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University of Ottawa
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REVUE
ENCYCLOPÉDIQUE;
DE L'IMPRIMERIE DE PLASSAN, RUE DE VAUGIRARD, N» i5,
DEBBlàBR l'odÉOIS.
REVUE
ENCYCLOPÉDIQUE,
OU
ANALYSE RAISONNÉE
DES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUABLES
DASS LA LITTÉRATCRE, LES SCIENCES ET IJES ARTS,
PAR UNE RÉUNION
DE MEMBRES DE L'INSTITUT,
ET D'AUTRES HOMMES DE LETTRES.
( 5 (JLii/iiée^. j
TOME XX.
PARTS,
AU BUREAU CENTRAL DE LA REVUE ENCYCLOPEDIQUE,
RUE d'enfer-saint-micuel, is° i8;
ET CHEZ ARTHUS BERTRAND, RUE HAUTEFEUILLE, N" 23.
LONDRES. TREUTTEL ET WCBTZ, BOSSANGE, ET DULAII ET C".
WWWl/WW\f
OCTOBRE 182.).
(I Tontes les scieaces sont les rameaux d'ace même tige. »
Bacov.
(i L'art n'est autre chose qne le contrôle et le registre des meillenres produc-
tions A contrôler les productions (et les actions) d'un chacun , il s'en-
gendre envie des bonnes et mépris des mauvaises. »
MoNTAIGNI!.
(i Les belles-lettres et les sciences, bien étudiée» et bien comprises, sont def
instrumens iiuiversels de raison, de yertn , de bonhenr. n
M. A. J.
AVIS ESSENTIEL AUX SOUSCRIPTEURS.
La Revue ENCYCLOPiniQUE ayant donne jusqu'ici j
chaque mois , un nombre de feuilles d'impression qui
excédait toujours d'un sixième, ou d'un quart, et quel-
quefois d'un tiers, celui de 12 feuilles qui élait promis
et dû h ses souscripteurs, a éprouvé, par cette circons-
tance, une augmentation considérable de dépenses, tant
pour les frais de papier et d'impression, que pour ceux
d'envoi par la poste, sans compter les dépenses de la
rédaction.
Une expérience de cinq années nous ayant fait recon-
naître la nécessité d'agrandir notre cadre pour amélio-
rer et compléter notre plan , nos souscripteurs trouve-
ront sûrement juste et fondée la très -légère augmenta-
tion de 4 francs par abonnement d'un an, à Paris, 5 /"/'.
par iaposlc, dans les dèpartemens , et G fr. dans l'étran-
ger, qui aura lieu à compter de l'année 1824, et au
moyen de laquelle la Revue s'engage à donner régulière-
ment i4 feuilles d'impression par mois, au lieu de 12.
On peut remarquer que le volume de la Revue s'ac-
croît ainsi d'un sixième au moins, tandis que le prix de
la souscription n'est pas même augmenté d'un dixième.
Ce Recueil n'en sera pas moins le plus économique
des ouvrages périodiques du même genre , relativement
à son étendue et à l'abondance des matières qu'il ren-
ferme. Ainsi, à commencer du i" janvier 1824, le prix
de la souscription reste définitivement fixé de la manière
suivante :
A Paris ^G it. pour un an ; 26 fr. pour six mois.
Dans les dèpartemens. . 53. id, id. 3o.
Dans les pays étrangers. 60. id. id, ô\.
I\. B. Les abonnemens ne peuvent être faits que pour
une année entière, ou pour six mois, à partir du 1" jan-
vier ou du i'"' juillet de chaque année. Les abonnemens
bornés h six mois sont d'un prix plus élevé, parce qu'ils
décomplètent les collections.
REVUE
ENCYCLOPÉDIQUE,
ou
ANALYSES ET ANNONCES RAISONNÉES
DES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUABLES
DANS LA LITTÉRATURE, LES SCIENCES ET LES ARTS.
I. MÉMOIRES, NOTICES,
LETTRES ET MÉLAISGES.
QUELQUES VUES sur le développement naturel et
PROGRESSIF de l'eSPRIT HUMAIN ET DE LA CIVILISATION.
Le célèbre philosophe allemand Fichte, que l'on peut
considérer comme le successeur, et à quelques égards
comme le continuateur de Rant, a consigné ses idées
fondamentales sur l'homme, sa nature, sa destination et
ses devoirs , sur l'éducation , la morale et la politique ,
dans quelques ouvrages très-estimés en Allemagne, et il
compte de nombreux disciples dans sa patrie. L'idée
fondamentale de V Education, prise dans son sens le plus
étendu et le plus complet, est liée, selon lui, avec celle
du développement progressif des facultés humaines, qui
doivent être cultivées d'une manière harmonique , se-
lon leur nature, et sous tous les rapports. Il exa,-
G SUR LE DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF
mine d'abord la force morale de l'homme. Il distingue
la moralité instinctive, bonne dans son principe , mais
faible et insuffisante, de la moralité ratsonnée , positive
et pratique, que l'homme s'approprie lui-même, par la
formation du caractère, par la réflexion, par l'habitude,
et surtout par l'empire sur ses passions , et par la force
de sa volonté (i).
Comme les ouvrages de Fichte sont généralement peu
connus en France, on lira peut-être avec intérêt le frag-
ment qui va suivre. Je crains bien de n'avoir pu lui ôter
entièrement le caractère d'obscurité, reproché à la phi-
losophie allemande. Du reste, je me borne ici au simple
rôle d'interprète, sans adopter ni rejeter les vues géné-
rales exposées dans ce fragment. Il est extrait d'un Jour-
nal de voyage en Suisse et en AUemat^ne , où j'ai re-
cueilli les résultats de mes conversations avec un pro-
fesseur nourri des leçons et des principes de Kant et de
Fichte, dont il aimait à reproduire et à développer les
doctrines.
Fichte avait signalé cinq grandes époques dans la
marche des sociétés humaines , ou cinq degrés de l'a-
vancement social.
Dans les trois premiers degrés , il distingue trois élé-
mens : V instinct raisonnable , la force, la liberté.
D'abord, la loi de la raison, sans force et sans liber-
(i) On trouve plusieurs passages relalifs à réducation , traitée sous
un point de vue général et philosophique, dans l'ouvrage de Fichtb ,
inlilulé : Discours à ta nation alicmande. (Berlin , 1808. Un vol. in-S".)
Cet ouvrage, qui fit dans le Icms une grande sensation, fut cité, dans
notre Moniteur^ comme propre à faire apprécier l'espril public qui se
manifcslait alors en Allemagne, et surtout en l'iufse.
DE LA CIVILISATION. 7
lé, n'agit que d'une manière instinctive : c'est la pre-
mière époque, où domine Vinstinct raisonnable. L'hom-
me suit une imptilsion , qui n'a point encore les carac-
tères de la moralité. Sa vie est une sorte de végétation :
c est l'enfance des peuples , chasseurs , pasteurs, noma-
des et agricoles; c'est le tems antique et primitif, anté-
rieur à l'histoire , célébré sous le nom d'âge d'or.
Le second élément, la force, succède à la loi de la
raison , sans que la liberté existe encore. Ce règne d'une
force aveugle, qui impose une obéissance servile, appar-
tient à une seconde époque, celle des nations militaires,
conquérantes, et asservies elles-mêmes par des chefs
puissans et ambitieux. L'homme a besoin d'être guidé :
il subit les volontés d'un ou de plusieurs maîtres. Sa si-
tuation est un combat continuel entre l'instinct raison-
nable qui existe en lui , et la liberté naturelle; celle-ci
finit par triompher , et une troisième époque com-
mence.
Le troisième élément, la liberté, affranchie du double
joug de la raison et de la force , qui sont l'une et l'au-
tre impuissantes pour la diriger, agit d'une manière in-
dépendante, sans règle et sans frein. — Ici , le pouvoir
delà raison a presque disparu; elle est éclipsée, elle
paraît anéantie. — C'est notre troisième époque, qui est
celle de la licence et de l'anarchie , ou d'une liberté
sans loi raisonyiable et sans force répressive.
Indiquons ici deux exemples pris chez deux peuples
contemporains. La Turquie est soumise à la force op-
pressive d'un pouvoir arbitraire et absolu , qui exclut
toute liberté. — La France , dans l'époque de sa crise
révolutionnaire, avait une fausse apparence de liberté.
8 SUR LE DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF
sans loi raisonnable pour la diriger. Car, le despotisme
d'un seul, et la liberté anarchique, qui n'est elle-même
qu'un despotisme multiple, circulant de mains en mains,
ont une grande analogie. — Ces deux pays, livrés, l'un
(la Turquie) à l'obéissance aveugle, qui est l'esclavage;
l'autre (la France , en i 795 et 1 794) à la liberté aveu-
gle et sans lois, qui n'est que désordre, licence, anar-
chie, nous offrent, en réalité, l'état de maladie morale
qui caractérise l'époque dont il s'agit.
A la quatrième époque :, la loi ou la raison, et la li-
berté commencent à se rapprocher. Celle-ci, éclairée
par ses propres fautes , devenue la compagne de la rai-
.son, rend l'homme capable de comprendre la loi. Cette
conscience des lois de (a raison, fortifiée par les leçons
de Vexpérience, devient une science positive et une rè-
gle fixe. La liberté se soumet à la loi : le véritable droit,
ou la raison, commence à présider à l'ordre social ; les
hommes apprennent à jouir d'une vie pure et active ,
libre et raisonnable. Cette époque est celle de la science
de la raison, ou d'un nouveau degré à' amélioration du
genre humain : c'est celle des nations commerçantes et
industrielles.
Enfin, à la cinquième et àeTnihre époque , qu'on pour-
rait appeler l'apogée du perfection?iement du genre hu-
main, la liberté et la loi, combinées entre elles par une
sorte de fusion , pénétrées l'une par l'autre, n'exerçant
plus d'action séparée, deviennent les élémens d'un tout
identique. II n'existe plus de liberté sans loi , ni de
loi sans liberté. — Dans ce cinquième degré , qu'on
ne trouve malheureusement encore chez aucun peu-
ple , la raison devient à la fois une science et un art
DE LA CIVILISATION. 9
pratique : elle produit peu à peu l'étal de perfection le
plus avancé qui soit accessible à la nature humaine; c'est
l'époque du libre et entier développement de nos facul-
tés. C'est l'objet des plus justes désirs , des plus nobles
espérances, le but, encore inconnu et indéterminé , vers
lequel les philosophes invitent les individus et les nations
à se diriger, par une tendance commune, et dont la sa-
gesse des gouvernemens pourrait les rapprocher par une
progression plus ou moins accélérée.
Nous avons vu, dans ce système, V instinct raisonna-
ble, élément du premier degré, faire place 5 une dispo-
sition intérieure qui porte l'homme à le combattre, pré-
cisément parce qu'il ne sait point le comprendre. L'hom-
me éprouve un besoin de liberté qui lui fait repousser la
loi instinctive, comme un joug odieux. Il veut s affran-
chir de l'obéissance aveugle, et non pas réfléchie, qu'elle
impose. Ceux qui sont ou qui se disent encore inspirés et
conduits par cet instinct , emploient la force pour y sou-
mettre les autres. Dans ce combat , l'instinct moral se
perd. L'homme qui , parvenu à un degré de développe-
ment plus avancé , a cru devoir s'en délivrer, devient le
jouet d'une prétendue liberté aveugle, qui n'est plus gui-
dée par V instinct et qui ne l'est pas encore par la rai-
son. Un raisonnement vague et confus , qui flotte entre
les inspirations obscurcies de l'instinct et les lumières
trop faibles et trop incertaines encore de la raison, égare
l'homme au lieu de le diriger- — Dans cet état intermé-
diaire , il règne une grande liberté de penser, mais une
plus grande confusion d'idées. La liberté qui n'a au-
cune règle, ni aucun frein, dégénère en licence. C'est
une époque de corruption, de troubles et de malheurs.
10 SUR LE DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF
11 farit que la raison vienne au secours de l'homme;
qu'elle regarde en elle-même, pour voir si elle n'y trouve
pas des moyens de rétablir cet ordre altéré par la perte
de l'instinct moral.
Dans ce nouveau degré , la moralité se rétablit , non
comme instinct, mais comme raison, comme cons-
cience, comme résultat d'une conviction intime et pro-
fonde, de l'action libre de l'intelligence qui comprend
sa nature et le but de l'existence et de la société.
Ainsi, le genre humain doit s'élever lui-même, par
la réilexion , par la connaissance des principes, par une
science positive substituée à l'expérience et à l'empiris-
me , au même degré où il n'existait auparavant que par
l'impulsion primitive de sa nature.
11 doit naître un véritable âge d'or, une nouvelle époque
àeinoraliU , non ^Xus instinctive, vna\% raisonnée , dans
laquelle le genre humain pourra se maintenir, parce qu'il
s'y sera élevé lui-même par ses propres forces.
Telle est l'ébauche, très-imparfaite, d'une conception
de Fichte, métaphysicien supérieur et profondément zélé
pour les idées religieuses et presque mystiques. Un philo-
sophe moderne , moissonné en France par la faulx des
factions, Gondorcet, grand mathématicien, et constam-
ment animé de seulimens philantropiques, avait dévelop-
pé, dans son Esquisse (Van tableau historique des progrès
fie l'esprit humain , où l'on remarque tour-à-tour tant de
hauteur et d'inégalité , plusieurs vues analogues à celles
de Fichte; il est convaincu que les seules forces de la rai-
son, disséminant par degrés sa lumière, doivent suffire
pour résoudre le problême de la civilisation.
Un autre philosophe, professeur dans une université
DE LA CIVILISAI ION. 1 1
d'Allemagne, ami et disciple de Ficiite , en considérant,
dans les annales des peuples, la marche naturelle et pro-
gressive de l'esprit humain , distingue trois grandes pé-
riodes historiques , qui ont une parfaite analogie avec les
trois âges de la vie humaine , Vciifi(nce, \ii jeunesse, la vi-
rilité, et qui se trouvent dans un rapport plus intime que
les cinq divisions de Fichte avec la science pédagogique ,
ou avec l'éducation et la culture de l'homme. En effet ,
les trois degrés que nous allons indiquer, se reproduis<înl
dans chaque individu en particulier, comme dans la vie
du genre humain.
Le premier âs^e est celui de la simple perception des
objets par les sens matériels , de l'intuition extérieure ,
avec un faible concours de l'intelligence. C'est l'image
du monde antique primitif, antérieur aux tems qui nous
sont connus par l'histoire. L'homme vit d'une sorte de
vie végétative; il agit sans réflexion, conduit par le seul
instinct. C'est aussi l'état naturel de l'enfant, qui laisse
aller sa vie sans y réfléchir, dans ses premières années.
C'est l'âge de l'innocence , ou plutôt de l'ignorance ab -
solue et de la vie instinctive. Quelques peuplades sau-
vages , observées de nos jours par des voyageurs dans les
contrées voisines des pôles, peuvent donner une idée de
cette première époque.
Nous supprimons les degrés intermédiaires, et souvent
imperceptibles, par lesquels l'espèce humaine a dû s'éle-
ver à une période plus avancée. Les sociétés sont for-
mées, les arts sont créés.
Dans notre seconde époque , qui est celle du tems his-
torique proprement dit , Thomme commence seulement
à puiser ses règles de conduite dans son propre fonds ,
12 SUR LE DEVELOPPEMENT PROGRESSIF
dans sa raison , dans sa conscience. Il applique ses obser-
vations aux tems anciens et aux choses qui l'environnenl.
Cet âge est celui des imitations réfléchies, des ébauches
imparfaites , plutôt que des créations perfectionnées.
C'est l'état de l'adolescent , qui , sorti de la vie végéta-
tive et instinctive de l'enfance, observe de quelle ma-
nière se conduisent les hommes plus âgés que lui , pour
les imiter et les prendre pour modèles , et fait lui-même
l'essai de ses forces créatrices pour arriver à une vie ori-
ginale et qui lui soit propre. C'est l'époque où se trouve
aujourd'hui le vulgaire. La plupart de nos contemporains
étudient l'histoire des tems passés , et oublient leur siè-
cle. Ils observent encore les Grecs et les Romains; ils re-
produisent des imitations souvent grossières, pernicieu-
ses, de leurs institutions et de leurs lois. Mais, il ne s'agit
pas de répéter servilement les actes de la vie de ces na-
tions; il s'agit de vivre d'une vie mieux réglée, mieux ap-
propriée à nos besoins, à notre destination, qui convienne
à une civilisation plus avancée. Les peuples de l'Europe,,
dans nos tems modernes, copient souvent les anciens, ou
se copient maladroitement les uns les autres; ils font des
essais imprudens, périlleux, et succombent dans des luttes
pour lesquelles ils n'étaient pas suffisamment préparés.
La troisième époque , qu'on peut appeler scientifique et
rationnelle, esttelle d'une force intellectuelle qui produit
par elle-même, et par des méthodes éprouvées. L'hom-
me instruit par les phénomènes et les événemens anté-
rieurs, en découvre les principes, dont il fait les règles
de sa conduite. La raison succède à la réflexion, comme
celle-ci a remplacé Vinstinct. — L'homme, parvenu à
l'âge mûr, ne se borne plus à une iuiilation servile, à
DE LA CIVILISATION. i5
une répétition monotone des actes qu'il a observés. Il
fait usage de sa raison , de sa volonté : il se conduit d'a-
près des principes qu'il a reconnus vrais par l'action li-
bre de son entendement , et qui sont d'accord avec sa
conscience. Il vit de sa propre substance morale et intel-
lectuelle. Il a la conscience de la vie , que ne pouvait
f^'oir ni l'enfant aveugle . guidé par une impulsion natu-
relle qu'il n'aperçoit pas lui-même , ni l'adolescent imita-
teur qui n'a pas encore atteint sa maturité. Car, l'enfant
et l'adolescent vivent hors d'eux-mêmes : l'homme fait
rentre en lui-même, et travaille sur ses propres facultés.
Désormais, éclairé par sa raison, il se rend compte de ses
actions et de leur but : il sait ce qu'il veut , ce qu'il doit ,
ce qu'il fait. Le savoir, la pensée, la volonté, l'action sont
habituellement en harmonie : la vie intérieure ( ou la
conscience), et la vie extérieure (ou la conduite), offrent
alors les caractères de l'unité.
La pédagogie , ou la science de l'éducation , et la po-
litique, ou l'art de gouverner les hommes d'après des
lois justes et raisonnables , doivent tendre de concert h
préparer par degrés , pour le genre humain , ce troi-
sième âge de la raison perfectionnée, devenue la direc-
trice de notre vie.
Au premier degré, les hommes ne comprennent pas
assez le but de l'existence : c'est l'enfance des nations et
de chaque individu. — Dans le second degré, ils commen-
cent à l'entrevoir; mais ils n'en ont pas encore une cons-
cience claire et distincte. — Au troisième degré, qui est
celui dont nous devons nous rapprocher, autant que no-
tre nature le permet, les hommes ont la véritable intui-
tion, la conscience positive de la vie et de son but. LU
i4 SUll LES PROGRÈS DE LA CIVIIJSATION.
sentent leur destination; iis vivent d'accord avec eux-
mêmes , par la conformité de leurs sentimens , de leurs
principes et de leurs actions.
On pourrait reprocher h plusieurs philosophes alle-
mands , quelle que soit en eux la disposition qu'ils appel-
lent religiosité, d'oublier, dans les moyens de perfection-
nement humain , la nécessité de la moralité imposée à
l'homme par sa nature, qui tend sans cesse à le ramener
à des préceptes et à des lois , dont la morale évangélique,
bien comprise et bien appliquée , sera toujours le type le
plus parfait.
Du reste, on doit reconnaître que de pures spécula-
tions métaphysiques , isolées de l'étude de l'histoire et
des faits positifs qu'elle fournit au philosophe observa-
teur qui voyage dans les différens siècles et chez les dif-
férens peuples , ne suffisent point pour éclairer la route
de la civilisation. C'est en consultant avec attention, avec
patience et avec sagacité les annales du genre humain ,
en observant et en comparant les nations dans les pério-
des successives qu'elles ont traversées, eu creusant au
fond des abîmes qui séparent quelquefois ces périodes :
(tel fut le mojen âge, immense lacune , sorte d'île sa-
blonneuse jetée entre deux contrées fertiles et cultivées;)
c'est enfin en s'appuyant sur l'histoire et sur les faits
bien constatés qu'elle présente, et surtout en cherchant
h mieux connaître la nature de l'homme , à saisir les rap-
ports mystérieux qui existent entre son organisation et
son intelligence, qu'un homme supérieur pourra tracer
d'un pinceau hardi et fidèle un véritable tableau de la
civilisation , et indiquer les progrès futurs et possibles du
genre hiinjain. M. A. Jullie>, de Paris.
NOTICE «S
Sur l'exposition publique des produits de l'industrit.
FRANÇAISE, au palais du Louvre, en 1825.
L'exposition publique des produits de nos arts et de nos
nanufactures , est une institution d'origine républicaine. Bo-
laparte jugea qu'elle pouvait contribuer à l'éclat de son gou-
i'ernement; 11 la conserva. Elle a survécu à l'empire, comme
beaucoup d'autres traditions de la même époque : mais , à
:haque période de sou existence , elle a été modifiée par la
;"orme du pouvoir suprême, par l'état de l'opinion publique cl
le plus ou le moins de liberté qu'on laissait à son expression.
!V.i!isi, l'institution naissante n'a pas pu se consolider encore ,
ni prendre assez de vigueur pour exercer une influence re-
marquable par des effets qui lui soient propres , et que l'on ne
puisse attribuer à d autres causes.
Les premières expositions furent réduites à un petit nombre
[l'objets. L'étendue qu'elles ont acquise est-elle une preuve de
leur utilité? Cette question devient plus embarrassante, à me-
sure qu'on 1 examine avec plus d'attention. Les faits qui pour-
raient réclaircir ne sont point assez nombreux , ni assez ana-
logues à celui dont il s'agit. Ainsi , par exemple , les succès
obtenus par les sociétés d'encouragement sont d'une autre na-
ture que ceux qu'on peut espérer des expositions publiques.
Les sociétés provoquent des travaux qui n'eussent été faits que
plus tard j elles remarquent des lacuues, et s'efforcent de les
remplir ; elles montrent les sources où l'on peut puiser, diri-
gent et secondent les recherches. Elles ont le tems de bien voir
et de bien connaître , avantage qui manque aux commissions
chargées de prononcer sur les expositions publiques , etc. Le
bien opéré par ces réunions civiques , est trop évident pour
qu'on puisse le méconnaître : l'induence des expositions pu-
bliques se confond avec plusieurs autres non moins efficaces,
i6 EXPOSITION
telles que les progrès tle rinstruction, les imporlalions de ma-
chines et de procédés , le goût des voyages et l'habitude de
Tobservatiou, les boas écrits sur les arts. Il n'est pas facile d'as-
signer à chacune de ces causes diverses , la part qui lui appar-
tient dans l'effet total.
Il semble que les expositions publiques favorisent l'in-
dustrie de la capitale aux dépens de celle des provinces , et
celle que Ton voit en ce moment ne contredit point cette opi-
nion. Plus du tiers des objets exposés sort des manufactures
et des ateliers de Paris, tandis que plusieurs départemens n'ont
pris aucune part à cette solennité , et que d'autres n'y ont pres-
que pas contribué. Si l'on compare le nombre des exposans
de Paris à celui des fabricans des départemens qui ont envoyé
des échantillons de leurs produits , on en trouvera presque
autant des uns que des autres. Mais, cet'e concentration de
l'industrie dans un espace aussi resserré , est sans doute plus
apparente que réelle : tout invite les fabricans de la capitale à
profiter des expositions publiques , au lieu que plusieurs cau-
ses en éloignent ceux qui ne perdent pas de vue le prix du
tems et les frais de déplacement. Ainsi , les premiers se pré-
sentent presque tous , et ils montrent tout ce qui peut faire
honneur à leurs manufactures , au lieu que les seconds n'ap-
portent qu'une partie de ce qu'ils auraient pu mettre sous les
yeux du public.
Cette observation ne doit pas être négligée , si l'on veut ap-
précier avec exactitude l'utilité des expositions publiques.
Comme cette utilité se manifesterait par une augmentation
de la quantité ou de la valeur des produits industriels , ou par
la diminution de leur prix , on peut la comparer aux dépen-
ses que les expositions occasionent aux gouvernemens et aux
exposans. Cette année , plus de mille manufactures des dépar-
temens ont envoyé leurs produits , sous la surveillance de
quelques-uns de leurs emplovés ; dépense stérile , si elle n'a-
DES PRODUITS DE L'INDUSTRIE, 17
mène point une augmentation de débit. En dernière analyse ,
c'est le consommateur qui paie tous les travaux de l'industrie:
et si la consommation ne peut croître, on ne peut que nuire
aux fabriques , en s'intcrposant , de quelque manière que ce
soit, entre le fabricant el racbetour. Si de fausses vues d'ad-
ministration rendaient plus lente ou plus dispendieuse la cir-
culation des objets fabriqués , ce serait au préjudice des con-
sommateurs, ou de la consommation. Les expositions publi-
ques coulent beaucoup ,. et c'est le public qui en supporte la
dépense : il faut au moins qu'il eu retire quelque fiult.
L'exposition de cette année ne sera pas perdue pour les
progrès des sciences politiques : elle a mis à découvert le jeu
de quelques passions qui se montrent larement aussi fran-
cbesj elle révèle à l'industrie comment ses intérêts soûl com-
pris, et lui interdit un espoir Irop ambitieux. Quelques faits
d'une autre nature attireront aussi l'altention des observateurs :
on a vu des intérêts privés mettre à profit les circonstances po-
litiques , et déshonorer la noble carrière des arls utiles par des
procédés qui ne peuvent convenir qu'à une ambition peu dé-
licate sur le clioix de ses moyens.
Le tems approcbe où l'édifice social s'élèvera sur un plan
conforme aux idées dominantes : les arts utiles y seront ad-
mis , car on ne peut s'en passer ; mais le faste des expositions
publiques ne sera plus d'accord avec l'ensemble. L'industrie
resserrée dans un cercle plus étroit et soumise à des lois sé-
vères , sera hors d'état de créer : la vigueur qu'elle avait dé-
ployée , durant nos orages pollliques , l'abandonnera dans ces
tems de calme : beureuse encore , si elle peut vérifîer alors
l'ancien adage, \ Anglais invente^ et le Français peij'ec-
tionne !
Mais, ces alarmes sont peut-être mal fondées ; nos fabri-
ques ne subiront peut-être pas le joug fl trissant des maîtri-
ses. Si elles conservent l'indépcudance dont elles ont si bien
T. XX. — Octobre 1820. 2
i8 EXPOSITION
usé pour la prospérité publique, il sera peut-être utile île con-
tinuer, durant quelque tems, !a solennité des expositions, jus-
qu'à ce que Ton puisse reconnaître et apprécier leur inf'uence
sur les progrès de l'industrie. Les questions relatives u cette
institution ne peuvent être résolues qu'en France : si quelque
nation de l'Europe voulait aussi la mettre à l'épreuve , elle
comniencerait par l'approprier à ses besoins, à ses habitudes,
a ses localités. Ainsi , nous ne trouverions , dans le résultat de
ces essais, qu'uue instruction tardive et moins complette que
celle dont nous recueillerons bientôt les fruits sur notre pro-
pre sol.
En effet, quels sont les peuples européens qui pourraient
imiter nos expositions publiques? Les Anglais n'en ont pas
besoin : les produits de leurs manu'actures couvrent tout le
globe ; voilà leur exposition. Londres n'absorbe pas l'industrie
des provinces ; les diverses l'abriques de celte capitale ne l'élè-
vent pas au-dessus de quelques autres villes manufacturières
de la Grande-Bretagne.
En Russie , l'immensité des distances et la diversité des
mœurs s'opposent aux communications rapides et intimes en-
tre les nombreuses subdivisions de l'industrie; les expositions
publiques v seraient impraticables, si ce n'est dans un bazar
pour les produits , et dans une salle de modèles pour les nia-
cbines. Quant à la Suède, elle connaît sa position . ses be-
soins et ses ressources ; sans repousser le luxe par des lois
somptuaires, elle n'adoptera point une institution qui tend
bien plus directement à multiplier les jouissances du riche ,
qu'à satisfaire les besoins de l'homme laborieux.
Dans les états autrichiens , rien n'est préparé pour un éta-
blissement que son origine doit rendre très-suspect. La Prusse
et la confédération germanique le jugeraient peut-être avec
moins de prévention ; mais l'état politique de l'Allemagne ne
pourrait l'admelti'e qu'avec des modilications qui le translor-
DES PRODUITS DE L'INDUSTRIE. 19
nieraient en une Institution toute nouvelle. Le Danemarck
n'en éprouve pas le besoin. La Prusse el les Pays-Bas pour-
raient le recevoir, (el que nous l'avons , avec les mêmes avan-
tages ou les mêmes risques , une égale probabilité de bon ou
lie uiauyats succès. La Prusse y trouverait peut être un moven
de mettre plus d'enseml)le dans ses arts , de répandre dans ses
provinces la connaissance et le goût des formes gracieuses
d'y introduire une sorte de civilisation que les arts du des-
sin peuvent seuls amener : car le pouvoir de ces arts n'est pas
inférieur à celui de la musique : nous ne sommes pas moins
sensibles à l'harmonie des formes qu'à celle des sons ; et les
idées que nous recevons , les habitudes et les besoins que
nous contractons par la vue des belles tonnes ont un carac-
tère moral qui dispose l'àme au sentiment des convenances,
à tout ce qui dérive de ce sentiment, à la véritable civili-
sation.
L'état politique des deux péninsules nous impose le devoir
de ne pas étendre ces considérations au-delà des Alpes et des
Pyrénées. Il n'y a donc , en Europe , que deu\ pays où nos
expositions publiques pourraient être imitées. L'un des deux
(le royaume des Pays-Bas, ou plutôt l'ancienne Belgique)
profile sans poiue el sans frais des fruits de nos expériences et
de nos travaux : il est instruit de nos découvertes , aussitôt que
nous-mêmes ; et il lui suflit de nous visiter de tems en tems
pour se les approprier. En tout ce qui concerne les arts , les
lettres et les sciences , il n'y a point de frontières qui séparent
les deux royaumes. Les relations entre la Prusse et la France
laissent apercevoir les effets de la distance : si l'un des deux
pays veut imiter ce que l'on fait dans l'autre, c est une impor-
tation qui exige quelques efforts, et, dans de certains cas, de
l'habileté. Quand même la Prusse instituerait des solennités et
des récompenses pour l'encouragement de ses fabriques , ces
établissemens débuteraient par quelques essais, avant de ré-
io EXPOSITION
pondre aux vues du législateur, et ils ne nous offriraient ,
comme nous l'avons dit , qu'une instruction tardive , et peut-
être insuffisaule.
Traversons l'Océan , et voyons si les expositions publiques
conviendraient aux formes de gouvernement adoptées dans le
nouvciiu monde. Il semble, au premier coup d'œil, que cette
institution va trouver une nouvelle patrie qui s'empressera
de l'adopter ; cette illusion est bientôt dissipée. Le gouver-
nement des États-Unis ne se laisse point séduire par de bril-
lans dehors. Et d'ailleurs, tous les arts utiles ne marchent-
ils pas assez vite , dans celte heureuse contrée? Ne serons-nous
pas long-tems et souvent dans le cas daller y chercher de
l'instruction? Quant aux états formés par l'émancipation des
colonies espagnoles , leurs fondateurs n'ont pas le tems de
penser aux progrès des arts : la patrie est encore sur les
champs de bataille. Lorsque ces guerriers pourront quitter
l'épée et cultiver les arts de la paix , ils se trouveront tels que
le gouvernement de la métropole les avait laissés, réduits à
demander au commerce extérieur les instrumens des arts les
plus indispensables, sans uiacuiacturesetpresquesans moyens
d en élever, si ce n est avec le secours de l industrie étrangère.
Avant de créer des institutions dont le but est de perfectionner
les produits du travail, il faut que îe U'avail ait commencé; il
faut des ouvriers , des fabriques , des apprentissages , une po-
pulation disposée à devenir laborieuse.
Les bonnes institutions, comme les bonnes lois, doivent
convenir à presque tous les peuples bien gouvernés : on vient
de voir que nos expositions pul)liques n ont point ce caractère.
Ne seraient-elles qu'une emnir séduisante? Pour dissiper le
prestige , et reconuaiue les effets réels de ce moyen d'encou-
ragement, examinons attentivement son iuiluence morale et
ses résultats industriels.
L'exposition de cette année rend très-sensibles les progrès
DES PRODUITS DE L'INDUSTRIE. 21
d'uQ luxe sans biil , sans goiit et sans esprit , dont les caprices
commandent presque seuls au génie des arts et dirigent ses
plus grands efforts. LVIéganre et la correction des ioruics sent
peu recherchées : les ornemens bizarres et insigciflans scjt
prodigués partout, et semblei)t attester que le sentiment du
beau, si analogue à celui des convenances, abandonne les
hautes fortunes et se réfugie tians son, asile chéri , la classe
dite moyenne ou médiocre. Serait-il injuste d attribuer, au
moins eu partie, à rinfliieoce des expositions, cette altération
du goût public? Si des objets d'une beauté réelle sont mis à la
portée des fortunes médiocres , le riche ne les choisira point 5
ces objets ne tarderont pas à devenir trop communs pour mé-
riter 1 honneur d'être exposés : le riche se gardera d'autant
plus soigneusement de les inciter : il veut du neuf, et i! est si
facile de lui en faiie I Ces deux, causes réunies tcsident à rem-
plir les salles d'exposition de ce qui ne con vient qu'à l'opu-
lence , et à laisser au-dehors une partie des produits qu une
Industrie très-digne d'estime a préparés pour les consomma-
teurs bornés au nécessaire.
Il est pénible d'avoir à raj)peler des contestations peu ho-
norables entre quelques-uns des exposans, des combats livrés
par l'amour-propre ou par l'intérêt dans l'arèDC des jour-
naux. Les petites passions et les misérables moyens qu'elles
mettent en œuvre forment un contraste désagréable ave-" jes
nobles occupations des arts utiles. Ces débats scandaleux au
sujet de quelques médailles seraient évités, si les récompen-
ses offertes à 1 industrie étaient d'un ordre plus élevé. A l'ori-
gine de l institution , les médailles suffisaient , parce qu'elles
étaient une des distinctions personnelles le plus environaées
de considération, et qu'elles pouvaient aplanir la route vers
les plus hautes fonctions de létat. Aujourd hui , les services
rendus par l'industrie ne sont pas d'une moindre Importance;
mais ils n'obtiennent plus les mêmes honneurs, quoiqu'ils lui
22 EXPOSITION
soieut otiieils sous la mérue forme. Les me'dailles ont éprou-
vé le sort des monnaies : la valeur nominale n'a pas changé ,
mais le prix intrinsèque a beaucoup diminué. L'institution a
vieilli très - rapidement , et le peu de force qu'elle a pu con-
server serait un appui bien faible et bien insuffisant y si nos
arts n'en avaient pas d'autres.
Il est très-difficile de savoir comment et combien les expo-
sitions publiques ont eu part à la propagation des connaissan-
ces industrielles. Le Conservatoire et les écoles spéciales
d'arts et métiers feront A'aloir en ceci des droits qui ne seront
point contestés , et les nombreuses sociétés d'encouragement
exposeront aussi les services qu'elles ont rendus. Que Ion y
joigne , comme nous l'avons dit, l'influence des hommes ins-
truits et celle des livres , les voj^ages et tous les autres moyens
de communication entre les amis àes arts, il sera facile de re-
montei- à l'oi-igine de touies les découvertes , des perfection-
nemens, des conceptions utiles et de leurs applications : il est
Irès-probable f|ue la part des expositions publiques se trouvera
réduite à presque rien.
Si cette notice ne devait être lue que par des- Français ,
nous aurions peut-être jugé moins sévèrement nne institution
qui leur plaît, et qui met sous leurs jeux un tableau si ma-
gnifique, si varié, les œuvres les plus précieuses de Tinlel-
ligence et de l'adresse. Mais la vérité est cosmopolite , et la
Revue E neyclopéclique doit être l'un de ses interprètes. Nous
dirons donc à nos compatriotes ce que les étrangers doivent
penser de nous , de nos institutions , de nos progrès dans les
arts industriels. Si nous reconnaissons que nous sommes en-
gagés dans de fausses roules , nous tâcherons d'en détourner
ceux qni seraient tentes de nous y suivre. Nous serons forcés
d omettre beaucoup de choses qui ne sont point sans impor-
tance, des noms qui mériteraient d'être cités, et surtout, il ne
nous sera pas possible de satisfaire toutes les curiosités ; mais
DES PRODLIÏS DE L'INDUSTRIE. 25
nous tàclieroQS de n'oublier aucune découverte, d'indiquer
ce qui peut en amener de nouvelles , de classer les objets
suivant Tordre de leur utilité , sacs tenir compte du prix que
la fantaisie peut y attacher j enfin, nous n'aurons d'autre pré-
tention que celle d'exposer avec franchise ce que nous avons
cru voir après un examen attentif, scrupuleux et bienveillant.
Avant de rendre compte à nos lecteurs de ce qui nous a
paru le plu? digue d'être remarqué dans l'exposition de celte
année , disons quelque chose des produits de lindustrie que
1 on n'y a pas vus. En commençant par l'at^riculture, nous re-
marquerons qu'elle n'était représentée au Louvre que par
quelques-uns de ses instrnmens et quelques matières textiles
ou comestibles déjà préparées par d'autres arts. Cependant, il
ne suffit pas de lui décerner de vains hommages , de procla-
mer qu'elle est le premier et le plus noble des arts , si l'éclat
des représentations solennelles lui est interdit. Est-ce par une
distinctiiDn respectueuse qu'on ne l'a pas confondue avec les
arts du bijoutier, du fabricant de draps et de cachemires , de
l'imprimeur? Tout contribue à la faire disparaître, ainsi que
les autres arts qui fournissent les matières premières. Ses ins-
trumens sont attribués très -légitimement aux arts qui les fa-
briquent; ses machines sont classées parmi celles qui leur
sont analogues ; on ne voit plus rien qui soit l'un de ses pro-
duits : l'industrie agricole ne participe point à nos expositions.
Celle du mineur est dans le même cas , ainsi qu'un grand
nombre d'autres plus recommandables par les services obs-
. curs qu'elles rendent à la société que celles qui n'ont d'autre
objet qu'un luxe brillant. C'est ainsi que, dans la construction
d'un édifice, les fondations disparaissent sous le sol^ et que
les parties les plus saillantes sont aussi les plus chargées d'or-
nemens.
(commençons notre revue par les arts qui fournissent à
tous les autres le plus grand nombre de leurs instrumeus , et
24 EXPOSITION
plaçons au premier rang la fabrication du fer. On voit avec*
satisfaction que les fabricans suivent avec persévérance les
rechercbes sur Templol du cbarbon de terre dans tous les
travaux des forges , et que leurs efforts ne sont pas sans ré-
sultats. La compagnie des mines de fer de Saint-Etienne sait
extraire un métal de bonne qualité de certaines mines dont
on n'avait encore pu faire aucun bon emploi. Dans le déparle-
ment du Doubs, aux forges de Montecy, la bouille commen-
ce à remplacer le cbarbon de bois , sans que la qualité des
produits en soit altérée. On peut donc espérer que nos forêts
ne disparaîtront point totalement , et même qu elles auront
le tenis de réparer leurs pertes ; mais il faut avouer que cet
art si nécessaire de fabriquer le fer avec la bouille n'est pas
encore tout-à-fait naturalisé en France, et il esta craindre
que sa propagation n'y soit très-lente. Le laminage du fer, les
tréflleries et les autres préparations de ce métal s'étendent et
se perfectionnent de plus en plus. On a remarqué particu-
lièrement les tôles d Impliy, de Moyeu vre et du Pont-Sainl-
Ours, et le fil de fer carre de Chennecy, dans le département
du Doubs.
La tôle étamée ou fer-blanc mérite une mention particuliè-
re. Tout annonce que nos fabriques seront bientôt en état de
fournir cette matière première aux arts qui remploient, et
que nous cesserons de payei-, pour cet objet , à l'Angleterre et
à l'Allemagne, un tribut très-onéreux. Les forges de Bains ont
encore perfectionné leur fabrication ; celles d Hayange , de
Cbaudeau et d'Impby fournissent aussi dexcellens produits.
La conversion du fer en acier aurait besoin , comme la fa-
brication du fer, de devenir moins dispendieuse, et à quelques
égirds d'être perfectionnée. Il n'est aucune soi te dacier que
Ton ne fasse très-bien en France, mais en trop petite quantité, et
par conséquent trop cbèrement : l'économie est le principal
avantage des grandes fabriques. Nous approchons du teuis où
DES PRODUITS DE I/INDUSTRIE. aS
Tari si imporlaiit de la fabrication de l'acier n'aura plus de mys-
tères , grâce aux travaux des savans et des artistes français.
Depuis que la chimie a révèle la théorie du fer et celle
des combinaisons qui constituent les différentes sortes de fou-
tes et d'aciers , il ue reste plus qu'à faire les applications de
cette théorie, et à convertir les expériences de laboratoire eu
procédés de manufacture; mais ce travail ne peut être promp-
tenieut terminé, et pour que ses résultats se répandent avec
ordre et en quantité suffisante , il faut plus de tems encore. On
a vu à cette exposition de l'acier naturel fabriqué à Sahorre et
à Ria , dans les Pyrénées-Orientales. Le département de l'Ar-
riége a envoyé, de Foix et de Pamiers, quelques échantillons
d'acier raffiné ; mais les Pyrénées , dépouillées de leurs forêts
et mal pourvues de houille , ue sont pas , malgré l'excellence
de leurs mines de ier, le lieu le plus propre à rétablissement
de grandes fabriques d'acier, et ce n'est que dans ces établis-
semcns du premier ordre qu'il est possible de réunir l'écono-
mie à la bonne qualité des produits. Le département de la Loi-
re est une des parties de la France le mieux disposées pour les
arts métallurgiques ; les fabrications d'acier cémenté n'y ont
pas été négligées. On a vu, au Louvre, celui des forges d'Ou-
trefurens avec ceux de Rives, d'Orléans, d'Amboise et de
Pontarlier. La Haute -Saône, la Moselle et la Côte -d'Or
ont aussi fourni quelques échantillons ; la Meuse a produit
de l'acier fabriqué à Naix avec de vieilles ferrailles. L'acier
fondu va devenir plus commun, et le tems n'est pas éloigné
où nous serons, encore à cet égard, iudépcudans de l'Angle-
terre. La fabrique de cet acier, établie à ia Bérardlère, dé-
partement de la Loire, est pourvue de tout ce qui peut en as-
surer le succès : abondance et bonne qualité des matières ,
excellente direction. La forge d Outrcfureus est aussi avan-
tageusement placée pour toutes les fabrications d'acier ; et
lou a vu des échantillons de son acier fondu. Enlin, tout près
26 EXPOSITION
de la capitale , les vovageurs que la curiosité couduit à Ver-
sailles, peuvent visiter^ chemin faisant, à Chaville, une fa-
brique d'acier fondu.
M. Lenorniand s'est occupé de l'acier sous un autre point
de vue, et avec succès. Il a converti le plus mauvais acier
brut en un autre qui se montre pourvu des meilleures qua-
lités : on a vu des échantillons de cette transformation très-
remarquable.
Toutes ces différentes sortes d'acier, converties en barres
de toutes grosseurs, en lames et eu fils, ont paru à cette ex-
position 5 mais il ne semble point que ces préparations aient
fait des progrès sensibles.
Dans ses limites actuelles , la France manque de cuivre ,
d'étain et de plomb, métaux également nécessaires à la j^uei'-
re et à la paix ; ainsi , les arts qui emploient ces métaux ap-
procheront d'autant plus de la perfection qui nous convient ,
qu'ils réussiront mieux à épargner la matière et à porter l'é-
conomie dans la fabrication. Les grandes usmes sont les seules
qui puissent arriver à cette perfection : celles de Romillv et
d'Imphy ne laissent rien à désirer pour tout ce qui concerne
le laminage du cuivre. A l'exception du fer-blanc, on n'a vu
aucun produit des arts qui travaillent létain. Les diverses
préparations du plomb nont rien offert de nouveau.
Le zinc est devenu une matière indispensable pour un
assez grand nombre d'arts : aujourd'hui , c est au commerce
extérieur que nous sommes réduits à le demander. Cepen-
dant, on peut espérer que l'exploitation de toutes nos riches-
ses minérales nous procurera quelque jour, non-seulement
le zinc, mais peut-être même létain nécessaire à notre con-
sommation. Quant aux métaux précieux, on sait que notre
sol en est dépourvu , et que nous ne pouvons guère attendre
de découvertes importantes , après les diligentes explorations
(le nos Ingc'nienrs des mines. Les espérances fondées sur l'or
DES PRODUITS DE L'IISDLSTRIE. 27
de la Corse sont évanouies. Les véritables mines d'or de la
Corse , a dit Dtsson (ingénieur des raines , auteur d'un excel-
lent Mémoire, sur la Corse), sont les Ains, les liuiles , les
hois.
Les art s qui emploient les métaux préparés ont fait preuve,
à celte exposition , du zèle et des laleus de cette classe nom-
breuse de Cabricans. L'attention publique a été généralement
provoquée par les tissus métalliques, et par les beureuses ap-
plications qu on en a faites. A Paris, M. Mickaud-Labontc
a fait des toiles en platine, et procuré aux cb'mistes des filtres
qui rendront quelques analyses plus faciles, plus promptes et
plus sûres. A Scbelestadt , M. Roswag fabrique des gazes
métalliques. D autres tissus d un emploi moins limité sortent
des ateliers de M. Gaillard , à Paris , et de ceux de M. Dt-
lage, à Saint- Micbel , département de la Cbarente. Nous ne
«lirions rien de quelques ouvrages de fantaisie en (ils métal-
liques , tels que gilets et autres objets dun luxe bizarre , s ils
ne donnaient point lieu à quelques observations sur l inlluen-
ce des expositions publiques et sur leurs résultats nécessaires.
Jïlndustrie, sentant qu'elle sera jugée par tous les goûts , mê-
me les plus frivoles , s'altacbe à les satisfaire , et crée des
cbefs-d'œuvre sans but et sans mérite réel. C'est ainsi qu eiie
parvient à fixer les regards distraits d'un certain nombre de
spectateurs , dont l'attention ne se porte guère que sur les ba-
gatelles.
L'ancienne fabrique de limes d' Amboise voit s'élever de toutes
parts de nombreuses et redoutables rivales. Pesque tous les
fabricans d'acier transforment en limes une partie de leurs
produits pour les répandre dans le commerce. Paris et ses
environs disputent aux provinces l'avantage de satisfaire ce
premier besoin d'un si grand nombre d'arts . Cette concur-
rence ne peut être que très-utile. Remarquons cependant, que
les fabriques de limes établies dans la capitale ou trop près
28 EXPOSITION
de sou enceinte ne peuvent soutenir que durant un petit
nombre d'années, une iulte trop inr^ale contre ies fabrica-
tions bien plus pconomiques dans les provinces. Exprimons
le regret que ces étab.issemens d'une industrie si précieuse
ne s élèvent pas immédiatement sur les points où ils prospé-
reront le mieux et subsisteront le plus long-tcms. Cette ob-
servation s'étend à plusieurs autres fabriques de Paris , et spé-
cialement à celle de quincaillerie.
La coutellerie et la fabrication des armes marcbent vers la
perfection. Les lames en acier ioudu damassé , exposées par
M. Bréant, sont peut être supérieures aux lames orientales
les plus estimées, et clans une fabricaiion en grand, elles se-
ront d'un prix très-modéré; mais elles ne feront point aban-
donner la méthode de Cloiiet, qui donne à un habile forée-
ron le moyen d'obtenir un damassé plus agréable et d'une
forme déterminée. D'ailleurs, cette méthode, appliquée à la
taillanderie, aux instrumens de culture, etc., procure des
outils plus durables et d'un tneiUeur service. Il est bien à dé-
sirer que ce moyen facile d'améliorer tous les tranchans soit
généralement connu, et surtout pratiqué.
Toulouse, Foix, Lafcrrière,dansledépartementduDûubs,
et Sanxillanges , dans celui de Puy-de-Dôme , sont les seuls
lieux d'où Ion ail envoyé des faulx. Il est à craindre que les
cultivateurs français ne trouvent pas encore dans les usines
françaises tout ce qui est nécessaire à leur industrie. Parmi les
ouvrages en fonte moulée , on a remarqué les objets de quin-
caillerie envoyés de Saint-Étienne.
Les arts métallurgiques fournissent à la construction des
machines les parties les plus essentielles , celles dont la forme •
doit être correcte, invariable, dont la solidité doit résister à des
chocs et à des frotlemcns prolongés. La foute de fer moulée y
remplit des fonctions importantes, et par conséquent celte
sorte de moulage doit s'associer à la construction des ma-
DES PRODUITS DE L'INDUSTRIE. 29
chiufis. Rien loin de lui interdire le séjour tles grandes villes ,
il convient souvent de Ty appeler, afin qu'il participe aux per-
fectionneuiens (!ont ces loyers de toutes les connaissances et
de tontes les industries enrichissent les arts soumis à leur ac-
tion immédiate. On ne peut donc qu'approuver les établisse-
meas de ce genre formés à Paris ; ce sont des modèles pour
ceux qui sVlèveront dans les provinces, et une ressource pour
les manufactures, jusqu'à ce qu elles trouvent plus près d'elles
tous les instrumens nécessaires à leurs travaux.
A chaque exposition , le no.nbre des machines plus ou
moins nouvelles, mises sous les yeux du public, est toujours
très-considérabie , sans que l'on remarque une augmentation
proportionnelle dans la collection des machines employées. On
se borne donc le plus souvent à substituer une machine nou-
velle à une plus ancienne, et quelquefois ce changement n'est
pas une amélioration. Quelques-unes de celles que l'on a vues
cette année , en supposant qu elles tiennent tout ce que les in-
venteurs promettent, seraient encore au-dessous du produit
d'une bonne machine. Telle est , par exemple, la pompe dite
Norpac, exposée et mise en mouvement dans la cour du Lou-
vre, et dont l'effet utile est au-dessous de celui qu'on devait at-
tendre de la force motrice qu'on y emploie. Quelques autres
paraissent construites avec une connaissance approfondie de
l'effet à produire et des moyens de l'obienirj c'est le juge-
ment que Ion portera de la pompe à vapeur, sans piston, due
à M. Gtmoul, de Lyon. A l'exception de la machine à va-
peur de M. Gingembre, aucune de celles qui ont été expo-
sées ne présente, ni dans i'ensemhie, ni dans les détails, rien
qui la rende préférab e aux formes connues; et il en est une
dans laquelle ia lige du piston n'est pas bien uiaintenue dans la
direction de Taxe du cylindre.
Toutes les fabricpies de tissus ajouVnt de nouvelles machi-
nes à celles dont leurs ateliers sont déjà pourvus, ou perfec-
5o EXPOSITION
tiounent quelques parties des anciens mécanismes. La ton-
deust de MM. Collier et Se\>ene, de Paris, né tardera point
à trouver sa place dans toutes les manufactures de draps : on
ne négligera pas non plus !a machine à éplucher le colon, de
MM. Riskr et Dixon, à Cernay (Haut-Rhin); une autre
pour élargir les toiles destinées à 1 impression, de MM. Lami
et i^^acAer, deRoueaj des moulins à blutoirs métalliques, oii le
(rottement des brosses remplace la percussion et supprime le
bruit incommode qu'elle occasionait, etc. Parmi les machi-
nes plus ingénieuses peut-être que réellement utiles , il faut
faire mention du tour à portraits de M. IVolgutinuth, à Paris.
Ce mécanicien a peut-être découvert le seul moyen praticable
d exécuter, à Taide du mouvement de rotation, une figure ri-
goureusement semblable à une autre, et d'une dimension dé-
terminée.
Nous regrettons qu'il ne soit pas possible de faire mention
de tout ce que les mécaniciens ont otiert aux regards du pu-
blic dans cette exposition, qui suffirait seule pour prouver
fjne le génie inventeur n'a pas été refusé aux Français. Avant
de passer à un autre objet, nous réclamerons, au nom de nos
compatriotes , l'inver^'lon des scies circulaires, dont on a tait
usage en France, plusieurs années avant la révolution, pour
recéper des pieux sous leau.
L'attention des spectateurs s est portée avec intérêt sur plu-
sieurs autres objets fabriqués en fer. Des peignes pour les tis-
serands, des cardes, dont les plus remarquables sont celles de
M. Scrive, à Lille; des cables, ou chaînes en ier, pour la ma-
rine; le modèle d'un comble eu fer projeté pour l'édifice de
la Bourse, l'un des plus beaux monumens d'architecture qui
décorent la capitale. Si les proportions de ce i.-iodèle étaient
suivies rigoureusement dans l'exécution, il entraînerait cer-
tainement une grande dépense en pure perte ; car les dififé-
renles parties de ses Jermes sont plus grosses que leur desti-
DES PRODUITS DE L'INDUSTRIE. 3i
ualioii ne l'exige. Il semble aussi qu'il eût été bon tléviter
quelques assemblages obliques dont l'œil n'est pas satisfait.
L" horlogerie est l'application des machines les plus parfaites
à la production dun mouvement uniforme qui puisse servir
à la mesure du tems. Nous plaçons la revue des produits de
ce bel art immédiatement après celle des macbiues, vl nous
l'associons à la construction des iusU'umens de pbysiquc et
de mathématiques, parce que, pour un chronomètre, un théo-
dolite, une machine pneumatique, etc., l'esprit d'invention et
de perfectionnement a le même caractère, et ([ue tous ces Ira
vaux sont des applications des sciences à la création de leurs
instrumens. L'horlogerie vient de faire une perte bien dou-
loureuse; mais, heureusement, le talent de Bregitet forme la
partie la plus précieuse de l'héi Itage qu'il laisse à son fds.
Nous possédons encore Janvier, dont plusieurs horloges as-
tronomiques ont enrichi l'exposition de celte année. Wag-
ner, considérant son art sous le point de vue commercial, a
lait voir plusieurs horloges, dont la plus remarquable, en rai-
son de sa grande utilité, est une horloge de village, en fer fon-
cu. Perron a réuni dans une seule machine toutes les mesu-
res du tems qu'exigent les usages civils et l'observation des
mouveiuens célestes. Les excellens théodolites de LenoirAes
instrumens de mathématiques, d'optiques, etc., fabriqués par
lécher, qui 's'attache peut-être trop à produire en grande
quantité; les machines pneumatiques soriies des ateliers de
l'École d'Angers, rapprochées des pièces d'horlogerie fabri-
quées par les élèves de l'École de Chàlons soues la direction
de 5/ eg^«e<; les balances de MM. Cauchoix , Chemin et De-
teuil; les baromètres de MM. Lenoir, Cauchoix et Lerebours;
les thermomètres de M. Chei'alier, etc., prouvent assez que
cette partie importante de nos arts est au niveau de toutes les
connaissances acquises, et telle que l'exigent les progrès des
sciences. Observoui, au sujet des baromètres et des thermo-
32 EXPOSITIOIN
mètres, que ces derniers conviennent spécialement aux. habi-
tudes du citadin , et se multiplient facilement dans les -villes,
mais que le baromètre serait plus utile k l'homme des champs;
si cet instrument était placé dans son habitation , il cesserait
de consulter Talmanach de Liège, il acquerrait quelques con-
naissances, perdrait quelques préjugés, et ce changement seul
donnerait à son jugement plus de rectitude et de sûreté. Il
serait bien à désirer que l'oa pût donner à cet instru-
ment la forme qui conviendrait le mieux à son emploi dans
la direction des travaux de la culture ; qu'il fût d'un prix
modique, et que Ton s'occupât des moyens d'en rendre lu-
sage universel.
Portons maintenant nos regards sur l'immense variété de
tissus , dont l'abondance, la perfection et le bas prix , en tout
ce qui n'appartient pas exclusivement au Juxe , annoncent
les progrès toujours croissans de notre industrie, et la pros-
périté de nos manufactures. Nous commencerons par les
tissus de laine; les draps en forment la partie la plus impor-
tante , surtout pour le commerce extérieur. Leur perfection-
nement a dû suivre celui des laines , seul fruit d'une utilité,
réelle que la France ait recueilli dune longue suite de vic-
toires. Possesseurs de la meilleure race de moutons, il ne
nous reste plus qu'à la propager partout où elle conservera
les qualités qui la rendent précieuse. L'art de la tonte u'a pas
encore terminé les recherches qui fixeront pour chaque cli-
mat l époque la plus convenable pour faire ce travail. Dans
le déparlement de l'Ain , on s est assuré qu'une laine de six
mois est plus fine que celle de Tannée, et qu'elle est assez
longue pour la meilleure filature ; que la double tonte des
moutons procure ainsi tout à la fois l'abondance et la bonne
qualité des toisons. Ce fait intéressant n'a pas besoin d'être
recommandé à l'attention des propriétaires de mérinos.
Le problème de la fabrication des draps communs peut
DES PRODUITS DE L'INDUSTRIE. 35
être regardé comme résolu. Si le prix de ces tissns paraît en-
core élevé, c'est qu'on ne lait pas attention à roccroissemeut
prodigieux, du numéraire en circulation , et à la consomma-
tion beaucoup plus grande aujourd'Lui qu'elle ne le fut dans
aucun tems. D ailleurs, la concurrence contribue nécessaire-
ment à maintenir le bas prix. Partout des fabriques s'éic'cnt
et réussissent. Comme les laines commuues s'améliorent pro-
gressivement, les vètemens de la classe laborieuse sont moins
grossiers , plus souples , plus légers sans être moins cbauds ,
meilleurs à tous égards. La liste des manuracluriers qui ont
exposé des draps très-bons et à des prix très -modérés excé-
derait de beaucoup les limites que nous devons nous pres-
crire.
lia fabrication des draps fins est l'objet d'une concurrence
louable, si les concurrens se bornent à cbercber les movcns
de l'emporter sur leurs rivaux par une plus grande perfection .
C'estainsi qu'il convient nuxGerdrei. aux Riboulcou, etc., de
lutter contre l'industrie active , persévérante et judicieuse de
M. Ternaux. Les dissensions entre ce fabricant célèbre tt
plusieurs autres auxquels son exposition particulière a déplu,
ces fàcbeux débats entre des hommes accoutumés à mieux em-
ployer leur lems, ont été jugés par le public, puisque c'est ."i
son tribunal que cette cause a été soumise. On a vu, d'na
côté, l'usage d'un droit très - légitime , une franchise , une
loyauté qu'on ne pouvait s'erapécber de reconnaître, et dont
on était encore mieux convaincu après l'avoir bien observée;
on a reconnu que la qualité des étoffes et la modicité du prix
étaient précisément ce que M. Ternaux avait annoncé. De
l'autre côté , de l'humeur, des insinuations obscures, certai-
nes phrases qui prenaient un air de délation , rien de clair, de
positif, et rien pour l'intérêt des consommateurs; l'opinion
du juge a été bientôt formée. Quel que soit l'avis de la com-
T. XX. — Octobre 1825. 5
54 EXPOSITION
mission cliargée de décerner les médailles, celui du public est
fixé d'après la raison , secundum allegata et probata.
Les casi/nirs exposés cette année ont mérité de justes éloges,
par la perfection du tissu et la beauté des couleurs. Cette
branche d'industrie serait peut-être celle qui a fait les progrès
les ^>lus remarquables , si les cbàles n'avaient point étonné les
spectateurs, par le développement inattendu de leurs riches-
ses asia'.iqucs.
Les tapis se perfectionnent aussi dans les deux sens , pour
le luxe et pour la médiocrité ; d'un côté la magnificence, et de
l'autre , la propreté et le bon goût. Dans ce genre de fabrica-
tion, le nom de M. Ternaux se trouve associé à ceux de
MM. Delonne, Roger Gl Sallandrouze, etc., à Paris. liCS ma-
nufactures royales d'Aubusson et de la Savonnerie soutien-
nent leur ancienne réputation. Aucun de leurs ouvrages n'of-
lense l'œil par des dessins bizarres , et plusieurs ofireiit au
contraire des peintures correctes et gracieuses. A l'imita-
tion de nos voisins d'outi-emer, nous finirons par couvrir de
tapis le froid carrelage de nos habitations , et cette partie de
notre ameublement passera, pour ainsi dire , dans le domai-
ne de larchitecture. On pourra lui imposer alors les lois plus
stables et plus sévères qui gouvernent l'art de construire nos
demeures , et d'en disposer toutes les parties suivant leur des-
tination : on ne marchera plus sur des figures d hommes ,
d'animaux , sur desp aysages et autres représentations aussi
peu faites pour èti'e mises sous nos pieds. Les inépuisables
ressources de l'art du dessin , l'imagination féconde des artis-
tes sauront trouver des ornemens plus conformes à la raison.
Cette réforme judicieuse est déjà faite sur les tapis économi-
ques ; leur couleur unie , leurs carreaux et leur simple bor-
dure obtiendront la préférence sur les ornemens absurdes ou
déplacés.
On ne regardera pas comme une invention ni comme un
DES PRODUITS DE L'INDUSTRIE. 55
perfecllonneinent une légère modificatiop d'une ancienne
<''tolTe reproduite sous un autre nom ; ces petits artlliccs soûl
très-permis dans lempire de la mode , mais liaduslric
qui les emploie n'est pas celle dont une nation peut shono-
rer, et celle-ci est la seule qui doive se montrer au Louvre.
Mais les tricots sont une sorte de tissus dont la souplesse et
lextensibilité dans tous les sens ne peuvent être remplacres
par aucune autre texture : cette fabrication fait aussi des ac-
quisitions, et développe ses ressources. On a remarqué prin-
cipalemenl les produits des ateliers de M. Cliantrtl, à Han-
gest , et de M. Roux, à Paris.
La lilature et le tissage du coton ont opéré la plus éton-
nante rt'volution dans l'ensemble de nos fabriques et dans nos
rapports commerciaux. Cette matière cxotiquesemble vouloir
se su])Stituer au lin et au chanvre : la laine même n'est pas
préservée de ses envabissemeus. Il faut avouer que tout sem-
ble se réunir en sa faveur, et défendre ses intérêts. I^a facilité,
la propreté , la salubrité de tous les travaux quelle alimente,
depuis la culture du cotonnier dans les pays qui lui convien-
nent jusqu'à la fabrication des toiles, des mousselines, etc. ,
aucune autre substance ne se prête mieux à l action des ma-
cbines , et quoique nous soyons encore fort au-dessous
des Anglais quant à l'immensité des filatures , nous les éga-
lons au moins par la tinesse et la perfection du travail. Cepen-
dant, la cause de la filature et des tissus de lin n'est pas perdue.
Quelques essais de mécaniques pour remplacer le travail de la
(ileuse ont déjà réussi, et MM. DrabbU, à Douay, Roussilhc et
Palezy, à Paris, ont exposé des échantillons salisfaisans du
produit de ce nouveau travail : le premier pas est fait , et dans
presque toutes les entreprises, 11 est le plus difficile. Un autre
concurrent redoutable vient encore disputer au colon la pos-
session exclusive des manufactures qui nous fournissent les
toiles et les autres tissus analogues ; c'est le phormium tenax,
36 EXPOSITION
transporté de TOréanique dans riiémisphère boréal , et qui
semble appelé à lonrnir un jour à la marine ses meilleurs
cordages , et à ropuleoce ses tissus les p!us reclierchés. M.
Dtrepas, de Dijon, a fait voir quon peut le convertir en (ils
à dentelle. Voilà deux industries naissantes, et bien dignes
d'être encouragées par tous les amis des arts, la filature
méjcanique du lin et du cbauvre , et celle du phormium te-
nax, ou lin de la Nouvelle-Zélande.
Les tissus de coton ne pouvaient paraître, en iSaS, beau-
coup au-dessus de ce qu'ils étaient eu 1819. A mesure que
Ton approcbe de la perlection , le mouvement se ralentit, et
le cbemln parcouru ne devient sensible qu'après un tems
plus long. Les manufactures de tissus de coton imités de ceux
(le rinde ont égalé, surpassé leurs modèles ; les créations de
l'industrie européenne , variées et perfectionnées d'une année
à l'autre, paraissent approcber du terme où elles n'acquerront
plus rien, lia beauté et la finesse des toiles peintes exposées
au Louvre donnent un moyen de comparer cette partie des
arts modernes à ce qu'elle était chez les anciens. Les parures
élégantes des ouvrières et des paysannes, d."ns presque toutes
nos provinces , auraient tenté la cupidité de ces proconsuls
romains , dont le luxe coûtait si cher aux malheureux sujets
de la république ou de l'empire. Cicéron reproche à Verres
de paraître en public, revêtu dune toile très-fine, parsemée
de petits points : Tenuissimo liiio ininutis , maculis. Toate la
tlescription de la magnificence insensée de ce proconsul
prouve que les boutiques les plus somptueuses de Syracuse
étaient moins bien fournies que celles des quartiers les moins
opulens de Paris ne le sont aujourd'hui.
Les tissus de coton blancs ou imprimés n'ont pas montré ,
celte année, tout ce qui méritait d'être vu. Des manufactu-
res célèbres y ont laissé un vide que le public a remarqué. Il
est presque inutile de dire que celles qui ont pris part à cette
DES PRODUITS DE L'INDLSTRIE. 07
fête des arts soutiennent leur ancienne réputation ; que Rouen
est toujours le Manchester de la France ; que les excellentes
et nombreuses fabriques de Normandie, dont quelques-unes
n'ont rien exposé , sont toujours aussi dignes déloges ; que
Lille, Saint-Quentin, Valenciennes, et quelques autres villes
du iNord de la France, conservent le rang honorable qu'el-
les occupent depuis si long-tems dans la statistique de l'in-
dustrie ; que le Haut- Rhin et ses belles fabriques ne restent
pas en arrière ; que la petite ville de Tarare aspire à se distin-
guer par la perfection de ses fdatures , etc. Comme il nous
serait impossible de placer dans cette Notice les noms de tou-
tes les manufactures et de tous les fabricans qui ont obtenu
les suffrages du public , nous suppléerons à ceux que nous
sommes forcés d'omettre, en insérant, le plus tôt qu'il nous
sera possible , la liste des exposans qui auront obtenu des mé-
dailles , ou dont la commission aura fait mention. Observons
toutefois que cette liste est celle des récompenses , le résultat
d'un choix, et que, par conséquent, des noms très-dignes d'es-
time n'y seront point inscrits. Dans celte lutte honorable, le
vainqueur et le vaincu paraissent quelquefois égaux en force,
et la victoire n'est décidée que par une supériorité trop peu
sensible pour être aperçue par des spectateurs iuattentifs ou
sans expérience.
Ensuivantla règleqnc nous nous sommes imposée, les tissus
d un usage universel ou indispensable passeront sous les yeux
de nos lecteurs avant ceux qui ornent les palais , forment les
vèteraens ou la parure des classes distinguées. On a vu des
toiles de toutes les espèces, depuis les toiles d'emballage jus-
qu'aux services de table travaillées avec le plus grand luxe ,
depuis les toiles à voile jusqu'aux batistes les plus fines. Les
tissus de soie ont étalé, comme à l'ordinaire, leur iTsagnificen-
ce, rehaussée dans quelques-uns par l'éclat (\es métaux pré-
cieux ; mais il faut avouer qu'on a eu rarement à louer le choix
38 EXPOSITION
des dessins. Ce reproche est assez grave pour qu'on y fasse
plus d'allentlon qu à un caprice de la mode : ce n'est pas aux
soieries seuicmeut qu on peut 1 adresser, mais à presque tous
les objets de luxe et d'ornement. Des formes contournées et
bizarrement associées ; dans les meubles, des sculptures là où
la main devrait se poser sur une surlace unie, des placages
sans éclat et qui adaiblisseut sans embellir ; un poids inutile,
parce qu'on a voulu s'écarter des formes simples qui réunis-
sent la plus grande résistance à une légèreté qui est certaine-
ment un mérite de plus ; dans les éloPiCS , rien qui soit digne
du crayon ui du pinceau d un peintre judicieux et bien pé-
nétré du sentiment du beau, qui puisse ajouter au pouvoir de
la beauté, répondre à la majesté du trône, à l'éclat et à la
pompe des cérémonies publiques, aux mouvemens gracieux
de la danse ; des dessins qui rappellent les premiers essais de
l'enfance , et qu'il eût fallu laisser aux peuples qui ne savent
pas faire mieux ; enfin , beaucoup de travail sur des matières
précieuses, de grandes difficultés surmontées, et un mauvais
résultat : voilà ce que les cbefs-dœuvre del'ébénisterie et des
fabriques de cbàles ont offert , celte année , à ladmiralion pu-
blique. Depuis long-teras , le bon goiit avait fait disparaître
les grands ramages des étoffes à l'usage du beau sexe ; les
palmes sont maintenant en vogue , quoiqu'elles n'aient sur les
dessins proscrits aucun avantage , si ce n'est celui d'être tout-
à-fait insignifiantes. Il sera facile de laire un meilleur usage
du précieux duvet des chèvres thibétainesj ses qualités sont
précisément celles que doit réunir au plus haut degré le vête-
ment des dames : souple , léger, commode, rehaussant les
charmes de la beauté , se prêtant à tous les mouvemens gra-
cieux, lorsqu'il n'est pas sous la ferme de chàle.
Il ne fallait rien moins que l'immobilité asiatique pour em-
pêcher que cette matière n'obtînt pas,avec le tems, la destiuafion
qui lui convient le mieux. Aujourd'hui qu'elle est entrée dans
DES PRODUITS DE L'INDUSTRIE. og
lo domaine de Tiudustrie européenne , ce n'est point aux ca-
prices de la mode qu'il appartient d'eu disposer. Son introduc-
tion dans nos manufnctures a été marquée par des prodiges. Un
petit nombre d'années a sufti pour atteindre et surpasser peut-
être l'antique perfection des tissus de cachemire , pour inulti-
plier les fabriques, fournir à tous les besoins du commerce
intérieur, verser même un excédant au-dehors , étaler au
Louvre luie abondance , une variété, wne perfection de ces
tissus dont tous les spectateurs ont été surpris, l'^t tant d'ellorts,
de travaux et de succès n'ont abouti qu'à satisfaire le plus dis-
pendieux des mauvais goûts! Au reste, ce n'est pas l'indus-
trie qu il faut accuser, mais le public, qui lui imprime cette
fausse direction. Excusons même les dames françaises : il était
diOicile qu'elles échappassent à l'engouement des châles, ma-
ladie européenne dont elles seront guéries avant tout le beau
sexe des autres nations. La mobilité de nos modes aura cette
fois le mérite de nous avoir débarrassés de celte épidémie
asiatique.
Entraînés par la chaîne de nos idées, nous avons parlé
de la fabrication des châles , plus tôt que nous ne l'au-
rions voulu : beaucoup d'autres arts moins brillans, mais plus
utiles, avaient le droit de se présenter avant celui-ci. Eulin ,
notre pénible excursion est terminée; reprenons la voie de
l'industrie vraiment nationale, de celle qui s'occupe de nos
besoins réels , dont le corps social ne peut se passer, et qui
est, par conséquent, l'une des causes de la félicité publique.
La pn'paration des peaux , les produits chimiques , la con-
servation des substances alimentaires , l'eniploi des bois indi-
gènes , la fabrication du verre , des poteries , de la porcelaine,
les appareils de cbaufiage économique , l'art du chapelier et la
variété des matières sur lesquelles il s'exerce aujourdhui, etc..
tous ces arts ont fait preuve d'un perfectionnement sensible. Il
en est quelques-uns dont nous n'avons pu juger par nous-
4o EATOSITION
niêmes : tels sont les procédés pour la conserTation des vian-
des , les appareils distilîatoires , les calorifères et calefac-
tcurs, parmi lesquels nous distmi;uerons celui de M. Lemare.
1j' Académie des Sciences a déjà prononcé sou jugement sur
cette invention , qui saus doute ne demeurera pas stérile , et
qui peut contribuer puissamment à de grandes réformes dans
réconomie domestique (i). Quant aus. produits chimiques,
il suffit de nommer les fabrlcans pour faire prési»iîer l'excel-
lence de la fabrication : MM. Cliaplal , Darcet et Holker ne
sont pas moins estimés pour leurs succès dans les arts cbimi-
ques et par la sage administration de leurs travaux., que par ce
qu'ils ont fait pour le progrès des sciences. Ou a été surpris
que Grenoble n'ait point envoyé quelques échantillons des
peaux qui donnent une si haute renommée aux ganteries de
cette ville. Le travail des bois indigènes réussit très -bien entre
les mains de M. y acher : mais , avant que nous avons multi-
jîlié ceux des bols colorés que notre climat ne repousse point,
ne vaudrait-il pas mieux chercher de bons procédés de tein-
ture pour les bois indigènes , et renoncer au placage? Si nos
foréls avaient le tems de vieillir, elles ne seraient point dé-
pourvues de bois colorés, D ailleurs, les idées de M. Vacher
sur les meilleurs procédés pour faire un placage solide méri-
tent beaucoup d'attention , et peuvent être appliquées à d'au-
tres asseiiib'as:es de bois de nature diCférenle.
(i) On doit aussi à M. I/emare un Dictionnaire de l'exposition au
Louvre en i Si û : i° par ordre de producteurs avec leurs adresses; 2° par
ordre des produits, avec les noms des producteurs. Octobre 18 >5; Béchet
aîné, quai des Âuguslins, n° ôj; et chez l'auteur, quai de Conli, a" 5 ,
en face le Pont -Neuf. 216 pages in-S"; prix, 5 francs. Cet ouvrage
est exact , et présente , sous une forme commode , l'immense nomencla-
ture des objets exposés. Les recueils de celte espèce conservent des ma-
tériaux précieux pour l'histoire des arts, lorsque l'on aura ie courage de
l'écrire.
DES PRODUITS DE L'INDUSTRIE. ^l
L'art du verrier n'a produit que des objets de luxe , dont
plusieurs n'étaient point recommandables par réiëgance des
formes. Mais les pierres artificielles de M. Dedreux ont ob-
tenu de justes éloges, en les considérant comme un produit
des arts. Sous un autre point de vue , ou peut douter que l lia~
bile artiste parvienne à exercer quelque influence sur l'opi-
nion. Ni le prix, ni l'usage du diamant et des pierres précieu-
ses ne cbangeront; les licbes voudront en avoir, pour être
distingués de cette classe moyenne dont l'aspect les fatigue ,
lorsqu'ils ne peuvent ni acquérir ses connaissances , ni prati-
quer ses vertus : une vanité qui n'eut point pensé à des paru-
res d'un trop baut prix , se contentera de pierres artificielles 5
n'est-ce pas un movcu de la fortifier? l'esprit tt le cœur
ne perdent-ils rien sous l'empire des petites passions "■ Os
considérations nous conduisent naturellement aux cbc's-
d'œuvre d'orfèvrerie de M. Odiot, aux bronzes dorés de
MM. Chopin, Cunlamiiie et Galle, aux ébénisteries de MM.
Werner et Putaux, aux porcelaines de Sèvres, et à celles qui
se contentent de rexcellcuce de la matière, de la beauté des
formes et de la perfection du dessin , sans ambitionner les di-
mensions gigantesques des ouvrages exécutés à la Manufac-
ture royale. Nous jetterons en même teins un coup d'œll sur les
faïences de Sargucmines, sur les prodiges opérés par MM.
Utzchneider iiiFobry , sur ces candélabres et ces vases imitant
si parfaitemenl le porplivi e , que lœil du naturaliste le plus
exercé ne peut écbapper à l'illusion. Cette application d une
industrie créatrice nous plaira d'autant plus , quelle ne se
borne pas aux objets d ornement , et que tout ce qui sort de
la belle manufacture de Sarguemines réunit toutes les qualités
désirables dans les vases de celte matière , l'élégance , la so-
lidité , la beauté de î'éinall et le bas prix.
Disons aussi «lue nos artistes s'attacbent à mettre en œuvre
les matières indigènes, à mouler en carton des ornemens d'ar-
4 «2 EXPOSITION
chitecîure pour rintéricur des édifices ; que les tôles vernies
sont façonnées en meubles élégans , solides et légers ; mais,
au milieu de l'une des capitales du monde civilisé, près du
foyer de toutes les sciences et de tous les arts, celui d'appli-
quer sur le fer un vernis brillant et durable est encore dans
Teufance, si l'on compare ses produits â ceux de quelques
ouvriers à demi sauvages qui Tont porté au plus haut degré
de perfection dans les forèls de TOural , en Sibérie. L'origine
de cette industrie très-extraordinaire n'est pas bien connue.
Quelques ébauches de statues moulées , soit en pale de car-
ton, soit eu stuc imitqnt la pierre, n'offrent encore rien de
satisfaisant : il faut attendre de nouveaux essais , avant de pro-
noncer sur le mérite de celte innovation. Ces tentatives n en-
richissent pas les beaux-ai-ts , et ne contribuent point à leur
perfectionnement : il vaudrait mieux s'attacher à créer de
nouveaux cbefs-d'auvre , qu'à multiplier les mauvaises co-
pies des bons modèles.
Nous terminerons celle Notice par l'un des arts les plus ai-
mables , et dont les progrès tiennent nécessairement à ceux de
la civilisation, la musique , et par un autre dont l'inlluence
est beaucoup plus puissante , qui conserve le dépôt de toutes
les connaissances, qui les propage el les met à la portée de
tous les esprits capables de les recevoir; c'est la typographie.
Après les recherches de MM. Savarl et Chanot sur le violon
et les heureuses applications qu ils eu ont faites , il semblait
que de long-lems on ne songerait à de nouveaux perfectiou-
uemens ; mais, les difficultés n'ont point effrayé MM. Legros
de la Neuville et LaFrevoile. Les violons qu'ils ont exposés
sont effectivement très-bons , mais ceux de l'exposition pré-
cédente Tétaient aussi , et il faudrait les entendre les uns et les
aulres , les comparer altcntivemeul sous tous les rapports. Les
pianos et les harpes exposés unissent la décoration extérieure
à la beauté des sons : en général, ce ne sera pas la faute des
DES PRODUITS DE L'INDUSTRIE. 4^
faclenrs d'iuslrumens , si les musiciens font encore quelque-
fois d'assez mauvaise musique. Les propres de la typographie
n'ont ofiert , au Louvre, que ce que ion avait déjà vu dans
les belles éditions sorties des presses de MM. Didot. On a re-
marqué cependant, avec satisfaction, que les caractères gothi-
ques deviennent rares. Quant à la reliure , elle a subi le soi-t
des arts du dessin , d'autant moins agréable à l'œil , qu'elle est
plus chargée dornernens.
L'état des arls lilhoi'raphiques et le développement rapide
de cette nouvelle industrie, étaient généralement connus : ce
que l'exposition au Louvre en a montré , n"a rien appris de
nouveau.
Il nous reste à faire quelques observaliors sur les movens
d'apprécier le mérite industriel des objets exposés , et d at-
teindre le but de l'instilulion par une équitable distribution
des récompenses décernées aux exposans.
Jusqu'à présent, cette tâche délicate et difficile a été con-
liée à une commission de savans et de manufacturiers choisis
et nommés par le gouvernement. Cette année , deux hommes
reconimandobles par de vastes connaissances dans les arts et
par un noble caractère , ont cessé de faire partie de cette com-
mission ; la confiance publique s'est affaiblie. Le choix de
deux savans non moins dignes d'estime a réparé les pertes
de la commission , mais sans rétablir entièrement la con-
tiance. On a craint que certaines passions politiques ne pré-
sidassent à la distribution des médailles j plusieurs fabricans
qui s'étaient montrés avec distinction aux expositions précé-
dentes , n'ont point paru à celle-ci. L'amovibilité des mem-
bres de la commission , au gré de l'autorité administrative ,
est donc un mal , une erreur de la législation. Mais , com-
ment la réparer? 11 faudrait que la commisï.ion fût réellement
un. Jury, dans la rigueur du terme, c'est-tà-dire, un tribunal
44 EXPOSITION DES PRODUITS DE L'INDUSTRIE,
composé, chaque année, de juges , choisis sans la participa-
tion de Tautorité administrative, suivant des formes légales,
soit par les exposans , soit de toute autre manière , pourvu
qu'elle fût partaitement indépendante. Mais , cette réforme ne
ferait pas disparaître tous les inconvéniens de l'institution ; elle
conduirait même d'autant plus sûrement et plus tôt à une con-
centration dangereuse de presque tontes les industries dans la
capitale. S'il est quelque moyen de remédier à ce mal, en
conservant le bien que les expositions peuvent opérer, on ne
pourrait le découvrir que par des recherches étrangères à no-
tre objet ( I ) .
B'erry.
(i) Voyez ci-après {Nouvellei scientifiques et littéraires) les détails re-
latifs à la distribulioa des médailles d'ot, d'argent , et de bionze, décer-
nées par le Jury, qui a été laite par le Roi, au palais des Tuileries, le 26
octobre.
VVV»VVVVVVV»VVVVV%/WrM/«M«««M/««V\;V«WVV«l/«%VVV»V«W««VV««/WMiVVV««VV^^
II. ANALYSES D'OUVRAGES.
SCIENCES PHYSIQUES.
Précis des événemens militaires , ou Essais historiques
sur tes campagnes de 1799 à i8i4, avec cartes et
plans; par M. le Comle Mathieu Dumas, Lieutenant-
général , etc. — Campagne de i8o5 (1).
Le saraut et habile auteur du Précis des événemens mili-
taires, qui embrasse, dans cet important ouvrage, Ihisloire
abrégée d'une grande partie des guerres de la république et
de celles de lempire, a su rendre cette liistoire à la fois utile
et instructive pnur les hommes de Tart, intéressante et en
quelque sorte dramatique pour toutes les classes de lecteurs.
Il annonce, en commençant les quatre volumes qui font le
sujet de cet article, qu il entre désormais dans un ordre de
choses entièrement nouveau, qu'une nouvelle ère va s'ouvrir :
Novus reruni nascidir ordo.
En effet, tout est changé. Ce ne sont plus les institutions na-
tionales , la cause de la pairie et de la liberté que les armées
françaises sont appelées h défendre. Elles ne sont plus que des
légions , organisées et dirigées par un grand capitaine (jui veut
les faire servir d"ins;rumens à sa gloire, à son ambition gigan-
tesque et à ses projets de domination universelle. Et cepen-
(1) Paris, 1822. Quatre vol. in-S», avec uu atlas in-folio. Treuttel et
Wûrtz , rue de Bourboa , ti' 17 ; prix , 25 fr. — Ces quatre volumes sont
les Tomes XI, XII, XIII el XIV de la grande et belle collection inti-
tulée : Précis des événemens militaires. — On trouve aussi le même ou-
vrage à Hambourg, chez Pertliès et Besser, libraires.
4 G SCIENCES PHYSIQUES.
dant , elles vont déployer sous ses drapeaux la même intrépi-
dité, le même enthousiasme qui les animaient dans les guer-
res précédentes. Car, une sorte d'illusion et de prestige, qui
les enivre et les entraîne, leur persuade que cette gloire mi-
litaire, fausse et trompeuse, si funeste à l'humanité et à la mo-
rale publique, pourra placer la France à la tète des nations
européennes , et lui procurer une grande et honorable supré-
matie militaire et politique, en échange de sa liberté anéan-
tie. Il n'était donné qu'à un petit nombre d'hommes généreux^
victimes de tous les genres de fyrannie , doués d'une prévision
malheureusement inutile, et réduits à une entière impuissance
de servir leur pavs, par la défiance ombrageuse d'un maître ab-
solu , d'entrevoir dès-lors (suivant l'expression pittoresque et
prophétique employée, eu 1800, avec Napoléon lui-même) ,
au bout de cette longue avenue de lauriers, dans laquelle s'a-
vançait avec joie tout une génération guerrière , le gouffre
ensanglanté où serait plus tard précipitée la patrie,
La campagne de 1 8o5 ne semble pas encore préparer les
événemens qui ont décidé le sort de la France , et la terrible
catastrophe réservée à Bonaparte. Sur terre, la victoire de-
meure fidèle aux drapeaux français j sur mer, nos vaisseaux
ne sont pas réduits h se renfermer dans nos ports ; et nos ma-
rins , avec des forces inférieures , causent beaucoup d'embar-
ras et quelques dommages aux Hottes anglaises : la France
peut encore voir, dans sa marine, autre cliose qu'un luxe oné-
reux. Ainsi , les champs de bataille ne sont pas seulement en
Europe : les opérations militaires embrassent les deux conli-
nens ; ce qui se passe aux îles du Vent on au sud de l'Afrique,
est l'effet de l'impulsion communiquée à toutes les forces na-
tionales, et dont la puissance se fait principalement sentir en
Italie, sur le Danube et à Auslerlitz.
Au commencement de celle année (i8o5), on pouvait es-
pérer encore que le nouveau chef de la France s'occuperait
SCIENCES PHYSIQUES. 47
des vrais movens de la rendre lieareuse et florissante , et non
du soin de fonder des royaumes pour chacun des membres de
sa famille, et d'ajouter de nouveaux états à ceux, qui suffisaient
pour entretenir une armre invincible, des flottes imposantes ,
et pour lui assurer une prépondérance non contestée sur la
politique européenne. Il restait donc aux vrais Français, aux
amis de leur pays , quelques motifs de consolation et d'espé-
rance. Une dernière lueur de liberté pouvait prolonger en-
core des illusions, toujours chères aux âmes généreuses. Les
hochets de la vanité , les récompenses et les libéralités cor-
ruptrices n'avaient pas été prodiguées autant qu'elles le fu-
rent dans la suite. La France était moins étendue, mais en
réalité beaucoup plus forte qu'elle ne le fut après avoir fran-
chi ses limites naturelles , les Alpes et le llhin.
L'année i8o5 vit donc toutes les forces de la France eu
mouvement. Ainsi , l'on ne sera point surpris que l'histoire de
cette campagne occupe quatre volumes , d'autant plus qu'une
partie du premier est consacrée à l'exposition de quelques évé-
nemens de 1804, qui exercèrent une grande influence sur
ceux de i8o5.
Jj'auteur divise, comme dans les volumes précédeus , son
ouvrage en trois parties : le ii^cit des faits , les pièces justifi-
calii'es, et des notes. Sous ce dernier titre , on trouve souvent
des mémoires très-instructifs sur des questions militaires, po-
litiques ou historiques : tels sont, par exemple, les rapports
du général du génie Chasseloup , et du colonel du génie Lie-
dot sur la place d'Alexandrie , en Piémont, et sur les ouvra-
ges que les Français y ont exécutés avec une activité incroya-
ble , poiu- en frtire une (\qs, meilleures forteresses de l'Europe.
C'est ainsi que Louis XIV prodigua souvent les trésors de la
France et le génie de Vauban pour la construction de places
fortes qui ne devaient rester que peu de tems au pouvoir des
Français* On ne lira pas avec moins d'intérêt l'opinion de l'a-
48 ' SÇIEINCES PHYSIQUES.
mirai Verbuel sur rcxpédkion dont l'Angleterre fut menacée,
dans cette campagne de i8o5. « J'ai été de bonne foi , dit-il ;
et dans le commaudemeul de l'aiie droite qui m'a été confié ,
j'ai cru à la possibilité la plus entière de celte expédition. La
malheureuse affaire de Trafalgar nous avait enlevé un grand
appui. Une fois eu Angleterre , les difficultés majeures eus-
sent été de maintenir les communications ouvertes. Mais je
demande si les flottes française et espagnole, qui pouvaient ,
avec une grande supériorité , venir dans la Maucbe , y eus-
sent occupé les dottes anglaises dont les escadres divisées sur-
veillaient la côte de France depuis Brest jusqu'au Pas-de-Ca-
lais, et si les escadres hollandaises du ïexel et d Helvoct-Sluis
eussent fait en même tems leur expédition sur les côtes du
nord de l'Angleterre, quel obstacle aurait pu empêcher ie pas-
sage de la flottille? La réussite de celte grande entreprise
' eût changé la face de l'Europe. » — Les militaires méditeront
avec soin les observations de notre auteur sur l'organisation
de la i^ve.mwve grande armée , ou armée impéiiale. Après
une discussion lumineuse , mais trop serrée pour être suscep-
tible d'analyse, M. le général Dumas arrive à cette conclu-
sion : « la grande armée, ou armée impériale, formée, orga-
nisée, disciplinée par Napoléon, en i8o5 et i8o4 , et mise en
action en Allemagne et en Italie, vers la fin de iBo5, fut, sous
tous les rapports , la meilleure qu'aucune nation moderne eût
eue jusqu'à cette époque. » — Il est quelques autres objets sur
lesquels tous les lecteurs ne partageront pas les opinions de
M. le général Dumas , parce qu il n'a pu leur donner tous les
développemens et les appuis nécessaires, ce qui affaiblit le pou-
voir des raisonnemeus sur les esprits un peu difficiles. Nous
l'avouons : ce que l'auteur a dit, relativement aux forces na-
vales qu'il convient à la France d'entretenir en tems de paix ,
ne nous a point convaincus ; et en cas de guerre , si l'on ne
peut indiquer quelques moyens d'être le plus fcrt , les conseils
SCIENCES PHYSIQLES. 49
paraissent assez inutiles. La question de rétablissement d'une
marine militaire suppose qu'on a résolu celles qui concernent
les étal) issemens coloniaux , les traités de commerce, etc. :
elle suppose que la politique est plus éclairée, moins vacil-
lante , et qu'elle est dirigée vers le bien de tou'es les nations ;
car, si elle se proposait un autre' but , c'est dans Machim'cl
qu'elle trouverait les règles de sa conduite et les principes de
ses institutions. — Sur celte question : Convient-il aux mo-
narques de commander leurs armées eu personne? notre
auteur établit une distinction essentielle. Lorsqu'il s'agit de
repousser une invasion, la présence du clief suprême de l'é-
tat à la tète des armées , est toujours très-utile ; mais , au-delà
des Irontières , sur le territoire ennemi , il est rare que les
princes qui ont voulu commander en personne n'aient pas
attiré de grands maux, sur eux-mêmes et sur les peuples.
La substance des pièces justificatives est tout entière dans
le récit des événernens ; mais il en est quelques-unes d'un ca-
ractère si remarquable, qu'il convient de les produire, sinon
dans leur entier, au moins dans leurs traits les plus saillans.
Voici queiijues extraits d'une note sur la flottille de Boulogne,
écrite sous la dictée de Napoléon , à son retour de Boulo^^ne
(septembre i8o5).
* Chapitre 1. Quel a clé mon but dans la création de la
flottille de Boulogne. — Art. i . Je voulais réunir 4o ou 5o vais-
seaux de guerre dans les ports de !a Martinique , par des opé-
rations combintes de Toulon, de Cadix, du Ferrol et de
Brest ; les faire revenir tout d un coup sur Boulogne; me trou-
ver pendant quinze jours maître de la mer ; avoir i5o mille
hommes , et lo miiie chevaux campés sur cette cote ; trois ou
qu itre mille batimens de tlottiiie ; et aussitôt l'arrivée de mon
escadre, débarquer en Angleterre, m'emparer de Londres et
de la Tamise. Ce projet a été sur ie point de réussir ; si l'ami -
raî Villeneuve , au lieu d'entrer au Ferrol, se fût contenté de
T. XX. — Octobre i8'25. ^
5o SCIENCES PHYSIQUES,
rallier l'escaclre espagnole, et eût fait \oile sur Brest pour s'y
rf'unir avec l'amiral Gautlieaumc , mou armce tle'ljai'nuait, et
c'en était fait de l'Angleterre.
« ^rl. 2. Pour faire rJussir ce projet, il fallait réunir
i5o,ooo liomraes à Boulogne, y avoir quatre mille balimens
de flottille, un immense matériel, embarquer tout ce'a , et
pourtant empêcher l'ennemi de se douter de mon projet : cela
paraissait impossible. Si j'y ai réussi , c'est eu faisant l'inverse
de ce qu'il semblait qu'il fallait faire. » (Suivent les explica-
tions qui font connaître comment les Anglais ont pris le chan-
ge, et commis des fautes qui auraient dû les perdre, si quel-
ques circonstances n'avaient empêché la flotliile de soitir.)
)) Chap. II. Que convient-il de faire de la fluUiile de
Boulogne? — An. 5. Le projeta été démasqué : l'ennemi voit
que le plan était d ariivcr sous la protection de mes escadres.
Les travoux faits à Boulogne et aux poi ts de Vimei-eux et
d'Ambletcuse , qui lui sont parfaitentent connus , lui ont prou-
vé, d'ailleurs, que la f'ottiile ne peut appareiller dans une
seule marée. Dès-lors, lAng'eteire n'a plus la crainte que
cette flottille veuille passer avec ses propres forces, puisque
les combinaisons de 1 amiral Villeneuve ont prouvé que j'at-
tendais son arrivée pour traverser le détroit
n Art. 4- Dans cette situation des choses , la rade de Bou-
logne n'étant point propre à instruire mes matelots , et !a flot-
tille ne pouvant d'us donner à l'Angleterre l'inquiétude de lui
voir faire le passage de vive force, il faut reprendre le projet
qui a été manqué , avoir sur les bauteurs de Boulogne une ar-
mée de 2o à i\ mille hommes ; avoir 5oo l<àtimens pouvant
porter 4o à 5o mille hommes, et plusieurs milliers decbevanx;
n'avoir (ju'une partie des matelots nécessaires pour l'arme-
ment de ces vaisseaux ; et au moment où mes escadres coiu-
mencerai(nt leurs mouvemens, faire une levf'e de pécheurs
sur les côtes ; rétidiiir la ligne dembossage j embarquer l'ar-
SCIENCES PHYSIQUES. 5i
tillerle et ie matériel ; laire enfin toutes les démonstrations né-
cessaires pour faire voir qu'on n'attend qu'une escadre pour
passer.
» Chap. IV. Avantage du cep l(tn. — Jrt.5,G.
» Chap. V. Que coiitcront ces avantages ? — Art.']. Les
principaux frais de cetîe grande diversion consistent dans len-
tretien de l'armée de terre dans ses camps : mais on a déjà dit
les avantages a'tacliés à !a présence des troupes dans ce lieu ,
sous le point de vue continental ; et dans l'obligation de gar-
der une grande quantité de troupes pour le maintien de ma
considération, il est indidércnt de les entretenir à Boulogne
ou ailleurs. (Il prouve ensuite que ces dispositions sont le
moyen le plus eflicacc et le plus économique de nuire à l'en-
nemi , en l'obligeant à tenir continuellement en mer une flotte
nombreuse , et sur les côtes , une l'orle armée qui ne pourra
sortir d'Angleterre.)
» Art. 9. Ayant ainsi fait connaître an ministre de la marine
le rôle que je veus. faire jouer à la fiolllile de Boulogne, je dé-
sire qu'il me propose les modifications nécessaires pour qu elie
atteigne mon but , en me coûtant le moins possible. »
Cette pièce , remarquable par ie fond et par la singularité
de la rédaction , provoquera plus d une remarque de la part
des Anglais , et l'histoire profitera des discussions sur ces faits
que la lumière n'éclaire que lentement, et dont une partie de-
meurerait dans les ténèbres, si Ton n'interrogeait qu'une classe
de témoins. Dans le même tems , les journaux se chargeaient
de iausses nouvelles , et portaient la déception dans la France,
aussi-]jien que chez l'ennemi qu'on voulait tromper. Aujour-
d hui même , tous les prestiges n'ont peut-être pas encore dis
paru : quelques-uns des hommes qui furent dans le secret ,
garderont la part qui leur fut confiée.
Un fait sur lequel il semble que M. le gént'ral Dumas s'est
miîpris , c'est ie projet attribué à Napoléon de s'emparer., de
5a SCIENCES PHYSIQUES.
Sainte-Hélène ! S'il avait effectivement conçu ce dessein , il
faudrait reconnaître en ceci l'un des jeux les plus bizarres de
la fortune. Mais, d'après sa lettre au ministre de la guerre,
du 17 septembre i8o5 (pièces jusliticalives, page aGi) , il ne
s'agissait que d'uue occupation momentanée, d'une station de
croisière , et non dune prise de possession déiuiitive. Napo-
léon recommanda de donner des instructions larges à l'ami-
ral chargé dune expédition pour 1 Ile-de-France j de « lui
laisser le choix, de se porter sur le Cap , ou sur Sainte-Hé-
Ihne , pourvu qu'en définitive tout se rallie à la Martinique ,
et trouve là , ainsi qu'à la Guadeloupe , six mois de vivres. Si
des circonstances de navigation ne s'j opposent, peut-être de-
vrait-il prendre langue à Cayenne, croiser à la Barbade, un
ou deux mois , pour intercepter tout ce qui vient d'Europe, et
après cela , partir bien approvisionné de la Marlinique pour
retourner à Sainte -Hélèiie : c'est dans cette croisière qu'on
trouvera des matelots. En ne relournantà Sainie-Hélhie que
quatre mois après en être parti , la croisière n y trouvera plus
i'euuemi ^ ce seront ces croisières bizarres et incalculables
qui feront un très -grand mal à l'ennemi. Ainsi doue , deux
mois pour aller à Sainte-Héikne ; trois mois de croisière j un
mois pour venir à la Marlùiujiie , deux mois pour y rester,
voilà luiit mois ; un mois pour retourner à Sainte-Hélène ;
trois mois pour y rester, et deux mois pour revenir en Europe^
voilà une croisière Je quatorze mois » Dans tout ce docu-
ment officiel , il ne s'agit point de conquérir, ni de garder ce
rocher où l'homme qui menaçait Londres , eu i8o5 , fut atta-
ché , dix ans après , commeun autre Promelhée , et ilnit dans
la captivité une carrière qu'il aurait parcourue sans danger,
avec plus de gloire et de puissance , s'il avait consacré ses ta-
leus au honheur de sa patrie et du genre humain.
Les détails niarltimes tiennent une place considérable dans
ces quatre volumes. Les lecteurs ne s'en plaindront point ;
SCIENCES PHYSIQUES. 53
celte partie de nos annales leur sera d'autant plus agréable ,
qu'elle est en gôneral moins connue que les opérations des
armées de terre. Ils remarqueront principalement le r('cil du
combat de Trafalgar, que M. le général Dumas emprunte à
M. Parisot , oflicier de marine, non moins recomniandable
comme écrivain que comme militaire. Le narrateur observe
une rigoureuse équité dans la répartition de ses éloges ; Tiia-
bileté et le courage des ennemis ne sont point voilés, non plus
que les fautes des Français. Les excellentes instructions don-
nées par l'amiral Nelson aux officiers sous ses ordres, les com-
bats de Géans livrés par le capitaine français liUcas au vais-
seau amiral anglais et à deux autres vaisseaux qui l'attaquè-
rent , au moment où il était sur le point de prendre son enne-
mi à l'abordage, le courage plus bcurcux de i'Iuibile Cosmao,
qui fit, dans cette journée , tout ce qu'il fallait pour fixer la
victoire, si tous les capitaines français lavaient imité; la mort
de l'illustre Melson , la perte immense des Hottes alliées , tous
ces grands événemens sont reli'acés avec clarté et précision ,
et avec les véritables couleurs de l'iiistoire. Depuis le combat
de J^a llougue, aucune action sur mer n'avait eu des suites
aussi funestes que celle de Trafalgar. Nelson mouiut, comme
Gustave Adolpbe , après avoir organisé la victoire ; mais Tor-
dre de bataille, déterminé par ces grands maîtres dans 1 art de
la guerre, ne périt point avec eux.
Les drapeaux français auraient ofifert une sorte de com-
pensation des écbecs éprouvés par notre pavillon , si le besoin
de succès maritimes eût été moins vivement senti, xiujour-
d'Iiui, nous voyons trop clairement que les victoires sur terre
et les défaites sur mer nous précipitaient également vers la ca-
tastrophe qui a renversé le trône de Napoléon , sans rendre U
la France sa splendeur, sa puissance et son antique prospé-
rité. Réduits à ne trouver aucune consola îiou ni dans ics sou-
venirs du passé , ni dans la vue du présent , ni dans un espoir
54 SCIEISCES PHYSIQUES.
raisonnable , nous voudrions . comme dit Tacite , qu'il nous
fût aussi facile d'ouljlicr que de nous taire. Jetons cependan'^
un coup d'œil sur cette belle campagne qui finit à Austerlitz;
suivons les opérations de celte grande-armée , dont les niou-
vemens combinés s'étendent sur tout le bassin du Danube et
sur le nord de l'Italie : observons les niouvemens encore plus
mystérieux de la diplomatie et de la politique. Assistons au
grand spectacle de ces années extraordinaires (on est tenté de
dire , béroïques), comme à une représentation théâtrale, dans
le seul but de connaître le drame et de juger les acteurs. L'am-
bition et les vues d'agrandissement de Bonaparte troublent de
nouveau la paix de lEurope; une nouvelle coalition se forme
entre l'Angleterre, la Russie et l'Autricbe ; tandis que la
Grande-Bretagne attaque les Français sur mer, luie armée
austro-russe menace le nouveau royaume d'Italie, et nos
frontières de l'est. L'apparente neutralité de la Prusse dégui-
sait mal un ennemi secret de la France , prêt à se déclarer au
premier succès des alliés. Jamais l'activité de INapoléon et le
déploiement de ses ressources militaires n'avaient été exigés
par des circonstances plus impérieuses : il ne fut pas au-des-
sous de ces circonstances, La grande-armée s'ébranle; les plans
de campagne de TAutrlcbe s'évanouissent à Ulm ; l'ennemi ,
chassé d'Italie, est rejeté sur le Danube; la capitale de l'Au-
tricbe tombe au pouvoir des Français ; tout se dispose pour
une bataille décisive : elle se donne enlîn dans la Moravie, et
rend à jamais célèbre la petite ville d' Austerlitz. Notre auteur
a rassemblé sur cette brillante journée les documens les plus
authentiques et les plus complets. Sa narration instruira les
hommes de guerre, entraînera tous les lecteurs, ne paraîtra
point trop longue aux honmies de goût , quoiqu'elle soit de 80
pages , sans compter quelques accessoires non moins intéres-
sans que l'ensemble du récit. De part et d'autre, la même bra-
voure et la même audace : une éi;ale résolution de vaincre, et
SCIENCES PHYSIQUES. 55
peut-éire autant de lalens et d'habileté parmi les ofliciers in-
férieurs : mais les généraux en chef ne pouvaient souten r le
parallèle. Si l'on comparait celle hataille à celle de Pharsale ,
on V trouverait plusieurs analogies : le nomhre et la conHance
du parti qui fut vaincu , ses perles après 1 action , qtielques
manœuvres, les corps délite des deux, armées aux prises les
uns contre les autres, etc. Mais, ce oui nappartient qu à cette
hataille, c'est la i!i-parition sous les i^laces d'une colonne russe
avec son artillerie et ses bagages, l^es leoleui"S feront bien de
chercher, dans les pièces justillcalives , la note autographe
adressée à noire auteur par le général Rapp : ce général \
raconte le beau fait d'armes qui contribua puissamment au
succès de la journée , et qui détruisit presque entièrement la
garde in^p -riale russe, rjue l'on vantait au point de dire qu'elle
sulïlrait seule pour an('>anlir l'armée française.
Dans cet ouvrage , i! (-lail impossible que l'auteur ne par-
lât point quelfjue'bis de Napoléon avec éloge. Mais, si l'on
veut connaître sa pensée sur cet homme prodigieux , qu'on
lise ce qu'il a écrit, [«âge \o'j du premier volume.
« Quel capitaine a remporté plus de victoires? quel n>o-
narcue a fait plus de conquêtes, détruit plus de ligues , signé
plus de traité'S lionorables, donné des lois à plus de nations?
quel homme s'est élevé, de l'ohscurité des rangs inférieurs, à
de plus hautes destinées, et s'y est acquis plus de gloire?
quelle dynastie eut des comraeucemeos plus brillans, reçut
}»lus d'hommages, réunit plus de vœux pour son bonheur et
sa durée? quel empire a jamais été fondé par des armées
plus ncmhreuses , plus braves et plus fidèles , administré par
des mains plus habiles? et cet empire a passé, en moins de
de tems qu'il n'en faudrait pour recueillir tous les grands
«iouvenirs qua laissés son existence : tanl il est vrai que l'u-
nique source du pouvoir, et toutes les garaiitieis de sa durée
sont dans le respect des lois et dans l'afTection des peuples!
M. A. — F.
SCIENCES MORALES ET POLITIQUES.
Tableaux DE l'Pîistoire philosophique du christianisme,
ou Etudes de philosophie religieuse ; par Charles
Coquerel (i).
La philosopliie du xvili* siècle a rendu des services énii-
nens '; la civilisation , et par suite à riminanilé; mais, comme
toules les révolutions (car soa action fut une révolution mo-
rate), elle a pius d'uue fois d('passé le but; en poursuivant la
vérité , elle a offensé des choses dignes de tons nos respects.
Au premier rang des croyances vénérables que plusieurs phi-
losophes du xviii'' siècle ont malheureusement heurtées de
front , il faut placer le christianisme , base et fondement iné-
branlable de la civilisation moderne.
Avant la Révolution, la pente du siècle était vers l'incrédu-
lité ; les malheurs et les secousses longues et terribles de cette
grande époque, ont chaugé la direction des esprits : dans toute
l'Europe , la pente du siècle est aujourd hui vers les idées re-
ligieuses , et par conséqueot, vers le christianisme, dont elles
sont désormais inséparables. Deux, écueiis, néanmoins, se pré-
seuleul, qu'il iaut également éviter. Le premier, c'est le re-
tour au mysticisme théologique , à la superstition , à l'intolé-
rance. Une Ibrce artificielle et précaire pousse de ce coté ;
mais eiie est arrêtée par la force indomptable des choses j et,
bien qu il faille se tenir en surveillance à cet égard , un nau-
frage complet n'est point à craindre. Mais , les exagérations ,
(i) Paris, iSiô. Un vol. in-i8 de viii et 420 pag. Servier, rue de l'O-
ratoire, n" 6; Ponthicu, Palais-Royal. Prix, 5 iV. , et 3 fr. 5o c, par la
poste.
