que a son servise ma tourt
E de malfaj're me dostourt
E deint voire confession
Repêtance e contricion,
E nous mefais tous nous pardone
160 E la joie sans fin nous donc.
Amen.
Le reste du fol. 3 vo et le fol. 4 sont en blanc.
?02 POESIES RELIGIEUSES
B
[F° 5 r°] Auiaç,si deus vos alça,
Segner, sens totas nauça
Entendeç, s' il vos plai,
Quar aiso qu'eu dirai
5 Es raixons vertadeira.
Per 0 cascuns a teira
La deu de cor entendre,
Esscoltar eç aprendre.
Cascuns pot ben saber
10 En ver e senes crer,
Cura melor es la ren,
Mais la deu totas gen
Voler e desirar ;
E qui per un ben far
15 E senes tôt péril
En pot recobrar mil,
Fols es, se il en tarda,
E qui pren mala garda
E mal conroi de se,
20 Pieç lo prendra de me.
La mellorren que sia
Es de far tota via
L'obra del segner deus,
Cel que dais mal iudeus
25 Sofri torment por nos,
E qui bon guierdos
[F° 5 v°J Vol cobrar del service,
Facal seu sant ofice
Et per almosnas far,
30 Per precs e per orar
Et per autres benfaicli,
E gar se de mesfaich.
1 citî.— 7 dei. — 18 prende, B (= Bekker) prend. — 24 das.— 28 Faça el.
DU MANUSCRIT DE WOLFRNBUETTEL ?03
Cil prent malvas correi
E mal esguard de sei
35 Que de deu non a cura,
Qu'a sa bella figura
L'an faichas la persona.
Et qui tal membres dona,
Cum il nos a donat,
40 Quant n'ert guierdonat?
Qu'eu auc dir a las cens,
Que per mil marcs d'argens
Nos lairia un pes
Tallar. Et dont cum es,
45 Que la gens non o pensa,
Quar par nula despensa
Ne per nul gent servir
Nos poiria merir
Sol quest qu'es mendre bes,
50 Qu'il nos don? Quar après
Qui l'es hobediens
Et fai sos mandamens
[F° 6 r°] De bon cor, sens biais,
Sens ioi non sera mais.
55 Sos cornant son aitals,
C'om se gart de toc malç
Ni non faica a altrui
a
Ço c'om non vol, qu'a lui
Sia faich; mais ben faire
60 Deu vers mais per contraire,
Ets'en us lo meislaigna.
Sol a deu s'en conplagna
E d'el aiamembranca,
Que de tôt fai veniança
65 Et toç biens guierdona.
Als bienfaic met corona
De lois esperitals.
Las coronas dels mais
49 bens, — 59. L'i de faire est effacé, B faire. — 60 Deus, B Deu. 67
ioils (1'/ exponctuée), B iois.
204 POESIES RELIGIEUSES
Son de foc veramens,
, 70 Plus noir n es airemens
Aitals sunt lor maisons,
Plus noir sunt de carbons
Cels que lai les amena
En las enfernals pena.
75 Mais cil qu'amie seran
De deu, maixon auran
De rosas e de Hors,
Ja mais n' auran dolors
rpo 6 yoj ]\[g Yen, que bon nol sia;
80 Lor bella conpagnia
Ert d'angels plus luisens
Quel soloil resplandens^
Et el luiran toc mais
Que del soleil les rais.
85 Molt me fan mervellar
Cil qui noion pensar
Cum lorvai, cum lor es,
Cum la mort lor sunt près
Ni quai cauças es mort ;
90 Quar nul loi ni déport,
Orgoil, valor, proesa,
Sens, saber ni largesa,
Parages ni beutat,
Fort, castel ne citât,
95 Poder d'argens ni d'or
Ni franchesa de cor
Ni grant esforç de gens
Vers la mort n'es garens.
Qu'autresi es la mort
100 Faichas per los plus fort
Com per los plus çatiu,
Qu'ausi longamens viu
Los chaitiu cum los pros,
70 Doire, aigremens. — 73 amené. — 74 pêne. — 81 dangenls. — 83 liuran ,
Bluiraa.— 85 fas. — 89 caoças, B cauças. — 921agesa, B largesa. — 93 belat.
DU MANUSCRIT DE WOLFENIUlETTfiL 205
Los malvac cum los bos.
[Fo 7 r'] Ne nol teneç a gap,
Que ia non saureç cap
Qu'elaus ert aprosmada.
En mens d'una treeada (?)
Vos tara oblidar
110 Cel que aureç plus car.
Ni non aureç parens,
Anaic ni benvolens,
Pois que sereç pasaç,
Voillan vostr amistaç,
115 Mais enans qu'il poran
Soc tera vos metran
Cum paubras vestimentas.
L'arma n'ira dolentas,
Se vos mal faic aurec,
120 En las mans dels malfec :
Non ensiran ia mais
D'afan ni de pantais,
Non auran fin ni pausa
Ja mais per nula causa
125 De mais ni de dolors,
De frec ni de calors
3
Ni dels altres tormenc,
3 '
C'om no'n poirial cens
Dir ia mais per nul plaich.
[F° 7 V] Se vos aureç ben faich,
El reng de paradis
Serec en flor asis
3
Ec en rosas molt bêlas,
3 '
Blanca, groias, vermellas,
135 De tôt' autra divisa,
Ne ia per nulaguisa
Non sabrée tant voler
3
De iois ni de placer,
104 bons. — 105 gas. — 106 caps. — 107 que la vos, — 108 sic B.; rus.
Içada, avec ua tilde sur le ç. — 128 poiria el. — 131 reg, B regn. — E nce
(ces trois dernières lettres exponctuées) ç en ; B enç. en.
14
POESIES RELIGIEUSES
Que vos tôt no l'aiaç
140 A vostra voluntac,
Ne non sauriee tan
Demander en un an,
Qu'en un iorn n'aiaç plus
En la maixons Jésus.
145 Se denant vos ai dit,
Si cum avec aucit,
Que rens no pot défendre
Vers mort, mais ara aprendre
Vos voil, en quai mainera
150 Contra la mort plus fera
Vos poreç atensar.
D'aiquest siegle pasar
Vos convient sens falida,
* Anar en l'autra vida,
155 E segon los bienfaiç
■ Els mais serec iuiac.
[F° 8 r°] Ben sabiaç, cell n'ert mort,
Que los angels an por.t,
Anç ert viu plus que vius;
160 Mais los dolenc chatius.
Quel deables en mena
En dolors et en pena,
Que volgra en iorn mil ves
Morir, mas no pot ges,
165 Anç ert senpre dolens,
Cel es mort veramens.
Per qu'eu conseil vos don
Queus gardaç dal félon,
Da l'enemic malvais
170 Qu'es de malvestaç rais,
D'engans et de falensa;
De rens als ies non pensa
Mais de cundur a port
162 e)i manque dans le ms., se trouve chez B. — 165 ej't manque ; il y a
une Iacu;ie dans lems. — 169, enemit, Benemic. — 170 Que, B qu'es. i
DU MANUSCRIT DE WOLPENBUETTEL 507
Vos de malvaixe mort,
175 (3uin poges far de vos
Flamas, foc e carbos
E tener vos ades
De toc bens en defes.
Mas a deu vos tornac
180 Ab ferma voluntac :
Cors et cor et saber,
Sen, forças et poder
[F" 8 V Li devec autreiar
E sas obras obrar.
185 Non deveç trop atendre
De penedensa prendre,
Mais soven la preneç,
Se ben faire volec.
Et pois que l'aureç presa,
190 Seia per vos atesa,
Car empentir pauc val
Et tornar pois en mal.
Dal mal gardar se deu
Qui vol servir a deu.
195 Aiaç confesion
De las ofesion
Que vos li avec faicas,
Qu'elas seian retraichas
3
Aicels qu'a çaiços mes;
200 Siac a cels cofes.
3
Non laisaç por afans
De far sos bels comans,
Ni per sec ni per fams ;
C'unas radie e rams
3
205 Es las almosnas faire,
Quar a deu nostre paire
Nos pot ies miel servir
Cols paubres sovenir,
[Fo 9 rOj Qu'an de servir besong.
176 carboas. — 179 dornaç, B tornaç. — 182 Se", B sen. — 190 ateisa. —■
198 Quel. — 199 quao ça cor. — 200 tofes, B cofes. — 204 erans.
208 POÉSIES RELIGIEUSES
210 Ben deveç aver song
Dels Tnailac visit.ar
Et del vostre donar,
Se de ren obs lor es.
Et non oblîdaç ges,
215 Qu'en albergaç ab vos
Cil qui non an maxos,
Qu'an d'alberg sofraitura.
Molt devec aver cura,
Toc los bens que vos faiçh
220 Sol per deu los faiçaç,
Sens tôt' altra caxon.
Bon serai guierdon ;
Mil tant de ben aureç
Que vos deng no sereç.
225 Vos deveç deu pregar
Que de pechaç vos gar,
E seiaç preiadors
Per toc los peccadors,
Qu'aian en deu credença,
230 Speranças et timença.
Et quels desesperaç
Fasson sas voluntaç.
Ec en la via dreita
Qui se, segnors, espleita,
[F" 9 "V"] Cum eu vos ai contaç,
En ver voill qe sapçaç,
De mort se defendran.
Et deus los ameran
Eil donra,n sens eschernas
240 Lo reng de vita eternas.
Ara vos ai mostrat,
Apres e devisât,
Per quais ensegnamens
Aureç defendimens
213 neD, B rien. —216 maxons. — 220 lo. - 222 sera el.— 229 Quar an.
— 231 de se peraç, B desa-speraç. — 232 Fasson] Lorrion.— valunlaç, B vo-
luntaç. — 239 enchernas.
DU MANr:SCRlT DE WOT.FENBUETTEfi ?09
245 Vers la mort dolorosa, '
De la peina angoxosa,
Et vos n'aiac membranca.
Mentre qu'avec posansa,
Devec faire tais obra
250 Qu'ai maiors ops vos obra
Las stradas el camis,
Queus port en paradis.
Ne non atendec trops,
Quar la mort nos es props,
255 Et qui van trop tarçan
Lo faich et poder n'an,
Quan volon, non po ies.
Ec iiisi de nos es,
S'atend us tant sens failla,
200 Que la mort nos asailla,
"F° 10 r° Lo faire sera tard.
Ben saveç sens regard,
Que la gen van caçer
La noie a granc leixer
265 San, sais, sen raalaçia,
Que mais non veeon dia,
Moron sens pentixon,
Van en abis perfon.
Don degran grant paors
270 Aver e grant timors,
Se il feison quest pensaç ;
Mais il son tan malvac,
Pianç d'orgoil et plains d'ire,
Que d'aico non consire
. 275 Ni deus volon amar,
Ce que lor pot donar
Al granç ops mort et vida.
Molt sunt la gent schernida,
Que non an pensamens
280 Mais de cobrar ^ranmens
Aor et argens et terra,
249 obras. — 250 oura. — 265 Sam. — 267 seus.— 271 aiquest.
:iO POESIES RELIGIEUSES
L'uns a l'autre far géra,
Enganar et traïr,
Periurar et mentir,
285 Far desplaixer et antas.
Las malvestac es tantas
[F" 10 v"l Qu'es creguda entre nos,
Penser n'ai merveilos,
Cum deus nos vol aidar,
290 Mais il nos laisa far
A nostra voluntac,
E pois al deriers faiç
Segons les obramens
Aurem nostre precenç.
295 N'aurem faiç si pauc bes
Ne si pauc mal après,
Si grans sen ni folia,
Que méritât non sia
En paradis d'onors,
300 En infer de dolors.
En infer es un draich
Destranças guisasfaich,
Granc est et otraillos,
Cent caps a merveilos,
305 Fer caschun cap mil dens
Veninos e taillens,
Plens d'iras et d'orgoils,
Glaive senblan sos oils
Aguç cum es raçors,
310 Als chaitius peccadors
Paia li lor de sertas.
Toçtensgolas avertas
[F" 11 r"] Estai, si los afola;
Focs geta de la gola,
315 Rama focs et serpens,
Don riferns es toç plens,
Et verm de tota giça.
285 amlas. — 295 bes. — 297 sen manque daas le ins, — 306 tailles.
•308 ses eauç. — 314 gula.— 317 fcrtas giças.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUKTTEL 211
Sens drap e sens camiça
Son lai los peccadors,
320 Que non an fin lor plors,
Et maledicon tuit
Lo placer, qu'an aguit
En quest seigle truan,
Plen de fail et d'engan,
325 Qu'ensi lor a traich
Per qu'il
Et tan mal albergac,
Non volgran esser naç.
Deu reclaman suven,
330 Mais tard es, nol valt ren ;
Quar entro qu'il avia
Poder, força et ballia.
Non volgron consel prendre
De sas armas défendre
335 De la pena malvaia,
Per deu, segnor, vos plaia
De vos merces aver !
Metec a non- caler
[F°ll v°] Lo plaiçer d'aquest mon
340 Per trobar gariçon
En la vida ternal !
Molt fareç bon iornal,
Se vos a deu servec :
Toç lo pros en aureç,
345 Quar qui servon a deu,
Servon a si meceu.
Tradimens, periurar,
Falsamen tesmognar,
Orgoils, omicidos,
350 Vici lueirisos,
Iras et crudeltaç,
Desespers, vanitaç,
.Mentirs, engan, enveia
Contra l'armas gereia
326. Lacune dans le ms. — 352 Desespres.
21Î POESIES RELIGIEUSES
355 Et es comensamens
D'infern ses finimens,
lilurs et seraills et porta,
Per que l'armas sunt morta.
Per aico lo vos dich
360 Queos guardaç dal nimic,
A oui quest viei plaç,
Qu'il no vos'prend' a lac,
On vos aiac dolors;
Pros n'aurec et honors.
[F* 12 r°] Fidança non abgaç,
Per que ioven seiaç ;
Vers mort no val iovenca.
Molt diçon per credença :
« Ben poisch estar viven
370 XX. anç en granç ioven,
Los XV. bon temps traire,
V. penedença faire,
Ensi serai ben sais. »
Tôt sun penser son fais
375 111 partison et ten
Enausi van dicen
De iorn en iorn menan
Lo mond el temps enan
Tant que la. ,
380 Que s'il sera la bocha,
No podon colpas dir.
L'armas coven partir
Dal cors, tenir Sa via
Ab angels, que la guia
385 Pel doloros camis
Enç el perfon d'abis,
En focs et en pudors.
Per 0 pensaç toç iors,
360 enimic. - 369 Ce vers se trouve deux fois dans le ras. ; la seconde fois
il y a pose au lieu de poisch; B pose. — 371 teps, B temps.— 376 En ansi.
— 377 menen. — 379 Lacune dans le ms. — 385 dolors, B doloros.— chemins.
— 387 pudros, B pudors.
DU MANUSCRIT DE WOLPENbUETTEL 213
Segnors, de deu amar.
[F° 12 v°] Hui deveç començar
Anç que deman atendre.
Ge non voill respir prendre
Del segner deus verais
Servir, anç qu'il poit mais
395 En (leu son poder faire,
(Et qui faral contraire,
Aura dois et traballa),
Et del ben senes failla
Cha mais noill a fallir,
400 Que qu'i dei 'avenir.
Cum pot esser, segnors,
En vos tanta folors
Ne tant deschausimen?
Quar eu sai veramen
• 405 Cum causa qu'es probada,
Per pauca ren donada
Et per pauc de servir
L'uns per l'autre a morir
Se meton quecs molt leu,
410 Mais per lo segnor deu
Non vol sofrir un ior •
Fam per lo seu amor,
Que Ior fai si rie don.
Se un calque baron,
415 Cums, reis ou anperaire,
[po 13 po] ggj^g ç[^Y, Ior dis de faire
Qualque leugier plaicer,
Meton tôt sun poder,
Et tôt en abandona,
420 Aver, forças, persona,
Per servir li en grat ;
Per far soa voluntat
Meton s'en cent périls.
No se troban en mils
389 deui, Bdeu. — 391 aterdre, B a'eadre. — 394 mai. — 396 faran el. -
-103 de chausimen. — 404 en.
214 POESIES RELIGIEUSES
425 Ni plus, qui bien asaia,
Qu'autre guierdon n'aia,
Mais per pauc de forfaith
Tôt quant bien auran faith
Sera fraie et perdut
430 Et il meteis pendut.
Sens autre guierdon ;
Ja n'auran reancon,
Per nul bien que faiç sia,
Que iustiçat non sia.
435 Don' fan grant foletura
Cil qu'en tal aventura
S* metou, qu'en apert
Questmunt pert.
Mais si servon en graç
440 Lavera trinitac,
Saian ben ses mentir,
[F" 13 v°] Grant pros nol pot faillir.
Se il en an bon corage.
Fols es cel que plus sage.
445 Es tengut entre nos,
S'a deu lo glorios
• Non serv et non esmenda,
Qu'envers lui non mesprenda ;
Que cum plus savis es,
450 Doctrinat et après
Et de maior vertut,
D'aitan es plus tengut
Del segner deus servir,
Amar et obbedir,
455 Et se il iai en pechaç,
Plus en ert encolpaç.
Per 0 gardar s'en deu.
Quar toc li a dat deu,
Força, sen e saber,
460 Da lui lo deu tener,
438 Lacune dans le ms. — 439 si manque.
446gIoriosos.
— 444 ques. —
DU MANUSCRIT DE WOI-FENBUBTTEL 215
Conoixer et lauxar
Lo deu et tenir car
Sens naucas"'et sens brui.
Quar quil conois da lui,
465 Mil tant l'en dona plus
Et çai ços et lai sus
El seu reng precios,
[F" 14 r»] Que tantes cars et bos.
Adonc tal consel prenda,
470 Quel lois de deus atenda,
Et deus l'en don corage,
Quil fit a sun vmage.
En tôt lo mund vivens
Non es nuls hom valons,
475 Tant aia de largeça,
D'onors et de proeça.
De bontac, de valors,
S' al segner des segnors
Non serv enteramen,
480 Tôt SOS faic es nient
Eill tornan tôt a dol,
Qui ben pensar o vol ;
Que cum plus es poiaç
En la lor richitac
485 Eten raaior poder,
Piee se laiça caiçer
A penedensa faire.
Per que tôt a contraire
Li torna sa richesa,
490 • S'onor et sa grandeça,
Deu li fai oblidar
Et per nemic obrar.
Mais en vertac vos die,
Se cil qu'en haut e rie
[F" 14 v°] Volgueson son poder
Far et dreic raantener
465 plui.— 468 boas. — 472 sum."— 473 uiuen.— 481 Et ill, B e ill.—
492 enemic. — 494 erit.
2J6 POESIES RELIGIEUSES
Las domiias ses marie
Et los orfan petiç
Et los desconsellac.
500 De sas grans richitac
Als paubres famellos
Dooason per saiçons,
Mantengeçon drichura,
Et malmecon falsura,
505 Et feicon sens aren
Quant pogexon de ben.
Sens del tôt delenquh^
Quest mon et sens partir
Pogran en son aver
510 Estar et remaner,"
Et quest seigle raenar
Et l'autre gaçagnar.
Mais il pessan allors ;
Tan li plai las folors
515 Et menar gaia vida,
Quel faiç de deus oblida,
Etse iloblidon deus,
Oblidan si raeceus.
[F" 15 r"] La gens es tant venguda
520 D'avol gacar et cruda,
Qu'a mal far leu s'acorda
Ni del ben nos recorda.
Se mal far vels vecins,
Tue tenon cel camins
525 Ne de deu nol soven ;
Trop lor vai malamen.
Se il sun cavaliers,
Tant lor plait bel destriers,
Rocins et palafrens,
530 Armas et garnimens,
Falcons, sparver, astors,
Lévriers et cacadors,
497 SOS, B ses.— 499 denscollaç, B descoasellaç. — 518 B se. — 520
dauouol, B danovol.— ^ 523 ue lor aeçins, — 530 ganiraens. — 531 aslor.
DU MANUSCRIT DE WOLPENBUETTEL 217
Cantars, domnei, solaç,
Déport et autres faç,
535 Que toç los biens oblida,
Que l'armas en ciel gida.
Et tôt CD que l'ausi,
Plus qu'eu n'ai dit ausi,
Fan cascun voluntiers,
540 Tant sun mal e sobriers
Et de malvais esscoills :
Quar il seron los lioils
Del cor que los deuria
Gidar en bona via,
[F" 15 v°] Quel cor conois e ve
Et sa qu'es mais o be. •
Del cor n'es conoixen
Seil e uan pensamen
E pois conoxoit res
550 'Lais los mal, faiçal bes ;
Mais als oils tricadors
Se tenon 11 pluçors
Del cap, que çai et lai
Esg'uaron, tant lor plai
555 Los pecaç d'avol fe.
Tôt desiran quan ve,
Et per aiquel désir
Deu met a delenquir.
Falsamen guidar
560 E teran s'enganar
Es clamaran dolens
Al ior del finimens,
S'autras guiças no fan
Que començat no han ;
565 El cor deus lor remut
Per la soa vertut.
Segnor, de vos aiaç
Merces et pietaç,
549 riens. — 551 tricadors. — 555 B peccaç. — 558 meton. — 565 Et cor
or remut.
218 POESIES RELIGIEUSES
Et de deu vos sovegna,
570 Que sor tôt quant es régna
[F« 16 r"] Et toç fes et toc dona,
Ni neguns non bandona
Ne met en oblidanca
Qu'en lui aia sperança,
575 Vera fei et conort.
Il pod dar vida et mort,
Et nos a dat poder
D'el seu reng permaner
Et de laisus montar,
580 Se nos lo volem far.
Molt es lo faire leu,
Quar quis tornan a deu
Et laixan los peccaç.
Il en a pietaç
585 Et lor fai perdonança.
Tan es d'umel semblanca
Et tan dolc et verais,
Qu'anc non falset ni trais
Nuls hom qu'en lui agues
590 Cor et service mes.
Ane rent per un ben faic
Cent mil millers sens plait
Et sens menbrar ofenca,
Se il an faç penedença
595 En lor vida cai COS.
Per 0 chascun de vos
[F* 16 Vj La preneç sens tardar
Per vos asegurar,
Quar cels qu'es bien garnie.
600 No pod esser scherniç.
Donc vos deveç garnir
De ben far et de dir,
De tôt ço qu'a deu plaç,
570 es manque dans le ms., se trouve chez B.— 573 oblidanda, B oblidanca.
— 577 uos, B nos. — 580 volen. — 588 falser. — 593 onfença. B ofensa. —
594 far, B faç. — 600 podon, eschernic; B pod, scherniç.
DU MANUSCRIT DE WOLPENBUETTEL . 219
Si que vos non seiac
605 Enganaç ala fin.
Cel que tes d'aiga vin
Devec sor toc amar,
Obedir et honrar
Et lauçar e temer.
610 . Et ben sabiac en ver,
Quar qui s'en pren
De deu et al seu rams,
Tant saborosa res
En toc lo mon non es
615 Ne de tan grant vertut
Ne que mas lo àiut ;
Per o preneç vos en,
Pros en aurec et ben.
Proiac sainta Maria
620 lorn et noit tota via
Els saint, que suntlaisus,
Qu'il pregon tuit Yesus,
[F" 17 r°] Que nos lais permaner
En far lo seu placer
625 Et gar nos de ço faire
Que li torn a contraire.
Lo segnor deu del tron
Es tant verais e bon,
Qu'a segnn gierdona
630 Que Sun staç l'obra bona.
Quel pauc faiç el maior,
Cascuns an son onor
Laisus en paradis.
Et d'aico seiac fis,
635 Quar qui laisus seran
En paradis, auran
Tant de iois et de bens,
Chascuns en ert tan plens
De sa grant benenança,
630 sum. — 631 pane ; els maiors. — 637 ben. — 638 Chasuns.
2Î0 . POESIES RELIGIEUSES
640 Que noil sera semblança,
Que nuls plus d'els en aia.
Donc chascus s'estraia
De tôt son poder mètre
En toc afars demetre
645 Per aiquil del segnor,
Que per sa gran dolçor
Pel nostre salvamencs
rpo 17 v"! Ven caicos umilmens,
Quar chascuns bens et mais
650 En la peina enfernals '
Avoit, et il en terra
Ven tenir nostra géra,
Maire près et esposa
La vergen gloriosa
655 Et nasquet spiritals
Cum altres hom carnals.
Per sa grant umeltaç
Hac de nos pietaç,
Son cors mes en bailansa
660 E sofri grant pesança
Per mostrar nos la via,
Si.com hom se podia
Salvar et se défendre
De contra lui mesprendre.
665 Per auquella chaiçon
Los mais iudeus félon
Lo preçon, fon vendut,
Per pauc deniers agut.
Molt fes grant tradimen
670 Judas et falimen,
Quar trop fo malmenaç.
Et toç nuç despoliaç,
Liac andos les oilc,
[po 18 r°] Ço fo grans mais et dois,
675 Anmas las mains liadas
641 mils. — 659 mes maaque. — 665 auquell achaiçon. — 667 fol. — 675
iiada, B liadas.
DU MANUSCRIT DK WOLFENBUliTlEL • ?21
Et doiiac grant galtadas,
Esspudal per lo froii,
De peras, de baston
Foferuc et machac,
680 Per teras dei'ochao,
Fi b lac t'o veramens
D'un paile ricbamens.
Per eschern et per ga^t
Coronal mes en cap
685 De blancas spinas faiças.
Nous séria retraicas
Grant piças las dolors,
Qu'il bac por nostr' araors.
Mis fo sus en la cros
690 Al torment doloros,
Pes et raainc clavelac,
Et beurel fo donac.
Car il avia sec,
Fel mesclat ab acec.
695 Et en delec la pansa
Fo feruc de la lança
Angosos colp mortal.
Lo segner natural
Ansi fo traie a mort,
[F'^ 18 v°] Soteraç en un orr.
Ausi con se decern,
Il aneit en anfern
E trais fors sos amis
El mes en paradis,
705 Au tiers iors soscitet,
Enbreutermin montet
El seu reng precios.
Et nos laiset ca ios
Lo seu cars raandamen
710 En lo non testamen
677 li. — 683 gas. — 684 caps. —686 Nons. — 692 breuel. — 694 mes-
clatf,B mesclat. — 695 Ef manque. — 702 anfêrt. B anfern.— 703 son amies.
15
:>22 ■ POESIES RELIGIEUSES
Et en autra scritura,
Que cil qu'a sa figura
Son faiç deiesun fauire.
'Mas no s'en troba gaire
715 Qu'en aia sovenença,
Per qu'eu ai grant timenea,
Qu'il veran a tal port,
Mais non auran conort.
Volgran eser estaç
720 Sa vida sosteraç
Toç vins en gran dolor
Per amor del segnor,
Qu'aiudar lor pogues
Dal foc, o seran mes,
725 Que non a nul pareil.
[F° 19 r"] Per o molt mi merveil,
Oum nus hom pot sofrir
D'aiquel segnor servir.
Que sofri tant gran pena
780 Per trar nos de catena
Et nos promet et dona
D'aur et d'argent corona
Et vida senes fins
Qui vers lui er aclins.
735 Casscun eser deuria
Fins, leial, sens bauçia
E guardar se d'ofendre
Ne a tort l'autrui prendre,
Mantenerdeu bontat
740 Et sainta castitat,
Quar moût plait al segnor.
Donc per lo seu amor
Mantegna la, sil plai.
Et pens cornent li vai,
745 Comens es del seu cors,
Pois que l'armas es fors :
721 et grao dolors. — 72.no. —725 pariel, B pareil. — 728 seuir, B
seruir. — 730 caréna, B catena. — 744 linai.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 223
Sa força del tôt merms
Et es donac al verms,
Qu'en fan lor voluntat.
750 L'aver, qu'a amasat,
Sol un denei-s iio'n porta,
[F° 19 v°] Son paren s'en déporta.
Rens por $'arma non dona
Ne 'n dis mesa ni nona
755 Ne deu non saintilia.
El chaitius, que Tavia.
Trob' ar ag-ut atort,
N'es lo iorn mil vas mort .
A torraenc et a dois ;
700 Mais li eis fors dels oils
Aiga que n'es en mar,
N'a mais fins sens plorar.
Tôt es ars et raustit.
Ensi son départit
765 Los afars dels raalvaic.
Per deu, segner, pensaç,
Non vos laisac venir
A tant dolor sofrir
Ne non voillaç per pauc
770 Perdre solaç et gauç.
Pauc vos val vostr' aver,
Que un iorn poeç gauder
En quest seigle traitors ;
Cent anç non preç un iors
775 Apres de l'autra vida.
Que mas non er fenida.
Quest seigles es él tens
^F" 20 r" Vens et auras ensems,
Que tan tost via cor;
780 Cent anc no prec un ior.
Se vos cent anc vivec
Et pois a fins veneç,
Ja nous sera veiaire,
747 mers. — 75i mesas inuonas. — 755 FaTtificaa.— 760 lies. — 783veaiaire.
0J4 POESIES RELIGIEUSES
Que aiaç vesqut gaire ;
785 Cura plus aureç vescut
Et mais de iois agut,
Tant sereç plus dolens
Al vostre fenimens,
Ja mais ioia n'aurec.
■ 790 S'a mala fin veneç.
Molt pane val coraençar
Et nient achabar,
Se voleç ternal vida,
Faicac bona fenida
795 • Aprob la començança.
A lac fe et speranca
En deu et en sa maire,
NuUa ren non es gaire
Plus d'aiquella vos valla.
800 G-es non deu per trabaiila
Nuls hom desesperar,
S'ab deus vol acordar,
Car non trobon acort
[F° 20 V0| Qui sens esper sun mort,
805 Per deu sun tuic salvac,
For los desesperaç.
Nuls non es tant peccaire,
S'a deii lo nostre paire
Vol tornar, noill aiut
810 Et no'n sei recebul.
Nuls nol pot mesfar plus.
Cum fis Longins,que sus
En la cros lo feri,
Et pois se repanti
815 Et merce liclamet,
Yesu li perdonet.
Judas per son forfaiç,
Se pendi ab un lac
Ni nol clamet merce,
820 Ja mai n'aura nul be.
784 aian. — 801 deseperar. — 820 ben.
DU MA^■USC^vIT DE WOLFENBUETTEL 221
Adonc podeç saber,
Qui quiet en desesper.
Que malaraen li es.
Per o clamac raerces
825 Al segner, qu'es tant bon,
Que vos faiça perdon.
Et comensaç per teras,
Mentre que n"aveç temps,
Quar sel tems vos en fuit,
[F° 21 r°] Pois nous valra, eo cuit.
Eç eu merce l'en clam.
Que molt désir et am,
Qu'a toc los peccadors
Seia vida et secors.
835 ?]t mon prec deng scoltar,
Car eu voill coraençar,
Et vos deiaç entendre,
S' el vos plai, eç aprendre.
Molt vos pora valer,
840 Sel volec retener,
Et deo vos en don cor
Per la soadolcor.
■j
Metec vostr' entendenca.
Quar enaisi comença.
II
845 Jesu, que toç feçes
Et tôt formas quant es,
Munt et vais et plainura,
Tôt' autras criatura,
Segner sobrel segnors,
850 Deu verai salvadors,
Reisde trestoi regnaç.
Qu'avec en poestaç
[F° 21 Vj Lo monç e quan i pauça,
829 nos. — 830 nosus (la première s est biffée) vara. — 843 uostreo. —
849 soblel.
2-26 POESIES RELIGIEUSES
Si cura de vostra causa
855 En podeç dir et far
Et bens et mais donar,
Del lot si com vos plai,
Segner dreiç et verai,
Que per vostra bontaç
860 He per umilitaç
Aviaic insi faic,
Que nuls hom atressaihç
N'auria mais pecaç.
Et s' eran toc anaç
865 En paradis ofert,
N'aurian mais sofert
Trabails ni sec ni fams;
Mais lo pecaç de Adams
Et d'Eva, sa muUer,
870 Que ton formaç premier,
Nos a mes en trabailla.
Qu'Adam sens tota failla
Quan que voleit avia,
Il et sa compagnia;
875 Sol d'un froiç Ij vedas,
Et si lor comandas.
Que non manias d'aiquel,
Mas per lo mal consel,
[F° 22 r" I Que lor det la serpen,
880 Eva primeiramen
Maniet e en fes maniar
Adam el fes pasar
Los vostre mandamens,
Per que pois totas gens
885 Qu'el mund sunt ni seran
En greu périls estan,
Et cels qui son pasaç
Son eisamen estac,
Ec ancar mais n'estava,
890 Qu'en infern toc anava.
868 adaims. — 870 premiers, — 874 sa manque. — 882 et el.
UU MAiNL'SCRlT DIO WOLFENBUETTEL 237
Mais et bons aiseraens.
Mais vos tôt umilmens
Degnas çaiços venir
Per nos d'infer-n garir ;
895 Per que mes en la cros,
Segner, fostes per nos,
Pes et mains clavelac
Et feruc el costac
Et mort et sobelic,
900 E quan fos surexix,
Laisus el ciel montas
Et cai cos nos laisas
Los vostre mandamens.
Per que tota la gens
I F" 22 V"] Degeison ainsi far,
Sis volgeson salvar.
Mais d'aiqiyl pauc en son
Tant honest ni tant bon,
Los voilla mantenir,
910 Servar et obedir.
Donc se per vos non es,
Per la vostra merces,
Per la vostra dolcor,
Nos sem tant peccaor,
915 Se vos a nos gardac,
Mal serem aribac.
. Noi gardaç, deu valens.
Al nostre falimens,
Mais per bontaç de vos
920 Aiaç merces de nos,
Defendec nos del foc
D'infern e dac nos loc
Laisus el vostre reng.
Ben sai que nuls n'es deng,
925 Tant bon et tant fins es,
Que tant ben far poges,
Tal reng déges aver.
'>H.>r) umsi. - 906 Sil. —907 suu. — 'JIO Seuar.— 914 Xo seo. —'.^2'< ves.
•<^8 POESIES RELIGIEUSES
Mais per vostre plaiçer
/* Et per vostra bontaç
930 L'aveç apareillaç,
[Fo 23 r°] Que cals que ben faran
Tais gieidons n'auran.
Que mais non auran fins
El reng, que tant es fins.
935 Per qu'eu prec dolçamens,
Mains iomtas, dreiçamens,
Que nos donaç poders
De far vostre volers
E far tant bonas obra,
940 Que Saint Peire nos obra
Las stradas ot los port.
Qu'en paradis nos port.
Vers deus, de totas iens
Aiac dreic chausimens,
945 Pietac et rnerce,
Et mais vos prec de me,
Quar moût vos ai forfaiç
Ec en die et en faic
3 3 D
Ec en autra mesura.
950 Don liai faiç mespriçura.
Molt en sui doloros,
Per qu'eu me ren a vos,
Segner dolç e verais,
Veira clartaç e rais,
955 Faiç vostre mandamen
De mi, qu'a vos mi ren
[F° 23 vo] Sens tota retenensa.
Aisi cum sens faillensa
Et si cum plac a vos
960 De la gola au leos
Traisis san Daniel
93J durau. — 940 sauinl. — 942 uos. — 947 farfaiç. — 959 plaie. — 960
leons. — 962 poblo.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTBL i?9
El poble d'Israël
Des mains dels Faraoïis,
Del ventre del poisons
965 Traisistes sain Jonas
Et del ardent fornas
Los très enfant traises,
Ausi cum co vers es
Et cum eu n'ai credença,
970 Conduiç m'a penedença
Ec a confesion
•j
De mas ofesion,
Segner deu, s'il vos plai.
Si cum eu crée et sai,
976 Que façis d'aiga vin,
Quant saint Archeteclin
Fit vos o lui seder,
Et pel vostre poder
Ausi cum vos deignast,
980 Saint Lacar sositast,
Si cum tôt auco crei.
Perla vostramercei,
[F" 24 r»' Segner, mi perdonaç,
Mon tort et mon peccaç,
985 Dac mi cor et talen
De far vos mandamen
Em defendec del mal
3
De la peina enfernal.
Prec vos molt umilmens,
990 Vergen, et dolçamens,
Domna sainta Maria.
Que de la mala via
Nos defendac d'infern.
3
Nol di ge por eschern»
995 Mais ab ferm cor et clar.
Deiaç per nos pregar
Deus sobeirans et fort,
y6<3 fornais. — 961 traisistes.— 976 Arclieledin. — 98* de.— 995 dar.
230 POESIES RELIGIEUSKS
Que de malvaxe mort
Et de mal nos defenda.
1000 Sa gran merce dexenda
Et la soa dolcors
Sobra nos peccadors,
Et de son beils oils clar
Sor nos deia gardar,
1005 Deia nos convertir,
Si con fes sens mentir
Saint Paul, quel perseguia
Ab orgoil noitet dia ;
[F* 24 vo] Ja n'er tant orgoillos
1010 Ni tant contrarios,
Quant plac al segner dêu,
Nol convertis en breu,
Del tôt li perdoneit.
Domna, donc ensi seit!
1015 Preiaç lo, qu'il li^laisa,
Qu'aital perdon nos faixa.
Et tal perdon, cum fes
Aicel que tant mespres,
Qu'enç el cors lo feri,
1020 Pois merce li queri,
Et il li fes perdes,
Faical aital a nos.
Dompna de grant .valors,
Splandent sor tôt splandors.
1025 Aiac veira merce
De cascuns et de me,
Seiac nos secorens
3
Al ior del iugemens.
Prec vos saint Gabriel,
1030 L'archangel saint Michel,
Toc Tangels, qu'es laisus,
[F» 25 r" I Els archangels laisus
1013 perdonel. — l'J cors oferi.— 21 perdons.— 23 Dopna.— 2i spandors.
1>U MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 231
Els quatres evarigelista
Et sain Johan Batista,
1035 Saint Petre, saint Maten
Et saint Bertolameu.
Saint Jachem, saint Tomas,
Saint Simon, saint Judas,
Saint Johan, saint Andréa,
1040 Saint Félix, saint Matea,
Saint Jaqueu, saint Cristofol
Et toc l'autres apostol,
Que vos proiaç por nos
Lo segner glorios,
1045 Que de peina nos gar
En"deia perdonar
Las nostras falicons
Per sa redempcions
Et nos doint abstinenca
1050 De totas sas oferisa
Et ferm cor et voler
De far lo seu plaser.
Salve saintisme cros,
Sor qei Yesus per nos
1055 Fo mes braic estendut,
3 '
Clavelaç et pendut
Et navrac mortalmen.
'F° 25 V* ' Eu prec lui dolcamen
Per aiquil saint martir,
1060 Qu'el volt per nos sofrir,
Et per vos, sainta, dcgna,
Que la gens sor soi segna,
Quar il aia merce
Et pietaç de me
1065 Et raand de cels en terra,
On es aitanta géra,
Amor, acort et paç
o3 quatres. — 50 En loptas sasas. — bUEl.
POESIES RELIGIEUSES
Et bona voluntac.
Et de la gens umana
1070 Seia vida certana
Et aiuda veraia,
Si quel nemic non aia
En cels part ni baillia.
Anaen. Enaisi sia.
1075 Vergen sainta Lucia,
Vergen sainta Sufia,
Et sainta Catalina,
Vergen sainta Crisiina,
Vergen sainta Pelaia, •
1080 Et sainta Ermoniaia,
Saint' Agnes, sainta Brida,
Et sainta Malgarida,
[F° 26 r"] Sainta Fei et Susana,
Maria Egjpciana,
• 1085 Tedas et saint' Agada,
Creisensas et Flidada
Sainta Ana, sainta Alena,
Maria Magdalena,
Los confesors els vergens,
1090
Toc los saint et las saiitas,
Prec vos ses totas antas
Fer vostra saintitac,
Per nos merce clamaç,
1095 Que nos faiçaperdon
Lo segnor deu do tron,
Qu'anc non degneit mentir,
Et gard nos de faillir
Et de tôt mais obrar.
1100 De ben dir et de far
Nos don talen et cor
Per la soa dolçor,
70 certaina. — 82 malgarila.— 91 saintes , — 92 amlas. — 96 Qo.
Dî: manuscrit DR WOLPENBURTTEL ?:^3
Et nos don lo seu reng.
Se tôt nos no'n sem deng.
1105 La soa grant bontac
Vensa la malvestaç
Do nos et la falensa
Por la soa valensa,
Pcr sa grant cortoisia
F^ 26 V Nos gard de m al a via,
Sian defendedor
De Tenfernal dolor. Amen.
En deu, qu'es nostre paire,
En la vergen, sa maire,
1115 Et el saint esperiç
Coman los esperiç
De toc cels peccadors ;
Car ans proiar por lors,
Que per sa grant bontaç,
1120 Per sa grant umeltaç
Metals a salvamens.
Amen. Amens. Amens.
Verais segner deu poderos,
Reis del tôt, paire glorios,
1125 Segner, que toç lo mon feçes
Et cels et tera et toç quant es,
[F° 27 ro] Segner, qu'ancnon degnas mentir.
Que per nos de tormens garir,
Qu'eram tuiç en perdicion.
1130 Bel, dolc segner, savis e bon,
t Humels e cars, plen de dolçors,
Segner, et per nostre secors
Del vostro reng oai cos vendues,
Ausi cum hom carnaljnasques
122 B amen au lieu du premier amens. — 127 quant, B qu'aac. — 133
ren. B reng.
234 POESIES RELIGIEUSES
1135 De lavergen sainta Maria.
Benedecta soit quela dia !
Car nus hom non podia far
Tant ben, qu'il se poges salvar;
Cascuns trop greu turraent durava,
1140 Los bons ausi cols mais anava
En greu loc, o vcnian mes.
Et vos, segner, sai ços vengues
Sofrir dolor, trabails et pena
Fer geitar nos d'aital catena.
1145 Por ce quar vos predicavaç,
La sainta lei nos mostravac,
La veira fei, la dreitavia,
Si com 'hom salvar se podia,
Fustes vos despoliaç toc nuç,
1150 Vergimdaç fustes et feruç,
Los hoils liac aisi cum laire,
(rlorios deus, segner et paire ,
[F° 27 v^j Las mains liadas anbasdos,
De peis, de mains et de bastos
1155 Postes batnc' et laideniac,
De groisas peiras lapidaç,
D'umpailes obraçrichamens
Fos afublaç per schernimens,
Et coronaç fustes d'espinas,
1160 Per trobar nos veira meçinas
D'aiquel greus doloros tormens,
Que sostenion totas gens.
Et mais vos plac ancar sofrir,
Que per nos vos laissas aucir ;
1165 Non ges per vostra otilitat.
Mais per la granda pietat,
Segner, que vos aiigues de nos.
Vos laisas mètre en la cros
Et clavelar et peis et mains,
1170 Precios deus, vers et certains.
136 aiqiiela.— 141 ueruan, B ueaiaa.— 151. Lois (1'/ est biffé). — lô9cori-
raç, B coronaç. — 162 gea. — 16S crois.— 169 clavelar peis.
Dtl MANUSCRIT DE WOLFENBUblTTEL ?35
Et ferir en lo destro lac
De lajanca enc el costat,
Et fostes abeurao de fiel,
Segnei' umains, dolç plus de mel,
1175 En aital guisa traversast,
D'infern vostres amies getast,
Segner, et pois en lo terc di
Resusitaç toc antrisi,
[F" 28 r°j Segun que fo vostre placers.
1180 Segner, ausi cum oo es vers
Et cum eu n'ai ferma credenca,
De mos peccaç, de mas ofensa,
Dels mal, de amta, dels forfaiç,
Segner, queç eu hai en vos faiç,
1185 Mi faiç, sios plai,verais perdon
Et ven» a confesion,
Quar eu vos prec et qier merce.
Et vos Taiaç aital de me
Cum de la Madelaine aiguës,
1190 Et tal perdon, cum vos feiçes
A Longin. qu'el cors vos feri, —
Per ço que pois se repanti,
Tant tost n'aigeistes pietaç —
Segner, aital de mi l'aiae ;
1195 VA donac mi cor et talen
De far tôt vostre mandamen
Et far tais obras, que vos plaia.
Per aiquela saintisraa plaia,
Que vos fec enc el cors Longin,
1200 Conduces me a bono fin.
[F" 28 Vj
De benfar força mi donac
En tais gisas, que vos degnaç
Per ben taie oblidar lo tort
171 laie (l'i est biffé), B lac. — 173 abreurer, — 179 placer, B placers. — 180
Segne, B Segner. — 198saitisma, B sainlisma. — 1200 Les quatre deroières
lignes du fol. 28 r» et les vingt premières du fol. 28 v" sont vides. Le co-
piste a-t-il omis une partie du le.xte qu'il copiait? Le sens ne rendrait pas
nécessaire une telle supposition .
83Ô POESIES RELIGIEUSES
En l'oias. quant venrai a mort,
1205 Qiiem defendeç, segner ternal,
De las greu penas enfernal,
[F» 29 Fo; D'aiquel foc neir, que toç temps art.
Teneç me da la destre part
Et daç mi part el vostre rang,
1210 Quêtant es precios et deng
E bons et fins et cars et gen.
Segner, a vos mi don em ren,
En vos, qu'es de toç bien compile,
Vers deu, coman mes esperiç.
1215 Sainta Maria vergen,>maire
De deu nostre segner et paire,
Reginaplena de umiltat,
Per la vostra sainta bontat,
Per la vostra sainta dolcor
1220 Et per lo saint de deu amer,
Vostre dolç fil, segner de nos,
Per la sainta vertu de vos,
Pel saint salue, queus ven de ciel,
Queos aportet saint Gabriel,
1225 Et per la sainta emprenitaç,
F" 29 v°] De vos, (quel segner sens peccaç
Entret en vos pel salvamens
De toç peccadors veiramens),
Per la sainta veraia fe
1230 De vos et per sainta merce,
Et per misericordia granda
Vostra, quels peccadors demanda,
Et per la sainta croc veraia,
0 nostre dolç segner près plaia
1235 Lo divener tôt a bandon.
Et per la sainta surecion, •
Quant suresis de mort a vida,
Regina, vergen en ciel gracida,
207 teps. — 217 uiûilitat, B umiltat. — 237 aiuda. B a uida. .
DU MANUSCRIT DE WOLPKNBUKTTEL 237
Vos prec, domna, qu'aiac merce
1240 De toc pecadors et de me,
Eus quier, domna, dels falimenç,
Qu'ai fach et faiç, perdonamenç;
Et de preioon, on ai estaç
.XX. anç et plus estres mon graç,
1245 Et d'aiquest tormens, on eu son,
Vos quier, domna, deliuraxon.
Merce vos quier, vergen regina,
En oui totas honors déclina,
[F° 30 r»] Que per araor del vostre fil
1250 Me defendeç del greu péril,
De mais et de perdicios.
Preiaç lo peramor de vos,
Qu'el me faisa verais perdon
Et quem don sa benecion
1255 En Toras del grant iugemens.
Onrada, pleina d'olimens,
De graças, de grant umeltaç,
Aiac merces et pietac
De mi, quêtant sui plens d'erors..
12t)0 Flor sor totas las aiitras flors,
Gemma sor totas preciosa,
Car es maire de deus e sposa,
Et es porta de paradis,
Et es de toc biens amadris,
1265 Et es dels peccadors aiuda
(Que cels queç an colpas aguda
Et vol se pois a vos tornar,
Que vos los faiç tôt perdonar ;
Tan es umels et sens meiiaisa),
1270 Seç eu vos prec, non vos desplaiça,
243 aistaç. — 245 eu niaoque. — 247 Le ms. porte, au lieu de Merce, erse,
et dans lalacuue laissée pour la lettre ealuminée qui devrait être ajoutée, il v
a UD petit p, donc Perse. — 251 perdicions. — 260 ias manque. — 261 tôt. —
262 deus essposa. — 264 es manque. — 265 es manque. — 270 en,
16
233 POESIES RELIGIEUSES
Se toç sui peccaires agut.
A vos mi ren em son rendut
Ab ferm cor et ab ferm voler;
Aisi cum vos ven a plaiçer.
[F° 30 V"] Faiç de mi, domna valen,
De totas la genser plus gen,
La mellor et la plus pnrada,
Que niais fo ne que mais soit nada,
Per oui sun totas gens salvac
1280 For cei qui sun desesperaç,
Que cels non vol deus aiudar
Sol per lo seu desesperar.
Quar Judas, quant lo ac vendut,
Et pois quant conoc sa vertut,
1285 Dolens fo, quant si lo vencli.
Et ab sas mains aut s'en pendi.
Pecheit, quan cudeit mendar
Et perlo seu desesperar,
Quar il ne se clamet en colpa ;
1290 Non anus os, vena ni polpa
Non sia plen.a de tormens
Enc en enfern el foc ardens,
Et ç'el aiguës merce clamada,
Auria la en deu trobada.
1295 Longins, qu'inç el cor lo navret.
Quant lo coneit, merce clamet,
Queriperdon del greu peccaç,
Et deu per sa grant umeltaç
En ac pietaç et merce.
1300 Per qu'eu conosc et sai et cre,
[F° 31 r"] Que nus tant peccadors non es
Ne que mais aia tant mespres,
Sec el se vol tornar a vos,
3 '
AI vostre saint fil precios,
1305 Non trop raerces et causimens.
Per qu'eu de toç mos falimens
279 sum. —283 los. — 284 cooot. — 286 peati. — 292 en manque.
293 claraaida. — 299 merces. — 303 Se ca]. — 305 causimen.
DU MANUSCRIT DR WOLPENBUETTEL Î39
Ft de ma greus ofesion
Confes m'a vos eus quiei" perdon.
Car raolt sui peccaires estaç.
1310 Heii tantas giças liai peccaç,
Cura un cors dolen pot peccar,
Nol sauria dir ni contar,
Tan sui peccaires e çaitiu.
Al vostre plaiser m'omeliu,
1315 Bella domna, sainta Maria,
Em ren en la vostra bailia.
Et vos per la vostra merce
Preiaç lo segner deus por me,
Qu'el mi perdon raos greu pecaç
1320 Ausi cum per sa gran bontaç
Stendi pornos sas bellas mans
Et receup en lo destre flans
Lo doloros colp de la lança
Per nos getar d'aital pesança
1325 Et condur nos a salvamens.
Qu'enanc lo seu avenimens
[F" 31 v''] Neguns ben fair no li valia,
Chascun tenoit la mala via,
Los bos tôt autresi cols mais,
1330 Entro quel segner naturals
Entret en vos per nos salvar.
Et anc nol sentie a Fentrar
Plus que s'el anc entraç non fos,
Et pois quant se parti de vos,
1335 Tôt soavet en isi fors,
Qu'anc nol senti lo vostre cors
Ni no'n augues trebails ni pena.
Domna, vergen de graças plena,
Vergen ausi cum vos trobet,
1340 Autresi vergen vos laiset,
Vergen fustes et vergen es
Et toc tens mais vergen seres,
311 peccair. — 3t4 mameliu. — o2l mains. - 'S22 recep. — 323 dolors, —
329 Lois bos.— 340 laiseit.
240 POESIES RELIGIEUSES
Et es de deus fillas et maire,
Et el es vostre filç et paire,
1345 El vos formet, vos l'engendrast,
El ven en vos, vos lo portast
Et latas lo del vostre lait
Et noris ab grant umeltat.
Per o laisu el reng santisme
1350 Lo vostre dolc saint fil altisme
Vos ha sor tota riens ornada,
De sant esperiç coronada.
[F° 32 r°] Per qu'es datoçlos saint gracida,
Et es salvacions et vida
1355 De toc cels que a vos s'autreia,
Per que mon cors vers vos sopleia.
A vos mi don, a vos m'autrei,
Et vos graçis et vos mercei,
Et a vos ren laus et merces
1360 De toc mos mais, de toc mos bes,
Et voill sofrir los malç en paç
Per gierdons de mos peccaç,
Et del ben vos en rent merce,
Quar mais m'en faiç que nom cove.
1365 Per la sainta bontac de vos,
Pel vostre saint fil precios
Mi defendec da l'enemic
Em faic esser de deu amie.
a
Donac mi cor ec abstinenca,"
1370 Quem gart de totas sas ofensa,
Et daç mi ferm cor et talen
De far tôt lo seu mandamen.
Et en l'oras, quant eu morai,
Per vos, regina, s' il vos plai,
1375 Seia de tôt mal defendut,
El vostre saint reng receubut.
En deus et en la vostra raan,
Domna, mos esperiç coman.
343 maires. — 353 daitoç lo. — 355 qua uos sautreiia. — 360 bens. —
364 couen. — 373 El manque. — 377 la manque.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 241
[F° 32 V] Santisme paire, Jesii Cris,
1380 A qui stan totas gens aclis,
Segner de totaç bontaç plens,
Sens fins et sens comensamens,
Segner de toç los biens compliç,
Fils et paire, sans esperiç,
1385 Segner leals et dreit iuiaire,
Sens gan, sens tort et sens mal faire,
Segner de pais et d'umeltaç,
Santisma degna trenitaç,
Segner soau et doue menistre,
1390 Segner, que sens autre magistre
Facis lo ciel, facis la terra
Els^^mars, que tôt lo munt enserra,
Segner^sens totaç malvestaç,
Sens orgoil e sens crudeltaç,
1395 Veira clartac e veira lue.
Vers deu, vers hom, veira salue,
[F° 33 r°] Veira maiestaç, veira vida,
Veira graiças de ben complida,
Veira maiestae e merceis,
1400 Beneit seiaç per nos meçeis,
Per nos meeeis glorificac,
Segner, en boa' ora seiaç,
Aiaç, sios plai, veira merce.
Et mais vos preç, segner, de me,
1405 Quar eu ai mult forfaiç a vos.
Et s'eu sui stac contralios,
3 '
Et plen d'orgoil et plen d'eror,
Plen d' ira et plen de furor,
De totas vanas glorias plens
1410 Anans, venans, veillans, dormens,
E n'ai faic tant cum pois de be,
380 aclins. — 384 ensperiç.— 391 Façils lo. — 392;enseca. — .394 e man-
que; crudeltat. — 395 e manque. — 399 maiestaç veira merces. — 400 mrr-
çeis. — 401 merceis. — 402 Seiaç segaer ea booas oras. — 403 sil vos plai.
— 407 Et manque. — 408 et manque. — UI ben.
242 POESIES RELIGIEUSES
Vaillam la vostra grant merce,
Vaillarn la vostra pietaç,
Vaillam la vostra grailt bontaç,
1415 Vaillam lo vostre rie secors,
Vaillam la vostra grant doiçors,
La vostra umilitac mi valla,
La sperança de vos nom falla,
Car en vos es mas atendenca,
1420 Et en vos es ma benvollenea,
[F" 33 V"] En vos es totas ma fiança,
Mon bon confor, mas alegrança
Ma sperança de toç mos bes.
A vos, segner, mi rent confes.
1425 De mas colpas, de mes peccaç
Qu'ai faiç de Foras qu'eu fui naç,
Diçen, pensan, en mais obrar,
D'aitan cum mi poisc remenbrar,
Mi sui confes a vos rendut.
1430 Aiaç secors, et mantengut
Sia per vos, maiestaç degna.
Qu'aisi cum s'espren foc en legna,
Aisi s'espres peccaç en me ;
Mais per la vostra grant merce
1435 Deliurar, segner, m'en deiaç,
Ergoils, ira ni mal pensaç
Me deia toc d'enanc ostar.
3 3
Et se de plus vos aus preiar,
Per aiquela santisma cros,
1440 0 fostes clavelaç per nos,
Per la vostra sainta valor
Et per lo dolç santisme amor
De la vergen sainta Maria
Tenec me en la dreita via,
1445 Que seit salvacion de m'arma ;
Ab la vostra santisma arma
415 rit. — 416 dolçor. — 419 II y a dans le ms., entre ce vers et 142(1. uq
autre vers: El en vos es mas atendenca. Voyez la note sur le vers 1419 —
436 ui. — 438 ans.
DU MA^USCRIT DE WOLFENBUETTEL 243
[F" 34 r"] La deiaç de tormen défendre
Que l'enimic non pose' atendre.
Per l'amor sainta Malgarida,
1450 Que trais per vos molt aspra vida
Et sofri greu tormens et mort,
Mes falimens et mos greu tort
Me sia, segner, perdonaç,
Et per la saintas amistaç
1455 Del santisme Jolian Batiste
Et de saint Johan Vangeliste.
Ma arma, qu'es aitant dolenta
Dels greu peccaç et s'en gaimenta
E 'n trenbla soven de paor,
1460 De las greus penas enfernor
La defendeç, bel segner deu,
Per l'amor saint Bertolameu
Et per l'agnel saint Gabriel
Et per tota la cort de ciel.
1465 S'cu liai dolors, trabails ni pena.
[F" 34 v°] AfFans ni mais n'autra catena,
Tanta de graças mi donar.
Qu'eu la posca sofrir en paç
Et sei en loc de penedença
1470 Per mos peccaç, per mas ofença,
Per los greus falimens de me.
Donaç mi co;', talens et fe,
Bon confort et ferma sperança
De mantenir pax etliança
1475 Et far tan gens obra complida,
Enan quem parta d'esta vida,
Qu'ai départir, segner valens,
Et l'oras del gran iugemens
Aia per vos vida ternal
1480 El vostre reng celestial.
Segner, que vos degnaç sofrir,
Que denan vos poisca venir
Per vos graçir, per vos lauçar
448 posl. — 456 uageliste. — 469 de ma p. — 478 fjran manque.
244 POÉSIES RELIGIEUSES
El vostre rie faic tener car ;
1485 Quar vos m'avec de nien faic,
Quan vos plaira, m'aurec desfaic.
Del tôt sui en vostre voler,
A vos m'autrei matin e ser,
En vostra mains, santisme deu,
1490 Coman, segner, Tesperiç meu.
[F" 36 r°] Ai vergen, sancta Maria,
Reginas de toc regnaç,
Qu'avec lo mon restaurac
Et dreicat en dreita via,
1495 Defendec mi tota via,
Domna, quel nemic malvais
Sobra mi non aia mais
Força, poder ni baillia.
Lo vostre secors verais
1500 Me soit prestaç noiç et dia.
Vergen, en vos hai fiança,
Per aico me torn a vos,
3 '
Preiaç deu lo glorios,
Quem faiça gen perdonança.
1505 Domna sens par et igança,
Sperital engenedris,
A vos ren mon esperis,
Et vos per la'saludança,
[F° 35 v°] Que dal saint angel auçis,
1510 Aiaç de mi pietança.
Vergen gloriosa, maire
De graiça, vita dels mort,
Domna, conduç m'a bon port
Em defendec del contraire,
3
1515 Vers es que molt sui peccaire,
Mais a vos, vergen, mi don
lomt mas mains et quier perdon
484 cair.— 491 sca, avec un tilde au-dessus.— 492 régnas, B regoaç.— 496
enemic. — cCO I\'e, B me. - 505 el sens igança, B et igança.— 507 esperic.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTKL 245
Umelmen et sens cor vaire.
Santa salvadris del mon,
1520 Del tôt vos sui merceaire.
Vergen del nemic gérera,
Amiga del sans de deu,
S'en die ren queus sia greu,
La vostra merce so fera.
1525 Domna de bens enseignera,
De sen far, de gen parlar,
De toc bon près et d'onrar,
Auiaç, sios plai, ma pregera,
Deiaç deu per mi preiar,
1530 Splandor del mund et lumera.
Vergen sainta preciosa,
Rosa, lils et de lis Hors,
Aulens sobra tôt odors
Et sobra tôt poderosa,
[Fo 36 r°] Domna, seiiaç pietosa
De me, que désir et bram
. Et sobra tôt voill et am
La vostra graiça ioiosa.
Regina, per vos me clam,
1540 Quar es de deu amorosa.
Vergen, aiaç suvenença
Et remembranca de me
Ne nom laisac por merce
Sofrir mort sens penedença,
1545 D'icei qu'ai maior temença
Me seiac conortamens,
. Del greus enfernal tormeus
Seiaç mi schut et garença
Et verais defendimens
1550 Per la vostra grant valença.
524 so ferra. — 525 enseigeira, B enspigneira. — 526 far] faliç.— 528 mai
- 530 lumeira.— 534 Et es sor tôt.— 536 Dera, B de me —543 dod, B nom.
246 POESIES RELIGIEUSES
Sancta Maria,
Vergen gloriosa,
De deus amia,
Sor tôt degnitosa,
1555 De l'arma mia
Seiaç piatosa.
Merce, raina!
[F" 36 v] Genedris santa,
Per honor vos plaia
1560 Del mal, de l'anta,
Qu'ai faiç, perdos aia.
Ai ! fruic et planta
De tôt ben c'om aia,
Merce, raina!
1565 Vergen lionrada
De iois en ,
Encoronada
De corona degna,
Domnapreçada
1570 De mi vos sovegna.
Merce, raina !
Sor mi dexenda
La vostra pietança,
Mon mais estenda
1575 Em don alegranca
Et mi defenda
D'infer de pesança.
Merce, raina!
Vergen gracida
1580 En cel, de deu maire,
Seiaç mi gida
En toc; mes affaire.
Hai ! benedida
Da deu nostre paire,
1585 Merce, raina !
558 Senedris,B Genedris. — 560 lamta. — 563 con. — 578 rahina, B raina.
DU MANUSCRIT DE ^VOLFENBU^T^EI, 247
[F" 37 r°] Vers vos sopleia
Mon cor sens bistenca,
0 qu'eu me seia,
En vos hai timenca,
1590 Valer me deia
La vostra valenca.
Merce, raina !
Vergen cortesa,
Vida vertadera,
1595 En vos bai mesa
Voluntac entera.
3
Hai ! ben apresa,
Qualamen non pera?
Merce, raina!
1600 Valen pulcella
De gracia plena,
Marina Stella,
Gardaç nos de pena.
Hai ! rems e vella,
1605 Quel mund guida e mena,
Merce, raina!
Vergen Sainta Margarida
Plena de sxusan,
Puloela da deu graçida,
1610 A vos mi ren e coraan.
Fer mi peccador preiar
Deiaç deu, que perdonar
[F" 37 V"] Me deia mos. falimens,
Qu'ai faiç vers lai longamens,
1615 Vos que fos enprixonada
Et sofris tan greu dolor,
Tan greumen pasionada
Fos perlo santisme amor
De deu, rei de paradis,
595 messa. — 596 enteira. — 604 rens, Bartscli rems.
248 POESIES RELIGIEUSES
1620 Seiac me defenderis,
Quel nemic non aia part
En me per neguns esguart,
Ausi cum doas ves penduda.
Vergen, fos dais malvas sers,
1625 L'unas ab vergas batuda,
L'autras talladas ab fers,
Ausi, vergen, m'aiudaç,
Deu, lo dreit segner, preiaç,
Quem don tan far, qu'eu soi deng
1630 De venir el seu saint reng.
Si cum veraiamen glorida
Vergen, fustes dal dragons,
Et en greu turmens aisida
El foc des arden brandons,
1635 Aisi, domna, por merce
Preiaç Yesu Crist por me,
Que nom lais a fenison
Venir sens cofesion.
[•F° 38 r°] En fredas aiguas gittada
1640 Fos, vergen, col cap en ios,
Los pes et las mains liada;
Mais lo segner glorios
Vos gardet Foras de mort.
Domna, seiaç li recort,
1645 Si cum il vos fes secors.
Qu'a mil faisa per dolçors.
Per tormens non fus vencuda,
Vergen, de Yesus amar.
Cellasgenç, malvaisa, cruda,
1650 Vos fes lo blon cap tallar;
Marchus, cel quel vos tallieit,
Pel vostreprec se salveit.
Vaillam tant vostre prec ien,
Vergen, qu'eu trop salvamen.
621 enimic. — 623 doos. — 633 asida. — 635 Ais. — 637 noo las, B nom
las. — 646 mi el. — 647 Péri, B Per. — 651 lauieit, B tallieit.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 249
1655 Corona d'aur iaucionda
Lai sus el reng precios
Avec en la testa blonda
Pel gveu tormen doloros.
Hai ! Vergen de gran vertut,
1660 La vostra merce m'aiut.
Preiaç deu, quem lais en ver
El seu servis perraaner.
La soa merce dexenda
Sor mei per sas umiltaç,
[F" 38 V"] Dels mais obrar me defenda,
D'orgoills et de greu peccaç.
En deu lo segner verais,
Vergen, et en vos mi lais,
Quem defendec de faillir
1670 Et d'e mala fin venir.
A cels secors qui demanda
Preiaç deu que lo li man,
La soa pietaç granda
Vailiam, quar eu la deman.
1675 Ai! Vergen, clamac merce
Per totas gens et per me
A deu, que de mal nos gar
Et deia nos perdonar.
Segner deu, a vos mi confes,
1680 Quar peccaire sui staç quecs iors.
Ara conois eu ma folors,
Quar trop ai contra vos mespres
En diç, en faç et en senblan,
IF" 39 r"] Regens, pensan, veçen, auçens,
1685 En trop orgoils, en mal obran ;
En colpam clam e'n sui dolens.
Eu prec, Sancta Maria, vos,
655iaucionada. — 661 quea, B que m. — 662 Eli, BEI. — 664 umilitaç.
— 670 de, Bartscli d'à — 681 eu manque. — 685 obrara, B obran. — 687
En; scâ, B santa.
250 POESIES RELIGIEUSES
Quar es ha deu plus que nuls probs,
Que me prestaç al maior ops
1690 Lo vostre secors precios.
Ai! Vergen, donaç me conort
El vostre dolç saint fil preiaç,
Qu'il me perdon mon malvais tort
Em don en mon cor humeltac.
1695 E prec vos, Sain Peire, que fos
Tormentat et en cros pendut
Col cap en ios, tôt estendut,
Que vos per quel^dol angoisos
Preiaç deu, quera perdon, sil plais,
1700 Em deia de s'amor emplir
Mon cor, qu'es de malvestaç rais,
E 'n get fors tôt lo mais consir.
Prec vos, Johan Evangelist,
Quar es de deus parens prochains
[•F° 39 v"] Et moris sens trop grant afans,
Que vos per mi peccador trist
Preiaç deu, cui vos es cosin,
Quem perdon mun peccaç, quem poing,
On sui vergognos eç enclin.
1710 Seiam s'amor près et non loing !
Prec vos, Sain Jaquem, harun iust,
Quar es de deu liais amie
Et vos fol cap del cors partit
Ab fers trenclians, non ges a fust,
1715 Que vos preiaç deus ver.>, lo cert,
Quem perdon em don per un iaus
Graiças de tan far en apert,
Qu'ancair aia laisus repaus.
Et prec vos, Saint Bertolameu,
1720 Que per Yesus fos enscorçat
692 Et lo; Bekker a gardé et lo, mais il a omis saint. — 696 cors, B cros.
— 699 quea, B quem. —700 En, B e m. — 703 uangelist, B euaogelist. —
705 mors, B garde mors, mais écrit senes au lieu de ^enx. — afans, B afans,
— 707 i'05 manque. — 713 fo el.
i
DU MANUSCRIT DE WOI.FENBUETTEL
Et VOS fo lo saint cap taillât,
Que vos preiaç lo segner deu
Per aiquel vostre greu tormen,
Quel uii perdon mon greu faillir
1725 Em don graiças de far tan ben,
Quem deia d'infern garantir.
[F" 40 r"] Et prec vos, Sain Matlieus, et quier
Merce, quel segner deu preian
Fos morç. ab aguç glais trenchan,
1730 Que vos per aiquel tormen fier
Preiaç Yesus, que perdonar
Me deia per sa grant bontaç
Et faisam tôt mais oblidar
Em don dé ben far voluntac
1735 Prec vos, Saint Andreu, dolçamen,
Que fos per amor de Yesus
En la cros mes et liac sus,
Que vos per mi chaitiu dolen
Preiaç lo segner natural,
1740 Qu'adolç mun cor, qu'es cum fer dur,
Em gar de la peina enfernal
Et faiçam de s'amor segur.
Prec vos umelmen, Sain Tomas,
Que fos marturiac tan fort
[F" 40 V"] Eç a glai fos navrât et mort,
Que vos preiaç Yesus verais,
Quem perdon pel seu saint placer
Em defenda de mal em gart
De ren far contrai seu voler
1750 Em don sus el seu sant reng part.
San Felip, qui mal vais dragon,
Si cum plac deu, fuçir façis,
Suscitas mort, gent convertis
Et moris sens tormen félon,
721 tailltat. B taillât. — 722 vos manque. — 729 Fors, B fos; treciian, B
Irenchan. — 733 fa'san. B faisam. — 738 dolens. — 744 fort] fors. — 748 en
gart.B em gart. — 749 contra el. — 7."')n ^'iii/ manque.
Î52 POESIES RELIGIEUSES
1755 Pree vos. umilmen m'oumeliu,
Que vos preiaç deu coronat,
Que de mi peccadors chaitiu
Aia merce et pietat.
Prec vos, Sain Jaquem, frair de deu,
1760 Que gitat d'aut et lapidaç
Fos et ab fust escherviellac,
Que vos per aiquel turmen greu
Preiaç deu, quem perdon l'orgoils
Elspeccaç, qu'ai faiç contre lui,
1765 Et aia pietaç et dois
De mi que tan peccador sui.
[F° 41 r°] Prec vos, Sain Jud et San Sjmon,
Q'ab iras, ab orgoils dais fels
Ab pes et mains, ab fust entr' els
1770 Fos mort a raout greu pasion,
Que vos per aiquel tormen strang
Preiaç Yesus, qu'en cros fo mes
Per nos e spandi sûn car sang,
Qu'aia de mi veiramerces.
1775 San Mathia, quels oils crebaç
Vos fo, mais deusvos alumet
Et vida tant col plac vos det,
Pois moris sens dolor raalvaç,
Prec vos ab cor clars et umil,
1780 Que vos preiaç deu, que de mi
Aia merces, qu'en guiçis mil
Ai trop encontra lui falli.
Prec vos, Saint Paul, apostol deng,
Que fos marturiaç sens gap
[F° 41 v°] Eç ab dolors tallaç. lo cap
Vos fo, per o lai sus enl reng
Vos ama deu, et eu vos clam
Merce, que vos clamaç merce
A deu, quels pecaç, on aflam,
770 mort, B moût.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 233
1790 Mi perdon por l'oiior de se.
Prec vos, Santisme Barnabei,
Que fos environac de foc
Et mort en quel doloros loc,
Que vos Yesu, vers oui soplei,
1795 Preiaç, quem perdon et m'aiut
Et de mal gar mon esperis,
Et plaial per sa grant vertut
Qu'el seu reng sei lai sus aisis.
Et prec vos, saint Johan Batist,
ISOO Que per grant don fo demandât
A rodes et vos fo tallat
Lo cap, que vos Taut, honrat Crist
Preiaç, quar es umils etdreit,
Qu'il me perdon mos falimen,
1805 Et per lui garentida seit
[F° 42 r"] M'arma de l'enfernal torraen.
San Cristofol, que tormens moût
Et dolors ec afan sofris,
El cap per anior Yesu Cris
1810 'V^os fo sor las esspalas tout,
Prec vos et quier merce de tôt,
Que vos preiaç deu. quem perdon
Mos greu peccaç et raalvaç mot.
Qu'ai dit, et sa giaiça mi don.
1815 Prec vos, sain Laurenç, que raustit
A tormen fos et a dolor
Que vos preiaç deu criator,
Quem perdon los mal, qu'ai bastit,
Et don mi talens et voler
1820 De far totas sa voluntat,
E ferm cor de gen mantener
Sperança, fet et caritat.
San Stevan,vûs qu'a tormen gran
[F" 42 v] Laisas lapidar vostre cors,
"96 esperiç. — 811 tout. — 821 Ê manque; malener.
17
254 POESIES RELIGIEUSES
1825 Eu prec vos per aiquclla mors,
Preiaç per mi peccador tan
Jésus, vers oui ai tant forfaic,
Qu'a peina l'aus merce clamar,
Quem don graiças d'aiquel mesfaiç.
1830 Pose* ancliair penedença far !
Mais m'enardis, queç eu non voil,
San Stevan, far ges enausi
Cum fes Judas, que se pendi,
Ane clam merces sens tôt orgoil
1835 A deu, quem pardon, et los sans
Prec et tota la cort de ciel,
Que deu prec, qu'eu per sun comans
Seia mes en man san Michel.
Salve regina donna,
1840 Maire del criator,
Sostenals et colona
Del mon dels peccador,
Fons de preç et d'onor,
De paradis portais,
1845 Lucens stella iornals,
Aiaç, vergen, de me
[F" 43 r"] Gloriosa merce.
Ave, sancta coron a,
De que son coronat
1850 Tuio cil qu'a vos se dona,
Dona de grant bontat,
Plena de pietat,
Sobreira de poders,
Genser de las gensers,
1855 Aiaç, vergen, de me
Gloriosa merce.
Salve, nostra sperança
Et nostre salvamens,
82'jEu manque. — 831 queu. — 848 sca, avec un tilde au-dessus.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUliTTEL
Valors et alegraiica,
1800 De placer conplimens,
Domiia d'enseinamens,
Clartac, raie del soleil,
De tôt périls conseil,
Aiao, vergen, de me
1805 Gloriosa merce.
Ave, ioiosa vida,
De quels peccador viu,
Domna sor tôt complida
D'onraç graiç agradiu,
1870 Aiiuda dels chaitiu
Et dels desconscUac.
Ai! leals ainistac,
Aiaç, vergen, de me
Gloriosa merce.
• [F° 43 v°] Salve, valens regina,
Sabor de tôt sabors,
De tôt mais medecina
Et de toc bens colors,
Quels bons faic faic meillors
sa
1880 Et meierac los meills,
Santa ioia del ciels,
Aiaç, vergen, de me
Gloriosa merce.
Ave, de cil compagna
1885 Que son en paradis,
Ave, trabails et lagna
Del deable d'abis,
Per cui il es conquis
Et liao en anfern.
, 1890 Hai! dels armas gubern,
Aiaç, vergen, de me
Gloriosa merce.
Ave, nostra garença,
884 ciel, B cil. — 889 aafer. —892 merce] de me, B merce.
256 POESIES RELIGIEUSES
Vers cui en colpam clam
1895 Del peccaç, de l'ofensa,
Qu'ai faich, on raout aflam.
jNIais vos, (lomna, cui ara,
Que faic l'arbres florir
Els plaie secs reverdir,
1900 Aiaç, vergen, de me
[F° 44 r"| Gloriosa merce.
Altisme deu, segner omnipotens,
Que per nos fos al pilastre liatz
Et molt perdis, tant fort fus flagcllaç,
1905 Del vostre sanc pel nostre salvamens,
Per aiquel sanc et per aiquel dolors
Vos prec, sios plaç, quem deiaç perdonar
Mos greu peccaç, car tant sui plen d'erors.
Que mi meçeis nol sabria contar.
1910 Denan vos, deu, m'agenoil en preçens
Tôt vergognes per la grant malvestaç,
Qu'eu sen en me; mais la grant pietac,
C'om trop en vos, mi dona baudimens.
Et per aiço, segner plen de dolçors,
1915 Mi ren a vos, nom deiaç refudar,
Perdonaçme, faiçmi tan gen secors,
Que mon speriç poissclia se conortar.
Ailas chaitiu! Trop sui stat longamens,
[F" 44 v"] Que nos ai, deu, conegut ni amaç,
1920 Trop m'a sorpres et tengut los peccaç.
En colpam clam, faiçon perdonamens,
Eç eu perdon a toç per vostr' amors
Ne mais non vol ofensas remenbrar,
Et dels peccaç dac mi talens toc iors,
1925 Que per benfaiç m'en poischa deliurar.
Mon cors els oils el cor et mun pauc sens
Entro ai qui m'an falsamen gidaç,
f^yj sers. — 903 nos loçfos. — 1kj7 plac— 915 01, B mi — nom (avec un tilde
au-dessus). — 917 esperiç.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 257
Quel cor els oils an vegut et pesaç
El cors a faic lo mais el faliraons,
1030 El sen a tôt autreiac las folors;
Ne nul d'aiquist non pose de ben lauçar,
Tan Sun agut crudels et plens d'erors,
Ne nuls fors vos no m'en pot aiudar,
Per qu'eu vos prec, segner deu, dolcamons
1935 Que mun fel cor umiliar deiac
Et mun fais hoil de fais veder ostac,
El cors, qu'a faic los mais, aia tormens
En aiquest mon, el sens e la vigors
Mi meilloraç en vostre plaicer far,
1940 Et faisal, deu, plen de tôt bon sabors,
|F° 45 r 1 Qu'el vostre reng posca m'arma regnar.
Segner, molt ai régnât malvaisamens,
Mun cor els oils el cors an enganac
Mon esperiç et tant fort l'an cargaç,
1915 Non sai conseil, se vos no l'ec garenc.
Ai ! cor et oils, que non gitaç tant plors
Cum avec faiç faus veder et pensar!
Plaia vos, deu, que la peina el sudors
Tornon sor lor, m'armam degneç gardar.
1950 Prec vos, saint Marc, saint Johan Vfmgelist,
Lucas, Mateus, crarens del faic de Crist,
Que sudet sanc, tan preget firmamens,
Et merceus quier de bon cor hurnelmens.
Que vos preiar deiaç deu, quem perdon
1955 Mos greu peccaç et tant consel mi don
Et d'umeltac, qu'eu saia demandar
Et quérir ço qu'il me deng autreiar
Ne demandan nol fasa nul' ofensa.
Et dels pecaç per fruiç de penedença
1960 Mi don talen et cors et ferm voler,
Qu'eu m'en descharg et deia permaner
928 iieofrut. — 929 Els.— lo mais el mais elf.; B lo mai? el f'— 9iOsabor.
- 949 marma eru. — 953 huraelraen. — 960 fern.
:58 POÉSIES RELIGIEUSES
[F° 45 V-] En bon' obra toc temps fin a la mort.
Si quel benfaiç mon esperiç conort,
Et per marce, per graiça et per son laus
1965 Aia laisus el seu saint reng repaiis.
Precios deu, dreit segner piatos,
Que per merces et per bontat de vos
Per nostre salvamens ça ros vengues
E per .V. ves del vostre sang perdes
1970 Per nos construir' et donar mastrameiis,
La prima ves en circoncisimens,
La segundas en sudor, car sudas
Gotas de sanc, tan fermamen preias,
La terça ves en flagelacions,
1975 Quan vos ligan al pilastrels félons,
La carta ves fos en cros clavelac,
Las mains els pes ab aguç claus pasaç,
La quinta ves fos navrât enç el flanc,
Fors en issi de la plaig' aig' et sanc, .
1980 Et cel meçeis queus feri s'alumet,
Queri merces et en vos la trobet;
[F° 46 r"] Si cum ço crei et sai certanamens,
Que toç sofris pel nostre salvamens,
Vos'prec, sios plai, que vos mi })erdonaç,
1985 Car eu sui tant peccaires et malvaç,
Que mon petit peccat mi sembla gran ;
Paors eu n'ai, quan m'en vau remenbran.
Mais vos qu'es dels desesperaç sperança
Et dels dolens plaicer et alegrança
1990 Et dels gaudens conpliment de lor gauç,
De paradis sérails, portas e claus,
Dels angels laus et dels martirs corona,
Maxon del sains, en quels vergens maxona,
De tôt dolors leuiamens etgarença,
968 nostre manque dans le ms., se trouve chez Bekker. — 971 périma, B
prima. — 973 Goras, B polas. — 974 flagelagrions.B flagelacions. — 976 Loi,
B la. — 987 remÔbraz, B remenbran. — 991 esclaus — 993 vergen smaxoiia,
B vergen s maxona.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 259
1995 Déport et lois de las greus penedença,
De totas riens que son vivens vivanda,
Secors de cels qui secors vos demanda,
Perdonaire de cel quios quier perdon,
De tôt servis camies et gierdon,
2000 De toc. afars cap, colors et ministre,
De tôt' obra, que de ben sun, magistre,
Guidas, camins de cels que sun eraç,
Pors dels périls, vida dels trespasae,
Onda del mars, de la terra abondesa,
2005 Delshorfanes et dels paubre richesa,
Fons de tôt bens, que per lo mon s'espan,
[F° 46 V"] Me conortaç, qu'eu conort vos dcman
Et tal conort, que per afortimens
De dur sofrir et per abstenimens,
2010 Per obedir et per penedencar,
Per almosnas, per precs et per orar,
Per sperança et per devocions,
Per fes, per pax et per dilecions,
Per uraeltaç posca curar ma plaia,
2015 On sui plaiaç, et per merce vos plaia,
Que mi donaç totas questas vertuç,
Qu' en loc de vos seiaro armas escuc
Em defendade malvas pensamenc,
D'iras, d'orgoil, de tôt mais obramcns,
2020 Et de ben far soi ades voluntos.
Si quel ben far del peccac faisam b!os.
Et vos, sios plaç, mi facas ver perdon
Per la vostra sancta suiecion
Et pel saint ior, queus mostras as apostol,
2025 Et per amor del biaç sant Cristofol,
De saint Felip, de saint Jaquem vos fraire,
De la vergen reina vostra maire,
OîlB II iiiaada. — KMJ) dolors.— I toc obras, fol. 51 lot obras. — 2 cliami?,
fol. ,51 camins. — cil, fol. 51 cels. — que sun, fol. 51 qui son. — 3 vida del
fol. 51 vida dels. — 4 Ondas dels, fol. 51 onda del. — tera, fol. 51 terra.
— abondença. — Saforcimens. — 18 En, Bem. — 11' obralliens, B obra-
mens. — 21 quels. — 23 sca, avec un tilde au-dessus. — 2i quis.
2(i0 POESIES RELIGIEUSES
Et per amor saint Per et saint Toraas,
Et per amor san Simon, san Judas,
2030 Et per amor saint Johan, sant Andréa,
Et per amor saint Jaquem, sah Matea,
Et per amor san Paul et san Matheu,
[F'' 47 r°] Et per amor de sant Bertolanicn,
Et per amor de san Marc Vanij-elista,
2035 De san Lucas, de san Jolian Batista
Et per amor dels confesors, dels vergen
Etdels martirs et de las saintas legen,
Et per amor toç los saint et las santas,
Et per amor de las conpagnas tantas
2040 D'angels, d'archangels, de qega iigions,
Que son lai sus en la vostra maxons,
Aiaç merce de toç los peccador
Qu'en vos creçon, et cill que non an cor
En vos, meteç l'en la vera credença
2045 El faiç venir a veira penedença.
Et mos peccaç et mos greu falimens
Els mais, q'ai faiç entro quest ior preçens,
Mi perdonaç et toç iors mi gardaç
De plus falir per la vostra bontaç ;
2050 De dir, de far de tôt vostre placer
Donaç me, deu, talens, cor et voler
Et faisal si que, quan verai a mort,
Quel saint angels mon esperiç en port
En la compagne el vostre regn ab se,
2055 Ensi vos plaia per la vostra merce !
[F" 47 V"] A tuich cil vol qu'amon preç far saber.
Que sens deu n'es preç ni valor ni sen,
Eç a tuich cil que dixiran plaçei-,
Que nus non pot sens deu esser gauden ;
2060 Quel ior sens deu sun dol et marrjmen,
Blasme lo i)reç el phu-er angosos,
31 mateia. — i'i pecc.adors. — i5 Et il. — ôij vostri, 13 voslre. — 51 deu
maDque.— 54 rergo.— 5G vol mô pç(avec ua tilde au-dessus). — 61 Blasbe.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUICTTEL î61
Irai solaç el déport doloros.
Et pois nuls bens non val sens deu un p:an,
Quascuns am deu, serval ses tôt engan.
2065 Tôt' autra ren metan a non-calcr
Sol deu servir eç onrar francamen,
Que sel sen tor et l'engens el saber
Ettotlos froc fos en un solaraen,
Non pogra ges un ior estar viven
2070 Oltral placer de deu, tan fos gignos.
Questas vertus nos pon faire ioios:
Sperança, fes, almosnas, que merman
Van los peccaç et los ben tra enan.
[F** 48 r"] Et per aiço cil que laus volon aver
2075 Et ioi ternal da deus omnipoten,
i)a mais obrar se devon remaiier
Et pgl ben far sraendon ses falimen.
Cel qu'amadeu, deus Tama per un cen.
Et per un ben cent rail rentgierdos,
2080 Et quant caçon en sas ofesios
Et nos mendon, dels tormens, qu'il auran,
Nous pogran dir la mietaç en un an.
Lo reprocier, qu'ai auçit, es bon ver,
Que per niens es fol qui dan non sen,
2085 Fols es e faiç cil qu'an de far poder
Lor pros et fan Ior dans a esien.
Cil qu'atendon al mon fan aisemen,
Que lor mais fan et lor ben baison ios
Et de ben far son ades oblidos /^
2090 Et cels peccaç van toc tems remenbran;
Ja mais ioios un sol ior non seran.
Ailas! per que desiron tant l'aver
|F° 48 v°] El ioi del mon, que tant tost vai cum ven?
Ben que mils an degeson permaner
2095 En questsiegle, sabrial nien.
62dolor3. — 63 UDgâl (17 est biffée\ — C5 autres. — 75 El ior. — 77
falimês. — 78 cens.— 70 gierdos(o tilde) .— SO ofesions.— S8 /"a» manque.
?62 POESIES RELIGIEUSES
Quant de la mort aprosma lo prexen,
Lo plus ardiç fasenbrar tomoros.
Las cil que van pel chamin doloros !
Nol credon ges la gens n'en fan semblan.
2100 Deus lor recort el remir lor talan !
Tan se volon de lor cors cars tener,
Que nul non fan de l'armas pensamen.
Moût Sun gario qui deu sa retener,
Qu'e senpitern eron de placer plen.
2105 Et per aico long mas mains umelmen
Et prec Jésus, lo segner glorios,
Qu'aià merces et pietaç de nos
En defenda de sas ofensas gran,
Si cum il fes dal venen san Johan.
2110 Glorios deu, de nos, segner, aiaç
Remesions, merces et pietaç,
Perdonac nos los nostre falimens
|F" 49 r"] Per lo vostre santisme avegnimens,
Per la vostra santisraa nasions,
2115 Et pel saint iorn del circuncisions,
Per las plagas, que vos feoon Judeus,
Et pels toi-racns, qu'il vos feçon tan grcus,
Et per lo saint sepolcre, o fo pausaç
Lo vostre cors benedeit et onraç,
2120 Et pel saint iorn, que da mort sositast,
Et pel saint iorn, que vos en ciel montast.
Et per totas las autras grant vertuç,
Que son en vos, al bon port de salue
Nos condugae perla vostra bontat.
2125 La grant merces et la grant pietat.
Que son en vos, veinsa la grant folors.
Que sun en nos, quar moût sem peccadors
Et del tôt sem en vostre sant placer,
Et, s'el vos plai, merce 'n doiac aver.
97 fas. — 101 volon] podon. — 103 retiair. — 104 erroa — 113 santisma,
B santisme. — 118 pauças, B pausaç.
nu MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL • 261
2130 GardcK; nos, deu, d'engans et de falensa,
Donaç nos, deu, la vostra benvoUença
Gardaç nos, deu, de malvais pensamen,
Donaç nos, deus, de ben far ferm talen,
Gardaç nos, deus, d'iras, de crudeltaç,
2135 Donaç nos, deu, amor, acort et paç
Gardcxç nos, deus, d'orgoil oraicidos,
FF" 49 v°] Donaç nos cor 'd'amar et temer vos,
Gardaç nos, deus, del lusirios vice,
Donac nos cor de far vostre service,
2140 Gardaç nos, deu, de ren far quios desplaia,
Daç nos consel de las vostras greus plaia,
Gardaç nos, deu, s'el vos plai, de greu mort
Et donac nos del ioiternal conort,
Gardaç nos, deu, d'avaricias, d'enveia,
2145 Daç nos a far ço que mellor nos seia,
Gardaç nos, deus, de mala voluntac,
Donac nos, deu, las vostras amistac,
Gardaç nos, deus, d'orgoil et de felnia
Eç umeltat nos daç etconpagnia,
2150 Gardaç nos, deus, de las mains del nemic,
Donaç nos cor, que seiara vostr' amie,
Gardaç nos, deu, de malvaia credensa,
Meteç en nos ferma fei et sperança
Gardaç nos, deu, dais fais plaçers del mon,
2155 Daç nos la vostra sainta benecion,
Gardaç nos, deus, dels turmens infernals,
Donaç nos, deus, lo reng celestials,
[F^' 50 r"] Gaî'daç nos, deus, de t'oç mais obramens,
Donac nos cor de far vos mandamens.
2160 Mercios clamem, auiaç nostre sermon,
Mercios clamem, auiaç nostre oraxon,
Mercios clamem, auiaç nôstra preiera,
131 voslra gràt benvollença, B vostra h. — 133 fern, B ferm. — W^ eneraic.
— 151 amies, B amie. — 156 lurmes, B turraeas. — 160-3-4 cl ara ê, 161-2
cldrâ.
"64 POESIES RELIGIEUSES
Mercios clamem, auiaç nos prec a teira,
Mcrcios clamem, segner plen crumeltaç,
2105 Et per mercc de nos merce aiac.
Salve Yesus, segner, qu'es fils et paire
Et sant speriç, qe descendes çai ços,
Si cum vos plag, de la dolç vergen maire
Receubes carn el seu cors precios.
2170 Si cum so crei et es vers veiramen,
Prec, quem faiças verais pendonamen,
Et non gardaç a ma grant malvestaç;
Vaillam ab vos merces et pietaç.
[F" 50 v°] Salve Yesus, honraç dreiç enperaire,
2175 Leials et fins, valens et amoros,
Sens tôt engan, nostre vers consellaire,
Veira vida, veira salvacios,
Plen d'umeltaç et sens orgoillamen,
De mi, que sui els peccaç tant coçen,
2180 Aiaç merce per la vostra bontaç,
Mun grant orgoil en dolçor retornaç.
Salve Yesus, noslra ioia conplida,
Que sofris fams et sec e desonors,
Afans, trabaill et dolorosa vida
2185 En quest siegle, segner, per nostre amors.
Hailas çaitiu ! malamen ai credut
La granç amors, qu'en nos avec augut.
