Skip to main content

Full text of "Revue des langues romanes"

See other formats


r-<.\    ',    . 


^  \ 


/ 


wÊÊÊ^^Sk 

r^i    -^ 

"^~r^.' 


^,.^\ 


im. 


'  \^:'- 
-"-<.. 


^ 


REVUE 


DES 


LANGUES  ROMANES 


MONTPELLIER.  —  IMPRIMERIE  CENTRALE  DU  MIDI  (HANELIN  FRÈRES). 


\^ 


REVUR 


DES 


LANGUES  ROMANES 

PUBLIÉE 

PAR   LA   SOCIÉTÉ 

POUR  L'ÉTUDE  DES  LANGUES  IIOMANES 


Quatrième    Série 


TOME    PREMIER 


TOME   XXXI    DE    LA    COLLECTION 


MONTPELLIER 

AU  BUREAU  DES   PUBLICATIONS 

DE  LA   SOCIÉTÉ 
TOOB  L'âTDDK  DBS    LAMOaitS   ROMANES 

Rne  St-Quilhem,  n"  17 


PARIS 

Maisonneuve  et  Ch.  Leclerc 

LIDnAiniCS-ÉDlTEURS 

2ô.  QUAI  VOLTAIRE,  25 


M    DCCC  LXXXVK 


z 


<rP^1 


^ 


REVUE 


DES 


LANGUES   ROMANES 


SAINTE  MARIE   MADELEINE 


DANS  LA  LITTERATURE  PROVENÇALE 


(Suite  et  fin) 


APPENDICE.  —  III 

Voici,  maintenant,  pour  terminer  cet  appendice  et  la  présente  publi- 
cation, les  notes  bibliographiques  que  j'ai  annoncées  en  commençant. 
Je  ne  me  dissimule  pas  qu'il  y  a  tout  lieu  de  craindre  qu'elles  ne  soient, 
malgré  mes  recherches  et  le  secours  que  d'obligeants  amis  m'ont  prêté, 
fort  incomplètes.  Je  serai  reconnaissant  à  ceux  de  mes  lecteurs  qui 
voudront  bien  me  signaler  les  lacunes  qu'ils  y  auront  remarquées. 

I.  —  PIÈCES  SUR  SAINTE  MADELEINE,  COMPOSÉES   EN   PROVENÇAL  DEPUIS 
LE    COMMENCEMENT   DU    XVII^^    SIÈCLE    JUSQU'a  NOS  JOURS 

1.  Odo  a  riiounou  de  santo  Madaleno  contro  aqueou  que  nego  sa 
penilenci  a  la  Santo  Baumo,  per  lou  pero  J.D.T.  Aix,  David,  1644, 
in-12. 

J'ai  trouvé  la  mention  de  cet  ouvrage,  que  je  n'ai  pu  voir,  dans  le 
recueil  ms.  de  l'abbé  Dubreuil  (Bibl.  Méjanes,  no  371},  t.  II,  p.  443'. 

2.  Louis  Puech,  auteur  du  fameux  noël  àes  Bohémiens .  —  La  Mag- 
deleine  dans  le  désert,  poëme  qui  n'a,  paraît-il,  jamais  été  imprimé. 

*  C'est  le  même  que  M.  Gaut  signale  dans  son  Étude  sw  la  littéi'ature 
provençale  [Mémoires  de  l' Académie  d' Aix ,  IX,  278). 

TOME  I  DE  LA   QUATRIÈME  SÉRIE.   —    JaNVIER-FÉVRIER  1887.  1 


6  SAINTE  MARIE  MADELEINE 

Je  ne  le  connais  que  par  la  mention  qu'en  fait  le  P.  Bougerel  dans 
son  Parnasse  ■provençal,  et  de  laquelle  il  semble  résulter  que  ce 
poëme  était  bien,  comme  je  le  suppose,  en  provençal  *. 

3.  Le  P.  Amilha.  Les  Pions  e  Souspirs  de  santo  Maddaleno.  Neuf 
couplets  de  six  vers  de  huit  syllabes  [a  a\>  c  cb). 

Dans  le  Tahleu  de  la  hido  del  parfet  creslia,  p.  133  del'édit.  de 
1703.  La  première  est  de  1673. 

4.  Jean-Baptiste  d'Isnard,  chanoine  de  Salon.  Pour  la  feste  de 
sainte  Marie  Magdelaine.  Cinq  stances  de  4  vers  octosyllabiques, 
imitées  de  l'hymne  Pater  superni  luminis. 

Cette  pièce  fait  partie  des  Cantiques  provençaux,  où  les  psaumes, 
les  hymnes  et  les  cantiques  de  l'Eglise,  sont  exposés  d'une  manière 
proportionnée  à  l'intelligence  des  plus  simples,  p.  109  de  ledit,  de 
1709.  La  première,  paraît-il,  est  de  1695. 

5.  Traduction  provençale  de  l'hymne  Victimœ  paschali  laudes,  en 
8  stances  de  4  vers   octosyllabiques.  Voir  les  st.  3-6. 

P.  171  des  Cantiques  spirituels,  par  H.  H.,  curé  d'Orgon,  1749. 

6.  Cantiquou  per  la  festou  de  Pas  que  7  stances  de  7  vers.  Voir 
les  st.  3-6. 

P.  98  du.  Recueil  nouveau  de  prières  et  cantiques  provençaux, 
par  un  curé  de  Provence,  1785. 

7.  L'abbé  Nérie,  curé  d'Alzonne.  —  Cantique  pour  le  jour  de 
Sainte  Magdelaine .  Dix-huit  stances  de  quatre  vers . 

Dans  le  Recueil  de  divers  chants  d'église  en  vers  patois,  par 
M.  Nérie,  curé  d'Alzonne,  dédié  à  Monseigneur  l'évèque  de  Carcas- 
sonne,  pp.  76-79  de  la  3e  édition  (1822). 

8.  Deux  hymnes  pour  la  fête  de  sainte  Marie  Madeleine  :  1 .  Hymne 
de  las  I"^  bespros (Procul  maligni,  etc.); —  2,  Hymne  de  las  11"^  bes- 
pros  (Maria,  sacro,  etc.). 

P.  123-125  du  Recueil  contenant  les  proses  et  hymnes  des  heures 

de  Carcassonne,  en  vers  patois,  avec  les  mêmes  airs  du  latin, 

par  un  ecclésiastique  du  diocèse  de  Carcassonne.  Carcassonne,  sans 
date  (vers  1820?). 

9.  J .  Roumanille.  —  Roumavage  a  la  Santo-Baumo.  Juillet  1860. 
P.  111  de  lis  Oubreto  en  proso  de  Roumanille.  Cf.  Armana  prou- 

vençau,  1861,  p.  67. 

<  Est-ce  du  même  ouvrage  ou  d'un  autre  qu"entend  parler  M.  Gaut  dans 
ce  passage  de  son  étude  déjà  citée  (p.  279):  «  Parmi  les  productions  pieuses 
ou  religieuses  en  langue  provençale,  nous  mentionnerons...  en  1669,  Poëme 
de  sainte  Marie  Madeleine  en  vers  provençaux  »  ? 


SAINTE  MARIE  MADELEINE  7 

10.  J.  Roumanille. — Santo  Maclaleno,  cantico  de  la  Santo-Bmimo, 
1861. 

P.  321  de  lis  Oubreto  en  vers  de  Roumanille.  Cf.  Armana prou- 
vençau,  1862,  p.  55. 

11.  Hamelet  de  la  Santo-Baumo,  cantico  prouvençau  a  l'ounour 
de  santo  Madeleno.  Avignon,  Aubanel  frères. 

Plaquette  qui  contient,  avec  le  Cantico  de  la  Santo-Baunio  de 
Roumanille  et  deux  cantiques  français,  huit  pièces  provençales  ano- 
nymes [par  l'abbé  Bresson,  d'après  M.  Robert  Reboul],  dont  voici  les 
titres  :  I.  Santo  Madaleno  ;  11.  la  Pecairis  ;  III.  louVas  d' alab  astre  ; 
IV.  loti  Noli  me  tangere ;  V.  la  Santo-Baumo  ;  VI .  lou  Sant  Pieloun; 
VII.  lou  Sant  Trespas;Y\\\.  lou  Pèlerinage. 

12.  L'Embarcamen  di  Santo;  lou  Desbarcamèn  di  Santo.  (Ex- 
trait du  Ramelet  ^ .  ) 

P.  13-14  de  le  Ramelet  du  Pèlerin  des  Saintes  Maries,  grand  re- 
cueil de  cantiques. . .  en  l'honneur  des  saintes  Maries  Jacobé  et  Sa- 
lomé  et  de  sainte  Sara.  Avignon,  Aubanel  frères. 

Les  mêmes  pièces,  avec  la  même  mention  «Extrait  du  Ramelet-», 
se  lisent  pp.  79-80  des  Yies  des  saintes  Marie  Jacobé  et  Marie  Sa- 
lomé Impr.  centrale  du  Midi,  1879. 

13.  La  Madeleine  ou  le  Pèlerinage  à  la  Sainte-Baume,  poëme 
légendaire  [en  français],  par  Louis  Pelabon,  de  Toulon,  suivi  des 
cantiques  populaires  de  la  Provence,  en  l'honneur  de  cette  sainte. 
Toulon,  1869. 

Les  cantiques  populaires  annoncés  sous  ce  titre  sont:  l'^la,  Canti- 
nella  marseillaise,  qu'on  a  lue  ci-dessus  (texte  de  Bory);  2°-3*'  les 
deux  chants  publiés  par  Damase  Arbaud  et  que  j'ai  plus  haut  men- 
tionnés; 4°  un  autre  cantique  «  sur  le  même  sujet  »,  c'est-à-dire  sur 
la  conversion  de  Madeleine,  en  12  couplets  de  6  vers  de  7  syllabes, 
qui  paraît  une  composition  toute  moderne,  et  que  je  n'ai  pas  vu  im- 
primé ailleurs;  5"  dix  vers  alexandrins,  d'un  tour  et  d'une  langue 
aussi  peu  populaires  que  possible,  et  qui  sont  pourtant  précédés  de 
cette  rubrique  :  <c  La  foule  provençale,  après  avoir  chanté  devant  la 
statue  de  la  Madeleine  [à  la  Sainte-Baume]  maints  couplets  de  ces  can- 
tiques populaires,  adresse  à  la  sainte  et  ilans  le  même  langage  les 
paroles  suivantes.  » 

14.  Félix  Gras.  — LaRoumanço  de  Madaleno  [Avignon,  1883]. 
Charmante  plaquette  et  ravissante  poésie,  où  le  ton,  sinon  tout  à  fait 
l'esprit,  de  la  poésie  populaire,  est  imité  avec  un  art  exquis. 

*  Quel  Ramelet  ?  Ces  pièces  ne  soat  pas  dans  \e  Ratuelef  de  la  Santo- 
Baumo,  qui  précède. 


8  SAINTE  MARIE  MADELEINE 

15.  L'abbé  Auguste  Bongarçon.  —  A  santo  Madaleno  de  la  ca- 
pello  dei  minime  a  Mano,  sur  l'air  Beu  Souleu.  Cantique  publié  dans 
la  Semaine  religieuse  du  diocèse  de  Digne,  juillet  1886;  puis  à  For- 
calquier,  Bruneau,  1886,  in-S». 

16.  G.  du  Caire  (Gonzague  de  Rey).  —  Santo  crous,  roumavage  i 
sant  lia  deProuvenço.  Marseille.  (Sous  presse.) 

Ce  poëme  contient  sur  sainte  Madeleine  seize  strophes  de  six 
vers . 

17.  On  me  reprocherait,  à  juste  titre,  de  ne  pas  comprendre  dans 
cette  nomenclature  le  chant  xi  de  Mireio,  où  la  légende  de  l'intro- 
duction du  christianisme  en  Provence  a  été  mise  pour  la  première 
fois  en  vers  dignes  du  sujet,  et  dont  4  stances  (p.  454-6)  sont  spé- 
cialement consacrées  à  sainte  Madeleine. 

II. —   PIÈCES   CATALANES    SUR    SAINTE    MADELEINE 

1.  Un  sermon  anonyme  sur  sainte  Madeleine.  XV"  siècle.  Ms.  b  34 
de  la  bibliothèque  de  Marseille,  f"  165.  Publié,  sauf  le  début,  par 
M.Victor  Lieutaud,  dans  le  Gai  Saher  (11  juin  1879). 

2.  Autre  sermon  sur  sainte  Madeleine.  XV^  siècle.  Même  ms.,f°  245. 
M.  Lieutaud  en  a  pubUé  un  fragment,  ibid.,  1er  juillet  1880. 

3.  Danza  ou  Goig  de  Santa  Magdalena.  Ouvrage  anonyme  du 
XVe  siècle,  cité  par  Milâ  y  Fontanals,  Resenya  dels  antichs  poetas 
catalans^  p.  177*. 

4.  Père  Miquel  Carbonell. —  Deux  pièces  lyriques,  datées,  l'une  ^  de 
1454,  l'autre^  de  1474,  dont  voici  les  rubriques: 

a.  Aquesta  es  la  primera  obraqueyo  Père  Miquel  Carbonell, notari 
publich  de  Barcelona  he  fêta  ans  que  fos  notari,  ço  es  en  lo  quart  dig- 
menga  de  Coresma  quecumptavem  xxx  de  marc  del  anymil  cccc  liiii, 
per  honorde  unajoya  de  sanla  Maria  Magdalena,  que  lo  discret  mos- 
sen  Montserrat  Torres  prevere  posa  dins  la  Esglesia  de  San  Just 
de  la  dita  ciutat.  E  jatsia  aquesta  obra  no  sia  axi  be  composta  e 
polida  com  yo  volria  ara  que  so  en  edat  de  Lxxx  anys,  empero  per 

1  C'est  probablement  la  même  pièce  que  mentionne,  sous  le  titre  de  Coblas 
a  Sta  Maria  Magdalena,  Amador  de  los  Rios,  dans  sa  description  du  chan- 
sonnier catalan  de  Sarragosse.  [Historia  criticade  .la  literatura  espanola, 
VI,  572.) 

2  Huit  couplets  de  treize  vers,  plus  une  tornada  et  une  endres&a  de  sept 
vers  chacune. 

^  Sept  couplets  de  huit  vers  et  deux  tornades  de  quatre. 


SAINTE  MARIE  MADELEINE  9 

esser  la  primera  e  fêta  en  la  florida  edat  no  la  vull  abilitar  sino  ques 
stiga  ut  jacet. 

Obra  brocada  de  la  gloriosa  Magdalena  parlant  de  penitcucia,  en 
honor  de  laquai  fon  posada  la  dita  joya  en  la  Elsglesiade  Sanct  Just 
de  Barcelona  .per  mossen  Montserrat  Torres  prevere  e  per  mi  en  la 
trôna  de  la  dita  esglesia  expandida. 

h.  Diva>Maria3  Magdalenre  orationom  tum  latino'  tum  vulgari  ser- 
mone  lythmisque  confectam  Petrus  Michael  Carboncllus  Barcino- 
nensis  edidit,  canicula  régnante  anno  Christi  mcccclxxiiii  ^ . 

5,Monserrat  Torres. — Dança  fêta  per  lo  discret  mossen  Montser- 
rat Torres  prevere  en  laor  e  honor  de  la  gloriosa  sancta  Maria 
Magdalena. 

Poésie  conservée  avec  quelques  autres  du  même  auteur  dans  les 
Adversariaàe  Miquel  Carbonell  et  publiée  par  l'éditeur  des  Opuscu- 
los  ineditos  de  ce  dernier,  don  Manuel  de  Bofarull. 

6.  Jaume  Gazull. — La  Vida  de  santa  Magdalena,  en  cables.  Expli- 
cit  :  «  A  lahor  y  gloria  de  nostre  Senyor  Deu  y  de  la  gloriosa  inte- 
merada  mare  sua  fon  fêta  la  présent  obra  per  lo  magnifich  mossen 
Gazull,  cavalier,  l'any  mil  quatre  cents  noranta  e  sis,  la  quai  a  fet 
estampar  frare  Gabriel  Pollicer,  ermitâ  de  la  ermita  de  la  bencven- 
turada  santa  Maria  Magdalena  de  Mocoro,  la  quai  esta  en  la  baronia 
d'Entença.  en  lo  terme  de  la  vila  de  Mora  de  Ebro,  del  molt  ilustre 
duch  de  Cardona.  Estampada  en  la  insigne  ciutat  de  Valencia  per 
Joan  Jofré,  acabada  a  xv  de  mars  any  m.  d.  e  cinch.  (Rafaël  Ferrer  y 
Bigné,  Estudio  histàrico  critico  sobre  los  poetas  valencianos  de 
los  siglos  XII 1,  XIV  y  XV,  p.  44).  Cf.  Grassse,  t.  V,  p.  189.  Sur 
l'auteur,  voy.  Ximeno,  Escritores  del  reyno  de  Valencia,  I,  59,  et 
Fuster,  Biblioteca  Valenciana,  I,  37,  qui  ne  mentionnent  cet  ouvrage 
ni  l'un,  ni  l'autre. 

7.  Joan  Roiz  de  Corella,  mort  en  (ou  vers  ?)  1500.  —  La  Istoria  de 
la  gloriosa  senta  Magdalena. 

Cette  flc  histoire  »  est  conservée  dans  un  ms.  contenant  vingt-six 
ouvrages  du  même  auteur,  dont  celui-ci  est  le  vingt-troisième.  Voy. 
Ximeno,  Escritores  del  reyno  de  Valencia,  I,  63  ;  Amador  de  los 
Rios,  Historia  critica  de  la  literatura  espanola,  VII,  19,  note. 


1  Chaque  couplet  est  en  effet  composé  de  quatre  vers  latins  et  de  quatre 
vers  romans  dans  cet  ordre  (  je  désigne  les  vers  latins  par  des  italiques):  a 
h  h  a  a  c  ca. 

2  Opusculo.t  ineditos  del  cronista  catalan  Pedro  Miguel  Carbonell  (Barce- 
lona, 1S65),  t.  II,  pp.  333-342. 


10  SAINTE  MARIE   MADELEINE 

8.  Père  Serafi.  Vers  1565.  —  En  lahors  de  sancta  Madalena . 
Glose  de  10  couplets  de  8  vers  avec  texte  et  tornade  de  4.  Dans  les 
Obras  poeticas  de  Père  Serafi,  Barcelona,  1840,  p.  140. 

Le  même.  —  Sonet  en  lahors  de  sancta  Magdalena. Ihid . ,  p.  153. 

9.  Fontanella  fFrancesch).  Vers  1640.  —  A  la  Madalena.  Pièce 
probablement  lyrique,  dont  j'ignore  l'étendue,  et  qui  commence: 
Elevais  al  cell  los  ulls.  (Torres-Amat,  262.) 

10.  Goigs  de  la  gloriosa  y  benaventurada  santa  Maria  Magda- 
lena, qui  se  venera  en  la  capella  del  Pont  de  Vilamara  del  terme 
de  RocafortK —  Manresa,  1827?  (date  des  dernières  indulgences 
accordées  à  qui  les  récite),  1843,  1869. 

Poix  que  foreu  perdonada. . . 

1 1 .  Goigs  de  santa  Maria  Magdalena,  dexebla  enamorada  de 
Jesu  Christ.  —  Vich,  1829. 

Ab  veu  clara  y  molt  serena, 

Magdalena, 
Vostra  vida  y  penetencia 
Cantarem  ab  reverencia. 

Les  mêmes,  sans  date  de  lieu  ni  d'année,  avec  quelques  légères  va- 
riantes et  ces  mots  de  plus  au  titre:  que  se  venera  en  la  ciutat  de 
Matarô . 

12.  Goigs  de  santa  Maria  Magdalena  que  se  venera  en  sa 
propia  capella  de  Vilarrastau,  sufraganea  de  la  parroquial  iglesia 
de  santa  Coloma  de  Centella.  —  Vich,  1852. 

CaDtarem  ab  alogria, 
Tots  los  de  Vilarrastau, 
Suplicant  vos,  o  Maria 
Magdalena,  quens  oygau.. 

13.  Goigs  de  santa  Maria  Magdalena  que  se  venera  en  lo  poble 
de  Corbera. —  Barcelona,  1858. 

1  Cette  pièce  et  les  suivantes,  jusqu'à  la  fin,  appartiennent  à  un  genre  de 
littérature  pieuse  (les  goigs,  en  castillan  gozos),  abondamment  représenté  en 
Espagne  et,  chez  nous,  dans  le  Roussillon.  Ce  sont  des  cantiques,  populaires 
par  leur  destination,  mais  composés,  la  plupart  du  moins,  par  des  ecclésiasti- 
ques, qui  s'impriment  sur  feuille  volante,  portant  en  tête  l'image  du  saint  in- 
voqué, ou  quelque  emblème  pieux.  La  bibliothèque  de  Montpellier  possède, 
dans  le  fonds  de  Vallat,  plusieurs  milliers  de  ces  compositions.  C'est  là  que 
j'ai  vu  celles  dont  je  fais  ici  l'énuraération. 


SAINTE  MARIE   MADELEINE  11 

Magdalena  molt  dilxosa, 
Digna  sou  de  serlloada... 

14.  Goigs  en  alabansade  la  (iloriosaS^^  Maria  Magdalena  ques 
cantan  en  sa  capella,  en  lo  ternie  de  Sant  Privât. —  Olot,  1858. 

Puix  sou  tant  prodigiosa 
Y  de  Cristo  tant  araada... 

15.  Goigs  ah  que  se  exalta  a  santa  Maria  Magdalena  y  se  es- 
plican  algims  passas  de  sa  vida  que  se  troban  esculpits  en  son 
antich  retaule  de  la  hermita  de  Ulldcmolins. —  Au  bas  :  «  composts 
per  lo  R.  doctor  Albert  Pujol,  canonge  de  S.  Ana  de  Barcelona.  »  — 
Reus,  1851,1859.  Un  autre  exemplaire  ne  porto  aucune  date  de  lieu 
ni  d'année,  non  plus  que  l'indication  de  l'auteur. 

Puitg  la  santa  devociô 

Vos  porta  en  aquesta  hermita. . . 

16.  Goigs  de  la  gloriosa  penitenta  «S'»  Maria  Magdalena,  vene- 
rada  en  sa  capella  extra  mur  os  de  la  ciutatde  Cervera. — Cervera, 
1853. 

Puig  ab  vida  llicenciosa 
Com  vos  ofengui  al  senor, 
Ay!  Magdalena  ditxosa, 
Tinguia  jo  vostre  dolor! 

Les  mêmes,  sauf  un  vers  et  une  strophe  changés,  pour  les  appli- 
quer à  leur  nouvelle  destination,  le  titre  portant:  Goigs  en  alabanza 
de  santa  Maria  Magdalena,  ques  cantan  en  la  perroquial  iglesia 
del  poble  de  Esplugas,  bisbat  de  Barcelona. —  Barcelona,  sans  an- 
née ;  Tarragona,  1849.  Dans  ce  dernier  exemplaire,  le  titre  s'arrête  à 
Magdalena. 


ADDITIONS  ET  CORRECTIONS 


T.  XXV,  p.  157.  Le  ms.  de  M.  Paul  Arbaud  n'estjpas  le  seul,  contrai- 
rement à  ce  que  j'avais  cru,  qui  nous  ait  conservé  la  Vie'de  sainte 
Madeleine  publiée  ici  pour  la  pi'emière  fois.  Il  oxistede  cepoëme  une 
autre  copie,  dans  un  ms.  exécuté,  comme  celui  de  M.  Arbaud,  par  un 
Provençal,  mais  plus  ancien  d'une  vingtaine  d'années,  et  dont  M.  Paul 
Meyer  a  donné  récemment  une  description  détaillée  dans  un  article 
de  la  Remania  (XIV,  485  et  suiv.).  Le  commencement  et  la  fin  de  no- 


12  SAINTE  MARIE  MADELEINE 

tre  poëme,  une  cinquantaine  de  vers  en  tout,  y  sont  rapportés.  Je  relè- 
verai ici  les  variantes  que  ces  deux  fragments  nous  fournissent,  né- 
gligeant celles  qui  sont  purement  graphiques. 

V.  14:  Et  aysi  con  perdon  voc  aysi  (corr.  a  si)  conquerre[r'\. — 
25.  Syrus  ac  nom  som  payre  e  dux  fon  de  Syria. —  29.  qui  fon. — 
Le  vers  qui  manque  après  celui-ci  est  :  Eucaria  l'apela  lo  libre 
qu'es  aysi.  —  33.  Fon  sieua  eretat. —  1184.  Aras  fassan  conort  cels 
que  peccat  auran . —  1188-9.  Que  gr  an  mer  se  lur  aia  e  lur  fassa 
perdon  Dels  mais  que  fahg  auran  e  del  ben  guizardon,  —  1190. 
0  fara. —  1197.  els  dezobediens .  —  1202.  E  cant  venra  la  ora.  — 
1204.  Am   los  pressios  angels.  —  1205.    denant  Dieus  prezentar . 

V.  98.  «  savay.  »  Écrire  sa  vay  en  deux  mots.  Cf.  dans  le  Mystère 
de  la  Passion,  v.  1614: 

Sa  vay,  Longin,  e  fay  te  en  sa. 

T.  XXVI,  p.  123,  sur  le  v.  49.5.  La  particule  affirmative  si  répond,  ré- 
gulièrement, à  une  question  de  forme  négative:  No  lias  ausida  messa'^ 
: — Si  hay,  senhor  (Leys,\l\,  32).  Et  tel  n'est  pas  le  cas  dans  le  vers 
cité.  De  là  ma  remarque  qui  a  le  tort  de  n'être  pas  conçue  en  termes 
assez  clairs.  L'emploi  «  substantivé  »  de  si,  au  sens  pur  et  simple  de 
oc,  se  rencontre  du  reste  ailleurs  que  dans  la  pièce  d'Alberic  de  Ro- 
mano  à  laquelle  j'ai  renvoyé.  En  voici  deux  autres  exemples  :  i\^o 
cal  temer  que  diga  si  per  no  (Bernart  d'Auriac);  li  beill  si  eill 
plazen  no  (H.  de  S,  Cire).  Il  n'y  a  pas  lieu,  par  conséquent,  de  songer 
à  une  influence  italienne. 

P.  124,  sur  le  v.  592.  Lis.  pueruli. 

P.  125,  sur  le  v.  739.  percha,  indiqué  ici  comme  correction,  doit 
être  en  effet  la  bonne  leçon.  Cf.,  outre  le  passage  de  Vincent  de 
Beauvais  que  j'ai  rapporté,  les  exemples  ci-après  fournis  par  des  tex- 
tes en  vieux  français: 

Mantiax  vairs  et  pelices  grises 
Qui  a  ses  perces  furent  mises. 

{GuilL  d' Angleterre,  \m.) 

A  sa  main  une  nape  enpoigne 
Qui  a  la  ^e?'ce  estoit  pendue. 
.  {Recueil  général  des  fabliaux,  I,  127.) 

Prenez  a  celé  perce  la 
Celé  robe  de  menu  ver 

(Ibid.,  III,  98.) 

P.  126,  sur  le  v.  818.  Anafil  se  lit  (sous  la  forme  nafil)  dans  un 


SAINTE  MARIE  MADELEINE  13 

autre  texte  provençal,  la  Guerre  de  Navarre  de  G,  Anelier,  v.  4715. 
Voy.,  dans  l'édition deM.  Francisque  Michel,  pp.  622-631,  une  longue 
note  sur  ce  passage. 

T.  XXVII,  p.  109,  n.  l.La  rime  ôr;  or,  dont  il  est  ici  question,  pour- 
rait bien  n'être  pas  d'un  grand  poids  en  faveur  de  l'origine  catalane 
de  la  cantilène  marseillaise.  On  trouve  en  effet  creatour  rimant  avec 
ton  cor,  dans  une  pièce  composée  à  Vence  en  1552.  Voy.  la  Revue  des 
sociétés  savantes,  6»  série,  t.  III,  p.  432. 

P.  261,  sur  le  V.  11.  Il  n'est  pas  sûr  que  a  ca  soit  la  meilleure 
leçon,  et  les  formes  co,  a  co,  en  co,  renverraient  plus  tôt  à  aco,  «,  en 
aco,  que  à  casa,  a,  en  casa.  C'est  ce  que  semblent  prouver  les  exemples 
suivants,  qui  nous  offrent  la  forme  pleine  aco,  ou  dans  lesquels  co  est 
remplacé  par  so,  dont  l'origine  ne  prête  à  aucun  doute  :  «  que  foron 
mesas  an  aquo  de  Rodigo  foras  la  vila  »;  «  an  aquo  de  Galtia  » 
(Mende,  1472);  —  «d'aco  dels  Batirands  jusqu'al  pe  de  Mauriac»  (Gail- 
lac,  XVl''  siècle);  —  «  so  de  Baqué  d'Anla  »;  «  en  so  d'un  abitan  »; 
<(  s'escapec  de  so  de  sa  pay»  (St-Béat,Bagnères-de-Luclion);  —  «  ço 
d'en  Vigo  »(Estagell,  Pyrénées-Orientales).  Maintenant,  la  forme  ca. 
de  la  Catalogne  et  des  Baléares  est-elle  un  renforcement  de  co  =  aco, 
ou  dérive-t-elle  de  casa,  comme  cela  paraît  certain  de  la  forme  ita- 
lienne? J'en  laisse  la  décision  à  de  mieux  informés. 

T.  xxviii,  p.  6.  Le  fragment  de  Palma  vient  d'être  réimprimé 
récemment  dans  le  Museo  Balear  (31  août  1886),  avec  l'article  de 
D.  José  Maria  Quadrado,  qui  l'accompagnait  dans  VUnidad  catôlica 
du  5  février  1871. 

T.  XXIX,  p.  280.  A  propos  de  la  Tarasque,  rappelons  que  Jean  de 
Nostredame  attribue  à  la  comtesse  de  Die  un  «  Tractât  de  la  Tharasca 
en  rithme  provençale.  ^>  Que  la  comtesse  de  Die  ait  composé  un  pareil 
«  traité  »,  personne  assurément  ne  voudra  le  croire;  mais  il  ne  serait 
pas  impossible  que  Nostredame  ait  eu  connaissance  d'un  ancien 
poëme  provençal,  aujourd'hui  perdu,  dont  sainte  Marthe,  et  spéciale- 
ment sa  victoire  sur  la  Tarasque,  était  le  sujet. 


11  SAINTE  MARIE  MADELEINE 


TABLE 


Avant-propos,  t.  23,  p.  105, 

I.  Vie  de  sainte  Marie  Madeleine,  extraite  d'une  traduction  proven- 
çale de  la  Legenda  aurea,  ibid.,  ett.  25,  p.  105. 

II.  Traduction  provençale  d'une  homélie  sur  sainte  Madeleine,  at- 

tribuée à  Origène,  t.  24,  p.  53,  et  t.  25,  p.  122. 

III.  Vie  de   sainte  Madeleine  en  vers  provençaux,  t,  25,  p.  157,  et 

t.  26,  p.  105. 

IV.  Cantique    provençal  en  l'honneur  de    sainte    Marie  Madeleine, 

t.  27,  pp.  105  et  261. 
V.  Le  rôle  de  sainte  Marie  Madeleine  dans  le  mystère  provençal 
de  la  Passion,  t.  28,  p.  5  et  53. 
VI.  Description  delà  Sainte-Baume,  par  Balthazar  delà  Burle,  t.  28, 
p.  65. 
Vil.  Cantiques  populaires  sur  sainte  Madeleine,  t.   29,  p.  261. 
Appendice.  — 1.  Extraits  du  Nouveau  Testament  (version  provençale;, 
t.  29,  p.  275. 

2.  Vie  de  sainte  Marthe,  extraite  de  la  version  proven- 

çale la  Légende  dorée,  t.  29,  p.  279. 

3.  Bibliographie. — a.  Pièces  sur  sainte  Madeleine  com- 

posées en  provençal  depuis  le  XVII*  siècle  jusqu'à 
nos  jours,  t.  31,  p.  5. 
b.  Pièces  catalanes  sur  sainte  Madeleine,  t.  31,  p.  8. 
Additions  et  corrections,  t.  31,  p.  11. 

C.  C. 


GRAMMAIRE   GASCONNE 

Eï  FRANÇOISE 
(Suite  et  fin') 


ce  ou  ceci     aço 

ce  que,  ce  qui     so  que  so  qui 

ce  que  vous  dites  est  vrai,     ço 

que  disets  qu'es  braï 
c'est  pourquoi     pramou  de  quo 
c'est  assez     qu'es  proû 
ce  n'est  pas  assez     n'es  pas  proû 
combien     coiian 
combien  d'hommes     coûan  d'ho- 

mis? 
combien   de    femmes     coûan    de 

hemnes  ? 
combien  vous  coûte     coiian  bous 

couste? 
ce  chapeau     aquet  chapeû 
civillement     cibilleraent 
charitablement     charitablement 
comme  comment     com  quein 
comment  cela    quein  aco 
ce  livre     aquet  libi 
cette  femme     aquere  hemne 
ces  hommes     aquets  honiis 
ces  femmes     aqueres  hemnes 
celui-ci     aquez  aquet 
celle-ci     aqueste 
ceux-ci     aquets  assi 
celles-ci     aquestes 
celui-là     aquez 
celle-là     aquere 
celui  que     aques  que 


celle  que     aquere  que 

ceux-là     aquets 

celles-là     aqueres 

cruellement     cruellement 

communément     communeraen 

car     car 

cela     aco 

cela  est  bon     aco  qu'es  bon 

ceci     asso 

c'est-à-dire     qu'es  à  dire 

ce  matin     aques  matin 

cette  après-midi  aqueste  après 
dinnade 

ce  soir     aques  sée 

c'est  pour  rire     qu'es  prai  ide 

chaqu'un     cadun 

chaqu'une     cadû 

chacun  avec  son  semblable  ca- 
dun dap  son  parion 

cependant     cependen  entertan 

c'est  dommage     qu'es  doumatge 

c'est  mon  tour  qu'es  lou  mei 
tour 

c'est  tout  un     qu'es  atau  medich 

chaque  fois     cade  cop 

chacun  à  son  tour  cadun  à  son 
tour 

ci-dessus     assi  dessus 

ci  dessus     assi  débat 

celui  de     aquet  dé 


•  Voir  le  no  de  juillet  1886. 


16 


aRAMMAIRB  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 

la  viande  est  chère     la  car  qu'es 


celle  de    aquere  dé 

c'est    la  même   chose     qu'es   le 

même  cause 
courage    monsieur     couratge 

moussu 
cher    eau,  câ 


care 


le  vin  est  cher    loù  bin  qu'es  caû 
tout  est  cher     tout  qu'es  caû 
courageusement     dap  couratje. 


D 


demain     douman 
demain  matin     douman  matin 
demain  au  soir     douman  sée 
de  temps  en  temps     de  temps  en 

temps 
dans   peu  de  jours     en  chic    de 

temps 
dès  à  présent    adare 
dès  lors     labets 
dans  la  poche     dens  la  poche 
d'abord  que     de  tire  que 
d'abord  qu'il  viendra     de  tire  que 

bira 
dans  la  rue     dens  l'arrue 
doucement     doucement 
de  bonne  heure     de  bonne  hore 
de  meilleure  heure     de  meilhore 
de  plus  en  plus     de  mé  en  mé 
davantage     mée 
derrière  moi     darréjou 
derrière  vous     darré  bous 
derrière  lui,     darré  et 
derrière  nous     darré  nous 
de  mal  en  pis     de  mau  en  pis 
dessus     dessus 


dessous 

débat 

de  sorte 

que     dessorte  que 

devant 

duban 

dedan 

dedans 

dehors 

dahore 

de  près 

deprez 

de  loin 

de  loin 

depuis 

depuich 

dès  hier 

depuich  je 

donc     donne 

d'où     douu 

duquel     de  quau 

de  laquelle     de  lacaû 

desquels     dous  caiix 

déj  à     déj  à 

d'ici  en  avant     d'are  en  aban 

de  part  et  d'autre     de  part  e  daute 

d'où  venez -vous?     doun    bienets 

bous? 
Dieu  me  soit  en  aide     Diu  m'ajut 
de  tout  mou  cœur     dé  tout  mon 

cô 
difficilement    difâcilemen 
de  suite     de  suite 
de  trop  bonne  heure     trop  leu . 


E- 


en   un    clin   d'œil     d'un  cop    de 

gouëil 
ensemble     amasse 
en  passant    en  passan 
encore  que     encouëre  que 
entièrement    entièremen 


en  cachette     a  sousmac 

en  particulier     en  particulier 

en  un  moment     dé  tire 

en  gros     en  gros 

en  détail     au  menut 

qui    achète   en  gros   et  vend  au 


GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 

en  vérité    en  bertat 


17 


détail     qui  crompe  en  gros  et 

ben  au  menut 
a  besoin  de  secours     Diu  que  l'a- 

jut 
en  haut    en  haut 
en  bas     en  bas 
également     égualamen 
expressément     tout  exprez 
encore    une  fois     encouëre    ung 

cop 
et  moi  aussi     et  jou  tabei 


en  deçà    en  deçà 

en  un  mot     en  ung  mot 

en  dépit  de    moi     en  despiet   de 

joû 
enfin     enfin 
excepté     sonque  si  non 
en  vain     enbaganau,  enbaudes 
en  mon  pouvoir    en  mon  poudé 
entre  chien  et  loup     au  sou  couq^ 


facilement    facilemen 
fidèlement    fidellement 
faussement    faussemen 
fort  bien     fort  plan 


fort  souvent  fort  souben 
franchement  franquemen 
finalement     à  la  fin. 


gratis 


a  nou  arre 


généralement 


generalemen 


gracieusement    graciousemen. 


hier    je 

hier  matin    je  matin 

hormis     sounque 

hormis  moi     sounque  jou 

heureusement    hurousemen 


hardiment    hardimen 
habilement     abillemen 
honnêtement    hounestemen 
honteusement    hountousemen 
humblement    humblemen. 


joliment    broyemen 

incontinent     dé  tire 

jamais    jamés 

justement    justemen 

il  est  vrai     qu'es  bray 

il  vaut  mieux     que  bau  mé 

ici     aci 

jusqu'ici     entia  ci 

jusque-là     entia  là 

jusqu'à  tantôt    entia  tantôt 


inutilement     inutilemen 

il  y  a  longtemps     tan  tems  y  a 

il  n'y  a  pas  longtemps  n'a  gou- 

aire 
je  ne  sais  que  devenir    jou  ne  sai 

que  débienne 
je  ne  m'en  soucie  pas    jou  non 

m'en  dau 
il  ne  se  soucie  de  rien     nés  sous- 

sie  pas  d'arré 


[C'est-à-dire  au  soleil  couché  {sol  colc).] 


18  GRAMMAIRE   GASCONNE  ET  FRANÇOISE 

il  ne  tient  qu'à  moi    ne  tien  pas  jusqu'au  retour    entiau  retour 

qu'as  joû  infailliblement     chens  faute 

il   est  difficile  à  contenter    qu'es  insensiblement    insensiblemen . 
aule 


là     aqui 

le  lendemain     loû  lendouman 

le  même     loû  medich 

le  tout     loû  tout 

légèrement    lalijerement 

loin     loin 

loin  d'ici     loin  d'aci 

le  moindre  de  tous     lou  mendre 

de  touts 
le  plus  petit     lou  mendre 
le  plus  grand     lou  maje 
les  plus  grands     loûs  majes 
lequel     lou  cauoû 


loin     loin 

loin  de  moi     loin  de  joû 

le  reste     loû  reste 

les  autres     lous  auts 

lorsque     quen 

le  voici     assi  qu'es 

l'un  et  l'autre     l'un  et  l'aut 

les  uns  et  les   autres     lous  ungs 

et  lous  auts 
le  voilà     aqui  qu'es 
la  veille  de  St-Jean     la  beille  de 

St-Jean. 


M 


mal     mal 

mon     lou  mei 

mon  frère     lou  mei  ray 

mes  parents    mous  parents 

mais     mes 

moins     meins 

moins  que  moi    meins  que  jou 


malgré  moi     malgré  jou 

moi-même    joumédich 

malicieusement     à  mâles 

ni  moi  non  plus     ni  joû  tapauc 

malheureux     malurous 

mal  à  propos     mau  à  perpaux. 


N 


non     nou 

ni  l'un  ni  l'autre     ny  l'un  ni  Faut 
ni  moi  ni  toi     ni  tu  ni  joû 
ni   plus    ni    moins     ny   plus   ny 
meins 


nonobstant     encouëre 
nullement    brigue 
nouvellement    nabèremen 
n'importe     n'importe 


où  (adverbe  de  lieu)     oûn 


ouserez-vous  : 


?     oûn  serats  bous? 


dix  ou  douze     dets  ou  doutze 
l'un  ou  l'autre     l'ung  ou  l'aut 
oui     ô,  es  plâ 
oui  certes     obé  de  bray 


on  dit  que  que  disen  que 
on  sait  que  que  saben  que 
on  l'a  su  qu'at  [an]  sabut 
on  le  saura  qu'at  sçauran 
or     or. 


GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 


19 


Peut-être     beilleu 

pourquoi     perqué 

pour     per 

par    per 

par  exemple    per  exemple 

pour  l'amour  de  Dieu    parmo  de 

Diu 
pour  l'amour  de  moi     pramo  de 

joû 
par  raillerie     prarride 
par  bonheur    per  bonheur 
premièrement    permeremen 
par  force     per  force 
précisément    precisemen 
presque    juste 
plusieurs    fois     bet    arremat    de 

cops 
pas  un     nat 
pas  une     nadé 
puisque     puich  que 
plutôt     mei  leù 
plutôt  que  moi     meileu  que  joû 


proprement    propremen 

personne     arres,  nat 

il  n'y  a  personne     n'y  a  pas  arres 

parce  que     parce  que 

partout     pertout 

il  va  partout    que  baper  tout 

pendant    penden 

par  dépit    per  despieit 

parmi     enterdemiei 

précipitamment     à    la  haste,  de 

chet 
par  cœur     par  côo 
par  delà    per  delà 
par  ma  foi     per  ma  fée 
peu     chic 

peu  de  chose     chic  de  cause 
un  peu  de  vin     un  chic  de  bin 
par  heure    per  ore 
par  jour     per  jour 
il   gagne  un  écu    par  jour     que 

gaigne  un  escut  per  jour. 


quand     quen 

quoique     encouëre  que 

quelquefois     caûque  cop 

quelque  chose     cauque  cause 

quelqu'un     cauqun 

que  qui     que  qui 


qui  vous  l'a  dit?     qui  pas  t'a  dit  ? 
qui  est  celui-là?     qui  est  aquet? 
qu'est  cela?     quiesâco? 
qu'est  ceci?     quiés  asso? 
qui  que  ce  soit     qui  ques  si? 
qu'est-il?     qu'es  et? 


nen     arre 
rarement    raremen 
rudement    rudemen 
rusé     rusât,  fin 
rusée    rusade 


ras     ras 
rat     arrat 

raisonnablement     resonnable- 
ment. 


saintement     saintemen 
sans     chens 


sans  moi     chens  joû 
son,  sa     son,  sa 


GRAMMAIRE   GASCONNE  ET  FRANÇOISE 

sûrement    assegurademen 

secrètement     secrétemen 

si  tôt?    taleu 

si  tard  ?    ta  tard? 

si  fait     si  bé 

sans  lumière     a  l'escurade 

selon  son  dire     segon  son  dire. 


20 

son  père     son  pay 
suivant     segoiin  suiban 
suivant  cela     suiban  aco 
sans  rien  dire    chens  dire  arré 
sourdement    à  panât 
seulement    soulemen 
souvent     souben 


tantôt    tantos 

tard    tard 

tôt  ou  tard     tôt  ou  tard 

il  est  tard     qu'es  tard 

tout    tout 

tant  soit  peu 

trop     trop 

trop  de  pain 

trop  certain 

tous  deux     touts  dûs 


ta  chic  qu'es  pot 

trop  de  pan 
trop  ségu 


toujours    toustem 

tellement    tellemen 

tout  à  la  fois     tout  au  cop 

tant  mieux    tan  meilloû 

tant  pis     tampis 

trop  tôt    trop  leû 

tout  de  bon    tout  de  bon 

tous  les  jours     tous  loûs jours 

toujours     toustem. 


vilainement    bilénemen 
vis-à-vis     bis  à  bis 
volontiers     de  bon  grat 
vers     daû  constat 


vers  Paris     dou  coustat  de  Paris 
vite     détire,  biste,  de  het 
visiblement     bisiblemen 
véritablement     beritablemen 


DE  L'INTERJECTION 

L'interjection  est  une  partie  de  l'oraison  rarement  en  usage 
dans  la  langue  gasconne.  11  n'y  a  que  dans  un  cas  de  désola- 
tion, où  le  rustique  se  sert,  pour  exprimersa  douleur,  du  mot 
de  biahore,  qui  veut  dire  à  l'aide,  au  secours  ;  en  sorte  que, 
lorsqu'un  paysan  est  excédé,  il  crie  biahore,  justice,  au  se- 
cours. 

Les  ouvriers  se  servent  encore  d'une  autre  interjection 
pour  s'exciter  au  travail,  qui  est  anern,  qui  signifie  allons  ;  ou 
améha,  anem,  goujats,  allons  enfants;  a  me  ha  signifie  à  qui 
plus  de  travail  fera  :  améha  goujats,  à  plus  faire,  enfants  ! 

Dans  un  chemin  fort  écarté,  pourdire:  autant  vaut-il  se  taire 
que  de  crier  au  secours,  Autan  bav.  s'esta  choûaû  corn,  de  crida 
biahor&. 


GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE  21 

Le  vulgaire  ajoute  à  ouy  et  à  non  une  espèce  d'interjection, 
et,  craignant  de  parler  trop  crûment  en  disant  o  et  ?ion,  ils 
ajoutent  Finterjection  pla,  et  disent  ospla  pour  dire  oui  et  nous 
pla  pour  dire  non. 

C'est  par  une  politesse  rustique  que  le  commun  croit  rendre 
aux  personnes  au-dessus  de  lui,  qu'il  leur  répond  owj  en  leur 
disant  o  si  bous  plats,  qui  signifie  s'il  vous  plaît,  et  pour  une 
abréviation  de  si  bous  plats,  ils  disent  ospla,  nous  pla. 

Abets  disnats?  Ospla;  avez-vous  dîné?  ouy. 

Boulets  tienne?  JSous  pla  ;  voulez-vous  venir  ?  nani. 


DICTIONNAIRE  FRANÇOIS  ET  GASCON 


AB 


abattre     abate 
abattu     abatut 
abbé     abé 
abeille     abeille 
abîme     abisme 
aboli     aboulit 
abolir     abouli 
abus     abus 
accablé     abladat 
accabler     ablada 


accélérer    ha  diligence 
accepté     acceptât 
accepter     accepta 
accident     acciden,  trabuc 
par  accident    per  acciden 
accroupi     accroupit 
s'accroupir     accroupis 
acharné     acharnât 
s'acharuer     s'acharna. 


adieu     adichats 
adjugé     adjujats 
adjuger     adjutjats 
admettre     amete 


AD 


administrateur     administratou 
administration     tutele 
admirer     admira 


AF 


affabilité     bonne  sorte 
affable     affable 
affamé     ahamiat 
affermi    renfourçat 
affermir    renfourça 
affirmation     affirmation 


affirmé     affirmai 
affirmer     affirma 
affranchi     desguatjats 
affranchir     desguatja 
affreux     heroutge. 


22 


GRAMMAIRE  GASCONNE   ET  FRANÇOISE 


AG 


agrafé    gahat 
agrandi    agrandit 
agrandir     agrandi 


Aide  à  maçon    monobre 
aide     ajude 


allégresse    voye 


s'agrandir    s'agrandi 
agréable     agradable 
agréablement    dap  agrat. 


AI 


aider     ajuda,  ayda 
aigle    aigle. 


AL 


alerte    alerte. 


AM 


amaigri     amagrit 

amaigrir     amagri 

amende     amende 

amande  pleine     amende 

payer  l'amende    pagua  l'amande 


amandier     amande 
amant     amoureux 
ambitieux     ambitioux 
ambition     ambitioun. 


an  année    an  annade 
ancêtres    ancestres 


apaisé  apaisât 
apaiser  apaisa 
apparence    aparence 


aquatique    aygat 
acqueduc     com  (?) 
acquérir    aquéri 


arbalète    baleste 
arbitrage    arbiratje 


as     as 

asrae     asme,  desalen 
asmatique     asmatic 
aspect    biste 


AN 


ancien     ancien 

appétit    apetit,  aguigne . 


AP 


appauvri     apraubit 
appauvrir     apraubi. 


AQ 


acquêt    aquet 

acquiescement    consentement 
acquis     aquesit. 


AR 


arbitral    arbitral. 


AS 


asperge    asperjes 
assaisonné     assaisonat 
assaisonner     assaisona 
assassin     assassin 


GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 


23 


assassiner     assassina 
assiégé    assiégeât 


assiéger    assiégea. 


AT 


attache     estaqua,  terligue  attaché     estacat 

un  chien  à  l'attache    un  can  à      attaché  au  jeu    estacat  au  jocq. 
l'estaque 


AV 


aubade    aubade 
auberge    houstalerie 
aucun    nat 
aucune    nade 
aucunement    nade  brigue 
avènement  (sic)     abenture 


bannir    horbandi 
bâillement    badioloû 
bâiller    badailla 
bâilleur    badaillayre 
badaut    pec 
bague    bague 


bile     bile 

billard    billard 

billet    billet 

bis  (pain)    pan  routé,  seglas 


arriver     arriba 
avéré     aberat 
avérer     abera 
avide     ahamias 
autoriser     autorisa 
ayeul     paybon. 


BA 


bahu     bahus 

bec  d'oiseau     bec  d'auzet 

bègue    bret 

bregayer     breteja 

béguin  d'enfant     bejin 

bêler     baila. 


BI 


biscuit     biscouëit 
bissac     habersac,  gulard 
bitume     bitum. 


BL 


blâmé  blasmat 
blâmer  blasma 
blanc,  blanche     blanc,  blanque 


blé     blat 

blessé    blassat,  hérit 

blessure    blassédure. 


BO 


boîte     bouite 

boiteux    tort  eschamat 

boiteuse    torte 

bœuf    beu 

boyeau    budet 

bois  à  haute  futaie     bois 


bois  taillis     pachera 
bois  à  brûler    bois  legne 
boisson    beuratje 
boiter    tourteja 
bondir     perneja 
bonifier    bonifia. 


?4 


GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 


BR 


braire     brama 
braise     braze 
brèche    brèche 
bruine     esquil 
bruit,  tumulte    batsarre 
bruit    brut 


bu    but,  bebut 

il  a  bu     qu'a  but,  qu'es  beijac 

buvez    bebets 

buvons    bébem 


faire  du  bruit     ha  brut 

brûlant     arden,  bruUan 

brûlé    bruslat 

brûler    brusla 

se  brûler    brûla    crama. 


BV 


bourgeon     orbecan 
bulle     bulle 
burat     burat 
bure,  étoffe     bure 


il  boit  beaucoup    que  beu  fort         burette    burette. 

GA 

cabane     cabane,  huste,  mayne  cabas     cabas 


cavale     cabale 
cabaret     cabaret 
cabaretier     oste,  taberné 


cabinet     armari,  cabinet 
câble     cable. 


CE 


ceci    aço 

cédé     cedat 

céder     céda 

ceindre     sinta 

ceint     sintat 

ceinture     sinte 

censure     correctioun 

censurer     corrigea 

cep  de  vigne    lou  pee  de  la  vigne 

cercueil    taûc 

cérémonie     cérémouni 

cerf    cerbi 

cession    cession 

cabat  poisson     cabos 

chagrin     chagrin 


se  chagriner     chagrinas 

chaîne     cadeigne 

chaîne  d'or     cadeigne  d'or 

chaloupe     galupe 

chemin     camin 

chêne  (arbre)     cassou 

chiffonner     garfouilla 

choisi     causit 

choisir     causi 

cierge     candelle,  siri 

cigogne     cigogne 

ciré     cerat 

cirer     cera 

cire     cere 

citron     citron. 


CL 


clair    clâ 

parler  clair  parla  clâ 

clairvoyant  abisat 

clairement  clairement 


clarté     claretat 

clef    clau 

fermer  à  clef    barra  à  claû 


GRAMMAIRE   GASCONNE  ET  FRANÇOISE 


25 


CO 


coq     hazan 
coq  d'inde     poûïch 
cocaigne     coûcagne 
cochon     porc 
coffre     croffoû 
coiffe  de  femme     coiffe 
coin     coût  (sic) 
coine     coud[ene?]* 

crachat     escoupit 

cracher    escoupi 

craie     grede 

craindre     creigne 

craintif    pauruc,  creintili 

cravate     crabate 

crédit     crédit 

crédale 

crête  de  coq     cleque  de  hazan 

creû    credut 

cri    crit 

criard     cridard 

crible     criet 

crin     crin 

cuiller    cuillé 
cuire     coze 
cuisinier     couziné 
cuisse     couëche 
cuit    coueit 
cuivre     couyre 
culbute    birelongue 


damas     damas 
dame     dame 
danger    danjé 
dangereux     dounjeroux 


collé     coulât 
coller    coula 
combat     combat 
combattre     combate 
comédie     cômedi 
comédien     coumedien 
commander    commanda 


CR 


cristal     cristau 

critique     critique 

croyable     bertadé 

croyance     credence 

croisé     crousat 

cru     crud 

la  viande  est  crue  la  car  qu'es 
crude 

cruche     pegaa 

Tant  va  la  cruche  à  l'eau  qu'en- 
fin elle  se  brise  tan  ba  lou 
pega  àlahoun  qui  tache  (?)  loû 
tutou. 


CV 


faire  la  culbute    ha  le  birelongue 

cultiver     cultiba 

curateur     curatou 

cure  d'une  plage     pensemen 

curé     curé 

cure    cure. 


DA 


dangereusement     dounjerouse- 

men 
danse     dance 
danser    dansa 


1  Lis.  couenne. 


26  GRAMMAIRE    GASCOMNE  ET  FRANÇOISE 

danseur     dansedou  date     date, 

danseuse    dansedoune 


DE 


de  nuit  de  jour     de  nouët  de  jour 
de  plus     de  mé 
débarqué     desbarcat 
débarquer     desbarca 
débatre     estergousseja 
débité     débitât 
débiter     débita 
débiteur     débitou 
débouché     desboussat 
déboucher     desboussa 
débourser     desboursa 
déboursé     desboursat 
décapiter     escapita 
décapité     escapitat 
décharger     descarca 


diable  -  diable 
diacre     diacre 
dicté     dictât 
dicter    dicta 
diète     diète 
Dieu     Dîii 
diffamer    desoundra 
diffamé    desourdrat 
différer    deslonca 
différé     desloncat 


déchargé    descarcat 
décharné     descarna 
décharner     descarnat 
décidé     décidât 
décider     décida 
déclarer     déclara 
déclaré     déclarât 
déclaration     déclaration 
découcher     descoucha 
dégât     mau  damnatge 
degout    deigous 
dégoût,  aversion    hasti 
dégoûter     degousta 
désordre     désordre. 


DI 


différence    diférence 
difficile     dificile,  aule 
difficulté     difficultat 
difforme     desfigurat  bé 
discerner    discerna 
discrétion     discrétion 
discret    discret 
dispensé     dispensât 
dispenser    dispensa 


DO 


docile    proûs 
docte     saben 
doctrine    doctrine 
doyen     doyen 
domestique     messatjé 
domicile     case 
dominant    mestrisan 
dominer    mestrisa 


domté    masedat 
dompter    maseda 
donation     donation . 
donc     donc 
doré     daurat 
surdoré     suberdaûrat 
dot     dot 
doter     dota 


GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 


27 


douane     bureû 

doubler    un     habit      doubla    u( 

double     double 

peille. 

doubler     doubla 

DR 

dragon     dragon 

droit     drét 

drap     drap 

le  côté  droit    loû  coustat  dret 

drapeau  enseigne 

drap eu 

la  main  droite     la  man  drète 

drapeaux     panéts 

le  droit  civil     loû  drét  civil 

drapier  marchand 

drapé 

le  droit  canon    loû  drét  canon. 
DV 

du  commencement 

doûcommen 

deuil     doû 

cemen 

duel     duel 

du  moins     doû  meins 

dupé    atrapat,  affrontât 

du  tout    brigue 

duper  quelqu'un     affrounta   caû 

dû  qui  est  dû     deb 

iite  deu 

te 

quun 

j'ai  dû  cent  pistoles 

qu'ei 

début      dur     dû 

cen  pistole 

durée     durade 

duc     duc 

durer     dura 

duchesse    duchesse 

& 

dureté    duretat 

EA 


eau     aygue 

eau  de  puits     aygue  de  puts 


ébauché     esbauchat 
ébaucher     esbaucha 


écaché    esclapouchit 
écacher    esclacha 
écarlate     escarlate 

édifié     ediffiat 
édifier     ediffia 


effacé     effaçât 
effacer    effaça 
effectif    effectif 
effectivement    effectivemen 


eau  bénite    aygue  benedite 
eau-de-vie     aygue  de  bi. 


EB 


ébéne    ebene 

écho    l'arreboum  de  la  boux. 


EG 


écarté    esbarrit 
s'écarter    s'esbarri. 


ED 


édit    edit 
éducation    éducation 


EF 


effet    effet 

effroi     espasme 

s'effrayer     s'eschenta,  s'espasma 

effroyable     esfroiiyable. 


28 


GRAMMAIRE  GASCONNK  ET  FRANÇOISE 
EG 


égal,  égale    égal,  égale 
égalé    égalât 


élargi    eslargit 

élargir    eslargi 

élévation     pouyade,hausemen 

élevé    hausat 


embarras    embarras,  piouchiu 
embarrassant    embarrassant 


égaler    eguala 
s'égaler    egualisa. 


EL 


élever    haussa,  pouya 
élever  un  enfant   adressa  un  mav- 
natye. 


EM 


embarrassé     embarrassât 
embarrasser     embarrassa 


EN 


en  ça    de  ques  constat 
enceinte     prein 
elle  est  enceinte     qu'es  prein 
enchanté    enchantât,   ensoûcier- 
rit 

EP 

épais,  épaisse    espes,  espesse  équari    esquarrit. 


enchanter    enchanta,  ensourciéri 
enchanteur     sourcié,  hitillé 
encre     ancre,  tinte 
envie    embege. 


EQ 


equarnr    esquarri 
équilibre     guimoet  (?) 
équipage     esquipatye 


ergot    esperon 
ériger    érigea 


escabau    trubez 
escalade    escalade 
escalader    escalada 


équitable    juste 
équité     equitad. 


ER 


errant    baguenaud,  bagan 
érudition    eseignement. 


ES 


espier     gmgna 
escarmouche    escarmouche. 


ET 


table    estable,  escuderie 
établi    establit 
établir     establi 

s'établir     s'establi,  s'acoumoudS' 
étalon     haras 


étamé    estaignat 
étain     etain 
étançonné     empoustat 
étançonner    empousta 
étançon     empous 


GRAMMAIRE  GASCOISISE  ET  FRANÇOISE  29 

entendu,  entendue     entenut,  en- 

tenude 
éternel     éternel 
étudier    estudeja 
étudiant     escoulié 
étui     estuy 
étuve     estube 

étuvée     estubée,  beu  estubat 
carpe  étuvée    carpe  à  Testubée. 


état    estât 

éteindre     estupa 

éteint,     éteinte      estupat,    estu- 

pade 
le  feu  est  éteint    lou  houëc  qu'es 

estupat 
la  chandelle  est  éteinte     la  can- 

delle  qu'es  estupade 
entendre    enténe 


EV 


évacuation     destoute 
évacuer    bouita 
s'évader     s'escapa 
évêché    abescat 
évêque     abesque 
évaluer     estima,  aprecia 
évaluation     estimation 
éveillé  du  sommeil     deschudat 


éveillez-le?     deschudats  loû 
éveillé     guay,  escarrabillat 
éveiller  quelqu'un     deschuda  caii- 

qun 
éventail     esbentail 
évident     claà 
évité     ebitat 
éviter    ebita. 


EX 


exact    exact 
exagérer    exagéra,  habla 
excédé     exedat 
excéder     exeda 
excepté,  hormis     souque 
excepté     exeptat 
excepter     exepta 
expédier    expédia 
exposé     exposât 
exposer    exposa 
s'exposer    s'exposa 


fabrique     fabrique 

fabriqué     fabricat 

fabriquer    fabrica 

face,  visage     care,  bisatje 

face  à  face     care  à  care 

fâché     fachat 

fâcher    fâcha 

fécond,  fecon     aboundous 


exterminé    exterminât 
exterminer    extermina 
externe     extrantje 
extirpation    treitin 
extirpé     extirpât,  treitinat 
extraordinaire     extraordinari 
extravagance     extrabagance 
extravagant    extrabagan 
extrême     extrême 
extrémité     extremitat. 


FA 


feindre     ha  com  qui 
félicité     félicitât 
femelle     hemie 
laide  femelle    leïde  hemie 
fendre    hène 
fendu     henut 
■fer    hé 
ferme    hort 


30 


GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 


fermé    barrât,  fermât 
fermer    barra 


fermer  à  clef    barra  en  claû 
feu    houec. 


FI 


fiché     hicat 

ficher    hica 

fidélité     fidélitat 

fier    hida 

se  fier    se  hida 

ne  vous  fiez  pas  à  lui     nep  hidits 

pas  ad  et 
fierté     fiertat 


flagrant     tout  caut 
en  flagrant  délit 


caudemen 


foie     hitge 

foyer    laa  doû  hoûec 

folie    houlie 

folle    hole 

fol    h  où 

fomenté     aguilloiiat 

fondé    fondât 

forcer    fourça 

fragile     prim,  freûle 
fraîche     fresque 
fraîcheur    frescoû 
frais     frès 
pain  frais    pan  fres 
fromage     roumatje 
fréquentation     hantise 
fréquenter     hanta 
friand    fréjan  gourjut 
friandise     gourjes 

fumé     ah  u  mat 

la  fumée     lou  hum 

fumer     àhuma 

il  fume    que  hume 


fièvre    fièvre,  ruïle  (?) 
figue     higue 
figuier     higué 
filé     hilat 
filer    hila 
finesse    finesse 
finesse,  ruse     suptilitat 
finaud     un  fouïn 


FL 


flambeau    flambeû 
flairer     soulla. 


FO 


forcé    fourçat 
foulé    houra 
fouler    hourat 
fourche    hourque 
four,  fournaise,     hour 
fourrage     estrami 
fracas    fracas. 


FR 


frileux     fredoulie 
friperie,  friperi     arrecarde 
fripier     arrecarder 
fripon     fripon 
friponnerie    friponerie 
friponner     pana,  fripona 
frire     fricassa,  freji 
frisé     frisât 
friser    frisa. 


FU 


fumer  la  terre     hem  a  la  terre 
fressure     bendresque  enterbiu 
funérailles     doû 
furet    fisseu 


GRAMMAIRE   GASCON^E  ET  FRANÇOISE 

furie     furie  fusil     fuzil 

furieux     furious  fusée  à  poudre    fuzeye 

fuseau    huzèt  fût,  bois  de  barrique    huste 

fusée  de  fil    puntrade 

GA 


31 


gabele    gabele 
gage,  salaire     gatjes 
gager     arrema,  gatjà 
gageure     gatjure 
gagner     gaigna 
gai     escarrabillat,  gai 
galant     amouroux 
gale    gale 
galeux     galous 
galon     galon 
galonné     galounat 


giron     pieitî  pancette 
girouette     girouette 

glace     glace 
glan     glan 
glissade     eslurade 


gobelet    gobelet,  preûte 
goguenard     bailleur 
gomme     goume 


grâce     graci 

gracieusement    graciousemen 

gracieux     gracieux 

gradué     graduât 

graduer     gradua 

grêle     grêle 

grêler     grêla 

grenade,  fruit    miourane 

grenadier    miurané 

grenadier  soldat     grenadié 

graine     soumence 

grenier    gréé 


galonner     galouna 
galop     galop 
galoper     galoupa 
gant     goûan 
gantier     goûantaire 
geai,  oiseau     gay 
géant     gean 
gelinotte     poure 
gémir     gerni 
gensive    gençibe 


GI 


gît,  ici  gît     aici  que  jats. 


GL 


glisser     eslura 
glorieux     glourioux 
glorieusement     glouriousemen 


GO 


gond  gon 
gorge  gorje. 


GR 


grenouille     graôuille 

griffe     grippe,  arpe 

gué     gouat 

passer  à  gué    passa  à  goùeit 

guenille     perrec 

guêpe     bresque 

guéri     goiiarit 

guérir     goiiari 

guerre     guerre 

faire  la  guerre     ha  la  guerre 

guet     goûat 

guêtres     gamaches 


32  GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 

guetter    ha  loù  goûeit  guider    guida 


guide     guide 


habile     abille 
habilement    abillemen 
habileté     abilletat 
habillé     bestit 
habiller     besti 
habit    paille,  bestit 
habitant    habitan 
habiter    habita 

hébété    estourdit 
hébéter    estourdi 
hémorroïdes     mourrengles 
hennir     henilla 
hennissement     henillét 
herbage     herbatje 


hideux    heroutje 
hipocras    hipoucras 
hirondelle     arrongle 


guigner     guigna 


HA 


habitude     coustume 
habituer     habitua 
hâbleur,  babard     hâbleur 
haché     hachât 
hacher    hacha 
hair    hai 
haï    hait. 


HE 


herbe     herbe 
hérésie     hérésie 
hérétique     hérétique 
héritier     berté 
héritière     hertere 
héritage     heritatge. 


HI 


histoire  istori 

hiver  yber 

hiverner    passa  l'hiver. 


HO 


homélie    predic,  prédicaille 

homicide     homicide,  murtré 

hommage     oumatje 

homasse     houmiau 

hongre     crés 

honnête    houneste 

un  honnête  homme    ung  hounet 

homi 
honnêteté    honnestetat 


honneur     aunou 
honorable     aunourable 
honoré     aunourat 
honorer     aunoura 
honte     bergouigne 
honteux     bergouignous 
honteuse    bergougnouse 
hôtel     auta 
devant  l'hôtel     daban  Tautâ 


hué     huât 

huguenot    huguenaût 
huile     oli 
huissier    ussié 
huître    ustri 


HU 

des  huîtres    ustris 
humain     de  bonne  sorte 
s'humaniser     s'apribauza 
humble     humble 
humblement    humblemen 


GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 


33 


humecté    humectât 
humecter    humecta 
humé     galat 
humer     gala 
heurter     truqua 
humeur     umoû 


jabot      gabé 

jacinte    jacinte 

jayét    jayét 

jalet    jalet 

are  à  jalet     are  à  galet 

jalousie    jalousie 

idée     idée 

idiot     pec 

idolâtre     idolastre 

idole     idole 

jet  d'eau    jet  d'aygue 

jet,  rejeton    brouich,  taig 

jeté    jetât 


Ignorance     ignourence 


illégitime     bastard,  campiet 
illumination     enlumination 


image    imatge 
imagination     imagination 
imaginer    imagina 


incapable     incapable 
incendiaire    brusladou 
incendie    bulle 
Inceste     inceste 
incident,  inciden,  grigne 
incité    incitât 


de  bonne  humeur   debonnehumoû 
de     mauvaise    humeur     de    mé- 
chante umoû 
humidité     humiditat 
humide     humide 
hupe,  oiseau    pupe. 


lA 


jaloux    jaloux 

jamais    jamés 

jambon     jambon 

japer     laira 

jar,  mâle  de  l'oie    guiraut. 


ID 


jeter    jeta 


J 


J 


eu    joc 

ouer    joûga 
jeune    jouen 
jeûne,  abstinence    jeune 
jeûner    juna 
jeûneur    junadou. 


IG 


IL 


ignorant    ignouren 
ignorer     ignoura. 

illuminé     enluminât 
illuminer     enlumina. 


MI 


imité  imitât 
imiter  imita 
immobile    immobile. 


IN 


inciter     incita 
inconstance     inconstence 
inconstant     inconstan,  biroulié 
inconvénient     incombenien 
incrédule     meichidec 
incurable    incurable . 


34 


GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 


lO 


joli    broy 

jouer    jougua 

jolie    broye 

joueur    jouguedoû 

joliment    brojemen 

jouir    joui 

jonc    jung 

jouissance    jouissance 

jonchée    juncade 

joyeusement    jouyousemen 

joué    jouguat 

joyeux    jouyoux. 

IS 

issue    saillie 

hisser    issa. 

lU 

jubilé    jubilé 

ivresse    berjaguerie 

juge    jutje 

juridiction    juridiction 

jugement    jutjemen 

jus  suc    jus  chue 

juger    juitja 

juste    juste 

juif    judiu 

justement    justemen 

jument    egoû 

justesse    justesse 

ivre    berjac 

justice    justici 

femme  ivre    hemme  berjague 

justicier    justicier. 

LA 


labeur    laboû 

laborieux    balen,  laboûroux 

labouré     labourât 

labourer    laboura 

laboureur    labouredoû 

laine    lane 

laissé    lâchât 

laisser    lâcha 

laid,  difforme     lée 

laiet    leit 

laitue     leitugue 

lame  d'épée    lame  d'espade 

lamentation     daydoureri 

lance     lance 

lancette    lancette 


libéral    libéral 
libéralité     libéralitad 
liberté    libertat 


lande     lande 

langage    lengouatje 

léché     lecat 

léchée  lecade 

lécher  leca 

lécher  la  poêle    leca  la  padère 

lecteur    lectou 

léger    laujé 

légère     laujére 

légèrement    laujéremen 

légèreté     laujeretat 

légitime     légitimât 

légitimer    légitima 

légumes     légumes. 


LI 


libraire    librayre 

licence     licence,  permission 

ligue     ligue,  complot 


lie 

lier 

lime 


GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 

ligue,  liguette  limer    lima 


35 


ligua 
lime 


locataire     estatjan 
logé     loutjat 
loger     loutja 
long     lonc 
longue     lonque 
longueur    loncoù 
louable    laudable 


lucarne     lucarne 
lucratif    lucratiu 
lucre     lucre,  gain 
lueur    luoù,  luts 
luire     luzi 


macaron     macaron 
mâché     niasplat 
mâcher     niaspla 
mâchoire     gaute,  gatila 
magasin     maguazin 
majesté     magestat 
majestueux    magestous 
maigre     escarnarit,  maigre 


limité     limitât 
limiter    limita. 


LO 


louange  louange 

loué  laudat 

loué  soit  Dieu     laudat  si  Diu, 

louer     lauda 

loup     loup 

louve    loube 

louveteau    loubat. 


LU 


luisant  luzen 

luisante  luzente 

lumière  luts 
lunettes     brigles 

la  lune  le  lu. 


MA 


maillet     mailoc,  mail 

manger     minja 

mangé     minjat 

manche     manjou 

tiens-toi  au  manche     tien  te  au 

manjou 
manchon     manchon 
manchot    manchec. 


ME 


mécanique     coumune  médiocre     miejané 

méchanceté    mechansetat  médisance     medisence 
mèche  de  lampe     meque,  cauzoû      médisant    medisen 

médaille     médaille  méditation     méditation 

médecin     médecin  méditer    médita 

médicament    mediquemen  melon    meroun. 
médiateur     acoumoudaire 


MI 


miaulement    niauleri 

miauler     niaula 

mie  de  pain     medout  de  pan 


miel    meû 
mignard     argaignat 
mignardise     mignardise 


36 


GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 


mine  du  visage     mine,  care 
bonne  mine    bonne  care 
mine  de  fer    mine  de  hé 
miner    mina 


mobile    mobile 
mode    mode 
modèle     moudèle 
modération     modération 
modéré     modérât 
modérer    modéra 
modeste    modeste 
modestie    modestie 


mulâtre     mulastre 
mule    mule 
mulet    mulet 
muletier    mulaté 
multiplier    proubaigna 
multitude     carrebaissalle 


mineur  en  bas  âge 


mmeur 
miroir     mirail 
misère     misère 
miséricorde    miséricorde. 


MO 


moine     monje 
monde     mounde 
monnaie     mounede 
monnayeur     mounedé 
montagnard     montagnol 
montagne    montaigne 
mortaise     mourtouse 
mortalité    mourtaille. 


MU 


meunier    moulié 
muraille     muraille 
muré     muraillat 
murmure     plaignét 
murmurer    plaigne. 


NA 


nager    nada 

nageur    nadedoù 

nage  toujours    nade  tousten 

naissance     nachence 

naître    nache 

nappe    tabaille 

mettre  la  nappe    mètre  tabaille 


nate     nate 
nation    nation 
naturalisé     naturalisât 
naturaliser     naturalisa 
naveau    nap,  raboû 
naufrage    naufratje 


nez    nas 

nez  écacbé    nas  de  claque 
né    nascut 
néant    nean,  arré 
nécessaire     nécessari 
nécessité     nécessitât 
négligence     négligence 
négligent    négliger 
négoce    negoci,  trafic 


NE 

négocier    negouciâ,  trafica 
négociant     negouciant  trafican 
neige    neu 
neiger    neba 
nerf    nerbi 
nerveux     nerbut 
netteté    netetat 
nettoyer    neteja. 


GRAMMAIRE  GASCONNE   ET    FRANÇOISE  37 

NI 

dénicher  les  merles     desnida  loûs 


m    ni 

ni  plus  ni  moins     ni  me  ni  meins 
niais     niais,  nigaut 
niaiserie     nigaudi,  niezeri 
niche    arregaigne,  trufe 
nid     nit 


merlous 
nier     negua 
nippes     nipes 
niveau     nibeu 
niveler    nibela. 


NO 


noble    noble 
noblesse    noublesse 
noces     noces 

noyau  de  pêches    croch  de  per- 
chée 
noyé     aneguat 
noyer     anegua 
noyer,  arbre     nougué 
noix     nots 

noirci    noircit,  tintât  de   negue 
noircir    noirci 
noisetier     aulané 
noisette     aulan 
noix  de  gale     nots  de  gale 


nombre     condat,  nombrat 

nombrer     conda,  nombra 

nombril     pendril 

nommé     nomat 

nommer  quelqu'un     nouma   caù- 

qun 
notable     maje 
note     merque 

noté  d'infamie     tacat  d'infamie 
notifié     notifficat 
notifier     notiffica 
nourrir     nauri 
nourrice     naurice 
nourricier    nauricé. 


NU 


nu    nut 

être  nu     esta  nut 
nudité     nuditat,  bergouigne 
nuire     nuise,  ha  tort 
nuit     noûeit 

pendant    la   nuit      penden    la 
noûeit 


obéi     aubedit 

obéir     aubedi 

se  faire  obéir    has  aubedi 

obéissant     aubeissen 


nul     nad 

nulle     nade 

nul  homme     nat  homi 

nullement     brigue 

nullité     nulitat 

numérer    nombra 

nuptial    nupciaû. 


OB 


obéissance     aubéissence 
objecté     objectât 
objecter     objecta 
obligation     obligation. 


OC 


occasion     ocasion  occupation     ocupation 

l'occasion    fait  le  larron  l'oca-      occupé     ocupat 
sion  que  hei  lou  lairon  occuper     ocupa. 

occulte     cachât  3 


?8 


GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 


OD 


odeur     aulou 
bonne  odeur 


bonne  auloû 


odieux     hastiaii 
odieusement    hastialemen. 


OE 


goûeiUet  d'un 


œil     goueil 

œillet,  fleur    villet,  guiroufleye 
œillet  d'un  corps 
corcet 

offense     offence 
offensé     offençat 
offenser     offença 


oie     auque 
oison     aucât 


œuf    goûeû 

œuvre     obre,  oubratje 

œuvres  pies     obres  pies. 


oignon 


opération     opération 
opérer    opéra 
opiner     opina 
opiniâtre    opigniastre 


oracle 


oracle 
oratje 


oraison     oraison 


orange 


iranje 
ordonnât 


OF 


offre     offre 
offert    offert 
offrir  auffrï 


01 


oiseau  auzét 
oisif  estedou 
oisiveté    feneantise. 


OL 

olive     olibe 

olivier     olibié. 

OM 

ombrage     ombratje 

omettre     omete 

ombrageux     oumbratjous 

omis     omes 

ombre     ompre 

omission     omission 

ON 

once     once 

ondée  de  pluie     lai 

oncle     oncle,  onçoiin 

ongle     uncle 

onde     ound 

onguent     engoiïen 

OP 


opinion     opinion 
oppression     opression 
opprimer     oprimat 
opprimé     oprinia. 


OR 


ordonné 
ordonner 
original 
originel 


ordonna 
ordre 
originaû 
originel. 


GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 


39 


OS 


ostentation 

ôté     estremat 
ôter     estrema 

oubli     desmoûnbre 
oublié     desmounbrat 
oublier     desmoûnbra 
oui'di     ourdi 
ourdissoir     oûrdiné 

pacifié     pacifficat 
pacifier     pacifia 
pacifique     pacifie 
pacte    pactou 
payable     payable 
payé     pagat 
payer     pagua 
paisible     passien 
pâle     palle,  blesme 
pâlir     palli 
pâmé     espamat 


OT 


OU 


farfanterie 

ôtez-vous     d'ici 
d'aci. 

ourler     oùrela 
ourlet     orle 
ours     ours 
outre    en  aban. 


sourtes    bous 


PA 


se  pâmer     s'engouëcha 
pâmoison     engouëche 
pendu     penut 
parafe     paraffle 
parafer    paraffla 
paresse     paresse 
paresseux     paressous 
paresseuse     paresseuse 
parfum     perfani 
parfumer    perfuma. 


PE 


péage    piatje 

peau    pét 

pêche,  fruit    prechegue,  prechec 

peigné    pientat 

peine     peine 

à  grand'peine     à  grand  peine 

peint    pintrat 

peintre     pintre 

piailler     clapita,  claca 

picorée     pille 

aller  à  la  picorée     ana  à  la  pille 

pièce    pèce 

pièce  de  monnaie    pèce  de  mou- 

nede 
pied    pée 
piège     las 
pierre    peire 


peinture     pinture 

pèlerin     pélegrin 

pénétré     pénétrât 

pensé     pensât 

la  pensée     le  pensade 

penser     pensa 

penser  à  mal     mau  pensât. 


PI 


pierre  de  taille     peire  de  taill 

piété     piétat 

pigeon     pijon 

pigeonnier    pijonier 

pilier    pila 

pilé     pilât 

pillage     pillatje 

pillard     layron. 


40 


GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 


PL 


placard    placard 
place     place 
placet    placét,  requeste 
plaidé     pleitejat 
plaider    pleiteja 
plaie    plague 
plaie,  fléau    fleu 
plainier    plané 


poche    poche 
poêle     padère 
poignard    puignaû 
poignarder     puignarda 
poignet    puignet 
poil    peu 
poil  folet    peluzon 


prairie     arribère,  prat 
préambule     rebaloy 
prébende     prebande 
précaution     précaution 
procéder     desbança 
précepte    précepte 
prêcher    prêcha 


puant     puden 
puanteur     pudentisse 
public     public 
publication     publication 
publié     publicat 
publier     publica 
puce     pus 
pucelle    puncelle 
puer     pudi 
puissant     pouchan 


quadrille     quadrillou 
quai    halle 
qualité     qualitat 


planté    plantât 
planter    planta 
plombé     plombât 
plomber    plomba 
plongé     plonjat 
plonger    plonja 
plume     plume 
plumer    pluma. 


PO 


poinçon     ponchon 
poindre    pouigna 
poing     puing 
point,  couture     pun 
point  d'honneur     pun  d'aunou 
sur  le    point  de  mourir     au  pun 
de  mouri. 


PR 


pneur    priou 
principe     principe 
prison     prezon 
procuré     proucurat 
procurer    proucura 
procureur    percuraire 
prodigue     prodigue. 

PU 

puits     puts 

punaise     pusnache 

pupille    pupile 

pur,  pure    pu,  pure 

vin  pur     bin  pur 

eau  toute  pure     aygue  toute  pure 

purement    puremen 

pureté    puretat 

purgé     purgat 

purger    purga. 

QUA 

quantité     quantitat 
quartier     quartié. 


GRAMMAIRE   GASCONNE  ET   FRANÇOISE 


41 


QUE 

que     que  querelle     crclle 

qu'est-ce  que  c'est?    qu'es  aco?      querelles    crella 


que  dit-il?  que  dits  et? 
quel,  quelle     quein,  queigne 
quel  des  deux     cuaû  doù  dus 
quelqu'un  caûqun 
quelqu'une     caûqû 
quelqus-uns     cauques  uns 
quelque  jour    cauque  jour 


qui     qui,  queing 

qui  que  ce  soit     qui  que  se 

quittance     quittance 


querelleur     créions 
question,  demande     question 
question,  gène     lestire 
quête     queste 
quêter     questa 
queue    coude 

QUI 

quitte,  libre     quites 

quitter,  laisser     quitta,  lécha 


RA 


rabais     rebaich 

rabais    de    monnaie     rebaich  de 

mounéde 
rabaissé     rebachat 
rachat     rachat 
racheté     rachetât 
racheter    racheta 
racine     ari-edits 
jeter  racine     ha  arredits 
raccourci     racourcit 
raccourcir     racourci,  abreca 
raffiné     rassinat 
rafOner     rassina 
rayé     rajat 


rat    arrat 

revendeur     arroumeraire 

railler  quelqu'un    railla  caiiqun 

raillerie     railleri 

railleur    railleur 

raisin     arrezim 

raisins  secs     arrezims  secs 

raison    raison 

raisonnable     raisonnable 

raisonnablement      raisounable- 

men 
rame  de  papier     rame  de  pape 
rame,  aviron     abiron,  pâlot 
ramer    rama,  tira  l 'abiron. 


RE 


rebelle    rebelle 
se  révolter     gendarma 
rébellion     rébellion 
rebondi     rebondit,  pregun 
rebondir     arreguinna 
rebuté     rebutât,  degoustat 
rebuter     rebuta 
recelé    recelât 


receler    recela 
recette    recepte 
reçu    recebut 
receveur    recebur 
recevoir    recebe 
repoussé     repoussât 
repousser    repoussa. 


42 


GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 


RI 


care  arridente 


riant     arriden 

un  \asage  riant 

riche    riche 

richement    richemen 

rideau     rideû 

tirer  le  rideau     tira  lou  rideû 

rigole    gole 

rigoureusement    rigourousemen 


rigoureux    ngouroux 
rime     rime 
rimer     rima 
rincer     arresca 
rincé     arrescat 
rincer    les  verres 
beires. 


arresca 


lous 


RO 


robe     raube 

à  la  ronde     à  la  ronde 

robe    de    chambre      raube    de 

crampe 
robe  de  palais     raube  de  palais 

rondeur     roundoû 
ronfler     arrounca,  ronffla 
rongé     arrougagnat 

gens  de  robe     gens  de  raube 

rosaire     rouzari 

robinet    roubinét,  brouquét 

rose     arrose 

robuste    robuste,  gouaillard 

roseau     canabère 

roche     arroque 

rosée     arrous,  arrourade 

rocher    roc 

rosier    arroûzé 

rogne    roigne 
rogner    roigna 

rosse    rosse 

rossé     arrassat,  roussât 

rogneur  d'écueles   roignaire  d'es- 
cudeles 

rosser    rossa 
rossignol    rechinoû 

rogneure     rougnedure 
roi    rey 

royauté     royautat 
rois     reis 

rôt,  rôti     roustit 
rot     arrout 
roter     arouta 
rôtie     roustide 

roitelet,  oiseau    rey  couchic 

roue     arrode 

roman    roman 

rouer,  rompre     roua 

romarin     roumanin 

rougeolle     sarranpin 

rompre,    briser      rompe,    brisa, 

rougeur     roujou 

pouda 
rompu     romput 
rond,  ronde     redoun,  redoune 

rousseur  au  visage     lanc 
roussâtre     roussard 
route     route . 

RU 


ruade     arresguinet,  cuilebét 

ruban     riban 

rubarbe     rubarbe 

ruche     caben 

rue     arrû 

ruine    ruine 


ruiner     ruina 
ruisseau     arriu 
rhumatisme     rumatisme 
rumeur    rumou 
rusé    rusât. 


GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 


43 


SA 


salle     sable 
sabot    esclop 
sabre     sabre 
sac     sac 

sacrifié     saccrifficat 
sagesse     sagesse 
saigné     sagnat 
une  saignée     n  sagnï 
saigner     sagna 
salière     salie 
salir     cascanteya 
se  salir    bas  orre 
salut     salut,  coulade 
salué     saludat 
saluer     saluda 
sanctifier     santiffica 
sanctifié     santifficat 


sandale     sandale 

sang     sang 

sanglant     sanglan 

sangle     sangle 

sanglé     sanglât 

sangler     sangla 

sangler,  battre     truca,  da  patac 

sanglot,  hoquet     sanglout 

sangloter     sanglouti 

sangsue     sangrauze 

sape     sape 

sapé     sapât 

saper     sapa 

sapin     sapin 

sarclé     sarclât 

sarcler     sarcla 

sarcloir     sarclât. 


SE 


se    se 

s'aimer     s'aima 
se  repentir    repentis 
s'abstenir     se  priba 
se  souvenir     soubiénés 
sec,  sèche     sec,  seque 
être  à  sec     esta  à  sec 
sécher     seca 
secondé     secondât 
seconder     segonda 
secoué     segoutis 
secourir     ajuda 
secouru     ajudat 
secours     ajiide 
secte    secte 
séculier     seculié 
séditieux     séditieux 
sédition     sédition 


siècle     siècle 
siège    sieti 


scellé     scellât,  cachetât 

sceller     sella 

sel     sau 

selle  de  cheval     sere  de  chibaû 

sellé     serat 

semé     soumiat 

semer     souniia 

semelle  de  soulier  semelle  de 
soulié 

sentier,  chemin     sende 

sentence     sentence 

senteur     sentou 

sentinelle     sentinelle 

séparation  espartide .  sépara- 
tion 

séparé     séparât 

séparer    sépara 

séparément     separemen 


SI 


siège  de  ville     siège 
sifflé     siulat 


44 


GRAMMAIRE 


sifflement    siulet 

siffler     siula 

signal     signau 

signalé     signalât 

signaler     signala 

signé     signât 

signer     signa 

signification     signiffication 

signifié     signifficat 

signifier     signiffica 

silence     silence 

faire  silence     esta  chouan 

simoniaque     simoniaque 

simonie     simonie 

simple     simple 


GASCONNE  ET  FRANÇOISE 

simple  soldat    simple  sourdat 

simplicité     simplicitat 

sincèi'e     sincère 

sincèrement    sincèremen 

sincérité     sinceritat 

sindic     sindic 

singe,  mounard     moune,  chimi 

singulier     singulier 

sirène     serène 

sirop     sirop 

siroter,    boire       soufFra    lama- 

rante  (sic) 
situation     situation 
situé     situât 
situer    situa 

SO 


soie     séde  solennel    solemnel 

soie  de  sanglier    peu  de  sanglier      solenniser     solemnisa 


soif    sét 

soigner     soigna,  arregla 

soin     soin 

sole,  poisson     sole 

soleil     soureil  soû 

à  soleil  levant    au  soû  Ihebat 


solennisé     solemnisa 
solide     solide,  ferme 
solidité     soliditat 
solive     solibe 
soliveau,  soulibeu 
sollicité     sollicitât 
solliciter     sollicita. 


SU 


subit     subit 

subitement     subitement 
submergé     anegat 
suborné     subournat 
subside     subside,  impos,  taxe 
subsistance     subsistance 
subsister     subsister 
substance     substance 


substanciel     substanciel 
substituer     substituât 
substitut     substitua 
subtil     subtil 
subtilement    subtilemen 
subtilité     subtilitat 
suffoqué     suffocat 
suffoquer    suffoca. 


TA 


tabac     tabac 

tabac  en  poudre    tabac  en  pou- 
dre 
tabatière     tabaquière 
tabernacle     tabernacle 


table     taule 

couvrir  la  table     mete  la  tabaille 

se    mettre    à    table     boutas    en 

taule 
tenir  table     tene  taule,  tauleja 


GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 


45 


tableau     tableu 

tablier  de  femme     debantaû 

tabouret     tambouret,  trubez 

tambourin     tambourin 

tache     taque 

tache  d'huile     taque  d'oli 

taché     tacat 

tacher     taca 

tâcher,    s'efforcer     tacha,    s'es- 

fourça 
tacheté     taquetat,  mirgaillat 
tacheter     taqueta 
tafetas     tafetas 
taie    té 
taie  à  l'œil    maille  au  goueil 


teigne    tigue 
teigne,  ver     arle 
teigneux     tignoux 
teindre     tinta 
teint     tintât 
teint  du  visage     tin 
téméraire     témerère 
témérité     temeritat 
témoigner    témoigna 
témoin     témoin 
tempéré     tempérât 
tempérer     tempera 
temple     temple 


taillé     taillât,  coupât 
tailler     tailla,  coupa 
tailler  une  plume     tailla  ù  plume 
taire     cara 
se  taire     caras 
taisez-vous     carats  bous 
taire  un^secret      gouarda  un  se- 
cret 
tambour     tambour 
tambour     tambourinaire 
tamis     sedas,  dasséde 
tamisé     passât  au  sedas 
tamiser    passa  au  sedas 
tanche,  poisson    tengue 
taon    housseroun. 


TE 


les  temples    lous  temples 

temporel     temporel 

temporiser     delounça 

temps     tems 

dans  ce  temps     dens  aquet  tems 

tendre     tendre,  teigne 

tendre  un  filet     tène  u  hillat 

tendresse    tendresse 

tendu     tenut 

ténèbres     ténèbres,  escurade 

teneur     lou  contienut 

tenir     tiene 

tenir  jeu     tiene  joc. 


TI 


tiens-toi  là     tien-te  aqui 

tiède     tiède,  tabout 

tiédeur     tiédou 

tige     le  came 

tigre     tigre 

timide     timide,  pauruc 

timidité     timiditat 

timon     timon  ah  (sic) 

tyran     tiraa 

tyrannie     tirannie 

tyranniser     tiraniiisa 


tirer     tira 

tirer  la  corde     tira  la  corde,  chir- 

gua 
tirer  l'épée     darrigua  l'espade 
tirer  du  vin     tira  bin 
tirer  le    vers    du    nez     tira  lou 

bermi  dou  nas 
tirer  un  canon     tira  un  canon 
tireur  de  laine     courdaire  de  lane 
tireur     tiradou,  liraire. 


46 


GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 


TO 


tocsin     toqucsein 

toile     tele 

toléré     toléra,  souffri,  payra 

tombé     cadut 

tomber     cade 

tombeau     hosse 

tondeur     tounedoû 

tondre    buscarra,  toune 

tondu     tounut 

tonsure     tonsure 


tonsurer     tonsura 

tonsuré     tonsurat 

toper    toupâ 

tordre  torse 

tordu     toursut 

tordre  le  cou     cot  torse 

taureau     taû 

torture  estire 

touché     toucat 

toucher    touca. 


TR 


tiacas     tracas 

trace     piste 

suivre  la  trace     segui  la  piste 

tracé     traçât 

traduit     traduit 

traduire     traduire 

tracer     traça 

trafic     trafic 

trafiquer     trafica,  trafailla 

tragédie     tragedi 

trahi     trahit 

trahir     trahi 

trahison     trahison 

traîné     carrussat,  arrouseguat 

traîner     carrussa,  arrousegua 

traire     les  vaches     mouilla     les 

baques 
trait     tret,  tirade 
boire  d'un  trait     bebed'u  len,d'u 

tirade 
un  trait  d'esprit     u  punte  d'esprit 


traitable     de  bonne  sorte,  prous 

tremblant     tremblen 

trembler     trembla 

tribut     tribut 

tricher     tricha 

tricheur,    pipeur      tricheur,    tri- 

chot 
tricheuse     trichote 
trompé     trompât 
tromper     trompa 
trompette     trompeté 
trompeter     trompeta 
tronc  d'arbre     eau  d'arploCi 
tronc     tronc 
troqué     baratat,  troucat 
troquer     barata,  trouca 
trot     trot 
trotter    trouta 
trou     hourat,   trauc 
trouer     hourada,  trauca. 


TU 


tuer     tua,  auside 
tuerie     tuerî 
tuyeau    canet 
tuile    teule 


tumeur  boigne,  tumou 
tumulte  brut,  batsarre 
turc     turc . 


GRAMMAIRE  GASCOiNMii  ET  FRANÇOISE 


47 


va-t-en     beiten,  adichats 

vacances     bacances 

vache     baque 

vachei'     baqué 

vaillant     balen 

vagabond     baguenaud,   bandou- 

lié 
vague  de  mer     bague  de  maà 
vaguer,  errer     bagua,  courre 
vaincre     bence 


veau    bétet 
vautré     brouglat 
se  vautrer    brouglas 
veiller     beilla 
velours     belous 
vendange     brouigne 
vendanger     brouigna 
vendangeur     brougnedou 


vicaire     bicari 

vicarie     bicaria 

vice     bici 

vicieux    bicioux,  biciat 

vicomte     bisconte 

vicomte     biscontat 

victime     bictime 

victoire    bictoire 

victorieux     bictorioux 

vie     bite 

vieille  rance     bielle  rançouse 

vieux     bieil 


VA 

vaisseau     nabiu,  bachet 

vaisselle     bachère 

valet    baik-t 

valet     de    chambre       bailét     de 

crampe 
valétudinaire     caitiû 
valoir     balé 
vanté     bantat 
se  vanter     bantas 
variable     bariable. 


VE 


vendangeuse     brougnedourc 
vendre     bene 
vendu     bendut 
vénérable     benerable 
vénération     bénération 
vénérer     benera 
vengé     benjat 
venger    benja. 


UL, 


ulcère     plague,  ulcère 
uni     unit 
union     union 
unique     unique 


VI 

vif     biu 

vigilance     balentisse 

vigilant     balen 

vigile     bigili 

vin     bin 

vin  d'Espagne     bin  d'Espaigne 

vinaigre     biague 

vindicatif     bindicatiu 

voleur     bouleur 

voleur   de    chevaux     polligaire, 

bouleur  de  chibaous. 

UN,  UO 

fils  unique     hil  unique 
uniquement     uniquemen 
unité     unitat 

VR 


vraiment     del  rai 


vraisemblable    braisemblable 


48 


GRAMMAIRE  GASCONNE  ET  FRANÇOISE 


urgent    pressan 
urine     pich,  aurine 


uriner    picha,  aurina. 


US 


usage    usatje 

usufruitier    jouissen 

usé  uzat 

usurier     uzuré 

user    uza 

usurière     uzurère 

usité     uzitat 

usurper     uzurpa 

usufruit    jouissence. 

usurpateur     uzurpatour. 

UT 

utile     utile 

utilité     utilitat. 

utilement    utillemen 

VU 

vue    biste 

vuidé     bouitat 

la  vue    le  biste 

vuider     bouita 

vuide    bouite,  bonite 

vulgaire     paisan,  commun 

bourse  vuide    bouce  bouite 

vulgairement    communément. 

YA 


yeux     goueils 

yeux  enfoncés     goueils  enfonçats 

regarder  quelqu'un    entre    deux 


yeux     espia  cauqun  entre  deux 
goueils. 


YV 


yvoire  ibouere 
yvraye  yrague 
yvre    berjac,  ivrogne 


il  est  yvre     qu'es  ivrouigne 
yvrognesse     berjague 
yvrognerie     berjaguère. 


ZA 


zaïn     zaïn 


zizanie     irague. 


Fin 


NOTE    SUR  DEUX    MANUSCRITS 

DES    FILS  AYMON 


Le  manuscrit   de   Peterhouse 

Le  scribe  qui  a  copié  les  romans  contenus  dans  le  manu- 
scrit H,  247  de  Montpellier  paraît  s'être  fatigué  vers  la  fin  du 
volume  *.  J'ai  déjà  fait  remarquer  que,  pour  le  Maugis,  ce 
ms.  ne  contient  guère  que  la  moitié  des  vers  que  donne  le  ms. 
766  de  la  Bibliothèque  nationale -.Le  Vivien  semble  abrégé  en 
certains  endroits.  Mais  \q  Renaud  de  Montuuban  y  est  plus  mal- 
traité encore,  parce  qu'aux  torts  du  copiste  se  sont  ajoutés  les 
outrages  du  temps.  La  fin  du  manuscrit  a  été  détruite,  et  le 
texte  s'arrête  au  milieu  du  récit  du  combat  de  Renaud  et  de 
l'émir  Safadin  ^. 

L'originalité  de  la  version  des  Fils  Aymon  contenue  dans  le 
manuscrit  de  Montpellier*  m'avait  fait  regretter  de  n'avoir  pu 
l'étudier  sur  un  texte  plus  complet,  et  ceux  qui  estimentque  le 
cycledeRenaud  est  une  des  parties  les  plus  importantesde  no- 
tre littérature  épique  ont  probablement  éprouvé  le  même  sen- 
timent. Je  crois  avoir  des  raisons  sérieuses  de  penser  que  la 
version  que  je  continuerai  à  désigner  par  la  dénomination  de 
version  de  Montpellier,  a  été  conservée  à  peu  près  intégrale- 
ment dans  un  autre  manuscrit. 

La   planche  130  des    fac-similés   à  l'usage  de  l'École  des 


1  C'est  une  collection  cyclique  comprenant:  Doon  de  Maience,  Gaufrei, 
Ogier  de  Dannemarche,  Gui  de  Nanteuil,  Maugis  d'Aigremont,  Vivien 
l'Amachow  de  Monbrmic,  les  Quatre  Fils  Aymon. 

2  V.  dans  mes  Additions  aux  Recherches  sur  les  Chansons  de  geste  la 
note  relative  au  ms.  766. 

3  V.  au  commencement  des  Recherches  le  texte,  tel  que  j'ai  pu  le  déchif- 
frer, de  la  fin  de  ce  manuscrit. 

*  V.  dans  les  Recherches,  le  chapitre  intitulé  le  Maugis  d'Aigremont  et  le 
Renaud  de  Montauban  et  le  chapitre  sur  Rinaldo  da  Montalbano,  passim. 


50  NOTES  SUR    DEUX  MANUSCRITS 

Chartes  reproduit  une  page  d'un  manuscrit  français  de  la  Bi- 
bliotlièque  de  Peterhouse  à  Cambridge.  A  la  page  34  des  cor- 
rigés qui  accompagnent  ces  fac-similés,  Ton  trouve  la  tran- 
scription des  premiers  vers  de  ce  morceau  avec  Tindication 
suivante  :  «  Début  de  la  Chanson  de  Maugis  d'Aigremont. 
Manuscrit  2,2.5  de  Peterhouse  Cambridge.  »  Mon  attention 
ayant  été  appelée  sur  ce  texte,  j'ai  reconnu  que  ce  n'est  pas 
le  début  du  Maugis,  mais  bien  le  commencement  d'une  ver- 
sion des  Fils  Aymon,  commencement  tout  semblable,  sauf 
quelques  points  peu  importants,  au  début  de  la  version  de 
Montpellier. 

Cette  remarque  une  fois  faite,  j'ai  immédiatement  recouru 
à  l'obligeance  de  M.  Barnes,  bibliothécaire  de  Peterhouse, 
et  c'est  ainsi  que  je  puis  donner  quelques  renseignements  sur 
un  manuscrit  qui  méritait  d'être  plus  connu.  Il  est  coté  2.0.5 
et  non  2.2.5,  comme  il  avait  été  indiqué  inexactement  dans 
le  fac-similé.  Il  contient  deux  romans,  l'un  d'environ  8,000 
vers,  commençant  par  les  mêmes  vers  que  le  Maugis  et  ter- 
miné par  la  formule:  a  Explicit  des  Enfances  Maugis  »;  le 
second,  d'environ  18,000  vers,  qui  commence  par  le  passage 
reproduit  en  fac-similé,  et  qui  doit  être  complet,  si  ce  n'est 
qu'au  folio  final  il  manque  la  moitié  des  dix  dernières  lignes. 

Il  se  termine  par  les  mots  :  «  Explicit  de Montauban .  » 

D'ailleurs  les  deux  poëmes  ne  sont  précédés  d'aucun  titre  an- 
cien. 

Nous  avons  donc  un  nouveau  texte  du  Maugis  d' Aigremont 
et  du  Renaud  de  Montauban.  Il  permettra  très-probablement 
de  compléter  et  de  corriger  la  version  déjà  connue  par  le  ms. 
de  Montpellier. 

Pour  mettre  le  lecteur  à  même  d'apprécier  la  ressemblance 
des  deux  versions,  je  reproduis  ici  celle  de  Peterhouse  d'après 
le  fac-similé.  On  pourra  la  comparer  au  texte  du  même  passage 
que  j'ai  donné  d'après  le  ms.  de  Montpellier,  dans  le  chapitre 
sur  le  Rinaldo  da  MontalbanoK 

Le  ms.  de  Peterhouse  est  écrit  en  un  français  très-pur, 
mais  il  me  semble  dériver  d'un  texte  moins  ancien  oue  celui 


1  V.  Revue  des   l.   r.,  3e  série,  t.  XVI,  p.  167;  tirage  à   part   des  Recher- 
ches, p.  187, 


DES  FILS  AYMON  51 

dont  s'est  servi  l'auteur  du  ms.  de  Montpellier.  J'espèro 
d'ailleurs  revenir  i)lus  tard  sur  cette  question,  quand  j'aurai 
achevé  l'étude,  que  j'ai  commencée,  des  principales  versions 
du  Maugis  et  des  Fils  Aymon. 

Seignour,  oiez  chançon  de  grant  nobilité; 
L'estoire  est  tote  voire,  sanz  point  de  fauseté  ; 
Onques  meillor  n'oïstes  des  ce  que  Dex  fu  nez. 
A  Saint-Deniz  en  France  que  Dex  a  tantamé 

5     La  trueve  l'en  ou  rolle  o  l'autre  autoricté, 

Si  com  Karles  de  France,  li  forz  rois  corronez, 
Guerroia  le  duc  Buef  *  d'Aigremont  l'alosé 
Et  Girart  le  sien  frère  qui  tant  est  redoutez, 
Et  Doo  de  Nantueil  o  le  grenon  mellé, 

10     Et  Aime  de  Dordon  le  vassal  aduré. 

Cil.  iiii.  furent  frère  et  d'un  père  engenré. 

Il  n'ot  si  vaillanz  homes  en  la  crestienté 

Ne  qui  tant  s'entramaissent  sanz  point  de  fauseté, 

Que-  Karles fist  ocirre  a  .i.  jor  de  Noël 

15     Le  duc  Buef^  d'Aigremont  que  il  avoit  mandé  ; 
Ou  conduit  l'empereur  fu  li  duz  deviez, 
Puis  en  fu  granz  la  guerre  et  la  mortalitez 
Et  tant  preudome  morz,  ociz  et  afolez, 
Renaus  li  filz  Aimon  qui  tant  ot  de  bontez 

20     Occit  puis  Bertolai  d'uneschac  pointure, 
Le  neveu  Karlemaine,  dunt  li  rois  fu  irez. 
La  terre  en  fu  destruite  et  tant  païs  gasté, 
Et  tante  veve  dame  perdi  son  avoé, 
Tant  enfant  orphenin  en  sont  déshérité, 

25     Et  cheu  a  poverte  et  a  honte  livré, 

Et  puis  en  fu  Renaus  !i  vassaux  malmenez 
Entre  lui  et  ses  frères  chaciez  forz  dou  régné  ; 
Puis  guerroierent  Karle  lor  anemi  mortel, 
Et  li  firent  maint  mal  et  mainte  tempestez. 


1  Le  corrigé     imprime    Bues,  probablement  parce  que  la   barre  de  Vf  est 
peu  distincte  et  paraît  avoir  été  grattée. 

2  Que  ne  donne  pas  de  sens.  Il  faut  ou  corriger  Mais,  ou  admettre   une 
lacune. 


5Î  NOTE  SUR  DEUX  MANUSCRITS 

30        Ce  fu  a  Pentecoste  après  TAsencion  ; 

Karles  fu  a  Paris  en  sa  mestre  meson, 

La  tint  li  rois  sa  cort  ainsi  com  nos  diron. 

Onques  ne  tint  si  grant,  de  verte  le  savon. 

Tuit  i  furent  venu  li  chevalier  baron, 
35    Salemons  de  Bretaigne,  del  Manz  conte  Huon, 

Et  Yves  et  Yvoires,  Berengiers  et  Haton, 

Et  Hernaux  de  Valence,  Galeran  de  Buillon, 

Et  tant  autre  baron  dont  je  ne  sai  les  nous. 

La  cors  fu  si  pleniere  que  de  fi  le  set  on. 
40     Assez  i  ot  venuz  chevaliers  et  barons, 

Et  Normans  et  Pouhiers,  Poitevins  et  Gascons. 

Lombarz  et  Berriuiers  i  furent  a  fuison. 

Et  si  estoit  venuz  duz  Aimes  de  Dordon, 

Et  avec  lui  si  fil  qui  sont  de  grant  renon. 
45     Tuit  .iiii.  sont  vallet,  n'ont  barbe  ne  grenon. 

Li  ber  les  ama  moult,  si  ot  bone  reson. 

L'empereor  salue  et  parla  com  preudom. 

((  Baront,  dit  l'empereres,  entendez  ma  reson. 

Tante  terre  ai  conquise  et  tante  région 
50     Dont  li  segnor  me  servent  ou  il  voeillent  ou  non  ; 

S' ai  tante  vile  mise  a  feu  et  a  charbon, 

Et  tant  païs  ai  mis  a  grant  destrucion, 

Et  la  sainte  loi  Deu  mise  par  tôt  avon. 

S'ai  conquis  Guiteclin  ice  Sesne  félon, 
55     Je  Focciz  a  mon  brant  si  que  le  vit  Naimon. 

Baudoins  i  fu  morz  que  nous  tant  amions. 

N'i  daignierent  venir  mi  chevalier  baron, 

Forz  li  duz  des  Normans  et  li  rois  Salemon. 

Par  icels  de  Hurupe  ou  j'ai  sauvacion 
60    N'i  eiisse  conquis  vaillant  .i.  esperon, 

Se  ne  fust  Salemon  que  nos  amer  devon. 

Atot  .XX. M.  d'omes  me  secorut  par  non. 

Li  duz  Bueves  sanz  barbe  i  fu  sanz  achoison, 

Baudoins  li  Baiviers,  Estez  li  fils  Ouedon, 
65     Et  Gaifiers  de  Bordelle  que  tant  amer  devon, 

Et  si  porta  l'ensegne  Gondrebuez  li  Frison. 

N'i  perdismes  par  lui  vaillant  .i.  esperon. 


DES  FILS  ATMON  53 

Assez  i  mandai  autres  qui  sont  de  mon  roion, 
N'i  daignierent  venir,  par  le  cors  .S,  Simon. 
70    Je  mandai  en  aïde  Girart  de  Rosillon 
Et  Doon  de  Nantuel  o  le  flori  grenon.  » 

La  parenté  des  deux  débuts  est  évidente,  et  l'on  a  pu  re- 
marquer que  le  texte  de  Montpellier  est  heureusement  com- 
plété en  plusieurs  endroits.  Ce  qui  caractérise  cette  variante 
delà  légende  des  Fils  Aymon,  c'est  l'idée  d'expliquer  l'ini- 
mitié de  Charles  et  de  Beuves,  non  plus  par  la  querelle  an- 
cienne de  l'empereur  et  de  Doon  de  Nanteuil,  frère  du  duc 
d'Aigremont,  mais  par  un  refus  que  Beuves  et  ses  frères  au- 
raient fait  de  secourir  leur  suzerain  dans  sa  guerre  contre 
les  Saxons.  Le  ms.  766  de  Paris  n'a  pas  accepté  cette  modi- 
fication de  la  légende. 

Une  comparaison  rapide  permettra  d'apprécier  l'impor- 
tance du  texte  de  Peterhouse. 

Dans  le  manuscrit  de  Montpellier,  le  morceau  correspondant 
ne  contient  que  41  vers.  Les  vers  13-19  sont  omis  et  rempla- 
cés par  une  sorte  de  résumé  vague  : 

Kalles  les  haï  moult  et  vers  eus  fu  iré, 
Ainsi  com  vous  orrez  se  je  sui  escouté. 

Le  passage  ainsi  supprimé  est  important.  Le  trouvère,  qui 
sait  qu'il  va  raconter  non-seulement  la  mort  de  Beuves,  mais 
l'histoire  des  Quatre  Fils  Ajmon,  et  qui  considère  les  deux 
narrations  comme  ne  formant  plus  qu'un  seul  roman,  croit 
devoir  présenter  une  sorte  de  prologue  contenant  l'énoncé  de 
tout  son  sujet.  Le  texte  donné  par  M.  Michelant  date  de  l'épo- 
que où  l'on  commençait  à  réciter  de  suite  les  deux  romans, 
mais  où  cet  usage  n'avait  pas  encore  entraîné  une  modifica- 
tion profonde  du  Beuves  d'Aigremont.  Dès  le  quatrième  vers, 
l'on  entrait  en  matière  : 

Ce  fu  à  Pentecoste,  etc. . . . 

Mais  une  fois  les  deux  poèmes  confondus  en  un  seul,  par 
suite  du  remaniement  définitif  du  premier,  le  prologue  annon- 
çant la  querelle  de  Renaud  et  de  Charlemagne  est  une  intro- 

4 


54  NOTE  SUR  DEUX  MANUSCRITS 

duction  nécessaire  que  l'on  trouve  dans  tous  les  manuscrits, 
d'une  façon  plus  ou  moins  complète,  suivant  le  degré  de  fidé- 
lité de  mémoire  du  jongleur  ou  d'attention  du  copiste. 

Les  vers  33,  37,  39-41,  46,  sont  omis  dans  le  ms.  de  Mont- 
pellier; mais  il  donne  une  bonne  leçon  au  v.  47,  qui,  dans  le 
ms.  de  Peterhouse,  n'a  pas  de  sens.  Le  discours  qui  suit  ne 
peut  être  attribué  à  Aimes,  et  il  faut  lire  :  «  Kallemaines  »  ou 
«  l'empereres  se  lieve  »,  etc.  Les  vers  51-53,  qui  développent 
l'idée  indiquée  dans  les  deux  vers  précédents;  les  vers  60,  62, 
66,  67,  sont  omis  sans  raison.  Dans  sa  hâte  d'abréger,  le  copiste 
supprime  et  modifie  de  telle  sorte  que  l'histoire  du  secours  des 
Hérupois  n'est  plus  intelligible.  Trompé  par  la  ressemblance 
des  noms,  il  remplace  «  Beuves  sans  barbe  »  par  le  duc  d'Ai-^ 
gremont,  croyant  sans  doute  être  arrivé  déjà  à  la  querelle  de 
Charles  et  de  Beuves;  puis  il  reproduit  au  hasard  et  inexac- 
tement les  noms  de  quelques  barons,  sans  que  l'on  sache  de 
quel  côté  il  faut  les  ranger. 


II 

Le  manuscrit  de  Venise 

Je  dois  à  la  complaisance  toujours  prête  de  notre  éminent 
confrère,  M.  Pio  Rajna,  de  pouvoir  donner  quelques  indica- 
tions sur  le  ms.  civ.  3,  16  de  la  bibliothèque  de  Venise.  C'est 
un  in-folio  sur  parchemin  de  cent  feuillets  écrit  vers  la  fin  du 
XIV  siècle.  Il  y  a  deux  colonnes  à  la  page,  chacune  de  44  vers  ; 
la  fin  est  incomplète.  Le  ms.  est  d'ailleurs  bien  conservé.  Au 
dos  est  écrit  Bueves  dAgremont.  Rom. 

Je  reproduis  le  commencement  du  poëme  d'après  des  notes 
que  M.  Rajna  avait  prises  rapidement,  lorsqu'il  préparait  son 
étude  sur  le  Jtinaldo  da  Montalbano,  et  qu'il  a  bien  voulu  me 
communiquer  : 

Seignors,  oes  chançon  de  grant  nobilité; 
Elle  est  de  voir  estoir  sans  point  de  fausseté  ; 
Ains  n'oistes  meilor  en  trestot  vostre  aé. 
Si  com  Karles  de  France  li  fort  roj  coroné 
Gueroia  li  dus  Bues  d'Aigremont  la  cité. 


DES  FILS  AYMON  55 

Karles  le  fîst  ocire,  le  fort  roy  coroné, 
[Puis  que]  li  dus  Bues  ocist  Lohier  Tadurc. 
Renaut  ocist  après  Bertelais  le  membre 
Dont  la  guerre  fu  grant  et  la  mortalité. 
HéiDiex  !  quant  gentil  homme  en  fu  puis  afollé, 
Et  tante  riche  dame  chaï  en  poverté, 
Tante  riche  pucelle,  tant  orfelin  clamé  I 

Ce  fu  a  Pentecoste  un jor  en  esté 

Que  Karles  tint  sa  cort  a  Paris  sa  cité. 
Tuit  i  furent  venu  etc 

Charles  parle  à  ses  barons  : 

«  Nus  n'est  mes  contre  moi,  ce  sachies  de  verte, 

»  Fors  Bueves  d'Aigremont  qui  tant  a  poesté  ; 

»  Ne  me  deigne  servir,  ains  m'a  le  dous  torné 

»  Pour  l'amour  de  Doon  que  il  a  tant  amé. 

»  A  [moi]  ne  veill  venir  et  si  li  ai  mandé 

»  Qu'il  venist  en  Espaigne,  cel  estraigne  reigné. 

»  Le  duc  Bues  d'Aigremont,  ce  sachies  par  verte, 

»  Ne  voult  onques  venir,  s'en  ai  le  cuer  enflé, 

«Qu'en  Espaigne  perdi  li  miex  de  mon  reigné. 

»  Girart  de  Rusion  m'a  moût  sovent  grevé, 

»  Il  m'a  moutgueroié  et  moût  sovent  lassé, 

»  Et  li  dus  Bueves  d'Aigremont  la  cité. 

»  Il  m'a  arses  mes  villes  et  mon  reigne  gasté. 

»  Mes  par  icel  apostre  etc. .,...» 


Cette  variante,  en  donnant  pour  raison  de  la  colère  de 
Charlemagne  le  refus  que  Beuves  aurait  fait  de  le  suivre  en 
Espagne,  s'écarte  certainement  de  la  légende  primitive  plus 
que  toutes  les  autres.  La  version  de  Montpellier  marque  un 
premier  pas  dans  ce  sens,  mais  fait  avec  intelligence  ;  car  c'était 
une  tradition  acceptée  que,  dans  la  guerre  de  Saxe,  Charles 
avait  été  abandonné  par  ses  barons.  Rien  de  tel  n'est  rapporté 
au  sujet  des  guerres  d'Espagne. 

Naimes,  consulté  par  Charlemagne,' émet  l'avis  que  l'on  in- 
vite le  duc  Beuves  à  venir  rendre  hommage  à  l'empereur;  il 
conseille   de  choisir  Lohier  pour  messager.  Celui-ci  part,  et, 


56  NOTE  SUR  DEUX  MANUSCRITS 

arrivé  devant  Beuves,  il  parle  avec  l'insolence  traditionnelle. 
Le  duc,  se  conformant  aux  conseils  que  lui  a  donnés  la  du- 
chesse, laisse  le  messager  dire  ce  qui  lui  plaît;  mais  il  ne  peut 
s'empêcher  d'ordonner  à  ses  barons  de  s'emparer  de  la  per- 
sonne du  fils  de  l'empereur.  Un  combat  s'engage  et  Beuves 
tue  Lohier.  Tout  ce  récit  me  paraît  moins  développé  que 
dans  la  version  publiée  par  M.  Michelant,  et  le  caractère  de 
Beuves  est  adouci  avec  l'intention  évidente  d'atténuer  ce  que 
le  meurtre  de  Lohier  présentait  d'odieux. 

Quand  on  apprend  l'événement,  les  barons  de  Charles  sont 
fort  irrités.  Cependant,sur  le  conseil  de  Richard  de  Normandie, 
qui  est  ici  substitué  à  Naymes  par  suite  de  l'importance  que 
son  personnage  avait  acquise  dans  l'histoire  des  Fils  Aymon, 
on  décide  d'envoyer  à  Beuves  un  second  messager,  Enguer- 
rand.  Celui-ci  se  comporte  avec  plus  de  prudence  que  Lohier 
et  obtient  que  le  duc  vienne  servir  le  roi  à  Paris.  Beuves  re- 
grette ce  qu'il  a  fait  : 

«Par  Dieu,  il  m'en  repent  que  Lohier  fu  tuez, 
»  James  joie  n'aurai  en  trestot  mon  aez.  » 

Mais  Ganelon  rappelle  à  l'empereur  que  la  mort  de  Lohier 
réclame  vengeance,  et  Charles  se  laisse  aller  à  lui  promettre 
Aigremont  s'il  tue  Beuves.  La  trahison  réussit,  et  Beuves  est 
mis  à  mort  par  Fouques  de  Morillon. 

La  guerre  éclate  entre  Charles  et  les  frères  de  Beuves. 
Quand  la  paix  a  été  conclue,  Aymes  retourne  à  Dordonne,  où 
Dame  Aye  et  ses  quatre  fils  viennent  à  sa  rencontre.  Il  ra- 
conte ce  qui  s'est  passé;  mais  Renaud  ne  peut  cacher  son  mé- 
contentement : 

«  Sire  Diex,  dit  Renaut,  qui  en  crois  fus[tes]  mis, 

»  Et  qui  la  vostre  mort  pardonastes  Longis, 

»  Quar  me  leissiez  tant  vivre  par  vos  saintes  mercis 

»  Que  puisse  corecier  le  rois  de  Saint  Denis, 

))Qui  eissi  a  moij  oncle  et  tué  etocis. 

»  Mes  par  icel  apostre  que  l'on  quiert  a  Saint- Lis, 

»  Se  tant  pooie  vivre  que  montasse  en  pris, 

»  Que  je  fusse  adoubé,  armé  et  fervestis, 


DES  FILS  AYMON  57 

»  Et  je  fusse  el  cheval  corant  et  arabis, 

»  Je  le  coroceroie  ains  sept  mois  acomplis.  » 

Ainsi  la  querelle  des  Fils  Ajmon  et  de  Charlemagne  se  rat- 
tache étroitement  à  la  mort  de  Beuves;  elle  en  devient  la 
conséquence  prévue  et  annoncée  ;  d'ailleurs,  toute  séparation 
matérielle  des  deux  romans  a  disparu,  et,  après  avoir  conté  les 
fêtes  données  à  Dordonne  à  l'occasion  du  retour  d'A3'mes  et 
averti  qu'elles  seront  suivies  d'une  guerre  cruelle,  le  trouvère 
continue  sans  s'arrêter  : 

Seignors,  or  escoutez  por  le  cors  Saint  Amant, 
S'orrez  des  filz  Aimon  le  rize  duc  puissant 
Qui  esmurent  tiel  guerre  dont  puis  furent  dolant. 
Ains  n'oistes  si  grand  puis  le  tens  Moisant. 

Charles  tient  sa  cour.  Doon,  Ajmes  et  Girart  j  sont  venus. 
La  duchesse  veut  y  envoyer  ses  fils  pour  qu'ils  rendent  hom- 
mage à  l'empereur;  mais  ils  résistent. 

«  Dame,  ce  dist  Richart,  ne  seroit  pas  reison. 
»  Kalles  ocist  mon  oncle  par  mortiel  traïson, 
»  En  sauf  conduit  l'ocist,  si  com  bien  le  savon. 
»  James  ne  l'ameroi,  foi  que  nos  vous  devon, 
))  Se  Diex  nos  donne  vie  encor  nos  vengeron. 
))  Je  nel  leiroie  mie  por  l'enor  d'Avignon 
))Que  n'en  freuge  la  teste  o  tôt  le  zafiron.» 

Ils  finissent  par  céder  aux  instances  de  leur  mère  et  par- 
tent. Arrivés  à  Paris,  leur  père  les  conduit  à  la  cour,  où  ils 
trouvent,  entre  autres,  Amaugis,  le  terres,  fils  de  Beuves.  Re- 
naud demande  à  l'empereur  qu'il  les  arme  chevaliers. 

Après  la  cérémonie,  a  lieu  une  quintaine  dans  les  prés  de 
Saint-Germain,  et  la  suite  des  faits  se  déroule  d'une  façon  qui 
difi'ère  peu  de  ce  que  l'on  a  dans  le  ms.  766  de  Paris.  Malheu- 
reusement le  manuscrit  est  incomplet^ et  s'arrête  au  moment 
où  Renaud,  aj^ant  été  choisi  pour  chef  par  les  chrétiens  de  la 
Palestine,  livre  bataille  aux  Sarrasins. 

Ce  remaniement  de  l'histoire  des  Fils  Aymon__a  été  fait  par 


58  NOTE  SUR  DEUX  MANUSCRITS  DES  FILS  AYMON 

un  trouvère  qui  connaissait  les  trois  versions  plus  anciennes 
que  nous  avons  dans  ITédition  de  M.  Michelant,2°les  mss.de 
Montpellier  et  de  Cambridge,  3°  le  ms.  766  de  la  Bibliothèque 
nationale.  Le  trouvère  a  modifié  la  Mort  de  Beuves  en  essayant 
de  concilier  les  narrations  déjà  connues,  en  ajoutant  çà  et  là 
quelques  inventions  qui  lui  sont  propres,  mais  de  peu  d'im- 
portance, en  insistant  davantage,  sur  certaines  données.  Par 
contre,  à  partir  de  la  mort  de  Bertolais,  il  a  suivi  la  version 
du  ms.  766,  qui  peut-être  eut  un  moment  de  vogue,  grâce  au 
caractère  familier  de  certains  épisodes,  au  rôle  plus  important 
qu'y  joue  Màugis  et  au  fait  que  la  narration  est  continuée 
jusqu'à  la  mort  de  tous  les  membres  de  la  famille  de  Renaud. 
La  copie  a  été  faite  par  un  scribe  italien,  ainsi  que  le  prou- 
vent non-seulement  les  ornements  de  la  première  page,  mais 
surtout  de  nombreux  détails  orthographiques.  Aigremont  est 
presque  partout  Agremont.  La  conjonction  et  est  écrite  e;  Vu 
est  généralement  supprimé  après  le  q;  ch  est  souventremplacé 
par  z.  L'on  trouve  non-seulement  les  quelques  formes  que  j'ai 
respectées  comme  caractéristiques,  mais  zamy^aî^we  pour  Cham- 
pagne ow  campagne,  zambre  pour  chambre,  zazier  pour  chassier, 
auferr and,  quand,  grand,  au  lieu  des  formes  en  ant,  etc.  Çà  et  là 
j'ai  fait  quelques  corrections  peu  importantes  sur  lesquelles  il 
n'était  pas  nécessaire  d'appeler  l'attention,  par  exemple  estoir 
pour  estour ,  de  Rusion  (Roussillon)  pour  â'es  Husion,  etc. 

Ferdinand  Castets. 


DOCUMENTS 

SUR    LA    LANGUE    CATALANE 

DES  ANCIENS   COMTÉS    DE  ROUSSILLON    ET    DE  CERDAGNE 

(de  1311  à  1380) 


(Suite) 


XXXIX 

NOMINATION    d'uN    GARDE    DU    RUISSEAU     ROYAL  DE    THUIR 

Dissapte  m.  aies  dabril,  layn  de  mcccxvi. —  Fo  tornat  En  P. 
Triles  de  Montelan  per  garda  a  tener  condret  lo  rech  de 
Toyr  de  la  on  fo  fejt  lo  forn  de  la  caus  jos  lo  Pug  de  Rodes 
tro  al  torrent  de  Castelnou  *,  e  deu  haver  per  die  vi^°  dr. 

Primo  pagaren  al  dit  P.  Triles  comptantz  a  xxii.  de  jujm 
II  Ibr.  —  a  viiii.  de  nohembre  m  Ibr  iii^  vi/,  e  es  pagat  tro 
al  primer  die  de  nohembre  del  dit  ajn.  —  Ilem  a  xxiii.  de 
martz  mcccxvi,  ii.  Ibr,  e  a  xx  de  abril  m.ccc.xvh,  i  Ibr.  xvi* 
VI.  dr,  e  es  pagat  de  tôt  i.  ajn,  qui  fo  complit  a  m.  et  abril 
primer  passât. S^  viiii  Ibr. 

Dissapte  m.  dies  dabril  m, ccc.xvi.  P.  Mauran  torna  per 
gardar  e  per  tener  condret  lo  rech  de  Tojr  sotz  la  condicio 
escrita  en  laltrapart  daquesta  carta  es  escrit  a  vi.  dr  per  die. 

Primo  prestam  al  dit  P.  Mauran,  que  li  donem  comdantz 
digous  n.  de  setembre  ii.  Ib. —  e  a  xiiii.  de  gêner  i.  Ib  x  s.  e 
1.  Ib.x.  s,  axvi.  dabril  Mcccxvii,  e  es  pagat  per  tôt  i.  ajn. 

Daysi  havant  quitam  los  ditz  reguers,  e  la  davant  derrera 
carta  del  libre  de  les  obres  de  mcccxiiii.  e  de  mcccxv.  e  de 
MCCCXVI.  e  deMCCcxvii.  en  cxxxii.  cartes. 

1  Le  four  à  chaux  construit  sous  le  Puig  de  Rodés,  près  de  Vinca  et  sar  la 
rive  droite  de  la  Tet,  à  une  faible  distance  de  l'endroit  où  le  ruisseau  de 
Thuir  avait  sa  prise  d'eau.— Le  torrent  de  Castellnou (aujourd'hui  Castelnau), 
près  de  la  ville  de  Thuir. 


\V-^ 


60  DOCUMENTS 

Totes  aquestes  pagues  desus   son  madades  al  dit  libre  de 
les  obres  en  la  dita  carta, 

(Arch.  des  Pyr.-Or.,  B.  94,  Procuracio  real,  reg.  xvii,  f»  32  vo.) 

XL 

RÈGLEMENT  POUR    LES   ÉCRIVAINS    DE    PERPIGNAN 

Diluns  XXX .  dies  de  mag  layn  de  mcccxvi  ^  —  Lo  molt  ait 
senyor  En  Sanxo,  per  la  gracia  de  deu  rey  de  Mayorcha,  vole 
e  atorga  de  gracia  spécial  als  escrivans  qui  han  e  daqui  avant 
hauran  poder  de  notar  cartes  dins  la  vila  de  Perpenya,  que 
sien  franchs  per  totz  temps  que  no  paguen  re  do  cartes  de 
testamentz  ni  daltres  escriptures  publiques  ques  faran  en  lur 
nom  en  les  dites  escrivanies  o  en  la  la  daquelles  que  ad  els 
pertanyeran  jat  sia  que  no  sonen  en  lur  nom^  Aquesta  gracia 
fo  atorgada  en  presencia  dels  honratz'En  P.  de  BelCasteyl, 
cavaler,  e  dEn  Ar.  de  Codalet,  concelers  del  senyor  Rey,  e 
dEn  P.  de  Bardoyl  e  dEn  Hue  de  Cantagr[il]. 

{Ibidem,  fo  8  v».) 

XLI 

NOMINATION  d'ÉCRIVAINS  PUBLICS  A   PERPIGNAN 

Divenres  m  dies  del  mes  de  setembre  en  layn  de  m.ccc.xvi. — 
En  Gr.  de  Boscarros  en  R.  Toisa,  amdos  escrivans  de  Perpe- 
nya, compradors  de  los  escrivanies  de  la  vila  de  Perpenya, 
juraren  en  poder  dels  procuradors  del  senyor  Rey  que  els 
be  e  lialment  regiran  les  dites  escrivanies,  e  penran  los  preus 
de  les  cartes  axi  quant  acostumat  es  de  penre  en  temps  quel 
senyor  Rey  ténia  les  dites  escrivanies  en  sa  ma.  —  Item  per 
vertut  del  dit  sagrament  los  ditz  procuradors  manaren  ais  ditz 
escrivans  (le  reste  en  blanc). 

(Arch.  des  Pyr.-Or.,  B.  94,  Procuracio  real,  reg.  xvii,  f»  34  ro.) 

1  Erreur;  il  faut  lire  31  mai  1316. 

2  (  Quoique  elles  ne  sonnent  pas  en  leur  nom.  »  Eu  1367,  je  trouve  des 
cartes  debitories  que  sonen  a  Juseus,  et  en  1385  H  carta  de  dente  sonant 
a'N  Perfayt  Duran  (juif). 


SUR  LA.  LANGUE  CATALANE  61 

XLII 

REMISE  DES  MENOTTES,  COLLIERS  ET  CHAINES  DE  FER 
POUR  LA  PRISON  DU  CHATEAU    DE  PERPIGNAN 

Divenres  a  xxvii.  del  mes  dahost  mcccxvi.  —  Los  senyors  En 
P.  de  Bardoyl  en  Huch  de  Cantagril  liuraren  an  R.  Sacajl 
de  Bar,  ad  ohs^  de  la  presonera  del  casteyl  de  Bar%  ii.  ferres 
ab  cadenes  e  ab  mayoteres  nous  et  ab  colars,  — ques  te  tôt. 

Dihins  XXX.  dies  dahost  m.ccc.xvi.  —  Liurera  an  Banyuls 
escarsseler  de  la  cort  de  Perpenj^a,  dels  xxiii.  ferrs  dels  pre- 
soners  que  presem  del  castell  de  Perpenya.— xvi.  — Item  li 
liurem,  dels  ferrs  que  hagueni  de  Mirapeys  ab  colars  e  ab  ca- 
dena  e  ab  mayoteres  ques  tenen,  ii. 

hem  liurem  an  Gr.  Clergue,  render  de  Toluges,  per  la  cort 
de  Toluges,  dels  ditz  ferrs  del  castell,  ii.    , 

Itetn  liurem  al  dit  Banyuls,  dissapte  xi.  dies  de  setembre 
seguent,  uns  ferres  grosses  que  pesaven  mig  quintal,  i. 

{Ibidem,  fo  90  ro.) 
XLIII 

contrebande  a  la  «  LEUDA  »  DU  BOULOU 

Dimartz  xxi.  die  de  ynartz.  —  En  Brg  Fuser  de  Figueres  so 
obliga  als  senyors  procuradors  del  S.  Rey  que  si  apparia  quel 
dit  Brg  no  haga  pagada  leuda  de  i.  sach  davelanes  que  ha 
passades  per  Maurelans  ^  e  que  en  la  leuda  del  dit  sach  haga 
feyta  frau  per  lo  leudari  del  Volo  ^,  que  el  estara  a  dret  de  so 
que  sia  tengut  al  S.  Rey  per  la  dita  raho,  e  per  ayso  establi 
fermansa  en  Boffat  Cap  de  bou  de  Perpenya  parayre  lo  quai 
Boffat  présent  se  obliga  per  fermansa  per  !o  dit  Brg  per  cora- 

1  Comme  ad  ops,  «  pour  le  service  »«  pour  le  besoin  de.   » 

2  Le  château  de  Bar  (en  Barida)  était  situé  sur  la  rive  gauche  du  Sègre, 
entre Puigcerda  et  la  Seu  de  Urgell.  Le  village  àePont  deBai^ existe  encore. 

^  Maureillas,  commune  du  canton  de  Céret,  à  l'entrée  de  la  firorsre  du 
Pertus. 

'  Aujourd'hui  «  le  Boulou.  »  Les  chartes  indiquent  des  volos  en  plusieurs 
endroits;  mais  la  racine  de  ce  mot  nous  est  inconnue. 


62  DOCUMENTS 

plir  les  causes  damunt  dites  a  ho  e  sa  enteneraent  '  dels  ditz 
procuradors. 

Test.  Jacme  Sobira,   Bn  Cochliure  e  P.  Arbossols. 

{Ibidem,  fo  90  vo.) 
XLIV 

DÉFENSE    d'employer    AUX    SCRIVANIES   DE   PERPIGNAN 
AUCUN  ÉCRIVAIN  TONSURE  ^ 

Dilus  a  xiiii.  del  mes  de  martz  ucccxvi.  —  Per  so  car  En 
R.  Ymbert,  qui  fo  de  sent  Ypolit,  estant  que  escrivia  en  la 
escrivania  dEn  G.  de  Boscarros,  se  fe  corona,  per  so  car  avia 
alcuna  questio  ab  en  P.  Gualo  parayre,  fo  feyt  manament  an 
R.  Descaus,  sayg,  per  los  senyors  En  P.  de  Bardoyl  en  Hue 
de  Cantagril,  procuradors  del  molt  ait  S.  Rey  de  Malorche.?, 
quel  dit  sayg  fes  e'degues  fer  manament  an  G-.de  Boscarrons 
et  an  R.  Tolza,  escrivans  qui  regien  les  escrivanies  de  lavila 
de  Perpenya  del  S.  Rey,  que  no  deguessen  reculir  ni  lixar 
escriure  negun  hom  qui  port  corona,  sotz  pena  de  x.  Ibr. 

Dimecres  xxvii.  dm  de  abril  m  ccc.vii.  —  Fo  atorgat  al  dit 
R.  Ymbert,  que  puscha  intrar  e  estar  en  la  dita  escrivania, 
axi  corn  escriva,  per  so  car  lo  dit  R.  se  avia  gequida^  la  co- 
rona e  no  las  rayra  ^  daqui  enant,  e  axi  ho  promes. 

{Ibidem,  fo  34  voj 

XLV 

CHARGE  DONNÉE  A  BÉRENGER  QUILA,  PRETRE,  DE  DIRE  LA  MESSE 
DANS  LA  CHAPELLE  DES  REPENTIES  DE  PERPIGNAN,  AU  LIEU 

i  A  bo  e  sa  entenement  (et  souvent en<enwiewf),«  abonne  et  parfaite  ni- 
fen^eon  desdits  procureurs,» 

2  L'un  de  ces  écrivains  portant  couronne  (tonsurés)  s'était  fait  couronner 
à  l'occasion  d'un  procès  qu'il  avait  avec  un  parent  de  Perpignan  ;  mais  il 
quitta  la  tonsure  et  promit  qu'il  ne  la  raserait  plus.  En  conséquence,  ledit 
écrivain  a  été  de  nouveau  admis  aux  scrivanies. 

3  Gequida,  de  gequir  ou  jequir.  c  II  avait  laissé  »  la  couronne.  Ailleurs  : 
e  va'l  jequir  anar,  «  et  il  le  laissa  aller.  » 

*  No  las  rayra  pour  no  se  la  rayra,  «  ne  se  la  rasera  pas.  »  En  1370:  i» 
rasora  de  rayre  pastreyn. 


SUR  LA  LANGUE  CATALANE  63 

DE    FAIRE    LE    SERVICE    DANS   LA     CHAPELLE    DU    ROI,    POUR    LA 
PART   qu'il   a    eue    SUR   LES    BIENS    DES   JUIFS. 

Dissapte  a  xxvi.  de  martz  mcccxvi. —  Fo  adordonat  per  lo 
senjor  Rej,  ajxi  cons'  ho  dixs  de  part  devl  lo  discret  Arn,  de 
Codalet,  que  En  Brg  Guila  prevere,  qui  deu  cantar  en  la  ca- 
pejla  quel  dit  senyor  Rey  deu  fe  a  Perpenya,per  raho  de  so 
que  ha  ahut  dels  bens  dels  juseus,  que  ara  de  présent  lo  dit 
Brg  Guila  dega  cantar  en  la  capejla  de  les  Repenedides  de 
Perpenja,  e  que  li  sien  donades  cascun  ay  per  sa  sostentacio 
XV.  Ibr. 

(Arch.  des  Pyr.-Or.,B.  94,  Proc.  real.,  reg.  xvii,  fo  39  r".) 

XLVI 

DÉPENSE  DE  PAYER  AUX  CHATELAINS  d'oPOUL,  DE  TAUTAVEL  ET 
AUTRES,  LEUR  SALAIRE  PENDANT  LES  JOURS  OÙ  ILS  SERONT 
ABSENTS  DE  LEURS  POSTES. 

Divenres  x  dies  de  jurpi  de  l'ai/n  de  m.  ccc.  xvii. —  Fo  ordo- 
nat  per  lo  senjor  Rey  En  Sanxo,  per  la  gracia  de  deu  rey  de 
Mayorches,  quels  procuradors  sens  degen  abatre  e  retener 
de  la  quitacio  del  castelan  dOpou  et  de  Taltauyl  e  de  totz  los 
altres  castelans  e  gardes  de  les  sues  forsses,  totes  les  fayles  - 
dels  dies  que  seran  estatz  fora  les  dites  forsses,  exceptatz  xv. 
dies  que  pusquen  penre  a  lurs  aflfers  entre  tôt  i.  ayn,  e  ex- 
ceptât daquels  dies  que  seran  estatz  de  fora  per  manament  e 
per  affers  del  senyor  o  per  manament  de  son  loc  tenent. 

(Arch.  des  Pyr.-Or.,  B.  94,  Proc.  rcal.,  reg.  xvii,  fo  39  ro.) 
XLVII 

SUR  LES    DROITS  DE   MESURAGE    PAYÉS  PAR   LES    PISANS 
A   COLLIOURB   ET    A    MAJORQUE 

Dimartz  xxi.  die  de  juyn  m.  ccc.  xvii.  —  Cellin  de  Campo 
e  P.  de  Graixan,  pisans,  ciutadans  de  Pisa,  mercaders,  jura- 

1  Co'ns  pour  co  nos,  c  ainsi  que  nous  l'a  dit.  » 

2  (.Manques,  absences  »,  comme /a/m  et /««^^a,  du  verbe /«///r    En  1373: 
restitidr  tôt  lames  gui  fayll  al  dit  castell. 


64  DOCUMENTS 

ren  enpoder  dels  procuradors  del  senyor  que,  si  apparia  da- 
qui  avant  que  Pisans  paguen  o  degen  pagar  mesuratge  en  la 
ciutat  de  Mayorcha,  que  els  que  pagaran  lo  mesuratge  del 
gran  que  han  portât  à  Cochluire  ab  r  nau  e  ab  V  tarida  ',  e 
apparia  que  Pisans  no  sien  franchs  del  dit  mesuratge  en  la  ciu- 
tat de  Mayorcha,  lo  quel  mesuratge  lor  ha  hom  ara  ralaixat 
persoquor^  enten  hom  quels  Pisans  sien  franchs  a  Mayorches. 
Quant  a  leuda  no  lor  demanahom  re,  per  so  quor  es  ferm  e 
cert  per  privilegis  del  senyor  Rey  que  totz  los  Pisans  son 
franchs  de  leuda  e  de  pesatge  per  tota  la  terra  del  règne  de 
Mayorcha  e  de  Rosselon. 

(Arch.  des  Pyr.-Or.,  B.  94,  Proc.  real.,  reg.  xvii,  fo  88  ro.) 

XLVIII 

SUR   LES   DROITS   d'aRROSAGE   DU    RUISSEAU   DE   RIVESALTES 

Bigous  XXI.  die  del  mes  de  abril  en  layn  de  u .  ccc .  xrii . — 
Fo  adhordonat  per  lo  senyor  Camarer  de  la  Grassa  e  per  En 
Bn  de  Ribesaltes,  cavaler,  e  per  En  Gr.  de  Codalet,  e  per  En  Boy 
en  Johan  Fabre,  consols  de  Ribesaltes,  ab  volentat  dels  pro- 
homes de  Ribesaltes,  que  la  gabela  que  es  mesa  e  ara  es  en 
la  vila  de  Ribesaltes,  el  reredelme  de  les  possessions  ques  po- 
den  regar  de  laygua  del  rech  dels  molis  prop  dEspira,  valran 
al  senyor  Rey  per  quascun  ayn  v"  sol.  los  quais  lo  senyor  Re}' 
aga  a  penre  en  pagua  a  so  que  li  es  degut  per  la  obra  del  dit 
rech  e  dels  molis,  e  ayso  dur  tant  longament  entre  que  sia 
satisfeyt  al  senyor  Rey  en  so  que  li  es  degut  per  les  dites  ra- 
lios.  E  oltre  ayso  lo  senyor  camarer  en  Bn  de  Ribesaltes  en 
G.  de  Codalet  se  obligaren  que  pagaran  .ii,  reredelmes  de  les 
rendes  forescapis  ^  els  provenimentz  que  auran  de  les  terres 
que  son  tengudes  per  els  dins  lo  regatiu. 

Empero  sil  S.  Rey  volia  a  si  retener  so  que  es  degut  per  la 
lexa  *  quel  senyor  Rey  de  bona  memoria  fe  al  pont  de  Ribe- 

1  Dans  Desclot  (Ed.  Buchon,  xxxiv)  :  e  les  naus  e  los  xelandrins  els  lenys 
e  les  tarides  foren  stablides  e  carregades  de  bescuyt  e  de  farina,  etc.  Ce 
sont  des  navires  de  diverses  formes  et  dimensions. 

-  Ou  cor.  Per  so  cor,  «  parce  que.  » 

3  Sic.  —  •*  Lexa  et  leixa,  «  legs.  » 


SUR  LA  LANGUE  CATALANE  65 

saltes  e  penre  en  pagua  en  so  que  li  es  degut,  ques  fassa,  mes 
satisfejt  eu  tôt  al  S.  Rej,  de  contenent  agen  los  prohomes  de 
Ribesaltes  a  pagar  a  la  obra  del  pont  aytant  quant  sera,  so 
que  se  aura  aturat  per  la  dita  leixa. 

(Arcli.  des  Pyr.-Or.,  B.  94,  Proc   i'eal.,Teg.  xvii,  fo  36  ro  ) 
XLIX 

SUR   LE  MÊME    SUJET 

Apres  aysso  divenr es  primer  die  de  juliol  layn  de  m.cccxvii. 
—  Lo  senyor  En  Sanxo,  per  la  gracia  de  deu  rej  de  Mayor- 
clies,  ordona  quels  ditz  v™  sol  se  degen  pagar  de  so  que 
liaura  liom  de  la  gabela  del  dit  loch,  e  so  quen  falra'  ques  dega 
pagar  quas(juu  ayu  per  son  e  per  liura  per  les  possessions  del 
regatiu  del  dit  rech,  e  dels  foriscapis  e  rendes  que  exen  -  de 
les  dites  possessions,  en  tal  manera  quel  S.  Rey  sia  pagat 
quascuu  ajn  de  so  que  li  es  degut  perla  obra  del  dit  rech,  de 
V™  soi.  En  aixi,  so  es  saber  que  si  la  dita  gabela  no  bastava 
o  no  podia  bastar  a  compliment  dels  ditz  v™  sol.  quels  homes 
qui  han  possessions  al  dit  regatiu  quasqun  ayn  degen  pagar  a 
les  meixons  ^  de  lurs  blatz,  de  so  que  falira  dels  ditz  v™  sol. 
I.  diner  perlbr.  de  la  estimacio  fejta  de  les  possessions  que 
han  en  lo  dit  regaiiu  els  senjors  de  les  rendes  que  prenen  en 
aqueles.  Empero  sil  diner  per  Ibr,  part  la  dita  gabela,  no  bas- 
tava a  compliment  dels  ditz  v™  sol.  los  prohomes  del  dit  loc 
els  senyors  que  prenen  rendes  en  lo  dit  loc  degen  assegurar 
que  aquell  romanent  degen  pagar  quasqun  ayn  en  festa  de 
Martror*.  E  tôt  aysso  dur  tant  e  tant  longament  en  la  dita 
forma  tro  quel  S.  Rey  sia  de  tôt  satisfeyt  de  so  que  ha  treyt 
en  la  dita  obra. 


♦  Mot  à  mot:  «  et  ce  qui  eu  maoquera.  »  Falva  pour  faliir a. On  dirait  au- 
jourd'hui faltara. 

^  Comme  ixen,  «sortent»;  de  ixir  ou  exir.  En  1358:  que  no  isquats  ne 
exir  siats  tenguts,  «  que  vous  ne  sortiez  et  ne  soyez  tenus  de  sortir.  » 

^  Meixon  et  mexon,  «  moisson»,  d'où  est  venu  mexonner,  «moissonneur.» 
On  trouve  plus  souvent  messes.  Les  tnesses  eren  fêtes  et  les  gents  havien 
recoLlits  lurs  biais  (Desclot,   147). 

*  La  festa  dejtfa?"^?'0>',«La  Toussaint.  »  En  1385  :  En  la  festa  de  Mertevor. 


66  DOCUMENTS 

Empero  es  assaberque  la  dita  ordonacio  es  feyta  enaquesta 
condicio  quel  S.  Rej  sia  pagat  quasqun  aj'n  dels  ditz  v™  sol. 
per  termes,  so  es  saber  la  iii%  en  festa  de  sant  Michel  de  se- 
tembre  la  m^  part,  e  laltra  m*  part  en  festa  de  Nadal,  e  laltre 
rémanent  m*  part  en  festa  de  Pascha.  E  la  primera  pagua 
deu  comensar  en  la  primera  yenent  festa  de  sant  Michel  en 
setembre, 

(Arch.  des  Pyr.-Or.,  B.  94,  Proc.  real.,  reg.  xvii,  fo  36  ro.) 


AUTORISATION  DE  CONSTRUIRE  UN  MOULIN  A  FARINE  SUR  LE 
RUISSEAU  DE  CORBÈRE,  AU  TERRITOIRE  DE  SAINT-MICHEL -DE- 
LLOTBS. 

Divenres  primer  die  de  juliol  layn  de  mcccxvii.  —  Fo  donada 
licencia  an  P.  Guinardo  de  Corbera  que  el  que  pusca  fer  i. 
casai  de  molins  de  un.  rodes  tant  solament  so  es  saber  en  los 
termes  o  adjencia  de  sant  Michel  de  Lotes*,  en  aquesta  con- 
dicio quel  dit  senyor  Rey  no  do  licencia  ad  algun  de  fer  mo- 
lis  en  los  termes  de  Corbera  ni  de  Lotes.  La  quai  licencia  e 
atorgamentfo  feyt  al  dit  P.  Guinardo  sal  dret  daltruy  e  pre- 
judici,  e  que  aga  a  ssatisfer  a  cascun  de  qui  penra  terra  o  es- 
pasi  de  terra  per  lo  dit  rech.  E  deu  fer  al  S.  Rey  de  sent  Mi- 
chel de  setembre  primer vinent  ai.  ayn,  e  daqui  enant^  per 
cascun  ayn  en  per  tostemps  en  la  dita  festa,  xii.  eymines  de 
ordi  de  la  moltura  dels  ditz  molis,  a  viiir  mesura  a  mesura 
de  Perpenya,e  que  totahora  quels  molis  o  alquna  partida  da- 
quels  se  vena  o  sen  penyor  %  quel  S.  Rey  aga  daqui  fores- 
capi,  so  es  m.  s  mi  d.  per  Ibr.  E  quel  dit  P.  Guinardo  no 
sia  tengutde  mètre  res  en  les  messions  fasedores  perles  res- 
closes  ni  per  lo  rech,  nil  S.  Rey  sia  tengut  ad  el  per  vagacio 

*  Saiat-Michel-de-Llotes,  commune  du  canton  de  Vinça,  arrondissement  de 
Prades,  composé  d'un  grand  nombre  de  petits  hameaux  ou  vehiiiats. —  Cer- 
bère, situé  non  loin  de  Saint-Michel,  appartient  au  canton  de  Milias  et  à  l'ar- 
rondissement de  Perpignan. 

2  Arums,  ennans,  erians,  enant,  et  mieux  en  ans.  D'aqui  en  a«5, «à  partir 
d'aujourd'hui  »,  «  d'ici  en  avant.  » 

3  Se  vena  o  s'enpenyor,  «  soit  vendue  ou  hypothéquée.  » 


SUR  LA  LANGUE  CATALANE  67 

del  dit  rech  ;  e  per  cens  no  paguat  quels  bens  del  dit  P.  Gui- 
nardo  sien  obligatz  al  S.  Rey. 

El  dit  P.  Guinardo  reliebent  la  dita  licencia  e  atorgament, 
aquestes  causes  lausa  e  promes  de  fer  lo  dit  cens  axi  quant  de 
sus  se  conte,  o  servarlo  ditforescapi.  e  per  ajsso  atendre  obli- 
gua  los  ditz  molis  ab  totes  les  obres  e  melorers  fasedors  en 
aquels,  e  per  cens  no  pagat  obliga  sos  bens  presentz  e  ende- 
venidors. 

(Arch.  des  Pyr.-Or.,  B.  94,  Proc.  real.,  reg.  xvii,  fo  37  vo.) 


LI 

NOMINATION  d'uN  ÉCRIVAIN  DV.    LA  COUR  DE   LA  SOUS-VIGUERIE 

Diluns  a  iiii.  de  juliol  m.cccxvii.  —  Benardat  *  Marches, 
escriva,  genre  den  Tomas  Terrer,  escriva,  promes  e  jura  en 
poder  dels  discretz  en  P.  de  Bardojl  en  Hue  de  Cantagril, 
procuradors  del  molt  ait  senjor  rey  de  Malorches,  que  ejl 
sera  bo  e  liai  al  S.  Rey  ^,  e  se  aura  ben  en  lo  uffici  de  la  es- 
crivania  •''  e  sufficient  ment* de  la  sotz-vegueria,en  penre  e  en 
escriure  cartes  e  altres  publiches  escriptures,  e  encara  totes 
escriptures  fasedores  per  raho  de  la  corte  negocis  de  la  dita 
sotz  vegueria,  ajtant  can  playra  al  S.  Rey,  so  es  queprocu- 
rara  e  fara  les  dites  coses  al  Volo  e  Tresserra  e  Lauro  e  Mon- 
tesquiu  e  Maurelans,  e  ayso  promes  de  fer  ab  conseyl  del  dit 
Tomas,  sogre  seu. 

(Arch.  des  Pyr.-Or.,  B.  94,  Proc.  real.,  reg.  xvir,  fo38  r».) 


*  Sic. 

2  Sera  bo  c  liai  al  senyor  rey,  «  servira  le  roi  avec  honnêteté  et  loyauté.  » 

3  Se  aura  ben  en  lo  uffici  de  la  scriva?iia.  «  Se  comportera  hien  dans  le 
poste  d'écrivain  public.  » 

•*  Ici,  comme  dans  bien  des  cas,  la  désinence  adverbiale  est  séparée  de 
l'adjectif.  On  sait  que,  si  plusieurs  adverbes  sont  à  la  suite  l'un  de  l'autre,  la 
terminaison  me?it  ne  s'attache  ordinairement  qu'à  un  seul,  le  plus  souvent  au 
premier.  Dans  un  document  de  1395,  le  scribi;  avait  écril:  Axi  vivil  inent 
com  criminal  ment;  mais  il  a  barré  le  dernier  ment  après  coup. 


68  DOCUMENTS 


LU 


SUITE    DU     REGLEMENT    DE  LA    SUCCESSION  DU  JUIF     SALOMON 
SOLLAM    DE  PORTA 

Digous  xviii .  dies  del  mes  de  ahost  en  layn  de  aicccxvii  .  — 
Fo  feyt  manament  per  En  Laurens  Plazensa,  escriva  del  S. 
Rey,  que  les  l.  Ib  que  romanien  a  pagar  dels  ditz  v™  sol.  sien 
donades,  las  ii  partz  an  juceflf  dElna,  juseu  de  Perpenya,  per 
dret  que  el  avia  en  les  dites  L.  Ibr  e  en  totz  les  al  très  dnrs, 
e  la  tertsa  part  an  SoUam  Astruch  juseu  de  Vilafrancha  de 
Penedes,  manemessor  den  Salomon  Sollam  Sa  Porta,  car  axi 
fo  conegut  per  En  Mosse  Bossenyor  de  Montpesler  e  per  En 
Benvenist,  fil  dEn  Vidal  Ben  Venist,  juseu  de  Vilafrancha  de 
Penedes,  en  poder  de  qui  avien  compromes,  e  quel  dit  juceflf 
dElna  se  oblig  de  retre  les  dites  ii.  partz,  si  aparia  que  altre 
hi  agues  magor  dret  que  el.  Et  per  aqueles  ii.  partz  rededores 
e  paguadores  al  senyor  Rey,  sis  convenien  de  redre,  el  dit 
juceff  d'Elna  obliga  si  e  sos  bens  presens  e  ndevenidors  al  die 
e  layn  de  sus  ditz. 

Divenres  a  xxvi.  d' ahost,  paguem  al  dit  Sollams  Astruch 
juseu  per  la  iir  part  que  li  cayien  en  les  dites  l.  Ibr,  cc.l. 
To.  qui  valen  Bar.  —  a  xvi.dr  lo  To — xvi.  lôxiii.  s  iiii.d. 
—  item  lo  dit  die  paguem  an  jussefl[os  d'Elna  juseu,  per  les 
II.  partz  que  li  pertanyia  en  les  dites,  d.  Ib  e  havemne  carta 
de  regonexensa,  — xxxiii.  16.  vi.  s  vid. 

(Arch.  des  Pyr.-Or.,  B,  94,  Proc.  real  ,  reg.  xvii,  fo28ro.) 


LUI 

NOMINATION     D^UN  GARDE    DES   FORETS  POSSÉDÉES     EN  CONFLENT 

PAR  l'abbé  de   CUXA 

Dissaple  a  m.  del  mes  de  dehembre  mcccxvii.  —  Bertomeu 
Pastor  de  Vilafrancha  fo  mes  per  forester  en  los  boschs  de 
Confient  per  los  procuradors  del  S.  Rey  e  per  frare  Jacme 
dAtssat,  prior  de  sent  Jacme  de  Casalons*,  procurador  e  loc 


*  Saiot-Jacques  de  Casalons  ou  Calahons,  aujourd'hui  petit  ermitage  situé 


SUR  LA  LANGUE  CATALANE  69 

tenent  del  honrat  senyor  En  Grimau,  per  la  gracia  de  deu 
abbat  del  monestir  de  sent  Michel  de  Cuxan'.  Lo  quai  Ber- 
toineu  promes  e  jura  cm  poder  dels  ditz  senjors  que  eyl  be  e 
fiselment  fara  et  usara  del  dit  uffici,  guardan  lo  profit  dels 
senyors  Rey  e  abat  e  de  les  gens  ;  e  redra  per  la  dita  fores- 
teria  be  e  liai  comde  em  poder  dels  procuradors  del  S.  Rey. 
Els  ditz  senyors  promeseren  de  donar  al  dit  Bertomeu  per  son 
solari  cascun  ayn  que  sera  foraster  per  los  boschs  qui  son 
enfre  els  ditz  senyor  rey  el  monestir  x  Ibr.  Test  Jac.  Boca- 
nova.  Jac.  Sobira  e  Bertomeu  de  ses  Preses-. 

Ayso  es  dampnat  per  so  quar  •'  lo  dit  Bertomeu  Pastor  es 
fora  de  la  forasteria  molt  de  temps  ha. 

(Arch.  des  Pyr.-Or.,  B.  94,  Proc.  real.,  reg.  xvii,  f''40  ro.) 
LIV 

ORDONNANCE    DU  ROI  SANCHE  RELATIVE    A  LA  VENTE  DU     POISSON 
DANS  LA   VILLE   DE  PERPIGNAN 

Idus  decembris  en  layn  de  mcccxvii. —  Fo  adhordonat  perlo 
molt  ait  senyor  En  Sanxo.per  la  gracia  de  deu  rey  de  Mayor- 
ches,  que  totapersona  de  Perpenya  qui  vuyla  vendre  peyxfresch 
aga  aquel  a  vendre  en  la  pexoneria  derrerament  feyta  en  lo 
mahel^veyl  de  Perpenya,  e  no  en  altre  loch  ;  e  quels  pexoners 
qui  an  preses  a  cens  les  taules  de  la  dita  pexoneria  no  pus- 
quen  ni  ausen  penre  per  taulage  de  les  dites  taules,  daquels 
qui  aqui  taules  no  auran  a  vendre  lo  dit  pex,  sino  tan  so- 
lament  .un.  drs  per  sengles  saumades,  e  per  cascun  costal^ 
n.  d,e  per  pex  que  post  i.  home  o  i*  femna  i.  dr.  E  que  aquel 

dans  le  territoire  de  la  commune  de  Catllar,  était  une  dépendance  de  l'abbaye 
de  Saint-Michel  de  Cuxa. 

*  Saint-Mic!iel  de  Cuxa,  abbaye  bénédictine,  située  dans  la  petite  vallée  de 
Taurinya  ou  de  Codalet,  à  2  kilomètres  de  Prades.  —  Grimau  ou  Grimald  de 
Banyuls  administra  le  monastère  de  1315  à  1341 . 

-  L'article  a  été  barré,  ainsi  qu'il  est  dit  une  ligne  plus  bas. 
3  Comme  plus  haut  per  so  cor  ou  quor. 

♦  Mahel  ou  tnacell  et  mazell,  «  boucherie.  » 

5  Costal,  ((sa.c.^>  En  1368:  qui  traura  saumada  o  costal  o  desch  o  feys  de 

rasins  o  de  figues  o  de  tauls  u  de  cjuarbes  de  blat Et  en  1297  :  tôt 

costal  en  que  aya  ii.  quintals  de  Montpellei'  deu  passar  per  miga  cargua. 

5 


70  DOCUMENTS 

qui  no  portara  del  dit  pexsino  l' saumada  o  carrée  de  i.home 
o  de  1*  femna,  no  tenga  ni  enabarc  de  les  dites  taules  sino 
tan  solament  la  tersa  part  de  i'*  taula. 

Item  quels  pexoners  qui  an  preses  les  dites  taules  ad  acapte 
agen  ad  acuyler  e  a  rehebre  en  les  dites  lurs  taules  tots 
aquels  qui  portaran  pex  frescli  a  vendre  a  la  vila  de  Perpe- 
nja.  E  si  no  ho  fasien,  quel  S.Rey  els  sens  pusquen  fer  efer 
fer  ad  aqueles  taules  en  aquela  part  de  la  dita  plassa  que  es 
de  la  part  ves  aguilo,  e  que  aga  empero  carrera  al  mig.  Mes, 
quel  dits.  Rej  nils  seus  no  degen  donar  licencia  ad  alcu  o 
ad  alcunsde  la  vilade  Perpenja  de  vendre  pex  freschsino  en 
la  dita  plassa  o  en  les- taules  damont  dites,  ni  fer  fer  alqunes 
altres  taules  a  vendre  pex  frech,  sino  ajxi  co  damont  es  es- 
pressat. 

Item  que  en  les  vies  pobliques  ab  les  quais  afronten  les 
dites  taules  e  les  botigues  daqueles  sien  laxats  per  tostemps 
franchs  espasis  e  covinents,  per  los  quais  espasis  e  les  dites 
vies  puscha  esser  ahut  franchament  intrades  e  exides  als  dits 
pexoners  e  a  les  dites  taules  e  botigues  daquels  per  comprar 
e  per  vendre  pex  ayxi  co  damont  es  espressat,  en  ayxi  que 
per  enbargament*  dalqu  o  dalquns  no  puscha  esser  torbat 
lentrar  ni  lexir-  de  les  dites  taules  o  botigues. 

(Ârch.  des  Pyr--Or.,  B.  94,  Proc.  real,  reg.  xvii,  fo  25  vo.) 
LV 

AUTORISATION  DE  CONSTRUIRE     UN  FOUR  A  CHAUX     AU  LIEU     DIT 
SELUA,  ACCORDÉE  A  DEUX  HABITANTS  d'oPOUL 

Digous  a  xvi.  de  febrer  m.cccxvii. — Bn  Marti  et  Esteve  den 
Poncs  amdos  de  Opou  en  Johan  Toscho  del  dit  loch,  que  com 
ejlsfassen  evujlen  feri,  fornde  causal  loc  apelat  Selua,  que 
es  en  los  termes  de  Opou,e  fosquestio  enfre  homes  de  Opouel 
senj'or  Prior  d'Espira  quel  prier  disia  quels  ditz  homes  se  agues- 
sen  a  rehembre  ho  ad  avenir  ab  ejl  per  raho  del  dit  forn, 
els  ditz  homes  prepausessen  lo  contrari  que  no  neren  tengutz 

*  Comme  embarech  ou  enbarech,  «  empêchement.  » 
^  Lo  (!e  poisson^  enfrar  ni  lo  exir. 


SUR  LA  LANGUE   CATALANE  71 

al  dit  Prior  ni  ad  altre,  ffo  feyt  ayxi  et  adordonat  enfre  els 
desus  nomnatz  els  senjors  procuradors  riais  en'  P.  de  Pin, 
canonge  d'Espira,que  tota  lioraque  sia  concgut  per  dret  per 
micer.  Ar.  Trauer,  els,  si  deuen  pagar  ho  donar  ren^  al  dit 
Prior  d'Espira  per  la  raho  desus  dita,  quels  sobre  nomnatz 
daran  e  paguaran  al  dit  senyor  de  Prior  x  l.  s,  e  daltra  part 
ques  avenran  ab  los  procuradors  del  S.  Rey  de  tôt  so  que 
degen  paguar  al  dit  S.  Rey.  Et  ayso  promeseren  de  atendre 
e  complir  em  poder^  dels  discretz  en  P.  de  Bardoyl  en  Hue 
de  Cantagril,  sotz  obligacio  de  lurs  bens,per  les  quais  cauzes 
cascun  per  lo  tôt  obliga  sos  bens  presens  e  'ndevenidors,  en 
presencia  del  dit  P,  de  Pi  e  den  Jac.  Bocanova,  escriva,  e 
dEn  Bertomeu  de  ses  Preses. 

(Arch.  des  Pyr.-Or.,  B.  94,  Proc.  real.,  reg.  xvii,  fo91  r'',) 


LVI 

«  MEMORIAL  E  CAPITOLS  DELS  GREUGES  QUE  PER  PART  DE  LA 
CIUTAT  DE  BARCHINONA  FOREN  POSATS  DENANT  LO  REY  DE  MA- 
LORQUES PER  LO  FET  DE  LES  LEUDES  DE  COBLIURE  *.    ))  1317 

Memoria  sia  al  molt  ait  senyor  Rey  de  Mallorcha  e  a  son 
honrat  conseyl  dels  greuges  e  de  les  oppressions  que  a  les 
gens  del  molt  ait  senyor  Rey  dArago  son  fêtes  es  fan  de  x. 
o  de  XX.  anys  en  sa,  en  la  leuda  de  Çogliure  de  mar  e  de 
terra,  e  al  loch  del  Volo,  contra  e  oltra  la  forma  e  us  antich. 

So  es  asaber,  que  fazien  pagar  los  leuders  del  Volo  e  de 
Çogliure  una  mesala  per  Ibr  de  diners"  a  tôt  hom  quin  pas- 
sas, e  aso  no  solia  esser  aqui.  A  la  quai  cosa  es  estât  pro- 
vesit  per  lo  senyor  Rey  de  Mallorcha  ab  carta  sua,  que  sia 

»  Een. 

-  Ren,  res  et  rtf,u  rien.  »  Eu  1363,  ce  mot  est  pris  substantivement  :  no  sia7i 
tenguts  de  H  dar  neguna  res. 

'^  Em  comme  en.  En  1315:  En  tôt  o  em  yartida.  On  trouve  quelquefois 
an,  comme  dans  cet  exemple  des  Maximes  morales  (183)  :  La  mort  ve  an 
dexopte. 

*|Voy.,  Revue  des  tangues  romanes,  IV,  244  et  suiv.,  ce  que  dit  Alart  de  la 
leuda  de  Collioure. 

8  «  Une  maille  par  livre  de  numéraire .  » 


72  DOCUMENTS 

sobresegut  '  entro  quel  senjor  Rej  lii  fassa  autre  mana- 
ment:  lo  quai  manament  del  senyor  Rey  entenen  los  mes- 
sagers que  sia  que  la  dita  leuda  sia  revocada  per  totz  temps. 

Item  quel  loc  del  Volo  de  xx.  anys  en  sa  es  vengut  a  la 
senyoria  del  senyor  rey  de  Mallorcha,  e  dabans  no  si  pagava 
leuda  ;  mes,  de  pus  que  es  vengut  a  la  senyoria  del  dit  se- 
nyor rey  de  Mallorcha',  si  es  adordonada  leuda  de  besties 
6  de  mercaderies  e  daltres  coses.  E  axi  sopleguen  los  messa- 
gers al  senyor  rey  de  Mallorcha  que  fassa  revocar  e  revoch 
la  dita  leuda  del  Volo,  con  sia  noueyla  leuda. 

Item  sia  memoria  al  dit  senyor  rey  de  Mallorches  de  les 
leudes  noueles  ordonades  per  lo  senyor  En  Jacme  de  bona 
memoria,  pare  seu,  en  la  leuda  de  Cogliure  per  mar  e  per 
terra,  de  xx.  ayns.  ensa:  les  quais  lo  dit  senyor  rey  de  Ma- 
llorches, encany^,  a  Terragona  e  encara  en  la  ciutat  de  Bars- 
salona,  atorga  e  dix  que  les  revocaria  absoltament  quant 
los  messagers  de  la  ciutat  de  Barssalona  fossen  a  Perpenya. 
La  quai  ordinacio  nouella  fo  daquestes  coses  ques  seguexen, 
que  dabans  antigament  passaven  franques. 

So  es  asaber: 

c.  de  ours  de  sers,  xviii.  dr.  * 

Flaixs  de  curs  de  cavayls,axi  meteixs,  en  axi  con  de  bous. 
E  de  rossins  e  dazes  e  de  muls^,  axi  metexs. 

Item  la  carga^  de  pesteyl,  xii.  dr.'' 

Item  carga  de  reyna  %  vi.  dr. 

Item  moles  de  moli,  cascuna  ii.  dr. 

Item  moles  damolar,  cascuna  i.  dr. 

Item  sabates,  lo  quintal  ii.  dr. 

1  Du  verbe  sobre  seure,  «  qu'il  soit  sursis  jusqu'à  ce  que  le  seigneur  roi.» 
^  Le  Boulou,  ancienae  dépendance  des  barons  de  Montesquieu  (aujourd'iiui 

commune  du  canton  d'Argelès,  arrondissement  de  Céret),  avait  été  acquis  par 

le  domaine  royal  au  commencement  du  siècle. 
3  Encanij,  comme  un  guany,  «  cette  année-ci.  » 

*  Sers,  cers,  comme  cervos,  «  cerfs.  » 

^  Muls  fém.  mula,  «  mulet.  »  Le  masculin  a  complètement  disparu  du  ca- 
talan, qui  l'a  remplacé  par  le  mot  matxo. 
6  Ms.  carca. 
"^  En  marge:  ?i07i  erat  consuetum  defferri. 

*  «  Résine.  » 


SUR  LA  LANGUE  CATALANE  73 

Item  carga  de  scudelles  e  de  talladors  vi.  dr. 

Item  obra  de  terra  de  Bartssalona  o  de  semblant  terra,  la 
dotzena  pocha,  m*. 

Item  obra  de  terra  de  Maliqa,  la-dotzena  pocha',  i.  dr. 

Item  palmeyes,  la  dotzena  pocha,  m''-. 

Item  cordes  mjianes  desparth,  lo  c.  ii.  dr. 

Item  cordes  grosses  desparth,  lo  c.  m.  dr. 

/^em  troyeles  ^  lo  c    i.  diner. 

Item  esclops  que  vagen  per  vendre,  la  dotzena,  i.  dr. 

Item  restz  o  palomeres  e  altra  exarcia*  que  no  sia  anome- 
nada,  sol  que  vaya  per  vendre,  per  Ibr.  de  diners  i.  dr. 

Item  liasses  de  buacels,  m*. 

Item  liassa  de  cabasses  migans,  i.  d. 

hem  liasses  grosses  de  sitges,  uns  ab  altres  i.  dr. 

Item  liasses  de  cabasses  de  Valencia,  i.  dr. 

Item  palma,  lo  quintal  m^. 

Carbo,  lo  sach  de  Cogliure  i.  dr. 

Conffitz,  la  carga,  ab  la  tara,  xii.  dr. 

Vori,  la  carga  ii.  s. 

Item  ermodatils^,  la  carga  xii.  dr. 

Item  gingols  ®,  la  carga  vi.  dr. 

Item  pinyons,  la  cargua^  vi.  dr. 

Item  gotzema,  la  carga  m.  dr. 

Item  ortxela,  la  carga  xn.  dr. 

Item  payla  de  méca^,  la  carga  m.  dr. 

Item  sene,  la  carga  ii.  s. 

Item  sal,  lo  vinte^. 

Item  asser,  lo  quintal  ii.  dr.'" 

Item  blat  tibi  sansi",  la  carga  ii.  dr. 

Item  vidriol,  la  carga  m.  dr. 

Item  nous  e  castanyes,  lo  cester  i.  dr. 


•  Mot-à-mot,  «  douzaine  petite.  »  —  2  \i«  est  mis  pour  mesalla. —  3  C'est 
^rès-probablement  le  mot  troyla,  que  je  trouve  dans  ua  document  de  1350  : 
I.  pâli  tafatani  cum  aignis  Castelli  jacentibus  in  troyla  rubea. —  "*  Ce  mot 
s'applique  à  tous  les  filets,  mais  pas  aux  cordages. —  *  Plante. —  ^  «  Jujube.  » 
—  ''Sic. —  ^  Sic.  —  'En  marge  :  consuetum  solvere. —  10  En  marge: 
Même  observation  qu'à  ^'article  précédent,  —  n  Ailleurs:  sene,  e  blanch 
tibi  sanci. 


74  DOCUMENTS 

Item  arbres  e  entenes  e  necles  qui  vagen  per  vendre,  per 
Ibr  I    dr. 

Item  sarries,  la  dotzenai.  dr. 

Item  graneres,  la  dotzena  grossa  i,  dr. 

Item  pijes,  la  carga  m.  dr. 

Item  aur  e  argent  e  moneda  e  tota  bossonala  ',  per  Ibr. m*. 

Item  cernais,  la  somada,  i,  dr. 

Item  cercles  de  semais  e  de  botes,  la  somada,  i   dr. 

Item  la  somada  de  dogam  e  de  fonols  ^  m*. 

Item  sarria  desperdenyes  i.  dr. 

Item  limons,  e  ponssirs,  e  toronges,  la  carga  ma. 

Item  carga  de  melgranes  i.  dr. 

Item  totes  los  altres  coses  que  no  sien  nomenades,  segons 
lo  preu  que  valran,  a  coneguda  dels  leuders,  segons  les  coses 
damun  [t]  dittes. 

Item  sia  memoria  al  dit  senjor  rey  de  Mallorches  que,  de 
XV.  o  de  XX.  ayns  anssa,  se  fae  ses  fêta  novelletat  en  la  leuda 
de  Cogliure,  de  pesar  los  fays  de  totes  mercaderies  o  de  pa- 
gar  segons  mes  et  menys,  contra  la  forma  antiga  que  era  e 
ba  estât  :  que  tôt  faix,  de  quai  que  mercaderia  que  fos  que  pa- 
gues  leuda,  lo  quai  una  bestia  pogues  portar  de  la  casa  entro 
a  la  mar,  per  gran  que  fos,  ses  tôt  pes,  pagas  quantitat  sa- 
buda  segons  que  era  acostumat.  Per  que,  sopleguen  los  mes- 
sagers que  sia  merce  del  senyor  Rey  que,  sens  altre  pes,  pa- 
guen  los  fays  segons  que  antigament  era  acostumat,  no  con- 
trastant noveyl  adordonament  fet  per  En  G.  de  Pug  dOrfila^ 
o  per  qualque  autre  de  pesar  los  fays,  e  de  forma  novelha 
posada  en  la  leuda.  E  disen  los  messagers  que  vulha  Deus  que 
sia  ben  de  la  anima  daquels  qui  fet  ho  an  tro  acsi*,  e  sia 
merce  del  senyor  Rey  que  ho  revocb^ 

*  On  trouve  ailleurs:  bassonalla.'Déik,  en  1225:  vel  aliquam  bazonayam 
de  Cathalonia  extraverit. —  2  Ponol  et  ailleurs /braeyZ,  «  fond  de  tonneau.  » 
—  ^  Voyez,  dans  les  Notices  historiques  sur  les  communes  du  Roussillon 
de  M.  Alart,  un  intéressant  travail  sur  la  famille  de  Puig  d'Orfila,  de  Collioure. 
Une  des  branches  de  cette  famille  se  fixa  dans  l'île  de  Majorque  (premières 
années  du  XIV«  siècle),  où  elle  a  subsisté  jusqu'à  nos  jours,  et  à  laquelle  se 
rattache  une  des  célébrités  scientifiques  de  la  France  moderne,  le  savant 
chimiste  Orfila.  —  *  Comme ac/  et  assi,«.  jusqu'ici.  »  —  ^  En  marge:  daquest 
Capitol  ha  mencio  en  la  caria  de  gracia. 


SUR  LA  LANGUE  CATALANE  75 

Item  sia  memoria  al  senyor  Rey  de  Mallorcha  que,  anti- 
garaent,  ffaixs  darros  no  pagava  a  Cogliure  sino  xii.  dr,  ni 
faix  de  comi  mas  u.  s  ;  e  novellament,  de  xv.  o  de  xx,  anys  a 
enssa,  fan  lii  pagar  faixs  d'arros  xvi.  dre  faixs  de  comi  ii.  s 
viu.  dr.  E  com  acsso  sia  cosa  novelha,  sia  merce  del  senyor 
Rey  que  ho  revoch  * . 

Item  sia  memoria  al  senyor  'Rey  de  Mallorcha  que,  antiga- 
ment,  lo  leuder  de  Cogliure  retia  al  mercader  e  al  ostaler,de 
la  leuda  que  avia  delsmercaders,  a  cascun  mesala,  que  eren 
XX.  dr  per  Ibr;  e  ara  no  sen  ret  ges.  Per  que,  plasia  al  se- 
nyor Rey  que  les  costumes  antigues  sien  servades,  e  tota  no- 
velhetat  sia  revocada-. 

Item  sia  memoria  al  dit  senyor  Rey  de  Mallorques,  que 
novellament,  de  xv.  o  de  xx.  anys  enssa,  es  adordonat  que 
tôt  hom  qui  ischa  de  les  partz  del  senyor  Rey  dArago  e  vaia 
a  les  partz  de  Prohenssa  ho  en  altres  partz,  de  la  hon  venga 
daqueles  partides  per  mar,  qui  nos  gir  a  Cogliure  que  pach  e 
pagar  lx.  s.  i.dnr  perpena,  oltra  leuda  acostumada  :  la  quai 
penaes  penyorada  o  fortssada  en  totz  los  locs  del  dit  senyor 
rey  de  Mallorcha,  o  en  les  partz  d'Aygues  Mortes  e  de  Mont- 
pesler.EjCom  asso  sia  cosa  novelha  eoppressio  deles  gens  del 
dit  senyor  Rey  d'Arago  e  contra  libertatz,  sopleguen  losditz 
messatgcrs  del  dit  senyor Rej'  dArago  e  de  la  ciutat  de  Bars- 
salona,  per  si  e  per  les  gens  del  dit  senyor  rey  d'Arago,  que 
sia  revocat^. 

E  si,  per  aventura,  de  les  coses  damunt  dites,  allegades  e 
dites  per  novelletat,  en  o  podia  esser  dupte  al  senyor  Rey  de 
Mallorcha  o  a  son  conseyl,  sia  sa  merce  que  sen  *  certiffie  per 
los  testimonis  qui  fa  son  rehebutz  e  per  altres  maneres  de  ve- 
ritat  e  de  consciencia:  lesquals  son  manifestes  e  poden  esser 
manifestes  al  senyor  Rey  o  a  son  conseyl,  e  no  requeren  al- 
tra  prova,  que  la  veritat  es  présent. 

Item  sia  memoria  al  dit  senyor  Rey  de  Mallorcha,  quel  se- 


1  En  marge lyerwm  cargua  nu.  quintalium,  et  si  est  ultra  uu.quintalium 
solvit  pro  illo  pluri.  Idem  de  cargua  de  comi. 

•  Eq  marge  :  iVow  tenetur  restituer  e  alirjuid. 

s  En  marge  :  Ita  est  consuetum  ordinacione  factaper  G.  de  Podi  Or- 
fila  ci/ra.  —  ♦  Se  'n. 


76  DOCUMENTS 

iijorRey  En  Jacme  de  bona  memoria,  avi  seu,  senyor  lavo- 
res  de  Rosselho  e  de  Cogliure,  feu  privilegi  a  la  ciutat  de 
Barssalona  de  no  pagar  leuda  en  les  terres  els  locs  seus,  del 
quai  privilegi  la  dita  ciutat  de  Barssalona  ha  usât  e  usa  eu 
moltz  locs.  E  si  per  aventura  no  na^  usât  plenerament  en  lo 
loc  de  Cogliure  en  mar  e  en  terra,  per  sa  simpleza,  per  ajso 
no  deu  perdre  son  dret  del  privilegi,  que  escrit  es  que,  per 
part  usant,  retes  hom  tôt  :  ho,  al  menys,  no  par  que  per  lo 
dit  privilegi  la  dita  ciutat  no  aia  qualque  avantatge,  que  al 
menys  no  sio  tenguda  de  pus  que  no  sia  usât  antigament.  E 
semblant  privilegi  a  tota  la  terra  del  senyor  Rey  dArago. 

Per  estirs^,  drets  civils  e  canonics  dizen,  que,  en  leudes, 
les  quais  son  hodioses,  neguna  cosa  noveyla  no  si  deu  en- 
novar  ni  posar  :  E  aq°  metexs  veda  la  s^''  Gleysa  de  Roma, 
cascun  diyus  de  Pascha. 

Per  estirs,  es  adordonament  de  cort  gênerai  del  senyor 
Rey  En  P.  ^  de  bona  memoria,  fet  en  Catalunya,  que  leuda  no 
sia  creguda  ni  posada  ni  novellada  de  xx.  anys  en  sa  entro  al 
dit  07'donament,  lo  quai  fo  feyt  en  Barssalona  xxxirii.  anys 
ha  ;  en  loqual  adordonament  gênerai  se  conten  que  tota  no- 
velletat  en  leuda  sia  remoguda  e  tornada  en   estament  antich. 

E  axi,  com  les  novelletatz  damunt  dites  sien  fêtes  contra 
dret  comu,  segons  que  dit  es,  e  encara  contra  lo  dit  adordo- 
nament de  la  dita  Cort  General,  lo  quai  se  deu  seguir  en 
Rossello,  segons  les  avinenses  fêtes  entre  lo  senyor  Rey  dA- 
rago el  senyor  rey  de  Malorcha  els  lurs  predecessors,  clamen 
merce  *  los  ditz  messagers  al  dit  senyor  Rey  de  Mallorcha  que 
revoch  les  dites  novelletatz. 

Item  sia  memoria  al  dit  senyor  Rey  de  Malorcha,  que  de 
v.  anys  a  enssa,  ses  fêta  es'^  fa  novelletat  en  la  leuda  de  Co- 


1  No  rCha  usât. 

'  «  Au  surplus.»  Dans  un  document  de  1312,  estirn  paraît  avoir  le  sens 
de  «  autrement  «:  que  les  aga  a  vendre  per  la  plassa  c  no  per  estirs.  On 
trouve  souvent  esters  au  lieu  de  estirs.  M.  Morel-Fatio  [Romania,  no  58-59, 
p.  222,  donne  à  per  esters  le  sens  de  «  pour  l'extérieur,  pour  l'apparence.» 

^  Pierre  lir,  roi  d'Aragon. 

*  Expression  très-fréquente  en  catalan,  surtout  dans  Desclot:  clamant 
merce;  clamàli  merce  ;  pregam-vos  e  clamam-vos' merce , 

''  Es  pour  e  se. 


4 


SUR  LA.  LANGUE  CATALANE  77 

gliure  per  los  leuders  del  dit  loch  qui  fan  pagar  la  leuda  per 
fortssa,  torneses  dargent  a  xiii*  diner,  e  valen  los  torneses 
XVI.  dîners  Barch*.  E  aso  es  gran  dan  e  gran  greuge  de  les 
gens  del  dit  senyor  Rey  dArago  entre  les  altres,  e  contra 
forma  antiga,  com  les  torneses  dargent  premien  en  la  dita 
leuda,  abans  de  v.  anys,  per  xvi    dîners  Barch. 

No  contrasta  a  les  coses  desus  dites  so  que  alcuns  volen 
allegar  e  dir,  que  la  leuda  de  Cogliure  se  deu  pagar  a  M  aigu- 
reses  he  a  lur  cambi.  Que  aso,  salva  reverencia  daquels  (jui 
el  contrari  dizen,  no  es  ver  ;  que  la  leuda  de  Cogliure  no  fo 
stablida  nis  mostra  nis^  pot  mostrar  establida  a  Malgure- 
ses  ;  que  la  dita  leuda,  en  son  us  antich,  c.  l  anys  ha  e  mes 
ques  leva,  e  la  moneda  Malguresa  no  a  encara  c.  v.  anys 
ques  comensa  de  fer  e  de  batre  a  Malgur  oltra  Monpesler, 
segons  que  aso  apar  per  scriptures  antigues  de  les  quais  los 
ditz  messagers  son  apparelatz  de  fer  fe  ades  ^  al  dit  senyorRey 
e  a  son  honrat  conseyl*.  Laquai  encara  moneda  Malguresa 
no  es  ni  es  stada  propria  moneda  de  Rossello,  ans  en  Ros- 
sello  es  e  a  estât  moneda  propria  Rosselleses,  e  son  vuy  Bars- 
saloneses,  e  no  Malgureses  ni  altra  moneda  ;  e  los  quais  Mal- 
gureses,  e  tota  autra  moneda,  sino  Barssaloneses,  son  e  an 
estât  moneda  reprohada  en  tôt  Rossello.  E  aso  par  manifes- 
tament  per  una  carta  jurada  quel  senyor  Rey  en  Jacme  de 
bona  memoria,  avi  del  dit  senyor  Rey  de  Mallorcha,  senyor 
lavores  de  Rossello  e  dels  altres  règnes  e  locs  seus,  feu  e 
atorga  en  laj-n  de  m.cc.l.viii.  que  moneda  Malguresa  ne  al- 
tra no  corregues  ni  fos  en  lespartz  de  Rossello  ni  de  Vallespir, 
ni  en  les  altres  partz  de  Catalunya,si  no  tant  solament  moneda 


1  En  marge:  Probatum  est.  — ^  A^'.spour  ni  se.  —  ^  ^ides  «incontinent.  » 
Mci,  les  députés  de  Barcelone  se  trompent  singulièrement.  Il  paraît  d'abord 
certain  que  les  tarifs  du  leudaire  primitif  de  Collioure  étaient  marqués  en 
melgureses.  Les  députés  affirment  (en  1317)  que  la  monnaie  de  Malgone  n'a 
pas  même  cent  cinq  ans  d'existence,  tandis  qu'elle  apparaît  déjà  en  Roussil- 
lon.  en  1084,  ainsi  que  cela  résulte  d'un  acte  du  Cartulaire  du  Temple.  La 
monnaie  rosselle  ou  de  Roussillon  se  montre  en  1088:  c'était  la  monnaie  des 
comtes  héréditaires  ;  mais,  dès  cette  époque,  la  monnaie  de  Malgone  paraît 
avoir  été  la  principale  monnaie  courante  en  Roussillon.  Elle  circulait  encore  à 
Perpignan  en  1421,  et  avait  alors  une  valeur  au  cours  égale  à  celle  de  la 
monnaie  barcelonaise  de  tern  (Arcti.des  Pyr.-Or.,  notule  d'Antoine  Guitard). 


78       DOCUMENTS  SUR  LA  LANGUE  CATALANE 

de  Barsahneses.  Aparsse  *  encara  per  les  convinensses  fêtes 
après  e  confermades  ab  sagrament  e  homenatge  entre  lo  se- 
nyor  reyEn  P.  de  bona  memoria,  duna  part,  el  senyor  rey 
En  Jacme  de  bona  memoria,  pare  del  dit  senyorrey  de  Mal- 
lorcha,  daltra,  e  puxs  novellament  confermades  en  aquela 
metexa  forma  ab  sagrament  e  homenatge  entre  lo  senyor 
Rey  dArago  ara  vivent,  duna  part,  el  dit  senyor  Rey  de  Ma- 
llorcha,  daltra  :  en  les  quais  convenensses  se  conten  espres- 
sament  que  en  Rossello  ni  en  Vallespir  no  correga  altra  mo- 
neda,  sino  Bartssaloneses  tant  solament. 

Per  estirs,  no  par  que  hom  pusca  dir  ab  raho  que  la  leuda, 
que  es  hodiosa,  sia  ni  pusca  esser  de  melhor  condicio  en  Ros- 
sello quels  censsals,  quis  paguen  en  Rossello  a  Barssaloneses 
e  no  a  Malgureses,  encara  si  son  establitz  a  Malgureses  ;  niy 
requer  hom  cambi  ne  sen  pagua,  de  Malgureses  a  Barch.  E 
asos'  fa  es  deu  fer,  quar  la  moneda  Malguresa  es  reprohada 
en  Rossello  e  no  es  moneda  de  Rossello,  segons  les  râlions 
damunt  dites.  "~ 

Per  que  sopleguen  los  ditz  messagers  al  dit  senyor  Rey  de 
Mallorques,  per  nom  e  per  autoritat  del  senyor  Rey  dArago 
e  per  nom  de  la  ciutat  de  Barssalona  e  de  les  altres  gens  del 
dit  senyor  Rey  dArago,  que  sia  sa  meree  que  provezescha  e 
fassa  que  les  gens  del  senyor  rej^  dArago  no  sien  oppremudes 
ni  agreujades  en  la  sua  terra  per  las  cosas  damunt  dites,  e 
que  les  dites  novelletatz  sien  remogudes. 

{Lleuda  de  Coplliure,  î»  26  à  30.) 
Pierre  Vidal. 


^  Aparsse.  u  II  résulte  encore.  » 
2  Asos,  pour  aso  se. 


DINS  LI  BOSC 


Au  felibre  A.   Arnavielle 

I 

Que  fai  bon  ana  l'estiéu, 

Pensatiéu, 
Se  perdre  sout  kv  ramado, 
Pèr  vèire  dins  chasco  flour 

La  couleur 
Dis  iue  de  la  bèn-amado. 

Dis  erbiho  lou  perfum, 
Coume  un  fura, 
S'espandis  lôugié  dins  Faire  : 

—  «  Bello  a  desfa  lis  anéu 

«  De  soun  peu  !  » 
Se  dis  lou  pouèto  amaire. 

L'auro,  dintre  li  brancas 

Dôu  bouscas, 
Fai  entendre  uu  son  d'ourgueno 

—  «  M'encànton  bèn  mai  qu'acô 

»  Lis  ecô 
«De  sa  voués  siavo  e  serenol  » 

DANS  LES  BOIS 


AufélibreA.  Arnavieille 
I 

Qu'il  fait  bon  aller  —  pensif,  l'été,  —  se  perdre  sous  la  ramée,  — 
pour  trouver  dans  chaque  fleur  —  la  couleur  —  des  yeux  de  l'adorée . 

Des  herbes  le  parfum,  —  comme  une  fumée,  —  monte  léger  dans 
l'air:  —  «  Belle  a  défait  les  anneaux  —  do  ses  tresses  !  » — s'écrie  le 
poëte  amoureux. 

Le  vent,  dans  les  branches  —  du  bocage, — fait  entendre  un  chant 
d'orgue:  —  «  Plus  que  cela  m'enchantent  —  les  échos  —  de  sa  voix 
suave  et  sereine  !  » 


80  DINS  LI   BOSC 

Gai,  moudulon  sis  èr  fin, 

Cardelin, 
Roussignôu  e  côuquihado: 

—  «  Gramaci,  crido,  auceloun 

»  Di  valoun, 
»  Qu'à  Bello  dounas  Taubado  !  » 

D'un  roucas  tout  sournaru 

Sort  sens  brut 
Uno  eigueto  clarinello  : 

—  «Sourtis  ansin  de  moun  cor, 

»  Sênso  esfort, 
»  Amour,  e  volo  à  ma  bello  !  » 

Se  i'abéuro  pèr  plesi, 

A  lesi, 
Tant  l'aigo  es  fresco  e  risènto, 
Murmurant: —  «A  sipetoun, 

»  De  poutoun 
»  Soun  causo  bèn  mies  plasènto  !  » 

Lou  rajeirôu  cascalin 
Trais  sens  fin 
De  pichot  degout  sus  l'erbo. 

—  «  S'ère  Dieu,  dis  l'amourous, 

»  Gran  courons, 
»  Sarias  lèu  perlo  superbo  ! 

Gais,  ils  modulent  leurs  fins  airs,  — chardonnerets,  —  rossignols  et 
alouettes.  —  «  Grand  merci,  dit-il,  oiselets  —  du  vallon,  —  qui  à  Belle 
donnez  l'aubade  !  « 

D'un  rocher  sombre  —  sort  sans  bruit  —  une  onde  claire.  — 
«Jaillis  ainsi  de  mon  cœur,  —  sans  effort,  —  amour,  et  vole  à  ma 
belle  !  » 

Il  s'y  abreuve  par  plaisir,  —  tout  à  l'aise,  —  tant  l'eau  est  fraîche 
et  rieuse,  —  murmurant:  «  A  ses  pieds  mignons,  —  des  baisers  — 
sont  chose  bien  plus  agréable  !  » 

Le  filet  murmurant  —  jette  sans  fin  —  des  gouttelettes  sur  l'herbe. 
—  «  Si  j'étais  Dieu,  dit  l'amoureux,  —  grains  limpides, — vous  seriez 
bientôt  de  superbes  perles  ! 