SCIENCES MORAÎ.ES ET POLITIQUES. 57
les persécalions , les succès éphémères de ce système iVldées
vieux et usé, ne risqueut-ils point de repousser la génération
actuelle vers Técueil opposé , vers les affiigeautes doctrines de
Tathéisme, ou seulement vers les froides spéculations du
déisme? C'est ce que l'état actuel des esprits et les circons-
tances politiques de l'Europe pourraient l'aire craindre, s'il ne
se formait déjà sous nos yeux une généreuse secte de philoso-
phes chrétiens , qui , tout en respectant les dogmes , les rites ,
et même les disciplines de la religion de Jésus- Christ , fout
des efforts pour la conserver en harmonie avec l'ordre social
auquel aspire le monde actuel, et qui est renfermé tout entier,
quanta ses élémeus, dans FEvangile. Elle promet aux idées li-
bérales d'importantes conquêtes ; elle doit les dépouiller de tout
ce qu'elles ont de sinistre et de menac^int pour des yeux en-
core effrayés du souvenir de récentes tempêtes. Eu Angle-
terre, en Allemagne, en France, ce projet est suivi avec
constance par des écrivains et des hommes d état , dont le ca-
ractère distinctif esl celui d'une parfaite moralité.
Le livre que nous annonçons contient de nouveaux argu-
mens à l'appui de celte pieuse et bienfaisante entreprise; son
auteur, M. Coquerel, figure dans les rangs de ces nombreu-
ses sociétés philandjropiques qui, en deçà et au-delà delà
Manche , propagent à la fois , sous des formes et des noms di-
vers , le christianisme et la liberté.
Après avoir exposé rapidement l'antiquité , l'origine et le
caractère de la philosophie religieuse en général, M. Coque-
rel examine la situation et les besoins des sociétés modernes.
Sous ce nom , il entend désigner seulement les sociétés chré-
tiennes ; car, désormais , ii est clair qu il n'y a plus de civili-
sation tant soit peu avancée hors du christianisme. Ceci le
conduit à retracer la situation de l'empire romain , lors de
l'apparition du christianisme , et à signaler l'induence que les
idées d égalité, enseignées par cette religion , durent exercer
58 SCIENCES MORz^LES
sur !a consiiiuiion de ce colosse politique, vaste et difforme»
Ou la dit qiu'îqut'rois , mais on ne saurait 'rop le répéter,
parce que cette observation n'a pas encore d<'passé un nom-
bre ("ort limité d'esprits : le caractère dominant du cbrislia-
nis.iie, c'est Tesprit d égalité. Sans donte 1 Evangile prêche
aussi la liberté , puisqu'eHe est une conséquence de la justice;
mais il ne lenseigne qu implicitement , parce que le divin lé-
gislateur ne pouvait ignorer qu'elle n'est pas eompatib'e au
même degré, avec tous les tems et toutes les circonstances.
Mais quant à l'esprit d'égalité, il est si fortement empreint dans
l'Evangile, ses conséquences s'y trouvent si formellement ex-
primées , que certains sectaires n'ont pas eu trop d efforts à
faire pour en exagérer les applications. Tout le monde a re-
marqué que c'est le christianisme qui a fait disparaîti'e du
monde ancien l'esclavage, jusqu'alors toléré au moins, par les
religions de la Grèce et de Rome ; comme c est encore au dé-
veloppement et aux progrès des doctrines chrétiennes qu'on
devra bientôt la cessation entière de l'esclavage, non moins
odieux, qui souille les côtes de l'Afrique, et infeste les belles
eontri-es de l'Amérique. Mais , peut-être , n'a-l-on pas assez
remarqué que l'esprit d égalité s'est conservé dans le sanc-
tuaire, à l'insu de ceux-là mêmes qui s'effraient le plus de ce
mot. ]N'est-ce pas, en effet, dans le cloître et aux pieds des au-
tels que s'ilalt réliigiée l'égalité parfaite, dans les tems du
triomphe le plus complet de l'inégalité , c'est-à-dire, dans les
siècles f('odaux7 Fallait- il alors des titres ou même des ri-
chesses pour être admis dans l'enceinte sacrée? Non, certesj
les monastères du moyen âge se remplirent constamment de
(iîs de vilains et de paysans , au\que!s 11 suffisait de passer par
ces aggrc'gations, alors ouvertes à tous, pour devenir aptes aux
plus hauies dignité-s ecc'ésiastifjues. On sait que c est en tra-
versant un cloître de moines nn'ndians , que le pauvre pâ-
tre . qui i.ut depuis Sixte-Quint, atteignit jusqu'à la ihlarc. Cet
ET POLITIQUES. 5o
exemple , précédé et suivi tle tant d'autres moins illustres , a
fait une si profonde impression sur l'esprit du pavsan romain,
que iong-tems il n'aurait pas renoncé pour un grand prix à
ses droits éventuels sur la triple couronne.
Tous ces raisonnemens se réduisent à dire : Tous tous (jui
aimez et voulez l'égalité , et qui avez tant de raison de l aimer
et de la vouloir, puisqu'elle est la justice, loin de vous éloi-
gner du christianisme, à cause de quelques liostililcs indivi-
duelles , venez plutôt cultiver l'égalité dans son sein ; car lui
seul peut vous l'ofifrir réelle , durable , séparée de tout alliage
impur et cimentée par la morale. Voilà, en abrégé, ce que dit
M. Coquerel , et ce que répètent tous les écrivains de îa même
école. INous remarquerons seulement que notre auteur ne
semble pas avoir suffisamment reconnu l'existence de l'esprit
d'égalité dans l'Eglise catliolique du moven âge. Ce serait une
erreur grave de méconnaître ce fait ; il domine l'époque ,
et il est un des plus beaux fleurons de la couronne de l'Eglise.
Mais M. Coquerel , ardent prolestant , ne pouvait guère l'en-
visager en face, ayant besoin en quelque sorte de faire dispa-
raître pour un tems l'Église de Jésus-Cbrisl et son Evangile ,
afin d'avoir le droit de réiormer ce qui , selon lui , n'en avait
plus que le nom. Pourtant, quand nous repassons l'histoire de
nos aïeux catholiques , quelles que soient les ténèbres dont
l'ignorance des tems barbares les ait enveloppés , nous ne
trouvons aucune époque des annales ecclésiastiques où ils
aient cessé de posséder le texte de l'Évangile et de reconnaî-
tre ce livre divin comme la pierre fondamentale de leur reli-
gion. Dès-lors, nous concluons (ju'il n'y a point eu solution
de continuité, depuis les Apôtres jusquà nos jours.
Sans doute , ce n'est point ici le lieu d'engager une contro-
verse th(»ologique ; mais il doit être permis de discuter des
circonstances historiques très-importantes. Ces circonstan-
ces , sur lesquelles je diffère de sentiment avec l'auteur du li-
6o , SCIENCES MORALES
vre que j'atiuonce, sout jugées diversement par chacun de
nous, par suite de la diversité de nos opinions religieuses.
Ainsi , nous sommes et nous resterons d'accord sur la morale
de l'Évangile et sur ses conséquences pratiques ; mais, afin de
mieux apprécier l'esprit du christianisme, M. Coquerel a fait
des incursions sur l'histoire ecclésiastique, et c'est alors qu'il
a traité TEglise catholique en rigoureux adversaire. Le mot
n'est pas trop dur ; car, en parlant d'elle , il ne craint pas
d'imputer aux papes (pag. i64) d'avoir fondé progressive-
ment une religion qui n'a plus que des rapports éloignés avec
l'Evangile; assertion qu'il range parmi les théorèmes évidens,
et à l'abri de toute objection raisonnable. Certes , je suis
moins exclusif que l'écrivain qui nous accuse : tout en rejet-
tant la foi protestante, je n'irai pas jusqu'à dire qu'e//e n'a
plus que des rapports éloignés avec l'Evangile ; je concède,
au contraire , de toute ma conviction , qu'elle a conservé la
suhlime morale de ce code de la civilisation ; mais , au nom
de la France catholique , je demande qu'on accorde à la re-
ligion qu'elle professe, le même caractère évangélique et mo-
ral. S il en était autrement, M. Coquerel et tous ceux qui pen-
sent comme lui devraient renoncera l'espoir de réaliser l'cllian-
ce des idées religieuses avec les idées libérales; car ils ne se ilat-
tent pas, sans doute, de voir succomber aujourd'hui cette Eglise
qui a résisté à tant d'orages. M, Coquerel conteste à l'Eglise
catholique ce caractère d'unité qui constitue sa force, comme
association , qui explique sa vieille durée , et qui garantit son
long avenir. L'autorité de ses conciles et de ses papes lui sem-
ble incompatible avec la liberté de penser, qu'il revendique si
justement au nom de l'esprit du siècle. Il y a ici exagération
de sa part. En religion comme eu politique , il faut éviter de
confondre l'anarchie avec la vraie liberté. Celle-ci est loin
d'être inconciliable avec un gouvernement sagement consti-
tué. Si i on accordait à M. Coquerel la licence d'opinion qu il
ET POLITIQUES. 6i
scmWe ri'clatner, je ne rois pas ce qu'on pourrait dire, d'un
càt(« , aux adversaires du christianisme , de l'autre , à ses in-
toléraus zélateurs, s'ils nous disaient, les uus et les autres,
qu'ils suivent la lumière de leur raison , et obéissent à l'ins-
tinct de leur conscience. Hélas I nous ne le savons que trop :
la raison de Ihomme est faible, sa conscience erronée; et,
bien qu'il doive écouter leur voix , il doit aussi mettre en ba-
lance , pour sa direction , les règles traditionnelles et les déci-
sions de 1 autorité, qui l'aideront plus d'une fois à éviter Ter-
reur et à reconnaître la vérité. Cette digression n'était point
bors de propos, en rendant compte de l'ouvrage de M. Co-
querel ; cet écrivain n'avait pas suiiisammenl ménagé le ca-
tliolicisme , j'avais droit de le défendre. A l'en croire , le ca-
tholicisme aurait dévié de l'Évangile; il serait devenu défavo-
rable à la civilisation : je devais le laver dune telle impu-
tation ; même, j'aurais pu prouver que la réiormation n'a rien
changé à la morale , et qu'elle n'a attaqué que le dogme et la
discipline. Après cela , je conviendrai sans peine qu elle a fa-
vorisé et développé l'esprit d'examen.
Après avoir discuté , avec M. Coquerel . ce point capital , j'au-
rai désormais l'avantage d'être habituellement d'accord avec
lui. J'adopte, à peu près sans restriction , tout ce qu'il dit sur
l'instilulion des jésuites , qu'il range au nombre des inventions
dirigées contre la liberté d'examen. Peut-éUc qu'au lieu de s'at-
tacher à l'ancienne forme de celte société monastique , il au-
rait pu indiquer avec plus de précision les formes nouvelles
à l'aide desquelles le jésuitisme s'est réintroduit dans le catho-
licisme. Ce point de vue lui aurait offert quelques circonstan-
ces dignes d'intérêt. M. Coquerel rapporte un des traits les
plus curieux du dévouement des moines à l'autorité des pa-
pes. C'est l'avertissement placé à la tète de l'un des volumes
de la belle édition que les P. P. Minimes ont donnée , du
62 SCIENCES MORALES
Traué de la philosopliie naturelle, de Newton. Voici cette
singulière déciaralion ;
« New tonus in hoc tertio lelluris motœ hypothesini assu-
niit. Auctoris propositiones aliter ex/Uicari non poterant
nisi eâdeni quaque Jacta hypolhesi. Hinc aliénant coactisu-
nius gerere pe/sonani. Ceterù/n latis a sunitnis pontijicibus
contra telluris niotuin decretis , nos obsequi profiieniur (i).
u Newton, clans ce troisième livre, admet Iliypolijèse du
mouvement de la terre. Nous ne pouvions expliquer les pro-
positions de l'auteur qu'en ad()ptant la racme livpollièse.
Ainsi , nous avons été forcés de suivre une opinion qui nous
est étrangère. Du reste, nous déclarons adopter les décrets
rendus par les souverains pontifes contre le mouvement de la
terre. »
Des jésuites, M. Coquerel passe à leurs adversaires, aux-
quels ils ont attribué le nom Ae jansénistes , comme pour eu
faire des hérétiques, bien que ceux-ci n'aient cessé de pro-
tester de leur soumission à l'Eglise, et d eu donner des preu-
ves eflectives. Il explique fort bien les rapports intimes qui
existent entre la cause des disciples de Port-Koyal, et celle
de la liberté d'examen. On peutaliirmer qu'à cet égard, ceux,
qu'on appelle jansénistes ont touclié la limite, sans la dépas-
ser, puisqu'ils ont apporté le plus grand soin à ne jamais se
séparer de l'unité catholique 5 iis ont été, dans leur tems, le
côté gauciie de la catholicité. « On peut dire, ajoute notre
auteur, que la révolution française, qui a tant efiacé de cho-
ses , a plutôt interrompu que terminé ces détjats. On rencon-
tre encore une fouie de vétérans du jansénisme, délassés de
(1) Pliilosophia naluralls , auclore Isaaco Newlono, perpeluis corn-
mcnlariis iitustrata ; coinmuni Uwlio P. P, T. Lesucur et F. Jac<juier^
1760.
ET POLITIQUES. 6j
leurs anciennes campai;ues, et qui sont très-capables île re-
prendre du service, si lullrà moatanisixic insulte ù leur re-
traite. »
Les Sociét('S bihliques ont été pour l'auteur la matière d'un
chapitre, où il na lait quindiqucr un peu supcrliciclletncnt
la nouvelle activité qu elles ont linpriniée au cliristianisme
dans diverses contrées non civilisées de lancieu et du nouveau
Monde ; mais en même tenis , M. Coqucrel a discuté la ques-
tion de savoir, s'il coQvienl de publier les textes sacrés dans
leur nudité, ou avec des prélaces , notes ou commentaires.
L'auteur, contre l'opinion généralement adoptée cbez les pro-
testans, voudrait au moins qu'on les f ît précéder d'un préam-
bule, où il serait démontré m qu'il n'est pas, dans la littéra-
ture ou dans l'histoire ancienne, un seul ouvrage dont l'au-
tbenlicité puisse être plus victorieusement établie que celle de
l'Évangile. » Les chapitres où M. Coquerel rélute les raison-
nemens sur lesquels s'appuient les doctrines du matérialisme ,
seront lus aussi avec beaucoup d intérêt ; ils renferment un
appel plein de chaleur et de conviction , à l'évidence morale
et au sens intime j car, c'est le seul moyen den linir sur ces
points.
Considéré sous un cert.iin rapport , V Essai sur la pliilosu-
phie religieust pourrait aussi êtie intitulé : le CUnstianlsme
appliqué à la politique. Voici , en quelques lignes , le corol-
laire des raisonnemcns sur lesquels il repose. « Penser, agir,
posséder librement, sont les trois points hors desquels il n y
a aucune raison , ni aucun repos ; à leur observation sont at-
tachés tout le bonheur, toute la dignité dont l'homme puisse
jouir d;!ns l'état d'existence où il se trouve dans ce monde. Ces
droits lUi appartiennent , non par concession ou contrat, mais
bien parce qu'ils découlent de sa nature même, et qu'ils sont
les co!)-*équences des facultés de sou intelligence , et des lois
de sa pensée. Tout pouvoir qui les anéantit e^t injuste , illégi-
64 SCIENCES MORALES
tirae, et mauvais, quelle que soit crailleurs rantiquitë dont il
s'appuie, le titre dout il se pare, et la force dont il dispose :
1 homme ne peut jamais les résigner entre les mains de qui
que ce puisse être : ce serait un attentat contre l'espèce tout
entière , une sorîe de suicide moral également criminel et avi-
lissant. On voit que la philosophie morale, qui a pour base
ridée de l'égalité , philosophie que l'Evangile a clairement
annoncée et que la raison confirrae , suffit pour assigner net-
tement les droits et les devoirs , pour maintenir les vertus in-
dividuelles et les vertus publiques. » L ouvrage de M. Co-
querel renferme, d'ailleurs, toutes les idées de la civilisa-
tion la plus élevée , touchant le patriotisme exclusif, la haine
delà guerre, et d'auties points sur lesquels bien des gens qui
se disent libéraux , sont loin d'avoir des idées arrêtées et bien
ralsonnées. Aucun ne me semble plus propre à mettre ces
excellentes vues , eucore trop peu vulgaires , à la portée des
gens du monde , et surtout des jeunes gens , auxquels il im-
porte de les faire goûter, et dont lame est faite pour les sen-
tir. Le slvle de M. Coquerel est habituellement smip'e, clair,
élégant , spirituel sans prétention , et nourri de savoir sans
pédanterie. Peut-être doit -on reprocher à l'ensemble de
sa composition quelque désordre dans la distribution des par-
ties, et souhaiter sur quelques points des dëveloppemens plus
étendus .
A. Mahul.
KT POLITIQUES. 55
Parallèle de la puissance anglaise et russe,
relativement à l'Europe; par M. de Pradt , ancien
archevêque de Malines (1).
Premier article. — Ang(elerre.
C'est en hésitanl, je favoue, que je mVlùvcrai, dans cet ar-
ticle, contre quelques opinions d'un écrivain que l'ancien et
le nouveau Monde placent avec raison parmi leurs publicislcs
les plus célèbres. Cependant, ils'agU d'un problème de stati-
que militaire et d'économie politique , pour lequel je croi>
posséder quelques élémons de solution, qui manqu.iient à
l'auteur de l'ouvrage, objet de cet article. Il s'agit du ran-
que doivent acquérir ou conserver les peuples de l'Europe'i
dans lequillbre de forces (,«i tend à se lormcr depuis la der-
nière guerre t/AngIcterre et la Russie sont-elles d-^sor-
raais les seules nations européennes qui jouiront de Tindépen-
dance? Ne reste-t-ll aux autres peuples que le cbois du vas-
selage, entre deux peuples suzerains? La France, la Germa-
nie et les attires puissances, sont-elles ainsi déchues de leur
libre arbitre et de leur dignité sociale? Leurs monarques sont-
ils, sous des formes plus humaines et moins avilissantes, ce
qu'étaient les Prusius et les Dejotarus : des rois protégés !
M. de Pradt se prononce pour l'affirmalive ; il s'efforce d'en
convaincre iEurope, et cest là le but européen qu'il assigne
à son ouvrage.
li nous semble, au contraire , qu'on pourrait démontrer,
sans dissimuler en rien les forces de l'Angleterre et de la Rus-
sie, que les peuples de notre continent ont, dans l'éiat actuel
de leur population , de leur industrie et de leur civilisation ,
(0 Paris, ,823. Un voJ. in-8". Béchet aîné, quai des Augusiins,
n» 57. Prix, 4 fr. 5o cent,, et par la poste, 5 fr. 50 cent.
; T. XX. — Octobre 187.5. c
Ô6 SCIENCES MORALES
des moyens suffisans pour assurer leur indépendance, et pour
rester, avec les deux états qu'on ose nous présenter comme
les protecteurs obligés de tous les autres , daus des rapports
honorables d'égalité et de réciprocité.
P^ais, avant tout, rendons aux talens supérieurs de notre
illustre antagoniste,. l'hommage qui leur est dû. I^es ouvrages
de M. de Pradt sont en possession d'attirer fortement l'atten-
tion du lecteur éclairé. Toujours, ils sont consacrés à de
grauds intérêts publicsj presque toujours, ils sont les précur-
seurs et les indices de catastrophes imminentes. C'est aux ap-
proches de la crise qui va décider du sort des ces grands inté-
rêts, que leur auteur monte sur son tribunal littéraire, pour
Juger de l'issue qu'auront les luttes et les débats auxquels nous
prenons part, comme acteurs ou comme victimes.
En remplissant ces hautes fonctions , souvent M. de Pradt
a su prévoir les événeraens avec un rare bonheur, ou plutôt
avec une profondeur qui lient à l'étendue de son esprit et à
la justesse de ses vues générales.
Ainsi, dissipant par les forces de sa pensée les illusions que
tendaient à propager l'éloignement et la fausseté des rapports
sur la répression des colonies espagnoles soulevées contre
leur mère-patrie, M. de Pradt, marchant sur les traces de
Turgot , renouvela les prédictions de cet habile et vertueux
ministre au sujet de la libération solidaire des Amériques du
Mord et du Sud. M. de Pradt a constamment soutenu le suc-
cès inévitable des populations d'outrt-mer pour conquérir
leur indépendance, et pour se séparer, les unes de l'Espagne,
les antres du Portugal : on sait à quel point les éA'énemens ont
justifié les assertions de Turgot, habilement reproduites par
l'archevêque de Malines.
Maintenant que sont accomplis les destins du nouveau-
Monde, M. de Pradt ramène sa pensée sur le sort de l'ancien.
C'est de l'Europe, avons-nous dit, qu'il s'occupe anjourd'huij
ET POLITIQUES. G7
rVst vor.^ l'avenir politique de ce berceau de la cirilisation
nioileriie, qu'il a dirii^é sa vue perçante.
Il aperçoit deux empires, nouveaux Tuu et laulrc dans leur
f,'randcur et leur prépondérance, et décidant à l avenir du sort
de tous les états de notre continent. I/un de ces empires sans
rival sur mer, l'autre sans rival sur terre; l'un prospérant par
tous les avantages que procurent les institutions, les libertés et
la civilisation; l'autre dominant avec toute !a force que don-
nent la double suprématie religieuse et politique, l'obéissance
illimitée d'une armée innombrable, et la sévérité d'une disci-
pline automatique qui régit, avec un même arbitraire, le
peuple et les grands, les soldats et les citadins.
Telles sont les deux puissances dont M. de Pradt entre-
prend vT offrir le parallèle, en v subordonnant le reste des na-
tions. Jamais sujet plus grand et plus beau , ne pouvait s'of-
frir à l'examen d'un liomme d'état, ni dans un moment plus
convenable, qu'à l'instant où l'Europe, encore incertaine et ti-
morée, flotte entre deux influences, et passe tour-à-tour des
terreurs d'un parti aux espérances du parti contraire , et des
prédilections pour une alliance aux préjugés qui repoussent
d autres fédérations.
« Uu écrit destiné, dit M. de Pradt, à guider dans le cboix
de ces protecteurs obligés (le Russe ou l'Anglais), en faisant
bien connaître tous les élémens qui concourent à la forma~
lion de ce protectorat, m'a paru ne pouvoir être qu'à Tor-
dre du jour, etc.» (p. 6.)
Mais, d'abord, ce principe fondamental, sur lequel IM. de
Pradt élève sou édilice, est-il au)oiird bui bien constant? L Eu-
rope est-elle en effet placée entre deux dominateurs ohliqésl
est-elle désormais réduite à l'inévitable rôle de protégée?
Que lcspeu[les continentaux de l'Europe civilisée, quand
viendra l'instant du besoin, cberclicnf, par des alliances, à
rendre moins inégale, ou. pour mieux dire, à rendre égale la
68 SCIENCES AMORALES
partie contre l'Europe encore incivilist^e, on !e conçoit. Mais,
nous le disons hardiment, ce n"est point en vassaux et comme
forcément protégés, qu'ils doivent chercher un secours pareil
à celui qu'eux-mêmes peuvent rendre. Telle est notre intime
conviction. Cependant, n'anticipons point sur des considé-
rations qui prendront plus de force après un mûr examen des
faits.
M. de Pradt , entre les deux protecteurs dont il nous im-
pose ralternative, se décide ouvertement pour l'Angleterre.
Beaucoup d'hommes éclairés seront probablement de ce parti.
Tout rapprochement avec l'Angleterre ne peut nous fournir
que des sujets de comparaison , utiles ;i nos institutions , à no-
tre industrie, à notre savoir. L'Angleterre olfre à la France
autant d'objets dignes de son étude et de son imitation, que la
France en peut offrir à l'Angleterre. Tous les amis du perlec-
tionnemeut des sociétés humaines éprouvent le désir de
resserrer plutôt que de dissoudre les liens qui doivent rap-
procher les deux peuples les plus illustres de l'Europe. Je
puis être cru dans cet aveu de mon admiration pour la gran-
deur et la beauté des modèles que la nation britannique pré-
sente aux autres nations; puisque j'ai consacré ma vie à l'é-
tude de ces modèles, pour faire hommage à ma patrie de tout
ce qui m'a paru digne d'être importé sur notre territoire.
Mais celte admiration, dont je ine sens pénétré, ne saurait
m éblouir, et m'empccher d apercevoir le détriment que cer-
taines vues de la politique et de l'industrie britanniques pour-
raient causer aux intérêts de mon pays. Sous ce rapport, et
sans même consulter le noble sentiment de notre dignité na-
tionale , je ne saurais regarder autrement que comme un
tléau tout protectorat obligé y exercé par l'Angleterre à l'égard
de la France.
Pour bien juger de la Grande-Bretagne, il faut toujours
considérer comme deux choses essentiellement distinctes:
ET POLITIQUES. 69
1" sa politique et son économie intérieures; 2° son économie
et sa politique ex.t«'rieures. Les premières sont presque tou-
jours régies traprès les principes les plus élevés et les plus
généreux; mais les secondes sont trop souvent guidées par de
tout autres principes. M. <le Pradt n'a pas cru devoir faire
une diïitinclion pareille. C'est sans aucune restriction qu'il
accorde son sulFrage à la philautropie britannique, étendue
aux citovens des autres états, comme aux citovcns des trois
royaumes.
« Ce n'est pas un monument à la gloire personnelle de
TAngletorre que je me suis proposé dans ce travail, nous dit-
il, mais à celle de la civilisation, dont l'Angleterre est louvra-
ge et la mesure; car l'Angleterre n'a pu fonder et maintenir
sa puissance et son opulence, comme je le prouverai, que sur
l'accroissement de la civilisation de l'univers. Il résultera de
renseignement donne par l'exemple de l' Angleterre , que
l'art d'être heureux consiste à ne faire que du bien aux
AUTRFS, et a ne suivre que la voie de la raison » Ainsi
donc, l'Angleterre a <lonné cet enseignement à I univers!
L'Angleterre, considérée seulement comme puissance com-
merciale, est, à certains égards, intéressée au bien-être, à
l'opulence des autres nations; elle est, si je puis parler ainsi,
leur amie pécuniaire obligée. Mais l'Angleterre, en cela pa-
reille à toute autre puissance mercantile, est surtout intéressée
à trouver des acbeteurs qui tiennent beaucoup plus à con-
sommer de ses produits que ceux des autres contrées. Il lui
faut, ù l'étranger , des consommateurs égoïstes qui préfèrent
ses marchandises à celles de leurs propres fabricans, au dé-
triment, plus ou moins prononcé, de leur industrie natio-
nale. A ce sujet, nous devons par conséquent établir une
distinction irès-im porto oie.
Dans son commerce direct avec une autre puissance, l'An-
gleterre est intéressée à ce que celte auli-e puissance excelle
no SCIENCES MORALES
eu certaines Tjranches d'industrie, sur lesquelles ne porte pas
la sapériorité présente ou future de ses propres faLrications;
par ce moyen , elle trouve matière à des échanges également
utiles aux. deux nations. Mais, pour les productions de Tart et
de la nature, sur lesquelles les deux, peuples peuvent entrer
en rivalité, les progrès de l'un sont directement contraires aux
progrès de l'autre. Il ne s'agit pas seulement de savoir qui des
deux fournira son compétiteur ou sera fourni par lui, avec
ce produit d'industrie. Il s'agit de savoir si, sur tous les mar-
chés de l'univers, ce même produit, fabriqué par l'un ou par
l'autre peuple, sera préféré. C'est en ce sens que le commer-
ce extérieur de la Grande-Bretagne est eu opposition directe
avec le commerce extérieur de toutes les autres nations : ain-
si, par exemple, sans la supériorité des Anglais dans l'œuvre
des cotons, la France en vendrait peut-être aux diverses na-
tions , pour 5oo millions de francs par année. Mais l'Angle-
terre nous surpasse dans cette espèce de fabrication. En cou-
séquence , chaque année, elle vend des cotons œuvres pour
5oo millions de francs , et nous n'en vendons pas pour le
dixième de cette valeur.
Ainsi, l'intérêt positif de l'Angleterre est que les arts , qui
font la base de sa prééminence industrielle , soient toujours
moins avancés chez les autres peuples que chez elle. C'est
pour cela qu'elle prohibe la sortie des métiers et des machi-
nes ; c'est pour cela qu'elle punit, par des peines infamantes
et corporelles, les ouvriers qui, sachant faire aller ces mé-
tiers, tentent de porter leur industrie h d'autres nations; c'est
pour cela qu'elle condamne, avec une excessive sévérité, tout
Anglais qni détermine ces mêmes ouvriers à transporter ainsi
leur industrie chez les peuples étrangers.
Lorsque les magistrats municipaux, lorsque le monarque
lui-même, en annonçant des fêtes solennelles, engagent les
Anglais et les Anglaises à composer leurs somptueuses pa-
ET POLITIQUES. 71
rares avec des produits qui n'aient été fournis par aucun peu-
ple étranger, est-ce pour oirrir aux. nations l'exemple de cet
heureux échange des œuvres de l'art entre les difjfcrens peu-
ples, qui les fait jouir au même degré des avantages mutuels
d'un équitable commerce? — ISon , certes. La Grande-Bre-
tagne ne veut recevoir de l'étranger que ce qu'elle ne peut
pas, que ce qu'elle ne pourra pas fabriquer quelque jour.
Ainsi, pendant un siècle, elle a prohibé les soieries si supé-
rieures de la France, dans l'espoir qu'au bout d'un siècle elle
pourrait s'élever jusqu'à la concurrence, et parvenir, bientôt
après, k nous expulser, pour celte brandie d indu-^trie, de
tous les marchés de l'univers. C'est un avantage qu'eie q^pé-
rait se procurer, non pas en nous faisant du bien, mais en
ruinant l'une de nos plus riches fabrications.
Disons plus sirapiement: l'Angleterre, dans ses relations
commerciales avec les autres peuples, leur fait du l)ien, quand
ce bien concorde avec le sien propre, et du mal, aussitôt
qu'elle s'y croit intéressée, ou pour son industrie, ou pour sa
politique. Ceci n'est pas uu reproche que nous prétendions
lui adresser, plutôt qu à toute autre puissance ; car tous les
peuples ont jusqu à présent tenu cette conduite. Ils n ont iKl-
féré que par les nuances de leur égoïsme et de Icw cupi-
dité.
Les intérêts du commerce influent encore d'une autre ma-
nière sur les desseins politiques de la Grande-Bretagne. Celle
nation, dont les vues sont très-élendues et très -profondes,
sait parfaitement que la supériorité de son commerce et de sa
force tient à l'heureux équilibre de ses institutions, à la pleine
jouissance de toutes ses libertés. Aussi, jusqu'à ces derniers
tems, a-l-elle paru peu jalouse d'assurer, sur le continent, les
mêmes bieufails aux autres peuples.
Dans une enquête parlementaire fort remarquable, sur le
commerce de la Grande-Bretagne comparé à celui des di-
7'^ SCIENCES morai;es
rerses nations, on voit les membres du parlement charge's de
celte enquête, demander aux négocians : « Ne pensez-vous
pas que la France (si elle conserve ses nouvelles institutions
et sou gouvernement constitutionnel) n'y trouve, pour son
commerce, des éiémens de prospt rite qui lui ont manqué jus-
qu à ce jour?» — Sans aucun doute, ont répondu les habiles
négocians.
L Angleterre n'a donc aucun intérêt pécuniaire à ce que la
France conserve la forme actuelle de son gouvernement, el
ne perde pas les libertés si chères qui nous sont garanties par
la Charte. Elle j voit pour nous des movens puissans de lutter
couti-e le monopole qui résulte de sa supériorité industrielle.
]Nous ne voulons pas dire, par-là, que l'Angleten-e aidât avec
plaisir à renverser ce beau monuinent dont l'inimortalilé fait
1 objet de notre espérance. Nous voulons dire seulement qu'el-
le n'aurait aucun intérêt mercantile à prévenir le malheur
d une telle subversion. Ses vues à cet égard ne sauraient donc
être pour nous un motif d implorer son protectorat.
Parlerons-nous à présent d'indépendance nationale!
l-> Angleterre n'avait pas d'intérêt à ce que Gènes restât indé-
pciidanle, à ce que Raguse i-estàt ind('pend;inte, à ce que Ve-
nise l'cslàt indépendante, à ce que la Sicile continuât d'avoir
un parlement et des lois fondamentales. Aussi, malgré des
promesses éclatantes, a-t-elle fait sans effort le sacrilice des
libertés et des prospérités de ces états commercans , ruinés
aujourdhui par une telle condescendance.
L Europe entière a retenti des cris dindiguatiou qui se sont
élevés, au sujet de la part active que l'Angleterre a prise con-
tre les Grecs, depuis l'époque des malheurs de Parga jusqu'à
ces derniers tems. On s'est demandé par quelles lois d'excep-
tion il se faisait qu'un Anglais, un Ecossais, un Irlandais, pus-
sent aller, dans le sud de l'Amérique ou dans l'archipel de la
Grèce, combattre pour des états nouYellemeut formés, sans
ET POLITIQUES. 7 5
fjue le goiiveineiucat britannique osât leur infliger aucune
I)eine dans leurs biens ni dans leurs personnes ; el comment
des Grecs de Corcyre, dlthaque et deCônlialonie, qui voulu-
rent aller défendre leurs frères, sur la terre de leurs aïeux, ou
sur les mers illustrées par leurs ancêtres, furent privés de tous
leurs biens, et prosciits dans leurs personnes? On sVst
demandé comment la Cité de Londres, qui se prononça si
baulement en faveur de rt-mancipation des Américains du
Sud, et qui leur loJirnlt tant de secours pour combattre des
bommes appartenant à la même race, aux mêmes mœurs, à
ia même religion, comment la Cité de l-oudres , durant les
plus grands dangers et tes plus grands malbeurs de la Grèce,
u a gardé qu'un morne silence, au sujet de la généreuse et
magnanime régénération dun peuple qui sacritie son sang
pour (aire triompher i\ tendaid de la croix sur le croissant de
I -doiatre, et les lumières du cliristianisme sur rabrutissement
de l'islamisme?
Les Grecs sont aujourd bui les premiers navigateurs de la
M(daorranée. Sobres, actifs, économes, intrépides, aucun
étal maritime ne peut transporter, comme eux, les produits
de i mdustric humaine, pour un modique salaire. L'enquête
p irlemeutaire qui reconnaît pour {.1 Fiance tout l'avantage de
SOS institutions , reconnaît la supériorité des Grecs dans la na-
vigation marcbande. Cette enquête démontre clairement (|ue
les Anglais mêmes ne sauraient soutenir la concurrence con-
tre les Hellènes, dans l'économie du commerce de transport.
Depuis quelque tems , il est vrai , la politique extérieure de
l'empire britannique, confiée à des mains plus généreuses,
et placée par les événemens dans des circonstances nouvelles ,
a fait cesser toute mesure hostile de l'Angleterre contre les
Grecs , et diminué la piotectiou que les flottes de cette puis-
sance, éparses dans la Méditerranée, prêtaient aux Musul-
mans. Mais il ne doit pas moins être évident, pour les Grec?
74 SCIENCES MORALES
ea particulier, qu'aux, teins de leur plus grande infortune ,
la politique britannique ne cherchait pas à se rendre heu-
reuse à leur égard, enjaisant du bien aux autres.
Enfin, aujourd'hui même, on nous assure que des agens
anglais s'efforcent de faire accepter aux Grecs une adminis-
tration musulmane, pareille à celle des Waivodes , et qui
pourrait procurer à l'industrieuse Hdlcnie , la civilisation du
Bulgare , la sécurité du Valaque et les libertés du Servien !...
Je sais qu'au sein de la Grande Bretagne , il est des hom-
mes généreux qui voudraient concilier le bien-élre de tous
les peuples avec la dignité de toutes les puissances ; ils ne
souhaitent pas que l'éminence de leur patrie soit marquée
par la faiblesse et la dégradation des nations étrangères.
Mais de tels hommes sont aussi rares en Angleterre qu'en tout
autre pays ; ils ne doivent compter que comme exceptions.
L'Angleterre est pleinement convaincue qu'il convient à sa
propre sécurité , que la France ne devienne jamais une trop
grande puissance j elle a déclaré , par exemple , qu'elle ne se
croirait jamais en sûreté, si nous gardions l'Escaut et la Bel-
gique. Aussi, les avons-nous perdus , dès qu'elle a pu nous
les faire perdre ; et s'est-elle chargée de veiller à ce qu'on hé-
rissât de remparts la frontière qu'elle élève contre nous du
côté du nord : le tout , pour nous empêcher d'atteindre à nos
limites naturelles. En ce moment même , le duc de "Welling-
ton continue d'inspecter les places fortes érigées contre nous
dans la Flandre.
Ce n'est point par le désir de faire du bien aux autres, afin
d'en éprouver elle-même , que l'Angleterre proclamait , eu
i8i4, le rétablissement des états, sur le même pied qu'eu
1789 ; puis dépouillait la Hollande et de Ceylan et du cap de
Bonne -Espérance , et nous enlevait l'île de France, Mais
l'Angleterre vSavait que , si ces possessions avaient fait du bien
à leurs anciens maîtres , il lui sérail pour le moins aussi proli-
ET POLITIQUES. 75
lal)le de les garder à Jamais ; et elle en a fait sa propriété , sans
s'inquiéter si cet acte était en harmonie avec les principes mê-
mes qu'elle professait avec le plus d'éclat.
Gardons-nous donc de compter exclusivement sur le pré-
tendu besoin de bienfaisance universelle éprouvé par TAn-
gîeterre. Admettons-la franchement et lovalcmenl parmi nos
amis , quand elle ne sera pas au rang de nos ennemis. Mais ,
ne la regardons jamais comme notre protectrice obligée , ni
comme notre bienfaitrice permanente, infaillible et néces-
saire.
Du reste , suivons un excellent précepte indiqué par M. de
Pradt lui-même. INe nous laissons inllucncer, dans nos déter-
minations , ni par un amer souvenir des maux jadis souiierts,
ni par ime reconnaissance éternelle pour des bienfaits passa-
gers. Etudions notre vraie position, apprécions nos intérêts,
et laissons à la raison le droit de nous dicter les règles de no-
tre conduite.
Pour examiner les moyens des deux puissances , protectri-
ces obligées du reste de l'Europe , M. de Pradt commence
par reproduire les principaux faits présentés dans les comptes
ministériels britanniques, sous le dire (^ Etat de l'Angleterre
en iBsir et en i8'ia.
M. de Pradt tranche nettement , an sujet de tous ceux qui
ont publié quelques observations sur ces données ofScielles.
tt Le grand rapport de la question avait également échappé
à tous, dit-il, celui de l'amélioration des sociétés humaines ,
comme la source de la richesse de l'Angleterre , qui ne s'ali-
mente que de celle diffusion de l'aisance et du goût dans tout
l'Univers. »
A cet égard , il nous semble que nous venons à notre tour
de jeter sur le grand rapport qui nous avait échappé cl tous ,
quelque lumière que l'éloquent auteur du Parallèle avait né-
girgé de nous transmettre.
70 SCIENCES MORALES
Si M. fie Praill avait daigné parcourir rintrotluctiou duo
ouvrage consacré à Texameu de la Force militaire de la
Grande-Bretagne , il y aurait trouvé ces mots qui prouvent ,
peut-être , que le grand rapport dont il parle n'avait pas
(comme il laffirme) échappé également à tous ses devan-
ciers.
« Chaque jour (depuis la paix) on a moins regardé comme
une perte pour un peuple, raccroissementde la fortune et du
bonheur des peuples circonvoisius. On commence , au con-
traire , à concevoir qu'il est utile de voir, autour de soi , s'en-
richir des acheteurs , si l ou tient soi-même à devenir un ven-
deur opulent. Tout ce calcul d'égoisme est bien petit et bien
bas, sans doute, devant les vues plus nobles et plus vastes
d'une saine philantropie. Mais, qu'importe la voix qui mène
les hommes au bien , à la prospérité ! Pourvu qu'ils devien-
nent moins envieux, moins ennemis les uns des autres , c'est
toujours un triomphe pour l'humanité : elle ne sait pas se ren-
dre difficile sur les chemins qui conduisent à ce but cher et
sacré. » (In(roduction, pag. xiv.)
Comment se tait-il que ce grand rapport , inconnu à tous
les écrivains qui ont parlé de l'Angleterre et de son com-
merce , ait été cependant signalé par l'un d'eux , comme la
découverte d'un des écrivains les plus anciens et les plus cé-
lèbres de l'antiquité , qui disait, en parlant de Tyr, celle Al-
bion de la terre proniise ?
■ « Le port de Tyr était ouvert, sans restriction , aux bâti-
mous , aux marins de toutes les contrées ; l'étranger y pou-
vait, comme le régnicole , acquérir et vendre sans entraves.
(> commerce avait comblé de biens un grand nombre de na-
tions maritimes ; et l'opulence de Tyr avait fait la fortune des
rois. Quel est donc, ajoutait-on, quel est l'observateur pro-
fond qui nous apprend ces bieniails d'un commerce ami des
hommes, ce partage d'une fortune adverse ou favorabiej
ET POLITIQUES. 77
celle alliance, enflu, qui naît d'un mutuel intérêt entre les
rois et les peuples de diverses nations? Quel génie philo-
sopliique, perçant la nuit des lems barbares , découvre ainsi,
d'un sublime regard, les causes invisibles des prospérités com-
merciales : le savoir, l'honneur, les libertés et la sécurité?
C'est le prophète Ezéchiel (1). »
M. de Pradt, pour analyser les élémens de la puissance
britannique, commence par s'occuper de la population.
« U Etat de l' Angleterre en 1821, dit-il, établit que celle
population a augmenté d'un cinquième dans l'espace de tems
qui s'est écoulé depuis 1792 jusqu'en 1822, c'est-à-diie, pen-
dant trente ans. L'accroissement que TAngleterre a acquis est
fort grand , et ne se retrouve dans aucune contrée de l'Eu-
rope ; il faut, ajoute-t-il, aller jusqu'aux ELils-Lnis pour rt/i~
contrer encore mieux. »
Commençons d'abord par observer qu'ici l'accroissemeut
rapporté par M. de Pradt n est que !a uioilié t!e l'accroisse-
ment réel. C'est une erreur de 5o pour cent , sur un objet de
la plus haute importance.
En France , de 1 792 à 1822 , la population s'est augmentée
précisément dans la proportion d'un cinquième; elle n'avait
que vingt-quatre millions, au commencement de la Révolu-
tion; elle en a plus de trente aujourdhui. La population de
la baute Italie, de la Belgique et d'une grande partie de l'Al-
lemagne a éprouvé des accroisscmens presque aussi con-
sidérables.
Pour trouver un plus grand accroissement de population
qu'en Angleterre , il n'est pas nécessaii'e d'alier aux Etats-
Unis ; nous pouvons, même en Europe, rencontrer encore
(1) Influence du commerce sur le &iivoir et ta civilisation des peuples
anciens; Discours prononcé dacis la séance publique de l'Institut de
France , le 24 aviil 1822. In-S". Paris; Bachelier; 1 l'r. a5 c.
^8 SCIENCES MORALES
mieux, et c'est la Russie qui nous offre ce plus grand accrois-
sement de population. En Russie , sur la seule population at-
tachée à la religion grecque, le nombre des naissances an-
nuelles surpasse i ,5o(),ooo individus; celui des mortalités
n'atteint pas 900,000 ; ainsi , le progrès naturel de la popu-
lation est de 600,000 par an. Il est facile de calculer ce qu'un
pareil excédant pourrait produire en trente années.
Voyons quelles explications M. de Pradt nous fournit de
la supériorité d'accroissement de la population britannique.
« Les progrès de la population anglaise ont eu lieu dans
un période de tems consacré exclusivement à la guerre, cir-
constance engendrai plus contraire que favorable à ce genre
d'accroissement : en le comparant abstracùvement avec ce
qui se passe sur le continent, on pourrait en être étonné ; mais
la réliexion montre bientôt que ce qui sévit comme un fléau
sur le continent, doit s'émousser contre les préservatifs dont
la nature et la civilisation ont contribué à munir l'Angleterre.
En effet , elle est située et constituée socialement, de manière
que ce qui fait du mal aux autres lui fasse du bien (i) ; que
ce qui fait reculer ailleurs, fasse avancer chez elle; que ce
qui ailleurs éclaircit les rangs , les épaississe cbez elle : la
guerre n'atteint que les coffi-es de l'Angleterre ; ses cités et ses
cliamps restent intacts. Les dévastations, compagnes ordinai-
res de la guerre , viennent expirer au pied de ses rivages. Du
(i) C'est en parlie pour cela qu'en Angleterre beaucoup de guerres sont
extrêmement populaires. Lorsque j'ai visité pour la première fois la
Grande-Bretagne, en 1816 et 1817, tous les gens du peuple, avec les-
quels j'avais quelques relations, ne tarissaient pas dans leurs lamenta-
tions et dans leurs regrets sur l'aisance et le bonheur dont ils avaient
joui durant la guerre. Ils appelaient à grands cris le retour des combats,
avec autant de ferveur que , durant une saison trop arîde, l'homme f'.es
champs appelle la rosée, pour féconder ses guérets et fertiliser ses prai-
ries.
ET POLITIQUES. 79
haut de ces citadelles ailées qui lui donnent l'empire de la mer,
l'Angleterre chasse devant elle la guerre et ses fléaux, comme
on voit des vaisseaux, que l'Iiomme a rendus les rivaux ou plu-
tôt les vainqueurs des éléniens , dissiper avec les foudres qui
arment leurs flancs , les nuées orageuses que le ciel a formées
avec les vapeurs de l'Océan (i). Tandis que presque toutes les
capitales de l'Europe étaient occupées par l'ennemi ; tandis
que vingt princes fuyaient, erraient, rentraient humiliés dans
leurs états morcelés , l'Angleterre attirait dans sou sein tout
l'or et toutes les marchandises de l'Lnivers ; elle nourrissait,
elle hahillait, elle armait amis et ennemis. » (^Paralltlt, etc.,
pag. I et 12.)
Nous nous sommes abandonnes au plaisir de citer tout ce
brillant morceau. Mais avant d'aller plus loin, nous pourrions
demander à M. de Pradt comment il est possible, d'une part,
que l'Angleterre soit située et constituée socialement , de mA-
nière que ce qui fuit du mal aux autres, lui Jasse du bien;
et de l'autre, comment sou exemple peut nous montrer que
Vart d'être heureux consiste à ne faire que du bien aux au-
tres : faut-il admettre en même tems ces deux propositions
contradictoires? — Je crois plutôt que la première est tout-à-
fail exagérée , et la seconde tout-à-fait inexacte.
Aux assertions de M. de Pradt sur les causes qui, durant la
guerre, favorisent la population (\es lies Britanniques, pour
défavoriser les états du Continent, nous n'opposons qu'uu fait
déjà cité : la France, malgré tous ses désavantages de situa-
tion continentale , malgré toutes les pertes des guerres san-
glantes qu'elle a si long-tems soutenues ; la France , après
avoir eu deux fois sa capitale occupée, a pourtant vu sa po-
(i) M. de Pradt regarde sans doute comme une plaisanterie cette ma-
nière de chasser les orages à coups de canon , dan» l'immensité des airs
et de l'Océan.
8o SCIENCES MORALES
puiatlon faire d'immenses progrès. C'est pourquoi nous ne
pensons pas qu'on puisse conclure avec M. de Pradt :
« Ainsi c'est du sein même de la mort , du gouffre où s'tn-
sexditisaient d'autres populations , que la vie s'est reproduite
et multipliée eu Angleterre. Ce progrès dont on ne jugeait
pas bien le principe , avait trompé les yeux accoutumés à ce
spectacle des effets que la guerre produit ordinairement sur
le continent : c'est que la raarclie de l'Angleterre leur avait
écliappé. Cette marche se faisait en sens im'erse du continent;
ici (sur le continent) la guerre est un état suspensif de l'acli-
A ilé laborieuse. Principe et mobile principal de la reproduc-
tion dans les sociétés, l'homme tombe sans compensation ;
en Angleterre, plus la guerre s'étend, plus le travail croît,
elc. » [Parallèle . pag. i5,)
INous ne regardons pas comme exact de dire que, sur le
continent, la guerre soit par elle-même un état suspensif de
l'activité laborieuse. Nous savons, ati contraire, (jue Tindus-
irie continentale a pris des developpemeus marqués, durant
les dernières guerres de lempire français , en France, en Bel-
gique, en Italie, et dans la confédération du Rhin.
Si M. de Pradt tombe parî'ois dans quelques erreurs sur
les sources de la prospérité industrielle de la Grande-Breta-
gne , sou esprit supérieur le conduit à des vérités importantes
quil développe dans toute leur étendue. Tel est , à quelques
égards , le tableau de l'avantage que tous les peuples retirent
de raccroissement qu'éprouve la population britannique. Ce-
pendant , il va trop loin , lorsqu'il dit : u Mettez à coté du peu-
ple anglais , ces nations insensibles aux jouissances , bébétées
dans un engourdissement moral et physique , privées de goùl>
semblables à ceux des peuples civilisés , par exemple , des
Turcs, des Africains; qu'importe au bien général do la so-
ciété , la multiplication de ces peuplades stériles pour les au-
tres comme pour elles-mêmes? Qu'en recevoir? que leur
ET POLITIQUES. 8i
donner? qu'apporter, qu'échanger avec elles? Elles sont
comtnc mortes au monde, et le caractère sacré de Thuma-
nité mis ;i part, la brûle dont la chair nourrit riiomme, dont
une aulre partie de la dépouille contribue à ses arts , est plus
utile à riiuiiKuiité que ces êtres revêtus de la figure humaine ,
et qui ne contribuent en rien à rulilité de leurs sembla-
bles . »
Je ferai d'abord observer à M. de Pradt qu'il n'y a point
de peuple sans commerce, même en Turquie, même en
Afrique. Les Africains et ies Turcs savent fort bien que rece-
voir et que donner dans leurs échanges. Des armes, des tis-
sus , des montres, des horloges, des meuhles, voilà les objets
qu'ils demandent; de l'or, de l'ivoire, de la soie brute, des
aromates, voilà ce qu'ils fournissent en retour. Ce commerce
faisait jadis l'opulence de Marseille , il est encore important
pour la richesse de l'Angleterre. Disons seulement que les
Turcs et les Africains, moins avancés en industrie que les
peuples de lEurope , font un commerce moins étendu. Mais,
n'allons pas jusqu'à ne voir en eux que des êtres à face hu-
maine, qui ne contribuent à l'utilité de leurs semblables, pas
même autant que des hêtes de boucherie, et les peaux qu'on
en relire.
Considérons à présent la grande question des accroissemens
de la population , sous un point de vue plus élevé que ne l'a
fait M. de Pradt, et gardons-nous, à cet égard comme à beau-
coup d'autres , de ses principes exclusifs.
Tantôt les progrès de la population sont un avantage , et
tantôt un iiéau pour un peuple , selon que les moveus de sub-
sister, et de pourvoir au bien-être de la vie, suivent ou ne sui-
vent pas faccrolssement de la population. Ainsi, cet accrois-
sement est un bienlait pour l'Angleterre, il est un malheur
pour l'Irlande. LTrlande serait plus riche, plus civilisée, plus
T. XX. — Octobre 1823. 6
82 SCIENCES MORALES
heureuse , si l'industnc et le travail s\ multipliaient plutôt
que les familles oisives , abruties , qui pullulent sur sou terri-
toire. Neprououcons donc rien d'absolu sur les avantages que
présente raccroissement des populations : consultons avant
tout Tétat des arts et de la société.
Après avoir parlé de la population , M. de Pradt résume ,
dans un chapitre spécial , les principaux résultats financiers
publics en 1821 et 1822 , par un organe du ministère britan-
nique.
M. de Pi-adt nous otFre, sur les sources du crédit de l'Angle-
terre , des observations jusies en elles-mêmes. Mais , il s'exa-
gère la prospérité financière de cette puissance , lorsqu'il
prend à la lettre cette déclaration ministérielle, a que jamais
la nation ne fut plus en mesure d'embrasser toutes les résolu-
tions exigées par son honneur et par Tintérèt général de
l'Europe, n II n'en reste pas moins démontré que, malgré la
sévère économie apportée par degrés, depuis la paix, dans les
dépenses des services publics, ces dépenses , jointes à l'intérêt
Je la dette , sont un énorme fardeau. Si le commerce fleurit ,
les agriculteurs éprouvent, depuis la fin de la guerre, une
détresse qui n'est pas encore a son terme. J'avoue qu il me
sejnble prématuré de dire, dès à présent, que jamais l'Angle-
terre ne fut plus en mesure d'agir au dehors avec efficacité :
aussi, reste-t-elle oisive
Rappelons-nous toujours que l'Angleterre a plus de '700
millions à payer chaque année , comme intérêt de sa dette ,
avant d'avoir un seul denier applicable aux besoins d'admi-
nistration pour Tintérieur, et de la guerre pour l'extérieur.
Afin de démontrer la grandeur de la prospérité financière de
cet empire , M. de Pradt avance que , depuis 1819 jusqu'en
iSaS, le gouvernement a remis aux contribuables des som-
mes qui ne sont pas moindres de 3oo,ooo,ooo. Ce fait est ab-
solument inexact. On en pourra juger par le tableau compa-
ET POLITIQUES. 83
ré des dépenses du gouvernement , pendant les quatre années
dont il s'agit
1819. 53,599,276 liv. sterl.
1820. 55,095,877
1821. 55,52"),9i5
1822. 49,968,364
Total... 209,989,432
Pour quatre annt'es comme 1819. 2i4,397,c8J
Economie réelle sur 18 19, en quatre
«"'* iÂO'jA-j^
C'est-à-dire, environ cent dix millions de francs sur quatre
ans. Or, je demanderai comment , avec une économie de cent
dix niillions de francs sur les dépenses , on peut remettre trois
cent millions aux. contribuables?.... surtout si l'on considère
qu'une partie des ri'ductions faites dans la dépense est appli-
qu<'e à l'augmentation de l'amortissement.
M. de Pradt se livre à des réflexions fort sages sur la com-
paraison qu'on peut faire entie la modicité de l'impôt territo-
rial en Angleterre, et son énormilé en France; tandis que
l'impôt indirect est, en proportion, beaucoup plus considéra-
ble dans la Grande-Bretagne. M. Ganilb , habile économiste,
avait déjà présenté, de !a manière la plus lucide, les mêmes
considér.aious à notre Cbambre des Députés : M. de Pradt
iiurait dû citer cette autorité recommandable, ne fût-ce que
par reconnaissance.
Dans le chapitre II , consacré au commerce , M. de Pradt
reproduit les principaux résultats donnés dans les chapitres
aussi relatifs au commerce, de ["Etat de l'Angleterre, ouvrage
traduit deux fois en français , et aualvsé dans l'écrit intitulé
Système de l'administration britannique , où nous avons
parlé surtout avec d.'lails du commerce des soieries , des lai-
nes , des cotons et des todes.
84 SCIENCES MORALKS
« L'Aûglelerre , dit-il , pag. 5^, possède un trc'sor avec les
laines de Botany-Bay, qui surpassent en qualité les puis belles
de la Saxe et de l'Espagne. » Ce sont , au contraire , des lai-
nes communes qu on retire de Botany-Bay. Jusqu'ici , d'ail-
leurs , cette ressource est très-peu de chose. On en jugera
par l'état suivant qui se rapporte à Tannée 1819, et que j'es.-
trais des comptes imprimés par ordre de la chambre des com-
munes.
Lainages importés en Angleterre , et tirés des diverses par-
ties du monde i5,664,859 liv. pes.
De la Nouvelle-Hollande 715290
Par conséquent, les laines de Botany-Bav , au lieu d'être
un trésor, n'ont été jusqu ici , pour l'Angleterre, qu'un objet
d'une espérance lointaine encore ; puisque la totalité des lai-
nes tirées de cet établissement n'équivalait qu'à la 191'' par-
tie de la quantité fournie par les autres parties du globe.
M. de Pradt exagère la quantité totale du tonnage des navi-
res employés à trafiquer avec les colonies britanniques du nord
de l'Amérique, tonnage qu'il porte à 600,000 tonneaux. Il
exagère pareillement la totalité des produits britanniques ex-
portés au Canada, en la donnant comme supérieure à la quan-
tité des produits du même genre exportés dans les Indes orien-
tales.
On voit, en effet, qu'en 1821, les produits de l'industrie
britannique exportés donnent les résultats suivans :
Aux Indes- Orientales , cotons et lainages seule-
ment 2,957,665
Au Canada et dans toutes les autres co-
lonies du nord de l'Amérique. (Valeur
totale.) 1,676,516
Les considérations de M. de Pradt sur l Inde sont pleines
d'intérêt. Il s'agit de l'émancipation future d'une colonie loin-
taine : l'auteur est là sur son terrain. Il applique aux contrées
ET POLITIQUES. 85
orientales les principes qui se sont si bien yérifiés tlans les
contrées occidentales.
Cependant, il me semble (jue lauleur va trop loin , lors-
<j[U il nous dit , par forme de digression : a Ln jour, TEspa-
gne et le Portugal reconnaîtront qu'ils ont gagné à perdre j
l'un, l'Amérique, et l'autre , le Brésil. La perte de la sou-
veraineté nesl dommageable, fjue lorsqu'elle est accompa-
gnée de la perte du commerce ; mais quand celui-ci reste , la
souveraineté peut s'en aller, surtout à l'égard d un peuple qui
cultive les arts de l'industrie, et qui peut ("aire recevoir ses
produits dans les lieux oîi l'on a rejeté son autorité.... Ces
principes sont certains, etc. »
Qui donc assure à M. de Pradt que l'Espagne et le Portu-
gal, après avoir perdu leurs colonies, en conserveront le com-
merce? L'Angleterre, plus avancée en civilisation, ne s'est-
elle pas emparée déjii de ce négoce, par la force naturelle,
nécessaire et durable de son industrie mercantile? C'est une
perte absolue, et sans compensation, pour le Portugal et pour
l'Espagne. Sans doute. Il n'en faut pas conclure que, pour
éviter cette perte, l'Espagne et le Portugal doivent épuiser
1 or et le sang de la mère-pairie; mais, c'est aussi pousser
trop loin t'eulbousiame des émancipations, que de nous pré-
senter, comme un ^*iiii, des pertes de cette nature.
Ce qui a pu tromper M. de Pradt sur l'avantage prétendu
que trouvent inj'ailliblement les métropoles à perdre leurs co-
lonies, c'est l'exemple de l'émancipation des colonies anglo-
américaines, dont la confédération forme aujourd'bui les États-
Unis. Mais la plupart des causes qui tendaient à faire conser-
ver à la Grande-Bretagne la majeure partie de son commerce
avec ces anciennes colonies, n'existent pas pour d'autres mè-
res-patries, et surtout pour l'Espagne, non plus que pour le
Portugal. En elïet, les produits d'industrie de ces deux con-
trées ne sauraient soutenir une libre concurrence aA-ec ceux
86 SCIEISCES MORALES
«le TAngleterre, de la France, de rAUemague et de Tlta-
lie (.).
M. de Pradt termine son chapitre V, Des colonies, par
d'importantes réilexious sur les mpports de la prospc'rilé in-
dustrielle de TAnglelerre avec rexcellence de ses institutions.
Il consacre ensuite un chapitre de quatre pages moins qu.i-
tre lignes à rexainen de la force navale de la Grande-Breta-
gne; examen qu'il réduit à des assertions Iranchaules dont
plusieurs sont susceptibles d'être réf'uli'es, mais sur lesquelles
nous ne voulons pas même arrêter l'attention du lecteur. Nous
nous contentons de renvoyer à l'ouvrage intitulé : Force na-
vale de la Grande-Bretagne.
M. de Pradt consacre à Fexamen et à l'étude de la force
militaire de la Grande-Bretagne un chapitre de quatre pages
moins cinq lignes; c'est-à-dire, plus court d'une ligne que le
chapitre relatif à la force navale, quil regarde avec raison
comme plus importante et méritant un p'us long développe-
ment. Il y a peu de faits et beaucoup d erreurs dans le chapi-
pitre qui traite de l'armée; nous n'en citerons quf. trois esen)-
ptes.
«L'étal émané du bureau de Vaide-de-carnp général i\\i
généralissime de l'armée anglaise, le duc d'York, dit M. de
Pradt, portait, en i8i5, le nombre total de ces troupes à
5oo,ooo hommes. »
Il n'v a point d aide-de-camp général du généralissime de
l'armie anglaise, et la force qu'on assigne à cette armée est
trop considérable de 60,000 hommes. Dans le premier vo-
(i) Si l'on veut connaître les véritabies causes qui militent pour que
les métropoles retiennent une portion plus ou moins grande de leur
pomraerce avec leurs colonies émancipées, il faut lire deux beaux mé-
moires écrits par M. de Talleyrand, après son voyage aux Étals-Unis , et
publiés dans les Mémoires de l'Institut national de France, il y a 24
ans.
ET POLITIQUES. ^7
lume de la Force militaire de la Grande-Bretagne, où l'on a
cité, d'après l'c'lal de l'adjudant-gënéral du commandeur en
chef, l'efïeclif de rarmée anglaise au 25 décembre i8i4, il
n'était alors que de 241,166 liommes. En décembre i8i5,
il était moins considérable encore; et depuis lors, on n'a pas
cessé de le réduire jusqu'en 182 1 .
Aujourd'hui, cet efiéctif est encore d'à peu près 90,000
hommes; la réduction, réellement opérée depuis décembre
j8i4» ne peut donc être que de i5o,ooo hommes, et non pas
de 5oo,DOO hommes, ainsi que le rapporte M. de Pradt, d'a-
près V Etat de C Angleterre en i82i.Comraent,d'aiIleurs, un ef-
iéctif de 3oo, 000 hommes, après une réduction de 3oo,ooo^
présenterait-il encore un restant qui surpasse 80,000 hom-
mes?
M. de Pradt se trompe également sur l'armée britannique
de l'Inde , qu'il porte à 9.2,000 Européens Anglais ,
et 120.000 Indiens.
D'après l'état des forces de celte armée , soumis à la cham-
bre des communes en mars 181 g, il y avait dans l'Inde
3o,2 55 Européens sous les armes,
1 83, 201 Indiens.
Total. 215,454
Au lieu de 142,000.
Ainsi , M. de Pradt s'est trompé de •; i,454 hommes sur la
force des troupes britanniques de l'armée indienne.
M. de Pradt, dans le chapitre IX, pour donner une idée des
libertés récemment accordées au commerce extérieur de la
Grande-Bretagne, rapporte de longs extraits du compte ren-
du par le ministère anelais, en 1822. M. de Pradt attribue à
l'Angleterre l'honneur d'avoir fait les premiers pas dans cet
affranchissement de l'industrie mercantile exercée de nation à
nation. Il me semble que c'est aux Etats-Unis qu'appartient
cet honneur. Les premiers, dans ces tems modernes, ils ont
88 SCIENCES MORALES
réclamé de telles libertés; ils les ont réclamées en se servant
lour-à-tour des armes de la raison et des armes de la force
plnsique. Ce n'est pas à la bénévole concession faite par la
Grande-Bretagne , c'est aux succès éclatans obtenus par les
Américains dans la dernière guerre qu'ils ont soutenue pour
repousser l'oppression de la marine anglaise, qu'ils ont dû de
pouvoir librement trafiquer avec l'Indostan. Ajoutons, d'ail-
leurs, qu'il est très-vrai que, depuis plusieurs années, les
hommes d'état qui dirigent les intérêts législatifs et politiques
du commerce anglais ont manifesté des idées équitables,
grandes, et bien supérieures à celles de l'immense majoiité
des fabricans et des marchands britanniques.
Un chapitre abondant en belles considérations est celui des
six Angleterres, dans lequel M. de Pradt examine l'influence
que la nation britannique exercera sur le globe, par ses lois,
ses institutions, ses mœurs, son industrie et ses lumières; il
envisage les progrès obtenus déjà, et surtout les progrès fu-
turs des trois rovaumes , lelativement à l'Europe; des Etats-
Unis et des Canadas, relativement à lAmériquej de la colonie
du Cap, relativement à l'Afrique; de l'Indostan, relativement
à l'Asie orientale; enfin, de la JNouveîle-Galles, relativement
à FAustralasie.
Les chapitres XII et XIII , qui ne devraient pas être dis-
joints par une digression étrangère , montrent d'une part
comment le continent européen peut résister à I Angleterre et
se donner action sur elle, en la frappant dans son commerce;
de l'autre part, comment l'Angleterre peut réagir sur le con-
tinent, p^ur le maintien de l équilibre politique, par l'appui
(ju elle prête aux faibles , en leur donnant les moyens de ré-
sister aux puissans. Ces deux chapitres présentent beaucoup
de vues brillantes et profondes, qu'on est fâché de voir obs-
curcies par quelques erreurs.
ïiC pouvoir de l'Angleterre est nul à l'égard de tous les étals
ET POLITIQUES. 89
médlterranés, dit M. de Pradt. Saus doute, mais celui de rcs
états est nul aussi sur elle. Non , dircz-vous; car l's peuvent la
priver de leur commerce. Eh bien! en se conduisant ainsi, ils
se privent eux-mêmes du bénéfice qu'ils retiraient d'un l<l
commerce, dans le but de priver d'un égal bénéfice le peu-
ple devenu Tobjet de leur aversion . J y vois seulement cette
différence, que l'Angleterre a bien plus de moyens pour for-
cer toutes les barrières anti-mercantiles des peuples du con-
tinent européen, que ces peuples n'en ont pour franchir, en
contrebande, les mers qui les séparent de la Grande-Bre-
tagne.
Comment se fait-il que M. de Pradt range la Prusse et l'Au-
triche parmi les états méditerranés? ne sont- ce pas aujour-
d'hui des étals limitrophes de la mef ? et peut-on dire de ces
contrées : « Là, il u'v a rien à bloquer, à bombarder, à captu-
rer, aucun point de contact n'existe entre ces contrées et l'An-
gleterre 5 et si les bataillons des unes ne peuvent pas aller ea
Angleterre , les vaisseaux de l'Angleterre ne peuvent pas da-
vantage aller dans ces contrées»(pag. i i 5). — La Prusse a des
ports importans et nombreux dans la Baltique, L'Autriche
possède aujourd'hui tout le littoral de l'Adriatique, depuis la
marche d'Aucône jusquà Venise, et depuis Yenise jusqu'aux
Bouches du Caltaro,
Quant aux étals intérieurs de l'Allemagne, la liberté de la
navigation du Danube , de l'Elbe et du Weser n'est-elle pas
à la fois garantie par les traités et par l'intérêt de tous les peu-
ples riverains? L'Angleterre , en i-emontant ces (ieuves, n'ar-
rivera-t elle pas toujours jusqu'à la fronfière du peuple le p'us
reculé dans le centre de l'Jlurope? ne sera-t-ei!e pas en cela
favorisée par tous les peuples qui bénéticleront sur le tran-
sit (1)?
(i ) Voici ce que nous avons dit à ce sujet dans l'Examen du Système
90 SCIENCES MORALES
Nous croyons aussi (]ne M. de Pradt se trompe, quand il
dit , pag. I l'y : « Les choses eu sont au point que TAngleterre
ne pourrait pas soutenir directement le pays avec lequel elle
entretient une espèce de pacte de famille, le Hanovre. // /ni
faut un transit accordé pour pouvoir y aborder. »
Tout en conccdant à M. de Pradt, que l'Angleterre seule
ne pourra pas faire la guerre contre la Russie, et à plus forte
raison contre la Sainte-Alliance , il me semble qu'on doit con-
venir que cet auteur diminue trop Tinfluence de la Grande-
Bretagne, comme force militaire et comme force navale, dans
la mer Noire et dans la Baltique. Il donne aussi beaucoup
trop peu (rintluence pour l'avenir aux finances de rAn£;le-
terre , sur la création des résistances destinées à combattre
les projets futurs de la Russie. Sans doute , un subside ne fera
pas entrer sans motif une puissance secondaire dans une lutte
imprudente contre un si formidable empire; mais , quand ce
même empire menacera Tune de ces puissances , l'Angleterre
pourra fournir à celle-ci des subsides qui lui permettront de
commencer sans retard une résistance vigoureuse , et de tou-
tes parts lui procurera des alliés , en leur donnant les seules
ressources qui leur manquent souvent pour entrer dans une
lutte dont ils ont d'avance épousé les intérêts : les moyens pé-
cnniaires. Cli. Dupi\ , de l'Institut.
{La suite au prochain cahier.)
de V administration 'britannique , p. 1 14 .«En Allemagne, des lois pro-
hibitives ont frappé plusieurs produits de l'industrie britannique. L'An-
gleterre n'a pas réclamé contre ces lois, que la contrebande se chargea
de rendre inexécutables! Les Anglais portent , à présent même , pour
205 millions de francs de marchandises, dans l'intérieur de l'Allemagne.
Plusieurs états germaniques firent une partie de leur revenu , du transit
de ces marchandises; ils ont, par conséquent, un intérêt direct à l'ac-
eroissemenl des ventes faites par l'Angleterre.»
ET POLITIQUES. 9'
Histoire de la Révolution Helvétique, de 1797 à
i8o5, par M. Raoul-Rociiette , de Vlnstitut (1).
Cet ouvrage renferme Y Histoire géncrnle de la Suisse , du
Falais et des Grisons , de 1797 ii i8o5. On y volt les treize
cantons, autrefois mal unis, et leurs anciens sujets, et leurs
petits alliés , se clianijer, il est vrai par l'injustice et les cala-
mités inséparables (Vune inlervenlir.n étrangère , c'est-à-dire,
par Tinlluence diplomalifiue, par de cruelles guerres du de-
hors , et par dliorribles guerres civiles, d'abord en républi-
que une et indivisible, de 19 cantons, fortement unie, sans pe-
tits alliés , sans sujets , sans privilèges ; ensuite , par l'arbllragc
de Napoléon et le consentement des députés nationaux , en
républi(jue fédératlve, aussi de 19 cantons , mais égalenicîil
sans petits aUi('^s et sans sujets , sans privilèges de lieux, de
personnes ou de familles.
Tel est encore aujourd'hui le dernier é'tat où se trouve la
Suisse, par la reconnaissance et l'iniluencc de la Sainte-Al-
liance et par la révision des consiilulions , depuis i8i4 > saul
le rétablissement de plusieurs privilèges , et l'adjonction de
trois cantons, qui a rendu le roi de Prusse, comme prince de
Neuchàtcl, un des vingt- deu s. membres de la diète fédérale
de THelvétie.
La plupart des renseignemcns sur ces objets n'ont guère été
jusqu'ici publiés qu'en langue allemande et eu d'autres langues
étrangères. M. Raoul-Rocheltc a donc choisi un sujet neuf,
à beaucoup d'égards, pour notre littérature française : c'est
un sujet utile , important , non moins mte'ressant pour la mo-
(1) Paris, 182Ô. Unvol. in-S° de 55o pages , avec un portrait d'yrffoj/s
Redding, et une Carte générale de la Suisse en 22 cantons. Kepveu , li-
braire.
çfi SCIENCES MORAl.ES
raie <[ue pour la politique intérieure et extrrieure; sujet tVail-
leurs fort difficile à traiter avec clarté , vu la ressemblance et
la complication tles révolulioas de la France imitées dans
THelvétie , vu qu'il sagit détats petits et nombreux qui ont eu
chacun des vues divergentes, des allures dissemblables, et qui
ont diversement souffert de la part des agens des diverses puis-
sances , et des armées nombreuses de la France, de l'Autrl-
che , cnliu de la Russie, pénétrant , pour la première fois,
dans le midi de l'Europe.
L'auteur a iulté contre les difficultés avec beaucoup de la-
lent et de patience. Il a été , avec distinction , professeur d'his-
toire à Paris ; on lui doit Y Histoire des colonies de la Grèce. ;
il est membre de TAcudémie des inscriptions et bclles^lettres,
où il se signale par de continuels travaux; il a fait trois voya-
ges en Suisse , pour bien étudier son sujet sur le théâtre mè-
medes évéaemensj il apublié de nouvelles Lettres sur la Suis-
se^ dont la seconde édition vient de paraître. Quant aux doc-
trines et aux sentlmens dont il parait animé , dans cette nou-
velle histoire , il montre beaucoup d'enthousiasme pour les
vieilles libertés, pour les vieilles mœin'S , une grande aver-
sion pour les chaugeinens, surtout pour les injustices , et cou-
séquemment pour l'iulerveutlon étrangère dans les affaires
domestiques , dans les constitutions des peuples voisins.
Une idée domine fortement son ouvrage ; elle y est sans ces-
se inculquée : c'est, dit-il, la haine des révolutions ; et , nous
devons le croire, la haine des contre -révolutions , puisque,
sans nul doute , elles sont toujours des révolutions , et parce
que , d'ordinaire, elles rabaissent la condition et le caractère
des hommes qui s'en font les entrepreneurs, aussi-bien que
celui des peuples qui les subissent. I! déclare donc que la ré-
volution des Suisses est un de nos plus grands crimes, et il
nomme pervers notre gouvernement pour l'avoir pré'parée.
S'il parle d'intervention étrangère pour changer un gouverne-
ET POLITIQUES. 9^
ment voisin , il l'appelle l'opprobre de l'intervention ; et sur
ce point , il n'aura guère de contradicteurs parmi les hommes
éclairés et de bonne foi. Il rassemble avec soin des traits vi-
goureux contre ces sortes d'entreprises , sans vouloir mémo
considérer si elles sont au profit de la juste liberté de tous,
ou au profit ries privilèges de quelques-uns , où à celui du
despotisme d'un seul. Il pense , en un mol , qu'en tout genre
les aggresseurs ont tort devant Dieu et devant les hommes.
Mais, quelle que soit sa haine contre les révolutions , il a
fait , dans ses Lettres sur la Suisse , un grand éloge de la ré-
volution helvétique du xiv<= siècle. En certaines matières ,
les déclarations de haine ou d'amour peuvent doue n'être que
de vagues généralités , eu des hyperboles qu'il faut réduire à
des termes raisonnables.
Dans sa carrière historique relative à l'Hclvélie, M. Raoul-
Rochettea été précé<lé particulièrement par M. Zshokkc , dont
les ouvrages sont en allemand , et il a pris la peine de dire :
Les opinions de M. Zshokke sont loin d'être conformes aux
miennes ; mais , pour être d'un parti contraire , je n'en esti-
me pas moins, etc. Il nous révèle ainsi que V Histoire de la
Suisse , de 1 797 à 1 8o3 , se trouve écrite en deux langages dif-
férons , par deux auteurs , dont chacun est d'un parti contrai-
re à celui de l'autre. Il paraît s'en suivre qu'il faudra consul-
ter quelquefois les deux écrivains et les corriger l'un par l'au-
tre, en attendant qu'il survienne, pour apprécier les mêmes
faits, un troisième historien dont l'ImpartiaUté soit lout-à-
fait le caractère.
Cette observation nous échappe ; mais , nous devons due
aussi que M. Raoul-Rochette est fort exact à s'appuyer, dans
ses récits, de toutes les autorités dont il a recueilli avec grand
soin les témoignages , et qu'il cite les écrits même de ceux
dont il est le plus enclin à censurer les opinions. Nous croyons
qu'il s'est acquitt(< avec honneur de sa belle enlreprise; que sou
94 SCIENCES MORALES
livre est digne d'être lu et consnlté , et de trouver une place
honorable dans nos hibliotlièques les mieux choisies.
Eu homme de l'art . il a fait de cet ouvrage , divisé eu qua-
tre livres, une sorte de drame, qui a son exposition, son nœud
et sou dénouement.
L'exposition y occupe toutle premier livre, et le nœud y
commence à se former. Il décrit, dans ce livre, la situation
politique et morale de la Suisse, à la fin du xvrii^ siècle, les
soins et les sacrifices de !a diète pour conserver sa neutralité,
les vues réciproques de révolution et de contre-révolution re-
latives à la Suisse , les troubles de ce pays jusqu'au commence-
ment de 1798, et il peint les personnages qui jouèrent dans
celle tragédie les principaux rôles. I! expose des lails de Tiuler-
veution diplomatique et de finlervenlion armée du gouverne^
ment français dans l'Helvétie, et partout il censure cette dou-
ble manœuvre. Elle avait apparemment quelque motif d'in-
térêt politique : l'historien n'en dit pas un mot.
Le nœud se développe et continue à s'embrouiller, dans
les deuxième et troisième livres, et dans une partie du qua-
trième, à la fin duquel se trouvent l'histoire très-abrégée de
la médiation du premier consul Napoléon , et l'indication , trop
vague peut-être et trop succincte , de la composition qui fut
convenue à l'amiable , quoique d'un effet irrésistible, si l'on
considère la puissance immense et le caractère du média-
teur. Voici celte indication , telle qu'elle est dans l'ouvrage :
u Du moment que la Suisse fut courbée sous la main puissante
de son médiateur, elle avait cessé d'exister, si ce n'est dans le
cabinet des Tuileries. Les deux parties qui la divisaient, s y
retrouvèrent encore aux prises, et toujours défendant, avec
plus d obstination que de succès , l'un , ses théories impratica-
bles , l'autre , ses privilèges abolis. Le premier consul avait
choisi , pour conférer avec les députés des cantons, quatre sé-
nateurs, Barthélémy , Fouché , Rœderer et Desmeuniers , les
ET POLITIQLES. 95
deux derniers surtout cliargés du travail difficile de coaciller
les intérêts , et le premier du soin plus doux , plus conlornie à
son caractère , de verser sur les plaies actuelles de la Suisse
les consolations d une ancienne aaiilié. Les confVrcnces furent
vives et durèrent plusieurs mois. Deux (ois dans cet intervalle,
le premier consul appela en sa présence dix députés des deux
partis, et Tacte de médiation, promul^i^ué le Sio février i8o5 ,
fut le résuluît de ce dernier entrelien. L'histoire , tout en re-
prochant à cet acte le vice de son origine et les vues svcrcdes
de son auteur, ne doit point dissimuler ce qu il y eut d utile et
de généreux dans cette concession d'un ma lire ; et la Suisse ,
alors parvenue au dernier degré de l'anarchie cl de la misère ,
ne saurait oii})lier quelle lui dut la (iu de ses longs malheurs.
Les petits cantons y retrouvèrent l'image adorée de leurs dé-
mocraties fédératives : c'était tout ce que pouvait comporter
la nature de leur pavs. Les unitaires ohtinrcnt également l'i-
mage d'un gouvernement central ; c'était tout ce que pouvait
accorder la politi(]ue d'un conquérant. Les aristocrates se
consolèrent de la perte de quelques privilèges personnels ,
par une sorte de prééminence politique , laissée aux anciennes
cités souveraines. Les Bernois seuls, sur qui retombait pres-
que en entier le fardeau de la dette nationale , purent expri-
mer des regrets légitimes ; mais leurs plaintes se perdirent
dans la reconnaissance de tout un peuple, qui, ne pouvant
plus attendre de lul-mcme un remède à ses malheurs , dut
regarder, comme autant de bienfaits , les liherlh qu'on lui
rendit.
/>Le général d'AlTry, désigné dans l'acte de médiation pre-
mier landamann de la Suisse , ouvrit , le 4 jmllet suivant, a
Frlbourg , sa ville natale, la première diète helvétique,
»Sous quelque tristes auspices qu'eut été formée cette assem-
blée, ce fut du moins une consolation pour la Suisse, que d y
retrouver, siégeant parmi ses députés, l'homme qui avait le
95 SCIENCES MORALES
mieux combattu et le plus souffert pour la patrie , le héros ,
le magistrat et le proscrit , que ce dernier titre rendait encore
plus auguste. A peine sorti du château d'Aarburg, Aloys Red-
diug reparut dans le conseil-suprême de son pays , toujours
reprcsentanl de Schwyz et de la liberté helvétique, au sein de
la diète , comme au fond d'une prison. Tous les yeux ciicr-
chaicnt avidement, sur ses anciennes cicatrices , Tempreinle
récente de ses (ers ; mais tous les cœurs étaient heureux de
son retour j et la Suisse , en le revoyant libre , semblait l être
redeveuueelle-méme.'La présence d'Aloys Kedding à !a diète
de Fribourg réconcilia îe peuple suisse avec son médiateur.
Ce fut le dernier service que ce grand citoyen rendit à son
pays. Après tant de stériles agitations, le repos était désormais
pour tous les partis un besoin , une nécessité, et presque une
vertu : plus heureuse que la France, THelvétie pouvait d'ail-
leurs se consoler avec i'iinoge de la liberté.. Sa résistance n'a-
vait pas été sans gloire ; sa soumission, n'était pas sans exem-
ple ; et le jour était trop éloigné qui devait absoudre la Provi-
dence des succès de la force et du règne de rinjustice. » Ainsi,^
d'une part, la Suisse dut regarder, comme des bienfaits , les
liberlés quon lui rendit ; et de l'autre , il fallait quelle se
consolât, avec l'image de la liberté, avec une image de dé-
mocratie , et une image de gouvernement central. »
Voilà bien des images pour déprécier des constitutions qu'on
ne fait pas connaître , et qui valaient mieux , ce nous semble ,
que l'ancien état de choses j des constitutions qui, sous la pro-
tection de la Sainte-Alliance , n'ont pas été améliorées, sont
devenues seulement plus aristocratiques, mais ont été affaiblies
par l'adjonction dun roi absolu, par les nouvelles entraves de
la censure des journaux et àes livres, et par les restrictions
imposées du dehors au droit d'asiie.
Si, avant toutes ces altérations, la Suisse n'avait que des
miages de sa liberté , comment donc appeler ce qui lui reste.
ET POLITIQUES. g^
sous nos tems plus heureux? Et , si le médiateur ne fit réta-
hlir en Suisse que des images des vieilles libertés, comment
1 auteur a -t-il pu dire que les Bernois seuls , et précisèrent à
cause d une prétendue inégale répartition de la dette commu-
ne, purent alors exprimer des regrets légitimes? Est-ce donc
que les libertés ne doivent être partout que des images? est-
ce que des regrets sont illégitimes , lorsqu'ils s'appliquent à la
liberté, même réduite en vain simulacre?
L'auteur, sans doute, n'a pas songé aux conséquences natu-
relles de son texte. De même , il n'a pas senti que l'absolution
décernée, de sa part, à la Providence, à cause de la dou-
ble chute de Napoléon , ressemble trop à une phrase témé-
raire , et pourtant fameuse dans les annales de la flagornerie :
La Providence a fait son devoir. Il y a , dans ces deux for-
mules analogues , un ton de légèreté, de familiarité , d'audace
même, qui sied fort mal au simple théiste, et surtout au chré-
tien : c'est trop oublier ce que Dieu est , et ce que nous som-
mes.
Celte réflexion nous amène au style général de l'ouvrage.
« J'ai voulu, dit M. Raoul-Rochette,quela diction eu fût cons-
tamment simple , grave et sévère, même un peu rude et agres-
te, comme il convient à une histoire dont la Suisse est le
théâtre , et dont les héros sont des pâtres. » S'il n'a pas tou-
jours réussi, comme il le voulait, à être simple, grave et
sévère, il est du moins partout ingénieux, fleuri, et souvent
très-épigrammatique. Ses épigrammes les plus mordantes et
ses plus rudes expressions tombent presque uniquement sur
les acteurs d'un seul parti , et une fois (pag. 70), sur un hom-
me que la France, lEurope, l'Amérique honorent d'une haute
estime, et qui n'a rien eu à démêler avec la Suisse.
Voici une épigramme, ou un trait de censure qui se trouve
(pag. O7) et qui doit disparaître dans les futures éditions ,
parce qu'il est contraire à la vérité historique : « La foi publi-
-r.xx.— Octobre i^-iS. «
g8 SCIENCES MORALES
que n'avait pas encore été profanc'e , dans le pays de Yaud ,
par ces honteux sermens , qui ne laissaient depuis long-tems à
la république française, privée de Dieu, de culte et d'autel ,
que la religion du parjure. » Nous ne prétendons pas exami-
ner si la religion du parjure, aulrcaient le parjure poillique ,
a cessé en France avec la république a avec le régime de Na-
poléon 5 chacun sait là-dessus à quoi s'en tenir. Il suffira d'ob-
server que l'auteur veut Ici, par un contraste , relever l'excel-
lence d'un nouveau serment de fidélité que le sénat de Berne,
au commencement des troubles , exigea de ses sujets du pays
de Vaud, pour les retenir dans sa domination; que ce ser-
ment fut prêté avec réserve ou refusé ; qu'il amena la guerre
civile ; qu il n'eut point d'autre efficacité^ qui! fut bientôt rem-
placé par des sermens contraires ; que la phrase citée se rap-
porte à l'année 1 798, époque de ce nouveau serment, et qu'en-
fin, dès 1795, les cultes publics avalent été rétal)lis , dans
toute la France, par les lois de la Convention , dont les scan-
dales cessèrent presque aussitôt qu'elle cessa d'être mutilée,
comme elle l'avait été, en 1795 et 1794, par l'Influence tou-
jours réunie de quelques démagogues forcenés, et des enne-
mis de la révolution au-debors et au-dedans.
Lanjuinais, de f Institut.
LITTERATURE.
Histoire littéraire d'Italie , de P. L. Ginguené ,
membre de l'Institut ^ etc. , continuée par F. Salfi ,
ancien professeur dans plusieurs Universités d'Ita-
lie j etc. Tome X (i).
A la fia da siècle de Louis XIV, un préjugé défavorable à
la littérature italienne avait généralement prévalu en France.
Les traits lancés par Boileau contre le Tasse, les reproches
généraux qu'il fait au goût italien, dans son y4rt poétique,
avaient préoccupé l'opinion de nos littérateurs. Il était pour-
tant aisé de s'apercevoir, à la critique même que Boileau
fait du style de l'Arioste , dans sa Dissertation sur les trois Jo-
condes , que l'Aristarque français connaissait mal le génie de
cette belle langue, et qu'il n'avait point le sentiment de ses
grâces.
Certes , on ne peut disconvenir que l'abus de l'esprit n'ait
été justement reproché au Tasse , comme à presque tous les
poètes italiens, antérieurs au xviii" siècle. Mais fallait - il ,
pour cela , méconnaître celte heureuse hardiesse de pensées ,
d'images, d'expressions qui embellit leur style? J'ose dire
que ce préjugé dédaigneux a été funeste à notre poésie. Ainsi,
tandis que nos voisins d'outre-mer, justement frappés de lé-
clatde ces richesses étrangères, les reproduisaient sans cesse
dans leurs écrits, sous des formes et avec des grâces nouvelles,
nos poètes , après le grand siècle, tristement confinés dans li-
mitation des chefs-d'œuvre nationaux, ne mirent au jour,
pendant long-tems , que des ou-vTages décolorés. Il en est des
(î) Paris, 1825. Un vol. in-8°, 556 pogcs. P. Dufart, quai Voltaire ;
prix, 8 fr. (Voy. Rev. Enc. , T. II, pag.ji 1-026, l'an.-ilyse du T. IX de
la continuation de VHistoire littéraire d'Ilaiic]
loo LITTÉRATURE.
productlous Je riutelligeace humaine, comme de celles de !a
nature : de même que le croiseiueut des races améliore en
général les espèces, de même lalliauce des esprits modinés par
des mœurs et par des langages différens , enfante des concep-
tions plus vigoureuses ; et les idées , amsl que les plantes , se
plaisent à croître sur un sol étranger. Si Voltaire s'est élevé
si au-dessus des poètes ses contemporains, c'est peut-être
parce que Sliakespeare et Milton furent pour lui ce que les
poètes espagnols avaient été pour Corneille, et les anciens pour
Racine.
Cependant , à la fin du xvill* siècle, les charmantes poésies
de Métastase ramenèrent Tatteutlon des Fi'ançais vers les mu-
ses ultramontalnes. Malheureusement, cet homme de génie
avait en partie manqué à sa vocation. La nature avait fait de
lui un grand poète dramatique : faut-il qu il ait préféré à ce
noble partage , la triste dignité de poète impérial , poeia ce-
sareo ? Obligé de composer pour la cour de Vienne une mul-
titude d'opéras musqués , soumis par conséquent au double
caprice des courtisans et des musiciens , il se vit forcé de ré-
duire à un petit nombre de mots sonores le dictionnaire de sa
langue , d'énerver son stjle par une frivole galanterie , d'é-
touffer les mâles accens de Caton et de Tliémistocle sous les
soupirs de fades amourettes. Aussi , le succès de ses ouvrages
donna-t-il naissance à un nouveau préjugé , contraire à la lit-
térature italienne. On s'imagina que cette belle langue ne sa-
vait exprimer que l'amour, et un amour langoureux. On l'eiàt
volontiers considérée comme exclusivement propre à l'églo-
gue et au madrigal. On oubliait que c'est , au contraire , dans
les passions fortes , dans les images sublimes ou terribles, que
les deux grands génies de Tltalle moderne , le Dante et le
Tasse , ont surtout excellé.
C était un service important à rendre à notre littérature, que
de détruire les préventions qui nous délouruaient de l'étude de
LITTERATURE. loi
tant d'heureux moclèles. Tel fut le bat que se proposa Gin-
guené , dans son Histoire de la liltéroture italienne . L'Italie
avait déjà vu paraître beaucoup d'ouvrages consacrés à l'ana-
lyse de ses richesses intellectuelles. Mais , on croit pouvoir al-
flrmer, sans injustice, qu'ils étaient tous restés au-dessous du
sujet. Tiraboschi lai-mcnie, critique dai Heurs judicieux, ou-
blie trop souvent , dans ses interminables dissertations biogra-
phiques, qu'il écrit l'histoire de la littérature, et non celle des
littérateurs. Peu profond dans ses jugeniens , peu animé dans
son style , il ne soutient pas long-tems ratteniion du lecteur,
souvent tenté de le reléguer parmi ces écrivains que l'on con-
sulte avec fruit, mais qu'on ne peut pas lire.
La marche de Ginguené est à la fois bien plus hardie et bien
plus sûre : doué d'une raison supérieure , d'un goût délicat ,
d'une grande profondeur d'analyse , il réunit à ces qualités,
déjà si rares , une indépendance de jugement plus rare en-
core peut-être. Il sent , comme un véritable Italien, les beau-
tés des chefs-d'œuvre qu'il examine ; mais , s'aglt-il de dévoi-
ler leurs Imperfections , il redevient le critique français , ou
plutôt l'homme de goût affranchi de tous préjugés nationaux.
Faculté réservée à un petit nombre d'esprits supérieurs , de
se naturalisep ainsi dans les llttératiu-es étrangères , et d'en
juger les productions avec l'inipartialité d'un goût cosmo-
polite !
Un ouvrage tel que celui de Ginguené demeure entre
deux nations comme un monument d'estime , un gage d'af-
fection réciproque. Son influence est à la longue plus efficace
que celle de tel traité que la politique impose aujourd'hui, et
qu'elle déchirera demain. Les littérateurs animés d'un esprit
vraiment philosophique , ne sauraient trop avoir en vue de
pareils modèles. Les discordes et les rivalités des puissances
sont éphémères , comme les intérêts qui les font naître. Tôt ou
tard elles cèdent aux opinions nationales, qu'il est donné aux
103 LITTÉRATURE.
grands écrivains de diriger et de modifier. En établissant en-
tre eus , d'un pays à Tautre , des rapports intellectuels fon-
dés sur la justice et sur la bienveillance , ils accélèrent la ci-
vilisation des peuples , et leur préparent des jours de paix et
de bonheur. Telle est sans doute la mission que la Providence
a donnée au génie.
Frappé d'une mort prématurée au milieu de ses travaux ,
Ginguené avait laissé incomplet son grand ouvrage : Vffis-
toire de la liuérature italienne s'arrêtait vers la fin du xvi*
siècle. Plein de l'esprit et des inspirations de cet écrivain, M.
Salfi^, son ami , a formé le dessein de la conduire jusqu'à nos
jours. Il Aient de donner suite à cette utile entreprise, en pu-
bliant le dixième volume , qui termine l'histoire littéraire de
ce siècle justement surnommé l'âge d'or du Parnasse italien.
Ce volume contient cinq chapitres. Le I^' est consacré à
divers genres de poésie légère , tels que l'épigramme , le ma-
drigal, la Cab'e , la chanson, l'ode , l'élégie, les sylves , les
poemetti proprement dits, et enfin à ce genre de talent qui
est particulier à l'Italie moderne, je veux dire, l'improvi-
sation.
Dans le II" chapitre, M. Salfi traite de la poésie bucolique
et de la poésie rusticale, qui est comme une parodie de la pre-
mière dans l'idiome toscan vulgaire.
Le IIP embrasse les traductions en vers des poètes anciens,
la poésie macaronique , et enfin les nombreux poèmes latins
que l'Italie vit paraître dans le xvi* siècle.
Une multitude d'ouvrages remarquables sont analysés dans
ces trois chapitres. Parmi les écrivains dont ils nous font con-
naître la vie et les protluctions,on disfingue Tansillo, Bernar-
do Tasso, Alamanni, AnnihalCaro ^Sannazar , Sadolet, Fi-
da^ Fracastor, et l'inventeur de la poésie macaronique , le P.
Folengo, plus connu sous le nom de Merlin Coccai. M. Salfi
fait preuve d'une érudition fort étendue,en citant au tribunal de
LITTERATURE. io5
la critique beaucoup d'auteurs assez obscurs. Peut-être même
s'est-il trop appesanti sur quelques-uns d'entre eux. Il résulte
nécessairement quelque sécheresse de celte revue beaucoup
trop nombreuse d'ouvrages entaches de mauvais goùl. Ra-
mener au jour tant de faibles productions d'une littérature
d'ailleurs si féconde, c'est nous étaler ses misères plutôt que
ses richesses.
Dans le IV chapitre , l'auteur, après quelques aperçus gé-
néraux sur les rapports qui existent entre les arts et les lettres,
traite des ouvrages les plus remarquables qui ont paru , dans
le XVI* siècle , sur l'histoire et la théorie des arts. Il jette en-
suite un coup d'œil rapide sur les différentes écoles de pein-
ture qui faisaient alors la gloire de ITtalie , vaste et brillant
sujet que M. Salfi ne pouvait qn esquisser dans son ouvrage.
La musique, la pantomime, la décoration théâtrale, la dé-
clamation , occupent aussi leur place dans ce chapitre , qui
est d'un grand intérêt, et auquel il ne manque peut-être
qu'un peu plus de développeraens.
Enfin , dans le dernier chapitre de ce volume, bien supé-
rieur à ceux qui le précèdent, M. Salfi donne un résumé plein
de goût de l'histoire littéraire du xvi*^ siècle. Il s'enorgueillit
à juste titre de cette heureuse rivalité d'instruction et de talent
qui animait alors toutes les villes d'Ilalie. Chez les autres peu-
ples , suivant sa remarque, « c'est la capitale qui a toujours
absorbé les trésors de l'esprit , comme ceux de l'industrie de
la nation entière. Dans l'Italie du xvi* siècle, ce n'est plus
Rome seule qui brille et profite de toute la lumière. Non-seu-
lement les villes principales , mais aussi les moins remarqua-
bles, semblent lui disputer son éclat ; elles sont comme autant
de foyers d'où partent et se répandent les sciences et les arts.
Florence , Ferrare , Urbin , Bologne , Naples , Salerne , Ve-
nise , Padoue , Milan , Turin , Pavie , Gênes , Manloue , Sa-
bionette , toutes avaient reçu la même impulsion , et suivaient
ïo4 LITTÉRATURE.
leur tendance commune. De là , ce nombre prodigieux d e-
coles , d"universlk-s , d'imprimeries, de bibliothèques, et sur-
tout d'académies , qui , lors même quelles nous ont paru de
peu d'importance et quelquefois ridicules , tant par leur déno-
mination que par leur objet, prouvaient, du moins , ce be-
soin général qu'avaient les Italiens de s^instruire et de s'é-
clairer. »
» Cette ardeur pour l'instruction, qui partout ailleurs s'est
vue resti-eiute dans une classe pour ainsi dire privilégiée, n'é-
tait étrangère à aucune chez les Italiens de ce siècle. La litté-
rature semblait se confondre avec la civilisation nationale.
Des cours elle se répandait dans les rangs inférieurs des ci-
loveus, et jusque dans la dernière classe du peuple. Nous
avons vu presque tous les princes et les gouvernemeus dltalie
la regarder comme un attribut ou une marque distinctive de
leur grandeur... Ainsi, les cours ne paraissaient être que des
académies , et leurs courtisans que des hommes de lettres et
des savans distingués. »
Mais , bientôt , M. Salfî démêle , avec une sagacité remar-
quable , ce qu'avait d'imparfait cette civilisation , en appa-.
reuce si brillante. Outre limitation trop servile des anciens,
défaut caractéristique des écrivains de ce tems , une cause
plus générale, l'absence de la véritable philosophie, arrêtait,
suivant lui , l'essor du génie italien. Laissons-le nous expli-
quer lui-même les motifs de la direction frivole que prenaient
alors les esprits :
« Si Ton ne peut se dispenser d'attribuer une partie de la
gloire de ce siècle à la protection des princes qui gouvernaient
l'Italie , c'est aussi à leur influence que sont dus la plupart de
ses défauts. Ces Mécènes , en protégeant les lettres et les arts ,
ne pouvaient les faire servir qu'à leur propre intérêt. Les Mé-
dias leur donnèrent une toute autre direction que celle
qu'ils avalent reçue sous les auspices de la liberté. Il fallut que
LITTERATURE. io5
tout se pliât insensiblemeut aux. desseins des petits ducs de
Florence et de Léon X. Les Sforce firent de même à Mi-
lan , et tous les autres princes de l'Italie suivirent à peu près
cet exemple. Ainsi , les lettres , les arts , les écoles , les acadé-
mies, les savans, se trouvèrent tous animés et dirigés par l'es-
prit de ces princes et de leurs courtisans Or, quelle in-
fluence pouvaient exercer les princes d'Italie sur reî>prit des
peuples et des savans de leur tems 7 Ils s'efforçaient en vain
de couvrir leur faiblesse de l'éclat des lettres et des beaux-
arts. Exposés aux menaces et aux prétentions de voisins plus
puissans, ils sentaient le besoin des petites intrigues, de fby-
pocrlsie, de la défiance, et de ces plaisirs qui assoupissent
l'âme , et l'engourdissent , au lieu de la délasser. »
Cette manière générale et profonde d'envisager la littéra-
ture et les arts , nous montre, dans M. Salfi , le digne conli-
nualeur de Ginguené. Supérieur à tout préjugé national ,
comme celui-ci fêtait à toute prévention étrangère, il ap-
précie, avec la même impartialité que lui , les beautés et les
défauts des écrivains italiens , et l'on ne s'aperçoit pas que la
balance altcbangé de mains. Nous engageons M. Salfi à pour-
suivre une entreprise dont les résultats seront également fruc-
tueux pour la littérature des deux nations.
Il serait trop rigoureux, en jugeant f ouvrage d'un étran-
ger, de se livrer à une critique minutieuse du style. Nous in-
vitons cependant M. Salfi à soigner davantage, dans les vo-
lumes sulvans , cette partie de son travail. li sait trop bien que
félégance de fexpression ajoute à la force des pensées , et
que fincorrection mène à l'obscuilté. Il nous a, d'ailleurs,
donné le droit d'èlre exigeans, eu nous prouvant par plus
d'un passage de son livre , et surtout par f éloge de Ginguené,
imprimé à la suite de ce volume , qu il connaît le génie et les
ressources de notre langue. Cet éloge , qui fait autant d bon-
neur à son cœur qu'à son esprit, doit être regardé comme un
io6 LITTÉRATURE.
liommage solennel rendu par la littérature italienne à son sa-
rant et équitable historien.
Je terminerai cet article par une remarque en apparence
assez futile , mais qui n'est pas sans quelque importance au
sujet d'un ouvrage qui offre à chaque instant l'occasion de la
faire. M. Salfi n'a pas cru devoir traduire les noms des grands
génies de son pays. Il écrit donc toujours : Tasso , ArioHo ,
Michelangelo, Rajfatllo , Tiziano , etc. Je sens ce qu'il doit
en coûter à une plume italienne pour faire subir à ces noms
un changement qui semble les défigurer. Cependant , l'usage
a consacré parmi nous ce changement; et ces désinences
étrangères, bizarres et choquantes dans une phrase française,
peuvent même quelquefois dépayser un lecteur peu attentif.
Que l'Italie ne s'offense point de ce que nous avons ainsi fran-
cisé ses grands hommes. Ils sont devenus, comme ceux de
l'antiquité, les grands hommes de tous les pays. Montai-
gne seul, dans la naïve étrangeté de son slvle, dit encore
avec grâce Plato, P'irgilius et Petrarca.
Chauvet.
BEAUX-ARTS.
Histoire de l'art par les Mo^•UME^s , depuis sa déca-
dence au iv^ siècle, jusqu'à son renouvellement au xvi'|
pari. B. L. G. Seroux d'Agincourt, ouvrage enrichi
de 32 5 planches (i).
VViNCKELMANN a terminé XHistoire de l'art des anciens ,
au règne de Constantin. Vasari , et les divers auteurs qui ont
écrit les yles des artistes moderaes, ne sont remontes que
vers le milieu du xiii« siècle. Quelques écrivains, mais
en petit nombre , défrichant avec plus ou moins d'étendue et
de succès les landes du moyen âge , recherchant les monu-
mens et les écrits de toutes les époques propres à les faire
connaître, ont suivi l'art sans discontinuité en embrassant
toutes ses branches , archileclure , sculpture , peinture , vi-
traux, orfèvrerie, fonte des métaux, fabrication de tentures
et de lapis, dans tout l'espace resté vacant entre WInckelraann
et Vasari, c'est-à-dire, depuis Constantin jusqu'à saint Louis.
Leurs recherches ont mis en évidence un fait auparavant peu
connu et mcrae contredit : c'est que ni la France , ni l'Italie .
ni l'Allemagne , n'ont cessé en aucun tems , non plus que la
Grèce , d'exécuter de très-grands ouvrages de tous les genres ;
11 a été prouvé que, dans les ix% x« et xr siècles , les égU-
ses , les cloîtres , les palais étalent ornés de peintures et de
sculptures Innombrables et souvent colossales. On a montre
([ue ces tems d'ignorance ont eu des peintres et des statuaires ,
honorés parmi leurs contemporains d'une grande réputation ;
des poètes qui célébraient leurs ouvrages , quelquefois même
(i) Paris, 182Ô. Six vol. In-fol. TreuUel et Wurtz, libraires, rue de
Bourbon, n« 17. A Strasbourg et à Londres, même maison de com-
merce. Prix, papier fin, 720 fr.; papier vélia, lijofr.
«t'8 BEAUX- ARTS.
des écoles , où des maîtres abandonnés à la plus avengle rou-
tine, croyaient en se transmettant l'un à l'autre les pratiques
des arts, suivre encore quelques règles anciennes, et ensei-
gner aussi à leur élèves quelques bons principes. Muratori ,
Heyne, Fiorillo , se sont chargés de cette tâche laborieuse.
S'il était permis de se citer sol-même, l'auteur du présent ar-
ticle oserait dire qu'il croit avoir eu le bonheur d'ajouter
quelque chose aux témoignages rapportés à ce sujet, par de
si habiles professeurs.
Il existait, toutefois, une autre manière de remplir cette
belle page de l'histoire des arts. EUe consistait à laisser de côté
les vies des artistes , ainsi que les preuves écrites de l'existence
de leurs ouvrages , à s'emparer des monumens eux-mêmes,
à reproduire par la gravure ceux de tous les âges qui paraî-
traient les plus intéressans , à disposer cette nombreuse collec-
tion par ordre chronologique , et à placer sous les yeux des
hommes curieux de connaître les succès et les égaremens de
l'esprit humain , non plus des descriptions et des récits , mais
cette série de productions dun mérite si diaérent, et dont les
deux extrémités appartiennent à des époques si distantes l'une
de l'antre. Ce plan était vaste et magnifique : c'est celui que
M. d'Agincourt a suivi dans l'ouvrage que nous annonçons,
et dont la publication vient d'être heureusement terminée.
r/auteur a vu son sujet grandement. Voulant montrer en
entier les révolutions des arts , leurs erreurs , leur chute , leur
renaissance, il en a suivi la marche, depuis Constantin jus-
qu'à Léon X. Il commence même par présenter à ses lecteurs
quelques-uns des chefs-d'œuvre les plus remarquables des
beaux siècles d'Alexandre et d'Auguste , afin que l'opposition
soit mieux sentie entre la perfection de l'antique et la grossiè-
reté du moyen âge. On voit la sculpture et la peinture s'alté-
rer, dès le second siècle de l'ère chrétienne j on les voit se
corrompre, se dégrader de plus en plus; se précipiter enfin
BEAUX-ARTS. ioq
dans une barbarie, dont il serait impossible de se former une
idée , si le tems u'eu eût laissé subsister des preuves. Ensuite,
ces deux arts , et ceux qui en dépendent , se relèvent , en re-
Tcnaut à Tiraitation de la nature. La peinture renaît , c est à-
dire , le bon goût reprend son empire. Le génie de l'imitation
développe de jour en jour de nouvelles forces. Ses progrès
sont lents , parce que Tétude est difficile ; mais ils sont con-
tinus tant qu'il est exempt de système. Il parvient enfin , dans
les beaux ouvrages de Léonard de Vinci , de Michel- Ange
et de Raphaël, à une excellence qui, si elle n'égale pas la
beauté de l'antique , laisse du moins entrevoir la possibilité d'y
atteindre : tableau vraiment philosophique, o\x l'ignorance et
le savoir, où le penchant à la routine et l'esprit d'analyse se
montrent dans toute leur puissance, et où la barbarie de l'é-
poque intermédiaire est aussi étonnante que la sublimité de
l'âge qui avait précédé , et que la noble vérité de celui qui a
suivi.
Nous ne pouvons savoir assez de gré à l'auteur de ï Histoire
de l'art par les monumens ^ de ce qu'il a consacré trente an-
nt'es de sa vie , et une portion considérable d'une assez grande
fortune , à l'exécution d'une si belle entreprise. Pour rassem-
bler, comme il l'a fait , des monumens de tous les âges et de
tous les pays , et afin de ne point laisser de lacune dans la
suite chronologique qu'il devait offrir à ses lecteurs , il a fallu
d'immenses recherches , de nombreux voyages, et par consé-
quent , beaucoup de zèle et d'activité.
M. d'Agincourt a fait graver plus de quatorze cents monu-
mens , dont plus de sept cents étaient inédits. Ces objets com-
posent 325 planches , savoir, -yS pour l'architecture, 4^ pour
la sculpture , et 204 pour la peinture.