Tan sui estac faillen chascun iornal.
Aiudaç me, saint paire sperital.
2100 Salve Yesus, en (jui valor aisida
Es et merces, pietaç et dolçors,
[F° 51 r"] Amors et paç, cel (|ue nuls non oblida
Per nul forfaiç, tant sia pecadors.
Sol qu'il se torn a vos sens tôt escut.
164 duraeltat. — 167 esperiç. — 177 salvacions. — 183 deseuors. — l'JO
asida. — i'J3 Après ce vers, suivent dans le ms. les vers 1999-2005; voyez
la note sur le vers 1999, — 194 escuç. "
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 26'.
2195 Per qu'eu mi ren en la vostra vertut
Colpablemen et prec vos, que de mal
Mi det'endac et dal foc enfernal.
Salve Yesus, bel plaiçer et onrança,
Deleit et crauc, solaic, lois et conort
2200 De cil qu'en vos meton sa dexiransa
lit que per vos sofron dolors et mort.
Allas ! per que ai mis tant mon désir
En mi meteis enganar et traïr
Et que tant pauc onrat, servit vos ai?
2205 Segner, aiaç merce de mi, sios plai.
Salve Yesus, dolç et fedels amansa,
[F'' 51 v°] Per cui sem mes de péril a bon port,
De mi que sui en aitan greu balança
Aiaç merce, non gardaç al meu tort.
2210 Graicam donao de ben far et de dir
Et per vos tant dolor et mal sofrir
En aiquest mun que, quant m'en paiHirai,
Mon speriç soit per vos gardaç d'esmai.
Deus sal, dona, que fos degna d'auçir
2215 Tan rie salue, cum l'agnel vos vint dir.
Et sal la grant valors et l'ardimens,
Que l'agnel sant escoltetel preçens.
Et sal lo cor, qu'aiso nol volt contendre,
El sen, quel saub atreiar et atendrc,
2220 Et sal los diç et sal lo bel respos
Et toc l'afars, que tant fo saporos.
Et sal la vostra sanctisma nasions
Et quios portet et vos fes norixons,
Et sal la vostra veraia castitac,
2225 Per que il près a vos tal amistaç,
E sal lo cors vergen, qu'el vole honrar,
[F° 52 r-] Et las teitas, qu'elvolc et plaie laitar,
Et las mains, que lo bagneit el laveit,
219 sab. — 222 s^lisnaa, B santisma.— 226 voc, B vole— 228 quel; leveil
B laveit.
266 POESIES RELIGIEUSES
Els braç, que tan lo sosteng el porteit,
2230 Et sal de vos la resplandent beutat,
La grant douçor et la grant umeltat,
Et sal lo preç, lo lois, i'onors els bes
El diç el faiç et toc quant de vos es,
Et sal tuù; cill quel vostre preç enança,
2235 Et vostre onors et qu'en vos an fiança,
Et sal tuiç cill que creçon vostre laus
E qu'an conort d'aver ab vos repaus.
E sal, sil plai, mon esperiç cliaitiu.
Als vostres pes, raina, m'omeliu,
2240 Et prec la vostra gran splendens beutat
El vostre cors plaisens, gen faiçonat,
El cor valens, plens de tota sciensa
E d'umeltaç et de grant conoscença,
Et prec lo sen el gran saber de vos,
2245 Lo lois el preç el senblan amoros.
Et prec la grant beutat el grant captens,
La gran dolçors el fins ensegnamens,
La grant merces, que tôt lo munt conorta,
Car es de cel strada, camins et porta,
[F'' 52 V"] La castitaç vostra prec, qu'es tant bona,
El bel plaicer el honrada corona,
La grant valor, que tôt orgoil deschai.
Et prec toç laus, qu'cl vostre cors estai,
Que de mi lais et peccador s'en dolla
2255 Et que m'aiut els greus peccaçmi toUa,
On sui tant plens, no m'en sai conseillar,
Se sol Yesus no m'en vol aiudar.
Mais vos, rosa, en cui ai mia sperança,
Mi podeç leu ab lui far acordança.
2200 Domna certes, coind' et valens et dreita,
Preiaç Yesus, que laiteit vostra teita,
Qu'aia de mi merces et pietaç,
Uen sal seu lau sun don en sui blasmac,
Quaril es bons, humils et amoros
229 sostneg, B sosleQg.— 232 bens, - 233 nos, B uos.— 234 prec, B preç.
— 236 tuiiç cill] cela. — 237 a uos. — 238 fil, B sil. — 253estili, B estai.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 267
2265 Eç eu malvaç, crudels et orgoillos,
Il es cortes, fins et droic et leials
Eç eu vilans, félons et desleials,
Il es conpliç de toc bons preç verai
Ec eu de toc aico nue no s'eschai.
2270 E pois tan es lo so ries faiç valen,
Lo meu grant tort el meu grant falimen
[F" 53 r"] Pels vostre precs, domna, en soit et per lui
Toç perdonaç, que tant peccaires sui,
Sec el non fos la vostra grans merces
2275 Et l'umeltac del vostre fil cortes,
Paors ai grant, qu'eu fora decedut.
Merce vos clam, qu'eu non sia perdut,
Domna valen, q'a vos mi don em ren,
Et faiç de mi que laus vos soit et gen ;
2280 A vos m'autrei, en cui ai m'entendenca
Et faie tan, qu'a la fins eu trob merce
Et pietaç, et deu l'aia de me.
Regina vergen, domna valenç et pros.
2285 Maire de deu, qu' el vostre cors ioios
Près son ostal, tan li plac vostre sen,
El vostre prec el die el faic valen,
Mout vos honret, quar il ert vostre paire
Et vos sa fiUas et fes de vos sa maire,
2290 Yergen eraç et tal enfant portais,
Verginitaç no n'augues men ni mais,
Quar tant entreit et s'en parti soau,
Qu'anc nol sentis nius fes dolornimau.
Benedoit soit lo iorn, que vos augues
2295
Quant l'agnel saint lo salue v'aporteit,
[F° 53 v°] Et quant Yesus del vostre cors nasqueit.
Peccat fes grand qi vos feçon dolors,
267 raesleials. — 272,75. — 282 eu manque. — 285 cor. — 29.3 nils.
298 qios feçon.
•?63 POESIES RELIGIEUSES
Cura fun Judeus, que per lor grant folors
2300 Preson vos fils ab tradimens bastit,
Que ien portât aviaç etnorit.
Vecen vos oils lo meson en la cros.
Ai! cum cel iorn domnaos fo doloros,
Quar enaisi vos lo vedes dolar!
2305 Meteisa fos al de la cros ostar
Ab Nicodem, ab Josep soldaders,
Q'ielsoteran senes toc alegriers.
Sor tôt dolors eral vostre plus greu ;
Mais il torneit en grant dolçor en breu,
2310 Quar au tierc ior susciteit viu de mort,
On vos augeç grant placer et conort.
Aisi, domna, cum il vos conorteit
• El vostre cor dolent vos alegreit,
Vos prec, sios plai, que vos mi conortae
2315 Et mon speriç per merces alegrac,
Qu'es pels peccaç tant cliaitius et dolens.
Quant ben consir ena ferm pensamens,
Tais paor ai, non mi pose alegrar ;
[F" 54 r"] Mais vos, sios plai, mi podec aiudar,
2320 Quar es valens et honrada regina,
Era podeç dar veraia medecina
De ma dolor. Ben ai questa sperança.
Preiaç Yesus, que sofri tal pesança
Sus en la cros, qu'aia veira merce
2325 Et pietac per sa dolçor de me
Et quels peccaç, qu'ai tan faig, mi perdon
Els faliraens,et tal graiça mi don,
Qu'anç ques parta mon espiric dal cors
Qu'eu tan de ben faiça per bon esfors
2330 Qu'ai départir, domna de graiça pleinn,
Pel seu placer seia gardaç de peina,
Et seit per vos dal nemic aiudaç
Et el saint reng receubuc et pausac.
304 vox manque. — 313 alegrat, B alegreit. — 317 pensâmes, B pensamens.
— 322 ben liai ben ai, B ben ai. — 332 enemic.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUïïTTEL 2G9
Glorios deu, qu'es uns en trinitae
2335 Veraicamen et très en unitac,
Pares et fil, sant sperit poderos,
[F" 54 v°] Si cum vos plai, n'anc coraençat no fos
Et es sens fins la vostra ^rant corona,
Lo cel fornaas et quant lo naar virona
2340 Els mars taises et tôt quant en lor son,
A vos m'autrei, a vos mi ren em don
Cum cel qu'atend davos veira merces,
Quar es valen, humil, dreiç et cortes,
El vostre cor del chaitiu se recorda.
2345 Per qu'eu atend la grand misericorda
Segner, de vos, quar per vostra bontat
Et per merces et per grant pietat,
Per rederair et trar nos de péril
Mandac ca ios lo vostre dolc car fil
3 3 3
2350 De la vergen raina gloriosa,
Quera feçes vostra Allas e sposa,
El pel salue, quil mandastes tan gen
Per l'angel saint, s'engroixeit veiramen.
De lei nasquet lo Yesus glorios,
2355 Que per nos mes fo pois sus en la cros,
Et fo plaiar e sofri greu tormen
Et mort crudel pel nostre salvamen
Per sa merces e per sas umeltaç.
E ill nos dis, anc que fos trespasaç :
2360 « Ço qu'ai meu nom querireç al meu paire,
[F" 55 r"] Lo vos donra », per qu'eu senes cor vaire
Vos quier, segnor, al seu nom benetismc
Et per s'amor et per lo saint batisme.
Que il receup sol per nos magistrar,
2365 Quels greus peccaç me deiaç perdonar
Els falimens, qu'ai tant fait en ma vida.
Graiçam donaç, que tais obras conplida,
Anç qu'eu mora, faisa per penedensa,
Per gen sofrir et per dura sufrensa,
345queus. — 349 noste, B uostre. —304 Quar il recep.
18
270 POESIES RELIGIEUSES
2370 Que dels peccaç mi deia deschargar,
Graiçam donaç, qu'ai deleich eontrastar
Poscha toc tems de ma carn et del mon
Et a toç ço que contraire me son,
Que veder pois et qu'eu non pois veder;
2375 Et donac mi talen, cor et voler
De dir, de far tôt ço que plus vos plai,
Et faiçal si qu'en l'ora qu'eu morai
Vos mi donac lo reng de vita eterna
Pel vostre fil Yesus, que tôt guberna
2380 Et qu'ab vos viu et regn' en unitaç,
Sant spiriç et de deu toç temps honraç.
[F*^ 55 V] Salve regina, vergen engeneris
Domna placens, valons engeneriç,
A vos mi ren,per cui sun totas gens
2385 Traich de périls et mes a salvamens.
Vos es cella quem podeç aiudar,
Vos es celé quem podeç alegrar,
Vos es cela en cui ai ma speranca,
Vos es cela da cui aten legrança,
2390 Vos es cela quem podeç dar conort,
Honrada res, sios plai, vidas et mort,
Vos es "cella quem podeç leu, sios plaç,
Splendens dompna, leuiar dels greus peccaç,
Vos es cella quem podeç sens falensa
2395 Esertot iors dal diable garensa,
Del toç avec poders e segnoria,
Fer qu'eu vos prec, domna sainta Maria,
Que m'aiudaç em degnaç secors faire,
Si quem perdon cil qu'es ver perdonaire
3400 Em don graiça de gen penedençar
En aiquest siegle et tais obras obrar,
[F° 56 ro] Qu'ancar aia, se tôt ges no'n sui deng,
Laisus repaus en l'onrat vostre reng.
376 plaia.— 381 espiriç. — 384 gen.— 389 da cui da cui, B dacui. — ale-
grança. — 393 dppna. — 398 fare. — 403 enlorat, B en I onrat.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL S:i
Cill a cui plaçon ajes benvoUensa
2-lOD E l'amistac el seu valent aiut
Aian en se questas veiras vertut :
Sperança, fes, caritat, paciença,
Conort et paç, humeltaç et temors,
Abstinença, et laison las folors;
2410 En tal guisa poiran s'amor cobrar
El seu saint reng ab lui participar.
La fei, co es aver en deu credenca,
Esperança, sperar en sa vertut,
Temors, temer de far q' il nol refut,
2415 Et caritat, amar deu sens bistensa,
Umilitat, eser umil tôt iors,
Paciença, paciens als dolors,
Abstinensa, tener se de peccar,
Concord et pax en tota genç amar.
2420 Qestas vertuç son aitals sens fallença,
[F° 56 vo] Que cil qu'en son garnit e n'an escut
Ja non er mais pel nemic ofendut
Ne de la trespaor auran timença,
La quais devon doptar los peccadors,
2425 Primer quan l'arma sebrara dal cors
Et pois quant deu denant deu presentar
El iuiamen, quant deu toç hom iuiar.
Non es nuls hom, s'il a qualque entendença,
Non saia ben per morir es vengut
2430 En quest siegle et queil seran rendut
Lo gierdons delsben et de i'ofensa,
Qu'il aura faich a deu nostre segnors.
Toç so ques fai als paubres per s'amors,
Meteis a lui se fai senes doptar,
2435 Per que nuls hom no s'en degra tardar.
407 speraça; paciençia. — 410 poiram. — 412. Le coramencemeol de cp
couplet n'est pas marqué dans le ms. — 418 peccat. — 422 nol et.— 420
dii denàt. — 427 Els iuiamens ; dei. — 428 a manque. — 432 segnor. — 433
80 manque.
272 POÉSIES RELIGIEUSES
Hailas ! cornent trobara l'um guarença,
Cil que non sun de mal far remançut
Et que n'an faich tant cum a mais pogut
N'en an volgut far el mund penedencja!
2440 Miel lor venges, non foxon naic ni sors.
Tan greu tormen sofriran et calors,
Que nuls parlans nol poria contar,
[F" 57 r°] Se dos anç no linason de parlar.
Meraveill me, que cascuns no s'aiença
2445 De servir deu et preiar, que l'aiut
Estar ades del tôt an percebut
Si qu'envers tôt li feçes mantenença.
Quar autresi vanon cum fai la flors,
Qu'en breu de temps prent et pert sa colors,
2450 Si cum soloil fai sa color mudar,
Lor fai la mort tôt ses afar caniar.
Servem cascuns al nostre salvadors
Et faicera si cum liai servidors,
Nos recrecem de ben dir et de far:
2455 S' il nos absolv, nuls nons poira danar,
Precios deu, pare plen de dolçors,
Segner dels reis, sor toç enperadors,
Per merceus prec, deiaç nos perdonar
Nos greus peccar et de breu mort gardar.
[F" 57 v°l Reis glorios, ver paire Yesu Cris,
Qu'en breu saint Paul, quant vos plac, convertis
Que san Stevan fes lapidant ausir,
El vostr' amies facia perseguir,
Eç el meteis greument los perseguia,
2405 Mais, quant vos plac, dreiças l'en dreita via,
Batisme près et ver spiritum san
Eç anet pois per lo mon preçichan
Lo vostre die el vostre mandamens,
449 color. — 452 serven. — 455 nô poiram. — 463 vostra, B vosire. —
466 JpÏD, B spiritu.
I
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 273
Al vostre non converti mantas gens,
2470 Pel las graiças et pel sen qne'û donast, —
Segner, ainsi qum vos reniuminast
De saint sperit et de veira clardaç,
Vos preo, sios plai, que vos m'enlumenaç,
Quels oilc del cor mi sun si esscuric
2475 Pels greus peccaç et pel malvais deliç,
Queç eu non vei ço q'obs e loc m'auria,
Tan m'a plagut mais del sen la folia,
[F* 58 r°] Car trop ai fait de ço que nos cove.
]Mais vos, segner, per la vostra merce
2480 M'enlumenaç d'un rai del vostre Jum
Ec ostac me denant los oils el fum,
3 3 '
Quem veda, qu'eu sciarçi demant non veia
Ço ques cove, que mais placer vos deia ;
Qu'eisamen sui els peccaç retengut
2485 Cum l'auçel qu'es en la teiç 'enbatut
Ni non s'en sab partir ni desebrar.
Neç eu non sai, qui m'en poisca aiudar,
Se nom traieç per la vostra valença ;
Qu'aisimen sui cargaç de greus ofensa
2490 Cum l'aubre, que per pauc no fraing es pleia.
Non sai for vos qui perdonar me deia;
Quar enver vos ai forfaic solamen.
Et da vos tang vegnal perdonamen,
Que de forfaic tang, c'umderaan perdon
2495 Vers cel q'om a faita lamesprixon.
Perdon vos quier cum a ver Salvador,
Et non gardaç, sios plai, a ma folor,
C autres! m'es veiramen avengut
[F° 58 v°] Cum cel que tant podera sa vertut
2500 En far son dan, per o qu'es orgoillos,
Tro qu'il es d'aut baiset caçut deios,
Que tan greumen mi sui apoderaç
En far plaicer al meo cor e forcac,
* 3 3 3»
469 coDuerlis. — 470 donaç.— 474 oiç, — 476Qua eu. — 480 luz. —481
deuant; fun. — 483 queos. — 485 enbal, B eubalut. — 492 sorfaiç, B for-
faic. — 503 forçai.
Î74 POESIES RELIGIEUSES
Que de riens als n'ai augut pensamens.
2505 Mais ar conois quem vai trop malamens,
Ne senes vos nom poisc plus adreçar
Cum l'ausel pot senes ala volar;
Si cum lo riu qu'es de la fon sebraç
Poit mais durar, s'eu non sui aiostac,
2510 Segner, ab vos, plus durar non pose ges.
Que quant mi pens aiço qu'avengut m'es
El greu péril, en quem sui mes tôt iors,
Pel cors chatiu et pcl seu fais seiors,
Fer fol mi teng et per desconoisen
2515 Et per malvâç, quar eu sai veiramen,
Que tôt quant es mi vaut nien sens vos,
Per qu'era plang so don sui staç ioios.
L'orgoil sobrier el fais diç el pensaç,
L'ira, l'enganç, l'enuei, la cobitaç
[F° 59 r°] El mais obrar m'an confundut et mort ;
Et s'eu per vos non sui, segnor, estort,
Per ren que sei non poisch mais escanpar
Ausi cum cel qu'es perillaç en mar,
Que n'a conort mas aiquel de morir.
2525 Per merceus prec non mi laisac périr.
Car eu non pose senç vos aver valors
Nel meus obrar plus aucuns resplandors
Cum la luna sens lo rai del soleil.
Per qu'eu désir lo vostre ver conseil
2530 E quem seiaç garenç vers mas offensa,
Graiçam donae, qu'en voira penedença
Posca toc temps estar et reraaner,
Em donac cor d'amar vos et temer
E que seia deng de vos esgardar,
2535 Et ausimenc n'auca vos faic cuntar,
Entendimens a eo que s'en eschai,
Et voluntac d'atendre sens esmai,
Et fei que creia tôt quant n'auçirai dir,
Et sen qu'eus sapça cens onrar et servir
506 poist. — 510 post. — 511 qua uengl. — 514 Pel. — 515 sa. — 518
sobriere (le expoDclué). — 530 mais.— 53i seioD. — 539 queu spaça.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL
2540 Et gcn lausar, qu'en vos ai ma speranca.
Naitcnt d'aillors fors d'aver alegranca,
Quar non es ren qu'alegrar mi pogues,
Mais me conort en la vostra merces
Plus qu'en ren als qu'eu poisca dit* ni far.
2515 Graicam donac de tan ffenmens obrar
[F' 59 Vj En quest siegle, qu'apelar mi degnaç
Al iuiemens dal vostre destre lac
Ec ab los bos menar en vida eterna.
Si c'ab els reng toc temps in sempiterna.
2550 Ja mais nuls hom n'amera lialmen,
Que n'a conort d'aver bon guierdos,
Nel servirs n'es ia mais valens ni bos,
Pois c'om nol fai de bon graç finamen,
Ni cel quel pren graiç n'amor no li 'n sen,
2555 Et fai peccaç quel pren, et cel quel dona
Pert ço qu'el fai, per que totas persona
Devon ti'obar tal segneret chaucir
Quel servis sapça conoiser et graçir.
E qui segnor vol trobar avinen,
2560 Verais et fins et dreic et amoros,
Serva Yesus, l'onrat reis glorios,
Qu'en toc afars es sor toc conoisen,
En cui nos pert ren c'om faiça de ben,
Ane creis ades ne nuls bien faic tencona,
2565 Tan pauquet seit, mais gens lo gierdona,
fF° 60 r°] Miels que contar nos poria ni dir,
Per que nuls hom non pot en lui falir.
Qar il pot far tôt gierdonamen
Et pot veniar totas ofFensios
2570 Et pot leu far lo plus dolent ioios
El plus ioios en breu, sil plai, dolen.
Donc temem lui ec honrem francamen,
543 me] en. — 544 qû poisca.— 545 gens mens. — 547 de lar. — 549 cab
el : inseprilna. — 551 guierdons. — 552 servires; bôs. — 563 nous. — 569
oflesiôs. — 570 len. — 57i Et; si plars. — 572 temen.
276 POESIES RELIGIEUSES
Que pel bens faiç nos pairilla corona.
Cil honren deu, qu'en ben far s'abandona
2575 Et ques gardon d'engans et de mentir,
Quar cil que ment so speriç fai périr.
Ben sa cliascuns en tôt nos veiramen,
Quar qui mespren vers un segnor çaiiços
Leu troba mais ni merces ni perdos
2580 Per ren que soit, tro n'a fait veniamen.
Mas qui mesfai vers deus et se repen
Et vol smendar, genç l'acoill el perdona,
Plaiçers et lois et sa graiça lor dona.
Par 0 chascuns se degra convertir,
2585 Et per s'amor toc bons faic enrichir.
Fort chausam par em meraveill soven,
[Ç" 60 v"J Que nus non pot sens deu eserioios
Ne lois aver neil non a ops de nos
E n'ama plus de nos lui per un cen,
2590 Que plus l'es greus, quant hom fa falimcn
Que cel meçeis quel fai, quant s'en chauxona,
Et plus li plai qui ben far se saçona
Qu'aiquel no fai cui deu lo pros venir,
Cum nuls se pot de lui honrar sofrir.
2595 Non es ben dreiç, q'om deia finamen
Amar celui qui sofri mort per nos
Et que sosten pasion en la cros
Per nostr* amor? Hoc, sensgaliamen.
Dreiç es, que cil serva quel servis pren
2600 Et que cel am qu'es amaç; q'om raixona:
Mal sun servie cil qui mal guierdona
Et pauc amaç qui amor vol delir.
Qui vol, q'om l'am, deu amar et servir.
* ■ Et per aiço lo vers omnipoten
2605 Devem servir mentr'en sem poderos,
Quel tems s'en vai osebrial saços,
516meQS sos.-perir. — ')'i9 per dons. — .081 tcpii. — 'j86 el. — 5S7 ioios]
gauden. — 588 7wn man«iiie. — 597 crois. — 598 galiamens.— 605 métrera.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 277
[F" 61 r°j Eç aprosmem vers la mort que tôt pren.
Pregem Yesus, da cui toc bien descen
Et que tôt iois et totas graigas dona
2610 Et que sun mun de bon far ensermona,
Qu' el nos don cor, pensamenç et consir
De SOS comanc atendre ec obedir.
Bel segner deu, la cui força virona
Trastot lo mon et per cui plou et tona,
2615 Permerceos prec que deiaç acoillir
Mon esperiç, quant s'a dal cors partir. —
La flor del mun, a cui per dreit sopleia
Cristinitat, qu'es tant plena d'odors,
E la Stella, que per tôt resplandeia,
2620 Devem honrar sobra trestot honors,
Co es la dolc vergen sainta Maria,
Por cui lo mund oscurest alumaç
Et per cui sem dal nemic aiudaç
[F" 61 V] Et del fang mes en la plus dreita via.
2625 Bemmeraveill,cum nuls hom,qu'eI mund sia,
Se pot sofrir del seu rie preç honraç
Poiar et moût lauçar soa cortesia.
Sas grant valors et sas richas beutaç.
Et pois Yesus, que tôt lo mon maneia,
2630 La vole honrar, tant Tameit per amors,
Sor totas res, ben son plens de folors
Cil qui vers lei ab umil cor nos pleia.
Qar ben sabem, els saine paire l'autreia,
Que per lei sun stauradas las dolors,
2635 Que fes Eva, car cel que nos guerreia
Creit et nos mes col segner en erors.
Mais il enhac pietat tota via
Et près en lei amor eç amistaç,
De lei nasceit, et per lei sem salvaç ;
2640 Per o servir la devera noit et dia.
607 aprosmen.— 6(J3 descead.— 611 Quel. — ôlômercesos. —616 cor.
— 622 scur. — 626 prec honrar. — 633 saben.
278 POESIES RELIGIEUSES
Auçit ai dir, qu'en franca segnoria
Nos pert qui serv, aine n'es guiertlonao,
Donc ben os fol quil seu servis oblia.
[F* 62 r"] Tan es valon, plena de pietaç,
2(>45 Quel seu saint fil iorn et noit per nos preia,
Qu'aia raerces de tôt nos peccadors.
A lei servem eç a toc per s'amors ;
Non es nuls hom, que per dreit far nol deia.
De leis honrar aia chascuns enveia
2G50 Et d'enançar sun preç et sa valors,
Leials amans et bon servidor seia,
Cum plus li serv, pauc li serabl cascuns iors,
Per miels penar de far eo que ben sia.
Enaisi er a chascuns, co sabiac,
2655 Lo gierdons per cent mil veç doblaç;
De tan rie ioi contarno se poria.
Qar il es claus de paradis et via,
El ioi ternal ten en sa poestaç,
Et de toç bens a poder et ballia
2660 De tôt placer et de tôt gen solaç ;
Per 0 prec lei, a qui mun cor merceia,
Qu'aia de nos merces per sa dolçors,
Sossteng nos seit, aiudas et secors,
[F' 62 V] Dal fel nos gart, que tant fort nos goleia.
2665 Qant vei et consir et pens
Del segle, cum ven et vai,
Paors mi pren et esmai ;
Qu'eu vei, qed als plus valens,
Ries et demaiers afaire
2670 Non pren mort pleviç ni guage
Per respeitarlo viage,
Quels bons els mais devon faire,
Per quem par fol qui s'en fia
. En ricors n'en manentia,
642 n'es] nos. — 645 per tios preia manque. — 647 serven. — 650 sana
lors. — fô3 seia.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 279
2675 Quel seigle fais recreçens
Ausi cura l'ombres desfai,
Et qui plus en pren desçai,
Quar cascuns es decadens.
Quem pot donc aiuda traire,
2680 Pois tan es greu lo pasage?
Als non mais de bon corage
Servir l'onraç emperaire,
Que senes lui ren que sia
Non pot esser garentia.
2685 Qu'il conos los bens els mais,
Queç hom fai, el dreie cl tort,
E sor nos a mes la mort,
[F** 63 r°] Que toc hom pren per engals
Et lai los met sens falensa, ,
2690 On ses tort es faiç dreitura.
Del ben, del mal sens falsura
Trobon veraia sentensa,
Et pois nos pot far esmenda.
Cel que non es mort, Tatenda,
2695 Quar non es tant comunals
Ren el mon, cum es la mort.
Per 0 chascuns se poin fort
De sun cor mètre sevals
En deu, quel fruiç, ques comensa
2700 Madurar dedinc, meillura
Et cel que defors, peiura.
Per quel veia penedença
Coven dinc lo^cor descenda,
Qui vol, qu'il ben raçiç prenda.
2705 Quel cor afermal voler,
El sen pois lo trai enan,
Per que toç très acordan
Volon eser el saber,
Que ço quel dos diçon saia
684 po^ manque; garemia. —690 Ou; e*- manque. — 692setensa. — 693
nos nos. —-697 sepom. —700 meillora. — 702 que lauer.
280 POESIES RELIGIEUSES
2710 Far e quel voler autreia.
Per 0 cascuns faire deia,
Qu'aiquist toç un pensaç aia,
Un désir et un' esraansa
[F" 63 v°] Eç en deu feima sperança.
2715 Se too l'ans faillis en ver
E torna toc a enjjan
Niens amens van
Lo loi del mun el plaiçer,
Per q'om non deu, ben quil plaia,
2720 Sperar en ço que sordeia,
Mais Sun esper aver deia
En tal ren,que non deçaia,
El servis deu et Tonranca
Non decai, anc creis et nanca.
2725 Deu prec, quem don desirança
De lui servir a legrança.
Valen sancta Maria Magdalena,
Domna, quar fos de l'amor deu tant plena,
Qe dels peccaç, qu'avia faiç tan greus,
2730 Qanl conogues, vos convertis en breus
E li lavest de Taiga de vostr' oils
[F° 64 r"] Los pes amdos et senes tôt orgoils
Vos desliastes losvostros blons cabels
Eç anbesdos lil sugastes ab els,
2735 Pois gitast sus precios onguemens ;
Tan Tac en grat lo vers oranipotens,
Quar el vos fes de 'toç peccaç perdos.
Et quar avec el seu reng precios
Graiças ab lui, per ço que degna n'es,
2740 Vos prec, domna, huraelmen per merces,
Que m'aiudaç et quel preiaç per me,
Qu'il mi perdon, quar eu non sai de que
Poisscam lauxar q'aia contra lui faiç,.
725 quen. —720 servir alegranca. — 727 scâ mars.— 729 qua uia.— 736
gran . — 737 perdons.— 739 Graiças ab lui graiças ab lui.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL , 2Sl
Mais chascun iorn oifenduc e mesfaic
2745 L'ai tant, qu'a pena del preiar m'enardis.
Mais vos, domna, en cui prcc m'afortis,
A cui secors et aiuda deman,
Mi podoç leu, quar il vos ama tan,
Trobar perdon d'aiso q'ai faiç vas lui.
2750 Ben sai et vei, quar aitaneraç sui,
Que sens lo seu no sai quai consel prenda.
Dorapna, preiaç, que pietaç l'en prenda
E que m'aiut et per merce li plaixa,
Qu'aital perdon, cura ilvosfes, mi faisa
2755 Ne non gart ges a la mia foldat
Et quera don cor et sen et voluntat
[F*^ 64 V"] De sos comans obedir eç atendre,
Et quem posca de plus peccar défendre,
Et dels peccaç, c'ai faiç, etdels ofensa
27G0 En aiquest siegle faisa tal penedença,
Qu'anç qu'eu mora m'en deia descargar
Si, quant morai, qu'ab lui poisca regnar
Per sa dolçor ab l'autres sans valens
En secula seculorum.Amens.
2765 Santa Maria vergen, maire de deu,
Da cui los sains els sanctas tenon feu
Lor lois, lor bens et lor ternal placer,
Que ren sens vos non podian aver,
Per que da vos lo tenon el conos.
2770 Et totas gent degran ben dir de vos,
Qu'il sun per vos de greu péril estort.
Mais eu non sai,comen lauçor vos port,
Que nous tanguis mil tant per nul saber.
Que cel qu'el mund non podia caber
2775 El vostre sen receubist et portast
Et el vos braç noristes et pauçast
[F° 65 r°] Que ter' et mar et cel et tôt enplia.
745Latant. — 748 amaran. — 752 Dopna. — 764 amen. — 766 scâs. —
77()degara. — 772 lauço. — 773 mil. — 775 se7i manque daos le ms., se trouve
chez 6.
282 . POESIES RELIGIEUSES
Per que val mais cel que mais s'umelia,
Qu'il vos honret per la vostra bontat,
2780 Et la vostra valens humilitat
Lo trais del ciel et la vostra dolcors.
Et car vos es vida dels peccadors
Ec avec mais pietac et merces
9 9 I ;«
Et humeltat en vos q'el mund non es,
2785 Vos prec, dompna, quem façaç qualque be
Et pietaç aiaç, sios plai, de me.
Qels meus peccaç me son greus em consuma.
Tôt aultresi cum la candela aluma
En oscur loc, avec vos alumac
' 9 9
2790 Trestot lo mun per la vostra clartaç.
Per merceus prec, quem deiaç adreiçar
Et de la graiças de deu illuminar,
Qu'eu sai, se totas la bontaç fos ensems
Que ia mais fos ne sera per nuls temps,
2795 Non fora ges del vostra la meitat.
Per qu'eu vos prec, maire de pictat.
Qu'un pauc de loi laissaç sor me cader,
Ab quem conort et quem deiavaler
Contrais peccaç, qu'ai faic per ma folors,
[F° 65 v°] Quar moût sui stat peccaires chascuns lors
Tant que non crei, sian tant, ço sabiaç,
Las estellas, quant sunt los meus peccaç,.
Mais, domna, qu'es la genser que anc fos, »
Cols vostre precs merceians m'en faiç blos,
2805 Que sperans' an en vos totli meillors,
Quar autres! cum la neus la calors
Delis lor greus pecaç lo vostres precs,
Qu'ausi cum fai los arbres qui son secs
Lo temps d'istiu florir et verdoiar,
2810 Faiç los dolens en ioia retornar
E conortaç cil que n'an conort gaire.
Per quem podeç, s'il vos plai, ioios faire
Els meus maiors peccaç en breu delir
Et conortar et mas plagas garir,
781 el la, B et la. - 785 dopna. — 803 quant fos.— 8uy distui, B d istiu.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 283
2815 De la ijuals es plaiaç mun csperic
Ne senes vos non pot eser gariç
Plus c' om non pot sens foc Taur afinar.
Nous sia greus,s'eus aus merco clamar,
Qu'eu faç cum cel qu'en grant ofension
2820 Sper' en merces et demanda perdon.
Quar en vos liai et en merces sperança
Que del forfaic mi farec acordanca,
[F" 66 r°] Qu'en vos trobon tôt bos et fins conseil ;
Qu'altresi cum recevon dal soleil
2825 Tôt resplandors lo seu resplandimens,
Tôt eisamen recevon totas gens
Da vos lor lois, qu'il amon, et lor bes ;
Per qu'eu atentda vos lois et merces.
Sol degnesaç, domna, per mi preiar
2830 Lo vostre fils, quem degnas perdonar
Mon greus peccaç, m'auria vos resors.
Ausi cum cels, quar es en gran dolors,
Eç on li rent meçina, don garis,
Tôt autresi, rosa de paradis,
2835 Mi podeç vos meçinar, s'el vos plaç.
Qu'autresi sui me meçeis enganaç
Cum cel qui fai sun dan a esien
Ne s'en estrai, tro li va malamen;
Quel mal, qu'ai faiç, ai ades conegut
2840 Ne per aiço no m'en sui rémanent,
Tro qu'eu m'en sui de tal gisa cargaç,
Seç eu no sui per vos, flors, aiudaç,
Paors bai grant de remanir el fang.
Ausi cum cel a cui grant fais non tang
2845 Et por orgoil lo prend, per qu'il descbai.
Tôt aisemens mi prend dol et esmai
[F° 66 v"] Del fais, qu'ai près per ma nescietat
Et per orgoils. Ar sui afflebeiat
Tant, s'eu non ai lo vostre sostenals,
2850 Quem sosstenga, non ai conort en als,
819 quem, B qu en,— 827 anô; bens. — 833 gariç. — 837 a esieu. — 842
Ses ao. — 847 fas. — 848 Ar sui manque.
284 POESIES RELIGIEUSES
Que tôt conort del sieglem desconorta
Mais vos, quar es de toç bens claus et porta;
Car si cum creixon et merraon aisimens
Ab la luna totas causas vivens,
2855 Creixon ab vos totiois et tôt plaixer
Es merraon tôt l'enois el desplaiçer.
PreiaçTonrat vostre car fils presaç,
Qu'il mi perdon ner sa gran pietaç,
Non per qu'eu ges en sia deng de re,
2860 Mais per mcroes et per honor de se,
Et don mi cor, qu'en lui aia timensa
Et conduiam a veira penedensa
De mos peccaç, de mas offensions,
A pentimens et a confesions
2865 Si, quant dal cors partra mon esperiç,
Sia per lui et per vos guarantiç
Dal fais nemic, quels esperiç inferna,
El faic regnar ab los saine in eterna. Amen. —
[F" 67 r"] Sancta Maria, domna de giant vertut,
2870 Per cui nos es iois et plaixer tendut,
Prec vos, car es sobra totas gentils,
Que vos preiaç per mi lo vostre fils.
Et prec ab vos sant Jaquem Çebedeu
Et saint Paires et saint Bartholameu,
2875 Sant Marc, sant Luc et saint Johan Batist
Els apostol trestuit el vangelist.
Sant' Agnes prec et sancta Margarida
Etlasvergens totas, que son gracida
A deus, per cui mantengron verguntaç
2880 Et per s'amor sofriron mort en paç.
Et prec sainta Maria Magdalena
Et santa Ana valens et sainta Alena,
Sanctas Marthas et las saintas trestotas,
8.'>l siegle em. — 857 lonrar. — 861 quem lui. — 863 De] et. — 864 con-
fesion. — 867 neinic nemic; inferma. — 869 Sacta, B Sancta. — 813 Ei
manque. — 877 âcâ. — 879 pe; raantegron. — 883 Marchas, B Martlias.
DO MANUSCRIT DE WOLFMNBUETTEL 285
Qu'atxjoron deus. qu'en ben farforon dotas,
2885 IjOS angels prec, vertuç et poestaç
Kls arcliangels, serapliiii, principaç,
[F' 67 v"j Chérubin, tron et dominacions
Els seniors, que canton jmnes et sons
Tôt denan deu, car il comunalmen
2890 Pregou ab vos Tonrat oranipoten,
Que sofri mort per aucire la nos,
Que dels peccaç faiçam qu'ai faiç perdos
Et quem don graiça, que toc mos pensamens
Et mos volers et tôt mos obramens
2895 Al seu plaixer et al sens honor sia
El salvamens el pros de l'arma mia,
Si qu'el sant reng ancliar poisca regnar
Et els gaudens sempitern allegrar. Amen.
Omnipotens, paire, deu glorios,
2900 Verais et fins, misericordios,
Per merceos prec, segner plens d'umeltaç,
Que vos aiaç merces et pietaç
De tôt aiquil et faiçaç ver perdons
[F" 68 r"j_ Que legeran aiquestas oracions
2905 l*er bon entend, de bon cor, dreitamens,
Qu'en quest livres son scritas veiratnens ;
Sial per vos questas graiças donada,
Qu'ai vostre honor sun faicas et rimada.
Et prec la vergen, de cui maire faisist,
2910 Els apostols trestuit el vangelist
Els martirs sans et toc los confesors
Et las sain tas vergen el seniors
E l'angels tuich de totas legios,
Los sains els santas, tuich cil qui son ab vos
2915 El reng vostre, per lor deian preiar,
Et per merces li deiaç perdonar
8S4 amoron. — 888semors. — 8^^j oï potent, B oraaipotent. — 892 per-
dons. — 893 quen, B quem; nos, B raos. — 900 mesericordio?, B misericor-
dios. — 906 scrietas, B scritas,— 912 semors. — 913 légions. — 914 el.
19
286 POESIES RELIGIEUSES
Ec aiudar en tôt co nos lor son
Et quel f aç del rie ioi ternal don.
III
Pois ai trobac a l'onor Yesu Crist,
2920 De sa maire et dels evangelist,
[F° 68 V"] Dels apostol et del sanç confesors
Et dels martirs, que son ben des auçors,
Ec a l'onors "tuic li saine et las sautas
3 3 3
Et de tuic cil que se tenon ac antas
3 A 3
2925 Tôt mais hobrar et c'amon coralmen
Lo segner deu, prec tuic cil dolçamen
Que son valens et volon deus honrar,
Que legeran et volgran esclioltar
Aiquest livre ou auran ascoltat,
2930 Qu' il faisan prec al veira trinitat,
Que per merces faisam verais perdon
El ioi ternal e sa graica mi don.
ij 3
En Tan de Crist mil ducens e cinquanta
Et quatre après aiquestas obras santa
2935 Foron faças, eserichas et fenida;
Cel que la fes deus li don ternal vida. Amen.
G
A vos, amis, cui ge am de bon' araor
E voill amer toc les iors de ma vie —
3
Ne ia ne quier, que s'en parte a nul ior
Mes quers de vos amer sens treclieric, —
5 Vol ge mander, a ceste départie,
[F" 69 r"] Que despriseç la terene lionor,
Qe ainsi le font li verai ameor,
Qui conquerent la pardurable vie.
023 icââ, B saintas,— 929 ascoltar, B ascoltat. — 9.30 a la; lernilat.
931 faisan, B faisam. — 9.33 cinquante. — 934 santas, — 935 Foran.
2 leç ior. — 3 partent, B parte. — 7 amsi, B ainsi.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 287
Sachieç de voir, q'ore aprochons le ior,
10 Don nos trovons lisait en Ysaje
Qe li prixon devandrunt preneor
Ne le triiu ne denianderunt raie
Cil qui ore hont la vaine sognorie,
Li travalle seront lors a seior,
15 Li seiorne seront en grand labor,
Cil eshaucieç qui ore s'umelie.
Que vaut ioie, qui tost torne a dolor?
Que vaut gloire, qe si tost est perie?
Iteuç gloire est ausi cum la flor,
20 Qui bel' apert et au soir estflastrie.
Mes qui au deu servir se glorefie,
En charité, en foi et en temor,
En espérant loier del bon segnor
A esleu latresbone partie.
25 Por teus vertuç conquiert hom tel richor,
Dontesmogne la sainte profecie.
Que une n'entra en cuer d'orne nul ior
N'unques ne fu veue ne hoie,
Qu'a ses arnanç a deus aparellie
30 Qui l'onorent corne bon servitor,
[F" 69 v"j Obbeisantiusqu'a mort per s'amor.
Gardant la loi, qu'il Ior a establie.
De ce siècle sont tenui li peior
La sainte gent, qui sunt sens félonie,
35 Qui pardonent a chascun malfator.
Qu'ainsi lefist Yesus, le filç Marie,
En cui boche ne fu onques boisie,
Lequel a tort oucistrent pecheor,
Proiant por ceaus que firent tel folor,
40 Por esemple laisier a sa maisnie.
9qore{q surmonté d'un tilde).— 10 li sant.— 12 demandarunt.— 14 Le.
— 15 engd, avec un e dans l'interligne, au-dessus de gd. — 16 simulie, B s
umiiie. — 17 Qui. — 28 no fu.— 29 Quan suns; aparellee. — 80 como (l'o
est bitTé); servidor. — 32 a manque dans le ms., se trouve chez B. — 38 Le
que. — 40 maisnee. — 41 les.
988 POÉSIES RELIGIEUSES
Sivons donquesie boen chemineor,
Qui est aleç prendre Terbergerie
Per dreiç esclous, sens dote et sens paor.
Por nos ne soit la voie deguerpie,
45 Quarli lairon i imt rais mainte espie
Por desvoier et por mètre en eror.
Fol est berbiç, qui fait de loups pastor,
Qui les sivra, dolors li est iugie.
Defors parent en habit de douçor,
50 Mes dedenç sunt plein de grant felenie,
Ypocrete faus et enganeor,
Plein de verun etd'orgoil et d'anvie,
A lor oevres se raostre lor boisie,
Qu'il anôitent la pais du sauveor
rp" 70 r"] Et porchaçent mort, li lop robeor,
Des bons, des maus, car Satanas les guie.
Crist ne veaut pas la mort del pecheor,
Mes le reprent bonemant et chastie,
Et vint del cel per oster de folor
GO Les suens esteç et delà segnorie,
Qui est a lui et as suens enemie,
Qui se peine de sécher la verdor
Del saint arbre, qui porte folle et flor
Et fruit, que nos adeu reconcilie.
65 Cil qui sentent del bon arbre l'odor
Et entendent quele est, que seneffie
L'algue vive, qui done douce omor,
Don la raïc s'aboivre et se concrie
{A suivre.)
AH iugee. — 52 plen.— 53 mostrenl. — 58 lo repent. — Gl asuens. — G4
y, avec un tilde au-dessus; reconcilee. — 66 seoesfie, B seneffie.
BALLATA ALLA VEUGINE
DI GIACOMO II l) AIIAGONA
Del codice Vaticano 3824, contenente molti trattati del célèbre me-
dico catalaQo del sec. xiii, Arnaldo di Villanova, ha data la descri-
zione ed ha parlato a lungo il sig'' Menéndez Pelayo nel suo saggio
storico Arnaldo deVilanova^. Né alT erudito spagnolo, che ne! co-
dice Vaticano studiava quanto riguardasse Arnaldo scienziato efilo-
sofo, sfuggî il brève componiinento poetico inlingua proveazale,che io
pubblico qui appresso e che si ritrova intercalato, stanza per stanza,
nei ff. 235r°-237r''del manoscritto. Chù anzi egli nepubblicù una parte,
disgraziatamente perù coa niolti e grossolaui errori di lezionc'^.
E una preghiera alla Vergine, in cui questa viene iavocata perche
voglia soccorrere alla Chiesa di Cristo pericolante a causa délia cor-
ruzione e délia noncuranza dei suoi reggitori, intesi pii'i che al go-
vorno délie anime alla dominazione temporale. Un lungo comento in
latino accompagna ciascuna stanza délia poesia. Chi siano gli au-
tori délia poesia e del comento ci dice abbastanza chiaramente la
scritta posta in sul principio: « Incipit dancia illustris régis Arago-
num cum coraento domestici servi ejus. » Questo re d'Aragona non
1 Madrid, liljreria de .M. Aîurillo, 1879. La descrizione del codice, non
Iroppo minuta e précisa, leggesi a pag. o3 e segg. — Il codice assai bollo e
bcDissimo conservato fu. secondo ogoi probabililà, scritlo solto gli occhj
dello slesso Arnaldo e per ordine di Giacomo II d'Aragona suo protettore.
Meno la ultime due (262-3), le allre carte sono scritte tutle délia slessa mano.
Pero quanto alla scritlura si puo distinguere il codice io due parti, di cui
l'una fu posteriormente aggiunta. Difatto, appunlo a f. SSTr", dove finisce il
componimento che noi ci accingiomo a pubblicare, si legge : « Scriptum cor-
rectum ac completum fuit hoc volumen ia iMonlepessuIano, in vigilia pente-
cosles. Anno domiui m» ccc» quiuto. i> E il reslo del volume, che anche dalla
scritlura si direbbe aggiunto posteriormente, è scrilto in allro inchiostro, più
sbiadito.
- P. 69. Il sigr. M. 1*. io dichiarù scrilto in lingua catalana : e verameute
vi appaiono moîto forme caratteristiche del calalaoo. Ma c' è da riteoerle
per simplici deviazioai grafiche del copista: tali sarebbero l'assenza quasj
coslante deir -j desinenziale nelle forme noraiuativali siDgMiari(il catalane
non dilTereozia il case retlo dall' obliquo), la forma nulls al v. 9, vexel al
V. 15, ecc.
290 BALLATA ALT.A VERGINE
puô cssere chc Giacoiiio 11', il (jualo, corne oguiinsa, si dilctto di poe-
sia e fa aniico e protettore di Arualdo : il domesticus servies che
rienipi Tufficio di commentatore è, fiiori di dubbio, Arnaldo, fido cou-
sigUcre di l'e Giacomo ed autore di tutto quauto il volume mano-
scritto contieno .
Dalla poesia non si rileva alcuna allusionc determinata che ci
possa far argomontare con precisione il momento in cui fii scritta ;
tiittavia la profonda aniarezza con cui vi si conipiange il raisero stato
délia chiesacristiana ci prova che il poeta si ispirô alla dura realtà
di quegli anni, nei quali la simonia d'Onorio IV c Nicolô IV, la de-
bolezza imperdonabile di Colestino V e la sfrenata anibizione di Bo-
uifazio VIII preparano l'esilio dei Papi in Avignone. Grandi pregi ar-
tistici il componiraento non ha: nondimeno, l'allegoria della nave
sbattuta dai marosi, allusiva alla chiesa pericolante, è condotta con
una certa naïveté, e allô stesso tempo con una intonazione, direi
(juasi biblica,che,data la solennitàdelT argomeuto, piace e fa impres-
sione.
Questo riguardo alla sostanza. Riguardo alla forma metrica, la
classificazione spettante al componimento ce la suggeriscon la lu-
l)ricache lo précède e quella che lo segue eche, alla maniera proven-
zale. lo denominano dancia (non giâ stancia, corne lesse il sig""
iMenéndez Pelayo). E dunquc, per dirla ail' italiana, una ballata in
settenarii : tutte le regole del génère della dansa provenzale vi sono
in ciascuua stanza rigorosamente osservate ; diffato : essa ha sem-
plicemente le tre stanze prescritte dalle Leys oltre il refrain (I, 340:
cfr. Bartsch, Grundr, {{ 26), ed è composta in versi che non oltre-
passano le otto sillabe(v. le Leys, pagg. 342 e 356): di più, le Leys
prescrivono che nella dansa la prima parte di ciascuna stanza abbia
tutte le rime difFerenti da quelle del respos ; ed anche questo precetto 6
osservato nel nosfro componimento. Se non che si scorge una dcvia-
zione in questo, che mentre le Leys prescrivono (pagg. ,340 e 354)
che ciascun couplet riproduca alla sua fine tutta le rime del respos,
la nostra dansa ne riproduce una sola, ail' ultimo verso di ciascuna
stanza. Inoltre, secondo le Leys (1, 340 e 354) nella dansais, ior-
nada deve, in quanto aile rime, rispondere perfettamenta al respos:
mentre noi qui troviamo che la tornada serba una sola rima del
respos.
Colla poesia di Giacomo 11 pubblico il relativo coramento di Ar-
naldo : non già perché esso possa gran fatto illustrare i punti oscuri
" Allô stesso l'aHribui il sig'MeaéDdezPelayo(ib.).(Cfr. Chabaoeau, Biogrra-
phies des troubadours fHiif. f/énérale de Languedoc, t. IX, p. 361.).
DI QIACOMO II d'aRAGONA 291
ncl tcsto cli quella, esseado semplicementc uiui luuga e noiosa <lis-
quisizioae scolastica : ma si solo in jjrazia délia fama dell' eretico au-
tore, che coglie anche quest' occasione pcr dimostraisi fiero opposi-
tore dei Papi, e in grazia délie relazioui intime che egli ebbe col re
poeta.
Pougo fine a quoste poche parole d'introduzione coldichiarare che
lascio intatte le deviazioni grafichedel copista, poichè esse non arre-
cauo alcuoa deviazione di senso e lasciano d'altra parte scoigeie
évidente la lezione giusta.
Cesare de Lollis.
Incipit (lancia illustris régis Aragonum cum co-
mento domestici servi ejus.
Mayre de Deu e fylha,
Verge humil e bêla,
Vostra nau vos apela
Que Taydetz, quar perylha.
COMENTUM
Omnes catholici présides, sive presint in temporalibus, aut in spiritua-
liliiis.vcl virisquc, majorem sue sollicitiidinis partcm ad hoc applicare
dobent, ut periclitationes christiane religionis attente considèrent et
ferventer avertant. Quod si nequiverint eas propellere viribus sue
auctoritatis, tenentursaltem postulationibus piis et orationibus assi-
duis exclamare, ut virtute celestis Jherusalem pericula compescantur.
Proinde Psalmista, loquens in personacatholicorum omnium presidum,
videns in spiritu pericula supradicta, sic ait : Super Jluiuina Babilo-
nis, id est super mortales populos hujus confuse \'\ie, sedimus, ^cWicei
jiresidentie dignitate vel auctoritate, el flevimiis dum recordaremur
tui, Syon, id est dum reduceremus ad memoriam statuni altitudinis
S[)iritualis, a qua vidimus te nunc miserabiliter recidisse. Preses ergo
catholicus qui edidit carmen istud, informatus predictis, déplorât in
spiritu ruinam perfectionis, ad quam populus chrislianus ex titulo
proprio deputatur, et exprimit hanc ruinam sub metaphora navis pe-
riclitantis; et, ut inspiratus, consonat cum scriptura divina, que nau-
fragium religionis catholice quod nunc agitur predixit sub figura cu-
jusdam ystorie penultimo actuum, ubi ad literam dicitur quod prora
quidem navis fixa manebat imraobilis, pupis vero solvebatur a vi ma-
ris. Nain primitiva ecclesia tam fixa fuit in litore, scilicet Christo
Jhesu,quod immobilis permanebat in altitudine vite spiritualis: nunc
vero postrema pars navis, scilicet ecclesie militantis, soluitur a vi
292 BALLATA ALLA VERGINE
maris, hoc est fliictuuin iniindanorum. Actor igitur in prcmisso cxor-
dio carniinis, pie comemorans et catholice quod in toto coUegio sii-
perne Jherusalem sola virgo virginum attulit electorum collegio vel
ecclesie militant! salutem eternam, votum catholice supplicationis in
persona omnium electorum saper necessitate predicta dirigit ad ean-
dem sub talibus verbis dicens : Mayre de deu.eiQ,.'. in quibus innuit
aperte quod multitudo cunctorum qui diligunt puritatem religionis
Christi,per quosprincipaliter ipsiiis id est Christi ecclesia designatur,
invocat eam, ut ecclesie periclitanti succurrat, ut navi sue: quam di-
cit ipsius esse convenicnter, tuni quia super filiuiu ejus, tanciuam su-
per carinam totani coustruitur ; unde, sicut cariua est sua, sic etiam
tota navis; tum quoniam ipsa est stella maris que suo splendore ac
firmitate dirigit navigantes in ipsa navi.
Perjlhan vay en Tonda
D'aquest mon per tempesta.
El nauchier nos n a cura,
E tant fortuna Fonda*
Que nulls noy leva testa,
E l'aura qu'es escura^.
E s'ayso gajre dura,
Vostra nau es perduda,
Si per la vostr' ajuda
No troba port o ylha.
COMENTIM
In hoc secundo versu carniinis ineipit actor aperire intentum suum
circa parabolamjam propositam, dicens quod navis predicta, scilicet
ecclesie militantis, periclitatur in unda presentis mundi. Et intendit
per undam altitudinem fluentis prosperitatis, in qua, utexprimit sub-
sequenter, quatuor sunt periclitationis cause primarie: prima scili-
cet tempestas, per quam designatur inordinatus motus sublimium,
scilicet prelatorum et principum, qui tarn effectibus quam affectibus
nimis deordinantur a puritate religionis Christi ; secunda vero est ne-
gligentia gubernatoris, scilicet presidis generalis ; tertia est procella
* Cod . la onda.
* [Sur cet emploi explétif de que, qu'on remarque ici, el dont les exemples
ne sont pas rares dans les textes provençaux et catalans, voy. Mussafia, die
('atalanische mefjnsche Veision de»- siehen weisen Meister, p. 96, note
sur le V. 1267; et cf. Revue, IX, 196, note sur le v. 2624 de la Croisade
albigeoise .]
DI GIACOMO II d'aRAGONA 293
tam fervens quod vei'tif^ine prosternit eos qui feruntur in navi, per
qiiam designatur sollicitudo terrene cnpiditatis que mentes omnium
catholicorum perturbât et prohibet sursum ferri; quarta vero est ob-
scuritas aeris, per quam ignorantia designatur, ex predictis prove-
niens in tota ecclesia : juxta illud Psalmiste: Nescierunt neque in-
tellexertmt, in tenebris ambulant, etc. Loquens igiturvirgini preses
jam dictus concludit in isto versu quod si predicto cause periclita-
tionis diu duraverint, navis periculum nou cvadet, uisi taliter virgo
subveniat, velquod ducaturad portum scilicet quietis eterne,vel quod
dirigatur ail insulam, scilicet remedii temporalis.
Nau, lejn, vexel o barcha,
Parlan en ver lenguatge,
Devem tuyt ben entendre
Que signifiquet l'archa,
On Tumanal Ijnatge
Plac a Deus tôt compendre,
Per compiir et atendre
So que ja promes era,
Que d'aquell restaurera
El cel manta sevlha*.
COMENTUM
In hoc tercio versu metaphorainsive parabolam navis exponit,quara
in preniissis versibus introduxit, intendens quod per vasa quibus ma-
ria vel llumina permeantur, apertissime designatur ecclesia militans :
ideo quidem figurata fuit per archam, in qua placuit altissimo, tem-
pore diluvli, conservare genus humanuni, ad promissionem implen-
dam, quam in sua providentia fccerat de reparatione casus angelici.
La nau es carregada
E de son port se lunha,
Quar trop greu vent la forsa ;
E es mal amarinada-,
Tant que negu noj})unha
Cossi la nau estorsa.
' iPour sezilha (siège) = Rayn. cezelha.]
2 [Imarinar, Guarnir, armar yna nau de tôt lo necessari. Navim iti'
stni€7'e. (Labernia.)]
294 BALLATA ALLA VERGINE
Ha com fort tresorsa',
Que pcls timons nos guia,
Ni faj la dreta via
Sol una pauca mylha.
COMENTUM
Postquara expressit actor causas primarias et quasi remotas peri-
culi supradicti, jam hic ad plenioiein exprcssioncm subjungit causas
proximas sive immediatas, inteiidens quod navis ecclesie periclitatur
immédiate, propter quatuor adversitates quas patitur: quarum prima
est miniia repletio qua gravatur et nirais submergitur. Sicut enim
navis nimis honusta profundatur in fluctibus, sic ecclesia Christi ni-
niis temporalibus honerata demergitur, et ab altitudine vite spiri-
tualis ad yma tendit fluctuum mundanorum, et a puritate spiritua-
lis justicie ad fèces iuiquitatis ; dicente Psalmista : Prodiit ex
adipe iniquttas, transierunt in affeclum cordis . Secunda est nota-
bilis elongatio a portu salutis. Portus enim, in quo navis ecclesie
salva manet, est observantia mandatorum Christi : propter quod
Ysaias hec omnia in spiritu previdens aiebat : utinmn attendisses
mandata mea! fada fuisset pax tua sicut gurgitis maris. Ab hac
autem observantia nimis discessit ecclesia militans et in tantum, ut
ydiotis jam pateat quod in orani statu fere jam est sicut populus
sic sacerdos in omni amplexu temporalis jocunditatis. Tercia est
nimius flatus venti: nam moderatus est bonus et dirigit ad portum
salutis, dicente Psalmista : Spiriius tuus bonus deducet me in
' Questo verso è evidentemente guasto, perché monco in uaa sillaba e non
bea chiaro nel senso. Una ingegnosa congeltura, comunicatami dall' illustre
Profr Chabaneau, corregerebbe l'une e Taltro difetlo: confortato egli dalla
forma vexel = vaissel nel v. 15, vedrebbe nel tre- di tresorsa un irai, e
restituirebbe: irai ves orsa, o qualcosa di simile *. lo, rassegnandomi alla
lacuaa di una sillaba, che non saprei davvero come colmare, vedrei più vo-
leotieri nel tresorsa la lerza persona sing. ind. del verbo marinaresco orsar
(it. orrare) in composizione con un très (trans) de signiticato superlative:
ma mi rende ostica una tal congettura la presenza di quel fort, che già cen-
lieoe in se sole un grande valore intensive. Ad egni mode, lascio il verso
quai' è nel cedice: lanlo più che un senso ail' ingrosse ne risulla: la nave
anzichè andare per la diritta via, orza, piega cioè violenteraente a sinistra.
* [trai as orsa ? Irai es orsa ? Dans ce dernier cas, on aurait affaire au verbe et non
plus au'snbstantif. L'un et l'antre ont existé en provençal comme en catalan. Voy.
chez Diez, sons orza, le vers de Eaimon Ferand,'cité d'après Raynouard, et que ce
dernier n'avait pascomprij. — C. C]
DI GIACOMO II d'aRAGONA 295
terrain rectum; immoderatus autein divertit a via recta : appetitus
autem prclationis proptcr fructum aniniarum et gloriam Chrieti est
ventus. moderatus, set appetitus cjus propter gloriam niundi et pom-
pam seculi est ventus immoderatus. Quarta est gubernationis inep-
titudo proveniens a negligentia vel torpore nautarum, propter que
temones congrue non disponunt, nec utilitcr movent, nec rectificant
sapienter, set fluitare seu vacillare permittunt. Sic in ecclesia mili-
tant!, quia gubernatores videlicet sacerdotes summi vacillare permit-
tunt precones evangelice veritatis cunctosque ministros graduum
diversorum ecclesie, cogitur ipsa nimis exorbitare tantum, ut expri-
mit actor iste, quod per spacium unius miliaris, hoc est per semitani
unius virtutis, non prosequitur viam rectam : quoniafti omnes illi qui
gererc debuissent in nianibus suis luceinas ardentes operibus vir-
tuosis gerunt in eis patenter fuliginosos cachabos viciorum.
Mayre, tu m dona forsa
Contra ma leugeria,
Em garda de la via
De peccat quens exjllia.
COMIÎNTUSI
Quum in premissis oravit matremvere salutis pro remedio salutari
tolius ecclesie, tanquam pro bono comuni, jam io hoc postremo ver-
siculo, sicut intendens privato bono, post piam sollicitudinem de
comuni, votum supplicationis contrahit ad se Ipsum; et postulat ut
ab omni levitate, per quam tota predicta navis exulat in erroris de-
vitmi seu peccatum, dignetur eundem, ut mater misericordie, preser-
vare, conferendo virtutem.
KXPLICIT DANCI.V CUM COMKNTû. DEO GRACIAS.
NOTES DE PHILOLOGIE ROUERGATE
(Suite ^)
XVII
En offrant ces études sur le rouergat à la /icvue des lan^
gués romanes, nous n'avons pas entendu nous poser en philo-
logue érudit, ndais nous présenter simplement comme un ob-
servateur consciencieux et exact de faits philologiques plus
ou moins intéressants et inédits offerts par notre patois ma-
ternel, que nous pratiquons journellement depuis bientôt
soixante ans, et qui doit par conséquent nous être familier.
Et cependant cette prétention, quoique modeste, serait en-
core au-dessus de notre mérite et ne serait aucunement jus-
tifiée par notre œuvre, s'il fallait accepter sans appel les con-
damnations que la Romania, avec l'autorité incontestable qui lui
appartient, prononce contre chacune de nos humbles Notes,
dès qu'elle voit le jour. Il fallait dès lors renoncer à la conti-
nuation d'un travail reconnu mauvais, ou essayer de convain-
cre nos lecteurs que ceux qui l'ont jugé si défavorablement
pourraient bien s'être trompés une fois dans leur vie. A tort
ou à raison, c'est à ce dernier parti que nous nous sommes
arrêtés; mais ce plaidoyer yjro c/omo sua ne sei'a pas long,
qu'on se rassure.
Quand je publiai, il y a huit ans, mes Etudes de philolngte
et de linguistique aveyronnaises dans un modeste recueil de
Rodez, ce petit ouvrage me valut les encouragements et les
éloges de M. Paul Meyer, qui poussa la gracieuseté jusqu'à
m'écrire à ce propos une lettre vraiment aimable. Dans un
article bibliographique de sa revue {liomania, t. IX), il dé-
clarait que, « à part quelques lacunes dans l'information»,
mon opuscule contenait d' «excellents aperçus, dont quelques-
uns pourraient devenir le point de départ de très-intéressants
mémoires.»
' Voir ia Revue de juillet 1885,
NOTES DE PHILOLOGIE ROUERGATE 2?7
Depuis, j'ai profité de l'hospitalité de la Revne des langues
romanes pour donnsr une suite à ce premier essai, et tâcher
de tirer de mes excellents aperçus \es très-inti'7-essa7its mémo&es
dont l'émincnt romaniste javait découvert le germe. EtvoiJà
que ma tentative, loin de ra'attirer son approbation, comme
il était naturel de Tespérer, a appelé sur moi toutes ses ri-
gueurs. Cependant, alors qu'il ne trouvait guère qu'à louer
dans mon premiertravail, c'est sans doute qu'il me reconnais-
sait une certaine compétence philologique; l'aurais-je donc
perdue tout à coup? Auteur des Études de phil. et de ling.
aveyronnaises, parues à Rodez en 1879, j'étais jugé digne par
Mv Paul Mej'er d'être loué et encouragé par lui avec une cha-
leureuse bienveillance; auteur des Notes de philologie rouer-
gate en cours de publication dans cette Revue, je ne suis plus
à ses yeux qu'un ignorant, il ne me mâche pas le mot, igno-
rant, dit-il, des premiers rudiments de la philologie ro-
mane.
Comment en un plomb vil l'or pur s'est-il changé?
Les observations nouvelles que je présente, les faits in-
connus que je signale, les solutions originales que je propose,
tout cela,aiBrme M. Mejer, n'est que parfaitement ridicule;
rien de tout cela, à son dire, ne mérite d'être sérieusement
discuté, et c'est en haussant les épaules et en me décochant
des sarcasmes qu'il croit acquitter suffisamment les obliga-
tions de la critique à mon égard. Et je n'ai pas seulement
perdu l'estime scientifique de l'illustre provençaliste, il est
clair que j'ai perdu sa bienveillance encore davantage. Un
tel revirement est une énigme dont je renonce à trouver le
mot, et je repousse comme une mauvaise et sotte pensée
l'idée qui me viendrait d'avoir pu désobliger un savant d'un
ordre aussi élevé en me permettant de signaler dans son œu-
vre quelques erreurs de peu d'importance, ou ce qui me pa-
raissait tel (ce que je fis d'ailleurs en usant à son égard des
formes de discussion les plus courtoises et de toute la défé-
rence qu'un maître de la science est en droit d'attendre d'un
simple ouvrier scientifique).
Dans ses objurgations, où il me prodigue, sous toutes les
29S NOTES
ronmes et les moins bénignes, le reproche d'ignorer le premier
mot de mon sujet, sans qu'il daigne, le plus souvent, dire en
quoi ni pourquoi, M. Paul Mejer ^semble se complaire par-
ticulièrement à me traiter de « philologue amateur. » Philolo-
gue amateur, soit, je ne m'en défends pas; mais y a-t-il là une
preuve suffisante du manque de valeur de mes connaissances
et de mes travaux ?
M. Paul Mejer voudra bien me permettre de lui dire qu'il
aurait dû réfléchir d'abord à une chose, c'est que la science
qu'il enseigne et avec une si grande supériorité, et à laquelle
il doit sa renommée et sa fortune scientifiques, c'est que la
philologie romane a eu pour inventeur et créateur un certain
M. Rajnouard, qui n'était lui-même qu'un philologue ama-
teur, qui ne possédait pas l'ombre d'un brevet octrojé par
l'Ecole des chartes, qui par état était magistrat (comme je
suis agriculteur), et qui ne romanisait qu'à temps perdu.
M. Meyer choisit d'ailleurs mal son heure pour faire une
épithète de mépris de ce nom à'amateur. En efi'et, quel est le
médecin qui possède en ce moment la renommée la plus éten-
due et la plus retentissante? — M. Pasteur, sans nul doute.
Et M. Pasteur n'est pas docteur en médecine, pas même of-
ficier de santé : ce n'est qu'un médecin amateur. Et le plus
grand ingénieur de l'époque et de tous les temps, «le grand
Français », le grand perceur d'isthmes, il n'est sorti ni de
l'école polytechnique, ni de l'école de St-Etienne,ni d'aucune
école spéciale; cet ingénieur immense n'a pas le moindre
brevet d'ingénieur en poche : ce n'est qu'un ingénieur ama-
teur!
Une très-vieille expérience a établi que, soit dans les scien-
ces, soit dans les arts et les lettres, le moulage uniforme et
rigide auquel on soumet les intelligences, dans les écoles, peut
bien former d'excellents professeurs, d'habiles praticiens, des
hommes de talent, mais qu'il tue essentiellement l'esprit d'in-
vention. Qu'on ne méprise donc pas les autodidactes. D'ail-
leurs aucune branche des connaissances humaines n'a en ce
moment un plus grand besoin de cette classe de travailleurs
que la philologie. En effet, où sont les philologues de profes-
sion qui pourront s'arracher à leurs chaires et à leurs biblio-
thèques pour s'en aller au milieu des peuplades sauvages,
DE PHILOI.OGIR ROUERGATE 299
barbares ou soi-disant civilisées, étudier sur le vif la physio-
logie des idiomes locaux, de ces patois qui, à la différence
des grandes langues écrites, sont nés et continuent à vivre et
à évoluer d'une manière purement naturelle, spontanée, sans
mélange d'éléments artificiels introduits parla culture, et dont
la source est quelquefois et plus haute et plus pure que celle
de ces grandes langues congénères dont on a si souvent le
tort de les juger issus?
En vérité, ce ne sont guère que des philologues amateurs,
— par profession missionnaires, pionniers, voyageurs, minis-
tres du culte, maîtres d'école de village, notaires, médecins,
cultivateurs, etc., — qui se trouveront en position de recueillir
ces documents de linguistique vivante qu'on ne peut obtenir
que de la bouche même des indigènes. Peut-on, pour ce faire,
compter sur des érudits qui n'opèrent qu'en chambre et sur
des parchemins?
Ainsi le zèle désintéressé des philologues amateurs est di-
gne de tous les encouragements, et, si M. Paul Meyer leur
refuse les siens, . . .ma foi, il a tort. Sans doute il faut exiger
qu'avant de se mettre à la besogne, ils se soient suffisamment
initiés à la connaissance et au maniement de leurs outils,
c'est-à-dire qu'ils ne soient pas étrangers aux principes de la
philologie scientifique, et qu'ils soient suffisamment impré-
gnés de ses méthodes. Mais aurions -nous, pour notre part,
négligé de nous munir de cet indispensable bagage avant
d'entrer en campagne? M. Paul Meyer ne le pensait pas,
quand il appréciait nos Etudes. Un de ses collègues du Col-
lège de France et de l'Académie des inscriptions et belles-
lettres, un grand linguiste et philologue, lui aussi, l'illustre
directeur de nos Archives valionales, M.Alfred Maury, pour
tout dire en un mot, exprimait une opinion semblable au sujet
de ce même travail. Voici, d'après VOfficiel du 24 septembre
1879, en quels termes il le présentait de ma part à ses collè-
gues de l'Académie:
((M. Alfred Maury, dit le journal précité, offre au nom de
l'auteur. M, Durand, psychologue et physiologiste distingué,
la première partie d'un travail intitulé; Etudes de philologifi
et de lincjuistique aveijronnnises. Originaire du Rouergue,
M. Durand s'est attaché àl'examen des noms de famille et des
300 NOTES
noms de lieu du département de TAreyron. Il a mis en lu-
mière des rapprochements intéressants et quelques vues neu-
ves. Sans doute plusieurs étjmologies proposées sont con-
testables, mais la méthode générale est satisfaisante, les don-
nées sont pour la plupart judicieusement réunies; Fauteur
montre qu'il est au courant des procédés et des résultats les
plus récents d« la critique philologique. Son travail mérite
les encouragements de l'Académie. »
Les témoignages que m'ont donnés à ce même i)ropos les
philologues d'Allemagne n'étaient pas moins flatteurs. J'ai
négligé d'en faire collection ; mais un ouvrage récent que
l'auteur, un savant bien connu, a eu l'attention' de me com-
muniquer, (resc/iicA^e der Geogr, Namenkunde (Leipz. Fr.
Brandstetter, Ostern, 1886), par le D'' J.-J. Egli, professeur à
l'Université de Zurich, m'apporte un long compte rendu de
mes Etudes, qui débute ainsi: « Aus das Rouergat, das «Pa-
tois » im Gebiet des Avejron, hat einen kundigen Vertreter
gefunden. J.-P. Durand will, etc. »
Ce qu'en 1879 je possédais de compétence philologique de
l'aveu de M. P. Mejer, je ne l'ai point perdu depuis; je l'ai
plutôt accru en profitant notamment des critiques sérieuses
et raisonnées que l'écrivain de la Romania, alors ami, fit
de mon premier essai. La Société pour Tétude des langues
romanes a dû en juger ainsi pour avoir, au dernier Concours
de Montpellier, accordé son prix de philologie à mes Notes en
cours de publication dans son recueil. Enfin je me dis que, si
je ne servais aux lecteurs de la lievue que des inepties et des
calembredaines, comme le prétend M. Mejer, les directeurs
de ce périodique ne m'eussent pas engagé gracieusement et à
plusieurs reprises à y reprendre ma collaboration.
Cela dit, — et pardon si l'odieux moi a tant de place dans ce
qui précède, — je reprends le manche de ma charrue philolo-
gique, décidé à pousser consciencieusement mon sillon sans
i^eyarder en arrière.
Notre rouergat vivant possède quelques substantifs mascu-
lins de forme hétéroclite se terminant par un o atone et fermé
{€Strec/t)j qui me paraissent dignes d'attention. Ces mots, les
DE PHILOLOGIE ROUERGATK 201
voici, mais orthographies comme j'orthographie invariable-
ment ma langue natale, c'est-à-dire comme on l'orthograpliiait
jusqu'au moment où elle a cessé d'avoir une existence litté-
raire officielle, et non enTecourant au système phonographi-
rjue français, comme on le fait aujourd'hui, bien qu'il ne s'adapte
que très-mal à notre phonétique. Toutefois, pour aider ceux
qui ne savent pas lire, c'est-à-dire prononcer correctement, la
véritable écriture provençale, je donne entre parenthèse une
transcription de ces mots d'après la mode du jour:
AsPARGO [aspârgou), asperge.
Basco [Bàscou), Basque.
Caraco (Carncou), sobriquet donné par les Ruthénois aux
maquignons espagnols qui fréquentent en grand nombre les
foires de Rodez. Ce mot n'est autre que lejuron familier de
ces étrangers, dans lequel le c dur a été substitué au j cas-
tillan, qui n'existe pas dans notre alphabet.
Gasco {càscou), casque.
CocARRO (coucàrrou), expression injurieuse qu'on peut ren-
dre en français par vieux gueux, vieux libertin.
Flasco iflâscou), flacon.
JoMARRO (Joumdrrou), jumart.
Mono [Môroîf), More.
Ces huit vocables, qui ne sont peut-être pas les seuls de leur
catégorie, sont apparemment, et certainement pour quelques-
uns, une importation de ti^a los montes. Eh bien !ils ont ceci
de très-intéressant pour la philologie: ils attestent que le
prétendu o des désinences féminines de l'orthographe félibres-
que ne se confond pas du tout, pour l'oreille provençale vierge
d'éducation française, avec Vo des autres langues romanes,
leur 0 ouvert, ainsi qu'est toujours celui de l'espagnol.
C'est qu'en effet, cet o de mauvais aloi n'est point un vrai o,
mais un a, un a primitif modifié) un a estrech, un a fermé,
comme je me tue en vain à le faire comprendre. Aussi, quand
les Espagnols nous disent, parlant leur \Q,\\g\\e, Basco, cm^ajo,
cflseOj/^asfOjiVoro, l'auditeur rouergat n'entend-il pas la voyelle
désinentielle de ces mots espagnols masculins comme il en-
tend la désinence caractéristique des féminins de son propre
idiome; non, puisqu'il la convertit sans hésiter en o fermé
provençal, en u espagnol, en ou français, et nullement en a
20
Î02 NOTES
fermé provençal, exprimé de nos jours par le signe o. Donc
j'ai bien raison de soutenir que cette graphie est vicieuse.
Voyez ce qui arriverait si nous interprétions Vo atone es-
pagnol comme Yo atone de la graphie de nos écrivains patois :
L'rt atone, mais toujours ouvert, du castillan, de l'italien et de
Montpellier, étant un son étranger à notre alphabet parlé,
nous le convertissons, nous le transposons d'instinct et d'em-
blée en notre a fermé. Si cependant cet a fermé se confon-
dait pour nos gens du Rouergue (et je pourrais dire de la
généralité des pays d'oc) avec Vo ouvert espagnol, ils ne de-
vraient pas faire de différence entre les deux noms propres
espagnols Francisco et Francisca; ils devraient, en se les assi-
milant, les résoudre en un seul et même mot. Mais il n'en
est rien: nous ne faisons pas un féminin provençal du mas-
culin espagnol Francisco, nous le différencions du nom de
femme correspondant en donnant à son o terminal le son de
notre o fermé, et en donnant le son de notre a fermé à Va
terminal de Francisca.
J'ai eu dans ma famille deux personnes d'origine étrangère
et parlant couramment les principales langues de l'Europe,
mais qui n'avaient aucune idée' de philologie, et surtout de phi-
lologie provençale. S'étant fixées avec moi dans l'Aveyron,
habitant la campagne et ayant affaire journellement avec des
paysans qui ne parlaient et ne comprenaient absolument que
l'idiome local, on avait dû se décider à apprendre encore wnc
nouvelle langue, à apprendre le rouergat rustique, et on y
avait réussi tant bien que mal. Ce fut pour moi l'occasion de
faire une observation curieuse. Dans la bouche de mes poly-
glottes, tous nos a fermés se transformaient en autant d'à ou-
verts; et quand je demandais la raison de cette substitution,
on me répondait qu'on ne tenait pas à imiter la « "mauvaise»
prononciation de notre patois, que la voyelle en question était
un a (l'a français) «dégénéré »>, et qu'il semblait naturel de
remplacer ce son corrompu parle son «véritable. »
Pour terminer sur ce sujet, réglons en passant une ques-
tion de priorité soulevée, il y a quelques années, dans. une
revue spéciale, touchant Tidentification de Ko eslrech de l'al-
phabet provençal classique avecl'o^/ de la graphie provençale
actuelle.
DE PHILOLOGIE ROUERGATE 303
En rendant compte de mea Ftiuka, à propos d'un cliapitre
où cette identification se trouve attestée et démontrée, un
célèbre critique, il est inutile de le nommer, revendif^uait
pour lui l'honneur de cette découverte.
Si découverte il y a en ceci, le mérite en est bien mince,
car la vérité en question sautera aux jeux de quiconque,
sachant nos patois, aura sous les jeux les listes d'exemples
contrastés d'o hu-c et d'o eslreclt données dans le Douai Pro-
vençal et dans les Z,o/.s ^/Mmo<//'. Si cette constatation méritait
le nom de découverte, nous aurions été l'heureux inventeur
de la chose dès une époque où celui qui se prétend tel n'était
assurément pas né encore à la vie philologique, c'est-à-dire
il j a près de quarante ans. En 1849, je publiais à la librairie
du Siècle, rue du Croissant, 16, à Paris, un opuscule intitulé:
Petit Catéchisme politique et social, ou la Répiiblicjne et le So-
cialisme mis à la portée de tout le mondé (honni soit qui mal v
pense). Ajant eu l'occasion d'j citer un de nos proverbes
patois indiquant l'aversion de nos pajsansdu Midi pour l'as-
sociation, voici comment je l'orthographiai:
Uu ase de mitât
Es totjorn mal bastat.
Je m'étais bien gardé d'écrire toutjoirrn, que je considérais
déjà alors comme un barbarisme orthographique ; et je m'étais
préservé avec non moins de soin et de scrupule de rendre l'a
fermé (le premier a de bastat est un a fermé dans le rouergat)
par le signe o, ce qui m'était non moins odieux. A cette épo-
que, en effet, j'avais lu les Leys d'Amors, et cela m'avait
suffi.
Dans l'une de ces Notes, j'ai fait observer que le nom du
peuple de ma province, qui se rencontre dans Flamenca,
y avait été mal lu parle traducteur, M. P. Mejer, qui l'avait
transcrit Rosengas pour liosergas, et l'avait laissé en blanc
dans la traduction, sans doute faute de l'avoir compris. J'ajou-
tais que cependant rosengas par n pourrait, à la rigueur, être
une variante dialectale de rosergas par?', à l'instar de dou-
blets analogues, que j'indiquais. M. P. M. parut prendre assez
mal mon observation; il répondit très-sèchement qu'il n'j
304 NOTES
avait pas à s'arrêter aux critiques que je faisais d'une leçon
prétendue fautive quand, disait-il, je prenais soin en même
temps de démontrer sa correction.
Non, je n'ai pas été aussi absurde que cela. Après comme
avant, je crois que M. P. M. a mal lu le mot transcrit par
flosengas, et qu'il a pi'is dans ce mot un ?• pour un n; mais
j'admets en même temps la possibilité théorique de la coexis-
tence de cette forme à côté de celle de liosergas. Mais cette
variante, théoriquement possible, existe-t-elle en fait quelque
part? Je l'ignore, et M. P. M., dont l'érudition est si vaste,
aurait dû nous signaler ne serait-ce qu'un autre texte, un
seul, mais authentique, venant confirmer sur le point en ques-
tion celui do Flamenca tel qu'il a été lu et transcrit par lui.
11 n'en arien fait; il ne nous a point fourni cette preuve, et n'a
pas voulu convenir non plus que Rosergas et Rosengas étaient
pour lui également cnigmatiques.
Cependant ce n'était pas pour le plaisir de prendre le grand
savoir de i\I. P. M. en défaut que j'avais relevé chez lui une
aussi petite faute; c'était pour expliquer cette défaillance par
l'étrangeté d'une désinence ethnomonique, as, qui ne se ren-
contre, à ma connaissance, que dans deux cas, dans Auvernlias
(Auvergnat) et Roscrgas (Rouergat), et qui me semblait de-
mander une glose. Et dans ma glose j'exposais que les deux
noms de peuple ci-dessus étaient deux péjoratifs form^^s-de
deux primitifs, aucernhe et rosergue, usités d'abord comme
adjectifs avant d'être pris substantivement et d'être exclusi-
vement employés comme noms de province. A ces adjectifs
substantifiés on avait imaginé d'ajouter le suffixe as pour en
tirer deux nouveaux adjectifs destinés à remplacer comme
tels les deux premiers.
Constatons en passant, et sans nous y arrêter, que cette
vue neuve et d'un certain intérêt n'a pas même été mention-
née par M. P. M., tout entier au soin de défendre la pureté
de son texte, et arrivons maintenant à ce qui fait l'objet de
ce rappel de notre dissertation sur Rosergue et liosergas. Il
s'agit d'une doublure locale du premier de ces deux mots, que
notre ami M. Roque-Ferrier nous a fait connaître. Le mot
dont il s'agit est rudergue; on s'en sert à Lodcve pour desi-
gner le vent du norri, c'est-à-dire le vent qui souffle du Rouer-
gue.
DE PHILOLOGIE ROUERGATE 305
Ainsi dans cette localité, où le département do rHéraiilt
confine à celui de rAvejron,on dit en patois lo ven riuk'ryiie,
poui" vent du nord, comme on y dit lo ven mari, pour vent du
sud. Ce moi rudergiie est un adjectif, comme Tétait primitive-
ment rosergue.
Il est intéressant de se demandai' quelle est la relation mor-
phologique de ces deux mots. Ils sont évidemment issus l'un
et l'autre du prototype latin rnletncus, mais par deux lignes
distinctes, qui se caractérisent, l'une par la conservation de
Vu latin du radical ruten dans 1'/^ provençal de i-udei^gue, l'au-
tre par le changement de cet u en o.
liudergue est le frère jumeau d'un rodergue ([iiovi doit ren-
contrer dans les plus anciens textes provençaux, mais dont,
quoi qu'il en soit, l'existence n'est pas douteuse comme le
père obligé de rosergue, père lui- même de rnergiie.
Faisons remarquer enfin que cette forme lutévoise de m-
dergue atteste que les appellations affectées à désigner une
l)opulation ou une localité sont sujettes, ainsi que tous les
mots de la langue, à varier morphologiquement suivant le
génie de ses différents dialectes, et que par conséquent, pour
faire reste de raison à M. P. M., si le prototype riUenicus de
notre adjectif ethnique a pu prendre chez les Lutévois une
autre forme romane que chez les Ruthénois, il se pourrait
qu'il en eût revêtu encore d'autres chez nos autres voisins,
les Albigeois, les Caduriens, les Auvergnats, les Gévaudanois,
les Cévenols, et notamment celle de rodengue ou roscngue, ou
rosenge, l'analogue de dimenge, niongc, canonge, ces variantes
Ad dimergue, morgue, canorguc. Mais, encore une fois, il res-
terait à établir la réalité du fait.
PosT-scRiPïUM. M. C. Chabaneau ajant bien voulu, à
jsropos de lu Note ci-dessus communiquée en épreuves, m'a-
dresser quekjues critiques, ce dont je lui suis très-reconnais-
sant, au lieu de modifier mou texte en conséquence, j'ai cru
mieux faire de le laisser tel quel, et de le faire suivre des ob-
servations de ce savant. Je n'éprouve aucunement le besoin
de ca.'her au lecteur les lacunes de mon éducation philolopi-
que ; mais a besoin existerait-il en moi qu'il ne prévaudrait
pas contre mon désir d'éclairer de tout le jour possible les
306 NOTES
questions étudiées dans ces articles, et par conséquent de faire
entendre mes contradicteurs, alors surtout que leur parole est
(les plus autorisées et des plus instructives.
(( I/« latin, m'écrit M. Chabaneau, selon qu'il était bref ou
long, a donné, dans le roman des Gaules (français et proven-
çal), un produit différent: ?>' a conservé le son latin propre à
cette lettre {ou), qui estl'o fermé provençal (estreit), û est de-
venu le son nouveau que nous figurons u [= û allemand).
Cela constamment. Par conséquent, rùtenicum n'a pas pu se
bifurquer en rwderguo d'une part, rodergue de l'autre. Rùte-
nicum a donné nécessairement Rodergue. Mais le son de l'o
estreit ( quelle que soit son origine, 0 ou ù) a^'ant une ten-
dance à })asser à Vu, ainsi qu'on le voit dans lu = lo, lur ■=
/or, sufrir = sofn'r, etc., Rodergue a pu, sur un certain terri-
toire, devenir R//dergue. Voilà ce que j'ai voulu vous faire
remarquer, vous laissant libre, bien entendu, d'accepter ou de
rejeter mon explication, et par conséquent vous laissant aussi
le soin de modifier votre rédaction pour la mettre d'accord,
le cas échéant, avec la vue nouvelle que je vous propose. —
Nouvelle, il faut s'entendre ; elle ne l'est point. Rien, en effet,
n'est plus universellement reconnu et admis, dans la phonéti-
que romane, que ce double traitement de Vu latin, et que la
rigueur avec laquelle il a été appliqué,
» La même chose, mais en sens inverse, a eu lieu pour
Vi, qui, long, a conservé le son propre : bref, est devenu é
fermé .
» Vous êtes averti : dire que Rutenicus s'est bifurqué en
rudergue-roderrjuc, c'est dire une hérésie. Cela, je le sais bien,
n'est pas pour effrayer un libre-penseur comme vous. L'es-
sentiel est que vous ne vous décidiez qu'en parfaite connais-
sance de cause. »
Si j'ai commis une hérésie scientifique, c'est-à-dire si j'ai
méconnu une vérité rigoureusement établie et universelle-
ment admise, je me rétracte avec une bonne foi, une bonne
volonté et un empressement dont M. C. n'aurait point dû dou-
ter. Pour libre-penseur (|ue je sois, je ne marchande mon
obéissance qu'à l'orthodoxie qui ne se recommande que du
principe d'autorité, — et à cet égard je soupçonne M. C. de
sentir le fagot tout autant que moi ; — mais je suis l'esclave
DE PHILOLOGIE ROUERGATE 307
de la droite doctrine véritable, celle dont les dogmes sont ex-
clusivement fondés sur Tobseryation et le raisonnement.
Ainsi, c'est bien entendu, rudergue n'est pas le collatéral de
rodergue, comme je l'ai cru ; il en est le descendant, cela en
vertu de la loi de transformation piionétique magistralement
formulée ci-dessus. Cependant, en môme temps que je fais cet
acte de soumission, je demande à exposer à M. C, et aux
autres romanistes compétents, quelques timides objections,
quelques derniers doutes qui pèsent encore sur ma con-
science. Comme la question est complexe et a des nuances
assez délicates, j'aurai besoin de toute l'attention du lecteur.
On pose donc en principe que 1'^* bref et Vit long du latin
se retrouvent dans le provençal: le premier, sous un nouveau
signe, l'o, mais sans changement de son, c'est-à-dire avec le
son de Voit français, de Vu italien, espagnol, allemand, et de
Yoo anglais; le second, avec son signe propre conservé, mais
ayant un son nouveau, celui que les Allemands expriment
par u, et les Français par un simple u. Exemple: de pûto et
pûieo, notre gallo-roman du Midi a fait respectivement pode et
pude. Ce point de départ accepté, bien que sous réserves, je
note d'abord qu'une telle loi, quoique donnée par M. C.
comme constante, absolue, souffre néanmoins, de son propre
aveu, des exceptions. C'est ainsi qu'il dit:» RUtenicum a donné
nécessairement Rodergue ; mais, comme le son de l'o estreit
(([uelle que soit son origine, 0 ou ii) a une tendance à passer
à l'w, Rodergue a pu, sur un certain territoire, devenir Ro-
dergue. »
L'exception à la règle est reconnue; mais quelle en est
l'origine? Ainsi, d'.où procède la forme exceptionnelle roder-
gue ? Est-ce directement du prototype commun rutenicum, ou
de sa transformation première et régulière rodergue? Toute
la question est là.
Eh bien, il me semble que, alors même que l'érudition ro-
mane aurait établi, pièces en main, que le prov. u (ii) = lat. //,
n'est apparu dans la littérature provençale que postérieure-
ment à prov. 6 ■= lat. ii, on ne serait pas autorisé pour cela à
en conclure que le produit phonétique provençal u est un
fruit consécutif de son congénère ô. En effet, la forii e répu-
tée anormale et consécutive pourrait avoir existé dans le
308 NOTES
langage inulé depuis non moins de temps que la forme soi-
disant normale et primitive, sans avoir pénétré dans la langue
littéraire. M. C. sait beaucoup mieux que moi que nos patois
méridionaux ont révélé dans le provençal do nombreuses par-
ticularités grammaticales, exiologiques et phonétiques, d'un
archaïsme incontestable, qui cependant ne se montrent nulle
part dans les écrits de la langue d'oc classique. Dès lors,
pourquoi rudergue ne procéderait-il pas en ligne directe de
rutcnicum par un premier intermédiaire rntenicwn, qui témoi-
gnerait de l'impression de la phonétique gauloise sur les sons
du latin dès Tinti^oduction de cette langue dans les Gaules?