DINS  LI  BOSC  81 

»  E  ma  richo  fantasié 

»  Mountarié 
»  De  brihanti  pendeloto, 
»  E  de  coulié  'mé  très  tour 

»  E  d'atour, 
»  A  n'aclapa  la  raignoto  !  » 

Dôu  grand  fiermamen  l'azur 

Es  mai  pur 
Que  di  serafin  lis  aubo  : 

—  «  Perqué  pas  prène  un  moucèu 

»  D'aquéu  cèu 
»  E  pièi  nT  en  tèisse  uno  raubo?  » 

Sus  lou  founs,  li  nivo  blanc 

BarruUant 
S'espandisson  en  resiho  : 

—  a  Quauque  jour  vous  raubarai  », 

Eu  se  fai, 
((  le  servirés  de  mantiho  !  » 

Lou  soulèu  leisso  passa, 

Agusa, 
Si  raioun  dins  lou  fueiage: 

—  «  Lis  espinglo  d'or  sarés, 

»  Fissarés 
»  Sa  mantibo  à  soun  coursage  !  » 

»  Et  ma  riche  fantaisie  —  monterait  —  de  brillants  pendants  d'o- 
reilles, —  et  des  colliers  à  triple  tour  —  et  des  atours  —  à  en  sur- 
charger la  mignonne  !  » 

L'azur  du  grand  fii-mament  —  est  plus  pur  —  que  les  aubes  des 
séraphins  :  —  <(  Pourquoi  ne  pas  prendre  un  fragment  —  de  ce  ciel  — 
et  lui  en  tisser  une  robe  ?  )> 

Dans  le  fond,  les  blancs  nuages  — vagabonds  —  s'étendent  en  un 
réseau: —  «  Quelque  jour  je  vous  déroberai,  — fait-il, — vous  lui 
servirez  de  mantille  !  >' 

Le  soleil  laisse  passer, —  aiguisés,  —  ses  rayons  dans  le  feuillage: 
—  «  Vous  serez  les  épingles  d'or  —  et  vous  fixerez  —  sa  mantille  à 
son  corsage  !  » 


82  DINS  LI  BOSC 


II 


E,  tout  en  cantant  ansin, 

Cremesin, 
Sentis  que  la  caud  lou  gagno  ; 

A  soun  aise  s'espandis 

Su  'n  tapis 
Qu'au  matin  a  vist  Teigagno. 

Dis  aubrage  lou  cap  eu, 

Li  rampèu, 
Fan  un  pâli  sus  sa  tèsto  ; 
E  countunion  li  quinsoun, 

Si  cansoun, 
Que  meton  lou  bosc  en  fèsto. 

Tout  es  preste  pèr  la  som  : 

Vès  soun  front 
Que  sus  lou  bras,  grèu,  se  clino  ; 
Si  paupèrlo  sus  lis  iue 

Fan  la  niue. . . 
S'es  endourmi  dius  Toumbrino  ! 

Quito  pas  si  pensamen 
D'un  moument, 
E  toujour  sounjo  à  l'amado  ; 


II 

Et,  tout  en  chantant  ainsi,  —  la  figure  empourprée.  —  il  sent  la 
chaleur  le  gagner;  —  à  son  aise  il  s'étend  —  sur  un  tapis  —  qui  au 
matin  a  vu  la  rosée. 

De  la  forêt  voûtée  —  les  rameaux  —  font  un  dais  sur  sa  tête,  — 
et  les  pinsons  continuent  —  leurs  chansons,  —  qui  mettent  en  liesse 
tout  le  bois. 

Tout  est  prêt  pour  le  sommeil  :  —  voyez  son  front  —  qui  lourde- 
ment sur  le  bras  s'incline  ;  —  ses  paupières  ferment  —  ses  yeux. . . 
—  il  s'est  endormi  à  l'ombre  ! 

Il  n'abandonne  pas  un  seul  instant —  ses  pensées,  —  et  toujours  il 


DINS    LI   BOSC  83 

Quand  la  clarta  cFun  uiau 

Fai  un  trau 
Dins  lou  sourn  de  la  ramado  : 

D'un  nivouloun  argènta, 

Sa  bèuta, 
—  0  causo  meravihouso  !  — 
Davans  eu  qu'es  tremoulant, 

Barbèlant, 
Sourtis  touto  radiouso. 

Oh  !  porto  pas  dins  si  peu 

Negrinèu 
Un  diadeime  d'estello, 
Ni  pendent,  ni  bracelet  ; 

A  si  det, 
Ges  de  bago  ni  d'anello; 

Sa  raubo  n'es  pas  d'azur, 

E  segur 
Prend  pas  sa  mantiho  i  nivo. . , . 
A  soun  vièsti  blanquinèu 

Mai  que  nèu, 
La  viergeto  raubativo  ; 

A'n  èr  tendre,  calme,  dous, 
Melicous, 


songe  à  l'aimée  ;  —  lorsque  la  clarté  d'un   éclair —  ouvre  une  brèche 

—  dans  l'ombre  de  la  ramée  : 

D'un  nuage  argenté,  —  sa  beauté,  —  ô  merveilleuse  chose  !  —  de 
vaut  lui  qui  tressaille,  —  tremblant,  —  apparaît  toute  radieuse. 

Oh  !  elle  ne  porte  pas  dans  ses  cheveux  —  noirs  —  un  diadème 
d'étoiles,  —  ni  pendants,  ni  bracelets;  — à  ses  doigts, — nulle  bague, 
nul  anneau; 

Sa  robe  n'est  pas  d'azur,  —  et  sûrement  —  elle  ne  prend  pas  sa 
mantille  aux  nuages. . . —  elle  a  un  vêtement  blanc  —  plus  que  neige, 

—  la  vierge  qu'on  volerait  volontiers  ; 

Elle  a  un  air  tendre,  doux  —  comme  miel,  —  fait  de  pitié,  d'inno- 


84  DINS  LI  BOSC 

Fa  de  pieta,  d'inoucènci, 
Degràci,  de  pureta, 

De  bounta, 
De  candour  e  d'indulgènci  ; 

Parlo,  e  sa  voués  es  un  cant 

Pretoucant 
Qu'arribo  au  fin  founs  de  Famo; 
Parlo,  e  veici  ço  qu'a  di 

A  Fami 
Qu'escouto  Tesprit  en  flamo  : 

((Toun  amour  m'es  agradiéu, 

»  Car  de  Dieu 
»  N'a  giscla  quauco  belugo; 
»  Countèn  pas  rèn  de  carnau, 

»  Clar  fanau, 
»  Sus  nôsto  vido  esbarlugo. 

»  T'ame,  amor  que  dins  un  tèms 

»  Que  prétend 
»  Tout  nega  pèr  tout  counèisse, 
»  As  garda,  tu,  ferme  e  fort, 

))Dins  toun  cor, 
»  Uno  fe  qu'a  fa  que  crèisse  ! 

»  Amor  que  vuei  coume  aièr, 
»  Restes  fier 

cence,  —  de  grâce,  de  pureté,  —  de  bonté,  —  d'indulgence  et  de 
candeur. 

Elle  parle,  et  sa  voix  est  un  chant  —  pénétrant  —  jusqu'au  plus 
profond  de  l'âme  ;  —  elle  parle,  et  voici  ce  quelle  a  dit  —  à  l'ami  — 
qui  écoute  l'esprit  en  feu  : 

—  «  Ton  amour  me  plaît,  —  car  de  Dieu  —  quelque  étincelle  en  a 
jailli;  —  il  ne  contient  rien  de  charnel  :  —  phare  éclatant,  —  il  illu- 
mine notre  vie. 

»  Je  t'aime,  car,  à  une  époque  qui  prétend —  tout  nier  —  pour  tout 
connaître,  —  ((  tu  as  gardé,  toi,  ferme  et  fort,  —  dans  ton  cœur,  — 
une  foi  qui  s'est  toujours  accrue  ! 

))  Je  t'aime,  parce  que,  —  aujourd'hui  comme  hier, —  fier  tu  restes, 


DI>iS  LI  BOSC  85 


»  E  que  marches  tèsto  drecho, 
»Que  seguisses  toun  camin, 

»  Sens  fremin, 
))  'Mai  la  draio  fuffue  estrecho  ! 


'o" 


»  T'ame,  amor  que  ta  passioun, 

»0  leioun, 
»  Se  trufo  de  touto  entrave; 
»  S'enchau  pau  de  la  douleur 

»  0  di  pleur, 
»  E  se  la  Mort  vèn,  la  bravo  ! 

»  Tambèn  m'agrado  toun  vers  ; 

»  L'univers 
»  N'a  rèn  pèr  autant  me  plaire  ! 
))E  se  vos,  cor  d'enfantoun, 

»  Qu'un  poutoun, 
»  Lèvo-te,  te  lou  vau  faire  ! 

»  Qu'aquéu  bais,  encaro  mai, 

»  Dôu  verai 
»Te  doune  l'ardour  sublime; 
))De  tu  fague  lou  parié 

»  Dis  ôubrié 
»  Que  trèvon  pas  que  li  cimo  !  » 

Et  lou  felibre,  ravi 
De  l'ausi, 

cheminant — la  tête  droite, — parce  que  tu  suis  ta  voie —  sans  crainte, 

—  quelque  étroite  qu'elle  soit. 

»  Je  t'aime,  car  ta  passion,  —  ô  lion,  —  se  moque  de  toute  entrave  ; 

—  elle  dédaigne  la  douleur  —  et  les  larmes,  —  et,  si  la  Mort  vient, 
elle  la  brave  !  y  . 

»  Aussi  ton  vers  m'est  agréable  ;  —  l'univers  —  n'a  rien  qui  m'a- 
grée autant;  —  et  si  tu  ne  veux,  cœur  d'enfant,  —  qu'un  baiser,  — 
lève- toi,  je  vais  te  le  faire. 

»  Que  ce  baiser,  plus  encore,  —  du  vrai  —  te  donne  l'ardeur  su- 
blime; —  qu'il  fasse  de  toi  le  pareil  ~  de  ces  ouvriers —  qui  ne  han- 
tent que  les  cimes  !  » 

Et  le  félibre,  ravi  —  de  l'entendre. — tout  en  dormant  se  dresse  : 


86  DIKS  LI  BOSC 

Tout  en  dourmiguènt  s'aubouro, 
E  la  sarro  dins  si  bras, 

A  soûlas, 
E  la  bello  ris  e  plouro . . . 

Mai  sus  terro  tout  prend  fin  : 

Li  sausin 
An  reviha  lou  dourmèire, . . 
S'en  torno  tout  pensatiéu  : 

—  «Pas  Adieu  », 
Crido  au  bosc,  «  mai  Au  revèire!  » 

P.  Chassart. 


DOS  POUESIO 

revirado  dou  francés  dou  felibre  majourau  En  *" 


I 

UNGUIBUS  ET  ROSTRO 

Ris:  se  vèi  luse  en  sa  bouqueto, 
Coume  de  perlo  d'eiganiau 
I  pie  d'uno  roso,  i'esmau 
De  si  rato  fino  e  blanqueto. 


il  Tétreint  dans  ses  bras,  —   à  plaisir,  —  et  la  belle  rit  et  pleure   . . 
Mais  ici-bas  tout  prend  fin  :  —  les  moineaux  —  ont  réveillé  le  dor- 
meur. . . . —  Il  s'en  revient  tout  pensif.  —  «Non  pas  adieu»,  —  crie-t-il 

au  bois,  —  «mais  au  revoir!  » 

P.  Chassary. 


i 

UNGUIBUS    ET  ROSTRO 

Elle  rit  :  ses  lèvres  décloses  —  montrent  ses  dents,  dont  Témail 
luit  —  comme  les  perles  de  la  nuit  —  au  fond  du  calice  des  loses. 

Son  bras,  sur  son  genou  posé,  —  s'échappe  de  sa  large  manche — 
et  laisse  pendre  sa  main  blanche  —  à  l'ongle  brillant  et  rosé. 


DOS   POUESIO  87 

De  soun  èso,  superbe  e  nus, 
Souu  bras,  gisclant  subre  sa  faudo, 
Fai  vèire  à  sa  man  qu'esbrihaudo 
Uno  ounglo  coume  avié  Venus. 

Es  uno  chatouno  coumplido; 
Tout  agrado  en  elo,  e  pamen 
Moun  regard  vai  tout  unimen 
De  Tounglo  i  dent  de  la  poulido, 

De-que  m'atrivo  ?  e  de-que  pou 
Faire  que  moun  coi-,  que  resisto 
Pecairete  !  à-n-aquelo  visto, 
Mau-grat  iéu  tresane  de  pou?... 

Es  que  li  dent  qu'ansindo  amire 
E  que  m'enclausisson  tant  bèn, 
Sai-que  devon,  de-fes,  tambèn 
Saupre  mordre  autant  que  sourrire. 

L'aprendrai  que  trop  lèu,  d'abord, 
E  qu'aquel  oungloun,  que  caresse, 
Miés  que  l'àrpio  d'nno  tigresso 
Es  fa  pèr  estripa  li  cor  ! . . . 


Tout  est  grâce  et  beauté  chez  elle  ;  —  et  pourtant  toujours  mon 
regard,  —  sans  s'arrêter  nulle  autre  part,  —  va  de  l'ongle  aux  dents 
do  la  belle. 

Quel  charme  l'y  fixe  ?  et  pourquoi,  —  sans  que  je  puisse  m'en  dé- 
fendre, —  mon  cœur  en  lui  sent-il  descendre,  —  à  cette  vue,  un  va-- 
gue  effroi? 

Ah  !  c'est  que  ces  dents  que  j'admire  —  et  dont  l'éclat  m'attire 
ainsi,  —  elles  doivent  sans  doute  aussi  —  mordre  au  moins  autant 
que  sourire. 

Je  l'apprendrai  trop  tôt,  j'ai  peur,  —  et  que  ces  charmants  petits 
ongles,  —  mieux  que  ceux  du  tigre  des  jongles,  —  sont  faits  pour 
déchirer  un  cœur. 


88  DOS   POUESIO 


II 


LOU  NIS  VUIDE 

Dins  moun  sounge  vesiéu  un  aucèu  que  piéutavo 
Sus  li  brout  despampa  d'un  aubre,  contro  un  nis 
Vuide  e  mounte  un  estras  souiet  de  plumo  istavo. 

Sa  voues,  coume  un  resson  qu'alin  s'estavanis, 
Desengaubiado  e  sourno  avié  l'èr  de  se  plagne, 
E  iéu,  dins  Famo  près  dôu  mau  que  la  pounis, 

Plourave.  —  «  Aucelounet,  de-qu'as  dounc  que  te  lagne 
Pèr  traire  un  cant  doulènt  proche  aquéu  nis  désert? 
As  pas  pou  que  di  niue  l'auro  frejo  te  gagne?  » 

—  «Dôu  tèms  qu'èro  vesti  de  soun  fuiage  verd, 
D'aquest  ôume  aviéu  fa  ma  demouranço  caro; 
l'ai  couva  mi  nistoun,  qu'èron  moun  soûl  espèr  ; 


II 


LE  NID  VIDE 

Je  voyais  dans  mon  rêve  un  oiseau,  sur  les  branches  —  d'un  arbre 
dépouillé,  chanter  tout  seul  auprès —  d'un  nid  vide  semé  de  quelques 
plumes  blanches. 

Son  chant  semblait  l'écho  de  douloureux  regrets  ;  —  sa  voix  était 
sans  grâce  et  grêle  et  comme  éteinte  ;  —  mais  cette  voix  allait  à 
l'âme,  et  je  pleurais. 

—  «  Pourquoi,  petit  oiseau,  dont  si  triste  est  la  plainte,  —  près  de 
ce  nid  désert  ce  chant  plein  de  sanglots? — Du  vent  froid  de  la  nuit, 
dis  moi,  n'as-tu  pas  crainte?  » 

—  «  Du  temps  qu'un  vert  feuillage  ombrageait  ses  rameaux,  — 
j'avais,  dit-il,  choisi  cet  arbre  pour  demeure,  —  et  sous  son  calme 
abri  mes  petits  sont  éclos. 


DOS  POUESIO  89 

»  Mai,  tout  just  espeli,  frrtt  !  an  fusa  ! . .  .  Toutaro 
S'es  envoula  peréu,  —  sara  ma  mort,  ai  !  las  !  — 
Moun  mignot,  lou  darrié  que  me  restasse  encaro.  » 

Entremens  que  parlavo  ansin  pèr  soun  soûlas, 
léu  leissave  moun  iue  clavela  de  pu  belle 
Sus  lou  nis;  talamen  qu'à  la  peifiu,  foulas  : 

—  ((  Vese,  aro,  d'ounte  vèn  l'ànsi  que  te  bourrello, 
lé  faguère  ;  —  mai,  digo,  aquéu  nis,  paure  aucèu, 
Retrais  pas  un  cor  d'orne?. . .  Ai  pas  11  farfantello  ! . . .  n 

—  «  Es  toun  cor  I  —  me  rebèco,  —  e  Faubras  negrinèu 
D'ounte  s'es  envoula  l'eissam  que  ma  voues  cliamo, 
Acô  's  tu,  qu'as  perdu  toun  pantai  lou  pu  bèu  !...)> 

— «Mai  alor,tu,  quau  siés?»  demandère. — «Toun  amol...» 

L.    ROUMIEUX. 


»  Mais  à  peine  couvés,  tous  ont  fui.  Tout  à  l'heure,  —  le  seul  qui 
me  restait  vient  de  partir  aussi,  —  et  c'était  le  plus  cher.  Voilà  pour- 
quoi je  pleure  !  » 

Mes  yeux  restaient,  tandis  qu'il  me  parlait  ainsi,  —  toujours  fixés 
au  nid,  comme  sur  un  prodige;  —  tant  qu'enfin,  de  surprise  et  de  ter- 
reur saisi  : 

—  «  Je  comprends  maintenant  ta  tristesse,  lui  dis-je  ;  —  mais  écoute: 
ce  nid,  je  crois  m'apercevoir  —  que  c'est  le  cœur  d'un  homme  ;  ai-je 
donc  le  vertige  ?  » 

Il  me  dit  :  «  C'est  ton  cœur  !  et  l'arbre  au  rameau  noir  —  d'où 
s'envola  l'essaim  que  ma  plainte  réclame, —  c'est  toi,  veuf  aujourd'hui 
de  ton  dernier  espoir  !  » 

—  «  Mais  toi,  dis-je,  qui  donc  es-tu?  »  —  «  Je  suis  ton  âme  !  » 


BIBLIOGRAPHIE 


Die  Aussprache  des  latein  nach  physiologisch-historischen 
Grundsâtzen,  von  E.  Seelmann.  Heslbronu,  verlag  von  Gebr.  Henuinger, 
;885. 

Cet  ouvrage  est  divisé  en  deux  grandes  parties .  La  première,  qui 
a  pour  titre  général  :  les  Sons  comme  parties  du  mot,  leur  rapport  res- 
pectif à  l'énergie,  à  la  hauteur  de  la  voix,  à  la  durée,  au  groupement 
par  syllabes,  renierme  trois  subdivisions  :  a  l°accentet  recomposition  ; 
2°  quantité  des  voyelles  ;  3"  redoublement  des  consonnes  et  distribu- 
tion des  syllabes»;  la  seconde  partie  traite  des  «  sons  considérés  en 
eux-mêmes  par  rapport  à  la  forme  de  lenr'articulation  et  cà  leur  acous- 
tique ;  système  des  voyelles,  système  des  consonnes.  »  En  dernier 
lieu  vient  la  conclusion,  avec  un  rapide  coup  d'œil  rétrospectif  sur 
les  principaux  résultats  de  ces  recherches  appliqués,  en  vue  de  la  j^ra- 
tique,  au  perfectionnement  de  la  prononciation  du  latin. 

La  doctrine  est  exposée  dans  le  texte  imprimé  en  gros  caractère  ; 
le  petit  texte  est  consacré  aux  citations,  aux  exemples  épigraphiques 
et  autres  compléments  de  la  théorie  générale. 

Nous  ne  pouvons  songer  à  faire  la  critique  de  ce  grand  travail.  On 
lira,  dans  les  revues  spéciales,  les  objections  que  des  juges  compé- 
tents ont  mêlées  à  leurs  éloges.  Quant  à  nous,  nous  avouons  que  cette 
phonétique  transcendante  nous  adonné  le  vertige.  La  faute  en  re- 
vient peut-être  un  peu  à  M.  Seelmann.  Il  tient  à  nous  faire  savoir  que 
sa  terminologie  est  son  propre  ouvrage,  et  qu'elle  n  a  rien  de  commun 
avec  celle  des  manuels  courants.  Il  est  sûr  qu'elle  doit  être  très- 
claire  et  très-commode  pour  lui,  qui  en  est  l'auteur  et  a  l'avantage 
d'être  Allemand.  Nous  ne  savons  si  elle  est  meilleure  que  celle  de 
Sievers,  de  Briicke,  deTechmerou  de  Trautmann  ;  mais  certainement 
des  accumulations  de  déterminants  comme  celle-ci:  <  p.  302,  Dist 
eine  explosiv-plosiv  bezw.  implosiv-plosiv  stimmhate  dorsal  gebil 
dete  rein  dentale  lenis  »,  ne  peuvent  que  lasser  la  patience  d'un  lec- 
teur français, quand  elles  se  répètent  toutes  les  deux  ou  trois  pages. 
Il  est  vrai  que  M.  Seelmann,  comme  doit  faire  un  innovateur,  a  eu 
soin  d'expliquer,  dans  ce  qu'il  appelle  Remarques p)hysïologiques p)réli- 
minaires,  les  termes  dont  il  s'est  servi. On  a  donc  toujours  la  ressource 
d'y  recourir,  le  cas  échéant. 

Elles  sont  d'ailleurs  la  base  de  l'ouvrage  entier.  C'est  sur  elles  que 
s'appuient  les  recherches  historiques,  entreprises  pour  x  reconnaî- 
tre »  les  sons  dont  la  «connaissance»  a  été  acquise  préalablement  par 


BIBLIOGRAPHIE  91 

l'étude  physiologique,  pour  les  fliflEérentes  voyelles  et  consonnes.  Celle-ci 
nous  apprend  comment  les  lettres  sont  formées  avec  le  concours  de 
la  langue,  des  lèvres,  des  dents,  du  voile  du  palais  ;  quel  angle  les 
mâchoires  doivent  former  pour  telle  voj'elle  ou  consonne,  et  d'après 
quelle  loi  un  son  passe  à  un  autre,  les  organes  de  la  bouche  prenant 
déjà,  pendant  l'articulation  du  premier,  la  position  nécessaire  pour  ar- 
ticuler le  second.  Ces  résultats  une  fois  obtenus  ont  besoin  d'une  ga- 
rantie, qui,  à  priori,  semble  manquer  pour  une  langue  morte.  Mais 
les  moyens  de  contrôle  ne  font  pas  défaut  à  M.  Seelmann .  Ce  sont 
(des  innombrables  inscriptions  populaires,  où  lo  même  son  est  rendu 
par  une  orthographe  différente;  l'emploi,  dans  les  inscriptions  en 
latin  classique,  de  certains  signes,  comme  VApex,  le  Sicilicus,  la  voyelle 
redoublée,  Vllonga  et  les  trois  lettres,  inventées  par  l'empereur  Claude  ; 
les  données  de  la  phonétique  latine  ;  les  conclusions  rétrospectives 
qui  se  dégagent  de  la  grammaire  comparée  indo-européeime  et  surtout 
des  langues  romanes  ;  enfin  le  traitement  que  reçoivent  les  mots  et  les 
groupes  de  lettres  dans  la  métrique .  » 

Il  faut  savoir  gré  à  M.  Seelmann  de  la  peine  qu'il  a  prise  pour 
mettre  sous  nos  yeux  les  sources  mêmes,  dans  leur  plus  grande  pu- 
reté. La  simple  révision  des  exemples  épigraphiques  qu'il  a  recueillis 
ou  de  ceux  qu'il  a  empruntés  aux  collections  de  Corssen,  de  Ed. 
Schmitz,  de  Schuchardt,  ne  lui  a  pas  coûté  moins  d'une  année  de 
travail.  Il  a  rendu  aussi  un  grand  service  à  la  science,  en  essayant 
d'interpréter  les  doctrines  des  grammairiens  latins.  Ce  n'était  pas 
chose  facile  que  d'entreprendre  la  critique  de  ces  témoignages,  de 
démêler  l'influence  grecque  et  de  faire  la  part  des  époques  et  des  con- 
trées diverses.  On  comprend  quelle  est  l'importance  des  indications  du 
«  seul  Romain  qui  se  soit  spécialement  occupé  de  phonétique,  Teren- 
tianus  Maurus.  »  Il  n'est  pas  moins  curieux  de  connaître  les  doctrines 
de  Marins  Victorinus,  de  Priscien,  de  Diomède,  de  Servius  Honora- 
tus,  etc. 

Encore  une  fois,  nous  réservons  notre  jugement  sur  l'interprétation 
que  M.  Seelmann  a  donnée  de  ces  documents  historiques  dans  telle 
question,  comme  de  savoir  quel  est  l'élément  fondamental  de  l'accent 
latin  ou  bien  quelle  est  l'origine  populaire  ou  savante  de  la  tendance 
à  refaire  de  nouveaux  composés,  par  exemple  «  commando  »  au  lieu 
de  <(  commendo  »,  «  infrangere  »  au  lieu  de  «  infringere.  »  Pour  des 
lecteurs  qui,  comme  nous,  auront  eu  beaucoup  à  apprendre  dans  ces 
400  pages  d'un  texte  toufEu,il  ne  paraîtra  sans  doute  pas  inutile  d'avoir 
cherché  seulement  à  fah-e  naître  le  désir  de  lire  un  ouvrage  si  profi- 
table. On  y  voit  comment  la  science  se  fait  :  on  se  croirait  dans,  le 
laboratoire  du  linguiste  ;  on  le  suit  travaillant  à  retrouver  le  moule  où 
cette  matière  des  sons  a  été  façonnée  il  y  a  2,000  ans  par  les  organes 


92  BIBLIOGRAPHIE 

romains,  et  essayant  de  faire  passer  un  souffle  vivifiant  dans  ces 
formes  inertes  de  lettres.  Il  s'appuie  sur  les  données  physiologiques 
d'une  part,  et  remonte  d'autre  part  à  toutes  les  sources  historiques, 
pour  reconstituer  les  sons  latins  avec  leur  accent  propre,  leur  ca- 
dence, et  pour  rendre  à  ia  langue  de  Cicéron  et  de  Catulle  la  vie  et  la 
chaleur  qu'elle  avait  dans  leur  bouche,  quand  l'un  prononçait  ses  Ca- 
tilinaires,  et  que  l'autre  déclarait  sa  passion  à  Lesbie.  Il  est  piquant, 
tandis  qu'on  attaque  chez  nous  l'enseignement  du  latin  comme  su- 
ranné, de  voir  un  Allemand  espérer  que  cet  idiome  pourra  revivre  et 
devenir  une  langue  internationale,  à  la  manière  du  français.  Sans 
doute,  M.  Seelmann,  avec  toute  son  érudition,  malgré  les  symboles 
qu'il  imagine  pour  transcrire  en  langage  phonétique  une  ode  d'Ho- 
race, reste  encore  loin  du  but,  et  il  n'en  peut  être  autrement.  Mais  il 
a  raison  de  vouloir  que  nous  nous  débarrassions  de  tout  préjugé  con- 
tre une  entreprise  qui,  comme  les  nouvelles  modes,  pourrait  sembler 
ridicule,  alors  que  la  génération  suivante  la  trouverait  dautant  plus 
à  son  goût.  Il  y  a  des  résultats  acquis  ;  et,  sans  se  flatter  de  «  ramener 
la  véritable  prononciation  de  l'idiome  classique  de  l'antique  Latium», 
on  est  en  droit  de  combattre  la  routine  et  l'ignorance,  dans  l'intérêt 
de  la  vérité  et  par  amour  de  la  précision  scientifique. 

Cet  amour  de  la  science  est  ce  qui  rend  M.  Seelmann  si  sévère  pour 
ses  devanciers,  MM.  Schweisthal  et  G.  Edon,  auxquels  il  n'accorde 
pour  tout  mérite,  au  premier  qu'une  certaine  valeur  pratique  et  au  se- 
cond «  qu'une  table  des  travaux  cités  dressée  avec  un  soin  exem- 
plaire,l'index  alphabétique  et  —  le  titre  pompeux,  qui  est  simplement 
un  trompe-l'œil.  »«:  Dans  l'ouvrage  de  Corssen,  »  dit-il,  «  à  peine  im 
seul  son  a  été  représenté  d'une  manière  qui  nous  satisfasse  aujour- 
d'hui, même  approximativement.»  C'est  que  M.  Seelmann  appartient 
à  cette  école  des  néo-grammairiens  qui  se  sont  signalés  par  un  grand 
dédain  du  passé  et  par  l'esprit  d'aventure.  Ils  se  font  pardonner  leurs 
injustices  et  leurs  excès  par  les  services  réels  qu'ils  ne  cessent  de  ren- 
dre à  la  connaissance  des  langues.  Si  exigeante  que  la  science  de- 
vienne, à  mesure  qu'elle  avancera,  le  travail  de  M.  Seelmann,  pas  plus 
que  celui  de  Corssen,  ne  perdra  de  sa  haute  valeur  ;  car  il  fait  faire 
un  progrès  notable  à  la  connaissance  générale  du  latin. 

Il  faudrait  ajouter  et  des  langues  romanes,  puisque  en  phonétique, 
comme  partout  ailleurs,  les  études  latines  sont  la  base  des  études  ro- 
manes. C'est  pourquoi,  sur  les  instances  pressantes  de  son  maître, 
Fœrster,  M.  Seelmann  a  gardé  en  réserve  une  série  de  recherches  dans 
le  domaine  roman,  pour  publier  d'abord  le  présent  ouvrage.  Il  n'a  fait 
que  se  conformer  au  plan  d'ensemble  que  les  deux  grands  philologues 
allemands,  W.  Fœrster  et  F.Buecheler,  ont  arrêté  depuis  longtemps, 
comme    des  chefs  d'armée,  et   il    exprime  le  vœu  que  son  exemple 


BIBLIOGRAPHIE  93 

«  hâte  la  jouctiou  des  forces  latines  et  romanes  pour  le  plus  grand 
bien  de  l'œuvre  commune,  et  que  la  tactique  :  marcher  séparés.  — 
frapper  unis, —  trouve  aussi  son  application  dans  la  science.» 

J.  Bbenous. 


Précis  de  grammaire  historique  de  la  langue  française,  avec  une 
iati'oductiou  sur  les  origiaes  el  le  doveloppeiiieol  de  celle  lanj^tie,  par 
Ferdinand  Brcnot,  ancien  élève  de  l'Ecole  normale,  maître  de  conférences 
à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon.  Paris,  G.  Masson,  mdccclxxxvii.  —  vni- 
692  pages. 

La  Bévue  des  langues  romanes  a  déjà  souhaité  le  succès  qu'il  mé- 
rite au  Précis  de  fjrammaire  historique  de  M.  B.';  mais  une  courte 
note  répondait  mal  à  l'importance  de  ce  livre,  et  nous  demandons  à 
nos  lecteurs  la  permission  de  les  en  entretenir  encore. 

Le  titre  adopté  par  M.  B.  rappelle  celui  de  la  Grammaire,  si  esti- 
mable, de  M.  Brachet  ;  c'est  un  livre  analogue,  en  effet,  que  M.  B.  a 
voulu  écrire  ;  mais,  outre  que  le  nouveau  venu  a  sur  son  aîné  l'avan- 
tage d'avoir  pu  profiter  de  bien  des  progrès  et  de  bien  des  décou- 
vertes récemment  faites  par  les  romanistes,  son  plan  est  beaucoup 
plus  A'aste  et  il  offre  à  ses  lecteurs  des  secours  beaucoup  plus  abon- 
dants. Ajoutons,  pour  en  bien  marquer  le  caractère,  que  ce  Précis 
diffère  notablement  de  l'excellente  Grammaire  de  l'ancienne  langue 
française  de  M.  Clédat,  en  ce  qu'il  prolonge  l'étude  de  la  langue  jus- 
qu'à nos  jours  :  et  des  grammaires  de  MM.  Ayer  et  Chassang,  en  ce 
que  l'histoire  de  la  langue,  au  lieu  de  servir  seulement  à  des  expli- 
cations et  à  des  remarques  plus  ou  moins  nombreuses  à  propos  de 
l'usage  moderne,  fournit  ici  tous  les  matériaux  de  chaque  article  et 
en  commande  entièrement  la  distribution.  Concevoir  un  tel  livre  était 
une  hardiesse  ;  mais  la  hardiesse  a  été  heureuse,  car,  si  l'on  peut  re- 
procher à  M.  B.  quelques  inconséquences  et  quelques  erreurs,  son 
exposition  n'en  est  pas  moins  fort  instructive  et  n'en  plaît  pas  moins, 
par  sa  clarté,  par  sa  verve  et,  à  l'occasion  même,  par  son  esprit. 

Le  livre  P'',  Histoire  générale  de  la  langue  française,  est  plus  au  cou 
rant  et  n'offre  pas  moins  d'intérêt  que  la  belle  Introduction  de  M.  Bra- 
chet; nous  ne  ferons  à  M.  B.  qu'une  remarque  :  peut-être  eût-il  bien 
fait  de  ne  pas  mêler  le  gascon  })armi  les  dialectes  de  la  langue  J'oc, 
dont  il  diffère  à  beaucoup  d'égards  (p.  13). 

Le  livre  II,  sur  \r  phonétique  et  les  sons,  était  le  plus  difficile  à 
rédiger  d'une  façon    brève  et  sûre  à  la  fois  ;  aussi  est-il   sans  doute 

»    8«  série,  t.  XVI,  p.  59, 


94  BIBLIOGRAPHIE 

celui  qui  vaudra  à  M.  B.  le  plus  d'éloges  el  de  critiques.  Par  exemple, 
il  était  excellent  d'indiquer  les  formes  romanes  qui  ont  servi  d'inter- 
médiaires entre  tels  ou  tels  mots  latins  et  leurs  correspondants  fran- 
çais ;  mais  on  eût  pu  le  faire  d'une  façon  plus  systématique,  citer 
Cam'raGum  après  Cameracum{]).  80),  et  au  contraire  viam  avant  'rcam 
(p.  71);  ne  pas  écrire  d'abord  que  Va  est  entravé  dans  volaticum,  sans 
expliquer  comment  (p.  74),  puisque  la  dentale  disparaît  dans  vola- 
t(i)cum  (p.  82)*. —  La  quantité  des  voyelles  latines  n'est  pas  marquée 
aussi  souvent  qu'on  le  pourrait  désirer  ;  l'indication  en  eût  pourtant 
rendu  plus  claire  l'histoire  des  voyelles,  notamment  de  l'e  et  de  Vo, 
fermés  et  ouverts. — P.  65,  l'observation  qui  termine  le  paragraphe  46 
devrait  être  présentée  avec  plus  de  réserves.  —  P.  71,  les  transfor- 
mations .des  sons  ou  et  ei  sont  expliquées  d'une  façon  contestable. 
—  P.  74,  tristem  et  nullum  sont  cités  mal  à  propos.  —  P.  75,  1.  2,  le 
terme  technique  infecter,  non  expliqué,  rend  obscur  un  paragraphe, 
qu'aucun  exemple  ne  vient  éclaircir.  —  Enfin,  je  doute  qu'il  faille 
voir  une  influence  de  Vu  dans  locum  =  leu,lieu  (p.  67),  tandis  que  je 
verrais  une   influence  du^  dans  captivum  =  chaitif{ç.  69). 

Après  quelques  sages  observations  sur  Vétymologie  et  V orthogra- 
phe, sont  placés  de  nombreux  et  importants  tableaux,  où  est  reprise 
et  complétée  l'histoire  des  sons  latins  et  des  sons  fi-ançais.  «  Ces  ta- 
bleaux, dit  l'auteur,  ne  sont  faits  ni  pour  être  étudiés,  ni  même  pour 
être  lus,  mais  seulement  pour  être  consultés.  »  Ils  ne  le  seront  pas 
sans  profit. 

Le  livre  qui  suit,  non-seulement  se  peut  lire,  mais  se  lit  en  effet 
avec  plaisir.  Après  avoir  constaté  la  mohilité  du  lexique,  M.  B.  en 
étudie  le  fonds  populaire  avec  les  procédés  populaires  de  dérivation 
et  de  composition  ;  puis  les  emprunts  aux  langues  étrangères,  enfin  le 
fonds  savant  avec  sa  dérivation  et  sa  composition  spéciales.  Quelques 
considérations  sur  les  doublets,  les  rapports^  de  la  langue  savante  et  de 
la  langue p)opulaire,  le  sens  des  mots  et  la  pathologie  verbale,  complètent 
cet  intéressant  ensemble-. 

Le  livre  IV  se  recommande  tout  d'abord  par  une  très-heureuse 
innovation:  l'étude  delà  syntaxe  y  est  intimement  mêlée  à  celle  des 
formes,  ce  qui  permet  de  rendre  celle-ci  moins  aride,  celle-là  plus 
historique,  toutes  deux  plus  exactes  et  plus  saisissantes.  Par  cette  ré- 
forme, M.  B.  s'est  rencontré  avec  M.  L.  Havet,  dont  la  très-simple 

1  M.  B.  se  trompe  d'ailleurs  en  cet  endroit  en  tirant  ge  de  cum.  C'est  vola- 
tifcjum  qu'il  fallait  écrire. 

2  Commeot  ittum  peut-il  donner  ot,  otte  (p.  159)?  Comment  bis  peut-il 
donner  gui  (p.  175)?  L'étude.  —  s^i  complexe,  il  est  vrai.  —  des  sui'tixes  et  des 
préfixes,  manque  ainsi  de  quelques  explicatioQs. 


BIRLIOSRAPHIE  95 

et  très-8avan+c  Grammaire  latine  est  précisément  fondée  sur  le  même 
plan.  En  un  endroit  seulement,  M.  B.  s'est  départi  de  sa  méthode 
ordinaire;  mais  la  morphologie  du  verbe  étuit  trop  compliquée  pour 
n'être  pas  étudiée  à  part. 

Nous  ne  pouvons  signaler  tout  ce  qui  nous  a  frappé  dans  cette 
partie,  la  plus  longue  et  la  plus  importante,  de  Touvrage  ;  mais  nous 
tenons  surtout  à  louer  l'esprit  libéral  dans  lequel  sont  formulées  les 
règles  et  les  remarques  de  syntaxe.  A  plusieurs  reprises,  M.  B.  pro- 
teste contre  des  complications  et  des  subtilités  qui,  jointes  aux  bi- 
zarreries de  notre  ortliographe,  ne  constituent  pas  moins  qu'un  ob- 
stacle à  la  diffusion,  si  désirable,  de  la  langue  fi-ançaise,  ou  même  à 
son  maintien  dans  ses  anciennes  possessions*.  —  Ailleurs,  des  rap- 
prochements nombreux  avec  les  formes  ou  les  emplois  du  langage 
populaire  et  non  écrit  éclairent  l'origine  de  formes  ou  de  règles  plus 
académiques^.  —  Ailleurs  encore,  de  fines  analyses  rendent  compte 
des  faits  que  l'histoire  ne  suffit  pas  à  expliquer  3.  — Enfin  le  choix 
d'exemples  intéressants,  et  très-souvent  empruntés  aux  écrivains  con- 
temporains, rend  la  lecture  plus  attrayante  et  pique  la  curiosité. 

Ces  observations  générales  faites,  en  voici  de  toutes  menues.  — 
P.  238,  il  est  peut-être  fâcheux  de  laisser  croire  (\nQ  p'ictor  donne 
TioYm&lemeni  peintre  ■ —  P.  258,  une  négligence  de  rédaction  semble 
donner  à  prudens  un  nominatif  en  er.  —  P.  294,  il  n'y  a  pas  de  pléo- 
nasme dans  ce  vers  de  Piotrou  : 

Qui  se  choisit  un  prince,  il  se  fait  son  sujet, 

il  étant  l'antécédent  de  q^ii  (cf.  p.  299). — P.  312,  pourquoi  ne  pas  tra- 
duire n'iert  pas,  par  ne  sera  pas?  —  P.  408,  les  termes  de  participe 
fort  et  de  participe  faible  demanderaient  à  être  expliqués.  —  P.  422, 
il  n'eût  2)as  été  inutile  d'expliquer  comment  perdedi  a  donné  ^err/i; 
ici  d'ailleurs,  comme  en  plusieuis  autres  joassages  (et,  par  exemple, 
pag.  suivante,  viderunt  =  virent j,  il  eût  été  bon  de  marquer  raccent 
tonique  et  la  quantité.  —  P.  426,  expliquer  d'où  vient  Vo  de  oi  =  hâ- 
bui.  —  P.  508,  le  parag.  sur  si  et  le  conditionnel  demanderait  plus 
d'explications. — P.  517,  nefaudruit-il  pas  éviter,  dans  une  grammaire 
française,  des  expressions  comme  «  un  nom  au  datif»  ? — P.  5"<^7,  dans 
le  vers  du  Roland: 

Paien  d'Arabe  des  nefs  se  sont  issuz, 

1  V.,  p.  ex.,  p.  94;  p.  282,  rem.  m  ;  p.  238,  fin  ;  p.  526. 

2  V.  p.  296,  je  l'aime-ti!  p.368,  cVe  femme;  p.  569,  c'est  pas  rigolo,  etc. 

3  V.,  p.  ex.,  p.  380-383,  ellipse  de  l'article;  et  cf.  p.  488-5fJ3,  la  simpli- 
cité avec  laquelle  est  exposée  la  syntaxe  du  subjonctif. 


96  BIBLIOGRAPHIE 

il  faut  issut,on  le  participe  ne  se  rapporterait  pas  au  sujet. — .P  542, 
ne  faudrait-il  pas  dire  un  mot  de  l'étymologie  de  ades,  aparmain, 
endementrues ,  etc.? —  P.  545,  encore  s'explique  plutôt  par  Aanc  ho- 
ram,  non  par  hac  hora  * .  —  P.  558,  2°  comme,  dans  les  exemples  de 
Commynes  et  de  Molière,  s'explique  par  de  même  que ,  ainsi  que, 
plus  facilement  que  par  c'est-à-dire .  —  P.  605,  2^our,  dans  quatre  pour 
cent ,  ne  signifie-t-il  pas  en  échange  de  plutôt  que  en  proportion  de  ? 

Arrêtons-nous .  S'il  faut  dire  toute  notre  pensée,  le  principal  dé- 
faut du  Précis  de  M.  B.,  c'est  de  n'être  pas  partout  également  élémen- 
taire ou  également  savant,  l'auteur  n'ayant  pas  très-bien  vu  jusqu'à 
quel  degré  il  devait  pousser  ses  explications  et  jusqu'à  quel  point 
il  devait  compter  sm*  l'instruction  de  son  lecteur.  Mais  le  défaut 
était  sans  doute  inévitable,  et  il  n'est  pas  bien  grave,  après  tout. 
Généralement  accessible  aux  débutants,  la  nouvelle  grammaire  sera 
précieuse  pour  ceux  qui  ont  déjà  quelques  notions  de  grammaire 
historique  ;  et  ceux  mêmes  qui  n'auraient  rien  à  y  apprendre  se 
laisseront  gagner  à  ce  quelque  chose  de  vif  et  de  jeune,  qui  n'est  pas 
commun  en  ces  sortes  d'ouvrages  et  qui  éclate  partout  dans  celui  de 
M.  Brunot^. 

E.  RlGAL. 


Synonymie   provençale   des  Champignons   de  Vaucluse,  par  J.-M.-F. 

Réguis,  Marseille,  librairie  Bérard,  1886,  in-4o,H44  pages. 

Voici  un  excellent  ouvrage  de  vulgarisation  scientifique.  La  syno- 
nymie provençale,  qui  justifie  son  analyse  dans  notre  Revue,  est  ac- 
compagnée de  notions  botaniques  et  médicales  qui  dénotent  la  variété 
des  connaissances  de  l'auteur.  Mycologue  consommé,  notre  honorable 
confrère  entre  dans  les  détails  les  plus  circonstanciés  sur  l'organo- 
graphie  et  la  taxonomie  des  champignons.  Leur  texture  élémentaire, 
dont  des  planches  assez  nettes  en  facilitent  l'intelligence,  n'a  pas  de 
secrets  pour  lui.  Il  insiste  avec  raison  sur  la  richesse  de  leurs  pro- 

*  Mieux  encore  par  hiîic  ad  horam. 

2  Parmi  les  fautes  d'impression,  qui  sont  relativement  peu  nombreuses, 
nous  croyons  devoir  relever  les  suivantes:  p.  211,  1.  21,  première  colonne, 
cumuler  au  lieu  de  cumulare;  p.  263,  1.  8,  paragraphe  218  au  lieu  de  paragra- 
phe 215;  p.  286,  1.  13,  tf  video  au  lieu  de  te  video;  p.  391,  1.  16,  radical 
tonique  au  lieu  de  radical  atoue;  p.  436,  1.  18,1e  ?i  final  au  lieu  de  T?"  final; 
p.  441,1.  i,  libaill'froit  au  lieu  de  H  bailleroit ;  p.  5 iO,  troisième  ligne 
avant  la  fin,  reivurent  au  lieu  de  revinrent;  p.  543,  1.  7,  dire  ne  fent  au 
lieu  de  d'ire  ne  fent;  p.  652,  1.  21,  Bien  me  le  garde  au  lieu  de  Bien  le  me 
garde. 


BIBLIOGRAPHIE  97 

priétés  alimentaires,  qui  en  font  une  véritable  viande  végétale,  grâce 
à  l'eau,  à  l'azote  organique,  au  phosphore  et  même  aux  principes 
immédiats  (albumine,  gélatine)  et  aux  phosphates  alcalins  directe- 
ment assimilables,  qui  entrent  dans  leur  composition.  Les  accidents 
toxiques,  dont  leur  ingestion  est  trop  souvent  suivie,  ne  l'effrayent  pas 
autre  mesure,  non  qu'il  ne  croie  pas  à  leur  réalité,  mais  parce  qu'il 
pense  qu'avec  un  peu  d'attention,  en  ne  mangeant  que  les  espèces 
populairement  connues  par  leur  innocuité,  en  usant  de  toutes  avec 
mesure,  en  les  soumettant  toutes,  tant  les  suspectes  que  celles  qui 
ont  bon  renom,  à  la  cuisson  préalable  dans  l'eau  bouillante  et  salée, 
on  est  à  peu  près  certain  de  les  éviter.  En  véritable  gourmet,  M.  Rc- 
guis  estime  cette  dernière  précaution  suffisante,  la  macération  préa- 
lable à  froid  pendant  deux  heures  dans  l'eau  vinaigrée  et  salée,  que 
d'autres  ont  recommandée,  pouvant  altérer  le  bon  goût  et  l'arôme  de 
ses  chères  cryptogames. 

Au  lieu  de  l'ordre  alphabétique  général  adopté  par  l'auteur,  il  nous 
paraît  préférable  de  le  modifier  un  peu,  en  classant  les  champignons 
d'après  leurs  propriétés  naturelles.  Nous  allons  énumérer  ainsi  les 
champignons  comestibles,  industriels,  employés  en  médecine,  véné- 
neux et  nuisibles.  L'ordre  alphabétique  sera  suivi  dans  chaque  di- 
vision. Nous  ne  garantissons  pas  que  cette  classification  soit  abso- 
lument irréprochable,  telle  espèce  pouvant  avoir  le  droit  de  figurer 
dans  deux  catégories.  Mais  n'en  est-il  pas  ainsi  pour  un  grand  nom- 
bre de  classifications  naturelles?  Les  espèces  à  propriétés  diverses 
seront  rangées  dans  la  division  correspondante  à  leurs  propriétés  les 
plus  manifestes  ou  à  leurs  usages  principaux.  Ainsi  le  seigle  ergoté, 
à  la  fois  dangereux  et  médical,  a  été  classé  parmi  les  champignons 
employés  en  médecine,  à  cause  de  ses  précieuses  vertus  thérapeuti- 
ques. 

CHAMPIGNONS  COMESTIBLES  DE  BONNE  QUALITÉ 

Parmi  eux,  l'oronge,  le  lactaire  délicieux,  le  pleurote  du  chardon 
Rolland,  les  helvelles  et  le  bolet  édule,  jouissent,  dit  M.  Réguis, 
d'une  innocuité  assez  généralement  reconnue  pour  pouvoir  être  pré- 
parés sans  la  cuisson  préalable  à  l'eau  salée  et  bouillante. 

Arpio  de  gat,  Clavaria  amethystina,  clavaire  améthyste. 
Auriheto,  Plenrotus  eryngii,  pleurote  du  chardon  Rolland. 
Auriheto  bluio,  Tricholoma  ni<rf«m,  tricholome  nu. 
Auriheto    de    kermès,  Cantharellus  cibarius,  chanterelle  co- 
mestible. 
Auriheto  spinouso,  Hydnum  re'pandum,'h^àsxe  sinué. 
Barigoule,  les  Agarics. 


98  BIBLIOGRAPHIE 

Barigoulo  de  houis,  Trie  holoma  amethystinum  ?  tricholomo 
améthyste? 

Bavaréu,  Eygrophortis  limaceus,  hygrophore  gluant. 

Berigoulo,  pleurote  du  chardon  Roland,  ou  bien  Moreheila  escu- 
lenta,  morille  commune. 

Berigoulo  à  flot,  Tricholoma  amethystinum,  tricholome  amé- 
thyste. 

Berigoulo  panicau,  Clitocybe  rivulosa,  clitocybe  des  bords  des 
routes. 

Boulet,  un  peu  de  tout. 

Boulet  blanc,  Pratella  campestris,  pratelle  champêtre. 

Boulet  rouge,  Amanita  cœsarea,  amanite  oronge. 

Boulet  sounous,  Lactarius  deliciosus,  lactaire  délicieux. 

Brus,  Clitocybe  maxima,  clitocybe  très-grand. 

Cepo,  Boletus  edulis ,  bolet  édule,  cèpe  de  Bordeaux. 

Ghampignoun  de  monfo,  désignation  collective  des  Mycena  ru- 
gosa,  mycène  rugueuse  ;  Clitocybe  dealbata,  clitocybe  blanc  d'ivoire; 
Inocybe  rimosa,  inocybe  fendu  ;  Hypholoma  appendiculatum,  hy- 
pholome  appendieulé. 

Ghampignoun  de  panicaut,  un  des  noms  du  pleurote  du  char- 
don Roland. 

Ghampignoun  de  pin,   un  des  noms  du  lactaire  délicieux. 

Ghampignoun  de  Sause,  armillaire  couleur  de  miel;  Lentinus 
tigrinus,  ientine  tigré;  Pholiota  œgerita,  pholiote  pegérite,  appelée 
aussi  Ghampiguoun   sauseo  et  piboulen. 

Goucoumelio,  Amanita  ovoïdea,  amanite  ovoïde,  oronge  blan- 
châtre . 

Gucumello,  Lepiota  procera,  lépiote  élevée. 

Darmas,  Armillaria  scruposa,  armillaire  rude,  probablement 
aussi  la  Berigoulo. 

Espoungo,  Boletus  granulatus,  bolet  granulé.  Très-abondante; 
pourrie,  constitue  un  excellent  engrais . 

Ferigouleto,  Clavaria  aurea,  clavaire  dorée. 

Galineto,  Clavaria  botrytis,  clavaire  en  grappe;  Clavaria  flava, 
clavaire  jaunâtre,  appelée  aussi  Gresto  de  gau. 

Geriho,  Cantharellus  cibarius,  chanterelle  comestible. 

Griset,  Amanita  vaginata,  amanite  vaginée  ou  engaînée,  va- 
riété grise. 

Gros   blanc,  autre  nom  de  l'amanite  ovoïde. 

lôu,  nom  de  l'amanite  de  César. 

Jaune  d'iou,  idem. 
Liiniounous,  voyez  Bavarèu. 

Mato,  Ciicocybe  offocatella,  Clitocybe  coffeata. 


BIBLIOGRAPHIE  99 

Mouragat, "voyez  Limounous. 

Mouriho,  Morchella  esculenta,  morille  commune. 

Negroun,  Pratella  campestris,  pratelle]champêtre,  champignon 
de  couche. 

Pangoro,  voyez  Mouriho. 

Pecou  blu    ou  Ped  blu,  voyez  Berigoulo  à  flot. 

Ped  de  poulo,  Helvella  crispa,  helvelle  crépue. 

Pichot  gris,  voyez  Griset. 

Pico-pèd,  voyez  Berigoulo  à  flot. 

Pignen,  Lactaràis    deliciosus,  lactaire  délicieux. 

Rabasso.  Que  les  gourmets  saluent  ce  mot  au  passage.  C'est  le 
nom  provençal  de  la  truffe  comestible.  M.  Réguis  étudie  avec  détails 
ses  diverses  variétés,  leur  culture  naturelle  et  artificielle,  la  manière 
de  les  récolter,  etc. 

Rosé,  Tricholoma  russula,  tricholome  russule. 

Rouge,  La.clarhis  sanguifluus,  lactaire  à  suc  rouge. 

Rousset  d'iôu,  voyez  Boulet  rouge. 

CHAMPIGNONS  COMESTIBLES  DE  QUALITÉ  INFÉRIEURE 

Auriheto  jauno,  Crepidotus  croceo-lamellalus,  crépidote  à 
feuillets  jaunes. 

Auriho  et  Pichot  mourra  de  chin,  Genea  verrucosa,  gênée 
verruqueuse. 

Berigoulo  d'avelanié,  Tricholama  argyracea,  tricholome  ar- 
gyracé. 

Bessiuo  de  loup,  Rliizopogon  ruhescens,  rhizopogon  rougeâtre. 

Blancan,  Balsamia  vulgaris,  balsamie  vulgaire. 

Champignoua  d'amourié,  d'aubrespin,  Armillaria  mellea, 
arinillaire  couleur  de  miel. 

Ghampignoun  gris  de  pin,  Tricholoma  salero,  tricholome  sa- 
lero. 

Gisclaire,  TJtraria  saccala. 

Lengo  de  biôu,  Fislulina  hepalica,  fistuline  hépatique,  langue 
de  bœuf. 

CHAMPIGNONS   INDUSTRIELS 

Amadou  ou  "Esco, Fomes  fomentarius,  Famés  ignarius,  amadou; 
assez  connu  comme  combustible,  et  qui  est  aussi  employé  en  méde- 
cine comme   antihémorrhagique  local. 

L'Espoungo,  Boletus  granulalus,  bolet  granuleux.  Champignon 
alimentaire  très-abondant.  Très-putrescible  et  riche  en  azote  II  mé- 
rite d'être  conseillé  comme  un  excellent  engrais. 

Pan   de    loup,    Pan  dou  diable,  Polyporus  versicolor,  pain 


100  BIBLIOGRAPHIE 

de  loup,  pain  du  diable,  espèce  trop  coriace  pour  être  mangée,  vé- 
ritable défi  jeté  à  la  palette  des  peintres,  tant  sa  coloration  est 
variée. 

Ce  champignon  est  sans  usage,  dit  notre  auteur  ;  sec,  il  brûle  très- 
bien  et  pourrait  servir  à  conserver  le  feu. 

Les  Pisso-chin,  coprins  doués  d'une  vie  éphémère,  constituant, 
malgré  le  milieu  où  ils  apparaissent,  un  manger  délicat,  pourvu  qu'ils 
soient  ramassés  à  peine  éclos  et  cuits  à  bref  délai;  se  résolvent  quel- 
ques heures  seulement  après  leur  naissance  en  un  liquide  noir  comme 
de  l'encre  et  pouvant  être  employé  comme  telle. 

CHAMPIGNONS  EMPLOYÉS  EN  MÉDECINE 

Segue  cournu,  seigle  ergoté,  altération  des  grains  des  céréales 
et  des  cypéracées,  surtout  du  seigle,  par  le  développement  d'un  cham- 
pignon du  genre  claviceps  dans  les  tissus  de  l'ovaire. 

L'ergot  de  seigle,  seigle  ergoté,  est  le  spécifique  des  hémorrha- 
gies,  surtout  des  hémorrhagies  utérines.  On  Ta  aussi  prescrit  comme 
agent  contractile  dans  certaines  paralysies.  11  ne  faudrait  pas  trop 
prolonger  son  administration,  sous  peine  de  voir  apparaître  des  ac- 
cidents d'ergotisme  plus  ou  moins  analogues  à  ceux  que  l'usage  de 
céréales  avariées  par  sa  présence  produisait  à  d'autres  âges,  et  qui 
sévissaient  quelquefois  sur  des  populations  entières. 

Le  seigle  ergoté  est  donc,  comme  tant  d'autres  substances  em- 
ployées en  thérapeutique,  un  poison  médicamenteux. 

CHAMPIGNONS  VÉNÉNEUX  ET  NUISIBLES 

Boulet  rouge  di  mari,  Amanita  muscaria,  champignon  rouge 
des  mauvais,  fausse  oronge. 

Champignoun  de  ciprés,  Flammula  picrea,  flammule  picrée. 

Ghampignoun  de  l'oulibié,  Pleurotus  olearius,  champignon 
de  l'olivier. 

Gris  picouta  (gris  tacheté),  Amanita  pantherina,  amanite  pan- 
thère. Espèce  des  plus  toxiques,  à  propos  de  laquelle  notre  auteur 
se  livre  à  des  considérations  liistoriques  pleines  d'attraits,  que  nous 
croyons  devoir  reproduire.  «  Au  moyen  âge,  où  l'on  n'en  connaissait 
déjà  que  trop  les  propriétés  toxiques,  les  maléficiers  et  les  empoison- 
neurs s'en  servaient  pour  désoler  les  étables,  décimer  les  troupeaux 
et  commettre  impunément  des  assassinats.  Les  premiers  hachaient 
ces  agarics  et  les  mélangeaient  à  la  nourriture  des  bestiaux  ;  les  se- 
conds extrayaient  le  suc  de  ces  redoutables  champignons,  le  conden- 
saient àl'air  libre  sur  un  feu  doux  et  en  oignaient,  tantôt  entièrement, 
tantôt  d'un  seul  côté,  les  lames  ciselées  et  chargées  d'ornements  en 


BIBLIOGRAPHIE  101 

creux  des  couteaux  de  l'époque.  Oq  pouvait,  par  ces  abominables 
procédés,  se  servir  d'ua  de  ces  couteaux  pour  partager  un  fruit,  en 
manger  impunément  une  moitié,  et,  en  offrant  l'autre  à  son  ennemi, 
lui  donner  la  mort.  S'il  faut  en  croire  des  traditions,  grâce  à  Dieu 
contestables,  le  jeune  époux  de  Marie  Stuart,  le  roi  François  II,  et  la 
mère  de  Henri  IV,  Jeanne  d'Albret,  auraient  été  les  victimes  de  ce 
lâche  moyen  d'assassinat.  » 

Les  espèces  suivantes,  moins  directement  toxiques  pour  l'homme, 
n'en  sont  pas  moins  dangereuses,  parce  qu'elles  s'attaquent  aux  plan- 
tes qui  sont  pour  nous  et  pour  les  animaux  dressés  à  notre  service 
d'une  incontestable  utilité,  à  nos  aliments,  à  nos  boissons  et  au  ver  à 
soie. 

Amarun  dou  vin,  amertume  du  vin,  ou  goût  du  vieux,  maladie 
causée  par  des  filaments  simples  ou  associés,  d'abord  incolores,  puis 
présentant  de  distance  en  distance  des  nœuds  rouges  ou  jaunes, 
formés  par  le  dépôt  de  la  matière  colorante.  Le  chauffage  à  60° 
(Pasteur)  guérit  cette  maladie. 

Blanc,  Sp/ueroteca  castagnei?  le  blanc,  champignon  qui  attaque 
les  feuilles  de  melon  et  des  courges  et  compromet  la  récolte.  Un  au- 
tre Sphcerotheca,  oïdium  leucoconium ,  qui  prend  le  nom  de  Sphœ- 
rotheca  pannosa,  quand  il  a  atteint  son  état  parfait,  attaque  les  ro- 
siers. 

Carboun,  carbouna,  carbounous,  Uaiilago  carbo,  charbon, 
parasite  qui  se  développe  dans  l'ovaire  des  graminées  comestibles 
(blé,  avoine,  seigle),  leur  donne  une  couleur  noirâtre  et  fait  des  grains 
un  mauvais  aliment. 

Cario,  Tilletia  caries,  carie,  autre  maladie  du  blé  produisant 
d'abord  l'hypertrophie,  puis  l'atrophie,  la  teinte  grisâtre  et  la  dimi- 
nution de  densité  des  grains, 

Flour  dou  vin,  Mycoderma  vini,  mycoderme  du  vin  (Pasteur), 
souvent  mêlé  au  Mycoderma  aceti,  dans  le  vin  rouge,  surtout  addi- 
tionné d'eau.  Le  premier,  par  sa  croissance  rapide,  étouffe  générale- 
ment le  dernier. 

Graisso  dou  vin,  champignon  encore  peu  connu,  formé  de  cha- 
pelets plus  ou  moins  nombreux  de  globules  sphériques,  et  qui  se 
trouve  dans  les  vins  gras,  huileux  ou  filants. 

Maire  dou  vinagre,  Mycoderma  aceii,  mère  du  vinaigre,  cham- 
pignon assez  voisin,  par  sa  forme  microscopique,  du  Mycoderma  vini, 
mais  produisant  rapidement  i'acétification  du  vin  ;  tandis  que  la 
Flour  dou  vin  peut  laisser  plus  ou  moins  longtemps  ce  liquide 
inaltéré,  à  la  condition  que  le  voile  mycodermique  ne  présente  pas  la 
moindre  trace  de  mère  de  vinaigre . 

Mildieu,  Peronospora    viticola,   mildew,  nouveau  parasite  de  la 

7 


102  BIBLIOGRAPHIE 

vigne  ;  —  n"a-t-eile  pas  assez  d'ennemis  ?  —  qui  amène  le  brunisse- 
ment, la  dessiccation  et  la  chute  des  feuilles,  et  pi'oduit  ainsi  la  dénu- 
trition de  la  plante  et  la  non-maturation  des  fruits.  Des  arrosages 
avec  une  solution  de  sulfate  de  cuivre  paraissent  le  remède  efficace. 

Mouffo  di  barrico,  Diderma  papaverinum  racodium  cellare, 
stilbum  typhinum,  moisissures  des  vieux  tonneaux . 

Mouffo  dou  pan,  Aspergillus  glaucus,  mucor  mucedo,  oïdium 
aurantiacum,  moississure  du  pain. 

Moussiduro,  les   mêmes  que  les   moisissures  du  pain,  plus  des 

espèces  empruntées  au  genre  A scophora,  Pénicillium Ce  sont  les 

champignons  qui  font  le  désespoir  des  ménagères  et  poussent  avec 
une  rapidité  étonnante  sur  les  conserves  de  fruits,  les  fruits  naturels, 
les  confitures,  le  fromage,  la  viande  et  toutes  sortes  de  provisions. 

Muscardino,  Botnjtis  bassiana,  muscardine,  grave  maladie  bien 
connue  des  vers  à  soie. 

Pourridié,  autre  maladie  de  la  vigne  encore  à  l'étude. 

Pousso  dou  vin,  champignon  auquel  on  attribue  l'altération  du 
vin  connue  sous  le  nom  de  pousse,  encore  à  l'étude. 

Roui,Rouvi,  rouille  urédinée,  parasite  qui  se  développe  sur  toutes 
les  parties  vertes  des  graminées,  principalement  à  la  face  inférieure 
des  feuilles,  moins  redoutée  que  le  charbon  parce  qu'elle  respecte  les 
organes  de  la  reproduction. 

Si  le  lecteur  juge  de  l'importance  de  l'œuvre  de  M.  Réguis  par  la 
longueur  de  cette  analyse,  il  se  convaincra  du  grand  cas  que  nous  en 
faisons  et  de  l'estime  eu  laquelle  nous  désirons  qu'elle  soit  tenue  par 
nos  confrères. 

Une  certaine  restriction  à  ce  jugement  si  favorable  n'est-elle  pas 
légitimée  par  son  titre  même  ?  Elle  ne  produira  pas  tous  les  fruits 
qui  auraient  pu  en  résulter,  précisément  parce  qu'elle  est  ivo^^  proven- 
çale. Nous  aurions  préféré  nomenclature  à  synonymie.  Synonymie 
provençale  doit  s'entendre,  non  de  la  version  en  langage  deVaucluse 
et  d'une  partie  des  Bouches-du-Rhône  des  noms  latins  et  français  des 
champignons,  mais  de  la  traduction  comparée  de  ces  mêmes  noms 
dans  tous  les  dialectes  de  langue  d'oc,  et  on  sait  s'ils  sont  nombreux. 
Ainsi  serait  pleinement  justifié  le  titre  de  synonymie  provençale.  Ce 
travail  est  à  faire.  Nous  le  passons  à  une  plume  plus  compétente. 
Dans  la  synonymie  de  M.  Réguis,  la  truffe  a  nom  rabasso,  c'est-à- 
dire  par  une  appellation  populaire,  bien  peu  justifiée,  grosse  rave; 
peut-être  même  à  cause  de  la  teinte  noirâtre  veinée  de  blanc  de  son 
tissu,  mauvaise  rave,  le  suffixe  asso  {assa,  à  Montpellier)  ayant  les 
deux  sens  augmentatif  et  péjoratif.  A  Montpellier  et  dans  une 
grande  partie  du  Midi,  truffa,  tout  court,  veut  aussi  dire  pomme  de 
terre.  Dans    la  vallée  de   l'Hérault    et   ailleurs,  on    ajoute  souvent 


BIBLIOGRAPHIE  103 

blanca  pour  désigner  ce  précieux  tubercule  alimentaire,  que  le  riche 
et  le  pauvre  peuvent  également  se  procurer,  truffa  negra  étant  ré- 
servé à  la  truffe  proprement  dite,  au  diamant  de  la  cuisine,  style 
Brillât  Savarin.  A  Marseille,  on  dit  aussi  truffo. 

On  le  voit,  une  substance  alimentaii'c  bien  connue-porte  des  noms 
tout  différents  dans  des  localités  si  voisines  que  le  département  de 
Vaucluse  et  le  département  de  l'Hérault.  Combien  plus  doivent  être 
accusées  les  variétés  dialectales  des  autres  espèces  dans  les  divers 
pays  de  langue  d"oc! 

A  l'honneur  de  M.  Réguis,  nous  dirons  que,  suivant  l'exemple  des 
vrais    savants,  il  cite  avec  autant  d'empressement  que  de   bonne  foi 
les  naturalistes  qui  l'ont  précédé.  11  invoque  même  de  nouvelles  lu- 
mières de  la  part  de  tous  ceux  qui  pourront  lui  en  fournir,  en  annon- 
çant  sa  formelle   intention   de  respecter  le  sttum  ciiique    tribuito. 
Parmi  les  auteurs    dont  il  invoque   le  témoignage,  nous  mentionne- 
rons spécialement  les  suivants,  dont  plusieurs  sont  avantageusement 
connus  dans   la  science   française  :  MM.  Louis    Planchon,    à  qui  le 
dictionnaire  est  dédié,  de  Seynes,  Granel,  Figuier,  Quelet,  Ferry  de  la 
Bellone,  Bonnet,  Reverchon,  etc.,  et  tant  d'honorables  et  modestes  in- 
stituteurs primaires,  que  nous  ne  pouvons  dénommer  faute  d'espace, 
qui  lui  ont  fourni  des  renseignements  et  n'ont  pas  rougi —  qu'ils   en 
reçoivent  nos  félicitations  les  plus  sincères —  de  s'occuper  de  patois. 
Réellement  enflammé  de  l'amour  de  son  sujet,  M.  Réguis  ne  reste 
pas    un    simple    naturaliste  praticien,  il  en  arrive   à   écrire  de  véri- 
tables pages  littéraires  comme  celle-ci  :  «  Ce   sont   en  effet  de  rudes 
parasites   que  les  champignons  ;   rien  ne   leur  est  sacré,  rien  qu'ils 
n'attaquent:  matières  organiques  en  décomposition,  matière  vivante, 
tout  leur  est  bon,  tout  leur  sert  de  milieu.  Ils  pullulent  à  l'extérieur  de 
notre  corps  comme  dans  son  intérieur.  On  les  trouve  partout,  cher- 
chant comme  le  loup  de  la  fable  quelque  chose  à  dévorer.  Ils  enva- 
hissent nos  maisons,  nos   livres,  les  tentures  de   nos  appartements, 
nos    fruits   en  réserve,  l'anchois  dans  la  saumure,  nas  habillements, 
les  écailles  des  poissons  de  nos  viviers,  le  corps  des  insectes,  les  sa- 
bots de  nos  chevaux,  les   soies  des  sangliers,  nos  produits  médica- 
menteux,  la  charpie  à  pansements,   la   chair  de    l'homme  même.  Ce 
n'est  pas  tout,  poursuivent  leur  victime  jusque  dans  le  cercueil  ;  ils 
la  poursuivent  sur  la  statue  destinée  à  perpétuer  son  visage,  et  là,  ils 
narguent  celui  qui  s'intitule  pompeusement  le  roi  de  la  création.  Cer- 
tains d'entre  eux   poussent    encore  plus   loin  leur  crime  de  lèse-so- 
ciété, ils  s'établissent  en  parasites  sur  d'autres  champignons. 

))Et  ce  ne  sont  pas  les  plus  robustes  qui  sont  les  plus  redoutables, 
bien  que  quelques-uns  contiennent  un  poison  subtil.  Ce  sont  les  pyg- 
mées,  les  formes  minuscules  qui   sont   surtout  à  craindre;  beaucoup 


104  CHRONIQUE 

de  nos  maladies  et  une  foule  de  faits  empruntés  à  la  vie  pratique 
sont  là  pour  attester  la  puissance  de  ces  êtres  infimes. 

))  C'est  un  de  ces  petits  champignons  qui  a  détruit,  au  commence- 
ment de  ce  siècle,  le  Foudroyant,  vaisseau  de  80  canons  de  la  ma- 
rine française,  ^t  la  frégate  Reine-Charlotte  de  la  marine  anglaise. 
Ces  masses  de  bois  et  de  fer  avaient  bravé  maintes  fois  boulets  et 
mitrailles;  un  infiniment  petit,  une  quantité  négligeable,  a  suffi  pour 
les  anéantir.  Eternelle  lutte  du  lion  et  du  moucheron  !. . .  » 

Cette  page  ne  serait  certainement  pas  déplacée  dans  le  meilleur  des 
recueils  de  littérature  scientifique  contemporaine. 

A.    ESPAGNIÏ 


CHRONIQUE 


Le  bureau  de  la  Société  est  ainsi  composé  pour  l'année  1887  *  : 

Président  :  M.  Itier; 
Vice-président:  M.  Revillout; 
Trésorier  :  M.  Lambert; 
Secrétaire:  M.  Chabaneau; 
Secrétaire-adjoint  :  M.  Dubouchet. 


M.  Alexandre-Charles  Germain,  doyen  et  professeur  honoraire  de 
la  Faculté  des  lettres  de  Montpellier,  est  mort  le  26  janvier  1887  à 
l'âge  de  soixante-dix-sept  ans.  M.  Germain  ne  faisait  pas  partie  de  la 
Société  des  langues  romanes.  Mais  il  a  rendu  trop  de  services  à  nos 
études,  en  général,  par  ses  savantes  publications,  à  plusieurs  d'entre 
nous  en  particulier  par  ses  conseils  et  ses  obligeantes  communications, 
pour  que  \&Rerue  des  langues  romanes  n'ait  pas  le  devoir  de  s'associer 
aux  regrets  que  sa  mort  a  inspirés  et  aux  hommages  qui  ont  été  ren- 
dus à  sa  mémoire.  Ce  sont,  au  reste,  deux  membres  de  notre  Société, 
M.  Castets  et  M.  Revillout,  qui  ont  été,  à  ses  obsèques,  les  inter- 
prètes éloquents  du  deuil  de  la  Faculté  des  lettres.  Un  autre  de  nos 
confrères,  il.  Alphonse  Roque- Ferrier,  a  rappelé,  dans  un  excellent 
article  du  Messager  du  Midi,  les  titres  de  M.  Germain  à  la  recon- 
naissance des  érudits,  en  signalant,  en  particulier,  parmi  les  documents 
si  nombreux  qu'il  a  mis  au  jour,  ceux  qui   intéressent  spécialement 

'  On  a  omis  d'indiquer,  en  temps  utile,  la  composition  du  bureau  pour 
l'année  1886.  Nous  la  donnons  ici  pour  mémoire  : 

Président:  M.  le  docteur  Espagne; 

Vice-président:  M.  Itier; 

Secrétaire-adjoint:  M.  Chassary; 

Secrétaire  et  trésorier,  coramme  ci-dessus. 

2  Le  concours  artistique  a  pour  triple  programme:  l'un  dessin:  Apo- 
théose de  Tlicodore  Aiibanel  ;  2o  une  statuette  d'arlésienne:  Mii-eille  ; 
3o  mise  en  musique  de  la  pièce  xiv  de  la  Miôugrano  entre-duberto. 


CHRONIQUE  105 

nos  études.  Et  c'est  encore  un  autre  membre  de  notre  Société,  M.  Mi- 
chel Bréal,  qui,  en  sa  qualité  de  président  de  l'Académie  des  in- 
scriptions et  lu'lles-lettres,  a  prononcé,  dans  la  séance  du  4  février 
de  cette  Académie,  un  élof^e  de  M.  Germain  où  les  ouvrages  et  le  ca- 
ractère de  l'auteur  de  l'Histoire  de  la  commune  de  Montpellier  sont 
magistralement  appréciés. 


SOCIETE  DES  FELIBRES  DE  PARIS.-  Jeux  floraux  de 
1887. — Septième  Concours. 

Les  Jeux  floraux  de  Paris,  organisés  par  la  Société  des  Félibres, 
comprendront  cette  année,  comme  en  1886,  un  concours  littéraire  et 
un  concours  artistique. 

Le  Félibrige  parisien  maintient  l'adjonction  aux  sections  précé- 
demment établies  du  concours  de  sculpture  et  du  concours  dit  clas- 
sique, destiné  à  répandre  le  goût  des  études  félibréennes  parmi  les 
élèves  des  classes  d'humanités.  De  nouveaux  prix  sont  attachés  à  ces 
utiles  créations. 

La  distribution  solennelle  des  récompenses  aura  lieu,  suivant  l'usage, 
en  mai  prochain,  àl'occasion  des  fêtes  annuelles  des  félibres  parisiens, 
auxquelles  sont  conviés  tous  les  amis  de  la  littérature  méridionale. 

Voici  les  parties  du  programme  qui  concernent  la  littérature  : 

Concours  littéraire. — A.  Prix  du  Ministre  de  l'Instruction  pu- 
blique, à  la  meilleure  étude  en  prose  française  sur  ce  sujet."  les  Fem- 
men  troubadours  (jusqu'à  Clémence  Lsaure  inclusivement). 

B.  Prix:  une  médaille  de  vermeil,  an  meilleur  envoi  (prose  en  lan- 
gue d'oc)  sur  ce  sujet  :  les  Feux  de  la  Saint-Jean. 

C.  Prix:  ime  médaille  de  vermeil,  à  la  meilleure  poésie  en  langue 
d'oc  sur  ce  sujet:  Théodore  Auhunel. 

D.  Prix:  une  médaille  d'argent,  au  meilleur  sonnet  en  langue  d'oc 
sur  ce  sujet:  la  Truffe  noire. 

E.  Prix  :  une  médaille  d'argent,  à  la  meilleure  ti-aduction  en  lan- 
gue d'oc  (prose)  du  passage  ci-après  du  livre  II  du  roman  les  Miséra- 
bles, de  Victor  Hugo  (la  Chute):  le  soir  d'un  jour  de  marche,  jusqu'à 
cette  phrase:  les  soirées  d'octohre  y  sont  froides. 

F.  Prix:  une  médaille  de  vermeil,  à  bi  meilleure  poésie  en  langue 
d'oc  sur  ce  sujet  :  les  Fêtes  du  Soleil  à  Paris. 

Concours  classique.  —  Pourront  seuls  concourir  les  élèves  in- 
scrits aux  classes  d  Iiuinanités  ou  ceux  qui  suivent  des  cours  d'ensei- 
gnement secondaire,  quel  qu'en  soit  le  caractère  (la  classe  et  le  cours 
doivent  être  indiqués  sous  pli  cacheté,  après  le  nom  de  l'auteur). 

A  .  Prix  :  médaille  d'argent  et  un  exemplaire  de  la  nouvelle  édition 
de  Mireille  (Lemerre,  éditeur),  à  la  meilleure  traduction  en  langue 
d'oc  (prose) de  la  première  églogue  de  Virgile  {Tltijre,  tuiyatulœ,  etc.) 

B.  Prix  :  Médaille  d'argent  et  un  exemplaire  des  Contes  de  Rou- 
manille,  à  la  meilleure  traduction  en  langue  d'oc  (prose)  du  passage 
des  Caractères  de  La  Bruyère,  ci-après  désigné  :  le  Distrait  (Ménal- 
que  descend  son  escalier,  etc.),  jusqu'à  la  phrase  :  la  nuit  arrive,  qu'il 
est  à  peine  détrompé. 

N.B.  —  Les  divers  dialectes  romans  du  midi  de  la  France  pour- 
ront être   employés  par  les  concurrents. 


106  CHRONIQUE 

Prix  Florian.  —  Une  médaille  de  vermeil  grand  module,  à  la 
meilleure  poésie  en  langue  française  sur  ce  sujet  :  Florian.  —  La 
poésie  classée  la  première  sera  lue  aux  prochaines  fêtes  de  Sceaux  par 
l'un  des  acteurs  des  théâtres  nationaux . 

AVIS.  —  La  Société  des  Félibres  croit  utile  de  faire  connaître,  dès 
à  présent,  que  le  prix  du  Ministre  de  l'Instruction  public^ue  sera  ac- 
cordé, en  1888,  à  la  meilleure  étude  en  prose  française  sur  le  sujet  ci- 
après  :  Théodore  -4 ît&a?ieZ  (Poésies,  théâtre,  discours). 


LTn  habile  artiste,  dont  la  réputation  n'est  plus  à  faire  dans  le 
Midi,  M.  Edouard  Marsal,  a  dessiné  d'après  nature,  le  lendemain 
même  du  décès,  Théodore  Aubanel  sur  son  lit  mortuaire. 

Cette  œuvre,  jusqu'ici  inédite,  est  d'une  vérité  frappante,  d'une  fi- 
nesse d'exécution  hors  ligne.  Le  grand  félibre  a  eu,  comme  on  le 
sait,  une  agonie  très-calme.  Le  fidèle  dessin  de  Marsal  le  représente 
venant  de  franchir  le  moment  suprême,  sans  la  moindre  altération  des 
traits,  dans  toute  la  sérénité  d'un  tranquille  sommeil.  C'est  Aubanel 
vivant  encore,  saisi  en  quelque  sorte  à  la  dernière  minute  de  son 
existence,  et,  n'était  le  pieux  appareil  dont  la  famille  avait  entouré  la 
couche  funèbre  de  son  illustre  chef,  on  se  prendrait  à  attendre  son 
réveil. 

MM.  Hamelin  frères,  directeurs  de  l'Imprimerie  centrale  du  Midi, 
ont  pensé  que  les  personnes  qui  s'intéressent  à  la  renaissance  des  let- 
tres méridionales  attacheraient  quelque  prix  à  l'œuvre  de  Marsal,  et 
seraient  désireuses  de  posséder  un  souvenir  si  palpitant  d'un  des 
hommes  cjui  ont  le  plus  puissamment  contribué  à  élever  le  Félibrige 
au-dessus  des  attaques  dont  il  a  été  l'objet  et  à  forcer  l'admiration  de 
ses  plus  acharnés  détracteurs.  Ils  l'ont  fait  graver  par  M.  Gillot,  qui 
l'a  reproduite  dans  ses  dimensions  originales,  avec  l'exactitude  la  plus 
scrupuleuse  et  une  habileté  vraiment  remarquable,  et  ils  viennent  de 
l'éditer  avec  un  soin   d'exécution  qui  leur  fait  le  plus  grand  honneur. 

Théodore  Aubanel,  sur  son  lit  mortuaire  est  une  œuvre  d'art  qui  ne 
sera  déplacée  dans  aucun  cabinet  d'amateur.  Elle  est  destinée  à  l'en- 
cadrement, imprimée  sur  demi-raisin,  avec  larges  marges  teintées 
azur  etrehaussées  d'un  filet  outre-mer.  Elle  est  vendue  à  un  prix  très- 
modéré*,  accessible  à  tous,  et  qui  lui  assure  un  plein  succès  auprès 
des  nombreux  admirateurs  d'Aubanel. 


Nous  sommes  heureux  de  pouvoir  annoncer  un  autre  hommage  à 
la  mémoire  de  Théodore  Aubanel,  que  lui  prépare  la  piété  de  ses  fils: 
il  s'agit  d'un  recueil  des  principaux  discours  et  articles  prononcés 
et  écrits  à  l'occasion  de  sa  mort,  auxquels  seront  joints  des  extraits 
de  ses  œuvres.  M.  Louis  Roumieux  donnera  aussi  ses  soins  à  cette 
publication,  qui  sera  comme  le  tombeau  du  noble  poëte,  dont  il  fut 
l'ami  le  plus  intime. 

* 

Et,  puisque  nous  venons  de  nommer  Louis  Roumieux,  n'oublions 

'  Ce  prix  est  de  2  fr .  pour  les  exemplaires  pris  à  Montpellier,  et  de  2  fr .  50 
par  la  poste,  emballage  sur  rouleau. 


CHRONIQUE  107 

pas  de  mentionner,  avec  les  justes  éloges  qu'elle  mérite,  la  très-élé- 
gante plaquette  qu'il  vient  de  publier*  sous  le  titre  de  «  Costo-hello, 
ouinagi  à  gcnto  donc  Antounin  Glaize.  » 

A  ce  poétique  hommage,  Théodore  Aubanel  devait  s'associer.  La 
dernière  lettre  qu'il  a  écrite  nous  l'apprend  d'une  façon  touchante. 
Cette  lettre  est  imprimée  en  tête  du  volume,  et  elle  est  suivie  d'un 
beau  sonnet  d'Antouiu  Glaize  à  la  mémoire  du  poëte.  La  publication 
de  Louis  Roumieux  se  trouve  être  ainsi,  en  même  temps  qu'un  hom- 
mage à  M™*'  Antonin  Glaize,  un  nouvel  et  précieux  hommage  à  la 
mémoire  d'Aubanel . 


La  bibliothèque  des  «  Littératures  populaires  de  toutes  les  nations  », 
publiée  par  MM.  Maisonneuve  et  Charles  Lcclerc,  s'est  enrichie  ré- 
cemment d'un  nouveau  volume  qui  ne  sera  pas  le  moins  recherché 
de  cette  élégante  et  instructive  collection.  Il  a  pour  titre:  Traditions 
indiennes  du  Canada  nord-ouest,  et  comprend  cent  trente-deux  lé- 
gendes recueillies,  durant  un  séjour  de  vingt  ans  chez  les  tribus  in- 
diennes de  cette  région,  par  ]\I.  Emile  Petitot,  ancien  missionnaire. 
A  la  fin  de  chaque  partie  du  recueil  (il  y  en  a  sept,  nombre  égal  à 
celui  des  tribus  dont  les  traditions  sont  rapportées),  M.  Petitot  donne 
un  spécimen  de  la  langue  de  chacuue  d'elles,  accompagné  d'une  tra- 
duction littérale,  qui  ajoute,  pour  les  linguistes,  un  attrait  de  plus  à 
sa  belle  publication. 

* 
»  ♦ 

Une  nouvelle  revue,  à  laquelle  nous  souhaitons  le  meilleur  succès, 
et  qu'il  serait  superflu  de  recommander  à  nos  lecteurs,  vient  d'être 
fondée  à  Paris,  sous  le  titre  de  Revue  des  patois  gallo-romans .  Elle 
est  publiée  par  M.  J.  Gilliéron,  maître  de  conférences  à  l'Ecole  pra- 
tique des  hautes  études,  et  M.  l'abbé  Rousselot,  chargé  du  cours 
d'histoire  de  la  langue  française  à  l'Ecole  des  Carmes.  Nous  repro- 
duisons avec  plaisir  le  programme  c^ui  nous  a  été  communiqué. 

Objet  de  la  Revue.  —  La  Revue  des  patois  gallo-romans  a  pour 
objet  : 

1°  De  recueillir  tout  ce  qui  reste  encore  des  patois  parlés  dans  les 
limites  de  l'ancienne  Gaule  et  des  colonies  françaises  : 

2°  De  fournir  à  ceux  qui  s'intéressent  aux  patois  le  moyen  de  faire 
profiter  la  science  de  leurs  recherches  et  de  leurs  travaux  ; 

3"  De  faire  connaître  les  méthodes  d'information  réclamées  par  les 
exigences  de  la  science; 

4°  De  propager  un  système  graphique  uniforme  qui  permette  de 
représenter  exactement  les  sons  et  de  comparer  sûrement  entre  elles 
les  données  fournies  par  les  différents  patois  ; 

5°  Enfin  de  publier  des  articles  de  fond  qui  intéressent  les  études 
de  patois  et  de  philologie  gallo-romane. 

Opportunité  de  la  Revue.  —  Il  n'y  a  pas  un  village  de  France,  de 
Belgique  et  de  Suisse,  qui  ne  contienne  dans  son  patois  quelque  par- 
ticularité intéressante  à  signaler,  et  qui  ne  puisse  apporter  des  lu- 
mières soit  sur  l'histoire  de  la  langue  fi'ançaise  ou  de  la  langue  pro- 
vençale, soit  sur  l'étude  si  importante  de  la  transformation   des  sons. 

1  Avignoun,  empremarié  Aubanel  fraire,  32  pp.  in-4o. 


108  CHRONIQUE 

Or  les  patois  disparaissent  rapidement.  Il  faut  se  hâter  de  les  recueil- 
lir, si  l'on  ne  veut  pas  laisser  périr  toutes  les  richesses  qu'ils  renfer- 
ment. 

D'autre  part,  la  science  des  langues  a,  depuis  quelques  années, 
porté  son  attention  sur  les  parlers  populaires.  Mais  les  matériaux  lui 
manquent,  La  Revue  des  patois  gallo-romans  vient  donc  à  son 
heure . 

A  qui  s'adresse  la  Revue?  — La  Revue  des  patois  gallo-romans 
s'adresse  donc  tout  à  la  fois  aux  savants,  qui  y  trouveront  des  maté- 
riaux dignes  de  foi  et  faciles  à  interpréter  ;  aux  amis  de  notre  litté- 
rature populaire,  à  qui  elle  offrira  des  contes,  des  chansons,  des  pro- 
verbes, etc.;  aux  plus  humbles  travailleurs,  à  qui  elle  servira  d'or- 
gane pour  faire  connaître  soit  le  glossaire  d'un  patois,  soit  des  parti- 
cularités de  formes  ou  de  sens  d'un  mot,  d'une  locution,  etc.  Des 
questions  précises  posées  à  nos  correspondants  faciliteront  les  en- 
quêtes. 

Dans  le  vaste  champ  qui  s'ouvre  devant  nous,  il  y  a  place  pour 
toutes  les  collaborations,  et  nous  osons  espérer  qu'il  y  aura  plaisir  et 
profit  pour  tous  les  lecteurs. 

Conditions  d'abonnement.  —  La  Revue  des  patois  gallo-romans  pa- 
raîtra tous  les  trois  mois,  par  fascicules  de  cinq  feuilles  au  moins.  On 
a  pu,  en  supprimant  tous  les  frais  accessoires,  eu  établir  le  prix  à 
12  fr.  par  an  pour  la  France,  14  fr.  pour  l'étranger.  Si  le  nombre  des 
souscripteurs  le  permettait,  le  nombre  de  feuilles  serait  augmenté. 


La  Maintenance  de  Provence  du  Félibrige  publiera  désormais,  par 
fascicules  mensuels  de  16  pages,  un  «  librihoun  »,  qui  contiendra  non- 
seulement  les  comptes  rendus  des  séances,  les  rapports,  comptes  de 
gestion  et  autres  documents  d'ordre  administratif,  mais  encore  des 
pièces  en  prose  et  en  vers  des  membres  delà  maintenance  et  des  nou- 
velles littéraires.  Le  prix  d'abonnement  est  de  4  francs.  S'adresser  à 
M.  Jean  Moné,  secrétaire  de  la  maintenance,  rue  des  Belles  Feuilles, 
17,  à  Paris. 

La  Ben  Vengudo.  Voilà  justement  ce  que  nous  souhaitons  au  petit 
volume  que  M.  J.-B.  Gaut,  bibliothécaire  de  la  Méjanes,  à  Aix,  et 
félibre  majorai,  vient  de  publier  sous  ce  titre.  C'est,  comme  le  titre  le 
dit  encore,  un  mystère  eu  trois  actes,  en  vers  provençaux,  mêlés  de 
chant  (musique  de  Borel).  Le  sujet  est  l'adoration  des  Mages  et  la 
fuite  en  Egypte  de  la  Sainte  Famille.  L'auteur,  s'inspirant  des  mystères 
du  moyen  âge,  a  introduit  dans  son  ouvrage,  à  une  dose  assez  forte 
pour  déplaire  peut-être  à  quelques  lecteurs,  l'élément  grotesque.  Mais 
cet  ouvrage  est  intéressant,  écrit  dans  une  bonne  langue,  et  il  est  à 
désirer  qu'il  subisse  le  plus  tôt  possible  l'épreuve  de  la  scène 


Le  Gérant  responsable  :    Ernest  Hamelin. 


Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi  (Hamelin  Frères). 


VERS  ATTRIBUES   A   L'ESPRIT  MALIN 

AVEC    COMxMKNTAIRE 


Dans  le  catalogue  des  manuscrits  des  bibliothèques  des  dé- 
partements, le  ras,  H.  4  de  la  bibliothèque  de  la  Faculté  de  mé- 
decine de  Montpellier  est  décrit  de  la  façon  suivante  :  «  Grand 
»  in-folio  sur  vélin. — Cassiodori  variarum  formularum  libriiv. 
»  —  Cassiodori  varise  epistolse.  —  Sjmachi  epistole .  —  Boetius 
»  deTrinitate,  —  Sidonii  Apollinaris  libri  ix  —  Ejusdem  pa- 
»  negiricus.  — XIP-XIII*  siècle. 

»  Fonds  do  l'Oratoire  de  Trojes,  provenant  de  Pithou.  A 
»  deux  colonnes.  Voyez  les  Archives  de  M.  Pertz,  t.  VII, 
»  p.  194.» 

Cette  description  est  incomplète.  Le  traité  deBoèce:  Liber 
de  incarnatione  Christi  ad  lohann.  commence  au  feuillet  125, 
recto,  col.  a,  et  finit  au  reclo  du  feuillet  127,  col.  a,  par  le  mot 
Explicit .  Puis  viennent,  sans  titre  ni  séparation  aucune,  les 
vers  latins  reproduits  ci-dessous  et  leur  commentaire. 

Ces  vers  ont  été  déjà  publiés  dans  Du  Cange  au  mot  Ama- 
RATUNTA.  Voici  l'article  :  «Vox  factitia  quse  cum  aliis  pluribus 
))  occurrit  in  versibus  sequentibus  quos  eruditissimus  vir  D. 
»  le  Beuf  Canonicus  Autissiodor.  ad  calcem  veteris  M  S.  12 
«  sec.  scriptos  reperit  cum  hoc  titulo,  Vertus  maligni  Angeli, 
»  atque  morali  eorumdem  explicatione.  » 

Suit  le  texte,  où  au  v.  6  Du  Cange  donne  praelatura  au  lieu 
de prolatura ;  ^m%  viennent  quelques  remarques.  «  Uh'i  Agarne 
»  dictum  puto  pro  Agarene,  Codoxiae  pro  Cacodoxiae,  Dippus 
»  pro  Œdippus,  unde  arbitror  aenigmaticos  esse  versus,  qui- 
»  bus  ad  aliquam  historiae  illius  aevi  partem  alluditur.  Certe 
»  hic  versus 

»  Praelatura  tibi  jam  constat  munera  plura 

TOME  I   DE  LA  QUATRIÈME  SÉRIE.   —    MaRS  18S7.  S 


110  VERS  ATTRIBUÉS  A  l'eSPRIT  MALIN 

»  praelatum  aliquem  simoniaca  labe  infectum  arguere  vide- 
»  tur.  » 

On  verra  que  le  commentaire  latin  dont  l'abbé  Le  Beuf 
avait  indiqué  l'existence  n'est  d'accord  avec  Du  Gange  que  sur 
un  seul  point,  le  sens  qu'il  convient  d'attribuer  au  mot  Dippus. 
Je  propose  de  covT\^ev[i\dippus,  ce  qui  est  conforme  à  la  pro- 
nonciation grecque  du  mojen  âge,  et  les  copistes  ont  pu  n'é- 
crire que  l'un  des  deux  i  donnés  par  la  suite  tibi  idippus. 
Quant  à  l'origine  de  ces  vers,  le  commentaire  mentionne  deux 
légendes.  D'après  l'une,  qui  semble  avoir  été  la  plus  répandue, 
ils  auraient  été  composés  par  le  démon  pour  nuire  à  la  foi 
chrétienne  ;  une  autre  légende  les  attribuait  aux  bons  anges, 
et  le  commentateur  s'ingénie  à  démontrer  qu'ils  peuvent  être 
entendus  dans  un  sens  favorable  à  la  religion  catholique.  On 
pourra  apprécier  si  son  argumentation  est  partout  bien  solide; 
mais  je  ne  puis  m'empêcher  d'avouer  qu'elle  ne  m'a  pas  com- 
plètement convaincu. 

L'auteur  de  cette  étrange  composition  en  treize  vers,  nom- 
bre qui  en  pareille  matière  est  peut-être  par  lui-même  digne 
d'attention,  paraît  s'être  attaché  à  envelopper  sa  pensée  sous 
les  formes  les  moins  intelligibles.  Cela  doit  inspirer  au  moins 
quelque  défiance.  Le  commentateur,  malgré  son  désir  de  don- 
ner une  explication  orthodoxe,  reconnaît  qu'il  j  a  là  un  mé- 
lange d'emprunts  faits  à  l'Écriture  sainte  et  de  souvenirs 
païens.  L'impression  générale  que  l'on  éprouve  en  lisant  cette 
suite  de  phrases,  dont  le  lien  échappe,  est  plutôt  celle  d'une 
représentation  dérisoire  de  divers  moments  de  la  vie  du 
Christ,  et  plus  particulièrement  de  la  Passion,  Il  est  probable 
que  le  théologien  qui  s'est  donné  la  peine  de  les  interpréter 
en  connaissait  le  véritable  sens,  et  qu'il  s'est  appliqué  à  en 
présenter  une  sorte  de  contre-partie;  mais  çàetlà,  malgré  ses 
efforts,  on  entrevoit  une  façon  d'entendre  très-différente  de 
celle  qu'il  recommande. 

Je  ne  suivrai  point  le  bon  commentateur  laiin  dans  sa  tâche 
ardue,  et  je  laisse  au  lecteur  le  soin  de  décider  si  le  T7'ax 
Oroales  est  bien  le  diable,  et  de  rechercher  quelle  est  la  vic- 
time immolée  au  sommet  de  la  montagne,  au  milieu  des  cla- 
meurs de  la  foule  ameutée.  Voici  d'abord  le  texte  de  ces  vers 
si  mal  famés: 


VERS    ATTRIBUÉS    A    l'bSPRIT    MALIN  111 

Oppositum  montem  conscendere  ceniis  Uronten. 
Anna  tua  dextra  capios  et  fer  capiid  extra. 
Hinc  glailio  raultos  umbris  mactabis  inultos. 
Sed  piius  hoc  unus  puerorum  fert  tibi  inunus. 
5     Lanx,  que  cum  carne  tibi  diidum  servit  agarne, 
lam  prolatura  tibi  constat  muneraplura. 
Hinc  et  pallina  datvocem:  pandite  liua 
Fanibus   indutos  piscesque  videte  minutes. 
Trax  caput  Orontis  iacet  hoc  in  corporc  montis, 
10     Quem  circumstabant  acies  et  vociferabant  : 
Amaratunta  tili  c[en]odoxia,  noxia  Nili 
Pensa  tibi.   [I]dippus  eris  hoc  in  lumine  lippus, 
Victus  araore  pio.  Sic  cantatmaxima  Clio. 

Il  faut  avouer  qu'au  point  de  vue  de  la  prosodie  et  du  style, 
ces  vers  ne  mériteraient  à  leur  auteur  qu'une  note  assez  fai- 
ble :  si  l'on  me  passe  le  mot,  qu'ils  viennent  de  l'enfer  ou  d'ail- 
leurs, ils  ne  valent  pas  le  diable.  Ils  sont  de  l'espèce  appelée 
vers  léonins,  où  le  premier  hémistiche  rime  avec  le  second. 
Mais,  pour  obtenir  cette  consonnance,  l'on  a,  aux  vers  5,  6, 
7,  allongé  une  syllabe  brève  en  vertu  de  la  force  de  la  cé- 
sure, licence  peu  classique  et  assurément  condamnable.  Le 
vers  8  finit  deux  fois,  ce  qui  est  également  une  faute.  Enfin  la 
première  syllabe  d'Orontes,  brève  au  premier  vers,  est  em- 
ployée comme  longue  au  vers  9. 

Il  vaut  mieux  ne  rien  dire  du  style.  Cependant  la  fin  est 
d'un  homme  tout  à  fait  content  et  fier  de  son  œuvre.  Après 
avoir  dit  au  lecteur,  autant  du  moins  qu'on  peut  le  supposer, 
qu'en  présence  de  ses  énigmes  il  sera  comme  un  Œdipe  aveu- 
glé par  une  trop  brillante  lumière,  il  s'écrie  d'une  voix  triom- 
phante :  Sic  cantat  maxima  Cio!  se  plaçant  ainsi  sous  le  pa- 
tronage de  la  Muse  antique. 

Quoi  qu'il  en  soit  du  mérite  littéraire  de  ces  vers,  l'on  y  ren- 
contre quelques  mots  étranges,  qui  dénotent  une  composition 
originale  et  non  un  simple  ceuton.  Du  Gange,  à  propos 
à'agarne,  suppose  qu'il  est  dit  pour  agarene.  Mais  ce  qu'il 
nous  apprend  à  ce  sujet  est  peu  suffisant:  «  Ayarnus  proA^a- 
renus.N'iàQ  in  Amaralunta.  »  C'est  revenir  au  point  de  départ. 
Si  l'on  veut  chercher  encore,  l'on  a:«  Agareni,  Sarraceni,  etc.» 
Il  ne  connaissait  pas  le  mot  et  a  été   trompé  par  une  simple 


.'12  VERS  ATTRIBUÉS  A  l'eSPRIT  MALIN 

ressemblance. Notre  commentateur  en  sait  plus  long: a  A^arne 
»  vel  Agarna  dicitur  esse  avis,  cuius  caro  suavis  est  ad  co- 
»  medendum,  sed  comedentes  se  interficit.  »  On  a  vu  que  Du 
Cange  se  borne  à  dire  à' Amaraiunta  que  c  est  un  mot  forgé. 
Le  commentateur  latin  j  voit  un  mot  syriaque  signifiant  à  la 
venue  du  Seigneur: a  Amarathunta  vel  inaranata  magis  Sjrum 
»  quam  Hebreum,quamvis  ex  confinio  utrarumque  linguarum 
»  aliquid  et  Hebreum  sonet.  Interpretatur  autem  maranata 
»  Dominusnostervenit,amaro^AMn^ain  Domini  nostri  adventu 
»  vel  reditu.  »  L'on  a  dans  Du  Cange,  à  la  locution  Maran- 
Atha:  «  Voces  Sjriacae,  quae  Dominus  venit  significant.  Im- 
»  precationis  genus  quod  in  chartarum  infractores  intentari 
»  solitum  erat.»  Suivent  des  exemples,  et  il  est  renvoyé  à  l'ar- 
ticle Maranï.Le  nom  de  Marans,  en  Espagne,  finit  par  désigner 
les  Maures. 

Dans  Codoxia,J)\x  Cange  voit  cacocfoj?m,  mauvaise  doctrine. 
Le  commentateur  l'explique  par  cenodoxia  (/.cvo(?oçta),  vaine 
gloire  ou  vaine  doctrine,  et  j'ai  proposé  d'accepter  cette  le- 
çon, qui  donne  au  vers  le  nombre  de  syllabes  requis. 

A  propos  du  mot  Dippi  (v.  12),  le  commentateur  et  Du  Cange 
sont  d'accord  ;  mais  j'ai  cru  pouvoir  suppléer  la  première  syl- 
labe du  mot,  parce  que  Œdipus  venant  de  oic/tTrou;  aboutit  à  la 
prononciation  Idipus  (ot  =  i  dans  la  prononciation  grecque 
moderne).  Le  redoublement  de  la  consonne  de  la  dernière  syl- 
labe n'est  qu'une  faute  d'orthographe,  qui  a  permis  de  faire 
entrer  le  mot  dans  un  vers  hexamètre. 

J'arrête  ici  mes  remarques .  J'ai  hâte'de  laisser  la  parole  au 
patient  commentateur,  que  l'on  trouvera  peut-être  long,  mais 
qui  ne  croyait  pas  avoir  épuisé  la  matière.  Ne  termine-t-il  pas 
en  disant:  «On  pourrait  dire  encore  d'autres  choses  au  sujet 
de  ces  vers  ;  mais,  pour  le  moment,  ces  explications  doivent 
suffire?' » 

Hos  versus  composuisse  fertur  malignus  angélus;  ettamen 
recta  sunt,  nisi  fallor,  que  in  eis  dicuntur,  quia  nuUus  mali- 
gnorum  spirituum  quicquam  agere  vel  loqui  potest,  nisi  quod 

•  J'ai  conservé  exactemeulle  texle  du  manuscrit,  bieu  que  quelques  incor- 
rections paraissent  dues  plutôt  au  copiste  qu'à  l'auteur. 


VERS  ATTRIBUÉS  A   i/eSPRIT  MALIN  113 

disponente  Deo  permittitur.  Non  enim  est  potestas  nisi  a  Deo. 
Et  videlicet  voluntasquidem  deraonum  sempersit  iniusta,  po- 
testas tamen  eorum    semper  est  iusta,  quia  voluntatem  a  se 
ipsis  habent,  sed  a  Deo  potestatem.  Unde  etscriptum  est  quia 
((  spiritus  domini  malus  irruebat  in  Saul.»  Domini  enim  erat 
ipse  nequam  spiritus  per  licentiam  voluntatis  iniuste.  Sic  et 
iste,  qui  versus  istoscomposuit,  fortasse  spiritus  domini  malus 
fuit.  Non  ergo  videatur  incredibile  quia  malignus  spiritus,  ali- 
quid   loqui    volens  ad  deceptionem  fidelium,  compulsus  sit  ea 
loqui  per  que  fidèles  contra  deceptionem  cauti  redderentur,  vel 
a  deceptione    liberarentur,  quum,   scriptura  sancta  docente, 
cognovimus  quod  et  Balaam  populo  Israhel  maledicere  voluit, 
sed  disponente  Dei  sapientia  benedixit  ei.  Aliis  tamen  visum 
est  quod  angélus  sanctus  hos  versus  composuerit,  quod  et  nos 
ipsi  approbamus,  licet  quedam  ex  libris  gentilium  in  eis  cer- 
namus.  Sed  quicumque  eorum  auctor  sit,  ecclesia,  vel  quilibet 
fidelium,  per  eos  docetur   sive  monetur  liabere  cautelam  ad- 
versus  hereticos  super  catholicura  populum   insurgentes,  et 
gladio  verbi  domini  percutere  eos,  atque  diabolum,  cuius  ipsi 
membra  sunt,  ab  eis  amputare,  ut  adChristum  possint  perve- 
nire.  Fallacem  quoque  persuasionem  hostis,  que  per  eos  fit,  et 
mortiferam   eorum  doctrinam  cavere  monetur  vocemque  sal- 
vatoris   subtili  receptaculo   mentis   percipere   et  miraculum 
quinque  panum  ac  duorum  piscium,  ubi  reseratio  testamenti 
veteris  figurata  est,  intelligere.  Dehinc  per  huius  vocis  intel- 
ligentiam   panumque  fractionem  ostenditur  eiusdem  crudelis 
adversarii  deiectio,  dum  ad  Christum  convertitur  magna  pars 
hereticorum,qui  eiusdem  bostis  erant  membra  etundique  de- 
fendebantur  contra  catbolicos  ab  heresiarchis  oblatrantibus  ; 
sed  et  ipsorum  heresiarcharum  perditio  demonstratur,  que  fiet 
in  adventu.iudicis,  quin  in  abjssum  eos  arrogantia  eorum  de- 
merget.  Rursumque  monetur  quilibet  nostrum  ut  lancem  iuste 
ponderationis  teneat,  et  videbit  in  sentenciis  hereticorum  te- 
nebras,  in  quibus  imperiti  lumen  esse  putant,  si  pie  religionis 
amor  in  eius  corde  regnaverit. 

Quia  ergo  sensum  versuum  istorum  breviter  prelibavimus, 
iam  de  bis,  prout  dominus  dederit,  tractare  incipiamus.  Ait 
namque  eorum  compositor,  quisquis  ille  fuerit,  Oppositum 
montem  conscendere  cernis  Orontem,  et  cetera.  Orontes  dicitur 


114  VERS  ATTRIBUÉS  A  l'eSPRIT  MALIN 

esse  Babj'lonis  fluvius,  Babvlon  vero,  que  interpretatur  con- 
fusio,  civitas  est  seculi,  cuius  cives  suntomnes  reprobi,  et  est 
contraria  civitati  Dei  lerusalem,  cuius  cives  sunt  omnes  electi . 
Quid  ergo  per  OronteraBabjlonis  fluvium  designatur,  nisi  lap- 
sus hereticorum  ad  ima  confusionis  etnequitie  mngis  ac  magis 
semperdefluens?  Mons  autem  huic  opposituscatholicorum  est 
populus,  fidei  in  immobili  semper  celsitudine  permanentium, 
de  quibus   canitur  :   «  Qui   confidunt  in    domino  sicut   mons 
Syon.  »  Aliquotiens  vero  contingit  ut   subdolus  ille  heretico- 
rum lapsus  magnam  sibi  partem  huius  populi  subiugans  inqui- 
naret.  Unde  nunc    ecclesia,  que   hoc   videt   fieri,  increpatur 
quodammodo  velud    negligens,  et   ad  resistendum    excitatur 
cum  dicitur:  Cernis  Orontem    conscoidere  oppositum  montem, 
id  est,  vides  quod  hereticorum  decursus  insurgat  super  statum 
ecclesie,  quem  novit  contrarium  perversitati  sue.  Quid  ad  hec 
faciès?  Numquid  hec  ita  fieri  permittes?  Nequaquam.  Sed  in 
forti  dextera  tua,  id  est  in  fortibus  et  electis  doctoribus  tuis, 
copies   arma.  Hii  per  apostolum  dicunt  :  «  Non  secundum  car- 
nem  militamus»,  nam  arma  milicie  nostre  non  sunt  carnalia, 
sed  potencia  Deo  ad  destructionem  munitionum,  consilia  des- 
truentes  etomnem  altitudinem  extoUentem  se  adversus  scien- 
tiam  Dei,  et  in  captivitatem   redigentes    omnem   intellectum 
in  obsequium  Christi.  In  hac  ergo  dextera,  id  est  spiritalibus 
et  electis   militibus  tuis,  capies    hec  arma,  per  que  populum 
tuuni  ab  hereticis  defendas.  Vel  cuilibet  ecclesiastico  rectori 
dicitur,  dextera  tua,  id  est  bona  actione  tua,  capies  arma  spi- 
ritalia,  ut  non  verbis  solummodo,  sed  et  operibus  résistas  ad- 
versariis  fidei.  Multo  enim   potentius  resistit   eis  et  debellat 
eos,  qui  verba  Dei  que  voce  prédicat,  operibus  confirmât.  Et 
cum   acceperis  hec  arma,  amputa  his   capud  Orontis,   et  fer 
extra,  id  est  abscide  Sathanam  ab  hereticis  qui  est  caput  eo- 
rum,  et  eice  eum  ab  ipsis,  ut  ad  Christum  convertantur.  Dic- 
tum  est  quia  Babjlonius  Orontes  ascendit  super  montem  ec- 
clesie, et  tu  capies   arma,  ut  ei  résistas,  et  hinc  quia  populus 
hereticorum,  id  est  contra  catholicos  insurgit,  et  tu  armatus 
occurres  ei.  M actabis  multos  gladio,  id  est  spiritaliter  interfi- 
cies  multos  hereticorum  sententia    anathematis;  et  mactabis 
eos  umbris,  id  est  tenebris  infernalibus,  ut  vadant,  et  non  re- 
vertantur,  ad  terram  tenebrosam  et  opertam  mortis  caligine, 


VERS  ATTRIBUÉS  A   l'eSPRIT   MALIN  115 

terram  miserie  et  tenebrarum.  ulii  umbra  mortis  et  nuUus 
ordo.  Eos  dico  inultos,  quia  Deus  eos  non  ulciscetur,  quum 
iuste  erunt  anathematizati.  lUos  naraque  Deus  ulciscitur  qui 
iniuste  condcmpnantur.  Sed  isti  manebunt  inulti,  quia  merito 
sue  perveisitatis  erunt  a  te  iusto  anathemate  dam{)nati.  Sed 
priusquam  tu  sic  arma  capias  et  mactes  eos,  dum  adhuc  in 
negligentia  dormitas,  unus  puerorum,  id  est  singularis  prin- 
ceps  demonum,  fert  tibi  hoc  munus,  ut  Orontes  ascendat  su- 
per montem  sibi  contrarium.  Demones  enim  vocantur  pueri, 
quia  non  creverunt  ex  quo  creati  sunt,  et  quia  pulchros  et 
delectabiles  et  teneros  se  fingunt  intei'nis  aspectibus  eorum 
quibus  amena  vitiorum  suggerunt.  Unde  et  per  Ysayam  de 
populo  ludeorum  vel  carnalium  Christianorum  bis  spiritibus 
per  nequissimas  delectaciones  adherentium  dicitur  :«  et  pueris 
alienis  adheserunt.  ))Alieni  quippe  sunt  maligni  spiritus  ab 
omni  sorte  electorum,  et  vocantur  pueri,  sicut  dictum  est. 
Horum  unus  est  ille,  qui  inter  eos  singulari  malicia  notabilior 
est,  scilicet  diabolus,  et  ipse  feyH  tibi,  id  est  ministrat  ad  per- 
nitiem  tuam,  hoc  munus,  id  est  hoc  ferculum  mortis,  ut  here- 
ticorum  ftuvius  ascendat  super  montem  catholicorum..  Et  lans, 
id  est  scutella  gerens  huiusmodi  ferculum,  <7we  dudum  servit 
tibi  cum  carne  agame,  constat  iam  prolatvra,  id  est,  certum 
est  quum  profert  tibi  plura  munera  talium  ciborum.  Agame 
vel  agarna,  dicitur  esse  avis,  cuius  caro  suavis  est  ad  come- 
dendum,  sed  comedentes  se  interficit;  et  per  hanc  designan- 
tursentencie  hereticorum  que  delectabiliter  sumuntur  ab  in- 
cautis,  sed,  cum  ad  cor  eorum  pervenerint,  occidunt  animas 
eorum.  Z^an.r  ergo  cum  carne  agame,  doctrina  est  hereticorum 
cum  ferculo  sentenciarum  carnalium  etdulcium  sed  in  occulto 
mortem  generantium.  Et  hec  servit  tibi,\àes>i  sub  obtentu 
humilitatis  fallaciter  ministrat  tibi  mortiferas  dapes,  que  per 
carnem  agame  designantur.  Neque  modo  cepit  hoc  agere,  sed 
dudum,  id  est  ex  longo  iam  tempore,  sic  te  querit  interficere 
et  nisi  cito  restiteris.  Constat  qxxidi  iam  profert  tibi  plura  mu- 
nera talium  ferculorum,  ut  multiplici  fraude  ciborum  huius 
modi  puniat  animam  tuam.  Sed  hinc,  id  est  quia  illi  per  sug- 
gestionem  talium  cyborum,  hoc  est  sentenciarum,  ita  dolose 
moliuntur  te  perdere  :  dat  etiam  gallina,  id  est  Christus,  con- 
tra eos  per  evangelium  salutiferum  vocem  suam  que  te  vivifi- 


116  VERS  ATTRIBUÉS  A  l' ESPRIT  MALIN 

cet  et  custocliat.  Huic  enim  avi  se  similavit  ipse  dicens  ad 
lerusalem:  «  Quociens  volui  congregare  filios  tuos,  quem  ad 
modum  gallina  congregat  pullos  suos  sub  alas,  et  noluisti.  » 
Nam  infirmatus  est  ut  nos  nutriret,  et  fortes  efficeret.  Vide- 
mus  enim  quomodo  gallina  infirmeturin  pullis  suis.  NuUa  enim 
alia  avis  sic  mater  efficitur.Videmus  nidificare  passeres,  co- 
lumbas  et  alias  aves  quas,  nisi  in  nidos  viderimus,  parentes 
esse  non  agnoscimus.  Gallina  vero  sic  infirmatur  in  pullis 
suis,  ut,  etiam  si  ipsi  pulli  non  sequantur,  filios  non  videamus, 
et  tamen  matrem  agnoscamus.  Itafit  alis  demissis,  plumis  his- 
pida,  voce  rauca,  omnibus  membris  demissa  et  abiecta,  ut 
sicutdictum  est,  filios  non  videamus,  matrem  tamen  agnosca- 
mus .  Sic  ergo  infirmari  misericorditer  dignatus  est  Christus 
pro  nobis,  ut  nos  sub  alis  sue  protectionis  foveret,  et  a  miluo, 
id  est  diabolo,  custodiret.  Hec  itaque  gallina  vocem  sue  predi- 
cationis  per  evangelium  dal,  id  est  gratuite  largitur,  nullis 
precedentibus  nostris  meritis.  Sicut  enim  vox  excitât  aliquem 
pigrum  dum  vocat  eum,  sic  doctrina  Christi,  vocans  nos  ad 
vitam,  torporem  a  nobis  excutit,  et  sicut  una  vox  eum  maiori 
discretione  profertur,  ita  singularis  predicatio  que  per  ipsum 
Christum  sonuit,  discretioret  intelligibilior  omnibus  aliis  fuit 
ad  hanc  vocem  excipiendam  panc?«7e /ma,  id  est  subtiliacor- 
dium  retia.  Sicut  enim  in  retibus  ex  lino  factis  capiuntur  ac 
retinentur  pisces,  sic  in  cordibus  sanctorum  vox  domini  hac 
voce  prudenti  in  lino  cordis  accepta,  videte  indutos  panibus, 
id  est  oculis  intellectualibus  considerate  quinque  milia  homi- 
num  quos  Christus  non  solum  saciavit  sed  etiam  induit  quin- 
que panibus  ut  bis  cooperti  viderentur,  dum  duodecim  co- 
phini  fragmentorum  superessent.Et  videte  àuo's,  pisces  minutos, 
id  est  minutatim  divisos  a  domino,  hoc  est  dicere  :  «  Prêter 
vocem  salvatoris  que  pernovum  testamentum  sonat,  attendite 
quid  significet  miraculum  quinque  panum  et  duorum  pis- 
cium»,  id  est  spiritaliter  intelligite  vêtus  testamentum,  quia 
sic  poteritis  evadere  laqueos  hereticorum.  Quinque  enim  pa- 
nes V  libres  Moysi  significant,  duo  pisces  prophetas  et  psal- 
mos.  Sic  enim  distinxii  ipse  dominus dicens:  «  Oj)ortet  implerl 
omnia  que  scripta  sunt  in  lege  Mojsi,  prophetis  et  psalmis  de 
me.  ))  Fractio  panum  et  piscium  est  apertio  veterum  scriptu- 
rarum.  Hec  considerare   debemus   et  non  moi'tiferis   agarne 


VERS  A'ITRIBUÉS  A    l'ESPRIT  MALIN  117 

carnibus  per  hei-eticos  frandulenter  pasci.  Vel  audita  voce 
Cliristi /)ow^iY(°  lina,  id  est  expandite  retia  predicationis  ad  ca- 
piendum  alios,  facti  iam  piscatores  hominum  et  adimplentes 
illud  lohannis  «  qui  audit,  dicat  veni  »,  et  ad  id  docte  facien- 
dum  videte  pambus  induios  pùcesque  minutos,  ut  expositum 
est.  Tune  enim  Trax  caput  Orontis,  id  est  inimicus  pacis  dia- 
bolus  qui  est  caput  hereticorum,  iacel,\à  est  amputatum  est  a 
pluribus  suis  merabris  et  proiectum  in  hoc  corpore  montis,  id 
est  in  hoc  sublimi  populo  catholicorum  qui  sunt  unum  corpus 
Christi.  Traces  quippe  honiines  consueveruntsemper  delectari 
discordiis  et  bellis  et  interfectionibus  hominum,  ideoque  Sa- 
thanas  dicitur  Trax,  id  est  similis  crudelitati  Tracis  quia  est 
inimicus  pacis  et  incentor  discordiarumet  inimicitiarum  atque 
homicidiorum  et  omnium  malorum.Qui  iacet  abscisus  a  suis 
membris  et  conculcatus  perintelligentiam  vocis  galline  et  frac- 
tionis  panum  in  hoc  corpore  montis  quod  est  Ecclesia.  Unde 
et  Dominus  perYsajam  dixeratruQuo  modo  tractavi,sic  eve- 
niet  ut  conteram  Assyrium  in  terra  mea  et  in  montibus  meis 
conculcem  eum.  »  Assyrius  enim  rex  est  diabolus.  Quem  Do- 
minus, ut  mente  tractaverat,  id  est  in  consilio  sapientie  sue 
disposuerat,  contritum  in  terra  sua,  id  est  in  Ecclesia  sua  vel 
in  mente  suorum  et  in  montibus,  id  est  sublimioribus  sanetis, 
conculcavit.  Hoc  est  ergo  quod  nunc  iacere  dicitur  in  cor- 
pore montis  ecclesiastici.  Ita  iacet  capud  Orontis,  id  est  con- 
fusi  hereticorum  popiili  semper  ad  inferiora  labentis.  Quem 
scilicet  Orontemcircumstabant  acies,  id  est  undique  tueban- 
tur  contra  catholicos  parate  ad  pugnam  multitudinesheresiar- 
charum  et  vociferabant,  id  est  tumultum  vocis  adversus  fidei 
magistros  emittebant,  ut  quia  racione  non  poterant  saltim 
clamore  vociferationis  vincerent.  Sic  namque  heretici  soient 
agere  dum  contra  catholicos  disputant  :  multitudine  armantur, 
non  racione,  et  indisciplinato  clamore  veritatem  querunt  op- 
primere  ne  populum  sibi  irracionabiliter  subiectum,  cui  domi- 
nari  semper  cupiunt,  possint  amittere.  Sed  amarathuntha,  id 
est  in  adventu  Domini,  codoxia  tili,  va.nsi  gloria  ipsorum  here- 
ticorum qui  sunt  similes  arbori  tilo,  eriteis  noxia  plaga,  id  est 
Rubri  Maris,  nam  sicut  Egjptii,  persequentes  filios  Israël  et 
sibi  arroganter  subicere  volentes,  non  illis  nocuerunt,  sed 
sibi   ipsis,  quia  omnes  pariter  submersi  sunt,  ita  heretici,  su- 


118  VERS   ATTRIBUÉS   A    l'eSPRIT    MALIN 

perbo  fastu  persequentes  catholicos  et  sibi  subdere  querentes, 
non  illis  sedsibimet  ipsis  nocent,  quiaomnes  inbaratrum  per- 
ditionis   demergentur  in  adventu   Domini.   Amarathunta  vel 
maranata  magis  Syrum  quam  Hebreum,  quamvis  ex  confinio 
utrarumque  linguarum  aliquid  et  Hebreum  sonet.  Interpreta- 
tur  autem  maranata  «  Dominus  noster  venit  »,  amarathunta 
«  in  Domini   nostri  adventu  vel  reditu.»  Codoxia  vero,  id  est 
cenodoxia,  grecum  est  et  interpretatur  vana  gloria.  Tilus  au- 
tem mollior  et  fragilior  est  omnibus  ferme  reliquis  arboribus, 
et  fiorescitin  tempore  suo,  videturque  minutissimum  fructum 
gignere,  sed  fructus  ille  nichil  est,  quia  folliculos  sine  granis 
habet.  Apte  ergo  comparantur  heretici  tilo,  quia  spiritale  ro- 
bur  non  habent,  ut  pote  quos  spiritus  consilii  et  fortitudinis 
non  confortât,  sed  molles  et  inbecilles   intrinsecus  sunt,  et 
extrinsecus  velutflorem  proferunt,  dum  se  bona  opéra  factu- 
res promittunt,  sed  nullum  operis  vere  boni  fructum  faciunt, 
quum  simulatorium  et  inane  est  quicquid   boni  operis  agere 
videntur.  Sed  huius  tili  cenodoxia,  id  est  hereticorum  moUium 
et  inutilium  vana  gloria,  erit  eis  no:rm  plaga  Nili,  qnin  sicut 
Egjptios  inabjssum  demerget  eos  amarathunta,  id  est  in  ad- 
ventu Domini   nostri.  Sit  ergo  tibi  pensa,  id  est  habe  libram 
iusti  examinis  ut  equa  lance  penses  omnia   et  videas  que  sint 
graviora  et  que  leviora,  ut  agnoscas  hereticorum  verba  nul- 
lum pondus  habere  et  gloriam  eorum  fumo  similem  esse,  doc- 
trinam  autem  orthodoxorum   pondère  veritatis  atque    sensus 
gravidam  et  gloriam  eorum,  que  in  Deo  est,  solidam.  Nam,  si 
ita  fuerit  tibi  pensa,  tu  dippus,  id  est  prudens  ad  solvenda  enig- 
mata  sicut  Edippus  eris,  lippus  in  hoc   lumine  sciens  hereti- 
corum, id  est  videbis  banc  scientiam,  quam  imperiti   putant, 
esse  lumen  inquinare  et  obscuriflcare  mentis  oculos,  non  pur- 
gare  etilluminare.  Vel  si  fuerit  tibi  pensa  iuste  ponderationis, 
tu  qui  prius  eras  lippus,  id  est  sordidos  et  caligantes  habebas 
mentis  oculos,  in  hoc  lumine  pravi  dogmatis  hereticorum  eris 
nunc  dippus,  id   est  divinator,  hoc  est  enigmatum  interpre- 
tator  et  ligatorum  prudens  solutor;  et  hoc  eris,  si  victus  fue- 
ris  amore  pio,  id  est  sanctam  [ecclesiam]  repugnaveris  ut  he- 
retici, sed  libenter  sensum  et  voluntatem  vinci  permiseris  ab 
amore  pio  divine  religioni>!,ut  in  omnibus  adquiescas  précepte 
caritatis  diligens  Deum  ei  proximum.  Nam  sic  cuntat,  id  est  sic 


GRAMECIS  119 

sepe  resonat  maxima  Clio,  id  est  divina  sci-iptura,  quum  in 
his  dijobus  preceptis  universa  lex  pendet  et  prophète.  Clio 
namque  una  deMusis  esse  dicitur,  sedhoc  loco,ut  dictum  est, 
scri[)turam  sacrara  désignât  que  nobis  gaudia  celestis  patrie 
décantât  et  muitiplici  consolatione  nos  per  dulcedinem  sue 
vocis  in  hoc  exilio  letificat.  Congruit  et  interpretacio  nobis 
quum  Clio  dans  cogitaciones  interpretatur,  et  scriptura  sacra, 
dum  nos  docet  et  instruit,  bonas  cogitaciones  nobis  tribuit. 
Possent  et  alia  de  his  versibus  adhuc  dici,  sed  nuncista  nobis 
sufficiant. 

EXPLICIT. 

Ferdinand  Castets. 


GRAMECIS 


Al  felibre  Castelnau,  que  ven  de  faire  estampa, 
«  Ma  Dinieirola  »,  dount  m'a  fach  oumage. 

Vostro  Dinieirolo  ero  pleno 
De  sôuses  nous,  d'escuts  nouvels, 
De  louidors  de  touto  meno, 
Lous  us  bels,  lous  autres  pu  bels. 

L'avès  esclafado  en  familho, 
E  pèr  lous  amies  soulomen, 


GRAND  MERCI 


Au  félibre  Castelnau,  qui  vient  de  faire  imprimer  •  Ma  Tirelire  ", 
dont  il  m'a  fait  hommage. 

Votre  tirelire  était  pleine  -—  de  sous  neufs,  d'écus  nouveaux,  — 
de  louis  d"or  de  toute  espèce,  —  les  uns  beaux,  les  autres  plus 
beaux . 

Vous  l'avez  brisée  en  famille,  —  et  pour  les  amis  seulement,  — 


lîO  GRAMECIS 

Entre  que  Roumieu,  malin  diilho, 
Fasiô  'n  superbe  bounimen*. 

Ai  lou  regiscle  de  la  festo  ; 
Gramecis  !  ne  soi  regaudit  : 
De  bouns  libres,  n'i  a  pas  de  resto  ; 
Lou  vostre  pares,  es  gandit. 

Es  gandit!  car  la  pouesio, 
La  fe,  la  sano  libertat, 
Aco  's  lou  mel  de  la  patrio, 
E  n'avem  pas  lou  goust  gastat. 

Canto,  felibre,  prèguo,  plouro, 
Fai  tindà  lou  rire  a  bel  talh  ; 
Que  toun  Armado  enaure  l'ouro 
Del  patrioutique  tustal. 

De  tas  galoios  Cabussellos 
Retenguen  lou  counsel  moural  ; 
Sou  tant  lindos,  netos  e  belles, 
Qu'oundrou  Foustalieiro  e  Toustal. 

1  Letro-prefaci  de  «  Ma  Dinièirola.  » 


tandis  que  Roumieux,  malin  drille,  —  faisait  un  superbe  boniment'. 

J'ai  reçu  ma  part  de  la  fête;  — grand  merci!  j'en  suis  réjoui  :  — 
de  bons  livres,  il  n'y  en  a  pas  de  reste  :  —  le  vôtre  paraît,  à  lui  le 
succès  ! 

Le  succès!  car  la  poésie,  —  la  foi,  la  saine  liberté,  —  voilà  le  miel 
de  la  patrie,  —  et  nous  n'en  avons  pas  le  goût  gâté. 

Chante,  félibre,  prie  et  pleure,  —  fais  sonner  le  rire  à  foison  ;  — 
que  ton  Armée  exalte  l'heure  —  de  la  lutte  patriotique. 

De  ta  pièce  rieuse  des  Couvercles —  retenons  le  conseil  moral  ;  — 
ils  sont  si  propres,  luisants  et  jolis,  —  qu'ils  honorent  ménagère  et 
ménage . 

>  Lettre-préCace  de  Ma  Tirelire. 


GRAMECIS  121 

De  tounAse,  pauro  vittimo, 
Se  pourrio  faire  lou  sirabel 
De  l'umanitat,  unanimo 
A  crida  sebo  al  mal  nouvel. 

Ai  !  malurs,  doulous  e  misèro, 
Es  lou  lot  de  Fumanitat; 
Es'aviôpas,  sublimo  espèro, 
Crezenso  à  l'immourtalitat, 

Pla  mai  que  de  l'ase  bramaire, 
Reguinnaire,  lourd  e  testut, 
De  Tome  estrifat  de  desaire 
Calriô  plane  lou  sort  caput. 

Pamens  dessus  sa  neit  escuro 
Tombo  d'estellos  d'amoundaut: 
La  familho,  tendo  seguro, 
E  la  pouesio,  grand  gaud. 

D'aquel  soûlas  de  nostre  mounde, 
N'as  a  regounfle  dins  lou  nis 
Que  lou  traval,  d'amies  l'abounde, 
E  V amour  pur  raioiivenis^. 


De  ton  Ane,  pauvre   victime,    —    on  pourrait  faire  le    symbole 

—  de  rhumanité,  unanime  —  à  demander  grâce  aux  maux  renais- 
sants. 

Hélas!  malheurs,  douleurs,  misère,  —  c'est  le  lot  de  l'humanité; 

—  et  s'il  n'avait,    sublime   espoir,    —  croyance  en  l'immortalité, 
Bien  plus  que  de  l'âne  brayant,    —  ruant,  malpropre  et  têtu,  — 

de  l'homme  brisé  de  peines,  —  il  faudrait  plaindre  le  sort  obstiné. 

Pourtant  sur  sa  nuit  obscure  —  tombent  des  étoiles  d'en  haut  :  — 
la  famille,  abri  sûr;  —  la  poésie,  joie  immense. 

De  ces  consolations  de  notre  monde,  —  tu  en  regorges  dans  le  nid 

—  que  le  travail,  une  foule  d'amis,  —  et  l'amour  pur  rajeunissent. 

1  «  Amour  dau  nis  rajouvenis.  »  Devise  de  l'auteur. 


122  GRAMECIS 

D'uno  dinieirolo  aclapaire, 
Te  carra  lèu  laramplassa: 
Quand  on  es  nascut  espargnaire, 
On  pot  pas  jamai  s'en  passa. 

E  dessus  sa  panso  redouno, 
Marsal,  tourna-mai  inspirât, 
Metra  la  liste  poulidouno 
Des  cants  nouvels  qu'auras  rimât. 

Adounc,  quand -d'aquelo  coumoulo 
Paras  sali  lous  picalhous, 
Bravo  !  diren  toutes  en  foulo, 
La  prumieiro  a  fach  de  pichous. 

E  benastrugarem  lou  paire, 
Moudeste  e  fort,  valhente  dous, 
Que,  dins  la  lenguo  de  sa  maire, 
Al  lioc  d'un  trésor  n'aura  dous. 

F.    DONNADIEU. 
Beziès,  4  févrié  1887. 


Une  tirelire  brisée,  —  il  t'en  faudra  bientôt  une  autre  :  —  quand  on 
est  né  économe,  —  on  ne  peut  plus  s'en  passer. 

Et  sur  sa'panse  rebondie,  —  Marsal,  de  nouveau  inspiré,  —  mettra 
la  liste  gracieuse  —  des  chants  nouveaux  que  tu  auras  rimes. 

Or,  quand  de  celle-ci  comblée  —  tu  feras  sortir  les  monnaies,  — 
bravo  !  dirons-nous  en  foule,  —  la  première  a  fait  des  petits. 

Et  nous  féliciterons  le  père,  —  modeste  et  fort,  vaillant  et  doux, — 
qui,  dans  la  langue  de  sa  mère,  —  au  lieu  d'un  trésor  en  aura  deux. 

F.    DONNADIEU. 

Béziers,  4  février  1887. 


RIRE  E  PLOUR 


A  bèu  cop  mai  de  sabour 
Lou  rire  que  lou  plour  bagno  ; 
Coumo  uno  perlo  d'eigagno 
Sul  sen  rose  d'ano  flour, 
A  bèu  cop  mai  de  sabour 
Lou  rire  bagua  de  plour. 

La  vido  a  pèr  noste  cor 
Tant  de  chaie,  car  la  mort 
Nous  espincho  de  tout  caire 
Coume  un  traite  e  marrit  laire. 

Qu'enchau?A  mai  de  sabour 
Lou  rire  que  lou  plour  bagno  ; 
Coumo  uno  perlo  d'eigagno 
Sus  la  raubo  d'une  flour, 
A  bèu  cop  mai  de  sabour 
Lou  rire  bagna  de  plour. 

De  que  sem?  De  que  sem  pas? 
De  la  guerre  ou  de  la  pas. 


RIRE  ET  PLEURS 


II  a  bien  plus  de  saveur  —  le  rire  que  les  pleurs  mouillent  ;  — 
comme  une  perle  de  rosée —  au  sein  rose  d'une  fleur, —  il  a  bien  plus 
de  saveur  —  le  rire  mouillé  de  pleurs . 

La  vie  a  pour  notre  cœur  —  tant  d'attraits,  car  la  mort  —  nous 
épie  de  tous  côtés  —  comme  un  traître  et  maudit  larron. 

Qu'importe?  Il  a  plus  de  saveur  —  le  rire  qu'un  pleur  mouille  ;  — 
comme  une  perle  de  rosée  —  sur  la  robe  d'une  fleur,  —  il  a  bien  plus 
de  saveur  —  le  rire  mouillé  de  pleurs. 

Que  sommes-nous?  Que  ne  sommes-nous  pas? —  De  la  guerre  ou 


194  RIRE  E  PLOUR 

E  (iôu  bonur  barrulaire 
Quau  ten  lou  secret,  pecaire? 

Ah  !  manco  pas  de  sabour 
Lou  rire  que  lou  plour  bagno  ; 
Coumo  uno  perlo  d'eigagno 
Penjado  au  cou  d'une  fllour, 
A  bèu  cop  mai  de  sabour 
Lou  rire  trempe  de  plour. 

I  a  mai  de  milo  e  milo  an 
Que  l'orne  lou  vai  cercan 
Lou  secret  dôu  grand  mistèri 
Que  pourrie  nous  rendre  lèri  ; 

Desempiei,  a  de  sabour 
Lou  rire  que  lou  plour  bagno  ; 
Coumo  perleto  d'eigagno 
Au  front  lusent  d'une  flour, 
A  bèu  cop  mai  de  sabour 
Lou  rire  trempe  de  plour. 

Aqueu  que  lou  troubara 
Au  destin  coumandara  ; 
Clavaranoste  martire, 
E  sans  ploura  pourren  rire. 


de  la  paix.  —  Et  du  bonheur  vagabond  —  qui  tient  le  secret,  hélas  ? 

Ah!  point  lie  manque  saveur  —  au  rire  que  les  pleurs  mouillent  ; — 
comme  une  perle  de  rosée  —  qui  tremble  au  cou  d'une  fleur,  —  il  a 
bien  plus  de  saveur  —  le  rire  trempé  de  pleurs. 

Voilà  des  milliers  d'années  —  que  l'homme  le  va  cherchant  —  le 
secret  du  grand  mystère  —  qui  pourrait  nous  rendre  joyeux; 

Depuis,  combien  de  saveur  —  a  le  rire  qu'un  pleur  mouille;  — 
comme  une  perle  de  rosée —  au  front  brillant  d'une  fleur,  —  il  a  bien 
plus  de  saveur  —  le  rire  trempé  de  pleurs. 

Celui  qui  le  trouvera  —  commandera  au  destin  ;  —  il  finira  notre 
martyre,  —  et  sans  pleurer  nous  pourrons  rire. 


I 


RIRE  E  PLOUR  1?5 

Paraens  i  a  mai  de  sabour 
Au  l'ire  quelou  plour  bagno  ; 
Coumo  uno  perlo  d'eigagno 
Fa  mai  poulido  uno  flour, 
Sempre  aura  douço  sabour 
Lou  rire  bagna  de  plour. 

MANDADIS 

Au  malin  Proutèu-Rouraieu, 
Que  plouro,  ris,  canto,  danso, 
Mandi  un  gramecis  agradieu'; 
A  tauloen  Tounour  de  la  panso, 
Au  soulèu  de  dous  iue  vieu, 
A  Costo-Bello  l'estieu 
Em'  uno  gento  assistance, 
Ou  per  lausa  lou  bon  Dieu, 
A  toujour  lou  fieu, 
Roumieu. 

F.    DONNADIEU. 
*  Pêr  soua  pouemo  de  Costo-Bello  e  tout  ço  bèu  que  l'acoumpagno. 


Pourtant  il  est  plus  de  saveur  —  au  rire  que  les  pleurs  mouillent  ; 
—  comme  une  perle  de  rosée  —  rend  plus  jolie  une  fleur,  —  toujours 
aura  plus  dé  saveur  —  le  rire  mouillé  de  pleurs. 

ENVOI 

Au  malin  Protée-Roumienx,  —  qui    pleure,  rit,  chante,  danse,  — 

j'envoie  un  merci  gracieux  ;  — à  table  en  l'honneur  de  la  panse,  —  au 

soleil  de  deux  yeux  vifs,  —  à  Coste-Belle  l'été  —  avec  une  aimable 

assemblée,  —  ou  pour  louer  le  bon  Dieu,  —  il  est  toujours  le  premier, 

■ —  Roumieux. 

Frédéric  Donnadieu. 
Béziers,  26  février  1887 . 

9 


LA  FOURNARINO 


I 

A  Rafaël  Sanzio 

Pelsses  d'un  blound  daurat,  uelh  d'azur,  grand  e  vieu  ; 
Nas  à  prou-peno  arquât,  bouqueto  ferrao  efresco, 
E  dambe  soun  frount  large  e  soun  aire  agradieu, 
Nous  la  mostros,  ta  migo  inmourtalo  qu'envesco. 

0  Mèstre  délicat  e  cremant  de  passieu, 
Metes  la  que  pourtèt  miclios  à  pleno  desco 
Al  Parnasse  Clio,  l'adreitosdins  la  fresco 
D'Eliodor  e  per  la  Transfiguracieu. 

Vivento,  le  colh  nud  e  sens  cap  de  beliso, 
La  fas  sus  un  papiè  qu'an  troubat  à  Veniso, 
Retrat  que,  dejoubs,  porto  un  sounet  delicious. 

Labelo  Fournarino  !  Après  l'abe  pintrado, 
Raiant  de  glorio  cando,  ô  Mèstre,  l'as  cantado, 
Toutjoun  dambe  l'engenh  superbe  e  gracions 

28  de  mars  1878. 

LA  FORNARINE 


I 
A  Raphaël  Sanzio 

Cheveux  d'un  blond  doré,  œil  d'azur,  grand  et  vif;  —  nez  à  peine 
arqué,  bouchette  ferme  et  fraîche,  —  et  avec  son  front  large  et  son  air 
agréable,  —  tu  nous  la  montres,  ta  maîtresse  immortelle  qui  charme. 

0  maître  délicat  et  brûlant  de  passion,  —  tu  places  celle  qui  porta 
miches  à  pleine  corbeille  —  au  Parnasse  Clio,  tu  la  dresses  dans  la 
fresque  —  d"Héliodore  et  dans  la  Transfiguration. 

Vivante,  le  cou  nu  et  sans  aucune  pai'ure,  —  tu  la  fais  sur  un 
papier  que  l'on  a  trouvé  à  Venise,  —  portrait  qui,  au-dessous,  porte 
un  sonnet  délicieux. 

La  belle  Fornarine  !  Après  l'avoir  peinte. — raj'onnante  de  gloire  pure, 
ô  Maître,  tu  Tas  chantée  —  toujours  avec  le  génie  superbe  et  gracieux. 

28  mars  1878. 


LA  FOURNARINO  1Î7 

II 

Sounet  de  Rafaël  Sanzio 

Coumo  la  vesi  e  coumo  esclairo  clins  raoun  cor, 
La  tieu'  grando  bèutat,  ma  pincelado  franco 
N'es  pas  à  la  pintra  parivo,  e  me  fa  raanco, 
Per  ço  qu'è  flaco  ma  per  un  amour  tant  fort. 

Atal  soun  tourmentât  de  l'enfinido  ardou  ! 
Visatge  al  tint  rousat  se  coumoul  à  pèl  blanco, 
An,  dambe  la  redoundo  e  mai  delicado  anco, 
Poulidesso  qu'embabarilho  d'esplendou. 

L'ensemble  a  moun  pensa  talonàent  emaugut 
Que  l'art  nou  sap  pas  mai,  'co's  pr'aco  qu'enemigo 
Fec  la  ma  que  pel  pla  retraire  n'è  maugut. 

A  forço  d'estudia  fisse  à  la  douço  amigo, 
Bèutat  que  soulomental  cel  aurio  cregut, 
Fan  que  moun  désira  coumplis  la  mieu'  fatigo. 


28  de  mars  1878. 


Auguste  FouRÈs. 


II 

Sonnet  de  Raphaël  Sanzio 

Come  la  veggo  e  chiara  sta  nel  core, 
Tua  gran  bellezza  il  mio  pennello  franco 
Non  èin  pin  gère  egual  e  viene  manco, 
Perché  debol  riman  per  fort  amore. 

Si  mi  tormenta  lo  infinito  amore  l 

11  volto  roseo,  il  seno  colmo  e  bianco, 

Con  lo  rotonde  dilicato  fianco 

Ha  di  vagghezza  che  abbaglia  di  splendore. 

L'ensieme  allô  pensier  tutto  commosse 
Che  atto  non  fé  il  saper  percio  nemica 
Face  la  man  chel  al  ben  ritrar  non  mosse. 

Ognor  fisso  studiar  in  dolce  amica 
Quella  beltà  che  in  ciel  credea  sol  fosse. 
Fia  che  il  desiar  complirà  la  mia  fatica. 


(1505-1520.) 


A  SESTIUS 

(HoRAci,  Od.,  I,  IV) 


Lou  ruste  ivèr  enfi  davan  Taures  s'abauco  : 
Aici  la  primo  dousso  ;  atabe  vès  la  mar 
Dessus  la  ribo  à  sec  ou  fatz  glissa  la  nauco 
E  gaujous  lou  lauraire  o  quittât  soun  fou  car. 

Lous  troupèls  delargats  al  sourel  s'espandissou, 
Debarbasto  es  pas  pus  emblanquezit  lou  prat, 
Fo  cla  de  luno  e,  gais,  lous  jouvencels  courissou 
Per  parels  al  cbauri  qu'o  Venus  entrincat 

Vezèn  qu'escletamen  las  Ninfos  e  las  Grasses 
En  batten  la  mesure  i  trepeiou  lou  sou, 
Doumentre  que  pus  ièn  reboumbissou  las  massos 
Des  Cjclopos  qu'arden  Vulcan  sans  trego  esmou. 


A  SEXTIUS 

Enfin  le  rude  hiver  fait  place  aux  vents  propices, 
Au  printemps  ;  vers  la  mer  on  traîne  les  vaisseaux  ; 
Le  laboureur  des  champs  recherche  les  délices, 
L'étable  a  relâché  les  paisibles  troupeaux. 

Des  prés  naguère  blancs  le  givre  se  retire, 
La  lune  éclaire,  et  gais,  empressés,  nous  voyons, 
A  la  danse  où  Vénus  souriant  les  attire. 
Par  couples,  accourir  et  filles  et  garçons. 

Là  viennent  simplement  les  Nymphes  et  les  Grâces 
Pour  fouler  le  gazon  en  cadence  à  leur  tour  ; 
Cependant  le  marteau  des  Cyclopes  tenaces 
Aux  forges  de  Vulcain  retentit  nuit  et  jour. 

Puisque  le  renouveau  fleurs  et  myrte  nous  donne. 
Que  l'arbre  se  revêt  de  rameaux  verdoyants, 
Tressons  dans  les  jardins  une  belle  couronne 


A  SBSTIUS  119 

A  l'entour  del  cap  lis  eau  mettre  uno  courolo 
De  murtro  bonoulento  e  de  nouvèlos  flous 
Vengudos,  despiei  pauc,  sus  la  terro  prou  molo  ; 
Aro  eau  massoulà  dedin  lou  bosc  oumbrous  ; 

Nous  eau  plaire  à  Faunus  e  sannà  per  sa  festo 
Uno  agnèlo  ou,  se  vou  (el  o  pas  qu'à  parla), 
Un  cabrit. —  Adejà  la  Camardo  s'apresto 
Desdegnouso  à  veni  per  nous  fà  tremoulà. 

Desearado  elo  vo,  piquan,  à  la  boubouso, 

Couro  à  l'uis  d'un  raesqui,  eouro  al  palai  d'un  rey  : 

E  per  que  sap  aco  noun  es  la  vido  urouso. 

Las!  per  un  long,  espèr  trop  eourto  mi  parei  ! 

Del  giméric  reiaurae  aven  à  fà  lou  viatge  : 
Nous  en  trufan;  pamen,  eau  l'ai  vo  noun  n'i  sort 
Per  nous  dire  s'i  vei  d'un  eouvit  lou  reinatge, 
Embe  de  rires  fols,  jamai  tirât  al  sort. 


Pour  eu  ceindre  à  l'cnvi  nos  cheveux  odorants  ; 

Qu'au  fond  des  bois  touffus  se  prépare  la  fête 
Du  Faune  bienveillant  favorable  à  nos  vœux  ; 
Pour  rougir  son  autel  notre  victime  est  prête  ; 
A  cette  heure  il  aura  ce  qu'il  aime  le  mieux. 

Ah!  pendant  que  la  Mort  vient  au  hasard,  que  pâle 
Et  d'un  pied  dédaigneux  elle  heurte  le  seuil 
Du  faible  ou  du  puissant,  marquant  l'heure  fatale 
Qui  dans  toute  demeure  amènera  le  deuil, 

Souviens-toi,  fortuné,  qu'il  ne  vaut  pas  la  peine, 
Avec  des  jours  bornés,  de  nourrir  long  espoir. 
«  Demain,  demain,  dis-tu,  ma  coupe  sera  pleine  !  » 
Mais  demain,  sais-tu  bien  si  tu  pourras  le  voir? 

Bientôt  dans  le  royaume,  objet  de  tant  de  fables, 
Du  sévère  Pluton  tu  subiras  la  loi, 
Sans  rencontrer  chez  lui  des  convives  aimables 
Qui  d'un  joyeux  festin  tirent  au  sort  le  roi. 


130  A  SESTIUS 


GLOSSAIRE 


Abaucà,  calmer,  apaiser. 

Aures,  zéphyr,  petit  vent  frais  =  ital.  orezzo  (auritium). 

Barbasto,  gelée  blanche. 

Camardo,  la  mort. 

Chauri,  danse,  ballet  ;8abbatde8  sorciers  ;  salle  de  bal  (chorium). 

Couvit,  banquet,  festin,  grand  repas,  =  ital.  convito. 

Descarado,  difforme,  défigurée,  hideuse  (cara). 

Doumentre,  pendant  que,  cependant  (dum  interea). 

Entrincà,  mettre  en  train  (par  tragimen  =lang.  trin). 

Escletamen,  ingénuement  ^  ital.  schiettamente (ipar  allem.  schlechi. 
simple). 

Esmoure,  émouvoir,  exciter  (exmovere). 

Foucar,  foyer,  maison,  domicile,  =  sp  .  ^o^ar  (focarium) . 

Gaujous,  joyeux  (gaudiosus). 

Giniéric,  chimérique,  fantastique,  =  ital.  chimerico. 

Masse,  masse,  maillet,  marteau  ;  ital .  mazza,  latin  vmttea. 

Massoulà,,  assommer  (mateolare). 

Mesqui.  pauvre,  misérable,  malheureux  (ital.  meschino). 

Murtro,  myrte  =  sp.  murta  ;  ital.  viirto,  mortella;  latin  myrtus. 

Nauco,  barque  ;  vaisseau,  navire  (navïca,  nau'ca). 

Pauc,  peu  (latin  ^rtMCMs). 

Primo,  printemps,  renouveau. 

Reboumbi,  retentir,  résonner;  v.  ital.  rimbombio  ;  l&ng .  reboun. 
bruit. 

Reinatge,  la  royauté  du  festin. 

Sannà,  saigner,  égorger  (sanguïnare,  san'nare). 

Sou,  la  terre,  le  sol  (solum). 

Tremoulà,.  trembler  (tremulare). 

Trepeia,  fouler,  piétiner  (tripudiare). 

Trufà(si),se  moquer,  se  jouer,  =  ital.  trvffare. 

Uis,  porte  (ostium). 

P.  Fesqvet. 


SOUNETS  AMISTADOUSES 


A  la  Felibressa  d'Arena,  un  an  après  soun  maridage 


Dona,  s'aviei  d'Amy  lou  gaubi  'scrincelaire; 
S'ere  Coustou,  Puget,  Pigala  ou  Bouchardoun, 
Dins  un  marbre  pus  blanc  qu'aleta  d'alcioun, 
Voudriei,  emb  moun  cisèl,  una  Safô  reiraire. 

L'estatua  courousa  auriè  voste  bel  aire, 
Soun  front  sariè  cenchat  das  ramels  d'Apouioun  ; 
Entre  sas  mans  tendriè  li  Risènt  de  l'Alzoïm; 
Mourenta,  à  sous  penous,  la  mar  vendriè  se  jaire. 

E  sus  lou  pedestal  veiriàs  aquestes  mots, 
Poulidament  gravats  en  letras  majouralas  : 
«  La  planigués  pas  pus,  o  vierjas  de  Lesbos, 

»  PeR   TOUJOUR  PRENOUN   Fi,    LAGUIS,  DOULOUS  MOURTALAS, 

»  Sempre  aimaire  e  fidèl,  Faoun  es  revengut: 
))  Venus  rend  a  Safo  que  ce  que  i'es  déugut  .  » 


SONNETS  AMICAUX 


A  la  Féiibresse  d'Arène,  un  an  après  son  mariage 


Madame,  si  j'avais  d'Amy  le  faire  magistral;  —  si  j'étais  Coustou, 
Puget,  Bouchardon  ou  Pigale,  —  dans  un  marbre  plus  blanc  que 
l'aile  d'un  alcyon,  —  je  voudrais,  avec  mon  ciseau,  représenter  une 
Sapho. 

La  statue  aurait  votre  bel  air  ;  —  des  lauriers  dApolIon  son  front 
serait  couronné;  —  elle  tiendrait  entre  ses  mains  les  Sourires  de 
l'Alzon;  — mourante,  à  ses  pieds,  la  mer  viendrait  s'étendre. 

Et  sur  le  piédestal  vous  liriez  ces  mots,  —  artistement  gravés  en 
beaux  caractères  :  «  Ne  l.\.  plaignez  plus,  ô  vierges  de  Lesbos, 

»  Pour  toujours  prennent  fin,  chagrins,  douleurs  mortelles  ; 

»    —   A  JAMAIS  aimant  ET   FIllÈLE,  PhAON    EST    REVENU  :  —   VÉNUS   NE' 

))  REND  A  Sapho  que  ce  qui  lui  est  du.  » 


132  SOUNETS  AMISÏAUOUSES 

A-n-uno  Castelano 


Madame,  lou  Rauret  èi  segur  enfada  ; 
Sèmpre  dedins  soun  ort  ie  plôu  vo  ie  degouto; 
La  sourao  di  bonur  d'eiça-bas  Favès  touto, 
Car  poussedas  amour,  pas,  drudige  e  santa. 

D'aquéu  bèn  tant  requist  sias,  vous,  la  clau  de  vouto  ; 

Trasès  à  pleni  man  e  tendresso  e  bounta; 

Voste  ome  a  dins  lou  cor  uno  font  d'amista: 

le  pousan  mai  que  d'un,  )a  font  jamai  s'agouto. 

Tambèn  dins  lou  castèu,  galant  niset  raiôu, 
Que  pousse  longo-mai  quauque  gaiard  maiôu  ; 
Qu'après  Sezeto  e  Jan  n'en  vèngue  d'autre  encaro. 

Es  tant  bon  pèr  li  vièi  que  lou  lassig-e  tèn 
D'ausi,  quand  vèn  abriéu  perfuma  de  printèms, 
Lou  rire  dis  enfant  en  gaujouso  fanfare. 


A  une  Châtelains 


Madame,  le  Rauret  est  sûrement  enchanté  ;  —  toujours,  dans  son 
jardin,  il  pleut  ou  il  bruine  :  —  tous  les  bonheurs  d'ici-bas,  vous  les 
avez,  —  car  vous  possédez  amour,  paix,  abondance  et  santé. 

De  ce  bien  si  précieux  vous  êtes  la  clé  de  voûte  ;  —  vous  répandez 
à  pleines  mains  et  bonté  et  tendresse  ;  —  votre  mari  a  dans  le  cœur 
une  vraie  source  d'amitié:  —  nous  y  puisons  plusieurs,  la  source  ja- 
mais ne  tarit. 

Aussi  dans  le  château,  charmant  nid  raiol,  — que  longtemps  encore 
pousse  quelque  beau  rejeton;  —  qu'après  Suzanne  et  Jean  il  en 
vienne  d'autres. 

C'est  si  doux  pour  les  vieillards  que  la  fatigue  afflige  —  d'ouïr, 
quand  arrive  avril  parfumé  de  printemps,  —  le  rire  des  enfants  en 
joyeuse  fanfare. 


SOUNETS  A MISTA DOUCES  133 

ANNIVERSÂRI 

A-n-aquelo  que  se   souvèn 


Dins  la  tiero  di  jour  que  courapauson  ma  vido, 
N'i'a  forço  qu'ai  marca  d'uno  funebro  crous; 
Très,  sens  mai,  an  pèr  sinne  uno  estello  poulido; 
Très  sens  mai,  damisello,  aquî  mi  joururous. 

Pièi,  quand  moun  armana,  coume  vuei  me  counvido 
A  festeja  quaucun  di  remembre  courons, 
M'embarre  dins  roustau,tre  moun  obro  coumplido, 
E  sounje  à  moun  passa,  li  iue  tôuti  plourous. 

Dins  sa  sourno  liuenchour,  à  travès  mi  lagremo, 
Dôuci,  pleni  d'amour,  iéu  destrihe  très  femo, 
Qu'à  travès  de  mi  pas  meteguè  lou  Destin. . . 

Mai  de  tôuti  li  très,  es  vous,  encantarello, 

Qu'encà  dins  moun  pantai  vous  moustras  la  plus  belle, 

Coume  l'erias  un  vèspre,  amount,  à  Sant-Martin. 


ANNIVERSAIRE 


A  celle  qui  se  souvient 


Dans  la  série  des  jours  qui  composent  ma  vie,  —  beaucoup  sont 
marqués  d'une  funèbre  croix  ;  —  trois  seulement  ont  pour  signe  une 
brillante  étoile  ;  —  trois  seulement,  jeune  fille,  voilà  mes  jours  heu- 
reux . 

Puis,  lorsque  mon  almanach,  comme  aujourd'hui  m'invite  —  à  fêter 
l'îm  de  ces  charmants  souvenirs,  —  je  m'isole  aussitôt  le  travail 
achevé,  —  et  les  yeux  en  pleurs  je  songe  au  passé. 

Dans  son  obscur  éloignement,  à  travers  mes  larmes,  —  douces, 
pleines  d'amour,  je  distingue  trois  femmes, —  que  sur  mes  pas  le  des- 
tin mit. 

Mais  de  toutes  les  trois,  c'est  vous,  enchanteresse, —  qui  dans  mon 
rêve  m'apparaissez  la  plus  belle,  —  comme  vous  l'étiez  un  soir,  là- 
haut,  à  Saint-Martin, 


134  SOUNETS  AMISTADOUSES 

IL  BACCIO 

Or  che  '1  ciel  e  la  terra  e'I  vento  tace. 
Petrarca. 

Ebri,  bessai  d'amour,  bessai  de  pouësio, 

Bèn  aprè?  miejo-niue,  emé  vous  à  moun  bras, 

Triounflant,  ufanous,  quitave  la  sesiho, 

Pamens  vouscouneissiéu  que  d'un  jour  tout-escas. 

Deforo  s'ausissié  ges  de  cant  d'auceliho, 

Pas  mai  que  s'ausissié  lou  brut  de  nôsti  pas  : 

Li  mot  que  nous  disian  èron  de  letanio  ; 

Mai  souvent  iéu  parlave,  e  vous  respoundias  pas. 

Quand  fougue  se  quita,  de  iéu  proun  vous  sarrères  ; 
E,  bello  que  noun-sai,  sus  ma  bouco  pausères 
Un  d'aquéli  poutoun  qu'i  dieu  aurien  fa  gau  : 

Istave  aqui,  'smôugu,  sens  saupre  de  que  dire, 
Quand  vous,  prenguènt  ma  man,  faguès  em'  un  sourire 
«Lou  rendrés  is  anjoun  que  dormon  à  l'oustau!» 

LE  BAISER 


A  cette  heure  où  le  ciel  et  la  terre  et  le  vent  se  taisent. 

(Pétrarque.) 

Enivré,  peut-être  d'amour,  peut-être  de  poésie, —  bien  après  minuit, 
avec  vous  à  mon  bras,  —  triomphant,  radieux,  je  quittais  rassemblée, 
—  et  cependant  je  ne  vous   connaissais  que  d'un  jour  à  peine. 

On  n'entendait  au  dehors  aucun  chant  d'oiseau,  —  pas  plus  que 
Ton  n'entendait  le  bruit  de  nos  pas  :  —  les  mots  que  nous  nous  di- 
sions étaient  des  litanies  ;  —  mais  souvent  je  parlais,  et  vous  ne  ré- 
pondiez rien. 

Lorsqu'il  fallut  se  quitter,  vous  vous  êtes  approchée  de  moi,  —  et, 
belle  à  ravir,  vous  avez  déposé  sur  ma  bouche  —  un  de  ces  baisers 
qu'eussent  enviés  les  dieux  : 

Je  restais  là,  ému,  ne  sachant  que  dire,  —  quand  prenant  ma  main, 
avec  un  sourire,  — vous  avez  ajouté:  «Vous  le  rendrez  aux  petits 
anges  qui  dorment  chez  vous!  » 


SOUNETS    AMISTADOUSES  135 

VIAGE  EN  MAJl 


l'gènti    fado  que  fuguèron  li   coumpagno 
de  moun  escourrido  à,  Loundro 


Lou  viage  es  agradiéu  quand  on  a  la  mar  semo,  ~ 
Lou  jour  la  souleiado,  e  la  niue  lou  cèu  clar; 
Quand,  i  forti  sentour  qu'adus  lou  vent  dôu  larg, 
Se  mesclo,  enebriant,  un  dous  perfum  de  femo. 

Es  un  chale  divin  :  on  leisso  à  tout  asard 
Vaga  soun  cor,  que  lèu  dins  un  autre  s'estremo  ; 
On  fugis  lou  reèl,  toujour  plen  de  lagremo, 
Pèr  viéure  dins  lou  raive,  ounte  i'a  rèn  d'amar. 

Vous  dereviho  pas  lou  sourd  murmur  de  l'oundo, 
Nimai  lou  bressamen  foulas  dis  erso  bloundo  ; 
Mai  un  casoai  de  chato,  un  rire,  acô  sufis. 

A  vautri  revenès,  e,  mirant  la  poulido, 

—  Uno  nimfo.  Venus  just  de  Taigo  sourtido, — 

Vous  dises,  amourous  :  «  Gambie  de  paradis.  » 


VOYAGE  EN  MER 


Aux  charmantes  fées    qui  furent  les  compagnes  de  mon  excursion 

à  Londres 


Le  voyage  est  agréable  quand  on  a  la  mer  calme,  —  le  jour  un 
gai  soleil,  et  la  nuit  le  ciel  limpide;  —  quand,  aux  fortes  senteurs 
que  le  veut  du  large  apporte,  —  se  mêle,  enivrant,  un  doux  parfum 
de  femme. 

C'est  un  ravissement  divin:  on  laisse  à  tout  hasard —  errer  son 
cœur,  qui  bientôt  dans  un  autre  s'enferme;  —  on  fuit  le  réel,  toujours 
riche  en  larmes,  —  pour  vivre  dans  le  rêve  où  rien  n'est  amer. 

On  n'est  réveillé  ni  par  le  sourd  murmure  des  ondes,  —  ni  par  le 
cahottement  de  la  blonde  vague  ;  —  mais  un  cri  de  jeune  fille,  un 
éclat  de  rire  suffisent. 

On  revient  à  soi,  et,  admirant  la  belle,  —  une  nymphe.  Vénus  sor- 
tant des  flots.  —  amoureux,  on  se  dit:  «  Je  change  de  paradis.  » 


136  SOUNETS    AMISTADOUSES 

LIS  ISPIRARELLO 


A  Madamo   E.  Marsal 


Ta  de  femo  que  Dieu,  au  premié  jour,  marqué 
D'un  sinne  Je  sa  man  ;  pièi,  ie  dounant  belesso, 
Amour,  bounta.  grand  cor,  douçour,  vivo  arderesso, 
—  Tôuti  li  reiauta,  —  sus  terro  li  traguè. 

Un  artisto  autant  lèu  faguèt  uno  escoumesso  : 
«  Mountarai  jusqu'à  tus,  ô  bello!  »  se  digue; 
E,  trespourta,  subran  au  prêta  s'atrinquè. 
D'un  inmourtau  cap-d'obro  ilustrè  sa  divesso. 

0  vautri  qu'avès  fa  pensa  li  majourau, 

0  Lauro,  Beatris,  ]\Iirèio  de  Mistrau, 
Elviro,  Leonor,  Zani,  La  Fornarino, 

Dôu  pedestau  mounté  vous  a  plaça  l'Amour, 
Sourrisès,  quand  d'en  bas  vous  mounto  uno  rumour, 

1  sorre  qu'an  au  front  uno  marco  divino. 


LES  INSPIRATRICES 


A  Madame  E.  Marsal 

Il  est  des  femmes  que  Dieu,  au  premier  jour,  marqua  —  d'un  signe 
de  sa  main  ;  puis,  leur  donnant  beauté, —  amour,  bonté,  grand  cœur, 
douceur,  ardeur  vive,  — toutes  les  royautés,  sur  terre  il  les  jeta. 

Un  artiste  aussitôt  fit  une  gageure:  —  «  Je  m'élèverai  jusqu'à  toi, 
belle  »,  se  dit-il,  —  et,  transporté,  subitement  il  se  mit  à  l'ouvrage, 
—  et  illustra  sa  déesse  d'un  chef-d'œuvre  immortel. 

0  vous  qui  avez  fait  penser  les  maîtres,  —  ô  Laure,  Béatrix,  Mi- 
reille de  Mistral,  —  Elvire,  Éléonore,  Zani,  la  Fornarine, 

Du  piédestal  où  l'amour  vous  a  placées,  —  souriez,  lorsque  d'en 
bas  il  vous  arrive  une  rumeur,  —  aux  sœurs  qui  ont  au  front  un  divin 
signe . 


SOUNBTS  AMISTADOUSES  137 

Ll  FIO  DE  SANT  JAN 


A-n-uno  pageso 


Celle  qui  dans  la  nuit  neuf  feux  visitera, 
Avant  la  fin  de  l'an  saint  Jean  la  raarîra' 

Et  ses  compagnes 
Chantaient:  «Renée  a  vu  neuf  feux  de  la  Saint-Jean, 
Elle  aura  soa  époux  avant  la  fia  de  l'an.  » 

(Brizeux,  les  Hêtres  de  Lo-Théa.) 

Em'  eu,  chatouneto,  —  oh  !  lis  ai  coumta,  — 
Es  bèn  mai  de  nôu  que  n'avès  sauta 
Di  fiô  de  sant  Jan,  sant  Jan  lou  segaire, 
Elou  maridaire,  e  lou  batejaire. 

Un  mot  prouverbiau  noun  pou  desfauta  ; 
Après  sego  adoune,  l'eirôu  desmounta, 
Emé  lou  voulé  de  paire  e  de  maire 
Mero  e  capelan  'lestiran  Tafaire. 


LES  FEUX  DE  LA  SAINT-JEAN 


  une  paysanne 


Celle  qui   dans  la  nuit  neuf  feux  visitera, 
Avant  la  fin  de  l'an  saint  Jean  la  marîra. 

Et  ses  compagnes 
Chantaient:»  Renée  avuneuf  feux  de  la  Saint-Jean, 

Elle  aura  son  époux  avant  la  fin  de  l'an 

(Brizeux,  /es  Hêtres  de  Lo-Théa.) 

Avec  lui,  fillette,  —  oh!  je  les  ai  comptés,  — c'est  bien  plus  de 
neuf  que  vous  en  avez  franchi,  —  des  feux  de  saint  Jean,  saint  Jean 
le  moissonneur,  — saint  Jean  qui  marie  et  saint  Jean  qui  baptise. 

Un  mot  proverbial  ne  se  trompe  jamais;  —  aussi  après  la  mois- 
son, l'aire  défaite,  —  le  consentement  des  parents  obtenu,  —  maire 
et  curé  arrangeront  l'affaire . 


138  SOUNETS  AMISTADOUSES 

Viéurés  quauc[ui  mes  vous  poutenejant; 
E  pièi  l'an  que  vèn,  lou  jour  de  Sant-Jan, 
La  bailo  adurra  vès  la  glèiso,  urouso, 

Un  nistoun  gaiard,  tout  rose  e  tout  blanc, 

E  nôste  ritou  n'en  fara  'n  crestian  ! 

Sautas  donne  li  fiô,  jouvenço  amourouso  ! 

P.  Chassary. 


Vous  vivrez  quelques  mois  vous  comblant  de  caresses  ;  —  et  l'an- 
née prochaine,  le  jour  de  la  Saint-Jean, —  la  garde  portera,  heureuse, 
à  l'église, 

Un  gentil  poupon,  tout  rose  et  tout  blanc, —  que  noti'e  recteur  fera 
tôt  chrétien  ! . . . —  Franchissez  donc  les  feux,  jeunesse  amoureuse  ! 

P.  Chassary. 


VIE  DE  SAINT  GEORGE 


On  m'a,  de  deux  côtés  à  la  fois,  exprimé  le  désir  de  voir  paraître 
dans  la  Revue  la  suite  de  la  Vie  de  saint  George,  dont  j'ai  naguère 
publié  le  commencement,  en  appendice  aux  Litanies  à\x  nis .  d'Avi- 
gnon'. C'est  pour  répondre  à  ce  désir  que  je  donne  ici  la  suite  et  la 
fin  de  ce  petit  poëme.  Comme  pour  la  partie  déjà  imprimée,  je  re- 
produis à  peu  près  tel  quel  le  ms.,  bornant  mes  corrections  à  ce  qui 
paraît  indispensable  pour  le  rendi-e  intelligible,  mais  sans  me  préoc- 
cuper de  rétablir,  là  où  elle  est  violée  par  le  copiste,  la  régularité 
grammaticale  ou  prosodique. 

Le  ms.  qui  nous  a  conservé  cette  Yie  de  saint  George  (n°  14973  de 
la  B.  N.)  renferme  encore,  outre  une  version  déjà  plusieurs  fois 
publiée  du  chant  de  la  Sibylle,  un  autre  poënie  d'environ  1,200  vers, 
le  Débat  du  corps  et  de  l'âme.  Je  publiei'ai  avant  longtemps  ce  der- 
nier ouvrage,  et  je  présenterai  à  cette  occasion  les  observations  aux- 
quelles peuvent  donner  lieu  la  graphie  et  la  langue  des  deux  poëmes, 
les  caractères  du  manuscrit,  à  ce  double  point  de  vue,  étant  les  mê- 
mes d'un  bout  à  l'autre . 

Notre  poëme  concorde  en  général  avec  la  légende  de  saint  George, 
telle  qu'on  peut  la  lire  dans  Jacques  de  Varaggio.  Mais  on  trouvera 
dans  la  partie  que  je  publie  aujoui'd'hui  quelques  détails  que  ce  der- 
nier a  passés  sous  silence;  tel  est  l'épisode  de  la  veuve,  qui  se  trou- 
vait pourtant,  avec  d'autres  particularités  dont  la  Légende  dorée  ne 
parle  pas  davantage,  et  dont  plusieurs  manquent  aussi  dans  notre 
poëme,  dans  une  Passion  de  saint  George,  qui  ne  m'est  connue  que 
par  un  passage  de  Baronius,  cité  par  les  Bollandistes,  et  que  je  re- 
[iroduis  ici. 

(c  Ibi,  dit  l'annaliste  de  l'Église,  portentosa  qusedam  et  ab  omni 
uiiraculorum  ratione  aliéna  referuntur,  quse  quidem  (ut  sextée  Synodi 

verbis  utar)  non  ad  pietatem  legentes, sed  ad  infidelitatem  ad- 

ducant. .  .Leguntur  in  iisdem  alla  nonnuUa  indigna  Martyre,  ut  sus- 
pectum  contubernium  vidu?e,  ars  dolosa  ejusdem  ad  perdendos  genti- 
liummagos  atqueeuecandos  gentiles  quosque,  innumera  praiterea  tor- 
nientorum  gênera  quibus  agitatus  Georgius  nec  mori  potuit,  ut,  praeter 

'  Revue,l.  XXIX,  p.  246.—  iApril..  t.  III,  p.  101. 


140  VIE  DE  SAINT  GEORGE 

equuleos,  ungulas  ferreas,  crates  ignitas,  rotamque  mucronibus  un- 
dique  pi'fefixam  calceosque  armatos  clavis  (quse  et  in  aliis  leguatur 
actis)  etiam  arca  ferrea,  clavorum  cuspidibus  intus  ad  feriendum 
aptata,  praecipitium,  contusiones  malleis  fei  reis  iteratae,  columna  in- 
gentis  ponderis  super  eum  posita,  ingeiitisque  molis  saxum  super  ca- 
put  revolutum,  ferreum  ignitum  stratum,  liquens  plumbum  superef- 
fusum,  mersio  in  putenm,  quadraginta  igniti  clavi  quibus  est  con- 
fossus,  œneus  bos  candens,  mersio  in  puteum,  ponderis  ingentis  saxo 
ad  coUum  alligato .  Ad  h£ec  fingitur  ibi  Dacianus  quidam  imperator 
qui  Persis  dominetur  et  septuaginta  quinque  regibus  imperet,  sub 
quo  Georgius  passus  sit,  et  alia  multa  quse  potius  delirantium  som- 
nia  quam  sinceram  historiam  martyris  prse  se  ferant.  » 


270  A  près  a  dir 

Asimeysejs  â  gran  sospir: 
«  En  aquest  mont  que  vall  onor 
Ni  benanansa  *  ni  rricor? 
[33  r°]  C'atrr[e]ci  morun  11  manens 

275     Avladamens  de  mantenent.  » 
Tôt  cant  ell  ac  endenayret 
E  tôt  a  paures  o  donet. 
Saplas  que  ell  avia  plus  rricor 
Que  neguns,  sal  l'emperador. 

280     Puey  venc  alegre  e  yoy(s)os 
Ses  temensa,  ben  conortos, 
ATemperaj're  Dacian  ; 
Diy  li  :  «  Veti  mi  crestian  ; 
Crey  jQiell  mens  ses  bausia 

285     Jésus,  lo  flll  santa  Maria, 

Cell  que  fom  en  la  cros  llevat, 
Mort  es  aunit  e  clavelat, 
Colpeyat  e  batut  villmens, 
Per  tolre  nostres  falymens  ; 

290     Apres  de  mort  resucitet, 

E  puey  el  cel  sus  c'en  puyet. 
Aquell  fara  veraysaïuens 

1  Ms.  henanàysa. 


VIE  DE  SAINT    GEORGE  141 

Rendre,  al  jorn  del  yuyament, 

A  cascun  segon  que  aura  fach. 
[34  r°]  295     Cer  suy  que  tu  auras  mail  fach, 

Car  tu  serves  non  sabes  a  cuy. 

Ydolas  coles  en  luoc  de  luy, 

Las  calls  yeu  renée  e  desfi(s) 

Et  ayssi  las  parti  de  mi, 
300     Et  a  Jesu  Crist  mi  cornant, 

De  cuy  ay  fach  sermon  davant.  » 

Ado[n]x  Dacian,  an  cor  fell, 

Gant  o  aus,  ci  gita  vas  ell. 

«  Digas  mi,  per  call  ardiment 
305     As  tu  dich  tan  gran  ausament 

A  nostres  dieus  tôt  poderos? 

Tos  parajes  e  ta(s)  ricos  * 

Non  pot  valer,  si  m'ayut  fes, 

A  tu  lo  valent  d'un  poges 
310     Que  yeu  non  ti  fasa  mantenent 

Turmentar,  vesent  tota  gant, 

Si  non  voles  mos  dieus  aorar. 

Ado[n]x  t'ajut,  si  o  pot  far, 

Cel  diau(y)  que  apelas  Jesu  Crist, 
315     Cuy  ades  as  mentaugut^. 

Le  sans  cavalier,  ses  temor, 

Respondet  a  Tenperador: 
[34  v°]  «  Tas  menassas  ni  tos  turmens 

Non  presi,  so  die,  veramens, 
320     Car  Jesu  Crist,  en  cui  mi  fi(s), 

A  poder  de  desliurar  mi 

De  tais  turmens  que  cuyas  far.  » 

So  dis  ell  ^  :  «  Aysso  uU  yeu  assayar  », 

Dacian  al  sant  cavalier. 
325     Apres,  dos  homes  de  mestier 

Calls  hom  apela  serados, 

Espalus,  grans  e  poderos, 


*  Ms.  parares  erasricos  on  erasticos . 
2  Corr.  E  que  tu  ades  mentauguist  ? 
'  Corr.  et,  en  plaçaat  devaQt  les  guillemets  ? 

10 


142  VIE  DE  SAINT  GEORGE 

De  mantenent  fes  apelar, 

Als  calls  lo  cavalier  serar 
330     Mandet  e  mètre  en  tal  manyera 

Que  vin  amur  *  cerra  travesiera 

Puescan  lo  cavalier  cerrar. 

Aquist  comensan  Tobra  a  far 

Que  Dacian  a  comandat. 
335     Ajsj  con  es  breu  traspassat, 

Fom  cerrat  le  sant  cavallier. 

Ado[n]x  venc  Dacian  permier 

E  diy  al  sant  cavalier  mort: 

«  Si  ton' Jésus  t'agues  stort, 
340     Yeu  crejrie  que  ell  a  poder; 

May  aras  m'en  desesper 
[35  r»]  Car  als  mages  obs-  t'es  faljit  ^.  » 

Enans*  que  ayso  fos  fenit, 

Jesu  Crist  en  aquell  luoc  fom, 
345     An  d'angells  mot  gran  légion. 

Can  ^  tost  Jesu  lo  mort  cenjet, 

De  mantenent  reysucitet; 

Le  cavalier  stet  sus, 

Esguardet  laj  hom  Jesu 
350    Fom,  que  Fa  fag  viu  e  san, 

E  Jesu  lo  près  per  sa  man 

E  dis  que  la  destra  que  formet 

Adam,  que  en  paradis  pecquet, 

Aquell[a]  l'a  resuscitat, 
355     «  E  ajso  cresas  per  veritat.  » 

E  ajso  dic[h],  de  mantenent 

Si  part  de  luj  corporall  mens. 

Ado[n]cx  le  sans  cavalier  tenc 

Ves  l'enperayre  lay  el  renc, 
360     E  scridet  ardidamens  : 

«  E[m]perayre,  li  tieu  turmens 

1  Corr.  Qu'am  una?  ou  suppr,  seulement  ur?  l\  y  a  dans  le  ms.,  au- 
dessus  de  Viii  du  mot  que  j'ai  lu  amur,  un  signe  de  signification  douteuse. — 
'Ms.  obp. —  3  ^\js.  falit, a.w&c  un  y  sur  Yi,  dans  l'interligne.—*  Ms.  enayx. — 
'  Corr.  Tan,  el  de  même  aux  vv.  463,  566,  60i,  778?  Cf.  vv.  369,  790. 


VIE  DE  SAINT  GEORGE  143 

On  son  anas,  que  m'avias  fach  ? 

Ar  deves  creyre  per  atrasach 

Que  le  myeu  senj^er  a  gran  poder. 
365     Yeya  le  pobol  si  jeu  die  ver.» 

Aqui  gran  conpanya  de  gent 

Si  convertijde  mantenent 
[35  v°]  Ves  la  fe  de  Jesu  Crist, 

Tan  tost  que  an  lo  miracle  vist. 
370     L'enperajre  ac  gran  pavor 

Cant  vij  del  pobol  la  rimor  ; 

Dij  que  om  lo  cavalier  preses 

E  comandet  c'ô  lu'  meses, 

Ses  tota  bruda  e  sesson-, 
375     A  la  vesola  '  en  sa  mason, 

C'avia  un  fiU  que  non  vesia 

Ni  non  parlava  ni  ausia, 

Ni  aytan  pauc  non  podie  anar, 

Per  [r]en  que  la  mayre  pogues  far. 
380     Li  cers  an  fach  de  mantenent 

De  Dacian  lo  mandament: 

A  l'arberc  que  a  comandat 

Sécréta  mens  l'en  an  menât 

Lo  sant  cavalier  e  aduch 
385     Ses  tota  bregua  e  ses  bruch. 

Cant  el  fom  en  l'arberc  vengut 

On  era  l'enfant  cec  e  mut, 

Ques  a  la  femra  un  pauc  de  pan. 

Ylly  respondet  que  non  (en)  a 
390     Pan  ni  vin  ni  autre  manyar, 

An  que  lo  pusca  confortar. 

«  Femra,  diy  ell,  sabes  per  que 
[36  r°]  Tu  non  as  pan  ni  autre  ben  ? 

Car  fas  d'idolas  ton  senyor, 
395     Ton  dieu  e  ton  governador, 

Las  cals  per  cert  non  an  poder 

*  Sic,  pour  lo.—  2  Corr.  resson? 

5   La  veuve  dont  il  est  question  dans  le  passage  deBaronius  rapporté  ci- 
dessus,  p.  139. 


144  VIE  DE  SAINT  GEORGE 

De  darvianda  ni  autre  ben% 
N[i]  deguna  autra  ren. 
Fol  es  qui  en  ellas  pansa  sa  fe. 
400     May,  femra,  si  tu  mi  cresies, 
Dyeus  Jesu  Crist  adorarias, 
Le  cal  pe[r]  cert  a  plen  poder 
De  dar  so  que  om  li  vol  querer.  » 

—  «  Yeu  crey  an  tu  veraya  mens, 
405     Diy  li  femra  de  mantenent, 

E  en  autre  ^  dieu  non  ay  ma  fe, 

Que  pusca  valer  ni  far  ben, 

E  prech  que  sto  myeu  fill, 

C'aura  sufer[t]  aquest  perill, 
410     Pos  que  nasquet,  mi  deya  sanar, 

Que  yeu  su  cer[ta]  que  ell  o  pot  far.  » 

Le  cavalier  diy  a  l'enfant  : 

«  Da  part  Jesu  Crist  ti  comant, 

Efant,  parla  e  aus  e  ve(s).  » 
415     Demantenent,  car  yac  fe 

Li  femra  que  dieus  o  pot  far, 
""se  v"]  Ausir  e  veser  e.  parlar 

Donet  Jesu  Crist  al  contrach. 

Li  temra  diy  :  «  Pos  tan  gran  fach 
420     Per  ta  oration  as  volgut  far, 

Diy,  pregue  li  que  lu  ^  fassa  anar.  » 

—  «  Frema,  en  brieu  cera 
Que  so  que  queres  ton  fill  aura. 
Esfosa*  ti  de  Dieu  servir, 

425     Qu'el  aunpleraton  désir,  » 

Ayso  dich,  le  ssans  c'en  yntret 

E[n]  una  mayson  e  trobet 

Taulas  plenas  de  tôt  bens, 

Las  cals  angels  li  agron  mes, 
430     E  poc  le  sans  atrobar 

Tot'conduch  que  a  volgut  ma[n]yar. 

Cant  de  la  taula  fom  levât, 

1  Corr.  avey?  —  -  Ms.  âtre.  —  ^  sic,  pour  Ion  {lo  eti);  ou  seulement  lo? 
*  Pour  esforsa . 


VIE  DE  SAINT  GEORGE  145 

Le  sans  cavalier  fom  demandât 

Davant  l'enperador  venir. 
435     Cant  fom  vengut,  commenset  a  dir 

L'enperayre  al  cavalier  : 

«  (T)  eu*  vej  que  an  ton^  mallvay  mestyer 

Metes  lo  pobûll  [sic)  en  aror, 

Car  predicas  que  as  ssenjor 
[37  r"]  440     E  dieu  que  a  plenier  poder. 

y[eu]  crejray  que  tu  dises  ver 

E  que  trastot  podero[s]  es, 

Si  'stas  cadieras  cals  veses 

Tornan  albres  que  porton  fruc.  » 
445     Diy  le  ssans  :  «  Lo  cor  as  sluch  ^ 

E  suy  cer  que  non  dises  ver  ; 

May,  per  mostrar  lo  gran  poder 

Que  es^  en  lo  cel,  en  tera,  en  mar, 

Li  preguaray  que  o  dey  a  far, 
450     Le  myeu  senyor  es  font  de  ben^.  » 

Am  tant  de  ginolyons  ssi  mes 

E  fes  a  dieu  ssa  oration®, 

E  reques  cel  que  fes  lo  tron.  ...''. 

Que  avem  mentaugut  davant, 
455     Tornesan  albres  fruc  portant. 

Aysi  con  o  rreques  fom  fach  : 

De  mantenent  per  atra[sa]cb 

Las*  dichas  cadiaras  davant 

Torneron  albres  fruc  portant. 
460     Gran  part  del  pobûl  (sic)  que  era  aqui 

Diy  may  tan  gran  m[ijracle  no  viy. 

E  son  fach  sers  de  Jesu  Crist, 

Can  tost  an  lo  miracle  vist. 

Dacian  diy  aviadamens: 
465     «  Ayso  fas  amb  encantamens 

E  non  gens  per  autra  vertut 
[37  V]  Que  aya  le  dieu  que  as  mentaugut.  » 

1  Ms.  en.  —  '  Ms.  tos.  —  ^  Pour  astut?  —  *  Corr.  a?  —  s  Corr.  bes. 

*'  Ms.  orûn.  —   '  Lacune  de  deux  vers:  Que  las  cadieiras "?  —  '  Ms. 

Lad. 


146  "^lE  DE  SAINT  GEORGE 

Diy  le  sans  a  l'enperador  : 

«  An  lo  poder,  an  la  rricor 
470     C'a  le  mieu  ceneyr  omnipotent, 

0  fay,  e  '  non  amb  encantamens.  » 

Dacian  li  diy  sonrient  : 

«  Aora  mes  dieus  de  mantenent, 

E  puej  ti  promet  que  poyras 
475    Far  de  mi  tôt  cant  ti  voiras.  » 

Le  sans  dijs  ^  :  «  Si  voles  que  yeu  ador 

Tos  ^  dieus  ni  lur  fassa  onor, 

Per  la  ciutat  faras  cridar 

Que  tut  si  deyan  acampar.  » 
480     Dacian  fom  ado[n]cx  yosos*, 

Car  cuyet  que  le  sans  vencut  fos, 

E  fes  cridar  per  la  ciutat 

Que  tut  sian  de  mantenent  ajostat. 

Can  fom  cridat  per  la  ciutat 
485     E  guandren*  foron  ajostat, 

Gentamens  le  sans  près  as  anar 

Ves  los  dieus  quay  per  adsorar. 

Li  vesola  lo  près  a  sseguir 

An  gran  plor  e  an  gran  sospir(s), 
[38  r°]  490     E  ayso  dient  e  cridant  : 

«  Amix,  Dieu  *,  que   sto  myeu  enfant, 

Cec  e  mut  e  sort,  m'as  sanat, 

E  tu  mesej^s  resucitat 

Jesu  Crist  a  per  sa  vertut, 
495     E  aras  vas  a  dieu  cec  e  mut 

Adorar  !  senyer,  non  o  far  !  » 

Ado[n]x  près  li  gent  a  esguardar 

La  vessola  el  cavalier  ; 

E  cay  que  per  son  desliurier 
500     Le  sans  o  dygua,  non  per  allre ': 

«  Femra,  diy  el,  cala,  si  voles.» 

E,  ayso  dig,  li  fom  davant: 

1  Ms.  e  fay  o.  Corr.  fac? —  ~  Ms.  dins.  —  3  ^g  ton.  —  ♦  Sic,  pour 
yoyos.  —  5  Pour  gran  ren.  —  *  Corr.  tu?  —  '  Corr.  als,  et  à  la  fin  du  vers 
suivant,  sivals? 


VIE  DE  SAINT  GEORGE  147 

«  Femra,  dij  el,  gic  ton  enfant.  » 

Illy  lo  pauset  de  mantenent 
505     Aqui,  davanttota  la  gent, 

Si  que  le  pobol  esguardet  ', 

Diy  le  cavalier  a  renfa[n]t  : 

«  Yeu  ti  cornant,  perlo  poder 

De  cel  que  t'a  donat  veser 
510     E  t'a  fach  ausjr  e  parlar, 

Que  mantenent  deyas  anar.  » 

E  l'enfant,  davant  contrach, 

Mantenent  s'es  en  pes  levât 
[38  v°]  E  vaj  per  tôt  leugieramens; 

515     Don-  c'en  meravilljan  las  gens 

E  adsoran  Dieu  Yesu  Crist, 

Car  cel  que  avian  mantas  ves  vist 

Cec,  mut,  sort  e  non  anant, 

Veson  aras  de'lot  ben  stant. 
520     Apres  intret  ardidament 

Le  cavalier  de  mantenent 

Lay  on  las  ydolas  stan, 

E  venc  ad  Apolo  davant, 

E  diy  li  que  li  digua  ver  : 
525     «  Per-dieu  Jesu  Crist  lo  poder. 

Perque,  diy  ell,  stas  ayssi?  » 

Ado[n]cx  Apolo  respon  li: 

«  Tan  fort,  diy  ell,  m'as  conjurât 

Que  non  ti  puesc  celar  vertat. 
530    Lo  pobol,  diy  ell,  fac  arar^ 

Qu'estas  ydolas  adorar 

Lur  fac,  en  luac  de  dieu  veray. 

Que  tan  gran[s]  vertus  per  tu  fay.  » 

Diy  le  sans  :  «  Quon  yas"^  tant  usat^ 
535     Qu'en  luoc  o  Dieu  ver  es  nônat, 

Tu,  foll,  ti  auses  stancar? 

Tost,  diy  ell,  pren  t'en  as  anar.  » 
[39  r°]  Vay  dell  pe  en  terra  ferir, 

*  Corr.  esguardant.  Ou  y  a-t-il  une  lacune?  —  2  Mg.  dgy,  —  3  Pour  fauc 
errar.  —  ^  Pour  yes;  ou  corr.  as?  —  ^  Corr.  ausat? 


148  VIE  DE  SAINT  GEORGE 

E  li  terra  si  vaj  aubrir 
540     E  asorbiy,  vesent  la  gent, 
Las  idolas  de  mantenent. 
Mot  de  cels  que  an  aj'sso  vist 
Adoran  Dieu  Jesu  Crist. 
Cant  Fenperayre  ac  ausit 
545     Que  le  sans  oms  ac  sons  dieus  aunit, 
El  fom  irat  e  mot  fell, 
E  mandet  servens  e  donsells* 
C'una  gran  sartan  ^  fasan  far 
On  lo  cavalier  puasca  star, 
550     E  la  cal  sobre  un  gran  brasier 
Mandet  bollir  lo  cavaljer. 
Si  cô  Dacian  lo  turment 
Déchet,  lo  fom  facli  mantenent. 
En  la  sartan  sobre  lo  brajer 
555    An  pausat  lo  sans  cavallier. 
Can  tost  ell  fom  aquy  pausat, 
Uns  angel  fom  aparelyat 
Que  lo  guardet  d'aquel  turment, 
Ses  pena  e  ses  nosement, 
560     Quell  fuoc  élla  {sic^  flama  stey  ', 
Si  que  belugua  non  en  parey  *. 
[39  v"]  Ayso  viy°  gran  nôbre  de  gent 

Se  convertiy  de  mantenent, 
E  si  parton  de  Dacian 
565     E  puey  son  fas  bons  crestians. 
Can  tost  ac  vist  Femperayris 
La  gran  vertut  de  Jesu  Crist, 
La  corona  del  cap  ostet 
Els  nobles  vestis  despulyet, 
570     Apres  venc  a  l'enperador, 
E  diy  li  ses  tota  temor  : 
«  Crestiana  suy  verasamens 
E,  per  pena  ni  per  turme[n]s 
Que  yamay  om  mi  ^  pusca  far, 

*  Ou  dousells?  —  2  Mg.  xartazn. —  ^  Pour  stec. —  '•  Pour  parec. —  5  Corr. 
vist  ?  —  *  Ms.  orne. 


VIE  DE  SAINT  GEORGE  149 

575     Non  mi  vull  de  Jesu  Crist  guarar.  » 

Dacian  diy:«  Ses  tôt  bestent 

Venguan  cil  que  fan  lo  turment.  n 

Vengut  que  son,  el  lur  donet 

Pe[r]  mandament  e  comandet 
580     L'enperayris,  irat  et  fell, 

Que  jll  la  pendan  per  los  cabels. 

Alessa[n]dria  de  mantenent 

La(s)  gisclon  fort  espertamens. 

Can  la  batian  antrenant, 
f40  r°]  585     Illy  ci  gira  daves  lo  sant 

E  dij  :  a  Sant  orne,  pregua  per  mi 

Que  Dieu  m'adugua  a  bona  fin  ; 

Plus  ti  l'equier  que,  si  ti  plas, 

Mi  dones  batisme  veray.  » 
590     Amb  ajtant  sas  mans  stent  le  sans, 

E  del  cel  venc  ajgua  rosant 

An  que  renperay[r]is  batejet. 

Apres  Dacian  comandet 

Que  om  Tenperayrjs  proses 
595     E  foras  la  ciutat  la  rneses, 

E  perda  son  cap  de  mantenent. 

Ardidamens,  ses  tôt  bestent, 

Li  carnacias  de  enigitat' 

An  la  dona  décapitât'. 
600     Can  fom  morta  renperayris. 