Les dessins sont réduits à de petites proportions : il eût fallu
les trésors d'un gouvernement pour les retracer sur une plus
grande échelle. Mais l'auteur a remédié, autant qu'il se pou-
i,o BEAUX-ARTS,
vait, à ce défaot îaévitable , ea dounant souvent, à côté de
Tobjel réduit , une tète ou quelque autre partie , grande
comme l'original , ce qui eu t'ait connaître le style. Il paraît ,
d'ailleurs , avoir apporté tous ses soins à ce que le dessin fût
rendu avec une parfaite exactitude. « Gravées sous mes yeux,
par les plus habiles artistes , les planches , nous dit-il , sont
exécutées avec une fidélité dent il y a peu d'exemples , et le
véritable caractère des originaux y est toujours soigneusement
conservé ; ce qui était de la dernière imporlance pour l'objet
que je m''étais proposé La représentation des monumens ,
ajoute-t-il, était tellement la partie fondamentale d'un ouvrage
tel que le mien , que par le fait celui-ci s'est trouvé terminé
lorsque l'ordre et l'arrangement des planches ont été définiti-
vement arrêtés ; j ^oserais même croire que très -souvent elles
offriront , à elles seules , une histoire suffisamment claire et
complète , à l'œil exercé de l'artiste qui voudra en parcourir
alteutivement les diverses séries. ( Préface , pag. ij. ) »
Ces planches exigeaient un travail considérable j c'était de
les accompagner d'une /Tofice détaillée des objets qu'elles ren-
ferment. « C'est ce que j'ai fait , dit l'auteur, en rédigeant avec
Tatlention la plus scrupuleuse une Table analyt.ique des
planches , disposée suivant le même ordre que celles-ci , et
contenant , outre l'indication précise de tout ce qu'il importe
de savoir sur chaque monument , une foule de documens pré-
cieux et de détails importans qui ne pouvaient pas entrer dans
le tissu des discours sur chaque art. ( lôici. ) » Cette Table
analytique fait connaître le lieu où se trouve chaque monu-
ment, sa destination, l'époque à laquelle il appartient, le
nom de l'artiste, quand il est connu, les gravures qui en ont
déjà été publiées , lorsqu'il en existe.
Après des renseignemens si précieux , un texte n'était plus
absolument nécessaire. L'auteur a cependant accompagné les
planches , i° d'un Tableau historique de l'état civil et poli-
BEAUX-ARTS. 1 1 1
tique de la Grèce et de C Italie , depuis la première époque
de la décadence de l'art-, jusqu'à son renouvellement com-
plet; 1° de trois Discours historiques , sur l'architecture , la
peinture et la sculpture.
u Mon Tiihleau historique est, dit-il, une esquisse rapide
des évi'neint'us les plus importans que présenteut, dans ce
que je crois pouvoir appeler le monde des sciences et des arts,
les douze siècles qui séparent Constantin de Léon X ; il a spé-
cialement pour objet , de faire ressortir l'influence des causes
générales qui , dans tons les teras et dans tous les lieux , déci-
dent du sort des beaux-arts. (^Préface ^ pag. i.) » Les Dis-
cours historiques donnent de nouveaux renseignemens sur
les objets dont se composent les planches. L'auteur compare
ces objets entre eux ; il fait remarquer, tantôt la perfection de
l'art , tantôt sa décadence , tantôt son amélioration.
Dans le travail de M. d'Agincourt , tout a l'utilité pour but.
Quelques parties ont reçu plus de développement que les au-
tres, soit parce qu'elles offraient plus d'intérêt, soit parce
qu'elles pouvaient faire naître des idées neuves. C'est par ces
motifs que l'auteur a présenté une description des plus célè-
bres Catacombes , païennes et chrétiennes ; des Recherches
sur l'origine et le caractère de l'Architecture appelée go-
thique; une notice chronologique des divers procédés de l'art
de bâtir ; des dociimens multipliés sur les Djptiques ( pein-
tures ou sculptures fermées par des volets ) grecs et latins ;
sur la Fonte en bronze, la Ciselure et la Damasquinure ;
sur VArt de graver le cristal; un Essai historique sur la
Peinture en miniature , etc.
Il serait inutile d'entrer dans de plus grands détails , pour
faire apprécier l'importance de cet ouvrage. On chercherait
vainement ailleurs la représentation de cette Immense quan-
tité de monumens , dlssénilnés sur la surface entière de l'Eu-
rope , renfenatiés dans des catacombes , iuhércas aux mur*
112 BEAUX-ARTS.
d'une multitude d'anciennes églises, placés dans des biblio-
thèques ou dans des cabinets , que l'auteur a retirés de leur
obscurité , et réunis sous les jeux de ses lecteurs. Cbaque
jour, le tenis acliève de détruire quelqu'un de ces vénérables
restes, soit de l'art des anciens, soit de la piété du moyen âge.
Depuis que le respectable d'Agincourt a commencé son tra-
vail, combien de monumens qu il a décrits ont cessé d exister !
Tant de causes conspirent sans cesse contre la durée des pro-
ductions de l'art! Ne devons -nous pas nous féliciter de ce
qu'il s'est rencontré un homme laborieux , qui , ne pouvant
seul les protéger contre tant et de si puissans ennemis , a pris
soin du moins d'en retracer l'image et d'en perpétuer la mé-
moire ?
Une semblable collection n'est pas d'ailleurs sans quel-
que utilité morale. Quand on voit l'immense différeuce qui
sépare les beaux, ouvrages de l'antiquité, d'avec ceux du ix*"
et du x^ siècles , comment n'être pas frappé des causes
qui , après une telle sublimité , ont amené une si profonde
barbarie? Combien de calamités ont dû affliger les peuples ,
combien de vices ont du souiller la législation, pour que ie
ciseau qui sculpta les frontons du Parthenon se soit avili , en
passant de main en maiu, jusqu'à produire des ouvrages tels
que les bas-reliefs de Saint-Celse et Saint-INazaire, le dyptique
d'Arabona , les médailles de nos premiers princes croisés?
Comment nos pères pouvaient-ils tolérer de si vicieuses imi-
tations ? Les artistes de ces tcms mallieureux navaient-ils pas
la nature sous les yeux pour l'imiter? Les princes et les prélats
ne pouvaient-ils pas, d'après ce modèle, apprécier de si
monstrueuses images? Déplorable effet des guerres prolon-
gées , de la servitude et de l'ignorance î J^a prospérité des
arts n'atteste pas toujours dune manière non équivoque le
bonheur des nations ; mais de graves égaremens sont un signe
certain de quelque corruption dans l'organisation sociale.
BEAUX-ARTS. ii3
L ouvrage de M. il Ai;iiicourt conduit naturelletnent à ces
rélicxions. Ce sont les laits qui parient; la leçon est dans les
luonuuK ns mêmes et dans ienr raijprocl.ement. J.es arts sont
peut-être, de tontes les productions du g- nie , ceaes oii se
mani. estent le plus clairement les îiabituilesdessooi''tés. L'ob-
servateur jug<î des moeurs d un peuple, à rinspecfirtn de ses
statues et de ses tableaux, eonimc le médecin reconnaît T-tat
de maladie ou de santé d'un homme , d'après les signes exté-
rieurs fjue présentent ses regards , sa physionomie , la cou-
leur de sou teint et toutes les habitudes de son corps.
T. B. Éi\i?:Ric-DAVlD, de l'Institut.
«/Wt wv« vwwvv\
Encyclopédie des dames (i). Ess\i sur la danse antique
ET MODERNE , par M"^ tl'lSt VoiART (2).
C'est une heureuse idée qu'a eue M. Audot de donner au
public une Encyclopédie des Dames , et une idée j>ius heu-
reuse encore de leur avoir confié l'exécution des ouvrages qui
ont plus spécialement rapport à elles. Nous n'aurions, sans
cela, ni le Manuel de la inailvesse de maison , par ;VJ™« i*A-
RiSF.T, ni la Maison de campagne de IVl'"^ Jglaé Adanson ,
ni \! Histoire de la musique de M"'^ deBawr, ouvrages d'une
saine ei utile littérature , auxquels ne le cède en rien ['Essai
sur la danse antique et moderne de M'"^ Elise Yoiart, dont
nous allons rendre compte.
M-"^ Élise Voiart est déjà connue par de très-bonnes tra-
(1) Voyez , pour its'parlies de l'Encyclopédie des Dames qui ont paru ,
Rev. Enc, T. XI, p. iSgctSyS; T. XII, p. i55et 170; etT.XVIII,
p. »95-
{1) P.iris, iSaô. Un vol. in-12 de 25o pages; prix, 4 fr- Audot, rue
des iMaçons-Sorbonne, n° 4»
T. XX. — Octobre i823. 8
ii4 BEAUX- ARTS.
ductioDS de plusieurs romans d'Auguste La Fontaine, par un
ouvrag&<:harniant sur/a Toilelie., faisant partie de ÏEncyclo-
pédiedes Dûmes, el surtout par [a Vierge d'Arduhie,t\\x\ , dans
un cadre beitreux, présente les mœurs et les usages de notie
nation avant Tère elirétienne (i). Le sujet et la manière dont il
est traité préseiverout cet ouvrage du sort de tant d'autres li-
vres éphémères. Une grande érudition, parfaitement digérée,
y rappelle souvent le célèbre vojage de l'abbé BarUiélemy,
qui serait un chef-d'œuvre classique, si le stjle n'en était lé-
gèrement déparé par un travail qui sent quelquefois la pré-
tention , défaut qu'on ne peut reprocher au st)'le de M™«
Voiart, toujours pur, simple, et élégant sans affectation.
Mais venons à son nouvel ouvrage. « J'ai entrepris, je le sais,
dit-elle, dans un avant-propos plein de grâce et de bon sens ,
une tâche diiEcile, en m'engageanl à faire un livre sur un su-
jet léger, frivole même, et dont l'utilité réelle est plus que
douteuse : cette idée est capable de glacer l'imagination la plus
féconde. Il me semble que je commence une de ces danses
périlleuses, où le pied craintif n'a pour arène qu'une corde
tendue. » Que M"!'^ Voiart n'abuse point de son esprit pour
déprécier ainsi son travail, ea nommant inutile ce qui sert à
nos plaisirs, et qui peut tourner au perfectionnement de
l'homme et de la société.
L'origine de la danse , son caractère chez les anciens , ses
espèces et ses variétés chez les Grecs et les Romains , le pas-
sage de la danse antique à la danse moderne, la danse en
France et en Europe , quelques considérations générales sur
ce qu'elle est dans les quatre partie-; du monde, telles sont les
divisions que l'auteur s'est tracées , etqu'H a parcourues avec
succès.
(i) Voyez, cl dessus, Rev. Enc. , T. IX, p. 1 1 i-i 17, le compte rendu
de La Vierge cL' Ardutnc , par M. le comte de Skgok.
BEAUX-ARTS. i,5
L'homme rjui «'prouve de vives sensations est forcé de les
manilesit'r pai- la voix et le geste; la voix acceutm'e est chant;
le geste mesuré est danse. JNous dansons parce que nous sen-
tons , el nos danses prennent le caractère de nos sensations.
La joie excitant à sonmelt-e les niouvemens du corps à la
cadence, les premit.-res danses lurent l'expression du plaisir.
Ensuite, la reconnaisauce des premiers humains qui présenta
sur le-^ autels de la Divinit('' des iicurs, des fruits, les prémices
des moisons el des lroui)eaux, lui oflrit aussi les premiers
scntimens de honlieur mauiieslés par des pas mesurés et ca-
dencés. IVl"'^ Voiart prouve ion bien, contre M. de Cal.usac,
auteur dun Traité de la danse, que « la dan:e, expression
d'une joie naïve et passagère, a dû exister avajit le d. veiop-
pement des facidtés inlel'ecluellcs (!•: Ihomme », et quelle a
été plaisir innocent, avant d'èlre un hommage à la puissance
qui gouverne lunivers. Ce chapitie est ttrminr' par des con-
sidérations sur les inconvénieiis de la danse iorsqu ou s'v li-
vi'e immodérément.
Les Egyptiens firent de la danse la partie principale de leur
culte religieux ; dans ses myst; rieux hiéroglvphes, rÉgvpte
figura le mouvement du ciel , les actions de ses héros et de
ses dieux , qui nV taicnt elles-mêmes pour la plupart que des
allégories astronomiques. Avec les vases de TÉgypte , les Hé-
breux en emportèrent 'es danses sacrées. « Louez le seigneur
au son des trompettes ; louez-!e en harpe et psalterlon ; louez-
le en multitude d.< chants harmonieux j louez-le par des
chœurs et des danses, »
Te que Moise avait fait pour les Hébreux, Orphée le fit
pour la Grèce, où il transporta le culte, les mystères et la
danse des prêtres de Saïs. Lyourgue lui donna entrée à Spar-
te ; (( le divin Platon traça ses lois; les généraux, les philo-
sophes , les orateurs, tels que Périclès , Xénophon , Épami-
nondas , Socrate, s'y adonnèrent, sans croire déroger à leur
I iQ BEAUX-ARTS.
caractère. » Ceux qui sont étonurs des effets prodigieux que
la daiise produisit chez les anciens , ne songent pas à la cor-
rélation nécessaire qui existe entre les attitudes du corps elles
passions de Tàme. Les mouvemcns hardis et mesurés qui por-
taient le Spartiate contre l'ennemi excilaieat d'autres senti-
meus que les pas mous et iiexihlcs des filles d'Ionie, exécutés
en catlence.
Le tiolsièrae cliapitre traite des danses grecques. Il n" csl ,
pour ainsi dire, point de passion, point de d''sir, point de
voîuplé qui u ait eu sa dause propre, On peut néanmoins les n'u-
nir, ainsi que tous les beaux-arts, sous trois grandes divisions,
le suî=>linie, le tcaipéré, le gracieux. « Au rremicr rang était
la noble et sévère Enunéleia, danse sacrée , destinée à retra-
cer les actions des dieux ou les mystères de la uaiurc.... Ve-
nait ensuite le Cordax, danse vive, légère.... La troisième
portait le nom de S-kiiinis.... Les danseurs étaient velus d'un
petit manteau tissu de tieurs de toute espèce. Us s'étudiaient à
imiter d'une manière ridicule les danses sérieuses des autres
sa'tateurs. >i
Tous les beaux-arts se tenant par !a main, si la statuaire pro-
fitait des poses et des niouvemeus des haLi'es danseurs pour
les imiter, ceux-ci se modelaient sur les chefs-d'œuvre des
grands sculpteurs. « Ces chefs-d'œuvre, voués à Timniorta-
llté , instruisent à leur tour les saltatrices des siècles qui leur
succèdent : elles les consultent avec soin , et se modèlent sur
lesnobles productions des Praxitèle et des Scopas, de peur de
perdre ce caractère de pudeur, charme puissant ds la danse
antique, dont le marbre conservait les précieuses traditions. «
L'auteur arrive aux danses romaines. « La danse propre-
ment dite n'était point dans le génie primitif des Romains ; et
dos siècles s'écoulèrent avant qu'ils en connussent les char-
mes.... Ce n'était que par degrés que les Grecs avaient passé
des danses allégoriques aux danses voluptueuses.... Les Ro-
BEAUX- ARTS. 117
mains, moins délicats et peut-être plus arflens pour les pi.ii-
sirs , conimenccrcnl par où les Giccs avaient ilni.... De là To-
rigine du mépris aKaciié à la profession de danseur. »
Dans le premier cîinpitre de la seconde partie , l'auteur,
après avoir traversé les siècles i!c barbarie, et nous avoir mon-
tré Téglise tantôt proscrivant, tantôt sanctifiant les danses, ar-
rive à celles qui sont usitées en France.
Un morceau excellent , plein de grâce , ei même de pi>ilo-
sopbie, est celui qui traite de la contredanse. Les bornes de
cet article ne nous permettant pas de le citer, le lecteur le trou-
vera, page 1 32 et suivantes. r>l"'= Voiart rogw;t{c que celle com-
position cborégrapiiiqucuc soit point doiiginc française ; nous
osons rassurer son amoiu'-propre national, parce que les rai-
sons qui la font venir d'Angleterre nous paraissent faibles et
peu fondées. Voici ces misons : u Countrj-dance signifie en
anglais clause des cliaiiip.s. » Nous opposons à ces inductions
les observations snivaiUes :
1°. Nous ne connaissons aucun mot français dans letiue! en-
tre le mol contre ^(\u\ ait pourétvmologie le mot anglais ro«/r-
tiy, 2" dans 'près de cent cTîniposés français, le mol contre
signifie en opposition, vis-à-vis; 5" l'essence de la contredanse
est dans la figure qui place un danseur ( t des groupes de
danseuses en face les uns des autres ; 4" ""^ partie de la con-
tredanse porte le nom de chaîne anglaise^ pour la distinguer
de sa totalité, qui est française ; 5° une telle danse ne peut ve-
nir des champs, puisque , snivanï l'auteur, elle est l'image de
l'urbanité française et l'emblème de la bonne société.
Dans l'ouvrage que nous examinons, les danses des divers
pays sont caractérisées suivant leur degré d'importance ; elles
sont analogues au\ mœurs et aux climats. Etant l'effet d'une
nécessité instructive qui porte à évaporer une surabondance
de vie et de sensations, comment ne îiendraient-elics pas de
ii8 BEAUX- ARTS.
leur cause? Aussi , l'aulcur ob->ei ve qu'on ne danse pas au—
deià du (j2 ;iogré de latitude, et que les Asiatiques , blasés-
dans leurs ^loùts, et à qni il ne reste une exubérance d'activité
que dans i'iiuagiuation, se contentent de 1 exciter par ie spec-
tacle des danseuses, qui sont le princip il ornement de leurs
fêtes. Les filmés et les Bayadh es enivrent les yeux des peu-
ples corrompus, par la barbarie ou par l'excès de la civilisa-
tion. La licence de leurs atlrludes va contre le but qu'elle se
propose , en rétrécissant les limites de la jouissance , et en la
renierm-int dans une grossière sensualité. La pudeur recule
iudétiniment ces limites j elle est ie mystère de la volupté.
Massias.
IIT. BULLE n?^ BIBLTOGR/\PH[QUE.
LIVRES ÉÏRAISGERS (i).
AMERIQUE.
ÉTATS-UNIS.
1. — A Journal of travels inlo ific Arkansa tcrrhonj, etc. — Journal
de voyages dans Je territoire d'Arkansas, pendant l'année 1819. avec des
observations sur les mœurs des Aborigènes, orné d'une carte et de plu-
sieurs gravures; par Thomas IWttall, membre honoraire de la Société
philosophique américaine, et de l'Académie des sciences naturelles.
Philadelphie, 1822; Th. Palmer, Un vol. in-8", 296 pages.
Parmi les grands traits de la géographie de l'Amérique septentrionale,
un des plus remarquables est le bassin du iMississipi. Ce (louve majes-
tueux parcourt environ 5, 000 milles, du nord au sud de sa source, et,
après avoir reçu plusieurs courans tributaires, dont quelques-uns t-ont
aussi larges que le Danube, il décharge ses eaux dans le gulfe du INIexi-
']ue. Cet immense bassin s'étend depuis les monts AUegliani et Apala-
ches, qui bordent à l'est l'ancien territoire des Etats-Unis, jusqu'aux
montagnes rocheuses (rocky tnountains) qui le séparent du Nouveau-
Mexique, et des autres parties situées le long de la côte occidentale du
continent. Toute cette région, habitée autrefois par les nombreuses
tribus des naturels , est maintenant couverte d'établissemens européens,
devant lesquels se retirent les propriétaires primitifs do sol. Le but de
M. Thomas Nuttall, en écrivant ces voyages, a été de donner un aperçu
de l'histoire naturelle du pays qu'arrose la rivière Arkansas. avant de se
jeter dans le Mississipi. Les États-Unis y ■ nt déjà fondé plusieurs colo-
nies, et il est probable que l'agriculture et la civilisation effaceront
bientôt les traits primitifs de cette région. Parti de Philadelphie en iiSiH,
l'auteur traversa la chaîne des Alleghany, et atteignit Pittihourg , qui
(communiquant par d'excellentes routes aux disiricts de l'orient, b3ti
(i) Nous iadi((iieri.ns"^r un astéiis'iuo (*] placé à côtèda titre de chaque ou-
vrage, ceux des livres étrangers ou français qni paraîtront dignes d'une attention
pdi ticuîièie, et dmit nous rendrons (juelqiiofois compte dans ia section des Analyses.
lao LIVRES EÏRÂISGERS.
sur l'Oliio, an confluent de la Monongabeta et de l'Alleghany), peut
être reg.iide coiiiiiie un entrepôt pour les pays situés de chaque côté des
montagnes. Les bords de l'OLio étaient garnis de plus de cent embar-
caîions de toute espèce. Des bateaux à vapeur, des bateaux à charbon
atiendjitnt tous avec impatience la crue des eaux , qui étaient alnis liès-
basses. !.'■ charbon de terre e>t très-abondant aux environs de Pi'ts-
bourg, et r.iil une des richesses de celle ville. M. Nultall s'embarqua et
descendit TObio. Au bout de cinq jours, il arriva à Wheeling, <lépôt
de cette partie de la Viiginie. 11 visita les établisseniens suisses de V«'vay
et de Gand, où l'on a tssajé d>' cultiver des vignes, mais sans succès;
ensuite , Louisville , dans le Kentucky , ville grande et floiissautc . quoi-
que iuf'csièe d'un esprit de jeu de bourse qui a multi|'lié de-* banques
sar.s confiance et sans crédit. Il passa les chutes de rO!iio; elles ne pa-
raissent p;is très-redoutubles. Les bateaux à vapeur de la Kouvelle-Or-
léans, qui remontent l'OLio jusqu'à Shippingsport , au-dessous des
chutes, sont du port de 5 à 5oo tonneaux; ils descendent ordinairement
à la Koiiveile-Orléans en dix-huit jours. Le voyageur atteignit l'embou-
chure de rOhio, et entra dans le Mississipi. Le pays qui avoisine ces
deux rivières c-?t inhabité à cause des inondations; mais il abonde en
gibier. La navigation est itifficile et souvent dancrireuse , [>ar la quantité
d'arbres entraînes par le (Ouiai,t. el qui, rencontrant qui îque obstacle,
se tixent au fond de la rivière, et foinient des espèces de .>igiies ou d'é-
cueils contre lesquels les i^ateaux courent-.iisqiic de se briser. Lis bords
du Mississipi, comme ceux de lOiiioj sont |)ar.venié> de plaines, de
bois, de hameaux, de vilies naissantes, el des camps des l.idiens. A{)rès
une D.ixi^atioi) de viogl-quatre jours sur le Mississipi, M. Nullal! entra
dans rAikan>as. Les premières lubitavions qu'il découvrit faisaient par-
tie d'un petit établissement français, où la terre est cultivée et produit
du blé et du colon. En peuétrant plus avant, il ne remarqua aucun
changement dans la végétation; on n'apeieevait que d'immenses forêts
où l'on ne vo.ait aucun sentier. Aucune luine ne rappeiail l'empire de
l'h.iini>e; la terre avail tout le hixe ^auvage de sa nai.-sance : elle con-
servjii son < mpiernle | rimilive. L'auteor raconte ensuite son entrevue
axée un chef des Quapaws, qui lui jiMwitra un traité pai lequel lui el sa
nation s'eng.ige^ii iit à céder une | ortion considérable de terres qu'ils
j)Ossédaienl, moyennant la somme de 4-000 iloMais, et une rente an-
DUfl.'c (If I ,o>o dollars «n nirre! an<!îses. A pies une longue tournée ilans
ces léijioiis nouvcili ment acqu s- s par le- Etals Lnis . et vers Icsqeelles
se.i.rg ni lis llits immenses .j'iine populatiin d'émi.rés européens,
M. Nu Hall visita les élablissemens réguliers qui s'étendeal sans inler-
LIVRES ETRANGERS. 121
ruplion jusqu'à la Nouvelle OiltMns. Il préscnic un triblcnu tlTray int de
la cniaule dont on u.m- invtr.s ks Nejjrcs; il cilo inèiiu li- nom cl'un
Aniéiiciiio rcpulc pnur le pius alroce des tyrans. Ces misérables pro-
piiélaires passent leur vie a jouer, à boire, el à dissiper dans des ■ rgies
l'or baigné de sang que rapportent leurs terns. Dans un ..ppendice,
l'auteur donne une esquisse de l'aneienne population des bords du Mis-
sissipi , tiréi d'une relation de l'expédilion de t'erdinaiid de Solo, qui
mit à la voile de Cuba , avec i.ooo hoimncs , en i5ôy, et qui. débjrquant
en Floiide, s'avança jjsqu'au MIssissipi, el explora une grandi- partie
de ce vasie pays, d'où il ne revint, eu ^/^'t , que ii5 persoi.nes de
celles qui l'avaient suivi. Cet ouviage sera du nombre de eeux que l'on
pourra consulter avec fiuil, pour connaître les rapides progrès de 'a ci-
vilisation en Auiérique, et Taspeet primitif da pays et de st s liabitans.
L. Stv. B.
2. — j4 dixcourse , on ihc importance of ctiaraclcr and educalion ,
etc. — Discours sur l'importance de I éducation dans le.- Etals-Unis,
prononcé le 2ù novembre 1822, par John GriscoUj prolésseur à Ke'.v-
York , a l'ouverluie de son cours de pliy^ique experinii-nlale et de clii-
/nic. JNew Yoik, iSaô; imprimerie de Mahlon Uay. Biociiuie de 21S
pages iii-S°,
M. Ciiscuni n'a pas voulu seulement*, dans ce discours, démontrer
l'utilité de l'édutatiun pour les Liats Unis, il s'est atiacbé à si;^na-
ier rhci.riuse inllueiiCi; d'une éducation |)ei l'cctioiinée sur les progrès
de ^iudu^l^ie , des sciences el des arts , el sur l'amelittralioit des mœurs
dans tous les pays. C'est pt'itot pai <les exemples que par des rai-oime-
mCHS qu'il cbercbe à pnuver celle giande vérité. Il nous p'-ésente d'a-
bord l'Ecosse, la Hollande el laS.iisse, où les institutions littéraires et
les écoie.-< paioissiales sont si répandues, et où le peuj)le, surtout dans
la jirem-èie de ces contrées, parait devoir à ces bt-lics iustilutioiis sa
sujerioiilé morale et sou bouh-jur. Nous opposeron-, comme lui, à ces
pays ceux où l'anarcLio , le de.vpoli.-imc cl la supcr^^iition (ioînioent et
oppriment, el nous altribiieruiis ces fléaux à l'ignoiance et au défaut
presq.;t ;rbso!u vi'éducalio!!. .VI. Griscoin se plau à roconnailre les in-
tentions généreuses des bomuusdc bien de tous les pi'y-'j pour répan-
dre sur toutes le» cla.-ses 'es i)ien!'aiu de l'éducation. Il cite la Fiance,
et les travaux de la .Si ciélé pour l'enseignement élémentaire. Fuis, re-
venant au suj' t indii)ué par le lilre de Sun discours, il f.;it observer
qu'aux Elals-Uiiis, avec nés insliluiions qrii ouvrent à cbaque citoyen
la carrière des afldires pubi-^ues, une éducation liLéialc, et-générale-
ixicnt répandue, esl surtout nécessaire. 11 iait valoir les avantages qu'of-
•i
laci LIVRES ETRANGERS.
freotà leur tour, pour atteindre ce but, ces mêmes institutions, et la
jeunesse d'un pav appelé à profiter de l'expérience et des malheurs de
la vieille Europe. Enfin , il exprime le noble vœu de voir un jour sa
patrie, élevée au plus haut rang par l'influence de l'éducation, servir de
guide et de modèle ans nations européennes dans la route de la civili-
isation et de la vériiable liberté. A. J.
EUROPE.
GRATiDE-BRETAGNE,
3. — Sketches in Bedlam , or Characterîsiic traits of insanity. — Es-
quisses faites à Bedhim, ou Traits caractéristiques de l'glie observé.s sur
cent quarante-deux fous des deux sexes, etc. ; par un constant observa-
teur. Londres, iSaô ; Sberwood, Jones. Un vol. in-S", 012 pages.
Le titre de cet ouvrage pouvait faire croire d'abord qu'il était d'un
médecin pbilantrope, assez dévoué au bien de ses semblables pour se
consacrer à la plus triste élude qu'il soit possible de faire , afin d'en tirer
quelques lumières propres à rendre la raison aux malheureux qui l'ont
perdue. Il semblait que ce motif pouvait seul décider un homme p épier
les tristes lueurs qui apparaissent au milieu de cette sombre nuit, à
contempler la dégradation de notre espèce sous un de ces plus affligeans
aspects. Kous espérions que son dévouement ne serait pas inutile, et
qu'il allait nous communiquer des observations curieuses, et peut-être
d'importans résultats. Quel a donc été notre étonnement, nous dirons
même noire affliction, en voyant que cette galerie d'infortunés était
offerte au public comme un sujet d'amusement! L'auteur, quia bieri
fait de garder l'anonyme, oubliant toute pudeur, a nommé ces mal-
heureux, les a exposés, dans tout leur abaissement, à une curiosité indé-
cente et cruelle. Ainsi, leurs familles , eux-mêmes peut-être, quand ils
auront repris leur place dans la société, deviendront l'objet de la risée
publique ou d'une insultante pilié. Malgré les bienfaits inséparables de
la liberté de la presse, il serait à souhaiter qu'on pût, en pareil cas,
réprimer une licence aussi déplacée qu'inhumaine. Les journaux anglais
ont fait justice de ce libelle d'une nouvelle espèce (qui ne peut être
comparé qu'à certaines Biographies d'hommes vivans, tout aussi indé-
cemment scandaleuses, dans un genre plus dangereux encore), et nous
nous joignons de bon cœur à eux pour le vouer au mépris.
4- — Letters on iht state ofChrîstinnity in India. — Lettres sur l'état
du Christianisme dans l'Inde, dans lesquelles la conversion des Indous
est regardée comme impraticable; par l'abbé /. A. DtBois,missionnairB
LIVRES KTRÂNGFRS. ia5
dans le Misore, auteur de la Descriplion du peuple indien. Londres,
1820 ; I.ongman. Un vol. in-îS" ; prix , 9 siu'llnigs.
Cet ouvrage ne peut manquer d'iniéressir le monde chrétien; il est
le fruit de trente ans d'observaiions faites par un ecclé-ia>tique employé
aux missions, qui a, plus que personne , le droit de donner son avis sur
une chose aussi importante. Il réduit la question à ces deux pomts :
. T a-l-il une possibilité de faire de véritablis roiiverlis au christianisme
parmi les naturels de l'Iude? — Les moy.-ns qu'on a pris, et surtout la
traduction dt s sainles Écritures dans les dififcrens idiomes du pays , sont-
ils propres à conduire à ce but désirable? Je n'hésite pas, dit -il, à
répondre négativement ; mon opinion arrêtée, mûrie et basée sur des
faits, est que dans les circonstances présentes il n'y a aucune possihihlé
humaine de convertir les Indons à aucune secte chrétienne, et de plus,
que les traddctions des saintes Écritures répandues parmi eux, loin d'a-
mener ce résultat, augmenteront au contraire les préjugés des naturels
contre la religiou du Christ, et y deviendront presque toujours nuisibles.
Ces asseilions, venant d'une personne de ma profession, peuvent pa-
raître hardies ou extraordinaires; je ii-s appuierai donc des preuve^ que
m'a fournies une longue expérience dans la carrière du prosé'ytisme. »
Remontant alors aux premières tentatives faites parles Jésuites, pour
introduire la foi catholique dans l'Inde, l'abbé Dubois passe en revue
les obstacles qu'ils rencontrèrent : la plupart avaient leur origine dans
le culte des Brames. Cependant, à force d'abstinence , de sobriété, de
douceur, les Jésuites s'insinuèrent dans l'esprit du peuple, et firent un
grand nombre de convertis. Mais l'invasion européenne qui eut lieu à
cette époque, les contestations sanglantes qui s'élevèrent entre les An-
glais et les Français , les communications qui s'établirent entre Us étran-
gers et les naturels, révélèrent bientôt à ces derniers que les mission-
naires, qu'ils avaient pris d'abord pour des braraines d'une espèce su-
périeure, n'étaient que des Francis ou Européens déguisés; que leur
patrie, leur religion, leur éducation étaient les mômes que celles des
vils et méprisables Frangis qui avaient dernièrement envahi leurs pos-
sessions. Dès-lors, il ne se fit plus de conversion ; l'apostasie fut géné-
rale; le christianisme devint un objet de mépris et d'aversion, à mesure
que les Indous connurent mieux les mœurs européenm s. Cette mpres-
sion n'est point effacée. Lorsqu'un Indou d'une caste élevée embrasse
la religion chrétienne, il voit ses amis, ses proches l'abandonner; ses
biens, son héritage, tout lui est enlevé. Le titre de chrétien est nn
sceau d'infamie, et la proposition de se convertir au christianisme est
regardée comme une insulte. Les convertis deviennent de jour en jour
124 LIVRES ÉTRANGERS.
plus rares. La forte des préjugés est incroyable parmi les ludous : 0»
peut les persécuitT, les réduire eu esclavage, leur eulcver leuis fem-
mes, leurs enfans, les charger de chaînes, les envoyer en exil, ils se
soumcllront à tout; luais si vous teniez de cbani;er leurs institution»
civiles ou religieuses, vous les trouverez intraitables. Or, toute leur
croy.iOce est eu opposilîon directe avec la foi qu'on veut leur inculquer.
Ils frémissent d'horreur au récit des sacrifices d'animaux oflerts par tes
Juifs, selon leurs lois anciennes. Chaque ligue des saioles Ecritures
leur seuible une sorte de blasplième, 6u de censure de la religion des
Brames; et ils s'empressent de se purifier quand ils ont lu ou entendu
ces préceptes. L'abbé Dubois rapporte plusieurs anecdotes qui donnent
une idée juste des dififioultés, cl peut-être de l'impossibilité que l'on
rencontre à propager la religion chrétienne dans l'Inde. Ses aperçus
sont d'un homme éclairé , et répandent un nouveau jour sur une ques-
tion d'un haut inlérct. Louixe Sw. Belloc.
5. — For Ihe oracles ofGod, four ovations. For judjment to corne, an.
argtiment innine farls. — Des oracles de Dieu (quatre senuons). Du
jugcmctit fvitur, argument en neuf parties; par le révérend Edouard
Irving. Londres, iSaJ. In-S".
Un prédicateur nouveau , du nom d'irving et Ecossais de naissance,
est venu captiver l'attention du beau monde de Londres, au moment
où un autre Irving, Américain spirituel, partait pour le continent.
Tous les journaux de la métropole ont cherché à expliquer la vogue ex-
traordinaire de l'Aateur sacré, et à juger son talent. La petite église
réservée au culte écossais, el qui naguère encore était presque trop
grande pour les fidèles, ne peut plus contenir l'affluencc des curieux,
parmi lesquels on remarque des hommes d'état, des dames de la
haute société, des hommes de lettres, et en général plus de gens du
monde que de dévots; enfin, une souscription a été ouverte pour bâtir
une plus grande église. Les journaux anglais ont indiqué diverses causes
de ce succès étonnant; mais leurs explications contradictoires nous
laisseraient dans le doute, si le prédicateur ne se fût hâté de livrer.au
jugement du public une partie des sermons qui lui ont obtenu celte vo-
gue rapide. M. Irving est du nombre de ceux qui, voyant la tiédeur du
grand monde pour le culte extérieur, pensent qu'il faut, pour l'y r;ime-
ner, lui parler son langage cl se metlre à sa portée. M. Irving a cher-
ché à rendre ses sermons agréables, à peu près comme M. de Châleau-
hriaud a voulu rendre le christianisme poétique. En annonçant l'Evan-
gde aux mondains, il les entretient de littérature et de philosophie na-
turelle; il esquisse les mœurs et les uiag*>s de la société; il juge Ici
LIBRES ÉÏR.A1NGERS. i^Z
poètes et les journalistes; II parle mêine tant sent peu de politi(|ue,
sans montrer une i'réclilcelion exclusive pour aucun parti; il crue sou
stjle, enfin, d'images poétiques, et de fleurs de riiétorique. De là cet
empressement pour obicuir une place aux sermons d'Irving, et le con-
cours d'équipages que l'on voit se presser, le dimanche, dans les rues
voisines du temple. Cependant quelques journalistes, qui ne partagent
pas l'engou--mcnt du public, ont jugé sévèrement l'auteur de celte espèce
de révolution : ils l'accusent d'un peu de charlatanisme, trouvent son
style bizarre, et lui reprochent sa prédilection pour les expressions et les
tournures de phrases qui ont vieilli. D'autres, au coniriire, s'érigeanl en
défenseurs de ses succès , prétendent qu'il n'excite tant de mécontente-
ment de la part de quelques hommes, que parce qu'il n'est ni Whig ni
Tory, et qu'il n'a pas le bonheur d'appartenir à l'église anglicane, qui
est la religion de l'état. Ce qui parait certain , après la lecture de ses ser-
mons, c'est qu'Edouard Ii ving est un homme de talent, doué d'assez de
tact pour saisir le goût du publie et s'y conformer; mais que la vogue, si
facile à s'accroîlre dans les grandes villes, lorsqu'une fois les trompettes
de la renommée ont éveillé l'attention des classes oisives, a élevé le pré-
dicateur plus haut qu'il ne s'y attendait peut-être lui-même. D — g.
6. — Travcls in Etjypt, and Ihe Iloiy Land. — Voyage en Egypte et
dans la Terre-Sainte; par W illiatn Roc'^ M.iQy . Londres, iSaS; Long-
man. Un vol. de 555 pages.
11 parait que l'auteur de cet ouvrage a entrepris ce voyage principa-
lement dans le but de visiter les lieux saints ; mais il a recueilli dans ses
courses des rcnseigneinens sur une foule de sujets importans, qui don-
nent à son livre un iniérèt qui n'est pas exclusivement borné aux matiè-
res religieuses. Lorsqu'il débarqua dans le port d'Alexandrie, la premiè-
re visite qu'il dut faire, ce lut au pacha Mohammed-Ali. Entre autres re-
marques singulières que le pacha lit pendant sa conversation avecM.Wil-
son , il dit qu'il ne pouvait concevoir comment lord Amherst, dans son
ambassade à la Chine, put ix'fuser de se soumettre a la cérémonie exigée
par l'empereur, et qui lui eût ouvert peut-être les secrets de la diplo-
matie chinoise. M. Wilson visita successivement Rosette et le Caire. 11
donne une description , qui révolte l'humanité , du marf^hé aux esclaves
dans cette dernière ville, toujours abondamment pourvu de JSoirs qu'on
amène delà Nubie, par le Wil. Tous ces esclaves, suivant M. Wilson ,
sont très-impaliens de sortir des mains de leur maître, et cherchent de
mille manières à se faire acheter. Il remarque , à ce sujet, que la niisère
de l'esclave africain finit le jour où il est vendu, tandis que dans les co-
lonies des deux Indes , la misère des Koirs ne finit jamais et dure autant
lîiS LIVRFS ÉTRANGERS.
que leurs travaux soits l- ciel hrûlantdes tropiques. Au Cairo , M. Wil-
son prit le tr.ib m , pom vovacer avec plus de sArelé. fi arriva à J;.ffa,
eleosuile à Jérusalem. Il y fut reçu dans le couvent de Saitit-rierre ,
où les religieux, obsédé» sans doute du nombre des pèlerins , ont afSché
un écriteau, portant que nul n'y restera plus d'un mois. En effet , c'est
à ce laps de tems que leur hospitalité est limitée. On lira avec intérêt
la description que M, Wilson a donnée du tombeau de Godefroi de
Bouillon. Sur une tablette de marbre blanc, très bien conservé, se lit
celte in*criplioii, en langue latine : «Ici gît le fameux Godefroi de
Bouillon, qui élablit le eulle de Jé»u^-C!lrisl dans toute cette contrée:
qu'd repose en paix.» Un Ira t fort curieux et peu connu, c'est que le
roi d'Angleterre, Georges IV, voulant reconnaîlre les soins accordé»
par les Frères des couvens de Jérusalem à tant de voyageurs an.;lai-, a
envoyé, il y a plusieurs années, par l'entremise de sir Robert Liston ,
ambassadeur à Constantinople , une somme de 2000 liv. >t. aux moines
franciscains de la Fal(sline. On trouvera dans ce livre des détails horri-
1 Ussur le caractère et les cruautés de Djezzar, pacha. L'ouvrage de M.
Wilson pourra servir à faire mieux connaître l'état religieux et moral de
iî-Terre-Sainte ; et quoique les voyages en Palestine aient été très-fré-
quens dans ces dernières années, son récit sera lu avec instruction et
plaisir.
7. — Narrative of a journey in the Morca. — Relation d'un voyage
dansia Morée; par fF M iam G ell, de la Société royde de Londres.
Londres, i825; Longman. Un vol. in-8», 4ii pagts; prix, 18 fr.
Cet ouvrage est remarquable. Un livre écrit dans un esprit contraire
l'émancipation de la Grèce est, sans contredit, un fait bien rare en
Angleterre. L'auleurcommence par avertir qu'on ne trouvera, dans son li-
vre,ni discussionsprofondes sur les antiquités, ni des tableaux de mœurs,
avoulu simplement , en racontant des faits qui se sont passés sous ses
yeux, « rectifier les idées de ses compatriotes, sur l'espoir qu'on peut
entretenir de voir la Grèce s'affranchir de la tyrannie ottomane.. Ses
théories de l'organisation des sociétés en général sont fort étroites; il est
en arrière de son siècle. Dans le tems où nous vivons, faut-il encore
entendre avancer, en thèse générale, que les peuples méridionaux sont
incapables et indignes de liberté! Cette opinion n'est soutenue que par
Jaremarque fort rebattue que les républiques de Sparte et d'Athènes
n'étaient qu'un r^espotisme populiire ou oligarchique. M. Gell ne craint
pas d'avancer, malgré des faits accablans, que la Grèce sera plus mal-
heureuse encore , le jour où elle réussira à briser le joug qui pèse sur elle.
Le» principes de cet auteur ont quelque chose de triste et de flétrissant.
LIVRES ETRAISGERS. 127
Il n'est pas éloigné de penser, avec Hobbcs, que l'état naturel de
riiommc est la guerre , et le seul gouvernemenl légal , le gouvernement
absolu. Voici une prédiclion assez singulière , que nous consiguons ici
pour prendre (laie : <■ Peut èlre, le jour n'est-il pas éloigné, ditM.Gell,
où les classes siipérieuies <le tous les pays seront bien aises d'être débar-
rassées de l'onnuycux honneur d'avoir quelque part aux gouvernemens. »
L'auteur nie absolument que la Grèce soit susceptible de dévcloppemens
moraux et intellectuels. II se moque avec assez d'esprit de la foi impli-
cite que beaucoup de feuilles anglaises et françaises ajoutent aux nou-
velles de \a Gazelle d' A u&honrtj. Cependant, malgré les déclamations
et les prophéties décourageantes de M. GcII, il est de fait que l'état de
la Gièix* est tout autre quil ne ncus l'a repré.-enté : les voyageurs anglais
sont unanimes sur ce point. M. Frédéric Douglas, qui a récemment
parcouru l'antique Ilcllénie, assure qu'il n'est pas de village où l'on
ne rencontre quelqu'un qui parle l'ancien grec, aussi-bien que le nou-
veau dialecte (le y.ovjvi y?^cT(T:). M. Lcakie, dans ses e Ilcsearclies in
Grcrce, «rapporte qu'i'l n'est pas un village, habité tant soit peu par des
personnes jouissanl de quelque fortune, où il n'y ait au moins une école
dans laquelle on enseigni; la langue d'Homère. Les principales institu-
tions d'instruction publique existaient à Kesaria, en Crimée, à Cons-
tjnlinople, Srnyrne, Chios et Saloniquc; mais les armes cruelles des
Turcs ont détruit plusieurs de ces sanctuaires académiques. Au collège
de Bucharest, on comptait, en novembre i8io, 244 ctudians et 12 pro-
fesseurs. On y distribue des prix annuels aux professeurs comme aux
élèves ; ces derniers reçoivent une médaille d'argent représentant une
tête d'Apollon , avec ces mots pour exergue : Apsr'^^s/tHx -/.en -TTXiliictz,,
On a fondé deux Académies à Joanina; l'une d'elles est dirigée par
Athanasius Psalida, qu'on regarde comme le premier savant de la Grèce.
On distingue aussi VaLno et Sakalarrius. Depuis long-tems, on a tra-
duit en grec moderne les plus célèbres ouvrages de Beccaria et de Mon-
tesquieu. Koletli a fait des recherches intéressantes sur le calorique , et
il a traduit en grec moderne la Géométrie deLegendrc, et Y Arithmétique
(sans doute la Géométrie aihatijtique) de M. Biot. Philipidi a traduit
l'astronomie de Lalande et la logique de Coodillac. Voilà des faits qui
détruisent complètement les allégations dirigées par M. Gell contre Tan-
tique patrie des arts et de la civilisation. Qu'on ajoute à ces renseigne-
mens que, suivant le témoignage de Tournefortj qui visita l'Hellénie
en 1780, on ne trouvait pus alors en Grèce douze personnes qui possé-
dassent la langue d'Homère, on conviendra que les progrès de ces peu-
ples ont dû être bien lapides, puisque leurs Académies sont florissautei
128 TJVPFS FTPANOFBS.
aujourd'hui, et l'on -.(Ta ronvainru que eoUe terre, consacrée par tant
de souvtnirs g!'<rii- 'x , reiiCmni' de» germes Fécoiïds de civilis lion , qui
n'att(.nd' nt poiTccinrc que le soleil île lu liberté. C. C .
8. — liuntcr's mnnoirs of a ciiptivity ainon<j the Indîans of \orlh
America. — iVléuioiies <li- liiinler, pen<l.int sa captivité chez es Indiens
de l'Amérique SI pirntriooaie. Londres, i825: Long'uan. Un vol.
Cette hi.-tciiie d'un j"une Blanc é'happé li'une liorde di- >;uivages,
parmi lcsquel^ il avait été élevé d' puis i'eiil'ince , ressemble d'ahord à
un roman; mais- à mesure qu'on avance di'ns la lecture , les doutes se
dissipent. Le slyleest simple, les événtniens vraisemblables, les obser-
vations saj;;» s, on pourrait même dire pliilo^Of'hiijues. (k-nt Irciile-quatre
pages environ sont cousjcrées au récit des aventures perMinnelles de
l'auteur; le resie do vulunie traite des mœurs et coutumes i!e plusieurs
tribus indienn's qui b ibiteut a l'ouest du Alis-is^pi. M. Hunier quiila
Jeflndiens in iSi6, ayant, d'après son cal' ul , eHvirun iv, ou 20 ans.
8n-pren)iéies aventures sont une snile de combats el d'éinif^ialions des
différentes inbus avec lesquelles il vécut, car le sort de la guerre le fit
passer de l'une vh^v. l'autre. La seconde ])artie présente davantage le
caractère de compil.ilion. Il .ivone lui-raèine avoir élé obligé de s'aider
dtsvoyageurs anglais, pour !es ilriails (;u'il dinne sur le p-iys et les
mœurs des babitans. M. Ilunlei liabile mainlenanl l'An'jileterre ; st.»n
ami, Edouard Ciark, a revu son manuscrit, et l'a enrichi de quelques
observations et de cfueiques développemens.
9. — Thoucjhli and détails on thc liijh and, low frices. — Pensée»
et détails sur îa hau?se el la baisse des crix penddul les trente dernières
années. Première parliii. Sur les altérations survenues dans le cours des
monnaies. Par Thomas Tooke. Londres, 1820 ; Murray. Un volume de
320 pages.
Cet ouvrage se rattache à une question d'une haute importance théo-
rique et pratique, savoir : « Quelle est l'influe ce .'xercée par le cours
des monnaies d'un pays sur ses prix? » Cette que.-.lioii a été l'ort agitée
en Angleterre dcjiuis la reslriclion de la banque en 1797, et surtout de-
puis trois ans, d'après la conviclion générale <|ue l'acte de i<Sic), appelé
communément le billde Peel,a ciinaidérablemenl influencé la baisse des
prix , cause de tant de misère. Nous ne pouvons entrer ici dans un exa-
men approfondi du livre de M. Tooke ; nous nous bornerons à dire qu'il
est, en grande partie, basé sur des données pratiques. L'auteur a ras-
semblé plusieurs l'ails utiles qu'il commence par exposer, el dont il tire
ensuite ses conclusions. Il promet une seconde partie plus développée.
LIVRES ETRANGERS. 129
sur divers sujets d'économie politique. Son style est ciair, ses iiléti
justes et bien exposées. L, S. B.
10. — OuUines ofpotitical economy. — Esquisse d'un système d'écon.,-
uiie politique, présenté dans le double but defjire voir au gouvernen.piit
1 1 au pays, que la cause de la présente détresse de l'agriculture est entière-
ment artiGcielle, et d'indiquer un phm pour administrer la monnaie eu
circulation, pour faire cesser cette détresse sans qu'elle pui-se jamais
se reproduire j avec la (juatrièine édition de V Essai sur les -principes du
iabanque; parJ. Joplis. Londies, iSaô; Baldwin. Un vol. in-^".
Voilà un titre dont la longueur répond assez bien à la grosseur d'un vo-
lume de piès de 5oo pages; ce titre peut tenir lieu d'une analyse. Ceux
qui se procureront l'Esquisse achèteront, du moins, cet ouvrage en con-
naissance de cause. C'ist un singulier pliénuniènc , en Angleterre, que
l'apparition répétée et suivie de tant de systèmes d'économie politique.
La théorie n'est pas ce qui manque, ni dan» ce pays, ni ailleurs. M. Ju-
plin, qui ne craint pas d'entrer dans la lice, aimé d'un système entiè-
rement nouveau , réduit toutes les améliorations qu'il propose à une
seule : l'élablissement universel de compagnies de banque. Son idée prin-
cipale consiste à fonder partout des banques anak>gues à celles de l'L-
cosse. L'auteur a porté sa théorie à un point loiit-à-fait hors de mesure. 11
déclare avec beaucoup d'assurance que la banque d'Angleterre a sauvé
le pays; mais il fallait ajouter à cela qu'en 1797 le pays a sauvé la ban-
que. 11 est ridicule, comme on l'a très-bien et fort souvent remarqué,
de persister à faire l'éloge d'un .«ystème de papier-monnaie , qui est pro-
tégé ou plutôt imposé par la Ici, qu'on ne peut pas toujours convertir
en espèces à volonté , qui a un caractère légal parce que l'autorité le lui
impose, et qui, malgré toutc;> ces ])réeautions, s'est maintenu si long-
ttms à 25 ou 00 au-dessous du pair, uonosbtant les pompeuses assuran-
ces de l'échiquier. Une chose assez remarquable, c'est que les vues
d'Adam Smith sont en op[.'<!sition directe avec celles de M. Joplin. Ce
dernier pense qu'il est urgent d'effacer de la charte constitutive de \^
banque d'Angleterre, la clause qui défend à toute autre compagnie de
s'organiser en lumque, au-delà de six actionnaires. On lira avec intérêt
le plan compliqué de c^irrcncy , que propose M. Joplin. Bien que fort
ingénieux, ce plan nous semble avoir un inconvénient, celui d'être
complètement impraticable. En résumé, Al. Joplin a fait preuve de
connaissances profondes; il parait avoir beaucoup médité son sujet.
Mais , dans l'état de crise liuancièrc ou se trouvent plusieurs pays de
l'Europe, il est fâcheux de voir les économistes aussi divisés d'opinion.
T. XX. — Octobre iS^â. 9
i5o LIVRES ÉTRANGERS.
Cette d'ssidence fait nuilre la même inquiétude que produirait sur
nous l'irrésolution de médecins, qui, consultés aa sujet d'une maladie
dangereuse, ne seraient d'accurd ni sur ses causes, ni sur les remèdes
ce
à lui opposer. '-'• '^•
,,_ Memorandtim of tvco conversations hetwcen tlic emperor Na-
folcon and viscount Ehringion , etc. — Mémorandum, de deux conver-
sations entre l'empereur Napoléon et le vicomte Ebringlon , à Porto-
Ferrajo. Londres, iSaô; Colburo. In-S".
Ce nouvel écrit reproduit, à peu de choses près, ce qu'on a déjà lu
dans l'ouvrage de M. OMea.a et dans le Mémorial de M. de Las-Cases.
Les opinions de Napoléon sur l'empereur Alexandre, et sur les autres
monarques du Nord, ainsi que sur quelques généraux français, y sont
les mêmes que dans les livres précédens. Nous renvoyons donc le lecteur
au Mémorial de Sainte-Hclènc, dont nous avons rendu compte. (Voyez
lîiv. Enc., Tom. XIX, page iSo.) L. S. B.
jj (•). —Beport on ihc présent stalc ofihegrech confédération, etc.—
Rapport sur l'état actuel de la conlédération grecque , et sur ses droits à
l'assistance du monde chrétien , lu au comité grec , le i3 septembre 1823,
par Edouard Blaqoièbe. Londres, iSaô; Wbittaker. Brochure in-S», de
5o pag.
Au commencement de celte année , un grec, M. Luriottis , fut envoyé
à Londres pour y établir des relations utiles à la cause de ses corapa-
iriotes. Sans caractère ofllciel , il ne put s'adresser au gouvernement an-
glais ; mais il trouva de simples particuliers, zélés pour sa patrie, qui for-
mèrent une société et ouvrirent des souscriptions en faveur des Grecs.
Va d'eux, l'auteur de ce rapport, résolut même de se rendre sur le
Ihéûtre de la guerre, entreprise par cette courageuse nallon, afin de
mieux apprécier sa situation , ses ressources, et ses besoins. Le rapport
que nous annonçons contient les principaux détails recueillis par M. Bla-
quière, pendant son voyage. Bien loin de joindre sa voix à celle de pl.i-
sieurs autres voyageurs qui , l'on ne sait trop pourquoi , ont cherché à
discréditer la cause des Grecs , il la regarde comme digne des vœux et
de l'appui de tous les peuples civilisés. D'autres afftctent de ne voir
chez les (irecs que les vices produits par l'état d'ignorance et de dégra-
dation dans lequel ils ont langui si long-tems. M. Blaquiére, aussi
écl.oiréet plus impartial que ses prédécesseurs, la plupart militaires, étran-
gers à tout ce qui n'est pas du ressort de l'art de la guerre, ou bien
aventuriers déçus dans leurs espérances de fortune, a su reconnaître
dans la nalu.n grecque ds grandes et nobles vçrtus, uue activité prcdi-
"icusc^ une avidité d'inslruclion peu commune , un saint amour pour la
LIVRES ÉTRAISGERS. i5i
patrie, une rare inlelligcnce. Il s'est convaincu que l'accusation de l)ar-
barie imputée aux Grecs, n'était qu'une infâme calomnie. Sans doute ils
ont commis des excès; mais quel peuple, même le plus civilisé, n'en
commet point , au milieu des hoireur» de la guerre? L'écrit de JM. Bl.i-
quière, en détruisant les calomnies répandues contre eux avec une in-
signe mauvaise foi, oflie des considérations d'un grand intérêt sur leur
caractère et sur la justice de la guerre qu'ils soutiennent avec une si ho-
norable persévérance. Nous attendrons, pour entrer dans de plus grands
détails sur ce sujet , l'ouvrage que va publier incessamment le même au-
teur sur la révolulion grecque, son origine, ses progrés, etc. Seulement,
qu'il nous soit permis de proclamer avec lui que cette révolution a été en-
tièrement indépendante des autres é\énemens politiques qui ont a"ité ,
pendant ces dernières années, l'Europe méridionale; qu'elle n'a été que
la suite naturelle des cruautés et de l'oppiession des Turcs. Ajoutons en-
core que les Grecs sont assez forts par eux-mêmes pour défendre leur cau-
se; qu'ils ne demandent point à l'Europe des armées auxiliaires , ni des
soldats ; mais qu'ils ont besoin, pour entretenir des armées, nationales et
régulières de terre et de mer, d'avoir de l'argent, des arm.es, et surtout
des canons et des pièces de siège ; enfin des artisans, et des liom.-nrs b.a-
biles dans les arts mécaniques, et capables de leur former de bons ou-
vriers en ce genre. Avertissons avec lui tous ceux que l'enthousiasme ou
tout autre moùf porteraient à se rendre en Grèce, qu'il» doivent y com-
battre à l'égal des Grecs, c'est-à-dire sans prétendre à aucune solde, à
aucune récompense. Ils doivent au contraire emporter avec eux l'ar-^ent
nécessaire pour leur entretien , pendant une année au moins. A. J.
•J- — ; The fForhs of GarciHasso de la T'cga, surnamed the ■prince
ofcastiiianfGcU. —Œuvres de GarciHasso de la Vcga, surnommé le
prince des poètes castillans, traduites en vers anglais, avec un Essai
historique et critique sur la poé,ie espagnole, et la vie de l'auteur; par
J.Ji. WiFFBs. Londres, 1825 ; Longman. Un vol. in-S" de 407 pages;
prix, i5 fr.
La littérature espagnole était peu connue en Angleterre. A l'exception
de Cervantes, aucun auteur de cette nation n'avait été traduit d'une ma-
nière satisfaisante ; aucun ouvrage ne conservait , dans la traduction ,
cette teinte nationale prononcée qui fait le cachet du stjle. Cependant ,
Carew et Fairfax ont mis le Tasse en vers anglais, et Harrington a ren-
du, avec assez de bonheur, les beautés de l'Arioste. Dans ces derniers
tems, on s'est beaucoup occupé de la littérature castillane. Haylcy avait
fait connaître, d'une manière incomplète il est vrai, VAraucana d'Er-
cella, essai de poème épique. M. Southcy a vivement excité la eu-
,32 LIVRES ÉTRANGERS.
riosi.é pubLqae par son poème de la Chronique du CiU. F.ère , Lochard
et Bowring se sont livrés à des travaux assez étendus sur 1 b.to.re de la
littérature de TEspagne. M. W.ffcn traduit aujourd'hui X.sOEuvrcs
ecurtétcs do ta Vc.a. Les églogues ont été rendues par lu. avec un
...nd bonheur d'expression : rien de plus touchant et de plus t.ndre
q„e les lan.entations du berger Salicio, sur l'inlidélité de sa n.a.tresse.
IJn autre pasteur, Nemoroso, déplore la mort d'une bergère, en vers
dignes de Virgile. M. le professeur Bouter>Yek a dit de ce passage, qu au-
cun morceau de la lit.érature ancienne ou moderne ne le surpassai
en beauté. Ceci est sans doute très-exagéré. On admet généralement
que les can.oni et les sonnets de la Vega ne valent pas ses poes.es pas-
tor .les M. Wiffen a joint à ce volume la traduction d'un Essai de Qum-
tana sur la focsie cspasnoh : on a aussi, du même auteur, les Poesvas
sclcclas Castellanas. C'est un tableau très - instructif et .ntéressant de
This.oire de la poésie espagnole, enrichi par M. Wiffen de nombreuses
pièces de vers imitées de l'espagnol. On lira aussi avec plais.r la v.e de
Garcillasso de la Vega, qui lut tué a l'attaque d'un Tort, a 1 âge de oo
ans On annonce une traduction complète de la Jérusalem dchvree, par
le même auteur, dont le style, pur et élégant, paraît tout-à fa.t propre
à rendre en anglais les beautés immorlelles du T.-»sse.
,4.— Valferga; or the Ufc and advcntures o/-CrtS(rucoto.— Val pcrga,
ou la Vie et les aventures de Caslruccio, prince de Lucques; par l'auteur
de Franhcstein. Londres, .825; WhlUaker. Trois vol. in-12; prix, 21
shellings cartonnés.
Ce dernier ouvrage de M»^ Shellv est bien au dessus <le Frankeslan.
Oa n'y retrouve pas à un si haut degré ce délire et ces écarts d'une .ma-
oi,.at.on vagabonde; mais elle se jette encore parfois hors de la nature
humaine et dc-s chu.es possibles. Son talent , plus mûri , s'est complu a
retracer dans Valperga des passions vives, développées et excitées encore
par un tems de trouble et de .superstition. Le héros du roman, Ca^lrnc-^
cio, fut (selon Moréri) un des plus célèbres capitaines du x.vc s.èclc.
« 11 était de la famille des AntdmineUi , de Lacques. Ayant , quoique
iort jeune, pris les armes en faveur des Gibelins, il fut exilé par les
Cuelpl.es. Il servit, peu de tems après, dans les armées de Ph.hppe, ro.
de France, qui faisait alors la guerre aux Flamands. Ensuite, il repassa
les Alpes, et ayant rejoint Uguccione Fagginola , chef des G.bel.nsde
Toscane, il réduisit Lucques, Pisloia et plusieurs autres v:lles. 11 devint
aussi l'allié de l'empereur Louis de Bavière, contre le pape Jean XXII.
Robert, roi de Waples, et les Florentins. Louis de Bavière lu. donna les
domaines de Lucques, av ce le tilrc de duc, et celui de sénateur romnm-.
LIVRES ETRANGERS. 153
Bien ne srniblail pouvoir résister à son courao[e et à son bonheur, quand
il fut enlevé par une mort piématurée, en i55o, à l'âge de 47 ans.» C';s
détails historiques forment la base du roman de M°>« Sliellj. Elle y a in-
troduit une foule de personnanjes imaginaires, qui souvent excitent la
cutiosilé sans la satisfaire. A peine ontils paru qu'elle les replonge dans
le néant dont elle les a tirés, et le lecteur ne l<s voit plu^. Il n'en e>t
pas de même d'Eulbanase et de Béatrice, créations neuves et pleines de
charme, êtres privilégiés qui brillent comme deux anges célestes au mi-
lieu des démons. L'ambilion, la vengeance, le fanatisme sont personni-
fiés dans ce roma.i avec une verve cffray.Tnte, qui outrepasse la nalure.
Cette exagération fatigue et aflaiblit quelquefois l'efiFet que l'auteur veut
produire. Il existe en nous un instinct qui nous fait démêler le faux du
vrai. Ainsi , sans avoir vécu dans les tems reculés si bien peints par Wal-
ter Scott, sans être même versé dans les chroniques de cette époque,
sans en connaître les usages, on est certain qu'il décrit juste. On sérail
tenté de croire que ses personnages historiques ont dû parier comme
il les fait parler; et ce sentiment doit naîlre de la manière impartiale
et vraie dont il observe la nature. On en conclut naturellement qu'il porte
partout le même esprit consciencieux. M'"« Shelly ne produit pas la
même impression. On aime son talent, son stylt» énergique, ses images
variées, tour-à-tour sombres ou brillantes, sa peinture si forte des pas-
sions les plus exallées, mais on sent qu'il manque à tout cela le charme
de la vérité. Louise Svv. Bei.loc.
i5. — Relies of littérature. — Reliques de la littérature, par Etienne
Collet, avec une planche d'autographes. Londres, i8a3. Un vol. in-S°;
prix, iS fr.
Ce volume renferme un mélange d'anecdotes, de morceaux de poésie
cl de documens historiques. L'auteur a glané dans une foule d'ouvrages
rares ou peu connus. H a disposé ses nombreux matériaux sous aSo titres
distincts. Les compilations de ce genre, qui se sont beaucoup multipliées
en Angleterre dans ces derniers tems, sont loin d'être inutiles : c'est là
que se conservent ces bruits du jour, ces auecdoles fugitives, nés de la
circonstance, et qui mourraient avec elle, si quelque bibliographe ne
les recueillait dans son portefeuille. M. Collet a beaucoup rapporté des
États-Unis d'Amérique; il a mis aussi à contribution les manuscrits du
mu^ée de Londres. Parmi les pièces inédiles qu'il a réunies, et qui ont
trait à l'histoire des Etats- Unis, nous citerons une lettre très-curieuse
de Washington au marquis de Chastellux, où il expose ses opinions per-
sonnelles sur le mariage. C'est une épitre de félicitations; Washington
y compliniente son ami, à l'occasion de son maxiage, avec des formes
i5i LIVRES ETRANGERS.
de style à la fois polies et ironique?, \oici une phrase qui se rappr-rte à
loute autre clioso, et qui devient bien remarquable dans les circons-
tajces présentes; on dirait que le grand-homme qui l'écrivait avait le
pressentiment, qu'un jour la république qu'il fondaitpourrait bien ser-
vir de refuge à la liberté du monde. « Si tous les états , dit-i! , adoptent
]-i constitulion (et je pense qu'ils le feront tous), l'Amérique pourra le-
ver la tète cl devenir encore respectable parmi les nations. Il est doux
et consolant de penser que notre république est l'objet des vœux de tout
ce qu'il y a d'Iiomme.s philosophes, vertueux et patriotes sur la terre.
Ils l'envisagent comme un bienfaisant asile ouvert au genre humain.
Plaise à Dieu que nous ne soyons point dîsapoiiitis par l'effet de nos er-
reurs ou de notre mauvaise conduite; » On doit recueillir précieusement
CCS belles paroles du gr;>nd Washington. — Parmi les pièces curieuses
que renferme ce volume, nou« distinguerons encore le catalogue de la
bibliothètjue du roi de Wurtemberg. Cet éiablissement renferme, sui-
vant IVI. Collet, 4ooo éditions de la Bible, dans les diverses langues eu-
ropéennes. 11 y en a ai5 en anglais, et 290 en français. Nous recomman-
dons ce dernier nombre à l'attention et à la critique de nos bibliogra-
phes; il nous paraît exagéré. Parmi les morceaux historiques, nous cite-
rons une discussion sur les loteries anglaises; M. Collet a pris la peine
de faire de grandes recherches sur ce sujet. Le premier tirage dont l'his-
toire anglaise fasse mention, remonte à l'année i-Sôg. 11 y avait 4<>»ooq
numéros à 10 shellings le billet; les lots gagnans étaient composés d'ar-
genterie. Le» bénéfices de celte loterie furent consacrés à l'entretien
des ports de mer. Le tirage commença le 11 janvier 1569, et se continua
jusqu'au G mai. En 1612, le roi Jacques , afin d'encourager la lorinatioa
de la colonie de Virginie, accorda un second privilège de loterie. Un
tailleur de Londres gagna le gros loi , qui était de la valeur de 4,000 cou-
ronnes d'argent. La reine Anne supprima totalement les loteries. Sous
George I , on les rétablit, et suivant M. Collet, «ce fut parce qu'on avait
besoin de plus forts revenus pour mettre à la disposition du gouverne-
ment , et servir à corrompre les représentans de la nation , afin d'obte-
nir d'eux qu'ils cédassent au ministère les fonds et les droits de leurs
commctlans. » Voilà une singulière cause fi7uil6 de l'établissement des
loteries! 11 paraît, d'après ]\L Collet, que la mode en est passée eu
Angleterre, et que le gouvernement ne les soutient plus. Puissions-nous
bientôt en dire autant des loteries royales de France! C. C
16. — Acdcs AUhorjtianac, or an accaunt of thc mansion, tooks and
piclurcs at éllhorp. — Notice sur le château, les livres et les tableaux
d'Althorp, lésidence du comte Spencer; par le rér. Thomas FeoghalIi
LIVRES ETRANGERS. i35
DiBDiN. Londres, 1822. Deux vol. in-4", avec gravure sur cuivre et sur
bois.
Lord Spencer pos:iède une des plus belles bibliothèq-ics particulières
qui existent, tant par la rareté que par la beauté des éditions; elle occu-
pe cinq grandes stalles du château d'Althorp, dans le comté de Noltinj;;-
ham, où il y a, en outre, de be;iux tableaux distribués dans la bibliothè-
que et dans d'autres parties de la maison. M. Dibdin, son bibliothécaire,
est un des bibliographes les plus infatigables qui existent. (Voy. P>ev. Enr.
T. XVIlI,p.()7-io4.) On l'a \u, ily a quelques années, parcourir la France
et l'Allemagne, accompagné d'un deçsinateur, offrant de l'or pour tous
les livres rares qu'on lui faisait voir, même dans les bibliothèques publi-
ques et appartenant à l'état, se consoler des refus un peu durs qu'il es-
suyait, par les marchés avantageux qu'il concluait ailleurs, faisant dessi"
ner des vignettes de livres, de vieux monumens, et jusqu'aux costumes des
Cauchoises. On l'a vu publier ensuite, avec un luxe de gravures extraor-
dinaire, toutes les notes qu'il avait recueillies, et l'on a trouve dans ce li-
vre coûteux beaucoup d'inutilités au milieu de détails intéressans pour
les bibliographes. C'est aussi pour cette classe de savans que Dibdin a
publié, il y a quelques années, le Catalogue de ia Mjliothèqti-^ spencé-
rienne, en 4 gros volumes in-8°. On devait croire qu'il avait tout dit
sur celte bibliothèque; mais voici tleux nouveaux volumes in-4°, enrichis
de gravures, qui doivent servir de suppléaient, et qui, de plus, contien-
nent la description des tableaux et il^es estampes rares que possè.le son
Mécène. Il est vrai que lord Spcncr fait continuellement des acquisi-
tions; on est devenu si pauvre sur le continent, et l'on est détourné par
tant d'autres besoins, qu'une foule de raretés typographiques devien-
nent la propriété di's amateurs anglais, disposés à les acquérir à tout
prix. Les Aedcs aitliorpianac de Dibdin ont plus satisfait les vrais biblio-
graphes que les ouvrages précédens de cet auteur. Il semble qu'.i force
de vivre avec les livres, M. le bibliolhécairc commence à les mieux ap-
précier; il les décrit avec plus de soin, et ne se passionne plus pour des
bagatelles. Cependant, son nouvel ouvrage n'est pas exempt d'erreurs;
on en a signalé plusieurs dans le n" XVIIl de l'Hermès (Leipsiek, 1820).
M. Dibdin aurait pu se dispenser aussi de reproduire autant de gravures
sur bois, copiées sur des livres des premiers lems de l'imprimerie; enfin,
ses jugeaiens ne sont pas toujours exacts, ni même justes. C'est ainsi
qu'à l'occasion des gravures de l'édition de luxe, faite à Paris, de la Lou-
siade du Camoens, aux frais de M. Souza-Botelho, il prononce que les
graveurs de l'école française ne donnent pas assez d'attention à la sur-
face des choses, que leur draperie a souvent la dureté de l'armure, que
i56 LIVRES ETRA!SGERS.
l'iuto? If s choses ont un a«pect luftré, et que la cliair ressemble trop scki-
vcnt à du marbre ou à de l'airain : ji se peut que quelques graveurs aient
ec défaut, mais ce n'est sûrement pas celui de l'école, ou du moins il
est Lien moins saillant que la mollesse de toii qu'on reproche à la gravu-
re anglaise : ce qui n"empêche pas qu'on ne fasse de trés-booTies gravures
CD Angleterre. D — g.
17. — ^n Essay on tlie fiisiory and Tttcory of nvusic. — Essai sur
rhlsloire et la théorie de la musique , sur les qualités, les faoultés , et la
manière de co-.diu're et de ménager la voix iiumaine , par J. !Nathan,
îiufeur des MUcdies liébraîques. Londres, 182^; Wbiltaker. Un vol.
in-i° , ?.5o pag.
M.Nathan, déjà connu par une b-^nne méthode cl d'excellens principes
de musique , a joint à la jiartie pratique de son art , un essai sur son in-
fluence chez les anciens. Il cherche à découvrir les causes qui ont si fort
diminué cette inQuence chez les modernes, et croit les trouver d.ins la
civilisation , qui émousse trop les sensations pour leur permettre de s'é-
veiller facilement, dans les convenances de la société, qui répriment les
émotions violentes et tolèrent à peine l'enthousiasme. Le pouvoir de la
musique sur les anciens s'explique d'autant mieux, qu'elle se liait pour
eux à tout ec qui était pur, noble et solennel. Elle faisait partie des cé-
rémonies religieuses, des fétcs nationidcs. (l'était le culte des dieux et
des héros : elle n'est plus pour noi:s qu'une science, un talent. Ce n'est
plus l'inspiration, le feu du ciel qui vient révéler à l'homme des sensa-
tions qu'il ignore. Quelques élus échappent cependant à ce refroidisse-
ment presque général : la musique les émeut , les entraîne , dispose leur
âme aux affections vives, aux grands sacrifices: à l'amour, à la gloire.
Mais ces êtres priviligiés sont assez rares. J'ai ctuï dire à un compositeur
pkin d'âme et de talent , qu'il n'av.nit rencontré, dans toutL- sa vie, que
fiis personnes, dont cinq femmes, qui sentissent ■véritablement le charme
rie la musique. M. Nathan a été plus heureux. Adorateur de son art, il
veut ramener ses bcayx jours. De toutes les anecdotes qu'il cite, je choi-
sis les deux suivantes. — «Un juif, abhorré de ses frères pour la licence
de ses principes, officiait dans la synagogue comme chanteur. Le grand-
prêtre, qui avait été le plus acharné cf)ntre lui , fut si frappé de la dou-
oeur de sa voix et de l'expression touchante qu'il savait lui donner, qu'ou-
bliant le lieu où il était , il s'écria tout haut : ■! Favori du Ciel , le bonheur
d(.it être ton partage dans l'autre vit-, quoique le crime ait marqué ta
carrière .sur la teirc. • On raconte un fait du même genre , arrivé à
M""" Cibbcr, actrice célèbre. Chantant un oratorio à Dublin, elle étonna
et r.'ivil tellement un évêque, qu'il ne put s'empêrhcr de dire assez haut
* LIVRES ETRAr;GERS. 157
pour tire entendu de tous ceux qui l'entouraient: oFcmrac, tes péchés
te sont remis.» L. Sw — B.
RUSSIE.
18. — Nouvelles notions historiques et {géographiques sur le Caucase,
recueillies par M. 5»Tnon UK BKONi;v»K.y. Moscou, iS^S; Sélivanosvsky.
Deux vol. in-S°.
Tel est le titre d'un ouvrage curieux si.-r le Caucase, qui vient de pa-
raître a Moscou. M. le conseil'cr-d'étal aclue! de Bronevsky, allât!. éau-
IrelViis, comme directeur des chancelleries, au feu prince de Tzitzianof,
commandant en cliel" en Géorgie et sur la ligne du Caucase, depuisgou-
verncur de la ville de Théodosic en Crimée," et aujourd'hui retiré du
service, a élé à même, plu,<! que personne, de recueillir des notions exac-
tes sur le Caucase et les divers peuples qui l'Iiabilenf. Il donne aujour-
d'hui au public les fruits de reclierclies et de méditations qui l'ont oc-
cupé pendant plusieurs années de sa vie. La position de l'auteur auprès
du prince de Tzitz.ianof lui a donné les moyens de réunir des matériaux
piéeieux sur ces contrées antiques, si peu connues en Europe, et si in-
téressantes sous tous les rapports; il a consulté tous les ouvrages anciens
et modernes qui en traitent, et son livre est le résultat d'une élude ap-
profondie, et d'une observation juste. Les moyens, les connaissances et
le caractère personnel de RL de Bronevsky garantissent le mérite de son
ouvrage. M. de Bronevsky partage le Caucase en deux grandes divisions:
1° la partie occidentale, ou le bord de la mer Noire; 2" la partie
orientale, ou bord de la mer Caspienne. Il traite successivement des
limites, de la position, du climat, du sol, des productions naturelles,
des fleuves et des montagnes de ces parties; des eaux chaudes et miné-
rales, de la population , etc. 11 nous fait connaître toutes les tribus qui
habitent ces contrées peu accessibles; leurs noms, religions, gouver-
nemens, manière d'administrer la justice, mœurs, u«ages, habillement,
économie domestique, indu.^trie, commerce, etc. Il parcourt les diOe-
rentcs époques historiques du Caucase, sous les Grecs, les Romains, les
Persans, les Russes, et entre dans des recherches curieuses sur le com-
merce des anciens par le Cyrus et le Phase; sur les hahitans de la ville
de Koubetch, et sur le mur de Derbent. M. de Bronevsky ne se bornera
pas à la publication de ce seul livre; il promet au public un second ou-
vrage sur le Caucase, qui doit paraître incessamment, et qui seivira, ru
quelque sorte, de complément au premier. Voici son titre : ISaticns his-
toriques sur les relations qui ont existé entre (a, Bussie et la Perse, la
Géorgie, les Circassiens et autres peuples du Caucase, depuis le règn^
i38 LIVRES ÉTRAINGERS.
du izar Jean U', jusqu'à l'avènewenl au trône de Vemfereur Alexan-
dre.— Les notions que renfermera ce nouvel ouvra|Te,ontëté puisées dans
les chroniques russes, ainsi que dans le» archives du collège de» affaires
élrangèrcs. On y trouvera plusieurs extraits curieux, comme: i° sur
l'origine d«'s Cabardiens ; a° sur l'expédition du chah Nadyr, depuis
1702-174'» extrait des dëpêchis du prince de Gollitzin, qui était accié-
dité auprès de lui, et du résident Kalouschkin; 5" table des traités et
autres trausaclions, depuis 157H-1730, entre les souverains de la Russie
et les chahs de Perse, les rois de Géorgie et d'Immérette, les princes
de Rlinjçréiie et autres petits souverains du Caucase; 4° sur l'expédition
du comte de Totleben en Géorgie, Immérette et Mingrélie, en 1770 et
1771 , extrait de ses rapports au gouvernement; 5" extrait des rapports
des généraux de Médeu et Jakobi, sur les actions de guerre contre les
peuples du Caucase , depuis 17C5-1778 ; etc. — Ces ouvrages de^ M. de
Bronevsky , qui renferment tant de notions variées et neuves, mérite-
raient d'être traduits dans l?s langues de l'Europe, et il serait à désirer
(\ue\d Sociclé de traduction, établie depuis quelque tems à Paris, en-
treprît de les faire connaître en France. S r.
19- — Traduclians en prose de K'iadimir Izmaïlof. Moscou , 1819 —
1820; imprimerie de l'Université. Six vol. inis; prix 26 roubles,
M. Izmaïlof, connu en Russie par la rédaction du Patriote, journal
d'éducation , en 1804, du Courrier de l'Europe , en 1814, et du Musée
Européen, en i8i5, a réuni dans ces six volumes divers morceaux, tra-
duits el insérés déjà dans ses divers recueils périodiques ou d.ins d'autres
ouvrages. Un goût parfait, un style pur et agréable caractérisent la plus
grande parîic de ses traductions, telles que celle d^Atala, publiée eo
1802, du Taéleau historique et politique, par Séqur, publié la même
année (il en paru une troisième édition en 1806), du Discours surl'in-
dépendance de l'homme de lettres, par Millevoye. Cette dernière traduc-
tion, en vers, parut à Moscou en iSoS; et celle des Lettres sur la bo-
tanique de J. J ■ Rousseau , en 1810. On a encore de lui un ï'ogage dans
la lîussie méridionale; Moscou, 4 vol. 1802 (deuxième édition i8o5).
30. — OEuvrcs du prince Chalikof. Moscou, 1819. Deux vol. in-8» ;
prix, i5 rouble:!.
Le prince de Chalikof est un des auteurs russes qui ont entretenu le
goût et l'esprit classiques, qui dominaient dans la littérature a la fin du
dix huitième Riècle, et qu'y a\ait introduits M. Karanisin. L'école que
celui-ci a formée n'a pas toujours suivi ses traces avec un égal bonheur;
mais on voit quelquefois jaillir des œuvres du prince Chalikof des idées
ingénieuses et nouvelle*. Une extrême sensibilité caractérise tout ce «jui
I LIVRES ÉTR AÏS GERS. i:>.)
snrt de sa plume ; élégant dans quelques passages , il est obscur dans
d'autres, et ses écarts proviennent de cette sensibilité même. Il a de la
clarté et de la pureté dans le style, que déparent quelquefois l'affeclatioii
et le pédanlisnie. Cependant, ses travaux littéraires méritent d'être bien
accueillis en raison des efforts que l'auteur a faits pour polir la langue et
ramener les auteurs à l'étude des bons modèles On a de lui beaucoup
d'ouvrapes originaux et des traductions de M.Cb.îleaubriand et de M""-de
Genlis, publics à diverses époques. II est à remarquer que, depui"; plu-
sieurs années , il ne cesse d'insérer, dans cbaque premier numéro de la
Gazelle de Moscou , des vers sur le nouvel an, où l'on trouve autant de
poésie que de variété. 1! s'occupe aussi aven succès d'analyses de pièces
de théâtre, et de critiques sur le jeu des actCKrs du théâtre de Moscou ,
comme nous l'avons oéjà remarqué (Tom. VI, p. 566). M. Chalikof a
rédigé, en i8oG, \k Spectateur de Moscou, journal littéraire (i vol. in-ia),
et Afflaé, depuis 1808 jusqu'en 1812 (54 livraisons in-S»). Quoiqu'il ait
publié, en itSaa , ses nouvelles poésies en un petit volume in-12 de oi
pages, sous le titre de dernier Sacrifice aux Muscs, il a cependant ré-
digé, à Moscou, depuis le mois de janvier 1823, le Journal des Dames,
qui doit former vingt-quatre livraisons à la un de l'année. S. P — v.
DAKEMARCK..
zi.—Da(]iod j>aa euReise. —Journal tenu pendant \ia voyage en
Suéde par M. J. L. Beere» , avec un plan de la ville de Stockholm.
Copenhague; 1820, sxvin et Ô71 pages, in S''.
Parmi les voyageurs, les uns, véritables courli-^ans , trouvent tout à
louer : d'autres , philosophes moroses, déprécient tout dans les pays
qu'ils parcourent. Ki les uns, ni les autres ne méritent beaucoup d'at-
tention; il faut néanmoins convenir que les premiers sont plus excusa-
bles. M. Beeken n'appartient a aucune de ces deux classes. On voit
qu'il loue avec plaisir; mais il-ne ci;iint pas non plus de critiquer, tou-
tes les fois que la critique lui paraît ju_sle et bien fondée. L'ouvrage que
nous annonçons contient quelques pages remplies de niaiseries et de
futilités; en revanche, on y trouve beaucoup de renseignemens curieux
et d'un intérêt incoulestablc. C'est aiu>i que nous avons lu, avec un
grand plaisir la proposition concernant la réduction de l'état militaire
de la Suéde, faite a la diète de 1818, par M. le comte d'Anckarsvaerd^
et la réplique de M. le baron de Skjoldcbrand. Cette dernière nous
semble beaucoup plus véhémente que judicieuse. Elle forme peut-être
le premier cliaînon des persécutions dont, ainsi que nous l'apprennent
7 \o LIVRES ETRANGERS.
récemment las journaux, M. Anckarsvaerd a dcpuU clé la victime, noa
de la part du gouvernement suédois, mais par le fait de quelques mem-
bres du corps de la noblesse, auquel il appartient lui-même. Kotre voya-
geur observe, avec une juste satisfaction, que peut-être il n'y a pas un
pays en Europe où l'on soit moins importuné par des meodians , et il
en trouve la cause dans la bonne organisation des établisscmens publics
destinés à procurer du travail aux pauvres valides , et des secours aux
vieillards et aux infirmes. Par contre, il se plaint de l'absence presque
totale d'écoles et de moyens d'instruction dans les campagnes, si l'on
excepte ceux que le peuple trouve les dimanclies dans les églises; il a
même entendu révoquer en doute , par des personnes fort instruites
elles-mêmes, si l'instruction et les lumières sont utiles ou non au peu-
ple. En général , les savans suédois, qu'on trouve en assez grand nom-
bre, sont d'autant plus cstimal)lcs, qu'ils ont à lutter contre des difficultés
qui ne se rencontrent dans aucun autre pays en Europe. Pour prouver
cette assertion, M. Beekcn observe (pag. 324 et 325)que, parmi les seize
imprimeries qui existent à Stockholm , il n'y en a peut-être pas une seule
qui possède deux presses, et que la plus grande partie des ouvrages qui en
sortent, sont imprimés par demi-feuilles. Il y a , dit-il, dans celte ville,
8 ou g maisons de librairie ; mai-i une seule peut mériter ce nom. Et ce-
pend.intj on y thercherait vainement un ouvrage imprimé à l'étranger,
à moins qu'il n'ait déjà quelques années de date. Il ajoute que les villes
de province sont encore plus mal pourvues, sans en excepterUpsal, siège
d'une université célèbre. De là vient, comme l'observe notre voyageur,
que, dans certaines parties, les Suédois sont un peu en arrière; mais il
est assez juste pour ajouter que cette circonstance ne tient point à un
défaut d'aptitude dans la nation , ni à l'âpreté du climat. Et certes , un
pays qui peut se gloriGer d'avoir produit des savans du premier ordre,
tels qu'un Linné e , un Thunberg , un Bergitiann , un fF aKerius, un
Jl'ai'gentin, un lîuMcck, un Bcrzelius, et tant d'autres, n'<.st pas doté
par la nature avec trop de parciraoinie. Le plus grand obstacle qui
s'oppose au progrès rapide de certaines connaissances en Suède, est la
difficulté des coaimunicalions avec l'étranger. Il a été souvent remar-
qué, et M. Beeken reproduit cette observation , que la Suède éprouve
le besoin d'un établissement qui existe depuis plus de quarante ans en
Danemarck. Tontes les semaines, il part en poste de Hambourg pour
Copenhague, et de Copenhague pour Hambourg, un fourgon (ou plu-
sieurs au besoin) chargé de ballots de marchandises pour le commerce
danois, et dont le transport se fait à un prix très-modéré. Les libraires
de Copenhague, qui sont très-nombreux et parfaitement bien fournis,
LIVRES ETRANGERS. i4i
proGicnl de celle facilité pour garnir leurs magasins de loiitcs les nou-
veautés qui paraissent. Aussitôt qu'un nouvel ouvrage arrive à Leipsick,
e'est-à-dire, au centre de la librairie de l'Allemagne, les libraires de
llamliourg ont soin de s'en pourvoir, lien résulte que toutes les nou-
veautés, même les proiluclions des inipriniorips françaises, sont mises
en vente, à Copenhague, au plus tard dans une quinzaine ou dnns un
mois, suivant les distances, après leur publication. II faut espérer que
le gouvei nernent éclairé de Suède ne lardera pas à procurer à son pa^rs
le bienfait d'un semblable établissement, pour lequel la nouvelle in-
venlioo des bateanx à vapeur pourrait encore Fournir de grandes faci-
lilés. Heibrbc.
22. — Sommer fugle , etc. — Papillon, par M. Sôloft. Copenhague,
182 i.
C'est une colleclion de petits conle!5, dont quelques-uns sont assez
agréables, et prouvent que l'auteur réussira plnlùl dans ce genre que
dans la tragédie , à laquelle il s'est voué depuis quelque tems.
25. — Eydora , Almanach poétique pour l'an 1823. Sleswic, 1823.
Cet almauacb est un peu gros pour sa forme <'t peut-être .nussi pour son
contenu. i)n y trouve néanmoins des morceaux charmans de M. Sch;ick
Slaffeldt, connu déj^. , dans la littérature danoise , comme un poète du
premier rang. H., fils.
ALLEMAGNE.
24. — J. C. Rôhtings Deutschlands Ftora , etc. — Flore d'Allemagne,
par RoHLiNr. , publiée sur un plan plus étendu et modifié par Franz~
Cari Meeteks et fFithelm- Daniel- Joseph Koch. Francfort-sur- le-Mein^
1825 ; Fred. Wilmans. Un vol. en 2 parties, in-S" de 888 pages.
Outre les nombreuses Flores des différentes contrées, principautés ou
villes d'Allemagne, les personnes livrées à l'élude de la botanique pos-
sédaient déjà des tableaux plus ou moins étendus des plantes de ce pays.
Les uns ne sont que des catalogues insufDsans pour l'étude, tels que les
Flores d'Alemagne d'HofiTman cl de Rôhling; les autres, beaucoup
plus marquans et qui so;it très-estimés, tels que le Manuel botanique
de Schkubr et le Tentamen floragcrmanica de Rotb, ont l'inconvénient
de n'être plus au niveau des nombreux ouvrages sur la botanique qui
ont paru depuis trente ans. Le no;ii de Schrlider donnait de grandes es-
pérances; mais nous ne possédons que le premier volume de sa Flora
germaniea, publié en 1806, et contenant seulement les trois premièies
classes de Liancc. La nouvelle Flore d'Allemagne que nous annonçons ,
quoiqu'elle porte le nom de Rôbliug, est ud ouvrage entièrement neuf,
i42 LIVRES ETRANGERS.
établi sur un vasîe plan, et qui fait honneur aux deux auteurs qui en
ont entrepris la rédaction. Le volume publié est divisé en dfux parties;
la première se compose de la terminologie , d'une explication très-com-
plète du système de Linnée, d'un court exposé de la mélhode de Jussicu,
et d'un tableau de.- fainilles naturelles, de Snrengel; la seconde partie
conlicnt les descriptions très-délaillées de 525 espèces de plantes, ré-
parties dans 127 genres appartenant aux quatre premières classes de
Linnée, dont les auteurs suivent le système. La synonymie, quoique
présentée avec assez d'étendue, paraît plus généralement bornée aux
auteurs allemands. L'ouvrage entier est écrit en allemand, même les
phrases spécifique». JNous ne chercherons point à assigner la part de
chacun de ces deex auteurs à cette belle entreprise; mais la réputation
scientifi']ue dont jouit M. ISlertens nous autorise à lui en supposer une
très-grande, et à exprimer le vccu que ce savant nous fasse promplement
jouir du résume. de ses nombreux et précieux travaux sur la classe inté-
térrssante d(:s productions appelées des noms divers d'ulvcs , fucus ,
conferves, algues, thalassiophytes et hydrofUites. D. et B. G.
25. — Klinischer Cotnmcntar ûber die Beitandlung der fFasserschen.
— Traité clinique des moyens curatifs de la rage; parle chevalier Lomjs
Bbera. Brandebourg, 1822. In-8".
Ce traité est emprunté à l'Italie par M. Aîcyer, docteur en ciiirurgie
à Brandebourg. Le savant B.-cia , professeur à Padoue , était directeur
de l'bùpital de Crema, quand on y apporta treize personnes qui avaient
été mordues par un loup enragé. On trouve ici des détails trèsintéres-
sans sur leur maladie, leur sexe, leur âge, la nature de la piaie , et les
moyens employés pour la guérison. Le traducteur y a joint de savantes
remarque» sur la rage, et s'est en quelque sorte approprié cet ouvrage.
Ph. G.
26. — UmriiS eines elementar-LchrcuriUS der -physischen Géogra-
phie, etc. — Esquisse d'un cours élémentaire de géographie-physique ,
par J. f^i F, Lamolboux , professeur d'histoire naturelle à Gaen , etc.,
traduit du français par le professeur D' Le Bbet. Stuttgart et Tubingue ,
iSaJ ; Colta.
Nous ne faisons mention de cet ouvrage, déjà avantageusement connu
en France, aue pour nous féliciter de l'hommage rendu à l'un de nos
savans, par les savaus étrangers. Cependant , tout en rendant justice au
talent avec lequel M. Lamouroux a traité un sujet aussi intéressant que
celui de son ouvrage , plusieurs criliq' es allemands ont regretté qu'il
n'cvit, pour ainsi dire, qu'ébauché un travail suscenlible des développc-
mens les plus riches et les plus étendus.
LIVRES ETRANGERS. i45
1-j. — Handhuch fur Retsendc , etc. — Manuel des voyageurs en Ac-
triclie, suivi de l'indication de quelques routes dans les pay^ adjacens;
rédigé d'après les voyages et le» itinéraires les plus nouveaux, à l'aide
de notes manuscrites et de remarques faites par l'auteur dans ses voyages;
par R. E. dk Jkmny. Seconde partie, comprenant les pays allemands si-
tués sur la rive {^auclie du Danube , le royaume de Gallieie et les pays
héréditaires hoogrois; de plus, quelques-unes des principales routes de
la Saxe, de la Silésic prussienne et de la Pologne. Vienne, i8?,3; Anl.
Doll. Un vol. in-S" de 4''^^ pag. (419 a 89 i) , et 44 p^g- pour le titre et
les tables.
Le voyageur trouvera , dans ce Manuel tous le» détails qu'il jieut dé-
sirer, et dont il éprouve bi vivement le besoin, l<irsqu'il se trouve dans
un pays qu'il parcourt pour la première ibis, et où tout lui est encore
étranger. L'auteur donne d'abord les noms des endroits principaux que
l'on remarque sur la route, avec leurs distances respectives. 11 entre en-
suite dans plusieurs détails sur la population, les édifices, les manufactu-
res, etc. Au lieu d'une nomenclature aride de noms et de chilT-es , il
présente un taMeau statistique et topographique fort intéressant. ISon
content de faire connaître à l'étranger qu'elles distances il a parcourues,
il veut le faire voyager avec fruit; il lui sert de guide, lui indique tout
ce qni est curieux et digne de son attention. Rien, enCn, de ce qui peut
intéresser le voyageur n'échappe à ses observations. Cet ouvrage est
encore remarquable par le nombre et la variété des matériaux que l'au-
teur y a rassemblés. Dans ce seul volume, M. Jenny donne l'itinéraire
de 222 roules de toute espèce, dont quelques-unes conduisent jusqu'à
Dresde, Nuremberg, Varsovie, et d'autres villes situées hors des états
autrichiens. Il y joint la désignation de 45800 villes, villages et autres
endroits situés sur ces routes ou dans leurs environs. A. J.
28. — lleher des Flavius Joscj)hus Zcugnis von Christo. — Du té-
moignage de Joseplie sur Jésus-Ghribt; par C. f . Boehmebt. Leipsick,
182J.
11 s'agit ici de l'authenticité d'un passage de l'historien Josèpbc. M.
Eiehstaedt, dans des recherches ingénieuses et profondes, semblait avoir
fermé la discussion, et avoir enlevé à Jo^èphe ce passage sur Jésus-
Christ, pour en attribuer l'interpolation à un chrétien de la fin du in*^
siècle. Cependant, M. Bœhmert ne craint pas aujourd'hui d'attaquer
une autorité aussi redoutable. Il examine la question avec calme, avec
érudition , et ce qu'il di! mérite de la part de ses adversaires une sérieu-
se attention. C'est dans la vie et dans le caractère de Josèphe qu il cher-
che !a preuve de raiiihcnticilé du passage où il parle de Jésus. Aussi,
i44 LIVRES ETRANGERS.
son premier chapitre cst-il consacré à la vie de cet auteur; ce qui était
nécessaire pour pouvoir, dans le second , déterminer son caractère. Cette
tâclie présentait néanmoins plus d'une difficulté; Josèj)lie a souvent été
en contradiction avec lui-même dans ses actions. M. Bœlimert établit
qu'il était dominé par l'ambition , et par un désir de sa conservation qui
l'emportait sur tout; mais l'historien Israélite rachetait en quelque sorte ces
deux défauts par sa droiture: il aimait la vérité; il était dégagé des vues
étroites de sa nation. M. Bitliraert fait ressortir de ses écarts tous les
endroits qui le caractérisent, soit comme homme, soit comme israélite,
soit comme historien. Sous ce dernier rapport, il pense que Josèphe
était non-seuleinent capable d'écrire les événemens auxquels il avait lui-
mêuie tant de part, mais qu'il avait la volonté ferme de dire impartia-
lement ce qu'il avait reconnu conforme à la vérité. M. Bœhmert fournit
la preuve de cette assertion par des exemples. Dans ces dispositions,
Josèphe at-il parlé de Jésus-Cluist ? en a-t-il parlé de la même manière
que dans le passage dont il s'agit? Nul ne conteste que Josèphe ait pu
en parler. RI. Bœhmert prouve qu'il a dû en avoir la volonté, puisqu'il
se 'rouvait mèiue dans la nécessité de le faire. Quelque aversion qu'on
lui suppose pour ce sujet, pouvait-il, dans l'histoire de son pays, se
taire sur le fondateur d'une secte pacvenue à un tel degré de faveur,
qu'elle comptait des adeptes même à la cour de l'empereur? Josèphe
Il 'a-t-il donc pas fait mention d'imposteurs obscurs qui se donnaient ,
chacun de son côté, pour ce libérateur des Juifs si Ijng-teins attendu?
Il pouvait sans doute méconnaître le véritable Messie, mais il ne pou-
vait le passer sous silence ; ses relations à la cour elles-mêmes l'obli-
geaient à en parler. Flavius Cleonens et sa femme Domitilla , qui te-
naient de si près à l'empereur par les liens du sang, qui avaient tant
d'inûuencc à la cour quand Josèphe écrivait, étaient chrétiens : Epa-
phrodile, qui l'engagea à écrire, paraît aussi l'avoir été. Ainsi se
trouve résolue la première question. Mais la solution de la seconde,
celle de savoir si Josèphe s'est exprimé sur Jésus dans les termes hono-
rabli.'s qu'on lui prête, était sans doute beaucoup plus difficile. C'est
dans la fidélité et dans l'impartialité de l'historien que M. Bœhmert
puise une réponse affirmative. Il parle ensuite du témoignage en lui-
même, et n'y voit nulle raison de l'ôtec à Josèphe. Il réfute enfin les
argumens des partisans de l'opinion contraire, et se distingue surtout
en repoussant les avantages qu'ils veulent tirer du silence de Justin,
d'Oiigène et de Photius.
2C). — DeDionysio Arcopayita. — Sur Denys l'Aréopagitc, parBAUia-
GARTEN Cbcsips. léna , 1S25. In-4° de 23 pag.
LIVRES ETRANGERS. ,45
Déjà M. Engeliiardt avait renouvelé, dans deux écrits successifs, les
reclurches fa les au xviie siècle sur DfnysI'Aréopagilc; d'abord, en 1S21,
dans sou Truite, De Dionysio plotinizanle , puis, en 1822 , dans celui,
De orijine scriptorum Areopagitoi-um. L'année iSjJ ne se sera pas non
plus écoulée sans accorder un regard à cet auteur, M. Bauingarlen Cru-
sius, connu en philologie par des essais qui l'ont placé au rang des
maîtres , al)orde à son tour la discussion, dans un de ces prcrammes
académiques que les Allemands appillenl Einladungs Sclirift. Suppo-
sait que les écrits attribués a ce Denys sont du seul et même auteur,
M. Crusius examine à quel tems il faut reporter ces écrits. L'opinion de
son prédécesseur Engelliardt était qu'un élève de l'école de Proclus, à
Athènes, avait appliqué sa pliilosuphie au cin istianisme , et s'était seivi
du nom de l'aréupagile pour en orner se» propres ouvrages. M. Crusius
prétend que, dès le quatrième siècle, Athènes possédait une école chré-
tienne en relation avec les philosophes paù-ns ; il pense que les ouvrages
placés sou.s le nom de Denys viennent d'un homme qui cherchait à trans-
férer les mystères gre^s dans le christianisme avec encore plus d'exacti-
tude que cela n'avait été fait jusqu'alors ; et quant à son nom , il pré-
sume que cet écrivain, suivant l'usage des initiés, l'avait emprunté aux
my.-tères eux-mêmes. M. Crusius est il'a\is que les livres de ce Denys
TAréopagite remontent beaucoup plus haut que le ti« siècle, sans cepen-
dant précéder le commencement du iii«.Dans une seconde partie, l'auteur
s'occupe plus spiciaiement de la doctrine de ces livres. Kous regrettons
de ne pouvoir le suivre dans ce qu'il dit de l'opposition entre les gnos-
tiques et /es nouveaux platoniciens, ni dans sa distin^ lion entre le" pla-
tonisme païen et le platonisme chrétien. Tout cela est du plus haut iolé-
rêt , et c'est par suite de J'examen de la doctrine en clk-même , qu'il
finit par penser que son philosophe était interioris disciplinée inler
Clirislianos. Dans une troisième partie, M. Crusius, revenant aux mys-
tères de Bacchus , qu'il sépare des fêtes scandaleuses de ce dieu , dit que
ces mystères avaient fortement attiré l'attention des chrétiens. Da,-,s son
opinion , ]\onn<is a écrit son poème des Dionysiaques en chrétien : il le
range parmi les sectateurs de cette rcligio,,. Selon lui toujou-s, ce poêle
a voulu comprendre dans ce suje-t ce qu'il voyait de plu. noble chez les
chrétiens, l'évangile de S.int Jean, et ce qui chez les païens était le plus
élevé et le plus près du christianisme , c'est à-dire les mystère:, de Bac-
chus. Quant à l'Aréopagite, deux choses principalement l'ont occupé: la
nature de la fable et du c.dte de Bacchus, et, en second lieu, quod suv-
mum omnino cssct in Grœ.corum mvstcriis. M. Crusius attribue à son
T. XX. — (Jccoùre iSaj.
JO
,^(3 LIVRES ÉTRANGERS.
auteur l'intention de faire passer dans le christianisme la doctrine mys.
tique du platonisme. Nous avons accordé beaucoup de détails à une
brochure de aJ pages, parce que rien n'est plus innportaut dans l'histoire
de l'esprit humain que le passage d'une religion à une autre , et c'est
réellement pour l'observateur une bonne fortune, quand il peut ressai-
sir, à travers tant de siècles , la pensée des hommes éclairés, contem-
porains de celte imposante révolution , ou quand il peut apircevoir ces
hommes cherchant , dans les débris même de l'édifice renversé . les ma-
tériaux avec lesquels ils en ont élevé un nouveau. Ph. Golbkry.
3o.—Handluch dcr Philosophie und der phitosophischen Literalur.
— Manuel de philosophie et de littérature philosophique, par GuiUauma
Kbcg. Leipsick, 1822: F. A. Brockbms. Deux vol. in 8°.
M. Krug est connu dans sa patrie par la publication de plusieurs ou-
vrages deV'losophie , où l'on trouve des idées justes, et quelquefois
neuves. L'un de ses ouvrages a été traduit récemment en grec, par
M. K.. M. Koumas. Son système de philosophie critique l'a été en latin
par M. Etienne Marton. M. Krug n'est pas moins estimé pour la noble
indépendance et la chaleur avec laquelle il s'est élevé , dans plusieurs
circonstances, contre les détracteurs de la jeunesse moderne et des étu-
des auxq^uelles elle se livre. Le Manuel que nous annonçons est rédigé
avec beaucoup de méthode ; toutes les sources d'instruction y sont indi-
quées avec autant de sagacité que d'impartialité. ÎNons avons été seule-
ment surpris de ne pas y voir citée l'Histoire comparée des systèmes d»
philosophie de M. De Gérando , production distinguée qui a trouvé
des approbateurs même en Allemagne, et à laquelle l'illustre Dugald-
StLVTart et le profond Tennemann ont accordé beaucoup d'éloges. (On
en publie maintenant, à Paris, une nouvelle édition dont nous rendrons
compte.)
3j _ fersuche cur Kritik und Auslegunc) dcr Ouellen des rœmis-
ehenUechls. —Essais sur la critique et l'explication des sources du droit
romain; par /it;nrt-£rf. Dirksen. Leipsick, iSî.î. In-S".
Ce livre se compose de six dissertations qui prouvent beaucoup d'éru-
dition et un esprit de recherche peu commun L'auteur y traite d'abord
des iorraules du droit romain, et il examine impartialement le traité
de Brtssonius, De formulis et solemnibus popali romani; il pense que
ni lui ni ses successeurs n'ont encore considéré les formules sous leur
véritable aspect historique; il montre av,c quel avaniage ou pourrait
suppléer a cette omission , et suivre, depuis leur origine et dans leurs
développemcns, toutes ces parties si esseiitielles du droit romain. L'au-
teur fournit lui-mème et l'exemple et le précepte; on peut proposer
LIVRES ÉTRAINGF.RS. , ç^
pour modèle son travail, De cdictis ■perpctuîs, et sur les cliançeuicns
survenus dans les rormulcs après Constantin. La seconde dissertation de
M. Dirksen a pour objet la signification juridique de quelques expres-
sions latines. Selon lui, la découverte des Institufes de Gajus a beau-
coup étendu la langue du droit; mais il lait la sage remarque qu'il faut
ici se conduire avec beaucoup de précaution, et ne pas prendre po.ir
termes scientifiques des mots employés dans un sens juridique par des
auteurs qui , sous le rapport du droit , ne sont pas classiques ; et d'après
ce principe , il examine lui-même quatre de ces mots. 11 se demande si
VAhdicatio Hiferorum, chez les Romains, liv. 6, God. De patria fo-
fcstate, étaient ce que les Alhéni( ns appelaient xTTOK-^pv'ét: , et ^'il
faut l'entendre dans le même sens. 11 passe ensuite à l'adoption per tes-
tHWentum, expression que l'on ne trouve point dans les sources du
droit, ou du mr-in;, que les classiques n'emploient pas avec une rigou-
reuse uniformité. Ici, M. Dirksen pense (etc'élait l'opinirn deRicbter,,
que ladoplion faite pararle de dernière volonté n'en était vérilablement
pas une, et qu'il s'agissait plutôt de la transmission d'une succes»!ion ,
sous la condition de porter le nom du testateur. Le troisième mot dont
s'occupe M. Dirksen est amici. 11 montre, contre l'o;)ini)n de ceux qui
suivent exclusivement l'interprétalion de la loi 225 de Verb sijnif, que
le concilium amicorum est souvent diflérent, dans les classiques de la
jurisprudence, du concilium eognaiorun, yenlitiutn , etc. Le uuatiième
mol est suburbana; il lui trouve une sigiiitit ation juridique dérivée de
la nature du bien dont il s'agit , et une signification topographique qu'il
doit à la position seulement des domaines auxquels on l'applique. Noms
regrettons de ne pouvoir suivre M. Dirksen dans les développemens de
sa proposition. Dans son troisième traité , on trouve un examen criti-
que de plusieurs passages des Institules de Gajus; puis viennent des
remarques sur le plébiscite, rfe r/i<'rmc»wi6««, dont, en i566, Manu-
tius a donné un fragment, mais qui jamais n'avait été appliqué. Voici
sur quoi portaient les éclaircissemens de l'auteur. Des libcrœ civitates
en générai , et de la liberté de la ville de Thermessus en particulier. Le
plébiscite parait devoir être rapporté à l'an de Rome 682. Dans la cin-
quième de ses dissertations, M. Dirksen montre que, depuis Trajan,
1< s jurisconsultes se bornant à leur pratique, évitaient les r. cherches
archéologiques sur le droit, iinfîn , la sixième dissertation est un examen
de ce que l'on a fait jusqu'à ce jour pour rétablir le texte dans ce qui
nous reste de la législation des rois. Ici M. Dirksen entre dans le dé-
tail de ce qui appartient à chacun de ces rois. On ne peut lire , sans en
tirer beaucoup de fruit , cette intéressante partie de son ouvrait. ; et
i48 LIVRES ÉTRANGERS.
d'après ce qu'il a fait en cette occasion , on doit désirer avec ardcut
la publication prochaine de son travail sur la loIdi'sXFI labli-s.