Ce qui me paraît encore donner de la consistance à cette
hypothèse, c'est que premièrement les doublets patois, offrant
concurremment ces deux formes contraires en 6 et en «, sont
beaucoup plus nombreux que nos romanistes ne semblent le
croire, et secondement, — et ceci est particulièrement remar-
quable,— qu'au lieu que les deux variantes aient des domaines
géographiques distincts, elles se rencontrent au contraire sur
les mêmes territoires et jusque dans le même hameau et dans
la même maison, mais non toutefois dans les mêmes bouches,
Tune servant de cachet au parler de la classe aisée, du riche,
du maître, l'autre imprimant sa marque à la parole du pau-
vre, une marque de son infériorité sociale.
Et maintenant, une autre observation : ce n'est pas seule-
ment la loi lat. û = prov. 6 qui se montre quelquefois en dé-
faut (comme pour riitenicum donnant rwdergue k côté de rc-
dergue); la loi inverse, lat. û = prov. u (û), subit aussi des
dérogations multiples; et tandis que, au doublet rodergiie —
rvdergve, je n'ai pu en ajouter aucun autre comme exemple
de la double transformation provençale de 1'//' latin, je n'id
pas eu de peine à en réunir un certain nombre qui illustrent
la diversité de traitement de Va, jusque dans les mêmes mots,
où il se présente concurremment sous les espèces de Vu (û)
et de Vô provençaux. Voici cette série, qui sans doute est
loin d'être complète.
Nous ont donné,
Stnpire pour spvtare (?) : escwpir et escopir;
Jùlianus: JuViii et Jolià ;
Lûcta: lu'Sha. et locha;
VARIETES 309
MvsleUa: niMStcla et niostela;
/*/û?na .• plîiina e/ ploraa;
Spûmatorïa: escMmadoira et escomadoira.
I,e changement de l'o primitif en u, constaté par M. Cha-
baneau, se montre dans beaucoup d'exemples et donne lieu à
son tour à une série de doublets, dont je me contenterai do
donner ici les quatre suivants comme spécimen :
cobrir — ci<brir = cooperire ;
doi'bir — dt/rbir = f/c-opertre ;
escobiliei" — escî<bilier = scopiliariuni (tas de balayures) ;
office — wffice = officium.
Constatons que la forme en u est af'istocratique et la forme
en ô plébéienne. Il y a soixante ans, quand le patois était la
langue usuelle de tout te monde, riches et pauvres, s'il arri-
vait à un enfant de bonne maison de dire [)lôma, Idcha, etc.,
pour ph<ma,lucha,etc., il était repris sévèrement. « Es-tu donc
un bouvier ou un berger pour parler ainsi?» lui disait-on.
Notre rouergat possède plusieurs catégories de ces curieux
doublets à distinction sociale; j'en avais déjà signalé deux
autres au commencement de ce travail. [Notes I et II.)
J.-P. Durand (de Gros).
(A suivre.)
VARIÉTÉS
EMBAISSO, EMBAISSOS
A roccasion des termes ambaissi, umbiorses en lyonnais, sur les-
quels M. Nizior du Puitspelu a appelé lattcntion dans le dernier fas-
cicule de la Revue des langues romanes, et qu'il considère avec quel-
que raison comme l'équivalent de nos embaissos, je me permets de
hasarder une étymologio un peu différente de celles qui eut été propo-
sées jusqu'ici par les divers auteurs qui se sont occupés de la ma-
tière. Sera-t-elle plus acceptable? C'est au lecteur à en juger.
Mais d'abord que faut-il entendre par emhaisso, au pluriel embaissos,
dimi autiî embaisset?
Ce mot, à s'en rapporter aux norabreu.x glossaires de la langue
d'oc, renferme plusieurs sens et à première vue très-dissemblables
310 VARIETES
les uns des auti'es. Tous néanmoins, si l'on veut bien y regarder de
près, se rapportent soit à l'objet dont on veut se défaire avec prolit,
soit aux moyens d'arriver à ce résultat, soit encore au prix stipulé
pour l'obtenir plus facilement.
La première signification.vise cette catégorie d'objets plus ou moins
encombrants, c'est-à-dire tout l'attirail des denrées ou marcliandises
transportées primitivement à dos de mulet, comme le blé, la cliargc de
Trois, l'outre de vin, et aussi les mille engins d'emballage, cacolets,
sacs, cordes, cabas, qu'on emploie à les contenir:
Yeu vole eslre azégat d'un susari d'erabaisso
Je veux être accommodé d'une outre en guise de suaire.
Uoe emljaisso de legno, etc.
Laissas aqui tout! vostre embaisso.
A la seconde, il faut rapporter ce quia trait aux moyens employés,
au parti à prendre, biais, tournure, embaucbage, etc., pour amener le
facile écoulement de ces denrées :
Eici lou pal pren l'embaisso raen duro. . .
Val, couneisse ben toun embaisso.
Le troisième sens s'applique à la tare ou déduction du prix de la
marchandise :
l'aven tant d'embaisso. ..
Quatre lieuras d'embaisso.
Au pluriel, emhaissos désigne plus particulièrement le châssis ou
sorte de bât ouvert des deux côtés pour charrier Jes denrées, graines,
vins, bois de chauffage, etc.
Mais tous, au propre et au figuré, rappellent involontairement <à
l'esprit ce qu'on nomma, dans le commerce et dans le monde de la fi-
nance, r écoulement dee valeurs et marchandises.
Or voilà que, d'autre part, M. L. Boucoiran, de Nimes, auteur d'un
dictionnaire des idiomes méridionaux, très-estimé, nous apprend que
les mots embaisso, emhausse, emhat, désignent un lieu bas, en pente,
écarté, une sorte de voirie. Ce que dans le Rouergue on appelle em-
balses, n'est autre que le travers ou rocher du haut desquels on jette
dans la rivière, en contre-bas, les immondices et matières inutiles de
lalocalité attenante. On dit encore s'esemhalsat pour «il s'est effondré.»
Enfin, nous savons que, dans presque toute la haute région des Cé-
vennes. on désigne par le nom d'alainso, le noisetier qui pousse au
penchant des coteaux, et dont les baguettes entrelacées servent à
construire le châssis destiné à porter la charge de bois sec, autrement
dite l'embaisso.
VARIETES 311
Ne semble-t-il pas, dès lors, que ce dernier mot doit tout naturelle-
ment trouver son origine dans l'espagnol en hayo;, ou dans le langue-
docien ahaisso, baissa, qui a le même sens do. bas, incliné, en pente
glissante, lesquels viennent du latin du moyen Age hassus, avec uu
sens analogue? Or ce dernier n'a-t-il pas une parenté éloignée peut-
être, mais réelle, avec hessa, emhessa ou envessa, du latin versare, in-
versare? Étymologie pour étymologie, celle-ci ne peut-elle soutenir
la comparaison avec celles déjà proposées et qui s'appuient ici sur le
vieux mot latin umhaxia, commission, charge; là sur le vocable im-
pa(/es, cueilli par M. Mistral, dans Vitruve, avec le sens d'une traverse
pour maintenir les montants dune porte, autrement dire une imposte ;
ailleurs, enfin, sur le radical bastum, bât, comme le veut, non sans
hésiter quelque, peu, M. N. de Puitspelu, de L^'on, dont il essaye de
tirer imbastiare pour en venir à embaissa et embaissi ?
Encore un coup, je laisse aux lecteurs de la Revue des langues ro-
manes le soin de se prononcer.
Df Mazel.
Nimes, mars 1887.
GROLHI, GRAULA, EN LYONNAIS
A Lyon, un corbeau s'appelle une f/niîUe ; à Craponnc. grnlhi; à
Mornant, à Yzeron,. 9ra«Za, g^ro?«.Cochard,dans son vocabulaire, donne
la forme grailli. De même le prov. a graula, et le Gévaudan graye
(pron. gra-ye).
Je crois que graille, grailli, grôlhi, viennent de grac(u)la, et
graula, grola, de gra(c]ula.
Cette double formation, suivant que la post-tonique ou la consonne
entre deux voyelles est tombée, a des exemples en lyonnais. Ma mé-
chante mémoire ne m'en offre que trois, mais j'en ai rencontré d'au-
tres. Nous avons les doubles formes gnibla, de neb{u)la; et gmola.dc
ne{b)ula ; sègre, de seq(if)re ; et sioure, de se{q)were; dimingi, de dies
domen(i)ca ; et diumaini, de dies rloineni(c)a.
Le 13'onnais éclaircit donc, je crois, la difficulté de gracula =
graula, difficulté que Diez n'avait qu'effleurée {E . W., II, c), en se
bornant à comparer le vieux fr. seule, de sa eculum, et qvn a paru assez
grande à M. W. Meyer pour qu'il ait proposé (Zeiischrift fïirR. Ph.,
X, p. 172) 'ravula,Ae ravus ; d'où graula par la prosthèse de ^, comme
dans grenouille, de ranucula. Mais cette prosthèse est récente (on
trouve encore renouille au XIV'= siècle), et nous devrions posséder des
exemples raula, qui n'existent pas. La même difficulté avait fait
proposer au regretté Boucherie (Étymologies françaises • et patoises)
»
318 NECROLOGIE
*corvuJa = crovula = (jroviila •= graula, ctymologie qui serait satis-
faisante si, là aussi, l'on possédait des intermédiaires qui font absolu-
ment défaut.
Une raison qui semble d'ailleurs péieniptoire eu faveur de gracula
= (jraula, c'est que l'on ne peut guère supposer que des villages
éloignés de quelques kilomètres seulement, comme Craponne et Yze-
ron, aient tiré grôllù et grnula de sources différentes. Il est infiniment
plus vraisemblable de penser qu'il n'y a dans les deux mots que des
déformations pbonétiques variées d'un même type.
M. G. Paris, sans connaître les exemples lyonnais rapprocliés plus
haut, avait conclu delà même manière {Romania, VIII, p. 296): « Je
ne crois pas au changement en u d'une gutturale suivie d'une con-
sonne ; à?^x\& gracula, graeco, foeo, etc., le c s'est absorbé dans la
voyelle labiale suivante ; on a prononcé grahula ou quelque chose
d'analogue, et il en est résulté que, cette aspiration étant de bonne
hem-e tombée, Vu {= o) a fait diphthongue avec la voj'elle précé-
dente et a échappé ainsi à la destruction {grieus, grius, gris, et grens,
grès ; fueu, feu et fiu;cî. Rom., VII, 464). Faus ou fagus, régula,
tegula, doivent être jugés de même. »
PUITSPELU.
NECROLOGIE
HENRI DEL.PECH
Parmi les membres de la Société pour l'étude des langues romanes
qui nous ont été enlevée dans le couraat de l'année, Henri Delpech
mérite un souvenir particulier et un témoignage de sympathie tout
spécial. 11 fut en effet un des premiers cà se joindre à nos fonda-
teurs, et son entrée dans notre conseil d'administration est pour ainsi
dire contemporaine de nos premiers efforts ; si, depuis que l'archéo-
logie militaire l'eut conquis tout entier, il cessa de participer active-
ment à l'administration de notre Société, il n'en demeura pas moins
un des plus dévoués parmi les amis de la première heure.
Henri Delpech était le dernier-né des quatre tils du célèbre chi-
rurgien qui disputa la palme de son art à l'illustre Dupuytren; il
avait hérité des plus précieuses qualités intellectuelles de ce profes-
seur éminent: le <lon d'une parole simple, claire, lumineuse et litté-
rairement irréprocliable, chose rare dans nos régions méridionales,
et le goût, de l'analyse poussée jusqu'aux dernières limites que la
NECROLOGIE 313
nature de notre esprit et des choses oppose à nos investigations. C'est
ce dernier caractère d'une intelligence d'élite qui domina dants les
manifestations variées de sa pensée'. Peut-être même se laissa-t-il
souvent entraîner si loin par ce goût instinctif, (iue~ c'est à cette ten-
dance naturelle de son esprit qu'il serait permis de faire remonter
cette susceptibilité extrême que tous ses amis mettaient le plus grand
soin à ménager.
C'est cette analyse ingénieuse et pénétrante, dont les résultats
étaient puissamment condensés dans une synthèse oratoire des plus
brillantes, qui assura le succès de ses trois discours couronnes par
l'Académie des Jeux floraux: l'Éloge au Père LacordaircV Éloquence
purleinentaire en France au XIXk siècle, et de l'Influence de la presse
sur la littèralure contemporaine. A la suite de ce triple succès, Henri
IV'lpech était devenu mainteneur de l'Académie toulousaine, et eu
cette qualité il avait pu assister, dans la salle des Illustres, au Capi-
tole, à l'inauguration du buste de son père, une de nos gloires mé-
ridionales.
Henri Delpech s'était d'abord destiné au barreau, où la correction
de sa parole élégante devait lui assurer un des premiers rangs. Mais
sa santé ne lui permit pas de poursuivre cette can-ière ; il fut obligé
de renonci-r à une profession qu'il aimait passionnément, au moment
où il donnait les plus heureuses espérances. Nul doute que, lorsque
l'expérience et la discipline des affaires, lui auraient eu enseigné l'art
de ne laisser apparaître de sa subtile analyse que les résultats acquis,
et, — pour employer une métaphore empnmtée à ses dernières étu-
des, — à ne faire marcher au moment décisif que le gros de ses
troupes, Henri Delpech ne fût devenu un des orateurs les plus distin-
gués des barreaux du Midi .
Cette retraite forcée fut pour lui une déception pénible ; il eut
pourtant la force de triompher du mal qui avait mis sa vie en dan-
ger, et, à peine convalescent, il se trouva amené par les événements,
qui ont si profondément et [si douloureusement troublé les premiers
jours du régime actuel, à entrer dans le journalisme parisien. H y
entra par la grande porte, en qualité de rédacteur d'une feuille pério-
1 Henri Delpech nous a souvent répété le quatrain suivant, qui lui fut
adressé par un poëte montpelliéralD, M. B. .., à l'occasion de son Éloye du
Père Lacordaire :
Quand, le scalpel en main, je le vois à plaisir
Disséquer savamment l'oeuvre de Lacordaire,
Henri, tu me fais souvenir
De Delpech, ton illustre père.
314 NECROLOGIE
dique considoiablo. Mais là encore il eut à subir les conséquences de
sou teniporauient délicat ; les fatigues d'un labeur incessant et à
heure fixe domptèrent son énergie; il dut déposer la plume du jour-
naliste pour se consacrer à des études non moins pénibles, mais où du
moins il pouvait trouver la liberté dans le travail.
Sa première conférence, faite au Cercle artistitjue de Montpellier,
sur la bataille de Muret, fut une révélation ; mais il ne se tint pas
pas pour satisfait parles applaudissements unanimes qui avaient ac-
cueilli le conférencier ; il voulut creuser davantage encore un sujet
qu'il avait paru posséder complètement, et il publia (187S) un savant
mémoire sur les conditions dans lesquelles cette bataille avait été
livrée. Pour confirmer l'idée générale qu'il avait dégagée de ses re
cherches, Delpech résolut d'étudier, avec la même méthode qu'il venait
de suivre, une autre bataille du XIIP siècle, celle de Bouvines Ces
nouvelles études vinrent corroborer l'idée fondamentale de sou pre-
mier mémoire. Il lui parut acquis désormais qu'il y avaitau XIIl» siè-
cle « une tactique réfléchie, tactique élémentaire comme les armes
dont on disposait à cette époque, mais très-intelligente et en parfaite
harmonie avec l'outillage du temps.» Pour prouver sa thèse, il com-
pulsa les anciens textes qui nous ont été conservés, en ayant soin de
n'admettre que ceux qui étaient à l'abri de toute critique ; il forma
ainsi un dossier de faits militaires qui vint confirmer, par l'expérience
d'une centaine de batailles, les conclusions qu'il avait tirées de ses
savantes restaurations de la bataille de Muret et de celle de Bou-
vines.
Les deux volumes sur la tactique au XIII* siècle ont paru en
1886; mais ils ne contiennent pas* l'œuvre complète. Un troisième
A'Olurae était en préparation ; mais, pour mener à bien un travail aussi
considérable, Henri Delpech avait usé ses forces phj-siques. La mort
le frappa au moment où il mettait la dernière main à ce troisième vo-
lume. Victime de son amour pour l'étude, il fut enlevé, à l'âge de cin-
quante-cinq ans (avril 1887), à l'affection des siens et de ses amis et
à l'estime de ses concitoyens. La Société des langues romanes, en
consacrant à sa mémoire ces quelques lignes, bien insuffisantes, a
tenu à se joindre aux manifestations de deuil public qui ont accom-
pagné les restes mortels de ce collègue d'élite à sa dernière de-
meure.
A. G.
CHRONIQUE
La Revue des patois de M. Léon Clédat, dont nous annoncions en
mars dernier la prochaine apparition, a publié très-peu après sou
]ireniier numéro. C'est un faseieule de <S(J pages iu-8", dont nous nous
bornons aujourd'hui à donner le sommaire, sauf à revenir plus tanl
sur quelques-uns deè articles qu'il l'enferme :
I. Avertissement. — II. L. Clédat. Les Putois delarégion lyonnaise.
— II J. E. rhilii)on. Ze Dialecte bressan aux XIII" et XIV" siècles.
— IV. Nutices Lihliographiques . — V. Chronique.
Sous le titre de « Fac-similés de l'écriture de Pétrarque et appen-
dices au Canzoniere autographe, avec des notes sur la bibliothèque
de Pétrarque », M. Pierre de Nolhac vient de publier daus les Mé-
langes iVarchéologie tt d'histoire de l'Ecole française de lîome, et de
faire tirer à part le complément du mémoire dont nous avons rendu
compte dans notre numéro de juillet 1S8G. l^^s fac-similés, destinés
à achever la démonstration, — déjà faite, pour toute personne non
prévenue, daus le mémoire précité, — de la découverte de M. de
Nolhac, sont au nombre de sept. Les quatre derniers sont tirés de
mss. latins de la Bibliothèque nationale qui ont appartenu à Pétrar-
que et qui sont l'objet des c( Notes sur la bibliothèque de Pétrarque »,
mentionnées au titre du travail que nous annonçons. Ces notes forment
une première série, qui devra être suivie de plusieurs autres, car les
mss. qui ont appartenu à Pétrarque sont assez nombreux. La seconde
série, déjà annoncée par M. de Nolhac, se trouvera au chapitre VllI
du livre qu'il va publier sous le titre de la Bibliothèque de Fulvio Or-
sini ; elle est relative aux mss. de la V;iticane et de l'Ambrosienne.
« Le Mystère des trois Doms, joué à Romans en mdix, publié d'après
le ms. original, avec le compte de sa composition, mise en scène et
représentation, et des docunients relatifs aux représentations théâ-
trales en Dauphiné du XIV^- au XVI» siècle, par feu Paul-Emile
Giraud, ancien député, ancien correspondantdu miuistère de l'instruc-
tiou publique, et Ulysse "Chevalier, chanoine honoraire, membre non
résidant du Comité des travaux historiques. Lyon, librairie ancienne
d'Auguste Brun, 1887. d Tel est le titre complet d'un magnifique vo-
lume in-4'' de cxlviii-928 pag., d'une importance considérable pour
l'histoire de la littérature dramatique, uou-seulement par le mystère,
jusqu'ici inédit, qui en forme la moitié, nuiis encore par l'ample in-
troduction et le riche recueil de documents que M. Ulysse Chevalier
y a joints. Nous ne pouvons aujourd'hui qu'annoncer cette belle pu-
blication. Nous en rendrons compte en détail, quand nous aurons pu
l'étudier avec le soin qu'elle mérite.
316 CHRONIQUE
M. le docteur Lange, professeur au gyniuase de Wurzen (Saxe), a
publié dans le iirogramnie de cet établissement, pour 1887, une étude
sur la Franciadc de llonsard et ses rap^iorts avec VEnéide (B(in.i:ards
Fnuiciade tnul ifir ]'erh(ilhms za Vergils Aeneide) . C'est xinUdxuW
plein d'intérêt, serrant le sujet de très-près, et un chapitre tout prêt
pour l'histoire, encore à écrire, de la littérature française au XVI"' siè-
cle.
Ou a récomnicnt publié à Londres (Williams and Norgate, édit.)
un très-élégant petit volume qui, sous le titre de An introduction tu
tJie stitdi/ of Proccnçal, renferme en 143 pages : 1° un aperçu très-som-
maire de la littérature provençale ; 2° un abrégé de la grammaire ;
"à" un choix de morceaux en prose et en vers; 4" un glossaire ; T)" une
bibliographie '. L'auteur, M. Darcy Butterworth Kitchin, a mis à
peu près exclusivement à contribution, pour la composition de son
manuel, la Chrestomathie et le Grundnss de M. Bartsch. Nous sou-
haitons que ce petit livre contribue à propager en Angleterre l'étude
du provençal, qui paraît y avoir trouvé jusqu'ici peu de faveur.
Vient de paraître, chez Maisonneuve et Lechevalier, VAntiuaire de
la Société des Traditions populaires ; 1 vol. petit in-8o de xxx-180p.,
avec musique gravée, lettres ornées, culs-de-lampe. Cette nouvelle
publication de la Société contient, outre la liste des membres (au
nombre de plus de 200) et les documents administratifs, des chansons,
des contes populaires, des dissertations, des instructions et question-
naires, ainsi que la Wbliographie des ouvrages et articles parus en
1886 sur les traditions populaires.
Les articles signés de MM. Girard de Rialle, F. Mistral, M"* "Viar-
dot, Xavier Marinier, F. Fertiault, Naripshy Souguy, L.-F. Sauvé,
Julien Vinson, Paul Sébillot, L. Farges, Achille Millien, Léon Sich-
1er, Julien ïiersot, Aug. Gittée, F. -M. Luzel, Loys Brueyre, N.
Quellien, A. Landrin, Alphonse Cerleux, se composent de contes po-
pulaires de pays variés, de dissertations sur des coutumes curieuses
et de chansons populaires. C'est un livre à la fois instructif et amu-
sant.
1 Celte bibliographie laisse beaucoup à désirer. Des livres indispeusables y
sont omis; par coatre, l'auteur y mentionne des ouvrages ou sans valeur ou
étrangers à son sujet. (I est évideal qu'il en cite plusieurs, sans en avoir vu
que le litre. Ainsi le Parnasse occitanien figure parmi les périodiques.
Le Gérant responsable : Ernest Haaielin.
Montpellier, Imprimerie centrale du Midi. — Hamelin Frères.
I
ISTORIO
DE SAXCT PONCZ
F" A r°] PROLOGUE
1 [Jhesus, lo rey, filh de Mario.
Local ejs Diou onipotent,
Garde la noblo compagnio
Qu'eys asembla ejci, de présent,
') lît nos vuelho tos ensegnar
Perla sio sancto doussor,
Et de sa gracio iiluminar,
Donar nos sa pax et s'amor.
L'on vous siuplio tos, per lionor,
10 Que vuelha ensemble far pax,
A Jhesu Xpist rendre lausor.
Petiz et grans, d'aut et de bas.
Li persoiiage eyci asemblas
De devocion encita
15 Mostrar voUon, soubre aquest pas,
De sanct Pons sa nativita,
Si play a l'haulto magesta,
Eysint quant rescrich ho recito.
20 Perqué, si vous plaj scouta,
Ouviré partio de sa vito.
Et qui Testori ben cogito
Trop lonc sario a la recontar.
Nostro poyssansso ejs ben [lechito,
25 Per lo plus cort m'en vuelh passar,
Va per breuoment expousar,
Antisipen qualque pasage.
Vulha la substanso notar.
Sens inferir nengun outreage. "
TOMK I DE I.A QUATRIÈME SÉRIE. — JoILLRT-AoOT-SbPTEMBRE 1887, 81
318 ISTORIO DE SANCT PONCZ
[po A v^j Si nos falhian nostre lengage,
Que non convegno ben en rimo,
La non eys notari tant sage
Que non falho en menar la plimo.
Chasque pays a sa coustumo
35 Et son parlar parelhonient;
D'aquo eyqui non fassa stimo,
Ma prené en gra l'esbatiraent.
Or, prean Jliesus devotoment
Et sanct Pons ouci debonayre
40 Que nos don joar seguroinent
• Et nos garde tuch de mal fayre.
Affin que non vos tegno gayre,
Vulha vos trestous asetar ;
Quesa-vos et non parlé gayre:
45 Acomense cemm'a commenssar] ',
[F" 1 r"] JHESUS
Cornenso l'istorio
DE SANCT PONCZ
LO MESSAGIER
Seignors et donos que se eyci,
Per veyre lo juoc, assemblas
En l'honor de Diou et marci,
Plàsso vous d'istar tos en pax,
Et si veyré, de pas en pas,
Personagear la bello ystorio
De sanct Pons; et n'y falhé pas
D'y mettre ben vostro memorio.
Vos veyré en grant triomphe et glorio
1 Après ce préambule, qui a élé ajouté après coup, vieût ua feuillet blanc
[B], sur lequel une maia moderne a écrit ces mots : Mystère. — htorio \ de \
S. Portez. Suit le feuillet marqué 1.
ISTORIO DE SANG T PONCZ 319
U> Juar tost sa nativita,
Como en la vito transitorio
Fosec de ben far incita;
Car en Rome, la grant cita,
Per lo sanct papo Poncian,
15 Fosec instruch la verita,
Et puis après se fec xrestian.
Mareus. son payre, percertan,
Et Valeri Fadoloscent {sic)
Foron bateas aquel an;
20 Sa méyson aussi enseguent.
[F^' 1 v" Vivent sanct Pons si doulceraent
Ambe los raeindres et los mours,
Se fec amar, et talloment
Qu el couvertec dos emperours.
25 Prince, punent prevaricours,
Et qui bons voiles premiar,
Gardo-nos de dangiers et pours ;
Ejssint poyren principiar.
PHILIPUS IMPERATOR PATER
Puisque Jupiter dominar
30 Nos fa}' sus terro et imperar
Per sa infinie clemenso,
Yoloc lo monde ben governar
Et malsfatours examinar,
Per tenir neto ma conscienso.
l'HILlPUS IMPERATOR FILIUS
35 ,A Jupiter la reverencio
Et riionor a grant diligencio,
Hault emperour, certos doven.
Veouc et ay l'intelligencio
Que, dessus tos, la preheminencio
40 Per diou Jupiter nos tenen.
IMPERATOR PATER
D'el cognoyssoc que tôt haven,
Mon filh Phelip, en verita;
3Î0 ISTORIO DE SANCT PONCZ
Pertant, lo mond régir conven
En justicio et verita.
[F" 3 r°] IMPERATOR FILIUS
45 Si per reson et equita
Nos governen, seignor mon pajre,
Tôt auren a nostre cousta
Subjuga, et senso mal trayre.
IMPERATOR PATER
Mestre cFostal, sens tarsar gayre,
50 Vous, escuyer de grant alïar,
Fasé per tôt la cryo far
Qu"adorar veignon Jupiter ;
Car la nos es déjà ben fer
Qu'istaven tant d'eysso per far.
MESTRE d'oSTAL
55 Sacro corono, comandar
Me poyé vous, et hault et bas ;
Vostre affar non falhirey pas,
Como de far soy entengu.
LESCUYER
Nos faren far lo contengu
60 De vostre redobta edit ;
Tôt se faré sens controdit,
Car Jupiter chai venerar.
IMPERATOR FILIUS
Fasé-lo donc per tôt criar, »
Com' aparten, apertament.
MESTRE d'oSTAL
65 Nos y anen incomtinent ;
F" 3 v"] Seignor, non vous duelho dal fach.
l'escuyer
Per toto Romo saré fach
Com' es licit, ny plus ny mens.
^;
ISTORIO DE SANCT PO^CZ 321
Briffault, corrent corao los venfz,
70 Ven parlar al mestre d'ostal.
BRIFFAULT, lu tt'Oinpet"
Prest sjouc d'anar amont aval,
Mas qu'en besoigno l'on me metto.
MESTRE d'ostal
Vay saj, Briffault, nostre trompeto;
Dal comandament impérial
75 Crjo q'ung chascun cliap d'ostal
Veigno, deman, per venerar
L'ault Jupiter et adorar
En la maniero acoustuma.
briffault
0 sy aguessoc perfuma
80 La gorjo d'ung gros vin vermelh,
Auriouc lo fia lo non parelh,
Per ma trompeto far parlar!
priant
Davant.
bruyant
Sus hault.
[F" 4 r°] RIFFLANT
Gorriers.
GRANDENT
Saular
Non me pouc de veyre aquest tren.
RIFFLANT
85 Tant gent !
bruyant
Diou gart qui lo manten î
322 ISTORIO DE SANCT PONCZ
KRIANT
Depuis que nostre facli conten.
Mas qui sen nos?
RIFFLANT
De noblo gcut.
BRUYANT
Ben nyses.
GRANDENT
Como ung indigent.
RIFFLANT
Ung préfet, seignor ho régent
90 Ha trop cFlionor de nos aver.
PRIANT
Et d'argent?
BRUYANT
Ung grant aver.
[F° 4 v"] Nostre tren n"es pas trop petit.
GRANDENT
Et puis?
PRIANT
Vioure a nostre apetit;
Das, cartos, vioure en taverno !
GRANDENT
95 Sus doncquos!
BRUYANT
Fortuno governo,
A perdre'tot n'a c'un perilh.
RIFFLANT
Ben es de vielho puto filh
Qui se dono malenconio.
ISTORIO DR SANCT PONCZ 323
PRIANT
De s'en cliarjar es grant folio;
100 La non es brut que de gorriers.
BKAYANT
Vio n'es que de taverniers;
Fy de grandos hereditas !
GRANDENT
Fy de tantes curiositas!
Nos aven totjor prou pan cuech,
RIFFLANT
105 Et qui non n'a?
[F" 6 r°] GRANDENT
Raube de nuech
Per entretenir la milho.
PRIANT
Qui sario es bras d'une filho
Et tenir'las mans es tétons,
Mètre ben près los dos mentons,
110 Aussi juar ben de la bilho :
Es vito 'de très bons barons.
RIPFLANT
Apres tôt devis, franc pions,
Butar nos chai la plumo al vent.
BRUYANT
Que sefasso, y ou soy content.
115 Anen gagnar de la denara.
GRANDENT
Anen nos donc mètre a la gara
Per escotar qualque passant.
BRIFPAULT
De par l'emperour très puissant,
324 ISTORIO DE SANCT PCNCZ
L'on Taj a tos comandament
120 Que l'on s'apreste honestament
Per Jupiter diou adorar,
Deman aussi sacrifiar,
Com' es de coustumo laudablo;
Sus très grant peno formidable
125 Chascun si fasso son aprest.
[F° 6V°] MARCUS
Mon cas si es déjà tôt prest,
Tamben de madamo ma feno.
Prendre l'on non po trop de peno
Per far es dioux sacrifici,
130 Et apparten a mon offici
D'esser de l'obro conductor.
JULIA
Marcus, mon mari et seignor,
D'y nous trobar es ben reson ;
Vous se lou cap delà mejson
135 Et de Romo ung senator.
Chai que sjaung conductor.
D'aquest atfar, n'en dobtes pas;
Puis, como sabes nostre cas,
De tant de temps qu'ensemble sen
140 Et presque vielhz nos cognoiscen,
Senso aver ung sol successor ;
Non sabouc qu'es ben ny dossor,
Tant ay marri, las! mon couraige!
MARCUS
Julia, si en mariaige
145 Non fos aultro sterilita
Qu'en nos aultres, grant vilita
Troba sario et grant dalmaige ;
Mas Jupiter plus grant aultraige
Po effassar et davantaige,
150 Car ben el n'a l'auctorita.
ISTORIO DE SANCT PONCZ :^25
JULIA
[F° 7 r"j Dobtou non l'aj' admerita,
Tantlos temples aven eircuy,
Encaros non sen jsta auvy ;
Dal mond jou syou ben irrita.
MARCUS
155 Trop avé de theraerita
Des dioux tant vous laraentar;
' Moliier, la nos chai contentai-
Autant ben de l'aversita.
JULIA
O doulx mari, qualio ancieta
ICO Porto mon corps, quant tant de tenais
Aven ista nos dos ensens,
Sens aver al monde profita!
MARCUS
Vray es, mas perso despita
Non deou esser diou Jupiter,
165 D'ejsint esser la m'es ben fer;
Mas que volé? diou sio lauva '.
JULIA
L'espasi es déjà passa
De vingt ans et tre ou de plus
Que sen ensens, et au surplus
170 Mon corps sens fruc si es cassa.
MARCUS
Or sus,- non plus sio esfassa
L'affection que vous havé.
Diou, si ly play, nos donaré
L'effect de nostro volunta.
[F° 7 V°] JULIA
175 0 Jupiter, plen de bonta!
0 Jupiter, diou sobeyran,
3?6
ISTORIO DE SANCT PONCZ
Pren, si te play, de my pieta,
Que s3'ou sobmesso soubz tamanl
MARCUS
Si nos aven ren dich en van,
180 Plasso-te de nos perdonar:
0 Jupiter, dieu sobejran.
Plasso-te heretier nous donar!
DEUS
De mon hault cel impérial,
Ont es ma real magesta,
185 Aj auvy lo dolor et mal
D'aquellos plens de malvesta;
Mes, affin que manifesta
Syo mon hault nom amploment,
Acomplirey lorvolunta.
190 Plus n'ystaren sterilaraent,
Comben'que vivon vanoment
En viiloment ydolatrant !
Si lor darey you sanomcnt
Fruc que de ben saré intrant
195 Et qu'a ben far saré mostrant :
YdoUos mettre a destruction
Per vives resons remonstrant,
Enfin vendre a salvation
Per sa très grant instruction.
200 Romo saré fort amplia
[F° 8 Fol De ben et de dévotion,
Qu'a tôt mal es tan desvia,
Et des ydolos deslya
Per me servir totalement.
205 En m'amor saré rellia,
Pauros m'ofiF(r)endre solament.
Prince eternal soy vraysoment
Que tot|muouc, sens me muar ;
Tôt es a mon comandoment,
210 Quant me play uno chauso far.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 327
LO PREMIEU SACERDOT DAL TEMPLE DE JUPITER
Bon saré dal temple parar
Et preparar
Tôt per la grant solempnita,
Qu'on non pojré comparar
215 Et reparar,
S'el temple n'a neccessita.
LO SEGONT SACERDOT
Ben que sio tôt visita,
Revesita,
L'autar et tos los ornamens
220 Ambe grant curiosita
Counvisita
Haven ; metan los paramens.
LO PREMIER SACERDOT
Ejsens haven nos tantos bens ^
Que s'es uno chauso infinito,
225 Grando vejsello et petito ;
S'es ung grant fach d'o vejre ensens.
[F° 8 V°] LO SECOND SACERDOT
Or, argent, mirro, encens,
Chandelabres et grans bassines,
Peyros preciousos, perlos finos
230 Et de riches et grans presens.
LO PREMIER SACERDOT
Non saboc, per los temps presens,
Sy grant noblesse de joyelz.
Tant riches, nobles ny si belz.
S'es uno chauso incrediblo!
LOSËGONT SACERDOT
235 La reson si es infaliblo :
En la cita temple si grand
Non es, n'aussi ont ufFrent tant
Dévotions, contemplations,
SÎ8 ISTORIO HE SAKCT PONCZ
Dons, uiiVendos. oblatioiis.
>40 Qui d'eyso faro lo report ?
Non pas niv. sy non por desporr.
Tant son ohausos dauiirations.
LO TREMIBR SACKRDOT
Laysseu aquestos locutions
Et anen nous, tos dos ensemble,
245 Far de floretos provisions
Per alecrar tôt nostre temple.
SATHAN .
0 Lucifer, de venim eutie.
Maudich dalmajoux. que tempesto!
F 9 r Afîin que nostro meyson s'uemple
25(.' L'on s'apresto de te far grant festo.
LUCIFER
* Qu'as lu, auvy, enraja teste?
SATHAN
L'on s'apresto de te far grant festo,
Afiîn que nostro meyson s'uempie,
Maudich dalmajos, que tempesto.
255 0 Lucifer de venim enfle î
LUCIFER
Como? que? dono l'eyxemple.
SATHAN
De Jupiter lo très grant temple
L'on s'apresto de draps parar;
Per far ung sacrifîxi ample,
26^1 Chascun comenso a prépara r.
LUCIFER
Vueilhes test tôt propeilar.
SATHAN
Chascum comenso a préparer
ISTORIO DE SAKCT PONCZ 3»
Fer far ung sacnnxi ampte.
L'ûQ s- de draps parar
265 De Jup.r. . ires grani lemple.
LCCIFBR
Avant, Saihan. qu'es lo de far,
Davant qae plus laeiog Von contem^'îe f
Tu sabes tôt aquest afTar.
F 9 V*^ SATH-Oi
La DOD s« chai pas exemptar
270 D'aquestos grans àolempnitas,
LUCIFER
Elsperiu plens d'Tnormitas,
Esperiu plens d'iniquitas.
Esperitz malvas infernals,
Esperitz d'infen eiemaU ;
275 Sailhé, fasé cj assistencio.
Venes cj tos a ma presencio.
Per aicans cas iieterminas.
Beizebuo, Beiiih. Mamouas.
Leviathan ei Astarot.
280 Salhé, saihé ; to3 ista trop :
Aquest afar vol diligeueio.
BELZEBCC
Qu'i ha f
LUCIFER
Chai aver conferencio
Ensemble, et nos rasonar.
l£Ai£ON.\S
Qui brr^'
^c i-i-r
ER
You, per vos sonar,
:;sô ëac-:^ maadich, sens ges de pans-'
BERITH
Djdonoqaos.
330 ISTORIO DE SANCT PONCZ
F^^ 10 r»] LUCIFER
Uno grant cliauso
AfFaraven, per gens gaignar.
VSTAROT
Dy tôt.
MCI FER
La nos chai veilhar
Por conduire gens en infer.
LEVIATAM
290 Tôt prest.
LUCIFER
Festo a Jupiter,
Sens tardar gajre, Ton faré
Ejsint, qu'on solemnisaré.
De vos al très qui y saro,
De vos al très qui pugnaré,
295 De vos altres qui temptaré,
Per umplir d'enfer las chaudières?
De vos qui lo fach condujré,
Armos a dampnation duyré.
Et a nos servir indujré?
300 Djsé qui myeys so trataré,
Tôt prest, sens far tantos manieros?
BELZEBUC
Mostros' chaudieros mont fort nieros,
Voydas de plaser et de joyo,
Ont sont totos dolors autrieros
305 Et ont degun si se rejojo,
[F" iO v°] Sathan, de tôt mal la monjojo,
S'esforsaré de remplir d'armos,
De Romo de qui a la grant Trojo.
'< Mal far » blason es de sas armos.
' Corr. Noslros?
ISTORIO DE SANCT PONCZ 331
MAMONAS
lUl) De crjs, geniissemens et larmos
De dolor, nialadiction
Urupliré las [)alus et lamos;
Trop saboc sa condicion.
Dona-lyjuridicion
315 D'avocar per nous, hault et bas,
Et plenario commission,
Car el non nos defautaré pas.
ASTAROT
El taré far plusors trapas
Per sa faulso subgestion,
320 Como ung reloge a contrapas,
El met las gens a subjection ;
Tallo es ma oppinion.
Qu'el ane per nos procurar:
Manda-lo, sens dilation ;
325 Del facb ben se sabré curar.
BERrrH
Diables, senso tant oppinar,
Perqué Sathan eyssi tant sonjo?
Jamajs el non deurio finar,
Aquel Sathan, pieu de messonjo.
330 Tant plus àquest trata s'alonjo,
[F° 11 ro] Tant plus fasen nostre dalmaige.
La m'es advis que son fren rojo,
Lo faulx malim, rampli (de) d'aultraige.
LEVIATAM
Trop l'antretenen en lengaige ;
335 Lo fach non es pas tant ardu;
Asses es el astuch et saige;
Lifer per si n'a ren pardu ;
Grant nombre ejssens a el rendu.
Layssa-lo anar far diligencio;
340 Me ressemblo tôt marfondu,
Quant tant ysto a nostro presencio.
3S2 ISTORIO DE SANCT PONCZ
LUCIFER
Sathan, vay-t'en, tu as licencio
De tôt lo covent infernal ;
Estent ton saber a far mal,
345 Las gens a meurtres incitar,
Malencon.yos excitar
En pro (le luocs,
Malos doctrines inmitar,
Las vertus en mais inmutar '.
350 Fay mètre fuocs,
Los cor(p)s indurar como rocs,
Que non poj'sso lo ver entendre.
SATHAN
Ambe los Romans me vauc rendre,
Puisque m'aves mes en l'ulîci.
355 Mon mal, mon dol jou vauc estendre.
Quant se faré aquel sacrifici ;
Asses ay cautello et vicy
Per demenar aquesto tramo.
[F° 11 v°] Partir m'en vauc doncquos d'eysi ;
360 Mon cor cremo, en cremant fiamo ;
Ma felonio fort s'enflamo,
Exagita de fachs iniqs.
M'en vauc es empereurs Philips
Per lor enseignar ben la gamo.
JULIA
365 Honor, lausor, glorio et farao
A Jupiter sio dona,
Car com'antendoc, per mon amo,
Grant gracio m'auré condona :
Grosso me sentoc! Que lauva
370 Syo Thaultan seignor de glorio
Que mon cor eyssint a 'legra.
Jupiter es en ma raemorio.
• Ce vers a été ajouté après coup.
I
ISTORIO DE SANCT VOUGZ 333
MAKCIS
Fer uno fasson dorrisoiio
Vous alegra, lo veouc beu.
375 Mal t'aso : iliou iiiig" tal ben
Nos po maudar; or entende.
lULIA
Mon dos marj, vos prethendé,
Quant, me veyé rejojr tant,
Que you me truffe eyssint parlant;
380 Non fauo, non fauc, mon bel seignor.
M ARC us
A Jupiter sjo l'honnor,
Qu'a nostres votz a consenti.
[F' 12 r"] JULiA
Vrayoment jou l'ay senti,
Non pensé pas que jou vos mento ;
385 Pensoc a de jors plus de trente,
Mas lo dire pas non ausavo :
C'on s'en irufl'esso me pensavo.
Ejro lo fach ay decePa,
Veyent que n'era eysse^rura.
MARCUS
390 Mon cor(ps) s'es de prou aleuja
Per lo ben d'aquesto novello ?
Sabé vos que. madamo belle?
Mantené-vous en alegrier;
Se diou vos gardo d'encombrier,
395 En breau auren ung successor.
JULIA
Oc, si diou play, mon bel seignor ;
Diou m'en doue portar bon port.
LA SERVENTO
Damo, prené vostre desport
Et me viviî plasentament.
22
334 ISTORIO DE SANCT PONCZ
,1ULIA
400 Vioure voloc joyosament
Et désormais prendre confort.
LO VAKLET
Damo, preiië vostre desport.
JUl.I.V
[F" 12 V"] Mon mari d'aquest bon report
N"a 'gu lo cort inoull fort [»lasent.
LA SERVENTO
405 Damo, prené vostre desport,
Et si vive plasentament.
LO VARI-ET
Ysta me pur aleirrament
Etlevssa marrison, madamo.
Car you vos jnroc, sus mon armo,
410 C'ung-home en viou plus longament,
LO SERVENTO
Ellos eron en pensament,
Quant non poj^on aver raej^na ;
Mas nos veyen seguroment
On'^ lo nia1 e^ 'Mi ben torna.
I.O PREMIER SACERDOT
415 Nostre temple ben es horna
Ben richament, a mon advis.
LO SEGOND SACERDOT
I.a ressemblo untr paradis.
LO PREMIER SACERDOT
De toto sorto de tapis
Es tapissa et lare et long.
420 Non es plus bel temple al raond.
S'es ung plaser, s'es ung devis.
ISTORIO DR SANCr PONCZ 335
[F" 13 r"| 1,0 SECOND SACRUDOT
[.a resseiublo un^' paradis ;
FiO luo(î si e« fort rlevotioiix.
SATHAN
(J Lu'jit'er, diable fiuioux.
125 Et vos aul très falso Vf 1111 iiK).
Yoii lornoc tôt desi^itoux!
Ve^yro iio iiojé ben a niamino.
LUCIFER
Apres, Satluui. lo cas tenuino ;
Non nos far pas trop long' sermon.
-i;-î() Mon cor non repauso ny tiiio.
Tant es el vros et fellon.
Veyci lo cas, niaudicli dragon :
Uno feno Fia dedins Romo
(tfosso d'enfant per te far somo ;
l.T) Dotoc aquel fruc nos faré
Prou mal, qui ny obviaré.
Yoù veouc per congecturo
Qu'aquello fausso creaturo
Nostres temples destruvrc,
1 Kl Los jdolos coramynujré
Et la fé se augmentaré.
Nostre contrari el saré ;
Sacrificis abollii'é,
Sinoulacres dernolire,
445 La fé de Crist repararé,
]F" 13 v°- Los crestians exortaré
De myejs en nijejs.
Los désolas confortaré,
A benfarlos induyré,
450 Vicis, péchas el fuvré,
■Los bons et sanctz inmitaré,
Dont nostre infert si patiré,
Et nostre fach si anaré
De piej's en pieys !
336 ISTORIO DE SANCT PONCZ
LUCIFER
455 De malvesta as tu plus que sjeys
Des aultres de nostro meyson.
Vay et trobo calco fasson
Qu'ello parturisso abortiou.
SATHAN
Si pduc, non lo taré pas viou,
460 Per evitar plus grand dangier.
BELZEBUC
Sathan, torno-t'en benlegier;
La non es temps d'eyssi plus estre.
ASTAROT
D'aflnar gens tu sios lo mestre;
A mal tratar non sios lent.
BERITH
465 Car sios torna soy fort dolent.
Lâchai veilhar sobre lo luoc.
[F° 14 r"] LEVIATAN
Meno gens a Teternal fuoc ;
Procuro contro huraanita.
MAMONAS
Gardo que la crestianita
470 Non multipliey nuUoment.
SATHAN
You m'en vauc ambe aquest vent,
Et farey tallo diligencio
Que nos auren la preminencio,
Si pouc, sus manto persono.
MARC us
475 Diligencio nos chai et euro
Per Jupiter remarciar<
*
ISTORIO DE SANCT PONCZ 337
Et de bon cor regraciar,
Per la génération futuro.
JULIA
De bon cor et d'jntencion puro
480 Nos chai los temples visitar,
P'requentar, aussi usitar
Per la novcUo genituro.
LA SERVENTO
Madamo, tené-vos seguro
Que diou gardaré vostre port
485 Et condujré tôt a bon port,
Si de lo servir se servento.
JULIA
De Jupiter servir soj contento
Puisqu'ung tal ben si m'a manda.
[F" 14 V] Varlet, aultaii ben vous servento,
490 Que mejson sio ben garda.
MARCUS
Anen circuyr per la cita
Los temples et dévotions,
Fasent nostros orations,
En los dioux remarciant
495 Et de nous bens impartiant,
Vist que nos an fach talio gracio.
Sus nos avian tallo desgracio,
Opprobri d'esterilita ;
Mas tost novo nativita
500 Auren, si play a diou poussant.
JULIA
Anen per tos los luocs passant
Ont nos saben que son los temples.
SATHAN
Maulditz dampnas, de venim enfles,
Cobles del diable Lucifer,
p,3S ISTORIO DE yANCÏ PONCZ
r>05 Al graut temple de Jupiter
Juar vauc cruno hafjiliia :
Car ma inornio vilita
Nullomenr supportar poyrio
Aquo que en infert noyrio;
510 Al corps d'aquel grant sacertlot,
Que lo poble extimo tant dot,
M'en vauc intrar. et si farey
Tant que la mayre torbarey,
Et farey tant \mv mon criar
515 Que lo fruc li farey tuar:
Eyssint non nos faré dalmagc.
I^F" 15 r» MARcus
Intren per adorar l'esmaige
De diou Jupiter sanctoment.
.lUMA
Intra premier, como plus saigc,
5w0 Et you vous segrey vrayoment.
MARCUS
A vostre plascr solament,
A vos d'eyso l'on s'en reporto.
LO PREMIER SACKKUOT
Lo fruc qu'aquesto feno puiiu
En son ventre sidesti-uyré
525 Aquest grant temple, desfaré
Tos los dioux de tons- en fons!
MARCUS
Aquestos ufrendos et dons
Prené de nos en carita.
LO PREMIER SACERDOT
So que disoc es verita;
530 Aquesto si porto ung enfant.
Que gastaré aquest temple grant,
Ettsimulacres et los dioux.
18T0KI0 DE SANGT PONCZ 330
JULIA
Lasso! quais plasers son los mvuiix !
bal tôt mon cor se desconfoito.
LO PREMIER SACERDOT
5:i5 L'enfant qu'aquesto feno poi'tu
Aquest temple si destnivré.
[F" 15 V" LO SBGOND SACEKUUr
0 .Jupiter, qui so faré?
Lajssa lor far lors dévotions.
JULIA
Acjuestos ulirendos et dons
5 10 Prené de nos en carita.
LO PREMIER SACERDOT
So que disoc es vcrita ;
Aquesto si porto ung- enfant
Que gastaré aquest temple graut,
Et simulacres et los dioux.
MAltCUS
545 Hellas"! quais plasers sonlosmvouxl
De tôt mon cor se desconforto.
Anen nous en, sailhen la porto;
Lo cor av lot espavanta.
JULLV.
Hee ! pauro my desconforta !
550 D'entendament so}' transporta ;
Mays non s'auvec ung parlar tal.
Ben presque soy désespéra!
Ung enfant ay tant espéra ;
Eyro en deou salhir tal mal !
555 Sobre tôt, lo ponch principal
Es que me valré myeys mûrir,
Embe monfruc, que advenir
En aquest monde ung tal meyssap.
MO ISTORIO DE SANCT PONCZ
MARCUS
Hee ! bono danio, et que se sap
5(30 S'aquest parlar auré efiîcacio?
[F' 16 r"] .1UMA
Eysso, mari, non os falacio,
Quant d'ung tal luoc l'aven saupu;
Non Taguesso you consaupu,
Per en esdevenir tal dan!
LO CHAPELI.AN
565 Sanct payre, un g cas moult sobdan
A vist et auvj ton servitor :
Intrant Marc, lo grant senator.
Et damo Julia, sa malher (.s?"c),
Lo grant temple de Jupiter,
570 Per los faulx ydollos prear.
Un"? svaacomensaa criar
A vox exaspéra et forto:
«L'enfant qu'aquesto feno porto
» Aquest grant temple destruyré
575 » Et los dioux coraminujTc.. . »
Dos ou très fes, ambe grant cry,
Aquest parlar a repeti ;
Dont Julia et lo senator
S'en son salhis en grant tremor,
580 Tos esba^'s, sens contencnso.
lia damo se fasio ofFenso,
Son corps bâtent et macérant.
Gémissent et fort plorant,
Disent: « Perquo l'ay consebu,
585 » Gênera n' anssi recebu?»
Et en aquest point lamentavo;
Marc, son mari, la consolavo,
Fin «ju'a l'ostal son pervengus.
[F" 16 V°] PAPA
Dyou eternal ! o doulx Jhesus,
590 Qui per nos as volgu mûrir,
ISTORIO DE SANCT PONCZ 341
Plasso-te la fé mantenir
Et que ton nom veigno au dessus.
0 ydolatres dessaupus,
Ejso vos ha Dieu remoustra.
595 AflSn que n'y vivessa plus
En tallo et grande falseta.
Aquel parlai' lor a moustra
Qu'en ydolos n'a ges de glorio,
Dobtant ung que n'es encar na :
600 S'es ung fach digne de meniorio.
Per la folyo tant notorio
Das ydolatres detegir,
Qu'es als humans tant deceptorio,
Diou a fach ung tal faoli salhir.
LO CHAPELLAN
605 Diou si nos vueilho protegir
Et sostenir dessus la terro.
LO SECOND CHAPELLAN
Etnostros voluntas régir
Que dal mond venssan la guerro ;
Lo poble aussi que si forterro
610 Vueilho Diou a ben revocar.
PAPA
Tal pensament locorme serro ;
Per tal error chai advocar.
SATHAN
Pas non me chai equivoquar,
[F" 17 r°] Rusar me chai sus mon prepaux ;
615 De l'obro non se chai mocar;
Temptar me chai, senso repaux,
Per aquistar glorio et laux
Devers mos compaignons dampnas.
Que son al puant goulfre et laux,
620 Astarot, Berit, Mamonas.
M-l ISTORIO DE SANCT FONCZ
.IULIA
Hic in doino Julia lanientetur , percutiens corpus siiuni
graviter.
0 corps dolent, de vioure las,
Armo tristo et désola,
Pauc t'a dura ton fol solas.
De plours mais non sares saula.
625 D'aquest fnic m'eroc consola
Et alegra, sens point de faulto ;
Mas aquest novel m'a asoula:
Foses mon fruc torna en de pauto!
MARCUS
La volunta dez dioiix liaulto
030 Sio facho et acomplio.
Non vos torbé, l'on vous suplio;
Vos preouc que viva en plaser.
LA SERVENTO
De que prené vos desplascr,
Damo? De que hâves vous faulto^
635 Vos se sajo, astuto et cauto.
Laissa me passar cinq per quatre.
LO VARLET
Volé vous ambe diou combatre?
TF" 17 v"] L'es reson de conformar
Ambe el qui nos po tos abatre,
640 Formar, desformar, resformar.
JULIA
Quai fruc dolojros et amar
Portoc you, lasso, mejssino !
Los dioux que deven amar
Le me derreyson de l'ejssino !
645 Plus falso sariou que chino
Si gardavoc tal fruc malvas.
La me chai tant batre lo las
Qu'eylens muero, davant que you fino.
ISTORIO DE SANCT POISCZ 343
MARCUS
riop me tené malvaso niino.
650 Que deou es?;er tout aquest fach ^
You soy assez marri et desfach .
Soiiso aver aultro fantasio.
JULIA
You soy en tallo frenesio
Qu'amoc mais la mort que la vito ;
()55 M'arino es tant dolento et tristo
Que me quesar es impossible.
PAPA
Diou, a qui tôt es possible,
Qu'as fach lo mond de ton soi dit,
My paure pecliour ton subdii
<j(30 Te servent en ces mond terrible.
Gardo de i'annemj nujsible,
Car tiou you soy sens contredit.
F" 18 r°j Veullios aboUir lo faulx rit
Das ydolatres incensas.
065 Moult d'ellos nos sen offensas,
Dont ay lo cor amar et trist.
Jhesus, Jhesus, doulx Jesu Ciist.
Si de tu non sen deifensas,
Eiicontro nos son amassas
670 Per rendre nostre corps atrit.
De cor te suppliouc contrit
Qu'abollisses tallos folours.
Perqué sufFres tantos dolors ?
Tal secto veulhes desconfire.
LO PREMIER CAPELLAN
675 Uno reson vos volouc dire :
La gleyso poyré ben patir;
Perrilhar, non ; car, sens mentir,
Diou es lo cap qu'es lo grant sire.
LO SECOND CUAPPELLAN
Payre sanct, n'aya paour qu'empire ;
344 ISTORIO DE SANCT PONCZ
680 Sobre la peyro es funda,
Eu Jhesu Crist ben solida ;
Portai' son nom nos deu suffire.
PATA
Ung chascung de nous si se mire
Al grant torment et doloyros
685 Qu'el a suffert, dessus la crox,
Per adiou payre nos redujrc.
[F* 18 V] LO PREMIER CHAPELLAN
Sathan non nos poyré seduyre
Si de bon cor nos contemplen
Sa passion, et nos emplen
690 De son amor nostre estomac.
LO SEGOND CHAPELLAN
Aquel es fol, ben sot et mat
Qui non se met de son costa.
Las! lo mond l'y a tant costa,
E d'eytal ben non fay estimo.
Nota quod inter istas locutiones. Julia eril in loco alscondito,
ut pariât filium, et liée fiant cuni silencio, hrevïtatis causa.
PAPA
695 L'enemic qui jamays non fino
Bueto lo mond en tal meysap,
Car el vé, entend et sap,
Despuis des angelz la ruyno.
Que la volunta divino,
700 Per sa clemencio a prépara
Et vol que sio repara,.
Lo luoc voyand lay sus al cel
Tant resplendissent et si bel;
Que nos ayan a possej'r
705 Tal ben, tal fruc, et fruyr
De la cternalo clarita.
Diou vol eyssint qu'es verita,
Perfecto vio, eterno vito.
ISTORIO HE SANCT PONCZ 34rî
LO PREMIER CIIAPELLAN
La resoM n'es pas trop pctito ;
710 Gracie nos don Diou d'y venir.
[Fo 19 r°J LO SEGOND CHAPELLAN
Diou nos y fasso pervenir
Per le lauvar ambe los angiols,
Ambe los sanctz, glorioux archangiols,
Censo jamais cessar, amen .
LA BAYLO
715 Diou syo lauva. Lo fruc aven,
Seignor Maro, benestruc vos sio.
Alegravous, cossint que syo,
Per lo novel et bel enfant.
Mays non lo vie plus triomphant :
720 El ressemblo aver x mes.
MARCUS
So es miracle, grand fach es
Qu'el non es en ren macula,
Vist lo torment de Julia,
Sa amaror, tristor et dolour,
725 Lo gemissament et grant plour
Qu'el'a tengu en tant dementre
Qu'ero grosso, bâtent son ventre ;
EUo lo pensavo far mort.
Eyssint que sio a drech ho a tort,
730 Lo chai gardar et far nuyrir ;
Mays huy non nue chai de mûrir,
Puisqu'ay agu ung successor.
Lauva Jupiter hault seignor
Que m'a tant de ben condona !
735 Julia, ma feno ben ama, t
Alegra-vos, la es reson.
[F° 19 V] Puisque heretier a la meyson
Aven agu, tant ben forma.
' Julia, regardant son enfant, dy :
346 ISTORIO DR SANCT PONCZ
•TULIA
De totos formes desforraa
740 Foses son corps, et retorna
Kn iinp: ben petit gran de sal.
Perquc l'ajvou jamais forma?
Car, corao sov ben informa,
Per el deou saillir ung grant mal :
745 Uug tal temple anar a mal
Et destruyre tais edifficis,
Ont se fan tâls sacrifficis :
La es ung ponch trop principal.
T. A 'baylo
Dise, doiio. lo ponch es tul
750 Per vos far eycj breau sermon.
Aver vos chai voler total
De lo nujrir, et perqué non ?
MARCUS
Lo \y chai empausar son nom.
Que volé qu'el syo noma?
.TULIA
755 Fais, malvas, infortuna.
[F° 20 V] MARCUS
Puisque los dioux Tan dona,
Per dom gratuyt lo chai aver.
JUMA
Mauldich sjo ung tal haver.
Ne qui l.v d^ré nujrituro!
J,A BAYLO
760 Tant bello, tant gento creaturo
D'[ajjsintos dire avé grant tort.
JULIA
Ho ! qu'en mon ventre foses mort !
Per el ay dolor si fort,
ISTORIO DE SANCT POiNCZ 347
Per el syoj en tal desconfîbrt,
765 Per el ay si greou remorL
Que nonpouc plus!
Perqué non l'ay y ou l|icli aborti'
Parqué porta you Taj a port?
0 Jupiter, tu as grant tort
770 Que non venges mon dur eftbrt,
Ystant layssus!
MARCUS
Vraysoment you ay conclus
Que Tenfant syo nomina.
JULIA
Au diable sio contina !
775 Marc, mon mari, non m'en parh'.
[F° 20 V] MARCUS
Lo chai que vos vos consolé ;
Trop y mette TatTection.
.lur.iA
0 mauldich part d'infection,
Per qui los.dioux saren destruch!
LA BAYI-O
780 Qui vos haaquest parlar instruch?
Perdona me, vos dise mal ;
So es ung dom especial,
Manda dal très hault luoc celest.
LA SERVENTO
Hellas ! perqué vos es molest?
785 Tant de temps Tavé désira!
Ben saria vos fort desheura
S'aquest fruc vos foses infest.
LO VARLET
Lo non y a gloso ni text
Que vos poguesso excusar
348 ISTORIO DE SANCT PONCZ
790 De lo gardai- et governar,
Et foses ben concept d'incext.
MARC us
Apres paraulos, mon arrest
Es de nomniar aquest enfant.
Per causo que vos aniouc tant,
795 Vostre voler av attendu.
Si ambe vous aycontendu
Dal uoni (jui deou esser impausa,
[F" 21 r"] Si ay you em my prepausa
Que nom preigno de mon linaigc.
800 Poncz nos nomen, a breau lenguaige,
Et nomma Poncz el saré ;
De vertus el nos passaré,
Et taré a tos dos honnor.
JULIA
I A vos en syo donc Thonor ;
805 Puisque vos plaj, ejssint la syo ;
Poncz auré nom. Cossint que syo,
Jamays non me faré plaser.
MARCUS
Prené plaser ou desplaser,
Poncz mon enfant si auré nom ;
810 Et nom prendre de mon surnom,
Sens y butar degun obstacle.
LA SERVENTO
Lo es ung tresque grant miracle,
Quant jamays tant bel si Ta fach.
LO VARLET
Lo teniouc mort et desfach
815 Del torment qu'elle s'es dona.
MARCUS
Per ren non syo abandona ;
Mas nuyré lo a très grant euro.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 349
l,A BAYLO
Seignoi-, ne preigna d'eysso euro,
Car el saré très ben nuvri.
IF" 21 V"| .IULIA
820 Sj pouc, en breou saré |)U,yri
Per faulfo d'y tenir a ment.
Xiit'i (juoil, si possit rejieriri infans bene coinpositua et for nui lu. -i^
hic ponattir pro nativitate beatiKsimi Poncii.
LA BAYLO
El resseixiblo fort tempuri;
Diou Iv done acompliment!
MAKCUS
Avisa d'ung deffalhiment,
825 Car ung enfant si n"a de pane.
JULIA
De mal n'auré ol pas deffault ;
Voii \y farej tant de mal travre,
\'eilhant, durment, d'ung ta! assault
L"assalhirej, non viouré guavre.
MARCUS
y.\{) A ! Jnlia, vous se sa majre,
Vostre parlar es trop cruel !
El es tant fi-iumphant et bel;
i^'l es toto nostro esperanso ;
Encar me creouc, sens dobtanso,
885 Que saige saré habundament :
Sjo donc vostre cor content
De lo nuyrir. como es reson.
JULIA
Jamais n'auré pax a meyson,
Qu'aquest faulx enfant mort non sjo.
MARCUS
840 Non io toché, cossint que sjo,
23
350 ISTORIO DE SANCT PONCZ
[F" 22 r"] Nj per lo batre, ny ferir;
Per ren non lo fassa mûrir.
Vos direy: Jupiter, très hault diou.
Se venge de l'ennemie siou,
815 S'el vol ; mas la chai avertir
Qu'ai temple non syo porta.
.lULI.V
A mon ventre fos avorta,
Davant qu'en tal mal advenir !
MARCUS
Et non poyren nos convenir
850 Ensemble et arrestar en pax?
Vevci uno' fort terrible cas.
Apaysa-vos a la bono houro.
JULIA
Si mort foses, alegro foro ;
Non pas per mal de mon enfant,
855 Mes perlo cas qu'es tant nephant.
Eysso ben entendre devé.
Totosfes, corao dich avé,
Si Jupiter y cognoys dol,
Se venge de l'enfant, si vol,
860 Car d'aquo el ha la puissanso.
Vray, como vos dise a l'avanso,
Gardar nos chai de lo portar
Al temple quant ont vay adorar ;
Dal demorant veigno que veigno.
MARCUS ,
865 Qu'a la meyson l'on Tantreteigno,
Affîn que mal non y deveigno.
[F° 22 v°] JULiA
Per gardar ung fach tant terrible,
On y faré tôt lo possible.
LA BAYLO
Non vos chalho de mon cartier;
ISTORIO DE SANCr PONCZ 351
870 Si pouc, n'anr/' ilo ren mestiei'.
LO VARLET
Per lo servir en qualque aprest,
A|)arelha you sjouc et prest,
LA SERVENTO
Comanda-me, si volé ren;
Ma volunta vos sabé ben.
• LO PREMIER ROMAN
875 Salut.
LO SEUOND ROMAN
A VOS iovo tamben.
Que reconta vos de novel?
LO PREMIER ROMAN
Marc a agu ung enfant tant bel,
Ay entendu, non a gayre.
LO TERS ROMAN
Salut a vos, mon bel compajre.
880 Tamben a vostro compaignio ;
Que dise, si Diou vos begnio ?
Reconta-nos qualque secret.
LO SECOND ROMAN
Mon bel amjc. saige et discret,
[F" 23 r°j Si diou nos gardo de péril h,
885 Contavan que Marc a'gu ung filh
Tant gent, tant bel, si ben forma,
Si mays s'est vist de mayre na :
Vêla qu'ero nostre devis.
LO PREMIER ROMAN
S'ero de vostre bon advis
890 Que nosFanessan visitar,
Como devon far bons amys,
Sariouc content d'y anar.
355 ISTORTO DE SANCT PONCZ
LO TERS ROMAN
Mjeys non nos poyan recontrar ;
You soy tôt prest et apareilha.
895 Qualque dom a la palholla
Poi'tar sario très ben fach.
I-O PREMIER ROMAN
EU a ja. pron qu'ella Ta fach,
Si leva a pron de temps.
LO SECOND ROMAN
Anen y deman tos ensens
900 Kt tos dos benestrugeren.
LO TERS ROMAN
Arabe el ung pauc devisaren,
Car home el es de grand sagesso.
Deman donquos prendren Tadresso,
Et tôt très nos acoblaren,
LO PREMIER ROMAN
905 Sen faulto, plaser ly faren,
[F* 23 V"' Car el nos ve ben volentier.
LO SECOND ROMAN
S'es ung home franc et entier,
Et plen de toto prodlioraio.
LO TERS ROMAN
El amo autan ben baronio
910 Et pren plaser de devisar.
Nota quod hic opportet mutare infantulum in x>uerum
adolescentem, ut doctoribus tradatur imbuendus.
KRIANT
De qualque part chai advisar,
Bruyant, Rifflant et tu, Grantdent,
Que nos poyssan aver d'argent.
Que deven nos eyssi musar ?
ISTORIO DE SANCT PONCZ 353
BRUYANT
915 Que deven nos ejssi rusar ?
RIFFLANT
Lo fuoc si pojsso ben brasar
Cel (ju'es de nos plus diligent.
GRANDENT
Vêla ben dich, compaignon gent;
Mas qui de nos plus diligente?
BRUYANT
92(1 El a sa raaniero tant gento
Qu'el ressemble ung estront flori.
[F° 24 r" KRIANT
Vay au diable, villan porri,
Tant sios de parlar deshonest.
BRUYANT
Anen, non fassan plus d'arrest,
925 En qualque luoc juar lo vin.
RIFFLANT
Anen veyre l'oste Martin,
Car el ten de bon muscatel.
G MANDENT
Anen far tubar lo chapel,
En attendent que veigno nuedi.
PRIANT
030 Qualquo ren trobaren de cuech ;
El ten volentier ben provy.
GRANDENT
Per la mort, tu sares auvy.
Que deven nos eyssit sonjar?
BRUYANT
Holla 1 bon poyren nos lojar
354 ISTORIO DE SANCT PONCZ
935 Per mays anuech, dise, nosti-e hoste ?
l'oste
Intra sol, senso tant brojar.
PRIANT
Holla ! hon poyi'en nos lojar?
I/OSTE
N'arrestaré pas a cojar,
[F° 24 V] Mos compaignons, quant que me co^te.
RIFFLANT
940 HoUa ! on poyren nos lojar
Per mais anuech, dise, nostre hoste '^
l'oste
Et perqué ? non lo es tôt vostre,
0 Vueiiha ou non. et corps etbens?
GRANDENT
Ajan de vin, l'oste d'eyssens.
945 Sabes que ? porto dal meilhor.
l'oste
Et vos n'auré, et de la floi-:
Vcla de pan, vêla de cliar ;
Vêla bon vin, mas el es char :
Mas a vos non chai de la costo.
PRIANT
950 Diou gart de mal et l'oste et l'osto
Que fay tallo provision.
l'oste
Mos compaignons, l'es vin de co^o.
RIPFLANT
Diou gart de mal et l'oste et l'osto .
ISTORIO DE SANCT PONCZ 355
l'oste
El es melhor que non fav mostro :
955 Si es eyro ben de seson.
BRUYANT
Diou srart de mal et l'oste et l'osto
Que fay tallo provision.
[F° 26 r"] Eyssi fan bono chiero los tirans.
MARCUS
-Mays huj jou ay intencion
Que mon filh Pons ane a l'escolo ;
960 Joynesso si es tant frivolo,
Qui la laysso anar sens chasti.
Partant la chai trobar parti,
Tant mentier qu'es en juventu,
Qu'el se metto a la vertu
9(35 D'aprendre lettros et escripiuro.
S'uno fes el en fay naturo,
Toto sa vito ly tendre.
JULIA
Pensoc que ben el aprendiû,
Car el si m'a trop bel aspect,
MARCUS
970 Poncz.
PONCZ
Mon payre.
MARCUS
A mon conspect
Présenta vos appertament.
PONCZ
Far voloc vostre comandament.
Senso a ung sol mot contendre.
MARCUS
Voloc que vos ané aprendre
356 ISTORIO DE SANCT PONCZ
[F" 26 v"J Las lettres sufficientameiit.
PONC/
Vav voloc vostre maiularaent,
Senso a ung sol mot coiitendrc.
MARCUS
Varlet.
LO VAHLET
Mon mestre.
MARCUS
Vay te rendre
Vers Valeri et si ly dy
98() Qu'el me veigno parlar eycy,
Si ly pleyré, incontinent.
LO VARLET
D'y anar soy très ben content ;
En breau aurey fach lo messaige.
Vadit ad Valermm, adolescentem.
MARCUS
Poncz, mon filz, mas que syos saigo
985 Et qu'aprenes ben doulsament ,
Si tu scios sobrevivent.
Tôt aures tu^per heretaige :
Tyou saré lo premier dalmaige,
Monfilz, si tu t'as autrement.
PONCZ
UOO Payre, pensoc far talloment
Et legir si frequentament,
Qu'en breau de my vos veyré raige
[F" 27 V°] MARCUS
Ponc/, la saré ton avantaige
Et ton honor segurament.
ISTORIO DK SANCT PONCZ 357
LO VARLKT
995 Se VOUS Valier Tadolesoent?
Si vous se el, dise le me.
VALERIUS AKOr-ESCENS
Valeri soy, per nostro lé.
Mas que vos play de ma persono?
LO ^■ARLET
Marc, lo senator, si vos sono :
1000 Pleyré vos d'y venir parlar?
VALERIUS ADOLESCENS
Cossint? el me po comandar,
Et vos dise si me play!
Embe vos y vauc sens delay
Per ver que me volré parlar.
LO VARLET
1005 Anen, [luisque vos play d'y anar,
Car dobtoc d'aver trop tarsa.
Vadunt simul.
VALERIUS ADOLESCENS
Madamo s'es-ello apaysa
De sa grando malencolio ?
LO VARLET
Tôt a "gu fin, tôt s'eysublio.
[F° 27 v"^ Ben a porta dolor mot grant.
VALERIUS ADOLESCENS
Et Poncz, que fay?
LO VARLET
El es ja grant,
Lo volon mandar à Tescolo.
VALERI ADOLESCENS
Ben fos ista Julia folio,
358 ISTORIO DE SANCT PONCZ
Si d'ello en fos vengu meysap.
LO VARLET
1015 Bon Valeri, Ton non sap
Lo mal qu'ello a volgu suffrir
Per al ventre lo far mûrir ;
Et depuis qu'el es agu na,
Tant de cops ello ly a dona
lOi-'O Qu'es uno chauso de non crcjre
Totas fes la lo fay bon veyre
Et se porto notabloment.
MARCUS
Vos vené ?
VALERIUS ADOLESCENS
Oc, segurament
Vers vos, como soventengu,
Xota quod opportet quod iste Valerius sit in etate adolescenlis ,
si possïbile sit.
[F" 28 r"J MARCUS
1025 Vos sia lo tresque benvengu.
Youc vos voloc recomandar
Poncz, mon filz, que voloc mandar
Per aprendre a la grant escollo.
Como sabé, juvento vollo ;
1030 Si vous play, l'acompaignaré,
De folear lo gardaré
Et de my saré satisfach.
VALERIUS ADOLESCENS
Mosseignor, so es pauc de fach ;
Toi possible farey per vos.
1035 Or vené say, mon amy doulx ;
N"y vendre vous ben ambe my?
PONCZ
0 ben, Valeri, mon amy,
\
ISTOHIO DE SANCT PONCZ 359
D'aprendre es ben lo voler myou.
MARCUS
Mena-lo ambe vous, vous preouc,
1040 Et si lo tené ben a ment.
VALERIUS ADOLESCENS
Non vos chaillio seguroment.
Creouc tam ben proffitaré
Que grant honorel vous farc.
Autant ben a tôt lo lignaige.
Hic vaditnt shinil ad scollas.
PONCZ
1045 Valeri, you ay tant bon couraige
iF" 28 v°] Que vos non ho creyria jamajs.
VALERIUS ADOLESCENS
Poncz, la non ha si grant lo fays
Que non ressemble esser legier
Quant ont lo porto volentier ;
1050 Pertantqui volentier apren
Faciloment trestot compren :
Eysso si es trop verteyer.
Hic radunt' siviul ad scollas et. si sit possibile, iiitersinl l'Iumi.
inulti alil pueri, cum Vihrh, pro décore ystorie
IMPER ATOK PATER
Mestre d'ostal, mon escuyer,
Et vos aultres de la meyson,
1055 Auvé un pauc nostro reson :
Ma volunta ero incita
De mettre edit perla cita
Et per tôt lo circuyt de Romo.
Que non fosso ausa persono
1060 De Cristcolre publicoment,
Sus la peno de banniment.
S'ellos volon tenir lo rit
D'aquel qu'apellon Jhesu Crist,
360 ISTORIO DE SANCT PONCZ
Et lor fais et lor damna cuit,
10(55 Almens que lo teignon occult,
Affin que lo poble, qu'es simple,
Non y preigno malvas exsimple.
Qu'en disé-vos, Philip, mon filh?
[F" 30 r°] IMPER ATOR FILIUS
Aqui ont jay mays de perilh,
1070 Lay plus cautoment es de far.
Seignor mon payre, aquest affar
Layssoc a vostro volunta ;
So que vos avé cy conta
Non poyrio esser mieys dicli.
LO MESTRE d'OSTAL
1075 Sacras coronos, lo edich
De vostres haulch predecessors
Inhibissent tallos errors,
Et de lor possibilita
Contro crestians an milita.
1080 Sy l'on regardo las cronicos,
Si ben fachos et tant antiques,
L'on trobaré que tais excès
Xrestianiques, per exprès
Son prohibis, de mon conseilh.,
1085 Si tant quant n'a sobz lo solelli.
Mas que la fosso ben coiuiucli,
Fosso tôt tua ou reduch,
Grant ben sario per Teraperi.
l'bscuyer
Haultz imperours, tal vituperi
1090 Non vueilha pas sostenir;
Si vous volé ben mantenir.
Sens aver degun improperi.
Chascun sap ben queja lé dy
Que qui a l'emperi contrady
1095 Admerito perdre la vito.
[F" 30 V**] Pertant n'y auré pas trop grant mal
ISTORIO DR SANCT PONCZ 361
Si, per edit especial,
A ben vioure on los incito.
IMPERATOR PATER
Sus! que ma conscienso s'aquitto;
1100 Que xrestians non vean plus !
You ay en mon volor conclus
Que per Romo fassa criar
Xrestians qu'on deou descriar,
Et que n'auson publicoment
1105 Far lor uffici nullement,
Car suroment m'es trop molest.
LO MESTRE DOSTAI-
Depuis que tal es vostre arrest,
La saré fach, non tardaré.
IMPERATOR FILIUS
Et tôt lo [dus prest que Ton pojré,
1110 Car la chauso estrop exoso.
l'escuyrr
Oc, vravoment et dan^evroso,
Vos promettoc, per l'avenir ;
Pertant y deou ben advertir
Vostro dignita gloriouso.
LO MESTRE d'oSTAL
1115 Aquesto chauso tantroignoso
La me chai eyro reveilhar.
Sa, trompeto, vay-t'en criar
[F" 32 r"] Appertoment, per toto Romo,
Entend que chascuno persono
1120 Que del fais Crist es nomma
De par l'imperi es comma '
Non se trobar paleysament,
Sus la peno de banniment,
* C'est-à-dire nomma =» sominée.
36-2 ISTORIO DE SANCT PONCZ
Et sacrifioi Tou non fasso,
1125 Si non qu'els dioux, en toto plasso,
Sus la peno qu'es dessus dicho.
i/escuyer
Or te despaclio, FreLomicho :
Vayfarprest so que l'on t'a didi.
RRIKFAULT
Criar ou vauc sens contradich,
11:{0 An jirant lionor et reverentio.
I-O MBSTRE d'oSTAI.
Venint.
Pailhars, mot plens d'irreverencio,
Fi'iant, Bruyant, Rifflant, CTrantdenr,
Vos advertissoc sopendeni. :
Facho que saré nostro cryo,
1135 Quant vos anaré per la vyo
Et que xrestians vos recontré,
Coraandoc que los acotré
Conao sabé en bono sorto,
Et puis en nostro prevson forto,
1140 Tôt chault, tôt chault, los rediiyé.
PRIANT
Fach saré, puisque ou voilé.
[po 32 v°j Anen, barons, far qualque mal.
BRUYANT
Ben n'auren nos, si m'en crejé,
Que faren corre mon cheval.
RIFFLANT
1145 Circuyr chai, amont et aval,
Senso menar grant brut ny ralho.
GRANDENT
En breou n'auren ; auren hostal,
ISIORIO DE SANCT PONCZ 363
Rifflant, mon amy. non te chalho.
Hic vadunt circttentfis Romam quatuor )>rrseqntorex.
RRIFFAULT
Si criarey, vailho (jue valho :
1150 L'on fay a tos comandament
Exprès, et fort inhibiment,
De par lors imperours sacras,
A tos xrestians cèleras,
Tenench secto pleno de vici,
1155 Qu'en public n'auson far uffici
Ny conversar publicoment
En gleysos, villo ou aultroment,
Sus la peno d'esser bannys,
Per tôt temps, de tôt lo pays :
1160 Or se garde qui s'araaré.
Tercius sacerdos pape, audiet ista verba s^eu prec.ppta,
et dieet intra se.
LO TERS CHAPELLAN
Hellas! hellas! et que faré
[F" 33 r"] Sur so, hellas! nostre sanct payre?
Que faré el, ny que dire ?
De grant dolor non viouré gayre,
1165 Trobar lo vauc a son repayre;
Mas non say como eyso ly dyo. —
Sancto et sacra seignorio,
L'on a ci'ia eyro, bâtent,
Que on n'ause publicament
1170 Far ny dire lo divin uffici.
Volria vos plus grant malefici
Venir sus la meyson de Diou ?
PAPA
Non vos en chalho, amie mj'ou ;
Diou vol sos bons amycs provar.
1175 S'en public, en gleyso, trovar
Non ausen per dire l'offici,
a64 ISTORIO I)K SANCT PONCZ
Diou sap non tasen pas per vici.
Tallo es la mjo intencion :
Perce verar en oration.
11<S0 Publicament, occultanient,
De 1res lion cor, intenta ment.
Et tenir tallo reglo et nornio
Qu'aquello lalso vito i nornio
Sj'O dal tôt extermina.
r,0 MESTRE d'eSCOFJ,0
Veniat.
11.S5 Chai que Poncz .sjo examina,
Puisqu'el a ben sa gramatico
El que logico a eu pratico,
Et qu'el entend qualquo partio
Autant ben de philosophio.
[F' 33 v^ /)ic quid est pkilosopina?
s. PONCZ
PliiloHophia est divinarum
Et eliarii. rerum humanorinn
Ver a cognitio.
LO MESTRE d'eSCOLLO
Ben as dich.
Ejsint Socrates Ta escrich
1195 Et l'a nomma sapiencio.
Respond aquesto differencio :
l^hilosophiu qunluplex-'
s. PONS
Domine my, est duplex,
MoraliK et naturah's.
MAGISTER
12f)0 Moralis quid docef/
s. PONS
Animi mores.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 365
MAGISTER
(Jui sunl aniini mores!
s. PONS
Justiciu, (l'iii/jf/auciii,
Forlitudo et prudenria '.'
MAGISTRI'.
12(15 l'ilinu, quid esl lushnn'.'
s. FONS
Est nature conventio tacita,
In adjutoriuin mulfuiiiin inventa,
[F" 34 r"] Ne eut nocealur
El cumiini vtililali -ierviatur.
MAGISTER
1210 Tu as ben ta leysson nota.
Que sunt hujus preccpta ?
, s. PONS
Sunl liCDtcate ciuere,
Alterum non ledcre.
MAULSTER
El JiK uniCHique trihuere» . . .
1215 Ternperancm ?
s. PONS
Est ani'mi motus cohiôere
Et rationi ohedienter efficere.
MAGISTER
m
I' (irlitiido l'st !
>. Po,\.S
.Von Iriitari in aduersis,
1220 Sec extolli in proapei is.
MAGISTER
Prudencia ? . . .Rerwn honarum . . ,
366 ISTORIO DE SANCT PONCZ
S. PONS
Discretio et înalarum^
Cum electione boni
Et fnga mali.
MAGISTER
1225 Hec dicit Seneca ne?
s. PONS
Etiam, wy domine.
[Fo 34 VO] MAGISTER
Naturalia ?
s. PONS
Dividitu?' in phisicam,
Logicam et metha/isicam.
MAGISTER
1230 Bene dm's ; hec sufficiant. ,
Estudio, ven a l'avant.
Car la non es plus grant richesso
Que d'aver an si grant sagesse.
Qui a vertu se dono,
1245 Vicis abandono
Et saige deven;
Sajo es la persono
Ont vertu resono,
Al)ondo tôt ben.
1240 Saches, et de my so reten:
Que Jay ont es la sapiencio,
Non po habitar indigencio.
Car tôt ben ambe ello si ven,
Xot'i quod hic possvnt Pontius et Vaîerius recedere a scola
et ire domum.
FRIANT
1245 Et dont ven Brifault? dont ven?
Non dires-tu qualco messonjo?
ISTORIO DE SANCT PONCZ 367
BRUYANT
Laisse lo anar, Friant; el souj
Per recontar qualco sorneto.
RIFFLANT
Quen home per porta:- o.orneto!
[F" 35 r° Mas (jirello tbsso très beii torto.
BRIFFAULT
Mas lo grand diable que t'enporto,
Tu et toto ta compaigniol
GRANDENT
El dy qu'es d'Esclavonio,
L'entende vos a son parlar?
FRIANT
1255 Anen.
BRUYANT
Mas ont?
RIFFLANT
Tos cinq colar
Uno pinto, et dal melhor.
GRANDENT
De cinq Tung sio lo seignor
Et pavaré de toch Tescot.
FRIANT
Brifault plus saige que Tescot
1260 La vinejo si payaré.
BRIFFAULT
Mauldich s.yo qui falhiré.
Pajar vauc per chescun ung pot.
Hic vadunt simul potum, siveUint.
s. PONS
Valeri, anen, nos isten trop
368 ISTORIO DE SANCT PONCZ
Par devers nostre preceptor.
Hic vadunt ad scolas simul.
VALERI
1265 Anen auvir lo nostre au et or.
Grant faulto es perrlition de temps.
rp" 35 v°] p.-vPA
Enfans en Crist, sia contens
De reveilhar vostre es[)erit
En lauvant dieu Jbesu Crist,
1270 Ejssint qu'aven acostuma,
D'ung voler ardent aluma,
D'amor et jojo spiritualo,
En aqiiesto honesto sallo,
Puisque n'ausen dire en public.
LO PREMIER CHAPELLAM
1275 Diou reraediaré a lor edit
En breau de temps, si \y pleyré.
LO SEGOND CHAPELLAN
Diou a tôt remediaré;
P'asen so qu'es a nos possible.
LO TERS CHAPELLAN
Lo n'es imperour tant terrible
1280 Qu'el non abajsso quant volré.
PAPA
De par Diou Ton aprestaré
En aquest luoc qii'es asses bel,
UEUS PATER
Vay t'en, mon angel Gabriel,
.\1 papa signifiar
12H5 Qu'el non vueilho refïuar
Ung enfant qu'envers si vendre,
Car a my el se rendre
Et d'el se faré batear.
ISTORIO I>E SANCT PONCZ 369
[F° 36 r°] GABUIEL
Vostre mcssaige jou vaiicfar,
l'-90 Iiifinio bonta et clemencio,
Ambe tremor et reverencio.
O home de Diou qui servir
A Diou voiles, vueillios m'uiivir:
Messagier sov de Diou puissant.
rJ95 A tu vendre ung bel enfant
D'v iibrii'non vueilhos recusar;
Benignoment vueilhos usar,
Car baptesrae de tu prendre.
PAPA
Tes grans obros qui comprendre,
1300 Très haut seignor? degun sens faulto.
Intra xemetipsitm , aient nihil audierit.sed tamen inspirotuit
a Deo.
l)i-oii tôt bas, non a vox aulto.
Chantant.
Deu-i (in/ciii noater in cela;
Oiiinin quecuiique voluit fecit.
DUO SACERDOTi:s
Simulacra f/ciiliuin aurnvi e/ argent lo/i,
l;î05 Opéra vianuuni honiiniim.
PAPA Cl!M ALIO S.VCERDOTE
Os ha/jt'iit et non loqnentur,
Ocuios habent et non videbunt.
If'/r m platea aiidient Poitcius if Valerius, et Ponci"?,
illuiiiiiiatus quodaniuiofln Sjùr'itu Sancto, ulta msp'iria
a pectorr trahat.
[F"-36vo] DUO SACEKDOTE.S
Aures habent et non audienl ;
Nares habent et non odorahunt.
370 I6T0RI0 DE SANCT PONCZ
PAPA CUM SUO JUVAMINE
i:UO Manus hahent et non palpahunt,
Pedes habent et non ambulabunt,
Non rlamabunt in f/uttuve sun.
DUO SACERDOTKS
Similes illis fiant qui faciunt en
Et omnes qni confidunt in eh.
s. PONS
1315 Qualo annonio 1
VALERI
k mon advis,
De dolsor non senti mays tanto.
Oratio.
S. PONS
Diou per qui eysso se chanto,
Dono m'aver de tu noticio.
Postea fortiter (h) ostium puhet.
PAPA
Modero, Diou, la sevicio
1320 Dais imperours qu'es si très forto.
LO PREMIER CHAPELLAN
Ung home picho a la porto
Et non fay que se tormentar.
[F° 37 r"] PAPA
Ubré-ly et leyssa-lo intrar :
De tais eslo reaime dal cel.
LO SEGOND CHAPELLAN
1325 Vené,intra, mon enfant bel,
Et aussi vostro compaigno.
s. PONS
Valeri, intra como que scio,
ISTORIO DE SANCT PONCZ W. 1
La nos chai tarung tal devev
Qu'enteiifire puissan et saber
13H0 Lo fi'iic de talo melodio.
Genibus jtexin, ante papam .
Sanct paji'e, humblaraont l'on vus |u'co
Qu'a tos dos nos sio monstra
Et de ponch en ponch demonstra
So que \oseliantava tant bel.
l.S.'î5 Disent: « Notre Diou es en ce! ;
Los simulacres de la gent,
Manufach d'aur ou d'argent.
Son sorchz et non y vojou ren ;
Non senton, non palpon autant ben. »
1340 Encaros vos auvy dire
Ung mot que me ressemblo pire :
« Semblables d'aquellos fach sjon
Tos qui en aijuellos se confyon. »
Déclara m'ejso, si vos plaj.
PAPA
L34o Doulx tilz, jou saboc so per vray,
Que Diou si t'a illumina,
En aquest terme termina
37 v°l Per entendre la verita.
N'as-tu pas la securiia
1350 Que so que adoron la gent
Es fer, loton, or ou argent,
Peyro talha d'ejssalpre o serro :
Et non son dioux, mas es de terro,
Puis en terro retornaren?
1355 Lo diou en quai esiieren
Si es layssus en paradis-
Aquellos que son sos amys
Lo veyon de l'ueilh cordial
Et non pas de l'ueilh corporal.
1360 Fins a tant qu'ellos si saren
Layssus emb" el et lo veyren,
Mon filh, aloro facio a facio;
ISTORIO DE SANCT PONCZ
So es verita, non falacio.
Mas aultres faUices ces dioux
i;;65 Seduyon la gent, bels filhs myoux,
Danipna el niond, si non s'esmendo,
s. PONS
Qui es aquel que non inten<lo
Qui son sens arrao et movement
En temple, plassos et al vent ?
1370 Nos vejen prou que son pausas
En for et en plomb ben fermas,
Perqué non veigno en fracturo.
Saben que son d'homes facturo
Et souvent des leyrons raubas.
1375 Encuy son hauch et deman bas;
Encuy amont, deman aval.
F" 38 r"] Cossint gardon lo mond de mal,
Si dal mond ellos son gardas?
Accij)iat enm papa cuminanu et eiiin sederefaciat.
PAPA
Asseta vos en aquest las,
1380 Et si parlaren plus aplen.
s. PONS
Non admerito tant de ben
D'esser ambe vos asseta.
PAPA
Tal doctrino Diou n'a dona
Que tos en el ung nos sjan,
1385 L'ung a l'autre nos tribuan
L'espiritual desideri.
Comm'avé non ?
s. PONS
Pons. •
VALERI
My, Valeri,
Haulto et sancto paternita.
ISTORIO DE SANCT POKCZ 373
PAPA
Al nom de l'aulto Trinita.
l.SOO Creou que Diou vos a invita
Per vos far de sos amycs bons.
Dise medoncquos, mon filh Pons,
Avé vos uy pnyre ny majro?
s. PONS
Ma mayre es morto non à gayre,
[F" 38 v", .\Ieiicli, mon char seignor, de dos ans:
Mon payre es viou et a de grans ans.
Et non aultre unique âlh.