Al  cenescal  Dacian  diys 

Que  comande  ails  messagies 

Que  tost  vegnâ  lo  mesagier  •\ 

Can  tost  agron  lo  mandament, 
605    Adujseron,  ses  tôt  bestent, 

Li  corrieu  lo  cavalier  sant 

Al  fel  enperador  davant. 
[40  V]  Dacian  di y  al  cavalier  : 

«  An  ton  encantador  mestier 

'  Sic,  pour  eyiiquilat,  ou  eniguitat?  —  2  Ms.  decapitar.   —  s  Sic.  Corr. 
vegna  lo  cavaliers.  On  avait  d'abord  écrit  Ig;  le  copiste  n"a  pas  achevé  de 


150  VIE  DE  SAINT  GEORGE 

610     M'as  fach  renperajris  aussir, 
Don  n'ay  gran  dolor  e  concir  ; 
May  ci  so  que  yeu  vull  demandar 
An  ton  dieu  podes  acabar, 
Tu  non  auras  demant  ni  plach 

615    De  mal  ni  de  dan  que  ayas  fach  ; 
An  ti  die  que  ton  dieu  asoraray 

Yeu,  el  myeu *  » 

Diy  le  sans:  «  Diguas  ton  voler  ; 
Dyeu  Jésus  Crist  a  plen  poder.  » 

620     Dacian  diy  :  a  For  la  ciutat 

Son  de  mors  guanren  soterras, 
Segon  que  avem  ausit  dir  ; 
Ma  (om)  non  los  viy  anc  cebelir 
Ome  que  viva  en  aques  tems; 

625     Pero  en  un  luoc  cay  ese[m]ps 
Son  li  cepulcre  ajostat. 
Pregua  Dieu  que  auras  tant  guabat, 
Cu  Jesu  Crist  soles  apelar, 
Que  los  mors  deya  resucitar; 
[41  r"]  630     Puey  ti  die,  ci  m'ajut  fes. 

Que  yeu  atendray  so  que  ay  promes.  » 
Le  sans  respondet  mantenent  : 
«  Tramet  al  luoc  alcunas  gens 
C'aporton  dels  oses  dels  mors.  » 

535     Ado[n]cx  trames  messages  fors 
L'enperayre  al  luo[c]  nônat 
Quevenguan  dels  oces  carguas. 
Cant  son  tornas  li  mesagiers, 
Recontan  al  sant  cavalier 

640     Que  el  luoc  von  a  trames  le  sans 
Non  troban  ose  petit  ni  gran  ; 
May  cepulcres  an  ben  trobat. 
On  son  agut  mors  soterras, 
«  E  los  cals  de  pois  avem  culyt, 

645     Car  semblen  oses  demonis  -.» 


1  La  fin  de  ce   vers   manque  dans  le   ras.  Suppl.  die  que  laissaray  ? — 
Corr.  demenis  (pour  deme?iil)7 


VIE  DE  SAINT  GEORGE  15i 

Aqviil]  una  gran  quarititat 

D'aquela  pois  an  aportat. 

Aquella  pois  que  an  culit 

E  lo  cepulcre  que  aves  ausit 
650    Aporteron  davant  lo  ssans. 

E  mes  [s']es  d'à  ginj'olons  davant 
[41  v°]  Le  sans  e  preguet  Jesu  Crist 

Que  so  que  Dacian  a  requist 

Per  sa  merce  dea  aymplir  \ 
655     Per  tal  que  le  pobûl  (sic)  pusca  dir 

Que  Jesu  Crist  a  plen  poder 

De  dar  tôt  cant  hom  li  quer, 

Cant  ac  sa  oration  côplit, 

Una  vos  an  trastut  ausit 
660    De  suj^  lo  cel  que  dij  a  luy  : 

«  Jorgi,  non  timias,  que  an  tu  suy  ; 

Querre  podes  ^  tôt  cant  ti  plaera, 

Que  tos  demans  co[ni]plis  cera(n).  » 

De  la  pois  que  avê  mentaugut 
665     A  on  ^  resucitat  e  mogut 

Dos  cens  e  xxx  e  v  alloc. 

Que  le  sans  de  la  oration  moc. 

Cant  le  sans  viy  lo[s]  sucitas, 

Sus  lo  cel  a  los  vuels  levât 
670     E  sa  lausor  a  Dieu  rendut, 

Car  a  sa  pregiera  entendut. 

De  cels  que  son  resucitas 

A  le  sans  I  a  ci  tirât 
[42  r"]  E  a  li  dich  cal  nô  avia 

675     El  cegle,  ni  cal  dieuscolia. 

El  respont  que  a  nom  Joël 

E  non  cresia  dieu  del  cel  ; 

May  un  autre  dieus  mut  e  fol, 

Lo  cal  apelavan  Apol, 
680     Colia  el  e  li  cieu  companyons  ; 

«  E  per  ayso  en  la  mayson 

1  Ms.  aymplit.  —  2  Sic,  pour  sus.—  3  Ms.  podet.—  *  Corr.  An? 


152  VIE  DE  SAIKT  GEORGE 

D'enfern  penas  ses  tôt  conort 
Avem  sufertat,  pos  fom  mors, 
On  esperam  ades  a  tornar, 
685     Si  le  sans  non  nos  vol  bateiar.  » 

Cant  ac  le  sans  ajso  ausit, 

Ques  aygua  tost  â  gran  scrit*; 
Pero  degun  non  li  auset 

Aportar  so  que  ell  demandet, 
690     Car  cascun  avia  temor 

De  Dacian  l'enperador, 

Si  Ten  donesan,  non^  desplagues. 

Layceron  c'en,  que  plus  non  ques. 

Lo  sans  fes  lo  cenya(n)l  de  Crist 
695    En  terra  (fes),  et  anc  tu  [non]  vist 

Plus  bêla  font  que  li  terra  det, 

Mantenent  que  le  sans  la  cenyet  ; 

En  la  cal  lo[s]  ressucitatz 
[42  v°]  A  le  sans  tos(y)  bateyatz  ; 

700     Puey  lur  a  dicli  e  mentaugut 

Que  en  paradis  anon  trastutz  % 

Que  el  los  cegra  de  mantenent, 

Côplit  son  martir,  ces  bestent. 

Ayso  dich,  li  resucitatz 
705     S'en  son  e  paradis  anas. 

Que  om  los  poc  veser 

Corporralmens,  so  die  pe[r]  ver. 

Le  pobol  que  era  aqui 

Trastot  aloc  si  convertiy, 
710     E  diy  cascu  que  creire  non  vol 

Autre  dieus  may  cel  que  Yorgi  col. 

Cant  Tenperayre  ac  ausit 

Que  le  san  miracle  es  complit, 

Si  cô  aves  ausit  desus, 
715     Spautat  es  e  scomogut, 

Sus  en  sa  cadiera  estet, 

Tal  pavo[r]  ac  tôt  tremolet, 

<  Ms.  plutôt  strif;   scrit  =^  escrit,  subst.  verbal  de  escridar.  —  '  Corr. 
7iol  ?  ou  A  le  De  du  vers  précédeut  ?  —  ■'  Le  ;  a  été  ajouté  après  coup. 


VIE  DE  SAINT  GEORGE  153 

E  sa  centura  vay  pausar. 
Ado[n]cx  près  fort  mens  a  eridar 
720     E  dyre :  «  Ca3^tiu(j),  las!  que  faray ? 
[43  r"]  Ma  onor  c'en  fug  e  c'en  vaj, 

Que  Yorgi  trastot  lo  poboU  m[ieu]  * 
M'a  tornat  tôt  a  son  Dieu, 
E  a  cet  ans  no  may  enpyers  ^ 
725     Que  ell  es  estât  mon  preonyer. 

Si  ell  guayre  vyu,  yeu  suy  destr[ut]*, 
Car  li  crey  toyorn  sa  vertut.  » 
Tantost  sos  mesagies  sonet, 
Als  cals  destrechamens  raandet 
730    Que  yll  ses  bentansa^  fassan  far 
Un  fren  que  Yorgi  deya  portar, 
Per  tall  que  non  presic  la  gent  ; 
E  aysa  (sic)  fach,  ses  tôt  bestent, 
Lo  menon  lay  fora  la  ciutat 
735     On  an  Tautryer  décapitât 
L'enperayris  li  carnacies. 
Ail  luoc  nomnat  lo  cavalier 
Fasan  venir  apertamens, 
E  perda  lo  cap  de  mantenent. 
740     Le  comant  de  l'emperador 
Fom  leu  fach,  ses  tota  legor. 
Li  carnaciar  mail  aurat 
[43  v°j  An  lias  maus  a  sant  Yorgy  [liât], 

E  tiran  l'en  ves  lo  turment 
745     Per  lo  fren  mot  aunidament. 
Del  pobùl   lu  près  asseguir 
Ganren,  an  plos  et  an  sospirs, 
Car  viron  lo  sans  tirasar 
A  tan  vill  gent  ni  mail  menar. 
750     Can  fom  al  luoc  von  le  torment 
Si  dec  far,  vesent  tota  gent, 
Le  sans,  car  non  lur  poc  parlar, 
Aysi  cô  poc  près  a  preguar 

*  La  fin  de  ce  mot  est  rognée  dans  le  ms.  —  2  Corr.  entyers?  —  ^  Sic, 
pour  bestensa . 


154  VIE   DE   SAINT   GEORGE 

Lo[s]  carnacier[s]  fort  umilment 
755     Que,  enans  que  llo  liurû  al  turment, 

Pusca  far  a  dieu  uration. 

Autregeron  o  li  félon 

So  que  le  cavalier  demandet. 

Le  sans  ado[n]cx  las  mans  Uevet 
760     E  dix  ajso  en  auta  vos  : 

((  A  tu,  cenyer  drechuryer  dous, 

Dyeus  Jesu  Crist,  requier  e  crit 
[44  r"]  Que  ressipias  mon  sperit  ; 

May  ti  requier,  plen  de  merce, 
765     Que  tos  cells  que  auran  e  my  fe 

E  marenêbransa  faran, 

E  cels  que  ma  festa  colran 

L'utana  calenda  de  may*, 

Senyer,  guarda  los,  si  ti  play, 
770     De  mal  e  de  greu  enfermetat, 

E  lur  aver  de  mortaudat, 

Ni  le  diable  aya  -  poder 

A  lur  perssonas  de  noser. 

Tu,  cenyer,  en  perili  de  fuoc 
775     Lur  vall,  es  en  tôt  autre  luoc, 

Si  son  en  terra  o  e  mar, 

Ver  Dieu,  ta  los  deyas  guardar, 

Can  tost  mo  nô  renêbrarran 

A  tu,  cenyer  poderos,  gran.  » 
780     Gant  ac  sa  oration  côplit, 

Una  vos  del  cel  an  ausit. 

Que  diy,  ausent  tôt  en  apert: 

«  Benastruc,  le  cel  t'es  uber[t]; 
[44  V]  Ven,  iiitra  t'en,  que  autreyat 

785     A  Dieus  tôt  cant  as  demandât.  » 

Ausit  ayso,ardit  stet, 

Pueys  umyl  mens  son  cap  elinet 

Ves  los  malvayses  carnacias 

Le  benastruc  sant  cavalier. 

1  Le  23  avril.   C'est  ce  jour-là  que  l'Église  célèbre   en  effet  la  fêle  de 
3.  George  de  Pisidie,  qui  est  le  nôtre.  —  -  Ms    aza. 


VIE  DE   SAIKT   GKORGE  15j 

790     Tau  tost  el  ac  son  cap  clinat, 

L'an  mantenent  décapitât, 

Et  aloc  son  angells  vengutz, 

C'an  l'arma  près  e  receuput 

E  l'en  portan  alegra  mens 
795    Eli  cel,  vesent  tota  la  gent, 

E  Tamenan  alarricor 

De  paradis  '  an  gran  onor, 

On  las  nostras  deja(n)  alugar 

Dieu  Jesu  Crist  e  camdelar  ^, 
800     Cant  del  vil  cos  deuran  partir. 

Tut  preguem  Dieus  nos  deja  ausir. 

A      M      B      N       N      N       . 
E[x]plicit  vita  beati  Zeorgii. 


J'aurais  voulu  pouvoir  comparer  cette  vie  provençale  de  saint 
George  avec  le  poëme  de  Wace  publié  par  Luzarche,  sous  le  même 
litre,  en  1858.  Mais  il  ne  m'a  pas  été  possible  de  me  procurer  ce  der- 
nier ouvrage. 


Dans  l'introduction  de  la  Paraphrase  des  Litanies  (Revue,  XXIX, 
220),  j'ai  oublié  de  mentionner  une  composition  analogue  qui  fait  par- 
tie des  poésies  religieuses  du  ms.  de  Wolfenbûttel .  C'est  celle  qui 
porte  le  n°  18  dans  l'édition  de  Bekker,  où  elle  comprend  160  vers 
octosyllabiques,  divisés  en  couplets  de  8  vers  chacun,  qui  riment  en 
a  b  b  a  c  d  c  cl.  On  la  lira  bientôt,  ici  même,  dans  l'édition  que 
M.  Emile  Lévy  a  préparée  du  ms.  de  Wolfenbûttel  pour  la  Société  des 
langues  romanes . 

C.  C. 

'  Ms.  paridùs.  —  ^  Pour  capdelar. 


VARIETES 


BOLHI,  BOYE,  EN  FKANCO-PROVENÇAL 

Le  lyonnais  hollii,  hôye,  le  bressan  bolia,  le  savoyard  houille,  si- 
gnifient jeune  fille;  le  hress.boyaude,  fille  de  ferme. 

Ce  mot  n'existe  pas  dans  les  dialectes  d'oc,  ni  dans  les  dialectes  du 
nord:  normand,  picard,  wallon,  rouchi,  Ile-de-France.  Il  n'existe  pas 
non  plus  dans  le  centre  de  la  France  ;  mais  dans  l'ouest,  il  est  re- 
monté jusque  dans  l'Orléanais,  où  il  existe  sous  la  forme  hoêle. 

Dans  le  Dictionnaire  étymologique  du  patois  lyonnais,  j'ai  examiné 
les  diverses  étymologies  qui  se  présentafent  d'abord  à  l'esprit  :  1°  vieux 
fr.  baille,  «  nutrix,  famula,  ancilla  »/  2°  bocula  ;  3°  pullea.  J'ai  con- 
clu que  la  première,  satisfaisant  au  sens,  était  inadmissible  comme 
forme  ;  que  la  seconde,  satisfaisante  comme  forme,  n'était  pas  admis- 
sible comme  sens,  l'image  de  «  génisse  »  pour  «  jeune  fille  »  n'exis- 
tant que  dans  les  poètes  latins  et  nulle  part  dans  les  langues  roma- 
nes ;  que  la  troisième  étymologie,  satisfaisante  comme  sens  (puisque 
lïmage  de  pulla,  pulicella,  pour  jeune  fille,  était  répandue  en  roman), 
offrait  une  difficulté  de  forme  qui  devait  la  faii-e  repousser. 

Je  crois  aujourd'hui  que  bolhi  est  le  même  que  l'ital.  bagascia,  le 
prov.  baguassa,  prostituée;  le  vieux  fr.  baiesse,  servante,  avec  change- 
ment du  suffixe  acea  en  suffixe  ucula;  d'où  un  bas-latin  *bagucula 
qui  donne  baoulhi,  devenu  bouille  en  savoyard,  bolhi  en  lyonnais, 
bolia  en  bress.,  boêle  en  orléan.  Ces  formes  sont  très-régulières. 

La  signification  de  jeune  fille,  jeune  servante,  exclut  pour  le  radie, 
l'étymolog.  bag,  paquet,  sac,  présentée  par  Diez,  en  relation  avec 
hastard,  pour  fils  de  hast,  et  dont  Scheler  rapproche  le  terme  inju- 
rieux allem.  lumpenpaclc.  Il  faut  écarter  du  thème  primitif  tout  sens 
de  cette  nature.  L'étymolog.  la  plus  plausible  (sans  être  le  moins  du 
monde  certaine)  reste  le  celt.  kymri  iac^,  .petit;  d'où  bachgen,  un 
jeune  garçon  ;  bachgenes,  une  jeune  1  lie.  Faut -il  en  rapprocher  l'angl . 
boy? 

La  dérivation  de  sens  dans  l'ital.  et  le  prov.  n'a  rien  d'extraordi- 
naire. Elle  est  identique  à  celle  qui,  de  putta,  jeune  fille,  a  fait  ital . 
puttana,  fr.  putain,  et  du  vieux  fr,  gars,  «  puer  »,  a  fait  garce,  fille  de 


I 


VARIETES  U7 

mauvaise  vie.  En  Jura,  f/arce  sii^nifie  encore  fille,  sans  mauvaise  ac- 
ception. Au  rebours,  le  mot  àa  fille,  en  français,  est  en  train  de  pren- 
dre l'acception  de  prostituée . 

Il 
CHARAT.  CHAROT,  EN  FRANCO-PROVENÇAL 

Dans  le  Dictionnaire  où  figure  le  mot  bôlhi,  j'ai  aussi  inséré  le  mot 
charat,  coup  de  poing,  giffle,  en  Lyonnais  ;  charot.  charat,  blessure, 
en  Dauphiué.  Je  n'ai  pas  su  en  donner  l'étymologie,  et  n'ai  présenté 
quelques  h3'po thèses  que  pour  en  montrer  le  peu  de  fondement. 

Je  crois  aujourd'hui  que  le  mot  vient  du  vieux  haut  allem.  scëran, 
scëren,  moy.  haut  allem.  schem,  «  tondere  »,  nordique  shëra,  ail.  sche- 
ren,  fendre,  couper;  suédois  skdr,  dan.  skaar,  vieux  fr.  escharre,  en- 
taille, balafre. 

Au  rad.  scara  été,  selon  la  règle,  préposé  e.  Puis  le  groupe  es,  qui 
persiste  en  fr.,  est  tombé  en  lyonn.  (cf.  chalié,  de  scalarium ;  chi- 
nard,  de  skina;  cabelot  de  acahellum) . 

Enfin,  on  a  ajouté  le  sufï.  at,  d'atum,  dont  le  lyonn.  fait  souvent 
usage  :  horsat,  garçon  nouveau-né  ;  carat,  petit  berger  ;  holiat,  mare. 
Le  dauphinois  a  parfois  substitué  le  suffixe  nt. 

m 

MAIGNA,   MEYNA,    EN    FRANCO-PROVENÇAL 

Le  mot  de  niaigna,  meyna,  en  franco-provençal,  a  deux  significa- 
tions bien  distinctes:  1"  c'est  un  fémin.  coll.  signifiant  d'abord  fa- 
mille, ensemble  des  gens  de  la  maison,  puis  jeunesse  en  général.  On 
le  trouve  employé  dans  ce  sens  au  XVIIe  siècle  par  Chapelon  :  «  Pe- 

tita  meynat,  veiquia  un  présent  que  je  vous  fouay La  m.eynat  de 

mon  tion.  .  .*  »  ;  2o  c'est  un  maso,  individuel  signifiant  enfant,  jeune 
garçon.  «  Ye-ton  (  c'est  un  )  magnat-,  que  me  convint  (  chans. 
bress.)  »; 

Rien  n'est  plus  biau  que  la  guarra  civila, 
Surtout,  ménos,  dins  ina  motrua  villa.  (Roquille.) 

Dans  un  vieux  noël  lyonnais,  on  lit  : 

Maigna,  maigna,  bien  devons  Noé  chanta; 


1  Ce  maigna,  fém.  coUect.,  est  aujourd'hui  hors  d'usage. 
^  Le  t  fiaal  ne  se  prononce  pas. 


11 


158  VARIETES 

Et  dans  un  autre,  de  1723  : 

Meigna  veni  atropa 
A  cella  bella  fêta. 

Dans  ces  deux  derniers  exemples,  maigna  peut  être  un  fém.  coll. 
sing.,  comme  il  peut  être  un  maso,  pliir. 

Puisque  j'en  suis  aux  mea  culpa,  disons  que,  dans  la  seconde  édition 
du  Noël  satirique  (Lyon,  1887),  j'ai  donné  une  explication  inexacte 
de  ce  mot  de  meigna,  considéré  comme  masc.  dans  l'exemple,  en  y 
voyant  le  vieux  picard  mesgnie,  avec  suffixe  at,  qui  est  inutile. 

Mansïonata  donne  directement  le  franco-{)rov.  maigna,  meynu' 
comme  le  prov.  mainada.  Dans  la  forme  maigna,  n  s'est  mouillée  sous 
lïnfluence  de  s  (cf.  champ,  ègnes,  vieux  fi*.  aisnes,  et  inègnie  à  côté 
de  mesgnie.  Romanïa,  XV,  p.  619). 

Meigna  masc.  répond  à  mansionatum .  De  même,  en  prov.,  à 
côté  de  meinada  (mansionata),  on  a  le  limousin  memage,  le  langued. 
mainajo,le  hé&vn.maynadge  (mansionaticum),  enfant.  Mais  la  forme 
individuelle  est  postérieure  à  la  collective.  C'est  celle-ci  qui  s'est  in- 
dividualisée par  un  curieux  procédé  de  dérivation  encore  vivant,  car 
M.  Chabaneau  veut  bien  me  faire  observer  qu'il  a  entendu  plusieurs 
fois  \&  Wiwonam  familha  dans  le  sens  individuel  :  I  an  douaf<  familhas, 
ils  ont  deux  enfants. 

Autre  singularité,  le  prov.  n'a  pas  comme  nous  meina,  garçon; 
mais  il  a  meinado,  petite  fille,  puis  une  foule  de  dérivés:  meinada, 
faire  des  enfants  ;  meiiiadello,  ûWette  ;  7neinadet,  meinadot,  meinassoii, 
petit  garçon  ;  béarn.  meynadin,  poupon.  Il  semblerait  que  la  dériva- 
tion du  sens  s'est  faite  ainsi  :  meinada  coUect.,  famille,  s'est  indivi- 
dualisé en  meinada,  fille  ;  puis  sur  ce  fémin .  se  sont  formés  sur  les 
mots  masc. —  Au  reboiu'S,  le  franco-prov.,  qui  a  mena,  ménô, gavQOw, 
n'a  pas  de  dérivé  pour  fille.  La  dérivation  se  serait  faite  ainsi:  \°  man- 
sionata, 2°  pueri  quibus  constat  mansionata;  3"  pueri;  4°  puer . 

PUITSPELU. 


«   ET   IN    AIUDHA  ER  » 

DANS  LES  SERMENTS  DE  STRASBOURG 


J'ai  proposé  ici  même  {Revue  des  langues  romanes,  3*  série,  XIV, 
309)  une  correction  au  texte  des  Serments  de  Strasbourg,  qui  a  été 
trouvée  simultanément  par  M.  Settegast  et  publiée  par  lui  dans  la 
Zeitschrift  fur    romanische  Philologie   (X,  169).   M.    Stûrzinger   l'a 


VARIETES  159 

l'Oiubattue  une  première  fois  dans  les  Modem  language  Notes  (mai 
1S8G,  colonne  140),  et  il  revient  à  la  char^-e  dans  le  dernier  numéro 
de  la  Romanm  (XV,  633).  Il  maintient  qu'il  faut  continuer  à  lire:  Si 
salvarai  eo  cist  meon  fradre  Karlo  et  in  aiudha  et  in  cadhuna  cosa 
si  cum  om  per  dreit  son  fradra  salvar  d'ift.  La  correction  consiste  à 
lire:  Si  salcaraï  eo  cist  meon  fradre  Karlo  et  in  aiudha  icr  in  ca- 
dhuna cosa  si  cum  om  per  dreit  son  fradra  salvar  dif t.  M.  Stiirzinger 
apporte  deux  arguments  à  rap})ui  de  son  opinion.  Celui  qu'il  consi- 
dère lui-même  comme  le  plus  faible  repose  sur  l'omission  de  et  in 
aiudha  et  in  cadhuna  cosa  dans  la  version  allemande.  Cette  omission 
me  paraît  au  contraire  appuyer  la  correction .  Il  serait  singulier,  en 
eiïet,  que  le  traducteur  allemand  eût  omis  un  «  attribut  adverbial  », 
destiné  à  préciser  l'idée  exprimée  par  le  verbe  salvar  ;  tandis  que, 
dans  mon  hypothèse,  le  second  membre  de  phrase  n'est  que  la  répé- 
tition pure  et  simple,  en  d'autres  termes,  de  l'idée  exprimée  parle  pre- 
mier, et  pouvait  par  conséquent  être  négligé  sans  inconvénient.  L'ar- 
gument principal  de  mon  contradicteur  consiste  à  dire  que,  s'il  y 
avait  deux  propositions  principales  (  saZvaraé  —  et  in  aiudha  er),  il 
y  aurait  deux  verbes  dans  la  proposition  subordonnée,  au  lieu  du 
seul  salvar.  Est-il  admissible  que  les  rédacteurs  delà  formule  de 
serment  aient  eu  un  pareil  souci  de  l'harmonie  parfaite  de  la  phrase, 
harmonie  de  pure  forme  d'ailleurs,  puisque,  malgré  le  dédoublement 
du  verbe,  l'idée  reste  unique?  Ne  trouve-t-on  pas  mille  exemples,  je 
ne  dis  pas  identiques,  mais  analogues,  dans  notre  ancienne  littéra- 
ture? Une  considération  qui  doit  primer  toutes  les  autres,  c'est  que  le 
texte  donné  parle  manuscrit  sonne  absolument  faux  au  point  de  vue 
de  la  langue .  Traduisons  :  «  Je  défendrai  mon  fi'ère  Charles  et  en 
aide  et  en  chaque  chose,  comme  on  doit  défendre  son  frère.  »  Cela  a-t- 
il  jamais  pu  être  du  français,  même  au  IX*  siècle  ?  Comparez  avec 
la  traduction  de  la  même  phrase,  telle  que  nous  proposons  de  la  cor- 
riger:» Je  défendrai  mon  frère  Charles  et  lui  viendrai  en  aide,  comme 
on  doit  défendre  son  frère .  »  Le  choix  entre  les  deux  formules  ne  me 
paraît  pas  douteux . 

L.  Clêdat. 


BIBLIOGRAPHIE 


La  Vie  des  Mots  étudiée  dans  leurs  signiflcations,  par  Arsène  Darmesteter 
(Paris,  Delagrave,  in-18,    I-XIl.  1-212.) 

La  Vie  des  Mots,  ce  litre  à  lui  seul  nous  avertit  du  point  de  vue 
auquel  s'est  placé  M.  Arsène  Darmesteter.  Pour  lui,  les  langues  sont 
des  organismes  véritables,  soumis  à  toutes  les  lois  de  la  physiologie  : 
elles  naissent,  se  développent,  s'assimilent  des  éléments  nouveaux, 
rejettent  les  anciens,  subissent  parfois  des  crises,  des  arrêts  de  dé- 
veloppement, et  sont  destinées  à  se  transformer  incessamment,  sans 
échapper  à  la  loi  commune  de  tous  les  êtres  vivants,  au  dépérisse- 
ment et  à  la  mort.  M.  Darmesteter  est'à la  fois  un  philologue  et  un  phi- 
losophe: il  joint  à  une  connaissance  très-précise  des  faits  l'habitude  des 
analyses  de  la  biologie  moderne.  Il  est  de  l'école  de  l'évolution,  et 
Lamarck,  Darwin,  Geoffroy  St-Hilaire,  Spencer,  Bain,  Haeckel,  sont 
certainement  les  maîtres  dont  il  s'inspire  le  plus  volontiers.  Evolution, 
adaptation  au  milieu,  lutte  pour  la  vie,  sélection,  différenciation,  tous 
ces  termes  lui  sont  familiers  comme  à  un  naturaliste  de  profession,  et 
l'on  n'est  pas  surpris  de  lire  dans  une  de  ses  notes  '  que  cet  agréable 
et  instructif  traité  a  déjà  paru  dans  une  édition  anglaise  à  Londres. 
J'aurais  bien  quelques  réserves  à  faire  au  sujet  de  cette  application 
hardie  à  la  linguistique  de  méthodes  empruntées  à  d'autres  sciences, 
mais  j'ai  hâte  de  rendre  compte  d'abord  d'un  ouvrage  très-intéres- 
sant, plein  d'observations  fines  et  neuves,  et  qui  donne  la  meilleure 
idée  de  ce  que  sera  le  Dictionnaire  général  de  la  langue  française. 
auquel  M.  D.  collabore  depuis  quatorze  ans  avec  M.  Hatzfeld. 

Après  une  introduction  de  nature  plutôt  philosophique,  et  sur  la- 
quelle je  reviendrai  parce  qu'elle  ne  m'a  pas  complètement  convaincu, 
M.  D.  entre  en  matière.  Il  diyise  son  sujet  en  trois  parties  :  1°  com- 
ment naissent  les  mots  ;  2"  comment  les  mots  vivent  entre  eux  ; 
3°  comment  les  mots  meurent. 

La  première  partie  (p.  29-120)  est  la  plus  développée.  Elle  est  pré- 
sentée en  une  forme  rigoureusement  méthodique.  M.  D.,  ne  s'occu- 
pant  que  du  français,  s'abstient  avec  raison  d'insister  sur  les  origines 
latines  de  notre  langue.  C'est  surtout  danéologisme  de  signification. 
c'est-à-dire  de  l'emploi  d'un  mot  dans  une  acception  nouvelle,  qu'il  en- 
tend s'occuper.  Le  fonds  général  des  langues  aryennes  reste  le  même 

*  Préface,  p.  vu. 


BIBLIOGRAPHIE  161 

depuis  des  milliers  d'années  ;  mais  une  force  révolutionnaire  tend  in- 
cessamment à  modifier  la  signification  des  mots.  Comment  de  telles 
modifications  s'accomplissent-elles?  Le  chapitre  II  (conditions  logi- 
ques des  changements  de  sens)  me  paraît  le  plus  intéressant  de  l'ou- 
vrage. La  vie  des  mots  est  la  valeur  constante  que  l'esprit  leur  donne 
régulièrement.  «  Les  mots  naissent,  quand  l'esprit  fait  d'un  nouveau 
mot  l'expression  habituelle  d'une  idée;  les  mots  se  développent  ou 
dépérissent,  quand  l'esprit  attache  régulièrement  à  un  même  mot  un 
groupe  plus  étendu  ou  plus  restreint  d'images  ou  d'idées.  Les  mots 
meurent,  quand  l'esprit  cesse  de  voir  derrière  eux  les  images  ou  les 
idées  dont  ils  étaient  les  signes  habituels,  et,  par  suite,  n'usant  plus 
de  ces  mots,  il  les  oublie.  La  vie  des  mots  vient  donc  de  l'activité  de 
la  pensée.  ...»  La  pauvreté  du  vocabulaire  fait  qu'un  même  mot  finit 
par  avoir  plusieurs  significations  distinctes,  de  telle  sorte  qu'il  n'ap- 
paraît à  notre  esprit,  dans  le  travail  delà  pensée,  qu'avec  le  sens 
requis  par  l'idée  qui  nous  est  présente. 

M.  D.  prend  le  substantif  comme  exemple  des  changements  de 
sens.  Le  nom  donné  à  un  objet  exprime  à  l'origine  une  de  ses  qualités, 
et  cette  qualité  n'a  pas  besoin  d'être  essentielle.  M.  D.  explique  ce 
peu  d'importance  de  la  caractéristique  dans  le  déterminant  par  deux 
raisons:  l'une  est  que  le  mot  n'a  pas  pour  fonction  de  définir  la  chose, 
mais  seulement  d'eu  réveiller  l'image  ;  l'autre  est  que  le  langage  n'a 
pas  besoin  de  tout  dire.  >.<  En  un  mot,  tout  substantif  commence  par 
désigner  l'objet  par  une  de  ses  qualités:  il  est  alors  qualificatif; 
puis  il  éveille  dans  l'esprit  l'image  totale  de  l'objet  :  il  est  alors  sub- 
stantif. L'oubli  de  la  signification  étymologique,  telle  est  donc  la  con- 
dition nécessaire  de  la  foimation  du  substantif.  C'est  aussi  la  condi- 
tion fondamentale  de  toute  transformation  de  sens.  » 

Peut-être  cette  théorie  très- claire,  très-utile,  comporte-t-elle  quel- 
ques restrictions.  Les  exemples  donnés  par  M.  D.  sont  actuellement 
bien  loin  de  leur  sens  étymologique,  mais  il  faut  tenir  compte  du 
temps.  En  second  lieu,  la  plupart  des  mots  français  ont  leur  racine 
dans  d'autres  langues  :  ce  sont  pour  ceux  qui  les  emploient  des 
chiffres  n'ayant  qu'une  valeur  de  convention.  De  ceux  qui  disent  les 
mots  évêque  ou  diacre,  combien  savent  le  sens  des  mots  grecs  cor- 
respondants ?  Mais,  par  exemple,  quand  on  a  commencé  k  dire  porte- 
bonheur,  on  sous-entendait  bracelet;  à  propos  de  remontoir,  on  sous- 
entendait  montre.  Le  mot,  dans  de  tels  cas,  est  longtemps  employé 
comme  substantif  sans  que  l'on  ait  perdu  le  souvenir  de  son  étymo- 
logie.  Entre  l'état  de  qualificatif  et  celui  de  substantif,  il  y  a  une 
période  intermédiaire  où  le  mot  nouveau  continue  à  rappeler  son  ori- 
gine. C'est  d'ailleurs  ce  que  M.  D.  dit  lui-même  un  peu  plus  loin,  à 
propos  de  la  métaphore , 


16Î  BIBLIOGRAPHIE 

L'étude  des  tropes  est  faite  d'après  les  principes  qui  viennent  d'être 
indiqués  :  c'est  dire  qu'elle  est  très-différente  de  ce  que  nous  lisons  dans 
les  traités  de  rhétorique.  M.  D.  rend  justement  hommage  au  livre 
de  Dumarsais,  mais  il  sait  renouveler  un  sujet  qui  paraissait  banal. 
Après  avoir  défini  la  si/necdoqtie,  la  métonymie  et  la  métaphore, 
il  soumet  ces  tropes  à  l'analyse,  afin  de  retrouver  la  marche  que  suit 
la  langue  quand  elle  les  met  en  usage.  Pour  la  synecdoque,  il  considère 
trois  cas  :  le  déterminant  absorbe  le  déterminé  (écriture  anglaise  ou 
bâtarde),  le  déterminé  absorbe  le  déterminant  (un  succès  est  aujour- 
d'hui toujours  favorable),  le  sens  s'étend  [arracher  a  signifié  enlever 
de  ses  racines,  puis  enlever  de  tout  ce  qui  retient) . 

C'est  par  métonymie  que  les  substantifs  participiaux  ou  verbaux 
passent  du  sens  concret  au  sens  abstrait  {allée,  sortie,  —  dépêche, 
avance) . 

La  métaphore  comprend  deux  moments  :  celui  où  elle  est  encore 
sensible,  celui  où  l'on  a  définitivement  oublié  la  première  image.  La 
catachrèse  est  définie  et  expliquée  de  façon  ingénieuse  et  nouvelle. 
]\I.  D.  y  voit  simplement  un  oubli  de  la  signification  première  du 
mot.  «  Qui  songe,  en  prononçant  le  mot  drapeau,  au  sens  primitif  de 
pièce  de  drap  ?  Le  mot,  ici,  est  devenu  adéquat  à  la  chose.  » 
.  A  propos  des  transformations  de  sens  qu'il  appelle  modifications 
complexes,  M.  D.  en  distingue  deux  sortes  :  le  rayonnement  (racine 
d'une  plante,  d'un  mot,  d'un  mal,  d'une  quantité  algébrique), l'en- 
chaînement  (mouchoir  devient  mouchoir  de  cou,  puis  a  besoin  d'un 
complément  pour  recouvrer  son  premier  sens,  mouchoir  de  poche); 
ces  deux  procédés  se  mêlent  et  se  confondent  souvent  (par  exemple 
dans  les  divers  sens  du  mot  timbre) . 

M.  D.  ne  reconnaît  en  réalité  que  deux  figures  de  pensée  :  la  mé- 
tonymie, qui  s'appuie  sur  des  rapports  constants  ;  la  métaphore,  qui 
procède  d'après  les  analogies  que  nous  percevons  entre  les  objets 
dénommés  et  les  autres. 

Le  chapitre  111  (Actions  psychologiques)  a  pour  objet  les  change- 
ments de  sens  dérivant  de  causes  historiques  (par  exemple,  le  latin 
appliqué  à  l'expression  d'idées  chrétiennes  ou  féodales),  ou  de  causes 
psychologiques  plus  intimes  (par  exemple,  sens  ironique  donné  à  cer- 
tains termes  nobles).  A  ce  propos,  M.  D.  pose,  plutôt  qu'il  ne  cher- 
che à  le  résoudre,  ce  qu'il  appelle  le  problème  des  déterminants. 
Pourquoi  nombre  d'instruments  sont-ils  dénommés  d'après  des  mé- 
taphores tirées  du  règne  animal  ?  Pourquoi  telles  séries  de  noms 
propres  sont-elles  affectées  à  désigner  des  animaux,  des  personnes 
ridicules  ou  peu  estimées  (Sansonnet,  Jeannot,  Perronnelle,  etc.)  ? 
M.  D.  n'oublie  pas  l'importance  des  idiotismes  et  des  locutions  pro- 
verbiales. 


BIBLIOGRAPHIE  163 

Dans  le  chapitre  IV  {Conditions  philologiques),  il  est  traité  surtout 
des  néologisnies,  et  il  est  fait  une  distinction  légitime  entre  le  néo- 
logisuie  littéraire,  qui  relève  delà  critique,  et  le  néologisme  populaire, 
dont  la  science  doit  rendre  compte.  M.  D.  me  permettra  de  lui  sou- 
mettre à  ce  sujet  quelques  objections.  Je  reconnais  volontiers  qu'il 
est  bon  de  résister  au  néologisme  ii-réfléchi  ;  mais  il  me  semble  que  de 
ce  côté  le  danger,  en  ce  qui  concerne  notre  langue,  va  toujours  di- 
minuant. L'influence  romantique  d'une  part,  et  l'abus  du  style  acadé- 
mique de  l'autre,  ont  pu  faire  illusion  pour  un  temps  ;  aujourd'hui 
l'on  tend  plutôt  à  revenir  aux  richesses  propres  do  notre  langue,  à  les 
étudier,  à  en  tirer  parti.  Les  travaux  philologiques  dont  le  français  a 
été  l'objet,  la  pratique  universellement  répandue  du  Dictionnaire  de 
Littré,  des  essais  de  vulgarisation  parmi  lesquels  le  livre  de  M.  D. 
prend  dès  à  présent  la  place  la  plus  honorable,  font  beaucoup  pour 
rendre  à  notre  langue  sa- vigueur  native,  qui  avait  été  compromise  par 
un  purisme  malentendu  et  par  une  réaction  mal  informée.  L'influence 
des  changements  inconscients,  de  la  mode,  va  toujours  s'aflFaiblis- 
sant.  Tel  mot  risqué  pour  quelques  semaines,  avec  une  acception 
plaisante,  ne  tarde  pas  à  reprendre  son  sens  propre.  Quant  aux  mots 
techniques,  ils  s'accroîtront  insensiblement  par  la  force  même  des 
choses,  et  l'on  ne  peut  songer  à  chercher  dans  la  langue  de  Philippe- 
Auguste  des  termes  pour  désigner  les  organes  des  mécanismes  que 
l'industrie  aidée  de  la  science  ne  cesse  d'inventer.  La  seule  précau- 
tion à  prendre  est  d'ordre  esthétique:  il  ne  faut  pas  accueillir  aisé- 
ment ces  mots  dans  l'usage  littéraire.  Nos  aïeux  ont  eu  tort  de  faire 
trop  d'emprunts  à  l'astrologie  ;  abstenons-nous  de  demander  nos  mé- 
taphores aux  théories  sur  la  lumière  et  l'électricité,  aux  pratiques 
d'industries  spéciales. 

La  deuxième  partie  {Comment  les  mots  vivent  entre  eux,  p.  123-148) 
forme  trois  chapitres.  —  La  contagion  est  cette  modification  de 
sens  qui  résulte,  ou  bien  de  l'association  habituelle  de  deux  mots  en 
une  locution  {pas  devenu  négatif),  ou  bien  de  l'application  définitive 
par  l'espiit  à  tel  mot  d'une  signification  nouvelle  qu'il  a  prise  dans 
une  locution  courante  (avec  =  malgré).  Il  a  beau  dire  signifie  quoi- 
qu'il dise,  parce  que  l'ensemble  de  la  phrase  implique  une  idée  res- 
trictive sous-entendue.  M.  D.  estime  que  «  c'est  grâce  à  cette  con- 
»  spiration  de  la  phrase  prise  dans  son  ensemble,  qui  dégage  de  la 
'I  disposition  et  de  la  combinaison  des  termes  un  sens  non  exprimé, 
»  c'est  grâce  à  cette  conspiration  que  l'écrivain  peut  agir  sur  les 
»  mots,  en  modifier  le  sens,  et  leur  faire  rendre  tout  un  ensemble 
»  d'effets  nouveaux.  »  Il  cite  plusieurs  passages  de  Victor  Hugo  où 
le  mot  fauve  prend  des  acceptions  très-remarquables,  suivant  la  fa- 
von  dont  il  est  enchâssé  dans  le  tissu  de  la  phrase. 


164  BIBLIOGRAPHIE 

Il  y  a  réaction  d'un  mot  sur  un  autre:  les  Indes  occidentales  im- 
posent aux  Indes  proprement  dites  le  nom  d'Indes  orientales.  Mais 
M .  D.  n'attribue  pas  aux  faits  de  réaction  un  rôle  considérable  dans 
la  vie  du  lanf^age.  D'après  lui,  les  mots  suivent  chacun  leur  destinée, 
parce  que  les  hommes  en  parlant  ne  font  point  d'ètymologie:  l'usage 
détache  graduellement  les  dérivés  de  leurs  primitifs  et  les  en  rend 
indépendantes. 

L'on  aboutit  ainsi  à  la  concurrence  vitale,  expression  à  laquelle 
j'avoue  préférer  l'expression  plus  nette  et  plus  compréhensible  de 
lutte  pour  Vexislence.  Les  exemples  que  donne  M.  D.  portent  sur 
l'histoire  des  mots  estovoir,  convenir,  falloir,  — en,  dedans,  dans, 
—  od,  avec,  —  ouïr,  entendre,  comprendre,  —  nouer,  nager,  navi- 
guer. M.  D.  explique  très-bien  ces  variations,  mais  j'avoue  ne  pas 
y  reconnaître  bien  clairement  les  effets  du  principe  de  la  concurrence 
vitale.  La  théorie  cadre-t-elle  ici  bien  exactement  avec  les  faits? 

La  synonymie  présente  trois  cas  principaux  : 

1°  Un  même  mot,  par  suite  des  hasards  de  sa  formation,  prend  deux 
formes  différentes:  plier,  ployer.  —  frêle,  fragile.  Ces  doublets  en 
général  ne  sont  pas  exactement  synonymes  ; 

2"  Un  même  mot  est  modifié  différemment  par  des  préfixes  ou  des 
suffixes  spéciaux,  ou  par  des  emplois  syntactiques  différents  :  porfer, 
apporter,  —  apercevoir,  s'apercevoir  de. 

3°  Des  mots  d'origine  ou  de  signification  différente  arrivent,  dans 
le  cours  de  la  langue,  à  s'entre-croiser  et,  à  ce  point  de  leur  déve- 
loppement, à  s'appliquer  à  un  même  objet.  Ce  sont  les  synonymes 
proprement  dits,  par  exemple  :  rester,  demeurer,  loger,  —  mener, 
conduire,  guider.  Ils  présentent  l'idée  avec  une  nuance  propre  qui 
vient  de  la  signification  première.  C'est  donc  à  l'étymologie  et  au 
sens  premier  qu'il  faut  avant  tout  demander  la  clef  de  cette  synony- 
mie. 

J'ajouterais  volontiers  que,  s'il  y  a  peu  de  vrais  synonymes,  cela 
tient  à  un  besoin  de  précision  dont  l'on  trouve  à  chaque  instant  la 
marque  dans  notre  langue.  Nous  ne  pouvons  supporter  que  deux  mots 
servent  à  exprimer  une  même  idée,  et  nous  leur  imposons  des  ac- 
ceptions différentes.  Ainsi  hypothèse  et  supposition  ont  au  point  de 
vue  étymologique  une  valeur  égale  ;  l'un  néanmoins  est  dit  de  telle 
méthode  scientifique,  l'autre  appartient  à  la  langue  usuelle.  Discuter 
et  disputer  sont  différenciés,  non  d'après  une  raison  étymologique, 
mais  pour  marquer   deux  façons  d'être  en  désaccord. 

11  y  aurait  aussi  lieu  de  remarquer  que  tels  mots  ayant  d'abord 
une  valeur  égale  ont  fini  par  exprimer  des  degrés  différents.  Des  trois 
mots  :  torture,  tourm.cnt,  gêne,  le  premier  continue  à  exprimer  l'in- 
tensité extrême  de  la  souffrance,  le  second  marque  une  douleur  moin- 


BIBLIOGRAPHIE  165 

drc,  au  point  que  le  dérivé  tourmenter  diffère  peu  dans  l'usage  de 
taquiner  et  de  lasser,  et  le  troisième  n'éveille  plus  que  l'idée  d'une 
simple  incommodité.  La  différenciation  des  synonymes  se  produit  dans 
de  tels  cas  par  l'affaiblissement  divers  du  sens  primitif  et  répond 
à  l'expression  de  nuances. 

Peut-être  ce  chapitre  serait- il  mieux  à  sa  place  dans  la  première 
partie  (Comment  naissent  les  mots). 

La  troisième  partie  (Comment  les  mois  meurent,  p.  149-176)  est  le 
développement  de  deux  principes  :  certains  mots  s'oublient  parce  qu'ils 
désignent  des  choses  qui  disparaissent  ;  certains  mots  font  place  à 
d'autres  pour  exprimer  des  idées  durables. 

Les  mots  historiques  ont  disparu  avec  l'idée  ou  l'objet  qu'ils  dé- 
signent. Les  dictionnaires  spéciaux  les  recueillent. 

Les  termes  f/cnéraiix  disparaissent  quand  on  cesse  de  leur  attri- 
buer telle  signification  et  que  la  perte  du  sens  entraîne  la  perte  du 
mot.  A  ce  point  de  vue,  on  distingue  les  mots  qui  prennent  des  si- 
gnifications nouvelles  sans  perdre  leur  sens  primitif,  par  exemple 
corps,  embrasser,  éclat  ;  —  les  mots  qui  n'ont  plus  que  leur  seconde 
signification,  par  exemple,  accoucher,  charmer,  flatter,  etc.; —  Ips 
mots  qui  ont  disparu  définitivement..  Ces  derniers  forment  la  matière 
du  Dictionnaire  du  français  du  moyen  âge,  que  M.  Godefroy  publie 
actuellement. 

Les  actions  destructives  agissent  de  deux  manières  :  tantôt  le  mot 
n'est  pas  viable  ;  tantôt  il  est  écrasé  par  un  autie  mot  plus  heureux, 
qui  s'empare  de  ses  significations. 

La  première  série  présente  des  mots  trop  courts,  qui  à  l'époque  ro- 
mane ont  disparu.  Ainsi  suem,  avem,  apem,  ont  fait  place  à  des  sy- 
nonymes plus  sonores.  De  deux  homonymes,  le  moins  usité  a  disparu 
devant  le  plus  connu  :  ceru,  verum.  Le  mot  propre  est  souvent  rem- 
placé par  une  métaphore,  par  un  mot  éveillant  une  image.  Caput, 
chef,  a  fini  par  disparaître  devant  testa,  tête.  A  ce  propos,  je  remar- 
querai que  testa  a  signifié  tête  dès  l'époque  latine,  par  suite  de  l'ana- 
logie de  la  boite  crânienne  et  d'une  amphore.  Le  sens  de  fragment 
de  pot  cassé  n'a  pu  être  mentionné  ici  que  par  distraction.  En  latin, 
testa  a  signifié  par  une  analogie  pareille  toute  enveloppe  dure,  d'où 
le  sens  de  têt.  De  même  à  propos  de  gamba,  la  traduction  par  ge- 
nouillère n'éclaire  pas.  Ce  mot  vient  de  /.a/i/Trij,  courbure  en  général, 
puis  jointure  de  la  jambe  chez  les  bêtes  de  somme.  Littré  remarque: 
«  du  latin  gamba,  qui  est  dans  Végèce  avec  le  sens  de  jarret.  » 
L'emploi  de  ces  deux  mots  pour  caput  et  crus  remonte  donc  au  delà 
des  origines  du  français. 

\J euphémisme  a  également  son  rôle.  L'exemple  de  garce,  remplacé 


166  BIBLIOGRAPHIE 

successivement  par  fille,  jeune  fille,  jeune  personne,  est  curieux.  Dans 
le  même  sens,  le  peuple  emploie  volontiers  le  mot  de  demoiselle. 

Tel  mot  disparaît  sans  grande  raison  :  ainsi,  dextre  et  senestre. 
Pour  ceux-ci,  j'imaginerais  volontiers  qu'ils  n'avaient  pu  prendre  une 
forme  assez  franchement  française;  ils  ont  trop  la  dureté  latine 
Quant  à  i^auche  et  droit,  qui  les  ont  remplacés,  pourquoi  M.  D.  blâme- 
t-il  ces  métaphores?  La  main  dont  on  se  sert  le  moins  souvent  est 
d'un  emploi  moins  sûr  et  moins  rapide  que  l'autre.  Il  n'y  a  pas  là  de 
préjugé,  mais  une  observation  aussi  ancienne  que  notre  espèce.  L'on 
na.it  droitier,  quelques-uns  naissent  gauchers  ;  V ambidextre  est  une 
exception  très-rare.  Ceci  est,  si  je  ne  me  trompe,  une  question  d'em- 
bryologie plutôt  que  de  linguistique. 

Les  archaïsmes  sont  les  mots  tombés  en  désuétude,  parce  qu'à  un 
moment  donné  les  idées  qu'ils  exprimaient  ont  été  représentées  par 
d'autres  mots.  Ils  ne  revivent  que  par  exception,  le  plus  souvent  grâce 
aux  lettrés,  car  «  le  langage,  pas  plus  que  les  générations  qui  en 
continuent  la  tradition,  ne  remonte  le  passé,  pour  ressaisir  ce  qu'il 
a  laissé  derrière  lui,  dans  l'écoulement  sans  fin  qui  fait  sa  vie.  « 

Mais  il  est  des  termes  archaïques  que  l'usage  maintient  dans  cer- 
taines locutions  :  ainsi  un  portrait  en  pied,  en  dé'pit  de,  règne  ani- 
mal, etc .... 

M.  D.  compare  ces  acceptions  anciennes  conservées  çà  et  là  à  ces 
fossiles  que  rencontre  le  naturaliste,  et  qui  sont  les  débris  d'orga- 
nismes antérieurs.  11  serait  peut-être  plus  conforme  à  la  théorie  évo- 
lutionniste  d'y  voir  quelque  chose  d'analogue  à  ces  rudiments  d'or- 
ganes qui  rappellent,  dans  telle  espèce  contemporaine,  une  période 
antérieure  de  son  existence. 

L'auteur  termine  en  assimilant  les  lois  de  l'histoire  des  langues  à 

celles  de  la  biologie  :  « on  peut  affirmer  que  la  linguistique 

»  n'est  que  l'histoire  des  évolutions,  diverses  suivant  les  races  et  les 
>)  lieux  par  lesquels  a  passé  le  type  primitif.  Cette  coïncidence  est 
»  fréquente  entre  les  lois  de  la  matière  organisée  et  les  lois  incon- 
»  scientes  qui  suit  l'esprit  dans  le  développement  naturel  qu'il  donne 
»  au  langage.  Ne  semble-t-elle  pas  nous  dire  que  la  vie,  sous  quelque 
»  forme  qu'elle  se  présente,  est  soumise  aux  mêmes  lois,  et,  si  ce  n'est 
»  dépasser  les  justes  limites  de  l'induction,  que  l'esprit  et  la  matière 
»  ne  sont  que  les  deux  faces  d'une  même  force  à  jamais  insaisissable, 
»  l'Etre?  » 

M.  D.  a  eu  l'heureuse  idée  de  compléter  son  livre  par  un  Appen- 
dice formé  d'une  liste  de  mots  latins  qui,  dans  leur  passage  au  franr 
çais,  n'ont  pas  changé  de  signification,  et  de  la  reproduction  des  pages 
si  intéressantes  de  La  Hniv«*re  sur  les  variations  de  notre  langue.  Le 


BIBLIOGRAPHIE  lfi7 

commentaire  qui  accompagne  les  remarques  de  La  Bruyère  les  ra- 
jeunit et  les  complète. 

J'ai  dit  en  commençant  que  je  n'étais  pas  sans  éprouver  quelques 
doutes  sur  la  nécessité  do  l'application  rig-oureuse  à  la  science  des 
langues,  des  principes  et  de  la  technologie  de  l'école  évolutionniste. 
Le  livre  de  M.  Darmesteter  a-t-il  gagné  autant  qu'il  paraît  le  croire 
à  ce  que  l'exposé,  excellent  comme  doctrine  et  comme  choix  d'exem- 
ples que  nous  y  trouvons,  soit  mêlé  de  propositions  et  d'arguments 
empruntés  à  une  théorie  qui  fait  de  l'évolution  inconsciente  l'explica- 
tion universelle  ?  C'est  par  une  analyse  fine  et  précise,  par  l'étude  des 
faits,  qu'il  est  arrivé  à  les  classer  d'une  façon  ingénieuse  et  instruc- 
tive. Quoi  qu'il  en  dise,  on  le  lit  sans  songer  du  tout  à  Darwin  et  à 
Spencer,  si  ce  n'est  aux  endroits  où  il  emploie  leur  technologie  ;  on 
lui  est  très-reconnaissant  de  ce  que  l'on  apprend  chez  lui,  et,  s'il  ne 
se  réclamait  de  la  biologie  moderne,  on  ne  supposerait  pas  qu'il  lui 
soit  tellement  redevable.  La  Vie  des  Mots  est  très-bien  dit,  mais  il 
n'en  résulte  pas  que  du  coup  l'on  se  trouve  dans  le  domaine  de 
y  inconscient.  Il  en  est  du  langage  comme  de  l'art  et  de  la  science: 
ce  sont  des  œuvres  de  la  pensée  humaine.  11  faut  y  distinguer  la 
part  de  la  nécessité  et  celle  de  la  libre  réflexion.  La  théorie  de  l'évo- 
lution permet-elle,  à  elle  seule,  de  résoudre  ce  problème?  Je  n'en  suis 
pas  encore  convaincu*. 

Ces  réserves  faites,  et  elles  ne  portent  guère  que  sur  une  question 
de  forme,  il  faut  reconnaître  que  le  livre  de  M.  D.  est  un  de  ceux  qui 
contribuent  le  plus  à  répandre  le  goût  de  l'étude  historique  de  notre 
langue.  Il  est  bon  que  ceux  qui  savent  fassent  ainsi  œuyre  de  vulga- 
risation. Beaucoup  des  lecteurs  de   M.  D.  seraient  fort  en  peine  de 


'  Le  livre  de  M.  Darmesteter  a  donné  roccasion  à  M.  Gaston  Paris 
d'écrire  sur  le  sujet  traité  dans  la  Vie  des  Mots  des  pages  que  je  regrette 
de  n'avoir  pu  lire  avant  que  le  rompte  rendu  ci-dessus  eût  été  composé. 
M.  G.  P.,  tout  en  rendant  pleine  justice  aux  mérites  de  l'agréable  el  instruc- 
tif traité  que  j'ai  analysé,  fait,  lui  aussi,  ses  réserves  sur  l'application  de  la 
doctrine  du  transformisme  à  l'histoire  des  langues  (V.  Journal  des  Savants, 
cahiers  de  février  et  de  mars  1887:  un  troisième  article  est  annoncé).  —  Pour 
donner  à  ma  pensée,  sur  cette  question  difficile,  une  précision  plus  grande 
que  je  ne  l'ai  fait  plus  haut,  je  dirai  que,  dès  qu'il  s'agit  d'êtres  conscients, 
l'évolution  doit  compter  avec  la  notion  delà  fin.  Il  en  résulte  des  consé- 
quences que  le  transformisme  ne  peut  négliger  sans  être  contredit  à  chaque  in- 
stant par  la  réalité.  M.  G.  P.  examine,  chemin  faisant,  diverses  questions  de 
linguistique  générale,  rectifie  ou  complète  certaines  parties  de  la  théorie  de 
M.  D.;  de  telle  sorte  que  nous  saurons  doublement  gréa  l'auteur  de  la  Vie 
des  Mots  pour  ce  qu'il  nous  a  donné  et  ce  qu'il  nous  a  valu. 


le*?  PERIODIQUES 

vérifier  l'exactitude  de  sa  doctrine  el  le  croiront  sur  parole.  On  ne 
pouvait  leur  souhaiter  un  meilleur  guide. 

Ferdinand  Castets. 


PÉRIODIQUES 


Romania,  octobre  1886.  — Les  remarques  que  fait  M.  P.  Meyer 
(p.  625-626)  au  sujet  du  second  et  du  troisième  des  articles  que  j'ai 
publiés  dans  la  Revue  des  langues  romanes  sur  les  rapports  des  chan- 
sons de  geste  et  de  l'épopée  italienne  (  janvier  et  mars  1885)  ne  me 
sont  connues  qu'en  mai  1887,  et,  en  ce  qui  concerne  \e  Renaud  de  Mon- 
tauhan,  je  crois  qu'il  me  suffira  de  renvoyer  aux  articles  suivants  de 
mes  Recherches .  J'ai  essayé  d'ajouter  aux  connaissances  que  l'on  pos- 
sédait sur  les  textes  du  Renaud  de  Montauhan,  et  il  a  été  parlé  déjà 
dans  cette  Revue  du  ms.  766  de  Paris,  du  ms.  de  Venise  d'après  les 
notes  que  iM.  Kajna  a  bien  a^ouIu  me  communiquer,  et  du  ms.  de  Cam- 
bridge (Peterhouse)  d'après  uu  des  fac-similé  publiés  pour  l'usage  de 
l'Ecole  des  Chartes  et  les  indications  qui  m'ont  été  fournies  par 
M.  Barnes,  bibliothécaire  du  collège  de  Peterhouse. 

Pour  le  Maugis  d'Aigremont,  M.  P.  M.  suppose  que  j'ignore  dans 
quelles  conditions  nous  est  parvenu  le  texte  de  INIontpellier,  et  il  m'ap- 
prend l'existence  à  Cambridge  d'un  fort  bonms.  de  ce  poëme,  décou- 
vert et  signalé,  il  y  a  douze  ou  treize  ans,  dans  la  Romania  (III,  507). 
Puis  il  donne  quelques  renseignements  sur  les  mss.  de  Paris  et  de 
Cambridge;  et,  «  pour  que  le  lecteur,  et  aussi  M.  Castets,  puissent  se 
tt  faire  une  idée  de  la  question  »,  il  transcrit  une  courte  laisse  de  Mont- 
pellier qu'il  fait  suivre  de  la  leçon  correspondante  de  Cambridge .  Les 
lecteurs  de  la  Revue  savent  que,  sans  attendre  le  compte  rendu  de  la 
Romania  et  le  conseil  de  M.  Meyer,  j'ai  commencé  à  utiliser  les  textes 
de  Paris  et  de  Peterhouse.  C'est  sans  doute  à  ce  dernier  ms.  que  M.  P. 
M.  fait  allusion  quand  il  parle  d'un  ras.  de  Cambridge,  et  c'est  pré- 
cisément l'insuffisance  de  cette  désignation  qui  m'a  empêché  de  pro- 
titer  de  l'indication  donnée  en  1874  par  Va.  Romania .  J'en  reproduis 
textuellement  les  termes:  «  P.  Meyer  a  continué  en  août  et  septembre 
»  dernier  l'exploration  des  bibliothèques  de  Cambridge,  qu'il  avait 
»  commencée  en  1871 .  Ses  recherches  ont  été,  cette  fois,  particulière- 
»  ment  fructueuses.  Il  a  trouvé  de  nouveaux  manuscrits  de  Maudis 
»  d'Aigremont,  de  Renaut  de  Montauhan,  de  Guillaume  d' Angleterre, 


PERIODIQUES  169 

■  '^tc.  {Romanïa,  III,  507j.  »  Comment  cela  aurait-il  pu  me  mettre 
sur  la  piste  d'un  ms.  que  possède  la  bibliothèque  de  Peterhouse  à 
Cambridge,  et  qui  contient  le  texte  complet  de  Maugis  et  des  Fils 
Aymoii?  C'est  grâce  au  fac-similé  et  en  le  comparant  au  passage 
correspondant  du  Renaud  de  Montpellier,  que  j'ai  découvert  (à  nou- 
veau, je  l'avoue)  ce  manuscrit  et  que  j'ai  pu  en  obtenir  la  communi- 
cation. Nul  plus  (jue  rnoi  n'apprécie  l'utilité  des  recherches  que 
M.  Mej'er  a  faites  dans  de  nombreuses  collections  de  manuscrits  ;  mais, 
dans  le  cas  particulier,  je  ne  vois  pas  trop  comment  j'en  aurais  pu 
profiter.  D'ailleurs,  on  a  vu  comment  je  procède.  Xe  me  reconnaissant 
que  peu  d'autorité  en  la  matière,  comme  sur  trop  d'autres  points,  je 
ne  vise  iju'à  communiquer  aussi  complètement  que  possible  les  ren- 
seignements que  je  possède  ;  je  vais  continuer  à  le  faire,  non  pour  re- 
prendre ici  in  extenso  une  discussion  sur  le  j\[augis,  mais  pour  que  les 
lecteurs  communs  de  la  Romania  et  de  la  Revue  soient  tenus  au  cou- 
rant. 

Dans  les  Additions  âmes  Recherches  (Revue  des  l.  rom.  d'août-no- 
vembre 1886,  p .  234),  j'ai  dit  que  le  texte  du  Maugis  de  Montpellier, 
comparé  à  celui  de  Paris,  est  écourté  en  nombre  d'endroits,  mais  me 
paraît  en  général  donner  une  leçon  plus  ancienne,  et  j'ai  cité  quelques 
passages  qui  prouvent  qu'il  est  réellement  écourté.  En  revanche,  il 
donne  seul  (avec  le  Gaufrey)  cette  longue  généalogie  qui  rattache  la 
geste  des  fils  Aymon  à  la  geste  de  Doon.  Le  Maugis,  le  Vivien  et  le 
Renaud  de  Montauban  de  Montpellier,  sont  des  compositions  cycli- 
ques. Le  ms-  de  Cambridge  est  d'accord,  pour  l'ensemble,  avec  celui 
de  Montpellier  et  contient  environ  3,000  vers  de  plus.  Il  est  fâcheux 
([ue  le  recto  du  premier  feuillet  ait  beaucoup  souffert  et  soit  d'une 
lecture  très-difficile.  Le  ms.  70G  de  Paris  semble  au  premier  abord 
la  reproduction  du  texte  du  Cambridge,  faite  à  une  date  plus  récente. 
Il  présente  une  lacune  considérable  (du  v.  278  au  v.  444  du  texte  de 
Montpellier)  :  des  parties  de  feuillets  ont  été  déchirées  ;  mais,  par  con- 
tre, du  fol.  10  verso  a  au  fol.  14  recto  a,  il  contient  un  épisode  que 
ne  donnent  pas  les  deux  autres  manuscrits.  En  quittant  Oriande. 
Maugis,  Baudri  et  Espiet,  passent  par  Palerme,  où  Maugis  est  fait  pri- 
sonnier. Pendant  qu'il  gît  dans  une  chartre  obscure,  Espiet  amuse 
l'amiral  de  Palerme  par  ses  enchantements.  Enfin  Maugis  brise  ses 
fers,  sort  de  prison,  remonte  sur  Bayard,  et,  après  bien  des  combats, 
les  trois  amis  peuvent  continuer  leur  voyage.  Cette  aventure  est  dé- 
veloppée en  586  vers.  Elle  ressemble  fort  à  une  interpolation. 

En  somme,  le  texte  de  Maugis  peut  être  établi  à  l'aide  de  ces  trois 
manuscrits,  qui  se  complètent  l'un  par  l'autre.  Je  les  ai  entre  les  mains 
tous  trois,  mais  je  suis  fort  empêché  pour  en  tirer  parti.  M.  P.  M. 
rappelle  qu'autrefois  il  devait  publier  ce  poëme  pour  la  Collection  des 


m  CHRONIQUE 

auciens  poëtos  de  la  î'iance  ;  il  nous  apprend  que  M.  Gilliéron  a  pré- 
paré, il  y  a  plusieurs  années,  pour  la  Société  des  anciens  textes  fran- 
çais, une  édition  de  Maugis.  Il  y  a  quelques  années  aussi,  je  reçus  la 
visite  d'un  jeune  philologue  allemand  qui,  ayant  commencé  la  prépa- 
ration d'une  édition  de  Maugis,  me  pria  de  lui  laisser  la  priorité.  Je 
me  bornai  donc  à  faire,  au  sujet  de  cette  chanson  de  geste,  une  com- 
munication à  la  réunion  des  Sociétés  savantes  de  mars  1883,  et  je 
me  contentai  de  me  réserver  le  droit  de  donner  des  extraits  de 
Maugis  et  le  Vivien  de  Monhrant  en  entier.  Dans  mes  Recherches, 
j'ai  évité  le  plus  possible  de  recourir  à  d'autres  textes  que  celui  de 
Montpellier,  pour  ne  point  chasser  sur  le  terrain  d'autrui.  Voilà  donc 
deux  éditions  de  Maugis  en  préparation.  Ne  serait-il  pas  juste  qu'en 
ces  matières  il  y  eût  aussi  une  sorte  de  prescription,  et  que,  sans  s'in- 
quiéter de  priorité  et  de  droit  d'invention,  on  encourageât  ceux  qui 
sont  réellement  en  mesure  de  publier? 

Ferdinand  Castets. 


CHRONIQUE 


M.  Léon  Clédat  vient  de  fonder  à  Lyon  une  Revue  des  patoiji,  à 
laquelle  nous  souhaitons  cordialement  la  bienvenue.  Dès  le  mois  de 
novembre  dernier,  M.  Clédat  nous  avait  averti  de  cette  fondation  : 
mais  nous  attendions,  pour  en  aviser  nos  lecteurs,  d'avoir  reçu  le 
prospectus,  que  nous  nous  faisons  un  plaisir  de  reproduire.  On  trou- 
vera à  la  suite  un  extrait  de  la  chronique  du  premier  numéro, actuel- 
lement sous  presse,  que  M.  Clédat  nous  a  pareillement  communiqué, 
et  qui  concerne  la  Revue  des  patois  gallo-romans  de  MM.  Gilliéron 
et  Rousselot,  annoncée  dans  notre  dernier  numéro. 

<(  Revue  des  patois ,  recueil  trimestriel,  consacré  à  l'étude  des  patois 
et  anciens  dialectes  romans  de  la  France  et  des  régions  limitrophes, 
publié  par  L.  Clédat,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon. 

»  Principaux  collaborateurs  : 

»  MM.  Brunot,  maître    de  conférences  à    la  Faculté  des  lettres  de 

Lyon . 
Chabaneau,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Montpellier, 

correspondant  de  Tlnstitut. 
M.-C.  Guigne,  archiviste  du  département  du  Rhône. 
G.  Guigue,  archiviste  de  la  ville  de  L^'on. 
Joret,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  d'Aix. 
Monaci,  professeur  à  l'Université  de  Rome. 
Phihpon,  arcliiviste-paléographe,  député  de  l'Ain. 
Puitspelu  (Nizier  du),  auteur   du  Dictionnaire  étymologique   du 

patois  lyonnais,  etc. 


CHRONIQUR  l7l 

(i.  Raj-naïul,  arcliiviste-paléographe. 

Ritter,  doyen  de  la  Faculté  des  lettres  de  Genève. 

Thomas,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Toulouse. 

»  Il  existe  déjà  en  France  deux  recueils  périodifjues  consacrés  aux 
études  romanes,  la  Revue  des  langues  romanes  et  la  lîoinania;  mais 
ces  recueils  s'étendent  à  toutes  les  langues  néo-latines. 

))  La  Revue  que  nous  fondons  aura  un  domaine  plus  restreint,  puis- 
qu'elle ne  s'applique  qu'aux  patois  et  anciens  dialectes  romans  de  la 
France  et  des  régions  limitrophes.  Par  <■  régions  limitrophes  »,  nous 
entendons  la  Suisse  occidentale,  les  pays  wallons  et  les  régions  de 
l'Italie  et  de  l'Espagne  dont  les  idiomes  peuvent  être  rangés  dans  la 
même  famille  que  les  patois  voisins  parlés  en  France.  Il  va  sans  dire 
que  nous  comptons  étudier  ces  divers  idiomes  au  point  de  vue  litté- 
raire aussi  bien  qu'au  point  de  vue  philologique. 

»  Il  est  inutile  d'insister  sur  l'intérêt  qu'oiïrent  les  patois  et  dia- 
lectes, et  en  eux-mêmes,  et  par  les  éclaircissements  qu'on  en  peut 
tirer  pour  l'étude  scientifique  des  langues  officielles.  Nous  ajouterons 
qu'il  est  d'urgent  d'entreprendre  une  enquête  sur  les  patois  ;  car  le 
développement  si  heureux  de  l'instruction  primaire  tend  à  leur  en- 
lever une  grande  partie  de  leur  originalité,  en  y  introduisant  chaque 
jour  un  plus  grand  nombre  de  formes  et  de  tournures  françaises. 

»  Notre  désir  est  donc  de  centraliser,  dans  cette  Revue,  les  travaux 
sur  les  patois  de  France  qui  sont  en  cours  d'exécution,  et  d'en  pro- 
voquer de  nouveaux.  Nous  accueillerons  avec  reconnaissance  les  étu- 
des qui  pourront  nous  être  envoyées  sur  tel  ou  tel  patois  déterminé, 
les  proverbes  et  dictons  patois,  les  contes  et  chansons  populaires,  les 
recueils  de  locutions,  les  notices  biographiques  sur  les  publications 
locales,  enfin  les  textes  anciens  en  langue  A'ulgaire  que  MM.  les  Ar- 
chivistes A'oudront  bien  extraire  de  leurs  archives. 

»  Il  sera  rendu  compte  de  tous  les  ouvrages  sur  les  patois  ou  anciens 
dialectes  de  la  France  qui  seront  envoyés  en  double  exemplaire  à  la 
rédaction  de  la  Revue. 

»  La  Revue  des  patois  paraîtra  tous  les  trois  mois,  et  formera  tous  les 
ans  un  beau  volume  de  même  format  et  impression  que  le  présent 
prospectus. 

»  Les  personnes  désirant  souscrire  sont  priées  d'adresser  leur  de- 
mande à  M.  F.  Vieweg,  éditeur  de  la  Revue  des  patois,  rue  de  Riche- 
lieu, n°  67,  à  Paris. 

))  Tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  doit  être  adressé  à  M.  Clédat, 
professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon.  ■>•> 

Revue  des  patois  dirigée  par  M.  Clédat.  —  Extrait  de  la  Chronique 
du  premier  numéro  actuellement  sous  presse. 

«  Au  moment  où  nous  mettons  sous  presse,  nous  recevons  indirecte- 
ment le  prospectus  d'une  Revue  des  patois  gallo-romans,  dirigée  par 
M.  Gilliéron.  On  pensera  sans  doute  qu'il  n'était  pas  très-utile  de 
fonder  en  même  temps  deux  revues  de  patois  en  France.  C'est  aussi 
notre  avis.  Mais  M.  Gilliéron  était  averti  de  notre  projet  dès  le  mois 
de  novembre  dernier,  par  une  demande  de  collaboration  qui  est  res- 
tée sans  réponse.  Nous  déclinons  donc  toute  responsabilité  dans  la 
concurrence,  évidemment  regrettable,  qui  se  produit.  » 


175  CHRONIQUE 


M.  Clédat nous  prie  dinsérer  la  note  suivante: 

«  La  première  des  ballades  du  XV"  siècle  que  j'ai  publiées  dans 
Lyon-Revue  (novembre-décembre  1886)  se  trouve,  avec  un  acrosti- 
che de  Villon,  dans  un  manuscrit  de  Stockholm.  La  ballade  <(  Dit-il 
voir  ?  Par  ma  foi  il  ment  »  se  trouve  dans  le  manuscrit  de  Paris 
contenant  les  œuvres  d'Eustache  Deschamps,  et  à  la  fin  d'un  manu- 
scrit àviRoman  desDeduiz  de  Gace  de  la  Buigne  (Bibliothèque  nation. 
de  Paris,  ms.  fr.  n"  1619,  fol.  99).  Voy.  sur  ce  point  un  article  de 
la  Romania.^IY ,  284.  M  Emile  Picot  me  signale,  en  outre,  la  der- 
nière des  pièces  du  manuscrit  de  Lyon  comme  faisant  partie  des  œu- 
vres de  Jehan  Régnier,  p.  144  delà  réimpression.  Cf.  Gasté,  Chan- 
sons normandes,  p.  108,  n°  72.  Je  profite  de  l'occasion  pour  relever 
deux  fautes  d'impression.  Dans  la  chansonnette  II,  à  l'avaut-dernier 
vers,  il  faut  lire  encor  au.  lieu  de  «  encore.  »  Dans  le  dernier  rondeau, 
il  faut  supprimer  la  ligne  de  blanc  qui  sépare  le  deuxième  vers  du 
troisième.  » 


M.  Paul  Sebillot  a  publié  récemment  (G.  Charpentier  et  C'",  édi- 
teurs) la  2®  série  des  Légendes,  Croyances  et  Superstitions  de  la  mer. 
dont  nous  annoncions  dernièrement  le  premier  volume  (Voy.  Revue. 
XXVIII,  156).  Cette  seconde  série  n'est  pas  moins  intéressante  que 
la  première.  Elle  est  spécialement  consacrée  aux  météores  et  aux  tem- 
pêtes. Le  savant  auteur  y  a  réuni  toutes  les  légendes  qu'il  a  pu  re- 
cueillir au  sujet  de  ces  phénomènes  qui  jouent  un  rôle  si  important 
dans  la  vie  des  peuples  maritimes.  On  y  trouvera  un  grand  nombre 
de  croyances  et  de  superstitions  singulières,  dont  quelques-unes  sont 
communes  aux  non  civilisés  et  aux  populations  de  nos  côtes. 


Le  Gérant  responsable  :  Ernest  Hamelin. 


Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi  (Hamelin  Parères). 


POESIES    RELIGIEUSES 

DU    MANUSCRIT    DE    WOLFENBUETTEL 


Les  poésies  religieuses  qui  forment  le  contenu  de  cette  publication 
sont  loin  d'être  tout  à  fait  inédites.  11  y  a  déjà  plus  de  quarante  ans 
iiu'laimanuel  Belîker  on  a  publié  la  plus  grande  partie  dans  les 
«  Abhandlungen  der  kijniglichen  Akademie  der  \¥issenschaften  zu 
Berlin  »,  1842,  p.  387»  sous  le  titre  de  «  Provenzalische  geistliche 
Lieder  des  dreizehnten  Jahrhunderts.  »  Il  a  été  fait  de  cette  publi- 
cation un  tirage  à  jiart  qui  a  pour  titre  «  Geistliche  Lieder  des  drei- 
zehnten Jahrhunderts,  Provenzalisch  »  ;  Berlin,  1844.  Les  parties 
publiées  par  Bekkersont  les  suivantes  :  A,  v.  1-26,  97-130. — B,  v.  1- 
240,  365-400,  473-626,  605-734,  1075-1200,  1215-1246,  1491-1940, 
1966-2055,  21 10-2159, 2166-2403, 2460-2495,  2765-2828,2869-2930.— 
C,  en  entier. — Depuis,  M.  Bartsch  a  publié  les  vers  1551-1678  de  B  dans 
sa  «  Chrestomathie  provençale  n,  4c  édition,  p.  277  ss.  J'aurais  donc  pu 
peut-être  me  borner  à  publier  les  vers  qui  manquent  dansTédition  de 
Bekker,  d'autant  plus  que  cette  édition  est  très-bonne  et  mérite  tout 
éloge  ;  car  Bekker  a  non-seulement  très-bien  lu  le  manuscrit,  mais  en- 
core introduit  dans  le  texte  un  assez  grand  nombre  de  bonnes  cor- 
rections, comme  ou  le  verra  facilement  en  parcourant  les  variantes 
mises  au  bas  du  texte  qui  suit,  et  dans  lesquelles  j'ai  soigneusement 
relevé  toutes  les  corrections  de  Bekker,  que  j'ai  dû  accepter.  Toute- 
fois, comme  l'édition  de  Bekker  offie  seulement  le  texte  et  ne  dit  rien 
ni  sur  l'auteur,  ni  sur  la  langue;  comme  elle  est  dépourvue  de  toute 
note  et  qu'elle  laisse  sans  explication  bon  nombre  de  passages  ob- 
scurs (ce  qu'on  pourra  malheureusement  dire  aussi  de  la  présente 
édition);  comme,  enfin,  les  Abhandlunr/en  ne  sont  pas  à  la  portée  de 
tous  ceux  qui  s'intéressent  à  la  poésie  provençale  et  que  le  tirage  à 
part  est  devenu  très-rare,  j'ai  cru  ne  pas  faire  une  œuvre  complète- 
ment inutile  en  publiant  le  texte  dans  son  entier,  et  en.  y  ajoutant  une 
introduction  et  des  notes. 

J'ai  copié  le  texte  moi-même,  [)endant  un  séjour  à  Wolfenbûttel. 

AL  Bartsch  parle  de  ces  poésies  dans  sou  Gntndriss  zur  Ge- 
schichte  der  provenzalischen  LittercUur,  §27;  M.  Paul  Meyer,  dans 
la  Romania,\lU,  161;  M.  Chabaneau,  dans  ses  Biographies  des 
Troubadours,  Appendice,  p.  184,  s'en  sont  pareillement  occupés. 

TOME  I  DE  LA   QUATRIEME  SÉRIE.    —    A  VRII.-.Mai-Jui.V  1887.  12 


1:4  POÉSIES  RELIGIEUSES 

INTRODUCTION 


Le  ms.  Extravag.  268  de  la  bibliothèque  de  Wolfenbûttel  a  été 
l'objet  d'une  notice  dans  le  «  Catalogi  codicum  manusciiptorum  Bi- 
bliothecae  Augustae  sub  titulo  Extravagantium  Sepositorum  Yolumeu 
I1I«™.  )',  Guelpherbj-ti,  4",  Sept.  1786,  écrit  par  Lange,  dans  Ebeit, 
»  Ueberlieferungen  zur  Geschichte,  Litteratur  und  Kunst  derVor-und 
Mitwelt  »,  1,  183,  Dresde,  182G,  et  dans  Schônemann,  «  Merkwiir- 
digkeiten  der  Herzoglichen  Bibliothek  zu  Wolfenbûttel  »,  p.  43,  n''50, 
Hannovre,  1849. 

C'est  un  manuscrit  sur  parchemin,  de  17  centimètres  de  hauteur 
sur  12  centimètres  de  largeur.  Il  est  divisé  en  deux  parties,  fol.  I- 
70  et  71-100. 

Avant  le  fol.  1,  il  y  a  un  feuilIet-de  papier,  et  un  autre  avant  le 
feuillet  71  ;  sur  le  premier  se  lit  de  la  main  d'Ebert:  «  I.  Livre  de 
Dévotion  écrit  en  1254,  f.  1-70. —  II.  Aemilii  Macri  Carnien  de  Vir- 
tutibus  herbarum  f.  1-30  (70-100)  »  (les  derniers  chiffres  sont  de  la 
main  de  M.  von  Heinemann,  directeur  actuel  de  la  bibliothèque  do 
Wolfenbiittel);  sur  le  second  feuillet  de  papier  se  lit,  de  la  main  d'E- 
bert:  «  Aemylii  Macri  carmcn  devirtutibus  herbarum  seu  potius  In- 
certi  cujusdam  poetae  (Defect.).  » 

Fol.  1  r"  —  3  v".  ^  Poésies  françaises  publiées  ci-aprèa  sous  A. 

Fol.  4  en  blanc. 

Fol.  5  v°  — 68  V". — Poésies  provençales  publiées  ci-après  sous  B. 

Fol .  68  v°  —  70  r°.  —  Poésie  française  publiée  ci-après  sous  C. 

B  et  C  sont  écrits  de  la  même  main  et  sans  interruption  ;  A  est  écrit 
d'une  autre  main.  Mes  connaissances  paléographiques  ne  me  per- 
mettent pas  de  me  prononcer  avec  certitude  ;  mais  je  crois  l'écriture 
de  A  et  celle  de  BC  du  XIV*  siècle. 

Au  fol.  I  r",  en  haut  du  côté  droit,  se  trouvent  les  mots  ta  Livre  de 
dévotion  écrit  en  1254.  »  Ce  qui  est  inexact:  1254  est  la  date  de  la 
composition  de  l'original  et  non  du  manuscrit.  Celui-ci  est  une  copie 
postérieure,  comme  le  prouve,  entre  autres  indices,  la  répétition  erro- 
née des  vers  1999-2005  au  fol.  51  i"  (cf.  la  note  sur  le  vers  1999). 

Au  fol.  I  r",  au  bas,  on  lit  :  «  J.-B.  Hautin.  »  sur  une  rature.  Il 
y  avait  là  probablement  auparavant  un  autre  nom,  celui  du  possesseur 
antérieur. 

Au  fol.  70  v",  on  remarque  les  mots  suivants  écrits  en  travers, 
d'une  écriture  du  XV«  siècle  (selon  l'obligeante  indication  de  M.  von 


DU   MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  175 

Heiaemann),  et  par  places  effacés  et  illi'sibles  :  «  Magnn  milii  munus 
ab  Immortali  deo  beatissime  pater  oblatum  esse  video  et  hac  potissi- 
mum  tempestate  una  cfi  clarissirais  coUegis  meis  hâc  augustam  ur- 
bem  hoc  sacrum  concilium  legatus  avû(?)  cam(?)  sanctitatem  tuû  at- 

que  hos  venerandissimos  et  sapientissimos  fres  tuos  cum idendi 

sumnio  desiderio coram.  » 

Au-dessus,  à  droite,  on  lit  :  «  Beatissime  pr   »  En  haut  de  la 

page  est  écrit,  non  on  travers,  d'une  main  postérieure:  «  Valentissi- 
mus  »,  et  au-dessous  »  Arist.  » 

Fol.  71  r",  100  v".  —  Macer  de  viribiis  herbarum,  défectueux  à 
la  fin,  écrit,  selon  Ebert,  au  XIII^  siècle. 

Ce  n'est  que  de  la  première  partie,  celle  qui  contient  les  poésies 
françaises  et  provençales,  (pie  nous  avons  à  nous  occuper  ici.  Le  ms. 
a  été  écrit  en  Italie,  comme  M.  Paul  Meyer  en  a  déjà  fait  la  remar- 
que   Voy.  Romania,  VIII,  161. 

L'antiquaire  .1  .-B.  Hautin,  mort  en  1640  (cf.  7?oi»rt;2m,  XV,  239), 
en  a  été  le  possesseur.  Commentée  ms.  est  venu  d'Italie  en  Franco 
et  de  là  à  Wolfenbûttel,  je  ne  saurais  le  dire. 

A.  —  Les  poésies  françaises,  qui  occupent  les  premières  feuilles, 
sont  indépendantes  du  reste.  M.  Paul  Meyer  a  eu  l'obligeance  de 
m'apprendre  que  ces  poésies  se  rencontrent  assez  fréquemment  dans 
d'autres  mss.;  qu'elles  se  trouvent,  par  exemple,  à. la  Bibl.  nat.  dans 
lems.  fr.  12786,  fol.  87-88.  Etant,  pour  le  moment,  hors  d'état  de 
faire  les  recherches  nécessaires  et  de  me  procurer  tout  le  matériel 
nécessaire  pour  une  édition  critique,  je  me  borne  à  reproduire  le  texte 
tel  qu'il  est  dans  le  ms.,  sauf  à  y  revenir  une  autre  fois, 

B. —  Les  poésies  provençales  publiées  sous  B  se  divisent  en  trois 
parties. Jusqu'au  vers  844,  ce  sont  des  exhortations  religieuses;  puis 
suivent  des  prières  juscju'au  vers  2918,  et  enfin  les  vers  2919-2936 
forment  la  conclusion.  Dans  ces  derniers,  l'auteur  exhorte  ceux  qui 
liront. et  entendront  lire  le  livre  à  prier  Dieu  qu'il  leur  pardonne  et 
(ju'il  leur  donne  la  joie  éternelle.  La  fin  nous  fait  connaître  l'époque 
où  l'auteur  vivait  :  c'est  en  1254  qu'il  a  composé,  achevé  et  écrit  ces 
poésies. 

Qui  était  l'auteur?  Nous  n'en  savons  rien.  11  ne  s'est  pas  nommé, 
et  tout  ce  que  nous  apprenons  par  ses  poésies  à  ce  sujet  (v.  1243  ss.), 
c'est  qu'il  les  a  écrites  étant  prisonnier,  et  qu'il  est  resté  en  prison 
plus  de  vingt  ans.  Nous  y  voyons  de  plus  qu'il  a  aimé  fes  plaisirs 
du  monde,  qu'il  a  péché  contre  les  commandements  de  Dieu  et  qu'il 
en  ressent  une  vive  repentance.  11  ne  dit  pas  en  quoi  ses  péchés  con- 
sistent, et  c'est  d'une  manière  très-générale  qu'il  s'en  accuse.  II  était 
«  plen  d'orgoil  et  plen  d'eror,  plen  d'ira  et  plen  de  furor,  de  totas 
vanas  glorias  plens  »  (1407);  il  n'a  pas  fait  tant  de  bien  qu'il    pou- 


176  POESIES   RELIGIEUSES 

vait  (1411),  il  a  péché  w  en  diç,  en  faç  et  en  senblan,  Regens,  pen- 
san,  veçeu,  auçens  (1683)  »;  il  prie  Dieu  de  lui  pardonner  ses  «  greu 
peccaç  et  malvaç  mot  »  (1813);  il  a  fait  trop  de  ce  qui  ne  convient 
pas  (2478);  il  s'est  mis  en  péril  «  pel  cors  chaitiu  et  pelseu  f;ils  se- 
iors  »  (2513)  ;  mais  il  a  reconnu  ses  erreurs  et  sa  folie,  il  sait  mainte- 
nant que  tout  ne  vaut  rien  sans  Dieu,  et  il  regrette  ce  dont  il  a  été 
joyeux  (2514  ss.)  ;  il  se  rend  à  Dieu  sans  réserve  (9o6,  1487),  et  il  le 
prie  de  lui  pardonner  ses  fautes  (1185),  de  lui  donner  le  pouvoir  de 
suivre  les  commandements  divins  (037),  de  le  défendre  des  peines  de 
lenfer  (988)  et  de  le  recevoir  dans  son  saint  règne  (1965). 

11  résulte  de  tout  cela  et  de  la  longue  durée  de  son  emprisonne- 
ment que  l'auteur,  à  l'époque  de  la  composition  de  son  œuvre,  en 
1254,  était  déjà  d'un  certain  âge;  mais  il  n'est  pas  possible  d'en  tirej. 
des  conclusions  précises  et  sûres. 

Selon  M.  Bartsch,  Grundriss,  p.  37,  ces  poésies  dénotent  un  au- 
teur qui  n'était  pas  sans  érudition  et  qui  était  probablement  ecclé- 
siastique. Je  n'ose  décider  cette  question  ;  eu  tout  cas,  il  connais- 
sait bien  la  Bible  et  la  vie  des  saints,  et  il  cite  une  fois  les  «  saint 
paire  »  (v.  2633] . 

L'auteur,  comme  il  le  dit  lui-même,  fut  emprisonné  plus  de  vingt 
ans.  Pour  quel  motif?  Nous  ne  le  savons  pas.  Dans  quel  lieu?  Nous 
l'ignorons  également.  De  quel  pays  était-il?  Il  ne  lapas  dit,  mais 
nous  sommes  en  mesure  de  décider  cette  dernière  question  par  les 
particularités  de  la  langue  dans  laquelle  ses  poésies  sont  composées. 
L'auteur  a  voulu  écrire  en  provençal,  mais  il  est  évident  qu'il  savait 
mal  cette  langue.  11  n'a  pas  observé  les  règles  de  la  grammaire  prov.; 
il  a  employé  des  formes  italiennes  et  françaises;  il  a  même  créé  des 
néologismes  inouïs.  Aussi  peut-on  assurer  qu'il  n'était  pas  Provençal. 
M.  Paul  Meyer  a  déjà  émis  l'opinion  {RomaniafMlW,  161)  qu'il 
était  Italien,  parce  qu'il  faisait  rimer  es  (fermé)  et  es  (ouvert).  Je  ne 
puis"  que  me  ranger  tout  à  fait  à  l'avis  du  savant  professeur  de  Pa- 
ris. Il  me  semble  hors  de  doute  que  l'auteur  était  de  l'Italie,  et  plus 
spécialement  de  l'Italie  septentrionale,  car  nous  rencontrons  chez  lui 
des  particularités  qui  se  retrouvent  dans  les  poésies  italiennes  du 
Nord. 

Voici  les  particularités  qui,  quoique  de  valeur  inégale,  me  semblent 
prouver,  dans  leur  ensemble,  que  l'auteur  de  nos  poésies  était  un  Ita- 
lien du  Nord. 

1 .  é  rime  avec  è,  a  avec  b  : 

a:  prècs  :  secs,  2808;  fèls  :  éls,  1768  ;  béllas  :  verméllas,  133; 
pulçèlla:  estélla:  vélla  (=  vêla),  Ï&OO:  vèrms:  ménns,  141  (?J; 
fès:  es,  43;  hês :  après,  49;  es:  près,  87;  adès  :  defés,  177;  mes: 
cofès,  199;  es  (=  etz):seréSj  1341;  bés  :  confès,  1423;  confés  :  mes- 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  177 

près,  1679;  vengués  :  perdes,  196S;  es  (=  elz):  mercés,  2739  ; 
servèç :  aiiréç,  343  ;  nuré(;:  venèç,  789. 

b  :  afàla:  gôla,  313-4;  cor:  dolçtir,  841  et  llOl;  pcccadôr:  cor, 
2042;  peccador s  :  cbr s,  2425. 

2.  —  Le  latin  au  devient  ô  dans  or,  v.  95  (aor,  v.  281;  aur,  732, 
1655,  2817).  On  s:iit  que  at(  reste,  en  général,  enprov.,  il  y  a  pourtant 
dans  cette  langue  un  certain  nombre  d'exemples  de  è;  pour  eu.  Cf. 
LitcralvrbhdL  f.  germ.  n.  rom ,  PIiil.,4,  318. 

3. —  Les  mots  commençant  par  s  impur  ne  reçoivent  pas  Ve  pro- 
sthétiqne:  schernida,  278,  scherniç,  600  (lems.  a  eso/ierniç,  njais  la 
mesure  exige  un  mot  de  deux  syllabes),  schernimens,  1158,  à  côté 
de  eschern,  683,  994  ;  schut,  1548:  mais  escut,  2017,  2194^  2421;  — 
sperança,  1423,  1822,  1988,  2016,  2407,  2504;  mais  esperança  1412, 
esper  804,  2701;  —  speriç,  2213,  2472,  exigé  par  la  mesure  1917, 
2167,  spirilals  655;  mais  esperir  1115-6,  1216,  1352,1384;  esj^e- 
ritals  67; —  spinas  685,  mais  espinasWb^,  exemple  qui  n'est  pas 
sur,  puisqu'on  pourrait  écrire  de  spinas;  —  sposa  1262  , —  stat,  630, 
1406,  1680,  1918;  mais  estaç  719,—  slrada  251,  941,  2249;  —slella 
1602,  1845. 

4.  — L'aphérèse  est  fréquente  :  quest,  49,  361,  438,  773,  etc.;  mais 
airpiest,  152,  2212,  2401,  2760,  e{c.\—caxon,  221,  665 (chaque  fois 
après  une  voyelle),  chaiixonn,  2591; —  ternal,  341,  793,  1205,  1479, 
etc.;  mais  clerna,  240,  2548  (peu  sûr,  car  il  va  chaque  fois  vida 
elerna,  ne  comptant  que  pour  trois  syllabes  à  la  fin  du  vers);  —  ne- 
mic,  1072,1521,  exigé  parla  mesure  360,  492,1496,  1621,2332; 
mais  enemic  \&è,  1367,  1448;  —  handona  o~2 ,  mais  abandona 
1235,  —  scollar  835,  mais  esscoUar  8,  escoUet  2217,  escholLar 
2928,  ascoUat  2929;  —  xangelisle  \AôQ> ,  vangelisl,  1950,2876, 
2910  ;  vangelisla  2034  ;  mais  evangelisl  2920,  et  exigé  par  la  me- 
sure 1703; —  quel,  1698,  1793,  exigé  par  la  mesure  1136;  mais 
ixiqucl,  557,  728,  877  ;  aiqtiil,  645;  auquella,  665,  etc.; —  smendon, 
2077,  smendar,  2582,  mais  c smend a,  2&il3^, —  /e/7}-a??frt,  2389  (le 
ms.  porte  alegrança,  mais  la  mesure  exige  raphérèse),  2726  (où 
le  ms.  a  servir  alegrança,  ce  qui  ne  donne  pas  de  sens',  mais  ale- 
grança, 1422,  1575,  1859,  2541,  etc.;  —  podera  2499,  mais  apode- 
raç  2502. 

Aphérèse  d'une  syllabe:  gan,  1386,  à  côté  de  engans,  169,  324;  — 
slauradas,2Ç)oi. — Cf.  Mus3afia,C<?«7m^g, p.  \'ô;Monuni.  ant.,  p.  10. 
Tobler,  Cato,  §   13  c;  Ugiiçon,  §  l'a  c;  Girard  Pale  g,  %  13  c. 

5.— Substantifs  en  -or  masculins.  Les  substantifs  en  -or  sont,  on  le 
sait,  féminins  en  proveuc^-al,  tandis  que  les  mots  corres|)ondants  ita- 
liens en  -ore  sont  masculins  (cf.  Gaspary,  Sicil.  Dichlerschule,  p.  207). 
Bertolome  Zorzi  est,  que  je  sache,  le  seul  troubadour  dont  les  chan- 


178  POESIES  RELIGIEUSES 

sons  offrent  des  exemples  de  valors,  amors,  employés  comme  mas- 
culins, et  il  était  Vénitien.  Cf.  mon  édition,  6,  24,  et  17,6  note.  Dans 
notre  texte,  l'emploi  du  genre  masculin  à  côté  du  genre  féminin  est 
fréquent. —  Masculin:  lo  seu  amor  i\2,  742;  lo  saint  de  deu  amor 
1220,  lo  dolç  santisme  amor  1442,  la  sanlisme  amor  1618,  son 
onor  632,  al  sens  honor  2895,  loi  spUtndors  1024  ,  aucuns  res- 
plandors  2527,  dolor  malvaç  1778,  aiquel  dolors  1906,  toi  do- 
lors  1994,  sor  tôt  dolors  eral  vosire  flus  greu  2308,  tôt  bon  sa- 
bors  1940.  —  Féminin:  las  dolors  687,  la  soa  dolçor,  842,  1102, 
\2\'è ,la  vostra  samta  valor  1441,  sas  yranl  valors2Ç)2%,  s'amor 
1710,  1742,  2433,  2585  ;  la  granç  amors  2187,  las  folors  1930,  la 
vigors  1938,  la  fiors  2448,  sa  colors  2449. 

6.  — Les  adjectifs  dois  et  cortes  sont  employés  au  féminin,  tandis 
que  le  provençal  ne  connaît  qne  dansa  et  cortesa.  Cf.  Diez,  Gram- 
matik,  II,  73,  et  II,  380.  Seulement,  chez  Zorzi  se  trouve  aussi  lem- 
])loi  de  corles  au  féminin,  17,  15,  emploi  qu'il  faut  attribuer,  comme 
le  pense  M.  Chabaneau,  aune  influence  italienne.  Cf.  Revue  des  lan- 
gues romanes,  XXV,  196.  Les  exemples  offerts  par  notre  texte  sont 
les  suivants  : 

De  la  dolç  tergen  maire  2168,  exemple  cité  déjà  par  Diez,  Gr.,  II, 
73,  dolç  et  fedels  amansa,  2206,  exemple  qui  n'est  pas  sûr,  puisqu'on 
peut  écrire  dulç'et  ;  ço  es  la  dolç  vergen  Sainta  Maria.  2621;  mais 
dolçamens;  935,  1934; —  domna  cories.  coind'  et  valens,  22&0  à 
côté  de  cortesa  ( :  mesa,  apresa),  1593. 

7.  — Est-ce  aussi  à  une  influence  italienne  qu'on  doit  attribuer  les 
pluriels  fém.  en  -a  au  lieu  de  -as,  qui  se  trouvent  dans  notre  texte? 
Les  substantifs  italiens  en  -a  n'ayant  pas  à's  au  pluriel,  mais  finis- 
sant par  une  voyelle  comme  au  singulier,  l'auteur  se  sera-t-il  par  là 
laissé  induire  à  employer  aussi  enprov.  un  pluriel  finissant  par  une 
voyelle,  mais  en  gardant  celle  du  singulier,  tandis  que  l'italien  a  -e? 
Quoiqu'il  en  soit,  ces  formes  existent,  et  quelques-unes  sont  assurées 
par  la  rime:«  qu'a  segun  guierdona  que  sun  staç  Yobra  bona  »,  630; 
a  de  las  vostras  greus  jilaia  (:  desplaia),  2141  >>  (si  la  leçon  du  ms. 
est  bonne  ;  mais  j'avoue  que  le  sens  de  ce  vers  m'échappe);  «  et  las 
vergens  totas  que  son  g racida  (:  Margarida)  »,  2877;  «  sun  faiças  et 
rimada  se.  aiquestas  oracions  »  (:  donada),  2908.  Ces  exemples 
étant  sûrs,  j'ai  dû  laisser  intacts  d'autres  passages  où  il  était  facile 
d'introduire  la  forme  régulière,  par  exemple,  «en  las  enfernals  joena», 
74  (on  pourrait  corriger:  la  enfernal);«  Eç  en  rosas  molt  hel&s,  Blanca, 
groias, vermellas.  De  tôt'  autra  divisa^),  134-5,  car  on  aurait  pu  cor- 
riger blancas,  divisas  et  per  nulas  guisas  au  vers  136;  «  de  totas 
sas  ofensa  »,  1050  (on  pourrait  écrire:  de  tota  sa  ofensa  ),  et  de 
même  1370;   «  de   mos   peccaç,  de  mas  offensa  »,  II82  (on  pourrait 


DU  MANUSCRIT  DK  WOLFENBUETTEL  179 

corriger:  ma  oHeiisa);  tais  obras  complida  (:  vida),  23G7  (on  pourrait 
corriger  :  tal  obra);  de  greus  offensai:  valença),  2489  (on pourrait  cor- 
riger :  </re«  ;  ou  même,  en  regardant  le  tout  comme  singulier,  laisser 
(jreus,  car  l'emploi  de  la  forme  du  cas  sujet,  au  lieu  de  celle  du  cas 
oblique,  est  une  autre  particularité  de  la  langue  de  notre  auteur, 
dont  je  parlerai  tout  à  l'heure);  «  et  dels  peccaç  cai  faiç  et  dels 
offensa  »,  2759  (  ou  pourrait  corriger  :  «  de  l'offensa);  «  aiquestas 
obras  scûita{:  cinquanta)  foron  faças,  escrichas  et  fenida  »  (:vida), 
2934-5  (pour  ce  vers,  voy.  plus  bas  n"  15).  J'ai,  en  conséquence  aussi, 

gardé  au  vers  2815  ((  mas  plagas de  /a  quais  »,  où  l'on  serait 

tenté  de  corriger  las. 

L'auteur  ayant  employé  des  formes  en  -a,  au  lieu  de  celles  en  -as, 
a-t-il  aussi  commis  la  faute  inverse  et  employé  la  désinence  as  où  la 
grammaire  demande  a;  en  d'autres  termes,  a-t-il  employé  la  forme 
du  pluriel  au  singulier?  Cela  paraît  à  peine  croyable,  et  j'avoue  que 
j'ai  longtemps  hésité  avant  d'introduire  de  telles  formes  dans  mon 
texte.  Mais,  comme  les  exemples  en  sont  fréquents,  comme  il  n'est 
pas  impossible  qu'un  auteur  qui  savait  très-mal  le  provençal  et  qui 
écrivait  «  las  rosas  blanca  »  ait  aussi  éciit  l'arma  dolenlas,  et  que 
l'emploi  fréquent  du  pluriel  des  substantifs  abstraits,  par  exemple 
iras,  pouvait  le  confirmer  dans  cette  erreur,  je  me  suis  à  la  fin  dé- 
cidé à  laisser  ces  formes  telles  qu'elles  sont  dans  le  ms.  Il  n'y  au- 
rait pas  eu  lieu  de  douter,  si  au  vers  1160:  «  per  trobar  nos  veira 
tnecinas  (:  espinas)  D'aiquel  greus  doloros  tormens  »,  mecinas  devait 
absolument  être  au  singulier  ;  mais  je  crois  qu'on  peut  nu  besoin  ad- 
mettre le  pluriel  (voiras  =  veira}.  De  l'autre  coté,  deux  vers  sem- 
blent prouver  que  les  formes  en  question  sont  des  fautos;  du  copiste 
et  devraient  être  corrigées;  ce  sont  les  vers  249  et  317.  Au  vers  249, 
la  leçon  diî  ms.  obras  doit  être  changée  en  obra  (  :  obra,  3^  pers. 
sing.);  mais  je  ne  crois  pas  que  nous  ayons  ici  affaire  à  un  singu- 
lier, le  sens  me  semble  demander  un  pluriel,  et  j'ai  pour  cela  écrit 
lais  obra  =  lais  obras;  le  copiste  aurait  donc  seulement  mis  la 
forme  régulière  au  lieu  de  la  forme  incorrecte  employée  par  l'auteur. 
Au  vers  317,  j'ai  changé  le  guiças  du  ms.  en  //»/';"-•  à  cause  de  ca- 
luiça  du  vers  suivant,  puisque  c'était  le  plus  naturel  ;  mais  je  ne  suis 
pas  persuadé  que  guiças  :  camicus  aurait  été  hors  de  toute  possibi- 
lité. De  même,  il  serait  facile  de  corriger  faicha  au  v.  685  et  relrai- 
cha  —  la  dolors  aux  vers  suivants.  Ne  jugeant  don'S'  pas  ces  vers 
comme  une  preuve  sûre  et  décisive,  et  eu  égard  aux  raisons  que  j'ai 
citées  plus  haut,  je  n'ai  pas  osé  prendre  sur  moi  la  responsabilité  de 
changer  la  leçon  du  ras.,  et  j'ai  mieux  aimé  courir  le  risque  d'être 
blâmé  comme  trop  conservateur  que  de  mériter  le  reproche  d'avoir 
changé  le   texte  du  ms.  sans  y  être  autorisé.  J'ai  donc  gardé   dans 


180  POESIES  RELIGIEUSES 

mon  teste  un  assez  grand  nombre  de  fém .  sing.  en  -as:  par  exemple, 
totas  nauça  2,  totas  gen  12,  l'an  faichas  la  persona  37,  qnal  caiiças 
89,  es  la  mort  faichas  100,  arma  âolenlas  118,  vita  eternas  240, 
Varmas  354,  358 ("?  voyez  la  note  sur  ce  vers),  536,  746,  2102  ;  co- 
rona  faichas  685,  auras  llS,  attiras  criatura  848.  sens  totas  failla 
872,  \eirsi  meçi/ias  1160  (vers  dont  j'ai  déjà  parlé),  en  l'oras  1204, 
1255,  1373,  de  l'oras  1426,  l'oras  1478,  1643  (où  l's  serait  peut-être 
Ys  adverbial);  colpas  1266,  filas  1343,  2289,  2351:  totas  ma  fiança 
1421,  la  saintas  amistaç  1454;  reginas  1492,  Vimas  se.  ves  1625, 
Vautras  tallaclas  1626,  totas  sa  voluntat  1820,  la  segundas  se.  ves 
1972,  vidas  2391,  totas  persona  2556,  totas  la  bontaç  2793,  Sanclas 
Marthas  2S83. 

J'ai  de  même  laissé  intact  le  pron.  rnàs  pour  ma  1419,  1422,  1470, 
et  celas  pour  cela  1649  *.  —  Guidas  2002  peut  n'être  pas  tout  à  fait 
dans  le  même  cas  ;  il  désigne  une  personne  masculine  et  Vs  peut  y 
avoir  été  ajouté  par  fausse  analogie,  d'après  des  substantifs  mascu- 
lins comme  reis,  mons,  etc , 

8.  —  Article  masc.  plur.  obi.  Zt  pour  las,  mais  seulement  devant 
une  voyelle  et  comme  enclitique  (Z)  après  une  voyelle.  Exemple:  a.- 
«  (prec).  .  .  .  .toç  Vautres  apostol  »  1042,  «  que  faiç  Varbres  florir  » 
1898,  «  ab  Vautres  sans  valens  ))2763. 

b  :  «  las  stradas  el  camis  »  251,  «  es  donaç  al  verms  »  748,  segner 
sobrel  segnors  »  849,  «  amiga  del  sans  »  1522,  maxon  del  sains  » 
1993,  «  el  vostr'  amies  façia  perseguir  »  2463,  «  preçichan  lo  vostre 
diç  el  vostre  mandamens  »  2468,  «  (prec) . .  .els  apostol  trestuit  eZvan- 
gelist  »  2876,  2910  ;  «  (prec)  las   saintas  vergen  el  seniors  »  2913. 

De  même  l'article  féminin  devant  une  voyelle  est  V  pour  las  :i.(  qu'a 
segun  guierdona  que  sun  staç  Vobra  bona»  630,  et  peut-être  v.  358; 
voyez  la  note  sur  ce  vers. 

9. — On  trouve  une  fois  au  v.  22961epron.pers.  2  pers.  pi.  sous  la 
forme  ve:  «  quant  Tagnel  saint  lo  saluç  v'aporteit.  » —  L'auteur  a-t-il 
aussi  employé  Me  à  côté  de  nos?  Il  y  en  a  quelques  exemples  qui  se- 
raient pourtant  faciles  à  corriger  et  qui  pourraient  bien  être  une  faute 
du  copiste.  Cepebdant,  le  v'aporteil  du  vers  2296  étant  sûrement  dû  à 
l'auteur,  j'ai  aussi  laissé  les  formes  ital.du  pron.pers.de  la  première 
personne  :  «  que  de  peina  nos  gar  |  en  deia  perdonar  |  las  nostras  fa- 
liçons  »  1046,  «  sian  defendedor  »  1111,  «  en  defenda  »  2108  —  Se  pour 
nos  se  trouve  au  vers  2454  :  «  Nos  recreçem  de  ben  dir  e  de  far.  » 
Comme  c'est  aussi  une  particularité  bien  connue  des  auteurs  del'Ita- 

1  Qu'il  ne  faille  pas  imputer  à  l'auteur  toutes  ces  fautes,  cela  est  prouvé 
par  le  vers  754,  où  le  ms.  porte  nonas,  tandis  que  roriginal  avait  nona 
(:  doua) . 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  ISl 

lie  septentrionale  (cf.  Mussafia,  Altmatlàndische  Mnndarl,  p.  20; 
Tobler,  Ur/uçon,  §  41  a),  je  n'ai  pas  changé  «os  en  nons.  M.  Chaba- 
neau  a  noté  (i^JHrtnui,  IV,  344)  un  certain  nombre  d'exemples  du 
même  phénomène  dans  des  textes  modernes  prov.  et  béarnais;  mais 
il  dit  n'en  pas  connaître  un  seul  exemple  dans  les  textes  du  moyen 
âge.  Je  n'en  ai,  moi  non  plus,  jamais  rencontré. 

10. — Pron.  pers,  conj.  :>  pers.  sgl.  /j  pour  /or.  Cf  Mussalia, 
i-Va /V<o/mo,p,  146  ;  Tobler,  U(jv(;on,  jJ41c,  Girard  Pale f/,  §  41c, 
CcUo,  jJ  41  c).  Par  exemple:  «  Ja  mais  n'auran  dolors  Ne  ren  que 
bcn  uo^  sia  »  79,  «  Deu  reclaman  suven,  Mas  tard  es  nol  valt  ren  » 
330,  '(  Saian  ben  ses  mentir  Grant  pros  nol  pot  fallir  »  442,  «Mais 
il  pessan  allors  ;  Tan  li  plai  la  folors  »,  514,  «  Tuç  tenon  cel  ca- 
mins  Ne  de  deu  uo^  soven  »  525,  «  Deus  lor  recort  el  remir  lor  ta- 
len  »  2100,  «  SiaZ  per  vos  questas  graiças  donada»  (à  ceux  (pu  liront 
ces  oraisons)  2907, '<  per  lor  deian  preiar  Et  per  merces  li  deiaç  per- 
donar»  2916,  «  Et  quel  façaç  del  rie  ioi  ternal  don  »  2918.  A  côté  de 
li  la  bonne  forme  prov. /or  est  fréquente,  par  exemple, 87,  88,  416, 
528,  879,  etc. 

Li  au  lieu  de  lor  s'emploie  encore  dans  le  dialecte  moderne  de 
la  Provence  et  du  bas  Languedoc  ;  il  y  en  a  quelques  rares  exem- 
ples dans  les  textes' du  moyen  âge.  Cf.  Chabaneau,  Romania,  IV, 
346,  et  V",  372.  Sur  li  =  lor  en  vieux  fr.  cf.  Mussafia,  Gr'ôbers 
Zeitschrift,  III,  253,  n.2. 

11.  — Pron.  pers.masc.  \)\.  li  pour  ?05,  mais  seulement,  de  même 
que  l'article,  devant  une  voyelle  ou  comme  enclitique  après  une 
voyelle  :  «  et  cill  que  non  an  cor  En  vos,  meteç  /'en  la  vera  cre- 
dença  E/  faiç  venir  a  voira  penedença  »  2044-5,  —  «  e  trais  fors  sos 
amis  E/  mes  en  paradis  »  704,  «  Eç  anbesdos  li/  sugastes  »  2734. 

12.  —  Pron.  poss.  2*  pers.  pi.  obi.  vostre  pour  vostres:  «  los 
voslre  mandamens  »  883,  903;  «  el  vostr'  amies  facia  perseguir  » 
2463,  <*  el  fos^re  mandamens  »  2468,  ((  e  li  lavest  de  l'aiga  de  vosir 
oils  »  2731 . 

13. —  Pron.  poss.  Emploi  de  la  forme  tonique  sans  aiticle:  «  soa 
voluntat))422,  «  mm  sperança  «  2258,  soa  cortesia  »  2627;  mais  k  la 
soa  vertut  »  566,  ((  la  soa  doiçor  x  842,  1102»,  la  soa  grant  bon- 
taç  »  1105,  «eZ  scu  servis  permaner  »  1662,  «  la  mia  foldat  »  2755. 

Un  autre  exemple  de  la  même  particulaiité  se  trouve  chez  Zorzi, 
15,  44:  de  mia  entencio,  cf.   Revue  des  l.  rom.,  XXV,  196. 

14. — Verbe.  Gauder  au  lieu  àe  jauzir  :  «  Pauc  vos  val  vostr' 
aver  Que  un  iorn  poeç  gauder nll2.  En  conséquence,  dels  gaiidens 
1990  à  l'intérieur  du  vers,  et  esser  gauden  2059  (:  marrtmen),  doi- 
vent être  conservés,  quoiqu'il  soit  facile  de  corriger  ^aw^ens  et  ^au- 
zen. 


182  POESIES  RELIGIEUSES 

15.  —  La  troisième  pers.  du  sing.  sert  aussi  pour  la  troisième 
pers.  du  pi.  (cf.  Tobler,  Ugiiçon,  §  47,  Calo,  §  47,  Girard  Palet/, 
^  47,  Mussafia,  Mon.  ant.,  p  13).  Par  exemple:  «  Plus  noir  sunt 
de  carbons  Cels  que  lai  les  amena  »  73,  «  Qu'ausi  longamens  viu  Los 
chaitiu  cum  los  pros  »  (:  çatiu)  102,  <(  las  stradas  el  camis  Queus 
port  en  paradis  »  252,  «  quan  volon,  uo  j)o  les  »  257,  «  que  d'aiço  non 
consire  Ni  deus  volon  amar  »  274,  «  quar  entro  qu'il  avia  Poder... 
Non  volgron  consel  prendre  »  331,  «  Que  s'il  sera  la  bocha,  No  po- 
don  colpas  dir  »  380,  «  quel  faiç  de  deu  o&^icfax  516  (o&^iV/on  au  vers 
suivant),  «tôt  desiran  quan  ve  556,  (Adam  et  Eva). .  .que  fon  formaç 
premier  »  870,  «pauc  en  son...  los  voilla  raantenir  »  90'J,  «  toç  l'an- 
gels  qii'es  laisus  »  1031, «los  bos  ausi  cols  mais  anava  »  1140  (mais 
venian  au  vers  suivant),  «  Que  cels  que  an  colpa  aguda  Et  vol  se 
pois  a  vos  tornar  »  1267,  «  et  que  n'an  fait  tant  cum  a  mais  pogut  » 
2438,  «  ben  son  plens  de  folors  Cil  qui  vers  lei  ab  umil  cor  nos  pleia» 
263?,.  . .«  qu'aiquist  toç  un  pensaç  aia  n  2712,  etc. 

Ayant  employé  o  pour  an,  vol  pour  volon,  ce  qui  s'explique  par 
l'usage  italien,  l'auteur  a-t-il  aussi  employé  an  pour  a,  volon  pour 
vol,  la.  forme  du  pluriel  au  lieu  de  celle  du  singulier,  ce  qui  ne  s'ex- 
pliquerait que  par  son  ignorance  de  la  langue  dans  laquelle  il  vou- 
lait écrire?  Je  n'en  suis  pas  sûr,  car  il  n'y  en  a  pas  d'exemple  dé- 
cisif, et  le  vers  396,  où  -le  ms.  porte  far  an  el  au  lieu  de  far  al,  rendu 
nécessaire  parla  mesure  du  vers,  justifie  la  supposition  que  les  au- 
tres cas  de  substitution  du  pluriel  au  singulier  sont  également  dus 
au  copiste.  Mais  ce  n'est  là  qu'uue  supposition,  et  en  conséquence  je 
n'ai  pas  corrigé.  Il  y  a  donc:«  deus  que  l'an  faichas  la  persona  » 
37,  <(  la  movtXov  sunt  près»  88,  «l'arma... non  er?5irfl>?.... non  auran... 
121-3,  «  qui  se  esplcita. . .  .se  defendran-»  237,  «  deus  los  atneran  » 
238, «l'armas  sunt  morta  «  358  (cf.  la  note  sur  ce  vers),  «la  grant 
folors  Que  sun  en  nos  »  2127,  «  Et  a  toç  ço  que  contraire  me  son  » 
(:  mon)  2373, «et  queil  seran  rendut  Lo  gierdons  »  2430. 

J'ai  dit  qu'aucun  exemple  n'était  décisif;  peut-être  n'aurais-je  pas 
dû  parler  d'une  manière  si  absolue,  car  le  v.  2373  semble  bien  ex- 
clure tout  doute.  Pourtant,  comme  le  prov.  employait  souvent  le 
verbe  au  pluriel  a\nès  cascus,totz  hom{ci.  la  note  sur  le  v.  409), 
ne  pourrait-on  pas  l'admettre  aussi  après  tôt  fo  .^  (Cf.  aussi  v.  2917 
et  note.)  Peut-être  faudrait-il  citer  ici  aussi  les  vers  2934-5  :  «  ai- 
•questas  obras  santa  Foron  faças,  escrichas  et  fenida  »?  11  me  sem- 
ble même  vraisemblable  qu'on  doit  voir  dans  aiquestas,  obras,  faças, 
etc.,  des  noms  sing.  en  -as,  et  que  cette  «oeuvre»  désigne  l'ensemble 
des  poésies,  le  «  livre»  du  vers  2929.  Le  dernier  vers  «  cel  que  la 
fes  »  me  semble  confirmer  cette  opinion.  Il  est  néanmoins  possible 
que  aiquestas  obras  désigne  «les  prières  qu'envient  de  lire»,  qu'il 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUKTTEL  183 

y  ait  donc  vraiment  un  pluriel,  et  ([ue  sanla  2934  et  fenida  2935 
appartiennent  aux  formes  dont  jai  pai-lé  j)lus  haut  sous  le  n°  7,  où 
j'ai  aussi  cité  les  vers  en  question.  Il  faudrait  alors  ou  corriger /r?s 
au  V.  2936,  ou  admettre  qne  l'auteur  ait  aussi  employé  le  pronom 
la  au  lieu  de  las. 

16. — Prés.  3°  pers.  sg.  conos  au  lieu  de  conois  :  «  per  que  da 
vos  lo  tenon  el  co?îos))(3'  pers.  du  sing.  au  lieu  de  celle  du  pi.), 
V.  2709  assuré  par  la  rime  (:  vos),  et  à  l'intérieur  du  vers  2685.  Cf. 
Girard  Patey,  v.  269  cognos.  Je  ne  connais  pas  en  prov.  un  seul 
exemple  de  conos  comme  3e  pers.  sg.  ;  mais  j'ai  noté  deux  exemples 
de  la  même  forme  à  la  première  pers.,  qui  en  général  est,on  le  sait, 
conosc  :  «  Dalfin  ben  sai  e  conos»  (:  coilos)  .Mahn,Werke,  II,  31, 
et  «  Mai  per  pro,  domna,  lo  sofris  el  cognos-».  Mahn,  Ged.,  278, 
7.  Mais  je  trouve  aussi  une  fois  conois  comme  l«''pers.  Mahn,  Ged., 
1010,  3  (conoissi,  M.  G.,  1162, 1,  et  Suchier,  Denkmiiler,  I,  102  1. 
1-16),  donc  la  même  forme  qui  est  régulière  à  la  3^  pers.;  il  se  pour- 
rait donc  qu'il  y  ait  aussi  en  prov.  une  3"=  pers.  conos  à  côté  de  la 
première. —  Conois  se  trouve  aux  vers  464,  545. 

17,  —  Parfait  2e  pers.  plur.  A  la  première  coujugaisou,  nous  ne 
trouvons  pas  la  forme  régulière  en  -etz,  ou  avec  affaiblissement  de 
/s,  en -es,  mais  des  formes  en  -as  et -fls<.  Elles  se  trouvent  souvent 
à  la  rime,  mais  malheureusement  rimant  toujours  avec  elles-mêmes. 

a:  vedas  :  coniandas  875-6,  degnas  893,  112Î;  montas:  laisas 
901,  laissât  1164,  1168,  1824;  latas  1347,  suscitas  1753,  sudas : 
preias  1972-3,  mostras  2024,  formas  2339,  dreiças  2465. 

b  :  deignast  :  sositast  979-80,  traversast  :  gitast  1 175,  engendrast: 
2)ortast  \'S4o,  sositast:  montast  2120,  donast:  enluminast  2470, gi- 
tast 2735,  portast:  pauçast  2775. 

2^  conjug.:  perdis  1904  à  côté  de  perdes  (:vengues  1969),  nas- 
qiies  (:  vengiies)   1034. 

Parf.  fort:  traisis  961,  faqis  975,1391,  1752  (:  convertis),  tan- 
guis  2773,  receubist  2775,  faisist  (:  evangelist  )  2909,  à  côté  de 
vengues  (:  mes)\\A2,  Iraises  (:  es)  967,  feçes  (:  es)  845,  (:  es) 
1125,  aiguës:  feiçes  1189-90,  etc. 

Dans  les  textes  de  l'Italie  septentrionale,  nous  trouvons  à  la  pre- 
mière conjugaison  -assi,  -asse,  plus  rarement  -asti,  -as te,  dans  les 
autres  conjugaisons  -essi,  -esse,  -issi,  -isse,  et  plus  rarement  sï  au 
lieu  de  ss.  Cf.  Mussafia,  Altmail.  Mundart,  p.  2S,  Monum .  antichi, 
p.  14;  Katharinenlegende,  p.  14;  Fra  Paolino,  p.  148;  Tobler, 
Uguçon,  §  52. 

Les  parf.  en  -as  et  -ast  ne  sont  pas,  il  est  vrai,  assurés  par  la 
rime  ;  mais  comme  ils  sont  si  fréquents,  sans  qu'un  seul  exemple  de 
la  forme  prov.  en-eçou  -es  y  soit  mêlé,  et  que  le  parf,  façis  1752 


1S4  POESIES  RELIGIEUSES 

est  assuré  par  la  rime,  je  ne  doute  pas  que  l'ensemble  des  formes 
citées  ne  soit  dû  à  l'auteur.  L'influence  italienne  est  évidente;  mais 
on  ne  sait  si  l'auteur  a  voulu  provençaliser  les  formes  italiennes,  en 
omettant  la  voyelle  à  la  fin,  ou  si  en  e!fet  les  formes  sans  voyelle 
existaient  en  italien.  Nous  trouvons  re?rf^es  dans  Ugnçon,  \ .  2o4; 
serait-il  trop  hardi  de  supposer  que  les  formes  sans  voyelle  étaient 
en  réalité  plus  usitées  que  cet  exemple  isolé  ne  le  ferait  croire  ? 

18. — Futur  a  faUir=  fallira  (:  avenir)  399,  a  partir  =  partira 
(:  acoillir)  2616,  et  si  la  correction  que  je  propose  est  acceptée, 
aussi  au  vers  560  an  s'enganar  =  s'enr/anaran  (:  giiidar).  Les 
deux  parties  dont  se  compose  le  futur  peuvent  bien  être  séparées 
aussi  en  prov.  (cf.  Bertrand,  Qunestiones  Provinciales,  diss.  de 
Bonn,  1864,  p.  26  ss.,  et  Cari  Fr.  Wolff,  Futur  nnd  Conditional  ii 
im  Altprovenzalischen,  diss.  de  Marbourg,  1884,  p.  24  ss.);  mais 
jamais  le  présent  à'aver  n'est  mis  devant  l'infinitif,  ce  qui  est  fré- 
quent en  italien.  Cf.  Mussafia,  Monumenti  antichi.p.  15;  AltmaiJ . 
Mitndart,i).  32;  Tobler,    Uguçon,  §  56  b;  Girard  Pateg,  §  56  b. 

19. — Participe  passé  falli  (:  mi:)  1782;  mais  aiiçit:  dit  140-6. 
Cf.  Tobler,  Uguçon,  v.  425  feri.  Mais  il  y  a  là  peut-être  une  in- 
fluence française. 

20.  —  Elisioa  de  Yo  de  no,  cf.  Tobler,  Uguçon,  p.  33;  Girard 
Pateg,  §  24d.  Je  n'en  ai  rencontré  d'exemples  sûrs  en  provençal  que 
chez  Rambertiu  de  Buvalel,  qui  était  de  Bologne,  cf.  Literaturblatt 
fur germanische  tind  roni.  Phil..\l,  506,  et  Vil,  505.  Dans  notre 
texte,  les  exemples  en  sont  très-fréquents,  par  exemple,  vv.  70,  78, 
98,  143,  157,295,  432,  761,  762,  789,  etc. 

Les  particularités  que  je  viens  de  citer  appartiennent  décidément 
à  Fauteur;  elles  sont  assurées  ou  parla  rime  ou  parla  mesure.  Mais 
il  y  a  dans  notre  texte  encore  un  assez  grand  nombre  de  formes 
italiennes,  qui  se  trouvent  ou  à  l'intérieur  du  vers,  ou  qui,  quand  elles 
sont  à  la  rime,  pourraient  être  facilement  remplacées  parles  bonnes 
formes  provençales .  Je  suis  persuadé  que  toutes  n'appartiennent  pas 
à  l'auteur;  s'il  va  par  exemple  une  fois  ri'fa  1512  et  partout  ailleurs, 
et  assuré  par  la  rime,  vida  ;  s'il  y  a  toujours  sabors,  mais  une  fois 
saporos  2221,  il  est  extrêmement  probable  que  vita  et  saporos  sont 
des  fautes  du  copiste,mais  cela  ne  saurait  être  considéré  comme  ab- 
solument sûr  avec  un  auteur  comme  le  nôtre.  J'ai  donc  gardé  par- 
tout le  texte  du  ms.  qui  nous  offre  encore  les  italianismes  suivants, 

1 .  —  Insertion  de  n  devant  s  dans  ensiran  121  (pr.  eissiran)  (mais 
1511335)  et  enscorsat  1720;  cf.  Tobler,  fV/nço«,§24  d,  et  Cato,  §  24 
d;  Mussafia,  Fra  Faolino  145,  Beitrage  lô,  Katharinenlegende  10. 

2. — Averlas  (pr.  uhertas)  312(cf.  Uguçon  v.  1641),  vita  1512, 
hia^  (fj  2025,  saporos  2221. 


DU   MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  185 

3.  — Article  masc.  sg.  el  au  lieu  de  /«.Seulement  une  fois  «  eç 
os.taç  me  denant  los  oils  eZ  fum  »  2481.  Cf.  Mus.safia,  Mon.  ant., 
p.  11  ;  Fro  Paolino,  p.  145.  Dans  d'autres  passages  «  faça  el  seu 
saut  ofice  »  28,  «  c'om  non  poiria  cl  cens  dir  »  128,  «  bon  sera  el 
guierdon  >>  222,  «  qui  fara  el  contraire  »  396,  «  vos  fo  el  cap  del  cors 
partit  »  1713, «  far  contra  eZ  seu  voler  »  1740,  l'article  eZ  n'est  qu'ap- 
parent, car  nous  trouvons  aussi  :«  qu'a  nii  el  fassa  »{=  mil  =  milo) 
1646, «  m'arma  cuidegncç  gardar  »  (=nrarmam  =  m'arma  me)1949; 
tôt  conort  del  siec/le  c»i  desconorta»  (=  sieglcra  =  siegle  me)  2851 . 
J'ai  donc  corrigé  partout  ej;  écrit /aç«Z,  seraZ,  etc.  Pour  l'insertion  do 
cet  e,  vovez  Chahaùeau,  G ra))nnaire  limfiusine  ,  p.  354,  note  sur  la 
page  58  ' . 

Je  crois  que  l'explication  de  avérer  à  coté  de  ovrer,  soverain  à 
côté  de  sovrain  proposée  parlNI.  Neumann  dans  Griibers' Zeitschrifi, 
VIII,  258-9,  doit  aussi  être  acceptée  pour  Ve  en  question  ;  il  n'est 
qu'un  signe  pour  (jppréscn ter  le  .S'^/j»») <o>i  qui  formait  syllabe,  l'arti- 
culation étant  plus  lente  à  cause  de  l'union  moins  étroite  de  la  forme 
enclitique  avec  le  mot  précédent.  L'articfe  eZ  n'est  pas  du  reste  tout 
à  fait  inconnu  en  provençal.  Cf.   i?o)>ia«m,  IX,  156-8. 

4.  —  Pron.  poss.  sos  au  lieu  de  sieus  :  «  E  pois  tan  es  lo  so  ries 
faiç  valen.  »  Je  ne  connais  en  prov.  qu'un  seul  autre  exemple  :  «  lus 
en  la  preissa  feric  caseus   lo  so.n  Chanson  d'Anlioche,  Qo4. 

5.  —  Prés.  \^^  pers.  sg.  creç  (cf.  Uguç.,  v.  635)  974  à  côté  de 
crei  981  (:  merceï),  1982  et  de  cre  1.300  (:  merce). 

6. —  Prés.  3e  pers.  sg,  ^o  257àcôtéde  pot  147,  276,  1311,2507, 
j^od  576,  600,  _po<i  394,  2509  ;    sa  540,  2103,  2.577,  mais  .yaft  2480. 

7. — Prés.  P*  pers.  plur.  P'^  conjug.  en  -cm:  cknncni  2[{\0  ss.; 
aprosmem^2Q07 .  De  même  au  subjonctif  prés,  des  autres  conjugai- 
sons: temem  2572,  faiçe m  2-lb3,  recrezem  24b4,  servem  2452,  2641 . 
Cf.   Tobler,   Uguç.,  §  55. 

8.  —  Prés.  3«pers.  pi.  en  pour  son  494,  ;joj?  pour  podon201] .  Il 
pourrait  sembler  que  ces  deux  formes  doivent  ajipartenir  à  l'auteur, 
puisque  en  écrivant  son  au  vers  494  {que  son  au  lieu  de  qu'en)  et 
podon  2071,  les  vers  auraient  une  syllabe  de  trop.  F'ourtant  cela 
n'est  pas  sûr,  car.  l'original  aurait  bien  jiu  avoir  qu'es  494  et  pot 
2071. 

'  M.  Chabaneau  ne  cite  que  des  exemples  où  Ve  se  développe  devant  /.  On 
voit  par  les  passages  cités  plus  liaut,  que  c'était  la-même  chose  devant  m. 
On  doit  y  ajouter  l's,  comme  le  prouve  le  passage  suivant  de  Folquet  de  Lune), 
éd.  Eichelkraut,  IV,  15-16  :  «  merces,  en  cuy  mos  cors  s'alura,  es  mftra  en 
lieys  per  aventura.  »  S'alura  es  =  s'aturas  (=  s'atura  se).  «Merci  en  qui  mon 
cœur  séjourne  se  mettra  en  elle.  » 


185  POESIES  RELIGIEUSES 

9.  —  Parf.  3epers.  sg.  soslen  poui-  sostenc  2597,  ven  pour  venc 
G4S,  652,  1223,   1346. 

10. — Parf.  3"  pers  pi.  be  conj.:  ligan  1975,  soleran  2307.  Cf. 
Tobler,  Uguç.,  §  47 .  Comme  tous  les  deux  se  trouvent  à  la  césure,  on 
pourrait  corriger  ligeron,  soiereron,  la.  césure  épique  étant  fréquente 
dans  notre  texte.  Ameron  se  trouve  au  vers  2884. 

11. —  Imparf.  du  subj.  Irt-  conj.  3"=  pers.  sg.  en  -as  au  lieu  de  -es, 
Supers,  pi.  -ason  au  lieu  de  -eson:  donason  502,  manias  %ll,fi- 
nason  2443,  degnas  2830.  Je  nai  pas  trouvé  d'exemple  en  -es.  En 
prov.,  on  rencontre  quelquefois  à  la  l""?  et  2e  pers.  du  pi.  -assem  et 
-asselz ;  Diez,  Grammatik,  II,  200,  n.  2,  et  p.  204,  en  cite  plu- 
sieurs exemples  ;  d'autres  se  trouvent  :  Malin,  Ged.,  954,  3  ;  amassetz, 
Monch  von  Montaudon,  éd.  Klein,  12,  55:  regnasseiz,  ibid.  10,  9; 
cossellasses,  tardasses,  Flamenca,  2046-7;  donases,  Flam.,  &S&2. 
Mais  je  n'ai  jamais  rencontré  un  exemple  du  singulier  en  -as  et  de 
la  3e  pers.  pi.  en  -ason,  et  pour  cetb  jaison  et  \mvce  que  notre  texte 
présente  tant  d'italianismes,  je  regarde  aussi  ces  formes  comme 
telles,  tout  en  avouant  que  les  pi.  en  -assem  et  -assetz  rendent  pos- 
sible et  même  probable  l'existence  du  sing.  en  -as  et  de  la  3«  pers.  du 
pi.  en -ason  aussi  en  provençal. 

12.— Futur:  amera  2ôô0,  ameran  23S, legeran  2904,  2928,  veran 
717,  2052  (mais  venrai  1204). 

13.  — Gérondif:  venans  1410,  cf.  Tobler,  Uguç.,  §  49  j  Mussafia, 
Altmail.Mundarl,  p. 31-2;  Mo7i.  ant.,  p.  14.  Mais  dormens  (:plens), 
au  même  vers. 

14.  — Passif  formé  avec  venir:  en  greu  loc  on  venian  mes  1141, 
Il  yen  a  pourtant  quelques  rares  exemples  dans  d'autres  textes  pro- 
vençaux :  Zorzi,  Biographie,  II,  ligne  15: <(  un  eastel  qui  ven  apel- 
latz  Covon  >y,Revim  des  Z.rom.,XXIX,  223,  v.  72;  «  qu'ieu  las  non 

venga  perdittz»;  ib.  p.  233,  v.  4.56:  «  que  yeu puesca  venir 

a.fiatz .  )) 

15. — fin  a  pour  Iro  a  1962. 

Outre  ces  italianismes,  notre  texte  offre  un  grand  nombre  de  for- 
mes françaises.  Elles  sont  dues  assurément  en  grande  partie  à  un 
copiste,  comme  le  prouvent  les  vers  549,  où  le  ms.  porte  riens-  au 
lieu  de  res,  exigé  par  la  rime  (:  bes);  966,  où  il  donne  fornais  pour 
fornas  (:  Jouas);  967,  où  il  y  a  traisistes,  tandis  que  l'original  por- 
tait traisses  (:  es);  1 168  et  2597  crois  pour  cros  (:  nos);  1321  mains 
pour  mans  (:  flans) ^  Pourtant  quelques-unes  d'entre,  elles  appartien- 
nent certainement  à  l'auteur. 

1  .  — malfeç  (:  aureç)  120. 

2. — grant  x>iças  687(?), 

3.  —  sage  444  (:  coragé)  à  côté  de  savis  449. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  187 

.le  ne  connais  qu'un  seul  exemple  de  saye  dans  un  autre  texte 
prov.;  c'est  dans  une  chanson  anonyme,  Mahn,  Gf(^.,558,  3.  Mais 
la  langue  de  cette  pièce  est  loin  d'éti'e  dupi-ovcuçal  pur,  et  là  aussi 
sage  est  une  forme  française. 

4.  —  Pron.  poss.  nos,  vos,  pour  nostre,  voslre  :  de  far  vos  man- 
danien  980,2159;  Saint  Jaqueni  cos  fralre  202(3,  auiaç  nos  prec 
2163,  presou  vos  fils  2300,  veçen  vos  oils  2302,  nos  greus  peccaç 
2459,  vos  faiç  euutar  2535,  el  vos  braç  2770. 

5.  — Je  ne  sais  s'il  faut  aussi  attribuer  à  l'influence  française  la 
3'î  pers.  pi.  du  futur  de  esser  :  a eron», qui  se  trouve  au  vers  2104 
(le  ms.  porte  erron,  mais  c'est  évidemment  une  faute  pour  eron).  Jo 
ne  connais  du  moins  aucun  autre  exemple  pareil  en  prov.,  tandis 
qu'en  français  erent  n'est  pas  rare.  Mais  il  n'y  a  pas,  je  crois,  lieu 
de  douter  (ju'il  ne  faille  attribuer  à  l'influence  française  une  autre 
particularité  delà  langue  de  notre  auteur:  l'emploi  de  erou  erl  non 
pas  seulement  comme  3e  pers.  sg.  du  futur,  mais  aussi  comme  .Supers, 
sg.  de  l'imparf .  Voici  les  passages  qui  offrent  cette  particularité  : 
«  Ja  n'er  tant  orgoillos ,  Quant  plac  al  segnor  deu,  Nol  convertis 
en  breu»  1009;  «  moût  vos  honret  quar  il  ert  vostre  paire  »  2288. 
Peut-être  aussi  au  v.  588:«  Qu'anc  non  fais  erni  trais  Nuls  hom...», 
où  pourtant  l'ordre  des  mots  étant  irrégulier  (on  attendrait  non  er 
fais),  j'ai  changé  le  falser  du  ms.  en  falset.  Le  prov.  distinguait 
bien  l'imparf.  era  du  futur  er  ;  mais  en  français  on  avait  ert  aussi  à 
l'imparf.,  à  côté  àe  ère  ;  cf.  par  exemple,  Fôrster,  Aiol,  710  note. 

6.  —  Prés,  du  subj.  seit  (sU),  assuré  par  la  rime  au  v.  1014 
(:  perdoneit)  et  1805  {:dreil),  à  l'intérieur  des  vers  1445,  2332,2.565, 

•  2603.  Il  y  a  souvent,  mais  toujours  à  l'intérieur  du  vers,  soit,  par 
exemple,  1136,  1278, 1500,  2213,  2272,  etc.  L'auteur  employait  aussi 
sia,  seia  et  soi,  dont  je  parlerai  plus  tard. 

7.  —  Parf.  pendi,  stendi,  vendi,  au  .lieu  de  liendet.stendet,  vende  t. 
Vendi:  jjendi  1285-6,  stendi  1321,  pendi  (:  enansi)  1833.  Le  der- 
nier passage  prouve  que  ces  formes  sont  ducs  à  l'auteur. 

8.  — Parf.  2e  pers.  pi.  -sles.  «  Et  pel  saluç  quel  mandastes  tan 
gen  »  2352,  «  Vos  desliastes  los  vostres  blons  cabels  Eç  anbesdos  lil 
sugastes  ab  els  »  2734-35  ; —  «Etel  vos  hvaq  noristes  et  pauçast  » 
2776; —  «  Del  ventre  del  poisons  Traisistes  SainJonas  ))965.  —  Fustes 
1149,  11.50,  1159,  1341,  1632  à  côté  de  la  forme  correcte  fos  =  fotz, 
qui  se  trouve  le  plus  souvent:  1158,  1615,  1618,  1624,1640,  1695 
(:  angoisos)  1761.  1770,  etc.  Postes, (\m  se  trouve  aux  vers  896,  11.55, 
1173,  1440,  est  un  mélange  franco-italien  ou  franco-provençal.  Enfin, 
on  trouve  aussi  fus  1647,  1904;  peut-être  y  avait-il  fos  dans  l'origi- 
nal, que  le  copiste  aura  changé  par  erreur. 

Des  formes  françaises  se  trouvent  en  outre  en  grand  nombre  dans 


Ib8  POESIES  RELIGIEUSES 

des  passages  où  elles  pourraient,  sans  la  moindre  difficulté,  être  rem- 
placées par  les  formes  provençales- 

Voici  le  résumé  de  ce  qui  me  semble  le  plus  essentiel  à  noter: 
I .  —  E  pour  a  atone  :  malvaixe  174,  ire  273,  consire  274,  bone 
1200,  eslres  1243,  ombre  2676,  etc. 
.  2.  — E  pour  a  tonique  libre:  deleç  695,  demander  141 . 

3.  —  Article  :  do  1096,  au  960,  les  84,  293,  673;  des  478,  1634;  as 
2024 . 

4.  — Prouom  :  r/e  994,  il  17,  39,  50,  576,  584,  etc.  ;  les  73,  soi  1062, 
mes  1425,  1582;  ses  2451,  ice^  1545. 

5. —  Verbe.  Prés.  ind.  pe  pers.  :  co^iot'*'  1681,  2505,  voyez  pourtant 
p.  183;  pois  141 1,  2374  (pose  2318,  2510; poisc  1428,  2506).—  Sepers. 
est2622  (es  70,  87  [:  près],  98,  99,  258  [:  ies],  etc.);  valt  330,vat{t 
2516  {val[:  mal],  191,367,2063);—  convient  \b3  {soven  [:  mala- 
men] 525,  ven  [:  nien]  2093,  cove  [:  merce']  1364)  ;  — plaii  528,  741 
{plai  3,  554,  743  [:  dirai,  lai,  val'],  &t.<i.;plaç  [:  laç]  361,  [:  seiac;'] 
603,  [peccaç]  2392); —  sat>eç  262. 

Prés,  du  subj .   doint  1049,  mais  cZon  1103. 

Imparf.  conoxoit  549  (?),  «oZeiY  873,  tenoit  1328,  mais  avm  (:  com- 
parpiia)  873,  (;  sainlifîo)  756,  r«Zia  (:  via)  1327. 

Parfait  /?<  472,977,  mais  /es  (=feU)  881-2  (:  «îesjîres)  1017,  1021, 
vint  2215,  t^o/^  1060,  2218,  mais  vole  2226,  2227. 

Futur  eri  40,  81,  107,165,456,  etc.;sat«reç  106,  m&ïa  salreç  137. 
Condit.  saurieç  141. 

6.  —  Par  à  coté  de  pcr  25.  201,  1043,  1118,  etc.;  —  o  pour  «& 
977. 

Outre  les  formes  italiennes  etfrançaises,  notre  texte  offre  un  cer-. 
tain  nombre  de  particularités  qui  méritent  d'être  notées.  Je  veux  dire 
les  formes  prov.  qui  sont  ou  directement  contraires  aux  règles  de 
la  grammaire,  ou  ne  se  trouvent  que  plus  ou  moins  rarement  dans 
d'autres  textes  prov.,  et  s'écartent  do  l'usage  général  de  la  langue 
littéraire. 

1 .  —  Les  règles  de  la  déclinaison  semblent  avoir  été  totalement 
inconnues  à  l'auteur  ;  il  savait  que  le  prov.  possédait  deux  formes  au 
sing.  et  deux  formes  au  pi.,  mais  il  ne  savait  apparemment  pas 
quand  l'une  ou  l'autre  devait  être  employée.  Nous  trouvons  eu  con- 
séquence, à  côté  de  formes  régulièrement  employées,  non  seulement  a) 
le  cas  oblique  pour  le  cas  sujet,  ce  qui  ne  serait  pas  étonnant  dans 
un  texte  de  la  seconde  moitié  du  XI lie  siècle,  mais  aussi  b)  le  cas 
Sujet  pour  le  cas  oblique. 

a).  —  Nom  sing,  masc.  g uier don (:  ohl.  caxon)  222,deu(:  den^ 
débet)  458,  hon(:  del  tron)  628,  natural  (:  oh\.  morlal)  698,  èon 
(:  obi.  perdon)  825,  çaitiu  (:  m'omeliu)    1313,  tort  (:  obi.   mort) 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  18» 

1452,5«nc(:  oh\.  Jianc)  1979,  sen  (:  sen  =  sentit)  2057,  ver  (:  aver) 
2083,  greu  (:  en  breu)  2308,  aiut  2405,  vengut  2428,  rendut  2430 
(:  re/ii<<  3e  pers.  prés.  subj.  2414),  esniai  f:  deschai)  2845,  etc. — 
Nom .  pi .  masc.  rais  (:  mais')  84,  iuiai-  ( :  bicnfai;)  156,  fis  (:  paradis) 
634,  iudeus  (:  obi,  pi.  yreiis)2\\f>.  aiudar{:  nom.  sin?.  nlnma<;) 
2622,  peccaç  f:  sahiaç)  2802,  etc. 

Nom.  sing.  fém.:  juo>'<  99,  où  la  grammaire  demanderait  aus.si 
fortz  pour  /b/-^  à  la  rime  du  vers  suivant;  nierce  1000  (à  l'intérieur 
du  vers). 

Obi,   pi.  fém.:  yrant  galtadas  676  (à  l'intérieur  du  vers). 

b) . — Obi.  sing.  masc.  deus  (obi.  pi.  iudeus)  23,  guierdos(:  nos) 
26,  d'argens  (:  las  cens)  42,  et  à  l'intérieur  des  vers  95,  281,  pre- 
cenç  (:  obi.  pi.  obramens)  294,  bes  (:  après)  295,  camis  (abis)  385, 
salvaç{:  obi.  pi,  desesperaç)  805,  iugemcnsÇ:  nom.  sing.  secorens] 
1027,  restauraç  (:  de  toç  regiiaç)  1493,  cerais  (:lais)  1667,  comans 
(:  los  sans)  1837,  salvamens  ]905,batidimens  1913,  perdonamens 
1921  (:  nom .  sing.  omnipotens  1902,  sens  1926,  garenc  1945},  guierdos 
(:  nom.  sing.  bos)  2551,  resplandimens  (.-iatas  gens)  2825,  etc. 

Obl.pl.  masc,  assuré  par  la  rime  :  inort  (:  obi.  sing.  ^or<)  1512, 
chaitiu  (:.viii  =  vieil)  1810,  falimen(:  sen=  sentit)  2077  (oii  l'on 
pourrait,  au  besoin  peut-être,  corriger  son  falimen) . 

Ces  exemples, absolument  sûrs,  étant  donnés,  il  n'est  pas  permis 
de  modifier  d'autres  passages  où  la  correction  serait  facile,  par  exem- 
ple vers  100-1  fort,  et  ratiu  (on  pourrait  corriger  Jo  pour  los),  (j'ai, 
en  conséquence,  noté  plus  haut  vin  102  comme  exemple  de  l'emploi 
de  la  3epers.  sing.  au  lieu  de  celle  du  pi.);  los  port  941;  et  à  l'inté- 
rieur du  vers,  par  exemple,  or  fan  498,  saint  621.  1091,  1353  ;  dels 
paubre  2005,  etc. 

Obi.  sing.  fém. /ms(:  nom.  sg,  aclins),  134, (-.fins  nom,  sg.)933, 
voluntaç  (:  paç)  1068,  saintitaç  (.•  clamac  2  pi.)  1093,  malvesiaç 
(:  nom,  sg.  boniaç)li06,  mors  (:  cors  =  corpus)  1825,  «mors  1922, 
vigors  1938  (:  secors  1916).  temors  2408,  amors  2433,  co.lors  2441, 
colors  2449  (:  cors  2425), etc. 

Obi.  pi.  fém.  de  las  ofension  (:obl.  sing,  confesion)  196,  972; 
las  penas  enfernal  (:  voc.  ternal)  1206,  où  Ton  pourrait  facilement 
corriger /a  ^ena  ,•  questas  vertut  (:  refut  3e  pi.  prés,  subj.)  2406, etc. 

11  est  inutile  de  noter  les  exemples  de  l'emploi  coi'rect  des  formes 
diverses  qui  se  rencontrent  très-souvent,  par  exemple,  vv.  1,  5,  6, 
15,  24,  35,  49,  51,  52,  etc. 

Les  substantifs  imparisyllabiques  avec  accent  mobile  offrent,  comme 
on  sait,  une  grande  variété  de  formes  ;  cf.  Revue  des  langues  rom . , 
XXV,  201  SB.  L'auteur  de  nos  poésies  en  a  encore  augmenté  le 
nombre  par  l'emploi  des  formes  du  ca?  sujet  au  cas  oblique. 

13 


190  POESIES  RELIGIEUSES 

Cas  sujet  sing.  —  a)  mendre  49,  anperaire  (:  faire)  415,  peccaire 
(:  paire)  S07,  peccaire  (:  contraire)  1515,  peccaire  \6S0, perdonaire 
1998. 

b)  peccaires  1309,  1985,  2273,  2800. 

c)  Salvador  s  (vocat)  (:  obi,  pi.  scgnors)  850,  peccadors  1301,  pe- 
eadors  (:  nom.  dolçors)  2193,  enperadors  (:  cors  2A2b^  sors  2A\Q) 
24.57. 

d)  baron  (:  don)  414,  defendedor  (:  obi,  doîor)  WW,  peccûdor 
1766. 

Cas  obi.  sing.:  a)  félon  (:  don,  Ire  pers.  sing.  prés.)  168  (:  dragon) 
1754,  segnor  (:obl.  dolçor)  645,  segnor{:  obi.  dolor)  722,  Salvador 
(:  obi,  folor)  2496,  segnor  2559. 

&^  segner  23,  393,  451,  478,  etc  ;  /"eZ  (assuré  par  la  mesure)  1935, 
2664;  emperaire  (:  traire)  2682. 

c)  seg7iors  2432  et  salvadors  2452,  tous  les  deux  assurés  par  la 
rime:  cors  2425  et  sors  2440. 

Cas  sujet  pi.  :  a)  maior  (:  obi.  onor)  631,  /e^on  (;  obi.  c/taiicon)  666. 

fc^  peccadors  2424,  servidors  2453,  tous  les  deux  assurés  par  cors 
2425. 

Cas  obi.  plur.  a)  segnors  849.  peccadors  (;  seeors)  833,  (:  nom. 
dolçors)  1002,  2782  ;  peccadors  1118. 

ftj  /e?s  (:  eZs)  1768,  maiers  2696.  Fém,  gensers  {:  poders)  1854. 

c)  peccador  (:  obi.  criator)  1842,  à  l'intérieur  du  vers  1867,  et  2042 
(:  cor),  voyez  la  note  sur  ce  vers. 

Los  meiils  pour  los  meillors  se  trouve  au  vers  1880  assuré  par  la 
rime  (:  ciels). 

2. —  Article. —  L'article  féminin  apparaît  dans  la  forme  encliti- 
que— /,  Is .  On  connaît  un  certain  nombre  d'autres  exemples  pour  le 
singulier.  Cf.  Hengesbach,  Sej^ra^  zurLehre  von  der  Inclination  ini 
Provenzalischen  (diss.  de  Marbourg,  1885)  ^.  22-A,  &i  Literaturblalt 
fur  ger'm.  und  rom.  Philologie,  VIII  p.  229-230;  mais  pour  le  pluriel, 
je  ne  connais  d'autre  exemple  que  als  =  a  las,  Crois.  Albig. ,  2587.  . 
Cf.  Lit.  Blatt,4.  318,  ligue  2. 

Singulier  :«  pel  iorn  del  circuncisions  »  2115,  i<.del  vostrasc.  bon- 
tat  »  2795,  «  al  veira  trinitat  »  2930 . 

Pluriel:  «los  confesors  els  vergens»  1089,  vdels  armas  gubern  » 
1890,  ((  quels  vergens  »  1993,  «  dels  vergen  »  2036,  <(  dels  offensa  » 
2759,  «  los  sains  els  sanctas  »  2766,  2914. 

3.  — Pron.  pers .  :  lors  pour  lor  :  «  car  aus  preiar  por  lors  »  (:  obi. 
pi.  peccadors)  1118. 

El,  lient  souvent  employé  comme  pron.  pers,  neutre  :  «  s'il  vos 
plai  »  3,  838,  2129,  2142,  2812,  2835;  «  qu'j7  li  plaisa»  1015,  useç  el 
non  fos  la  vostra  grans  merces  »  2274. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOI  PENBUETTEL  191 

4.  — Pron.  poss.:  vostros  pour  vostres;  seulement  une  fois,  au 
V.  2733.  C'est,  selon  mon  opinion,  une  simple  faute.  Cf.  pourtant ?s<o, 
tantos.  Revue  des  long,  roni.,  XXIX,  210. — Sos,  sietts  pour /or  ; 
cf.  Chabaneau,  Gra»i.  Uni.,  p.  130  n.  1,  etj).  195;  Romania,  IV,  345 
et  V,  234;  Revue  des  lang .  rom.,  VU,  77;  XXVI,  116;  Zorzi, 
Biogr.,  11,5,  note.  Peut-être  y  a-t-il  là  une  influence  italienne.  Cf. 
C\i3ihsinca.\x,  Revue  des  lang .  rom.,  XXV,  197;  Tobler,  Ugu(;on,  §  44 
c.  Notre  texte  offre  les  exemples  suivants:  «  Non  volgron  consel 
prendre  De  sas  armas  défendre»  334,  «  tôt  sh>i  penser  son  fais»  (sujet 
moît)  374,  «meton  iot  stm  poder»  418,  «pogron  en  son  aver  estar  » 
509,  «  lo  seu  desesperar  1)  1282,  «  smendon  ses  falimen  »  2077,  <«  do 
cil  qu'en  vos  meton  sa  dexiransa  »  2200.  —  Mais:  «  lor  bella  com- 
pagnia»  80,  ><fan  lor  voloutat  ))749. 

5.  —  Verôe.—  Infinitif:  crer  10  (?),  Lrar  730,  2348  ;  condur  1325, 
fair  1327.  Cf.  mon  édition  de  Zorzi,  4,20,  note;  Chabaneau,  Revue, 
XX,  197.  Mais:  traire  371,  faire  (:  paire)  205,  249,  261,  372,  etc.; 
/a/- 282,  285,  290  (:  aidar),  etc. 

Prés.  ind.  3e  pers.  sg.:  plais  (placel)  (;  rais)  1099,  une  fois  seu- 
lement à  côté  de  plai,  plat;,  plail,  me  semble  une  forme  créée  par 
l'auteur  pour  avoii"  une  rime  en  -ais. 

Parf.  3e pers.  sg.  l""*^  conj.:  -eit  à  côté  de  -et,  assuré  par  la  rime 
au  V.  1013,  perdoneit  (:  seit  =  sit);  puis  aneit  702,  degneit  1097,  pe- 
cheit,  cudeit  1287,  lallieil :  salveit  \&b\-2  •  ktxeit:  porteit  2228-9; 
entreit  2292,  aporleit  2296,  torneit  2309, conorteit:  alegreit  2312-3; 
ameit  2630.  De  même  nasqueit  2297  et  2639,  et  creit  2636  (=  crezeil 
—  creeit  —  creit,  cf.  crer  v.  10).  Mai.s  soscitet  :  montet  705,  clamet: 
perdonet  815-6,  aportet  1224,  entrel  1227,  clamet  1289,  navret  : 
clamet  1290-6,  garde l  1643,  alumet:  det  1776-7,  etc.  —  Comment  ex- 
pliquer cette  désinence  -eit?  L'auteur  aurait-il  confondu  le  -eit  de 
l'imparf.  français  avec  le  -et  du  parf.  prov.? 

Parf.  3epers.  sg.  :  coneit  1296  pour  conoc,  qui  se  trouve  v.  1284  (le 
conot  dums.  est  une  évidente  faute  du  copiste). 

Parf.  2a  pers.  pi.  A  côté  de  -as,  -ast,  -astes,  il  y  a  une  fois  -est, 
dans  lavest  2731;  cf.  Revue  des  lang.  rom.,  XXIX,  217,  et  enfin 
-aç:  desusitaç  1178,  degnac  1481,  mandaç2349. 

Ces  dernières  formes  me  sont  inexplicables  et  je  les  crois  être  des 
fautes  du  copiste  ;  l'original  avait  probablement  -as  ou  -ast;  cf. 
V.  2470,  où  le  ms.  porte  donac.  mais  où  j'ai  écrit  donast  à  cause  de 
enluminast  au  vers  suivant. 

Por^aji' 229,  qui  m'est  tout  àfait  inexplicable,  me  semble  être  une 
création  de  l'auteur,,  formée  pour  avoir  une  rime  en  -ais. 

Parf.  3epers.pl.:  preçon661 ,  preson  2300,  fecon  2116,2117,2298; 
meson  2302.  Cf.  Diez,  Gramni..  4e  édit. ,  II,  213. 


192  POESIES  RELIGIEUSES 

Impart',  du  subj.:  degnesaç  2829  pour  degneseç;  cf.  Chabaneau, 
Revue  des  lang.  rom.,  XIX,  214;  XXVI,  145;  XXIX,  217;  Paul 
Meyer,  Crois. alb. ,  II,  p.  cxii;  Bartsch,  Sta.  Agnes,  p.  xvi  s.;  Neu- 
mann,  Lit.  Blatl.,  III,  469  n. 

Impaif.  du  subj.  3c  pers.  pi.:  foison  211,  505;  nialmeson  504. 
—  Tangids,  3e  pers.  sg.  2773  pour  <«n^t(es,  exemple  isolé,  me  sem- 
ble une  simple  faute.  Voyez  pourtant  Bôhmer,  i2omanisc/ie  (S^t(c?je>j, 
III,  137. 

Dans  faical  1940,  2052,  2377,  la  chute  du  -tz  devant  le  pronom 
enclitique  est  remarquable.  On  en  connaît  quelques  exemples  devant 
le  pronom  enclitique  -us.  Cf.  Heugesbach,  Inclination,  p.  57,  et  Chdi.- 
h&xi&a.n,Revue  des  lang.  rom.,  XXV,  103,  n.  2;  cf.  aussi  la  note 
sur  le  V.  1921. 

Je  regarde  comme  étrangers  à  l'auteur  et  conséquemment  comme 
des  fautes  du  copiste  les  trois  exemples  où  cette  chute  du  -<2^alieu, 
sans  qu'il  y  ait  un  pronom  enclitique  :  deia  1437,  «via  2729,  auria 
2831 . 

Aver.  Parf.  2c  pers.  pi.:  augucs  1167,  1337,  2291,  2294,  2311. 
M .  Chabaneau  a  eu  la  bonté  de  me  signaler  un  autre  exemple  dans 
le  Donat.  prov.,  édit.  Stengel  18  A.  1.  13  ;  auge=  aja  est  noté  par 
M.  Luchaire  dans  le  glossaire  de  son  iJecweiZ  de  textes  de  Vahcien 
dialecte  gascon.  — A  côté  de  augiies,  il  y  a  aiguës  1189,  et  de  même 
aiguës  =  3e  pers.  sg.  de  l'imparf.  du  subj  au  v.  1293.  Je  ne  con- 
nais pas  d'autre  exemple  de  cette  forme,  influencée  par  la  l'"e.pers. 
sg.  du  parf.  aie.  —  Nous  trouvons  enfin  une  fois  aigeistes  1193, 
forme  inouïe  où  l'on  retrouve  quelque  chose  des  trois  langues,  que 
l'auteur  savait  ou  croyait  savoir:  le  prov.  a  fourni  aie-,  le  français 
la  désinence  -stes,  et  ïi  de  -istes  trouve,  je  crois,  son  explication 
dans  l'italien.  Cf.  avisi  dans  Ugugon  1749,  et  avisti,  ib .  1788. 
Part,  passé:  augut2\%l  et 2504,  mais  a^rt*^  786. 
Prés,  du  subj.  2e  pers.  pi.:  abgaç  365  à  côté  de  amç  784,  796, 
1188, 1194  ;  formée  sous  l'influence  de  saber?  On  pourrait  voir  l'in- 
fluence inverse,  c'est-à-dire  celle  de  arer  sur  sa&e>%  dans  saia  441, 
1956,  2429,  2709  (:  aia)  à  côté  de  sapça  2539,  2558. 

Sui  agut  =  ai  estât  1271,  1932;  cf.  Diez,  Gramm.,  4  édit.,  Il, 
149  note';  Suchier,  Denhn.,  I,  518;  Chabaneau,  Revue  des  l.  r., 
XVIIl,  21,  n.  1;  XXVI,  16;  XXIX.  218. 

Esser.  Prés,  l'e  pers.  pi.  sem  914,1104,  2128,  2207,  2605,  2639. 
Cf.    Chabaneau,  Crramm.  lim.,  229,  n.  3, 

Prés,  du  subj .  l''epers.  sg.  seia  (:  dem)  1588,  sei  1798,50/1629; 
aux  vers  1469,  2020,  le  mot  suivant  commence  par  une  voj'elle,  on 
pourrait  donc  écrire  sei\  soi\ 

3e  pers.  sing.:  A  côté  de  seit,  soit,  dont  j'ai  parlé  plus  haut,  notre 


t 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  193 

auteur  emploie  les  formes  sia  (:  via)  21,  (:  baillia)  1073,  [:  poria) 
2653  et  scia  (:  enveïo)  2145,  2651,  etc.,  qui  se  rencontrent  souvent 
dans  les  poésies  prov.,  et  enfin  sei  810,  2522,  qui  dans  d'autres  textes 
iiese  rencontre  que  très-rarement.  Je  l'ai  trouvé  dans  Mahn,  Gcd. 
795,  5  (:  l'ci,  rei^)  et  1306,4  (:  Ici,  manei,  dei). 

G.  —  Conjonction ,  —  A7.  L'i  de  ni  s'élido  plusieurs  fois  devant 
une  voyelle,  1466,2337,  2430,2554,  2674.  cf.  Lit.  Blatt  ,  VII,  504. 
Ne  a  sans  élision,  v.  738, 

7.  —  La  forme  enclitique  de  l'article  et  du  pron.  pers.  se  trouve 
deux  fois  après  un  mot  finissant  par  une  consonne  :«  lai  sus  enl  reng» 
1786,  où  je  n'ai  pas  corrigé  t'Z  à  cause  du  second  exemple:  «  Qanl 
conogues,  vos  convertis  en  breus  »  2730,  cf.  Mussafia,  Mon.  uni., 
\).  12;  Tobler,  Gimril  Pateg.,  §  24  d  et  Canelln.  Arunhln  T)a,i!o]h,, 
4,  33,  note.  ' 

Si  j'ajoute  enfin  que  notre  auteur  affaiblissait  Iz  en  s  (mil  ves  :  ges 
163,  fes  (=  fccit):  mespres  1017,  amadris  :  paradis  1264,  de  fende- 
ris:  paradis  1620,  etc.)  et  qu'il  employait  les  mots  finissant  en  -n 
mobile  tantôt  a)  avec  -n  et  tantôt  &)  sans  n  (a)ren:  gen  11,  plens  : 
serpens  316,  gariçon  :  mon  340,  soven  (3®  pers.  sg.):  malamen  525, 
palafrens  :  garnimens  529,  etc.  ;  —  h)  guierdos  :  nos  26,  bes :  après 
49,  bos  : pros  104,  cove  :  merce  1364,  be:  merce  1411,  etc.),  je  n'aura 
rien  oublié,  je  pense,  de  ce  que  sa  langue  nous  offre  d'important  à 
noter. 

Il  résulte  de  ce  résumé  que  l'auteur  était  de  l'Italie  septentrionale; 
qu'il  savait  mal  le  provençal  ;  qu'il  y  mêlait  des  formes  italiennes  et 
françaises,  et  qu'au  besoin  il  créait  des  formes  nouvelles  qui  n'appar- 
tiennent qu'à  lui. 

Cette  langue,  déjà  si  mauvaise,  a  été  encore  détériorée  par  un  co- 
piste qui  y  introduisit  d'autres  formes  françaises,  et  probablement  en- 
core par  un  autre  copiste  qui  multipliait  les  italianismes.  Comme, 
d'un  côté,  l'auteur  se  permettait  toute  sorte  de  formes  non  provençales, 
ot  que,  de  l'autre  côté,  il  est  en  général  impossible  de  décider  avec  ■ 
.sûreté  ce  qui  lui  appartient  en  propre  et  ce  qui  est  dû  au  copiste,  j'ai 
laissé  le  texte  tel  qu'il  est  dans  le  ms.,  séparant  seulement  u  et  v, 
et  je  n'ai  introduit  que  les  corrections  dont  le  sens,  la  mesure  ou  la 
rime,  indiquent  la  nécessité. 

Il  est  évident  que  l'auteur  a  voulu  rimer  exactement;  pour  attein- 
dre ce  but,  il  n'a  même  pas  craint  de  créer  des  formes  nouvelles;  cf. 

'  Le  ms.  porte  sen.  Maha  ajoute  sei?  entre  parenthèses,  et  c'est  ain.si  en 
effet  qu'iJ  faut  corriger.  Hofraeister,  Sprachl.  Untersuchung  der  Reime  Ber- 
narts  von  Ventadorn,  p.  U,  n.  1,  cite  ce  passage,  qui  est  de  Bernait,  et 
propose  de  lire  vei  au  lieu  de  sen;  mais  il  y  a  déjà  vei  au  troisième  couplet. 


194  POESIES  RELIGIEUSES 

plais  V.  1699,  portais,  v.2290.  Les  assonances  sont  rares:  Cr/sio/oL- 
apostol  1041,  2024;  vergen:  legen  2036.  Je  ne  suis  pas  sûr  si  l'on 
doit  y  ajouter  pauc  :  gauç  16Q  et  gauç  :  claus  1990;  car  je  trouve 
guaucx:  paucx,  raucx,  traucx,  Aa.n?,  une  pièce  de  Peire  d'Alvernhe, 
Mahn,  Ged.,  223,  4,  et  gauiz,  qui,  par  l'afifaiblissement  de  tz  en  s, 
deviendrait  gaus^  est  noté  par  Raynoviard,  Lexique  roman,  III,  442. 
Une  autre  inexactitude  est  /  rimant  avec  Ih:  oils  :  dolc  673,  759;  or- 
goils  :  dois  1765,  meills  :  ciels,  1880;  et  peut-être  aussi  «  avec  nh  : 
au  v.  2246,  captens  :  enseqnamens,  car,  autant  que  je  sache,  on  a 
toujours  captenh  en  prov.  Ou  faut-il  admettre  ici  une  autre  création 
de  l'auteur? 

Il  me  reste  à  dire  un  mot    sur  la  forme  métrique  de  nos  poésies. 
La  première    partie,  qui  comprend  des  exhortations  religieuses  (1- 
844),  est  toute  en  vers  de  six  syllabes  rimant  par  paires  ;  les  37  prières 
qui  suivent  ont  des  formes  différentes.  En  voici  la  liste  exacte: 
V.     845-942 .   Vers  de  six  syllabes  rimant  par  paires . 
943-988  —  — 

989-1028  —  — 

1029-1052  —  — 

1053-1074  —  — 

1075-1112  —  — 

1113-1122  —  — 

1123-1214.   Vers  de  huit  syllabes      — 
1215-1246  —  .  — 

1247-1378  —  — 

1379-1490  —  — 

V.  1491-1550.  Six  couplets  de  dix  vers  de  sept  syllabes,  dont  les 
rimes,  qui  changent  à  chaque  couplet  (rinis  singulars  des  Legs 
d'amors,  1, 166),  présentent  la  série  abba  acca  \\  ca.  Ce  sont  des  co- 
hlas  capdenals  {Legs,  I,  282),  chaque  couplet  commençant  par  le 
même  mot  Yergen ;  seulement  au  premier  couplet  il  y  &  Ai  vergen. 
V.  1551-1606.  Huit  couplets  de  sept  vers  :  4a  bb  4abb  4«  ob  4c. 
Rims  singulars.  M.  Bekkerfn"  16)  et  M.  Bartsch,  Chrest.,  4e  éd., 
277,  ont  donné  à  cette  pièce  la  forme  suivante  10a  10a  10a  ib  avec 
rime  intérieure  à  la  césure  dans  les  trois  premiers  vers.  M.  Bartsch 
y  voit  une  imitation  de  la  strophe  sapliique.  Il  peut  avoir  raison  ; 
néanmoins,  persistant  dans  l'opinion  sur  les  rimes  intérieures  que  j'ai 
émises  dans  mon  édition  de  Zorzi,  p .  31 ,  note,  je  n'ai  pas  suivi  l'exem- 
ple de  ces  deux  savants.  Le  même  vers  se  retrouvant  à  la  fin  de  cha- 
que couplet,  cette  poésie  serait  une  retroensa,  s'il  est  permis  de 
donner  ce  nom  à  des  poésies  religieuses  (cf.  Legs,  1,  286  ;  LU.  Blatl., 
VI,  198). 

V.  1607-78,  Neuf  couplets  de  huit  vers  de  sept  syllabes:  ab  ab  ||  ce 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  195 

dd.  Rims  singulars.  Pour  a,  il  y  a  des  «  VocaWeime  ■>•>  1)  ida.  2)ado, 
3)uda,  4)  ida,  b)ada,Ç>)  uda,  l)onda,  S)enda,  9)anda. 

V.  1679-1838.  Vingt  couplets  de  huit  vers  de  huit  syllabes  :  ah  bn 
Il  cd  cd.  Rims  singulars . 

V.  1839-1901 .  Sept  couplets  de  neuf  vers  de  six  syllabes:  ah  ah  || 
bccdd,   Rims  singulars . 

Les  deux  derniers  vers  se  retrouvent  à  la  fin  de  chaque  couplet  ;  ce 
serait  donc  aussi  une  relroensa. 

V.  1902-1949.  Six  couplets  de  huit  vers  de  dix  syllabes  :  ah  ha  ||  cd 
cd.  Cohlas  unissonans.   (Legs,  I,  278). 

V.   1950-1965.  Vers  de  dix  syllabes  rimant  par  paires. 
1966-2055  —  — 

2056-2109.  Six  couplets  de  neuf  vers  de  dix  syllabes:  ahahb  || 
ce  dd.  Cohlas  tinissonans . 

V.  2110-2129.  Vers  de  dix  syllabes  rimant  parpaires. 
2130-2150  '    —"  — 

2160-2165  —  —  Coblacap- 

denal. 

V.  2166-2213.  Six  couplets  de  huit  vers  de  dix  syllabes:  ah  ah  \\  ce 
dd .  Cohlas  dohlas  (Legs,  1,264)  et  cohlas  capdenals,  chaque  couplet 
commençant  par  les  mots  ^alve  Yesiis. 

V.  2214-2283.   Vers  de  dix  syllabes  rimant  par  paires. 
2284-2333  —  — 

2334-2381  —  — 

2382-2403  —  - 

2404-2459.   Six  couplets  de  huit  vers  et  deux  Lort)  ad  a  s  de  qua- 
tre vers  de  dix  syllabes  :  ahha  \\  ce  dd.  Cohlas  vnissonans. 
V.  2460-2549.  Vers  de  dix  syllabes  rimant  par  paires. 
V.  2550-2616.  Sept  couplets  de  neuf  vers  et  une  tornada  de  qua- 
tre vers  de  dix  syllabes  :  r7?)&rfn  |  ccdd.  Câblas  unissonans. 

V.  2617-2604.  Six  couplets  de  huit  vers  de  dix  syllabes:  ab  ab  || 
cddc,  avec  Reimahlusung,  c'est-à-dire  que,  dans  les  couplets  2,  4,  6, 
c  et  rf  occupent  la  place  que  a  et  ^  occupent  dans  les  couplets  1.3, 
5,  et  a  et  b  celle  de  c  et  f^ 

V.  2665-2727.   Six  couplets  de  dix  vers  et  une  lornada  de  deux 
vers  de  ^ept   syllabes:  ab  ba  \\  cdd  cee,  ou  peut-être  à  -cause  de  la 
tornada  de  deux  vers:  ahha  \\  cd  de  ee.  Cohlas  doblas. 
V.  2728-2764,   Vers  de  dix  syllabes  rimant  par  paires . 
2765-2868  —  — 

2869-2898  —  — 

2899-2918  —  — 

La  conclusion  v.  2919-2936  est  aussi  écrite  en  vers  de  dix  syllabes 
rimant  par  paires. 


196  POESIES  RELIGIEUSES 

La  césure  des  vers  décasyllabiques  (les  vers  de  moins  de  dix  syl- 
labes n'ont  pas  une  césure  réglée)  se  trouve  le  plus  souvent  régu- 
lièrement après  la  quatrième  syllabe  accentuée.  Pourtant  la  césure 
lyrique  (après  la  quatrième  atone)  est  fréquente,  par  exemple,  1962, 
1972,  1998,2001,  2012,2018,  2023,  etc. 

La  césure  épique  se  trouve  aux  vers  2040,  2222,  2224,  2284, 
2538,  2539,  2558,  2733,  2745,  2760,  2765,  2792,  2853,  2869,  2893, 
2909,  2914.  La  césure  est  après  la  sixième  syllabe  accentuée  dans 
les  vers  1968,  2246,  2282,  2423,  2882,  et  après  la  cinquième  atone  aux 
vers  2240  et  2425. 

Si  dans  le  milieu  du  vers  deux  voyelles  se  rencontrent.  Tune  à  la 
fin  d'un  mot  et  l'autre  au  commencement  du  mot  suivant,  il  y  a  ou 
élision  ou  synaloephe,  ou  l'hiatus  reste. 

Élision:  51,  114,  400,  405,  471,  490,  etc. 

Synaloephe:  57,  164,  246,  271,  287,  332,  408,  881,  etc. 

Hiatus  :  a)  la  voyelle  ne  peut  pas  être  élidée  :  autresi  es  99,  fara 
oblidar  109,  deu  amar  389,  seu  amor  412,  çai  et  553,  etc.;  —  b) 
la  voyelle  peut  être  élidée  :  se  il  17,  que  aureç  110,  li  avec  197,  li  eis 
760,  que  aiac  784,  de  amta  1183,  que  a  1355,  ira  et  1408,  santisme 
amor  1442,  santisma  arma  1446,  ma  arma  1457,  etc. 

La  voyelle  à  la  fin  du  mot  est  appuyée  par  la  césure:  sperança  | 
et  2012,  cela  |  en  2388,  abstinença  |  et  2409,  dotnna  \  en  2746. 

Quoique  nos  poésies  n'aient  qu'une  valeur  médiocre,  elles  occupent 
une  place  à  part  dans  la  littérature  provençale,  car  elles  sont  les 
seules  poésies  religieuses  provençales  écrites  par  un  Italien.  Et  il  est 
vraiment  remarquable  qu'un  Italien  ait  employé  une  langue  étrangère 
dans  un  genre  de  poésie  où  justement  la  littérature  italienne  naissante 
se  montra  originale  et  indépendante  de  toute  influence  étrangère,  et 
qui  produisit  dans  la  seconde  moitié  du  XlIIe  siècle  bon  nombre 
d'œuvres  importantes.  En  effet,  tandis  que  je  ne  saurais  nommer  au- 
cune œuvre  provençale  comparable  à  nos  poésies,  il  y  a  une  certaine 
ressemblance  entre  elles  et  l'œuvre  A'Ugncon  da  Laodho,  qui,  eHe 
aussi,  a  une  partie  contenant  des  prières  et  une  autre  contenant  des 
exhortations  morales  et  religieuses.  L'auteur  de  nos  poésies  l'a-t-il 
connu?  Cela  n'est  pas  impossible;  car,  comme  M.  Tobler  l'a  prouvé, 
Pietro  da  Barsegapé  a  utilisé  dans  son  poëme  l'œuvre  d'Uguçon,  et 
le  poëme  de  Pietro  se  trouve  dans  un  manuscrit  de  1274.  Cf.  Gas- 
pary,  Geschichte  der  ital.  Lit.,  p.  131  et  494.  Uguçon  pourrait  donc 
être  un  contemporain  de  l'auteur  de  nos  poésies.  Mais  on  ne  peut 
émettre  là-dessus  que  des  hypothèses  très-vagues;  aussi  je  n'insiste 
pas. 

C.  —  La  pièce  française  qui  fait  suite  aux  poésies  provençales  se 
compose  de  huit  couplets  de  huit  vers  de  dix  syllabes,  dont  les  rimes 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLPENBUETTEL  IST 

qui  restent  les  mêmes  dans  toute  la  pièce,  présentent  la  série  ab  ab 
baab. 

Un  neuvième  couplet  est  resté  incomplet,  il  n'y  en  a  que  les  quatre 
premiers  vers.  Ce  sont  des  exhortations  que  l'auteur,  en  prenant  congé 
(«  a  ceste  départie  »  v.  5),  adresse  à  ses  amis:  exhortations  de  fuir 
les  vains  plaisirs  et  honneurs  de  ce  monde,  et  d'exercer  les  vertus 
par  lesquelles  l'homme  gagne  la  joie  éternelle. 

Que  cette  pièce  ne  soit  pas  l'œuvre  de  l'auteur  des  poésies  proven- 
çales, cela  me  semble  hors  de  doute  pour  trois  raisons:  1°  à  cause  de 
la  différence  delà  langue;  2° -parce  que  l'auteur  de  B  appelle  ses  audi- 
teurs et  lecteurs  {que  léger  an  e  volgran  escholtar,\'.  2U28)  «  senhor  >< 
(vv.  2,  234,  33G,  389)  et  jamais  «  amis  »,  comme  le  fait  l'auteur  de  la 
pièce  française  (v.  1);  3"  parce  que  les  derniers  vers  de  B  forment 
une  conclusion  certaine,  et  qu'il  n'est  pas  vraisemblable  qu'après 
avoir  à  la  fin  prié  Dieu  pour  ceux  qui  liront  son  livre,  après  les  avoir 
invités  à  prier  pour  lui,  et  enfin  après  avoir  terminé  et  daté  son  œu- 
vre, l'auteur  ait  recommencé  ses  exhortations  morales.  Peut-être 
cette  dernière  pièce  est-elle  l'ouvrage  du  copiste  qui,  comme  nous 
l'avons  vu  plus  haut,  a  introduit  des  formes  françaises  qui  n'étaient 
pas  dans  l'original  de  B?  Ayant  achevé  sa  copie,  il  pouvait  dire 
aussi:  «  à  ceste  départie.  »  En  tout  cas,  l'auteur  était  de  l'Est,  comme 
le  prouvent  les  rimes:  aparellie  29,maisnie  A^i,  iugieA^wie,  dépar- 
tie, mie,  etc.  Il  faut  alors  admettre  qu'un  second  copiste  français, 
d'une  autre  contrée,  a  changé  les  formes  qui  lui  étaient  étrangères  en 
aparellee,  maisnee,  iugee. 


A 


[F"  1  r"]        Ajde  diex  sainte  trinite, 
Vne  gloire,  une  maieste, 
Vns  diex,  uns  rojs,  une  puissance, 
Une  deite,  une  essance, 
5     Qui  créas  terre  e  firmamêt 
Diex  sans  fin,  sans  comêcemét, 
Biaux  sire  diex,  gardes  moi  huy 
De  mal,  de  perte  e  dannui, 
De  courrus,  dorgueil  e  de  folie, 
10     pde  honte  e  devilonie, 
De  haine  e  de  mescheance, 
De  orgueil,  de  perde,  de  pesance, 


198  POESIES  RELIGIEUSES 

De  tous  pechies,  de  tous  outrages, 
De  tous  maux  e  te  tous  doumages. 
15     De  mal  dire,  penser  e  fayre 
Me  defFendes,  diex  de  bonaire, 
Diex  tous  puisans,  roys  savoreus, 
Roys  sous  tous  roys,  roys  glorieus, 
Diex  ou  ne  fait  nés  une  riens, 
20     Qui  es  fontaine  de  tous  biens, 
Qui  cognois  les  choses- couuertes 
Ausin  cum  les  bien  auuertes. 
Roys  precious,  plains  damistie, 
Conseile  moi  par  ta  pitié, 
25    Diex  iex  de  ton  cuer  me  regarde. 
Cors  et  arme  met  en  ta  garde. 
[F"  1  v°]        Done  moy  chose  dir  e  faire, 
E  ponsce  che  te  puisse  plaire, 
Manten  moy  en  bone  creâce 
30     En  carite,  en  penitance. 

Et  me  mantien  en  ton  bien  fait, 
Car  nul  mal  fayre  ne  te  plait. 
Et  quât  che  iai  mesfait,  biau  sire, 
Qui  es  la  doys  ou  len  se  mire, 
35     Per  ta  grant  douceur  me  pardone, 
E  per  confession  me  done 
Si  aquiter  tous  mes  pechies 
Dont  mis  cuers  est  si  intachies 
E  par  veraie  repètance, 
40     Que  ie  puisse   avoir  recordàce, 
Car  de  pechies  li  ses  mesmaie. 
Diex  cornant  que  me  fait  aie. 
De  coûtes  ou  de  félonie, 
Ou  de  cortoisie  ou  denuie, 
45     Ou  de  ueoir,  ou  de  sentir. 
Ou  de  iurer,  ou  de  mentir, 
Ou  de  dir  vilainie  reproche, 
Soit  de  iex  dorcile  ou  de  boche, 
De  langue,  de  cuer  ou  de  .  .  .ains, 

49.   La  première  lettre  du  dernier  mot  est   rongée   par  les  vers. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLPENBUETTEL  199 

50     De  cors,  de  bras,  de  pies,  de  mains, 
[F"  2  r"'         En  forfaisant  o  en  obliant, 

Ou  en  allant,  ou  en  venant, 

Ou  de  pariurer  ou  dorguel, 

Perdon  querre  e  merci  te  vuil 
55     E  tât  cû  ie  pues  merci. 

Bleu  sire,  diex  entët  mon  cri; 

Perdone  moy  par  ton  plaisir, 

Che  por  nous  uout  uestre  morir. 

Glorieux  diex,  drois  drois  rois,  drois  sire, 
60     Qui  de  tous  maus  garir  es  mires, 

Conseil  me  done  e  côfort  tel 

Que  nô  chee  en  pechie  mortel 

Ne  en  desconfort  ne  en  despoir 

Dont  couuigne  me  arme  doloir. 
65    Sire  diex,  garde  mo}'  de  tous  maus. 

De  anemis  e  da  djable  faux 

Tous  mes  amis  e  mes  amies, 

De  tous  pechies  e  de  folies 

Tout  ceus  qui  onques  bien  me  firent, 
70     Einseignerent  e  norirent, 

Dont  tuit  li  bien  me  sont  uenu. 

Dont  ie  uif  e  dont  iaj  uescu  ; 

E  tous  ceus  qui  en  ton  non  uiuent 

Et  qui  por  toi  les  maux  sehiuent, 
75     Qui  ta  créance  ont  e  ta  foy, 

E  por  qui  ie  prier  te  doj, 

E  tous  ceux  qui  en  pechie  sont 

Giete  les  an,  sires  dou  mont, 
F"  2  Vj         Per  ta  doucour,  par  ta  franchise, 
80     E  les  atorne  a  toun  servise. 

A  toy  nos  fay  souvent  penser 

E  nous  done  si  trespaser 

Tous  cristiens  e  cristieues 

Par  nulles  couses  tereines 
85     Qui  nos  puisiens  la  droite  voie 

Paruenir  a  la  parfaite  ioic, 

La  sus  en  gloire  ou  tu  as  mis 

59.  Le  premier  d7-ois  est  exponctué. 


200  POESIES  RELie-IEUSES 

Tes  sains,  tes  ellis,  tes  amis; 

Ceus  e  celles  qui  passe  sont 
00     En  lautre  siècle  de  cest  mont 

En  ta  créance,  en  ton  saint  nom, 

Por  qui  nos  prier  te  devon, 

De  qui  les  armes  poine  sent  et, 

Qui  ta  miséricorde  atendent, 
95     Biaux  sire  diex,  tu  lor  pardones 

E  la  ioie  sans  fins  leur  dones.  — 

Douce  Virge  sainte  Marie, 

Qui  mère  Dieu  es  et  amie 

Dame  dou  ciel,  dame  des  anges, 
100     Dame  rayne  e  des  archanges, 

Verais  solas  veraie  lume 

Ciel  ne  terre  naque  tel  iine 

Dame  deu  ciel,  dame  dou  mûde, 

Dame  de  qui  tous  biens  habunde 
105     Ne  onques  ne  fui  ne  iert  iamais, 

Dame  de  qui  issi  li  rays, 

Qui  tout  le  monde  enlumina, 

Chi  iusque  a  la  mort  senclina, 
[F°  3  r"]         Ce  fu  tes  fils,  ce  fu  tes  pères, 
110     De  qui  tu-fus  fille  e  mères, 

Dame  douce,  dame  amorouse, 

Dame  royne  glorieuse, 

Veray  consaus,  verai  confort, 

Veraye  amie,  veray  déport, 
115     Leaus  réfugies,  seure  tours, 

Noble  recoi  gentils  seucors, 

Veray  lis,  veraye  rose, 

Ou  toute  douceur  est  enclose, 

Dame  en  qui  sunt  très  tous  délices, 
120     Tu  qui  passez  toutes  espices. 

Prie  ton  fil  qui  me  regart 

E  qui  de  mal  faj-re  me  gart.  — 

Tu  saut  Michel,  princes  des  anges, 

102.  Après  naque,  le  copiste  a  coraraeacé,  par  erreur,  une  autre  lettre  dont 
il  avait  déjà  faille  premier  trait  qu'il  a  effaeé,  s'étant  aperçu  de  son  erreur. 
C'est  cette  ligue  effacée  que  M.  Bekker,  qui  écrit  ?ia5'Mer,  a  pris  pour  un  r. 


DU  MAKUSCHIT  DE  WOLFhNBUETTEL  201 

Ne  me  soies,  biaux  sires,  estranges, 
125     Forte  de  bien,  saint  Gabriel 

Dieu  merci,  saint  Rapliael, 

Vertus,  poestes,  seigneuries. 

Sains  trônes,  saintes  cOpagnies, 

La  côpagnie  chérubin, 
IHO     La  sainte  ordre  de  séraphin. 

Saint  Abraam,  tuit  patriarchies, 

Chi  dou  ciel  estes  unes  estrachies. 

Tu  sires  saint  Johan  Baptiste, 

Prophète,  apostre,  euâgeliste, 
135     Deciple  innocet  diu  martyr, 

Confesseur  virge  qui  por  tyr, 

Por  les  poines  que  vous  soufFristes 

De  lamor  deu  ne  vo  vousistes, 
[F°  3  v°]         Anys  conqueristes  paradis, 
140     La  ioie  que  durera  tous  dis, 

En  ioie  prenes  vos  meritaes, 

Tuit  eslit  e  toutes  eslites 

Qui  corounes  aves  ataintes 

En  gloire,  tuit  saint  e  toutes  saintes, 
145     Tout  ami  diu,  pries  por  moj 

Le  seigneur  dou  ciel,  le  haut  roj. 

Le  glorieux,  le  tout  puissant, 

Lamoreux,  le  bien  conoisant,  . 

Celui  qui  tout  cegnoit  e  ueoit, 
150     Quil  me  censaut  e  quil  méuoit 

Moi  etresteus  ceus  qui  le  creoient 

E  qualche  leu  quil  soient, 

E  qui  le  doutent  e  qui  lajment, 

E  qui  por  droit  seignor  le  clamêt, 
155     Que  a  son  servise  ma  tourt 

E  de  malfaj're  me  dostourt 

E  deint  voire  confession 
Repêtance  e  contricion, 

E  nous  mefais  tous  nous  pardone 
160     E  la  joie  sans  fin  nous  donc. 
Amen. 

Le  reste  du  fol.  3  vo  et  le  fol.  4  sont  en  blanc. 


?02  POESIES  RELIGIEUSES 


B 


[F°  5  r°]  Auiaç,si  deus  vos  alça, 

Segner,  sens  totas  nauça 
Entendeç,  s'  il  vos  plai, 
Quar  aiso  qu'eu  dirai 
5     Es  raixons  vertadeira. 
Per  0  cascuns  a  teira 
La  deu  de  cor  entendre, 
Esscoltar  eç  aprendre. 
Cascuns  pot  ben  saber 

10     En  ver  e  senes  crer, 
Cura  melor  es  la  ren, 
Mais  la  deu  totas  gen 
Voler  e  desirar  ; 
E  qui  per  un  ben  far 

15     E  senes  tôt  péril 
En  pot  recobrar  mil, 
Fols  es,  se  il  en  tarda, 
E  qui  pren  mala  garda 
E  mal  conroi  de  se, 

20     Pieç  lo  prendra  de  me. 
La  mellorren  que  sia 
Es  de  far  tota  via 
L'obra  del  segner  deus, 
Cel  que  dais  mal  iudeus 

25     Sofri  torment  por  nos, 
E  qui  bon  guierdos 
[F°  5  v°J         Vol  cobrar  del  service, 
Facal  seu  sant  ofice 
Et  per  almosnas  far, 

30     Per  precs  e  per  orar 
Et  per  autres  benfaicli, 
E  gar  se  de  mesfaich. 


1  citî.—  7  dei. —  18  prende,  B  (=  Bekker)  prend.  —  24  das.— 28  Faça  el. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFRNBUETTEL  ?03 

Cil  prent  malvas  correi 
E  mal  esguard  de  sei 
35     Que  de  deu  non  a  cura, 
Qu'a  sa  bella  figura 
L'an  faichas  la  persona. 
Et  qui  tal  membres  dona, 
Cum  il  nos  a  donat, 
40     Quant  n'ert  guierdonat? 
Qu'eu  auc  dir  a  las  cens, 
Que  per  mil  marcs  d'argens 
Nos  lairia  un  pes 
Tallar.  Et  dont  cum  es, 
45     Que  la  gens  non  o  pensa, 
Quar  par  nula  despensa 
Ne  per  nul  gent  servir 
Nos  poiria  merir 
Sol  quest  qu'es  mendre  bes, 
50     Qu'il  nos  don?  Quar  après 
Qui  l'es  hobediens 
Et  fai  sos  mandamens 
[F°  6  r°]         De  bon  cor,  sens  biais, 

Sens  ioi  non  sera  mais. 
55         Sos  cornant  son  aitals, 
C'om  se  gart  de  toc  malç 
Ni  non  faica  a  altrui 

a 

Ço  c'om  non  vol,  qu'a  lui 

Sia  faich;  mais  ben  faire 
60     Deu  vers  mais  per  contraire, 

Ets'en  us  lo  meislaigna. 

Sol  a  deu  s'en  conplagna 

E  d'el  aiamembranca, 

Que  de  tôt  fai  veniança 
65     Et  toç  biens  guierdona. 

Als  bienfaic  met  corona 

De  lois  esperitals. 

Las  coronas  dels  mais 

49  bens,  —  59.  L'i  de  faire  est  effacé,  B  faire.  —  60  Deus,  B  Deu.       67 
ioils  (1'/  exponctuée),  B  iois. 


204  POESIES  RELIGIEUSES 

Son  de  foc  veramens, 
,  70     Plus  noir  n  es  airemens 
Aitals  sunt  lor  maisons, 
Plus  noir  sunt  de  carbons 
Cels  que  lai  les  amena 
En  las  enfernals  pena. 

75     Mais  cil  qu'amie  seran 
De  deu,  maixon  auran 
De  rosas  e  de  Hors, 
Ja  mais  n'  auran  dolors 
rpo  6  yoj         ]\[g  Yen,  que  bon  nol  sia; 

80     Lor  bella  conpagnia 

Ert  d'angels  plus  luisens 
Quel  soloil  resplandens^ 
Et  el  luiran  toc  mais 
Que  del  soleil  les  rais. 

85         Molt  me  fan  mervellar 
Cil  qui  noion  pensar 
Cum  lorvai,  cum  lor  es, 
Cum  la  mort  lor  sunt  près 
Ni  quai  cauças  es  mort  ; 

90     Quar  nul  loi  ni  déport, 
Orgoil,  valor,  proesa, 
Sens,  saber  ni  largesa, 
Parages  ni  beutat, 
Fort,  castel  ne  citât, 

95     Poder  d'argens  ni  d'or 
Ni  franchesa  de  cor 
Ni  grant  esforç  de  gens 
Vers  la  mort  n'es  garens. 
Qu'autresi  es  la  mort 
100     Faichas  per  los  plus  fort 
Com  per  los  plus  çatiu, 
Qu'ausi  longamens  viu 
Los  chaitiu  cum  los  pros, 


70  Doire,  aigremens. —  73  amené.  —  74  pêne. —  81  dangenls.  —  83  liuran  , 
Bluiraa.—  85  fas.  — 89  caoças,  B  cauças. —  921agesa,  B  largesa.  —  93  belat. 


DU  MANUSCRIT  DE   WOLFENIUlETTfiL  205 

Los  malvac  cum  los  bos. 
[Fo  7  r']        Ne  nol  teneç  a  gap, 

Que  ia  non  saureç  cap 

Qu'elaus  ert  aprosmada. 