Ph. GoLBKKV.
52. — Poctische Belrachtuneftn, etc. — Méditations poétiques d'Ai'
pfionse DB Lamartine, traduites du français, par J. B. Schacl. Ginund,
1825 ; Ritter. Un vol. iu-12 de 160 pages.
Les Allemands, plus qu'aucune autre nation, s'occupent à enrichir
leur littérature des ouvrages étrangers qui ont le plus de réputation. On
a aussi remarqué qu'ils sont les voyageurs par excellence, sans excepter
les Anglais, et qu'ils savent mettre à profit les perfectionncmens ( t les
améliorations que leurs fiéquens voyages et leur connaissance des pays
étrangers les mettent à même d'observer. Le grand nombre de traduc-
ticus que l'en publie en Allemagne, semble (onfirmer celte assertion.
En effet, il est peu d'o'Jvr;iges un peu remarquables de nos poètes, de
nos savans, de nos liilératcurs qui aient échappé aux inTe.>tigation"= des
traducteurs allcm.inds. ISoos ne devons donc pas nous étonner si l'ou-
vrage de M. de Lamartine, accueilli en France par une espèce de vogue,
a trouvé si promptement un interprète en Allemagne. Mais, ce qui
nous surprendra, c'est que les beaux vers et les pensées poétiques de
l'auteur des Mcdifations n'aient pas mieux inspiré son imitateur : du
moins, les critiques allemands, en général, se sont-ils accordés pour ré-
fuser à M. Scbaul le mérite d'une traduction heureuse, et celui d'une
versification élégante. M. Scbaul a cependant une sorte de nom dans la
littérature allemande; il est l'auteur de quelques critiques sur KIopstock
et Schiller, dans lesquelles il s'est montré souvent sévère, et quelque-
fois même injuste. Il est curieux de connaître les jugemens portés par
les étrangers sur les ouvrages de nos auteurs, afin de les comparer à
nos propres jugemens. Nous profiterons de cette occasion pour mettre
sous les )eux de nos lecteurs ce que dit, à l'occision de la traduction de
l'ouvrage de M. de Lamartine, le rédacteur de la Feuille de liltcraturo
de Cotta {Literatur- Biatt), publiée à Siuttg.irt et Tubingue. a M. de
Lamartine, dit-il, paraît, d'après la couleur et l'esprit de ses poésies,
plutôt Anglais que Français. Une mélancolie souvent obscure, un désir
ardent et indéfinissable qui semble l'attirer vers quelque chose de sur-
naturel, un goût excessif pour les descriptions de sites romantiques,
sont des qualités particulières à notre auteur, et qui se font remarquer
dans les Méditations; mais, certes, elles u'app^irtiennent pas au genre
de la poésie française. Ces mêmes qualités sont précisément la source
des défauts que l'on pourrait reprocher à M. de Lamartine : sa mélan-
colie est quelquefois exagérée, et, pour ainsi dire, factice. Cette affec-
LIVRES ÉTRANGERS. i4g
taiion se reproduit dans les images et dans les comparaisons, dont il est
prodigue. Souvent aussi, il s'abandonne trop à l'expret-sion coiifuse de
vagues désirs, dont le kcleur cherche inutilement à s'expliquer l'objet.
Quant à la description trop fréquente des paysages où le poêle se con;-
pluît, il oublie qu'il est aisé de lasser la patience de ses auditeurs
quand on ne sait pas Its intéresser, et que de longs détails, unique-
ment descriptifs, tout beaus qu'ils soient, manquent de vie et d'inlérêf .
Nou* lui reprocherons encore un défaut d'ensemble dans ses poésies di-
dactiques, qui inanquent presque toujours d'un but bien déterminé, et
qui n'oETient souvent qu'une réunion bizarre d'antilhéses et de lieux
communs. » A. J.
35. — Annales Acadcmiœ Jcncnsis. — Annales de l'Académie de
Jéna; par Eiciistakdt, conseiller intime et professeur. Toio. I. Jéna,^
1823. la-i".
Une description poétique des environs de Jéna ouvre le volume de
M. Eichsiaedt, qui, déjà célèbre dans le monde sa ant , rend aux lettres
un nouveau !-ervice, en faisant connaître l'origine et les progrès de l'un
des principaux foyers de lumières en Allemagne. Le 19 mars i543, on
fonda , à Jéna , un Pedagogium provinci.ilc, qui , dix ans après , devint
université : tout ce qui suit est exposé avec clarté et avec ordre, et se
trouve digne du talent vraiment classique de son auteur. On trouve ici
une chose qu'il serait utile d'imiter pour les compagnies savantes, et
pour les corps enseignans. M. Eithstaedt, dans la première partie, ra-
conte ce qu'a lait chacun des professeurs actuels de l'université. Voici
le titre de celte division : Pars ■prima conlincns vitas doctorum qui
MKnc in univcrsitate Jenensi litteras et artes publiée privatimve tra-
dunt, una cum librorum ah ipsis ediloruni enumeralione. On trouve
ici 64 biographies selon l'ordre du programme des cours de l'université ;
celle de M. Eichstaedt lui-même est remarquable par son élégance et par
sa concision. La seconde partie contient, en 4r sections , l'histoire de
l'université depuis 1817. La troisième renferme quelques dissert. liions
académiques, parmi lesquelles nous en citerons une sur l'aristorratie
des anciens. De aristocratia vcterum, par M. Gotllinger; cet écrivain
cherche en quoi l'aristocratie chez les anciens différait du l'aristocralic
moderne, qu'il pense être plutôt une oligarchie qu'une véritable aristo-
cratie. M. Eichstaedt non-seulement a enrichi la littérature de tout ce
qui lui appartient dans ce livre, mais, de plus, il nous a mis à même
de profiter des savantes éludes de l'université. Pk. G.'lbkby.
34. — ff'ûrlcmbergische Jalirbûcher fiir vaiertândisclie Gesciiichtc,
etc. , etc. — Annuaire wurtembergeois pour l'histoire, la géographie.
i5o LIVRES ETRANGERS.
la statistique et la topograjihie , publié par J. D. G. Mrmming^r. Pr^
misr cahier (i823}, avec une carie des élévations du terrain. Stuttgart
et Tubinguc, iSaS; Colta.
En Allemagne, comme en Suisse, il n'est guère de contn-e et de
canton qui n'ait ses annuaires. Ce sont des espèces d'archives, où les
hommes instruits du pays viennent déposer les résultats de leurs travaux
et de leurs rccherclies, et que l'on peut consulter avec fruit, loisque
l'on dési-e avoir des données certaines sur l'histoire, les antiquités, l'ad-
ministration , la géographie, l'agriiulture , etc. Pour le savant qui s'oc->
cupe de recherches statistiques, ce sont les meilleures sources auxquelles
il puisse avoir recours. Kous avons déjà fait mention des annuaires de
TAutiiche et d'autres pays : dans celui que nous annonçons, et qui parait
fort bien rédigé, on trouve des articles sur les évéïiemens les plus re-
marquabl'S; la nénologie des plus célèbres Wurtembergeois morts
penditnt l'annét- précédente; diverses notices historiques, archéologiques
et géographiques; et une carte fort bien faite. Elle représente avec une
grande exactitude l'ensemble des chaînes de montagnes du Wurtem-
berg, et le cours des principales rivières avec leurs afHueiis. On y a joint
des observations sur la température , sur l'atniosp!;ère, sur la nature ihi
terrain, l'histoire naturelle, enfin sur !out ce qui peut servir à faire
connaître la statistique et la géographie physique du Wurtemberg.
35. — Essais imilalifs de queUiues poésies de SchUler, dédiés au roi
Frédéric-Guillaume 111, par C. Boaafont. Halle, i825; E. Anton. Un
vol. in-S" de 19 pages.
Un Français, établi en Allemagne, où il a sans doute appris à con-
naître les œuvres des grands poètes de ce pays, a voulu leur payer un
juste tribut d'aduiiration, en essay.mf de reproduire leurs poésies dans
sa langue natale. Son choix est tombé sur ciuq pièces détachées de
Schiller : La Jeune fiUc de l'ctranqcr, le Partage de ta terre, ie Secret,
la U encontre , et ia Dignité des fi^mmes, que déjà, sans doute, bien
des Français connaissent d'après la traduction qu'en a publiée M. C. J.
(Voyez Riv. Enc., Tom. XIV, pag. ^i-) M. Bonafont n'a pas cru de-
voir se borner à la prose; il a entrepiis une traduction en vers. Il au-
rait eu raison, s'il avait toujours réussi à bien rendre Schiller. Nous
trouvons, il est vrai, çà et ]à , quelques bons vers, et des imitations di-
gnes de l'original; mais, souvent aussi, le poète français ne sait pas se
borner, il veut agrandir son modèle, et il n'y réussit pas. A. J.
SUISSE.
56. — Élcmcns de graminaire allemande, dédiés a la jeunesse de la
Suisse IVauçaise, Lausanne, 182Ô. In-S" de i4i pages.
LIVRES ETRANGERS. i5f
Des divisions faciles à saisir, une gramk- clarté dans l'en'îembie, et
surtout de la biiévclé dans les détails, telles sont les qualités qui distin-
guent cet ouvrage. Après quelques pages consacrées à la connaissance
des lettres, l'auleur, M. //. G. Bu.noer entre en matière, et (raile, en
dix chapitres, des dix parties du discours. Un onzième chapitre est ré-
servé à l'exarpen des diverses constructions , qu'il range sous les litre»
de simples, explicatives , conclusivcs et Imnsfositivcs. Enfin, il fait ,
sur une ode placée à la fin du volume, l'ai.plication des règles énoncées
dans son ouvrage, exercice précieux dont les commençons doivent re-
mercier l'auteur, ainsi que du parti qu'il a pris de substituer aux phra-
ses triviales qui remplissent nos grammaires élémentaires, des exemple»
consacrés à la gloire du peuple auquel il a destiné la sienne. C'est un
mérite qui, sans doute, la rentra nalii^nale eu Suisse. La critique ne
doit pourtant pas laisser ignorer à M. Biinlier quelques fautes contre la
métaphysique du langage. Les mots sont divises nécessairement en deux
grandes cldsse^, les uns désignent les êtres, les autres seulement leur»
rapports. IN 'eût-il pas élé plus simple de conserver cet ordre, que den
créer un enlièrement factice? La môme raison d'analogie n'aurait- elle
pas dû faire réunir le pronom au substantif, et à l'adjectif les articles
et les mots improprement appelés noms numcraux? JN'oublions pas que
rien n'est si favorable à l'élude d'une science qu'une divi,ion méthodi-
que, réunie à des définitions rigoureuses. Sous te rapport, on pourrait
eiîrore attaquer la nouvelle grammaire; mais ce sont des taches légères,
qu'il sera facile de faire disparaître. J'appellerai aussi l'attention de M.
lUinher sur son style; la langue française paraît ne lui être pas assez fa-
milière : sa phrase est souvent embarrassée. Cependant , il doit savoir
que la clarté du s!y!e est une qualité indispensable , surtout dans un ou-
vrage élémentaire. "• ■'•
ôy. — Le firmier aveugle et su famiUe , traduit de l'anglais. —Genè-
ve, 1822, Paschoud. Paris, même maison, rue de Seine. Un vol. la 12,
de 179 pages ; prix , 1 fr. 5o c.
On se plaint avec raison qu'il n'y ait point assez de livres qui, en cap.
tivant laltenlion et l'intérêt du peuple, puissent développer en lui de»
germes de moralité et de vertu , ou l'aCferinir dans ses principes de con-
duite ; le charmant ouvrage que nous annonçons, vient heureusement
jcmplir une partie de cette lacune. L'auteur a eu pour but de prouver
qu'il n'est point de situation dans la vie qui ne soit susceptible d'être
8loucie,par une piété sincère et par une volonté ferme de tirer le meil-
leur parti possible des ressources que Dieu place toujours à côté du
malheur , pour soulager ceux qu'il éprouve. Il a réussi à démontrer
i5i LIVRES ETRANGERS.
qu'une exacte probité et une honnête industrie sont les meilleurs moyens
pour s'assurer une bonne réputation et pour surmonter la pauvreté.
Dans quelque classe de la société que se trouvent placés les lecteurs,
ils relireront de cette nouvelle autant de plaisir que de fruit. — Un brave
fermier est , ainsi que sa famille, victime du funeste système qui a fait
tant de mal dans les îles britanniques, et particulièrement en Ecosse,
celui de la concentration des petites fermes ou de grands domaines. Le
propriétaire, sir Henri Milfort, jeune homme peu accoutumé à réflé-
chir, se laisse entraîner, sur le propos inconsidéré d'un valet, et sans
motif de plainte, à expulser d'une de ses fermes, l'homme laborieux
qui, soit par son père, soit par lui-même, la faisait prospérer depuis bien
des années. Celte résolution précipitée cause la ruiue d'un homme ver-
tueux, ( hif d'une nombreuse et intéressante famille. Le tal>leau des efiforts
individuels de chacun de ses membres pour se tirer d'.iiTaire et poursur-
monter les infortunes qui accompagnent ce renvoi , qui est encore ag-
gravé par l'état de cécité complète auquel le père se trouve bientôt ré-
duit, remplit la plus grande partie du volume. Le bon fermier recou-
vre enfin la vue, au moyen des secours généreux de son ancien maître,
accordés par celui-ci, sans qu'il sache à qui ils sont destinés. Différentes
combinaisons rapprochent de ce maître désabusé le vertueux Norton et
sa famille, dont il ignorait le sort depuis long-tems, et lui fournissent
l'occasion de réintégrer ce brave homme dans sa ferme , et de réparer,
d'une manière noble et généreuse, ses torts involontaires envers lui.
Plût à Dieu qu'il se trouvât beaucoup de Henri Milfortl l'Irlande ne
serait peut-être plus en proie aux désordres de toute espèce, amenés
par la misère à laquelle les classes inférieures sont réduites! — Nous
rejjrettons de ne pouvoir nommer à nos lecteurs ni l'auteur, ni le tra-
ducteur , qui ont juge a propos de garder l'anonyme : ils méritent l'ua
et l'autre, la reconnaissance des philantropcs. E.
ITALIE.
58 (*). — RaccoUa d'autori ilaliani che IraUano dei moto del acque. —
Recueil des auteurs italiens qui ont écrit sur la science de l'hydrauli-
que. Bologne, iS2i-i8a5; imprimerie de Marsigli. In-4''.
Les Italiens , entrés les premiers, depuis la renaissance des lettres,
dans la c.irrièri' des scit-nces mathématiques et naturelles, ont aussi été
les premicrb à en faire d'utiles applications; ils pratiquaient l'art de di-
riger les cours d'eau qui traversent leur contrée, long-tems avant que
les principes fondamentaux de l'hydraulique fussent bien connus des au-
LIVRFS ÉTRANGERS. i53
très nations de l'Europe. Galilée, Torioclli , et les nombreux disciples
de CCS grands hommes durent natiirrliiin< nt fixer leur attention sur les
movens de l'aire servir leurs décou\ertes dans une science nouvelle à
l'amélioration de leur pays. Ils muliiplièrent à l'envi leurs obseï valions,
et ils nous les ont tr.jnsmises , avec toiiles les conséquences qi.'ils en
ont déduites. La collet tion cle leurs ouvrages a été imprimée à Paime,
en 1766 et 1768, en sept volumes in 4" ;une tioisiéme et dernière édi-
tion, en neuf volumes, en a été publiée à Florence, en i774. Celle que
nous annonçons aujourd'liui a été entreprise sur un plan plus vaste;
elle sera composée de trois parties. La ■preniiirc comprendra les ou-
vrages italiens déjà recueillis dans les collections précéden'es. La se-
conde sera formée de plusieurs pièces inédites, conservées dans quel-
ques bibliotéques publiques, et de dilférens traités de plusieurs auteurs
italiens déjà connus, mais qui n'ont point été réunis en un seul corps.
Enfin, la troisième et dernière partie sera formée d'ouvrages sur l'hy-
draulique composés par divers auteurs étrangers à l'Ilalie. L'éditeur,
M. Francesco Cardiiuiti, se propose, comme on voit, de former en
quelque sorte une bibliothèque complète de ce qui a été publié de plus
marquant sur cette matière, et spécialement sur l'bydrauliijue appl.quéc
aux besoins de la vie civile. Il n'annonce point encore de combien de
volumes se formera sa collection. Les cinq premiers que nous avons
sous les yeux, contiennent le Traité de la nature des fleuves, de Domi-
nique Guglielmini, avec les annotations d'Eustaehe ManlVedi; le Traité
de la mesure des eaux courantes , du même Guglielmini ; les théorèmes
d'Archimède sur l'hydrostalique; un discours de Galilée sur la même
matière; un Mémoire sur la mesure des ea%ix courantes de Casicili;
un autre d'Alphonse Borelli sur les lagunes de T'enise; un discours de
Toricelll sur V Amélioration de la vallée, de la Chiana, en Toscane; un
écrit de Vincent Viviani sur les aitcrissctncns , et les corrosions de l'Ar-
no; divers mémoires de Guy Grandi , sur tes m-ouvcmcns des eaux ; de
'^»tà\icc\-, sur les irrigations; de Michelini, sur l'art de diriger les /Lu-
ves; de Laurent Albizi, sur les amèlioratians du Pisan; de Monlanari,
sur la mer Adriatique et ses couvaris; enfin, divers écrits d'EusIache
Manfredi, relatifs à l'hydraulique et à des questions dejlocalité sur les-
quelles il avait été consulté. Les noms de la plupart des auteurs que
nous venons de citer sont depuis long-tems célèbres parmi ceux des
géomètres, des physiciens et des ingénieurs. Nous reviendrons, dans
un article plus étendu, sur chacun de leurs ouvrages qui entrent dans
la collection de J\L V. Cardineli. Nous terminons celui- ci, en cxpri-
i54 LIVRES ETRANGERS.
mant le désir de voir bienlôl arriver à son terme l'ulilc entreprise à la-
quelle il se livre. P. S. G.
ù(). — Nouvollc mèt!wdc pour réduire les distances apparentes de la.
lune au soleil où à une élniic en dislii/rces vraies dans le calcul des
ion'/iludes , par Giraldi, professeur de mathématiques et d'Iiydngra-
pbii.' à TEcole nyjje de la marine de S. M. Sarde, — Gènes, 1(820; ira-
primeiie de Reggio. In-S°, de 36 pages.
Le procédé le plus usité et le plus exact pour trouver la longitude
en mer, consiste à mesurer à la fois la distance de la lune au soleil ou
hune étoile, et la hauteur de ces deux astres; comme la parallaxe
uliaisse la lune et le soleil, tandis que la réfraction les élève, il s'ensuit
qu'on ne voit pas ces corps aux mènie;. points du ciel, que si on les
observait du centre de la terre. On calcule, d'après les données ci-des-
sus, quelle est cette distance, vue du centre du globe. Mais, la rapidité
de la marche de la lune dans son orbite lait varier à chaque moment
cette distance vraie, qui est donnée dans la connaissance des tems,
de trois en trois heures: il est facile, par une interpolation, d'en con-
clure l'heure de Par!» à laquelle la distance vraie est précisément celle
que l'on a conclue de la distance apparente. On a d'ailleurs l'heure du
lieu où ou est; ainsi, l'on connaît les heures que l'on comjjte dans ce lieu
et à Paris, auxquelles la distance vraie a existé; la différence de ces
heurts est celle des méridiens. Le calcul de la di.-i tance vraie de la lune
au soleil ou à une étoile, déduite de la distance apparente observée, est
en général assez long, soit qu'on emploie la formule de Borda, soit
qu'un se serve de quelques autres procédés fondés sur le même genre
d'analyse; et comme ces sortes d'opérations reviennent fréquemment,
on a essayé de les abréger en composant des tables qui donnent ces cal-
culs tout f.iils, du moins en grande partie. Les tables de M. G.raudi
sont d'un usage fort commode et remplissent très bien le but qu'il s'est
proposé. Au reste, il ne faut pas se dissimuler qu'il est à peu près aussi
court et un peu plus exact de se servir de la formule même et d'y appli-
quer le calcul logarithmique. Les personnes exercées à se servir des ta-
bles ne balanceront donc pas à préférer ce dernier moyen. Mais celles
qui n'ont pas l'habitude de ce genre de procédés, peuvent avec avan-
tage recourir à la raélhoile de M. Giraudi. Je lis, dans son opuscule :
«11 me parait qu'en navigation ma formule donnera plus d'exactitude
au commun des marins» aux capitaines de long cours, aux personnes
enGn médiocrement instruites....» Il me semble que M. Giraudi aurait
pu se dispenser de ranj;er les capitaines de long cours dans le nombro
LIVRES ETnANCT-nS. i".5
des ij,'norans; la marint- fV.inçaise peut lai offrir des ofTicieis de cette
espèce, dont rinstructiun égale la moJestic; et je cn.is même pouvoir
assurer que les capitaines génois ne méritent pas plus que les nôtres la
classification dont je relève l'inconvenance. Il eût aussi été à désirer
que l'auteur eût démontré la forinule dont il se sert, sans renvoyer à
l'un des numéros de la Corrcsfondanre astronomique de M. De Zuch^
qui n'est pas entre les mains de toutes les personnes intéressées à com-
prendre son procédé. La brochure n'en aurait pas été beaucoup plus
forte, et elle eût pu se suffire à elle-même. IVI. Giraudi est un ho;r.me
de mérite qui, sans doute, prendra en bonne part le peu de critiques
que je fais sur son utile travail. Frascceir.
4n. — La fionda di David , ossia V antichilà ed autorità de' jninti vo-
ea,li nci testa Ebrco , etc. — La Fronde lie David , ou Antiquité et auto-
rité des points vocaux dans le texte bébreu , démoiitiées et défendues ,
par le AocWar Ifpoiito RosBiLmi. Bologne, 182Ô. In-S".
Cet ouvrage contient l'histoire et la démonstration de l'antiquité, de
l'authenticité et de l'autorité des points uiassoréliques dans le texte hé-
breu, et la traduction lilléiale de quelques cliap'trcs des Proverbes de
Salomon, faite d'après le système massorélique (1), avec le texte en re-
gard, et quelques notes explicatives à la fin de chaque ch;ipilre. L'auteur,
jeune encore , fait espérer qu'il se distinguera un jour dans l'étude des
langues orientales.
4i. — Luciani samosatcitsis deorum diatogi decem a Livio Gxddo-
lolto urbinate setect i , jyrobati ac latine reddili ; ah Aioysio de AwGiii.i*
in hiiAiothcca Stnensi vunc primntn dclecli , futticique juris facti.
Sienne, i8:*3.
C'est le seul ouvrage connu jusqu'ici de Livio Guidolotti , écrivain du
siècle de Léon X,et qu'on avait presque entièrement oublié. Il était né
à Urbin, avait cultivé les lettres grecques et latines, et était devenu un
des ornemeus de la cour de ce pape. La traduction latine des dix dia-
Icigues de Lucien, que nous annonçons, atteste sa connaissance appro-
fondie des langues grecque et latine. Instruit du goût de son Mécène , il
s'était proposé de lui dédier cet ouvrage. La diction en est correcte , et
le style tiès-soigné. Les amateurs de ce genre de littérature ^auront gré
à M. Louis de Angelis d'avoir déterré et publié ce manuscrit, qui existait
inconnu dans la bibliothèque de Sienne. F. S.
42. — Pfiilonis Judœi sermones très hactenùs inediti I , et II , de Pro-
(i) Qui a rapport à l'examen du texte de I.1 Bible , par des docteurs juifs <jui out
fixé les différentes leçons, le nombre des versets et des mots , etc.
i56 UVIIES ÉTRANGERS.
vident ia ; et III , de animalihus ; — in armenâ vcrsione anliquissîmâ al>
ipso original! texlu graeco ad verhum striclè exequuta , nunc priroùm ii>
latioum fidelittr Iranslali , per P. Jo. Uaftislum Aicdeb , ancjranuia
monachum ariucnum et doclorem mechitariïtum. Vcneliis, 1822.
Philo:» peut cire regardé comme Ihomme le plus savant parmi ceux
de sa nation qui cultivèrent les lettres , du tems des roLs d'Egypte et des
empereurs'roraains. Né à Alexandrie» et issu d'une race sacerdotale, il
fut élevé dans la religion hébraïque par srsparens, instruit dans la phi-
losopliie par les Grers de cette ville , et formé à mener une vie contcm-
flutive par les saj:es de la secte des Esséniens. Ses connaissances et ses
Tcrtus sociales lui firent accorder la place de préfet de son pays natal.
Vers Tan .\o de l'ère vulgaire, il fut chai gé aus.-i , par ses compatriotes,
d'alli r a Rome , à la îèle d'une dcputalion pour demander à l'empereur
Caligula la cessation des violences exercées de la part de Flaccus Avilius,
procurateur d'Egypte. Mais ses représentations furent rejetées, parce
que ses co-n ligionnaircs avaient refusé précédemment d'exposer le
portrait de cet empereur dans leurs temples. Aimant avec passion la
vie ascétique et les sciences spéculaiives , Philon composa, dans sa
rcliaiti , plusieurs ouvrages de commentaires sur la Bible hébraïque,
beaucoup de discours sur des questions mélhaphysiques. 11 connais-
sait presque tous les écrivains grecs el latins; mais l'auteur avec le-
quel il s'était le plus familiarisé était le divin Platon. Sans renoncer aux
traditions de ses ancêtres, il fut un des plus habiles imitateurs de ce sage
de lantiquilé. Ou reconnaît, dans toutes ses production^ littéraires, ua
juif éclairé el un j)hilosuphe pieux. Son style même a le défaut et les per-
fections du savant de la Grèce : il est quelquefois très-concis , ou expres-
sif; quelquefois obscur ou confus, comme son maître et son modèle.
Les œuvri s de Phiion , écrites originairement en grec, furent traduites
en arménien , dans les premiers siècles du christianisme. Jusqu'à pré-
sent on n'a trouvé dans la langue originale qu'une partie de ses ourrat^cs,
qui furent publiés successivement à Bâle , à Paris , è Amsterdam , et à
Londres. Mais, la version arménienne renferme quelques traités de plus,
qui sont : 1° Discours sur la Providence , adressé à Alexandre (neveu
de Philon ). j° Dialo(jue entre Philon et Alexandre sur (a Providence.
Z° Dialogue entre Phi'.on et Lisimaqve (frère de Philon), sur l'âme des
éêtes. 4° Questions sur la Genèse. 5° Question sur l'Exode. G" Sermon
sur Samson. ~" Sermon sur Jonus. «S» Dialogue sur les anges (jui appa-
rurent à JLraham. Pour faire conn.iître ces ouvrages aux savans qui les
regardaient comme pcrdL-s, M. Aucher les a traduits en latin, en les.
LIVRES ÉTRÂINGERS. i5
«onfronlant sur dlfférens exemplaires arméniens manuscrits (i); et il
vient de publier une partie de ses travaux en un vol. in-Julio , qui con-
tient une dédicace, deux prolégomènes (dont l'un est d'un ancien glos-
salcur arménien sur Fliilon) , Us traités sur la Providence, et celui sur
l'âme des bêtes, en arménien et en latin. M. Aucher les a accompagnés
de notes, d'éclairrisstnicns et de IVagmens grecs des mêmes ouvrages,
conservés dans d'autres auteurs ancieus : lia placé, à la On du volume,
une table alphabétique des matières et des noms propres d'hommes,
un recueil des paroles sentencieuses du philosophe juif, et quelques
anciens vers arméniens , connus sous le litre d'épilaptie de Philon.
Cette partie des ouvrages de Philon peut intéresser un plus grand nom-
bre de lecteurs, et on doit la considérer comme une réfutation de la
doctrine des fatalistes et des matérialistes. L'auteur connaissait presque
tous les systèmes philosophiques des anciens sur l'univers ; il cherche
partout à argumenter contre eux , à résoudre les objections qu'ils ren-
ferment, à prouver qu'il y a une providence en toute chose. 11 Cite sou-
vent des passages plus ou moins longs de Platon , d'Hésiode , d'Homère,
d'Eschyle, de Pindare, et d'autres; et il fait mention d'un grand nom-
bie de philosophes, de poètes et d'historiens grecs. Dans son dialogue
sur l'âme des bêlis, il donne des notions générales sur la science zoolo-
gique, et il rapporte beaucoup de faits et d'anecdotes sur les instincts,
sur l'intelligence, sur les capacités et sur les forces des animaux. En
général , la lecture de ces trois traités de Philon est instructive et amu-
sante. Dans ses raisonnemens sur ces sciences , l'écrivain greco-juif in-
dique, de tcms a autre, des traits relatifs aux arts mécaniques, aux
mœurs, et aux usages de divers peuples de l'antiquité. En parlant, par
exemple, de l'intelligence de l'homme et de celle de son créateur tout-
puissant, il rapporte un fait qui pourrait prouver que l'invenlion des
horloges à roue, ou de semblables machines horaires, était connue des
anciens. Le style de Philon est, comme nous l'avons dit, souvent obscur
et énigmatique. Son traducteur en arménien , dont le nom ne nous est
pas connu, a conservé, dans sa version , les héllénismes et les caractères
particuliers du style de Philon. Mais , pour mieux réussir dans son imi-
tation, le traducteur latin n'emploie ordinairement que les mots et les
formes de locution les plus choisies : quelquefois il invente des exj.res-
(i) L'un de ces exemplaires avait apparteni. à Hailon II, roi d'Arménie, dans
le xiu" siècle, et il avait tli même transcrit par un nommé Vasil, scvibe de c«
prince.
iJ8 LIVRES ÉmANGERS.
sioDs, pour mieux faire connaître la force et Us nuances des idées de
1 auteur original; et très-souvent , il fait u^age de tours de phrase très-
hardis ou peu usités dans l'arménien. On avait multiplié, dans le moyea
âge, des commentaires et des glossaires sur les ouvrages de Pbilon, dans
lesquels les ellipics et ies transpositions sont les figures grammaticales
les plus fréquemment employées. Dans sa traduction de l'arménien en
latin, M. J B. Auchcr a suppléé à ces sortes d'omissions et d'interver-
sions : il a donné aussi des noies et des éclairciss-jmeus sur quantité de
passages obscurs , et !1 en a signalé avec franchise plusieurs autres, dont
le sens lui paraissait trop abstrait, ambigu, ou manquant de clarté.
GiRRIED.
43. — Isidc c Osiride opuscolo di Plutarcho Cher07iese, etc. — Isis et
0>iris, opuscule de Plutarque de Cbéronéc, traduit du ^rcc , avec des
notes philologiques et des observations sur le texte; par le chevalier Sé-
iiaslicn Ciampi, correspondant en Italie de la commission royale des
cultes et (ie rin?truclion publique du royaume de Pologne, Floreocc,
1825; Piatti, In-S" de 89 et lxxxvi pag., avec planches; prix, S paoli.
Le beau ciel de l'Italie, que, grâce à la munificence éclairée de
S. M. l'empereur de Russie , il est permis au chevalier Ciampi de revoir,
sans quitter le service de ce monarque, semble inspirer à ce savant une
nouvelle ardeur pour la culture des lettres anciennes. Nous recevons des
échantillons d'un grand et beau travail auquel M. Ciorapi consacre ac-
tuellement ses doctes veilles; c'est la traduction de quelques Opuscules
de Plutarque, pour compléter celle de Marcel Adriaui, écrite au xvi«
siècle. Un seul de ces traités a élé tiré à part : celui d'Lsis et Osiris^
qui forme un volume précieux. JNous ne dirons rien de l'opuscule en
lui-même, qui est assez connu. On sait que Plutarque paraît s'y ètro
proposé de montrer la connexion du culte égyptien , et en général du
polythéisme, avec la science de la nature, dont les allégories païennes
retracent les secrets, que savaient seuls dévoiler et expliquer le- prêtres,
les philosoi)hes et leurs initiés. Ce traité est l'un des plus curieux du
philosophe de Chéronée , rt il devient d'autant plus intéressant aujour-
d'hui, que les récentes lumières jetées sur la vieille histoire et les an-
tiquités de l'Egypte, permettent de le mieux apprécier. La traduction
de M. Ciampi uous a paru exacte, et sou style, autant qu'il peut être
permis à un étranger d'en juger, d'une élégance fort remarquable. Les
travaux de M. Ciampi, comme commentateur, nous ont piru encore
plus dignes d'éloges, il a joint des annotations nouvelles, aux noies par
lui reproduites de Reisk et Wyttenbach : deux manuscrits peu anciens, il
est vrai, mais encore non explorés, de la bibliothèque Laurenlienne, ont
IlVr.ES LTKAISGERS. i-^r,
fourni à M. Ciampi des leçons inédites et des corrections ingénieuses.
Cette partie aurait pu recevoir des dimensions beaucoup plus étendues,
si l'éditeur eût v.ulu mettre à conliiijulion tous les écrits des modernes
sur l'Egypte; il s'est borné à donner un catalogue sommaire des ligyp-
tiographes, dans lequel ne sont pas oubliés les Français modernes, tels
HucMM.Denon, Jomard, Cailiiaud, Lcironne , ChamfollionFigeac,
etc.; mais où se tiduvenl omis, bien à tort, les écrits si imporlans de
M. ChamfoHion le jtune, sur ks Pharaons, et sur les hiéroglyphes. Le
nouvel cdileur publie aussi un Calendrier isiaque, adapté à l'opuscule
de Plularque, et rais en concordjnce avec les calendriers romains et
vulgaires, au moyen d'un Émcrologc extrait d'un manuscrit de la bi-
bliotlièque Laurentienne ; cette pièce importante pour la chronologie,
et dont les plus célèbres auteurs en ce genre avaient parlé, est donnée
cette fois encore par extrait, mais avec plus d'étendue pourtant et de
précision qu'on n'avait fait jusqu'à présent. Ce volume est dédié à M.
le comte Léon Polocki, seigneur polonais, dont la famille est connue
par son amour pour les belles-lettres anciennes. A. M.
44. — M. Comclii Frontonis et M. Jui-lii im-pcratoris Epistotœ :
L. f'eri et Antonini PU et Appiani cpislolarxnn reliijuiœ, : Fragmenta
Frontonis, et scriplu grammatica. Edilio prima romana plus centum
epislolis aucta ex codice rescriplo Bihliothccœ pontificiœ J aticanœ, cu-
rante Angelo Majo, liUiotheccB cjusdcm prcefecto. Rome, 1823. In-b».
{Foy. Tom. XIX , pag. aôa.)
M. Angelo l\L-\ï, toujours infatigable et toujours heureux daus ses re-
cherches, avait déjà reîrouvé, dans un palimsextc de la bibliothèque
Ambroisienne, une partie des écrits de M. C. Fronton : il en avait pu-
blié, à Milan, en iSi'i, une édition qu'on avait généralement bien ac-
cueillie. 11 vient de fjiie, dans la bibliothèque du Vatican, une décou-
verte encore plus riche et plus importante des mêmes écrits, et d'autres
fragmens appartenant à Fronton, à Marc-Auréle, àVerus, à Antonin-
le Pieux, etc., et il en a publié, à Rome, une nouvelle édition, par
conséquent plus complète que la première. Cette découverte a coûté
beaucoup de peine et de travail à M. Mai, parce que les pièces origi-
nales de ce palimsextc étaient dispersées et confondues avec d autres
d'une nature toute différente. Les soins de l'éditeur ont été bien payés
par les fruits heureux de sa découverte, Tout ce qui appartient à Fronton
doit intéresser les véritables savans et les philosophes. Il a été le pré-
cepteur de tiois princes qui ont répondu aux soins et aux maximes de
leur maître, et qui, après avoir été ses élèves, sont devenus ses amis.
Warc-Aurèle lui lit élever une statue ; mais il laissa de lui un monument
ï6o LIVRES ETRANGERS.
encore plus durable : « CVst à Fronton, disait-il, que je dois d'avoir ap*
pris loul ce que la royaulé euferaïc de jalousie, d'astuces , o'.'hypocrisie,
et combien , en général , il a y peu d'affection dans le cœur de ces
hommes qu'ici l'on appelle nobles. » Fronton fut grammairien, histo-
rien ; et s'il n'était un autre Cicéron , il fut, sans doute, un des pre-
miers orateurs de son s'ècle. On ne connaissait de lui que le traité que
publia 3. Parrasius, De differentiis vocahulorum. Les ouvrages qui
Tiennent de paraître n'apparliennenfla plupart qu'au genre épistolaire,
ou à l'art du rbéleur; mais ils peuvent servir à nous l'aire mieux juger
une époque extraordinaire de l'histoire ancienne , époque que trois prin-
ces, tout-à-r<iit différen» par leurs maximes et par leur conduile, de ceux
qui les avaient précédés et les ont suivis, oui rendue respectable aux yeux
des amis de l'humanité. On peut même regarder la lecture de Fronton
comme un moyen de tempérer l'impression que/loit produire la lecture
de Tacite et de ^lacbiavel. C'est dans cet écrivain qu'on peut chercher le
plus grand éloge de la royauté, appliquée au bonheur des peuples , et les
plus utiles instructions pour les prinres. On y trouve en même tems des
notices plus ou moius remarquables, non-seulement sur cette époque,
mais aussi sur dos tems encore plus anciens; même des morceaux qui
étaient inconnus jusqu'ici, des livres perdus de Gaton et d'Ennius.
Parmi les écrits et les fragmens des Antonins, ceux de L. Verus prou-
vent qu'il ne manquait pas de plusieurs qualités estimables d'esprit et
de cœur, qu'on lui avait jusqu'ici trop ^évèremcnt refusées. Cette édi-
diiiun est riche en remarques savantes, en index et notices iiltérai-
rcs, etc.
45. — Dizionario délie antichità csistenti inSiciiia, etc. — Diction-
naire des antiquités qui existent dans la Sicile, eic. , par G. M. Capo-
Dicci. Syracuse, icSvo. In 4°>
C'est un bon catalogue qui, dit on, peut servir de guide aux étrangers.
46. — Tavotc diUe cose •più memorabili délia sloria di Sifacuna , etc.
— Tables des choses les plus mémora!)les appartenant à l'histoire de
Syracuse, avant l'ère vulgaire; par le même auteur. Messine, 1821.
In-4°.
Ces tables sont précédées d'un es.-ai sur ce qu'on admirait le plus
dans l'ancienne Syracuse, et accompagnées de tables chronologiques
relatives à son histoire politique et littéraire.
47. — De' diritti délia Sicilia fer la sua nationale indi-pendcnza ,
etc. — Mémoire sur les droits de la S'cile à l'independauie nationale;
par le baron F. Ventuba. Palerme, 1821. In-4°.
L'auteur prouve que la Sicile a toujours eu un gouvernement parti-
LIVRES ETRANGERS. 16 1
culier et un parlement national. Muis, est-ce assez pour qu'elle n'ait
plus rien à réclamer?
48. — Memorie de' flUori Messinesi e degli esteri cfie in Mesxina
ftorirono, etc. — Mémoires des pcinircs de Messine et des peintres
étrangers qui fleurirent dans cette ville, depuis le xii' siècle jusqu'au
xix«. Mtssine , 1821. In-8°, avec 2S portraits.
D'après un jugement porté à Palcrrac, cet ouvrage contient plusieurs
inexactitudes,
49. — / fragmenti di Diccnrco da Messina, etc. — Les fragmcns de
Dicéarque de Messine, recueillis et éclaircis par M. Cclidonio Ebrantk,
etc. Palerme, 1822. In-S».
Cet ouvrage conlii'nt un mémoire très-savant sur l'époque, les écrits
et les opinions de Dicéarque , et sur son système philologique. Le texte
grec est accompagné d'une traduction italienne, et de diverses notes
historiques et philologiques. Le premier vulume de cet ouvrage fait dé-
sirer le second.
50. — Discorso intorno ad Arcldmede, etc. — Discours sur Arclii-
mèdc; par l'abbé Domenico SciNà. Palerme, iSaS, ln-4''.
On connaît assez le mérite de M. Scinà , en érudition et en philoso-
phie, pour bien augurer de ce nouveau travail, semblable aux autres
du même genre qu'il a déjà publiés.
5i. — Rcpcrtorio scella ad usa de' teatri iladani, etc. — Képerloire
choisi, à l'usage des théâtres d'Italie; parle professeur C«_/c<anBABBiKai.
Milau , 1820.
Cet amateur de l'art dramatique avait déjà publié un recueil sembla-
ble, en 1821. Peut-être a-l-il l'intention de l'améliorer, dans la seconda
édition, dont il a déjà fait paraître 2 vol. Les juges sévères d'un art
qu'ils Voudraient vuir perfectionné d'après les ]>rincipcs de l'cxpérienci;
et de la raison . lui avaient reproché de partager les idées et les préjngéi
des comédiens italiens, qui, en général, sont les plus ignorans de leur
profession. 11 ne connaît d'autre mérite que celui qui consiste, dil-il,
dans les grands effets ; et, pour obtenir ces effets , on sait trop combien
il est fréquent de voir négliger les préceptes du bon sens et ceux d i
goût. On espère néanmoins que iM. Barbieri , déférant aux observations
et aux vœux de ses concitoyens les plus éclairés, préférera, pour cctt •
seconde édition de son Rcfcrtolrc , les sages conseils et l'expérience des
vrais connaisseurs, à la routine aveugle d'artistes médiocres, qui conlr'-
buenl à décréditer, aux yeux de l'étranger, l'antique et noble patrie de*
beaux-arts. Le célèbre ^Jota, le second Goldoui de l'ilali?, a déjà dounii
T. XX. — Octobre. 1825. Il
,62 LIVRES ETRANGERS.
Je si<^nal ; la route qu'il a ouverte est la seule qu'il soit permis de suivre
pour obtenir de véritables succès,
52. — Dcscrizione di due statue di Antonio Canova; prosa di, etc.
— Descriptiou de deux statues d'Antonio Canova, par Miclale Lbowi.
Turin , 1823. Chinî et Mina; avec le dessin d'une de ces statues.
Cet opuscule est intéressant, non - seulement sous le rapport du goût
qui l'a dicléj mais plus encore par la pensée généreuse que l'auteur com-
munique aux amateurs des beaux-arts, dans l'Europe civilisée. 11 pro-
pose , et juge d'une grande utilité que les connaisseurs les plus éclairés
de chaque pays , qui possèdent quelques monumens du génie de Canovu,
essaient d'en donner la description la plus complète et la plus exacte
pos<ib'e ; ce qu'on ne pourrait faire avec succès sur des copies où l'oa
ne retrouve plus l'inspifilion de l'artiste original. Pénétré de l'impor-
tance de cette idée , M. Leoni a cherché à la réaliser par son exemple ;
il a publié la description d'une statue de la Concorde et d'un Hermès
représentant S. M. Marie-Louise , qui se trouvent dans le^ duché de
Parme. Après avoir rappelé le caractère général de l'artiste à qui l'on
doit ces deux statues, il en détaille les qualités particulières. L'élégance,
elparconséqueiit la perfection de l'art et du goût, dominent surtout dans
la statue de la Concor^/t, que M. Cicognara, le juge italien le plus com-
pétent, regarde comme un des modèles les plus parljiis que Cauova ait
exécuté. \J Hermès a quelques imperfections , que M. Leoni n'a p(jint
laissé ignorer; mais elles ne peuvent faire méconnaître le cachet du grand
artiste qui a conçu et dirigé l'ouvrage. Espérons que l'exemple de
M. Leoni sera généralement imité, et que cette idée heureuse, mise
jjartout à exécution , tournera au prolit des arts , eu contribuant h l'ins-
trucliwn des artistes. F. Salfi.
PAYS-BAS.
ô5. — Dissertatio anatomico-jmlttotojia de niulalo vasorum sanyiù-
ferorum decursu in scoliosi cl cypltosi. — Dissertation d'anatomie-patho-
logique sur la dibposition des vaisseaux sanguins dans les cas de scoiiosie
et de cyphosie, présentée à l'Académie d'Utrecht par W. Vholik. Am-
iterdam, iSaS. ln-4'' ; 34 P^g. avec planches.
M. Vrolik a pris, pour sujet de sa thèse, une matière neuve et diffi-
cile. Il a pensé avec raison que Texamen d'une aberration très-frappante
des lois physiologiques de l'organisation humaine, qui se porto sur l'ap-
pareil da système vertébral, pourrait fournir des inductions importantes.
Il admet, dans la pathologie de déformalion de l'épine, trois cas princi-
paux : \:x lordosiPi où les vcrîèbres se plient de manière que leur en-
LIVRES ÉTRANGERS. i65
semble devient concave ejctvrieuroment ; la cypliosie, où le système il<'ï
vtrlébres devient convexe extcricurcmcnl , ce qui est le cas des^iiiij-
sitcs ordinaires ; enlin , la tcoliusie, où les vertèbres se plient à droite
ou à gaucbe. Il décrit avec soin plu^iicurs cas do ces diverses espèces , et
il examine ensuite l'intluence de ces déformations sur le cours des {,'rancls
vaisseaux artériels et veineux. Cetle partie du travail de M. \ rolik est
très-ieinarquabie, et peut donner lieu a de nomhreuses considéra:ion<»
pUysiologiques d'un giand inlésèt. Il a étudié aussi, dans son contour,
kl flexion de l'aorte et du canal ihoracique, qui accompagne celle de tout
le système vertébral. Dans le eorolUire 1 1 1 de la seconde partie de su»
travail, l'auteur donne une raison physiologique, que nous croyons plus
ingénieuse que solide, de la supériorité d'esprit de trois illustres bossus,
Ésope, ScarroH, et Pope. 1! termine par des considérations sur quelques
points nouveaux d'anatomie comparée, et sur la l'onction de quelques
£ippareils, dont le niode d'action n'est pas encoie ^uSlsammenl éclairci.
M. Vrolik a joint à ton mémoire la gravure de deux cas Ibrt curieux de
scoliosie. Il s'est beaucoup aidé de la belle collection physiologique et
pathologique do M. le professeur Vrolik, son père, colKutlon aussi re-
marquable par le choix et la rareté des pièces, que par la méthode et i.i
disposition suivant laquelle il le.i a classés, et dans laquelle nous avons
eu l'avantage de voir les préparations qui ont servi de base au mémoire.
ce.
54 (*). — Syslètne des facultés de i'dine, par P. LAROMiGciKBii; estra:t
de ses leçons de philosophie , et augmenté de notes critiques par Louis-
Auguste Gbuyer , ancien inspecteur des douanes françaises. Bruxelles,
iSaô ; Delemer frères. Un vol. in-18 de i83 pag.
Cet extrait du bel ouvrrige de M. Laromiguièrc est fort bien t'ai'.
L'auteur, en employant souvent le texte même du savant prul'esseur,
s'est permis des suppressions qui ne peuvent nuire à la suite, ni à l.i
clarté du raisonnement. Les noies dont il a accompjgné son travail sont
écrites avec ce ton d'une sage réserve qui convient à des matières où su
sont égarés successivement les meilleurs esprits de tous les siècles. Si
1\L Laromiguièrc a cru philosophique de dire quelquefois : Je n'en sais
rien, M. Gruyer, en Iiaaardant quelques explications nouvelles, s'e>t
hâté d'ajouter aufsi '.Je ne suis pas sàr de savoir. On voit facilement, ei
lisant ces noies , ainsi que l'Esf/uis.ie du nouveau système des fitcullés de.
l'âme, que l'auteur a abordé son sujet avec quelques idées étiangères a
l'école pbilosopi'.ique dont le professeur français s'est montré le plus
éloquent organe. Il en est résulté des développemeas qui rendent plu-
sieurs pages de la dernière moitié de ce petit volume fort inténssanles.
î64 LIVRES ETRANGERS.
C'est ainsi qu'en attribuant à Vorganisme une part plus considérable
dans les pLéiionièiics de la vie active et passive de l'âme , M. Gruyer me
semble s'être placé sur la voie qui doit peut-être ua jour mener à la
révélation de quelque autre grand secret de la nature. Mais je lui ferai
remarquer en mC-iue tems que c'est, siPon peut s'exprimer ainsi, recu-
ler en avançant, que de trop se bâlLT de mettre des suppositions systé-
matiques a la place des faits reconnus et bien conslalés. Celte observa-
tion m'est suggérée spécialemeat par ce fluide trcs-subtii que M. Gruyer
établit comme agent de l'âme ou de l'esprit , sur la matière pondérable.
Certainement, les physiologistes prendront l'auteur à partie sur la décou-
verte de ce fluide très-subtil ; ils ne l'en croiront pas tout-à-fait sur
parole; ils voudront quelques faits à l'appui de son existence. — Ces
observations suffisent pour donner une idée d'un travail fort estimable
à plusieurs égards , et qui annonce un esprit exercé à ces sortes de re-
cl-.erches. P. A. Dcfac.
55. — Vicr Brîcvcn, etc. — Quatre lettres écriies par MM. Jacoh
ScHELTEMA ct 3 ac(rb RôsisG , suF Ics dcruiers débats relatifs à la préten-
tion de la ville de Harlem à la découverte de l'imprimerie. Ilarlem ,
iSaô; veuve A. Loosjes. 5? pag. in-8°.
IS'ous avons annoncé {Rev. Enc, T. XVIîI, pag. 275) la. fêle séculaire
qi;i a eu lieu, le lo juillet dernier, à Harlem , pour la découverte de l'iui-
primerie. On n'ignore point les débats qui se sont élevés il y a long-
tems à ce sujet. En dernière analyse , le récit de Junius est universelle-
ment regardé comme fabuleux , et les savans partagent l'opinion dont
M. Renouard a exposé si clairement les motifs, dans le second volume
de son Catalogue d'un amateur, M. Rôning- a cru son patriotisme inté-
itbt.é à soutenir l'opinion coulraire ; et , pojr prouver que Cosler n'est
pas un personnage équivoque , ou va graver de ijouveau le portrait que
poss'Lde M. Enscbedé. Ceux qui connaissent l'histoire littéraire de la
Belgique savent que ce portrait n'est pas celui du sacristain Laurent ,
mais de Ruardus Tapperus, d'Enkhuisen, docteur en théologie, inqui-
siteur de la foi, à qui répito;^e dont il est revêtu convient mieux.
M. Schellema prétend que M. Renouard a eu tort d'avancer que les sa-
vans mêmes de la Belgique ne croy:iient pas en Cosler, et il soutient que
M. Van Hullhem est le seul qui rési:'te encore. En conséquence, il le
somn:e assez inconsidérément de se déclarer, afin qu'on puisse le com-
hattre en champ clos.
56. — La Fiancée d'Jbydos, poème en deux chants., avec des
notes, imité de lord Byron , par J ug. Ç.lxv kn'ixv. Gand, iS25 ; Iluuùin;
Co pag. :n-8°, avec un beau ] ortrait.
IJYRES FRÂ?^ÇÂtS. »G5
Cette trailiitioii fait beaucoup d'bonneiîr à M. CLivarcau, dont le slvie
a reçu des améliorations sensibles. On lui reprochait généralement de
manquer de couleur ; il a répondu à cet le observation par de nouveaux
efforts : et c'est ainsi qu'il est honorable de fermer la bouche aux cri-
tiques. Les vers de M. Clavareau , dans son nouveau poème, ont du
mouvement, du coloris, et de la chaleur. F. De R— g.
LIVRES FRANÇAIS.
57 (•). — Mémoires du Mvséum d'fn'sloirc nnfurede, par les profes-
seurs de cet établissement. Tom. IX. In-4''.
Ce volume confient les vingt-huit dissertations s'iirantes , savoir : Ob-
servations sur la germination des prêles; {)ar M. Acaedh, piofesseur à
Lnnd, en Suède. — Sur les cucurbitarécs et les pnssiflorées. — Voyage
dans l'intérieur du Brésil , par M. Auguste de Saint-Hilane. Sur le
genre paradoxure et deux nouveaux mammifères qui s'y rapportent. Sur
de nouvelles familles voisines de la marmotte. Sur les porcs - épies , et
genres voisins ; par M. F. Cuvikb. — Sur les travaux de M. le docteur
Flourens, relatifs aux propriétés du système nerveux; par M. G. Ci'vier.
— Sur la tribu des cuspariée« ; par M. Decandoi.lb. — Anatomic du
système locomoteur chez le phoque commun ; par M. Dcvbbnoy, mé-
decin à Montbeillard. — Sur les organes sexuels et sur les produits de
génération des poules dont on a suspendu la ponte, enfermant l'oviduc-
tus. Sur une nouvelle espèce de bœuf, d'une taille gigantesque, et
ayant les apophyses épineuses des verièbres dorsales prolongées exté-
rieurement. Sur les rapports des tige» montantes des vertèbres dorsales
chez les mammifères , et les rayons des nageoires dorsales chez les pois-
sons. — Considérations sur la vertèbre , détermination de ses parties
élémentaires, au nombre de neuf; sur la séparation de ces pièces chez
les mammifères à l'état de fœtus , chez les poissons adultes , chez les
crusfacées, etc., et sur l'existence et la composition des mêmes élémens
vertébraux chez les insectes. Sur les principes de la Philosophie nnito-
miquc. Considérations générales sur 'es organes sexuels des animaux à
grandes respiration et circulation. Composition des appareils génitaux ,
urinaires, et intestinaux, à leurs points de rencontre dans l'autruche et
dans le casoar ; par M. Geoffbov-Sairt-Hii.aibe. — Analyse de deux va-
riétés du cobalt arséniatc ; par M. Laugieb. — Relation d'un voyage
aux Indes -Orientales. Notice sur une nouvelle espèce de vinetler; par
M. rESCHENAi'LT-DE-LA-ToiB. — Caractèrcs de« aroïdées du genre Ludo-
via. Sur une nouvelle famille de plantr^s, les cyciantées. Histoire de»
166 LIVRES FRAISÇÂIS.
palmiers de la Guyane française; par M. Poiteah, — Sur une j>iéirndue.
{greffe, dite Columelle ; par M. Thoiin. — Sur le soiis-gtnre Marteau,
Zigœna; par M. Valercienmes. — Sur l'acide purpuri(]ne et les purpu-
rales. — Analyse d'une eau minérale de l'ile Bourbon. Analyse des cen-
dres du Vésuve. Examen de l'influence des alcalis sur l'oxide d'arsenic ;
par M. Vauqdemn. f'higl-qualre pfanc/ie* accompagnent ces Mémoires.
— Après celte énnmération des pièces contfnnes dans le 9» volume que
nous annonçonsi, il suffira d'ajouter que ce volume, formant le 29* dzs
deux collections publiées par MM. les professeurs du Muséum, ne dif-
liire point en importance et en mérite des volumes précédens ; il l'em-
porte même sur plusieurs, eu égard à la hautenr des idées qui y sont
exposées , et à l'influence qu'elle» doivent avoir sur la marche des
bciences naturelles en général, et en particulier sur la philosophie. Z.
58 {'). — DicUonnairc des sciences nalureUcs , dans lequel on traite
luwlliodiqucraent de» dilloiens êtres de la nature , considérés soil en
eux-mêmes, soit relativeujcnt à l'ulililé qu'en peuvent retirer la méde-
cine, l'agriculture , le commerce et les arts; par plusieurs professeurs
du jardin du Roi, et des principales écoles de Paris. Tom. XXVII. Syl-
labe LIO — MAC. Paris, i8a3; Le formant. Un vol, in-S" de 55 1 pag.,
et un atlas de 20 planches; prix , 6 ir. , et 7 fr. 5o cent; chaque livraison
de planches, en noir, 5 fr. et 5 fr. 5o c. ; en couleur, i5 fr., et i5 fr. 5o c.
— (Voy. Tom XI, pag. 072, et Tom. XIII , pag. 65a. )
Celle importante entreprise, qui élève un beau monument scienti-
fique , se continue avec le soin et l'exactitude qu'on est en droit d'atten-
dre des hommes de mérite qui concourent à son exécution. Depuis
noire dernier article, la livraison que -nous annonçons a été précédée
des tomes 9.2», 25«, 24", '.'-S'', et 26', rcnl'ermant les mois compris entre
les syllabes Huit et Ltn. Nous n'essaierons point de donner la nomencla-
ture de tous les articles inléressans que renferment ces volumes ; mai»'
nous citerons ceux qui ont le plus d'étendue, et nous dirons que l'ar-
ticle ictliyologie , de M. Cloquet , est rempli d'érudition, et qu'il pré-
sente toutes les classifications, les méthodes, et les systèmes proposés
jusqu'à ce jour sur les nombreux individus de cette grande partie de la
ioologie. \J ■AtlifÀQ Indojfcndanee des formations , qui occupe la moitié
du •>,.■")« vol. , était extrait d'un ouvrage inédit de M. de Jlumiotdt ;
il présente pour H géogiiosie le traité le plus curieux , le plus étendu , et
le plus varié de la formation des roches et de leur superposition dans
les deux hémisphères. L'article insectes , de M. Dutnéril, offre au natu-
ralisie les documens physiologiques et méthodiques les plus satisl'aisans.
Sous le titre de Jardin de iotaniqiM, M. DecandoUe expose l'histoire do
LIVRES FRANÇAIS. 1G7
f-'fs établlsscmens , si utiles ;nis progrès de la botanique, le» priin-ipcs
d'administration qui leur «ont ))roprcs , et dont l'obscrvalion influe sur
leur utilité. Sous le mot laves, que M. Brongniarl restreint à la signifi-
cation de substances minérales fondues par l'action des feux volca-
niques, on trouve des détails sur leurs formes, leur chaleur, leur écou-
lement, et la détermination des roches qui les composent. Ce même
savant donne, au mot lignite, des détails minérahtgiqucs , géogra-
phiques, et géognostiques tfès-uliles sur ce combustible charbonneux,
d'origine végétale , qu'on a confondu pendant long-tems avec lnliouillc,
et dont on doit la distinction réelle à M. Foigt, — Le 27* volume, qui
a paru depuis peu, est remarquable par un article de physique générale ,
d'une étendue propott'onnée à l'importance des phénomènes dont ilelfre
la description, t«;ls que la transmission, la réllexion, la réfraction, et la dé-
composition de la lumière. Les effets de la vision , de la double rélVac-
tion, et de la polaiisation de la lumière, sont, ains-i que la production des
couleurs , exposés par M. La Croix, avec beaucoup de clarté et de pré-
cision. La botanique présente un grand nombre d'articles intércssans ,
parmi lesquels on remarque, sous le point de vue historique et écono-
mique, les mots (is, liseron, Iwpin, luzerne, liquidainhar, lycopcrdon,,
et lycofodinur. Les articles de mammifères les plus saillans par la des-
cription des mœurs et des détails auatoniiques , sont Loir, loutre, cl
Macaque. Les diil'érentes branches de la zoologie, ainsi que de la chiniii',
la minéralogie, la conchyologie, offrent aussi des articles très-satisfai-
sans. — Le cahier de planches , qui accomiiagne cette livraison, est le
25<^ ; plus de 5oo espèces de productions naturelles sont déjà figurées.
Les de!>sins, confiés aux soins de M. Tur[)in, sont faits avec une exacti-
tude qui ne laisse rien à désirer. B. G.
59 (*). — Planches anatomiqucs du corps humain , exécutées d'après
les dimensions naturelles, accompagnées d'un texte explicatif, par J. Aiv-
TOMMARCui; publiées par M. de Lasteyrie. Troisième et quatrième li-
vraisons. Paris, iSaô; à la lithographie de l'édileur, rue du Bac, n" 58.
Très-grand in-folio; prix, 5o fr.
Cet ouvrage, auquel nous avons déjà consacré une analyse (^^oy. ïom.
XVIII, pag. 5oi-5o5), a reçu l''a])probation éclairée de M. le doyen de
la Faculté de Paris, qui en a constaté l'importance et l'utilité dans une
lettre adressée, le 16 mai dernier, au ministre de l'intérieur, et dont
nous reproduisons ici un extrait. « J'ai reçu la première livraison des
planches anatomiqucs, du docteur Antommarchi , et la lettre par la-
quelle vous m'invitLZ à vous donner mon avis sur l'utilité de l'exécu-
tion de cet ouvrage. En général , les planches gravées ou lithograpliiées
iGS LHTIES FRANÇAIS.
son! d'un faible secours pour l'étude de l'aiiatomic quaud elles sont
exactes, et deviennent plus uuisibk-s qu'utiles, quand elles ne le sont
pas. La première livraison des planches aoatomiques donne une idée
d'abord un peu obscure des objets; mais, lorsque ces planches, d'ailleurs
très-exactes, sont coloriées, il est facile de distinguer toutes les parties
dont elles retracent l'image. Cet ouvrage me paraît devoir être fort utile
pour les praticiens qui ne peuvent plus se livrer aux travaux anatonii-
ques , et je pense qu'à est à désirer qu'il soit déposé dans les grandes
bibliothèques. » Signé Lasdbk Beacvais.
60 (*). — ■.Considérations générales sur ia classe des insectes; par A.
51. C. DcMÉBiL, de l'Institut. Paris, iSaô ; Levrault. Un vol. in-S» , de
272 pag. et X, avec 6o*planchcs; prix, avec les planches noires, 20 fr. ;
coioriées, 60 fr.
L'auteur de cet ouvrage avait composé, pour \e Dictionnaire des scien-
ces naturelles , un article élendn sur les insectes. Le livre que nous an-
nonçons est ce même article, tiré à part et augmenté de notes et d'ob-
servations nouvelles. L'ouvrage est divisé en huit chapitres. Le premier
iraile du rang qu'occupent les insectes dans l'ordre des êtres animés;
ce qui conduit M. Duméril à faire un tableau très-inlércssaot de la
classification naturelle des animaux, depuis les zoophytcs et les mollus-
ques jusqu'aux insectes, dont il donne une définition généiale. Les cha-
pitres buivans sont consacrés à l'étude des formes et de la slru. fure des
insectes , à leurs fonctions, aux moyens de défense et de conservation^
aux modes de propagation, enfin à l'exposition de la méthode analyti-
que de classification. Le chapitre IV forme une hibliographic entomo-
iogique des auteurs principaux qui ont écrit sur les Insectes, et des sys-
tèmes dans lesquels on a essayé de ranger tous ces êtres, dont Pline a
caractérisé l'assemblage par un mot heureux, »inextricniitis pcrfecti.»
M. Duméril publie aujourd'hui sa méthode naturelle, dont ileut la pre-
mière idée en iSoo. Il adopte pour les ordres des inserles, les caractè-
res tirés des ailes, comme l'avait fait Linnée; mais la plus grande dif-
ficulté, c'était de trouver des signes dislinctifs pour les familles et les
genres. Ce savant professeur les a découverts, par l'examen attentif et
minutieux des caractères très-naturels qae fournissent les mâchoires et
le nombre des articles aux tarses des pattes. On lira aussi avec un vii'in-
lerèt les descriptions très-curieuses des mœurs, des habitudes, et de In
structure des insectes. Le style de ces morceaux est clair, simple et élé-
gant. Ce livre est du petit nombre ds ceux que les gens du monde et
les naturalistes pourront lire avec le même plaisir. Il est à désirer que
SI. Duméril se décide à publier aussi le résumé de ses cours sur l'his-
LIVRES FRANÇAIS. iG.)
toirc des reptiles. L'ouvrage est orné de gravures coloriées , d'un fini
très-remarquable, dessinées par M. Prêtre, et dont la gravure a élé di-
rigée par M. Turpin. Ce livre ne pourra qu^ajouter encore s la réputa-
tion que s'est acquise M. Daraéril, par ses vastes travaux en histoire
naturelle. On voit, en le lisant, que la nature est partout également riche
et féconde, qu'elle n'a pas di; petits phéuomùnes , et que la sa^jcsse in-
finie du Créateur se montre de la manière la plus admirable, jusque
duns ces insectes, dont cliacua semble dans son genre un être parfait.
Chartes Coqcebel.
61 ('). — Encyclopédie tnoderiye , ou niclionnaire abrégé des sciences,
des lettres et des arts, avec l'inclicatioi des ouvrages où les différens
sujets son développes et approfondis; par M. Cocbtin , ancien magis-
trat , et par une Société de gens de lettres. (A — ALV). Paris, 182Ô.
In-S". — Cet ouvrage aura 24 volumes, et l'éditeur s'engage à ne pas dé-
passer ce nombre. Chaque volume sera de 5o à 55 feuilles d'impression.
liC premier en a 58 ; le second va paraître incessamment, et l'ouvrage
f-nliersera publié avant la fin de 1825. Le prix de chaque volume bro-
ché est fixé à 7 fr. 5oc., pour les perso'incs qui auront souscrit avant
ia mise en vente du troisième volume. Après celte époque, chaque vo-
lume coûtera 9 fr.; on ajoutera un volume de planches, publiées en deux
livraisons, la première après le 12"= volume, et la seconde après le
^4°"' : le piix de chacune de ses livraisons sera aussi de 7 fr. 30 c. ; l'en-
voi par la poste coûtera 1 fr. -S c. de plus. On souscrit à Paris, à la li-
brairie universelle, chez Mongie aîné , boulevart Poissonnière, et au
bureau de l'Encyclopédie, chez M. Dupuy, éditeur, rue Neuve Saiut-
Roch, n» 24.
Nous rendrons compte de cet ouvrage important, lorsque nous au-
rons reçu le second volume. En parcourant le premier, on commence
à bien augurer de l'entreprise de JVI. Courtin ; un examen plus attentif
ne peut sans doute que fortifier cette opinion favorcble. « La France,
dit l'éditeur, ne possède pas (comme l'Allemagne et l'Angleterre) un
Dictionnaire atrégédes sciences, des lettres et des arts.... Il fallait met-
tre V Encyclofcdie (ou un résumé de noticns élémentaires et précises
sur toutes les branches de nos connaissances) à la portée de toutes les
fortunes. Il fallait que les citoyens industrieux pussent connaître les
conquêtes de l'industrie, que la classe studieuse pût apprécier les pro-
grès des connaissances humaines D'ailleurs, la marche continuelle
et progressive des lumières a rendu plusieurs parties de nos deux gran-
des Eucyclopédies imparfaites, insuffisantes, et presque surannées
Il nous fallait donc iin ouvrage qui fût en harmonie avec les idées ac-
i7« LIVRES FRAISÇAIS.
quises, qui fût rcxpicssîon corapiète de l'état actuel de l'esprit hu-
main.» Si les auteurs, dirigés par ces deux puissans motifs, remplis-
sent digucmenl la noble lâche qu'ils s'imposent, ils rendront un service
important aux sciences et à l'humanité. Mais, peut-être, ils auraient
mieux atteint leur but , en publiant une collection de petits traités élé-
mentaires , écrits avec concision et clarté , sur chaque partie des scien-
ces et des arts Parmi les auteurs des articles qui composent le pre-
mier volume, on remarque les noms de MM. Abnaclt, Aibbbt db
ViTRv, Berton, de riusiitul, Bory de Saint Vi;«cent , Coiaim, £.
DupàTV, Fbanccecr, Lamabqdk, lieutenant-général, Le Kobmamd , Ni-
coi.ET, Pages, Pahisot , Tis.-ot , Thocret, etc. Il est à désirer que cha-
que matière soit traitée , dans les différens articles , par un juge com-
pétent dont le nom et les travaux antérieurs lui donnent une certaine
autorité et inspirent une ferme conQance foudée aux lecteurs. F.
62 (') Dictionnaire chronologique et raisonné des découvertes ^
inventions, etc.; par une Société de gens de lettres. T. X; HEK—
MAC (1). Paris, 18 ..5 ; Colas. In-S»; prix, 7 fr. , et 8 fr. 80 c.
Parmi les articles de zoologie renfermés dans ce volume, nous avons
remarqué: 1° la descrijttion (\\i'3i faite M. Geoffroy Saint-Ililaire , du
jaguar, animal que l'on a long-tems confondu avec U panthère , quoi-
qu'il soit bien plus vigoureux, et qu'il diffère beaucoup de ce dernier
par >on pelage, et par sa taille, ouiot presque double; 2" les oôservations
du même naturaliste sur le kanguroos (didelphis gigantea) , animal à
poche, remarquable par l'inégalité de ses extrémités, qui rend son allure
lente et embarrassée, et par la longueur du doigt annulaire des pieds de
derrière, lequel est armé d'un ongle long et pointu , dont les kanguroos
se servent pour évenlrer leurs ennemis. M. Cuvier a donné sur l'eslo-
raac et le canal de ces animaux des détails analomiques curieux. 3° L'ar-
ticle tiré d'un mémoire di; M. Latreille sur les langoustes, qu'il divise
en cinq espèces, dont la première est la langouste commune (vulgaire-
ment homard), très-abondante ^a^ les côtes de France, et qu'on a sou-
vent regardée à tort comme le cancer homarus ou l'attacus homarus.
Cette espèce était importante à connaître parce qu'elle est un mets re-
cherché, qu'Aristote en a parlé sous le nom de carahos^ et les auteurs
latins sous celui de iocusla. 4» La limace et le colimaçon se ressemblent
tellement, à la grandeur de la coquille près, que M. Cuvier a cru de-
(1) Nous n'avons pu annoncer en son leiiis, le T. VIII (G AL — HEP) , qui
ne nous est rnrvenu qu'après le l. IX, ot qui ii'ofFie pa^niuins d'inléiét que les
prércJcns.
LIVRES FRANÇAIS. 171
voir réunir i'auatofnie de ces deuï gastéropodes dans un seul travail ,
qui prouve l'admirable sagacité de ce savant natiiralislc. — Si nous pas-
sons à la botanique, nous indiquerons d'abord l'aviicle jaiap y dans le-
quel M. Deslbntaines a démcntré quo la plante qui a pour racine ce
précieux purgatif doit être classée dans la famille des liserons. Les ob-
servations de MM. Henri et Planche sur la racine et la résine -le jalap ,
quoique appartenant à la chimie vëgétaie, doivent être cites ici. M. De-
liile a donné la description des trois espèces de iotu'; dont les historiens
tl les monumens de l'Egypte font menliou. L'article iycupndimcts ol-
fre l'exîrait succinct du travail de M. Dosvaux sur cette famille, dont
les genres ne différent selon lui que par le nombre de» loges des capsu-
les. Ou sait que c'e^t le lycopode en masse (lycopoJiuin clavatum), qui
prod.iit cette poudre jaune et inflaminubie donl on se sert sur les iheà-
très pour imiter les éclairs, etc. MM. Vauquclin , Dolomleu, flauv et
Gilet Lauuiontont fourni à la minéralogie des articles sur la (aumointc,
la ieucite, etc.; et M. le général Andréossy la description des lacs du
fiatroun, du fleuve sunscau et do Menz<iUh eu Egypte, description qui
se rattache; à la géographie et à l'archéob^ie, comme celle du lac Mœrix
par M. Jomajd,— l'armi les arlicks relatifs à la physique , on distingue
principalement les observations dans lesquelles M. Dclaplace démon-
tre que la durée du jour n'a pas varié d'uc deux centième de seconde
depuis deux mille ans. Ce fait a été confirmé par l'application que M.
Poisson a faite des tables actuelles du soleil et de la lune , aux éclipses
observées par les anciens astronomes. Un extrait bien fait du travail de
M. de Ilumboldt sur les lignes isollicrmcs , donne des notions exactes
sur la distribution de la chaleur à la surface du globe. Le beau Mémoire
de MM. Arago et Petit sur la puissance réfraclive et dispersive, et sur
l^s vapeurs des Uijuidus, renouvelle lu sentiment de reconnaissance que
méritent les immenses travaux du premier, et les vifs regrets qu'a fait
éprouver la mort prématurée du second. Sous le titre lumière , on
trouve une analyse des découvertes dont MM. Malus, Biol, Fresncl ,
Pouiilet,etc., ont enrichi la physique. La lune est le sujet de plusieurs
articles où l'on remarque les noms de MM. Dclaplace, Bouvard, Ni-
collet, Delamarck, etc. — Les chimistes s'arrêteront principalement sur
Vanatysc de l'eau du Jourdain, par M. Gay-Lussac; sur celle de l'ni-
secte appelé kermès, qu'on trouve dans le midi de la France attache
aux feuilles d'une espèce particulière de chêne, et avec lequel on fait
une couleur écarlatc plus brillante encore que celle de la cochenille. Ils
remarqueront encore la description du laboratoire économique, inventé
parM.Guyton-Morvtau; Vanahjse dn /a»t,par Dcycux etParmentier; lei
172 LIVRES FRANÇAIS.
travaux de Pourcroy , Vauqutiin , Thénard , Bouilion-Lagrange et Vo-
gcl sur la même substance ; ceux de M. Thénard sur la liqueur fumante
de Cadet, etc. —Si l'on s'occupe ensuite des applications des sciences à
l'économie industrielle, on lira la description de la tampe à air in/lam-
ma'olc, perfeclionnée par M. Gay-Lussac ; et des différentes lampes in-
ventées par MM. Carccl, Bordier, Marcet, Argand, Le Normand, Ga-
gneau, Vcrzy, etc.; un article sur l'emploi du mâchefer, dans l'écono-
mie rurale , par M. Thouin ; sur l'importation de la lithographie en
France, par M. de Lasteyrie, à qui ses compatriotes ne sauraient mon-
trer trop de reconnaissance. —La mécanique industrielle occupe une
place importante dans le volume que nous annonçons. Les ingénieuses
raachiucs inventées p.ir M. Douglas pour carder et filer la laine , prou-
vent que la France a fait une acquisition précieuse en adoptant ce mé-
canicien étranger. Mais aucun nom ne se présente avec autant d'éclat
que celui de M. Ternaux, qui a porté au plus haut degré de prospérité
une des branches d'industrie auxquelles notre pays doit sa richesse.
L'article filature du Un fait connaître les tentatives de MM. Trolty ,
Bunneville et de M-- d'Argence , pour résoudre un problème de méca-
nique très-compliqué. Les machines occupent seules 4o pages; celles
qui nous ont paru mériter le plus d'attention sont : j " la machine à cen-
trer les pivots , de M. Privât ; 2» la machine à trames, de M. Rousseau;
3- la machine de M. Drapier pour couper, râper les hettc-raves, et cd
exprimer le suc; 4' les machines à f&u de MM. Perrier, Girard, Clé-
racnt-Désormes, Gengembre, Cagnard-Latour , Martin, etc.; 5» les
machines hydrauliques de MM. Trouville, Lacaze, Chauvin, de Maiziè-
res ; 6° les machines soufflantes de MM. O'reilly et Williœ. — Les litté-
rateurs trouveront deux articles imporlans. Le premier est une analyse
du cours de littérature de L^ Harpe; l'autre, qui est de M. Touchard-
Lafosse, est intitulé : Littérature dramatique (considérations sur l'état
où elle se trouvait avant 1789, et sur sa marche depuis cette époque.)
Il y a sans doute du talent dans ce morceau ; mais il renferme des ju-
gemens littéraires auxqucisnous ne pouvons donner notre assentiment,
et les bornes étroites où l'auteur s'est renfermé l'ont obligé de passer
trop légèrement sur les productions littéraires dout notre scène s'e,t
enrichie depuis la création du second Théâtre-Français, Nous ne con-
sentirons janKi« à regarder le Gtoricu-v de Destouches comme une
excellente comédie, et il nous semble qu'on pouvait passer sous silence
le 5o/rtnam6u/e, les /^a«S5es/n/irfé/i/cs, et quelques autres ouvrages, sans
être taxé d'injustice. Mais c'en est peut-être une de ne pas mettre 1'^-
vocat au-dessus de VAssemUéc de Famille; et c'est une hieu grave omis-
LIVRES FRAISÇAIS. i:>
sîon de n'avoir pas même nommé la pièce des Comédiens de M. Casimir
Delavigne, que btaucoup de littérateurs placent à côlé de la Métro-
manie, et qui aurait suffi pour mettre son jeune auteur au premier rang
des poètes de notre époque. 11 nous semble, enfin, que M. Toucha rd ,
au lieu de s'arrôler sur des productions assez médiocres , aurait pu
dire quelques mots de l'Artaxerce de M. DelaviUe, de Conradin cl
Frédénc de M. Liadière, de ta Famille Glinet de M. Merville , de 17r-
résoiu de M. Leroy , et de plusieurs autres pièces qui ont obtenu un
succès mérité. -'^- Micbelot.
63. — Discours sur la rdlrjion , considtrJe comme, une nécessité de la
société; par M. l'abbé Cottrbt, chanoine de la cathédrale de Paris, et
professeur de théologie à l'Académie de Paris, ouvrage couronné par
la Société de Cambrai. Paris, iSïô; Adrien Le Clerc. îa-b" de 52 pag.;
prix, i fr. 25. c, et parla poste, i fr. 5o c.
Ce discours censure vivement une partie de no.tre Charte royale, et
des Codes où cette partie de notre loi iondamentalc est organisée. Il a
pour objet de mettre en lumière une de ces phrases vague*, obscures,
équivoques, paradoxales, qui ont annoncé de loin les attaques, deve-
nues, en 1825, plus directes et plus hardies contre nos libertés civiles,
politiques et religieuses. Voici la phrase : « On avait assez considéré la
religion comme un besoin de l'homme; les tcms sont venus de la con-
sidérer comme une nécessité de la société. ■ S'agil-il là de la religion
patriarchale , des religions paùnnes, ou de la religion judaïque, ou
de toutes les religions chrétiennes, de la religion catholique romaine,
ou des religionsmusulmanes,ou d'un théisme philosophique, c'est-à-dire,
d'une religion dite naturelle et formée par un démembrement arbitraire
des religions connues? S'agirait-il, enfin, de toutes ces religions diffé-
rentes , ou de quelque religion exclusive, avec un clergé dominateur,
accumulateur de richesses et d'influence et intolérant? Voilà, d abord ,
ce qui demeure incertain. L'orateur couronné alBrrae que c'est du seul
christianisme. Malgré le style éoiginalique dont il s'enveloppe dans
tout son discours, sa restriction au seul christianisme (et apparemment
à tout christianisme, puisqu'il affecte de ne pas nommer une seule fois
le catholicisme), est peut-être suffisamment éclaircie. 1° Eo ce qu'il en-
seigne, pag. 1-, que l'homme n'a point' de droit, parce qu'il n'a point
de titres, et qu'il n'a poiul de titras parce qu'il n'a point droit d'exis-
ter, avant d'exister; vu que le droit résiderait dans Dieu et non dans
l'homme. Cette manière de raisonner n'est pas précisément du catholi-
cisme ; mais elle appartient à une école qui n'est point séparée du catlio-
licismc, et qui ne se trouve que chez certains ca'holiqucs. 2° En ce
174 LIVRES FRAJSÇAIS.
qu'il se camplaîl fort à d'autres choses qu'on n'a point trouvées hors
de quelque» pajs catlioliques , p-ir exemple, la néctiské légale d'être
thréticn ou de païaîlre tel. Le sacre appartenant à la loi cércmooiale
judaïque abolie, mais établie, au viii" iiècle, en France, pour couvrir
l'usurpation non prescrite (i), et nos rois, dans cette cérémonie, pre-
mièie source de leur déposition par les prêtres, ornés d'habits clérico-
royaux, recevant, sans sacrement, l'huile fabuleuse de la fabuleuse am-
poule qui n'existe plus, la recevant, comme dit M. l'abbé Gottret, avec
les mystères et les traditions antiques, et V attribution du pouvoir d' o~
fùrer des (jxurisons miracuLuses. Il ne dit rien des formules à'clection
du roi, toujours conservées dans le rituel du sacre, et toujours usitées.
D'après ces éclairoissemens, on peut et l'on doit croire que le christifi-
nisme, déclaré ici nécessite sociale, est le catholicisme romain , arec
certaines formes accessoires. Néanmoins, en se résumant, il dit seule-
ment que le christianisme est, non pas celte fois, une nécessite pro-
prement dite, mais un l/esoin , apparemment plus ou moins rigoureux
pour Vliomiue en société, ha conclusion est donc plus resserrée que
son titre et que sa pensée, comme son litre et l'exposé de sa doctrine
sont plus étendus que sa péroraison. — Ce besoin , ou cette nécessité,
ne parurent pas dans l'ordre social, durant les milliers de siècles qui
ont précédé l'ère chrétienne; et depuis l'èie chrétienne, le besoin oa la
nécessité légale d'être catholique, ou seulement chrétien pour être ci-^
tojcn ou sujet, n'a pas existé, si ce n'est chez les Espagnols, courbés
sous le joug de riiiquisilion. Cette nécessité , d'aiileurs, n'a été fossihiô
que pour une partie de la terre, qui est sans doute la plus éclairée ,
mais, aussi, quanta présent et sans comparaison, la plus petite. Main-
tenant, qu'est ce qu'une nécessité dont on se passait partout, avant
l'ère chrétienne, dont on »\st passé partout et presque toujours depuis
celte même ère? — Comui'-nt prouver que les tcms de cette nécessité
sont venws quelque part? Quand seraient-ils venus? Par quels moyens?
(i) Notre atileiir, pages 8, 2a et 26, n'aJniet pourtaut d'autorité légitime^ qua
celle q^ai est antique ou prescrite (il ne sait pas depuis quel teras), qui est reconnue
de tous, et consacrée par les principes, par la reli'gion , par les lois , par les
iniéréte de la société. Mais, il observe que, si elle n'a pas la force , elle n'est p;.s
réelle. Assurément, Childéric III, et Charles, duc de Lorraine, au viu" et au x"
siècles, u'avaient pas la force. 11 jr a donc des autorites légitimes qui ne sont p:;s
réelles, des autorités réelles qui ne sont pas légitimes. Scint Paul est moins dil^ll^,
moins équivoque, moins einlianaîsé. (Voj e^ BtRclKR , Dictionnaire théoto^i-
tjue. au wol ^'ouver/iemen t. }
LIVRES FRANÇAÎS. 175
Par qui, pour qui et pourquoi seràienl-ils venus, puisque tcis les vrais
(■hrétiens sont et doivent être, comme la ruison et riivaugilf, comme
les apôtres l'enseignent, entièrement favorables à la liberté civile d'o-
])iniaa et de pratique rellijieuse? — Ces questions sont délicates sans
doute, parce qu'elles se lient à de certaines circonstances; mais toutes
ces questions naissent du texte donné à l'orateur, et il n'en a traité au-
cune. — Encore une réflexion : L'homme est teliement social, dit notre
crateur, que, sans ia sociclé, il ne serait fas homms. Les besoins de
l'homme renferment donc les bcnoins de la société? On ne peut donc
jias avoir assez consitlvré les bi'soins de l'homriie, si l'on ne les a p;iS
considérés comme besoins de la société? Aussi, depuis plus de deux miilr
ans au moins, les lems sont venus où l'on a répété partout qu'on bâtirait
l>lutôt des cités en l'air que des cités sans aucun sentiment de religion.
Le pyrrhonien Bayle a voulu établir le contraire, et il a été réfuté vic-
torieusement; mais nul n'a songé à conclure , comme notre orateur,
de l'utilité de la religion , comme lien de conscience , pour mainteuir
l'ordre social, que les teins sont venus où la loi est insensée, quand le
l'ail civil de la naissance , et le contrat naturel et civil du mariage, et
le fait civil de V inhumation , sont séparés par la loi de ce qui regarde le
ministère religieux^ et que l'on doit être forcé légalement à des céré-
monies pieuses, du refus ou de la concession desquelles le prêtre est de
fait actuellement , en France, le ministre arbitraire , sans responsabilité
civile pour violatioa des règles canoniques protégées par l'état. Lé culte
forcé par la loi serait un attentat aux lois naturelles et aux règles im-
périssables i\n christianisme. Les vraies nécessites sociales ne vienneiil
pus avec le tems. Elles existaient dès le commencement du genre hu-
main , ou l'on doit convenir que le tems n'en est pas venu , et qu'il ne
viendra jamais. Il demeure donc prouvé, à tous égards, que le texte
du disco'irs a élé mal conçu, mal choisi; que le problème à résoudre
était mal posé , vague , équivoque , erroné dans le sujet , dans l'objet et ■
dans le terme circonslantiel de la proposition. Nous aimons à le recon-
naître : ce commenlaiie contient, sans doute, çà et là, de vraies, de
belles et bonnes paroles; mais il participe à la nature vicieuse du texte.
On y découvre des sens erronés, des sens dangereux, des sens équivo-
ques et fort inutiles, pour jusiilier une théorie pernicieuse, intolérante
et anti-constitutiotinclle. On y remarque aus>i de l'incohérence dans les
assertions, une citation inexacle, ctlle des Tuscidanes ; une application
exclusive, et conséquemment fausse, aux seules personnes royales, d'un
texte sacré qui s'applique litléralcment à tous les hommes qui niarcheril
dans la voie du salut ; enfin, une applicatii^n peu décente aux rois de
176 LIVRES FRÀÎNÇAIS.
ce qui ne concerne, selon le (exte de l'Écrilure et la tradition de l'É-
glise, que la personne du Messie, que Dieu même. Nous serions loin
de finir, si nous voulions relever en déiail chacune des Fautes qui dé-
parent cet écrit, tout édifiant pour un parti et pour ceux qui n'en juge-
ront que l'écoice, blâmable pour ceux qui sauront en examiner et en
apprécier toutes les assertions avec inlelligence et impartialilé. Nous
faisons profession de croire aux bonnes intentions de l'auteur et de ceux
qui l'ont couronné; puissent ils s'apercevoir que les Français n'ont pas
besoin de commentaires inquiétans sur d'équivoques symboles de con-
grégation ; mais que les tems sont venus où il serait nécessaire d'appek r
fortement l'attention publique sur ces oracles méconnus, lumineux et
pacifiques : Apprenez de quel esprit vous êtes Donnez la ■paix à
■votre cite Alon royaume n'est pas do ce monde!
Lakjl'inais, de Vlnsiitut.
<J4' — Le livre des pères et des mèrcs, pendant ia première éducation
de leurs enfans, où l'on montre quels sout les dangers d'une tendresse
mal entendue, et d'une couduite inconsidérée de la paît des parens,
pendant celte première éducation, et en même tems de quelle manière
et par quelles méprises on peut, sans s'en douter, gâter le meilleur na-
turel des enfans, et leur Imprimer des vices et des travers qui préparent
leur malheur et celui de leurs familles; par M. D'*'. Paris, iSaô; De-
launay, Mongie aîné, J\epveu. In-S"; prix, 5 fr.
Les livres sur l'éducation corrigent les familles comme l'histoire cor-
rige les peuples; c'est moins par des conversions accidenleiles que par
l'mfluence lente d'idées saines, et par conséquent utiles, qui, répan-
dues de pioche en proche, parviennent à réformer l'opinion générale,
et que l'on finit en quelque sorte par respirer :ivec l'air. En toute chose,
les régénérations progressives oflVent une garantie plus sûre que les
éclats d'un enlhousiasme novateur : aussi Taimirable livre de Rousseau,
où, comme dans tous ses ouvrages, de graves erreurs r.ccoinpagnent
des vérités du premier ordre, produit-il aujourd'hui des résultats plus
heureux et plus durables que dans le tems où l'admiration pour l'Emile
n'élaitencorequedufanatisme. Toutamide l'humanité, loin de se laisser
décourager, en voyant que l'influence des vérités utiles est si tardive,
doit sentir augmenter son zèle, par la certitude d'avoir jeté dans une
terre paresseuse, mais non stérile, quelques grains de bonne semence.
Ce nom d'ami de l'humanité est celui qui caractérise le mieux l'auteur
de l'ouvrage que nous annonçons. Son but n'a point été de présenter un
système complet d'éducation; il s'est tracé un cadre plus resserré, mais
qu'il remplit de tableuu^ d'un intérêt supérieur, se bornant à signaler
LIVRES FRANÇAIS. i^^
ICi défauts el les vices donl les parens jettent les germes dans le cœur
de leurs enfans. Une triste expérience ne nous apprend que trop com-
bien de pères et de mères Iransmettent à leurs enfans , avec le bienfait
de la vie, ces penclians funestes qui doivent en empoisonner le cours,
et faire leur malheur et la honte des familles. C'est donc une œuvre
philantropique et méritoire, que d'exposer aux yeux de parens que
leurs passions aveuglent sur leurs plus grands intérêts, une série de ta-
bleaux dont la ressemblance les fasse rougir et rentrer en eux-mêmes.
Alin de rendre ses leçons plus frappantes et plus généralement utiles,
l'auteur remplace presque constamment la marche didactique, dans son
ouvrage, par des narrations dont les sujets, tantôt historiques, tantôt
imaginaires, reposent toujours sur des vérités d'observation. Ces for-
mes dramatiques font des leçons de ftl. D**' une lecture allachanle , tt
plairont même à ces lecteurs frivoles qu'il faut tromper pour instruire,
en paraissant ne s'occuper que de leur amusement. Cependant, s'il
nous est permis de hasarder une légère critique, l'intérêt dramatique
nous semble avoir entraîné l'auteur, dans un petit nombre de ses récits,
à renforcer les traits de ses per>onnages et les couleurs de ses aclioos.
Pour coniger la grande masse des hommes passionnés, il vaudrai! mieux,
selon nous, oflVir à leurs yeux ks effets ordinaires des passions coupa-
bles , que de leur en représenter les derniers excès. Du reste, les leçons
données par M. D*" sont si importantes et d'une application si éten-
due, que, si tous ceux à qui elles peuvent proGtcr lisent son ouvrage,
le Livrée des pères et des mûres sera le livre de tout le monde. L'auteur
ne s'est désigné que jiar une initiale; nous n'avons pas besoin de son
nom pour reconnaître dans cet écrit un homme distingué, doué du
double talent de bien observer et de bien écrire. C. Monnaho, prof.
65 {*). — Esprit, oriqine et progrès des institutioris judiciaires des
principaux pays de l'Europe; par J. D. Meïkb. Tora. V. Institutions
judiciaires de l'AUcmagne moderne et de la France , depuis la rcvo-
lution. In-S".
Un de nos collaborateurs a déjà consacré plusieurs articles à l'examen
de cet important ouvrage. (Voj. licv. Erw. , Tom. II, pag. 255-249;
Tom. X , pag. 52i-52y, et Tom. XIV, pag. 260-272.) 11 a donné l'anal
lyse des quatre premiers volumes , dans lesquels M. Mejer a trailé des
institutions judiciaires de l'Euroge pendant le moyen âge, de celles de la
France , de l'Angleterre et des l'ays-îîas , dans les tems poslérieuis. Le
cinquième volume est consacré aux institutions judiciaires de I' Allen)a"ne
moderne, et à celles de la France depuis la Révolution. L'auteur signale
T. XX. — Uclobra i^ij. J2
1^8 LIVRES FRANÇAIS.
parliculièrcment, dans les iostitulions allemandes, le défaut d'unité,
qu'il attribue à l'abseuce d'un pouvoir central, et l'inflaence trop éteu-
due accordée à l'érudition et aux subtilités de l'interprétation du droit
romain. C'est à cette dernière cause qu'il rapporte l'introduction des
procédures secrètes , et les abus qui en dérivent. Arrivé à l'txamen des
institutions créées en France par !a lîévoltiiion, il retiacc, avec autant
de clarté que d'exactitude, le ta!<leau de notre conslilution ju'Hciaire ;
il parcourt les diverses juridictions, depuis le-< justices de paix jusqu'aux
cours d'app''l et de cassation , d«j)uis les tribunaux correctionnels jus-
qu'au jury, décrit l'organisation du ministère public et reconnaît les
bornes de l'autorité judiciaire. Il arrive, par le résultat de cette analyse,
à ces quatre observations générales : i" que la France a beaucoup em-
prunté à l'Angleterre, en l'ait d'organisation tant jndici lire qu'admi-
nistrative, quoique cepend.int ni la représentation nationale, ni l'iu-
fluence de la nation sur les jwgemens, ne reposent chez nous sur des
hases aussi larges qu'en Angleterre; a» que la France possède, dans
l'administration de la justice, une grande force d'unité et d'exécution;
5° que l'indépendance des tribunaux s'y concilie avec les limites légales
dans lesquelles le pouvoir du juge s'y trouve resserré ; 4" T"*^ '^ distinc-
tion des pouvoirs y est nettement établie. — Nous nous b(vrnons, pour
le moment, à ces rapides indications. On annonce, pour une époque pro-
chaine , une nouveiU cdition du bel ouvrage de R!. ?.Ieycr; nous saisi-
rons cette occasion pour faire connaître !e cinquième volume avec plus
de détail, et pour jeter en même tems un coup-à'œi! sur l'ensemble de
l'ouvrage. St.-A. Bbbvilie , avocat.
66 (*). — Collection des constitutions , chartes et lois fondamentales
des peuples de l'Europe et des deux Amcriqucs , avec des Prêt is offrant
l'histoire des libertés et des institutions politiques chez les nations mo-
dernes; par MM. P. A. Dlfac , J. B. Dlvebgieb et J. Gladkt. Paris,
iSai-iSaô; Béchet aîné. Six vol. in-8° ; prix, 4^ fr.
Cette importante collection, qui est entièrement terminée, contient
des pièces fort intéressantes , et ne peut qu'obtenir un succès toujours
croissant. Elle sera recherchée sans doute par tous ceux qui veulent
faire une étude sérieuse de l'état actuel des sciences politiques en Eu-
rope et dans les deux Améiiqp.es. Le soin qu'ont pris Ic'i éditeurs de
joindre au texte des lois constitutionnelles un précis historique sur les
événemens qui les ont précédés ou suivis, ajoute un nouvel intérêt à
leur travail. Dans un article d'anrt<ysCj nous examinerons avec quelque
étendue cet ouvrage, qui mérite, à bien des égards , d être distingué
de la foule des compilations que l'on publie journellement.
A. T. , avoctit.
LIVRES FRAISÇAIS. ,^g
67 (*)• — Essai politique sur ie revenu fiiUic des fcufAcs de l'c.nll-
guiiè, du moyen ù-je , des siècles modernes , et sféciatcment de la France
et de l'An^ltlerre, depuis le milieu du xv^ siècle Jusqu'en iSaô; pur
M. Ch. Ganilh, dôputé du Caillai. Seconde édition , considérablement
revue, corrigée et augmentée. Paris, 820; Treutell et Wiiitz. Deux
vol. in-S°; prix, la fr.
La science du revenu public, onyidéréc- dans ses élémens primitifs,
est la connaissance des sources d'où il dérive; des principes, des rèffU-s
et des usages qui, dans cbaque état, eu déterminent l'étendue; des
procédés et des mélbodes qui en assurent la perception et la distribu-
tion; des mesures qui garantissent l'inlégrité et la Gdélité de son em-
ploi.Ces points élémentaires et,en quelquesorle, constitutifs de la science
n'en forment cependant qu'une partie, et cette partie n'est ni la plus
importante, ni la plus étendue, ni la plus difficile. Mais, un point de
vue sou» lequel la science doit être surtout envisagée, ce sont ses rap-
ports avec l'ordie public et la prospérité sociale, dont elle a sans doule
tiré sa dénomination d'économie ■politique. Il est difficile de ne pas re-
garder ses eflcts sur le système social, comme une des causes les plus
actives des révolutions politiques qui ont ébranlé ou renversé les "oa-
vernemens, altéré ou cbaogé la destinée des empires, consoranTé la
ruine ou préparé le bonheur des peuples. «C'est une grande et belle
démonstration, comme le fait observer l'auteur dans sa préface, que
celle qui établit que le revenu public est non-seulement la sauve-garde
de la civilisation moderne, mais la plus sûre garantie de sa marcbe pro-
gressive et de son amélioration indéfinie. . Cette démonstration , qui
n'élail que rationnelle lois de la première édition de l'ouvrage, est arrivée
au plus haut degré de certitude, maintenant que rcxpérience la plus
solennelle a confirmé les aperçus de la spéculation, et que la science du
revenu public, si bahilemeot mise en piaiique par l'Angleterre, a
triomphé de l'art de la guerre, si puissant et si lenible sous la direclion
du plus grand ou du plus heureus capitaine qui ait bouleversé le monde.
Mais, si J'ouvrage que nous annonçons n'offre, sous le rapport poli-
tique, que la confirmation des vérités que la première édition avait
fait entrevoir, on y trouvera, dads h partie économique , de nombreu-
ses additions, qui en font , pour ainsi dire, un ouvrage nouveau. J\on-
seulement l'auteur a rétabli les chapitres que la censure avait .supprimés,
mais il n'a rien négligé pour mettre le Traité du rcv.nu puvtic au ni-
veau des connai»sances acquises depuis dans celle partie importante de
la science. Ce traité, réani ;mik Systèmes d'éconoi.iic politique, et à la
Théorie de l'économie rolilique, dont il a été publié une seconde édition
]8o LIVRES FRANÇAIS.
en 1821 et 1822, forme l'ensemble de !a science de l'économie pofîlî-
que. Dans les Syslimcs , on voit, pour ainsi dire, éclore les divers élë-
mens de la science. Dans la Théorie, elle se place au rang des sciences
spéculatives, dont elle partage l'importance et la considération. Enfin,
dans le Traite du revenu •public, la théorie est réduite en pratique, dans
l'intérêt des peuples, des gouvernemcns et de la fortune publique. Le
mode que M. G«nilh a suivi, dans ce dernier ouvrage , fait en quelque
sorte concourir le lecteur au développement des vérités que l'auteur
établit. M.Ganillt a eu raison de croire que, dans les siècles de lumières,
les sciences ne peuvent se propager, faire des progrès et se perfectionner,
que par les mélhodcs ralionnelles les plus analogues à l'enst-ignemeut so-
cratique. jNous désirerions pouvoir prouver, par l'examen de l'ouvrage
et par les cilalions de plu-icurs de ses parties, jusqu'à quel point l'au-
teur a niérilé le succès qu'il avait ambitionné; mais, nous ne saurions
trop recommander un ouvrage qui embrasse l'ensemble de la science,
en réunit les parties dans un seul cadre , indique ses progrès, et déter-
mine l'état où elle est parvenue en France au xix» siècle. Convaincu
par sa propre expérience que, si l'on n'est pas versé dans la science du
revenu public, on ne peut 1 emplir qu'imparfaitement les fonctions lé-
gislatives et administratives, l'aultur a voulu , par ses recherches et par
son travail, faciliter l'élude et la propagation de la science, lever les
obstacles qui en ont éloigné les bons esprits, qui lonl, pour ainsi dire,
reléguée dans les bureaux , et en ont presque réservé le domaine et la
possession aux agens de l'administration supérieure. Cependant, les
études sur l'économie politique sont devenues d'autant plus nobles, que
le patriotisme cl un généreux esprit d'opposition peuvent se réfugier
plus sûrement dans ce sujet et dans ce genre de discussions, comme,
à une certaine époque, la philosophie, proscrite, avait trouvé un asile
heureux dans les sciences. M. Gauilh ne nous parait appartenir à aucune
école; et, comme toutes les personnes instruites et indépendantes »
l'opinion qu'il professe est à lui. En comparant la valeur des divers sys-
tèmes, il adopte toujours la doctrine la plus favorable aux progrès des
richesses et de l'industrie. Ses trois ouvrages ont le mériîe incontestable
d'oQ'rir un cours complet d'économie théorique et pratique ; et dire que,
par ses efforts et ses succès, cette belle science n'est plus occulte , esl
moins un éloge qu'une exacte justice rendue à M. Ganilh.
Pabent-Rkal, avocat.
68 (*). — Histoire d' /Angleterre , depuis l'invasion des Romains dans
la Bretagne, jusgit'en i8i4, ouvrage destiné à l'éducation de la jeunesse,
par M""' Élisaifeth Hei.uk ; traduite de l'auj^lais sur la quatrième édition.
LIVRES FRANÇAIS. i8i
Par M"» A. Céline Madchain. Cacn, 182"; Mancel; Paris, Aillius Ber-
trand , rue Uaulefeuille , n" 20. Deux vol. in 8° formant ensemble iv et
571 pag. ; prix, 9 fr.
Cette histoire est présentée sous une forme qui n'est pas nouvelle ,
mais dont heureusement les exemples sont rares. C'est une suite de con-
versations entre un père de famille, sa femme, et ses enfans, âgés de
sept à quinze ans; la narration, fréquemment interrompue par des ré-
flexions presque toujours communes , et souvent fort insignifiantes ,
telles au reste qu'on doit les attendre des interlocuteurs mis eu scène,
nous semble dépouillée de cet intérêt grave et de cette haute instruction
que l'on demande à l'iiisloire. Objectera-t-on que M™* Helme a destine
son travail principalement aux enfans? Nous croyons qu'il suffisait , pour
les intéresser et former leur jeune raison , de raconter les faits avec pré-
cision et simplicité, et il semble que la narration n'aurait rien perdu à
être débarrassée d'interruptions telles que celles-ci : « Cromwel était
un bien méchant homme, n'esl-il pas vrai, papa? s et o J'ai bien envie
d'apprendre , dit Françoise , comment le pauvre roi Charles sortit d'em-
barras, n Outre que ces puérilités allongent un ouvrage , dont le premier
mérite serait d'être succinct, elles dégradent la majesté de l'histoire,
sans aucun profit pour l'instruction. — Si l'espace nous le permettait ,
nous pourrions contester quelques-unes des opinions de l'auteur, et rele-
ver plusieurs inexactitudes disséminées dans l'ouvrage ; nous nous bor-
nerons à deux ou trois observations relatives à des événcmens conlempo-
lains. Nous lisons, sur l'année 1806, que Napoléon nomma son frère
Joseph roi d'Italie; c'est roi de PJaplcs qu'il fallait dire : tout !e monde
sait que c'est Napoléon lui-même qui était roi d'Italie. — Le bombarde-
ment de Copenhague , en 1807, est présenté par l'auteur comme un acte
de politique fort humaine : « Il faut considérer, dit M"« Helme, que ce
fut pour prévenir des maux plus grands que nous en agîmes ainsi ; ce ne
fut ni l'ambition, ni la vengeance qui nous inspira la conduite que nous
tînmes en cette occasion. 11 était nécessaire de se comporter de cette
manière pour s'opposer aux desseins de Napoléon , dont les intentions se
montraient évidemment en Espagne. » Voilà une morale large et une
politique loul-àfait anglaise. Toutefois , l'historien aurait dû ajouter
que Copenhague fut brûlé sans déclaration de guerre : c'est une circons-
tance que les rédacteurs du Courier ont pu, dans le lems, passer sous
silence, mais que l'histoire ne saurait taire. — On sait qu'en vertu delà
capitulation faite par .lunot, en Portugal, les troupes françaises qui éva-
cuaient ce royaume devaient être ramenées en France : les Anglais
violèrent scandaleusement cette capitulation. Voici comment cette viola-
i82 LIVRES FRANÇAIS.
tioQ est racontée: « L'AngIcIerrn fut trùsrnécnnîentc de cette clause, et le
témoigna.» — L'iiistorien dit qu'en iiSi5 Wapoléon repartit pour la Russie.
II n'est personne qui ne sache que la caiiipagne de i8i3 n'eut janjai»
d'autre but que de se maintenir en Allemagne. Plus loin , nous lisons :
« l-a fortune semblait abandonner Napoléon ; le général Vandamme fut
fait prisonnier; les maréciiaux Ney et Oudiuot éprouvèrent le même sort
de la part du roi de Suède.» Assurément , en voilà la première nouvelle ;
il païaîl que M""^ Helme écrivait son l'.istoire sur quelques rapsodies col-
portées dans les rues de Londres. Après nos désastres en Espagne , Wel-
lington pénétra en France : nous nous souvenons, et les Anglais se sou-
viennent aussi, de la bataille de Toulouse. M"" Helme se contente de
dire : o Lord Wcllingtoa dirigea nos armées vers la France pour y porter
la guerre. » Et pas un uiot de la bataille : ce silence est prudent ; il au-
rait fallu avouer que Soult battit le 'léros anglais, avec des forces bien
inférieures. Enfin, la mémorable camjiagne de France , en i8i4 , est ex-
pédiée en deux lignes: «Tandis que nous triomphions en Espagne, lesalliés
traversaient le Rhin, et pénétraient en France de plusieurs côtés; i! en ré-
sulta un combat sanglant. «Ce cointat, c'est une campagne de trois mois,
regardée par les gens du métier comme l'une des époques les plus éton-
nantes de la carrière militaire du plus habile général des tems modernes.
— Notre premier besoin est d'être juste ; nous nous empressons d'ajouter
qu'il ne fiiuchait pas apprécier toute Thistoire que nous annonçons sur
ces inexactitudes et ces mauvais jugemens , accumulés en quelques
pages: on sent que l'historien, qui d'ailleurs pouvait suivre, pour les
époques antérieures, des écrivains estimés, n'a pas eu les mêmes motifs
d'erreur ou de partialité. Quant à l'auteur de la traduction, nous lui con-
seillons de choisir de meilleurs originaux , et de travailler un style qui
n'est pas formé sur de bons modèles; mafgrè que, de suite, en agir, rè-
cnafpcr un vaisseau, sont des locutions incorrectes ; on ne dit pas non
plus : 0 Un événement tragique eut lieu dans la •personne de M. Perce-
val , » ni : i. De grandes réjouissances eurent lieu en félicitations dii
règne de la maison de Brunswick sur le trône de la Grande-Bretagne ,
en anniversaire de la victoire du Nil , et en célébration de la paix. » Ce
n'est pas la écrire en français. 11 est aussi d'asage chez nous de traduire
les noms propres étrangers; ainsi , nous ne disons pas : o 11 fit embarquer
son armée à Corunna, mais bien d ta Corognc ; il faut savoir l'atiglais ou
le hollandais pour comprendre ce que signifie La rivière de Sclietdt: nous
sommes habitués à dire V Escaut. Malgré les défauts que nous avons re-
marqués , cet ouvrage a le mérite de n'être pas volumineux , et sous ce
rapport, du moins, il peut convenir à l'instruction des jeunes gens.
M. A.
LIVRES FRANÇAIS. t83
69 (*). — Collection des Mcuioires relatifs à ia rérolution d'.4nq{e~
terre, accompagnùo de nolicfs et d'éclaircisscmcns hislorIc]ues, et pré-
cédée d'une Introduction sur l'Iiisloire de la révolution d'Angh.'lerre;
par M. GcizoT. i'", 2'', ô' et \<= livraisons. Paris, iSiS; Bétlictaîué. Pris,
12 fr. par livraison de 2 vol.