PAPA
Es el xpestian ou gentil?
s. PONS
Gentil, contro crestians divers,
1400 Lo plus pessime, i)lus pervers,
Oc, plus que tos homes dal monde ;
Degun es que si fort abonde
Contro xpestians en malve.sta.
PAPA
Diou levé sa [)erversita,
1405 Qu'a illumina ton coraige.
Crey me, mon filh, et sares saige;
Crey en Crist, fay te baptisar,
Affin que poysses evitar
De eternal fuoc la grant ardor.
s. PONS
141') î>evoioment vos preouc, seignor.
Qu'en vostro grant et sancto fé
De raantenent me batisé ;
Et creouc fermoment, pa^'re sant,
Vostre Diou esser tôt puissant:
1415 Sens el tôt es chauso vano.
374 ISTORIO DE SAKCT PONCZ
VALERI
De bon cor et volunta saiio
Batisme demandoc tamhen you.
F" 39 1" Et creouc fermoment en Dion,
Seignor de toto cliauso huuiano.
PAPA
1420 Al nom de la Trinita haultano,
Batisme vos saré autrea,
Puisque vos l'avé demanda.
Hic parantur omnia necessaria.
Creditis in Dewn?
AMBO SIMUL, s. PONS ET VALERI
Ci'edo.
PAPA
Patrem omm'potentem ?
SIMUL
Credo.
PAPA
1425 Et in Jhesum Xpistum, filivm ejus
Unigenitum, dominum nostrum?
SIMUL
Credo.
PAPA
Et effo vos haptizo,
In noinine Patris et Filii et Spiritus Sancti Amen.
Mos enfans, garda vos ben
1430 De jamays creyre aultroment.
Retené mon enseignament
[F" 39 v"] Garda tamben nostro doctrino.
Vos se salhis de la latrino
De respurcicio dj-abolico,
1435 Quevos ero mot fort oblico
Et discrepant a cognojscenso
ISTORIO DE SANCT PO.NCZ 375
Spiritualo, la qualo senso
On na jamajs eteruo vite.
s. PONS
Cognojscenso aven ben petite.
1440 Causant ma petito eta ;
Mas si aven nos ben nota
Q'uiigsol Dieu nos chai adorar,
Colre, amar et venerar.
Et lavssar totos vanitas.
1445 Das ydolos las quantitas ;
Toutjor aussi nos tornaren,
De vos myeys nos informaren.
Per niyevs a Diou tos temps complavre.
PAPA
Ama l'ung l'autre, como frayre.
1450 Et revené sovent me vevre.
VALERI
Et si faren nos ben, sant pajre.
PAPA
Ama l'ung l'autre, como frayre.
s. PONS
Como si fossan d'uuoraayre.
po 40 r"] Eyssint vos lo poyé ben creyre.
PAPA
1455 Ama lung l'autre, como frayre.
Et revené sovent me veyre.
Recedunt.
Say la cheyero per me seyre.
O quai jornal aven nos fach!
Quant s'es mon esperit refFach !
1460 Quai ben. quai joyo a près mon ar:iio !
A l'uelh men ven grosso larmo
De grant plaser qu'ay ressaupu.
3^ ISTORIO DE SAKCT PONCZ
I.O PREMIER CHAPEr.LAN
Pensavoc fossan dessaupu ;
Mas Tes ista tôt lo contrari.
LO SEGOND CHAPELLAN
1 t6ri Aviouc grant paour d'iing desvari
Mas la paour en jojo es torna.
LO TER s CHAPELLAN
Mon corps ero tant destorua
Que non sabiouc que devenir
Quant los aj vist tos dos venir ;
1 170 Mas tôt es en ben retorna.
PAPA
0 quai enfant de ben orna !
Majs non l'ay vist plus éloquent.
s. PONS
Lo doulx et amoros convent!
Lors paraulos son como rael.
1475 Semblon descendues dal cel,
[po 40 V] Tant es fructifiant lor vent.
VALERI
Quant a ma part, son ben content
De vos aver acompaigna :
M'arrao si s'es très ben baigna
1480 Et arrosa spiritualoment.
s. PONS
A meyson vauc seguroment.
Per visitar mon seignor payre ;
Vos, si vos play, n'ystaré gayre
De revenir.
VALERI
Incontinent
1485 Per devers vos retornarey
ISTORIO DE SANCT PONCZ 077
Et compaigno vos farey,
Conio deou far ung très bon frajre.
Ad invicem iteparantur.
MARCUS
Tant per temps vos venO retrajre
A- la naejson. mon très bel filli?
1 lyu l'^jsso non es pas vostre stilh
Qu'avia'pres la mort vostro majre
s. PONS
Vêla, mon seig-noret mon pajre,
Eysinto l'horo si après.
MARCUS
Sa, mon filh, qu'avé vos après?
1495 Qualz termes ny dins quais au tors?
s. PONS
[F" 41 r°] Jamajs melhors de mos preceptor>5
N'ay après qu'aj après encuy :
Uno leysson que tout mal fui,
Tant joyoso et tant plasento,
1500 De philosophyo es la regento,
Sus tos libres a lo desluy.
MARCUS
Ta fas mon cor tôt rejoy :
Eysso me play de ben aprendre.
Fay dever a so que comprendre
1505 Puissos ben la philosopliio.
s. PONS
Fayre, non sçay si lo vos dyo ;
Si la vos play, direy ung mot.
MARCUS
Perqué non, mon filh? dy tôt :
Lo es ben reson que nos t'auveu.
3.8 ISTORIO DE SANCT PONCZ
S. PONS
1510 Ay auvj, como esdeven ,
Que vauc et venoc de Tescollo,
Los dieux qu'antre nos coUen
Non son que uno cliauso frivolo.
Dison uno talo [)arollo
1515 Qu'en eoulx n'a ges de magesta.
Adorai' los es chauso folio,
So dison, dont ni'an infesta,
Ung tal parlar m'an adapta
Qu'elles an testo, pes et mans;
1520 Mas quant los ay ben escoutas
[F" 41 \°] Entendoc que son membres vans.
Que non adjuon, ny porton damps,
Ny movon, sinon que sion mogus ;
Fachz per ans et gasta per ans,
1525 Fi-angibles, corrups et caduch.
Dobtoc que n'en sian seduch.
Nos veyen quant calcun volré,
Syon barons, contes ou ducs,
Sos dioux far, el se faré
1530 A l'artesan comm'y pleyré,
De peyro, fer, or ou (en) argent,
Corne myeulh lor consonaré
Et tôt eysint que vol la gent.
Mon payre et de meyson régent,
1535 Preouc vos, tant quant vostre cou<ta,
Los dioux que avé en ordre si gent
An vos jamays vertu moustra
Que vos an tant de ben cousta?
MARCUS
Jamays, ny los aultres trestos.
s. PONS
1510 S'en ellos n'a deguno bonta,
Perqué donc los adora-vous?
MAIICUS
Ben es mon corps ]>len de coi roux
ISTORIO DE SANCT PONCZ 379
Truant maudit, palhart pervers.
Que ta mayre avorta l'os,
1545 Faulx cèlera, aulx dioux advers !
Sen causo, non fasio tal vers
[F" 42 r"! Et tal lament en te portant.
You te tuarey, crapault revers ?
Sjos tu tais termes reportant !
Levet gladium.
1.550 Fj! Fy! qui saré suportant
Tallos paraulos es dioux mjoux ?
You te voloc peyar contant!
Injurios tu eyssint mos dioux?
Fugïat.
M'informarey des bons fach tioux,
1555 Puisses très ben te punirey,
Non te chalho, encar los rioux
De ton corps you estrenarey.
•
s. PONS
Hellas! dolent, mas que farey? .
Mon payre es de my malcontent !
VALERI
1560 Pons, mon amy, you vous direy
Diou faré vostre apointament.
En breau cessaré son lament
Et son yro, et sa tristor
Vendre a bon apointament,
1565 Si play a nostre creator .
Hic examinet Marcus in semetipso animum suum, et iiderin
dicat.
MARCUS
You que soy ung senator
Et que soy ung conservator
Dal ben public et de las les,
Q'ung tal parlar you suportes 1
1570 Suportar lo ! Jamays, jamaysî
380 ISTORIO DE SANCT PONCZ
Considérât in Ira se.
F" 42 v°| Fer aventure valrio majs
De l'interogar plus perfond. —
Tu comences venir al niond,
Volles-tu tenir autro lé
1575 Que toto Romo ten et cré?
Si nosn'adoren nostre[s] dioux
Ny sacrifien, tu et los mioux
Sens sacrifie! nos saren
Et sens dioux nos trobaren :
1580 Me saré gi'ando vilita,
Reputant ma civilita,
Car non v ha tôt dedins Romo
Si bon nj si paui-o peisono
Qu'es dioux non lasso sacrifici.
s. PONS
15S5 Prou n'y a, non pas lueng d'icy,
Saciifians en verita
A ung sol diou en Trinita
Qu'a fach lo cel, terro et la mar.
iMAIlOUS
Et ont les poyren nos trobar
1590 Per aver calco conferencio?
s. PONS
Mon payre. doua me licencio.
Et ung home you vos merrey
Prestament et non tardarey
Que tôt au vray vous mostraré,
1595 L'error vostro descubriré,
Vos provaré que n'es qu'ung diou.
MARCU3
Vay lo querre doncquos, filh myou.
^F" 43 r"] s. PONS
Tôt si anaré ben, Valeri ;
ISTORIO DE SANCT PONCZ :^81
So es (le Diou lo vray misteri ;
loUtJ Aiien tos dos vers lo saut payre.
VALERl
Diou \y levaré Timproperi
D'idolatrio et vituperi.
Chaminen, non arreste[n] gayre ;
Vàdimt ad summum pontificem ambo.
Encaros se poyrio retrayre
lrt05 L'ate, quasi lo me consonne.
s. PONS
Très hault payre, sancto persono
Nos retornen devers vous.
PAPA
Ben sia vengus, mos enfans doulx:
Diou vos creysso en bonos vertus!
s. PONS
1610 Sanct payre, nos si sen vengus
Per ung fach que voloc contar;
Tal fach es, mas que recontar
Non vos sio attedioux :
Mon payre si es fort yroux
1615 Encontre my que n'y a que dire,
Sol car l'y ay troba a dire
De la culturo de lor dioux,
Quelz plasersson ista los sioux.
Pauc s'en falh que non m'a batu.
1620 Quant sa furor a agu abatu,
Cessa ung pauc la differencio,
Tal aven agu conferencio
Tal rasonament et parti
Que d'el you me soy desparti
F 43 v Per ung home vers el menar
Que myeys lo sapio informar.
Me soy pensa, como innocent,
3Si ISTORIO DE SANCT PONCZ
Venir ont es lo fundament.
Dont, si play a la sanotita
1C30 Venir en pauco quantita,
Comben que non sio rason,
De qui a la pauro meyson.
Se faré ung appointament,
Que pleyré a Diou omnipotent.
PAPA
1635 Me play ben de m'y transportar
Per a vos qualque fnic porlar
Et a si, touchant a son armo,
Anen senso criar alarme,
Al mench de brut que se poyré.
ItaassodaUir ahunotantum sacerdote, Poncio et Valerio.
MARCUS
1640 Qu'aquest garson demoraré !
M'aurio el jamajs desempara?
Per ung despiech so el faré.
Paour Taure de my sépara!
De sa perdo sariou tara,
1645 La meyson toto confonduo,
Qu'a brut d'esser de. bens para,
Saryo d'hault en bas fonduo.
LO VARLET
En breu ve^'ré vos sa vçnguo ;
Non vos tormenté, mon doulx mestre,
[F" 44 r"] LA SERVENTO
1650 S"el non ven, vous soy entenguo.
El non es ponch dal las senestre.
LO VARLET
El es galhart, legier et destre ;
Ben se gardaré d'ung dangier.
MARCUS
El es mon filh, mon costa dextre,
1(355 Flor et lo fruc de mon vergier.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 383
S. PONS
Saiict pavre, buta vous premier.
Et non creigné en ren \y respondre ;
El es ben ung tal escuyer
Qu'eysavaré de vos confondre.
PAPA
1660 Como ung moton per anar tondre
I/nmiliarey, si play aDiou.
LO PREMIER CHAPELLAN
Lalo vos chaire donc respondre
Per lo far bon, aj grant paour you.
s. PONTZ
Salut, mon payre.
MARCUS
Et puis, filh rayou,
1665 Es eysso Thom que m'as conduch?
s. PONS
Oc, mon payre, lo mieys instrucli
[F° 44 V''] Que syo dedins la cita,
Sanct, dévot, d'amour incita
Per vos veyre si es mogu.
MARCUS
1670 Sialo tresque ben vengu,
Et autant ben la corapaignio.
PAPA
Et vous ben troba, prodhomio.
Ambe tôt so que vos ama !
Eysi vostre filh Pons si m'a
1675 Conduch seyns a vostro raeyson
Per certano causo et reson
Qu'avé entre vos a devisar,
Dont aurio ben grant désir
D'entendre vostro differencio.
384 ISTORIO DE SANCT PONCZ
MAROUS
1080 Differencio! Mas indecencio
D'ung parlar qu'el ma récita :
M'a dich que ha auvj per la cita
Que los dioux de los Romans
Son statuos, corps muchz et vans;
1685 Los adorar es grant folio.
So m'a dich, dont fellonio
M'en (n')a ben prest pica a la te>!to.
Dont y penset aver nialo festo.
Apres quel furour fo passa,
1690 Ly dj's per terme compassa:
S'e3'sint es qu'adorai- per ren
Los nostres dioux non deven,
[F" 45 r°] Conio de bestios et foliés.
En Romo nos saren sollés,
1695 Alhoro me dis per aver pax:
Seignor pajre, non faren pas.
Car d'aultres prou n'y a que colon
Lhault et vray Diou et si l'adoron .
Sy me dys qu'el me trobario
1700 Home que rayeys m'eysegurario:
Dont ben j^ou volrio saber
Si vos se el?
PAPA
So es lo ver.
Aquel home soy per certan.
MARC lis
Mas qui se vous?
PAPA
Ung chapellan,
1705 Ung paure servitor de Diou,
Lo papa moderno soy you,
Vostre amyc, quant la vous pleyré.
MARCUS
Non saboc si vous despleyré.
I
ISTORIO DE SANCT PONCZ ??5
Mas si fessouc ben mon dever,
1710 Malhoro vos fariouc aver;
Mas car se dedins ma meyson,
N'auré ny mal ny derrison.
Sa venen al cas principal,
Puisque me devé informar.
1715 Decleyra me, fauc jou mal
De mes dioux colre et adorar?
[F° 45 v°' p>PA
Adorar non senso error. . .
Diou non donné el a Mojso
Escrich en uno tallo guiso
1720 Que tocho ben nostre propos:
a Non adorabis deos aliénas ? n
Si ben en ton concept tu ranges,
Trobares los tos dioux estranges,
Losquals non son ponch d'adorar,
1725 Mas de velipendir et abjectar.
So n'es que grando decepvenso. *
MARCUS
Et non es trop d'otrecudanso
De voler si trobar adiré
A totos las lex de l'empire?
1730 You pensoc que vos ta se mours
Que non fan pas los emperours
Qu'an en grant vénération
Los haultz dioux.
PAPA
S'es abusion.
Car so qu'a'gu comensament
1735 Si auré fin pareilhoment.
A vos dire la verita,
La n'es qu'ung Diou en Trinita.
Qu'es sens comensament nv fin.
Que nos daré, a la parfin.
1740 Segont qu'au ren admerita,
Ou lo cel ou l'oscurita
SSrt ISTORIO DE SANCT PONCZ
De la meyson mot fort horriblo.
'F'^ 46 r°j MARCus
Vejsi une chauso terrible .
Jamaj'S eyso n'ayyou saupu.
1745 Lo mondes doncquos dessaupu ?
Tant d'imperours, tantes seigners
Que vivon et qu'an fach lor cours,
Qu'an observa tallos cultures,
Las ! chai que tantes creaturos
1750 Syan dampnas? Ha! quais dolours!
PAPA
Dampnas son ambe lors errers,
Sens aver une solo excuse.
MARCUS
Ung pauc m'acolpo, sim'acuso,
Existent you en mon uflBci,
1755 Ay auvy que tal sacriffici
Ere mal vist et très mal fach;
Mas l'on prenio aquel de fach
Qu'avie se dich, et en luoc fort
On lo butavo et puis a mort. . .
1760 Mon cor sesten une grant guerre.
PAPA
Ung Dieu aven, en cel, en terre.
Qu'a fach le mend et lo sesten ;
L'ome sestente et manten,
De tes les bens es la fontano ;
1765 Sensé el tôt es chauso vano;
El sel es que nos alimente.
MARCUS
Ung pàuc mon cor si se centent<>.
_F'^ 46 V] Mas you non pouc pertar en pa\
Tant de grans gens que son passas
1770 Qu'ayon viscu en tai desvari.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 3S7
S. PONS
Sens replico l'es neccessari,
Si vos volé esser salva,
Payre, que sia batea;
Sy non de vos l'on se reporto .
PAPA
1775 Sanct baptesme huebre la porto
De paradis ont es tôt ben.
s. PONS
Payre, non vos celaren ren:
Lo payre sanct qu'es cy présent
M'a batea, seguroment,
1780 N'a pas encaros trop grans jours.
VALERI
Veysi los nostres précepteurs
Et que nos an catliezisas,
Tos dos autant ben baptisas.
Dont aven lo cor ben joyos.
MARCUS
•
1785 Per evitar tantos horrors,
Per evitar plus grant domaige,
A Diouvoloc far homaige,
Al quai creouc pertectument.
Per vostre bon exortanieiit
1790 Cougnoscent Diou, mon major
En cel et en terro seignor,
rpo 4«7 j.0^ Et vous preouc que, sens replico.
A la fé sancto catholico
Vos me vueiiha butar et joignes
1795 Et so que devoc fac injugner.
Senso usar de grant lengaige.
PAPA
Puisque vos avé bon coraige,
Pas non vos saré denega.
Marc, vos-tu esser batea
3SS ISTORIO DE SANCT POKCZ
1800 Avant qu'autro chauso l'on fasso?
MARCUS
Volo.
Et aie teneat formam haptismi, etc.^
PAPA
« In nomine Patris et Filii et Spiritm Sancti.At),rn
Et que bon prou vos fasso.
MARCUS
Davant que parte de la plasso,
Batear chai toto ma familho.
PAPA
1805 La me play et fosson ben niillo,
Mas que la sio ben contento.
MARCUS
Sa; mos'varletz et ma servento,
Non volé vos prendre la fé
De Jhesu Crist? EtTautro lé,
1810 Que vos es assez trop notorio,
Qu'es per las armos deceptorio,
Non la voilé vos pas lejssar?
j^F" 47 Vo] LO VARLET
Vos nos volé ben confessar,
De s'avisar bon la sario.
LA SERVENTO
1815 Si play a vostro seignorio,
Lame plaj ben; mas garda vos,
Monseignor, de decebre nos;
Nos sen gens de pauc intelect.
LO VARLET
Mon doulx seignor, aya respect
1820 De voler sol la verita ;
' C'esl-à-dire le formulaire du Rituel.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 389
Nos sen grossiers on verita
Et plus en lay non entendeii.
MARCUS
Non plus sermon, trop conlenden,
So es ung fach qu'es gratuit.
1825 Quant tôt regarda et intuit
Ay, conegu ay mon error,
La merci d'aquest sanct seignor,
Que m'a declejra lo passaige.
LO VARLET
You cogitoc que vos se saige
1830 Et qu'avé lo cas desputa;
Content soy d'esser computa
D'entre lo nombre des xpestians.
LA SERVENTO
La sobro de mos paures ans
[F" 48 r°] Pareilhomentvoloc despendre,
1835 Syo per engajarou vendre,
Sobz lo nom de xpestianita.
PAPA
Au nom de la sancto Trinita
Hic teneat fonnam baptismi.
a InnominePatris elFilii et Spiritus Sancti. A mm.»
0 mayson, qu'as fach ung grant ben !
1840 Senator, en ta senetu,
Ben as mostra ta grant vertu ;
L'aygo tomba dessus ta testo
Es trésor, si per tu n'ai'resto .
0 beneyra nativita,
1815 Qu'a tal ben si t'a invita.
0 sancto et salubro doctrino
Que d'enfert fugo la ruyuo.
0 prudent et discret meynaige
Qu'a Diou encuy a fach homaige
185<i Beneyra si es vostro vito.
S90 ISTORIO DE SANCT PONlZ
MARCUS
Ma faculta es ben petite,
Seignor, per vos refectionar ;
Mas ejsens vous prendre sopar
Del pauc que Diou auré manda.
PAPA
1855 A Diou svavos recomanda;
De manjar ny heure n'ay euro.
En servir Diou syo vostro euro;
De myeys en myeys la vos vendre,
F' 48 V] MARCUS
Tant quant viourey m'en sovendré.
PAPA
1860 Amo Diou etsierf ton mestre,
Non far ren que syo senestre,
Et Diou de layssus t'o rendre.
LO VARLET
Tant quant viourey m'en sovendré.
PAPA
Vous, sya ly bono servento ;
1865 Dal vostre pauc sya contento,
Et serve Diou quant convendré.
LA SERVENTO
Tant quant viourey m'en sovendré,
Nostre pastor et nostre payre.
MARCUS
Si non vos destorba de guayre,
1870 You vos volriouc ben mostrar
Los dioux qu'an costa tant char
Ancianoment a la meyson.
PAPA
0 voloc ben, car es reson
D'o veyre per tôt abolir.
Il
ISTORIO DE SANCT PONCZ 391
MARCUS
1875 Veyci los dioux als quais uffrir
Aviouc totjour acoustuma.
[F" 49 r^j PAPA
O Arceniq, o Sublima,
De dos la vous en chai far quatre.
MARCUS
You soy content de los abatre
1880 Rt los rompre pesso per pesso.
s. PONS
Rompen' los donc.
MARCUS
Despesso, despesso
Fy d'ydollos et lor mestrio.
PAPA
Ejsublia Tidolatrio.
Vos vejé qu'era decebus ;
1885 Eyso solio et n'es pkis.
Or, entende los parlars niyoux:
Apella vos eyso los dioux ?
Eyso n'es que uiio decevanso.
MARCUS
So me sario ung cop de lanso
1890 De retornar al premier tren.
PAPA
Vous preouc, garda-vous en ben;
Per vos sario mal parti.
De vos you fauc mon desparti.
Adiou vos dy ; arresta en pax.
MARCUS
1895 Pons, non lo layssar ung sol pas
'F° 49 V' Que tu non Tayos ben reduch.
3^2 ISTORIO DE SANCT PONCZ
S. PONS
De nos très el saié condOch,
Garda de mal et tôt dangier.
Recedunt et Pondus et Valerius cum j)reshitero associant
papam ; intérim Marcus intra se dicit.
MARCUS, inlra se :
You me sentoc mot legier
^ 1900 De corps et d'armo, sens mentir.
Al cor aviouc tal pensier
Que home po portar ny sentir.
Lo beure, lo manjar, lo dormir
M'avio aquesl regret leva.
1905 Ejro me tornoc a rejojr,
Car d'aquet fays soj relleva.
LO VARLET
Ben soj en mon cor consoUa
D'aver près la sancto fé.
Lo mestre ero tôt désola
1910 Ejros es tôt jojos, so cré.
LA SERVENTO
Ben ho ero et tôt en cré.
Regarda l'afection que fay,
El es devengu tôt ung aultre ;
Diou obro lay ont ly play.
PAPA
1915 Torna vos-en, senso delay,
A vostros meysons, mos enfans.
s. PONS
F" 50 r°] Si nostre affar rem plus vous fay,
Nos sen a tous perilhz et damps.
VALERl
Joves sen, et de sen et d'ans,
1920 AXas vous gardarian d'ung dalmaige.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 393
LO PREMIER CHAPEI.LAN
Ana que Diou vos tei^^no sans
Et vos garde tos dos d'aultraige.
Hic recédant Pondus et Vulerius, et vadant simul domurn sua m.
SATHAN
0 inimics d'huraan linaige,
Tossyn, Arceniq, Sublima,
ly,") Revengu soj per contar raige.
Mon cervel es fort aluma.
Tant ay sus nostre afFar lima
Qu'ay entendu lo grant dalmaige
D'aquo perqué manda Ton m'a
1930 Et qualquo chauso davantaige.
LUCIFER
Sathan mauldich, rempli d'auraige,
De qu'es aquo qu'as entendu?
SATHAN
Aj vist, auvi et cognegu
Que Marc Pons, lo grant senator,
1935 Et Pons et tôt lo contengu
De la raeyson et mendre et mour,
[F" 50 v°] An près Jhesus per lor seignor,
Recebent lo très sant batesme
Dont, Lucifer, ay très grant pour
1940 De perdre des armos lo desme.
BELZEBUC
So que vendre pren a bel esme ;
Non te chalho d'aquo qu'aresto.
SATHAN
Nos aven perdu trop grant testo ;
Non se chai pas trop alegrar.
1945 Que non nos chalho de l'aresto,
So non es pas heu conseilhar.
394 ISTORIO DE SANCT PONCZ
SERUEBUS
Youc venoc de bathalhar
Contro tos nostros enemjs,
Me tromentar et trabalhar:
1950 Kysso n'es danso, juoc ny ris.
BEKITH
Los plus roges y sont pris,
Entendoc ben en ton jargon.
SATHAN
Et qui es donc lo parangon,
Sinon que my, falso chinalho?
1955 Mauldich, sens rirao ny reson,
Vous truffa vous? Non vos en chalho.
A! mestre fol, chapel de palho,
I>avant que sio pauc de temps,
Per so que mena tant de ralho,
1960 Vos trobaré tos malcontens.
MAMONAS
Paulx ennemys, sian actens,
F° 51 r°j Nauvé vos pas so que menasso ?
SATHAN
You soy d'enfert la mendre trasso.
Si vos ay you prenostica
1965 Prou chaasos, que mon dos si casso,
Perque trop ly ay fantastica.
Un ponch ya n'a si ny ca :
Xpestiantafort se multiplico;
Ydolos an rompu, plica ;
1970 Vellay creyssu, contro my pico.
ASTAROT
Si tu non pos intrar, si pico;
Es aquo que tu brames tant ?
SATHAN
En ung moment, en ung istant,
y
ISTOKIO DE SANCT PONCZ 395
Ung grant nombre aven perdu.
1975 Tant non soj agu résistant
Per so soj eyro tant e.spardu ;
Non saboc cervel tant constant
Que non fosso tôt marfondn.
LEVIATAN ,
Maudicli chin en bas descendu,
1980 Ton fach non es que mentario.
LUCIFER
0 infinito diablario,
Non es ejssot trop pauc de chausoî'
Remanden lo, trop ha de pauso,
Sens menar tant de genglario.
BELZEBUC
1985 Qu'el retorne.
[F" 51 VJ BERITH
Qu'el tire vyo.
MAMONAS
ASTAROT
Qui tornaré?
LEVIATAN
Sathan doncos retornaré,
Et qu'i veilhe, senso finar.
LUCIFER
Or sa, senso plus oppinar,
1990 Retorno prest a ton presfach,
Mauldich infert tôt controfach ;
Manten de nostre infert la causo.
BELZEBUC
Vay. sensjamays haver pauso.
BERITH
Vay. suffrent d'infert lo fuoc.
Délibéra.
390 ISTORIO DE SANGT PONCZ
MAMOXaS
1995 Vay, senso occupar grant luoc.
ASTAROT
Vay doncos senso retort .
LBVIATAN
Vay, sens repaus, nuech ny jor.
SATHAN
Ben ay auvy si non soy sort.
F° 52 r°] You m'en vauc donq. per lo plus court,
2000 Destorbar loto la sequello.
Hic Sathan recedit, et nota quod ah societate fada sumrno
pont'»fici inr sanrtum Pontium et Valeriuin, qui non aji-
pareant. Pondus et Valerius, quia Mi in etate tam te-
nera non convenirent ; et oportebit quod Pondus et Va-
lerius sint sùtis majoris etatis, et ut melius videhitur
lusorihus.
PRIANT
Qui dort?
BRUYANT
*Qui veilho?
RIFFLANT
Qui? la belle?
GR AN DENT
Aquel que n'a pas ung blanc.
BRIFFAULT
Cel n'a pas tort si se reveilho,
Quant ha la milho sus lo blanc.
PRIANT
2005 Anen.
BRUYANT
-Que far?
BRIFFAULT
Trobar d'aglant,
ISTORIO DE SANCÏ PONCZ 397
Per nos governar sus l'jvert.
[Fû 52 V"] GRANDENT
Qualque sotil gaban galant
Mas (|ue fosso ungpauc covert.
BRIFFAULT
Son corps tôt nu.
PRIANT
Et descouvert.
BRUYANT
2010 L'en mandarian disent sa gamo.
RIFFLANT
Qui non y gaigno al mens y pert.
GRANDENT
Nos sen auseaulx a toto ramo.
PRIANT
Disen lor ren?
BRUYANT
Mas qui bramo?
Lavssa venir lo plus corent.
RIFFLANT
2015 Qui tombaré dinch nostro tramo,
Gaignaré al juoc coquilibert.
GRANDENT
Oc ben, si nos fosso suffert.
Mas tal penso donar que pren.
[F" 53 r'^J BRIFFAULT
Mon eervel es ben asses vert
2020 Per ung marault, si l'encontren.
Hic dent locum hii qu<xtuor.
26
398 ISTORIO DE SANCT PONCZ
IMPBRATOR PATER
Grandament nos esmarvelhen
De Marcus qu'ejci plus non ven
Visitar nostro magesta.
IMPERATOR FILIUS
M'esmarveilhoc en que se pren,
2025 Puisque d'el parlar nos entren ;
G-rant temps es qu'el non sey es ista.
Nota opportet, recepto haptismate, Marcus non exe<it do-
muin, ymo perdat se, ut melius vklebilur, ut credatur,
et dicant illum mortuum, ad vitanduni funebria, que non
suntjocosa.
IMPERATOR PATER
Non Faj ponch vist d'.aquest ista
Marc plen d'amor etd'anijsta,
Dont la m'es d'el grandament mal.
IMPERATOR FILIUS
2030 Foses el a nostre costa
Et m'aguesso bon près costa,
Car mais non vie senator tal.
[F° 53 V°] IMPERAROR PATER
Or vené sa, mestre d'ostal ;
A grant temps que vos n'avé vist
2035 Marcus senator, nostre amj^c?
Mal content sen de sa demoro.
IMPERATOR FILIUS
Es el jamays ana deforo,
Car tant jsto nos venir veyre?
LO MESTRE d'oSTAL
De syeys mes, vos me pojé crejre,
2040 Et plus lo temps si es passa,
Que d'aquest mond es trépassa,
Marcus, lo très bon senator.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 399
IMPERATOR PATER
Es mort !
IMPERATOR FILIUS
Es mort!
IMPERATOR PATER
Lo bon seignor !
Mal content nos sen de sa mort.
2045 D'aultro part, m'esraervelho fort
Cossint lo lilh n'es vengu ejssi
Per aver dal payre Tuffici,
Ou calcun aultre gros Roman.
IMPERATOR FILIUS
Garden l'offici a nostro man,
[F" 54 r"j Qui qui lo veigno demandar ;
Et, so pendent, vueilha mandar
Querre son filh a la mejson,
You vos direj uno reson:
Volentier lo filh sec lo payre,
2055 Creouc non falhiré de gajre
Qu'el non sio si bon prodhome.
MESTRE d'oSTAL
Lo doulx enfant.
l'escuyer
Es desja home,
Plen de totos bonos vertus.
IMPERATOR PATER
Escuyer, nos aven conclus
. 2000 Que \y ané acompaignar,
Car nos sen près de desdeigna[r]j
Vist que nostro haultesso raespreso.
l'escuyer
Seignor, que tôt lo monde preso,
400 ISTORIO DE SANCT PONCZ
Vauc far vostre comandament,
2065 Sus sa, bregado, prestament
Vené me tous emcompaignar.
PRIANT
Anen nos de deniers gaignar !
Aquo far sen nos fort expers.
BRUYANT
Me semblo que me vauc baignar,
[F*" 54 V] Tamben sen nos trestous dispers.
RIFFLANT
Lo corps aven presque revers,
Quant manco l'or ou de clicalho.
GRANDENT
Si aven nos los hueilh ben huvers
Per prendre sens filla la calho.
L'escuyer apud domum sancti Poncii.
l'escuyer
2075 Ung pauc avé vos trop de ralho;
Pausa mavs huy vostre caquet ;
D'aver deniers non vos en chalho,
Paj'ar vos voloc lo banquet.
PRIANT
Ung gras chapon ou ung oquet,
2080 Per oigner nostro gargatiero . . .
BRUYANT
En (jualque bon mejssent loguet
Et far la festo toto entiero.
RIFFLANT
Mas que Posto non fos trop fiero
A reculhir tal baronio !
GRANDENT
2085 Mas ben la goto que te fiero !
ISTORIO DE SÂNCT PONCZ 401
Non parlen plus; s'es villanio.
LESCUYER
011a!
[F" 55 r"] s. PONS, vir
La noblo compaignio
Syo aujorduy la ben troba !
Cossint vos se vos destorba
2090 Venir ejsint longan pays ?
i/escuyer
Venen veyre los bons amjs.
Poncz, Poncz ; et si non nos play pas,
De vostre paj're lo trapas,
Qu'ero ung amvc especial
2005 De la mejson impérial ;
Et son corrossas contro vos.
s. PONS
Hellas! perqué ung tal corros
Ambe los imperours aven?
Si viourechal, morir conven.
2100 You soj aquel qu'ay mais perdu,
Et mon affar tôt es perdu;
Nostro meyson es désola.
i/escuyer
L'imperour saré consola
Quant vos veyré en sa presencio.
2105 Anen, et auré conferencio
Ambe ellos de calque secret.
s. PONS
You non soy saige ny discret
[F" 55 V"] Qu'ambe my deyon conferir,
Mas ben content soy d'bobeyr
21 10 Et de vos tenir compaignio.
Varletz, serventos, chescun syo
Ben esvelha per la meyson.
40: ISTORIO DE SANCT PONCZ '
LO VARLET J
Seignor Pons, lo es ben reson ;
Ana emb' ellos seguroment. j
LA SKRVENTO
2115 Non vous en chailho, solament
Que nos sian dinch vostre hostal.
Vadunt ad imperatores et hïc Pondus indtùtur veste talari et nijfjra.
l'escuyer
Seignoj', veyci l'especial
Poncs, filh de Mar[c] Pons progenit,
Son heretiei' unigenit,
2120 Que vos ven far sa reverencio.
PHlLIPPUb IMPERATOR PATER
Que vol dire qu'a nostro presencio
Avé ista tant de vos raonstrar?
Prendre vos chai la premvnencio
De Marc, que nos ero tant char.
IMPERATOR FILIUS
2125 Aprocha, lejssa-vous tochar;
L'honnor de Marc vos portaro.
s. PONS
Digne you non soy d'aprochar ;
[F° 56 r»] Haultz seignors, me perdonaré.
IMPERATOR PATER . y
Al luoc dal payre vos saré,
2130 Car avio tant bon renom.
s. PONS
Meilhor que my vos trobaré,
Encarque non syo dal surnom.
IMPERATOR FILIUS
Ren non vos val dire de non ;
Nos lo volen, eyssint saré.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 403
S. PONS
2135 VoslovoUc?
IMPERATOR PATER
Mas que don?
Ejssintos lo fach passaré.
s. PONS
Las ! qui tal fays suportaré,
Als iraperonrs, plens de sagesso ?
Cossint lo fach ^e portaré
2140 En ung home pian de simplesso!
Non trobaré pas la proesso
De mon feu pajre, ny tal port;
Dont mon cor es plen de tristesso.
Dolent a causo de sa mort.
IMPERATOR PATER
2145 Non aya de sa mort remort ;
Synon tant qu'ero home de ben.
Tant hault saré, prené confort,
En palays non vos'.manc[a]ré ren.
[F° 56 v°] s. PONS
Sacras seignors, trop ay de ben,
2150 Mas n'ameritoc tal honor.
IMPERATOR FILIUS
Si volen nos que senator
D'eyro sya, senso reffus.
IMPERATOR PATER
Eyso nos rend eyssi confus:
L'on vous preoper vostreben,
2155 Et dise que nen faré ren !
Nos lo voUen, vueilha ou non.
Dal payre portaré lo nom
Et a rimperi, grant profiech.
404 ISTORIO DE SANCT PONCZ
S. PONS
You soy content.
MESTRE d'OSTAL
Hoc, qu'en despiech
2160 Syan bastis tais vestimens.
IMPERATOR PATER
Despolha cels abilhaœens;
Vos me sembla ung clier d'escollo.
Hic induat aliam vestem, ad placiium magistri ludi.
IMPERATOR FILIUS
Veste \y cello bello estoUo,
Com' aparten a ung seignor.
[F" 57 r"] l'escuyer
2165 La vos apparten tal honor;
De bono horo vos se vengu.
priant
A chescun de nos ung escu,
Monseignor Pons, chai per lo vin.
BRUYANT
El es ben aultre que yer matin;
2170 Grant chauso es d'aver seignorio.
RIFFLANT
Lo m'es advis que totjor ryo,
Tant es plasent son dois visaige.
GRANDENT
Non vos chalho qu'el es ben saige,
Que son payre valré autant.
BRIFFAULT
2175 Ung grant home deou esser, quant
L'on y fay prendre charjo tallo.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 405
PRIANT
Nos cinq cent millo escus contant
Et el fous premier en sallo !
l'escuyer
Or sus, enfans!
[F° 57 V] MESTRE d'oSTAL
Avant, frigalo,
2180 Trop as démena ton quaquet.
IMPERATOR
De coraige pur, franc et net
Nos serviré, et lealment.
s. PONS
De mon pouver seguroment,
Comben que you non poysso gayre,
2185 Si ben que jamajs fec mon payre,
Et vous lo veyré a l'effect.
Hic promictit.
M'en vauc de vostre graiit conspect
Pervisitar ung pauc meyson.
IMPERATOR FILIUS
Ana, vené, toto seson;
2190 Fasé justicio et reson,
Quant trobaré ung malfactor.
IMPERATOR PATER
Donar non vos chai la leysson ;
Vos sabé las chausos qui son
A Tuffici d'ung senator.
Hic recedit et vadit domum.
MESTRE d'oSTAL
2195 El m'a l'aspect d'ung bon seignor,
Et ly pleyré tal exercici.
406 ISTORIO DE SANCT PONGZ
l'escuyer
Per nostro lé vraj zelator,
A mon gra, ly isto ben Tiiffici. *
[F° 58 r"] s. PONS
Aquest aur, aquest argent icy
2200 Secretoment you portarey
Al sanct payre, et ly direy
Qu'el lo donne per charita
Lay ont sabré nécessita
Et après so, tôt mon aver.
Hic va{da)dit ad papain
PAU S A
2205 Sanct pastour de très grand aver,
Grand amie de diou immortal,
Vostre servent a vostre liostal
Veyre vos es vengu,per ver,
Et si vos fauc ben asaber
2210 Que veyci l'aver et trésor
De la meyson, argent et or,
Per en far a vostre voler.
Si vos play, lo distribuyré
A tos los doulx paures de Dyou,
2215 Especial si a parent myou,
Et de ben far los induyré.
Despuis de mon payre la mort
Los emperours si m'an volgu
Et en son luoc m'an retengu,
2220 Dont n'ay al cor ung grant remort.
PAPA
Prené, mon filh, en vos confort ;
Eysso Diou si ha permetz.
Deusque sya passa lo mes,
L'obro saré a meilhor port:
[F" 58 V] You distribuyrey au fort
Vostre aur, vostre argent a las gens,
ISTORIO DR SANGT PONCZ 407
Ont y vejrey plua d'indigens;
En breaii vos n'auré bon report.
s. PONS
Adiou, des désolas desport,
2230 You m'en retornoc a Timperi.
PAPA
Djou te garde d'improperi.
Soveigno-te de Diou au fort.
Recedit et vadit ad imperatores.
Quai seignor, bel, poyssant et fort.
Saige et discret, plen de bonta.
2235 Djou aquest fach a afronta
Per la melhor. a mon advis.
IMPERATOR PATER
Mon filh et Pons, per ung devis
Qu'amoc autant que ma persono,
Nos, al millesme de Romo
2240 Dal temps que fp edifica.
Chai que syo notifica
A tresque tos los habitans,
Estrangiers, citadins Romans,
Per anar al temple adorar
2245 Los haultz dious, et venerar,
Fartamben grant solempnita.
- s. PONS
Seignor, vostro sublimita
[F" 59 v] Po far tôt a son bon plaser,
Mas a mj m'es grant desplaser
2250 De me trobar n'en juoc ny festo.
IMPERATOR FILIUS
Perqué?
s. PONS
Lo non es chauso honesto
40S istorio.de SANCï poncz
A my qu'ay perdu tal joyel,
Pajre, mayre, non es pas bel:
Vostro honnorme pardonaré.
IMPERATOR PATER
2255 Vrajoment vos y trobaré
Et faré vostro grant honor.
s. PONS
Plustost sario deshonor ;
Plasso vos de me pardonar.
IMPERATOR FILIUS
Non volé vos excercitar
22o0 Vostre uffici en son degu?
Vos y trobar se entengu :
Advisa como volé far.
s. PONS
Si vos pleyré de m'escotar
Direy uno brevo reson.
[F" 59 v°] Puisque m'avé fach de meyson
Et d'aquest palays ung des mours,
Très haultz et très doulx imperours,
Depuis que vos si se ben natz
Et princes de Dieu ordenas,
2270 Subjugant manto creaturoj
Perqué non de volunta puro,
Puisqu'el vos a fach tal honor.
Non l'adora vos per seignor?
En aquest deuria vos far festo.
2275 Ly humiliant vostro testo,
Fasent en aquel solament
Sacrifie! devotament:
Aquel sario lo bon rit.
IMPERATOR PATER
Et per aquo, mon bon amyc,
2280 Ay ung très souveyran désir
ISTORIO DE SANCT PONCZ 409
D'à djou Jupiter tost ufrir,
Que m'a dona tallo puissanso.
s. PONS
Tu erros, seignor, sens dobtanso.
Subridens.
Ung sol diou al cel si es,
2285 Como auvy avé prou de fes,
Que de sa paraulo unico
A fach de lo mond la fabrico
Et tôt so qu'en ello conten.
IMPERATOR FILIUS
Perqué so dyses, ygnoren?
[F° 60 r"] Declayro nos ben ton coraige.
s. PONS
S'es très ben dich, seignor très saige,
Puisque venen a pa[r]lament:
Jupiter dal comensament
Es el agu, ny son renom ?
IMPERATOR PATER
2295 Pons, you vos respondoc que non.
Saturnus, son payre, aysta,
Que lo poble en grant amista
A governa, et tran(s)quiloment.
s. PONS
Et quant Saturnus taioment
2300 Crète rigio per tal stil,
Davant que fosso per son filh
Jupiter dal 'reigne jecta,
De tais fortunos ajecta.
Non es so vray que l'Italio
2305 De très grant poble si avio ?
Pietous et très doulx seignors,
Non vos seduyon talos herrors
Quelos poetos an causa.
I
410 ISTORIO DE SANCT PONCZ
Un g dvou es, dir syou ausa:
2310 Pajre et Filh et sanct Esperit
Que per tal sanct ditiun e dit
Tôt régis, governo et eonten,
Ensint qu'a sa bonta apertera ' :
A fach l'home a sa semblanso
[F" 60 V"' Metent tôt a sa puissanso.
Mas lo diable itividioiix
Veyent l'home tant precioux.
Lo quai si ero inmortal, f
Persuadée ung très grant mal :
2320 Innobedicnt lo rendec
Et mortal home, las ! lo fee,
Desplasent a son creatour.
Vejent Diou, de tôt actor,
Apres l'espasi de tant d'an.
2325 Lo grant dalmaige et lo grant dam
Que suffertavo human linaige,
De son mirable et hault jstaige
Mandé sou filh en aquest monde
Et en ung ventre san, pur et mondt\
2330 Char humano prendre volsec;
Apres nôu meses elnajsec.
Al monde a tant fructifia,
Dalz jujoux foc crucifia,
Lotersjourt el ressuscitec
2335 Et après alz celz s'en montée.
Encaros el retornaré,
Et vioux et mors judicaré.
Donc los bons si saren salvas,
Tamben los malvases, dampnas;
2310 So si es lafé catholico.
Ydollos, chauso diabolico,
Son per decebre los xpestiaus
Et los far très fort desvians
De Diou eternal creator.
i Ce vers a été remanié après coup.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 411
[F° 61 ro] IMPERATOR PATER
2345 Nos viven donc en grant errer,
Segont que per vos pouc entendre?
IMPERATOR FILIL'S
Contre so non voloc contendre,
Car tant que s'estent mon saber
Me semblo qu'el nos a dich ver ;
2350 S'es ung grant facli d'ung tal cervel,
IMPEI^ATOR PATER
Per vostro araor, mon amy bel,
Aulx dioux plus n'ymolarey
A baptesme convolarej,
Aussi tous de ma meyson.
s. PONS
2355 Seignor, vos n'avé ben reson !
Se lavar d'uno tallo error
Et prendre Dion per son seignor,
La n'es possible de myeys far.
IMPERATOR PATER
Al papo nos volen anar,
2360 De mantenent, per far plus cort,
Et toto la gent de ma cort,
Per prendre lo sanct sacrament
De baptesme.
IMPERATOR FILIUS
Tant sanctoment,
Devotament lo recebrey
Que totalement me donarey
2365 A Diou servir toto ma vito.
[F" 61 v°] s. PONS
Lo sanct Esperit vos incite
A far tallos opérations.
IMPERATOR PATER
Tallos son nostros conclusions.
41-2 ISTORIO DE SANCT PONCZ
Mestred'ostal, vos, escujer,
2370 Buta-vos tos dos premiers
Et toto nostro fantario .
LO MESTRE d'OSTAL
Sus en ordre, gendarmario,
Parte vos davant et darreyre.
l'escuyer
L'es ungplaser d'ung tal trenc vejre.
2375 Davant vous aultres, estaphiers.
Hic vadunt per ordinem ut melius videbitur. — Nota quod
hic potest interesse Valer'ms cum sancto Poncïo.
s. PONS
Nos dos nos butaren premiers
Per far lo papo preparar.
Eundo dicat Valerius.
VALERIUS
0 ben que non se po comparar,
Vostre ufici ben vos consono.
Adj^apani.
s. PONS
2380 Très hault seignor, sancto persono,
Diou si a encuy obra.
[F" 62 r"j Los imperours son a l'estra,
Que s'en venon per devers vos,
Tant humbles, mansuetz et dolx,
2:^5 Per prendre lo très sanct baptesme.
Seguroment, segont mon esme,
Ellos son près d'aquest palais.
PAPA
Diou, ben extendes tos ray.s
De ta lumiero et de ta gracio ;
2390 Lo sanct Esperit sa efficacio
A impausadinslor coraige.
PAUSA.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 413
IMPER.VTOK PATER
Pajre de singulier me^^naige,
Plen de vertus très habundautos,
Gardiauî de las personos satictos,
'2395 Nos vos sen vengus visitar.
IMPERATOIi FILIUS
Bon es de los bons visitar.
Despuis que Pons es senalor
De fé nos ha dona fervor,
Et nos voUen far batear.
PAPA
2400 Pons de Diou amie singular
Es, et monstro la verita.
Mas dont ven tal benignita
Que tal veigiion vers my meohiu?
[F° 62 V°] IMPEHATOR PATER
Conta n'aurian d'ejsi al matin
2405 Las bonos et vivos resons,
Sanos et sanctos conclusions,
Per nos haver qu'el ha tengu ;
Tant que nos haven conegu
Que nostre vioure ero malvas
2410 Et que nos eran enjanas ;
Dont vous preun, a breou sermon,
Qu'ejsi dedins vostro meysou
Sjau bateas de vostro man.
PAPA
Seignor iuiperour tant liuiiiaii,
2415 Reson es devosobevr.
Sa, chapellans, vené servir
Es' las chausos administrai".
Jlic duo iniperatores bo.ptisantar gohim.
1 Sic, polir: et.
414 ISTORIO DE SANCT PONCZ
IMPER.VTOR FILIUS
Non nos fasé pas gayre ystar;
Batea nos tôt de présent.
PAPA
2420 Al nom de Dion omnipotent,
Creditis m Deuni ?
DUO SIMUL IMPERATORES
Credo.
Et cetera, ut melius videhïtur.
[F" 63 r**] Et ego vos bapliso
In nomine Patris et Filiiet Spirilus Sancli. Amen.
l^on prou vos fasso ! He ! lo gran ben !
2425 EjTos se vos seignors entiers,
E.yros se vos bons vertejers,
Ejros se vos dignes de glorio,
Ejros se dignes de memorio,
Ejros se vos de vertus plens :
2430 Baptesme val mays que tôt bens,
Quant ben auré tôt advisa.
IMPERATOR PATER
Seignor, syo prou devisa,
La pax de.Dyou sio ambe vos.
Nos sen contens qu'antre vos dos
2435 Ané destruyre tos los sacres,
Templès,''ydolos, symulacres.
Que jama^'s plus si fasso uffici,
Oblation ny sacrifici ;
Aultres temples ediflarey,
2440 Los quais a Diou dedicarey
Qu'a lach lo cel aussi la terro.
Jamays a Diou non farey guerro ;
Mas voloc esser son subgect.
IMPERATOR FILIUS
Ana y sens deguu augect,
2445 Sens aver crento ny temenso.
ISTORIO DE SANCT PONCZ J
L'haulto et clivino cleineuso
Nos vueillio en s\imoiir augmentai'!
[F'^ 63 V"] Recédant ad placitaia imperatores cuia ceterits
servitoribus.
PRI.MUS UOMANUS
Compajre, vos voloc contar
Lo grant novel esdevengu ;
LO SEGONT ROMAN
2450 Tôt a tresqueben convengu,
Volé contar des imnerours?
LO TERS ROMAN
Grant plaser aj vist que los meurs
Son adplsis, qu'eron tant durs.
LO PREMIER ROMAN
Anen, per esser myej's segurs,
2455 Nos far batear autant ben.
LO SEGONT ROMAN
Anen, la me play tresque ben ;
Quant a m}' n'ay très grant plasjr.
LO TERS ROMAN
You n'aviouc aultre désir.
Anen tos très, per lo plus cort.
Hicvadunt très et aliqui siinul, si rïdeatur, ut halhentur
PAPA
24G0 Pons, ung principal de la cort,
Anen nos en tos très ensemble,
Desfar de Jupiter lo temple
Et l'ydolos que son dedins.
[F° 64 r"] s. PONS
Encar vendren a nost<-os fins,
416 ISTORIO DE SANCT PONCZ
2465 Meyant la divino bouta '.
LO PREMIER ROMAN
O seignor, quôsjo escota!
A Djou voloc esser fiable ;
Renonciouc als pompos dal diable
Et baptesme demandoc jou.
LO SECOND ROMAN
o IT
iTO Baptesme, per lo nom de Diou !
En el 3'ou creouc fermoraent
Qu'a fach terro etlo firmament,
Tôt quant es sus terro et la mar.
LO TER s ROMAN
La m'es, seignor, trop fort amar
2175 D'istar en tallo ydolatrio;
Dont vostro sanctita l'on prio
Que vos plasso nosbatear^.
PAPA
Vené nos donequos ajuar,
Puis, al retort que you farey,
2480 Sy play a Diou, vous batearey
Tes très en Crist per carita.
s. PONS
Anen, anen, en verita.
[F° 64 V] You como grant senator
Sarey d'eyssot l'executor..
Vaclunt ad templum magni Jovis .
PA USA .
* Eq marge, on lit l'adjonction postérieure qui suit :
VALLEBl
Si play a l'haulto raagesta,
Nos eoffaren nostre dever.
Quant a ma part, ay boa voiler
Que lo fach sio magnifesta.
' En marj^e :« Quere in tati si[g]no -}-.»Puis sur la marge opposée ;
<i vacal. »
ISTORIO DE SANCT FONCZ 417
2485 Falsos jdolos très mauditos,
Dâuras, argentas et depitos,
Plenos de diables inferiials,
Qu'aulx armos fasé tant de mais,
Las! desviant de la reson :
2490 I\yros es venguo la seson
Qu'ambe ray aurc la guerro.
Rua, tonba lotos en terre'.
nie percutit et frangït omnia ydola ienijd'i .
Sus, qu'embe pichos et l'ejssa
Pejro sus peyro non sio leyssa,
2405 Car eyssintos es l'antreprejso,
Et faren uno novo gleyso
Al servie! de Diou dica.
Hic populus phanum funditus evertat.
LO PREMIER SACERDOT DEL TEMPLE
Haa ! Tu non Tas pas fabrica
Aquest temple, faulx apostat!
LO SEGONT SACERDOT DAL TEMPLE
2500 Es so d'ung senator Testât
De rompre so qu'en deourio far?
• LO PREMIER SACERDOT
Fuven, el nos faré gastar;
El es trop ejros furioux.
LO SEGONT SACEKDOT
D'ejssi la nos chai exempfar:
2505 Nostre fach vaj tôt a rebnux .
Fu(jiunt.
[F° 66 r°] PAPA
Lausor a Diou glorieux
Syo encuj de nos dona;
1 Ed marge:» Quere in tali signo \. »
■J'S ISTORIO I>E SA^CT PO^CZ
Facli nos aven ])ono jorna.
Quant eysso si a-ven destrucli.
s. PONS
2510 Que tôt ejsso syo reduch,
Puis après nos advisaren
Gens qui lo edifficaren
Plus bel qu'el n'ero per davant.
Adyou, scignor papo très sant,
2515 Aresta a la pax de Diou.
Vadunt ad impcratares et papa ad locum suum cuni
sacerdotihus suis.
•PAPA
Ana en pax, Pons, doulx filh mjou ;
Continua en vostre prepaux'.
RecedU impa cum Valerio, et illi Romani stent cum
papa .
s. POKS
Fatiga soy senso repaulx,
Imperours, sacro magesta;
2520 Ydolos, temple aven gasta;
Resto de far en ung novel.
PHILIPUS PATER
Ung temple faren fal- plus bel
Al nom de Dioù et laousor.
PHILIPUS FILIUS
Soleilh non douo tal lusor
2525 Que faré, mas que syo perfach.
PHILIPUS PATER
Volen qu'en Romo syo fach
Esbatoment, solas et festo.
* Kn marge : « Qwre in tali avjno \.
2 Sic, pour: far.
ISTORIO DE SANCT POKCZ 4 9
[F" 66 V] Trompetos, taborins et la rosto
D'estrument que pojré trobar,
2530 Mosire d'ostal, fasé so far,
Per la jorna tant glorioso.
MESTRE D OSTAL
Sus donc, compaignio jojoso,
A chans, a dansos, a sollas,
Vos preouc que non sya ])as las
2535 Per la jorna tant preciouso.
PHILIPUS FILIUS
Vostro armo non syo engojsoso ;
Vella d'aur et d'argent a forso .
L'on vos preo, cliascun s'esforso
Per la jorna tant amoroso.
l'escuyer
2540 Flejtos, taborins et baudouso
Ensemble ben s'acordaren ;
De mover pron lor daren,
Per la jorna tant sumptuouso.
FRANT
Mua es la cort rigoroso
2545 En plasers et sollas ben grans.
BBUYANT
L'es presque chauso vergoignoso.
RIFFLANT
Mua es la cort rigoroso.
[F° 67 r"] GKAXDENT
Dedins ma petito follioso
Metrey aquestos rogi^' Q-ran^.
BRUFFAULT
Î.550 Mua es la cort rigoroso
En plasers et sollas ben grans.
4:0 F^OESIES KELI011£USES
LO MESSAGIER
L'on VOS pi'eo, petis et gratis,
A riionor de Dvou et glorio,
Deman sja matin entrans,
Et vevré la rest de Tistorio.
DEC GRATIAS.
Fin de la première journée.
POÉSIES RELIGIEUSES
DU MANUSGUIT DE WOLFENBUETTEL
(Suite et fin)
NOTES
1, Alça= auja ; naiiga, au vers suivant, = nauja, cf. cos = jos
466.
6. A teira, « à la file, d'un bout à l'autre. »
10. Senes crer. Je ne comprends pas le sens de ce vers. Crcr
pourrait être creire {creit = crezet, v. 2636), dont il y a un autre
exemple chez Peire Milo (cf. A. Fischer, Der Infiniliv im Proc,
p. 38), et alors il y aurait peut-être à reconnaître ici une influence
italienne (cf. Tobler, Caio,§ 22, ISIussafia, Lilt. Blatt., IV, 278). Mais
qu'est-ce que cela pourrait signifier ?« sans croire»? on attend un in^t
ayant la signification de « doute. » Faut-il corriger? Et comment?
20. « Et qui prend mauvaise garde et mauvais soin de soi, jùs
lui en prendra qu'à moi.» L'usage correct demanderait li au lieu de
lu; cf. s'a mi mal e?i pren, Raynouard, Lex. rom., IV, 626 b; c'n
Salomo près enaissi, Bartsch, Chrest., 4e éd., p. 74,1. 5.
37. An pour a (à savoir Dieu); voy. Introduction, p. 182.
40. Je ne saisis pas bien le sens de ce vers. [Le sens me paraît
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETT EL 421
être: «Quand [ou combien?] Dieu sera-t-il récompensé de nous avoir
faits ainsi à son image?» L'auteur veut dire :« Nous ne lui sommes
pas reconnaissants, comme nous devrions l'être, d'un si grand bien-
fait. .. ChabJ]
61 Le sens de ce vers me semble être clair : « Si quelqu'un d'eux
(se. des autres, cf. allrui, v. 57) lui fait du mal»; mais je ne sais
expliquer le mot meislaigna. Seiait-il permis de supposer chez no-
tre auteur un verbe mesclanhar, formé de viesclanha, « mêlée, com-
bat, querelle », donc combattre, guei'eller, puis nuire, faire du mal?
70. Airemcns pour airame^^s, « encre. » Je dois cette correction à
l'obligeance de M. le professeur Neumaun.
74. Pena. Le ins. porte pêne et amené au vers précédent. J'ai
corrigé ces mots, parce que pêne serait le seul exemple du pluriel
italien, que le copiste français a souvent écrit -e pour -a atone et
que le subjonctif amené ne me semblait guère convenir ici. Mais
peut-être ai-je eu tort, car le subjonctif se trouve aussi, et assuié
par la rime, au vers 158 (an port = en port), où il m'est du reste
aussi incompréhensible qu'ici, et il y a en effet l'indicatif mena au
v. 161. Si l'on voulait garder la leçon du ms., il y aurait donc une
autre forme italienne à ajouter à celles que j'ai notées dans l'Intro-
duction.
86. Nolon. Je ne connais ni nolrr eu prov., ni noloir en français,
ni nolere en italien. M. Chabaneau a eu la bonté de me communi-
quer l'ingénieuse hypothèse que l'auteur avait vu, probablement, des
mots dont le v initial avait été supprimé, comme dans d'oslre (cf. Paul
Meyer, Derniers Troitb., p. 22, et Daurel, p. Lv), et qu'il a pu se
croire autorisé à dire n'oler pour no voler. Cf. aussi la note sur le
v. 392.
108. Treçada ou terçada? — [Corr. crocada, qui aurait ici le sens
de signe de croix ? Chab.j
115. Enans que = le plus tùt que.
158. « Sachez-le bien, celui-là ne sera pas mort que les anges em-
portent [se. dans le paradis]; au contraire, il sera plus vivant qu'uu
vivant [de ce monde].» Pourquoi le subjonctif à côté de l'indicatit
mena, v. lGr?Voy.la note sur le v. 74.
170. Rais « radice. » Je ne connais pas d'autres exemples anciens
de cette forme monosyllabique, qui est aujourd'hui très-usitée. CL
Mistral, Dict. prov. Elle se retrouve au v. 1701. Mais on a radiç au
V. 204.
175. Cion poges dépend de de rens als no7i pensa mais.
' Je dois les notes signées Chab. à l'aimable obligeance de M. Chabaneaa.
i'i2 POESIES RELIGIEUSES
lO'.K « A ceux qu'il a mis ici-bas », c'est-à-dire aux prêtres. ['Peut-
être Aiccls (=■ a aiccls) qti'a: aisso mes. « qu'il mit à cela, qu'il
destina à cette fonction. » Chab.j
204. C'unas « quar en même temps. »
208. « Qu'eu secourant les pauvres.»
223. Mil tant. Cf. Tobler, Yermischte Beitrueye zur framos.
Gram., p. 150-2.
232. Fasson semble être exigé par le sens, au lieu de l'incompré-
hensible lovrion du ms. Pourtant la correction s'écarte trop de la
leçon du ms. pour pouvoir être regardée comme sûre. — [Corr. lo'inon?
u Et que les désespérés éloignent leurs volontés », c'est-à-dire y ré-
sistent, n'y cèdent pas, comme fit Judas, Chab.]
261. Tard « trop tard ». De même au v. 330.
273. Planq pour plaine = plens.
303. Otraillos pour otraios, cf. meieraç 1880, à côté de meilloraç,
v. 1939.
306. Taillens . Italianisme que j'ai oublié de noter dans l'introduc-
tion ; cf. Tobler, Uguqon, § 49, Mussafia, Mon. ont., p. 15. M. Cha-
baneau a eu la bonté de m'écrire qu'aujourd'hui la. flexion -en a rem-
placé-«n dans plusieurs variétés du languedocien.
311. Sens? [11 faut probablement lire, en un seul \not,dcserlas (ce
qu'ils ont mérité, desservi), et mettre un point et virgule à la fia du
vers. Chab.]
312. Avertas ; pour uhertas. Cf. Introduction, p. 184, n° 2.
315. Rama. Ramar signifie proprement << produire des rameaux »,
ici simplement « produire. » — Focs se trouve déjà au vers précé-
dent et ne semble ici guère à sa place ; on attendrait quelque chose
de synonyme à serpens et verms. Doit-on corriger? Et comment?
[Corr. Ranas, bots et serpens? bot = crapaud. Chab.]
325-6. Mettre des points à la fin de ces deux vers, qui sont in-
complets. Je n'en voi's pas la restitution.
345-6. Deu:meçeu. De même, 517-18. Je n'ai pas relové ces rimes
comme inexactes dans l'Introduction, non plus que Ben (Deum) :
deu (débet) 193, 457, ni moût: tout 1807-10, parce que je crois avec
M. Oriaus ', qu'en provençal Ve et Vo fermés deviennent toujours ou-
verts devant une labiale.
349. Effacez la virgule après orgoils.
•358. L'armais sunt morta z=:r l'âme est morte ou les âmes sont
mortes. L'un et l'autre est possible ; si c'est le singulier, il y a un
subst. fém. sing. en -as et le verbe au pluriel. Cf. p. 13 et 15. Si c'est
' Dans un travail sur Ve et \'o en provençal, qui paraîtra prochainement
dans ÏArchiv fur das Studium der neueren Sprachen,
DU MANUSCRIT DE WOLFENBURTTEL ^:3
lei)luriel, il y a l'article /' pour las et iiu jil, f'cin en -". '"!'. p. 1."!,
n-'S et p. 11.
375. Je ne comprends pas ce vers; je ne vois pas non plus comment
on pourrait corriger.
{Parti son manlenen,
Enausi van diçen.
De iorn en iorn menan
Lo mond el temps enan (ou en van?),
Tant que la mort los cocha
Que sil (pour si lor) sera la bocha,,.? Chab.]
392. Tel qu'il est, ce vers ne donne pas un sens satisfaisant, car
la première personne n'y convient guère. Le contexte demanderait:
Ja non voilla respir prendre ; mais aloi's le vers aurait une .syllabe
de trop. Peut-être serait-il permis de proposer: /a noill 'omrespir
prendre, comme il y a nolon = no volon au v. 80. [Corr. Non voil-
latz, en supprimant Ge? Chab.]
394. « Autant qu'il peut.» [Lis. quil? « Au contraire, celui qui le
peut en doitdavantage faire son pouvoir (tout son possible).» Chab.]
399. Noill, c'est-à-dire à celui qui sert Dieu.
409. Meton.Snv le pluriel après quecs et après cascun, v. 539, voy.
Stimmiug, B. de Born 38, 88 note.
41G. Dis = ditz.
424. « Il ne se trouve pas entre mille ni entre plus, si l'on essaye
bien, qui en aient d'autre guerdon », à savoir que leur peine et leurs
efforts, car le seigneur ne les en récompense pas {^sens dar 416).
438. Suppléez e l'autre?
441. Saian = snpclian ; àe mèmQ aux vv. 1956, 2429,2709; cf.
p. 25.
473. « Dans tout lo monde ne vit aucun homme vaillant. •>
486. Ce vers signifie, je crois: « i)ius difficilement descend-il,
s'abaisse- t-il. »
492. Per ncmic. Sur l'omission de l'article cf. Diez Gram., 3o éd.,
m, 25.
494. Qu'en = qui sont [forme analogique, née de em (nous som-
mes)'? Chab.] cf. Introduction, p. 185, n» 8.
505. Aren? Oa sensa ren (italianisme]? — \_!^ensa. ren « sans rien,
sans récompense (temporelle). » Cf. senso chez Mistral, etc. Chab.]
519-20. Corr. La gens es tant vencuda D'avol fjazanh. . .?
546. Sa pour sap; de même aux v. 2103, 2577; cf. Introduction,
p. 185, n° 6.
547-50. Je ne saisis pas bien le sens de ces vers. Peut-être de-
4:î4 POESIES RELIGIEUSES
vrait-ou corriger One au lion de E au v. 549 et mettre des virgules
après pensamcn 548, devant /;oj5 et après res, 549, et traduire: « Le
cœur ne connaît pas celui-là en vain penser (se, vainement), (de ma- ^
nière) qu'il laisse le mal et fasse le bien, après qu'il (se. le cœur,
cf. V. 545-6) a reconnu quelque chose. » [Corr. Bcil(hel) au v. 548 \
et conox om au v. 549? Le sens serait: « Par le cœur, on connaît ,|
{cognosccndum esl?) les belles et les vaines pensées; et après que "•'
(ou puisque) on connaît les choses (comme elles sont), qu'on laisse ^
le mal, qu'on fasse le bien. Chab.]
559. Le vers est trop court d'une syllabe et, de môme que le vers
suivant, incompréhensible. Pourrait-on corriger: Per falsamen gni-
dar E ter' an s'enganar = par être faussement guidé (c'est-à-dire
par les yeux de la tête et non par ceux du cœur), En terre, ils se trom-
peront?
588. Fahet. Cf. Introduction, p. 187, — Trais i< trahit. » Cf. Su-
chier, Dcn/£»î/r., I, 516, note sur le v. 44.
611-12? [al ham De deu et al seu ram,* Chab,]
630, Que siin staç est à combiner avec qu'a segun- Peut-être
devrait-on corriger que segun.
642. Le vers est trop court d'une syllabe et le sens n'est pas clair.
On voudrait un verbe signifiant s'efforcer. [C'est plutôt, à mon avis,
le sens contraire. Donc negiis no s'estraia? Chab.]
649, Corr, Quar chasçuns, bons et mais, En la peina enfernals
Aneit.Cî.v. 890-1,
679. Macliaç. Afrtc^ar, lurt^ar = percutere. Don. prov.,'i2 a, 5;
cf. Revue des l. rom., XIII, 140.
683, 11 vaudrait peut-être mieux mettre la virgule après gap et
l'effacer après richamens du vers précédent.
684. Sujet? [Jésus, comme au v. 676? L'auteur aura pensé qu'on
pouvait dire fo dona.ç grant galtadas.fo corona mes, pour « on lui
donna des soufflets », «on lui mit unecouronne », comme on pouvait
dire :« il fut soufflette »;« il fut couronné », pour «on le soufflet ta»,
« on le couronna. »I1 faudrait, naturellement, corriger corona. Chab.]
688. Par nostr' amors. Cf. Diez, Gram., 3e éd., III, 70.
102. Amis. Le ms. porte amies ; la rime exige amis, forme qui n'est
pas rare chez les troubadours ; cf. Philippsou, M'ônch von Monlaudon,
XII, 36 note; Bartsch, Zet^sc^rt/i fur rom. Phil., II, 136; Canello,
Arn. Daniello, III, 42, note.
717. « Qu'ils viendront à tel port qu'il n'auront jamais consola-
tion. »
734, Qui = .si quis.
747. Merms. Le ms. porte mers, leçon qui n'a pas de sens ; tomme
il y a verms au vers suivant, j'ai corrigé merms, quoique je ne me
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 425
dissimule pas que le vers, même eu lisant iiiennuj offre de grandes
difficultés. D'abord je ne connais pas d'autre exemple de ce mot en
provençal ; puis, Tadj. étant fém., on attendrait nierma (cf. pourtant
dolq, cor tes, fém.; Introduction, p. 178), et enfin le verbe manque. [Ne
pourrait-on songer à corriger >ner5 et au vers suivant ver^, forme fr.
pour le prov, fc'r^i^.^ 3/t?/'6- serait mer g il (ital. mcrge).Meriiere,Qïi
provençal aurait naturellement donné merzer, comme surgere, sor-
zer. Chab.]
754. Bis = ditz.
757. Alort signifie ici évidemment « torture. » Je ne connais en
prov. ni im subst. rt^or^ ni un verbe atorzer ; l'italien ai^orct're n"a,
que je sache, jamais la signification de torturer.
762. [Sens = son (= fr. siens) ou seus '/ Chab.]
775. Apres de « comparé à. »
777. El =et lo.
822. Qui quiet. Corr. qui que es; que es ne comptant que pour
une syllabe, par synalèphe? [Quiet = chiet (cadit)? Chab.]
837. [« Corr. l'entendre?» Chab.]
889. « Et l'étaient encore davantage. »
891 . Aisemeiis pour eissamens. De même v. 2087 et 2846.
924 ss. Ce passage me semble difficile. Si l'on garde la leçon du
ms. , il faut traduire: « Je sais bien que personne n'est digne — tant il
est bon et parfait (à savoir lo teu reng) -* qu'il puisse faire tant de
bien qu'il doive avoir un tel règne. » Mais cette leçon donnerait-elle
un sens satisfaisant? Peut-on dire « être digne de faire tant de bien?»
Nous aurions un sens convenable s'il y avait :« Je sais bien que per-
sonne n'en est digne (se. del teu reng); personne n'est si bon ni si
parfait qu'il puisse faire tant de bien, etc.» Mais alors un no man-
querait au V. 925, et l'on devrait corriger nes(= no es) au lieu de
es; cf. V. 1104 et \\2>l.[Deng= capable. Cf. le grec ajto;. At. de
Mons. [Al bon rey de Castela, vv. 32-4):
E car vostre sabers
Es dignes a donar
Aital jutjamen car. . .
J'ai connu une femme qui, relevant de maladie et ayant des étour-
dissements quand elle regardait dans la rue, disait: «Je ne suis pas
digne de regarder par la fenêtre. » Traduisez donc : «Je sais que nul
n'est capable, si bon et si pur qu'il soit, de faire tant de bien qu'il
puisse mériter le royaume deDieu. » Chab.]
1033. Quatres dans le teste est une faute; il faut lire quatre.
forme qui doit être substituée au quatres du ms. pour donner au
vers sa juste mesure de six syllabes (par synalèphe) .
4 Ce'. POESIES RELIGIEUSES
1050. « De tout 00 qui l\>rtouse. -> De même \ . 1370. Cf. Diez,
Gram^naire, III, 70-71.
1061-2 « Lacroix.»
1063. Quar pour que. De même aux vv. 61 1, 2578, 2737, 2750.
1081. Brida? [Sans doute sainte Brii>-ide. Chab.]
1085. Tedas? [Corr. Tccl a ? {sn'mte Thède). Chab.]
1086. Flidadaf
1090. 11 manque un vers rimant ou assonant au v. 1080.
1111. Sian pour sians = sia nos; cf. Introduction, p. 180, n" 9.
1136. D(Vt. Les exemples de dia féminin sont assez rares en pro-
vençal; cf. Revue des l. rom., XXV, 41-42; Loos, Die Nominal-
fle.vion im Provenzalischen [Ansg . und Abh., XVI), p. 11 .
1 169. Le vers étant trop court d'une syllabe, j'ai ajouté el devant
pris.
1171-2. Si l'on ne veut pas admettre une assonance, il faut ou
écrire C05<«ç, forme du cas sujet pour celle du cas obi., ou lat = it.
lato/ Le ms. porte laie avec l't biiFé, c'est-à-dire lac. 11 y a donc
en tout cas une irrégularité.
1183. Leamta. Corr. de l'anita.
1186. « Venir a confesion » dépend de mi fuir, v. 1185.
1225. Effacez la virgule à la fin du vers ; « la sainte grossesse de
vous. »
1238. Le vers a une syTlabe de trop. Corr. Yergen regin' en ciel
gracida?
\2dQ. D'olimens = d'onction?
1266-8. Que cels. ..que vos. Sur la répétition du que, voyez mon
édition de Zorzi, note sur 13, 36. De même v. 2328 qu'axiç ques, . .
qu'eu tan, et v. 2052: que quan. . . qttcl.
1275. Il manque une syllabe; comment corriger? [fassatz? Chab.]
1287. Vers trop court d'une syllabe. Corr. esmendar? [Plutôt no
cudeil? Chab.]. Mieux vaudrait peut-être mettre un point et virgule
après ce vers et une virgule seulement après colpa, v. 1289
1314. M'omeliu. Au sujet de cette forme, qui reparaît deux fois
plus loin (vv. 1755 et 2239), et que je ne m'expliquais pas bien,
étant donné l'infinitif umcliar (qu'on a v. 2778), Ts\. Chabaneau. que
j'ai consulté, a bien voulu m'euvoyer la uote suivante.
« Cette forme omeliu = humilio se remarque ailleurs, par exem-
ple chez Peire Vidal, Be m'agrada la covinens sazos, v. 27, et
chez Lanfranc Cigala, Escur 'prim chaniar, v. 60. Elle est régulière
dans le Forez', le Lyonnais, le Dauphiué, tons pays où l'o, comme
1 Cf. ce que dit Raimon Vidai, p. 87 de Tédit. Stengel, des formes amiu
•t chaîstiu.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 427
Vil latin post-tonique, n'a pas disparu, et aussi thius une notable
partie de la Provence proprement dite, par exemple à Marseille, où
les verbf s en iar font au présent de l'indicatif leur première per-
sonne en ïeu (ce qui est la même chose que iii). 11 en était sans
doute déjà ainsi dès le temps de Peire Vidal. Des formes pareilles
sont enciu (j'envoie) et aulriu (j'octroie), qu'on trouve dans une
chanson d'Ugo Brunenc ( Ab plazer). La même chanson nous offre
d'autres formes, non plus identiques, mais analogues, c'est-à dire
dans lesquelles un ti ( = o fermé), dont l'étymologie ne peut ren-
dre compte, s'est ajouté par analoyie à un i tonique final ou de-
venu tel, par la chute d'un a, consécutive de son affaiblissement:
litt, castiii, detriu, esliu, veiriii '. D'autres exemples de semb-hables
formes analogiques, se rencontrent çà et là dans divers textes. Je
vous citerai /îit, castiu, omeliv., obliu, où iu remplace le latin l'.et,
dans une pièce d'Arnaut de Tintignac {Lo joi comens); chez Gui-
lliem Adéinar (£Z temps d'esliii): forfiu ^forisfeci), diii (dicit); dans
Flamenca: c/juà* (372), eallu (1315, 6428); dans la Vie de Sainte
Enimie (Bartsch, DenJcm., 2G6, 21-22): tenrieu, auzieu. Ces deux
derniers exemples sont, avec le second esliu de Flamenca et le
vciriii d'Ugu Brunenc, les seuls qui soient en parfait accord avec
le provençal moderne, parce que ce dialecte n'a retenu la flexion
irii (= ia ou ie) que pour la première personne, disant fasieu,
farieu, pour : je faisais, je ferais ; mais fasie, farte, pour : il faisait,
il ferait; tandis qu'au moyen âge, cette nouvelle flexion servait aussi
bien, comme le ia (ou ie) qu'elle remplaçait, pour la troisième per-
sonne que pour la première. »
1347-8. Ces deux vers ne riment ni en français, ni en provençal.
Peut-être l'auteur a t-il écrit lat, c'est-à-dire ital. latte avec apocope
de Ve. Il y a latas au même vers, laitar 2221 .
1399. Il y a déjà veira maiestaç au v. 1397. Je ne crois pas qu'il
soit nécessaire d'y voir une faute du copiste; cette répétition du
même mot peut bien être due au poëte lui-même.
1406. Userait peut-être préférable de corriger iJç eu, et de mettre
une virgule au v. 1405 et un point à la fin du v. 1411.
1419. Il y a dans le ms., après ce vers, cet autre: Et en vos es mas
atendença. 11 est évident que ce vers est fautif. Le copiste ayant bien
copié le commencement du v. 1420, y a ajouté la fin du v. 1419; plus
'Remarquez que ces formes en i, intermédiaires entre m et iu, ne sont
pas seulement des formes tliéoriques; on en trouve un grand nombre, au
subjonctif principalement, dans les texte? de la Provence efde la Gascogne;
ailleurs aussi, mais plus rarement. Ainsi vous pouvez voir esti, rimant en i
dans Folquet de Lunei(E nom del paire, v. 422.)
418 POESIES RELIGIEUSES
tard, s'cuuit aperçu de son erreur, il a ajouté le v. 1420, tel qull doit
être.
1430. Aiaç ne me semble pas ici bien à sa place. Corr. Faiç tni '^
ou faiçam? Voyez la note sur le v. 1921 .
1440. Arma, Levers ne m'est })as idair. Anna, « âme », ne donne
pas de sens. Serait-il pour armas? ]\Iai.s alors non plus le sens ne me
paraîtrait pas satisfaisant.
1448. Je ne saisis pas le sens de ce vers. L'auteur a-t-il confondu
atcndre et atenher, et devrait-on corriger noi pour no», « que l'en-
nemi n"v puisse pas atteindre »? Cf . estcnda ^ouv es le n ha, au v.1574.
1460. Enfernor. Je ne connais pas d'autre exemple de ce mot en
provençal, mais pcne 'nfernor se trouve chez Ugxiçon, 31; cf. Tobler,
§35.
1514. [Contraire = Gnnexm, diable. Chab.]
\b\l.Iomt. Corr. ioint, owionh?
1524. So fera. Lisez sofera, subjonctif de so ferre, que je n'ai
pourtant jamais rencontré ailleurs. « Si je dis rien qui vous soit pé-
nible, que votre grâce [le] souffre. » L'objet serait sous-entendu.
[Corr . mercel f Chab . ]
1566. Suppl. ensegna?
1574. Eslenda pour estenha. L'auteur a confondu eslenher et
eslendre, comme atenher et atendre (v, 1448), peut-être sous l'in-
fluence des formes françaises éteindre, atteindre. Cf. la note sur
le V. 1448.
1598. [Corr. Ques al mens, ou Qu'ai irœns ieu .«',Chab.] — Pera .
C'est seulement chez Zorzi que j'ai rencontré un autre exemple de la
flexion forte de périr. Cf. mon édition de ce troubadour, I, 79 note.
1604. « Rame et voile. » La correction rems pour rens est de
M. Bartsch, C/iresto)n., 4eéd., 279, 11.
1608. Corr. Plena de spiritum san? Cf. 2466.
1623. Doas ne compte ici que pour une syllabe. Cf. Litt. Blatt.
IV, 316, sur IV, 13.
1631. Le vers a une syllabe de trop. Corr. veramen? Que signifie
gloridaf [Corr. glotida? Le dragon, d'après la légende, saisit dans
sa gueule la tête de la sainte, qui l'en retira miraculeusement. C'hab.j
1671-2. « Priez Dieu qu'il envoie secours à ceux qui le deman-
dent.» [Corr. A cel qui secors? Ch-àh.']
1704. Corr. propdansf
1716. Per un laus? [Corr. p)er vo (= voslre) lausf Chab.]
\lAQ.Yerais (: Tomas), Serait-il permis d'écrire veras = ital. ve-
race?
1750. Levers étant trop court d'une syllabe, j'ai ajouté sfrn^; cf.
V. 1965.
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUBTTEL 4.9
1759. Frair. Les exemples de cette forme ne sont pas rares; voy.,
par exemple, Stinimiug, B. de Born, glossaire.
17(31. Kscherviellaç '^ [« écervelé », au propre. «. . .Alors un juif
prit un marteau à foulon, et d'un grand coup il brisa la tête de l'aiiù-
tre et fit voler au loin sa cervelle.» {Légende dorée.) Chab.]
1769. Je ne saisis pas bien la construction et le sens de ce vers.
[La construction est embarrassée, mais le sens est clair. Ces apôtres,
eu effet, furent tués au milieu dos prêtres, et par ces prêtres eux-
mème.«, (jui se jetèrent sur eux (Le</. rforee). Chab.]
1801. Arodes. Ce serait la forme du cas oblique qui, on le sait,
suffitdans la langue ancienne pour exprimer le datif. Bckker: arodes.
1825. Mors = niortz « mort. » .
1880. Meieraç = meilloraç « améliorez»; meillorac se trouve au
V. 1939.
1903. Le vers ayant une sylluuj iL- trop, j'ai effacé loç. Ou pour-
rait on admettre liatz comptant seulement pour une syllabe?
1919. iVo* = nous = no vos; cf. mon édition de Zorzi, 2, 62 note.
1921. Fairon. Bekker corrige faiç en. Je proposerais de lire ou f'aiç
mi ou faiçnni = faiçac me; cf. 1940, 2052, 2377.
1923. Vol = voil, l'e pers. sing. De même 2056.
1941 . Regnar, « séjourner. »
1960. Cors, forme du cas sujet, employée au lieu de celle du cas
obi. cor.
1995. [Déport et joie (dédommagement) des grièves pénitences (que
nous aurons faites)? Chab,]
1999. Co/ïiiV6« échange, payement », à peu près synonyme de gier-
don, qui suit. — Les vv. 1999-2005 se retrouvent au fol. 51, insérés
par erreur au milieu dune pi>"jce strophique ; là aussi il y a camies.
Bekker : cami es.
2000. Colurs . Le ms. porte au fol. 46 r° dolors, qui n'a pas de sens ;
au fol. 51 colors, que jai introduit au texte, mais qui ne me semble
pas non plus tout à fait satisfaisant. Pourrait-on, en supposant que
cap dolors est la lei^ou la moins éloignée de Toriginal, corriger cap-
delaire? Cf. pourtant le v. 1878.
2001. ToV ohra. Au fol. 51, il y a tôt obrus, que j'ai ;iccepté en
changeant obras en obra. Le pluriel s'expliquerait de la même ma-
nière que le pluriel après cascus, totz hom, etc. ]Mais on j)Ourrait au
besoin garder lot' obras, et voir dans Iota la forme du pi. fém. en -a,
dont j'ai parlé dans l'Introduction.
2003. Pors = portz « port . »
2011. Seiaro armas. Bekker corrige semn d'armas;]e préférerais
sei'a m'arma.
2037. Legen'^ 28
430 POESIES RELIGIEUSES
2042. Peccador. Le ms, porte peccadors ; mais, à cause de la rime
f())-(cœur)et parce qu'il y a d'autres exemples de l'emploi delà forme
du cas sujet pour celle du cas oblique(cf. Introduction), je me suis
cru autorisé à corriger aussi ce passage-ci.
2056. « Je veux faire savoir à tous ceux qui aiment prix.»
2066. Sol, « excepté. »
2067. Sen tor.Je ne vois pas bien comment il faut lire. On pour-
rait corriger: Que sel sen, cor et l'engens. . .; mais on attendrait el
(=: et lo) devant cor, ce que la mesure défend. Ou senior = it.
senlore. Mais cette signification ne semble guère convenir. [Corr.
sel sen tôt ? Chab . ]
2068. Los froç. Corr. Vesforg.? [On pourrait aussi penser à los
proç. tiS>'i tout le sens et toute l'habileté et tout le savoir et toutes
les vertus (je traduis par à peu près) étaient réunies dans une même
personne. ..» Chab.]
2070. « Quelque, ingénieux qu'il fût.»
2074. Il y a une syllabe de trop. Corr. per ço au lieu de per aiço,
ou vol au lieu de volon.
2077. Falimen. Que la rime fût en -en et non en -ens, cela est
prouvé par sen (= sentit) au v. 2084.
2080. Caçon. Corr. çaçon = jazonf Cf. v. 455,
2081, Mendon, corr, smendon ; cf. 2077.
2084. Je ne saisis pas bien la signification de ce proverbe. Equi-
vaut-il à celui que Leroux de Lincy, Livre des proverbes fram^., cite
t. I, p. 245 : « Ung fol quiert son malheur»?
2085, Faiç, « fat. »
2095. II manque une syllabe. Comment corriger? Et quel est le sens?
[Corr. sahria lor au sens de sapidum esse? Chab.]
2098-99. [Je ponctuerais:
doloros
Nolcredon ges, la gens n'en (= no en) fan semhlan. Chab.]
2100.? [Corr. retorn (retourne, change) el (pour elor) revir?']
2109. Venen.?[(( Poison.» D'après la légende, saint Jean, invité par
Aristodème, « évèque des idoles», à boire du poison, afin de donner
la preuve, s'il n'en éprouvait aucun mal, de la puissance de son Dieu,
but en effgt la coupe qui lui fut présentée, et resta sain et sauf.
Chab.]
2111. Sens?[« Faites-nous souvenir de vos plaies; que la pensée
des plaies que vous avez reçues pour nous nous soit un conseil, une
excitation à bien faire? » Chab.]
2152-3. Ces deux vers ne riment pas. Je ne vois pas la correction .
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 431
2163. A telva. « D'un bout à l'autre, entièrement. » Voy. la note
sur le V. ().
2214. Deri.s = demis = deu vos, conarae eus, ieus = eu vos, ieu
vos. C'est, abstraction faite de eus, le seul exemple que je connaisse
de vos incliné sur un mot finissant par une diplithongiie.
2215. Uagnel pour Vangel, « l'ange.» De même 2217, 2296.
22\7 .El preçens ? [Ce mot ne peut-il s'entendre du salut que l'ange
présenta à Marie delà part de Dieu? Chab.j
2224. Uue syllabe de trop. Corr. vera. [Plutôt peut-être sal vos-
tra. Chab .]
2234. Effacer la virgule après enanqa.
2246. Grant captens. Covv. tjent?
2254. Lais pour las.
2263. Corr. Vensal seu lau so don f^' su!, hlasmaç?
2276. Decediit. Corr. deceubul .^
2281. 11 manque un vers en -ença.
2295. 11 manque un vers en -es.
2299. Fioi ? [Corr. Fen, « firent», comme ^on, 207 1 , == peuvent.
Chab.]
2317. Ena. Corr. c n'ai?
2339. Lo mar . Mar est quelquefois masculin en provençal. Cf.
Romania, I, 393. Un autre exemple se trouve dans Mahn, Gerf«c/)ie,
774, 1: E si lot s'es lo mars ptlas e suaus.
2351. Quera. Corr. Que la?
2352. Quil = queil = que li. De même v. 2719.*
2375 ss. Cf. V. 2050 ss.
2383. [Corr. emperairiç? Chab.]
2404. Aycs. Il y a dans le ms. un petit crochet au-dessus de Y s.
Corr. cm a ciii plaq la Yesu benvollensa, « la bienveillance de Jé-
sus »? Cf. la maixons Jésus, v. 144.
2408. Conort.Corv. concord? cL 2419.
2419. En. Corr. es? Cf. ço es au v. 2412.
2446. Sens? [Corr. apercebut == espagn. apercebido. Chab.]
2450. Soloil sans article; cf. Diez, Gram., 111, 26.
2454. Nos au lieu de nons = no nos ; cf. Introduction, p. 180.
2470. Pel las. Il faut ou corriger per las, ou garder la leçon du
ms. et écrire ^eZ/as, en y voyant une influence italienne, car cette
contraction n'a pas d'exemple, que je sache, en provençal. Cf. Hen-
gesbaeh, Beilray zur Lehre der Inclination ira Prov .
2482. Sciarçidemant. Je ne vois pas la correction. [Corr. sclarcir
denanl? Chah.]
2535. « Et âonnez-moi l'ouïe, afin que j'entende {nuça) conter vos
faits, ))
4Î2 POESIES RELIGIEUSES
2541. Sens? [N'ailent « et je n'attends. '> Oorr. for = manière?
Chab.]
2573, PairiUa pour aparella; cet exemple de l'aphérèse est à
ajouter à ceux que j'ai cités, p. 177.
2574. Honren pour honran.
2577. En tôt nos « entre nous tous. ■»
2586. La construction me semble mauvaise, mais lo sens est
clair : « Je m'étonne de ce que lliomme, ne pouvant pas être joyeux
ni avoir joie sans dieu, et n'ayant pas besoin de nous (autres hom-
mes), n'aime pas dieu cent fois plus que nous. » Quant au leste du
couplet, je ne sais comment construire, et le sens m'est resté ob.scui-.
Les vers 2625 ss. semblent indiquer aussi, pour ce passage, la con-
struction em meravciU.. . . citm nuls se pot de lui honrar sofrir ;
mais comment construire alors les vers intermédiaires? [A partir de
neil (= n'il=ni il), jusqu'à venir (2593), je crois voir une incidente,
comme une parenthèse, se rapportant à Dieu: " et lui n'a pas besoin
de nous, et il nous aime cent fois plus que lui-même (corr. Ens anin
ou Et ama) nos plus de lui ); car plus lui est pénible quand on
fait une faute qu'à celui- {qu'a cel?) là même qui la commet, quand il
s'en accuse (occaisona),et plus lui plaît, si on s'applique à bien faire,
qu'à celui à qui le profit en doit revenir; (cela étant je m'émerveille)
comme on peut se tenir (se dispenser) de l'iionorer. » Chab.]