En  mens  d'una  treeada  (?) 

Vos  tara  oblidar 
110     Cel  que  aureç  plus  car. 

Ni  non  aureç  parens, 

Anaic  ni  benvolens, 

Pois  que  sereç  pasaç, 

Voillan  vostr  amistaç, 
115     Mais  enans  qu'il  poran 

Soc  tera  vos  metran 

Cum  paubras  vestimentas. 

L'arma  n'ira  dolentas, 

Se  vos  mal  faic  aurec, 
120     En  las  mans  dels  malfec  : 

Non  ensiran  ia  mais 

D'afan  ni  de  pantais, 

Non  auran  fin  ni  pausa 

Ja  mais  per  nula  causa 
125    De  mais  ni  de  dolors, 

De  frec  ni  de  calors 

3 

Ni  dels  altres  tormenc, 

3   ' 

C'om  no'n  poirial  cens 
Dir  ia  mais  per  nul  plaich. 
[F°  7  V]         Se  vos  aureç  ben  faich, 
El  reng  de  paradis 
Serec  en  flor  asis 

3 

Ec  en  rosas  molt  bêlas, 

3  ' 

Blanca,  groias,  vermellas, 
135    De  tôt'  autra  divisa, 
Ne  ia  per  nulaguisa 
Non  sabrée  tant  voler 

3 

De  iois  ni  de  placer, 

104  bons.  —  105  gas.  —  106  caps.  —  107  que  la  vos,  —  108  sic  B.;  rus. 
Içada,  avec  ua  tilde  sur  le  ç.  —  128  poiria  el.  —  131  reg,  B  regn.  —  E  nce 
(ces  trois  dernières  lettres  exponctuées)  ç  en  ;  B  enç.  en. 

14 


POESIES  RELIGIEUSES 

Que  vos  tôt  no  l'aiaç 

140     A  vostra  voluntac, 
Ne  non  sauriee  tan 
Demander  en  un  an, 
Qu'en  un  iorn  n'aiaç  plus 
En  la  maixons  Jésus. 

145         Se  denant  vos  ai  dit, 
Si  cum  avec  aucit, 
Que  rens  no  pot  défendre 
Vers  mort,  mais  ara  aprendre 
Vos  voil,  en  quai  mainera 

150     Contra  la  mort  plus  fera 
Vos  poreç  atensar. 
D'aiquest  siegle  pasar 
Vos  convient  sens  falida, 
*  Anar  en  l'autra  vida, 

155     E  segon  los  bienfaiç 
■    Els  mais  serec  iuiac. 
[F°  8  r°]         Ben  sabiaç,  cell  n'ert  mort, 
Que  los  angels  an  por.t, 
Anç  ert  viu  plus  que  vius; 

160     Mais  los  dolenc  chatius. 
Quel  deables  en  mena 
En  dolors  et  en  pena, 
Que  volgra  en  iorn  mil  ves 
Morir,  mas  no  pot  ges, 

165    Anç  ert  senpre  dolens, 
Cel  es  mort  veramens. 
Per  qu'eu  conseil  vos  don 
Queus  gardaç  dal  félon, 
Da  l'enemic  malvais 

170     Qu'es  de  malvestaç  rais, 
D'engans  et  de  falensa; 
De  rens  als  ies  non  pensa 
Mais  de  cundur  a  port 


162  e)i  manque  dans  le  ms.,  se  trouve  chez  B.  —  165  ej't  manque  ;  il   y  a 
une  Iacu;ie  dans  lems.  —  169,  enemit,  Benemic.  —  170  Que,  B  qu'es.  i 


DU  MANUSCRIT  DE   WOLPENBUETTEL  507 

Vos  de  malvaixe  mort, 
175     (3uin  poges  far  de  vos 

Flamas,  foc  e  carbos 

E  tener  vos  ades 

De  toc  bens  en  defes. 

Mas  a  deu  vos  tornac 
180    Ab  ferma  voluntac  : 

Cors  et  cor  et  saber, 

Sen,  forças  et  poder 
[F"  8  V  Li  devec  autreiar 

E  sas  obras  obrar. 
185    Non  deveç  trop  atendre 

De  penedensa  prendre, 

Mais  soven  la  preneç, 

Se  ben  faire  volec. 

Et  pois  que  l'aureç  presa, 
190     Seia  per  vos  atesa, 

Car  empentir  pauc  val 

Et  tornar  pois  en  mal. 
Dal  mal  gardar  se  deu 

Qui  vol  servir  a  deu. 
195    Aiaç  confesion 

De  las  ofesion 

Que  vos  li  avec  faicas, 

Qu'elas  seian  retraichas 

3 

Aicels  qu'a  çaiços  mes; 
200     Siac  a  cels  cofes. 

3 

Non  laisaç  por  afans 
De  far  sos  bels  comans, 
Ni  per  sec  ni  per  fams  ; 
C'unas  radie  e  rams 

3 

205     Es  las  almosnas  faire, 
Quar  a  deu  nostre  paire 
Nos  pot  ies  miel  servir 
Cols  paubres  sovenir, 
[Fo  9  rOj         Qu'an  de  servir  besong. 

176  carboas.  —  179  dornaç,  B  tornaç.  —  182  Se",  B  sen.  —  190  ateisa.  —■ 
198  Quel.  —  199  quao  ça  cor.  —  200  tofes,  B  cofes.  —  204  erans. 


208  POÉSIES  RELIGIEUSES 

210  Ben  deveç  aver  song 

Dels  Tnailac  visit.ar 

Et  del  vostre  donar, 

Se  de  ren  obs  lor  es. 

Et  non  oblîdaç  ges, 
215     Qu'en  albergaç  ab  vos 

Cil  qui  non  an  maxos, 

Qu'an  d'alberg  sofraitura. 

Molt  devec  aver  cura, 

Toc  los  bens  que  vos  faiçh 
220     Sol  per  deu  los  faiçaç, 

Sens  tôt'  altra  caxon. 

Bon  serai  guierdon  ; 

Mil  tant  de  ben  aureç 

Que  vos  deng  no  sereç. 
225    Vos  deveç  deu  pregar 

Que  de  pechaç  vos  gar, 

E  seiaç  preiadors 

Per  toc  los  peccadors, 

Qu'aian  en  deu  credença, 
230     Speranças  et  timença. 

Et  quels  desesperaç 

Fasson  sas  voluntaç. 

Ec  en  la  via  dreita 

Qui  se,  segnors,  espleita, 
[F"  9  "V"]         Cum  eu  vos  ai  contaç, 

En  ver  voill  qe  sapçaç, 

De  mort  se  defendran. 

Et  deus  los  ameran 

Eil  donra,n  sens  eschernas 
240    Lo  reng  de  vita  eternas. 
Ara  vos  ai  mostrat, 

Apres  e  devisât, 

Per  quais  ensegnamens 

Aureç  defendimens 

213  neD,  B  rien.  —216  maxons.  —  220  lo.  -  222  sera  el.—  229  Quar  an. 
—  231  de  se  peraç,  B  desa-speraç.  —  232  Fasson]  Lorrion.—  valunlaç,  B  vo- 
luntaç. —  239  enchernas. 


DU  MANr:SCRlT  DE  WOT.FENBUETTEfi  ?09 

245    Vers  la  mort  dolorosa,    ' 

De  la  peina  angoxosa, 

Et  vos  n'aiac  membranca. 

Mentre  qu'avec  posansa, 

Devec  faire  tais  obra 
250     Qu'ai  maiors  ops  vos  obra 

Las  stradas  el  camis, 

Queus  port  en  paradis. 

Ne  non  atendec  trops, 

Quar  la  mort  nos  es  props, 
255     Et  qui  van  trop  tarçan 

Lo  faich  et  poder  n'an, 

Quan  volon,  non  po  ies. 

Ec  iiisi  de  nos  es, 

S'atend  us  tant  sens  failla, 
200     Que  la  mort  nos  asailla, 
"F°  10  r°        Lo  faire  sera  tard. 

Ben  saveç  sens  regard, 

Que  la  gen  van  caçer 

La  noie  a  granc  leixer 
265     San,  sais,  sen  raalaçia, 

Que  mais  non  veeon  dia, 

Moron  sens  pentixon, 

Van  en  abis  perfon. 

Don  degran  grant  paors 
270     Aver  e  grant  timors, 

Se  il  feison  quest  pensaç  ; 

Mais  il  son  tan  malvac, 

Pianç  d'orgoil  et  plains  d'ire, 

Que  d'aico  non  consire 
.    275     Ni  deus  volon  amar, 

Ce  que  lor  pot  donar 

Al  granç  ops  mort  et  vida. 

Molt  sunt  la  gent  schernida, 

Que  non  an  pensamens 
280     Mais  de  cobrar  ^ranmens 

Aor  et  argens  et  terra, 

249  obras.  —  250  oura.  —  265  Sam.  —  267  seus.—  271  aiquest. 


:iO  POESIES  RELIGIEUSES 

L'uns  a  l'autre  far  géra, 

Enganar  et  traïr, 

Periurar  et  mentir, 
285     Far  desplaixer  et  antas. 

Las  malvestac  es  tantas 
[F"  10  v"l       Qu'es  creguda  entre  nos, 

Penser  n'ai  merveilos, 

Cum  deus  nos  vol  aidar, 
290     Mais  il  nos  laisa  far 

A  nostra  voluntac, 

E  pois  al  deriers  faiç 

Segons  les  obramens 

Aurem  nostre  precenç. 
295     N'aurem  faiç  si  pauc  bes 

Ne  si  pauc  mal  après, 

Si  grans  sen  ni  folia, 

Que  méritât  non  sia 

En  paradis  d'onors, 
300     En  infer  de  dolors. 

En  infer  es  un  draich 

Destranças  guisasfaich, 

Granc  est  et  otraillos, 

Cent  caps  a  merveilos, 
305     Fer  caschun  cap  mil  dens 

Veninos  e  taillens, 

Plens  d'iras  et  d'orgoils, 

Glaive  senblan  sos  oils 

Aguç  cum  es  raçors, 
310     Als  chaitius  peccadors 

Paia  li  lor  de  sertas. 

Toçtensgolas  avertas 
[F"  11  r"]       Estai,  si  los  afola; 

Focs  geta  de  la  gola, 
315     Rama  focs  et  serpens, 

Don  riferns  es  toç  plens, 

Et  verm  de  tota  giça. 

285  amlas.  —  295  bes.  —  297  sen  manque  daas  le  ins,  —  306  tailles. 
•308  ses  eauç.  —  314  gula.—  317  fcrtas  giças. 


DU  MANUSCRIT  DE    WOLFENBUKTTEL  211 

Sens  drap  e  sens  camiça 

Son  lai  los  peccadors, 
320     Que  non  an  fin  lor  plors, 

Et  maledicon  tuit 

Lo  placer,  qu'an  aguit 

En  quest  seigle  truan, 

Plen  de  fail  et  d'engan, 
325     Qu'ensi  lor  a  traich 

Per  qu'il 

Et  tan  mal  albergac, 

Non  volgran  esser  naç. 

Deu  reclaman  suven, 
330     Mais  tard  es,  nol  valt  ren  ; 

Quar  entro  qu'il  avia 

Poder,  força  et  ballia. 

Non  volgron  consel  prendre 

De  sas  armas  défendre 
335     De  la  pena  malvaia, 

Per  deu,  segnor,  vos  plaia 

De  vos  merces  aver  ! 

Metec  a  non- caler 
[F°ll  v°]       Lo  plaiçer  d'aquest  mon 
340     Per  trobar  gariçon 

En  la  vida  ternal  ! 

Molt  fareç  bon  iornal, 

Se  vos  a  deu  servec : 

Toç  lo  pros  en  aureç, 
345     Quar  qui  servon  a  deu, 

Servon  a  si  meceu. 
Tradimens,  periurar, 

Falsamen  tesmognar, 

Orgoils,  omicidos, 
350     Vici  lueirisos, 

Iras  et  crudeltaç, 

Desespers,  vanitaç, 
.Mentirs,  engan,  enveia 

Contra  l'armas  gereia 

326.  Lacune  dans  le  ms. —  352  Desespres. 


21Î  POESIES  RELIGIEUSES 

355     Et  es  comensamens 

D'infern  ses  finimens, 

lilurs  et  seraills  et  porta, 

Per  que  l'armas  sunt  morta. 

Per  aico  lo  vos  dich 
360     Queos  guardaç  dal  nimic, 

A  oui  quest  viei  plaç, 

Qu'il  no  vos'prend'  a  lac, 

On  vos  aiac  dolors; 

Pros  n'aurec  et  honors. 
[F*  12  r°]  Fidança  non  abgaç, 

Per  que  ioven  seiaç  ; 

Vers  mort  no  val  iovenca. 

Molt  diçon  per  credença  : 

«  Ben  poisch  estar  viven 
370     XX.  anç  en  granç  ioven, 

Los  XV.  bon  temps  traire, 

V.  penedença  faire, 

Ensi  serai  ben  sais.  » 

Tôt  sun  penser  son  fais 
375     111  partison  et  ten 

Enausi  van  dicen 

De  iorn  en  iorn  menan 

Lo  mond  el  temps  enan 

Tant  que  la. , 

380     Que  s'il  sera  la  bocha, 

No  podon  colpas  dir. 

L'armas  coven  partir 

Dal  cors,  tenir  Sa  via 

Ab  angels,  que  la  guia 
385     Pel  doloros  camis 

Enç  el  perfon  d'abis, 

En  focs  et  en  pudors. 

Per  0  pensaç  toç  iors, 

360  enimic.  -  369  Ce  vers  se  trouve  deux  fois  dans  le  ras.  ;  la  seconde  fois 
il  y  a  pose  au  lieu  de  poisch;  B  pose. —  371  teps,  B  temps.—  376  En  ansi. 

—  377  menen. —  379  Lacune  dans  le  ms. —  385  dolors,  B  doloros.—  chemins. 

—  387  pudros,  B  pudors. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLPENbUETTEL  213 

Segnors,  de  deu  amar. 
[F°  12  v°]      Hui  deveç  començar 

Anç  que  deman  atendre. 

Ge  non  voill  respir  prendre 

Del  segner  deus  verais 

Servir,  anç  qu'il  poit  mais 
395     En  (leu  son  poder  faire, 

(Et  qui  faral  contraire, 

Aura  dois  et  traballa), 

Et  del  ben  senes  failla 

Cha  mais  noill  a  fallir, 
400     Que  qu'i  dei  'avenir. 

Cum  pot  esser,  segnors, 

En  vos  tanta  folors 

Ne  tant  deschausimen? 

Quar  eu  sai  veramen 
•       405     Cum  causa  qu'es  probada, 

Per  pauca  ren  donada 

Et  per  pauc  de  servir 

L'uns  per  l'autre  a  morir 

Se  meton  quecs  molt  leu, 
410     Mais  per  lo  segnor  deu 

Non  vol  sofrir  un  ior  • 

Fam  per  lo  seu  amor, 

Que  Ior  fai  si  rie  don. 

Se  un  calque  baron, 
415     Cums,  reis  ou  anperaire, 
[po  13  po]       ggj^g  ç[^Y,  Ior  dis  de  faire 

Qualque  leugier  plaicer, 

Meton  tôt  sun  poder, 

Et  tôt  en  abandona, 
420     Aver,  forças,  persona, 

Per  servir  li  en  grat  ; 

Per  far  soa  voluntat 

Meton  s'en  cent  périls. 

No  se  troban  en  mils 

389  deui,  Bdeu.  —  391  aterdre,  B  a'eadre.  —  394  mai.  —  396  faran  el.  - 
-103  de  chausimen.  —  404  en. 


214  POESIES  RELIGIEUSES 

425    Ni  plus,  qui  bien  asaia, 
Qu'autre  guierdon  n'aia, 
Mais  per  pauc  de  forfaith 
Tôt  quant  bien  auran  faith 
Sera  fraie  et  perdut 
430     Et  il  meteis  pendut. 
Sens  autre  guierdon  ; 
Ja  n'auran  reancon, 
Per  nul  bien  que  faiç  sia, 
Que  iustiçat  non  sia. 
435     Don' fan  grant  foletura 
Cil  qu'en  tal  aventura 
S*  metou,  qu'en  apert 
Questmunt  pert. 

Mais  si  servon  en  graç 
440    Lavera  trinitac, 

Saian  ben  ses  mentir, 
[F"  13  v°]       Grant  pros  nol  pot  faillir. 
Se  il  en  an  bon  corage. 
Fols  es  cel  que  plus  sage. 
445     Es  tengut  entre  nos, 
S'a  deu  lo  glorios 
•     Non  serv  et  non  esmenda, 
Qu'envers  lui  non  mesprenda  ; 
Que  cum  plus  savis  es, 
450     Doctrinat  et  après 
Et  de  maior  vertut, 
D'aitan  es  plus  tengut 
Del  segner  deus  servir, 
Amar  et  obbedir, 
455    Et  se  il  iai  en  pechaç, 
Plus  en  ert  encolpaç. 
Per  0  gardar  s'en  deu. 
Quar  toc  li  a  dat  deu, 
Força,  sen  e  saber, 
460     Da  lui  lo  deu  tener, 


438  Lacune  dans  le  ms.  —  439  si  manque. 
446gIoriosos. 


—  444  ques.  — 


DU  MANUSCRIT  DE  WOI-FENBUBTTEL  215 

Conoixer  et  lauxar 

Lo  deu  et  tenir  car 

Sens  naucas"'et  sens  brui. 

Quar  quil  conois  da  lui, 
465     Mil  tant  l'en  dona  plus 

Et  çai  ços  et  lai  sus 

El  seu  reng  precios, 
[F"  14  r»]       Que  tantes  cars  et  bos. 

Adonc  tal  consel  prenda, 
470     Quel  lois  de  deus  atenda, 

Et  deus  l'en  don  corage, 

Quil  fit  a  sun  vmage. 
En  tôt  lo  mund  vivens 

Non  es  nuls  hom  valons, 
475    Tant  aia  de  largeça, 

D'onors  et  de  proeça. 

De  bontac,  de  valors, 

S' al  segner  des  segnors 

Non  serv  enteramen, 
480     Tôt  SOS  faic  es  nient 

Eill  tornan  tôt  a  dol, 

Qui  ben  pensar  o  vol  ; 

Que  cum  plus  es  poiaç 

En  la  lor  richitac 
485     Eten  raaior  poder, 

Piee  se  laiça  caiçer 

A  penedensa  faire. 

Per  que  tôt  a  contraire 

Li  torna  sa  richesa, 
490  •  S'onor  et  sa  grandeça, 

Deu  li  fai  oblidar 

Et  per  nemic  obrar. 

Mais  en  vertac  vos  die, 

Se  cil  qu'en  haut  e  rie 
[F"  14  v°]       Volgueson  son  poder 

Far  et  dreic  raantener 


465  plui.—  468 boas.  —  472  sum."— 473  uiuen.—  481  Et  ill,  B  e  ill.— 
492  enemic.  —  494  erit. 


2J6  POESIES  RELIGIEUSES 

Las  domiias  ses  marie 
Et  los  orfan  petiç 
Et  los  desconsellac. 

500     De  sas  grans  richitac 
Als  paubres  famellos 
Dooason  per  saiçons, 
Mantengeçon  drichura, 
Et  malmecon  falsura, 

505     Et  feicon  sens  aren 

Quant  pogexon  de  ben. 
Sens  del  tôt  delenquh^ 
Quest  mon  et  sens  partir 
Pogran  en  son  aver 

510    Estar  et  remaner," 

Et  quest  seigle  raenar 
Et  l'autre  gaçagnar. 
Mais  il  pessan  allors  ; 
Tan  li  plai  las  folors 

515     Et  menar  gaia  vida, 

Quel  faiç  de  deus  oblida, 
Etse  iloblidon  deus, 
Oblidan  si  raeceus. 
[F"  15  r"]  La  gens  es  tant  venguda 

520     D'avol  gacar  et  cruda, 

Qu'a  mal  far  leu  s'acorda 
Ni  del  ben  nos  recorda. 
Se  mal  far  vels  vecins, 
Tue  tenon  cel  camins 

525     Ne  de  deu  nol  soven  ; 
Trop  lor  vai  malamen. 
Se  il  sun  cavaliers, 
Tant  lor  plait  bel  destriers, 
Rocins  et  palafrens, 

530     Armas  et  garnimens, 
Falcons,  sparver,  astors, 
Lévriers  et  cacadors, 


497  SOS,  B  ses.—  499  denscollaç,  B  descoasellaç.  —  518  B   se.  —  520 
dauouol,  B  danovol.— ^  523  ue  lor  aeçins,  —  530  ganiraens.  —  531  aslor. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLPENBUETTEL  217 

Cantars,  domnei,  solaç, 

Déport  et  autres  faç, 
535     Que  toç  los  biens  oblida, 

Que  l'armas  en  ciel  gida. 

Et  tôt  CD  que  l'ausi, 

Plus  qu'eu  n'ai  dit  ausi, 

Fan  cascun  voluntiers, 
540     Tant  sun  mal  e  sobriers 

Et  de  malvais  esscoills  : 

Quar  il  seron  los  lioils 

Del  cor  que  los  deuria 

Gidar  en  bona  via, 
[F"  15  v°]       Quel  cor  conois  e  ve 

Et  sa  qu'es  mais  o  be.  • 

Del  cor  n'es  conoixen 

Seil  e  uan  pensamen 

E  pois  conoxoit  res 
550    'Lais  los  mal,  faiçal  bes  ; 

Mais  als  oils  tricadors 

Se  tenon  11  pluçors 

Del  cap,  que  çai  et  lai 

Esg'uaron,  tant  lor  plai 
555     Los  pecaç  d'avol  fe. 

Tôt  desiran  quan  ve, 

Et  per  aiquel  désir 

Deu  met  a  delenquir. 

Falsamen  guidar 
560    E  teran  s'enganar 

Es  clamaran  dolens 

Al  ior  del  finimens, 

S'autras  guiças  no  fan 

Que  començat  no  han  ; 
565     El  cor  deus  lor  remut 

Per  la  soa  vertut. 
Segnor,  de  vos  aiaç 

Merces  et  pietaç, 

549  riens. —  551  tricadors.  —  555  B  peccaç.  —  558  meton. —  565  Et  cor 
or  remut. 


218  POESIES  RELIGIEUSES 

Et  de  deu  vos  sovegna, 
570     Que  sor  tôt  quant  es  régna 
[F«  16  r"]      Et  toç  fes  et  toc  dona, 

Ni  neguns  non  bandona 

Ne  met  en  oblidanca 

Qu'en  lui  aia  sperança, 
575     Vera  fei  et  conort. 

Il  pod  dar  vida  et  mort, 

Et  nos  a  dat  poder 

D'el  seu  reng  permaner 

Et  de  laisus  montar, 
580     Se  nos  lo  volem  far. 

Molt  es  lo  faire  leu, 

Quar  quis  tornan  a  deu 

Et  laixan  los  peccaç. 

Il  en  a  pietaç 
585     Et  lor  fai  perdonança. 

Tan  es  d'umel  semblanca 

Et  tan  dolc  et  verais, 

Qu'anc  non  falset  ni  trais 

Nuls  hom  qu'en  lui  agues 
590    Cor  et  service  mes. 

Ane  rent  per  un  ben  faic 

Cent  mil  millers  sens  plait 

Et  sens  menbrar  ofenca, 

Se  il  an  faç  penedença 
595     En  lor  vida  cai  COS. 

Per  0  chascun  de  vos 
[F*  16  Vj      La  preneç  sens  tardar 

Per  vos  asegurar, 

Quar  cels  qu'es  bien  garnie. 
600     No  pod  esser  scherniç. 

Donc  vos  deveç  garnir 

De  ben  far  et  de  dir, 

De  tôt  ço  qu'a  deu  plaç, 

570  es  manque  dans  le  ms.,  se  trouve  chez  B.— 573  oblidanda,  B  oblidanca. 
—  577  uos,  B  nos.  —  580  volen.  — 588  falser.  —  593  onfença.  B  ofensa.  — 
594  far,  B  faç.  —  600  podon,  eschernic;  B  pod,  scherniç. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLPENBUETTEL  .  219 

Si  que  vos  non  seiac 
605     Enganaç  ala  fin. 

Cel  que  tes  d'aiga  vin 

Devec  sor  toc  amar, 

Obedir  et  honrar 

Et  lauçar  e  temer. 
610  .  Et  ben  sabiac  en  ver, 

Quar  qui  s'en  pren 

De  deu  et  al  seu  rams, 

Tant  saborosa  res 

En  toc  lo  mon  non  es 
615    Ne  de  tan  grant  vertut 

Ne  que  mas  lo  àiut  ; 

Per  o  preneç  vos  en, 

Pros  en  aurec  et  ben. 

Proiac  sainta  Maria 
620     lorn  et  noit  tota  via 

Els  saint,  que  suntlaisus, 

Qu'il  pregon  tuit  Yesus, 
[F"  17  r°]       Que  nos  lais  permaner 

En  far  lo  seu  placer 
625     Et  gar  nos  de  ço  faire 

Que  li  torn  a  contraire. 
Lo  segnor  deu  del  tron 

Es  tant  verais  e  bon, 

Qu'a  segnn  gierdona 
630     Que  Sun  staç  l'obra  bona. 

Quel  pauc  faiç  el  maior, 

Cascuns  an  son  onor 

Laisus  en  paradis. 

Et  d'aico  seiac  fis, 
635     Quar  qui  laisus  seran 

En  paradis,  auran 

Tant  de  iois  et  de  bens, 

Chascuns  en  ert  tan  plens 

De  sa  grant  benenança, 

630  sum.  —  631  pane  ;  els  maiors.  —  637  ben.  —  638  Chasuns. 


2Î0  .  POESIES  RELIGIEUSES 

640     Que  noil  sera  semblança, 

Que  nuls  plus  d'els  en  aia. 

Donc  chascus  s'estraia 

De  tôt  son  poder  mètre 

En  toc  afars  demetre 
645     Per  aiquil  del  segnor, 

Que  per  sa  gran  dolçor 

Pel  nostre  salvamencs 
rpo  17  v"!      Ven  caicos  umilmens, 

Quar  chascuns  bens  et  mais 
650    En  la  peina  enfernals  ' 

Avoit,  et  il  en  terra 

Ven  tenir  nostra  géra, 

Maire  près  et  esposa 

La  vergen  gloriosa 
655    Et  nasquet  spiritals 

Cum  altres  hom  carnals. 

Per  sa  grant  umeltaç 

Hac  de  nos  pietaç, 

Son  cors  mes  en  bailansa 
660     E  sofri  grant  pesança 

Per  mostrar  nos  la  via, 

Si.com  hom  se  podia 

Salvar  et  se  défendre 

De  contra  lui  mesprendre. 
665         Per  auquella  chaiçon 

Los  mais  iudeus  félon 

Lo  preçon,  fon  vendut, 

Per  pauc  deniers  agut. 

Molt  fes  grant  tradimen 
670     Judas  et  falimen, 

Quar  trop  fo  malmenaç. 

Et  toç  nuç  despoliaç, 

Liac  andos  les  oilc, 
[po  18  r°]      Ço  fo  grans  mais  et  dois, 
675     Anmas  las  mains  liadas 

641  mils.  —  659  mes  maaque.  —  665  auquell  achaiçon.  —  667  fol.  —  675 
iiada,  B  liadas. 


DU  MANUSCRIT  DK  WOLFENBUliTlEL  •        ?21 

Et  doiiac  grant  galtadas, 

Esspudal  per  lo  froii, 

De  peras,  de  baston 

Foferuc  et  machac, 
680     Per  teras  dei'ochao, 

Fi b lac  t'o  veramens 

D'un  paile  ricbamens. 

Per  eschern  et  per  ga^t 

Coronal  mes  en  cap 
685     De  blancas  spinas  faiças. 

Nous  séria  retraicas 

Grant  piças  las  dolors, 

Qu'il  bac  por  nostr'  araors. 

Mis  fo  sus  en  la  cros 
690    Al  torment  doloros, 

Pes  et  raainc  clavelac, 

Et  beurel  fo  donac. 

Car  il  avia  sec, 

Fel  mesclat  ab  acec. 
695     Et  en  delec  la  pansa 

Fo  feruc  de  la  lança 

Angosos  colp  mortal. 

Lo  segner  natural 

Ansi  fo  traie  a  mort, 
[F'^  18  v°]      Soteraç  en  un  orr. 

Ausi  con  se  decern, 

Il  aneit  en  anfern 

E  trais  fors  sos  amis 

El  mes  en  paradis, 
705     Au  tiers   iors  soscitet, 

Enbreutermin  montet 

El  seu  reng  precios. 

Et  nos  laiset  ca  ios 

Lo  seu  cars  raandamen 
710     En  lo  non  testamen 


677  li.  —  683  gas.  —  684  caps.  —686  Nons.  —  692  breuel.  —  694  mes- 
clatf,B  mesclat.  —  695  Ef  manque.  —  702  anfêrt.  B  anfern.— 703  son  amies. 

15 


:>22        ■  POESIES  RELIGIEUSES 

Et  en  autra  scritura, 

Que  cil  qu'a  sa  figura 

Son  faiç  deiesun  fauire. 
'Mas  no  s'en  troba  gaire 
715     Qu'en  aia  sovenença, 

Per  qu'eu  ai  grant  timenea, 

Qu'il  veran  a  tal  port, 

Mais  non  auran  conort. 

Volgran  eser  estaç 
720     Sa  vida  sosteraç 

Toç  vins  en  gran  dolor 

Per  amor  del  segnor, 

Qu'aiudar  lor  pogues 

Dal  foc,  o  seran  mes, 
725     Que  non  a  nul  pareil. 
[F°  19  r"]       Per  o  molt  mi  merveil, 

Oum  nus  hom  pot  sofrir 

D'aiquel  segnor  servir. 

Que  sofri  tant  gran  pena 
780     Per  trar  nos  de  catena 

Et  nos  promet  et  dona 

D'aur  et  d'argent  corona 

Et  vida  senes  fins 

Qui  vers  lui  er  aclins. 
735         Casscun  eser  deuria 

Fins,  leial,  sens  bauçia 

E  guardar  se  d'ofendre 

Ne  a  tort  l'autrui  prendre, 

Mantenerdeu  bontat 
740     Et  sainta  castitat, 

Quar  moût  plait  al  segnor. 

Donc  per  lo  seu  amor 

Mantegna  la,  sil  plai. 

Et  pens  cornent  li  vai, 
745     Comens  es  del  seu  cors, 

Pois  que  l'armas  es  fors  : 

721  et  grao  dolors.  —  72.no.  —725  pariel,   B  pareil.    —  728  seuir,  B 
seruir.  —  730  caréna,  B  catena.  —  744  linai. 


DU  MANUSCRIT  DE   WOLFENBUETTEL  223 

Sa  força  del  tôt  merms 

Et  es  donac  al  verms, 

Qu'en  fan  lor  voluntat. 
750     L'aver,  qu'a  amasat, 

Sol  un  denei-s  iio'n  porta, 
[F°  19  v°]      Son  paren  s'en  déporta. 

Rens  por  $'arma  non  dona 

Ne   'n  dis  mesa  ni  nona 
755     Ne  deu  non  saintilia. 

El  chaitius,  que  Tavia. 

Trob'  ar  ag-ut  atort, 

N'es  lo  iorn  mil  vas  mort    . 

A  torraenc  et  a  dois  ; 
700     Mais  li  eis  fors  dels  oils 

Aiga  que  n'es  en  mar, 

N'a  mais  fins  sens  plorar. 

Tôt  es  ars  et  raustit. 

Ensi  son  départit 
765    Los  afars  dels  raalvaic. 

Per  deu,  segner,  pensaç, 

Non  vos  laisac  venir 

A  tant  dolor  sofrir 

Ne  non  voillaç  per  pauc 
770     Perdre  solaç  et  gauç. 

Pauc  vos  val  vostr'  aver, 

Que  un  iorn  poeç  gauder 

En  quest  seigle  traitors  ; 

Cent  anç  non  preç  un  iors 
775     Apres  de  l'autra  vida. 

Que  mas  non  er  fenida. 

Quest  seigles  es  él  tens 
^F"  20  r"        Vens  et  auras  ensems, 

Que  tan  tost  via  cor; 
780     Cent  anc  no  prec  un  ior. 

Se  vos  cent  anc  vivec 

Et  pois  a  fins  veneç, 

Ja  nous  sera  veiaire, 

747  mers.  —  75i  mesas  inuonas. —  755  FaTtificaa.—  760  lies. — 783veaiaire. 


0J4  POESIES  RELIGIEUSES 

Que  aiaç  vesqut  gaire  ; 

785     Cura  plus  aureç  vescut 
Et  mais  de  iois  agut, 
Tant  sereç  plus  dolens 
Al  vostre  fenimens, 
Ja  mais  ioia  n'aurec. 
■    790     S'a  mala  fin  veneç. 

Molt  pane  val  coraençar 
Et  nient  achabar, 
Se  voleç  ternal  vida, 
Faicac  bona  fenida 

795  •  Aprob  la  començança. 
A  lac  fe  et  speranca 
En  deu  et  en  sa  maire, 
NuUa  ren  non  es  gaire 
Plus  d'aiquella  vos  valla. 

800     G-es  non  deu  per  trabaiila 
Nuls  hom  desesperar, 
S'ab  deus  vol  acordar, 
Car  non  trobon  acort 
[F°  20  V0|     Qui  sens  esper  sun  mort, 

805     Per  deu  sun  tuic  salvac, 
For  los  desesperaç. 
Nuls  non  es  tant  peccaire, 
S'a  deii  lo  nostre  paire 
Vol  tornar,  noill  aiut 

810     Et  no'n  sei  recebul. 

Nuls  nol  pot  mesfar  plus. 
Cum  fis  Longins,que  sus 
En  la  cros  lo  feri, 
Et  pois  se  repanti 

815     Et  merce  liclamet, 
Yesu  li  perdonet. 
Judas  per  son  forfaiç, 
Se  pendi  ab  un  lac 
Ni  nol  clamet  merce, 

820    Ja  mai  n'aura  nul  be. 

784  aian.  —  801  deseperar.  —  820  ben. 


DU  MA^■USC^vIT  DE  WOLFENBUETTEL  221 

Adonc  podeç  saber, 

Qui  quiet  en  desesper. 

Que  malaraen  li  es. 

Per  o  clamac  raerces 
825     Al  segner,  qu'es  tant  bon, 

Que  vos  faiça  perdon. 

Et  comensaç  per  teras, 

Mentre  que  n"aveç  temps, 

Quar  sel  tems  vos  en  fuit, 
[F°  21  r°]       Pois  nous  valra,  eo  cuit. 

Eç  eu  merce  l'en  clam. 

Que  molt  désir  et  am, 

Qu'a  toc  los  peccadors 

Seia  vida  et  secors. 
835     ?]t  mon  prec  deng  scoltar, 

Car  eu  voill  coraençar, 

Et  vos  deiaç  entendre, 

S'  el  vos  plai,  eç  aprendre. 

Molt  vos  pora  valer, 
840     Sel  volec  retener, 

Et  deo  vos  en  don  cor 

Per  la  soadolcor. 

■j 

Metec  vostr'  entendenca. 
Quar  enaisi  comença. 

II 

845        Jesu,  que  toç  feçes 
Et  tôt  formas  quant  es, 
Munt  et  vais  et  plainura, 
Tôt'  autras  criatura, 
Segner  sobrel  segnors, 
850     Deu  verai  salvadors, 

Reisde  trestoi  regnaç. 
Qu'avec  en  poestaç 
[F°  21  Vj       Lo  monç  e  quan  i  pauça, 

829  nos.  —  830  nosus  (la  première  s  est  biffée)  vara.  —  843  uostreo.   — 
849  soblel. 


2-26  POESIES  RELIGIEUSES 

Si  cura  de  vostra  causa 

855     En  podeç  dir  et  far 

Et  bens  et  mais  donar, 
Del  lot  si  com  vos  plai, 
Segner  dreiç  et  verai, 
Que  per  vostra  bontaç 

860     He  per  umilitaç 
Aviaic  insi  faic, 
Que  nuls  hom  atressaihç 
N'auria  mais  pecaç. 
Et  s'  eran  toc  anaç 

865     En  paradis  ofert, 

N'aurian  mais  sofert 
Trabails  ni  sec  ni  fams; 
Mais  lo  pecaç  de  Adams 
Et  d'Eva,  sa  muUer, 

870     Que  ton  formaç  premier, 
Nos  a  mes  en  trabailla. 
Qu'Adam  sens  tota  failla 
Quan  que  voleit  avia, 
Il  et  sa  compagnia; 

875     Sol  d'un  froiç  Ij  vedas, 
Et  si  lor  comandas. 
Que  non  manias  d'aiquel, 
Mas  per  lo  mal  consel, 
[F°  22  r"  I       Que  lor  det  la  serpen, 
880       Eva  primeiramen 

Maniet  e  en  fes  maniar 
Adam  el  fes  pasar 
Los  vostre  mandamens, 
Per  que  pois  totas  gens 

885     Qu'el  mund  sunt  ni  seran 
En  greu  périls  estan, 
Et  cels  qui  son  pasaç 
Son  eisamen  estac, 
Ec  ancar  mais  n'estava, 

890     Qu'en  infern  toc  anava. 

868  adaims.  —  870  premiers,  — 874  sa  manque.  —  882  et  el. 


UU  MAiNL'SCRlT  DIO  WOLFENBUETTEL  237 

Mais  et  bons  aiseraens. 

Mais  vos  tôt  umilmens 

Degnas  çaiços  venir 

Per  nos  d'infer-n  garir  ; 
895     Per  que  mes  en  la  cros, 

Segner,  fostes  per  nos, 

Pes  et  mains  clavelac 

Et  feruc  el  costac 

Et  mort  et  sobelic, 
900     E  quan  fos  surexix, 

Laisus  el  ciel  montas 

Et  cai  cos  nos  laisas 

Los  vostre  mandamens. 

Per  que  tota  la  gens 
I  F"  22   V"]     Degeison  ainsi  far, 

Sis  volgeson  salvar. 

Mais  d'aiqiyl  pauc  en  son 

Tant  honest  ni  tant  bon, 

Los  voilla  mantenir, 
910     Servar  et  obedir. 

Donc  se  per  vos  non  es, 

Per  la  vostra  merces, 

Per  la  vostra  dolcor, 

Nos  sem  tant  peccaor, 
915     Se  vos  a  nos  gardac, 

Mal  serem  aribac. 
.  Noi  gardaç,  deu  valens. 

Al  nostre  falimens, 

Mais  per  bontaç  de  vos 
920     Aiaç  merces  de  nos, 

Defendec  nos  del  foc 

D'infern  e  dac  nos  loc 

Laisus  el  vostre  reng. 

Ben  sai  que  nuls  n'es  deng, 
925    Tant  bon  et  tant  fins  es, 

Que  tant  ben  far  poges, 

Tal  reng  déges  aver. 

'>H.>r)  umsi.  -  906  Sil.  —907  suu.  — 'JIO  Seuar.— 914  Xo  seo.  —'.^2'<  ves. 


•<^8  POESIES  RELIGIEUSES 

Mais  per  vostre  plaiçer 
/*  Et  per  vostra  bontaç 

930     L'aveç  apareillaç, 
[Fo  23  r°]       Que  cals  que  ben  faran 
Tais  gieidons  n'auran. 
Que  mais  non  auran  fins 
El  reng,  que  tant  es  fins. 

935     Per  qu'eu  prec  dolçamens, 
Mains  iomtas,  dreiçamens, 
Que  nos  donaç  poders 
De  far  vostre  volers 
E  far  tant  bonas  obra, 

940     Que  Saint  Peire  nos  obra 
Las  stradas  ot  los  port. 
Qu'en  paradis  nos  port. 


Vers  deus,  de  totas  iens 
Aiac  dreic  chausimens, 
945     Pietac  et  rnerce, 

Et  mais  vos  prec  de  me, 
Quar  moût  vos  ai  forfaiç 
Ec  en  die   et  en  faic 

3  3  D 

Ec  en  autra  mesura. 
950     Don  liai  faiç  mespriçura. 

Molt  en  sui  doloros, 

Per  qu'eu  me  ren  a  vos, 

Segner  dolç  e  verais, 

Veira  clartaç  e  rais, 
955     Faiç  vostre  mandamen 

De  mi,  qu'a  vos  mi  ren 
[F°  23  vo]       Sens  tota  retenensa. 

Aisi  cum  sens  faillensa 

Et  si  cum  plac  a  vos 
960    De  la  gola  au  leos 

Traisis  san  Daniel 

93J  durau.  —  940  sauinl.  —  942  uos.  —  947  farfaiç.  —  959  plaie.  —  960 
leons.  —  962  poblo. 


DU  MANUSCRIT    DE    WOLFENBUETTBL  i?9 

El  poble  d'Israël 

Des  mains  dels  Faraoïis, 

Del  ventre  del  poisons 
965    Traisistes  sain  Jonas 

Et  del  ardent  fornas 

Los  très  enfant  traises, 
Ausi  cum  co  vers  es 

Et  cum  eu  n'ai  credença, 
970     Conduiç  m'a  penedença 

Ec  a  confesion 

•j 

De  mas  ofesion, 

Segner  deu,  s'il  vos  plai. 

Si  cum  eu  crée  et  sai, 
976     Que  façis  d'aiga  vin, 

Quant  saint  Archeteclin 

Fit  vos  o  lui  seder, 

Et  pel  vostre  poder 

Ausi  cum  vos  deignast, 
980     Saint  Lacar  sositast, 

Si  cum  tôt  auco  crei. 

Perla  vostramercei, 
[F"  24  r»'      Segner,  mi  perdonaç, 

Mon  tort  et  mon  peccaç, 
985     Dac  mi  cor  et  talen 

De  far  vos  mandamen 

Em  defendec  del  mal 

3 

De  la  peina  enfernal. 


Prec  vos  molt  umilmens, 
990     Vergen,  et  dolçamens, 
Domna  sainta  Maria. 
Que  de  la  mala  via 
Nos  defendac  d'infern. 

3 

Nol  di  ge  por  eschern» 
995    Mais  ab  ferm  cor  et  clar. 
Deiaç  per  nos  pregar 
Deus  sobeirans  et  fort, 

y6<3  fornais. —  961  traisistes.—  976  Arclieledin. —  98*  de.—  995  dar. 


230  POESIES  RELIGIEUSKS 

Que  de  malvaxe  mort 
Et  de  mal  nos  defenda. 

1000     Sa  gran  merce  dexenda 
Et  la  soa  dolcors 
Sobra  nos  peccadors, 
Et  de  son  beils  oils  clar 
Sor  nos  deia  gardar, 

1005     Deia  nos  convertir, 

Si  con  fes  sens  mentir 
Saint  Paul,  quel  perseguia 
Ab  orgoil  noitet  dia  ; 
[F*  24  vo]      Ja  n'er  tant  orgoillos 

1010     Ni  tant  contrarios, 

Quant  plac  al  segner  dêu, 
Nol  convertis  en  breu, 
Del  tôt  li  perdoneit. 
Domna,  donc  ensi  seit! 

1015     Preiaç  lo,  qu'il  li^laisa, 
Qu'aital  perdon  nos  faixa. 
Et  tal  perdon,  cum  fes 
Aicel  que  tant  mespres, 
Qu'enç  el  cors  lo  feri, 

1020     Pois  merce  li  queri, 
Et  il  li  fes  perdes, 
Faical  aital  a  nos. 
Dompna  de  grant  .valors, 
Splandent  sor  tôt  splandors. 
1025     Aiac  veira  merce 

De  cascuns  et  de  me, 
Seiac  nos  secorens 

3 

Al  ior  del  iugemens. 


Prec  vos  saint  Gabriel, 
1030     L'archangel  saint  Michel, 
Toc  Tangels,  qu'es  laisus, 
[F»  25  r"  I      Els  archangels  laisus 


1013  perdonel.  —  l'J  cors  oferi.—  21  perdons.—  23  Dopna.—  2i  spandors. 


1>U  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  231 

Els  quatres  evarigelista 

Et  sain  Johan  Batista, 
1035     Saint  Petre,  saint  Maten 

Et  saint  Bertolameu. 

Saint  Jachem,  saint  Tomas, 

Saint  Simon,  saint  Judas, 

Saint  Johan,  saint  Andréa, 
1040     Saint  Félix,  saint  Matea, 

Saint  Jaqueu,  saint  Cristofol 

Et  toc  l'autres  apostol, 

Que  vos  proiaç  por  nos 

Lo  segner  glorios, 
1045     Que  de  peina  nos  gar 

En"deia  perdonar 

Las  nostras  falicons 

Per  sa  redempcions 

Et  nos  doint  abstinenca 
1050    De  totas  sas  oferisa 

Et  ferm  cor  et  voler 

De  far  lo  seu  plaser. 


Salve  saintisme  cros, 
Sor  qei  Yesus  per  nos 
1055    Fo  mes  braic  estendut, 

3  ' 

Clavelaç  et  pendut 
Et  navrac  mortalmen. 
'F°  25  V* '      Eu  prec  lui  dolcamen 
Per  aiquil  saint  martir, 

1060     Qu'el  volt  per  nos  sofrir, 
Et  per  vos,  sainta,  dcgna, 
Que  la  gens  sor  soi  segna, 
Quar  il  aia  merce 
Et  pietaç  de  me 

1065    Et  raand  de  cels  en  terra, 
On  es  aitanta  géra, 
Amor,  acort  et  paç 

o3  quatres.  —  50  En  loptas  sasas. —  bUEl. 


POESIES  RELIGIEUSES 

Et  bona  voluntac. 
Et  de  la  gens  umana 
1070     Seia  vida  certana 
Et  aiuda  veraia, 
Si  quel  nemic  non  aia 
En  cels  part  ni  baillia. 
Anaen.  Enaisi  sia. 


1075        Vergen  sainta  Lucia, 
Vergen  sainta  Sufia, 
Et  sainta  Catalina, 
Vergen  sainta  Crisiina, 
Vergen  sainta  Pelaia,  • 

1080     Et  sainta  Ermoniaia, 

Saint'  Agnes,  sainta  Brida, 
Et  sainta  Malgarida, 
[F°  26  r"]       Sainta  Fei  et  Susana, 
Maria  Egjpciana, 
•   1085     Tedas  et  saint'  Agada, 
Creisensas  et  Flidada 
Sainta  Ana,  sainta  Alena, 
Maria  Magdalena, 
Los  confesors  els  vergens, 


1090 


Toc  los  saint  et  las  saiitas, 

Prec  vos  ses  totas  antas 

Fer  vostra  saintitac, 

Per  nos  merce  clamaç, 
1095    Que  nos  faiçaperdon 

Lo  segnor  deu  do  tron, 

Qu'anc  non  degneit  mentir, 

Et  gard  nos  de  faillir 

Et  de  tôt  mais  obrar. 
1100     De  ben  dir  et  de  far 

Nos  don  talen  et  cor 

Per  la  soa  dolçor, 

70  certaina.  —  82  malgarila.—  91  saintes  ,  —  92  amlas.  —  96  Qo. 


Dî:  manuscrit  DR  WOLPENBURTTEL  ?:^3 

Et  nos  don  lo  seu  reng. 
Se  tôt  nos  no'n  sem  deng. 
1105     La  soa  grant  bontac 
Vensa  la  malvestaç 
Do  nos  et  la  falensa 
Por  la  soa  valensa, 
Pcr  sa  grant  cortoisia 
F^  26  V       Nos  gard  de  m  al  a  via, 
Sian  defendedor 
De  Tenfernal  dolor.  Amen. 


En  deu,  qu'es  nostre  paire, 
En  la  vergen,  sa  maire, 

1115     Et  el   saint  esperiç 
Coman  los  esperiç 
De  toc  cels  peccadors  ; 
Car  ans  proiar  por  lors, 
Que  per  sa  grant  bontaç, 

1120     Per  sa  grant  umeltaç 
Metals  a  salvamens. 
Amen.  Amens.  Amens. 


Verais  segner  deu  poderos, 
Reis  del  tôt,  paire  glorios, 
1125     Segner,  que  toç  lo  mon  feçes 
Et  cels  et  tera  et  toç  quant  es, 
[F°  27  ro]       Segner,  qu'ancnon  degnas  mentir. 
Que  per  nos  de  tormens  garir, 
Qu'eram   tuiç  en  perdicion. 
1130     Bel,  dolc  segner,  savis  e  bon, 
t    Humels  e  cars,  plen  de  dolçors, 
Segner,  et  per  nostre  secors 
Del  vostro  reng  oai  cos  vendues, 
Ausi  cum  hom  carnaljnasques 

122  B  amen  au  lieu  du  premier  amens.  —  127  quant,  B  qu'aac.  —  133 
ren. B  reng. 


234  POESIES  RELIGIEUSES 

1135     De  lavergen  sainta  Maria. 
Benedecta  soit  quela  dia  ! 
Car  nus  hom  non  podia  far 
Tant  ben,  qu'il  se  poges  salvar; 
Cascuns  trop  greu  turraent  durava, 

1140     Los  bons  ausi  cols  mais  anava 
En  greu  loc,  o  vcnian  mes. 
Et  vos,  segner,  sai  ços  vengues 
Sofrir  dolor,  trabails  et  pena 
Fer  geitar  nos  d'aital  catena. 

1145     Por  ce  quar  vos  predicavaç, 
La  sainta  lei  nos  mostravac, 
La  veira  fei,  la  dreitavia, 
Si  com  'hom  salvar  se  podia, 
Fustes  vos  despoliaç  toc  nuç, 

1150     Vergimdaç  fustes  et  feruç, 
Los  hoils  liac  aisi  cum  laire, 
(rlorios  deus,  segner  et  paire  , 
[F°  27  v^j      Las  mains  liadas  anbasdos, 

De  peis,  de  mains  et  de  bastos 

1155     Postes  batnc' et  laideniac, 
De  groisas  peiras  lapidaç, 
D'umpailes  obraçrichamens 
Fos  afublaç  per  schernimens, 
Et  coronaç  fustes  d'espinas, 

1160     Per  trobar  nos  veira  meçinas 
D'aiquel  greus  doloros  tormens, 
Que  sostenion  totas  gens. 
Et  mais  vos  plac  ancar  sofrir, 
Que  per  nos  vos  laissas  aucir  ; 

1165     Non  ges  per  vostra  otilitat. 
Mais  per  la  granda  pietat, 
Segner,  que  vos  aiigues  de  nos. 
Vos  laisas  mètre  en  la  cros 
Et  clavelar  et  peis  et  mains, 
1170     Precios  deus,  vers  et  certains. 


136  aiqiiela.— 141  ueruan,  B  ueaiaa.—  151.  Lois  (1'/ est  biffé).  —  lô9cori- 
raç,  B  coronaç.  —  162  gea.  — 16S  crois.—  169  clavelar  peis. 


Dtl   MANUSCRIT  DE    WOLFENBUblTTEL  ?35 

Et  ferir  en  lo  destro  lac 

De  lajanca  enc  el  costat, 

Et  fostes  abeurao  de  fiel, 

Segnei'  umains,  dolç  plus  de  mel, 

1175     En  aital  guisa  traversast, 

D'infern  vostres  amies  getast, 
Segner,  et  pois  en  lo  terc  di 
Resusitaç  toc  antrisi, 
[F"  28  r°j       Segun  que  fo  vostre  placers. 

1180     Segner,  ausi  cum  oo  es  vers 

Et  cum  eu  n'ai  ferma  credenca, 
De  mos  peccaç,  de  mas  ofensa, 
Dels  mal,  de  amta,  dels  forfaiç, 
Segner,  queç  eu  hai  en  vos  faiç, 

1185     Mi  faiç,  sios  plai,verais  perdon 
Et  ven»  a  confesion, 
Quar  eu  vos  prec  et  qier  merce. 
Et  vos  Taiaç  aital  de  me 
Cum  de  la  Madelaine  aiguës, 

1190     Et  tal  perdon,  cum  vos  feiçes 

A  Longin.  qu'el  cors  vos  feri,  — 
Per  ço  que  pois  se  repanti, 
Tant  tost  n'aigeistes  pietaç  — 
Segner,  aital  de  mi  l'aiae  ; 

1195    VA  donac  mi  cor  et  talen 

De  far  tôt  vostre  mandamen 
Et  far  tais  obras,  que  vos  plaia. 
Per  aiquela  saintisraa  plaia, 
Que  vos  fec  enc  el  cors  Longin, 

1200     Conduces  me  a  bono  fin. 


[F"  28  Vj 


De  benfar  força  mi  donac 
En  tais  gisas,  que  vos  degnaç 
Per  ben  taie  oblidar  lo  tort 


171  laie  (l'i  est  biffé),  B  lac.  — 173  abreurer,  —  179  placer,  B  placers. —  180 
Segne,  B  Segner. —  198saitisma,  B  sainlisma.  —  1200  Les  quatre  deroières 
lignes  du  fol.  28  r»  et  les  vingt  premières  du  fol.  28  v"  sont  vides.  Le  co- 
piste a-t-il  omis  une  partie  du  le.xte  qu'il  copiait?  Le  sens  ne  rendrait  pas 
nécessaire  une  telle  supposition . 


83Ô  POESIES  RELIGIEUSES 

En  l'oias.  quant  venrai  a  mort, 
1205     Qiiem  defendeç,  segner  ternal, 
De  las  greu  penas  enfernal, 
[F»  29  Fo;      D'aiquel  foc  neir,  que  toç  temps  art. 
Teneç  me  da  la  destre  part 
Et  daç  mi  part  el  vostre  rang, 
1210     Quêtant  es  precios  et  deng 
E  bons  et  fins  et  cars  et  gen. 
Segner,  a  vos  mi  don  em  ren, 
En  vos,  qu'es  de  toç  bien  compile, 
Vers  deu,  coman  mes  esperiç. 


1215         Sainta  Maria  vergen,>maire 
De  deu  nostre  segner  et  paire, 
Reginaplena  de  umiltat, 
Per  la  vostra  sainta  bontat, 
Per  la  vostra  sainta  dolcor 

1220     Et  per  lo  saint  de  deu  amer, 

Vostre  dolç  fil,  segner  de  nos, 
Per  la  sainta  vertu  de  vos, 
Pel  saint  salue,  queus  ven  de  ciel, 
Queos  aportet  saint  Gabriel, 

1225     Et  per  la  sainta  emprenitaç, 
F"  29  v°]      De  vos,  (quel  segner  sens  peccaç 
Entret  en  vos  pel  salvamens 
De  toç  peccadors  veiramens), 
Per  la  sainta  veraia  fe 

1230     De  vos  et  per  sainta  merce, 
Et  per  misericordia  granda 
Vostra,  quels  peccadors  demanda, 
Et  per  la  sainta  croc  veraia, 
0  nostre  dolç  segner  près  plaia 

1235     Lo  divener  tôt  a  bandon. 
Et  per  la  sainta  surecion,  • 
Quant  suresis  de  mort  a  vida, 
Regina,  vergen  en  ciel  gracida, 

207  teps.  —  217  uiûilitat,  B  umiltat.  —  237  aiuda.  B  a  uida.  . 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLPKNBUKTTEL  237 

Vos  prec,  domna,  qu'aiac  merce 

1240     De  toc  pecadors  et  de  me, 

Eus  quier,  domna,  dels  falimenç, 
Qu'ai  fach   et  faiç,  perdonamenç; 
Et  de  preioon,  on  ai  estaç 
.XX.  anç  et  plus  estres  mon  graç, 

1245     Et  d'aiquest  tormens,  on  eu  son, 
Vos  quier,  domna,  deliuraxon. 


Merce  vos  quier,  vergen  regina, 

En  oui  totas  honors  déclina, 

[F°  30  r»]      Que  per  araor  del  vostre  fil 

1250     Me  defendeç  del  greu  péril, 

De  mais  et  de  perdicios. 

Preiaç  lo  peramor  de  vos, 

Qu'el  me  faisa  verais  perdon 

Et  quem  don  sa  benecion 
1255    En  Toras  del  grant  iugemens. 

Onrada,  pleina  d'olimens, 

De  graças,  de  grant  umeltaç, 

Aiac  merces  et  pietac 

De  mi,  quêtant  sui  plens  d'erors.. 
12t)0    Flor  sor  totas  las  aiitras  flors, 

Gemma  sor  totas  preciosa, 

Car  es  maire  de  deus  e  sposa, 

Et  es  porta  de  paradis, 

Et  es  de  toc  biens  amadris, 
1265     Et  es  dels  peccadors  aiuda 

(Que  cels  queç  an  colpas  aguda 

Et  vol  se  pois  a  vos  tornar, 

Que  vos  los  faiç  tôt  perdonar  ; 

Tan  es  umels  et  sens  meiiaisa), 
1270    Seç  eu  vos  prec,  non  vos  desplaiça, 

243  aistaç.  —  245  eu  niaoque. —  247  Le  ms.  porte,  au  lieu  de  Merce,  erse, 
et  dans  lalacuue  laissée  pour  la  lettre  ealuminée  qui  devrait  être  ajoutée,  il  v 
a  UD  petit  p,  donc  Perse. —  251  perdicions. —  260  ias  manque. —  261  tôt.  — 
262  deus  essposa. —  264  es  manque.  —  265  es  manque.  —  270  en, 

16 


233  POESIES  RELIGIEUSES 

Se  toç  sui  peccaires  agut. 
A  vos  mi  ren  em  son  rendut 
Ab  ferm  cor  et  ab  ferm  voler; 
Aisi  cum  vos  ven  a  plaiçer. 
[F°  30  V"]       Faiç  de  mi,  domna  valen, 

De  totas  la  genser  plus  gen, 
La  mellor  et  la  plus  pnrada, 
Que  niais  fo  ne  que  mais  soit  nada, 
Per  oui  sun  totas  gens  salvac 

1280     For  cei  qui  sun  desesperaç, 
Que  cels  non  vol  deus  aiudar 
Sol  per  lo  seu  desesperar. 
Quar  Judas,  quant  lo  ac  vendut, 
Et  pois  quant  conoc  sa  vertut, 

1285     Dolens  fo,  quant  si  lo  vencli. 

Et  ab  sas  mains  aut  s'en  pendi. 
Pecheit,  quan  cudeit  mendar 
Et  perlo  seu  desesperar, 
Quar  il  ne  se  clamet  en  colpa  ; 

1290     Non  anus  os,  vena  ni  polpa 
Non  sia  plen.a  de  tormens 
Enc  en  enfern  el  foc  ardens, 
Et  ç'el  aiguës  merce  clamada, 
Auria  la  en  deu  trobada. 

1295     Longins,  qu'inç  el  cor  lo  navret. 
Quant  lo  coneit,  merce  clamet, 
Queriperdon  del  greu  peccaç, 
Et  deu  per  sa  grant  umeltaç 
En  ac  pietaç  et  merce. 

1300     Per  qu'eu  conosc  et  sai  et  cre, 
[F°  31   r"]     Que  nus  tant  peccadors  non  es 
Ne  que  mais   aia  tant  mespres, 
Sec  el  se  vol  tornar  a  vos, 

3  ' 

AI  vostre  saint  fil  precios, 
1305     Non  trop  raerces  et  causimens. 
Per  qu'eu  de  toç  mos  falimens 

279  sum.  —283  los.  —  284  cooot.  —  286  peati.  —  292  en  manque. 
293  claraaida. —  299  merces. —  303  Se  ca]. —  305  causimen. 


DU  MANUSCRIT  DR  WOLPENBUETTEL  Î39 

Ft  de  ma  greus  ofesion 

Confes  m'a  vos  eus  quiei"  perdon. 

Car  raolt  sui  peccaires  estaç. 

1310     Heii  tantas  giças  liai  peccaç, 

Cura  un  cors  dolen  pot  peccar, 
Nol  sauria  dir  ni  contar, 
Tan  sui  peccaires  e  çaitiu. 
Al  vostre  plaiser  m'omeliu, 

1315     Bella  domna,  sainta  Maria, 
Em  ren   en  la  vostra  bailia. 
Et  vos  per  la  vostra  merce 
Preiaç  lo  segner  deus  por  me, 
Qu'el  mi  perdon  raos  greu  pecaç 

1320     Ausi  cum  per  sa  gran  bontaç 
Stendi  pornos  sas  bellas  mans 
Et  receup  en  lo  destre  flans 
Lo  doloros  colp  de  la  lança 
Per  nos  getar  d'aital  pesança 

1325     Et  condur  nos  a  salvamens. 
Qu'enanc  lo  seu  avenimens 
[F"  31   v'']     Neguns  ben  fair  no  li  valia, 
Chascun  tenoit  la  mala  via, 
Los  bos  tôt  autresi  cols  mais, 

1330    Entro  quel  segner  naturals 

Entret  en  vos  per  nos  salvar. 
Et  anc  nol  sentie  a  Fentrar 
Plus  que  s'el  anc  entraç  non  fos, 
Et  pois  quant  se  parti  de  vos, 

1335     Tôt  soavet  en  isi  fors, 

Qu'anc  nol  senti  lo  vostre  cors 
Ni  no'n  augues  trebails  ni  pena. 
Domna,  vergen  de  graças  plena, 
Vergen  ausi  cum  vos  trobet, 

1340  Autresi  vergen  vos  laiset, 
Vergen  fustes  et  vergen  es 
Et  toc  tens  mais  vergen  seres, 

311  peccair.  —  3t4  mameliu. —  o2l  mains.  -  'S22  recep.  —  323  dolors, — 
329  Lois  bos.—  340  laiseit. 


240  POESIES  RELIGIEUSES 

Et  es  de  deus  fillas  et  maire, 
Et  el  es  vostre  filç  et  paire, 

1345     El  vos  formet,  vos  l'engendrast, 
El  ven  en  vos,  vos  lo  portast 
Et  latas  lo  del  vostre  lait 
Et  noris  ab  grant  umeltat. 
Per  o  laisu  el  reng  santisme 

1350     Lo  vostre  dolc  saint  fil  altisme 
Vos  ha  sor  tota  riens  ornada, 
De  sant  esperiç  coronada. 
[F°  32  r°]       Per  qu'es  datoçlos  saint  gracida, 
Et  es  salvacions  et  vida 

1355     De  toc  cels  que  a  vos  s'autreia, 

Per  que  mon  cors  vers  vos  sopleia. 
A  vos  mi  don,  a  vos  m'autrei, 
Et  vos  graçis  et  vos  mercei, 
Et  a  vos  ren  laus  et  merces 

1360    De  toc  mos  mais,  de  toc  mos  bes, 
Et  voill  sofrir  los  malç  en  paç 
Per  gierdons  de  mos  peccaç, 
Et  del  ben  vos  en  rent  merce, 
Quar  mais  m'en  faiç  que  nom  cove. 

1365     Per  la  sainta  bontac  de  vos, 
Pel  vostre  saint  fil  precios 
Mi  defendec  da  l'enemic 
Em  faic  esser  de  deu  amie. 

a 

Donac  mi  cor  ec  abstinenca," 
1370     Quem  gart  de  totas  sas  ofensa, 
Et  daç  mi  ferm  cor  et  talen 
De  far  tôt  lo  seu  mandamen. 
Et  en  l'oras,  quant  eu  morai, 
Per  vos,  regina,  s' il  vos  plai, 
1375     Seia  de  tôt  mal  defendut, 

El  vostre  saint  reng  receubut. 
En  deus  et  en  la  vostra  raan, 
Domna,  mos  esperiç  coman. 


343  maires.  — 353  daitoç  lo.  — 355  qua  uos  sautreiia.    — 360  bens.  — 
364   couen.  —  373  El  manque. —  377  la  manque. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  241 

[F°  32  V]  Santisme  paire,  Jesii  Cris, 

1380     A  qui  stan  totas  gens  aclis, 

Segner  de  totaç  bontaç  plens, 

Sens  fins  et  sens  comensamens, 

Segner  de  toç  los  biens  compliç, 

Fils  et  paire,  sans  esperiç, 
1385     Segner  leals  et  dreit  iuiaire, 

Sens  gan,  sens  tort  et  sens  mal  faire, 

Segner  de  pais  et  d'umeltaç, 

Santisma  degna  trenitaç, 

Segner  soau  et  doue  menistre, 
1390     Segner,  que  sens  autre  magistre 

Facis  lo  ciel,  facis  la  terra 

Els^^mars,  que  tôt  lo  munt  enserra, 

Segner^sens  totaç  malvestaç, 

Sens  orgoil  e  sens  crudeltaç, 
1395     Veira  clartac  e  veira  lue. 

Vers  deu,  vers  hom,  veira  salue, 
[F°  33  r°]       Veira  maiestaç,  veira  vida, 

Veira  graiças  de  ben  complida, 

Veira  maiestae  e  merceis, 
1400     Beneit  seiaç  per  nos  meçeis, 

Per  nos  meeeis  glorificac, 

Segner,  en  boa'  ora  seiaç, 

Aiaç,  sios  plai,  veira  merce. 

Et  mais  vos  preç,  segner,  de  me, 
1405     Quar  eu  ai  mult  forfaiç  a  vos. 
Et  s'eu  sui  stac  contralios, 

3  ' 

Et  plen  d'orgoil  et  plen  d'eror, 
Plen  d' ira  et  plen  de  furor, 
De  totas  vanas  glorias  plens 
1410     Anans,  venans,  veillans,  dormens, 
E  n'ai  faic  tant  cum  pois  de  be, 


380  aclins.  —  384  ensperiç.—  391  Façils  lo.  —  392;enseca.  —  .394  e  man- 
que; crudeltat.  —  395  e  manque. —  399  maiestaç  veira  merces.  —  400  mrr- 
çeis. —  401  merceis.  —  402  Seiaç  segaer  ea  booas  oras. —  403  sil  vos  plai. 
—  407  Et  manque.  —  408  et  manque.  —   UI  ben. 


242  POESIES  RELIGIEUSES 

Vaillam  la  vostra  grant  merce, 

Vaillarn  la  vostra  pietaç, 

Vaillam  la  vostra  grailt  bontaç, 
1415     Vaillam  lo  vostre  rie  secors, 

Vaillam  la  vostra  grant  doiçors, 

La  vostra  umilitac  mi  valla, 

La  sperança  de  vos  nom  falla, 

Car  en  vos  es  mas  atendenca, 
1420     Et  en  vos  es  ma  benvollenea, 
[F"  33  V"]      En  vos  es  totas  ma  fiança, 

Mon  bon  confor,  mas  alegrança 

Ma  sperança  de  toç  mos  bes. 

A  vos,  segner,  mi  rent  confes. 
1425     De  mas  colpas,  de  mes  peccaç 

Qu'ai  faiç  de  Foras  qu'eu  fui  naç, 

Diçen,  pensan,  en  mais  obrar, 

D'aitan  cum  mi  poisc  remenbrar, 

Mi  sui  confes  a  vos  rendut. 
1430     Aiaç  secors,  et  mantengut 

Sia  per  vos,  maiestaç  degna. 

Qu'aisi  cum  s'espren  foc  en  legna, 

Aisi  s'espres  peccaç  en  me  ; 

Mais  per  la  vostra  grant  merce 
1435     Deliurar,  segner,  m'en  deiaç, 

Ergoils,  ira  ni  mal  pensaç 

Me  deia  toc  d'enanc  ostar. 

3  3 

Et  se  de  plus  vos  aus  preiar, 

Per  aiquela  santisma  cros, 
1440     0  fostes  clavelaç  per  nos, 

Per  la  vostra  sainta  valor 

Et  per  lo  dolç  santisme  amor 

De  la  vergen  sainta  Maria 

Tenec  me  en  la  dreita  via, 
1445     Que  seit  salvacion  de  m'arma  ; 

Ab  la  vostra  santisma  arma 

415  rit.  —  416  dolçor.  —  419  II  y  a  dans  le  ms.,  entre  ce  vers  et  142(1.  uq 
autre  vers:  El  en  vos  es  mas  atendenca.  Voyez  la  note  sur  le  vers  1419   — 
436  ui.  —  438  ans. 


DU  MA^USCRIT  DE   WOLFENBUETTEL  243 

[F"  34  r"]     La  deiaç  de  tormen  défendre 

Que  l'enimic  non  pose'  atendre. 
Per  l'amor  sainta  Malgarida, 
1450     Que  trais  per  vos  molt  aspra  vida 

Et  sofri  greu  tormens  et  mort, 

Mes  falimens  et  mos  greu  tort 

Me  sia,  segner,  perdonaç, 

Et  per  la  saintas  amistaç 
1455    Del  santisme  Jolian  Batiste 

Et  de  saint  Johan  Vangeliste. 

Ma  arma,  qu'es  aitant  dolenta 

Dels  greu  peccaç  et  s'en  gaimenta 

E  'n  trenbla  soven  de  paor, 
1460    De  las  greus  penas  enfernor 

La  defendeç,  bel  segner  deu, 

Per  l'amor  saint  Bertolameu 

Et  per  l'agnel  saint  Gabriel 

Et  per  tota  la  cort  de  ciel. 
1465     S'cu  liai  dolors,  trabails  ni  pena. 
[F"  34  v°]      AfFans  ni  mais  n'autra  catena, 

Tanta  de  graças  mi  donar. 

Qu'eu  la  posca  sofrir  en  paç 

Et  sei  en  loc  de  penedença 
1470     Per  mos  peccaç,  per  mas  ofença, 

Per  los  greus  falimens  de  me. 

Donaç  mi  co;',  talens  et  fe, 

Bon  confort  et  ferma  sperança 

De  mantenir  pax  etliança 
1475    Et  far  tan  gens  obra  complida, 

Enan  quem  parta  d'esta  vida, 

Qu'ai  départir,  segner  valens, 

Et  l'oras  del  gran  iugemens 

Aia  per  vos  vida  ternal 
1480    El  vostre  reng  celestial. 

Segner,  que  vos  degnaç  sofrir, 

Que  denan  vos  poisca  venir 

Per  vos  graçir,  per  vos  lauçar 

448  posl.  —  456  uageliste.  —  469  de  ma  p.  —  478  fjran  manque. 


244  POÉSIES  RELIGIEUSES 

El  vostre  rie  faic  tener  car  ; 

1485     Quar  vos  m'avec  de  nien  faic, 

Quan  vos  plaira,  m'aurec  desfaic. 
Del  tôt  sui  en  vostre  voler, 
A  vos  m'autrei  matin  e  ser, 
En  vostra  mains,  santisme  deu, 

1490     Coman,  segner,  Tesperiç  meu. 


[F"  36  r°]  Ai  vergen,  sancta  Maria, 

Reginas  de  toc  regnaç, 

Qu'avec  lo  mon  restaurac 

Et    dreicat  en  dreita  via, 
1495     Defendec  mi  tota  via, 

Domna,  quel  nemic  malvais 

Sobra  mi  non  aia  mais 

Força,  poder  ni  baillia. 

Lo  vostre  secors  verais 
1500     Me  soit  prestaç  noiç  et  dia. 

Vergen,  en  vos  hai  fiança, 
Per  aico  me  torn  a  vos, 

3  ' 

Preiaç  deu  lo  glorios, 
Quem  faiça  gen  perdonança. 
1505     Domna  sens  par  et  igança, 
Sperital  engenedris, 
A  vos  ren  mon  esperis, 
Et  vos  per  la'saludança, 
[F°  35  v°]      Que  dal  saint  angel  auçis, 
1510     Aiaç  de  mi  pietança. 

Vergen  gloriosa,  maire 
De  graiça,  vita  dels  mort, 
Domna,  conduç  m'a  bon  port 
Em  defendec  del  contraire, 

3 

1515     Vers  es  que  molt  sui  peccaire, 
Mais  a  vos,  vergen,  mi  don 
lomt  mas  mains  et  quier  perdon 

484  cair.—  491  sca,  avec  un  tilde  au-dessus.—  492  régnas,  B  regoaç.—  496 
enemic.  — cCO  I\'e,  B  me.  -  505  el  sens  igança,  B  et  igança.— 507  esperic. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTKL  245 

Umelmen  et  sens  cor  vaire. 
Santa  salvadris  del  mon, 
1520     Del  tôt  vos  sui  merceaire. 

Vergen  del  nemic  gérera, 

Amiga  del  sans  de  deu, 

S'en  die  ren  queus  sia  greu, 

La  vostra  merce  so  fera. 
1525    Domna  de  bens  enseignera, 

De  sen  far,  de  gen  parlar, 

De  toc  bon  près  et  d'onrar, 

Auiaç,  sios  plai,  ma  pregera, 

Deiaç  deu  per  mi  preiar, 
1530     Splandor  del  mund  et  lumera. 

Vergen  sainta  preciosa, 
Rosa,  lils  et  de  lis  Hors, 
Aulens  sobra  tôt  odors 
Et  sobra  tôt  poderosa, 
[Fo  36  r°]      Domna,  seiiaç  pietosa 

De  me,  que  désir  et  bram 
.  Et  sobra  tôt  voill  et  am 
La  vostra  graiça  ioiosa. 
Regina,  per  vos  me  clam, 
1540     Quar  es  de  deu  amorosa. 

Vergen,  aiaç  suvenença 

Et  remembranca  de  me 

Ne  nom  laisac  por  merce 

Sofrir  mort  sens  penedença, 
1545     D'icei  qu'ai  maior  temença 

Me  seiac  conortamens, 
.  Del  greus  enfernal  tormeus 

Seiaç  mi  schut  et  garença 

Et  verais  defendimens 
1550     Per  la  vostra  grant  valença. 


524  so  ferra.  —  525  enseigeira,  B  enspigneira.  —  526  far]  faliç.—  528  mai 
-  530  lumeira.—  534  Et  es  sor  tôt.—  536  Dera,  B  de  me  —543  dod,  B  nom. 


246  POESIES  RELIGIEUSES 

Sancta  Maria, 
Vergen  gloriosa, 
De  deus  amia, 
Sor  tôt  degnitosa, 
1555         De  l'arma  mia 
Seiaç  piatosa. 
Merce,  raina! 

[F"  36  v]  Genedris  santa, 

Per  honor  vos  plaia 
1560         Del  mal,  de  l'anta, 

Qu'ai  faiç,  perdos  aia. 
Ai  !  fruic  et  planta 
De  tôt  ben  c'om  aia, 
Merce,  raina! 

1565  Vergen  lionrada 

De  iois  en , 

Encoronada 

De  corona  degna, 

Domnapreçada 
1570        De  mi  vos  sovegna. 

Merce,  raina  ! 

Sor  mi  dexenda 
La  vostra  pietança, 
Mon  mais  estenda 
1575  Em  don  alegranca 
Et  mi  defenda 
D'infer  de  pesança. 
Merce,  raina! 

Vergen  gracida 
1580         En  cel,  de  deu  maire, 

Seiaç  mi  gida 

En  toc;  mes  affaire. 

Hai  !  benedida 

Da  deu  nostre  paire, 
1585         Merce,  raina  ! 

558  Senedris,B  Genedris.  —  560  lamta. —  563  con. —  578  rahina,  B  raina. 


DU  MANUSCRIT  DE  ^VOLFENBU^T^EI,  247 

[F"  37  r°]  Vers  vos  sopleia 

Mon  cor  sens  bistenca, 
0  qu'eu  me  seia, 
En  vos  hai  timenca, 
1590        Valer  me  deia 

La  vostra  valenca. 
Merce,  raina  ! 

Vergen  cortesa, 
Vida  vertadera, 
1595        En  vos  bai  mesa 
Voluntac  entera. 

3 

Hai  !  ben  apresa, 
Qualamen  non  pera? 
Merce,  raina! 

1600  Valen  pulcella 

De  gracia  plena, 

Marina  Stella, 

Gardaç  nos  de  pena. 

Hai  !  rems  e  vella, 
1605         Quel  mund  guida  e  mena, 

Merce,  raina! 


Vergen  Sainta  Margarida 
Plena  de  sxusan, 
Puloela  da  deu  graçida, 
1610     A  vos  mi  ren  e  coraan. 
Fer  mi  peccador  preiar 
Deiaç  deu,  que  perdonar 
[F"  37  V"]       Me  deia  mos.  falimens, 

Qu'ai  faiç  vers  lai  longamens, 

1615         Vos  que  fos  enprixonada 
Et  sofris  tan  greu  dolor, 
Tan  greumen  pasionada 
Fos  perlo  santisme  amor 
De  deu,  rei  de  paradis, 

595  messa.  — 596  enteira.  —  604  rens,  Bartscli  rems. 


248  POESIES  RELIGIEUSES 

1620     Seiac  me  defenderis, 

Quel  nemic  non  aia  part 
En  me  per  neguns  esguart, 

Ausi  cum  doas  ves  penduda. 
Vergen,  fos  dais  malvas  sers, 

1625     L'unas  ab  vergas  batuda, 
L'autras  talladas  ab  fers, 
Ausi,  vergen,  m'aiudaç, 
Deu,  lo  dreit  segner,  preiaç, 
Quem  don  tan  far,  qu'eu  soi  deng 

1630     De  venir  el  seu  saint  reng. 

Si  cum  veraiamen  glorida 
Vergen,  fustes  dal  dragons, 
Et  en  greu  turmens  aisida 
El  foc  des  arden  brandons, 
1635     Aisi,  domna,  por  merce 

Preiaç  Yesu  Crist  por  me, 
Que   nom  lais  a  fenison 
Venir  sens  cofesion. 

[•F°  38  r°]  En  fredas  aiguas  gittada 

1640    Fos,  vergen,  col  cap  en  ios, 

Los  pes  et  las  mains  liada; 

Mais  lo  segner  glorios 

Vos  gardet  Foras  de  mort. 

Domna,  seiaç  li  recort, 
1645     Si  cum  il  vos  fes  secors. 

Qu'a  mil  faisa  per  dolçors. 

Per  tormens  non  fus  vencuda, 
Vergen,  de  Yesus  amar. 
Cellasgenç,  malvaisa,  cruda, 
1650     Vos  fes  lo  blon  cap  tallar; 

Marchus,  cel  quel  vos  tallieit, 
Pel  vostreprec  se  salveit. 
Vaillam  tant  vostre  prec  ien, 
Vergen,  qu'eu  trop  salvamen. 

621  enimic.  —  623  doos.  —  633  asida.  —  635  Ais.  —  637  noo  las,  B  nom 
las.  —  646  mi  el.  —  647  Péri,  B  Per.  —  651  lauieit,  B  tallieit. 


DU  MANUSCRIT  DE    WOLFENBUETTEL  249 

1655  Corona  d'aur  iaucionda 

Lai  sus  el  reng  precios 

Avec  en  la  testa  blonda 

Pel  gveu  tormen  doloros. 

Hai  !  Vergen  de  gran  vertut, 
1660     La  vostra  merce  m'aiut. 

Preiaç  deu,  quem  lais  en  ver 

El  seu  servis  perraaner. 

La  soa  merce  dexenda 
Sor  mei  per  sas  umiltaç, 
[F"  38  V"]      Dels  mais  obrar  me  defenda, 
D'orgoills  et  de  greu  peccaç. 
En  deu  lo  segner  verais, 
Vergen,  et  en   vos  mi  lais, 
Quem  defendec  de  faillir 
1670     Et  d'e  mala  fin  venir. 

A  cels  secors  qui  demanda 
Preiaç  deu  que  lo  li  man, 
La  soa  pietaç  granda 
Vailiam,  quar  eu  la  deman. 
1675     Ai!  Vergen,  clamac  merce 
Per  totas  gens  et  per  me 
A  deu,  que  de  mal  nos  gar 
Et  deia  nos  perdonar. 


Segner  deu,  a  vos  mi  confes, 
1680     Quar  peccaire  sui  staç  quecs  iors. 
Ara  conois  eu  ma  folors, 
Quar  trop  ai  contra  vos  mespres 
En  diç,  en  faç  et  en  senblan, 
IF"  39  r"]      Regens,  pensan,  veçen,   auçens, 
1685    En  trop  orgoils,  en  mal  obran  ; 
En  colpam  clam  e'n  sui  dolens. 

Eu  prec,  Sancta  Maria,  vos, 

655iaucionada.  — 661  quea,  B  que  m.  —  662  Eli,  BEI.  — 664  umilitaç. 
—  670  de,  Bartscli  d'à  —  681  eu  manque. —  685  obrara,  B  obran.  —  687 
En;  scâ,  B  santa. 


250  POESIES  RELIGIEUSES 

Quar  es  ha  deu  plus  que  nuls  probs, 
Que  me  prestaç  al  maior  ops 
1690    Lo  vostre  secors  precios. 

Ai!  Vergen,  donaç  me  conort 
El  vostre  dolç  saint  fil  preiaç, 
Qu'il  me  perdon  mon  malvais  tort 
Em  don  en  mon  cor  humeltac. 

1695         E  prec  vos,  Sain  Peire,  que  fos 

Tormentat  et  en  cros  pendut 

Col  cap  en  ios,  tôt  estendut, 

Que  vos  per  quel^dol  angoisos 

Preiaç  deu,  quera  perdon,  sil  plais, 
1700     Em  deia  de  s'amor  emplir 

Mon  cor,  qu'es  de  malvestaç  rais, 

E  'n  get  fors  tôt  lo  mais  consir. 

Prec  vos,  Johan  Evangelist, 
Quar  es  de  deus  parens  prochains 
[•F°  39  v"]     Et  moris  sens  trop  grant  afans, 
Que  vos  per  mi  peccador  trist 
Preiaç  deu,  cui  vos  es  cosin, 
Quem  perdon  mun  peccaç,  quem  poing, 
On  sui  vergognos  eç  enclin. 
1710     Seiam  s'amor  près  et  non  loing  ! 

Prec  vos,  Sain  Jaquem,  harun  iust, 
Quar  es  de  deu  liais  amie 
Et  vos  fol  cap  del  cors  partit 
Ab  fers  trenclians,  non  ges  a  fust, 
1715     Que  vos  preiaç  deus  ver.>,  lo  cert, 
Quem  perdon  em  don  per  un  iaus 
Graiças  de  tan  far  en  apert, 
Qu'ancair  aia  laisus  repaus. 

Et  prec  vos,  Saint  Bertolameu, 
1720     Que  per  Yesus  fos  enscorçat 

692  Et  lo;  Bekker  a  gardé  et  lo,  mais  il  a  omis  saint. —  696  cors,  B  cros. 

—  699  quea,  B  quem.  —700  En,  B  e  m.   — 703  uangelist,  B  euaogelist.  — 
705  mors,  B  garde  mors,  mais  écrit  senes  au  lieu  de  ^enx.  —  afans,  B  afans, 

—  707  i'05  manque. —  713  fo  el. 

i 


DU  MANUSCRIT  DE  WOI.FENBUETTEL 

Et  VOS  fo  lo  saint  cap  taillât, 
Que  vos  preiaç  lo  segner  deu 
Per  aiquel  vostre  greu  tormen, 
Quel  uii  perdon  mon  greu  faillir 
1725     Em  don  graiças  de  far  tan  ben, 
Quem  deia  d'infern  garantir. 

[F"  40  r"]  Et  prec  vos,  Sain  Matlieus,  et  quier 

Merce,  quel  segner  deu  preian 
Fos  morç.  ab  aguç  glais  trenchan, 
1730     Que  vos  per  aiquel  tormen  fier 
Preiaç  Yesus,  que  perdonar 
Me  deia  per  sa  grant  bontaç 
Et  faisam  tôt  mais  oblidar 
Em  don  dé  ben  far  voluntac 

1735         Prec  vos,  Saint  Andreu,  dolçamen, 
Que  fos  per  amor  de  Yesus 
En  la  cros  mes  et  liac  sus, 
Que  vos  per  mi  chaitiu  dolen 
Preiaç  lo  segner  natural, 

1740     Qu'adolç  mun  cor,  qu'es  cum  fer  dur, 
Em  gar  de  la  peina  enfernal 
Et  faiçam  de  s'amor  segur. 

Prec  vos  umelmen,  Sain  Tomas, 
Que  fos  marturiac  tan  fort 
[F"  40  V"]      Eç  a  glai  fos  navrât  et  mort, 
Que  vos  preiaç  Yesus  verais, 
Quem  perdon  pel  seu  saint  placer 
Em  defenda  de  mal  em  gart 
De  ren  far  contrai  seu  voler 
1750    Em  don  sus  el  seu  sant  reng  part. 

San  Felip,  qui  mal  vais  dragon, 
Si  cum  plac  deu,  fuçir  façis, 
Suscitas  mort,  gent  convertis 
Et  moris  sens  tormen  félon, 


721  tailltat.  B  taillât.  —  722  vos  manque.  —  729  Fors,  B  fos;  treciian,  B 
Irenchan.  —  733  fa'san.  B  faisam.  —  738  dolens.  —  744  fort]  fors.  —  748  en 
gart.B  em  gart. —  749  contra  el.  —  7."')n  ^'iii/  manque. 


Î52  POESIES  RELIGIEUSES 

1755     Pree  vos.  umilmen  m'oumeliu, 
Que  vos  preiaç  deu  coronat, 
Que  de  mi  peccadors  chaitiu 
Aia  merce  et  pietat. 

Prec  vos,  Sain  Jaquem,  frair  de  deu, 
1760     Que  gitat  d'aut  et  lapidaç 
Fos  et  ab  fust  escherviellac, 
Que  vos  per  aiquel  turmen  greu 
Preiaç  deu,  quem  perdon  l'orgoils 
Elspeccaç,  qu'ai  faiç  contre  lui, 
1765    Et  aia  pietaç  et  dois 

De  mi  que  tan  peccador  sui. 

[F°  41  r°]  Prec  vos,  Sain  Jud  et  San  Sjmon, 

Q'ab  iras,  ab  orgoils  dais  fels 
Ab  pes  et  mains,  ab  fust  entr'  els 
1770     Fos  mort  a  raout  greu  pasion, 

Que  vos  per  aiquel  tormen  strang 
Preiaç  Yesus,  qu'en  cros  fo  mes 
Per  nos  e  spandi  sûn  car  sang, 
Qu'aia  de  mi  veiramerces. 

1775     San  Mathia,  quels  oils  crebaç 
Vos  fo,  mais  deusvos  alumet 
Et  vida  tant  col  plac  vos  det, 
Pois  moris  sens  dolor  raalvaç, 
Prec  vos  ab  cor  clars  et  umil, 

1780  Que  vos  preiaç  deu,  que  de  mi 
Aia  merces,  qu'en  guiçis  mil 
Ai  trop  encontra  lui  falli. 

Prec  vos,  Saint  Paul,  apostol  deng, 
Que  fos  marturiaç  sens  gap 
[F°  41  v°]      Eç  ab  dolors  tallaç.  lo  cap 

Vos  fo,  per  o  lai  sus  enl  reng 
Vos  ama  deu,  et  eu  vos  clam 
Merce,  que  vos  clamaç  merce 
A  deu,  quels  pecaç,  on  aflam, 

770  mort,  B  moût. 


DU  MANUSCRIT  DE   WOLFENBUETTEL  233 

1790     Mi  perdon  por  l'oiior  de  se. 

Prec  vos,  Santisme  Barnabei, 
Que  fos  environac  de  foc 
Et  mort  en  quel  doloros  loc, 
Que  vos  Yesu,  vers  oui  soplei, 
1795    Preiaç,  quem  perdon  et  m'aiut 
Et  de  mal  gar  mon  esperis, 
Et  plaial  per  sa  grant  vertut 
Qu'el  seu  reng  sei  lai  sus  aisis. 

Et  prec  vos,  saint  Johan  Batist, 
ISOO     Que  per  grant  don  fo  demandât 
A  rodes  et  vos  fo  tallat 
Lo  cap,  que  vos  Taut,  honrat  Crist 
Preiaç,  quar  es  umils  etdreit, 
Qu'il  me  perdon  mos  falimen, 
1805     Et  per  lui  garentida  seit 
[F°  42  r"]      M'arma  de  l'enfernal  torraen. 

San  Cristofol,  que  tormens  moût 
Et  dolors  ec  afan  sofris, 
El  cap  per  anior  Yesu  Cris 
1810    'V^os  fo  sor  las  esspalas  tout, 

Prec  vos  et  quier  merce  de  tôt, 
Que  vos  preiaç  deu.  quem  perdon 
Mos  greu  peccaç  et  raalvaç  mot. 
Qu'ai  dit,  et  sa  giaiça  mi  don. 

1815         Prec  vos,  sain  Laurenç,  que  raustit 

A  tormen  fos  et  a  dolor 

Que  vos  preiaç  deu  criator, 

Quem  perdon  los  mal,  qu'ai  bastit, 

Et  don  mi  talens  et  voler 
1820    De  far  totas  sa  voluntat, 

E  ferm  cor  de  gen  mantener 

Sperança,  fet  et  caritat. 

San  Stevan,vûs  qu'a  tormen  gran 
[F"  42  v]     Laisas  lapidar  vostre  cors, 


"96  esperiç.  —  811  tout.  — 821  Ê  manque;  malener. 


17 


254  POESIES  RELIGIEUSES 

1825    Eu  prec  vos  per  aiquclla  mors, 
Preiaç  per  mi  peccador  tan 
Jésus,  vers  oui  ai  tant  forfaic, 
Qu'a  peina  l'aus  merce  clamar, 
Quem  don  graiças  d'aiquel  mesfaiç. 

1830     Pose*  ancliair  penedença  far  ! 

Mais  m'enardis,  queç  eu  non  voil, 
San  Stevan,  far  ges  enausi 
Cum  fes  Judas,  que  se  pendi, 
Ane  clam  merces  sens  tôt  orgoil 
1835     A  deu,  quem  pardon,  et  los  sans 
Prec  et  tota  la  cort  de  ciel, 
Que  deu  prec,  qu'eu  per  sun  comans 
Seia  mes  en  man  san  Michel. 


Salve  regina  donna, 
1840         Maire  del  criator, 
Sostenals  et  colona 
Del  mon  dels  peccador, 
Fons  de  preç  et  d'onor, 
De  paradis  portais, 
1845         Lucens  stella  iornals, 
Aiaç,  vergen,  de  me 
[F"  43  r"]  Gloriosa  merce. 

Ave,  sancta  coron  a, 

De  que  son  coronat 
1850        Tuio  cil  qu'a  vos  se  dona, 

Dona  de  grant  bontat, 

Plena  de  pietat, 

Sobreira  de  poders, 

Genser  de  las  gensers, 
1855        Aiaç,  vergen,  de  me 

Gloriosa  merce. 

Salve,  nostra  sperança 
Et  nostre  salvamens, 

82'jEu  manque. —  831  queu.  —  848  sca,  avec  un  tilde  au-dessus. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUliTTEL 

Valors  et  alegraiica, 
1800         De  placer  conplimens, 
Domiia  d'enseinamens, 
Clartac,  raie  del  soleil, 
De  tôt  périls  conseil, 
Aiao,  vergen,  de  me 
1805        Gloriosa  merce. 

Ave,  ioiosa  vida, 
De  quels  peccador  viu, 
Domna  sor  tôt  complida 
D'onraç  graiç  agradiu, 
1870         Aiiuda  dels  chaitiu 
Et  dels  desconscUac. 
Ai!  leals  ainistac, 
Aiaç,  vergen,  de  me 
Gloriosa  merce. 

•     [F°  43  v°]  Salve,  valens  regina, 

Sabor  de  tôt  sabors, 
De  tôt  mais  medecina 
Et  de  toc  bens  colors, 
Quels  bons  faic  faic  meillors 

sa 

1880        Et  meierac  los  meills, 
Santa  ioia  del  ciels, 
Aiaç,  vergen,  de  me 
Gloriosa  merce. 

Ave,  de  cil  compagna 
1885         Que  son  en  paradis, 

Ave,  trabails  et  lagna 
Del  deable  d'abis, 
Per  cui  il  es  conquis 
Et  liao  en  anfern. 
,  1890         Hai!  dels  armas  gubern, 
Aiaç,  vergen,  de  me 
Gloriosa  merce. 

Ave,  nostra  garença, 
884  ciel,  B  cil.  —  889  aafer.  —892  merce]  de  me,  B  merce. 


256  POESIES  RELIGIEUSES 

Vers  cui  en  colpam  clam 
1895        Del  peccaç,  de  l'ofensa, 

Qu'ai  faich,  on  raout  aflam. 
jNIais  vos,  (lomna,  cui  ara, 
Que  faic  l'arbres  florir 
Els  plaie  secs  reverdir, 
1900         Aiaç,  vergen,  de  me 
[F°  44  r"|         Gloriosa  merce. 


Altisme  deu,  segner  omnipotens, 
Que  per  nos  fos  al  pilastre  liatz 
Et  molt  perdis,  tant  fort  fus  flagcllaç, 
1905     Del  vostre  sanc  pel  nostre  salvamens, 
Per  aiquel  sanc  et  per  aiquel  dolors 
Vos  prec,  sios   plaç,  quem  deiaç  perdonar 
Mos  greu  peccaç,  car  tant  sui  plen  d'erors. 
Que  mi  meçeis  nol  sabria  contar. 

1910         Denan  vos,  deu,  m'agenoil  en  preçens 
Tôt  vergognes  per  la  grant  malvestaç, 
Qu'eu  sen  en  me;  mais  la  grant  pietac, 
C'om  trop  en  vos,  mi  dona  baudimens. 
Et  per  aiço,  segner  plen  de  dolçors, 

1915     Mi  ren  a  vos,  nom  deiaç  refudar, 

Perdonaçme,  faiçmi  tan  gen  secors, 
Que  mon  speriç  poissclia  se  conortar. 

Ailas  chaitiu!  Trop  sui  stat  longamens, 
[F"  44  v"]      Que  nos  ai,  deu,  conegut  ni  amaç, 

1920     Trop  m'a  sorpres   et  tengut  los  peccaç. 
En  colpam  clam,  faiçon  perdonamens, 
Eç  eu  perdon  a  toç  per  vostr'  amors 
Ne  mais  non  vol  ofensas  remenbrar, 
Et  dels  peccaç  dac  mi  talens  toc  iors, 
1925     Que  per  benfaiç  m'en  poischa  deliurar. 

Mon  cors  els  oils  el  cor  et  mun  pauc  sens 
Entro  ai  qui  m'an  falsamen  gidaç, 

f^yj  sers. — 903  nos  loçfos. —  1kj7  plac— 915  01,  B  mi  — nom  (avec  un  tilde 
au-dessus). —  917  esperiç. 


DU  MANUSCRIT  DE   WOLFENBUETTEL  257 

Quel  cor  els  oils  an  vegut  et  pesaç 
El  cors  a  faic  lo  mais  el  faliraons, 
1030     El  sen  a  tôt  autreiac  las  folors; 

Ne  nul  d'aiquist  non  pose  de  ben   lauçar, 
Tan  Sun  agut  crudels  et  plens  d'erors, 
Ne  nuls  fors  vos  no  m'en  pot  aiudar, 

Per  qu'eu  vos  prec,  segner  deu,  dolcamons 
1935     Que  mun  fel  cor  umiliar  deiac 

Et  mun  fais  hoil  de  fais  veder  ostac, 
El  cors,  qu'a  faic  los  mais,    aia  tormens 
En  aiquest  mon,  el  sens  e  la  vigors 
Mi  meilloraç  en  vostre  plaicer  far, 
1940     Et  faisal,  deu,  plen  de  tôt  bon  sabors, 
|F°  45  r  1      Qu'el  vostre  reng  posca  m'arma  regnar. 

Segner,  molt  ai  régnât  malvaisamens, 
Mun  cor  els  oils  el  cors  an  enganac 
Mon  esperiç  et  tant  fort  l'an  cargaç, 
1915    Non  sai  conseil,  se  vos  no  l'ec  garenc. 
Ai  !  cor  et  oils,  que  non  gitaç  tant  plors 
Cum  avec  faiç  faus  veder  et  pensar! 
Plaia  vos,  deu,  que  la  peina  el  sudors 
Tornon  sor  lor,  m'armam  degneç  gardar. 


1950         Prec  vos,  saint  Marc,  saint  Johan  Vfmgelist, 
Lucas,  Mateus,  crarens  del  faic  de  Crist, 
Que  sudet  sanc,  tan  preget  firmamens, 
Et  merceus  quier  de  bon  cor  hurnelmens. 
Que  vos  preiar  deiaç  deu,  quem  perdon 

1955     Mos  greu  peccaç  et  tant  consel  mi  don 
Et  d'umeltac,  qu'eu  saia  demandar 
Et  quérir  ço  qu'il  me  deng  autreiar 
Ne  demandan  nol  fasa  nul'  ofensa. 
Et  dels  pecaç  per  fruiç  de  penedença 

1960     Mi  don  talen  et  cors  et  ferm  voler, 

Qu'eu  m'en  descharg  et  deia  permaner 

928  iieofrut.  — 929  Els.— lo  mais  el  mais  elf.;  B  lo  mai?  el  f'— 9iOsabor. 
-  949  marma  eru.  —  953  huraelraen.  —  960  fern. 


:58  POÉSIES  RELIGIEUSES 

[F°  45  V-]      En  bon'  obra  toc  temps  fin  a  la  mort. 
Si  quel  benfaiç  mon  esperiç  conort, 
Et  per  marce,  per  graiça  et  per  son  laus 
1965     Aia  laisus  el  seu  saint  reng  repaiis. 


Precios  deu,  dreit  segner  piatos, 
Que  per  merces  et  per  bontat  de  vos 
Per  nostre  salvamens  ça  ros  vengues 
E  per  .V.  ves  del  vostre  sang  perdes 

1970     Per  nos  construir'  et  donar  mastrameiis, 
La  prima  ves  en  circoncisimens, 
La  segundas  en  sudor,  car  sudas 
Gotas  de  sanc,  tan  fermamen  preias, 
La  terça  ves  en  flagelacions, 

1975     Quan  vos  ligan  al  pilastrels  félons, 
La  carta  ves  fos  en  cros  clavelac, 
Las  mains  els  pes  ab  aguç  claus  pasaç, 
La  quinta  ves  fos  navrât  enç  el  flanc, 
Fors  en  issi  de  la  plaig'  aig'  et  sanc,    . 

1980     Et  cel  meçeis  queus  feri  s'alumet, 
Queri  merces  et  en  vos  la  trobet; 
[F°  46  r"]       Si  cum  ço  crei  et  sai  certanamens, 

Que  toç  sofris  pel  nostre  salvamens, 
Vos'prec,  sios  plai,  que  vos  mi  })erdonaç, 

1985     Car  eu  sui  tant  peccaires  et  malvaç, 

Que  mon  petit  peccat  mi  sembla  gran  ; 
Paors  eu  n'ai,  quan  m'en  vau  remenbran. 
Mais  vos  qu'es  dels  desesperaç  sperança 
Et  dels  dolens  plaicer  et  alegrança 

1990     Et  dels  gaudens  conpliment  de  lor  gauç, 
De  paradis  sérails,  portas  e  claus, 
Dels  angels  laus  et  dels  martirs  corona, 
Maxon  del  sains,  en  quels  vergens  maxona, 
De  tôt  dolors  leuiamens  etgarença, 

968  nostre  manque  dans  le  ms.,  se  trouve  chez  Bekker.  —  971  périma,  B 
prima.  —  973  Goras,  B  polas. —  974  flagelagrions.B  flagelacions.  —  976  Loi, 
B  la. —  987  remÔbraz,  B  remenbran.  —  991  esclaus  —  993  vergen  smaxoiia, 
B  vergen  s  maxona. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  259 

1995     Déport  et  lois  de  las  greus  penedença, 
De  totas  riens  que  son  vivens  vivanda, 
Secors  de  cels  qui  secors  vos  demanda, 
Perdonaire  de  cel  quios  quier  perdon, 
De  tôt  servis  camies  et  gierdon, 

2000     De  toc.  afars  cap,  colors  et  ministre, 

De  tôt'  obra,  que  de  ben  sun,  magistre, 
Guidas,  camins  de  cels  que  sun  eraç, 
Pors  dels  périls,  vida  dels  trespasae, 
Onda  del  mars,  de  la  terra  abondesa, 

2005     Delshorfanes  et  dels  paubre  richesa, 

Fons  de  tôt  bens,  que  per  lo  mon  s'espan, 
[F°  46  V"]      Me  conortaç,  qu'eu  conort  vos  dcman 
Et  tal  conort,  que  per  afortimens 
De  dur  sofrir  et  per  abstenimens, 

2010     Per  obedir  et  per  penedencar, 

Per  almosnas,  per  precs  et  per  orar, 
Per  sperança  et  per  devocions, 
Per  fes,  per  pax  et  per  dilecions, 
Per  uraeltaç  posca  curar  ma  plaia, 

2015     On  sui  plaiaç,  et  per  merce  vos  plaia, 
Que  mi  donaç  totas  questas  vertuç, 
Qu'  en  loc  de  vos  seiaro  armas  escuc 
Em  defendade  malvas  pensamenc, 
D'iras,  d'orgoil,  de  tôt  mais  obramcns, 

2020     Et  de  ben  far  soi  ades  voluntos. 

Si  quel  ben  far  del  peccac  faisam  b!os. 
Et  vos,   sios   plaç,  mi  facas  ver  perdon 
Per  la  vostra  sancta  suiecion 
Et  pel  saint  ior,  queus  mostras  as  apostol, 

2025     Et  per  amor  del  biaç  sant  Cristofol, 

De  saint  Felip,  de  saint  Jaquem  vos  fraire, 
De  la  vergen  reina  vostra  maire, 


OîlB  II  iiiaada. —  KMJ)  dolors.—  I  toc  obras,  fol.  51  lot  obras. —  2  cliami?, 
fol.  ,51  camins. —  cil,  fol.  51  cels.  —  que  sun,  fol.  51  qui  son. —  3  vida  del 
fol.  51  vida  dels.  —  4  Ondas  dels,  fol.  51  onda  del.  —   tera,  fol.  51  terra. 
—  abondença. —  Saforcimens.  —   18  En,   Bem.  —  11' obralliens,  B  obra- 
mens.  —  21  quels.  —  23  sca,  avec  un  tilde  au-dessus.  —  2i  quis. 


2(i0  POESIES  RELIGIEUSES 

Et  per  amor  saint  Per  et  saint  Toraas, 
Et  per  amor  san  Simon,  san  Judas, 

2030     Et  per  amor  saint  Johan,  sant  Andréa, 
Et  per  amor  saint  Jaquem,  sah  Matea, 
Et  per  amor  san  Paul  et  san  Matheu, 
[F''  47  r°]       Et  per  amor  de  sant  Bertolanicn, 

Et  per  amor  de  san  Marc  Vanij-elista, 

2035     De  san  Lucas,  de  san  Jolian  Batista 

Et  per  amor  dels  confesors,  dels  vergen 
Etdels  martirs  et  de  las  saintas  legen, 
Et  per  amor  toç  los  saint  et  las  santas, 
Et  per  amor  de  las  conpagnas  tantas 

2040     D'angels,  d'archangels,  de  qega  iigions, 
Que  son  lai  sus  en  la  vostra  maxons, 
Aiaç  merce  de  toç  los  peccador 
Qu'en  vos  creçon,  et  cill  que  non  an  cor 
En  vos,  meteç  l'en  la  vera  credença 

2045     El  faiç  venir  a  veira  penedença. 

Et  mos  peccaç  et  mos  greu  falimens 
Els  mais,  q'ai  faiç  entro  quest  ior  preçens, 
Mi  perdonaç  et  toç  iors  mi  gardaç 
De  plus  falir  per  la  vostra  bontaç  ; 

2050     De  dir,  de  far  de  tôt  vostre  placer 
Donaç  me,  deu,  talens,  cor  et  voler 
Et  faisal  si  que,  quan  verai  a  mort, 
Quel  saint  angels  mon  esperiç  en  port 
En  la  compagne  el  vostre  regn  ab  se, 

2055     Ensi  vos  plaia  per  la  vostra  merce  ! 


[F"  47  V"]  A  tuich  cil  vol  qu'amon  preç  far  saber. 

Que  sens  deu  n'es  preç  ni  valor  ni  sen, 
Eç  a  tuich  cil  que  dixiran  plaçei-, 
Que  nus  non  pot  sens  deu  esser  gauden  ; 
2060     Quel  ior  sens  deu  sun  dol  et  marrjmen, 
Blasme  lo  i)reç  el  phu-er  angosos, 


31  mateia.  —  i'i  pecc.adors.  —  i5  Et  il.  —  ôij  vostri,  13  voslre.  —  51  deu 
maDque.—  54  rergo.—  5G  vol  mô  pç(avec  ua  tilde  au-dessus). —  61  Blasbe. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUICTTEL  î61 

Irai  solaç  el  déport  doloros. 

Et  pois  nuls  bens  non  val  sens  deu  un  p:an, 

Quascuns  am  deu,  serval  ses  tôt  engan. 

2065        Tôt'  autra  ren  metan  a  non-calcr 
Sol  deu  servir  eç  onrar  francamen, 
Que  sel  sen  tor  et  l'engens  el  saber 
Ettotlos  froc  fos  en  un  solaraen, 
Non  pogra  ges  un  ior  estar  viven 

2070     Oltral  placer  de  deu,  tan  fos  gignos. 
Questas  vertus  nos  pon  faire  ioios: 
Sperança,  fes,  almosnas,  que  merman 
Van  los  peccaç  et  los  ben  tra  enan. 

[F**  48  r"]  Et  per  aiço  cil  que  laus  volon  aver 

2075     Et  ioi  ternal  da  deus  omnipoten, 
i)a  mais  obrar  se  devon  remaiier 
Et  pgl  ben  far  sraendon  ses  falimen. 
Cel  qu'amadeu,  deus  Tama  per  un  cen. 
Et  per  un  ben  cent  rail  rentgierdos, 

2080     Et  quant  caçon  en  sas  ofesios 

Et  nos  mendon,  dels  tormens,  qu'il  auran, 
Nous  pogran  dir  la  mietaç  en  un  an. 

Lo  reprocier,  qu'ai  auçit,  es  bon  ver, 
Que  per  niens  es  fol  qui  dan  non  sen, 

2085     Fols  es  e  faiç  cil  qu'an  de  far  poder 
Lor  pros  et  fan  Ior  dans  a  esien. 
Cil  qu'atendon  al  mon  fan  aisemen, 
Que  lor  mais  fan  et  lor  ben  baison  ios 
Et  de  ben  far  son  ades  oblidos  /^ 

2090     Et  cels  peccaç  van  toc  tems  remenbran; 
Ja  mais  ioios  un  sol  ior  non  seran. 

Ailas!  per  que  desiron  tant  l'aver 
|F°  48  v°]       El  ioi  del  mon,  que  tant  tost  vai  cum  ven? 
Ben  que  mils  an  degeson  permaner 
2095     En  questsiegle,  sabrial  nien. 


62dolor3.  —  63  UDgâl  (17  est  biffée\  —  C5  autres.  —  75  El  ior.  —  77 
falimês.  — 78  cens.— 70  gierdos(o  tilde)  .— SO  ofesions.— S8 /"a»  manque. 


?62  POESIES  RELIGIEUSES 

Quant  de  la  mort  aprosma  lo  prexen, 
Lo  plus  ardiç  fasenbrar  tomoros. 
Las  cil  que  van  pel  chamin  doloros  ! 
Nol  credon  ges  la  gens  n'en  fan  semblan. 
2100     Deus  lor  recort  el  remir  lor  talan  ! 

Tan  se  volon  de  lor  cors  cars  tener, 
Que  nul  non  fan  de  l'armas  pensamen. 
Moût  Sun  gario  qui  deu  sa  retener, 
Qu'e  senpitern  eron  de  placer  plen. 
2105     Et  per  aico  long  mas  mains  umelmen 
Et  prec  Jésus,  lo  segner  glorios, 
Qu'aià  merces  et  pietaç  de  nos 
En  defenda  de  sas  ofensas  gran, 
Si  cum  il  fes  dal  venen  san  Johan. 


2110         Glorios  deu,  de  nos,  segner,  aiaç 
Remesions,  merces  et  pietaç, 
Perdonac  nos  los  nostre  falimens 
|F"  49  r"]       Per  lo  vostre  santisme  avegnimens, 
Per  la  vostra  santisraa  nasions, 

2115     Et  pel  saint  iorn  del  circuncisions, 

Per  las  plagas,  que  vos  feoon  Judeus, 
Et  pels  toi-racns,  qu'il  vos  feçon  tan  grcus, 
Et  per  lo  saint  sepolcre,  o  fo  pausaç 
Lo  vostre  cors  benedeit  et  onraç, 

2120     Et  pel  saint  iorn,  que  da  mort  sositast, 

Et  pel  saint  iorn,  que  vos  en  ciel  montast. 
Et  per  totas  las  autras  grant  vertuç, 
Que  son  en  vos,  al  bon  port  de  salue 
Nos  condugae  perla  vostra  bontat. 

2125     La  grant  merces  et  la  grant  pietat. 

Que  son  en  vos,  veinsa  la  grant  folors. 
Que  sun  en  nos,  quar  moût  sem  peccadors 
Et  del  tôt  sem  en  vostre  sant  placer, 
Et,  s'el  vos  plai,  merce  'n  doiac  aver. 


97  fas.  —  101  volon]  podon.  —  103  retiair.  —  104  erroa  —  113  santisma, 
B  santisme. — 118  pauças,  B  pausaç. 


nu  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL      •  261 

2130        GardcK;  nos,  deu,  d'engans  et  de  falensa, 
Donaç  nos,  deu,  la  vostra  benvoUença 
Gardaç  nos,  deu,  de  malvais  pensamen, 
Donaç  nos,  deus,  de  ben  far  ferm  talen, 
Gardaç  nos,  deus,  d'iras,  de  crudeltaç, 

2135    Donaç  nos,  deu,  amor,  acort  et  paç 
Gardcxç  nos,  deus,  d'orgoil  oraicidos, 
FF"  49  v°]      Donaç  nos  cor  'd'amar  et  temer  vos, 
Gardaç  nos,  deus,  del  lusirios  vice, 
Donac  nos  cor  de  far  vostre  service, 

2140     Gardaç  nos,  deu,  de  ren  far  quios  desplaia, 
Daç  nos  consel  de  las  vostras  greus  plaia, 
Gardaç  nos,  deu,  s'el  vos  plai,  de  greu  mort 
Et  donac  nos  del  ioiternal  conort, 
Gardaç  nos,  deu,  d'avaricias,  d'enveia, 

2145     Daç  nos  a  far  ço  que  mellor  nos  seia, 
Gardaç  nos,  deus,  de  mala  voluntac, 
Donac  nos,  deu,  las  vostras  amistac, 
Gardaç  nos,  deus,  d'orgoil  et  de  felnia 
Eç  umeltat  nos  daç  etconpagnia, 

2150     Gardaç  nos,  deus,  de  las  mains  del  nemic, 
Donaç  nos  cor,  que  seiara  vostr'  amie, 
Gardaç  nos,  deu,  de  malvaia  credensa, 
Meteç  en  nos  ferma  fei   et  sperança 
Gardaç  nos,  deu,  dais  fais  plaçers  del  mon, 

2155     Daç  nos  la  vostra  sainta  benecion, 

Gardaç  nos,  deus,  dels  turmens  infernals, 
Donaç  nos,  deus,  lo  reng  celestials, 
[F^'  50  r"]      Gaî'daç  nos,  deus,  de  t'oç  mais  obramens, 
Donac  nos  cor  de  far  vos  mandamens. 


2160        Mercios  clamem,  auiaç  nostre  sermon, 
Mercios  clamem,  auiaç  nostre  oraxon, 
Mercios  clamem,  auiaç  nôstra  preiera, 

131  voslra  gràt  benvollença,  B  vostra  h.  —  133  fern,  B  ferm.  —  W^  eneraic. 
—  151  amies,  B  amie.  —  156  lurmes,  B  turraeas.  — 160-3-4  cl  ara  ê,  161-2 
cldrâ. 


"64  POESIES  RELIGIEUSES 

Mercios  clamem,  auiaç  nos  prec  a  teira, 
Mcrcios  clamem,  segner  plen  crumeltaç, 
2105     Et  per  mercc  de  nos  merce  aiac. 


Salve  Yesus,  segner,  qu'es  fils  et  paire 
Et  sant  speriç,  qe  descendes  çai  ços, 
Si  cum  vos  plag,  de  la  dolç  vergen  maire 
Receubes  carn  el  seu  cors  precios. 
2170     Si  cum  so  crei  et  es  vers  veiramen, 

Prec,  quem  faiças  verais  pendonamen, 
Et  non  gardaç  a  ma  grant  malvestaç; 
Vaillam  ab  vos  merces  et  pietaç. 

[F"  50  v°]  Salve  Yesus,  honraç  dreiç  enperaire, 

2175     Leials  et  fins,  valens  et  amoros, 

Sens  tôt  engan,  nostre  vers  consellaire, 
Veira  vida,  veira  salvacios, 
Plen  d'umeltaç  et  sens  orgoillamen, 
De  mi,  que  sui  els  peccaç  tant  coçen, 
2180     Aiaç  merce  per  la  vostra  bontaç, 

Mun  grant  orgoil  en  dolçor  retornaç. 

Salve  Yesus,  noslra  ioia  conplida, 
Que  sofris  fams  et  sec  e  desonors, 
Afans,  trabaill  et  dolorosa  vida 
2185     En  quest  siegle,  segner,  per  nostre  amors. 
Hailas  çaitiu  !  malamen  ai  credut 
La  granç  amors,  qu'en  nos  avec  augut. 
Tan  sui  estac  faillen  chascun  iornal. 
Aiudaç  me,  saint  paire  sperital. 

2100         Salve  Yesus,  en  (jui  valor  aisida 
Es  et  merces,  pietaç  et  dolçors, 
[F°  51  r"]      Amors  et  paç,  cel  (|ue  nuls  non  oblida 
Per  nul  forfaiç,  tant  sia  pecadors. 
Sol  qu'il  se  torn  a  vos  sens  tôt  escut. 

164  duraeltat.  —  167  esperiç.  —  177  salvacions.  —  183  deseuors.  —  l'JO 
asida.  —  i'J3  Après  ce  vers,  suivent  dans  le  ms.  les  vers  1999-2005;  voyez 
la  note  sur  le  vers  1999, —  194  escuç.  " 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  26'. 

2195    Per  qu'eu  mi  ren  en  la  vostra  vertut 
Colpablemen  et  prec  vos,  que  de  mal 
Mi  det'endac  et  dal  foc  enfernal. 

Salve  Yesus,  bel  plaiçer  et  onrança, 
Deleit  et  crauc,  solaic,  lois  et  conort 

2200     De  cil  qu'en  vos  meton  sa  dexiransa 
lit  que  per  vos  sofron  dolors  et  mort. 
Allas  !  per  que  ai  mis  tant  mon  désir 
En  mi  meteis  enganar  et  traïr 
Et  que  tant  pauc  onrat,  servit  vos  ai? 

2205     Segner,  aiaç  merce  de  mi,  sios  plai. 

Salve  Yesus,  dolç  et  fedels  amansa, 
[F''  51  v°]      Per  cui  sem  mes  de  péril  a  bon  port, 
De  mi  que  sui  en  aitan  greu  balança 
Aiaç  merce,  non  gardaç  al  meu  tort. 
2210     Graicam  donao  de  ben  far  et  de  dir 
Et  per  vos  tant  dolor  et  mal  sofrir 
En  aiquest  mun  que,  quant  m'en  paiHirai, 
Mon  speriç  soit  per  vos  gardaç  d'esmai. 


Deus  sal,  dona,  que  fos  degna  d'auçir 
2215     Tan  rie  salue,  cum  l'agnel  vos  vint  dir. 
Et  sal  la  grant  valors  et  l'ardimens, 
Que  l'agnel  sant  escoltetel  preçens. 
Et  sal  lo  cor,  qu'aiso  nol  volt  contendre, 
El  sen,  quel  saub  atreiar  et  atendrc, 
2220     Et  sal  los  diç  et  sal  lo  bel  respos 
Et  toc  l'afars,  que  tant  fo  saporos. 
Et  sal  la  vostra  sanctisma  nasions 
Et  quios  portet  et  vos  fes  norixons, 
Et  sal  la  vostra  veraia  castitac, 
2225     Per  que  il  près  a  vos  tal  amistaç, 

E  sal  lo  cors  vergen,  qu'el  vole  honrar, 
[F°  52  r-]      Et  las  teitas,  qu'elvolc  et  plaie  laitar, 
Et  las  mains,  que  lo  bagneit  el  laveit, 

219  sab.  —  222  s^lisnaa,  B  santisma.— 226  voc,  B  vole—  228  quel;  leveil 
B  laveit. 


266  POESIES  RELIGIEUSES 

Els  braç,  que  tan  lo  sosteng  el  porteit, 

2230     Et  sal  de  vos  la  resplandent  beutat, 
La  grant  douçor  et  la  grant  umeltat, 
Et  sal  lo  preç,  lo  lois,  i'onors  els  bes 
El  diç  el  faiç  et  toc  quant  de  vos  es, 
Et  sal  tuù;  cill  quel  vostre  preç  enança, 

2235     Et  vostre  onors  et  qu'en  vos  an  fiança, 
Et  sal  tuiç  cill  que  creçon  vostre  laus 
E  qu'an  conort  d'aver  ab  vos  repaus. 
E  sal,  sil  plai,  mon  esperiç  cliaitiu. 
Als  vostres  pes,  raina,  m'omeliu, 

2240     Et  prec  la  vostra  gran  splendens  beutat 
El  vostre  cors  plaisens,  gen  faiçonat, 
El  cor  valens,  plens  de  tota  sciensa 
E  d'umeltaç  et  de  grant  conoscença, 
Et  prec  lo  sen  el  gran  saber  de  vos, 

2245    Lo  lois  el  preç  el  senblan  amoros. 

Et  prec  la  grant  beutat  el  grant  captens, 
La  gran  dolçors  el  fins  ensegnamens, 
La  grant  merces,  que  tôt  lo  munt  conorta, 
Car  es  de  cel  strada,  camins  et  porta, 
[F''  52  V"]      La  castitaç  vostra  prec,  qu'es  tant  bona, 
El  bel  plaicer  el  honrada  corona, 
La  grant  valor,  que  tôt  orgoil  deschai. 
Et  prec  toç  laus,  qu'cl  vostre  cors  estai, 
Que  de  mi  lais  et  peccador  s'en  dolla 

2255     Et  que  m'aiut  els  greus  peccaçmi  toUa, 
On  sui  tant  plens,  no  m'en  sai  conseillar, 
Se  sol  Yesus  no  m'en  vol  aiudar. 
Mais  vos,  rosa,  en  cui  ai  mia  sperança, 
Mi  podeç  leu  ab  lui  far  acordança. 

2200    Domna  certes,  coind'  et  valens  et  dreita, 
Preiaç  Yesus,  que  laiteit  vostra  teita, 
Qu'aia  de  mi  merces  et  pietaç, 
Uen  sal  seu  lau  sun  don  en  sui  blasmac, 
Quaril  es  bons,  humils  et  amoros 

229  sostneg,  B  sosleQg.—  232  bens,  -  233  nos,  B  uos.—  234  prec,  B  preç. 
—  236  tuiiç  cill]  cela.  —  237  a   uos.  —  238  fil,  B  sil.  — 253estili,  B  estai. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  267 

2265     Eç  eu  malvaç,  crudels  et  orgoillos, 
Il  es  cortes,  fins  et  droic  et  leials 
Eç  eu  vilans,  félons  et  desleials, 
Il  es  conpliç  de  toc  bons  preç  verai 
Ec  eu  de  toc  aico  nue  no  s'eschai. 

2270         E  pois  tan  es  lo  so  ries  faiç  valen, 

Lo  meu  grant  tort  el  meu  grant  falimen 
[F"  53  r"]      Pels  vostre  precs,  domna,  en  soit  et  per  lui 
Toç  perdonaç,  que  tant  peccaires  sui, 
Sec   el  non  fos  la  vostra  grans  merces 

2275     Et  l'umeltac  del  vostre  fil  cortes, 

Paors  ai  grant,  qu'eu  fora  decedut. 
Merce  vos  clam,  qu'eu  non  sia  perdut, 
Domna  valen,  q'a  vos  mi  don  em  ren, 
Et  faiç  de  mi  que  laus  vos  soit  et  gen  ; 

2280    A  vos  m'autrei,  en  cui  ai  m'entendenca 


Et  faie  tan,  qu'a  la  fins  eu  trob  merce 
Et  pietaç,  et  deu  l'aia  de  me. 


Regina  vergen,  domna  valenç  et  pros. 

2285     Maire  de  deu,  qu'  el  vostre  cors  ioios 
Près  son  ostal,  tan  li  plac  vostre  sen, 
El  vostre  prec  el  die  el  faic  valen, 
Mout  vos  honret,  quar  il  ert  vostre  paire 
Et  vos  sa  fiUas  et  fes  de  vos  sa  maire, 

2290     Yergen  eraç  et  tal  enfant  portais, 

Verginitaç  no  n'augues  men  ni  mais, 
Quar  tant  entreit  et  s'en  parti  soau, 
Qu'anc  nol  sentis  nius  fes  dolornimau. 
Benedoit  soit  lo  iorn,  que  vos  augues 


2295 


Quant  l'agnel  saint  lo  salue  v'aporteit, 
[F°  53  v°]      Et  quant  Yesus  del  vostre  cors  nasqueit. 
Peccat  fes  grand  qi  vos  feçon  dolors, 

267  raesleials.  —  272,75.  —  282  eu  manque.  —  285  cor.  —  29.3  nils. 
298  qios  feçon. 


•?63  POESIES  RELIGIEUSES 

Cura  fun  Judeus,  que  per  lor  grant  folors 
2300     Preson  vos  fils  ab  tradimens  bastit, 
Que  ien  portât  aviaç  etnorit. 
Vecen  vos  oils  lo  meson  en  la  cros. 
Ai!  cum  cel  iorn  domnaos  fo  doloros, 
Quar  enaisi  vos  lo  vedes  dolar! 
2305     Meteisa  fos  al  de  la  cros  ostar 

Ab  Nicodem,  ab  Josep  soldaders, 
Q'ielsoteran  senes  toc  alegriers. 
Sor  tôt  dolors  eral  vostre  plus  greu  ; 
Mais  il  torneit  en  grant  dolçor  en  breu, 
2310     Quar  au  tierc  ior  susciteit  viu  de  mort, 
On  vos  augeç  grant  placer  et  conort. 
Aisi,  domna,  cum  il  vos  conorteit 
•    El  vostre  cor  dolent  vos  alegreit, 

Vos  prec,  sios  plai,  que  vos  mi  conortae 
2315     Et  mon  speriç  per  merces  alegrac, 

Qu'es  pels  peccaç  tant  cliaitius  et  dolens. 
Quant  ben  consir  ena  ferm  pensamens, 
Tais  paor  ai,  non  mi  pose  alegrar  ; 
[F"  54 r"]       Mais  vos,  sios  plai,  mi  podec  aiudar, 
2320     Quar  es  valens  et  honrada  regina, 
Era  podeç  dar  veraia  medecina 
De  ma  dolor.  Ben  ai  questa  sperança. 
Preiaç  Yesus,  que  sofri  tal  pesança 
Sus  en  la  cros,  qu'aia  veira  merce 
2325     Et  pietac  per  sa  dolçor  de  me 

Et  quels  peccaç,  qu'ai  tan  faig,  mi  perdon 
Els  faliraens,et  tal  graiça  mi  don, 
Qu'anç  ques  parta  mon  espiric  dal  cors 
Qu'eu  tan  de  ben  faiça  per  bon  esfors 
2330     Qu'ai  départir,  domna  de  graiça  pleinn, 
Pel  seu  placer  seia  gardaç  de  peina, 
Et  seit  per  vos  dal  nemic  aiudaç 
Et  el  saint  reng  receubuc  et  pausac. 


304  vox  manque.  —  313  alegrat,  B  alegreit. —  317  pensâmes,  B  pensamens. 
—  322  ben  liai  ben  ai,  B  ben  ai. —  332  enemic. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUïïTTEL  2G9 

Glorios  deu,  qu'es  uns  en  trinitae 

2335     Veraicamen  et  très  en  unitac, 

Pares  et  fil,  sant  sperit  poderos, 
[F"  54  v°]      Si  cum  vos  plai,  n'anc  coraençat  no  fos 
Et  es  sens  fins  la  vostra  ^rant  corona, 
Lo  cel  fornaas  et  quant  lo  naar  virona 

2340    Els  mars  taises  et  tôt  quant  en  lor  son, 
A  vos  m'autrei,  a  vos  mi  ren  em  don 
Cum  cel  qu'atend  davos  veira  merces, 
Quar  es  valen,  humil,  dreiç  et  cortes, 
El  vostre  cor  del  chaitiu  se  recorda. 

2345     Per  qu'eu  atend  la  grand  misericorda 
Segner,  de  vos,  quar  per  vostra  bontat 
Et  per  merces  et  per  grant  pietat, 
Per  rederair  et  trar  nos  de  péril 
Mandac  ca  ios  lo  vostre  dolc  car  fil 

3         3  3 

2350     De  la  vergen  raina  gloriosa, 

Quera  feçes  vostra  Allas  e  sposa, 
El  pel  salue,  quil  mandastes  tan  gen 
Per  l'angel  saint,  s'engroixeit  veiramen. 
De  lei  nasquet  lo  Yesus  glorios, 

2355     Que  per  nos  mes  fo  pois  sus  en  la  cros, 
Et  fo  plaiar  e  sofri  greu  tormen 
Et  mort  crudel  pel  nostre  salvamen 
Per  sa  merces  e  per  sas  umeltaç. 
E  ill  nos  dis,  anc  que  fos  trespasaç  : 

2360     «  Ço  qu'ai  meu  nom  querireç  al  meu  paire, 
[F"  55  r"]      Lo  vos  donra  »,  per  qu'eu  senes  cor  vaire 
Vos  quier,  segnor,  al  seu  nom  benetismc 
Et  per  s'amor  et  per  lo  saint  batisme. 
Que  il  receup  sol  per  nos  magistrar, 

2365     Quels  greus  peccaç  me  deiaç  perdonar 
Els  falimens,  qu'ai  tant  fait  en  ma  vida. 
Graiçam  donaç,  que  tais  obras  conplida, 
Anç  qu'eu  mora,  faisa  per  penedensa, 
Per  gen  sofrir  et  per  dura  sufrensa, 

345queus.  —  349  noste,  B  uostre.  —304  Quar  il  recep. 

18 


270  POESIES  RELIGIEUSES 

2370    Que  dels  peccaç  mi  deia  deschargar, 

Graiçam  donaç,  qu'ai  deleich  eontrastar 
Poscha  toc  tems  de  ma  carn  et  del  mon 
Et  a  toç  ço  que  contraire  me  son, 
Que  veder  pois  et  qu'eu  non  pois  veder; 

2375    Et  donac  mi  talen,  cor  et  voler 

De  dir,  de  far  tôt  ço  que  plus  vos  plai, 
Et  faiçal  si  qu'en  l'ora  qu'eu  morai 
Vos  mi  donac  lo  reng  de  vita  eterna 
Pel  vostre  fil  Yesus,  que  tôt  guberna 

2380     Et  qu'ab  vos  viu  et  regn'  en  unitaç, 

Sant  spiriç  et  de  deu  toç  temps  honraç. 


[F*^  55  V]  Salve  regina,  vergen  engeneris 

Domna  placens,  valons  engeneriç, 
A  vos  mi  ren,per  cui  sun  totas  gens 
2385    Traich  de  périls  et  mes  a  salvamens. 
Vos  es  cella  quem  podeç  aiudar, 
Vos  es  celé  quem  podeç  alegrar, 
Vos  es  cela  en  cui  ai  ma  speranca, 
Vos  es  cela  da  cui  aten  legrança, 
2390    Vos  es  cela  quem  podeç  dar  conort, 

Honrada  res,  sios  plai,  vidas  et  mort, 
Vos  es  "cella  quem  podeç  leu,  sios  plaç, 
Splendens  dompna,  leuiar  dels  greus  peccaç, 
Vos  es  cella  quem  podeç  sens  falensa 
2395    Esertot  iors  dal  diable  garensa, 
Del  toç  avec  poders  e  segnoria, 
Fer  qu'eu  vos  prec,  domna  sainta  Maria, 
Que  m'aiudaç  em  degnaç   secors  faire, 
Si  quem  perdon  cil  qu'es  ver  perdonaire 
3400     Em  don  graiça  de  gen  penedençar 
En  aiquest  siegle  et  tais  obras  obrar, 

[F°  56  ro]      Qu'ancar  aia,  se  tôt  ges  no'n  sui  deng, 
Laisus  repaus  en  l'onrat  vostre  reng. 


376  plaia.—  381  espiriç.  —  384  gen.—  389  da  cui  da  cui,  B  dacui.  —  ale- 
grança.  —  393  dppna.  —  398  fare.  —  403  enlorat,  B  en  I  onrat. 


DU  MANUSCRIT  DE    WOLFENBUETTEL  S:i 

Cill  a  cui  plaçon  ajes  benvoUensa 

2-lOD     E  l'amistac  el  seu  valent  aiut 

Aian  en  se  questas  veiras  vertut  : 
Sperança,  fes,  caritat,  paciença, 
Conort  et  paç,  humeltaç  et  temors, 
Abstinença,  et  laison  las  folors; 

2410     En  tal  guisa  poiran  s'amor  cobrar 
El  seu  saint  reng  ab  lui  participar. 

La  fei,  co  es  aver  en  deu  credenca, 
Esperança, sperar  en  sa  vertut, 
Temors,  temer  de  far  q'  il  nol  refut, 
2415    Et  caritat,  amar  deu  sens  bistensa, 
Umilitat,  eser  umil  tôt  iors, 
Paciença,  paciens  als  dolors, 
Abstinensa,  tener  se  de  peccar, 
Concord  et  pax  en  tota  genç  amar. 

2420        Qestas  vertuç  son  aitals  sens  fallença, 
[F°  56  vo]     Que  cil  qu'en  son  garnit  e  n'an  escut 
Ja  non  er  mais  pel  nemic  ofendut 
Ne  de  la  trespaor  auran  timença, 
La  quais  devon  doptar  los  peccadors, 
2425     Primer  quan  l'arma  sebrara  dal  cors 

Et  pois  quant  deu  denant  deu  presentar 
El  iuiamen,  quant  deu  toç  hom  iuiar. 

Non  es  nuls  hom,  s'il  a  qualque  entendença, 
Non  saia  ben  per  morir  es  vengut 

2430     En  quest  siegle  et  queil  seran  rendut 
Lo  gierdons  delsben  et  de  i'ofensa, 
Qu'il  aura  faich  a  deu  nostre  segnors. 
Toç  so  ques  fai  als  paubres  per  s'amors, 
Meteis  a  lui  se  fai  senes  doptar, 

2435     Per  que  nuls  hom  no  s'en  degra  tardar. 


407  speraça;  paciençia.  — 410  poiram.  —  412.  Le  coramencemeol  de  cp 
couplet  n'est  pas  marqué  dans  le  ms. —  418  peccat.  —  422  nol  et.—  420 
dii  denàt. —  427  Els  iuiamens  ;  dei. —  428  a  manque. —  432  segnor.  — 433 
80  manque. 


272  POÉSIES  RELIGIEUSES 

Hailas  !  cornent  trobara  l'um  guarença, 
Cil  que  non  sun  de  mal  far  remançut 
Et  que  n'an  faich  tant  cum  a  mais  pogut 
N'en  an  volgut  far  el  mund  penedencja! 
2440     Miel  lor  venges,  non  foxon  naic  ni  sors. 
Tan  greu  tormen  sofriran  et  calors, 
Que  nuls  parlans  nol  poria  contar, 
[F"  57  r°]     Se  dos  anç  no  linason  de  parlar. 

Meraveill  me,  que  cascuns  no  s'aiença 
2445     De  servir  deu  et  preiar,  que  l'aiut 
Estar  ades  del  tôt  an  percebut 
Si  qu'envers  tôt  li  feçes  mantenença. 
Quar  autresi  vanon  cum  fai  la  flors, 
Qu'en  breu  de  temps  prent  et  pert  sa  colors, 
2450     Si  cum  soloil  fai  sa  color  mudar, 
Lor  fai  la  mort  tôt  ses  afar  caniar. 

Servem  cascuns  al  nostre  salvadors 
Et  faicera  si  cum  liai  servidors, 
Nos  recrecem  de  ben  dir  et  de  far: 
2455    S'  il  nos  absolv,  nuls  nons  poira  danar, 

Precios  deu,  pare  plen  de  dolçors, 
Segner  dels  reis,  sor  toç  enperadors, 
Per  merceus  prec,  deiaç  nos  perdonar 
Nos  greus  peccar  et  de  breu  mort  gardar. 


[F"  57  v°l  Reis  glorios,  ver  paire  Yesu  Cris, 

Qu'en  breu  saint  Paul,  quant  vos  plac,  convertis 
Que  san  Stevan  fes  lapidant  ausir, 
El  vostr'  amies  facia  perseguir, 
Eç  el  meteis  greument  los  perseguia, 
2405    Mais,  quant  vos  plac,  dreiças  l'en  dreita  via, 
Batisme  près  et  ver  spiritum  san 
Eç  anet  pois  per  lo  mon  preçichan 
Lo  vostre  die  el  vostre  mandamens, 

449  color.  —  452  serven.  —  455  nô  poiram.  —  463  vostra,  B  vosire.  — 
466  JpÏD,  B  spiritu. 


I 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  273 

Al  vostre  non  converti  mantas  gens, 
2470     Pel  las  graiças  et  pel  sen  qne'û  donast, — 
Segner,  ainsi  qum  vos   reniuminast 
De  saint  sperit  et  de  veira  clardaç, 
Vos  preo,  sios  plai,  que  vos  m'enlumenaç, 
Quels  oilc  del  cor  mi  sun  si  esscuric 
2475     Pels  greus  peccaç  et  pel  malvais  deliç, 
Queç  eu  non  vei  ço  q'obs  e  loc  m'auria, 
Tan  m'a  plagut  mais  del  sen  la  folia, 
[F*  58  r°]      Car  trop  ai  fait  de  ço  que  nos  cove. 

]Mais  vos,  segner,  per  la  vostra  merce 
2480     M'enlumenaç  d'un  rai  del  vostre  Jum 
Ec  ostac  me  denant  los  oils  el  fum, 

3  3  ' 

Quem  veda,  qu'eu  sciarçi  demant  non  veia 
Ço  ques  cove,  que  mais  placer  vos  deia  ; 
Qu'eisamen  sui  els  peccaç  retengut 

2485    Cum  l'auçel  qu'es  en  la  teiç  'enbatut 
Ni  non  s'en  sab  partir  ni  desebrar. 
Neç  eu  non  sai,  qui  m'en  poisca  aiudar, 
Se  nom  traieç  per  la  vostra  valença  ; 
Qu'aisimen  sui  cargaç  de  greus  ofensa 

2490     Cum  l'aubre,  que  per  pauc  no  fraing  es  pleia. 
Non  sai  for  vos  qui  perdonar  me  deia; 
Quar  enver  vos  ai  forfaic  solamen. 
Et  da  vos  tang  vegnal  perdonamen, 
Que  de  forfaic  tang,  c'umderaan  perdon 

2495     Vers  cel  q'om  a  faita  lamesprixon. 

Perdon  vos  quier  cum  a  ver  Salvador, 
Et  non  gardaç,  sios  plai,  a  ma  folor, 
C  autres!  m'es  veiramen  avengut 
[F°  58  v°]      Cum  cel  que  tant  podera  sa  vertut 

2500     En  far  son  dan,  per  o  qu'es  orgoillos, 
Tro  qu'il  es  d'aut  baiset  caçut  deios, 
Que  tan  greumen  mi  sui  apoderaç 
En  far  plaicer  al  meo  cor  e  forcac, 

*  3  3  3» 

469  coDuerlis.  —  470  donaç.—  474  oiç,  —  476Qua  eu.  —  480  luz.  —481 
deuant;  fun.  —  483  queos.  —  485  enbal,  B  eubalut.  —  492  sorfaiç,  B  for- 
faic. —  503  forçai. 


Î74  POESIES  RELIGIEUSES 

Que  de  riens  als  n'ai  augut  pensamens. 

2505     Mais  ar  conois  quem  vai  trop  malamens, 
Ne  senes  vos  nom  poisc  plus  adreçar 
Cum  l'ausel  pot  senes  ala  volar; 
Si  cum  lo  riu  qu'es  de  la  fon  sebraç 
Poit  mais  durar,  s'eu  non  sui  aiostac, 

2510     Segner,  ab  vos,  plus  durar  non   pose  ges. 
Que  quant  mi  pens  aiço  qu'avengut  m'es 
El  greu  péril,  en  quem  sui  mes  tôt  iors, 
Pel  cors  chatiu  et  pcl  seu  fais  seiors, 
Fer  fol  mi  teng  et  per  desconoisen 

2515     Et  per  malvâç,  quar  eu  sai  veiramen, 
Que  tôt  quant  es  mi  vaut  nien  sens  vos, 
Per  qu'era  plang  so  don  sui  staç  ioios. 

L'orgoil  sobrier  el  fais  diç  el  pensaç, 
L'ira,  l'enganç,  l'enuei,  la  cobitaç 
[F°  59  r°]      El  mais  obrar  m'an  confundut  et  mort  ; 
Et  s'eu  per  vos  non  sui,  segnor,  estort, 
Per  ren  que  sei  non  poisch  mais  escanpar 
Ausi  cum  cel  qu'es  perillaç  en  mar, 
Que  n'a  conort  mas  aiquel  de  morir. 

2525     Per  merceus  prec  non  mi  laisac  périr. 
Car  eu  non  pose  senç  vos  aver  valors 
Nel  meus  obrar  plus  aucuns  resplandors 
Cum  la  luna  sens  lo  rai  del  soleil. 
Per  qu'eu  désir  lo  vostre  ver  conseil 

2530     E  quem  seiaç  garenç  vers  mas  offensa, 
Graiçam  donae,  qu'en  voira  penedença 
Posca  toc  temps  estar  et  reraaner, 
Em  donac  cor  d'amar  vos  et  temer 
E  que  seia  deng  de  vos  esgardar, 

2535     Et  ausimenc  n'auca  vos  faic  cuntar, 
Entendimens  a  eo  que  s'en  eschai, 
Et  voluntac  d'atendre  sens  esmai, 
Et  fei  que  creia  tôt  quant  n'auçirai  dir, 
Et  sen  qu'eus  sapça  cens  onrar  et  servir 

506   poist.  —  510  post.  —  511  qua  uengl.  —  514  Pel.  — 515  sa.  —  518 
sobriere  (le  expoDclué). —  530  mais.—  53i  seioD. —  539  queu  spaça. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL 

2540    Et  gcn  lausar,  qu'en  vos  ai  ma  speranca. 
Naitcnt  d'aillors  fors  d'aver  alegranca, 
Quar  non  es  ren  qu'alegrar  mi  pogues, 
Mais  me  conort  en  la  vostra  merces 
Plus  qu'en  ren  als  qu'eu  poisca  dit*  ni  far. 

2515    Graicam  donac  de  tan  ffenmens  obrar 
[F'  59  Vj      En  quest  siegle,  qu'apelar  mi  degnaç 
Al  iuiemens  dal  vostre  destre  lac 
Ec  ab  los  bos  menar  en  vida  eterna. 
Si  c'ab  els  reng  toc  temps  in  sempiterna. 


2550        Ja  mais  nuls  hom  n'amera  lialmen, 
Que  n'a  conort  d'aver  bon  guierdos, 
Nel  servirs  n'es  ia  mais  valens  ni  bos, 
Pois  c'om  nol  fai  de  bon  graç  finamen, 
Ni  cel  quel  pren  graiç  n'amor  no  li  'n  sen, 

2555     Et  fai  peccaç  quel  pren,  et  cel  quel  dona 
Pert  ço  qu'el  fai,  per  que  totas  persona 
Devon  ti'obar  tal  segneret  chaucir 
Quel  servis  sapça  conoiser  et  graçir. 

E  qui  segnor  vol  trobar  avinen, 
2560     Verais  et  fins  et  dreic  et  amoros, 
Serva  Yesus,  l'onrat  reis  glorios, 
Qu'en  toc  afars  es  sor  toc  conoisen, 
En  cui  nos  pert  ren  c'om  faiça  de  ben, 
Ane  creis  ades  ne  nuls  bien  faic  tencona, 
2565    Tan  pauquet  seit,  mais  gens  lo  gierdona, 
fF°  60  r°]     Miels  que  contar  nos  poria  ni  dir, 

Per  que  nuls  hom  non  pot  en  lui  falir. 

Qar  il  pot  far  tôt  gierdonamen 
Et  pot  veniar  totas  ofFensios 
2570     Et  pot  leu  far  lo  plus  dolent  ioios 

El  plus  ioios  en  breu,  sil  plai,  dolen. 
Donc  temem  lui  ec  honrem  francamen, 

543  me]  en.  —  544  qû  poisca.—  545  gens  mens. —  547  de  lar.  —  549  cab 
el  :  inseprilna.  —  551  guierdons.  —  552  servires;  bôs. —  563  nous.  — 569 
oflesiôs.  — 570  len. —  57i  Et;  si  plars. —  572  temen. 


276  POESIES  RELIGIEUSES 

Que  pel  bens  faiç  nos  pairilla  corona. 
Cil  honren  deu,  qu'en  ben  far  s'abandona 
2575     Et  ques  gardon  d'engans  et  de  mentir, 
Quar  cil  que  ment  so  speriç  fai  périr. 

Ben  sa  cliascuns  en  tôt  nos  veiramen, 
Quar  qui  mespren  vers  un  segnor  çaiiços 
Leu  troba  mais  ni  merces  ni  perdos 

2580     Per  ren  que  soit,  tro  n'a  fait  veniamen. 
Mas  qui  mesfai  vers  deus  et  se  repen 
Et  vol  smendar,  genç  l'acoill  el  perdona, 
Plaiçers  et  lois  et  sa  graiça  lor  dona. 
Par  0  chascuns  se  degra  convertir, 

2585     Et  per  s'amor  toc  bons  faic  enrichir. 

Fort  chausam  par  em  meraveill  soven, 
[Ç"  60  v"J      Que  nus  non  pot  sens  deu  eserioios 
Ne  lois  aver  neil  non  a  ops  de  nos 
E  n'ama  plus  de  nos  lui  per  un  cen, 
2590     Que  plus  l'es  greus,  quant hom  fa  falimcn 

Que  cel  meçeis  quel  fai,  quant  s'en  chauxona, 
Et  plus  li  plai  qui  ben  far  se  saçona 
Qu'aiquel  no  fai  cui  deu  lo  pros  venir, 
Cum  nuls  se  pot  de  lui  honrar  sofrir. 

2595        Non  es  ben  dreiç,  q'om  deia  finamen 
Amar  celui  qui  sofri  mort  per  nos 
Et  que  sosten  pasion  en  la  cros 
Per  nostr*  amor?  Hoc,  sensgaliamen. 
Dreiç  es,  que  cil  serva  quel  servis  pren 

2600     Et  que  cel  am  qu'es  amaç;  q'om  raixona: 
Mal  sun  servie  cil  qui  mal  guierdona 
Et  pauc  amaç  qui  amor  vol  delir. 
Qui  vol,  q'om  l'am,  deu  amar  et  servir. 

*  ■  Et  per  aiço  lo  vers  omnipoten 

2605    Devem  servir  mentr'en  sem  poderos, 
Quel  tems  s'en  vai  osebrial  saços, 

516meQS  sos.-perir.  —  ')'i9  per  dons.  —  .081  tcpii.  —  'j86  el.  —  5S7  ioios] 
gauden.  — 588  7wn  man«iiie. —  597  crois.  —  598  galiamens.—  605  métrera. 


DU  MANUSCRIT   DE   WOLFENBUETTEL  277 

[F"  61  r°j      Eç  aprosmem  vers  la  mort  que  tôt  pren. 
Pregem  Yesus,  da  cui  toc  bien  descen 
Et  que  tôt  iois  et  totas  graigas  dona 
2610     Et  que  sun  mun  de  bon  far  ensermona, 
Qu'  el  nos  don  cor,  pensamenç  et  consir 
De  SOS  comanc  atendre  ec  obedir. 

Bel  segner  deu,  la  cui  força  virona 
Trastot  lo  mon  et  per  cui  plou  et  tona, 
2615    Permerceos  prec  que  deiaç  acoillir 

Mon  esperiç,  quant  s'a  dal  cors  partir. — 


La  flor  del  mun,  a  cui  per  dreit  sopleia 
Cristinitat,  qu'es  tant  plena  d'odors, 
E  la  Stella,  que  per  tôt  resplandeia, 
2620     Devem  honrar  sobra  trestot  honors, 
Co  es  la  dolc  vergen  sainta  Maria, 
Por  cui  lo  mund  oscurest  alumaç 
Et  per  cui  sem  dal  nemic  aiudaç 
[F"  61  V]     Et  del  fang  mes  en  la  plus  dreita  via. 

2625         Bemmeraveill,cum  nuls  hom,qu'eI  mund  sia, 
Se  pot  sofrir  del  seu  rie  preç  honraç 
Poiar  et  moût  lauçar  soa  cortesia. 
Sas  grant  valors  et  sas  richas  beutaç. 
Et  pois  Yesus,  que  tôt  lo  mon  maneia, 

2630     La  vole  honrar,  tant  Tameit  per  amors, 
Sor  totas  res,  ben  son  plens  de  folors 
Cil  qui  vers  lei  ab  umil  cor  nos  pleia. 

Qar  ben  sabem,  els  saine  paire  l'autreia, 
Que  per  lei  sun  stauradas  las  dolors, 

2635    Que  fes  Eva,  car  cel  que  nos  guerreia 
Creit  et  nos  mes  col  segner  en  erors. 
Mais  il  enhac  pietat  tota  via 
Et  près  en  lei  amor  eç  amistaç, 
De  lei  nasceit,  et  per  lei  sem  salvaç  ; 

2640    Per  o  servir  la  devera  noit  et  dia. 

607  aprosmen.— 6(J3  descead.— 611  Quel.  —  ôlômercesos.  —616  cor. 
—  622  scur.  —  626  prec  honrar.  —  633  saben. 


278  POESIES  RELIGIEUSES 

Auçit  ai  dir,  qu'en  franca  segnoria 
Nos  pert  qui  serv,  aine  n'es  guiertlonao, 
Donc  ben  os  fol  quil  seu  servis  oblia. 
[F*  62  r"]      Tan  es  valon,  plena  de  pietaç, 

2(>45     Quel  seu  saint  fil  iorn  et  noit  per  nos  preia, 
Qu'aia  raerces  de  tôt  nos  peccadors. 
A  lei  servem  eç  a  toc  per  s'amors  ; 
Non  es  nuls  hom,  que  per  dreit  far  nol  deia. 

De  leis  honrar  aia  chascuns  enveia 
2G50    Et  d'enançar  sun  preç  et  sa  valors, 
Leials  amans  et  bon  servidor  seia, 
Cum  plus  li  serv,  pauc  li  serabl  cascuns  iors, 
Per  miels  penar  de  far  eo  que  ben  sia. 
Enaisi  er  a  chascuns,  co  sabiac, 
2655     Lo  gierdons  per  cent  mil  veç  doblaç; 
De  tan  rie  ioi  contarno  se  poria. 

Qar  il  es  claus  de  paradis  et  via, 
El  ioi  ternal  ten  en  sa  poestaç, 
Et  de  toç  bens  a  poder  et  ballia 
2660     De  tôt  placer  et  de  tôt  gen  solaç  ; 

Per  0  prec  lei,  a  qui  mun  cor  merceia, 
Qu'aia  de  nos  merces  per  sa  dolçors, 
Sossteng  nos  seit,  aiudas  et  secors, 
[F'  62  V]       Dal  fel  nos  gart,  que  tant  fort  nos  goleia. 


2665  Qant  vei  et  consir  et  pens 

Del  segle,  cum  ven  et  vai, 

Paors  mi  pren  et  esmai  ; 

Qu'eu  vei,  qed  als  plus  valens, 

Ries  et  demaiers  afaire 
2670        Non  pren  mort  pleviç  ni  guage 

Per  respeitarlo  viage, 

Quels  bons  els  mais  devon  faire, 

Per  quem  par  fol  qui  s'en  fia 
.    En  ricors  n'en  manentia, 

642  n'es]  nos.  —  645  per  tios  preia  manque.  —  647  serven.   —  650  sana 
lors.  —  fô3  seia. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  279 

2675  Quel  seigle  fais  recreçens 

Ausi  cura  l'ombres  desfai, 

Et  qui  plus  en  pren  desçai, 

Quar  cascuns  es  decadens. 

Quem  pot  donc  aiuda  traire, 
2680        Pois  tan  es  greu  lo  pasage? 

Als  non  mais  de  bon  corage 

Servir  l'onraç  emperaire, 

Que  senes  lui  ren  que  sia 

Non  pot  esser  garentia. 

2685  Qu'il  conos  los  bens  els  mais, 

Queç  hom  fai,  el  dreie  cl  tort, 

E  sor  nos  a  mes  la  mort, 
[F**  63  r°]  Que  toc  hom  pren  per  engals 

Et  lai  los  met  sens  falensa,         , 
2690         On  ses  tort  es  faiç  dreitura. 

Del  ben,  del  mal  sens  falsura 

Trobon  veraia  sentensa, 

Et  pois  nos  pot  far  esmenda. 

Cel  que  non  es  mort,  Tatenda, 

2695  Quar  non  es  tant  comunals 

Ren  el  mon,  cum  es  la  mort. 

Per  0  chascuns  se  poin  fort 

De  sun  cor  mètre  sevals 

En  deu,  quel  fruiç,  ques  comensa 
2700         Madurar  dedinc,  meillura 

Et  cel  que  defors,  peiura. 

Per  quel  veia  penedença 

Coven  dinc  lo^cor  descenda, 

Qui  vol,  qu'il  ben  raçiç  prenda. 

2705  Quel  cor  afermal  voler, 

El  sen  pois  lo  trai  enan, 
Per  que  toç  très  acordan 
Volon  eser  el  saber, 
Que  ço  quel  dos  diçon  saia 

684  po^  manque;  garemia.  —690  Ou;  e*- manque.  —  692setensa.  —  693 
nos  nos.  —-697  sepom.  —700  meillora.  —  702  que  lauer. 


280  POESIES  RELIGIEUSES 

2710         Far  e  quel  voler  autreia. 
Per  0  cascuns  faire  deia, 
Qu'aiquist  toç  un  pensaç  aia, 
Un  désir  et  un'  esraansa 
[F"  63  v°]  Eç  en  deu  feima  sperança. 

2715  Se  too  l'ans  faillis  en  ver 

E  torna  toc  a  enjjan 
Niens  amens  van 
Lo  loi  del  mun  el  plaiçer, 
Per  q'om  non  deu,  ben  quil  plaia, 

2720        Sperar  en  ço  que  sordeia, 
Mais  Sun  esper  aver  deia 
En  tal  ren,que  non  deçaia, 
El  servis  deu  et  Tonranca 
Non  decai,  anc  creis  et  nanca. 

2725  Deu  prec,  quem  don  desirança 

De  lui  servir  a  legrança. 


Valen  sancta  Maria  Magdalena, 
Domna,  quar  fos  de  l'amor  deu  tant  plena, 
Qe  dels  peccaç,  qu'avia  faiç  tan  greus, 

2730     Qanl  conogues,  vos  convertis  en  breus 
E  li  lavest  de  Taiga  de  vostr'  oils 
[F°  64  r"]      Los  pes  amdos  et  senes  tôt  orgoils 

Vos  desliastes  losvostros  blons  cabels 
Eç  anbesdos  lil  sugastes  ab  els, 

2735     Pois  gitast  sus  precios  onguemens  ; 
Tan  Tac  en  grat  lo  vers  oranipotens, 
Quar  el  vos  fes  de 'toç  peccaç  perdos. 
Et  quar  avec  el  seu  reng  precios 
Graiças  ab  lui,  per  ço  que  degna  n'es, 

2740    Vos  prec,  domna,  huraelmen  per  merces, 
Que  m'aiudaç  et  quel  preiaç  per  me, 
Qu'il  mi  perdon,  quar  eu    non  sai  de  que 
Poisscam  lauxar  q'aia  contra  lui  faiç,. 

725  quen.  —720  servir  alegranca.  —  727  scâ  mars.—  729  qua  uia.—  736 
gran .  —  737  perdons.—  739  Graiças  ab  lui  graiças  ab  lui. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL        ,         2Sl 

Mais  chascun  iorn  oifenduc  e  mesfaic 

2745     L'ai  tant,  qu'a  pena  del  preiar  m'enardis. 
Mais  vos,  domna,  en  cui  prcc  m'afortis, 
A  cui  secors  et  aiuda  deman, 
Mi  podoç  leu,  quar  il  vos  ama  tan, 
Trobar  perdon  d'aiso  q'ai  faiç  vas  lui. 

2750     Ben  sai  et  vei,  quar  aitaneraç  sui, 

Que  sens  lo  seu  no  sai  quai  consel  prenda. 
Dorapna,  preiaç,  que  pietaç  l'en  prenda 
E  que  m'aiut  et  per  merce  li  plaixa, 
Qu'aital  perdon,  cura  ilvosfes,  mi  faisa 

2755     Ne  non  gart  ges  a  la  mia  foldat 

Et  quera  don  cor  et  sen  et  voluntat 
[F*^  64  V"]     De  sos  comans  obedir  eç  atendre, 

Et  quem  posca  de  plus  peccar  défendre, 
Et  dels  peccaç,  c'ai  faiç,  etdels  ofensa 

27G0     En  aiquest  siegle  faisa  tal  penedença, 
Qu'anç  qu'eu  mora  m'en  deia  descargar 
Si, quant  morai,  qu'ab  lui  poisca  regnar 
Per  sa  dolçor  ab  l'autres  sans  valens 
En  secula  seculorum.Amens. 


2765         Santa  Maria  vergen,  maire  de  deu, 
Da  cui  los  sains  els  sanctas  tenon  feu 
Lor  lois,  lor  bens  et  lor  ternal  placer, 
Que  ren  sens  vos  non  podian  aver, 
Per  que  da  vos  lo  tenon   el  conos. 

2770    Et  totas  gent  degran  ben  dir  de  vos, 

Qu'il  sun  per  vos  de  greu  péril  estort. 
Mais  eu  non  sai,comen  lauçor  vos  port, 
Que  nous  tanguis  mil  tant  per  nul  saber. 
Que  cel  qu'el  mund  non  podia  caber 

2775    El  vostre  sen  receubist  et  portast 
Et  el  vos  braç  noristes  et  pauçast 
[F°  65  r°]       Que  ter'  et  mar  et  cel  et  tôt  enplia. 

745Latant.  —  748  amaran.  —  752  Dopna.  —  764  amen.  —  766  scâs.  — 
77()degara. — 772  lauço. —  773  mil. — 775  se7i  manque  daos  le  ms.,  se  trouve 
chez  6. 


282         .  POESIES  RELIGIEUSES 

Per  que  val  mais  cel  que  mais  s'umelia, 
Qu'il  vos  honret  per  la  vostra  bontat, 
2780     Et  la  vostra  valens  humilitat 

Lo  trais  del  ciel  et  la  vostra  dolcors. 
Et  car  vos  es  vida  dels  peccadors 
Ec  avec  mais  pietac  et  merces 

9  9  I  ;« 

Et  humeltat   en  vos  q'el  mund  non  es, 
2785    Vos  prec,  dompna,  quem  façaç  qualque  be 
Et  pietaç  aiaç,  sios  plai,  de  me. 
Qels  meus  peccaç  me  son  greus  em  consuma. 
Tôt  aultresi  cum  la  candela  aluma 
En  oscur  loc,  avec  vos  alumac 

'  9  9 

2790    Trestot  lo  mun  per  la  vostra  clartaç. 

Per  merceus  prec,  quem  deiaç  adreiçar 
Et  de  la  graiças  de  deu  illuminar, 
Qu'eu  sai,  se  totas  la  bontaç  fos  ensems 
Que  ia  mais  fos  ne  sera  per  nuls  temps, 

2795     Non  fora  ges  del  vostra  la  meitat. 

Per  qu'eu  vos  prec,  maire  de  pictat. 
Qu'un  pauc  de  loi  laissaç  sor  me  cader, 
Ab  quem  conort  et  quem  deiavaler 
Contrais  peccaç,  qu'ai  faic  per  ma  folors, 
[F°  65  v°]     Quar  moût  sui  stat  peccaires  chascuns  lors 
Tant  que  non  crei,  sian  tant,  ço  sabiaç, 
Las  estellas,  quant  sunt  los  meus  peccaç,. 

Mais,  domna,  qu'es  la  genser  que  anc  fos,     » 
Cols  vostre  precs  merceians  m'en  faiç  blos, 

2805    Que  sperans'  an  en  vos  totli  meillors, 
Quar  autres!  cum  la  neus  la  calors 
Delis  lor  greus  pecaç  lo  vostres  precs, 
Qu'ausi  cum  fai  los  arbres  qui  son  secs 
Lo  temps  d'istiu  florir  et  verdoiar, 

2810     Faiç  los  dolens  en  ioia  retornar 

E  conortaç  cil  que  n'an  conort  gaire. 
Per  quem  podeç,  s'il  vos  plai,  ioios  faire 
Els  meus  maiors  peccaç  en  breu  delir 
Et  conortar  et  mas  plagas  garir, 

781  el  la,  B  et  la.  -  785  dopna.  — 803  quant  fos.—  8uy  distui,  B  d  istiu. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  283 

2815     De  la  ijuals  es  plaiaç  mun  csperic 
Ne  senes  vos  non  pot  eser  gariç 
Plus  c'  om  non  pot  sens  foc  Taur  afinar. 
Nous  sia  greus,s'eus  aus  merco  clamar, 
Qu'eu  faç  cum  cel  qu'en  grant  ofension 

2820     Sper'  en  merces  et  demanda  perdon. 
Quar  en  vos  liai  et  en  merces  sperança 
Que  del  forfaic  mi  farec  acordanca, 
[F"  66  r°]     Qu'en  vos  trobon  tôt  bos  et  fins  conseil  ; 
Qu'altresi  cum  recevon  dal  soleil 

2825    Tôt  resplandors  lo  seu  resplandimens, 
Tôt  eisamen  recevon  totas  gens 
Da  vos  lor  lois,  qu'il  amon,  et  lor  bes  ; 
Per  qu'eu  atentda  vos  lois  et  merces. 
Sol  degnesaç,  domna,  per  mi  preiar 

2830     Lo  vostre  fils,  quem  degnas  perdonar 
Mon  greus  peccaç,  m'auria  vos  resors. 
Ausi  cum  cels,  quar  es  en  gran  dolors, 
Eç  on  li  rent  meçina,  don  garis, 
Tôt  autresi,  rosa  de  paradis, 

2835     Mi  podeç  vos  meçinar,  s'el  vos  plaç. 
Qu'autresi  sui  me  meçeis  enganaç 
Cum  cel  qui  fai  sun  dan  a  esien 
Ne  s'en  estrai,  tro  li  va  malamen; 
Quel  mal,  qu'ai  faiç,  ai  ades  conegut 

2840    Ne  per  aiço  no  m'en  sui  rémanent, 

Tro  qu'eu  m'en  sui  de  tal  gisa  cargaç, 
Seç  eu  no  sui  per  vos,  flors,  aiudaç, 
Paors  bai  grant  de  remanir  el  fang. 
Ausi  cum  cel  a  cui  grant  fais  non  tang 

2845     Et  por  orgoil  lo  prend,  per  qu'il  descbai. 
Tôt  aisemens  mi  prend  dol  et  esmai 
[F°  66  v"]      Del  fais,  qu'ai  près  per  ma  nescietat 
Et  per  orgoils.  Ar  sui  afflebeiat 
Tant,  s'eu  non  ai  lo  vostre  sostenals, 

2850     Quem  sosstenga,  non  ai  conort  en  als, 

819  quem,  B  qu  en,—  827  anô;  bens.  —  833  gariç. —  837  a  esieu.  —  842 
Ses  ao.  —  847  fas.  —  848  Ar  sui  manque. 


284  POESIES  RELIGIEUSES 

Que  tôt  conort  del  sieglem  desconorta 
Mais  vos,  quar  es  de  toç  bens  claus  et  porta; 
Car  si  cum  creixon  et  merraon  aisimens 
Ab  la  luna  totas  causas  vivens, 

2855    Creixon  ab  vos  totiois  et  tôt  plaixer 
Es  merraon  tôt  l'enois  el  desplaiçer. 
PreiaçTonrat  vostre  car  fils  presaç, 
Qu'il  mi  perdon  ner  sa  gran  pietaç, 
Non  per  qu'eu  ges  en  sia  deng  de  re, 

2860     Mais  per  mcroes  et  per  honor  de  se, 
Et  don  mi  cor,  qu'en  lui  aia  timensa 
Et  conduiam  a  veira  penedensa 
De  mos  peccaç,  de  mas  offensions, 
A  pentimens  et  a  confesions 

2865    Si,  quant  dal  cors  partra  mon  esperiç, 
Sia  per  lui  et  per  vos  guarantiç 
Dal  fais  nemic,  quels  esperiç  inferna, 
El  faic  regnar  ab  los  saine  in  eterna.  Amen.  — 


[F"  67  r"]         Sancta  Maria,  domna  de  giant  vertut, 
2870     Per  cui  nos  es  iois  et  plaixer  tendut, 
Prec  vos,  car  es  sobra  totas  gentils, 
Que  vos  preiaç  per  mi  lo  vostre  fils. 
Et  prec  ab  vos  sant  Jaquem  Çebedeu 
Et  saint  Paires  et  saint  Bartholameu, 
2875    Sant  Marc,  sant  Luc  et  saint  Johan  Batist 
Els  apostol  trestuit  el  vangelist. 
Sant'  Agnes  prec  et  sancta  Margarida 
Etlasvergens  totas,  que  son  gracida 
A  deus,  per  cui  mantengron  verguntaç 
2880    Et  per  s'amor  sofriron  mort  en  paç. 
Et  prec  sainta  Maria  Magdalena 
Et  santa  Ana  valens  et  sainta  Alena, 
Sanctas  Marthas  et  las  saintas  trestotas, 


8.'>l  siegle  em.  —  857  lonrar.  —  861  quem  lui.  —  863  De]  et.  —  864  con- 
fesion.  —  867  neinic  nemic;  inferma.  —  869  Sacta,  B  Sancta.  —  813  Ei 
manque.  — 877  âcâ.  —  879  pe;  raantegron.  —  883  Marchas,  B  Martlias. 


DO  MANUSCRIT  DE   WOLFMNBUETTEL  285 

Qu'atxjoron  deus.  qu'en  ben  farforon  dotas, 
2885     IjOS  angels  prec,  vertuç  et  poestaç 
Kls  arcliangels,  serapliiii,  principaç, 
[F'  67  v"j      Chérubin,  tron  et  dominacions 

Els  seniors,  que  canton  jmnes  et  sons 
Tôt  denan  deu,  car  il  comunalmen 
2890     Pregou  ab  vos  Tonrat  oranipoten, 
Que  sofri  mort  per  aucire  la  nos, 
Que  dels  peccaç  faiçam  qu'ai  faiç  perdos 
Et  quem  don  graiça,  que  toc  mos  pensamens 
Et  mos  volers  et  tôt  mos  obramens 
2895     Al  seu  plaixer  et  al  sens  honor  sia 
El  salvamens  el  pros  de  l'arma  mia, 
Si  qu'el  sant  reng  ancliar  poisca  regnar 
Et  els  gaudens  sempitern  allegrar.  Amen. 


Omnipotens,  paire,  deu  glorios, 

2900     Verais  et  fins,  misericordios, 

Per  merceos  prec,  segner  plens  d'umeltaç, 
Que  vos  aiaç  merces  et  pietaç 
De  tôt  aiquil  et  faiçaç  ver  perdons 
[F"  68  r"j_      Que  legeran  aiquestas  oracions 

2905     l*er  bon  entend,  de  bon  cor,  dreitamens, 
Qu'en  quest  livres  son  scritas  veiratnens  ; 
Sial  per  vos  questas  graiças  donada, 
Qu'ai  vostre  honor  sun  faicas  et  rimada. 
Et  prec  la  vergen,  de  cui  maire  faisist, 

2910     Els  apostols  trestuit  el  vangelist 

Els  martirs  sans  et  toc  los  confesors 

Et  las  sain  tas  vergen  el  seniors 

E  l'angels  tuich  de  totas  legios, 

Los  sains  els  santas,  tuich  cil  qui  son  ab  vos 

2915     El  reng  vostre,  per  lor  deian  preiar, 
Et  per  merces  li  deiaç  perdonar 


8S4  amoron.  —  888semors.  —  8^^j  oï  potent,  B  oraaipotent.  —  892  per- 
dons. —  893  quen,  B  quem;  nos,  B  raos.  —  900  mesericordio?,  B  misericor- 
dios. —  906  scrietas,  B  scritas,— 912  semors.  — 913  légions.  —  914  el. 

19 


286  POESIES  RELIGIEUSES 

Ec  aiudar  en  tôt  co  nos  lor  son 

Et  quel  f    aç  del  rie  ioi  ternal  don. 


III 

Pois  ai  trobac  a  l'onor  Yesu  Crist, 
2920     De  sa  maire  et  dels  evangelist, 
[F°  68  V"]     Dels  apostol  et  del  sanç  confesors 

Et  dels  martirs,  que  son  ben  des  auçors, 
Ec  a  l'onors  "tuic  li  saine  et  las  sautas 

3  3  3 

Et  de  tuic  cil  que  se  tenon  ac  antas 

3  A  3 

2925     Tôt  mais  hobrar  et  c'amon  coralmen 
Lo  segner  deu,  prec  tuic  cil  dolçamen 
Que  son  valens  et  volon  deus  honrar, 
Que  legeran  et  volgran  esclioltar 
Aiquest  livre  ou  auran  ascoltat, 

2930     Qu'  il  faisan  prec  al  veira  trinitat, 

Que  per  merces  faisam  verais  perdon 
El   ioi  ternal  e  sa  graica  mi  don. 

ij  3 

En  Tan  de  Crist  mil  ducens  e  cinquanta 
Et  quatre  après  aiquestas  obras  santa 
2935     Foron  faças,  eserichas  et  fenida; 

Cel  que  la  fes  deus  li  don  ternal  vida.  Amen. 


G 

A  vos,  amis,  cui  ge  am  de  bon'  araor 
E  voill  amer  toc  les  iors  de  ma  vie  — 

3 

Ne  ia  ne  quier,  que  s'en  parte  a  nul  ior 
Mes  quers  de  vos  amer  sens  treclieric, — 
5     Vol  ge  mander,  a  ceste  départie, 
[F"  69  r"]      Que  despriseç  la  terene  lionor, 
Qe  ainsi  le  font  li  verai  ameor, 
Qui  conquerent  la  pardurable  vie. 

023  icââ,  B  saintas,—  929  ascoltar,  B  ascoltat.  —  9.30  a  la;  lernilat. 
931  faisan,  B  faisam.  —  9.33  cinquante.  —  934  santas,  —  935  Foran. 
2  leç  ior.  —  3  partent,  B  parte.  —  7  amsi,  B  ainsi. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  287 

Sachieç  de  voir,  q'ore  aprochons  le  ior, 
10     Don  nos  trovons  lisait  en  Ysaje 

Qe  li  prixon  devandrunt  preneor 

Ne  le  triiu  ne  denianderunt  raie 

Cil  qui  ore  hont  la  vaine  sognorie, 

Li  travalle  seront  lors  a  seior, 
15     Li  seiorne  seront  en  grand  labor, 

Cil  eshaucieç  qui  ore  s'umelie. 

Que  vaut  ioie,  qui  tost  torne  a  dolor? 
Que  vaut  gloire,  qe  si  tost  est  perie? 
Iteuç  gloire  est  ausi  cum  la  flor, 
20     Qui  bel'  apert  et  au  soir  estflastrie. 
Mes  qui  au  deu  servir  se  glorefie, 
En  charité,  en  foi  et  en  temor, 
En  espérant  loier  del  bon  segnor 
A  esleu  latresbone  partie. 

25        Por  teus  vertuç  conquiert  hom  tel  richor, 
Dontesmogne  la  sainte  profecie. 
Que  une  n'entra  en  cuer  d'orne  nul  ior 
N'unques  ne  fu  veue  ne  hoie, 
Qu'a  ses  arnanç  a  deus  aparellie 

30     Qui  l'onorent  corne  bon  servitor, 
[F"  69  v"j      Obbeisantiusqu'a  mort  per  s'amor. 
Gardant  la  loi,  qu'il  Ior  a  establie. 

De  ce  siècle  sont  tenui  li  peior 
La  sainte  gent,  qui  sunt  sens  félonie, 

35     Qui  pardonent  a  chascun  malfator. 
Qu'ainsi  lefist  Yesus,  le  filç  Marie, 
En  cui  boche  ne  fu  onques  boisie, 
Lequel  a  tort  oucistrent  pecheor, 
Proiant  por  ceaus  que  firent  tel  folor, 

40     Por  esemple  laisier  a  sa  maisnie. 


9qore{q  surmonté  d'un  tilde).— 10  li  sant.—  12  demandarunt.—  14  Le. 
—  15  engd,  avec  un  e  dans  l'interligne,  au-dessus  de  gd.  —  16  simulie,  B  s 
umiiie.  — 17  Qui.  — 28  no  fu.— 29  Quan  suns;  aparellee.  —  80  como  (l'o 
est  bitTé);  servidor. —  32  a  manque  dans  le  ms.,  se  trouve  chez  B.  —  38  Le 
que. —  40  maisnee. —  41  les. 


988  POÉSIES  RELIGIEUSES 

Sivons  donquesie  boen  chemineor, 
Qui  est  aleç  prendre  Terbergerie 
Per  dreiç  esclous,  sens  dote  et  sens  paor. 
Por  nos  ne  soit  la  voie  deguerpie, 
45     Quarli  lairon  i   imt  rais  mainte  espie 
Por  desvoier  et  por  mètre  en  eror. 
Fol  est  berbiç,  qui  fait  de  loups  pastor, 
Qui  les  sivra,  dolors  li  est  iugie. 

Defors  parent  en  habit  de  douçor, 
50     Mes  dedenç  sunt  plein  de  grant  felenie, 
Ypocrete  faus  et  enganeor, 
Plein  de  verun  etd'orgoil  et  d'anvie, 
A  lor  oevres  se  raostre  lor  boisie, 
Qu'il  anôitent  la  pais  du  sauveor 
rp"  70  r"]      Et  porchaçent  mort,  li  lop  robeor, 

Des  bons,  des  maus,  car  Satanas  les  guie. 

Crist  ne  veaut  pas  la  mort  del  pecheor, 
Mes  le  reprent  bonemant  et  chastie, 
Et  vint  del  cel  per  oster  de  folor 
GO     Les  suens  esteç  et  delà  segnorie, 
Qui  est  a  lui  et  as  suens  enemie, 
Qui  se  peine  de  sécher  la  verdor 
Del  saint  arbre,  qui  porte  folle  et  flor 
Et  fruit,  que  nos  adeu  reconcilie. 

65         Cil  qui  sentent  del  bon  arbre  l'odor 
Et  entendent  quele  est,  que  seneffie 
L'algue  vive,  qui  done  douce  omor, 
Don  la  raïc  s'aboivre  et  se  concrie 


{A  suivre.) 


AH  iugee.  —  52  plen.—  53  mostrenl.  —  58  lo  repent.  —  Gl  asuens.  —  G4 
y,  avec  un  tilde  au-dessus;  reconcilee.  — 66  seoesfie,  B  seneffie. 


BALLATA  ALLA  VEUGINE 


DI   GIACOMO   II  l)  AIIAGONA 


Del  codice  Vaticano  3824,  contenente  molti  trattati  del  célèbre  me- 
dico  catalaQo  del  sec.  xiii,  Arnaldo  di  Villanova,  ha  data  la  descri- 
zione  ed  ha  parlato  a  lungo  il  sig''  Menéndez  Pelayo  nel  suo  saggio 
storico  Arnaldo  deVilanova^.  Né  alT  erudito  spagnolo,  che  ne!  co- 
dice Vaticano  studiava  quanto  riguardasse  Arnaldo  scienziato  efilo- 
sofo,  sfuggî  il  brève  componiinento  poetico  inlingua  proveazale,che  io 
pubblico  qui  appresso  e  che  si  ritrova  intercalato,  stanza  per  stanza, 
nei  ff.  235r°-237r''del  manoscritto.  Chù  anzi  egli  nepubblicù  una  parte, 
disgraziatamente  perù  coa  niolti  e  grossolaui  errori  di  lezionc'^. 

E  una  preghiera  alla  Vergine,  in  cui  questa  viene  iavocata  perche 
voglia  soccorrere  alla  Chiesa  di  Cristo  pericolante  a  causa  délia  cor- 
ruzione  e  délia  noncuranza  dei  suoi  reggitori,  intesi  pii'i  che  al  go- 
vorno  délie  anime  alla  dominazione  temporale.  Un  lungo  comento  in 
latino  accompagna  ciascuna  stanza  délia  poesia.  Chi  siano  gli  au- 
tori  délia  poesia  e  del  comento  ci  dice  abbastanza  chiaramente  la 
scritta  posta  in  sul  principio:  «  Incipit  dancia  illustris  régis  Arago- 
num  cum  coraento  domestici  servi  ejus.  »  Questo  re  d'Aragona    non 

1  Madrid,  liljreria  de  .M.  Aîurillo,  1879.  La  descrizione  del  codice,  non 
Iroppo  minuta  e  précisa,  leggesi  a  pag.  o3  e  segg.  —  Il  codice  assai  bollo  e 
bcDissimo  conservato  fu.  secondo  ogoi  probabililà,  scritlo  solto  gli  occhj 
dello  slesso  Arnaldo  e  per  ordine  di  Giacomo  II  d'Aragona  suo  protettore. 
Meno  la  ultime  due  (262-3),  le  allre  carte  sono  scritte  tutle  délia  slessa  mano. 
Pero  quanto  alla  scritlura  si  puo  distinguere  il  codice  io  due  parti,  di  cui 
l'una  fu  posteriormente  aggiunta.  Difatto,  appunlo  a  f.  SSTr",  dove  finisce  il 
componimento  che  noi  ci  accingiomo  a  pubblicare,  si  legge  :  «  Scriptum  cor- 
rectum  ac  completum  fuit  hoc  volumen  ia  iMonlepessuIano,  in  vigilia  pente- 
cosles.  Anno  domiui  m»  ccc»  quiuto.  i>  E  il  reslo  del  volume,  che  anche  dalla 
scritlura  si  direbbe  aggiunto  posteriormente,  è  scrilto  in  allro  inchiostro,  più 
sbiadito. 

-  P.  69.  Il  sigr.  M.  1*.  io  dichiarù  scrilto  in  lingua  catalana  :  e  verameute 
vi  appaiono  moîto  forme  caratteristiche  del  calalaoo.  Ma  c'  è  da  riteoerle 
per  simplici  deviazioai  grafiche  del  copista:  tali  sarebbero  l'assenza  quasj 
coslante  deir  -j  desinenziale  nelle  forme  noraiuativali  siDgMiari(il  catalane 
non  dilTereozia  il  case  retlo  dall'  obliquo),  la  forma  nulls  al  v.  9,  vexel  al 
V.  15,  ecc. 


290  BALLATA  ALT.A    VERGINE 

puô  cssere  chc  Giacoiiio  11',  il  (jualo,  corne  oguiinsa,  si  dilctto  di  poe- 
sia  e  fa  aniico  e  protettore  di  Arualdo  :  il  domesticus  servies  che 
rienipi  Tufficio  di  commentatore  è,  fiiori  di  dubbio,  Arnaldo,  fido  cou- 
sigUcre  di  l'e  Giacomo  ed  autore  di  tutto  quauto  il  volume  mano- 
scritto  contieno . 

Dalla  poesia  non  si  rileva  alcuna  allusionc  determinata  che  ci 
possa  far  argomontare  con  precisione  il  momento  in  cui  fii  scritta  ; 
tiittavia  la  profonda  aniarezza  con  cui  vi  si  conipiange  il  raisero  stato 
délia  chiesacristiana  ci  prova  che  il  poeta  si  ispirô  alla  dura  realtà 
di  quegli  anni,  nei  quali  la  simonia  d'Onorio  IV  c  Nicolô  IV,  la  de- 
bolezza  imperdonabile  di  Colestino  V  e  la  sfrenata  anibizione  di  Bo- 
uifazio  VIII  preparano  l'esilio  dei  Papi  in  Avignone.  Grandi  pregi  ar- 
tistici  il  componiraento  non  ha:  nondimeno,  l'allegoria  della  nave 
sbattuta  dai  marosi,  allusiva  alla  chiesa  pericolante,  è  condotta  con 
una  certa  naïveté,  e  allô  stesso  tempo  con  una  intonazione,  direi 
(juasi  biblica,che,data  la  solennitàdelT  argomeuto,  piace  e  fa  impres- 
sione. 

Questo    riguardo  alla  sostanza.  Riguardo  alla  forma    metrica,  la 

classificazione   spettante  al  componimento  ce  la  suggeriscon  la  lu- 

l)ricache  lo  précède  e  quella  che  lo  segue  eche,  alla  maniera proven- 

zale.   lo  denominano  dancia  (non    giâ  stancia,  corne    lesse    il  sig"" 

iMenéndez   Pelayo).  E  dunquc,  per  dirla  ail'  italiana,  una  ballata  in 

settenarii  :  tutte  le  regole  del  génère  della  dansa  provenzale  vi  sono 

in  ciascuua  stanza  rigorosamente  osservate  ;  diffato  :  essa  ha   sem- 

plicemente  le  tre  stanze  prescritte  dalle  Leys  oltre  il  refrain  (I,  340: 

cfr.  Bartsch,  Grundr,  {{  26),  ed  è  composta  in  versi  che  non  oltre- 

passano  le  otto  sillabe(v.  le  Leys,  pagg.  342  e  356):  di  più,  le  Leys 

prescrivono  che  nella  dansa  la  prima  parte  di  ciascuna  stanza  abbia 

tutte  le  rime  difFerenti  da  quelle  del  respos  ;  ed  anche  questo  precetto  6 

osservato  nel  nosfro  componimento.  Se  non  che   si  scorge  una  dcvia- 

zione  in  questo,  che  mentre   le  Leys  prescrivono  (pagg.  ,340  e  354) 

che  ciascun  couplet  riproduca  alla  sua  fine  tutta  le  rime  del  respos, 

la  nostra  dansa  ne  riproduce  una  sola,  ail'  ultimo  verso  di  ciascuna 

stanza.  Inoltre,  secondo  le  Leys  (1,  340  e  354)  nella  dansais,  ior- 

nada  deve,  in  quanto  aile  rime,  rispondere  perfettamenta  al  respos: 

mentre  noi  qui  troviamo  che  la  tornada   serba  una  sola    rima  del 

respos. 

Colla  poesia  di  Giacomo  11  pubblico  il  relativo  coramento   di  Ar- 
naldo :  non  già  perché  esso  possa  gran  fatto  illustrare  i  punti  oscuri 


"  Allô  stesso  l'aHribui  il  sig'MeaéDdezPelayo(ib.).(Cfr.  Chabaoeau,  Biogrra- 
phies  des  troubadours  fHiif.  f/énérale  de  Languedoc,  t.  IX,  p.  361.). 


DI  QIACOMO  II  d'aRAGONA  291 

ncl  tcsto  cli  quella,  esseado  semplicementc    uiui  luuga  e  noiosa  <lis- 

quisizioae  scolastica  :  ma  si  solo  in  jjrazia  délia  fama  dell'  eretico  au- 

tore,  che  coglie  anche  quest'  occasione  pcr  dimostraisi  fiero  opposi- 

tore  dei  Papi,  e  in  grazia  délie  relazioui  intime  che  egli  ebbe  col  re 

poeta. 

Pougo  fine  a  quoste  poche  parole  d'introduzione  coldichiarare  che 

lascio  intatte  le  deviazioni  grafichedel  copista,  poichè  esse  non  arre- 

cauo    alcuoa   deviazione  di    senso  e  lasciano  d'altra  parte  scoigeie 

évidente  la  lezione  giusta. 

Cesare  de  Lollis. 

Incipit  (lancia  illustris  régis  Aragonum   cum  co- 
mento  domestici  servi  ejus. 

Mayre  de  Deu  e  fylha, 
Verge  humil  e  bêla, 
Vostra  nau  vos  apela 
Que  Taydetz,  quar  perylha. 

COMENTUM 

Omnes  catholici  présides,  sive  presint  in  temporalibus,  aut  in  spiritua- 
liliiis.vcl  virisquc,  majorem  sue  sollicitiidinis  partcm  ad  hoc  applicare 
dobent,  ut  periclitationes  christiane  religionis  attente  considèrent  et 
ferventer  avertant.  Quod  si  nequiverint  eas  propellere  viribus  sue 
auctoritatis,  tenentursaltem  postulationibus  piis  et  orationibus  assi- 
duis  exclamare,  ut  virtute  celestis  Jherusalem  pericula  compescantur. 
Proinde  Psalmista,  loquens  in  personacatholicorum omnium  presidum, 
videns  in  spiritu  pericula  supradicta,  sic  ait  :  Super  Jluiuina  Babilo- 
nis,  id  est  super  mortales  populos  hujus  confuse  \'\ie,  sedimus, ^cWicei 
jiresidentie  dignitate  vel  auctoritate,  el  flevimiis  dum  recordaremur 
tui,  Syon,  id  est  dum  reduceremus  ad  memoriam  statuni  altitudinis 
S[)iritualis,  a  qua  vidimus  te  nunc  miserabiliter  recidisse.  Preses  ergo 
catholicus  qui  edidit  carmen  istud,  informatus  predictis,  déplorât  in 
spiritu  ruinam  perfectionis,  ad  quam  populus  chrislianus  ex  titulo 
proprio  deputatur,  et  exprimit  hanc  ruinam  sub  metaphora  navis  pe- 
riclitantis;  et,  ut  inspiratus,  consonat  cum  scriptura  divina,  que  nau- 
fragium  religionis  catholice  quod  nunc  agitur  predixit  sub  figura  cu- 
jusdam  ystorie  penultimo  actuum,  ubi  ad  literam  dicitur  quod  prora 
quidem  navis  fixa  manebat  imraobilis,  pupis  vero  solvebatur  a  vi  ma- 
ris. Nain  primitiva  ecclesia  tam  fixa  fuit  in  litore,  scilicet  Christo 
Jhesu,quod  immobilis  permanebat  in  altitudine  vite  spiritualis:  nunc 
vero  postrema  pars  navis,  scilicet   ecclesie  militantis,  soluitur   a  vi 


292  BALLATA  ALLA  VERGINE 

maris,  hoc  est  fliictuuin  iniindanorum.  Actor  igitur  in  prcmisso  cxor- 
dio  carniinis,  pie  comemorans  et  catholice  quod  in  toto  coUegio  sii- 
perne  Jherusalem  sola  virgo  virginum  attulit  electorum  collegio  vel 
ecclesie  militant!  salutem  eternam,  votum  catholice  supplicationis  in 
persona  omnium  electorum  saper  necessitate  predicta  dirigit  ad  ean- 
dem  sub  talibus  verbis  dicens  :  Mayre  de  deu.eiQ,.'.  in  quibus  innuit 
aperte  quod  multitudo  cunctorum  qui  diligunt  puritatem  religionis 
Christi,per  quosprincipaliter  ipsiiis  id  est  Christi  ecclesia  designatur, 
invocat  eam,  ut  ecclesie  periclitanti  succurrat,  ut  navi  sue:  quam  di- 
cit  ipsius  esse  convenicnter,  tuni  quia  super  filiuiu  ejus,  tanciuam  su- 
per carinam  totani  coustruitur  ;  unde,  sicut  cariua  est  sua,  sic  etiam 
tota  navis;  tum  quoniam  ipsa  est  stella  maris  que  suo  splendore  ac 
firmitate  dirigit  navigantes  in  ipsa  navi. 

Perjlhan  vay  en  Tonda 
D'aquest  mon  per  tempesta. 
El  nauchier  nos  n  a  cura, 
E  tant  fortuna  Fonda* 
Que  nulls  noy  leva  testa, 
E  l'aura  qu'es  escura^. 
E  s'ayso  gajre  dura, 
Vostra  nau  es  perduda, 
Si  per  la  vostr'  ajuda 
No  troba  port  o  ylha. 

COMENTIM 

In  hoc  secundo  versu  carniinis  ineipit  actor  aperire  intentum  suum 
circa  parabolamjam  propositam,  dicens  quod  navis  predicta,  scilicet 
ecclesie  militantis,  periclitatur  in  unda  presentis  mundi.  Et  intendit 
per  undam  altitudinem  fluentis  prosperitatis,  in  qua,  utexprimit  sub- 
sequenter,  quatuor  sunt  periclitationis  cause  primarie:  prima  scili- 
cet tempestas,  per  quam  designatur  inordinatus  motus  sublimium, 
scilicet  prelatorum  et  principum,  qui  tarn  effectibus  quam  affectibus 
nimis  deordinantur  a  puritate  religionis  Christi  ;  secunda  vero  est  ne- 
gligentia  gubernatoris,  scilicet  presidis  generalis  ;  tertia  est  procella 

*  Cod .  la  onda. 

*  [Sur  cet  emploi  explétif  de  que,  qu'on  remarque  ici,  el  dont  les  exemples 
ne  sont  pas  rares  dans  les  textes  provençaux  et  catalans,  voy.  Mussafia,  die 
('atalanische  mefjnsche  Veision  de»-  siehen  weisen  Meister,  p.  96,  note 
sur  le  V.  1267;  et  cf.  Revue,  IX,  196,  note  sur  le  v.  2624  de  la  Croisade 
albigeoise .] 


DI  GIACOMO   II    d'aRAGONA  293 

tam  fervens  quod  vei'tif^ine  prosternit  eos  qui  feruntur  in  navi,  per 
qiiam  designatur  sollicitudo  terrene  cnpiditatis  que  mentes  omnium 
catholicorum  perturbât  et  prohibet  sursum  ferri;  quarta  vero  est  ob- 
scuritas  aeris,  per  quam  ignorantia  designatur,  ex  predictis  prove- 
niens  in  tota  ecclesia  :  juxta  illud  Psalmiste:  Nescierunt  neque  in- 
tellexertmt,  in  tenebris  ambulant,  etc.  Loquens  igiturvirgini  preses 
jam  dictus  concludit  in  isto  versu  quod  si  predicto  cause  periclita- 
tionis  diu  duraverint,  navis  periculum  nou  cvadet,  uisi  taliter  virgo 
subveniat,  velquod  ducaturad  portum  scilicet  quietis  eterne,vel  quod 
dirigatur  ail  insulam,  scilicet  remedii  temporalis. 

Nau,  lejn,  vexel  o  barcha, 
Parlan  en  ver  lenguatge, 
Devem  tuyt  ben  entendre 
Que  signifiquet  l'archa, 
On  Tumanal  Ijnatge 
Plac  a  Deus  tôt  compendre, 
Per  compiir  et  atendre 
So  que  ja  promes  era, 
Que  d'aquell  restaurera 
El  cel  manta  sevlha*. 

COMENTUM 

In  hoc  tercio  versu  metaphorainsive  parabolam  navis  exponit,quara 
in  preniissis  versibus  introduxit,  intendens  quod  per  vasa  quibus  ma- 
ria vel  llumina  permeantur,  apertissime  designatur  ecclesia  militans  : 
ideo  quidem  figurata  fuit  per  archam,  in  qua  placuit  altissimo,  tem- 
pore  diluvli,  conservare  genus  humanuni,  ad  promissionem  implen- 
dam,  quam  in  sua   providentia  fccerat  de  reparatione  casus  angelici. 

La  nau  es  carregada 
E  de  son  port  se  lunha, 
Quar  trop  greu  vent  la  forsa  ; 
E  es  mal  amarinada-, 
Tant  que  negu  noj})unha 
Cossi  la  nau  estorsa. 


'  iPour  sezilha  (siège)  =  Rayn.  cezelha.] 

2  [Imarinar,  Guarnir,  armar  yna  nau  de    tôt  lo  necessari.  Navim  iti' 
stni€7'e.  (Labernia.)] 


294  BALLATA  ALLA  VERGINE 

Ha  com  fort  tresorsa', 
Que  pcls  timons  nos  guia, 
Ni  faj  la  dreta  via 
Sol  una  pauca  mylha. 