Ceîte importantf cnllcction, que nous avons déjà signalée à l'allen-
fion publicjue (^'oy. Tom. XIX, p. /{3i), conlinucdc paraître avec un
succès doublement justirié par rinlérêl des Mémoires dont elle se com-
pose, et par le talent de l'écrivain qui s'e.-t chargé de la publier. Peu
de personnes étaient plirt capables que M. Guizot de répondre au désir
des hommes instruits, qui regrettaient depuis long-tems de voir la ré-
volution anglaise mal connue et mal jugée, et qui ont réfléchi sur les
rapports singuliers que présentent ia révolution d'Angh.'terrc et la ré-
volution de France. — La liberté, pour laquelle les Anglais combattirent
en i64f>) était à la fois religieuse cl politique; l'esprit fanatique de cette
époque lui imprima même un caractère particulier; mais, dans se»
diverses phases, dans ses accidens multiplies, dans sa marche d'abord
progressive, et ensuite décroissante, elle se rapprocha beaucoup de la
révolution française. Les événemens, les idées peuvent varier, selon la
difiFérence des époques; mais le cœur humain est toujours le même, cl,
sous ce rapport, Tliisloire de toutes les révolutions ee ressemble. Si cet
aperçu est juste, l'utilité de la Colteclion des Mémoires relatifs à la
révolution d'Angleterre ne s.Turait être contestée. — Les quatre livrai-
s^ms déjà publiées contiennent : \° l'Histoire du long parlement, psr
Thomas Mori , secrétaire du parlement, et en conséquence, partisan
déclaré de ta révolution, savant écrivain, qui ne réussissait pas moins
dans la poésie que dans la prose, et qui s'est fait une réputation par un
Supplément de Lucain, en vers latins; 2° les Mémoires de sir Philippe
PFarwick, partisan des Stuart* ; 5° les Mémoires de Herbert et de Berh-
ley , également ennemis, mais par des caus<'S et arec des nuances dif-
férentes, de !a révolution; 4° les Mémoires de Priée, chapelain du
Monck,sur la restauratiou des Stu.irts; 5° les Mémoires de Hotiis .,
de Huntington et Fairfax, attachés à des sections différentes du mê-
me parti; 6° enfin, les Mémoires de Ludlow, l'un des plus ardens dé-
fenseuis de la liberté anglaise. — Kn attendant que nous puissions con-
sacrer â la Collection des Mémoires une analyse proportionnée à son
importanre , nous recommandons avec (;onfiance cet ouvrage à tous les
hommes éclairés. Les notices de M. Guizot sont remplies d'idées justes,
et de faits curieux. Léon Thiessé.
70 ('). — CoUcclion des Mi^moires relatifs à li révaiation frdnçaisc ,
i84 LIVRES FRANÇAIS.
avec des \oticcs svr Iciirs autcv.rs , et (\e=. Éciaircifsemcns historînv^s;
iTi' livraison. Paris, 1S2Ô ; Baudouin frères. In-8°; prix , 11 fr.
Cette nouvelle livraison contient un Mémoire de M. le baron de Go-
guclat, lieutenant-général, sur les événemcns relatifs au voyage de
Louis XA'I à Varennes. Attaqué un peu vivement dans les Mimoircs de
]}/mc Campan, M. de Goguelal a cru devoir publier sa relation, qui
sera un document de plus à joindre aux témoignages contradictoires de
AIM. de Bouille , de Cboiseul, de Damas et de Raigecourt. Il y a ajouté
un précis des tentatives faites pour arracher la reine à la captivité du
Temple. — Le second volume des Mvinoircs sur les prisons contient ,
entre autres pièces intéressantes , un journal des événemens arrivés à la
maison d'arrêt de Porl-Libre , ou la Bourbe , par Coitlaut, et le voyage
de 102 Nantais, envoyés à Paris par le comité révolutionnaire de Nantes.
Enfin , cette livraison est complétée par les Mémoires de Louvtt , par-
ticulièrement relatifs au 5i mai. On sait que r.iuleur de FauLtas , doué
d'une imagination très-vive et ardente, d'un caractère violent et irasci-
ble, et qui était naturellement aigri par le malheur, publiait ses souve-
nirs peu après la persécution dirigée contre lui et les Girondins, pros-
crits par la Montagne. Aussi, le langage de Louvet est-il constamment
passionné ; et si cette exaltation le fait lire avec plus d'intérêt , elle a dû
égarer plus d'une fois son jugement. — Par une singulière inadvertance,
ou peut-être par l'eifet d'un retard dans l'envoi, une lettre adressée
aux éditeurs, par ÎA. Jullien, de Paris, pour faire partie des éclaircîsse-
meos historiques, et qui en forme une des pièces les plus remarquables,
te trouve re jetée en dehors du volume, et placée isolément à la fin,
comme une brochure séparée. Cette lettre a pour objet de détruire l ef-
fet d'une calomnie atroce que Tallien avait inculquée dans l'esprit lie
Louvet contre M. Jullien, alors âgé de ipans, qu'il n'avait jamais vu
ni connu, et qu'il accusait d'avoir contribué activement à la mort de
ses collègues, dont Tallien était lui-même le principal auteur, puisqu'il
avait seul nommé la commission militaire qui avait fait exécuter à l'é-
gard de ces malheureux proscrits le décret de mise hors la loi, par le-
quel ils étaient voués d'avance à l'échafaud. Quand on hasarde de pa-
reilles accusations, le devoir de tout homme impartial est d'écouler la
réponse: et celle de M. Jullien nous parait repousser victorieusement
une attaque injuste, calomnieuse et atroce , diiigée contre une victime
alors obscure et hors d'état de se défendre, et plongée dans l'horreur
d'un cachot, par un ennemi puissant , qui, pour se réconcilier avec les
députés de la Gironde échappés à la proscription, et rentrés dans le seia
de la coQveatiou nationale, avait le plus grand intérêt à rejeter sur un
LIVRES FRAINÇAIS. i85
autre la responsabilité de ses propres actes. Les ravages causés parl'in-
tluence de la calomnie, surtout dans les leais de révolution, ont souvent
livré les hommes les plus honorables aux préventions les plus injustes,
accueillies par une facile crédulité. Puis , lu jour de la vérité et de la jus-
tice vient remettre les hommes et les choses à leur place, et l'on voit
reparaître, tels qu'ils furent vcritablementj certains personnages aux-
quels on avait substitué des fantômes révêtus de leur nom, pour égarer
l'opinion sur leur compte. Aktaid.
71 (*). — Esquisses 4iisloriqucs delà révolution française, depuis la
convocation des Étals-généraux jusqu'au rélabllssemeut de la maison
de Bourbon ; par Ddlaubb, auleur de V Histoire de Paris. Ouvrage orné
de gravures, représentant les principalts scènes de la révolution fran-
çaise. Paris, 1820; Baudouin frères. Prix de chaque livraison, 5 fr.
.>o G. (Les dix premières livraisons ont paru.)
M. Dulaure , déjà connu par son utile et intéressante Histoire de
Paris ( roy. Tom. XIX, pag. t^')"^), raconte , dans ce nouvel ouvrage ,
des événemens dont il lui le spectateur, et dont il a pu , mieux que
jjersonne, étudier et pénétrer les causes. On peut donc regarder ces
Jisqxiisses comme une production de bonne foi. L'auteur, persuadé
que le moment n'est pas encore arrivé d'écrire avec indépendance l'his-
toire delà Révolution, s'est borné à tracer quelques tableaux épars, en
laissant à d'autres le soin de présenter l'ensemble de ce grand et im-
posant sujet. On ne peut qu'applaudir à la force et à l'énergie avec les-
quelles il a su accomplir la tâche qu'il s'était imposée. M. Dulaure a
souvent eu besoin de courage pour remplir les devoirs d'historien fidè-
le, et l'on doit dire, à sa gloire, qu'il n'en a jamais manqué. Les Es-
quisses de la révolution sont accompagnées de très-belles gravures, qui
ajoutent un grand prix à cet ouvrage , parce qu'elles représentent les
costumes du tems, et les principales scènes d'une époque féconde en
vertu» et en excès, en scandale comme en n(jl)les exemples, en événe-
mens touchans et terribles. Kous espérons revenir plus lard sur celte
importante publication. Lkon ThiessÉ.
72 ('). — Mémorial de Sainte -Hélène, ou Journal dans lequel se
trouve conservé, jour par jour, ce qu'a dit et fait Kapoléon , pendant
dix-huit mois; par le Comte de Las-Cases. Tom. VII et VIII, de 446
<;l 528 pages, avec une Tahle (jénérale, analytique et raisonnèe des
matières. Paris, 1825; chez l'auteur, rue du Bac, n" 55. Prix, 7 fr. le vo-
lume in-S" ; ô fr. 5o c. in-12.
Ces deux volumes, qui terminent et complètent l'intéressante relation
publiée par M. de Las-Cases, n'ont pas moins d'intérêt que ceux qui ont
i86 LIVRES FRANÇAIS.
précédé. (ro^'-.iîcv. Enc.,T. XVII, p. 076, et T. XIX, p. 180.) Ony remar-
que (Tom. VII, pag. 9), des instructions officiclies, relatives à une mL-
sion en Pologne , confiée au mois d'avril iSi a,etdestinée à disposer la na-
tion polonaise à seconder avec énergie les Français dans la guerre con-
lie la Russie, qui , selon Napoléon , et sous un point de vue à quelques
égards juste et profond , n aurait dû être la plus populaire des tems
modernes. C'était celle du bon sens et des vrais intérêts, celle du repos
et de la sécurité de tous; elle était purement paciQque et conservatrice,
tout-à-fait européenne et continentale.» Du reste, comme JMapoléon en
convient lui-même, a on a mal agi en tout sens; a et, loin d'adopter
une politique franche et ouverte, on s'est aliéné l'opinion des peuples
d'Allemagne et de Pologne, et Ton a détruit d'avance tous les moyens
de force morale et de succès durable. — On voit avec regret l'idée peu fa-
vorable que Kapoléon s'était formée des hommes en général : « Pau-
vre humanité, disait -il, toujours et partout la mêmel » Il aurait
mieux fait de dire : a Pauvres gens de cour , toujours et partout les
mêmes! » Très-heureusement, ce n'est point là toute l'humanité; et
les courtisans eus-mèmes cessent d'être aussi corrompus , lorsqu'ils sor-
tent d'une atmosphère presque toujours empoisonnée, pour se retrem-
[«er dans la société ordinaire. IVous aimons à recueillir (T. VII, p. oa)
l'hommage rendu par l'ex-erapereur à la morale publique, « qui est du
domaine spécial de la raison et des lumières On pourra hicn arrêter,
comprimer le mouvement ascendant d'amélioration , mais non le dé-
truire. » Napoléon se plaint , non sans quelque raison (T. VII , p. 92) ,
tle certains c salons de Paris, véiitablement infernaux, qui sont en mé-
disance et en calomnie permanentes. » Mais lui-même ne sait point, sur
son rocher, secouer encore la poussière des salons de scspaUis, qui
étaient dans un état de flatterie permanente pour louer tous les actes
de délire de son ambition et de son orgueil, et qui calomniaient à ses
yeus les patriotes les plus honorables, pour exploiter seuls la faveur du
maître elles emplois de l'administation publique. — Nous regrettons de
ne pouvoir suivre , dans ces entretiens si variés , et d'où jaillissent quel-
quefois des traits de génie, l'homme extraordinaire auquol M. de Las-
Cases s'était consacré avec un si noble dévouement. — Dans le huitième
volume, c'est M. de Las-Cases lui-même qui est obligé de se mettre en
scène, et l'intérêt n'est point diminué. Éloigné de Sainte- Hélène,
transporté au cap de Bonne-Espérance, où il est retenu prisonnier d'é-
tat, au mépris de toute justice , ramené enfin en Europe, et promené
malgré lui de contrée en contrée, par une longue suite de vexations
nouvelles, il est enfin réuni à sa noble et conragcnse épouse, et leur
LIVRES FRANÇAIS. 187
rapprochement fait verser au lecteur dt-s larmes douces et amèrcs. Com-
incnl la méchanceté des hommes a-t-elle pu s'acharner à ce point contre
un homme qui honorait rhumanilé, par le pieux exemple d'une fidélité
Inviolable au malheur! Ce trait d'héroïsme aurait dû lui concilier l'es-
time des hommes de toutes les opinions; et c'est au nom des gouvcr-
nemens de plusieurs nations civilisées qu'une proscription injuste et
cruelle s'attache partout à ses pas!.... Nous crox'ons pouvoir, en termi-
nant cet article, inviter l'estimable auteur du Mémorial de Saintc-ïlé-
iène à en préparer bientôt une nouvelle édition , piTgce de quelques né-
gligences de style et de quei(]rcs détails nn peu troj) minutieux, et aussi
soignée, sous tous les rapports, que doit l'être celle d'un ouvrage des-
tiné à devenir un monument historique. M. A. Ji mjkv, de Paris.
-!i. — Histoire des invasions et des expéditions inititaircs en Espagne,
depuis les Phéniciens jusqu'à nos jour»; par M. de Boissi. Paris, i8?,5;
l'éditeur, place de l'Odéon, n" 5. Un vol. in-«8 de 4-2 pages, orné
d'une eaite géographique des royaumes d'Espagne et de Portugal ; prix,
4 l'r., et 4 fr- "5 c.
C'; petit livre, dont le style, à quehiues incorrections près, est assez
pur, n'offre guère qu'un exposé sommaire des vicissitudes qu'a subies
l'Espagne, depuis le tcms de la descente que Grent sur ses côles les Phé-
niciens , et les Grecs sortis de l'ile de Rhodes. Les invasions et les ex-
péditions militaires dans celte contrée y sont indiquées, mais non pas
décrites. Cet ouvrage se fera lire néanmoins, avec intérêt, par cette
classe de lecteurs qui se contentent de connaissiinces et de notions gé-
nérales et superficielles. M. de Boissi rappelle , à son occasion , les jirin-
cîpaux ouvrages qu'il a déjà publiés : Agnès Sorel et les Amours do
Louis XIV. C'est peut-être pour un historien une recommandation as-
sez bizarre que de s'annoncer ainsi, comme l'auteur de deux romans.
B. L.
74 (*). — Histoire de l'Egypte, sous le (jouverneincnt de Moliainmed-
Aiy-Pacha , ou Récit des événemcns politiques et militaires qui ont eu
lieu, depuis le départ des Français jusqu'en iSaô, par Félix Mangis;
odvrage enrichi de notes par deux membres de l'Institut (MM. La?îgibs
cl Jomard), et précédé d'une Introduclion historique , par J. Agocb.
Tom. I. Paris, 1825 ; Arthus Bertrand. In-8° de 464 pages , avec un
atlaà lithographie; prix de l'ouvrage entier, qui aura un second volume,
20 fr. avec l'atlas in-tbl., figures en noir; 25 fr. avec atlas, dont 7 plan-
ches coloriées, avec 2 cartes lavées; papier vélin surpcrfîn , tiré à un
petit nombre d'exemplaires, avec les planches coloriées, et celles qui
doivent être eu noir, sur papier de Chine, 4° h". Il faut ajouter 5 fr.
i88 LIVRES FRANÇAIS.
pour recevoii l'ouvrage complet par la poste. — A la mise en vente du
Tom. II (novembre), le prix du papier ordinaire sera augmenté, pour
les non-souscripteurs , de 3 fr. , et celui du vélin , de 5 fr.
Cet ouvrage est terminé par un tableau du pays de Nedj, qui était,
pour ainsi dire , inconnu jusqu'ici , et que l'auteur a décrit avec le plus
grand soin. Il doit former le complément indispensable de la Descrip-
tion de l'Egypte. L'exécution de l'atlas, qui comprend, en outre de
la carte du pays de Nedj , le plan du nouveau canal d'Alexandrie, a été
confié à M. Dutcrtre , qui a fait partie de l'expédition d'Egypte; et cet
artiste a lithographie le portrait du vice-roi d'Egypte, ceux du chef des
Wahabis, du roi de Sennaar, et plusieurs autres figures. M. Coste,
architecte du vice-roi, a dessiné la vue du palais de ce prince, sur la
place de l'Eshekich, au Caire; celle de son palais, à Alexandrie, et la
sainte Famille se reposant sous le sycomore de Matharieh.
yS (*). — Histoire physitjuc , eivite et morale de Paris, depuis les pre-
miers tems historiques jusqu'à nos jours, contenant, par ordre chrono-
logique, la description des accroissemens successifs de cette ville, et
de SCS monumens anciens et modernes, la notice de toutes ses institu-
tions, tant civiles que religieuses , et, à chaque période, le Tableau
des moeurs, des usages et des progrès de la civilisation ; ornée de gra-
vures représentant divers plans de Paris, ses monumens et ses édifices
principaux; par /. A. Du la ire, de la Société des antiquaires de France.
Seconde édition, considérablement augmentée en texte et en gravures.
Tom. Il (4 livraisons) , 5i 2 page» ; Tom. III (i"^' et 2^ livraisons) , 256
])ngcs ; avec un atlas in-4° obloiig, précédé d'une Introduction de 48
pages, et contenant cinq plans de Paris : i° sous la domination rom,aine;
2" sous le règne de Philippe- Auguste , jusqu'à l'année 1220; 3° sous
François I"; ^° sous Louis XIII ; 5» dans son état actuel. — Paris,
iSaô; Guillaume, libraire-éditeur; prix, 5 fr. yS c. par livraison.
Nous avons déjà rendu compte des premières livraisons de cet impor-
tant ouvrage. (Voy. Rev. Encyci., Tom. XIX, pag. 433.) Il continue de
présenter, dans ses livraisons successives , un intérêt toujours croissant.
L'auteur fait preuve d'une érudition profonde et d'une saine philosophie.
II conduit pas à pas son lecteur à travers des périodes historiques, enve-
loppées jusqu'ici des plus épaisses ténèbres. On apprend à connaître ce
i)on vieux tems , si vanté et si regretté par des esprits superficiels qui ne
s'en font aucune idée, et qui croient qu'il est du bon ton d'attaquer les
innovations et les perfeciionnemens, et qu'ils se donnent ainsi un certaia
air d'ancienne noblesse. « Il serait difiScile, dit notre auteur, en esquis-
sant le TaUcau moral de Paris, dans les xt" et xii' siècles, de trouver
LIVRES FRA^;ÇA1S. i8g
daus les annales des nations un état social plus désordonné, des opinions
plus fausses, des malheurs plus grands, plus soutenus, des crimes plus
graves et des mœurs plus corrompues que «hez les hahitans de la Gaule
pendant cette période. Ces siècles, qu'on a nommés siècles de ptomù ,
seraient plus exactement caraclérisés, si on les qualifiait de siècles lie
tcnèhres, de houe et de san<j , (Tom. II, pag. ii5). » A la période sui-
vante, qui s'étend depuis le règne de LouisVlI jusqu'à celui de Louis IX :
« Le régime iéodal et la barbarie commencent à s'affaiblir ; la royauté
devient plus paissante; plusieurs villes , jouissant du droit de commu-
ne, peuvent se protéger elles-mêmes contre les brigandages de la no-
blesse L'étude, plus protégée et plus active, introduit des lumières
vraies ou fausses dans des parties du corps social, où, depuis plusieurs
siècles, il n'en pénétrait point; mais le vice est trop profondément en-
raciné, la eorruption est trop générale, pour que de si faibles innova-
tions puissent corriger l'un et purifier l'autre. Les mœurs, pendant cette
période, n'offrirent que des espérances d'amélioration , (ï. il, p. 555;.
Le XII. «siècle est remarquable par la corruption estrème du clergé, qui
surpassait celle du peuple, et par l'hypocrisie des faux dévots, contre
laquelle s'élèvent avec énergie les prosateurs et les poètes de cette époque;
(T. m, p-57)- '• Les évoques et les moines trnaienl les habitans des villa-
ges dont ils étaient seigneurs, dans un état complet de servitude. — On
commence, au xiv siècle, à mépriser les chevaliers qui ïivaienl de pil-
lage, et qui sont qualifiés, dans quelques monumens du tems, de che-
valiers à la proie Le torrent de l'immoralité rencontre quelques
digues dans les institutions fondées par Philippe-le-Bel On trouve,
dans les registns criminels du parlement de Paris, plusieurs exerapl< s
de gentil.-hommei punis avec sévérité pour dos vols, des meurtres tt
d'autres délits Les écoles se multiplient.... L'esprit public se pro-
nonce en faveur des institutions enseignantes, et fait espérer mieux
(Tom. III, p. 258 et suiv.).»— Les débauches, l'avidité, les fourberies a
les exactions du clergé ne connaissent aucun frein. i Le trafic honteux
des choses saintes fut en plein usage jusqu'au milieu du xvi» siècle.
Alors, par l'ordonnance d'Orléans de i5Go, il fut restreint, mais non
aboli : il a subsisté en partie jusqu'à nos jours, {iind. , pag. 255). » — Je
pourrais multiplier a l'infini les citations, pour compléter les esquisses
des différens siècles que le savant historien reproduit devant nos yeux.
Je continuerai plus tard, avec lui, celte revue des traits caractéristiques
de l'état moral de Paris et de la France , pendant les différentes périodes
historiques qu'il a décrites. —Grâces aux laborieuses investigations de
M. DcLACBË, aux savantes recherches et aux ingénieux aperçus de M. ds
iQO LIVRES FRANÇAIS.
SiàuOKDi , qui, dans sod llisloire des Français, nous fait connaître à
nous-mêmes notre propre nation, et aux tableaux philosopliiques et
aDirués dont M. de Skglr a composé son Abrégé de i'iiistoirc univer-
selle, les hommes d'élat qui ne veulent pas rester indignes de ce nom,
les vrais philosophes, les amis sincères de la patrie et de rhuinanité ,
pouriout sonder sans peine toute la profondeur des abîmes dans lesquels
l'ignorance et la barbarie avaient plongé les peuples, et apprécier l'im-
prévoyance et la fureur aveu^'le des passions qui tendraient à nous y
précipiter de nouveau, et à menacer le inonde entier d'une sorte d'é-
clipse tie la raison et de la liberté. M. A. Jilukn.
76 (*). — Galerie française, ou Collection de portrails des hommes
et des femmes célèbres qui ont illustré la France, dans les xvi<^, xvii«
et xviii* siècïes ; par une SociL'lé d'hommes de lettres et d'artistes. T. II.
— lô' Livraison. Paris, i8^5; au buieau delà Galerie frunç>iisc j rue
de l'Arbre-Sec, n» 22. Grand iu-4°, papier vélin ; prix de souscription,
10 fr. par livraison pour Paris , 10 fr. Soc. pour les départcraens.
Cette livraison contient les poriraiis de Fénélon, Fauban, Audran
et A/°" Dacier, avec des Notices de MJI. Laàouderie , Liqdiéres, Denon
et Amaury-Duval. On y a joint des fac siiuUe de l'éciilure de Bal-
zac, M"' de Scudéry, Mézeray, Corneille, Catinal, Colbcrt , Vauban et
de Tourville. — Un avis aux souscripteurs les prévient qu'une Notice
qui n'est pas prête (celle de Pascal), n'a pas permis aux éditeurs de
donner la fin du Tom. II. lis recevront incessamment, avec "cette no-
tice , tous les fac simile qui manquent, et la Table des matières. — En
attendant, les éditeurs se sont occupés du T. III , dont nous avons déjà
annoncé les quatre premières livraisons [^oy. Tom. XIX, pag. ^-i).
•■y (*). — Annuaire "hi si orir.uc universel four 1S22, avec un A-pfcn-
rfî'fe contenant les actes publics, traités, notes diplomatiques, papiers
d'états et tableaux statistiques, financiers, administratifs et nécrologi-
ques j une Chronique offrant les événemens les plus piquans, le causes
les plus célèbres, etc. ; des extraits de voyages ou de mémoires intéres-
sans, et une Revue des productions les plus remarqua blés de l'année dans
les sciences, dans les lettres et dans les arts; par C. L. Lksijr, auteur de
la France et les Français en iSi-, etc. Paris, 1823 ; Pantin et Gosselln;
Treuttel etWiirtz.Un vol. in-8° de vi et 867 p.; prix, lo fr., et 12 fr. 5o c.
Jusqu'ici, la Revue a rendu, chaque année, un compte détaillé de
V Annuaire, (/ oy. Tom. IV, pag. 280; T. VIII, p. 289; T. XII, p.
5oi| ; et T. XVI, p. 495-) H convenait à ses vues générales, à son plan
encyclopédique , de présenter en quelques pages un aperçu des événe-
mens qui avaient rempli l'année précédente. Mais la publication de
LIVRES FRANÇAIS. i()i
l'Annuaire est tellement iclardée, que, si l'ouvrage ne perd rien de son
utilité, l'analyse en devient beaucoup moins piquante; et, pour ne ci-
leiqu'un exemple , il serait fort peu intéressant d'entretenir nos lecteurs
d'un cordon i^aniliiire ou d'un cordon d'observation, au moment où la
guerre d'Espagne touche à son terme. Ce n'est pas à une époque où les
événemcns marchent avec une telle rapidité, qu'un écrit périodique
peut attendre dix mois pour en offrir le lai)leau à ses lecteurs. Ce retard,
nous le lépélons, n'est pas un inconvénient pour l'Annuaire ; les lecteurs
qui veulent y trouver un résumé de faits et un recueil de documens ,
préféreront toujù:irs moins de promptitude dans la publication, et plus
d'exactitude et d'cbondauce dans l s matériaux. Ceux dont se compose
l'Annuaire de 1822 offrent un graud intérêt. Dans eetle période, l'esprit
des peuples et celui des agens de l'autorité se développent <n sens in-
verse d'une manière fort remarquable : tanilis que, d'un côté , tout s'tl-
firce de b'avancer vers les améliorations et le perfectionnement, tout,
de l'autre, se rejette en arrière et suit une marche rétrograde. C'est ui:e
vérité dont l'auteur de l'Annuaire ne paraît pas se douter, mais qui sort
vivante des faits ainsi rapprochés , de quelque manière qu'iU soient
d'ailleurs présentés; la distraction affectée de l'annaliste ne sert même
qu'à mieux éveiller l'attention du lecteur. ]N(. us allons lâcher d'indiquer
en peu de mots l'ensemble des principaux événemens classés dans l'An-
nuaire de 1822. — i'= PABTiE. Histoire de France. — La portion la plus
importante de cette histoire est toujours le résuuié des travaux des deux
chambres. La suite de la session de 1821 a été consacrée, en grande
partie, à la législaliou de la presse. Deux lois sur cette importante ma-
tière ont totalement changé la légiflation précédente, soit en laissant
plus de vague dans l'appréciation des délits, soit en augmentant la gra-
vité des peines, soit en ôtant au jury la grande attribution dont il jouis-
sait précédemment , soit enfin en livrant la presse périodique à la merci
de l'autorité. Le budget de 1823 a ensuite occupé les derniers momens
de la Chambre; il a été voté lorsqu'il était déjà à moitié dépensé. Pour
faire cesser cet abus, la session de i>Sa2 fut convoquée immédiatement,
et fut consacrée presque tout entière à la discussion du budget de 182.1.
Une question incidente, cependant, occupa vivement la Chambre dei
députés, et mérite d'être mentionnée, c'est la proposition demander i.
la barre le procureur-général de Poitiers , pour y rendre compte de plu-
sieurs passages de son acte d'accusation dans le procès de !a conspira-
tion de Thûuars. Les autres événemens de cette année se composent de
diverses procédures criminelles pour cause de conspiration, procédure*
qui donnèrent lieu à quatorie condamnations capitales, dont onze fu-
192 LIVRES FRANÇAIS.
reut suivies d'exécution ; de la lutte des élections , dans lesquelles \c
parti libéral a éprouvé une inféiiorité tout-à-f'ait décidée; de la supprc'^-
sion de l'Ecole de médecine ; du congiès de Vëronne ; des divi.sions dans
le niiiiislère, qui ont motivé un changement de minisfres, sans rien chan-
ger à la marche des affaires. — Seconde pahtib. Histoire ctrun(jèrc.
— Cette seconde partie est occupée presque entièrement par les affaires
d'Amérique, de Grèce, et surtout par celles d'Espagne. Le gouverne-
ment des Etats-Unis reconnaît l'indépendance des colonies espagnoles;
événement politique d'une haute importance j'^- et dont i! convenait aux
Etats-Unis de donner l'exemple. Les triomphes maritimes des Grecs,
la destruction de 5n,ooo Turcs qui avaient franchi les Thermopyles, et
la conUii.ution connue sous le nom de loi. d'EpidaurCj sont des faits dé-
cisifs dans l'histoire de l'affranchissement de la Grèce. Celle de la révo-
lution d'Espagne, dans l'année 1822, prouve que, malgré la conduite
faible ou inhabile de plusieurs ministres, la réforme pulitique se fût ac-
complie dans celte contrée, sans l'intervention étrangère. L'énormité des
charges militaires imposées aux états de la Confédération germanique;
la diversité d'intérêts clairement manifestée entre les peuples de Hol-
lande et ceux de Belgique, par la discussion des lois de finances ; la mé-
sintelligence déclarée entre le Portugal et le Brésil; enfin, la tendance
du gouvernement anglais à modifier l'acte de navigation , rendent l'his-
toire de celte année très-remarquable, moins encore par les événemens
qui lui appartiennent que par ceux qu'elle laisse présager. — L' Appen-
dice rcnftiitae un choix fort bien fait de documens et de pièces officiel-
les; et la Chronique offre, comme de coutume, parmi quelques parti-
cularités curieuses, beaucoup de choses insignifiantes ou inexactes. On
permet au journal de la veille de faire des contes; mais c'est ce qu'on
ne peut passer à une gazelle ^ lorsqu'elle recueille des anecdotes qui ont
une année de date, et dont elle a eu le lems de vérifier l'authenticité.
Ainsi, à l'occasion du concours de poésie, dont le sujet était le dévoue-
ment des médecins français , la Chronique nous raconte que « le vain-
queur est un jeune Français, né à Barcelonne; qu'il était sur les lieux;
qu'il avait vu les malheurs qu'il décrit; que sa mère a été sauvée par le
médecin français qui, lui même, en est tombé victime; qu'il a écrit
sous rinspiration de la piété filiale. » ÎJ'y a-t il pas un peu de bonhomie
à nous faire ce récit quatorze mois après que chacun a pu apprendre que
tout cela n"est qu'une fiction du jeune poète? Au resle, nous voudrions
n'avoir que des reproches de ce genre à faire à M. Lesur. Nous avons
dit, dans nos précédentes analyses, que son livre pourrait souvent Irom.-
per ceux qui voudraient s'en servir pour apprécier l'époque où nous *i
LIVRES FRA^iÇAIS. i<;5
vous : c't'sl une remarque dont la lecture de ce volume nous semble encore
confirmer la justesse. L'auteur s'est décidéiHent réduit à n'être que le
copiste du Moniteur, rôle peu digne d'un puhlitistc, et d'un écrivain
qui s'occupe a rassembler des matériaux pour rhistoiro. L'auteur de l'An-
nuaire ajoute foi entière et aveugle ù tout ce que l'autorité veut faire
croire ; il ne sali rien deviner, rien examiner. Que les agens du pouvoir,
soumis à une publicité inévitable, s'arrartgent pour la faire tourner a
leur profit; qu'ils se ménagent des échos parmi les écrivains dont le la-
lent peut leur faire craindre que la postérité n'entende une autre voix
que la leur rien n'est plus, naturel, et l'on ne peut leur en savoir mau-
vais gré ; mais aussi la critique doit-elle avertir le lecteur d'accorder peu
de confiance aux couleurs soas lesquelles de tels écrivains preoentenl les
faits , et de se tenir sur ses gîirdes en les lisant : c'est nn devoir que nous
nous croyons obligés de remplir. Considéré comme un recueil de doeu-
mens, l' Annuaire est un répertoire utile, et qui a sa place marquée dans
les bibliothèques; considéré sous le rapport moral de l'appréciation des
événemens , c'e>t un livre nul, et qui reste bien au-dessous de la répu-
tation (|u'unafaite aux premiers volumes. M. AvE^EL.
78. — Adresse au feuple espa(/Hot ; Es()utssc rapide d'un contrat so-
cial, Pœux sur ia-paix. Paris, iiSaS; Brissol-Tliivars, rue de l'Abbaye,
n» \'f. In-îJ» de 4i pages; prix, 1 fr. 5o c.
Tout homme qui veut fortement et qui cherche sincèrement le bien
est digne d'estime , lors même que ses vues de bien public peuvent être
considérées comme des rêveries. Trop souvent, en etiet, au milieu des
passions humaines en fermentation, les vues politiques les plus raison-
nables et les plus sages, ne trouvent point les esprits disposés à les
adopter, et sont reléguées au nombre des théories impraticables. Ces ré-
flexions nous sont suggérées par l'écrit que nous annonçons. L'auteur est
un ami de riiumacité, qui veut la paix, la liberté, la justice, et qui croit
que les hommes, les peuples, même les gouvernemens ne seront pas
sourds à sa voix et ne regretteront point ses conseils, parce qu'il leur
présente des moyens de conciliation, d'ordre et d'aduiini>traiion pu-
blique conformes à leurs véritables intéiêis. Cependant, il se fait illu-
sion. Les vrais intérêts des individus, ni des nations, ni des rois, ne sont
guère compris ni consultés d.ins les époques de crises violentes, de ré-
volutions et de guerres. Quoi qu'il en soit , le plan de contrat social .
proposé aux Espagnols par M. de Franclieu , et ses vœux pour la paix,
annoncent un véritable philantrope, fortement attaché aux principes
d'ordre et de liberté qui, dans notre état actuel de civilisation, peuvent
T. XX. — Octobre ib'-iJ. i5
,,4 LIVRES FRAKÇATS.
seuls assurer la tranqiiillilé et le bonheur des nations et la solidité dc^
trônes. Tons les hommes de bien, quelle que puisse être la diversité
de leurs manières de sentir et de jug<r en politique, partageront avec
notre auteur le désir de voir donner à l'Espagne des institutions analo-
gues à ses besoins, et propres â lui rendre la paix intérieure et les
moyens de réparer, par les influences réunies de l'instruction, de l'in-
tUisIrie et d'une sage liberté, les immenses malheurs produits parle
double néau de l.i guerre civile et de la guerre étrangère. M. A. J.
„Q, Éciairtissemens touchant les motifs et les circonstances (U la
dctenlion de M . Alphonse Mahll, suivis 6.' Observations sur les frisons
de la Force et de la Conciergerie. Paris, i825; Ponthieu. Brocbure
in-8» de x et iiS pages d'impression ; prix, 2 fr. 5o cent., au profit des
prisonniers.
M. Mahul rend compte avec beaucoup de simplicité et de bonne foi,
dans la première partie de la brochure dont nous venons de transcrire
ie litre, des diverses circonstances qui l'ont conduit en prison , des er-
reurs de la police à son égard, et de sa justification pleine et entière,
proclamée par la chambre du conseil du tribunal de première instance.
Les détails qu'il donne sur son affaire ne sont pas susceptibles d'analyse,
et nons devons seulement les indiquer comme des modèles de noblesse
et de respect pour la justice et pour ses ministres. Mais les observations
sur le régime de la Force et de la Conciergerie qui terminent la bro-
chure de M. Mahul, méritent surtout d'attirer notre altealion. Près de
trois mois passés dans ces prisons ont donné a leurauteur une triste expé-
rience des choses qui s'y pratiquent. Il a voulu que ce lems si long,
pendant lequel il a été arraché à ses travaux paisibles , à fa lamille cl à
ses ami^, ne iùt pas perdu pour tout le monde; et sans aucun souvenir
amer de l'erreur dont il s'est trouvé la victime, M. Mahul, usant du
droit le plus précieux qui nous a été concédé par nos lois constitution-
nelles, celui de la publicité, lait connaître aujourd'hui les abus qu'il a
remarqués dans deux des principales prisons de Paris.— Espérons que
l'autorité remédiera, autant qu'il est en elle, à ces .ibus qui lui sont dé-
noncés avec tant de mesure et de modération, tt répondra dignement à
une voix qui ne l'ait entendre que des plaintes trop bien londées. Y.
80. — Institution de M. G:isc, professeur oCBcier de l'université, mem-
bre de plusieurs sociétés savantes, rue des Postes, n"» 58 et io , a Pa-
ri,.:. _ Rapport généraL l'aii en i8?.5. lu-4" de 4; pages.
Ce rapport sur une institution particulière nVst pas limité à sqn objet
spécial ; M Gaie en a fajl un Mémoire .sur l'éducation. Qui Iqucs prin-
ripes fondamentaux de l'art .,i important d'élever la jeunesse sont dis-
LIVRES FRANÇAIS. ,^^5
cules, non pas dans fonte leur étendue, mais assez pour (d faire bien
comprendre le sens, et mettre l;i vérité hors de doute. Telle est, par
exemple, la di.tinction admise depuis long-tems entre l'éducation el
l'imlruction. M.Gaso la regarde, comme une erreur dangereuse, contrai-
re a l'idée qu'on doit se former de l'âme humaine, être simple qui est
tout à chaque ch.-se qui IV.ccupe, dont.une paiiie ne peut demeurer
oisive tandis qu'une antre agirait seule. . Après avoir lu cet écrit on
formera le xœu que le bon exemple donné par M. Gasc ait de nombreux
mi.tateurs parmi Us chef, d'institution; que plusieurs d'entre eux com-
muniquent le résultat de leurs observations; que tous ces fruits d'une
expéru-nee si précieuse puissent servir quelque jour à couiposer un traité
complet de l'éducation. Ces dépositaires des espérances de la p;,trie et
des familles sont revêtus d'un sacerdoce moral qui donne plus d'aulo.i-
té à leurs pensées et à leurs écrits : le philosophe qui trait.rait le même
sujet dans la retraite de son cabmet , n'obtiendrait pas autant de con-
fumce, et l'opinion publique aurait bien jugé. Ceux qui ont vu le plu.
tt qui ont bien vu, les hommes attachés par tant de l,ens à l'ordre pu-
blic et privé, accoutumés à la pratique si douce et si facile des vertus
domestiques, sont ceux qui paraissent plus particulièrement appelés à
ecnre sur l'art honorable qu'ils exercent avec tant de succès. F.
Si.-NawvcHc Logique destiuée à la jeune^^e française, par J. F, A
Caro, professeur de philosophie au collège de Poitiers, etc. Poitiers^
iS23; Catineau, imprimeur-libraire. Un vol. in-iade 205 naa • r,,.'
■). francs. ^ "'' ^ '
Cet ouvrage est demeuré, pendant plus de trois mois, dans les mains
d'un ancien professeur de philosophie, qui avait lui-même demandé d'en
rendre compte, et qui a toujours négligé d'acquitter sa dette. On donne
.c. de la publicité à cette circonstance, pour expliquer à l'auteur, absent
de Pans, la cause du long silence dont il étaîi fondé à se plaindre et
dont se plaignaient, comme lui, les rédacteurs de la «e«Mc , vicli.nes
d'une confiance mal placée, et d'une promesse mal observée.-La Lo-
aique de M. Caro, purement élémenlaire, n'est point embarrassée de re-
cherches métaphysiques, obscures et abstraites. Il pa.tde ce< deux hlées
fondamentales : que la raison est la plus noble prérogative qui distingue
l'homn.e; que la vraie gloire de l'homme consiste à bien dirioer sa laî
son dans la recherche de la vérité. Il ira te ensuite, dans deux parties
sepa.ees : i<' des moyens de découvrir la vérité; a" des cause, de nos
erreurs. Il disimgue des moyens extcriturs et intérieurs de découvrir la
vérité. Les premiers comprennent : le témoignage des se„s. c.l„i des
hommes, la lecture, l'instruction vivante des maîtres, la conversation
ïqg livres français.
la discussion, la méthode, la dérînition, la perfection du langage. Let
moyens intérieurs sont au nombre de six : l'observation, la réflexion, la
comparaison, l'abslraclion , le raisonnement, la mémoire. — Dans la
seconde partie, l'auteur signale huit causes de nos erreurs : les illusions
des sens, celles de l'Iaiagination, l'autorité, la confusion des idées, Passo-
cialiun des idées, les inclinations, les passions, les sophismcs. — Nous
n'entrerons pas ici dans l'examen de ci-s divers sujets; il nous suCBt d'in-
diquer la route que l'auteur s'est tracée, et dans laquelle plusieurs de
nos lecteurs aimeront sans doute à le suivre. — Ce livre est terminé p^r
un catalogue d'ouviages propres à former le cœur et l'esprit d'un jeune
philosophe; nous eu donnerons ici un extrait, pour l'usage des éludians
en philosophie : i° les deux grands ouvrages de Bacon, la dignité et
raccrcissement îles sciences, le iwvum organum; 2° la Méthode de
Descarles ; 5° les règles de l'Art do raisonner (Regulae philosophandi),
par Newton; 4° Loche; 5" la Logique de Port-lioyal ; 6° le chapitre de
Pascal, sur la manière de prouver la vérité et de l'exposer aux hommes;
7° la Recherche de la vérité, par Mailebranclie; 8° l'Introduction à la
philosophie, par S'Gravesandc ; 9" la Logique de Dulens ; 10° des Signes
et de l'art de penser, cor;-^idérés dans le<n-j rapports mutuels, par M.
Dcijérando; 11" Gramnii^ire des sciences piiilosophiques , par Bcny,
Paris, 1764» 12° de 1 Exi.ilence de Dieu, par Fcneion; i."." même sujet ,
traité par Ciarkc; i4° la Théodicée de Lcibnitz; iS'J les Méditations de
Descarles; 16" les Entretiens métaphysiques de MaUcbranche; 17° des
vraies et des fausses idées, par Arnauld; 18° la Spiritualité et l'immor-
talité de l'âme, par le R. P. Haycr; 19° Traité du libre arbitre, par
Bossuel; 20° Lettres d'Euler à une princesse d'Allemagne; 21" les Nou-
veaux essais sur l'entendement humain, par Lcibnitz; 22° l'Essai sur
l'homme, de Pope, traduit eo vers français, par Delille et par Fontanes,
(Voyez P.cv. Enc., T. XIII, p. 109 et 5Gi) ; 25» de la Génération des
connaissaDces humaines, par Degérando ; 24° Histoiro comparée des sys-
tèmes de philosophie, par le même (dont une nouvelle édition se publie,
en ce moment, chez Eymery; Voy. Rev. Enc, T. XVIII, la note de ia
page 5 i5); 25" Recherches de Pieid sur l'entendement humain; 26" Essais
sur l'esprit humain, par le même; 27° Eléaicns de la philosophie de l'es-
prit humain, par Dugald Stewart; a8" Essais philosop.hiques, du même;
•jxj° Histoire abrégée des sciences philosophicjueset morales, par le même,
traduite de l'anglais, par M. Buehon (Voy. Rev. Enc., T. V, pag. 2i4);
3o° Leçons de philosophie, yvAi- La RomigiiièTe (\ny. Rev. Ene.,T. XIV,
p. 44-^-j); 2i° Elémens d'idéologie, par M. DesiuUTracy; 52° Théorie
des seuiinieus agiéahLes, par Y Evesque. de PotùUy; 53» Théorie des stn-
LIVRES FRANÇAIS. 197
tiincns moraux, par A.Saiilh, ouvraj^c traduit avec éle^anre et fidélité,
par M™' Condoiccl ; 54° Manière d'étudier K s belles-lettres par rap|)Ort
à l'esprit et au cœur, par Rodin; 1^5° Essais de morale, de Nicole; 36»
Système de philo^opllie morale de Hutiheson; 5;" Science morale, par
Ferguson; 38° Élémens de la science morale, par Beattie; ôg" Critique
delà rai-^on-pratique, de Kant , ouvrage que l'on peut signaler comme
l'un des plus beaux et des plus solides nirinumens que la philosophie ait
jamais élevés à la vertu ; 40" Pensées sur la religion, par Pascal; /^i"
Kssai sur les passions, publié à Halle, en i8o5, par le professeur Maass;
1^1° De la vérité du christianisme , par Addisson; 45° Traité de la vérité
de la religion chrétienne, par Aitadie; 4i° Traité des principes de la
foi chréiienne par Duquel; 45° Perpétuité de la foi, par Jrnauld et
Nicole, etc. — Nos lecteurs nous pardonneront l'étendue et l.i séclieressc
de cttte nomenclature, en raison de l'utilité qu'elle peut avoir pour les
jcuues gens qui voudraient consulter les piincipaux ouvrages écrits sur
la métaphysique et sur la philosophie morale. — L'ouvrage de M. Caro
annonce un homme éclairé, qui veut sincèrement le triomphe de la
raison, qui cherche de bonne foi la véiité, qui expose d'une manière
simple et claire la route que l'une doit suivre pour arriver à l'autre.
h. .T.
iSa. — Les Orncmens 'poétiques delà Mémoire, contenant un choix dys
meilleurs morceaux de poésie française, 1° sur Dieu et ses attributs; sur
l'histoire de la création et des premiers âges du monde ; sur l'établisse-
ment du christianisme et sur les principes de la morale chrétienne ;
2" sur les vertus qui constituent rhonnêt(; homme, selon la religion et
selon le monde, et sur les vices qui déshonorent le plus la nature hu-
maine ; 5° sur les principes élémentaires de notre littérature en poési<i
et en éloquence; par M. D'*'. Paris, 1820; Delaunay, Mongie, ef'Kep-
veu. Un vol. in- 12; prix, 5 fr.
Nous avons cité ce titre en entier, parce qu'il renferme l'analyse
exacte de l'ouvrage. Le goût et la sévérité qui ont présidé aa choix des
morceaux , l'ordre lucide dans lequel ils sont rangés, les explications
mises en tète de chaque chapitre, les préceptes clairs et judicieux ac-
compagnés de morceaux choisis parmi les chefs-d'œuvre de notre jioé-
sie, la correction et l'élégance typographique, la modicité du prix, tous
ces avantages réunis nous font un devoinlc recommander ce livre aux
parens et aux instituteurs. \jesOrnemens focliqufs à^ la mémoire peu- vent
être mis avec une pleine sécurité entre les mains des enfans et de* jeunes-
gens dont on veut former, en même Icras, le crciir et le goût; c'est uri
if)8 LIYRKS FRANÇAIS.
ouvrage classique pour les m;iisons d'éducation, où il remplacerait
avec avantage des ouvrages moins bien faits.
C. Mo>NABD, professeur.
85 (*). — Histoire littéraire des Arabes ou des Sarrasins jjendant le
moyen «<ye, traduit de l'anglais de Joscpli Bcrington; par A. M. H. B.
Piitis, 1825 ; De Biisseaux. In-S" ; prix, 5 fr.
Ce volume complète la traduction française de l'Histoire littéraire
du moyen dgc, écrite par un savant anglais. M. Boulard l'a publiée suc-
cessivement par parties; celle-ci est la septième, et ce qui a été dil dans
la Revue de ebacune d'elles , à mesure qu'elle a été publiée, a donné
une juste idée de l'importance de l'uuvrage original et de l'utilité de sa
traduction. Cette nouvelle et dernière partie, rehtive aux Arabes, n'est
pas ime des moins curieuses, car la littérature de ce grand peuple a
servi comme d'intermédiaire à l'Europe moderne pour s'introduire dans
les écrits et les idées de l'ancienne Grèce. Les Arabes ont traduit, com-
menté et enseigné Aristote, et nous ont enseigné aussi les astronomes
Grcs , dont ils ont étendu les théories et les observations. Ils nous ont
transmis l'aritbmélique et la numération généralement pratiquées aujour-
d'hui; et l'on dcjit dire transmis, parce qu'on a cru originaires de l'In-
de les chiffres que nous nommons arabes, mais qui se retrouvent au-
jourd'hui sur les papyrus égyptiens hiératiques, avec leur valeur de po-
sitions, comme on le verra par le Précis du système hiéroglyphique des
anciens égyptiens , que M. Champollion le jeune va rendre public très-
incessauiuitnt , et sur un l'rjgment de papyrus qui porte ces chiffres ,
communiqué par ce savant et publié récemment en An-^leterre. Quant
a la littérature des Arabes proprement dite, qui embrasse la grammaire,
l'éloquence, la poésie, et tous les ouvrages d'imagination , les travaux
des orientalistes ont rendu vulgaires les notions que tout homme ins-
truit doit posséder à cet égard; leur philosophie n'est pas moins cou-
nue, ainsi que leurs recherches et leurs opinions relatives aux sciences
naturelles, a la morale et inéme .î l'ascétisme. Tout date jioureuxde la
fuite de leur cèièbre prophète, et parmi tant d'autres prodiges, ce n'est
pas le moins remarquable que ce goût pour la culiuie des connaissances
uiiies et pour tous les arts de la paix, chez un peuple qui avait conquis
ou occupé par la force des armes tous les pays qui embrassent la Perse,
la Syrie, i'Égypte, l'Afrique et l'Espagne. L'historien de leur lilléra-
lurc considère successivement chacune des bran» hes des connaissances
humaines que les Arabes cultivèrent; l'histoire n.itionale . la médecine
et les malin-mutiquc- occupent une grande place, et il est à regretter
LIVRES FRANÇAIS. ujg
([lie l'auteur anglais n'ait pu mentionner plus spécialement la grande
comj)Osition mathimatique ùv Plol«uiée , que les Arabes ont fait ap-
peler V Altnagestt , ouvrage du plus haut inlcrêt pour l'aslronomie et
la tlironologie , dont la première traduction latine a été faite sur une
version arabe, et dont iNJ. l'abbé Halma publie à Paris une vei'sion
française avee le texte grt'C. jSous dirons, néanmoins, que le Précis de
M. Berington est un bon abrégé de l'hisfoire littéraire des Arabes, qu'il
compfèlc- heureusement le Manuel historique qu'il avait entrepris , et
nous indiqueron« ce nouveau fruit du zèle actif et des talcns de M.
Boulard à la juste reconnaiss.ince du monde savant- M. Boulaid a ,
d'ailleurs, enrichi sa Iraduttion de plusieurs notes httéiaircs très utiles
à l'intelligence du texte; il en est même une d'un autre genre, que nous
n'hésitons pas à indiquer, c'est celle où M. Boulard demande une sainte-
alliancedes souverains pour interdire les horribles fusées à l;i Corigrève,
rappelant le noble exemple donné par Louis XV, qui acheta de Dupié
le secret d'un autre feu grégeois; et ce vœu est ct-lui d'un homme de
bien qui a trouvé dans la soliiude des lettres et les méditations de l'esprit
ces douces inspirations de l'humanité, qui sont aus^^i une religion.
CF.
84.— OEuvrcs choisies de De.-portks, Bertalt et Régmkr, précédées
de notices historique» ri critiques sur ces poètes, et suivies d'un Voca-
bulaire, par M. PiiLLi.-siER. Édition sièréotxpe. Paris, 1825 ; Firniin Di-
dot. Un Vol. in-iS, de Sao pag's ; papier ordinaire i fr. , papier Un 1 fr.
20 c. , papier vélin 2 fr. 5o; in- 12 vélin, 5 fr. 5o c.
Un choix fait avec discernenjent, des notices à la fois biograpîiiqucs
et littéraires, qui attestent de nombreuses recherches et prouvent que
M. Pellissier réunit le goût du critique au talent de l'écrivain , tels sont
les divers genres de méiile qui distinguent ce recueil. 11 est à désirer
que M. Pellissier continue sur le même plan la collection des richesses
de nos poêles. Dégagées de leur alliage et rassemblées dans un cadre
plus étroit, elles brilleront d'un éclat plus vif , et ajouteront à l'instruc-
tion et aux jouissances d'un grand nombre de lecteurs , que. faute d'un
pareil choix, la lecture de nos anciens auteurs avait jusqu'ici effarou-
chés. C.
85. — Bihlîolhèque du jjromcneur , rédigée par M. Brks. Paris , 182J ;
Lefuei, libraire, rue Saint-Jacques, n° 5(. Un vol. in-18, de aSi pages,
avec une jolie gravure de Deveria , représentant les trois siècles littérai-
res français (xvi"", xvii' et xviii«),et un Tableau chronologique des jyoètes
français, depuis Thibault, comte de Champagne, né en 1201, jus-
qu'à Delille, mort en i8>i; prix, 3 fr.
200 IJVRES FRANÇAIS.
C'est une idée nouvelle et heureuse que d'avoir réuni , dans un seul et
très-petit volume, avec l'inventaire de tous les travaux de nos poètes, un
choix présentant la naeilleurc pièce de chacun d'eux. M. Brès ne s'est
point !)orné à reproduire sous nos yeux plusieurs poésies, devenues clas-
siques; il a recherché avec soin et recueilli avec discernement quelques
pièces Irès-rares et peu connues. Tel est le poème sur les mauvais gestes
des pvcc/icatcurs , par le P. Sanlecquc , qui rappelle souvent la manière
de Boileau. On en jugera par son début ,
n C'esl en vain qu'un docteur qui prêche 1 iïangiîe
Mêle cliréliennement l'agréable el l'utile:
S il ne joint un beau geste à l'art de bien parler.
Si dans tout son deliors il ne sait se régler,
Sa voix ne charme plus, sa phrase n'est pîus belle ;
Dès l'exorde, j'aspire à la gloire éternelle ;
F.t dormant quelquefois sans interruption ,
Je reçois en sursaut sa bénédiction. »
Plus de cent poètes français , sur 58o antérieurs à l'an 1800 , se trou-
vent ici convoqués dans une sorte de congrès liUcraire, où ciiacun ap-
porte le tribut de sa inuse. Des notes, jointes aux différens morceaux
contenus dans ce livre, offrent souvent des détails curieux sur leurs au-
teurs. M. Brès nous fait esp'-rer un semblable recueil , composé de
morceaux choisis de nos meil'rurs écrivains en prose, qui complettera
sa Biùliolhèquo du promeneur. Les hommes sensibles aux charmes
de la bonne littérature doivent accueillir avec empressement ce char-
mant ouvrage, qui fait passer rapidement en revue devant eux tous nos
poètes, avec les principaux titres de Ifur gloire littéraire. M. A. J.
86. — Souvenirs des Muses, ou Collection des poètes français morts
à la fleur de l'âge ; publiée par J. B. Bcissoa. Paris, iSîô ; l'éditeur, rue
Guisarde, n° 14; faubourg Saint-Germain. Un vol. in-S" de 58o pag. ;
prix, 10 fr. en papier satiné, ?o fr. en vélin.
0 Élever un monument à la gloire des jeunes écrivains qu'une mort
prématurée a ravis à l'espoir des muses françaises ; faire jouir le public
d'une foule de belles productions éparses ou perdues dans une centaine
de volumes ignorés ; arracher à l'oubli des noms dignes d'estime : » tel
est le but que M. Buisson s'est proposé en fermant cette collection , cl
le public doit lui savoir gré de celle heureuse idée et de la manière dis-
tinguée dont il l'a exécutée. — Le premier auteur qui s'offre à nous, en
commençant la lecture du recueil, est Malfii-atiie, auquel le poème de
UVRES FRANÇAIS. 201
Narcisse dans l'île de Vémis, et l'ode sur le soleil fixe au miUtu des
étoiles, assurent une place distinguée parmi les écrivains originaux du xvim"
siècle— Gilles d'Aubigny, poète du xvi^ siècle, mort âgé de 20 ans, est un
auteur peu connu , mais il mérite de l'être. Son Tuteur d'amour est un
poème remarquable pour l'époque où il a été composé , et le vieux style
français, dans lequel il est écrit, a souvent celte grâce cl cette franchise
qu'on aime dans les écrits de Marot, dé Montaigne, et d'Amyot. —
Nous ne nous arrêterons pas sur la tragédie Alfhiçjénie en Aidide,
la seule que nous ayons de Gdimond de la Tocchk. La Harpe, dans son
Cours de littérature, a rendu justice aux beautés qu'elle contient. —
JVotre contemporain Doraince, enlevé trop tôt aux muses et à des parens
qui le pleurent encore , nous a laissé une traduction des Bucoliques de
J'irgile, qui est assez médiocre; nous en dirons autant des Odes à Bo-
naparte. Mais, parmi un certain nombre do bonnes pièces, on remarque
surtout la dernière qu'il ût : Ses adieux à In vie, où l'on trouve ces vers
pleins de poésie.
Ma jeunesse fut mensongère;
On crut la voir naître et fleurir;
Mais, comme la plante étrangère,
On la vit naitie et se fietrir.
Sur ma paupière dcfaillanto,
De l'inspiration brillante
Ne descendent plus les rayons :
On juge mes faibles prémices:
Ne jugez pas D'autres esquisses
Attendaient encor mes crayons.
— GiLBF.HT : à ce nom on croit voir un satirique exaspéré, brûlant,
comme Polycucte , de renverser ce qu'il appelle les idoles des faux
dieux. Il faut le plaindre plus encore que le blâmer: doué si jeune d'un
si beau talent, que ne serait -il pas devenu, si la mort ne l'avait arrêté
dans sa course? Sa satire du dix-huitième siècle est pleine de bons vers
et de critiques injustes; mais on aime surtout, et l'on relit toujours avec
le même plaisir, son ode imitée de plusieurs psaumes, et qu'il fit trois
jours avant sa mort. — Le fils d'un tonnelier de Paris, Falaise de Ver-
seuil, qui l'ut, comme beaucoup d'autres, poêle malgré ses parens, nous
a laissé des piétés bien écrites, surtout les deux fables intitulées, ['En-
fant et le tas de neige, et le Voyageur et les cigales.— ^\\\e de Lovencourt
fut contemporaine de J.B. Roussoau.L'édileur nous donne d'elle quelques
cantatis qui, sans être des chefs-d'œuvre comme celles de notre grand
lyrique, ne laissent pas d'avoir beaucoup de grâce. — André CnÉMna ,
I
202 LIVRES FRANÇAIS.
ce poète infoi'ttiné qu'une mort trafique nous a ravi, promettait d'être
notre ïheocrite. Il était si rempli des anciens! il les itnil.iit avec tant de
grâce! Que n'a-l-on respecté sa précieuse vie! il aurait fait disparaître
les incorrections qui défî£;urent ju.^qu'à ses meilleurs morceaux, tels que
le Chant d'une Jeune captive, .et le Jeune malade , chants qui tous sont
remplis d'une buavité de poésie qui nous enivre douccroeut. — Le bril-
laiu chevalier Bertis , l'ami de Pariiy, le plus aimable peut-être des
épicuriens qui portaient l'écharpe gris de lin, est notre Propercc, coname
Parny l'ut notre Tibullc. II faut remercier l'éditeur d'avoir placé dans
son recueil beaucoup d'élégies de ce poète charmant, quoique il ne soit
pas mort tout-à-fait à la fleur de l'âge, puisqu'il était alors âgé de 3y ans.
— DocGAnos, ou ic pcrc Vknance, capucin et puis soldat, chantait fort
agréablement l'amour, tant d.ms s-a cellule qu'aux champs de JVlars. L'ode
anacréonlique intitulée, V Amour et les ijrûces, est une pièce charaianlc.
— L'éditeur a terminé son recueil par deux ou trois complimens en vers
assez communs, d'un jeune Bbacchatkac, dont le nom, tout-à-fait in-
connu, ne méritait pas de figurer à côté de ceux que nous venons de
citer. R.
f*7 (' . — OEuvrcs de Marie-Joseph Clwnier, recueillies et publiées
par M. LiïrtiNTRE, ornées du portrait de Tauteur et d'un fao siniile de
son éciiture. Première livraison (Tom. Il du Théâtre). Paris, iSaS ;
Guillaume. In-8" de 420 pages; prix, papier superfin satiné, 7 fr. 5oc.,
et papier raisin vélin , 16 fr.
Si la scène française est privée depuis long-tems dt;s ouvrages dra-
matiques de Chéiiier, du moins nos bibliothèques eu ont-elks augmenté
leur trésor poétique ; et cette compeusation est une preuve de la justice
que l'on sait rendre a leur auteur. En effet , plcisieurs éditions sucessives
n'ont pu satisfaire l'cmpressemeut d'un public avide de jouissances mo-
rales et iniellecluelles. — Il serait inutile d'essayer uo nouvel exauiea
du Théâtre de Chniier, après l'excellente analyse qu'en a faite M. iW Le-
mercier, auquel ses ouvrages dramatiques et sou Cours de littérature
analtjtiijue ont acquis une autorité si imposante. JNous croyons, en reu-
voy;int nos lecteurs à cette analyse, tiippeler uii souvenir agréable à
ceux qui l'ont lue, et procurer une jouissance réelle à ceux qui ne la
connaîtraient pas encore. (Voy. Rev. EncycL, Tom. I, pag. 11 i-iô^ ,
998 007 et l^i^G-5o2.) Le jugement porté par notre estitnable collabora-
teur a obtenu l'approbation de tous les véritables amis de notre gloire
littéraire; il a, de plus, nçu la sanction du tems; et depuis que les
éditeurs d'une édition du Théâtre de Chcnier {t'oy. ïoui. XI, pug. 597),
LIVRES FRANÇAIS. 9.o5
l'onl fuit piécédci- de celte analyse, c:npruntée à notre recueil , elle
semble no pouvoir p\ui être sép.irée «les œuvres de notre autear. Tif
judicieux éditeur de la nouvelle édition que nous annonçons a suivi en
cela Texemple de MM. Tîaiidonin frères , et le Tom. I ( qui n'a pas en-
core paruj doit conUnir l'analyse d'' M. Lemcrcicr, avec une yotire srir
Chcnier, accompagnée de son portrait. — Le texte de celte cditlon
compf^fc l'emporte, et devait l'emporter beaucoup pour l'exactitude ,
sur celui des éditions partielles qui ont paru précédemmcol, puisqu'il
offre les corrections faites par l'iiiileur lui-même sur un manuscrit dont
les devanciers de M. Lepeintre n'ont point eu connai!.sance. — L'exé-
culiou typographique a été confiée à M. Firniin Didot, qui doit épale-
ment prêter ses presses à une édition des Œuvres d'André Chcnier,
entreprise par les mêmes éditeurs, et qui sera plus complète que toutes
celles que l'on a données jusqu'à présent. E. H.
88. — Souvenirs foètiqucs de deux prisonniers, par J. D. Magai.lox, et
A. Barcinbt (de Grenoble). Paris, iSaô; Masson, fds aîné, quai M;ila-
quais, n" i3. Avec cette épigraphe : O navis, réfèrent in mare te novi
Fiuchis! (Hoa.,lib. i, ode xiii).
Partout où le poète peut porter sa lyre, i! conserve le courage de l'â-
me. La lyre est toujours accompagnée d'agréables illusions, qui voilent
les plus tristes réalités, et qui aident à comballre l'influence des maux.
Les muses sont des amies qui ne craignent point de descendre avec nous
dans les prison';; elles y amènent les doux souvenirs, le» gracieuses es-
pérances, et font briller sous de sombres voûtes les feux des riantes au-
rores du printeuis. C'est surtout lorsque l'homme jouit de la force des
premières années qu'il .«ent l'effet de ce pouvoir consolateur. MM. Ma-
gallon el Barginet en donnent un nouveau témoignage, dans le volume
qu'ils viennent de publier. Amis, dès l'adolescence, leur détention leur a
fait sentir qu'ils le seraient durant toute leur vie. Comme La Fontaine
et Maucroix, ils ont désiré voir leurs poésies réunies dans le même livre.
Les souvenirs de leurs muses ne sont point ceux de leurs malheurs el de
leur captivité -.ces deux jeunes poètes ne font point retentir le bruit de
leurs chaînes. Ils nous peingnent leipremiers sentimens de bonheur qui
pénétrèrent dans leurs âme-î a l'aspect des beautés de la nature el de cel-
les des arts; ils retracent ces prenjiéres impressions de l'amour qu on
regretterait toute la vie, si l'amitié ne venait les remplacer. C'est dans
l'école de Parny , et dans celle de Dolille, que MM. Magallon et Bar-
ginet semblent avoir, de préférence, pris leurs modèles. Leur style,
pur et gracieux , rappelle, dans l'élégie, celui de Millevoye. La pièce
2oi LIVRES FRANÇAIS.
de M. Magalion , intitulée Louisa , fera juger du (aient de son au-
teur :
Déjà l'aurore matinale
Colore l'Orient et de pourpre et d'azur;
La terre a déployé sa pompe végétale,
Et de la fleur des champs la grâce virginale
S'épanouit ans ravous d'un jour pur.
Il est fête au vallon. L'oiseau, sous la feuillée.
A soupiré de doux concerts;
Mais vainement de fleurs la terre est émailiée.
De parfums vainement elle inonde les airs :
Je sens de pleurs ma paupière mouillée.
Oh ! combien je suis malheurenx !
Il est féfe au vallon ; et sous cetlo humble pierr»
Que frappe le pasteur d'un pied libre et joyeux.
Repose Luuisa , la vierge aux longs cheveux.
Hélas! depuis le jour qu'elle a clos sa paupière.
Le soleil quinze fois a brille dans les cienx.
Tendres oiseaux, cessez vos chants mélodieux;
Nature, couvre-toi d'un voile funéraire.
De l'amour maternel sa mort trahit l'espoir;
An sein du foyer solitaire,
Jamais anx côtés de sa mère
Elle ne reviendra s'assoir ;
Et de l'aïe'il octogénaire,
Seul, hélas! son plus jeune frèr»
Recevra le baiser du soir.
\ leillard , séchez vos plenrî , etc.
Celle pièce, en même tems qu'elle fait connaître la manière de M. Ma-
galion, donne une idée du talent de M, Gargine' ; par un hasard non
moins licurciix que remarquable, l'analogie des talens de ces deux poètes
est ausM exaele que celle de leur destinée. Plus tard, ils sentiront le be-
soin de donner plus de force à leur style et plus d'originalilé à leurs com-
positions. Aujourd hiii, l'élirilons-nous des preuves qu'ils noni donnent
du pouvoir de la poésie pour calmer les ennuis de la captivité.
J. P. Brès.
Sg. — Almanach des Dames, -pour Van 1824. Paris, i8aâ; Treiiltel et
Wiirlz. Un vol. in-18 de 224 pages, avec 8 gravures; prix, 5 f.
9"- — Almanach dédié aux Dames, four Van iS;?/|. Paris, i825; Lc-
fuel. V,n vol. in-18 de 162 page», avec 6 gravures; prix, 4 f.
Si les gravure» ne font pas seules le mérite des nombreux almanaciis
LIVRES FRANÇAIS. 2ofi
que l'on off.e av. beau sexe , au renouvellement de chaque année, du
moins sonr-e'.les un des objets qui attirent le plus spécialement son at-
tention. De jolies gravures reposent l'œil agréablement; on aime à voir
reproduits par un b.irio gracieux ces tableaux de nos grands maîtres qui
ont réuni tous les sulf.ages dans nos expositions, et surtout l'image ché-
rie de ces femmes, l'orgueil de leur sexe et l'admiration du nôtre, qu.
se sont distinguées par des actions d'éclat, ou par les conquêtes plus
douces de l'esprit et de la beauté. Lorsque l'œil est satisfait, lorsque les
tableaux qu'il a parcourus ont réveillé dans l'âme des souvenirs et de
douces illusions, on daigne alors penser à ces pauvres auteurs, et leur
demander de nouvelles sensaîions et de nouveaux plaisirs. Mais on com-
mence ordinuirement sa lecture par les morceaux les plus courts, par ces
quatrains Insignifians, ces Innocentes épigrammes, tes fades madrigaux,
que l'on nomme iouU de page en style d'éditeur; et, presque toujours,
l'insipide nullité de ces morceaux fait tomber le livre des mains. Les
rédacteurs des deux recueils que nous annonçons ici, ont donc agi avec
prudence, en soignant la première et la frincifale partie de leur livre,
celle des gravures; mais nous devons avertir les éditeurs de V Aimanach
des Dames que, s'ils n'y font attention, ils se laisseront dépasser sous ce
rapport par ceux qui sont entrés plus tard dans la même carrière. Celte
année, les gravures de V Aimanach dédié aux Dames semblent, en el-
fet, supérieures à celles de son aîné. -Quant aux poésies dont se com-
posent ces deux recueils, on voit que souvent elles ont été puisées a la
même source, celle des journaux littéraires et des recueils périodiques;
les auteurs de nos jours dédaignent d'envoyer eux-mé.i.es leurs produc-
tions aux Almanachs; chaque éditeur, semblable à l'abeille, va butinant
de son côté, et souvent .,lusieurs d'entre eux se rencontrent sur la mê-
me fleur. C'est ainsi que nous retrouvons, dans l'un et dans l'autre re-
cueils que nou. annonçons (p. 180 et 20), la Noce d' Elvirc , cLarmanle
élégie de Mlle Delphine Gay, à qui nous n'hésitons pas de donner la pal
me?eetfe année; (p. 2i4 et 58) ie Dernier jour de l'année, élégie de
M-- AmabieTASJV, courounée récemment aux Jeux floraux, dont nous
avons déjà parlé (Voy.T. XIX, p. 187), et qui seule pourrait prétendre à
partai^.-r le prix avec la pièce de Mlle Gay; (p. 199 et 5o) les Sermens
de M. Casimir j>elavignk, qu'aucun de nos poètes modernes ne se plain;
dra sans doute de voir nommer ici le premier. Nous avons voulu citer
trois morceaux qui nous paraissent autant de chefs-d'œuvre dans leur
genre. Après eux, nous avons distingué encore, dans V Aimanach des
Dames Je Secret du Bonheur, conte par M. BRiFxtT,V Esprit follet, chan-
son par M. Botigsot; le Coiwent, stances élégiaques de M. DEHst-BARo;
2oG LIVRES FRANÇAIS.
la Veuve du Soldat, ballade de M. Glébih; Mon fils est là, romance de
M. E. Scribe, et des .-.tances adressées par M. J. Pain à M">e Desbordes
Vulinorc; d.ins V Almanach dtdié avx Dames, un fr itjment d'une Pro-
trunade pliUosophiqur au rimeliérc du P. Lachnise, lue par l'aule'ir, M.
ViE>KET, dans l'une des séances de l'Athénee, l'Liver dernier; /u Mari,
i'Jmant, et le f'oteur, conte de M. .^JEBVl^LK, lu par lui dans la même
séance, et te Dévoûment des Médecins français, par M^e Difrénoy, poè-
me qui a concouru l'année dernière a l'Académie, et que son auteur a fait
imprimer et vendre au proGt des sœurs de Sainte-Camille (Voy. T. XVI,
p. 176). — D'un autre côlé, la critique pourrait reprocher aux éditeurs
de V Almanach des Dames, l'insertion d'une élégie de M. Moifls, inti-
tulée: le dernier Chant du Pacte, pièce que la So< iété d'émulal.o ; de
Liège a jugée digne d'une médaille d'or; les Fleurs mal assnriics, allé-
gorie très-longue a très Iroide d'un anonyme; une Pensée de M. iM;:.lle-
vALT, pe;it distique, imprimé au bas delà page 117, et dont nous avion»
déjà eu l'occasion de blâmer l'insertion dans un autre recueil (Voy.
T. XVII, p. 142, l'annonce de VAimanach des Muses, pour i8ï3), et
trois odes de M. Dubargel, dont une couronnée cette année aux Jeux
floraux. On pourrait aussi reprocher aux éditeurs de l'Altnanacf, dcdiè
aucL Dames, une élégie de M. De La Tocchk, et une très-mauvaise iablc,
d'un anonyme, intitulée : les Çm7/ts.— Clia( un de ces deux recueils con-
tient aussi quelques mon eaux de prose, et leur lecture vient à l'appui de
cette opinion, que de bonne prose est encore plus difficile a faire |>eut-
être que de bons vers. En effet, rien de plus ennuyeux et de plus déc <a-
su qu'un long morceau qui occupe les pages 85 à 122 de l'Mmanach
dédié aux Dames, et qui a pour titre :<e Pulais-Royat, ou hisi.oire de
M. Dnperron; rien de plus mal écrit , et isurtout de plus inconvenant
dans un recueil ofler t au beau sexe, que deux morceaux de M, Charles
Malo, Lon/jchan,ps et ('Adonis parisien , insérés tous deux dans l'Ai-
manacli des Dames.— Ce n'est pas san* dessein que nous avons indiqué
iapagination de plusieurs, des pièces que nous avons citées; si nous n'a-
vions craint d'être trop arides, nous auiiuns voulu le faire pojr toutes; et
cetle mesure devei ait nécessaire, renvoyant n<.s lecteurs a des parties
de ces deux recueils qu'il est liès-difficde de rt trouver au moyen de la
table. En eflél, cette fable, d'une disposition nouvelle et très-peu com-
mode, n'olhe point, soit la lisle des auleu.s, soit celle des pièces par or-
dre alphabétique; on s'e,t contenté d'y donner les titres de cea dernières,
selon leur ordre d'impression dans le volume, répétant ainsi le nom d'un
auteur autant de fois qu'il a fourni de morceaux dans le recueil.— Un
dernier reproche s'adrose à M. Jules Didol, et seulement poui l'Mma-
LITRES FRAiSÇAlS. no-
nach rf6's Dames, quoiqu'il ail imprimé égal cm f ni V/Umanacli dédié aux
Dames: nous avons remarqué, dan, le piemicr, plusieurs incorreclions
assez graves, entre autres , p. ii4, ^^ pronom ses employé pour les, et
plus loin, tes pour ses, fautes qui dénaturent entièrement le sens de la
plirase où elles se trouvent; puis, le nom de Chérbau, désigné, dans la
table, coïcme auteur de la fable intitulée : le Lys et la Pensée, nom qu'il
convient de rcctiQer d'après la signature de cet article. E. Hkreau.
91 (').—Les Mille et une Nuits, contes arabes, traduits eu français,
par Gallaîid; Nouvelle cdition'm-^", publiée par M. Edouard Galttikh,
augmentée de contes traduits pour la première l'ois, et do vingt et une
gravures. T. VI. Paris, 1823 ; Rapilly, boulevart Montmartre, n" 2Ô;
Gaultier, à la Tente, galerie de Bois, au Palais-Royal; Donriey-Dupré,
père et ûis, rue de Uitbelieu. n» 67. lri-8". Prix invariable de l'ouvrage:
chacun des sept voliim» s , papier un satiné, 6 fr. ; carré vél:o, 12 Ir.;
grand-raisin velin, ao fr. — Chacune des trois livraisons de gravures,
composée de sept vignettes, en noir, 6 fr. 5oc.; papier de Chine, 12 fr.;
tiiples épreuves, papier de Chine bistre et noir, 26 Ir.
Ces fables charmantes, devenues presque populaires chez toutes les
nations où elles ont été transplantées, offrent le riant tableau de la my-
thologie orientale. Comme dans la mythologie des Grecs,
Là , pour nous t-ndinnter, tout est mis en usage.
La lecture de ces contes fait les délices de la jeunesse; mais il n'est per-
sonne qui, dans la maturité de la r.iison, no veuille encore les relire, pour
y étudier les lois, les mœurs, les coutumes des antique;, et nombreuses po-
pulations dont ce recueil fut en quelque sorte le premier code. Aussi, oc-
cupel-il une place honorable dans toutes les bibliothèques choisies. Le
mérite de cette édition n'échappera point aux hommes de lettres. Elle se
fait remarquer par une dissertation savante sur l'oiiginrde ces contes, par
des notes lumineuses sur les passages qui peuvent arrêter les lecteurs. En-
fin, par un assez grand uocibre d'hislnire«, traduites pour la première fuis
de l'arabe par le jeune éditeur.— C'est surtout dans un ouvrago destiné
à flatter l'imagination, que le luxe typographique peut être regardé
comme nécessaire. Sous ce rapport, l'édition que publie M. Ed G.iul-
tii^r, au nom de la Société de traduction, satisfera les amateurs les ])lus
difficiles. Elle est imprimée sur tiès-heau papier, par Firmin Did(.l , et
ornée de 21 figures, dessinées it gravées par dis artistes renommés :
les sept vignettes qui forment la 1^ livraison, sont supérieures aux pre-
mières, qui avaient paru très jolies; elles accompagnent If 6= volume,
composé en grande partie d'un choix des Nuits arabes, publiées en an-
2o8 LIVRES FRANÇAIS.
glais par Jonathan Scott, et traduites de cet auteur par M"" Marie
et René Rojer. La cooptralion de ces dames e.st un titre honorable de
plus aux eccouragemens que cette réimpression a obtenus, et auxquels
nous regardons comme une justice de joindre notre suffrage. Z.
92. — Charles H arinwrc , par le comte d& Fobbin , auteur du Voyatje
dans le Levant et des Souvenirs de la Sicile. — Quatiicme édition. — -
Paris, 1823; Masson fils aîné, qiiai Malaqaais, n° i5. Deux vol. in-12;
prix , 5 fr.
Ce roinan, ou plutôt cette Nouvelle, a le double mérite de i)résenter
deà événemens simples et touclians racontés dans un style pur et natu-
rel. Charles Barimore est un jeune Anglais qui, dans ses voyages, a
rencontré, ;'u sein d'un- pauvie lamille de pêcheurs, une jeune fille
dont il est détenu épcidiiuient amoureux. La f'amil.c habite l'île de
Procida, à trois lieues de Naples, et c'est dans cette admirable contrée,
nou loin du cap Mysène, en présence du Monte-Epomeo et du promon-
toire de Bivara , que Barimore est témoin des charmes et des vertus de
Nisieda. Le tableau de l'amour qu'ils ressentent l'un pour l'autre est
tracé avec beaucoup de délicatesse. Barimore finit par épouser Nisieda ;
Ils habitent une jolie m:iison de campagne à Souzzoles, et semblent jouir
du bonheur le plus parfait. Mais cette lélicilé n'est que passagère : la
passion dont l'épouse est animée pour Barimore lui fait bientôt ressentir
les tourmtns de la jalousie. Diver.>-es circonstances seiiibknt justifier ses
alarmes ; enfin elle dispauiît et va s'ensevelir dans un couvent , sans qu'il
soit possible à Barimore de découvrir sa re'raitc et de lui prouver son
erreur. Lui-même, dévoré par des chagrins si légitime», abandonne
l'Europe, s'embarque pour les Indes avec uu am;. Cet ami, forcé de s'ar-
rèler à Wadras, doit le retrouver à Calcutta. Mais c'est en vain qu'il le
cherche dans cette dernière ville; tout ce qu'il peut apprendre, c'est que
Barimore est parti de Jagrenac pour les îles Moluques. Après plusieurs
années cl de longues et infructueuses recherches, il apprend enfin que
deux bâtimens ont péri h la pointe de Salatan , dans l'île de Bornéo, à
peu près à l'époque où Barimore a dû s'embarquer pour les Moluques.
— Ces aventures n'ont rien d'extraordinaire ; elles procurent à l'âme une
douce mélancolie, par cela même qu'elles sont naturelles et que le lec-
teur peut facilement se mettre à la place du principal personnage. On
aime à retrouver dans les peintures que l'auteur a faites de l'Italie, les
noms des plus célèbres artistes qui l'ont honorée de nos jours. Monti,Gi-
marosa, Guglielmi, M""' Carradori, apparaissent sur le second plan du
tableau, et contiibuent également à répandre encore plus d'intérêt dans
l'ouvrage, et à constater le goût si connu de ftl. de FoiLin pour les
LIVRES FRANÇAIS. 0.09
bx-aux-arts. Celte nouvelle édition de Charles Barimore, élégamment
imprimée dans un format commode, obtiendra sans douts non moins
de succès que les précédentes. Y.
95. — Exposition de (a gamme- , ccheile ctém,entaire de ia mttsique ,
pour servir d'introduction aux cours analytiques de musique par !a mé-
lliode du Métoflast6,àéà\ée à MM. les élèves de l'Ecole Polytechnique;
par PU. Dege>lin , élève de M. Caiin. Paris, iSaô ; chez l'auteur, pioles-
seur de méloplasie, rue Saint- Honoré , n» 354; P'"''^» • ff*
94. — Exposition des iases de l'harmonie, pour servir de suite aux
cours analytiques de musique par ia méthode, du Métoplastc; par le
raéme. Paris, 182"); chez l'auteur ; prix, i fr.
Dans le premier de ces opuscules, M. Degeslin démontre que la gam-
me n'est point une invention arbitraire, mais le résultat nécessaire de
notre organisation. Le diapason seul est arbitraire et de convention, la
nature ne nous donnant pas de modèle, de point de départ. Mais, une
fois la base ou le point de départ adopté, les sons se succèdent dans des
rapports fixes entre eux; et ce sont là les degrés fondamt^ntaux de l'é-
chelle musicale. Ces principes , d'un intérêt scientifique plutôt que pra-
tique, sont exposés avec clarté dans la première brochure de M. Deges-
lin.— Daus la seconde, il a eu pour but de simplifier les principes de
l'harmonie. Des consonnanccs il passe aux accords, qu'il ramène à une
classification peu nombreuse et sans complication, ce qui doit faciliter
beaucoup l'étude de la science harmonique. On sait quelle est l'obscu-
rité de la plupart des traités écrits sur cette matière, illisibles pour tout
autre que celui qui est déjà versé dans les secrets de la science. Les
amis d'un art enchanteur, qui excite en nous des jouissances si intimes
et si pures, doivent donc de la reconnaissance à ceux qui travaillent h
en rendre l'exposition claire, méthodique et facile; et les ouvrages d-
M. Degeslin nous paraissent très-propres ix atteindre ce but, en mémo
tems qu'ils rappellent celui qu'avait publié M. <îalin sur sa méthode du
Mcioplaste , et que nous avons annoncé (Tom. XTI, pag. 20). A.
95. — Myriorama , collection de plusieurs milliers de paysages dif-
fércns, dessinés par M. Bhès, jeu amusant et ingénieux, composé du
?>-î cartes, réunies dans une boîte élégante. Paris, iSiJ; Lefuel, rue
S;iint-Jacques, n° 54 ; prix, 20 fr. et ?.5 fr.
Le Myrioram.T est un tableau mobile, dont le nom e:;t formé de deux
mots grecs, myrias , multitude, et oramu, spectacle, site, paysage,
parce qu'il présente un grand nombre de sites différens. Chacune des
trente -deux cartes qu'emploie ce jeu, porte un fragment de paysage.
T. XK. — Ocloùrc 182"). l4
210 LIVRES FRANÇAIS.
C<?s cartes sont numérotées, depuis i jusqu'à 02 inclusivemenl; hu'A
d'entre elles portent des numéros de couleur rouge , huit autres de cou-
leur-t^ewe, huit de couleur jawne, et les huit dernières ont des numé-
10s Mancs. Pour employer ces trente -deux cartes de manière à former
des site» divers, il faut les réunir de quatre en quatre , d'après l'indica-
tion suivante : On met ensemble toutes les cartes dont les numéros sont
de même couleur; l'on prend ou l'on fait tirer au busard dans chacun
des quatre paquets que Ton a formés une carte dans l'ordre suivant :
rouge, Meu, jaune et hlanc, et l'on pose les quatre cartes dans le même
ordre , l'une auprès de l'autre , de gauche à droite. — On peut aussi em-
plover un dé à jouer, composé de douze facettes, sur huit desquelles
sont des numéros de 1 à 8. On prend, parmi les trente-deux cartes, le
numéro indiqué par le dé; on jette de nouveau le dé, on ajoute 8 au
numéro qu'il amène, et le nombre qui résulte de celte addition indiqua
le numéro que l'on doit prendre parmi les cartes. On jette encore le
«ié, et l'on ajoute iG au numéro obtenu : le nombre résultant de cette
addition indique le numéro que l'on doit prendre parmi les cartes. En-
fin, pour la quatrième fois j le dé étant jeté, on ajoute 24 au nombre
ou'il présente, et le nombre qui résulté de cette addition indique la
dernière carte nécessaire pour former un site. Les diËférens sites offrent
tour-à-tour un aqueduc, une chapelle, un ermitage, une fontaine,
une forêt, une île , une marine^ un paysage grec , une ruine, un tom~
irnau, etc. On peut aussi mettre au concours la composition d'un paj-
tdge, en laissant à chaque personne le choix parmi les trente-deux car-
tes. On donne le prix à la composition qui réunit le plus de suffrages,
et on le partage, si les suffrage^ sont partages entre deux compositions.
— On peut aussi foràier un nombre considérable de paysages, en ne pre-
nant que deux numéros qui offrent souvent des sites plus simples et plus
agréables. L'auteur a réuni, pour embellir son Myriorama, toutes les
lessources que lui offraient les arts de l'imprimeur, du graveur, et
même du relieur. Aussi, peut-il espérer un succès digne de ses soins,
t^elte ingénieuse production, qui est l'un des plus jolis objets d'étren-
iies qu'offre, celte année, la librairie de M. Lefuel , est très-propre â
exciter, parmi les eofans et les jeunes gens, le goût des arts du dessin,
et leur fournit de charmans modèles à imiter. A. J.
96. — Portrait du pape Sylvestre II. In-S".
Ce pape est le célèbre Gerbert, qui, par ses nombreux écrits, se dis-
tingua dans son siècle, et composa divers traités sur la philosophie et
les mathématiques, cités encore honorablement dans l'histoire de ces
deux sciences. Il fut aussi le premier Français exalté sur la chaire de
LIVRES FRANÇAIS. 211
.•iaiiit Pierre. A tous ces litres, sa mémoire mérite d'élre conservée, et
l'on ne peut qu'applaudir au zèle éclairé de son compatriote, !\I. K;iul-
liac, premier adjoint du maire d'Aurillac, dépariimenl du Cantal, qui,
soigneux de tous Us intérêts de sa ville natale, consacre noidtment -Oii
tems et sa lorlunc à tout ce qui peut la servir ou l'illu'itrer. C'est a srs
frais que le portrait de Gerbcrt viint d être exécuté, d'après plusieurs
gravures faites à Rome, où <e pape mourut en looô; il était né à Au-
lillac vers gio, et avait été élu pape en 999. Nous citerons avec plaisir
l'exemple que vient de donner M. Raulhac, car rien ne serait plus utile
à l'histoire nationale, que de retrouver, dans chaque province, le sou-
venir des hommes illustres qu'elles ont produits; ce souvenir servirait à
à la fois aux contemporains et d'exemple et de précepte.
Mémoires et Rapports de Sociétés savantes et d' utilité publique.
97. — Société des amis des scienees, des lettres, de l'açfricuilutr et
des arts. — Séance publique du 7 juin iSaS. Aix, 1S2J; Augustin Pon-
tier, imprimeur du Roi. In 8° de 46 pages.
La Société d'Aix s'est fait un règlement tiès-aagc, qu'elle suit avec
persévérance. Quelques-uns de ses membres remplissent dans l'élat ou
des fonctions importantes, ou «les emplois qui exigent de profondes con-
naissances; d'autres sont livrés à des travaux utiles, ou à la culture des
sciences et des lettres, et tous mettent en commun les fruits de leurs
méditations et de leur expérience. Deux volumes de Mémoires, qui
viennent de paraître, nous fourniront des matériaux précieux : ils raid-
tiplieront les moyens de comparer les unes aux autres les différentes
parties de la France , relativement à i'agricullure, à l'industrie, aux
progrès de l'instruction, et généralement, à tout ce qui constitue l'iirt
social. Dans la séance du 7 juin, le vice -président (M. d'Astros) a f^iit
l'cloge de l'agriculture, et quelques critiques bienveillantes et utiles de
la manière dont ce premier des arts est exercé dans le déparicmenf dc^.
Bouchesdu-Rhône. — Un membre nouvellement admis a prononcé un
discours où l'on remarque de légères erreurs hisloriques; il n'est pas
exact de dire, que le bon goût fût aussi généralement répandu dans le
tems de Racine et de Boiieau , et que la déceuce fût mieux obscrvéo
alors qu'elle ne l'a été depuis. — Le secrétaire perpétuel a rendu compte
des travaux de la Société, pendant l'année précédente, et a proclamé
le seul prix qui ait été remporté cette année. La question mise au con-
cours était celle-ci : Queile influence la poésie -piutette avoir désormais,
en France, sur ta 7naurs? L'auteur de la meilleure pièce de vers sur ce
212 LIVRES FRANÇAIS.
sujet est M. Florimond Levol. {f^oy. Tom. XIX, pag. 755, ie program-
rae des prix proposés par la 5ocù'fé des Bouches- du- Rliône, pour êtn^-
distribués en 1824.)
Ouvrages Périodiques.
n8. — Le Propagateur, recueil sténographique d'éloquence, de littéra-
liire et d'histoire; ouvrage publié par livraisons de 2 à 4 feuilles , et qui
doit se composer de 4 volumesin-8" d'environ 600 pages, y compris une
table alphabétique par ordre de matières. On souscrit à l'imprimerie ec-
clésiastique de Bcaucé-Rusand, hôtel Palatin, près Saint-Sulpice, à Paris;
prix par volume, 10 f. pour la France, et 12 f. pour l'étranger.
Parmi les recueils de tout genre qui se multiplient chaque jour autour
de nous, celui-ci paraît avoir un caractère particulier. Il est destiné à re-
cevoir et à publier un certain nombre depiéccs officielles, et à devenir,
sous ce rapport, une sorte de HMiothcgue hislorique de noire époque.
Seulement, on doit craindre que ce répertoire ne soit ouvert qu'aux do-
cumens favorable? à un parli, et qu'il ne soit pas un noble asile pour tou-
tes les opinions raisonnables et modérées, un monument consacré à la
vérité et à l'impartialité. — On trouve, dans les sept premières livraisons
que nous avons sous les yeux, le discours de Mgr. l'évêque d'Hermopolis,
prononcé à la distribution des prix du concours général, le 18 août der-
nier, et le rapport fait par le même orateur à la séance de l'Académie
fiançaise sur les prix de vertu; l'éloquent panégyrique de Saint-Louis,
par M. l'abbé Béraud; un discours de M. Maugras sur l'importance et les
vrais caractères de la philosophie; plusieurs autres discours, et même des
plaidoyers; quelques analyses d'ouvrages, dont une très-étendue, de M.
J'.Ialte-Brun, sur le guide du voyageur en Espagne, par M. Bory de Saint-
Vincent; divers extraits du Bulletin des Lois; un tableau des nominations
tt promotions du mois d'août 1820, spécialement dans l'église et dans
l'armée; un chapitre particulier pour les anecdotes; des tables chrono-
logiques de l'histoire <ie nos jours; enfin, l'index des livres prohibés, piè-
ce importante, qu'il serait difficile de se procurer ailleurs, et dans la-
quelle on s'étonnera de trouver les noms et les ouvrages de beaucoup de
personnages très-orthodoxes. — Tel qu'il est, ce nouvel ouvrage périodi-
dique recueille des matériaux utiles pour l'histoire, et offre des alimens à
la curiosité, mais il nous a paru manquer de plan, et sa composition, sous
ce rapport, est peut-être défectueuse. Il ne suffit pas de réunir des
pièces intéressantes, il faut les disposer dans un ordre convenable.
A. J.
LIVRES FRÂINÇAIS. 2i3
Livres en langues clrangèreSi publiés en France.
yç) ('). — Niiova scella di poésie italiane, Irattc da' più celehri au-
tori anlichi c moderni , elc — Nouveau chois de poésies italiennes,
tics plus célèbres auteurs anciens et modernes, avec de courtes notices
bur la vie et les écrits de chacun d'eux, par P, L. Costantiju. Paris,
iSaiî; Bossangc père. Deux vol. in-S"; prix, 6 fr., et 7 fr. 5o c.
On a souvent accusé les Italiens de ne savoir faire que des recueils de
poésies. Le grand nombre de ces recueils différens prouverait en quelque
sorte, qu'il n'est pas si facile de bien choisir, dans une mine aussi abon-
dante. Mais, ])Our la plupart du tems, les compilateurs ne font que se
copier les uns les autres. Au moins, ceux qui en agissent ainsi devraient-
ils indiquer au lecteur les sources connues où ils ont puisé , rendant
ainsi à chacun de leurs devanciers la part qui leur apparlienl. Nous avons
fait cette observation pour qu'on i^e confonde pas avec ce las de pla-
giaires de métier qui ne cessent de fabriquer des livres en copiant ou
dénaturant les ouvrages d'autrui , ceux qui ne puisent qu'aux' sources.
M. Gostanlini semble avoir voulu se placer au petit nombre de ces der-
niers. Il se contente de nous présenter un choix de poésies, fait sui-
vant l'ordre chronologique de leur publication , depuis Guiltone d'A-
rczzo jusqu'à Alessandro Guidi. Mais ce choix est-il bien réellement le
meilleur que l'on pût faire? Les auteurs qu'il a mis à contribution
ne lui présentaient-ils rien de préférable? Sans résoudre cette question,
très-délicate puisqu'elle se rattache entièrement à une question de goût,
nous pouvons assurer que toutes les pièces du recueil de M. Costantini
sont bien choisies. Cependant, les articles biographiques nous ont paru
généralement plus intéressans encore que les poésies dont ils sont suivis.
Le prudent et sage éditeur dit qu'il a consulté les écrivains les plus res-
pectables, et surtout le comte Comiani , « qu'il a pris, dit-il , pour son
guide. » Il semblera, sans doute, à plusieurs personnes qu'il a fait plus,
c'esl-à-dire , qu'il l'a copié litlcialement , et peul-être trouvera-t-on qu'il
eût été convenable d'en prévenir un peu plus clairement ses lecleurs. Pour
nous, tout en respectant les jugemens et l'aulorilé de Corniani, nous
rendrons justice au zèle et à la sagesse de M. Costantini, qui a su le
préférer à tant d'autres écrivains qui ne l'eussent pas aussi bien guidé.
Il faut encore le louer de n'avoir pas touché aux poètes du siècle der-
nier, malgré l'exemple que lui offraient d'autres recueils qui en sont
remplis. Sans doute , il aurait craint de passer ou pour adulateur ou
pour contempteur d'hommes sur le mérite desquels leurs travaux en-
core trop récens ne permettent pas d'asseoir un jugement hien sÛTt
F. S.
IV. NOUVELLES SCIENTIFIQUES
ET LITTÉRAIRES,
AMÉRIQUE.
ETATs-Ums.—iV'KW- York.— ^ocicïd d'histoire naturelle. — Extrait de
ties Mémoires.— M. Pierre, après avoir lu quelques observations sur Ja géo-
logie des montagnes de Catskill , a déposé une collection de minéraux et
«le fossiles ramassés dans ce district.— Le docteur Van Reusselaer a offert
r. la Société un échantillon du Cyperus papyrus qu'il a cueilli sur la rivière
Anapo, près de Syracuse, accompagné d'un Mémoire sur l'Iiisloire na-
turelle de celle plante, et sur l'usage qu'on en lait dans les arts. — Le
docteur Dyckman a présenté, au nom de M. Stevenson, une collection
de plantes et de minéraux français. — M. Blunt a donné quelques échan-
tillons de zoophytes des Bermudes. — M. Emmet a lu un rapport sur
une mine de fer des hautes terres de New-York, dont l'examen lui avait
été confié. C'est un oxide magnétique d'un ti$su granulaire, mêlé d'une
substance ressemblant au quartz, d'un blanc jaunâtre et presque opa-
que. M. Emract soumit celte substance à un grand nombre d'expérien-
ces, et y reconnut la présence du phospbate de chaux. — M. Jacob A.
Vandenheuvel lut aussi un Mémoire sur l'origiDe domestique dts abeil-
les de l'Amérique septentrionale, et sur plusieurs particularités intéres-
santes des mouches à miel de la Guyane. — Le docteur Dekay a com-
muniqué un Mémoire sur les cétacées. Il en compte vingt espèces,
dont treize se trouvent dans ks mers d'Amérique. — Le major Dcla-
field a envoyé plusieurs minéraux et des restes organiques recueillis par
lui sur les limites septentrionales des Étals-Unis. Les fossiles et les sul-
fate? de strontiane sont d'une beauté remarquable. — Le président
Mitchill a communiqué une description d'un animal apporté par M,
Schoolcraft des régions situées aux environs des sources du Mississipi.
Il ressemble au sciurtus striatu^ , ou écureuil de terre. Le docteur Mit-
chill le nomme S. trcdecim liveatus , à cause de ses treize raies. Une
description détaillée en a été donnée dans le recueil médicinal deJVew-
Vork, en icSïi. Le président déposa aussi sur le bureau une peau du
mus iursarlvs, ou rat à poche (appoitée par le capitaine Douglas), du
AMÉRIQUE. 2i5
lac supérieur. — M. Blunl a lu une lettre concernant un ossemcnl fos-
sile découvert dnns les montagnes de Catskill, et envoyé à la Société;
le président Milchili, quelques r. marques sur le proteus anguinas , au
Carniole, et sur la syréne iaccrtina, de la Caroline ; une lettre du juge
Woodward, sur les marées du lac Érié , et uu Mémoire sur le coca du
Pérou, erxUto.vylon coca, fort en usage parmi les Péruviens comme ali-
ment et comme remèdc.-Le révérend Sohaeffer a présenté un Mémoire
sur un os fossile (la tète du tibia) d'un mammouth , trouvé dans le comté
de Lancastre. Dix grands os ont été découverts; mais la plupart étaient
trop décomposés pour être conservés. — M. Barnes a décrit une nou-
velle espèce de molusque bivalve, trouvée par M. J. Cozzens , près de
la Nouvelle -Orléans, et que M. Barnes nomme myiilus striatus. —
M. Dckay a oEfert le dessin et la description du laienopterus acutoros-
fratus; cet animal fut pris par-delà Sandy-Hook, et montré comme
une curiosité dans cette ville : le président MitcbiU a lu un rapport sur
la dissection qu'on en a faite. — Le major Delafield a envoyé la des-
cription d'un fusil d'ancienne consiructioa, retrouvé dans le Chesapeake,
couvert de pierres poreuses. — Le président termine la séance par un
résumé des progrès de l'histoire naturelle , depuis le mois de mai 1822.
-Fondationd'v.neviUe.—SÏVon en croit les journaux anglais. Joseph
Bonaparte a fondé une ville aux États-Unis , appelée la nile de Josephy
et qui a déjà 5,ooo habitans, presque tous Français.
Colombie. — Progrès de la civilisation. — Instr^iction fuUique. —
Les dernières gazettes de cette république prouvent avec qui lie acti-
vité elle s'occupe de perfectionner ses lois, ses institutions. Le gou-
vernement paraît surtout empressé de rendre l'instruction populaire. Il
y a deux écoles lancastériennes dans la capitale, qui fournissent des maî-
tres pour les écoles de province à mesure qu'elles s'établissent. On en-
seigne aux élèves la lecture, l'écriture, l'arithmétique, les élémeos de
la géographie , les droits et les devoirs du citoyen. Les derniers examens
ont mis le public à même d'apprécier les progrès des élèves de ces éco-
les , qui sont soutenues et défrayées par les revenus des monastères sup-
primés. L'amélioration des Noirs a été également l'objet de la sollicitude
publique. M. Gamillo Maurique a denùèremeut affranchi neuf de ses
esclaves, et M. Fernandez Solo traite tous ses Nègres comme des ou-
vriers libres, et leur paie leurs travaux. De tels hommes méritent d'être
connus. L. Sw. B.
—Bogota. — École des mines. — Le gouvernement vient de fonder dans
cette ville un collège national pour l'instruction des jeunes mineurs^
2i6 ASIE. .
— Voyages scienfifiques. — Des letlrcs Irès-iccentcs de ce paj3 an-
noncent que MM, Biaissingault et Rivcro , dont l'Académie des sciences
de Paris a reçu plusieurs commuDications très-intéressantes, sont arrivés
sur le plateau de Bogota à la fin du mois de juin. Ils ont fait le nivellc;-
mi'nt des hautes Cordillières de Mérida et de Pamplona, el déterminé,
avec d'cxcellens chronomètres, la posiliou astronomique d'un grand
nombre de lieux qui n'avaient point été visités par M. de Ilumboldt.
Près de Santa-Rosa, ces savansont l'ait la découverte importante d'une
masse de Ter ductile (probablement météorique) du poids de trente
quintaux. A. J.
ASIE.
Calccita. — Un Nouveau journal va être publié dans cette ville. 11
])araiira tous les trois mois, sous le titre de VObservateur asiatique , ou
àlelanges religieux, liltéraires et philosophiques.
AFRIQUE.
SiEBRA-LfcONii. — \j^ vaccine vient cnGn d'être introduite dans cette
colonie, et l'on a pris des mesures pour en répandre l'usage jusque
dans 1 intérieur de l'Afrique.
ItE Mai:kice, ci-devant Ile de Fbance. — Traite des Noirs. — L'abolition
de rinlâme traite des Noirs est dans nos colonies l'objet des efforts les
plus énergiques. Sir T. Farquliar , gouverneur de l'île de France , vient
de conclure, avec Timan de Muscat, un traité, par lequel ce dernier
s'engage à prohiber la traite dans l'île de Zanzibar et dans tous les pays
soumis à sa domination. A l'île de Bourbon, le commerce des Nègres
est très-considérable, malgré tous les efforts du gouverneur, m.ilheu-
reusemcnt mal secondés , jiour Iç réprimer. La frégate V Àndrotnaquc ,
qui se trouvait df rnièrement à l'île Sainte- Marie , possession française,
y a découvert des traces très-étendues du même commerce. Une déptï-
che du capitaine Leake à sir II. Mcnds, datée de l'embouchure de la
rivière Bonny, dans la baie de Biafra, rend compte de la prise de deux
vaisseaux espagnols, dans la rivière de Nutony, ayant ensemble à bord
284 esclaves. Six vaisse.nux français se trouvaient aussi dans ces parap;es
pour le même but. Du commencement de juillet 1822 à la fin du mois
de novembre de là même année , il a paru sur cette côte 126 vaisseaux
négriers, dont 8(j français et 4o e.-pagnols. Six d'entre eux étaient de
gros navires, dont une frégate montée par 200 matelots anglais, amé-
ricains et espagnols, et aruiée de 28 pièces du calibre de 24, outre plu-
sieurs carunnades et CQuIeuvrincs. L"s équipages des cinq autres bàli-
EUROPE. ai 7
mens, tous Irès-hien armés, étaient en général composés de Portugais
cl d'Espagnols. Celte année (i825) le nombre des vaisseaux, qui ont
déjà complélé leurs cliargenicns et mis à la Toile , est immense; et le
capiîaine Leake a appii; que l'on en attendait un bien plus grand nom-
bre. Depuis 18 mois, on compte 424 navires, dont la plupart portaient
pavillon français , arrivés sur la côte septentrionale de la baie de lîialVa,
pûur cet infâme trafic, et repartis avec des. char,;^einens d'esclaves très-
considérables, dont quelques-uns de 5oo jusqu'à 1,000 îjoirs. Une éva-
luation Irès-modérée porte à 106,000 esclaves le nombre des malhe •-
reu^es victimes qu'ont exportées ces négocians d'bommes, dans un es-
pace de lems aussi court. A. i.
EUROPE.
ILES BRITANNIQUES.
LiVEBPOoi.. — Institution royale. — La ville de Liverpool , si connue
par l'étendue de ses relations commerciales, ne mérite pa* moin* de
l'être par le zèle avec lequel ses habitans ont toujours encouragé la cul-
ture des sciences et des arts. Cette ville doit aux souscriptions de quel-
ques riches particuliers et coromerçans, des établissemeos d'une haute
utilité, tels qu'une Bibliothèque, un AtUénéc, etc. La corporation de
cette ville, c'est-à-dire, l'assemblée des habitans qui ont droit de bour-
geoisie, a dernièrement voté une somme de 1,000 livres sterling (20,000
francs) pour l'achat d'instrumens de matliémaliques et de physique, etc.,
destinés à ['Institution royale qui y est établie, et dont le célèbre his-
torien et publlciste Roscoe est l'un des fondateurs. A. J.
LosDEEs. — Société -billique. — Bille clnnoiie. —^ Il résulte du bulle-
tin du dix-neuvième anniversaire de la Société biblique britannique, dont
Il séance publique a eu lieu à Londres, le 7 mai 182Ô, que 3io,5oo
( xemplaires des livres sacrés ont été distribués à ses frais, de mars 1822 a
mars iSaô. Ce nombre porte à 3,675,474 celui des exemplaires distribués
depuis la fondation de celle admirable institution; il y faut ajouter
2,000,000 euviion d'exemplaires distribués par toutes les sociétés aux-
quelles celle - ci a donné naissance sur tou.s les points du globe. Une
circonstance a rendu celle séance particulièrement intéressante : M.
Marshmann a déposé sur le bureau la version chinoise de la Bible, à la-
quelle il travaillait depuis seize années. C'est la première bible complète
qui ait été imprimée dans celle langue. Ce travail , qui aidera puissam-
joent les cflbrls des missionnaires cluélicns en Chine, peut amener pour
cet empire des résultats de la plus haute imporlance. A. *
2»8 EUROPE.
— Editinn e/rmpacte de Shakespeare. — Les pièces de ce célèbre au-
teur, quisuffist-nt pour remplir 12 volume» in-S», viennent d'être publiée»
< n uu seul volume, formai de poche, dont le prix est d'une guinée (26
à 26 francs).
—Histoire Uttéraire. — Les lettres de Henri FUI à Anne Boleyn,
écrites en français , et qui viennent d'être traduites pour la première fois
en anglais, sont un monument curieux de la barbarie et de l'ij^norance
de ce roi. En lisant ce smgulier recueil, on est frappé des nombreuses
fautes que < ommet a chaque instant l'illustre auteur, contre le bon goût,
l'orthographe, et la grammaire: on est tenté de douter que ia même
main ait pu tracer ces lettres grossières et écrire l'ouvrage de la Défense
de ia foi, où l'on trouve des preuves d'une instruction solide et d'un
mérite réel. f^ j
— Théâtres. — Opéra. — L'extravagant roman de Frankestein, par
M°»^ Sheily, a fourni le sujet d'une pièce représentée à ce théâtre, et
beaucoup mieux accueillie qu'elle ne le méritait. Fraakcslein , jeune
philosophe allemand, l'ail un homme avec des débris de cadavres , et
réussit à animer sa créature. Cet être monstrueux le remplit d'horreur.
Il essaie de le détruire , mais un vain ; car, doué d'une énergie surnatu-
relle, le monstre est plus fort que lui. Furieux du mauvais traitement
de celui à qui il doit le jour, il s'en venge sur tous ceux qu'aime Fran-
kestein. II étrangle son frère encore cnlanl, assassine sa maîtresse, et,
d'aventure en aventure, fait périr son créateur par la chute d'une ava-
lanche qni les engloutit tous deux. Une telle action paraît plus propre
à une parade qu'à un opéra. Le monstre ne parle point, et sa panto-
mine est souvent niaise, à force de vouloir être effrayante. Les deux
Itères n'inspirent aucun intérêt ; les mauvaises plaisanteries du valet
Fritz, espèce de bouflbn , détruisent la seule illusion que puisse faire
la pièce. Une intrigue d'amour entre la sœur de Franke.-^tein et un des
amis de ce dernier, est la seule conception naturelle. Malgré tous ses
défauts, l'opéra a été vivement applaudi.