2599. « Il est droit que celui serve qui reçoit le service et que celui
aime qui est aimé.» — Se7'vis. Je n'ai rencontré dans aucun nutio
texte provençal la forme servis, mais toujours servisi; servis se
trouve encore aux vv. 1662, 2558,2643 et 2723.
2600. Qu'om raixona, « car on raisonne, car on juge >>
2606. Esebrial. Corr. e s'embrïal?
2652, Sembl. L'apocope de l'a est un fait inou'i. Corr. li par cas-
cuns ou li sembla quecs?
2694. «Celui qui n'est pas mort l'attende », se. la mort. [Ou, peut-
être, (' et puisqu'il n'y a plus alors lieu de s'amender, que celui
qui n'est pas mort s'applique à le faire (pendant qu'il vit). » Chab]
2699. « Car le fruit qui commence à mûrir au dedans devient meil-
leur, et celui qui (commence à mûrir) dehors devient pire. »
2709. « Que le savoir sache faire ce que les deux (le cœur et le
sens) veulent et ce que le vouloir octroie. »
27)7, Le vers, qui est trop court de deux syllabes, m'est inconipré-
hensible. Je ne vois pas la correction, [_Niens a mens [no sonl van
« nullement ne sont pas moins vains »? ou mieux peut-être txietis
a mens [no s'en] ro[n.<^ Chab,] " -•
::i72G, Corr. ab legrança? '
2768. Podian. Corr, porian ?
DU MANUSCRIT DE WOLFENBUETTEL 433
2177. Eniplia. L'imparfait ne convient guère ici. Pourrait-on siiii-
poser un verbe empliar, nouvellement formé par l'auteur?
2787. Le copiste a écrit ce vers comme s'il commençait une ti-
rade, laissant la place nécessaire pour une lettre enluminée, qui est
indiquée à la marge, comme d'ordinaire, en petit caractèie. La môme
chose se remarque, aussi mal à propos qu'ici, au v. 2910.
2SÀ3. Remanir {maïs rcmaner : ver 2076) se trouve aussi chez Guilh.
de Bergueda « Un sirventes » Mild, los Trovadores en Espnna, p. 300
iazir (.• soffriv) chez Peire Milo, Malui, Ged., 674, 5. Notre texte
offre aussi redemir w.2'è\%.
2870. {Tendut. Corr. rendul. Chab.]
2879. Vergunlaq. On doit lire veryinilaq ; mais, comme le vers a
alors une syllabe de trop, je corrigerais mantenc. Ou pourrait-on,
en conservant iiianlengron, corriger vergentaçf Maïs je ne connais
p:is d'exemple de vergenlal, forme qui pourtant serait le produit ré-
gulier de virgim'tatem, tandis que virg^nitat est une forme savante.
2888. Seniors. Ou seinors? ¥A de môme v. 2912?
2892. « Qu'il me fasse pardon des péchés que j'ai faits. » La trans-
position qu'ai faiç faiçam rendrait le sens de la phrase plus clair,
niais elle ne me semble pas nécessaire.
2898. ? [Els gaudens, « parmi les bienheureux »? Chab.]
2904. Il faut compter oracions pour trois syllabes, ou coiriger
qtieslas.
2910. Voy. la note sur le v. 2787.
2912. Voy. la note sur le v. 2888.
2917. Qos. Corr. quops ? Cf. 2373.
2928. Volgran. Peut-être vaudrait-il mieux corriger voir an.
2930. Al. Le ms. porte a la. Le vers ayant ainsi une syllabe de
trop, j"ai corrigé al, correction à laquelle je me suis cru autorisé,
les formes del, al, = de la, a la, se rencontrant plusieurs fois dans
notre texte; cf. Introduction, p. 190.
1. Aiu. Cf. Behrens, Unorganische Lautvertrelung innerhalb der
formalen Entwicklitng des franz. Yerbalslammes, p. 25. [Franz-
oestsche Studien, III, 381).
33. Tenui. Corr. tenu « sont tenus pour les pires »?
49. Parent. Cf. Behrens, p.5 {Franzoes. Studien,lll, 361).
54. Qu'il anôitent? M. le prijfosseur Neumann a la bonté de me
suggérer laiCovvQcûoQ. qa'anoinntenl « car ils anéantissent. » [Corr.
anoncent? Anoiantent ferait une césure épique, et le contexte indi-
434 POESIES RELKilEUSES
que d'ailleurs uuo opposition entre les actes et les paroles des hypo-
crites. « Ils auuoncent la paix et pourchassent la guerre (la mort). »
Chah.]
60. Esteç? [Corr. eslcç po\iv eslig (electos)? Chab.]
Voici, pour terminer ces notes, la liste des mots de notre texte qui
manquent ou qui ne se trouvent pas sous la même forme, ou avec la
même signification, dans \e Lexique roman de Raynouard :
Alumàr, Rayn. alumnar, 2622, 2788-9.
Apoderar,^^'^; se apodcrar, 2502 « efforcer, s'oflorcer »; Ray-
nouard: surpasser, subjuguer.
Aren (?), 505.
Atensar, 151. Voy. atenser dans Godefroy.
Atori, Ibl.
Biaç (italianisme?), lat. h(^lus, 2025.
Baudimens. 1913.
Cap, no-cap, 107.
Circoncisimens, 197 1 .
Concert, 2408 (?), 2419.
Begnitos, 1554.
Bemelre, « remettre, renvoyer » 644; Rayn.: imputer, désister.
Empliar (?), 2111 .
Eniprenitaç, « grossesse », 1225.
Enfernor, 1460.
Ensermonar, 2610.
Ensir, 121. [Même forme dans le ms. Chigi (Stengel, Bie prov.
Bhcmenlese der Chigiana, 63, 5), dans le ms. Philips (H. Suchier,
Benkmàîer, p. 336, note sur 464, 4), dans le roman français de ^
Joufrois (v. 151, 813, 2120, 3782, et aussi 2174, où erisist doit pro- }
bablement être corrigé ensist). Borel a relevé cette forme dans son 1
dictionnaire. Chab.l %
Escampar = it. scampare. 2522, Rayn. = répandre.
Escurir, 2474.
Famellos, « affamé », 501. ^
Fort, « forteresse », 94. '■
Genmens, 2545 (R. gentament).
Glorir (?), 1631. *
Golejar, 2664. f
Gubern, 1870. Rayn. govern.
Gnierdonamen , 2568.
Liansa, « concorde. » 1474. Rayn. = alliance, homniage-ligo.
Machar, 679.
VARIETES 435
Magistrar, 2364. Rayu. majestrar.
Mastramens, 1970 (Rayn. amaj es Iranien s) ,
Merilar, 298.
Meislaignar (?), 61.
Misericorda, 2345. Rayn. miser icordia.
Norixo, 2223. Rayn. milricio.
OU m en, 1256.
Omicidos, 349, 2136.
Orgoillamen, 2178.
Pentixon, 267.
Posansa, 248.
Ramar = produire (?), 315.
Regard (sens), 262, sans doute, assurément.
Servis. 1662, etc. Voy. la note sur le v. 2599.
Sos tenais, 1841, 2849.
Sovenir = secourir, 208.
Terçada, treçada (f), 108.
Trespaor, 2423.
Veraiçamen, 2335.
VARIÉTÉS
FRANÇAIS ffiîA rOiV^/S CREIONS; LYONNAIS
GRATONS GRIATONS
En lyonnais, les gratons griaions, Forez, gratons, sont de petits frag-
ments grillés et rissolés, résidus de la graisse de porc après qu'elle
a été fondue. Cochard donne g'yia^o?* « morceau raccorni de panne de
porc, d'où l'on exprime la graisse. » Cette définition, qui se rappro-
che de celle de Littré pour créions : « morceau de graisse de porc
frais ou panne apprêtée », est absolument inexacte en ce qui concerne
aujourd'hui nos gratons. La définition de Cotgrave pour graton se
rapproche de la nôtre : « Graton de porc, of the fat that holds tlie
entralls, being melted, there remaines a fleshie part, which eut in
peeces, is thus tearnied at Paris. » Celle de César Oudin pour creton
est rigoureusement conforme à la nôtre pour graton : « Un creton,
c'est ce qui demeure en la poisle après qu'on a tiré la graisse de
l'oing du pourceau, qui est le saiudoux, et est tout rissolé et sec,
comme du lard qu'on met dans une omelette. » {ap. Godefroy.)
4Î6 VARIETES .
Dans sa pièce intitulée le?. Voleurs de jambons, Roquille dit :
Veyant qii'o vet pré sur cou ton,
Roclelodarré g'?v'ûr/on.
Gratons existe en vieux français. M. Godefroy en cite un exemple
du XIV» siècle. Le dialecte de Plaisance a le mot f/ratf on, au sens de
cretou provenant de la graisse de bœuf, et celui de Pavie </rafo « cic-
tiolo », restes de viande dont on a extrait le jus'. Enfin le j>rov. a
(iratèu, gratelou (qu'on trouve aussi en Velay); le Quercy gratabel, et
le langued. gratahou (Mistral).
Sur l'étymologie, Littré et iScheler, après avoir rapproché le pic.
rroton, graillon, déclarent « l'origine inconnue. » Scheler ajoute que le
mot « pourrait se rattacher à crotte. » Le sens de « morceau dépanne
apprêté » exclut ce rapprochement.
Tne hypothèse plus plausible consiste à voir dans gratons, creUns.
un dérivé de cratem : choses gi-illées.
Cratem a laissé deux séries de dérivés (sans compterceux par l'in-
termédiaire de craticulum) dans lesquels, malgré la rareté du fait, t a
persisté .
Dans la première série, a tonique persiste : lyonn. yrutreya, qu'on
trouve en 1633 dans Vlnvent. de la Manécanterie au sens de grille à
couler la lessive ; v. fr. grate, claie (Godef.); grateine (?), souricière^;
angl. grate (gréte), grille, emprunté au roman, et qui n'est f-ans doute
que du normand. J'y ajoute gratons et gratèu.
Dans la deuxième série, a a régulièrement passé à e : v. fr. crefhi
crétine, hotte, corbeille (tressées), gret, tissu à jour. J'y ajoute le fr.
Créions, le baguais creti^, ratatiner (comme des choses grillées), le
V. fr. grediller, grésiller, friser sous l'action du feu.
La première s'expliquerait par une forme cratta ; la deuxième par
un primitif roman 'crête.
Cratem, du reste, a persisté dans les langues romanes : ital. gradn ;
esp., portug. grade, grille. Il a donné le dérivé ital. gradellç,, même
sens.
La seule objection grave à cette étymol. serait qu'on ne trouve
ordinairement pas, dans les langues romanes, cratem au sens de gril
à rôtir, sens qui a été fourni Tpar craticulum = graïl. Mais les dialectes
' Foresti, Vocabolario piacentino.
2 Dizionario domestico pavese-italiano. •
3 Pourrait venir de rat, avec prosthèse de g.
* Le bourg, crette, qui paraît ê(re une sorte de radeau (Godef ), pourrait
avoir la même origine.
5 Fleury, Essai sur le patois normand de la Hagiie.
VARIETES 437
en offrent des exemples. Le piémontais, qui a beaucoup do traits com-
muns avec le lyonn., a (/rata, « gratirola '.» Un dérivé, autre que cra-
ticulum, a fourni de nombreux termes au sens de gril ; c'est cratella :
vieux ital. graJella (Du Cange), toscan grateUa- ; piacentino grâd-
sèlla; vénit. graella^. Ce cratella, gril, a existé pour la Provence,
puisqu'on trouve gratelou, qui est à cratella comme gratèu à crata.
Il est assurément impossible de séparer gratelou de gratons, et,
comme il n'y a pas d'hésitation sur l'étym. de l'un, il ne doit pas, ce
semble, y en avoir sur l'étym. de l'autre.
Du reste, l'idée qui, dans gratova, avait frappé Oudin, celle d'ob-
jets griUéx, rissolés, est assez naturelle pour qu'elle ait donné lieu à
la forme lyonu. grattons, qui a certainement àté grillatons, passé à
griyaton griatons, par la substitution, ordinaire chez nous, de y k Ih
POITSPKLU.
SUR UNE PARTICULARITE DE LA DECLINAISON
GALLO-ROMANE
Notre éminent confrère, M. Michel Bréal, dans une communica-
tion faite par lui récemment à l'Académie des inscriptions et belles-
lettres (séance du 26 août 1887), a émis, sur la cause du maintien ex-
ceptionnel dans le français moderne des formes de l'ancien cas sujet,
telles que saur, prêtre, etc., une opinion très-voisine de celle que je
professe moi-même, mais qui en diffère cependant assez pour que
je ne croie pas inutile d'exposer ici, plus explicitement que je ne l'ai
fait encore *, ce qui, sur cette question et sur une autre qui s'y lie
étroitement, — ou, pour mieux dire, ne s'en distingue pas, — me sem-
ble la vérité, et que j'enseigne, par suite, chaque année, dans mou
cours de provençal et d'ancien français.
Si l'on cherche à déterminer, approximativement, pour les substan-
tifs dolor, virtus, veritas, le rai)[)ort du cas sujet au cas oblique, au
point de vue delà fréquence de leur emploi, dans le bas latin, àla veille
du dégagement des langues romanes, on trouvera sans peine que lo.
cas sujet devait apparaître dans le discours, au plus, une fois sur cinq;
le cas oblique, au contraire, au moins quatre fois sur cinq. Ce dernier
cas, en eô'et, en représentait quatre de l'ancienne langue, quand le
premier n'en représentait qu'un seul, puisque dans ces substantifs le
' .Mich. Ponza, Vocaliolario piemontese.
■ Fan fan i. Vocnholavio deli' Uso toscatio.
^ Dizionario tascahile del dialelto veneziano.
* Voy. Revue, XXVI. ili.
438 VARIETES
vocatif ne comptait pas, ue pouvant jamais être employé dans les
relations ordinaires de la vie.
Mais si, au lieu de dolor, par exemple, on prend soror, dont la
déclinaison est identique, on reconnaîtra immédiatement que, ce sub-
stantif devant être, comme les autres noms de parenté, employé au vo-
catif, qui se confondait avec le cas sujet, plus fréquemment que
dans tout autre rôle, la proportion indiquée tout à l'heure pour dolor
devenait inverse ; que soror, par conséquent, devait frapper l'oreille
plus souvent que sorore.
C'est grâce à cette circonstance que, tandis que dolor a perdu dans
le roman des Gaules son ancien nominatif, soror a conservé le sien.
Il n'y avait en effet aucune raison de sacrifier soror à sorore, s'il est
vrai, comme je le pense et lai plusieurs fois imprimé, que c'est la
loi des majorités qui a décidé du maintien ou de l'abandon des for-
mes de la déclinaison . Or ce que je dis ici de soi'or s'applique plus ou
moins à tous les noms désignant des personnes et susceptibles, par
conséquent, d'être plus ou moins fréquemment employés au vocatif.
Ainsi s'explique que, tandis que tous les noms à accent mobile de
la troisième déclinaison latine qui désignent des choses ont perdu la
forme nominative, les noms qui désignent des personnes l'ont gardée :
cornes, ahbas, preshyter, pastor, imperator, senior, major, infans ',
muUer\ haro, lalro, traditor^, etc. Il n'y a, je crois, d'exception que
pour les quelques noms en ix-icem, fort peu nombreux, du reste, que
la langue populaire a conservés, comme meltritz {meretricem), pecairitz,
emperairitz .
La même cause qui assura la conservation de ces formes dans le
passage du latin au gallo-roman fut aussi celle qui, lorsque la décli-
naison romane se simplifia, empêcha plusieurs d'entre elles de dispa-
raître, et même, contrairement à la règle générale, les fit parfois pré-
férer à celles du cas régime. C'est ce qui a eu lieu en français pour
snrnr, prêtre, traître, ancêtre, et quelques autres. Pour un plus grand
nombre, la forme du cas sujet et celle du cas régime sont, on le sait,
restées l'une et l'autre, non comme des formes d'un même nom, mais
co lime deux noms indépendants et de signification diverse, quoique
voisine. Ainsi pâtre et pastear, maire et majeur, sire et sevjneur,
' Remarquons, pour ce dercier, qu'il fait exception parmi les mots en am,
comme soror parmi les noms féminins en or. Pourquoi ? parce que, tandis que
bOQ emploi au vocatif devait être très-fréqueut, les participes présents ne de-
vaient jamais ou presque jamais se montrer dans cette fonction.
2 Du moins en provençal.
3 Ces deux derniers mots devaient être souvent employés au vocatif comme
termes d'injure.
VARIETES 139
chantre et chanteur, copain et compagnon, gars et garçon, trouvère et trou-
veur. Ce dernier est le seul, si je ne me trompe, parmi les noms eu
ator, qui ait conservé la forme du sujet avec celle du régime'. En
provençal, il y en a, au contraire, un assez grand nombre dans le
même cas, et, lorsqu'une seule des deux formes concurrentes a été
conservée, c'est la forme du cas sujet qu'on y a, en général, préférée.
Même à l'époque où l'on avait encore, semble-t-il, le sentiment du
• Il faudrait ajouter pechère, si ce mot était vraiment resté en français;
mais il n'est plus usité, sauf erreur de ma part, que dans quelques [irovinri's
mériciiouales. C'est la traduction de Texclamalion pecaire, telle qu'elle dut
être faite à l'époque où le français commença à s'introduire dans le pays
(Xllle-XlVe siècles). Les personnes de moyenne éducation s'en servent cou-
ramment lorsqu'elles parlent français. Je citerai à cette occasion deux autres
mots français conservés ici dans leur forme, je \'eu.\ dire leur prononciatinn,
ancienne: oja', dissyllabe et nenni.Ow prononce très-nettement oî/-î et m'nii.
Mais, au contraire de ;jw/k'jt, employé seulement quand on parle français.
où-i et nàni ne sont plus d'usage que dans le patois, où ils font concurrence à
oi* = oc et à 710, ces derniers servant quand on s'adresse à des familiers, les
premiers quand on s'adresse à des personnes qu'on respecte ou qu'on ne tu-
toie pas. On reconnaît là le même sentiment (jui a fait rejeter ;}fl/re, maire,
dans leur emploi familial, pour y substituer les formes de la langue réputée
plus noble, à savoir />è)'e, mè^e, devenus pèro, méro, et même (ô barbarie!)
pèra,mèra, et qui, dans beaucoup de noëls, fait parler les anges en français,
tandis que les bergers s'expriment en patois.
Puisque l'occasion s'en présente, je signalerai encore un autre mot doiU
l'influence française a modifié la prononciation dans le parler local. C'est le
nom même de la ville de Montpellier. Tout, normalement, s'oppose à ce que
l'tf qui précède les deux •// soit muet. Il l'est pourtant dans la prononciation
de ce pays-ci. où la seconde syllabe de Montpellier se prononce exactement
comme la seconde de /jachelier.On \-o\\. tout de suite l'explication: on a
voulu. quand on conunença ici à parler français, traduire Montpellier, comme
ou lva.duisa\lpecu ire, et dans les deux cas, \'e prolooique devint muet, parce
que tel était constamment l'usage français; en sorte que les indigènes, comme
les nouveaux maîtres du pays, ceux-ci, par analogie et d'après les usages de
leur langue, les premiers, par imitation, s'accordèrent à assourdir \'e sonore
qui précède les deux /, et qui n'a conservé, dans ce pays-ci, qu'en patois, sa
régulière prononciation. A Montpellier, c'est mène un i. plulùt qu'un e, qu'on
entend {Mounpiyé).
» Oi n'est pa> inconnu de- ranuiLiim- langue. J'ai >ignulé autrefois cette partieu'c
ilans Flamenca où elle avait été méconnue. Voy. la Romania, TII, 330. Quant à ni>,
c'est une forme faite pour surprendre. O.n attendrait nou; et, chose bizarre, nou, (l'ii
e.\i-te aussi, s'emploie comme iiâni, cV-st -à-dire (luaud on parle aux gens que l'oii ne
tutoie pas. L'infloence française aurait-elle agi dans ce cas en sens inverse de l'ordi-
naire ? Cf. font, pont, qu'on dit ici, en patois, au lieu de fount, pounl, prononciation
commune et normale le la langue d"oc.
140 VARIETES
rapport do dcpoudance mutuelle qui liait ensemble les formes comme
snr et soror, coi»s et comte, etc., il n'est pas rare de voir la première
emplo3'ée pour la seconde dans le rôle de régime. C'est ainsi qu'on
trouve souvent, et dans des textes nombreux et anciens, sor ou suer
pour soror ou seror ,• 1^iés dans Roland, pour nevot (nevold= nepotidum
dans lo ms. d'Oxford)'; coms \)o\xx comte dans Flamenca, la Croisade
Il lbi(/eoise, etc.; abas pour abatjdans ce dernier ouvrage et dans nom-
bre d'autres textes ; ber ou bar pour baron, passim ; senher, senh, en
provençal, pour senhor-, etc.
Que ces licences grammaticales fussent dues, comme j'ai eu déjà
])lus d'une occasion de l'expliquer, à l'influence du vocatif, c'est co
que concourt à prouver l'emploi qu'on faisait en provençal, dans la
même fonction de régime, des deux formes Deus et Verges, les deux
mots de la langue les plus fréquemment employés au vocatif, avec
celui de Jésus. Et ce qui paraît une preuve sans réplique, c'est que ce
même mot de verges perdait toujours son s au cas régime, quand il
ne désignait pas la mère de Dieu. N'ayant, en effet, rien de populaire
en dehors de son emploi dans les prières, on ne s'en servait sans doute
jamais quand on adressait la parole aux jeunes filles, et l'influence que
j'attribue au vocatif ne pouvait dès lors s'y exercer.
Jusqu'ici, à part Deus, dont il vieut d'être cpiestion, il ne s'est agi
que de noms appartenant à la troisième déclinaison latine, et dans
lesquels, par conséquent, le vocatif s'y confondant par sa forme avec
le nominatif, l'influence de ce dernier cas ne pouvait, loin de la con-
trarier, que fortifier celle du premier. Mais il en était autrement dans
les noms en us de la deuxième déclinaison. Là le vocatif différait du
nominatif, et devait donner normalement, sau:£ dans quelques mots
tels que ainicus, le même produit que l'accusatif. Mais les substantifs
en us, susceptibles d'être employés au vocatif, étant, même en y
comprenant les noms propres, assez peu nombreux, il est naturel que
l'analogie de tous les autres noms de la langue, où cette différence
entre les deux cas n'existait pas, ait conduit à l'effacer dans celle-ci,
et qu'on ait dit amicus, fllius ^ , 'commue on disait déjà Deus, aussi bien
au vocatif qu'au nominatif. Cependant l'ancien vocatif en e dura assez
longtemps dans les substantifs d'un usage universel et journalier,
tels quedominus (domnus), christus , Petrus, et d'autres noms propres,
et dans les adjectifs le plus habituellement associés à ces noms ou à
<Cf. Revue, t. V, p. 334, n. 1.
' Aujourd'hui nostre Senhe, en parlant de Jésus-Christ.
3 Oa trouve déjà filius (silsiol fonclioa de vocatif dans Horace, et il y a
d'autres exemples pareils chez les anciens auteurs. Voy. Biicheler, Vcrlinai-
son latine, p. 71-72 de la trad. de M. Havct.
VARIETES 441
celui de Dieu, connue carus, heîliis, sanclits. pour que la hmgue popu-
laire ait pu le conserver et le transmettre au roman, en même temps
que la forme analogique en s, qui lui faisait une concurrence plus ou
moins forte. Et comme dans les noms dont il s'agit, de niriuc qun
dans ceux tels que soror, dont il a été question précédeinui' nt, le
vocatif était le cas le plus fréquemment employé, on comprend que
la forme de ce dernier cas, ou étymologique, c'est-à-dire sans .s-, ou
analogique, c'est-à-dire avec s, ait pu s'imposer à tout le singulier, et
qu'on ait dit, par exemple, tantôt sont au cas sujet, tantôt sam^ au
cas régime. C'est ainsi que, dommis et domue ayant donné respective-
ment dons, danz, et dom, dan (dant, damp), dans les deux langues de
la Gaule, on trouve quelquefois, dans la fonction de cas régime, dons
(mi doits, si dons) en provençal, rfa?;^ en ancien français'. Mais la
propagation au cas régime des formes en s, telle qu'on la voit dans
dons, sans, Deus, Vercjes, et plusieurs noms propres, comme Tïborgs,
paraît avoir été moins fréquente que lé phénomène inverse, c'est-à»
dire que l'assimilation du nominatif au vocatif (Peire, au lieu de
Pelres, pour Peints ; Bertran, an lieu de Bertrans-; etc.), et on le
comprend sans peine, car ici le vocatif avait pour auxiliaire tous les
autres cas du singulier. Cf. les Leys d'Amors, II, 188.
L'ancien vocatif latin de la deuxième déclinaison a donc laissé des
traces dans l'ancienne déclinaison romane. Ces traces se remarquent
dans la déclinaison des noms propres et dans celle de quelques noms
communs (subtantifs ou adjectifs), dont l'usage était aussi fréquent
et plus universel que celui des noms propres, tels que les dérivés de
doutinus, sanctus, carus, hellus, bonus. On trouve plusieurs fois c/icr
et bel dans Saint Alexis / il y a sans doute çà et là des exemples de
bon ou de bo; l'interjection actuelle boudions permet, dans tous les
cas, de supposer dans l'ancien provençal un bo Deus = bone Deus.
Dom pelegri (^= domne x)ereririne) est dans une pièce du comte de
Poitiers. La même forme don se remarque plusieurs fois dans la
traduction limousine de l'Evangile de S. Jean et dans d'autres textes
plus récents, et la forme correspondante de l'ancien français, dan,
qui apparaît aussi de très-bonne heure, a duré longtemps dans la lan-
gue^. i)o?n«7je lui-même owdomnesQ. lit tout au long dans ^oi^ce etdans
Saint Léger, et l'on sait que, joint à Deus, comme il l'est dans ce der-
nier texte, il a subi dans sa forme d'assez nombreuses modifications ;
en français, par exemple, damne, damre, damle, etc., et finalement
dame. Cf. G. Paris (Romania, I, 303), sur le v. 1 du Saint Léger.
1 Woy. Revue, V, 334, n. 1.
'^ Par exemple dans Berlraa de Born, S'ieu fos aissi, v. 35.
3 Se rappeler le « damp abbé » du Petit Jehan de Saitttré.
4i: VARIETKS
Dans son usage onlinairo, c'est-à-ilire euiploj-é comme tonne de
Violitesse. et équivalant dans ce cas à notre monsieur, domne, quand il
précédait un nom et, par suite, devenait proclitique, fut traité comme
le pronom ille en semblable position, et donna naissance, comme ce
donner, à un véritable article, <[ue les Leys d'amors appellent hahitut
propria o honorahla . Cet article, qui est ne, ne doit se rencontrer que
bien rarement dans sa forme pleine. Je n'en connais que deux exem-
ples'. Il perdait, en effet, presque toujours sa voyelle, parce qu'il
s'unissait étroitement, comme l'article commun lui même, tantôt avec
le mot qu'il précédait (si celui-ci commençait parune voyelle), tantôt
avec celui qu'il suivait: v'Aimeric; de» (de no) Peire Vidal: la
cansos qtien Peire fctz-. La fréquence des combinaisons de ne avec
un e final, comme les deux dernières, conduisit à voirdans den, quen,
non pas, comme il était juste, de + ne, que -f ne, mais fZ« -f en, que
-\- en, et à remplacer, par suite, le ne primitif par en^, de la manière
qu'on remplaçait, en Catalogne et ailleurs, par suite de la même illu-
sion, l'article commun lo ou le, les pronoms me, nos, etc., par el, ern,
ens, etc. Cf. là-dessus l'introduction du Liber instrumentorum memo-
riulium (Montpellier, 1886, p. Li, n. 1).
Ne m'occupant ici que des dérivés du vocatif en e, je n'ai rien à
dire des autres formes de l'article propre, tirées de domnus, domnum,
domna. Il suflira de renvoyer, en même temps qu'à là note qui vient
d'être citée, au travail de M. A, Thonias [Romania, XII, 585), où ces
formes ont été étudiées sérieusement pour la première fois, et de don-
ner ici la liste complète de celles dont l'existence est constatée :
' L'un est limousin, l'autre gascon. — Au lieu de ne on trouve souvent
na, qui est la forme du féminin, devant des noms d'homme. Cela est surtout
fréquent dans les chartes gasconnes; mais on reocontie aussi cette funiio
dans des textes littéraires, chez Gavaudan,chez Bertran de Boro, chez Foiquct
de Lunel, chez Palais et chez d'autres peut-être. Est-ce un renforcement de
n", ou de no = {doni)nu'.m) , comme, la, en Dauphioé, du pronom lo? Ou
fdut-ii y voir le résultat d'une confusion des deux genres, analogue à celle
qui a fait appliquer dons (= domnus) aux femmes, dans les foni;u'fp si
usitées mi dons, si d07is?
2 La Chanson de la croisade albigeoise offre des cas nombreux di; la ré-
duction de ne à n, non pas seulement, comme dans ces exemples et comme
à l'ordinaire, après ou devant une voyelle, mais même entre deux consonnes.
Je renvoie aux vers 1268, 2205, 2904, 3123, 3147, 452y, 7437, 7715, 9Ui3,
9466, et en outre aux vers 3111, 5397, 5763, 0270, 6087, où le ras. porte en,
mais où la correction n' s'impose.
^En Catalogne, on eut aussi an, ou l'a provient de la préposition h [a ne).
VARIETES 443
MASCULIN
nos, ns, nz, ens, enz^ (comme sujet seulement).
ne', n', en (dans toutes les fonctions).
?!«•■' (id-)-
iiun, non^ (seulement comme régime).
' La forme noi n'a élé signalée jusqu'ici que dans les deux Charles du liuwl
Limousin, où M. Thomas l'a découverte. Mais|des autres (o^es qui en dé-
rivent {ns, etc.), on trouve des exemples plus ou moins nombreux dans les
textes ci-après: '^
Mémorial des nobles de Montpellier (voy. l'édition de M. Germain, p. i.i).
Vartulaire de Conçues.
Cartulairr des Templiers du Puy en Velay.
Une charte du Gévaudan de 1230 [Revue des Sociétés savante.'!, IbTi
p. 20(3).
Une charte daupiiinoisede il91 [Petite revue des bibl. dauphiîiois, p. 56).
Coutume de S.-lionnet-le-Chateau {},leYer, Recueil, n"56).
Le Mystère de la Passion du ms. Didot, v. 1693.
Cartulairede S. Sauveur-en-Rue (d'après AJ. Paul Meyer, Remania, XIV,
167).
- Voy. ci-dessus, p. 442. Il est bon de noter qu'on ne trouve jamais en
•devant une voyelle. Ainsi Pos n' Aimerics, . . et non Pos en Aimerics. . .
3 Voy. ci-dessus, p. 442.
^Quatre exemples feulement, et tous dans des chartes du haut Limousin.
Il est remarquable que dans l'un d'eux, 7ion précède un nom de femme.
Serait-ce par l'effet d'une confusion analogue à celle qu'on peut supposer
paur na précédant un nom masculin, et que nous offrent les formules déjà
citées mi dons, si do7is ? L'adjectif possessif, invariable, qu'on remarque
dans ces expressions, et qui rappelle singulièremenl le mi populaire lalin
(voy. Biicheler, p. "33, et cf. l'espagnol), ne se plaçait pas seulement, pour
le noter en passant, comme l'a cru Diez (II, 91), induit, semble-t-il, en er-
reur par les L<'7/5 d'awo?-.? (II, 214), devant le mot dons. On l'employail
aussi avec molher, du moins en Limousin et en Dauphiné. Voy. les Docu-
ments historiques sur la Marche et le Limousin, publiés par MM. Moli-
nier, Leroux et Thomas, 1,157, 175; 11,5; le Cartulaire de Blassac, p. 48,
51; le Cartulaire de Romans, p. 21. Je suppose, que mi et si, dans ces
exemples, dont un au moins remonte au Xl^ siècle, comme dans tni dons,
si dons, viennent directement du latin populaire; et je crois, par suite, qu'il
faut les distinguer des formes pareilles qu'on rencontre, en divers textes
plus récents de la Provence ou de la Gascogne, devant des substantifs fémi-
nins de toute sorte, ces derniers étant le résultat d'une réduction, opérée
par le provençal ou le gascon eux-mêmes, de ia à i, comme, par exemple,
dans les temps eu ta de la conjugaison. — Comme on disait rio?;*', avec tni.
si, aussi bien au cas régime qu'au sujet ou au vocatif, on pouvait aussi dire
molhers, à ces trois cas. Ainsi, parmi les exemples limousins plus haut
4U VARIBTBSS
na (clans toutes les fonctions).
ne * (sujet et régim»»).
C. C.
DOMiyrSET SENIOR, AU FÉMININ, KN PROVKNVAL
Les granimairiens d'autrefois, — j'aime à croire que ceux d'aujour-
il'hui sont moins infatués de la prétendue supériorité de leiu- sexe,
— donnaient pour raison de la règle qui veut qu'un adjectif, s'il se
rapporte à la fois à un nom féminin et à un nom masculin, ko mette à
ce dernier genre, que le masculin est plus noble que le féminin. Ceux
qui les premiers ont dit mi dons en «'adressant à une dame obéis-
s lient sans doute au même préjugé. Ils entendaient marquer ainsi,
d'une manière plus sensible, leur respect et leur soumission. On sait
combien ce mot, dans cet emploi particulier, revient souvent dans
L s poésies des troubadours 2. Mais il n'appartenait pas exclusive-
ment, dans ce sens, non plus que dans sa signification propre, à la
langue poétique. 3Ii dons était, paraît-il, une formule devenue, dès
le XIII® siècle au moins, aussi banale que l'est aujourd'hui madame;
et, si on l'appliquait à la sainte Vierge, comme dans les statuts d'une
confrérie limousine de 1212, ou à une sainte ordinaire, ou pouvait
aussi s'en servir en parlant d'une femme (juelconque, même de
moyenne condition, comme on le voit dans cet exemple, tiré d'une
des cluiites lin)ousines du recueil de M. Thomas (I, 18G), qui porte la
date de 12G4:« per nom de mi doms n' Aiba Jaucmela, molher Ilelia
Vig'ier. »
De même que dons, senker dut être aussi en provençal joint à des
noms de femme, d'abord par une recherche raffinée de politesse ^, en-
c tés, il y en a trois de si molher:'! au cas régime. Je crois que là enoore.
comme dans dons, régime, c'est à l'influence du vocatif qu'est dû cet emploi
abusif de la sifflante flexionnelle.
' Seulement dans des chartes gasconnes, |de la même régiou où raiticle
la devient le (Rayonne, Landes).
2 11 est toujours, ou presque toujours, en ce cas, précédé des formes mi
ou si de l'adjectif possessif. Mais on a dit aussi son, et sans doute également
mon; ainsi Raimon Vida! [Gedichte, t. iï, p. 3.ô, 1. 10' : « El cavayer. . .Voie
a soQ temps son joy complir Et a son dons trobar merces. »
3 De même en vieux portugais senhor, en ancien fr. seif/new, en ancien
italien sir (sans doute pris au français). Voy. Diez, Veber'die erste portv-
yiesische Kunsf-und Ilofpoesie, p. 133. Un poète mayorquin du XVIII» siè-
VARIETES 445
suite, ainsi qu'il arrive toujours en pareil cas, par liabitudo et d'une
façon banale, comme le vous français et toutes les forinuks du même
genre. Les textes anciens n'offrent à la vérité, sauf erreur de ma
part, aucun exemple d'un pareil emploi de senher. Mais je pense que
c'est ce mot qu'il faut reconnaître, bien qu'à demi ou complè-
tement effacé, dans deux expressions qui vivent encore en Languedoc
et en Provence, ou plutôt qui aciièvent d'y mourir, car elles ne sont
presque plus en usage, et les générations nouvelles ne les connaissent
pas ou les connaissent à peine. C'est 7noff (ou mas) et misé. L'une et
l'autre ne s'appliquent ou no s'appliquaient, surtout mos, qu'à des per-
sonnes de médiocre condition, a à des petites bourgeoises ou à des
femmes du peuple qu'on veut honorer. » (Mistral.) Le dernier est tou-
jours suivi de la préposition de, placée généralement devant le nom
du mari ou le nom de famille. Exemple : Mos de Lavene (titre d'un ro-
man de M™" Figuier). Quantà?m'se, il précède immédiatement le nom.
Je pense donc que misé est 77u' senher, et que mos est mos senher.
Pour arriver de mi senher à »iîse, le chemin est court et facile. Il
l'est moins de mos senher à mos, et surtout à mas ; mais en voici les
étapes, toutes certaines et constatées par des textes : mos senher, mos-
senhe, mossetih, mossen, mossé, masse, par recul de l'accent, et entin
masse, par renforcement de Vo . Ces deux dernières formes, dont jnos
et mas diffèrent à peine, sont l'une et l'autre dans des textes du
XV* siècle '; mais je ne les y ai vues apppliquées qu'à des hommes.
C. C.
SUR QUELQUES FORMES DU FRANÇAIS MODERNE
qu'6n rapporte a l'ancien cas sujet
Presque toutes les formes d'ancien cas sujet qu'a conservées la lan-
gue française proviennent de la déclinaison imparisyllabique, et j'ai
montré ci-dessus que c'est à l'emploi qu'on faisait de ces formes
dans la fonction de vocatif qu'est due leur conservation. On peut
attribuer ù la même cause la préférence qu'a obtenue, dans certains
noms propres de la deuxième déclinaison, tels que Charles, Georges^
Louis, la forme en s sur la forme sans s, et ne pas se refuser, par
suite, à voir dans ces noms l'ancien cas sujet.
cle, qui écrivait en castillan, dit mi dueno, en parlant de son a amada.s
Baver, I, ^ÏS.
' Je trouve déjà masse {massé ou tnôsse?) dans des documents lyonnais
du Xllle siècle.
446 VAKIETES
Uii pourrait aussi, pour le même motif, regarder fils comme un
autre reste de ce cas; mais, comme la même raison n'existe pas pour
lis, il est plus logique d'expliquer, comme je l'ai fait autrefois (^evwe,
VI,95), l's de ces deux formes par une transformation de la palatale
{fil juin — fih).
Personne ne songe plus aujourd'hui, sans doute, à expliipier ^r«('<s
^arputeus, lacs par la^jueus, bras par * bracchius ^ . Mais u'autres mots
peuvent encore faire illusion, et l'objet de cette note est justement
de les examiner et de montrer qu'aucun d'eux n'a réellement, de l'an-
cien cas sujet, que l'apparence.
1. Lfl//s, donné par M. Brachet comme le représentant de leyatus,
ce qui est phonétiquement impossible, est une forme hybride dans
laquelle ont été confondus deux mots synonymes, leg et luis (les), noms
verbaux, le premier du verbe léguer, le second du verbe laisser. L's,
par conséquent, ayant été prêtée par les, n'est pas flexionnelle.
2. Rets. C'est non 'refis, mais retiuin, fait sur retiu.
3. Fonds; d'un fundus neutre, ou de fundium, qu'on a dans Za-
tifundium. Ce mot et le précédent étaient intégrais dans l'ancienne
langue .
4. Queux (= coquus et *cotis). C'est bien là la forme du cas sujet
de ces deux mots. Mais il est fort douteux qu'elle se soit transmise
ainsi sans interruption jusqu'à nos jours. Il est inliniment plus pro-
bable qu'à la forme queu dn cas régime, seule conservée, selon la rè-
gle générale, lorsque la déjclinaison se simplifia, l'analogie des noms
si nombreux en eux = osas, et où Vx, par conséquent, appartient au
radical, lit ajouter abusivement cette consonne-.
6. Yieux. Là encore la forme du cas sujet paraît certaine (vieil-s —
vielz — viels — viens ■^). Mais le maintien en est dû à une confusion,
qui a commencé assez anciennement à se produn-e, entre vieil et vies,
autre adjectif de même signification et qui, venant de vêtus, était in-
tégral ^ .
Les quatre exemples ci-après montreront comment cette confusion
a dû avoir lieu : «En un chemin viens » (Octavian, p. 12). Il faudrait
vieil ou vies, et la rime en eft'et exige vies. — « Une sele que estoit
viex. n(Ibib., p. 55). Il faudrait vies ou vieille. — Puis a veu. . .. un
* Sur ces mots et d'autres pareils où l's- est radicale, voy. la Revue, V, 335
sef/ .
- C'est par la même analogie que tant de noms en ew, jadis prononcé eu
et souvent écrit eMX, font euse àu féminin: trompeur, trompeuse, etc.
3 Voy. \a. Revue, VI, 94.
* Voy. Revue critique, mars 1885, p. 231.
BIBLIOGRAPHIE 447
grantviels charetil. » {Fabliaux, V,237). 11 l'audiail cieil ou vies. —
«Ses vieuses arrnes », au lieu de vieses (Aiol, v. 723).
Vieux n'est donc pas, non plus, uu(î forme incontestable de cas
sujet exceptionnellement conservée. Ce mot représente, aii fond,
plutôt vies (vêtus) que vielz (vetulus).
C. C.
BIP,LIOGRAPIIIE
Altfranzoesische Bibliothek licrausgegeben von D'' Wendelia Foerster.
Tomes 7, y, 10 et U.
La Bibliothèque d'anciens textes français que publient à Ileilbrona
]\IM. Henninger frères, sous la direction de notre savant confrère
^I.Wendelin Forster, s'est accrue dans ces derniers temps de quatre
nouveaux volumes diversement intéressants, dont voici la liste:
T. VII. Das allfranziisische liolanthlied ; text von Paris, Cambridge,
Lyon, und den sogenannten Lothringischen Fragmenten, herausgg.
von Wendelin Forster. Ce volume est le complément naturel de celui
dans lequel M. Forster a donné le texte du ms. de Châteauroux et du
ms. de Venise, et sur lequel voy. la Revue, XXV, 97. Voilà mainte-
nant, grâce à lui, à la portée de chacun, tous les matériaux de l'édi-
tion critique qu'il prépare, et dont tout le monde pourra ainsi plus
facilement et plus complètement apprécier les mérites. Une table de
concordance des mss. et des éditions, dans laquelle on a aussi fait
entrer les imitations en diverses langues, termine le volume. Cette
table a été dressée par M. Robert Heiligbrodt.
T. Y^. Adgars Marien-Legenden, nach der Londoner Uandschrift
Egerton G12 zuni crsten Mal vollstandig herausgg. vou Cari Neu-
haus. Edition très-recommandable de la plus ancienne rédaction fran-
çaise des Miracles de Notre Dame, qui n'était connue jusqu'ici, au moins
des lecteurs français, que par les extraits qu'en a donnés M. Paul
Meyer en 1877, dans son Recueil d'anciens textes, p. 343-47. Une am-
ple et instructive introduction précède le texte d'Adgar, et le volume
est terminé par des notes et un glossaire dus à M. W. Forster.
T. X. Cv/umentar zudeii dltesten franzoesischen Sprachdenhmaelern,
herausgg. von D"" Eduard Koschwitz. Dans ce volume, qui s'annonce
sur le titre comme le premier d'un couple ou d'une série, M. Eduard
Koschwitz, l'habile éditeur du Voyage de CharUmagne à Jérusalem,
448 BIBLIOGRAPHIE
otiuiie les Scrincuts de 842, lu prose do sainte Eulalie, le iVagmciit de
Valeuciennes, la paraphrase du Cantique des cantiques, découverte et
publiée pour la premièro fois, eu 1865, par M. Gaston Paris, et enfin
l'épître farcie de la Saiut-Étienne, dont la première édition est due
égaleniont à M. Gaston Paris, et que M. Forstcr a publiée de nouveau
en 187'J dans cette revue. Sur tous ces textes, le coninieutaire de
M. Koschwitz, — tous ceux qui auront, comme je l'ai fait, examiné
son livre de près, en conviendront avec moi, — épuise la matière, de
quelque point de vue que le sujet soit envisagé. On peut, sur certains
détails, n'être pas absolument d'accord avec lui; mais il n'est que juste
de reconnaître dans son ouvrage le fruit de l'étude la plus complète
et la plus pénétrante dont ces vénérables monuments de notre langue
aient encore été l'objet.
T.Xl. DieWerke derTrohadors N' Atde Mons, zum ersten Mal he-
rausgg. von Wilhelm Berniiardt. Ce volume contient le premier texte
provençal qui ait encore paru dans V Altfranzoesische Bibliothek, et ce
texte était jusqu'ici complètement inédit. J'avais eu moi-même l'in-
tention de le publier, et ce projet fut même annoncé dans le temps
aux lecteurs de la Recue^. Mms l'exécution dut en être différée pour
plusieurs motifs, dont le principal est l'impossibilité où je me suis trouvé
jusqu'ici de coUationner sur le ms. la copie que je m'étais procurée,
et qui, malgré les garanties d'exactitude qu'elle m'oÛ'rait, me laissait
des doutes sur beaucoup de points. M. Bernhardt, qui ignorait tout
cela, m'a prié dernièrement, lorsque son texte de N' At de Mons était
déjà imprimé presque en entier, d'en lire les bonnes feuilles et de lui
communiquer mes observations. Ce que j'ai fait fort volontiers, et
pour lui-même, ma sympathie étant acquise d'avance aux jeunes gens
qui. entreprennent des travaux si digues d'être encouragés, et pour
M. Fôrster, au nom duquel ce service m'était demandé. Mais j'ai
lieu de craindre que toute une série des notes que j'ai adressées à
M. Bernhardt à plusieurs reprises, au fur et à mesure do deux lec-
tures faites à peu d'intervalle, ne lui soit pas parvenue. Je ne trouve
pas, en effet, parmi les remarques qui remplissent les dernières pages
du volume, un certain nombre de corrections que je suis sûr de lui
avoir communiquées, et qu'il aurait certainement acceptées. Ces cor-
rections, je vais ici les indiquer, et j'y en ajouterai plusieurs autres
qu'une nouvelle lecture du texte provençal m'a suggérées, avec un
petit nombre d'observations auxquelles quelques-unes des notes de
l'éditeur m'ont paru devoir donner lieu. Mais, auparavant, il convient
de faire connaître en peu die mots le contenu de la publication de
M. Bernhardt.
1 T. XIX (1881), p. 208.
BIBLIOGRAPHIE 449
Le volume s'ouvre par uue introduction qui a déjà paru à part,
comme dissertation de docteur, sous le même titre que le volume dont
nous rendons compte, et dans laquelle, après avoir exposé le peu que
1 ?s œuvres de N' At de Mons nous apprennent de sa vie, l'auteur
étudie en détail la langue de ce troubadour. Suivent trois pages plei-
nes d'intérêt de M. Forster, sur quelques particularités de phonétique
(jui se rattachent à ce sujet. Le texte ]>rovençal vient ensuite ; il
comprend cinq traités versiliés, qui sont, je dois le dire, mortellement
ennuyeux, malgré le grand cas qu'on paraît en avoir fait du temps
de l'auteur et après lui'. Dans le premier, qui est le plus long des
cinq, est longuement agitée la question du libre arbitre; la morale est
le sujet des suivants, et le dernier est principalement consacré à
1 amour. Tout cela sous une forme purement tcolastique. L'éditeur a
fait suivre ces cinq compositions, qui forment ensemble 4760 vers,
d'un sirventes, ou vers, déjà publiée par M. Bartsch, et qui est la seule
pièce lyrique qui nous reste de N' At de Mons. Elle oifre le même ca-
ractère didactique et moral que les novns r'imadas qui précèdent.
Une analyse développée de ces dernières compositions suit immé-
diatement le texte provençal ; puis viennent les notes, dans lesquelles
sont comprises les remarques que j'ai communiquées à M. Bernhardt,
et dont je donne ici, comme je l'ai annoncé ci-dessus, l'indispensable
complément.
I, 10. « senher. » Ce mot ici n'est pas, à mon avis, cingere, comme
le croit M. Bernhardt, mais simplement seju'or. Sur cet emploi de sen-
her, comparez les biographies de Bertran de Born et de Raimou de
Mira val. Voy. p. 66 de mon édition, note 7.
35. C'est certainement snplegam, en un seul mot, qu'il faut lire.
72, que ici signifie, selon moi, que, pron. relatif, et non comme.
87. Je ne crois pas que car soit ici pour quej non plus que dans les
autres passages indiqués par l'éditeur. Il signifie car ^ : (cet cela se
voit, car», et non pas : « et il paraît que. »
159. a las actors. » Corr. ??.
160. prophethans est le part. prés, de prophet/sar et non un sub-
stantif = prophète.
258. neces ou neices, que j'ai proposé à M. B,, serait Jieccsse, comme
nessieira est necessaria. L'e, qui normalement devrait être ouvert et
qui est fermé, puisqu'il rime avec bés, ne fera pas difficulté, si l'on rc-
' Voy. les Ley^ d'amora, dans l'une et l'autre rédaclioB, passù?i; Raimon
de Cornet, III, 75.
2 C'est aussi le sens de que lui-même, après le même par, en plusieurs
passages, par exemple au v. 720.
450 BIBLIOGRAPHIE
marque que la même voyelle s'est également fermée dans es = est.
250. « nos. "Corr. nol?
1^12-13. Transporter après ce dernier vers la virgule placée à la fin
du premier.
320. Virgule après mor.
321. tot2 om 7no>' (sans apostrophe); 07i tôt ne saurait être l'équiva-
lent de sitôt.
322. Un point après vida. — 328. tôt ver.
33 1 . ver . ..e pales (ou a pales ?) .
359-60. Corr. E pus hom es cresatz (= créé; il y a, d'ailleurs, d'au-
tres exemples de cette forme) Ses liremiers fazemen. . .'^
416. de razo.
500-501 . 11 ne suffit pas de rétablir l'ordre de ces deux vers ; il
faut encore, comme je l'ai indiqué à M. B., rétablir pour le premier
la leçon du ms. {A au lieu de E).
510. Un point après ce vers. — 511 . Rétablir es meritz.
512. Virgule après mor. — 514. Virgule après be.
518. Rétablir Que.— 520. Rétablir /i don s'er.
581. tôt. — 604. s'o.
646. Point-et-virgule ou un point à la fin du vers.
649. Virgule après t-e. — 662-3. tôt comtat. ..astrat.
689. D'aco, en tota res {res intégral}. — 692. Virgule après ome.
694. aquel 'eussa. — 765. Supprimer la virgule.
778. Peut-être En comt 'e caniiiat Et els autres suhers.
841 . Noi .? — 861 . fos notât.
865. Quel (avant que le savoir fût). — 904. Hom, tantes. ..?
918. Virgule seulement après parlar.
936. Lis. nomni, avec le ms.
986. Composta, comme je crois qu'il faut écrire (voy. la note), se-
rait naturellement un indicatif présent. Cf. Leys d'amors, II, 184:
« Ta)it se compost' alqunas vctz am dictios numerals. » C'est un
verbe formé comme coventar . Mais, dans notre exemple, on voudrait
voir répéter le régime. Corr. 0 la compost' e par ?
990. Corr. Fêla de son pur ver '^-- No sembla, qui saber enten,
Lunha razos.
1015. Lacune après ce vers?
10.56. Rétablir d'arm' en part; mas aon = pourvu qu'il abonde,
c'est-à-dire sauf qu'il abonde, à savoir Dieu, sujet de la phrase, qui
d'ailleurs vers la fin n'est jms facile à construire.
1060 Virgule après ^)a?-. Les vv. 1061-1064 forment une incidente ;
la proposition subordonnée à par commence à 1006.
1080-1. Non pas : « Je suis près de prouver ma vérité », comme
l'édit. interprète en note, et voudrait corriger, mais : « Ma vérité est
BIBLIOGRAPHIE 451
bien près d'être pronvc'o. ...» (l'actif pour le passif, comme il arrive
si souvent avec l'infinitif).
1103. A Dieu.
1 105. Virgule après ve. La construction est Bos sabers venc a Dieu.
1173. asupt'ilian, en un seul mot.
1256. M. B. a mal lu ma note C'est le ren (=renh, royaume) que
je lui indiquais ; correction du reste fort incertaine. Le passage anaT
logue dans Guiraut Riquier (p. 18;^) est de peu de secours pour la
correction de celui-ci.
1270. Point-et-virgule après ce vers.
1274. Virgule seulement après ce vers.
1298. Point ou point-et-virgule après dreg ,
1300. Corr. JTas qui a (Si quis hahct) .
131G. Plutôt peut-être, sans rien changer au ms., Astr es, segon
vers es .
1326. Corr. Dels planetas. Dels, avec estelas, non féminin, paraît
inadmissible dans ce texte.
1354. E par en que. . .==. en ce que. . .
1367. Transporter la virgule après ciel be. Le régime de soste est
l'autre.
1380. El sems.
1385. Corr. reclon? La lacune que j'ai supposée pourrait ne pas
exister.
1411. « en bon aon. » Corr. en hom' aon.
141*.). On, que j'ai proposé de corriger Que, peut rester; je mettrais
alors un point après le v. 1418, et un point-et-virgule seulement
après 1422.
1428. Je corrigerais vertuh (Hahet sua virtus) . — 1432. Coin es.
1451. « Dampn'als. »Corr. Dam ah.
14.57. Rétablir çMeZ re malauros (le rend).
1472-3. Virgule après mais et après tant. — 1474. fatz =facit.
1503-4. Corr. Mera qu'aquel fe? Simple virgule après viven
(1502).
151-5. Corr. Dich en las razos?
1540. Rétablir D'eys aysso; que (1541) s'y rapporte.
1518.0. Lis. sazo au premier de ces deux vel-s, razo au second {sic
nis. d'après ma copie).
1617, Corr. ? Le contexte semble exiger quelque chose signifiant
X car ce qui est mal paraît souvent raisonnable. » Y aurait-il une
lacune avant ce vers?
1652. Corr. ? Ni la correction de M. Bernhardt, ni une nuire. {Pueis
f/'owe),que suggère plus naturellement le ms., ne paraissent satisfai-
santes.
452 BIBLIOGRAPHIE
1674. Virgule après comensa.
1G70. Virgule après mens. Il doit y avoir une lacune après le vers
suivant.
1725. « crezedor. » IMOt mal expliqué dans la note ; Non es crezedor
^ il n'est 2}<^s croyable; c'est un adjectif tout différent du crezedor
que M. B. eu rapproche. Ce dernier est le sujet plur. de crezeire ; le
;iûtre,le sujet sing. neutre de crezedor-s {^= * creditorius .) Cf. entende-
dor (à entendre), au v. 1733.
1770. Corr. Jes hôm.
1702-3. Eétablir E (= en) totas res ses par Gran.
1803. Ma note a été mal transcrite. Lis. corn a que, en trois mots
{ad quid).
1874. CoiT. Aisi. — 1884. Corr. On neys.
1885. Virgule après mal. — 1892. hen = hene.
1898. « qu'el a »; plutôt que l'a (illi hahet) .
1914 et 1916. Virgule après chacun de ces deux vers.
1943. Virgule après se. — 1956. Virgule après mon.
1957. Corr. Plu[s6]r [per] servir luif — 1960. Eétablir çue ?.
201 A. prédication, qvC on lit dans la note (p. 159,1. 8), est une faute
d'impression. (J&&t prédiction qu'il faut lire.
2026. Corr. ?.
II. — 7. Ma note a été transcrite incomplètement; lis. E si he
par. . .
43 . Virgule après ohs. — 67. Lire qu'eras.
70-71 . Corr. ?. — 91 . Son, mot. . .
93. Corr. Qui so. . . Le ms. porte Q, surmonté du signe abrév. de
l'e, que le copiste aura pu substituer à celui de Vi. C'est du reste
la leçon des Leys, dans l'extrait rapporté en note .
112. Corr. 01 sieu. —121. « Fa. » Plutôt Er? Ms. Eu.
129. Corr. de conoissens. — 133. «ges. ))Corr. gen.
1.57. atressï (ms.). — 184. « Car. «Corr. Can?
190-3. Corr. Cals {=^ Qui interrogatif). . . cahal,. . . valor,. . . sen-
hor ? Ou Car noy a tan ?
199. Virgule après sen. — 204. afazendat, en un seul mot.
205. Virgule après soert. — 212. Suppr. la virgule.
233. Corr. vils. - 256. Corr. ?.
266. Corr.:
Lauzor gratz ; grat far be ;
Be far valors; valers
Nays de dever; dever.s. . .(lacune?)
E de mal falhiraeDs. . .?
Cf. V. 286 et suiv.
BIBLIOGRAPHIE 453
2G9. M. Beinhardt s'est mépris ici et plus loin ' sur le Sens de mes
remarques. Je n'ai pas voulu dire qu'il y a une lacune, un blanc
laissé à dessein dans le ms.; et en effet mu copie n'en indique pas,
mais seulement qu'il paraît manquer quelque tfhose après ce vers.
277 . ni que, que j'ai proposé de changer en ni re, peut être con-
servé. Cf. la locution ni so ni que, en français ne ce ne quoi.
287. Répétition du v. 2G5, qui fait ici pléonaémc. Corr. ?
303. qo c'abelis.
353-8. Corr. E mas (Et puisque). . . Par. . . . voler. . , ver.
418. Mais pane de? — 438. Un point après arenir.
439-41 . La phrase est intenogativo. Ecrire en conséquence, avec
une légère correction, be far ? — Non, car. . .
463-4. Ms., d'après ma copie :
Sol a semblan mostrar,
Mais sen falhir semblan far.
qu'il faut rétablir, sauf à supprimer Jlals et corriger sens falhir sem-
bla far.
4Q8.parlara, en un seul mot. — 524. Corr. es an saber?
583. Point-et- virgule après peccat.
591. Point-et- virgule après parlar ; per so c'ai, qui 6uit,=c'est pour-
quoi j'ai.
597. Ma copie porte bien si (voy. la note de M. Bernhardt); mais je
crois la leçon ^ préférable, et je pense, après nouvel examen, qu'il n'y
a pas de lacune. *I1 faut seulement mettre une simple virgule après
saber, et un point-et-virgule après fi. Le sens est: «Dans nos actes,
vouloir, pouvoir, savoir, tous les trois, font ce qui convient (ce qui
est dû, fan dever), du moment qu'ils sont « fins » (c'est-à-dire purs,
honnêtes}; au contraire (coversat), c'est-à-dire s'ils ne sont pas «fins »,
ils produisent faute et mal . »
615. No an tuch. — 662. Lis. Totz (ms. tug).
667. « entrevellî. » entrenelh? Il y a dans Godefroy un entrenueu
qui paraît désigner une certaine partie d'un escalier, par conséquent
un ouvrage d'artisan.
670. Virgule après sap.
684. Il faut maintenir la virgule après es.
696-8. Carpoder.. .ni occaizo. Virgule après ce dernier mot.
699. blasme trairion (ms.). — 702. que (en).
IQl , Point-et-virgule après an. — 735. Sos pretz.
749. sofrait' aver.
» Vers 288, 401,461.
454 BIBLIOGRAPHIE
83U. Defenden so del sieu. CL Deux mss. proveii^aux du XlVe siè-
cle, p. 174.
866-6V). ?? ;< no-ns. » Le ms. a nom (nos); tenir est suspect.
878. Suppr. la virgnte après glot. — 897. Un point après poder.
927. Virgule après reclus. — 928, Corr. si falh.
944. qu'es a far? — 951. « c'anz. » Qui.
958. K en cor. «Corr, encar. — 961. Suppr. la virgule.
966. mal cujar, en deux mots.
1003-5. Aquesta, so sapchatz Entendre, Ualtatz Nais el cor. . .?
1014-1015. Un point après razos ; virgule après henenansa, cour
bien marquer que c'est à saviezn que s'applique le vers suivant.
1028. « fe. n Corr. ve. — 1029. Lire aman en un seul mot.
1062-3. Il faut construire vertut. . . de valor.
1075. Suppr. la virgule. Il est possible qu'ici, comme en d'autres
endroits, la virgule, pour nous fautive, soit justifiée en Allemagne
par des habitudes de ponctuation différentes des nôtres.
1085. CoiT. Prendo d'autres valor. D'autres est sujet, Cf . v. 1122.
1113. « Far. «Corr. Fan — 1126. assetat ?
1148. senhorejat = traités en seigneurs.
1152. s'a nom honor suffit, sans de.
1163. De so de l'autnd.Cî. v. 839.
1205. (voir la note). C'est après vertutz qu'il faut mettre les points
suspensifs.
1227. «mielhs. » Corr. nulhs.
1231 . Point-et- virgule après remarvdra. '
12.32-35. Corr. et ponctuez C'onjms. . .talens Lepeccaire. . .Pus.. .
forfaitz; El liais...
1294. Lis. sert (il est certainement à croire que. . ,).
1329. «qu'en. «Corr. quens? — 1345. Per tôt.
1358. C'est après ce vers que je propose de mettre un point d'in-
terrogation, et non après 1360, comme il est dit par erreur dans la
note.
1377. Lire de paratge, en deux mots.
1380. Lis. C'am.. Revert, dont le sujet est paratge, est le subj. de
revertar, verbe qui manque à Rayn , , mais dont il y a d'autres exem-
ples, et qui vit encore.
1385. Virgule après fa. La pensée de l'auteur est celle-ci : « celui
qui n'est pas né noble (de paratje) ne le sera jamais, à moins qu'on
ne Yen fasse », c'est-à-dire qu'on ne le fasse chevalier. Sur cet emploi
de en (aujourd'hui y), voyez Deux mss. provençaux du XIV^ siècle,
p. 173.
1401 . Corr. Honest es qui desvia?
BIBLIOGRAPHIE 455
1412 C'est par méprise (|iie j'ai indiqué la correction proposée en
note. Il faut conserver la ponctuation de M. P.ernliardt.
1420. Virgule après gens (voy. la note).
1424. Si loi- serait préférable à Si hels que j'aiproposé, et ([ui se-
rait pour si be Los, ce dernier mot au sens de lor.
1435. mnns. — 1436. mal a'ilntz (deux mots).
1449 (et non 1450, voy. la note). «E fa. » Corr. E dar?
1458. Virgule après premieiramen.
1459. Corr. De valor. Point après eissamen.
1402. Point après hontatz, sans tiret.
1403. Lis. largeza donatz (== donnez, impératif).
1481 . Maintenir la leçon (pie j'ai proposé de corriger. Il faut seule-
ment remarquer que la construction doit être Segon qu'es la largeza
ni mou de boneza, val.
1496. Il n'y a pas lieu de changer la leçon du ms.
1525. La correction proposée est inutile: estener, iutransitif, con-
vient fort bien. Il faut une virgule après crezensa.
1532. Une simple virgule après atretal; tan can (v. 1534) se ratta
che à sia du v. 1527,
III. —21. Quem do? —51. ??. Lacune?
64. Virgule après bas. — 77. Rétablir Qui pot son contra-he mermar.
93. Lacune après ce vers? — 133. « pensar. wCorr. pensan.
135. va leu. — 201 . Un point après razo.
203. Point d'interrogation après ce vers. Les deux vers suivants
sont la réponse à la question.
223 . feirara .
IV. — 08. Corr. pren, sia mais o bes,. . .
93. ??. . . Faut-il lire vol mielh? mais le reste?
94 . jocx paraît appeler datz ? Y aurait-il donc là quatre rimes en
atz?
108. Lis. a parelhs = à paires.
115. La corr. que j'ai proposée (voy. la note) est bien risquée;
mieux vaudrait ^4rf boni' usat,\nen que cela s'éloigne davantage de la
leçon du ms.
120. Rétablir del cabelh. La construction est Si non ton sohr obs
del cabelh (expression prov-erbiale '?) « soque. . . .
175. « don. )) co7u'^ — 190. Flutôt deu le.
203 . Qui. — 204 . Plutôt si punir .
211. l'er (ms. ht). — 237. s/Z creys colors, fa. . .
245. Simple virgule après albir.
250. Corr. parlon; purlan ne peut être un subjonctif.
267. Point-et-virgule après acoseguir.
456 BIBLIOGRAPHIE
269. nils seinblans, c'est-à-dire ni aïs fais semblans. Rétablir Que
au commeucement du vers.
V. — 39. calacom. — 83. a pales.
84.Suppr. les tù-ets ; que est sous-entendu.
129. piejer ergiilhos, saus virgule entre ces deux mots.
15G. lo tort? — 168. Virgule après Icumcn.
169. Corr. Sitôt? — 224. ?? On ijourrait penser à corriger a mes-
denhar sa sen {du lauzenjador); dins du ms. (s'il y a bien dins, car ma
copie porte uins) pourrait provenir de denli ou de dein, suivi d'une
abréviation que le copiste aura prise pour une s.
305. Un point après auctor? CAvàCWii en est (eu sont, par syllepse)
garant; chacun peut en témoigner. |
306-8. Ditz...grans Qui tot...X}xiT^o\nto\i poiut-et-virgule après ^^ms. \
325. nom? — 350. Tes? f_
355. quel sembla. — 409. Un cal. ■
474. Pel meteys? — 485. «meta. » Corr. mera.
534. no cre. — 548. Virgule après necessitutz. ■
599, Suppr. la virgule.
Anhang, p. 128, v. 3. « plevon. » Ne serait-ce pas plutôt pZe; on .^
Cf.V, 58, 116, 128.
19. «tôt l'an.» Corr. toi lan (tollit illam (se. valorem) inde) ou toit
l'an (tollitam illam habet inde).
24. Virgule après meteïs ; qui = si quis.
30. «cor. j) Il semble qu'il faille ici préférer cug (voy.les varian-
tes chez M. Bartsch), cor étant déjà au vers précédent.
Je tiens, en terminant, à féliciter publiquement M. Willielm Ber-
uhardt des connaissances, de l'intelligence et du soin dont il a fait
preuve dans l'exécution du travail, aussi ingrat que difficile, qu'il a
eu le courage d'entreprendre, — ce qui est déjà un rare mérite, — pour
ses débuts" dans noti'e carrière.
C. C.
J
PERIODIQUES
Zeitschrift far romanische Philologie, X, 2. — P. 177.
M. Kuhfuss. Sur la Vie de Dante ubréijée attribuée à Boccace. Con-
trairement à l'opinion de j\I. Scliefïor-Boicborst, l'auteur ne croit pas
que cette Vie puisse être attribuée à Boccace. — P. 205. A. Pakscher.
Un catalogue de Fulvius Ursinus. Après avoir donné les 33 numéros
de la partie de ce catalogue qui concernent l'italien, le provençal et
le français, l'auteur étudie en particulier le n° 1 (Vatican, 3195), re-
cueil des canzone et des sonnets de Pétrarque, que l'on croit en
partie autographe. M. de Nolhac a fait sur ce sujet une communica-
tion à l'Académie des Inscriptions, le 28 mai 188G (Voy. Revue criti-
que, 188G, p. 4GÛ'). Par suite d'une entente avec lui, Tautcur, qui de-
vait donner une suite à ce premier article, y a renoncé. — P. 246.
H. Tiktin. Vocalisme du roamahi. Début d'un travail qui s'annonce
comme très-important. — P . 256 . Osterhage . Ganelon et les traître^
dans lalé'jende de oharlemag ne. h' Siuteuv voit dans Ganelon une va-
riante du type du beau-père persécuteur et meurtrier de son beau-fils,
et, en dernière analyse, un dieu des ténèbres et de l'hiver, qui met
à mort le dieu de la lumière. C'est peut-être aller bien loin dans la
voie de l'interprétation mythologique des légendes. — P. 262. Th.
Braune, Sur quelques mots romans d'origine germanique. Albergo,
aller c, herberc, etc., tirent la première syllabe de «fZaZ (inadmissi-
ble); dans le bas latin /eo(^u?u^ il faut reconnaître non pas seulement
le gothique /ai^M, mais aussi ôt, qui peut seul expliquer le d (plau-
sible); hareng vient, non du latin halec, mais de harlng, dérivé de
hari: c'est le poisson qui marche en bandes (excellent); considérations
intéressantes sur haranguer, qui serait une forme savante correspon-
dant à,la forme populaire arre«5r/er/ ce qui est dit de arroi, dont la
première syllabe serait hari, n'est pas concluant ; algier, du Rolant,
qui doit sans doute s'écrire atgier, comme on l'a fait, ne vient pas
de adalger.
MÉLANGES. — I. Manuscrits. 1 . P. 278. E. Stengel. Onze nouveaux
manuscrits de la chronique en, prose qui porte le nom de Brut. Addi-
tions à l'article de M . Paul Meyer dans le Bulletin de la Société des
anciens textes français Je 1878. Cf. Romania, XVI, 154-5. — 2. P. 285.
W.List. Fragment du Roman de Troie </e Benoît de Sainte- More. Il
* Voir aussi Revue des langues romanes, XXX, 55; XXXI, 315
45S PERIODIQUES
s'agit de 439 vers conserrcs à la bibliothèque universitaire de Stras-
boare * - " '" Viemin qui datent da
XIII* . - - .... .- : . ... :e. Ils oflErent d'assez
nombreuses variantes an texte publié par M. Joly et trois vers qui
manquent à ce texte. Noos en prenons bonne note pour l'édition criti-
qae que nous nous proposons de préparer aussitôt après la publication
de notre édition critique du /* 7^ Thèltf-g, qui va enfin être mise
sous presse. — II. Cbitiqub l_- XES. P. 292. A. Gaspary. ^rf</i-
tion à Zeitscbrift, IX, 571. AUche, dans la pièce de Chiaro Davan-
zati : Afsai m'era posaio. est le latin alec, et les vers où ce mot se ren-
contre sont traduits du distique latin imprimé dans .fîoni., XIV, 471.
— III. ÉrmoLOGiES. 1. P.292. F. Holthausen. Fr.foh 1'/ est due
à la phonétique svn tactique, yoi« jouant le rôle de proclitique ; j're-
saie, de prœtaga, qui -aurait été influencé par im mot allemand sup-
posé, forcioga. — 2. P. 293. G. Groeber.Fr. piaffer ne vient pas de
pied; >L G. le rapproche du normand actuel pianner, qui se dit du
cri du ■' " - et de piauUr, piailler, etc., et croit à une onomatopée
(peu s... --.^nt). — IV. Grammaire. 1. P. 294. A. Feist. x = us
dans les manutcrUs en ancien français . Nouvelle tentative d'explica-
tion de cette curieuse graphie. M. G. Paris rappelle avec raison
(Rom., XVI. 155) que le nom de z était en ancien français ieus (voy.
Jnbinal, Xouc. ree., II, 280), ce dont il faut tenir grand compte
pour la S'Z'lution du problème. — 2. P. 296. H. Vamhagen. Gloêe*
froMuxùses dans des mss. d'uElfric (voy. les observations de M. G.
Paris, Bom., XVI, 155.
CoMPTES REîfDUs. — P. 302. H. Suchier. Œuvres poétiques de Phi-
' " ■ • " > (Schwan ; très-favorable, quelques
.. .. „. .. _ .. -^. — P. 306. C.-M. V^oh^n. Questions
de grammaire et de langue françaises élucidées (Tobler, bien des ré-
serves). —P. 308. H. Morf. Drei hergellische Volksheder {Vioào\&:
sévère, cf. Rom., XrV,6l9j. — P. 310. Giomale storico délia leti-era-
hira a - ^ "'^ ^ " ', XV. 1 ;Tobler: obser-
vations . s de Guyhia de Gercera
par Thomas, mauvaises le . ; W. Mejer), — P. 315. Bé-
plique de M. O. Schultz à M. L. Rœmer (voy. Zeilschr., IX, 1-56
— P. 319. Annonce sommaire des livres enragés à la Zeit-
X. 3. — P 321 .W. Mi?M?. L* R-^-yport des mss. du Saint Grégoire,
. pour juger cette classification.
:ioD»«ie pare depuis longtemps M. G. Paris. —
l". oôo. W. M-y.r. l:.:^^<^ j'onco- italiennes (cf. Zeitschr., X, 22). —
La r-;....r .TJjr i ..■ ,■ n,-.-.,'!^ (â continuer). Étude du ms. fr, 821
de ^ . - Paris, qui contient, en outre, la tra-
CHRONIQUE 459
duction (les Distïclia L'aUmis d'Adauido lSuLl,roiii;iuito par iiu certain
Macé dcTroyes,qui se l'otait appropriée ; communication d'une partie
du texte ; étude linguistii[ue très-soignée. — P, 411. L. Ilirsch. Pho-
nétique et morphologie du dialecte de Sienne (^n). — P. 147. A.
Pakscher. Notes marginales de la main de Dante Ç^). Il s'agit des
gloses latines du chansonnier du Vatican n" 3207 ; elles sont sans
grande importance, et, d'ailleurs, l'attribution à Dante vient d'être
victorieusement réfutée par M. C. de Lollis dans le Giornale storico
délia letteratitra italiamt, IX, 238-48 (voy. Rom., XVI, 156).
MÉL\.VGES. I, :\[anuscrit8. — P. 460. 1. E. Stengel. Les Chan-
sons en ancien /rampais citées dans le Conte du cheval de fust de Gi-
rard d'Amiens (M. B. Wiese communique dans le fascicule suivant,
p. 615,des variantes de lectiu-e au tc.\té). — 2.A. Tobler. La Chienne
qui pleure. Version latine de cette fameuse légende, publiée avec de
savants commentaires, daprès un ms. d'origine italienne. — II. Cri-
tique TES TEXTES. — P. 481. H. Andresen Sur Amis et Amiles et
Jourdains de Blaivies (corrections au texte). — III. Étyjiolooies. —
P. 482. H. Schucliardt. Le roman illi, illui, pour le latin ille, illi.
L'auteur n'admet pas, à tort selon nous, l'opinion émise récemment
par M. A . Darmesteter {Mélanges Renier, p. 145-157).
L. CONSTANS,
CHRONIQUE
L'Académie des inscriptions et belles-lettres a décerné la troisième
médaille du concours des antiquités nationales à M. Lespy, pour son
Dictionnaire béarnais. M. Baillant a obtenu, au même concours, une
mention pour son Essai sur un patois vosgien. Nos félicitations à nos
deux savants confrères. •
Revue des patois, publiée par L. Clédat. Sommaire du deuxième nu-
méro (avril-juillet 1S87): I. L. Clédat. Les Patois de la i-égion lyon-
naise. 1. L'Article défini. — IL Nizier du Puitspelu. Un conte en jja-
tois lyonnais du commencement du siècle. — III. Ch. Joret. Raml année
normande: Minette et la Roulette. — IV. Mélanges et textes. Lé-
gende en patois de la Bolle (F. Brunot). Chansons populaires en pa-
tois de l'Aveyron (F. Fertiault). Chansons populaires en patois du Bois-
d'Oingt (D"' Gonnet). Chanson en patois de Cormaronche (Tronclion).
Conte popidàire de Germolles (Combler). La Pauvre Dzone (J. Martin).
— V. Comptes rendus. Moisy, Dictionnaire du patois norniand . —
Puitspelu, Dictionnaire étymologique du pntnis lyonnais. — VL Notices
bibliographiques. — VIL Chronique.
Vient de paraître la seconde édition de la Grammaire élémentaire
460 ' CHRONIQUE
de la vieille langue française, par L. Clédat. Paris, Garnier frères,
gr. in-18 de viii-X)l pag. — La rapidité avec laquelle s'est écoulée
la première édition est la meilleure preuve de la valeur de l'ouvrage
de notre confrère et de sou utilité. Il serait superflu de le recomman-
der à nos lecteurs.
La Clianson de Kolaiid, traduction archaïque et rhythmée, accom-
pagnée de notes explicatives. — Le volume que M. Léon Clédat
vient de publier sous ce titre, et qui forme le t. II I de la Bibliothè-
que de la Faculté des lettres de Lyon, est une tentative très-originale
et qui mérite d'être encouragée. Le système de l'auteur, clairement
expliqué et justifié dans la préface, consiste à conserver autant que
possible les mots mêmes de l'original, lorsqu'ils vivent encore, ou,
s'ils ont péri, quand leur signification est restée en quelque sorte trans-
parente, grâce à la lumière qu'ils reçoivent de ceux de même racine
qui ont survécu (par exemple haud, de ébaudii-). La mesure du vers
est aussi conservée, mais non pas l'assonnance, bien qu'il y ait des
laisses entières, ou presque entières, où elle a pu être maintenue. Les
additions rendues nécessaires pour rétablir la mesure, quand le chan-
gement forcé d'un mot ou d'une forme rad(''truite, sont imprimées en
italique. Des notes très-abondantes et très-précises rendent compte
des modifications que le texte a dû subir, et fournissent tous les éclair-
cissements nécessaires pour riutelligouce dos passages dont la phy-
sionomie pourrait paraître trop archa'ique à quelques lecteurs.
Errata du numéro d'avril-mai-juin
Page 176, 1. 3 du bas: estella. Lis. Stella.
P. 177, 1. 7 du bas: 169. Lis. 171.
P. 179, 1. 7 du bas: faicha... retraicha. Lis. faiça. .. retraiça.
P. 180, 1. 5 : fàichas. Lis. faiças.
P. 188. 1. 5: 1243. Lis. 1244.
P. 196, 1. 15: 164. Lis. 163.
■ P. 288, note 1,1. 6-7. di oui agg'mnta. Lis. che la stessa
mano scrisse in in epoche differenii.
P. 290, 1. 24. diffato. Lis. difatto.
P. 293, troisième couplet, v. 3-5. Ponctuer ainsi:
Quar trop greu vent la forsa
E es mal amarinada ;
Tant que
Le Gérant responsable : Ernest Hamelin.
Montpellier, Imprimerie centrale du Midi (Hamelin Frères).
»
ISTORIO DE SANCT PONCZ
(Suile)
[F" 71 r"] Lo Segont Jort
LO MESSAGIER
Al nom dal très hault ré de glorio.
Nobles seignors cy congregas,
Tornant lo jorn passa en memorio,
Escota sens ineiuir grant fras.
2560 Los personaiges son intras
Lor lojos, per personajar ;
Dont vos pren que tes en pax
Vos vueilha dossament lojar.
Nota sobre tôt lo martiri
2565 De sanct Pons et sa passion
Qu'el ha sufFert desoubz Tempiri,
Aspre tiran sens compation.
Plasso a vostro discrétion
Retenir las diversitas
2570 De sos tormens; per fiction
EUos vos saran recitas.
Et nota como tribulas
Son agus los très sanctz martirs,
[F" 71 v°] Batus, attris, patibulas,
2575 Au surplus jugulas, murtris.
Devotament en nos contris
Tôt eyso nos chai contemplar
Per acquistar lo paradis,
Ont nos deven tostens ystar.
* 2580 Prince,- vaeilhos administrar
Lo dom de pax en cesto plasso,
Affin que poyssan remonstrar
Chaûso qu'a ta bonta sy plasso.
TOMB l DE LA QUATRIÈME SÉRIE. — OcTOBRF.-NoVEMBRE-DkCEMBRE 1887. HQ
462 ISTORIO DE SANCT POKCZ
SATHAN
0 faulx Sathan, dampna, perdu,
2585 Ben as ista tôt espardu,
Ton travalh dal tôt suspendu
En la malhouro.
Tant mal ay mon temps despendu,
Quant aurey cest fach deifendu
2590 Per lo quai ay tant offendu,
Non saboc coro.
You m'empiroc d'horo en horo.
Mon mal talent, plus nyer que moro,
Durant uno tallo temporo
2595 Sj s'esbays.
Aquel mauldich Pons me malcoro,
Lo cor me passe et me transforo ;
Perqué per my melhor la foro
Esser en ung puys.
2600 Pauso non ay agu despuis,
Mas jors et nuytz
[F° 72 r°] Ay fach uno très grant persuyto ;
Non say dont vent tallo conduyto.
Presque de tôt me met en fuyto,
2605 Dont plus non puys.
Tallo festo ny mays tais bruytz
Qu'ay dais crestians entendus
En enfert rendren mais fruytz :
Per Pons nos sen tos confondus,
2610 Dampnas, de tormens marfondus,
Desfach. Crudelz espavantables,
Auvé-me, auvé, n'atandé plus.
Ont se vos? Salhé, mauldichz dyables,
Los fachz me son tant variables,
2615 Que ny troboc ribo ny fons.
Ung faulx xpestian qu'es noma Pons
Si nos a fach de grans dalmaiges!
Tantos desvians
A fach xpestians,
2620 Per son exortar;
ISTORIO DE SANCT PONCZ 403
Si tuest n'a son bot,
Nos perdren ben tôt.
Veyé qu'es de far !
LUCIFER
Lo te chaire tost transportar,
2625 Puis los dos Philipz son mortz,
Et semenar de grans descors
Cofitro aquest Pons qu'es de dobtar.
BELZEBUC
A Valerian te chai contar
[F» 72 V] Et Galien, pyevs quo Néron,
2630 Qu'an près l'imperi, faulx félon.
Tôt aquest fach, senso tardar.
MAMONAS
Si ben sabes tôt recitar,
Senso lor far trop long procès,
Tu lor fares far grans excès ;
2635 Vay lor grant furor excitar.
ASTAROT
Vaj-t'en autamben desportar
Envers los sacerdos dal temple, .
Qu'an lor cor de dolor fort enfle ;
Et veyres que lor fares far,
LEVIATAN
2640 Vay-t'en d'eysay d'eylay tentar,
D'ung de nos faulx encompaigna,
Et, dequj qu'ayes tôt gaigna,
Mays non [te] vueilhos contentar,
BERITH
La non lo chai point sustentar,
2645 Ny l'ajuar d'ung compaignon.
Car el es assez bon pyon
Per a son fach ben adventnr.
454 ISTORIO DE SANCT PONCZ
LUCIFER
Torno, Sathan, sapios ventar
Et uso de maniero cauto ;
[F° 73 r°] Adviso de non far pas faulto,
Per te trop dal luoc exemptar.
SATHAN
Me gravaré me mescontar
Et, si pouc, non lo farej pas.
You m'en vauc doncquos d'aquest pas
2655 Los crudelz imperours temptar.
Vadit Sathan ad palacium imperatorum, quasi temptans eos.
S. PONS
0 sanct payre, ont repausar
Se po, après Diou,nostre cor,
Veyci de vejsello et d'or
Del patrimoni et sustancio;
2660 Dona-]o tôt, senso distancio,
Corao volré, tos los matins,
A paures enfans orphelins
Et ont veyré neccessita.
• PAPA FABIAM
Seignor Pons, cap de la cita,
2665 De ben far totjor incita,
Amyc de Diou eternal,
Aquestos bens you donarey,
Als paures los distrubuyrey
Secrètement, amont et aval.
s. PONS
2670 Nostre fach es devengu tal :
[F" 73 v°] Despuys la mort de[s] bons Philipz,
Non saben si sen a cliaval
Ou si sen segurs ou péris.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 465
PAPA FABIAM
Diou conduys lors esperitz.
2S75 Eoulz sonprou saiges et peritz
Et, per vos dire verita,
En lors fachz non son catholic^;
Mas son pervers et diabolics,
Iniraicz de xpestianita.
s. PONS
2680 Vray es, sancto paternita,
Et Diou trine en verita
Vueilho gardarsos servitors,
Qu'amon la pax et l'amista.
Pacifies, plens de castita,
2685 D'humilita los sectatours.
LO PREMIER CHAPELLAN
Hee ! bons Philips, imitators
De nostre seignor Jhesu Crist,
Perqué vous ay you jamays vist
Per nos esser si tost falhis ?
LO SEGONT CHAPELLAN
2690 Quais imperonrs los dos Philipz
Puis que leysseron lors herrors !
A nos eron tant admistos,
Tant bons, tant dos, tant pacifiez !
[F" 74 r"] LO TERS CHAPELLAN
2695 Lors fachz eron tant deyficz,
Tant plens de touto sanctita !
Lors armos son es cels monta,
Como si fosson de Diou filz.
s. PONS
Lors armes son en paradis;
2700 Jr Lors armos si son gloriousos ;
466 ISTORIO DE SANCT POKCZ
Lors armos son en lor devys,
Ambe los angels beneyrosos.
LO PREMIER CHAPELLAN
Qualos paraulos amorosos
Avé-vos, Pons, mon dos seignor,
2705 0 neccessari senator,
Per governar lo ben public!
LO SEGONT CHAPELLAN
Dolx, amyable, apostolic,
De facli et de dich catholic,
D'eclesiastycz vray amator !
LO TERS CHAPELLAN
2710 Ben chai que sjo servator
Et de gleysos conservator,
Eysint com'a principia,
D'ydolos ung grant destructor,
De bonos obros viator:
2715 Jamays el non s'es desvya.
[F° 74 V°] LO PREMIER CHAPELLAN
Despuis la mort de Julia
Et de Marcus, son très bon payre,
De jors el non ha falhi gayre
Qu'a nos non se syo lya.
s. PONS
2720 Sanct payre, sabé que l'y a?
Distribué trestos mos bens,
Que vos ay huy portas ensens,
A mos parens et a mos amys
Paures ; et, quant saren falhis,
2725 D'aultres you vos en aportarey :
Non falhirey, tant quant n'aurey
Chauso que sio temporalo ;
Puis Tarmo, qu'es espiritualo,
Voloc mètre per Diou servir.
ISTORIO DE SAKCT PONCZ 467
PAPA FABIAM
2730 Diou vos done pervenir
La ont vostre cor si desiro ;
De ^nos vos vueilho sovenir
Que sen eyro sobz ung tal siro.
LO PREMIER CHAPELLAN
Si vostre coraige n'empiro,
2735 Et creouc tamben que non faré,
L'emperi non nos desfaré ;
Mas tos los jors nos crejssaren.
s. PONS
Si plaj a Diou, eyssint faren.
[F» 75 r°] LO SEGONT CHAPELLAN
Passen temps al mveys que pojren,
2740 Car mal tenï^^s non auré dura;
Ungjort saré tot^assura,
Et ensemble nos istaren.
s. PONS
Si play a Diou, eyssint faren.
LO TERS CHAPELLAN
Asseguras nos parlaren,
2745 Senso aver pour de mandament,
Qualque jort. Diou pas non ment.
Monseignor Pons, entende ben.
s. PONS
Si play a Diou, eyssint faren.
De VOS, sanct payre, fauc despart ;
2750 Anar me chai en aultro part,
Uno aultro fes myeys nos veyren.
Recedit ab eis.
iC^ ' ISTOUIO DE SAKCT PONCZ
IMPERATOR VALERIANUS
M'es advis, seignor Galien,
Puisque lo monde nos tenen
Sobz nostro man, et governen,
2755 Qu'es necessari que troben
Ung tal moyen
Perfasson d'eXortation,
Ung edit, proclamation
[F° 75 v°] Contro xpestiano nation,
2760 Qu'aulx dioux non fay ymolation,
Com'aparten.
GALIENUS IMPERATOR
Très ben dise, Valerian,
Segont redit imperian,
Absort es lo nom xpestian,
2765 Et nos chai ben tenir la man
Per los punir.
N'atanden'pas doncquos deman
De far cinar Tedit aultan,
Impérial, légal et san.
2770 N'usen pas nostres jors en van
Per mal finir,
Mas per los dioux mantenir.
A tal eifect nos chai venir
Affin que nos fassan mûrir
2775 Aulx dioux los rabels, et périr
De malo mort.
IMPERATOR VALERIANUS
Que nostre crentiou edit et fort
Syo mes en excecution.
IMPERATOR GALIENUS
Consciencio si me remort
2780 D'aver fach tal dilation.
Chai far tallo punition
Que chescun tramble desobz nos.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 4CJ
La lo3 chai congnoyscer trestous
[F" 76 ro] Aquestos palhars xpestians.
2785 Finabloment qu'en pauc d'ans
Syon dal inonde erradicas.
IMPERATOH VALERIANUS
Los temples qu'eron dedicas
A Jupiter, Venus et Mars,
Tam ben construch et edificas,
2790 Qui los a eysint destruch et ars?
Lors bens, lors sciensos et artz
Los saubrion gardar en somo
Qu'on non los buete en quatre pars,
S'on los po trobar dedinsRomo.
GALIEXUS
2795 Vostro volonta me consono.
A quai prepaux an fach destruyre
Ung tal temple, abatre et destruvre?
Si d'aultres n'an edificas,
Non son pas agus- dedicas
2800 Al nom de diou Jupiter.
La fo ung cas fort cru et fer,
Partent d'uno infidelita.
VALERIANUS .
Tais son privas d'jmunita
Et liberta impériale,
2805 Dont ma volunta si es talo,
Per tenir mon cor pur et monde,
Que se criey, per tôt lo monde,
Los xpestians sion deschassas,
Près, menas, Ijas, estachas.
[F° 76 V] Si degun los tenio cellas
Et prest non los an descellas,
Afân qu'a justicio l'on los meno ;
Aquello tallo et mesmo peno
Que los xpestians deurion sufFrir,
2815 Deyon los occultours partir.
470 ISTORIO DE SANCT PONCZ
Glaudon, uostre très char ama,
Si mon voler es conforma
A la reson et al dever,
Vueilha y diiigencio aver,
2820 Et mandar los heraulx per tôt,
Affin que tost vejan lo bot
D'aquestos faulces xpestians.
GLAUDIUS PRESES
Sacra corono, Ta pro d'ans
Que non s'es fach inquisition.
2825 Très santo es vostro presumption
Quant présume fach juridic.
Aquest très faulx vioure iniq
Fort grandament se multiplie
Et, si ung pauc on los humilio,
2830 Lo poble se daré tremor,
Et non anaré tallo herror,
Mas colren los dioux inmortals.
IMPERATOR GALIENUS
Xpestians si fan de très grans mais
A nostro très sancto culturo
2835 Si los punen, per aventure,
Tal que xpestian si fario
Per pour si s'en gardario :
Lo plus prest, si es lo melhor.
[F" 78 r"] cLAUDius presbs
De mantenent, très haut seignor,
2840 Vauc despachar lo mandament,
Et lo farej incontinent
Excecutar per la cita,
Ont es plus de neccessita ;
Et, puis après, l'on mandaré
2845 Per tôt ont mestier la faré.
Sus, trompeté, vaj tost criar,
Como es acostuma de far,
A las plassos et los confours,
ISTORIO DE SANCT PONCZ 471
De la part des très haultz seignors
2850 Galion et Valerian,
Que si degun retray xpestian,
Fovis, alberjo ny nuyris, •
Como des dioux inimys
Los ayo ben tost a produyre
2855 Et a la cort tamben conduyre,
Senso deguno dilation,
Sus peno de Tindignation
Des susdichz sobeyran seignors.