COMENTUM 

Postquara  expressit  actor  causas  primarias  et  quasi  remotas  peri- 
culi  supradicti,  jam  hic  ad  plenioiein  exprcssioncm  subjungit  causas 
proximas  sive  immediatas,  inteiidens  quod  navis  ecclesie  periclitatur 
immédiate,  propter  quatuor  adversitates  quas  patitur:  quarum  prima 
est  miniia  repletio  qua  gravatur  et  nirais  submergitur.  Sicut  enim 
navis  nimis  honusta  profundatur  in  fluctibus,  sic  ecclesia  Christi  ni- 
niis  temporalibus  honerata  demergitur,  et  ab  altitudine  vite  spiri- 
tualis  ad  yma  tendit  fluctuum  mundanorum,  et  a  puritate  spiritua- 
lis  justicie  ad  fèces  iuiquitatis  ;  dicente  Psalmista  :  Prodiit  ex 
adipe  iniquttas,  transierunt  in  affeclum  cordis .  Secunda  est  nota- 
bilis  elongatio  a  portu  salutis.  Portus  enim,  in  quo  navis  ecclesie 
salva  manet,  est  observantia  mandatorum  Christi  :  propter  quod 
Ysaias  hec  omnia  in  spiritu  previdens  aiebat  :  utinmn  attendisses 
mandata  mea!  fada  fuisset  pax  tua  sicut  gurgitis  maris.  Ab  hac 
autem  observantia  nimis  discessit  ecclesia  militans  et  in  tantum,  ut 
ydiotis  jam  pateat  quod  in  orani  statu  fere  jam  est  sicut  populus 
sic  sacerdos  in  omni  amplexu  temporalis  jocunditatis.  Tercia  est 
nimius  flatus  venti:  nam  moderatus  est  bonus  et  dirigit  ad  portum 
salutis,  dicente    Psalmista  :  Spiriius   tuus    bonus    deducet    me    in 


'  Questo  verso  è  evidentemente  guasto,  perché  monco  in  uaa  sillaba  e  non 
bea  chiaro  nel  senso.  Una  ingegnosa  congeltura,  comunicatami  dall'  illustre 
Profr  Chabaneau,  corregerebbe  l'une  e  Taltro  difetlo:  confortato  egli  dalla 
forma  vexel  =  vaissel  nel  v.  15,  vedrebbe  nel  tre-  di  tresorsa  un  irai,  e 
restituirebbe:  irai  ves  orsa,  o  qualcosa  di  simile  *.  lo,  rassegnandomi  alla 
lacuaa  di  una  sillaba,  che  non  saprei  davvero  come  colmare,  vedrei  più  vo- 
leotieri  nel  tresorsa  la  lerza  persona  sing.  ind.  del  verbo  marinaresco  orsar 
(it.  orrare)  in  composizione  con  un  très  (trans)  de  signiticato  superlative: 
ma  mi  rende  ostica  una  tal  congettura  la  presenza  di  quel  fort,  che  già  cen- 
lieoe  in  se  sole  un  grande  valore  intensive.  Ad  egni  mode,  lascio  il  verso 
quai'  è  nel  cedice:  lanlo  più  che  un  senso  ail'  ingrosse  ne  risulla:  la  nave 
anzichè  andare  per  la  diritta  via,  orza,  piega  cioè  violenteraente  a  sinistra. 

*  [trai  as  orsa  ?  Irai  es  orsa  ?  Dans  ce  dernier  cas,  on  aurait  affaire  au  verbe  et  non 
plus  au'snbstantif.  L'un  et  l'antre  ont  existé  en  provençal  comme  en  catalan.  Voy. 
chez  Diez,  sons  orza,  le  vers  de  Eaimon  Ferand,'cité  d'après  Raynouard,  et  que  ce 
dernier  n'avait  pascomprij.  —  C.  C] 


DI  GIACOMO  II  d'aRAGONA  295 

terrain  rectum;  immoderatus  autein  divertit  a  via  recta  :  appetitus 
autem  prclationis  proptcr  fructum  aniniarum  et  gloriam  Chrieti  est 
ventus.  moderatus,  set  appetitus  cjus  propter  gloriam  niundi  et  pom- 
pam  seculi  est  ventus  immoderatus.  Quarta  est  gubernationis  inep- 
titudo  proveniens  a  negligentia  vel  torpore  nautarum,  propter  que 
temones  congrue  non  disponunt,  nec  utilitcr  movent,  nec  rectificant 
sapienter,  set  fluitare  seu  vacillare  permittunt.  Sic  in  ecclesia  mili- 
tant!, quia  gubernatores  videlicet  sacerdotes  summi  vacillare  permit- 
tunt precones  evangelice  veritatis  cunctosque  ministros  graduum 
diversorum  ecclesie,  cogitur  ipsa  nimis  exorbitare  tantum,  ut  expri- 
mit  actor  iste,  quod  per  spacium  unius  miliaris,  hoc  est  per  semitani 
unius  virtutis,  non  prosequitur  viam  rectam  :  quoniafti  omnes  illi  qui 
gererc  debuissent  in  nianibus  suis  luceinas  ardentes  operibus  vir- 
tuosis  gerunt  in  eis  patenter  fuliginosos  cachabos  viciorum. 

Mayre,  tu  m  dona  forsa 
Contra  ma  leugeria, 
Em  garda  de  la  via 
De  peccat  quens  exjllia. 


COMIÎNTUSI 

Quum  in  premissis  oravit  matremvere  salutis  pro  remedio  salutari 
tolius  ecclesie,  tanquam  pro  bono  comuni,  jam  io  hoc  postremo  ver- 
siculo,  sicut  intendens  privato  bono,  post  piam  sollicitudinem  de 
comuni,  votum  supplicationis  contrahit  ad  se  Ipsum;  et  postulat  ut 
ab  omni  levitate,  per  quam  tota  predicta  navis  exulat  in  erroris  de- 
vitmi  seu  peccatum,  dignetur  eundem,  ut  mater  misericordie,  preser- 
vare,  conferendo  virtutem. 

KXPLICIT    DANCI.V   CUM    COMKNTû.    DEO   GRACIAS. 


NOTES  DE  PHILOLOGIE   ROUERGATE 

(Suite  ^) 


XVII 


En  offrant  ces  études  sur  le  rouergat  à  la  /icvue  des  lan^ 
gués  romanes,  nous  n'avons  pas  entendu  nous  poser  en  philo- 
logue érudit,  ndais  nous  présenter  simplement  comme  un  ob- 
servateur consciencieux  et  exact  de  faits  philologiques  plus 
ou  moins  intéressants  et  inédits  offerts  par  notre  patois  ma- 
ternel, que  nous  pratiquons  journellement  depuis  bientôt 
soixante  ans,  et  qui  doit  par  conséquent  nous  être  familier. 

Et  cependant  cette  prétention,  quoique  modeste,  serait  en- 
core au-dessus  de  notre  mérite  et  ne  serait  aucunement  jus- 
tifiée par  notre  œuvre,  s'il  fallait  accepter  sans  appel  les  con- 
damnations que  la  Romania,  avec  l'autorité  incontestable  qui  lui 
appartient,  prononce  contre  chacune  de  nos  humbles  Notes, 
dès  qu'elle  voit  le  jour.  Il  fallait  dès  lors  renoncer  à  la  conti- 
nuation d'un  travail  reconnu  mauvais,  ou  essayer  de  convain- 
cre nos  lecteurs  que  ceux  qui  l'ont  jugé  si  défavorablement 
pourraient  bien  s'être  trompés  une  fois  dans  leur  vie.  A  tort 
ou  à  raison,  c'est  à  ce  dernier  parti  que  nous  nous  sommes 
arrêtés;  mais  ce  plaidoyer yjro  c/omo  sua  ne  sei'a  pas  long, 
qu'on  se  rassure. 

Quand  je  publiai,  il  y  a  huit  ans,  mes  Etudes  de  philolngte 
et  de  linguistique  aveyronnaises  dans  un  modeste  recueil  de 
Rodez,  ce  petit  ouvrage  me  valut  les  encouragements  et  les 
éloges  de  M.  Paul  Meyer,  qui  poussa  la  gracieuseté  jusqu'à 
m'écrire  à  ce  propos  une  lettre  vraiment  aimable.  Dans  un 
article  bibliographique  de  sa  revue  {liomania,  t.  IX),  il  dé- 
clarait que,  «  à  part  quelques  lacunes  dans  l'information», 
mon  opuscule  contenait  d' «excellents  aperçus,  dont  quelques- 
uns  pourraient  devenir  le  point  de  départ  de  très-intéressants 
mémoires.» 

'  Voir  ia  Revue  de  juillet  1885, 


NOTES  DE  PHILOLOGIE  ROUERGATE  2?7 

Depuis,  j'ai  profité  de  l'hospitalité  de  la  Revne  des  langues 
romanes  pour  donnsr  une  suite  à  ce  premier  essai,  et  tâcher 
de  tirer  de  mes  excellents  aperçus  \es  très-inti'7-essa7its  mémo&es 
dont  l'émincnt  romaniste  javait  découvert  le  germe.  EtvoiJà 
que  ma  tentative,  loin  de  ra'attirer  son  approbation,  comme 
il  était  naturel  de  Tespérer,  a  appelé  sur  moi  toutes  ses  ri- 
gueurs. Cependant,  alors  qu'il  ne  trouvait  guère  qu'à  louer 
dans  mon  premiertravail,  c'est  sans  doute  qu'il  me  reconnais- 
sait une  certaine  compétence  philologique;  l'aurais-je  donc 
perdue  tout  à  coup?  Auteur  des  Études  de  phil.  et  de  ling. 
aveyronnaises,  parues  à  Rodez  en  1879,  j'étais  jugé  digne  par 
Mv  Paul  Mej'er  d'être  loué  et  encouragé  par  lui  avec  une  cha- 
leureuse bienveillance;  auteur  des  Notes  de  philologie  rouer- 
gate  en  cours  de  publication  dans  cette  Revue,  je  ne  suis  plus 
à  ses  yeux  qu'un  ignorant,  il  ne  me  mâche  pas  le  mot,  igno- 
rant, dit-il,  des  premiers  rudiments  de  la  philologie  ro- 
mane. 

Comment  en  un  plomb  vil  l'or  pur  s'est-il  changé? 

Les  observations  nouvelles  que  je  présente,  les  faits  in- 
connus que  je  signale,  les  solutions  originales  que  je  propose, 
tout  cela,aiBrme  M.  Mejer,  n'est  que  parfaitement  ridicule; 
rien  de  tout  cela,  à  son  dire,  ne  mérite  d'être  sérieusement 
discuté,  et  c'est  en  haussant  les  épaules  et  en  me  décochant 
des  sarcasmes  qu'il  croit  acquitter  suffisamment  les  obliga- 
tions de  la  critique  à  mon  égard.  Et  je  n'ai  pas  seulement 
perdu  l'estime  scientifique  de  l'illustre  provençaliste,  il  est 
clair  que  j'ai  perdu  sa  bienveillance  encore  davantage.  Un 
tel  revirement  est  une  énigme  dont  je  renonce  à  trouver  le 
mot,  et  je  repousse  comme  une  mauvaise  et  sotte  pensée 
l'idée  qui  me  viendrait  d'avoir  pu  désobliger  un  savant  d'un 
ordre  aussi  élevé  en  me  permettant  de  signaler  dans  son  œu- 
vre quelques  erreurs  de  peu  d'importance,  ou  ce  qui  me  pa- 
raissait tel  (ce  que  je  fis  d'ailleurs  en  usant  à  son  égard  des 
formes  de  discussion  les  plus  courtoises  et  de  toute  la  défé- 
rence qu'un  maître  de  la  science  est  en  droit  d'attendre  d'un 
simple  ouvrier  scientifique). 

Dans  ses  objurgations,  où  il  me  prodigue,  sous  toutes  les 


29S  NOTES 

ronmes  et  les  moins  bénignes,  le  reproche  d'ignorer  le  premier 
mot  de  mon  sujet,  sans  qu'il  daigne,  le  plus  souvent,  dire  en 
quoi  ni  pourquoi,  M.  Paul  Mejer  ^semble  se  complaire  par- 
ticulièrement à  me  traiter  de  «  philologue  amateur.  »  Philolo- 
gue amateur,  soit,  je  ne  m'en  défends  pas;  mais  y  a-t-il  là  une 
preuve  suffisante  du  manque  de  valeur  de  mes  connaissances 
et  de  mes  travaux  ? 

M.  Paul  Mejer  voudra  bien  me  permettre  de  lui  dire  qu'il 
aurait  dû  réfléchir  d'abord  à  une  chose,  c'est  que  la  science 
qu'il  enseigne  et  avec  une  si  grande  supériorité,  et  à  laquelle 
il  doit  sa  renommée  et  sa  fortune  scientifiques,  c'est  que  la 
philologie  romane  a  eu  pour  inventeur  et  créateur  un  certain 
M.  Rajnouard,  qui  n'était  lui-même  qu'un  philologue  ama- 
teur, qui  ne  possédait  pas  l'ombre  d'un  brevet  octrojé  par 
l'Ecole  des  chartes,  qui  par  état  était  magistrat  (comme  je 
suis  agriculteur),  et  qui  ne  romanisait  qu'à  temps  perdu. 
M.  Meyer  choisit  d'ailleurs  mal  son  heure  pour  faire  une 
épithète  de  mépris  de  ce  nom  à'amateur.  En  efi'et,  quel  est  le 
médecin  qui  possède  en  ce  moment  la  renommée  la  plus  éten- 
due et  la  plus  retentissante?  —  M.  Pasteur,  sans  nul  doute. 
Et  M.  Pasteur  n'est  pas  docteur  en  médecine,  pas  même  of- 
ficier de  santé  :  ce  n'est  qu'un  médecin  amateur.  Et  le  plus 
grand  ingénieur  de  l'époque  et  de  tous  les  temps,  «le  grand 
Français  »,  le  grand  perceur  d'isthmes,  il  n'est  sorti  ni  de 
l'école  polytechnique, ni  de  l'école  de  St-Etienne,ni  d'aucune 
école  spéciale;  cet  ingénieur  immense  n'a  pas  le  moindre 
brevet  d'ingénieur  en  poche  :  ce  n'est  qu'un  ingénieur  ama- 
teur! 

Une  très-vieille  expérience  a  établi  que,  soit  dans  les  scien- 
ces, soit  dans  les  arts  et  les  lettres,  le  moulage  uniforme  et 
rigide  auquel  on  soumet  les  intelligences,  dans  les  écoles,  peut 
bien  former  d'excellents  professeurs,  d'habiles  praticiens,  des 
hommes  de  talent,  mais  qu'il  tue  essentiellement  l'esprit  d'in- 
vention. Qu'on  ne  méprise  donc  pas  les  autodidactes.  D'ail- 
leurs aucune  branche  des  connaissances  humaines  n'a  en  ce 
moment  un  plus  grand  besoin  de  cette  classe  de  travailleurs 
que  la  philologie.  En  effet,  où  sont  les  philologues  de  profes- 
sion qui  pourront  s'arracher  à  leurs  chaires  et  à  leurs  biblio- 
thèques pour  s'en  aller  au   milieu  des  peuplades  sauvages, 


DE  PHILOI.OGIR   ROUERGATE  299 

barbares  ou  soi-disant  civilisées,  étudier  sur  le  vif  la  physio- 
logie des  idiomes  locaux,  de  ces  patois  qui,  à  la  différence 
des  grandes  langues  écrites,  sont  nés  et  continuent  à  vivre  et 
à  évoluer  d'une  manière  purement  naturelle,  spontanée,  sans 
mélange  d'éléments  artificiels  introduits  parla  culture,  et  dont 
la  source  est  quelquefois  et  plus  haute  et  plus  pure  que  celle 
de  ces  grandes  langues  congénères  dont  on  a  si  souvent  le 
tort  de  les  juger  issus? 

En  vérité,  ce  ne  sont  guère  que  des  philologues  amateurs, 
—  par  profession  missionnaires,  pionniers,  voyageurs,  minis- 
tres du  culte,  maîtres  d'école  de  village,  notaires,  médecins, 
cultivateurs,  etc.,  —  qui  se  trouveront  en  position  de  recueillir 
ces  documents  de  linguistique  vivante  qu'on  ne  peut  obtenir 
que  de  la  bouche  même  des  indigènes.  Peut-on,  pour  ce  faire, 
compter  sur  des  érudits  qui  n'opèrent  qu'en  chambre  et  sur 
des  parchemins? 

Ainsi  le  zèle  désintéressé  des  philologues  amateurs  est  di- 
gne de  tous  les  encouragements,  et,  si  M.  Paul  Meyer  leur 
refuse  les  siens, . .  .ma  foi,  il  a  tort.  Sans  doute  il  faut  exiger 
qu'avant  de  se  mettre  à  la  besogne,  ils  se  soient  suffisamment 
initiés  à  la  connaissance  et  au  maniement  de  leurs  outils, 
c'est-à-dire  qu'ils  ne  soient  pas  étrangers  aux  principes  de  la 
philologie  scientifique,  et  qu'ils  soient  suffisamment  impré- 
gnés de  ses  méthodes.  Mais  aurions -nous,  pour  notre  part, 
négligé  de  nous  munir  de  cet  indispensable  bagage  avant 
d'entrer  en  campagne?  M.  Paul  Meyer  ne  le  pensait  pas, 
quand  il  appréciait  nos  Etudes.  Un  de  ses  collègues  du  Col- 
lège de  France  et  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres,  un  grand  linguiste  et  philologue,  lui  aussi,  l'illustre 
directeur  de  nos  Archives  valionales,  M.Alfred  Maury,  pour 
tout  dire  en  un  mot,  exprimait  une  opinion  semblable  au  sujet 
de  ce  même  travail.  Voici,  d'après  VOfficiel  du  24  septembre 
1879,  en  quels  termes  il  le  présentait  de  ma  part  à  ses  collè- 
gues de  l'Académie: 

((M.  Alfred  Maury,  dit  le  journal  précité,  offre  au  nom  de 
l'auteur.  M,  Durand,  psychologue  et  physiologiste  distingué, 
la  première  partie  d'un  travail  intitulé;  Etudes  de  philologifi 
et  de  lincjuistique  aveijronnnises.  Originaire  du  Rouergue, 
M.  Durand  s'est  attaché  àl'examen  des  noms  de  famille  et  des 


300  NOTES 

noms  de  lieu  du  département  de  TAreyron.  Il  a  mis  en  lu- 
mière des  rapprochements  intéressants  et  quelques  vues  neu- 
ves. Sans  doute  plusieurs  étjmologies  proposées  sont  con- 
testables, mais  la  méthode  générale  est  satisfaisante,  les  don- 
nées sont  pour  la  plupart  judicieusement  réunies;  Fauteur 
montre  qu'il  est  au  courant  des  procédés  et  des  résultats  les 
plus  récents  d«  la  critique  philologique.  Son  travail  mérite 
les  encouragements  de  l'Académie.  » 

Les  témoignages  que  m'ont  donnés  à  ce  même  i)ropos  les 
philologues  d'Allemagne  n'étaient  pas  moins  flatteurs.  J'ai 
négligé  d'en  faire  collection  ;  mais  un  ouvrage  récent  que 
l'auteur,  un  savant  bien  connu,  a  eu  l'attention'  de  me  com- 
muniquer, (resc/iicA^e  der  Geogr,  Namenkunde  (Leipz.  Fr. 
Brandstetter,  Ostern,  1886),  par  le  D''  J.-J.  Egli,  professeur  à 
l'Université  de  Zurich,  m'apporte  un  long  compte  rendu  de 
mes  Etudes,  qui  débute  ainsi:  «  Aus  das  Rouergat,  das  «Pa- 
tois »  im  Gebiet  des  Avejron,  hat  einen  kundigen  Vertreter 
gefunden.  J.-P.  Durand  will,  etc.  » 

Ce  qu'en  1879  je  possédais  de  compétence  philologique  de 
l'aveu  de  M.  P.  Mejer,  je  ne  l'ai  point  perdu  depuis;  je  l'ai 
plutôt  accru  en  profitant  notamment  des  critiques  sérieuses 
et  raisonnées  que  l'écrivain  de  la  Romania,  alors  ami,  fit 
de  mon  premier  essai.  La  Société  pour  Tétude  des  langues 
romanes  a  dû  en  juger  ainsi  pour  avoir,  au  dernier  Concours 
de  Montpellier,  accordé  son  prix  de  philologie  à  mes  Notes  en 
cours  de  publication  dans  son  recueil.  Enfin  je  me  dis  que,  si 
je  ne  servais  aux  lecteurs  de  la  lievue  que  des  inepties  et  des 
calembredaines,  comme  le  prétend  M.  Mejer,  les  directeurs 
de  ce  périodique  ne  m'eussent  pas  engagé  gracieusement  et  à 
plusieurs  reprises  à  y  reprendre  ma  collaboration. 

Cela  dit,  —  et  pardon  si  l'odieux  moi  a  tant  de  place  dans  ce 
qui  précède,  —  je  reprends  le  manche  de  ma  charrue  philolo- 
gique, décidé  à  pousser  consciencieusement  mon  sillon  sans 
i^eyarder  en  arrière. 


Notre  rouergat  vivant  possède  quelques  substantifs  mascu- 
lins de  forme  hétéroclite  se  terminant  par  un  o  atone  et  fermé 
{€Strec/t)j  qui  me  paraissent  dignes  d'attention.  Ces  mots,  les 


DE  PHILOLOGIE  ROUERGATK  201 

voici,  mais  orthographies  comme  j'orthographie  invariable- 
ment ma  langue  natale,  c'est-à-dire  comme  on  l'orthograpliiait 
jusqu'au  moment  où  elle  a  cessé  d'avoir  une  existence  litté- 
raire officielle,  et  non  enTecourant  au  système  phonographi- 
rjue  français,  comme  on  le  fait  aujourd'hui,  bien  qu'il  ne  s'adapte 
que  très-mal  à  notre  phonétique.  Toutefois,  pour  aider  ceux 
qui  ne  savent  pas  lire,  c'est-à-dire  prononcer  correctement,  la 
véritable  écriture  provençale,  je  donne  entre  parenthèse  une 
transcription  de  ces  mots  d'après  la  mode  du  jour: 
AsPARGO  [aspârgou),  asperge. 
Basco  [Bàscou),  Basque. 

Caraco  (Carncou),  sobriquet  donné  par  les  Ruthénois  aux 
maquignons  espagnols  qui  fréquentent  en  grand  nombre  les 
foires  de  Rodez.  Ce  mot  n'est  autre  que  lejuron  familier  de 
ces  étrangers,  dans  lequel  le  c  dur  a  été  substitué  au  j  cas- 
tillan, qui  n'existe  pas  dans  notre  alphabet. 
Gasco  {càscou),  casque. 

CocARRO  (coucàrrou),  expression  injurieuse  qu'on   peut  ren- 
dre en  français  par  vieux  gueux,  vieux  libertin. 
Flasco  iflâscou),  flacon. 
JoMARRO  (Joumdrrou),  jumart. 
Mono  [Môroîf),  More. 

Ces  huit  vocables,  qui  ne  sont  peut-être  pas  les  seuls  de  leur 
catégorie,  sont  apparemment,  et  certainement  pour  quelques- 
uns,  une  importation  de  ti^a  los  montes.  Eh  bien  !ils  ont  ceci 
de  très-intéressant  pour  la  philologie:  ils  attestent  que  le 
prétendu  o  des  désinences  féminines  de  l'orthographe  félibres- 
que  ne  se  confond  pas  du  tout,  pour  l'oreille  provençale  vierge 
d'éducation  française,  avec  Vo  des  autres  langues  romanes, 
leur  0  ouvert,  ainsi  qu'est  toujours  celui  de  l'espagnol. 
C'est  qu'en  effet,  cet  o  de  mauvais  aloi  n'est  point  un  vrai  o, 
mais  un  a,  un  a  primitif  modifié)  un  a  estrech,  un  a  fermé, 
comme  je  me  tue  en  vain  à  le  faire  comprendre.  Aussi,  quand 
les  Espagnols  nous  disent,  parlant  leur  \Q,\\g\\e,  Basco,  cm^ajo, 
cflseOj/^asfOjiVoro,  l'auditeur  rouergat n'entend-il  pas  la  voyelle 
désinentielle  de  ces  mots  espagnols  masculins  comme  il  en- 
tend la  désinence  caractéristique  des  féminins  de  son  propre 
idiome;  non,  puisqu'il  la  convertit  sans  hésiter  en  o  fermé 
provençal,  en  u  espagnol,  en  ou  français,  et  nullement  en  a 

20 


Î02  NOTES 

fermé  provençal,  exprimé  de  nos  jours  par  le  signe  o.  Donc 
j'ai  bien  raison  de  soutenir  que  cette  graphie  est  vicieuse. 

Voyez  ce  qui  arriverait  si  nous  interprétions  Vo  atone  es- 
pagnol comme  Yo  atone  de  la  graphie  de  nos  écrivains  patois  : 
L'rt  atone,  mais  toujours  ouvert,  du  castillan,  de  l'italien  et  de 
Montpellier,  étant  un  son  étranger  à  notre  alphabet  parlé, 
nous  le  convertissons,  nous  le  transposons  d'instinct  et  d'em- 
blée en  notre  a  fermé.  Si  cependant  cet  a  fermé  se  confon- 
dait pour  nos  gens  du  Rouergue  (et  je  pourrais  dire  de  la 
généralité  des  pays  d'oc)  avec  Vo  ouvert  espagnol,  ils  ne  de- 
vraient pas  faire  de  différence  entre  les  deux  noms  propres 
espagnols  Francisco  et  Francisca;  ils  devraient,  en  se  les  assi- 
milant, les  résoudre  en  un  seul  et  même  mot.  Mais  il  n'en 
est  rien:  nous  ne  faisons  pas  un  féminin  provençal  du  mas- 
culin espagnol  Francisco,  nous  le  différencions  du  nom  de 
femme  correspondant  en  donnant  à  son  o  terminal  le  son  de 
notre  o  fermé,  et  en  donnant  le  son  de  notre  a  fermé  à  Va 
terminal  de  Francisca. 

J'ai  eu  dans  ma  famille  deux  personnes  d'origine  étrangère 
et  parlant  couramment  les  principales  langues  de  l'Europe, 
mais  qui  n'avaient  aucune  idée' de  philologie,  et  surtout  de  phi- 
lologie provençale.  S'étant  fixées  avec  moi  dans  l'Aveyron, 
habitant  la  campagne  et  ayant  affaire  journellement  avec  des 
paysans  qui  ne  parlaient  et  ne  comprenaient  absolument  que 
l'idiome  local,  on  avait  dû  se  décider  à  apprendre  encore  wnc 
nouvelle  langue,  à  apprendre  le  rouergat  rustique,  et  on  y 
avait  réussi  tant  bien  que  mal.  Ce  fut  pour  moi  l'occasion  de 
faire  une  observation  curieuse.  Dans  la  bouche  de  mes  poly- 
glottes, tous  nos  a  fermés  se  transformaient  en  autant  d'à  ou- 
verts; et  quand  je  demandais  la  raison  de  cette  substitution, 
on  me  répondait  qu'on  ne  tenait  pas  à  imiter  la  «  "mauvaise» 
prononciation  de  notre  patois,  que  la  voyelle  en  question  était 
un  a  (l'a  français)  «dégénéré  »>,  et  qu'il  semblait  naturel  de 
remplacer  ce  son  corrompu  parle  son  «véritable.  » 

Pour  terminer  sur  ce  sujet,  réglons  en  passant  une  ques- 
tion de  priorité  soulevée,  il  y  a  quelques  années,  dans. une 
revue  spéciale,  touchant  Tidentification  de  Ko  eslrech  de  l'al- 
phabet provençal  classique  avecl'o^/  de  la  graphie  provençale 
actuelle. 


DE  PHILOLOGIE  ROUERGATE  303 

En  rendant  compte  de  mea  Ftiuka,  à  propos  d'un  cliapitre 
où  cette  identification  se  trouve  attestée  et  démontrée,  un 
célèbre  critique,  il  est  inutile  de  le  nommer,  revendif^uait 
pour  lui  l'honneur  de  cette  découverte. 

Si  découverte  il  y  a  en  ceci,  le  mérite  en  est  bien  mince, 
car  la  vérité  en  question  sautera  aux  jeux  de  quiconque, 
sachant  nos  patois,  aura  sous  les  jeux  les  listes  d'exemples 
contrastés  d'o  hu-c  et  d'o  eslreclt  données  dans  le  Douai  Pro- 
vençal et  dans  les  Z,o/.s  ^/Mmo<//'.  Si  cette  constatation  méritait 
le  nom  de  découverte,  nous  aurions  été  l'heureux  inventeur 
de  la  chose  dès  une  époque  où  celui  qui  se  prétend  tel  n'était 
assurément  pas  né  encore  à  la  vie  philologique,  c'est-à-dire 
il  j  a  près  de  quarante  ans.  En  1849,  je  publiais  à  la  librairie 
du  Siècle,  rue  du  Croissant,  16,  à  Paris,  un  opuscule  intitulé: 
Petit  Catéchisme  politique  et  social,  ou  la  Répiiblicjne  et  le  So- 
cialisme mis  à  la  portée  de  tout  le  mondé  (honni  soit  qui  mal  v 
pense).  Ajant  eu  l'occasion  d'j  citer  un  de  nos  proverbes 
patois  indiquant  l'aversion  de  nos  pajsansdu  Midi  pour  l'as- 
sociation, voici  comment  je  l'orthographiai: 

Uu  ase  de  mitât 

Es  totjorn  mal  bastat. 

Je  m'étais  bien  gardé  d'écrire  toutjoirrn,  que  je  considérais 
déjà  alors  comme  un  barbarisme  orthographique  ;  et  je  m'étais 
préservé  avec  non  moins  de  soin  et  de  scrupule  de  rendre  l'a 
fermé  (le  premier  a  de  bastat  est  un  a  fermé  dans  le  rouergat) 
par  le  signe  o,  ce  qui  m'était  non  moins  odieux.  A  cette  épo- 
que, en  effet,  j'avais  lu  les  Leys  d'Amors,  et  cela  m'avait 
suffi. 

Dans  l'une  de  ces  Notes,  j'ai  fait  observer  que  le  nom  du 
peuple  de  ma  province,  qui  se  rencontre  dans  Flamenca, 
y  avait  été  mal  lu  parle  traducteur,  M.  P.  Mejer,  qui  l'avait 
transcrit  Rosengas  pour  liosergas,  et  l'avait  laissé  en  blanc 
dans  la  traduction,  sans  doute  faute  de  l'avoir  compris.  J'ajou- 
tais que  cependant  rosengas  par  n  pourrait,  à  la  rigueur,  être 
une  variante  dialectale  de  rosergas  par?',  à  l'instar  de  dou- 
blets analogues,  que  j'indiquais.  M.  P.  M.  parut  prendre  assez 
mal   mon  observation;  il  répondit  très-sèchement  qu'il    n'j 


304  NOTES 

avait  pas  à  s'arrêter  aux  critiques  que  je  faisais  d'une  leçon 
prétendue  fautive  quand,  disait-il,  je  prenais  soin  en  même 
temps  de  démontrer  sa  correction. 

Non,  je  n'ai  pas  été  aussi  absurde  que  cela.  Après  comme 
avant,  je  crois  que  M.  P.  M.  a  mal  lu  le  mot  transcrit  par 
flosengas,  et  qu'il  a  pi'is  dans  ce  mot  un  ?•  pour  un  n;  mais 
j'admets  en  même  temps  la  possibilité  théorique  de  la  coexis- 
tence de  cette  forme  à  côté  de  celle  de  liosergas.  Mais  cette 
variante,  théoriquement  possible,  existe-t-elle  en  fait  quelque 
part?  Je  l'ignore,  et  M.  P.  M.,  dont  l'érudition  est  si  vaste, 
aurait  dû  nous  signaler  ne  serait-ce  qu'un  autre  texte,  un 
seul,  mais  authentique,  venant  confirmer  sur  le  point  en  ques- 
tion celui  do  Flamenca  tel  qu'il  a  été  lu  et  transcrit  par  lui. 
11  n'en  arien  fait;  il  ne  nous  a  point  fourni  cette  preuve,  et  n'a 
pas  voulu  convenir  non  plus  que  Rosergas  et  Rosengas  étaient 
pour  lui  également  cnigmatiques. 

Cependant  ce  n'était  pas  pour  le  plaisir  de  prendre  le  grand 
savoir  de  i\I.  P.  M.  en  défaut  que  j'avais  relevé  chez  lui  une 
aussi  petite  faute;  c'était  pour  expliquer  cette  défaillance  par 
l'étrangeté  d'une  désinence  ethnomonique,  as,  qui  ne  se  ren- 
contre, à  ma  connaissance,  que  dans  deux  cas,  dans  Auvernlias 
(Auvergnat)  et  Roscrgas  (Rouergat),  et  qui  me  semblait  de- 
mander une  glose.  Et  dans  ma  glose  j'exposais  que  les  deux 
noms  de  peuple  ci-dessus  étaient  deux  péjoratifs  form^^s-de 
deux  primitifs,  aucernhe  et  rosergue,  usités  d'abord  comme 
adjectifs  avant  d'être  pris  substantivement  et  d'être  exclusi- 
vement employés  comme  noms  de  province.  A  ces  adjectifs 
substantifiés  on  avait  imaginé  d'ajouter  le  suffixe  as  pour  en 
tirer  deux  nouveaux  adjectifs  destinés  à  remplacer  comme 
tels  les  deux  premiers. 

Constatons  en  passant,  et  sans  nous  y  arrêter,  que  cette 
vue  neuve  et  d'un  certain  intérêt  n'a  pas  même  été  mention- 
née par  M.  P.  M.,  tout  entier  au  soin  de  défendre  la  pureté 
de  son  texte,  et  arrivons  maintenant  à  ce  qui  fait  l'objet  de 
ce  rappel  de  notre  dissertation  sur  Rosergue  et  liosergas.  Il 
s'agit  d'une  doublure  locale  du  premier  de  ces  deux  mots,  que 
notre  ami  M.  Roque-Ferrier  nous  a  fait  connaître.  Le  mot 
dont  il  s'agit  est  rudergue;  on  s'en  sert  à  Lodcve  pour  desi- 
gner le  vent  du  norri,  c'est-à-dire  le  vent  qui  souffle  du  Rouer- 
gue. 


DE  PHILOLOGIE  ROUERGATE  305 

Ainsi  dans  cette  localité,  où  le  département  do  rHéraiilt 
confine  à  celui  de  rAvejron,on  dit  en  patois  lo  ven  riuk'ryiie, 
poui"  vent  du  nord,  comme  on  y  dit  lo  ven  mari,  pour  vent  du 
sud.  Ce  moi  rudergiie  est  un  adjectif,  comme  Tétait  primitive- 
ment rosergue. 

Il  est  intéressant  de  se  demandai' quelle  est  la  relation  mor- 
phologique de  ces  deux  mots.  Ils  sont  évidemment  issus  l'un 
et  l'autre  du  prototype  latin  rnletncus,  mais  par  deux  lignes 
distinctes,  qui  se  caractérisent,  l'une  par  la  conservation  de 
Vu  latin  du  radical  ruten  dans  1'/^  provençal  de  i-udei^gue,  l'au- 
tre par  le  changement  de  cet  u  en  o. 

liudergue  est  le  frère  jumeau  d'un  rodergue  ([iiovi  doit  ren- 
contrer dans  les  plus  anciens  textes  provençaux,  mais  dont, 
quoi  qu'il  en  soit,  l'existence  n'est  pas  douteuse  comme  le 
père  obligé   de  rosergue,  père  lui- même  de  rnergiie. 

Faisons  remarquer  enfin  que  cette  forme  lutévoise  de  m- 
dergue  atteste  que  les  appellations  affectées  à  désigner  une 
l)opulation  ou  une  localité  sont  sujettes,  ainsi  que  tous  les 
mots  de  la  langue,  à  varier  morphologiquement  suivant  le 
génie  de  ses  différents  dialectes,  et  que  par  conséquent,  pour 
faire  reste  de  raison  à  M.  P.  M.,  si  le  prototype  riUenicus  de 
notre  adjectif  ethnique  a  pu  prendre  chez  les  Lutévois  une 
autre  forme  romane  que  chez  les  Ruthénois,  il  se  pourrait 
qu'il  en  eût  revêtu  encore  d'autres  chez  nos  autres  voisins, 
les  Albigeois,  les  Caduriens,  les  Auvergnats,  les  Gévaudanois, 
les  Cévenols,  et  notamment  celle  de  rodengue  ou  roscngue,  ou 
rosenge,  l'analogue  de  dimenge,  niongc,  canonge,  ces  variantes 
Ad  dimergue,  morgue,  canorguc.  Mais,  encore  une  fois,  il  res- 
terait à  établir  la  réalité  du  fait. 

PosT-scRiPïUM.  M.  C.  Chabaneau  ajant  bien  voulu,  à 
jsropos  de  lu  Note  ci-dessus  communiquée  en  épreuves,  m'a- 
dresser  quekjues  critiques,  ce  dont  je  lui  suis  très-reconnais- 
sant, au  lieu  de  modifier  mou  texte  en  conséquence,  j'ai  cru 
mieux  faire  de  le  laisser  tel  quel,  et  de  le  faire  suivre  des  ob- 
servations de  ce  savant.  Je  n'éprouve  aucunement  le  besoin 
de  ca.'her  au  lecteur  les  lacunes  de  mon  éducation  philolopi- 
que  ;  mais  a  besoin  existerait-il  en  moi  qu'il  ne  prévaudrait 
pas  contre  mon  désir  d'éclairer  de  tout  le  jour  possible  les 


306  NOTES 

questions  étudiées  dans  ces  articles,  et  par  conséquent  de  faire 
entendre  mes  contradicteurs,  alors  surtout  que  leur  parole  est 
(les  plus  autorisées  et  des  plus  instructives. 

((  I/«  latin,  m'écrit  M.  Chabaneau,  selon  qu'il  était  bref  ou 
long,  a  donné,  dans  le  roman  des  Gaules  (français  et  proven- 
çal), un  produit  différent:   ?>'  a  conservé  le  son  latin  propre  à 
cette  lettre  {ou),  qui  estl'o  fermé  provençal  (estreit),  û  est  de- 
venu le  son  nouveau   que  nous  figurons  u  [=  û  allemand). 
Cela  constamment.  Par  conséquent,  rùtenicum   n'a  pas  pu  se 
bifurquer  en  rwderguo  d'une  part,  rodergue  de  l'autre.  Rùte- 
nicum  a  donné  nécessairement  Rodergue.  Mais  le  son  de  l'o 
estreit  (  quelle  que  soit  son  origine,  0  ou  ù)  a^'ant  une   ten- 
dance  à  })asser  à  Vu,  ainsi  qu'on  le  voit  dans  lu  =  lo,  lur  ■= 
/or,  sufrir  =  sofn'r,  etc.,  Rodergue  a  pu,  sur  un  certain  terri- 
toire, devenir  R//dergue.  Voilà  ce  que  j'ai  voulu  vous   faire 
remarquer,  vous  laissant  libre,  bien  entendu,  d'accepter  ou  de 
rejeter  mon  explication,  et  par  conséquent  vous  laissant  aussi 
le  soin  de   modifier  votre  rédaction  pour  la  mettre  d'accord, 
le  cas  échéant,  avec  la  vue  nouvelle  que  je  vous  propose.  — 
Nouvelle,  il  faut  s'entendre  ;  elle  ne  l'est  point.  Rien,  en  effet, 
n'est  plus  universellement  reconnu  et  admis,  dans  la  phonéti- 
que romane,  que  ce  double  traitement  de  Vu  latin,  et  que  la 
rigueur  avec  laquelle  il  a  été  appliqué, 

»  La  même  chose,  mais  en  sens  inverse,  a  eu  lieu  pour 
Vi,  qui,  long,  a  conservé  le  son  propre  :  bref,  est  devenu  é 
fermé . 

»  Vous  êtes  averti  :  dire  que  Rutenicus  s'est  bifurqué  en 
rudergue-roderrjuc,  c'est  dire  une  hérésie.  Cela,  je  le  sais  bien, 
n'est  pas  pour  effrayer  un  libre-penseur  comme  vous.  L'es- 
sentiel est  que  vous  ne  vous  décidiez  qu'en  parfaite  connais- 
sance de  cause. » 

Si  j'ai  commis  une  hérésie  scientifique,  c'est-à-dire  si  j'ai 
méconnu  une  vérité  rigoureusement  établie  et  universelle- 
ment admise,  je  me  rétracte  avec  une  bonne  foi,  une  bonne 
volonté  et  un  empressement  dont  M.  C.  n'aurait  point  dû  dou- 
ter. Pour  libre-penseur  (|ue  je  sois,  je  ne  marchande  mon 
obéissance  qu'à  l'orthodoxie  qui  ne  se  recommande  que  du 
principe  d'autorité,  —  et  à  cet  égard  je  soupçonne  M.  C.  de 
sentir  le  fagot  tout  autant  que  moi  ;  —  mais  je  suis  l'esclave 


DE  PHILOLOGIE  ROUERGATE  307 

de  la  droite  doctrine  véritable,  celle  dont  les  dogmes  sont  ex- 
clusivement fondés  sur  Tobseryation  et  le  raisonnement. 

Ainsi,  c'est  bien  entendu,  rudergue  n'est  pas  le  collatéral  de 
rodergue,  comme  je  l'ai  cru  ;  il  en  est  le  descendant,  cela  en 
vertu  de  la  loi  de  transformation  piionétique  magistralement 
formulée  ci-dessus.  Cependant,  en  môme  temps  que  je  fais  cet 
acte  de  soumission,  je  demande  à  exposer  à  M.  C,  et  aux 
autres  romanistes  compétents,  quelques  timides  objections, 
quelques  derniers  doutes  qui  pèsent  encore  sur  ma  con- 
science. Comme  la  question  est  complexe  et  a  des  nuances 
assez  délicates,  j'aurai  besoin  de  toute  l'attention  du  lecteur. 

On  pose  donc  en  principe  que  1'^*  bref  et  Vit  long  du  latin 
se  retrouvent  dans  le  provençal:  le  premier,  sous  un  nouveau 
signe,  l'o,  mais  sans  changement  de  son,  c'est-à-dire  avec  le 
son  de  Voit  français,  de  Vu  italien,  espagnol,  allemand,  et  de 
Yoo  anglais;  le  second,  avec  son  signe  propre  conservé,  mais 
ayant  un  son  nouveau,  celui  que  les  Allemands  expriment 
par  u,  et  les  Français  par  un  simple  u.  Exemple:  de  pûto  et 
pûieo,  notre  gallo-roman  du  Midi  a  fait  respectivement  pode  et 
pude.  Ce  point  de  départ  accepté,  bien  que  sous  réserves,  je 
note  d'abord  qu'une  telle  loi,  quoique  donnée  par  M.  C. 
comme  constante,  absolue,  souffre  néanmoins,  de  son  propre 
aveu,  des  exceptions.  C'est  ainsi  qu'il  dit:»  RUtenicum  a  donné 
nécessairement  Rodergue  ;  mais,  comme  le  son  de  l'o  estreit 
(([uelle  que  soit  son  origine,  0  ou  ii)  a  une  tendance  à  passer 
à  l'w,  Rodergue  a  pu,  sur  un  certain  territoire,  devenir  Ro- 
dergue. » 

L'exception  à  la  règle  est  reconnue;  mais  quelle  en  est 
l'origine?  Ainsi,  d'.où  procède  la  forme  exceptionnelle  roder- 
gue ?  Est-ce  directement  du  prototype  commun  rutenicum,  ou 
de  sa  transformation  première  et  régulière  rodergue?  Toute 
la  question  est  là. 

Eh  bien,  il  me  semble  que,  alors  même  que  l'érudition  ro- 
mane aurait  établi,  pièces  en  main,  que  le  prov.  u  (ii)  =  lat.  //, 
n'est  apparu  dans  la  littérature  provençale  que  postérieure- 
ment à  prov.  6  ■=  lat.  ii,  on  ne  serait  pas  autorisé  pour  cela  à 
en  conclure  que  le  produit  phonétique  provençal  u  est  un 
fruit  consécutif  de  son  congénère  ô.  En  effet,  la  forii  e  répu- 
tée anormale    et  consécutive    pourrait   avoir  existé  dans    le 


308  NOTES 

langage  inulé  depuis  non  moins  de  temps  que  la  forme  soi- 
disant  normale  et  primitive,  sans  avoir  pénétré  dans  la  langue 
littéraire.  M.  C.  sait  beaucoup  mieux  que  moi  que  nos  patois 
méridionaux  ont  révélé  dans  le  provençal  do  nombreuses  par- 
ticularités grammaticales,  exiologiques  et  phonétiques,  d'un 
archaïsme  incontestable,  qui  cependant  ne  se  montrent  nulle 
part  dans  les  écrits  de  la  langue  d'oc  classique.  Dès  lors, 
pourquoi  rudergue  ne  procéderait-il  pas  en  ligne  directe  de 
rutcnicum  par  un  premier  intermédiaire  rntenicwn,  qui  témoi- 
gnerait de  l'impression  de  la  phonétique  gauloise  sur  les  sons 
du  latin  dès  Tinti^oduction  de  cette  langue  dans  les  Gaules? 

Ce  qui  me  paraît  encore  donner  de  la  consistance  à  cette 
hypothèse,  c'est  que  premièrement  les  doublets  patois,  offrant 
concurremment  ces  deux  formes  contraires  en  6  et  en  «,  sont 
beaucoup  plus  nombreux  que  nos  romanistes  ne  semblent  le 
croire,  et  secondement,  —  et  ceci  est  particulièrement  remar- 
quable,—  qu'au  lieu  que  les  deux  variantes  aient  des  domaines 
géographiques  distincts,  elles  se  rencontrent  au  contraire  sur 
les  mêmes  territoires  et  jusque  dans  le  même  hameau  et  dans 
la  même  maison,  mais  non  toutefois  dans  les  mêmes  bouches, 
Tune  servant  de  cachet  au  parler  de  la  classe  aisée,  du  riche, 
du  maître,  l'autre  imprimant  sa  marque  à  la  parole  du  pau- 
vre, une  marque  de  son  infériorité  sociale. 

Et  maintenant,  une  autre  observation  :  ce  n'est  pas  seule- 
ment la  loi  lat.  û  =  prov.  6  qui  se  montre  quelquefois  en  dé- 
faut (comme  pour  riitenicum  donnant  rwdergue  k  côté  de  rc- 
dergue);  la  loi  inverse,  lat.  û  =  prov.  u  (û),  subit  aussi  des 
dérogations  multiples;  et  tandis  que,  au  doublet rodergiie — 
rvdergve,  je  n'ai  pu  en  ajouter  aucun  autre  comme  exemple 
de  la  double  transformation  provençale  de  1'//'  latin,  je  n'id 
pas  eu  de  peine  à  en  réunir  un  certain  nombre  qui  illustrent 
la  diversité  de  traitement  de  Va,  jusque  dans  les  mêmes  mots, 
où  il  se  présente  concurremment  sous  les  espèces  de  Vu  (û) 
et  de  Vô  provençaux.  Voici  cette  série,  qui  sans  doute  est 
loin  d'être  complète. 

Nous  ont  donné, 

Stnpire  pour  spvtare  (?)  :  escwpir  et  escopir; 

Jùlianus:  JuViii  et  Jolià  ; 

Lûcta:  lu'Sha.  et  locha; 


VARIETES  309 

MvsleUa:  niMStcla  et  niostela; 

/*/û?na  .•  plîiina  e/  ploraa; 

Spûmatorïa:  escMmadoira  et  escomadoira. 

I,e  changement  de  l'o  primitif  en  u,  constaté  par  M.  Cha- 
baneau,  se  montre  dans  beaucoup  d'exemples  et  donne  lieu  à 
son  tour  à  une  série  de  doublets,  dont  je  me  contenterai  do 
donner  ici  les  quatre  suivants  comme  spécimen  : 

cobrir —  ci<brir  =  cooperire  ; 

doi'bir  —  dt/rbir  =  f/c-opertre  ; 

escobiliei"  —  escî<bilier  =  scopiliariuni  (tas  de  balayures)  ; 

office  —  wffice  =  officium. 

Constatons  que  la  forme  en  u  est  af'istocratique  et  la  forme 
en  ô  plébéienne.  Il  y  a  soixante  ans,  quand  le  patois  était  la 
langue  usuelle  de  tout  te  monde,  riches  et  pauvres,  s'il  arri- 
vait à  un  enfant  de  bonne  maison  de  dire  [)lôma,  Idcha,  etc., 
pour  ph<ma,lucha,etc.,  il  était  repris  sévèrement.  «  Es-tu  donc 
un  bouvier  ou  un  berger  pour  parler  ainsi?»  lui  disait-on. 

Notre  rouergat  possède  plusieurs  catégories  de  ces  curieux 

doublets  à  distinction  sociale;  j'en  avais   déjà  signalé  deux 

autres  au  commencement  de  ce  travail.  [Notes  I  et  II.) 

J.-P.  Durand  (de  Gros). 
(A  suivre.) 


VARIÉTÉS 


EMBAISSO,  EMBAISSOS 

A  roccasion  des  termes  ambaissi,  umbiorses  en  lyonnais,  sur  les- 
quels M.  Nizior  du  Puitspelu  a  appelé  lattcntion  dans  le  dernier  fas- 
cicule de  la  Revue  des  langues  romanes,  et  qu'il  considère  avec  quel- 
que raison  comme  l'équivalent  de  nos  embaissos,  je  me  permets  de 
hasarder  une  étymologio  un  peu  différente  de  celles  qui  eut  été  propo- 
sées jusqu'ici  par  les  divers  auteurs  qui  se  sont  occupés  de  la  ma- 
tière. Sera-t-elle  plus  acceptable?  C'est  au  lecteur  à  en  juger. 

Mais  d'abord  que  faut-il  entendre  par  emhaisso,  au  pluriel  embaissos, 
dimi autiî  embaisset? 

Ce  mot,  à  s'en  rapporter  aux  norabreu.x  glossaires  de  la  langue 
d'oc,  renferme  plusieurs  sens   et   à  première  vue  très-dissemblables 


310  VARIETES 

les  uns  des  auti'es.  Tous  néanmoins,  si  l'on  veut  bien  y  regarder  de 
près,  se  rapportent  soit  à  l'objet  dont  on  veut  se  défaire  avec  prolit, 
soit  aux  moyens  d'arriver  à  ce  résultat,  soit  encore  au  prix  stipulé 
pour  l'obtenir  plus  facilement. 

La  première  signification.vise  cette  catégorie  d'objets  plus  ou  moins 
encombrants,  c'est-à-dire  tout  l'attirail  des  denrées  ou  marcliandises 
transportées  primitivement  à  dos  de  mulet,  comme  le  blé,  la  cliargc  de 
Trois,  l'outre  de  vin,  et  aussi  les  mille  engins  d'emballage,  cacolets, 
sacs,  cordes,  cabas,  qu'on   emploie  à  les  contenir: 

Yeu  vole  eslre  azégat  d'un  susari  d'erabaisso 
Je  veux  être  accommodé  d'une  outre  en  guise  de  suaire. 

Uoe  emljaisso  de  legno,  etc. 
Laissas  aqui  tout!  vostre  embaisso. 

A  la  seconde,  il  faut  rapporter  ce  quia  trait  aux  moyens  employés, 
au  parti  à  prendre,  biais,  tournure,  embaucbage,  etc.,  pour  amener  le 
facile  écoulement  de  ces  denrées  : 

Eici  lou  pal  pren  l'embaisso  raen  duro. . . 
Val,  couneisse  ben  toun  embaisso. 

Le  troisième  sens  s'applique  à  la  tare  ou  déduction  du  prix  de  la 
marchandise  : 

l'aven  tant  d'embaisso. .. 
Quatre  lieuras  d'embaisso. 

Au  pluriel,  emhaissos  désigne  plus  particulièrement  le  châssis  ou 
sorte  de  bât  ouvert  des  deux  côtés  pour  charrier  Jes  denrées,  graines, 
vins,  bois  de  chauffage,  etc. 

Mais  tous,  au  propre  et  au  figuré,  rappellent  involontairement  <à 
l'esprit  ce  qu'on  nomma,  dans  le  commerce  et  dans  le  monde  de  la  fi- 
nance, r écoulement  dee  valeurs  et  marchandises. 

Or  voilà  que,  d'autre  part,  M.  L.  Boucoiran,  de  Nimes,  auteur  d'un 
dictionnaire  des  idiomes  méridionaux,  très-estimé,  nous  apprend  que 
les  mots  embaisso,  emhausse,  emhat,  désignent  un  lieu  bas,  en  pente, 
écarté,  une  sorte  de  voirie.  Ce  que  dans  le  Rouergue  on  appelle  em- 
balses,  n'est  autre  que  le  travers  ou  rocher  du  haut  desquels  on  jette 
dans  la  rivière,  en  contre-bas,  les  immondices  et  matières  inutiles  de 
lalocalité  attenante. On  dit  encore  s'esemhalsat  pour  «il  s'est  effondré.» 

Enfin,  nous  savons  que,  dans  presque  toute  la  haute  région  des  Cé- 
vennes.  on  désigne  par  le  nom  d'alainso,  le  noisetier  qui  pousse  au 
penchant  des  coteaux,  et  dont  les  baguettes  entrelacées  servent  à 
construire  le  châssis  destiné  à  porter  la  charge  de  bois  sec,  autrement 
dite  l'embaisso. 


VARIETES  311 

Ne  semble-t-il  pas,  dès  lors,  que  ce  dernier  mot  doit  tout  naturelle- 
ment trouver  son  origine  dans  l'espagnol  en  hayo;,  ou  dans  le  langue- 
docien ahaisso,  baissa,  qui  a  le  même  sens  do.  bas,  incliné,  en  pente 
glissante,  lesquels  viennent  du  latin  du  moyen  Age  hassus,  avec  uu 
sens  analogue?  Or  ce  dernier  n'a-t-il  pas  une  parenté  éloignée  peut- 
être,  mais  réelle,  avec  hessa,  emhessa  ou  envessa,  du  latin  versare,  in- 
versare?  Étymologie  pour  étymologie,  celle-ci  ne  peut-elle  soutenir 
la  comparaison  avec  celles  déjà  proposées  et  qui  s'appuient  ici  sur  le 
vieux  mot  latin  umhaxia,  commission,  charge;  là  sur  le  vocable  im- 
pa(/es,  cueilli  par  M.  Mistral, dans  Vitruve,  avec  le  sens  d'une  traverse 
pour  maintenir  les  montants  dune  porte,  autrement  dire  une  imposte  ; 
ailleurs,  enfin,  sur  le  radical  bastum,  bât,  comme  le  veut,  non  sans 
hésiter  quelque,  peu,  M.  N.  de  Puitspelu,  de  L^'on,  dont  il  essaye  de 
tirer  imbastiare  pour  en  venir  à  embaissa  et  embaissi  ? 

Encore  un  coup,  je  laisse  aux  lecteurs  de  la  Revue  des  langues  ro- 
manes le  soin  de  se  prononcer. 

Df  Mazel. 
Nimes,  mars  1887. 


GROLHI,  GRAULA,  EN  LYONNAIS 

A  Lyon,  un  corbeau  s'appelle  une  f/niîUe  ;  à  Craponnc.  grnlhi;  à 
Mornant,  à  Yzeron,. 9ra«Za,  g^ro?«.Cochard,dans  son  vocabulaire,  donne 
la  forme  grailli.  De  même  le  prov.  a  graula,  et  le  Gévaudan  graye 
(pron.  gra-ye). 

Je  crois  que  graille,  grailli,  grôlhi,  viennent  de  grac(u)la,  et 
graula,  grola,  de  gra(c]ula. 

Cette  double  formation,  suivant  que  la  post-tonique  ou  la  consonne 
entre  deux  voyelles  est  tombée,  a  des  exemples  en  lyonnais.  Ma  mé- 
chante mémoire  ne  m'en  offre  que  trois,  mais  j'en  ai  rencontré  d'au- 
tres. Nous  avons  les  doubles  formes  gnibla,  de  neb{u)la;  et  gmola.dc 
ne{b)ula  ;  sègre,  de  seq(if)re  ;  et  sioure,  de  se{q)were;  dimingi,  de  dies 
domen(i)ca  ;  et  diumaini,  de  dies  rloineni(c)a. 

Le  13'onnais  éclaircit  donc,  je  crois,  la  difficulté  de  gracula  = 
graula,  difficulté  que  Diez  n'avait  qu'effleurée  {E .  W.,  II,  c),  en  se 
bornant  à  comparer  le  vieux  fr.  seule,  de  sa eculum, et  qvn  a  paru  assez 
grande  à  M.  W.  Meyer  pour  qu'il  ait  proposé  (Zeiischrift  fïirR.  Ph., 
X,  p.  172)  'ravula,Ae  ravus  ;  d'où  graula  par  la  prosthèse  de  ^, comme 
dans  grenouille,  de  ranucula.  Mais  cette  prosthèse  est  récente  (on 
trouve  encore  renouille  au  XIV'=  siècle),  et  nous  devrions  posséder  des 
exemples  raula,  qui  n'existent  pas.  La  même  difficulté  avait  fait 
proposer  au   regretté  Boucherie  (Étymologies  françaises  •  et  patoises) 


» 


318  NECROLOGIE 

*corvuJa  =  crovula  =  (jroviila  •=  graula,  ctymologie  qui  serait  satis- 
faisante si,  là  aussi,  l'on  possédait  des  intermédiaires  qui  font  absolu- 
ment défaut. 

Une  raison  qui  semble  d'ailleurs  péieniptoire  eu  faveur  de  gracula 
=  (jraula,  c'est  que  l'on  ne  peut  guère  supposer  que  des  villages 
éloignés  de  quelques  kilomètres  seulement,  comme  Craponne  et  Yze- 
ron,  aient  tiré  grôllù  et  grnula  de  sources  différentes.  Il  est  infiniment 
plus  vraisemblable  de  penser  qu'il  n'y  a  dans  les  deux  mots  que  des 
déformations  pbonétiques  variées  d'un  même  type. 

M.  G.  Paris,  sans  connaître  les  exemples  lyonnais  rapprocliés plus 
haut,  avait  conclu  delà  même  manière  {Romania,  VIII,  p.  296):  «  Je 
ne  crois  pas  au  changement  en  u  d'une  gutturale  suivie  d'une  con- 
sonne ;  à?^x\&  gracula,  graeco,  foeo,  etc.,  le  c  s'est  absorbé  dans  la 
voyelle  labiale  suivante  ;  on  a  prononcé  grahula  ou  quelque  chose 
d'analogue,  et  il  en  est  résulté  que,  cette  aspiration  étant  de  bonne 
hem-e  tombée,  Vu  {=  o)  a  fait  diphthongue  avec  la  voj'elle  précé- 
dente et  a  échappé  ainsi  à  la  destruction  {grieus,  grius,  gris,  et  grens, 
grès  ;  fueu,  feu  et  fiu;cî.  Rom.,  VII,  464).  Faus  ou  fagus,  régula, 
tegula,  doivent  être  jugés  de  même.  » 

PUITSPELU. 


NECROLOGIE 


HENRI     DEL.PECH 

Parmi  les  membres  de  la  Société  pour  l'étude  des  langues  romanes 
qui  nous  ont  été  enlevée  dans  le  couraat  de  l'année,  Henri  Delpech 
mérite  un  souvenir  particulier  et  un  témoignage  de  sympathie  tout 
spécial.  11  fut  en  effet  un  des  premiers  cà  se  joindre  à  nos  fonda- 
teurs, et  son  entrée  dans  notre  conseil  d'administration  est  pour  ainsi 
dire  contemporaine  de  nos  premiers  efforts  ;  si,  depuis  que  l'archéo- 
logie militaire  l'eut  conquis  tout  entier,  il  cessa  de  participer  active- 
ment à  l'administration  de  notre  Société,  il  n'en  demeura  pas  moins 
un  des  plus  dévoués  parmi  les  amis  de  la  première  heure. 

Henri  Delpech  était  le  dernier-né  des  quatre  tils  du  célèbre  chi- 
rurgien qui  disputa  la  palme  de  son  art  à  l'illustre  Dupuytren;  il 
avait  hérité  des  plus  précieuses  qualités  intellectuelles  de  ce  profes- 
seur éminent:  le  <lon  d'une  parole  simple,  claire,  lumineuse  et  litté- 
rairement irréprocliable,  chose  rare  dans  nos  régions  méridionales, 
et   le   goût,  de  l'analyse  poussée  jusqu'aux  dernières  limites  que   la 


NECROLOGIE  313 

nature  de  notre  esprit  et  des  choses  oppose  à  nos  investigations.  C'est 
ce  dernier  caractère  d'une  intelligence  d'élite  qui  domina  dants  les 
manifestations  variées  de  sa  pensée'.  Peut-être  même  se  laissa-t-il 
souvent  entraîner  si  loin  par  ce  goût  instinctif,  (iue~ c'est  à  cette  ten- 
dance naturelle  de  son  esprit  qu'il  serait  permis  de  faire  remonter 
cette  susceptibilité  extrême  que  tous  ses  amis  mettaient  le  plus  grand 
soin  à  ménager. 

C'est  cette  analyse  ingénieuse  et  pénétrante,  dont  les  résultats 
étaient  puissamment  condensés  dans  une  synthèse  oratoire  des  plus 
brillantes,  qui  assura  le  succès  de  ses  trois  discours  couronnes  par 
l'Académie  des  Jeux  floraux:  l'Éloge  au  Père  LacordaircV Éloquence 
purleinentaire  en  France  au  XIXk  siècle,  et  de  l'Influence  de  la  presse 
sur  la  littèralure  contemporaine.  A  la  suite  de  ce  triple  succès,  Henri 
IV'lpech  était  devenu  mainteneur  de  l'Académie  toulousaine,  et  eu 
cette  qualité  il  avait  pu  assister,  dans  la  salle  des  Illustres,  au  Capi- 
tole,  à  l'inauguration  du  buste  de  son  père,  une  de  nos  gloires  mé- 
ridionales. 

Henri  Delpech  s'était  d'abord  destiné  au  barreau,  où  la  correction 
de  sa  parole  élégante  devait  lui  assurer  un  des  premiers  rangs.  Mais 
sa  santé  ne  lui  permit  pas  de  poursuivre  cette  can-ière  ;  il  fut  obligé 
de  renonci-r  à  une  profession  qu'il  aimait  passionnément,  au  moment 
où  il  donnait  les  plus  heureuses  espérances.  Nul  doute  que,  lorsque 
l'expérience  et  la  discipline  des  affaires,  lui  auraient  eu  enseigné  l'art 
de  ne  laisser  apparaître  de  sa  subtile  analyse  que  les  résultats  acquis, 
et,  —  pour  employer  une  métaphore  empnmtée  à  ses  dernières  étu- 
des, —  à  ne  faire  marcher  au  moment  décisif  que  le  gros  de  ses 
troupes,  Henri  Delpech  ne  fût  devenu  un  des  orateurs  les  plus  distin- 
gués des  barreaux  du  Midi . 

Cette  retraite  forcée  fut  pour  lui  une  déception  pénible  ;  il  eut 
pourtant  la  force  de  triompher  du  mal  qui  avait  mis  sa  vie  en  dan- 
ger, et,  à  peine  convalescent,  il  se  trouva  amené  par  les  événements, 
qui  ont  si  profondément  et  [si  douloureusement  troublé  les  premiers 
jours  du  régime  actuel,  à  entrer  dans  le  journalisme  parisien.  H  y 
entra  par  la  grande  porte,  en  qualité  de  rédacteur  d'une  feuille  pério- 


1  Henri  Delpech  nous  a  souvent  répété  le  quatrain  suivant,  qui  lui  fut 
adressé  par  un  poëte  montpelliéralD,  M.  B. ..,  à  l'occasion  de  son  Éloye  du 
Père  Lacordaire  : 

Quand,  le  scalpel  en  main,  je  le  vois  à  plaisir 
Disséquer  savamment  l'oeuvre  de  Lacordaire, 

Henri,  tu  me  fais  souvenir 

De  Delpech,  ton  illustre  père. 


314  NECROLOGIE 

dique  considoiablo.  Mais  là  encore  il  eut  à  subir  les  conséquences  de 
sou  teniporauient  délicat  ;  les  fatigues  d'un  labeur  incessant  et  à 
heure  fixe  domptèrent  son  énergie;  il  dut  déposer  la  plume  du  jour- 
naliste pour  se  consacrer  à  des  études  non  moins  pénibles,  mais  où  du 
moins  il  pouvait  trouver  la  liberté  dans  le  travail. 

Sa  première  conférence,  faite  au  Cercle  artistitjue  de  Montpellier, 
sur  la  bataille  de  Muret,  fut  une  révélation  ;  mais  il  ne  se  tint  pas 
pas  pour  satisfait  parles  applaudissements  unanimes  qui  avaient  ac- 
cueilli le  conférencier  ;  il  voulut  creuser  davantage  encore  un  sujet 
qu'il  avait  paru  posséder  complètement,  et  il  publia  (187S)  un  savant 
mémoire  sur  les  conditions  dans  lesquelles  cette  bataille  avait  été 
livrée.  Pour  confirmer  l'idée  générale  qu'il  avait  dégagée  de  ses  re 
cherches,  Delpech  résolut  d'étudier,  avec  la  même  méthode  qu'il  venait 
de  suivre,  une  autre  bataille  du  XIIP  siècle,  celle  de  Bouvines  Ces 
nouvelles  études  vinrent  corroborer  l'idée  fondamentale  de  sou  pre- 
mier mémoire.  Il  lui  parut  acquis  désormais  qu'il  y  avaitau  XIIl»  siè- 
cle «  une  tactique  réfléchie,  tactique  élémentaire  comme  les  armes 
dont  on  disposait  à  cette  époque,  mais  très-intelligente  et  en  parfaite 
harmonie  avec  l'outillage  du  temps.»  Pour  prouver  sa  thèse,  il  com- 
pulsa les  anciens  textes  qui  nous  ont  été  conservés,  en  ayant  soin  de 
n'admettre  que  ceux  qui  étaient  à  l'abri  de  toute  critique  ;  il  forma 
ainsi  un  dossier  de  faits  militaires  qui  vint  confirmer,  par  l'expérience 
d'une  centaine  de  batailles,  les  conclusions  qu'il  avait  tirées  de  ses 
savantes  restaurations  de  la  bataille  de  Muret  et  de  celle  de  Bou- 
vines. 

Les  deux  volumes  sur  la  tactique  au  XIII*  siècle  ont  paru  en 
1886;  mais  ils  ne  contiennent  pas*  l'œuvre  complète.  Un  troisième 
A'Olurae  était  en  préparation  ;  mais,  pour  mener  à  bien  un  travail  aussi 
considérable,  Henri  Delpech  avait  usé  ses  forces  phj-siques.  La  mort 
le  frappa  au  moment  où  il  mettait  la  dernière  main  à  ce  troisième  vo- 
lume. Victime  de  son  amour  pour  l'étude,  il  fut  enlevé,  à  l'âge  de  cin- 
quante-cinq ans  (avril  1887),  à  l'affection  des  siens  et  de  ses  amis  et 
à  l'estime  de  ses  concitoyens.  La  Société  des  langues  romanes,  en 
consacrant  à  sa  mémoire  ces  quelques  lignes,  bien  insuffisantes,  a 
tenu  à  se  joindre  aux  manifestations  de  deuil  public  qui  ont  accom- 
pagné les  restes  mortels  de  ce  collègue  d'élite  à  sa  dernière  de- 
meure. 

A.  G. 


CHRONIQUE 


La  Revue  des  patois  de  M.  Léon  Clédat,  dont  nous  annoncions  en 
mars  dernier  la  prochaine  apparition,  a  publié  très-peu  après  sou 
]ireniier  numéro.  C'est  un  faseieule  de  <S(J  pages  iu-8",  dont  nous  nous 
bornons  aujourd'hui  à  donner  le  sommaire,  sauf  à  revenir  plus  tanl 
sur  quelques-uns  deè  articles  qu'il  l'enferme  : 

I.  Avertissement. —  II.  L.  Clédat.  Les  Putois  delarégion  lyonnaise. 

—  II J.  E.  rhilii)on.  Ze   Dialecte  bressan  aux  XIII"  et  XIV"  siècles. 

—  IV.  Nutices  Lihliographiques .   —  V.  Chronique. 


Sous  le  titre  de  «  Fac-similés  de  l'écriture  de  Pétrarque  et  appen- 
dices au  Canzoniere  autographe,  avec  des  notes  sur  la  bibliothèque 
de  Pétrarque  »,  M.  Pierre  de  Nolhac  vient  de  publier  daus  les  Mé- 
langes iVarchéologie  tt  d'histoire  de  l'Ecole  française  de  lîome,  et  de 
faire  tirer  à  part  le  complément  du  mémoire  dont  nous  avons  rendu 
compte  dans  notre  numéro  de  juillet  1S8G.  l^^s fac-similés,  destinés 
à  achever  la  démonstration,  —  déjà  faite,  pour  toute  personne  non 
prévenue,  daus  le  mémoire  précité,  —  de  la  découverte  de  M.  de 
Nolhac,  sont  au  nombre  de  sept.  Les  quatre  derniers  sont  tirés  de 
mss.  latins  de  la  Bibliothèque  nationale  qui  ont  appartenu  à  Pétrar- 
que et  qui  sont  l'objet  des  c(  Notes  sur  la  bibliothèque  de  Pétrarque  », 
mentionnées  au  titre  du  travail  que  nous  annonçons.  Ces  notes  forment 
une  première  série,  qui  devra  être  suivie  de  plusieurs  autres,  car  les 
mss.  qui  ont  appartenu  à  Pétrarque  sont  assez  nombreux.  La  seconde 
série,  déjà  annoncée  par  M.  de  Nolhac,  se  trouvera  au  chapitre  VllI 
du  livre  qu'il  va  publier  sous  le  titre  de  la  Bibliothèque  de  Fulvio  Or- 
sini  ;  elle  est  relative  aux  mss.  de  la  V;iticane  et  de  l'Ambrosienne. 


«  Le  Mystère  des  trois  Doms,  joué  à  Romans  en  mdix,  publié  d'après 
le  ms.  original,  avec  le  compte  de  sa  composition,  mise  en  scène  et 
représentation,  et  des  docunients  relatifs  aux  représentations  théâ- 
trales en  Dauphiné  du  XIV^-  au  XVI»  siècle,  par  feu  Paul-Emile 
Giraud,  ancien  député,  ancien  correspondantdu  miuistère  de  l'instruc- 
tiou  publique,  et  Ulysse  "Chevalier,  chanoine  honoraire,  membre  non 
résidant  du  Comité  des  travaux  historiques.  Lyon,  librairie  ancienne 
d'Auguste  Brun,  1887. d  Tel  est  le  titre  complet  d'un  magnifique  vo- 
lume in-4''  de  cxlviii-928  pag.,  d'une  importance  considérable  pour 
l'histoire  de  la  littérature  dramatique,  uou-seulement  par  le  mystère, 
jusqu'ici  inédit,  qui  en  forme  la  moitié,  nuiis  encore  par  l'ample  in- 
troduction et  le  riche  recueil  de  documents  que  M.  Ulysse  Chevalier 
y  a  joints.  Nous  ne  pouvons  aujourd'hui  qu'annoncer  cette  belle  pu- 
blication. Nous  en  rendrons  compte  en  détail,  quand  nous  aurons  pu 
l'étudier  avec  le  soin  qu'elle  mérite. 


316  CHRONIQUE 


M.  le  docteur  Lange,  professeur  au  gyniuase  de  Wurzen  (Saxe),  a 
publié  dans  le  iirogramnie  de  cet  établissement,  pour  1887,  une  étude 
sur  la  Franciadc  de  llonsard  et  ses  rap^iorts  avec  VEnéide  (B(in.i:ards 
Fnuiciade  tnul  ifir  ]'erh(ilhms  za  Vergils  Aeneide) .  C'est  xinUdxuW 
plein  d'intérêt,  serrant  le  sujet  de  très-près,  et  un  chapitre  tout  prêt 
pour  l'histoire,  encore  à  écrire,  de  la  littérature  française  au  XVI"'  siè- 
cle. 


Ou  a  récomnicnt  publié  à  Londres  (Williams  and  Norgate,  édit.) 
un  très-élégant  petit  volume  qui,  sous  le  titre  de  An  introduction  tu 
tJie  stitdi/  of  Proccnçal,  renferme  en  143  pages  :  1°  un  aperçu  très-som- 
maire de  la  littérature  provençale  ;  2°  un  abrégé  de  la  grammaire  ; 
"à"  un  choix  de  morceaux  en  prose  et  en  vers;  4"  un  glossaire  ;  T)"  une 
bibliographie  '.  L'auteur,  M.  Darcy  Butterworth  Kitchin,  a  mis  à 
peu  près  exclusivement  à  contribution,  pour  la  composition  de  son 
manuel,  la  Chrestomathie  et  le  Grundnss  de  M.  Bartsch.  Nous  sou- 
haitons que  ce  petit  livre  contribue  à  propager  en  Angleterre  l'étude 
du  provençal, qui  paraît  y  avoir  trouvé  jusqu'ici  peu  de  faveur. 


Vient  de  paraître,  chez  Maisonneuve  et  Lechevalier,  VAntiuaire  de 
la  Société  des  Traditions  populaires  ;  1  vol.  petit  in-8o  de  xxx-180p., 
avec  musique  gravée,  lettres  ornées,  culs-de-lampe.  Cette  nouvelle 
publication  de  la  Société  contient,  outre  la  liste  des  membres  (au 
nombre  de  plus  de  200)  et  les  documents  administratifs,  des  chansons, 
des  contes  populaires,  des  dissertations,  des  instructions  et  question- 
naires, ainsi  que  la  Wbliographie  des  ouvrages  et  articles  parus  en 
1886  sur  les  traditions  populaires. 

Les  articles  signés  de  MM.  Girard  de  Rialle,  F.  Mistral,  M"*  "Viar- 
dot,  Xavier  Marinier,  F.  Fertiault,  Naripshy  Souguy,  L.-F.  Sauvé, 
Julien  Vinson,  Paul  Sébillot,  L.  Farges,  Achille  Millien,  Léon  Sich- 
1er,  Julien  ïiersot,  Aug.  Gittée,  F. -M.  Luzel,  Loys  Brueyre,  N. 
Quellien,  A.  Landrin,  Alphonse  Cerleux,  se  composent  de  contes  po- 
pulaires de  pays  variés,  de  dissertations  sur  des  coutumes  curieuses 
et  de  chansons  populaires.  C'est  un  livre  à  la  fois  instructif  et  amu- 
sant. 

1  Celte  bibliographie  laisse  beaucoup  à  désirer.  Des  livres  indispeusables  y 
sont  omis;  par  coatre,  l'auteur  y  mentionne  des  ouvrages  ou  sans  valeur  ou 
étrangers  à  son  sujet.  (I  est  évideal  qu'il  en  cite  plusieurs,  sans  en  avoir  vu 
que  le  litre.  Ainsi  le  Parnasse  occitanien  figure  parmi  les  périodiques. 

Le  Gérant  responsable  :  Ernest  Haaielin. 


Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi. —  Hamelin  Frères. 


I 


ISTORIO 
DE    SAXCT    PONCZ 


F"  A    r°]  PROLOGUE 

1     [Jhesus,  lo  rey,  filh  de  Mario. 

Local  ejs  Diou  onipotent, 

Garde  la  noblo  compagnio 

Qu'eys  asembla  ejci,  de  présent, 
')     lît  nos  vuelho  tos  ensegnar 

Perla  sio  sancto  doussor, 

Et  de  sa  gracio  iiluminar, 

Donar  nos  sa  pax  et  s'amor. 

L'on  vous  siuplio  tos,  per  lionor, 
10     Que  vuelha  ensemble  far  pax, 

A  Jhesu  Xpist  rendre  lausor. 

Petiz  et  grans,  d'aut  et  de  bas. 

Li  persoiiage  eyci  asemblas 

De  devocion  encita 
15     Mostrar  voUon,  soubre  aquest  pas, 

De  sanct  Pons  sa  nativita, 

Si  play  a  l'haulto  magesta, 

Eysint  quant  rescrich  ho  recito. 
20     Perqué,  si  vous  plaj  scouta, 

Ouviré  partio  de  sa  vito. 

Et  qui  Testori  ben  cogito 

Trop  lonc  sario  a  la  recontar. 

Nostro  poyssansso  ejs  ben  [lechito, 
25     Per  lo  plus  cort  m'en  vuelh  passar, 

Va  per  breuoment  expousar, 

Antisipen  qualque  pasage. 

Vulha  la  substanso  notar. 

Sens  inferir  nengun  outreage.    " 

TOMK  I  DE  I.A  QUATRIÈME  SÉRIE.   —   JoILLRT-AoOT-SbPTEMBRE  1887,  81 


318  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

[po  A  v^j       Si  nos  falhian  nostre  lengage, 

Que  non  convegno  ben  en  rimo, 
La  non  eys  notari  tant  sage 
Que  non  falho  en  menar  la  plimo. 
Chasque  pays  a  sa  coustumo 

35     Et  son  parlar  parelhonient; 
D'aquo  eyqui  non  fassa  stimo, 
Ma  prené  en  gra  l'esbatiraent. 
Or,  prean  Jliesus  devotoment 
Et  sanct  Pons  ouci  debonayre 

40     Que  nos  don  joar  seguroinent 
•    Et  nos  garde  tuch  de  mal  fayre. 
Affin  que  non  vos  tegno  gayre, 
Vulha  vos  trestous  asetar  ; 
Quesa-vos  et  non  parlé  gayre: 

45     Acomense  cemm'a  commenssar] ', 


[F"  1  r"]  JHESUS 

Cornenso  l'istorio 

DE  SANCT  PONCZ 


LO    MESSAGIER 

Seignors  et  donos  que  se  eyci, 
Per  veyre  lo  juoc,  assemblas 
En  l'honor  de  Diou  et  marci, 
Plàsso  vous  d'istar  tos  en  pax, 
Et  si  veyré,  de  pas  en  pas, 
Personagear  la  bello  ystorio 
De  sanct  Pons;  et  n'y  falhé  pas 
D'y  mettre  ben  vostro  memorio. 
Vos  veyré  en  grant  triomphe  et  glorio 


1  Après  ce  préambule,  qui  a  élé  ajouté  après  coup,  vieût  ua  feuillet  blanc 
[B],  sur  lequel  une  maia  moderne  a  écrit  ces  mots  :  Mystère. —  htorio  \  de  \ 
S.  Portez.  Suit  le  feuillet  marqué  1. 


ISTORIO  DE  SANG T  PONCZ  319 

U>     Juar  tost  sa  nativita, 

Como  en  la  vito  transitorio 

Fosec  de  ben  far  incita; 

Car  en  Rome,  la  grant  cita, 

Per  lo  sanct  papo   Poncian, 
15     Fosec  instruch  la  verita, 

Et  puis  après  se  fec  xrestian. 

Mareus.  son  payre,  percertan, 

Et  Valeri  Fadoloscent  {sic) 

Foron  bateas  aquel  an; 
20    Sa  méyson  aussi  enseguent. 
[F^'  1  v"         Vivent  sanct  Pons  si  doulceraent 

Ambe  los  raeindres  et  los  mours, 

Se  fec  amar,  et  talloment 

Qu  el  couvertec  dos  emperours. 
25     Prince,  punent  prevaricours, 

Et  qui  bons  voiles  premiar, 

Gardo-nos  de  dangiers  et  pours  ; 

Ejssint  poyren  principiar. 

PHILIPUS    IMPERATOR   PATER 

Puisque  Jupiter  dominar 
30     Nos  fa}'  sus  terro  et  imperar 
Per  sa  infinie  clemenso, 
Yoloc  lo  monde  ben  governar 
Et  malsfatours  examinar, 
Per  tenir  neto  ma  conscienso. 

l'HILlPUS    IMPERATOR    FILIUS 

35   ,A  Jupiter  la  reverencio 

Et  riionor  a  grant  diligencio, 
Hault  emperour,  certos  doven. 
Veouc  et  ay  l'intelligencio 
Que,  dessus  tos,  la  preheminencio 

40     Per  diou  Jupiter  nos  tenen. 

IMPERATOR   PATER 

D'el  cognoyssoc  que  tôt  haven, 
Mon  filh  Phelip,  en  verita; 


3Î0  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

Pertant,  lo  mond  régir  conven 
En  justicio  et  verita. 

[F"  3  r°]  IMPERATOR  FILIUS 

45     Si  per  reson  et  equita 

Nos  governen,  seignor  mon  pajre, 
Tôt  auren  a  nostre  cousta 
Subjuga,  et  senso  mal  trayre. 

IMPERATOR  PATER 

Mestre  cFostal,  sens  tarsar  gayre, 
50    Vous,  escuyer  de  grant  alïar, 
Fasé  per  tôt  la  cryo  far 
Qu"adorar  veignon  Jupiter  ; 
Car  la  nos  es  déjà  ben  fer 
Qu'istaven  tant  d'eysso  per  far. 

MESTRE   d'oSTAL 

55     Sacro  corono,  comandar 

Me  poyé  vous,  et  hault  et  bas  ; 
Vostre  affar  non  falhirey  pas, 
Como  de  far  soy  entengu. 

LESCUYER 

Nos  faren  far  lo  contengu 
60     De  vostre  redobta  edit  ; 
Tôt  se  faré  sens  controdit, 
Car  Jupiter  chai  venerar. 

IMPERATOR    FILIUS 

Fasé-lo  donc  per  tôt  criar,  » 
Com'  aparten,  apertament. 

MESTRE    d'oSTAL 

65     Nos  y  anen  incomtinent  ; 
F"  3  v"]         Seignor,  non  vous  duelho  dal  fach. 

l'escuyer 

Per  toto  Romo  saré  fach 
Com'  es  licit,  ny  plus  ny  mens. 


^; 


ISTORIO  DE  SANCT  PO^CZ  321 

Briffault,  corrent  corao  los  venfz, 
70    Ven  parlar  al  mestre  d'ostal. 

BRIFFAULT,    lu   tt'Oinpet" 

Prest  sjouc  d'anar  amont  aval, 
Mas  qu'en  besoigno  l'on  me  metto. 

MESTRE    d'ostal 

Vay  saj,  Briffault,  nostre  trompeto; 
Dal  comandament  impérial 
75     Crjo  q'ung  chascun  cliap  d'ostal 
Veigno,  deman,  per  venerar 
L'ault  Jupiter  et  adorar 
En  la  maniero  acoustuma. 

briffault 

0  sy  aguessoc  perfuma 
80     La  gorjo  d'ung  gros  vin  vermelh, 
Auriouc  lo  fia  lo  non  parelh, 
Per  ma  trompeto  far  parlar! 

priant 
Davant. 

bruyant 
Sus  hault. 

[F"  4  r°]  RIFFLANT 

Gorriers. 

GRANDENT 

Saular 
Non  me  pouc  de  veyre  aquest  tren. 

RIFFLANT 

85    Tant  gent  ! 

bruyant 

Diou  gart  qui  lo  manten  î 


322  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

KRIANT 

Depuis  que  nostre  facli  conten. 
Mas  qui  sen  nos? 

RIFFLANT 

De  noblo  gcut. 

BRUYANT 

Ben  nyses. 

GRANDENT 

Como  ung  indigent. 

RIFFLANT 

Ung  préfet,  seignor  ho  régent 
90     Ha  trop  cFlionor  de  nos  aver. 

PRIANT 

Et  d'argent? 

BRUYANT 

Ung  grant  aver. 
[F°  4  v"]        Nostre  tren  n"es  pas  trop  petit. 

GRANDENT 

Et  puis? 

PRIANT 

Vioure  a  nostre  apetit; 
Das,  cartos,  vioure  en  taverno  ! 

GRANDENT 

95    Sus  doncquos! 

BRUYANT 

Fortuno  governo, 
A  perdre'tot  n'a  c'un  perilh. 

RIFFLANT 

Ben  es  de  vielho  puto  filh 
Qui  se  dono  malenconio. 


ISTORIO  DR  SANCT  PONCZ  323 

PRIANT 


De  s'en  cliarjar  es  grant  folio; 
100     La  non  es  brut  que  de  gorriers. 


BKAYANT 


Vio  n'es  que  de  taverniers; 
Fy  de  grandos  hereditas  ! 

GRANDENT 

Fy  de  tantes  curiositas! 

Nos  aven  totjor  prou  pan  cuech, 

RIFFLANT 

105     Et  qui  non  n'a? 

[F"  6  r°]  GRANDENT 

Raube  de  nuech 
Per  entretenir  la  milho. 

PRIANT 

Qui  sario  es  bras  d'une  filho 
Et  tenir'las  mans  es  tétons, 
Mètre  ben  près  los  dos  mentons, 
110     Aussi  juar  ben  de  la  bilho  : 
Es  vito  'de  très  bons  barons. 

RIPFLANT 


Apres  tôt  devis,  franc  pions, 
Butar  nos  chai  la  plumo  al  vent. 


BRUYANT 


Que  sefasso,  y  ou  soy  content. 
115     Anen  gagnar  de  la  denara. 

GRANDENT 

Anen  nos  donc  mètre  a  la  gara 
Per  escotar  qualque  passant. 

BRIFPAULT 

De  par  l'emperour  très  puissant, 


324  ISTORIO  DE  SANCT  PCNCZ 

L'on  Taj  a  tos  comandament 
120     Que  l'on  s'apreste  honestament 
Per  Jupiter  diou  adorar, 
Deman  aussi  sacrifiar, 
Com'  es  de  coustumo  laudablo; 
Sus  très  grant  peno  formidable 
125     Chascun  si  fasso  son  aprest. 

[F°    6V°]  MARCUS 

Mon  cas  si  es  déjà  tôt  prest, 
Tamben  de  madamo  ma  feno. 
Prendre  l'on  non  po  trop  de  peno 
Per  far  es  dioux  sacrifici, 
130     Et  apparten  a  mon  offici 
D'esser  de  l'obro  conductor. 

JULIA 

Marcus,  mon  mari  et  seignor, 

D'y  nous  trobar  es  ben  reson  ; 

Vous  se  lou  cap  delà  mejson 
135     Et  de  Romo  ung  senator. 

Chai  que  sjaung  conductor. 

D'aquest  atfar,  n'en  dobtes  pas; 

Puis,  como  sabes  nostre  cas, 

De  tant  de  temps  qu'ensemble  sen 
140     Et  presque  vielhz  nos  cognoiscen, 

Senso  aver  ung  sol  successor  ; 

Non  sabouc  qu'es  ben  ny  dossor, 

Tant  ay  marri,  las!  mon  couraige! 

MARCUS 

Julia,  si  en  mariaige 
145     Non  fos  aultro  sterilita 

Qu'en  nos  aultres,  grant  vilita 
Troba  sario  et  grant  dalmaige  ; 
Mas  Jupiter  plus  grant  aultraige 
Po  effassar  et  davantaige, 
150    Car  ben  el  n'a  l'auctorita. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  :^25 

JULIA 


[F°  7  r"j  Dobtou  non  l'aj'  admerita, 

Tantlos  temples  aven  eircuy, 
Encaros  non  sen  jsta  auvy  ; 
Dal  mond  jou  syou  ben  irrita. 


MARCUS 


155    Trop  avé  de  theraerita 

Des  dioux  tant  vous  laraentar; 
'  Moliier,  la  nos  chai  contentai- 
Autant  ben  de  l'aversita. 


JULIA 


O  doulx  mari,  qualio  ancieta 
ICO     Porto  mon  corps,  quant  tant  de  tenais 
Aven  ista  nos  dos  ensens, 
Sens  aver  al  monde  profita! 


MARCUS 


Vray  es,  mas  perso  despita 
Non  deou  esser  diou  Jupiter, 
165     D'ejsint  esser  la  m'es  ben  fer; 
Mas  que  volé?  diou  sio  lauva  '. 


JULIA 


L'espasi  es  déjà  passa 
De  vingt  ans  et  tre  ou  de  plus 
Que  sen  ensens,  et  au  surplus 
170     Mon  corps  sens  fruc  si  es  cassa. 

MARCUS 

Or  sus,-  non  plus  sio  esfassa 
L'affection  que  vous  havé. 
Diou,  si  ly  play,  nos  donaré 
L'effect  de  nostro  volunta. 

[F°   7    V°]  JULIA 

175     0  Jupiter,  plen  de  bonta! 
0  Jupiter,  diou  sobeyran, 


3?6 


ISTORIO  DE   SANCT  PONCZ 

Pren,  si  te  play,  de  my  pieta, 
Que  s3'ou  sobmesso  soubz  tamanl 

MARCUS 

Si  nos  aven  ren  dich  en  van, 
180     Plasso-te  de  nos  perdonar: 
0  Jupiter,  dieu  sobejran. 
Plasso-te  heretier  nous  donar! 


DEUS 

De  mon  hault  cel  impérial, 
Ont  es  ma  real  magesta, 

185     Aj  auvy  lo  dolor  et  mal 

D'aquellos  plens  de  malvesta; 
Mes,  affin  que  manifesta 
Syo  mon  hault  nom  amploment, 
Acomplirey  lorvolunta. 

190     Plus  n'ystaren  sterilaraent, 
Comben'que  vivon  vanoment 
En  viiloment  ydolatrant  ! 
Si  lor  darey  you  sanomcnt 
Fruc  que  de  ben  saré  intrant 

195     Et  qu'a  ben  far  saré  mostrant  : 
YdoUos  mettre  a  destruction 
Per  vives  resons  remonstrant, 
Enfin  vendre  a  salvation 
Per  sa  très  grant  instruction. 

200     Romo  saré  fort  amplia 
[F°  8  Fol         De  ben  et  de  dévotion, 

Qu'a  tôt  mal  es  tan  desvia, 
Et  des  ydolos  deslya 
Per  me  servir  totalement. 

205     En  m'amor  saré  rellia, 

Pauros  m'ofiF(r)endre  solament. 
Prince  eternal  soy  vraysoment 
Que  tot|muouc,  sens  me  muar  ; 
Tôt  es  a  mon  comandoment, 

210     Quant  me  play  uno  chauso  far. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  327 

LO    PREMIEU    SACERDOT    DAL  TEMPLE  DE  JUPITER 

Bon  saré  dal  temple  parar 

Et  preparar 
Tôt  per  la  grant  solempnita, 
Qu'on  non  pojré  comparar 
215  Et  reparar, 

S'el  temple  n'a  neccessita. 

LO    SEGONT    SACERDOT 

Ben  que  sio  tôt  visita, 

Revesita, 
L'autar  et  tos  los  ornamens 
220     Ambe  grant  curiosita 
Counvisita 
Haven  ;  metan  los   paramens. 

LO   PREMIER    SACERDOT 

Ejsens  haven   nos  tantos  bens  ^ 

Que  s'es  uno  chauso  infinito, 
225     Grando  vejsello  et  petito  ; 

S'es  ung  grant  fach  d'o  vejre  ensens. 

[F°   8  V°]  LO  SECOND  SACERDOT 

Or,  argent,  mirro,  encens, 
Chandelabres  et  grans  bassines, 
Peyros  preciousos,  perlos  finos 
230     Et  de  riches  et  grans  presens. 

LO    PREMIER    SACERDOT 

Non  saboc,  per  los  temps  presens, 
Sy  grant  noblesse  de  joyelz. 
Tant  riches,  nobles  ny  si  belz. 
S'es  uno  chauso  incrediblo! 

LOSËGONT   SACERDOT 

235     La  reson  si  es  infaliblo  : 
En  la  cita  temple  si  grand 
Non  es,  n'aussi  ont  ufFrent  tant 
Dévotions,  contemplations, 


SÎ8  ISTORIO  HE  SAKCT  PONCZ 

Dons,  uiiVendos.  oblatioiis. 
>40     Qui  d'eyso  faro  lo  report  ? 

Non  pas  niv.  sy  non  por  desporr. 
Tant  son  ohausos  dauiirations. 

LO    TREMIBR    SACKRDOT 

Laysseu  aquestos  locutions 
Et  anen  nous,  tos  dos  ensemble, 
245    Far  de  floretos  provisions 

Per  alecrar  tôt  nostre  temple. 

SATHAN  . 

0  Lucifer,  de  venim  eutie. 
Maudich  dalmajoux.  que  tempesto! 
F    9  r  Afîin  que  nostro  meyson  s'uemple 

25(.'     L'on  s'apresto  de  te  far  grant  festo. 

LUCIFER 

*  Qu'as  lu,  auvy,  enraja  teste? 

SATHAN 

L'on  s'apresto  de  te  far  grant  festo, 
Afiîn  que  nostro  meyson  s'uempie, 
Maudich  dalmajos,  que  tempesto. 
255    0  Lucifer  de  venim  enfle  î 

LUCIFER 

Como?  que?  dono  l'eyxemple. 

SATHAN 

De  Jupiter  lo  très  grant  temple 
L'on  s'apresto  de  draps  parar; 
Per  far  ung  sacrifîxi  ample, 
26^1     Chascun  comenso  a  prépara  r. 

LUCIFER 

Vueilhes  test  tôt  propeilar. 

SATHAN 

Chascum  comenso  a  préparer 


ISTORIO  DE  SAKCT  PONCZ  3» 

Fer  far  ung  sacnnxi  ampte. 
L'ûQ  s-  de  draps  parar 

265    De  Jup.r.  .    ires  grani  lemple. 

LCCIFBR 

Avant,  Saihan.  qu'es  lo  de  far, 

Davant  qae  plus  laeiog  Von  contem^'îe  f 

Tu  sabes  tôt  aquest  afTar. 

F     9  V*^  SATH-Oi 

La  DOD  s«  chai  pas  exemptar 
270    D'aquestos  grans  àolempnitas, 

LUCIFER 

Elsperiu  plens  d'Tnormitas, 

Esperiu  plens  d'iniquitas. 

Esperitz  malvas  infernals, 

Esperitz  d'infen  eiemaU  ; 
275     Sailhé,  fasé  cj  assistencio. 

Venes  cj  tos  a  ma  presencio. 

Per  aicans  cas  iieterminas. 

Beizebuo,  Beiiih.  Mamouas. 

Leviathan  ei  Astarot. 
280    Salhé,  saihé  ;  to3  ista  trop  : 

Aquest  afar  vol  diligeueio. 

BELZEBCC 

Qu'i  ha  f 

LUCIFER 

Chai  aver  conferencio 
Ensemble,  et  nos  rasonar. 

l£Ai£ON.\S 

Qui  brr^' 


^c  i-i-r 


ER 


You,  per  vos  sonar, 
:;sô     ëac-:^  maadich,  sens  ges  de  pans-' 

BERITH 

Djdonoqaos. 


330  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

F^^  10  r»]  LUCIFER 

Uno  grant  cliauso 
AfFaraven,  per  gens  gaignar. 

VSTAROT 

Dy  tôt. 

MCI  FER 

La  nos  chai  veilhar 
Por  conduire  gens  en  infer. 

LEVIATAM 

290    Tôt  prest. 

LUCIFER 

Festo  a  Jupiter, 
Sens  tardar  gajre,  Ton  faré 
Ejsint,  qu'on  solemnisaré. 
De  vos  al  très  qui  y  saro, 
De  vos  al  très  qui  pugnaré, 

295    De  vos  altres  qui  temptaré, 

Per  umplir  d'enfer  las  chaudières? 
De  vos  qui  lo  fach  condujré, 
Armos  a  dampnation  duyré. 
Et  a  nos  servir  indujré? 

300     Djsé  qui  myeys  so  trataré, 

Tôt  prest,  sens  far  tantos  manieros? 

BELZEBUC 

Mostros'  chaudieros  mont  fort  nieros, 
Voydas  de  plaser  et  de  joyo, 
Ont  sont  totos  dolors  autrieros 
305     Et  ont  degun  si  se  rejojo, 
[F"  iO  v°]      Sathan,  de  tôt  mal  la  monjojo, 
S'esforsaré  de  remplir  d'armos, 
De  Romo  de  qui  a  la  grant  Trojo. 
'<  Mal  far  »  blason  es  de  sas  armos. 

'  Corr.  Noslros? 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  331 

MAMONAS 

lUl)     De  crjs,  geniissemens  et  larmos 

De  dolor,  nialadiction 

Urupliré  las  [)alus  et  lamos; 

Trop  saboc  sa  condicion. 

Dona-lyjuridicion 
315     D'avocar  per  nous,  hault  et  bas, 

Et  plenario  commission, 

Car  el  non  nos  defautaré  pas. 

ASTAROT 

El  taré  far  plusors  trapas 

Per  sa  faulso  subgestion, 
320     Como  ung  reloge  a  contrapas, 

El  met  las  gens  a  subjection  ; 

Tallo  es  ma  oppinion. 

Qu'el  ane  per  nos  procurar: 

Manda-lo,  sens  dilation  ; 
325     Del  facb  ben  se  sabré  curar. 

BERrrH 

Diables,  senso  tant  oppinar, 
Perqué  Sathan  eyssi  tant  sonjo? 
Jamajs  el  non  deurio  finar, 
Aquel  Sathan,  pieu  de  messonjo. 
330    Tant  plus  àquest  trata  s'alonjo, 
[F°  11  ro]       Tant  plus  fasen  nostre  dalmaige. 
La  m'es  advis  que  son  fren  rojo, 
Lo  faulx  malim,  rampli  (de)  d'aultraige. 

LEVIATAM 

Trop  l'antretenen  en  lengaige  ; 
335    Lo  fach  non  es  pas  tant  ardu; 

Asses  es  el  astuch  et  saige; 

Lifer  per  si  n'a  ren  pardu  ; 

Grant  nombre  ejssens  a  el  rendu. 

Layssa-lo  anar  far  diligencio; 
340    Me  ressemblo  tôt  marfondu, 

Quant  tant  ysto  a  nostro  presencio. 


3S2  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

LUCIFER 

Sathan,  vay-t'en,  tu  as  licencio 
De  tôt  lo  covent  infernal  ; 
Estent  ton  saber  a  far  mal, 

345     Las  gens  a  meurtres  incitar, 
Malencon.yos  excitar 
En  pro  (le   luocs, 
Malos  doctrines  inmitar, 
Las  vertus  en  mais  inmutar  '. 

350  Fay  mètre  fuocs, 

Los  cor(p)s  indurar  como  rocs, 
Que  non  poj'sso  lo  ver  entendre. 

SATHAN 

Ambe  los  Romans  me  vauc  rendre, 
Puisque  m'aves  mes  en  l'ulîci. 

355     Mon  mal,  mon  dol  jou  vauc  estendre. 
Quant  se  faré  aquel  sacrifici  ; 
Asses  ay  cautello  et  vicy 
Per  demenar  aquesto  tramo. 
[F°  11  v°]      Partir  m'en  vauc  doncquos  d'eysi  ; 

360     Mon  cor  cremo,  en  cremant  fiamo  ; 
Ma  felonio  fort  s'enflamo, 
Exagita  de  fachs  iniqs. 
M'en  vauc  es  empereurs  Philips 
Per  lor  enseignar  ben  la  gamo. 

JULIA 

365     Honor,  lausor,  glorio  et  farao 
A  Jupiter  sio  dona, 
Car  com'antendoc,  per  mon  amo, 
Grant  gracio  m'auré  condona  : 
Grosso  me  sentoc!  Que  lauva 

370     Syo  Thaultan  seignor  de  glorio 
Que  mon  cor  eyssint  a  'legra. 
Jupiter  es  en  ma  raemorio. 


•  Ce  vers  a  été  ajouté  après  coup. 


I 


ISTORIO  DE  SANCT  VOUGZ  333 

MAKCIS 

Fer  uno  fasson  dorrisoiio 
Vous  alegra,  lo  veouc  beu. 
375     Mal  t'aso  :  iliou  iiiig"  tal  ben 
Nos  po  maudar;  or  entende. 

lULIA 

Mon  dos  marj,  vos  prethendé, 
Quant,  me  veyé  rejojr  tant, 
Que  you  me  truffe  eyssint  parlant; 
380     Non  fauo,  non  fauc,  mon  bel  seignor. 

M ARC us 

A  Jupiter  sjo  l'honnor, 
Qu'a  nostres  votz  a  consenti. 

[F'  12  r"]  JULiA 

Vrayoment  jou  l'ay  senti, 
Non  pensé  pas  que  jou  vos  mento  ; 
385     Pensoc  a  de  jors  plus  de  trente, 
Mas  lo  dire  pas  non  ausavo  : 
C'on  s'en  irufl'esso  me  pensavo. 
Ejro  lo  fach  ay  decePa, 
Veyent  que  n'era  eysse^rura. 

MARCUS 

390     Mon  cor(ps)  s'es  de  prou  aleuja 

Per  lo  ben  d'aquesto  novello  ? 

Sabé  vos  que.  madamo  belle? 

Mantené-vous  en  alegrier; 

Se  diou  vos  gardo  d'encombrier, 
395     En  breau  auren  ung  successor. 

JULIA 

Oc,  si  diou  play,  mon  bel  seignor  ; 
Diou  m'en  doue  portar  bon  port. 

LA  SERVENTO 

Damo,  prené  vostre  desport 
Et  me  viviî  plasentament. 

22 


334  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

,1ULIA 

400     Vioure  voloc  joyosament 

Et  désormais  prendre  confort. 

LO   VAKLET 

Damo,  preiië  vostre  desport. 

JUl.I.V 

[F"  12  V"]       Mon  mari  d'aquest  bon  report 

N"a  'gu  lo  cort  inoull  fort  [»lasent. 

LA    SERVENTO 

405     Damo,  prené  vostre  desport, 
Et  si  vive  plasentament. 

LO    VARI-ET 

Ysta  me  pur  aleirrament 
Etlevssa  marrison,  madamo. 
Car  you  vos  jnroc,  sus  mon  armo, 
410     C'ung-home  en  viou  plus  longament, 

LO    SERVENTO 

Ellos  eron  en  pensament, 
Quant  non  poj^on  aver  raej^na  ; 
Mas  nos  veyen  seguroment 
On'^  lo  nia1  e^  'Mi  ben  torna. 

I.O    PREMIER    SACERDOT 

415     Nostre  temple  ben  es  horna 
Ben  richament,  a  mon  advis. 

LO    SEGOND    SACERDOT 

I.a  ressemblo  untr  paradis. 

LO    PREMIER    SACERDOT 

De  toto  sorto  de  tapis 
Es  tapissa  et  lare  et  long. 
420     Non  es  plus  bel  temple  al  raond. 
S'es  ung  plaser,  s'es  ung  devis. 


ISTORIO  DR  SANCr  PONCZ  335 

[F"    13  r"|  1,0    SECOND    SACRUDOT 

[.a  resseiublo  un^'  paradis  ; 
FiO  luo(î  si  e«  fort  rlevotioiix. 

SATHAN 

(J  Lu'jit'er,  diable  fiuioux. 
125     Et  vos  aul très  falso  Vf  1111  iiK). 
Yoii  lornoc  tôt  desi^itoux! 
Ve^yro  iio  iiojé  ben  a  niamino. 

LUCIFER 

Apres,  Satluui.  lo  cas  tenuino  ; 
Non  nos  far  pas  trop  long'  sermon. 

-i;-î()     Mon  cor  non  repauso  ny  tiiio. 

Tant  es  el  vros  et  fellon. 

Veyci  lo  cas,  niaudicli  dragon  : 

Uno  feno  Fia  dedins  Romo 

(tfosso  d'enfant  per  te  far  somo  ; 
l.T)     Dotoc  aquel  fruc  nos  faré 

Prou  mal, qui  ny  obviaré. 

Yoù   veouc  per  congecturo 

Qu'aquello  fausso  creaturo 

Nostres  temples  destruvrc, 
1  Kl     Los  jdolos  coramynujré 

Et  la  fé  se  augmentaré. 

Nostre  contrari  el  saré  ; 

Sacrificis  abollii'é, 

Sinoulacres  dernolire, 
445     La  fé  de  Crist  repararé, 
]F"  13  v°-       Los  crestians  exortaré 

De  myejs  en  nijejs. 

Los  désolas  confortaré, 

A  benfarlos  induyré, 
450     Vicis,  péchas  el  fuvré, 

■Los  bons  et  sanctz  inmitaré, 

Dont  nostre  infert  si    patiré, 

Et  nostre  fach  si  anaré 

De  piej's  en  pieys  ! 


336  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

LUCIFER 

455     De  malvesta  as  tu  plus  que  sjeys 
Des  aultres  de  nostro  meyson. 
Vay  et  trobo  calco  fasson 
Qu'ello  parturisso  abortiou. 

SATHAN 

Si  pduc,  non  lo  taré  pas  viou, 
460     Per  evitar  plus  grand  dangier. 

BELZEBUC 

Sathan,  torno-t'en  benlegier; 
La  non  es  temps  d'eyssi  plus  estre. 

ASTAROT 


D'aflnar  gens  tu  sios  lo  mestre; 
A  mal  tratar  non  sios  lent. 

BERITH 

465     Car  sios  torna  soy  fort  dolent. 
Lâchai  veilhar  sobre  lo  luoc. 

[F°  14  r"]  LEVIATAN 

Meno  gens  a  Teternal  fuoc  ; 
Procuro  contro  huraanita. 

MAMONAS 

Gardo  que  la  crestianita 
470     Non  multipliey  nuUoment. 

SATHAN 


You  m'en  vauc  ambe  aquest  vent, 
Et  farey  tallo  diligencio 
Que  nos  auren  la  preminencio, 
Si  pouc,  sus  manto  persono. 


MARC us 


475    Diligencio  nos  chai  et  euro 
Per  Jupiter  remarciar< 


* 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  337 

Et  de  bon  cor  regraciar, 
Per  la   génération  futuro. 

JULIA 

De  bon  cor  et  d'jntencion  puro 
480    Nos  chai  los  temples  visitar, 
P'requentar,  aussi  usitar 
Per  la  novcUo  genituro. 

LA    SERVENTO 

Madamo,  tené-vos  seguro 
Que  diou  gardaré  vostre  port 
485     Et  condujré  tôt  a  bon  port, 
Si  de  lo  servir  se  servento. 

JULIA 

De  Jupiter  servir  soj  contento 
Puisqu'ung  tal  ben  si  m'a  manda. 
[F"  14  V]       Varlet,  aultaii  ben  vous  servento, 
490     Que  mejson  sio  ben  garda. 

MARCUS 

Anen  circuyr  per  la  cita 

Los  temples  et  dévotions, 

Fasent  nostros  orations, 

En  los  dioux  remarciant 
495     Et  de  nous  bens  impartiant, 

Vist  que  nos  an  fach  talio  gracio. 

Sus  nos  avian  tallo  desgracio, 

Opprobri  d'esterilita  ; 

Mas  tost  novo  nativita 
500     Auren,  si  play  a  diou  poussant. 

JULIA 

Anen  per  tos  los  luocs  passant 
Ont  nos  saben  que  son  los  temples. 

SATHAN 

Maulditz  dampnas,  de  venim  enfles, 
Cobles  del  diable  Lucifer, 


p,3S  ISTORIO  DE  yANCÏ  PONCZ 

r>05     Al  graut  temple  de  Jupiter 
Juar  vauc  cruno  hafjiliia  : 
Car  ma   inornio  vilita 
Nullomenr   supportar  poyrio 
Aquo  que  en  infert  noyrio; 

510     Al  corps  d'aquel  grant  sacertlot, 
Que  lo  poble  extimo  tant  dot, 
M'en  vauc  intrar.  et  si  farey 
Tant  que  la  mayre  torbarey, 
Et  farey  tant  \mv  mon  criar 

515     Que  lo  fruc  li   farey  tuar: 

Eyssint  non  nos  faré  dalmagc. 

I^F"  15  r»  MARcus 

Intren  per  adorar  l'esmaige 
De  diou  Jupiter  sanctoment. 

.lUMA 

Intra  premier,  como  plus  saigc, 
5w0     Et  you  vous  segrey  vrayoment. 

MARCUS 

A  vostre  plascr  solament, 

A  vos  d'eyso  l'on  s'en  reporto. 

LO    PREMIER    SACKKUOT 

Lo  fruc  qu'aquesto  feno  puiiu 
En  son  ventre  sidesti-uyré 
525     Aquest  grant  temple,  desfaré 
Tos  los  dioux  de  tons- en  fons! 

MARCUS 

Aquestos  ufrendos  et  dons 
Prené  de  nos  en  carita. 

LO    PREMIER   SACERDOT 

So  que  disoc  es  verita; 
530     Aquesto  si  porto  ung  enfant. 

Que  gastaré  aquest  temple  grant, 
Ettsimulacres  et  los  dioux. 


18T0KI0  DE  SANGT  PONCZ  330 

JULIA 

Lasso!  quais  plasers  son  los  mvuiix  ! 
bal  tôt  mon  cor  se  desconfoito. 

LO    PREMIER    SACERDOT 

5:i5     L'enfant  qu'aquesto  feno  poi'tu 
Aquest  temple  si  destnivré. 

[F"  15  V"  LO    SBGOND    SACEKUUr 

0  .Jupiter,  qui  so  faré? 
Lajssa  lor  far  lors  dévotions. 

JULIA 

Acjuestos  ulirendos  et  dons 
5 10     Prené  de  nos  en  carita. 

LO    PREMIER    SACERDOT 

So  que  disoc  es  vcrita  ; 
Aquesto  si  porto  ung-  enfant 
Que  gastaré  aquest  temple  graut, 
Et  simulacres  et  los  dioux. 

MAltCUS 

545     Hellas"!  quais  plasers  sonlosmvouxl 
De  tôt  mon  cor  se  desconforto. 
Anen  nous  en,  sailhen  la  porto; 
Lo  cor  av  lot  espavanta. 

JULLV. 

Hee  !  pauro  my  desconforta  ! 
550     D'entendament  so}'  transporta  ; 

Mays  non  s'auvec  ung  parlar  tal. 

Ben  presque  soy  désespéra! 

Ung  enfant  ay  tant  espéra  ; 

Eyro  en  deou  salhir  tal  mal  ! 
555     Sobre  tôt,  lo  ponch  principal 

Es  que  me  valré  myeys  mûrir, 

Embe  monfruc,  que  advenir 

En  aquest  monde  ung  tal  meyssap. 


MO  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

MARCUS 

Hee  !  bono  danio,  et  que  se  sap 
5(30     S'aquest  parlar  auré  efiîcacio? 

[F'  16  r"]  .1UMA 

Eysso,  mari,  non  os  falacio, 
Quant  d'ung  tal  luoc  l'aven  saupu; 
Non  Taguesso  you  consaupu, 
Per  en  esdevenir  tal  dan! 

LO  CHAPELI.AN 

565     Sanct  payre,  un  g  cas  moult  sobdan 
A  vist  et  auvj  ton  servitor  : 
Intrant  Marc,  lo  grant  senator. 
Et  damo  Julia,  sa  malher  (.s?"c), 
Lo  grant  temple  de  Jupiter, 

570     Per  los  faulx  ydollos  prear. 
Un"?  svaacomensaa  criar 
A  vox  exaspéra  et  forto: 
«L'enfant  qu'aquesto  feno  porto 
»  Aquest  grant  temple  destruyré 

575     »  Et  los  dioux  coraminujTc.. .  » 
Dos  ou  très  fes,  ambe  grant  cry, 
Aquest  parlar  a  repeti  ; 
Dont  Julia  et  lo  senator 
S'en  son  salhis  en  grant  tremor, 

580     Tos  esba^'s,  sens  contencnso. 
lia  damo  se  fasio  ofFenso, 
Son  corps  bâtent  et  macérant. 
Gémissent  et  fort  plorant, 
Disent:  «  Perquo  l'ay  consebu, 

585     »  Gênera  n' anssi  recebu?» 
Et  en  aquest  point  lamentavo; 
Marc,  son  mari,  la  consolavo, 
Fin  «ju'a  l'ostal  son  pervengus. 

[F"   16   V°]  PAPA 

Dyou  eternal  !  o  doulx  Jhesus, 
590    Qui  per  nos  as  volgu  mûrir, 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  341 

Plasso-te  la  fé  mantenir 

Et  que  ton  nom  veigno  au  dessus. 

0  ydolatres  dessaupus, 

Ejso  vos  ha  Dieu  remoustra. 

595     AflSn  que  n'y  vivessa  plus 
En  tallo  et  grande  falseta. 
Aquel  parlai'  lor  a  moustra 
Qu'en  ydolos  n'a  ges  de  glorio, 
Dobtant  ung  que  n'es  encar  na  : 

600     S'es  ung  fach  digne  de  meniorio. 
Per  la  folyo  tant  notorio 
Das  ydolatres  detegir, 
Qu'es  als  humans  tant  deceptorio, 
Diou  a  fach  ung  tal  faoli  salhir. 

LO  CHAPELLAN 

605     Diou  si  nos  vueilho  protegir 
Et  sostenir  dessus  la  terro. 

LO   SECOND    CHAPELLAN 

Etnostros  voluntas  régir 
Que  dal  mond  venssan  la  guerro  ; 
Lo  poble  aussi  que  si  forterro 
610     Vueilho  Diou  a  ben  revocar. 

PAPA 

Tal  pensament  locorme  serro  ; 
Per  tal  error  chai  advocar. 

SATHAN 

Pas  non  me  chai  equivoquar, 
[F"  17  r°]       Rusar  me  chai  sus  mon  prepaux  ; 
615     De  l'obro  non  se  chai  mocar; 

Temptar  me  chai,  senso  repaux, 
Per  aquistar  glorio  et  laux 
Devers  mos  compaignons  dampnas. 
Que  son  al  puant  goulfre  et  laux, 
620     Astarot,  Berit,  Mamonas. 


M-l  ISTORIO  DE  SANCT  FONCZ 

.IULIA 

Hic  in  doino  Julia  lanientetur ,  percutiens  corpus  siiuni 
graviter. 

0  corps  dolent,  de  vioure  las, 
Armo  tristo  et  désola, 
Pauc  t'a  dura  ton  fol   solas. 
De  plours  mais  non  sares  saula. 
625     D'aquest  fnic  m'eroc  consola 
Et  alegra,  sens  point  de  faulto  ; 
Mas  aquest  novel  m'a  asoula: 
Foses  mon  fruc  torna  en  de  pauto! 

MARCUS 

La  volunta  dez  dioiix  liaulto 
030     Sio  facho  et  acomplio. 

Non  vos  torbé,  l'on  vous  suplio; 
Vos  preouc  que  viva  en  plaser. 

LA    SERVENTO 

De  que  prené  vos  desplascr, 
Damo?  De  que  hâves  vous  faulto^ 
635     Vos  se  sajo,  astuto  et  cauto. 

Laissa  me  passar  cinq  per  quatre. 

LO   VARLET 

Volé  vous  ambe  diou  combatre? 
TF"  17  v"]       L'es  reson  de  conformar 

Ambe  el  qui  nos  po  tos  abatre, 
640    Formar,  desformar,  resformar. 

JULIA 

Quai  fruc  dolojros  et  amar 
Portoc  you,  lasso,  mejssino  ! 
Los  dioux  que  deven  amar 
Le  me  derreyson  de  l'ejssino  ! 
645     Plus  falso  sariou  que  chino 
Si  gardavoc  tal  fruc  malvas. 
La  me  chai  tant  batre  lo  las 
Qu'eylens  muero,  davant  que  you  fino. 


ISTORIO  DE  SANCT  POISCZ  343 

MARCUS 

riop  me  tené  malvaso  niino. 
650     Que  deou  es?;er  tout  aquest  fach  ^ 
You  soy  assez  marri  et  desfach . 
Soiiso  aver  aultro  fantasio. 

JULIA 

You  soy  en  tallo  frenesio 
Qu'amoc  mais  la  mort  que  la  vito  ; 
()55     M'arino  es  tant  dolento  et  tristo 
Que  me  quesar  es   impossible. 

PAPA 

Diou,  a  qui  tôt  es  possible, 

Qu'as  fach  lo  mond  de  ton  soi  dit, 

My  paure  pecliour  ton  subdii 
<j(30     Te  servent  en  ces  mond  terrible. 

Gardo  de  i'annemj  nujsible, 

Car  tiou  you  soy  sens  contredit. 
F"  18  r°j       Veullios  aboUir  lo  faulx  rit 

Das  ydolatres  incensas. 
065     Moult  d'ellos  nos  sen  offensas, 

Dont  ay  lo  cor  amar  et  trist. 

Jhesus,  Jhesus,  doulx  Jesu  Ciist. 

Si  de  tu  non  sen  deifensas, 

Eiicontro  nos  son  amassas 
670     Per  rendre  nostre  corps  atrit. 

De  cor  te  suppliouc  contrit 

Qu'abollisses  tallos  folours. 

Perqué  sufFres  tantos  dolors  ? 

Tal  secto  veulhes  desconfire. 

LO   PREMIER   CAPELLAN 

675     Uno  reson  vos  volouc  dire  : 
La  gleyso  poyré  ben  patir; 
Perrilhar,  non  ;  car,  sens  mentir, 
Diou  es  lo  cap  qu'es  lo  grant  sire. 

LO    SECOND    CUAPPELLAN 

Payre  sanct,  n'aya  paour  qu'empire  ; 


344  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

680     Sobre  la  peyro  es  funda, 
Eu  Jhesu  Crist  ben  solida  ; 
Portai'  son   nom  nos  deu  suffire. 

PATA 

Ung  chascung  de  nous  si  se  mire 
Al  grant  torment  et  doloyros 
685     Qu'el  a  suffert,  dessus  la  crox, 
Per  adiou  payre  nos  redujrc. 

[F*  18   V]  LO    PREMIER    CHAPELLAN 

Sathan  non  nos  poyré  seduyre 
Si  de  bon  cor  nos  contemplen 
Sa  passion,  et  nos  emplen 
690     De  son  amor  nostre  estomac. 

LO    SEGOND    CHAPELLAN 

Aquel  es  fol,  ben  sot  et  mat 
Qui  non  se  met  de  son  costa. 
Las!  lo  mond  l'y  a  tant  costa, 
E  d'eytal  ben  non  fay  estimo. 

Nota    quod  inter  istas  locutiones.  Julia  eril   in  loco  alscondito, 
ut  pariât  filium,  et  liée  fiant  cuni  silencio,  hrevïtatis  causa. 

PAPA 

695     L'enemic  qui  jamays  non  fino 

Bueto  lo  mond  en  tal  meysap, 

Car  el  vé,  entend  et  sap, 

Despuis  des  angelz  la  ruyno. 

Que  la  volunta  divino, 
700     Per  sa  clemencio  a  prépara 

Et  vol  que  sio  repara,. 

Lo  luoc  voyand  lay  sus  al  cel 

Tant  resplendissent  et  si  bel; 

Que  nos  ayan  a  possej'r 
705    Tal  ben,  tal  fruc,  et  fruyr 

De  la  cternalo  clarita. 

Diou  vol  eyssint  qu'es  verita, 

Perfecto  vio,  eterno  vito. 


ISTORIO  HE  SANCT  PONCZ  34rî 

LO  PREMIER    CIIAPELLAN 

La  resoM  n'es  pas  trop  pctito  ; 
710     Gracie  nos  don  Diou  d'y  venir. 

[Fo  19  r°J  LO    SEGOND   CHAPELLAN 

Diou  nos  y  fasso  pervenir 
Per  le  lauvar  ambe  los  angiols, 
Ambe  los  sanctz,  glorioux  archangiols, 
Censo  jamais  cessar,  amen . 

LA    BAYLO 

715     Diou  syo  lauva.  Lo  fruc  aven, 

Seignor  Maro,  benestruc  vos  sio. 

Alegravous,  cossint  que  syo, 

Per  lo  novel  et  bel  enfant. 

Mays  non  lo  vie  plus  triomphant  : 
720     El  ressemblo  aver  x  mes. 

MARCUS 

So  es  miracle,  grand  fach  es 

Qu'el  non  es  en  ren  macula, 

Vist  lo  torment  de  Julia, 

Sa  amaror,  tristor  et  dolour, 
725    Lo  gemissament  et  grant  plour 

Qu'el'a  tengu  en  tant  dementre 

Qu'ero  grosso,  bâtent  son  ventre  ; 

EUo  lo  pensavo  far  mort. 

Eyssint  que  sio  a  drech  ho  a  tort, 
730     Lo  chai  gardar  et  far  nuyrir  ; 

Mays  huy  non  nue  chai  de  mûrir, 

Puisqu'ay  agu  ung  successor. 

Lauva  Jupiter  hault  seignor 

Que  m'a  tant  de  ben  condona  ! 
735     Julia,  ma  feno  ben  ama,  t 

Alegra-vos,  la  es  reson. 
[F°  19  V]       Puisque  heretier  a  la  meyson 

Aven  agu,  tant  ben  forma. 

'   Julia,  regardant  son  enfant,  dy  : 


346  ISTORIO  DR  SANCT  PONCZ 

•TULIA 

De  totos  formes  desforraa 
740     Foses  son  corps,  et  retorna 
Kn  iinp:  ben  petit  gran  de  sal. 
Perquc  l'ajvou  jamais  forma? 
Car,  corao  sov  ben  informa, 
Per  el  deou  saillir  ung  grant  mal  : 
745     Uug  tal   temple  anar  a  mal 
Et  destruyre  tais  edifficis, 
Ont  se  fan  tâls  sacrifficis  : 
La  es  ung  ponch  trop  principal. 

T. A  'baylo 

Dise,  doiio.  lo  ponch  es  tul 
750     Per  vos  far  eycj  breau  sermon. 
Aver  vos  chai  voler  total 
De  lo  nujrir,  et  perqué  non  ? 

MARCUS 

Lo  \y  chai  empausar  son  nom. 
Que  volé  qu'el  syo  noma? 

.TULIA 

755     Fais,  malvas,  infortuna. 

[F°  20  V]  MARCUS 

Puisque  los  dioux  Tan  dona, 
Per  dom  gratuyt  lo  chai  aver. 

JUMA 

Mauldich  sjo  ung  tal  haver. 
Ne  qui  l.v  d^ré  nujrituro! 


J,A    BAYLO 


760     Tant  bello,  tant  gento  creaturo 
D'[ajjsintos  dire  avé  grant  tort. 


JULIA 


Ho  !  qu'en  mon  ventre  foses  mort  ! 
Per  el  ay  dolor  si  fort, 


ISTORIO  DE  SANCT  POiNCZ  347 

Per  el  syoj  en  tal  desconfîbrt, 
765     Per  el  ay  si  greou  remorL 
Que  nonpouc  plus! 
Perqué   non  l'ay  y  ou  l|icli  aborti' 
Parqué  porta  you  Taj  a  port? 
0  Jupiter,  tu  as  grant  tort 
770     Que  non  venges  mon  dur  eftbrt, 
Ystant  layssus! 

MARCUS 

Vraysoment  you  ay  conclus 
Que  Tenfant  syo  nomina. 

JULIA 

Au  diable  sio  contina  ! 
775     Marc,  mon  mari,  non  m'en  parh'. 

[F°  20  V]  MARCUS 

Lo  chai  que  vos  vos  consolé  ; 
Trop  y  mette  TatTection. 

.lur.iA 

0  mauldich  part  d'infection, 

Per  qui  los.dioux   saren  destruch! 

LA    BAYI-O 

780     Qui  vos  haaquest  parlar  instruch? 
Perdona  me,  vos  dise  mal  ; 
So  es  ung  dom  especial, 
Manda  dal  très  hault  luoc  celest. 

LA    SERVENTO 

Hellas  !  perqué  vos  es  molest? 
785     Tant  de  temps  Tavé  désira! 
Ben  saria  vos  fort  desheura 
S'aquest  fruc  vos  foses  infest. 

LO  VARLET 

Lo  non  y  a  gloso  ni  text 
Que  vos  poguesso  excusar 


348  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

790     De  lo  gardai-  et  governar, 

Et  foses  ben  concept  d'incext. 

MARC  us 

Apres  paraulos,  mon  arrest 
Es  de  nomniar  aquest  enfant. 
Per  causo  que  vos  aniouc  tant, 
795     Vostre  voler  av  attendu. 
Si  ambe  vous  aycontendu 
Dal  uoni  (jui  deou  esser  impausa, 
[F"  21  r"]       Si  ay  you  em  my  prepausa 

Que  nom  preigno  de  mon  linaigc. 
800     Poncz  nos  nomen,  a  breau  lenguaige, 
Et  nomma  Poncz  el  saré  ; 
De  vertus  el  nos  passaré, 
Et  taré  a  tos  dos  honnor. 

JULIA 

I  A  vos  en  syo  donc  Thonor  ; 

805  Puisque  vos  plaj,  ejssint  la  syo  ; 
Poncz  auré  nom.  Cossint  que  syo, 
Jamays  non  me  faré  plaser. 

MARCUS 

Prené  plaser  ou  desplaser, 
Poncz  mon  enfant  si  auré  nom  ; 
810     Et  nom  prendre  de  mon  surnom, 
Sens  y  butar  degun  obstacle. 

LA   SERVENTO 

Lo  es  ung  tresque  grant  miracle, 
Quant  jamays  tant  bel  si  Ta  fach. 

LO  VARLET 

Lo  teniouc  mort  et  desfach 
815    Del  torment  qu'elle  s'es  dona. 

MARCUS 

Per  ren  non  syo  abandona  ; 
Mas  nuyré  lo  a  très  grant  euro. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  349 

l,A    BAYLO 

Seignoi-,  ne  preigna  d'eysso  euro, 
Car  el  saré  très  ben  nuvri. 

IF"  21  V"|  .IULIA 

820     Sj  pouc,  en  breou  saré  |)U,yri 
Per  faulfo  d'y  tenir  a  ment. 

Xiit'i  (juoil,  si  possit  rejieriri  infans  bene  coinpositua  et  for  nui  lu. -i^ 
hic  ponattir  pro  nativitate  beatiKsimi  Poncii. 

LA    BAYLO 

El  resseixiblo  fort  tempuri; 
Diou  Iv  done  acompliment! 

MAKCUS 


Avisa  d'ung  deffalhiment, 
825     Car  ung  enfant  si  n"a  de  pane. 


JULIA 

De  mal  n'auré  ol  pas  deffault  ; 
Voii  \y  farej  tant  de  mal  travre, 
\'eilhant,  durment,  d'ung  ta!  assault 
L"assalhirej,  non  viouré  guavre. 

MARCUS 

y.\{)     A  !  Jnlia,  vous  se  sa  majre, 
Vostre  parlar  es  trop  cruel  ! 
El  es  tant  fi-iumphant  et  bel; 
i^'l  es  toto  nostro  esperanso  ; 
Encar  me  creouc,  sens  dobtanso, 

885     Que  saige  saré  habundament  : 
Sjo  donc  vostre  cor  content 
De  lo  nuyrir.  como  es  reson. 

JULIA 

Jamais  n'auré  pax  a  meyson, 
Qu'aquest  faulx  enfant  mort  non  sjo. 

MARCUS 

840    Non  io  toché,  cossint  que  sjo, 

23 


350  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

[F"  22  r"]       Nj  per  lo  batre,  ny  ferir; 
Per  ren  non  lo  fassa  mûrir. 
Vos  direy:  Jupiter,  très  hault  diou. 
Se  venge  de  l'ennemie  siou, 
815     S'el  vol  ;  mas  la  chai  avertir 
Qu'ai  temple  non  syo  porta. 

.lULI.V 

A  mon  ventre  fos  avorta, 
Davant  qu'en  tal  mal  advenir  ! 

MARCUS 

Et  non  poyren  nos  convenir 
850     Ensemble  et  arrestar  en  pax? 
Vevci  uno'  fort  terrible  cas. 
Apaysa-vos  a  la  bono  houro. 

JULIA 

Si  mort  foses,  alegro  foro  ; 

Non  pas   per  mal  de  mon  enfant, 

855     Mes  perlo  cas  qu'es  tant  nephant. 
Eysso  ben  entendre  devé. 
Totosfes,  corao  dich  avé, 
Si  Jupiter  y  cognoys  dol, 
Se  venge  de  l'enfant,  si  vol, 

860     Car  d'aquo  el  ha  la  puissanso. 
Vray,  como  vos  dise  a  l'avanso, 
Gardar  nos  chai  de  lo  portar 
Al  temple  quant  ont  vay  adorar  ; 
Dal  demorant  veigno  que  veigno. 

MARCUS  , 

865     Qu'a  la  meyson  l'on  Tantreteigno, 
Affîn  que  mal  non  y  deveigno. 

[F°  22  v°]  JULiA 

Per  gardar  ung  fach  tant  terrible, 
On  y  faré  tôt  lo  possible. 

LA    BAYLO 

Non  vos  chalho  de  mon  cartier; 


ISTORIO  DE  SANCr  PONCZ  351 

870     Si  pouc,  n'anr/'  ilo  ren  mestiei'. 


LO   VARLET 

Per  lo  servir  en  qualque  aprest, 
A|)arelha  you   sjouc  et  prest, 

LA   SERVENTO 

Comanda-me,  si  volé  ren; 
Ma  volunta  vos  sabé  ben. 

•  LO    PREMIER    ROMAN 

875     Salut. 

LO    SEUOND  ROMAN 

A  VOS  iovo  tamben. 
Que  reconta  vos  de  novel? 

LO    PREMIER    ROMAN 

Marc  a  agu  ung  enfant  tant  bel, 
Ay  entendu,  non  a  gayre. 

LO    TERS  ROMAN 

Salut  a  vos,  mon  bel  compajre. 
880     Tamben  a  vostro  compaignio  ; 
Que  dise,  si  Diou  vos  begnio  ? 
Reconta-nos  qualque  secret. 

LO    SECOND    ROMAN 

Mon  bel  amjc.  saige  et  discret, 
[F"  23  r°j       Si  diou  nos  gardo  de  péril  h, 

885     Contavan  que  Marc  a'gu  ung  filh 
Tant  gent,  tant  bel,  si  ben  forma, 
Si  mays  s'est  vist  de  mayre  na  : 
Vêla  qu'ero  nostre  devis. 

LO  PREMIER  ROMAN 

S'ero  de  vostre  bon  advis 
890     Que  nosFanessan  visitar, 
Como  devon  far  bons  amys, 
Sariouc  content  d'y  anar. 


355  ISTORTO  DE  SANCT  PONCZ 

LO  TERS    ROMAN 

Mjeys  non  nos  poyan  recontrar  ; 
You  soy  tôt  prest  et  apareilha. 
895     Qualque  dom  a  la  palholla 
Poi'tar  sario  très  ben  fach. 

I-O  PREMIER  ROMAN 

EU  a  ja.  pron  qu'ella  Ta  fach, 
Si  leva  a  pron  de  temps. 

LO  SECOND   ROMAN 

Anen  y  deman  tos  ensens 
900     Kt  tos  dos  benestrugeren. 

LO  TERS  ROMAN 

Arabe  el  ung  pauc  devisaren, 
Car  home  el  es  de  grand  sagesso. 
Deman  donquos  prendren  Tadresso, 
Et  tôt  très  nos  acoblaren, 

LO  PREMIER  ROMAN 

905     Sen  faulto,  plaser  ly  faren, 
[F*  23  V"'       Car  el  nos  ve  ben  volentier. 

LO   SECOND  ROMAN 

S'es  ung  home  franc  et  entier, 
Et  plen  de  toto  prodlioraio. 

LO  TERS  ROMAN 

El  amo  autan  ben  baronio 
910     Et  pren  plaser  de  devisar. 

Nota  quod  hic  opportet  mutare  infantulum  in  x>uerum 
adolescentem,  ut  doctoribus  tradatur  imbuendus. 

KRIANT 

De  qualque  part  chai  advisar, 
Bruyant,  Rifflant  et  tu,  Grantdent, 
Que  nos  poyssan  aver  d'argent. 
Que  deven  nos  eyssi  musar  ? 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  353 

BRUYANT 

915     Que  deven  nos  ejssi  rusar  ? 

RIFFLANT 

Lo  fuoc  si  pojsso  ben  brasar 
Cel  (ju'es  de  nos  plus  diligent. 

GRANDENT 

Vêla  ben  dich,  compaignon  gent; 
Mas  qui  de  nos  plus  diligente? 

BRUYANT 

92(1     El  a  sa  raaniero  tant  gento 

Qu'el  ressemble  ung  estront  flori. 

[F°    24   r"  KRIANT 

Vay  au  diable,  villan  porri, 
Tant  sios  de  parlar  deshonest. 

BRUYANT 

Anen,  non  fassan  plus  d'arrest, 
925     En  qualque  luoc  juar  lo  vin. 

RIFFLANT 

Anen  veyre  l'oste  Martin, 
Car  el  ten  de  bon  muscatel. 

G MANDENT 

Anen  far  tubar  lo  chapel, 

En  attendent  que  veigno  nuedi. 

PRIANT 

030    Qualquo  ren  trobaren  de  cuech  ; 
El  ten  volentier  ben  provy. 


GRANDENT 

Per  la  mort,  tu  sares  auvy. 
Que  deven  nos  eyssit  sonjar? 

BRUYANT 

Holla  1  bon  poyren  nos  lojar 


354  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

935     Per  mays  anuech,  dise,  nosti-e  hoste  ? 

l'oste 
Intra  sol,  senso  tant  brojar. 

PRIANT 

Holla !  hon  poyi'en  nos  lojar? 

I/OSTE 

N'arrestaré  pas  a  cojar, 
[F°  24  V]      Mos  compaignons,  quant  que  me  co^te. 

RIFFLANT 

940    HoUa  !  on  poyren  nos  lojar 

Per  mais  anuech,  dise,  nostre  hoste '^ 

l'oste 

Et  perqué  ?  non  lo  es  tôt  vostre, 
0        Vueiiha  ou  non.  et  corps  etbens? 

GRANDENT 

Ajan  de  vin,  l'oste  d'eyssens. 
945     Sabes  que  ?  porto  dal  meilhor. 

l'oste 

Et  vos  n'auré,  et  de  la  floi-: 
Vcla  de  pan,  vêla  de  cliar  ; 
Vêla  bon  vin,  mas  el  es  char  : 
Mas  a  vos  non  chai  de  la  costo. 

PRIANT 

950    Diou  gart  de  mal  et  l'oste  et  l'osto 
Que  fay  tallo  provision. 

l'oste 
Mos  compaignons,  l'es  vin  de  co^o. 

RIPFLANT 

Diou  gart  de  mal  et  l'oste  et  l'osto . 


ISTORIO   DE  SANCT  PONCZ  355 

l'oste 

El  es  melhor  que  non  fav  mostro  : 
955     Si  es  eyro  ben  de  seson. 

BRUYANT 

Diou  srart  de  mal  et  l'oste  et  l'osto 
Que  fay  tallo  provision. 

[F°  26  r"]         Eyssi  fan  bono  chiero  los  tirans. 

MARCUS 

-Mays  huj  jou  ay  intencion 

Que  mon  filh  Pons  ane  a  l'escolo  ; 
960    Joynesso  si  es  tant  frivolo, 

Qui  la  laysso  anar  sens  chasti. 

Partant  la  chai  trobar  parti, 

Tant  mentier  qu'es  en  juventu, 

Qu'el  se  metto  a  la  vertu 
9(35     D'aprendre  lettros  et  escripiuro. 

S'uno  fes  el  en  fay  naturo, 

Toto  sa  vito  ly  tendre. 

JULIA 

Pensoc  que  ben  el  aprendiû, 
Car  el  si  m'a  trop  bel  aspect, 

MARCUS 

970     Poncz. 

PONCZ 

Mon  payre. 

MARCUS 

A  mon  conspect 
Présenta  vos  appertament. 

PONCZ 

Far  voloc  vostre  comandament. 
Senso  a  ung  sol  mot  contendre. 

MARCUS 

Voloc  que  vos  ané  aprendre 


356  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

[F"  26  v"J       Las  lettres  sufficientameiit. 

PONC/ 

Vav  voloc  vostre  maiularaent, 
Senso  a  ung  sol  mot  coiitendrc. 

MARCUS 

Varlet. 

LO  VAHLET 

Mon  mestre. 

MARCUS 

Vay  te  rendre 
Vers  Valeri  et  si  ly  dy 
98()     Qu'el  me  veigno  parlar  eycy, 
Si  ly  pleyré,  incontinent. 

LO    VARLET 

D'y  anar  soy  très  ben  content  ; 
En  breau  aurey  fach  lo  messaige. 

Vadit  ad  Valermm,  adolescentem. 
MARCUS 

Poncz,  mon  filz,  mas  que  syos  saigo 
985     Et  qu'aprenes  ben  doulsament , 
Si  tu  scios  sobrevivent. 
Tôt  aures  tu^per  heretaige  : 
Tyou  saré  lo  premier  dalmaige, 
Monfilz,  si  tu  t'as  autrement. 

PONCZ 

UOO     Payre,  pensoc  far  talloment 
Et  legir  si  frequentament, 
Qu'en  breau  de  my  vos  veyré  raige 

[F"  27  V°]  MARCUS 

Ponc/,  la  saré  ton  avantaige 
Et  ton  honor  segurament. 


ISTORIO  DK  SANCT  PONCZ  357 

LO  VARLKT 

995     Se  VOUS  Valier  Tadolesoent? 
Si  vous  se  el,  dise  le  me. 

VALERIUS  AKOr-ESCENS 

Valeri  soy,  per  nostro  lé. 

Mas  que  vos  play  de  ma  persono? 

LO   ^■ARLET 

Marc,  lo  senator,  si  vos  sono  : 
1000     Pleyré  vos  d'y  venir  parlar? 

VALERIUS    ADOLESCENS 

Cossint?  el  me  po  comandar, 
Et  vos  dise  si  me  play! 
Embe  vos  y  vauc  sens  delay 
Per  ver  que  me  volré  parlar. 

LO    VARLET 

1005     Anen,  [luisque  vos  play  d'y  anar, 
Car  dobtoc  d'aver  trop  tarsa. 

Vadunt  simul. 
VALERIUS    ADOLESCENS 

Madamo  s'es-ello  apaysa 
De  sa  grando  malencolio  ? 

LO  VARLET 

Tôt  a  "gu  fin,  tôt  s'eysublio. 
[F°  27  v"^       Ben  a  porta  dolor  mot  grant. 

VALERIUS  ADOLESCENS 

Et  Poncz,  que  fay? 

LO    VARLET 

El  es  ja  grant, 
Lo  volon  mandar  à  Tescolo. 

VALERI    ADOLESCENS 

Ben  fos  ista  Julia  folio, 


358  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

Si  d'ello  en  fos  vengu  meysap. 

LO   VARLET 

1015     Bon  Valeri,  Ton  non  sap 

Lo  mal  qu'ello  a  volgu  suffrir 

Per  al  ventre  lo  far  mûrir  ; 

Et  depuis  qu'el  es  agu  na, 

Tant  de  cops  ello  ly  a  dona 
lOi-'O     Qu'es  uno  chauso  de  non  crcjre 

Totas  fes  la  lo  fay  bon  veyre 

Et  se  porto  notabloment. 

MARCUS 

Vos  vené  ? 

VALERIUS  ADOLESCENS 

Oc,  segurament 
Vers  vos,  como  soventengu, 

Xota  quod  opportet  quod  iste  Valerius  sit    in  etate  adolescenlis , 

si  possïbile  sit. 

[F"  28  r"J  MARCUS 

1025     Vos  sia  lo  tresque  benvengu. 
Youc  vos  voloc  recomandar 
Poncz,  mon  filz,  que  voloc  mandar 
Per  aprendre  a  la  grant  escollo. 
Como  sabé,  juvento  vollo  ; 

1030     Si  vous  play,  l'acompaignaré, 
De  folear  lo  gardaré 
Et  de  my  saré  satisfach. 

VALERIUS  ADOLESCENS 

Mosseignor,  so  es  pauc  de  fach  ; 
Toi  possible  farey  per  vos. 
1035     Or  vené  say,  mon  amy  doulx  ; 
N"y  vendre  vous  ben  ambe  my? 

PONCZ 

0  ben,  Valeri,  mon  amy, 


\ 


ISTOHIO  DE  SANCT  PONCZ  359 

D'aprendre  es  ben  lo  voler  myou. 

MARCUS 

Mena-lo  ambe  vous,  vous  preouc, 
1040     Et  si  lo  tené  ben  a  ment. 

VALERIUS  ADOLESCENS 

Non  vos  chaillio  seguroment. 
Creouc  tam  ben  proffitaré 
Que  grant  honorel  vous  farc. 
Autant  ben  a  tôt  lo  lignaige. 

Hic  vaditnt   shinil  ad  scollas. 

PONCZ 

1045     Valeri,  you  ay  tant  bon  couraige 
iF"  28  v°]      Que  vos  non  ho  creyria  jamajs. 

VALERIUS  ADOLESCENS 

Poncz,  la  non  ha  si  grant  lo  fays 
Que  non  ressemble  esser  legier 
Quant  ont  lo  porto  volentier  ; 
1050     Pertantqui  volentier  apren 
Faciloment  trestot  compren  : 
Eysso  si  es  trop  verteyer. 

Hic  radunt' siviul  ad  scollas  et.  si  sit  possibile,  iiitersinl  l'Iumi. 
inulti  alil  pueri,  cum  Vihrh,  pro  décore  ystorie 

IMPER ATOK  PATER 

Mestre  d'ostal,  mon  escuyer, 

Et  vos  aultres  de  la  meyson, 
1055     Auvé  un  pauc  nostro  reson  : 

Ma  volunta  ero  incita 

De  mettre  edit  perla  cita 

Et  per  tôt  lo  circuyt  de  Romo. 

Que  non  fosso  ausa  persono 
1060     De  Cristcolre  publicoment, 

Sus  la  peno  de  banniment. 

S'ellos  volon  tenir  lo  rit 

D'aquel  qu'apellon  Jhesu  Crist, 


360  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

Et  lor  fais  et  lor  damna  cuit, 
10(55     Almens  que  lo  teignon  occult, 

Affin  que  lo  poble,  qu'es  simple, 
Non  y  preigno  malvas  exsimple. 
Qu'en  disé-vos,  Philip,  mon  filh? 

[F"  30  r°]  IMPER ATOR    FILIUS 

Aqui  ont  jay  mays  de  perilh, 
1070     Lay  plus  cautoment  es  de  far. 

Seignor  mon  payre,  aquest  affar 
Layssoc  a  vostro  volunta  ; 
So  que  vos  avé  cy  conta 
Non  poyrio  esser  mieys  dicli. 

LO  MESTRE   d'OSTAL 

1075     Sacras  coronos,  lo  edich 

De  vostres  haulch  predecessors 
Inhibissent  tallos  errors, 
Et  de  lor  possibilita 
Contro  crestians  an  milita. 

1080     Sy  l'on  regardo  las  cronicos, 
Si  ben  fachos  et  tant  antiques, 
L'on  trobaré  que  tais  excès 
Xrestianiques,  per  exprès 
Son  prohibis,  de  mon  conseilh., 

1085     Si  tant  quant  n'a  sobz  lo  solelli. 
Mas  que  la  fosso  ben  coiuiucli, 
Fosso  tôt  tua  ou  reduch, 
Grant  ben  sario  per  Teraperi. 

l'bscuyer 

Haultz  imperours,  tal  vituperi 
1090     Non  vueilha  pas  sostenir; 
Si  vous  volé  ben  mantenir. 
Sens  aver  degun  improperi. 
Chascun  sap  ben  queja  lé  dy 
Que  qui  a  l'emperi  contrady 
1095    Admerito  perdre  la  vito. 
[F"  30  V**]     Pertant  n'y  auré  pas  trop  grant  mal 


ISTORIO  DR  SANCT  PONCZ  361 

Si,  per  edit  especial, 

A  ben  vioure  on  los  incito. 


IMPERATOR  PATER 

Sus!  que  ma  conscienso  s'aquitto; 

1100     Que  xrestians  non  vean  plus  ! 
You  ay  en  mon  volor  conclus 
Que  per  Romo  fassa  criar 
Xrestians  qu'on  deou  descriar, 
Et  que  n'auson  publicoment 

1105     Far  lor  uffici  nullement, 

Car  suroment  m'es  trop  molest. 

LO  MESTRE    DOSTAI- 

Depuis  que  tal  es  vostre  arrest, 
La  saré  fach,  non  tardaré. 

IMPERATOR  FILIUS 

Et  tôt  lo  [dus  prest  que  Ton  pojré, 
1110     Car  la  chauso  estrop  exoso. 

l'escuyrr 

Oc,  vravoment  et  dan^evroso, 
Vos  promettoc,  per  l'avenir  ; 
Pertant  y  deou  ben  advertir 
Vostro  dignita  gloriouso. 

LO   MESTRE    d'oSTAL 

1115     Aquesto  chauso  tantroignoso 
La  me  chai  eyro  reveilhar. 
Sa,  trompeto,  vay-t'en  criar 
[F"  32  r"]       Appertoment,  per  toto  Romo, 
Entend  que  chascuno  persono 

1120     Que  del  fais  Crist  es  nomma 
De  par  l'imperi  es  comma  ' 
Non  se  trobar  paleysament, 
Sus  la  peno  de  banniment, 

*  C'est-à-dire  nomma  =»  sominée. 


36-2  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

Et  sacrifioi  Tou  non  fasso, 
1125     Si  non  qu'els  dioux,  en  toto   plasso, 
Sus  la  peno  qu'es  dessus  dicho. 

i/escuyer 

Or  te  despaclio,  FreLomicho  : 
Vayfarprest  so  que  l'on  t'a  didi. 

RRIKFAULT 

Criar  ou  vauc  sens  contradich, 
11:{0     An  jirant  lionor  et  reverentio. 

I-O    MBSTRE     d'oSTAI. 

Venint. 

Pailhars,  mot  plens  d'irreverencio, 
Fi'iant,  Bruyant,  Rifflant,  CTrantdenr, 
Vos  advertissoc  sopendeni.  : 
Facho  que  saré  nostro  cryo, 

1135     Quant  vos  anaré  per  la  vyo 
Et  que  xrestians  vos  recontré, 
Coraandoc  que  los  acotré 
Conao  sabé  en  bono  sorto, 
Et  puis  en  nostro  prevson  forto, 

1140     Tôt  chault,  tôt  chault,  los  rediiyé. 

PRIANT 

Fach  saré,  puisque  ou  voilé. 
[po  32  v°j      Anen,  barons,  far  qualque  mal. 

BRUYANT 

Ben  n'auren  nos,  si  m'en  crejé, 
Que  faren  corre  mon  cheval. 

RIFFLANT 

1145     Circuyr  chai,  amont  et  aval, 

Senso  menar  grant  brut  ny  ralho. 

GRANDENT 

En  breou  n'auren  ;  auren  hostal, 


ISIORIO  DE  SANCT  PONCZ  363 

Rifflant,  mon  amy.  non  te  chalho. 
Hic  vadunt  circttentfis  Romam  quatuor  )>rrseqntorex. 

RRIFFAULT 

Si  criarey,  vailho  (jue  valho  : 
1150     L'on  fay  a  tos  comandament 

Exprès,  et  fort  inhibiment, 

De  par  lors  imperours  sacras, 

A  tos  xrestians  cèleras, 

Tenench  secto  pleno  de  vici, 
1155     Qu'en  public  n'auson  far  uffici 

Ny  conversar  publicoment 

En  gleysos,  villo  ou  aultroment, 

Sus  la  peno  d'esser  bannys, 

Per  tôt  temps,  de  tôt  lo  pays  : 
1160    Or  se  garde  qui  s'araaré. 

Tercius  sacerdos  pape,  audiet  ista  verba  s^eu  prec.ppta, 
et  dieet  intra  se. 

LO   TERS    CHAPELLAN 

Hellas!  hellas!  et  que  faré 
[F"  33  r"]      Sur  so,  hellas!  nostre  sanct  payre? 

Que  faré  el,  ny  que  dire  ? 

De  grant  dolor  non  viouré  gayre, 
1165     Trobar  lo  vauc  a  son  repayre; 

Mas  non  say  como  eyso  ly  dyo.  — 

Sancto  et  sacra  seignorio, 

L'on  a  ci'ia  eyro,  bâtent, 

Que  on  n'ause  publicament 
1170     Far  ny  dire  lo  divin  uffici. 

Volria  vos  plus  grant  malefici 

Venir  sus  la  meyson  de  Diou  ? 

PAPA 

Non  vos  en  chalho,  amie  mj'ou  ; 
Diou  vol  sos  bons  amycs  provar. 
1175    S'en  public,  en  gleyso,  trovar 
Non  ausen  per  dire  l'offici, 


a64  ISTORIO  I)K  SANCT  PONCZ 

Diou  sap  non  tasen  pas  per  vici. 
Tallo  es  la  mjo  intencion  : 
Perce verar  en  oration. 
11<S0     Publicament,  occultanient, 

De  1res  lion  cor,  intenta  ment. 
Et  tenir  tallo  reglo  et  nornio 
Qu'aquello  lalso  vito  i nornio 
Sj'O  dal  tôt  extermina. 

r,0    MESTRE  d'eSCOFJ,0 

Veniat. 

11.S5     Chai  que  Poncz  .sjo  examina, 
Puisqu'el  a  ben  sa  gramatico 
El  que  logico  a  eu  pratico, 
Et  qu'el  entend  qualquo  partio 
Autant  ben  de  philosophio. 
[F'  33  v^      /)ic  quid est  pkilosopina? 

s.  PONCZ 

PliiloHophia  est  divinarum 
Et  eliarii.  rerum  humanorinn 
Ver  a  cognitio. 

LO    MESTRE    d'eSCOLLO 

Ben  as  dich. 
Ejsint  Socrates  Ta  escrich 
1195     Et  l'a  nomma  sapiencio. 

Respond  aquesto  differencio  : 
l^hilosophiu  qunluplex-' 

s.    PONS 

Domine  my,  est  duplex, 
MoraliK  et  naturah's. 

MAGISTER 

12f)0     Moralis  quid  docef/ 

s.    PONS 

Animi  mores. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  365 

MAGISTER 

(Jui  sunl aniini  mores! 

s.     PONS 

Justiciu,  (l'iii/jf/auciii, 
Forlitudo  et  prudenria  '.' 

MAGISTRI'. 

12(15     l'ilinu,   quid  esl  lushnn'.' 

s.     FONS 

Est  nature  conventio  tacita, 
In  adjutoriuin  mulfuiiiin  inventa, 
[F"  34  r"]  Ne  eut  nocealur 

El  cumiini  vtililali  -ierviatur. 

MAGISTER 

1210     Tu  as  ben  ta  leysson  nota. 
Que  sunt  hujus  preccpta  ? 

,  s.    PONS 

Sunl  liCDtcate  ciuere, 
Alterum  non  ledcre. 

MAULSTER 

El  JiK  uniCHique  trihuere»  . . . 
1215  Ternperancm  ? 

s.    PONS 

Est  ani'mi  motus  cohiôere 
Et  rationi  ohedienter  efficere. 

MAGISTER 

m 

I'  (irlitiido  l'st  ! 
>.    Po,\.S 

.Von  Iriitari  in  aduersis, 
1220     Sec  extolli  in  proapei  is. 

MAGISTER 

Prudencia  ?  . .  .Rerwn  honarum . .  , 


366  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

S.    PONS 

Discretio  et  înalarum^ 
Cum  electione  boni 
Et  fnga  mali. 

MAGISTER 

1225    Hec  dicit  Seneca  ne? 

s.    PONS 

Etiam,  wy  domine. 

[Fo  34  VO]  MAGISTER 

Naturalia  ? 

s.    PONS 

Dividitu?' in  phisicam, 
Logicam  et  metha/isicam. 

MAGISTER 

1230    Bene  dm's  ;  hec  sufficiant.  , 

Estudio,  ven  a  l'avant. 
Car  la  non  es  plus  grant  richesso 
Que  d'aver  an  si  grant  sagesse. 
Qui  a  vertu  se  dono, 
1245  Vicis  abandono 

Et  saige  deven; 
Sajo  es  la  persono 
Ont  vertu  resono, 
Al)ondo  tôt  ben. 
1240     Saches,  et  de  my  so  reten: 
Que  Jay  ont  es  la  sapiencio, 
Non  po  habitar  indigencio. 
Car  tôt  ben  ambe  ello  si  ven, 

Xot'i  quod  hic  possvnt  Pontius  et  Vaîerius  recedere  a  scola 
et  ire  domum. 

FRIANT 

1245     Et  dont  ven  Brifault?  dont  ven? 
Non  dires-tu  qualco  messonjo? 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  367 

BRUYANT 


Laisse  lo  anar,  Friant;  el  souj 
Per  recontar  qualco  sorneto. 


RIFFLANT 


Quen  home  per  porta:-  o.orneto! 
[F"  35  r°       Mas  (jirello  tbsso  très  beii  torto. 

BRIFFAULT 

Mas  lo  grand  diable  que  t'enporto, 
Tu  et  toto  ta  compaigniol 

GRANDENT 

El  dy  qu'es  d'Esclavonio, 
L'entende  vos  a  son  parlar? 

FRIANT 

1255     Anen. 

BRUYANT 

Mas  ont? 

RIFFLANT 

Tos  cinq  colar 
Uno  pinto,  et  dal  melhor. 

GRANDENT 

De  cinq  Tung  sio  lo  seignor 
Et  pavaré  de  toch  Tescot. 

FRIANT 

Brifault  plus  saige  que  Tescot 
1260     La  vinejo  si  payaré. 

BRIFFAULT 

Mauldich  s.yo  qui  falhiré. 

Pajar  vauc  per  chescun  ung  pot. 

Hic  vadunt  simul potum,  siveUint. 

s.    PONS 

Valeri,  anen,  nos  isten  trop 


368  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

Par  devers  nostre  preceptor. 
Hic  vadunt  ad  scolas  simul. 

VALERI 

1265     Anen  auvir  lo  nostre  au  et  or. 

Grant  faulto  es  perrlition  de  temps. 

rp"  35  v°]  p.-vPA 

Enfans  en  Crist,  sia  contens 
De  reveilhar  vostre  es[)erit 
En  lauvant  dieu  Jbesu  Crist, 
1270     Ejssint  qu'aven  acostuma, 
D'ung  voler  ardent  aluma, 
D'amor  et  jojo  spiritualo, 
En  aqiiesto  honesto  sallo, 
Puisque  n'ausen  dire  en  public. 

LO    PREMIER    CHAPELLAM 

1275     Diou  reraediaré  a  lor  edit 

En  breau  de  temps,  si  \y  pleyré. 

LO    SEGOND   CHAPELLAN 

Diou  a  tôt  remediaré; 
P'asen  so  qu'es  a  nos  possible. 

LO    TERS    CHAPELLAN 

Lo  n'es  imperour  tant  terrible 
1280     Qu'el  non  abajsso  quant  volré. 

PAPA 

De  par  Diou  Ton  aprestaré 
En  aquest  luoc  qii'es  asses  bel, 

UEUS  PATER 

Vay  t'en,  mon  angel  Gabriel, 
.\1  papa  signifiar 
12H5     Qu'el  non  vueilho  refïuar 

Ung  enfant  qu'envers  si  vendre, 
Car  a  my  el  se  rendre 
Et  d'el  se  faré  batear. 


ISTORIO   I>E  SANCT  PONCZ  369 

[F°   36  r°]  GABUIEL 

Vostre  mcssaige  jou  vaiicfar, 
l'-90     Iiifinio  bonta  et  clemencio, 

Ambe  tremor  et  reverencio. 

O  home  de  Diou  qui  servir 

A  Diou  voiles,  vueillios  m'uiivir: 

Messagier  sov  de  Diou  puissant. 
rJ95     A  tu  vendre  ung  bel  enfant 

D'v  iibrii'non  vueilhos  recusar; 

Benignoment  vueilhos  usar, 

Car  baptesrae  de  tu  prendre. 

PAPA 

Tes  grans  obros  qui  comprendre, 
1300     Très  haut  seignor?  degun  sens  faulto. 

Intra  xemetipsitm ,  aient  nihil  audierit.sed  tamen  inspirotuit 

a  Deo. 

l)i-oii  tôt  bas,  non  a  vox  aulto. 

Chantant. 

Deu-i  (in/ciii  noater  in  cela; 
Oiiinin  quecuiique  voluit  fecit. 

DUO  SACERDOTi:s 

Simulacra  f/ciiliuin  aurnvi  e/  argent lo/i, 
l;î05     Opéra  vianuuni  honiiniim. 

PAPA    Cl!M    ALIO    S.VCERDOTE 

Os  ha/jt'iit  et  non  loqnentur, 
Ocuios  habent  et  non  videbunt. 

If'/r  m  platea  aiidient  Poitcius  if  Valerius,  et  Ponci"?, 
illuiiiiiiatus  quodaniuiofln  Sjùr'itu  Sancto,  ulta  msp'iria 
a  pectorr  trahat. 

[F"-36vo]  DUO  SACEKDOTE.S 

Aures  habent  et  non  audienl ; 
Nares  habent  et  non  odorahunt. 


370  I6T0RI0  DE  SANCT  PONCZ 

PAPA  CUM    SUO    JUVAMINE 

i:UO  Manus  hahent  et  non  palpahunt, 
Pedes  habent  et  non  ambulabunt, 
Non  rlamabunt  in  f/uttuve  sun. 

DUO    SACERDOTKS 

Similes  illis  fiant  qui  faciunt  en 
Et  omnes  qni  confidunt  in  eh. 

s.    PONS 

1315     Qualo  annonio  1 

VALERI 

k  mon  advis, 
De  dolsor  non  senti  mays  tanto. 
Oratio. 

S.  PONS 

Diou  per  qui  eysso  se  chanto, 
Dono  m'aver  de  tu  noticio. 

Postea  fortiter  (h)  ostium  puhet. 

PAPA 

Modero,  Diou,  la  sevicio 
1320     Dais  imperours  qu'es  si  très  forto. 

LO    PREMIER    CHAPELLAN 

Ung  home  picho  a  la  porto 
Et  non  fay  que  se  tormentar. 

[F°  37  r"]  PAPA 

Ubré-ly  et  leyssa-lo  intrar  : 
De  tais  eslo  reaime  dal  cel. 

LO    SEGOND   CHAPELLAN 

1325     Vené,intra,  mon  enfant  bel, 
Et  aussi  vostro  compaigno. 

s.    PONS 

Valeri,  intra  como  que  scio, 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  W.  1 

La  nos  chai  tarung  tal  devev 
Qu'enteiifire  puissan  et  saber 
13H0     Lo  fi'iic  de  talo  melodio. 

Genibus  jtexin,  ante  papam . 

Sanct  paji'e,  humblaraont  l'on  vus  |u'co 

Qu'a  tos  dos  nos  sio  monstra 

Et  de  ponch  en  ponch  demonstra 

So  que  \oseliantava  tant  bel. 
l.S.'î5     Disent:  «  Notre  Diou  es  en  ce!  ; 

Los  simulacres  de  la  gent, 

Manufach  d'aur  ou  d'argent. 

Son  sorchz  et  non  y  vojou  ren  ; 

Non  senton,  non  palpon  autant  ben.  » 
1340     Encaros  vos  auvy  dire 

Ung  mot  que  me  ressemblo  pire  : 

«  Semblables  d'aquellos  fach  sjon 

Tos  qui  en  aijuellos  se  confyon.  » 

Déclara  m'ejso,  si  vos  plaj. 

PAPA 

L34o     Doulx  tilz,  jou  saboc  so  per  vray, 

Que  Diou  si  t'a  illumina, 

En  aquest  terme  termina 
37  v°l       Per  entendre  la  verita. 

N'as-tu  pas  la  securiia 
1350     Que  so  que  adoron  la  gent 

Es  fer,  loton,  or  ou  argent, 

Peyro  talha  d'ejssalpre  o  serro  : 

Et  non  son  dioux,  mas  es  de  terro, 

Puis  en  terro  retornaren? 
1355     Lo  diou  en  quai  esiieren 

Si  es  layssus  en  paradis- 

Aquellos  que  son  sos  amys 

Lo  veyon  de  l'ueilh  cordial 

Et  non  pas  de  l'ueilh  corporal. 
1360     Fins  a  tant  qu'ellos  si  saren 

Layssus  emb"  el  et  lo  veyren, 

Mon  filh,  aloro  facio  a  facio; 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

So  es  verita,  non  falacio. 
Mas  aultres  faUices  ces  dioux 
i;;65     Seduyon  la  gent,  bels  filhs  myoux, 
Danipna  el  niond,  si  non  s'esmendo, 

s.  PONS 

Qui  es  aquel  que  non  inten<lo 
Qui  son  sens  arrao  et  movement 
En  temple,  plassos  et  al  vent  ? 

1370     Nos  vejen  prou  que  son  pausas 
En  for  et  en  plomb  ben  fermas, 
Perqué  non  veigno  en  fracturo. 
Saben  que  son   d'homes  facturo 
Et  souvent  des  leyrons  raubas. 

1375     Encuy  son  hauch  et  deman  bas; 
Encuy  amont,  deman  aval. 
F"  38  r"]       Cossint  gardon  lo  mond  de  mal, 
Si  dal  mond  ellos  son  gardas? 

Accij)iat  enm  papa  cuminanu  et  eiiin  sederefaciat. 

PAPA 

Asseta  vos  en  aquest  las, 
1380     Et  si  parlaren  plus  aplen. 

s.  PONS 

Non  admerito  tant  de  ben 
D'esser  ambe  vos  asseta. 

PAPA 

Tal  doctrino  Diou  n'a  dona 
Que  tos  en  el  ung  nos  sjan, 
1385     L'ung  a  l'autre  nos  tribuan 
L'espiritual  desideri. 
Comm'avé  non  ? 

s.  PONS 

Pons.    • 

VALERI 

My,  Valeri, 
Haulto  et  sancto  paternita. 


ISTORIO  DE  SANCT  POKCZ  373 

PAPA 

Al  nom  de  l'aulto  Trinita. 
l.SOO     Creou  que  Diou  vos  a  invita 

Per  vos  far  de   sos  amycs  bons. 
Dise  medoncquos,  mon  filh  Pons, 
Avé  vos  uy  pnyre  ny  majro? 

s.   PONS 

Ma  mayre  es  morto  non  à  gayre, 
[F"  38  v",       .\Ieiicli,  mon  char  seignor,  de  dos  ans: 
Mon  payre  es  viou  et  a  de  grans  ans. 
Et  non  aultre  unique  âlh. 

PAPA 

Es  el  xpestian  ou  gentil? 

s.  PONS 

Gentil,  contro  crestians  divers, 
1400     Lo  plus  pessime,  i)lus  pervers, 

Oc,  plus  que  tos  homes  dal  monde  ; 
Degun  es  que  si  fort  abonde 
Contro  xpestians  en  malve.sta. 

PAPA 

Diou  levé  sa  [)erversita, 
1405     Qu'a  illumina  ton  coraige. 

Crey  me,  mon  filh,  et  sares  saige; 
Crey  en  Crist,  fay  te  baptisar, 
Affin  que  poysses  evitar 
De  eternal  fuoc  la  grant  ardor. 

s.   PONS 

141')     î>evoioment  vos  preouc,  seignor. 

Qu'en  vostro  grant  et  sancto  fé 

De  raantenent  me  batisé  ; 

Et  creouc  fermoment,  pa^'re  sant, 

Vostre  Diou  esser  tôt  puissant: 
1415    Sens  el  tôt  es  chauso  vano. 


374  ISTORIO  DE  SAKCT  PONCZ 

VALERI 

De  bon  cor  et  volunta  saiio 
Batisme  demandoc  tamhen  you. 
F"  39  1"         Et  creouc  fermoment  en  Dion, 
Seignor  de  toto  cliauso  huuiano. 

PAPA 

1420     Al  nom  de  la  Trinita  haultano, 
Batisme  vos  saré  autrea, 
Puisque  vos  l'avé  demanda. 

Hic  parantur  omnia  necessaria. 

Creditis  in  Dewn? 

AMBO    SIMUL,    s.    PONS    ET   VALERI 

Ci'edo. 

PAPA 

Patrem  omm'potentem  ? 

SIMUL 

Credo. 

PAPA 

1425     Et  in  Jhesum  Xpistum,  filivm  ejus 
Unigenitum,  dominum  nostrum? 

SIMUL 

Credo. 

PAPA 

Et  effo  vos  haptizo, 
In  noinine  Patris  et  Filii  et  Spiritus  Sancti  Amen. 
Mos  enfans,  garda  vos  ben 
1430     De  jamays  creyre  aultroment. 
Retené  mon  enseignament 
[F"  39  v"]      Garda  tamben  nostro  doctrino. 
Vos  se  salhis  de  la  latrino 
De  respurcicio  dj-abolico, 
1435     Quevos  ero  mot  fort  oblico 
Et  discrepant  a  cognojscenso 


ISTORIO  DE  SANCT  PO.NCZ  375 

Spiritualo,  la  qualo  senso 
On  na  jamajs  eteruo  vite. 

s.    PONS 

Cognojscenso  aven  ben  petite. 
1440     Causant  ma  petito  eta  ; 

Mas  si  aven  nos  ben  nota 

Q'uiigsol  Dieu  nos  chai  adorar, 

Colre,  amar  et  venerar. 

Et  lavssar  totos  vanitas. 
1445     Das  ydolos  las  quantitas  ; 

Toutjor  aussi  nos  tornaren, 

De  vos  myeys  nos  informaren. 

Per  niyevs  a  Diou  tos  temps  complavre. 

PAPA 

Ama  l'ung  l'autre,  como  frayre. 
1450     Et  revené  sovent  me  vevre. 

VALERI 

Et  si  faren  nos  ben,  sant  pajre. 

PAPA 

Ama  l'ung  l'autre,  como  frayre. 

s.    PONS 

Como  si  fossan  d'uuoraayre. 
po  40  r"]      Eyssint  vos  lo  poyé  ben  creyre. 

PAPA 

1455     Ama  lung  l'autre,  como  frayre. 
Et  revené  sovent  me  veyre. 

Recedunt. 

Say  la  cheyero  per  me  seyre. 
O  quai  jornal  aven  nos  fach! 
Quant  s'es  mon  esperit  refFach  ! 
1460     Quai  ben.  quai  joyo  a  près  mon  ar:iio  ! 
A  l'uelh  men  ven  grosso  larmo 
De  grant  plaser  qu'ay  ressaupu. 


3^  ISTORIO  DE  SAKCT  PONCZ 

I.O  PREMIER    CHAPEr.LAN 

Pensavoc  fossan  dessaupu  ; 
Mas  Tes  ista  tôt  lo  contrari. 

LO  SEGOND  CHAPELLAN 

1  t6ri     Aviouc  grant  paour  d'iing  desvari 
Mas  la  paour  en  jojo  es  torna. 

LO    TER s    CHAPELLAN 

Mon  corps  ero  tant  destorua 
Que  non  sabiouc  que  devenir 
Quant  los  aj  vist  tos  dos  venir  ; 
1  170     Mas  tôt  es  en  ben  retorna. 

PAPA 

0  quai  enfant  de  ben  orna  ! 
Majs  non  l'ay  vist  plus  éloquent. 

s.  PONS 

Lo  doulx  et  amoros  convent! 
Lors  paraulos  son  como  rael. 
1475     Semblon  descendues  dal  cel, 
[po  40  V]       Tant  es  fructifiant  lor  vent. 

VALERI 

Quant  a  ma  part,  son  ben  content 
De  vos  aver  acompaigna  : 
M'arrao  si  s'es  très  ben  baigna 
1480     Et  arrosa  spiritualoment. 

s.  PONS 

A  meyson  vauc  seguroment. 
Per  visitar  mon  seignor  payre  ; 
Vos,  si  vos  play,  n'ystaré  gayre 
De  revenir. 

VALERI 

Incontinent 
1485     Per  devers  vos  retornarey 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  077 

Et  compaigno  vos  farey, 

Conio  deou  far  ung  très  bon  frajre. 

Ad  invicem  iteparantur. 
MARCUS 

Tant  per  temps  vos  venO  retrajre 
A- la  naejson.  mon  très  bel  filli? 
1  lyu     l'^jsso  non  es  pas  vostre  stilh 

Qu'avia'pres  la  mort  vostro  majre 

s.    PONS 

Vêla,  mon  seig-noret  mon  pajre, 
Eysinto  l'horo  si  après. 

MARCUS 

Sa,  mon  filh,  qu'avé  vos  après? 
1495     Qualz  termes  ny  dins  quais  au  tors? 

s.    PONS 

[F"  41  r°]       Jamajs  melhors  de  mos  preceptor>5 
N'ay  après  qu'aj  après  encuy  : 
Uno  leysson  que  tout  mal  fui, 
Tant  joyoso  et  tant  plasento, 
1500     De  philosophyo  es  la  regento, 
Sus  tos  libres  a  lo  desluy. 

MARCUS 

Ta  fas  mon  cor  tôt  rejoy  : 
Eysso  me  play  de  ben  aprendre. 
Fay  dever  a  so  que  comprendre 
1505     Puissos  ben  la  philosopliio. 

s.  PONS 

Fayre,  non  sçay  si  lo  vos  dyo  ; 
Si  la  vos  play,  direy  ung  mot. 

MARCUS 

Perqué  non,  mon  filh?  dy  tôt  : 
Lo  es  ben  reson  que  nos  t'auveu. 


3.8  ISTORIO  DE    SANCT    PONCZ 

S.  PONS 

1510     Ay  auvj,  como  esdeven  , 

Que  vauc  et  venoc  de  Tescollo, 
Los  dieux  qu'antre  nos  coUen 
Non  son  que  uno  cliauso  frivolo. 
Dison  uno  talo  [)arollo 

1515     Qu'en  eoulx  n'a  ges  de  magesta. 
Adorai'  los  es  chauso  folio, 
So  dison,  dont  ni'an  infesta, 
Ung  tal  parlar  m'an  adapta 
Qu'elles  an  testo,  pes  et  mans; 

1520    Mas  quant  los  ay  ben  escoutas 
[F"  41  \°]      Entendoc  que  son  membres  vans. 

Que  non  adjuon,  ny  porton  damps, 
Ny  movon,  sinon  que  sion  mogus  ; 
Fachz  per  ans  et  gasta  per  ans, 

1525     Fi-angibles,  corrups  et  caduch. 
Dobtoc  que  n'en  sian  seduch. 
Nos  veyen  quant  calcun  volré, 
Syon  barons,  contes  ou  ducs, 
Sos  dioux  far,  el  se  faré 

1530     A  l'artesan  comm'y  pleyré, 

De  peyro,  fer,  or  ou  (en)  argent, 
Corne  myeulh  lor  consonaré 
Et  tôt  eysint  que  vol  la  gent. 
Mon  payre  et  de  meyson  régent, 

1535     Preouc  vos,  tant  quant  vostre  cou<ta, 
Los  dioux  que  avé  en  ordre  si  gent 
An  vos  jamays  vertu  moustra 
Que  vos  an  tant  de  ben  cousta? 

MARCUS 

Jamays,  ny  los  aultres  trestos. 

s.  PONS 

1510     S'en  ellos  n'a  deguno  bonta, 
Perqué  donc  los  adora-vous? 

MAIICUS 

Ben  es  mon  corps  ]>len  de  coi  roux 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  379 

Truant  maudit,  palhart  pervers. 
Que  ta  mayre  avorta  l'os, 
1545     Faulx  cèlera,  aulx  dioux  advers  ! 
Sen  causo,  non  fasio  tal  vers 
[F"  42  r"!       Et  tal  lament  en  te  portant. 

You  te  tuarey,  crapault  revers  ? 
Sjos  tu  tais  termes  reportant  ! 

Levet  gladium. 

1.550     Fj!  Fy!  qui  saré  suportant 

Tallos  paraulos  es  dioux  mjoux  ? 
You  te  voloc  peyar  contant! 
Injurios  tu  eyssint  mos  dioux? 

Fugïat. 

M'informarey  des  bons  fach  tioux, 
1555     Puisses  très  ben  te  punirey, 
Non  te  chalho,  encar  los  rioux 
De  ton  corps  you  estrenarey. 

• 

s.  PONS 

Hellas!  dolent,  mas  que  farey?  . 
Mon  payre  es  de  my  malcontent  ! 

VALERI 

1560    Pons,  mon  amy,  you  vous  direy 

Diou  faré  vostre  apointament. 

En  breau  cessaré  son  lament 

Et  son  yro,  et  sa  tristor 

Vendre  a  bon  apointament, 
1565     Si  play  a  nostre  creator . 

Hic  examinet  Marcus  in  semetipso  animum  suum,  et  iiderin 

dicat. 

MARCUS 

You  que  soy  ung  senator 
Et  que  soy  ung  conservator 
Dal  ben  public  et  de  las  les, 
Q'ung  tal  parlar  you  suportes  1 
1570    Suportar  lo  !  Jamays,  jamaysî 


380  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

Considérât  in  Ira  se. 

F"  42  v°|       Fer  aventure  valrio  majs 

De  l'interogar  plus  perfond. — 
Tu  comences  venir  al  niond, 
Volles-tu  tenir  autro  lé 

1575     Que  toto  Romo  ten  et  cré? 

Si  nosn'adoren  nostre[s]  dioux 
Ny  sacrifien,  tu  et  los  mioux 
Sens  sacrifie!  nos  saren 
Et  sens  dioux  nos  trobaren  : 

1580     Me  saré  gi'ando  vilita, 
Reputant  ma  civilita, 
Car  non  v  ha  tôt  dedins  Romo 
Si  bon  nj  si  paui-o  peisono 
Qu'es  dioux  non  lasso  sacrifici. 

s.   PONS 

15S5     Prou  n'y  a,  non  pas  lueng  d'icy, 
Saciifians  en  verita 
A  ung  sol  diou  en  Trinita 
Qu'a  fach  lo  cel,  terro  et  la  mar. 

iMAIlOUS 

Et  ont  les  poyren  nos  trobar 
1590     Per  aver  calco  conferencio? 

s.  PONS 

Mon  payre.  doua  me  licencio. 
Et  ung  home  you  vos  merrey 
Prestament  et  non  tardarey 
Que  tôt  au  vray  vous  mostraré, 
1595     L'error  vostro  descubriré, 

Vos  provaré  que  n'es  qu'ung  diou. 

MARCU3 

Vay  lo  querre  doncquos,  filh  myou. 

^F"  43  r"]  s.  PONS 

Tôt  si  anaré  ben,  Valeri  ; 


ISTORIO    DE    SANCT    PONCZ  :^81 

So  es  (le  Diou  lo  vray  misteri  ; 
loUtJ     Aiien  tos  dos  vers  lo  saut  payre. 

VALERl 

Diou  \y  levaré  Timproperi 
D'idolatrio  et  vituperi. 
Chaminen,  non  arreste[n]  gayre  ; 

Vàdimt  ad  summum  pontificem   ambo. 

Encaros  se  poyrio  retrayre 
lrt05     L'ate,  quasi  lo  me  consonne. 

s.   PONS 

Très  hault  payre,  sancto  persono 
Nos  retornen  devers  vous. 

PAPA 

Ben  sia  vengus,  mos  enfans  doulx: 
Diou  vos  creysso  en  bonos  vertus! 

s.  PONS 

1610    Sanct  payre,  nos  si  sen  vengus 

Per  ung  fach  que  voloc  contar; 

Tal  fach  es,  mas  que  recontar 

Non  vos  sio  attedioux  : 

Mon  payre  si  es  fort  yroux 
1615     Encontre  my  que  n'y  a  que  dire, 

Sol  car  l'y  ay  troba  a  dire 

De  la  culturo  de  lor  dioux, 

Quelz  plasersson  ista  los  sioux. 

Pauc  s'en  falh  que  non  m'a  batu. 
1620     Quant  sa  furor  a  agu  abatu, 

Cessa  ung  pauc  la  differencio, 

Tal  aven  agu  conferencio 

Tal  rasonament  et  parti 

Que  d'el  you  me  soy  desparti 
F  43  v        Per  ung  home  vers  el  menar 

Que  myeys  lo  sapio  informar. 

Me  soy  pensa,  como  innocent, 


3Si  ISTORIO  DE    SANCT  PONCZ 

Venir  ont  es  lo  fundament. 
Dont,  si  play  a  la  sanotita 
1C30     Venir  en  pauco  quantita, 
Comben  que  non  sio  rason, 
De  qui  a  la  pauro  meyson. 
Se  faré  ung  appointament, 
Que  pleyré  a  Diou  omnipotent. 

PAPA 

1635    Me  play  ben  de  m'y  transportar 
Per  a  vos  qualque  fnic  porlar 
Et  a  si,  touchant  a  son  armo, 
Anen  senso  criar  alarme, 
Al  mench  de  brut  que  se  poyré. 
ItaassodaUir  ahunotantum  sacerdote,  Poncio  et  Valerio. 

MARCUS 

1640     Qu'aquest  garson  demoraré  ! 

M'aurio  el  jamajs  desempara? 

Per  ung  despiech  so  el  faré. 

Paour  Taure  de  my  sépara! 

De  sa  perdo  sariou  tara, 
1645     La  meyson  toto  confonduo, 

Qu'a  brut  d'esser  de.  bens  para, 

Saryo  d'hault  en  bas  fonduo. 

LO  VARLET 

En  breu  ve^'ré  vos  sa  vçnguo  ; 

Non  vos  tormenté,  mon  doulx  mestre, 

[F"  44  r"]  LA  SERVENTO 

1650     S"el  non  ven,  vous  soy  entenguo. 
El  non  es  ponch  dal  las  senestre. 

LO    VARLET 

El  es  galhart,  legier  et  destre  ; 
Ben  se  gardaré  d'ung  dangier. 

MARCUS 

El  es  mon  filh,  mon  costa  dextre, 
1(355     Flor  et  lo  fruc  de  mon  vergier. 


ISTORIO  DE   SANCT    PONCZ  383 

S.   PONS 

Saiict  pavre,  buta  vous  premier. 
Et  non  creigné  en  ren  \y  respondre  ; 
El  es  ben  ung  tal  escuyer 
Qu'eysavaré  de  vos  confondre. 

PAPA 

1660     Como  ung  moton  per  anar  tondre 
I/nmiliarey,  si  play  aDiou. 

LO  PREMIER  CHAPELLAN 

Lalo  vos  chaire  donc  respondre 
Per  lo  far  bon,  aj  grant  paour  you. 

s.   PONTZ 

Salut,  mon  payre. 

MARCUS 

Et  puis,  filh  rayou, 
1665     Es  eysso  Thom  que  m'as  conduch? 

s.   PONS 

Oc,  mon  payre,  lo  mieys  instrucli 
[F°  44  V'']       Que  syo  dedins  la  cita, 

Sanct,  dévot,  d'amour  incita 
Per  vos  veyre  si  es  mogu. 

MARCUS 

1670     Sialo  tresque  ben  vengu, 

Et  autant  ben  la  corapaignio. 

PAPA 

Et  vous  ben  troba,  prodhomio. 
Ambe  tôt  so  que  vos  ama  ! 
Eysi  vostre  filh  Pons  si  m'a 
1675     Conduch  seyns  a  vostro  raeyson 
Per  certano  causo  et  reson 
Qu'avé  entre  vos  a  devisar, 
Dont  aurio  ben  grant  désir 
D'entendre  vostro  differencio. 


384  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

MAROUS 

1080     Differencio!  Mas  indecencio 
D'ung  parlar  qu'el  ma  récita  : 
M'a  dich  que  ha  auvj  per  la  cita 
Que  los  dioux  de  los  Romans 
Son  statuos,  corps  muchz  et  vans; 

1685     Los  adorar  es  grant  folio. 
So  m'a  dich,  dont  fellonio 
M'en  (n')a  ben  prest  pica  a  la  te>!to. 
Dont  y  penset  aver  nialo  festo. 
Apres  quel  furour  fo  passa, 

1690     Ly  dj's  per  terme  compassa: 
S'e3'sint  es  qu'adorai-  per  ren 
Los  nostres  dioux  non  deven, 
[F"  45  r°]       Conio  de  bestios  et  foliés. 
En  Romo  nos  saren  sollés, 

1695     Alhoro  me  dis  per  aver  pax: 
Seignor  pajre,  non  faren  pas. 
Car  d'aultres  prou  n'y  a  que  colon 
Lhault  et  vray  Diou  et  si l'adoron . 
Sy  me  dys  qu'el  me  trobario 

1700     Home  que  rayeys  m'eysegurario: 
Dont  ben  j^ou  volrio  saber 
Si  vos  se  el? 

PAPA 

So  es  lo  ver. 
Aquel  home  soy  per  certan. 

MARC  lis 
Mas  qui  se  vous? 

PAPA 

Ung  chapellan, 
1705     Ung  paure  servitor  de  Diou, 
Lo  papa  moderno  soy  you, 
Vostre  amyc,  quant  la  vous  pleyré. 

MARCUS 

Non  saboc  si  vous  despleyré. 


I 


ISTORIO  DE  SANCT   PONCZ  ??5 

Mas  si  fessouc  ben  mon  dever, 
1710     Malhoro  vos  fariouc  aver; 

Mas  car  se  dedins  ma  meyson, 

N'auré  ny  mal  ny  derrison. 

Sa  venen  al  cas  principal, 

Puisque  me  devé  informar. 
1715     Decleyra  me,  fauc  jou  mal 

De  mes  dioux  colre  et  adorar? 

[F°  45  v°'  p>PA 

Adorar  non  senso  error.  . . 
Diou  non  donné  el  a  Mojso 
Escrich  en  uno  tallo  guiso 

1720    Que  tocho  ben  nostre  propos: 
a  Non  adorabis  deos  aliénas  ?  n 
Si  ben  en  ton  concept  tu  ranges, 
Trobares  los  tos  dioux  estranges, 
Losquals  non  son  ponch  d'adorar, 

1725     Mas  de  velipendir  et  abjectar. 

So  n'es  que  grando  decepvenso.  * 

MARCUS 

Et  non  es  trop  d'otrecudanso 
De  voler  si  trobar  adiré 
A  totos  las  lex  de  l'empire? 
1730     You  pensoc  que  vos  ta  se  mours 
Que  non  fan  pas  los  emperours 
Qu'an  en  grant  vénération 
Los  haultz  dioux. 

PAPA 

S'es  abusion. 

Car  so  qu'a'gu  comensament 
1735     Si  auré  fin  pareilhoment. 

A  vos  dire  la  verita, 

La  n'es  qu'ung  Diou  en  Trinita. 

Qu'es  sens  comensament  nv  fin. 

Que  nos  daré,  a  la  parfin. 
1740     Segont  qu'au ren  admerita, 

Ou  lo  cel  ou  l'oscurita 


SSrt  ISTORIO  DE   SANCT  PONCZ 

De  la  meyson  mot  fort  horriblo. 

'F'^  46  r°j  MARCus 

Vejsi  une  chauso  terrible . 
Jamaj'S  eyso  n'ayyou  saupu. 

1745     Lo  mondes  doncquos  dessaupu  ? 
Tant  d'imperours,  tantes  seigners 
Que  vivon  et  qu'an  fach  lor  cours, 
Qu'an  observa  tallos  cultures, 
Las  !  chai  que  tantes  creaturos 

1750    Syan  dampnas?  Ha!  quais  dolours! 

PAPA 

Dampnas  son  ambe  lors  errers, 
Sens  aver  une  solo  excuse. 

MARCUS 

Ung  pauc  m'acolpo,  sim'acuso, 
Existent  you  en  mon  uflBci, 

1755     Ay  auvy  que  tal  sacriffici 

Ere  mal  vist  et  très  mal  fach; 
Mas  l'on  prenio  aquel  de  fach 
Qu'avie  se  dich,  et  en  luoc  fort 
On  lo  butavo  et  puis  a  mort. . . 

1760     Mon  cor  sesten  une  grant  guerre. 

PAPA 

Ung  Dieu  aven,  en  cel,  en  terre. 
Qu'a  fach  le  mend  et  lo  sesten  ; 
L'ome  sestente  et  manten, 
De  tes  les  bens  es  la  fontano  ; 
1765     Sensé  el  tôt  es  chauso  vano; 
El  sel  es  que  nos  alimente. 

MARCUS 

Ung  pàuc  mon  cor  si  se  centent<>. 
_F'^  46  V]       Mas  you  non  pouc  pertar  en  pa\ 
Tant  de  grans  gens  que  son  passas 
1770     Qu'ayon  viscu  en  tai  desvari. 


ISTORIO  DE  SANCT   PONCZ  3S7 

S.  PONS 

Sens  replico  l'es  neccessari, 
Si  vos  volé  esser  salva, 
Payre,  que  sia  batea; 
Sy  non  de  vos  l'on  se  reporto . 

PAPA 

1775     Sanct  baptesme  huebre  la  porto 
De  paradis  ont  es  tôt  ben. 

s.  PONS 

Payre,  non  vos  celaren  ren: 
Lo  payre  sanct  qu'es  cy  présent 
M'a  batea,  seguroment, 
1780     N'a  pas  encaros  trop  grans  jours. 

VALERI 

Veysi  los  nostres  précepteurs 
Et  que  nos  an  catliezisas, 
Tos  dos  autant  ben  baptisas. 
Dont  aven  lo  cor  ben  joyos. 

MARCUS 

• 

1785     Per  evitar  tantos  horrors, 

Per  evitar  plus  grant  domaige, 

A  Diouvoloc  far  homaige, 

Al  quai  creouc  pertectument. 

Per  vostre  bon  exortanieiit 
1790     Cougnoscent  Diou,  mon  major 

En  cel  et  en  terro  seignor, 
rpo  4«7  j.0^      Et  vous  preouc  que,  sens  replico. 

A  la  fé  sancto  catholico 

Vos  me  vueiiha  butar  et  joignes 
1795     Et  so  que  devoc  fac  injugner. 

Senso  usar  de  grant  lengaige. 

PAPA 

Puisque  vos  avé  bon  coraige, 
Pas  non  vos  saré  denega. 
Marc,  vos-tu  esser  batea 


3SS  ISTORIO  DE  SANCT  POKCZ 

1800    Avant  qu'autro  chauso  l'on  fasso? 

MARCUS 

Volo. 
Et  aie  teneat  formam  haptismi,  etc.^ 

PAPA 

«  In  nomine  Patris  et  Filii  et  Spiritm  Sancti.At),rn 
Et  que  bon  prou  vos  fasso. 

MARCUS 

Davant  que  parte  de  la  plasso, 
Batear  chai  toto  ma  familho. 

PAPA 

1805     La  me  play  et  fosson  ben  niillo, 
Mas  que  la  sio  ben  contento. 

MARCUS 

Sa;  mos'varletz  et  ma  servento, 
Non  volé  vos  prendre  la  fé 
De  Jhesu  Crist?  EtTautro  lé, 
1810     Que  vos  es  assez  trop  notorio, 
Qu'es  per  las  armos  deceptorio, 
Non  la  voilé  vos  pas  lejssar? 

j^F"   47  Vo]  LO  VARLET 

Vos  nos  volé  ben  confessar, 
De  s'avisar  bon  la  sario. 

LA   SERVENTO 

1815    Si  play  a  vostro  seignorio, 

Lame  plaj  ben;  mas  garda  vos, 
Monseignor,  de  decebre  nos; 
Nos  sen  gens  de  pauc  intelect. 

LO  VARLET 

Mon  doulx  seignor,  aya  respect 
1820     De  voler  sol  la  verita  ; 

'  C'esl-à-dire  le  formulaire  du  Rituel. 


ISTORIO   DE  SANCT    PONCZ  389 

Nos  sen  grossiers  on  verita 
Et  plus  en  lay  non  entendeii. 

MARCUS 

Non  plus  sermon,  trop  conlenden, 
So  es  ung  fach  qu'es  gratuit. 
1825     Quant  tôt  regarda  et  intuit 
Ay,  conegu  ay  mon  error, 
La  merci  d'aquest  sanct  seignor, 
Que  m'a  declejra  lo   passaige. 

LO  VARLET 

You  cogitoc  que  vos  se  saige 
1830     Et  qu'avé  lo  cas  desputa; 

Content  soy  d'esser  computa 
D'entre  lo  nombre  des  xpestians. 

LA    SERVENTO 

La  sobro  de  mos  paures  ans 
[F"  48  r°]      Pareilhomentvoloc  despendre, 
1835     Syo  per  engajarou  vendre, 
Sobz  lo  nom  de  xpestianita. 

PAPA 

Au  nom  de  la  sancto  Trinita 
Hic  teneat  fonnam  baptismi. 

a  InnominePatris  elFilii  et Spiritus  Sancti.  A  mm.» 

0  mayson,  qu'as  fach  ung  grant  ben  ! 
1840     Senator,  en  ta  senetu, 

Ben  as  mostra  ta  grant  vertu  ; 

L'aygo  tomba  dessus  ta  testo 

Es  trésor,  si  per  tu  n'ai'resto . 

0  beneyra  nativita, 
1815     Qu'a  tal  ben  si  t'a  invita. 

0  sancto  et  salubro  doctrino 

Que  d'enfert  fugo  la  ruyuo. 

0  prudent  et  discret  meynaige 

Qu'a  Diou  encuy  a  fach  homaige 
185<i     Beneyra  si  es  vostro  vito. 


S90  ISTORIO  DE  SANCT  PONlZ 

MARCUS 

Ma  faculta  es  ben  petite, 
Seignor,  per  vos  refectionar  ; 
Mas  ejsens  vous  prendre  sopar 
Del  pauc  que  Diou  auré  manda. 

PAPA 

1855     A  Diou  svavos  recomanda; 

De  manjar  ny  heure  n'ay  euro. 
En  servir  Diou  syo  vostro  euro; 
De  myeys  en  myeys  la  vos  vendre, 

F'    48  V]  MARCUS 

Tant  quant  viourey  m'en  sovendré. 

PAPA 

1860  Amo  Diou  etsierf  ton  mestre, 
Non  far  ren  que  syo  senestre, 
Et  Diou  de  layssus  t'o  rendre. 

LO  VARLET 

Tant  quant  viourey  m'en  sovendré. 

PAPA 

Vous,  sya  ly  bono  servento  ; 
1865     Dal  vostre  pauc  sya  contento, 
Et  serve  Diou  quant  convendré. 

LA   SERVENTO 

Tant  quant  viourey  m'en  sovendré, 
Nostre  pastor  et  nostre  payre. 

MARCUS 

Si  non  vos  destorba  de  guayre, 
1870     You  vos  volriouc  ben  mostrar 
Los  dioux  qu'an  costa  tant  char 
Ancianoment  a  la  meyson. 

PAPA 

0  voloc  ben,  car  es  reson 
D'o  veyre  per  tôt  abolir. 


Il 


ISTORIO  DE  SANCT    PONCZ  391 

MARCUS 

1875     Veyci  los  dioux  als  quais  uffrir 
Aviouc  totjour  acoustuma. 

[F"  49  r^j  PAPA 

O  Arceniq,  o  Sublima, 

De  dos  la  vous  en  chai  far  quatre. 

MARCUS 

You  soy  content  de  los  abatre 
1880     Rt   los  rompre  pesso  per  pesso. 

s.  PONS 

Rompen'  los  donc. 

MARCUS 

Despesso,  despesso 
Fy  d'ydollos  et  lor  mestrio. 

PAPA 

Ejsublia  Tidolatrio. 
Vos  vejé  qu'era  decebus  ; 
1885     Eyso  solio  et  n'es  pkis. 