BEDFOBDsniBE. — Sheffokd \èctviogic Bloomfleid.—^é à Hom-
migton, dans le comté de Suffolk, en 1766, Robert Bloomfield fut un
homme extraordinaire; il eut à lutter de bonne heure contre son sort
obscur. Sans éducation, sachant à peine lire, il se rendit à Londres
pour y être garçon cordonnier. Ce fut pendant son séjour dans cette
ville, qu'il publia, en iSoo, son premier poème, le Garçon fermier.
il excita l'intéièt général , on ne parla plus que du cordonnier-poète.
Enivré par son succès, Bloomûeld abandonna le métier qui lui donnait
du pain, pour se consacrer à la poésie; il vécut malheureux et mourut
EUROPE. ^'0
pauvre. Ses Contes chamfêlrcs parnrt-nf en 1802; Bonnes vmtvelivs,
dfux ans après ; les Flevurs sauvages , doux ans plus tard ; hs rives de In
fFye, c-n i8n, Enlln, le Mai des muses dont nous avons parlé dans l.
ReifL. BloomGfld est mort le 19 août à ShefT^.rd , a la Ruilo d'une ma^
ladie longue et douloureuse. Les journaux anglais qui louent aujour-
d'hui ses ouvrages, auraient dû intéresser U- puhlic pour lui pendant
sa vie, el lui procurer les secours que son ajre et ses infirmités lui ren-
daicut si nécessaires. /.outVc-Sw.-BEtLOC.
RUSSIE.
Statistique. — PoruUition. —On a publié une iVoie de la population
de la Russie en 1821; au dénombrement des habitans dans chacun des
cinquante pouvcrncmens, on a joint la surlace en milles carrés géo-
graphiques.
Arkhan^el 200,000 habitans. 1 1 ,900 milles carrés.
Astrakhan 190,000 5, 100
Courlundc 4i05"oo ^^°
Novogororl 6<->.oof> 2,Soo
Moscou 1.275,000 470
Pétersbourg 690,000 84o
Tobolsk 400,800 16,800
Smolensk 950,000 ».ooo
Irkutsk 210,000 126,400
Tolal. . 4î928'000 habitans.
La somme totale des habitans de l'empire entier s'élève à 40,067,000.
Le nombre des manufactures et des ateliers à 3,724 i le lolal du capital
,lu commerce se monte à 019,660,000 r..nbles, et le revenu de la ca pi-
lation et de l'impôt sur la consommation des liqueurs à 169,500,000
roubles. (Le rouble papier vaut environ i fi.)
Mo9cov. — La Société d'économie ruraie âc cette ville a formé une
Écok d'aiïTiculture à l'instar de celles qui existent à Hofwyl en Suisse,
. t à Fricdrichsfelde près Berlin : .'■o élèves y seront admis.
— Université. — Les membres de l'université de Moscou se sont réunie
rn assemblée générale. Le professeur Sehlotzer a lu un discours latin
sur '(a statistique considérée dans ses rapports avec les sciences morales
rt politiques.' Après l'exécution d'un morceau de musique, le profes-
seur Denissoflut une dissertation sur les prof)rès et (es perfectionnement
que l'industrie doit à l'influence de la chimie; cnGn, M. Menliakof ré-
, ila quelques vers sur la paix. Alors eut lieu la distribution de diverses
220 EUROPE.
médailles nccordccs par l'iaùver.ité. M. Dvigoubsky prit ensuite la pa-
role pour la lecture du rapport annuel, daas lequel il fil raenlion des
acquisllions diverses faites pour le Musée et pour la Bibliothèque. En-
tre autres choses contenues dans ce rapport, on .emarque la dotation de
5,000 roubles faite , par la SocLté des amis do la iiltératurc russe, à
rinstilution des Enfans-Trouvùs, et dont les intérêts sont des.inés à
payer les frais d'université, pour les deux enfans qui seront le plus avan-
ces dans l'étude de la littérature- russe. On a établi à l'imprimerie de
l'un.versité une presse lithographique—Fendant l'année écoulée, le co-
mité de censure a examiné et approuvé .56 manuscrits; le comité d. s
«amens, établi par l'ukase de 1S09 , a examiné .5 personnes. Quatre
ecoies de district , cnq séminaires et quatre écoles particulières ont été
établies pendant celte année. Le nombre des étudians à l'université a
ele deGo5, rt celui dos enfan» inslruils dans les écoles du di,trict de
Moscou, de to,9a. Un docteur, quatre maîtres, douze candidats, et
•ijetudians ont quitté l'université , où sont entrés i^i étudians, 1, au-
diteurs volontaires, et .6 personnes vouées à l'étude .de la médecine.
D^fferens membres de l'université ont publié divers ouvrages, entre au-
tres des traductions d'Homère, de Sophocle, des hymnes de C.ili.xiaque et
des fables dS.ope, enrichies de notes philologiques. Les professeurs ,
membres ou associes de l'universilé, sont au nombre de quarante-buit
et sont reparus dans un nombre égal de chaires, destinées aux dlfféren-^
tes branches des connaissances humaines. Parmi les cours intéressans
ou curieux, on peu, citer ceux qui ont lieu sur l'écnomie politioue.
in lUterature esclavonne, le Hason et ta science généalogique, le.lan-
'lues françuisc et anglaise.
~ Pria: propose. - L'université , conformément au § 5; de .es sta-
ta ts, propose la question suivante : . L'exemplaire florentin desPandec.es
est regarde comme le plus correct et le plus ancien de tous ceux qui
>ont connus en Europe; presque tous les autres qu'on voit n'en sont que
des copies, 1 inaporte donc de connaître la manière dont il est parvenu
..Florence. On croit généralement que cet exemplaire original faisait
partie de ceux que Justmien envoya dans quelques provinces, qu'il fut
rouve a la prise d'Amalfi, don.é ensuite par l'emperem Lothaire II, aux
l>abitans de Pi.e, et a la conq.ê.e de celte dernière vilh, transporté à F-o-
^enee, ou .1 es. conservé aujourd'hui avec beaucoup de soin. Mois de-
puis la ,.oit,e du siècle dernier, il s'est élevé à cet égard des contesta-
e a Ama,h e, donne aux Pi>ans; d'autres tiennent à Paneienne opinion.
J- question se réduit donc à exposer avec une saine critique les opinions
EUROPE. 2ii
et raisons des deux partis, et de fixer d"uuc manière positive laquelle
de ces deux opinions se rapproche le plus de !a vérilé et mérite le plus
de cioyancc. • Le prix proposé est de 2.5o roubles. Les mémoires adref-
sés à l'universilé de Moscou pourront être écrits en russe, latin , françui»;
ou allemand. Le terme est le mois d'avril 1825.
iSAisT-PÉTBRSBOcaG.—^rt mi^iiatre. —On aétabliunc nouvelle Ecolu
militaire pour 5o jeunes gens de familles nobles qui se destinent au ser
vice de chef de colonne, près le vaguemestre de l'état -major-général de
,, Al
l empereur. "• •"
POLOGNE.
Cbacovie. — Fêle patriotique. — On a célébré ici, le 1 1 du ce mois,
avec la plus grande solennité, une double fête : celle de l'anniversairo
de l'introduction de la constitution dans notre état libre, et celle de
S. M. l'empereur Alexandre.
Varsovie. — Mission four les Juifs. — Il est arrivé ici, le 24 sep-
tembre, de Londres, par Paris, Berlin et Posen, deux nouveaux mission-
naires de la Société formée en Angleterre, pour répandre le christianis-
me parmi les Juifs. L'un est M. Mac'kant, prêtre, et l'autre, un candi-
dat nommé O'neil. Varsovie est le siège d'un des principaux établisse-
mens de celle société; elle y entretient cinq missionnaires.
— PuUication nouvelle. — 11 vient de paraître un nouveau roman ea
deux parties , intitulé : HMwige , reine de Pologne, et dont l'auteur est,
dit-on, une dame d'un rang élevé.
— Beaux-arts. — On a commencé, le iT, septembre, dons le nou-
veau pavillon du palais Kazymirowski , l'exposition de peinlarc ,
sculpture, etc.; il y avait 71 tableaux à l'huile, 48 dessins, i4 plan»
d'architecture , et i5 ouvrages de sculpture ; mais ce n'est pas encore la
moitié de ce que doit offrir celte exposition. On remarque déjà beau-
coup d'ouvrages dont les auteurs sont des femmes, ce qui prouve que
le goût de la peinture fait des progrès aussi sensibles que celui de la
musique. ^' "' *
SUÈDE.
Stockholm.— 5<a<îst/7ue. — D'après un tableau, qui a déjà été adopté
dans la Chambre des pay-ans , le nombre total des fonctionnaires du
royaume, qui avaient des appointemens en 1S17, montait à 17,740, et le
total de leurs traitemens à 9,156,277 écus de banque. La force militaire
tst calculée à 4g,6o5 individus, dont la solde s'élève à 4,855,62?. écus.
L'état civil, outre la cour, consiste en 5,.S55 individus, dont le trai:e-
in-i ELROPE.
ment forme une somme de -2,387,9 1« «i^us. On porle à 4,-60 le nom-
bre des ecclésiastiques salariés, et a 2 millions leur traitement. L'ii-
niversité d'Upsal avait demandé aux états -généraux un emprunt de
00,000 écus pour achever un nouveau bâtiment où IVio duit placer l;>
bibliotb.èque. L'ordre du clergé et celui des bourgeois y ont consenti;
mais la noblesse, contre l'attente, a refusé une demande qui paraissait
généralement appr.uvée. L'ordre des paysans n'a pas encore voté.
— Cammcrce extérieur.— Lg commerce de la Suède ayec l'Egypte a
pris un accroissement considérable.— Plus de quatre cents bâtimens sué-
dois ont été envoyés, celte année, dans le seul port d'Alexandrie.
— V Académie suédoise, en qualité de propriétaire responsable du
journal intitulé : Post och inrikcs tidningar. Gazette de ta poste it de
l'inférieur, vient d'être citée devant les tribunaux, à cause d'une an-
nonce injurieuse qui a été insérée dans cette feuille.
— Manuscrit. — Il y a dans la bibliothèque royale de Stockholm un
inanusciit très-remarquable, le Codex giganteus (Livre géant). Il fut
enlevé d'un mouastère bénédictin, a Prague, lors de la guerre de trente-
ans. Sa hauteur est de di ux aunes suédoises, et sa largeur proportion-
née. Outre la vulgate , une collection d'écrits sur les antiquités juives,
par Josephus Isidorus, etc., et le Comœs pragensis Chronicon Bohemiœ,
ce manuscrit contient un traité sur la magie , orné d'uue figure coloriée
du diable.
DANEMARCK.
Islande. — Physique. — Un ancien volcan , le Koetlugan (district do
«yrdaij, qui , depuis 68 ans, n'avait point eu d éruption , a lancé de,
masses d'eau , de cendre, et de boue considérables , depuis le 1" jus-
qu'au i5 juillet dernier. Cette éruption aqueuse a cessé loul-à-fail le 19;
et le 25, la fumée du cratère ayant disparu , on a pu apercevoir le som-
met de la montagne. Les cendres et la boue ont couvert un terrain de
quatre à cinq milles danois (9 à 10 lieues de France) ; mais c'est un
bonheur que l'éruption se soit dirigée vers la mer ; elle aurait causé sans
cela de bien plus grands désastres.
CoPKRHAGiB. — Statistique. — Dans le cours de l'année dernière^ il v
» eu dans cette île 1724 naissances et «4i décès, ce qui est un résultai tiès-
lavorablepourun pays aussi stérile. Le conseiller de conférence Stephen-
sen porle, dans son tableau de l'I.siande, la population de cette ile à
49.269 individus. Le même auteur, dans ses calculs statistiques, compte
en Islande i6,o52 vaches, 2904 bœufs, et 6761 pièces de jeuce bétail;
340,752 brebis et 18.941 chevaux domptés.
EUROPE.
ALLEMAGNE.
PopuLATio:^. — Statistique. — Voici le Tableau statistique des Sg ètaU
qui composent la C on fédération germanique, rédigé sur les données Ie>
plus récentes tirées des archives de la Dièle. Les états qui figurent sui
ce tableau n'y sont compris que pour les provinces qui font réellement
partie de la confédération :
Etats qui composent la Coafédéra-
tiou.
Autriche
l'russe
{Bavière
Saxe
Hanovre
Wurtemberg
Bade .'. . .
Hesse électorale
Hcsse grand-ducale
Holstein et Lauenbourg
Luxembourg
Saxe-Weimar
Saxe-GMha
Saxe-Meinungcn
Saxe-IIildburghausen
Saxe Cobourg
Brunswick
JVassau
Meckknbourg-Schwcrin
Mecklcnbourg-Strclilz
Holstein -Oldenbourg
Anhalt-Dessau
Anhall-Bernbourg
Auhalt-Koelhen
Schwarlzbourg-Sondershausen .
Schwarlzbourg-Rudolstadt
Hohenzollern-Hechingen
HohenzoUern-Sigmaringen
Lichtenstein
Ueuss-Graetz
Popnlaticin.
Revenu ann'icl
en florins.
Voix à
ladiète
9>4S^,277
5t!, 000, 000
4
7,953,341
57 000,000
4
3,523,000
3o, 5oo,"oo
4
l,203,O0O
1 1 ,000,000
4
i,3o5,55i
12,000,000
4
1,395,46a
1 i,o(io,ooo
4
1,002,000
9,200,000
567,86s
4,000,000
"^
625,000
4,000,000
3
565,000
2,000,000
255,628
i,5oo,ooo
3
201,000
1,800,000
180,682
i,5oo,ooo
54,400
55o,ooo
29,700
210,000
80,012
55o,ooo
210,000
1,800,000
5a450oo
2,960,000
55^,378
2,000,000
:^7'>9
750,000
217,759
1,200,000
53,947
5 10,000
37,000
450,000
02,454
35o,ooo
45,120
36o,ooo
54,000
270,000
i4,5oo
90,000
37,100
240,000
5,000
aojooo
22,255
1 20,000
224 EUROPE.
Reuss-PiaucD 54,751 290,000
Lippe-Dctmold 70,000 466,000
Lippt-Schaumbourg 24,000 160,000
Wal-Icck-Pyrraont 61,877 420,000
Hesse-Hombourg 20,000 180,000
l'^^^^^OTt 4-,85o 800,000
^"^'<^^'' 4o,65o 400,000
^"^'n*^ ^Moo 400,000
1,200,000
Hambourg , 5o,ooo
50,178,811 219,955,627 69
A ces indications, on peut ajouter que la population totale de la Con-
fédération germanique se divi.e à peu près en 17 millions de catholi-
ques, i5 millions de protestans, et 200,000 juifs, répandus sur une su-
perficie totale de 11,869 demi-milles carrés d'Allemagne, formant un
treizième du territoire de l'Europe, f/armée fédérale est, en tems de
paix, de 501,780 hommes; et, en tems de guerre, de 452 6-0.
Leips.cs.— Israélites. — LVtat des Israélites et leur religion occupent
toujours beaucoup les esprits : les Chrétiens viennent d'instituer encore
quelques nouvelles associations pour les amener à quitter le culte d-
leurs pères; et le 9 février, la Sociclc de Berlin , dont nous avons déjà
eu occasion de parler, a reçu l'iuslilution royale, qui a aussi été con-
férée le 11 avril à une association semblable parmi les femmes. On dit
qu'à Rome les mesures prises par Clément VIII ont élé récemment re-
nouvelées; elles consistaient à réunir, dans l'Oraforio délia Santa-Tri-
nita, trois cents individus de la religion juive, à l'effet d'y entendre un
prédicateur. Une amende pécuniaire frappait ceux qui, appelés à leur
tour, ne s'y étaient pas rendus : celte cérémonie se renouvelait chaque
samedi. Deleurcôlé, les Israélites ne négligent rien pour répandre entre
eux les lumières. Une Société juive, un journal spécial, les secondent
dans leurs vues, et souvent la générosité des particuliers vient à l'appui
de ces entreprises générales. C'est ainsi qu'à Maycnce, Michel Benedict
a légué sa maison aux membres delà comnmnauté juive, pour y fonder
uni; Ecole théologique; sa bibliothèque a reçu la même de-llnation ; en-
fin, 8,000 florins de fondation serviront à entretenir deux pauvres élu-
dians. Rien n'égale cependant les elTorts de la Société améiicaine, éta-
blie pour l'amélioration du sort des Juifs : elle a acquis de i5 à 20,000
acres de terre, dans la vue d'en faire une colonie d'Israélites convertis
au christianisme.
EUROPE. 225
PacssB. — Macdeboobg, — Beaux-arts. — Gravure. — M. Donafi va
publier par souscriplJon un portrait gravé du célèbre Carnot. L'original,
peint en i8i8, par Schœner, élève de David, est, dil-on , d'une" par-
faite ressemblance.
Beeslau. - Arcliéolosie. - Jurisprudence. - Dans le cours de son
voj^age en Italie, le professeur Gaupp a découvert quatre feuilles d'un
manuscrit des Pandectcs, qu'il croit être du xn' siècle. Ces feuilles,
qu'il a trouvées dans la bibliothèque royale de Kaples, sont palimpses-
tes : on lit, par-dessus .'ancienne écriture, un fragment du grammairien
Cbarisny, et un autre des yUœ pontificum d'Ana.lasius, et l'on aperçoit
a force de soins des passages des Pandectes, et d'autres de la PharsaU.
de Lucain. M. Gaupp les a fait copier ; ce sont des phrases pour l.i plu-
part incomplètes qu'il a obtenues par ce travail; mais, par leur coïnci-
dence , elles démontrent l'excellence du manuscrit de Florence Les
passages des Pandectes appartiennent aux titres du livre X , FamUi<B
erciscundœ, Communi dividundo et Ad exhiiendum. Les majuscules
qui composaient originairement ce manuscrit sont plus belles que cel'es
de Florence. Bientôt M. Gaupp en livrera au pubLc un fac simiie.
Pli. GOLBÉBÏ.
BEHLm. - Nécrologie. - Le professeur rVadreck vient de mourir
dans cette ville. Il avait conçu, le premier, le projet de fonder une ins-
titution decharité, destinée à recevoir les enfans pauv.es ou abandon-
nes, et ou 11 en avait rassemblé 4oo. Son ardente philantropie et son
continuel dévouement à ses semblables, lui donnent des droits au res-
pect et aux regrets de tous les gens de bien. L. S. B
SUISSE,
Genèvb. - ÉtnUissement de la censure littéraire. - Le conseil re
présentatif de cette ville vient de rendre, à la majorité de deux tiers
des sullrages, une loi suspensive de la liierté de la presse pour le ter-
me dun an. Tous les écrits, de quelque sujet qu'ils traitent , seront
soumis a une censure préalable. Il est bien pénible de voir un. mesure
aussi contraire aux pro^ de l'esprit humain, prise par une ville où
1 instruction et la philosophie paraissaient si répandues.
BHB.K. - Nécrologie. _ Halter. - La Sui.e a perdu, à huit jours
de d.s,a„ce. deux de ses plus illustres citoyens, M. MOert de Huiler
et M. Jean Conrad Escher de la Linth : celui-ci figure déjà d.ns nos
tablettes nécrologiques ^Voy., Tom. XVII, pag. 665); il nous reste
à parler du premier. AiUrt de llallcr, le plus jeune des fils du
ï. \x.— Octobre 1825. ,5
2^6 EUROPE.
oraud Haller, est décédé à Berne, le i"" mars iSîô, âgé de 65 ans. Il
était à la fois homme d'état habile et savant naturaliste. Le jour même
de sa mort, il avait assisté à une longue séance de la commission de
législation civile, et pris une part liès-aclive à la délibération. Il était
doué d'une promptitude de discernement remarquable, et joignait i;
cet avantage un esprit très- étendu, une sagacité rare et une mémoire
surprenante. Il cultivait avpc succès la botanique, et laisse des travaux
inéi'its qui seront d'une grande utilité pour la composition de la Ftcrc
hdvctiqxie. Il était trés-att;iché à Genève, et iié d'une amitié intime
avec plusieurs savans de cette ville ; c'est à ce motif, plutôt qu'aux dé-
goûts qu'il a pu éprouver dans sa patrie, qu'on doit attribuer le legs
qu'il a lait de son heibier à la bibliothèque publique de Genève. L'her-
bier et la bibliothèque du grsnd Ilalier, vendus, peu de tems après sa
mort, au gouvernement de la Lombardie, sont soigneusement conser-
vés à Milan. C'est donc en pays étranger, et non à Berne, qu'il fau-
dra chercher désormais les précieuses collections de ces deux habiles
naturalistes 1 E.
ITALIE.
îiiCB. — {Maison d'Hygiène). — M. Cauvy, docteur français de Paris
et de Montpellier, vient de créer, à Nice, un établissement nouveau
pour cette ville, et où les malades que la beauté du climat et l'excel-
lence de l'air attirent, chaque année, dans ce pays, trouveront de grands
avantages. Quatre maisons, pouvant réunir 25 à 5o familles, ont été
affectées à cette entreprise. Cha((Ue malade y trouvera rexposilion qui
lui est la plus favorable, et pourra jouir de la promenade dans des jar-
dins d'orangers spacieux, qui dépendent de l'établissement. Un docteur
anglais et un pharmacien contribueront, de tout leur zèle et de tous
leurs talens, au bien de cet établissement. Environné des soins les plus
empressés, le malade n'aura pas à souffrir de la moindre négligence. Les
entrepreneurs ont en outre pris des mesures pour satisfaire pleinement
leurs nouveaux hôtes dans leurs moindres désirs.
Naples. — Statistique. — La fojjulation de ce royaume qui, à l'épo-
que du 5i décembre 1821, était de 5,s5G,020 individus, se montait, le
5i décembre 1822, à 5,022,889, dont 2,595,872 hommes et 2,727,017
femmes. Augmentation , 66,869 individus.
Gênes. —Instruction des sourds-muets. — M. Henri Mayer, retour-
nant d'Italie en Allemagne, a voulu donner quelque idée des progrès
extraordinaires que l'établissement des sourds- muets a faits à Gênes ,
sous la direction du respectable 1'. Azarroiti. Ce philosophe bienfaisant ,
IXROPE. 227
iiranf parti du langage que chacun des sogrds-muets s'était formé nalu-
rtllement, est parvenu à leur enseigner, avec une rapidité incroyable,
les langues latine, ilalicune, française, anglaise et espagnole; lliisloire
universelle ancienne et moderne , la géographie, l'algèbre et la géomé-
trie, les élémens de l'astronomie , la mélaphj,ique et quelques autres
parties de la philosophie rationnelle; la religion, et les arts du de-sin et
de la gravure. Le savent voyageur a assisté à plusieurs séances où le P.
Azairotti a bien voulu le mettre à même de juger du développement de
ses élèves. Après avoir rendu compte, dans sa relation, de tout ce qu'il
a appris à cet égard, M. Mayer ajoute quelques considérations philm-
fropiqucssur l'utilité réelle des occupations auxquelles les sourds-mucis
devraient se borner. 11 voudrait qu'on en fit plutôt des artistes habiles
que des hommes de lettres superficiels. ( Voy. l'^inthologie, n» xxxi,
pag. 5o.)
BoLOG^E.-Journaux.-Cenc ville s'était distinguée par la publication
périodique d'un Recueil d'Opuscules scientifiques et littéraires, qu'elle
avait donné jusqu'à iSao. Elle vient de reprendre ce travail, aussi hono-
rable pour ses auteurs qu'utile pour le public, sous le titre de : Nuova co(-
Iczione, etc. {Nouvelle coUection d'Opuscules scientifiques et littcraires)
Chaque volume sera suivi d'une Appendice éiitio_graphique et critique,
qui rendra compte de tous les ouvrages publiés dans les états de TÉglise^
x>u appartenant à des auteurs de ces états. On a distribué, en juillet^der-
nier, les premières livraisons de ce savant recueil. Nous informerons nos
lecteurs de ce qu'il contiendra de plus intéressant , à mesure que nous
en recevrons les livraisons. Parmi les personnes respectables qui pren-
nent part à cette entreprise, on compte MM. Bruni, bibliothécaire de
l'Institut de Bologne; F. Orioli, professeur de physique; F. Cardinali
professeur de mathématiques; F. Tognetti, etc., etc. Ces noms soni
sufGsans pour accréditer le journal que nous venons d'annoncer. On doit
à Bologne une autre entreprise à la fois instructive et agréable , c'est
une BiMïothèque universelle de vmsique, intitulée : Po^mnm europea.
Elle est divisée en deux parties : l'une sera historique et didactique , et
l'autre renfermera des notices et des anecdotes curieuses, relatives aux
théâtres, aux artistes et à leurs ouvrages. Elle a paru en juin, et conti-
nuera à donner deux Hvraisons pyr mois. L'esprit de ce journal est de
concilier la musique, et ceux qui l'exercent, avec les maximes de la
morale et les lumières de la phiio>opbie, comme en fait preuve la sa-
vante introduction qui le précède. F. Salfi
SxRDAJQye.— Antiquités.— Le gouvernement sarde a dernièrement
fait l'acquisition de la grande et belle collection d'antiquités égyptiennes,
..8 EUROPE.
qu'a formée M. Drovetli, et dans laqurllc on compte 12 à i5 statues as-
sise», plusieurs g.auds sarcoi-hages, beaucoup de pièc. s de monnaies, et
une quantité de petites pièces. Elle a été payée 000,000 francs. Vingt
caisses, qui ne contiennent que de petits objets, sont déjà arrivée»
à Livourne. {Kunst Blatl.)
GRÈCE.
CoBfov.-L'U7iiversitédes îles Ioniennes vient d'être déGnitiveraent
établie à Corfou, sous la direction de lord Guilford , protecteur des let-
tres et ami de la nation grecque. Parmi les professeurs de cette univer-
sité, on distingue M. Bambas, natif de Chios, savant ecclésiastique, an-
cien élève de l'Université de Paris; M. Asopios, littérateur plein d'éru-
dition; et M. Piccolo, jeune savant, qui va commencer sa noble carrière
par un cours de philosophie moderne. Nous avons appris avec le plus
grand plaisir que lord Guilford a chargé un Grec de ses amis, à Paris, de
hii acheter tous les bons ouvrages de philosophie, publiés en France; ou-
vrages dont le nombre est considérable, et qu'il doit offrir a M. Piccolo
à titre d'encouragement. Ce nouvel acte de générosité , de la part de
1 illustre directeur, ajoute à l'admiration et à la reconnaissance de tous
les cnfans de la Grèce, qui, un jour, lui élèveront des statues pour im-
mortaliser le souvenir des nombreux bienfaits qu'il ne cesse de verser,
depuis vingt ans, sur l'antique patrie des Muses.Voici un extrait de la lettre
de lord Guilford à son ami de Paris : « Connaissant parf..ilcment , mon
cher monsieur W., le vif intérêt que vous prenez à notre université, j'ose
vous envoyer la liste ci jointe des livres que je dois offrir a M. Piccolo,
dont le cours de philosophie commencera au mois de novembre prochain:
veuillez bien vous charger de l'acquisition de ces livres, dont le mon-
tant, à ce que je présume, n'excède pas mes forces; et agrée* les assu-
rances de la vive estime,, etc. Lord Guilford est actuellement à Vienne;
on l'attend ici sous peu, et l'on se prépare à le recevoir comme un
C. N.
père.
Ile de Scio. — Culture des Lettres. —Dans V Anthologie de Florence
(n° xxxi) on trouve une lettre d'un grec, ami de la philosophie et de son
pays, sur la prospérité dont jouissait lîle de Scio, et sur l'état de misère
où elle vient de tomber. 11 est affreux d'avoir vu détruire presque enliè-
xeraent une population de 100,000 âmes, au moment où elle n'avait
commis d'autre crime que celui de se placer au niveau des nations les
plu> civilisées, en se hviant a des études paisibles et utiles. Une biblio-
thèque publique riche de 12,000 volumes; des écoles de littérature, de
phiiosoihie et de sciences; une imprimerie; plusieurs autres «lablisss-
EUROPE. 22i>
mens d'instruction et de bienfaisance, faisaient déjà regarder Scio com-
mv !a capitale de la république des lellrcs grecques. Malheureusement,
celle population , si florissante , est aujourd'hui réduite à 8,000 malheu-
reux. Mais ce qui étonne et console en même teras , ces restes d'une po-
pulation dispersée, ne cessent pas, au milieu de leurs vicissitudes, de
concourir à l'édition que l'estimable patriarche de la littérature grecque
et moderne, M. Coray, avait entreprise des ancitns classiques grecs;, et
le dernier volume des œuvres d'Aristote a été imprimé aux frais des ha-
bitans de Scio. F. S.
PORTUGAL.
LisBosNE. — In.itrticlion fuMiqne. — Le gouvernement vient d'établir,
à Lisbonne, dans l'iiolel de la monnaie, deux cours publics, l'un de phy-
sique , l'autre de cliimie, sous la direction de M. MosinUo Aliiuqucrquc^
qui a étudié à Paris, où il a suivi les cours des plus savans professeurs, et
où il a fait lui-même un cours particulier, l'année dernière.
— M. Le Coeq, qui a été envoyé à Paris par le gouvernement portugais,
pour étudier Va méthode dVnseignemeijl mutuel , et pour y suivre le
cours de l'école normale, est rappelé en Portugal, où il doit intro-
duire la méthode nouvelle, qui est déjà appliquée avec succès dans
plusieurs corps de troupes, et organiser une école destinée à former d«,
b.ons instituteurs primaires. A. J.
PAYS-BAS.
Histoire naiureUe. — Ossemens fosslics. — On a découvert, en creusant
le canal entre Maestricbt et Bois-le-Duc, dans la terre glaise, à 7 mètres de
profondeur, reposant presque sur le gravier, une défense d'éléphant de
1 met, 5o cent, de longueur et 11 centimètres de diamètre; à quelque
distance de là , on a trouvé une autre défense ayant plus de 1 met. j5 c.
de longueur et i5 cent, de diamètre. Ces deux défenses ont une double
courbures et conservaient même une espèce de racine qui, cependant,
n'a pu être retirée entière, à cause de son état de dépérissement. Ces dé-
fenses ne sont point pétrifiées comme les objets que l'on trouve dans
le terrain calcaire de Saint-Pierre: elles étaient humides, et l'une sem-
blait entièrement changée en craie ; dans l'intérieur est une graisse as-
sez fraîche, ressemblant au spermaceti ou au cérat. — On a, de plus, re-
cueilli une mâchoire inférieure d'éléphant avec deux dents molaires com-
plètes , et deux autres dents qui semblent repousser les premières. Celle
mâchoire triangulaire a environ 4o cent, de longueur sur ch.ique côléj
a5o EUROPE.
trouvée comme les autres débris dans la lerrc glaise , elle n'est égale-
ment point pétrifiée, mais seulement conservée. — Enfin, la découverte
comprend encore quantité d'os informes, d'une dimension énorme, qui
étaient autsi tendres que la terre qui les entourait. Quelques-uns que
l'on a recueillis se sont durcis, entre autres une omoplate, un vertèbre
de l'épine dorsale, des côtes, quelques dents molaires de différentes
grandeurs, ayant évidemment appartenu à des individus différens. On
a reconnu dans ces ossemens des traînées d'un rouge foncé tirant sur le
sang, parsemé de globules que Ion croit métalliques. Ces ossemens pour-
raient être soumis à une analyse fort curieuse. On a trouvé aussi, dans
le gravier, quelques oursins, des dénis de sanglier, des cornes de cerf
et quelques coraux. Le gouvernement s'est réservé la propriété de toutes
les antiquités dont la fouille du nouveau canal pourrait amener la dé-
couverte. "•
(N. D. R.) Les os trouvés dans un état de mollesse aussi complet, ne
seraient-ils pas déjà convertis en adypociro, comme plusieurs de ceux
qui ont été retirés des anciens cimetières de Paris? Nous n'avons pas
assez de détails pour résoudre cette question, que nous soumettons aux
Sùvans belges.
LuxEMBuuBG. — Société d'encouragement four l'instruction élémen-
taire. — Lorsque le jury d'instruction fut établi à Luxembourg, en
1817, il ne tarda pas à s'apercevoir qu'il existait un vice dans l'ensei-
gnement, et que ce vice provenait surtout du défaut d'instruction dans
les instituteurs. Il fonda dès-lois une Ecole normale, de concert avec
MM. les professeurs de l'Atbénée et quelques autres amis du bien public,
qui se chargèrent de donner des Kçons aux personnes qui voudraient se
préparer à l'enseignement. Le premier cours de cette école eut lieu,
en 1818, et il se fit avec un tel succès, il produisit à la fois tant d'avan-
tages et d'émulation, que lu jury ne put se dispenser de recourir à de
plus grands moyens pour entretenir cet utile établissement. 11 provoqua
à cet effet une assemblée des babitans les plus connus par leur atlacbe-
meut à l'inslruclidn publique; et aussitôt il se forma dans le sein de
cette assemblée une Société d'encouragement pour l'instruction élémen-
taire dans le grdnd-duché de Luxembourg. Cette société s'étendit bicn-
tôi sur tous les points de la province; dès le premier mois do son éta-
blissement elle eut un grand nombre de souscripteurs. Elle arrêta bien-
tôt im règlement pour consolider son existence, et depuis, l'Ecole nor-
male n'a fait que prospérer de plus en plus. On y comptait en 1S22
au-de à de 160 élèves. Elle se compose de deux cours, l'un pour les
instituteurs français, l'autre pour les instituteurs allemands. Les ma-
Et R OPE. aôi
tiôrcs de l'enseignement sont les principes de la musique et du chant;
la grummaire, la géog^rapliie , rhisloito , l'écriture, l'arithmétique , la
morale et l'art d'enseigner. On a réuni à ces différens cours des leçons
d^économie rurale et de botanique. Pour conlribucr d'une manière
plus active encore au progrès de l'inslruction élémentaire , le jury a
nommé 160 correspondans, choisis .-.ur les différens points du g.aiid-
duché. Lis correspondans sont chargés de visiter les écoles de toutes
les communes, et de rendre compte d<' leur situation. Du reste, le
jury d'instruction et la Société d'encouragement ne protègent pas ex-
clusivemi'nt tel ou tel mo le d'enseignement ; ils encouragent tc)us les
modes qui ont pour objet d'amener des améliorations, selon les re^sour-
c<'s locales, mais ils éclairent lis inslituteors et les ariministralions com-
munales sur le raeilkur choix à faire parmi ces divers modes. Par exem-
ple, l'enseignement de l'Ecole modèle est un composé de l'enseignement
mutuel et de l'enseignement simultané; et il a pour objet d'offrir ce qui
|>arait le mieux dans l'une et l'autre méthodes. Il n'y a dans h- grand-
duché qu'une seule école où l'enseignement mutuel soit suivi exclusive-
ment , c'est l'Ecole des garçons pauvres de Luxembourg. Celte école
compte, pendiint l'hiver, i5o À 160 élèves, et à peu près la moitié de ce
nombre pendant l'été. Dans les autres parties de la Belj^ique, on ne
s occupe pas avec moins d'actiiité h répandre les lumières dans les der-
niers rangs de la société , et celle heureuse impulsion est surtout secon-
dée parle minisire (M. de Falck) , auquel sont confiées les différentes
branches de l'enseignement. Q.
FRANCE.
Côte-d'()«. — Saktbnai. — Fontaine mincraie d'eau suive. — Il existe
à Saotenai, petit bourg situé au pied de la montagne d'Urseile (i5 ki-
lom. sjd-oucst de Beaune) une source d'eau salée. Celte source est à 5oo
pas de la rive gauche de laDclume, dans un petit pré d'un mauvais
rapport , où elle forme une espèce d'excavation dans laquelle l'eau sé-
journe presque toute l'année. Le rol<'au au bas duqi:el elle coule tran-
quillement, fait partie de celle chaîne de montagnes, plus connues par
les vins exquis qu'elle produit que par ses richesses minérales. Depuis
quelques années , des médecins de Châlons-sur-Saône, et MM. les doc-
leurs Bard , Montot et Masson , de Beaune, ayant c-sayé el obtenu de
bons effets de l'eau de Sanlenai, l'ont conseillée. Le nombre de person-
nes qui eu ont fait usage auguienlaul tous les ans a éveillé l'altenlion
du propriétaire, qui a pensé qu'il pouvait tirer un parti avantageux de
23a EUROPE.
cette fontaine. 11 a fait nétoyer etagrandir le bassin, qu'il a entouré d'une
clôture ; plus de 5oo pcisonnes ont visité ces eaux , en 1822. M. Masson-
Four, pharmacien de Dijon, a été chargé par l'acadétnie des sciences,
de celte ville, dont il est membre, d'aualjser l'eau de Santenai. Son
travail, qui est fort intéressant, est consigné dans le bulletin des tra-
vaux de la Société de pharmacie de Paris. [Journal de 'pharmacie, juil-
let it août 1825 , pag. 559 à Sôg). 11 se termine ainsi : « L'eau de San-
tenai se trouve naturellement classée dans les eaux salines froides et non
gaziuses. Elle doit une grande partie de ses propriétés médicales au
chlorure de sodium et au sulfate de soude, qui sont en assez grande quan-
tité pour être exploités, en cas de b(Soin, d'après les procédés usités en
Franche-Comté et en Lorraine. 11 est probable que cette fontaine tire
son origiiîe d'une mine de sel gemme qu'on découvrira peut-être un
jour dans les environs de Santenai. M. Masson-Four engage le proprié-
taire a tirir parti de ce don de la nature. 11 pense qu'en retenant les
eaux de la nouice dans un bassin assez vaste, elle fournirait de quoi ali-
mente/ des bains qui remplaceraient ceux de mer, en les chauffante
la vapeur, suivant le procédé de M. Valdini. Celte eau, ajoute-t-il , n'é-
prouve aucune décomposition; on augmenterait au besoin son eflBcacité
par l'addition du sullale alcalin, ce qui la rendrait très-ulile dans un
grand nombre d'affections de la peau. 0 B. G.
Aude. — Dessccitement des marais. — Réclamation adressée à la Revue
par un de ses abonnés. — « Votre cahier du mois d'août contient untî er-
reur que Vous me permettrez sans doute de vous fiiire connaître. Eo
rendant (omple de l'ouvrage de M. Julia, sur l'i'ir marécageux, M. B.
dit en note (p. 5o8) : L'auteur aurait pu parier du travail excculé au
corumenccvient du siècle dernier, par lequel on a coynblc l'ctang des
Marseillttlts , vaste murais près de l'Aude, dans le département de ce
nom, etc. — L'étang des Marseillettes n'a pas été comblé; il ne pourrait
pas l'être, et ou ne l'a pas tenté; l'Aude est au-dessous, et le canal du
Midi entre deux. On ne pouvait donc y former des attérissemens ; mais
pluji' urn foi.^ on a essayé de dessécher cet immense réservoir, dont la
superlicie était de près de 6 millions de toises carrées. Les clals du Lan-
guedoc ont plus d'une fois provoqué l'exécution de cette entreprise,
pour laquelle ils ont donné des sommes considérables. M. de Garipuy,
directeur-général des travaux de la province , est le dernier qui s'en soit
occupé avant la révolution, et sans succès; mais depuis, une dame
étrangère, que je crois hollandaise, n'a pas été effrayée des difficultés:
elle est parvenue à dessécher l'étang en pratiquant un canal d'écoule-
ment, pour le passage duquel l'administration du canal a fait construire
EUROPE. •>^5
un aqueduc, qui fail le plus grand honneur à feu M. de l'Espinasse , in-
génieur chargé de la conduite des travaux. Madame a lait élever
un grand nombre de bâlimens d'exploitation, et mis en culture la pres-
que totalité de rétang, dont les produits sont prodigieux. Mais il est à
craindre que, dans les parties supérieures surtout, le manque d'eau ne
nuise beaucoup aux cultures et aux bestiaux , et que la magnifique en-
treprise du dessèchement d'un aussi vaste terrain ne trompe les espé-
rances des intéressés. La voie des attérissemens indiquée par M. B. est
employée depuis longtcms pour diminuer au moins l'étendue de l'étang
de Capeslang , et pour combler l'étang salin situé au-dessous de Narbon-
ne. Quatre canaux dérivés de la livitre d'Aude, ont été construits pour
amener les eaux troubles de cette rivière. C'est aux états du Languedoc
que la province eu a été redevable. J'ignore dans quel état ils sont au-
jourd'hui. J'ai l'honneur, etc. Un abonné du la Revue. »
Sociétés savantes et établissemens d'utilité pnhlique.
Bordeaux (Gironde).— Société royale de médecine. — Séance fuMiquc
</u 3o août iH 20.— La Société avait annoncé , dans son programme de
1821, qu'elle décernerait, dans la séance de ce jour, un prix de la va-
leur de ."Joc fr., à l'auteur du mémoire qui aurait traité, d'une manière
satisfaisante, la question suivante : « Déterminer la nature, le? différen-
ces , les causes , les signes et le traitement de la maladie appelée œdème
des poumons. » —Le mémoire n" 2, écrit avec méthode, offre cependant
plusieurs imperfections dans le style, et la théorie de l'auteur est trop
exclusive. Néanmoins , la Société a reconnu un mérite réel dans ce mé-
moire; elle a décidé qu'en témoignage de sa satisfaction, elle décerne-
rait , dans la séance de ce jour, une médaille d'or de la valeur de ion fr.,
à l'auteur, M. le docteur J. B. Montfalcon, médecin à Lyon. — Cette
question est retirée du concours.— La Société a décerné un jeton d'or de
5o fr. à M. Ladevèse, médecin à Bordeaux, auteur d'un mémoire sur
celle question, qu'elle retire du concours : « Quelles sont les maladies
qui régnent le plus communément dans le département de la Gironde?
En établir les causes, et les moyens de les prévenir.» — La Société pro-
pose 1° un prix de3oo fr., four 1824, à l'auteur du meilleur mémoire sur
cette question : « Existe-t il des maladies dans lesquelles les propriétés
vitales soient lésées seulement, sans altération des tissus organiques?
(]cs maladies peuvent-elles être reconnues et démontrées par des carac-
tères positifs, et confirmées ultérieurement par l'ouverture des cada-
vres? »— 2° Pour 1825, un prix de 5oo fr., à l'auteur du mémoire qui
''3| EUROPE.
résoudra le miiux la question suivanle : « Peut-on se permettre d'injec-
ter des substances médicamenteuses dans le système veineux de l'homme?
Quels sont les laédicamens qu'on peut introduire dans l'économie ani-
male par cette voie? et quelles peuvent èîre les maladies qui exigent ce
mode de médication ? » — Depuis sa dernière séance puLlique la Sociélé
a reçu plusieurs ouvrages, parmi lesquels elle a distingué un mémoire
ayant pour titre : Influence de l'estomac sur la jrroduction de l'apo-
plexie, dont l'auteur est M. le docteur Kichoad, médecin à Strasbourg,
son correspondant.— La Sociélé lui décerne une médaille d'or. Elle ac-
corde une mention honorable, i« à un anonyme, pour son mémoire sur
l'iniantlclde; 2° à M. le docteur Blondcau, médecin à Cadillac , corres-
pondant de la Société de Bordeaux, pour un mémoire sur le Tipluis, ob-
servé dan, les cantons de Cadillac et de Jargon (Gironde) pendant le der-
nier semestre de l'an 1S22 ; 5.» à M. le docteur Montagnon , médecin à.
INîmes, correspondant de la Société, pour un mémoire sur les affections
nerveuses.— La Société a reçu cette année plusieurs tableaux de vaccina-
tions,qui ne lui ont pas parumériter de récompense; elle .-c plaît, cepen-
dant, à louer le zélé de leurs auteurs.— La compagnie promet de décerner
des médailles d'arj^ent aux praticiens de ce département qui, dans le cou-
rant de l'année, lui enverront de nouveaux tableaux , en se conformant
aux conditions suivantes : a Les tableaux dûment légalisés, doivent ren-
fermer le nom , le prénom , l'âge, le sexe, l'état des enfans vaccinés, et
les observations intéressantes à recueillir. » — Les mémoires écrits en
latin ou en français, doivent être envoyés chez M. Dupuch - Lapointe ,
secrétaire-général de la Sociélé, rue des Trois-Conils, n" 9, avant le
i5 juin.
TotLorsK {Haute-Garonne). — Académie royale des sciences, ins-
criptions et belles-lettres. — Prix proposés pour les années 1824, 182.5,
1826.— L'Académie avait proposé pour sujet de prix à adjuger en 182J :
une théorie physico-mathématique des pompes aspirantes et foulantes,
faisant connaître le rapport entre la force motrice employée et /a çîian-
tité d'eau réellement élevée (la liauleur de l'clévation étaiit connue), en
ayant égard à tous les obstacles que la force peut avoir à vaincre. Celte
théorie doit être basée sur des expériences positives, et les formules qui
en seront déduites doivent être faciles à employer dans la pratique. Les
mémoires qur- l'Académie a reçus sur cet objet n'ayant pas entièrement
reinpli les conditions du programme, elle donne encore celte même
question pour le sujet du prix à distribuer en 1826, et elle double la va-
leur de ce prix, lequel consistera ainsi en une médaille d'or de mille
francs.— Elle continue, pour sujet du prix qu'elle doit, donner en 182^,
LUROPE. 2)j
et qui consisltra on une médaille de la valeur de 5oo fiancSj les ques-
tions suivantes: i» Déltriiiinei par des observations comparatives les cas
où l'emploi des sels à base de quinine est aussi avantageux que celui du
quinquina. 2° Désigner les cas où il mérite la préférence.— Elle propose,
pour sujet du ])rix à adjuger en 1S2Ô, la question suivante: Piul-on se
flatter, sans l'étude des langues anciennes, d'être mis au rang des bons
écrivains? El, dans le cas où l'on soutiendrait la négative, l'élude de la
langue latine peut-elle suppléer à l'élude de toute aulie? Le piixsera,
selon l'usage, de Soo francs. Les Sdvans de tous les pays sont invités à
travailler sur les sujels proposés. Les auteurs sont priés d'écrire en fran-
çais ou en lalin. Ils adresseront les lettres et paquets à M. d'Aubuisson
de Voisins, ingénieur en chef des Mines, secrélaire perpétuel de l'Acadé-
mie. Les mémoires ne seront reçus que jusqu'au 1'' mai de chacune des
années pour lesquelles le concours est ouvert.
Cambru {\ord'). — La Sociale d'émulation a proposé , pour sujet du
prix d'éloquence à décerner en i8v4, VÉlopc historique du cardinal
Pierre d' A illi/, évèque de Cambrai au xv^ siècle.— Le sujet du prix de
poésie est laissé au choix des concurrens, et sira décerné à l'ouvrage
inédit de cent à deux cents vers , qui , sous tous les rapports , sera juge
le meilleur. Le prix d'éloquence consistera en une médaille d'or de la
valeur de 200 fr. ; celui de poésie sera une lyre en argeni de même va-
leur. Les ouvrages devront être adressés, avant le r>o juin i824) à M.
Leglay , secrélaire perpétuel.
Lyon {Rhône). —V Académie des sciences de celte ville a décerné
une médaille d'or, de la valeur de 5oo fr., à M. Monialcon , médecin
à Lyon , auteur d'une dissertation sur celte question, mise au concours
en 1822 : De l'influence des cmanations marccai)cuses sur l'organisme.
Ce médecin vient d'obtenir un succès semblable a Bordeaux. ( T'oy.
ci-dessus, pag. 2Ôô}. Dans l'espace de dix mois, M, Moufaleon a reçu
trois prixj deux médailles d'or, et les diplômes de membre des Aca-
démies et Sociétés royides des sciences de Dijon, Mâcon, Nancy^ Bou-
logne, Nantes, de la plupart des Snciélés de médecine de la France,
et lie plufieuis compagnies savantes étrangères. Il est l'un des au-
teurs du Dictionnaire des sciences mcdicalcs , du Journal complé-
mentaire, de la Biographie médicale, et a donné plusieurs articles
à la nouvelle Biographie des contemporains, entre autres les noUces
sur Barthez et sur M. Broussais. — La Société a décerné , à M. Alo-
reau de Jonnés , le prix de :!,ooo fr. qu'elle avait proposé pour le meil-
leur Mémoire sur cette question : « Quels seraient tes meilleurs moyens
à employer, soit dans le rcjime actuel des colonies, soit dans la fonda-
2"6 EUROPE.
tien de cohnîes nonveUes, foxtr rendre ces ctaUissemens ie plusutHes.
à<vxmémes tl uujc nulrojjoles y,> L'Académie propose une médaille
d'or de bvu h., pour une pièce de vers sur le siège de Ljon en 1793,
et un autre m.'<J..ille de la même valeur pour un Mémoire sur celle
qnesiin,. : . Trouver moyen de decreusir comjdctement ia soie sans l'é-
nerver et sans employer le suvon ni aucune autre substuncc alcaline. »
Lis ouvrages devront èlre adressés, franc d.- port, avant le 3o juin 1S24,
a ^;. Mollet, ou à M. Dumas, secrétaires, ou à tout autre membre de
rAeadéinic. y
PARIS.
Institct. — académie des sciences. — Mois de seplemire. — Séance
du i". — M. Turban éciit sur une macliine qui a pour objet de sauver
les personnes renfirmées dans les maisons incendiées. ( Renvoyé aux
commissaires déjà nommés.) — Ou donne lecture d'une lettre de M»'«
Soj.hie Germain, concernant les expériences de M. W-atstone sur les
vibrations des flaques métalliques. (MAI. Fourier el Arago, commis-
saires.) — Au nom d'une commission , M. de Ros:<el fait un rapport con-
cernant Id demande du minisire de l'intérieur, qui a pour objet de con-
naître exactement les distances de Paris à Bastia et a Ajaccio. Les résul-
tats des nouveaux calculs ont di.nné les quantités suivantes : De Paris à
Marseille, 65.77 my.iamèlres (168,7 lieues de 2000'} ; de Paris à Bastia,
87,66 myriamèlres (29.4,9 ''f'^s) ; de Paris a Ajaccio, 91,6 myriamètres
(a35,o lieues) : de Paris à Toulon , 86,5 myriamètres (221,86 lieues) ;
de Toulon à Bastia, par Tolare , ^2,78 myriamètres (81, Sfi lieues) ; de
Toulon à Ajaccio, a6,S myriamètres (6'S82 lieues). Il laut ajouter que
la plus courte durée de la traversée de Toulon à Bastia ou à Ajaceio n'est
pns de 2 jours entiers; la plus longue durée est évaluée à 8 ou 10 jours :
amsi I. terme moyen est de \ ou 5 jours. — M. Dureau Delaraalle, de
l'Académie des inscriptions, lit un Mémoire sur cette question : La
succession atternalivc dans la reproduction des espèces végétales vivan-
tes en société, est-elle une loi de la nature? — M. le général Rlein lit
un Mémoire intitulé : Recherches sur la nature de la courhe décrite par
une corde sonore en vibration , et sur ia détermination de quelques uns
de ses points d'inflexion. (Commissaires déjà no.iimés. ) — M. Giliet-
Laumont lit une note sur la germination particulière des graines de
plwrmium tcnax en France , et sur qu Iques essais des produits de cette
plante. — M. C. Hestiolis lit, en son nom et au nom du docteur Liebig,
un Mémoire sur ia composition chimique- des osscmens fossiku. ( MM.
Vaiiqufjjin et d'Arcei , commissaires.) — M. Ampère communique une
EUROPE. a"^?
addition au Mémoire de M. Foex sur la thcorie des paraUrles. (MM.
Caucby e. Ampère, commissaires.) - On lit un Mémoire de M.Marcel
de Sem-s, intitulé : Observations sur tes ossemens humains duouverts
dans tes crevasses des terYains seeorulaires , et en particulier sur ceux
gue l'on observe dans la caverne de, Durforl, département du Gard.
(MM. Brongniart et Cordier, commissaires.)
_ /),i 8 —M. Chantcau adresse un projcl de canaux de glace, pour
le transport des marchandises pendant l'hiver. ( MM. Prony, Girard et
Frcsnel, commissaircs.)-Un mémoVe de M. Picquet. sous-chel a 1 en-
seignement des ans et métiers de Châlons, est renvoyé à l'examen de
MM. Fresnel , Mathieu et Dupin.-M. Delaplace présente un memoue
sur le flus et le refius de la mer. - M. Poisson donne l'énonce des prm-
cipaus théorème, qui entreront dans un travail qu'il préparc sur le ma-
gnétisme.-M. Cuvier lit un mémoire sur les cétacées fossiles. -M. Ro-
che présente un mémoire destiné à compléter la méthode de., fnax.ma
et des minima. ( MM. Lacroix et Ampère, commissaires.)
— Du i5. — Le ministre de l'inlérieur adresse a l'Académie, les ex-
plications et dessins relatifs au métnoire de géométrie envoyé précé-
demment par M. Allais, secrétaire de l'Académie royale de France, a
Rome. (MM. Ampère etCauchy, commissaires.)-M. Bourgeois adresse
un deuxième mémoire sur les ref rang iUlités diverses de la lumière et
des couleurs, faisant suite d un premier qu'il a présenté le 4 deccm-
tre 1821. ( MM. Biot, Ampère et Fresnel, commissaires.)— M. Boze,
peintre , adresse un mémoire sur une nouvelle manière d'atteler les
chevaux d'une voiture. (MM. Molard et Girar4, commissaires,) -MM.
BBAco^N0x, de Nancy, et Hatcheit, de Londres, sont nomn.es corres,
pondans de la section de chimie.- M. Dulong lit, au nom de M. The-
nard et au sien , une note relative d ta propriété que possèdent quelques
métaux de faciliter la combinaison des fluides élastiques. -M. Arago
annonce que M. Becquerel a commencé à former une table d'affin.té ,
d'après le développement d'électricité, qui se manifeste au moment de la
combinaison des corps. Jusqu'ici ses résultats sont d'accord avec ceux
que les chimistes ont déduits des phénomènes de double décomposition.
_ M. Flourens lit un mémoire concernant <<-« propriétés et les fondions
des diverses parties de la masse cérébrale , et il expose les résultais de*
expériences qu'il a faites sur celte matière. 11 annonce un second mé-
moire, dans lequel il traite de l'action du système nerveux dans les mon-
vemens dits involontaires ou de conservation. — M. Seguin, aîoé, com-
munique l'extrait d'une notice sur les ponts suspendus en fil de fer.
(MM. Prony, Girard , Fresnel et Molard , commissaires.)— M. Laugier
^''^ EUROPE.
m un mén^oire intîlulé : Analyse de la mine d' l rane d^Autun. (MM.
lauqueUn c. Oa^-Lu.,.c, co™,„i.aire..)-M. de Prony fait un rapport
surleM.rno.roae M. Pecqueur, chef dos nrdîers du Coosc-rvn.olre des
an. et meuers , relatif a une mahodc .en^raU de calculer les rouages.
Du .. M. le cl.val.er de Kirkhof adresse son Hygiène .niiitaire
(An.e,s, uS.o), et exprime le désir d'é.re nommd correspondant. Sa
demanoees. renvoyée à la section de médecine. M. Pcrcy est invité
a fa.re un rapport verbal sur son ouvrage. - M. Thénard entretient
Acaden^e des nouvelles expériences qu'il vient de faire avec M. Du-
long concernant i'uction du palladium, du rodiun. , et de l'iridium,
sen^blable a celle du platine sur le gaz hydrogène. Le palladium et le
rod.um rouissent, comme le platine, an contact avec un mélan.e d'hy-
drogea.et doxigène; l'iridium s'échauffe fo.tement, à la température
ordn.a,re; 1 ormi.m chauffé d'avance rougit ; le nikel et le cobalt ne
de.crm.neat la < omb.naison qu'à ÔOo degrés de chaleur environ ; enfin,
le protox.de d'azote est décomposé à froid par le platine spongieux. _
M. Sarrusauressedes recherches sur lemouvcmentdesfluides(MM.Poi.-
soo et Cauchy, commls.ai.es). - M. Serres, médecin à l'hôpital de Ja
Fme, recl.me la p.io.ite de la découverte de l'action croisée du cer-
velet , qu.l a publiée depuis long-tems, et présente un paquet ca-
cheté contenant des expériences sur le même sujet, dont il demande
le dépôt au secrétariat. _ MM. Desfontaines et Mirbel font un rap-
port sur le mémoire de M. Fée, intitulé : Essai sur les erypto.ames
deseeoreesoinanales. . x^..us pensons, dit en terminant le rappjrteur,
que le travail de M. ree est digne de l'approbation de l'Académie.
Si nous n'en proposons pas l'insertion dans le recueil de» savans élran-
ge.s, cest q..'.l est trop volumineux pour y être publié, et que l'au-
teur se prf.[,ose de l'imprimer incessamment. „ _ M\I. Faraday et
STBr,„EYKB sont élus corrcspoudans de la section de chimi,.-U. Can-
chy 1,1 , sur le mémoire de M. Allais , relatif au rapport du diamètre à
la cvreanfercnce, un mémoire d'où il résulte que ce travail ne mérite
pas l'attention de l'Académie. - M. Becquerel lit un mémoire sur l'^f««
de l elcetrtctlè qui se développe pendant les actions chimiques , et sur la
mesure de ces dernières, au moyen des effets électriques auxquels elles
donnent Ueu (MM. Arago, Dulong , et Fresnel , commissaires 1. -
M. ftav.er lit un mémoire sur les ponts suspendus (MM. Pronv.'Mo-
lard , Four.er, Dupin , et Fresnel , commissaires).
- Du 29. - M. le directeur général de l'administration de l'agricul-
ture et du commerce, adresse a l'Académie, une lettre et diverses piè-
ces concernant l'éclairage parle gaz hyd.ogéne carboné. Il invite l'Aca-
EUROPE. i'{)
di-mif à exprimer son avis tur l<s règicmens qu'il convient de prescrire à
ce genre d'industrie. Au nombre des pièces se trouve l'extrait des enquê-
tes faites par cidre du p.ulement bntannique. (MM. Prony, Gay-Lussac,
néion-de-Villerosse, Dulong et d'Arcet, commissaires.)— M. Bordier-
Marcet adresse une notice relative à l'emploi de ses réflecteurs pour l'é-
clairage maritime. — M. Flourens adresse à l'Académie diverses expli-
cations relatives à une réclamation qui s'est élevée au sujet de ses re-
cherches physiologiques. ( Benvoyé à la commission déjà nommée.) —
M. Chevreuse, de Metz, présente un mémoire, intha\é : Bechcrchcs
fhysico-cMmiques sur le charhon. (MM. Chapfal et d'Arcet, commis-
saires.)—M. Ampère l'ail un rapport sur un nouvel instrument présenté
par M. Rollé, construit par M. Qulntenz, et auquel ce dernier a donné
le nom de huscide porlalivc.à l'usage du commerce. Ce rapport demande
et obtient l'approbation de l'Académie, pour cette machine utile et in-
génieuse. — M. Dupin lit , au nom d'une commission, un rapport très-
élendu sur un mémoire relatif aux fonts suspendus fnr des câMcs , dû
à M. l'ingénieur INavier. Ce mémoire est approuvé par l'Académie, de
la manière la plus honorable; et aurait été imprimé dans le recueil des
savans élrancrers , s'il ne l'eût été déjà aux frais du gouvernement. — M.
Latreille lit un rapport sur un mémoire présen'é par M. de Fêrussac, et
dont l'objet était l'examen de diverses coquilles trouvées dans le jN'il
Bleu, et apportées par M. Frédéric Callliaud. Le travail de M. de Férus-
sac est jugé digne de l'approbation de l'Académie. A. M — t.
Académie royale des beaux-arts. ^ Séance annuelle du ^octobre 1820,
■présidée par M. Cartellier. i°La séance a commence par l'exécution de la
scène qui a remporté le deuxième premier grand prix de composition
musicale. 2° On a entendu ensuite une notice historique sur la vie et les
ouvrages de M. Pkybe; par M. Quatbemèhe de Quincv , secrétaire per-
pétuel, ô" Un Rapport sur les ouvrages des pensionnaires du Roi, à l'Aca-
démie de France à Borne, par M. Hcyot. 4° Une notice historique sur la
vie et les ouvrages de M. Bervic ; par IM. Qlatbemkde de Qcincv , secré-
taire perpétuel. 5° Apiès ces lectures, a eu lieu la distribution des grands
prix de peinture, de sculpture, d'architecture, de gravure en médaille
et pierre Cne et de composition musicale. 6° La séance a été terminée
par l'exécution de la scène qui a remporté le premier grand prix de
composition musicale.
Grands pri.v de peinture. — Le sujet donné par l'Académie est : Egis-
the croyant découvrir le corps d'Oreste mort, reconnaît en place celui
de Clvlemntslre. Le premier grand prix a été remporté par M. Au-
guïte-Hiacjate Debaï, natif de Nantes, département de la Loire-Iiifé-
24 o EUROPE.
ricure, âgé de dix-neuf ans, élève de M. Gros. Le deuxième premier
grand prix :. éié remporté par M. François Bocchot , de Paris , à-é de
vingt-trois ans, élève de M. Lelhièrc. Le second <)rand -prix a été "rem-
porté par M. Éloi FiRON, de Paris, âgé de vingt et un an , éiève de M.
Gros. Le deuxième second grand prix a été remporté pai M. Sébastien-
Louis WilLem KoBBLiN, natif de Varsovie, âgé de vingl-sept ans, élève
de M. Regnault.
Sculpture. - L'Académie a donné pour sujet de concours : u La
douleur d'Évandre sur le corps de son fils P.UIas. « — Le premier grand
prix a été remporté par M Augustin-Alexandre Dlmont, de Paris, âgé
devmgt deux ans, élève de son pèreet de M. Cartelueq. Le deuxL
me premier grand prlxa été remporté par M. François-Joseph Dcret,
de Pans, âgé de dix-oeuf ans , élève de M. Bosio. Le second grand prix
a été remporté par M. Jean-Baptiste-Joseph Debav, natif de Kantei, dé-
partement de la Loire-Inférieure, âgé de vingt-un ans, élève de M. Bo-
sio. Le deuxième second grand prix a été remporté par M. Antoine-
Laurent Da«tan, natif de Saiot-Cloud, âgé de vingt-cinq ans, élève
de M. Bosio.
Arcl.i lecture. — Le sujet du concours est le projet d'un hôtel des
Douanes et deiWtroi, dans une capitale, d la réunion de trois grandes
rues et près du principal port de la rivière qui traverse la ville. — Le
premier grand prix ^ été remporté par M. Félix-Jean Dcban, de Paris,
âgé de vingt-cinq ans et demi, élève de M. Debret. Le second grand
prix a été remporté par M. Jean-Louis-Victor Gr.^art, de Pari., âgé de
vingt-six ans, élève de MM. Hnyot et Guénepin. Le deuxième second
grand prix a été remporté par M. Alph, n.e-Henri Gisohs, de Paris,
âgé de vingt-sept ans, élève de M. Percier.
Gravure en médaille et en pierre /îne. - L'Académie a donné pour
sujet du concours : Pdris lâclmnt une flèche dirigée contre le talon d'A-
chille. — L'Académie a jugé qn'il n'y avait pas lieu à décerner de pre-
m,er grand prix ; mais elle a décerné deux second grands prix. Le second
grand prix a été rencporié par M. Joseph-Arsenne Théodore Lefèbre
DeBoeao, de Paris, âgé de vingt-deux ans, élève de MM. Bosio et Gal-
le. Le deuxième second grand prix a ^ié remporté par M. Louis Bbisivet,
de Paris, âgé de vingt-cinq ans, élevé de son père et de M. Bosio.
Composition musicale. - Le sujet du concours a été: i» Un con-
tre-point d la douzic^ne , à deux et à quatre parties ; 2» Un contre-point
quadruple àV octave; o" Une fugue âtrois sujets et d quatre voix; j» Une
cantate composée d'un récitatif abligé , d'un cantahile, d'un récitatif
simple, et terminé par un air de mouvement; S" Thisbk, cantate. Les
EUROPE. ali
paroles sont de M. J.-A. Vinaty. Le -premier grand prix dé lé remporté
par RI. Edouard Boillv, de Paris, â^e du vingt-qualre aci , elcve de M.
Boieldicu, pour la composition, et de M. Félis, pour le coatrc-point.
Le deuxième premier grand prix a été remporté par AI. Louis -Constant
Ermel, natif de Gand , âgé de vingt-trois ans et demi, élève de M. Le
Sueur. Le second grand prix a clé remporté par M. Maximilien-Charlcs
Simon, natif de Metz, département de la iMoselle, âgé de vingt-sis ans,
élève de M. Le Sueur. Le deuxième second grand prix a été remporté
par M. Théodore Lababbb , de Paris, âgé de dix-huit ans, élève de M.
Boieldicu pour la composition, et de M. Félis pour le contre-point.
— L' .académie a arrêté, le i5 septembre 1821 , que les noms de MM.
les élèves de l'Ecole royale et spéciale des beaux-arts qui auront , dans Tan-
née, remporté les médailles des prix fondés par M. le comte deCayluset M.
de Latour, et la médaille dite autrefois du \)x\\ dtparmentat , stioiil procla-
més an nuellemeut à la suite des grands prix, dans la séance publique. Le
prix, pour Ih tête d'expression, a été remporté, eu peinture, par M.
François Bouchot, de Paris, âgé de vingt-trois ans, élève de M. Lelhière.
En sculpture t M. Hippolyte- Isidore-Nicolas Beion, de Paris, âgé de
vingt-cinq ans, élève de M. Bosio , a obtenu une mentioa. Le prix de la
demi- figure peinte 3 été remporté par M. Pierre-Astasie-Théodore Sk\-
TiBs, de Paris, âgé de vingt-deux ans, élève de M, Gros. M. Michel Ma-
EicRY, de Paris , âgé de vingt-huit ans, élevé de M. Gros, a obtenu une
mention. La médaille dite autrefois du prix départemental a été rem-
portée dans l'Ecole d'architecture, par M. Pierre-Frrançois-IIenri La-
BnoesTB le jeune, de Paris, âgé de vingt-un ans et demi, élève de AÏ. Vau-
doyer, et de M. Lebas , architecte du gouvernement. Dans le concours
de paysage historique, la premiire médaille a été remportée par M.
André Giroox , de Paris, âgé de vingt-un ans et demi, élève de son
père. La deuxième mèdaitle a été remportée j)ar M. Louis-Joseph F>b-
fiOBNE, natif de Versailles, âgé de vingt-sept ans, élève de M. Regnaull.
M. Aristide Paillabd, natif de Nantes, âgé de vingt trois ans, élève de
M. Boisselier, a obtenu une mention.
La Société d'agriculture, dans sa séance publique du 6 avril dernier,
a décerné à MM. A. Payen et A, Chevalier une médaille d'or, comme
auteurs d'un mémoire sur la culture raisonnée de sept espèces de pom-
mes de terre. Ce mémoire vient d'être imprimé, et se vend au profit
des pauvres du ii« arrondissement. On y indique les terrains qui con-
viennent à la culture de la pomme de terre, les espèces les plus pro-
ductives, et la quantité d'eau et de matière nutritive qu'elle."! contiennent.
T. XX. — Octobre iSaJ. i6
5'^.j EUROPE.
École royale d'économie rurale et vétérinaire d'Alfort, d Charcnlon,
•prés Paris. — Va dislrlbutioa des prix et des diplômes de cette école a
eu lieu le dimancbe 2G octobre, à deux heures après midi, go as la prési-
dence lie M. Castelbajac, directeur-général de l'agriculture et des haras.
—Huit élèves, de cinq années d'études, ont reçu le diplôme de nudecin
vitcrinaire; vingt-cinq élèves, de trois années d'études, ont obtenu le di-
plôme de marcchai vMrinairc; et onze d'entre eux ont été dés. gués
pour suivre le cours de médecine. —Douze élèves ont été nommés répé-
titeurs des différeus cours dont l'instruction vétérinaire se comi)Ose.—
Enfin, douze prix ont été distribués aux élèves des i'', 2% 5% 4% «--t 5»
années d'études. On a remarqué, parmi les élèves couronnés, un Belge ( t
un Portugais, et parmi les médecins vétérinaires proclamés, un jeune
Saxon.
Bourse générale, au profit des jeunes gens appelée par ta loi sur le re-
crutement.—Oo souscrit pour la classe de ih25 jusqu'au 27 octobre,
ehez M. Maine-Glatlgny, notaire rojal, rue Richelieu, n" 90; et, dans
les départemens, a tous les chel:r-lieux de cantons , d'arrondissemens et
de départemens. ,
Quand une loi, bien que rigoureuse, est cependant nécessaire, toutes
les conceptions qui, sans nuire à son exécution, peuvent en adoucir la »é-
^férité, sont à la fois dans l'intérêt des particuliers et de l'état. Cette con-
sidération fait apprécier l'utilité de l'institution qui a été fondée en 1822,
sous la dénomination de Bourse générale, par M. J. G. Ymberl, ancien
chef de bureau au ministère de la guerre. En voici les èlémrns : La popu-
lationsujete à laloide recrutementest, chaqueannée, d'environ 5oo,ooj.
La loi n'en appelle que 40,000 à entrer dans les rangs de l'armée; mais
tous sont obligés de tirer au sort, et les numéros obtenus désignent le^^
parlans. La Bourse générale piésente à tous un contrat, duquel résulte
la faculté de verser une somme dont le minimum e»t de 5o f., et le maxi-
mum, de 900 f. Ceux que le sort exempte fout l'abandon de leur mise,
au profit de ceux que le sort désigne. Il en résulte, pour ces derniers, un
bénéfice en argent qui leur donne le moyen, soit de se procurer un rem-
plaçant, soit de partir et d'améliorer leur position militaire. Ce qu'il y a
surtout de louable dans la Bourse générale, ce sont les règles et l'ingénieux
mécanisme au moyen desquels la Direction amis les souscripteurs à l'a-
bri de toute inquiétude sur le dépôt et le retour de leurs fonds. Ainsi,
chaque souscripteur verse sa souscription entre les mains d'un notaire;
celui-ci, dans la caisse du receveur-général ou particulier, qui délivre un
mandat sur le trésor royal, à Paris, encaissable seulement par la Banqiu.
de France. Quand la liquidation est établie , le trésor royal , à son tour.
EL^ROPE. u45
délivre des mandats sur les receveurs des finances à l'ordre de cliaque
souscripteur gagnant , de sorte que pas un éru n'est un seul instant l;oii
des caisses publiques. Avant l'expérience de l'année 1822, ceci aurait
pu ne paraître qu'une ingénieuse théorie; mais l'application en a été
pleinement justifiée parl'opération qui a eu lieu, à l'occ.ision de l'avant-
dernier appel : 5,r:j56 souscripteurs sont venus verser diverses sommes ,
dont le total s'est élevé à près de 1.700,000 fr., qui ont été réunis à la
banque de France. En moins d'un mois , la répartition et les retours
ont été effectués en mandats du trésor royal, et le compte nominatif de
cette liquidation a été envoyé à toutes les autorités. La forme en est
telle, que chaque souscripteur est constitué vérificateur des opérations
de la Bourse générale. Ce grand étahli^semcnt appelait nécessairement
la surveillance d'hommes notables. Cette surveillance est confiée à M. le
comte Mathieu-Dumas , a M. le lieutenant-général De France, et à
M. le baron M nrtcltière , dont on reconnaît l'influence dans l'ordre et lu
régularité que, font ressortir les opérations et les comptes de la Bourse
générale.
Exposition ■puUique des jrroduits de l'industrie. — Distribution dts
médailles. — L'exposition de celte année sera plus remarquable par h s
mesures adaiinistiativcs dont elle a été l'objet, que par les chefs-d'œuvre
qu'elle a rais sous les yeux des spectateurs. Elle donnera lieu à des recher-
ches sur la nature des récompenses décernées aux fabricans; on examine-
ra si elles peuvent être conditionnelles ; si pour les mériter et les conser-
ver, il ne suffit pas de se rapprocher de la perfection , et de ne pas rétro-
grader. j\ous nous proposions d'insérer ici la liste des exposans qui ont
obtenu des médailles, ou la confirmation de celit-s qu'ils avaient reçues
aux expositions précédentes; mais cette volumineuse nomenclature de
noms qui se trouve dans le Moniltur ti dans les autres feuilles quotidien-
nes , excéderait de beaucoup les loines qui nous sont prescrites. JNous
sommes donc forcés à ne mettre ici que le nombie des médailles et la dé-
signation des branches d'industne qui les ont reçues, i» Rappel des mé-
dailles d'or. Tissus ,8; — métaux , i5 ; — machines , 1 ; — instrumens
de précision , 1 ; — beaux-arts , 6 ; — poteries , 4 ; — arts chimiques , 3 ;
— arts divers, 5. Total , 45. ^= Mcdailltcs d'or décernées en 1820. Tis-
sus, 5i , — métaux, ifi; — machines , 4 ; — instrumens de précision ,
7 ; — beaux-arts , 6 ; — poteries , 1 ; — arts chimiques , 1 ; arts divers, 3.
Total , 69. = 2° Rappel des médailles d'argent. Tissus , 20 ; — métaux ,
8; — machines, 2 ; — insirunrens de précisions, 4; — beaux-arts, 7 ; —
pvteries, i; — atts chimiques, 8; — arts divers, 7. Total, 60. = Méduil-
.^4', EUROPE.
Ivs d'arjent de i825. Tissus, 49i — métaux, 53; — machloe», 1 1; — ins-
tiuniens de précision , i6; — beaux-arts, 1 1 ; — poteries, 5 ;— arts chi-
miques, 7; — arts divers, ifi. Total i\Q. = liappel des mcdaitUs de
4>ronze, ai. — Médailles de bronze, décernées en iSiô, 245. — Il paraît
que la commission a substitué les médailles aux mentions bouorables, qui
avaient été jusqu'alors le derr.ier degré de récompense.
Culte hébraï<iue. — Réclamation. — Nous recevons encore une lettre
de M. Michel Berr, relaiive à une nouvelle brochure d'un de ses co-reli-
gionnaires , Tsarphali , et dans laquelle on lui reproche d'avoir , dans un
article d'un de nos derniers cahiers consacré à un nouveau calendiier
israélile , parlé avec admiration de la dnte de ce calendrier, qui remonte
à la créiition du monde, et laissé entendre que son existence daterait de
celte époque. Notre collaborateur veut bien se donner la peine de mon-
trer combien cette dernière supposition est absurde, et rappelle que c'est
de la conservation des rnonumens littéraires historiques et religieux du
peuple juif qu'il a piirié comme d'une conservation extraordinaire. Il fait
sentir, eu même tems, combien il est peu raisonnable de vouloir ami-
liorer un culie, une croyance, en attaquant ses principes, et par dis
autorités qui lui sont étrangères ou opposées ; enfui, qu'on a mauvaise
grâce à attaquer les préjugés d'une classe de citoyens dont on n'a jamaia
défendu les droits sociaux et l'existeiice politique. Kous ne parlerons
plus de cette discussion, qui se rapporte à un sujet qui devra être ex-
clusivement traité dans les Annales Israélites , dont nous aurons à ren-
dre un compte sommaire.
Théâtres. — Théâtre- Français. — L'auteur 7n al gr é iui , comédie en-
trois actes et en vers, par M. de Saint-Rkmy (uS octobre). — Le fond
très-léger de celte petite comédie n'exigera pas un long article. Un cer
tain magistrat, nou.nié Merteuil, s'amuse, dans sa maison de Vaugi-
rard , è composer de méchans vers que ses convives admirent , et quoi-
qu'il ne fasse mystère à personne de ce qu'on appelle son talent, il crain-
drait de blesser les convenances, en s'avouant pour l'auteur d'une co-
médie qu'on doit jouer au Théâtre- Français , et qui a été reçue,
apprise, et répétée, sans que personne se doute de qui elle est. Ou
ne sait trop par quelle fanlaisie il se met en tète de céder foule la
gloire qui lui en doit revenir à Saint-Firmin, fils d'un de ses amis, et
qui visite souvent la maison de Vaugirard , séduit par les beaux yeux de
Ja nièce <3e Merteuil bien plus que par les vers du vieux rimeur. Saint-
Firrain , qui, par un malentendu, s'imagine que la main de la nièce se-
ra le piix de sa complaisance, se dévoue, non sans terreur, à la tenoui-
mke dont Merteuil le menace. Pour augmenter l'embarras du pauvre jeu-
EUROPE. 24">
ne h.^mme , un oncle de province lui tombe sur les bra^ , furieux d;.v..it
un neveu apprenii poète; Mvrlcull promcl sa tille à Dcrmance , espè-
ce de parasite qui se moque, en la flattant, delà manie du bonhomme;
et enfin , la pièce tombe avec Iracas. Mais cette chute même arrange les
afifaires de Saint-Firmln ; Mertcuil , touché de la triste posilioD où la
complaisance de ce bon jeune homme l'a mis, avoue qu'il est lui-même
le malencontreux auteur, chasse Dcrmance ,. donne sa nièce à Salnt-Fir-
min, et réconcilie l'oncle et le neveu. —On voit que ce canevas n'est
ni bien neuf, ni d'un grand intérêt. Lj Mclromanic , et le Con7iai!iseur,
de Marmontel, dont le sujet a été reproduit dix fois au tliéâtrc sans suc-
cès, ont débarras-;é l'auteur du soin d'imaginer une fable; mais ses em-
prunts ne l'ont pas enrichi, car il a plutôt gâté qu'embelli ce que lui
ont fourni ses devanciers. Les éternels plaidoyers pour et contre la poé-
sie iont fort insipides ; il n'y a chose au monde sur laquelle on ne puisse
établir une pareille controverse; mais, parce qu'il y a de mauvais poè-
tes, est-ce à dire que personne ne doit être poète? Baliveau est plus con-
séquent et plus plaisaut, lorsqu'il soutient que tout faiseur de vers a le
cerveau fêlé. L'accueil fait à VAutcur tnaUjré lui j)rouve que l'on peut
encore obtenir du succès avec une pièce dont l'intrigue est faible, qui
n'offre point la peinture des mœurs du jour, et où les caractères ne sont
que de pâles ciples de caractères déjà présenlés .'•u théâtre. Le secret
de ce succès est dans un style facile, dans des vers ingénieux et spiriluelle-
incnt tournés , que les acteurs ont tous fait valoir de leur mieux ; de sorte
queM. de Sainl-Remy qui, comme SaintFirmin , n'es! ici qu'un prête-
nom, n'a rien à reprocher au véritable auteur, qui, comme M. Merieuil,
a voulu sacrifier sa gloire aux convenances de son état.
—Second Théâtre- Français.— La Reine de Porlufjat, tragédie en cinq
actes , par M. Firmin Didot ^20 octobre).— Premier Théâtre Français.
— Pierre de Portujai, tragédie en cinq actes, par M. Lucien Arsault
( ai octobre). — C'est une circonstance assez singulière, dans l'histoire
de l'art dramatique , que, précisément un siècle après la représentation
d'une tragédie qui obtint un succès de vogue , et qui a toujours conservé
une place distinguée dans l'estime des connaisseurs, deux poètes se ren-
contrent pour reproduire , en même tems , ce même sujet sur la scène.
La Reine de Portugal, de M. Firmin Didot, jouée a l'Odéon le 20 oc-
tobre; et Pierre de Portugal, de M. Lucien Arnault, représenté, le
lendemain, au premier Théâtre-Français, sont deux tragédies dont,
comme on sait, le sujet est le même que celui de V Incs de Lamolte.
TVlalgré un style faible et décoloré, malgré un 4" acte d'une extrême
fioidcur, Incs produisit toujours, à la représenlnlloD , un efl'el touchant,
245 EUROPE.
grâce à une action ;ntércssaDtcsaj;emcnlcondaite, et à deux actes esce!-
luiis , dont le dernier surtout offie une des situatioas les plus pathétiques
qui soient au lliéâtre. Au moment où le vieux roi, jusqu'alors inflexible, tou-
ché enfin de la soumission et des larmes d'Inès, pardon ne, à h vue des jeunes
enl'aus qui embrassent ses genoux, et consent à bénir l'union de Don Pèdre;
lorsque la joie la plus vive succède à tant d'alarmes, tout-àroup Inès em-
poiscanée tombe dans les bras de l'époux qui vient de lui être rendu, Gedé-
uonement inattendu et pourtant suffisamment préparé, produit un effet
déchirant; et j'avoue que je préfère celte seule situation aux deux piè-
ces nouvelles. Toutefois , cette prédilection ne me rendra point injuste ,
et ne m'empècbera point d'apprécier les beautés qui appartiennent aux
deux nouveaux auteurs, — M. Didot s'est moins éloigné que syn rival de
la pièce de Lamolte; on retrouve chez lui les mêmes personnages et la
même donnée principale; c'est encore ici l'épouse du vieux roi et Ja
marâtre du prince qui persécute Inès, pour venger sa fille dédaignée par
Don Pèdre; mais l'auteur moderne a su jeter plus d'intérêt sur le rôle
«le la jeuae princesse. Toutefois, il n'a pu éviter une certaine monoto-
nie de supplications qui répand sur tout l'ouvrage une froideur à laquelle
il faut encore assigner une autre cause : i'yuteur n'a pas assez ménagé s^n
.-ujet, il l'épuisé, dès la première scène du second acte, avec une prodig.i-
lité qui annonce peu d'habitude du théâtre. Le roi et ia reim.' sont sur le
trône ; toute la cour est assemblée pour recevoir solennelleu:cnl le prince
Vainqueur des Maures; la belle Constance, fille delà reine, éprise d'a-
mour pour le jeune héros , va lui être donnée pour épouse ; Inè-;, cachée
parmi les dames de sa suite, attend en frémissant l'issue de celle fatale
cérémonie; tout-à-coup le prince refuse la main de Constance, et dé-
clare qu'Inès est son épouse, et sera reine de Portugal. Quoique celte
scène ait besoin d'être mieux préparée, elle a produit de l'efiFet, mais aux
dépens de l'effet général de la pièce; car, de cet instant au dénDuement,
l'auteur n'a plus, pour suspendre l'intérêt, qu'une révolte appaisée par
Inès, comme chez Lamotte, et la scène du pardon , qui, nous le répé-
tons, est si prodigieusement inférieure à celle de ce dernier poète. En-
fin, Inès poignardée, à la fin du 4° acte, sous les yeux de la reine, et
par Alvarèi, le sénéchal de cette princesse, offre un spectacle plus
dégoûtant que tragique. Il reste à faire un 5' acte, et Lamotte ne four
nit plus rien à M. Didot; mais l'histoire est là. Elle dit que Don Pèdre,
devenu roi, fit exhumer Inès, la couronna solennellement, et lira de
ses meurtriers une vengeance cruelle. Voici comment l'auteur a mis en
scène cette donnée historique. Au commencement du .V acte, le
EUROPE. 247
vieux roi , qui a pardonné à son fils , abdique la couronne en sa faveur,
et consent à reconnaître l'union secrète qu'il a formée. Au milieu des
transports de sa joie, le prince aperçoit le corps d'Inès, que l'assassin a
jeté dans la coulisse; le poignard, resté dans le sein de la victime, tra-
hit les coupables ; le vieux roi hasarde quelques mots en faveur de
son épouse , et l'auteur , qui l'a placée dans une position humi-
liante et presque ridicule, se hâte de le fairq sortir. Cependant, Don Pè-
dre, après avoir ordonné qu'Inès soit revêtue des habits rojaux , tait ve-
nir la reine et le sénéchal; ils nient froidement leur crime; un rideau
s'ouvre, et l'on voit Inès couronnée et placée sur le trône. Le prince y
monte à côté d'elle ; nouvel interrogatoire des coupables, nouvelle déné-
gation ; on leur cite la loi qui les condamne , et Alvarès est entraîné à la
mort; le prince ordonne à la reine de se retirer auprès de son époux , et
termine la pièce par ce vers, dont l'expression est si simple et le senti-
ment si profondément pathétique:
Le roi vous cuodamnait, mais Inès vous panloiine.
On se figure l'elTet sombre et tragique qu'une pareille situation pouvait
produire entre des mains exercées; M. Didot l'a traitée avec trop peu
d'adresse, pour sauver ce qui pouvait effaroucher notre goût timide et
routinier. En général, l'auteur a quelques idées dramatiques; mais il
ne sait point les mettre en œuvre, et son style n'a point ce charme de
poésie qui fait passer une situation équivoque , ou un caractère qui man-
que de convenance. Le succès de cette pièce a été contesté ; nous ap-
prenons qu'aux représentations suivantes, d'heureuses corrections ont
procuré à la Reine de Portugal un accueil plus favorable. — M. Lucien
Arnault a suivi une roule toute nouvelle; chez lui, Inès n'est pas une
dame d'honneur, mais la fille d'un vieil officier. Elle ignore que son
ëpous est le prince de Portugal, supposition à laquelle on peut repro-
cher quelque invraisemblance, mais qui nous semble fort bien imaginée
pour surprendre l'intérêt et ménager d'heureuses situations. M. L. Ar-
nault a fait en ceci preuve d'imagination et de goût : nous ne saurions
donner le même éloge â l'idée de substituer un ministre à la reine que
nous voyons dans la pièce de Lamotte ; ou du moins, il fallait peindre
ce ministre sous d'autres couleurs. Son acharnement à poursuivre Inès
n'est pas raisonnable, et, ce qui est bien pis, n'est pas dramatique. Il y a
loin d'une pareille conception à celle d'une reine orgueilleuse, blessée
dans ce qu'elle a de plus cher, et dont la fureur est d'autant plus excu-
sable aux yeux des speclateur.s , que sa fille est plus intércssantej et qui
'^4^ EUROPE;
peut <lirc, enfin, comme dans la pièce de Lamotic, en declaranl à Inè»
«jutlle vengerail cruellement Constance dtMaisséc .■
Son afTronl est le mien , sa rivale est la mienne.
Voilà un sentiment qui fait frénnir le spectateur, parce qu'il en est
Irappé ; mais il se soucie fort peu de la froide politique de Paclieco. Une
autre idée qui appartient aussi à l'anteur, c'est de faire mourir le vieux
roi au milieu de la j,<ièce. L'abdication nous semble un moyen mieux
nnaginé. Si Alphonse ct^t mourant, si l'on répète sans cesse que sa fin
est prochaine, le spectateur voit trop ce qui va arriver; et de plus, la
conduite du prince et d'Inc's semble manquer un peu de raison; car,
dans la supposition faite par l'auteur, le seul parti que le bon sens pres-
crive à Inès , c'est de mettre un instant elle et son fils à l'abri de l'o-
rage; demain le prince sera roi, et elle reparaîtra reine de Porliigal.
]\ous avouons aussi que la scène du jugement nous a laissé des doutes
qui nous semblent nuire à l'intérêt. Qu'est-ce que celte loi dont le roi
»'a aucune connaissance? comment peut-elle punir une faute commise
il y a dix ans? comment le mensonge que fait solennellement Inès peut-
il légitimer son fils? comment un désaveu peut-il paralyser l'effet de la
loi? Tout cela nous semble avoir besoin d'être éclairci ; il faut compren-
dre pour être touché. La mère d'Inès est inutile; il n'est pas dans les
convenances dramatiques d'introduire un personnage de cette impor-
tance, pour lui faire juuer un rôle si nul; il nous semble aussi qu'on a
tiré peu de parti de l'enfant. Le dernier acte, consacré tout entier à la
mort d'Inès, nous paraît un peu long, et le dénoûment a trompé l'at-
tente que faisaient concevoir ces beaux vers :
Oni , le sceptre à la main , de la nuit des tombeaux,
Inès, ta sortiras pour juger tes bourreaux.
On voit que M. L. Arnault a craint d'aborder une situation, dans la-
quelle au contraire M. F. Didot s'est jeté sans aucune précaution : c'est
une belle scène qui reste à faire. Pour le style, autant qu'on en peut
jugera une première représentation, il nous semble qu'il a de l'éléva-
tion , de la noblesse, et un éclat auquel on peut reprocher trop d'anli-
thè.-^es et de sentences. Malgré les taches que nous venons de remarquer,
la pièce intéresse assez vivement ; et quoique l'émotion ne soit pas aussi
profonde que pourrait le permettre un aussi beau sujet, l'effet général est
touchant ; on le doit surtout à l'heureuse idée d'avoir suspendu l'intérêt,
en laissant quelque tems Inès dans l'ignorance de sa brillante destinée,
à plusieurs morceaux pathétiques de son rôle, et à celui de D. Pèdrej
EUROPE. 2^0)
pprsminage dessiné avec beaucoup de talent. Le succès éclatant de la
première représentation a été moins brillant) dit-on, aux représenta-
tions suivantes. M. A.
Opkka-Comique. — La Neige, ou ic Nouvel Éçjinard, opéra-comique
en 4 acles, paroles de MM. Spribb cl Germain Dblavigne , musique dr
M. AoBBB — (8 octobre). — On .-ail qu'Emma , fille de Charlemagne ,
éprise d'amour pour Éginard, d'abord page, puis secrélaire du roi, crai-
f^nant que les pas de son amant, empreints .sur la neige, ne fissent dé-
courrir leur intrigue , prit le parti de transporter Eginard dans ses bras,
cl que Cbarlemagne, qui, s'ètant éveillé de bon matin, fut témoin de
cette preuve d'amour, loin de punir les coupables, les unit l'un à l'autre.
Celle aventure a Iburni le sujet du nouvel opéra ; mais le lieu de la
scène et les personnages sont changés. IjC duc de Souabe a promis la
main de sa fille, la princesse Louise, au prince de Neubourg. Un léger
obstacle s'oppose à celle union : la jeune princesse a épousé secrètement
le comte de Linsberg, officier qui s'est distingué à la tète de l'armée.
Celui-ci revient à la cour, au momenl où tout se prépare pour le ma-
riage. Réduit à demander à Louise un entretien secret il ebarge du soin
de remettre sa lettre son rival, le prince de INeubourg lui-tiiême , qui
s'adressait à lui pour le prier de rédiger un billet à la princesse; Lins-
berg, dans la lettre qu'il est censé écrire pour le prince, demande un
rendez-vous pour lui-même. Le troisième acte se passe dans l'apparle-
ment de la princesse, qui attend son époux; mais, au lieu de Lins-
berg, c'est le duc de .Souabe qui parait , <t qui presse sa fille de con-
sentir à l'alliance projetée. A peine s'esl-ii relire, qu'on frappe à la
croisée : Linsberg est venu par le lac glacé qui s'étend jusque soiis les
fenêtres. Ils sont bientôt interrompus par l'arrivée du prince de Neu-
bourg; mais la baronne de Wédel, confidente de la princesse, se charge
de réconduire. Cependant, la neige est tombée à gros flocons. Com-
ment Linsberg traversera-t-il le lac glacé, sans y laisser la trace de ses
pas? Heureusement, on aperçoit un traîneau; Linsberg et la princesse
y prennent place, et la baronne se charge de le diriger. Au qualricuit
acte, un jardinier prie Linsberg de l'introduire auprès du ducj pour lui
révéler un complot. Linsberg , sans se douter qu'il s'agit de son aventure
nouluroe, conscut même à l'avertir, lorsqu'il se servirait de quelque
expression inconvenante. Il est convenu qu'il se taira, chaque fois que
Linsberg toucheri sa collerette ; ce qui produit une scène assez comi-
que, imitée de la Prison d'Edimbourg. Lu duc, enfin instruit de la
vérité, finit par accorder son pardon aux deux amans. La musique, où
l'on retrouve le talent de M. Auber, est quelquefois un peu prétentieuse.
a5o FXROPE.
surtout au premier acte. Le morceau le plus remarquable est un trio du
second acte, ainsi qu'un beau Gnal qui le termine. On pourrait y repro-
cher quelques réminiscences, et surtout une imitation trop marquée de
ta manière de Rossini. A.
Bealï-arts. — Peinture. — Les deux artistes qui ont créé le Diorama
soutiennent l'attention publique par deux moyens tout-puissans : le ta-
lent et la variété. Voici le quatrième tableau qu'ils ontexposé aux regards
des connaisseurs, depuis moins d'un au; et, certes, l'affluencc n'a pas
été moins grande que pour les précédens. Le sujet de ce dernier tableau
est une Fuc intérieure de ta cathédrale de Chartres. Ce monument,
l'un des plus beaux et des plus anciens que possède la France, a éprouvé,
vers 1772, une sorte de mutilation. A celte époque, l'évêque fit exé-
cuter, à l'imitation du cbapitre métropolitain de Paris, des embellisse-
mens qui n'étalent pas d'accord avec le caractère général de l'architec-
ture. Ils eurent lieu principalement dans le chœur, et c'est ce qui a
empêché MM. Boito-v et Dagcebhe d'en faire l'objet de leur tableau,
quoique ce soit ordinairement la partie la plus riche et la plus variée
d'olTcts. Ils ont cherché un point de vue qui donnât une idée plus juste
du caractère général de l'intérieur de cette église, tel qu'il était avant
ces changemens, et ils me paiaissent y avoir parfaitement bien réussi.
Il ont supposé que le spectateur, après avoir suivi une des nefs latérales,
s'était arrêté à l'entrée d'une chapelle placée au chevet de l'église , et
considérait de là l'ensemble du monument. Le premier objet qui at-
tire son attention, c'est une enceinte très -élevée, qui enferme le
choeur. L'architecture de cette enceinte, dans le style que l'on ap-
pelle improprement gothique, est d'une extrême richesse. Elle est
ornée ea dehors, conséquemment du côté du spectateur, de bas -re-
liefs en ronde-bosse, exécutés dans le cours du xvi* siècle. Si l'œil s'é-
lève, il 3uit involontairement le jeu de la lumière dans les voûtes et
les aspects variés et piquans formés par les arceaux en ogives qui cou-
vrent le chœur et la nef qui l'entoure. Lorsqu'il s'abaisse vers le sol, de
nouveaux objets viennent l'occuper : à gauche et à droite, il plonge
dans une partie des chapelles qui terminent l'extrémité principale de
l'église; enfin, des épisodes conformes au caractère du lieu représenté,
viennent compléter l'intérêt et l'illusion : ici, un jeune homme à ge-
noux, faisant face au spectateur, parait plongé dans une profonde mé-
ditation; là, vers la gauche, une foule recueillie vient probablement
adresser ses vœux à l'objet d'une vénération toute particulière, etc.
Le plus bel éloge que l'on puisse faire de ce tal)leau , c'est de dire
que le spectateur croit avoir sous les yeux le monument même qu'il
EUROPF. ?'"
représente; mais , après avoir ain^i payé aux deux arlislcs qui l'ont exé-
ruté le juste tribut d'admiration qui leur est du, j'essaierai cependant
de Jeur faire quelques observations , qui prennent leur source pkiiôl
dans le genre qu'ils ont créé , que dans la manière dont ils le cullivent.
La peinture est un art d'imitalion , sans doute , mais cette imitation n'est
jamais complète au point de fai-e une entière illusion ; c'est parce que le
spectateur reconnaît tout de suite, en voyant uu tableau , qu'il n'a sous
les yeux qu'une imitation de la nature et non pa» la nature elle même,
qu'il ne se fatigue pas de voir un personnage rester constamment dans
la même pose. L'imitation de la nature porte en elle même les motifs du
plaisir qu'elle cause, et ce plaisir disparaît et fait place à une sensation
d'une autre nature, lursque l'illusion est telle que l'imitation cesse d'être
aperçue. Je ne développerai pas davantage ce système, sur lequel je re-
viendrai à l'occasion de l'ouvrage de M. Quatremère de Quincy : De
l'imitation dans les heaux-arti ; ce peu de mots suffit d'ailleurs pour
faire apprérier le mérite démon observation. MM. Bouton et Daguerre,
ainsi que les auteurs de Panoramas, veulent faire plus qu'imiter; ils
veulent mettre la nature même sous les yeux. Dès-lors, ils doivent, ce
semble, éviter d'introduire dans leurs tableaux des figures dont l'immo-
bilité nuit à l'illusion qu'ils se pmposeot de pruluire. J'ai été singuliè-
rement contrarié, dans plusieurs Panoramas, de l'immobilité de cer-
taines figures que le peintre avait représentées dan» des raouvemens
Irèï-animes , et qui, conséquerament, ne pouvaient être quinstan-
l.-més. MM. Bouton et Daguerre ont, en général, évité cet écueil. Dans
la cbapelle de la cathédrale de Caotorbery, les ouvriers sont dans le
moment du repos, ils se livrent au sommeil, et le spectateur n'est pas
étonné qu'ils dorment plus de tems qu'il n'en met lui-même à regar-
der le tableau; mais, dans la vue du port de Brest, le jeune homme
qui tourne le dos et qui regarde le port, commence à attirer l'attention
du spectateur, qui trouve qu'il reste long-tems dans la même posture.
Dans un tableau qui n'est que la réduction de la nature, on introduit
une figure humaine pour servir d'échelle et donner une idée précise
du degré de réduction; mais, puisque c'est la nature même que l'on
a sous les yeux au Diorama , il me semble inutile de mettre des figu-
res; car, elles peuvent nuire à l'illusion, et elles ajoutent peu à l'in-
rérêt. Je ferai maintenant une observation d'une autre nature. Les édifi-
ces considérables produisent, en général, une impression aussi grande,
et peut-être même plus grande, par l'aspect de leur masse que par la
vue de leur disposition intérieure. 11 y a donc tout lieu de croire que
si M.VI. Bouton et Daguerre eussent mis sous les yeux du spectateur la
2'2 FIROPF'.
vue fxiéricurc de IVglise di- Chartres , prisL> de minii're à donner une
idée juste du carnclére srnéral do C(; monument, ce tnbleau eOl excité
j>lns d'intérêt que celui qu'ils oui exposé ; mnis , pour que l'œil pût em-
brasser cette église djti* ses parties les plus iiuportanles, il aurait i'aliu
la mettre sur un plan éloigné. Il est probable que ces arliiles ont é'é
retenus par la difficulté de rendre uac vue, en plein air, qui prête beau-
coup moins à l'dlusion qu'une vue iulérieure, et qu'ils ont craint de uulre
à l'eflot qu'ils voulaient produire-, en faisant occuper leurs premiers plans
par des figures dont il aurait été difficile; de justifier l'immobilité. Je
i-rains que le Diorama ne soit obliu:é de se reuCermer dans un cercle as-
sez étroit. Je finirai celte série de remarques par la suivante. En exami-
nant attentivement le tableau qui donne lieu à cet article, il m'a paru que
les divers objets placés sur les premiers plans, la figure d'homme à ge-
noux, les chaises dispcrséi's çà et là, etc., étaient plus grands que nature.
he monument lui-même parait donc sous des dimensions exagérées? Je
le crois, mais je n'oser:iis l'affirmer. Au reste, je livre ces rétlexioDS aux
auteurs mêmes de ce tableau. Elles doivent leur prouver le soin que j'ai
apporté dans l'examen de leur ouvrage, et je me plais à répéter, en
finissant, que cette production prouve, de nouveau, leur grande ha-
bileté.
— Sculpture. — M. Bosio, premiersrulptcilrdu roi, a récemment termi-
né, et l'on vient d'exposer, dans le grand salon du Louvre, une statue en
inarbre d'Henri IV entant. Ce prince est représenté à l'âge de 12 à i4
ans; son regard est fixe et son altitude ferme. Le costume est celui du
tems. Ld ressemblance a nécessairement quelque chose de hasardé; tou-
tefois, un artiste, tel que M. Bosio, est bien capable de retrouver, au-
tant que cela est possible, dans les traits de l'âge mùr, ce qui appartient
au jeune âge; et d'ailleurs, s'il existe, comme je le crois, quelque |,or-
Irait authentique du prince de Jiavarre enfant, il s'en sera probablement
aidé. Cette statue est un charmant ouvrage. Le fête et les mains, les seu-
les parties nues, sout exécutées avec une finesse de travail extrêmement
remarquable; l'ajustement est disposé avec goût, et l'ensemble, tout en
donnant l'idée d'un enfant résolu, hardi, tel, enfin, qu'il était réelle-
ment, cooser\e toutefois, dans les formes, le sentiment juvénile si difi-
file à exprimer.
— Gravure. — Virgile a raconté, dans son épisode d'Aristée, les mal-
heurs d'Orphée et d'Eurydice. M. Drolliog, peintre distingué de la nou-
velle école, a puisé dans ce touchant récit le sujet d'un tableau qu'il a ex-
p ijé en 1819. Le moineaf choisi pai l'ariislc est relui où l'infortunée Eu-
ELKOPK. '^^"^
rydlcr, sentant que la nIc l'abandonne de nouveau, par rim|..udc.ue d«
»on époux, s'écrie :
Jani que vale: fe.or ingenti circun.data nocte,
Invalidasque ûbi tenUc-ns, lieu .' non tua palmas.
Dixit et ex vculis subito, ceufiimus in aaras
Commiatus tenues, ias^Xà'ii'-'c^^- r •», „- ^
(Gnon. , l'ib. n .
Mercure, armé de son caducéo, enlève duo. ses bras Eurydice expi-
rante, et reconduit son ombre aux enfers. A cette vue, Orphée cxpranc
par le désordre de ses mouvemcns les premières iu^prcssions d'un grand
désespoir; la lyre qui lui avait servi à reconquérir son épouse adorée sur
l'avare Achéron est à ses pieds, désormais inulUe.-U règne une gn.nde
pureté de formes dans ce tableau, qui fait maintenant partie de la gakr.e
du Luxembourg. La figure d'Eurydice est po»ée avec grâce dan. l.s bra.
de Mercure; sa tête renversée exprime bien les seatimens de douleur qu.
ont précédé sa mort, mais la figure d'Orpbée n'est pas également b.en
posée; elle manque de noblesse et d'élégance. La SocUte des a.n,s des
arts a fait graver ce tableau, et c'est M. Garnier qui a été charge de cct.c
entreprise. Je le dis à regret, mais la vérité m'oblige à le dire, cette gra-
vure laisse beaucoup à désirer. Ce jeune artiste , élève de M. Bervic ,
,'est élancé dans la carrière avant de posséder tous les secrets de son art.
Le travail des chairs, et particulièrement des tètes, manque de finesse; H
ne sait pas donner de la transparence à ses ombres; ses contours ne sont
pas toujours purs; mais on voit qu'il a de la main, pour me servir de l ex-
pression technique, et c'est ce qui lui a inspira une confiance temera.r,-.
Dans les premières années de sa fondation, la Société des amis d.s arts
a publié plusieurs planches exécutées par des hommes tiè.-habiles, le!s
que MM. Pachomme, Laugler et MuUer. 11 paraît qu'elle n'apporte plus
le même soin dans le choix des altistes; cependant, elle devrait fa,re at-
tention que le plus grand nombre de ses souscripteurs n'obtient que des
gravures, et il semble qu'avec un revenu annuel de 70 à 80 mdle bancs,
elle pourrait bien employer des hommes d'uu talent distingué. Je fau
cette observation dans l'intérêt de l'art et de la Société elle-même.
_ Lithografhie. — Voxjage m Italie far J. Isabky, en 1822. (Trente
dessins lithographies, format in-folio, papier vclin ; prix, jS francs.-
Le premier besoin d'un artiste qui foule le sol de l'Ilalie, cette terre
classique des arts , favorisée de tous les dons de la nature, c'est de re-
produire, par le moyen de ses crayons, les lieux et les monumens dont
la vue 1-ont transporté. C'est un moy. n de conserver le souven.r de se*
^54 EUROPE.
«■motions. L'éciiraÏD , qui suit la même route, décrit les choses qui l'ont
frappé. Dans celle lutte, où tous deux essaient de parvenir au même
but par des moyens dilTcrens, l'avantage ne reste pas toujours au pein-
tre. Le crayon donne une idée fidèle des lieux ; mais, d'abord, il est im-
puissant pour transmettre l'impression que produit leur masse; ensuite,
le profond silence qui environne les ruines et qui ajoute à leur majes-
té, comme à l'effet qu'elles produisent; les souvenirs que les lieux voi-
sins peuvent faire naître, et qui répandent tant de charmes sur la mé-
ditation , tout cela disparaît. L'écrivain , au contraire , laisse quelque
chose de vague dans ses tableaux ; mais il ébranle l'imagination par
le récit de ce qu'il a éprouvé; il captive davanlage la pensée. L'artisie
et récrivain se complèleni, et devraient toujours marcher ensemble.
RL Isabey n'a roidu devoir son succès qu'à lui seul; c'est le tribut de
son crayon, dépouillé de tout autre secours , qu'il offre au public. Cet
artiste a un véritable talent ; toutes les ressources de la lithographie lui
sont connues : plusieurs ])lyachcs sont vraiment renr,jlies de goût et
d'esprit ; mais celte manière vaporeuse, vague, qu'il semble avoir adop-
tée, et qui convient si bien lorsqu'il s'agit de faire un portr.tit de
femme , devrait être remplacée par ud crayon plus ferme , plus précis,
quand il s'agit de reproduire la statue colossale de Charles Borromée,
le cratère du Vésuve, la vue du château de l'Œuf-, etc. Chaque ville
principale de l'Italie a fourni son contingent , et les treiite dessins
dont se compose cette collection, offrent de la variété, sinon dans la
manière dont ils sont exécutés, au moins dans les obfels qu'ils repré-
sentent. Au reste, le nom seul de M. Lsabey, qui a été si long-tems dans
toutes les bouches, lui a valu un saccès mérité à beaucoup d'égards. —
C'est de son vivant même que M. Phdd'ho» a reçu le nom de Corré(jo
français. La postérité , qui a maintenant commencé pour lui , peut rati-
fier cet éloge. Sans doute son talent n'était pas exempt de défauls: son
dessin n'était pas correct ; les tètes de tous ses personnages avaient en-
tie elles uue constante rcsscinblanee ; mais il avait toujours une couleur
suave et brillanle , et un charme de pinceau que personne ne peut lui
contester: il était peintre, enfin. L'un de ses plus charmans tableaux
est, sans contredit, celui dans lequel il a représenté un dieu jeune et
folâtre, Zéphyre , suspendu à des branches d'arbre, au milieu d'un frais
bocage , effleurant avec le bout de son pied la superficie de l'eau au des-
sus de laquelle il se balance. Ce tableau, qui l'ut extrêmement goûté du
public, appartient à M. de Sommarlva; mais l'auteur a recommencé ce
sujet, dans une plus petite proportion et avec quelques changcmens hier»
entendus. C'est ce dernier petit tableau que M. Gbkvkdoa a lilhograpi.i^
EUROPE. 25)
«tec un lalent très-remarquable, puisqu'il a su se faire oublier, et mett.e
le maître môme sous les yeux des amateurs ( prix , lo fr. sur papier tic
Chine , et 5 fr. sur papier ordinaire). — M. Aibry-le-Comte , qui parait
vouloir associer constamment son nom à celui de son maître, vient de pi. -
blier uneodalhqucvueàmi-ccrj>s, que M. Girodet a exécutée, il y a deux.