BRIFFAULT
Excecutar lo vauc de cours
2860 Ambe l'honor que s'aparten.
Vadit
Totjor qualque novel me ven;
Qualcun en farey mal content,
« Dal hault et très grant mandament
L'on fay a toch comandament,
2865 De qualo condicion que syo,
Non sio persono tant ardyo
Qu'ause cellar ny occultar
[F° 78 V] Ny donar beoure n'a manjar,
Favorisar, tenir, tegir,
2870 Reculhir, nuyrir, protegir,
Degun xpestian en lor meyson,
Sus peno de la indignation
De la formidablo corono.
E^ncaro mais, toto persono,
2875 Que los governo et los régis,
Los alberjo et dono logis,
Los ayo encuy, per tôt lo jort,
Los produyre et menar en cort ;
Et eyso, sus la dicho peno. »
Recédât et vadat ad palaclum .
VALERI
2880 Mon creator, quen' auro meno
47Î ISTOFIO DE SANCT PONCZ
Aquest aspre et dolent novel !
Ont es ana lo temps tant bel,
Tant dop, tant bon, tant mansiiet.
* Tant ])acific et tant quiet;
2885 Lo temps dels imporours Philips ?
Las! eoulx son mortz, los bons amjs
De toto la xpestianita !
Eyro regno crudelita
Et toto inhumanita
2890 Encontro Diou !
Ont anaré lo dois Pons myou,
Ny que faré, ny tôt lo siou?
De plorar mos huelhs fan ung riou.
Hellas! hellas !
2895 L'on nos prendre como de las
Las! quai sollas !
[F" 79 r"] Murtriren a divers tormens!
Que faren, paures désolas,
Et de qui saren consolas,
2900 Si en lor las
Nos sen lias? Las! mas quai temps!
Paures xpestians malcontens,
Ben auren nos fort aspro guerro !
L'on nos vol mettre tos ensens,
2905 Per nos abolir de la terro.
Tal sovenir lo cor me serro,
A lamentar fort me costreing.
0 imperi, ton fach si herro,
A tirannio trop s'empeing.
s. PONS
2910 Presque mogu soy de desdeing
Encontro los dos imperours.
De la meyson soy ung des mours
Et de so non say fia ny seing.
0 mauldich peing!
2915 0 mauldich gaige ! faulx fêlions !
So non son pas Philips los bons.
0 Galien, Valerian,
ISTORIO DE SANCT POKCZ 473
Ana contro lo nom xpestiam.
Non vos en vendre degun ben.
2920 Muar d'abit la me coven
Per non esser tant conegu.
Hic vadat domum siinm et induat vestem talarem,
quasi ad moduni sacerdotis, eum boneto compe-
tenti vesti.
[F" 79 V°] LO PREMIER CHAPELLAX
Pajre sanct, qu'aj you entendu?
Ystar chaire ben escondu
Per pour de non esser tos preses.
PAPA FABIAM
2925 Que poyré esser survengu?
Convent xpestian es mal vengu !
Et son déjà passa pro meses.
LO SEGONT CHAPELLAN
Nos saren oifeses
Et malmenas,
2930 Si nos sen apreses;
En preyson menas.
PAPA FABIAM
Pas contaminas
Non nos trobaren,
Quant examinas
2935 D'ellos nos saren.
LO TERS CHAPELLAN
Si nos esconden,
' Fujren la furor.
De Diou atenden
Pax, qu'es mour seignor.
PAPA FABIAM
2940 Diou, tallo tremor
AU ISTORIO DE SANCT PONCZ
Nos levar te plasso !
[F" 80 r°] En tu es m'amor
Dal tôt, queque you fasso.
VALERl
Seignor, anen, non vos desplasso,
2945 Reduyre en uno mejson forto.
Trobar non nos chai plus en plasso;
Sus nos saré tomba la sorto.
s. PONS
En Diou mon cor si se conforto
Et, si you pouc, non nos prendren.
2950 Nos fermaren ben nostro porto ;
Per tal parti nos gardaren.
Hic includunt se siniul in domo propria.
LO PREMIER SACERDOT DAL TEMPLE
Temps es vengu que nos faren
Vengenso de nostre iniroic.
Sy et SOS bens nos desfaren,
2955 Per lo moyen d'aquest edit.
LO SEGONT SACERDOT DAL TEMPLE
Encar portoc si grant despit
Dedins mon cor que s'es mervelho.
Del temple es tôt mon respit;
Cesto crio son mal reveilho.
LO PREMIER SACERDOT DAL TEMPLE
2960 Ma grant furor si me conseillio
[F' 80 v-j Qu'anar deven nos advertir
La cort que sobr'eysot si velho ;
Eysint faren lo cas sortir.
LO SEGONT SACERDOT DAL TEMPLE
Nos lo faren encar pentyr
2965 De Tobro qu'es ja longtemps facho.
ISTORIO DE SANCT PONCZ -175
Son corps en pojrio ben patir:
D'uellj, las! es aquesto tacho.
LO PREMIER SACERDOT DAL TEMPLE
Convent ben que la cort lo sache
Par lo far jstar mal en pax.
LO SEGONT SACERDOT DE LA LÉ
2970 Tant quaquetar non es qu'enpacho ;
Anen ydoncquos lo grant pas.
Vadunt ad informanduni curiam sacerdotes templorum
ydolorum
BRIFAULT
Seignor, ay proclama lo cas,
Senso j layssar uno clausulo.
CLAUDIUS PRESES
Tu as ben fach. Sus, sa la mullo,
2975 Prestament, car you me doloc
De tant istar; chivauchar voloc
Per recontrar qu.alque grimault.
LO VARLET
[F' 82 r"] Lo es tout près, ren non y fault,
Quant vos pleyré, vos montaré ;
2980 Ben a vostre ayse vos anaré,
Car ello vay fort ben a l'amblo.
Ascendat muUam suam et dicat.
CLAUDIUS PRESES
D'ardent désir lo cor me tramblo.
Avant, palhars mal enseignas,
A mal far se trop enseignas.
2985 Anen ung pauc vaultar las plassos.
FRLA.NT
Qu'anen gaignar ? las chambos lassos.
476 ISïORIO DE SAKCT PONCZ
You las aj si très fort cassos.
Que de trotar n'ay pas grant euro,
BRUYANT
Queso te, M ; el nos procuro
2990 Uno livrejo, si eysso dure,
Al despens de qui non s'en cello.
RIFFLANT
Mas que venguesso io Marcello,
L'obro sario bono et bello
Per entretenir los mignons.
LO PREMIER SACERDOT DAL TEMPLE
2995 Ont ana vos, mos compaignons,
[F° 82 v"] Ambe vostre grant apparat?
GRANDENT
Nos anen per Romo a Tesbas,
Sercliant si trobaren vitalho.
LO SEGONT SACERDOT DAL TEMPLE
Et troba vos chauso que valho,
3000 Ont vos poyssa far bon botin ?
GRANDENT
Sol nos butavan en chamin
Per encompaignar eyssi lo juge.
l'O PREMIER SACERDOT DAL TEMPLE
Veyci, veyoi nostre refuge .
Quant ben sen vengus mantenent!
3005 L'on a fach ung comandament,
Monseignor, contro los xpestians
Que nos porton de très grans damps.
Dont vos avé tresque ben fach ;
Sus tôt chai que ung sio desfach
8010 Qu'eys de la meyson senator.
Xpestian el es, lo produtor
I
ISTORIO DK SANCT PO.NCZ 117
Contro las les imperialos ;
El a fach de faultos^mortalos.
De Jupiter lo temple ^^rant
3015 A (lestruch. conio ung errogant,
Et demoUi de fons en fons.
CLAUDIUS PRESES
Qui so a fach ?
LO SEGONT SACERDOT
Monseignor, Poncz,
[F° 83 r°] Filz de Marc Pons qu'es trépassa.
3020 S'aquel fosesso deschassa
Ou buta per ftir lin a mort,
Lo mal qu'el a tant prochassa
Sario cassa ou lo plus fort.
1,0 PREMIER SACERDOT DAI. TEMPLE
S'el non raor, on lyfaré tort,
3025 Car toto Rorao s'es vira
Et alz dioux a desljra :
Non es aquo ung grant remort ?
LO SEGONT SACERDOT DAL TEMPLE
S'el non mor, on ly farétort.
CLAUDIUS PRESES
Los impeiours informarey
3030 Et, segont qu'ellos me diren.
La inquisition en farej.
Al palays nos lo condujren,
Et, puisqu'ejsint vaj, reviren
Per aver qualque conferencio.
LO PREMIER SACERDOT DAL TEMPLE
3035 Seignor, vos enoompaignaren
De([uyo davant Tliaulto assistencio.
LO SEGONT SACERDOT DAL TEMPLE
Plasso a vostro niagnificencio
D'en far uno tallo persuito. 31
478 ISTORIO DE SANCT PONCZ
Quel luoro ou o'ou lo metlo eu fuyto,
[F" 83 v°] Per redrojssar si grant meysap,
Car cl es tle Roiuo un cap.
S'el ero lo premier puny
Lo poble qu'es a Crist uny
Per mojan de sa flatario,
3045 Als dioux se retornario
Et non chalrio tant enquérir,
Nj tant de poble far mûrir.
Prené-me Pons per lo plus pire ;
A malo mort fasé-lo aucyre ;
3050 Puis tôt lo facli anaré ben.
CLAUDIUS PRESES
Sacras coronos, nos venen
De say de lay, per nos esbatre,
Encompaigna d'aquestos quatre ;
Dont ay agu un grant lament
3055 Des sacerdos, tôt mantenent.
Mas, per breoment expausar,
Pons me son vengus accusar
Como xpestian, incendiator
Des temples et dioux destructor.
3060 Dison ung mot, ben verteyer.
Que si prenen aquel premier
Et lo punir, s'el a mal fach,
Que des aultres saré tost fach ;
Lo poble qu es ista induch,
3065 De sy quant cl saré reduch.
Faciloment retornaré
Et als dioux obeyré ;
Non se faré tal tuaryo
Dal poble, como se fario,
[F° 84 r"] Si als petis Ton comensavo.
Pertantsi tost l'on regardavo
Ont el po esser, et saber
De lo tenir, vers nos haver,
Sario ben fach, n'en dobtoc ponch ;
3075 So es ung des principalsponchz.
i
ISTORIO DE SANCT PONCZ ^7'J
L'a pron qu'el non sey es agu ;
Puisque le edit a entendu,
Creyé que colpalde se sent.
VALERIANUS IMPERATOU
Conveignable es et ben décent
3080 Que l'on comense a sa persono :
Esser ung principal en Rouio,
. En tal dignita coustitut,
Non ignorant point l'estatut
Nj las lex de tôt Timperi ;
3085 Aver cornes, tal vituperi
Se far xpestian : ha dal treytor !
A Jupiter, quai senator!
Quai governour de tal cita!
Qui vos a evsso recita?
3090 Cossint sabé vos que sio ver?
LO PREMIER SACERDOT DAL TEMPLE
Nos dos lo deven ben saber
Depuis lo temps des dos Philips,
Qu'aulx dioux foron tamben iniqs,
Como xpestiam anec destruyre
3095 Lo grant temple et tôt desruyre
Et, durant puis dœ aultres ans,
Tantos si se fcron xpestians,
I [F" 84 v"] Dont el es lo ponch principal
De tallô rébellion et mal.
3100 S'aquest muer, en salvaré cent
Del poble, qu'es tôt innocent.
Fasé-lo quérir
Et a vos menar ;
Aulx dioux uffrir
3105 Ane, et adorar.
LO SEGONT SACERDOT DICL TEMPLE
Fasé-lo mûrir,
S'en lo po trobar ;
480 ISTORIO DE SANXT PONCZ
Non vueilha suffrir
Vostros les tombar.
GALIEN IMPERATOR
3110 Non plus escotar
Ung cas qu'es si vil ;
Fasé-lj exprovar
Nostre edit civil.
VALERIANUS IMPERATOR
Tant plus es gentil,
3115 Tant mais patiré.
S'el fos entre mil,
On lo trobaré.
Nuech et jour on lo cercharé,
Et, si non saré tant sutil
3120 Ou del pays s'enfuyré.
Que ben non veigno a nostre fil.
GALIENUS IMPERATOR
Âna et fort diligenta
De tost saber ont el s'escont.
[F° 85 r°] El saré ben apparenta,
3125 Si non gardo lo plus perfont.
Secretoment per tôt lo mont,
Aven manda gens ben expers,
Senso far brut, mas ben cubers,
Affin que lo facli Ton n'entendo.
LO PREMIER SACERDOT DAL TEMPLE
3130 Que vostro puissanso s'estendo
A fort punir tallo gentalho,
Affin que la reyson n'en salho
D'aquestos noveîz sectatours.
LO SEGONT SACERDOT DAL TEMPLE
PerRomo faren tant de tors
3135 Que nos sabrenontel s'aplato.
Receduntilli duo sacerdotes.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 4SI
GALIENrS LMPERATOR
I
ft
Sens plus que lo temps se dilato,
Torna per la cita querent
Et Pons, sens aultre, solament
Amenas-nos, si l'es possible.
Vadat Claudius cum Uctorihus ad inquirendum.
LO VARLET DE SANCT PONS
3140 Seignor, aj pour que calcun sible
A las aurelhos de la court
Qu'eysens sj'a, per vos far cort.
Non say si es juge ou barisel,
[F° 85 v°] Ambe de gens ung grand tropel,
3145 Et los sacerdos del grant temple
Qu'unofes ferafdesrochar.
Queque serchon, van tos ensemble;
Calcun en faran mal cochar.
s. PONS
Sabes que far ? senso sonjar,
3150 Sarro de la raeyson la porto
Embe uno barro grosso et forto,
Davant qu'ellos poysson intrar.
Al mench aurey près ung diffugi ;
Non y veyoc aultre ruffugi,
3155 Si non fueyre de luoc en luoc.
VA LE RI
Seignor, non saré pas tant sot
Que, de la vostro volunta.
Vos ané mettre dedins al fuoc ;
Trop sario Diou tempta.
3160 Syo vostre cor contenta
De donar luoc a la furor.
s. PONS
83^0 facho la volunta
De Jesu Crist, nostre seignor.
482 ISTORIO DE SAKCT PONCZ
Varlet, you auvoc grant rumor ;
3165 Escoto qui demandaré.
CLAUDIUS PRESES
Si seignor Pons cysens saré,
Huebre, car ly voloc parlar.
[F" 86 r''] LO VARLET DE SANCT POlSfS
Tant de gens que volon entrar !
Passa d'arrejre Ton vos conforte.
Puisant fortiter .
3170 Quy es la? qui demande a la porto?
Que demanda-vos, mosseignor?
CLAUDIUS PRESES
Demandoc Pons, lo senator;
Despacho de venir ubrir.
LO VARLET DE S PONS
Mon corps a naort voloc uffrir,
3175 S'il es eysens', ny tant ny quant.
LA SERVENTO
Hee ! bon seignor, e l'a ja tant
Per certan que non Taven vist.
Aperïunt portam domus, et intrant preses ciim suis.
CLAUDIUS PRESES
S'el ven, dy que Taven quist,
Embe très bono compaignio,
3180 Et qu'el veigno, cossint que syo,
Al palays per tôt al jor d'uy.
Recédant omnes, et dicat servus sancti Poncii
inter se .
LO VARLET DE S. PONS
El saré saige, s'el s'enfuy,
[F'' 86 Vj Non pas anar avoslros raans.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 483
LA SERVENTO
I
0 quais visaiges inhiimans!
3185 Peiisar pojcn s'on lo tenyo
Quen servisi on ly farjo!
Soubt ombra de fratcrnita,
Uson de tallo croyeta.
Diou que vé nostre necessari,
3190 Lo vueilho gardar de contrari,
Pons, nostre seignor et mestre.
LO VARLET DE S. PONS
Qui lo volré, chai que sio dextre.
Pensa-vos qu'el n'yremedio?
LA SEKVENTO
Despuys que la cort l'ynvidio,
3195 El treyré mal de se salvar.
LO VARLET DE S. PONS
Cestos princes son de dobtar.
Umplis son de severita
Et van contro la verita,
Contro Diou, chescun lo vc.
3200 Cassar-volon la sancto fé.
Mas que parlar nos chaire bas,
Affin que non ho sachon pas
Esser d'uno semblablo sorto !
[F" 87 r°] LA SERVENTO
Diou en quy nos creyen, conforto
3205 Tos paures fidelz tribulas!
s. PONS
i 0 sanct Payre !
PAPA FABIAM
0 mon solas !
Que vol (lir se mnar d'abit ?
4S4 ISTORTO DE SANCÏ PONCZ
s. PONS
Mon cor es si fort desconfit
Que non saboc ont me retire.
3210 Vnlerian, terrible sire.
Et Galien, per la parelho,
Tamben sa cort, si s'aparelho
Per m'aver de jort ou de nuech.
Sy me trobon, mon pan es cuech;
3215 Plasso a Jliesus mon cas conduire!
PAPA FABIAM
Et vené vos ejsens redujre;
Faren al mjeys que nos poyren.
Hellas ! tamben grant pour aven :
On n'auso pas anarper villo.
s. PONS
3220 L'on m'a en chasso plus que mille,
Per causo de la destruction
Dal grant temple et concution ;
[F" 87 v°] Val mjeys, senso que tant devise,
Que très fort lueing me despayse.
3225 Per aventure aquest raean
Poyré muar ung melhor an.
Jhesus en fasse a son plasyr !
Vueilho-vos de my sovenir
Et prear per ma pauro causo.
3230 Per Romo déjà plus on n'auso ,
Nommar lo nom de Jhesu Crist.
PAPA FABIAM
Ben me leyssa dolent et trist ! «
0 filh qu'as fach Romo reluyre,
•Jhesu Crist te vueilho conduyre
3235 Et ta vite en ben terminar.
Hic Ponctua et Vcderius 2)088urit exire domum et interin {sic) dicat
ISTORIO DE SANCT PONCZ 485
CLAUDIUS PRESES
Breau jou voloc determinar
De trobar Pons en cesto plasso;
Prest, que uberturo Ton me fasso,
Et qui es dedins Ton veyré.
Frangunt januavi.
LO PREMIER CHAPELLAN
« 3240 Attende. Ton vos ubriré;
Que deraanda-vos, si vos play?
[F° 88 r°] CLAUDIUS preses
Bejla nos ce Pons, sens delaj,
Car nos lo volen aver.
LO SEGONT CHAPELLAN
Monseignor, nos vos diren ver,
3245 El non sy es, en verita,
Ben es ver qu'el si es ista ;
Mas el es eyro en aultro part.
Percutit.
CLAUDIUS PKESES
Tu te truffes de my, palhart,
Ben t'o darej' a sentir.
LO SEGONT CHAPELLAN
3250 Hee! non fauc, seignor, sens mentir:
N'a gayre qu'es parti d'eysi.
CLAUDIUS PRESES
Ha ! lo faulx plen de malefici !
Si lo pouc uno fes jonglar,
El non auré jamays juglar
3255 De qui qu'on lo mené al gibet.
Qui lo cello, qui mays y met
Frustrament, sos bens si despent.
4«(i ISTORTO DE SANCT PONCZ
LO TERS CHAPELLAN
Savito, hellas! vraysoment pent
A se Icjssar trobar per vios.
[F° 88 V] PRIANT
3260 Anen, seignor, la son folios
A s'abusar per ung tal home.
BRUYANT
Digne non es pas qu'on lo nome ;
De long temps l'aven conegu.
RIFFLANT
N'aven d'el jamajs mays valgu ;
3265 Atamben es de son mal causo.
GRANDENT
Son corps non auré jamays pauso,
Et vendre encar en nostros mans.
CLAUDIUS PUESES
Fy de tais fauls !
LO VARLET PRESIDIS
Fy de xpéstians !
EUos non son ny bons ny sans;
3270 Es dalraaige quant ungsol viou.
CLAUDIUS PRESES
Ben ly farey negar son Diou,
Si lo tenoc ; n'ay pas pensier.
PRIANT
Et non faré plus dal messier.
[F° 89 r"] BRUYANT
Non pas, si lo tenen pergaige.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 4^7
PRIANT
3275 Si l'aven, lo raetren en gaige
Dedins la grant torre de Nonno.
RIFFLANT
Davant que sio deraan nonno,
Nos n'auviren qualco novello.
GRANDENT
S'il es fuy, Ta dona bello
3280 A cellos que [lo] serchon tant.
Hic revertantur omnes ad palacium et interin (sic) dicat
papa Fahianus.
PAPA FABIANUS
Dolent my ! que soy mal content
D'aquesto crj'o desaverso!
Xpestianita ben es disperso
Et revalla dal tôt al fons,
3285 Puisque nos perden lo bon Pons,
Al quai ero tôt mon confort.
s. PONS
Valier, mon solas et desport,
Lo luoc de la nativita,
Ont es toto civilita,
3290 Aven leyssa per fuyr mort.
Hellas ! frayre, n'aven pas tort,
Car .Jhesus tamben la fuyo,
Tant quant l'humanita poyo ;
[F" 89 v°] Layssa-nos a ung tal eysemple.
VALERl
3295 Las ! sol que mon estomac s'emple
De vostros resons vertuousos,
Obliouclas chausos paurosos
Que nos an fach fuyr ensemble.
■JSS ISTORIO DE SANCT PONCZ
S. PONS
Ren n'aven fach, las! que me semble,
3300 Perquo nos dean exemptai';
Mas que, davaut que Dieu temptar,
Aultres termes la val mjeys prendre-
VALERl
Ambe furour non chai contendre ;
Salhen des fins de Tltalio,
3305 Senso prendre malencollio:
Es lo melhor qu'i pouc entendre.
s. PONS
La chai nostres passes extendre;
Chaminen fort, desloignen-nos
Tant quant poyren, Valeri doulx;
3310 Plus san conseilh non pouc comprendre.
VALERI
Anen, anen ; s'es ben dal mendre ;
Par chaminar n'arresté pas,
Anen sol en aquest bon pas ;
En pauc faren ung grant chamin.
Hic itinérant, sicuti irent ad loca longinca .
[F" 90 r°] LO PREMIER SACERDOT DAL TEMPLE
3315 Qui poyrio esser divin
Per saber ont es lo treytor
Pons, Pons lo malvas senator,
El gaignario ben lo vin.
LO SEGONT SACERDOT DAL TEMPLE
Curiousament l'aven inquist,
3320 Et non l'aven auvy ny vist.
De fastidi soy presque dybre.
LO PRETER SACERDOT DAL TEMPLE
S'el se laysso trobar, lo trist,
ISTORIO DE SANCT PONCZ 489
An toto la fé de son Crist,
Beoure on lo faré dins lo Tibre.
LO SEGONT SACERDOT DA L TEMPLE
3325 Si deviouc cremar mon libre,
El se trobaré, lo marri !
LO PREMIER SACERDOT DAL TEMPLE
Non saboc pas plus ont lo sujvre ;
Esbay soy plus que far y.
Hic queritanl.
VALERIANUS IMPERATOR
Non troba vos ung malfactor,
3330 Per butar a man de justicio?
GALlENUS IMPERATOR
Non troba vos cel senator,
Contrôles dioux plen de sevicio?
[F° 90 V] VALERIANUS IMPERATOR
Servitors nuyris en malicio,
Retorna la cita circuyr.
GALlENUS IMPERATOR
3335 Usa doncquos de grant astucio,
Sy vous en voilé pron culhir.
PRIANT
Anen veyre de reculhir
Qualque xpestian de malo sorto.
BRUYANT
Oy dea! l'on nos vendre aculhir ;
3340 Trobaren uberto la porto.
RIFFLANT
Vay, qui per villo se desporto,
De vespre a melhor apetit.
490 ISTORIO DE SANCT PONCZ
GRAN0ENT
A! soy decellobono sorto.
Bon se fay esbatre ung petit.
Vadunt simuî per civitatem .
VALERIANUS lAirERATOR
3345 Mon esperit raoult fort afflict
Es, et près que non s'enrabio.
Se mandar'devio en Arabio,
Si rendrej you Pons fort attrict.
GALIENUS IMPERATOR
Eyro es l'horo qu'el es contrict
[F" 91 v°] D'aver layssa la nostro lé
Per aver près d'ung Crist la fé,
Si l'es saige, doet et périt.
Vous, président en eyso trit,
Anaré a las pars tramontanos,
3355 Que son de nos asses lontanos,
En las partios maritimes,
i Per las genz inquerir pessimos .
La ont xpestian vos trobaré,
Molt asproment lo puniré;
3360 Aver ios chai per tal parti.
CLAUDIUS PRESES
Volriouc esser déjà parti,
Per lo très hault diou Jupiter.
Si home myeys que you lo quer
Voloc esser per quart parti.
VALERIANUS IMPERATOR
3365 Volen que vos sio imparti
Aultant d'honor qu'a la corono,
Como a nostro proprio persono,
Et que vos fasso compaignio
Toto aquesto bono meynio;
3370 Et vos saré son aecessor
ISTORIO DE SANCT PONCZ m
Affin que chascun transgresser
A nostro lé sacra et divino
A jmolar chescun s'enclino.
Qui non volrc sacrifiar,
3375 Senso lo nos notitiar,
D'aquest mond sio exempta,
Uno chauso sollo excepta :
[F° 91 v°] Si Pons per delaj se trobes,
Encarque non sacrifBes,
3380 Si tost non lo fassa morir ;
Lettros a nos fassa venir,
Per entendre sa volunta.
CLAUDIUS PRESES
Facli saré, sacro magesta ;
Pensa'J^que tallomentfarej
3385 Qu'envers vos m'aquitarey,
Et n'y auré luoc de reprendre.
ANABIUS ASSESSOR
So que po^'rey veyre, n'entendre,
Per ung molt simple assessor,
Voloc mon pover extendre ;
3390 Nen dotes pas, très hault seignor.
GALIENUS IMPERATOR
Fasé-vos portar grant honor ;
Non vos leysé suppeditar;
Aya dal poble la favor,
Sy honor volé hereditar.
ANABIUS ASSESSOR
3395 Tôt ej'so chaljben meditar
Per par[v]enir a sas attentos,
CLAUDIUS PRESES
Los dioux la chai vindicar
Dez opprobris, dez errors mentos.
•:9" ISTORIO DE SANCT PONCZ
[F" 92 r*J VALERIANUS IMPERATOR
Nostros lex vos sian pactentos,
3400 Davant los huelz, et nuecli et jort.
GAI.IENUS IMPERATOR
Non sian pas vostros obros lentos,
Fasé justicio sens scjort.
ANABIUS ASSESSOR
Ont se vos, gens de cervel lort?
Se vos tornas de vostro cliasso?
PRIANT
3405 Circuy aven tôt a l'entort,
Sens ren trobar; îo vent nos chasso,
CLAUDIUS PRESES
Altro chauso l'on vos porchasso.
La chai sailhir de Tltalio.
BRUYANT
Nos sen como uno peyro enchasso
3410 Quant ung dorier en Tor la \yo.
ANABIUS ASSESSOR
A cop, enfans, l'on vos supi)lio,
Senso menar tant de quaquet.
RIFFLANT
Vos veyé que chescun s'emplio ;
Lja es déjà mon paquet.
gla[u]dius preses
3415 Acotra vos gent fasque et net,
fF^ 92 v°j Per mjeys honorar qui nos mando.
GR AN DENT
Seignor, sens bojar lo bonet,
\eyci uno gorriero bando.
I3T0RI0 DE SANCT PONCZ -)«i»3
VALERIANUS IMPERATOR
A VOS, bregado, Ton comando
3420 Que dea lealment servir
A Claudon qu'aCjmello on mando,
Per nostros causos sostenir,
BRIFFAULT
Nos sen tos pretz d'y obejr
En toto chauso resonablo.
GALIENUS IMPERATOR
3425 Donoquos garda ben d'j falhir;
Non pensé pas qu'evso syo fablo.
LO VARLET DAL PRESIDENT
Haulto corono redobtablo,
Nos serviren d'ejtal parti,
Que chauso folio, variablo,
3430 L'on n'auviré d'aquest parti.
CLAUDIUS PRESES
Tal syo nostre desparti
Que poyssan Thonor conquérir.
ANABIUS ASSESSOK
Congiet nos sio imparti,
Senso plus parolos quérir.
[F" 93 r"] CLAUDIL'S preses
3435 Nos en anen sens differir.
Ambe vostro sancto licencio.
VALERIANUS IMPERATOR
Sensa degun mal inferir,
Parte deyci; l'on vos licencio.
Arripiunt iter Glaudius jn-eses, cura assessnre Anabio,
Priant, Bruyant, Riffant, Grandent, Brifault. cum
servo Glaudii presidïs.
32
494 ISTORTO DE SANCT PONCZ
S. PONS
Home de très bono presencio,
3440 Ont creouc que reson non rabello,
Dona-nos l'intelligencio
Dal nom d'aquesto villo bello?
PRIMUS DE CIMELLO
La villo s'apello Cjmello,
De diverso gant habita,
3445 Xpestians, gentils tallo sequello,
Et juyoux en quantita.
s. PONS
Lo nom de Thaulto Trinita,
Pajre, Filh et Sanct Esperit,
Syo humbloment invoca
3450 D'aquesto villo à Fyratrohjt.
VALERl
Seignor, de la villo lo rit
Es de lojar los xpestians?
[F° 93 V°] LO PREMIER DE CIMELO
Et perqué non, sens contradit?
3455 Lojas saré, segurs et sans.
Non vos mostré pas trop aultans,
Et viva ambe toto gent.
Vos se de payses lontans?
A vejre vené diligent?
3460 You vos lojarej ben et gent,
Mas que la saré en luoc occult.
s. PONS
Diou saré nostre régent
Et nos gardaré d'ung exult.
VALERY
Mena nos foro de tumult
ISTORIO DE SANCT PONCZ 495
3465 Des juyoulx et des gentilz.
LO PREMIER DE CIMELLO
De cors et de coraige insuit
EUos son, et de vito vilz,
Als xpestians fort inutilz,
Como ben poyré probar
3470 Per los comandaraens civilz ;
Non vos layssessa pas trobar.
Introducat in domum suam et dicat .
Eysensvos poyré repausar
Et far ungpaiic de colation,
Vostros chausos eyci pausar,
3475 Senso far aultro mention.
Dise, de quallo nation
[F° 94 r°] Vos se, ny perqué si vené,
Si vos play, sens dilation,
Ny queno vito vos tené?
s. PONS
3480 Puisqu' eysintos nos convené.
Nos sen Romans, partis de Romo,
Xpestians, como ben entende ;
Valeri et Pons Ton nos nomo.
Si vos play, de vostro persono
3485 La condition nos sapian ?
LO PREMIER DE CIMELLO
Lo vos dire mon cor se adono :
D'aquest luoc soy et xpestian ;
Mas pyeys non m'esdevenguec de lan,
Si per vos eyso se sabio.
s. PONS
3490 Mon dos amyc, cossint que sio,
Ou en public ou occultament,
Servan Diou totalement;
Car, après la mort temporallo,
496 ISTORIO DE SANCT PONCZ
Auren la vito eternalo
■3495 Que jamajs non nos falhiré.
LO PREMIER DE CIMELLO
Ver dise ; mas qui salhiré
En la plasso ou en public,
Como ung mescrejent et heretic
[F" 94 v°] Al juge Ton Tacusaré.
3500 Donc qui saré aquel que ausaré
Se descubi'irde xpestian esaer?
Mon dos amjc, lo convent texsser
Segont que l'on se trobo fil.
VALERl
A Romo an près ung tal estil,
3505 Ambe grandos proclamations,
Et fan tantos extortions
Als xpestiansque c'es merveilho.
s. PONS
Benheura saré aquel que veilho
Per pervenir al luoc certan
3510 De paradis ; et l'incertan
Monde, plen de concupiscencio,
Layssar, ont es toto indigencio,
Toto lascivio et toto orduro.
Lo sobejran ben que tos temps duro,
3515 Ont es toto securita,
Amor, pax et tran(s)quilita,
Nos auren, si per nos non resto.
Hic maneat cum illo Cimelle.
FABIANUS PAPA
Hellas! que me dol ben la testo
De la despartio fort duro
3520 De Pons 1 Jhesus, qualo morduro
Ha la Glejso, tant on l'infesto !
[F° 95 r°] 0 Dieu, quant te faren festo,
Como solian, sancto et solempno ?
ISTORIO DE SANCT PONCZ 497
Quant tn nos ostares la peno
3525 Qu'au cor porten, tant indig-esto?
Nostro arrao, tristo et mesto,
Es pleno d'orriblo tremor.
Osto, si te plaj, tal furor
Que ta sancto Gleyso moleste.
LO.'PREMIER CHAPELLAN
3530 Plus dur que vire d'albalesto
Es aquest temps encontre nos;
Mas qualque jort tornaré dos,
Et cessaré si grant tempesto.
LO SEGONT CHAPELLAN
Ben es ver, mas on nos arresto
3535 D'ufficiar, et si retardo.
Nos aven espios et gardo ;
En terro nos sen de conquesto.
LO TERS CHAPELLAN
Nuech et jort, fan cercho et questo,
Per nos trobar en foristant.
3540 Jhesus la Glejso patis tant !
Ubrir non chai huys ny fencstro.
FABIANUS PAPA
0 quai temporo deshonesto,
Dont procedis si grand dalmaige !
L'on non dj ny fay cliauso honesto,
[F° 95 V] La Gleyso sueffre grant dalmaige.
Per far a l'ennemyc liomaige,
A tal parti l'on nos tormento ;
Ma pauro armo n'es mal contente,
Hellas! qu'es de dolor esteato,
3550 Veyent cestos malz medyar.
Redemptor, ta gleyso sustente !
Plasse-te d'yremediar!
Que les gentilz qu'envidiar
Cesson. mays huy, pertabonta!
498 ISTORTO DE SANCT PONCZ
3555 Nos los haven a tôt Costa.
Nos que t'aven ton sang costa,
Morent sus l'albre de la croux,
Permet que sian assosta
Soubt aquel albre gracioux,
3560 Que ton corps sanct et precioux
Sostenguet, per de mort nos remer.
Dont tu feres Penfert fort gemer.
Hault prince, plasso-te de premer
Aquestos gens, tant furibundos.
3565 Qu'ejros bulhon a fors grans ondos
Per mettre ta Gleyso a mal :
Volentier se plaing qui a mal.
s. PONS
Mon dos amjc spécial,
Como far devon xpestians,
3570 Visiten cestos mescreans.
Qualque paraulo lor diren
Qu'a Jbesus Crist los redujren.
Mena-me ung pauc per la cita.
[F" 96 r°] LO PREMIER DE CIMELLO
Mon corps n'y es pas incita,
3575 Car, como vos aj recita,
Si a tant de diversitas
De gens, per donar ancietas,
Que vos non lo poyria mays creyre;
Toutasfes vos menarey veyre,
3580 Et passar ont la vos pleyré.
s. PONS
Anen, car Diou nos conduyré.
Vadunl per civitatem, una cum Valerio adolescente ,
LO SEGONT DE CIMELLO
Compayre. qui esser poyré
Cel estrangier que passo lay?
f
ISTORIO DE SANCT PONCZ 499
LO TERS DE CIMELLO
Certanoment you non soaj;
3585 El m'a ben ung très bon aspect.
LO SEGONT DE CIMELLO
Presenten-nos a son conspect,
Et parlaren a nostre arajc.
LO PREMIER DE CIMELLO
Ben auriouc grant apetit
De parlaraentar ambe aquellos,
3590 Car seguroraent elz son cellos
Quemantenon los misérables
[F° 96 V] Bons catholiriz et secorables
A la pauro xpestianita.
Ung que yii en verita
3595 Se propalar xpestians non s'auson.
s. PONS
Anen vers eoux; ellos se pauson,
Signe fan de fraternita.
Diou vos teigno en unita!
Uny esser, pacifie
3600 Signe es d'amar lo Crucifie,
Car en aquo es carita.
LO SEGONT DE CIMELLO
De Diou sio la recontra,
Vesin et mays vostra compaignio !
Que fasé en cesto contra,
3605 Gens de Diou? gajre non si gaigno.
LO PREMIER DE CIMELLO
Nos venen veyr, si Diou vous valho,
La cita per cestos esbatre
Que son vengus de la Romaigno,
VoUens qualque furor abatre.
300 ISTORIO DE SANCT POKCZ
LO TERS ItE CIMBLLO
3610 Vos se donquos vengus combatre
Contro fortuno disaverso ?
Tornen nos-en, car vêla}' quatre
Que son de nostro partio adverso.
s. PONS
Seignors, qui ambe tais converso
[F" 97 r^J Per los reduyre a la fé,
Admerito ; tal gent disperso
Perduo es qu'en Crist non cré.
LO TERS DE CIMELLO
Dos amyc. non vos encontre
En tallo gent per la melhor:
3620 Nos sen soubz ung si cru seignor,
Ydolatre, iniq et pervers,
Que buto los xpestians dispers,
Como ben vos devé entendre.
LO SEGONT DE CYMELLO
S'aquestos nos volion offendre,
3625 Vist que tenen contrari rit,
Aqui nos anarian nos rendre.
s. PONS
Nostro fé syo en Jhesu Crist,
Nostre navilli et nostro vello :
Mas que poyré aquest monde trist?
LO PREMIER DE CYMELLO
3630 Parla bas, car on non se cello
De tal que nos es bon contrari ;
Ceoulx son vestis de fausso tello.
s. PONS
Payas saran de lor sallari,
Car Diou payo bon et inalvas;
ISIORIO DE SANCT PONCZ 501
3635 Mas pur garden nos d'ung desvari.
VALERI
D'elles saren nos ben salvas ;
[F* 97 v°] Nos sen eyci cinq contro quatre,
Encar non nos an afrontas.
LO PREMIER DE CIMELLO
Non sen pas eysi per nos batre,
3640 Mas retornen a nostre hostal :
Emb' ellos non faj bon combatre.
Uic recédant a platea etvadant ad loca sua.
PRIMUS GENTILIS
Aquellos trobon qualque mal
Encontro los haultz iraperours
Et si son d'aquest luoc los mours.
3645 Per Apolin, voloc mûrir
S'ensemble ellos non van ferir
Per'trobar qualque trayson.
Regarden en qualo mejson
Van aquellos dos reculhir.
SECUNDUS GENTILIS
3650 Tallos gens non son de suffrir :
Occultament adoron Crist.
On los deourio far bulhir
En huelli que os non fos vist.
Qu'au diable syo tal aquist !
3655 Secho fos lor testo tant folio !
Lor coraige malvas et trist
Mespreso nostre diou Apolo.
LO TERS GENTIL
Encar vendren, s'on non s'envoUo,
Al fuoc, como lo parpalhon.
[F° 98 r°] Vendre qui los tendre a Tescolo.
Eu breau de temps, mon compaignon.
Quar qui s'en salh de son guidon
50: ISTORIO DE SANCT PONCZ
Sovent es prejsonier ou mort.
Tal si saré tuest lor guierdon ;
3665 Aqui aj jou tôt mon confort.
LO QUART GENTIL
La consciencio me remort
Quant de nos son tant suportas.
Sobt ombro de ben l'on nos mort,
Spernent nostros antiquitas.
3670 De jort en jort grans quantitas
Nos perdeu, dont n'aj grant tristor.
Tais xpestians, tais novitas
Nos raetton en très grant error.
Eyssi arribon Glaudon et xon assessor, ambe toto
sa familho, dedins Cymello.
SATHAN
Temps es qu'estendo ma furor
3675 Per parvenir a mon entente.
An lo président et seignor
Tenir me chai, et sobt sa tento ;
Compaignio de mal' actento,
Ung adjutor de vos me chai
3680 Asso que del trabailh se sento
Et qu'el ayo sa part dal mal.
[F' 98 V"] LUCIFER
Belzebuc, de vos principal,
Ambe tu si s'en anaré.
Apres tu, non n'y a ges de tal ;
3685 En l'obro ben te ajuaré.
MAMONAS
Veyren, maulditz, qui myeys faré.
Eyros es temps ou jamays non.
ASTAROT
Qui myeys la chauso tractaré,
Aquel de vos auré lo nom.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 50^
BERITH
3690 A na tu est aquist.ar renom ;
Non mené plus eysi tal guerro.
BELZEBUC
Esperitz maulditz, you me fauc bon
De far de grans mais sus la terro.
LE VI AT AN
Belzebuc, aquest fach afferro
3695 Et, pren tôt lo cas a ta man :
Pojsanso as, forjo et ferro;
Non despendre pas temps en van.
BELZEBUC
Vos entendre, davant deman.
Que nos sen dos bons commissaris.
[F" 100 r"] SATHAN
3700 Nos anen far et mal et dam,
Sinistres forfach et contraris.
Recedunt simul ad temptanditm Glaudium.
LUCIFER
Si non fasé de tormens varis,
Saré tormentas al tornar;
Fasé mais; semena desvaris ;
3705 Non cessé jamays de temptar.
GLAUDIUS PRESES
Davant qu'aultro chauso actentar
Nj tentar,
Puj'S qu'en aquest luoc sen vengus,
Couven diou Apolo adorar
3710 Et orar :
Eysintos far sen entengus.
Sans et saulx nos sen perrengus
Et advengus
504 ISTORIO DE SANCT PONCZ
De Cimello en la cita,
3715 Laj ont las gens si son tengus
Plus agus,
Como Ton nos a recita.
Perlantes de neccessita
Que excita
3720 Syo lo poble d'adorar.
Proclama, cria et cita,
Et incita,
Per lo divin ben implorar.
[F* 100 V»] ANABIUS ASSESSOR
0 quantos en faré plorar!
3725 Quantos faré desemparar
Quant ellos vos veyren imperar
Et emparar
L'honor de diou Apolin!
Quant la cryo auviren far,
3730 Pujs lo sacrifici perfar,
Los xpestians de put afiar
Per se desfar
Ellos son, et per prendre fin.
CLAUDIUS PRESES
Vay tost criar a cello fin
3735 Per expedir brevoment
Que Ton veigno, et prestoment.
De Cjmello tôt chap d'ostal
M'acompaignar ; car honor tal
Volen nos sj'o exhibi.
BRIFAULT
3740 Incontinent, l'aurey expedj ;
Criar ou vauc tôt de présent.
PAUSA.
L'on fay exprès comandament.
De la part dal grant président,
ISTORIO DE SANCT PONCZ 505
A totchap d'ostal de Cymello,
3745 Per sa nohlo veng-uo et bello,
Que prest ensens se deon trobar,
Nobloraent per l'encompaignar:
So sus la peno de des francz.
[F* 101 r°] LO PREMIER GENTIL
Si n'a prou de mj, mos enfans ;
3750 Tôt prest you soy d'i far honor.
LO SEGONT GENTIL
Anen vers Glaudon monseignor
Et vejren qu'el nos sabré dire.
LO TERS GENTIL
L'on m'a conta qu'el esung sire,
Home de creigner et d'amar.
LO QUART GENTIL
3755 Oc ben, sabes, de sa la mar
Pas non son, en aquestos pars,
Que non" y ayo de grans afifars.
Anen veyre ont vol anar,
Vadunt quatuor aut plures, ut meliiis videbitur.
LO SACERDOT DAL TEMPLE APOLIN
La me chaire lo temple ornar
3760 De flors et de tapissario,
Et l'autar de juels formar,
Per amor de la seignorio.
Sy adorar venir volyo,
Et non fos tôt ben prépara,
3765 Grando vergogno me sario ;
Mon honor en sario tara.
LO PREMIER GENTIL
Seignor, de honor mot hault para,
[F° 101 v°] Plen de vertus et de excelencio,
Lo poble es cy prest et para,
506 ISTORIO DE SANCT PONCZ
3770 Per vos far los la reverencio.
LO SECOND GENTIL
Como tos filhz de obediencio.
Nos nos venen humiliar
A vos, avent la preminencio,
Et venouc a vos m'aljar.
LO TERS GENTIL
3775 Si chauso volé coraandar,
Mas que non fos contro l'imperi,
Soy prest d'o far. Vueilhas gardar
Aussi lo poble d'ymproperi.
LO QUART GENTIL
* Seignor, de gens fan vituperi
3780 De las lex sacras et das dioux.
A part an glejso et cymiteri,
Son ja passas plusors estioux.
Pensoc qu'iha de parens mjoux ;
En ung besong los produyrey.
3785 Fazé fleyrar gibetz et rioux
Tant que mays non, vos amarey.
CLAUDIUS PRESE9
Mos dos amys, you vos direy,
Tôt davant qu'autro chauso fasso,
Apolo adorar anarey,
3790 Puis veyren cossint lo fach passo.
[F* 102 r°] Compaignyo, non vos desplasso,
Vos me faré trestos ensens
Jusquos lay ont sy es la plasso,
Qu'aulx dioux chai donar d'ensens.
Hic si sint tube vel alia instrionum strimenta (sic).
ex Mis ludant, ut honorificencius fiât sacrificium
Apolinis .
LO SACERDOT DAL TEMPLE APOLIN
3795 0 diou Apolo, que de gentz !
ISTORIO DE SANCT PONCZ 507
Quai compaignio magnifico !
Ornas, acotras et fort gents.
Festo sj auré auctentico.
La testo a.y legiero et frico
3800 Per aprestar tôt ben expert
So qu'aparten a ma pratico,
Quar qui y es lent, sovent y pert.
CLAUDIUS PRESES
OApolo, diou tôt régent,
Cel, la terro, mar et la gent,
3805 Per reson et ordre tant gent,
Ben infini,
Esser, que non es deffini,
Que mais non po esser fini.
Qu'as a ton vuelh ton ben raunj,
3810 En genolhons
Nos t'adoren et t'uffren dons;
Et tos aquestos bons prodons
Ambe encens, torchos et brandons,
Fasen homaige.
[F* 102 v"] Gardo-nos d'aver aultrage.
Et Tentendament far si saige
Que per nos Timperi dalmaige
Non poysso haver.
Tu sjos trésor et haver ;
3820 Tu syos pastor, nos Taver.
Permet-nos far ung tal dever
Que xpestians,
Inferens al monde tais damps,
Puyssan chastiar en pauc d'ans
3825 Et que non sian plus pardans
Tant de poble.
Hic rêver tantur simul ad loca, etc., cum triumpho. Interin
dicat sacerdos .
LO SACERDOT DAL TEMPLE APOLIN
Reduj're vauc tôt aquest moble,
508 ISTORIO DE SANCT PONCZ
El las uirrondas et los dons,
L'argent, chandellos et brandons
3830 Qu'a levssa aquesto baronio.
Quaiido pvit tndomo sua, Glaudius dicat societati.
."1
CLA.UD1US PRESES
Gramercys a la compaignio ;
Quant de vos besong you aurey,
A vos mandar non tardarey,
Como a gens pl[e]ns de verita
[F* 103 r°] Bons et gardans fidelita
Au très hault imperi Roman.
LO PREMIER GENTIL
SufFrir non vueilha lo gran damp
De rhault imperi magnifie,
Que ung tas de poble fantastic
3840 Fay, en subvertent lo pays,
Collent ung que fou crucifiez:
La causo vos recomanden.
GLAUDIUS PRESES
Non vos chaillo, toutyré ben;
Laissa-me far tôt a mon ayse.
LO SEGOND GENTIL
3845 Impossible es que l'on se tayse;
Seignor, quant you sarey requist,
Revellarey so que you ay vist,
Ont ay grando suspicion.
ANABIUS ASSESSOR
Quant l'on faré inquisition,
3850 Declayraré vostre coraige.
LO TERS GENTIL
Si degun es en mon lignaige
Que syo en nostro lé suspect
Mena saré a vostre conspect,
ISTORIO DE SANCT PONCZ 500
Corarao ennerayc umpli d'autraige.
fF" 103 V"'J GLAUDIUS PRESES
3855 Lo me suffit vostre coraige,
Qu'es noble como un esparvier.
LO QUART GENTIL
Lo es vengu ung estrangier
Ben faconde, bel escujer,
Lo quai, certos, s'es habita
3860 Ambe gens de xpestiaiiita
Et si van amont et aval ;
Dobtoc que non fasson dal mal.
Prou de gens si \y van après
Et de nos se tenon secres ;
38Ô5 Al temple non l'aven majs vist,
Mas ten la fé de Jhesu Crist,
Como mon concet po entendre.
CLAUDIUS PRESES
Chai que vos lo me veigna rendre
A meyson, ben encompaigna.
3870 Y'ou non volrio'uc aver gaigna
Bon près, s'il es aquel que creoue.
Lo me semble que you lo veouc.
Me saubria vos dire son nom?
LO PREMIER GENTIL
Non, très redopta seignor, non.
3875 Mas, si la faro de beson,
Anaren ben a la mejson,
[Fo 104 r**] Ambe fasson et covertur^.
Que l'on nos faré uberturo,
Dont a vos lo pojren conduire.
ANABIUS ASSESSOR
3880 Sens brut, ou vos l'en faré fuyre ;
Et puis, si ben vos lo prené,
Acte villan pas n'j faré,
33
510 ISTORIO DE SANCT PONCZ
Si semblo bon a mon seignor.
CLAUDIUS PRESES
El dy ben, ana sens rumor
3885 Et a degun mal l'on non fasso.
LO SEGONT GENTIL
Tôt so vendre, non vos desplasso,
Ensens de bono compaignio.
CLAUDIUS PRESES
Advisa-vos de far folyo.
Si ben d'aultres xpestians troba,
3890 Per ejros ponch non los torba,
Car non chai pas far tallo roto
Que se mogués la cita toto.
Amena lo ben cautoment.
LO TERS GENTIL
De nos vos n'auviré lament
3895 D'home que sjo de Cjmello.
LO QUART GENTIL
Que veyci compaignio bello!
[F" 104 v°] Apolo la garde de mal.
Hic vadunt ad hospicium sanâti Poncii, et d'tcunt.
LO PREMIER GENTIL
Ou la!
LO SEGONT GENTIL
Ou la!
LO TERS GENTIL
Ou del'ostal!
Non es eysens ung, hostalier,
3900 Lo quai si es ung estrangier?
Dise nos prest ont lo tend.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 511
LO PUEMIER DE CIMELLO
Lay en secret lo trobaré,
Ambe ung que \y fay compaignio.
Non \y fassa pas vilanjo,
3905 Si vos se saigcs, nulloment.
LO QUART GENTIL
N'j faren nos, seguroment :
Mas lo seignor si lo demando.
LO PREMIER DE CYMELLO
Et si vené sj grosso bande
Per demandar ung simple home !
3P10 Volé vos que lo vos sone,
Mon dos amyc, se demanda?
[F" 105 r»] s. PONS
A Diou syo recomanda î
Mos amys, qu'es so que vos play?
LO PREMIER GENTIL
Venir VOS chai, senso delay,
8915 Parlar a nostre président.
Ilic apponatar m medio quatuor illorum gentïllium,
et ducatur ante presidem.
VALERI ADOLESCENS
Hellas! hellas! quai accident !
Hee! mon mestre ! hee ! mon seignor,
Vos ana, c'es trop évident,
Mûrir! Hellas! quallo furor !
LO SEGONT GENTIL
3920 Enfans, saré per la melhor.
De pour d'aver uno desfardo,
Que tos quatre sya en gardo ;
Per tant buta y vostro euro.
512 ISTORIO DE SANCT PONCZ
PRIANT
Seignor Pons, qualo aventuro
3925 Vos aduch en aquest pays?
s. PONS
Diou sebe^Tan, mos beaulx amjs,
Que de mj vol qu'eysintos sjo.
[F* 105 V«] BRUYANT
Ben avé la charo passe !
D'ejsint vos veyre me desplay.
s. PONS
3930 De my fasé como vos play ;
Lo temps non es como solio.
RIFFLANT
Ont es ana la baronyo,
Lo grant honor? Tôt es passa !
s. PONS
Al cel sarey recompansa,
3935 Ont es honor sens occident.
GRANDENT
Quant vos veyré lo président,
Yostre cor si s'alegraré !
s. PONS
Mon cor si se consolaré,
Quant el auré so que desiro.
LO PREMIER GENTIL
3940 Non preigna pas al cor ges d'yro,
Car so non es que comensanso.
s. PONS
Mon corps es a vostro puissanso,
Mas Tarmo, certos, n'auré vos.
i
ISTORIO DE SANCÏ PONCZ r.l3
[F" 106 r°] LO SEGONT GENTIL
Nos VOS meiien com' ung espoux;
3945 Enoaro vos en rencura?
s. PONS
Ben sçaj, la mort me procura ,
Sens que sapia per quai reson.
LO TERS GENTIL
Nos trobarcn occasion,
S'en vos non troben ges de causo.
s. PONS
3950 Vostre cor cru so far si auso,
Mas enfin en saré payas.
LO QUART GENTIL
Los brasses qu'avé desljas
Tuest non saran pas tant a Tayse.
s. PONS
Non sabriouc esser a mal ajse,
3955 Quant per Diou you sufFrirey.
VALERY
0 doux seignor, quant vos veyrey?
0 mon hoste, qu'avé vos fach?
0 doux Jhesus, quai grant mesfach !
Désola, las! arrestarey.
LO PREMIER DE CYMELLO
3960 Mon bel amy, you vos direy.
[F" 106 v°] Sy d'eysofasiouc rumor,
Incitariouc la furour,
Ont nos aurian tos dos dalmaige.
LO SEGONT DE CYMELLO
Se quesar saré fach de saige ;
3965 Diou m'en vueiliio pardonar.
514 ISTORIO DE SANCÏ PONCZ
Anriouc pour taraben d'anar
Prendre ma part en iino torre.
LO TERS DE CIMELLO
Seurs non sen que non nos y forre.
S'el sap que nos sen xpestians,
3970 Fini aven tos nostres ans !
Diou, sj ly play, sj nos préserve.
VALERI
Et en la fé si nos conserve
Et conferme, playsso ly. Amen.
• PRIANT
Très hault seignor, nos vos menen
3975 Seignor Pons, F*ons aulx dioux nuysiblo,
CLAUDIUS PRESES
Pons, Pons! mas es eysso possible?
Ha ! de la bono persono !
A el eysint deleysa Romo,
Per nos donar gravanso et peno ?
3980 Or sus, sa donquos, que l'on l'ameno
Tôt mantenent a ma presencio.
PRIANT
Eysi es, seignor de excellencio,
[F° 107 r»! Ben d'aquestos encompaigna.
LO PREMIER GENTIL
Seignor, aquest aven mena,
3985 Com'aux dioux contradisent.
CLAUDIUS PRESES
Myeys que vos aultres, vraysoment,
Saboc son nom, dont es, qui el es;
You Tay ben vist d'aultros fes.
Depuis que you T.iy entre mas mansi
.3990 Ana vos en, en pax et sans.
i
I
ISTORIO DE SANCT PON'CZ rl5
Ha ! tu sjos Pons ! Tal on te nomrao,
Que tût lo poble as couturba,
En sediction mes loto Romo
Et des dos Pholips aliéna
3995 Has lo cor, et a mal mena
Lour meut, et, fach dont fu grant dan,
Lo temple grant extermina
En pauc de temps, breau et sodan !
s. PONS
Seignor, ejso dise en van.
4000 Fer ver, degun aj subverti,
A persono n'aj; porta dampn;
Mas ben a Diou converti,
cla[u]dius preses
De tôt nos sen ben adverti,
Et comme passe nos saben.
4005 Auvent Valerian et Galien,
Chascun imperour et nostre princi,
Que Romo as deleysa eynsi,
[F' 107 v°] Como sio ver, de hault linaige
Syos na et d'iiault parentaige.
4010 Mandant an volgu comandar
Qu'aulx dioux ayos a jmolar,
Como dison los drechz civils;
Sy non, an los pailhars et vilz
Et plens de toto inormita,
4015 De divers tormens tormenta
Syo ton corps; or donc adviso.
s. PONS
Non ymoloc en deguno guiso
A las ydolos, per certan.
Saches que jou S03' xpestian.
4020 Tal comandament ou non prise.
CLAUDIUS PRESBS
Syo ta ment ben conseilha.
510 ISTORIO DE SAKCT PONCZ
AfRn que mal tu non fenisses
Et qu'en ton grant herror périsses,
Ton patrimoni riissipa.
s. PONS
4025 Mon conseilh et consolation,
Président, si es Jhesu Crist.
Si ben en aquest monde trist.
Ont es toto variation,
Suffroc mal et turbation,
4030 Perdent tos raos bens temporals,
Caducz, lassus premj des mais
[F" 108 r"] Al cel aurej, et fruiction
D'aultres plus grans bensimortals.
CLAUDIUS PRESES
Que vas tu, ambe parlars tais,
4035 Descorrent? Ou tu sacrifio.
Ou de divers mais on t'affio
Quêtas charts saren dissipas.
s. PONS
You t'ay ja dich sobre aquel pas
Que xpestian, certos, soj you.
4040 Als demonis non sacrifiou;
A Diou ben, qu'es imortal.
cla[u]dius preses
() misérable, de duro mort mortal,
Ben brevoment, si t'affection duro!
Non veyes tu qu'ay lo pover total
4045 Te far murtrir d'une passion duro?
Sathalites, a la prejson oscuro
Buta lo tost, et que ben on lo serre ;
De lo Ijar mette y vostro euro
Brasses et corps d'uno cheyno de ferre.
BKUYA^T
4050 Si vostre corps, scignor, si se rencuro
ISTORIO DE SANCT PONCZ 517
D'esser en ung tal parti encheyna,
El auré tort. Vos veyé qu'on procuro
Vos far honor ; eysint es termina.
s. PONS
Diou halo fach evsint détermina
[F» 108 V] GRANDENT
4055 Facienso es mayre de vertu.
Pensa, lo temps talo fortuno porto.
Encar vay ben que vos non se batu !
Lya, estacha intra dins celo porto.
s. PONS
4060 En Jhesu Crist mon cor si se desporto.
RIFFLANT
Eysens saré non pas ung trop grant temps
So que fasen, si vous play, perdona ;
Veyé trop ben que non sen pas contens ;
Mas a tal fach nostre corps es dona.
s. PONS
4065 Perdon de Diou vos syo condona.
Hic intrat carceres et interin Glaudius dical.
CLAUDIUS PRESES
Briffault, you ay ordena
Qu'aquestos lettres, per far somo,
Tu me portes ben prest a Romo,
Car, davant que procès formar,
4070 Voloc lo5 seignors informar ;
Vay victoment; syos secret.
Accipiat litteras et âicat huniiliter,
BRIFAULT
Puisque tal es vostre décret,
Recusar non es convenable.
5iS ISTORIO DE SANCT PONCZ
[F° 110 ro] ANABIUS ASSESSOR
Faj como ung home rasonal)lc.
4075 Sjos prudent et ben discret.
Forma superscripiionis est :
A mos très hnultz seignors insuperahles et triuinphans Vale-
n'an et Galien, humblamenl.
Insubscriptio litterarum est liée:
Très excellem et aulx dioux agréables, vosfres servitors la
comensament de las Gallios intrans en uno cita, nomma Cy-
mello, après que haven troua Pons, Pons qui tolo Homa a turba
et conturba et des dioux los temples a subverti ; lo quai non vo~
lent obeyr a vostres tremens comandamens, de Homo si s'en es
fuy : et per so que de vostre impérial palays des senators es lo
premier, l'aven fach en carcer reduyre d'aqui a tant que nos
puissan humilment entendre so que d'el vos pleyré que l'on
fasso.
Isto cursore itinérante, potest contristari papa.
PAPA
Que vol dire qu'en mj d'un tal regret
Es survengu, si fort me tormentant?
De tal pensier Hou eroc assuet,
[F" 110 v°] Car mos cinq cens trop si va commentant
4080 Mon cor, mon corps, ma testo suflfris tant
Que n'aj repaux ung horo, nuech ni jort;
De desplaser mon pancelh vay crêpant,
Eysint non aj ny repaux ny sejort.
0 mon dolz Pons, ont ero mon confort,
4085 Aques regret sobstenoc you per vos !j
Vos non se pas senso pencier et fort;
Senso dobtar, n'avé pas lo temps dolz
Que solya aver, mon amy doulx.
Per vostro amor, liumano creaturo,
4090 Quant mal havé, pensa si aven nos!
Mal si m'acuelh, dolor venir m'aturo!
Hellas! Hellas! Si vos se mes al las
ISTORIO DE SANCT PONCZ 519
Dejusticio, qu'es si fort rigoroso,
D'aquest monde vos perdre tôt solas !
4095 Et si morré de mort fort vergoignoso,
La puissanso de Dion gloriouso
Vos préserve, corao son bon vassal,
Per son plaser de fortuno engoysoso,
De villan fach, de perilh et de tôt mal !
4100 Ré glorioux, qu'as tôt en la presencio,
Faj regentar en pax xpestianita!
L'es possible a la tio potencio;
De cor t'en preouc, an grando humilita.
BRIFFA ULT
Très liaulto etsaoro magesta,
4105 De Cjmello venoc bâtent,
Manda dal seignor président.
Las lettros veyui qu'ay porta.
[F* 111 r°] V-ALERIAN
Tu sios lo ben encontra.
Mas et que fay mon amyc dos?
BRIFFA ULT
4110 Se recomando ben a vos,
Excercent ben sa commission.
GAT-IEN
Sus, prest, vay-t'en far collation,
Tandys las lettros nos veyren
Et resposto breou te faren,
4115 Car si deou aver de l'oignon.
VALERIAN
Puisque las avé, legé don
Per entendre lo contengu.
Lerjut Galienus litteraSj postea dicat
GALIENUS
Hal Pons, Pons! Orsyos-tu vengu
c?0 ISTORIO DE SANCT PONCZ
Al luoc ont tu devios venir!
VAI.ERIAN
4120 Non poyo pas myeys pervenir.
Rescrioure la chai la resposto
Et despachar ben prest la posto,
Per non lo far ja plus lenguir.
Forma littere hec est.
Valerian et Galien, imperours inconv incibles, a nostre bon et
fdel conselhier et président, salut. Entenduos yos<ros [F" 111 V]
lettros, eysso comando noslvo assueto bonta et pieta que, si
Pons non vool aulx dioux sacripar et lybar, aya poyssanso de
dive7's tormens lo tormentar. Et, si el es obstina en sa malicio,
qu'el syo a mort lioura et dona.
LO PREMIER CHAPELLAN
Sanct payre non fay que gémir;
4125 El déou aver qualquo dolor.
LO SEGONT CHAPELLAN
La grant amor non po mentir
Qu'el a envers Pons lo seignor.
LO TERS CHAPELLAN
Ben se portavon bono amor
Tant quant ensemble [an] viscu.
4130 D'amor la très graudo fervor
En ellos s'es apparegu.
VALERIAN
Tornar te chai dont syos vengu ;
Veyci de. Glaudon la resposto.
Anar la le chaire en posto,
4135 Puisqu'eysint lo fach es mogu.
BRIFFAULT
Farey como soy entengu.
Al myeys istar, sacro corono.
i
ISTORIO DE SANCT PONCZ 521
GALIEN
Vaj victoment, part tost de Romo
[F» 113 r"] Et t'ay que tu sios ben saige;
4140 Non monstrar pas en persono;
Discrètement t'ay ton messaige.
Recedit. — SILLETE.
DEUS PATER
Gabriel, dal très hault ystaige,
Impérial cel, lujsent paraige,
Ont lo siège de madivinita
4145 Sy es, vay-t'en far mon mesaige
A Pons qu'es si bon et tant saige^ -v
Qu'es detengu en grando villita
En la preyson de toto villita ;
Lay, lo paure, si es desda.
4150 Li portares fruc et utilita,
"Car per tu voloc que syo consola.
GABRIEL
Acomplir vauc la vostro volunta,
Eternal ré, très inmenso bonta.
Sus la terro brevoment descendrey;
4155 De Pons me vauc mettre al costa,
Et lo dolor que d'el s'es acosta,
Lo consolant, de tôt ly levarey.
Descendat angélus.
VALERl
Hellas ! pauret, hellas! et que farey ?
Sol peregrin al monde habitarey,
4160 Puisque l'home si dévot perdu ey
Qu'amavoc tant!
[F" 113 v°] Mas ambe qui may huy conversarey?
A qui mon ben et mal descubrirey?
Ont anarey ny mon secret direy ,
4165 Ny tant ny quant?
Ben es fortune a mon ben discrepant,
52Î ISTORIO DE SANCT PONCZ
Quant m'a leva ung si bon et just home.
Hellas ! Hellas! You soy vengu a tant
Que pas non chai qu'en ben ny mal lo nomme !
SILLETE.
GABRIEL
4170 Conforto-te, sancto persono;
Alegro-te et fay ta somo,
Que de my aures adjutori.
Mesagier soy de paradis.
Diou eternal si ra'a tramis,
4175 Per esser de mal defensori.
s. PONS
Cy es mon deambulatori !
Tallo meyson et diversori
N'aviouc pas acostuma.
Diou que sap s'ay fach ofifen'so,
4180 Fasso doncos per my defenso
VersTennemys apostuma.
GABRIEL
Syo ton cor ben aluma
Enl'amor de Diou eternal.
Aquel permutaré ton mal
4185 En ben que jamaj's n'auré fin.
Recédât angélus.
[F* 115 r"] s. PONS
Gracios ly rendoc de cor fin,
Puisque ly play me consolar
Per son angel, aquest matin,
Que m'es vengu lo cor saoular.
BRIFAULT
4190 Seignor, que deven honorar,
Vej'si que l'on vos an rescrich
Et, de bocho, ellos m'an dich
'iSTORlO DE SANCT PONCZ 5?3
Que fort a vos se recomandon.
CLAUDIUS PRESES
Vejre chai qu'ellos remandon.
Legit.
4195 Vrajsoment tu sios propici
Et as très ben fach ton uffici.
Prestoment que Ton m'ane querro
Pons, Ija de chejnos de ferre,
Et, si de mon fach el s'apello,
4200 El auviré cesto novello,
Per si co^yent como ung- tison.
Vadunt ad carceres.
PRIANT
Sus, sa ! Salhé de la preyson;
Lo président si vos demando.
s. PONS
Mon armo a Diou se recomando,
[F° 115 V*] Que sosteigno cesto querello.
BRUYANT
Vos auviré uno novello
Que non saré bello nj bono,
Si ay grant paour.
s. PONS
Ben me consono ;
Mas es en Diou ay mafianso.
RIFFLANT
4210 Vos y avé trop de confianso
A vostre Diou en maloro,
s. PONS
0 raos enfans, quant bon vos foro
Que fosessa tos de sa part!
554 ISTORIO DE SANCT PONCZ
GHANDENÏ
Dcl nou voloc ny part ny quart;
4215 D'eyros quictoc son lieretaige.
s. PONS
Vos non sabé pas l'avantaige
De SOS bens, que son eternals.
PRIANT
Vos non sabé pas lo dalmaige
Que sufFriré, et los grans mais.
BRUYANT
4220 Veyci Pons, arabe los lyans tais
[F" 116 r"] Qu'el fou erapreysona Tautr'ier.
CLAUDIUS PRESES
Ses-tu encaros si haultier.
Tant superb, si cruel et fier
Que quant te fi empreysonar ?
s. PONS
4225 You non soy hautier ni fier,
Mas ben al cor mal me reffier,
Quant t'auvoc eysint rasonar.
CLAUDIUS PRESES
You te voloc manifestar
Los salubres comandamens
4230 De tos seignors. Ny plus ny mens
Te saré fach, en verita.
Hic légat litteras impériales alte.
Tu auves lor benignita;
Entendes lor monition ;
Pos saber lor intencion.
4235 Eyssi n'a ges d'iniquita,
Mas tôt dever et equita.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 525
Eyssi n'a ges de fiction,
Et n'uson pas d'affection.
L'on t'a les fach manifesta.
4240 Senso plus essai- infesta,
Uso de ton tant bel uflici
Et fay aulx dioux sacrifici ;
A doux génois dono d'encens ;
Nos y saren trestous ensens,
[po 11^5 v°] Aultroment, ambc les danipnas,
De divers tormens tormentas
Saren los membres de ton corps.
s. PONS
Pense que se tos sors et orbs.
Vos non veyé nj entende
4250 Qu'aquo que dioux prétende
Esser, non es qu'abusion.
Aultre seignor n'ay you sjnon
Mon diou, mon seignor Jhesu Crist,
Qu'a rechata aquest monde trist
4255 Et levar me po do tasmans,
De tos tormens, périls et dans,
Das quais mon corps si fort menasses;
Et n'aj pour de ren que me fasses.
CLAUDIUS PRESES
Marveilho ay de tu, tant poyssant,
4260 Inclina a tallo humilita
Q'ung tal per seignor nomes tant
Paure home, plen de villita.
De Pillât la civilita
Morir lo fec, sens remission.
4265 En cros, a grant inormita,
Nonsayper quallo accusation.
Or, layssen toto affection.
Perqué plus tost non nomes tu
Tos haulx seignors, como es reson,
4270 Los imperours, o maloustru,
34
5Î6 ISTORIO DE SANCT PONCZ
[F° 117 r°] Que t'amon tant? Que pcnsos-tu?
Tais sou seignors senso fentiso;
Sjo ton voler abbatu,
Car tort tu as en toto guiso.
s. PONS
4275 S'a mj dire es la repriso,
De tu soj fort esraerveillia
Kt de ta si folio devise,
Cossint syos tant avugla
Que non cognojssos verita.
4280 Sens tant de fantasio querro
Ung sol diou en trinita
Qu'a fach lo cel, mar et la terro :
Per ton ben es volgu descendre
Et prendre nostro humanita.
4285 Non desdignapaure se rendre,
SufFrent tanto neccessita,
Miserio et calamita.
Mas si es el de tôt seignor,
Ben es ta lengo intossica
4290 De dire que home es sens bonor.
D'aquo qu'el es isia accusa
Des juj'ous, lo bon innocent,
Et per Pillate condempna,
So fosec voluntarioment,
4295 Per nos levar dal dampnonient,
Ont naturo ero obliga ;
Et tu t'en truffes planoment,
Car ton coraige es aveugla.
[F" 117 v"j Si volguesses te humiliar
4300 Et a ung tal diou servir,
Prest ta ment farios levar
Al cel, per al ver parvenir;
Cognoyssarios, sens mentir.
Que tos dioux, que diables son,
4305 Son per las armos subvertir
Et d'anfert conduyre al perfont.
Los imperours,
ISTORIO DE SANCT PONCZ 52î
Tos pnuces moui's,
Que dises tant beu ^'■overnar
4310 Saren perdus
Et confondus,
Ambe lor fol trenc d'adorar.
S'en tallo orduro
Vostre rit duro,
4315 D'aquest monde vos periré
En la lajduro,
Que tostens duro,
Embe vostrcs dioux saré ;
Vella tôt quant vos gaignaré
4320 Vos et tos los vostres ensens:
De malo mort vos ûniré ;
Punys saré d'ejci a pauc temps.
Cum.furore dicat Glaudius.
CLAUDIUS PRESES
Apresta tost tos los tormens ;
Ecculeon, verges aua quere,
4325 Penches et escarnasses de ferre,
[F° 118 r°j Foychz de nervi et, tost, tost,
Farassons, brandons de fuoc
Et, si das aultres la n'y a,
Syo si lot apropia.
4330 Buta me tôt en la presencio,
Sa folio et insipiensio
Saré al luoc manifesta.
FRIANT
Seignor, la es tôt apresta.
Veysi de tormens uno mar.
BRUYANT
De verges a}^ per lo domar,
4335 Grosses et longos, 1res manas.
RIFFLANT
D'eysso lo voloc penchenar,
Eu son corps saren encliarnas.
5S8 ISTORIO DE SANCT PONCZ
GRANDENT
Mos fojchz de nervis ennervas
Sentira cl sus sa persono.
PRIANT
4310 Coraanda sol que on Ij donc
Lo torment que myejs vous pleyré.
BRUYANT
Et vejré como on serviré,
De corps, de bras fort esveiilia.
[F° 118 V°] CLAUDIUS PRESES
Que tost el sio despolha,
4345 Lo faulx palhart injurioux.
RIFFLANT
S'erouc ung pauc trop furieux,
Aprendre vos clialré tôt de^ gra.
CLAUDIUS PRESES
Despolha lo tost, qu'en mal gra
De Jovis sjon los palhars.
GRANDENT
4350 Vos nos vejré frics et galhars,
S'uno fes entren en besoigno.
ANABIUS ASSESSOR
Fasé ly ben gratar la roigno,
Puisqu'ellos an ben de que,
CLAUDIUS PRESES
Fol el saré s'a my non cré.
4355 Qu' el eculeon el sio mes;
Braces et chambos ben fort estes,
Que cordo d'arc, ny plus ny mens,
1 Corr. postérieure e7t.
i
ISTORIO DE SANCT PONCZ 529
Affin que myeys tos ces tormens
Decorron per tos sos membres.
LO VAKLET DAL PRESIDENT
4360 You soy ben computa des mendres,
Mas encaros vos ajuarey.
[F" 119 r"] s. PONS
Yniq, pervers, you te direy,
Comben que tu non o creyes pas,
De mon Diou adjua sarey,
4365 En aquesto houro et aquest pas.
De me tormentar fas grant cas,
Grant aprest, menant grant rumor ;
Tu te trobares plus tost las
Que my, maivas, plen de furor.
cla[u]dius preses
4370 Ey, ey! Sus, sus! estende lo.
Al torment prest exibe lo.
Que sar'eyso d'aquest palhart ?
Et nos veyren sy de mas raans
Te levaran tos parlars vioux.
4375 Sus, sus ! davant que sio plus tart.
Hic extendant euiu in eculeo quatuor a^mritores.
DEUS PATER
Gabriel, vay tost, de ma part,
Rompre trestous los argumens
Ont Pons si deou esser extens,
Per de vergesîrexaminar,
4380 De cardos de ferre lo cardar.
Vay t'en volant en aquel luoc,
Et las grossos faros de fuoc,
Que crudelment an apresta.
[F" 119 V] A mètre a chasque costa,
4385 Syo per tu amorti et mort.
GABRIEL
A Pons m'en vauc donar confort,
530 rSTORIO DE SANCT PONCZ
Et farey tôt lo contengu.
PRIANT
Aquest bras es.ben estendu.
BRUYANT
Et aquest aultre, per la parelho.
RIFFLANT
4390 Baj'lo say lo pé, marfondu.
GRANDENT
Donar te fares a l'aurelho !
HoUa ! holla ! cv?o trop velho !
Clavellen ben cesto fustalho.
ANABIUS ASSESSOR
Que ung pauc lo corps on reveilho,
4395 Enfans, fasé chauso que valho.
GRANDENT
Sos nervis si son en batalho,
Et disputon qui tendre plus.
RIFFLANT
Ilbriac, tu n'as que la ralho.
Entenden a far lo surplus.
BRUYANT
4400 Or, sus, seignor, qu'avé conclup?
[F» 120 r°] Veyci Tome molt fort arta.
PRIANT
Ben es de sos membres reclus,
Si fort Taven nos escarta.
CLAUDIUS PRESES
D'ung bot qu'el syo en hault monta ;
4405 Qu'el syo a tôt poble visible.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 531
S. PONS
Per la divino volunta,
Eyso non me sarc nuysible.
PRIANT
Hault!
BRUYANT
Hault!
RIFFLANT
Quai fays terrible !
Mauldich syo tant de pesanso.
GRANDENT
4410 Que diable eyso m'es tant sensible !
Mays non senti tallogravanso.
CLAUDIUS PRESES
Tos quatre n'auré la puiss.anso
De lo levar, or, la on fault?
GRANDENT
Presqu'es tôt fach! Tost a l'avanso !
RIFFLANT
4415 Sus! Sus!
[F" 120 V] BRUYANT
Dehetz !
FRIANT
El es en hault.
Qu'au diable sio tant de pes!
CLAUDIUS PRESES
Qu'el syo encaros plus hault mes,
Puis a l'entort vos esbaté.
Premièrement fort lo bâté
4420 De grosses verges et foychz ;
Puis a forso*'ne cardos et penches
532 ISTORIO DE SANCT PONCZ
De sang saren sas costos penchos
Et, quant saré de cardar las,
IjOS i'orassons et fuoc al latz
4425 Ly butaré, per far sa resto :
Adonc veyren sa folio testo
Se repentir de sa oppinion.
PRIANT
De cops aures
Ung million,
4430 Mauldich pervers,
Fier corn' ung lyon.
BRUYANT
Lo trop levar non es pas bon.
RIFFLANT
Layssen lo ung pauc
4435 Eyssint esbatre,
[F' 122 r°] Puis d'ung assault
Lo chaire batre.
GLAUDIUS PRESES
Fasé vostres foychz esbatre
D'entort aquel gentil gallant
GRANDENT
Non sabouc quant
4440 Advis prendre ;
Sol lo bestant
Lo destruyré.
RIFFLANT
En aquest myey s'avisarc
BRUYANT
Prou hault el es.
4445 Or comensen :
Dal premier mes
Lo serviren.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 533
FRIANT
Sas costos si lo sentiren.
Hic eculeus confringatur, pt illesus Pondus stet in conspecht
jrresidis .
CLA.UDIUS PRESES
Doncquos eysint truffas saren !
4450 Jupiter que volré^so dire?
Desos lo cel clar et seren
Creouc (jue non ayo lo pire.
[F" 122 V] PRIANT
D'eyssot non saboc pas que dire,
Car s'es ung fach espavantable.
BRUYANT
4455 Ay agu paour que lo dyable
Non emportesso aquestp plasso.
RIFFLANT
Non saboc pas a qui so plasso ;
Mas a my, non ; paour ay encaro.
GRANDENT
Regardo un pauc Pons en la charo ;
4460 Tu dirios d'el tôt qu'el lus.
CLAUDIUS PRESES
Tant fellon soy que non pauc plus !
Perdoc del tôt lapacieuso.
Per art^magiquo m'a illus,
Lo palhart, plen d'irreverencio.
4465 Qu'el non syo plus en ma presencio ;
Vèsté lo et lo reduyé;
Que de cops n'ayo indigencio ;
Seguroment lo conduyé.
Hic induant mm et calumpnientur cum pugnis et alapis, etc.
s. PONS
Tos circunstans, eyro veyé
534 ISTORIO DE SANCT PONCZ
1170 Que n'es q'ung Diou, que tôt afach.
[F" 123 r"] Daquest torment s'ansy m'a trach,
Per lo meilhor en el crejé.
ANABIUS ASSESSOR
Saige seignor, non vos turbé,
Si tais tormens asuppera;
4475 Aultromen ben lo puniré,
Totos las fes que vos pleyra.
En aquesto cita si a
Dos venators, senso falacio,
Qu'an près dos ors, dos pauc en sa,
4180 A las montaignos de Dalmacio.
Exprova si '1 auré efficacio
Contro dos ors, si grans et gros.
Non \y leyssaren pas ung os
Que tôt non syo dévora.
CLAUDIUS PRESES
4485 Que Pons me syo retorna,
Et manda quarre los venours
Que m'ayon a conduyre los ors,
Senso portar a aultruy dalmaige.
BRIFFAULT
Tôt prest m'en vauc far mon messaige,
4490 Et si saren tostrevengu.
Vadat ad venatores, et interin dicat Glaudius preses .
CLAUDIUS PRESES
Et sarey you de tu vensu ?
[F" 123 v°] Sarey you eysint suppera,
Per enchantamens convensu?
Ha! cors pervers, exaspéra,
4495 Non sarey plus vitupéra
De tu ; car, sens plus t'alonja,
Como unobestio enraja,
A dos ors te farey manjar.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 535
s. PONS
Mon arii^o eyssint voles lojar
4500 Au los angilz, en paradis.
BKIKKAULT •
Juno vos gart, mos bels amjs !
Se vos aquellos qu'avé près
Dos si grans ors, n'a pas dos mes?
Lo seignor veyre los volyo.
LO PREMIER VENOUR
4505 Aquellos sen,2a chiero Ijo;
Chassans per los obscurs boscaiges,
Dos ors haven près, fort salvaiges,
Si gros, si orres et si grans,
Creouc jamais homes humans
4510 Non vegron d'ors ung talpareilh.
LO SECOND VENOUR
Seguroment, sobz lo soleilh
Non se vec tallo desmesuro.
Possible n'es que créature
[F" 124 r"] 0 creyes, si non lo veyo.
4515 Ben estachar los chai, per la vio,
Affin que non fasson aultraige.
Hic aceipiant ursos ligatos.
BRIFFA ULT
Anen, sens far tant de lengaige,
Car lo seignor si lenguira.
LO PREMIER VENOUR
Gara, retira vos, retira!
LO SEGONT VENOUR
4520 Gara vos, hono gent, gara:
Lajssa passai' la salvajuno!
Aucurrat Brifault, et minciet presidi.
536 ISTORIO DE SANCT PONCZ
BRIFFAULT
Ellos los an salhis de tuno,
Et los conduyon fort lyas.
0 los quais ors desmesuras!
4525 L'es ung très grant affre de veyre.
LO PREMIER VENOUR
Tira vos lay !
LO SEGONT VENOUR
Arreyre! arreyre!
Non vos aproché pas de nos!
[F^ 124V"] LO PREMIER VENOUR
Seignor, veyci nostres dos ors.
Play la vos chauso comandar?
CLAUDIUS PRESES
4530 Pons vos voloc recomandar.
Mena los al myey de la plasso;
Puis, que bono garde l'on fasso,
Que persono n'ayo dangier,
Et me buta tost et legier
4535 Pons, Pons, d'elos al bel meytan.
Veyren si las bestios an fan
Et qui myeys d'elos manjaré;
De lueing l'on vos regardaré.
Fasé que d'el n'arreste briso.
LO PREMIER VENOUR
4540 Nos faren et tallo guiso
Que ja el non s'en lauvaré.
LO SEGONT VENOUR
Chescun ung repast si n'aurc.
Los mais vestis, devers la biso !
Vadant omnes, excepti» Glaudio et Anahio, qui per loca alla
videbunt szipplicium.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 587
S. PONS
En Diou ay ma lianso miso,
4545 Et, se ly play, m'ajuaré
[F" 125 r°J Que ma chart non syo remiso
A talz ors.
PRIANT
El s'avisaré
Avant, lo dyable y ayt part.
BRUYANT
Dyou a asses affar de ta chart !
4550 La ven lo temps que chai mûrir.
s. PONS
Dyou me don al cel parvenir,
Ont es lo ben que mays n'a fin.
RIFFLANT
Sus, bon home, vos se trop fin ;
Eyssi lo non chai tant prechar.
GRANDENT
4555 Eysi vos anen empachar.
Recebé lo, vos dosvenours;
Buta lo al myey de vostres ors.
Et nos, nos tiraren arreyre.
PRIANT
Bon la saré de ben lueing veyre ;
4560 En tal fach fiar noji se chai.
BRIFFAULT
La fay bon se gardar de mal ;
Chescun de nos si se retire.
s. PONS
Diou, syos en mon martire !
[F° 125 v°j A tu ma causo recomandouc.
Ab alto anfiteatro clamet Glaudius preses venatoribus.
538 ISTORIO DE SAKCT POiNCZ
CLAUDIUS PRESES
4565 Fasé aquo que vos comandouc.
Parqué fasé tant de bestant?
Qu'el muero, sens actendre tant.
Jlh- rcnatores solvant tirsos contra sanctuin Pontiuin,
LO TREMIKII VENOUR
A Ij ! a ]y !
LO SEGONT VENOUR
A \y ! frou ! frou !
A manjai- trobarc vos prou.
LO PREMIER VENOUR
4570 0}% foro! ej tueri jou snv mort.
Hic, ut melius videhitur, ventant duo corpora ficta et
perdantur illi duo homines, et sic ursi discerpent illos
renatores, etiamque sanguis apureat in hahundantia.
ReVmquo fictoribus ludi. Recedunt ursi a platea,
CLAUDIUS PRESES
Non es eyso grant desconfort
Qu'ejsintos ayon mes a mort
Aquellos que los governavon ''.
Et aquel Pons tochar n'ausavon!
4575 En très grant pensamen soy 3'ou.
Clamor fiât, tam paganorum quant xpistianorum, dicentium.
'"F" 127 r"! XPISTIANI, GENTJLES
Lo es ung Diou ! lo es ung Diou !
Lo es ung Diou ! 1' es ung Diou!
Lo quai sy a Pons préserva !
Clament bis aut ter, r,oce mar/na.
CLAUDIUS PRESES
Qu'en preyson syo Pons sarra,
4580 Como sabé qu'es de costurao.
Hic accipiant Pnncium et adûucant ligatum ad carceres .
i
ISTORIO DE SANCÏ PONCZ SH.»
Mon cor, mon voler s'alumo ;
La testo et lo front me fumo,
Per grant dolor.
0 coraige plen de meror,
4585 0 fantasio, de tristor,
0 escandol, de grant error,
0 grant meyssap !
Qualque mal vas art el si sap,
Dont tant el se lauvo e faj gab.
4590 En eysso voloc mettre cap
A tallo herror.
E non sarey you pas seignor?
Si, sarey, si! reson ou vol.
Ma testo es tant dona a furor
4595 Que tôt lo rest mot fort me dol.
ANABIUS ASSESSOU
Cocha vos en ung liech ben mol,
Etveyré de pouer dormir.
[F" 127 v°] Vos se bon per devenir fol.
Si non sabé lo temps jauvir.
. Hicpausat se preses, quasi si vellet dormire.
VALERl
4600 0 mon Diou, qu'as volgu auvir
Las voses de ton servitor,
Gracios, louanjo et honor
Te rendoc eyros a génois.
SATHAN
0 très mauldichz dampnas fêlions,
4605 Nostro procure anarc ben.
Pons es de la preyson al fons
Et de mal non ly manco ren.
BELZEBUC
Si lealment procuren,
D'aultres mais auré plus coyens.
4610 A lal furor Glaudo aduren
55fl ISTORIO DE SANCT PONCZ
Qu'el lo faré mètre als ventz.
LUCIFER
Faulx chins de très mauldichz convcns,
Horres infecliz, falso vermino,
Retorna prest et sia attens,
4615 Car lo procès chai qu'on termine.
MAMONAS
Faulx messagiers, trop malo mine •
[F" 128 r"] Vos me tené. Voyda d'cysi !
A l'obro tost, et Glaudou affino
Qu'es en pensament et soucy.
ASTAROT
4620 Leyssa vos la causo eyssi ?
Velha, velha sobre lo cas.
Vos ressembla demy transi.
Sus tôt, eyros non falhé pas.
BERITH
Ana y de cautellous pas.
4625 Per diversos cavilhations
Non laissé son cervel en pax :
Usa de simulations.
LEVIATAN
Layssa los sol. Eoulx son trop bons
Per menar encar plus grant tramo ;
4630 Plus alumas que dos charbons
Sont brulans en très duro flamo.
Hic recedtmt, et vadant ad président.
SATHAN
0 président, que? non s'enflamo,
En aquesto horo, ton coraige ?
Vos-tu suffrir ung tal dalmaige?
4635 Lo poble murmure etbramo.
Tu as bon los et bono famo,
[F" 128 v°] Non suffrir pas que Ton t'autraige.
ISTORIO DE SANCT PONCZ ^4\
Tu non sabes pas que Ton tramo :
4640 Adviso y ben, si tu sios saige.
liELZEBUC
Que deves tu far d'aquel gaige,
De lo tenir tant en preyson?
Adviso d'uno trayson.
Dangier n'as que d'ung tal obraige.
4645 Lo poble si es tant volaige
Que es une grant marrison ;
Mostro te fier et fares raige.
Saige es qui entent la seson.
SATHAN
N'as tu auvy la confusion
4650 Ont lo poble si s'ero mes
Cryans de toto nation :
« Ung diou es, ung dyou es »,
Reyterant dos o très fes?
L'es perilh] de tallo rumor.
4655 Non plus tu entendes que c'es.
Fay tost mûrir aquel treytor. .
BELZEBUC
Fay ho, fay ; o tôt a l'entort
Perdres de gens, et senso nombre.
Et sabes si pleyré a la cort?
4660 Mays non foses en tal encombre.
Hic GlaudiuA preses, evigilando a somno, dicat cumfurore.
[F° 129 r°] CLAUDius preses
Ung diable, serpent ou colombre,
A fach son ny a mon aureilho,
Plus tempestos que n'es lo fouldre.
Admirando.
Qui es aquel que me reveilho ?
4665 Sus, sus ! a cop que Ton (es) ésveilho
Aquel desgracia preysonier;
Empreysona trop si somelho ;
35
542 ISTORIO DE SANCT PONCZ
Ana lo me quarre, l'escujer.
PRIANT
Nos non tiren mays ung denier,
4670 Per trabalh que nos y prenan.
BRUYANT
Aquest temps n'es pas meyssoni[e]r;
De suffrir chai que apprenan.
RIFFLANT
Non parlen tant; mas relFrenan,
Per nostro lé, nostres parlars.
GR AN DENT
4675 Que reffrenar? Mas, lo priman,
Saren nos tôt jort los solliars?
GLAUDIUS PRESES
Tené, tené! Sya galhars.
Hic trihuat ïllis quatuor summani auri vel argenti.
Lo non es temps de murmurar.
[F° 129 V°] ANABIUS ASSESSOR
Gens compaignons, plasens sodars,
4680 Non vos vueilha pas rencurar.
FRIANT
Non vos chailho, car procurar
Volen l'honor impérial.
GLAUDIUS PRESES
Chescun de vos sjo leal,
Sens aver lo cor variable.
BRUYANT
Jamays n'agues servitortal :
4085 La es, seignor, ben rasonable.
ANABIUS
L'imperi sanct et redoptable
ISTORIO DE SANCT PONCZ 543
Vos serve, qu'es chauso ben Iiaulto.