Or,  entende  los  parlars  niyoux: 
Apella  vos  eyso  los  dioux  ? 
Eyso  n'es  que   uiio  decevanso. 

MARCUS 

So  me  sario  ung  cop  de  lanso 
1890     De  retornar  al  premier  tren. 

PAPA 

Vous  preouc,  garda-vous  en  ben; 
Per  vos  sario  mal  parti. 
De  vos  you  fauc  mon  desparti. 
Adiou  vos  dy  ;  arresta  en  pax. 

MARCUS 

1895     Pons,  non  lo  layssar  ung  sol  pas 
'F°  49  V'     Que  tu  non  Tayos  ben  reduch. 


3^2  ISTORIO  DE  SANCT   PONCZ 

S.   PONS 

De  nos  très  el  saié  condOch, 
Garda  de  mal  et  tôt  dangier. 

Recedunt  et  Pondus  et  Valerius  cum  j)reshitero  associant 
papam  ;  intérim  Marcus  intra  se  dicit. 

MARCUS,  inlra  se  : 

You  me  sentoc  mot  legier 
^  1900     De  corps  et  d'armo,  sens  mentir. 

Al  cor  aviouc  tal  pensier 
Que  home  po  portar  ny  sentir. 
Lo  beure,  lo  manjar,  lo  dormir 
M'avio  aquesl  regret  leva. 
1905     Ejro  me  tornoc  a  rejojr, 

Car  d'aquet  fays  soj  relleva. 

LO   VARLET 

Ben  soj  en  mon  cor  consoUa 
D'aver  près  la  sancto  fé. 
Lo  mestre  ero  tôt  désola 
1910     Ejros  es  tôt  jojos,  so  cré. 

LA   SERVENTO 

Ben  ho  ero  et  tôt  en   cré. 
Regarda  l'afection  que  fay, 
El  es  devengu  tôt  ung  aultre  ; 
Diou  obro  lay  ont  ly  play. 

PAPA 

1915     Torna  vos-en,  senso  delay, 

A  vostros  meysons,  mos  enfans. 

s.    PONS 

F"  50  r°]      Si  nostre  affar  rem  plus  vous  fay, 
Nos  sen  a  tous  perilhz  et  damps. 

VALERl 

Joves  sen,  et  de  sen  et  d'ans, 
1920     AXas  vous  gardarian  d'ung  dalmaige. 


ISTORIO    DE  SANCT   PONCZ  393 

LO  PREMIER  CHAPEI.LAN 


Ana  que  Diou  vos  tei^^no  sans 
Et  vos  garde  tos  dos  d'aultraige. 

Hic  recédant  Pondus  et  Vulerius,  et  vadant  simul  domurn  sua  m. 


SATHAN 

0  inimics  d'huraan  linaige, 
Tossyn,  Arceniq,  Sublima, 

ly,")     Revengu  soj  per  contar  raige. 
Mon  cervel  es  fort  aluma. 
Tant  ay  sus  nostre  afFar  lima 
Qu'ay  entendu  lo  grant  dalmaige 
D'aquo  perqué  manda  Ton  m'a 

1930     Et  qualquo  chauso  davantaige. 

LUCIFER 

Sathan  mauldich,  rempli  d'auraige, 
De  qu'es  aquo  qu'as  entendu? 

SATHAN 

Aj  vist,  auvi  et  cognegu 
Que  Marc  Pons,  lo  grant  senator, 
1935     Et  Pons  et  tôt  lo  contengu 

De  la  raeyson  et  mendre  et  mour, 
[F"  50  v°]      An  près  Jhesus  per  lor  seignor, 
Recebent  lo  très  sant  batesme 
Dont,  Lucifer,  ay  très  grant  pour 
1940    De  perdre  des  armos  lo  desme. 

BELZEBUC 


So  que  vendre  pren  a  bel  esme  ; 
Non  te  chalho  d'aquo  qu'aresto. 


SATHAN 


Nos  aven  perdu  trop  grant  testo  ; 
Non  se  chai  pas  trop  alegrar. 
1945    Que  non  nos  chalho  de  l'aresto, 
So  non  es  pas  heu  conseilhar. 


394  ISTORIO   DE    SANCT    PONCZ 

SERUEBUS 

Youc  venoc  de  bathalhar 
Contro  tos  nostros  enemjs, 
Me  tromentar  et  trabalhar: 
1950     Kysso  n'es  danso,  juoc  ny  ris. 

BEKITH 

Los  plus  roges  y  sont  pris, 
Entendoc  ben  en  ton  jargon. 

SATHAN 

Et  qui  es  donc  lo  parangon, 
Sinon  que  my,  falso  chinalho? 

1955     Mauldich,  sens  rirao  ny  reson, 

Vous  truffa  vous?  Non  vos  en  chalho. 
A!  mestre  fol,  chapel  de  palho, 
I>avant  que  sio  pauc  de  temps, 
Per  so  que  mena  tant  de  ralho, 

1960     Vos  trobaré  tos  malcontens. 

MAMONAS 

Paulx  ennemys,  sian  actens, 
F°  51  r°j       Nauvé  vos  pas  so  que  menasso  ? 

SATHAN 

You  soy  d'enfert  la  mendre  trasso. 

Si  vos  ay  you  prenostica 
1965     Prou  chaasos,  que  mon  dos  si  casso, 

Perque  trop  ly  ay  fantastica. 

Un  ponch  ya  n'a  si  ny  ca  : 

Xpestiantafort  se  multiplico; 

Ydolos  an  rompu,  plica  ; 
1970     Vellay  creyssu,  contro  my  pico. 

ASTAROT 

Si  tu  non  pos  intrar,  si  pico; 
Es  aquo  que  tu  brames  tant  ? 

SATHAN 

En  ung  moment,  en  ung  istant, 


y 


ISTOKIO  DE  SANCT  PONCZ  395 

Ung  grant  nombre  aven  perdu. 
1975     Tant  non  soj  agu  résistant 

Per  so  soj  eyro  tant  e.spardu  ; 
Non  saboc  cervel  tant  constant 
Que  non  fosso  tôt  marfondn. 

LEVIATAN  , 

Maudicli  chin  en  bas  descendu, 
1980     Ton  fach  non  es  que  mentario. 

LUCIFER 

0  infinito  diablario, 
Non  es  ejssot  trop  pauc  de  chausoî' 
Remanden  lo,  trop  ha  de  pauso, 
Sens  menar  tant  de  genglario. 

BELZEBUC 

1985     Qu'el  retorne. 

[F"    51    VJ  BERITH 

Qu'el  tire  vyo. 

MAMONAS 
ASTAROT 

Qui  tornaré? 

LEVIATAN 

Sathan  doncos  retornaré, 
Et  qu'i  veilhe,  senso  finar. 

LUCIFER 

Or  sa,  senso  plus  oppinar, 
1990     Retorno  prest  a  ton  presfach, 
Mauldich  infert  tôt  controfach  ; 
Manten  de  nostre  infert  la  causo. 

BELZEBUC 

Vay.  sensjamays  haver  pauso. 

BERITH 

Vay.  suffrent  d'infert  lo  fuoc. 


Délibéra. 


390  ISTORIO  DE  SANGT    PONCZ 

MAMOXaS 
1995     Vay,  senso  occupar  grant  luoc. 

ASTAROT 

Vay  doncos  senso  retort . 

LBVIATAN 

Vay,  sens  repaus,  nuech  ny  jor. 

SATHAN 

Ben  ay  auvy  si  non  soy  sort. 
F°  52  r°]       You  m'en  vauc  donq.  per  lo  plus  court, 
2000     Destorbar  loto  la  sequello. 

Hic  Sathan  recedit,  et  nota  quod  ah  societate  fada  sumrno 
pont'»fici  inr  sanrtum  Pontium  et  Valeriuin,  qui  non  aji- 
pareant.  Pondus  et  Valerius,  quia  Mi  in  etate  tam  te- 
nera  non  convenirent  ;  et  oportebit  quod  Pondus  et  Va- 
lerius sint  sùtis  majoris  etatis,  et  ut  melius  videhitur 
lusorihus. 

PRIANT 

Qui  dort? 

BRUYANT 

*Qui  veilho? 

RIFFLANT 

Qui?  la  belle? 

GR AN DENT 

Aquel  que  n'a  pas  ung  blanc. 

BRIFFAULT 

Cel  n'a  pas  tort  si  se  reveilho, 
Quant  ha  la  milho  sus  lo  blanc. 

PRIANT 

2005    Anen. 

BRUYANT 

-Que  far? 

BRIFFAULT 

Trobar  d'aglant, 


ISTORIO  DE  SANCÏ    PONCZ  397 

Per  nos  governar  sus  l'jvert. 

[Fû  52   V"]  GRANDENT 

Qualque  sotil  gaban  galant 
Mas  (|ue  fosso  ungpauc  covert. 

BRIFFAULT 

Son  corps  tôt  nu. 

PRIANT 

Et  descouvert. 

BRUYANT 

2010    L'en  mandarian  disent  sa  gamo. 

RIFFLANT 

Qui  non  y  gaigno  al  mens  y  pert. 

GRANDENT 

Nos  sen  auseaulx  a  toto  ramo. 

PRIANT 

Disen  lor  ren? 

BRUYANT 

Mas  qui  bramo? 
Lavssa  venir  lo  plus  corent. 

RIFFLANT 

2015     Qui  tombaré  dinch  nostro  tramo, 
Gaignaré  al  juoc  coquilibert. 

GRANDENT 

Oc  ben,  si  nos  fosso  suffert. 
Mas  tal  penso  donar  que  pren. 

[F"    53  r'^J  BRIFFAULT 

Mon  eervel  es  ben  asses  vert 
2020     Per  ung  marault,  si  l'encontren. 

Hic   dent  locum  hii  qu<xtuor. 

26 


398  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

IMPBRATOR  PATER 

Grandament  nos  esmarvelhen 
De  Marcus  qu'ejci  plus  non  ven 
Visitar  nostro  magesta. 

IMPERATOR  FILIUS 

M'esmarveilhoc  en  que  se  pren, 
2025     Puisque  d'el  parlar  nos  entren  ; 

G-rant  temps  es  qu'el  non  sey  es  ista. 

Nota  opportet,  recepto  haptismate,  Marcus  non  exe<it  do- 
muin,  ymo  perdat  se,  ut  melius  vklebilur,  ut  credatur, 
et  dicant  illum  mortuum,  ad  vitanduni  funebria,  que  non 
suntjocosa. 

IMPERATOR  PATER 

Non  Faj  ponch  vist  d'.aquest  ista 
Marc  plen  d'amor  etd'anijsta, 
Dont  la  m'es  d'el  grandament  mal. 

IMPERATOR  FILIUS 

2030     Foses  el  a  nostre  costa 

Et  m'aguesso  bon  près  costa, 
Car  mais  non  vie  senator  tal. 

[F°  53   V°]  IMPERAROR  PATER 

Or  vené  sa,  mestre  d'ostal  ; 
A  grant  temps  que  vos  n'avé  vist 
2035     Marcus  senator,  nostre  amj^c? 
Mal  content  sen  de  sa  demoro. 

IMPERATOR  FILIUS 

Es  el  jamays  ana  deforo, 

Car  tant  jsto  nos  venir  veyre? 

LO    MESTRE    d'oSTAL 

De  syeys  mes,  vos  me  pojé  crejre, 
2040    Et  plus  lo  temps  si  es  passa, 

Que  d'aquest  mond  es  trépassa, 
Marcus,  lo  très  bon  senator. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  399 

IMPERATOR  PATER 

Es  mort  ! 

IMPERATOR  FILIUS 

Es  mort! 

IMPERATOR  PATER 

Lo  bon  seignor  ! 
Mal  content  nos  sen  de  sa  mort. 
2045    D'aultro  part,  m'esraervelho  fort 
Cossint  lo  lilh  n'es  vengu  ejssi 
Per  aver  dal  payre  Tuffici, 
Ou  calcun  aultre  gros  Roman. 

IMPERATOR  FILIUS 

Garden  l'offici  a  nostro  man, 
[F"  54   r"j     Qui  qui  lo  veigno  demandar  ; 

Et,  so  pendent,  vueilha  mandar 
Querre  son  filh  a  la  mejson, 
You  vos  direj  uno  reson: 
Volentier  lo  filh  sec  lo  payre, 
2055     Creouc  non  falhiré  de  gajre 

Qu'el  non  sio  si  bon  prodhome. 

MESTRE    d'oSTAL 

Lo  doulx  enfant. 

l'escuyer 

Es  desja  home, 
Plen  de  totos  bonos  vertus. 

IMPERATOR    PATER 

Escuyer,  nos  aven  conclus 
.  2000     Que  \y  ané  acompaignar, 

Car  nos  sen  près  de  desdeigna[r]j 
Vist  que  nostro  haultesso  raespreso. 

l'escuyer 
Seignor,  que  tôt  lo  monde  preso, 


400  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

Vauc  far  vostre  comandament, 
2065    Sus  sa,  bregado,  prestament 
Vené  me  tous  emcompaignar. 

PRIANT 

Anen  nos  de  deniers  gaignar  ! 
Aquo  far  sen  nos  fort  expers. 

BRUYANT 

Me  semblo  que  me  vauc  baignar, 
[F*"  54  V]     Tamben  sen  nos  trestous  dispers. 

RIFFLANT 

Lo  corps  aven  presque  revers, 
Quant  manco  l'or  ou  de  clicalho. 

GRANDENT 

Si  aven  nos  los  hueilh  ben  huvers 
Per  prendre  sens  filla  la  calho. 
L'escuyer  apud  domum  sancti  Poncii. 

l'escuyer 

2075    Ung  pauc  avé  vos  trop  de  ralho; 
Pausa  mavs  huy  vostre  caquet  ; 
D'aver  deniers  non  vos  en  chalho, 
Paj'ar  vos  voloc  lo  banquet. 

PRIANT 

Ung  gras  chapon  ou  ung  oquet, 
2080     Per  oigner  nostro  gargatiero . . . 

BRUYANT 

En  (jualque  bon  mejssent  loguet 
Et  far  la  festo  toto  entiero. 

RIFFLANT 

Mas  que  Posto  non  fos  trop  fiero 
A  reculhir  tal  baronio  ! 

GRANDENT 

2085    Mas  ben  la  goto  que  te  fiero  ! 


ISTORIO  DE  SÂNCT  PONCZ  401 

Non  parlen  plus;  s'es  villanio. 

LESCUYER 

011a! 

[F"  55  r"]  s.  PONS,  vir 

La  noblo  compaignio 

Syo  aujorduy  la  ben  troba  ! 

Cossint  vos  se  vos  destorba 

2090    Venir  ejsint  longan  pays  ? 

i/escuyer 

Venen  veyre  los  bons  amjs. 
Poncz,  Poncz  ;  et  si  non  nos  play  pas, 
De  vostre  paj're  lo  trapas, 
Qu'ero  ung  amvc  especial 
2005     De  la  mejson  impérial  ; 

Et  son  corrossas  contro  vos. 

s.    PONS 

Hellas!  perqué  ung  tal  corros 
Ambe  los  imperours  aven? 
Si  viourechal,  morir  conven. 
2100    You  soj  aquel  qu'ay  mais  perdu, 
Et  mon  affar  tôt  es  perdu; 
Nostro  meyson  es  désola. 

i/escuyer 

L'imperour  saré  consola 
Quant  vos  veyré  en  sa  presencio. 
2105     Anen,  et  auré  conferencio 

Ambe  ellos  de  calque  secret. 

s.  PONS 

You  non  soy  saige  ny  discret 
[F"  55  V"]       Qu'ambe  my  deyon  conferir, 

Mas  ben  content  soy  d'bobeyr 
21 10     Et  de  vos  tenir  compaignio. 

Varletz,  serventos,  chescun  syo 
Ben  esvelha  per  la  meyson. 


40:  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  ' 

LO  VARLET  J 

Seignor  Pons,  lo  es  ben  reson  ; 

Ana  emb'  ellos  seguroment.  j 

LA    SKRVENTO 

2115    Non  vous  en  chailho,  solament 

Que  nos  sian  dinch  vostre  hostal. 

Vadunt  ad  imperatores  et  hïc  Pondus  indtùtur  veste  talari  et  nijfjra. 

l'escuyer 
Seignoj',  veyci  l'especial 
Poncs,  filh  de  Mar[c]  Pons  progenit, 
Son  heretiei'  unigenit, 
2120    Que  vos  ven  far  sa  reverencio. 

PHlLIPPUb    IMPERATOR   PATER 

Que  vol  dire  qu'a  nostro  presencio 
Avé  ista  tant  de  vos  raonstrar? 
Prendre  vos  chai  la  premvnencio 
De  Marc,  que  nos  ero  tant  char. 

IMPERATOR  FILIUS 

2125     Aprocha,  lejssa-vous  tochar; 
L'honnor  de  Marc  vos  portaro. 

s.  PONS 

Digne  you  non  soy  d'aprochar  ; 
[F°  56  r»]      Haultz  seignors,  me  perdonaré. 

IMPERATOR  PATER  .       y 

Al  luoc  dal  payre  vos  saré, 
2130     Car  avio  tant  bon  renom. 

s.    PONS 

Meilhor  que  my  vos  trobaré, 
Encarque  non  syo  dal  surnom. 

IMPERATOR  FILIUS 

Ren  non  vos  val  dire  de  non  ; 
Nos  lo  volen,  eyssint  saré. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  403 

S.  PONS 

2135    VoslovoUc? 

IMPERATOR  PATER 

Mas  que  don? 
Ejssintos  lo  fach  passaré. 

s.   PONS 

Las  !  qui  tal  fays  suportaré, 
Als  iraperonrs,  plens  de  sagesso  ? 
Cossint  lo  fach  ^e  portaré 
2140     En  ung  home  pian  de  simplesso! 
Non  trobaré  pas  la  proesso 
De  mon  feu  pajre,  ny  tal  port; 
Dont  mon  cor  es  plen  de  tristesso. 
Dolent  a  causo  de  sa  mort. 

IMPERATOR  PATER 

2145     Non  aya  de  sa  mort  remort  ; 

Synon  tant  qu'ero  home  de  ben. 
Tant  hault  saré,  prené  confort, 
En  palays  non  vos'.manc[a]ré  ren. 

[F°  56  v°]  s.  PONS 

Sacras  seignors,  trop  ay  de  ben, 
2150     Mas  n'ameritoc  tal  honor. 

IMPERATOR  FILIUS 

Si  volen  nos  que  senator 
D'eyro  sya,  senso  reffus. 

IMPERATOR  PATER 

Eyso  nos  rend  eyssi  confus: 
L'on  vous  preoper  vostreben, 
2155     Et  dise  que  nen  faré  ren  ! 

Nos  lo  voUen,  vueilha  ou  non. 
Dal  payre  portaré  lo  nom 
Et  a  rimperi,  grant  profiech. 


404  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

S.    PONS 

You  soy  content. 

MESTRE  d'OSTAL 

Hoc,  qu'en  despiech 
2160     Syan  bastis  tais  vestimens. 

IMPERATOR   PATER 

Despolha  cels  abilhaœens; 

Vos  me  sembla  ung  clier  d'escollo. 

Hic  induat  aliam  vestem,  ad  placiium  magistri  ludi. 
IMPERATOR  FILIUS 

Veste  \y  cello  bello  estoUo, 
Com'  aparten  a  ung  seignor. 

[F"  57  r"]  l'escuyer 

2165     La  vos  apparten  tal  honor; 
De  bono  horo  vos  se  vengu. 

priant 

A  chescun  de  nos  ung  escu, 
Monseignor  Pons,  chai  per  lo  vin. 

BRUYANT 

El  es  ben  aultre  que  yer matin; 
2170     Grant  chauso  es  d'aver  seignorio. 

RIFFLANT 

Lo  m'es  advis  que  totjor  ryo, 
Tant  es  plasent  son  dois  visaige. 


GRANDENT 


Non  vos  chalho  qu'el  es  ben  saige, 
Que  son  payre  valré  autant. 


BRIFFAULT 


2175     Ung  grant  home  deou  esser,  quant 
L'on  y  fay  prendre  charjo  tallo. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  405 

PRIANT 

Nos  cinq  cent  millo  escus  contant 
Et  el  fous  premier  en  sallo  ! 

l'escuyer 
Or  sus,  enfans! 

[F°  57  V]  MESTRE    d'oSTAL 

Avant,  frigalo, 
2180    Trop  as  démena  ton  quaquet. 

IMPERATOR 

De  coraige  pur,  franc  et  net 
Nos  serviré,  et  lealment. 

s.    PONS 

De  mon  pouver  seguroment, 
Comben  que  you  non  poysso  gayre, 
2185     Si  ben  que  jamajs  fec  mon  payre, 
Et  vous  lo  veyré  a  l'effect. 

Hic  promictit. 

M'en  vauc  de  vostre  graiit  conspect 
Pervisitar  ung  pauc  meyson. 

IMPERATOR  FILIUS 

Ana,  vené,  toto  seson; 
2190     Fasé  justicio  et  reson, 

Quant  trobaré  ung  malfactor. 

IMPERATOR  PATER 

Donar  non  vos  chai  la  leysson  ; 
Vos  sabé  las  chausos  qui  son 
A  Tuffici  d'ung  senator. 

Hic  recedit  et  vadit  domum. 
MESTRE  d'oSTAL 

2195    El  m'a  l'aspect  d'ung  bon  seignor, 
Et  ly  pleyré  tal  exercici. 


406  ISTORIO  DE  SANCT  PONGZ 

l'escuyer 

Per  nostro  lé  vraj  zelator, 

A  mon  gra,  ly  isto  ben  Tiiffici.        * 

[F°  58  r"]  s.  PONS 

Aquest  aur,  aquest  argent  icy 
2200    Secretoment  you  portarey 
Al  sanct  payre,  et  ly  direy 
Qu'el  lo  donne  per  charita 
Lay  ont  sabré  nécessita 
Et  après  so,  tôt  mon  aver. 

Hic  va{da)dit  ad  papain 

PAU  S  A 

2205     Sanct  pastour  de  très  grand  aver, 
Grand  amie  de  diou  immortal, 
Vostre  servent  a  vostre  liostal 
Veyre  vos  es  vengu,per  ver, 
Et  si  vos  fauc  ben  asaber 

2210     Que  veyci  l'aver  et  trésor 

De  la  meyson,  argent  et  or, 
Per  en  far  a  vostre  voler. 
Si  vos  play,  lo  distribuyré 
A  tos  los  doulx  paures  de  Dyou, 

2215     Especial  si  a  parent  myou, 
Et  de  ben  far  los  induyré. 
Despuis  de  mon  payre  la  mort 
Los  emperours  si  m'an  volgu 
Et  en  son  luoc  m'an  retengu, 

2220     Dont  n'ay  al  cor  ung  grant  remort. 

PAPA 

Prené,  mon  filh,  en  vos  confort  ; 
Eysso  Diou  si  ha  permetz. 
Deusque  sya  passa  lo  mes, 
L'obro  saré  a  meilhor  port: 
[F"  58  V]       You  distribuyrey  au  fort 

Vostre  aur,  vostre  argent  a  las  gens, 


ISTORIO  DR   SANGT  PONCZ  407 

Ont  y  vejrey  plua  d'indigens; 
En  breaii  vos  n'auré  bon  report. 

s.    PONS 

Adiou,  des  désolas  desport, 
2230     You  m'en  retornoc  a  Timperi. 

PAPA 

Djou  te  garde  d'improperi. 
Soveigno-te  de  Diou  au  fort. 

Recedit  et  vadit  ad  imperatores. 

Quai  seignor,  bel,  poyssant  et  fort. 
Saige  et  discret,  plen  de  bonta. 
2235     Djou  aquest  fach  a  afronta 
Per  la  melhor.  a  mon  advis. 

IMPERATOR  PATER 

Mon  filh  et  Pons,  per  ung  devis 

Qu'amoc  autant  que  ma  persono, 

Nos,  al  millesme  de  Romo 
2240     Dal  temps  que  fp  edifica. 

Chai  que  syo  notifica 

A  tresque  tos  los  habitans, 

Estrangiers,  citadins  Romans, 

Per  anar  al  temple  adorar 
2245     Los  haultz  dious,  et  venerar, 

Fartamben  grant  solempnita. 

-      s.  PONS 

Seignor,  vostro  sublimita 
[F"  59  v]      Po  far  tôt  a  son  bon  plaser, 

Mas  a  mj  m'es  grant  desplaser 
2250     De  me  trobar  n'en  juoc  ny  festo. 

IMPERATOR    FILIUS 

Perqué? 

s.   PONS 

Lo  non  es  chauso  honesto 


40S  istorio.de  SANCï  poncz 

A  my  qu'ay  perdu  tal  joyel, 
Pajre,  mayre,  non  es  pas  bel: 
Vostro  honnorme  pardonaré. 

IMPERATOR  PATER 

2255     Vrajoment  vos  y  trobaré 
Et  faré  vostro  grant  honor. 

s.  PONS 

Plustost  sario  deshonor  ; 
Plasso  vos  de  me  pardonar. 

IMPERATOR    FILIUS 

Non  volé  vos  excercitar 
22o0     Vostre  uffici  en  son  degu? 
Vos  y  trobar  se  entengu  : 
Advisa  como  volé  far. 

s.  PONS 

Si  vos  pleyré  de  m'escotar 
Direy  uno  brevo  reson. 
[F"  59  v°]      Puisque  m'avé  fach  de  meyson 

Et  d'aquest  palays  ung  des  mours, 
Très  haultz  et  très  doulx  imperours, 
Depuis  que  vos  si  se  ben  natz 
Et  princes  de  Dieu  ordenas, 
2270     Subjugant  manto  creaturoj 
Perqué  non  de  volunta  puro, 
Puisqu'el  vos  a  fach  tal  honor. 
Non  l'adora  vos  per  seignor? 
En  aquest  deuria  vos  far  festo. 
2275     Ly  humiliant  vostro  testo, 
Fasent  en  aquel  solament 
Sacrifie!  devotament: 
Aquel  sario  lo  bon  rit. 

IMPERATOR  PATER 

Et  per  aquo,  mon  bon  amyc, 
2280    Ay  ung  très  souveyran  désir 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  409 

D'à  djou  Jupiter  tost  ufrir, 
Que  m'a  dona  tallo  puissanso. 

s.    PONS 

Tu  erros,  seignor,  sens  dobtanso. 

Subridens. 
Ung  sol  diou  al  cel  si  es, 
2285     Como  auvy  avé  prou  de  fes, 
Que  de  sa  paraulo  unico 
A  fach  de  lo  mond  la  fabrico 
Et  tôt  so  qu'en  ello  conten. 

IMPERATOR  FILIUS 

Perqué  so  dyses,  ygnoren? 
[F°  60  r"]      Declayro  nos  ben  ton  coraige. 

s.    PONS 

S'es  très  ben  dich,  seignor  très  saige, 
Puisque  venen  a  pa[r]lament: 
Jupiter  dal  comensament 
Es  el  agu,  ny  son  renom  ? 

IMPERATOR  PATER 

2295     Pons,  you  vos  respondoc  que  non. 
Saturnus,  son  payre,  aysta, 
Que  lo  poble  en  grant  amista 
A  governa,  et  tran(s)quiloment. 

s.  PONS 

Et  quant  Saturnus  taioment 
2300     Crète  rigio  per  tal  stil, 

Davant  que  fosso  per  son  filh 

Jupiter  dal  'reigne  jecta, 

De  tais  fortunos  ajecta. 

Non  es  so  vray  que  l'Italio 
2305     De  très  grant  poble  si  avio  ? 

Pietous  et  très  doulx  seignors, 

Non  vos  seduyon  talos  herrors 

Quelos  poetos  an  causa. 


I 


410  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

Un  g  dvou  es,  dir  syou  ausa: 
2310     Pajre  et  Filh  et  sanct  Esperit 

Que  per  tal  sanct  ditiun  e  dit 

Tôt  régis,  governo  et  eonten, 

Ensint  qu'a  sa  bonta  apertera  '  : 

A  fach  l'home  a  sa  semblanso 
[F"  60  V"'      Metent  tôt  a  sa  puissanso. 

Mas  lo  diable  itividioiix 

Veyent  l'home  tant  precioux. 

Lo  quai  si  ero  inmortal,  f 

Persuadée  ung  très  grant  mal  : 
2320     Innobedicnt  lo  rendec 

Et  mortal  home,  las  !  lo  fee, 

Desplasent  a  son  creatour. 

Vejent  Diou,  de  tôt  actor, 

Apres  l'espasi  de  tant  d'an. 
2325     Lo  grant  dalmaige  et  lo  grant  dam 

Que  suffertavo  human  linaige, 

De  son  mirable  et  hault  jstaige 

Mandé  sou  filh  en  aquest  monde 

Et  en  ung  ventre  san,  pur  et  mondt\ 
2330     Char  humano  prendre  volsec; 

Apres  nôu  meses  elnajsec. 

Al  monde  a  tant  fructifia, 

Dalz  jujoux  foc  crucifia, 

Lotersjourt  el  ressuscitec 
2335     Et  après  alz  celz  s'en  montée. 

Encaros  el  retornaré, 

Et  vioux  et  mors  judicaré. 

Donc  los  bons  si  saren  salvas, 

Tamben  los  malvases,  dampnas; 
2310     So  si   es  lafé  catholico. 

Ydollos,  chauso  diabolico, 

Son  per  decebre  los  xpestiaus 

Et  los  far  très  fort  desvians 

De  Diou  eternal  creator. 


i  Ce  vers  a  été  remanié  après  coup. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  411 

[F°   61    ro]  IMPERATOR   PATER 

2345     Nos  viven  donc  en  grant  errer, 

Segont  que  per  vos  pouc  entendre? 

IMPERATOR   FILIL'S 

Contre  so  non  voloc  contendre, 
Car  tant  que  s'estent  mon  saber 
Me  semblo  qu'el  nos  a  dich  ver  ; 
2350     S'es  ung  grant  facli  d'ung  tal  cervel, 

IMPEI^ATOR  PATER 

Per  vostro  araor,  mon  amy  bel, 
Aulx  dioux  plus  n'ymolarey 
A  baptesme  convolarej, 
Aussi  tous  de  ma  meyson. 

s.  PONS 

2355     Seignor,  vos  n'avé  ben  reson  ! 
Se  lavar  d'uno  tallo  error 
Et  prendre  Dion  per  son  seignor, 
La  n'es  possible  de  myeys  far. 

IMPERATOR  PATER 

Al  papo  nos  volen  anar, 
2360     De  mantenent,  per  far  plus  cort, 
Et  toto  la  gent  de  ma  cort, 
Per  prendre  lo  sanct  sacrament 
De  baptesme. 

IMPERATOR    FILIUS 

Tant  sanctoment, 
Devotament  lo  recebrey 
Que  totalement  me  donarey 
2365    A  Diou  servir  toto  ma  vito. 

[F"  61  v°]  s.  PONS 

Lo  sanct  Esperit  vos  incite 
A  far  tallos  opérations. 

IMPERATOR   PATER 

Tallos  son  nostros  conclusions. 


41-2  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

Mestred'ostal,  vos,  escujer, 
2370    Buta-vos  tos  dos  premiers 
Et  toto  nostro  fantario . 

LO  MESTRE   d'OSTAL 

Sus  en  ordre,  gendarmario, 
Parte  vos  davant  et  darreyre. 

l'escuyer 

L'es  ungplaser  d'ung  tal  trenc  vejre. 
2375     Davant  vous  aultres,  estaphiers. 

Hic  vadunt  per  ordinem  ut  melius  videbitur. —  Nota  quod 
hic  potest  interesse  Valer'ms  cum  sancto  Poncïo. 

s.   PONS 

Nos  dos  nos  butaren  premiers 
Per  far  lo  papo  preparar. 
Eundo  dicat  Valerius. 

VALERIUS 

0  ben  que  non  se  po  comparar, 
Vostre  ufici  ben  vos  consono. 
Adj^apani. 

s.  PONS 

2380    Très  hault  seignor,  sancto  persono, 
Diou  si  a  encuy  obra. 
[F"  62  r"j       Los  imperours  son  a  l'estra, 

Que  s'en  venon  per  devers  vos, 
Tant  humbles,  mansuetz  et  dolx, 

2:^5     Per  prendre  lo  très  sanct  baptesme. 
Seguroment,  segont  mon  esme, 
Ellos  son  près  d'aquest  palais. 

PAPA 

Diou,  ben  extendes  tos  ray.s 
De  ta  lumiero  et  de  ta  gracio  ; 
2390    Lo  sanct  Esperit  sa  efficacio 
A  impausadinslor  coraige. 

PAUSA. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  413 

IMPER.VTOK   PATER 

Pajre  de  singulier  me^^naige, 
Plen  de  vertus  très  habundautos, 
Gardiauî  de  las  personos  satictos, 
'2395     Nos  vos  sen  vengus  visitar. 

IMPERATOIi    FILIUS 

Bon  es  de  los  bons  visitar. 
Despuis  que  Pons  es  senalor 
De  fé  nos  ha  dona  fervor, 
Et  nos  voUen  far  batear. 

PAPA 

2400     Pons  de  Diou  amie  singular 
Es,  et  monstro  la  verita. 
Mas  dont  ven  tal  benignita 
Que  tal  veigiion  vers  my  meohiu? 

[F°  62  V°]  IMPEHATOR  PATER 

Conta  n'aurian  d'ejsi  al  matin 
2405       Las  bonos  et  vivos  resons, 

Sanos  et  sanctos  conclusions, 
Per  nos  haver  qu'el  ha  tengu  ; 
Tant  que  nos  haven  conegu 
Que  nostre  vioure  ero  malvas 
2410     Et  que  nos  eran  enjanas  ; 

Dont  vous  preun,  a  breou  sermon, 
Qu'ejsi  dedins  vostro  meysou 
Sjau  bateas  de  vostro  man. 

PAPA 

Seignor  iuiperour  tant  liuiiiaii, 
2415     Reson  es  devosobevr. 

Sa,  chapellans,  vené  servir 
Es'  las  chausos  administrai". 

Jlic  duo  iniperatores  bo.ptisantar  gohim. 
1  Sic,  polir:   et. 


414  ISTORIO   DE  SANCT  PONCZ 

IMPER.VTOR  FILIUS 

Non  nos  fasé  pas  gayre  ystar; 
Batea  nos  tôt  de  présent. 

PAPA 

2420     Al  nom  de  Dion  omnipotent, 
Creditis  m  Deuni  ? 

DUO    SIMUL   IMPERATORES 

Credo. 
Et  cetera,  ut  melius  videhïtur. 

[F"  63  r**]       Et  ego  vos  bapliso 

In  nomine  Patris  et  Filiiet  Spirilus  Sancli.  Amen. 

l^on  prou  vos  fasso  !  He  !  lo  gran  ben  ! 
2425     EjTos  se  vos  seignors  entiers, 

E.yros  se  vos  bons  vertejers, 

Ejros  se  vos  dignes  de  glorio, 

Ejros  se  dignes  de  memorio, 

Ejros  se  vos  de  vertus  plens  : 
2430     Baptesme  val  mays  que  tôt  bens, 

Quant  ben  auré  tôt  advisa. 

IMPERATOR  PATER 

Seignor,  syo  prou  devisa, 

La  pax  de.Dyou  sio  ambe  vos. 

Nos  sen  contens  qu'antre  vos  dos 
2435     Ané  destruyre  tos  los  sacres, 

Templès,''ydolos,  symulacres. 

Que  jama^'s  plus  si  fasso  uffici, 

Oblation  ny  sacrifici  ; 

Aultres  temples  ediflarey, 
2440     Los  quais  a  Diou  dedicarey 

Qu'a  lach  lo  cel  aussi  la  terro. 

Jamays  a  Diou  non  farey  guerro  ; 

Mas  voloc  esser  son  subgect. 

IMPERATOR   FILIUS 

Ana  y  sens  deguu  augect, 
2445    Sens  aver  crento  ny  temenso. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  J 

L'haulto  et  clivino  cleineuso 

Nos  vueillio  en  s\imoiir  augmentai'! 

[F'^  63  V"]       Recédant  ad  placitaia  imperatores  cuia  ceterits 

servitoribus. 

PRI.MUS  UOMANUS 

Compajre,  vos  voloc  contar 
Lo  grant  novel  esdevengu  ; 

LO     SEGONT  ROMAN 

2450     Tôt  a  tresqueben  convengu, 
Volé  contar  des  imnerours? 

LO  TERS  ROMAN 

Grant  plaser  aj  vist  que  los  meurs 
Son  adplsis,  qu'eron  tant  durs. 

LO  PREMIER   ROMAN 

Anen,  per  esser  myej's  segurs, 
2455    Nos  far  batear  autant  ben. 

LO    SEGONT    ROMAN 

Anen,  la  me  play  tresque  ben  ; 
Quant  a  m}'  n'ay  très  grant  plasjr. 

LO    TERS    ROMAN 

You  n'aviouc  aultre  désir. 
Anen  tos  très,  per  lo  plus  cort. 

Hicvadunt  très  et  aliqui  siinul,  si  rïdeatur,  ut  halhentur 

PAPA 

24G0     Pons,  ung  principal  de  la  cort, 
Anen  nos  en  tos  très  ensemble, 
Desfar  de  Jupiter  lo  temple 
Et  l'ydolos  que  son  dedins. 

[F°  64  r"]  s.  PONS 

Encar  vendren  a  nost<-os  fins, 


416  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

2465     Meyant  la  divino  bouta  '. 

LO    PREMIER  ROMAN 

O  seignor,  quôsjo  escota! 
A  Djou  voloc  esser  fiable  ; 
Renonciouc   als  pompos  dal  diable 
Et  baptesme  demandoc  jou. 


LO   SECOND    ROMAN 


o  IT 


iTO     Baptesme,  per    lo  nom  de  Diou  ! 
En  el  3'ou  creouc  fermoraent 
Qu'a  fach  terro  etlo  firmament, 
Tôt  quant  es  sus  terro  et  la  mar. 

LO    TER  s  ROMAN 

La  m'es,  seignor,  trop  fort  amar 
2175     D'istar  en  tallo  ydolatrio; 

Dont  vostro  sanctita  l'on  prio 
Que  vos  plasso  nosbatear^. 

PAPA 

Vené  nos  donequos  ajuar, 
Puis,  al  retort  que  you  farey, 
2480     Sy  play  a  Diou,  vous  batearey 
Tes  très  en  Crist  per  carita. 

s.    PONS 

Anen,  anen,  en  verita. 
[F°  64  V]      You  como  grant  senator 
Sarey  d'eyssot  l'executor.. 
Vaclunt  ad  templum  magni  Jovis . 
PA  USA . 

*  Eq  marge,  on  lit  l'adjonction  postérieure  qui  suit  : 

VALLEBl 

Si  play  a  l'haulto  raagesta, 
Nos  eoffaren  nostre  dever. 
Quant  a  ma  part,  ay  boa  voiler 
Que  lo  fach  sio  magnifesta. 
'  En  marj^e  :«  Quere  in  tati  si[g]no  -}-.»Puis  sur  la  marge  opposée  ; 
<i  vacal.  » 


ISTORIO  DE  SANCT  FONCZ  417 

2485     Falsos  jdolos  très  mauditos, 

Dâuras,  argentas  et  depitos, 

Plenos  de  diables  inferiials, 

Qu'aulx  armos  fasé  tant  de  mais, 

Las!  desviant  de  la  reson  : 
2490     I\yros  es  venguo  la  seson 

Qu'ambe  ray  aurc  la  guerro. 

Rua,  tonba  lotos  en  terre'. 

nie  percutit  et  frangït  omnia  ydola  ienijd'i . 

Sus,  qu'embe  pichos   et  l'ejssa 
Pejro  sus  peyro  non  sio  leyssa, 
2405     Car  eyssintos  es  l'antreprejso, 
Et  faren  uno  novo  gleyso 
Al  servie!  de  Diou  dica. 

Hic  populus  phanum  funditus  evertat. 

LO   PREMIER    SACERDOT  DEL  TEMPLE 

Haa  !  Tu  non  Tas  pas  fabrica 
Aquest  temple,  faulx  apostat! 

LO  SEGONT    SACERDOT  DAL    TEMPLE 

2500     Es  so  d'ung  senator  Testât 

De  rompre  so  qu'en  deourio  far? 

•  LO  PREMIER  SACERDOT 

Fuven,  el  nos  faré  gastar; 
El  es  trop  ejros  furioux. 

LO  SEGONT    SACEKDOT 

D'ejssi  la  nos  chai  exempfar: 
2505     Nostre  fach  vaj  tôt  a  rebnux . 

Fu(jiunt. 

[F°  66  r°]  PAPA 

Lausor  a  Diou  glorieux 
Syo  encuj  de  nos  dona; 

1  Ed  marge:»  Quere  in  tali  signo  \.  » 


■J'S  ISTORIO  I>E  SA^CT  PO^CZ 

Facli  nos  aven  ])ono  jorna. 
Quant  eysso  si  a-ven  destrucli. 

s.    PONS 

2510     Que  tôt  ejsso  syo  reduch, 

Puis  après  nos  advisaren 

Gens  qui  lo  edifficaren 

Plus  bel  qu'el  n'ero  per  davant. 

Adyou,  scignor  papo  très  sant, 
2515     Aresta  a  la  pax  de  Diou. 

Vadunt  ad  impcratares  et  papa  ad  locum  suum  cuni 
sacerdotihus  suis. 

•PAPA 

Ana  en  pax,  Pons,  doulx  filh  mjou  ; 

Continua  en  vostre  prepaux'. 

RecedU  impa  cum  Valerio,  et    illi  Romani   stent  cum 
papa . 

s.   POKS 

Fatiga  soy  senso  repaulx, 
Imperours,  sacro  magesta; 
2520     Ydolos,  temple  aven  gasta; 
Resto  de  far  en  ung  novel. 

PHILIPUS  PATER 

Ung  temple  faren  fal-  plus  bel 
Al  nom  de  Dioù  et  laousor. 

PHILIPUS   FILIUS 

Soleilh  non  douo  tal  lusor 
2525     Que  faré,  mas  que  syo  perfach. 

PHILIPUS   PATER 

Volen  qu'en  Romo  syo  fach 
Esbatoment,  solas  et  festo. 


*  Kn  marge  :  «  Qwre  in  tali  avjno  \. 
2  Sic,  pour:  far. 


ISTORIO  DE  SANCT  POKCZ  4  9 


[F"  66  V]     Trompetos,  taborins  et  la  rosto 
D'estrument  que  pojré  trobar, 
2530     Mosire  d'ostal,  fasé  so  far, 
Per  la  jorna  tant  glorioso. 


MESTRE    D  OSTAL 


Sus  donc,  compaignio  jojoso, 
A  chans,  a  dansos,  a  sollas, 
Vos  preouc  que  non  sya  ])as  las 
2535     Per  la  jorna  tant  preciouso. 


PHILIPUS    FILIUS 


Vostro  armo  non  syo  engojsoso  ; 
Vella  d'aur  et  d'argent  a  forso . 
L'on  vos  preo,  cliascun  s'esforso 
Per  la  jorna  tant  amoroso. 

l'escuyer 

2540     Flejtos,  taborins  et  baudouso 
Ensemble  ben  s'acordaren  ; 
De  mover  pron  lor  daren, 
Per  la  jorna  tant  sumptuouso. 

FRANT 

Mua  es  la  cort  rigoroso 
2545     En  plasers  et  sollas  ben  grans. 

BBUYANT 

L'es  presque  chauso  vergoignoso. 

RIFFLANT 

Mua  es  la  cort  rigoroso. 

[F°    67    r"]  GKAXDENT 

Dedins  ma  petito  follioso 
Metrey  aquestos  rogi^'  Q-ran^. 

BRUFFAULT 

Î.550     Mua  es  la  cort  rigoroso 

En  plasers  et  sollas  ben  grans. 


4:0  F^OESIES  KELI011£USES 


LO    MESSAGIER 


L'on  VOS  pi'eo,  petis  et  gratis, 
A  riionor  de  Dvou  et  glorio, 
Deman  sja  matin  entrans, 
Et  vevré  la  rest  de  Tistorio. 

DEC    GRATIAS. 

Fin  de  la  première  journée. 


POÉSIES  RELIGIEUSES 

DU   MANUSGUIT    DE    WOLFENBUETTEL 
(Suite  et  fin) 


NOTES 


1,  Alça=  auja  ;  naiiga,  au  vers  suivant,  =  nauja,  cf.  cos  =  jos 
466. 

6.  A  teira,  «  à  la  file,  d'un  bout  à  l'autre.  » 

10.  Senes  crer.  Je  ne  comprends  pas  le  sens  de  ce  vers.  Crcr 
pourrait  être  creire  {creit  =  crezet,  v.  2636),  dont  il  y  a  un  autre 
exemple  chez  Peire  Milo  (cf.  A.  Fischer,  Der  Infiniliv  im  Proc, 
p.  38),  et  alors  il  y  aurait  peut-être  à  reconnaître  ici  une  influence 
italienne  (cf.  Tobler,  Caio,§  22,  ISIussafia,  Lilt.  Blatt.,  IV,  278).  Mais 
qu'est-ce  que  cela  pourrait  signifier  ?«  sans  croire»?  on  attend  un  in^t 
ayant  la  signification  de  «  doute.  »  Faut-il  corriger?  Et  comment? 

20.  «  Et  qui  prend  mauvaise  garde  et  mauvais  soin  de  soi,  jùs 
lui  en  prendra  qu'à  moi.»  L'usage  correct  demanderait  li  au  lieu  de 
lu;  cf.  s'a  mi  mal  e?i  pren,  Raynouard,  Lex.  rom.,  IV,  626  b;  c'n 
Salomo  près  enaissi,  Bartsch,  Chrest.,  4e  éd.,  p.  74,1.  5. 

37.  An  pour  a  (à  savoir  Dieu);  voy.   Introduction,  p.  182. 

40.    Je  ne  saisis  pas  bien  le  sens  de  ce  vers.  [Le  sens  me  paraît 


DU  MANUSCRIT  DE   WOLFENBUETT  EL  421 

être:  «Quand  [ou  combien?]  Dieu  sera-t-il  récompensé  de  nous  avoir 
faits  ainsi  à  son  image?»  L'auteur  veut  dire  :«  Nous  ne  lui  sommes 
pas  reconnaissants,  comme  nous  devrions  l'être,  d'un  si  grand  bien- 
fait. ..  ChabJ] 

61  Le  sens  de  ce  vers  me  semble  être  clair  :  «  Si  quelqu'un  d'eux 
(se.  des  autres,  cf.  allrui,  v.  57)  lui  fait  du  mal»;  mais  je  ne  sais 
expliquer  le  mot  meislaigna.  Seiait-il  permis  de  supposer  chez  no- 
tre auteur  un  verbe  mesclanhar,  formé  de  viesclanha,  «  mêlée,  com- 
bat, querelle  »,  donc  combattre,  guei'eller,  puis  nuire,  faire  du  mal? 

70.  Airemcns  pour  airame^^s,  «  encre.  »  Je  dois  cette  correction  à 
l'obligeance  de  M.  le  professeur  Neumaun. 

74.  Pena.  Le  ins.  porte  pêne  et  amené  au  vers  précédent.  J'ai 
corrigé  ces  mots,  parce  que  pêne  serait  le  seul  exemple  du  pluriel 
italien,  que  le  copiste  français  a  souvent  écrit  -e  pour  -a  atone  et 
que  le  subjonctif  amené  ne  me  semblait  guère  convenir  ici.  Mais 
peut-être  ai-je  eu  tort,  car  le  subjonctif  se  trouve  aussi,  et  assuié 
par  la  rime,  au  vers  158  (an  port  =  en  port),  où  il  m'est  du  reste 
aussi  incompréhensible  qu'ici,  et  il  y  a  en  effet  l'indicatif  mena  au 
v.  161.  Si  l'on  voulait  garder  la  leçon  du  ms.,  il  y  aurait  donc  une 
autre  forme  italienne  à  ajouter  à  celles  que  j'ai  notées  dans  l'Intro- 
duction. 

86.  Nolon.  Je  ne  connais  ni  nolrr  eu  prov.,  ni  noloir  en  français, 
ni  nolere  en  italien.  M.  Chabaneau  a  eu  la  bonté  de  me  communi- 
quer l'ingénieuse  hypothèse  que  l'auteur  avait  vu,  probablement,  des 
mots  dont  le  v  initial  avait  été  supprimé,  comme  dans  d'oslre  (cf.  Paul 
Meyer,  Derniers  Troitb.,  p.  22,  et  Daurel,  p.  Lv),  et  qu'il  a  pu  se 
croire  autorisé  à  dire  n'oler  pour  no  voler.  Cf.  aussi  la  note  sur  le 
v.  392. 

108.  Treçada  ou  terçada? —  [Corr.  crocada,  qui  aurait  ici  le  sens 
de  signe  de  croix  ?  Chab.j 

115.  Enans  que  =  le  plus  tùt  que. 

158.  «  Sachez-le  bien,  celui-là  ne  sera  pas  mort  que  les  anges  em- 
portent [se.  dans  le  paradis];  au  contraire,  il  sera  plus  vivant  qu'uu 
vivant  [de  ce  monde].»  Pourquoi  le  subjonctif  à  côté  de  l'indicatit 
mena,  v.  lGr?Voy.la  note  sur  le  v.  74. 

170.  Rais  «  radice.  »  Je  ne  connais  pas  d'autres  exemples  anciens 
de  cette  forme  monosyllabique,  qui  est  aujourd'hui  très-usitée.  CL 
Mistral,  Dict.  prov.  Elle  se  retrouve  au  v.  1701.  Mais  on  a  radiç  au 
V.  204. 

175.  Cion  poges  dépend  de  de  rens  als  no7i  pensa  mais. 

'  Je  dois  les  notes  signées  Chab.  à  l'aimable  obligeance  de  M.  Chabaneaa. 


i'i2  POESIES  RELIGIEUSES 

lO'.K  «  A  ceux  qu'il  a  mis  ici-bas  »,  c'est-à-dire  aux  prêtres.  ['Peut- 
être  Aiccls  (=■  a  aiccls)  qti'a:  aisso  mes.  «  qu'il  mit  à  cela,  qu'il 
destina  à  cette  fonction.  »  Chab.j 

204.  C'unas  «  quar  en  même  temps.  » 

208.  «  Qu'eu  secourant  les  pauvres.» 

223.  Mil  tant.  Cf.  Tobler,  Yermischte  Beitrueye  zur  framos. 
Gram.,  p.  150-2. 

232.  Fasson  semble  être  exigé  par  le  sens,  au  lieu  de  l'incompré- 
hensible lovrion  du  ms.  Pourtant  la  correction  s'écarte  trop  de  la 
leçon  du  ms.  pour  pouvoir  être  regardée  comme  sûre. — [Corr.  lo'inon? 
u  Et  que  les  désespérés  éloignent  leurs  volontés  »,  c'est-à-dire  y  ré- 
sistent, n'y  cèdent  pas,  comme  fit  Judas,  Chab.] 

261.  Tard  «  trop  tard  ».  De  même  au  v.  330. 

273.  Planq  pour  plaine  =  plens. 

303.  Otraillos  pour  otraios,  cf.  meieraç  1880,  à  côté  de  meilloraç, 
v.  1939. 

306.  Taillens .  Italianisme  que  j'ai  oublié  de  noter  dans  l'introduc- 
tion ;  cf.  Tobler,  Uguqon,  §  49,  Mussafia,  Mon.  ont.,  p.  15.  M.  Cha- 
baneau  a  eu  la  bonté  de  m'écrire  qu'aujourd'hui  la.  flexion  -en  a  rem- 
placé-«n  dans  plusieurs  variétés  du  languedocien. 

311.  Sens?  [11  faut  probablement  lire,  en  un  seul  \not,dcserlas  (ce 
qu'ils  ont  mérité,  desservi),  et  mettre  un  point  et  virgule  à  la  fia  du 
vers.   Chab.] 

312.  Avertas ;  pour  uhertas.  Cf.  Introduction,  p.  184,  n°  2. 
315.  Rama.  Ramar  signifie  proprement  <<  produire  des  rameaux  », 

ici  simplement  «  produire.  »  —  Focs  se  trouve  déjà  au  vers  précé- 
dent et  ne  semble  ici  guère  à  sa  place  ;  on  attendrait  quelque  chose 
de  synonyme  à  serpens  et  verms.  Doit-on  corriger?  Et  comment? 
[Corr.  Ranas,  bots  et  serpens?  bot  =  crapaud.  Chab.] 

325-6.  Mettre  des  points  à  la  fin  de  ces  deux  vers,  qui  sont  in- 
complets. Je  n'en  voi's  pas  la  restitution. 

345-6.  Deu:meçeu.  De  même, 517-18.  Je  n'ai  pas  relové  ces  rimes 
comme  inexactes  dans  l'Introduction,  non  plus  que  Ben  (Deum)  : 
deu  (débet)  193,  457,  ni  moût:  tout  1807-10,  parce  que  je  crois  avec 
M.  Oriaus  ',  qu'en  provençal  Ve  et  Vo  fermés  deviennent  toujours  ou- 
verts devant  une  labiale. 

349.  Effacez  la  virgule  après  orgoils. 

•358.  L'armais  sunt  morta  z=:r  l'âme  est  morte  ou  les  âmes  sont 
mortes.  L'un  et  l'autre  est  possible  ;  si  c'est  le  singulier,  il  y  a  un 
subst.  fém.  sing.  en  -as  et  le  verbe  au  pluriel.  Cf.  p.  13  et  15.  Si  c'est 

'  Dans  un  travail  sur  Ve  et  \'o  en  provençal,  qui  paraîtra  prochainement 
dans  ÏArchiv  fur  das  Studium  der  neueren  Sprachen, 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBURTTEL  ^:3 

lei)luriel,  il  y  a  l'article  /'  pour  las  et  iiu  jil,  f'cin    en  -".  '"!'.  p.    1."!, 
n-'S  et  p.  11. 

375.  Je  ne  comprends  pas  ce  vers;  je  ne  vois  pas  non  plus  comment 
on  pourrait  corriger. 

{Parti  son  manlenen, 

Enausi  van  diçen. 

De  iorn  en  iorn  menan 

Lo  mond  el  temps  enan  (ou  en  van?), 

Tant  que  la  mort  los  cocha 

Que  sil  (pour  si  lor)  sera  la  bocha,,.?  Chab.] 

392.  Tel  qu'il  est,  ce  vers  ne  donne  pas  un  sens  satisfaisant,  car 
la  première  personne  n'y  convient  guère.  Le  contexte  demanderait: 
Ja  non  voilla  respir  prendre  ;  mais  aloi's  le  vers  aurait  une  .syllabe 
de  trop.  Peut-être  serait-il  permis  de  proposer: /a  noill  'omrespir 
prendre,  comme  il  y  a  nolon  =  no  volon  au  v.  80.  [Corr.  Non  voil- 
latz,  en  supprimant  Ge?  Chab.] 

394.  «  Autant  qu'il  peut.»  [Lis.  quil?  «  Au  contraire,  celui  qui  le 
peut  en  doitdavantage  faire  son  pouvoir  (tout  son  possible).»  Chab.] 

399.  Noill,  c'est-à-dire  à  celui  qui  sert  Dieu. 

409.  Meton.Snv  le  pluriel  après  quecs  et  après  cascun,  v.  539,  voy. 
Stimmiug,  B.  de  Born  38,  88  note. 

41G.  Dis  =  ditz. 

424.  «  Il  ne  se  trouve  pas  entre  mille  ni  entre  plus,  si  l'on  essaye 
bien,  qui  en  aient  d'autre  guerdon  »,  à  savoir  que  leur  peine  et  leurs 
efforts,  car  le  seigneur  ne  les  en  récompense  pas  {^sens  dar  416). 

438.  Suppléez  e  l'autre? 

441.  Saian  =  snpclian  ;  àe  mèmQ  aux  vv.  1956,  2429,2709;  cf. 
p.  25. 

473.  «  Dans  tout  lo  monde  ne  vit  aucun  homme  vaillant.  •> 

486.  Ce  vers  signifie,  je  crois:  «  i)ius  difficilement  descend-il, 
s'abaisse- t-il.  » 

492.  Per  ncmic.  Sur  l'omission  de  l'article  cf.  Diez  Gram.,  3o  éd., 

m,  25. 

494.  Qu'en  =  qui  sont  [forme  analogique,  née  de  em  (nous  som- 
mes)'? Chab.]  cf.  Introduction,  p.    185,  n»  8. 

505.  Aren?  Oa  sensa  ren  (italianisme]? —  \_!^ensa.  ren  «  sans  rien, 
sans  récompense  (temporelle).  »  Cf.  senso  chez  Mistral,  etc.  Chab.] 

519-20.  Corr.  La  gens  es  tant  vencuda  D'avol  fjazanh. . .? 

546.  Sa  pour  sap;  de  même  aux  v.  2103,  2577;  cf.  Introduction, 
p.  185,  n°  6. 

547-50.  Je  ne  saisis  pas  bien  le  sens  de   ces  vers.  Peut-être   de- 


4:î4  POESIES  RELIGIEUSES 

vrait-ou  corriger  One  au  lion  de  E  au  v.  549  et  mettre  des  virgules 
après  pensamcn  548,  devant /;oj5  et  après  res,  549,  et  traduire:  «  Le 
cœur  ne  connaît  pas  celui-là  en  vain  penser  (se,  vainement),  (de  ma-  ^ 

nière)  qu'il  laisse  le  mal  et  fasse  le  bien,  après  qu'il  (se.  le  cœur, 
cf.  V.  545-6)  a  reconnu  quelque  chose.  »  [Corr.  Bcil(hel)  au  v.  548  \ 

et  conox  om  au  v.  549?  Le  sens  serait:  «  Par  le  cœur,  on  connaît  ,| 

{cognosccndum  esl?)  les  belles  et  les  vaines  pensées;  et  après  que  "•' 

(ou  puisque)  on  connaît  les  choses  (comme  elles  sont),  qu'on  laisse  ^ 

le  mal,  qu'on  fasse  le  bien.  Chab.] 

559.  Le  vers  est  trop  court  d'une  syllabe  et,  de  môme  que  le  vers 
suivant,  incompréhensible.  Pourrait-on  corriger:  Per  falsamen  gni- 
dar  E  ter'  an  s'enganar  =  par  être  faussement  guidé  (c'est-à-dire 
par  les  yeux  de  la  tête  et  non  par  ceux  du  cœur),  En  terre,  ils  se  trom- 
peront? 

588.  Fahet.  Cf.  Introduction,  p.  187,  —  Trais  i<  trahit.  »  Cf.  Su- 
chier,  Dcn/£»î/r.,  I,  516,  note  sur  le  v.  44. 

611-12?  [al  ham  De  deu  et  al  seu   ram,*  Chab,] 

630,  Que  siin  staç  est  à  combiner  avec  qu'a  segun-  Peut-être 
devrait-on  corriger  que  segun. 

642.  Le  vers  est  trop  court  d'une  syllabe  et  le  sens  n'est  pas  clair. 
On  voudrait  un  verbe  signifiant  s'efforcer.  [C'est  plutôt,  à  mon  avis, 
le  sens  contraire.  Donc  negiis  no  s'estraia?  Chab.] 

649,  Corr,  Quar  chasçuns,  bons  et  mais,  En  la  peina  enfernals 
Aneit.Cî.v.  890-1, 

679.  Macliaç.  Afrtc^ar,  lurt^ar  =  percutere.  Don.  prov.,'i2  a,  5; 
cf.  Revue  des  l.  rom.,  XIII,  140. 

683,  11  vaudrait  peut-être  mieux  mettre  la  virgule  après  gap  et 
l'effacer  après  richamens  du  vers  précédent. 

684.  Sujet?  [Jésus,  comme  au  v.  676?  L'auteur  aura  pensé  qu'on 
pouvait  dire  fo  dona.ç  grant  galtadas.fo  corona  mes,  pour  «  on  lui 
donna  des  soufflets  »,  «on  lui  mit  unecouronne  »,  comme  on  pouvait 
dire  :«  il  fut  soufflette  »;«  il  fut  couronné  »,  pour  «on  le  soufflet  ta», 
«  on  le  couronna.  »I1  faudrait,  naturellement,  corriger  corona.  Chab.] 

688.  Par  nostr'  amors.  Cf.  Diez,  Gram.,  3e  éd.,   III,  70. 

102.  Amis.  Le  ms.  porte  amies  ;  la  rime  exige  amis,  forme  qui  n'est 
pas  rare  chez  les  troubadours  ;  cf.  Philippsou,  M'ônch  von  Monlaudon, 
XII,  36  note;  Bartsch,  Zet^sc^rt/i  fur  rom.  Phil.,  II,  136;  Canello, 
Arn.  Daniello,  III,  42,  note. 

717.  «  Qu'ils  viendront  à  tel  port  qu'il  n'auront  jamais  consola- 
tion. » 

734,  Qui  =  .si  quis. 

747.  Merms.  Le  ms.  porte  mers,  leçon  qui  n'a  pas  de  sens  ;  tomme 
il  y  a  verms  au  vers  suivant,  j'ai  corrigé  merms,  quoique  je  ne  me 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  425 

dissimule  pas  que  le  vers,  même  eu  lisant  iiiennuj  offre  de  grandes 
difficultés.  D'abord  je  ne  connais  pas  d'autre  exemple  de  ce  mot  en 
provençal  ;  puis,  Tadj.  étant  fém.,  on  attendrait  nierma  (cf.  pourtant 
dolq,  cor  tes,  fém.;  Introduction,  p.  178),  et  enfin  le  verbe  manque.  [Ne 
pourrait-on  songer  à  corriger  >ner5  et  au  vers  suivant  ver^,  forme  fr. 
pour  le  prov,  fc'r^i^.^  3/t?/'6-  serait  mer  g  il  (ital.  mcrge).Meriiere,Qïi 
provençal  aurait  naturellement  donné  merzer,  comme  surgere,  sor- 
zer.  Chab.] 

754.  Bis  =  ditz. 

757.  Alort  signifie  ici  évidemment  «  torture.  »  Je  ne  connais  en 
prov.  ni  im  subst.  rt^or^  ni  un  verbe  atorzer  ;  l'italien  ai^orct're  n"a, 
que  je  sache,  jamais  la  signification  de  torturer. 

762.  [Sens  =  son  (=  fr.  siens)  ou  seus '/  Chab.] 

775.  Apres  de  «  comparé  à.  » 

777.  El  =et  lo. 

822.  Qui  quiet.  Corr.  qui  que  es;  que  es  ne  comptant  que  pour 
une  syllabe,  par  synalèphe?  [Quiet  =  chiet  (cadit)?  Chab.] 

837.  [«  Corr.  l'entendre?»  Chab.] 

889.  «  Et  l'étaient  encore  davantage.  » 

891 .  Aisemeiis  pour  eissamens.   De  même  v.  2087  et  2846. 

924  ss.  Ce  passage  me  semble  difficile.  Si  l'on  garde  la  leçon  du 
ms. ,  il  faut  traduire:  «  Je  sais  bien  que  personne  n'est  digne — tant  il 
est  bon  et  parfait  (à  savoir  lo  teu  reng)  -*  qu'il  puisse  faire  tant  de 
bien  qu'il  doive  avoir  un  tel  règne.  »  Mais  cette  leçon  donnerait-elle 
un  sens  satisfaisant?  Peut-on  dire  «  être  digne  de  faire  tant  de  bien?» 
Nous  aurions  un  sens  convenable  s'il  y  avait  :«  Je  sais  bien  que  per- 
sonne n'en  est  digne  (se.  del  teu  reng);  personne  n'est  si  bon  ni  si 
parfait  qu'il  puisse  faire  tant  de  bien,  etc.»  Mais  alors  un  no  man- 
querait au  V.  925,  et  l'on  devrait  corriger  nes(=  no  es)  au  lieu  de 
es;  cf.  V.  1104  et  \\2>l.[Deng=  capable.  Cf.  le  grec  ajto;.  At.  de 
Mons.  [Al  bon  rey  de  Castela,  vv.  32-4): 

E  car  vostre  sabers 
Es  dignes  a  donar 
Aital  jutjamen  car. . . 

J'ai  connu  une  femme  qui,  relevant  de  maladie  et  ayant  des  étour- 
dissements  quand  elle  regardait  dans  la  rue,  disait:  «Je  ne  suis  pas 
digne  de  regarder  par  la  fenêtre.  »  Traduisez  donc  :  «Je  sais  que  nul 
n'est  capable,  si  bon  et  si  pur  qu'il  soit,  de  faire  tant  de  bien  qu'il 
puisse  mériter  le  royaume  deDieu.  »  Chab.] 

1033.  Quatres  dans  le  teste  est  une  faute;  il  faut  lire  quatre. 
forme  qui  doit  être  substituée  au  quatres  du  ms.  pour  donner  au 
vers  sa  juste  mesure  de  six  syllabes  (par  synalèphe) . 


4  Ce'.  POESIES  RELIGIEUSES 

1050.   «  De    tout  00  qui  l\>rtouse.   ->  De  même  \ .  1370.  Cf.  Diez, 
Gram^naire,  III,  70-71. 
1061-2  «  Lacroix.» 

1063.  Quar   pour  que.  De  même  aux  vv.  61 1,  2578,  2737,  2750. 
1081.  Brida?  [Sans  doute  sainte  Brii>-ide.  Chab.] 

1085.  Tedas?  [Corr.    Tccl  a  ?  {sn'mte  Thède).  Chab.] 

1086.  Flidadaf 

1090.  11  manque  un  vers  rimant   ou  assonant  au  v.  1080. 

1111.  Sian  pour  sians  =  sia  nos;  cf.  Introduction,  p.  180,  n"  9. 

1136.  D(Vt.  Les  exemples  de  dia  féminin  sont  assez  rares  en  pro- 
vençal; cf.  Revue  des  l.  rom.,  XXV,  41-42;  Loos,  Die  Nominal- 
fle.vion  im  Provenzalischen  [Ansg .  und  Abh.,  XVI),  p.  11 . 

1 169.  Le  vers  étant  trop  court  d'une  syllabe,  j'ai  ajouté  el  devant 
pris. 

1171-2.  Si  l'on  ne  veut  pas  admettre  une  assonance,  il  faut  ou 
écrire  C05<«ç,  forme  du  cas  sujet  pour  celle  du  cas  obi.,  ou  lat  =  it. 
lato/  Le  ms.  porte  laie  avec  l't  biiFé,  c'est-à-dire  lac.  11  y  a  donc 
en  tout  cas  une  irrégularité. 

1183.  Leamta.  Corr.  de  l'anita. 

1186.  «  Venir  a  confesion  »  dépend  de  mi  fuir,  v.  1185. 

1225.  Effacez  la  virgule  à  la  fin  du  vers  ;  «  la  sainte  grossesse  de 
vous.  » 

1238.  Le  vers  a  une  syTlabe  de  trop.  Corr.  Yergen  regin'  en  ciel 
gracida? 

\2dQ.  D'olimens  =  d'onction? 

1266-8.  Que  cels.  ..que  vos.  Sur  la  répétition  du  que,  voyez  mon 
édition  de  Zorzi,  note  sur  13,  36.  De  même  v.  2328  qu'axiç  ques, . . 
qu'eu  tan,  et  v.  2052:  que  quan. . .  qttcl. 

1275.  Il  manque  une  syllabe;  comment  corriger?  [fassatz?  Chab.] 

1287.  Vers  trop  court  d'une  syllabe.  Corr.  esmendar?  [Plutôt  no 
cudeil?  Chab.].  Mieux  vaudrait  peut-être  mettre  un  point  et  virgule 
après  ce  vers  et  une  virgule  seulement  après  colpa,  v.  1289 

1314.  M'omeliu.  Au  sujet  de  cette  forme,  qui  reparaît  deux  fois 
plus  loin  (vv.  1755  et  2239),  et  que  je  ne  m'expliquais  pas  bien, 
étant  donné  l'infinitif  umcliar  (qu'on  a  v.  2778),  Ts\.  Chabaneau.  que 
j'ai  consulté,  a  bien  voulu  m'euvoyer  la  uote  suivante. 

«  Cette  forme  omeliu  =  humilio  se  remarque  ailleurs,  par  exem- 
ple chez  Peire  Vidal,  Be  m'agrada  la  covinens  sazos,  v.  27,  et 
chez  Lanfranc  Cigala,  Escur  'prim  chaniar,  v.  60.  Elle  est  régulière 
dans  le  Forez',  le  Lyonnais, le  Dauphiué,  tons  pays  où  l'o,  comme 

1  Cf.  ce  que  dit  Raimon  Vidai,  p.  87  de  Tédit.  Stengel,  des  formes  amiu 
•t  chaîstiu. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  427 

Vil  latin  post-tonique,  n'a  pas  disparu,  et  aussi  thius  une  notable 
partie  de  la  Provence  proprement  dite, par  exemple  à  Marseille,  où 
les  verbf  s  en  iar  font  au  présent  de  l'indicatif  leur  première  per- 
sonne en  ïeu  (ce  qui  est  la  même  chose  que  iii).  11  en  était  sans 
doute  déjà  ainsi  dès  le  temps  de  Peire  Vidal.  Des  formes  pareilles 
sont  enciu  (j'envoie)  et  aulriu  (j'octroie),  qu'on  trouve  dans  une 
chanson  d'Ugo  Brunenc  (  Ab  plazer).  La  même  chanson  nous  offre 
d'autres  formes,  non  plus  identiques,  mais  analogues,  c'est-à  dire 
dans  lesquelles  un  ti  (  =  o  fermé),  dont  l'étymologie  ne  peut  ren- 
dre compte,  s'est  ajouté  par  analoyie  à  un  i  tonique  final  ou  de- 
venu tel,  par  la  chute  d'un  a,  consécutive  de  son  affaiblissement: 
litt,  castiii,  detriu,  esliu,  veiriii  '.  D'autres  exemples  de  semb-hables 
formes  analogiques,  se  rencontrent  çà  et  là  dans  divers  textes.  Je 
vous  citerai  /îit,  castiu,  omeliv.,  obliu,  où  iu  remplace  le  latin  l'.et, 
dans  une  pièce  d'Arnaut  de  Tintignac  {Lo  joi  comens);  chez  Gui- 
lliem  Adéinar  (£Z  temps  d'esliii):  forfiu  ^forisfeci),  diii  (dicit);  dans 
Flamenca:  c/juà*  (372),  eallu  (1315,  6428);  dans  la  Vie  de  Sainte 
Enimie  (Bartsch,  DenJcm.,  2G6,  21-22):  tenrieu,  auzieu.  Ces  deux 
derniers  exemples  sont,  avec  le  second  esliu  de  Flamenca  et  le 
vciriii  d'Ugu  Brunenc,  les  seuls  qui  soient  en  parfait  accord  avec 
le  provençal  moderne,  parce  que  ce  dialecte  n'a  retenu  la  flexion 
irii  (=  ia  ou  ie)  que  pour  la  première  personne,  disant  fasieu, 
farieu,  pour  :  je  faisais,  je  ferais  ;  mais  fasie,  farte,  pour  :  il  faisait, 
il  ferait;  tandis  qu'au  moyen  âge,  cette  nouvelle  flexion  servait  aussi 
bien,  comme  le  ia  (ou  ie)  qu'elle  remplaçait,  pour  la  troisième  per- 
sonne que  pour  la  première.  » 

1347-8.  Ces  deux  vers  ne  riment  ni  en  français,  ni  en  provençal. 
Peut-être  l'auteur  a  t-il  écrit  lat,  c'est-à-dire  ital.  latte  avec  apocope 
de  Ve.  Il  y  a  latas  au  même  vers,  laitar  2221 . 

1399.  Il  y  a  déjà  veira  maiestaç  au  v.  1397.  Je  ne  crois  pas  qu'il 
soit  nécessaire  d'y  voir  une  faute  du  copiste;  cette  répétition  du 
même  mot  peut  bien  être  due  au  poëte  lui-même. 

1406.  Userait  peut-être  préférable  de  corriger  iJç  eu,  et  de  mettre 
une  virgule  au  v.  1405  et  un  point  à  la  fin  du  v.  1411. 

1419.  Il  y  a  dans  le  ms.,  après  ce  vers, cet  autre:  Et  en  vos  es  mas 
atendença.  11  est  évident  que  ce  vers  est  fautif.  Le  copiste  ayant  bien 
copié  le  commencement  du  v.  1420,  y  a  ajouté  la  fin  du  v.  1419;  plus 

'Remarquez  que  ces  formes  en  i,  intermédiaires  entre  m  et  iu,  ne  sont 
pas   seulement  des  formes  tliéoriques;  on  en    trouve  un  grand  nombre,  au 
subjonctif  principalement,  dans  les  texte?  de  la  Provence  efde  la  Gascogne; 
ailleurs  aussi,  mais  plus  rarement.  Ainsi  vous  pouvez  voir  esti,  rimant  en  i 
dans  Folquet  de  Lunei(E  nom  del  paire,  v.  422.) 


418  POESIES  RELIGIEUSES 

tard,  s'cuuit  aperçu  de  son  erreur,  il  a  ajouté  le  v.  1420,  tel  qull  doit 
être. 

1430.  Aiaç  ne  me  semble  pas  ici  bien  à  sa  place.  Corr.  Faiç  tni '^ 
ou  faiçam?  Voyez  la  note  sur  le  v.  1921 . 

1440.  Arma,  Levers  ne  m'est  })as  idair.  Anna,  «  âme  »,  ne  donne 
pas  de  sens.  Serait-il  pour  armas?  ]\Iai.s  alors  non  plus  le  sens  ne  me 
paraîtrait  pas  satisfaisant. 

1448.  Je  ne  saisis  pas  le  sens  de  ce  vers.  L'auteur  a-t-il  confondu 
atcndre  et  atenher,  et  devrait-on  corriger  noi  pour  no»,  «  que  l'en- 
nemi n"v  puisse  pas  atteindre  »?  Cf .  estcnda  ^ouv  es  le  n  ha,  au  v.1574. 

1460.  Enfernor.  Je  ne  connais  pas  d'autre  exemple  de  ce  mot  en 
provençal,  mais  pcne  'nfernor  se  trouve  chez  Ugxiçon,  31;  cf.  Tobler, 
§35. 

1514.  [Contraire  =  Gnnexm,  diable.  Chab.] 

\b\l.Iomt.  Corr.  ioint,  owionh? 

1524.  So  fera.  Lisez  sofera,  subjonctif  de  so ferre,  que  je  n'ai 
pourtant  jamais  rencontré  ailleurs.  «  Si  je  dis  rien  qui  vous  soit  pé- 
nible, que  votre  grâce  [le]  souffre.  »  L'objet  serait  sous-entendu. 
[Corr .  mercel  f  Chab .  ] 

1566.  Suppl.  ensegna? 

1574.  Eslenda  pour  estenha.  L'auteur  a  confondu  eslenher  et 
eslendre,  comme  atenher  et  atendre  (v,  1448),  peut-être  sous  l'in- 
fluence des  formes  françaises  éteindre,  atteindre.  Cf.  la  note  sur 
le  V.  1448. 

1598.  [Corr.  Ques  al  mens,  ou  Qu'ai  irœns  ieu  .«',Chab.]  —  Pera . 
C'est  seulement  chez  Zorzi  que  j'ai  rencontré  un  autre  exemple  de  la 
flexion  forte  de  périr.  Cf.  mon  édition  de  ce  troubadour,  I,  79  note. 

1604.  «  Rame  et  voile.  »  La  correction  rems  pour  rens  est  de 
M.  Bartsch,  C/iresto)n.,  4eéd.,  279,   11. 

1608.  Corr.  Plena  de  spiritum  san?  Cf.  2466. 

1623.  Doas  ne  compte  ici  que  pour  une  syllabe.  Cf.  Litt.  Blatt. 
IV,  316,  sur  IV,  13. 

1631.  Le  vers  a  une  syllabe  de  trop.  Corr.  veramen?  Que  signifie 
gloridaf  [Corr.  glotida?  Le  dragon,  d'après  la  légende,  saisit  dans 
sa  gueule  la  tête  de  la  sainte,  qui  l'en  retira  miraculeusement.  C'hab.j 

1671-2.  «  Priez  Dieu  qu'il  envoie  secours  à  ceux  qui  le  deman- 
dent.» [Corr.  A  cel  qui  secors?  Ch-àh.'] 

1704.  Corr.  propdansf 

1716.  Per  un  laus?  [Corr.  p)er  vo  (=  voslre)  lausf  Chab.] 

\lAQ.Yerais  (:  Tomas),  Serait-il  permis  d'écrire  veras  =  ital.  ve- 
race? 

1750.  Levers  étant  trop  court  d'une  syllabe,  j'ai  ajouté  sfrn^;  cf. 
V. 1965. 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUBTTEL  4.9 

1759.  Frair.  Les  exemples  de  cette  forme  ne  sont  pas  rares;  voy., 
par  exemple,  Stinimiug,  B.  de  Born,  glossaire. 

17(31.  Kscherviellaç  '^  [«  écervelé  »,  au  propre.  «. .  .Alors  un  juif 
prit  un  marteau  à  foulon,  et  d'un  grand  coup  il  brisa  la  tête  de  l'aiiù- 
tre  et  fit  voler  au  loin  sa  cervelle.»  {Légende  dorée.)  Chab.] 

1769.  Je  ne  saisis  pas  bien  la  construction  et  le  sens  de  ce  vers. 
[La  construction  est  embarrassée,  mais  le  sens  est  clair.  Ces  apôtres, 
eu  effet,  furent  tués  au  milieu  dos  prêtres,  et  par  ces  prêtres  eux- 
mème.«,  (jui  se  jetèrent  sur  eux  (Le</.  rforee).  Chab.] 

1801.  Arodes.  Ce  serait  la  forme  du  cas  oblique  qui,  on  le  sait, 
suffitdans  la  langue  ancienne  pour  exprimer  le  datif.  Bckker:  arodes. 

1825.  Mors  =  niortz  «  mort.  »  . 

1880.  Meieraç  =  meilloraç  «  améliorez»;  meillorac  se  trouve  au 
V.  1939. 

1903.  Le  vers  ayant  une  sylluuj  iL-  trop, j'ai  effacé  loç.  Ou  pour- 
rait on  admettre  liatz  comptant  seulement  pour  une  syllabe? 

1919. iVo*  =  nous  =  no  vos;  cf.  mon  édition  de  Zorzi,  2,  62  note. 

1921.  Fairon.  Bekker  corrige  faiç  en.  Je  proposerais  de  lire  ou  f'aiç 
mi  ou  faiçnni  =  faiçac  me;  cf.  1940,  2052,  2377. 

1923.  Vol  =  voil,  l'e  pers.  sing.  De  même  2056. 

1941 .  Regnar,  «  séjourner.  » 

1960.  Cors,  forme  du  cas  sujet,  employée  au  lieu  de  celle  du  cas 
obi.  cor. 

1995.  [Déport  et  joie  (dédommagement)  des  grièves  pénitences  (que 
nous  aurons  faites)?  Chab,] 

1999.  Co/ïiiV6«  échange,  payement  »,  à  peu  près  synonyme  de  gier- 
don,  qui  suit. —  Les  vv.  1999-2005  se  retrouvent  au  fol.  51,  insérés 
par  erreur  au  milieu  dune  pi>"jce  strophique  ;  là  aussi  il  y  a  camies. 
Bekker  :  cami  es. 

2000.  Colurs .  Le  ms.  porte  au  fol. 46  r°  dolors,  qui  n'a  pas  de  sens  ; 
au  fol.  51  colors,  que  jai  introduit  au  texte,  mais  qui  ne  me  semble 
pas  non  plus  tout  à  fait  satisfaisant.  Pourrait-on,  en  supposant  que 
cap  dolors  est  la  lei^ou  la  moins  éloignée  de  Toriginal,  corriger  cap- 
delaire?  Cf.  pourtant  le  v.  1878. 

2001.  ToV  ohra.  Au  fol.  51,  il  y  a  tôt  obrus,  que  j'ai  ;iccepté  en 
changeant  obras  en  obra.  Le  pluriel  s'expliquerait  de  la  même  ma- 
nière que  le  pluriel  après  cascus,  totz  hom,  etc.  ]Mais  on  j)Ourrait  au 
besoin  garder  lot'  obras,  et  voir  dans  Iota  la  forme  du  pi.  fém.  en  -a, 
dont  j'ai  parlé  dans  l'Introduction. 

2003.  Pors  =  portz  «  port  .  » 

2011.  Seiaro  armas.  Bekker  corrige  semn  d'armas;]e  préférerais 
sei'a  m'arma. 

2037.  Legen'^  28 


430  POESIES   RELIGIEUSES 

2042.  Peccador.  Le  ms,  porte  peccadors  ;  mais,  à  cause  de  la  rime 
f())-(cœur)et  parce  qu'il  y  a  d'autres  exemples  de  l'emploi  delà  forme 
du  cas  sujet  pour  celle  du  cas  oblique(cf.  Introduction),  je  me  suis 
cru  autorisé  à  corriger  aussi  ce  passage-ci. 

2056.   «  Je  veux  faire  savoir  à  tous  ceux  qui  aiment  prix.» 

2066.  Sol,  «  excepté.  » 

2067.  Sen  tor.Je  ne  vois  pas  bien  comment  il  faut  lire.  On  pour- 
rait corriger:  Que  sel  sen,  cor  et  l'engens. . .;  mais  on  attendrait  el 
(=:  et  lo)  devant  cor,  ce  que  la  mesure  défend.  Ou  senior  =  it. 
senlore.  Mais  cette  signification  ne  semble  guère  convenir.  [Corr. 
sel  sen  tôt  ?  Chab .  ] 

2068.  Los  froç.  Corr.  Vesforg.?  [On  pourrait  aussi  penser  à  los 
proç. tiS>'i  tout  le  sens  et  toute  l'habileté  et  tout  le  savoir  et  toutes 
les  vertus  (je  traduis  par  à  peu  près)  étaient  réunies  dans  une  même 
personne. ..»  Chab.] 

2070.  «  Quelque,  ingénieux  qu'il  fût.» 

2074.  Il  y  a  une  syllabe  de  trop.  Corr.  per  ço  au  lieu  de  per  aiço, 
ou  vol   au  lieu  de  volon. 

2077.  Falimen.  Que  la  rime  fût  en  -en  et  non  en  -ens,  cela  est 
prouvé  par  sen  (=  sentit)  au  v.  2084. 

2080.  Caçon.  Corr.  çaçon  =  jazonf  Cf.  v.  455, 

2081,  Mendon,  corr,  smendon  ;  cf.  2077. 

2084.  Je  ne  saisis  pas  bien  la  signification  de  ce  proverbe.  Equi- 
vaut-il à  celui  que  Leroux  de  Lincy,  Livre  des  proverbes  fram^.,  cite 
t.  I,  p.  245  :  «  Ung  fol  quiert  son  malheur»? 

2085,  Faiç,  «  fat.  » 

2095.  II  manque  une  syllabe.  Comment  corriger?  Et  quel  est  le  sens? 
[Corr.   sahria  lor  au  sens  de  sapidum  esse?  Chab.] 
2098-99.  [Je  ponctuerais: 

doloros 

Nolcredon  ges,  la  gens  n'en  (=  no  en)  fan  semhlan.  Chab.] 

2100.?  [Corr.  retorn  (retourne,  change)  el  (pour  elor)  revir?'] 

2109. Venen.?[((  Poison.»  D'après  la  légende,  saint  Jean, invité  par 
Aristodème,  «  évèque  des  idoles»,  à  boire  du  poison,  afin  de  donner 
la  preuve,  s'il  n'en  éprouvait  aucun  mal,  de  la  puissance  de  son  Dieu, 
but  en  effgt  la  coupe  qui  lui  fut  présentée,  et  resta  sain  et  sauf. 
Chab.] 

2111.  Sens?[«  Faites-nous  souvenir  de  vos  plaies;  que  la  pensée 
des  plaies  que  vous  avez  reçues  pour  nous  nous  soit  un  conseil,  une 
excitation  à  bien  faire?  »  Chab.] 

2152-3.  Ces  deux  vers  ne  riment  pas.  Je  ne  vois  pas  la  correction . 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  431 

2163.  A  telva.  «  D'un  bout  à  l'autre,  entièrement.  »  Voy.  la  note 
sur  le  V.  (). 

2214.  Deri.s  =  demis  =  deu  vos,  conarae  eus,  ieus  =  eu  vos,  ieu 
vos.  C'est,  abstraction  faite  de  eus,  le  seul  exemple  que  je  connaisse 
de  vos  incliné  sur  un  mot  finissant  par  une  diplithongiie. 

2215.  Uagnel  pour  Vangel,  «  l'ange.»  De  même  2217,  2296. 
22\7 .El preçens  ?  [Ce  mot  ne  peut-il  s'entendre  du  salut  que  l'ange 

présenta  à  Marie  delà  part  de  Dieu?  Chab.j 

2224.  Uue  syllabe  de  trop.  Corr.  vera.  [Plutôt  peut-être  sal  vos- 
tra.  Chab .] 

2234.  Effacer  la  virgule  après  enanqa. 

2246.  Grant  captens.  Covv.  tjent? 

2254.  Lais  pour  las. 

2263.  Corr.  Vensal  seu  lau  so  don  f^'  su!,  hlasmaç? 

2276.  Decediit.  Corr.  deceubul  .^ 

2281.  11  manque  un  vers  en  -ença. 

2295.  11  manque  un  vers  en  -es. 

2299.  Fioi  ?  [Corr.  Fen,  «  firent»,  comme  ^on,  207 1 ,  ==  peuvent. 
Chab.] 

2317.  Ena.  Corr.  c  n'ai? 

2339.  Lo  mar .  Mar  est  quelquefois  masculin  en  provençal.  Cf. 
Romania,  I,  393.  Un  autre  exemple  se  trouve  dans  Mahn,  Gerf«c/)ie, 
774,   1:  E  si  lot  s'es  lo  mars  ptlas  e  suaus. 

2351.  Quera.  Corr.  Que  la? 

2352.  Quil  =  queil  =  que  li.  De  même  v.  2719.* 
2375  ss.  Cf.  V.  2050  ss. 

2383.  [Corr.  emperairiç?  Chab.] 

2404.  Aycs.  Il  y  a  dans  le  ms.  un  petit  crochet  au-dessus  de  Y  s. 
Corr.  cm  a  ciii  plaq  la  Yesu  benvollensa,  «  la  bienveillance  de  Jé- 
sus »?  Cf.  la  maixons  Jésus,  v.  144. 

2408.  Conort.Corv.  concord?  cL  2419. 

2419.  En.  Corr.  es?  Cf.   ço  es  au  v.  2412. 

2446.   Sens?  [Corr.   apercebut  ==  espagn.  apercebido.  Chab.] 

2450.  Soloil  sans  article;  cf.  Diez,  Gram.,  111,  26. 

2454.  Nos  au  lieu  de  nons  =  no  nos  ;  cf.  Introduction,  p.  180. 

2470.  Pel  las.  Il  faut  ou  corriger  per  las,  ou  garder  la  leçon  du 
ms.  et  écrire  ^eZ/as,  en  y  voyant  une  influence  italienne,  car  cette 
contraction  n'a  pas  d'exemple,  que  je  sache,  en  provençal.  Cf.  Hen- 
gesbaeh,  Beilray  zur  Lehre  der  Inclination  ira  Prov . 

2482.  Sciarçidemant.  Je  ne  vois  pas  la  correction.  [Corr.  sclarcir 
denanl?  Chah.] 

2535.  «  Et  âonnez-moi  l'ouïe,  afin  que  j'entende  {nuça)  conter  vos 
faits,  )) 


4Î2  POESIES  RELIGIEUSES 

2541.  Sens?  [N'ailent  «  et  je  n'attends.  '>  Oorr.  for  =  manière? 
Chab.] 

2573,  PairiUa  pour  aparella;  cet  exemple  de  l'aphérèse  est  à 
ajouter  à  ceux  que  j'ai  cités,  p.  177. 

2574.  Honren  pour  honran. 

2577.  En  tôt  nos  «  entre  nous  tous.  ■» 

2586.  La  construction  me  semble  mauvaise,  mais  lo  sens  est 
clair  :  «  Je  m'étonne  de  ce  que  lliomme,  ne  pouvant  pas  être  joyeux 
ni  avoir  joie  sans  dieu,  et  n'ayant  pas  besoin  de  nous  (autres  hom- 
mes), n'aime  pas  dieu  cent  fois  plus  que  nous.  »  Quant  au  leste  du 
couplet,  je  ne  sais  comment  construire,  et  le  sens  m'est  resté  ob.scui-. 
Les  vers  2625  ss.  semblent  indiquer  aussi,  pour  ce  passage,  la  con- 
struction em  meravciU..  . .  citm  nuls  se  pot  de  lui  honrar  sofrir ; 
mais  comment  construire  alors  les  vers  intermédiaires?  [A  partir  de 
neil  (=  n'il=ni  il),  jusqu'à  venir (2593),  je  crois  voir  une  incidente, 
comme  une  parenthèse,  se  rapportant  à  Dieu:  "  et  lui  n'a  pas  besoin 
de  nous,  et  il  nous  aime  cent  fois  plus  que  lui-même  (corr.  Ens  anin 

ou  Et  ama)  nos  plus  de  lui );  car  plus  lui  est  pénible  quand  on 

fait  une  faute  qu'à  celui-  {qu'a  cel?)  là  même  qui  la  commet,  quand  il 
s'en  accuse  (occaisona),et  plus  lui  plaît,  si  on  s'applique  à  bien  faire, 
qu'à  celui  à  qui  le  profit  en  doit  revenir;  (cela  étant  je  m'émerveille) 
comme  on  peut  se  tenir  (se  dispenser)  de  l'iionorer.  »  Chab.] 

2599.  «  Il  est  droit  que  celui  serve  qui  reçoit  le  service  et  que  celui 
aime  qui  est  aimé.»  —  Se7'vis.  Je  n'ai  rencontré  dans  aucun  nutio 
texte  provençal  la  forme  servis,  mais  toujours  servisi;  servis  se 
trouve  encore  aux  vv.    1662,  2558,2643  et  2723. 

2600.  Qu'om  raixona,  «  car  on  raisonne, car  on  juge  >> 
2606.  Esebrial.  Corr.  e  s'embrïal? 

2652,  Sembl.  L'apocope  de  l'a  est  un  fait  inou'i.  Corr.  li  par  cas- 
cuns  ou  li  sembla  quecs? 

2694. «Celui  qui  n'est  pas  mort  l'attende  »,  se.  la  mort.  [Ou,  peut- 
être,  ('  et  puisqu'il  n'y  a  plus  alors  lieu  de  s'amender,  que  celui 
qui  n'est  pas  mort  s'applique  à  le  faire  (pendant  qu'il  vit).  »  Chab] 

2699.  «  Car  le  fruit  qui  commence  à  mûrir  au  dedans  devient  meil- 
leur, et  celui  qui  (commence  à  mûrir)  dehors  devient  pire.  » 

2709.  «  Que  le  savoir  sache  faire  ce  que  les  deux  (le  cœur  et  le 
sens)  veulent   et  ce  que  le  vouloir  octroie.  » 

27)7,  Le  vers, qui  est  trop  court  de  deux  syllabes,  m'est  inconipré- 
hensible.  Je  ne  vois  pas  la  correction,  [_Niens  a  mens  [no  sonl  van 
«  nullement  ne  sont  pas  moins  vains  »?  ou  mieux  peut-être  txietis 
a  mens   [no  s'en]  ro[n.<^  Chab,]  "  -• 

::i72G,  Corr.  ab  legrança?  ' 

2768.  Podian.  Corr,  porian  ? 


DU  MANUSCRIT  DE  WOLFENBUETTEL  433 

2177.  Eniplia.  L'imparfait  ne  convient  guère  ici.  Pourrait-on  siiii- 
poser  un  verbe  empliar,  nouvellement  formé  par  l'auteur? 

2787.  Le  copiste  a  écrit  ce  vers  comme  s'il  commençait  une  ti- 
rade, laissant  la  place  nécessaire  pour  une  lettre  enluminée,  qui  est 
indiquée  à  la  marge,  comme  d'ordinaire,  en  petit  caractèie.  La  môme 
chose  se  remarque,  aussi  mal  à  propos  qu'ici,  au  v.  2910. 

2SÀ3. Remanir  {maïs  rcmaner  :  ver  2076)  se  trouve  aussi  chez  Guilh. 
de  Bergueda  «  Un  sirventes  »  Mild,  los  Trovadores  en  Espnna,  p.  300 
iazir  (.•  soffriv)  chez  Peire  Milo,  Malui,  Ged.,  674,  5.  Notre  texte 
offre  aussi  redemir  w.2'è\%. 

2870.  {Tendut.  Corr.  rendul.  Chab.] 

2879.  Vergunlaq.  On  doit  lire  veryinilaq ;  mais,  comme  le  vers  a 
alors  une  syllabe  de  trop,  je  corrigerais  mantenc.  Ou  pourrait-on, 
en  conservant  iiianlengron,  corriger  vergentaçf  Maïs  je  ne  connais 
p:is  d'exemple  de  vergenlal,  forme  qui  pourtant  serait  le  produit  ré- 
gulier de  virgim'tatem,  tandis  que  virg^nitat  est  une  forme  savante. 

2888.  Seniors.    Ou  seinors?  ¥A   de  môme  v.  2912? 

2892.  «  Qu'il  me  fasse  pardon  des  péchés  que  j'ai  faits.  »  La  trans- 
position qu'ai  faiç  faiçam  rendrait  le  sens  de  la  phrase  plus  clair, 
niais  elle  ne  me  semble  pas  nécessaire. 

2898.  ?  [Els  gaudens,  «  parmi  les  bienheureux  »?  Chab.] 

2904.  Il  faut  compter  oracions  pour  trois  syllabes,  ou  coiriger 
qtieslas. 

2910.  Voy.  la  note  sur  le  v.  2787. 

2912.  Voy.  la  note  sur  le  v.  2888. 

2917.  Qos.  Corr.  quops  ?  Cf.  2373. 

2928.  Volgran.  Peut-être  vaudrait-il  mieux  corriger  voir  an. 

2930.  Al.  Le  ms.  porte  a  la.  Le  vers  ayant  ainsi  une  syllabe  de 
trop,  j"ai  corrigé  al,  correction  à  laquelle  je  me  suis  cru  autorisé, 
les  formes  del,  al,  =  de  la,  a  la,  se  rencontrant  plusieurs  fois  dans 
notre  texte;  cf.  Introduction,  p.  190. 


1.  Aiu.  Cf.  Behrens,  Unorganische  Lautvertrelung  innerhalb  der 
formalen  Entwicklitng  des  franz.  Yerbalslammes,  p.  25.  [Franz- 
oestsche  Studien,  III,  381). 

33.  Tenui.  Corr.  tenu  «  sont  tenus  pour  les  pires  »? 

49.  Parent.  Cf.  Behrens,  p.5  {Franzoes.  Studien,lll,  361). 

54.  Qu'il  anôitent?  M.  le  prijfosseur  Neumann  a  la  bonté  de  me 
suggérer  laiCovvQcûoQ.  qa'anoinntenl  «  car  ils  anéantissent.  »  [Corr. 
anoncent?  Anoiantent  ferait  une  césure  épique,  et  le  contexte  indi- 


434  POESIES  RELKilEUSES 

que  d'ailleurs  uuo  opposition  entre  les  actes  et  les  paroles  des  hypo- 
crites. «  Ils  auuoncent  la  paix  et  pourchassent  la  guerre  (la  mort).  » 
Chah.] 
60.  Esteç?  [Corr.  eslcç  po\iv eslig  (electos)?  Chab.] 


Voici,  pour  terminer  ces  notes, la  liste  des  mots  de  notre  texte  qui 
manquent  ou  qui  ne  se  trouvent  pas  sous  la  même  forme,  ou  avec  la 
même  signification,  dans  \e  Lexique  roman  de  Raynouard  : 

Alumàr,  Rayn.  alumnar,  2622,  2788-9. 

Apoderar,^^'^;  se  apodcrar,  2502  «  efforcer,  s'oflorcer  »;  Ray- 
nouard: surpasser,  subjuguer. 
Aren  (?),  505. 

Atensar,  151. Voy.  atenser  dans  Godefroy. 
Atori,  Ibl. 

Biaç  (italianisme?),  lat.  h(^lus,  2025. 
Baudimens.  1913. 
Cap,  no-cap,  107. 
Circoncisimens,  197 1 . 
Concert,  2408  (?),  2419. 
Begnitos,  1554. 

Bemelre,  «  remettre,  renvoyer  »  644;  Rayn.:  imputer,  désister. 
Empliar  (?),  2111 . 
Eniprenitaç,  «  grossesse  »,   1225. 
Enfernor,  1460. 
Ensermonar,  2610. 

Ensir,  121.  [Même  forme  dans  le  ms.  Chigi  (Stengel,  Bie  prov. 
Bhcmenlese  der  Chigiana,  63,  5),  dans  le  ms.  Philips  (H.  Suchier, 
Benkmàîer,  p.   336,  note  sur  464,  4),  dans  le    roman    français  de  ^ 

Joufrois  (v.  151,  813,  2120,  3782,  et  aussi  2174,  où  erisist  doit  pro-  } 

bablement  être  corrigé  ensist).  Borel  a  relevé  cette  forme  dans  son  1 

dictionnaire.  Chab.l  % 

Escampar  =  it.  scampare.  2522,  Rayn.  =  répandre. 

Escurir,  2474. 

Famellos,  «  affamé  »,  501.  ^ 

Fort,  «  forteresse  »,  94.  '■ 

Genmens,  2545  (R.  gentament). 

Glorir  (?),  1631.  * 

Golejar,  2664.  f 

Gubern,  1870.  Rayn.  govern. 

Gnierdonamen ,  2568. 

Liansa,  «  concorde.  »  1474.  Rayn.  =  alliance,  homniage-ligo. 

Machar,  679. 


VARIETES  435 


Magistrar,  2364.  Rayu.   majestrar. 

Mastramens,  1970  (Rayn.  amaj  es  Iranien  s) , 

Merilar,  298. 

Meislaignar  (?),  61. 

Misericorda,  2345.   Rayn.   miser icordia. 

Norixo,  2223.  Rayn.  milricio. 

OU  m  en,  1256. 

Omicidos,  349,  2136. 

Orgoillamen,  2178. 

Pentixon,  267. 

Posansa,  248. 

Ramar  =  produire  (?),  315. 

Regard  (sens),  262,  sans  doute,  assurément. 

Servis.  1662,  etc.  Voy.  la  note  sur  le  v.  2599. 

Sos tenais,  1841,  2849. 

Sovenir  =  secourir,  208. 

Terçada,  treçada  (f),  108. 

Trespaor,  2423. 

Veraiçamen,  2335. 


VARIÉTÉS 


FRANÇAIS  ffiîA rOiV^/S    CREIONS;  LYONNAIS 
GRATONS    GRIATONS 

En  lyonnais,  les  gratons  griaions,  Forez,  gratons,  sont  de  petits  frag- 
ments grillés  et  rissolés,  résidus  de  la  graisse  de  porc  après  qu'elle 
a  été  fondue.  Cochard  donne  g'yia^o?*  «  morceau  raccorni  de  panne  de 
porc,  d'où  l'on  exprime  la  graisse.  »  Cette  définition,  qui  se  rappro- 
che de  celle  de  Littré  pour  créions  :  «  morceau  de  graisse  de  porc 
frais  ou  panne  apprêtée  »,  est  absolument  inexacte  en  ce  qui  concerne 
aujourd'hui  nos  gratons.  La  définition  de  Cotgrave  pour  graton  se 
rapproche  de  la  nôtre  :  «  Graton  de  porc,  of  the  fat  that  holds  tlie 
entralls,  being  melted,  there  remaines  a  fleshie  part,  which  eut  in 
peeces,  is  thus  tearnied  at  Paris.  »  Celle  de  César  Oudin  pour  creton 
est  rigoureusement  conforme  à  la  nôtre  pour  graton  :  «  Un  creton, 
c'est  ce  qui  demeure  en  la  poisle  après  qu'on  a  tiré  la  graisse  de 
l'oing  du  pourceau,  qui  est  le  saiudoux,  et  est  tout  rissolé  et  sec, 
comme  du  lard  qu'on  met  dans  une  omelette.  »  {ap.  Godefroy.) 


4Î6  VARIETES     . 

Dans  sa  pièce  intitulée  le?.  Voleurs  de  jambons,  Roquille  dit  : 

Veyant  qii'o  vet  pré  sur  cou   ton, 
Roclelodarré  g'?v'ûr/on. 

Gratons  existe  en  vieux  français.  M.  Godefroy  en  cite  un  exemple 
du  XIV»  siècle.  Le  dialecte  de  Plaisance  a  le  mot  f/ratf on,  au  sens  de 
cretou  provenant  de  la  graisse  de  bœuf,  et  celui  de  Pavie  </rafo  «  cic- 
tiolo  »,  restes  de  viande  dont  on  a  extrait  le  jus'.  Enfin  le  j>rov.  a 
(iratèu,  gratelou  (qu'on  trouve  aussi  en  Velay);  le  Quercy  gratabel,  et 
le  langued.  gratahou  (Mistral). 

Sur  l'étymologie,  Littré  et  iScheler,  après  avoir  rapproché  le  pic. 
rroton,  graillon,  déclarent  «  l'origine  inconnue.  »  Scheler  ajoute  que  le 
mot  «  pourrait  se  rattacher  à  crotte.  »  Le  sens  de  «  morceau  dépanne 
apprêté  »  exclut  ce  rapprochement. 

Tne  hypothèse  plus  plausible  consiste  à  voir  dans  gratons,  creUns. 
un  dérivé  de  cratem  :  choses  gi-illées. 

Cratem  a  laissé  deux  séries  de  dérivés  (sans  compterceux  par  l'in- 
termédiaire de  craticulum)  dans  lesquels,  malgré  la  rareté  du  fait,  t  a 
persisté . 

Dans  la  première  série,  a  tonique  persiste  :  lyonn.  yrutreya,  qu'on 
trouve  en  1633  dans  Vlnvent.  de  la  Manécanterie  au  sens  de  grille  à 
couler  la  lessive  ;  v.  fr.  grate,  claie  (Godef.);  grateine  (?),  souricière^; 
angl.  grate  (gréte),  grille,  emprunté  au  roman,  et  qui  n'est  f-ans  doute 
que  du  normand.  J'y  ajoute  gratons  et  gratèu. 

Dans  la  deuxième  série,  a  a  régulièrement  passé  à  e  :  v.  fr.  crefhi 
crétine,  hotte,  corbeille  (tressées),  gret,  tissu  à  jour.  J'y  ajoute  le  fr. 
Créions,  le  baguais  creti^,  ratatiner  (comme  des  choses  grillées),  le 
V.  fr.  grediller,  grésiller,  friser  sous  l'action  du  feu. 

La  première  s'expliquerait  par  une  forme  cratta  ;  la  deuxième  par 
un  primitif  roman  'crête. 

Cratem,  du  reste,  a  persisté  dans  les  langues  romanes  :  ital.  gradn  ; 
esp.,  portug.  grade,  grille.  Il  a  donné  le  dérivé  ital.  gradellç,,  même 
sens. 

La  seule  objection  grave  à  cette  étymol.  serait  qu'on  ne  trouve 
ordinairement  pas,  dans  les  langues  romanes,  cratem  au  sens  de  gril 
à  rôtir,  sens  qui  a  été  fourni  Tpar  craticulum  =  graïl.  Mais  les  dialectes 

'  Foresti,   Vocabolario  piacentino. 

2  Dizionario  domestico  pavese-italiano.  • 

3  Pourrait  venir  de  rat,  avec  prosthèse  de  g. 

*  Le  bourg,  crette,  qui  paraît  ê(re  une  sorte  de  radeau  (Godef  ),  pourrait 
avoir  la  même  origine. 
5  Fleury,  Essai  sur  le  patois  normand  de  la  Hagiie. 


VARIETES  437 

en  offrent  des  exemples.  Le  piémontais,  qui  a  beaucoup  do  traits  com- 
muns avec  le  lyonn.,  a  (/rata,  «  gratirola  '.»  Un  dérivé,  autre  que  cra- 
ticulum,  a  fourni  de  nombreux  termes  au  sens  de  gril  ;  c'est  cratella  : 
vieux  ital.  graJella  (Du  Cange),  toscan  grateUa-  ;  piacentino  grâd- 
sèlla;  vénit.  graella^.  Ce  cratella,  gril,  a  existé  pour  la  Provence, 
puisqu'on  trouve  gratelou,  qui  est  à  cratella  comme  gratèu  à  crata. 

Il  est  assurément  impossible  de  séparer  gratelou  de  gratons,  et, 
comme  il  n'y  a  pas  d'hésitation  sur  l'étym.  de  l'un,  il  ne  doit  pas,  ce 
semble,  y  en  avoir  sur  l'étym.  de  l'autre. 

Du  reste,  l'idée  qui,  dans  gratova,  avait  frappé  Oudin,  celle  d'ob- 
jets griUéx,  rissolés,  est  assez  naturelle  pour  qu'elle  ait  donné  lieu  à 
la  forme  lyonu.  grattons,  qui  a  certainement  àté  grillatons,  passé  à 
griyaton  griatons,  par  la  substitution,  ordinaire  chez  nous,  de  y  k  Ih 

POITSPKLU. 


SUR  UNE    PARTICULARITE  DE    LA   DECLINAISON 
GALLO-ROMANE 

Notre  éminent  confrère,  M.  Michel  Bréal,  dans  une  communica- 
tion faite  par  lui  récemment  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  (séance  du  26  août  1887),  a  émis,  sur  la  cause  du  maintien  ex- 
ceptionnel dans  le  français  moderne  des  formes  de  l'ancien  cas  sujet, 
telles  que  saur,  prêtre,  etc.,  une  opinion  très-voisine  de  celle  que  je 
professe  moi-même,  mais  qui  en  diffère  cependant  assez  pour  que 
je  ne  croie  pas  inutile  d'exposer  ici,  plus  explicitement  que  je  ne  l'ai 
fait  encore  *,  ce  qui,  sur  cette  question  et  sur  une  autre  qui  s'y  lie 
étroitement,  —  ou,  pour  mieux  dire,  ne  s'en  distingue  pas,  —  me  sem- 
ble la  vérité,  et  que  j'enseigne,  par  suite,  chaque  année,  dans  mou 
cours  de  provençal   et  d'ancien  français. 

Si  l'on  cherche  à  déterminer,  approximativement,  pour  les  substan- 
tifs dolor,  virtus,  veritas,  le  rai)[)ort  du  cas  sujet  au  cas  oblique,  au 
point  de  vue  delà  fréquence  de  leur  emploi,  dans  le  bas  latin,  àla  veille 
du  dégagement  des  langues  romanes,  on  trouvera  sans  peine  que  lo. 
cas  sujet  devait  apparaître  dans  le  discours,  au  plus,  une  fois  sur  cinq; 
le  cas  oblique, au  contraire,  au  moins  quatre  fois  sur  cinq.  Ce  dernier 
cas,  en  eô'et,  en  représentait  quatre  de  l'ancienne  langue,  quand  le 
premier  n'en  représentait  qu'un  seul,  puisque  dans  ces  substantifs  le 

'  .Mich.  Ponza,  Vocaliolario  piemontese. 
■  Fan  fan  i.  Vocnholavio  deli'  Uso  toscatio. 
^  Dizionario  tascahile  del  dialelto  veneziano. 
*  Voy.  Revue,  XXVI.  ili. 


438  VARIETES 

vocatif  ne  comptait  pas,  ue  pouvant  jamais    être  employé    dans  les 
relations  ordinaires  de  la  vie. 

Mais  si,  au  lieu  de  dolor,  par  exemple,  on  prend  soror,  dont  la 
déclinaison  est  identique,  on  reconnaîtra  immédiatement  que,  ce  sub- 
stantif devant  être,  comme  les  autres  noms  de  parenté,  employé  au  vo- 
catif, qui  se  confondait  avec  le  cas  sujet,  plus  fréquemment  que 
dans  tout  autre  rôle,  la  proportion  indiquée  tout  à  l'heure  pour  dolor 
devenait  inverse  ;  que  soror,  par  conséquent,  devait  frapper  l'oreille 
plus  souvent  que  sorore. 

C'est  grâce  à  cette  circonstance  que,  tandis  que  dolor  a  perdu  dans 
le  roman  des  Gaules  son  ancien  nominatif,  soror  a  conservé  le  sien. 
Il  n'y  avait  en  effet  aucune  raison  de  sacrifier  soror  à  sorore,  s'il  est 
vrai,  comme  je  le  pense  et  lai  plusieurs  fois  imprimé,  que  c'est  la 
loi  des  majorités  qui  a  décidé  du  maintien  ou  de  l'abandon  des  for- 
mes de  la  déclinaison  .  Or  ce  que  je  dis  ici  de  soi'or  s'applique  plus  ou 
moins  à  tous  les  noms  désignant  des  personnes  et  susceptibles,  par 
conséquent,  d'être  plus  ou  moins  fréquemment  employés  au  vocatif. 
Ainsi  s'explique  que,  tandis  que  tous  les  noms  à  accent  mobile  de 
la  troisième  déclinaison  latine  qui  désignent  des  choses  ont  perdu  la 
forme  nominative,  les  noms  qui  désignent  des  personnes  l'ont  gardée  : 
cornes,  ahbas,  preshyter,  pastor,  imperator,  senior,  major,  infans  ', 
muUer\  haro,  lalro,  traditor^,  etc.  Il  n'y  a,  je  crois,  d'exception  que 
pour  les  quelques  noms  en  ix-icem,  fort  peu  nombreux,  du  reste,  que 
la  langue  populaire  a  conservés,  comme  meltritz  {meretricem),  pecairitz, 
emperairitz . 

La  même  cause  qui  assura  la  conservation  de  ces  formes  dans  le 
passage  du  latin  au  gallo-roman  fut  aussi  celle  qui,  lorsque  la  décli- 
naison romane  se  simplifia,  empêcha  plusieurs  d'entre  elles  de  dispa- 
raître, et  même,  contrairement  à  la  règle  générale,  les  fit  parfois  pré- 
férer à  celles  du  cas  régime.  C'est  ce  qui  a  eu  lieu  en  français  pour 
snrnr,  prêtre,  traître,  ancêtre,  et  quelques  autres.  Pour  un  plus  grand 
nombre,  la  forme  du  cas  sujet  et  celle  du  cas  régime  sont,  on  le  sait, 
restées  l'une  et  l'autre,  non  comme  des  formes  d'un  même  nom,  mais 
co  lime  deux  noms  indépendants  et  de  signification  diverse,  quoique 
voisine.  Ainsi  pâtre  et  pastear,  maire   et    majeur,  sire  et  sevjneur, 

'  Remarquons,  pour  ce  dercier,  qu'il  fait  exception  parmi  les  mots  en  am, 
comme  soror  parmi  les  noms  féminins  en  or.  Pourquoi  ?  parce  que,  tandis  que 
bOQ  emploi  au  vocatif  devait  être  très-fréqueut,  les  participes  présents  ne  de- 
vaient jamais  ou  presque  jamais  se  montrer  dans  cette  fonction. 

2  Du  moins  en  provençal. 

3  Ces  deux  derniers  mots  devaient  être  souvent  employés  au  vocatif  comme 
termes  d'injure. 


VARIETES  139 

chantre  et  chanteur,  copain  et  compagnon,  gars  et  garçon,  trouvère  et  trou- 
veur.  Ce  dernier  est  le  seul,  si  je  ne  me  trompe,  parmi  les  noms  eu 
ator,  qui  ait  conservé  la  forme  du  sujet  avec  celle  du  régime'.  En 
provençal,  il  y  en  a,  au  contraire,  un  assez  grand  nombre  dans  le 
même  cas,  et,  lorsqu'une  seule  des  deux  formes  concurrentes  a  été 
conservée,  c'est  la  forme  du  cas  sujet  qu'on  y  a,  en  général,  préférée. 
Même  à  l'époque  où  l'on  avait  encore,  semble-t-il,  le  sentiment  du 

•  Il  faudrait  ajouter  pechère,  si  ce  mot  était  vraiment  resté  en  français; 
mais  il  n'est  plus  usité,  sauf  erreur  de  ma  part,  que  dans  quelques  [irovinri's 
mériciiouales.  C'est  la  traduction  de  Texclamalion  pecaire,  telle  qu'elle  dut 
être  faite  à  l'époque  où  le  français  commença  à  s'introduire  dans  le  pays 
(Xllle-XlVe  siècles).  Les  personnes  de  moyenne  éducation  s'en  servent  cou- 
ramment lorsqu'elles  parlent  français.  Je  citerai  à  cette  occasion  deux  autres 
mots  français  conservés  ici  dans  leur  forme,  je  \'eu.\  dire  leur  prononciatinn, 
ancienne:  oja', dissyllabe  et  nenni.Ow  prononce  très-nettement  oî/-î  et  m'nii. 
Mais,  au  contraire  de  ;jw/k'jt,  employé  seulement  quand  on  parle  français. 
où-i  et  nàni  ne  sont  plus  d'usage  que  dans  le  patois,  où  ils  font  concurrence  à 
oi*  =  oc  et  à  710,  ces  derniers  servant  quand  on  s'adresse  à  des  familiers, les 
premiers  quand  on  s'adresse  à  des  personnes  qu'on  respecte  ou  qu'on  ne  tu- 
toie pas.  On  reconnaît  là  le  même  sentiment  (jui  a  fait  rejeter  ;}fl/re,  maire, 
dans  leur  emploi  familial,  pour  y  substituer  les  formes  de  la  langue  réputée 
plus  noble,  à  savoir />è)'e,  mè^e, devenus  pèro,  méro,  et  même  (ô  barbarie!) 
pèra,mèra,  et  qui,  dans  beaucoup  de  noëls,  fait  parler  les  anges  en  français, 
tandis  que  les  bergers  s'expriment  en  patois. 

Puisque  l'occasion  s'en  présente,  je  signalerai  encore  un  autre  mot  doiU 
l'influence  française  a  modifié  la  prononciation  dans  le  parler  local.  C'est  le 
nom  même  de  la  ville  de  Montpellier.  Tout,  normalement,  s'oppose  à  ce  que 
l'tf  qui  précède  les  deux  •//  soit  muet.  Il  l'est  pourtant  dans  la  prononciation 
de  ce  pays-ci.  où  la  seconde  syllabe  de  Montpellier  se  prononce  exactement 
comme  la  seconde  de  /jachelier.On  \-o\\.  tout  de  suite  l'explication:  on  a 
voulu. quand  on  conunença  ici  à  parler  français,  traduire  Montpellier,  comme 
ou  lva.duisa\lpecu ire,  et  dans  les  deux  cas,  \'e  prolooique  devint  muet,  parce 
que  tel  était  constamment  l'usage  français;  en  sorte  que  les  indigènes,  comme 
les  nouveaux  maîtres  du  pays,  ceux-ci,  par  analogie  et  d'après  les  usages  de 
leur  langue,  les  premiers,  par  imitation,  s'accordèrent  à  assourdir  \'e  sonore 
qui  précède  les  deux  /,  et  qui  n'a  conservé,  dans  ce  pays-ci,  qu'en  patois,  sa 
régulière  prononciation. A  Montpellier, c'est  mène  un  i.  plulùt  qu'un  e, qu'on 
entend  {Mounpiyé). 

»  Oi  n'est  pa>  inconnu  de-  ranuiLiim-  langue.  J'ai  >ignulé  autrefois  cette  partieu'c 
ilans  Flamenca  où  elle  avait  été  méconnue.  Voy.  la  Romania,  TII,  330.  Quant  à  ni>, 
c'est  une  forme  faite  pour  surprendre.  O.n  attendrait  nou;  et,  chose  bizarre,  nou,  (l'ii 
e.\i-te  aussi,  s'emploie  comme  iiâni,  cV-st -à-dire  (luaud  on  parle  aux  gens  que  l'oii  ne 
tutoie  pas.  L'infloence  française  aurait-elle  agi  dans  ce  cas  en  sens  inverse  de  l'ordi- 
naire ?  Cf.  font,  pont,  qu'on  dit  ici,  en  patois,  au  lieu  de  fount,  pounl,  prononciation 
commune  et  normale  le  la  langue  d"oc. 


140  VARIETES 

rapport  do  dcpoudance  mutuelle  qui  liait  ensemble  les  formes  comme 
snr  et  soror,  coi»s  et  comte,  etc.,  il  n'est  pas  rare  de  voir  la  première 
emplo3'ée  pour  la  seconde  dans  le  rôle  de  régime.  C'est  ainsi  qu'on 
trouve  souvent,  et  dans  des  textes  nombreux  et  anciens,  sor  ou  suer 
pour  soror  ou  seror  ,•  1^iés  dans  Roland,  pour  nevot  (nevold=  nepotidum 
dans  lo  ms.  d'Oxford)';  coms  \)o\xx  comte  dans  Flamenca,  la  Croisade 
Il lbi(/eoise, etc.;  abas  pour  abatjdans  ce  dernier  ouvrage  et  dans  nom- 
bre d'autres  textes  ;  ber  ou  bar  pour  baron,  passim  ;  senher,  senh,  en 
provençal,  pour  senhor-,  etc. 

Que  ces  licences  grammaticales  fussent  dues,  comme  j'ai  eu  déjà 
])lus  d'une  occasion  de  l'expliquer,  à  l'influence  du  vocatif,  c'est  co 
que  concourt  à  prouver  l'emploi  qu'on  faisait  en  provençal,  dans  la 
même  fonction  de  régime,  des  deux  formes  Deus  et  Verges,  les  deux 
mots  de  la  langue  les  plus  fréquemment  employés  au  vocatif,  avec 
celui  de  Jésus.  Et  ce  qui  paraît  une  preuve  sans  réplique,  c'est  que  ce 
même  mot  de  verges  perdait  toujours  son  s  au  cas  régime,  quand  il 
ne  désignait  pas  la  mère  de  Dieu.  N'ayant,  en  effet,  rien  de  populaire 
en  dehors  de  son  emploi  dans  les  prières,  on  ne  s'en  servait  sans  doute 
jamais  quand  on  adressait  la  parole  aux  jeunes  filles,  et  l'influence  que 
j'attribue  au   vocatif  ne  pouvait  dès  lors  s'y  exercer. 

Jusqu'ici,  à  part  Deus,  dont  il  vieut  d'être  cpiestion,  il  ne  s'est  agi 
que  de  noms  appartenant  à  la  troisième  déclinaison  latine,  et  dans 
lesquels,  par  conséquent,  le  vocatif  s'y  confondant  par  sa  forme  avec 
le  nominatif,  l'influence  de  ce  dernier  cas  ne  pouvait,  loin  de  la  con- 
trarier, que  fortifier  celle  du  premier.  Mais  il  en  était  autrement  dans 
les  noms  en  us  de  la  deuxième  déclinaison.  Là  le  vocatif  différait  du 
nominatif,  et  devait  donner  normalement,  sau:£  dans  quelques  mots 
tels  que  ainicus,  le  même  produit  que  l'accusatif.  Mais  les  substantifs 
en  us,  susceptibles  d'être  employés  au  vocatif,  étant,  même  en  y 
comprenant  les  noms  propres,  assez  peu  nombreux,  il  est  naturel  que 
l'analogie  de  tous  les  autres  noms  de  la  langue,  où  cette  différence 
entre  les  deux  cas  n'existait  pas,  ait  conduit  à  l'effacer  dans  celle-ci, 
et  qu'on  ait  dit  amicus,  fllius  ^ , 'commue  on  disait  déjà  Deus,  aussi  bien 
au  vocatif  qu'au  nominatif.  Cependant  l'ancien  vocatif  en  e  dura  assez 
longtemps  dans  les  substantifs  d'un  usage  universel  et  journalier, 
tels  quedominus  (domnus),  christus ,  Petrus,  et  d'autres  noms  propres, 
et  dans  les  adjectifs  le  plus  habituellement  associés  à  ces  noms  ou  à 

<Cf.  Revue,  t.  V,  p.  334,  n.  1. 

'  Aujourd'hui  nostre  Senhe,  en  parlant  de  Jésus-Christ. 

3  Oa  trouve  déjà  filius  (silsiol  fonclioa  de  vocatif  dans  Horace,  et  il  y  a 
d'autres  exemples  pareils  chez  les  anciens  auteurs.  Voy.  Biicheler,  Vcrlinai- 
son  latine,  p.  71-72  de  la  trad.  de  M.  Havct. 


VARIETES  441 

celui  de  Dieu,  connue  carus,  heîliis,  sanclits.  pour  que  la  hmgue  popu- 
laire ait  pu  le  conserver  et  le  transmettre  au  roman,  en  même  temps 
que  la  forme  analogique  en  s,  qui  lui  faisait  une  concurrence  plus  ou 
moins  forte.  Et  comme  dans  les  noms  dont  il  s'agit,  de  niriuc  qun 
dans  ceux  tels  que  soror,  dont  il  a  été  question  précédeinui'  nt,  le 
vocatif  était  le  cas  le  plus  fréquemment  employé,  on  comprend  que 
la  forme  de  ce  dernier  cas,  ou  étymologique,  c'est-à-dire  sans  .s-,  ou 
analogique,  c'est-à-dire  avec  s,  ait  pu  s'imposer  à  tout  le  singulier,  et 
qu'on  ait  dit,  par  exemple,  tantôt  sont  au  cas  sujet,  tantôt  sam^  au 
cas  régime.  C'est  ainsi  que,  dommis  et  domue  ayant  donné  respective- 
ment dons,  danz,  et  dom,  dan  (dant,  damp),  dans  les  deux  langues  de 
la  Gaule,  on  trouve  quelquefois,  dans  la  fonction  de  cas  régime,  dons 
(mi  doits,  si  dons)  en  provençal,  rfa?;^  en  ancien  français'.  Mais  la 
propagation  au  cas  régime  des  formes  en  s,  telle  qu'on  la  voit  dans 
dons,  sans,  Deus,  Vercjes,  et  plusieurs  noms  propres,  comme  Tïborgs, 
paraît  avoir  été  moins  fréquente  que  lé  phénomène  inverse,  c'est-à» 
dire  que  l'assimilation  du  nominatif  au  vocatif  (Peire,  au  lieu  de 
Pelres,  pour  Peints  ;  Bertran,  an  lieu  de  Bertrans-;  etc.),  et  on  le 
comprend  sans  peine,  car  ici  le  vocatif  avait  pour  auxiliaire  tous  les 
autres  cas  du  singulier.  Cf.  les  Leys  d'Amors,  II,   188. 

L'ancien  vocatif  latin  de  la  deuxième  déclinaison  a  donc  laissé  des 
traces  dans  l'ancienne  déclinaison  romane.  Ces  traces  se  remarquent 
dans  la  déclinaison  des  noms  propres  et  dans  celle  de  quelques  noms 
communs  (subtantifs  ou  adjectifs),  dont  l'usage  était  aussi  fréquent 
et  plus  universel  que  celui  des  noms  propres,  tels  que  les  dérivés  de 
doutinus,  sanctus,  carus,  hellus,  bonus.  On  trouve  plusieurs  fois  c/icr 
et  bel  dans  Saint  Alexis  /  il  y  a  sans  doute  çà  et  là  des  exemples  de 
bon  ou  de  bo;  l'interjection  actuelle  boudions  permet,  dans  tous  les 
cas,  de  supposer  dans  l'ancien  provençal  un  bo  Deus  =  bone  Deus. 
Dom  pelegri  (^=  domne  x)ereririne)  est  dans  une  pièce  du  comte  de 
Poitiers.  La  même  forme  don  se  remarque  plusieurs  fois  dans  la 
traduction  limousine  de  l'Evangile  de  S.  Jean  et  dans  d'autres  textes 
plus  récents,  et  la  forme  correspondante  de  l'ancien  français,  dan, 
qui  apparaît  aussi  de  très-bonne  heure,  a  duré  longtemps  dans  la  lan- 
gue^. i)o?n«7je  lui-même  owdomnesQ.  lit  tout  au  long  dans  ^oi^ce  etdans 
Saint  Léger,  et  l'on  sait  que,  joint  à  Deus,  comme  il  l'est  dans  ce  der- 
nier texte,  il  a  subi  dans  sa  forme  d'assez  nombreuses  modifications  ; 
en  français,  par  exemple,  damne,  damre,  damle,  etc.,  et  finalement 
dame.  Cf.  G.  Paris  (Romania,  I,  303),  sur  le  v.  1  du  Saint  Léger. 

1  Woy.  Revue,  V,  334,  n.  1. 

'^  Par  exemple  dans  Berlraa  de  Born,  S'ieu  fos  aissi,  v.  35. 

3  Se  rappeler  le  «  damp  abbé  »  du  Petit  Jehan   de  Saitttré. 


4i:  VARIETKS 

Dans  son  usage  onlinairo,  c'est-à-ilire  euiploj-é  comme  tonne  de 
Violitesse.  et  équivalant  dans  ce  cas  à  notre  monsieur,  domne,  quand  il 
précédait  un  nom  et,  par  suite, devenait  proclitique,  fut  traité  comme 
le  pronom  ille  en  semblable  position,  et  donna  naissance,  comme  ce 
donner,  à  un  véritable  article,  <[ue  les  Leys  d'amors  appellent  hahitut 
propria  o  honorahla .  Cet  article,  qui  est  ne,  ne  doit  se  rencontrer  que 
bien  rarement  dans  sa  forme  pleine.  Je  n'en  connais  que  deux  exem- 
ples'. Il  perdait,  en  effet,  presque  toujours  sa  voyelle,  parce  qu'il 
s'unissait  étroitement,  comme  l'article  commun  lui  même,  tantôt  avec 
le  mot  qu'il  précédait  (si  celui-ci  commençait  parune  voyelle),  tantôt 
avec  celui  qu'il  suivait:  v'Aimeric;  de»  (de  no)  Peire  Vidal:  la 
cansos  qtien  Peire  fctz-.  La  fréquence  des  combinaisons  de  ne  avec 
un  e  final,  comme  les  deux  dernières,  conduisit  à  voirdans  den,  quen, 
non  pas,  comme  il  était  juste,  de  +  ne,  que  -f  ne,  mais  fZ«  -f  en,  que 
-\-  en,  et  à  remplacer,  par  suite,  le  ne  primitif  par  en^,  de  la  manière 
qu'on  remplaçait,  en  Catalogne  et  ailleurs,  par  suite  de  la  même  illu- 
sion, l'article  commun  lo  ou  le,  les  pronoms  me,  nos,  etc.,  par  el,  ern, 
ens,  etc.  Cf.  là-dessus  l'introduction  du  Liber  instrumentorum  memo- 
riulium  (Montpellier,   1886,  p.  Li,  n.  1). 

Ne  m'occupant  ici  que  des  dérivés  du  vocatif  en  e,  je  n'ai  rien  à 
dire  des  autres  formes  de  l'article  propre,  tirées  de  domnus,  domnum, 
domna.  Il  suflira  de  renvoyer,  en  même  temps  qu'à  là  note  qui  vient 
d'être  citée,  au  travail  de  M.  A,  Thonias  [Romania,  XII,  585),  où  ces 
formes  ont  été  étudiées  sérieusement  pour  la  première  fois,  et  de  don- 
ner ici  la  liste  complète  de  celles  dont  l'existence  est  constatée  : 


'  L'un  est  limousin,  l'autre  gascon.  — Au  lieu  de  ne  on  trouve  souvent 
na,  qui  est  la  forme  du  féminin,  devant  des  noms  d'homme.  Cela  est  surtout 
fréquent  dans  les  chartes  gasconnes;  mais  on  reocontie  aussi  cette  funiio 
dans  des  textes  littéraires,  chez  Gavaudan,chez  Bertran  de  Boro,  chez  Foiquct 
de  Lunel,  chez  Palais  et  chez  d'autres  peut-être.  Est-ce  un  renforcement  de 
n",  ou  de  no  =  {doni)nu'.m) ,  comme,  la,  en  Dauphioé,  du  pronom  lo?  Ou 
fdut-ii  y  voir  le  résultat  d'une  confusion  des  deux  genres,  analogue  à  celle 
qui  a  fait  appliquer  dons  (=  domnus)  aux  femmes,  dans  les  foni;u'fp  si 
usitées  mi  dons,  si  d07is? 

2  La  Chanson  de  la  croisade  albigeoise  offre  des  cas  nombreux  di;  la  ré- 
duction de  ne  à  n,  non  pas  seulement,  comme  dans  ces  exemples  et  comme 
à  l'ordinaire,  après  ou  devant  une  voyelle,  mais  même  entre  deux  consonnes. 
Je  renvoie  aux  vers  1268,  2205,  2904,  3123,  3147,  452y,  7437,  7715,  9Ui3, 
9466,  et  en  outre  aux  vers  3111,  5397,  5763,  0270,  6087,  où  le  ras.  porte  en, 
mais  où  la  correction  n'  s'impose. 

^En  Catalogne,  on  eut  aussi  an,  ou  l'a  provient  de  la  préposition  h  [a  ne). 


VARIETES  443 


MASCULIN 


nos,  ns,  nz,  ens,  enz^  (comme  sujet  seulement). 

ne',  n',  en  (dans  toutes  les  fonctions). 

?!«•■'  (id-)- 

iiun,  non^  (seulement  comme  régime). 


'  La  forme  noi  n'a  élé  signalée  jusqu'ici  que  dans  les  deux  Charles  du  liuwl 
Limousin,  où  M.  Thomas  l'a  découverte.  Mais|des  autres  (o^es  qui  en  dé- 
rivent {ns,  etc.),  on  trouve  des  exemples  plus  ou  moins  nombreux  dans  les 
textes  ci-après:  '^ 

Mémorial  des  nobles  de  Montpellier (voy.  l'édition  de  M.  Germain,  p.  i.i). 

Vartulaire  de  Conçues. 

Cartulairr  des  Templiers  du  Puy  en  Velay. 

Une  charte  du  Gévaudan  de  1230  [Revue  des  Sociétés  savante.'!,  IbTi 
p.  20(3). 

Une  charte  daupiiinoisede  il91  [Petite revue  des  bibl.  dauphiîiois,  p.  56). 

Coutume  de  S.-lionnet-le-Chateau  {},leYer,  Recueil,  n"56). 

Le  Mystère  de  la  Passion   du  ms.  Didot,  v.  1693. 

Cartulairede  S.  Sauveur-en-Rue  (d'après  AJ.  Paul  Meyer,  Remania,  XIV, 
167). 

-  Voy.  ci-dessus,  p.  442.  Il  est  bon  de  noter  qu'on  ne  trouve  jamais  en 
•devant  une  voyelle.  Ainsi  Pos  n'  Aimerics, . .  et  non  Pos  en  Aimerics. . . 

3  Voy.  ci-dessus,  p.  442. 

^Quatre  exemples  feulement,  et  tous  dans  des  chartes  du  haut  Limousin. 
Il  est  remarquable  que  dans  l'un  d'eux,  7ion  précède  un  nom  de  femme. 
Serait-ce  par  l'effet  d'une  confusion  analogue  à  celle  qu'on  peut  supposer 
paur  na  précédant  un  nom  masculin,  et  que  nous  offrent  les  formules  déjà 
citées  mi  dons,  si  do7is  ?  L'adjectif  possessif,  invariable,  qu'on  remarque 
dans  ces  expressions,  et  qui  rappelle  singulièremenl  le  mi  populaire  lalin 
(voy.  Biicheler,  p.  "33,  et  cf.  l'espagnol),  ne  se  plaçait  pas  seulement,  pour 
le  noter  en  passant,  comme  l'a  cru  Diez  (II,  91),  induit,  semble-t-il,  en  er- 
reur par  les  L<'7/5  d'awo?-.?  (II,  214),  devant  le  mot  dons.  On  l'employail 
aussi  avec  molher,  du  moins  en  Limousin  et  en  Dauphiné.  Voy.  les  Docu- 
ments historiques  sur  la  Marche  et  le  Limousin,  publiés  par  MM.  Moli- 
nier,  Leroux  et  Thomas,  1,157,  175;  11,5;  le  Cartulaire de  Blassac,  p.  48, 
51;  le  Cartulaire  de  Romans,  p.  21.  Je  suppose,  que  mi  et  si,  dans  ces 
exemples,  dont  un  au  moins  remonte  au  Xl^  siècle,  comme  dans  tni  dons, 
si  dons,  viennent  directement  du  latin  populaire;  et  je  crois,  par  suite,  qu'il 
faut  les  distinguer  des  formes  pareilles  qu'on  rencontre,  en  divers  textes 
plus  récents  de  la  Provence  ou  de  la  Gascogne,  devant  des  substantifs  fémi- 
nins de  toute  sorte,  ces  derniers  étant  le  résultat  d'une  réduction,  opérée 
par  le  provençal  ou  le  gascon  eux-mêmes,  de  ia  à  i,  comme,  par  exemple, 
dans  les  temps  eu  ta  de  la  conjugaison.  — Comme  on  disait  rio?;*',  avec  tni. 
si,  aussi  bien  au  cas  régime  qu'au  sujet  ou  au  vocatif,  on  pouvait  aussi  dire 
molhers,  à  ces  trois  cas.  Ainsi,  parmi    les  exemples    limousins  plus  haut 


4U  VARIBTBSS 

na  (clans  toutes  les  fonctions). 
ne  *  (sujet  et  régim»»). 


C.  C. 


DOMiyrSET  SENIOR,  AU  FÉMININ,  KN  PROVKNVAL 

Les  granimairiens  d'autrefois,  —  j'aime  à  croire  que  ceux  d'aujour- 
il'hui  sont  moins  infatués  de  la  prétendue  supériorité  de  leiu-  sexe, 
—  donnaient  pour  raison  de  la  règle  qui  veut  qu'un  adjectif,  s'il  se 
rapporte  à  la  fois  à  un  nom  féminin  et  à  un  nom  masculin,  ko  mette  à 
ce  dernier  genre,  que  le  masculin  est  plus  noble  que  le  féminin.  Ceux 
qui  les  premiers  ont  dit  mi  dons  en  «'adressant  à  une  dame  obéis- 
s  lient  sans  doute  au  même  préjugé.  Ils  entendaient  marquer  ainsi, 
d'une  manière  plus  sensible,  leur  respect  et  leur  soumission.  On  sait 
combien  ce  mot,  dans  cet  emploi  particulier,  revient  souvent  dans 
L  s  poésies  des  troubadours  2.  Mais  il  n'appartenait  pas  exclusive- 
ment, dans  ce  sens,  non  plus  que  dans  sa  signification  propre,  à  la 
langue  poétique.  3Ii  dons  était,  paraît-il,  une  formule  devenue,  dès 
le  XIII®  siècle  au  moins,  aussi  banale  que  l'est  aujourd'hui  madame; 
et,  si  on  l'appliquait  à  la  sainte  Vierge,  comme  dans  les  statuts  d'une 
confrérie  limousine  de  1212,  ou  à  une  sainte  ordinaire,  ou  pouvait 
aussi  s'en  servir  en  parlant  d'une  femme  (juelconque,  même  de 
moyenne  condition,  comme  on  le  voit  dans  cet  exemple,  tiré  d'une 
des  cluiites  lin)ousines  du  recueil  de  M.  Thomas  (I,  18G),  qui  porte  la 
date  de  12G4:«  per  nom  de  mi  doms  n'  Aiba  Jaucmela,  molher  Ilelia 
Vig'ier.  » 

De  même  que  dons,  senker  dut  être  aussi  en  provençal  joint  à  des 
noms  de  femme,  d'abord  par  une  recherche  raffinée  de  politesse  ^,  en- 

c  tés,  il  y  en  a  trois  de  si  molher:'!  au  cas  régime.  Je  crois  que  là  enoore. 
comme  dans  dons,  régime,  c'est  à  l'influence  du  vocatif  qu'est  dû  cet  emploi 
abusif  de  la  sifflante  flexionnelle. 

'  Seulement  dans  des  chartes  gasconnes,  |de  la  même  régiou  où  raiticle 
la  devient  le  (Rayonne,  Landes). 

2  11  est  toujours,  ou  presque  toujours,  en  ce  cas,  précédé  des  formes  mi 
ou  si  de  l'adjectif  possessif.  Mais  on  a  dit  aussi  son,  et  sans  doute  également 
mon;  ainsi  Raimon  Vida!  [Gedichte,  t.  iï,  p.  3.ô,  1.  10'  :  «  El  cavayer. .  .Voie 
a  soQ  temps  son  joy  complir  Et  a  son  dons  trobar  merces.  » 

3  De  même  en  vieux  portugais  senhor,  en  ancien  fr.  seif/new,  en  ancien 
italien  sir  (sans  doute  pris  au  français).  Voy.  Diez,  Veber'die  erste  portv- 
yiesische  Kunsf-und  Ilofpoesie,  p.  133.  Un  poète  mayorquin  du  XVIII»  siè- 


VARIETES  445 

suite,  ainsi  qu'il  arrive  toujours  en  pareil  cas,  par  liabitudo  et  d'une 
façon  banale,  comme  le  vous  français  et  toutes  les  forinuks  du  même 
genre.  Les  textes  anciens  n'offrent  à  la  vérité,  sauf  erreur  de  ma 
part,  aucun  exemple  d'un  pareil  emploi  de  senher.  Mais  je  pense  que 
c'est  ce  mot  qu'il  faut  reconnaître,  bien  qu'à  demi  ou  complè- 
tement effacé,  dans  deux  expressions  qui  vivent  encore  en  Languedoc 
et  en  Provence,  ou  plutôt  qui  aciièvent  d'y  mourir,  car  elles  ne  sont 
presque  plus  en  usage,  et  les  générations  nouvelles  ne  les  connaissent 
pas  ou  les  connaissent  à  peine.  C'est  7noff  (ou  mas)  et  misé.  L'une  et 
l'autre  ne  s'appliquent  ou  no  s'appliquaient,  surtout  mos,  qu'à  des  per- 
sonnes de  médiocre  condition,  a  à  des  petites  bourgeoises  ou  à  des 
femmes  du  peuple  qu'on  veut  honorer.  »  (Mistral.)  Le  dernier  est  tou- 
jours suivi  de  la  préposition  de,  placée  généralement  devant  le  nom 
du  mari  ou  le  nom  de  famille.  Exemple  :  Mos  de  Lavene  (titre  d'un  ro- 
man de  M™" Figuier).  Quantà?m'se,  il  précède  immédiatement  le  nom. 
Je  pense  donc  que  misé  est  77u'  senher,  et  que  mos  est  mos  senher. 
Pour  arriver  de  mi  senher  à  »iîse,  le  chemin  est  court  et  facile.  Il 
l'est  moins  de  mos  senher  à  mos,  et  surtout  à  mas  ;  mais  en  voici  les 
étapes,  toutes  certaines  et  constatées  par  des  textes  :  mos  senher,  mos- 
senhe,  mossetih,  mossen,  mossé,  masse,  par  recul  de  l'accent,  et  entin 
masse,  par  renforcement  de  Vo .  Ces  deux  dernières  formes,  dont  jnos 
et  mas  diffèrent  à  peine,  sont  l'une  et  l'autre  dans  des  textes  du 
XV*  siècle  ';  mais  je  ne  les  y  ai  vues  apppliquées  qu'à  des  hommes. 

C.  C. 


SUR  QUELQUES  FORMES  DU  FRANÇAIS  MODERNE 
qu'6n  rapporte  a  l'ancien  cas  sujet 

Presque  toutes  les  formes  d'ancien  cas  sujet  qu'a  conservées  la  lan- 
gue française  proviennent  de  la  déclinaison  imparisyllabique,  et  j'ai 
montré  ci-dessus  que  c'est  à  l'emploi  qu'on  faisait  de  ces  formes 
dans  la  fonction  de  vocatif  qu'est  due  leur  conservation.  On  peut 
attribuer  ù  la  même  cause  la  préférence  qu'a  obtenue,  dans  certains 
noms  propres  de  la  deuxième  déclinaison,  tels  que  Charles,  Georges^ 
Louis,  la  forme  en  s  sur  la  forme  sans  s,  et  ne  pas  se  refuser,  par 
suite,  à  voir  dans  ces  noms  l'ancien  cas  sujet. 

cle,  qui  écrivait  en  castillan,    dit  mi  dueno,  en    parlant  de  son  a  amada.s 
Baver,  I,  ^ÏS. 

'  Je  trouve  déjà  masse  {massé  ou  tnôsse?)  dans  des  documents  lyonnais 
du  Xllle  siècle. 


446  VAKIETES 

Uii  pourrait  aussi,  pour  le  même  motif,  regarder  fils  comme  un 
autre  reste  de  ce  cas;  mais,  comme  la  même  raison  n'existe  pas  pour 
lis,  il  est  plus  logique  d'expliquer,  comme  je  l'ai  fait  autrefois  (^evwe, 
VI,95),  l's  de  ces  deux  formes  par  une  transformation  de  la  palatale 
{fil juin  —  fih). 

Personne  ne  songe  plus  aujourd'hui,  sans  doute,  à  expliipier  ^r«('<s 
^arputeus,  lacs  par  la^jueus,  bras  par  * bracchius  ^ .  Mais  u'autres  mots 
peuvent  encore  faire  illusion,  et  l'objet  de  cette  note  est  justement 
de  les  examiner  et  de  montrer  qu'aucun  d'eux  n'a  réellement,  de  l'an- 
cien cas  sujet,  que  l'apparence. 

1.  Lfl//s, donné  par  M.  Brachet  comme  le  représentant  de  leyatus, 
ce  qui  est  phonétiquement  impossible,  est  une  forme  hybride  dans 
laquelle  ont  été  confondus  deux  mots  synonymes,  leg  et  luis  (les), noms 
verbaux,  le  premier  du  verbe  léguer,  le  second  du  verbe  laisser.  L's, 
par  conséquent,  ayant  été  prêtée  par  les,  n'est  pas  flexionnelle. 

2.  Rets.  C'est  non  'refis,  mais  retiuin,  fait  sur  retiu. 

3.  Fonds;  d'un  fundus  neutre,  ou  de  fundium,  qu'on  a  dans  Za- 
tifundium.  Ce  mot  et  le  précédent  étaient  intégrais  dans  l'ancienne 
langue . 

4.  Queux  (=  coquus  et  *cotis).  C'est  bien  là  la  forme  du  cas  sujet 
de  ces  deux  mots.  Mais  il  est  fort  douteux  qu'elle  se  soit  transmise 
ainsi  sans  interruption  jusqu'à  nos  jours.  Il  est  inliniment  plus  pro- 
bable qu'à  la  forme  queu  dn  cas  régime,  seule  conservée,  selon  la  rè- 
gle générale,  lorsque  la  déjclinaison  se  simplifia,  l'analogie  des  noms 
si  nombreux  en  eux  =  osas,  et  où  Vx,  par  conséquent,  appartient  au 
radical,  lit  ajouter  abusivement  cette  consonne-. 

6.  Yieux.  Là  encore  la  forme  du  cas  sujet  paraît  certaine  (vieil-s — 
vielz —  viels —  viens  ■^).  Mais  le  maintien  en  est  dû  à  une  confusion, 
qui  a  commencé  assez  anciennement  à  se  produn-e,  entre  vieil  et  vies, 
autre  adjectif  de  même  signification  et  qui,  venant  de  vêtus,  était  in- 
tégral ^ . 

Les  quatre  exemples  ci-après  montreront  comment  cette  confusion 
a  dû  avoir  lieu  :  «En  un  chemin  viens  » (Octavian,  p.  12).  Il  faudrait 
vieil  ou  vies,  et  la  rime  en  eft'et  exige  vies.  —  «  Une  sele  que  estoit 
viex.  n(Ibib.,  p.  55).  Il  faudrait  vies  ou  vieille.  —  Puis  a  veu. . ..  un 


*  Sur  ces  mots  et  d'autres  pareils  où  l's- est  radicale,  voy.  la  Revue,  V,  335 
sef/ . 

-  C'est  par  la  même  analogie  que  tant  de  noms  en  ew,  jadis  prononcé  eu 
et  souvent  écrit  eMX,  font  euse  àu  féminin:  trompeur,  trompeuse,  etc. 
3  Voy.  \a.  Revue,  VI,  94. 

*  Voy.   Revue  critique,  mars  1885,  p.  231. 


BIBLIOGRAPHIE  447 

grantviels  charetil.  »  {Fabliaux,  V,237).  11  l'audiail  cieil  ou  vies. — 
«Ses  vieuses  arrnes  »,  au  lieu  de  vieses  (Aiol,  v.  723). 

Vieux  n'est  donc  pas,  non  plus,  uu(î  forme  incontestable  de  cas 
sujet  exceptionnellement  conservée.  Ce  mot  représente,  aii  fond, 
plutôt  vies  (vêtus)  que  vielz  (vetulus). 

C.   C. 


BIP,LIOGRAPIIIE 


Altfranzoesische    Bibliothek    licrausgegeben  von  D'' Wendelia  Foerster. 

Tomes  7,  y,  10  et  U. 

La  Bibliothèque  d'anciens  textes  français  que  publient  à  Ileilbrona 
]\IM.  Henninger  frères,  sous  la  direction  de  notre  savant  confrère 
^I.Wendelin  Forster,  s'est  accrue  dans  ces  derniers  temps  de  quatre 
nouveaux  volumes  diversement  intéressants,  dont  voici  la  liste: 

T.  VII.  Das  allfranziisische  liolanthlied ;  text  von  Paris,  Cambridge, 
Lyon,  und  den  sogenannten  Lothringischen  Fragmenten,  herausgg. 
von  Wendelin  Forster.  Ce  volume  est  le  complément  naturel  de  celui 
dans  lequel  M.  Forster  a  donné  le  texte  du  ms.  de  Châteauroux  et  du 
ms.  de  Venise,  et  sur  lequel  voy.  la  Revue,  XXV,  97.  Voilà  mainte- 
nant, grâce  à  lui,  à  la  portée  de  chacun,  tous  les  matériaux  de  l'édi- 
tion critique  qu'il  prépare,  et  dont  tout  le  monde  pourra  ainsi  plus 
facilement  et  plus  complètement  apprécier  les  mérites.  Une  table  de 
concordance  des  mss.  et  des  éditions,  dans  laquelle  on  a  aussi  fait 
entrer  les  imitations  en  diverses  langues,  termine  le  volume.  Cette 
table  a  été  dressée  par  M.  Robert  Heiligbrodt. 

T.  Y^.  Adgars  Marien-Legenden,  nach  der  Londoner  Uandschrift 
Egerton  G12  zuni  crsten  Mal  vollstandig  herausgg.  vou  Cari  Neu- 
haus.  Edition  très-recommandable  de  la  plus  ancienne  rédaction  fran- 
çaise des  Miracles  de  Notre  Dame,  qui  n'était  connue  jusqu'ici,  au  moins 
des  lecteurs  français,  que  par  les  extraits  qu'en  a  donnés  M.  Paul 
Meyer  en  1877,  dans  son  Recueil  d'anciens  textes,  p.  343-47.  Une  am- 
ple et  instructive  introduction  précède  le  texte  d'Adgar,  et  le  volume 
est  terminé  par  des  notes  et  un  glossaire  dus  à  M.  W.  Forster. 

T.  X.  Cv/umentar  zudeii  dltesten  franzoesischen  Sprachdenhmaelern, 
herausgg.  von  D""  Eduard  Koschwitz.  Dans  ce  volume,  qui  s'annonce 
sur  le  titre  comme  le  premier  d'un  couple  ou  d'une  série, M.  Eduard 
Koschwitz,  l'habile  éditeur  du  Voyage  de  CharUmagne   à  Jérusalem, 


448  BIBLIOGRAPHIE 

otiuiie  les  Scrincuts  de  842,  lu  prose  do  sainte  Eulalie,  le  iVagmciit  de 
Valeuciennes,  la  paraphrase  du  Cantique  des  cantiques,  découverte  et 
publiée  pour  la  premièro  fois,  eu  1865,  par  M.  Gaston  Paris,  et  enfin 
l'épître  farcie  de  la  Saiut-Étienne,  dont  la  première  édition  est  due 
égaleniont  à  M.  Gaston  Paris,  et  que  M.  Forstcr  a  publiée  de  nouveau 
en  187'J  dans  cette  revue.  Sur  tous  ces  textes,  le  coninieutaire  de 
M.  Koschwitz,  —  tous  ceux  qui  auront,  comme  je  l'ai  fait,  examiné 
son  livre  de  près,  en  conviendront  avec  moi,  —  épuise  la  matière,  de 
quelque  point  de  vue  que  le  sujet  soit  envisagé.  On  peut,  sur  certains 
détails,  n'être  pas  absolument  d'accord  avec  lui;  mais  il  n'est  que  juste 
de  reconnaître  dans  son  ouvrage  le  fruit  de  l'étude  la  plus  complète 
et  la  plus  pénétrante  dont  ces  vénérables  monuments  de  notre  langue 
aient  encore  été  l'objet. 

T.Xl.  DieWerke  derTrohadors  N'  Atde  Mons,  zum  ersten  Mal  he- 
rausgg.  von  Wilhelm  Berniiardt.  Ce  volume  contient  le  premier  texte 
provençal  qui  ait  encore  paru  dans  V Altfranzoesische  Bibliothek,  et  ce 
texte  était  jusqu'ici  complètement  inédit.  J'avais  eu  moi-même  l'in- 
tention de  le  publier,  et  ce  projet  fut  même  annoncé  dans  le  temps 
aux  lecteurs  de  la  Recue^. Mms  l'exécution  dut  en  être  différée  pour 
plusieurs  motifs,  dont  le  principal  est  l'impossibilité  où  je  me  suis  trouvé 
jusqu'ici  de  coUationner  sur  le  ms.  la  copie  que  je  m'étais  procurée, 
et  qui,  malgré  les  garanties  d'exactitude  qu'elle  m'oÛ'rait,  me  laissait 
des  doutes  sur  beaucoup  de  points.  M.  Bernhardt,  qui  ignorait  tout 
cela,  m'a  prié  dernièrement,  lorsque  son  texte  de  N'  At  de  Mons  était 
déjà  imprimé  presque  en  entier,  d'en  lire  les  bonnes  feuilles  et  de  lui 
communiquer  mes  observations.  Ce  que  j'ai  fait  fort  volontiers,  et 
pour  lui-même,  ma  sympathie  étant  acquise  d'avance  aux  jeunes  gens 
qui.  entreprennent  des  travaux  si  digues  d'être  encouragés,  et  pour 
M.  Fôrster,  au  nom  duquel  ce  service  m'était  demandé.  Mais  j'ai 
lieu  de  craindre  que  toute  une  série  des  notes  que  j'ai  adressées  à 
M.  Bernhardt  à  plusieurs  reprises,  au  fur  et  à  mesure  do  deux  lec- 
tures faites  à  peu  d'intervalle,  ne  lui  soit  pas  parvenue.  Je  ne  trouve 
pas,  en  effet,  parmi  les  remarques  qui  remplissent  les  dernières  pages 
du  volume,  un  certain  nombre  de  corrections  que  je  suis  sûr  de  lui 
avoir  communiquées,  et  qu'il  aurait  certainement  acceptées.  Ces  cor- 
rections, je  vais  ici  les  indiquer,  et  j'y  en  ajouterai  plusieurs  autres 
qu'une  nouvelle  lecture  du  texte  provençal  m'a  suggérées,  avec  un 
petit  nombre  d'observations  auxquelles  quelques-unes  des  notes  de 
l'éditeur  m'ont  paru  devoir  donner  lieu.  Mais,  auparavant,  il  convient 
de  faire  connaître  en  peu  die  mots  le  contenu  de  la  publication  de 
M.  Bernhardt. 

1  T.  XIX (1881),  p.  208. 


BIBLIOGRAPHIE  449 

Le  volume  s'ouvre  par  uue  introduction  qui  a  déjà  paru  à  part, 
comme  dissertation  de  docteur,  sous  le  même  titre  que  le  volume  dont 
nous  rendons  compte,  et  dans  laquelle,  après  avoir  exposé  le  peu  que 
1  ?s  œuvres  de  N'  At  de  Mons  nous  apprennent  de  sa  vie,  l'auteur 
étudie  en  détail  la  langue  de  ce  troubadour.  Suivent  trois  pages  plei- 
nes d'intérêt  de  M.  Forster,  sur  quelques  particularités  de  phonétique 
(jui  se  rattachent  à  ce  sujet.  Le  texte  ]>rovençal  vient  ensuite  ;  il 
comprend  cinq  traités  versiliés,  qui  sont,  je  dois  le  dire,  mortellement 
ennuyeux,  malgré  le  grand  cas  qu'on  paraît  en  avoir  fait  du  temps 
de  l'auteur  et  après  lui'.  Dans  le  premier,  qui  est  le  plus  long  des 
cinq,  est  longuement  agitée  la  question  du  libre  arbitre;  la  morale  est 
le  sujet  des  suivants,  et  le  dernier  est  principalement  consacré  à 
1  amour.  Tout  cela  sous  une  forme  purement  tcolastique.  L'éditeur  a 
fait  suivre  ces  cinq  compositions,  qui  forment  ensemble  4760  vers, 
d'un  sirventes,  ou  vers,  déjà  publiée  par  M.  Bartsch,  et  qui  est  la  seule 
pièce  lyrique  qui  nous  reste  de  N'  At  de  Mons.  Elle  oifre  le  même  ca- 
ractère didactique  et  moral  que  les  novns  r'imadas  qui  précèdent. 

Une  analyse  développée  de  ces  dernières  compositions  suit  immé- 
diatement le  texte  provençal  ;  puis  viennent  les  notes,  dans  lesquelles 
sont  comprises  les  remarques  que  j'ai  communiquées  à  M.  Bernhardt, 
et  dont  je  donne  ici,  comme  je  l'ai  annoncé  ci-dessus,  l'indispensable 
complément. 

I,  10.  «  senher.  »  Ce  mot  ici  n'est  pas,  à  mon  avis,  cingere,  comme 
le  croit  M.  Bernhardt,  mais  simplement  seju'or.  Sur  cet  emploi  de  sen- 
her, comparez  les  biographies  de  Bertran  de  Born  et  de  Raimou  de 
Mira  val.  Voy.  p.  66  de  mon  édition,  note  7. 

35.  C'est  certainement  snplegam,  en  un  seul  mot,  qu'il  faut  lire. 

72,  que  ici  signifie,  selon  moi,  que,  pron.  relatif,  et  non  comme. 

87.  Je  ne  crois  pas  que  car  soit  ici  pour  quej  non  plus  que  dans  les 
autres  passages  indiqués  par  l'éditeur.  Il  signifie  car  ^  :  (cet  cela  se 
voit,  car»,  et  non  pas  :  «  et  il  paraît  que.  » 

159.  a  las  actors.  »  Corr.  ??. 

160.  prophethans  est  le  part.  prés,  de  prophet/sar  et  non  un  sub- 
stantif =  prophète. 

258.  neces  ou  neices,  que  j'ai  proposé  à  M.  B,,  serait  Jieccsse, comme 
nessieira  est  necessaria.  L'e,  qui  normalement  devrait  être  ouvert  et 
qui  est  fermé,  puisqu'il  rime  avec  bés,  ne  fera  pas  difficulté,  si  l'on  rc- 


'  Voy.  les  Ley^  d'amora,  dans  l'une  et  l'autre  rédaclioB, passù?i;  Raimon 
de  Cornet,  III,  75. 

2  C'est  aussi  le  sens  de  que  lui-même,  après  le  même  par,  en  plusieurs 
passages,  par  exemple  au  v.  720. 


450  BIBLIOGRAPHIE 

marque  que  la  même  voyelle  s'est  également  fermée  dans  es  =  est. 

250.  «  nos.  "Corr.  nol? 

1^12-13.  Transporter  après  ce  dernier  vers  la  virgule  placée  à  la  fin 
du  premier. 

320.  Virgule  après  mor. 

321.  tot2  om  7no>' (sans  apostrophe);  07i  tôt  ne  saurait  être  l'équiva- 
lent de  sitôt. 

322.  Un  point  après  vida.  — 328.  tôt  ver. 
33 1 .  ver .  ..e pales  (ou  a  pales  ?) . 

359-60.  Corr.  E  pus  hom  es  cresatz  (=  créé;  il  y  a,  d'ailleurs,  d'au- 
tres exemples  de  cette  forme)  Ses  liremiers  fazemen. .  .'^ 

416.  de  razo. 

500-501 .  11  ne  suffit  pas  de  rétablir  l'ordre  de  ces  deux  vers  ;  il 
faut  encore,  comme  je  l'ai  indiqué  à  M.  B.,  rétablir  pour  le  premier 
la  leçon  du  ms.  {A  au  lieu  de  E). 

510.  Un  point  après  ce  vers.  —  511 .  Rétablir  es  meritz. 

512.  Virgule  après  mor. —  514.  Virgule  après  be. 

518.  Rétablir  Que.—  520.  Rétablir /i  don  s'er. 

581.  tôt.  —  604.  s'o. 

646.  Point-et-virgule  ou  un  point  à  la  fin  du  vers. 

649.  Virgule  après  t-e.  — 662-3.  tôt  comtat.  ..astrat. 

689.  D'aco,  en  tota  res  {res  intégral}.  —  692.  Virgule  après  ome. 

694.  aquel  'eussa.  — 765.  Supprimer  la  virgule. 

778.  Peut-être  En  comt  'e  caniiiat  Et  els  autres  suhers. 

841 .  Noi .?  —  861 .  fos  notât. 

865.  Quel  (avant  que  le  savoir  fût).  — 904.  Hom,  tantes. ..? 

918.  Virgule  seulement  après  parlar. 

936.  Lis.  nomni,  avec  le  ms. 

986.  Composta,  comme  je  crois  qu'il  faut  écrire  (voy.  la  note),  se- 
rait naturellement  un  indicatif  présent.  Cf.  Leys  d'amors,  II,  184: 
«  Ta)it  se  compost'  alqunas  vctz  am  dictios  numerals.  »  C'est  un 
verbe  formé  comme  coventar .  Mais,  dans  notre  exemple,  on  voudrait 
voir  répéter  le  régime.  Corr.  0  la  compost'  e  par  ? 

990.  Corr.  Fêla  de  son  pur  ver '^--  No  sembla,  qui  saber  enten, 
Lunha  razos. 

1015.   Lacune  après  ce  vers? 

10.56.  Rétablir  d'arm'  en  part;  mas  aon  =  pourvu  qu'il  abonde, 
c'est-à-dire  sauf  qu'il  abonde,  à  savoir  Dieu,  sujet  de  la  phrase,  qui 
d'ailleurs  vers  la  fin  n'est  jms  facile  à  construire. 

1060  Virgule  après ^)a?-. Les  vv.  1061-1064  forment  une  incidente  ; 
la  proposition  subordonnée  à  par  commence  à  1006. 

1080-1.  Non  pas  :  «  Je  suis  près  de  prouver  ma  vérité  »,  comme 
l'édit.  interprète  en  note,  et  voudrait  corriger,  mais  :  «  Ma  vérité  est 


BIBLIOGRAPHIE  451 

bien  près  d'être  pronvc'o.  ...»  (l'actif  pour  le  passif,  comme  il  arrive 
si  souvent  avec  l'infinitif). 

1103.  A  Dieu. 

1 105.  Virgule  après  ve.  La  construction  est  Bos  sabers  venc  a  Dieu. 

1173.  asupt'ilian,  en  un  seul  mot. 

1256.  M.  B.  a  mal  lu  ma  note  C'est  le  ren  (=renh,  royaume)  que 
je  lui  indiquais  ;  correction  du  reste  fort  incertaine.  Le  passage  anaT 
logue  dans  Guiraut  Riquier  (p.  18;^)  est  de  peu  de  secours  pour  la 
correction  de  celui-ci. 

1270.  Point-et-virgule  après  ce  vers. 

1274.  Virgule  seulement  après  ce  vers. 

1298.  Point  ou  point-et-virgule  après  dreg , 

1300.  Corr.  JTas  qui  a  (Si  quis  hahct) . 

131G.  Plutôt  peut-être,  sans  rien  changer  au  ms.,  Astr  es,  segon 
vers  es . 

1326.  Corr.  Dels  planetas.  Dels,  avec  estelas,  non  féminin,  paraît 
inadmissible  dans  ce  texte. 

1354.  E  par  en  que. .  .==.  en  ce  que. . . 

1367.  Transporter  la  virgule  après  ciel  be.  Le  régime  de  soste  est 
l'autre. 

1380.  El  sems. 

1385.  Corr.  reclon?  La  lacune  que  j'ai  supposée  pourrait  ne  pas 
exister. 

1411.  «  en  bon  aon.  »  Corr.  en  hom'  aon. 

141*.).  On,  que  j'ai  proposé  de  corriger  Que,  peut  rester;  je  mettrais 
alors  un  point  après  le  v.  1418,  et  un  point-et-virgule  seulement 
après  1422. 

1428.  Je  corrigerais  vertuh  (Hahet  sua  virtus) .  —  1432.  Coin  es. 

1451.  «  Dampn'als.  »Corr.  Dam  ah. 

14.57.  Rétablir  çMeZ  re  malauros  (le  rend). 

1472-3.  Virgule  après  mais  et  après  tant.  —  1474.  fatz  =facit. 

1503-4.  Corr.  Mera qu'aquel  fe?  Simple  virgule  après  viven 

(1502). 

151-5.  Corr.  Dich   en  las  razos? 

1540.  Rétablir  D'eys  aysso;  que  (1541)  s'y  rapporte. 

1518.0.  Lis.  sazo  au  premier  de  ces  deux  vel-s,  razo  au  second  {sic 
nis.  d'après  ma  copie). 

1617,  Corr.  ?  Le  contexte  semble  exiger  quelque  chose  signifiant 
X  car  ce  qui  est  mal  paraît  souvent  raisonnable.  »  Y  aurait-il  une 
lacune  avant  ce  vers? 

1652.  Corr.  ?  Ni  la  correction  de  M.  Bernhardt,  ni  une  nuire. {Pueis 
f/'owe),que  suggère  plus  naturellement  le  ms.,  ne  paraissent  satisfai- 
santes. 


452  BIBLIOGRAPHIE 

1674.  Virgule  après  comensa. 

1G70.  Virgule  après  mens.  Il  doit  y  avoir  une  lacune  après  le  vers 
suivant. 

1725.  «  crezedor.  »  IMOt  mal  expliqué  dans  la  note  ;  Non  es  crezedor 
^  il  n'est  2}<^s  croyable;  c'est  un  adjectif  tout  différent  du  crezedor 
que  M.  B.  eu  rapproche.  Ce  dernier  est  le  sujet  plur.  de  crezeire ;  le 
;iûtre,le  sujet  sing.  neutre  de  crezedor-s  {^=  * creditorius .)  Cf.  entende- 
dor  (à  entendre),  au  v.  1733. 

1770.  Corr.  Jes  hôm. 

1702-3.  Eétablir  E  (=  en)  totas  res  ses  par  Gran. 

1803.  Ma  note  a  été  mal  transcrite.  Lis.  corn  a  que,  en  trois  mots 
{ad  quid). 

1874.  CoiT.  Aisi.  — 1884.  Corr.  On  neys. 

1885.  Virgule  après  mal.  —  1892.  hen  =  hene. 

1898.  «  qu'el  a  »;  plutôt  que  l'a  (illi  hahet) . 

1914  et  1916.  Virgule  après  chacun  de  ces  deux  vers. 

1943.  Virgule  après  se.  —  1956.  Virgule  après  mon. 

1957.  Corr.  Plu[s6]r  [per]  servir  luif —  1960.  Eétablir çue  ?. 

201  A.  prédication,  qvC on  lit  dans  la  note  (p.  159,1.  8),  est  une  faute 
d'impression.  (J&&t prédiction  qu'il  faut  lire. 

2026.  Corr.  ?. 

II.  —  7.  Ma  note    a  été  transcrite    incomplètement;  lis.  E  si  he 

par. . . 

43 .  Virgule  après  ohs.  —  67.  Lire  qu'eras. 
70-71 .  Corr.  ?.  —  91 .  Son,  mot. . . 

93.  Corr.  Qui  so. .  .  Le  ms.  porte  Q,  surmonté  du  signe  abrév.  de 
l'e,  que  le  copiste  aura  pu  substituer  à  celui  de  Vi.  C'est  du  reste 
la  leçon  des  Leys,  dans  l'extrait  rapporté  en  note . 

112.  Corr.  01  sieu.  —121.  «  Fa.  »  Plutôt  Er?  Ms.  Eu. 

129.  Corr.  de  conoissens.  — 133.  «ges.  ))Corr.  gen. 

1.57.  atressï  (ms.).  —  184.  «  Car.  «Corr.  Can? 

190-3.  Corr.  Cals  {=^  Qui  interrogatif). . .  cahal,.  . .  valor,. . .  sen- 
hor  ?  Ou  Car  noy  a  tan  ? 

199.  Virgule  après  sen.  — 204.  afazendat,  en  un  seul  mot. 

205.  Virgule  après  soert.  — 212.  Suppr.  la  virgule. 

233.  Corr.  vils.  -  256.  Corr.  ?. 

266.  Corr.: 

Lauzor  gratz  ;  grat  far  be  ; 

Be  far  valors;  valers 

Nays  de  dever;  dever.s. .  .(lacune?) 

E  de  mal  falhiraeDs. . .? 

Cf.  V.  286  et  suiv. 


BIBLIOGRAPHIE  453 

2G9.  M.  Beinhardt  s'est  mépris  ici  et  plus  loin  '  sur  le  Sens  de  mes 
remarques.  Je  n'ai  pas  voulu  dire  qu'il  y  a  une  lacune,  un  blanc 
laissé  à  dessein  dans  le  ms.;  et  en  effet  mu  copie  n'en  indique  pas, 
mais  seulement  qu'il  paraît  manquer  quelque  tfhose  après  ce  vers. 

277 .  ni  que,  que  j'ai  proposé  de  changer  en  ni  re,  peut  être  con- 
servé. Cf.  la  locution  ni  so  ni  que,  en  français  ne  ce  ne  quoi. 

287.  Répétition  du  v.   2G5,  qui  fait  ici   pléonaémc.  Corr.  ? 

303.  qo  c'abelis. 

353-8.  Corr.  E  mas  (Et  puisque). . .  Par. .  . .  voler. .  ,  ver. 

418.  Mais  pane  de?  —  438.  Un  point  après  arenir. 

439-41 .  La  phrase  est  intenogativo.  Ecrire  en  conséquence,  avec 
une  légère  correction,  be  far  ?  —  Non,  car. . . 

463-4.  Ms., d'après  ma  copie  : 

Sol  a  semblan  mostrar, 
Mais  sen  falhir  semblan  far. 

qu'il  faut  rétablir,  sauf  à  supprimer  Jlals  et  corriger  sens  falhir  sem- 
bla far. 

4Q8.parlara,  en  un  seul  mot.  — 524.  Corr.  es  an  saber? 

583.  Point-et- virgule  après  peccat. 

591.  Point-et- virgule  après  parlar ;  per  so  c'ai,  qui  6uit,=c'est  pour- 
quoi j'ai. 

597.  Ma  copie  porte  bien  si  (voy.  la  note  de  M.  Bernhardt);  mais  je 
crois  la  leçon  ^  préférable,  et  je  pense,  après  nouvel  examen,  qu'il  n'y 
a  pas  de  lacune.  *I1  faut  seulement  mettre  une  simple  virgule  après 
saber,  et  un  point-et-virgule  après  fi.  Le  sens  est:  «Dans  nos  actes, 
vouloir,  pouvoir,  savoir,  tous  les  trois,  font  ce  qui  convient  (ce  qui 
est  dû,  fan  dever),  du  moment  qu'ils  sont  «  fins  »  (c'est-à-dire  purs, 
honnêtes};  au  contraire  (coversat),  c'est-à-dire  s'ils  ne  sont  pas  «fins  », 
ils  produisent  faute  et  mal .  » 

615.  No  an  tuch. — 662.  Lis.  Totz  (ms.  tug). 

667.  «  entrevellî.  »  entrenelh?  Il  y  a  dans  Godefroy  un  entrenueu 
qui  paraît  désigner  une  certaine  partie  d'un  escalier,  par  conséquent 
un  ouvrage  d'artisan. 

670.  Virgule  après  sap. 

684.  Il  faut  maintenir  la  virgule  après  es. 

696-8.  Carpoder..  .ni  occaizo.  Virgule  après  ce  dernier  mot. 

699.  blasme  trairion  (ms.).  — 702.  que  (en). 

IQl ,  Point-et-virgule  après  an.  — 735.  Sos  pretz. 

749.  sofrait'  aver. 

»  Vers  288,  401,461. 


454  BIBLIOGRAPHIE 

83U.  Defenden  so  del  sieu.  CL  Deux  mss.  proveii^aux  du  XlVe  siè- 
cle, p.  174. 

866-6V).  ??  ;<  no-ns.  »  Le  ms.  a  nom  (nos);  tenir  est  suspect. 

878.  Suppr.  la  virgnte  après  glot.  —  897.  Un  point  après  poder. 

927.  Virgule  après  reclus.  — 928,  Corr.  si  falh. 

944.  qu'es  a  far? — 951.  «  c'anz.  »  Qui. 

958.  K  en  cor.  «Corr,  encar.  — 961.  Suppr.  la  virgule. 

966.  mal  cujar,  en  deux  mots. 

1003-5.  Aquesta,  so  sapchatz  Entendre,  Ualtatz  Nais  el  cor. . .? 

1014-1015.  Un  point  après  razos  ;  virgule  après  henenansa,  cour 
bien  marquer  que  c'est  à  saviezn  que  s'applique  le  vers  suivant. 

1028.  «  fe.  n  Corr.  ve.  —  1029.  Lire  aman  en  un  seul  mot. 

1062-3.  Il  faut  construire  vertut. . .  de  valor. 

1075.  Suppr.  la  virgule.  Il  est  possible  qu'ici,  comme  en  d'autres 
endroits,  la  virgule,  pour  nous  fautive,  soit  justifiée  en  Allemagne 
par  des  habitudes  de  ponctuation  différentes  des  nôtres. 

1085.  CoiT.  Prendo  d'autres  valor.  D'autres  est  sujet,  Cf .  v.  1122. 

1113.  «  Far.  «Corr.  Fan    —  1126.  assetat  ? 

1148.  senhorejat  =  traités  en  seigneurs. 

1152.  s'a  nom  honor  suffit,  sans  de. 

1163.  De  so  de  l'autnd.Cî.  v.   839. 

1205.  (voir  la  note).  C'est  après  vertutz  qu'il  faut  mettre  les  points 
suspensifs. 

1227.  «mielhs.  »  Corr.  nulhs. 

1231 .  Point-et- virgule  après  remarvdra.  ' 

12.32-35.  Corr.  et  ponctuez  C'onjms.  .  .talens  Lepeccaire.  .  .Pus.. . 
forfaitz;  El  liais... 

1294.  Lis.  sert  (il  est  certainement  à  croire  que. . ,). 

1329.  «qu'en.  «Corr.  quens?  — 1345.  Per  tôt. 

1358.  C'est  après  ce  vers  que  je  propose  de  mettre  un  point  d'in- 
terrogation, et  non  après  1360,  comme  il  est  dit  par  erreur  dans  la 
note. 

1377.  Lire  de  paratge,  en  deux  mots. 

1380.  Lis.  C'am..  Revert,  dont  le  sujet  est  paratge,  est  le  subj.  de 
revertar,  verbe  qui  manque  à  Rayn , ,  mais  dont  il  y  a  d'autres  exem- 
ples, et  qui  vit  encore. 

1385.  Virgule  après  fa.  La  pensée  de  l'auteur  est  celle-ci  :  «  celui 
qui  n'est  pas  né  noble  (de  paratje)  ne  le  sera  jamais,  à  moins  qu'on 
ne  Yen  fasse  »,  c'est-à-dire  qu'on  ne  le  fasse  chevalier.  Sur  cet  emploi 
de  en  (aujourd'hui  y),  voyez  Deux  mss.  provençaux  du  XIV^  siècle, 
p.  173. 

1401 .  Corr.  Honest  es  qui  desvia? 


BIBLIOGRAPHIE  455 

1412  C'est  par  méprise  (|iie  j'ai  indiqué  la  correction  proposée  en 
note.  Il  faut  conserver  la  ponctuation  de  M.  P.ernliardt. 

1420.  Virgule  après  gens  (voy.  la  note). 

1424.  Si  loi-  serait  préférable  à  Si  hels  que  j'aiproposé,  et  ([ui  se- 
rait pour  si  be  Los,  ce  dernier  mot  au  sens  de  lor. 

1435.  mnns.  — 1436.  mal  a'ilntz  (deux  mots). 

1449  (et  non  1450,  voy.  la  note).  «E  fa.  »  Corr.  E  dar? 

1458. Virgule  après  premieiramen. 

1459.  Corr.  De  valor.   Point  après  eissamen. 

1402.  Point  après  hontatz,  sans  tiret. 

1403.  Lis.  largeza  donatz  (==  donnez,  impératif). 

1481 .  Maintenir  la  leçon  (pie  j'ai  proposé  de  corriger.  Il  faut  seule- 
ment remarquer  que  la  construction  doit  être  Segon  qu'es  la  largeza 
ni  mou  de  boneza,  val. 

1496.  Il  n'y  a  pas  lieu  de  changer  la  leçon  du  ms. 

1525.  La  correction  proposée  est  inutile:  estener,  iutransitif,  con- 
vient fort  bien.  Il  faut  une  virgule  après  crezensa. 

1532.  Une  simple  virgule  après  atretal;  tan  can  (v.  1534)  se  ratta 
che  à  sia  du  v.  1527, 

III.  —21.  Quem  do?  —51.  ??.  Lacune? 

64.  Virgule  après  bas.  —  77.  Rétablir  Qui  pot  son  contra-he  mermar. 
93.  Lacune  après  ce  vers? —  133.  «  pensar.  wCorr.  pensan. 
135.  va  leu.  —  201 .  Un  point  après  razo. 

203.   Point  d'interrogation  après  ce  vers.  Les  deux  vers   suivants 
sont  la  réponse  à  la  question. 
223 .  feirara . 

IV.  — 08.  Corr.  pren,  sia  mais  o  bes,. . . 

93.  ??. . .  Faut-il  lire  vol  mielh?  mais  le  reste? 

94 .  jocx  paraît  appeler  datz  ?  Y  aurait-il  donc  là  quatre  rimes  en 
atz? 

108.  Lis.  a  parelhs  =  à  paires. 

115.  La  corr.  que  j'ai  proposée  (voy.  la  note)  est  bien  risquée; 
mieux  vaudrait  ^4rf  boni'  usat,\nen  que  cela  s'éloigne  davantage  de  la 
leçon  du  ms. 

120.  Rétablir  del  cabelh.  La  construction  est  Si  non  ton  sohr  obs 
del  cabelh  (expression  prov-erbiale '?)  «  soque. .  . . 

175.  «  don.  ))  co7u'^ —  190.  Flutôt deu  le. 

203 .  Qui.  —  204 .   Plutôt  si  punir . 

211.  l'er  (ms.  ht).  — 237.  s/Z  creys  colors,  fa. . . 

245.   Simple  virgule  après  albir. 

250.  Corr.  parlon;  purlan  ne  peut  être  un  subjonctif. 

267.  Point-et-virgule  après  acoseguir. 


456  BIBLIOGRAPHIE 


269.  nils  seinblans,  c'est-à-dire  ni  aïs  fais  semblans.  Rétablir  Que 
au  commeucement  du  vers. 

V. — 39.  calacom.  — 83.  a  pales. 

84.Suppr.  les  tù-ets  ;  que  est  sous-entendu. 

129.  piejer  ergiilhos,  saus  virgule  entre  ces  deux  mots. 

15G.   lo  tort?  — 168.  Virgule  après  Icumcn. 

169.  Corr.  Sitôt? —  224.  ??  On  ijourrait  penser  à  corriger  a  mes- 
denhar  sa  sen  {du  lauzenjador);  dins  du  ms.  (s'il  y  a  bien  dins,  car  ma 
copie  porte  uins)  pourrait  provenir  de  denli  ou  de  dein,  suivi  d'une 
abréviation  que  le  copiste  aura  prise  pour  une  s. 

305.  Un  point  après  auctor?  CAvàCWii  en  est  (eu  sont,  par  syllepse) 
garant;  chacun  peut  en  témoigner.  | 

306-8.  Ditz...grans  Qui  tot...X}xiT^o\nto\i  poiut-et-virgule  après  ^^ms.  \ 

325.  nom?  —  350.   Tes?  f_ 

355.  quel  sembla.  — 409.  Un  cal.  ■ 

474.  Pel  meteys? — 485.  «meta.  »  Corr.  mera. 

534.  no  cre.  — 548.  Virgule  après  necessitutz.  ■ 

599,   Suppr.  la  virgule. 

Anhang,  p.  128,  v.  3.  «  plevon.  »  Ne  serait-ce  pas  plutôt  pZe; on  .^ 
Cf.V,  58,  116,  128. 

19.  «tôt  l'an.»  Corr.  toi  lan  (tollit  illam  (se.  valorem)  inde)  ou  toit 
l'an  (tollitam  illam  habet  inde). 

24.  Virgule  après  meteïs  ;  qui  =  si  quis. 

30.  «cor.  j)  Il  semble  qu'il  faille  ici  préférer  cug  (voy.les  varian- 
tes chez  M.  Bartsch),  cor  étant  déjà  au  vers  précédent. 

Je  tiens,  en  terminant,  à  féliciter  publiquement  M.  Willielm  Ber- 
uhardt  des  connaissances,  de  l'intelligence  et  du  soin  dont  il  a  fait 
preuve  dans  l'exécution  du  travail,  aussi  ingrat  que  difficile,  qu'il  a 
eu  le  courage  d'entreprendre, —  ce  qui  est  déjà  un  rare  mérite, —  pour 
ses  débuts" dans  noti'e  carrière. 

C.  C. 


J 


PERIODIQUES 


Zeitschrift  far  romanische  Philologie,  X,  2.  —  P.  177. 
M.  Kuhfuss.  Sur  la  Vie  de  Dante  ubréijée  attribuée  à  Boccace.  Con- 
trairement à  l'opinion  de  j\I.  Scliefïor-Boicborst,  l'auteur  ne  croit  pas 
que  cette  Vie  puisse  être  attribuée  à  Boccace.  — P.  205.  A.  Pakscher. 
Un  catalogue  de  Fulvius  Ursinus.  Après  avoir  donné  les  33  numéros 
de  la  partie  de  ce  catalogue  qui  concernent  l'italien,  le  provençal  et 
le  français,  l'auteur  étudie  en  particulier  le  n°  1  (Vatican,  3195),  re- 
cueil des  canzone  et  des  sonnets  de  Pétrarque,  que  l'on  croit  en 
partie  autographe.  M.  de  Nolhac  a  fait  sur  ce  sujet  une  communica- 
tion à  l'Académie  des  Inscriptions,  le  28  mai  188G  (Voy.  Revue  criti- 
que, 188G,  p.  4GÛ').  Par  suite  d'une  entente  avec  lui,  Tautcur, qui  de- 
vait donner  une  suite  à  ce  premier  article,  y  a  renoncé.  — P.  246. 
H.  Tiktin.  Vocalisme  du  roamahi.  Début  d'un  travail  qui  s'annonce 
comme  très-important.  —  P .  256 .  Osterhage .  Ganelon  et  les  traître^ 
dans  lalé'jende  de  oharlemag ne.  h' Siuteuv  voit  dans  Ganelon  une  va- 
riante du  type  du  beau-père  persécuteur  et  meurtrier  de  son  beau-fils, 
et,  en  dernière  analyse,  un  dieu  des  ténèbres  et  de  l'hiver,  qui  met 
à  mort  le  dieu  de  la  lumière.  C'est  peut-être  aller  bien  loin  dans  la 
voie  de  l'interprétation  mythologique  des  légendes.  —  P.  262.  Th. 
Braune,  Sur  quelques  mots  romans  d'origine  germanique.  Albergo, 
aller c,  herberc,  etc.,  tirent  la  première  syllabe  de  «fZaZ  (inadmissi- 
ble); dans  le  bas  latin /eo(^u?u^  il  faut  reconnaître  non  pas  seulement 
le  gothique /ai^M,  mais  aussi  ôt,  qui  peut  seul  expliquer  le  d  (plau- 
sible); hareng  vient,  non  du  latin  halec,  mais  de  harlng,  dérivé  de 
hari:  c'est  le  poisson  qui  marche  en  bandes  (excellent);  considérations 
intéressantes  sur  haranguer,  qui  serait  une  forme  savante  correspon- 
dant à,la  forme  populaire  arre«5r/er/ ce  qui  est  dit  de  arroi,  dont  la 
première  syllabe  serait  hari,  n'est  pas  concluant  ;  algier,  du  Rolant, 
qui  doit  sans  doute  s'écrire  atgier,  comme  on  l'a  fait,  ne  vient  pas 
de  adalger. 

MÉLANGES. — I.  Manuscrits.  1 .  P.  278.  E.  Stengel.  Onze  nouveaux 
manuscrits  de  la  chronique  en, prose  qui  porte  le  nom  de  Brut.  Addi- 
tions à  l'article  de  M .  Paul  Meyer  dans  le  Bulletin  de  la  Société  des 
anciens  textes  français  Je  1878.  Cf.  Romania,  XVI,  154-5.  —  2.  P. 285. 
W.List.  Fragment  du  Roman  de  Troie </e  Benoît  de  Sainte- More.  Il 

*  Voir  aussi  Revue  des  langues  romanes,  XXX,  55;  XXXI,  315 


45S  PERIODIQUES 

s'agit  de  439  vers  conserrcs  à  la  bibliothèque  universitaire  de  Stras- 
boare  *  -  "     '"  Viemin  qui  datent  da 

XIII*    .     -    - ....    .-  : .     ...  :e.  Ils  oflErent  d'assez 

nombreuses  variantes  an  texte  publié  par  M.  Joly  et  trois  vers  qui 
manquent  à  ce  texte.  Noos  en  prenons  bonne  note  pour  l'édition  criti- 
qae  que  nous  nous  proposons  de  préparer  aussitôt  après  la  publication 
de  notre  édition  critique  du  /*  7^  Thèltf-g,  qui  va  enfin  être  mise 

sous  presse.  —  II.  Cbitiqub  l_-   XES.  P.  292.  A.  Gaspary.  ^rf</i- 

tion  à  Zeitscbrift,  IX,  571.  AUche,  dans  la  pièce  de  Chiaro  Davan- 
zati  :  Afsai  m'era  posaio.  est  le  latin  alec,  et  les  vers  où  ce  mot  se  ren- 
contre sont  traduits  du  distique  latin  imprimé  dans  .fîoni.,  XIV,  471. 
—  III.  ÉrmoLOGiES.  1.  P.292.  F.  Holthausen.  Fr.foh  1'/ est  due 
à  la  phonétique  svn tactique, yoi«  jouant  le  rôle  de  proclitique  ;  j're- 
saie,  de  prœtaga,  qui -aurait  été  influencé  par  im  mot  allemand  sup- 
posé, forcioga. — 2.  P.  293.  G.  Groeber.Fr.  piaffer  ne  vient  pas  de 
pied;  >L  G.  le  rapproche  du  normand  actuel  pianner,  qui  se  dit  du 
cri  du  ■'  "  -  et  de  piauUr,  piailler,  etc.,  et  croit  à  une  onomatopée 
(peu  s...  --.^nt). —  IV.  Grammaire.  1.  P.  294.  A.  Feist.  x  =  us 
dans  les  manutcrUs  en  ancien  français .  Nouvelle  tentative  d'explica- 
tion de  cette  curieuse  graphie.  M.  G.  Paris  rappelle  avec  raison 
(Rom.,  XVI.  155)  que  le  nom  de  z  était  en  ancien  français  ieus  (voy. 
Jnbinal,  Xouc.  ree.,  II,  280),  ce  dont  il  faut  tenir  grand  compte 
pour  la  S'Z'lution  du  problème.  —  2.  P.  296.  H.  Vamhagen.  Gloêe* 
froMuxùses  dans  des  mss.  d'uElfric  (voy.  les  observations  de  M.  G. 
Paris,  Bom.,  XVI,  155. 

CoMPTES  REîfDUs. — P.  302.  H.  Suchier.  Œuvres  poétiques  de  Phi- 
'     "      ■  •    "  >  (Schwan  ;  très-favorable,  quelques 

..   ..      „.  ..  _     ..  -^.  —  P.  306.  C.-M.  V^oh^n.  Questions 

de  grammaire  et  de  langue  françaises  élucidées  (Tobler,  bien  des  ré- 
serves). —P.  308.  H.  Morf.  Drei  hergellische  Volksheder  {Vioào\&: 
sévère,  cf.  Rom.,  XrV,6l9j. — P.  310.  Giomale  storico  délia  leti-era- 
hira  a  -  ^  "'^  ^  "  ',  XV.  1  ;Tobler:  obser- 
vations   .  s  de  Guyhia  de  Gercera 

par  Thomas,  mauvaises  le .  ;  W.  Mejer), —  P.  315.  Bé- 

plique  de  M.  O.  Schultz  à  M.  L.  Rœmer  (voy.  Zeilschr.,  IX,  1-56 

—  P.  319.  Annonce  sommaire  des  livres   enragés  à  la  Zeit- 


X.  3. — P  321  .W.  Mi?M?.  L*  R-^-yport  des  mss.  du  Saint  Grégoire, 

.  pour  juger  cette  classification. 

:ioD»«ie  pare  depuis  longtemps  M.  G.  Paris. — 

l".  oôo.  W.  M-y.r.  l:.:^^<^  j'onco- italiennes  (cf.  Zeitschr.,  X,  22). — 

La  r-;....r    .TJjr  i  ..■  ,■  n,-.-.,'!^  (â  continuer).  Étude  du  ms.  fr,  821 

de  ^  .  -  Paris,  qui  contient,  en  outre,  la  tra- 


CHRONIQUE  459 

duction  (les  Distïclia  L'aUmis  d'Adauido  lSuLl,roiii;iuito  par  iiu  certain 
Macé  dcTroyes,qui  se  l'otait  appropriée  ;  communication  d'une  partie 
du  texte  ;  étude  linguistii[ue  très-soignée.  — P,  411.  L.  Ilirsch.  Pho- 
nétique et  morphologie  du  dialecte  de  Sienne  (^n).  —  P.  147.  A. 
Pakscher.  Notes  marginales  de  la  main  de  Dante  Ç^).  Il  s'agit  des 
gloses  latines  du  chansonnier  du  Vatican  n"  3207  ;  elles  sont  sans 
grande  importance,  et,  d'ailleurs,  l'attribution  à  Dante  vient  d'être 
victorieusement  réfutée  par  M.  C.  de  Lollis  dans  le  Giornale  storico 
délia  letteratitra  italiamt,  IX,  238-48  (voy.  Rom.,  XVI,  156). 

MÉL\.VGES.  I,  :\[anuscrit8. —  P.  460.  1.  E.  Stengel.  Les  Chan- 
sons en  ancien  /rampais  citées  dans  le  Conte  du  cheval  de  fust  de  Gi- 
rard d'Amiens  (M.  B.  Wiese  communique  dans  le  fascicule  suivant, 
p.  615,des  variantes  de  lectiu-e  au  tc.\té). — 2.A.  Tobler.  La  Chienne 
qui  pleure.  Version  latine  de  cette  fameuse  légende, publiée  avec  de 
savants  commentaires,  daprès  un  ms.  d'origine  italienne.  —  II.  Cri- 
tique TES  TEXTES.  —  P.  481.  H.  Andresen  Sur  Amis  et  Amiles  et 
Jourdains  de  Blaivies  (corrections  au  texte). —  III.  Étyjiolooies. — 
P.  482.  H.  Schucliardt.  Le  roman  illi,  illui,  pour  le  latin  ille,  illi. 
L'auteur  n'admet  pas,  à  tort  selon  nous,  l'opinion  émise  récemment 
par  M.  A  .  Darmesteter  {Mélanges  Renier,  p.  145-157). 

L.    CONSTANS, 

CHRONIQUE 


L'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  a  décerné  la  troisième 
médaille  du  concours  des  antiquités  nationales  à  M.  Lespy,  pour  son 
Dictionnaire  béarnais.  M.  Baillant  a  obtenu,  au  même  concours,  une 
mention  pour  son  Essai  sur  un  patois  vosgien.  Nos  félicitations  à  nos 
deux  savants  confrères.  • 


Revue  des  patois,  publiée  par  L.  Clédat.  Sommaire  du  deuxième  nu- 
méro (avril-juillet  1S87):  I.  L.  Clédat.  Les  Patois  de  la  i-égion  lyon- 
naise. 1.  L'Article  défini. —  IL  Nizier  du  Puitspelu.  Un  conte  en  jja- 
tois  lyonnais  du  commencement  du  siècle. —  III.  Ch.  Joret.  Raml année 
normande:  Minette  et  la  Roulette.  —  IV.  Mélanges  et  textes.  Lé- 
gende en  patois  de  la  Bolle  (F.  Brunot).  Chansons  populaires  en  pa- 
tois de  l'Aveyron  (F.  Fertiault).  Chansons  populaires  en  patois  du  Bois- 
d'Oingt  (D"'  Gonnet).  Chanson  en  patois  de  Cormaronche  (Tronclion). 
Conte  popidàire  de  Germolles  (Combler).  La  Pauvre  Dzone  (J.  Martin). 
—  V.  Comptes  rendus.  Moisy,  Dictionnaire  du  patois  norniand .  — 
Puitspelu,  Dictionnaire  étymologique  du  pntnis  lyonnais. —  VL  Notices 
bibliographiques. —  VIL  Chronique. 