à trois ans. Je nai pas vu l'original; mai* le maître se révèlesuffisamment
dans le dessin lithographie, et il est impossible de le méconnaître. Lv
peintre a voulu exprimer ce mélange de senlimens divers qu'éprouvent les
femmes de l'Orient, lorsqu'elles paraisscntdevantcelui qui peut toutoser,
et qu'elles ont encore de la pudeur et de l'innocence. L'odalisque a les yeux
baissés, et le mouvement général de son corps, ainsi que l'expression d..-
son visage , me paraissent rendre d'une manière bien comp'èie l'idée .K^
l'artiste. Il est impossible, au reste, de voir une tête modelée plus (Ine-
menf, les étoffes riches de l'Orient, dont sa tête et ses épaules sont cou-
vertes, ont été rendues par le lithographe avec une extrême habileté ;
enGn , c'est une fort belle estampe, qui a été de suite très-recherchée,
( prix , 10 fr. sur papier de Chine , et 5 Ir. sur papier ordinaire). P. A.
KKCR0L0G.E.-Duc«m;).-La chirurgie française déplore en ce moment
la perte qu\lle vient de faire dans la personne de M. Théodore Ducamf,
docteur en médecine, né à Bordeaux, le lo avril 1792, et mort, a Paris
le 1" avril dernier. Ce jeune médecin était connu par une traduction
d'un ouvrage anglais, sur les désordres de ta respiration, par une réfu-
tation delà doctrine des fiévres^d principalement par un Trailè des ma-
ladies des voies urinaires, contenant le développement de sa méthode
de trailement, applicable au rétrécissement du conduit urétral. . U nom-
bre de malades qu'il avait guéris, prouve assez, dit le rédacteur de la Re-
vue médicale, en faveur des perfectlonnemens apportés à la roélhoic
de la cautérisation, et des nouveaux procédés qu'il a imaginés. . Dan*
une notice nécrologique sur ce médecin, M. le docteur Pasquier ra< orne
un fait que nous ignorions, et que nous rapportons avec plai=ir: . Le suf-
frage de deux praticiens célèbres, MM. Percy et Deseliamps, Oatla, dit-
il, ioBniment le docteur Ducamp; mais un témoignage d'estime qui tou-
cha son cœur, et dont il parlait quelquefois avec attendrissement, c'est
la décision prise par les élèves des hôpitaux de Bordeaux (où il avait
commencé ses éludes) de déposer honorablement dans la salle de garde,
l'ouvrage de leur ancien camarade, avec les instrumens destinés à gué-
rir une des maladies le» plus cruelles de l'homme. » {Mémorial bur-
dclais.)
TABLE DES ARTICLES
CONTENUS
DANS LE CINQUANTE-HIITIÈME CAHIER.
OCTOBRE 1825.
I. MÉMOIRES, NOTICES ET MÉLANGES.
1. Sur le Développement de la civilisation. M. A.. Jullien. p. 5
s. Sur l'Exposilion [)ubli([ue des pioduils de l'indubtrie. Ferry. i5
IL ANALYSES D'OUVRAGES.
s. Précis des événemens militaires, pur le comte Malhicu
Dumas. M. A.— F. 45
■4' Tableaux de l'Histoire pbiloi^ophique du christianisme, par
Charles Coquerel. /t. Mahul. 56
5. Parallèle de la puiss;ince anglaise et russe, par M. de Pradt.
Ch. Dupin, de l'Institut. 65
6. Histoire de la Révolution liclvétique, par M. Kaoul-Uochette.
Lanjuînais , de l'Institut. 91
7. Histoire littéraire d'Italie, continuée par M. Salfi. Chauvet,
8. Histoire de l'Art, par M. d'Agincourt.
Emeric-David , de l'Institut.
9. Essai sur la danse antique et moderne, par M™= Elise Voïart.
Massias. iiÂ
m. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Annonces de c^g ouvrages, français 1 1 étrangers. 1 19
IV. NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTÉRAIRES.
Amérique. — Etats-Unis. — Colombie. — Bogota. 214
Asie. — Calcutta. ai6
Afbiqce. — Sierra-Leone. — Ile de France. 216
Europe. — Iles Britanniques. — Russie. — Pologne. — Suède. — Da-
ncmarck. — Allemagne. — Suisse. — Italie. — Grèce. — Portugal.
— Pavs-Bas. — France. — Paris. 217
REVUE
ENCYCLOPÉDIQUE,
ou
ANALYSES ET ANNONCES RAISONNÉES
DES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUABLES
DANS LA LITTÉRATURTî, LES SCIENCES ET LES AUTS.
I. MÉMOIRES, NOTICES,
LETTRES ET MÉLANGES.
Extrait d'un Rapport sur les matériaux recueillis par
M- Cailliaud , pendant son dernier vojage en Ethio-
pie, par une commission composée de MM. le comte
de Chabrol, QuATREMfeRE de Quixcy , Abel Remusat,
et Letroinne , membres de l'Institut, et désignée par
S. E. le ministre secrétaire-d'état de l'Intérieur.
La conitnission cliargée d'exauiiiier les matériaux recueil-
lis par M. Cailliaud , de Nantes , dans son dernier voyage
en Ethiopie, et de donner un avis sur les moyens les plus con-
venables pour en assurer la prompte publication , a lait une
revue exacte et détaillée de tous les objets qui composent la
collection de ce voyageur, et a reçu de lui tous les renseigne-
mens qu'elle a cru nécessaires pour éclairer sou jugement. Ce
sont les résultats de cet examen qui font l'objet du rapport
qu'elle adresse ù S. E. le minislre de llnlérieur.
T. XX. — Novembre iS-2'5. l'j
a58 RAPPORT SUR L'OUVRAGE
Les circonstances qui ont permis à M. Cailliaucl de remoa-'
ter le cours du Nil , jusqu'à un point plus reculé que ceux où
se sont arrêtés tous les voyageurs qui l'ont précédé dans ces
contrées , sont de nature à ne pouvoir se renouveler de long-
tems. A la faveur de l'expédition qu'Isiuaël Pacha, fils du gou-
verneur d Egypte , fit en Nubie, dans l'année 1821 , M. Cail-
liaud , sur les connaissances duquel on comptait pour la dé-
couverte des mines d'or, a pu suivre l'armée et atteindre avec
elle le terme où elle s'arrêta. Il a eu toutes les facilités néces-
saires pour faire des observations astronomiques, noter la di-
rection des routes , tenir compte des distances , prendre des
vues , dessiner des monumens , lever des plans , copier des
inscriptions ; et , comme il s'était préparé par des études spé-
ciales à ce second voyage , les résultats qu'il en a tirés sont
d'un liaut intérêt pour la géographie , les arts et la connais-
sance de l'antiquité.
Pour apprécier l'importance de ses matériaux géographi-
ques, il faut se rappeler que M. Gau , dont le bel ouvrage sur
les antiquités de la Nubie a ajouté tant de faits nouveaux à ceux
dont l'expédition d'Egypte a procuré l'acquisition , s'est arrêté
sur le Nil , à Ouadi-Halfa , à la hauteur de la seconde cataracte j
que Kobbé , dans le Darfour, à 1 4° de latitude nord , est le lieu
le plus méridional où le voyageur anglais Browne ait pu pé-
nétrer, en l 'jgo ; et que Bruce partant de Sennar et traversant
le désert pour se rendre sur les bords de la mer Rouge , ne
s'est pas élevé au-delà de i3". Or, M. Cailliaud est parvenu
jusqu'au lO* , i5o lieues plus loin que Sennar, et dans la di-
rection de la branche principale du Nil, sur laquelle, par con-
séquent , il a pu recueillir des renseignemens précis et se pro-
curer des notions depuis long-tems désirées des géographes.
Celle partie de sa route est donc entièrement nouvelle , et ne
saurait manquer de fixer l'attention des savans. M. Cailliaud
porail n'avoir rien négligé pour répondre dignement à leur at-
DE M. CAILLULD. 9.59
tenle. Il a teau , peudaut lout son vojage , uq journal exact de
su marche, et marqué avec soia la direction d'après la bous-
sole, et en tenant compte de la déclinaison. Il n'a pas mis
moins d attention à évaluer les distances, en notant la diffé-
rence des journées d'homme, de cheval et de chameau. Indé-
pendamment de cet itinéraire détaillé , plus de cinquante
points ont été relevés astronomiquement par M. Cail'iaud , ou
par sou compagnon, M. Letorzec , et serviront à lier ensem-
ble les ditîérenles parties de la route et à contrôler les énon-
cés des distauces. Les cahiers contenant le journal et les ob-
servations astronomiques ont été mis sous les yeux de la com-
mission , qui pense, qu'après qu'ils auront été vérifiés et sou-
mis de nouveau au calcul , ils pouiront oftrir les élémens d'wne
bonne carte. Cette carte acquerra même un prix particulier,
par la précaution que M. Cailliaud a prise, après avoir re-
cueilli les noms des lieux (lu'il a visités ou dont il a eu connais-
sance, de les faire écrire en arabe par les naturels du pays. La
table de ces noms préviendra bien des incertitudes et des mal-
entendus auxquels donnent souvent lieu les relations des
voyageurs qui ont parcouru des contrées peu connues. L'issue
définitive de l'expédition d'Ismaël Pacha , le massacre d'une
partie de la garde de ce prince par les naturels, la révolte. de
toutes les tribus barbares de la haute Ethiopie, opposeront
désormais d'insurmontables obstacles aux Européens qui vou-
draient pénétrer aussi loin dans le sud , et cette circonstance
augmente encore le prix des renseignemens géographiques
dont on est redevable au voyageur français.
M. Cailliaud a pris soin de recueillir aussi des observations
météorologiques , en notant trois fois par jour l'état du ther-
momètre. Les tables qu'il a formées de cette manière , et dont
la commission a pris connaissance, peuvent, étant rappro-
chées des l'cuseignemens du même genre qui sont épars dans
les autres parties de la relation, donner une juste idée du cli-
ùGo RAPPORT SLR L'OUVRAGE
mal des pays parcourus , lequel paraît différer considérable-
ment de celui des contrées situées plus au nord. On sait qae
M. Caiîliaud s'est occupé de rassembler aussi des plantes, des ■
animaux, et des minéraux , dont la collection aidera à com-
pléter la description pbysique des pays qu'il a visités.
Mais les objets qui ont surtout fixé son attention , et qui ,
dans la direction actuelle des recherches en Europe , excite-
ront peut-être un intérêt plus général , ce sont les monumeus
et les ruines d'édifices antiques , tels que temples , pyramides ,
colosses , bas-reliefs , inscriptions grecques ou hiéiogh'phi-
ques , etc. La limite des pays où l'on supposait qae devaient
se trouver cesprécieux vestiges d'antiouit'S . a successivement
été reculée par les progrès des découvertes. IVlais , nul voya-
geur ne l'avait encore portée si loin que M. Caiîliaud, et l'on
peut à peine se flatter de rien trouver en ce genre au-delà du
terme qu il a atteint. I^e précieux ouvrage de M. Gau sur les
antiquités de la Nubie , ne contient rien ai*-dessns de Ouadi
Halfa , et c'est précisément le point oii commencent les inves-
tigations de M. Caiîliaud. Ainsi , les deux relations se complé-
teront l'une par l'autre ; et eu v joignant le grand ouvrage pu-
blié par la commission d'Egypte, on possédera la série non in-
terrompue et presque complète des monumeus placés dans
la vallée du ISil , depuis les rivages de la Méditerranée jus-
qu'au fond de TÉthiopie. Le nombre de ceux que M. Caiîliaud
a décrits est dVjviron cent; plusieurs se distinguent par des
caractères particuliers, et la comparaison qu'où en peut faire
avec les monumeus de Tî^gypte et de la Nubie inférieure, tou-
cbe à d'importantes questions sur l'histoire des arts et les an-
tiquités. Du nombre des plus remarquables sont les temples
de Naga et de Soieb , les pyramides de Barkal et de Chendy,
lieu où toutes les probabilités se réunissent pour placer la célè-
bre presqu'île de Meroé. Tels sont encore, sous un autre rap-
port , les ruines qui se Ironveut à Soubah , au 1 5'= degré de
DE M. CAILLIAUD. 261
latitude, à rembouchure du Rahad et du fleuve Blanc, le point
le plus méridional où Ton ait trouvé des monuniens antiques ,
et le lieu le plus reculé, suivant toute apparence, où les an-
ciens aient formé des établissemens durables.
La métbode suivie par le voyageur pour représenter les rui-
nes qu'il a explorées , est celle d'un observateur attentif et ju-
dicieux. Il ne s'est point borné à tracer des vues perspectives
prises dans différentes directions, et des élévations des parties
d'édifices qui sont encore debout; il y a joint des plans détail-
lés, où les mesures sont cotées avec le plus grand soin , et ,
quand l'occasion s'en est oiîérle , des dessins particuliers d or-
nemens, des détails de sculpture, des inscriptions liiéroglyplii-
ques, etc. Cette attention scrupuleuse est d'un grand prix aux
yeux des antiquaires et des artistes : elle est un motif de con-
fiance et offre une base solide aux recberclies ultérieures. On
reconnaît, dans les productions du crayon de M. CailliaïKl ,
sinon ce degré d'élégance et de perfection qui caractérise le
dessinateur de profession , au moins ce soin minutieux qui est
une garantie plus sûre d'exactitude et de fidélité. La commis-
sion ayant occasion de comparer quelques dessins de monu-
mens qui ont été pris en Egypte et en Nubie par le voyageur
français d'une part, et par MM. Waddington et Belzoni, de
l'autre , doit déclarer qu elle a remarqué , dans les premiers ,
une supériorité incontestable en ce qui concerne l'expression
du style de l'art égyptien, l'énoncé des mesures et la représen-
tation des détails.
Enfin , la relation de M. Cailliaud,le récit de ses aventures
personnelles et de ses observations journalières , celui de l'ex-
pédition d'Ismaël Pacba dans un pays situé à 4oo lieues au sud
des frontières de l'Egypte , les renseignemens de divers genres
<}ue le voyageur a recueillis sur les mœurs , les productions et
le commerce des vastes contrées où s'est étendue son excursion ,
pourront sans doute assurer à son ouvrage l'estime du public
262 SLR L'OUVRAGE DE M. CAILLAUD.
éclairé, et justifieront la protection que le gouvernement a déjà
accordée à ce zélé et courageux observateur.
Il est donc d une incontestable utilité pour la géographie ,
les sciences historiques , les antiquités et Ihistoire naturelle,
que les matériaux, rassemblés par !\L Cailliaud soient mis au
jour. Il est même à désirer que la publication soit aussi prompte
que possible , pour éviter qu'un A'ovageur français ne soit de-
vancé par des étrangers qui ont pu avoir connaissance d'une
partie des faits qu'il a étudiés, ou parcourir après lui quelques-
unes des contrées qu'il a visitées. La commission ne peut qu'ap-
plaudir aux vues bienveillantes que le ministre a déjà mani-
festées à cet égard. L'intérêt de la science et l'honneur natio-
nal se réunissent pour faire souhaiter que notre compatriote
reçoive la récompense qu'il a méritée par ses travaux , et s'as-
sure , en publiant son ouvrage , l'estime et la considération qui
sont dues à ses efforts (ij. J*.
(i) Trois volumes in-S", accompagnés de i^o planclies, suESront pour
comprendre tous les résultats vraiment neufs et importans que les scien-
ces doivent retirer du voyage de M. Cailliaud.
L'ouvrage dont il est fait mention dans ce Rapport , parait sous le li-
tre de Voyage à Méroe, au fleuve Bianc , au-delà du Fazôgt dans le
midi du royaume de Sennâr, à Syouah et dans cinq autres Oasis; fait
dans les années 1819, 1820, 1821 et 1822, par ?\I. Frédéric Cailliaud ,
de Nantes. Dédié au Roi. Ouvrage publié par l'auteur, rédigé par le
même et par M. Jomard, membre de l'In.-titut royal de France, cor-
respondant de l'Académie des sciences de Berlin, etc.; accompagné de
cartes géographiques et topographiques, de planches représentant les
monumens de ces contrées, avec des détails relatifs à l'état moderne et
à l'histoire naturelle.
Cet ouvrage, dont l'impression est confiée à M. Rignoux , formera
deux volumes de planches, format in-fol., et trois volumes de texte
format in-8<>.
La partie in-folio est divisée en 28 livraisons, de cinq planches cha-
cune.
Le texte in-8° paraîtra sous peu de tems ; il sera orné d'une carie et
203
NOTICE BIOGRAPHIQLE sur Hauv et sur Breguet.
HAUY.
A la séance publique de rAcaclômie des Sciences (le 2 juin
1825), un savant illustre loua dignement l'illustre Haùy : il
rappela les travaux du physicien, du minéralogiste, et sur-
tout ceux du professeur j il raconta la vie simple , pure , mo-
dfste et occupée de l'homme de bien. Dans cette occasion ,
M. Cuvier avait ajouté aux charmes de son style ceux d'une
expression naïve et touchante, parfaitement en harmonie avec
son sujet. Haùy fut un de ces hommes qui apparaissent de loin
en loin pour soutenir notre courage , et nous préserver du
malheur de mépriser la nature humaine. Leur histoire est
plus instructive que celle de certains peuples , des monarques
qui les gouvernèrent, des guerres qu'ils soutinrent, <\cs alter-
natives de succès et de revers dont se composent leurs anna-
les. Les faits de la vie privée nous offrent des leçons mieux ap-
propriées à nos besoins. On y remarque l'heureuse influence
d'un bon naturel, plus précieux que les vertus mêmes, et dont
l'imitation est d'autant plus attrayante, quelle semble plus fa-
cile : on y apprend qu'avec de la persévérance et du travail ,
un esprit juste sans être étendu peut aller aussi loin que le
génie , et rendre aux sciences des services non moins iuipor-
îans. Et même, selon M. Cuvier, le génie ne serait autre chose
qu'un esprit juste et persévérant : cette opinion peut être cou-
de gravures représentant les costumes de différenles peuplades , et com-
prendra : 1° la Relation du Voyaee et rexplicalioo des planches; a° les
Observations astronomiques ei météorologiques, el l'Extrait du journal
de roule; 3° la Description des objets d'histoire naturelle; 4° ^^^ •"f-
scignemens sur le pays de Dinka , situé sur le fleuve Blanc, cl sur les
noirs de Chcloukhs, avec la liste des rois de Sennûr, de Chendi, c*c. ;
5° le Kccit de l'expédition d'Ismaël-Pacha en Kiibie.
On se propose de publier uoiquument un ouvrage de faits et d'obser-
vations : c'est un vaste champ que M. Gailliaud va ouviir aux recherche»
et aux discussions scientifiques.
264 NOTICE
testée. Le mot génie désigne certainement le plus haut degré
de l'inlelllgence humaine, la plus grande puissance de la raé-
moire el de l'imagioalioa jointe à la rapidité de la pensée.
L'homme de génie aperçoit presque au même instant et avec
la même clarté une multitude dohjets dont il saisit les rap-
ports ; au lieu qu ua esprit ordinaire, quelque juste et persé-
vérant qu'il puisse être, ne découvre qu'un horizon plus li-
mite, voit successivement, et laisse échapper ce qui ne peut
être connu que par la comparaison immédiate des deux ex-
trémités d'une longue série d objets ou d idées.
M. Cuvier a distingué, dans Hauy, le savant et riiomme.
Nous aurons souvent à parler du savant , de ses ouvrages, de
la part qu'il eut aux découvertes dont les sciences se sont en-
richies depuis un demi-siècle, de celle qui lui appartient dans
les travaux de ses nombreux disciples : aujourd'hui , nous
n'emprunterons à M. Cuvier que les traits par lesquels il a
dépeint l'éiève, le professeur, l'homme studieux enfermé dans
une prison, l'académicien au comble des honneurs littéraires,
et dans tous les tems , la belle âme d'Haiiy, sa candeur, sa
bienveillance universelle.
René-Just Hauy, chanoine honoraire de Noire - Dame ,
membre de l'Académie des Sciences, et de la plupart de celles
de lEurope, naquit le 28 février 1743, à Saint-Just, petit
bourg du département de l'Oise. Il était le ftére aîné de feu
M. Haûj, si connu comme inventeur d'une méthode d'ins-
truction pour les aveugles nés. Le père de ces deux enfans ,
destinés à reculer les bornes des sciences et de leurs applica-
tions , était un pauvre tisserand , qui , selon toute apparence ,
n'aurait pu donner à ses fds d'autre profession que la sienne,'
SI des personnes généreuses n'étaient venues à son secours (i).
(1) Ce secours n'eût peut-être pas été plus nécessaire au jeune Haiiy,
qu'il ne le îul au géomètre Lambeet , de l'Académie de Berlin. On sait
SUR H AL Y ET SUR BREGUET. 265
11 y avait alors à Saint-Just une abbaye : le jeune Haiiy sui-
vait avec assiduité les cérémonies religieuses, et montrait beau-
coup de goût pour les cbants de TégUse. Il attira ratlention du
prieur, qui le fit venir, Tinlerrogea , et qui , frappé de lin-
tellieence extraordinaire de cet enfant, lui fit donner des le-
cons par quelques-uns de ses religieux. Les progrès de féco-
lier furent si rapides , que ses maîtres engagèrent sa mère à
le conduire à Paris, où il trouverait certainement les moyens
de conliuuer ses éludes. Cette mère courageuse suivit ce con-
seil , malgré des obstacles de toute espèce , et ne put être re-
butée par les maux qu elle eut à supporter dans une grande
ville où elle se trouvait sans ressources. Le premier soulage-
ment qu elle reçut, après une longue attente , fut une place
déniant de cbœurpour son fils, dans une église du quartier
Saint- Antoine. Le jeune Haiiy sut profiter de la seule instruc-
tion qu'il put recevoir dans cet emploi ; il devint bon musi-
cien. Enfin , ses protecteurs lui obtinrent une bourse au col-
lège de Navarre , et c'est à son entrée dans ce collège qu'il
faut fixer le commencement de ses études régulières. Sa con-
duite lui mérita l'esùme et l'attacliement de ses professeurs ;
lorsqu'il cessa dètre écolier, quoique très-jeune encore, ses
maîtres le jugèrent en état de partager leurs travaux. A vingt-
un ans , il fut régent de quatrième , et quelque tems après , il
passa comme régent de seconde au collège du Cardinal I^e-
quc cet tiomme estioardinaire était Gis d'un tailleur, et qu'il exerça , dès
son enfance, la profession de son père; que, privé de ses païens, en-
core dans l'adolescence , avec des frères et des sœurs dont il était le seul
appui, il les nourrissait du produit de son aiguilie, suppléait aux soins
qu'ils auraient reçus d'un père et d'une mère, remplissait tous les de-
voirs de clief de famille, s'acquittait de toulcs les charges du mèn.ige ,
et trouvait encore le tems de cultiver les sciences et les lettres, sans maî-
tres , sans conseils , seul avec ses livres. Il n'est peut-être aucun obsta-
cle que le génie ue puisse surmonter, (N. d. R.)
2G6 jNOTICE
moine. Rien jusqu'alors ne dirigeait sa carrière vers la physique
eiriiistoire naturelle j mais il avait suivi les cours de Brissonau
collège de Navarre, et pris quelque goût pour les expériences
de physique. D un autre côté , parmi les nouveaux confrères
d'Haiiy au collège du Cardinal Lemoine , se trouvait alors
Lhomoud , homme d'un profond savoir, plus pieux et plus
modeste encore qu il n'était savant. Il sVtait borné lui-même
à l'enseignement de la sixième , et n'a composé d'ouvrages
que pour les enfaus ; mais ces ouvrages sont remarquables par
une extrême clarté , et par une simplicité de ton conforme au
caractère de Tauleur, IjC jeune Haiiy devint bientôt l'ami du
respectable Lhomond , et il le choisit pour le directeur de sa
conscience. 11 eut pour lui toute la tendresse d'un fils : il soi-
gnait ses affaires, le soulageait dans ses souffrances, l'accom-
pagnait dans ses promenades. Lhomond aimait à herboriser ;
mais Haiiy n'avait aucune idée de botanique : l'industrieuse
amitié du jeune professeur vint à bout de remplir, en très-
peu de tems , cette lacune dans son instruction, afin d'être
encore plus agréable et plus utile à son ami. A la première
herborisation , il fut en élat de nommer les plantes , d'assigner
leurs caractères botaniques : bientôt il fut au niveau des con-
naissances de son coinpagnon , et dès-lors , tout fut commun
entre eux , jusqu'aux amusemens.
Le collège du Oirdinal Lemoine est près du Jardin des
Plantes ; il était naturel qu'Haiiy s'y promenât souvent. Voyant
im jour la foule d'auditeurs qui se pressaient d'entrer à une
leçon de Daubenlon sur la minéralogie, il voulut entendre
ce professeur, et fut charmé de trouver, dans cette partie de
l'histoire naturelle, des sujets d'études plus analogues encore
que les plantes à son goût pour la physique. La comparaison
de ces deux sortes de productions de la nature fit naître dans
son esprit une suite de réflexions qui préparèrent ses décou-
vertes eu c/v,y/fl//ogr<7^/»'e. Comment, se disait-il, la même
SUR HATJY ET SUR RREGUET. 267
pierre, le même sel se montreut-ils en cubes , en prismes, en
aiguilles , sans que leur composition change dun atome, tan-
dis que la rose a toujours les mêmes pétales, le gland la mê-
me courbure , le cèdre la même hauteur et le même dévelop^
pement? Il était rempli de ces idées, lorsque examinant quel-
ques minéraux chez un de ses amis, M. Dèfratice, maître des
comptes , il eut Theureuse maladresse de laisser tomber un
beau groupe de spath calcaire cristallisé en prismes. Quelques
fragmens détachés du groupe se présentèrent sous Tapparence
d'un cristal nouveau d'une (orme régulière, lisse sur toutes
ses faces : Haiiy découvre avec surprise que cette forme est
précisément celle des cristaux rliomboïdes du spath d'Is-
lande.... Tout est trouve, s'écrie-t-il. ElTeclivement, toute sa
théorie cristal lographique , monument impérissable comme
les vérités géométriques, est fondé sur cette observation; mais,
parce que cette de'couverle était toute géométrique , c'était au
moyen de la géométrie qu'il fallait la compléter et l'exposer :
Haiiv sentit encore en cette occasion que ses éludes avalent
été imparfaites. Il ne se reluita point : 11 apprit ce qu'il fallait
pour continuer ses recherches sur la structure des cristaux ,
inventa des moyens de mesure cl de description, et ce fut seu-
lement alors qu'il osa parler de ses découvertes à son maître,
dont il avait suivi les leçons modestement et en silence. On
pense bien que Daubenton s'empressa d'accueillir et de faire
connaître des travaux si précieux : M. de Laplace , auquel il
en fît part, se hcàta d'encourager l'auteur à les communiquer
à l'Académie des Sciences. Mais il n'était pas facile de déter-
miner le modeste Haiiy à sortir de son heureuse obscurité , à
se montrer au Louvre où rAcadémie tenait al ors ses séances, et
au milieu de cette réonion d'hommes célèbres : c'était un pays
tout-à-'ait étranger pour lui. Il céda pourtant; il se rendit au
Louvre, et s y montra, comme dans une cérémonie ecclé-
siastique , revêtu du costume prescrit par les canons. Il fallut
a68 AOTICE
recourir à j'aulorité d'un docleur de Sorbonne, pour lui per- •
suader qu'il pouvait , en sûreté de conscience, s habiller com-
me les autres ecclésiastiques dccetems. Au reste, il est pro-
bable que l'Académie l'aurait adopté , quelque habit qu'il eût
porté. Le 12 février i'j85 , cette compagnie l'admit, comme
adjoint , dans la classe de botanique.
Tandis qu Haiij poursuivait ses paisibles travaux , la révo-
lution avait éclaté. La Bastille était tombée ; et quelque tems
après , la monarchie avait subi le même sort , sans que le na-
turaliste eût rien changé à l'ordre de ses occupations , ni par-
ticipé au mouvement général. Comme il refusa de prêter ser-
ment à la constitution ecclésiastique de cette époque , il fut
privé de tous ses emplois , et se vit aussi pauvre que dans le
tems où l'emploi d enfant de chœur était l'objet de son ambi-
tion. Cette pauvreté ne le mit pas à couvert de plus grands
dangers. Fort Ignorant de tout ce qui se passait autour de lui,
11 voit un jour son modeste réduit envahi par des hommes qui
lui demandent s'il n'a point d'armes à feu : Je ii'en ai point
d'autres que celle-ci, dit-il en tirant une étincelle de sa ma-
chine électrique. On saisit ses papiers , où il n'v avait que des
calculs mathématiques 5 on culbuta sa collection, qui était sa
seule propriété ; enfin , on fenferma , avec les autres prèlres,
dans le séminaire Salnt-Firmin, qui avait été converti en pri-
son. Cellule pour cellule, il ne se trouvait pas trop mal dans
sa nouvelle habitation. Tranquillisé surtout , en voyant autour
de lui plusieurs de ses amis , il ne songea plus qu'à se faire ap-
porter ses tiroirs, afin de remettre ses cristaux en ordre. Heu-
reusement , il lui restait au-dehors des amis mieux Informés
de ce qui se préparait. L'un de ses élèves , devenu depuis son
collègue , M. Geojfroi de Saint-Hilaire ^ membre de l'Aca-
démie des Sciences , logeait alors au collège du Cardinal Le-
molne. A peine instruit du sort de son maître , il court implo-
rer tous ceux qu'il croit en état de le servir encore ; enlin , on
SUR HALY ET SUR BREGUET. 269
obtient un ordre de délivrance. M. Geoffroy court le porter à
Saint-Firmin ; mais il était tard ; Haiiy était si tranquille , d
se trouvait si bien, que rien ne put le déterminer à sortir le
jour même. Le lendemain, il fallut presque lenlraîner de
force : le surlendemain fut le 2 septembre!
Ce qui est bien remarquable, c est que, depuis les massacres
auxquels Haiiv venait d être soustrait avec tant de bonheur, d
ne fut plus inquiété. Un jour seulement, on le fit comparaître
à la revue de son bataillon ; mais il fut réformé sur-le-champ,
à cause dt sa mauvaise mine. Ce fut à peu près tout ce qu'il
sut , ou du moins tout ce qu il vit de la révolution. Au tems où
la Convention agissait avec plus de violence , elle le nomma
membre de la commission des poids et mesures , et conser-
vateur du cabinet des mines. Lorsque Lavoisier fut arrête ,
que Borda et Delambre furent destitués , I^aiiy seul put écrire
en leur faveur, et il uhéslta point à le faire : lui , prêtre in-
sermenté, remplissant tous les jours les fonctions ecclésiasti-
ques! A une pareille époque, son impunité étonnait encore
plus que son courage.
A !a mort de Daubenton , la voix publique désignait Hauv
pour lui succéder. Cependant , ce fut Dolomieu qui fut nom-
mé (1). Mais, ce savant était alors arrêté , contre le droit des
gens, dans les cachots du gouvernement napolitain : on u a-
valt de lui , pour tout signe de vie , que quelques lignes écri-
tes sur les marges d'un livre , avec un éclat de bols et la fu-
mée de sa lampe , et que ringénieuse humanité d un Anglais
avait su, à force dor, se faire remettre par le geôlier. Ces li-
gnes parlèrent en sa faveur autant que ses ouvrages; et l'un
de ceux qui sollicitèrent le plus vivement pour le faire uom-
(0 M. Cuviei prend ici l'opinion de l'Acad«mie pour la voix publique :
les suffrages du public eussent été en faveur de Dolomieu, peut-être a
cause de l'extrême raodeslie d'IIauj , (N. d. R.)
I
270 NOTICE
mer, ce fnt Hauy. On anrait pu croire que de pareils témoi-
gnages rendus par de tels liommes adouciraient les bourreaux
de Doiouileu : mais combien de gens en pouvoir, lorsqu'une
passion momentanée les aveugle , ne s'in'ormenl pas plus des
sentimens de leurs conîemporains , qu'ils ne prévoient lin-
dignation de la postérité 1 Doiomicu ne sortit de son souter-
rain qu'en vertu d'un article d'un traité de paix, et une mort
prématurée, suite des mauvais traitemeiis qu il avait subis , ne
i-endlt que trop tôt à Haiiy la place à laquelle celui-ci avait si
généreusement renoncé. Depuis ce moment , renseignement
de la minéralogie a pris une vie nouveUe. Les collections ont
été quadruplées , ii v a régné sans cesse un ordre conforme
aux découvertes les plus récentes, et 1 Europe niinéralogi-
que est accourue pour observer tant d'objets si bien exposés ,
et pour entendre un professeur si élégant, si clair, et surtout
si complaisant. Sa bienveillance naturelle se montrait à toute
heure envers ceux qui avaient le désir d'apprendre. Il les ad-
mettait dans son intérieur, leur ouvrait ses collections , et ne
leur refusait aucune explication. Les éludians les plus hum-
bles étaient reçus comme les personnages les plus sa vans et
les plus augustes j car il eut des élèves de tons les rangs.
L'Université, lors de sa fondation , crut shonorer, en pla-
çant le nom d'Haiiy sur la liste de l'une de ses Facultés. Elle
n'en attendait point de leçons , et lui avait donné un adjoint
très-digne de lui , M. Brongniart , aujourd'hui membre de
l'Académie des Sciences, et qui lui a succédé au Muséum
d'histoire naturelle. Mais Haiiy ne voulait pas porter un titre
sans en remplir les devoirs. Il faisait venir chez lui les élèves
de lÉcole Normale ; et dans des conversations aimables et va-
riées , il les initiait k ses secrets. Il reprenait alors sa vie de
collège, jouait presque avec les jeunes gens , et surtout ne les
renvoyait jamais sans une ample collation : ainsi se passaient
ses journées. Devoirs religieux, recherches profondes suivies
SUR IIALY ET SUR BREGUET. 271
sans relâche , actes de bienveillance , surtout envers la jeu-
nesse, voilù ce (jui Toccupait tout entier. Aussi tolérant que
pieux , jamais Topinion des autres n'inilua sur sa conduite en-
vers eux : aussi pieux que fidèle à ses ('tudes , les spéculations
les plus sublimes n'auraient pu !e détourner d'aucune œuvre
prescrite par le rituel 5 du reste, ne mettant aux choses du
monde que le prix qu'elles pouvaient avoir aux yeux d'un
homme pénétré de tels sentimens. Par la nature de ses re-
cherches , les plus belles pierreries du monde ont passé de-
vant ses yeux , et même il en a publié un traité particulier,
sans qu'il y ait vu autre chose que des cristaux. Un degré de
plus ou de moins dans l'angle d'un scliorl ou d'un spath, l'au-
rait , à coup sûr, plus intéressé que tous les trésors des deux
Indes. Et même, si l'on a pu lui reprocher quelque attache-
ment trop vif, c'est celui qu'il montrait pour ses idées sur
cette matière. Il s'y concentrait entièrement; ce n'était pas
sans impatience qu'il s'en voyait détourné par des objections ;
son repos en était troublé. C'était le seul motif qui pût lui faire
oublier sa douceur, sa bienveillance naturelle ; et nous devons
l'avouer, cette disposition n'a pas été sans effet. Mais , dans le
lems même où il payait ce tribut à la. faiblesse humaine, il n'é-
tait occupé que de ce qu'il regardait comme l'intérêt de la
science , et ne .se fâchait que contre les obstacles qui , selon
lui, s'opposaient au triomphe de la vérité.
Tant de services méritaient une récompense. A plusieurs
repiises , notre savant fut pressé de faire connaître ce qu'il dé-
sirait : tous ses vœux se bornèrent à demander qu'on le mît en
état de rassembler sa làmille près de lui , afin qu'il en fût soi-
gné dans ses infirmités et dans sa vieillesse. Son désir fut sa-
tisfait sur-le-champ, au moyen d'une petite place de finance
accordée au mari de sa nièce. Qui croirait qu'une récompense
si bien méritée disparut, à la première réforme, et que les amis
d Ha'ùv ne purent obtenir d'autre réponse à leurs sollicita-
ara NOTICE
lions , si ce n'est qu'il n'y a point de rapport entre les con-
tributions et la cristaliogi'c7pLie (i).
Celte épieuvc ne fut pas la seule que l'illustre savant eut u
supporter. Peu de te;ns après , les lois de finances lui firent
perdre une pension qu'il ne pouvait plus cumuler avec un Irai-
lenient d'activité. Son frère, que Ton avait atfiré en Russie pour
y répandre les moyens d'instruire les aveugles , revint de ce
pays sans qu'aucune des pronjesses qu'on lui avait faites eût
été remplie , et avec une santé tellement délabrée , qu'il tom-
bait entièrement à la cliarge de sa famille. Ce fut ainsi que ,
vers la fin de ses jours, Haiiy se vit ramené bien près de ce
strict nécessaire dont il avait eu plus d'une fois l'expérience.
Sa résignation religieuse fût devenue pour lui un secours in-
dispensable , si ses jeunes parens ne lai eussent caché avec le
plus grand soin l'embarras de ses propres affaires. Plus il per-
dait les moyens de leur témoigner sa reconnaissance , plus ils
redoublaient leur empressement et leurs attentions délicates.
L'amour de ses élèves et le respect de toute l'Europe contri-
buèrent aussi à le consoler. Les hommes instruits, de tous les
rangs , qui arrivaient à Paris , s'empressaient de lui apporter
leurs hommages , et presqu'à la veille de sa mort , nous avons
vu l'héritier d un grand royaume (le prince royal de Dane-
marck) revenir à plusieurs reprises converser près de son
(i) Cette réponse est juste quant au fond, cequi n'empêche pas qu'elle
ne soit très-sotte. Il est certain que ce n'est pas par des emplois qu'il con-
vient de récompenser les savaiis et les gens de lettres , et encore moins
par des places accordées à leurs parens. Les emplois doivent ôlre rem-
plis par ceux qui les exerceront le plus utilement pour la chose publique.
Il y a donc une lacune dans nos institutions : on n'a pas pourvu aux
moyens d'être juste envers les hommes les plus dignes d'estime, dont
les travaux impérissables étendent et enrichissent de plus en plus le do-
maine de la pensée et de l'industrie, procurent tant de nobles jouissan-
ces à leurs contemporains, et en préparent de plus grandes à la posté-
rité. (N. d. R.}
SLR HAUY ET SUR BREGLEÏ. 273
lit, et lui marquer son intérêt dans les termes les plus tou-
cbans. Mais le soutien ie plus réel qui le lortilia dans ces
tems d'épreuve , c'est qu'au milieu de sa gloire et de sa fortu-
ne, il n'avait quitté ni les habitudes de son collège , ni celles
de son village. Les heures de ses repas , de son lever et de son
coucher, ne lurent jamais cliangées ; chaque jour, il faisait à
peu près le même exercice , se promenait dans les mêmes
lieux; et tout en se promenant, sa bienveillance lui faisait
trouver des occupations. Il conduisait les (trangers qu'il voyait
embarrassés; il leur donnait des billets d'entrée dans les col-
lections : beaucoup de gens lui ont dû ces petits agrémens ,
sans se douter de quelle main ils les avaient retus. Son vête-
ment antique, son air simple, son langage d'une modestie ex-
cessive, n'étaient pas propres à le l'aire reconnaître. Lorsqu'il
allait passer quelque tems dans son bourg natal, aucun de ses
anciens voisins n'aurait pu soupçonner qu'il fût devenu un per-
sonnage considérable. Un jour, dans une promenade sur le
boulevart, il rencontra deux anciens soldats qui allaient se bat-
tre: il s'informa du sujet de la querelle, parvint à les réconci-
lier ; et pour bien s'assurer que le débat ne renaîtrait point, il alla
sceller avec eux la paix à la manière des soldats ,-au cabaret.
Les sciences et rhumanilé le perdirent le 3 juin 1822 , à
l'âge de 79 ans. Il n'a laissé à sa famille qu'un seul héritage,
mais magnifique , sa précieuse collection de cristaux que les
dons de presque toute l'Europe , pendant vingt ans , ont mis
au-dessus de toutes celies que l'on a laites jusqu'à présent.
BREGUET.
La vie d'HAUY présente aux moralistes un sujet d'études très-
difficiles. En suivant , avec M. Cuvier, cet homme remarqua-
ble , depuis son enfance jusqu'à la tin de sa carrière, comment
démêler ce qu'il reçut de la nature , et le séparer de ce qui fut
le résultat de l'éducation et des circonstances? Quelques unes
T. XX. — Novembre 1825. 18
3^4 NOTICE
de ses qualités admirables s'aunoacèreut dès ses première»
années; d'autres se développèrent successivement dans des
occasions qui i'ureut peut-être nécessaires à ce développe-
ment el qui manquent trop souvent aux. pluslieureuses dis-
positions naturelles. On ne peut douter que, sans ces occa-
sions, le naturaliste, le cristallograplie ne nous eut point été ré-
vêlé : peut-être même i'audrait-il assigner à d'autres circons-
tances une part dans la nobic simplicité, les mœurs si pures ,
la conduite toujours si digne d'estime , et quelquelbis si tou-
chante , que Ion serait tenté de préférer même au plus pro-
fond savoir et aux plus grandes découvertes.
Bheguf.t ne provoque point de pareilles observations ; sa
vie entière lut selon le cours ordinaire dune nature bien or-
donnée. En le rapprochant d'Hauy , notre intention est d'es-
saver un parallèle que nos lecteurs achèveront. Nous nous
bornerons à faire connaître Thomme, en attendant que nous
avons pu recueillir ce dont les sciences et les arts sont rede-
vables au célèbre mécanicien. Nous aurons alors à rempHr
une tache agréable, vH dont les difficultés sont toutes dans la
chose même , dans la diversité des talens , des services rendus
par Ilaùy aux sciences , et par Breguet aux arls ; dans les
moyens de trouver des termes de comparaison, une sorte de
mesure commune entre le génie qui crée les théories et celui
qui invente ou perfectionne des machines, en leur appliquant
les connaissances acquises. Aujourd'hui, nous allonsseulemeut
comparer l'un à l'autre dejix Ijomnies également estimés pour
leurs qualités morales, portées au plus haut degré ; mais nous
sommes, en cela , beaucoup plus embarrassés , que s'il était
question de les juger comme savans. Nous ne devons pas
oublier que l'un fut un prêtre catholique , lidèle à tous les
devoirs de son" ministère ; cpe l'autre lut prolestant , cl n'eut
k remplir que les devoirs de citoyen. La morale purement
humaine est d'une autre nature que la morale religieuse,
SUR HAUY ET SUR BREGUET. 373
considérée comme partie d'une religion révélée ; et la res-
semblance des effets opérés par Tune et par l'autre , ne suffit
point pour qu'il soit permis d'assimiler les causes. Bre^uet ue
fut pas moins bienveillant qu'Haiiv ; et dans sa position , on
peut affirmer que le mécanicien fit encore plus de bien que le
professeur et recclésiastique. Tous deux goûtèrent les char-
mes des amitiés durables , parce que tous deux en furent éga-
lement dignes. ISous laisserons donc à nos lecteurs le soin d'as-
signer, suivant leurs opinions el leurs affections particulières,
le degré d'estime qui appartient à chacun de ces deux hom-
mes illustres , parmi les contemporains, et dans la postérité.
Breguet, membre de l'Académie des Sciences et du bu-
reau des longitudes, et horloger de la marine, naquit en
Suisse, le 10 janvier 1747- Sa famille, originaire de Picar-
die , avait été forcée , par la révocation de fédit de Nantes, à
chercher une terre hospitalière où elle pût exercer son indus-
trie, sans abandonner ni dissimuler sa croyance religieuse.
Peu après la naissance de Breguet, les affaires de la famille qui
avaient prospéi'é jusqu'alors , commencèrent à décliner.
Quoique le jeune Breguet parût à tous égards un enfant
très-spirituel , il ne réussit point dans ses premières études ,
et ses maîtres concm'ent une très-mauvaise opinion de son in-
telligence. A l'âge de dix ans , il perdit son père ; et sa mère
ne tarda pas à contracter un nouveau mariage avec un hor-
loger. Le beau-père fit sortir le jeune Breguet du collège , où
il perdait son tems , et lui fit commencer l'apprentissage de
l'horlogerie : l'enfant ne se prêta qu'avec une extrême répu-
gnance à ce nouveau travail.
A Tage de quinze ans , Breguet fut conduit à Paris par sou
beau- père , avec sa sœur aînée et leur mère : il fit alors un
apprentissage régulier chez un horloger de Versailles où il fut
placé , et commença véritablement la carrière qu'il a parcou-
rue avec tant d'éclat. Lorsqu'il eut terminé son apprentissage,
276 ISOTICE
lemahreétaitsatisrailcleson élèvcj mais celui-ci ne IVtait point
de lui-même : il se reprochait de n'avoir pas toujours em-
ployé son tems , comme il l'aurait dû pour l'avantage de son
maître , et le pria de lui permettre de continuer à travailler
chez lui , sans salaire, durant trois mois. On pense hien que
ce trait de délicatesse redoubla rattachement du maître pour
cet élève , qui était , à coup siîr, son meilleur ouvrage.
Bientôt après, Breguet perdit sa mère, son beau-père, et
se vit seul avec sa sœur, sans fortune et sans appui. Réduit à '
un travail où son intelligence n'avait aucune part, forcé à le
prolonger, non-seuîemeut afin de pourvoir aux besoins de
sa sœur et aux siens , mais aussi pour trouver le tems de sui-
vre un cours de mathématiques et de compléter son instruc-
tion , sou existence ne lui paraissait point heureuse. Il sentait
que ses facultés intellectuelles étaient suspendues ; il craignait
ou elles n'éprouvassent quelque aitération , ce qui n'arriva
point : ce fut au prix de sa santé qu'il parvint à les conserver.
Le cours de mathématiques que Breguet suivait était celuî
de l'abbé Marie. Le professeur ne tarda pas à distinguer le
jeune horloger dans le grand nombre de ses élèves ; il remiar-
qua sa rare intelligence, et cette extrême bonté qui lui valut
tant et de si dévoués amis. Marie fut de ce nombre : le pro-
fesseur ne fut séparé de son disciple que par les fureurs de la
révolulion. Marie lut contraint de fuir sa pairie ; Breguet se
consolait par l'espoir de revoir bientôt son ami ; mais après un
an, ils furent séparés pour toujours.
Breguet avait surmonté toutes les difficultés de sa position ,
en reculant les bornes de son art. Son établissement était for-
mé , et la renommée commençait à publier son nom. Le duc
d'Orléans , étant h Londres , montrait un jour une montre de
Breguet au célèbre x\rnoid , horloger anglais. Après avoir
bien examiné ce chef-d'œuvre, admiré lemécanisme et icx-
celleute exécution de toutes les pièces , Arnold dit adieu à sa
SLR H AL Y ET SLR BREGLET. 277
femme , et partit sur-le-champ pour la France , exprès pour
faire connaissance avec Tliorloger français. La connaissance
fut ])ientôt faite, et suivie d'une amitié soiide. Lorsqu'Arnolil
quitta Paris pour retouruer en Angleterre, Brcguet lui contia
son fils ; il ne pouvait donner à son npuvel ami un gage plus
touchant de son estime et de son atîeclion. Le jeune homme
travailla deux ans à coté de ce maître habile, et Ton pense bien
<jueni l'un ni rautren'eulà regretter un lems si bien employé.
La révolution devenait de plus en plus orageuse : Breguet
et son fils durent quitter la France ; et ils trouvèrent, dans les
deux partis opposés , des amis qui leur en procurèrent les
moyens. Après denx ans d'absence , ils purent revenir; mais
leur établissement n'existait plus ; il fallut en recommencer un
nouveau , ce qui ne fut point difficile. Le père et le fils avaient
mis à profit ces deux années d'exil et de retraite : forcés par
un ami riche et généreux (M. Disnay Ffvtche) à vivre sur un
portefeuillr- qu il leur remit, ils s'étaient livrés exclusivement
à des recherches , et revinrent après avoir considérablement
augmenté le fonds précieux de leurs connaissances. ( e fut avec
tous ces moyens de succès qu'ils se l'cmirent au travail. Le
reste de la carrière de Breguet fut une succession continue de
jours heureux et bien employés, soit pour Ihamanité, soit
pour les arts. Tant de services , des qualités si émiuentes ob-
tinrent enfin des récompenses bien méritées : Breguet fut
nommé successivement horloger de la marine , membre du
bureau des longitudes , et enfin, membre de l'Institut.
Lorsque la mort vint le frapper (le 17 septembre iSaS) ,
il travaillait à un grand ouvrage sur Ihorlogerie, on toutes ses
découverlesseront consignées. Ce précieuxti'avail ne sera point
perdu : son fils s'est chargé de le completter et de le publier.
La fin de Breguet rappelle celle d'Euler : il s'éteignit comme
lui, en quelques instans , et sans éprouver ni les approches
ni les douleurs de la mort : après une vie digne de servir
278 NOTICE SUR HALY ET SUR BREGUET.
d'exemple , on peut dire qu'il avait quelques droits à une
mort aussi douce.
Un de ses amis dépeint ainsi l'iieureux caractère de Bre-
guet : (( Il ne l'ut point ce que certaines gens entendent par un
homme ci' tsprit , ce?,\.-k-d^\ve^ que sa conversation ne brillait
point par des saillies. Sa volonté , ses paroles et ses actions
étaient toujours en harmonie : la raison l'arrêtait , au monienl
où la sensibilité l'aurait entraîné ; ce qui lui donnait un grand
calme , et une physionomie qui exprimait si bien la sagesse et
la bonté. Il voyait tout en beau , ses ouvrages exceptes. Tou-
jours peu satisfait de lui-même , il fut long-tems célèbre , sans
le soupçonner le moins du monde, et il fallut que des étrangers
lui apprissent qu il jouissait d'une grande réputation dans toute
l Europe. Aux défauts de ses amis, il opposait leurs bonnes
qualités , et le bien qu'ils avaient fait, de sorte que la part du
bien se trouvait toujours la plus forte 5 il ne pouvait croire que
cela pût être autrement. Il s'affligeait des dissensions entre les
hommes de mérite, des effets de la jalousie, et des passions
haineuses : il ne pouvait concevoir ces écarts de la raison ,
car l'injustice n'était pour lui qu'une absurdité. Son esprit
droit et son bon cœur souffraient également, lorsqu'il était
témoin de ces troubles, malheureusement trop fréquens dans
la républif|ue des lettres.
» Quoique réellement philantrope, il n'était pas ce que roi>
appelle ïami de tout le monde : quoique sou abord fût tou-
jours plein de bienveillance , et que sa figure exprimât par-
faitement bien la candeur de sou àme , il avait, en accueillant
ses amis , une expression plus affectueuse, caressante , indéfi-
nissable. Aussi bon , mais plus sensible que le bon La Fon-
taine; modeste par sentiment de la perfection dans les arts,
louant plus les travaux des autres que les siens propres ; gé-
néreux lorsqu'il crovait n'être que juste; voilà quel fut noti"e
ami. » F.— M. A.— T.
II. ANALYSES D'OUVRAGES
SCIENCES PHYSIQUES.
Chimie appliquée a l'agriculture , par M. le comte
Chaptal , pair de France , membre de l'Académie
des Sciences , etc. ( i )
On se rappelle avec reconnaissance que l'art de faire le
via, la fabrication du sucre de betteraves, et d'autres bran-
cbes de réconomie rurale , ont été l'objet des reclierclics
chimiques de M. Chaptal , et que l'industrie agricole lui est
redevable , pour les travaux de cette nature , de procédés
sûrs, rédiç;és avec clarté et précision. On est surpris que ce
savant n'ait pas été le premier à parcourir , dans toute son
étendue , nue carrière où bien peu de concurrens auraient
pu l'atteindre. Ou s'étonne aussi que, dans l'ouvrage qu'il
publie aujourd'hui , après M. II. Davy, il ne dise rien de sou
illustre devancier. Quoiqu'il en soit, le travail du chimiste
français ne peut être dépourvu d une sorte de nouveauté : le
ohimiste anglais n'a pu faire l'application de ses préceptes à
notre sol et à ses produits , au lieu que M. Chaptal en a fait
l'objet du second tome de son ouvrage. Cependant , on y re-
marque avec regret des lacunes assez importantes. Ainsi , par
exemple , la question du rouissage du chanvre n'est pas étran-
gère à la chimie, et M. Chaptal n'en parie point. Puisqu il a
jugé convenable d'exposer les moyens d'assainir les habita-
tions rurales , tant poiu- les cultivateurs que pour les animaux,
(i) Paris, 1825. Deux vol. in-S". M°" IluzarJ , rue de l'Épeion,^
II» 7; prix, 12 fr., et i5 fr.
28o SCIENCES PHYSIQUES.
n'aurait-il pas tien uiérilé d'une partie de la France en trai-
tant aussi des précautions à prendre pour conserver la santé
des vers à soie, et en indiquant les remèdes propres à guérir
quelques- uues de knrs maladies? Mais , avant d'examiner ce
qui aurait pu compléter ce traité de cliimie appliquée à l'agri-
citllure , vovous ce qu il contient.
I/auteur commence par un Discours préUminairc très-
bien fait, et plein de vérités, dont quelques-unes éprouve-
ront de violentes contradictions. Ce n'est p;is sans fondement
que nous caractérisons ainsi les attaques auxquelles ]M. Cliap-
tal doit s'attendre : la violence est l'auxiliaire que les passions
appellent le plus souvent au secours de leurs mauvais raison-
neraeus. Notre auteur , quoique grand propriétaire, ose par-
ler en faveur des petites propriétés. Il rappelle aux législateurs
et aux hommes d'état , deux grands exemples quils ne de-
vraient jamais perdre de vue : l'Angleterre , où presque tou-
tes les terres sont entre les mains de 23,000 familles, sup-
porte une taxe de 5oo millions pour donner du pain aux pro-
létaires 5 l'Espagne, où la noblesse et le clergé possédaient
aussi presque tout le sol , tandis que des foules de mcndians
assiégeaient sans cesse les portes des châteaux et des couvens.
«Veut-on, dit IM. Chaplal, élever le caractère national.)
veut-oii améliorer les mœurs et former de bons citoyens?
veut-on augmenter la production? que l'on respecte la petite
propriété. »
Beaucoup d'autres vérités, soit d'administration publique,
soit d'économie rurale, sont exposées, dans ce discours pré-
liminaire, avec une force de raisonnement qui portera la
conviction dans tous les esprits non prévenus. Cependaut , la
première phrase qu'on y lit est peut-être une erreur ; examl-
nous-la , non pour la combattre, mais pour en restreindre le
sens dans ses véritables limites.
« Sau> lagricullure, les hommes vivraient errans sur le
SCIENCES PHYSIQUES. 2B1
-loLe, se disputant les dépouilles des animaux et quelques
Iruits sauvages ; on ne connaîtrait ni société ni patrie. »
On trouve celte pensée dans le Discours de Rousseau , sur
l'origine de rinégalité des conditions. Mais, comme cette
question ne peut être décidée que par des faits , on peut op-
poser à Jean-Jacques et à M. Chaptal ,' Texemple de quel-
ques peuplades de l'Asie centrale, qui no cultivent point et
qui forment néanmoins une société, même assez avancée
dans la civilisation ; et si quelques hommes de ces contrées
ont été jetés loin de leurs hordes et de leur pays natal , qu'on
les Interroge, et qu'on dise ensuite qu'ils nont pas le senti-
ment de la patrie ! Il n'en est pas moins vrai que ragrlcuîtuie
avait seule le pouvoir de fortitier le lien social, de mettre les
hommes dans un état d'aisance et de stabilité qui leur permît
de développer leurs facultés intellectuelles , et de créer les
arts qui supposent une intelligence exercée et de l instruction.
Quant aux notions ei au sentiment de la patrie, gardons-nous
d'associer à ces nobles idées des considérations qui leur soient
étrangères. C'est dans la sublime conception dune patrie f{ue
l'on peut contempler l'âme humaine tout entière , et dans
toute sa beauté ; on y trouve réunis tous les rapports entre des
• êtres intelligens et sensibles , les lois qui sont l'expression de
ces rapports, les vertus qui suppléent à ce que les lois n'ont
point prescrit. Tout eu reconnaissant les bienfaits immenses
que l'agriculture a répandus sur la société, on ne lui accor-
dera point l'honneur d'avoir eu quelque part à une inslitulion
toute morale , indépendante du territoire , de son étendue et
de ses produits.
M. Chaptal a divisé son ouvrage eu dix-huit chapitres,
dont les sept premiers sont une application des connaissances
chimiques aux phénomènes généraux de la végétation , à
l'analyse des terres végétales , à la théorie des engrais , etc.
Ces matières importantes sont traitées dans le premier volu-
282 SCIENCES PHYSIQUES.
me, que Tauteur a lermiiié par ua cliapitre beaucoup trop
court, et dont le titre semble promettre ce qui eût peut-être
exigé tout un volume ; c'est le Tabltau des produits de l'a-
griculture française. Ce tableau n'excède pas retendue de
deux, pages. Il est vrai que M. Cbaptal renvoie les lecteurs à
son Traité sur l' industrie française . Mais dans ce traité qui ,
d'après sou titre, devrait être une véritable encyclopédie in-
dusti'ielle , l'agriculture occupe moins de place que dans un
ouvrage qui lui serait consacré spécialement. Le lecteur n'y
trouvera donc point l'instruction qu'il s'attendait à recueillir
dans le dernier cbapitre de la Chimie appliquée à l'agricul-
ture. Il eût peut-être mieux valu ne point imprimer ce cba-
pitre , puisque, à la rigueur, il n'était pas nécessaire à l'en-
semble de l'ouvrage.
Il semble que M. Cbaptal donne quelquefois trop d'exten-
sion à quelques mots, ou à quelques idées. Ainsi , par exein-
ple , si l'on désigne , comme lui , par le mot engrais « toutes
les substances qui , confiées au sol ou existant dans l'atmos-
pbère, peuvent être portées dans les organes du végétal, et
servir à la nutrition ou à la végétation, » les idées seront plu-
tôt confondues que généralisées; elles perdront en clarté l é-
quivalent au moins de ce qu'elles auront pu gagner en pro-
fondeur. Il est vrai que l'auteur renonce promptement à cette
généralité peu instructive, et qu'il divise les engrais en nu-
tritifs et siimulans : mais , pour des fonctions aussi diverses ,
convenait-il de désigner les agcns par le même mol? Si les
agronomes, qui n'étaient pas assez instruits en chimie, ont
commis cette faute de nomenclature et de méthode, c'est au
chimiste qu'appartenait le droit de la faire disparaître.
Au sujet de l'emploi du plâtre comme engrais des prairies
, artincielles, notre auteur rapporte une anecdote digne d'être
connue. Durant son séjour à Paris , Franklin fut témoin des
eflets prodigieux opérés par cet engrais; et, à sou retour eu
SCIENCES PHYSIQUES. 283
Amérique , il se chargea d'une bonne provision de plâtre de
Paris. Afin de répandre plus proinptemeut et plus utilement
ce nouveau procédé de culture , il cljoisit une luzerne près
d'une grande route aux environs de Washington, et il y écri-
vit en grands caractères formés par la poussière du plâtre:
Ceci a été plâtré. Ces caractères se montrèrent couverts
d'une végétation si magnifique, que la méthode fut adoptée
et répandue rapidement. Ce mode d'instruction, imaginé par
Franklin, peut recevoir beaucoup d'autres applications.
Les lecteurs habitués à la marche régulière des sciences
exactes , éprouveront d'abord quelque peine à suivre celle de
M. Chaptal; qu'ils ne se rebutent point. Il est vrai que Tor-
dre naturel des faiis et des idées paraît quelquefois interverti ;
que l'on eût désiré trouver, dès les premières pages , une ins-
truction qu'il faut aller chercher plus loin ; que l'auteur ,
forcé de revenir sur ses pas , contrarie de tems en tems la
pensée du lecteur, toujours dirigée en avant. Mais il faut con-
sidérer que l'agriculture est un art extrêmement compliqué.
L'application d'une science aux objets si nombreux et si di-
vers que cet art embrasse , ne peut suivre exactement la mé-
thode des théories 5 quelques répétitions y sont inévitables.
M. Chaptal l'a bien senti , et dans son discours préliminaire,
il eu prévient ses lecteurs. Cependant les chapitres VI et VII,
sur les amendemens du sol et sur les assoltmens , sont re-
marquables par l'ordre qui y règne , surtout dans celui des
assolemens. L'auteur y fait le résumé des doctrines et des
préceptes qu'il a exposés dans les chapitres précédens, et il
en déduit cinq principes généraux, sur lesquels tous les agro-
nomes instruits ont fondé la doctrine des assolemens. Eu rap-
portant plusieurs exemples de cultures successives ou rota-
tions de récoltes, M. Chaptal ne se borne pas toujours aux
observations chimiques j il leur associe quelques faits d'une
284 SCIENCES PHYSIQUES.
autre nature , tel que celui qu'il rapporte dans les termes
suivans.
a Dans un voyage que je fis avec Napoléon dans la Belgi-
que , je l'entendis témoigner sa surprise à un conseil de dé-
partement, de ce qu'il venait de parcourir une vaste étendue
de terrain en bruyères. Il lui fut répondu : Donnez-nous un
canal pour y porter nos engrais et en extraire nos produits,
et en cinq ans ce pays stérile sera couvert de récoltes. Le
canal fut exécuté tout de suite , et la promesse des habitans
réalisée eu moins de tenis qu ils n'en avaient demandé, »
L'auteur aftlnne qu'un bon système d'assolement oliange
tellement les propriétés d'un terrain , que l'on peut réussir à
cultiver les plantes les plus délicates et le pins exigeantes dans
un sol naturellement stérile. Les sables arides d'une grande
partie de la Belgique, et plusieurs terres d'ailuvion près de
nos grandes rivières , offrent (\.es exemples de cette heureuse
transformation. Ce sont les assolemens qui règlent le sort de
l'agriculture j lorsqu'ils sont bleu raisonnes , ils garantissent
une prospérité durable.
Le second volume de l'ouvrage de M. Ciiaptal ne fait pas
désirer, autant que le premier, un ordre plus lucide et plus
facile à suivre, soit que l'auteur ail médité plus long-tems
les différens sujets qu il y traite, soit parce que les applica-
tions y ont un objet déterminé, circonscrit, et que , par con-
séquent, elles ne forment point un ensemble dont l'esprit
étudie les proportions, après avoir considéré séparément
chacune de ses parties.
Le chapitre IX expose la nature et les usages des produits
de la végétation : la physiologie végétale en réclame une
partie , et le reste est tout entier dans le domaine de la chi-
mie. Le chapitre X est réellement une application des con-
naissances rh indiques à la conservation des substances anima-
SCIENCES PHYSIQUES. aSS
les et végptales : quelques procédés nouveaux n'y sont point
décrils. Le chapitre suivant traite du lait et de ses produits.
Viennent ensuite des extraits des excellens Mémoires de l'au-
teui- sur la fermentation et la distillation , et le chapitre XIV,
où il expose les movens de préparer des boissons saines , à
l'usage des habitans de la campagne.
Le chapitre XV sera trouvé bien court, si l'on compare
le nombre de ses pages à l'importance du sujet : il s'agit des
habitations rurales, tant pour les hommes que pour les ani-
maux , et des moyens de les assainir. Les trois chapitres sui-
vans sont des extraits des mémoires publiés à différentes épo-
ques par l'auteur sur les lessives économiques, sur la culture
du pastel et l'extraction de l'indigo , sur la culture de la bette-
rave, la fabrication du sucre et la distillation des mélasses.
M. Chaptal termine son ouvrage par le calcul des dépenses
et des produits d'une sucrerie , et arrive à ce résultat : « Si
l'on parvenait à fabriquer assez de sucre de betterave pour la
consommation de la France, on aurait doté l'agriculture d'une
valeur de plus de 80 millions par an. » Il avertit (|ue , pour
faire prospérer les établlssemens de sucre de betterave , il faut
nécessairement les lier à une exploitation rurale ; que cette
fabrication est mal placée dans les villes, où elle est, d'ailleurs,
fort incommode pour les voisins : Il pense que , pour cncou-
raeer à la fois les sucreries coloniales et celles de l'intérieur,
il conviendrait de prohiber l'importation des sucres étrangers
et de réserver le sucre des colonies pour les ventes à l'étran-
ger. L'autorité de M. Chaptal , comme savant, comme ma-
nufacturier et comme homme d'état , est certainement dun
très-grand poids; mais le régime des prolilbltlons se pré-
sente avec tant de défaveur, et les questions relatives aux co-
lonies sont si obscures , que l'on craint de les aborder, même
à la suite des meilleurs guides.
Les doctrines agricoles de M. Chaptal sont iacoulesta])lcs;
^86 SCIEiSCES PHYSIQUES,
les préceptes qu'il donne dans cet ouvrage ont reçu la sanc-
tion du tems eldelexpérience; mais il n'a pas fait toutes les
applicatioDS de la chimie à l'agriculture : il lui sera facile d'a-
jouter un troisième volume aux deux qu il vient de consacrer
à ce grand art , hommage également honorable pour celui
qui le fait, et pour la profession qui le reçoit. Rien ne fait
concevoir une plus haute idée de l'agriculture que l'énumé-
ratiou des sciences qui lui apportent, pour ainsi dire, leur
tribut. Les Cliaptal et les Davy acquittent celui de la chimie;
le naturaliste s'eu occupe dans ses excursions lointaines; le
physicien dans ses observations ; l'ingénieur s'attache k lui
créer de nouvelles ressources ; mais , comme on ne pent ho-
norer l'art sans relever la condition de ceux qui l'exercent ,
un stupide orgueil s'oppose seul à ces nobles efforts , et ne
réussit que trop souvent à les rendre infructueux.
Ferry.
SCIENCES MORALES ET POLITIQUES.
Rapport fait au C onseil-s^énérat d' Administration des
hospices de Paris, sur le service des aliénés traités
dans les établissemens de l'Administration, par le
membre de la commission administrative chargé des
hospices (i).
De toutes les infirmités qui frappeul riiomiiie , raliénation
mentale est sans doute une de celles qui mérileni ie plus d'in-
térèt et de pitié, puisqu'elle le prive de ses facultés, et qu'elle
ratteint dans tous les rangs, à tous les âges, sur le troue com-
me dans les chaumières , dans l'elfervescence de la jeunesse
comme aux dernières années de la vie.
Cependant, jusqu'à la tin du xviir siècle, dans la plupart
des pays de l'Europe, et principalement en France, les insen-
sés étaient presque tous abandonnés à des traitemens qui font
gémir l'humanité. Souvent confondus dans les prisons avec
les criminels, ou relégués dans les quartiers les plus insalu-
bres des hôpitaux, ensevelis dans des loges étroites et infec-
tes ou dans des cachots, chargés de fers lorsque leur ailection
avait des caractères de violence , livrés souvent à la risée du
peuple, tout, dans leur situation, était fait pour exaspérer leur
mal et le rendre h jamais incurable.
D'éloqnens philantropes ont éleié la voix contre de tels
traitemens; des hommes, unissant une belle àme à un rare sa-
voir, ont porté leurs méditations sur les causes . la marche,
(i) Paris, 1823. ln-4° de 72 pages, avec deux planches. Imprimerie
deM"«Huzard. Ne se vend pas. — Voy. Rev. Enc. , T. IX, pag. 26-41,
une lyotice qui a pour titre : Des Maisons de sanlè destinées aux aiiénês.
288 SCIENCES MORALES
les caractères de ralic'nalionj ils ont étudié les moyens de la
guérir, et ils ont prouvé, par leurs écrits et par rexpérience,
que Ton pouvait contenir les insensés, et mettre ceux qui les
entourent à l'abri de leurs violences , sans exercer sur eux
des rigueurs barbares^ que la douceur, des soins, un régime
approprié à la nature de leur maladie, pouvaient rendre à la
raison un grand nombre de ces infortunés, et que Ton pouvait
de même adoucir du moins Tcxistence de ceux qui ne lais-
saient point d'espoir de guérison.
Si les conseils de ces amis de Thumanité n'ont pas encore
obtenu tout le fruit qu'on pouvait en désirer, il en est cepen-
dant résulté déjà de grandes améliorations. Il s'est déjà formé,
pour le traitement des aliénés qui appartiennent aux classes ai-
sées, des maisons de sauté oîi tous les soins leur sont prodi-
gués; presque partout, les rigueurs exercées à l'égard des in-'
sensés de la classe indigente ont cessé, et la plupart des éta-
blissemens où ils sont admis se sont perfectionnés,
L administration des hospices de Paris a surtout des droits
à la reconnaissance publique , pour les améliorations succes-
sives qu'elle a apportées dans le service des aliénés confiés à
ses soins.
Le rapport que nous annonçons a pour objet de i-endre
compte de celles qui ont été faites et de celles que Ion projette
encore ; et nous avons cru qu il ne serait pas sans intérêt pour
nos lecteurs de leur offrir l'analyse de ce travail, que l'on
doit au zèle et aux talens de M. Desportks , lun des mem-
bres de la commission administrative des hospices.
Le rapport présenté au conseil-général d'administration
des hospices , et imprimé par ses ordres , se divise en quatre
parties.
INousne nous arrêterons pas sur la première, dans laquelle
M. Desportes rend compte des dispositions qui ont été adop-
tées pour faire payer aux hospices de Paris la dépense des
ET POLITIQUES. 289
insensés étrangers à la capllale , qui sont admis dans ces éta-
blissemens. C'est une discussion purement administratiTC.
Nous ferons seulement remarquer que, sur 1,800 aliénés qui
se trouvaient à la charge des liospices de Paris , en 1816, 545
n'appartenaient pas au déparlement de la Seine.
La seconde partie traite de raugmenlaiion du nombre des
aliénés admis dans les hospices de Paris. Le i"""" janvier 1801
ils étaient au nombre de i ,070 , dont 4© dans V hospice des
Petites- Maisons , 84 à \ Hôtel- Dieu , 537 à Bicétre, et 609
à la Saipé/rière.
Avant i8o5, tous les insensés ont été réunis : les hommes,
àBicêtre; les femmes , à la Salpètrière ; et le 3i décembre
1821 , ils étaient au nombre de 2,^40 , dont 764 dans le pre-
mier de ces établissemens , et i ,476 dans le second.
Ainsi , dans l'espace de vingt ans , le nombre des aliénés
traités dans les liospices de Paris a plus que doublé.
Les médecins des aliénés de Bicétre et de la Salpètrière ,
consultés sur les causes de cet énorme accroissement , ont
envisagé la question sous des points de vue dilférens.
Dans l'opinion de M. Pariset , les grands événemens poli-
tiques qui se sont succédé depuis trente ans , les revers de
fortune qui en sont résultés , l'exaltation qu'ils ont imprimée
aux esprits , l'accroissement de la population , sont les prin-
cipales causes qui out augmenté le nouibre des aliénés.
Suivant M. £'.'r^f///o/, un grand nombre d insensés étaient ,
avant la révolution , placés dans des couveus , ou conservés
dans leurs familles. Ou n'envoyait dans les hospices que les
fous furieux. IjCS améliorations apportées dans la tenue de
ces établissemens ont détruit la répugnance qu'éprouvaient
les familles à y placer les aiiérK-s : aujourd'hui , dès quun
individu a du délire , ou dès que la tète d'un vieillard s'affai-
blit, on l'envoie dans les hospices,
A ces considérations, qui paraissent également fondées,
T. XX. — Novembre 1823. 19
<igo SCIENCES MORALES
M. Despoi'tes ajoule qirautrefois les aliéuos susceptibles de
auérisoa ctaleat placés à l Hôtel-Dieu , el qu'ils (''aient rea-
Yovés aussitôt que la raison leur était niomentauémeut ren-
due. Auionrdhui, les aliénés mis en traitement sont placés
dans la même maison que les incurables , el sotjs les jeux
du même médecin. Les tous qui recouvrent leur raison sont
mis en convalescence dans l établissement , el cette conva-
lescence est fréquejnment prolongée par la prévoyance des
médecins , qui ne se d(>termlnent à les renvoyer que lorsque
la £;uérison leur a paru bien complète. D'un autre côté, les
malades qui sont reconnus incurables , perpétuent leur séjour
dans les bospices , et finissent par y rester , lors même qu'ils
ne sont pas dangereux et qu ils pourraient être repris par
leurs familles.
M. Desporles pense que le nombre des insensés à la cbarge
des bospices diminuerait, si Ton formait un bôpital spécial
pour le traitement, el que Tou ne plaçât que les incurables
dans les bospices de Bicètre et de la Salpélrière , parce que,
au moment où les insensés seraient renvoyés de Tbôpital de
traitement, les familles aimeraient souvent mieux les re-
prendre que de les abandonner dans des établissemens où ils
ne recevraient pas les mêmes soins.
Dans la troisième partie , M. Desportes rend compte des
constructions qui ont été faites pour donner plus d'étendue
aux bàtimens destinés aux aliénés , les rendre plus salubres
et mieux appropriés à cette destination.
En 1800, les aliénés en traitement étaient à l'Hôtel-Dieu ,
péle-mèle avec les autres malades : et dans les bospices des
Petites-Ma.isons, de Bicètre et de la Salpêtrière , les insensés
étaient renfermés dans des loges où l'on ne voudrait pas au-
jourd'bui placer , au Jardin du Roi , l'animal le moins rare :
plusieurs de ces infortunés y étaient encore tenus par de lour-
des cbaînes dont le mouvement portait au loin Tépouvante.
ET POLITIQUES. 291
Aussitôt que le conscil-gf'nt'ral des hospices, <jui fut for-
mé à celle époque, eut pris coimaissauce de cet état de clio-
scs , les chaînes , les carcans, les fers des pieds et des mains
furent immédiatement supprimés; les loges ("ur eut aérées et
assainies. Successivement, les qu:irLiers consacrés aux aliénés
dans les hospices de Bicètre et de la Salpélrière ont été agran-
dis; (ie nouveaux bâti mens y ont i'>té consti-uits, de vastes
promenoirs et des jardins y ont été formés ; les loges au-
dessous du sol, et qui, à la Salpélrière, formaient de véri-
tables cachots , ont él '■ presque toutes supprimées. Le plus
grand nombre dos aliént's ont été, placés dans des dortoirs ,
et l'expérience a prouvé que les loges ne sont nécessaires que
pour les fous dont les paroxysmes trop vio'.ens exigent qu'on
les place à part , afin quiis ne puissent pas nuire à leurs voi-
sins , ni se nuire à eux-uicmes.
Au rapport sont joints les plans des bàtimtns récemment
construits dans les deux hospices pour le service des aliénés
et ils peuvent servir de modèle pour les élabiissemens de ce
genre.
Quinze cents nouvelles places ont été créées par suite de
ces dispositions, et chaque aliéné couche seul : tous jouissent
de logemeus plus salubres , de vastes promenoirs, et de salles
de bains dont ils manquaient absolument.
La {[uatrième et dernière partie du rapport est consacrée à
1 organisation méilicale du traitement des aliénés , et des amé-
liorations introduites dans ce service.
Le régime alimentaire des aliénés a été augmenté et amé
lioré. La pharmacie de chaque hospice a été abondamment
fournie de tous les médicanu-us demandés par les médecins.
On a réuni dans les sai.es de bains les divers genres de dou-
ches ([ui peuvent être utiles aux malades. M. Esquirol fait à
la Salpélrière un cours de clinique sur l'aliénation mentale ;
et là , se ibrment des («lèves qui ajouteront aux connaissances
aga SCIENCES MORALES
déjà acquises poui- ia giiërison de cette déplorable lufirmilé.
On laisse anx aliénés toute la liberté compati])!c avec leur
sûreté. Ils ne peuvent être visités qu'avec la permission du
médecin. Le travail est un des moyens qui agissent le plus
favorablement sur les aliénés, et on a établi , à la Salpêtrière ,
des ouvroirs où les leiumes trouvent toujours du linge à cou-
dre. L'administration n'a pu encore trouver les movens de
procurer du travail aux. hommes ; mais elle s'en occupe , et
M. Desportes désirerait aussi qu'on établit dans les deux hos-
pices des jeux et des distractions , pour donner aux aliénés
un salutaire exercice, elles arracher aux idées qui les do-
minent.
Deux tableaux synoptiques des tous, imbéciles et épilep-
tiques , renfermés dans les hospices de Bicétre et de la Salpê-
trière , à l'époque du i^"" janvier 1822, contiennent des dé-
tails curieux sur Tàge, la profession , l'état civil de ces infor-
tunés , et sur les causes de leur aliénation.
Le nombre des aliénés furieux ne s'élève pas au 20' du
nombre des aliénés tranquilles ; mais il faut remarquer que
Ton ne classe point parmi les premiers ceux qui n'ont que des
accès passagers.
C'est dans les périodes de 5o à 40, de 4© à 5q, et de 5o à
(3o ans, que le nombre des insensés est le plus considérable,
et il est à peu près le même dans chacune d elles.
Ouant aux causes des aliénations, il est souvent bien diffi-
cile de les apprécier.
On doit donc considérer comme un peu hypothétique la
elassiiication qui en a été faite dans ces tableaux: et il faudrait
une longue suite d observations pour en tirer des inductions
qui offrissent quelque certitude.
On peut cependant remarquer que, chez les hommes, le
nombre des aliénations attribuées à des causes morales n'est,
au nombre des aliénations attribuées à des causes physiques,
ET POLITIQUES. 2y5
que dans le rapport de 2 h 5; tandis qn'll est, chez les fem-
mes, d'environ 2 à 3, On remarquera aussi que le 10^ envi-
ron des aliénations est attribué à l'ivrognerie.
En résumant son rapport, M. Desportes exprime de nou-
veau le vœu de voir établir, à Paris, pour le traitement de l'a-
liénation mentale, un hôpital spécial où Ton réunirait pour le
bien-être et la guérlson fies insensés tous les moyens dont
Texpérience et la connaissance actuelles ont démontré l'u-
tilité.
Tous les amis de l'humanité s'uniront h ce vœu, et for-
meront en même tems celui de voir créer aussi des établissc-
mens analogues dans les diverses parties de la France.
En 1819, le ministre de l'Intérieur avait nommé une com-
mission pour examiner le moyen d'améliorer le sort des alic-
ués. Cette commission reconnut unanimement que la mesure
la plus efficace serait de créer, pour la réclusion et le traite-
ment des insensés , des malsons centrales communes â plu-
sieurs départemens.
Des logemens salubres et aérés, des divisions et des subdi-
visions nombreuses, de vastes promenoirs, un grand isole-
ment, des soins constans et assidus, voilà les conditions pre-
mières qu'exige le traitement des aliénés, et elles ne peuvent
être remplies que dans des établissemens qui soient exclusive-
ment consacrés à ce genre d'infortunés. Ce n'est, d'ailleurs,
que dans des maisons où l'on en réunira un grand nombre,
((ue l'on pourra étudier avec soin l'aliénation, et que l'on
pourra recueillir des faits et des résultats qui soient vraiment
utiles à l'avancement de la science, et au soulagement de l'hu-
manité.
Si des besoins plus urgens ont empêché jusqu'ici le gou-
vernement de réaliser, dans ceîte branche d'administration,
des améliorations si désirables, espérons qu'aussitôt que les
circonstances le permettront, l'attention du ministère et celle
agi SCIEÎSCES MORALES
de !a législature se porlej o;it sur un objet si cligne de leur iu-
térél. Edouard Laffon de Ladébat.
Collection des Mémoires historiques des dames fran-
çaises, contenant les Mémoires de M"^ de Motteville
sur la Fie d'Anne d'Autriche, ceux de M"* de Mont-
PENSiER, de la duchesse de Nemours, de M™* de Staal,
les Souvenirs de M""® de Caylus, et les Mémoires de la
cour de France, par M""^ de La Fayettk (i).
C'est un caractère fort remarquable de l'époque où nous
vivons, que la nature des entreprises de librairie que nous
voyons annoncer simultanément en France. Cbaque partie de
riiistoire nationale , ebaqae partie de 1 bistoire étrangère qui
peut répandre du jour sur celle de la nation, devient à son
tour l'objet du travail d un bomme de lettres et de la spécula-
tion d'un libraire. M. Guîzot annonce une collection de Mé-
moires antérieurs au \ui' siècle, en 5o volumes in-S". M.
Foucault donne une nouvelle édition de la grande Collec-
tion des Mémoires historiques , dont la première formait déjà
67 volumes iu-S". MM. Berville et Barrière publient une
collection de /Mémoires relatifs à la révolution Jiancaise ,
dont il a déjà paru 27 volumes. MM. Bossange frères pu-
blient des Mémoires des Contemporains , pour servir à Ibis-
loire de la ré'publique et de l'empire. De nouveau, M. Guî-
zot, publie uiie collection de Mémoires n^lolijs à la révo-
lution d'Angleterre , et nous avons sous les yeux une collec-
tion en 26 volumes des UK-moires (^crits par les femmes , sur
'époque 011 les iemmes oiît gouverné la France.
(i) Paris, iSaô. Vingl-six vol. in-iS. Colnet, quai Malaquais , a" 9;
et Pi!!ct aîné, rue Chrislinc, n» 5; prix , .5a fc.
ET POLITIQUES. >'0
Ceux-là seuleincnl qui ne savent jamais remonter des et-
fets aux causes, ne verront, dans ces puhiications simulta-
nées , qu'un indice de Tindustrie des libraires, et de l'activité
de leurs spéculations. Les llbmires ne mettent de l'empresse-
raent à publier que ce que le goût du pul^lic leur demande ;
et lorsque , dans une même année, des centaines de volumes
lui sont offerts à la fois sur l'histoire de France , on ne sau-
rait douter de Tavidité nouvelle avec laquelle les Français
clierchent dans les tems qui se sont écoulés une instruction
politique. Ils veulent connaître ce que leurs pères ont souf-
fert , et pourquoi ils ont souiï'ert , parce qu'ils veulent protiter
de l'expérience des siècles , et qu'en dépit de plusieurs symp-
tômes alarmans, ils comptent toujours qu'ils seront appelés
à inlluer eux-mêmes sur leur destinée.
Avant la révolution , il n'y avait qu'un petit nombre de li-
vres historiques ; encore , n'était-ce guère par les idées gé-
nérales qu'on pouvait y recueillir sur la marche du gouverne-
ment , qu'ils se recommandaient à l'attention du public. Mais,
les uns réussissaient par l'esprit et l'élégance de style; d'au-
tres , par les exploits qu'ils retraçaient, et qui flattaient la va-
nité nationale; d'antres encore, par le commérage de bonne
société auquel ils initiaient les lecteurs. Pendant la révolu-
tion , d'autre part , le passé tout entier fut oublié ; les meneurs
d'alors , dans l'enivrement que leur causaient quelques prin-
cipes nouveaux , se liguraient que toutes les sciences publi-
ques étaient à refaire , que les leçons de l'expérience étaient
inutiles, puisqu'on ne trouvait dans le passé que l'ouvrage
des préjugés et de l'erreur, et qu'enlin ceux qui avaient pro-
clamé les droits de l'homme, devaient être les précepteurs de
l'univers. Aujourd'hui, une autre ère a commencé. C'est avec
une bien autre puissance que les sciences publiques se déve-
lopperont, et que l'opinion imposera à l'adminislratiou le de-
voir de se conl'oi-mer h leurs progrès , lorsque la pensée phi-
296 SCIENCES MORALES
losophique reposera sur rexpérlence des siècles , lorsque la
connaissauce des faits secondera IVtude des principes, lors-
que le public enfin qui accueillit avec tant de faveur toutes
CCS publications nationales , en aura fait vraiment sa pro-
priété, eu les lisant et en les méditant.
Entre ces collections diverses, celle des Mémoires histo-
riquts écrits par les dames françaises , paraîtra peut-être la
plus futile. Les éditeurs semblent eux-mêmes en avoir jugé
ainsi 5 car, ils ont réimprimé les ouvrages des six femmes cé-
lèbres qui composent leur recueil , dans le petit formai qu'on
réserve d'ordinaire pour les livres de boudoir, sans notes ,
sans éclaii'cissemens , sans aucun appareil d'érudition , et
comme s'ils n'avaient d'autre but que de les mettre à la por-
tée des femmes et des gens du monde. En effet , ces livres
commençaient à devenir rares; cependant, leur réputation
était faite depuis long-tems. Les lecteurs les plus frivoles les
avaient trouvés amusans à l'égal des romans ; ils s'étaient plu
à V rencontrer la peinture vraie, variée , piquante , des intri-
gues de cour, des mœurs d'une époque célèbre , des senli-
niens secrets de personnages bistoriques. Les Mémoires de
jVImes ^ç Motteville et de Monlpensier, de Staal et de La
Fayette , n'avaient aucun besoin de la révolution qui de nos
jours s'est opérée dans les esprits, pour être lus avec avidité.
Tls ont fait , ils feront encore partie de la bibliotbèque de ces
cbàleaux mêmes où l'on admet avec le plus de répugnance
les livres nouveaux ; ils se retrouveront sur la toilette des fem-
mes qui détestent le plus la politique moderne, ils encbante-
ront enfin ceux qui ne savent accorder leur admiration qu'à
la cour du grand roi , et qui demandent avec avidité des sou-
venirs du grand siècle , pour les opposer aux exploits de la
grande nation , aux tropbées de la grande armée.
Mais, l'école nouvelle, pour laquelle l'bistoire est une
étude plus st'riense , et qui demande an tems passe moins de
ET POLITIQUES. 297
souvenîrs de galanterie et plus d'ifîées , pourrait être tentée tle
regarder comme indigne de sou attention une collection his-
torique de mémoires de femmes ; elle doutera pcut-clre que
du fond dun boudoir, on puisse entreprendre de peindre les
batailles j ou de peser les délibérations du conseil. ISous croyons
donc devoir dire aux jeunes gens qui fouillent avec tant d'avi-
dité dans les archives nationales , que les mémoires des Icm-
mes sur le siècle de Louis XIV , ne sont pas seulement une lec-
ture amusante , qu'ils sont nécessaires pour faire comprendre
le progrès des mœurs , des esprits , et par suite des événe-
mens , qu ainsi Tinstruction qu'on peut y recueillir n'est pomt
à mépriser.
^i En voyant aujourd'hui , » dit la duchesse de Nemours ,
pag. I , « la France si calme , si triomphante , gouvernée avec
tant de sagesse , et une puissance si absolue, on se persua-
derait aisément qu'elle a toujours été gouvernée de mèu^e , et
on a peine à s'imaginer qu elle ait été réduite au point où nous
l'avons vue au tems de la régence d'Anne d'Autriche, mère du
Roi . «Cependant, c'était peut-être justement ce gouvernemeul
d'une femme qui avait toutes les faiblesses de son se5.e : c'é-
tait l'autorité des favoris , l'importance accordée au.-v intrigues
de cour, l'alliance de la politique h la galanterie , la transfor
mation des anciens seigneurs de châteaux en héros de roman,
qui rendirent possible l'établissement de cette puissance ab-
solue, que les femmes trouvèrent si sage, parce qu'elle était
exercée par le plus beau des rois. H se fit , au milieu du xvir
siècle , une révolution qui transmit aux. femmes le sceptre de
la France , et il n'appartenait qu'aux femmes de la bien dé-
crire.
Dans les tems antérieurs , François 1"% et Henri IV, n a-
vaient pas manqué de galanterie. Plus d'une maîtresse avait
fait oubUer à plus d'un roi les devoirs sacre's du mariage 5 plus
d'uQ exemple de scandale avait et'- donné dans un rang assez
298 SCIENCES MORALES
élevé pour corrompre les mœurs publiques , et plus (Vune
grâce avait été accordée à la beauté, après avoir été refus; e
au mérite. Mais , l'opinion des femmes n'avait point encore
usurpé la place de l'opinion publique, et le pouvoir des sa-
lons n élait point encore senti. Dès le tems de Samt- Louis ,
le bon comte de Soissons pouvait bien , au plus fort du
combat de la Massoure , se gausser avec Jninville , et lui
dire eu jurant, encore en parlerons-nous de cette journée
es chambres dés clames (Joinville, Histoire de Saint-
Louis, pag, 52.) Mais, quoique celles-ci donnassent à la
valeur ses plus douces récompenses , elles ne croyaient point
encore être les juges par excellence du mérite des bom-
mes publics. C'e^t à la cour d'Anne d'Autricbe , c est à l in-
troduction en France de la galanterie espagnole , c'est plus
que tout peut-être , à l'invention des romans français , et à
l'avidité avec laquelle les courtisans dévorèrent des livi'es qui
les transportaient dans un monde idéal , tout composé de sen-
limens alFect^s et de langage précieux, que nous devons attri-
buer le cbangement qui s'opéra dans tous les esprits. Les sei-
gneurs français se formèrent sur les béros de Cassandreou de
Cléopâtrej !a guerre de la fronde lut entreprise par des per-
sonnages de tiic.itre , plutôt que des personnages îiistoriques ;
la iutilité ne se caclia qu à demi sous un masque sérieux ; et
ceux qui parlaient de bien public , ceux qui avaient à défen-
dre conUe les ruses de IMazarin leurs di'oits , leur propriété ,
ieui- liberté , ne se ballaieut en réalité que pour faire parler
d eux dans les salons des danics.
Si l'histoire de celle longue mascarade n'avait été écrite
que par des bommes , iis u auraient pas pu sempècber de
mettre dans leurs récits un Sî-rieux qui n'éiait point dans les
« vénemens. Ils auiaient voulu expliquer, par la politique,
par les intérêts du peuple, ou par ceux des grands, des réso-
lutions, des alliances, des haines qui avaienL eu leur pre-
ET POLITIQUES. 399
tnlcrc origine dans le babil trivole d'une rueile. Les femmes
seules pouvaient nous reprt'seuter, comme il otail, !e monde
où elles dominaient^ nous montrer toule la politif|uc, à la seule
lueur du flambeau de l'amour el de la galanterie , et exprimer
avec naïveté des opinions qui , toutes-puissantes quelles fus-
sent alors , auraient fait rougir les bommes mêmes qui les
prenaient pour règles de leur conduite . s ils les avaient vues
sur le papier. C'est dénaturer Ibistoire que de transporter à
une t'poque les idées dominantes dans une autre , el le siècle
de Louis XIV ne sera bien compris (jue par ceux qui auront
su le voir tel qu'il apparaissait à sa cour.
IjCS Mémoires de M'"^ de MoUevillc sont les premiers en
date dans cette eoilecliou : ils sont aussi les plus volumineux,
puisqu ils remplissent onze volumes sur les vingt-six. La dame
qui les composa fut attacb(>e à la reine Anne d'Aulricbe, dès
l'époque de la mort de Louis XIII (i643)- Elle fut honorée
de sa confiance, et elle a peint avec beaucoup de simplicité
et de bonne foi le caractère et les angoisses de sa protec-
trice , pendant la guerre civile ; ses regrets, au moment oii le
pouvoir lui écbappait pour passer aux mains de son fils , et le
courage qu'elle déploya , durant sa longue maladie, jusqu à
sa mort, arrivée eu iG65. La vérité des sentimens de M""^ de
Motteville fait sur le lecteur une impression immanquable ; et
quoiqu'elle ne puisse réussir à faire considérer sa bienfaitrice
comme une grande reine, peu de gens liront d'un œil iec
l'histoire de ses derniers momens.
]\lme (Je Motteville semble indiquer elle-même, dès le com-
mencement de ses Mémoires, cette révolution dans les mœurs
qui lit le caractère de la période où l'on entrait alors, qui don-
na à la galanterie une importance jusqu'alors inouie , et qui
transmit aux femmes de la cour le droit de s'ériger eu orga-
nes de l'opinion publique, c II v avait encore en France, »
dit-elle (T. I , pag. 52) « quelque reste de la politesse que
ooo SCIE?;CES MORALES
Catherine de Médicis y avait apportée d'Italie, et Fou trouvait
une si grande délicatesse dans les comédies nouvelles et tous
les autres ouvrages en vers et en prose qui venaient de Ma-
drid , que la marquise de Sablé (femme qui donnait le ton à
la cour, quand la reine vint eu France) avait conçu une haute
id( e de la galanterie que les Espagnols avaient apprise des
Maures. Elle était persuadée que les hommes pouvaient sans
crime avoir des senlimens tendres pour les femmes, que le
dc'sir de leur plaire les portait r*ux plus grandes et aux plus
belles actions , leur donnait de l'esprit , et leur inspirait de la
libéralité et toutes sortes de vertus ; mais que , d un autre cô-
té , les femmes qui étaient rornement du monde, et étaient
faites pour être ser^-ies et adorées des hommes, ne devaient
souffrir que leurs respects. » Cet exposé de la foi romanesque
est destiné seulement à amener le récit de la manière dont la
reine reçut ies hommages du duc de Montmorency, du duc
de Bellegarde , et enfin du duc de Buckingham , qui , selon
jVime (Je Motteviile , « brouilla les deux couronnes pour reve-
nir en France, par la nécessité d'un traité de paix, lorsque,
selon ses intentions , il aurait fait éclater sa réputation par ies
victoires qu'il prétendait remporter sur notre nation. » (Pag.
42.) — Une femme seule pouvait nous apprendre que ce n'é-
tait ni pour défendre la religion protestante, ni pour proté-
ger les libertés d'une ville amie , ni pour mettre obstacle aux
envahissemens continuels de Richelieu , que Buckingham
ameua une puissante armée navale au secours des Rochelois,
mais qu'il songeait seulement à briller aux yeux de sa bien
aimée, par les grands coups d'épée qui signalaient les héros
de la Calpi-enède , tandis que cette bleu aimée, reine de
France , faisait des vœux secrets contre ses sujets , pour la
piospérité des armes des Anglais.
Les Miinoires de Marie d'Orléans , duchesse de Ne-
mours, sont les seconds dans l'ordre des lems; car ils com-
ET POLITIQUES. 'oi
meiiceat à peu près avec la guerre de la Fronde. Ils caracté-
risent mieux, encore peut-être celte politique de romans que
les femmes avaient inventée, et d'après laquelle elles gouver-
nèrent la France. Écoutons cette princesse faire le portrait
de sa belle-mère, la duchesse de Longueville, p. 54.
«En ce tems-là, ni son esprit, ni celui de toute la cabale,
n'étaient point d'avoir des desseins ni de Thabileté; et, quoi-
qu'ils eussent pourtant tous beaucoup d' esprit , ils ne l'em-
ployaienlque dans les conversations galantes et enjouées, qu'à
commenter et à raffiner sur la délicatesse du cœur et des sen-
limens. Ils faisaient consister tout l'esprit et tout le mérite
d'une personne à faire des distinctions subtiles, et des repré-
sentations quelquefois peu naturelles là-dessus. Ceux qui y
brillaient donc le plus étaient les plus honnêtes gens, selon
eux, et les plus habilesj et ils traitaient, au contraire, de ri-
dicule et de grossier tout ce qui avait le moindre air de con-
versation solide.
» Madame de Longueville savait très-mal ce que celait de
politique^ aussi, en avait-elle si peu, que, quelques années
avant le tems dont je parle, elle avait vu, sans chagrin com-
me sans conséquence, l'amour et l'attachement extrême de M.
le prince et de Mi'«= du Vigean, de laquelle elle avait fait son
Intime amie , jusqu'à entrer même dans celte confidence, n
Mais il suffit de continuer la lecture de ces Mémoires pour
voir par quel subit développement de son génie cette grande
princesse se releva d'un tel oubli de la première des sciences
sociales, de celle qui se propose de conduire les nations au
bonheur et à la gloire, de celle qui combine, avec l'expérien-
ce des siècles, l'étude des intérêts du moment. « Lorsque
l'expérience, continue M^^^ de Nemours, leur en eut appris da-
vantage à toutes deux (à M-^^ de Longueville et à la maîtresse
de son frère), en devenant plus politiques, elles se devinrent
insupportables l'une à l'autre» (p. 55). Ne trouvera-t-ou
001 SCIEISCES MORALES
point quelque rapport entre cette preuve que donne M™« de
Nemours des rapides progrès de sa belle-niore en politique,
et l'anecdote (|ue racontait un philosophe anglais? Il avait été
présenté à un souverain dont on a plus souvent célébré le
heau pays que la houte sagesse; mais il ("ut vivement touché
de ionlendre accuser lui-même la mauvaise éducation qu'il
avait reçue : livré aux mains <lu D. de , était-ce sa faute,
s'il n'avait fait aucun progrès, ni dans les arts , ni dans les
sciences? Pouvait-il devenir autre qu li n'était en effet ? n'a-
vait-il pas passé son enfance tuut entière dans une crasse
ignorance? Enfin, Monsieur, le croiriez-vous, dit-il eu ter-
minant ses plaintes padiétiques, j'étais arrivé à 1 âge de dix-
huit ans, que je ne savais pas encore faire la sauce au pois-
son.
Les Miiiioirts de M"'^ de Mont])ensU'r sont les troisièmes
en date dans cette collection; ils sont les seconds en étendue.
La grande Mademoiselle, Ihéroïne de la Fronde, raconte, en
dix volumes, tous les détails, non-seulement de ses intrigues,
mais de ses fêtes, de ses voyages, de ses amours. Elle donne
aux riens une importance, elle considère les grands événe-
meus avec une frivolité, qui peignent son siècle, mieux que
n'aurait su le faire une personne de plus de talent. M™^ de
Motleville était une femme sensée qui ne jouait aucun rôle ,
et qui racontait avec simplicité ce quelle avait été à portée
de voir. Mademoiselle n'avait point de sens et jouait un
grand rôle; aussi, eslimalt-eile l iuiporlance de chaque chose
d'après son seul rapport avec elle-même. Toute remplie du
sentiment de son rang, de sa grandeur, de ce qu'elle appelait
sa gloire, elle se hou/lissait de vanité, se ilaltaiit que c'était de
l'orgueil, taudis qu'elle ne pouvait jamais atteindre que cette
fanfaronnade de grandeur donnée par Corneille à quelques-
unes de ses héroïnes. Quand ses Mémoires ne nous appren-
draient autre chose que la différence entre les guerres civiles
ET POLITIQUES. 5o5
des conrlisans et les guerres civiles des patriotes, encore vau-
drait-il la peine de les étudier. L'égoïsme, Tabsence de tout
sentiment noble, de toute vue élevée, de toute attention au
bien-être ou aux progrès de Thumanité, tous les vices des
grands, enfin, s'y représentent à chaque page. On rougit pour
les bourgeois et les soldats qui sont si dupes que de s'exposer,
les uns aux pillages et aux supplices, les autres aux bies:;ures
et à la mort, pour des chefs qui ne regardaient eux-mêmes
leurs débals que comme des intrigues de théâtre. Ainsi, Ion
voit Mademoiselle se livrer à la haine la plus violente contre
le prince de Condé, pour des chucholeries au bal, des succès
de société qui excitent sa jalousie, des cabales dont tout le but
est de s'empêcher les uns les autres de danser (T. I, p. 70).
Et cette haine ne va à rien moins qu'à souhaiter avec passion
que M. le Prince passât sa yie en prison, et à s'opposer en con-
séquence, de tout son pouvoir, à la paix avec l'Espagne, ou à
celle qui devait mettre un terme à la guerre civile (T. II ,
p. 85). Mais il est des douleurs qui devaient enfin triompher de
cette haine héroïque, « L'ennui que j'eus à Libourne, dit-elle,
p. 83, où, quoiqu'il fît le plus beau tems du monde, la reine
ne voulait point se promener, ce qui me donna beaucoup de
mortification de ne bouger d'une chambre , m avait, re-
prend-elle (p. 90), fait changer la pens(^ que j'avais de recu-
ler la paix de tout mou possible, en un désir fort ardent de 1 a-
vancer, si je pouvais. »
Il est vrai que les rovaux cbampions de la guerre civile, en
Angleterre , ne se montrent pas , dans ces Mémoires , avec
beaucoup plus de dignité. L'intimité des princes donne aux
événemens qui ont bouleversé le monde quelque chose de si
mesquin et de si bas, qu'on se demande avec etonnement si
ce sont bien les mêmes révolutions , les mêmes batailles, qui,
dans les récits des hommes élevés loin des cours , vous ont
fait battre le cœur. En i65i, après sa défaite k Worcester, el
3o4 SCIEISCES MORALES
cette fuite sur laquelle lord Clareaclou répand uu si vif inté-
rêt (i), Charles II d'A/igleterre rentra en France. «La reine
d'Augieterre, dit Mademoiselle, apprit qu'il était à Rouen, et
qu'il venait à Paris ; elle alla au-devant de lui. Il y avait quel-
que (enis que je n'osais sortir j j'avais une fluxion au visage.
Je crus qu en celle occasion je ne pouvais m'en dispenser ;
c'est pourquoi j'allai , le lendemain , chez la reine d Angle-
terre, sans étrecoitfée. Elle me dit : Vous trouverez mon fils
bien ridicule; pour se sauver, il a coupé ses cheveux., et a
un habit fort extrordinaire. Dans ce moment, il entra : je le
trouvai fort bien, de beaucoup meilleure mine qu'il n avait
avant son départ, quoiqu'il eût les cheveux courts et beau-
coup de barbe, ce qui change les gens. Je trouvai qu'il par-'
lait fort bon français. Tl nous conta qu'après avoir perdu la
bataille , il repassa avec 4o ou 5o cavaliers au travers de
Parmée ennemie et de la ville au-delà de laquelle s était donné
le combat; qu'après cela il les avait tous congédiés, et était
demeuré seul avec un mylord ; qu'il avait été long-tems sur
un arbre, ensuite dans la maison d'un paysan, où il avait coupé
ses cheveux ; qu'un gentilhomme qu'il avait reconnu sur le
chemin l'avait mené chez lui , où il avait séjourné , et qu il
avait été à Londres, avec le frère du gentilhomme, dei-rière
lui en croupe ; qu'il y avait couché une nuit, et avait dormi
dix heures avec la dernière tranquillité ; qu'il s'était mis dans
un bateau à Londres, pour alier jusqu'au port où il s'em-
barqua, et que le capitaine du vaisseau l'avait reconnu : ainsi,
il arriva à Dieppe. Il me vint conduire jusqu'à mon logis ,
par cette galerie dont j'ai déjà parié au commencement de ces
(i) Clarkndon's History, pag. 602. Son récit a été reproduit , tou-
jours avec un nouvel intérêt, par Rapin TnovHAS, par Humej et tout
récemment par M. Villkmain , Histoire de CromweU , liv. v» P^o- •'•■'5.
11 n'est pas de souvenirs plus altachans, dit-il, que ces infortunes roya-
les. — Oui , pourvu qu'elles n'aient pas des princes pour historiens.
ET POLITIQUES. 3o5
Mémoires , qui va du Louvre aux Tuileries ; et ie long du
chemiu, il ne uie parla que de la misérable vie qu'il avait
menée en Ecosse ; qu'il n'y avait pas une femme ; que les
gens du pays étaient si rustres, qu'ils croyaient que c'était un
péché d'entendre des violons ; qu'il s'y était turieusement en-
nuyé; que la perte de la bataille lui avait été moins sensible,
sur l'espérance de venir en France, où il trouvait tant de
charme en des personnes pour qui il avait beaucoup d'amitié;
Il me demanda si l'on ne commencerait pas bientôt à danser.
H me parut, par tout ce qu il me disait, un amant timide et
craintif, qui ne m'osait dire tout ce qu'il sentait pour moi , et
qui aimait mieux que je le crusse insensible à ses malheurs ,
qu« de m'en ennuyer par le rrcit. Aux autres personnes , il ne
parlait point de la joie qu'il avait d'être en France, ni de son
envie de danser. 11 ne me dt-plut pas , et vous pouvez le voir
par la favorable explication que j'ai donnée à ce qu'il me dit
en assez mauvais français. A la seconde visite qu'il me rendit,
il me demanda en grâce de lui faire entendre ma bande de
violons qui était fort bonne : je les envoyai quérir, et nous
dansâmes. El comme cette fluxion dont j'ai parlé fu 'obligea
à garder le logis tout l'hiver, il venait tous les deux jours me
voir, et nous dansions. » ( Tom. If , pag. i55.)
Je ne sais si tous les lecteurs des Mémoires de Mademoiselle
en recevront la même impression que moi -, mais, ces violons
me font supporter avec plus de résignation d'augustes dou-
leurs pour lesquelles il y a i'j5 ans qu'on nous demande des
larmes.
Les Mémoires de M""" de La Fayette , en un volume, et
les Mémoires de M"^^ de Cayliis , aussi en un volume, n'ap-
partiennent point aux tems de la Fronde; ils retracent, au
contraire , des souvenirs de la cour de Louis XIV, pendant
la toute-puissance royale. On ne saurait ouvrir les uns ou
les autres, sans y retrouver des traits qui peignent le carac-
T. XX. — Novembre iSsri. ao
5o6 SCIENCES MORALES
tère de celle seconde période de rempire .des femmes en
France. La nalion cesse dèfre eomptp'e pour quelque cliose,
iorsou'il s'a?,it des plaisirs du monarque ou des dames de sa
cour. Les premiers mots des Mémoires de M™^ de La Favelte
expriment même si naïvement le peu de cas qu'on faisait de
la vie des hommes , lorsqu'on pouvait à ce pris, ajouttr aux
pompes de Versailles , que , s'ils étaient écrits aujourd'hui ,
nous n'hésiterions pas à les regarder comme une ironie assez
amère.