RIKFLANT
Quequé djan, jamays muable
En nos non trobaré pas faulto.
GRANDENT
4090 Senso quaquet, tost, que l'on saultu
Per aduyre tost lo déliât.
Apperiunl carceres.
PRIANT
Vos dorme vo?, gros villan plat?
Venir vos chai en consistori.
[F'^ 130 r°] s. PONS
Hellas ! mas ben dur auditori,
4695 Ont lo n'es que toto rigor.
BRUYANT
Ejsintos parlos dal seignor?
Percutit.
Nos te faren parlar corret.
RIFFLANT
Eyssint Ij fares parlar grec !
Non lo ferir pas a la jauto.
GRANDENT
4700 MoUo s'es fach, como pauto;
Tôt lo mond n'est pas content.
PRIANT
Veyci, seignor lo président.
Lo chatal de tôt misérable.
CLAUDIUS PRESES
Fais enchantour, dampna al dyable,
4705 Ta falsa testo fantastico
Usant de dampna art de magico,
544 • ISTORIO DE SANCT POIMCZ
Si m'a usa de très faulx tors,
Quant ejssapa syos aulx ors;
Dont ma puissanso as pauc presa,
4710 Quant l'eculeon fon esbrisa.
Mas eyros non eyssapares,
Ou aulx diouxhonor rendres:
Adviso de dos la melhor.
[F° 130 v°l s. PONS
Pas non m'adurés en herror.
4715 Adoro Diou, lo seignor,
Lo quai tu, meyssent, blasfemant,
Negos per ton parlar nephant,
Misérable, plen d'incipienso !
Mas, ont es toto sapiencio,
4720 Ont es tam ben toto bonta
Qu'en la divino magesta?
Te pensos tu de tu baver
Honor, lo ben, l'or et l'aver,
De tant de fach Tintelligencio?
4725 Non ; mas de l'aulto providencio,
Qu'a tôt, quant es, sol créa,
Sens principi, sens fins, increa,
Manent, et fay tôt vegetar.
Pertant, non te vueilhos jactar
4730 De tos dioux, que diables sont.
Amb ellos yres al perfont
Enfert, ont tu sares crema.
CLAUDIUS PRESES
Eyros, eyros! Syo aparelha.
En cesto plasso lo bel luoc,
4735 Tôt quant es bon per far fuoc ;
Car al myej lo voloc mandar.
Veyren si poyres comandar
Al fuoc que non te crème pas,
Como as fach, a dos passas pas,
4740 Usant de tos enchantamens.
I
ISTORIO DE SANCT PONCZ 545
[F" 131 r"] Hïc préparant omnia ad faciendum ignem, ut
melius vuhhitur.
S. PONS
Quais en my atrobes mancamens,
Per los quais de fuoc tant amar
Me deos consumar et cremar?
Gaigna non ay you tais tormens,
CLAUDIUS PRESES
4745 Quaqueto prou, n'aures pas mens ;
Tu as déjà viscu trop d'ans,
D'eyssapar te disoc ben : nego!
s. PONS
Diou qu'eyssapa los très enfans,
Sidrac, Misac, Abdenago,
4750 Me gardaré encar d'eytals dans,
Et me tendre mos membres sans,
Me mandant dal cel reffrigeri,
Sos bens me saren abondans
Per Tangelique ministeri.
ANABIUS ASSESSOR
♦ 4755 Non escoté tal vituperi;
Per'Jupiter, Tescota trop.
CLAUDIUS PRESES
Malvas garsons, mena de trot
Pons a nostres dioux rabel
t
Per lo cremar de fuoc cruel;
4760 Lya, pes et mans, sus! a cop.
[F° 131 V°] PRIANT
Anen doncos, au paure sot ;
Ben te gardaren d'aver fret !
BRUYANT
L'on vos lyaré ung pauc estret.
Sol per vos gardar d'uno fuyto.
516 ISTORIO DE SANCT PONCZ
RIFFLANT
4765 Sa chart si saré ben tuest cuyto ;
'Tendre el es et delica.
CLAUDIUS PRESES
Qu'au myej dal fuoc syo aplica.
Sa raubo non prendre pas arno.
Hic ponatur,
GRANDENT
Cubren son coi^ps eyros de garno,
4770 Et meten y forso gavelz.
PRIANT
L'on y coyrio ben de tortels.
Escoto quai bruyno meno,
BRUYANT
Per pauc de solpre qu'on semeno,
El saré tuest ryma et frit.
RIFFLANT
4775 Veigno eyros aquel son Crist,
Etlo trayo d'aquesto flamo.
[F° 132 r°] GRANDENT
Lo fantastic mûrir plus amo
Que renear aquel son diou.
DEUS PATER
0 Gabriel, angel myou,
4780 Vay t'en a Pons tost secorir,
Et aquel fuoc grant estenguir.
Gardo lo d'aver lésion.
GABRIEL
Partent de l'haulto mansion,
Vauc aquellos flamos sopir
4785 Et totalement atupir,
Qu'el non sentiré affliction.
Vadit et facial prout meliut videhitur fictorihus ludi.
ISTORIO DE SANCT PO^CZ Ô47
PRIANT
Aponcho!
BRUYANT
Furgono !
RIFFLANT
Garson,
Es possible que Pons s'en sailho ?
ORANDENT
Leigno, solpre, gavelz et palho
4790 Devon far fuoc, a mon advis.
PRIANT
Merdo en ta gollo que tant ralho,
[F" 132 v°J Plustost que uno bono pernis !
BRUYANT
Sus, mos amys.
Qu'on se trabalho.
RIPFLANT
4795 Fer bon advis.
GRANDENT
Sus, mos amjs.
PRIANT
Sen assortis,
Sj djou me vailho.
BRUYANT
Sus, mos amys,
4800 Qu'on se trabalho.
RIFFLANT
Qu'el non s'en salho,
ho fais palhart.
GRANDENT
Fer qualo raalho?
548 ISTORIO DE SANCT PONCZ
PRIANT
»
Qu'el non s'en salho.
BRUYANT
4805 Pas uno malho
N'y val son art.
[F" 133 r"] RIFFLANT
Qu'el non s'en salho,
Lo fais palhart.
GRANDENT
Petito part
4810 Es mays huv d'el.
PRIANT
Laysso lo a part.
BRUYANT
Petito part.
RIFFLANT
So que fuoc art
N'es bon ny bel.
GRANDENT
4815 Petito part
Es mays huy d'el.
GABRIEL
Diou t'a manda secors dal cel.
Lo fuoc te vauc amortir eyro ;
En ton corps non auré cremeyro.
4820 Ta chart saré si blanche et pallo
Que si salhesso d'uno sallo
Entapissa de belles flors.
TI'ic sopita flama, ornntnoque if/ne extincto, exeai Pondus in sua
propria forma, non lirjatus, sed vestihus (i)ustis.
[F" 133 vo] s. PONS
0 eternal Diou glorioux,
ISTORIO DE SANCT PONCZ 549
Gracios te rendoc imortalos,
4825 Puisque per ton divin secors
Me soy salhi de fiamos tallos.
Ad Claudiuin preiidem.
Eyros cognoys tas obros malos,
Et cesse ormays ta fellonio
Ton cogitât, affections totales,
4830 Ont tu prenes tal fantasio.
CLAUDIUS PRESES
Osta, esta ! Mena lo vio ;
Ana lo en preyson lojar :
Que portoc grant malencolio.
N'y donen a heure ny manjar.
PRIANT
4835 Or, sus, donquos ; anen cojar.
Vos soparé uno autro fes.
En preyson chai que vos entres,
Et sabé vos? Sens trop sonjar.
Percutit.
BRUYANT
Eyso el auré per rojar.
4840 Saboc qu'el l'arao de nature.
RIFFLANT
Miser créature,
Pren pieta de tu ;
Laysso ta culture.
Non sares batu.
[F° 135 r"] GRANDENT
4845 Baston ou festu
Es sa nuyrituro.
Percutit .
s. PONS
Perqué me bâté,
Miserablo gent ?
550 ISTORIO DE SANCT PONCZ
Lo trenc que tené
4850 N'es nj bon ny gent.
FRYANT
Pauret indigent,
Vos vos debaté !
Pcrcuttt.
Hee! Sufré, sufré !
BRUYANT
Pâté, pâté !
Percuta.
4855 D'eylens saré vos lo régent.
Intrat carceres, et redeunt domum.
RIFFLANT
Qui vivo?Qui?
GRANDENT
Lo président.
Et aussi tos sos bons volhens.
PRIANT
Seignor, l'aven reclus eylens,
En la maniero acostuma.
[F" 135 v°] Hic Glaudius alloquitur Anabium
accessorem.
CLAUDIUS PRESES
4860 Que vos semblo del fach passa?
L'es neccessari que on j veilho.
ANABIUS ACCESSOR
S'es ung fach de très grant merveilho,
Et comotion de tôt lo luoc,
S'en salhir d'ung si aspre fuoc,
4865 Sens qu'el agues ges de lesuro
Et tant venuste de figuro
Que si salhesso d'ung jardin !
■ii
TSTORIO DE SANCT PONCZ 551
Mas, per donar a l'obro fin,
Si bon vos semblo, mandaré
4870 Als imperours, et si faré
L'exposition de tôt lo fach,
Tôt quant avé ny dich ny fach,
Cossint son corps es indura,
Et quantosmals a endura.
4875 Pensoc qu'elles remandareu
Tôt se que d'el far nos deven :
Vella ma petite oppinion.
CLAUmUS PRESES
Vostre prepaux si es fort bon ;
Eyssintos far es convenable.
Vadat Glaudius ad litteras scribendas.
PRIMUS DE CIMELLA
4880 0 fach mot grant espavantable,
[F" 136 r°] Quant Pons si es si eyssapa!
SECUNDUS DE CIMELLA
Espavantable et redobtable,
Salhir d'un^ ta) fuoc ensolpra.
Et hoc intellige de tribus xpistianis qui kospicio reper[i]erant
Poncium et Valerium.
TERCIUS DE CIMELLA
Diou lo vueilho, per sa bonta,
4885 Rellevar de tallo miserio.
PRIMUS GENTILIS DE CIMELLA
So es déjà la tercio ferio
Que Pons, certos, la passa belle.
SECUNDUS GENTILIS
Aspro chauso et mort crudello.
Et de tôt salhir sanoment.
TERCIUS GENTILIS
4890 Lo me desplay véritablement
5M ISTORIO DE SANCT PONCZ
De l'aver jamays accusa.
QUARTUS GENTILIS
Per Apolin, si fos ausa,
Lo butariouc foro preyson ;
Mas la cort si es tant rusa,
4895 Que se quesar es la seson.
CLAUDIUS PRESES
Vay say, Briifault, malvas garson ;
A Romo prest te chai anar
Et aquestos letros portar
[F* 136 V] A la très haulto seignorio,
Accipiaf litteras cum reverencia.
JÎRIFFAULT, lest.
4900 Seignor, dont soy eyro en vio,
Ambe honor et reverencio.
Vadit Romain.
VALLERI
0 Diou, increa potencio,
Sommo et inefablo sapiencio,
Eterno et divino excencio,
4905 Toto bonta, haulto excelencio
De tôt factor;
Sobeyran ben et creator,
D'humanita lo redemptor,
Des sanctz et des justz protector,
4910 De tos servitors amator;
Per ta clemencio,
Dono a mon naestre patiencio,
Ton servitor plen d'inoscencio,
Empreysona ambe indigencio,
4915 Tracta per grando violencio,
0 plasmator !
BRIFFAULT, Ust.
De par de Glaudiou, monseignor,
Aquestos lettros you vos portoc.
ISTORIO DE SANCT PONCZ 553
Dedins novellos you vos aportoc
4920 De Pons, vostre grant senatot.
[F" 137 r"] Valerianus imperator légat lifteras; et hec est forma.
VALERIANUS liMPERATOR
Claudouc, lo petit servitor, a sus très Jic^ilz mestres et seignors,
salut.
liecebuus honorabloment ooslros letlros, entendu vostro oppi-
nion et sancto volunla, insequent vostres comandamens, ay exorla
et orta, conseilha, prea et requist Pons, vostre senalor, desa-
c*'i/iar et honor donar et portar als di'oux, como a far es entengu.
Eysso de far a contendu. Debatu, en reh n'a fach lo contengu de
vostre salubre mandament ; ont you veritabloment volent lo
chastiar aucunoment, veyent quero inobedient aulx manda-
mens, fg aprcstar divers tormens : leculeon, cardos et ponchos
de ferre, et puis me fi aussi anar querre verges et foycliz de
nervy thaurin, cardos de bon char be fin, et ferrassous d'artificial
fuoc. Et quant exhibi fosec al luoc et extendu al supli'ci, l'ecu-
leon et tôt Vartifici, ambe estrepit et tremor, tombée tôt et el,
senso maculo denguno^, eschapec ; [F" 137 v°] dont forouc ben
esbay. Apres, you apperceby que dos venours, sus las montaignos
de la Dalmasso istant, sobre lor grant chasso, dos orses de
grando autor et grossor avion près el mena a noslro terro. Pen-
sant you far ly grando guerro et V esterminar d'aquest monde, lo
fie menar en ung luoc imonde, et lo fy mettre al myey des dos
orses, affin que lo mangesson et que non pas los os layssesson;
et quant el foc al myey mes, lo leysseron senso mal et mangeron
los dos venours que los avion conduch a so far; dont me pensy
desesperar. Puis, l'ay may s examina; vist ay qu'el a persévéra
en sa premiero affection, como yra et fort fellon; ung grant
fuoc ay fach constitui et si l'ay fach mètre al myey. Non saboc
per quai art, adjutori ou enchantanient, dal fuoc s'en es salhi
sanoment, so que cent homes n'aurion fach ; dont soy esbay so-
hre aquest fach, car auta ben toto la cita es quasi comoguo et
incita per las chausos Ja precedens. Plasso-vos donc, como so
myeys entendens, remandar so qu'en deven far. Et nos, como
bon servitor et vassal, impleren vostre redobta comandament.
(A suivre.) P. Guillaume.
1 Ms. dengino.
C0NTES POPULAIRES
DU LANGUEDOC
(Suite*)
La Sourcieiro '
Un cop i aviô, à Narbouno, uno filho belo coumo un astre.
le disien per escais la belo planto dal faubourg, perso que
demouravo foro lous baris, à las teulieiros, debés la porto de
Perpigna.
Toutis lous goujats la demandavoun en mariage ; elo ne
vouliù pas cap : « Soui trop jouve, — respoundiè à toutis, —
))per me marida; ei pas encaro vingt ans, re nou presse.»
Un jour, venguet dins Narbouno un jouin'home riche, poulit
e de bouno familho, qu'aviô ausit parla de la flour de la vilo.
Entre se vèire, s'agraderoun e se marideroun.
La Sorcière
11 était uae fois, à Narbonne, une fille belle comme un astre. On
l'avait surnommée la belle fille du faubourg, parce qu'elle demeurait
hors des remparts, aux. tuileries, près de la porte de Perpignan,
Tous les jeunes gens la demandaient en mariage ; elle les refusait
tous : — « Je suis encore trop jeune, — leur disait-elle, — pour me
» marier; je n'ai pas encore vingt ans, rien ne presse. »
Un jour, il arriva à Narbonne un jeune homme riche, beau et -de
bonne famille, qui avait entendu parler de la fleur de la ville. Aussi-
tôt qu'ils se virent, ils se convinrent et se marièrent.
Chaque nuit, quand le marié se réveillait, il se trouvait tout seul
dans le lit.
« — Mais où vas-tu donc?. . . . Pourquoi chaque nuit quittes-tu le
.. lit?...
' Voir les fasc. d'avril,. juillet et septembre 188.").
^ Ce coDle a été recueilli à iNarboane par M. le docteur Guibaud.
LA SODRCIEIRO 555
Cado «eit, quan lou novi s'arrevelhavo, s'atroubavo tout
soûl (lins lou leit.
« — Maiount vas?. . .Perque cado neit quites lou leit?. . .
» — Sioi sounambulo de naissenso : me lèvi, m'en vau, sens
» savé so que fau. »
Lou novi se mesfisavo d'aquelos paraulos; tabès s'ero avi-
sât qu'aviô lou som pus dur que davant se marida, e b'atri-
buavo à un abeurage que sa femno i fasiè prene cado souer,
avant d'ana al leit.
Mais so qu'i dounavo mai à pensa, ero que jamai l'aviô visto
manja; al repais, beviù un veire d'aigo, apei se curavo las
dents.
» — Vos uno alo de perdigal?. . .
» — Merci, voli pas beure qu'un veire d'aigo.w
E praco, ero grasso e fresco.
(( — Coussi tu podes fa d'estre ta gaiilardo sens manja
» brico?. . .
» — Aco's ma pourtado ; ei toujour viscut atal.
» — Aco's pas natural, — pensavo lou nouvel maridat, —
» aqui proche d'un mes que sion ensem, e que nou beu que
» — Je suis somnambule de naissance: je me lève, je m'en vais,
» sans savoir ce que je fais. »
Le marié se méfiait de ces paroles ; déjà il s'était aperçu qu'il avait
le sommeil plus profond qu'avant son mariage, et il attribuait cela
à un breuvage que sa femme lui faisait prendre chaque soir avant
de se coucher.
Mais ce qui lui donnait le plus à réfléchir, c'est que jamais il ne
l'avait vue manger ; aux repas, elle buvait un verre d'eau, puis elle
se curait les dents.
(( — Veux-tu une aile de perdrix?. . .
» — Merci, je ne veux boire qu'un verre d'eau.»
Et pourtant elle était grasse et fraîche.
« — Comment peux-tu faire pour être si bien portante, sans rieu
» manger?. . .
» — C'est mon tempérament; j'ai toujours vécu ainsi.
» — Cela n'est pas naturel, — se disait le nouveau marié, — voilà
» près d'un mois que nous vivons ensemble, et quelle ne boit que de
556 LA SOURCIEIRO
» d'aigo clareto; digus poiulriô tene à-n-aquelo vido: me la
» caldi'o linta. »
L'autro neit, quand sa femno i dounet lou goubelet, coumo
aviô coustumo, faguet semblant de beure e escampet so que
i aviô dedins, sens que s'en avisesse.
Van al leit; lafemno i fa sas manganos, toujour que mai,
El i dits : « Ei pla som; droumiguen.
» — Droumiguen», respoundet la femno.
L'iiome faguet semblant de droumi, et se metet à rounca
que fasiô brounzina las vitros.
Al cap d'un pauc, lafemno lou crido:
a — Ei!...drouraisses?...
» — Aben ! . . . Ahen ! ... »
Lou brandits:
(( — Ahen!... Ahen ! . ■.
» — Acobapla, — se diguet la femno, — droumits coumo un
)) souc; podi parti. »
Alabets se levo, se vestits à la lesto.
Tout en louncant, soun home la iintavo.
i) l'eau claire; personne ne pourrait tenir à cette vie : il me la faudra
» surveiller. »
La nuit suivante, quand sa femme lui donna le gobelet, comme à
l'ordinaire, il fit semblant de boire et jeta ce qu'il contenait, sans
qu'elle s'en aperçût.
Ils se coucbeat; la femme le câline plus que jamais. Il lui dit :
« J'ai bien sommeil; dormons.
» — Dormons », répond la femme.
Il fait semblant de dormir, et se met à ronfler si fort qu'il faisait
trembler les vitres.
Au bout d'un instant, sa femme l'appelle :
« — Hein ! . , . . dors-tu?. . .
» — Ahen!... Ahen !... »
Elle le secoue :
(( — Ahen ! . . . Ahen ! . . .
» — Cela va bien, — se dit la femme ; — il dort comme un tronc
» d'arbre : je peux partir, »
Aussitôt elle se lève et s'habille rapidement.
Tout en ronflant, son mari l'épiait.
LA SOURCIKIRO 557
Aquelo ta poulido femno, qui b' auriù dit? ero uiio sour-
cieiro.
Se met d'escarabarlous sus iino escougo, c dits:
« Pé sus fielho
» Passo per la cheminieiro . »
Gar-aquis ma femno foundudo.
L'home passo vite sasbralhos e Tencoutseguis.
Lou cementeri, coumo sabets, es pas pla leng de las teuliei-
ros. L'home s'ero pla couitat ; veget sa femno que s'encaminavo
dal constat dal cementeri : «Ount pot ana ma femno d'aquesto
houro?, . . »
Alabets la vei diutra dins lou cementeri.
Se met à courre perl'agandi; dintro en s'amagant e vei
uno vingteno de sourcieiros que fasion la roundo à Tentour
d'uno toumbo fresco.
AI cap d'un pauc, caduno pren un os, qui de la cambo,qui
dal bras; l'alumoun e tourna-mai fan la roundo en urlant.
Lous pelses se dressavoun a-n-aquel paure home.
Cette si jolie femme, qui l'aurait dit? était une sorcière.
Elle se mit à CcilifourchoQ sur un balai, et dit:
« Pied ?ur feuille
» Passe par la cheminée. »
Et voilà ma femme disparue.
Le mari met vite ses chausses et la poursuit.
Le cimetière, comme vous le savez, n'est pas loin des tuileries.
L'homme s'était hâté ; il voit sa femme s'acheminer du côté du cime-
tière.
« Où peut-elle aller à cette heure ?. . . »
Au même instant, il la voit entrer dans le Cimetière .
11 se met à courir pour la rejoindre ; il entre en se dissimulant
et voit une vingtaine de sorcières qui faisaient la ronde autour d'une
tombe fraîchement creusée.
Au bout de quelques instants, chacune d'elles prend un os, Tune
une jambe, l'autre un bras ; elles l'allument et recommencent à
faire la ronde en poussant des hurlements.
Les cheveux du pauvre homme se dressaient.
36
558 LA SOURCIEIRO
Mais encaro n'ero pas res.
Quan ageroun prou sautât e prou ganidat, se meteroun à
gratipautos, e ame sas ounglos desentarrorouu lou mort.
Quan Tageroun sourtit, se lou disputeroun, l'estriperoun en
luilo boucis e devourigueroun aquelo car de mort.
Lou paure home i pousquet pas pus tene, sentissiô sas cars
([ue se galinavoun; s'entournet à soun houstal e se tournet
mètre âl leit ame soun cor pie de laguis.
Très houros apei, enten veni sa femno ; fa semblant de
rounca, e elo se tourno coucha à son constat, en vegent que
droumissiô.
Al jour, riiome se levo coumo se res noun ero e dits pas res.
Quand vonguet lou dinna, sa femno, coumo toujour, diguet
qu'aviô pas talent; buguet un veire d'aigo e se curet las dents.
« — Ai 1 couquino! miseraplo! —i diguet soun home, — m'es-
» touni pas qu'âges pas talent: t'en vas cado neit manja de
B car de calabre al cementeri !
» —Qui te ba dit?
» — leu, que b' ei vist aneit passade.
Mais ce n'était encore rien.
Quand elles eurent assez sauté et assez crié, elles s'accroupirent,
et avec leurs ongles déterrèrent le mort.
Quand elles l'eurent sorti de terre, elles se le disputèrent, le dé-
chirèrent en mille morceaux et dévorèrent la chair du cadavre.
Le pauvre homme n'y "put pas tenir plus longtemps, il avait la
chair de poule ; il retourna chez lui et se remit au lit avec le cœur
brisé .
Trois heures après, la femme revint ; il fit semblant de dormir; elle
se remit à son coté, croyant qu'il dormait toujours.
Au jour naissant, l'homme se leva comme à l'ordinaire et ne laissa
rien paraître.
Quand vint le repas, sa femme, comme toujours, lui dit qu'elle
n'avait pas faim; elle but un verre d'eau et se cura les dents.
« — Ah ! coquine ! misérable ! — lui dit son mari, — je ne suis point
» étonné que tu n'aies pas faim : tu vas chaque nuit manger de la
» chair de cadavre au cimetière !
)) — Qui te l'a dit?
» — Moi, qui l'ai vu la nuit dernière.
LA. SOURCIEIRO 559
» — B' as vist! Ba veiras pas pus ame tous els d'home.»
E sul cop i jito dessus uno aigo qu'aviô dins uno flolo, en-
t-i diguent: « Que siogues gous! »
Gar-aquis que lou paure home es sul cop sanjat en bestio.
Sa feinno arrapo l'escougo, c a grands cops i\o manche lou
fico deforo.
Praco que lou paure home sioguesse sanjat en gous, nou
restavo pus d'avé soun sen d'home ; disiô en el mêmes : « Qun
«malur d'avé espousat aquelo couquino de sourcieiro ! A qun
» estât miseraple m'a mes! Ount anirei? De que farei? »
S'en va CD de sous amits, de sous vesits; digus lou cou-
neissiô pas. ^
Aviô bel i revira la cougo; un i dounavo un cop de ped,
l'autre un cop de bastou ; las femnos, cops d'engraniciros ;
toutis i dision: «0! tiré, perdut ! »
De tout lou jour n'aviô pas manjat; aviô be trouvât demest
las rougnos quauque bouci d'os ; mai, coumo ero un pichot gous-
set, lous autres gousses lou moussigavoun e iprenionl'os.
Batut, roussat, afamat, pus qu'âme un pauc d'aigo claro
» — Tu l'as vu! Tu ne le verras plus avec tes yeux d'homme. »
Aussitôt elle jette sur lui une eau qu'elle avait dans une fiole, en
lui disant :« Que tu soies chien!»
Voilà que le pauvre homme est aussitôt changé eu bête.
La femme saisit le balai, et à grands coups de manche le met de-
hors .
Bien que le pauvre homme fût transformé en chien, il avait con-
servé son iutelligence d'homme; il disait en lui-même: « Quel mal-
» heur d'avoir épousé cette coquine de sorcière! A quel état misé-
» rable elle m'a réduit! Où irai-je? Que ferai-je? »
Il s'en va chez ses amis, chez ses voisins ; personne ne le reconnut.
11 avait beau remuer la queue, l'un lui donnait un coup de pied,
l'autre un coup de bâton ; les femmes, des coups de balai ; tous lui
disaient : « Va-t'en, chien perdu ! »
De tout le jour il n'avait rien mangé; il avait bien trouvé parmi
les ordures quelques morceaux, d'os ; mais, comme il était petit, les
autres chiens le mordaient et lui prenaient l'os.
Battu, rossé, affamé, n'ayant qu'un peu d'eau claire dans le ventre,
il arriva devant la porte du boulanger. La boulangère le vit ; elle
560 LA SOURCIEIRO
dins lou ventre, arrivo davant la porto dal boulangier. Labou-
langieiro lou vei; dits: « Qun poulit gousset! Ne vouldriô pla
un coumo aco per garda Thoustal. »
Lou eousset Taregardavo amistousoment e reviravo la
cougo à se la degoulha.
c( — Veni, veni, cagnot, toun mestre t'a perdut; beleu i'a
»loungtemps qu'as pas manjat ? »
I dounetde pa, qu' engloutissiô ta leu qu'i tustavo sous pots.
(( — Quno talent, carlinot! I deu ave pla temps qu'as pas
«manjat. Té! countento-te ; te gardarei ame ieu, se digus te
Dreclamo pas. »
Jujas se lou gousset ero counten* d'avé trouvât uno tant
bouno mestro.
Lou carlin, qu'aviô la counouissenso d'un home e que n'aviô
que la pel de gous, ero atenciounat à toutes las gens de
l'houstal. Quand la un disiô à l'autre : « Tanco la porto », lou
gous se couitavo de la tança.
Un jour, en venguent croumpa de pa, quauqus ballet à la
boulangieiro un escutde très francs qu'ero falso mounedo; en
l'ausiguent tinda, lou refuset. La pratico sousteniô qu'ero bou.
dit : « Quel joli petit chien! J'en voudrais bien un pareil pour garder
» la maison. »
Le petit chien la regardait amicalement et remuait la queue à se
l'arracher.
a — Viens, viens, petit chien, ton maître t'a perdu; il y a peut-être
» longtemps que tu n'as mangé?» Elle lui donna du pain, qu'il avala
avec avidité.
)) — Quelle faim ! Pauvre bête, il doit y avoir longtemps que tu
» n'as mangé. Tiens, apaise ta faim ; je te garderai avec moi, si per-
» sonne ne te réclame.»
Vous pensez si le petit chien était content d'avoir trouvé une si
bonne maîtresse.
Ce carlin, qui avait l'intelligence d'un homme et n'avait du chien
que la peau, était prévenant pour tous les gens de la maison. Lors:
que lun disait à l'autre : «Ferme la porte », le chien se hâtait de la
fermer.
Un jour, en venant acheter du pain, quelqu'un donna en payement à
la boulangère un écu de trois francs en fausse monnaie; en l'entendant
I
LA SOURCIEIRO 561
« — Vejam, — dignet la bonlanjrieiro, : — monn gous ba va
» décida. »
Souno lou gous, i présente l'escut e li dits de fa sinne s'ero
bou ou s'ero fais.
Lou gous, amé sapato, lou viro, lou reviro e fa sinne que
nou, en brandiguent sas aurelhos.
Praqui passavo uno femno vielho, vielho, touto arrucado,
touto rupado; aviô pas cap de dents, souu nas i toucavo sa
barbo ; la voués i trambolavo coumo à uno crabo. Aquelo
vielho dits: «Es pas poussiple qu'aquel gous siogue uno bes-
»tio; sara (jualquo creaturo liumano ensourcelado. »
Alabets, tiro uno fiolo de soun davantal e dits: « Se tu n'es
» pas uno bestio, que siogues uno creaturo à notro ressem-
» blanso, tourno veni coumo siots estât.»
Et jito sus el so que i aviô dins la fiolo.
Sul cop, lou gous si sanjo en un bel home; se met as gi-
nouls de la vielho, en la remerciant de Tavé délivrât.
0 — Aco's pas tout, — i dits la vielho, — praco que vostro
» femno vous pot rencountra e vous jita un autre sort; pre-
» nés aquesto fiolo, amagats-vous, e, se la vesets lou prumié,
tinter, elle refusa de le recevoir. La pratique soutenait qu'il était bon.
« — Voyons, — dit la boulangère, — mon chien va en juger. »
Elle appelle le chien, lui montre l'écu et lui dit do faire signe s'il
était bon ou s'il était faux.
Le chien, avec sa patte, le tourne, le retourne, et fait signe que
non, en secouant ses oreilles.
Par là passait une femme vieille, vieille, toute courbée, toute ri-
dée; elle n'avait plus de dents, son nez touchait son menton; sa voix
tremblotait comme le bêlement des chèvres. Cette vieille dit: « 11 n'est
» pas possible que ce chien soit une bête; c'est plutôt quelque créa-
)) ture humaine ensorcelée. >■>
Alors elle tire une fiole de son tablier et dit : « Si tu n'es pas une
» bête, si tu es une créature à notre ressemblance, redeviens comme
» tu étais autrefois ! »
Et elle jette sur lui ce que contenait la fiole.
Aussitôt le chien se change en un bel homme, qui se met aux ge-
noux de la vieille en la remerciant de lavoir délivié.
" — Ce n'est pas tout encore, — dit la \-ieille, — votre femme peut
562 LA SOURCIEIRO
xjitats i (i'aquelo ai^-o, e, coumo olo vous a fait, cambia lo en
» bestio. »
L'iiome sourtiguet pas de tout lou jour; à miejo-neit, anet
à sounlioustal s'amaga darnié la porto, e, quand sa fomno ven-
guet tranquilloment dal sabbat, raanja car dechrestia, i jitet
Taigode la fiolo en diguent: « Quesiogues cavalo! »
Sul cop, sa femno venguet uno bello cavalo.
Alabets riiome agafo un fouet, i fico uno ancado ta rette,
que la laisset per morto.
L'endema, la menet à soun hort per vira la seigno, e cou-
mandet al jardinié de pas jamai la laissa pausa.
Dempei, la sourcieiro sanjado en cavalo servissiô lou mati
per arremassa las fangos, lous rousisses, la merdo de la vilo ;
e lou souer, viravo la seigno.
Cric, cric,
Moun couute es fiait.
Cric, crac,
Moun counte es acabat.
» vous rencontrer et vous jeter un autre sort ; prenez cette fiole, ca-
» chez-vous, et, si vous la voyez le premier, jetez-lui de cette eau et,
» ainsi qu'elle vous l'a fait, changez-la en hôte. »
L'homme se cacha tout le jour; à minuit, il alla à sa maison, se
mit derrière la porte, et, lorsque sa femme revint tranquillement du
sabbat manger de la chair de chrétien, il lui jeta l'eau de la fiole en
disant : « Que tu sois cavale ! »
Aussitôt sa femme devint une belle cavale.
Alors l'homme attrapa un fouot, lui donna une volée de coups si
fort, qu'il la laissa pour morte.
Le lendemain, il la mena à son jardin pour tourner la roue du
puits, et ordonna à son jardinier de ne la laisser jamais reposer.
Depuis ce jour, la sorcière changée en cavale servait le matin pour
ramasser les boues, les ordures, la m. . . . de la ville ; et le soir, elle
tournait la roue du puits.
Cric, cric,
MoD conte est fini.
Cric, crac,
Mon conte est achevé.
LA. SOURCIEIRO 563
II
I avié uno sourcieiro dinc un oustau. Un garsoun l'ej-o
anado veire.
Quand sof^uefcper s'en ana, — l'houro se sarravo, — lou gar-
soun s'enaiiavo pas:« Conmo faras pcr lou remanda?. . . Lou
» eau endourmi. »
E piei l'endourmiguet, pas mai qu'aco.
Mais lou garsoun, que fasié Tendourmit e qu'ero pas, fasié
bien couraa se dourmié ; espinchet coumo cargavo sas pantou-
flos : las ounchet, li metet à soun ped, e la demisèlo passet per
la cheraineio.
Lou garsoun se dereveièt e diguet: « Fo espéra que ven-
Dgue.»
Esperet que venguesse.
Quand venguet, lou garsoun faguet en sorto d'avedrc si
pantouflos e faguet coumo elo, las ounchet ; end' aver cargat
li pantouflos, passet per la chemineio.
II
Il y avait une sorcière dans une maison. Un gai'çon était allé la
voir.
Quand elle fut pour s'en aller, — l'heure [du sabbat] approchait,
— le garçon ne s'en allait pas: «Comment ferai-je pour le renvoyer?
)i 11 faut l'endormir. »
Et elle l'endormit, pas plus que cela.
Mais le garçon, qui faisait l'endormi et ne l'était pas, faisait bien
comme s"il dormait ; il l'épia lorsqu'elle mit ses pantoufles : elle les
oignit, les mita ses pieds, et la demoiselle passa par la cheminée.
Le garçon se réveilla et dit : « Il faut attendre qu'elle revienne. »
Il attendit.
Quand elle revint, le garçon fit on sorte d'avoir ses pantoufles et
fit comme elle, il les oignit ; aussitôt qu'il eut mis les pantoufles, il
passa par la cheminée.
' Les deux fragments suivants ont été écrits sous la dictée d'une vieille
femme illettrée, à St-Maurice-de-Casevieille. par M. le pasteur Liebich.
564 LA SOURCIBIRO
Fagiiet lou mémo camin que li sourcieiros et anet toumba
mémo al serre de las mascos. I avié pas gen d'erbo, i venié
pas ren.
Quand arrive! alai, toutos Tacaresserou : quand s'aviserou
qu'ero pas masc, dispareguerou : se trouvet tout soûl.
VII
Un oustau qu'avié de soureieiros ; mais dirai pas lou
noum: ero la vielho ***. Seguet malauto; quand seguet per
mouri, demandet soun garsoun per ié touca la man.
Loun garsoun i voulié pas baila e ie bailet lou manche de
l'escoubo ; aquel manche, Tatraguet ou sou et danset touto
soulo, l'escoubo, al mitan de la cambro.
Il fit le même chemin que les sorcières et alla tomber à la colline
même des sorcières. Il n'y avait point d'herbe, rien n'y poussait.
Quand il arriva, toutes le caressèrent; quand elles s'aperçurent
qu'il n'était pas sorcier, elles disparurent : il se trouva tout seul.
Vil
11 y avait des sorcières dans une maison. . . ; mais je n'en dirai pas
le nom: c'était la vieille •*'.Elle fut malade; quand elle sentit qu'elle
allait mourir, elle demanda son garçon pour lui toucher la main.
Le garçon ne voulut pas la lai toucher et lui donna le manche du
balai; elle le jeta par terre, et le balai dansa tout seul au milieu de
la chambre.
LE CARBOUNIER 565
Le Carbounier '
Un cop, i aviô un carbounier que dosempei vingt ans fasiô
carbou dins le bosc nègre. A-n-aquel mestiè gagnavo pos
gaire; manjavo tougno e milhas boulheire.
Aquel home ero maridat ; aviô très mainages, atabé soun
paire e sa maire.
Un jour, le rei anec, ande loui segnous de sa cour, à la
casso dins le bosc. Anavo tant vite à l'acousso d'un singla, que
perdec lous autris cassaires e toumbec dreit la cabano del
carbounier.
Erount dos liouros Taprès-mléjoun ; les viéures érount res-
tadis déntre lai mas das autris cassaires.
Le rei, qu'aviô talent, demando al carbounier si a pa?
Le carbounier i dits : « Ei tougno dins un sac e milhas bou-
» Iheire que faren rousti;mais saique vous nou le pouirés
«manja.
Le Charbonnier
Il était une fois un charbonnier lyn depuis vingt ans faisait du
charbon dans la forêt noire. A ce métier, il ne gagnait guère ; il
mangeait du pain de maïs et du milhas.
Ce charbonnier était marié; il avait trois enfants, avec son père
et sa mère.
Un jour, le roi alla, avec les seigneurs de sa cour, à la chasse
dans la forêt. Il allait si vite à la poursuite d'un sanglier, qu'il
perdit les autres chasseurs et arriva devant la cabane du charbon-
nier.
Il était deux heures de l'après-midi ; les vivres étaient restés entre
les mains des autres chasseurs.
Le roi avait faim ; il demanda au charbonnier s'il avait du pain.
Le charbonnier lui dit: « J"aidu pain de maïs dans un sac et du
» milhas que nous ferons rôtir ; mais sans doute vous ne pourrez
)) pas manger cela.
1 Écrit sous la dictée de J.-B. Lambert, à Belesta (Ariége).
566 LE CAKBOUNIER
» — Quand miëjoun passo, tout pa i bou. »
Tout dejunant, i demando quant de tems a que fasiô carbou
dins aquel bose.
« — l'a vingt ans, e me retiri pos que la neit de Nadal, la
» que disen la neit de la fartori.
» — Et quant gagnes per joun ?
» — Vingt sôus.
» — Coussi li despenses, aquelis vingt sôus ?
)» — Cinq que mangi cado joun, cinq que pagui cado joun,
» cinq que presti cado joun, cinq que sabi pos ount le diaple
» passount.
» — Moun amie, n'ei pas argent dessus, aquis as ma taba-
» quièro en or; dema la pourtaras, perque soun pos prou sa-
» bent perrespoundre a-n-aquelo questiéu: me dounaras Fes-
» plicaciéu de so que me dises. »
Le rei entend souna le cor de casso e va cap i cassaires,
que i disoun qu'avion tuât un singla, l'avion cercat de per
tout caire, eroun pla mourtificats de l'avé pos troubat.
« — Devets avé pla talent ? » disoun al rei.
» — Quand midi passe, tout pain est bon. »
Tout en déjeunant, il lui demande depuis combien de temps il
faisait du charbon dans la forêt.
« — Il y a vingt ans, et je ne me repose que la nuit de Noël,
» celle que nous appelons la nuit de bombaace.
» — Et combien gagnes-tu par jour?
» — Vingt sous.
» — Comment les dépenses-tu, ces vingt sous?
» — Cinq que je niange chaque jour, cinq que je paye chaque jour,
» cinq que je prête chaque jour, cinq que je ne sais où diable ils
» passent.
» — Mon ami, je n'ai pas d'argent sur moi, voici ma tabatière en
)) or; demain tu me la rapporteras, parce que je ne suis pas assez
» savant pour répondre à ta question : tu me donneras l'explication
» de ce que tu viens de dire, »
Le roi entend sonner le cor de chasse et va droit aux chasseurs,
qui lui disent qu'ils avaient tué un sanglier, l'avaient cherché de tous
côtés et étaient bien mortifiés de ne l'avoir poiut trouvé.
« — Vous devez avoir bien faim ? » disent-ils au roi.
LE CARBOUNIER 567
» — Nani, ei rescountrat carbounierque m'a dounattougno
w e milhas bouUieire ; ei le ventre counio uno tino. Aro n'ei
» poi le tems de voui douna soun récit; mais dema le faren
» veni, le faren pla dinna, e nous dounara razoù de l'esplica-
» ciéu que n'ei pos saput. »
L'endema, mando querre le carbounier per dinna ande el.
Le carbounier pourtavo la tabaquièro ; le rei i demande
l'esplicaciéu das vingt sous que ^^agnavo cado joun.
Le carbounier i dits :« Cinq que mangi cado joun, cinq que
»pagui cado joun, cinq que presti cado joun, cinq que sabi
» pas ount le diaple passount. »
Le rei e cap de la cour non devignet pos.
Le carbounier alabets i diguec : « Mangi cinq sôus cado
» joun ande ma familho ; cinq sôus que pagui cado joun à
» moun paire e à ma maire, que m'an nouirit quand eri mai-
» naigp ; cinq sôus que presti cado joun as mainages que
» podoun pos travalha, que m'où rendran que saran grandis ;
» e licinq sôus que savi pos ount le diaple passount, sount que
» pagui la talho.
» — Non, j'ai rencontré ce charbonnier qui m'a donné du pain et
» de la bouillie de maïs; j'ai le ventre comme un tonneau. Mainte-
« nant je n'ai pas le temps de vous raconter ce qu'il m'a dit ; mais
» demain nous le ferons venir, il nous donnera l'explication de ce
» que je n'ai pu comprendre. »
Le lendemain, il envoie chercher le charbonnier pour dîner avec lui.
Le charbonnier portait la tabatière; le roi lui demande l'explica-
tion des vingt sous dépensés chaque jour.
Le charbonnier lui dit: « Cinq que je mange chaque jour, cinq que
» je paye chaque jour, cinq que je prête chaque jour, cinq que je ne
» sais où diable ils passent. »
Le roi ni personne de la cour ne devina.
Le charbonnier alors leur dit : « Cinq sous que je mange chaque
>) jour avec ma famille ; cinq sous que je paye chaque jour à mon
» père et à ma mère, qui m'ont nourri quand j'étais enfant; cinq sous
» que je prête chaque jour à mes enfants qui ne peuvent pas travail-
» 1er, et qui me les rendront quand ils seront grands, et les cinq sous
» qui passent je ne sais où diable, c'est pour payer la taille .
5Ô8 JORDI
» — Moun amie, te romerci pla de m'avé dounat quand aviô
» talent; per recoumpeuso, te douai milo escuts e pagaras pos
» pus la talho. »
Le carbounier remerciée le rei e s'entournec à sa cabano.
Jordi '
Un cop i aviô un fouchaire que s'anet lougà.
Lou mestre i garniguet la saqueto el'anet acoumpagna à
uno vigno de cinq journals.
Quand lou mestre fousquet partit, Jordi destroupet la sa-
queto ; tastet lou pa e lou vi, e diguet:
« Pa d'ordi !
» Coulco-te, Jordi;
» Vi asaguat !
» Droumissi, goujat. »
» — Mon ami, je te remercie bien de m'avoir donné [à manger]
)) quand j'avais faim; en récompense, je te donne mille écus et tu ne
» payeras plus la taille.»
Le charbonnier remercia le roi et s'en retourna à sa cabane.
IX — Georges
Il était une fois un travailleur de terre qui alla se louer.
Son maître lui garnit son sac et alla l'accompagner à une vigne de
cinq journées de travail.
Quand le maître fut parti, Georges ouvrit le sac, goûta le pain et
le vin, et dit :
*)
« Pain d'orge !
« Couche-toi, Georges;
» Vin mélangé [d'eau]!
« Dors, mon garçon. »
.' Communication de M. le docteur Guibaud, deNarbonne.
JORDI 569
E sul cop, s'anet alounga joust un fié qu'ero plantât al
miech de la vigno.
Lou souèr, quand se retiret co dal mestre per soupà, lou
mestre li dits :
« — Eh be ! Jordi, ount ne siots de la vigno ?
» — Mestre, soun al fié.
» — Vietdase ! As pla travaillât.
» — Coumo aco, mestre. »
L'endema, Jordi s'entourno tout soûl à la vigno ; tasto lou
pa e lou vi, e dits :
« Pa d'ordi!
» Coulco-te Jordi ;
» Vi asaguat !
» Droumissi, goujat*. »
E mai s'anet alounga joust lou fié.
Al soupa, lou mestre i tourno dire :
Aussitôt il alla s'allonger sous un figuier planté au milieu de la
vigne.
Le soir, quand il rentra chez le maître pour souper, celui-ci lui dit :
« — Eh bien! Georges, où en es-tu de la vigne?
» — Maître, j'en suis au figuier.
» — Vraiment! Tu as bien travaillé.
» — Comme ça, maître. »
Le lendemain, Georges retourne tout seul à la vigne, goûte le pain
et le vin, et dit:
<( Pain d'orge !
» Couche-loi, Georges;
» Vin mélangé!
» Dors, mon garçon . »
«
1 Var. : Jordi coulcat. Trad.: Georges couché. Cette variante m'est donnée
par mon ami Achille Mir, de Carcassonne, ainsi que la suivante :
Pauc pa, pauc bi,
Pauc trabal fara Marti ;
Boun pa, boun bi,
Boun trabal fara Marti .
Trad. : Peu de pain, peu de vin, — peu de travail fera Martin ; — bon pain,
bon vin, — bon travail fera Martin.
'
570 JORDI
« —Eh be! Jordi, ount n'es bei?
» — Mestre, soun al fié.
» — As pas gaire travalhat.
» — Coumo hier, mestre. »
Lou mestre coumpreniô pas rès a-n-aquelo .respounso ; lou
voulguet finta.
A Talbo, s'en anet cap à la vigno, s'amaguet darniè uno
brando.
Jordi venguet, tastet lou pa e lou vi, e diguet :
« Pa d'ordi!
» Coulco-te, Jordi;
» Vi asaguat !
» Droumissi, goujat. »
E sul cop, s'anet espatarra joust le fié.
Lou mestre alabets coumprenguet.
L'endema metet dins la saqueto de boun pa e de boun vi ; e
quand Jordi aguet tout tastat, diguet :
Et, de nouveau, il alla s'allonger sous le figuier.
Au souper, le maître lui demande encore:
(( — Eh bien! Georges, où en es-tu aujourd'hui?
» — Maître, j'en suis au figuier.
« — Tu n'as guère travaillé.
>) — Comme hier, maître. »
Le maître, ne comprenant rien à cette réponse, voulut l'épier.
A l'aube, il partit pour la vigne, se cacha derrière une haie.
Georges arriva, goûta le pain et le vin, et dit:
« Pain d'orge !
» Couche-toi, Georges;
» Vin mélangé !
» Dors, mon garçon. »
Aussitôt il alla s'allonger sous le figuier.
Le maître comprit alors.
Le lendemain, il mit dans le sac de bon pain, de bon vin ; et,
lorsque Georges eut tout goûté, il dit:
LOUS TRES IRANGES 571
« Pa de blat!
» Travalho, goujat ;
» Bouu vi pur !
» Travalho segur. »
Alaropren soun bigos e se met àfoucha coumo un massacre.
Al soupa, lou mestre i demaiido ount n'ôro de la vigiio.
« — 0 mestre! Soun pas pus ai fié. »
Dins quatre jours, la vigno fousquet foucliado.
« Lou boun mestre fa lou boun bailet. »
Lous Très Iranges ^
Un cop i'aviô un rei qu'ero malaut; cap de medeci l'aviô
pas pousqut gari. S'en anavo en decasent, veniù sec coumo
« Pain de blé !
» Travaille, garçon;
» Bon vin pur!
» Travaille ferme. »
Alors il prend sa pioche et se met à piocher comme un enragé.
Au souper, le maître lui demande où il en est de la vigne.
« — Oh! maître, je n'en suis plus au figuier. »
Dans quatre jours, la vigne fut piochée.
a Le bon maître fait le bon serviteur.»
Les Trois Oranges
11 était une fois un roi qui était malade ; aucun médecin ne l'avait
pu guérir. 11 s'en allait en déclinant, devenait sec comme une bûche ;
♦ Recueilli à Narbonne par M. le docteur Guibaud.
572 LOUS TRES IRA.NGES
un broc; aviù perdut l'appetis, ero tout plé de fantesiôs, e,
quand aviè so que desiravo, ba poudiô pas engoulhi.
Un faure, que fasiô Tentendut, anet trouba lou rei e i di-
guet que per gari i caiiô manja très iranges que se trouba-
voun joust la pato de TOgre.
« — Dounariô la meitat de moun rouiaume, — se disiô lou
Rei, — a-n-aquel que aniriè cercà lous très iranges. »
Aquel rei aviô très goujats : l'ainat aviù vingt ans ; lou
cattet, doso-sept ans ; le pus jouve, quatorze ans.
(( — leu i voli anà», — diguet l'ainat.
« — E be! vai-z-i, moun fil. »
Lou goujat faguet sas prouvisiéus per un loung vouiage e
partisquet lier e countent.
« — A moun retour, — se disiô el, — aurei la meitat dal
» rouiaume de moun paire, en atendent Tautro meitat après
n sa mort. »
S'enanet lengs, lengs, lengs...
Adalit de fam e de tatigo,s'assietet proche d'uno fount, des-
troupet sas prouvisiéus e se metet à manjà.
il avait perdu l'appétit, était plein de fantaisies, et, lorsqu'il avait
ce qu'il désirait, il ne pouvait pas avaler.
Un forgeron, qui faisait le savant, alla trouver le roi et lui dit que,
pour le guérir, il lui fallait manger trois oranges qui se trouvaient
sous la patte de l'Ogre.
,( — Je donnerais la moitié de mon royaume, — se disait le roi, —
» à celui qui irait me chercher les trois oranges. »
Ce roi avait trois fils : l'aîné avait vingt ans ; le cadet, dix-sept ans;
le plus jeune, quatorze ans.
» — Moi, j'y veux aller», dit l'aîné.
« — Eh bien, vas-y, mon fils . »
Le garçon fit ses provisions pour un long voyage et partit fier et
content.
« — A mon retour, — se disait-il, — j'aurai la moitié du royaume
» de mon père, en attendant l'autre moitié après sa mort. »
Il s'en alla loin, loin, loin...
Défaillant de faim et de fatigue, il s'assit auprès d'une fontaine,
sortit «es provisions et se mit à manger.
i
573 LOUS TRES IRANGES
Gar-aquis que ven un home vie), espelliandrat, amé uno
loungo baibo blanco.
« — Bounjour, jouiue home, — i diguet en lou saludant, —
» ei pla talent; i)OU(lriot3 pas me donna un bouci à manjà?
» — Nani, paure home, lous viéures que porti soun per fa
» un grand vouiage; sabi pas se n'aurei prou per ieu. »
Quand agetmanjat,s'aubouret et se tournet mètre en canii.
Caminet encaro pendent très jours.
Se pordet dins las mountagnos.
A la fi, s'entournet al castcl de soun paire e i diguet qu'ero
iujpoussiple de troubaTOgre.
« — Que devendrei ieu? Que farei ieu?» se disiè lou rei.
» — Ieu i voli ana », diguet lou cattet.
« — E be! Vai-z-i, moun fil. »
Partiguet, troubet tourna l'home viel, se perdeguet dins la
mountagno et tournet senso lous iranges.
« — Que devendrei ieu? Que farei ieu? » se disiô lou rei.
« — Ieu i voli ana», — diguet lou cago-nits, — sioi segur que
» reussirei ; que mous fraires s'i soun pas pla presis.
Voilà qu'arrive un homme âgé, en haillons, avec une longue barbe
blanche.
u — Bonjour, jeune homme, — lui dit-il en le saluant, — j'ai bien
)) faim; ne pourriez-vous pas me donner un morceau à manger?
X — Non, pauvre homme, les vivres que jeporle sont pour faire un
)) long voyage ; je ne sais pas si j'en aurai assez pour moi. »
Quand il eut mangé, il se leva et se remit en chemin.
U chemina encore pendant trois jours.
11 se perdit dans les montagnes.
A la fin, il revint au château de son père, en lui disant qu'il était
impossible de trouver l'Ogre.
« — Que deviendrai-je? Que ferai-je? » se disait le roi.
« — Jy veux aller », dit le second fils.
« — Eh bien, vas-y, mon fils. »
Il partit, trouva aussi l'homme âgé, .se perdit dans la montagne et
revint sans les oranges.
(' — Que deviendrai-je? Que fer^-je? » se disait le roi.
« — J'y veux aller, — dit le plus jeune fils, — je suis sûr de
» réussir ; mes frères ne s'y sont pas bien pris.
37
574 LODS TRES IRANGES
» — E bé ! Vai-z-i , moun fil. Mai, praco, te trobi pla
jouve.
» — Vous fagues pas delaguis, me saurei éngalha. »
Partits, s'en va leiigs, lengs, lengs...
Quand arrive! à la fount, troubet, coumo sous fraires,
riiome viel qu'i demandet à manjà.
« — Tenets, brave home, assietats-vous aqai, manjats ;
» quand n'i a per un, n'i a per dous. »
Quand ageroun pla manjat et pla begut : « E ount anats,
» brave goujat, praquoste païs perdut?
» — M'en vau cerca lous très iranges que soun joust la
))pato de rOgre.
» — Vous cal ana alabets darnié aquelo mountagno ; aqui
» atroubarets uno borio amé d'aubres tout l'entour; i' a uno
»femno que vous enseignara lou cami; a-n-aqueste moument
» pasto.
» — Merci, ba farei coumo me disets. »
Lou cago-nits s'encamino cap à la mountagno e arrivo à la
borio. I trobo la femno qu'aviô acabat de pasta e qu'escou-
gavo lou four amé las poupos.
« — Eh bieU; vas-y, mon fils. Mais, cependant, je te trouve bien
» jeune.
« — Ne vous chagrinez pas, je saurai me tirer d'affaire. »
Il part, s'en va loin, loin, loin. . .
Lorsqu'il arrive à là fontaine, il trouve, comme ses frères, l'homme
âgé qui lui demande à manger.
« — Tenez, brave homme, asseyez-vous là, mangez; quand il y en
a pour un, il y en a pour deux. »
Lorsqu'ils eurent bien mangé et bien bu : « Où allez-vous, bon
» jeune homme, dans ce pays perdu?
)) — Je vais chercher les trois oranges qui sont sous la patte de
» rOgre.
(( — 11 vous faut donc aller derrière cette montagne ; là vous trou-
» verez une ferme entourée d'arbres; il y a une femme qui vous en-
)> seignera le chemin ; dans ce moment-ci, elle pétrit.
» — Merci, je ferai ainsi que vous me le dites. »
Le jeune garçon s'achemine dans la montagne et arrive à la ferme.
Il y trouve la femme, qui avait achevé de pétrir et balayait le four
avec ses mamelles.
If
LOUS TRES IRANQES 575
« — E! que fasets, bravo femno? Vous farets mal, vous
» bruUarets. Tenets, aquimacarvato(sela tiretdalcol); metets-
» la al cap dal broc e escougats vostre four.
» — Avets razou, jouine home, vous remercii pla de vostre
» hounestetat. E, digats-me, que venets faire dins aqueste
» païs perdut?
» — Vene cerca lous très iranges que soun joust la pato de
» l'Ogre.
» — Aeo's pla dangeirous; mai ets estât brave per ieu, vous
n voli enseigna : partirets à miéjo-neit e arrivarets à quatre
» houros (ial niaiti à la cauno de l'Ogre ; sara encaro endrou-
» mit. Lou troubarets coulcat sus un leit de feilhos secos. A
» uno espigno à la solo dal ped dreit, e lous très iranges soun
» dins uno pocho de la pel de la solo dal ped gauche. Aqui
» uno fiolo ; vetsarets très goutos de so que i'a dedins dins la
» bouco de rOgre, aco lou fara droumi pus fort. Apei. amé
» uno ma i gratarets tout Tentour de l'espigno, et de l'autre
» i prendrets lous très iranges. Alabets fugirets roundoment.
» Se s'arrevelho, pausarets pel sol, de lengg en lengs, un d'a-
» quelis miralhets de dets escuts. »
w — Eh! que faites-vous, bonue femme? Vous vous ferez mal, vous
» vous brûlerez. Tenez, voici ma cravate ; mettez-la au bout d'an
)) bâton, et avec cela balayez le four.
» — Vous avez raison, jeune homme ; je vous remercie bien de
» votre bonté. Mais dites-moi ce que vous venez faire dans ce pays
» perdu?
» — Je viens chercher les trois oranges qui sont sous la patte de l'Ogre.
;) — Cela est bien dangereux ; mais vous avez été si bon pour moi
» que je veux vous renseigner: vous partirez à minuit et arriverez à
» quatre heures du matin à la caverne de l'Ogre ; il sera encore en-
» dormi. Vous le trouverez couché sur un lit de feuilles sèches. 11 a
)) une épine à la plante du pied droit, et les trois oranges sont dans
» une poche sous la peau de la plante du pied gauche. Voilà une fiole ;
» vous verserez trois gouttes de ce qu'elle contient dans la bouche
» de l'Ogre, cela le fera dormir plus profondément. Ensuite, avec une
» main, vous gratterez tout autour de l'épine, pendant que de l'autre
» vous prendrez les trois oranges. Aussitôt vous fuirez rapidement. S'il
» se réveille, vous poserez sur le sol, de loin en loin, un de ces petits
» miroirs de dix é(;us, »
576 LOUS TRES IRANGBS
Lou oago-uits partiguet à miéjo-neit e arrivet à quatre hou-
ros à la cauno de FOgre.
Dintret; mais sioguet espavourdit,lous pelses i leveroun lou
capel, en entendent restoundi lous rounquets de l'Ogre.
S avanso doussaraenet ; l'Ogre badavo : i fa raja dins sa bouco
très goutos de so que i aviô dins la fiolo. Sul cop, l'Ogre rounco
pus fort.
Alabets,dela man gaucho i grato le ped e de la man dreito
i tiro lous très iranges. Mais la pocho ero estreito, aget pla
peno per lous sourti; quand aget tirât lou darnié, s'enfugi-
guet al grand galop.
Avio pas fait cent encambados que l'Ogre s'arrevelho,
trobolous iranges de manco; sourtits de sa tuto en bramant,
en sacrejant; vei lou cago-nits e se met à Fencoutsegui.
Loupauioù s'en aviset,et, touten escalabrantlamountagno,
pausavo un miralhet en sa, en la.
AquelOgre, qu'ero unbadaire, se cresiô poulit; s'aregardavo
à cado miralhet; lou cago-nits n' aproufitavo perfugi à grand
pas; ta pla que lèu arribet darniè la mountagno, e l'Ogre sa-
piet pas pus ount ero passât.
Le jeune garçon partit à minuit et arriva à quatre heures à la ca-
verne de l'Ogre.
11 entra ; mais il fut épouvanté, ses cheveux se dressèrent en en-
tendant retentir les ronflements de l'Ogre.
Il avança doucement; lOgre avait la bouche ouverte: il y versa
trois gouttes du contenu de la fiole. Aussitôt l'Ogre ronfla plus fort.
Alors, de la main gauche il lui gratta le pied, et de la main droite
il tira les oranges. Mais la poche était étroite, il eut beaucoup de
peine à les en sortir. Quand il eut tiré la dernière, il se sauva au
grand galop.
Il n'avait pas fait cent enjambées que l'Ogre se réveilla, vit que les
oranges avaient disparu; il sortit de sa caverne en criant, en jurant;
vit le jeune garçon qui fuyait et se mit à le poursuivre.
Le pauvret s'en aperçut, et, touten egcaladant la montagne, il posa
un petit miroir deci, delà.
Cet Ogre, qui était un badaud, se croyait joli; il se regardait dans
chaque miroir; le jeune garçon en profita pour fuir à grands pas, si
bien qu'il arriva bientôt demère la montagne, et l'Ogre ne sut plus où
il était passé.
I
LOUS TRES 1 RANGES 577
r aviô beit jours que le cago-nits mancavo.
Lou rei se charpavo, s'accusavo de la mort de souri lil:
(( S'eri pas estât tant barbaro, l'auriô pas laissât ana cercà
» lous très iranges. Sarei reucauso de sa mort.»
Dal tems que lou rei nou fasi6 que se desoula, gar-aquis
que lou cago-nits arrivo.
« — Paire! — cridet de ta lengs que lou veget, — vous porti
))lous très iranges! »
Pensats se lou rei ero countent, e la reino tabès ; mais nou
pas sous fraires, que n' eroun jalouses.
En guiso d'i donna la meitat dal rouiaurae, lou rei lou dou-
net tout eutié à souii fil jouve, que se maridet araé Uifilho
d'un autre rei, poulido coumo uno estelo.
Cric, cric,
Moun counte es finit ;
Cric, crac,
Moun counte es acabat.
Il y avait huit jours que le jeune garçon manquait.
Le roi se désolait, s'accusait de la mort de son fils : « Si je n'avais
» pas été si barbare, je ne l'aurais pas laissé aller chercher les trois
» oranges. Je serai la cause de sa mort. »
Pendant que le roi se désolait, le jeune homme ari-iva.
« — Père! — cria-t-il du plus loin qu'il le vit, — je vous apporte
» les trois oranges. »
Vous pensez si le roi fut content, et la reine aussi; mais il n'en fut
pas de même de ses frères, qui eu étaient jaloux.
Au lieu de lui donner la moitié du royaume, le roi le donna tout en-
tier à son jeune fils, qui se maria avec la fille d'un autre roi, jolie
comme une étoile.
Cric, cric,
• Mon conte est fini ;
Cric, crac,
Mon conte est achevé.
578 l'est ATUIO
L'Estatuio '
Un cop, i aviô uno femno qu'ero véuzo ; aviô un goujat que
s'apelavo Esprit.
I diguoc : « Te cal ana à lafieiro croumpa un sèu d'agulhos
» de couse.
» — I anirei, ma maire. »
Las croumpo. Pel cami, i pesavoun; troubcc un carretié
que pourtavo uno carretado d'erbos.
« — Me las voulets pourta?
» — Mets-las sus la carreto. »
Quand arrivo à l'houstal, sa maire i dits: «Portos las agu-
))lhos?
» — 0.
» — E Gunt soun ?
» — Sus la carreto.
» — lé ! lé ! las auras perdudos ; te las caliô mètre à la margo
» de la vesto.
La Statue
Une fois, il y avait une femme qui était veuve; elle avait un gar-
çon qui s'appelait Esprit.
Elle lui dit : « Il te faut aller à la foire, acheter un sou d'aiguilles
» à coudre.
» — J'irai, ma mère.»
11 les achète. Dans le chemin, elles lui pesaient ; il trouve un char-
retier qui portait une charretée d'herbes.
« — Voulez-vous me les porter?
» — Mets-les sur la charrette. »
Quand il arrive à sa maison, sa mère lui dit : « Tu portes les ai-
» guilles ?
« — Oui.
» — Et où sont-elles ?
» — Sur la charrette.
» — Aïe! .\ïe ! Tu les auras perdues ; il fallait les piquer à la man-
))che de ta veste.
' Version de l"Ariége, rer ueillie à Belesla, par M"« Marie Lambert.
l'eSTATUIO 5^9
,) — E bé! Un autre cop, ba farei, ma maire.
» — Dema te cal ana à la fieiro, croumpa un porc.
» — I anirei, ma maire. »
S'en va; croumpo le porc. Vouliô pas marcha, i fiqucc le
bastou pel ventre: lou tuec. Alabets lou metec sui colli.
Quand arribec, sa mairo i diguec :« As croumpat le porc?
» — Obé, vouliô pos marcha, l'ei tuât e leporti : achi Tabets,
» i mort .
» — Ai! d'aquel descuquieirat ! Te caliô croumpa de ficelo e
» le mena estacat per la pato.
» — Un autre cop, ba farei, maire .
» — Dins très ou quatre jouns, — sa diguec la maire, — ba
» esse la fieiro à Lablanet ; te cardra ana vendre un roulh de
» tèlo.
» — I anirei, ma maire. »
I va; quand es à Sant-Jon, troubo uno estatuio; abaicho.
Fasiô vent e Testatuio viravo le cap ; fasiè: Que si, que si.
La prenguec per un mut ; i dits : « Me la vos croumpa?
» — Que si que si
» — Et bien, une autre fois je le ferai, ma mère.
» — Demaiû, il te faut aller à la foire, acheter un porc.
)) — J'irai, ma mère. »
Il part, achète le porc. Comme il ne voulait pas marcher, il lui en-
fonce son bâton dans le ventre : il le tue, puis il le met sur son cou.
Quand il arrive, sa mère lui dit: ((As-tu acheté le porc?
» — Certainement ; mais, comme il ne voulait pas marcher, je lai
» tué et je le porte : le voilà, il est mort.
» — Oh ! quel écervelé ! Il te fallait acheter de la ficelle et le me-
» ner attaché par la patte.
» — Une autre fois je le ferai, mère.
» — Dans trois ou quatre jours, — lui dit la mère, — il y aura la
» foire à Lavelanet ; il t'y faudra aller vendre un rouleau de toile.
» — J'irai, ma mère. "
Il y va; quand il est à Saint-Jean, il trouve une statue; il dépose
[son rouleau].
Il faisait du vent et la statue remuait la tète [de haut en bas]; elle
semblait dire: Oui, oui.
Il la prend pour un homme et lui dit : (( Tu veux me Tacheter?
» ^-. , . .Oui oui
580 l'eSTATUIO
» — Me la pagaras quand tournarei?
» — Que si que si »
An tournant de la fieiro venguec demanda soun argent.
« — Me vène fei paga. »
Lou vent aviô virât, et Testatuio fasio : . . . .Que nou.. . .
que nou. . . .
(. — Me lapagos, la tèlo?
» — Que nou que nou
» — Que me la pagaras pos ! Dises que nou. . .que nou... »
I fico.cops de pal ; la coupée.
S'en vaà Thoustal.
<( — Garats, ma maire, ei vendut la telo a-n-un home mut
» que m'a dit que me la pagariô. An tournant de la fieiro me
))la vouliô pos paga, Fei tuai.
» — Jès! Qu'ai feitl Te metran an presoù. Degus Va. poi
» vist almens ?
» — Nani, ma maire.
» — Dema, ieu m'en anirei à la fieiro ; tu faras la ruscado, e
«qu'ajos souen de l'auco que cougo.
» — Obé, ma maire. »
» — Tu me la payeras quand je reviendrai ?
» — ....Oui oui »
En revenant de la foire, il vient réclamer son argent.
<( — Je viens me faire payer. »
Le vent avait tourné et la statue faisait: .... Non.... non
« — Veux-tu me payer la toile?
» — Non non
,) — Comment! Tu ne me la payeras pas! Tu dis non non »
Il lui donne des coups de bâton et la brise.
11 s'en retourne à sa maison.
« — Ecoutez, ma mère; j'ai vendu la toile à un homme muet qui
» m'avait promis de me la payer. En revenant de la foire, il n'a plus
» voulu me la payer, je l'ai tué.
» — Jésus? Qu'as-tu fait? On te mettra en prison. Personne ne t'a
)) vu, au moins?
» — Non, rna mère.
» — Demain, c'est moi qui irai à la foire ; toi. tu feras la lessive;
» surtout aie soin de l'oie qui couve. «
» — Certainement, ma mère. »
l'eSTATUIO 581
Le goujat fo la ruscado.
A très houros. que sabiô qu'ero coustumo que lai femnos
espertinoun quand fan la ruscado, vourguet espertina tabès.
S'en va coupa uno trancho de cambajou o la met sul foc ande
dous iôus.
(( — Dins le tenis que se cuets, vau tira de vi. d
Pensée que lou cambajou se rumavo; mountec per le vira
e daissec la barrico duberto.
Quand tournée per tampa la barrico, troubec tout le vi cs-
campat.
S'en va cerca uno saco de farino per eichuga le vi; n'i aget
pos prou, i tournée nau cops.
L'auco que cougavo al founse de la cavo, faguec: couac...
couac
« — Que ba diras be sei?
» — Couac couac
'> — Que ba diras pos. »
I toursisquec le colh.
Alabets se met sus iôus e cougo.
Quand sa maire tournée : « E ount es?
Le garçon fait la lessive .
A trois heures, il savait qu'il était coutume chez les femmes de
goûter, quand elles font la lessive; il voulut goûter aussi. Il s'en va
couper une tranche de jambon et la met sur le feu avec deux œufs.
« — Pendant que cela cuit, je vais tirer du vin. »
11 se dit que peut-être le jambon brûlait; il monte pour le re-
tourner et laisse labai-rique ouverte.
Quand il revient pour boucher la barrique, il trouve tout le vin ré-
pandu.
11 va chercher uu sac de farine pour sécher le vin; cela ne suffit
pas, il y retourna neuf fois.
L'oie, qui couvait au fond de la cave, fit : couac... couac...
« — Tu le diras, dis-tu?
» — Couac. .couac...
» — Non ! tu ne le diras pas ! »
Il lui tord le cou.
Après il se met sur les œufs et couve.
Quand sa mère revient : « Où peut-il être?
582 LOU FRAI E LO SOR
» — Couac, couac; soun assi, ma mairo, que cougui.
» — Jès! Qu'ai feit?
» — Garats,à très houroseivourgutespertina; dins le temps
» que le cambajou se cuesiô, soun anat tira de vi ; dins le temps
)) que soun anat souegna les iôus, le vi s'es escampat. L'auco a
» dit que ba diriù ; l'ei tuiado, e ieu cougui. »
E trie e trie,
Moun counte es finit ;
E trio e trac,
Moun counte es acabat.
Lou Frai e lo Sor
Et trie et trie,
Mon conte est fini ;
Et trie et trac,
Mon conte est achevé.
Le Frère et la Sœur
Il y avait une fois dans un vieux château un frère et une sœur qui
s'aimaient on ne peut plus; ils étaient seuls, n'avaient pas de parents.
Le frère allait tous les jours à la chasse.
•Ce récit, en dialecte limousin, a été recueilli à Saint-Paul-d'Eyjeau, par
M. le baron d'Aigueperse.
I
I
Li avio 'no ve dins un viei chateu un frai et 'no sor que s'ai- 1
mavenjamaipus tant; î eron soulei, n' avien pas de parents.
Lou frai 'navo tous lous jours à lo chasso.
» — Couac, couac; je suis ici, ma mère, je couve.
» — Jésus ! Qu'as-tu fait ? f
» — Ecoutez, à trois heures, j'ai voulu goûter ; pendant que le jam-
» bon cuisait, je suis allé tirer du vin; pendant que je soig-nais les
» œufs, le vin s'est répandu. L'oie a dit qu'elle vous le dirait; je l'ai
» tuée, et c'est moi qui couve à sa place. »
I
LOU FRAI B LO SOR M3
Un jour, en tournant, ou disset à so sor que ou avio vi uno
tant gento fillo e que voulio se marida end elo.
Ils ne fuguèren pas be marida que lojôuno femno, en veire
l'amita dôu frai e de lo sor, toumbet jolouso.
Un jour, penden que soun home ero à lo chasso, 'lo s'envai
cousurta uno vielho surcièro, per sabei coumo li se prenei
per roumpre l'amita dou frai e de lo sor.
La vielho li disset: « Fau tua votre meinage, e dire à votre
home que qu'ei so sor que l'o tua,
'lo io fagué ; e quand ou tournet de lo chasso, 'lo li presentet
lou corps dou paubre meinage mort, en dire que qu'ero so sor
que r ovio tua.
Lou paubre pai s'en va trouba so sor, li damandant perque
r avio fa talo chauso. Lo li reipoundet que Diou sabiô si
qu' ero vrai.
Lou lendemo tourno à lo chasso, e so femno vai trouba la
surcièro per li dire que, tout en rencurant soun meinage, lou
pai ne pareissio pas avei changna per so sor.
Lo vielho li disset :«Votre home aimo beucop soun chavau:
Un jour, en reveuaut, il dit à sa sœur qu'il avait vu une bien gen-
tille fille et qu'il voulait se marier avec elle.
Ils ne furent pas plus tôt mariés, que lajeune femme, en voyant l'ami-
tié du frère et de la sœur, devint jalouse.
Un jour que son mari était à la chasse, elle s'en va consulter une
vieille sorcière pour savoir comment elle s'y prendrait pour rompre
l'amitié du frère et delà sœur.
La vieille lui dit : « 11 faut tuer votre enfant et dire à votre mari
» que c'est sa sœur qui l'a tué. »
Elle le fit; et quand son mari revint de la chasse, elle lui présenta
le corps du pauvre enfant mort, en lui disant que c'était sa sœur qui
l'avait tué.
Le pauvre père va trouver sa sœur, lui demandant pourquoi elle
avait fait ce crime. Elle lui répond que Dieu sait la vérité.
Le lendemain, il retourne à la chasse, et sa femme va trouver la
sorcière pour lui dire que, tout en regrettant son enfant, le père ne
paraissait pas avoir changé pour sa sœur.
La vieille lui dit: « Votre mari aime beaucoup son cheval: tuezle
» et dites toujours que c'est sa sœur qui l'a tué; vous verrez cette
«fois ce qui arrivera. »
.=>8( LOU PRAl E LO SOR
» tuas lou e dises toujour que qu'ei so sor que l'o tua ; vous
Mveirez leidoun so qu'oriboro.»
Lo femno tuet doun lou chavau, en dire à soun home que
qu'ero so sor.
L'home s'en vai se plaiguei en dire : « Ma paubro sor, per-
» que as tu tua raoun chavau?»
Lo li reipoundet que lou boun Dieu sabiè be si qu'ero vrai.
Mas i se quittèrent tant d'ami coumo davant.
Lou lendemo ou tourno à lo chasso, e so femno tourno veire
la vielho surcièro per li dire que jusqu' ôuro, môugre tout, lou
frai e losoreran tant d'amis coumo jamai.
Auladoun la vielho li disset : « Votre home n'o-t-eu pas un
D ché que li ei fort attacha? Tuas-lou; per queto ve io crese
» que nous vendran à bout de notre besugno.»
Lo femno s'entourno; 'lo baro lou ché dins lo cavo per lou
garda de segre soun meitre, e d'abord quôu s'en ei 'na, 'lo tuo
lou paubre animau.
Quand soun home tourno, 'lo court vite li dire : «Votre sor
»o fa un brave afFa. Vous n'avez pas vougu me creire jusque
))ôuro; e be! venez veire, 'l'o tua votre paubre boun ché. »
La femme tua doue le cheval, et dit à sou mari que c'était sa sœur
qui l'avait tué.
Le mari va se plaindre en disant: « Ma pauvre sœur, pourquoi as-
» tu tué mon cheval?»
Elle lui répondit que le bon Dieu savait bien si c'était vrai. Mais
ils se quittèrent aussi amis qu'auparavant.
Le lendemain, il retourne à la chasse, et sa femme va voir de nou-
veau la sorcière, pour lui dire que jusqu'à cette heure, malgré tout,
le frère et la sœur étaient aussi amis que jamais.
Alors la vieille lui dit: «Votre mari n'a-t-il pas un chien auquel il
» est fort attaché ?... Tuez-le ; pour cette fois, je crois que nous vien-
» drons à bout de notre dessein ? »
La femme s'en retourne; elle enferme le chien dans la cave pour
l'empêcher de suivre son maître, et aussitôt qu'il est parti, elle tue le
pauvre animal.
Quand son mari revient, elle court vite lui dire : « Votre sœur a fait
» une belle chose! Vous n'avez pas voulu me croire jusqu'à cette heure;
» eh bien! venez voir, elle a tué votre pauvre bon chien.»
*
LOU FRAI E LO SOR 5-<5
Aleidoun Thome creguet so que so fomno li disiè, e, diii 'no
grando coulero, ou vai preuei so sor, lo irontraino bien loueii,
ai'ribo dins un désert, ou li copo un pougnet e lo pauso dins
un boueissou blan, en li dire: « Quand tu siras garido, tu ven-
» dras me veire. »
Mas, en s'apreiraant dôu boueissou, uno eipino li aviô intra
din 'no chambo.
La jôuno filliodemouret sept ans dins lou boueissou; e tout
lou temps, chaiiue jour, un petit ché nègre li pourtavo per
minja de tout ce que se perparuvo dins un cliateu dôu vesinage.
Un jour, lou segnou dôu chateu fuguet queriou de segre lou
ohé ; ou tiret lo filho dôu boueissou e lo n'enmenet.
En passant (lavant uno fount, lo filho trempet soun bras
dins l'aiguo ; en lou surti ou se troubet gari ,
Lou segnour se vouguet marida en 'quelo filho.
Se faguet uno belo nosso.
Lou lendemo, 'lo vai veire soun frai ; l'eipino dôu boueissou
ero loujour dins sa chambo, e ohaquo annado Toviù frouja.
Lo sor lo tiro aisa, e bientôt tout lou mau fuguet gari.
Cette fois, le mari crut ce que sa femme lui disait, et, entrant daus
une grande coK-re, il va prendre sa sœur, l'entraîne bien loin, arrive
dans un désert, lui coupe un poignet et la met dans un buisson blanc ',
en lui disant: « Quand tu seras guérie, tu viendras me voir. »
Mais, en s'approchant du buisson, une épine lui était entrée dans
la jambe.
La jeime fille demeura sept ans dans le buisson; et pendant tout ce
temps, chaque jour, un petit chien noir lui apportait à manger de tout
ce qui se préparait dans un château du voisinage.
Un jour, le seigneur du château fut curieux de suivre le chien : il
tira la fille du buisson et l'emmena.
En passant devant une fontaine, la fille trempa son bras dans l'eau;
en le sortant, il se trouva guéri.
Le seigneur voulut se marier avec elle.
Il se fit une grande noce.
Le lendemain, elle alla voir son frère ; l'épine du buisson était tou-
jours dans sa jambe, et chaque année elle avait grandi.
La sœur la tira aisément, et bientôt tout le mal fut guéri.
' Nom de l'aubépine, en Limousin.
586 CECILO
Cécilo
Un cop, i aviô un home e uno femno qu'avion uno filhô.
Aquclo filho fasiù lo trabalh de l'oustal, apci s'enanavo
trabalha a-n-uno fenestro ; dins aquel tems, s'entreteniô ande
la Santo Vierjo.
Un jour que fasiô bulhé Toulo, entendec un gran bruch dins
la carrièro ; demandée so qu'ero acô, i respoundèroun qu'ero
uno filho accusado d'ave panât un louis d'or ; alabets diguec :
« Tant pis per élo. »
Dempeig, agec pos pus de visieus.
Ero desoulado d'acô ; sabiô pas perqué la Santo Vierjo i
pai'lavo pos pus.
S'anguec confessa. Le rittou i diguec: « Avets feit qualque
» pecat que n'ei l'encauso. »
Se remembrée lou mot «tant pis »; alabets le rittou i diguec:
«Per penitenso, vous cal fé le tour del moun pendent sept
ans. »
Cécile
Une fois, il y avait un homme et une femme qui avaient une fille.
Cette fille faisait le travail de la maison, et ensuite s'en allait tra-
vailler à une fenêtre;' pendant ce temps, elle s'entretenait avec la
Sainte Vierge.
Un jour, pendant qu'elle faisait bouillir le pot-au-feu, elle entendit
un grand bruit dans la rue ; elle demanda ce que c'était. On lui dit
que c'était une jeune fille qu'on accusait d'avoir volé un louis d'or ;
elle répondit: « Tant pis pour elle. »
Depuis, elle n'eut plus de visions.
Elle était désolée de cela et ne savait pas pourquoi la Sainte Vierge
ne lui parlait plus .
Elle alla se confesser. Le curé lui dit: « V^ous avez fait quelque
)) péché qui en est la cause.»
Elle se souvint du mot « tant pis »; alors le curé lui dit : « Pour
» pénitence, il vous faut faire le tour du monde pendant sept ans. »
« Recueilli à Belesla par M"'' Marie Lamberl.
t
CECILO 587
Quand fousquec pel cami, troubec uno pauro, i cambicc le
vestit.
Lei sept ans se fenission quand anec demanda l'aimùinio al
sieu houstal. Soun paire i diguec si n'aviô pas entendut parla
d'uno noumado Cécilo. I diguec que si.
« — Perque pourtats nouvèlos de la mieu filho, manjarets à
» ma taulo e durmirets à soun leit. »
Ta lèu que fousquet endurmido, cridec : « A raiejo-neit fe-
» nirei ma vido. »
Le maiti, la fiilio se levavo pos.
La sirvento mountec ; de tant que la crambo ero esclairado,
toumbec abalauzido en cridant: « Mestresso ! Mestresso 1 »
La mestresso diguec : « Estravago.»
Mountec e toumbec, atabès lou mestre que vourguec sau-
pre so qu'ero. Dins le leit, la filho ero morto.
Recounegueroun que la pauro qu'avion retirât ero lasieu fil 1)0.
Toutis l'abrassavoun, la cridavoun, mais ges de secours la
pousquec tourna fé vieure.
Quand elle fut en chemin, elle trouva une mendiante, avec laquelle
elle échangea ses vêtements.
Les sept ans allaient finir, quand elle alla demander l'aumône à sa
maison. Son père lui demanda si elle n'avait pas entendu parler d'une
nommée Cécile. Elle lui dit que si.
« — Puisque vous apportez des nouvelles de ma fille, vous mange-
)) rez à ma table et dormirez dans son lit. »
Aussitôt qu'elle fut endormie, elle s'écria : « .Y minuit, je cesserai
» de vivre . »>
Le matin, la fille ne se levait pas.
La servante monta ; une si grande clarté éclairait la chambre,
qu'elle tomba éblouie en criant: « Maîtresse! Maîtresse! »
La maîtresse dit : « Elle extravague. »
Elle monta et fut éblouie, ainsi que le maître, qui voulut savoir ce
que c'était. Dans le lit, la fille était morte.
Ils reconnurent que la mendiante que l'on avait recueillie était leur
fille.
Tous l'embrassaient, l'appelaient, mais aucun secours ne put la
rappeler à la vie.
5SR LAS TRES GALINETAS
Las Très Galinetas ^
Una fes, i avic très galinetas que lou paire e la maire avien
mes defora de l'houstau: una blanca, una negra e imarouja.
Après avedre ben plourat, se diguèrou: « De que faren? »
Anèrou à la recerca.
S'en anèrou lion. . . . lion. . . . lion. . . .
Après avedre ben marchât, vegèrou un clapas.
S'arrestèrou e se diguèrou : u Se bastissian am aquolas peiras
))una cabane ta.? »
Se que seguet dich seguet facb, e se metèrou au trabal.
Quand la cabaneta seguet acabada, la rouja, qu'èra la pus
rusada, diguet: « Vau ensaja se barra ben. »
S'enclavet e vouguet pas ouvri à las autras.
La negra e la blanca, vegent que misericorda se pordiè,
anèrou pus lion.
Atroubèrou un autre clapas, e se diguèrou: «Se bastissian
» una cabaneta? »
Les Trois petites Poules
Une fois, il y avait trois petites poules que le père et la mère
avaient chassées de la maison: une blauche, une noire et une rouge.
Après avoir bien pleuré, elles se dirent : « Que ferons-nous ? »
Elles partirent à l'aventure.
Elles allèrent loin. . . loin. . . loin, . .
Après avoir bien marché, elles trouvèrent un gros tas de pierres.
Elles s'ariêtèrent et se dirent: u Si nous bâtissions avec ces pierres
)) une petite cabane?»
Ce qui fut dit fut fait, et elles se mirent à l'ouvrage.
Quand la cabane fut achevée, la rouge, qui était la plus rusée, dit :
« Je vais essayer si elle ferme bien. »
Elle s'enferma et ne voulut pas ouvrir aux autres.
La noire et la blanche, voyant que miséricorde se perdait, allèrent
plus loin.
Elles trouvèrent un autre tas de pierres, et se dirent : « Si nous bâ-
» tissions une petite cabane. »
1 Ce conte m'a été dcout; par M. Henri Bouquet, qui l'a recueilli à Mont-
pellier en 1873. *
LAS TRES GALINETAS fi89
Se que seguet dich seg-uet fach, e se metèrou au trabal.
Quand la cabaneta seguet acabada, la uegra diguet: « Vau
» ensaja se barra b§n, »
S'enclavet e vouguet pas ouvri à la blanca.
La paura blanca s'enanet en plourant, se metet à marciia
vite; mais avié bèu marcha, troubava pas jamais res,
La nioch la susprenguet e s'arrestet en plourant :« De que
»devendrai, paura?»
Sus aquel moument, veget una bella dama que ié diguet:
0 De que fas aqui, bella galineta? Per dequé ploures?»
La galineta ié countet se que s'era passât.
Aquela bella dama era la Santa Vierja ; ié diguet : « Ploures
» pas pus, auras una pus bella cabana que las autras. Soula-
» ment, reten ben se que te vau dire: se quauq'us pica à ta
» porta, douvrigues pas; aco sara lou loup que te manjarié, »
Au mema moument, la Santa Vierja dispariguet, et à la
plassa ount era se troubet un bèu palai.
Lou loup s'en val à la cabaneta de la galineta rouja e ié dis:
«Douvris-me. »
Ce qui fut dit fut fait, et elles se mirent à l'ouvrage.
Quand la cabane fut achevée, la noire dit: ((Je vais essayer si elle
» ferme bleu.»
Elle s'enferma et ne voulut pas ouvrira la blanche.
La pauvre blanche s'en alla en pleurant ; elle se mit à marcher
vite ; mais elle avait beau marcher, elle ne trouvait jamais rien ,
La nuit la surprit et elle s'arrêta en pleui-ant :« Que deviendrai-je,
» hélas? »
A l'instant môme, elle vit une belle dame qui lui dit: « Que fais-
» tu là, belle petite poule? Pourquoi pleures-tu? »
La petite poule lui conta ce qui s'était passé.
Cette belle dame était la Sainte Vierge; elle lui dit: «c Ne pleure
«plus, tu auras une cabane plus belle que celle de tes sœurs. Soule-
»ment, retiens bien ce que je vais te dire: si quelqu'un frappe à ta
"porte, n'ouvre pas; ce sera le loup qui te mangerait. »
Au même instant, la Sainte Vierge disparut, et à la place où elle
était il se trouva un beau palais.
Le loup s'en va à la cabane de la petite poule rouge et lui dit:
u Ouvre-moi. »
38
590 LA.S TRES GALINETAS
La galineta iô respoiul: «'No, no, no, (luo siès lou loup, que
» nie raanjariès. »
Lou loup ié dis: « Trespetarai, trespetarai, ta cabana se
» demoulira. »
Lagalineta ié respond: « Trespetaras, trespetaras, ma ca-
))bana se demoulira pas. »
Trespotet, trcspetet, la cabana se demouliguet, e lou loup
la manjet.
S'en vai à la cabana de la galineta negra e ié dis: « Gali-
» neta, douvris-me.
„ _No, no, no, que siès lou loup, que me manjariès.
)) — Trespetarai, trespetarai, ta cabana se demoulira.
,) — Trespetaras, trespetaras, ma cabana se demoulira pns.»
Trespotet, trespetet, la cabana se demouliguet, e lou loup
la manjet.
S'en vai àla cabana de la galineta blanca e ié dis: «Gali-
"lineta, douvris-me.
» — No, no, no, que siès lou loup, que me manjariès. .
), —Trespetarai, trespetarai, ta cabana se demoulira.
» - Trespetaras, trespetaras, ma cabana se demoulira pas.»
La petite poule lai répond: (( Non, nou, non; tu es le loup, tu me
» mangerais . »
Le loup lui dit:u Je trépignerai, je trépignerai, ta cabane se démo-
» lira. »
La petite poule lui répond: «Tu trépigneras, tu trépigneras, ma ca-
))baue ne se démolira pas. »
Il trépigna, il trépigna, la cabane se démolit et le loup la mangea.
Il va à la cabaaede la petite poule noire et lui dit: « Petite [lOuTo,
» ouvre-moi.
n — Non, non, non; tu es le loup, tu me mangerais.
» — Je trépignerai, je trépignerai, ta cabane se démolii-a.
)) — Tu trépigneras, tu trépigneras, ma cabane ne se démolira pas. »
II trépigna, il trépigna, la cabane se démolit, et le loup la mangea.
II va à la cabane de la petite poule blanche et lui dit: « Petite
» poule, ouvre-moi.
» — Non, non, non; tu es le loup, tu me mangerais.
,, — Je trépignerai, je trépignerai, ta cabane se démolira.
.' — Tu trépigneras, tu trépigneras, ma cabane ne se démolira pas. )>
SANT GODRGOULHA. 591
Trespetet, trespetet, la cabana se demouliguet i>:i,s, c Ion
loup crebet.
Lou gai .cantet
E la eourneta finiguet.
Sant Gourgoulha '
ATroiû, fan la festo patrounalo per Sant-Gourgoulha, debés
Sant-Jan .
Lai marguelèros, en parant la gleizo, lioucavoim le patron :
le coupèroun.
« — Aro, cou ci fasen ?
» — Cal ana cerca le Ramoun de la pouento, per vesc si
» vol veni tene la plas50. »
Le van trouva.
« — Aven feit un malur, aven coupât sant Gourgoulha, e,
» coumo i semblats d'après nature, si voulets veni tene sa
n plasso, vous pagaren. Quant voulets?
Il trépigna, il trépigna, la cabane ne se démolit pas, et le loup
creva.
Le coq chanta
Et la sornette finit.
Saint Gourgouilla
ATroye-, on célèbre la fête patronale pour la Saiut-Gourgouilla,
vers l'époque de Saint-Jean.
Les sacristines, en décorant l'église, paraient le patron : elles le
brisèrent.
»( — Maintenant, qu'allons-nous faire ?