Vient  de  paraître  la  seconde  édition    de  la  Grammaire  élémentaire 


460  '  CHRONIQUE 

de  la  vieille  langue  française,  par  L.  Clédat.  Paris,  Garnier  frères, 
gr.  in-18  de  viii-X)l  pag.  —  La  rapidité  avec  laquelle  s'est  écoulée 
la  première  édition  est  la  meilleure  preuve  de  la  valeur  de  l'ouvrage 
de  notre  confrère  et  de  sou  utilité.  Il  serait  superflu  de  le  recomman- 
der à  nos  lecteurs. 


La  Clianson  de  Kolaiid,  traduction  archaïque  et  rhythmée,  accom- 
pagnée de  notes  explicatives.  —  Le  volume  que  M.  Léon  Clédat 
vient  de  publier  sous  ce  titre,  et  qui  forme  le  t.  II I  de  la  Bibliothè- 
que de  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon,  est  une  tentative  très-originale 
et  qui  mérite  d'être  encouragée.  Le  système  de  l'auteur,  clairement 
expliqué  et  justifié  dans  la  préface,  consiste  à  conserver  autant  que 
possible  les  mots  mêmes  de  l'original,  lorsqu'ils  vivent  encore,  ou, 
s'ils  ont  péri,  quand  leur  signification  est  restée  en  quelque  sorte  trans- 
parente, grâce  à  la  lumière  qu'ils  reçoivent  de  ceux  de  même  racine 
qui  ont  survécu  (par  exemple  haud,  de  ébaudii-).  La  mesure  du  vers 
est  aussi  conservée,  mais  non  pas  l'assonnance,  bien  qu'il  y  ait  des 
laisses  entières,  ou  presque  entières,  où  elle  a  pu  être  maintenue.  Les 
additions  rendues  nécessaires  pour  rétablir  la  mesure,  quand  le  chan- 
gement forcé  d'un  mot  ou  d'une  forme  rad(''truite,  sont  imprimées  en 
italique.  Des  notes  très-abondantes  et  très-précises  rendent  compte 
des  modifications  que  le  texte  a  dû  subir,  et  fournissent  tous  les  éclair- 
cissements nécessaires  pour  riutelligouce  dos  passages  dont  la  phy- 
sionomie pourrait  paraître  trop  archa'ique  à  quelques  lecteurs. 


Errata  du  numéro  d'avril-mai-juin 


Page  176,  1.  3  du  bas:  estella.  Lis.  Stella. 

P.   177,  1.  7  du  bas:   169.  Lis.  171. 

P.   179,  1.  7  du  bas:  faicha...  retraicha.  Lis.  faiça. ..  retraiça. 

P.   180,  1.  5  :  fàichas.  Lis.  faiças. 

P.  188.  1.  5:  1243.  Lis.  1244. 

P.  196,  1.  15:  164.  Lis.  163. 

■  P.  288,  note  1,1.  6-7.  di  oui agg'mnta.  Lis.  che  la   stessa 

mano  scrisse  in  in  epoche  differenii. 
P.  290,  1.  24.  diffato.  Lis.  difatto. 
P.  293,  troisième  couplet,  v.  3-5.  Ponctuer  ainsi: 

Quar  trop  greu  vent  la  forsa 
E  es  mal  amarinada  ; 
Tant  que 


Le  Gérant  responsable  :  Ernest  Hamelin. 


Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi  (Hamelin  Frères). 


» 


ISTORIO  DE    SANCT   PONCZ 

(Suile) 
[F"  71  r"]  Lo  Segont  Jort 

LO   MESSAGIER 

Al  nom  dal  très  hault  ré  de  glorio. 
Nobles  seignors  cy  congregas, 
Tornant  lo  jorn  passa  en  memorio, 
Escota  sens  ineiuir  grant  fras. 

2560     Los  personaiges  son  intras 
Lor  lojos,  per  personajar  ; 
Dont  vos  pren  que  tes  en  pax 
Vos  vueilha  dossament  lojar. 
Nota  sobre  tôt  lo  martiri 

2565    De  sanct  Pons  et  sa  passion 

Qu'el  ha  sufFert  desoubz  Tempiri, 
Aspre  tiran  sens  compation. 
Plasso  a  vostro  discrétion 
Retenir  las  diversitas 

2570    De  sos  tormens;  per  fiction 
EUos  vos  saran  recitas. 
Et  nota  como  tribulas 
Son  agus  los  très  sanctz  martirs, 
[F"  71  v°]      Batus,  attris,  patibulas, 

2575    Au  surplus  jugulas,  murtris. 
Devotament  en  nos  contris 
Tôt  eyso  nos  chai  contemplar 
Per  acquistar  lo  paradis, 
Ont  nos  deven  tostens  ystar. 
*      2580     Prince,-  vaeilhos  administrar 

Lo  dom  de  pax  en  cesto  plasso, 
Affin  que  poyssan  remonstrar 
Chaûso  qu'a  ta  bonta  sy  plasso. 

TOMB  l   DE  LA  QUATRIÈME  SÉRIE.  —  OcTOBRF.-NoVEMBRE-DkCEMBRE  1887.  HQ 


462  ISTORIO  DE  SANCT  POKCZ 

SATHAN 

0  faulx  Sathan,  dampna,  perdu, 

2585     Ben  as  ista  tôt  espardu, 

Ton  travalh  dal  tôt  suspendu 

En  la  malhouro. 
Tant  mal  ay  mon  temps  despendu, 
Quant  aurey  cest  fach  deifendu 

2590     Per  lo  quai  ay  tant  offendu, 
Non  saboc  coro. 
You  m'empiroc  d'horo  en  horo. 
Mon  mal  talent,  plus  nyer  que  moro, 
Durant  uno  tallo  temporo 

2595  Sj  s'esbays. 

Aquel  mauldich  Pons  me  malcoro, 
Lo  cor  me  passe  et  me  transforo  ; 
Perqué  per  my  melhor  la  foro 
Esser  en  ung  puys. 

2600     Pauso  non  ay  agu  despuis, 
Mas  jors  et  nuytz 
[F°  72  r°]      Ay  fach  uno  très  grant  persuyto  ; 
Non  say  dont  vent  tallo  conduyto. 
Presque  de  tôt  me  met  en  fuyto, 

2605  Dont  plus  non  puys. 

Tallo  festo  ny  mays  tais  bruytz 
Qu'ay  dais  crestians  entendus 
En  enfert  rendren  mais  fruytz  : 
Per  Pons  nos  sen  tos  confondus, 

2610     Dampnas,  de  tormens  marfondus, 
Desfach.  Crudelz  espavantables, 
Auvé-me,  auvé,  n'atandé  plus. 
Ont  se  vos?  Salhé,  mauldichz  dyables, 
Los  fachz  me  son  tant  variables, 

2615     Que  ny  troboc  ribo  ny  fons. 

Ung  faulx  xpestian  qu'es  noma  Pons 
Si  nos  a  fach  de  grans  dalmaiges! 
Tantos  desvians 
A  fach  xpestians, 

2620  Per  son  exortar; 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  403 

Si  tuest  n'a  son  bot, 
Nos  perdren  ben  tôt. 
Veyé  qu'es  de  far  ! 

LUCIFER 

Lo  te  chaire  tost  transportar, 
2625     Puis  los  dos  Philipz  son  mortz, 
Et  semenar  de  grans  descors 
Cofitro  aquest  Pons  qu'es  de  dobtar. 

BELZEBUC 

A  Valerian  te  chai  contar 
[F»  72  V]      Et  Galien,  pyevs  quo  Néron, 

2630     Qu'an  près  l'imperi,  faulx  félon. 
Tôt  aquest  fach,  senso  tardar. 

MAMONAS 

Si  ben  sabes  tôt  recitar, 
Senso  lor  far  trop  long  procès, 
Tu  lor  fares  far  grans  excès  ; 
2635    Vay  lor  grant  furor  excitar. 

ASTAROT 

Vaj-t'en  autamben  desportar 
Envers  los  sacerdos  dal  temple,    . 
Qu'an  lor  cor  de  dolor  fort  enfle  ; 
Et  veyres  que  lor  fares  far, 

LEVIATAN 

2640     Vay-t'en  d'eysay  d'eylay  tentar, 
D'ung  de  nos  faulx  encompaigna, 
Et,  dequj  qu'ayes  tôt  gaigna, 
Mays  non  [te]  vueilhos  contentar, 

BERITH 

La  non  lo  chai  point  sustentar, 
2645     Ny  l'ajuar  d'ung compaignon. 
Car  el  es  assez  bon  pyon 
Per  a  son  fach  ben  adventnr. 


454  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

LUCIFER 

Torno,  Sathan,  sapios  ventar 
Et  uso  de  maniero  cauto  ; 
[F°  73  r°]      Adviso  de  non  far  pas  faulto, 
Per  te  trop  dal  luoc  exemptar. 

SATHAN 

Me  gravaré  me  mescontar 
Et,  si  pouc,  non  lo  farej  pas. 
You  m'en  vauc  doncquos  d'aquest  pas 
2655    Los  crudelz  imperours  temptar. 

Vadit  Sathan  ad  palacium  imperatorum,  quasi  temptans  eos. 

S.  PONS 

0  sanct  payre,  ont  repausar 
Se  po,  après  Diou,nostre  cor, 
Veyci  de  vejsello  et  d'or 
Del  patrimoni  et  sustancio; 
2660     Dona-]o  tôt,  senso  distancio, 
Corao  volré,  tos  los  matins, 
A  paures  enfans  orphelins 
Et  ont  veyré  neccessita. 

•   PAPA   FABIAM 

Seignor  Pons,  cap  de  la  cita, 
2665    De  ben  far  totjor  incita, 
Amyc  de  Diou  eternal, 
Aquestos  bens  you  donarey, 
Als  paures  los  distrubuyrey 
Secrètement,  amont  et  aval. 

s.  PONS 

2670    Nostre  fach  es  devengu  tal  : 
[F"  73  v°]      Despuys  la  mort  de[s]  bons  Philipz, 
Non  saben  si  sen  a  cliaval 
Ou  si  sen  segurs  ou  péris. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  465 

PAPA  FABIAM 

Diou  conduys  lors  esperitz. 
2S75    Eoulz  sonprou  saiges  et  peritz 
Et,  per  vos  dire  verita, 
En  lors  fachz  non  son  catholic^; 
Mas  son  pervers  et  diabolics, 
Iniraicz  de  xpestianita. 

s.   PONS 

2680     Vray  es,  sancto  paternita, 

Et  Diou  trine  en  verita 

Vueilho  gardarsos  servitors, 

Qu'amon  la  pax  et  l'amista. 

Pacifies,  plens  de  castita, 
2685     D'humilita  los  sectatours. 

LO  PREMIER   CHAPELLAN 

Hee  !  bons  Philips,  imitators 
De  nostre  seignor  Jhesu  Crist, 
Perqué  vous  ay  you  jamays  vist 
Per  nos  esser  si  tost  falhis  ? 

LO  SEGONT    CHAPELLAN 

2690     Quais  imperonrs  los  dos  Philipz 
Puis  que  leysseron  lors  herrors  ! 
A  nos  eron  tant  admistos, 
Tant  bons,  tant  dos,  tant  pacifiez  ! 

[F"  74  r"]  LO   TERS  CHAPELLAN 

2695    Lors  fachz  eron  tant  deyficz, 
Tant  plens  de  touto  sanctita  ! 
Lors  armos  son  es  cels  monta, 
Como  si  fosson  de  Diou  filz. 

s.  PONS 

Lors  armes  son  en  paradis; 
2700 Jr  Lors  armos  si  son  gloriousos  ; 


466  ISTORIO  DE  SANCT  POKCZ 

Lors  armos  son  en  lor  devys, 
Ambe  los  angels  beneyrosos. 

LO  PREMIER  CHAPELLAN 

Qualos  paraulos  amorosos 
Avé-vos,  Pons,  mon  dos  seignor, 
2705     0  neccessari  senator, 

Per  governar  lo  ben  public! 

LO   SEGONT    CHAPELLAN 

Dolx,  amyable,  apostolic, 
De  facli  et  de  dich  catholic, 
D'eclesiastycz  vray  amator  ! 

LO   TERS    CHAPELLAN 

2710     Ben  chai  que  sjo  servator 
Et  de  gleysos  conservator, 
Eysint  com'a  principia, 
D'ydolos  ung  grant  destructor, 
De  bonos  obros  viator: 

2715    Jamays  el  non  s'es  desvya. 

[F°  74  V°]       LO  PREMIER  CHAPELLAN 

Despuis  la  mort  de  Julia 
Et  de  Marcus,  son  très  bon  payre, 
De  jors  el  non  ha  falhi  gayre 
Qu'a  nos  non  se  syo  lya. 

s.    PONS 

2720    Sanct  payre,  sabé  que  l'y  a? 
Distribué  trestos  mos  bens, 
Que  vos  ay  huy  portas  ensens, 
A  mos  parens  et  a  mos  amys 
Paures  ;  et,  quant  saren  falhis, 

2725     D'aultres  you  vos  en  aportarey  : 
Non  falhirey,  tant  quant  n'aurey 
Chauso  que  sio  temporalo  ; 
Puis  Tarmo,  qu'es  espiritualo, 
Voloc  mètre  per  Diou  servir. 


ISTORIO  DE  SAKCT  PONCZ  467 

PAPA   FABIAM 

2730     Diou  vos  done  pervenir 

La  ont  vostre  cor  si  desiro  ; 
De  ^nos  vos  vueilho  sovenir 
Que  sen  eyro  sobz  ung  tal  siro. 

LO  PREMIER  CHAPELLAN 

Si  vostre  coraige  n'empiro, 
2735     Et  creouc  tamben  que  non  faré, 
L'emperi  non  nos  desfaré  ; 
Mas  tos  los  jors  nos  crejssaren. 

s.  PONS 

Si  plaj  a  Diou,  eyssint  faren. 

[F»  75  r°]  LO  SEGONT    CHAPELLAN 

Passen  temps  al  mveys  que  pojren, 
2740     Car  mal  tenï^^s  non  auré  dura; 
Ungjort  saré  tot^assura, 
Et  ensemble  nos  istaren. 

s.  PONS 

Si  play  a  Diou,  eyssint  faren. 

LO  TERS  CHAPELLAN 

Asseguras  nos  parlaren, 
2745     Senso  aver  pour  de  mandament, 
Qualque  jort.  Diou  pas  non  ment. 
Monseignor  Pons,  entende  ben. 

s.  PONS 

Si  play  a  Diou,  eyssint  faren. 
De  VOS,  sanct  payre,  fauc  despart  ; 
2750    Anar  me  chai  en  aultro  part, 

Uno  aultro  fes  myeys  nos  veyren. 

Recedit  ab  eis. 


iC^  '  ISTOUIO  DE  SAKCT  PONCZ 

IMPERATOR  VALERIANUS 

M'es  advis,  seignor  Galien, 
Puisque  lo  monde  nos  tenen 
Sobz  nostro  man,  et  governen, 
2755     Qu'es  necessari  que  troben 
Ung  tal  moyen 
Perfasson  d'eXortation, 
Ung  edit,  proclamation 
[F°  75  v°]      Contro  xpestiano  nation, 

2760    Qu'aulx  dioux  non  fay  ymolation, 
Com'aparten. 

GALIENUS    IMPERATOR 

Très  ben  dise,  Valerian, 
Segont  redit  imperian, 
Absort  es  lo  nom  xpestian, 

2765     Et  nos  chai  ben  tenir  la  man 
Per  los  punir. 
N'atanden'pas  doncquos  deman 
De  far  cinar  Tedit  aultan, 
Impérial,  légal  et  san. 

2770    N'usen  pas  nostres  jors  en  van 
Per  mal  finir, 
Mas  per  los  dioux  mantenir. 
A  tal  eifect  nos  chai  venir 
Affin  que  nos  fassan  mûrir 

2775     Aulx  dioux  los  rabels,  et  périr 
De  malo  mort. 

IMPERATOR  VALERIANUS 

Que  nostre  crentiou  edit  et  fort 
Syo  mes  en  excecution. 

IMPERATOR  GALIENUS 

Consciencio  si  me  remort 
2780     D'aver  fach  tal  dilation. 
Chai  far  tallo  punition 
Que  chescun  tramble  desobz  nos. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  4CJ 

La  lo3  chai  congnoyscer  trestous 
[F"  76  ro]      Aquestos  palhars  xpestians. 

2785     Finabloment  qu'en  pauc  d'ans 
Syon  dal  inonde  erradicas. 

IMPERATOH   VALERIANUS 

Los  temples  qu'eron  dedicas 
A  Jupiter,  Venus  et  Mars, 
Tam  ben  construch  et  edificas, 
2790     Qui  los  a  eysint  destruch  et  ars? 
Lors  bens,  lors  sciensos  et  artz 
Los  saubrion  gardar  en  somo 
Qu'on  non  los  buete  en  quatre  pars, 
S'on  los  po  trobar  dedinsRomo. 

GALIEXUS 

2795     Vostro  volonta  me  consono. 

A  quai  prepaux  an  fach  destruyre 

Ung  tal  temple,  abatre  et  destruvre? 

Si  d'aultres  n'an  edificas, 

Non  son  pas  agus- dedicas 
2800     Al  nom  de  diou  Jupiter. 

La  fo  ung  cas  fort  cru  et  fer, 

Partent  d'uno  infidelita. 

VALERIANUS  . 

Tais  son  privas  d'jmunita 
Et  liberta  impériale, 

2805    Dont  ma  volunta  si  es  talo, 

Per  tenir  mon  cor  pur  et  monde, 
Que  se  criey,  per  tôt  lo  monde, 
Los  xpestians  sion  deschassas, 
Près,  menas,  Ijas,  estachas. 
[F°  76  V]      Si  degun  los  tenio  cellas 

Et  prest  non  los  an  descellas, 
Afân  qu'a  justicio  l'on  los  meno  ; 
Aquello  tallo  et  mesmo  peno 
Que  los  xpestians  deurion  sufFrir, 

2815    Deyon  los  occultours  partir. 


470  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

Glaudon,  uostre  très  char  ama, 
Si  mon  voler  es  conforma 
A  la  reson  et  al  dever, 
Vueilha  y  diiigencio  aver, 
2820     Et  mandar  los  heraulx  per  tôt, 
Affin  que  tost  vejan  lo  bot 
D'aquestos  faulces  xpestians. 

GLAUDIUS  PRESES 

Sacra  corono,  Ta  pro  d'ans 
Que  non  s'es  fach  inquisition. 

2825    Très  santo  es  vostro  presumption 
Quant  présume  fach  juridic. 
Aquest  très  faulx  vioure  iniq 
Fort  grandament  se  multiplie 
Et,  si  ung  pauc  on  los  humilio, 

2830     Lo  poble  se  daré  tremor, 
Et  non  anaré  tallo  herror, 
Mas  colren  los  dioux  inmortals. 

IMPERATOR  GALIENUS 

Xpestians  si  fan  de  très  grans  mais 
A  nostro  très  sancto  culturo 
2835     Si  los  punen,  per  aventure, 
Tal  que  xpestian  si  fario 
Per  pour  si  s'en  gardario  : 
Lo  plus  prest,  si  es  lo  melhor. 

[F"  78  r"]  cLAUDius  presbs 

De  mantenent,  très  haut  seignor, 
2840    Vauc  despachar  lo  mandament, 
Et  lo  farej  incontinent 
Excecutar  per  la  cita, 
Ont  es  plus  de  neccessita  ; 
Et,  puis  après,  l'on  mandaré 
2845     Per  tôt  ont  mestier  la  faré. 

Sus,  trompeté,  vaj  tost  criar, 
Como  es  acostuma  de  far, 
A  las  plassos  et  los  confours, 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  471 

De  la  part  des  très  haultz  seignors 
2850     Galion  et  Valerian, 

Que  si  degun  retray  xpestian, 

Fovis,  alberjo  ny  nuyris,  • 

Como  des  dioux  inimys 

Los  ayo  ben  tost  a  produyre 
2855     Et  a  la  cort  tamben  conduyre, 

Senso  deguno  dilation, 

Sus  peno  de  Tindignation 

Des  susdichz  sobeyran  seignors. 

BRIFFAULT 

Excecutar  lo  vauc  de  cours 
2860     Ambe  l'honor  que  s'aparten. 

Vadit 

Totjor  qualque  novel  me  ven; 

Qualcun  en  farey  mal  content, 

«  Dal  hault  et  très  grant  mandament 

L'on  fay  a  toch  comandament, 
2865     De  qualo  condicion  que  syo, 

Non  sio  persono  tant  ardyo 

Qu'ause  cellar  ny  occultar 
[F°  78  V]      Ny  donar  beoure  n'a  manjar, 

Favorisar,  tenir,  tegir, 
2870     Reculhir,  nuyrir,  protegir, 

Degun  xpestian  en  lor  meyson, 

Sus  peno  de  la  indignation 

De  la  formidablo  corono. 

E^ncaro  mais,  toto  persono, 
2875    Que  los  governo  et  los  régis, 

Los  alberjo  et  dono  logis, 

Los  ayo  encuy,  per  tôt  lo  jort, 

Los  produyre  et  menar  en  cort  ; 

Et  eyso,  sus  la  dicho  peno.  » 

Recédât  et  vadat  ad  palaclum . 
VALERI 

2880     Mon  creator,  quen'  auro  meno 


47Î  ISTOFIO   DE  SANCT  PONCZ 

Aquest  aspre  et  dolent  novel  ! 

Ont  es  ana  lo  temps  tant  bel, 

Tant  dop,  tant  bon,  tant  mansiiet. 
*  Tant  ])acific  et  tant  quiet; 

2885    Lo  temps  dels  imporours  Philips  ? 

Las!  eoulx  son  mortz,  los  bons  amjs 

De  toto  la  xpestianita  ! 

Eyro  regno  crudelita 

Et  toto  inhumanita 
2890  Encontro  Diou  ! 

Ont  anaré  lo  dois  Pons  myou, 

Ny  que  faré,  ny  tôt  lo  siou? 

De  plorar  mos  huelhs  fan  ung  riou. 
Hellas!  hellas  ! 
2895    L'on  nos  prendre  como  de  las 
Las!  quai  sollas  ! 
[F"  79  r"]       Murtriren  a  divers  tormens! 

Que  faren,  paures  désolas, 

Et  de  qui  saren  consolas, 
2900  Si  en  lor  las 

Nos  sen  lias?  Las!  mas  quai  temps! 

Paures  xpestians  malcontens, 

Ben  auren  nos  fort  aspro  guerro  ! 

L'on  nos  vol  mettre  tos  ensens, 
2905    Per  nos  abolir  de  la  terro. 

Tal  sovenir  lo  cor  me  serro, 

A  lamentar  fort  me  costreing. 

0  imperi,  ton  fach  si  herro, 

A  tirannio  trop  s'empeing. 

s.  PONS 

2910     Presque  mogu  soy  de  desdeing 
Encontro  los  dos  imperours. 
De  la  meyson  soy  ung  des  mours 
Et  de  so  non  say  fia  ny  seing. 
0  mauldich  peing! 
2915     0  mauldich  gaige  !  faulx  fêlions  ! 
So  non  son  pas  Philips  los  bons. 
0  Galien,  Valerian, 


ISTORIO  DE  SANCT  POKCZ  473 

Ana  contro  lo  nom  xpestiam. 
Non  vos  en  vendre  degun  ben. 
2920     Muar  d'abit  la  me  coven 

Per  non  esser  tant  conegu. 

Hic  vadat  domum  siinm  et  induat  vestem  talarem, 
quasi  ad  moduni  sacerdotis,  eum  boneto  compe- 
tenti  vesti. 

[F"  79  V°]    LO  PREMIER  CHAPELLAX 

Pajre  sanct,  qu'aj  you  entendu? 

Ystar  chaire  ben  escondu 

Per  pour  de  non  esser  tos  preses. 

PAPA  FABIAM 

2925     Que  poyré  esser  survengu? 

Convent  xpestian  es  mal  vengu  ! 
Et  son  déjà  passa  pro  meses. 

LO    SEGONT    CHAPELLAN 

Nos  saren  oifeses 
Et  malmenas, 
2930  Si  nos  sen  apreses; 

En  preyson  menas. 

PAPA  FABIAM 

Pas  contaminas 
Non  nos  trobaren, 
Quant  examinas 
2935  D'ellos  nos  saren. 

LO    TERS  CHAPELLAN 

Si  nos  esconden, 
'  Fujren  la  furor. 
De  Diou  atenden 
Pax,  qu'es  mour  seignor. 

PAPA  FABIAM 

2940  Diou,  tallo  tremor 


AU  ISTORIO  DE    SANCT    PONCZ 

Nos  levar  te  plasso  ! 
[F"  80  r°]  En  tu  es  m'amor 

Dal  tôt,  queque  you  fasso. 

VALERl 

Seignor,  anen,  non  vos  desplasso, 
2945     Reduyre  en  uno  mejson  forto. 

Trobar  non  nos  chai  plus  en  plasso; 
Sus  nos  saré  tomba  la  sorto. 

s.  PONS 

En  Diou  mon  cor  si  se  conforto 
Et,  si  you  pouc,  non   nos  prendren. 
2950     Nos  fermaren  ben  nostro  porto  ; 
Per  tal  parti  nos  gardaren. 

Hic  includunt  se  siniul  in  domo  propria. 
LO    PREMIER    SACERDOT    DAL   TEMPLE 

Temps  es  vengu  que  nos  faren 
Vengenso  de  nostre  iniroic. 
Sy  et  SOS  bens  nos  desfaren, 
2955     Per  lo  moyen  d'aquest  edit. 

LO    SEGONT    SACERDOT    DAL  TEMPLE 

Encar  portoc  si  grant  despit 
Dedins  mon  cor  que  s'es  mervelho. 
Del  temple  es  tôt  mon  respit; 
Cesto  crio  son  mal  reveilho. 

LO  PREMIER  SACERDOT  DAL    TEMPLE 

2960     Ma  grant  furor  si  me  conseillio 
[F'  80  v-j      Qu'anar  deven  nos  advertir 

La  cort  que  sobr'eysot  si  velho  ; 
Eysint  faren  lo  cas  sortir. 

LO  SEGONT    SACERDOT  DAL  TEMPLE 

Nos  lo  faren  encar  pentyr 
2965     De  Tobro  qu'es  ja  longtemps  facho. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  -175 

Son  corps  en  pojrio  ben  patir: 
D'uellj,  las!  es  aquesto tacho. 

LO  PREMIER  SACERDOT  DAL  TEMPLE 

Convent  ben  que  la  cort  lo  sache 
Par  lo  far  jstar  mal  en  pax. 

LO  SEGONT  SACERDOT    DE  LA   LÉ 

2970     Tant  quaquetar  non  es  qu'enpacho  ; 
Anen  ydoncquos  lo  grant  pas. 

Vadunt  ad  informanduni  curiam  sacerdotes   templorum 

ydolorum 

BRIFAULT 

Seignor,  ay  proclama  lo  cas, 
Senso  j  layssar  uno  clausulo. 

CLAUDIUS    PRESES 

Tu  as  ben  fach.  Sus,  sa  la  mullo, 
2975    Prestament,  car  you  me  doloc 

De  tant  istar;  chivauchar  voloc 
Per  recontrar  qu.alque  grimault. 

LO  VARLET 

[F'  82  r"]      Lo  es  tout  près,  ren  non  y  fault, 
Quant  vos  pleyré,  vos  montaré  ; 
2980     Ben  a  vostre  ayse  vos  anaré, 
Car  ello  vay  fort  ben  a  l'amblo. 

Ascendat  muUam  suam  et  dicat. 
CLAUDIUS  PRESES 

D'ardent  désir  lo  cor  me  tramblo. 
Avant,  palhars  mal  enseignas, 
A  mal  far  se  trop  enseignas. 
2985     Anen  ung  pauc  vaultar  las  plassos. 

FRLA.NT 

Qu'anen  gaignar  ?  las  chambos  lassos. 


476  ISïORIO  DE  SAKCT  PONCZ 

You  las  aj  si  très  fort  cassos. 
Que  de  trotar  n'ay  pas  grant  euro, 

BRUYANT 

Queso  te,   M  ;  el  nos  procuro 
2990    Uno  livrejo,  si  eysso  dure, 

Al  despens  de  qui  non  s'en  cello. 

RIFFLANT 

Mas  que  venguesso  io  Marcello, 
L'obro  sario  bono  et  bello 
Per  entretenir  los  mignons. 

LO  PREMIER  SACERDOT    DAL    TEMPLE 

2995     Ont  ana  vos,  mos  compaignons, 
[F°  82  v"]      Ambe  vostre  grant  apparat? 

GRANDENT 

Nos  anen  per  Romo  a  Tesbas, 
Sercliant  si  trobaren  vitalho. 

LO    SEGONT  SACERDOT  DAL    TEMPLE 

Et  troba  vos  chauso  que  valho, 
3000     Ont  vos  poyssa  far  bon  botin  ? 

GRANDENT 

Sol  nos  butavan  en  chamin 
Per  encompaignar  eyssi  lo  juge. 

l'O  PREMIER  SACERDOT   DAL  TEMPLE 

Veyci,  veyoi  nostre  refuge . 

Quant  ben  sen  vengus  mantenent! 
3005     L'on  a  fach  ung  comandament, 

Monseignor,  contro  los  xpestians 

Que  nos  porton  de  très  grans  damps. 

Dont  vos  avé  tresque  ben  fach  ; 

Sus  tôt  chai  que  ung  sio  desfach 
8010     Qu'eys  de  la  meyson  senator. 

Xpestian  el  es,  lo  produtor 


I 


ISTORIO  DK  SANCT  PO.NCZ  117 

Contro  las  les  imperialos  ; 
El  a  fach  de  faultos^mortalos. 
De  Jupiter  lo  temple  ^^rant 
3015     A  (lestruch.  conio   ung  errogant, 
Et  demoUi  de  fons  en  fons. 

CLAUDIUS    PRESES 

Qui  so  a  fach  ? 

LO   SEGONT  SACERDOT 

Monseignor,  Poncz, 
[F°  83  r°]      Filz  de  Marc  Pons  qu'es  trépassa. 
3020     S'aquel  fosesso  deschassa 
Ou  buta  per  ftir  lin  a  mort, 
Lo  mal  qu'el  a  tant  prochassa 
Sario  cassa  ou  lo  plus  fort. 

1,0    PREMIER    SACERDOT    DAI.   TEMPLE 

S'el  non  raor,  on  lyfaré  tort, 
3025     Car  toto  Rorao  s'es  vira 
Et  alz  dioux  a  desljra  : 
Non  es  aquo  ung  grant  remort  ? 

LO  SEGONT   SACERDOT  DAL    TEMPLE 

S'el  non  mor,  on  ly  farétort. 

CLAUDIUS  PRESES 

Los  impeiours  informarey 
3030     Et,  segont  qu'ellos  me  diren. 
La  inquisition  en  farej. 
Al  palays  nos  lo  condujren, 
Et,  puisqu'ejsint  vaj,  reviren 
Per  aver  qualque  conferencio. 

LO  PREMIER  SACERDOT  DAL    TEMPLE 

3035     Seignor,  vos  enoompaignaren 

De([uyo  davant  Tliaulto  assistencio. 

LO    SEGONT    SACERDOT    DAL    TEMPLE 

Plasso  a  vostro  niagnificencio 

D'en  far  uno  tallo  persuito.  31 


478  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

Quel  luoro  ou  o'ou  lo  metlo  eu  fuyto, 
[F"  83  v°]      Per  redrojssar  si  grant  meysap, 
Car  cl  es  tle  Roiuo  un  cap. 
S'el  ero  lo  premier  puny 
Lo  poble  qu'es  a  Crist  uny 
Per  mojan   de  sa  flatario, 
3045     Als  dioux  se  retornario 

Et  non  chalrio  tant  enquérir, 
Nj  tant  de  poble  far  mûrir. 
Prené-me  Pons  per  lo  plus  pire  ; 
A  malo  mort  fasé-lo  aucyre  ; 
3050     Puis  tôt  lo  facli  anaré  ben. 

CLAUDIUS  PRESES 

Sacras  coronos,  nos  venen 
De  say  de  lay,  per  nos  esbatre, 
Encompaigna  d'aquestos  quatre  ; 
Dont  ay  agu  un  grant  lament 

3055    Des  sacerdos,  tôt  mantenent. 
Mas,  per  breoment  expausar, 
Pons  me  son  vengus  accusar 
Como  xpestian,  incendiator 
Des  temples  et  dioux  destructor. 

3060     Dison  ung  mot,  ben  verteyer. 
Que  si  prenen  aquel  premier 
Et  lo  punir,  s'el  a  mal  fach, 
Que  des  aultres  saré  tost  fach  ; 
Lo  poble  qu  es  ista  induch, 

3065     De  sy  quant  cl  saré  reduch. 
Faciloment  retornaré 
Et  als  dioux  obeyré  ; 
Non  se  faré  tal  tuaryo 
Dal  poble,  como  se  fario, 
[F°  84  r"]      Si  als  petis  Ton  comensavo. 
Pertantsi  tost  l'on  regardavo 
Ont  el  po  esser,  et  saber 
De  lo  tenir,  vers  nos  haver, 
Sario  ben  fach,  n'en  dobtoc  ponch  ; 

3075     So  es  ung  des  principalsponchz. 


i 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  ^7'J 

L'a  pron  qu'el  non  sey  es  agu  ; 
Puisque  le  edit  a  entendu, 
Creyé  que  colpalde  se  sent. 

VALERIANUS  IMPERATOU 

Conveignable  es  et  ben  décent 
3080     Que  l'on  comense  a  sa  persono  : 

Esser  ung  principal  en  Rouio, 
.  En  tal  dignita  coustitut, 

Non  ignorant  point  l'estatut 

Nj  las  lex  de  tôt  Timperi  ; 
3085     Aver  cornes, tal  vituperi 

Se  far  xpestian  :  ha  dal  treytor  ! 

A  Jupiter,  quai  senator! 

Quai  governour  de  tal  cita! 

Qui  vos  a  evsso  recita? 
3090     Cossint  sabé  vos  que  sio  ver? 

LO  PREMIER  SACERDOT  DAL  TEMPLE 

Nos  dos  lo  deven  ben  saber 
Depuis  lo  temps  des  dos  Philips, 
Qu'aulx  dioux  foron  tamben  iniqs, 
Como  xpestiam  anec  destruyre 
3095    Lo  grant  temple  et  tôt  desruyre 
Et,  durant  puis  dœ  aultres  ans, 
Tantos  si  se  fcron  xpestians, 
I  [F"  84  v"]      Dont  el  es  lo  ponch  principal 

De  tallô  rébellion  et  mal. 
3100     S'aquest  muer,  en  salvaré  cent 
Del  poble,  qu'es  tôt  innocent. 
Fasé-lo  quérir 
Et  a  vos  menar  ; 
Aulx  dioux  uffrir 
3105  Ane,  et  adorar. 

LO    SEGONT    SACERDOT  DICL   TEMPLE 

Fasé-lo  mûrir, 
S'en  lo  po  trobar  ; 


480  ISTORIO  DE  SANXT  PONCZ 

Non  vueilha  suffrir 
Vostros  les  tombar. 

GALIEN  IMPERATOR 

3110  Non  plus  escotar 

Ung  cas  qu'es  si  vil  ; 
Fasé-lj  exprovar 
Nostre  edit  civil. 

VALERIANUS   IMPERATOR 

Tant  plus  es  gentil, 
3115  Tant  mais  patiré. 

S'el  fos  entre  mil, 
On  lo  trobaré. 
Nuech  et  jour  on  lo  cercharé, 
Et,  si  non  saré  tant  sutil 
3120     Ou  del  pays  s'enfuyré. 

Que  ben  non  veigno  a  nostre  fil. 

GALIENUS    IMPERATOR 

Âna  et  fort  diligenta 
De  tost  saber  ont  el  s'escont. 
[F°  85  r°]     El  saré  ben  apparenta, 

3125     Si  non  gardo  lo  plus  perfont. 
Secretoment  per  tôt  lo  mont, 
Aven  manda  gens  ben  expers, 
Senso  far  brut,  mas  ben  cubers, 
Affin  que  lo  facli  Ton  n'entendo. 

LO  PREMIER  SACERDOT  DAL  TEMPLE 

3130     Que  vostro  puissanso   s'estendo 
A  fort  punir  tallo  gentalho, 
Affin  que  la  reyson  n'en  salho 
D'aquestos  noveîz  sectatours. 

LO  SEGONT  SACERDOT   DAL    TEMPLE 

PerRomo  faren  tant  de  tors 
3135     Que  nos  sabrenontel  s'aplato. 
Receduntilli  duo  sacerdotes. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  4SI 


GALIENrS    LMPERATOR 


I 


ft 


Sens  plus  que  lo  temps  se  dilato, 
Torna  per  la  cita  querent 
Et  Pons,  sens  aultre,  solament 
Amenas-nos,  si  l'es  possible. 
Vadat  Claudius  cum  Uctorihus  ad  inquirendum. 

LO  VARLET    DE  SANCT    PONS 

3140     Seignor,  aj  pour  que  calcun  sible 
A  las  aurelhos  de  la  court 
Qu'eysens  sj'a,  per  vos  far  cort. 
Non  say  si  es  juge  ou  barisel, 
[F°  85  v°]     Ambe  de  gens  ung  grand  tropel, 

3145     Et  los  sacerdos  del  grant  temple 
Qu'unofes  ferafdesrochar. 
Queque  serchon,  van  tos  ensemble; 
Calcun  en  faran  mal  cochar. 

s.    PONS 

Sabes  que  far  ?  senso  sonjar, 
3150     Sarro  de  la  raeyson  la  porto 

Embe  uno  barro  grosso  et  forto, 

Davant  qu'ellos  poysson  intrar. 

Al  mench  aurey  près  ung  diffugi  ; 

Non  y  veyoc  aultre  ruffugi, 
3155     Si  non  fueyre  de  luoc  en  luoc. 

VA  LE  RI 

Seignor,  non  saré  pas  tant  sot 
Que,  de  la  vostro  volunta. 
Vos  ané  mettre  dedins  al  fuoc  ; 
Trop  sario  Diou  tempta. 
3160     Syo  vostre  cor  contenta 
De  donar  luoc  a  la  furor. 

s.  PONS 

83^0  facho  la  volunta 

De  Jesu  Crist,  nostre  seignor. 


482  ISTORIO  DE  SAKCT  PONCZ 

Varlet,  you  auvoc  grant  rumor  ; 
3165     Escoto  qui  demandaré. 

CLAUDIUS  PRESES 

Si  seignor  Pons  cysens  saré, 
Huebre,  car  ly  voloc  parlar. 

[F"  86    r'']  LO  VARLET  DE  SANCT  POlSfS 

Tant  de  gens  que  volon  entrar  ! 
Passa  d'arrejre  Ton  vos  conforte. 

Puisant  fortiter . 

3170     Quy  es  la?  qui  demande  a  la  porto? 
Que  demanda-vos,  mosseignor? 

CLAUDIUS   PRESES 

Demandoc  Pons,  lo  senator; 
Despacho  de  venir  ubrir. 

LO   VARLET  DE   S     PONS 

Mon  corps  a  naort  voloc  uffrir, 
3175     S'il  es  eysens',  ny  tant  ny  quant. 

LA  SERVENTO 

Hee  !  bon  seignor,  e  l'a  ja  tant 
Per  certan  que  non  Taven  vist. 

Aperïunt  portam  domus,  et  intrant  preses  ciim  suis. 

CLAUDIUS  PRESES 

S'el  ven,  dy  que  Taven  quist, 
Embe  très  bono  compaignio, 
3180     Et  qu'el  veigno,  cossint  que  syo, 
Al  palays  per  tôt  al  jor  d'uy. 

Recédant  omnes,  et  dicat  servus  sancti  Poncii 
inter   se . 

LO   VARLET    DE   S.  PONS 

El  saré  saige,  s'el  s'enfuy, 
[F''  86  Vj     Non  pas  anar  avoslros  raans. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  483 


LA  SERVENTO 


I 


0  quais  visaiges  inhiimans! 
3185     Peiisar  pojcn  s'on  lo  tenyo 

Quen  servisi   on  ly  farjo! 

Soubt  ombra  de  fratcrnita, 

Uson  de  tallo  croyeta. 

Diou  que  vé  nostre  necessari, 
3190     Lo  vueilho  gardar  de  contrari, 

Pons,  nostre  seignor  et  mestre. 

LO  VARLET  DE    S.   PONS 

Qui  lo  volré,  chai  que  sio  dextre. 
Pensa-vos  qu'el  n'yremedio? 

LA  SEKVENTO 

Despuys  que  la  cort  l'ynvidio, 
3195     El  treyré  mal  de  se  salvar. 

LO  VARLET   DE    S.  PONS 

Cestos  princes  son  de  dobtar. 
Umplis  son  de  severita 
Et  van  contro  la  verita, 
Contro  Diou,  chescun  lo  vc. 
3200     Cassar-volon  la  sancto  fé. 

Mas  que  parlar  nos  chaire  bas, 
Affin  que  non  ho  sachon  pas 
Esser  d'uno  semblablo  sorto  ! 

[F"  87  r°]  LA  SERVENTO 

Diou  en  quy  nos  creyen,  conforto 
3205     Tos  paures  fidelz  tribulas! 

s.   PONS 

i  0  sanct  Payre  ! 

PAPA   FABIAM 

0  mon  solas  ! 
Que  vol  (lir  se  mnar  d'abit  ? 


4S4  ISTORTO  DE  SANCÏ  PONCZ 

s.    PONS 

Mon  cor  es  si  fort  desconfit 
Que  non  saboc  ont  me  retire. 

3210     Vnlerian,  terrible  sire. 

Et  Galien,  per  la  parelho, 
Tamben  sa  cort,  si  s'aparelho 
Per  m'aver  de  jort  ou  de  nuech. 
Sy  me  trobon,  mon  pan  es  cuech; 

3215     Plasso  a  Jliesus  mon  cas  conduire! 

PAPA  FABIAM 

Et  vené  vos  ejsens  redujre; 
Faren  al  mjeys  que  nos  poyren. 
Hellas  !  tamben  grant  pour  aven  : 
On  n'auso  pas  anarper  villo. 

s.   PONS 

3220     L'on  m'a  en  chasso  plus  que  mille, 
Per  causo  de  la  destruction 
Dal  grant  temple  et  concution  ; 
[F"  87  v°]      Val  mjeys,  senso  que  tant  devise, 
Que  très  fort  lueing  me  despayse. 
3225     Per  aventure  aquest  raean 
Poyré  muar  ung  melhor  an. 
Jhesus  en  fasse  a  son  plasyr  ! 
Vueilho-vos  de  my  sovenir 
Et  prear  per  ma  pauro  causo. 
3230     Per  Romo  déjà  plus  on  n'auso  , 
Nommar  lo  nom  de  Jhesu  Crist. 

PAPA  FABIAM 

Ben  me  leyssa  dolent  et  trist  !  « 

0  filh  qu'as  fach  Romo  reluyre, 
•Jhesu  Crist  te  vueilho  conduyre 
3235     Et  ta  vite  en  ben  terminar. 

Hic  Ponctua  et  Vcderius 2)088urit  exire  domum  et  interin  {sic)  dicat 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  485 

CLAUDIUS    PRESES 

Breau  jou  voloc  determinar 
De  trobar  Pons  en  cesto  plasso; 
Prest,  que  uberturo  Ton  me  fasso, 
Et  qui  es  dedins  Ton  veyré. 

Frangunt  januavi. 
LO    PREMIER    CHAPELLAN 

«  3240     Attende.  Ton  vos  ubriré; 

Que  deraanda-vos,  si  vos  play? 

[F°  88  r°]  CLAUDIUS  preses 

Bejla  nos  ce  Pons,  sens  delaj, 
Car  nos  lo  volen  aver. 

LO  SEGONT  CHAPELLAN 

Monseignor,  nos  vos  diren  ver, 
3245     El  non  sy  es,  en  verita, 

Ben  es  ver  qu'el  si  es  ista  ; 
Mas  el  es  eyro  en  aultro  part. 

Percutit. 

CLAUDIUS  PKESES 

Tu  te  truffes  de  my,  palhart, 
Ben  t'o  darej'  a  sentir. 

LO    SEGONT    CHAPELLAN 

3250     Hee!  non  fauc,  seignor,  sens  mentir: 
N'a  gayre  qu'es  parti  d'eysi. 

CLAUDIUS    PRESES 

Ha  !  lo  faulx  plen  de  malefici  ! 
Si  lo  pouc  uno  fes  jonglar, 
El  non  auré  jamays  juglar 
3255     De  qui  qu'on  lo  mené  al  gibet. 
Qui  lo  cello,  qui  mays  y  met 
Frustrament,  sos  bens  si  despent. 


4«(i  ISTORTO  DE  SANCT  PONCZ 

LO    TERS    CHAPELLAN 

Savito,  hellas!  vraysoment  pent 
A  se  Icjssar  trobar  per  vios. 

[F°  88  V]  PRIANT 

3260     Anen,  seignor,  la  son  folios 
A  s'abusar  per  ung  tal  home. 

BRUYANT 

Digne  non  es  pas  qu'on  lo  nome  ; 
De  long  temps  l'aven  conegu. 

RIFFLANT 

N'aven  d'el  jamajs  mays  valgu  ; 
3265     Atamben  es  de  son  mal  causo. 

GRANDENT 

Son  corps  non  auré  jamays  pauso, 
Et  vendre  encar  en  nostros  mans. 

CLAUDIUS    PUESES 

Fy  de  tais  fauls  ! 

LO  VARLET  PRESIDIS 

Fy  de  xpéstians  ! 
EUos  non  son  ny  bons  ny  sans; 
3270     Es  dalraaige  quant  ungsol  viou. 

CLAUDIUS  PRESES 

Ben  ly  farey  negar  son  Diou, 
Si  lo  tenoc  ;  n'ay  pas  pensier. 

PRIANT 

Et  non  faré  plus  dal  messier. 

[F°  89   r"]  BRUYANT 

Non  pas,  si  lo  tenen  pergaige. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  4^7 


PRIANT 


3275     Si  l'aven,  lo  raetren  en  gaige 

Dedins  la  grant  torre  de  Nonno. 


RIFFLANT 

Davant  que  sio  deraan  nonno, 
Nos  n'auviren  qualco  novello. 

GRANDENT 

S'il  es  fuy,  Ta  dona  bello 
3280     A  cellos  que  [lo]  serchon  tant. 

Hic  revertantur  omnes  ad  palacium  et  interin  (sic)  dicat 
papa  Fahianus. 

PAPA   FABIANUS 

Dolent  my  !  que  soy  mal  content 
D'aquesto  crj'o  desaverso! 
Xpestianita  ben  es  disperso 
Et  revalla  dal  tôt  al  fons, 
3285     Puisque  nos  perden  lo  bon  Pons, 
Al  quai  ero  tôt  mon  confort. 

s.  PONS 

Valier,  mon  solas  et  desport, 
Lo  luoc  de  la  nativita, 
Ont  es  toto  civilita, 
3290     Aven  leyssa  per  fuyr  mort. 

Hellas  !  frayre,  n'aven  pas  tort, 
Car  .Jhesus  tamben  la  fuyo, 
Tant  quant  l'humanita  poyo  ; 
[F"  89  v°]      Layssa-nos  a  ung  tal  eysemple. 

VALERl 

3295    Las  !  sol  que  mon  estomac  s'emple 
De  vostros  resons  vertuousos, 
Obliouclas  chausos  paurosos 
Que  nos  an  fach  fuyr  ensemble. 


■JSS  ISTORIO   DE  SANCT  PONCZ 

S.  PONS 

Ren  n'aven  fach,  las!  que  me  semble, 
3300     Perquo  nos  dean  exemptai'; 

Mas  que,  davaut  que  Dieu  temptar, 
Aultres  termes  la  val  mjeys  prendre- 

VALERl 

Ambe  furour  non  chai  contendre  ; 
Salhen  des  fins  de  Tltalio, 
3305     Senso  prendre  malencollio: 

Es  lo  melhor  qu'i  pouc  entendre. 

s.  PONS 

La  chai  nostres  passes  extendre; 
Chaminen  fort,  desloignen-nos 
Tant  quant  poyren,  Valeri  doulx; 
3310     Plus  san  conseilh  non  pouc  comprendre. 

VALERI 

Anen,  anen  ;  s'es  ben  dal  mendre  ; 
Par  chaminar  n'arresté  pas, 
Anen  sol  en  aquest  bon  pas  ; 
En  pauc  faren  ung  grant  chamin. 

Hic  itinérant,  sicuti  irent  ad  loca  longinca . 
[F"    90  r°]      LO    PREMIER  SACERDOT    DAL  TEMPLE 

3315     Qui  poyrio  esser  divin 

Per  saber  ont  es  lo  treytor 
Pons,  Pons  lo  malvas  senator, 
El  gaignario  ben  lo  vin. 

LO    SEGONT    SACERDOT    DAL     TEMPLE 

Curiousament  l'aven  inquist, 
3320     Et  non  l'aven  auvy  ny  vist. 
De  fastidi  soy  presque  dybre. 

LO   PRETER    SACERDOT    DAL    TEMPLE 

S'el  se  laysso  trobar,  lo  trist, 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  489 

An  toto  la  fé  de  son  Crist, 
Beoure  on  lo  faré  dins  lo  Tibre. 

LO  SEGONT  SACERDOT  DA  L    TEMPLE 

3325    Si  deviouc  cremar  mon  libre, 
El  se  trobaré,  lo  marri  ! 

LO    PREMIER   SACERDOT     DAL    TEMPLE 

Non  saboc  pas  plus  ont  lo  sujvre  ; 
Esbay  soy  plus  que  far  y. 

Hic  queritanl. 
VALERIANUS     IMPERATOR 

Non  troba  vos  ung  malfactor, 
3330     Per  butar  a  man  de  justicio? 

GALlENUS    IMPERATOR 

Non  troba  vos  cel  senator, 
Contrôles  dioux  plen  de  sevicio? 

[F°  90  V]  VALERIANUS    IMPERATOR 

Servitors  nuyris  en  malicio, 
Retorna  la  cita  circuyr. 

GALlENUS  IMPERATOR 

3335     Usa  doncquos  de  grant  astucio, 
Sy  vous  en  voilé  pron  culhir. 

PRIANT 

Anen  veyre  de  reculhir 
Qualque  xpestian  de  malo  sorto. 

BRUYANT 

Oy  dea!  l'on  nos  vendre  aculhir  ; 
3340    Trobaren  uberto  la  porto. 

RIFFLANT 

Vay,  qui  per  villo  se  desporto, 
De  vespre  a  melhor  apetit. 


490  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

GRAN0ENT 

A!  soy  decellobono  sorto. 
Bon  se  fay  esbatre  ung  petit. 

Vadunt  simuî  per  civitatem . 

VALERIANUS    lAirERATOR 

3345     Mon  esperit  raoult  fort  afflict 
Es,  et  près  que  non  s'enrabio. 
Se  mandar'devio  en  Arabio, 
Si  rendrej  you  Pons  fort  attrict. 

GALIENUS  IMPERATOR 

Eyro  es  l'horo  qu'el  es  contrict 
[F"  91  v°]       D'aver  layssa  la  nostro  lé 

Per  aver  près  d'ung  Crist  la  fé, 
Si  l'es  saige,  doet  et  périt. 
Vous,  président  en  eyso  trit, 
Anaré  a  las  pars  tramontanos, 

3355     Que  son  de  nos  asses  lontanos, 
En  las  partios  maritimes, 
i  Per  las  genz  inquerir  pessimos  . 

La  ont  xpestian  vos  trobaré, 
Molt  asproment  lo  puniré; 

3360     Aver  ios  chai  per  tal  parti. 

CLAUDIUS   PRESES 

Volriouc  esser  déjà  parti, 
Per  lo  très  hault  diou  Jupiter. 
Si  home  myeys  que  you  lo  quer 
Voloc  esser  per  quart  parti. 

VALERIANUS    IMPERATOR 

3365     Volen  que  vos  sio  imparti 

Aultant  d'honor  qu'a  la  corono, 
Como  a  nostro  proprio  persono, 
Et  que  vos  fasso  compaignio 
Toto  aquesto  bono  meynio; 

3370     Et  vos  saré  son  aecessor 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  m 

Affin  que  chascun  transgresser 
A  nostro  lé  sacra  et  divino 
A  jmolar  chescun  s'enclino. 
Qui  non  volrc  sacrifiar, 
3375     Senso  lo  nos  notitiar, 

D'aquest  mond  sio  exempta, 
Uno  chauso  sollo  excepta  : 
[F°  91  v°]       Si  Pons  per  delaj  se  trobes, 
Encarque  non  sacrifBes, 
3380     Si  tost  non  lo  fassa  morir  ; 
Lettros  a  nos  fassa  venir, 
Per  entendre  sa  volunta. 

CLAUDIUS  PRESES 

Facli  saré,  sacro  magesta  ; 
Pensa'J^que  tallomentfarej 
3385     Qu'envers  vos  m'aquitarey, 

Et  n'y  auré  luoc  de  reprendre. 

ANABIUS   ASSESSOR 

So  que  po^'rey  veyre,  n'entendre, 
Per  ung  molt  simple  assessor, 
Voloc  mon  pover  extendre  ; 
3390     Nen  dotes  pas,  très  hault  seignor. 

GALIENUS   IMPERATOR 

Fasé-vos  portar  grant  honor  ; 
Non  vos  leysé  suppeditar; 
Aya  dal  poble  la  favor, 
Sy  honor  volé  hereditar. 

ANABIUS    ASSESSOR 

3395      Tôt  ej'so  chaljben  meditar 

Per  par[v]enir  a  sas  attentos, 

CLAUDIUS  PRESES 

Los  dioux  la  chai  vindicar 

Dez  opprobris,  dez  errors  mentos. 


•:9"  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

[F"  92  r*J  VALERIANUS    IMPERATOR 

Nostros  lex  vos  sian  pactentos, 
3400     Davant  los  huelz,  et  nuecli  et  jort. 

GAI.IENUS  IMPERATOR 

Non  sian  pas  vostros  obros  lentos, 
Fasé  justicio  sens  scjort. 

ANABIUS  ASSESSOR 

Ont  se  vos,  gens  de  cervel  lort? 
Se  vos  tornas  de  vostro  cliasso? 

PRIANT 

3405     Circuy  aven  tôt  a  l'entort, 

Sens  ren  trobar;  îo  vent  nos  chasso, 

CLAUDIUS    PRESES 

Altro  chauso  l'on  vos  porchasso. 
La  chai  sailhir  de  Tltalio. 

BRUYANT 

Nos  sen  como  uno  peyro  enchasso 
3410     Quant  ung  dorier  en  Tor  la  \yo. 

ANABIUS    ASSESSOR 


A  cop,  enfans,  l'on  vos  supi)lio, 
Senso  menar  tant  de  quaquet. 

RIFFLANT 

Vos  veyé  que  chescun  s'emplio  ; 
Lja  es  déjà  mon  paquet. 

gla[u]dius  preses 

3415     Acotra  vos  gent  fasque  et  net, 
fF^  92  v°j      Per  mjeys  honorar  qui  nos  mando. 

GR AN DENT 

Seignor,  sens  bojar  lo  bonet, 
\eyci  uno  gorriero  bando. 


I3T0RI0  DE  SANCT  PONCZ  -)«i»3 

VALERIANUS  IMPERATOR 

A  VOS,  bregado,  Ton  comando 
3420     Que  dea  lealment  servir 

A  Claudon  qu'aCjmello  on  mando, 
Per  nostros  causos  sostenir, 

BRIFFAULT 

Nos  sen  tos  pretz  d'y  obejr 
En  toto  chauso  resonablo. 

GALIENUS  IMPERATOR 

3425     Donoquos  garda  ben  d'j  falhir; 

Non  pensé  pas  qu'evso  syo  fablo. 

LO  VARLET  DAL    PRESIDENT 

Haulto  corono  redobtablo, 
Nos  serviren  d'ejtal  parti, 
Que  chauso  folio,  variablo, 
3430    L'on  n'auviré  d'aquest  parti. 

CLAUDIUS  PRESES 

Tal  syo  nostre  desparti 

Que  poyssan  Thonor  conquérir. 

ANABIUS  ASSESSOK 

Congiet  nos  sio  imparti, 
Senso  plus  parolos  quérir. 

[F"  93  r"]  CLAUDIL'S  preses 

3435    Nos  en  anen  sens  differir. 

Ambe  vostro  sancto  licencio. 

VALERIANUS    IMPERATOR 

Sensa  degun  mal  inferir, 
Parte  deyci;  l'on  vos  licencio. 

Arripiunt  iter  Glaudius  jn-eses,  cura  assessnre  Anabio, 
Priant,  Bruyant,  Riffant,  Grandent,  Brifault.  cum 
servo  Glaudii  presidïs. 

32 


494  ISTORTO  DE  SANCT  PONCZ 

S.  PONS 

Home  de  très  bono  presencio, 
3440     Ont  creouc  que  reson  non  rabello, 
Dona-nos  l'intelligencio 
Dal  nom  d'aquesto  villo  bello? 

PRIMUS   DE  CIMELLO 

La  villo  s'apello  Cjmello, 
De  diverso  gant  habita, 
3445    Xpestians,  gentils  tallo  sequello, 
Et  juyoux  en  quantita. 

s.  PONS 

Lo  nom  de  Thaulto  Trinita, 
Pajre,  Filh  et  Sanct  Esperit, 
Syo  humbloment  invoca 
3450     D'aquesto  villo  à  Fyratrohjt. 

VALERl 

Seignor,  de  la  villo  lo  rit 
Es  de  lojar  los  xpestians? 

[F°  93  V°]  LO  PREMIER  DE  CIMELO 

Et  perqué  non,  sens  contradit? 
3455     Lojas  saré,  segurs  et  sans. 

Non  vos  mostré  pas  trop  aultans, 

Et  viva  ambe  toto  gent. 

Vos  se  de  payses  lontans? 

A  vejre  vené  diligent? 
3460     You  vos  lojarej  ben  et  gent, 

Mas  que  la  saré  en  luoc  occult. 

s.  PONS 

Diou  saré  nostre  régent 
Et  nos  gardaré  d'ung  exult. 

VALERY 

Mena  nos  foro  de  tumult 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  495 

3465    Des  juyoulx  et  des  gentilz. 

LO    PREMIER    DE    CIMELLO 

De  cors  et  de  coraige   insuit 
EUos  son,  et  de  vito  vilz, 
Als  xpestians  fort  inutilz, 
Como  ben  poyré  probar 
3470     Per  los  comandaraens  civilz  ; 
Non  vos  layssessa  pas  trobar. 

Introducat  in  domum  suam  et  dicat . 

Eysensvos  poyré  repausar 
Et  far  ungpaiic  de  colation, 
Vostros  chausos  eyci  pausar, 
3475    Senso  far  aultro  mention. 
Dise,  de  quallo  nation 
[F°  94  r°]      Vos  se,  ny  perqué  si  vené, 
Si  vos  play,  sens  dilation, 
Ny  queno  vito  vos  tené? 

s.   PONS 

3480     Puisqu'  eysintos  nos  convené. 

Nos  sen  Romans,  partis  de  Romo, 
Xpestians,  como  ben  entende  ; 
Valeri  et  Pons  Ton  nos  nomo. 
Si  vos  play,  de  vostro  persono 

3485    La  condition  nos  sapian  ? 

LO  PREMIER  DE  CIMELLO 

Lo  vos  dire  mon  cor  se  adono  : 
D'aquest  luoc  soy  et  xpestian  ; 
Mas  pyeys  non  m'esdevenguec  de  lan, 
Si  per  vos  eyso  se  sabio. 

s.  PONS 

3490     Mon  dos  amyc,  cossint  que  sio, 
Ou  en  public  ou  occultament, 
Servan  Diou  totalement; 
Car,  après  la  mort  temporallo, 


496  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

Auren  la  vito  eternalo 
■3495     Que  jamajs  non  nos  falhiré. 

LO  PREMIER  DE  CIMELLO 

Ver  dise  ;  mas  qui  salhiré 
En  la  plasso  ou  en  public, 
Como  ung  mescrejent  et  heretic 
[F"  94  v°]      Al  juge  Ton  Tacusaré. 

3500     Donc  qui  saré  aquel  que  ausaré 
Se  descubi'irde  xpestian  esaer? 
Mon  dos  amjc,  lo  convent  texsser 
Segont  que  l'on  se  trobo  fil. 

VALERl 

A  Romo  an  près  ung  tal  estil, 
3505     Ambe  grandos  proclamations, 
Et  fan  tantos  extortions 
Als  xpestiansque  c'es  merveilho. 

s.  PONS 

Benheura  saré  aquel  que  veilho 
Per  pervenir  al  luoc  certan 

3510    De  paradis  ;  et  l'incertan 

Monde,  plen  de  concupiscencio, 
Layssar,  ont  es  toto  indigencio, 
Toto  lascivio  et  toto  orduro. 
Lo  sobejran  ben  que  tos  temps  duro, 

3515     Ont  es  toto  securita, 

Amor,  pax  et  tran(s)quilita, 
Nos  auren,  si  per  nos  non  resto. 

Hic  maneat  cum  illo  Cimelle. 

FABIANUS    PAPA 

Hellas!  que  me  dol  ben  la  testo 
De  la  despartio  fort  duro 
3520     De  Pons  1  Jhesus,  qualo  morduro 
Ha  la  Glejso,  tant  on  l'infesto  ! 
[F°  95  r°]      0  Dieu,  quant  te  faren  festo, 

Como  solian,  sancto  et  solempno  ? 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  497 

Quant  tn  nos  ostares  la  peno 
3525     Qu'au  cor  porten,  tant  indig-esto? 
Nostro  arrao,  tristo  et  mesto, 
Es  pleno  d'orriblo  tremor. 
Osto,  si  te  plaj,  tal  furor 
Que  ta  sancto  Gleyso  moleste. 

LO.'PREMIER    CHAPELLAN 

3530     Plus  dur  que  vire  d'albalesto 
Es  aquest  temps  encontre  nos; 
Mas  qualque  jort  tornaré  dos, 
Et  cessaré  si  grant  tempesto. 

LO    SEGONT  CHAPELLAN 

Ben  es  ver,  mas  on  nos  arresto 
3535    D'ufficiar,  et  si  retardo. 

Nos  aven  espios  et  gardo  ; 

En  terro  nos  sen  de  conquesto. 

LO    TERS  CHAPELLAN 

Nuech  et  jort,  fan  cercho  et  questo, 
Per  nos  trobar  en  foristant. 
3540    Jhesus  la  Glejso  patis  tant  ! 

Ubrir  non  chai  huys  ny  fencstro. 

FABIANUS    PAPA 

0  quai  temporo  deshonesto, 
Dont  procedis  si  grand  dalmaige  ! 
L'on  non  dj  ny  fay  cliauso  honesto, 
[F°  95  V]       La  Gleyso  sueffre  grant  dalmaige. 
Per  far  a  l'ennemyc  liomaige, 
A  tal  parti  l'on  nos  tormento  ; 
Ma  pauro  armo  n'es  mal  contente, 
Hellas!   qu'es  de  dolor  esteato, 
3550    Veyent  cestos  malz  medyar. 

Redemptor,  ta  gleyso  sustente  ! 
Plasse-te  d'yremediar! 
Que  les  gentilz  qu'envidiar 
Cesson.  mays  huy,  pertabonta! 


498  ISTORTO  DE  SANCT  PONCZ 

3555    Nos  los  haven  a  tôt  Costa. 

Nos  que  t'aven  ton  sang  costa, 
Morent  sus  l'albre  de  la  croux, 
Permet  que  sian  assosta 
Soubt  aquel  albre  gracioux, 

3560     Que  ton  corps  sanct  et  precioux 

Sostenguet,  per  de  mort  nos  remer. 
Dont  tu  feres  Penfert  fort  gemer. 
Hault  prince,  plasso-te  de  premer 
Aquestos  gens,  tant  furibundos. 

3565     Qu'ejros  bulhon  a  fors  grans  ondos 
Per  mettre  ta  Gleyso  a  mal  : 
Volentier  se  plaing  qui  a  mal. 

s.  PONS 

Mon  dos  amjc  spécial, 
Como  far  devon  xpestians, 
3570     Visiten  cestos  mescreans. 
Qualque  paraulo  lor  diren 
Qu'a  Jbesus  Crist  los  redujren. 
Mena-me  ung  pauc  per  la  cita. 

[F"  96  r°]  LO    PREMIER   DE  CIMELLO 

Mon  corps  n'y  es  pas  incita, 
3575     Car,  como  vos  aj  recita, 
Si  a  tant  de  diversitas 
De  gens,  per  donar  ancietas, 
Que  vos  non  lo  poyria  mays  creyre; 
Toutasfes  vos  menarey  veyre, 
3580     Et  passar  ont  la  vos  pleyré. 

s.    PONS 

Anen,  car  Diou  nos  conduyré. 
Vadunl  per  civitatem,  una  cum  Valerio  adolescente , 

LO  SEGONT    DE    CIMELLO 

Compayre.  qui  esser  poyré 
Cel  estrangier  que  passo  lay? 


f 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  499 


LO   TERS    DE  CIMELLO 


Certanoment  you  non  soaj; 
3585    El  m'a  ben  ung  très  bon  aspect. 

LO    SEGONT  DE   CIMELLO 

Presenten-nos  a  son  conspect, 
Et  parlaren  a  nostre  arajc. 

LO    PREMIER    DE    CIMELLO 

Ben  auriouc  grant  apetit 

De  parlaraentar  ambe  aquellos, 
3590     Car  seguroraent  elz  son  cellos 

Quemantenon  los  misérables 
[F°  96  V]      Bons  catholiriz  et  secorables 

A  la  pauro  xpestianita. 

Ung  que  yii  en  verita 
3595     Se  propalar  xpestians  non  s'auson. 

s.  PONS 

Anen  vers  eoux;  ellos  se  pauson, 
Signe  fan  de  fraternita. 
Diou  vos  teigno  en  unita! 
Uny  esser,  pacifie 
3600    Signe  es  d'amar  lo  Crucifie, 
Car  en  aquo  es  carita. 

LO    SEGONT    DE    CIMELLO 

De  Diou  sio  la  recontra, 
Vesin  et  mays  vostra  compaignio  ! 
Que  fasé  en  cesto  contra, 
3605     Gens  de  Diou?  gajre  non  si  gaigno. 

LO  PREMIER  DE  CIMELLO 


Nos  venen  veyr,  si  Diou  vous  valho, 
La  cita  per  cestos  esbatre 
Que  son  vengus  de  la  Romaigno, 
VoUens  qualque  furor  abatre. 


300  ISTORIO  DE  SANCT  POKCZ 

LO    TERS  ItE  CIMBLLO 

3610     Vos  se  donquos  vengus  combatre 
Contro  fortuno  disaverso  ? 
Tornen  nos-en,  car  vêla}'  quatre 
Que  son  de  nostro  partio  adverso. 

s.  PONS 

Seignors,  qui  ambe  tais  converso 
[F"  97  r^J     Per  los  reduyre  a  la  fé, 

Admerito  ;  tal  gent  disperso 
Perduo  es  qu'en  Crist  non  cré. 

LO    TERS    DE   CIMELLO 

Dos  amyc.  non  vos  encontre 
En  tallo  gent  per  la  melhor: 
3620     Nos  sen  soubz  ung  si  cru  seignor, 
Ydolatre,  iniq  et  pervers, 
Que  buto  los  xpestians  dispers, 
Como  ben  vos  devé  entendre. 

LO    SEGONT   DE  CYMELLO 

S'aquestos  nos  volion  offendre, 
3625     Vist  que  tenen  contrari  rit, 
Aqui  nos  anarian  nos  rendre. 

s.    PONS 

Nostro  fé  syo  en  Jhesu  Crist, 
Nostre  navilli  et  nostro  vello  : 
Mas  que  poyré  aquest  monde  trist? 

LO   PREMIER  DE    CYMELLO 

3630     Parla  bas,  car  on  non  se  cello 
De  tal  que  nos  es  bon  contrari  ; 
Ceoulx  son  vestis  de  fausso  tello. 

s.    PONS 

Payas  saran  de  lor  sallari, 
Car  Diou  payo  bon  et  inalvas; 


ISIORIO  DE  SANCT  PONCZ  501 

3635     Mas  pur  garden  nos  d'ung  desvari. 

VALERI 

D'elles  saren  nos  ben  salvas  ; 
[F*  97  v°]       Nos  sen  eyci  cinq  contro  quatre, 
Encar  non  nos  an  afrontas. 

LO  PREMIER  DE  CIMELLO 

Non  sen  pas  eysi    per  nos  batre, 
3640     Mas  retornen  a  nostre  hostal  : 

Emb'  ellos  non  faj  bon  combatre. 

Uic  recédant  a  platea  etvadant  ad  loca  sua. 

PRIMUS  GENTILIS 

Aquellos  trobon  qualque  mal 
Encontro  los  haultz  iraperours 
Et  si  son  d'aquest   luoc  los  mours. 
3645     Per  Apolin,  voloc  mûrir 

S'ensemble  ellos  non  van  ferir 
Per'trobar  qualque  trayson. 
Regarden  en  qualo  mejson 
Van  aquellos  dos  reculhir. 

SECUNDUS  GENTILIS 

3650    Tallos  gens  non  son  de  suffrir  : 

Occultament  adoron  Crist. 

On  los  deourio  far  bulhir 

En  huelli  que  os  non  fos  vist. 

Qu'au  diable  syo  tal  aquist  ! 
3655     Secho  fos  lor  testo  tant  folio  ! 

Lor  coraige  malvas  et  trist 

Mespreso  nostre  diou  Apolo. 

LO   TERS  GENTIL 

Encar  vendren,  s'on  non  s'envoUo, 
Al  fuoc,  como  lo  parpalhon. 
[F°  98  r°]       Vendre  qui  los  tendre  a  Tescolo. 

Eu  breau  de  temps,  mon  compaignon. 
Quar  qui  s'en  salh  de  son  guidon 


50:  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

Sovent  es  prejsonier  ou  mort. 
Tal  si  saré  tuest  lor  guierdon  ; 
3665     Aqui  aj  jou  tôt  mon  confort. 

LO   QUART    GENTIL 

La  consciencio  me  remort 
Quant  de  nos  son  tant  suportas. 
Sobt  ombro  de  ben  l'on  nos  mort, 
Spernent  nostros  antiquitas. 
3670    De  jort  en  jort  grans  quantitas 

Nos  perdeu,  dont  n'aj  grant  tristor. 
Tais  xpestians,  tais  novitas 
Nos  raetton  en  très  grant  error. 

Eyssi  arribon  Glaudon   et  xon  assessor,  ambe  toto 
sa  familho,  dedins  Cymello. 

SATHAN 

Temps  es  qu'estendo  ma  furor 
3675     Per  parvenir  a  mon  entente. 
An  lo  président  et  seignor 
Tenir  me  chai,  et  sobt  sa  tento  ; 
Compaignio  de  mal'  actento, 
Ung  adjutor  de  vos  me  chai 
3680     Asso  que  del  trabailh  se  sento 
Et  qu'el  ayo  sa  part  dal  mal. 

[F'  98  V"]  LUCIFER 

Belzebuc,  de  vos  principal, 
Ambe  tu  si  s'en  anaré. 
Apres  tu,  non  n'y  a  ges  de  tal  ; 
3685     En  l'obro  ben  te  ajuaré. 

MAMONAS 

Veyren,  maulditz,  qui  myeys  faré. 
Eyros  es  temps  ou  jamays  non. 

ASTAROT 


Qui  myeys  la  chauso  tractaré, 
Aquel  de  vos  auré  lo  nom. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  50^ 


BERITH 


3690     A  na  tu  est  aquist.ar  renom  ; 

Non  mené  plus  eysi  tal  guerro. 


BELZEBUC 


Esperitz  maulditz,  you  me  fauc  bon 
De    far  de  grans  mais  sus  la  terro. 


LE  VI  AT  AN 

Belzebuc,  aquest  fach  afferro 
3695     Et,  pren  tôt  lo  cas  a  ta  man  : 
Pojsanso  as,  forjo  et  ferro; 
Non  despendre  pas  temps  en  van. 

BELZEBUC 

Vos  entendre,  davant  deman. 
Que  nos  sen  dos  bons  commissaris. 

[F"   100  r"]  SATHAN 

3700     Nos  anen  far  et  mal  et  dam, 
Sinistres  forfach  et  contraris. 

Recedunt  simul  ad  temptanditm  Glaudium. 

LUCIFER 

Si  non  fasé  de  tormens  varis, 
Saré  tormentas  al  tornar; 
Fasé  mais;  semena  desvaris  ; 
3705    Non  cessé  jamays  de  temptar. 

GLAUDIUS  PRESES 

Davant  qu'aultro  chauso  actentar 

Nj  tentar, 
Puj'S  qu'en  aquest  luoc  sen  vengus, 
Couven  diou  Apolo  adorar 
3710  Et  orar  : 

Eysintos  far  sen  entengus. 
Sans  et  saulx  nos  sen  perrengus 

Et  advengus 


504  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

De  Cimello  en  la  cita, 
3715    Laj  ont  las  gens  si  son  tengus 

Plus  agus, 
Como  Ton  nos  a  recita. 
Perlantes  de  neccessita 

Que  excita 
3720     Syo  lo  poble  d'adorar. 
Proclama,  cria  et  cita, 

Et  incita, 
Per  lo  divin  ben  implorar. 

[F*   100  V»]  ANABIUS  ASSESSOR 

0  quantos  en  faré  plorar! 
3725     Quantos  faré  desemparar 

Quant  ellos  vos  veyren  imperar 

Et  emparar 
L'honor  de  diou  Apolin! 
Quant  la  cryo  auviren  far, 
3730     Pujs  lo  sacrifici  perfar, 
Los  xpestians  de  put  afiar 

Per  se  desfar 
Ellos  son,  et  per  prendre  fin. 

CLAUDIUS  PRESES 

Vay  tost  criar  a  cello  fin 
3735     Per  expedir  brevoment 

Que  Ton  veigno,  et  prestoment. 
De  Cjmello  tôt  chap  d'ostal 
M'acompaignar  ;  car  honor  tal 
Volen  nos  sj'o  exhibi. 

BRIFAULT 

3740    Incontinent,  l'aurey  expedj  ; 
Criar  ou  vauc  tôt  de  présent. 

PAUSA. 


L'on  fay  exprès  comandament. 
De  la  part  dal  grant  président, 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  505 

A  totchap  d'ostal  de  Cymello, 
3745     Per  sa  nohlo  veng-uo  et  bello, 

Que  prest  ensens  se  deon  trobar, 
Nobloraent  per  l'encompaignar: 
So  sus  la  peno  de  des  francz. 

[F*  101    r°]  LO  PREMIER    GENTIL 

Si  n'a  prou  de  mj,  mos  enfans  ; 
3750     Tôt  prest  you  soy  d'i  far  honor. 

LO    SEGONT  GENTIL 

Anen  vers  Glaudon  monseignor 
Et  vejren  qu'el  nos  sabré  dire. 

LO  TERS   GENTIL 

L'on  m'a  conta  qu'el  esung  sire, 
Home  de  creigner  et  d'amar. 

LO  QUART    GENTIL 

3755     Oc  ben,  sabes,  de  sa  la  mar 

Pas  non  son,  en  aquestos  pars, 
Que  non" y  ayo  de  grans  afifars. 
Anen  veyre  ont  vol  anar, 

Vadunt  quatuor  aut  plures,  ut  meliiis  videbitur. 
LO   SACERDOT    DAL  TEMPLE   APOLIN 

La  me   chaire  lo  temple  ornar 
3760     De  flors  et  de  tapissario, 

Et  l'autar  de  juels  formar, 

Per  amor  de  la  seignorio. 

Sy  adorar  venir  volyo, 

Et  non  fos  tôt  ben  prépara, 
3765     Grando  vergogno  me  sario  ; 

Mon  honor  en  sario  tara. 

LO  PREMIER  GENTIL 

Seignor,  de  honor  mot  hault  para, 
[F°  101  v°]   Plen  de  vertus  et  de  excelencio, 
Lo  poble  es  cy  prest  et  para, 


506  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

3770     Per  vos  far  los  la  reverencio. 

LO    SECOND  GENTIL 

Como  tos  filhz  de  obediencio. 
Nos  nos  venen  humiliar 
A  vos,  avent  la  preminencio, 
Et  venouc  a  vos  m'aljar. 

LO   TERS  GENTIL 

3775     Si  chauso  volé  coraandar, 

Mas  que  non  fos  contro  l'imperi, 
Soy  prest  d'o  far.  Vueilhas  gardar 
Aussi  lo  poble  d'ymproperi. 

LO    QUART    GENTIL 

*  Seignor,  de  gens  fan  vituperi 

3780     De  las  lex   sacras  et  das  dioux. 

A  part  an  glejso  et  cymiteri, 

Son  ja  passas  plusors  estioux. 

Pensoc  qu'iha  de  parens  mjoux  ; 

En  ung  besong  los  produyrey. 
3785     Fazé  fleyrar  gibetz  et  rioux 

Tant  que  mays  non,  vos  amarey. 

CLAUDIUS   PRESE9 

Mos  dos  amys,  you  vos  direy, 
Tôt  davant  qu'autro  chauso  fasso, 
Apolo  adorar  anarey, 
3790     Puis  veyren  cossint  lo  fach  passo. 
[F*  102  r°]    Compaignyo,  non  vos  desplasso, 
Vos  me  faré  trestos  ensens 
Jusquos  lay  ont  sy  es  la  plasso, 
Qu'aulx  dioux  chai  donar  d'ensens. 

Hic  si  sint  tube  vel  alia  instrionum  strimenta  (sic). 
ex  Mis  ludant,  ut  honorificencius  fiât  sacrificium 
Apolinis . 

LO     SACERDOT    DAL    TEMPLE    APOLIN 

3795     0  diou  Apolo,  que  de  gentz  ! 


ISTORIO  DE    SANCT    PONCZ  507 

Quai  compaignio  magnifico  ! 
Ornas,  acotras  et  fort  gents. 
Festo  sj  auré  auctentico. 
La  testo  a.y  legiero  et  frico 
3800     Per  aprestar  tôt  ben  expert 
So  qu'aparten  a  ma  pratico, 
Quar  qui  y  es  lent,  sovent  y  pert. 

CLAUDIUS  PRESES 

OApolo,  diou  tôt  régent, 
Cel,  la  terro,  mar  et  la  gent, 
3805     Per  reson  et  ordre  tant  gent, 
Ben  infini, 
Esser,  que  non  es  deffini, 
Que  mais  non  po  esser  fini. 
Qu'as  a  ton  vuelh  ton  ben  raunj, 
3810  En  genolhons 

Nos  t'adoren  et  t'uffren  dons; 
Et  tos  aquestos  bons  prodons 
Ambe  encens,  torchos  et  brandons, 
Fasen  homaige. 
[F*  102  v"]    Gardo-nos  d'aver  aultrage. 
Et  Tentendament  far  si  saige 
Que  per  nos  Timperi  dalmaige 

Non  poysso  haver. 
Tu  sjos  trésor  et  haver  ; 
3820     Tu  syos  pastor,  nos  Taver. 

Permet-nos  far  ung  tal  dever 

Que  xpestians, 
Inferens  al  monde  tais  damps, 
Puyssan  chastiar  en  pauc  d'ans 
3825     Et  que  non  sian  plus  pardans 
Tant  de  poble. 

Hic  rêver tantur  simul  ad  loca,  etc.,  cum  triumpho.  Interin 
dicat  sacerdos . 

LO    SACERDOT    DAL  TEMPLE  APOLIN 

Reduj're  vauc  tôt  aquest  moble, 


508  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

El  las  uirrondas  et  los  dons, 
L'argent,  chandellos  et  brandons 
3830     Qu'a  levssa  aquesto  baronio. 

Quaiido  pvit  tndomo  sua,  Glaudius  dicat  societati. 

."1 

CLA.UD1US   PRESES 

Gramercys  a  la  compaignio  ; 
Quant  de  vos  besong  you  aurey, 
A  vos  mandar  non  tardarey, 
Como  a  gens  pl[e]ns  de  verita 
[F*  103  r°]    Bons  et  gardans  fidelita 

Au  très  hault  imperi  Roman. 

LO    PREMIER   GENTIL 

SufFrir  non  vueilha  lo  gran  damp 
De  rhault  imperi  magnifie, 
Que  ung  tas  de  poble  fantastic 
3840     Fay,  en  subvertent  lo  pays, 

Collent  ung  que  fou  crucifiez: 
La  causo  vos  recomanden. 

GLAUDIUS    PRESES 

Non  vos  chaillo,  toutyré  ben; 
Laissa-me  far  tôt  a  mon  ayse. 

LO  SEGOND   GENTIL 

3845     Impossible  es  que  l'on  se  tayse; 

Seignor,  quant  you  sarey  requist, 
Revellarey  so  que  you  ay  vist, 
Ont  ay  grando  suspicion. 

ANABIUS  ASSESSOR 

Quant  l'on  faré  inquisition, 
3850    Declayraré  vostre  coraige. 

LO   TERS  GENTIL 

Si  degun  es  en  mon  lignaige 
Que  syo  en  nostro  lé  suspect 
Mena  saré  a  vostre  conspect, 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  500 

Corarao  ennerayc  umpli  d'autraige. 

fF"   103  V"'J  GLAUDIUS    PRESES 

3855     Lo  me  suffit  vostre  coraige, 

Qu'es  noble  como  un  esparvier. 

LO  QUART  GENTIL 

Lo  es  vengu  ung  estrangier 

Ben  faconde,  bel  escujer, 

Lo  quai,  certos,  s'es  habita 
3860     Ambe  gens  de  xpestiaiiita 

Et  si  van  amont  et  aval  ; 

Dobtoc  que  non  fasson  dal  mal. 

Prou  de  gens  si  \y  van  après 

Et  de  nos  se  tenon  secres  ; 
38Ô5     Al  temple  non  l'aven  majs  vist, 

Mas  ten  la  fé  de  Jhesu  Crist, 

Como  mon  concet  po  entendre. 

CLAUDIUS    PRESES 

Chai  que  vos  lo  me  veigna  rendre 
A  meyson,  ben  encompaigna. 
3870     Y'ou  non  volrio'uc  aver  gaigna 

Bon  près,  s'il  es  aquel  que  creoue. 
Lo  me  semble  que  you  lo  veouc. 
Me  saubria  vos  dire  son  nom? 

LO    PREMIER    GENTIL 

Non,  très  redopta  seignor,  non. 
3875     Mas,  si  la  faro  de  beson, 
Anaren  ben  a  la  mejson, 
[Fo  104  r**]    Ambe  fasson  et  covertur^. 
Que  l'on  nos  faré  uberturo, 
Dont  a  vos  lo  pojren  conduire. 

ANABIUS  ASSESSOR 

3880     Sens  brut,  ou  vos  l'en  faré  fuyre  ; 
Et  puis,  si  ben  vos  lo  prené, 
Acte  villan  pas  n'j  faré, 

33 


510  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

Si  semblo  bon  a  mon  seignor. 

CLAUDIUS    PRESES 

El  dy  ben,  ana  sens  rumor 
3885     Et  a  degun  mal  l'on  non  fasso. 

LO     SEGONT  GENTIL 

Tôt  so  vendre,  non  vos  desplasso, 
Ensens  de  bono  compaignio. 

CLAUDIUS  PRESES 

Advisa-vos  de  far  folyo. 
Si  ben  d'aultres  xpestians  troba, 
3890    Per  ejros  ponch  non  los  torba, 
Car  non  chai  pas  far  tallo  roto 
Que  se  mogués  la  cita  toto. 
Amena  lo  ben  cautoment. 

LO  TERS    GENTIL 

De  nos  vos  n'auviré  lament 
3895    D'home  que  sjo  de  Cjmello. 

LO    QUART    GENTIL 

Que  veyci  compaignio  bello! 
[F"  104  v°]    Apolo  la  garde  de  mal. 

Hic  vadunt  ad  hospicium  sanâti  Poncii,  et  d'tcunt. 
LO  PREMIER   GENTIL 

Ou  la! 

LO  SEGONT  GENTIL 

Ou  la! 

LO  TERS  GENTIL 

Ou  del'ostal! 
Non  es  eysens  ung,  hostalier, 
3900     Lo  quai  si  es  ung  estrangier? 
Dise  nos  prest  ont  lo  tend. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  511 

LO  PUEMIER    DE  CIMELLO 

Lay  en  secret  lo  trobaré, 
Ambe  ung  que  \y  fay  compaignio. 
Non  \y  fassa  pas  vilanjo, 
3905    Si  vos  se  saigcs,  nulloment. 

LO  QUART  GENTIL 

N'j  faren  nos,  seguroment  : 
Mas  lo  seignor  si  lo  demando. 

LO    PREMIER    DE    CYMELLO 

Et  si  vené  sj  grosso  bande 
Per  demandar  ung  simple  home  ! 
3P10    Volé  vos  que  lo  vos  sone, 

Mon  dos  amyc,  se  demanda? 

[F"  105  r»]  s.  PONS 

A  Diou  syo  recomanda  î 

Mos  amys,  qu'es  so  que  vos  play? 

LO    PREMIER    GENTIL 

Venir  VOS  chai,  senso  delay, 
8915     Parlar  a  nostre  président. 

Ilic  apponatar  m  medio  quatuor  illorum  gentïllium, 
et  ducatur  ante  presidem. 

VALERI   ADOLESCENS 

Hellas!  hellas!  quai  accident  ! 

Hee!  mon  mestre  !  hee  !  mon  seignor, 

Vos  ana,  c'es  trop  évident, 

Mûrir!  Hellas!  quallo  furor  ! 

LO    SEGONT    GENTIL 

3920     Enfans,  saré  per  la  melhor. 
De  pour  d'aver  uno  desfardo, 
Que  tos  quatre  sya  en  gardo  ; 
Per  tant  buta  y  vostro  euro. 


512  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

PRIANT 

Seignor  Pons,  qualo  aventuro 
3925     Vos  aduch  en  aquest  pays? 

s.  PONS 

Diou  sebe^Tan,  mos  beaulx  amjs, 
Que  de  mj  vol  qu'eysintos  sjo. 

[F*  105  V«]  BRUYANT 

Ben  avé  la  charo  passe  ! 
D'ejsint  vos  veyre  me  desplay. 

s.  PONS 

3930     De  my  fasé  como  vos  play  ; 
Lo  temps  non  es  como  solio. 

RIFFLANT 

Ont  es  ana  la  baronyo, 

Lo  grant  honor?  Tôt  es  passa  ! 

s.   PONS 

Al  cel  sarey  recompansa, 
3935     Ont  es  honor  sens  occident. 

GRANDENT 


Quant  vos  veyré  lo  président, 
Yostre  cor  si  s'alegraré  ! 


s.  PONS 

Mon  cor  si  se  consolaré, 
Quant  el  auré  so  que  desiro. 

LO  PREMIER  GENTIL 

3940     Non   preigna  pas  al  cor  ges  d'yro, 
Car  so  non  es  que  comensanso. 

s.  PONS 

Mon  corps  es  a  vostro  puissanso, 
Mas  Tarmo,  certos,  n'auré  vos. 


i 


ISTORIO  DE  SANCÏ  PONCZ  r.l3 

[F"    106  r°]  LO    SEGONT    GENTIL 

Nos  VOS  meiien  com'  ung  espoux; 
3945    Enoaro  vos  en  rencura? 

s.    PONS 

Ben  sçaj,  la  mort  me  procura , 
Sens  que  sapia  per  quai  reson. 

LO    TERS  GENTIL 

Nos  trobarcn  occasion, 

S'en  vos  non  troben  ges  de  causo. 

s.  PONS 

3950    Vostre  cor  cru  so  far  si  auso, 
Mas  enfin  en  saré  payas. 

LO    QUART    GENTIL 

Los  brasses  qu'avé  desljas 
Tuest  non  saran  pas  tant  a  Tayse. 

s.    PONS 

Non  sabriouc  esser  a  mal  ajse, 
3955    Quant  per  Diou  you  sufFrirey. 

VALERY 

0  doux  seignor,  quant  vos  veyrey? 
0  mon  hoste,  qu'avé  vos  fach? 
0  doux  Jhesus,  quai  grant  mesfach  ! 
Désola,  las!  arrestarey. 

LO    PREMIER     DE   CYMELLO 

3960     Mon  bel  amy,  you  vos  direy. 
[F"  106  v°]  Sy  d'eysofasiouc  rumor, 
Incitariouc  la  furour, 
Ont  nos  aurian  tos  dos  dalmaige. 

LO    SEGONT    DE    CYMELLO 

Se  quesar  saré  fach  de  saige  ; 
3965    Diou  m'en  vueiliio  pardonar. 


514  ISTORIO  DE  SANCÏ  PONCZ 

Anriouc  pour  taraben  d'anar 
Prendre  ma  part  en  iino  torre. 

LO    TERS   DE  CIMELLO 

Seurs  non  sen  que  non  nos  y  forre. 
S'el  sap  que  nos  sen  xpestians, 
3970     Fini  aven  tos  nostres  ans  ! 

Diou,  sj  ly  play,  sj  nos  préserve. 

VALERI 

Et  en  la  fé  si  nos  conserve 

Et  conferme,  playsso  ly.  Amen. 

•     PRIANT 

Très  hault  seignor,  nos  vos  menen 
3975     Seignor  Pons,  F*ons  aulx  dioux  nuysiblo, 

CLAUDIUS  PRESES 

Pons,  Pons!  mas  es  eysso  possible? 
Ha  !  de  la  bono  persono  ! 
A  el  eysint  deleysa  Romo, 
Per  nos  donar  gravanso  et  peno  ? 
3980     Or  sus,  sa  donquos,  que  l'on  l'ameno 
Tôt  mantenent  a  ma  presencio. 

PRIANT 

Eysi  es,  seignor  de  excellencio, 
[F°  107  r»!    Ben  d'aquestos  encompaigna. 

LO  PREMIER  GENTIL 

Seignor,  aquest  aven  mena, 
3985     Com'aux  dioux  contradisent. 

CLAUDIUS  PRESES 

Myeys  que  vos  aultres,  vraysoment, 
Saboc  son  nom,  dont  es,  qui  el  es; 
You  Tay  ben  vist  d'aultros  fes. 
Depuis  que  you  T.iy  entre  mas  mansi 
.3990     Ana  vos  en,  en  pax  et  sans. 


i 


I 


ISTORIO  DE  SANCT  PON'CZ  rl5 

Ha  !  tu  sjos  Pons  !  Tal  on  te  nomrao, 
Que  tût  lo  poble  as  couturba, 
En  sediction  mes  loto  Romo 
Et  des  dos  Pholips  aliéna 
3995     Has  lo  cor,  et  a  mal  mena 

Lour  meut,  et,  fach  dont  fu  grant  dan, 

Lo  temple  grant  extermina 

En  pauc  de  temps,  breau  et  sodan  ! 

s.   PONS 

Seignor,  ejso  dise  en  van. 
4000     Fer  ver,  degun  aj  subverti, 
A  persono  n'aj;  porta  dampn; 
Mas  ben  a  Diou  converti, 

cla[u]dius  preses 

De  tôt  nos  sen  ben  adverti, 

Et  comme  passe  nos  saben. 

4005     Auvent  Valerian  et  Galien, 

Chascun  imperour  et  nostre  princi, 
Que  Romo  as  deleysa  eynsi, 
[F'  107  v°]   Como  sio  ver,  de  hault  linaige 
Syos  na  et  d'iiault  parentaige. 
4010     Mandant  an  volgu  comandar 
Qu'aulx  dioux  ayos  a  jmolar, 
Como  dison  los  drechz  civils; 
Sy  non,  an  los  pailhars  et  vilz 
Et  plens  de  toto  inormita, 
4015     De  divers  tormens  tormenta 

Syo  ton  corps;  or  donc  adviso. 

s.   PONS 

Non  ymoloc  en  deguno  guiso 
A  las  ydolos,  per  certan. 
Saches  que  jou  S03'  xpestian. 
4020     Tal  comandament  ou  non  prise. 

CLAUDIUS    PRESBS 

Syo  ta  ment  ben  conseilha. 


510  ISTORIO  DE  SAKCT  PONCZ 

AfRn  que  mal  tu  non  fenisses 

Et  qu'en  ton  grant  herror  périsses, 

Ton  patrimoni  riissipa. 

s.  PONS 

4025     Mon  conseilh  et  consolation, 

Président,  si  es  Jhesu  Crist. 

Si  ben  en  aquest  monde  trist. 

Ont  es  toto  variation, 

Suffroc  mal  et  turbation, 
4030     Perdent  tos  raos  bens  temporals, 

Caducz,  lassus  premj  des  mais 
[F"  108  r"]    Al  cel  aurej,  et  fruiction 

D'aultres  plus  grans  bensimortals. 

CLAUDIUS    PRESES 

Que  vas  tu,  ambe  parlars  tais, 
4035     Descorrent?  Ou  tu  sacrifio. 
Ou  de  divers  mais  on  t'affio 
Quêtas  charts  saren  dissipas. 

s.  PONS 

You  t'ay  ja  dich  sobre  aquel  pas 
Que  xpestian,  certos,  soj  you. 
4040     Als  demonis  non  sacrifiou; 
A  Diou  ben,  qu'es  imortal. 

cla[u]dius  preses 

()  misérable,  de  duro  mort  mortal, 
Ben  brevoment,  si  t'affection  duro! 
Non  veyes  tu  qu'ay  lo  pover  total 
4045     Te  far  murtrir  d'une  passion  duro? 
Sathalites,  a  la  prejson  oscuro 
Buta  lo  tost,  et  que  ben  on  lo  serre  ; 
De  lo  Ijar  mette  y  vostro  euro 
Brasses  et  corps  d'uno  cheyno  de  ferre. 

BKUYA^T 

4050     Si  vostre  corps,  scignor,  si  se  rencuro 


ISTORIO  DE  SANCT    PONCZ  517 

D'esser  en  ung  tal  parti  encheyna, 
El  auré  tort.  Vos  veyé  qu'on  procuro 
Vos  far  honor  ;  eysint  es  termina. 

s.   PONS 

Diou  halo  fach  evsint  détermina 

[F»  108  V]  GRANDENT 

4055     Facienso  es  mayre  de  vertu. 

Pensa,  lo  temps  talo  fortuno  porto. 
Encar  vay  ben  que  vos  non  se  batu  ! 
Lya,  estacha  intra  dins  celo  porto. 

s.  PONS 

4060     En  Jhesu  Crist  mon  cor  si  se  desporto. 

RIFFLANT 

Eysens  saré  non  pas  ung  trop  grant  temps 
So  que  fasen,  si  vous  play,  perdona  ; 
Veyé  trop  ben  que  non  sen  pas  contens  ; 
Mas  a  tal  fach  nostre  corps  es  dona. 

s.  PONS 

4065     Perdon  de  Diou  vos  syo  condona. 
Hic  intrat  carceres  et  interin  Glaudius  dical. 

CLAUDIUS   PRESES 

Briffault,  you  ay  ordena 
Qu'aquestos  lettres,  per  far  somo, 
Tu  me  portes  ben  prest  a  Romo, 
Car,  davant  que  procès  formar, 
4070     Voloc  lo5  seignors  informar  ; 
Vay  victoment;  syos  secret. 

Accipiat  litteras  et  âicat  huniiliter, 
BRIFAULT 

Puisque  tal  es  vostre  décret, 
Recusar  non  es  convenable. 


5iS  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

[F°  110  ro]  ANABIUS  ASSESSOR 

Faj  como  ung  home  rasonal)lc. 
4075     Sjos  prudent  et  ben  discret. 

Forma  superscripiionis  est  : 

A  mos  très  hnultz  seignors  insuperahles  et  triuinphans  Vale- 
n'an  et  Galien,  humblamenl. 

Insubscriptio   litterarum  est  liée: 

Très  excellem  et  aulx  dioux  agréables,  vosfres  servitors  la 
comensament  de  las  Gallios  intrans  en  uno  cita,  nomma  Cy- 
mello,  après  que  haven  troua  Pons,  Pons  qui  tolo  Homa  a  turba 
et  conturba  et  des  dioux  los  temples  a  subverti  ;  lo  quai  non  vo~ 
lent  obeyr  a  vostres  tremens  comandamens,  de  Homo  si  s'en  es 
fuy  :  et  per  so  que  de  vostre  impérial  palays  des  senators  es  lo 
premier,  l'aven  fach  en  carcer  reduyre  d'aqui  a  tant  que  nos 
puissan  humilment  entendre  so  que  d'el  vos  pleyré  que  l'on 
fasso. 

Isto  cursore  itinérante,  potest  contristari  papa. 

PAPA 

Que  vol  dire  qu'en  mj  d'un  tal  regret 

Es  survengu,  si  fort  me  tormentant? 

De  tal  pensier  Hou  eroc  assuet, 
[F"  110  v°]  Car  mos  cinq  cens  trop  si  va  commentant 
4080     Mon  cor,  mon  corps,  ma  testo  suflfris  tant 

Que  n'aj  repaux  ung  horo,  nuech  ni  jort; 

De  desplaser  mon  pancelh  vay  crêpant, 

Eysint  non  aj  ny  repaux  ny  sejort. 

0  mon  dolz  Pons,  ont  ero  mon  confort, 
4085    Aques  regret  sobstenoc  you  per  vos  !j 

Vos  non  se  pas  senso  pencier  et  fort; 

Senso  dobtar,  n'avé  pas  lo  temps  dolz 

Que  solya  aver,  mon  amy  doulx. 

Per  vostro  amor,  liumano  creaturo, 
4090     Quant  mal  havé,  pensa  si  aven  nos! 

Mal  si  m'acuelh,  dolor  venir  m'aturo! 

Hellas!  Hellas!  Si  vos  se  mes  al  las 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  519 

Dejusticio,  qu'es  si  fort  rigoroso, 
D'aquest  monde  vos  perdre  tôt  solas  ! 

4095     Et  si  morré  de  mort  fort  vergoignoso, 
La  puissanso  de  Dion  gloriouso 
Vos  préserve,  corao  son  bon  vassal, 
Per  son  plaser  de  fortuno  engoysoso, 
De  villan  fach,  de  perilh  et  de  tôt  mal  ! 

4100     Ré  glorioux,  qu'as  tôt  en  la  presencio, 
Faj  regentar  en  pax  xpestianita! 
L'es  possible  a  la  tio  potencio; 
De  cor  t'en  preouc,  an  grando  humilita. 

BRIFFA  ULT 

Très  liaulto  etsaoro  magesta, 
4105     De  Cjmello  venoc  bâtent, 

Manda  dal  seignor  président. 
Las  lettros  veyui  qu'ay  porta. 

[F*  111  r°]  V-ALERIAN 

Tu  sios  lo  ben  encontra. 

Mas  et  que  fay  mon  amyc  dos? 

BRIFFA ULT 

4110     Se  recomando  ben  a  vos, 

Excercent  ben  sa  commission. 

GAT-IEN 

Sus,  prest,  vay-t'en  far  collation, 
Tandys  las  lettros  nos  veyren 
Et  resposto  breou  te  faren, 
4115     Car  si  deou  aver  de  l'oignon. 

VALERIAN 

Puisque  las  avé,  legé  don 
Per  entendre  lo  contengu. 

Lerjut  Galienus  litteraSj  postea  dicat 

GALIENUS 

Hal  Pons,  Pons!  Orsyos-tu  vengu 


c?0  ISTORIO   DE    SANCT    PONCZ 

Al  luoc  ont  tu  devios  venir! 

VAI.ERIAN 

4120     Non  poyo  pas  myeys  pervenir. 
Rescrioure  la  chai  la  resposto 
Et  despachar  ben  prest  la  posto, 
Per  non  lo  far  ja  plus  lenguir. 

Forma  littere  hec  est. 

Valerian  et  Galien,  imperours  inconv incibles,  a  nostre  bon  et 
fdel  conselhier  et  président,  salut.  Entenduos  yos<ros  [F"  111  V] 
lettros,  eysso  comando  noslvo  assueto  bonta  et  pieta  que,  si 
Pons  non  vool  aulx  dioux  sacripar  et  lybar,  aya  poyssanso  de 
dive7's  tormens  lo  tormentar.  Et,  si  el  es  obstina  en  sa  malicio, 
qu'el  syo  a  mort  lioura  et  dona. 

LO   PREMIER    CHAPELLAN 

Sanct  payre  non  fay  que  gémir; 
4125  El  déou  aver  qualquo  dolor. 

LO   SEGONT    CHAPELLAN 

La  grant  amor  non  po  mentir 
Qu'el  a  envers  Pons  lo  seignor. 

LO    TERS   CHAPELLAN 

Ben  se  portavon  bono  amor 
Tant  quant  ensemble  [an]  viscu. 
4130     D'amor  la  très  graudo  fervor 
En  ellos  s'es  apparegu. 

VALERIAN 

Tornar  te  chai  dont  syos  vengu  ; 
Veyci  de.  Glaudon  la  resposto. 
Anar  la  le  chaire  en  posto, 
4135     Puisqu'eysint  lo  fach  es  mogu. 

BRIFFAULT 

Farey  como  soy  entengu. 

Al  myeys  istar,  sacro  corono. 


i 


ISTORIO    DE  SANCT    PONCZ  521 


GALIEN 


Vaj  victoment,  part  tost  de  Romo 
[F»  113  r"]    Et  t'ay  que  tu  sios  ben  saige; 

4140     Non  monstrar  pas  en  persono; 
Discrètement  t'ay  ton  messaige. 

Recedit.  —  SILLETE. 

DEUS  PATER 

Gabriel,  dal  très  hault  ystaige, 
Impérial  cel,  lujsent  paraige, 
Ont  lo  siège  de  madivinita 

4145     Sy  es,  vay-t'en  far  mon  mesaige 

A  Pons  qu'es  si  bon  et  tant  saige^         -v 
Qu'es  detengu  en   grando  villita 
En  la  preyson  de  toto  villita  ; 
Lay,  lo  paure,  si  es  desda. 

4150    Li  portares  fruc  et  utilita, 

"Car  per  tu  voloc  que  syo  consola. 

GABRIEL 

Acomplir  vauc  la  vostro  volunta, 
Eternal  ré,  très  inmenso  bonta. 
Sus  la  terro  brevoment  descendrey; 
4155    De  Pons  me  vauc  mettre  al  costa, 
Et  lo  dolor  que  d'el  s'es  acosta, 
Lo  consolant,  de  tôt  ly  levarey. 

Descendat  angélus. 

VALERl 

Hellas  !  pauret,  hellas!  et  que  farey  ? 
Sol  peregrin  al  monde  habitarey, 
4160     Puisque  l'home  si  dévot  perdu  ey 
Qu'amavoc  tant! 
[F"  113  v°]   Mas  ambe  qui  may  huy  conversarey? 
A  qui  mon  ben  et  mal  descubrirey? 
Ont  anarey  ny  mon  secret  direy , 
4165  Ny  tant  ny  quant? 

Ben  es  fortune  a  mon  ben  discrepant, 


52Î  ISTORIO  DE  SANCT    PONCZ 

Quant  m'a  leva  ung  si  bon  et  just  home. 

Hellas  !  Hellas!  You  soy  vengu  a  tant 

Que  pas  non  chai  qu'en  ben  ny  mal  lo  nomme  ! 

SILLETE. 

GABRIEL 

4170     Conforto-te,  sancto  persono; 

Alegro-te  et  fay  ta  somo, 

Que  de  my  aures  adjutori. 

Mesagier  soy  de  paradis. 

Diou  eternal  si  ra'a  tramis, 
4175     Per  esser  de  mal  defensori. 

s.   PONS 

Cy  es  mon  deambulatori  ! 
Tallo  meyson  et  diversori 
N'aviouc  pas  acostuma. 
Diou  que  sap  s'ay  fach  ofifen'so, 
4180     Fasso  doncos  per  my  defenso 
VersTennemys  apostuma. 

GABRIEL 

Syo  ton  cor  ben  aluma 
Enl'amor  de  Diou  eternal. 
Aquel  permutaré  ton  mal 
4185    En  ben  que  jamaj's  n'auré  fin. 

Recédât  angélus. 

[F*  115  r"]  s.  PONS 

Gracios  ly  rendoc  de  cor  fin, 
Puisque  ly  play  me  consolar 
Per  son  angel,  aquest  matin, 
Que  m'es  vengu  lo  cor  saoular. 

BRIFAULT 

4190     Seignor,  que  deven  honorar, 
Vej'si  que  l'on  vos  an  rescrich 
Et,  de  bocho,  ellos  m'an  dich 


'iSTORlO  DE  SANCT   PONCZ  5?3 

Que  fort  a  vos  se  recomandon. 

CLAUDIUS   PRESES 

Vejre  chai  qu'ellos  remandon. 
Legit. 

4195     Vrajsoment  tu  sios  propici 

Et  as  très  ben  fach  ton  uffici. 

Prestoment  que  Ton  m'ane  querro 

Pons,  Ija  de  chejnos  de  ferre, 

Et,  si  de  mon  fach  el  s'apello, 
4200     El  auviré  cesto  novello, 

Per  si  co^yent  como  ung-  tison. 

Vadunt  ad  carceres. 

PRIANT 

Sus,  sa  !  Salhé  de  la  preyson; 
Lo  président  si  vos  demando. 

s.  PONS 

Mon  armo  a  Diou  se  recomando, 
[F°  115  V*]   Que  sosteigno  cesto  querello. 

BRUYANT 

Vos  auviré  uno  novello 
Que  non  saré  bello  nj  bono, 
Si  ay  grant  paour. 

s.  PONS 

Ben  me  consono  ; 
Mas  es  en  Diou  ay  mafianso. 

RIFFLANT 

4210     Vos  y  avé  trop  de  confianso 
A  vostre  Diou  en  maloro, 

s.    PONS 

0  raos  enfans,  quant  bon  vos  foro 
Que  fosessa  tos  de  sa  part! 


554  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

GHANDENÏ 

Dcl  nou  voloc  ny  part  ny  quart; 
4215     D'eyros  quictoc  son  lieretaige. 

s.  PONS 

Vos  non  sabé  pas  l'avantaige 
De  SOS  bens,  que  son  eternals. 

PRIANT 

Vos  non  sabé  pas  lo  dalmaige 
Que  sufFriré,  et  los  grans  mais. 

BRUYANT 

4220     Veyci  Pons,  arabe  los  lyans  tais 
[F"  116  r"]     Qu'el  fou  erapreysona  Tautr'ier. 

CLAUDIUS    PRESES 

Ses-tu  encaros  si  haultier. 
Tant  superb,  si  cruel  et  fier 
Que  quant  te  fi  empreysonar  ? 

s.    PONS 

4225     You  non  soy  hautier  ni  fier, 

Mas  ben  al  cor  mal  me  reffier, 
Quant  t'auvoc  eysint  rasonar. 

CLAUDIUS  PRESES 

You  te  voloc  manifestar 
Los  salubres  comandamens 
4230     De  tos  seignors.  Ny  plus  ny  mens 
Te  saré  fach,  en  verita. 

Hic  légat  litteras  impériales  alte. 

Tu  auves  lor  benignita; 
Entendes  lor  monition  ; 
Pos  saber  lor  intencion. 
4235     Eyssi  n'a  ges  d'iniquita, 
Mas  tôt  dever  et  equita. 


ISTORIO   DE  SANCT    PONCZ  525 

Eyssi  n'a  ges  de  fiction, 
Et  n'uson  pas  d'affection. 
L'on  t'a  les  fach  manifesta. 
4240     Senso  plus  essai-  infesta, 
Uso  de  ton  tant  bel  uflici 
Et  fay  aulx  dioux  sacrifici  ; 
A  doux  génois  dono  d'encens  ; 
Nos  y  saren  trestous  ensens, 
[po  11^5  v°]  Aultroment,  ambc  les  danipnas, 
De  divers  tormens  tormentas 
Saren  los  membres  de  ton  corps. 

s.  PONS 

Pense  que  se  tos  sors  et  orbs. 
Vos  non  veyé  nj  entende 

4250     Qu'aquo  que  dioux  prétende 
Esser,  non  es  qu'abusion. 
Aultre  seignor  n'ay  you  sjnon 
Mon  diou,  mon  seignor  Jhesu  Crist, 
Qu'a  rechata  aquest  monde  trist 

4255     Et  levar  me  po  do  tasmans, 

De  tos  tormens,  périls  et  dans, 

Das  quais  mon  corps  si  fort  menasses; 

Et  n'aj  pour  de  ren  que  me  fasses. 

CLAUDIUS  PRESES 

Marveilho  ay  de  tu,  tant  poyssant, 
4260     Inclina  a  tallo  humilita 

Q'ung  tal  per  seignor  nomes  tant 

Paure  home,  plen  de  villita. 

De  Pillât  la  civilita 

Morir  lo  fec,  sens  remission. 
4265     En  cros,  a  grant  inormita, 

Nonsayper  quallo  accusation. 

Or,  layssen  toto  affection. 

Perqué  plus  tost  non  nomes  tu 

Tos  haulx  seignors,  como  es  reson, 
4270     Los  imperours,  o  maloustru, 

34 


5Î6  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

[F°  117  r°]    Que  t'amon  tant?  Que  pcnsos-tu? 
Tais  sou  seignors  senso  fentiso; 
Sjo  ton  voler  abbatu, 
Car  tort  tu  as  en  toto  guiso. 

s.  PONS 

4275     S'a  mj  dire  es  la  repriso, 
De  tu  soj  fort  esraerveillia 
Kt  de  ta  si  folio  devise, 
Cossint  syos  tant  avugla 
Que  non  cognojssos  verita. 

4280     Sens  tant  de  fantasio  querro 
Ung  sol  diou  en  trinita 
Qu'a  fach  lo  cel,  mar  et  la  terro  : 
Per  ton  ben  es  volgu  descendre 
Et  prendre  nostro  humanita. 

4285     Non  desdignapaure  se  rendre, 
SufFrent  tanto  neccessita, 
Miserio  et  calamita. 
Mas  si  es  el  de  tôt  seignor, 
Ben  es  ta  lengo  intossica 

4290    De  dire  que  home  es  sens  bonor. 
D'aquo  qu'el  es  isia  accusa 
Des  juj'ous,  lo  bon  innocent, 
Et  per  Pillate  condempna, 
So  fosec  voluntarioment, 

4295    Per  nos  levar  dal  dampnonient, 
Ont  naturo  ero  obliga  ; 
Et  tu  t'en  truffes  planoment, 
Car  ton  coraige  es  aveugla. 
[F"  117  v"j    Si  volguesses  te  humiliar 

4300     Et  a  ung  tal  diou  servir, 
Prest  ta  ment  farios  levar 
Al  cel,  per  al  ver  parvenir; 
Cognoyssarios,  sens  mentir. 
Que  tos  dioux,  que  diables  son, 

4305    Son  per  las  armos  subvertir 

Et  d'anfert  conduyre  al  perfont. 
Los  imperours, 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  52î 

Tos  pnuces  moui's, 
Que  dises  tant   beu  ^'■overnar 
4310  Saren  perdus 

Et  confondus, 
Ambe  lor  fol  trenc  d'adorar. 

S'en  tallo  orduro 

Vostre  rit  duro, 
4315     D'aquest  monde  vos  periré 

En  la  lajduro, 

Que  tostens  duro, 
Embe  vostrcs  dioux  saré  ; 
Vella  tôt  quant  vos  gaignaré 
4320     Vos  et  tos  los  vostres  ensens: 
De  malo  mort  vos  ûniré  ; 
Punys  saré  d'ejci  a  pauc  temps. 

Cum.furore  dicat  Glaudius. 

CLAUDIUS  PRESES 

Apresta  tost  tos  los  tormens  ; 

Ecculeon,  verges  aua  quere, 
4325     Penches  et  escarnasses  de  ferre, 
[F°  118  r°j    Foychz  de  nervi  et,  tost,  tost, 

Farassons,  brandons  de  fuoc 

Et,  si  das  aultres  la  n'y  a, 

Syo  si  lot  apropia. 
4330     Buta  me  tôt  en  la  presencio, 

Sa  folio  et  insipiensio 

Saré  al  luoc  manifesta. 

FRIANT 

Seignor,  la  es  tôt  apresta. 
Veysi  de  tormens  uno  mar. 

BRUYANT 

De  verges  a}^  per  lo  domar, 
4335     Grosses  et  longos,  1res  manas. 

RIFFLANT 

D'eysso  lo  voloc  penchenar, 
Eu  son  corps  saren  encliarnas. 


5S8  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

GRANDENT 

Mos  fojchz  de  nervis  ennervas 
Sentira  cl  sus  sa  persono. 

PRIANT 

4310     Coraanda  sol  que  on  Ij  donc 

Lo  torment  que  myejs  vous  pleyré. 

BRUYANT 

Et  vejré  como  on  serviré, 

De  corps,  de  bras  fort  esveiilia. 

[F°  118    V°]  CLAUDIUS  PRESES 

Que  tost  el  sio  despolha, 
4345     Lo  faulx  palhart  injurioux. 

RIFFLANT 

S'erouc  ung  pauc  trop  furieux, 
Aprendre  vos  clialré  tôt  de^  gra. 

CLAUDIUS  PRESES 

Despolha  lo  tost,  qu'en  mal  gra 
De  Jovis  sjon  los  palhars. 

GRANDENT 

4350    Vos  nos  vejré  frics  et  galhars, 
S'uno  fes  entren  en  besoigno. 

ANABIUS  ASSESSOR 

Fasé  ly  ben  gratar  la  roigno, 
Puisqu'ellos  an  ben  de  que, 

CLAUDIUS  PRESES 

Fol  el  saré  s'a  my  non  cré. 
4355     Qu'  el  eculeon  el  sio  mes; 

Braces  et  chambos  ben  fort  estes, 
Que  cordo  d'arc,  ny  plus  ny  mens, 

1  Corr.  postérieure  e7t. 


i 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  529 

Affin  que  myeys  tos  ces  tormens 
Decorron  per  tos  sos  membres. 

LO  VAKLET     DAL    PRESIDENT 

4360     You  soy  ben  computa  des  mendres, 
Mas  encaros  vos  ajuarey. 

[F"  119  r"]  s.  PONS 

Yniq,  pervers,  you  te  direy, 
Comben  que  tu  non  o  creyes  pas, 
De  mon  Diou  adjua  sarey, 
4365     En  aquesto  houro  et  aquest  pas. 
De  me  tormentar  fas  grant  cas, 
Grant  aprest,  menant  grant  rumor  ; 
Tu  te  trobares  plus  tost  las 
Que  my,  maivas,  plen  de  furor. 

cla[u]dius  preses 

4370    Ey,  ey!  Sus,  sus!   estende  lo. 

Al  torment  prest  exibe  lo. 

Que  sar'eyso  d'aquest  palhart  ? 

Et  nos  veyren  sy  de  mas  raans 

Te  levaran  tos  parlars  vioux. 
4375     Sus,  sus  !  davant  que  sio  plus  tart. 

Hic  extendant  euiu  in  eculeo  quatuor  a^mritores. 

DEUS   PATER 

Gabriel,  vay  tost,  de  ma  part, 

Rompre  trestous  los  argumens 

Ont  Pons  si  deou  esser  extens, 

Per  de  vergesîrexaminar, 
4380     De  cardos  de  ferre  lo  cardar. 

Vay  t'en  volant  en  aquel  luoc, 

Et  las  grossos  faros  de  fuoc, 

Que  crudelment  an  apresta. 
[F"  119  V]   A  mètre  a  chasque  costa, 
4385     Syo  per  tu  amorti  et  mort. 

GABRIEL 

A  Pons  m'en  vauc  donar  confort, 


530  rSTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

Et  farey  tôt  lo  contengu. 

PRIANT 

Aquest  bras  es.ben  estendu. 

BRUYANT 

Et  aquest  aultre,  per  la  parelho. 

RIFFLANT 

4390    Baj'lo  say  lo  pé,  marfondu. 

GRANDENT 

Donar  te  fares  a  l'aurelho  ! 
HoUa  !  holla  !  cv?o  trop  velho  ! 
Clavellen  ben  cesto  fustalho. 

ANABIUS  ASSESSOR 

Que  ung  pauc  lo  corps  on  reveilho, 
4395     Enfans,  fasé  chauso  que  valho. 

GRANDENT 

Sos  nervis  si  son  en  batalho, 
Et  disputon  qui  tendre  plus. 

RIFFLANT 

Ilbriac,  tu  n'as  que  la  ralho. 
Entenden  a  far  lo  surplus. 


BRUYANT 

4400     Or,  sus,  seignor,  qu'avé  conclup? 
[F»  120  r°]   Veyci  Tome  molt  fort  arta. 

PRIANT 

Ben  es  de  sos  membres  reclus, 
Si  fort  Taven  nos  escarta. 

CLAUDIUS  PRESES 

D'ung  bot  qu'el  syo  en  hault  monta  ; 
4405     Qu'el  syo  a  tôt  poble  visible. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  531 

S.   PONS 

Per  la  divino  volunta, 
Eyso  non  me  sarc  nuysible. 

PRIANT 

Hault! 

BRUYANT 

Hault! 

RIFFLANT 

Quai  fays  terrible  ! 
Mauldich  syo  tant  de  pesanso. 

GRANDENT 

4410    Que  diable  eyso  m'es  tant  sensible  ! 
Mays  non  senti  tallogravanso. 

CLAUDIUS  PRESES 

Tos  quatre  n'auré  la  puiss.anso 
De  lo  levar,  or,  la  on  fault? 

GRANDENT 

Presqu'es  tôt  fach!  Tost  a  l'avanso  ! 

RIFFLANT 

4415    Sus!  Sus! 

[F"  120  V]  BRUYANT 

Dehetz  ! 

FRIANT 

El  es  en  hault. 
Qu'au  diable  sio  tant  de  pes! 

CLAUDIUS  PRESES 

Qu'el  syo  encaros  plus  hault  mes, 
Puis  a  l'entort  vos  esbaté. 
Premièrement  fort  lo  bâté 
4420    De  grosses  verges  et  foychz  ; 

Puis  a  forso*'ne  cardos  et  penches 


532  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

De  sang  saren  sas  costos  penchos 
Et,  quant  saré  de  cardar  las, 
IjOS  i'orassons  et  fuoc  al  latz 
4425  Ly  butaré,  per  far  sa  resto  : 
Adonc  veyren  sa  folio  testo 
Se  repentir  de  sa  oppinion. 

PRIANT 

De  cops  aures 
Ung  million, 
4430  Mauldich  pervers, 

Fier  corn'  ung  lyon. 

BRUYANT 

Lo  trop  levar  non  es  pas  bon. 

RIFFLANT 

Layssen  lo  ung  pauc 
4435  Eyssint  esbatre, 

[F'  122  r°]  Puis  d'ung  assault 

Lo  chaire  batre. 

GLAUDIUS  PRESES 

Fasé  vostres  foychz  esbatre 
D'entort  aquel  gentil  gallant 

GRANDENT 

Non  sabouc  quant 
4440  Advis  prendre  ; 

Sol  lo  bestant 
Lo  destruyré. 

RIFFLANT 

En  aquest  myey  s'avisarc 

BRUYANT 

Prou  hault  el  es. 
4445  Or  comensen  : 

Dal  premier  mes 
Lo  serviren. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  533 

FRIANT 

Sas  costos  si  lo  sentiren. 

Hic  eculeus  confringatur,  pt  illesus  Pondus  stet  in  conspecht 

jrresidis . 

CLA.UDIUS  PRESES 

Doncquos  eysint  truffas  saren  ! 
4450     Jupiter  que  volré^so  dire? 
Desos  lo  cel  clar  et  seren 
Creouc  (jue  non  ayo  lo  pire. 

[F"  122    V]  PRIANT 

D'eyssot  non  saboc  pas  que  dire, 
Car  s'es  ung  fach  espavantable. 

BRUYANT 

4455    Ay  agu  paour  que  lo  dyable 

Non  emportesso  aquestp  plasso. 

RIFFLANT 

Non  saboc  pas  a  qui  so  plasso  ; 
Mas  a  my,  non  ;  paour  ay  encaro. 

GRANDENT 

Regardo  un  pauc  Pons  en  la  charo  ; 
4460     Tu  dirios  d'el  tôt  qu'el  lus. 

CLAUDIUS  PRESES 

Tant  fellon  soy  que  non  pauc  plus  ! 
Perdoc  del  tôt  lapacieuso. 
Per  art^magiquo  m'a  illus, 
Lo  palhart,  plen  d'irreverencio. 
4465     Qu'el  non  syo  plus  en  ma  presencio  ; 
Vèsté  lo  et  lo  reduyé; 
Que  de  cops  n'ayo  indigencio  ; 
Seguroment  lo  conduyé. 

Hic  induant  mm  et  calumpnientur  cum  pugnis  et  alapis,  etc. 

s.    PONS 

Tos  circunstans,  eyro  veyé 


534  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

1170     Que  n'es  q'ung  Diou,  que  tôt  afach. 
[F"  123  r"]    Daquest  torment  s'ansy  m'a  trach, 
Per  lo  meilhor  en  el  crejé. 

ANABIUS  ASSESSOR 

Saige  seignor,  non  vos  turbé, 
Si  tais  tormens  asuppera; 

4475     Aultromen  ben  lo  puniré, 

Totos  las  fes  que  vos  pleyra. 

En  aquesto  cita  si  a 

Dos  venators,  senso  falacio, 

Qu'an  près  dos  ors,  dos  pauc  en  sa, 

4180     A  las  montaignos  de  Dalmacio. 
Exprova  si  '1  auré  efficacio 
Contro  dos  ors,  si  grans  et  gros. 
Non  \y  leyssaren  pas  ung  os 
Que  tôt  non  syo  dévora. 

CLAUDIUS  PRESES 

4485     Que  Pons  me  syo  retorna, 
Et  manda  quarre  los  venours 
Que  m'ayon  a  conduyre  los  ors, 
Senso  portar  a  aultruy  dalmaige. 

BRIFFAULT 

Tôt  prest  m'en  vauc  far  mon  messaige, 
4490     Et  si  saren  tostrevengu. 

Vadat  ad  venatores,  et  interin  dicat  Glaudius  preses . 
CLAUDIUS  PRESES 

Et  sarey  you  de  tu  vensu  ? 
[F"  123  v°]    Sarey  you  eysint  suppera, 

Per  enchantamens  convensu? 
Ha!  cors  pervers,  exaspéra, 
4495     Non  sarey  plus  vitupéra 

De  tu  ;  car,  sens  plus  t'alonja, 
Como  unobestio  enraja, 
A  dos  ors  te  farey  manjar. 


ISTORIO  DE   SANCT    PONCZ  535 

s.  PONS 


Mon  arii^o  eyssint  voles  lojar 
4500     Au  los  angilz,  en  paradis. 


BKIKKAULT    • 

Juno  vos  gart,  mos  bels  amjs  ! 
Se  vos  aquellos  qu'avé  près 
Dos  si  grans  ors,  n'a  pas  dos  mes? 
Lo  seignor  veyre  los  volyo. 

LO    PREMIER  VENOUR 

4505     Aquellos  sen,2a  chiero  Ijo; 

Chassans  per  los  obscurs  boscaiges, 
Dos  ors  haven  près,  fort  salvaiges, 
Si  gros,  si  orres  et  si  grans, 
Creouc  jamais  homes  humans 

4510    Non  vegron  d'ors  ung  talpareilh. 

LO    SECOND   VENOUR 

Seguroment,  sobz  lo  soleilh 
Non  se  vec  tallo  desmesuro. 
Possible  n'es  que  créature 
[F"  124  r"]     0  creyes,  si  non  lo  veyo. 

4515    Ben  estachar  los  chai,  per  la  vio, 
Affin  que  non  fasson  aultraige. 

Hic  aceipiant  ursos  ligatos. 

BRIFFA ULT 

Anen,  sens  far  tant  de  lengaige, 
Car  lo  seignor  si  lenguira. 

LO  PREMIER  VENOUR 

Gara,  retira  vos,  retira! 

LO   SEGONT  VENOUR 

4520    Gara  vos,  hono  gent,  gara: 
Lajssa  passai'  la  salvajuno! 

Aucurrat  Brifault,  et  minciet  presidi. 


536  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

BRIFFAULT 

Ellos  los  an  salhis  de  tuno, 
Et  los  conduyon  fort  lyas. 
0  los  quais  ors  desmesuras! 
4525     L'es  ung  très  grant  affre  de  veyre. 

LO    PREMIER   VENOUR 

Tira  vos lay  ! 

LO   SEGONT  VENOUR 

Arreyre!  arreyre! 
Non  vos  aproché  pas  de  nos! 

[F^  124V"]  LO    PREMIER   VENOUR 

Seignor,  veyci  nostres  dos  ors. 
Play  la  vos  chauso  comandar? 

CLAUDIUS    PRESES 

4530     Pons  vos  voloc  recomandar. 

Mena  los  al  myey  de  la  plasso; 

Puis,  que  bono  garde  l'on  fasso, 

Que  persono  n'ayo  dangier, 

Et  me  buta  tost  et  legier 
4535     Pons,  Pons,  d'elos  al  bel  meytan. 

Veyren  si  las  bestios  an  fan 

Et  qui  myeys  d'elos  manjaré; 

De  lueing  l'on  vos  regardaré. 

Fasé  que  d'el  n'arreste  briso. 

LO    PREMIER  VENOUR 

4540    Nos  faren  et  tallo  guiso 

Que  ja  el  non  s'en  lauvaré. 

LO    SEGONT   VENOUR 

Chescun  ung  repast  si  n'aurc. 
Los  mais  vestis,  devers  la  biso  ! 

Vadant  omnes,  excepti»  Glaudio  et  Anahio,  qui  per  loca  alla 
videbunt  szipplicium. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  587 


S.  PONS 


En  Diou  ay  ma  lianso  miso, 
4545     Et,  se  ly  play,  m'ajuaré 
[F"  125  r°J    Que  ma  chart  non  syo  remiso 
A  talz  ors. 

PRIANT 

El  s'avisaré 
Avant,  lo  dyable  y  ayt  part. 

BRUYANT 

Dyou  a  asses  affar  de  ta  chart  ! 
4550     La  ven  lo  temps  que  chai  mûrir. 

s.  PONS 

Dyou  me  don  al  cel  parvenir, 
Ont  es  lo  ben  que  mays  n'a  fin. 

RIFFLANT 

Sus,  bon  home,  vos  se  trop  fin  ; 
Eyssi  lo  non  chai  tant  prechar. 

GRANDENT 

4555     Eysi  vos  anen  empachar. 

Recebé  lo,  vos  dosvenours; 
Buta  lo  al  myey  de  vostres  ors. 
Et  nos,  nos  tiraren  arreyre. 

PRIANT 

Bon  la  saré  de  ben  lueing  veyre  ; 
4560     En  tal  fach  fiar  noji  se   chai. 

BRIFFAULT 

La  fay  bon  se  gardar  de  mal  ; 
Chescun  de  nos  si  se  retire. 

s.  PONS 

Diou,  syos  en  mon  martire  ! 
[F°  125  v°j   A  tu  ma  causo  recomandouc. 

Ab  alto  anfiteatro  clamet  Glaudius  preses  venatoribus. 


538  ISTORIO  DE  SAKCT  POiNCZ 

CLAUDIUS  PRESES 

4565    Fasé  aquo  que  vos  comandouc. 
Parqué  fasé  tant  de  bestant? 
Qu'el  muero,  sens  actendre  tant. 

Jlh-  rcnatores  solvant  tirsos  contra  sanctuin  Pontiuin, 
LO  TREMIKII   VENOUR 

A  Ij  !  a  ]y  ! 

LO  SEGONT  VENOUR 

A  \y  !  frou  !  frou  ! 
A  manjai-  trobarc  vos  prou. 

LO   PREMIER  VENOUR 

4570     0}%  foro!  ej  tueri  jou  snv  mort. 

Hic,  ut  melius  videhitur,  ventant  duo  corpora  ficta  et 
perdantur  illi  duo  homines,  et  sic  ursi  discerpent  illos 
renatores,  etiamque  sanguis  apureat  in  hahundantia. 
ReVmquo  fictoribus  ludi.  Recedunt  ursi  a  platea, 

CLAUDIUS  PRESES 

Non  es  eyso  grant  desconfort 
Qu'ejsintos  ayon  mes  a  mort 
Aquellos  que  los  governavon  ''. 
Et  aquel  Pons  tochar  n'ausavon! 
4575    En  très  grant  pensamen  soy  3'ou. 

Clamor  fiât,  tam  paganorum  quant  xpistianorum,  dicentium. 

'"F"  127  r"!  XPISTIANI,  GENTJLES 

Lo  es  ung  Diou  !  lo  es  ung  Diou  ! 
Lo  es  ung  Diou  !  1'  es  ung  Diou! 
Lo  quai  sy  a  Pons  préserva  ! 

Clament  bis  aut  ter,  r,oce  mar/na. 
CLAUDIUS   PRESES 

Qu'en  preyson  syo  Pons  sarra, 
4580     Como  sabé  qu'es  de  costurao. 

Hic  accipiant  Pnncium  et  adûucant  ligatum  ad  carceres . 


i 


ISTORIO  DE  SANCÏ  PONCZ  SH.» 

Mon  cor,  mon  voler  s'alumo  ; 
La  testo  et  lo  front  me  fumo, 

Per  grant  dolor. 
0  coraige  plen  de  meror, 
4585     0  fantasio,  de  tristor, 

0  escandol,  de  grant  error, 

0  grant  meyssap  ! 
Qualque  mal  vas  art  el  si  sap, 
Dont  tant  el  se  lauvo  e  faj  gab. 
4590     En  eysso  voloc  mettre  cap 

A  tallo  herror. 
E  non  sarey  you  pas  seignor? 
Si,  sarey,  si!  reson  ou  vol. 
Ma  testo  es  tant  dona  a  furor 
4595     Que  tôt  lo  rest  mot  fort  me  dol. 

ANABIUS    ASSESSOU 

Cocha  vos  en  ung  liech  ben  mol, 
Etveyré  de  pouer  dormir. 
[F"  127  v°]  Vos  se  bon  per  devenir  fol. 

Si  non  sabé  lo  temps  jauvir. 

.    Hicpausat  se  preses,  quasi  si  vellet  dormire. 

VALERl 

4600     0  mon  Diou,  qu'as  volgu  auvir 
Las  voses  de  ton  servitor, 
Gracios,  louanjo  et  honor 
Te  rendoc  eyros  a  génois. 

SATHAN 

0  très  mauldichz  dampnas  fêlions, 
4605    Nostro  procure  anarc  ben. 
Pons  es  de  la  preyson  al  fons 
Et  de  mal  non  ly  manco  ren. 

BELZEBUC 

Si  lealment  procuren, 
D'aultres  mais  auré  plus  coyens. 
4610     A  lal  furor  Glaudo  aduren 


55fl  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

Qu'el  lo  faré  mètre  als  ventz. 

LUCIFER 

Faulx  chins  de  très  mauldichz  convcns, 
Horres  infecliz,  falso  vermino, 
Retorna  prest  et  sia  attens, 
4615     Car  lo  procès  chai  qu'on  termine. 

MAMONAS 

Faulx  messagiers,  trop  malo  mine    • 
[F"  128  r"]    Vos  me  tené.  Voyda  d'cysi  ! 

A  l'obro  tost,  et  Glaudou  affino 
Qu'es  en  pensament  et  soucy. 

ASTAROT 

4620     Leyssa  vos  la  causo  eyssi  ? 
Velha,  velha  sobre  lo  cas. 
Vos  ressembla  demy  transi. 
Sus  tôt,  eyros  non  falhé  pas. 

BERITH 

Ana  y  de  cautellous  pas. 
4625     Per  diversos  cavilhations 

Non  laissé  son  cervel  en  pax  : 
Usa  de  simulations. 

LEVIATAN 

Layssa  los  sol.  Eoulx  son  trop  bons 
Per  menar  encar  plus  grant  tramo  ; 
4630     Plus  alumas  que  dos  charbons 
Sont  brulans  en  très  duro  flamo. 

Hic  recedtmt,  et  vadant  ad  président. 

SATHAN 

0  président,  que?  non  s'enflamo, 
En  aquesto  horo,  ton  coraige  ? 
Vos-tu  suffrir  ung  tal  dalmaige? 
4635     Lo  poble  murmure  etbramo. 
Tu  as  bon  los  et  bono  famo, 
[F"  128  v°]  Non  suffrir  pas  que  Ton  t'autraige. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  ^4\ 

Tu  non  sabes  pas  que  Ton  tramo  : 
4640     Adviso  y  ben,  si  tu  sios  saige. 

liELZEBUC 

Que  deves  tu  far  d'aquel  gaige, 
De  lo  tenir  tant  en  preyson? 
Adviso  d'uno  trayson. 
Dangier  n'as  que  d'ung  tal  obraige. 
4645    Lo  poble  si  es  tant  volaige 
Que  es  une  grant  marrison  ; 
Mostro  te  fier  et  fares  raige. 
Saige  es  qui  entent  la  seson. 

SATHAN 

N'as  tu  auvy  la  confusion 
4650    Ont  lo  poble  si  s'ero  mes 

Cryans  de  toto  nation  : 

«  Ung  diou  es,  ung  dyou  es  », 

Reyterant  dos  o  très  fes? 

L'es  perilh]  de  tallo  rumor. 
4655     Non  plus  tu  entendes  que  c'es. 

Fay  tost  mûrir  aquel  treytor.  . 

BELZEBUC 

Fay  ho,  fay  ;  o  tôt  a  l'entort 
Perdres  de  gens,  et  senso  nombre. 
Et  sabes  si  pleyré  a  la  cort? 
4660     Mays  non  foses  en  tal  encombre. 

Hic  GlaudiuA  preses,  evigilando  a  somno,  dicat  cumfurore. 

[F°  129  r°]  CLAUDius  preses 

Ung  diable,  serpent  ou  colombre, 
A  fach  son  ny  a  mon  aureilho, 
Plus  tempestos  que  n'es  lo  fouldre. 

Admirando. 

Qui  es  aquel  que  me  reveilho  ? 
4665    Sus,  sus  !  a  cop  que  Ton  (es)  ésveilho 
Aquel  desgracia  preysonier; 
Empreysona  trop  si  somelho  ; 

35 


542  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

Ana  lo  me  quarre,  l'escujer. 

PRIANT 

Nos  non  tiren  mays  ung  denier, 
4670     Per  trabalh  que  nos  y  prenan. 

BRUYANT 

Aquest  temps  n'es  pas  meyssoni[e]r; 
De  suffrir  chai  que  apprenan. 

RIFFLANT 

Non  parlen  tant;  mas  relFrenan, 
Per  nostro  lé,  nostres  parlars. 

GR AN DENT 

4675     Que  reffrenar?  Mas,  lo  priman, 
Saren  nos  tôt  jort  los  solliars? 

GLAUDIUS  PRESES 

Tené,  tené!  Sya  galhars. 
Hic  trihuat  ïllis   quatuor  summani  auri  vel  argenti. 
Lo  non  es  temps  de  murmurar. 

[F°  129  V°]  ANABIUS   ASSESSOR 

Gens  compaignons,  plasens  sodars, 
4680     Non  vos  vueilha  pas  rencurar. 

FRIANT 

Non  vos  chailho,  car  procurar 
Volen  l'honor  impérial. 

GLAUDIUS  PRESES 

Chescun  de  vos  sjo  leal, 
Sens  aver  lo  cor  variable. 

BRUYANT 

Jamays  n'agues  servitortal  : 
4085    La  es,  seignor,  ben  rasonable. 

ANABIUS 

L'imperi  sanct  et  redoptable 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  543 

Vos  serve,  qu'es  chauso  ben  Iiaulto. 

RIKFLANT 

Quequé  djan,  jamays  muable 
En  nos  non  trobaré  pas  faulto. 

GRANDENT 

4090     Senso  quaquet,  tost,  que  l'on  saultu 
Per  aduyre  tost  lo  déliât. 

Apperiunl  carceres. 

PRIANT 

Vos  dorme  vo?,  gros  villan  plat? 
Venir  vos  chai  en  consistori. 

[F'^  130  r°]  s.  PONS 

Hellas  !  mas  ben  dur  auditori, 
4695     Ont  lo  n'es  que  toto  rigor. 

BRUYANT 

Ejsintos  parlos  dal  seignor? 

Percutit. 
Nos  te  faren  parlar  corret. 

RIFFLANT 

Eyssint  Ij  fares  parlar  grec  ! 
Non  lo  ferir  pas  a  la  jauto. 

GRANDENT 

4700     MoUo  s'es  fach,  como  pauto; 
Tôt  lo  mond  n'est  pas  content. 

PRIANT 

Veyci,  seignor  lo  président. 
Lo  chatal  de  tôt  misérable. 

CLAUDIUS  PRESES 

Fais  enchantour,  dampna  al  dyable, 
4705     Ta  falsa  testo  fantastico 

Usant  de  dampna  art  de  magico, 


544  •        ISTORIO  DE  SANCT  POIMCZ 

Si  m'a  usa  de  très  faulx  tors, 
Quant  ejssapa  syos  aulx  ors; 
Dont  ma  puissanso  as  pauc  presa, 
4710     Quant  l'eculeon  fon  esbrisa. 
Mas  eyros  non  eyssapares, 
Ou  aulx  diouxhonor  rendres: 
Adviso  de  dos  la  melhor. 

[F°  130  v°l  s.  PONS 

Pas  non  m'adurés  en  herror. 

4715     Adoro  Diou,  lo  seignor, 

Lo  quai  tu,  meyssent,  blasfemant, 
Negos  per  ton  parlar  nephant, 
Misérable,  plen  d'incipienso  ! 
Mas,  ont  es  toto  sapiencio, 

4720     Ont  es  tam  ben  toto  bonta 
Qu'en  la  divino  magesta? 
Te  pensos  tu  de  tu  baver 
Honor,  lo  ben,  l'or  et  l'aver, 
De  tant  de  fach  Tintelligencio? 

4725     Non  ;  mas  de  l'aulto  providencio, 
Qu'a  tôt,  quant  es,  sol  créa, 
Sens  principi,  sens  fins,  increa, 
Manent,  et  fay  tôt  vegetar. 
Pertant,  non  te  vueilhos  jactar 

4730     De  tos  dioux,  que  diables  sont. 
Amb  ellos  yres  al  perfont 
Enfert,  ont  tu  sares  crema. 

CLAUDIUS    PRESES 

Eyros,  eyros!  Syo  aparelha. 
En  cesto  plasso  lo  bel  luoc, 

4735    Tôt  quant  es  bon  per  far  fuoc  ; 
Car  al  myej  lo  voloc  mandar. 
Veyren  si  poyres  comandar 
Al  fuoc  que  non  te  crème  pas, 
Como  as  fach,  a  dos  passas  pas, 

4740    Usant  de  tos  enchantamens. 


I 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  545 

[F"  131  r"]       Hïc  préparant  omnia  ad  faciendum  ignem,  ut 

melius  vuhhitur. 

S.   PONS 

Quais  en  my  atrobes  mancamens, 
Per  los  quais  de  fuoc  tant  amar 
Me  deos  consumar  et  cremar? 
Gaigna  non  ay  you  tais  tormens, 

CLAUDIUS  PRESES 

4745    Quaqueto  prou,  n'aures  pas  mens  ; 
Tu  as  déjà  viscu  trop  d'ans, 
D'eyssapar  te  disoc  ben  :  nego! 

s.  PONS 

Diou  qu'eyssapa  los  très  enfans, 
Sidrac,  Misac,  Abdenago, 
4750     Me  gardaré  encar  d'eytals  dans, 
Et  me  tendre  mos  membres  sans, 
Me  mandant  dal  cel  reffrigeri, 
Sos  bens  me  saren  abondans 
Per  Tangelique  ministeri. 

ANABIUS  ASSESSOR 

♦  4755    Non  escoté  tal  vituperi; 

Per'Jupiter,  Tescota  trop. 

CLAUDIUS  PRESES 

Malvas  garsons,  mena  de  trot 
Pons  a  nostres  dioux  rabel 

t 

Per  lo  cremar  de  fuoc  cruel; 
4760    Lya,  pes  et  mans,  sus!  a  cop. 

[F°   131  V°]  PRIANT 

Anen  doncos,  au  paure  sot  ; 
Ben  te  gardaren  d'aver  fret  ! 

BRUYANT 

L'on  vos  lyaré  ung  pauc  estret. 
Sol  per  vos  gardar  d'uno  fuyto. 


516  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

RIFFLANT 

4765     Sa  chart  si  saré  ben  tuest  cuyto  ; 
'Tendre  el  es  et  delica. 

CLAUDIUS    PRESES 

Qu'au  myej  dal  fuoc  syo  aplica. 
Sa  raubo  non  prendre  pas  arno. 

Hic  ponatur, 
GRANDENT 

Cubren  son  coi^ps  eyros  de  garno, 
4770     Et  meten  y  forso  gavelz. 

PRIANT 

L'on  y  coyrio  ben  de  tortels. 
Escoto  quai  bruyno  meno, 

BRUYANT 

Per  pauc  de  solpre  qu'on  semeno, 
El  saré  tuest  ryma  et  frit. 

RIFFLANT 

4775    Veigno  eyros  aquel  son  Crist, 
Etlo  trayo  d'aquesto  flamo. 

[F°  132  r°]  GRANDENT 

Lo  fantastic  mûrir  plus  amo 
Que  renear  aquel  son  diou. 

DEUS  PATER 

0  Gabriel,  angel  myou, 
4780     Vay  t'en  a  Pons  tost  secorir, 
Et  aquel  fuoc  grant  estenguir. 
Gardo  lo  d'aver  lésion. 

GABRIEL 

Partent  de  l'haulto  mansion, 
Vauc  aquellos  flamos  sopir 
4785     Et  totalement  atupir, 

Qu'el  non  sentiré  affliction. 

Vadit  et  facial  prout  meliut  videhitur  fictorihus  ludi. 


ISTORIO  DE  SANCT  PO^CZ  Ô47 

PRIANT 

Aponcho! 

BRUYANT 

Furgono ! 

RIFFLANT 

Garson, 
Es  possible  que  Pons  s'en  sailho  ? 

ORANDENT 

Leigno,  solpre,  gavelz  et  palho 
4790     Devon  far  fuoc,  a  mon  advis. 

PRIANT 

Merdo  en  ta  gollo  que  tant  ralho, 
[F"  132  v°J    Plustost  que  uno  bono  pernis  ! 

BRUYANT 

Sus,  mos  amys. 
Qu'on  se  trabalho. 

RIPFLANT 

4795  Fer  bon  advis. 

GRANDENT 

Sus,  mos  amjs. 


PRIANT 

Sen  assortis, 

Sj  djou  me  vailho. 

BRUYANT 

Sus,  mos  amys, 
4800  Qu'on  se  trabalho. 

RIFFLANT 

Qu'el  non  s'en  salho, 
ho  fais  palhart. 

GRANDENT 

Fer  qualo  raalho? 


548  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

PRIANT 

» 

Qu'el  non  s'en  salho. 

BRUYANT 

4805  Pas  uno  malho 

N'y  val  son  art. 

[F"    133  r"]  RIFFLANT 

Qu'el  non  s'en  salho, 
Lo  fais  palhart. 

GRANDENT 

Petito  part 
4810  Es  mays  huv  d'el. 

PRIANT 

Laysso  lo  a  part. 

BRUYANT 

Petito  part. 

RIFFLANT 

So  que  fuoc  art 
N'es  bon  ny  bel. 

GRANDENT 

4815  Petito  part 

Es  mays  huy  d'el. 

GABRIEL 

Diou  t'a  manda  secors  dal  cel. 
Lo  fuoc  te  vauc  amortir  eyro  ; 
En  ton  corps  non  auré  cremeyro. 
4820     Ta  chart  saré  si  blanche  et  pallo 
Que  si  salhesso  d'uno  sallo 
Entapissa  de  belles  flors. 

TI'ic  sopita  flama,  ornntnoque  if/ne  extincto,  exeai  Pondus  in  sua 
propria  forma,  non  lirjatus,  sed  vestihus  (i)ustis. 

[F"  133  vo]  s.  PONS 

0  eternal  Diou  glorioux, 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  549 

Gracios  te  rendoc  imortalos, 

4825     Puisque  per  ton  divin  secors 

Me  soy  salhi  de  fiamos  tallos. 

Ad  Claudiuin  preiidem. 

Eyros  cognoys  tas  obros  malos, 
Et  cesse  ormays  ta  fellonio 
Ton  cogitât,  affections  totales, 
4830     Ont  tu  prenes  tal  fantasio. 

CLAUDIUS   PRESES 

Osta,  esta  !  Mena  lo  vio  ; 
Ana  lo  en  preyson  lojar  : 
Que  portoc  grant  malencolio. 
N'y  donen  a  heure  ny  manjar. 

PRIANT 

4835    Or,  sus,  donquos  ;  anen  cojar. 
Vos  soparé  uno  autro  fes. 
En  preyson  chai  que  vos  entres, 
Et  sabé  vos?  Sens  trop  sonjar. 

Percutit. 

BRUYANT 

Eyso  el  auré  per  rojar. 
4840     Saboc  qu'el  l'arao  de  nature. 

RIFFLANT 

Miser  créature, 
Pren  pieta  de  tu  ; 
Laysso  ta  culture. 
Non  sares  batu. 

[F°    135  r"]  GRANDENT 

4845  Baston  ou  festu 

Es  sa  nuyrituro. 

Percutit . 
s.   PONS 

Perqué  me  bâté, 
Miserablo  gent  ? 


550  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

Lo  trenc  que  tené 
4850  N'es  nj  bon  ny  gent. 

FRYANT 

Pauret  indigent, 
Vos  vos  debaté  ! 

Pcrcuttt. 
Hee!  Sufré,  sufré  ! 

BRUYANT 

Pâté,  pâté  ! 
Percuta. 

4855     D'eylens  saré  vos  lo  régent. 

Intrat  carceres,  et  redeunt  domum. 

RIFFLANT 

Qui  vivo?Qui? 

GRANDENT 

Lo  président. 
Et  aussi  tos  sos  bons  volhens. 

PRIANT 

Seignor,  l'aven  reclus  eylens, 
En  la  maniero  acostuma. 

[F"  135  v°]  Hic  Glaudius  alloquitur  Anabium 

accessorem. 

CLAUDIUS   PRESES 

4860     Que  vos  semblo  del  fach  passa? 
L'es  neccessari  que  on  j  veilho. 

ANABIUS  ACCESSOR 

S'es  ung  fach  de  très  grant  merveilho, 
Et  comotion  de  tôt  lo  luoc, 
S'en  salhir  d'ung  si  aspre  fuoc, 
4865     Sens  qu'el  agues  ges  de  lesuro 
Et  tant  venuste  de  figuro 
Que  si  salhesso  d'ung  jardin  ! 


■ii 


TSTORIO  DE  SANCT  PONCZ  551 

Mas,  per  donar  a  l'obro  fin, 

Si  bon  vos  semblo,  mandaré 
4870     Als  imperours,  et  si  faré 

L'exposition  de  tôt  lo  fach, 

Tôt  quant  avé  ny  dich  ny  fach, 

Cossint  son  corps  es  indura, 

Et  quantosmals  a  endura. 
4875     Pensoc  qu'elles  remandareu 

Tôt  se  que  d'el  far  nos  deven  : 

Vella  ma  petite  oppinion. 

CLAUmUS   PRESES 

Vostre  prepaux  si  es  fort  bon  ; 
Eyssintos  far  es  convenable. 

Vadat  Glaudius  ad  litteras  scribendas. 

PRIMUS    DE    CIMELLA 

4880     0  fach  mot  grant  espavantable, 
[F"  136  r°]   Quant  Pons  si  es  si  eyssapa! 

SECUNDUS    DE    CIMELLA 

Espavantable  et  redobtable, 
Salhir  d'un^  ta)  fuoc  ensolpra. 

Et  hoc  intellige  de  tribus  xpistianis  qui  kospicio  reper[i]erant 
Poncium  et  Valerium. 

TERCIUS  DE    CIMELLA 

Diou  lo  vueilho,  per  sa  bonta, 
4885     Rellevar  de  tallo  miserio. 

PRIMUS   GENTILIS  DE  CIMELLA 

So  es  déjà  la  tercio  ferio 

Que  Pons,  certos,  la  passa  belle. 

SECUNDUS   GENTILIS 

Aspro  chauso  et  mort  crudello. 
Et  de  tôt  salhir  sanoment. 

TERCIUS   GENTILIS 

4890     Lo  me  desplay  véritablement 


5M  ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ 

De  l'aver  jamays  accusa. 

QUARTUS  GENTILIS 

Per  Apolin,  si  fos  ausa, 
Lo  butariouc  foro  preyson  ; 
Mas  la  cort  si  es  tant  rusa, 
4895     Que  se  quesar  es  la  seson. 

CLAUDIUS  PRESES 

Vay  say,  Briifault,  malvas  garson  ; 
A  Romo  prest  te  chai  anar 
Et  aquestos  letros  portar 
[F*  136  V]  A  la  très  haulto  seignorio, 

Accipiaf  litteras  cum  reverencia. 

JÎRIFFAULT,  lest. 

4900    Seignor,  dont  soy  eyro  en  vio, 
Ambe  honor  et  reverencio. 
Vadit  Romain. 

VALLERI 

0  Diou,  increa  potencio, 
Sommo  et  inefablo  sapiencio, 
Eterno  et  divino  excencio, 

4905    Toto  bonta,  haulto  excelencio 
De  tôt  factor; 
Sobeyran  ben  et  creator, 
D'humanita  lo  redemptor, 
Des  sanctz  et  des  justz  protector, 

4910    De  tos  servitors  amator; 
Per  ta  clemencio, 
Dono  a  mon  naestre  patiencio, 
Ton  servitor  plen  d'inoscencio, 
Empreysona  ambe  indigencio, 

4915     Tracta  per  grando  violencio, 
0  plasmator  ! 

BRIFFAULT,  Ust. 

De  par  de  Glaudiou,  monseignor, 
Aquestos  lettros  you  vos  portoc. 


ISTORIO  DE  SANCT  PONCZ  553 

Dedins  novellos  you  vos  aportoc 
4920    De  Pons,  vostre  grant  senatot. 

[F"  137  r"]     Valerianus  imperator  légat  lifteras;  et  hec  est  forma. 

VALERIANUS  liMPERATOR 

Claudouc,  lo  petit  servitor,  a  sus  très  Jic^ilz  mestres  et  seignors, 
salut. 

liecebuus  honorabloment  ooslros  letlros,  entendu  vostro  oppi- 
nion  et  sancto  volunla,  insequent  vostres  comandamens,  ay  exorla 
et  orta,  conseilha,  prea  et  requist  Pons,  vostre  senalor,  desa- 
c*'i/iar  et  honor  donar  et  portar  als  di'oux,  como  a  far  es  entengu. 
Eysso  de  far  a  contendu.  Debatu,  en  reh  n'a  fach  lo  contengu  de 
vostre  salubre  mandament ;  ont  you  veritabloment  volent  lo 
chastiar  aucunoment,  veyent  quero  inobedient  aulx  manda- 
mens,  fg  aprcstar  divers  tormens  :  leculeon,  cardos  et  ponchos 
de  ferre,  et  puis  me  fi  aussi  anar  querre  verges  et  foycliz  de 
nervy  thaurin,  cardos  de  bon  char be  fin,  et  ferrassous  d'artificial 
fuoc.  Et  quant  exhibi  fosec  al  luoc  et  extendu  al  supli'ci,  l'ecu- 
leon  et  tôt  Vartifici,  ambe  estrepit  et  tremor,  tombée  tôt  et  el, 
senso  maculo  denguno^,  eschapec  ;  [F"  137  v°]  dont  forouc  ben 
esbay.  Apres,  you  apperceby  que  dos  venours,  sus  las  montaignos 
de  la  Dalmasso  istant,  sobre  lor  grant  chasso,  dos  orses  de 
grando  autor  et  grossor  avion  près  el  mena  a  noslro  terro.  Pen- 
sant you  far  ly  grando  guerro  et  V esterminar  d'aquest  monde,  lo 
fie  menar  en  ung  luoc  imonde,  et  lo  fy  mettre  al  myey  des  dos 
orses,  affin  que  lo  mangesson  et  que  non  pas  los  os  layssesson; 
et  quant  el  foc  al  myey  mes,  lo  leysseron  senso  mal  et  mangeron 
los  dos  venours  que  los  avion  conduch  a  so  far;  dont  me  pensy 
desesperar.  Puis,  l'ay  may s  examina;  vist  ay  qu'el  a  persévéra 
en  sa  premiero  affection,  como  yra  et  fort  fellon;  ung  grant 
fuoc  ay  fach  constitui  et  si  l'ay  fach  mètre  al  myey.  Non  saboc 
per  quai  art,  adjutori  ou  enchantanient,  dal  fuoc  s'en  es  salhi 
sanoment,  so  que  cent  homes  n'aurion  fach  ;  dont  soy  esbay  so- 
hre  aquest  fach,  car  auta  ben  toto  la  cita  es  quasi  comoguo  et 
incita  per  las  chausos  Ja  precedens.  Plasso-vos  donc,  como  so 
myeys  entendens,  remandar  so  qu'en  deven  far.  Et  nos,  como 
bon  servitor  et  vassal,  impleren  vostre  redobta  comandament. 
(A  suivre.)  P.  Guillaume. 

1  Ms.  dengino. 


C0NTES  POPULAIRES 

DU    LANGUEDOC 
(Suite*) 


La  Sourcieiro  ' 

Un  cop  i  aviô,  à  Narbouno,  uno  filho  belo  coumo  un  astre. 

le  disien  per  escais  la  belo  planto  dal  faubourg,  perso  que 
demouravo  foro  lous  baris,  à  las  teulieiros,  debés  la  porto  de 
Perpigna. 

Toutis  lous  goujats  la  demandavoun  en  mariage  ;  elo  ne 
vouliù  pas  cap  :  «  Soui  trop  jouve,  —  respoundiè  à  toutis,  — 
))per  me  marida;  ei  pas  encaro  vingt  ans,  re  nou  presse.» 

Un  jour,  venguet  dins  Narbouno  un  jouin'home  riche,  poulit 
e  de  bouno  familho,  qu'aviô  ausit  parla  de  la  flour  de  la  vilo. 
Entre  se  vèire,  s'agraderoun  e  se  marideroun. 


La  Sorcière 

11  était  uae  fois,  à  Narbonne,  une  fille  belle  comme  un  astre.  On 
l'avait  surnommée  la  belle  fille  du  faubourg,  parce  qu'elle  demeurait 
hors  des  remparts,  aux.  tuileries,  près  de  la  porte  de  Perpignan, 

Tous  les  jeunes  gens  la  demandaient  en  mariage  ;  elle  les  refusait 
tous  :  — «  Je  suis  encore  trop  jeune,  —  leur  disait-elle,  —  pour  me 
»  marier;  je  n'ai  pas  encore  vingt  ans,  rien  ne  presse.  » 

Un  jour,  il  arriva  à  Narbonne  un  jeune  homme  riche,  beau  et  -de 
bonne  famille,  qui  avait  entendu  parler  de  la  fleur  de  la  ville.  Aussi- 
tôt qu'ils  se  virent,  ils  se  convinrent  et  se  marièrent. 

Chaque  nuit,  quand  le  marié  se  réveillait,  il  se  trouvait  tout  seul 
dans  le  lit. 

«  —  Mais  où  vas-tu  donc?.  .  .  .  Pourquoi  chaque  nuit  quittes-tu  le 
..  lit?... 

'  Voir  les  fasc.  d'avril,. juillet  et  septembre  188."). 

^  Ce  coDle  a  été  recueilli  à  iNarboane  par  M.  le  docteur  Guibaud. 


LA  SODRCIEIRO  555 

Cado  «eit,  quan  lou  novi  s'arrevelhavo,  s'atroubavo  tout 
soûl  (lins  lou  leit. 

«  — Maiount  vas?. .  .Perque  cado  neit  quites  lou  leit?. . . 

»  —  Sioi  sounambulo  de  naissenso  :  me  lèvi,  m'en  vau,  sens 
»  savé  so  que  fau.  » 

Lou  novi  se  mesfisavo  d'aquelos  paraulos;  tabès  s'ero  avi- 
sât qu'aviô  lou  som  pus  dur  que  davant  se  marida,  e  b'atri- 
buavo  à  un  abeurage  que  sa  femno  i  fasiè  prene  cado  souer, 
avant  d'ana  al  leit. 

Mais  so  qu'i  dounavo  mai  à  pensa,  ero  que  jamai  l'aviô  visto 
manja;  al  repais,  beviù  un  veire  d'aigo,  apei  se  curavo  las 
dents. 

»  —  Vos  uno  alo  de  perdigal?. . . 

» — Merci,  voli  pas  beure  qu'un  veire  d'aigo.w 

E  praco,  ero  grasso  e  fresco. 

(( — Coussi  tu  podes  fa  d'estre  ta  gaiilardo  sens  manja 
»  brico?. . . 

»  — Aco's  ma  pourtado  ;  ei  toujour  viscut  atal. 

»  —  Aco's  pas  natural,  —  pensavo  lou  nouvel  maridat,  — 
»  aqui  proche  d'un  mes  que  sion  ensem,  e  que  nou   beu  que 


»  —  Je  suis  somnambule  de  naissance:  je  me  lève,  je  m'en  vais, 
»  sans  savoir  ce  que  je  fais.  » 

Le  marié  se  méfiait  de  ces  paroles  ;  déjà  il  s'était  aperçu  qu'il  avait 
le  sommeil  plus  profond  qu'avant  son  mariage,  et  il  attribuait  cela 
à  un  breuvage  que  sa  femme  lui  faisait  prendre  chaque  soir  avant 
de  se  coucher. 

Mais  ce  qui  lui  donnait  le  plus  à  réfléchir,  c'est  que  jamais  il  ne 
l'avait  vue  manger  ;  aux  repas,  elle  buvait  un  verre  d'eau,  puis  elle 
se  curait  les  dents. 

((  —  Veux-tu  une  aile  de  perdrix?. . . 

»  —  Merci,  je  ne  veux  boire  qu'un  verre  d'eau.» 

Et  pourtant  elle  était  grasse  et  fraîche. 

«  —  Comment  peux-tu  faire  pour  être  si  bien  portante,  sans  rieu 
»  manger?. . . 

»  —  C'est  mon  tempérament;  j'ai  toujours  vécu  ainsi. 

»  —  Cela  n'est  pas  naturel, —  se  disait  le  nouveau  marié,  —  voilà 
»  près  d'un  mois  que  nous  vivons  ensemble,  et  quelle  ne  boit  que  de 


556  LA  SOURCIEIRO 

»  d'aigo  clareto;  digus  poiulriô  tene  à-n-aquelo  vido:  me  la 
»  caldi'o  linta.  » 

L'autro  neit,  quand  sa  femno  i  dounet  lou  goubelet,  coumo 
aviô  coustumo,  faguet  semblant  de  beure  e  escampet  so  que 
i  aviô  dedins,  sens  que  s'en  avisesse. 

Van  al  leit;  lafemno  i  fa  sas  manganos,  toujour  que  mai, 
El  i  dits  :  «  Ei  pla  som;  droumiguen. 

» —  Droumiguen»,  respoundet  la  femno. 

L'iiome  faguet  semblant  de  droumi,  et  se  metet  à  rounca 
que  fasiô  brounzina  las  vitros. 

Al  cap  d'un  pauc,  lafemno  lou  crido: 

a  —  Ei!...drouraisses?... 

»  —  Aben  ! . . .  Ahen  ! ...  » 

Lou  brandits: 

(( —  Ahen!... Ahen  ! .  ■. 

» — Acobapla,  —  se  diguet  la  femno, — droumits  coumo  un 
))  souc;  podi  parti.  » 

Alabets  se  levo,  se  vestits  à  la  lesto. 

Tout  en  louncant,  soun  home  la  iintavo. 


i)  l'eau  claire;  personne  ne  pourrait  tenir  à  cette  vie  :  il  me  la  faudra 
»  surveiller.  » 

La  nuit  suivante,  quand  sa  femme  lui  donna  le  gobelet,  comme  à 
l'ordinaire,  il  fit  semblant  de  boire  et  jeta  ce  qu'il  contenait,  sans 
qu'elle  s'en  aperçût. 

Ils  se  coucbeat;  la  femme  le  câline  plus  que  jamais.  Il  lui  dit  : 
«  J'ai  bien  sommeil;  dormons. 

»  —  Dormons  »,  répond  la  femme. 

Il  fait  semblant  de  dormir,  et  se  met  à  ronfler  si  fort  qu'il  faisait 
trembler  les  vitres. 

Au  bout  d'un  instant,  sa  femme  l'appelle  : 

«  —  Hein  ! . , . .  dors-tu?. . . 

»  — Ahen!...  Ahen  !...  » 

Elle  le  secoue  : 

((  —  Ahen  ! . . .  Ahen  ! . . . 

»  —  Cela  va  bien,  —  se  dit  la  femme  ;  —  il  dort  comme  un  tronc 
»  d'arbre  :  je  peux  partir,  » 

Aussitôt  elle  se  lève  et  s'habille  rapidement. 

Tout  en  ronflant,  son  mari  l'épiait. 


LA  SOURCIKIRO  557 

Aquelo  ta  poulido  femno,  qui   b'  auriù  dit?  ero   uiio  sour- 
cieiro. 

Se  met  d'escarabarlous  sus  iino  escougo,  c  dits: 

«  Pé  sus  fielho 
»  Passo  per  la  cheminieiro .  » 

Gar-aquis  ma  femno  foundudo. 

L'home  passo  vite  sasbralhos  e  Tencoutseguis. 

Lou  cementeri,  coumo  sabets,  es  pas  pla  leng  de  las  teuliei- 
ros.  L'home  s'ero  pla  couitat  ;  veget  sa  femno  que  s'encaminavo 
dal  constat  dal  cementeri  :  «Ount  pot  ana  ma  femno  d'aquesto 
houro?, . . » 

Alabets  la  vei  diutra  dins  lou  cementeri. 

Se  met  à  courre  perl'agandi;  dintro  en  s'amagant  e  vei 
uno  vingteno  de  sourcieiros  que  fasion  la  roundo  à  Tentour 
d'uno  toumbo  fresco. 

AI  cap  d'un  pauc,  caduno  pren  un  os,  qui  de  la  cambo,qui 
dal  bras;  l'alumoun  e  tourna-mai  fan  la  roundo  en  urlant. 

Lous  pelses  se  dressavoun  a-n-aquel  paure  home. 


Cette  si  jolie  femme,  qui  l'aurait  dit?  était  une  sorcière. 
Elle  se  mit  à  CcilifourchoQ  sur  un  balai,  et  dit: 

«  Pied  ?ur  feuille 
»  Passe  par  la  cheminée.  » 

Et  voilà  ma  femme  disparue. 

Le  mari  met  vite  ses  chausses  et  la  poursuit. 

Le  cimetière,  comme  vous  le  savez,  n'est  pas  loin  des  tuileries. 
L'homme  s'était  hâté  ;  il  voit  sa  femme  s'acheminer  du  côté  du  cime- 
tière. 

«  Où  peut-elle  aller  à  cette  heure  ?. . .  » 

Au  même  instant,  il  la  voit  entrer  dans  le  Cimetière . 

11  se  met  à  courir  pour  la  rejoindre  ;  il  entre  en  se  dissimulant 
et  voit  une  vingtaine  de  sorcières  qui  faisaient  la  ronde  autour  d'une 
tombe  fraîchement  creusée. 

Au  bout  de  quelques  instants,  chacune  d'elles  prend  un  os,  Tune 
une  jambe,  l'autre  un  bras  ;  elles  l'allument  et  recommencent  à 
faire  la  ronde  en  poussant  des  hurlements. 

Les  cheveux  du  pauvre  homme  se  dressaient. 

36 


558  LA  SOURCIEIRO 

Mais  encaro  n'ero  pas  res. 

Quan  ageroun  prou  sautât  e  prou  ganidat,  se  meteroun  à 
gratipautos,  e  ame  sas  ounglos  desentarrorouu  lou  mort. 

Quan  Tageroun  sourtit,  se  lou  disputeroun,  l'estriperoun  en 
luilo  boucis  e  devourigueroun  aquelo  car  de  mort. 

Lou  paure  home  i  pousquet  pas  pus  tene,  sentissiô  sas  cars 
([ue  se  galinavoun;  s'entournet  à  soun  houstal  e  se  tournet 
mètre  âl  leit  ame  soun  cor  pie  de  laguis. 

Très  houros  apei,  enten  veni  sa  femno  ;  fa  semblant  de 
rounca,  e  elo  se  tourno  coucha  à  son  constat,  en  vegent  que 
droumissiô. 

Al  jour,  riiome  se  levo  coumo  se  res  noun  ero  e  dits  pas  res. 
Quand  vonguet  lou  dinna,  sa  femno,  coumo  toujour,  diguet 
qu'aviô  pas  talent;  buguet  un  veire  d'aigo  e  se  curet  las  dents. 

«  —  Ai  1  couquino!  miseraplo!  —i  diguet  soun  home,  — m'es- 
»  touni  pas  qu'âges  pas  talent:  t'en  vas  cado  neit  manja  de 
B  car  de  calabre  al  cementeri  ! 

»  —Qui  te  ba  dit? 

»  —  leu,  que  b'  ei  vist  aneit  passade. 


Mais  ce  n'était  encore  rien. 

Quand  elles  eurent  assez  sauté  et  assez  crié,  elles  s'accroupirent, 
et  avec  leurs  ongles  déterrèrent  le  mort. 

Quand  elles  l'eurent  sorti  de  terre,  elles  se  le  disputèrent,  le  dé- 
chirèrent en  mille  morceaux  et  dévorèrent  la  chair  du  cadavre. 

Le  pauvre  homme  n'y  "put  pas  tenir  plus  longtemps,  il  avait  la 
chair  de  poule  ;  il  retourna  chez  lui  et  se  remit  au  lit  avec  le  cœur 
brisé . 

Trois  heures  après,  la  femme  revint  ;  il  fit  semblant  de  dormir;  elle 
se  remit  à  son  coté,  croyant  qu'il  dormait  toujours. 

Au  jour  naissant,  l'homme  se  leva  comme  à  l'ordinaire  et  ne  laissa 
rien  paraître. 

Quand  vint  le  repas,  sa  femme,  comme  toujours,  lui  dit  qu'elle 
n'avait  pas  faim;  elle  but  un  verre  d'eau  et  se  cura  les  dents. 

«  —  Ah  !  coquine  !  misérable  !  — lui  dit  son  mari,  — je  ne  suis  point 
»  étonné  que  tu  n'aies  pas  faim  :  tu  vas  chaque  nuit  manger  de  la 
»  chair  de  cadavre  au  cimetière  ! 

))  —  Qui  te  l'a  dit? 

»  —  Moi,  qui  l'ai  vu  la  nuit  dernière. 


LA.    SOURCIEIRO  559 

»  —  B'  as  vist!  Ba  veiras  pas  pus  ame  tous  els  d'home.» 

E  sul  cop  i  jito  dessus  uno  aigo  qu'aviô  dins  uno  flolo,  en- 
t-i  diguent:  «  Que  siogues  gous!  » 

Gar-aquis  que  lou  paure  home  es  sul  cop  sanjat  en  bestio. 
Sa  feinno  arrapo  l'escougo,  c  a  grands  cops  i\o  manche  lou 
fico  deforo. 

Praco  que  lou  paure  home  sioguesse  sanjat  en  gous,  nou 
restavo  pus  d'avé  soun  sen  d'home  ;  disiô  en  el  mêmes  :  «  Qun 
«malur  d'avé  espousat  aquelo  couquino  de  sourcieiro  !  A  qun 
»  estât  miseraple  m'a  mes!  Ount  anirei?  De  que  farei?  » 

S'en  va  CD  de  sous  amits,  de  sous  vesits;  digus  lou  cou- 
neissiô  pas.  ^ 

Aviô  bel  i  revira  la  cougo;  un  i  dounavo  un  cop  de  ped, 
l'autre  un  cop  de  bastou  ;  las  femnos,  cops  d'engraniciros  ; 
toutis  i  dision:  «0!  tiré,  perdut  !  » 

De  tout  lou  jour  n'aviô  pas  manjat;  aviô  be  trouvât  demest 
las  rougnos  quauque  bouci  d'os  ;  mai,  coumo  ero  un  pichot  gous- 
set, lous  autres  gousses  lou  moussigavoun  e  iprenionl'os. 

Batut,  roussat,  afamat,  pus  qu'âme  un   pauc  d'aigo  claro 


»  —  Tu  l'as  vu!  Tu  ne  le  verras  plus  avec  tes  yeux  d'homme.  » 

Aussitôt  elle  jette  sur  lui  une  eau  qu'elle  avait  dans  une  fiole,  en 
lui  disant  :«  Que  tu  soies  chien!» 

Voilà  que  le  pauvre  homme  est  aussitôt  changé  eu  bête. 

La  femme  saisit  le  balai,  et  à  grands  coups  de  manche  le  met  de- 
hors . 

Bien  que  le  pauvre  homme  fût  transformé  en  chien,  il  avait  con- 
servé son  iutelligence  d'homme;  il  disait  en  lui-même:  «  Quel  mal- 
»  heur  d'avoir  épousé  cette  coquine  de  sorcière!  A  quel  état  misé- 
»  rable  elle  m'a  réduit!  Où  irai-je?  Que  ferai-je?  » 

Il  s'en  va  chez  ses  amis,  chez  ses  voisins  ;  personne  ne  le  reconnut. 

11  avait  beau  remuer  la  queue,  l'un  lui  donnait  un  coup  de  pied, 
l'autre  un  coup  de  bâton  ;  les  femmes,  des  coups  de  balai  ;  tous  lui 
disaient  :  «  Va-t'en,  chien  perdu  !  » 

De  tout  le  jour  il  n'avait  rien  mangé;  il  avait  bien  trouvé  parmi 
les  ordures  quelques  morceaux,  d'os  ;  mais,  comme  il  était  petit,  les 
autres  chiens  le  mordaient  et  lui  prenaient  l'os. 

Battu,  rossé,  affamé,  n'ayant  qu'un  peu  d'eau  claire  dans  le  ventre, 
il  arriva  devant  la  porte  du  boulanger.   La  boulangère  le  vit  ;  elle 


560  LA  SOURCIEIRO 

dins  lou  ventre,  arrivo  davant  la  porto  dal  boulangier.  Labou- 
langieiro  lou  vei;  dits:  «  Qun  poulit  gousset!  Ne  vouldriô  pla 
un  coumo  aco  per  garda  Thoustal.  » 

Lou  eousset  Taregardavo  amistousoment  e  reviravo  la 
cougo  à  se  la  degoulha. 

c(  — Veni,  veni,  cagnot,  toun  mestre  t'a  perdut;  beleu  i'a 
»loungtemps  qu'as  pas  manjat  ?  » 

I  dounetde  pa,  qu'  engloutissiô  ta  leu  qu'i  tustavo  sous  pots. 

((  —  Quno  talent,  carlinot!  I  deu  ave  pla  temps  qu'as  pas 
«manjat.  Té!  countento-te  ;  te  gardarei  ame  ieu,  se  digus  te 
Dreclamo  pas.  » 

Jujas  se  lou  gousset  ero  counten*  d'avé  trouvât  uno  tant 
bouno  mestro. 

Lou  carlin,  qu'aviô  la  counouissenso  d'un  home  e  que  n'aviô 
que  la  pel  de  gous,  ero  atenciounat  à  toutes  las  gens  de 
l'houstal.  Quand  la  un  disiô  à  l'autre  :  «  Tanco  la  porto  »,  lou 
gous  se  couitavo  de  la  tança. 

Un  jour,  en  venguent  croumpa  de  pa,  quauqus  ballet  à  la 
boulangieiro  un  escutde  très  francs  qu'ero  falso  mounedo;  en 
l'ausiguent  tinda,  lou  refuset.  La  pratico  sousteniô  qu'ero  bou. 


dit  :  «  Quel  joli  petit  chien!  J'en  voudrais  bien  un  pareil  pour  garder 
»  la  maison.  » 

Le  petit  chien  la  regardait  amicalement  et  remuait  la  queue  à  se 
l'arracher. 

a — Viens,  viens,  petit  chien,  ton  maître  t'a  perdu;  il  y  a  peut-être 
»  longtemps  que  tu  n'as  mangé?»  Elle  lui  donna  du  pain, qu'il  avala 
avec  avidité. 

))  —  Quelle  faim  !  Pauvre  bête,  il  doit  y  avoir  longtemps  que  tu 
»  n'as  mangé.  Tiens,  apaise  ta  faim  ;  je  te  garderai  avec  moi,  si  per- 
»  sonne  ne  te  réclame.» 

Vous  pensez  si  le  petit  chien  était  content  d'avoir  trouvé  une  si 
bonne  maîtresse. 

Ce  carlin,  qui  avait  l'intelligence  d'un  homme  et  n'avait  du  chien 
que  la  peau,  était  prévenant  pour  tous  les  gens  de  la  maison.  Lors: 
que  lun  disait  à  l'autre  :  «Ferme  la  porte  »,  le  chien  se  hâtait  de  la 
fermer. 

Un  jour,  en  venant  acheter  du  pain,  quelqu'un  donna  en  payement  à 
la  boulangère  un  écu  de  trois  francs  en  fausse  monnaie;  en  l'entendant 


I 


LA    SOURCIEIRO  561 

«  —  Vejam, —  dignet  la  bonlanjrieiro,  : —  monn  gous  ba  va 
»  décida.  » 

Souno  lou  gous,  i  présente  l'escut  e  li  dits  de  fa  sinne  s'ero 
bou  ou  s'ero  fais. 

Lou  gous,  amé  sapato,  lou  viro,  lou  reviro  e  fa  sinne  que 
nou,  en  brandiguent  sas  aurelhos. 

Praqui  passavo  uno  femno  vielho,  vielho,  touto  arrucado, 
touto  rupado;  aviô  pas  cap  de  dents,  souu  nas  i  toucavo  sa 
barbo  ;  la  voués  i  trambolavo  coumo  à  uno  crabo.  Aquelo 
vielho  dits:  «Es  pas  poussiple  qu'aquel  gous  siogue  uno  bes- 
»tio;  sara  (jualquo  creaturo  liumano  ensourcelado.  » 

Alabets,  tiro  uno  fiolo  de  soun  davantal  e  dits:  «  Se  tu  n'es 
»  pas  uno  bestio,  que  siogues  uno  creaturo  à  notro  ressem- 
»  blanso,  tourno  veni  coumo  siots  estât.» 

Et  jito  sus  el  so  que  i  aviô  dins  la  fiolo. 

Sul  cop,  lou  gous  si  sanjo  en  un  bel  home;  se  met  as  gi- 
nouls  de  la  vielho,  en  la  remerciant  de  Tavé  délivrât. 

0 — Aco's  pas  tout,  —  i  dits  la  vielho,  —  praco  que  vostro 
»  femno  vous  pot  rencountra  e  vous  jita  un  autre  sort;  pre- 
»  nés  aquesto  fiolo,  amagats-vous,  e,  se  la  vesets  lou  prumié, 


tinter,  elle  refusa  de  le  recevoir.  La  pratique  soutenait  qu'il  était  bon. 

«  —  Voyons,  —  dit  la  boulangère,  — mon  chien  va  en  juger.  » 

Elle  appelle  le  chien,  lui  montre  l'écu  et  lui  dit  do  faire  signe  s'il 
était  bon  ou  s'il  était  faux. 

Le  chien,  avec  sa  patte,  le  tourne,  le  retourne,  et  fait  signe  que 
non,  en  secouant  ses  oreilles. 

Par  là  passait  une  femme  vieille,  vieille,  toute  courbée,  toute  ri- 
dée; elle  n'avait  plus  de  dents,  son  nez  touchait  son  menton;  sa  voix 
tremblotait  comme  le  bêlement  des  chèvres.  Cette  vieille  dit:  «  11  n'est 
»  pas  possible  que  ce  chien  soit  une  bête;  c'est  plutôt  quelque  créa- 
))  ture  humaine  ensorcelée.  >■> 

Alors  elle  tire  une  fiole  de  son  tablier  et  dit  :  «  Si  tu  n'es  pas  une 
»  bête,  si  tu  es  une  créature  à  notre  ressemblance,  redeviens  comme 
»  tu  étais  autrefois  !  » 

Et  elle  jette  sur  lui  ce  que  contenait  la  fiole. 

Aussitôt  le  chien  se  change  en  un  bel  homme,  qui  se  met  aux  ge- 
noux de  la  vieille  en  la  remerciant  de  lavoir  délivié. 

"  —  Ce  n'est  pas  tout  encore, —  dit  la  \-ieille,  —  votre  femme  peut 


562  LA    SOURCIEIRO 

xjitats  i  (i'aquelo  ai^-o,  e,  coumo  olo  vous  a  fait,  cambia  lo  en 
»  bestio.  » 

L'iiome  sourtiguet  pas  de  tout  lou  jour;  à  miejo-neit,  anet 
à  sounlioustal  s'amaga  darnié  la  porto,  e,  quand  sa  fomno  ven- 
guet  tranquilloment  dal  sabbat,  raanja  car  dechrestia,  i  jitet 
Taigode  la  fiolo  en  diguent:  «  Quesiogues  cavalo!  » 

Sul  cop,  sa  femno  venguet  uno  bello  cavalo. 

Alabets  riiome  agafo  un  fouet,  i  fico  uno  ancado  ta  rette, 
que  la  laisset  per  morto. 

L'endema,  la  menet  à  soun  hort  per  vira  la  seigno,  e  cou- 
mandet  al  jardinié  de  pas  jamai  la  laissa  pausa. 

Dempei,  la  sourcieiro  sanjado  en  cavalo  servissiô  lou  mati 
per  arremassa  las  fangos,  lous  rousisses,  la  merdo  de  la  vilo  ; 
e  lou  souer,  viravo  la  seigno. 

Cric,  cric, 
Moun  couute  es  fiait. 

Cric,  crac, 
Moun  counte  es  acabat. 


»  vous  rencontrer  et  vous  jeter  un  autre  sort  ;  prenez  cette  fiole,  ca- 
»  chez-vous,  et,  si  vous  la  voyez  le  premier,  jetez-lui  de  cette  eau  et, 
»  ainsi  qu'elle  vous  l'a  fait,  changez-la  en  hôte.  » 

L'homme  se  cacha  tout  le  jour;  à  minuit,  il  alla  à  sa  maison,  se 
mit  derrière  la  porte,  et,  lorsque  sa  femme  revint  tranquillement  du 
sabbat  manger  de  la  chair  de  chrétien,  il  lui  jeta  l'eau  de  la  fiole  en 
disant  :  «  Que  tu  sois  cavale  !  » 

Aussitôt  sa  femme  devint  une  belle  cavale. 

Alors  l'homme  attrapa  un  fouot,  lui  donna  une  volée  de  coups  si 
fort,  qu'il  la  laissa  pour  morte. 

Le  lendemain,  il  la  mena  à  son  jardin  pour  tourner  la  roue  du 
puits,  et  ordonna  à  son  jardinier  de  ne  la  laisser  jamais  reposer. 

Depuis  ce  jour,  la  sorcière  changée  en  cavale  servait  le  matin  pour 
ramasser  les  boues,  les  ordures,  la  m. . . .  de  la  ville  ;  et  le  soir,  elle 
tournait  la  roue  du  puits. 

Cric,  cric, 
MoD  conte  est  fini. 

Cric,  crac, 
Mon  conte  est  achevé. 


LA.  SOURCIEIRO  563 


II 


I  avié  uno  sourcieiro  dinc  un  oustau.  Un  garsoun  l'ej-o 
anado  veire. 

Quand  sof^uefcper  s'en  ana, — l'houro  se  sarravo, —  lou  gar- 
soun s'enaiiavo  pas:«  Conmo  faras  pcr  lou  remanda?. . .  Lou 
»  eau  endourmi.  » 

E  piei  l'endourmiguet,  pas  mai  qu'aco. 

Mais  lou  garsoun,  que  fasié  Tendourmit  e  qu'ero  pas,  fasié 
bien  couraa  se  dourmié  ;  espinchet  coumo  cargavo  sas  pantou- 
flos  :  las  ounchet,  li  metet  à  soun  ped,  e  la  demisèlo  passet  per 
la  cheraineio. 

Lou  garsoun  se  dereveièt  e  diguet:  «  Fo  espéra  que  ven- 
Dgue.» 

Esperet  que  venguesse. 

Quand  venguet,  lou  garsoun  faguet  en  sorto  d'avedrc  si 
pantouflos  e  faguet  coumo  elo,  las  ounchet  ;  end'  aver  cargat 
li  pantouflos,  passet  per  la  chemineio. 


II 

Il  y  avait  une  sorcière  dans  une  maison.  Un  gai'çon  était  allé  la 
voir. 

Quand  elle  fut  pour  s'en  aller,  —  l'heure  [du  sabbat]  approchait, 
—  le  garçon  ne  s'en  allait  pas:  «Comment  ferai-je  pour  le  renvoyer? 
)i  11  faut  l'endormir.  » 

Et  elle  l'endormit,  pas  plus  que  cela. 

Mais  le  garçon,  qui  faisait  l'endormi  et  ne  l'était  pas,  faisait  bien 
comme  s"il  dormait  ;  il  l'épia  lorsqu'elle  mit  ses  pantoufles  :  elle  les 
oignit,  les  mita  ses  pieds,  et  la  demoiselle  passa  par  la  cheminée. 

Le  garçon  se  réveilla  et  dit  :  «  Il  faut  attendre  qu'elle  revienne.  » 

Il  attendit. 

Quand  elle  revint,  le  garçon  fit  on  sorte  d'avoir  ses  pantoufles  et 
fit  comme  elle,  il  les  oignit  ;  aussitôt  qu'il  eut  mis  les  pantoufles,  il 
passa  par  la  cheminée. 

'  Les  deux  fragments  suivants  ont  été  écrits  sous  la  dictée  d'une  vieille 
femme  illettrée,  à  St-Maurice-de-Casevieille.  par  M.  le  pasteur  Liebich. 


564  LA  SOURCIBIRO 

Fagiiet  lou  mémo  camin  que  li  sourcieiros  et  anet  toumba 
mémo  al  serre  de  las  mascos.  I  avié  pas  gen  d'erbo,  i  venié 
pas  ren. 

Quand  arrive!  alai,  toutos  Tacaresserou  :  quand  s'aviserou 
qu'ero  pas  masc,  dispareguerou  :  se  trouvet  tout  soûl. 


VII 


Un  oustau  qu'avié  de  soureieiros ;  mais  dirai  pas  lou 

noum:  ero  la  vielho  ***.  Seguet  malauto;  quand  seguet  per 
mouri,  demandet  soun  garsoun  per  ié  touca  la  man. 

Loun  garsoun  i  voulié  pas  baila  e  ie  bailet  lou  manche  de 
l'escoubo  ;  aquel  manche,  Tatraguet  ou  sou  et  danset  touto 
soulo,  l'escoubo,  al  mitan  de  la  cambro. 


Il  fit  le  même  chemin  que  les  sorcières  et  alla  tomber  à  la  colline 
même  des  sorcières.  Il  n'y  avait  point  d'herbe,  rien  n'y  poussait. 

Quand  il  arriva,  toutes  le  caressèrent;  quand  elles  s'aperçurent 
qu'il  n'était  pas  sorcier,  elles  disparurent  :  il  se  trouva  tout  seul. 


Vil 


11  y  avait  des  sorcières  dans  une  maison. .  .  ;  mais  je  n'en  dirai  pas 
le  nom:  c'était  la  vieille  •*'.Elle  fut  malade;  quand  elle  sentit  qu'elle 
allait  mourir,  elle  demanda  son  garçon  pour  lui  toucher  la  main. 

Le  garçon  ne  voulut  pas  la  lai  toucher  et  lui  donna  le  manche  du 
balai;  elle  le  jeta  par  terre,  et  le  balai  dansa  tout  seul  au  milieu  de 
la  chambre. 


LE  CARBOUNIER  565 


Le  Carbounier  ' 


Un  cop,  i  aviô  un  carbounier  que  dosempei  vingt  ans  fasiô 
carbou  dins  le  bosc  nègre.  A-n-aquel  mestiè  gagnavo  pos 
gaire;  manjavo  tougno  e  milhas  boulheire. 

Aquel  home  ero  maridat  ;  aviô  très  mainages,  atabé  soun 
paire  e  sa  maire. 

Un  jour,  le  rei  anec,  ande  loui  segnous  de  sa  cour,  à  la 
casso  dins  le  bosc.  Anavo  tant  vite  à  l'acousso  d'un  singla,  que 
perdec  lous  autris  cassaires  e  toumbec  dreit  la  cabano  del 
carbounier. 

Erount  dos  liouros  Taprès-mléjoun  ;  les  viéures  érount  res- 
tadis  déntre  lai  mas  das  autris  cassaires. 

Le  rei,  qu'aviô  talent,  demando  al  carbounier  si  a  pa? 

Le  carbounier  i  dits  :  «  Ei  tougno  dins  un  sac  e  milhas  bou- 
»  Iheire  que  faren  rousti;mais  saique  vous  nou  le  pouirés 
«manja. 


Le   Charbonnier 

Il  était  une  fois  un  charbonnier  lyn  depuis  vingt  ans  faisait  du 
charbon  dans  la  forêt  noire.  A  ce  métier,  il  ne  gagnait  guère  ;  il 
mangeait  du  pain  de  maïs  et  du  milhas. 

Ce  charbonnier  était  marié;  il  avait  trois  enfants,  avec  son  père 
et  sa  mère. 

Un  jour,  le  roi  alla,  avec  les  seigneurs  de  sa  cour,  à  la  chasse 
dans  la  forêt.  Il  allait  si  vite  à  la  poursuite  d'un  sanglier,  qu'il 
perdit  les  autres  chasseurs  et  arriva  devant  la  cabane  du  charbon- 
nier. 

Il  était  deux  heures  de  l'après-midi  ;  les  vivres  étaient  restés  entre 
les  mains  des  autres  chasseurs. 

Le  roi  avait  faim  ;  il  demanda  au  charbonnier  s'il  avait  du  pain. 

Le  charbonnier  lui  dit:  «  J"aidu  pain  de  maïs  dans  un  sac  et  du 
»  milhas  que  nous  ferons  rôtir  ;  mais  sans  doute  vous  ne  pourrez 
))  pas  manger  cela. 

1  Écrit  sous  la  dictée  de  J.-B.  Lambert,  à  Belesta  (Ariége). 


566  LE  CAKBOUNIER 

»  —  Quand  miëjoun  passo,  tout  pa  i  bou.  » 

Tout  dejunant,  i  demando  quant  de  tems  a  que  fasiô  carbou 
dins  aquel  bose. 

«  —  l'a  vingt  ans,  e  me  retiri  pos  que  la  neit  de  Nadal,  la 
»  que  disen  la  neit  de  la  fartori. 

»  —  Et  quant  gagnes  per  joun  ? 

»  —  Vingt  sôus. 

»  —  Coussi  li  despenses,  aquelis  vingt  sôus  ? 

)»  —  Cinq  que  mangi  cado  joun,  cinq  que  pagui  cado  joun, 
»  cinq  que  presti  cado  joun,  cinq  que  sabi  pos  ount  le  diaple 
»  passount. 

»  —  Moun  amie,  n'ei  pas  argent  dessus,  aquis  as  ma  taba- 
»  quièro  en  or;  dema  la  pourtaras,  perque  soun  pos  prou  sa- 
»  bent  perrespoundre  a-n-aquelo  questiéu:  me  dounaras  Fes- 
»  plicaciéu  de  so  que  me  dises.  » 

Le  rei  entend  souna  le  cor  de  casso  e  va  cap  i  cassaires, 
que  i  disoun  qu'avion  tuât  un  singla,  l'avion  cercat  de  per 
tout  caire,  eroun  pla  mourtificats  de  l'avé  pos  troubat. 

«  —  Devets  avé  pla  talent  ?  »  disoun  al  rei. 


»  —  Quand  midi  passe,  tout  pain  est  bon.  » 

Tout  en  déjeunant,  il  lui  demande  depuis  combien  de  temps  il 
faisait  du  charbon  dans  la  forêt. 

«  —  Il  y  a  vingt  ans,  et  je  ne  me  repose  que  la  nuit  de  Noël, 
»  celle  que  nous  appelons  la  nuit  de  bombaace. 

»  —  Et  combien  gagnes-tu  par  jour? 

»  —  Vingt  sous. 

»  —  Comment  les  dépenses-tu,  ces  vingt  sous? 

»  —  Cinq  que  je  niange  chaque  jour,  cinq  que  je  paye  chaque  jour, 
»  cinq  que  je  prête  chaque  jour,  cinq  que  je  ne  sais  où  diable  ils 
»  passent. 

»  —  Mon  ami,  je  n'ai  pas  d'argent  sur  moi,  voici  ma  tabatière  en 
))  or;  demain  tu  me  la  rapporteras,  parce  que  je  ne  suis  pas  assez 
»  savant  pour  répondre  à  ta  question  :  tu  me  donneras  l'explication 
»  de  ce  que  tu  viens  de  dire,  » 

Le  roi  entend  sonner  le  cor  de  chasse  et  va  droit  aux  chasseurs, 
qui  lui  disent  qu'ils  avaient  tué  un  sanglier,  l'avaient  cherché  de  tous 
côtés  et  étaient  bien  mortifiés  de  ne  l'avoir  poiut  trouvé. 

«  —  Vous  devez  avoir  bien  faim  ?  »  disent-ils  au  roi. 