» — li laut aller chercher Raymond de la Pointe, pour voir s'il
» veut venir tenir sa place . »
Elles vont le trouver.
a — Nous avons fait un malheur, nous avons brisé saint Gour-
Dgouilla, et, comme vous lui ressemblez d'après nature, si vous vou-
' De Belesla (Ariége), parM'i» Marie Lambert.
* Troye, petit village de l'arroadissement de Pamiers.
592 SANT GOURGOULHA
„ _Trei mesures de blat e un boun dejuna.
» — B' aurets. »
L'endema i dounoun per dejuna baudanos, e mel per des-
sert; apei le metoun dins la nicho.
Se descausso. i metoun nuses sus peds.
Uno devoto anguec invouca sant Gourgoulha: le sant aviô
debrembat de se fréta les pots ; entre temps i passavo la lenguo.
Kvo per Sant-Jan, ount las mouscos rodoun pla; la devoto
creguee que le sant i vouliè parla. Anguec cerca la siu ca-
marade, en i disent que sant Gourgoulha i vouliô parla.
Quant soun davant le patron, s'avisoun qu'un nus i èro
toumbat; li tournoun plassa ande uno agulho : se couitèroun
en entendent souna brespos.
Sant Gourgoulha lîco un saut al miech de lagleizo. e dits:
« Ni per un sac, ni per trei mesures, i vpli pas demeura. »
Toutis leu seguiguèroun en disent :« Sant Gourgoulha qu'es
» tournât vin ! Sant Gourgoulha qu'es tournât viu ! »
Le Ramoun s' anguec amaga dins uno fabieiro ; encaro i es.
» lez venir prendre sa place, nous vous payerons. Combien voulez-vous?
„ — Trois mesures de blé et un bon déjeuner.
» — Vous aurez cela. »
Le lendemain, elles lui donnèrent pour déjeuner du gras-double et
du miel pour le dessert. Après cela, elles le mettent dans la niche.
11 se déchausse ; elles lui placent des nœuds de ruban sur les pieds.
Une dévote vint invoquer saint Gourgouilla : le saint avait oublié
de s'essuyer les lèvres; de temps en temps il y passait la langue.
C'était l'époque de Saint-Jean, où les mouches rôdent beaucoup ;
la dévote crut que le saint voulait lui parler. Elle alla chercher^sa
camarade, en lui disant que saint Gourgouilla voulait lui parler.
Quand elles sont devant le patron, elles s'avisent qu'un nœud lui
était tombé ; elles viennent avec une aiguille le lui replacer: elles se
dépêchèrent en entendant sonner vêpres.
Saint Gourgouilla fait un bond au milieu de l'église, et dit: « Ni
pour un sac, ni pour trois mesures, je n'y veux plus rester. »
Tous le suivirent, en disant ;« Saint Gourgouilla est redevenu en
» vie! Saint Gourgouilla est redevenu en vie ! »
Le Raymond alla se cacher dans un champ de fèves ; il y est encore.
LOU PAIROULIE 593
Lou Pairoulié '
Un cop, i aviô un pairoulié qu'avio pos trabalii ; anguec ne
cercà.
Troubec un home que i diguec : « Vousvoulets lougà?
» — Ta pla.
» — Farets poi grand causo: manjarcts e beurets ; achi
» tout. Souloment, quand vous parlaran, respoundrets: Si si-
gnor e Signor si . »
Le gardèroun siéis meses per ba aprene.
Al cap des siéis meses, l'habilhèroun en avesque, atalèroun
uno grande carriole, le metèroun dedins ande ellis e partis-
quèroun cap à Paris.
Dintroun co d'un marchand d'argentarié ; en vegent l'aves-
que, lou faguèroun siéta dins un fautulh. Lei mestres del nou-
vel arrivât causission so que lous agradavo mes.
Presentôroun à l'avesque un sant-sacroment : « Vous
u agrado, Mounsegnour?
Le Chaudronnier
Une fois, il y avait un chaudronnier qui n'avait pas de travail ;
il alla en chercher.
11 trouva un homme qui lui dit: «Vous voulez vous louer?
» — Tout de même.
» — Vous n'aurez pas grand'chose à faire ; vous mangerez et vous
» boirez ; voilà tout. Seulement, quand nous vous parlerons, vousré-
» pondrez : Si signor e Signor si.»
Ils le gardèrent six mois pour le lui apprendre.
Au bout do six mois, ils l'habillèrent en évoque, attelèrent une
grande carriole, le mirent dedans avec eux et partirent droit à Paris.
Ils entrent dans un magasin d'argenterie ; en voyant l'évêque, on
le fit asseoir dans un fauteuil. Les maîtres du nouveau venu choisis-
saient ce qui leur convenait le mieux.
On présenta à l'évêque un ostensoir: «Vous convient-il, Monsei-
» gneur?
' Recueilli à Belesla (Ariége). par M"* Marie Lambert.
594 LOD PAIROULIB
» — Si sigtioi', $igno7' si. »
Pourtaboun acô dins la carriolo.
La reniplisquèroun de tout so que i aviô de pus poulit : i
mountoroun, fiquèroun dous ou très cops al chebal e's'eii van
al vent; dichèroun Mounsegnour estallat sul fautulh.
Le marchand disiè que vouliô estre pagat, Tavosque res-
poundiè : a Si si(i7wr, signor si.
» — Que es temps de métré la ma à la pocho.
» — .îje signor, signor si.
0 — Que vous trufats de ieu ?
» — Si signor, signor si. »
Quand veget que poudiô pas avé cap de respounso, pren un
pal, i fico qualquis cops, le dichet per mort.
Mounsegnour demouravo que lei sius mestres le vengues-
soun cerca; venguèroun pas.
Encaro i es.
E iôu m'en venguèri.
» — Si signor, signor si. >•
On portait cela dans la carriole.
Ils la remplirent de tout ce qu'il y avait de plus beau ; ils remon-
tèrent, fouettèrent deux ou trois fois le cheval et partirent rapidement,
laissant Monseigneur étalé sur son fauteuil.
Le marchand demanda à être payé ; l'évêque lui répondit : « Si si-
»gnor, signor si.
» — Il est temps de mettre la main à la poche.
» — Si signor, signor si.
» — Est-ce que vous vous moquez de moi?
» — Si signor j signor si.»
Quand il vit qu'il ne pouvait en tirer d'autre réponse, il prit un
bâton, lui en donna des coups et le laissa pour mort.
Monseigneur attendait que ses maîtres vinssent le chercher ; ils ne
vinrent pas.
Et moi, je m'en retournai .
L. Lambert.
VARIETES
INSCRIPTIONS LANGUEDOCIENNES CONTEMPORAINES
recueillies à Montpellier
La langue d'oo est-elle réellement menacée d'une lin prochaine?
Telle est la question que l'on peut se poser lorsque, après bien d'au-
tres, on constate que la renaissance provençale, dont nous souinies les
témoins, part plutôt des lettrés que des classes populaires. Celles-ci
délaissent leur langue, qu'elles considèrent comme lui instrument in-
férieur, et la remplacent peu à peu par le français, croyant par là
s'élever au ni veau des classes supérieures. Bien des causes contribuent
à ce résultat, que la philologie et le félibrige retarderont tant qu'il
sera possible, mais qui semble devoir se produire tôt ou tard, et n"a
jamais été si bien déploré que dans les lignes suivantes, extraites du
discours prononcé par Mistral à Montpellier, le 3U mars 1875, lors du
premier concours philologique et littéraire ouvert par la Société pour
l'étude des langues romanes :
« Messies, mau-grat lifesto, li manifestacioitn, li trioumfle que venon
» ahrivn. de longo e de tout biais, lou galant mouvemen de nosto Re-
n naissènro, sian fourça de cminverd que nnsto longn d'O, se gagno de
» respct dlns lou viounde di lefr^'. '•"' ^n pprrlrnt. in t ■''<-■ ! dins lis usag^
» de lafoulo.
» Li cam2mgno, li mounfagno, aquéli maire-grand de la poupula-
» cioun, gardon encaro, lou sabén, e gardaran tous tèms, lou fier e dous
Il parla de la naturo sempiterno. Mai dins li vilo inoiwedisso, .
» es quasi un desounour de garda li coustumo, tradicioun e parla de
» nosti devancié ; de talo sorto que pertout, au teatre, au palais, à
» l'escolo, à la glèiso, se fai à nosto lengo tino gucrro incounsciento,
» mai pamens journadiero . e à la fin mourtaln '. »
Cette dépréciation de la langue du peuple par le peuple lui-même
n'est pas précisément une nouveauté. Elle remonte à plusieurs siè-
cles. Dans beaucoup de vieux noëls, le bon Dieu, les. anges, la sainte
Vierge, saint Joseph, les rois mages, en un mot les gens comme il
' Société des langues romanes, CoiH'juis pliiloiogir/iie et Hftêrairc de
/'année 1875 -Montpellier— Paris, .MDCccLXXv. p. 2'6.
596 VARIETES
faut, s'expriment souvent en français ; les bergers, les gens de travail
et les paysans, le menu fretin, restant fidèles à la langue de leur mo-
deste profession ou de leur village.
Bien des années s'écouleront, du reste, avant que les dialectes de
langue d'oc aient entièrement disparu. Nos arrière-neveux pourront
encore les entendre. Ce qu'on doit redouter plus que leur disparition,
c'est leur décomposition progressive en patois, de plus en plus irrégu-
liers et liérissés de gallicismes, bien différents des idiomes moins
corrompus parlés par nos pères. Ce mouvement dialytique a commencé
depuis longtemps. Serons-nous on mesure de l'arrêter V Recueillons en
attendant les cas, si rares de nos jours, d'épigraphie languedocienne, et
conservons-les dans notre Revue. Cette rareté augmente leur valeur
De plus, il est curieux de voir, à Montpellier même, le languedocien
employé pour une sorte d'avertissement et d'affichage publics, alors
qu'il semble réservé pour des (;ommunieations moins générales et des
usages de plus en plus restreints.
Voici douze cas relevés par nous dans notre ville au courant de nos
visites médicales, et dont plusieurs peuvent encore être constatés par
nos lecteurs.
Tous ces textes se rapportent à des sujets plaisants, aucun à des
sujets sérieux. Les inscriptions imprimées en majuscides italiques ont
une orthographe vicieuse. Les majuscules droites s'appliquent à celles
dont l'orthographe est régulière ou a été rectifiée par nous.
Sur ces douze inscriptions, neuf ont été relevées sur des enseignes
ou sur des murs de cafés ou de débits dont les propriétaires ont cru,
sans doute, retenir ou dérider leur clientèle par ce mode de publicité ;
une a été répétée en double, à l'intérieur de la vitrine d'un mastro-
qiiet, — c'est le nom que le débitant a mis lui-même sur le texte et que
nous reproduisons après lui ; — une enfin figurait sur l'étiquette d'une
bouteille en verre coloré, à panse large et à goulot f usifonue, — c'est
ainsi que nous l'avons vue, — contenant une liqueur que l'on voulait
présenter aux consommateurs sous un titre alléchant.
La douzième a été lue sur une affiche.
Commençons par celle de la bouteille.
T. — Dans la devanture d'un débit situé au n" 1 de la rue Mont-
pelliéret, on pouvait voir, il y a quelques années, au milieu de fla-
cons de toute forme, la bouteille qui vient d'être décrite et qui portait
pour étiquette les simples mots :
AHI ! QU'ACO 'S BON.
Rien à dire sur l'orthographe.
II. — Passons à celle du mastroquet.
Au n" 6 de la riif Embuuque-d'Or, et de chaque côté de la vitrine
VARIETES 597
de la Cave Narhonnaise, on aperçoit IV'critcau suivant, qui attire pur
conséquent deux fois l'attention des passants :
VAUTRES, AMICS, QU'AVES GRAND SET,
PER AGITDRE L'HUMOU COUNTENTA,
VENES EN FOULA AU MASTROQUET,
PRENDRES UN BON VEIRE U' ABSENTA.
HT. — Aux jours de mon enfance, j'ai vu en face même de notre
imprimerie actuelle, sur l'enseigne d'un débit qui n'existe plus:
ATCT I A DE BON VIN BLANC
ENCO DE BARBASTA :
ARESTAS-VOUS E TASTAS LOU.
L'orthographe est encore régulière.
IV. — Sur l'enseigne d'un café, au n" 76 de la rue Aiguillerie, on
lit:
CAFÉ D'A OU CL A PA S.
Il est inutile de faire observer la vicieuse orthographe de l'article.
L'apostrophe est fautive. Aou pourrait à la rigueur se supporter, puis-
qu'il est la peinture de la prononciation. L'm ayant le son de ou, on
aurait dû écrire :
CAFE DAU CLAPAS.
V. — Au Café des Pêcheurs, rue des Ecoles-Laïques, 4, sur le pan
antérieur de la poutre faisant face à la porte d'entrée, on peut lire :
AISI BISCAN PAS.
VI. — Il y a trois ou quatre ans, sur une affiche, programme d'une
fête donnée à Palavas pendant la saison des bains, et que tout le
monde a pu voir placardée sur nos murs, le premier repos était dé-
signé par :
Les tambourins et les hautbois mouilleront l'entché.
Et le deuxième par :
Les tambourins et les hautbois rgmouilleront l'entché.
VII. — A la même époque, au rez-de-chaussée d'une maison formant
pan coupé entre la route du Pont Ju vénal et l'avenue Mathieu-Lau-
rens, existait un débit sur l'enseigne duquel on voyait peint en
grosses lettres :
Ici l'on MOUILLA L'ENTCHE.
C'est-à-dire: Ici l'on boit un coup avant d'aller pêcher à la ligne
dans le Lez, ou y faire une partie de plaisir.
Littéralement : on mouille l'anche du hautbois, afin qu'elle joue avec
plus de facilité, et, par extension, le gosier, en bas et en avant duquel
598 VARIETES
est sitnéo la glotte, ouverture supérieure du larynx, justement com-
paré à un instrument à veut.
Remarquons l'affreux gallicisme mouilla &u lieu de hwjna.
L'inscription aurait dû être écrite :
AICI L'ON BAGNA L'ENCîIE.
Ou
AICI SE BAGNA L'ENCHE.
Le débit et l'inscription ont disparu aujourd'hui.
VIII. — A l'angle nord de la rue Puech-Pinson, à l'amorce de
cette rue avec la route du Pont-Juvénal, se trouve une maison aussi
à pan coupé, ayant façade et entrée sur les deux voies. Un café est
au rez-de-chaussée. Au-dessus de la porte donnant sur la rue, on li-
sait récemment :
Café et Débit BISCAN PAS
Et au-dessus de celle qui ouvre sur la route :
Café et Débit BISCAN PAS
tenu par Batifort,
Pendant la correction des épreuves, l'inscription a été remplacée
par une enseigne française. Est-ce bien la première personne du pluriel
du présent de l'indicatif et non celle du temps correspondant de l'im-
pératif quel'auteur a voulu employer ? On peut se le demander. L'in-
vitation à la gaieté, exprimée par l'impératif, semble plus en situation.
IX. — La très-correcte et laconique inscription peinte en magni-
fiques caractères blanc d'argent sur champ d'azur, — le cafetier au-
rait-il quelques notions de l'art héraldique? — sur un des murs inté-
rieurs du Café des Chasseurs, rue des Écoles-Laïques, 16, semble don-
ner raison à cette manière de A'oir.
Elle est ainsi conçue :
BISQUEN PAS.
C'est-à-dire ne boudons pas, ne bisquons pas, livrons-nous ù la
joie.
Voilà, sauf erreur de notre part, ce que le rédacteur de l'enseigne
des rues du Pont-Juvénal et Puech-Pinson voulait exprimer.
Cette interprétation est corroborée par l'examen de la vicieuse or-
thographe des deux textes épigraphiques suivants, qui sont un peu
plus étendus, et dans l'un desquels l'auteur a essayé d'avoir recours
au rhythme de la poésie.
X. — A l'extrémité sud-est du boulevard de l'Hôpital-Général, dans
l'épaisseur même de la porte de la Blanquerie, se trouve le Café des
Tanneries réunies, tenu par Chaveroche Achille.
VARIETES f>99
La terrasse de rétablisscmout est protégée par une marquise on tûlc
qui procure aux consouimateurs, que le désir de jouir de la vue du
boulevard relient au dehors du café, un abri contre le soleil et au be-
soin contre la pluie. A la partie moyenne du bord supérieur de la mar-
quise est disposé un écusson de même matière, cantonne des quatre
as du jeu de cartes, où l'on peut lire :
AMIS ARRESTEN NOUS AISSI ET BISQUAN PA.
N'insistons pas trop sur l'absence de ïiS tenuinalc du dernier mot;
c'est plutôt une faute de proportion qu'une faute d'orthographe. L'ou-
vrier du pinceau avait mal pris ses distances. UA touche l'extrémité
mcrae de l'écusson ; il n'y a pas eu de place pour VS.
XI . — Ce défaut n'existe pas sur l'inscription intérieure qui décore
le mur de la salle faisant face à la porte d'entrée. Voici cette inscrip-
tion :
A LA GRANDA TABERNA D'AOU CLAPAS.
AMIS, ARESTEX NOUS AISIH! ET BISQUAN PAS!
CHÊ L'AMI ACHILLE ANAN NOUS REFRESCA.
Deux verbes ayant le même sujet ne peuvent pas, dans la même
phrase, être mis à deux modes différents. Les camarades s'invitent à
s'arrêter chez l'ami Achille, à ne pas y faire la moue et à s'y rafraî-
chir. Ils ne peuvent s'exprimer, partie à l'impératif et partie à l'in-
dicatif. Le premier mode seul est de mise, du moins dans le premier
vers, véritable invitatoire. Dans le deuxième vers, l'indicatif peut à la
rigueur aller, puisqu'il s'agit d'une action en voie d'accomplissement.
Aux points de vue de l'orthographe et de la prosodie, ces inscrip-
tions pouvaient être ainsi modifiées :
La X«
AMICS, ARUESTEN NOUS AICI E BISQUEN PAS!
La Xle
A LA GRANDA TABERNA DAU CLAPAS.
AMICS, ARRESTEN-NOUS : ÇAI SEN PAS PER BISCA !
ENCO DEL BRAVE ACHILLE ANAN NOUS REFRESCA.
XII. Au a" 2 de l'avenue de Toulouse, à son amorce immédiate par
conséquent uvecle cours Gambetta (précédemment cours des Casernes),
au-dessous de l'enseigne : Café débit de la Cascade, on peut lire sur
la traverse supérieure de la porte d'entrée ouvrant sur l'avenue :
PASSEN PAS D AVANT LOU FOUR
SANS SALUA LA PALA.
C'est-à-dire : on ne passe pas devant les gens sans les saluer, et de-
vant un café sans y entrer pour boire un petit verre.
600 VARIÉTÉS
Sans le gallieisinc salua au lieu de saluda, l'inscription serait or-
tliographiquemont irréprochable. Elle doit donc être rédigée :
PASSEN PAS DAVANT LOU FOUR
SANS SALUDA LA PALA.
Maigre la facilité de tous ces textes, nous en donnons la traduction
française ;
T. — Ah que c'est bon!
II. — Vous, amis, qui avez fjrnnd soif :
Pour avoir l'humeur contente,
Venez en foule au mastroquet.
Vous prendrez un bon ven'e d'absinthe.
III. — Ici, il y a de bon vin blanc chez Barbaste.
Arrêtez-vous et goûtez-le»
IV. — Café du Clapas (ou de Montpellier).
Tout le monde sait que Clapas (tas de pierres) est la désignation
populaire de la ville de Montpellier,
V. — Ici, nous ne bisquons jias.
VI. — Les tambourins et les hautbois mouilleront l'anche.
Les tambourins et les hautbois remouilleront l'anche.
VII, — Ici, on mouille l'anche.
VIII. — Café et débit Ne bisquons pas.
IX. — Ne bisquons pas.
X. — Amis, arrêtons-nous ici et ne bisquons pas.
XI . — A la grande Taverne de Montpellier :
Amis, arrêtons-nous ; nous ne sommes pas ici p)our bisquer!
Chez le brave Achille, nous allons nous rafraîchir.
XII. — Ne passons pas devant le four sans saluer la pelle.
Le terme bisca se retrouve cinq fois dans nos textes. C'est le
verbe «bisquer » du français avec ses diverses acceptions : bouder, être
de mauvaise humeur, se dépiter, s'impatienter, toutes manière d'être
qui poussent plutôt à se retirer dans la solitude et à s'y absorber si-
lencieusement dans la douleur qu'à boire gaiement de petits verres
en rieuse compagnie. Les débitants et cafetiers ont tenu à rappeler à
leur clientèle que les chagrins et les peines ne sont pas de mise dans
leurs établissements, et que, par conséquent, ceux qui sont en proie à
ces sentiments moroses feront bien de les laisser à la porte.
D'autres appels languedociens à la boisson et à la joie doivent exis-
ter encore dans les cafés populaires. Certains, qui y étaient peints il
y a quelques années, ont été eflEacés. AfiEaire de fantaisie commerciale
VARIETES 601
de la part des propriétaires do tes établisseracntR. Suivant qu'ils ont
cru les patois démodes ou en faveur, ils les ont repousses ou recher-
chés comme moyen de propaj^ande. Il est à remarquer que si des
inscriptions en cette langue, qui existaient naguère, ont été suppri-
mées, d'autres, telles que la deuxième ot la onzième, sont toutes nou-
velles. Un ne peut donc pas conclure que le culte des dialectes lan-
guedociens sera incessamment aboli.
Nos inscriptions ne portent pas l'empreinte d'une littérature bien
élevée. Elles sont la preuve manifeste de la conviction populaire que
le patois de Montpellier n'est bon que pour les jovialités et non pour
les sujets sérieux. C'est surtout à l'abbé Favre, ce singulier curé, ex-
cellent prêtre, paraît-il, d'après une tradition encore vivante dans le
clergé de Montpellier, mais qui devait connaître son Rabelais tout au-
tant que son bréviaire, c'est à l'auteur du Siège de Cadaroussa qu'est
due cette petite réputation do notre idiome. Octavien Bringuier, avec
grand succès dans cesdernières années, et quelques-uns après lui, ont
cherché à lui en faire une autre. Elle sera difficile à déraciner.
Au moment de la mise en page, notre prote, M. A. Beaufils, nous
indique deux inscriptions non urbaines, mais rurales, qu'il a aperçues
en allant à la chasse, sur la porte de deux mas ou maisons de cam-
pagnes, situés l'un au nord de la ville, après Boutonnet, au terroir de
l'Aiguelongue, dans un chemin de traverse qui fait communiquer la
route de Mende et l'entrée de la Valette ; l'autre au midi, sur les bords
du Lez, aux premières Cabanes, à quelques kilomètres de la mer.
Voici la première:
VILLA PORTA-Z-Y
LOU SAGE LOU VI.
Villa imrte-z-y — le sac et le vin.
Ce qui veut dire que ce n'est qu'un vide-bouteille ; qu'on n'y laisse
pas de provisions quand on rentre en ville, et que, par conséquent, les
maraudeurs perdraient leur temps à songer à le dévaliser.
Et la deuxième :
VILLA FRICOT E FOSSA.
Villa fricot et beaucoup: on vient ici pour manger à bouche que
veux-tu .
Ce sont bien des textes populaires et non des textes littéraires que
nous venons de communiquer. L'incorrection orthographique de plu-
sieurs d'entre eux le prouve. 11 ne faudrait pas croire cependant que
les romanisants lettrés soient toujours restés étrangers, même à Mont-
pellier et dans les jours actuels, à l'épigraphie en langue d'oc. N'a-
t-on pas vu un public nombreux stationner devant les affiches-annon-
60Î VARIETES
ces apposées par le félibre-liqnoriste Charles Gros, pour faire con-
naître un (le ses produits, non moins goûtés que ses poésies :
Tant per refresca lou gousié
Que per adouci la petrina,
Bevès toutes la granadina
De Gros fraires de Mountpelié.
<i Tant pour rafraîchir Te gosier — que pour adoucir la poitrine, —
buvez tous la grenadine — de Gros frères de Montpellier ^ ? »
L'obligeance de Charles Gros l'avait aussi porté à accepter la ré-
daction languedocienne d'affiches ayant trait à des industries difEé-
rentes de la sienne. Nous regrettons de ne pas les avoir présentes à
la mémoire.
Et notre excellent ami Roumieux n'avait-il pas laissé peindre, avec
illustration à côté, sur la cloison en planches du chantier du théâtre,
qui a été pendant plus d'un an un carré d'annonces, le premier cou-
plet de sa joyeuse chanson
Bail, hau, hau,
Enco de Rimbau ?
Cette clianson n'a pas été pour le restaurant bien connu des bords
du Lez une stérile réclame.
APPENDICE
En montrant à M. Dubouchet, notre secrétaire adjoint, l'enseigne
qui porte la neuvième inscription, j'ai été invité par lui à jeter les
yeux, à 2 mètres au-dessus environ et à droite, sur la portion de l'an-
cien rempart faisant directement suite à la porte de la Blanqucrie, et
à y regarder une pierre, noircie par le temps comme ses voisines, mais
sur laquelle est gravé un écusson très-bien conservé et que je n'avais
pas encore remarqué.
Ces armes, une tour crénelée, à la porte en .fer grillagé, sur un
1 Pourquoi ne dirions-nous pas, ne serait-ce que pour l'aire plaisir à
,M. Charles Gros, que, dans notre pratique médicale, nous avons vu plusieurs
fois des jeunes'gens des deux sexes atteints de fièvre typhoïde ou muqueuse,
ou d'inflammations viscérales avec rougeur et sécheresse de la langue et soif
ardente, demander à boire de la grenadine et ne pas s'en trouver plus mal
que des autres tempérants prescrits, suivant les cas, en pareille circonstance:
limonade étendue, dissolutions de sirops de groseille ou de vinaigre et autres
boissons acidulés, pelit-lait, etc.
VARIETES 603
champ dont ou ne peut guère ùdistance déterininerla couleur, uc sont
autres que celles de la Commune Clôture, dont notre cher collègue
Achille Montel, qu'une maladie trop persistante tient éloigné de nous,
a publié l'inventaire dans les premiers volumes de notre Revue.
Voilà une pierre précieuse qu'il importe de silicater au plus tût,
afin de prolonger sa conservation. Dans un mémoire chirurgical pu-
blié en 18(37, sur ï Emploi du silicate de potasse pour la confection des
appareils inamovibles dans les cas de fractures des membres, j'ai rap-
pelé que les calcaires de construfetiou soumis à deux douches d'une
dissolution de ce sel, précédées d'une douche d'eau commune, se re-
vêtent, par double décomposition, d'une couche de silicate de chaux
qui les rend imperméables à l'humidité, et qui de plus n'est pas salis-
sante 1.
Pourquoi notre cafetier, au lieu de l'enseigne banale que nous avons
reproduite, ne prendi-ait-il jias la reproduction picturaire du vénérable
écusson avec l'exergue en vieux roman :
A LAS ARMAS DE LA COMUNA CLAU8URA DE LA VILA
DE MONTPEYLIER.
Il faut dire que la pierre gravée se trouve précisément au-dessus
d'un café contigu appartenant au même immeuble, mais non au-des-
sus du café Chaveroche,
Adelphe Espagne.
NOTES SUR DIVERS TEXTES
I.- BERTRAN DE BORN (STIMMING, BERTRAN DE BORN,
^EIN LEBEN UND SEINE WERKE) -'.
P. 106, 1. 1. A l'appui de la leçon venguda a marit, qui est celle
des mss. , on peut citer les exemples suivants, tirés d'un censier béar-
nais de 1388 {Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de
Pau, 2e série, t. Vil, p. 154 et 157: « Galhardine, daune deu loc de
Laugar. . ., ana a marit a l'ostau de Sobervielle. . . .e ago uufilh.,.»;
«..■.Peramaut(= Peire Arnaut)...filh àQ...ana a molher & l'ostau de
Fraxo... e aquiago. ii. filhs. »
1 Mo7itpellier médical, 1867, t. XVIII, p. 45.
^ Voy. Reçue, l. XVI, p. 86 et 87. J'ai eu le tort, eu cet eudroil, pour
avoir parcouru trop rapidement alors l'iulroduction de M. Stiraming, de lui
attribuer deux omissions qu'il n'a point commises. Il a bien signalé, en effet,
p. 100, le rapport que j'indiquais moi-même entre deux sirventés de B. de
604 VARIETES
P. 119, Razo do la pièce, 35, 1. 7. « forteressa. «Corr. fronte-
resa ou seulement /Vowtera (frontière) ? Cf. le castillan fronterizo.
P. 120. 1. 5.« el cors estej'euceis. » Corr. ol (au lieu de el) cor
estet anceisf Les niss. portent cor, que Rainion Vidal, comme l'au-
teur des Leiis autorisent à rétablir, ce mot étant donné par ces deux
grammairiens comme invariable au singulier ; anceis est aussi dans
les mss. Ma correction se borne donc à changer el en ol (où o = m60
et estei en estet (stetit), ce dernier mot pris au sens de estava.
2. Sur le modèle de Entre gel e vent e fane de R. d'Orange. —
2. « elesta. » Ce mot, qui est une des formes du participe passé de
elegir, prise substantivement, signifie peut-être ici l'annonce, le pré-
lude de la belle saison . Elegir, en effet, parait avoir eu, entre autres
significations, celle de deviner, prédire. Cf. X, 51, où cette significa-
tion semble certaine.
51 . « Plus quel bons om de Talautais.» Il n'est point sûr qu'il s'a-
gisse ici de la Tarentaise, comme le croit M. St. ; mais dans cette hy-
pothèse, il faudrait, semble-t-il, adopter la leçon de F: plus que bos om.
3. Sur le modèle de Ara no siscla ni canta de R. d'Orange. —
19. Virgule après vols, — 23-4. « S"es prims de tersols tornatz. »
M. Stimming traduit : « 11 s'est tout d'abord arraché à la chasse. »
La trad. littérale paraît être: « 11 est devenu premier de tiercelets. »
Est-ce une façon _métaphorique de dire : « Il est passé au premier
rang des trois frères >> ?
25. « s'il anava. » Lis. si la 'nava ou sis n'anava. — 31. « ma-
zanta. » M. St. suppose que ce mot signifie « donne. » J y vois le verbe
correspondant à mazan, et je traduirais fait retentir.
4,26. M. St. considère l'indicatif comme irrégulier dans ce pas-
sage ; il ne l'est point, car il n'y a aucun doute sur la pensée : « ils ne
pensent pas (c'est-à-dire ils oublient) que cela déplait à Dieu. »
5, 31-2. « pot plegar et estendre. » M. St. prend ici ces deux
verbes dans une acception figurée, qui me paraît très-forcée, et qui, à
mon avis, n'est pas le vrai sens. Il faut leur laisser leur sens propre,
et entendre « dont on peut, pour de l'argent, faire ce qu'on veut. »
6, 17. « fai. » Corr. sai ? — 19. Une virgule seulement après /jer-
tus. — 22, Corr. Qu'es fortz te fer m (ûvmet) . Cf. le vers suivant. —
Born et deux chansons de ses conlemporains et compatriotes Giraut de Bor-
neil et Arnaut Daniel . Mais il semble croire que ceux-ci, du moins le dernier,
furent les imitateurs; et, ti mon avis, c'est le contraire qui dut avoir lieu.
J'ajouterai, à ma décharge, — car c'est là ce qui m'avait induit en erreur, —
que la façon dont il est parlé du «son de n'Alamanda » dans la note sur 13,
25, devait naturellement laisser croire que M. Stimming n'avait pas reconnu
de quelle pièce il s'agissait.
VARIETES 605
36. «ansi. » Je lirais ausi. — 30. Corr. Que si venon et autreias
l'acorl? Au v. suivant, on pourrait aussi proposer sera, pour /'((r«.
7,4. Rétablir d'efans! — 8.(<ben » bes parait préférable. — 0.
a capelaja. » Corr. cap' a laia (a laide cape). — 14. c l'iia ojjs. »
Écrire Ih' a ops. Les voyelles devant h ne s'élident pas. — 10.
J'écrirais Jow' es, sans rien sup[)léer. Les noms en e peuvent rejeter
au SU), sing. l's flexionnello. — 44. (( bon. » addition inutile. Cf. ci-
après, 15, 32, note.
8, 13. « remanha. » oléine mot, à la rime également, au vers 21.
Corr. rci n'anlta? anha est l'exact correspondant du fr. aille, ré-
sultant, comme cette dernière forme, de la substitution de la flexion
iam à la flexion em. C'est, pour le dire en passant, cet anha, affaibli,
selon l'usage, en anhe, qu'il faut, je pense, reconnaître dans l'inter-
jection caucanhe, fort usitée à Montpellier, et cpii, malgré le vague
de la signification, se ramène très-bien à cal que ane (ça ira, litté-
ralement : il faut que j'aille, qu'il aille, ou que ça aille).
9, 41. Mettre une virgule après genssa. Singulière destinée des
mots! Ce brillant verbe gensar, en Limousin, ne signifie plus aujour-
d'hui que balayer, et son substantif, genso,Qst le synonyme à'eicouho.
(balai) . — 61-65. Ces cinq vers paraissent le début d'un couplet par-
venu incomplet. Si c'est une tornade, elle est contraire à la règle.
10, 10. (( nom » Corr. non. — 15. Virgule après yo<; « il n'y a pas
de joie, si on. . .» — 47-48. Manque un vers, rimant en é, après cha-
cun de ces deux vers.
11, 12-14. Corr.:
Ë mos Rassa s'es accordatz
Socorr' al rei
E non a negun dels comlatz?
— 19. Lis. Pois vendit los a vas Aratz? — 45. Lire avec A: lezi-
dors d'obrador : oisifs de boutique, nouvellistes de village. C'est en-
core l'usage ', dans nos villages et petites villes, d'aller s'asseoir sur
le «taulier» et de traiter, entre voisin=, des affaires publiques et pri-
vées.— 58. « a Lion nerei.»M. Tobler a déjà corrigé ce vers, comme
le V. 62. Au lieu de al joven, on pourrait, sans rien changer au ms.,
écrire al joxine . C'est la forme qui a cours encore aujourd'hui dans
le pays de Bertrun dé Born.
12, 37, «daran. «Lis. darà'n (qui m'en donnera). — 43. « gen-
liazos. » Lire gen liazos, avec M. Tobler, en prenant ce mot au sens
propre. Cf. la locution vulgaire « elle est bien ficelée», et chez d'au-
tres troubadours, les exemples suivants : u No trop. . .Qu'un autra tan
i Ce l'était du inoios dans mon enfauce.
606 VARIETES
gcata Kl mon se // iiis mire» (P. Rogier) ; « Car non sai melhor
Nis lia El mou bellazor » (J . Estève). Liar devait signifier habiller,
comme desliar (voy. 19, 41), deshabiller. Le sens de notre passage
est donc probablement: « sa toilette lui va bien, elle shabille avec
goût.» — ô7. <i gran.i) ISIal traduit par art, wescn. C'est simplement
grandeur, taille. Les exemples de cette acception sont assez nom-
breux ailleurs.
14, 25. Lis. guazain, comme le ms. l'indique (trois jambages). —
33. Lis. rt'.s'Crtc/iicr (l'échiquier) ; ^ejos, au vers précédent =^ions;
métaphoriquement, bien entendu. — 56. Corr. lauzalf Cf. v. 59.
15, 23. Je ne trouve pas ici le mélange de constructions que l'édi-
teur a cru pouvoir y signaler: mais = désormais. — 32. « non sai
a. » Lire saja pour sapcha (coupe italienne)', ou saj 'a? Le sub-
jonctif est indispensable. — 40. Virgule après nier, — 41. M. Stim-
ming rend i/aillinier par caslrirl, traduction qu'il a sans doute em-
pruntée à M. Bartsch. Nous dirions chaponné. Mais tel ne doit pas
être le sens; je pense qu'il faut entendre « bon seulement à prendre
des poules. » C'est au reste, ou à très-peu près, l'interprétation de
Raynouard. — 44. « sallat. » sallar, rt55«Zar, signifient proprement
couvrir, abriter ; aujourd'hui, en Limousin, être a Vassala, c'est être
à l'abri (de la pluie). C'est aussi évidemment le sens de notre pas-
sage ; sallat y a, avec la forme passive, la signification active ; ce dont
on a d'autres exemples ; ainsi Guillaume IX : Que niietz for' encaval-
gatz de negun orne viven. Cf. , en français, monie, appliqué à un ca-
valier, habit habillé, coiffer unbonnet, etc. Sallar est-il, comme l'a
cru Raynouard, une autre forme de celar? C'est assez vraisemblable
(cf. A. Daniel, III, 14), mais non, peut-être, absolument sûr. Voy.
pourtant ma Gr. limousine, y>. 316 et 378. — Travers ier, que M. St.,
avec Raynouard, traduit par « posé de travers », ne signifierait-il pas
plutôt « qui est ou peut être traversé », à savoir par la pluie ?
16, 12. « asiata. » Ce mot paraît être un substantif collectif se
rattachant à ais, demeure, lieu qu'on habite ; la désinence ata, à la
vérité, fait difficulté ; on voudrait ada, comme dansj inaisnada =
'mansionata; mais cf. vita, pour vida (18, 16^. — 14. « la lata. »
C'est le rebord du toit. On appelle en Périgord lato feulho, les
planches minces qui supportent la toiture et qui s'avancent plus ou
moins au delà du mur. — 17. Rétablir que Vautres a a tôt laissât.
Le poëte oppose ici l'un à l'autre les deux fils du comte de Périgord,
Helie V. — 23. Rétablir quom a esparviers. Cet emploi de a après
1 D'autres exemples de cette coupe, ou césure enjambante, comme disait
Boucherie, sont fournis par cette même pièce, au v. 2'i, d'après les manu-
scrils D V i K : par 1, 14, d'après le ms. F; par 7, 4, d'après le ms. C.
VARIETES 607
cotn et devant le cas sujet, comme ici, est à comparer à celui de la
même préposition dans les phrases comme el se lenc a paijutz . —
29-31 . Il ne faut pas penser, comme l'ont fait M. Stimming et M. Clé-
dat, à Damiette d'Egypte. Leucate et Damiate sont deux villes de
France assez voisines, la première dans l'Audo, la seconde dans le
Tarn (sur l'Agouf)'; mais je pense que ces villcs'ne figui-ent ici cpie
pour doiiaer lieu à un jeu de mots que, du reste, je ne compreuds pas
bien : « Je ne suis pas de Leucate (Jeu cala, de catar '?), mais j'ai tout
laissé et je suis à Damiate, c'est-à-dire à « dommage y a » {dam i a
+ ta] ?
17, 11. « engema. » Corr. e gema. Ce mot gema, encore fort
usité dans le pays, signifie /(o/x-. 11 est dans Du Cange. Je ne sais
pourquoi M. St. a séparé cette pièce de la quatrième. Ce n'en est
évidemment qu'une autre copie, à la fois plus et moins complète, ou
peut-être interpolée.
18, 10. « gas. » Peut-être 'pour go.bs, comme ailleurs amis, pour
amies, etc. Si le texte que vient de publier M. Levy pouvait être une
autorité, ou citerait os pour o6s,qui s'y trouve auv. 2917.
19, 32. « e d'aculhir de Fanjau. » C'est sans doute une louange à
l'adresse des' dames de Fanjau, que Pierre Vidal a chantées dans Mos
cors s'alegr'e s'esjau; peut-être même une allusion à cette dernière
pièce. J'ai montré ailleurs- que B. de Born avait pris pour modèle
d'un de ses sirventes {moU m'es descendre car col) une chanson de
son contemporain toulousain.
20, 19. « partz.» M. St. voit ici l'ir.d, prés. 3e pers. du verbe ^ar-
tir, à SAVo'w part, ch&n^é en partz, pour la rime. 11 ne faut pas attri-
buer si légèrement des barbarismes à un poëte comme B. de Born;
partz est simplement, — et très-régulièrement, — parcet, épargne,
ménage. Ce verbe existe encore (parct) en Périgord.
21, 10. « devan. » Lis. denan. — 55. « s'esto.» Cette forme est
relevée, mais non expliquée dans les notes, où, par parenthèse, estuja
de Flamenca, 7681, est donné comme une autre forme du subj. de
estar. C'est l'ind. présent de estujap-, mettre de côté, renfermer,
tians cet exemple, soustraire à. Ce vers réclame d'ailleurs une
légère correction, qui est Qiian pour Que; son du vers précédent
doit être pour soin, c'est-à-dire sonh. Revenant à eslo,]Q ferai re-
marquer que c*est l'analogie de donar qui a fait créer cette forme, de
même que estonga qu'on trouve aussi; et si donar a agi ainsi sur
estar, c'est par l'intermédiaire de Jar, grâce d'un côté à l'identité de
la forme, de l'autre à celle du sens. Du reste, toute la conjugaison
' C'était autrefois un château que Simon de MoQlforl détruisit.
2 Poésies inédites des troubadours du Périgord (Revue, X.W, 235.)
608 VARIETES
de estar est romplio do formes aualogiquos de diverses provenances
qui ou font une sorte de chaos. — 79. donasset:: aurait mérité d'être
relevé. Cet emploi de l'imparfait du subj. pour le présent du même
mode, ou mieux, pour l'impératif, est aujourd'hui commun dans i)lu-
sieurs patois.
22, 21. Il s'agit du comte de Toulouse, comme l'a bien vu
M. Clédat. — 36-40. Le sens paraît être : « Je m'étonne que le roi
d'Aragon ne détache pas ses Aragonais (ou ne se détache pas, corr.
nos?) [de l'alliance des Français], puisque des comtes, des ducs, des
marquis ont (corr. an) rejeté cette alliance », ou « puisque le comte
(lis. lo conis avec T), duc et marquis a rejeté cette alliance » (litt.:
« les a contremandés pour alliance. '>) Desmandai' (deinianda) est
resté d'un usage courant. On pourrait encore, et peut-être mieux,
expliquer ainsi les vers 36-37: «Je m'étonne que le roi des Aragonais
ne les détache pas (ses Aragonais), c'est-à-dire ne les envoie pas
guerroyer contre les Français, au dommage de ceux-ci. »
24. Sur cette pièce, voy . Revue, XXV, 231 . — 7. « corâlha. » Cf.
v. 18. Corr. ?. — S.faissuc veut dire pesant, au propre et au figuré.
— 15. Lis. rfuieus, qui est pour quius, comme vieu pour vni. — 22.
« caus. . . sauc. » Il est remarquable que, dans le limousin moderne,
l'adjectif eau (cacum), quiisolémeut n'est plus en usage, s'est inti-
mement soudé à saûc et que le tout ne forme plus qu'un seul mot,
dont l'origine n'est pas, de prime abord, évidente : sîcau. Si ^ siet^
^ seu = seii =sau. Cf. sî =sebum, Di = detim, etc. Seu, monos.,
pour saiic, se rencontre déjà, du reste, en d'anciens textes. — 23.
« soiros. » M. St. traduit ce mot par Milbe, mite. C'est une erreur.
La signification est porc, gros cochon; souiro, truie, est encore en
usage. — 36-41. Je crois que ces six vers constituent un sixième cou-
plet, dont le premier vers manque, plutôt que deux tornades. — 41.
Lis. l'en passes ( = passetz) = que vous ne le fassiez passer (dans
votre estomac ou par votre gosier)' .
25, 13. ratje est mal traduit par rasend, xcild. La locution a
ratje signifie à l'aventure, a» hasard, en déroute. Cf. le premier vers
de la tenson de Lanfranc Cigala avec Guillelma de Roziers. D'un au-
tre côté, comme je n'ai jamais rencontré ralje employé isolément,
je suis porté à croire qu'il vaut mieux écrire en un seul mot aralje.
L'origine en serait erraticus.
27, 31-32. Je préférerais la leçon de R., dont l'autorité vaut bien
celle de C. Corr. en conséquence vilans auv. 28. — 33. « Rassa. »
Je pense avec M. Tobler que ce mot ici veut dire race, et n'est pas,
connue le cioit M. St., le surnom du comte de Bretagne. Ecrire par
* Cf. liomanz de S. Fanuel, v. 419-22.
VARIETES 609
conséquent, en déplaçant \a v\vgn\e,Rassa vilana, lafiiva,. .. — 42.
Je crois que f/ahar est ici mal traduit par spotten. La sens doit être
vanter, se cantet' de, qui est une des significations de f/abnr.
28. Sur cette pièce, voy. 7?t'ft<f;, XXV, -23.d. — 1. « descendre.»
Corr. ileslendre ? Carcol serait une machine de siège. Carcou (cf.
col et cou) est en Berry un synonyme de carcasse, et ce mot, comme
on peut le voir dans Littré, a signifié un engin de guerre. Pour molt
m'es =: je suis las de, cf. l'exemple rappoilé par Godefruy à la fin
de l'article de molt. — 6. Je rattacherais ce vers au précédent: E
tenh m'o. . . car il nestan. — 36. « gian.» Pourquoi ims f/rutideni?
flac et gran sont des épithètes- bien souvent associées, — ou leurs
équivalents, — encore aujourd'hui.
29, 5. « pom. » Non pas « pommeau d'épéc », mais, à mon avis,
pomme, boule, qui surmontait les tentes. — 42. « Trainac. » C'est
Treignac, chef-lieu de canton du département de la Conèze.
29, 40.«bisesta. » Ce mot réclamait une note. Rayn. le traduit
par retarde; M. St., plus exactement, mais avec doute, \>diVver-
gehen, schioinden. 11 faut se rappeler que bisseste, dans lanc. fr.
et, encore aujourd'hui, dans quelques patois, veut dire malheur, sort
funeste. Porter bisseste à quelqu'un, c'est lui porter malheur. Ici,
pour continuer la métaphore, il faudrait traduire: « ma joie, qui était
fleurie, ne poite pas de fruit», proprement" est frappée de malheur.»
30, 19-22. Je ne crois pas que ces quatre vers soient une tornade,
comme il est dit p. 102. Ce doit être le commencement du troisième
couplet dont la fin, non plus que ceux qui devaient suivre, ne nous
a pas été transmise.
31, 42. « la glesa. »M. St. traduit l'église. C'est certainement une
erreur. Le sens est la </Zé&e, le champ (de bataille). — 43. « adrei. »
Lis. a drei?
32, 16 « debur. » Pour depur, de depurar? Ce verbe serait ici
à peu près synonyme de purger. Se rappeler ce qu'on raconte des
effets de la peur.
33, 41-44, Ces quatre vers ne doivent faire évidemment qu'une
seule tornade.
34, 37. « Fûlcans.» Lis. Folcatts ? Peut-être le seigneur de La
Rochefoucauld. — 38. « s'eron eniires », s'étaient alliés, avaient fait
accord, et non pas seulement s'étaient joints, comme traduit, si je
comprends bien, M. Stimming.
35, 40. « Qu'en. «Lis. Queu( quel = que la)?' —.50. « fo. »Coir.
vencf Les mss. portent v« (quand il devint roi).
36,34. «salavier » Sur ce mot, qui manque à R. et que M. St.
traduit parp.eZ.7, voy. D C. sous sarabara. — 43-49. Ce.s sept vers
forment en réalité un couplet entier, dont chaque moitié tient lieu
610 VARIETES
d'une tornnde. Un autre exemple de cette disposition nous est fourme
par une teuson entre Raimon de Cornet et Guilhom Gras.
37, Gl. Ixci'or = 'recordet, ne peut ici convenir. Il faut un o
estreit. pour rimer avec senhor. C'est donc à recurrit que ce mot doit
renvoyer. 11 faudrait, en conséquence, corriger mos chantars.
38, 40. Je lirais plutôt Com an Vivian. S'agit-il de Guillaume
d'Orange ou de Vivien de Lomagne? Cf. 33, 19.
39, 8. « lai, » = la i (illam hic), et non illac, comme l'a cru
M. St. (cela résulte d'un renvoi h ce passage dans le glossaire, sous
lai). — 22. Lis. antre Beira. Reste à identifier ce nom. Est-ce la
Vézère? Cf. veire et ve:,er, de vidcre. — 23. « dera.» Le contexte,
d'accord avec trois mss. sur quatre, indique c/erate, — 42. Je lirais
Qui s'onor ens abria = qui protège, défend sa terre et nous-mêmes.
— 43. « car. » Corr. riar. — 44. « Sa pauca Lombardia. « Sa petite
Lombardie. Le poëte appelle ici le Limousin pe/î7e Lomhardie, par
comparaison avec la ligue des villes lombardes contre Frédéric
Barberousse, qui avait lieu environ dans le même temps que les ba-
rons du Limousin se liguaient contre Richard. — 46. « s'enbronha.»
Je vois là une autre forme de embroncar ; « il ne s'émeut ni ne
s'etfraie pour menaces [qu'on lui fasse], mais il veille sur Limoges et
la fait refermer (fait rebâtir ou raffermir ses murailles).» Il faut, bien
entendu, effacer la virgule après resonha, et adopter la leçon LimoL-
gel.
40, 21 , Je ne pensé pas que Tolosa soit, comme l'a cru M, St ,
un second régime direct de l'a toignt. Ce vers 21 forme, à mon avis,
une proposition entière qu'il faut entendre : « Et Toulouse (c'est-à-
dire le comte de Toulouse) se montre envers lui (Philippe-Auguste)
exigeant outie mesure,» quel doit naturellement être écrit quel (que
II), et que est explétif. Sur un pareil emploi de cette conjonction, cf.
ci-dessus, p. 292, n. 2. Ecrire aussi sobredeman en "un seul mot.
— 23. Rétablir marit. Le sujet de membre est le pronom neutre
sous-entendu. — 27, Corr, Va sai'i
41, 17. « estenta.))Ce mot manque au glossaire, et il n'est l'ob-
jet d'aucune note. M, Bartsch, dans sa Chreslomalhie provençale,
le traduit par puissant. La signification doit en être la même que
celle de l'italien 5/enio, maigre, décharné. Aucune épithète ne con-
vient mieux àla mort. Le vieux fr, avait dans le même sens estens^,
' On a dit aussi, dans le même sens, estrait, en vieux françai?; ainsi dans
A iol :
Et .1. coval estrait^ caitif et descarnr^.
Cette dernière expression est encore en usage dans le patois du Périgord,
En parlant d'une Ipersonne très-maigre, on dira volontiers : qu'ei 'n estret.
Cf. étiré.
m-
I
VARIETES 611
qui manque dans le diet. de Godefroy, et que M. Hartsch, dans sa
Chresto»iathie française, traduit par ias, y voyant, senible-t-il, un
équivalent de lit. slanco. L'exemple auquel il renvoie est celui ci :
De jeûner estait estens, c'est-à-dire, évidemment, il était maigre, ex-
ténué, à force déjeuner. Estens, du reste, représente exlcnsus, comme
estent, extentits, participes l'un et l'autre de ej:tenderc;etccst bien
sous estendre que M. Bartsch place eslenta, quoiqu'il l'interprète
mal.
42, 5 «a Melhau. » Lis. Amelhau. Cf. Sordel, Planher vuelh en
Dlacatz, (juatrième couplet.
43,23. (' em tartalh » = et je crie; lartalhar existe encore, avec di-
verses nuances de cette signification, dans plusieurs patois. — 29.
(( ressolli.» M. St. voit ici l'ind. prés, l™ pers. d'un verbe j"f5so/t;r^,
(ju'il traduit ou qu'il interprète par verunreinigen, à tort, selon moi.
C'est à ressollar que cette forme doit appartenir, et rrssoUar (res-
soidar) existe encore aujourd'hui avec trois sens différents, dont deux
au moins conviennent, métaphoriquement, à notre texte : étendre les
gerbes sur l'aire (le sol) pour battre le blé ; ressemeler des souliers ;
cueillir à poignées. Voy. Azaïs et Mistral. Ce dernier indique encore,
pour le réfléi-hi, la signification de « se traîner.» Voilà de quoi choi-
sir ; pour moi, j'incline à traduire : «Je les bats comme une semelle »,
d'autant plus que retalh continuerait la métaphore. — 30. « els calh »
= et je les chauffe (caleo). J'ai relevé ici-même (XVI, 85) un autre
exemple de cet emploi de caler dans sa signification primitive. Cf.
chaloir dans Godefroy. — Sl.Corr. Quem cujavo'! — 34. Lis. iSaint
Launart. Je vois là la ville de ce nom (Saint- Léonard, arrondisse-
ment de Limoges), et non pas, comme M. St., le saint qui en est le
patron. Le Limousin, il ne faut pas l'oublier, était un pays, naguère
'encore, couvert de forges. Il est probable qu'on fabriquait à St-Léo-
nard dufer de qualité inférieure. — 48. «bart. » bouillie [brei), dit
!M. St., et c'est bien ce que le contexte semble indiquer. Mais èari
paraît ne pouvoir être que la forme masculine de 6«r<a, bailler, brous-
saille. La métaphore s'appliquerait ainsi moins à la cervelle qu'aux
mailles du haubert brisées avec elle.
P. 22G. Sur Bem plai lo gais tems de pascor, que M. Stimming
retire à Bertran de Born et que je n'hésite pas à lui restituer, voyez
la Revue, t. XVI, 86, et t. XXV, 2*34. Pour les imitations, voy.
la liste donnée par M. E. Levy (Guilhem Figueira, p. 27), à la-
quelle il faut ajouter Dalfinet, De mieg sirventes ai legor (Archio,
XXXIV, 191). La cobla anonyme Be colgra aguessem un senhor,
qu'on lit dans P (Archiv,L, 277;, fait partie de Quan cug chantar,
de Folquet de Romans, pièce relevée et publiée par M.Lévy,
61Î VARIETES
II — CHRESTOMATHIE PROVENÇALE de M. Bartsch
(4« éditiou)
Charte de 1025. 8, 12. a armas. » Le ms. porte armes, qu'il faut
rétablir. Voy. Liber inslrumentorwn memorialium (Montpellier,
1886), p. L\i\.
Noël. 18, 18. « siu* jauvit. « Le sens de faire fête, accueillir avec
joie, qui est ici celui de Ja^yiV, n'est pas indiqué au glossaire.— 18,
32. Lis. sans rien changer aunis.:C/i' aques (=aquestz) vers nous
ah nos jan. jan serait, non cantum, mais cantet, à savoir l'ange.
Confession. 21, 10.11 n'y a pas de lacune, pourvu qu'on corrige
ei eu, comme je l'ai autrefois proposé.
Guillaume IX. 111,31,37. «quada trei. «M. Bartsch traduit « tous
les trois, » Ce doit être plutôt trois par trois, on' chacun des trois,
tour à tour, cada étant essentiellement une particule distributive. —
32, 2, « a for.» Ms. a foc ; corr, foie? — Dans mandacairei qui
suit, je verrais volontiers un nom propre, ou plutôt un sobriquet,
peut-être celui d'un chef de bande: Manda [oxiMand'a) cairei- [qua-
drivium)? — 32, 10. « acarcat. »Lis, ou corr. a cariât, comme a fait
M. Meyer dans son Recueil. — 32, 12. « Si non pot aver caval compra
palafrei. » Telle est la leçon du ms. M, Bartsch supplée, le vers
étant trop court, adonc devant compra; mais cette correction n'est
probablement })as la bonne 5. En effet, tous les autres vers de quatorze \
syllabes de cette pièce* ont^le premier hémistiche féminin (S'om la
loigna de proeza \ qu'ab malvestat non plaidei). On pourrait pro-
poser: « Si non pot aver cavaZa, ela compra palafrei. »
Marcabru. 111,56, 3. Je lirais Gardatz sen de bedoi ; Wiiév . Voyez,
sens de <ibedoï»; c'est-à-dire «voyez sa bêtise.))fief?o^où M. Bartsch
voit une forme d'un verbe bedoinar (f), qu'il traduit par deviner,
1 J'avais eu autrefois [Revue, VIII, 28) le tort, reconnu depuis [Romania,
VIII, 125), de proposer la correction sin.
^ La forme cairoi, qu'on trouve dans les chartes, aujourd'hui quetroi/
(nom de lieu et de personne), renvoie à qiiadruvium.
^ Celle de M. Meyer [Si non pot aver destrier o caval, compra palafrei)
est encore moins satisfaisante, de quelque façon qu'on coupe le vers, car elle
lui donne quinze syllabes effectives.
♦ C'est aussi le cas de Compaigno tant ai agut. 11 est vrai que, dans une
autre pièce du même troubadour, Companho farai un vers, où les vers de
quatorze syllabes ont ea général leur premier hémisliclie masculin, on en
trouve deu.x qui l'ont féminin. Ce mélange pourrait, à la rigueur, autoriser la
correction de M. Bartsch.
VARIETES 618
est bien plus probablement un substantif, soit identique à bédouin
(voy.ce mot dans Littré), soit pareil, pour la racine et la significa-
tion, à l'anc. fr. bedier, sur lequel voy. Godefroy.
Charte. 58, 17 et 20. « quedas.» J'avais autrefois ' proposé de ce
qiiedas une explication que M. Bartsch a cru pouvoir accepter; ce que
je regrette, car certainement je m'étais trompé. 11 faut simplement lire
en deux mots qiced as = qtiid (ponrqttod) habes.he Rerenger Rai-
mon, àl'égard duquel est pris l'engagement que la charte consacre,
n'avait que pendant deux mois, mars et juin, pour l'une; pendant trois
mois, novembre, décembre, janvier, pour l'autre, les deux « autres
parts » de seigneurie dont il est question.
Raimbant d'Orange. 68, 3. s'abrec. Dans le verbe abregar, que
M. Bartsch, le rattachant sans doute à abric, traduit p<ir abriter, je
verrais plus volontiers un composé de bregar, signifiant, comme le
simple lui-même, frotter. Cf. Rabelais, Gargantua, ch. III, vers la fin
du premier alinéa.
Peire d'Acernhe. II, 82, 23. « Lo vers fo faitz als enflabotz. »
Sur ce passage, mal interprété, Fauriel, après et d'après Millot, a
bâti tout un roman. Voy. son Hist. de la poésie prov., 111, 240 -.
M. Bartsch, dans ses deux premières éditions, avait, comme eux, tra-
duit enflabots par « flambeaux ». Aujourd'hui, il rend ce mot par
« crapuleur » {sic). C'est encore, et évidemment, une erreur: als en-
flabolz doit signifier « au son des musettes.» On sait que la musette,
instrument essentiellement auvergnat, a pour organe principal une
outre (bot) enûée de vent. En flabot est un substantif composé, du même
genre que cornavi, bufatiso et autres, qui abondent chez Marcabru.
Garin le Brun. 92, 21. « contes. «Ce mot me paraît avoir été mal
compris par M. Bartsch, qui le traduit par compte o\\ conte, ie crois
que le sens du passage est littéralement celui-ci: «Beaucoup d'hom-
mes, si une dame leur fait bon accueil, se feront aussitôt, tant ils se-
ront mal appris, vains (comptas) de son amitié (se vanteront d'avoir,
ses bonnes grâces) et en feront grand bruit. »
Guilhem de Bergxedan. 120, 2b.quelencrvius.\je ms. porte enervi
vos, ce qui donne une syllabe de trop. Mais la bonne correction doit
être quel nervi vos, le sens ne pouvant être, semble-t-il, que celui-ci ;
« Vous portez le bras tout retiré ; vous auriez besoin de le frotter
d'orties, pour que le nerf (le muscle) s'étendît. » — 121,2-3. «c me-
liana de cort ves. » « Amélioration de court usage », traduit
1 Revue. VIII, 229. .
- Au même eadroit, Fauriel dit avoir vu la signature de Pierre d'Auvergne
dans un acte de 1147. C'est probablement une illusion. Cf. Liber instne-
mentortmi inemorialium, p. lxii.
6J4 VARIETES
M. Bartsch. Je ne sais ce que cela, pour lui, peut bien vouloir dire ;
quant à moi, je ne comprenils pas ce passage ; pout-etro est-il cor-
rompu. Mi'iiisdc b)'ajas,i'. sans braies », invite, semblc-t-il, à y chercher
un sens obscène ; ves pourrait être vitium, à la rigueur vectein (vech
— vels — ves); mais mcliana^ ?
Peire Cardinal. 178, 5. « bilh,» Mot mal traduit, je crois, par b^
Ion. Vov. la dernière des publications spéciales de la Société des lan-
gues romanes, Deux ms . provençaux du XIV^ siècle, p. 245.
Guillein Figueira. 203, 29. « car tans mais saubutz faitz. »
M. Bartsch attribue ici à saubutz la signification de sus, connus,
et peut-être a-t-il raison. Mais j'incline à croire qu'il vaut mieux en-
tendre « tant^de choses qui savent mal », au sens primitif du latin
sapere, qui se conserve encore en quelques provinces. Cf. Revue,
VU, 151. — 206, 4. « sembcl. «Mot mal traduit par «combat, dispute. »
Sa signification, ici du moins, est celle d'embûche, piège.
Raimon d'Avinho. 212, 21 . Ratz et radels, traduits par rats et
petits rats, sont certainement des radeaux ; mais il n'est pas interdit
de supposer que l'auteur a voulu faire un jeu de mots.
Peire de Corbiac, 213, 24. « intaizina. » Il est indispensable, sem-
ble-t il, si l'on ne veut pas accepter la leçon de I (m<erma), de corriger
enietVîHa.Ni le renforcement de ei en ai, ni le changement de r en z,
ne se justifient chez un troubadour du temps et du pays de P. de
Corbiac. — 215, 2. La bonne leçon est certainement celle qui est re-
jetée au bas delà pa.ge,entrecambiadamens.
Raimon Vidal, 2[9, 1. M. Bartsch traduit sera par multitude; ce
n'est, comme il semble évident, qu'une conjecture. Mon sentiment est
qu'il faut voir dans ce sera une autre forme de ser, sur laquelle j'ai
déjà appelé l'attention ^, et traduire : « tant, le soir, il menait volon-
tiers avec lui de compagnons », littéralement :« vers ce que (c'est-à-
dire eu égard, à ce que), le soir, il menait. . . .de compagnons. . . »
Règle de S. Benoit,23i, 5. apart, ainsi imprimé en un seul mot et
traduit par séparé, ne peut être qu'une locution adverbiale, à écrire
en deux mots, a part.
Peire Guillem, 268, 8.« laurani, ouvrage.» C'est certainement lo-
rain ^lat. loramen) qu'il faut traduire, sauf à corriger loram. Mais
cela raêrae'n'est pas nécessaire. Les cxem.iles ne sont pas rares du
passage de o k au.
Amanieudes Escas{li8. de Sescas), 330, 14. Lis. az autezaen deux
mots," convenablement, sufifisamment. » pertratz, qui précède, paraît
' Le même mot se lit dans une pastourelle de Marcabru, où il n'est pas
non plus facile à interpréter {Chrestomathie, 54, i2).
2 Voy. lievuCj XJll, 117.
VARIETES 615
mal traduit par allirail. C'est provision qu'il faudrait, <( Si son as-
siette est suffisamment garnio, l'inviter serait sottise.» Tel est lésons,
semble-t-il ; mais le passage exige probablement quelques corrections,
tout au moins el covit au \ . 15. — 332, 3. '< en basca )>; non pas eti
dispute, comme il est dit au glossaire, mais dans l'embarras. Voj-. le
Dict. béarnais de M. Lespy.
Naturas d'alcunas bestias, 33.5, 11. « Can la leonessa a leonat.»
M. Bartsch voit dans leonat un subst. signifiant /iOMCCCM. C'est le
participe passé d'un verbe Zeonar.« Quant la lionne a lionne», c'est-
à-dire quand la lionne a fait ses petits ou son petit. — 335, 45. eranh,
traduit pas //arcn//, doit être l'araignée.
Barlaam, 358, 41 . « ses compte » non pas « sans doute », comme
il est dit au glossaire, mais « sans mesure, »
R. de Cornet. 3C>o, 13, 15; SCG, 10, 20, 28, 29, 33. Sur les mots
letrier.pojezada, boaijrolha, preveyressa, querenti, bcrta, eubertn,
qui me semblent traduits ou inexactement ou de façon trop vague,
voy. le glossaire déjà citéde Deux m ss. provençaux du XIV* siècle.
Evangile de l'enfance. 390, 6. Lis. Ccdqu'esquern; que est sous-
entendu.
Délibération 398, 20, 21 . « barrai. » Non pas bouteille, mais
barrit.
Ludus sancti Jacobi, 409, 12. « serveto. » Ce mot, traduit par in-
struction, est probablement une faute de lecture du premier éditeur,
pour sorneto. — 409, 18. « ullia. »Corr. ulho (volo). — 413, 36. «de-
reyre un oatieu. »M. Bartscb traduit ce eatieu parchélif, sans pren-
dre garde que cela ne donne aucun sens raisonnable. Corr. cacieu. Il
s'agit d'une baie. Voy. Mistral sous cassieu.
C. G.
SUR UNE PARTICULARITÉ DE LA DÉCLINAISON
GALLO- ROMANE
(Suite) '
L'article que j'ai publié sous ce titre, dans le dernier numéro de la
Revue*, ne dit rien de quelques exceptions, réelles ou apparentes, au
' P. 4.38, 1. 18-19, il faut lire: > tous les Dom?, à accent mobile ou
non, de la troisième déclinaison latine imparisyllabique. » Parmi les noms
cités deux lignes plus bas, presbyter a été donné par mégarde comme de la
troisième décllDaisou. Le lecteur voudra bien excuser cette double inadver-
tance, qu'il aura déjci corrigée lui-même, et qui est d'ailleurs sans consé-
quence dans le cas présent.
616 VARIETES
principe que j'ai posé; et. comme on me les a amicalement objectées,
il no sera peut-être pas inutile de les examiner rapidement.
1" Tcmpeste, poverte, poeste. Ces mots ne sont point l'ancien cas
sujet de tempcsté, poverté, p)oesté. Ils représentent des mots différents,
à savoir 'tempesta, "pauperta, 'potesla, formes que la latinité vulgaire
avait dû déduire, analogiquement, de tempestas, jmvpertas, potestas, con-
sidérés connue des féminins pluriels de la première déclinaison, de la
même façon qu'elle rattachait ù cette déclinaison, comme singuliers
féminins, les pluriels neutres en a, tels qne folia. De là les mots sy-
nonymes, mais sans dépendance mutuelle, tempeste et tempesté, etc.
2" Cit. ancien synonyme de cité, ne doit pas êti-e dans le même cas.
On s'expliquerait difficilement, en effet, la disparition de Va final de
formes telles que civita-civitas.Le provençal cm renvoie phonétique-
ment h civem. Ce dernier mot (civis) paraît avoir pris dans la latinité
vulgaire (voy. DuC.) le sens de civitas, et il est naturel dès lors
qu'il s'y soit parfois substitué. Mais une autre hypothèse est néces- ^
saire pour expliquer le frauçais cit, à cause du t fiual. Serait-il trop • '{
téméraire d'y voir le résultat d'une fusion des deux mots, devenus
synonymes, civitas et civis (civitem,civ'tein, ciïj.* Quoi qu'il en soit, pas
plus que poverte de poverté, cit ne peut être considéré comme le cas
sujet de citéK Cf. G. Paris, S. -Alexis, p. 114, n.
3° Le provençal sei-p, ser, n'est pas le cas sujet de serpent, c'est
un substantif complet par lui-même. Serpens, devenu .ser2)es^, dut
être traité comme les noms parisjdlabiques de même désinence, tels
que famés, vulpes ; ce qui fut aussi le cas de sanguis et de hères,
comme le prouvent les formes françaises et provençales de ces noms,
qui renvoient à. sanr/uem, herem, etc., et non à sungidnem, heredem,
etc. ^. Ainsi séparés, serpes et serpentem durent naturellement donner
naissance à deux mots indépendants.
4 . Falc, drac. Je ne crois pas que le rapport grammatical que plu-
* Je hasarderai — très-timidement — une atilre coDJeclure. Civita étant
admis au même titre que pauperta, ne pourrait-on pas supposer que ce mot
fut traité comme un nom propre de ville et qu'on dit eivitœ, à la question
uhi, — avec laquelle la question quo dut se confondre, — comme on disait
flowcB ' .' Dans ce cas, ce serait de eivitœ, plus fréquemment employé que
civita, que notre cit aurait régulièrement pris nais.sance. Cf. Aix ^ Aquis,
non Aquas. Rappelons, à l'appui de cette hypothèse, l'usage roman d'incor-
porer la préposition à aux noms de localités, usage sur lequel voy. la lieuue,
XV[I, 277.
' Cf. in fana, enfas ; mensis, mes; etc.
8 Cf. encore, en provençal, pecs — pec, qui renvoie kpecus — pecuni.
* Ne 'it-o : p s encore- ai jounVhui coiitimullemcnt «Je vais à la ville », « Il est à
la ville », etc , la ville voisine dont il s'agit étant ainsi suffisamiicnt désignée?
VARIETES (517
siciirs établissent entre fale et fa U'on, drac et draijun, ait réellement
existé. Falc et rZmc étaient consiilérés comme des mots différents de
falcon et de dragon, et cela dès la basse latinité elle-même, comme
le prouvent les formes /«/(•«.•< et dracus qu'on trouve dans Du Cange.
On peut croire que fidco, draco, par suite d'une confusion analogue
à celle qui transformait /«//(f en féminin HmgnWer , paupertas en ac-
cusatif pluriel, furent considérés comme des formes de cas régime
de la deuxième déclinaison, ce qui en fît naturellement déduire les
nominatifs singuliers cités tout à l'heure. De là, d'une part, dracus —
dractim, falcus—falcum ; de l'autre, draconls — draconem, falconis —
falconem, et, par suite, les doublets provençaux et français dracs et
dragons , f aies etfalcons.
5. Eslrace, préface, dédicace, sont des mots savants. — Confesse,
suspense, défense, offense, sont des participes passés suhstantivés, comme
course et tant d'autres. Ils n'ont donc rien à voir avec confessio, de-
fensio, et les autres subst, latins qu'ils paraissent continuer.
Je terminerai cette note par un essai d'explication d'un mot difficile,
le provençal prenhs. Ce mot est le latin praegnans ; mais il n'en pro-
vient pas directement, non plus que le mot français correspondant
pra'ins. En eiïet, non-seulement l'a latin a disparu complètement,
mais encore la déclinaison est devenue parisyllabique {prenhs— prenh,
et non prénhas — prenhant) . On est ainsi amené à supposer, dans le
mot latin, une substitution analogique de ens à ans, peut-être sous
l'influence de g'tgno, progigno. Praegnans devenu ^^raer/nens^ et perdant
son n, selon la règle générale, aura été traité comme j'ai supposé ci-
dessus que l'a été ser/^ens, c'est-à-dire décliné praegnes-praegnem : (Voù
normalement le prenhs — prenh qui nous occupe'.
ce.
P. -S. — En envoyant à l'imprimerie la note dont celle-ci est le
complément, je ne me flattais point de publier une nouveauté, car
l'explication que j'y propose du phénomène étudié me paraissait trop
simple et trop naturelle pour que je pusse raisonnablement me fi-
gurer avoir été le seul à la trouver ; mais je croyais bien être le pre-
mier à la publier. Et ce qui me le faisait croire, c'était l'absence de
i U y a dans Du Cange un prœgnus, pro prœgnans, avec ce seul exemple
tiré de la Lex Alamannorwii : « prœgnum jiimentuni. » Mais le féminin de
cet adjectif ne pourrait être que prœgna, el ne saurait dès lors donner que
prenha. Ce n'est donc pas l'origine de noire prenlis; m&\?, son existence
même favorise notre liypollièse. Puisque à prœgnans on a pu substituer
prœgnum, à plus forte raison et plus facilement pouvait-on y substituer
prœgnes .
6J8 PERIODIQUES
toiito iuilicatiou analogue, non-soulciucut dans la commnnication de
M. Michel Bréal, qui a été Tocoasion de mon article, ou du moins
dans le compte rendu que j'en ai lu ', mais encore dans les ouvrages,
les plus récemment parus, où la qviestion de la déclinaison française
est traitée : la Grammaire do M. Clédat et celle de M. Bnuiot, la Clircs-
tomathie de MM. Bartsch et Horning, l'édition partielle du Koland et
de Joinville par M. Gaston Paris. Mais un excellent confrère et collè-
gue, M. P. A. Geijer, professeur à l'Université d'Upsal, que nous avons
la bonne fortune de posséder en ce moment à Montpellier, a bien
voulu m'avertirque j'avais été prévenu par M. Gaston Paris lui-même,
et il m'a montré l'endroit {Romunia, XI, 621) où le maître de nos
études a, en effet, il y a cinq ans, exposé en quelques mots, mais très-
explicitement, le principe et la substance de ce que j'ai développé
dans mon article ^. Ces quelques mots font partie d'un compte rendu
de la Zeits^chrift, que j'ai eu, dans le temps, le tort de ne pas lire et
que j'ai aujourd'hui le regret d'avoir connu trop tard.
C. C.
PÉRIODIQUES
Zeitschrift fur romaDische Philologie, X, 4. — P. 485. P.
Yœlker. Développement des sens du mot roman (substantif). Ce mot a
d'abord désigné les langues sorties du latin, par opposition au latin,
puis un ouvrage en langue vulgaire. Ce sens général, qu'a Je mot en
provençal, se précise en français, où il s'y joint la signification spé-
ciale de « récit. » Bientôt il désigne exclusivement un récit, soit en
vers, soit en prose, non destiné à être chanté. Ce n'est qu'à partir de
la fin du X\'® siècle que le mot est employé exclusivement pour dé-
signer un récit en prose ; et comme à partir du XIII* siècle, et sur-
^ Revue critique, 1887, no 41, p. 254.
* M. Gaston Paris menlionne queux [coquus) parmi les noms qui ont
gardé dans le français moderne la forme du cas sujet, c'est-à-dire du vocatif,
de l'ancienne langue; et peut-être, en effet, vaut-il mieux expliquer ainsi cette
forme que comme je l'ai fait (ci-dessus, p. 446), surtout si l'on assimile, avec
Littré, queux à queux. Cf. dans A. Boucherie, Cinq Formules rythmées et
assonnancées, pp. 22, 37, un passage qui favorise singulièrement l'Iiypo-
tlièse de l'identilé de ces deux mots. — Aux jQoms que j'ai cités p. 438, et
à ceux que menlionne M. Paris, on peut aiouioT Hutjue, sartre (eu prov.),
et suirc {■<uioi-), qui est resté comme nom propre, à côté de sueur (Le S).
PERIODIQUES 619
tout 'à partir du XIV'', ces récits tendaient de plus en plus à n'être
que de pures fictions, ce sens exclusif se fixa exclusi veinent au siècle
suivant. Le mot, d'abord pris absolument, désigna les romans de
chevalerie ; puis, on y ajoutant un déterminatif indiquant le sujet, il
désigna d'autres fictions. L'amour prit peu à peu une imjjortance d(j-
minante dans ce genre de littérature, ce qui amena une dernière modi-
fication dans le sens du mot.— P. 52G. A. Stimming. Emploi du gé-
rondif et du participe présent en ancien français. Etude pénétrante
d'une question des plus intéressantes. L'auteur ne croit pas, et il
nous semble avoir raison contre i\I. Tobler (voy. Zeitschrift, II, 557,
eqq.), que ainz le soleil cochant soit analogue à ainz le soleil cochié, et
que, dans le premier cas, le substantif dépende de la préposition et
ait pour attribut le gérondif; il fait dépendre le gérondif de la pré-
position, et voit dans le substantif le sujet de ce gérondif à l'accusa-
tif. Pour le prouver, il passe en l'evue les divers emplois du gérondif
et du participe présent en ancien français. Nous sommes surpris que
M. St. n'ait pas connu la thèse de M. Aubert, de Usu participiorum
prœsentis in sermone gallico, qui, quoique soutenue àAix, a dû être
envoyée officiellement aux universitésallemandcs. — P. 554, U. Mar-
chesini. Sur un manuscrit peu connu d'anciennes poésies italiennes (écrit
en italien) .
MÉLANGES. I. Exégèse. — P. 507. 1. A. Feist. Tentative d'expli-
cation du vers obscur de la Divine Comédie (Inf., I, 63) : Chi per
longo silenzio parea jioco. — 2. J. Ulrich. «Çyr Ze Fragment d'Alexan-
dre. M. U. propose de lire, au v. 75, au lieu de del soiyentieyr, del
son tertieyr. — II. Onomatologie. 1. — P. 568. M. Buck. Le nom
de lieu roman tubus, tufus, tovo et ses dérivés. Il s'agit de noms de
lieu du ïyrol italien et du nord de l'Italie. — P. 571. 2. M. Buck.
Noms de lieu rélo-romans en -itium, -itia. — III, Étvjiologies. —
P. 573. A. Tobler. Fr. /«î«e, de 'faglna, refait sur faguajîr. moire,
pour marmoire, étoffe marbrée; amadouer (cf. pic. amidouler) de
ami doux; amadou viendrait du verbe et signifierait « ce avec quoi
on cajole, on attise le feu » (peu vraisemblable; voy. G. Paris, ^om.,
XVI, 157-8); ital. rovello, «colère», ne vient pas de rubellum, mais
de rebellare ^excellent).
Comptes rendus. — P. 580. ]\I. Trautmann. Die Sp)rachlaute im
allgemeinen und die Laute des Englischen, Franzœsischen uncl Deuts-
chen im hesonderen (Gartner). — P. 5.S5. A. d'Ancona et D. Compa-
retti. Le Antiche Rime volgari, IV (Gaspary). Cette utile publication
du grand Chansonnier du Vatican sera terminée avec le volume sui-
vant ; celui-ci comprend la première partie des sonnets. — P, ,501.
C. Chabaneau, Les Biographies des troubadours, etc . Extrait du t. X
610 NlîiCROLOGlE
de VTTistoh'C générale du Languedoc (Schultz ; très-favorable). —
P. 5%. Th. von Grionheri^er. Ucher ronuiDische OrtAnnmen in Sah-
Z»«r;; (Buck). — P. 507. II. Schucliaixlt. Romanisches imd Keltisches
(Grœber). — ^.599. Archivio glotfologico italiano, IX, 2 (W.Meyer).
— P. 604. Giornale sforico délia letteratura italiana (Gaspary). —
P. 611, Rei'ue des languesi romanes, XXIX (Lévj-). — P. 613. Arcliiv
fiir das Stud'mm der neueren Sprachen, LXXV-VI (Schwan). — P. 616.
Index.
[ Le grand intérêt de l'article de M. Pakschcr, publié dans le pré-
cédent numéro de la Zeitschrift *, intérêt confirmé sur ce point par
celui de ^I. de Lollis, est qu'il démontre que le libre slegato de Giam-
maria Barbieri, dont M. Mussafia avait déjà reconnu l'identité ou la
quasi-idontité avec le ms. H, n'est pas en eiïet différent de ce dernier.
Si plusieurs passages rapportés ou mentionnés par Barbieri y man-
quent aujourd'hui, c'est parce que ce ms. a, dans l'intervalle, perdu
plusieurs de ses feuillets ; mais d'autres s'y retrouvent, par exemple
la glose concernant Bertran de Born et Arnaut Daniel. Il résulte de
l'article de M. de Lollis que l'édition donnée par M. Pakscher des glo-
ses marginales du ms. H, si gratuitement par lui attribuées à Dante,
outre qu'elle est incomplète, est déplorablement incon-ecte. On ne de-
vra pas la lire sans avoir sous les yeux les corrections de notre col-
laborateur. Plusieurs de ces gloses ont de l'importance, et pour la
lexicologie provençale en général, et pour l'interprétation d'Arnaut
Daniel en particulier. J'y reviendrai peut-être une autre fois. Pour
aujourd'hui je me bornerai à en signaler deux : N° 13. « (retomba)
augasta (?) » Corr. angasta, oji^ri^esto .«^^ La forme masculine engri/es^,
que j'ai cru retrouver dans un vers de la cantilène marseillaise sur
sainte Madeleine [Revue, XXVII, 262-3) s'y rattacherait naturelle-
ment. — N° 46. « (Bortz) campis. «C'est le mot champi, que tout le
monde connaît bien, grâce à George Sand. Il est encore fort usité
dans l'ouest, en langue d'oc, comme en langue d'oui, et au féminin
(iine champise) comme au masculin. — C. C]
NECROLOGIE
CHARLES COSTE
La Société pour l'étude des langues romanes, qui a éprouvé en peu
de temps de douloureuses pertes parmi ses membres les plus sym-
1 Cf. ci-dessus, p. 459,
NECROLOGIE 6Î1
pathiqnes. vient encore aujoiird'liui, apn's Mclcliior Bartliès, Tli. Aii-
banel, Henri Delpech, Louis Bazilli', le professeur Estor. rmdre un
dernier hommage i l'un de ses plus dévoués collègues.
Le docteur Charles Coste faisait partie de notre Société depuis les
premières années de sa fondation ; il faisait de la poésie à ses mo-
ments perdus, c'est-à-dire pendant ses longues courses ù travers la
plaine de l'Hérault, où il était appelé de tous les points par les ma-
lades confiants dans sa haute expérience et son dévouement sans
bornes.
C'est ainsi qu'il composa, ou plutôt qu'il improvisa les charmantes
pièces dont se compose le recueil « Una rouéis dai vilarje », toutes
remaniuables par l'esprit et le bon sens. Le langage en est toujoiu-s
simple et naturel ; ennemi des néologismes, il n'employa jamais li'au-
tre langage que celui qu'il parlait depuis son enfance, et que son
contact quotidien avec les villageois lui avait fait connaître dans toute
son originale simplicité.
Sa modestie, vraiment trop grande, ne voulut jamais consentir à re-
cevoir les éloges, pourtant sincères et désintéressés des amis auxquels
il lisait ses pièces à mesure qu'il les écrivait. 11 fallut presque lui
faire violence pour le décider à les faire imprimer ; ce ne fut que sur
les instances cent fois répétées de ses amis et de sa famille qu'il y
consentit. Il en fut fait une brochure de 52 pages dont l'édition en-
tière, tirée seulement à cent exemplaires, fut partagée entre les amis
e^la famille de l'auteur*.
Mais ce chiffre de cent était bien inférieur à celui des amis que Coste,
par la noblesse de son caractère et ses éminentes qualités, avait su
s'attirer. Aux réunions de la Société de i^i'évoyancedes médecins de l'Hé-
rault, qui se tiennent chaque année à Montpellier, il avait coutume de
dire chaque fois une de ses poésies; plusieurs furent spécialement écri-
tes à cette occasion, et c'était l'un des attraits de ces réunions, lorsque
sa voix sympathique se faisait entendre pour rappeler en un harmo-
nieux langage les difficultés, les peines et les labeurs de la vie du mé-
decin .
Il dut encore une fois céder devant le désir unanime de ses collè-
gues, c'est dire autant d'amis, et la Société décida de faire pour elle-
même une deuxième édition, dont tous les membres voulurent pos-
séder im exemplaire * .
Mais, malheureusement, le recueil ne fut pas encore cette fois mis
en librairie, ce qui fait que, malgré deux éditions successives, le pu-
blic n'a pu connaître et apprécier cette œuvre fine et spirituelle. C'est
là un de nos regrets, et nous croyons devoir l'exprimer respectueuse-
ment à la famille de notre regretté confrère '' .
L'hommage public rendu à la mémoire de cet homme de bien par
la foule de ses concitoyens, venus de toutes les villes et villages
1 Una voués dai vilage, pouésias lengadoucianas, per Cii. Coste. Mount-
pelié, J. Martel, mdccclxxvii. in-S".
2 Una voués dai vilar/e, 2eéd., publiée sous les auspices de l'Association
de prévoyance et de secours mutuels des médecins de l'Hérault. Montpellier,
Hamelin frères, mdccclxxix, in-S".
^ L'abondance des matières nous oblige à renvoyer à notre prochain fas-
cicule la publication de l'une des plus intéressantes pièces du recueil, que la
famille a bien voulu nous autoriser à reproduire.
40
6Î-2 CHRONIQUE
voisins pour l'accompagner à sa demeure dernière, formant autour de
son cercueil un cortège ému et silencieux que l'on ne peut évaluer à
moins de trois mille personnes, où l'on remarquait deux des plus émi-
uents professeurs de l'Ecole de médecine de Montpellier et tous les
^médecins des localités environnantes; cette manifestation spontanée
de la population entière de la plaine do l'Hérault, en témoignant à
ses enfants combien étaient vives et profondes les sympathies que
leur père avait su conquérir dans le cours de sa laborieuse carrière, les
décideront peut-être à se rendre au vœu que nous leur exprimons au-
jourd'hui, au nom de tous ceux qui ont en, comme moi, le bonheur de
compter pour une petite part dans ses affections.
L. Lambert,
CHRONIQUE
Sous le titre de Deux Manuscrits i^rovençaux du XIV^ siècle, conte-
nant des jyoésies deRaimon de Coniet, dePeire deLadils et d'autres poè-
tes de l'école toulousaine, publiés intéfjralenient jJour la première fois
parle doctnir J.-B. Noulet et Camille Chabaneau, la Société des lan-
gues romanes va mettre en vente ' la treizième de ses publications
spéciales. Ces deux mss., qui appartiennent à l'Académie des Jejux
floraux, sont ceux dont le vénéré doyen de nos études a extrait, (les
1849, pour son recueil si précieux et si recherché des Joyas del (jay
saber, les pièces imprimées aux pag. 3, 7, 2.5, 246, et qui lui ont
fourni depuis la matière de trois autres publications, trop peu con-
nues des provençalistes^. dont les titres sont rappelés dans l'intro-
duction du volume que nous annonçons. Ce volume comprend, outre
les soixante-quatre pièces, — quelques-unes malheureusement fort mu-
tilées^,— que renferment les deux mss. de l'Académie toulousaine -et
dont cinquante et une sont l'œuvre de Raimon de Cornet, le Doctrinal
de trohar, du même poëte, accompagné de la glose de Joan de Castel-
nou, d'après le seul ms. qui en subsiste aujourd'hui et qui appartient
à la bibliothèque nationale de Madrid. Une ample introduction, des
notes, un glossaire et deux index, complètent cette publication, qui
sera, nous l'espérons, bien accueillie de nos confi'ères et du public.
1 A Montpellier, au bureau des publications de la Société, et à Paris, chez
Maisonneuve el Charles Leclerc;prix: 12 fr.; sur papier de Hollande: 22 (t.
2 M. Bartsch lui-même, à son grand dommage, les a ignorées. Elles lui au-
raient fourni le moyen de combler une des lacunes les plus fâcheuses de son
Grundriss .
3 Le chansonnier de M. Oil y Gil de Sarragosse, — sur lequel voyez la
Hevue,X. 225, — aurait permis de combler plusieurs lacunes de ceu.^ de Tou-
louse et de les compléter; mais les éditeurs n'ont pu réussir dans les démar-
ches qu'ils ont faites en vue d'obtenir une copie des pièces qui composent
]fi partie « toulousaine » de ce chansonnier.
TABLE DES MATIERES
DU TOME PREMIKK DE LA QUATRIÈME SERIE
(XXXI* DE LA collection)
• Pages.
Sainte Marie-Madeleine dans la littérature provençale (suite]
(C. Chabaneau). 5
Grammaire gasconne et françoise (de Gratelodp). 15
Note sur deux mss. des Fils Aymon (F. Castets). 49
Documents sur la langue catalane des anciens comtés de Rous-
sillon et de Cerdagne (suite) (P. Vidal). 59
Dins li hosc (A. Chassary). 79
Dos Pouesio (L. Roumiedx). 86
Vers attribués à l'esprit malin, avec commentaire (F. CastETs). 100
Gramecis ; — Rire et Plour (Dcnnadieu). 1 19
La Foumarino (A. FoORÊs). 126
^ 5es<i«8 (P. Fesquet. ) 128
Sonnets amistadouses (P. Chassary). 131
Vie de S. George (C. Chabaneau). 139
Poésies religieuses, françaises et provençales, du ms. extrav.
268 de la bibl. de Wolfenbiittel (;E. Levy). 173, 420
Ballata alla Vergine di Giacomo II d'Aragona (C. de Lollis). 289
Notes de philologie rouergate (suite) (J.P. Durand). 296
Le Mystère de saint Pons (P. Guillaume). 317, 461
Contes populaires du Languedoc (suite) (L. Lambert). 554
VARIÉTÉS
Bolhi, Boye. — Charat, Charot. — Maigna, Meyna (Puitspelu). 156
Etinaiudhaer dans les Serments de Strasbourg (L. Clêdat). 158
Emhaisso, embaissos ( D"" Mazel). 309
Grolhi, graula, en lyonnais (PuiTSPELU). 311
Français gratons cretons ; lyonnais gratons griatons (Puits-
pelu) . 435
Sur une particularité de la déclinaison gallo-romane (C. Cha-
baneau). 437, 615
Doniinus et senior au féminin, en provençal (C. Chabaneau). 444
6M TABLE DES MATIÈRES
Pages.
Sur quelques formes du français moderne qu'on rapporte à
l'ancien cas sujet (C. Chabaneau). 445
Inscriptions languedociennes contemporaines recueillies à Mont-
pellier (D"" A. Espagne). 505
Notes sur divers textes : I. Bertran de Born ; II. Chrestoma-
thieprov. de M. Bartsch). 603
NÉCROLOGIE
Henri Delpech (A. GlaizeJ. 312
Charles Coste (L. Lambert). 620
BIBLIOGRAPHIE
Die Aussprache des latein, von E. Seelman(J. Brenous). 90
Précis de grammaire historique de la langue française, par
F. Brunot (E. RiGAL). 93
Synonymie provençale des champignons de Vaucluse, par J.
Régis (A. Espagne). 96
La Vie des Mots, par Arsène Darmesteter (F. Castets). 160
Altfranzoesische Bibliothek, t. VII, IX, X et XI (C. Chaba-
neau) . 447
PÉRIODIQUES
Eomania (F. Castets). 168
Zeitschrift fiir rom. philologie (L. Constans). 457, 018
Chronique. 104, 170, 315, 459, 622
Errata. 460
Table des matières. 623
Le Gérant responsable : Ernest Hamelin.
Montpellier, Imprimerie centrale du Midi. — Haraelia Frères.
:^^-
r^J
PC
2
t. 31
Revue des langues romanes
PLEASE DO NOT REMOVE
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