LE  CARBOUNIER  567 

»  — Nani,  ei  rescountrat  carbounierque  m'a  dounattougno 
w  e  milhas  bouUieire  ;  ei  le  ventre  counio  uno  tino.  Aro  n'ei 
»  poi  le  tems  de  voui  douna  soun  récit;  mais  dema  le  faren 
»  veni,  le  faren  pla  dinna,  e  nous  dounara  razoù  de  l'esplica- 
»  ciéu  que  n'ei  pos  saput.  » 

L'endema,  mando  querre  le  carbounier  per  dinna  ande  el. 

Le  carbounier  pourtavo  la  tabaquièro  ;  le  rei  i  demande 
l'esplicaciéu  das  vingt  sous  que  ^^agnavo  cado  joun. 

Le  carbounier  i  dits  :«  Cinq  que  mangi  cado  joun,  cinq  que 
»pagui  cado  joun,  cinq  que  presti  cado  joun,  cinq  que  sabi 
»  pas  ount  le  diaple  passount.  » 

Le  rei  e  cap  de  la  cour  non  devignet  pos. 

Le  carbounier  alabets  i  diguec  :  «  Mangi  cinq  sôus  cado 
»  joun  ande  ma  familho  ;  cinq  sôus  que  pagui  cado  joun  à 
»  moun  paire  e  à  ma  maire,  que  m'an  nouirit  quand  eri  mai- 
»  naigp  ;  cinq  sôus  que  presti  cado  joun  as  mainages  que 
»  podoun  pos  travalha,  que  m'où  rendran  que  saran  grandis  ; 
»  e  licinq  sôus  que  savi  pos  ount  le  diaple  passount,  sount  que 
»  pagui  la  talho. 


»  —  Non,  j'ai  rencontré  ce  charbonnier  qui  m'a  donné  du  pain  et 
»  de  la  bouillie  de  maïs;  j'ai  le  ventre  comme  un  tonneau.  Mainte- 
«  nant  je  n'ai  pas  le  temps  de  vous  raconter  ce  qu'il  m'a  dit  ;  mais 
»  demain  nous  le  ferons  venir,  il  nous  donnera  l'explication  de  ce 
»  que  je  n'ai  pu  comprendre.  » 

Le  lendemain,  il  envoie  chercher  le  charbonnier  pour  dîner  avec  lui. 

Le  charbonnier  portait  la  tabatière;  le  roi  lui  demande  l'explica- 
tion des  vingt  sous  dépensés  chaque  jour. 

Le  charbonnier  lui  dit:  «  Cinq  que  je  mange  chaque  jour,  cinq  que 
»  je  paye  chaque  jour,  cinq  que  je  prête  chaque  jour,  cinq  que  je  ne 
»  sais  où  diable  ils  passent.  » 

Le  roi  ni  personne  de  la  cour  ne  devina. 

Le  charbonnier  alors  leur  dit  :  «  Cinq  sous  que  je  mange  chaque 
>)  jour  avec  ma  famille  ;  cinq  sous  que  je  paye  chaque  jour  à  mon 
»  père  et  à  ma  mère,  qui  m'ont  nourri  quand  j'étais  enfant;  cinq  sous 
»  que  je  prête  chaque  jour  à  mes  enfants  qui  ne  peuvent  pas  travail- 
»  1er,  et  qui  me  les  rendront  quand  ils  seront  grands,  et  les  cinq  sous 
»  qui  passent  je  ne  sais  où  diable,  c'est  pour  payer  la  taille . 


5Ô8  JORDI 

»  —  Moun  amie,  te  romerci  pla  de  m'avé  dounat  quand  aviô 
»  talent;  per  recoumpeuso,  te  douai  milo  escuts  e  pagaras  pos 
»  pus  la  talho.  » 

Le  carbounier  remerciée  le  rei  e  s'entournec  à  sa  cabano. 


Jordi ' 


Un  cop  i  aviô  un  fouchaire  que  s'anet  lougà. 

Lou  mestre  i  garniguet  la  saqueto  el'anet  acoumpagna  à 
uno  vigno  de  cinq  journals. 

Quand  lou  mestre  fousquet  partit,  Jordi  destroupet  la  sa- 
queto ;  tastet  lou  pa  e  lou  vi,  e  diguet: 

«  Pa  d'ordi  ! 

»  Coulco-te,  Jordi; 

»  Vi  asaguat ! 

»  Droumissi,  goujat.  » 


»  —  Mon  ami,  je  te  remercie  bien  de  m'avoir  donné  [à  manger] 
))  quand  j'avais  faim;  en  récompense,  je  te  donne  mille  écus  et  tu  ne 
»  payeras  plus  la  taille.» 

Le  charbonnier  remercia  le  roi  et  s'en  retourna  à  sa  cabane. 


IX  —  Georges 

Il  était  une  fois  un  travailleur  de  terre  qui  alla  se  louer. 

Son  maître  lui  garnit  son  sac  et  alla  l'accompagner  à  une  vigne  de 
cinq  journées  de  travail. 

Quand  le  maître  fut  parti,  Georges  ouvrit  le  sac,  goûta  le  pain  et 
le  vin,  et  dit  : 


*) 


«  Pain  d'orge  ! 
«  Couche-toi,  Georges; 
»  Vin  mélangé  [d'eau]! 
«  Dors,  mon  garçon.  » 

.'  Communication  de  M.  le  docteur  Guibaud,  deNarbonne. 


JORDI  569 

E  sul  cop,  s'anet  alounga  joust  un  fié  qu'ero  plantât  al 
miech  de  la  vigno. 

Lou  souèr,  quand  se  retiret  co  dal  mestre  per  soupà,  lou 
mestre  li  dits  : 

«  —  Eh  be  !  Jordi,  ount  ne  siots  de  la  vigno  ? 

»  —  Mestre,  soun  al  fié. 

»  —  Vietdase  !  As  pla  travaillât. 

»  —  Coumo  aco,  mestre.  » 

L'endema,  Jordi  s'entourno  tout  soûl  à  la  vigno  ;  tasto  lou 
pa  e  lou  vi,  e  dits  : 

«  Pa  d'ordi! 

»  Coulco-te  Jordi  ; 

»  Vi  asaguat ! 

»  Droumissi,  goujat*.  » 

E  mai  s'anet  alounga  joust  lou  fié. 
Al  soupa,  lou  mestre  i  tourno  dire  : 


Aussitôt  il  alla  s'allonger  sous  un    figuier  planté   au  milieu  de  la 

vigne. 

Le  soir,  quand  il  rentra  chez  le  maître  pour  souper,  celui-ci  lui  dit  : 

«  —  Eh  bien!  Georges,  où  en  es-tu  de  la  vigne? 

»  —  Maître,  j'en  suis  au  figuier. 

»  —  Vraiment!  Tu  as  bien  travaillé. 

»  —  Comme  ça,  maître.  » 

Le  lendemain,  Georges  retourne  tout  seul  à  la  vigne,  goûte  le  pain 

et  le  vin,  et  dit: 

<(  Pain  d'orge  ! 

»  Couche-loi,  Georges; 

»  Vin  mélangé! 

»  Dors,  mon  garçon .  » 

« 
1  Var.  :  Jordi  coulcat.  Trad.:  Georges  couché.  Cette  variante  m'est  donnée 
par  mon  ami  Achille  Mir,  de  Carcassonne,  ainsi  que  la  suivante  : 

Pauc  pa,  pauc  bi, 
Pauc  trabal  fara  Marti  ; 

Boun  pa,  boun  bi, 
Boun  trabal  fara  Marti . 

Trad.  :  Peu  de  pain,  peu  de  vin,  —  peu  de  travail  fera  Martin  ; —  bon  pain, 
bon  vin,  —  bon  travail  fera  Martin. 


' 


570  JORDI 

«  —Eh  be!  Jordi,  ount  n'es  bei? 

» — Mestre,  soun  al  fié. 

»  —  As  pas  gaire  travalhat. 

»  —  Coumo  hier,  mestre.  » 

Lou  mestre  coumpreniô  pas  rès  a-n-aquelo  .respounso  ;  lou 
voulguet  finta. 

A  Talbo,  s'en  anet  cap  à  la  vigno,  s'amaguet  darniè  uno 
brando. 

Jordi  venguet,  tastet  lou  pa  e  lou  vi,  e  diguet  : 

«  Pa  d'ordi! 

»  Coulco-te,  Jordi; 

»  Vi  asaguat ! 

»  Droumissi,   goujat.  » 

E  sul  cop,  s'anet  espatarra  joust  le  fié. 
Lou  mestre  alabets  coumprenguet. 

L'endema  metet  dins  la  saqueto  de  boun  pa  e  de  boun  vi  ;  e 
quand  Jordi  aguet  tout  tastat,  diguet  : 


Et,  de  nouveau,  il  alla  s'allonger  sous  le  figuier. 

Au  souper,  le  maître  lui  demande  encore: 

((  —  Eh  bien!  Georges,  où  en  es-tu  aujourd'hui? 

»  —  Maître,  j'en  suis  au  figuier. 

«  —  Tu  n'as  guère  travaillé. 

>)  —  Comme  hier,  maître.  » 

Le  maître,  ne  comprenant  rien  à  cette  réponse,  voulut  l'épier. 
A  l'aube,  il  partit  pour  la  vigne,  se  cacha  derrière  une  haie. 
Georges  arriva,  goûta  le  pain  et  le  vin,  et  dit: 

«  Pain  d'orge  ! 

»  Couche-toi,  Georges; 

»  Vin  mélangé  ! 

»  Dors,  mon  garçon.  » 

Aussitôt  il  alla  s'allonger  sous  le  figuier. 
Le  maître  comprit  alors. 

Le   lendemain,  il  mit  dans   le  sac   de  bon  pain,  de  bon  vin  ;  et, 
lorsque  Georges  eut  tout  goûté,  il  dit: 


LOUS  TRES  IRANGES  571 

«  Pa  de  blat! 

»  Travalho,  goujat  ; 

»  Bouu  vi  pur  ! 

»  Travalho  segur.  » 

Alaropren  soun  bigos  e  se  met  àfoucha  coumo  un  massacre. 

Al  soupa,  lou  mestre  i  demaiido  ount  n'ôro  de  la  vigiio. 

« —  0  mestre!  Soun  pas  pus  ai  fié.  » 

Dins  quatre  jours,  la  vigno  fousquet  foucliado. 

«  Lou  boun  mestre  fa  lou  boun  bailet.  » 


Lous  Très  Iranges  ^ 

Un  cop  i'aviô  un  rei  qu'ero  malaut;   cap  de  medeci  l'aviô 
pas  pousqut  gari.  S'en  anavo  en  decasent,  veniù  sec  coumo 


«  Pain  de  blé  ! 

»  Travaille,  garçon; 

»  Bon  vin  pur! 

»  Travaille  ferme.  » 

Alors  il  prend  sa  pioche  et  se  met  à  piocher  comme  un  enragé. 
Au  souper,  le  maître  lui  demande  où  il  en  est  de  la  vigne. 
«  —  Oh!  maître,  je  n'en  suis  plus  au  figuier.  » 
Dans  quatre  jours,  la  vigne  fut  piochée. 

a  Le  bon  maître  fait  le  bon  serviteur.» 


Les  Trois  Oranges 

11  était  une  fois  un  roi  qui  était  malade  ;  aucun  médecin  ne  l'avait 
pu  guérir.  11  s'en  allait  en  déclinant,  devenait  sec  comme  une  bûche  ; 

♦  Recueilli  à  Narbonne  par  M.  le  docteur  Guibaud. 


572  LOUS  TRES  IRA.NGES 

un  broc;  aviù  perdut  l'appetis,  ero  tout  plé  de  fantesiôs,  e, 
quand  aviè  so  que  desiravo,  ba  poudiô  pas  engoulhi. 

Un  faure,  que  fasiô  Tentendut,  anet  trouba  lou  rei  e  i  di- 
guet  que  per  gari  i  caiiô  manja  très  iranges  que  se  trouba- 
voun  joust  la  pato  de  TOgre. 

« —  Dounariô  la  meitat  de  moun  rouiaume,  —  se  disiô  lou 
Rei,  —  a-n-aquel  que  aniriè  cercà  lous  très  iranges.  » 

Aquel  rei  aviô  très  goujats  :  l'ainat  aviù  vingt  ans  ;  lou 
cattet,  doso-sept  ans  ;  le  pus  jouve,  quatorze  ans. 

((  —  leu  i  voli  anà», —  diguet  l'ainat. 

« —  E  be!  vai-z-i,  moun  fil.  » 

Lou  goujat  faguet  sas  prouvisiéus  per  un  loung  vouiage  e 
partisquet  lier  e  countent. 

«  —  A  moun  retour,  —  se  disiô  el,  —  aurei  la  meitat  dal 
»  rouiaume  de  moun  paire,  en  atendent  Tautro  meitat  après 
n  sa  mort.  » 

S'enanet  lengs,  lengs,  lengs... 

Adalit  de  fam  e  de  tatigo,s'assietet  proche  d'uno  fount,  des- 
troupet  sas  prouvisiéus  e  se  metet  à  manjà. 


il  avait  perdu  l'appétit,  était  plein  de  fantaisies,  et,  lorsqu'il  avait 
ce  qu'il  désirait,  il  ne  pouvait  pas  avaler. 

Un  forgeron,  qui  faisait  le  savant,  alla  trouver  le  roi  et  lui  dit  que, 
pour  le  guérir,  il  lui  fallait  manger  trois  oranges  qui  se  trouvaient 
sous  la  patte  de  l'Ogre. 

,(  —  Je  donnerais  la  moitié  de  mon  royaume,  —  se  disait  le  roi, — 
»  à  celui  qui  irait  me  chercher  les  trois  oranges.  » 

Ce  roi  avait  trois  fils  :  l'aîné  avait  vingt  ans  ;  le  cadet,  dix-sept  ans; 
le  plus  jeune,  quatorze  ans. 

»   —  Moi,  j'y  veux  aller»,  dit  l'aîné. 

«  —  Eh  bien,  vas-y,  mon  fils .  » 

Le  garçon  fit  ses  provisions  pour  un  long  voyage  et  partit  fier  et 
content. 

«  —  A  mon  retour,  —  se  disait-il, —  j'aurai  la  moitié  du  royaume 
»  de  mon  père,  en  attendant  l'autre  moitié  après  sa  mort.  » 

Il  s'en  alla  loin,  loin,  loin... 

Défaillant  de  faim  et  de  fatigue,  il  s'assit  auprès  d'une  fontaine, 
sortit  «es  provisions  et  se  mit  à  manger. 


i 


573  LOUS  TRES  IRANGES 

Gar-aquis  que  ven  un  home  vie),  espelliandrat,  amé  uno 
loungo  baibo  blanco. 

«  —  Bounjour,  jouiue  home, —  i  diguet  en  lou  saludant, — 
»  ei  pla  talent;  i)OU(lriot3  pas  me  donna  un  bouci  à  manjà? 

»  —  Nani,  paure  home,  lous  viéures  que  porti  soun  per  fa 
»  un  grand  vouiage;  sabi  pas  se  n'aurei  prou  per  ieu.  » 

Quand  agetmanjat,s'aubouret  et  se  tournet  mètre  en  canii. 

Caminet  encaro  pendent  très  jours. 

Se  pordet  dins  las  mountagnos. 

A  la  fi,  s'entournet  al  castcl  de  soun  paire  e  i  diguet  qu'ero 
iujpoussiple  de  troubaTOgre. 

«  —  Que  devendrei  ieu?  Que  farei  ieu?»  se  disiè  lou  rei. 

»  — Ieu  i  voli  ana  »,  diguet  lou  cattet. 

«  —  E  be!  Vai-z-i,  moun  fil.  » 

Partiguet,  troubet  tourna  l'home  viel,  se  perdeguet  dins  la 
mountagno  et  tournet  senso  lous  iranges. 

«  —  Que  devendrei  ieu?  Que  farei  ieu?  »  se  disiô  lou  rei. 

«  —  Ieu  i  voli  ana», — diguet  lou  cago-nits, — sioi  segur  que 
»  reussirei  ;  que  mous  fraires  s'i  soun  pas  pla  presis. 


Voilà  qu'arrive  un  homme  âgé,  en  haillons,  avec  une  longue  barbe 
blanche. 

u  —  Bonjour,  jeune  homme,  —  lui  dit-il  en  le  saluant,  — j'ai  bien 
))  faim;  ne  pourriez-vous   pas    me  donner  un  morceau  à  manger? 

X — Non,  pauvre  homme,  les  vivres  que  jeporle  sont  pour  faire  un 
))  long  voyage  ;  je  ne  sais  pas  si  j'en  aurai  assez  pour  moi.  » 

Quand  il  eut  mangé,  il  se  leva  et  se  remit  en  chemin. 

U  chemina  encore  pendant  trois  jours. 

11  se  perdit  dans  les  montagnes. 

A  la  fin,  il  revint  au  château  de  son  père,  en  lui  disant  qu'il  était 
impossible  de  trouver  l'Ogre. 

«  —  Que  deviendrai-je?  Que  ferai-je?  »  se  disait  le  roi. 

«  —  Jy  veux  aller  »,  dit  le  second  fils. 

«  —  Eh  bien,  vas-y,  mon  fils.  » 

Il  partit,  trouva  aussi  l'homme  âgé,  .se  perdit  dans  la  montagne  et 
revint  sans  les  oranges. 

('  —  Que  deviendrai-je?  Que  fer^-je?  »  se  disait  le  roi. 

«  —  J'y  veux  aller,  —  dit  le   plus  jeune  fils,  —  je    suis    sûr  de 
»  réussir  ;  mes  frères  ne  s'y  sont  pas  bien  pris. 

37 


574  LODS  TRES  IRANGES 

» —  E  bé  !  Vai-z-i ,  moun  fil.  Mai,  praco,  te  trobi  pla 
jouve. 

» —  Vous  fagues  pas  delaguis,  me  saurei  éngalha.  » 

Partits,  s'en  va  leiigs,  lengs,  lengs... 

Quand  arrive!  à  la  fount,  troubet,  coumo  sous  fraires, 
riiome  viel  qu'i  demandet  à  manjà. 

« —  Tenets,  brave  home,  assietats-vous  aqai,  manjats  ; 
»  quand  n'i  a  per  un,  n'i  a  per  dous.  » 

Quand  ageroun  pla  manjat  et  pla  begut  :  «  E  ount  anats, 
»  brave  goujat,  praquoste  païs  perdut? 

» — M'en  vau  cerca  lous  très  iranges  que  soun  joust  la 
))pato  de  rOgre. 

» — Vous  cal  ana  alabets  darnié  aquelo  mountagno  ;  aqui 
»  atroubarets  uno  borio  amé  d'aubres  tout  l'entour;  i'  a  uno 
»femno  que  vous  enseignara  lou  cami;  a-n-aqueste  moument 
»  pasto. 

»  — Merci,  ba  farei  coumo  me  disets.  » 

Lou  cago-nits  s'encamino  cap  à  la  mountagno  e  arrivo  à  la 
borio.  I  trobo  la  femno  qu'aviô  acabat  de  pasta  e  qu'escou- 
gavo  lou  four  amé  las  poupos. 


«  —  Eh  bieU;  vas-y,  mon  fils.  Mais,  cependant,  je  te  trouve  bien 
»  jeune. 

«  —  Ne  vous  chagrinez  pas,  je  saurai  me  tirer  d'affaire.  » 

Il  part,  s'en  va  loin,  loin,  loin. .  . 

Lorsqu'il  arrive  à  là  fontaine,  il  trouve,  comme  ses  frères,  l'homme 
âgé  qui  lui  demande  à  manger. 

«  — Tenez,  brave  homme,  asseyez-vous  là,  mangez;  quand  il  y  en 
a  pour  un,  il  y  en  a  pour  deux.  » 

Lorsqu'ils  eurent  bien  mangé  et  bien  bu  :  «  Où  allez-vous,  bon 
»  jeune  homme,  dans  ce  pays  perdu? 

))  —  Je  vais  chercher  les  trois  oranges  qui  sont  sous  la  patte  de 
»  rOgre. 

((  —  11  vous  faut  donc  aller  derrière  cette  montagne  ;  là  vous  trou- 
»  verez  une  ferme  entourée  d'arbres;  il  y  a  une  femme  qui  vous  en- 
)>  seignera  le  chemin  ;  dans  ce  moment-ci,  elle  pétrit. 

»  —  Merci,  je  ferai  ainsi  que  vous  me  le  dites.  » 

Le  jeune  garçon  s'achemine  dans  la  montagne  et  arrive  à  la  ferme. 
Il  y  trouve  la  femme,  qui  avait  achevé  de  pétrir  et  balayait  le  four 
avec  ses  mamelles. 


If 


LOUS  TRES  IRANQES  575 

«  —  E!  que  fasets,  bravo  femno?  Vous  farets  mal,  vous 
»  bruUarets.  Tenets,  aquimacarvato(sela  tiretdalcol);  metets- 
»  la  al  cap  dal  broc  e  escougats  vostre  four. 

»  —  Avets  razou,  jouine  home,  vous  remercii  pla  de  vostre 
»  hounestetat.  E,  digats-me,  que  venets  faire  dins  aqueste 
»  païs  perdut? 

»  —  Vene  cerca  lous  très  iranges  que  soun  joust  la  pato  de 
»  l'Ogre. 

»  — Aeo's  pla  dangeirous;  mai  ets  estât  brave  per  ieu,  vous 
n  voli  enseigna  :  partirets  à  miéjo-neit  e  arrivarets  à  quatre 
»  houros  (ial  niaiti  à  la  cauno  de  l'Ogre  ;  sara  encaro  endrou- 
»  mit.  Lou  troubarets  coulcat  sus  un  leit  de  feilhos  secos.  A 
»  uno  espigno  à  la  solo  dal  ped  dreit,  e  lous  très  iranges  soun 
»  dins  uno  pocho  de  la  pel  de  la  solo  dal  ped  gauche.  Aqui 
»  uno  fiolo  ;  vetsarets  très  goutos  de  so  que  i'a  dedins  dins  la 
»  bouco  de  rOgre,  aco  lou  fara  droumi  pus  fort.  Apei.  amé 
»  uno  ma  i  gratarets  tout  Tentour  de  l'espigno,  et  de  l'autre 
»  i  prendrets  lous  très  iranges.  Alabets  fugirets  roundoment. 
»  Se  s'arrevelho,  pausarets  pel  sol,  de  lengg  en  lengs,  un  d'a- 
»  quelis  miralhets  de  dets  escuts.  » 


w  —  Eh!  que  faites-vous, bonue  femme? Vous  vous  ferez  mal,  vous 
»  vous  brûlerez.  Tenez,  voici  ma  cravate  ;  mettez-la  au  bout  d'an 
))  bâton,  et  avec  cela  balayez  le  four. 

»  —  Vous  avez  raison,  jeune  homme  ;  je  vous  remercie  bien  de 
»  votre  bonté.  Mais  dites-moi  ce  que  vous  venez  faire  dans  ce  pays 
»  perdu? 

»  — Je  viens  chercher  les  trois  oranges  qui  sont  sous  la  patte  de  l'Ogre. 

;)  —  Cela  est  bien  dangereux  ;  mais  vous  avez  été  si  bon  pour  moi 
»  que  je  veux  vous  renseigner:  vous  partirez  à  minuit  et  arriverez  à 
»  quatre  heures  du  matin  à  la  caverne  de  l'Ogre  ;  il  sera  encore  en- 
»  dormi.  Vous  le  trouverez  couché  sur  un  lit  de  feuilles  sèches.  11  a 
))  une  épine  à  la  plante  du  pied  droit,  et  les  trois  oranges  sont  dans 
»  une  poche  sous  la  peau  de  la  plante  du  pied  gauche.  Voilà  une  fiole  ; 
»  vous  verserez  trois  gouttes  de  ce  qu'elle  contient  dans  la  bouche 
»  de  l'Ogre,  cela  le  fera  dormir  plus  profondément.  Ensuite,  avec  une 
»  main,  vous  gratterez  tout  autour  de  l'épine,  pendant  que  de  l'autre 
»  vous  prendrez  les  trois  oranges.  Aussitôt  vous  fuirez  rapidement.  S'il 
»  se  réveille,  vous  poserez  sur  le  sol,  de  loin  en  loin,  un  de  ces  petits 
»  miroirs  de  dix  é(;us,  » 


576  LOUS  TRES  IRANGBS 

Lou  oago-uits  partiguet  à  miéjo-neit  e  arrivet  à  quatre  hou- 
ros  à  la  cauno  de  FOgre. 

Dintret;  mais  sioguet  espavourdit,lous  pelses  i  leveroun  lou 
capel,  en  entendent  restoundi  lous  rounquets  de  l'Ogre. 

S  avanso  doussaraenet  ;  l'Ogre  badavo  :  i  fa  raja  dins  sa  bouco 
très  goutos  de  so  que  i  aviô  dins  la  fiolo.  Sul  cop,  l'Ogre  rounco 
pus  fort. 

Alabets,dela  man  gaucho  i  grato  le  ped  e  de  la  man  dreito 
i  tiro  lous  très  iranges.  Mais  la  pocho  ero  estreito,  aget  pla 
peno  per  lous  sourti;  quand  aget  tirât  lou  darnié,  s'enfugi- 
guet  al  grand  galop. 

Avio  pas  fait  cent  encambados  que  l'Ogre  s'arrevelho, 
trobolous  iranges  de  manco;  sourtits  de  sa  tuto  en  bramant, 
en  sacrejant;  vei  lou  cago-nits  e  se  met  à  Fencoutsegui. 

Loupauioù  s'en  aviset,et,  touten  escalabrantlamountagno, 
pausavo  un  miralhet  en  sa,  en  la. 

AquelOgre,  qu'ero  unbadaire,  se  cresiô  poulit;  s'aregardavo 
à  cado  miralhet;  lou  cago-nits  n'  aproufitavo  perfugi  à  grand 
pas;  ta  pla  que  lèu  arribet  darniè  la  mountagno,  e  l'Ogre  sa- 
piet  pas  pus  ount  ero  passât. 


Le  jeune  garçon  partit  à  minuit  et  arriva  à  quatre  heures  à  la  ca- 
verne de  l'Ogre. 

11  entra  ;  mais  il  fut  épouvanté,  ses  cheveux  se  dressèrent  en  en- 
tendant retentir  les  ronflements  de  l'Ogre. 

Il  avança  doucement;  lOgre  avait  la  bouche  ouverte:  il  y  versa 
trois  gouttes  du  contenu  de  la  fiole.  Aussitôt  l'Ogre  ronfla  plus  fort. 

Alors,  de  la  main  gauche  il  lui  gratta  le  pied,  et  de  la  main  droite 
il  tira  les  oranges.  Mais  la  poche  était  étroite,  il  eut  beaucoup  de 
peine  à  les  en  sortir.  Quand  il  eut  tiré  la  dernière,  il  se  sauva  au 
grand  galop. 

Il  n'avait  pas  fait  cent  enjambées  que  l'Ogre  se  réveilla,  vit  que  les 
oranges  avaient  disparu;  il  sortit  de  sa  caverne  en  criant,  en  jurant; 
vit  le  jeune  garçon  qui  fuyait  et  se  mit  à  le  poursuivre. 

Le  pauvret  s'en  aperçut,  et,  touten  egcaladant  la  montagne,  il  posa 
un  petit  miroir  deci,  delà. 

Cet  Ogre,  qui  était  un  badaud,  se  croyait  joli;  il  se  regardait  dans 
chaque  miroir;  le  jeune  garçon  en  profita  pour  fuir  à  grands  pas,  si 
bien  qu'il  arriva  bientôt  demère  la  montagne,  et  l'Ogre  ne  sut  plus  où 
il  était  passé. 


I 


LOUS  TRES  1  RANGES  577 

r  aviô  beit  jours  que  le  cago-nits  mancavo. 

Lou  rei  se  charpavo,  s'accusavo  de  la  mort  de  souri  lil: 
((  S'eri  pas  estât  tant  barbaro,  l'auriô  pas  laissât  ana  cercà 
»  lous  très  iranges.  Sarei  reucauso  de  sa  mort.» 

Dal  tems  que  lou  rei  nou  fasi6  que  se  desoula,  gar-aquis 
que  lou  cago-nits  arrivo. 

«  —  Paire! — cridet  de  ta  lengs  que  lou  veget,  —  vous  porti 
))lous  très  iranges!  » 

Pensats  se  lou  rei  ero  countent,  e  la  reino  tabès  ;  mais  nou 
pas  sous  fraires,  que  n'  eroun  jalouses. 

En  guiso  d'i  donna  la  meitat  dal  rouiaurae,  lou  rei  lou  dou- 
net  tout  eutié  à  souii  fil  jouve,  que  se  maridet  araé  Uifilho 
d'un  autre  rei,  poulido  coumo  uno  estelo. 

Cric,  cric, 
Moun  counte  es  finit  ; 

Cric,  crac, 
Moun  counte  es  acabat. 


Il  y  avait  huit  jours  que  le  jeune  garçon  manquait. 

Le  roi  se  désolait,  s'accusait  de  la  mort  de  son  fils  :  «  Si  je  n'avais 
»  pas  été  si  barbare,  je  ne  l'aurais  pas  laissé  aller  chercher  les  trois 
»  oranges.  Je  serai  la  cause  de  sa  mort.  » 

Pendant  que  le  roi  se  désolait,  le  jeune  homme  ari-iva. 

«  —  Père! —  cria-t-il  du  plus  loin  qu'il  le  vit, —  je  vous  apporte 
»  les  trois  oranges.  » 

Vous  pensez  si  le  roi  fut  content,  et  la  reine  aussi;  mais  il  n'en  fut 
pas  de  même  de  ses  frères,  qui  eu  étaient  jaloux. 

Au  lieu  de  lui  donner  la  moitié  du  royaume,  le  roi  le  donna  tout  en- 
tier à  son  jeune  fils,  qui  se  maria  avec  la  fille  d'un  autre  roi,  jolie 
comme  une  étoile. 

Cric,  cric, 
•  Mon  conte  est  fini  ; 
Cric,  crac, 
Mon  conte  est  achevé. 


578  l'est  ATUIO 


L'Estatuio  ' 

Un  cop,  i  aviô  uno  femno  qu'ero  véuzo  ;  aviô  un  goujat  que 
s'apelavo  Esprit. 

I  diguoc  :  «  Te  cal  ana  à  lafieiro  croumpa  un  sèu  d'agulhos 
»  de  couse. 

»  —  I  anirei,  ma  maire.  » 

Las  croumpo.  Pel  cami,  i  pesavoun;  troubcc  un  carretié 
que  pourtavo  uno  carretado  d'erbos. 

«  —  Me  las  voulets  pourta? 

»  —  Mets-las  sus  la  carreto.  » 

Quand  arrivo  à  l'houstal,  sa  maire  i  dits:  «Portos  las  agu- 
))lhos? 

»  —  0. 

»  —  E  Gunt  soun  ? 

»  — Sus  la  carreto. 

»  —  lé  !  lé  !  las  auras  perdudos  ;  te  las  caliô  mètre  à  la  margo 
»  de  la  vesto. 


La  Statue 

Une  fois,  il  y  avait  une  femme  qui  était  veuve;  elle  avait  un  gar- 
çon qui  s'appelait  Esprit. 

Elle  lui  dit  :  «  Il  te  faut  aller  à  la  foire,  acheter  un  sou  d'aiguilles 
»  à  coudre. 

»  — J'irai,  ma  mère.» 

11  les  achète.  Dans  le  chemin,  elles  lui  pesaient  ;  il  trouve  un  char- 
retier qui  portait  une  charretée  d'herbes. 

«  —  Voulez-vous  me  les  porter? 

»  —  Mets-les  sur  la  charrette.  » 

Quand  il  arrive  à  sa  maison,  sa  mère  lui  dit  :  «  Tu  portes  les  ai- 
»  guilles  ? 

«  — Oui. 

»  —  Et  où  sont-elles  ? 

» —  Sur  la  charrette. 

»  —  Aïe!  .\ïe  !  Tu  les  auras  perdues  ;  il  fallait  les  piquer  à  la  man- 
))che  de  ta  veste. 

'  Version  de  l"Ariége,  rer ueillie  à  Belesla,  par  M"«  Marie  Lambert. 


l'eSTATUIO  5^9 

,)  —  E  bé!  Un  autre  cop,  ba  farei,  ma  maire. 

»  —  Dema  te  cal  ana  à  la  fieiro,  croumpa  un  porc. 

»  — I  anirei,  ma  maire.  » 

S'en  va;  croumpo  le  porc.  Vouliô  pas  marcha,  i  fiqucc  le 
bastou  pel  ventre:  lou  tuec.  Alabets  lou  metec  sui  colli. 

Quand  arribec,  sa  mairo  i  diguec  :«  As  croumpat  le  porc? 

»  — Obé,  vouliô  pos  marcha,  l'ei  tuât  e  leporti  :  achi  Tabets, 
»  i  mort . 

»  — Ai!  d'aquel  descuquieirat !  Te  caliô  croumpa  de  ficelo  e 
»  le  mena  estacat  per  la  pato. 

» — Un  autre  cop,  ba  farei,  maire  . 

»  —  Dins  très  ou  quatre  jouns,  —  sa  diguec  la  maire,  —  ba 
»  esse  la  fieiro  à  Lablanet  ;  te  cardra  ana  vendre  un  roulh  de 
»  tèlo. 

» — I  anirei,  ma  maire.  » 

I  va;  quand  es  à  Sant-Jon,  troubo  uno   estatuio;  abaicho. 

Fasiô  vent  e  Testatuio  viravo  le  cap  ;  fasiè:  Que  si,  que  si. 

La  prenguec  per  un  mut  ;  i  dits  :  «  Me  la  vos  croumpa? 

»  — Que  si que  si 


»  —  Et  bien,  une  autre  fois  je  le  ferai,  ma  mère. 

»  —  Demaiû,  il  te  faut  aller  à  la  foire,  acheter  un  porc. 

))  — J'irai,  ma  mère.  » 

Il  part,  achète  le  porc.  Comme  il  ne  voulait  pas  marcher,  il  lui  en- 
fonce son  bâton  dans  le  ventre  :  il  le  tue,  puis  il  le  met  sur  son  cou. 

Quand  il  arrive,  sa  mère  lui  dit:  ((As-tu  acheté  le  porc? 

»  —  Certainement  ;  mais,  comme  il  ne  voulait  pas  marcher,  je  lai 
»  tué  et  je  le  porte  :  le  voilà,  il  est  mort. 

»  —  Oh  !  quel  écervelé  !  Il  te  fallait  acheter  de  la  ficelle  et  le  me- 
»  ner  attaché  par  la  patte. 

»  —  Une  autre  fois  je  le  ferai,  mère. 

»  —  Dans  trois  ou  quatre  jours, —  lui  dit  la  mère,  —  il  y  aura  la 
»  foire  à  Lavelanet  ;  il  t'y  faudra  aller  vendre  un  rouleau  de  toile. 

»  —  J'irai,  ma  mère.  " 

Il  y  va;  quand  il  est  à  Saint-Jean,  il  trouve  une  statue;  il  dépose 
[son  rouleau]. 

Il  faisait  du  vent  et  la  statue  remuait  la  tète  [de  haut  en  bas];  elle 
semblait  dire:  Oui,  oui. 

Il  la  prend  pour  un  homme  et  lui  dit  :  ((  Tu  veux  me  Tacheter? 

»  ^-.  , .  .Oui oui 


580  l'eSTATUIO 

»  — Me  la  pagaras  quand  tournarei? 

»  — Que  si que  si » 

An  tournant  de  la  fieiro  venguec  demanda  soun  argent. 

«  —  Me  vène  fei  paga.  » 

Lou  vent  aviô  virât,   et  Testatuio  fasio  :  . .  .  .Que  nou..  . . 
que  nou. .  . . 

(.  —  Me  lapagos,  la  tèlo? 

»  — Que  nou que  nou 

» — Que  me  la  pagaras  pos  !  Dises  que  nou. .  .que  nou...  » 

I  fico.cops  de  pal  ;  la  coupée. 

S'en  vaà  Thoustal. 

<(  —  Garats,  ma  maire,  ei  vendut  la  telo  a-n-un  home  mut 
»  que  m'a  dit  que  me  la  pagariô.  An  tournant  de  la  fieiro  me 
))la  vouliô  pos  paga,  Fei  tuai. 

» —  Jès!  Qu'ai  feitl  Te  metran  an  presoù.  Degus  Va.  poi 
»  vist  almens  ? 

»  — Nani,  ma  maire. 

»  — Dema,  ieu  m'en  anirei  à  la  fieiro  ;  tu  faras  la  ruscado,  e 
«qu'ajos  souen  de  l'auco  que  cougo. 

»  —  Obé,  ma  maire.  » 


»  — Tu  me  la  payeras  quand  je  reviendrai  ? 

» — ....Oui oui » 

En  revenant  de  la  foire,  il  vient  réclamer  son  argent. 

<(  — Je  viens  me  faire  payer.  » 

Le  vent  avait  tourné  et  la  statue  faisait:  ....  Non....  non 

«  — Veux-tu  me  payer  la  toile? 

»  — Non non 

,)  —  Comment!  Tu  ne  me  la  payeras  pas!  Tu  dis  non non » 

Il  lui  donne  des  coups  de  bâton  et  la  brise. 

11  s'en  retourne  à  sa  maison. 

«  —  Ecoutez,  ma  mère;  j'ai  vendu  la  toile  à  un  homme  muet  qui 
»  m'avait  promis  de  me  la  payer.  En  revenant  de  la  foire,  il  n'a  plus 
»  voulu  me  la  payer,  je  l'ai  tué. 

»  —  Jésus?  Qu'as-tu  fait?  On  te  mettra  en  prison.  Personne  ne  t'a 
))  vu,  au  moins? 

»  —  Non,  rna  mère. 

» —  Demain,  c'est  moi  qui  irai  à  la  foire  ;  toi.  tu  feras  la  lessive; 
»  surtout  aie  soin  de  l'oie  qui  couve.  « 

»  —  Certainement,  ma  mère.  » 


l'eSTATUIO  581 

Le  goujat  fo  la  ruscado. 

A  très  houros.  que  sabiô  qu'ero  coustumo  que  lai  femnos 
espertinoun  quand  fan  la  ruscado,  vourguet  espertina  tabès. 
S'en  va  coupa  uno  trancho  de  cambajou  o  la  met  sul  foc  ande 
dous  iôus. 

((  —  Dins  le  tenis  que  se  cuets,  vau  tira  de  vi.  d 

Pensée  que  lou  cambajou  se  rumavo;  mountec  per  le  vira 
e  daissec  la  barrico  duberto. 

Quand  tournée  per  tampa  la  barrico,  troubec  tout  le  vi  cs- 
campat. 

S'en  va  cerca  uno  saco  de  farino  per  eichuga  le  vi;  n'i  aget 
pos  prou,  i  tournée  nau  cops. 

L'auco  que  cougavo  al  founse  de  la  cavo,  faguec:  couac... 
couac 

«  —  Que  ba  diras  be  sei? 

»  — Couac couac 

'>  —  Que  ba  diras  pos.  » 

I  toursisquec  le  colh. 

Alabets  se  met  sus  iôus  e  cougo. 

Quand  sa  maire  tournée  :  «  E  ount  es? 


Le  garçon  fait  la  lessive . 

A  trois  heures,  il  savait  qu'il  était  coutume  chez  les  femmes  de 
goûter,  quand  elles  font  la  lessive;  il  voulut  goûter  aussi.  Il  s'en  va 
couper  une  tranche  de  jambon  et  la  met  sur  le  feu  avec  deux  œufs. 

«  — Pendant  que  cela  cuit,  je  vais  tirer  du  vin.  » 

11  se  dit  que  peut-être  le  jambon  brûlait;  il  monte  pour  le  re- 
tourner et  laisse  labai-rique  ouverte. 

Quand  il  revient  pour  boucher  la  barrique,  il  trouve  tout  le  vin  ré- 
pandu. 

11  va  chercher  uu  sac  de  farine  pour  sécher  le  vin;  cela  ne  suffit 
pas,  il  y  retourna  neuf  fois. 

L'oie,  qui  couvait  au  fond  de  la  cave,  fit  :  couac...  couac... 

« — Tu  le  diras,  dis-tu? 

»  —  Couac. .couac... 

»  —  Non  !  tu  ne  le  diras  pas  !  » 

Il  lui  tord  le  cou. 

Après  il  se  met  sur  les  œufs  et  couve. 

Quand  sa  mère  revient  :  «  Où  peut-il  être? 


582  LOU  FRAI  E  LO  SOR 

»  — Couac,  couac;  soun  assi,  ma  mairo,  que  cougui. 

»  —  Jès!  Qu'ai  feit? 

»  —  Garats,à  très  houroseivourgutespertina;  dins  le  temps 
»  que  le  cambajou  se  cuesiô,  soun  anat  tira  de  vi  ;  dins  le  temps 
))  que  soun  anat  souegna  les  iôus,  le  vi  s'es  escampat.  L'auco  a 
»  dit  que  ba  diriù  ;  l'ei  tuiado,  e  ieu  cougui.  » 

E  trie  e  trie, 
Moun  counte  es  finit  ; 
E  trio  e  trac, 
Moun  counte  es  acabat. 


Lou  Frai  e  lo  Sor 


Et  trie  et  trie, 
Mon  conte  est  fini  ; 

Et  trie  et  trac, 
Mon  conte  est  achevé. 


Le  Frère  et  la  Sœur 

Il  y  avait  une  fois  dans  un  vieux  château  un  frère  et  une  sœur  qui 
s'aimaient  on  ne  peut  plus;  ils  étaient  seuls,  n'avaient  pas  de  parents. 
Le  frère  allait  tous  les  jours  à  la  chasse. 

•Ce  récit,  en  dialecte  limousin,  a  été  recueilli    à  Saint-Paul-d'Eyjeau,  par 
M.  le  baron  d'Aigueperse. 


I 
I 


Li  avio  'no  ve  dins  un  viei  chateu  un  frai  et  'no  sor  que  s'ai-  1 

mavenjamaipus  tant;  î  eron  soulei,  n'  avien  pas  de  parents. 
Lou  frai  'navo  tous  lous  jours  à  lo  chasso. 


»  —  Couac,  couac;  je  suis  ici,  ma  mère,  je  couve. 
»  —  Jésus  !  Qu'as-tu  fait  ?  f 

» —  Ecoutez,  à  trois  heures,  j'ai  voulu  goûter  ;  pendant  que  le  jam- 
»  bon  cuisait,  je  suis  allé  tirer  du  vin;  pendant  que  je  soig-nais  les 
»  œufs,  le  vin  s'est  répandu.  L'oie  a  dit  qu'elle  vous  le  dirait;  je  l'ai 
»  tuée,  et  c'est  moi  qui  couve  à  sa  place.  » 


I 


LOU  FRAI  B  LO  SOR  M3 

Un  jour,  en  tournant,  ou  disset  à  so  sor  que  ou  avio  vi  uno 
tant  gento  fillo  e  que  voulio  se  marida  end  elo. 

Ils  ne  fuguèren  pas  be  marida  que  lojôuno  femno,  en  veire 
l'amita  dôu  frai  e  de  lo  sor,  toumbet  jolouso. 

Un  jour,  penden  que  soun  home  ero  à  lo  chasso,  'lo  s'envai 
cousurta  uno  vielho  surcièro,  per  sabei  coumo  li  se  prenei 
per  roumpre  l'amita  dou  frai  e  de  lo  sor. 

La  vielho  li  disset:  «  Fau  tua  votre  meinage,  e  dire  à  votre 
home  que  qu'ei  so  sor  que  l'o  tua, 

'lo  io  fagué  ;  e  quand  ou  tournet  de  lo  chasso,  'lo  li  presentet 
lou  corps  dou  paubre  meinage  mort,  en  dire  que  qu'ero  so  sor 
que  r  ovio  tua. 

Lou  paubre  pai  s'en  va  trouba  so  sor,  li  damandant  perque 
r  avio  fa  talo  chauso.  Lo  li  reipoundet  que  Diou  sabiô  si 
qu'  ero  vrai. 

Lou  lendemo  tourno  à  lo  chasso,  e  so  femno  vai  trouba  la 
surcièro  per  li  dire  que,  tout  en  rencurant  soun  meinage,  lou 
pai  ne  pareissio  pas  avei  changna  per  so  sor. 

Lo  vielho  li  disset  :«Votre  home  aimo  beucop  soun  chavau: 


Un  jour,  en  reveuaut,  il  dit  à  sa  sœur  qu'il  avait  vu  une  bien  gen- 
tille fille  et  qu'il  voulait  se  marier  avec  elle. 

Ils  ne  furent  pas  plus  tôt  mariés,  que  lajeune  femme,  en  voyant  l'ami- 
tié du  frère  et  de  la  sœur,  devint  jalouse. 

Un  jour  que  son  mari  était  à  la  chasse,  elle  s'en  va  consulter  une 
vieille  sorcière  pour  savoir  comment  elle  s'y  prendrait  pour  rompre 
l'amitié  du  frère  et  delà  sœur. 

La  vieille  lui  dit  :  «  11  faut  tuer  votre  enfant  et  dire  à  votre  mari 
»  que  c'est  sa  sœur  qui  l'a  tué.  » 

Elle  le  fit;  et  quand  son  mari  revint  de  la  chasse,  elle  lui  présenta 
le  corps  du  pauvre  enfant  mort,  en  lui  disant  que  c'était  sa  sœur  qui 
l'avait  tué. 

Le  pauvre  père  va  trouver  sa  sœur,  lui  demandant  pourquoi  elle 
avait  fait  ce  crime.  Elle  lui  répond  que  Dieu  sait  la  vérité. 

Le  lendemain,  il  retourne  à  la  chasse,  et  sa  femme  va  trouver  la 
sorcière  pour  lui  dire  que,  tout  en  regrettant  son  enfant,  le  père  ne 
paraissait   pas  avoir  changé  pour  sa  sœur. 

La  vieille  lui  dit:  «  Votre  mari  aime  beaucoup  son  cheval:  tuezle 
»  et  dites  toujours  que  c'est  sa  sœur  qui  l'a  tué;  vous  verrez  cette 
«fois  ce  qui  arrivera.  » 


.=>8(  LOU  PRAl   E  LO  SOR 

»  tuas  lou  e  dises  toujour  que  qu'ei  so  sor  que  l'o  tua  ;  vous 
Mveirez  leidoun  so  qu'oriboro.» 

Lo  femno  tuet  doun  lou  chavau,  en  dire  à  soun  home  que 
qu'ero  so  sor. 

L'home  s'en  vai  se  plaiguei  en  dire  :  «  Ma  paubro  sor,  per- 
»  que  as  tu  tua  raoun  chavau?» 

Lo  li  reipoundet  que  lou  boun  Dieu  sabiè  be  si  qu'ero  vrai. 
Mas  i  se  quittèrent  tant  d'ami  coumo  davant. 

Lou  lendemo  ou  tourno  à  lo  chasso,  e  so  femno  tourno  veire 
la  vielho  surcièro  per  li  dire  que  jusqu'  ôuro,  môugre  tout,  lou 
frai  e  losoreran  tant  d'amis  coumo  jamai. 

Auladoun  la  vielho  li  disset  :  «  Votre  home  n'o-t-eu  pas  un 
D  ché  que  li  ei  fort  attacha?  Tuas-lou;  per  queto  ve  io  crese 
»  que  nous  vendran  à  bout  de  notre  besugno.» 

Lo  femno  s'entourno;  'lo  baro  lou  ché  dins  lo  cavo  per  lou 
garda  de  segre  soun  meitre,  e  d'abord  quôu  s'en  ei  'na,  'lo  tuo 
lou  paubre  animau. 

Quand  soun  home  tourno,  'lo  court  vite  li  dire  :  «Votre  sor 
»o  fa  un  brave  afFa.  Vous  n'avez  pas  vougu  me  creire  jusque 
))ôuro;  e  be!  venez  veire,  'l'o  tua  votre  paubre  boun  ché.  » 


La  femme  tua  doue  le  cheval,  et  dit  à  sou  mari  que  c'était  sa  sœur 
qui  l'avait  tué. 

Le  mari  va  se  plaindre  en  disant:  «  Ma  pauvre  sœur,  pourquoi  as- 
»  tu  tué  mon  cheval?» 

Elle  lui  répondit  que  le  bon  Dieu  savait  bien  si  c'était  vrai.  Mais 
ils  se  quittèrent  aussi  amis  qu'auparavant. 

Le  lendemain,  il  retourne  à  la  chasse,  et  sa  femme  va  voir  de  nou- 
veau la  sorcière,  pour  lui  dire  que  jusqu'à  cette  heure,  malgré  tout, 
le  frère  et  la  sœur  étaient  aussi  amis  que  jamais. 

Alors  la  vieille  lui  dit:  «Votre  mari  n'a-t-il  pas  un  chien  auquel  il 
»  est  fort  attaché  ?... Tuez-le  ;  pour  cette  fois,  je  crois  que  nous  vien- 
»  drons  à  bout  de  notre  dessein  ?  » 

La  femme  s'en  retourne;  elle  enferme  le  chien  dans  la  cave  pour 
l'empêcher  de  suivre  son  maître,  et  aussitôt  qu'il  est  parti,  elle  tue  le 
pauvre  animal. 

Quand  son  mari  revient,  elle  court  vite  lui  dire  :  «  Votre  sœur  a  fait 
»  une  belle  chose!  Vous  n'avez  pas  voulu  me  croire  jusqu'à  cette  heure; 
»  eh  bien!  venez  voir,  elle  a  tué  votre  pauvre  bon  chien.» 


* 


LOU  FRAI   E  LO  SOR  5-<5 

Aleidoun  Thome  creguet  so  que  so  fomno  li  disiè,  e,  diii  'no 
grando  coulero,  ou  vai  preuei  so  sor,  lo  irontraino  bien  loueii, 
ai'ribo  dins  un  désert,  ou  li  copo  un  pougnet  e  lo  pauso  dins 
un  boueissou  blan,  en  li  dire:  «  Quand  tu  siras  garido,  tu  ven- 
»  dras  me  veire.  » 

Mas,  en  s'apreiraant  dôu  boueissou,  uno  eipino  li  aviô  intra 
din  'no  chambo. 

La  jôuno  filliodemouret  sept  ans  dins  lou  boueissou;  e  tout 
lou  temps,  chaiiue  jour,  un  petit  ché  nègre  li  pourtavo  per 
minja  de  tout  ce  que  se  perparuvo  dins  un  cliateu  dôu  vesinage. 

Un  jour,  lou  segnou  dôu  chateu  fuguet  queriou  de  segre  lou 
ohé  ;  ou  tiret  lo  filho  dôu  boueissou  e  lo  n'enmenet. 

En  passant  (lavant  uno  fount,  lo  filho  trempet  soun  bras 
dins  l'aiguo  ;  en  lou  surti  ou  se  troubet  gari , 

Lou  segnour  se  vouguet  marida  en  'quelo  filho. 

Se  faguet  uno  belo  nosso. 

Lou  lendemo,  'lo  vai  veire  soun  frai  ;  l'eipino  dôu  boueissou 
ero  loujour  dins  sa  chambo,  e  ohaquo  annado  Toviù  frouja. 

Lo  sor  lo  tiro  aisa,  e  bientôt  tout  lou  mau  fuguet  gari. 


Cette  fois,  le  mari  crut  ce  que  sa  femme  lui  disait,  et,  entrant  daus 
une  grande  coK-re,  il  va  prendre  sa  sœur,  l'entraîne  bien  loin,  arrive 
dans  un  désert,  lui  coupe  un  poignet  et  la  met  dans  un  buisson  blanc ', 
en  lui  disant:  «  Quand  tu  seras  guérie,  tu  viendras  me  voir.  » 

Mais,  en  s'approchant  du  buisson,  une  épine  lui  était  entrée  dans 
la  jambe. 

La  jeime  fille  demeura  sept  ans  dans  le  buisson;  et  pendant  tout  ce 
temps,  chaque  jour,  un  petit  chien  noir  lui  apportait  à  manger  de  tout 
ce  qui  se  préparait  dans  un  château  du  voisinage. 

Un  jour,  le  seigneur  du  château  fut  curieux  de  suivre  le  chien  :  il 
tira  la  fille  du  buisson  et  l'emmena. 

En  passant  devant  une  fontaine,  la  fille  trempa  son  bras  dans  l'eau; 
en  le  sortant,  il  se  trouva  guéri. 

Le  seigneur  voulut  se  marier  avec  elle. 

Il  se   fit  une  grande  noce. 

Le  lendemain,  elle  alla  voir  son  frère  ;  l'épine  du  buisson  était  tou- 
jours dans  sa  jambe,  et  chaque  année  elle  avait  grandi. 

La  sœur  la  tira  aisément,  et  bientôt  tout  le  mal  fut  guéri. 

'  Nom  de  l'aubépine,  en  Limousin. 


586  CECILO 


Cécilo 


Un  cop,  i  aviô  un  home  e  uno  femno  qu'avion  uno  filhô. 

Aquclo  filho  fasiù  lo  trabalh  de  l'oustal,  apci  s'enanavo 
trabalha  a-n-uno  fenestro  ;  dins  aquel  tems,  s'entreteniô  ande 
la  Santo  Vierjo. 

Un  jour  que  fasiô  bulhé  Toulo,  entendec  un  gran  bruch  dins 
la  carrièro  ;  demandée  so  qu'ero  acô,  i  respoundèroun  qu'ero 
uno  filho  accusado  d'ave  panât  un  louis  d'or  ;  alabets  diguec  : 
«  Tant  pis  per  élo.  » 

Dempeig,  agec  pos  pus  de  visieus. 

Ero  desoulado  d'acô  ;  sabiô  pas  perqué  la  Santo  Vierjo  i 
pai'lavo  pos  pus. 

S'anguec  confessa.  Le  rittou  i  diguec:  «  Avets  feit  qualque 
»  pecat  que  n'ei  l'encauso.  » 

Se  remembrée  lou  mot  «tant  pis  »;  alabets  le  rittou  i  diguec: 
«Per  penitenso,  vous  cal  fé  le  tour  del  moun  pendent  sept 
ans.  » 


Cécile 

Une  fois,  il  y  avait  un  homme  et  une  femme  qui  avaient  une  fille. 

Cette  fille  faisait  le  travail  de  la  maison,  et  ensuite  s'en  allait  tra- 
vailler à  une  fenêtre;'  pendant  ce  temps,  elle  s'entretenait  avec  la 
Sainte  Vierge. 

Un  jour,  pendant  qu'elle  faisait  bouillir  le  pot-au-feu,  elle  entendit 
un  grand  bruit  dans  la  rue  ;  elle  demanda  ce  que  c'était.  On  lui  dit 
que  c'était  une  jeune  fille  qu'on  accusait  d'avoir  volé  un  louis  d'or  ; 
elle  répondit:  «  Tant  pis  pour  elle.  » 

Depuis,  elle  n'eut  plus  de  visions. 

Elle  était  désolée  de  cela  et  ne  savait  pas  pourquoi  la  Sainte  Vierge 
ne  lui  parlait  plus . 

Elle  alla  se  confesser.  Le  curé  lui  dit:  «  V^ous  avez  fait  quelque 
)) péché  qui  en  est  la  cause.» 

Elle  se  souvint  du  mot  «  tant  pis  »;  alors  le  curé  lui  dit  :  «  Pour 
»  pénitence,  il  vous  faut  faire  le  tour  du  monde  pendant  sept  ans.  » 

«  Recueilli  à  Belesla  par  M"''  Marie  Lamberl. 


t 


CECILO  587 

Quand  fousquec  pel  cami,  troubec  uno  pauro,  i  cambicc  le 
vestit. 

Lei  sept  ans  se  fenission  quand  anec  demanda  l'aimùinio  al 
sieu  houstal.  Soun  paire  i  diguec  si  n'aviô  pas  entendut  parla 
d'uno  noumado  Cécilo.  I  diguec  que  si. 

«  —  Perque  pourtats  nouvèlos  de  la  mieu  filho,  manjarets  à 
»  ma  taulo  e  durmirets  à  soun  leit.  » 

Ta  lèu  que  fousquet  endurmido,  cridec  :  «  A  raiejo-neit  fe- 
»  nirei  ma  vido.  » 

Le  maiti,  la  fiilio  se  levavo  pos. 

La  sirvento  mountec  ;  de  tant  que  la  crambo  ero  esclairado, 
toumbec  abalauzido  en  cridant:  «  Mestresso  !  Mestresso  1  » 

La  mestresso  diguec  :  «  Estravago.» 

Mountec  e  toumbec,  atabès  lou  mestre  que  vourguec  sau- 
pre  so  qu'ero.  Dins  le  leit,  la  filho  ero  morto. 

Recounegueroun  que  la  pauro  qu'avion  retirât  ero  lasieu  fil  1)0. 

Toutis  l'abrassavoun,  la  cridavoun,  mais  ges  de  secours  la 
pousquec  tourna  fé  vieure. 


Quand  elle  fut  en  chemin,  elle  trouva  une  mendiante,  avec  laquelle 
elle  échangea  ses  vêtements. 

Les  sept  ans  allaient  finir,  quand  elle  alla  demander  l'aumône  à  sa 
maison.  Son  père  lui  demanda  si  elle  n'avait  pas  entendu  parler  d'une 
nommée  Cécile.  Elle  lui  dit  que  si. 

«  —  Puisque  vous  apportez  des  nouvelles  de  ma  fille,  vous  mange- 
))  rez  à  ma  table  et  dormirez  dans  son  lit.  » 

Aussitôt  qu'elle  fut  endormie,  elle  s'écria  :  «  .Y  minuit,  je  cesserai 
»  de  vivre .  »> 

Le  matin,  la  fille  ne  se  levait  pas. 

La  servante  monta  ;  une  si  grande  clarté  éclairait  la  chambre, 
qu'elle  tomba  éblouie  en  criant:  «  Maîtresse!  Maîtresse!  » 

La  maîtresse  dit  :  «  Elle  extravague.  » 

Elle  monta  et  fut  éblouie,  ainsi  que  le  maître,  qui  voulut  savoir  ce 
que  c'était.  Dans  le  lit,  la  fille  était  morte. 

Ils  reconnurent  que  la  mendiante  que  l'on  avait  recueillie  était  leur 
fille. 

Tous  l'embrassaient,  l'appelaient,  mais  aucun  secours  ne  put  la 
rappeler  à  la  vie. 


5SR  LAS  TRES  GALINETAS 

Las  Très  Galinetas  ^ 

Una  fes,  i  avic  très  galinetas  que  lou  paire  e  la  maire  avien 
mes  defora  de  l'houstau:  una  blanca,  una  negra  e  imarouja. 

Après  avedre  ben  plourat,  se  diguèrou:  «  De  que  faren?  » 

Anèrou  à  la  recerca. 

S'en  anèrou  lion.  . . .  lion. . . .  lion. . . . 

Après  avedre  ben  marchât,  vegèrou  un  clapas. 

S'arrestèrou  e  se  diguèrou  :  u  Se  bastissian  am  aquolas  peiras 
))una  cabane  ta.?  » 

Se  que  seguet  dich  seguet  facb,  e  se  metèrou  au  trabal. 

Quand  la  cabaneta  seguet  acabada,  la  rouja,  qu'èra  la  pus 
rusada,  diguet:  «  Vau  ensaja  se  barra  ben.  » 

S'enclavet  e  vouguet  pas  ouvri  à  las  autras. 

La  negra  e  la  blanca,  vegent  que  misericorda  se  pordiè, 
anèrou  pus  lion. 

Atroubèrou  un  autre  clapas,  e  se  diguèrou:  «Se  bastissian 
»  una  cabaneta?  » 


Les  Trois  petites  Poules 

Une  fois,  il  y  avait  trois  petites  poules  que  le  père  et  la  mère 
avaient  chassées  de  la  maison:  une  blauche,  une  noire  et  une  rouge. 

Après  avoir  bien  pleuré,  elles  se  dirent  :  «  Que  ferons-nous  ?  » 

Elles  partirent  à  l'aventure. 

Elles  allèrent  loin. . .  loin. .  .  loin, . . 

Après  avoir  bien  marché,  elles  trouvèrent  un  gros  tas  de  pierres. 

Elles  s'ariêtèrent  et  se  dirent:  u  Si  nous  bâtissions  avec  ces  pierres 
)) une  petite  cabane?» 

Ce  qui  fut  dit  fut  fait,  et  elles  se  mirent  à  l'ouvrage. 

Quand  la  cabane  fut  achevée,  la  rouge,  qui  était  la  plus  rusée,  dit  : 
«  Je  vais  essayer  si  elle  ferme  bien.  » 

Elle  s'enferma  et  ne  voulut  pas  ouvrir  aux  autres. 

La  noire  et  la  blanche,  voyant  que  miséricorde  se  perdait,  allèrent 
plus  loin. 

Elles  trouvèrent  un  autre  tas  de  pierres,  et  se  dirent  :  «  Si  nous  bâ- 
»  tissions  une  petite  cabane.  » 

1  Ce  conte  m'a  été  dcout;  par  M.  Henri  Bouquet,  qui  l'a  recueilli  à  Mont- 
pellier en  1873.  * 


LAS   TRES  GALINETAS  fi89 

Se  que  seguet  dich  seg-uet  fach,  e  se  metèrou  au  trabal. 

Quand  la  cabaneta  seguet  acabada,  la  uegra  diguet:  «  Vau 
»  ensaja  se  barra  b§n,  » 

S'enclavet  e  vouguet  pas  ouvri  à  la  blanca. 

La  paura  blanca  s'enanet  en  plourant,  se  metet  à  marciia 
vite;  mais  avié  bèu  marcha,  troubava  pas  jamais  res, 

La  nioch  la  susprenguet  e  s'arrestet  en  plourant  :«  De  que 
»devendrai,  paura?» 

Sus  aquel  moument,  veget  una  bella  dama  que  ié  diguet: 
0  De  que  fas  aqui,  bella  galineta?  Per  dequé  ploures?» 

La  galineta  ié  countet  se  que  s'era  passât. 

Aquela  bella  dama  era  la  Santa  Vierja  ;  ié  diguet  :  «  Ploures 
»  pas  pus,  auras  una  pus  bella  cabana  que  las  autras.  Soula- 
»  ment,  reten  ben  se  que  te  vau  dire:  se  quauq'us  pica  à  ta 
»  porta,  douvrigues  pas;  aco  sara  lou  loup  que  te  manjarié,  » 

Au  mema  moument,  la  Santa  Vierja  dispariguet,  et  à  la 
plassa  ount  era  se  troubet  un  bèu  palai. 

Lou  loup  s'en  val  à  la  cabaneta  de  la  galineta  rouja  e  ié  dis: 
«Douvris-me.  » 


Ce  qui  fut  dit  fut  fait,  et  elles  se  mirent  à  l'ouvrage. 

Quand  la  cabane  fut  achevée,  la  noire  dit:  ((Je  vais  essayer  si  elle 
»  ferme  bleu.» 

Elle  s'enferma  et  ne  voulut  pas  ouvrira  la  blanche. 

La  pauvre  blanche  s'en  alla  en  pleurant  ;  elle  se  mit  à  marcher 
vite  ;  mais  elle  avait  beau  marcher,  elle  ne  trouvait  jamais  rien  , 

La  nuit  la  surprit  et  elle  s'arrêta  en  pleui-ant  :«  Que  deviendrai-je, 
»  hélas?  » 

A  l'instant  môme,  elle  vit  une  belle  dame  qui  lui  dit:  «  Que  fais- 
»  tu  là,  belle  petite  poule?  Pourquoi  pleures-tu?  » 

La  petite  poule  lui  conta  ce  qui  s'était  passé. 

Cette  belle  dame  était  la  Sainte  Vierge;  elle  lui  dit:  «c  Ne  pleure 
«plus,  tu  auras  une  cabane  plus  belle  que  celle  de  tes  sœurs.  Soule- 
»ment,  retiens  bien  ce  que  je  vais  te  dire:  si  quelqu'un  frappe  à  ta 
"porte,  n'ouvre  pas;  ce  sera  le  loup  qui  te  mangerait.  » 

Au  même  instant,  la  Sainte  Vierge  disparut,  et  à  la  place  où  elle 
était  il  se  trouva  un  beau  palais. 

Le  loup  s'en  va  à  la  cabane  de  la  petite  poule  rouge  et  lui  dit: 
u Ouvre-moi.  » 

38 


590  LA.S  TRES  GALINETAS 

La  galineta  iô  respoiul:  «'No,  no,  no,  (luo  siès  lou  loup,  que 
»  nie  raanjariès.  » 

Lou  loup  ié  dis:   «  Trespetarai,  trespetarai,  ta   cabana  se 
»  demoulira.  » 

Lagalineta  ié  respond:  «  Trespetaras,  trespetaras,  ma  ca- 
))bana  se  demoulira  pas.  » 

Trespotet,   trcspetet,  la  cabana  se  demouliguet,  e  lou  loup 
la  manjet. 

S'en  vai  à  la  cabana  de  la  galineta  negra  e  ié  dis:  «  Gali- 
»  neta,  douvris-me. 

„  _No,  no,  no,  que  siès  lou  loup,  que  me  manjariès. 

))  — Trespetarai,  trespetarai,  ta  cabana  se  demoulira. 

,)  — Trespetaras,  trespetaras,  ma  cabana  se  demoulira  pns.» 

Trespotet,  trespetet,  la  cabana  se  demouliguet,  e  lou  loup 
la  manjet. 

S'en  vai  àla  cabana  de  la  galineta  blanca  e  ié  dis:  «Gali- 
"lineta,  douvris-me. 

» — No,  no,  no,  que  siès  lou  loup,  que  me  manjariès.  . 

),  —Trespetarai,  trespetarai,  ta  cabana  se  demoulira. 

»  -  Trespetaras,  trespetaras,  ma  cabana  se  demoulira  pas.» 


La  petite  poule  lai  répond:  ((  Non,  nou,  non;  tu  es  le  loup,  tu  me 
»  mangerais .  » 

Le  loup  lui  dit:u  Je  trépignerai,  je  trépignerai,  ta  cabane  se  démo- 
»  lira.  » 

La  petite  poule  lui  répond:  «Tu  trépigneras,  tu  trépigneras,  ma  ca- 
))baue  ne  se  démolira  pas.  » 

Il  trépigna,  il  trépigna,  la  cabane  se  démolit  et  le  loup  la  mangea. 

Il  va  à  la  cabaaede  la  petite  poule  noire  et  lui  dit:  «  Petite  [lOuTo, 
»  ouvre-moi. 

n — Non,  non,  non;  tu  es  le  loup,  tu  me  mangerais. 

» — Je  trépignerai,  je  trépignerai,  ta  cabane  se  démolii-a. 

))  —  Tu  trépigneras,  tu  trépigneras, ma  cabane  ne  se  démolira  pas.  » 

II  trépigna,  il  trépigna,  la  cabane  se  démolit,  et  le  loup  la  mangea. 

II  va  à  la  cabane  de  la  petite  poule  blanche  et  lui  dit:  «  Petite 
»  poule,  ouvre-moi. 

»  —  Non,  non,  non;  tu  es  le  loup,   tu  me  mangerais. 

,, — Je  trépignerai,  je  trépignerai,  ta  cabane  se  démolira. 

.'  —  Tu  trépigneras,  tu  trépigneras,  ma  cabane  ne  se  démolira  pas.  )> 


SANT  GODRGOULHA.  591 

Trespetet,  trespetet,  la  cabana  se  demouliguet  i>:i,s,  c  Ion 
loup  crebet. 

Lou  gai  .cantet 

E  la  eourneta  finiguet. 


Sant  Gourgoulha  ' 

ATroiû,  fan  la  festo  patrounalo  per  Sant-Gourgoulha,  debés 
Sant-Jan . 

Lai  marguelèros,  en  parant  la  gleizo,  lioucavoim  le  patron  : 
le  coupèroun. 

«  —  Aro,  cou  ci  fasen  ? 

»  — Cal  ana  cerca  le  Ramoun  de  la  pouento,  per  vesc  si 
»  vol  veni  tene  la  plas50.  » 

Le  van  trouva. 

«  —  Aven  feit  un  malur,  aven  coupât  sant  Gourgoulha,  e, 
»  coumo  i  semblats  d'après  nature,  si  voulets  veni  tene  sa 
n  plasso,  vous  pagaren.  Quant  voulets? 


Il  trépigna,  il  trépigna,  la  cabane  ne  se  démolit  pas,  et   le  loup 

creva. 

Le  coq  chanta 

Et  la  sornette  finit. 


Saint  Gourgouilla 

ATroye-,  on  célèbre  la  fête  patronale  pour  la  Saiut-Gourgouilla, 
vers  l'époque  de  Saint-Jean. 

Les  sacristines,  en  décorant  l'église,  paraient  le  patron  :  elles  le 
brisèrent. 

»(  —  Maintenant,  qu'allons-nous  faire  ? 

» — li  laut  aller  chercher  Raymond  de  la  Pointe,  pour  voir  s'il 
»  veut  venir  tenir  sa  place .  » 

Elles  vont  le  trouver. 

a  —  Nous  avons  fait  un  malheur,  nous  avons  brisé  saint  Gour- 
Dgouilla,  et,  comme  vous  lui  ressemblez  d'après  nature,  si  vous  vou- 

'  De  Belesla  (Ariége),  parM'i»  Marie  Lambert. 

*  Troye,  petit  village  de  l'arroadissement  de  Pamiers. 


592  SANT   GOURGOULHA 

„  _Trei  mesures  de  blat  e  un  boun  dejuna. 

»  — B'  aurets.  » 

L'endema  i  dounoun  per  dejuna  baudanos,  e  mel  per  des- 
sert; apei  le  metoun  dins  la  nicho. 

Se  descausso.  i  metoun  nuses  sus  peds. 

Uno  devoto  anguec  invouca  sant  Gourgoulha:  le  sant  aviô 
debrembat  de  se  fréta  les  pots  ;  entre  temps  i  passavo  la  lenguo. 

Kvo  per  Sant-Jan,  ount  las  mouscos  rodoun  pla;  la  devoto 
creguee  que  le  sant  i  vouliè  parla.  Anguec  cerca  la  siu  ca- 
marade, en  i  disent  que  sant  Gourgoulha  i  vouliô  parla. 

Quant  soun  davant  le  patron,  s'avisoun  qu'un  nus  i  èro 
toumbat;  li  tournoun  plassa  ande  uno  agulho  :  se  couitèroun 
en  entendent  souna  brespos. 

Sant  Gourgoulha  lîco  un  saut  al  miech  de  lagleizo.  e  dits: 
«  Ni  per  un  sac,  ni  per  trei  mesures,  i  vpli  pas  demeura.  » 

Toutis  leu  seguiguèroun  en  disent  :«  Sant  Gourgoulha  qu'es 
»  tournât  vin  !  Sant  Gourgoulha  qu'es  tournât  viu  !  » 

Le  Ramoun  s' anguec  amaga  dins  uno  fabieiro  ;  encaro  i  es. 


»  lez  venir  prendre  sa  place,  nous  vous  payerons.  Combien  voulez-vous? 

„  — Trois  mesures  de  blé  et  un  bon  déjeuner. 

»  —  Vous  aurez  cela.  » 

Le  lendemain,  elles  lui  donnèrent  pour  déjeuner  du  gras-double  et 
du  miel  pour  le  dessert.  Après  cela,  elles  le  mettent  dans  la  niche. 

11  se  déchausse  ;  elles  lui  placent  des  nœuds  de  ruban  sur  les  pieds. 

Une  dévote  vint  invoquer  saint  Gourgouilla  :  le  saint  avait  oublié 
de  s'essuyer  les  lèvres;  de  temps  en  temps  il  y  passait  la  langue. 

C'était  l'époque  de  Saint-Jean,  où  les  mouches  rôdent  beaucoup  ; 
la  dévote  crut  que  le  saint  voulait  lui  parler.  Elle  alla  chercher^sa 
camarade,  en  lui  disant  que    saint  Gourgouilla  voulait  lui  parler. 

Quand  elles  sont  devant  le  patron,  elles  s'avisent  qu'un  nœud  lui 
était  tombé  ;  elles  viennent  avec  une  aiguille  le  lui  replacer:  elles  se 
dépêchèrent  en  entendant  sonner  vêpres. 

Saint  Gourgouilla  fait  un  bond  au  milieu  de  l'église,  et  dit:  «  Ni 
pour  un  sac,  ni  pour  trois  mesures,  je  n'y  veux  plus  rester.  » 

Tous  le  suivirent,  en  disant  ;«  Saint  Gourgouilla  est  redevenu  en 
»  vie!  Saint  Gourgouilla  est  redevenu  en  vie  !  » 

Le  Raymond  alla  se  cacher  dans  un  champ  de  fèves  ;  il  y  est  encore. 


LOU    PAIROULIE  593 

Lou  Pairoulié  ' 

Un  cop,  i  aviô  un  pairoulié  qu'avio  pos  trabalii  ;  anguec  ne 
cercà. 

Troubec  un  home  que  i  diguec  :  «  Vousvoulets  lougà? 

»  — Ta  pla. 

» — Farets  poi  grand  causo:  manjarcts  e  beurets  ;  achi 
»  tout.  Souloment,  quand  vous  parlaran,  respoundrets:  Si  si- 
gnor  e  Signor  si .  » 

Le  gardèroun  siéis  meses  per  ba  aprene. 

Al  cap  des  siéis  meses,  l'habilhèroun  en  avesque,  atalèroun 
uno  grande  carriole,  le  metèroun  dedins  ande  ellis  e  partis- 
quèroun  cap  à  Paris. 

Dintroun  co  d'un  marchand  d'argentarié  ;  en  vegent  l'aves- 
que,  lou  faguèroun  siéta  dins  un  fautulh.  Lei  mestres  del  nou- 
vel arrivât  causission  so  que  lous  agradavo  mes. 

Presentôroun  à  l'avesque  un  sant-sacroment  :  «  Vous 
u  agrado,  Mounsegnour? 


Le  Chaudronnier 

Une  fois,  il  y  avait  un  chaudronnier  qui  n'avait  pas  de  travail  ; 
il  alla  en  chercher. 

11  trouva  un  homme  qui  lui  dit:  «Vous  voulez  vous  louer? 

» —  Tout  de  même. 

» — Vous  n'aurez  pas  grand'chose  à  faire  ;  vous  mangerez  et  vous 
»  boirez  ;  voilà  tout.  Seulement,  quand  nous  vous  parlerons,  vousré- 
»  pondrez  :  Si  signor  e  Signor  si.» 

Ils  le  gardèrent  six  mois  pour  le  lui  apprendre. 

Au  bout  do  six  mois,  ils  l'habillèrent  en  évoque,  attelèrent  une 
grande  carriole,  le  mirent  dedans  avec  eux  et  partirent  droit  à  Paris. 

Ils  entrent  dans  un  magasin  d'argenterie  ;  en  voyant  l'évêque,  on 
le  fit  asseoir  dans  un  fauteuil.  Les  maîtres  du  nouveau  venu  choisis- 
saient ce  qui  leur  convenait  le  mieux. 

On  présenta  à  l'évêque  un  ostensoir:  «Vous  convient-il,  Monsei- 
»  gneur? 

'  Recueilli  à  Belesla  (Ariége).  par  M"*  Marie  Lambert. 


594  LOD  PAIROULIB 

» — Si  sigtioi',  $igno7'  si.  » 

Pourtaboun  acô  dins  la  carriolo. 

La  reniplisquèroun  de  tout  so  que  i  aviô  de  pus  poulit  :  i 
mountoroun,  fiquèroun  dous  ou  très  cops  al  chebal  e's'eii  van 
al  vent;  dichèroun  Mounsegnour  estallat  sul  fautulh. 

Le  marchand  disiè  que  vouliô  estre  pagat,  Tavosque  res- 
poundiè  :  a  Si  si(i7wr,  signor  si. 

»  —  Que  es  temps  de  métré  la  ma  à  la  pocho. 

»  —  .îje  signor,  signor  si. 

0  —  Que  vous  trufats  de  ieu  ? 

»  —  Si  signor,  signor  si.  » 

Quand  veget  que  poudiô  pas  avé  cap  de  respounso,  pren  un 
pal,  i  fico  qualquis  cops,  le  dichet  per  mort. 

Mounsegnour  demouravo  que  lei  sius  mestres  le  vengues- 
soun  cerca;  venguèroun  pas. 

Encaro  i  es. 

E  iôu  m'en  venguèri. 


»  — Si  signor,  signor  si.  >• 

On  portait  cela  dans  la  carriole. 

Ils  la  remplirent  de  tout  ce  qu'il  y  avait  de  plus  beau  ;  ils  remon- 
tèrent, fouettèrent  deux  ou  trois  fois  le  cheval  et  partirent  rapidement, 
laissant  Monseigneur  étalé  sur  son  fauteuil. 

Le  marchand  demanda  à  être  payé  ;  l'évêque  lui  répondit  :  «  Si  si- 
»gnor,  signor  si. 

»  —  Il  est  temps  de  mettre  la  main  à  la  poche. 

»  —  Si  signor,  signor  si. 

»  —  Est-ce  que  vous  vous  moquez  de  moi? 

» — Si  signor j  signor  si.» 

Quand  il  vit  qu'il  ne  pouvait  en  tirer  d'autre  réponse,  il  prit  un 
bâton,  lui  en  donna  des  coups  et  le  laissa  pour  mort. 

Monseigneur  attendait  que  ses  maîtres  vinssent  le  chercher  ;  ils  ne 
vinrent  pas. 

Et  moi,  je  m'en  retournai . 

L.  Lambert. 


VARIETES 


INSCRIPTIONS    LANGUEDOCIENNES    CONTEMPORAINES 
recueillies  à  Montpellier 


La  langue  d'oo  est-elle  réellement  menacée  d'une  lin  prochaine? 
Telle  est  la  question  que  l'on  peut  se  poser  lorsque,  après  bien  d'au- 
tres, on  constate  que  la  renaissance  provençale,  dont  nous  souinies  les 
témoins,  part  plutôt  des  lettrés  que  des  classes  populaires.  Celles-ci 
délaissent  leur  langue,  qu'elles  considèrent  comme  lui  instrument  in- 
férieur, et  la  remplacent  peu  à  peu  par  le  français,  croyant  par  là 
s'élever  au  ni  veau  des  classes  supérieures.  Bien  des  causes  contribuent 
à  ce  résultat,  que  la  philologie  et  le  félibrige  retarderont  tant  qu'il 
sera  possible,  mais  qui  semble  devoir  se  produire  tôt  ou  tard,  et  n"a 
jamais  été  si  bien  déploré  que  dans  les  lignes  suivantes,  extraites  du 
discours  prononcé  par  Mistral  à  Montpellier,  le  3U  mars  1875,  lors  du 
premier  concours  philologique  et  littéraire  ouvert  par  la  Société  pour 
l'étude  des  langues  romanes  : 

«  Messies,  mau-grat  lifesto,  li  manifestacioitn,  li  trioumfle  que  venon 
»  ahrivn.  de  longo  e  de  tout  biais,  lou  galant  mouvemen  de  nosto  Re- 
n  naissènro,  sian  fourça  de  cminverd  que  nnsto  longn  d'O,  se  gagno  de 
»  respct  dlns  lou  viounde  di  lefr^'.  '•"'  ^n  pprrlrnt.  in  t ■''<-■  !  dins  lis  usag^ 
»  de  lafoulo. 

»  Li  cam2mgno,  li  mounfagno,  aquéli  maire-grand  de  la  poupula- 
»  cioun,  gardon  encaro,  lou  sabén,  e  gardaran  tous  tèms,  lou  fier  e  dous 

Il  parla  de  la  naturo  sempiterno.  Mai  dins  li  vilo  inoiwedisso, . 

»  es  quasi  un  desounour  de  garda  li  coustumo,  tradicioun  e  parla  de 
»  nosti  devancié  ;  de  talo  sorto  que  pertout,  au  teatre,  au  palais,  à 
»  l'escolo,  à  la  glèiso,  se  fai  à  nosto  lengo  tino  gucrro  incounsciento, 
»  mai  pamens  journadiero .  e  à  la  fin  mourtaln  '.  » 

Cette  dépréciation  de  la  langue  du  peuple  par  le  peuple  lui-même 
n'est  pas  précisément  une  nouveauté.  Elle  remonte  à  plusieurs  siè- 
cles. Dans  beaucoup  de  vieux  noëls,  le  bon  Dieu,  les. anges,  la  sainte 
Vierge,  saint  Joseph,  les  rois    mages,  en  un  mot  les  gens  comme   il 


'  Société  des  langues  romanes,  CoiH'juis  pliiloiogir/iie  et  Hftêrairc  de 
/'année  1875 -Montpellier— Paris,  .MDCccLXXv.  p.  2'6. 


596  VARIETES 

faut,  s'expriment  souvent  en  français  ;  les  bergers,  les  gens  de  travail 
et  les  paysans,  le  menu  fretin,  restant  fidèles  à  la  langue  de  leur  mo- 
deste profession  ou  de  leur  village. 

Bien  des  années  s'écouleront,  du  reste,  avant  que  les  dialectes  de 
langue  d'oc  aient  entièrement  disparu.  Nos  arrière-neveux  pourront 
encore  les  entendre.  Ce  qu'on  doit  redouter  plus  que  leur  disparition, 
c'est  leur  décomposition  progressive  en  patois,  de  plus  en  plus  irrégu- 
liers et  liérissés  de  gallicismes,  bien  différents  des  idiomes  moins 
corrompus  parlés  par  nos  pères.  Ce  mouvement  dialytique  a  commencé 
depuis  longtemps.  Serons-nous  on  mesure  de  l'arrêter  V  Recueillons  en 
attendant  les  cas,  si  rares  de  nos  jours,  d'épigraphie  languedocienne,  et 
conservons-les  dans  notre  Revue.  Cette  rareté  augmente  leur  valeur 
De  plus,  il  est  curieux  de  voir,  à  Montpellier  même,  le  languedocien 
employé  pour  une  sorte  d'avertissement  et  d'affichage  publics,  alors 
qu'il  semble  réservé  pour  des  (;ommunieations  moins  générales  et  des 
usages  de  plus  en  plus  restreints. 

Voici  douze  cas  relevés  par  nous  dans  notre  ville  au  courant  de  nos 
visites  médicales,  et  dont  plusieurs  peuvent  encore  être  constatés  par 
nos  lecteurs. 

Tous  ces  textes  se  rapportent  à  des  sujets  plaisants,  aucun  à  des 
sujets  sérieux.  Les  inscriptions  imprimées  en  majuscides  italiques  ont 
une  orthographe  vicieuse.  Les  majuscules  droites  s'appliquent  à  celles 
dont  l'orthographe  est  régulière  ou  a  été  rectifiée  par  nous. 

Sur  ces  douze  inscriptions,  neuf  ont  été  relevées  sur  des  enseignes 
ou  sur  des  murs  de  cafés  ou  de  débits  dont  les  propriétaires  ont  cru, 
sans  doute,  retenir  ou  dérider  leur  clientèle  par  ce  mode  de  publicité  ; 
une  a  été  répétée  en  double,  à  l'intérieur  de  la  vitrine  d'un  mastro- 
qiiet,  —  c'est  le  nom  que  le  débitant  a  mis  lui-même  sur  le  texte  et  que 
nous  reproduisons  après  lui  ;  — une  enfin  figurait  sur  l'étiquette  d'une 
bouteille  en  verre  coloré,  à  panse  large  et  à  goulot  f  usifonue,  —  c'est 
ainsi  que  nous  l'avons  vue,  —  contenant  une  liqueur  que  l'on  voulait 
présenter  aux  consommateurs  sous  un  titre  alléchant. 
La  douzième  a  été  lue  sur  une  affiche. 
Commençons  par  celle  de  la  bouteille. 

T.  —  Dans  la  devanture  d'un  débit  situé  au  n"  1  de  la  rue  Mont- 
pelliéret,  on  pouvait  voir,  il  y  a  quelques  années,  au  milieu  de  fla- 
cons de  toute  forme,  la  bouteille  qui  vient  d'être  décrite  et  qui  portait 
pour  étiquette  les  simples  mots  : 

AHI  !  QU'ACO  'S  BON. 

Rien  à  dire  sur  l'orthographe. 

II.   —  Passons  à  celle  du  mastroquet. 

Au  n"  6  de  la  riif   Embuuque-d'Or,  et  de  chaque  côté  de  la  vitrine 


VARIETES  597 

de  la  Cave  Narhonnaise,  on  aperçoit  IV'critcau   suivant,  qui  attire  pur 
conséquent  deux  fois  l'attention  des  passants  : 

VAUTRES,  AMICS,  QU'AVES  GRAND  SET, 

PER  AGITDRE  L'HUMOU  COUNTENTA, 

VENES  EN  FOULA  AU  MASTROQUET, 

PRENDRES  UN  BON  VEIRE  U' ABSENTA. 

HT.  —  Aux  jours  de  mon  enfance,  j'ai  vu  en  face  même  de  notre 
imprimerie  actuelle,  sur  l'enseigne  d'un  débit  qui  n'existe  plus: 

ATCT  I  A  DE  BON  VIN  BLANC 

ENCO  DE  BARBASTA  : 

ARESTAS-VOUS  E  TASTAS  LOU. 

L'orthographe  est  encore  régulière. 

IV.  —  Sur  l'enseigne  d'un  café,  au  n"  76  de  la  rue  Aiguillerie,  on 
lit: 

CAFÉ  D'A  OU  CL  A  PA  S. 

Il  est  inutile  de  faire  observer  la  vicieuse  orthographe  de  l'article. 
L'apostrophe  est  fautive.  Aou  pourrait  à  la  rigueur  se  supporter,  puis- 
qu'il est  la  peinture  de  la  prononciation.  L'm  ayant  le  son  de  ou,  on 
aurait  dû  écrire  : 

CAFE  DAU  CLAPAS. 

V.  —  Au  Café  des  Pêcheurs,  rue  des  Ecoles-Laïques,  4,  sur  le  pan 
antérieur  de  la  poutre  faisant  face  à  la  porte  d'entrée,  on  peut  lire  : 

AISI  BISCAN  PAS. 

VI.  —  Il  y  a  trois  ou  quatre  ans,  sur  une  affiche,  programme  d'une 
fête  donnée  à  Palavas  pendant  la  saison  des  bains,  et  que  tout  le 
monde  a  pu  voir  placardée  sur  nos  murs,  le  premier  repos  était  dé- 
signé par  : 

Les  tambourins   et  les  hautbois   mouilleront  l'entché. 
Et  le  deuxième  par  : 
Les  tambourins  et  les  hautbois  rgmouilleront  l'entché. 

VII. — A  la  même  époque,  au  rez-de-chaussée  d'une  maison  formant 
pan  coupé  entre  la  route  du  Pont  Ju vénal  et  l'avenue  Mathieu-Lau- 
rens,  existait  un  débit  sur  l'enseigne  duquel  on  voyait  peint  en 
grosses  lettres  : 

Ici  l'on    MOUILLA  L'ENTCHE. 

C'est-à-dire:  Ici  l'on  boit  un  coup  avant  d'aller  pêcher  à  la  ligne 
dans  le  Lez,  ou  y  faire  une  partie  de  plaisir. 

Littéralement  :  on  mouille  l'anche  du  hautbois,  afin  qu'elle  joue  avec 
plus  de  facilité,  et,  par  extension,  le  gosier,  en  bas  et  en  avant  duquel 


598  VARIETES 

est  sitnéo    la  glotte,  ouverture  supérieure  du  larynx,  justement  com- 
paré à  un  instrument  à  veut. 

Remarquons  l'affreux  gallicisme  mouilla  &u  lieu  de  hwjna. 

L'inscription  aurait  dû  être  écrite  : 

AICI  L'ON  BAGNA  L'ENCîIE. 
Ou 

AICI  SE  BAGNA  L'ENCHE. 

Le  débit  et  l'inscription  ont  disparu  aujourd'hui. 

VIII.  —  A  l'angle  nord  de  la  rue  Puech-Pinson,  à  l'amorce  de 
cette  rue  avec  la  route  du  Pont-Juvénal,  se  trouve  une  maison  aussi 
à  pan  coupé,  ayant  façade  et  entrée  sur  les  deux  voies.  Un  café  est 
au  rez-de-chaussée.  Au-dessus  de  la  porte  donnant  sur  la  rue,  on  li- 
sait récemment  : 

Café  et  Débit  BISCAN  PAS 
Et  au-dessus  de  celle  qui  ouvre  sur  la  route  : 

Café   et  Débit  BISCAN    PAS 
tenu    par  Batifort, 

Pendant  la  correction  des  épreuves,  l'inscription  a  été  remplacée 
par  une  enseigne  française.  Est-ce  bien  la  première  personne  du  pluriel 
du  présent  de  l'indicatif  et  non  celle  du  temps  correspondant  de  l'im- 
pératif quel'auteur  a  voulu  employer  ?  On  peut  se  le  demander.  L'in- 
vitation à  la  gaieté,  exprimée  par  l'impératif,  semble  plus  en  situation. 

IX.  —  La  très-correcte  et  laconique  inscription  peinte  en  magni- 
fiques caractères  blanc  d'argent  sur  champ  d'azur,  —  le  cafetier  au- 
rait-il quelques  notions  de  l'art  héraldique?  —  sur  un  des  murs  inté- 
rieurs du  Café  des  Chasseurs,  rue  des  Écoles-Laïques,  16,  semble  don- 
ner raison  à  cette  manière  de  A'oir. 

Elle  est  ainsi  conçue  : 

BISQUEN  PAS. 

C'est-à-dire  ne  boudons  pas,  ne  bisquons  pas,  livrons-nous  ù  la 
joie. 

Voilà,  sauf  erreur  de  notre  part,  ce  que  le  rédacteur  de  l'enseigne 
des  rues  du  Pont-Juvénal  et  Puech-Pinson  voulait  exprimer. 

Cette  interprétation  est  corroborée  par  l'examen  de  la  vicieuse  or- 
thographe des  deux  textes  épigraphiques  suivants,  qui  sont  un  peu 
plus  étendus,  et  dans  l'un  desquels  l'auteur  a  essayé  d'avoir  recours 
au  rhythme  de   la  poésie. 

X. — A  l'extrémité  sud-est  du  boulevard  de  l'Hôpital-Général,  dans 
l'épaisseur  même  de  la  porte  de  la  Blanquerie,  se  trouve  le  Café  des 
Tanneries  réunies,  tenu  par  Chaveroche  Achille. 


VARIETES  f>99 

La  terrasse  de  rétablisscmout  est  protégée  par  une  marquise  on  tûlc 
qui  procure  aux  consouimateurs,  que  le  désir  de  jouir  de  la  vue  du 
boulevard  relient  au  dehors  du  café,  un  abri  contre  le  soleil  et  au  be- 
soin contre  la  pluie.  A  la  partie  moyenne  du  bord  supérieur  de  la  mar- 
quise est  disposé  un  écusson  de  même  matière,  cantonne  des  quatre 
as  du  jeu  de  cartes,  où  l'on  peut  lire  : 

AMIS  ARRESTEN   NOUS  AISSI  ET  BISQUAN  PA. 

N'insistons  pas  trop  sur  l'absence  de  ïiS  tenuinalc  du  dernier  mot; 
c'est  plutôt  une  faute  de  proportion  qu'une  faute  d'orthographe. L'ou- 
vrier du  pinceau  avait  mal  pris  ses  distances.  UA  touche  l'extrémité 
mcrae  de  l'écusson  ;  il  n'y  a  pas  eu  de  place  pour  VS. 

XI .  — Ce  défaut  n'existe  pas  sur  l'inscription  intérieure  qui  décore 
le  mur  de  la  salle  faisant  face  à  la  porte  d'entrée.  Voici  cette  inscrip- 
tion : 

A  LA  GRANDA  TABERNA   D'AOU  CLAPAS. 

AMIS,  ARESTEX  NOUS   AISIH!  ET  BISQUAN  PAS! 
CHÊ  L'AMI  ACHILLE  ANAN  NOUS  REFRESCA. 

Deux  verbes  ayant  le  même  sujet  ne  peuvent  pas,  dans  la  même 
phrase,  être  mis  à  deux  modes  différents.  Les  camarades  s'invitent  à 
s'arrêter  chez  l'ami  Achille,  à  ne  pas  y  faire  la  moue  et  à  s'y  rafraî- 
chir. Ils  ne  peuvent  s'exprimer,  partie  à  l'impératif  et  partie  à  l'in- 
dicatif. Le  premier  mode  seul  est  de  mise,  du  moins  dans  le  premier 
vers,  véritable  invitatoire.  Dans  le  deuxième  vers,  l'indicatif  peut  à  la 
rigueur  aller,  puisqu'il  s'agit  d'une  action  en  voie  d'accomplissement. 

Aux  points  de  vue  de  l'orthographe  et  de  la  prosodie,  ces  inscrip- 
tions pouvaient  être  ainsi  modifiées  : 

La  X« 

AMICS,  ARUESTEN  NOUS  AICI  E  BISQUEN  PAS! 

La  Xle 

A  LA  GRANDA  TABERNA  DAU  CLAPAS. 

AMICS,  ARRESTEN-NOUS  :  ÇAI  SEN  PAS  PER  BISCA  ! 

ENCO    DEL  BRAVE  ACHILLE  ANAN  NOUS  REFRESCA. 

XII.  Au  a"  2  de  l'avenue  de  Toulouse,  à  son  amorce  immédiate  par 
conséquent  uvecle  cours Gambetta (précédemment  cours  des  Casernes), 
au-dessous  de  l'enseigne  :  Café  débit  de  la  Cascade,  on  peut  lire  sur 
la  traverse  supérieure  de  la  porte  d'entrée  ouvrant  sur  l'avenue  : 

PASSEN  PAS  D AVANT  LOU FOUR 
SANS  SALUA  LA  PALA. 

C'est-à-dire  :  on  ne  passe  pas  devant  les  gens  sans  les  saluer,  et  de- 
vant un  café  sans  y  entrer  pour  boire  un  petit  verre. 


600  VARIÉTÉS 

Sans  le  gallieisinc  salua  au  lieu  de  saluda,  l'inscription  serait  or- 
tliographiquemont  irréprochable.  Elle  doit  donc  être  rédigée  : 

PASSEN  PAS  DAVANT  LOU  FOUR 
SANS  SALUDA  LA  PALA. 

Maigre  la  facilité  de  tous  ces  textes,  nous  en  donnons  la  traduction 
française  ; 

T.  —  Ah  que  c'est  bon! 

II.  —  Vous,  amis,  qui  avez  fjrnnd  soif  : 

Pour  avoir  l'humeur  contente, 

Venez  en  foule  au  mastroquet. 

Vous  prendrez  un  bon  ven'e  d'absinthe. 

III.  —  Ici,  il  y  a  de  bon  vin  blanc  chez  Barbaste. 

Arrêtez-vous  et  goûtez-le» 

IV.  —  Café  du  Clapas  (ou   de  Montpellier). 
Tout  le  monde    sait  que  Clapas  (tas  de  pierres)  est    la  désignation 
populaire  de  la  ville  de  Montpellier, 

V.  —  Ici,  nous  ne  bisquons  jias. 

VI.  —  Les  tambourins  et  les  hautbois  mouilleront  l'anche. 
Les  tambourins  et  les  hautbois  remouilleront  l'anche. 

VII,  —  Ici,  on  mouille  l'anche. 

VIII.  —  Café  et  débit  Ne  bisquons  pas. 

IX.  —  Ne  bisquons  pas. 

X.  — Amis,  arrêtons-nous  ici  et  ne  bisquons  pas. 

XI .  —  A  la  grande  Taverne  de  Montpellier  : 
Amis,  arrêtons-nous  ;  nous  ne  sommes  pas  ici  p)our  bisquer! 
Chez  le  brave  Achille,  nous  allons  nous  rafraîchir. 

XII.  —  Ne  passons  pas  devant  le  four  sans  saluer  la  pelle. 

Le  terme  bisca  se  retrouve  cinq  fois  dans  nos  textes.  C'est  le 
verbe  «bisquer  »  du  français  avec  ses  diverses  acceptions  :  bouder,  être 
de  mauvaise  humeur,  se  dépiter,  s'impatienter,  toutes  manière  d'être 
qui  poussent  plutôt  à  se  retirer  dans  la  solitude  et  à  s'y  absorber  si- 
lencieusement dans  la  douleur  qu'à  boire  gaiement  de  petits  verres 
en  rieuse  compagnie.  Les  débitants  et  cafetiers  ont  tenu  à  rappeler  à 
leur  clientèle  que  les  chagrins  et  les  peines  ne  sont  pas  de  mise  dans 
leurs  établissements,  et  que,  par  conséquent,  ceux  qui  sont  en  proie  à 
ces  sentiments  moroses  feront  bien  de  les  laisser  à  la  porte. 

D'autres  appels  languedociens  à  la  boisson  et  à  la  joie  doivent  exis- 
ter encore  dans  les  cafés  populaires.  Certains,  qui  y  étaient  peints  il 
y  a  quelques  années,  ont  été  eflEacés.  AfiEaire  de  fantaisie  commerciale 


VARIETES  601 

de  la  part  des  propriétaires  do  tes  établisseracntR.  Suivant  qu'ils  ont 
cru  les  patois  démodes  ou  en  faveur,  ils  les  ont  repousses  ou  recher- 
chés comme  moyen  de  propaj^ande.  Il  est  à  remarquer  que  si  des 
inscriptions  en  cette  langue,  qui  existaient  naguère,  ont  été  suppri- 
mées, d'autres,  telles  que  la  deuxième  ot  la  onzième,  sont  toutes  nou- 
velles. Un  ne  peut  donc  pas  conclure  que  le  culte  des  dialectes  lan- 
guedociens sera  incessamment  aboli. 

Nos  inscriptions  ne  portent  pas  l'empreinte  d'une  littérature  bien 
élevée.  Elles  sont  la  preuve  manifeste  de  la  conviction  populaire  que 
le  patois  de  Montpellier  n'est  bon  que  pour  les  jovialités  et  non  pour 
les  sujets  sérieux.  C'est  surtout  à  l'abbé  Favre,  ce  singulier  curé,  ex- 
cellent prêtre,  paraît-il,  d'après  une  tradition  encore  vivante  dans  le 
clergé  de  Montpellier,  mais  qui  devait  connaître  son  Rabelais  tout  au- 
tant que  son  bréviaire,  c'est  à  l'auteur  du  Siège  de  Cadaroussa  qu'est 
due  cette  petite  réputation  do  notre  idiome.  Octavien  Bringuier,  avec 
grand  succès  dans  cesdernières  années,  et  quelques-uns  après  lui,  ont 
cherché  à  lui  en  faire  une  autre.  Elle  sera  difficile  à  déraciner. 

Au  moment  de  la  mise  en  page,  notre  prote,  M.  A.  Beaufils,  nous 
indique  deux  inscriptions  non  urbaines,  mais  rurales,  qu'il  a  aperçues 
en  allant  à  la  chasse,  sur  la  porte  de  deux  mas  ou  maisons  de  cam- 
pagnes, situés  l'un  au  nord  de  la  ville,  après  Boutonnet,  au  terroir  de 
l'Aiguelongue,  dans  un  chemin  de  traverse  qui  fait  communiquer  la 
route  de  Mende  et  l'entrée  de  la  Valette  ;  l'autre  au  midi,  sur  les  bords 
du  Lez,  aux  premières  Cabanes,  à  quelques  kilomètres  de  la  mer. 

Voici  la  première: 

VILLA  PORTA-Z-Y 
LOU  SAGE  LOU  VI. 

Villa  imrte-z-y  —  le  sac  et  le  vin. 

Ce  qui  veut  dire  que  ce  n'est  qu'un  vide-bouteille  ;  qu'on  n'y  laisse 
pas  de  provisions  quand  on  rentre  en  ville,  et  que,  par  conséquent,  les 
maraudeurs  perdraient  leur  temps  à  songer  à  le  dévaliser. 

Et  la  deuxième  : 

VILLA  FRICOT  E  FOSSA. 

Villa  fricot  et  beaucoup:  on  vient  ici  pour  manger  à  bouche  que 
veux-tu . 

Ce  sont  bien  des  textes  populaires  et  non  des  textes  littéraires  que 
nous  venons  de  communiquer.  L'incorrection  orthographique  de  plu- 
sieurs d'entre  eux  le  prouve.  11  ne  faudrait  pas  croire  cependant  que 
les  romanisants  lettrés  soient  toujours  restés  étrangers,  même  à  Mont- 
pellier et  dans  les  jours  actuels,  à  l'épigraphie  en  langue  d'oc.  N'a- 
t-on  pas  vu  un  public  nombreux  stationner  devant  les  affiches-annon- 


60Î  VARIETES 

ces  apposées  par  le   félibre-liqnoriste  Charles  Gros,  pour  faire  con- 
naître un  (le  ses  produits,  non  moins  goûtés  que  ses  poésies  : 

Tant  per  refresca  lou  gousié 
Que  per  adouci  la  petrina, 
Bevès  toutes  la  granadina 
De  Gros  fraires  de  Mountpelié. 

<i  Tant  pour  rafraîchir  Te  gosier  —  que  pour  adoucir  la  poitrine,  — 
buvez  tous  la  grenadine  —  de  Gros  frères  de  Montpellier  ^  ?  » 

L'obligeance  de  Charles  Gros  l'avait  aussi  porté  à  accepter  la  ré- 
daction languedocienne  d'affiches  ayant  trait  à  des  industries  difEé- 
rentes  de  la  sienne.  Nous  regrettons  de  ne  pas  les  avoir  présentes  à 
la  mémoire. 

Et  notre  excellent  ami  Roumieux  n'avait-il  pas  laissé  peindre,  avec 
illustration  à  côté,  sur  la  cloison  en  planches  du  chantier  du  théâtre, 
qui  a  été  pendant  plus  d'un  an  un  carré  d'annonces,  le  premier  cou- 
plet de  sa  joyeuse  chanson 

Bail,  hau,  hau, 
Enco  de  Rimbau  ? 

Cette  clianson  n'a  pas  été  pour  le  restaurant  bien  connu  des  bords 
du  Lez  une  stérile  réclame. 


APPENDICE 

En  montrant  à  M.  Dubouchet,  notre  secrétaire  adjoint,  l'enseigne 
qui  porte  la  neuvième  inscription,  j'ai  été  invité  par  lui  à  jeter  les 
yeux,  à  2  mètres  au-dessus  environ  et  à  droite,  sur  la  portion  de  l'an- 
cien rempart  faisant  directement  suite  à  la  porte  de  la  Blanqucrie,  et 
à  y  regarder  une  pierre,  noircie  par  le  temps  comme  ses  voisines,  mais 
sur  laquelle  est  gravé  un  écusson  très-bien  conservé  et  que  je  n'avais 
pas  encore  remarqué. 

Ces  armes,  une  tour  crénelée,  à  la  porte  en  .fer  grillagé,  sur  un 

1  Pourquoi  ne  dirions-nous  pas,  ne  serait-ce  que  pour  l'aire  plaisir  à 
,M.  Charles  Gros,  que,  dans  notre  pratique  médicale,  nous  avons  vu  plusieurs 
fois  des  jeunes'gens  des  deux  sexes  atteints  de  fièvre  typhoïde  ou  muqueuse, 
ou  d'inflammations  viscérales  avec  rougeur  et  sécheresse  de  la  langue  et  soif 
ardente,  demander  à  boire  de  la  grenadine  et  ne  pas  s'en  trouver  plus  mal 
que  des  autres  tempérants  prescrits,  suivant  les  cas,  en  pareille  circonstance: 
limonade  étendue,  dissolutions  de  sirops  de  groseille  ou  de  vinaigre  et  autres 
boissons  acidulés,  pelit-lait,  etc. 


VARIETES  603 

champ  dont  ou  ne  peut  guère  ùdistance  déterininerla  couleur,  uc  sont 
autres  que  celles  de  la  Commune  Clôture,  dont  notre  cher  collègue 
Achille  Montel,  qu'une  maladie  trop  persistante  tient  éloigné  de  nous, 
a  publié  l'inventaire  dans  les  premiers  volumes  de  notre  Revue. 

Voilà  une  pierre  précieuse  qu'il  importe  de  silicater  au  plus  tût, 
afin  de  prolonger  sa  conservation.  Dans  un  mémoire  chirurgical  pu- 
blié en  18(37,  sur  ï Emploi  du  silicate  de  potasse  pour  la  confection  des 
appareils  inamovibles  dans  les  cas  de  fractures  des  membres,  j'ai  rap- 
pelé que  les  calcaires  de  construfetiou  soumis  à  deux  douches  d'une 
dissolution  de  ce  sel,  précédées  d'une  douche  d'eau  commune,  se  re- 
vêtent, par  double  décomposition,  d'une  couche  de  silicate  de  chaux 
qui  les  rend  imperméables  à  l'humidité,  et  qui  de  plus  n'est  pas  salis- 
sante 1. 

Pourquoi  notre  cafetier,  au  lieu  de  l'enseigne  banale  que  nous  avons 
reproduite,  ne  prendi-ait-il  jias  la  reproduction  picturaire  du  vénérable 
écusson  avec  l'exergue  en  vieux  roman  : 

A    LAS   ARMAS   DE   LA   COMUNA    CLAU8URA   DE    LA   VILA 
DE   MONTPEYLIER. 

Il  faut  dire  que  la  pierre  gravée  se  trouve  précisément  au-dessus 
d'un  café  contigu  appartenant  au  même  immeuble,  mais  non  au-des- 
sus du  café  Chaveroche, 

Adelphe  Espagne. 


NOTES  SUR  DIVERS  TEXTES 


I.-  BERTRAN  DE  BORN  (STIMMING,  BERTRAN  DE  BORN, 
^EIN  LEBEN  UND  SEINE  WERKE)  -'. 

P.  106,  1.  1.  A  l'appui  de  la  leçon  venguda  a  marit,  qui  est  celle 
des  mss. ,  on  peut  citer  les  exemples  suivants,  tirés  d'un  censier  béar- 
nais de  1388  {Bulletin  de  la  Société  des  sciences,  lettres  et  arts  de 
Pau,  2e  série,  t.  Vil,  p.  154  et  157:  «  Galhardine,  daune  deu  loc  de 
Laugar. . .,  ana  a  marit  a  l'ostau  de  Sobervielle. . .  .e  ago  uufilh.,.»; 
«..■.Peramaut(=  Peire  Arnaut)...filh  àQ...ana  a  molher  &  l'ostau  de 
Fraxo...  e  aquiago.  ii.   filhs.  » 

1  Mo7itpellier  médical,  1867,  t.  XVIII,  p.  45. 

^  Voy.  Reçue,  l.  XVI,  p.  86  et  87.  J'ai  eu  le  tort,  eu  cet  eudroil,  pour 
avoir  parcouru  trop  rapidement  alors  l'iulroduction  de  M.  Stiraming,  de  lui 
attribuer  deux  omissions  qu'il  n'a  point  commises.  Il  a  bien  signalé,  en  effet, 
p.  100,  le  rapport  que  j'indiquais   moi-même  entre  deux   sirventés  de  B.  de 


604  VARIETES 

P.  119,  Razo  do  la  pièce,  35,  1.  7.  «  forteressa.  «Corr.  fronte- 
resa  ou  seulement /Vowtera  (frontière)  ?  Cf.  le  castillan  fronterizo. 

P.  120.  1.  5.«  el  cors  estej'euceis.  »  Corr.  ol  (au  lieu  de  el)  cor 
estet  anceisf  Les  niss.  portent  cor,  que  Rainion  Vidal,  comme  l'au- 
teur des  Leiis  autorisent  à  rétablir,  ce  mot  étant  donné  par  ces  deux 
grammairiens  comme  invariable  au  singulier  ;  anceis  est  aussi  dans 
les  mss.  Ma  correction  se  borne  donc  à  changer  el  en  ol  (où  o  =  m60 
et  estei  en  estet  (stetit),  ce  dernier  mot  pris  au  sens  de  estava. 

2.  Sur  le  modèle  de  Entre  gel  e  vent  e  fane  de  R.  d'Orange.  — 
2.  «  elesta.  »  Ce  mot,  qui  est  une  des  formes  du  participe  passé  de 
elegir,  prise  substantivement,  signifie  peut-être  ici  l'annonce,  le  pré- 
lude de  la  belle  saison .  Elegir,  en  effet,  parait  avoir  eu,  entre  autres 
significations,  celle  de  deviner, prédire.  Cf.  X,  51,  où  cette  significa- 
tion semble  certaine. 

51 .  «  Plus  quel  bons  om  de  Talautais.»  Il  n'est  point  sûr  qu'il  s'a- 
gisse ici  de  la  Tarentaise,  comme  le  croit  M.  St.  ;  mais  dans  cette  hy- 
pothèse, il  faudrait,  semble-t-il,  adopter  la  leçon  de  F: plus  que  bos  om. 

3.  Sur  le  modèle  de  Ara  no  siscla  ni  canta  de  R.  d'Orange.  — 
19.  Virgule  après  vols, —  23-4.  «  S"es  prims  de  tersols  tornatz.  » 
M.  Stimming  traduit  :  «  11  s'est  tout  d'abord  arraché  à  la  chasse.  » 
La  trad.  littérale  paraît  être:  «  11  est  devenu  premier  de  tiercelets.  » 
Est-ce  une  façon  _métaphorique  de  dire  :  «  Il  est  passé  au  premier 
rang  des  trois  frères  >>  ? 

25.  «  s'il  anava.  »  Lis.  si  la  'nava  ou  sis  n'anava.  —  31.  «  ma- 
zanta.  »  M.  St.  suppose  que  ce  mot  signifie  «  donne.  »  J  y  vois  le  verbe 
correspondant  à  mazan,  et  je  traduirais  fait  retentir. 

4,26.  M.  St.  considère  l'indicatif  comme  irrégulier  dans  ce  pas- 
sage ;  il  ne  l'est  point,  car  il  n'y  a  aucun  doute  sur  la  pensée  :  «  ils  ne 
pensent  pas  (c'est-à-dire  ils  oublient)  que  cela  déplait  à  Dieu.  » 

5,  31-2.  «  pot  plegar  et  estendre.  »  M.  St.  prend  ici  ces  deux 
verbes  dans  une  acception  figurée,  qui  me  paraît  très-forcée,  et  qui,  à 
mon  avis,  n'est  pas  le  vrai  sens.  Il  faut  leur  laisser  leur  sens  propre, 
et  entendre  «  dont  on  peut,  pour  de  l'argent,  faire  ce  qu'on  veut.  » 

6,  17.  «  fai.  »  Corr.  sai  ? — 19.  Une  virgule  seulement  après /jer- 
tus.  — 22,  Corr.  Qu'es  fortz  te  fer  m  (ûvmet) .  Cf.  le  vers  suivant.  — 

Born  et  deux  chansons  de  ses  conlemporains  et  compatriotes  Giraut  de  Bor- 
neil  et  Arnaut  Daniel .  Mais  il  semble  croire  que  ceux-ci,  du  moins  le  dernier, 
furent  les  imitateurs;  et,  ti  mon  avis,  c'est  le  contraire  qui  dut  avoir  lieu. 
J'ajouterai,  à  ma  décharge,  —  car  c'est  là  ce  qui  m'avait  induit  en  erreur,  — 
que  la  façon  dont  il  est  parlé  du  «son  de  n'Alamanda  »  dans  la  note  sur  13, 
25,  devait  naturellement  laisser  croire  que  M.  Stimming  n'avait  pas  reconnu 
de  quelle  pièce  il  s'agissait. 


VARIETES  605 

36.  «ansi.  »  Je  lirais  ausi.  —  30.  Corr.  Que  si  venon  et  autreias 
l'acorl?  Au  v.  suivant,  on  pourrait  aussi  proposer  sera,  pour /'((r«. 
7,4.  Rétablir  d'efans!  — 8.(<ben  »  bes  parait  préférable.  —  0. 
a  capelaja.  »  Corr.  cap'  a  laia  (a  laide  cape).  —  14.  c  l'iia  ojjs.  » 
Écrire  Ih'  a  ops.  Les  voyelles  devant  h  ne  s'élident  pas.  —  10. 
J'écrirais  Jow'  es,  sans  rien  sup[)léer.  Les  noms  en  e  peuvent  rejeter 
au  SU),  sing.  l's  flexionnello. —  44.  ((  bon.  »  addition  inutile.  Cf.  ci- 
après,  15,  32,  note. 

8,  13.  «  remanha.  »  oléine  mot,  à  la  rime  également,  au  vers  21. 
Corr.  rci  n'anlta?  anha  est  l'exact  correspondant  du  fr.  aille,  ré- 
sultant, comme  cette  dernière  forme,  de  la  substitution  de  la  flexion 
iam  à  la  flexion  em.  C'est,  pour  le  dire  en  passant,  cet  anha,  affaibli, 
selon  l'usage,  en  anhe,  qu'il  faut,  je  pense,  reconnaître  dans  l'inter- 
jection caucanhe,  fort  usitée  à  Montpellier,  et  cpii,  malgré  le  vague 
de  la  signification,  se  ramène  très-bien  à  cal  que  ane  (ça  ira,  litté- 
ralement :  il  faut  que  j'aille,  qu'il  aille,  ou  que  ça  aille). 

9,  41.  Mettre  une  virgule  après  genssa.  Singulière  destinée  des 
mots!  Ce  brillant  verbe  gensar,  en  Limousin,  ne  signifie  plus  aujour- 
d'hui que  balayer,  et  son  substantif,  genso,Qst  le  synonyme  à'eicouho. 
(balai) .  —  61-65.  Ces  cinq  vers  paraissent  le  début  d'un  couplet  par- 
venu incomplet.  Si  c'est  une  tornade,  elle  est  contraire  à  la  règle. 

10,  10.  ((  nom  »  Corr.  non. — 15.  Virgule  après  yo<;  «  il  n'y  a  pas 
de  joie,  si  on. . .» — 47-48.  Manque  un  vers,  rimant  en  é,  après  cha- 
cun de  ces  deux  vers. 

11,  12-14.  Corr.: 

Ë  mos  Rassa  s'es  accordatz 

Socorr'  al  rei 
E  non  a  negun  dels  comlatz? 

— 19.  Lis.  Pois  vendit  los  a  vas  Aratz?  —  45.  Lire  avec  A:  lezi- 
dors  d'obrador  :  oisifs  de  boutique,  nouvellistes  de  village.  C'est  en- 
core l'usage  ',  dans  nos  villages  et  petites  villes,  d'aller  s'asseoir  sur 
le  «taulier»  et  de  traiter,  entre  voisin=,  des  affaires  publiques  et  pri- 
vées.—  58.  «  a  Lion  nerei.»M.  Tobler  a  déjà  corrigé  ce  vers,  comme 
le  V.  62.  Au  lieu  de  al  joven,  on  pourrait,  sans  rien  changer  au  ms., 
écrire  al  joxine .  C'est  la  forme  qui  a  cours  encore  aujourd'hui  dans 
le  pays  de  Bertrun  dé  Born. 

12,  37,  «daran.  «Lis.  darà'n  (qui  m'en  donnera). — 43.  «  gen- 
liazos.  »  Lire  gen  liazos,  avec  M.  Tobler,  en  prenant  ce  mot  au  sens 
propre.  Cf.  la  locution  vulgaire  «  elle  est  bien  ficelée»,  et  chez  d'au- 
tres troubadours,  les  exemples  suivants  :  u  No  trop. .  .Qu'un  autra  tan 

i  Ce  l'était  du  inoios  dans  mon  enfauce. 


606  VARIETES 

gcata  Kl  mon  se  //  iiis  mire»  (P.  Rogier)  ;  «  Car  non  sai  melhor 
Nis  lia  El  mou  bellazor  »  (J .  Estève).  Liar  devait  signifier  habiller, 
comme  desliar  (voy.  19,  41),  deshabiller.  Le  sens  de  notre  passage 
est  donc  probablement:  «  sa  toilette  lui  va  bien,  elle  shabille  avec 
goût.»  —  ô7.  <i  gran.i)  ISIal  traduit  par  art,  wescn.  C'est  simplement 
grandeur,  taille.  Les  exemples  de  cette  acception  sont  assez  nom- 
breux ailleurs. 

14,  25.  Lis.  guazain,  comme  le  ms.  l'indique  (trois  jambages). — 
33.  Lis.  rt'.s'Crtc/iicr (l'échiquier)  ;  ^ejos,  au  vers  précédent  =^ions; 
métaphoriquement,  bien  entendu. —  56.  Corr.   lauzalf  Cf.  v.  59. 

15,  23.  Je  ne  trouve  pas  ici  le  mélange  de  constructions  que  l'édi- 
teur a  cru  pouvoir  y  signaler:  mais  =  désormais.  —  32.  «  non  sai 
a.  »  Lire  saja  pour  sapcha  (coupe  italienne)',  ou  saj  'a?  Le  sub- 
jonctif est  indispensable. — 40.  Virgule  après  nier,  —  41.  M.  Stim- 
ming  rend  i/aillinier  par  caslrirl,  traduction  qu'il  a  sans  doute  em- 
pruntée à  M.  Bartsch.  Nous  dirions  chaponné.  Mais  tel  ne  doit  pas 
être  le  sens;  je  pense  qu'il  faut  entendre  «  bon  seulement  à  prendre 
des  poules.  »  C'est  au  reste,  ou  à  très-peu  près,  l'interprétation  de 
Raynouard.  — 44.  «  sallat.  »  sallar,  rt55«Zar,  signifient  proprement 
couvrir,  abriter  ;  aujourd'hui,  en  Limousin,  être  a  Vassala,  c'est  être 
à  l'abri  (de  la  pluie).  C'est  aussi  évidemment  le  sens  de  notre  pas- 
sage ;  sallat  y  a,  avec  la  forme  passive,  la  signification  active  ;  ce  dont 
on  a  d'autres  exemples  ;  ainsi  Guillaume  IX  :  Que  niietz  for'  encaval- 
gatz  de  negun  orne  viven.  Cf. ,  en  français,  monie,  appliqué  à  un  ca- 
valier, habit  habillé,  coiffer  unbonnet,  etc.  Sallar  est-il,  comme  l'a 
cru  Raynouard,  une  autre  forme  de  celar?  C'est  assez  vraisemblable 
(cf.  A.  Daniel,  III,  14),  mais  non,  peut-être,  absolument  sûr.  Voy. 
pourtant  ma  Gr.  limousine,  y>.  316  et  378.  —  Travers ier,  que  M.  St., 
avec  Raynouard,  traduit  par  «  posé  de  travers  »,  ne  signifierait-il  pas 
plutôt  «  qui  est  ou  peut  être  traversé  »,  à  savoir  par  la  pluie  ? 

16,  12.  «  asiata.  »  Ce  mot  paraît  être  un  substantif  collectif  se 
rattachant  à  ais,  demeure,  lieu  qu'on  habite  ;  la  désinence  ata,  à  la 
vérité,  fait  difficulté  ;  on  voudrait  ada,  comme  dansj  inaisnada  = 
'mansionata;  mais  cf.  vita,  pour  vida  (18,  16^.  —  14.  «  la  lata.  » 
C'est  le  rebord  du  toit.  On  appelle  en  Périgord  lato  feulho,  les 
planches  minces  qui  supportent  la  toiture  et  qui  s'avancent  plus  ou 
moins  au  delà  du  mur.  —  17.  Rétablir  que  Vautres  a  a  tôt  laissât. 
Le  poëte  oppose  ici  l'un  à  l'autre  les  deux  fils  du  comte  de  Périgord, 
Helie  V.  —  23.  Rétablir  quom  a   esparviers.  Cet  emploi  de  a  après 

1  D'autres  exemples  de  cette  coupe,  ou  césure  enjambante,  comme  disait 
Boucherie,  sont  fournis  par  cette  même  pièce,  au  v.  2'i,  d'après  les  manu- 
scrils  D  V  i  K  :  par  1,  14,  d'après  le  ms.  F;  par  7,  4,  d'après  le  ms.  C. 


VARIETES  607 

cotn  et  devant  le  cas  sujet,  comme  ici,  est  à  comparer  à  celui  de  la 
même  préposition  dans  les  phrases  comme  el  se  lenc  a  paijutz .  — 
29-31 .  Il  ne  faut  pas  penser,  comme  l'ont  fait  M.  Stimming  et  M.  Clé- 
dat,  à  Damiette  d'Egypte.  Leucate  et  Damiate  sont  deux  villes  de 
France  assez  voisines,  la  première  dans  l'Audo,  la  seconde  dans  le 
Tarn  (sur  l'Agouf)';  mais  je  pense  que  ces  villcs'ne  figui-ent  ici  cpie 
pour  doiiaer  lieu  à  un  jeu  de  mots  que,  du  reste,  je  ne  compreuds  pas 
bien  :  «  Je  ne  suis  pas  de  Leucate  (Jeu  cala,  de  catar  '?),  mais  j'ai  tout 
laissé  et  je  suis  à  Damiate,  c'est-à-dire  à  «  dommage  y  a  »  {dam  i  a 
+  ta]  ? 

17,  11.  «  engema.  »  Corr.  e  gema.  Ce  mot  gema,  encore  fort 
usité  dans  le  pays,  signifie /(o/x-.  11  est  dans  Du  Cange.  Je  ne  sais 
pourquoi  M.  St.  a  séparé  cette  pièce  de  la  quatrième.  Ce  n'en  est 
évidemment  qu'une  autre  copie,  à  la  fois  plus  et  moins  complète,  ou 
peut-être  interpolée. 

18,  10.  «  gas.  »  Peut-être  'pour  go.bs,  comme  ailleurs  amis,  pour 
amies,  etc.  Si  le  texte  que  vient  de  publier  M.  Levy pouvait  être  une 
autorité,  ou  citerait  os  pour  o6s,qui  s'y  trouve  auv.  2917. 

19,  32.  «  e  d'aculhir  de  Fanjau.  »  C'est  sans  doute  une  louange  à 
l'adresse  des' dames  de  Fanjau,  que  Pierre  Vidal  a  chantées  dans  Mos 
cors  s'alegr'e  s'esjau;  peut-être  même  une  allusion  à  cette  dernière 
pièce.  J'ai  montré  ailleurs-  que  B.  de  Born  avait  pris  pour  modèle 
d'un  de  ses  sirventes  {moU  m'es  descendre  car  col)  une  chanson  de 
son  contemporain  toulousain. 

20,  19.  «  partz.»  M.  St.  voit  ici  l'ir.d,  prés.  3e  pers.  du  verbe ^ar- 
tir,  à  SAVo'w part,  ch&n^é  en  partz,  pour  la  rime.  11  ne  faut  pas  attri- 
buer si  légèrement  des  barbarismes  à  un  poëte  comme  B.  de  Born; 
partz  est  simplement,  —  et  très-régulièrement,  —  parcet,  épargne, 
ménage.  Ce  verbe  existe  encore  (parct)  en  Périgord. 

21,  10.  «  devan.  »  Lis.  denan.  —  55.  «  s'esto.»  Cette  forme  est 
relevée,  mais  non  expliquée  dans  les  notes,  où,  par  parenthèse,  estuja 
de  Flamenca,  7681,  est  donné  comme  une  autre  forme  du  subj.  de 
estar.  C'est  l'ind.  présent  de  estujap-,  mettre  de  côté,  renfermer, 
tians  cet  exemple,  soustraire  à.  Ce  vers  réclame  d'ailleurs  une 
légère  correction,  qui  est  Qiian  pour  Que;  son  du  vers  précédent 
doit  être  pour  soin,  c'est-à-dire  sonh.  Revenant  à  eslo,]Q  ferai  re- 
marquer que  c*est  l'analogie  de  donar  qui  a  fait  créer  cette  forme,  de 
même  que  estonga  qu'on  trouve  aussi;  et  si  donar  a  agi  ainsi  sur 
estar,  c'est  par  l'intermédiaire  de  Jar,  grâce  d'un  côté  à  l'identité  de 
la  forme,  de  l'autre  à  celle  du  sens.  Du  reste,  toute  la  conjugaison 

'  C'était  autrefois  un  château  que  Simon  de  MoQlforl  détruisit. 

2  Poésies  inédites  des  troubadours  du  Périgord  (Revue,  X.W,  235.) 


608  VARIETES 

de  estar  est  romplio  do  formes  aualogiquos  de  diverses  provenances 
qui  ou  font  une  sorte  de  chaos.  — 79.  donasset::  aurait  mérité  d'être 
relevé.  Cet  emploi  de  l'imparfait  du  subj.  pour  le  présent  du  même 
mode,  ou  mieux,  pour  l'impératif,  est  aujourd'hui  commun  dans  i)lu- 
sieurs  patois. 

22,  21.  Il  s'agit  du  comte  de  Toulouse,  comme  l'a  bien  vu 
M.  Clédat. — 36-40.  Le  sens  paraît  être  :  «  Je  m'étonne  que  le  roi 
d'Aragon  ne  détache  pas  ses  Aragonais  (ou  ne  se  détache  pas,  corr. 
nos?)  [de  l'alliance  des  Français],  puisque  des  comtes,  des  ducs,  des 
marquis  ont  (corr.  an)  rejeté  cette  alliance  »,  ou  «  puisque  le  comte 
(lis.  lo  conis  avec  T),  duc  et  marquis  a  rejeté  cette  alliance  »  (litt.: 
«  les  a  contremandés  pour  alliance.  '>)  Desmandai'  (deinianda)  est 
resté  d'un  usage  courant.  On  pourrait  encore,  et  peut-être  mieux, 
expliquer  ainsi  les  vers  36-37:  «Je  m'étonne  que  le  roi  des  Aragonais 
ne  les  détache  pas  (ses  Aragonais),  c'est-à-dire  ne  les  envoie  pas 
guerroyer  contre  les  Français,  au  dommage  de  ceux-ci.  » 

24.  Sur  cette  pièce,  voy .  Revue,  XXV,  231 . —  7.  «  corâlha.  »  Cf. 
v.  18.  Corr.  ?. —  S.faissuc  veut  dire  pesant,  au  propre  et  au  figuré. 
—  15.  Lis.  rfuieus,  qui  est  pour  quius,  comme  vieu  pour  vni.  —  22. 
«  caus. . .  sauc.  »  Il  est  remarquable  que,  dans  le  limousin  moderne, 
l'adjectif  eau  (cacum),  quiisolémeut  n'est  plus  en  usage,  s'est  inti- 
mement soudé  à  saûc  et  que  le  tout  ne  forme  plus  qu'un  seul  mot, 
dont  l'origine  n'est  pas,  de  prime  abord,  évidente  :  sîcau.  Si  ^  siet^ 
^  seu  =  seii  =sau.  Cf.  sî  =sebum,  Di  =  detim,  etc.  Seu,  monos., 
pour  saiic,  se  rencontre  déjà,  du  reste,  en  d'anciens  textes.  —  23. 
«  soiros.  »  M.  St.  traduit  ce  mot  par  Milbe,  mite.  C'est  une  erreur. 
La  signification  est  porc,  gros  cochon;  souiro,  truie,  est  encore  en 
usage.  —  36-41.  Je  crois  que  ces  six  vers  constituent  un  sixième  cou- 
plet, dont  le  premier  vers  manque,  plutôt  que  deux  tornades. — 41. 
Lis.  l'en  passes  (  =  passetz)  =  que  vous  ne  le  fassiez  passer  (dans 
votre  estomac  ou  par  votre  gosier)' . 

25,  13.  ratje  est  mal  traduit  par  rasend,  xcild.  La  locution  a 
ratje  signifie  à  l'aventure,  a»  hasard,  en  déroute.  Cf.  le  premier  vers 
de  la  tenson  de  Lanfranc  Cigala  avec  Guillelma  de  Roziers.  D'un  au- 
tre côté,  comme  je  n'ai  jamais  rencontré  ralje  employé  isolément, 
je  suis  porté  à  croire  qu'il  vaut  mieux  écrire  en  un  seul  mot  aralje. 
L'origine  en  serait  erraticus. 

27,  31-32.  Je  préférerais  la  leçon  de  R.,  dont  l'autorité  vaut  bien 
celle  de  C.  Corr.  en  conséquence  vilans  auv.  28.  —  33.  «  Rassa.  » 
Je  pense  avec  M.  Tobler  que  ce  mot  ici  veut  dire  race,  et  n'est  pas, 
connue  le  cioit  M.  St.,  le  surnom  du  comte  de  Bretagne.  Ecrire  par 

*  Cf.  liomanz  de  S.  Fanuel,  v.  419-22. 


VARIETES  609 

conséquent,  en  déplaçant  \a  v\vgn\e,Rassa  vilana,  lafiiva,.  ..  —  42. 
Je  crois  que  f/ahar  est  ici  mal  traduit  par  spotten.  La  sens  doit  être 
vanter,  se  cantet' de,  qui  est  une  des  significations  de  f/abnr. 

28.  Sur  cette  pièce,  voy.  7?t'ft<f;,  XXV,  -23.d. —  1.  «  descendre.» 
Corr.  ileslendre  ?  Carcol  serait  une  machine  de  siège.  Carcou  (cf. 
col  et  cou)  est  en  Berry  un  synonyme  de  carcasse,  et  ce  mot,  comme 
on  peut  le  voir  dans  Littré,  a  signifié  un  engin  de  guerre.  Pour  molt 
m'es  =:  je  suis  las  de,  cf.  l'exemple  rappoilé  par  Godefruy  à  la  fin 
de  l'article  de  molt.  —  6.  Je  rattacherais  ce  vers  au  précédent:  E 
tenh  m'o. . .  car  il  nestan. —  36.  «  gian.»  Pourquoi  ims  f/rutideni? 
flac  et  gran  sont  des  épithètes-  bien  souvent  associées,  —  ou  leurs 
équivalents,  —  encore  aujourd'hui. 

29,  5.  «  pom.  »  Non  pas  «  pommeau  d'épéc  »,  mais,  à  mon  avis, 
pomme,  boule,  qui  surmontait  les  tentes.  —  42.  «  Trainac.  »  C'est 
Treignac,  chef-lieu  de  canton  du  département  de  la  Conèze. 

29,  40.«bisesta.  »  Ce  mot  réclamait  une  note.  Rayn.  le  traduit 
par  retarde;  M.  St.,  plus  exactement,  mais  avec  doute,  \>diVver- 
gehen,  schioinden.  11  faut  se  rappeler  que  bisseste,  dans  lanc.  fr. 
et,  encore  aujourd'hui,  dans  quelques  patois,  veut  dire  malheur,  sort 
funeste.  Porter  bisseste  à  quelqu'un,  c'est  lui  porter  malheur.  Ici, 
pour  continuer  la  métaphore,  il  faudrait  traduire:  «  ma  joie,  qui  était 
fleurie,  ne  poite  pas  de  fruit»,  proprement"  est  frappée  de  malheur.» 

30,  19-22.  Je  ne  crois  pas  que  ces  quatre  vers  soient  une  tornade, 
comme  il  est  dit  p.  102.  Ce  doit  être  le  commencement  du  troisième 
couplet  dont  la  fin,  non  plus  que  ceux  qui  devaient  suivre,  ne  nous 
a  pas  été  transmise. 

31,  42.  «  la  glesa.  »M.  St.  traduit  l'église.  C'est  certainement  une 
erreur.  Le  sens  est  la  </Zé&e,  le  champ  (de  bataille).  —  43.  «  adrei.  » 
Lis.   a  drei? 

32,  16  «  debur.  »  Pour  depur,  de  depurar?  Ce  verbe  serait  ici 
à  peu  près  synonyme  de  purger.  Se  rappeler  ce  qu'on  raconte  des 
effets  de  la  peur. 

33,  41-44,  Ces  quatre  vers  ne  doivent  faire  évidemment  qu'une 
seule  tornade. 

34,  37.  «  Fûlcans.»  Lis.  Folcatts  ?  Peut-être  le  seigneur  de  La 
Rochefoucauld. —  38. «  s'eron  eniires  »,  s'étaient  alliés,  avaient  fait 
accord,  et  non  pas  seulement  s'étaient  joints,  comme  traduit,  si  je 
comprends  bien,  M.   Stimming. 

35,  40.  «  Qu'en.  «Lis.  Queu( quel  =  que  la)?'  —.50.  «  fo.  »Coir. 
vencf  Les  mss.   portent  v«  (quand  il  devint  roi). 

36,34.  «salavier  »  Sur  ce  mot,  qui  manque  à  R.  et  que  M.  St. 
traduit  parp.eZ.7,  voy.  D  C.  sous  sarabara. —  43-49.  Ce.s  sept  vers 
forment  en    réalité  un  couplet  entier,  dont  chaque  moitié  tient  lieu 


610  VARIETES 

d'une  tornnde.  Un  autre  exemple  de  cette  disposition  nous  est  fourme 
par  une  teuson  entre  Raimon  de  Cornet  et  Guilhom  Gras. 

37,  Gl.  Ixci'or  =  'recordet,  ne  peut  ici  convenir.  Il  faut  un  o 
estreit.  pour  rimer  avec  senhor.  C'est  donc  à  recurrit  que  ce  mot  doit 
renvoyer.  11  faudrait,  en  conséquence,  corriger  mos  chantars. 

38,  40.  Je  lirais  plutôt  Com  an  Vivian.  S'agit-il  de  Guillaume 
d'Orange  ou  de  Vivien  de  Lomagne?  Cf.  33, 19. 

39,  8.  «  lai,  »  =  la  i  (illam  hic),  et  non  illac,  comme  l'a  cru 
M.  St.  (cela  résulte  d'un  renvoi  h  ce  passage  dans  le  glossaire,  sous 
lai).  —  22.  Lis.  antre  Beira.  Reste  à  identifier  ce  nom.  Est-ce  la 
Vézère?  Cf.  veire  et  ve:,er,  de  vidcre. —  23.  «  dera.»  Le  contexte, 
d'accord  avec  trois  mss.  sur  quatre,  indique  c/erate, —  42.  Je  lirais 
Qui  s'onor  ens  abria  =  qui  protège,  défend  sa  terre  et  nous-mêmes. 

—  43.  «  car.  »  Corr.  riar.  — 44.  «  Sa  pauca  Lombardia.  «  Sa  petite 
Lombardie.  Le  poëte  appelle  ici  le  Limousin  pe/î7e  Lomhardie,  par 
comparaison  avec  la  ligue  des  villes  lombardes  contre  Frédéric 
Barberousse,  qui  avait  lieu  environ  dans  le  même  temps  que  les  ba- 
rons du  Limousin  se  liguaient  contre  Richard.  —  46.  «  s'enbronha.» 
Je  vois  là  une  autre  forme  de  embroncar  ;  «  il  ne  s'émeut  ni  ne 
s'etfraie  pour  menaces  [qu'on  lui  fasse],  mais  il  veille  sur  Limoges  et 
la  fait  refermer  (fait  rebâtir  ou  raffermir  ses  murailles).»  Il  faut,  bien 
entendu,  effacer  la  virgule  après  resonha,  et  adopter  la  leçon  LimoL- 
gel. 

40,  21 ,  Je  ne  pensé  pas  que  Tolosa  soit,  comme  l'a  cru  M,  St  , 
un  second  régime  direct  de  l'a  toignt.  Ce  vers  21  forme,  à  mon  avis, 
une  proposition  entière  qu'il  faut  entendre  :  «  Et  Toulouse  (c'est-à- 
dire  le  comte  de  Toulouse)  se  montre  envers  lui  (Philippe-Auguste) 
exigeant  outie  mesure,»  quel  doit  naturellement  être  écrit  quel  (que 
II),  et  que  est  explétif.  Sur  un  pareil  emploi  de  cette  conjonction,  cf. 
ci-dessus,  p.  292,  n.  2.  Ecrire  aussi  sobredeman  en  "un  seul  mot. 

—  23.  Rétablir  marit.  Le  sujet  de  membre  est  le  pronom  neutre 
sous-entendu. —  27,  Corr,  Va  sai'i 

41,  17.  «  estenta.))Ce  mot  manque  au  glossaire, et  il  n'est  l'ob- 
jet d'aucune  note.  M,  Bartsch,  dans  sa  Chreslomalhie  provençale, 
le  traduit  par  puissant.  La  signification  doit  en  être  la  même  que 
celle  de  l'italien  5/enio,  maigre,  décharné.  Aucune  épithète  ne  con- 
vient mieux àla  mort.  Le  vieux  fr,  avait  dans  le  même  sens  estens^, 

'  On  a  dit  aussi,  dans  le  même  sens,  estrait,  en  vieux  françai?;  ainsi  dans 

A  iol  : 

Et  .1.  coval  estrait^  caitif  et  descarnr^. 

Cette  dernière  expression  est  encore  en  usage  dans  le  patois  du  Périgord, 

En  parlant  d'une  Ipersonne   très-maigre,  on  dira  volontiers  :  qu'ei  'n  estret. 

Cf.  étiré. 


m- 

I 


VARIETES  611 

qui  manque  dans  le  diet.  de  Godefroy,  et  que  M.  Hartsch,  dans  sa 
Chresto»iathie  française,  traduit  par  ias,  y  voyant,  senible-t-il,  un 
équivalent  de  lit.  slanco.  L'exemple  auquel  il  renvoie  est  celui  ci  : 
De  jeûner  estait  estens,  c'est-à-dire,  évidemment,  il  était  maigre,  ex- 
ténué, à  force  déjeuner.  Estens,  du  reste,  représente  exlcnsus,  comme 
estent,  extentits,  participes  l'un  et  l'autre  de  ej:tenderc;etccst  bien 
sous  estendre  que  M.  Bartsch  place  eslenta,  quoiqu'il  l'interprète 
mal. 

42,  5    «a  Melhau.  »  Lis.  Amelhau.  Cf.  Sordel,  Planher  vuelh  en 
Dlacatz,  (juatrième  couplet. 

43,23.  ('  em  tartalh  »  =  et  je  crie;  lartalhar  existe  encore,  avec  di- 
verses nuances  de  cette  signification,  dans  plusieurs  patois.  —  29. 
((  ressolli.»  M.  St.  voit  ici  l'ind.  prés,  l™  pers.  d'un  verbe  j"f5so/t;r^, 
(ju'il  traduit  ou  qu'il  interprète  par  verunreinigen,  à  tort,  selon  moi. 
C'est  à  ressollar  que  cette  forme  doit  appartenir,  et  rrssoUar  (res- 
soidar)  existe  encore  aujourd'hui  avec  trois  sens  différents,  dont  deux 
au  moins  conviennent,  métaphoriquement,  à  notre  texte  :  étendre  les 
gerbes  sur  l'aire  (le  sol)  pour  battre  le  blé  ;  ressemeler  des  souliers  ; 
cueillir  à  poignées.  Voy.  Azaïs  et  Mistral.  Ce  dernier  indique  encore, 
pour  le  réfléi-hi,  la  signification  de  «  se  traîner.»  Voilà  de  quoi  choi- 
sir ;  pour  moi,  j'incline  à  traduire  :  «Je  les  bats  comme  une  semelle  », 
d'autant  plus  que  retalh  continuerait  la  métaphore. — 30.  «  els  calh  » 
=  et  je  les  chauffe  (caleo).  J'ai  relevé  ici-même  (XVI,  85)  un  autre 
exemple  de  cet  emploi  de  caler  dans  sa  signification  primitive.  Cf. 
chaloir  dans  Godefroy. — Sl.Corr.  Quem  cujavo'! — 34.  Lis.  iSaint 
Launart.  Je  vois  là  la  ville  de  ce  nom  (Saint- Léonard,  arrondisse- 
ment de  Limoges), et  non  pas,  comme  M.  St.,  le  saint  qui  en  est  le 
patron.  Le  Limousin, il  ne  faut  pas  l'oublier,  était  un  pays,  naguère 
'encore,  couvert  de  forges.  Il  est  probable  qu'on  fabriquait  à  St-Léo- 
nard  dufer  de  qualité  inférieure.  — 48.  «bart.  »  bouillie  [brei),  dit 
!M.  St.,  et  c'est  bien  ce  que  le  contexte  semble  indiquer.  Mais  èari 
paraît  ne  pouvoir  être  que  la  forme  masculine  de  6«r<a,  bailler,  brous- 
saille.  La  métaphore  s'appliquerait  ainsi  moins  à  la  cervelle  qu'aux 
mailles  du  haubert  brisées  avec  elle. 

P.  22G.  Sur  Bem  plai  lo  gais  tems  de  pascor,  que  M.  Stimming 
retire  à  Bertran  de  Born  et  que  je  n'hésite  pas  à  lui  restituer,  voyez 
la  Revue,  t.  XVI,  86,  et  t.  XXV,  2*34.  Pour  les  imitations,  voy. 
la  liste  donnée  par  M.  E.  Levy  (Guilhem  Figueira,  p.  27),  à  la- 
quelle il  faut  ajouter  Dalfinet,  De  mieg  sirventes  ai  legor  (Archio, 
XXXIV,  191).  La  cobla  anonyme  Be  colgra  aguessem  un  senhor, 
qu'on  lit  dans  P  (Archiv,L,  277;,  fait  partie  de  Quan  cug  chantar, 
de  Folquet  de  Romans,  pièce  relevée  et  publiée  par  M.Lévy, 


61Î  VARIETES 

II    —  CHRESTOMATHIE  PROVENÇALE  de  M.  Bartsch 

(4«  éditiou) 

Charte  de  1025.  8,  12.  a  armas.  »  Le  ms.  porte  armes,  qu'il  faut 
rétablir.  Voy.  Liber  inslrumentorwn  memorialium  (Montpellier, 
1886),  p.   L\i\. 

Noël.  18,  18.  «  siu*  jauvit.  «  Le  sens  de  faire  fête,  accueillir  avec 
joie,  qui  est  ici  celui  de  Ja^yiV,  n'est  pas  indiqué  au  glossaire.—  18, 
32.  Lis.  sans  rien  changer  aunis.:C/i'  aques  (=aquestz)  vers  nous 
ah  nos  jan.  jan  serait,  non  cantum,  mais  cantet,  à  savoir  l'ange. 

Confession.  21,  10.11  n'y  a  pas  de  lacune,  pourvu  qu'on  corrige 
ei  eu,  comme  je  l'ai  autrefois  proposé. 

Guillaume  IX.  111,31,37.  «quada  trei.  «M.  Bartsch  traduit  «  tous 
les  trois,  »  Ce  doit  être  plutôt  trois  par  trois,  on' chacun  des  trois, 
tour  à  tour,  cada  étant  essentiellement  une  particule  distributive. — 
32,  2,  «  a  for.»  Ms.  a  foc  ;  corr,  foie? —  Dans  mandacairei  qui 
suit,  je  verrais  volontiers  un  nom  propre,  ou  plutôt  un  sobriquet, 
peut-être  celui  d'un  chef  de  bande:  Manda  [oxiMand'a)  cairei-  [qua- 
drivium)?  —  32,  10.  «  acarcat.  »Lis,  ou  corr.  a  cariât,  comme  a  fait 
M.  Meyer  dans  son  Recueil. —  32,  12.  «  Si  non  pot  aver  caval  compra 
palafrei.  »  Telle  est  la  leçon  du  ms.  M,  Bartsch  supplée,  le  vers 
étant  trop  court,  adonc  devant  compra;  mais  cette  correction  n'est 
probablement  })as  la  bonne  5.  En  effet,  tous  les  autres  vers  de  quatorze  \ 

syllabes  de  cette  pièce*  ont^le  premier  hémistiche  féminin  (S'om  la 
loigna  de  proeza  \  qu'ab  malvestat  non  plaidei).  On  pourrait  pro- 
poser: «  Si  non  pot  aver  cavaZa,  ela  compra  palafrei.  » 

Marcabru.  111,56,  3.  Je  lirais  Gardatz  sen  de  bedoi ;  Wiiév .  Voyez, 
sens  de  <ibedoï»;  c'est-à-dire  «voyez  sa  bêtise.))fief?o^où  M.  Bartsch 
voit  une  forme  d'un  verbe  bedoinar  (f),  qu'il  traduit  par  deviner, 


1  J'avais  eu  autrefois  [Revue,  VIII,  28)  le  tort,  reconnu  depuis  [Romania, 
VIII,  125),  de  proposer  la  correction  sin. 

^  La  forme  cairoi,  qu'on  trouve  dans  les  chartes,  aujourd'hui  quetroi/ 
(nom  de  lieu  et  de  personne),  renvoie  à  qiiadruvium. 

^  Celle  de  M.  Meyer  [Si  non  pot  aver  destrier  o  caval,  compra  palafrei) 
est  encore  moins  satisfaisante,  de  quelque  façon  qu'on  coupe  le  vers,  car  elle 
lui  donne  quinze  syllabes  effectives. 

♦  C'est  aussi  le  cas  de  Compaigno  tant  ai  agut.  11  est  vrai  que,  dans  une 
autre  pièce  du  même  troubadour,  Companho  farai  un  vers,  où  les  vers  de 
quatorze  syllabes  ont  ea  général  leur  premier  hémisliclie  masculin,  on  en 
trouve  deu.x  qui  l'ont  féminin.  Ce  mélange  pourrait,  à  la  rigueur,  autoriser  la 
correction  de  M.  Bartsch. 


VARIETES  618 

est  bien  plus  probablement  un  substantif,  soit  identique  à  bédouin 
(voy.ce  mot  dans  Littré),  soit  pareil,  pour  la  racine  et  la  significa- 
tion, à  l'anc.  fr.  bedier,  sur  lequel  voy.  Godefroy. 

Charte.  58, 17  et  20.  «  quedas.»  J'avais  autrefois  '  proposé  de  ce 
qiiedas  une  explication  que  M.  Bartsch  a  cru  pouvoir  accepter;  ce  que 
je  regrette,  car  certainement  je  m'étais  trompé.  11  faut  simplement  lire 
en  deux  mots  qiced  as  =  qtiid  (ponrqttod)  habes.he  Rerenger  Rai- 
mon,  àl'égard  duquel  est  pris  l'engagement  que  la  charte  consacre, 
n'avait  que  pendant  deux  mois,  mars  et  juin,  pour  l'une;  pendant  trois 
mois,  novembre,  décembre,  janvier,  pour  l'autre,  les  deux  «  autres 
parts  »  de  seigneurie  dont  il  est  question. 

Raimbant  d'Orange.  68,  3.  s'abrec.  Dans  le  verbe  abregar,  que 
M.  Bartsch,  le  rattachant  sans  doute  à  abric,  traduit  p<ir  abriter,  je 
verrais  plus  volontiers  un  composé  de  bregar,  signifiant,  comme  le 
simple  lui-même,  frotter.  Cf.  Rabelais,  Gargantua,  ch.  III,  vers  la  fin 
du  premier  alinéa. 

Peire  d'Acernhe.  II,  82,  23.  «  Lo  vers  fo  faitz  als  enflabotz.  » 
Sur  ce  passage,  mal  interprété,  Fauriel,  après  et  d'après  Millot,  a 
bâti  tout  un  roman.  Voy.  son  Hist.  de  la  poésie  prov.,  111,  240  -. 
M.  Bartsch,  dans  ses  deux  premières  éditions,  avait,  comme  eux,  tra- 
duit enflabots  par  «  flambeaux  ».  Aujourd'hui,  il  rend  ce  mot  par 
«  crapuleur  »  {sic).  C'est  encore,  et  évidemment,  une  erreur:  als  en- 
flabolz  doit  signifier  «  au  son  des  musettes.»  On  sait  que  la  musette, 
instrument  essentiellement  auvergnat,  a  pour  organe  principal  une 
outre  (bot)  enûée  de  vent.  En flabot  est  un  substantif  composé,  du  même 
genre  que  cornavi,  bufatiso  et  autres,  qui  abondent  chez  Marcabru. 

Garin  le  Brun.  92,  21.  «  contes.  «Ce  mot  me  paraît  avoir  été  mal 
compris  par  M.  Bartsch,  qui  le  traduit  par  compte  o\\  conte,  ie  crois 
que  le  sens  du  passage  est  littéralement  celui-ci:  «Beaucoup  d'hom- 
mes, si  une  dame  leur  fait  bon  accueil,  se  feront  aussitôt,  tant  ils  se- 
ront mal  appris,  vains  (comptas)  de  son  amitié  (se  vanteront  d'avoir, 
ses  bonnes  grâces)  et  en  feront  grand  bruit.  » 

Guilhem  de  Bergxedan. 120,  2b.quelencrvius.\je  ms.  porte  enervi 
vos,  ce  qui  donne  une  syllabe  de  trop.  Mais  la  bonne  correction  doit 
être  quel  nervi  vos,  le  sens  ne  pouvant  être,  semble-t-il,  que  celui-ci  ; 
«  Vous  portez  le  bras  tout  retiré  ;  vous  auriez  besoin  de  le  frotter 
d'orties,  pour  que  le  nerf  (le  muscle)  s'étendît.  » — 121,2-3.  «c  me- 
liana de  cort  ves.  »  «  Amélioration  de  court  usage  »,  traduit 

1  Revue.  VIII,  229.         . 

-  Au  même  eadroit,  Fauriel  dit  avoir  vu  la  signature  de  Pierre  d'Auvergne 
dans  un  acte  de  1147.  C'est  probablement  une  illusion.  Cf.  Liber  instne- 
mentortmi  inemorialium,  p.  lxii. 


6J4  VARIETES 

M.  Bartsch.  Je  ne  sais  ce  que  cela,  pour  lui,  peut  bien  vouloir  dire  ; 
quant  à  moi,  je  ne  comprenils  pas  ce  passage  ;  pout-etro  est-il  cor- 
rompu. Mi'iiisdc  b)'ajas,i'.  sans  braies  »,  invite,  semblc-t-il,  à  y  chercher 
un  sens  obscène  ;  ves  pourrait  être  vitium,  à  la  rigueur  vectein  (vech 
— vels — ves);  mais  mcliana^  ? 

Peire  Cardinal.  178,  5.  «  bilh,»  Mot  mal  traduit,  je  crois,  par  b^ 
Ion.  Vov.  la  dernière  des  publications  spéciales  de  la  Société  des  lan- 
gues romanes,  Deux   ms .  provençaux  du  XIV^  siècle,  p.  245. 

Guillein  Figueira.  203,  29.  «  car  tans  mais  saubutz  faitz.  » 
M.  Bartsch  attribue  ici  à  saubutz  la  signification  de  sus,  connus, 
et  peut-être  a-t-il  raison.  Mais  j'incline  à  croire  qu'il  vaut  mieux  en- 
tendre «  tant^de  choses  qui  savent  mal  »,  au  sens  primitif  du  latin 
sapere,  qui  se  conserve  encore  en  quelques  provinces.  Cf.  Revue, 
VU,  151.  — 206, 4. «  sembcl.  «Mot  mal  traduit  par  «combat,  dispute.  » 
Sa  signification,  ici  du  moins,  est  celle  d'embûche,  piège. 

Raimon  d'Avinho.  212,  21 .  Ratz  et  radels,  traduits  par  rats  et 
petits  rats,  sont  certainement  des  radeaux  ;  mais  il  n'est  pas  interdit 
de  supposer  que  l'auteur  a  voulu  faire  un  jeu  de  mots. 

Peire  de  Corbiac,  213,  24.  «  intaizina.  »  Il  est  indispensable,  sem- 
ble-t  il,  si  l'on  ne  veut  pas  accepter  la  leçon  de  I  (m<erma),  de  corriger 
enietVîHa.Ni  le  renforcement  de  ei  en  ai,  ni  le  changement  de  r  en  z, 
ne  se  justifient  chez  un  troubadour  du  temps  et  du  pays  de  P.  de 
Corbiac.  — 215,  2.  La  bonne  leçon  est  certainement  celle  qui  est  re- 
jetée au  bas  delà  pa.ge,entrecambiadamens. 

Raimon  Vidal, 2[9,  1.  M.  Bartsch  traduit  sera  par  multitude;  ce 
n'est,  comme  il  semble  évident,  qu'une  conjecture.  Mon  sentiment  est 
qu'il  faut  voir  dans  ce  sera  une  autre  forme  de  ser,  sur  laquelle  j'ai 
déjà  appelé  l'attention  ^,  et  traduire  :  «  tant,  le  soir,  il  menait  volon- 
tiers avec  lui  de  compagnons  »,  littéralement  :«  vers  ce  que  (c'est-à- 
dire  eu  égard,  à  ce  que),  le  soir,  il  menait. .  .  .de  compagnons. .  .  » 

Règle  de  S.  Benoit,23i,  5.  apart,  ainsi  imprimé  en  un  seul  mot  et 
traduit  par  séparé,  ne  peut  être  qu'une  locution  adverbiale,  à  écrire 
en  deux  mots,  a  part. 

Peire Guillem,  268,  8.«  laurani,  ouvrage.»  C'est  certainement  lo- 
rain  ^lat.  loramen)  qu'il  faut  traduire,  sauf  à  corriger  loram.  Mais 
cela  raêrae'n'est  pas  nécessaire.  Les  cxem.iles  ne  sont  pas  rares  du 
passage  de  o  k  au. 

Amanieudes  Escas{li8.  de  Sescas),  330, 14.  Lis.  az  autezaen  deux 
mots,"  convenablement,  sufifisamment.  »  pertratz,  qui  précède,  paraît 

'    Le  même  mot  se  lit  dans  une  pastourelle  de  Marcabru,  où  il  n'est  pas 
non  plus  facile  à  interpréter  {Chrestomathie,  54,  i2). 
2  Voy.  lievuCj  XJll,  117. 


VARIETES  615 

mal  traduit  par  allirail.  C'est  provision  qu'il  faudrait,  <(  Si  son  as- 
siette est  suffisamment  garnio,  l'inviter  serait  sottise.»  Tel  est  lésons, 
semble-t-il  ;  mais  le  passage  exige  probablement  quelques  corrections, 
tout  au  moins  el  covit  au  \  .  15.  — 332,  3.  '<  en  basca  )>;  non  pas  eti 
dispute,  comme  il  est  dit  au  glossaire,  mais  dans  l'embarras.  Voj-.  le 
Dict.  béarnais  de  M.  Lespy. 

Naturas  d'alcunas  bestias,  33.5,  11.  «  Can  la  leonessa  a  leonat.» 
M.  Bartsch  voit  dans  leonat  un  subst.  signifiant /iOMCCCM.  C'est  le 
participe  passé  d'un  verbe  Zeonar.«  Quant  la  lionne  a  lionne»,  c'est- 
à-dire  quand  la  lionne  a  fait  ses  petits  ou  son  petit. —  335,  45.  eranh, 
traduit  pas  //arcn//,  doit  être  l'araignée. 

Barlaam,  358,  41 .  «  ses  compte  »  non  pas  «  sans  doute  »,  comme 
il  est  dit  au  glossaire,  mais  «  sans  mesure,  » 

R.  de  Cornet.  3C>o,  13,  15;  SCG,  10,  20,  28,  29,  33.  Sur  les  mots 
letrier.pojezada,  boaijrolha,  preveyressa,  querenti,  bcrta,  eubertn, 
qui  me  semblent  traduits  ou  inexactement  ou  de  façon  trop  vague, 
voy.  le  glossaire  déjà  citéde  Deux  m ss.  provençaux  du  XIV*  siècle. 

Evangile  de  l'enfance.  390,  6.  Lis.  Ccdqu'esquern;  que  est  sous- 
entendu. 

Délibération 398,  20,  21 .  «  barrai.  »  Non  pas  bouteille,  mais 

barrit. 

Ludus  sancti  Jacobi,  409,  12.  «  serveto.  »  Ce  mot,  traduit  par  in- 
struction, est  probablement  une  faute  de  lecture  du  premier  éditeur, 
pour  sorneto. —  409,  18.  «  ullia.  »Corr.  ulho  (volo). —  413,  36. «de- 
reyre  un  oatieu.  »M.  Bartscb  traduit  ce  eatieu  parchélif,  sans  pren- 
dre garde  que  cela  ne  donne  aucun  sens  raisonnable.  Corr.  cacieu.  Il 
s'agit  d'une  baie.  Voy.  Mistral  sous  cassieu. 

C.  G. 


SUR  UNE   PARTICULARITÉ   DE    LA  DÉCLINAISON 
GALLO- ROMANE 

(Suite)   ' 

L'article  que  j'ai  publié  sous  ce  titre,  dans  le  dernier  numéro  de  la 
Revue*,  ne  dit  rien  de  quelques  exceptions,  réelles  ou  apparentes,  au 

'  P.  4.38,  1.  18-19,  il  faut  lire:  > tous  les  Dom?,  à  accent   mobile  ou 

non,  de  la  troisième  déclinaison  latine  imparisyllabique.  »  Parmi  les  noms 
cités  deux  lignes  plus  bas,  presbyter  a  été  donné  par  mégarde  comme  de  la 
troisième  décllDaisou.  Le  lecteur  voudra  bien  excuser  cette  double  inadver- 
tance, qu'il  aura  déjci  corrigée  lui-même,  et  qui  est  d'ailleurs  sans  consé- 
quence dans  le  cas  présent. 


616  VARIETES 

principe  que  j'ai  posé;  et.  comme  on  me  les  a  amicalement  objectées, 
il  no  sera  peut-être  pas  inutile  de  les  examiner  rapidement. 

1"  Tcmpeste,  poverte,  poeste.  Ces  mots  ne  sont  point  l'ancien  cas 
sujet  de  tempcsté,  poverté,  p)oesté.  Ils  représentent  des  mots  différents, 
à  savoir  'tempesta,  "pauperta,  'potesla,  formes  que  la  latinité  vulgaire 
avait  dû  déduire,  analogiquement,  de  tempestas,  jmvpertas,  potestas,  con- 
sidérés connue  des  féminins  pluriels  de  la  première  déclinaison, de  la 
même  façon  qu'elle  rattachait  ù  cette  déclinaison,  comme  singuliers 
féminins,  les  pluriels  neutres  en  a,  tels  qne  folia.  De  là  les  mots  sy- 
nonymes, mais  sans  dépendance  mutuelle,  tempeste  et  tempesté,  etc. 

2"  Cit.  ancien  synonyme  de  cité,  ne  doit  pas  êti-e  dans  le  même  cas. 
On  s'expliquerait  difficilement,  en  effet,  la  disparition  de  Va  final  de 
formes  telles  que  civita-civitas.Le  provençal  cm  renvoie  phonétique- 
ment h  civem.  Ce  dernier  mot  (civis)  paraît  avoir  pris  dans  la  latinité 
vulgaire  (voy.  DuC.)  le  sens  de  civitas,  et  il  est  naturel  dès  lors 
qu'il  s'y  soit    parfois  substitué.  Mais  une  autre  hypothèse  est  néces-  ^ 

saire  pour  expliquer  le  frauçais  cit,  à  cause  du  t  fiual.  Serait-il  trop  •    '{ 

téméraire  d'y  voir  le  résultat  d'une  fusion  des  deux  mots,  devenus 
synonymes,  civitas  et  civis  (civitem,civ'tein,  ciïj.*  Quoi  qu'il  en  soit,  pas 
plus  que  poverte  de  poverté,  cit  ne  peut  être  considéré  comme  le  cas 
sujet  de  citéK  Cf.  G.  Paris,  S. -Alexis,  p.  114,  n. 

3°  Le  provençal  sei-p,  ser,  n'est  pas  le  cas  sujet  de  serpent,  c'est 
un  substantif  complet  par  lui-même.  Serpens,  devenu  .ser2)es^,  dut 
être  traité  comme  les  noms  parisjdlabiques  de  même  désinence,  tels 
que  famés,  vulpes  ;  ce  qui  fut  aussi  le  cas  de  sanguis  et  de  hères, 
comme  le  prouvent  les  formes  françaises  et  provençales  de  ces  noms, 
qui  renvoient  à.  sanr/uem,  herem,  etc.,  et  non  à  sungidnem,  heredem, 
etc.  ^.  Ainsi  séparés,  serpes  et  serpentem  durent  naturellement  donner 
naissance  à  deux  mots  indépendants. 

4 .  Falc,  drac.  Je  ne  crois  pas  que  le  rapport  grammatical  que  plu- 


*  Je  hasarderai  —  très-timidement  —  une  atilre  coDJeclure.  Civita  étant 
admis  au  même  titre  que  pauperta,  ne  pourrait-on  pas  supposer  que  ce  mot 
fut  traité  comme  un  nom  propre  de  ville  et  qu'on  dit  eivitœ,  à  la  question 
uhi,  —  avec  laquelle  la  question  quo  dut  se  confondre,  — comme  on  disait 
flowcB  ' .' Dans  ce  cas,  ce  serait  de  eivitœ,  plus  fréquemment  employé  que 
civita,  que  notre  cit  aurait  régulièrement  pris  nais.sance.  Cf.  Aix  ^  Aquis, 
non  Aquas.  Rappelons,  à  l'appui  de  cette  hypothèse,  l'usage  roman  d'incor- 
porer la  préposition  à  aux  noms  de  localités,  usage  sur  lequel  voy.  la  lieuue, 
XV[I,  277. 

'  Cf.  in  fana,  enfas  ;  mensis,  mes;  etc. 

8  Cf.  encore,  en  provençal,  pecs — pec,  qui   renvoie  kpecus — pecuni. 

*  Ne  'it-o  :  p  s  encore-  ai  jounVhui  coiitimullemcnt  «Je  vais  à  la  ville  »,  «  Il  est  à 
la  ville  »,  etc  ,  la  ville  voisine  dont  il  s'agit  étant  ainsi  suffisamiicnt  désignée? 


VARIETES  (517 

siciirs  établissent  entre  fale  et  fa U'on,  drac  et  draijun,  ait  réellement 
existé.  Falc  et  rZmc  étaient  consiilérés  comme  des  mots  différents  de 
falcon  et  de  dragon,  et  cela  dès  la  basse  latinité  elle-même,  comme 
le  prouvent  les  formes /«/(•«.•<  et  dracus  qu'on  trouve  dans  Du  Cange. 
On  peut  croire  que  fidco,  draco,  par  suite  d'une  confusion  analogue 
à  celle  qui  transformait /«//(f  en  féminin  HmgnWer ,  paupertas  en  ac- 
cusatif pluriel,  furent  considérés  comme  des  formes  de  cas  régime 
de  la  deuxième  déclinaison,  ce  qui  en  fît  naturellement  déduire  les 
nominatifs  singuliers  cités  tout  à  l'heure.  De  là,  d'une  part,  dracus — 
dractim,  falcus—falcum  ;  de  l'autre,  draconls — draconem,  falconis — 
falconem,  et,  par  suite,  les  doublets  provençaux  et  français  dracs  et 
dragons ,  f aies  etfalcons. 

5.  Eslrace,  préface,  dédicace,  sont  des  mots  savants.  —  Confesse, 
suspense,  défense,  offense,  sont  des  participes  passés  suhstantivés,  comme 
course  et  tant  d'autres.  Ils  n'ont  donc  rien  à  voir  avec  confessio,  de- 
fensio,  et  les  autres  subst,  latins  qu'ils  paraissent  continuer. 

Je  terminerai  cette  note  par  un  essai  d'explication  d'un  mot  difficile, 
le  provençal  prenhs.  Ce  mot  est  le  latin  praegnans  ;  mais  il  n'en  pro- 
vient pas  directement,  non  plus  que  le  mot  français  correspondant 
pra'ins.  En  eiïet,  non-seulement  l'a  latin  a  disparu  complètement, 
mais  encore  la  déclinaison  est  devenue  parisyllabique  {prenhs— prenh, 
et  non  prénhas —  prenhant) .  On  est  ainsi  amené  à  supposer,  dans  le 
mot  latin,  une  substitution  analogique  de  ens  à  ans,  peut-être  sous 
l'influence  de  g'tgno,  progigno.  Praegnans  devenu  ^^raer/nens^  et  perdant 
son  n,  selon  la  règle  générale,  aura  été  traité  comme  j'ai  supposé  ci- 
dessus  que  l'a  été  ser/^ens,  c'est-à-dire  décliné  praegnes-praegnem  :  (Voù 
normalement  le  prenhs — prenh  qui  nous  occupe'. 

ce. 

P. -S.  — En  envoyant  à  l'imprimerie  la  note  dont  celle-ci  est  le 
complément,  je  ne  me  flattais  point  de  publier  une  nouveauté,  car 
l'explication  que  j'y  propose  du  phénomène  étudié  me  paraissait  trop 
simple  et  trop  naturelle  pour  que  je  pusse  raisonnablement  me  fi- 
gurer avoir  été  le  seul  à  la  trouver  ;  mais  je  croyais  bien  être  le  pre- 
mier à  la  publier.  Et  ce  qui    me  le  faisait  croire,  c'était  l'absence  de 

i  U  y  a  dans  Du  Cange  un  prœgnus,  pro  prœgnans,  avec  ce  seul  exemple 
tiré  de  la  Lex  Alamannorwii :  «  prœgnum  jiimentuni.  »  Mais  le  féminin  de 
cet  adjectif  ne  pourrait  être  que  prœgna,  el  ne  saurait  dès  lors  donner  que 
prenha.  Ce  n'est  donc  pas  l'origine  de  noire  prenlis;  m&\?,  son  existence 
même  favorise  notre  liypollièse.  Puisque  à  prœgnans  on  a  pu  substituer 
prœgnum,  à  plus  forte  raison  et  plus  facilement  pouvait-on  y  substituer 
prœgnes . 


6J8  PERIODIQUES 

toiito  iuilicatiou  analogue,  non-soulciucut  dans  la  commnnication  de 
M.  Michel  Bréal,  qui  a  été  Tocoasion  de  mon  article,  ou  du  moins 
dans  le  compte  rendu  que  j'en  ai  lu  ',  mais  encore  dans  les  ouvrages, 
les  plus  récemment  parus,  où  la  qviestion  de  la  déclinaison  française 
est  traitée  :  la  Grammaire  do  M.  Clédat  et  celle  de  M.  Bnuiot,  la  Clircs- 
tomathie  de  MM.  Bartsch  et  Horning,  l'édition  partielle  du  Koland  et 
de  Joinville  par  M.  Gaston  Paris.  Mais  un  excellent  confrère  et  collè- 
gue, M.  P.  A.  Geijer,  professeur  à  l'Université  d'Upsal,  que  nous  avons 
la  bonne  fortune  de  posséder  en  ce  moment  à  Montpellier,  a  bien 
voulu  m'avertirque  j'avais  été  prévenu  par  M.  Gaston  Paris  lui-même, 
et  il  m'a  montré  l'endroit  {Romunia,  XI,  621)  où  le  maître  de  nos 
études  a,  en  effet,  il  y  a  cinq  ans,  exposé  en  quelques  mots, mais  très- 
explicitement,  le  principe  et  la  substance  de  ce  que  j'ai  développé 
dans  mon  article  ^.  Ces  quelques  mots  font  partie  d'un  compte  rendu 
de  la  Zeits^chrift,  que  j'ai  eu,  dans  le  temps,  le  tort  de  ne  pas  lire  et 
que  j'ai  aujourd'hui  le  regret  d'avoir  connu  trop  tard. 

C.  C. 


PÉRIODIQUES 


Zeitschrift  fur  romaDische  Philologie,  X,  4.  —  P.  485.  P. 
Yœlker.  Développement  des  sens  du  mot  roman  (substantif).  Ce  mot  a 
d'abord  désigné  les  langues  sorties  du  latin,  par  opposition  au  latin, 
puis  un  ouvrage  en  langue  vulgaire.  Ce  sens  général,  qu'a  Je  mot  en 
provençal,  se  précise  en  français,  où  il  s'y  joint  la  signification  spé- 
ciale de  «  récit.  »  Bientôt  il  désigne  exclusivement  un  récit,  soit  en 
vers,  soit  en  prose,  non  destiné  à  être  chanté.  Ce  n'est  qu'à  partir  de 
la  fin  du  X\'®  siècle  que  le  mot  est  employé  exclusivement  pour  dé- 
signer un  récit  en  prose  ;  et  comme  à  partir  du  XIII*  siècle,  et  sur- 


^  Revue  critique,  1887,  no  41,  p.  254. 

*  M.  Gaston  Paris  menlionne  queux  [coquus)  parmi  les  noms  qui  ont 
gardé  dans  le  français  moderne  la  forme  du  cas  sujet,  c'est-à-dire  du  vocatif, 
de  l'ancienne  langue;  et  peut-être,  en  effet,  vaut-il  mieux  expliquer  ainsi  cette 
forme  que  comme  je  l'ai  fait  (ci-dessus,  p.  446),  surtout  si  l'on  assimile,  avec 
Littré,  queux  à  queux.  Cf.  dans  A.  Boucherie,  Cinq  Formules  rythmées  et 
assonnancées,  pp.  22,  37,  un  passage  qui  favorise  singulièrement  l'Iiypo- 
tlièse  de  l'identilé  de  ces  deux  mots.  —  Aux  jQoms  que  j'ai  cités  p.  438,  et 
à  ceux  que  menlionne  M.  Paris,  on  peut  aiouioT  Hutjue,  sartre  (eu  prov.), 
et  suirc  {■<uioi-),  qui  est  resté  comme  nom  propre,  à  côté  de  sueur  (Le  S). 


PERIODIQUES  619 

tout 'à  partir  du  XIV'',  ces  récits  tendaient  de  plus  en  plus  à  n'être 
que  de  pures  fictions,  ce  sens  exclusif  se  fixa  exclusi  veinent  au  siècle 
suivant.  Le  mot,  d'abord  pris  absolument,  désigna  les  romans  de 
chevalerie  ;  puis,  on  y  ajoutant  un  déterminatif  indiquant  le  sujet,  il 
désigna  d'autres  fictions.  L'amour  prit  peu  à  peu  une  imjjortance  d(j- 
minante  dans  ce  genre  de  littérature,  ce  qui  amena  une  dernière  modi- 
fication dans  le  sens  du  mot.—  P.  52G.  A.  Stimming.  Emploi  du  gé- 
rondif et  du  participe  présent  en  ancien  français.  Etude  pénétrante 
d'une  question  des  plus  intéressantes.  L'auteur  ne  croit  pas,  et  il 
nous  semble  avoir  raison  contre  i\I.  Tobler  (voy.  Zeitschrift,  II,  557, 
eqq.),  que  ainz  le  soleil  cochant  soit  analogue  à  ainz  le  soleil  cochié,  et 
que,  dans  le  premier  cas,  le  substantif  dépende  de  la  préposition  et 
ait  pour  attribut  le  gérondif;  il  fait  dépendre  le  gérondif  de  la  pré- 
position, et  voit  dans  le  substantif  le  sujet  de  ce  gérondif  à  l'accusa- 
tif. Pour  le  prouver,  il  passe  en  l'evue  les  divers  emplois  du  gérondif 
et  du  participe  présent  en  ancien  français.  Nous  sommes  surpris  que 
M.  St.  n'ait  pas  connu  la  thèse  de  M.  Aubert,  de  Usu  participiorum 
prœsentis  in  sermone  gallico,  qui,  quoique  soutenue  àAix,  a  dû  être 
envoyée  officiellement  aux  universitésallemandcs. — P.  554,  U.  Mar- 
chesini.  Sur  un  manuscrit  peu  connu  d'anciennes  poésies  italiennes  (écrit 
en  italien) . 

MÉLANGES.  I.  Exégèse. —  P.  507.  1.  A.  Feist.  Tentative  d'expli- 
cation du  vers  obscur  de  la  Divine  Comédie  (Inf.,  I,  63)  :  Chi  per 
longo  silenzio  parea  jioco.  —  2.  J.  Ulrich.  «Çyr  Ze  Fragment  d'Alexan- 
dre. M.  U.  propose  de  lire,  au  v.  75,  au  lieu  de  del  soiyentieyr,  del 
son  tertieyr.  — II.  Onomatologie.  1.  —  P.  568.  M.  Buck.  Le  nom 
de  lieu  roman  tubus,  tufus,  tovo  et  ses  dérivés.  Il  s'agit  de  noms  de 
lieu  du  ïyrol  italien  et  du  nord  de  l'Italie. —  P.  571.  2.  M.  Buck. 
Noms  de  lieu  rélo-romans  en  -itium,  -itia.  — III,  Étvjiologies.  — 
P.  573.  A.  Tobler.  Fr. /«î«e,  de  'faglna,  refait  sur  faguajîr.  moire, 
pour  marmoire,  étoffe  marbrée;  amadouer  (cf.  pic.  amidouler)  de 
ami  doux;  amadou  viendrait  du  verbe  et  signifierait  «  ce  avec  quoi 
on  cajole,  on  attise  le  feu  »  (peu  vraisemblable;  voy.  G.  Paris, ^om., 
XVI,  157-8);  ital.  rovello,  «colère»,  ne  vient  pas  de  rubellum,  mais 
de  rebellare  ^excellent). 

Comptes  rendus.  —  P.  580.  ]\I.  Trautmann.  Die  Sp)rachlaute  im 
allgemeinen  und  die  Laute  des  Englischen,  Franzœsischen  uncl  Deuts- 
chen  im  hesonderen  (Gartner).  —  P.  5.S5.  A.  d'Ancona  et  D.  Compa- 
retti.  Le  Antiche  Rime  volgari,  IV  (Gaspary).  Cette  utile  publication 
du  grand  Chansonnier  du  Vatican  sera  terminée  avec  le  volume  sui- 
vant ;  celui-ci  comprend  la  première  partie  des  sonnets.  —  P,  ,501. 
C.  Chabaneau,  Les  Biographies  des  troubadours,  etc .  Extrait  du  t.  X 


610  NlîiCROLOGlE 

de  VTTistoh'C  générale  du  Languedoc  (Schultz  ;  très-favorable).  — 
P.  5%.  Th.  von  Grionheri^er.  Ucher  ronuiDische  OrtAnnmen  in  Sah- 
Z»«r;;  (Buck). — P.  507.  II.  Schucliaixlt.  Romanisches  imd  Keltisches 
(Grœber).  —  ^.599.  Archivio  glotfologico  italiano,  IX,  2  (W.Meyer). 
—  P.  604.  Giornale  sforico  délia  letteratura  italiana  (Gaspary).  — 
P.  611,  Rei'ue  des  languesi  romanes,  XXIX  (Lévj-).  — P.  613.  Arcliiv 
fiir  das  Stud'mm  der  neueren  Sprachen,  LXXV-VI  (Schwan). —  P.  616. 
Index. 

[  Le  grand  intérêt  de  l'article  de  M.  Pakschcr,  publié  dans  le  pré- 
cédent numéro  de  la  Zeitschrift  *,  intérêt  confirmé  sur  ce  point  par 
celui  de  ^I.  de  Lollis,  est  qu'il  démontre  que  le  libre  slegato  de  Giam- 
maria  Barbieri,  dont  M.  Mussafia  avait  déjà  reconnu  l'identité  ou  la 
quasi-idontité  avec  le  ms.  H,  n'est  pas  en  eiïet  différent  de  ce  dernier. 
Si  plusieurs  passages  rapportés  ou  mentionnés  par  Barbieri  y  man- 
quent aujourd'hui,  c'est  parce  que  ce  ms.  a,  dans  l'intervalle,  perdu 
plusieurs  de  ses  feuillets  ;  mais  d'autres  s'y  retrouvent,  par  exemple 
la  glose  concernant  Bertran  de  Born  et  Arnaut  Daniel.  Il  résulte  de 
l'article  de  M.  de  Lollis  que  l'édition  donnée  par  M.  Pakscher  des  glo- 
ses marginales  du  ms.  H,  si  gratuitement  par  lui  attribuées  à  Dante, 
outre  qu'elle  est  incomplète,  est  déplorablement  incon-ecte.  On  ne  de- 
vra pas  la  lire  sans  avoir  sous  les  yeux  les  corrections  de  notre  col- 
laborateur. Plusieurs  de  ces  gloses  ont  de  l'importance,  et  pour  la 
lexicologie  provençale  en  général,  et  pour  l'interprétation  d'Arnaut 
Daniel  en  particulier.  J'y  reviendrai  peut-être  une  autre  fois.  Pour 
aujourd'hui  je  me  bornerai  à  en  signaler  deux  :  N°  13.  «  (retomba) 
augasta  (?)  »  Corr.  angasta,  oji^ri^esto  .«^^  La  forme  masculine  engri/es^, 
que  j'ai  cru  retrouver  dans  un  vers  de  la  cantilène  marseillaise  sur 
sainte  Madeleine  [Revue,  XXVII,  262-3)  s'y  rattacherait  naturelle- 
ment. —  N°  46.  «  (Bortz)  campis.  «C'est  le  mot  champi,  que  tout  le 
monde  connaît  bien,  grâce  à  George  Sand.  Il  est  encore  fort  usité 
dans  l'ouest,  en  langue  d'oc,  comme  en  langue  d'oui,  et  au  féminin 
(iine  champise)  comme  au  masculin.  —  C.  C] 


NECROLOGIE 


CHARLES     COSTE 

La  Société  pour  l'étude  des  langues  romanes,  qui  a  éprouvé  en  peu 
de  temps   de  douloureuses  pertes  parmi  ses  membres  les  plus   sym- 

1  Cf.  ci-dessus,  p.  459, 


NECROLOGIE  6Î1 

pathiqnes.  vient  encore  aujoiird'liui,  apn's  Mclcliior  Bartliès,  Tli.  Aii- 
banel,  Henri  Delpech,  Louis  Bazilli',  le  professeur  Estor.  rmdre  un 
dernier  hommage  i  l'un  de  ses  plus  dévoués  collègues. 

Le  docteur  Charles  Coste  faisait  partie  de  notre  Société  depuis  les 
premières  années  de  sa  fondation  ;  il  faisait  de  la  poésie  à  ses  mo- 
ments perdus,  c'est-à-dire  pendant  ses  longues  courses  ù  travers  la 
plaine  de  l'Hérault,  où  il  était  appelé  de  tous  les  points  par  les  ma- 
lades confiants  dans  sa  haute  expérience  et  son  dévouement  sans 
bornes. 

C'est  ainsi  qu'il  composa,  ou  plutôt  qu'il  improvisa  les  charmantes 
pièces  dont  se  compose  le  recueil  «  Una  rouéis  dai  vilarje  »,  toutes 
remaniuables  par  l'esprit  et  le  bon  sens.  Le  langage  en  est  toujoiu-s 
simple  et  naturel  ;  ennemi  des  néologismes,  il  n'employa  jamais  li'au- 
tre  langage  que  celui  qu'il  parlait  depuis  son  enfance,  et  que  son 
contact  quotidien  avec  les  villageois  lui  avait  fait  connaître  dans  toute 
son  originale  simplicité. 

Sa  modestie,  vraiment  trop  grande,  ne  voulut  jamais  consentir  à  re- 
cevoir les  éloges,  pourtant  sincères  et  désintéressés  des  amis  auxquels 
il  lisait  ses  pièces  à  mesure  qu'il  les  écrivait.  11  fallut  presque  lui 
faire  violence  pour  le  décider  à  les  faire  imprimer  ;  ce  ne  fut  que  sur 
les  instances  cent  fois  répétées  de  ses  amis  et  de  sa  famille  qu'il  y 
consentit.  Il  en  fut  fait  une  brochure  de  52  pages  dont  l'édition  en- 
tière, tirée  seulement  à  cent  exemplaires,  fut  partagée  entre  les  amis 
e^la  famille  de  l'auteur*. 

Mais  ce  chiffre  de  cent  était  bien  inférieur  à  celui  des  amis  que  Coste, 
par  la  noblesse  de  son  caractère  et  ses  éminentes  qualités,  avait  su 
s'attirer.  Aux  réunions  de  la  Société  de i^i'évoyancedes  médecins  de  l'Hé- 
rault, qui  se  tiennent  chaque  année  à  Montpellier,  il  avait  coutume  de 
dire  chaque  fois  une  de  ses  poésies;  plusieurs  furent  spécialement  écri- 
tes à  cette  occasion,  et  c'était  l'un  des  attraits  de  ces  réunions,  lorsque 
sa  voix  sympathique  se  faisait  entendre  pour  rappeler  en  un  harmo- 
nieux langage  les  difficultés,  les  peines  et  les  labeurs  de  la  vie  du  mé- 
decin . 

Il  dut  encore  une  fois  céder  devant  le  désir  unanime  de  ses  collè- 
gues, c'est  dire  autant  d'amis,  et  la  Société  décida  de  faire  pour  elle- 
même  une  deuxième  édition,  dont  tous  les  membres  voulurent  pos- 
séder im  exemplaire  * . 

Mais,  malheureusement,  le  recueil  ne  fut  pas  encore  cette  fois  mis 
en  librairie,  ce  qui  fait  que,  malgré  deux  éditions  successives,  le  pu- 
blic n'a  pu  connaître  et  apprécier  cette  œuvre  fine  et  spirituelle.  C'est 
là  un  de  nos  regrets,  et  nous  croyons  devoir  l'exprimer  respectueuse- 
ment à  la  famille  de  notre  regretté  confrère  '' . 

L'hommage  public  rendu  à  la  mémoire  de  cet  homme  de  bien  par 
la  foule  de  ses  concitoyens,  venus   de  toutes   les  villes  et  villages 


1  Una  voués  dai  vilage,  pouésias  lengadoucianas,  per  Cii.  Coste.  Mount- 
pelié,  J.  Martel,  mdccclxxvii.  in-S". 

2  Una  voués  dai  vilar/e,  2eéd.,  publiée  sous  les  auspices  de  l'Association 
de  prévoyance  et  de  secours  mutuels  des  médecins  de  l'Hérault.  Montpellier, 
Hamelin  frères,  mdccclxxix,  in-S". 

^  L'abondance  des  matières  nous  oblige  à  renvoyer  à  notre  prochain  fas- 
cicule la  publication  de  l'une  des  plus  intéressantes  pièces  du  recueil,  que  la 
famille  a  bien  voulu  nous  autoriser  à  reproduire. 

40 


6Î-2  CHRONIQUE 

voisins  pour  l'accompagner  à  sa  demeure  dernière,  formant  autour  de 
son  cercueil  un  cortège  ému  et  silencieux  que  l'on  ne  peut  évaluer  à 
moins  de  trois  mille  personnes,  où  l'on  remarquait  deux  des  plus  émi- 
uents  professeurs  de  l'Ecole  de  médecine  de  Montpellier  et  tous  les 
^médecins  des  localités  environnantes;  cette  manifestation  spontanée 
de  la  population  entière  de  la  plaine  do  l'Hérault,  en  témoignant  à 
ses  enfants  combien  étaient  vives  et  profondes  les  sympathies  que 
leur  père  avait  su  conquérir  dans  le  cours  de  sa  laborieuse  carrière,  les 
décideront  peut-être  à  se  rendre  au  vœu  que  nous  leur  exprimons  au- 
jourd'hui, au  nom  de  tous  ceux  qui  ont  en,  comme  moi,  le  bonheur  de 
compter  pour  une  petite  part  dans  ses  affections. 

L.   Lambert, 


CHRONIQUE 


Sous  le  titre  de  Deux  Manuscrits  i^rovençaux  du  XIV^  siècle,  conte- 
nant des  jyoésies  deRaimon  de  Coniet,  dePeire  deLadils  et  d'autres  poè- 
tes de  l'école  toulousaine,  publiés  intéfjralenient  jJour  la  première  fois 
parle  doctnir  J.-B.  Noulet  et  Camille  Chabaneau,  la  Société  des  lan- 
gues romanes  va  mettre  en  vente  '  la  treizième  de  ses  publications 
spéciales.  Ces  deux  mss.,  qui  appartiennent  à  l'Académie  des  Jejux 
floraux,  sont  ceux  dont  le  vénéré  doyen  de  nos  études  a  extrait,  (les 
1849,  pour  son  recueil  si  précieux  et  si  recherché  des  Joyas  del  (jay 
saber,  les  pièces  imprimées  aux  pag.  3,  7,  2.5,  246,  et  qui  lui  ont 
fourni  depuis  la  matière  de  trois  autres  publications,  trop  peu  con- 
nues des  provençalistes^.  dont  les  titres  sont  rappelés  dans  l'intro- 
duction du  volume  que  nous  annonçons.  Ce  volume  comprend,  outre 
les  soixante-quatre  pièces, — quelques-unes  malheureusement  fort  mu- 
tilées^,—  que  renferment  les  deux  mss.  de  l'Académie  toulousaine  -et 
dont  cinquante  et  une  sont  l'œuvre  de  Raimon  de  Cornet,  le  Doctrinal 
de  trohar,  du  même  poëte,  accompagné  de  la  glose  de  Joan  de  Castel- 
nou,  d'après  le  seul  ms.  qui  en  subsiste  aujourd'hui  et  qui  appartient 
à  la  bibliothèque  nationale  de  Madrid.  Une  ample  introduction,  des 
notes,  un  glossaire  et  deux  index,  complètent  cette  publication,  qui 
sera,  nous  l'espérons,  bien  accueillie  de  nos  confi'ères  et  du  public. 

1  A  Montpellier,  au  bureau  des  publications  de  la  Société,  et  à  Paris,  chez 
Maisonneuve  el  Charles  Leclerc;prix:  12  fr.;  sur  papier  de  Hollande:  22  (t. 

2  M.  Bartsch  lui-même,  à  son  grand  dommage,  les  a  ignorées.  Elles  lui  au- 
raient fourni  le  moyen  de  combler  une  des  lacunes  les  plus  fâcheuses  de  son 
Grundriss . 

3  Le  chansonnier  de  M.  Oil  y  Gil  de  Sarragosse, —  sur  lequel  voyez  la 
Hevue,X.  225, —  aurait  permis  de  combler  plusieurs  lacunes  de  ceu.^  de  Tou- 
louse et  de  les  compléter;  mais  les  éditeurs  n'ont  pu  réussir  dans  les  démar- 
ches qu'ils  ont  faites  en  vue  d'obtenir  une  copie  des  pièces  qui  composent 
]fi  partie  «  toulousaine  »  de  ce  chansonnier. 


TABLE  DES  MATIERES 

DU  TOME     PREMIKK  DE    LA  QUATRIÈME    SERIE 
(XXXI*    DE    LA  collection) 


•  Pages. 

Sainte  Marie-Madeleine  dans    la  littérature  provençale  (suite] 

(C.  Chabaneau).  5 

Grammaire  gasconne  et  françoise  (de  Gratelodp).  15 

Note  sur  deux  mss.  des  Fils  Aymon  (F.  Castets).  49 
Documents  sur  la  langue  catalane  des  anciens  comtés  de  Rous- 

sillon  et  de  Cerdagne  (suite)  (P.  Vidal).  59 

Dins  li  hosc  (A.  Chassary).  79 

Dos  Pouesio  (L.  Roumiedx).  86 

Vers  attribués  à  l'esprit  malin,  avec  commentaire  (F.  CastETs).  100 

Gramecis  ;  —  Rire  et  Plour  (Dcnnadieu).  1 19 

La  Foumarino  (A.  FoORÊs).  126 

^  5es<i«8  (P.  Fesquet.  )  128 

Sonnets  amistadouses  (P.  Chassary).  131 

Vie  de  S.  George  (C.  Chabaneau).  139 
Poésies  religieuses,  françaises  et  provençales,  du  ms.  extrav. 

268  de  la  bibl.  de  Wolfenbiittel  (;E.  Levy).                         173,  420 

Ballata  alla  Vergine  di  Giacomo  II  d'Aragona  (C.  de  Lollis).  289 

Notes  de  philologie  rouergate  (suite)  (J.P.  Durand).  296 

Le  Mystère  de  saint  Pons  (P.  Guillaume).                            317,  461 

Contes  populaires  du  Languedoc  (suite)  (L.  Lambert).  554 

VARIÉTÉS 

Bolhi,  Boye. — Charat,  Charot. — Maigna,  Meyna  (Puitspelu).  156 
Etinaiudhaer  dans  les  Serments  de  Strasbourg  (L.  Clêdat).  158 
Emhaisso,  embaissos  (  D""  Mazel).  309 
Grolhi,  graula,  en  lyonnais  (PuiTSPELU).  311 
Français  gratons  cretons  ;  lyonnais  gratons  griatons  (Puits- 
pelu) .  435 
Sur  une  particularité  de  la  déclinaison  gallo-romane  (C.  Cha- 
baneau). 437,  615 
Doniinus  et  senior  au  féminin,  en  provençal  (C.  Chabaneau).  444 


6M  TABLE  DES  MATIÈRES 

Pages. 

Sur  quelques    formes    du  français  moderne  qu'on  rapporte   à 

l'ancien  cas  sujet  (C.  Chabaneau).  445 

Inscriptions  languedociennes  contemporaines  recueillies  à  Mont- 
pellier (D""  A.  Espagne).  505 

Notes  sur  divers  textes  :  I.  Bertran  de  Born  ;   II.  Chrestoma- 

thieprov.  de  M.  Bartsch).  603 

NÉCROLOGIE 

Henri  Delpech  (A.  GlaizeJ.  312 

Charles  Coste  (L.  Lambert).  620 

BIBLIOGRAPHIE 

Die  Aussprache  des  latein,  von  E.  Seelman(J.  Brenous).  90 

Précis  de  grammaire  historique  de   la   langue  française,  par 

F.  Brunot  (E.  RiGAL).  93 

Synonymie    provençale  des  champignons  de  Vaucluse,  par  J. 

Régis  (A.  Espagne).  96 

La  Vie  des  Mots,  par  Arsène  Darmesteter  (F.  Castets).  160 

Altfranzoesische  Bibliothek,  t.  VII,  IX,  X  et  XI  (C.  Chaba- 
neau) .  447 

PÉRIODIQUES 

Eomania  (F.  Castets).  168 

Zeitschrift  fiir  rom.  philologie  (L.  Constans).  457,  018 


Chronique.  104,  170,  315,  459,  622 

Errata.  460 

Table  des  matières.  623 


Le  Gérant  responsable  :  Ernest  Hamelin. 


Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi. —  Haraelia  Frères. 


:^^- 


r^J 


PC 
2 

t. 31 


Revue  des  langues  romanes 


PLEASE  DO  NOT  REMOVE 
CARDS  OR  SLIPS  FROM  THIS  POCKET 

UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 


•n^B^IP— ^g^w^-yeji  Wi  I  ij 


•%'»■ 


^fH'.lè^l 


•*-•!%•;._