«La France, dit-elle, était dans une tranquillité parfaite;
l'on n'y connaissait plus d'autres armes que les instrumens
nécessaires pour remuer les teires et pour bâtir. On employait
les troupes à ces usages , non-seulement avec l'intention des
anciens Romains , qui n'était que de les tirer d une oisiveté
aussi mauvaise pour elles que le serait l'excès du travail ; mais
le but était aussi de faire aller la rivière d'Eure contre son
c;ré , pour rendre les tbntaines de Versailles continuelles. On
eoiplovait les troupes à ce prodigieux dessein , pour avancer
de quelques années les plaisirs du roi, et on le faisait avec
moins de dépenses et moins de lems que Ton n'eût osé l'es-
pérer. La quantité de maladies que cause toujours le remue-
ment des terres , niellait les troupes qui étaient campées à
Maintenon, où était le fort du travail, hors d'état d'aucun
service ; mais , cet inconvénient ne paraissait digne d'aucune
attention f dans le sein de la tranquiUité dont on jouissait. »
Ces maladies, données à plaisir à l'armée, et qui n'a\-aient
paru dignes A'aucune attention, étaient cependant si graves,
que nous voyons plus loin (pag. 90), que, quand on eut be-
soin d'employer à la défense de l'état ces troupes dont ou
avait joué la vie , « elles étalent en si mauvais état, qu il fut
impossible de les y envoyer ; car on ne put jamais trouver
que cent hommes qui pussent marcher. »
M"»^ de La Fayette a composé ses Mémoires, non avec ce
p:t politiques. 507
quelle a fait ou ce quelle a tu, mais avec ce quelle a en-
tendu conter dans les salons de la cour, durant les campagnes
de 1688 et 1689; et quoiquelle ne parle presque que d une
cliose qu'elle ne pouvait entendre , la guerre , elle le fait avec
tant de grâce qu'on ne saurait abandonner la lecture de son
ouv rage. Il est vrai que c'est la guerre , telle que les belles
dames la conçoivent. Les grands évéuemens pour elles ne
sont pas les conquêtes ou les défaites ; mais les blessa- es re-
çues par quelques favoris de la bonne société , ou les bon-
neurs acquis par quelques autres. L'effroyable dévastation du
Palatinat est indiquée avec indifférence dans deux petites pa-
ges (i''8, 179); aussi, faut-il dire que ceux dont on brûlait
les maisons et les greniers , dont on pillait les magasins , dont
on arrachait les vignes ; que ceux qu'on laissait périr de froid
et de misère sur les grands chemins, avec leurs femmes et
leurs enfans, n'étaient que des Allemands, et qui pis est, des
bourgeois et des paysans. Pourquoi leur sort aurait-il donné
uu moment d'émolion à une grande dame?
Les Mémoires de M'^^ de La Fayette sont cependant de
l'histoire j les souvenirs de M™^ de Caylus sont seulement des
anecdotes de cour, des développemens sur le gouvernement
des maîtresses, et sur les intrigues des fils légitimés durant
les dernières années du règne de liOuis XIV. Ce commérage
sur de grands noms et de petits caractères occupait alors toute
la France; encore aujourd'hui, il est demeuré le sujet classi-
que de la conversation, dans tous les sanctuaires de la bonne
compagnie et dans toutes les cours. Il faut le connaître, puis-
qu'il caractérise l'époque , et il vaut mieux encore s'y faire
initier par M'^^ de Cayius que par les mémoires d'un cour-
tisan.
Les Mémoires de M'^° de Siaal, en deux volumes, sont
les derniers en date dans cotte collection ; ils sont aussi les
plus étrangers au tableau des événemens publics. Ce n'est
5o8 SCIET^CES MORALES
que par les rapports de M""^ de Staal avec la duchesse du
Maine, dont elle était femine-de-chambre , et par les détails
qu'elie donne sur une de ces petites cours qui reflétaient celle
de Louis XIV, que les confessions , si agréaLiement écrites
par cette dame , peuvent trouver place parmi les Mémoires
historiques.
ISous u en dirons pas davantage sur le mérite des écrivains
dont M. Colnet a donné une édition nouvelle, et peul-êlre
trouvera-t-on que nous nous sommes déjà trop étendus sur
des ouvrages dès long-tems juges par le public. Mais, nous
terminerons nos observations par quelques mots sur ce qui
distingue ou devrait distinguer celte collection d'avec les édi-
tions précédentes. Le papier est très-hîauc, le caractère est
neuf, et quoique fm, il est fort net. On trouverait difficile-
ment ces six ouvrages pour le prix que coûte leur collection ;
et bientôt peut-être, il ne sera plus possible de se les procurer
dans les éditions anciennes. Cependant , les éditeurs auraient
dû chercher à donner a leur réimpression une supériorité plus
réelle sur les éditions précédentes ; ils auraient dû , pour
leur intérêt même , ne pas se contenter de traiter avec un
imprimeur, mais consulter aussi un homme de lettres j ne
fût-ce que pour ranger leurs Mémoires dans Tordre qu'ils
s'efforcent de rétablir après coup et que nous avons suivi ,
et plus encore pour les orner de quelques notes.
On ne trouve, eneflet,dans celte édition, point de renvoi aux
auteurs qui ont raconté dilféremment les mêmes faits, qui ont
donné deséclaircissemens ou suppléé des circonstances omises,
point de divisions, point de dates auhaut despages, point de no-
tes que celles qui sont empruntées à une édition précédente, et
doutTauteur n'estpas même indiqué; enfin, aucun point de re-
père d'aucune espèce. Ces défauts sont aujourd'hui sans remè-
de^mais il y enaunautreque les éditeurs seraient encoreàtems
de réparer : il n'y a point de table des matières, et je ne vois
ET POLITIQUES. 009
pas pourquoi un vingt-septième volume ne comprendrait pas
«ne table chronologique el une lable alphobélique, commu-
nes aux vingt-six. volumes précédeus. Je voudrais que la tabie
chior.ologique indiquât, année par année, la concordance en-
tre les six Mémoires des dames (rauraises, de manière à for-
mer en quelque sorte les annales du règne des femmes à la
cour de Louis XIV. Je voudrais que la table alpbabétique in-
diquât , sous cliaque nom , les détails divers , les anecdotes
que cliacun de ces auteurs raconte sur le même personnage
ou le même fait. Cet accord synoptique des ouvrages qu'on a
cru convenable de réunir en un seul corps, donnerait à leur
collection une supériorité sur les éditions séparées de ces mê-
mes ouvrages, à laquelle, jusqu'à présent elle ne peut point
prétendre. J. C. L. de SiSiViONDi.
WWlVl'MWVVVW
PA.RA.LLkLE DK LA PUISSANCli ANGLAISE ET RUSSE,
relativement à l'Europe; par M. de Pradt, ancien
archevêque de Malines (i).
Sucond article. — Russie.
(Voyez ci-dessus, pag. 65-go.)
La marche de M. de Pradt au sujet de la Russie est très-
dillérente de celle qui! a suivie au sujet de l'Angleterre. Pour
celle dernière puissance , les matériaux officiels sont publics,
abondans, el faciles à recueillir ; aussi M. de Pradt ena-t-il
fait un grand usage. Il n avait point les mêmes ressources
pour la Russie , et il s'est borné le plus souvent à des aperçus
et à des généralités. Nous allons tâcher d'y substituer des faits,
et dêU'cplus précis dans nos raisonnemeus.
(i) Paris, 1825. Un vol. io-S". Béchet aîné, quai des Aogustius ,
n° 57. Pris, 4 fr- Soceat., et par la podte, 5 fr. 5o cent.
3io SCIENCES MORALES
Nous ne suivions ni M. do Pradt ni d'autres publicistes dans
leurs r,'flex!ons sur i"iniiuence cjue peut avoir le caractère per-
souueî des souverains de TEurope, et particulièrement du
monarque qui régit aujourd'hui Teiupire de Russie. Nous n'.i-
horderons pas même le sujet , si important pour nous , de la
politique occulte ou patente du cahinet de Saint-Pi^tersbouri;,
à l'égard des peuples de l'Asie et des peuples de l'Europe.
Trop de mystères dérobent aujourd'hui la connaissance de la
vérité sur des intentions déguisées avec tout le secret que
peut garder un gouvernement absolu. Trop de passions en-
traînent aujourd'hui les hommes dans les sens les plus oppo-
sés, pour trouver dans leurs conjectures, dans leurs pressen-
limeus et dans leurs assertions , les lumières qui nous man-
quent encore. Depuis i8i4 jusqu'à ce jour, les amis et les en-
nemis des libertés con>titutionuel'es ont tour-î -tour espère' de
compter sous leurs bannières l'empereur Alexandre ; ils se
sont vantés publiquement de son appui ; ils ont cité tantôt ses
paroles, tantôt celles de ses ambassadeurs, ou de ses ministres
ou de ses conseillers intimes. Laissons au lems à dévoiler la
ve'rité. Contentons-nous de rappeler aux hommes de tous les
rangs, sans excepter le rang suprême , que l'état moderne de
la civilisation, le progrès des idées et lamélioraliou des mœurs
réclament également , pour les nations , un ordre politique
oi!i le prince trouve à la fois la sécurité, la puissance et la
gloire, où le peuple trouve en même tems la justice, les sa-
ges libertés, les durables garanties, et les moyens de donner à
son instruction comme à son industrie tout le développe-
ment, toute la perfection où le génie de l'homme puisse at-
teindre.
Un roi même a reconnu , par des paroles pleines de digni-
té, ces besoins de l'état social, dans le préambule de la loi
fondamentale qu'il a doiinée à son penple : « Nous avons dû
apprécier les eiîels des progrès toujours croissans des lumiè-
ET POLITIQUES. 5ii
res, les rapports nouveaux que ces progrès ont introdiills dans
la société, la direction imprimée aux esprits depuis un demi-
siècle , et les graves altérations qui en sont résultées : nous
avons reconnu que le vœu de nos sujets, pour une charte
constitutionnelle, était L'objet d'un besoin réel. » Pbéameule
de la CHARTE.
L'histoire placera parmi les bienfaiteurs du genre liumain,
les princes qui comprendront ces besoins réels de l'époque où
nous vivons..,. Contentons -nous de rappeler cet avenir à la
pensée des souverains. Éveillons, au fond de leur conscience,
un juge plus libre et non moins sévère que Ihisforien le plus
intègre. Sans emprunter des paroles indiscrètes au bîame hi à
l'éloge, sachons faire taire les adulations du courtisan et les
satires du calomniateur ; c'est en ce sens que le silence des
peuples est la leçon des rois.
Un spectacle , qui ne saurait avoir pour nous d'illusions ni
de mensonges, c'est l'état social d'un enqoire dont la gran-
deur, toujours croissante, est un sujet d'alarmes pour les
uns , d'espoir pour les autres , d'inquiétude et d'attention pour
tous.
Yovons donc à quel degré se trouve parvenue aujourd hui
la civilisation delà Russie. Que fait-elle pour accroître ses
lumières et développer son industrie , pour améliorer le sort
des haL'ilans et leur état civil , pour augmenter et régulai iser
la force pul)lique7 Quand nous posséderons bien ces don-
nées, nous saurons ce que l'Europe doit espérer ou redouter
de l'iniiuence moscovite, sur ia destinée des autres états.
Presque toujours les bommes , dans leurs jugemens, res-
tent en arrière de l'état présent des nations. A chaque épo-
que, l'opinion, généralement formée à l'égard d un peuple,
se compose d'une longue suite de faits, d'idées, de souve-
nirs , qui tiennent la plupart à des événeniens passés , à des
générations qui ne sont plus, à des influences affaiblies, à
^'2 SCIENCES MORAÎ^S
l'ancien état dime civilisation qui n est pas restée stationnaire.
Ainsi les peuples qui les prenjicrs captivent la renommée
par leurs arts, ou leurs lumières , ou leurs lorces , conser-
vent iong-tems leur réputation prépondérante^ ils en jouissent,
alors mé<ue qu'ils sont de beaucoup descendus au-dessous de
leur propre renommée , et que des peuples rivaux, moins cé-
lèbres , mais déjà dignes de i'ètre davantage, les ont beau-
coup devancés.
Ces observations s'appliquent en partie aux nations qui
composent l'immense empiré des tzars.
La Russie, il n'y a qu'un siècle, était à peu prés bornée
aux territoires occupés par la race moscovite, qui se confon-
dait alors , dans l'esprit de tous les bommes, avec la race
slavonne, et dont les mœurs rappelaient les Scvlbes, les
Partbes, les Huns , et tous ces fléaux du genre bumain, qui
causèrent, à tant de reprises, les malbeurs de l'Europe civi-
lisée.
Un grand bomme s'élève au milieu de ces barbares. Il
imprime à tous ses peuples une puissante impulsion , qui sur-
vit à son règne ; il apprend la discipline à leurs bordes, et
l'industrie à leurs bourgades ; il conquiert des provinces déjà
civilisées , et bàlit sa nouvelle capitale aux environs de ces
provinces.
Par degrés, la force militaire de l'empire moscovite s'af-
fermit; elle se signale à cbaque génération par des conquêtes
de plus en plus importantes. Les unes s'étendent, à travers
lessoHtudes de l'Asie, jusqu'aux frontières de la Cbine, de
la Perse et de la Turquie; les autres embrassent les plus bel-
les provinces de la Suède et de la Pologne. Ces dernières ac-
quisitions ont accru considérablement la partie policée de
l'empire.
A présent nous pouvons apprécier des erreurs européen-
nes, qui maintiennent encore les peuples les plus éclairés
ET POLITIQUES. 5i3
dans leurs fausses opinions sur des états éloignés. Iva Russie
ne saurait se présenter à notre esprit , sans y faire naître aus-
sitôt le souvenir repoussant des harJ^ares du Nord. Cependant,
les hommes du nord de la Russie sont beaucoup plus civilisés
qu'une grande partie des habitans du midi de cet empire et
du sud des états d'Autriche. Ce sont des hommes que la
Suède, la Pologne, ou la Hanse teutonique, ont comptés
parmi leurs citoyens, et qui, depuis la conquête, ont gagné
beaucoup en industrie, en richesse^, en lumières.
Au centre même de l'empire, Moscou, l'antique métropo-
le, et les sept gouvernemens qui l'entourent, loin de présen-
ter l'aspect d'une contrée barbare, sont peut-être les districts
les plus avancés en civilisation , entre toutes les provinces
de la Russie. Les arts utiles, et même les beaux-arts, y fleu-
rissent. Là , l'industrie déploie son activité , que le commerce
double encore. Les lettres et les sciences sont cultivées sur
les bords de la Moskwa ; la philosophie de Newton, les Uiéo-
ries des La Grange, des Laplace et des Lavoisier , sont en-
seignées dans le sein des gymnases et des académies de l'an-
cienne capitale et des grandes villes de l'empire. A Moscou
comme à Pétersbourg, les chefs-d'œuvre de Corneille, de
Racine et de Voltaire sont reproduits sur la scène, dans la
langue même de leurs auteurs , et joués en langue moscovite
sur le théâtre national. La peinlm-e et la sculpture embel-
lissent les monumens dune architecture somptueuse et par -
fois élégante ; ce luxe des beaux-arts atteste les progrès de la
haute classe vers la civilisation. Un sénateur de Russie nous
a donné l'histoire de la musique, ainsi que l'histoire de la
peinture en Italie; et celte histoire, écrite en langue fran-
çaise , est surtout remarquable par l'aménité des senti-
mens et la noblesse des pensées. Tels sont les plaisirs et les
études auxquels se livrent les grands, dans l'empire des
tzars.
5i4 SCIENCES MORALES
C'est au loin , vers l'orient et vers les frontières du midi ,
qu'il faut s'avancer pour trouver les peuplades barbares; c'est
aus. lieux dans lesquels vivent les tribus tatares ou nomades
encore; c'est par-delà la Tauride , ou plus près de la Tur-
quie , au pied du Caucase ou vers les confins de la Cbine,
Mais, dans celte partie même, l'habitant est pour )amais
guéri du prfjugc qui iit de ses ancêtres, les Huns et les
Alains, le fléau des nations civilisées ; il conçoit l'avantage et
les bienfaits de llnslruction, et cbérit les arts productifs. Des
écoles d'enseignement mutuel sont établies sur les deux rives
du Don et du Volga , sur les bords de la mer Noire el de la
nier vJaspienne , ainsi que sur les bords de la nier Glaciale, et
dans le cœur de la Sibérie , comme sur le plateau de la haute
Tatarie. TiCs Cosaques ont compris ce que ne veulent pas
comprendre , au n.«;!ieu de la France , les hommes opiniâtre-
ment attachés par leurs préjugés à d'antiques et mauvaises
méthodes; ils exigent que leurs eufans apprennent à lire, à
écrire , à compter ; ils se forment à des professions nouvelles,
et par degrés améliorent les pratiques imparfaites qu'ils avaient
suivies jusqu'à ce jour, dans chaque genre de métiers.
Une invention récente contribuera puissammeat à la pros-
périté de la Russie orientale : c'est l'invention des bateaux à
vapeur. Durant l'été, cette vaste contrée n'offre guère au
commerce d'autres routes économiques que les tleuves et les
principales rivières. H a fallu jusqu'à présent un tems consi-
dérable pour parcourir ces rivières et ces fleuves, et surtout
pour les remonter, dans les parties où leurs rives ne présen-
tent pas de chemins de halage. L'usage des bateaux à vapeur
rendra donc à la Russie orientale, les mêmes services qu'aux
États-Unis d'Amérique. Il donnera au commerce une activité
nouvelle; il permettra d'établir des bourgades et des cités , eu
des lieux auparavant déserts ; il enrichira et multipliera la po-
pu'ation ; il imprimera un mouvement extraordinaire à l'a-
ET POLITIQUES. 3i5
gricullure , ainsi qu'à toutes les autres branches tle rindustrie.
Le récit de ces Lienfails , encore inoui dans l'occident de l'Eu-
rope, n'y peut pas même èlre soupr-onnéj tandis que nous
sommes frappés d'admiration par les brillans récits de ser-
vices pareils rendus aux Ani^îo-Ani' ricains , par le nouveau
mode de navigation fluviale et maritime.
Ajoutons que ces bienfaits seront d'autant plus grands , que
des travaux nombreux, ont établi , par un système de canaux,
et de rivières, la communication de la Balti(|ue, de la mer
JNoire, de la mer Caspienne et de la mer Blanche.
On compte aujourd'hui plus de 45 millions d'habilans dans
l'empire de Russie; ^o millions peuplent la partie européenne,
où domine la civilisation ; cinq à six seulement sont dispersés
sur l'immense étendue de l'Asie septentrionale. Si l'on ôtait de
la Russie ces cinq millions de sujets, et qu'on la comparât à
l'Autriche, c'est cette dernière puissance qui semblerait la
moins civilisée.
En Russie, l'esclavage existe encore, comme en Hongrie,
en Galicie, eu Croatie, et dans beaucoup d'autres provinces
autrichiennes. Mais le progrès des mœurs , et l'instruction
généralement répandue chez les seigneurs, adoucissent beau-
coup cet esclavage. Avec la permission du maître, les escla-
ves peuvent acquérir, posséder et transmettre des meubles et
des immeubles. Les communes soumises au servage, traitent
avec leur seigneur pour la redevance en nature ou en main-
d'œuvre; et cette redevance une fois acquittée, la population
reste libre d'employer pour elle-même toute son industrie.
Cette industrie produira, chez les Russes, ce qu'elle a produit
chez tous les peiqjles de l'Europe moderne : elle donnera aux
habitans qui sont encore soumis au joug du servage, le désir
et les moyens d'acheter leur indépendance. Ainsi, par degrés,
tous les Russes acquerront le bien-être inestimable de la li-
berté individuelle. Déjà même, dans quelques provinces du
5i6 SCIENCES MORALES
nord, les seigneurs ont affranchi leurs serfs, moyennant une
redevance solennellement établie. I/enipereur favorise cette
grande amélioration de l'état social : c'est un de ses plus beaux
titres de gloire.
La liberté individuelle répand tous ses bienfaits dans les vil-
lesj leurs habitans ont des droits politiques dont ue jouissent
pas les habitans du reste de l'Europe. Dans presque toute re-
tendue de la Russie, les juges des diverses juridictions sont
nommés par les citoyens. La noblesse élit une partie de ces
juges, et la bourgeoisie élit Faulre.Ceia fait qu'en ces contrées
la justice est nécessairement populaire, attentive, et modérée
dans ses rigueurs; comme doit l'être toute magistrature élue
par les citoyens mêmes, pour administrer leurs propres inté-
rêts et concilier leurs difiVrens. La Russie jouit donc d'un des
élémens les plus précieux du bonheur de la vie civile, d'ua
élémenl qui manque à la plupart des nations de l'Europe ci-
vilisée, un pouvoir judiciaire au choix des citoyens ; ce qui
compense, en partie, les graves inconvénieus d'un gouverne-
ment autocratique.
Voyons maintenant quelles sont l'étendue et la stabilité de
la puissance moscovite.
La Russie n'a reçu le titre d'empire que sous ie règne de
Plerre-le-Grand; mais elle était depuis long-tems une puis-
sance conquérante, digne de Fallention des hommes d'état.
Pierre, avons-nous dit, y fonda la discipline militaire. Il y
transporta l'art moderne de la guerre, et par-là prépara tous
les aggrandissemens qu'a reçus la puissance à laquelle il a
donné tant d'éclat.
Catherine-la-Grande a maintenu dans toute leur vigueur
les institutions et les lois militaires. Elle a fait plus, elle a créé
des lois civiles appropriées aux besoins, ainsi qu'à la nature de
son vaste empire.
Sans revenir sur ce que nous avons (lit au sujet de la civl-
ET POLITIQUES. Tu-]
lisation, ajoulons que, depuis un siècle, la Russie a conçu,
dans toute leur étendue, les besoins et les avantages de ce pro-
grès de l'état social. Depuis celte heureuse époque^ elle a fait
des pas immenses dans la carrière des perfectionnemens.
Lorsque Alexis, le père de Pierre-le-Grand, monta sur le
trône, Tétat politique de la Moscovie n'était guère plus avan-
cé que celui de la France autenis de Cliarlemagne. Quand
le (ils d'Alexis atteignit le terme de sa carrière, une vaste por-
tion de territoire ajoutée à ses étals héréditaires , des villes
nouvelles et des colonies d'étrangers, (ondées par son génie
créateur, présentaient déjà toute la civilisation d'une grande
partie des peuples germaniques.
Ce qui me paraît surtout mériter une profonde méditation,
c'est l'esprit du gouvernement russe , envisagé dans ses rap-
ports avec le grand art d'assimiler à l'empire les populations
envahies. Depuis Rome, dont les lois semblent avoir été fai-
tes pour la conquête du monde, aucun pays ne fut constitué,
comme l'est la Russie , pour étendre et surtout pour garder
ses conquêtes.
La Russie s'élant vue destinée, ainsi que le fut Rome anti-
que, à composer son empire d'une foule de nations différen-
tes de religion, de mœurs et de langage, elle s'est imposé cetie
règle, de laisser à chaque peuple toutes les idées qui lui sont
plus chères que l'existence politique. Ainsi, tous les cultes
sont également tolérés, disons plus, ils sont également proté-
gés; leur exercice est public et paisible, dans les parties de
l'empire où vivent à la fois des hommes de diverses croyan-
ces. Ces cultes ont chacun leurs temples, leurs autels et leurs
ministres. Dans Pétersbourg, par exemple, s'élèvent les égli-
ses de la religion grecque, de la religion juive, de la religion
romaine, de la religion protestante, avec toutes ses variétés de
luthéranisme, de calvinisme, etc. Dans les provinces du sud,
rislamisnae est librement professé par les peuples qui sui-
ûiS SC1E\CES MORALES
valent la loi de AJaliomet, avant qu'ils fussent soumis à la Rus-
sie. Dans l'orient, il existe encore des peuplades idolâtres, et
le gouvernement ne persécute point leur idolâtrie. Il sait qu'a-
vec l'aide du tems et par le progrès des lumières, les hommes
sVlèvent d'eux-mêmes à des croyances plus épurées, à des
cultes plus convenables à notre nature, et moins indigues de
la majesté de l'Eternel.
La Russie ne cherche point, par des moyens violens , à
faire oublier aux peuples conquis la langue de leurs pères ,
cet héritage intellectuel auquel se rattachent tant de doux
souvenirs et de vertus héréditaires ! Le gouvernement se
confie dans l'action inseusibie, mais sûre, de ses rapports
obligés avec les hommes de toutes les provinces, et de l'in-
térêt de ces hommes à connaître la langue du vainqueur,
surtout quand ce vainqueur avance à grands pas dans les voies
de la civilisation. A ces causes viennent s'unir encore toutes
celles qui naissent du rapprochement d'hommes tirés des na-
tions diverses , et réunies dans les mêmes camps sous les
mêmes drapeaux; enfm , tous les motifs d'ambition, d'espoir
de fortune ou privée ou publique , qui portent tôt ou tard les
vaincus à conuaîli-e, et finalement à n'employer que la langue
an vainqueur.
La Russie a pareillement permis à chaque peuple de cou-
server ses coutumes et ses mœurs. Elle a laissé les Tatares
combattre, comme ils le faisaient dès le tems des Parthes et
des Scythes. Elle s est contentée de former des corps d'élite
dans cette cavalerie irrégulière , de les placer dans les rangs
de la garde impériale, de les oUrir comme un modèle aux
pulks barbares, qui par degrés ont appris tout ce qu'ils ajou-
teraient à leur force par la discipline et par l'exercice.
Aujourdhui, dans l Ukraine et sur les bords du Don,
40,000 Cosaques sont organisés en cavalerie régulière de lan-
ciers, et en autres corps légèrement armés , ayant avec eux
ET POLITIQUES. 5 19
de raiiilierie légère bien raoutée et bien servie. Cette immense
cavalerie, prête à marcher eu masse au premier signal, vit
campée sur un territoire qui sufiit à son existence.
I/ciitliousiasme militaire est la passion dominante de ces
peuplades, qui, jusquîi ce jour, nonl pu connaître d'aulrc
source d'illusliation que la gloire des combats. Lorsqu'on
1812 l'armce l'rancaise eut pénétré dans 1 intérieur de la Rus-
sie, celte cavalerie ta tare se leva comme un seul homme;
elle prit sa marche au milieu d\m affreux hiver, acharnée à
sa proie et poursuivant sans pitié les victimes d un climat dé-
vorateur. «Compagnons, s'écriaient -ils entre eux, s'iudi-
gnanl de la vaillance de nos soldats , au milieu de leur misère
et «le leur dénuement, compagnons! quelle houle pour nous,
si nous laissons ces squelettes se lever de leurs tombeaux, et
s'échapper de nos mains! » Et ils se précipitaient sur les dé-
bris de nos phalanges avec une nouvelle furie. Voilà l'appui
que la Russie trouve , au besoin , dans la partie la moins
civilisée de sa population.
Le dévouement des provinces européennes conquises par
la Russie n'est pas moins prononcé. En Pologne même, où
le souvenir d'une antique et puissante aristocratie laisse à la
classe supérieure de la société des re2;rels et des souvenirs
douloureux, lorsque les habilans comparent leur état social
à celui des Polonais soumis aux puissances germaniques ,
ils doivent s'estimer fortunés.
L'empereur Alexandre a rendu la capitale de l'ancienne
Pologne le siège d'un gouvernement représentatif, objet âes
vœux et de l'atlachement d'une génération civilisée. C'est
encore un exemple des sacrifices que la Russie sait faire à
l'esprit du siècle , ainsi qu'aux pcnclians des peuples associés
à son empire.
Ainsi, pénétrons-nous bien de cette triste mais irrécusable
vérité, qui sort d'un examen impartial de l'état des choses :
'>20 SCIENCES MORALES
depuis la Baltique jusqu'à TAdriatique, depuis les boucbes
du Cattaro jusquà l'embouchure de la Vistule, le raaiheu-
reus système qu'ont adopté les grandes puissances germani-
ques, porte, par un attrait irrésistible, les babitans d'une
immense zone de provinces, à tendre les bras Aers la domi-
nation moscovite
La Germanie n'a qu'un moyen d'échapper à la grandeur
d'un tel péril : c'est d'imiter la Russie dans la profondeur de
ses vues , et dans la générosité de ses mesures envers les
peuples gouvernés ; cest de leur donner la liberté religieuse
dans toute son étendue , et la liberté municipale sans aucune
restriction ; c'est de rendre l'indépendance et la dignité aux
diétines des provinces, et de les rallier toutes par le lien
plus tort encore d une grande représentation nationale .
Alors , et seulement alors , les peuples dont nous parlons
pourront éviter le danger imminent qui s'est loruié sur leur
tète.
Déjà la Prusse a compris une partie des vérités que nous
venons d'énoncer. L'ami des nations européennes doit s'en
réjouir avec sincérité , tout en s'afïligeant de la lenteur de
ces améliorations , auxquelles la sécurité de l'Europe entière
est intéressée.
Je n ai pas encore exposé dans toute son étendue le péril
oui menace et l'Europe et l'Asie, vers l'occident, l'orient et
le midi. Il faut parler dune conception gigantesque, et qui,
dès à présent , a pris un accroissement qui surpasse toute
croyance.
Les Autrichiens ont les premiers donné l'exemple des co-
lonies militaires , en attachant au territoire dix-huit régi-
meus de race siavonne , le long de leurs IVontières de Tur-
quie. Ces régimeus rivant même origine , même religion et
même langage qu une grande partie de la nation russe, pas-
seront tôt ou tard du côté de cet empire j ils ajouteront à la
ET POLITIQUES. 32 ^
force coloDisée, dont nous allons expliquer Torganisation et
montrer IVtentlue.
L'enjpereur Alexandre a conçu la pensée de fonder, dans
les diverses parties de son empire , des colonies ou plutôt des
castes militaires. Là , tous les enfans mâles naiti-out soldats •
ils passeront sous les drapeaux dès 1 âge de quinze ans • ils
y resteront enrôlés jusqu'à l'âge de soixante ans. En devenant
soldats, ils cesseront d'être esclaves, suivant la loi moscovite.
Ainsi , Tétat militaire, qui chez d'autres peuples est reoardé
comme un tems de servitude, devient pour eux le double
Ijienfait de ralTrancliissemeut et de la gloire.
Le monarque prend , sur les domaines de la couronne, les
terres nécessaires à l'établissement et à la subsistance des ré-
gimens colonisés. Pour récompense des terres ainsi con-
cédées , ces guerriers doivent se nourrir et s'entretenir eux-
mêmes , ainsi que leurs chevaux , tant qu'ils ne seront pas
commandés pour des expéditions qui leur fassent quitter leur
pays. Par ce moyen, des armées entières, des armées innom-
brables, seront tenues sur pied, durant la paix, sans entraîner
le trésor public dans aucune dépense.
La solde de ces corps commencera seulement quand ils se-
ront appelés hors de leurs colonies respectives; et cette solde
aura toute la modicité dont peut se contenter un peuple neuf
sans besoins et sans luxe.
Ces populations militaires où tous, sans exception , porte-
ront les armes , s'exerceront sans cesse , et conserveront leur
esprit guerrier, comme les stations de l'empire romain, au
tems le plus redoutable de ses conquêtes.
Quand ce projet aura reçu son exécution , l'empire comp-
tera trois millions de mâles, dans les colonies militaires. C'est
donc parmi ces trois millions que l'autocrate de toutes les Rus-
sies pourra faire marcher, par un simple ukase , tous les indi-
vidus , depuis quinze ans jusqu'à soixante, c'est-à-dire, au
moins quinze cent mille combattans.
T. XX. — Novembre 1823. a,
323 SCIEÎSCES MORALES
Dès à présent, 40)00q cavaliers sont ainsi colonisés; une
seule colonie, étab'ienon loin de Pclersbourg, près de Now-
i^orod, compte 'yo.ooo combattans. Le total de la caste mili-
taire, di'jà constiiuée , est de 400,000 soldats.
En attendant que cette efb-n.aule conception soit conduite
à son dernier terme , la conscription , établie sous ie règne de
Catherine, sert à recruter larmée dont les cadres compren-
nent plus de 800.000 liommcs.
Celte conscription cessera par degrés, à mesure que la co-
lonisation militaire fera des progrès ; elle sera toul-à-fail abo-
lie ouand on aura coraph'té la caste militaire.
Mais les troupes de la Russie ne sont pas seulement redou-
tables par le nombre; tUcs le sont par la vaillance, par Tim-
pi'-luosité dans l'attaque, et par l'inébranlable fermeté dans la
retraite. Ce fut un spectacle extraordinaire et digne d admi-
ration de voir, durant iinvasion si brillante d'abord de lar-
mée française, les troupes d'arrière-garde des Russes, for-
cées de céder le terrain à Ibéroisme français, ne le céder
jamais sans r-'sistance opiniâtre; se présenter, cliaque soir, en
ordre de bataille , à l'endroit clioisi pour leur jhalte, et cbaque
matin, repartir avec leurs canons et tous leurs équipages,
sans que leurs pertes pussent jamais les porter à se Jt bander.
Tout eu admettant l'incontestable puissance de la Russie
pour dfMèndre son propre territoire, on dispute sur sa puis-
sance a agressive. On se fonde sur la pénurie où se trouverait
cet empire, s'il était obligé de subvenir seul aux d(''penses
d une guerre otrensive et prolongée. On juge toujours de la
Russie par ce qu'elle était il y a cent ans , ou du moins, par ce
quelle était il y a cinquante ans ; et depuis vingt années seu-
lement, la Russie a fait un ilemi-siècle de progrès. Toutes
les sources de ricbesses coulent chaque jour, avec une abon-
dance nouvelle, dans les canaux industriels de cet empire.
Dès h présent, le nombre des nianu!actures de la Russie
surpasse 3,700; le capital employé au commerce, d'après la
ET POLITIQUES. Saô
déclarallou même des commercans, est de 3i^,C68,ooo rou-
bles. Le montant des seuls impots de la capitation et des bois^
sons , s'élève à i6g,35o,ooo roubles. D après ces seuls docu
mens, je le demande, peut-on regarder la Russie comme
n'avant que de faibles moyens pécuniaires!...
L'agriculture étonne par la grandeur et la rapidité de ses
accroissemens, dans le nord et dans le midi de l'empire. Le
commerce, dans ses progrès, suit le même développement. La
Russie a peu de grandes roules , il est vrai , dans l'intérieur de
ses immenses provinces. Elle en établirait difficilement, par-
ce que l'abondance des neiges , leur long séjour sur la terre
et les dégâts du dégel , rendraient impraticables les voies pu-
bliques, durant une grande partie de l'année ; tandis qu il fau-
drait d'énormes dépenses pour jouir de ces voies publiques
durant un petit nombre de mois.
Biais en hiver, la neige même qui couvre les champs, et la
glace qui couvre les lleuves , les lacs et les mers , permettent
on plutôt facilitent un immense commerce, par un transport
qui se fait avec une extrême rapidité. En été , les grands fleu-
ves, réunis par des canaux, permettent, ainsi que nous l'avons
expliqué, de transporter les produits de l agriculture et de
l'industrie , des bassins dont les eaux se réunissent à celles
de l'Océan septentrional, de la mer Bianche ou de la Balti-
que, dans les bassins dont les eaux se réunissent à celles de
la mer Noire ou de la mer Caspienne.
La Russie s'est rendue maîtresse de la navigation de la mer
Caspienne , où les Persans osent à peine se montrer j elle do-
mine dans la mer Moire, et tout la porte à s'emparer de l'is-
sue de ce ricbe bassin.
Deux des plus plus beaux fleuves de l'empire moscovite
versent leurs eaux dans la mer Noire. Un territoire immense
se rattache delà sorte, dans la Russie, au bassin de cette
mer. La fertilité de ce bassin est si grande , eue les produits
de ragricullare y surpassent de beaucoup les besoins de la
324 SCÎEISCES MORALES
conàomniatlon. Cet escvciant de production s'accroît chaque
annôe. Les peaux et la toison des troupeaux de la Tartarie,
de rUkraine et de la Moscovie, sont aussi des objets d'ex-
portation de plus eu plus recherche's.
Ou pourra juger de la prospérité de ce commerce et des
riclicsses qu il répand sur sa route, malgré les entraves dont
nous allons bientôt parler, par le seul tableau des accroisse-
mens d'Odessa, lun des ports de la mer ISoire , au débouché
du Don , et de la mer d'Azof.
En dix années seu!en»ent, M. le duc de Pilcbeiieu, gou-
verneur d'Odessa , a vu la population de cette ville s'accroître
de 5,ooo à 55,ooo habitans ; celle de son gouvernement s'est
accrue d'un million d'babitans. Odessa compte aujourd hui
plus de 4o,ooo individus, Russes, Allemands, Italiens, Fran-
çais, Juiis, Polonais, et surtout Grecs. Il y a, dans cette ville,
un théâtre français, uu théâtre italien et un théâtre grecj il y
a des écoles de droit, de navigation et de commerce.
Si, nouvel Kplménide, Anacharsis pouvait sortir d un som-
meil de vingtsièc'es, et se retrouver toutà coup devant Odessa,
sur les bordsdumoderneEuxin, il croirait n'avoirpoint quitté
les bords de l'antique Hellespont ; il venait les ordres de l'Io-
iiie , de Corinthe et de la Dôride, embellir les portiques des
temples et des palais; 11 reverrait le Musée, l'Académie et
le LAcée, ouverts à l'instruction du jeune âge, au perfection-
netnent de l'âge mûr. Dans l'enceirile du théâtre, il entendrait
les beaux vers de Sophocle et d'Euripide, récités par les en-
fans de la Grèce, et salués d'applaudissemens patriotiques,
aux doux noms de liberté , de gloire et d'immortalité. Ana-
charsis ne pourrait se croire dans le voisinage de la Scvthie,
et dans cette Tauride, célèbre encore par l'antique férocité
de ses mœurs.
Cette opulence éclairée , ce luxe des arts de la paix , fruits
de l'industrie et du commerce, sont dus surtout à la naviga-
tion des grands fleuves de la Russie méridionale, et à la na-
ET POLITIQUES. 3a5
vigatioa de la mer Noire, ainsi que de la Méditerranée , qui
sont les principaux débouchés des productions de celle por-
tion de la Piussie.
C'est ici que se présente une grande difficulté politique. Le
gouvernenient turc est le maître unique du passage étroit et
long qui seii à communiquer entre ces deux mers ; et la ca-
pitale de l'empire ottoman s'élève sur les rives du Bosphore.
Les Turcs entravent la navigation de ce passage , par des lois
arbitraires , ineptes et capricieuses , comme l'esprit de leur
législation. Ainsi , le débouché le plus important pour le plus
riche commerce de l'empire de Russie , est à la merci d'un
état barbare qui n'a nulle fixité dans la marche de son gou-
vernement.
Cet inconvénient paraît plus grave, à mesure que les pro-
vinces russes , situées dans le bassin de la mer Noire , devien-
nent plus peuplées, plus industrieuses, et par consécjueut plus
riches en objets d'exporlation ; à mesure aussi qu'elles ont
des besoins plus étendus et plus varit's d'objets d'importation.
Les cabinets européens peuvent écrire les notes diplomati-
ques les plus adroites et les plus savantes , ils peuvent étaler
des principes admirables d'équilibre europ^-en , de repos uni-
versel et de philantropie diplomatiques. Ces simulacres de rai-
sonnement ne pourront rien changer à la nature des choses.
Il importe au bien être, k la richesse , à la force de la Russie,
([ue le Bosphore soit libre pour elle, dans tous les tems et
malgré toutes les circonstances. Un de ses tzars , deux , trois
îzars , peut-être, parviendront à se dissimuler un tel besoin ,
et à faire taire l'expression du désir de leurs sujets , en disant
comme Neptune aux vents irrités :
Sic volo , sic juheo , sit fro ralionc voluntas.
L'empire de Russie n'en conservera pas moins sa tendance à
devenir le seul arbitre des rives du Bosphore, ou du moins à
voir placer cet important passage en des mains assez dépen-
3à6 SCIENCES MORALES
danles de raulorité moscovite , pour n'interrompre jamais
rentrée et la sortie des bàtimens des Russes et de leurs alliés.
Pourra- t-on jusqu'à ce point aJ)aisser la puissance ot'.omane?
Pourra-t-on lui imposer une constante soumission? Pourra-
t-on donner à des barbares orgueilleux la modeste retenue
d'une perpétuelle déférence? C'est ce que nous laissons à
penser aux hommes , pour lesquels de semblables questions
peuvent sembler encore indécises.
Nous avons indiqué, sans rien dissimuler, la puissance for-
midable de la Russie , et la nature de ses progrès toujours
croissans ; la tendance de ces accroissemens du côté de l'oc-
cident et du midi, et les facilités malheureuses que l'impré-
Toyance des états limitrophes semble présenter aux envabis-
semens. En même tems , nous croyons avoir monfré dans
quelles voies les peuples de l'Europe doivent marcher, pour
opposer aux Russes une résistance efficace. Etablissons par-
tout des institutions fortes qui soient la rautueiie garantie des
monarques et des sujets ; favorisons le progrès des sciences
et des arts utiles, l'instruction populaire, l'industrie et le com-
merce. Rendons les citoyens heureux et clairvoyans, afin qu'ils
courent d'eux-mêmes au-devant des dangers de la chose pu-
blique, et qu'à l instant du besoin, ils meurent avec enthousias-
me pour la défense d'une patrie qui donne le bien-être à leurs
familles et garantit la durée de ce bien-être à leur postérité.
La France peut marcher au premier rang , dans la noble
carrière qui doit être à la fois le salut et la gloire de l'Euro-
pe occidentale ; elle peut commander par sou exemple, et di-
riger par ses lumières; voilà son rôle naturel, voilà la seule
destinée digne de sa grandeur. C'est à ce poste avancé que
nous osons l'appeler, et non pas en protégt e , en seconde li-
gne, derrière les vaisseaux d'Angleterre et les diplomates
d'Albion. Puissent nos vœux et notre espoir ne pas être dé-
mentis par le cours des événemens I
• Charles Dvvi:s! , de l'InsliliU.
LITTERATURE.
Œuvres de François- Cut'llaume Stnnislas AîiDiMEVX ,
membre de l'Institut de France. {Académie fran-
çaise.) Tome IV (i).
M. Andrieux a publù', il y a environ cinq ans, le recueil
de ses œuvres, en 5 volumes in-8°. Dt-juiis , so'licili' cl eu
donner une nouvelle (-dition dans le format in- 18 , il a joint
à cette seconde édition plusieurs morceaux, ou entièrement
inédits , ou publiés postérieurement à la première. Dès-lors ,
les acquéreurs de celle-ci ne se trouvaient plus posséder une
édition complète. C'est pour remédier à cet inconvénient que
M. Andrieux a eu la pens 'e d'ajouter aux trois volumes de
son édition in-8°, un quatrième volume renfermant les mor-
ceaux nouvellement publiés. Nous avons analvsé son recueil
au moment où U a paru (2) j nous allons indiquer les écrits
plus récens dont Tauleur vient de l'augmenter.
Une Notice étendue sur CoUin-Harleville ; trois ISoticts
plus succinctes .y«/- Louis XII, Guillaume Budée et Henri //^;
deux Dissertations, Vxxnesur le Promcthée enchaîne à¥.sc\i^\e,
l'autre sur les langues ; une Traduction de la Préface du dic-
tionnaire anglais de Johnson ; une comédie ; un drame, imité
de la JaneShore de Roive ; te!s sont, avec quelques compo-
sitions moins importantes, les écrits contenus d-ms ce volume.
La traduction de la préface anglaise , intéressante à lire en
entier, est peu susceptible d'analyse; la dissertation sur le
Prométhée est déjà connue de nos lecteurs (5) : il suffira donc
de jeter un regard sur les autres morceaux.
(1) Paris, 1812. Un vol. in-S» de 5oo pages. Ncpveu , passage de»
Panoramas , n" a6.
(2) Rev. Enc, T. VII, pag. 5o3-523.
(5) Rev. Enc. , T. VI, p. 442-4^9» où cette dlsserlalion est textuel-
lement insérée.
SaS LITTERATURE.
Un sentiment moins rare qu'on ne le croit parmi les liom-
mes qui cultivent les lettres, ramitié, a dicté la Notice sur
Collin (i). L"auteur des Etourdis lut trente ans l'ami le plus
cher de l'auteur du Vieux célibûlairc : c'est à lui qu'il ap-
partenait d'élever un monument en sou honneur; c'était à
lami qui a survécu de cultiver la mémoire de l'ami descendu
trop tôt dans la tomhe. Ce n'est point un panégyrique qu'a
voulu faire M. Andrieux ; ce n'est pas non plus un jugement
littéraire qu'il a voulu prononcer. Lui-même nous apprend
quel dessein il s'est proposé en écrivant la vie du compagnon
de sa carrière, a Ce que je veux dire de l'auteur, c'est ce que
très-peu de personnes en peuvent dire aujourd'hui ; c'est ce
dont j ai été personnellement témoin ; ce sont des faits aux-
quels il m'est arrivé de prendre part. Je pourrai raconter
telle anecdote , qui mettra jusqu'à un certain point le lecteur
dans le secret de la manière dont telle comédie a été conçue
et composée; et de pareilles anectodes sont, à ce qu'il me
semble , curieuses et rares ; car les poètes et les écrivains en
général ne nous font point entrer dans le mystère de leur tra-
vail , si l'on peut ainsi s'exprimer ; nous n'en voyons que les
résultats , sans connaître les procédés qu'ils ont employés. Je
pense qu'il sera neuf et peut-être utile d'ouvrir une fois l'intt'-
rieur du cabinet d'un poète , de l'y montrer composant d'ins-
piration et de verve. J'ai assisté quelquefois à ces momens
sanctifiés , pour ainsi dire , par ia présence d'une muse ; et
j'en ai bien gardé le souvenir, car je les compte au nombre
des momens les plus agréables de ma vie.
)» Mais c'est l'homme, encore plus que le poète , que j'ai
aimé. C'est sa vie surtout dont je veux offrir ici le tableau en
l'iionneur des lettres , au profit de 'a morale , et pour l'ios-
Iruction de la jeunesse ; car ce fut une vie de bon exemple ,
(i)Voy. Rev. £nc.,T. XIII, pag. 194, le compte que nous en avons rendu.
LITTERATURE. 5ag
et Ton n'aurait jamais accusé les gens de lettres d'envie, de
cabales, de Tuauvais procédés entre eux, de manque de bonne
foi dans leurs livres , d'orgueil puéril , de folle ambition , et
quelquefois même de cupidité bonteuse , s'ils axaient tous
compris, comme CoUin, que leur vocation est d'améliorer
les hommes , et que , pour la remplir , il faut commencer par
s'améliorer soi -même. »
Fidèle à ce dessein , M. Andrieux nous montre successi-
vement Collin dans linlérieur de sa famille, dans les rela-
tions de l'amitié , et sur la scène du monde littéraire. 11 re-
cueille les nombreux détails de sa vie , surtout ceux qui peu-
vent faire estimer ou foire aimer l'homme dislinejué dont il se
propose de peindre le caractère. Il évite avec soin les formes
pompeuses ou apprêtées de l'éloge académique, et se montre
partout attentif à conserver à sa narration le plus grand ca-
ractère de simplicité. « Je n'ai , dit-il , envie de faire ni phra-
ses , ni lieux communs ; je ne cherche point du tout à bril-
ler. « Et ailleurs : u A quoi bon flatterais- je ce portrait? Il me
plairait moins si je tembeliissais , ce ne serait plus Collin,
ce ne serait plus mon ami. n
Cette abondance de détails n'aurait pas été aussi convena-
blement placée dans les autres notices que renferme ce volu-
me. Elles ont été composées pour la Galerie jvancaUe , col-
lection intéressante, où la gravure et les lettres se réunissent
pour honorer la mémoire de nos grands hommes. Leur objet
est de présenter , en quelques pages, le tableau abrégé , mais
fidèle , d'une vie célèbre. Une narration rapide , des aperçus
généraux, quelques traits choisis pour faire ressortir le carac-
tère, telle a du être la forme de ces notices, parmi lesquelles ou
remarquera particulièrement celle dont Henri IV est le héros.
La Dissertation sur les langues est une composition im-
portante par son étendue et par son objet. L'auteur l'a divisée
en deux parties. Dans la première, il traite de l'origine et
33o LITTÉRATURE.
de la formation des langues : il expose , en peu de mots, les
divers systèmes des philosoplies sur ce sujet obscurci difficile:
il rend hommage à ce qu'ils ont de jusle et dingcnieux ; il
indique ce qu'ils ont d'erroné ou d incertain. Dans la seconde
partie , qui a pour objet la varicu' des langues , leur progrès
et leur déclin , il se livre lui-même à diverses recherches:
sans vouloir expliquer les causes innombrables de la variété
des langues , il la considère comme une des conséquences de
la diversité infinie que la nature a voulu meltre entre les hom-
mes. La dernière moitié de cette seconde partie , où M. An-
drieux examine les langues dans leur progrès et dans leur dé-
cadence, nous parait être celle oii il a déposé le plus de vues
et d'observations de son propre fonds. Eu tout, cet écrit peut
être regardé comme une élude faite avec beaucoup de soin
sur la philosophie et sur les procédés du langage, par un
écrivain quia Inug-tems réfléchi sur cet important sujet.
Un fabliau du xii* siècle a fourni l idée de la comédie in-
titulée le Manteau ou le Rêve supposé. Un mari jaloux , ou
du moins porté à le devenir, trouve , en revenant de A'ovage,
un manteau étranger dans l'appartement de sa femme. îl con-
çoit d'injuslcs soupçons. Pour les détourner, celle femme, ou
plutôt sa cousine , imagine de persuader à l'époux qu il a rêvé
ce qu'il a vu. Darlière repousse d'abord cette idée : cepen-
dant , subjugué par linslslance et par le ton de bonne foi des
personnes qui lui parlent, il est sur le point de se laisser per-
suader, lorsque sa femme elle-même le désabuse. L'époux,
que cette épreuve a convaincu de l'injustice de ses craintes ,
abjure son penchant à la jalousie, et proclame hautement
Qu'il faut, pour être heureux, se fier à sa femme.
Aux premières représentations , le dénouement était uu
peu différent. Darlière se laissait complètement abuser, et se
persuadait qu'il avait réellement rêvé la vue du manteau. Il
LITTÉRATURE. 33 1
paraîl (c'est M. Andrlenx qui nous l'apprend dans sa préface)
que le public trouva la crédulité de ce bon mari un peu trop
forte, et que ce dénouement fit succéder quelques murmures
aux applaudissemeos que la pièce avait obtenus jusque-lài
Averti par l'effet du théâtre, l'auteur a cru devoir la corriger :
dans la pièce, telle qu'il Ta livrée à l'impression , Darlière
n'est plus entièrement dupe 5 il n'est qu'ébranlé. Ses doutes
suffisent pour le destin du drame , et sa perplexité est même
d'un effet plus comique que ne l'était sa crédulité.
Lénovt est un drame imité d'une tragédie anglaise de Rowe,
qui lui-même a pris sou sujet dans l'histoire d'Angleterre.
Le principal personnage est une femme séduite par le roi
Edouard IV, qui régnait vers la fin çlu XV^ siècle. « Jane
Sliore (c'était son nom) avait été enlevée à son mari , orfèvre
de Londres. Elle vécut à la cour, et s'y fit aimer de tout le
monde. Elle avait , dit-on , autant d'esprit que de beauté ; elle
V Joignait les qualités du cœur; elle était accessible aux infor-
tunés, aimait à rendre service, et soulageait les pauvres. Après
la mort d'Edouard IV, son frère, le duc de Glocesler, qui
fut depuis Richard III , fameux par ses crimes , enveloppa Jane
Sbore dans une accusation de magie; il la (it condamner,
comme ayant V('cu en adultère, à une pénitence publique et
solennelle ; elle fut obligée de faire amende honorable devant
l'église de Saint-Paul, en chemise, la tète et les pieds nus, un
cierge dans la main : elle fut ensuite promenée dans cet état ,
et donnée en spectacle dans toute la ville ; il était défendu ,
sous des peines graves , d'accorder à la coupable l'asile , le
pain et reaii. »
Jane Shore, ajoute M. Andrieux , survécut à cette horrible
scène. Rowe a préféré la faire mourir des suites de sa con-
damnation. M. Andrieux l'a suivi en ce point, ainsi que dans
lemotii'que l'auteuranglais a donné à la proscription de Jane
Shore. C'est pour avoir refusé de servir l'ambition de Gloces-
353 LITTERATURE.
ter, quicl)erche à fîépouiller les jeunes fils d'Edouard, qu" elle
se voit en balte à la colère du protecteur. Cette conduite no-
ble et courageuse la rend plus intéressante , et fait excuser ses
ei-reurs passées. Une autre idée , dont il faut savoir gré à l'au-
teur anglais , et dont M. Andrieux a proiité en la modifiant,
c'est d'avoir ramené auprès de Jane Shore expirante, 1 époux
qu'elle avait quitté. H est témoin de sou repentir, de ses souf-
frances; il lui pardonne sa faute, et cette consolation, que le
ciel envoie à l'inforlunée, au moment de sa mort, est d'un
effet très-touchant; elle adoucit ce que la situation pourrait
avoir de trop décliirant et de trop pénible. M. Andrieux a con-
servé cette scène; mais, par respect pour les bienséances de
notre théâtre, il a substitué au mari de Jane vShore, dont la
position est assez difficile à présenter, dans un drame sérieux, à
des spectateurs français, le père de cette femme égarée et mal-
heureuse. En avouant qu un goût éclairé a dicté ce change-
ment , je ne puis m'empècher de gémir sur cette excessive
délicatesse delà Meipomène française, quelle oblige souvent
à se priver des plus grandes bc.utés . par égard pour des con-
venances qu! pourraient être moins sévères. Ici, par exem-
ple , est-ce la même chose que la présence du père ou celle
de l'époux? Ce qu'il y a de profondément attendrissant dans
la conception de l'auteur anglais, n'est-ce pas la vive peinture
qu il nous offre du sort affreux de Jane Shore, si malheureuse
que la pitié qu'elle inspire efface jusqu'au ressentiment de la
plus mortelle injure? ie pardon de l'époux est dautant plus
touchant qu'il doit lui couler davantage. Dailleurs , u'çst-ce
pas à celui que Jane offensa, de lui remettre sa faute, à la face
du ciel , et de jeter encore quelque douceur sur ses derniers
momens, m venant rassurer sa conscience à l'entrée de la
tombe? Ces consid.'rations n'ont point certainement échappé
à M. Andrieux : mais nos bienséances parlaient plus haut
qu'elles : il a du affaiblir nu peu son dénouement pour
LITTÉRATURE. 533
obéir à leur loi rigoureuse ; il ne fallait pas faire virt le par-
terre.
J'ai essayé , dans cette rapide analyse , de donner une idée
des principales pièces qui coniposeat ce voiume. J'ai pensé
devoir me borner à une simple revue et m interdire de juger
ce que j'analysais. Lorsque je fus appelé, il y a peu d'années, à
rendi-e compte , dans ce recueil, des œuvres de M. Andrieux ,
il m'était permis do dire tout le bien que je pensais , et de l'au-
teur et de rouvrage. Aujourd'hui, mes sentimens sont loin d'a-
voir changé; mais les convenances ne sont plus les mêmes (i).
Les fonctions de juge ne pouvaient plus me convenir : j'ai dû
les abdiquer, et me réduire aux fonctions de rapporteur. Je
n'aurais pu être juste envers M. Andrieux ; il m'était défendu
de louer. St. A. Bervili.e.
«tA/WVMWWlA^V*
Nouvelles MiuiTAxioiys poétiques, par Alphonse De
La Martine (2).
Lorsque nous fûmes chargés, il y a trois ans , d'entietenir
les lecteurs de la Revue Encyclopédique (Voy. Tom. VIH,
pag. '^'i) des premières Méditations poétiques de M. de
La Martine , en rendant une Justice complète aux beautés
élevées qui brillaient dans cet ouvrage, le devoir du criiique
nous obligea de tempérer les éloges par une juste censure , et
de signaler les défauts graves dans lesquels l'auteur était sou-
vent tombé. Le premier de ces défauts était une absence con-
tinuelle de plan et de liaison. Nous reprocliàmes à M. de La
Martine le choix peu intéressant de la plupart de ses sujets, di-
verses fautes de goût, et particulièrement une tendance pro-
(1) M. Bcrville est devenu le gendre de M. Andrîeux.
(2) Paris, 1825. Ud vol. in-8" ; prix, 4 fr. Urbain Canel, libraire, rue
Hautefeuille, n» 5; et chez Audin , quai des Augustins, n° aS.
334 LITTÉRATURE,
noncée vers le faux genre qui menace d'étouffer désormais la
littérature française. Mais nous reconnûmes, en même tems,
que le talent de M. de La Martine était de nature à faire con-
cevoir les plus légitimes espérances; que, si ce jeune écrivain
se vouait au culte de la raison et à l'étude du naturel, ses
dispositions poétiques paraissaient assez brillantes , pour que
l'on pût espérer de le voir devenir un jour Tun des plus heu-
reux soutiens de la poésie française.
Tel fut le jugement que nous avons porté sur les premiers
essais de M. de La Martine. Mais , ce fut à nos yeux un mal-
heur littéraire , de voir ce qui avait été précisément l'objet de
nos justes critiques , devenir pour l'auteur une source d'élo-
ges de la part de quelques faux amis , ou de quelques admira-
teurs indiscrets. Ou seflorca de lui persuader que ses fautes
mêmes étaient des beautés ; on encouragea son penchant vers
les tournures étranges et les alliances bizarres. On caressa ses
préjugés littéraires ; et comme les flatteurs obtiennent toujours
plus de crédit que les critiques austères, M. de La Martine,
environné d un agréable concert de louanges, prôné avec un
imprudent enthousiasme , crut facilement que la route qu'il
avait suivie était la véritable , et ne pensa pas qu'il eût rien de
mieux à faire que de s'y enfoncer de plus en plus. Déplora-
ble effet de la flatterie qui corrompt les plus beaux dons de la
nature, en trompant les meilleurs esprits sur le caractère de
leur talent , et sur la direction qu'ils doivent suivre î
Ce n'est pas, toutefois, que les conseils d'une sage critique
aient entièrement été sans fruit. Il y a plus de choses , des idées
plus utiles et plus positives dans les Nouvelles méditations ,
que Ton n'en trouvait dans les premières. Le talent poétique
de l'écrivain a grandi; son vol , autrefois peu soutenu , est de-
venu plus assuré ; il tombe moins; c'est un aigle dont l adoles-
cence est arrivée, et qui contemple avec plus d'assurance les
rayons brûlans du soleil. Ou ne saurait le nier, les Nouvelles
LITTÉRATURE. 555
Méditaiions poétiques sont un ouvrage plus fort , et d'une plus
[jauie portée que les premières. Mais , le dirons-nous avec la
même franchise? si elles offrent des l)eautés plus nombreuses
et plus remarquables , elles présentent aussi des fautes d'une
nature toute nouvelle : les défauts de l'auleur ont suivi la mê-
me progression que ses beautés ; ce qui n'était que vague dans
les premiers essais , est obscur dans les seconds ; ce qui ne fut
que singulier, est aujourd'hui bizarre. La pureté du style n'est
plus aussi respectée ; tantôt, l'auteur se perd dans les nues ;
tantôt, il tombe dans une simplicité qui approche du vulgaire ,
je dirai même , du trivial. Q«ielques pièces sont une véritable
marqueterie; et l'on pourrait, ea les lisant, appliquer à l'auteur
ces deux vers du législateur du Parnasse :
Sa muse déréglée, en ses vers vagabonds,
Ne s'élève jamais que par sauts cl par bouds.
(BoiLEAu, Art poétique.)
Un défaut , déjà signalé dans notre premier article , et qui n'a
fait que s'enraciner, qui même, le dirons-nous? est devenu,
chez l'auteur, une manière constante , et peut-être un systè-
me, c est l'absence totale de variété ; c'est la monotonie soute-
nue qui règne plus encore dans le second ouvrage que dans
le premier. Cette monotonie résulte moins des t"ormes du sty-
le, que du retour continuel des mêmes pensées; ou serait por-
té à accuser M. de La Martine de stérilité. Toujours de va-
gues excursions dans le domaine de la métaphysique ; toujours
celte pensée , sans doute utile et belle , mais devenue com-
mune par les innombrables développemens qu'elle a inspirés
il divers auteurs : quest-ce que l'homme? où allons-nous?
que deviendrons-nous après cette vie? C'est toujours ce re-
doutable problème , que la sagesse étudia long-tems sans le
résoudre, ce secret d en haut qu'il ne nous est pas donné de pé-
nétrer, et qui, s'il doit imprimer au cœur de l'homme une
356 LITTÉRATURE.
terreur mystérieuse et une tristesse profomle , ne peut servir
d'unique base à une composition poétique , parce que la mo-
uotonie est le plus fatal écueil des ouvrages de Tesprit.
Plusieurs juges , d ailleurs éclairés , ont prodigué de grands
éloges à la pîiilosophie de M. de La Martine. Nous avons en-
tendu dire à l'un deux , que cette pliilosophlc était celle du siè-
cle. Une telle opinion nous paraît peu fondée. Que la généra-
tion actueiic, en edet, soit réilécliie et pensante; qu elle ait du
penchant pour la rêverie, et se livre volontiers à ces pensées
de découragement et de désespoir qui s'emparent des peuples
dont la civilisation est très-avancée, et qui doivent leur carac-
tère sombre , soit aux malbeurs des tems, soit à d'affligeantes
circonstances politiques : cette révolution morale, quoiqu'elle
paraisse incompatible avec le caractère français, peut sembler
explicable, et même passer aux yeux de certains esprits qui
jugent la génération actuelle par eux-mêmes, pour la philo-
sophie del'époquej mais nous demanderons si l'on trouve rien
de pareil dans M. de La Martine. Sa philosophie , qui se rap-
proche beaucoup de celle du monoloue Young , semble plu-
tôt le fruit d une hypocondrie, ou d'un spleen, que d'un re-
tour amer sur la situation politique de la société européenne.
Oue ion fasse honneur de pareils motifs à lord Byron , je le
conçois , et je crois même cette opinion juste ; mais où M. de
La Martine a-t-il fait voir (jue létat actuel des choses dût le
plonger dans une profonde tristesse? quels regards a-t-ll jetés
sur ce long et sanglant combat de la liberté contre le privilè-
ge , dont trente années n'ont point aiuené l'issue? quelles lar-
mes a-t-il versées sur la perle de tant et de si légitimes espé-
rances? quels poétiques regrets a-t-il donnés à l'anéantisse-
ment de tant d'eiïorts , de tant de sacriiices , par lesquels oa
avait espéré de renouveler une civilisation usée, et de rajeunir
la décrépitude de la vieille Europe ? M. de La Martine n'a con-
sacré à ces grandes idées , qui sont réellement celles de la gé-
LiTTÉRÂTtRE. 53;
iiéralion présente, aucune des cordes de sa Ijre. Laissant à
d'autres le soin de pleurer sur nos pertes, il s'est chargé de er-
mirsurle prétendu afTaiblissemeiit des sentiineus religieux
qui cependant ne furent jamais plus vifs. Il n'a célébré que la
victoire du pUis fort , et si, ea cliantaut , sa lyre s'est baignée
de larmes, c'est qu'il a jugé son la'ent plus propre à être fécon-
dé par les larmes que par la joie.
Le morceau le plus remarquable des Nouvelles méditations
c'est sans contredit celui qui est intitulé Bonaparte. Nous
nous plaisons à rendre hommage au\ beautés poétiques de
cette pièce, dont nous citerons plus lard quelques iWigniens.
Mais , dans un si grand sujet , où l'auteur eût pu se rendre i'in-
terpi-ète de la pensée du siècle, quelles couleurs sa muse lui
a-t-e!le fournies pour dépeindre un des îiommes les plus ex-
traordinaires de tous les tenis? A quelles (acuités de ce chef
ambitieux a-t-il prodigué ses éloges? de quels reproches a-l il
poursuivi sa mémoire? C'est ici que le lecteur va juger la piii-
losopble du poète.
Après la plus surprenante des révolutions politiques , révo-
lution sanglante et sublime , souillée par des crimes honteux ,
enaoblie par d'illustres vertus , un homme s'élève. Tout ce
qu'il entreprend porte un caractère d'audace qui étonne; la vic-
toire le choisit pour son favori; et sa Vaste tète embrasse à la
fois l'art compliqué des combats, et la science plus compli-
quée de l'administration. A ses élounautes facultés , aux gran-
des choses qu'il accomplit, toute une génération admire; ou
se livre à lui avec une confiance sans bornes ; on lui découvie
les plaies de la patrie; on ne lui cache ni ses dangers, ni ses
craintes ; on lui dit tout, parce que lui seul peut-être peut re-
médier à tout ; on lui remet le fardeau tout entier, parce qu'il
est le seul allas qui puisse le soutenir. Le voilà donc porté sur
ie pavois ; chargé des destinées de la première nation de l'Eu-
rope; dépo^taire unique de la civihsation de l'ancien monde.
T. XX. — Novembre i^^o3^ 23
558 LITTERATURE.
La cil-constance est donnée : il peut être un WasLiaglou -, ii
peut être un Monck ; mais il peul être aussi un Croniwel.
Une hautevertu lui eût lait choisir le premier rôle; uneam-
bition modique lui eût conseillé le second : lasoii'de ladomi-
naliou lui fait choisir le troisicine. 11 répond à la confiance du
peuple eu chassant ses tribuns ; il jette sous ses pieds le noble
Cardeau de la liberté qu'il avait promis de soutenir. Le gou-
vernement de son choix, c'est !e despotisme ; le palais qu ii ai-
lue, c'est un camp; sou cortège, ce sont des (lalicurs ; il ne
connaît ounac ennemie, et c est la vérité. Long-tcras la vic-
toire sourit à ses espérances , long-tems il essaie de cacher
sous des lauriers ia statue de la liberté; mais la fortune se
lasse ; de grands revers suivent de grands triomphes : il tom-
be, et la vengeance des rois de i Europe relègue sur un ro-
cher, au milieu des mers , l homme qui avait menacé le con-
tinent d une monarchie universede. C'est là qu'il meurt soli-
taire , et une immense pitié s'élève dans tous les cœurs, désar-
més k l'aspect d'une si imposante ruine.
Tel est Iborame que M. de La MartiiK; à voulu peindre.
Tel est le conquérant auquel la poésie ne devait se consacrer
que pour donner sur sa tombe de hautes leçons aux puissaas de
la terre. L'auteur des Médiialions a-t-il , dans un si grand su-
jet, allié les couleurs poétiques aux saintes inspirations de !a
philosophie? Nous regrettons d'être obligés de déclarer qu'il a
négligé la plus belle partie du noble thème qu'il avait choisi.
Ce qui Ta frappé seulement dans Bonaparte, ce sont les facul-
tés extraordinaires de l homme, c'est le contraste du triomphe
et des revers , de 1 élévation et de la chute ; mais, ces grandes
facultés, ce poétique coniraste , se rencontrent dans tous les
despotes que leur génie u'a point préservés de la ruine; l'ode
de M. de La IMarline peut s'appliquer à tous les conquéians
qui ont !lni par succouiber; on lui demandait de peindre l3o-
liTTERÂTURE. 559
Viaparte et de ue peindre que lui : il a représenté un type et
non un individu.
Voici sous quelles couleurs le poète dépeint le premier
•avènement de Napoléon au pouvoir :
Les dieux étaient tombés; les trônes étaient vides;
La victoire te prit sur ses ailes rapides ;
D'un peuple de Brutus la gloire te fit roi.
Ce siècle dont l'écume entraînait dans sa course
Les mœurs, les rois, les dieux.... , refoulé vers sa source,
Recula d'un pas devant toil
Cette strophe est poéliquemeiît magnifique. Mais , voilà
d'un mot rusurpatlou , les abus de la force, la ruina de la li-
berté justifiés. La poésie, dans ce pnssagT3, n'est quun art de
déception et de mensonge. Poursuivons :
Ainsi, dans les erreurs d'un impuissant délire,
Quand un siècle vieilli de ses mains se déchire,
En jetant dans ses l'ers un cri de liberté ,
Un héros tout-à-coup de la poudre se lève,
Le frappe avec son sceptre; il s'éveille , et le rêve
Tombe devant la vérité,
TDans cette strophe, moins poétique que la première, la rai-
son et la pliilosophie ne sont pas moins blessées : Tauleur
nomme l'oppresseur un héros , et le despotisme est à ses yeux.
la vérité. Toute la pièce sur Bonaparte est composée dans ce
sens. Après avoir signalé le vice du fond, nous conviendrons
que la forme est généralement très-belle. Si les strophes sui-
vantes ne sont pas dun philosophe, ou avouera du moin.'j
qu" elles sont d'un poète :
Ta tombe et ton berceau sont couverts d'un nuage;
Mais, pareil .i l'éclair, lu sortis d'un orage;
Tu foudroyas le monde , avant d'avoir un nom 1
Tel ce PJil dont Memphis boit les vagues fécondes,
Avant d'être nommé , fait bouillonner les ondes,
Aux solitudes de Mcmnon
54o LITTÉRATLRE.
Tu graudis sans plaisir, tu tombas s-aus murniaie !
Ritn d'humain ne battait sous ton épaisse armure;
Sans bainc et sans amour, lu vivais pour penser 1
Comme l'aigle régnant dans un ciel solitaire,
Tu n'avais qu'un regard pour mesurer la terre,
Et des serres pour l'embrasser!
Être d'un siècle entier la pensée et la vie,
Emousscr le poignard , décourager l'envie,
Ébranler, raffermir l'univers incertain,
Aux sinistres clartés de ta foudre qui gronde,
"V ingt fois contre les dieux jouer le sort du monde ;
Quel rêve! et ce lut^on destin!. ..
On dit qu'aux derniers jours de sa longue agonie,
Devant rÉiernité, seul avec son géjiie,
Son regard vers le ciel parut se soulever!
Le signe rédempteur louc'ia son front farouche!
El même on entendit commencer sur sa bouche.
Un nom '.. . . qu'il n'osait achever.
Achève! c'est le Dieu qui règne et qui couronne!
C'est le Dieu qui punit! c'est le Dieu qui pardonne!
Pour les héros et nous , il a des poids divers !
Parle-lui sans eflroi ! lui seul peut te comprendre!
L'esclave et le tyran ont tous un compte à rendre.
L'un du sceptre , l'antre des fers !
Celle cUation peut meitie le iecteur en ctat de juger les pro-
grès poétiques de M. de La Martine. Si les bornes dans les-
quedes nous sommes circoncrits nous eussent permis de citer
1 ode entière, le lecteur aurait pu juger que celte ode est
d ailleurs dèi'ectueuse, sous le rapport de la composition.
Lauleur manque quelquefois de clarté ; souvent il se conlre-
da: il contredit plus souvent encore Thistoire, en substitiianî
un portrait de lautaisie au portrait véritable de son néros.
La méditation sur Napoléon n'est pas au reste la seule re-
marquable que présente le nouveau recueil ; il y a de (rès-
Lcaus pa.-^sages dans la médilation intitulée les Etoiles. Des
UTTERATLRF.. 54t
morceaux de la plus haulc poésie se irouvent dans les Pn'iii-
flcs , sorte de chaut pof'liqne , dans Ic{|ucl l'aïUcur parcourt
sans ordre et sans transiliou tous les sujets. Des critiques lia-
Liics ont (ait un grand éloge d une pièce qui a pour litre :
le. Crucifix. Nous nous plaisons à la signaler r gaiement . com-
me l'une des meilleures de l'ouvrage ; mais, à notre avis , la
plus irreprocliable , c'est une méditation sur le passé, adres-
sée par Fauteur à l'un de ses amis. Ce morceau nous semble
à la fois un modèle de gr|ce et de goût, que n'auraient pas dé-
savoué no« écrivains les plus dislingm's. il y a quelques belles
stroplies , mais aussi beaucoup de (autcs dans le Poitc mou-
rant. Une méditation intilult e : la Liberté, olïrc quelques ver»
hieu faits , mais pèche par l'absence de sentimcns Arais et de
pensées justes. L'auteur admire et chante la liberté grecque
et romaine j mais il répudie la liberté française, qu'il flétrit du
nom de licence, oubliant que , daus les républiques antiques,
la licence était la règle générale , et la liberté i exception ;
tandis qu'en France et chez les peuples modernes, la vérita-
ble licence qui tourmenta les peuples , ce fut la double licen-
ce du despotisine et des classes privilégiées. M. de La ?Iartine
reproche aux amis actuels de la libei té d'avoir subi le joug
de Bonaparte; mais lui-même, dont les vers sont la plus
complète apologie de ce joug , aurait- il chanté eu présence
du fer? et d'ailleurs, si quelques hommes brûlent au jourd h ui
sur l'aulel de la liberté un encens peu digne d elle , quel re-
proche le poète osera-t-il adressera ia gv^nération qui s élève,
qui n'a pu participer à aucun excès , et se rendre coupable
d'aucune làcheli? La liberté ne peut-elle être , sans prolana-
tion , adorée par la jeunesse actuelle? Où M. de La Martine
a-l-Il vu que le tyran du jour ce sol le peuple? d'où peut
naître cette confiance sans limites qu'il accorde à 'a puis -
sauce, et cet arrêt sans appel qnil prononce contre tous les
hommes qui proclament le mot de iiberté? C est encore iel
342 LITiERATURE.
que la pbilosopliie de railleur se trouve slngulièremcnl ei»
défaut. Pardonnous , au reste , aux. poètes de déraisonner
dans de tels sujets ; ia politique n'est point une science d'inia-
ginaliou. et les erreurs de M. de La Martine à cet égard n<»
doivcnl étonner personne.
Mais ce qui doit surprendre dans cet écrivain, ce sont
les fautes de goût dans lesquelles il tombe trop souvent. Nou-<
avons rendu ta plus complète justice à son talent : le moment
est venu de mêler à nos éloges de justes critiques. M. de La
Martine, nous Tavons dit au commencement de cet article ,
s'est engagé de plus en plus dans un faux genre 5 il lui était
impossible de se soustraire aux nécessités de Técoîe qu il a
suivie, lAm des principaux caractères de cette école , c'est
Tobscurlté ; nous indiquerons comme presque ininteiligibie
une pièce intitulée : l'Esprit de Dieu. Le poète compare cet
esprit divin au feu qu'un berger allume au bord d'une foret ;
il demande ensuite à son àme de quel côté viendra ce souffle
sacré; si ce sera un enfant des orages, un doux zéphir ou
un cri de douleur. Après s'être adressé à lui-même celte ques-
tion singulière, il termine par un vers qui signifie à peu près :
Qu'il vienne d'où il voudra , pourvu qu'il vienne. Le poète
ajoute , toutefois, que l'on invoque en vain cet esprit de Dicii ,
qu il n'arrive jamais qu'à sou heure , d'oii il suit que l'invo-
cation qui précède était complètement iauiile. Vient ensuite
une comparaison entre l'àme qui reçoit l'esprit divin cl Ja-
cob qui lutte contre une ombre. Le morceau est terminé par
une strophe sur l'homme qui , iong-tems assi(^gé par le dou-
te , finit par céder au pouvoir de ia vérité.
Ainsi, dans les ombres du doute,
L'homme, liélas ! égaré souvent,
Se trace à soi-même une roule ,
Et veut voguer contre le veut ;
Mais, dans celle lutte insensée, -
Bientôt notre aile tcrr^issée
LITTÉRAÏUFJ'. 54")
Tnr le souffle qui la combat ,
Sur la terre lombe cssonfléc ,
Comme ia voUe dcscnfl: c ,
Qui tombe et dort le lonrj du mât.
Nous laissons le lecteur piououccr sur le mi iUe cl une pa-
reille composition.
Parmi les yen singuliers qui îibondent daus les ÎNouYCifs
méditations poétiques , nous avous rcmaïque les suivans :
Ainsi qu'un moissonneur va clicrcher son salaire ,
Et dort sur sa faucille avant d'ctrc payé ,
Tu ceiijnis en mourant ton gUiivc sur ta cuisse, etc.
{Méditation sur Bonaparte.)
Dans (a dunsc céleste ils (les astres) s'élancent... etl'Uommc,
Ainsi (]uun nouveau-ni , les salue et tes notnme.
[Les Etoiles.)
Oui , dans cet air du ciel , les soins lourds de la vie ,
Le mépris des mortels , leur haine ou leur envie ,
^"accompagnent plus l'homme et ne surnagent pas :
Comme U7i vil plomb, d'cuxmêmc, ils retombent en bas.
[La Solitude.)
L'onde qui baise ce rivage ,
De quoi se plaint-elle à ses hords?
[Les Préludes.)
Le paresseux s'endort dans les iras de la faim;
Le laboureur conduit sa fertile charrue ;
Le savant pense et Ut ; le guerrier frappe et tue ;
Le mendiant s'assied sur les bords du chemin.
{Méditation dix-ituitiéme.)
Ah 1 berce , berce , berce encore ,
Berce pour la dernière fois ,
Berce cet enfant qui t'adore , etc.
{Adieux à la Mer.)
Heureuses ces coupes vermeilles
Qui pressent tes lèvres, pareilles
A^ix frétons qui tel ont les fleurs.
{Chant d'amour.)
^^4 I-ÎTTÉRATUIIE.
Les fautes de toute espèce qui se rencontrent dans ces vers
sont à peine concevables. S! loa jugeait le talent d'un auteur
par ses défauts, quelle opinion se formerait-on de celui de
M. de La Martine? Mais heureusement, celte manière de ju-
ger serait la plus fausse et la plus injuste. Une centaine de vers
bizarres ne feront point oublier les morceaux très-remarqua-
bles, et les nombreuses beautés qui brillent dans les /\^o«i'e//e.9
mtditations poétiques. Nous avons essayé de les apprécier
avec impartialité j le talent et le caractère de l'auteur nous en
faisaient un devoir rigoureux. Un critique serait saus excuse,
s il cîierchait à décourager un bomme d un mérite véritable ;
luais une trop complaisante in.lulgence ne serait pas moins
funeste à Fart et à l'auteur lui-même.C'est parce que M. de La
Martine peut faire beaucoup mieux, c'est parce que ses
ouvrages peuvent honorer l'époque , et ranimer le goût des
beaux vers , quil faut être plus sévère avec lui qu'avec tant
d écrivains qui u'out point d'avenir. Il se présente aux juges
éclairés avec les plus heureuses dispositions j son âme brûle
•souvent du feu sacré,- son esprit atteint aux plus hautes pen-
sées, mais la raison qui corrige , le goût qui épure, l'art qui
dispose une composition poétique , la logique qui la distribue,
enfin le talent qui varie les formes et invente les contrastes,
voilà ce qui doit devenir pour M. de La Martine l'objet de la-
plius constante étude, s'il ne veut pas faire naufrage au port. Il
lui manquerait bien encore quelque chose ; mais nous n'o-
sons espérer que l'auteur veuille l'acquérir. C'est un peu plus
de pînfosophie , et un peu plus d'estime pour son siècle; c'est
surtout quelque indulgence pour la liberté , cette divinité de
notre époque, qui fut toujours et qui peut être encore pour
les vrais poètes la plus fidèle et la plus noble des muses.
LÉON Thiessé.
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m. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
LIVRES ÉTRAINGERS (i).
AMERIQUE.
ÉTATS-UNIS.
joo. — Mémoire sur la non-contagion de la fièvre jatme , par Pierre.
Lbfort, premier médecin en chef de la marine à la Martinique, elc.
Saint-Pierre, 182J; Fleurot el Turban. Paris, Firmin Didot. Uq vol.
in-8° ; prix , 5 tr.
Le litre de cet ouvriige annonce le but que l'auteur s'est proposé,
mais que les difficultés du sujet ne lui ont pas permis d'atteindre eom-
piétcmenl. Il présente, néanmoins, à l'appui de son opinion, plusicuis
faits qui mériteut d'être esaminés. Le premier concerne le brick r£«-
riale , à bord duquel la fièvre jaune se déclara, dans le mois de mars,
pendant une croisière. Lorsqu'il relâcha au fort Royal, il avait déjà per-
du son chirurgien et cinq hommes de son équipage. Plusieurs hommes
de la frégate la Gloire y furent envoyés ; quelques-uns y contractèrent
la maladie et en moururent. (JNouvrl argument en faveur des contagio-
nistcs.) Mais, les malades de rF>uriale , transportés à l'hôpital et en-
voyés ensuite , en état de convalescence, au fort Bourbon, avec leurs
hardes non soumises à une désinfection frcaUMc, ne commun iqui'rent
j)as la fièvre jaune. {Preuve de lit non-conlagion.) Le second fait cité
par M. Lefort se rapporte à la corvette l'Egcric, qui, pendant le séjour
qu'elle fil dans la rade des Trnis-llets, avec la Diligente et le brick l^ Si-
lène, perdit plusieurs hommes qui moururent de la fièvre jaune, sans
que personne des équipages des derniers bûtimens en fût atteint, maigre
les communications fréquentes. IM. Lciort cite encore un autre cas ana-
logue, et termine par le détail bien circonstancié des expériences que
Aï. Guyon. chirurgien de la marine, a faites sur lui-même. Elles ont
consisté à épuiser tous les modes de contact et d'inoculation , soit en coa-
Nous indiquerons par yn aslérJ'ifjDe (') placé à côlédn litre tic rliaquc ou-
vrage, ceux des livres étrangers ou français qui paraîtront dignes d'une atlcnlion
particulier©, et dont nous rendrons ^nelqnefois cdrapte dans la section des Analyses.
.:.;'G LH'RES ETRÂISGERS.
chant avec des ma'.nJts, soit en se faisant inoc;)!cr la miilière drs vomis-
seraens, etc. i)n ne peut, x'ii Usant cis i'aifs bien constatés, que rendre
liomaïaiJC au i or.rage et au dévouement de ce respt clable médecin; car,
quelque grande que fût sa conviction dans la nature oon-contagicuse
de cette ma'adie, il y a toujours beaucoup de mérile à livrer volontai-
rement s'i vie à tijutcs les cîiances d'uae expérience médicale. Mainte-
nant , peut-on conclure de ces observations que la fièvre jaune n'est
jamais coalagieuse, c'est-à-dire, que celte maladie ne peut jamais être
assez intense pour qu'un raahide devienne sei:! un l'oser d'infection, et
pour que dcs marchandise-, imprégnées de miasmes putrides, ne puis-
sent la développer au ioi.i? Je ne le pense pas, elle fait de M Guyon n'est
nullement concluant. 1° Ces expérieBCCssOiit contrebalancées pard'autres
aussi positives; on sait que le docteur Vaîii, ayant voulu faire avec le
plus noble dévouement une pat lie de ces essais, péril au bout de peu de
jours : il aurait fallu que plusituri personnes se fussent espijsées à la con-
tagion de la même manière, i" M. Gujon est arrivé, depuis i8i4, dans
le pays, et doit être maintenant acclimaté. Probablement que, nouvelle-
ment débarque à la Martinique , il n'eût [ta» fait de semblables essais ,
sans courir de graves dangers. 5" Enfin, M. Guyon se trouvait placé
dans toutes les conditions de l'infection, puisqu'il élail dans l'hôpital, au
milieu des malades, qu'il respirait leurs miasmes et s'inoculait leurs hu-
meurs; et cependant, M. Guyon n'a point été frappé de la fièvre jaune,
ni par contagion , ni par l'infLction , qui n'est dans le fond qu'une con-
tagion rtS5erree dans de plus étroites limites. Amèdùc Drpài, d. h.
EUROPE.
GRANDE BRETAG?;E.
101. — Picmarks onthc coKnlr\ extcnding frori cape Palmas to the Ti-
rer Congo, etc.— Remarques sur le pays qui s'étend du cap Palmas à
la rivière Congo, renfermant des observations sur les mœurs et les cou-
tumes des habilans, etc.; par le capitaine Jo/m Adam-. Londres, i8a5;
Whittaker. Un vol. in-S", 260 pages.
Capitaine d'un vaisseau marchand , l'auteur de ce voyage a débarqué
à tcàis les endroits importans, dans le trajet du cap Palmas à la liviere
Congo. Il a même pénétré assez avant dans l'intérieur, et il a rédigé,
sous la forme de notes, ce qui l'a frappé dans lis mœurs et les usages
des naturels. Il a visité les pei:plcs de Fanlée , de Widah, d'Ardrah , et
les Dahomiens : Us villes de Lagos, de Bcnin , de Bonny et de Calabar,
ainsi que les états de Jabon, d'IIio, de- llousa, de Mahi , de CIianib.i,et
Ln'iiES etr.ai';gers. 347
plupïcurs autres qui , malgré leur étendue, ne sont ijutre connus que de
nom, en Europe. fJcÎJJct principal de son ouvrage parait êlre de prou-
Tcr qu'il serait beaucoup plus avantageux de former des élablisscaiens
anglais à Malemba et à Cabenda qu'à Sierra-Leone ; et que, pour la sa-
lubrité, les facilités de connmerce , etc., le gouvernement angla s ne
pourrait mieux cboisir l'emplacement d'une colonie. Le tableau qu'il
trace de l'abrutissement et de la férocité du peuple africain, qui bîibite
sur les côtes et qui fait l'abominable commerce des esclaves, est telle-
ment odieux , qu'on voudrait qu'il fut exagéré. La tyrannie la plus ab-
solu? et la plus capricieuse, la servilité la plus basse, et la cruauté la
plus atroce, sont empreintes dans toutes leur actions. L'horrible coutu-
me de sacrifier des victimes humaines aux fétiches et aux mânes de»
morts , est générale dans ces contrées. Le roi de Lagos, Contry, comme
la plupart de ses royaux collègues africains, est receleur d'objets volés.
11 n'hésite point à partager ce que dérobent ses serviteurs ; et celui
d'entre eux qui vole les Européens avec le plus d'adresse, devient aus-
sitôt son plus grand favori. lia adopté, pour fétiche, les dents de l'é-
léphant, parce que cet animal est réputé le plus fort et le plus sage des
animaux. Un des stratagèmes politiques de ce desposte africain consiste
à ordonner au diable de visiter de tems en tems sa capitale. Le diable
de Contry n'est point un esprit aérien, mais un véritable démon, un
homme armé, avec licence de commettre des meurtres. Il parcourt
masqué les différentes avenues de la ville, et déiruit tout ce qu'il trouve
sor son passage. M;ils, comme le gong-gonfj (Thomme qui sonne la
cloche) donne avis de sa visite nocturne, il est assez rare que quelqu'un
périsse. Les Européens sont aussi prévenus de rester dans leurs maisons,
attendu qu'une fois dans Lagcs , le diable ne respecte personne. Outte
l'averlissement public donné dans ces occasions, le diable ne parait
jamais que pendant la pleine lune, alin de ne pas être exposé à traiter
le roi comme un de ses sujets. Les chiens mâles sont bannis de Lagos,
ou sacriliés comme victimes ofTertes aux esprits du mal. A Grewhe, où
le capitaine Adams se rendit en quittant Lagosj il vit au milieu du mar-
ché un grand arbre, assez sciiiblabie au mûrier, si ce n'est que les bran-
ches croissent hoiizontales.oCei arbre, dit l'auteur, présentait un spec-
tacle singulier : ses branches étaient couvertes de milliers de chauves-
souris de la plus grosse espèce, qui s'y tenaient su;;pondues par les grif
fes. Elles restaient ainsi tout le jour, la tète en bas , sans paraître trou-
blées du bruit qu'on faisait au dessous d'elles. J'en tuai plusenr,^ ,
qui avaient deux pieds d'envergure. La forme de leur tête a quelque
rapport avec celle d'un cheval ; les ^veux , les dents, et les moustache»
548 LIVRES KTRAKGERS.
sont celles d'un énorme rat.» Une ries bizarres coutumes du peuple d&
Grewlicct de Popn, est radmissioii des lenmies prèUesstc, qui parta-
gent avec les prêtres les soins du culie des fétiche». M. Adains fut té-
moin de cette cérémonie, qu'il décrit au loug. le portrait de Tammala
ou monsieur Pierre, riche sauvage d'Ardrah, qui fut autrefois esclave
«M amené en France par son maître, est d'autant plus curieux, qu'il unit
la barbarie à une légère teinture de civilisation. Nous aurions à citer en-
core beaucoup d'autres passages intéressans; mais nous piéfcrons ren-
voyer les lecteurs à l'ouvrage même^ qui ue peut manquer de les inté-
resser vivement.
102. — J vicw oflhe past and 'présent stale ofthe island of J amaica,
^^'^- — Tableau de l'état passé et présent de l'île de la .Tamaïque, avec
des remarques sur la^ituation physique et morale des esclaves, et sur
l'abolition de l'esclavage dans les colonies; par J. Stevtart, qui a long-
tems résidé à la Jamaïque. Londres, iS25; Whiltaker. Un vol in-8" ,
565 pages.
11 existe en Angleterre une Histoire très-complète des Colonies an-
glaises, par Bryan Edwards , et plusieurs autres ouvrage* estimés sur
le même sujet; mais celui-ci est, je crois, Je premier qui traite spé-
cialement de la Jamaïque , et, sous plus d'un rapport, celte île im-
portante est digne de fixer l'attention. Des questions d'un haut intérêt
se rattachent à son histoire; les effets du système de colonisation, Tibo-
htion de l'esclavage, la propagation du christianisme, etc. M. Stewart,
rappelant la découverte de l'ile due à l'immortel Christophe Colomb,
raconte comment nette île appartint à la famille de ce navigateur,
comment elle passa à la couronne d'Espagne, comment enGn elle fut
conquise par les Anglais, sous Cromwell (en i655). Ce dernier envoya
les deux commandans de cette expédition victorieuse, l'amiral Penn et
le général Venables , à la Tour, pour les punir de s'être arrêtés à celte
conquète^ de peu d'importance, au lieu de prendre Hispaniola. C'est
ici le lieu de rappeler que la Jamaïque rend aujourd'hui à l'Angleterre
un revenu plus considérable que la totalité du revenu national , sous le
Protecteur. La Jamaïque, à l'époque de sa conquête, et long-tems en-
core aprèSj lut considérée comme très-inférieure aux îles de Cuba et
d'Hispaniola. Cependant, grâces à l'industrie et à l'acliviié de ses ha-
bitans, elle e>l à présent la colonie la mieux cultivée et la plus produc-
tive de l'archipel américain. Passant à la situation actuelle du pays,
l'auteur entre dans les détails relatifs au climat , aux maladies, au sol,
aux saisons, à l'agriculture, au commerce, etc. Il regarde la licence et
l'immoralité grossière qui se sont introduites dans les mœurs, comme
LIVRES ÉTRANGERS. 7)4 y
une des causes qui rutarJent les progiès do la S0(iélé; il iiiJi'[uc plu-
sieurs excelkns ré-'iullats de l'abolilidii de la traite des Koiis. Le pre-
mier esl l'accroissement de la populaliou, et les adoucissenicns survenus
dans le traittincnl des esclaves ; il esjièn' que les efforts des nouveaux
e<,< résiajil'iques einoyés dans l'île, en i8iS, pour instruira les liabilans
cl ie» Noirs, amèneront bientôt une rélorine morale. L'iiistnjre naiinelle
est traitée avec talent dans cet ouvrage, qui contient d'aiilcuis lis iii-
i'urmations les plus précises et les [>ius importantes sur la Janidique.
Louise S\T. Bei.loc.
lo.") (*). — Stcfjstancc of l'ne dibalc in llie house^of covimons , on a
•rnuliun for l lu mil i g n lion and ffruduai nholilion of slavcry , lliroutj-
4tout ihe itritisit dominions. — Résumé des débals qui ont eu lieu dans
la (iliaiiibre des couiinunes , par suite de la rnolioD pour l'adoucissement
et l'abolition graduel» de l'escla'i'age dans les possessions anglaises. Lon-
dres, itS23; H.itcbard. Ua vol. 248 pag. cl xxxix; prix, 4 fr.
Ce Volume rei.r< rnic à la l'ois les discussions les plus importantes et
les l'aiîs les plus tristes Dans les coloniis anglaises, 800,000 lioinmes
ISoijs ou de couleur gémissent dans l'esclavage, lis sont la propriété
absciluc de maîtres souvent barbares. Un grand nombre d'entre eux
vopt marqués sur l'épaule , avec le fer n-uge, du signe indélébile de la
srrvitu.ie. On les gouverne avec le fouet, et ils travaillent sans recevoir
aucun salaire. Dans la saison des récoltes, par exemple de la cuite des
sucres, leur tâche se [rulonge fort avant da.is la nuit. Le dimanche ,
seul jour de repos qui 1( ur reste , esl employé par eux à cultiver un iris-
sérable coin de terre pour se nourrir, eux et leur Iri-ite posiciilé. Les
lois donnent aux maîtres le pouvoir discrétionnaire fie châtiment ; ils
ne peuvent appliquer cependant qu'un certain nombre de coups en. wne
fois. Les fenames , comme les hommes, sont soumises a des chàlimens
honteux, qui blessent à la tnis la pudeur el l'humanité. Les esclaves
sont de vrais biens meubles : on peut les saisir et les vendre pour les
dettes du propriétaire. Les liens de famille, d'amitié, sont à chaque
inslanl rompvis : aucun mariage légal ne peut être coutracté p-ir les es-
claves. Ils n'ont aucun caractère pour déposer devant les tribunaux.
Tout ?<oir est présumé esclave. La seule couleur de sa peau décide de
£0:) el* ruelle seiviiude. Des droits listaux considérables s'opposertt à
l'aûVanehissement. Dans les colonies anglaises et dans quelques étals
américains, l'esclave ne peut s'aQ'ranchir , même p.ir son propre travail,
tandis que, d;ins l'Arnériq^ie espagnole, tout JNoir et loul Indien peut
obliger son maître .i lui vendre sa liberté. — Voilà quelques-uns des
traits caracléiisliques de la situation des Koirs dans les colonies anglai-
55o LIVRES ETRANGERS.
se*, avec quelques légères modifications, et ils conviennent à tnutcs
îcs autres colonies. Mais, cette question de l'esclavage se complique
d'une autre grande question, celle du droit de propriété , et des in-
térêts des colons. De plus, c'est une affaire entièrement commerciale,
et le parti (;ne va prendre l'Angleterre mérite bit-n de fixer l'attention;
car, on peut s'en reposer sur elle, pour ne rien l'aire qui compromette
son comoierce. Ce qu'il y a de plus clair, ce ([ui est établi jusqu'à 1 é-
vidence par les faits de ce volumineux rapport, c'est que l'on ne doit
lien attendre des gauvcrnemens coloniaux, en fait d'amélioration de
l'état des esclaves. Bien plus, dans les colonies anglaises, ils n'ont pas
craint de s'y opposer ouvertement. Le gouverneur de la Dominique ,
Maxwell, dénonça à son gouvernement quelques îictes de barbarie ttn-
vers les JNoirs , entre antres celui de deux petites filles de 12 ans qu'on
obligeait à travailler, attachées ensemble et chargées d'une chaîne pe-
sant iS livres. Le grand-jury de l'ile, dans une délibération du -26 août
1817, se plaignit vivement du gouverneur, et demamla son remplace-
ment. M. Buxton, membre du parlement, n'a pas obtenu de la cham-
bre des communes tout ce qu'il demandait. Les ministres ont exigé
que sa molioB fut généralisée, et l'on s'est contenté, pour le présent,
d'adopter une lormule de protestation contre le droit d'esclavage colo-
ni;:l. C'est quelque chose, s.ins doute. Nous ferons plus lard connaître
en détail la motion de M. Buxton, et les coiicessions du secrétaire «l'é-^
tat ; ce qui embl■a^se la situation générale des INoirs dans les colonies
anglaises. On peut remarquer, cependant, que, dans toutes ces discus-
sions, il règne une certaine aigreur. Ln des orateurs a dit une grande
vérité , « C'est qu'il n'est pas permis de faire un cadeau à l'humanité,
avec les biens des colons. d Aussi , les ministres n'ont-ils voulu adopter
lamotion de M. Buxton, que d'une manière très- générale. M. Alexan-
dre Baring a déclaré qu'il appréciait infiniment la philanthropie de la
Sainte-Alliance, et sa sensibilité pour les malheurs de l'Afrique, mais
<|u'il n'y avait pas besoin d'aller si loin. Un des points sur lesquels M.
Buxton a le plus insisté, c'eit la nécessité de donner aux Noirs un jour
de travail à leur profit (1). Cctie mesure, qui aurait en effet un résultat
(1) Ue tems jroinèmori:ii , ies m gies disposaient , dans Jes coiouies françaises ,
■d'un jour de travail, et l'on a même lait aux colons français le reproche d'e,\jger
les cinq antres jours. Ainsi, ce que l'on propose comme un adoucissement au sort
des esclaves , J.tds les co!onies anglaises, fui constamment pratiqué dans les iles
fian^riises. Il sernit tems d'aller plus loin, et que l'csclnve ne fut pas coudaniiic à
J'iire cinq f .'!s p!i:s de Ira", ail poLir son ruaitie, que pDur lui-mênic et pour sa fa-
JBiUe. (N. d. R.)
LIVRES ETRA3SGERS. j'm
décisif pour l'affranchissement, a élé rt commandée, il y a plut de (renie
ans, par un Français qui n'a cessé de s'occuner de l;i cau^e de la liberté
et du bien, M. Lafon de Ladébat. — Il est incouleslablc, daiileurs ,
que les insurrcilons toutes récentes de Demerary ont conGrmé Topi-
iiion de ceux qui désirent l'abolition , m;iis l'abolition graduelle de l'es-
clava'.'e colonial. Comment peul-on esj érer que la paix et la résignation
diiienl toujours d;!OS des eonirées où, comme à Saint-Domingue, par
exemple, en '.'f^S, il y a sur loo personnes, 8 blancs, G hommes de
couleur et 86 Noiii? Ft ceux qui inroquenl l'adoucissement de l'cscla-
va2e, travaillent à prévenir des maiïieurs, sur la probabilité desqueli
l'expérience devrait avoir éclairé tout le monde. lîépctons encore, com-
me un fait consolant, que celle ]ilaie de l'esclavage est presque incon-
ni'e dans l'Amérique méridionale. A l'ile de Cuba, cette anliile es|)a-
gnole, il n'y a que 20 ociaves sur 100 habilans. Au Mexique, il n'y a
presque pas de Noirs. Dans la république de Colombie, un grand nom-
bre d'esclaves se sout aflVanchis par leur travail , tt sont devenus ci-
toyens comme lcur< maiircs. ('elfe absence de toute seiviîude est un fait
qui influera puissamment sur la destinée de ces jeune* républiques, qui
seront peul-élre un jour le refuge de la civilisation et de la liberté.
Chartes Goqdkkel.
lo'j (0. — Ei'(j titrent II report oftfie -tritisti and forcign se tiool Society ,
etc. — Dix-li'.iitièmc rapport de la Société des écoles anglaises et étran-
gère-i , fait à l'as-enibléc générale des membres de cette Société, qui a
eu lieu le 12 mai 1820 ; avec un Appendice. Londrrs, 1820; Longmaii
et comp'. Un vol. in-8" de ioô f>ag-; prix. 2 fr. 5o c.
Nous ne reviendrons pas sur l'utilité de celte Société, sur les éloges
dus à son activité et à sa pliilantropie éclairée. La Revue Enoyclopidii/ue
a déjà rempli ce devoir, en rendant compte des précédens rapporis.
Celui que nous annonçons contient encore beaucfsup de détails inlércs-
sans, et une foule de faits nouveaux, relatifs aux succès toujours crois-
«ans de la méthode de Boll, et des méthodes analogues de Lancasire
et de l'enseignement mutuel. Peu de cont.-ées y sont restées étrangères.
Partout, des ramifications de la Société-mère fondée à Londres, s'oc-
cupent de répandre ces uiéihodes perfectionnées , aa profit de l'instruc-
tim primaire et publique, et surtout des classes pauvres. Les méthodes
nouvelles ont porté leurs bienfaits au-delà des mers. Les Etat.s- Uaij
n'ont pas élé le.s derniers à les encourager et à les proïéger. Le gouver-
nement de Saint-Domingue et ceux de l'Amérique nit-ridionale oat
suivi cet exemi)le. Enfin, toutes les colon; ■« soumises aux Anglais ccrap-
tent de nonihrcuses éiole». A. J,
552 LIVRES ÉTRANGERS.
io5. — y/ji ex.itninalion oflkc frinciftes , elc, — Ëxuinen des prin»
cipes d'après lesquels la Société des écoles anglaises el étraugères a été
établie; de la nature de l'éducation qu'elle lépund; de Tétendue de
SCS opérations, et de l'appui auquel elle a droit; par fV. Williams.
L-ondris, iSaS; Luplon Relfe. BrocLure de 02 pages in^S" ; prix, 1
slielling.
106. — Illustrations hislorical and crilical of thc life of Lorenzo de
Mtdicii callcd tli6 Magnip,cint , etc. — Eclaircissemens historiques et
critiques sur la vie de Laurent de Médicis , nommé \e Magnifique, avec
un Appendice contcnaot des documens ori^'.inaux, par Guillaume Ros-
coE. Londres, 1S22.
Lu intervalle de 25 années s'est écoulé , depuis que M. Koscoc a pu-
blié la vie de Laurent le Magnifique. M. G. Spreugel l'a traduite en
allemand ; M. F. Thupot en l'ranrais. L'Italie en possède aussi deux tra-
ductions, parmi lesquelles ou doit distinguer celle do M. L. Bossi , sur-
tout à cause des remarques dont il l'a enrichie. Accueilli partout favo-
rablement , cet ouvrage a néanmoins essuyé quelques critiques plus ou
inoins graves. On reproche à l'auteur d'avoir trop exalté, dans Laurent
icMaguifique, un hypocrite ambitieux, un oppresseur de la liberté de sa
patrie, de ne pas avoir donné un tableau assez complet de l'étal des
sciences et des arts , au xv"' siècle, en Italie; d'avoir fait prendre à
Sixle IV beaucoup de part a la conjuralica des Pazzi. Plusieurs autres
critiques lui furent adressées par M. Pozzetti, sur le caractère de L. B.
Alberli, sur le mérite poétique de Laurent de Rlédicis, sur l'introduc-
tion de la presse à Venise, sur la conduite de Paul II envers les écri-
vains de son tems, ainsi que sur Poliziano, Fdelfo, Pic de la Mirandole,
Sa\onarola et Pierre-Leoni , médecin de Laurent, et assassiné par son
lils. M. Bossi avait reproduit et apprécié plusieurs de ces remarques.
M. Pioscoe lui-même confirme dans ses eclaircissemens la plupart des
observations de ce critique. Mais l'ouvrage dont le biographe anglais
s'occupe le plus, c'est YHistuirc des rcpuùiiques iiatienncs, par JM. de
Sismoodi. Il n'approuve pas l'ex tension donnée par cet écrivain à la
maxime que le caractère moral des peuples n'est que l'ouvrage des lois
el des gouvcrncmens; il lui reproche d'avoir attaqué le caractère per-
sonnel de Laurent, son héros favori. Quant à son mérite littéraire, il
s'appuie de l'autorité de Fabroni et même de celle de Guinguené, dont
le jugement est d'un si grand poids auprès des amateurs de la littéra-
ture italienne. ^L Roscoe sedéfeud, en même tems, d'une inculpation de
ce dernier j qui lui reproche d'avoir dis-imulé les cruautés de Côme de
Médicis. Il blâme, à son leur, M. de Sismoudi d'avoir préféré lautoriti
LIVRES ETRANGERS. 553
de Machiavel à celle de Laurent le Magnifique, en ce qui concerne l'his-
toire de Florence, d'avoiralléré plusieurs circonstances de la conjuralion
des Pazzi,e(c. Les remarques deM.Roscoe sontau nombrede quarante;
les plus importantes roulent sur les assertions de M. Sismondi contre
Laurent de Médicis. L'ouvrage mérite Tattenlion du public par les
éclaircissemens que orésenle l'auteur et par l'examen ultérieur auquel
ils pourront donner lieu. F. Salfi.
107. — • Memoirs of the life and writings of fViUiam Hayley. —
Mémoires sur la vie et les écrits de IVilliam IIayley , ami et biographe
deCowper, écrits par lui-même, etc. ; et Mémoires de son fils Thomas
Alphonse Haylby jeune, sculpteur, publiés par John Johnson. Londres,
1825 ; Colburn. Deux vol. in-4°.
La biographie est tellement à la mode en Angleterre, qu'il n'y a pas
si mince auteur qui n'ait son biographe. Qui ne s'effraierait en France
de deux volumes in-4° rcmplio des circonstances les plus puériles de la
vie d'un homme assez ignoré, et dont le plus grand mérite est d'avoir
vécu avec des getis d'esprit ? Quoiqu'on Angleterre on lise à peu prés
tout ce qui s'imprime, je doute que le public s'accommode du prix et
de la grosseur de ces volumes. En récompense, l'auteur s'est bien trouvé
de les avoir écrits. L'éditeur anglais ( M. Johnson ) ayant à régler un
compte avec M. Hayley pour sa vie de Cowper, lui proposa, en 1H09.
de lui faire une rente annuelle de 460 louis, à la condition qu'il lui as-
surerait, après sa mort, la propriété de sa vie écrite par lui-même;
cette rente a été régulièrement payée jusqu'à la mort de Hayley, erj
1820. Le libraire mourut avant de recueillir le fruit de ses sacrifices;
c'est un de ses descendans qui publie aujourd'hui ce manuscrit de i,G6o
louis (environ cent dix ou douze mille francs.) Nous ne pouvons le féli-
citer : ces Mémoires ne contiennent rien d'iutéressant. Des p.iges entiè-
res sont consacrées au récit des prouesses d'un enfant d'un an , fils de
l'auteur, et il règne dans tout l'ouvrage une afiectalion de bonhomie
qui va jusqu'à la niaiseiie.
108. — The royal Minstret, or the fVifchcri'es of Endor. — Le Mé-
nestrel royal, ou les Sorcrlleiies d'Endor, poème épique en douze livres:
par J. F. Pennie. Seconde édition. Londres, 1822 ; Pennock et Maunder.
Un vol. in-'S" de 442 pages.
109. — llogwatd. — Rogwald , poème épique en douze livres; par le
même, Londres, 1825 ; Whittaker. Un vol. ia-8" de 568 pages.
La composition de deux p()èmes épiques es» assurément un grand ti-
tre à la célébrité, surtout lorsqu'ils renferment, comme ceux-ci, des
beautés lrès-remar;;;'îables. M. Pennie n'a pas plus de trente ans; il rem-
T. \'X. — Novembre iHa"^. 2^
554 LIVRES ETRANGERS.
plit sans ambition le modeste emploi de maître d'école de village à
Lutworlh , près de Warebam, dans le Dorsetshire, où il consacre ses
loisirs à la poésie. On le dit doué d'une étonnante facilité de versification,
et d'une si grande déférence pour les jugemens d'autrui, qu'il n'hésite
point à letrancher des passages entiers et à les recomposer de nouveau,
avec autant de modestie que de facilité. Ses pians sont bien choisis et
bien conduits ; ses pensées , lumineuses et poétiques : l'ensemble de ses
conceptions a de la vigueur et du mouveinent.Gcs qualités sont trop dis-
tinguées, pour qu'on puisse craindre d'affliger l'auteur, en faisant la part
de la critique. On trouve quelquefois dans sa poésie plus que du désor-
dre. Ses images manquent de naturel, et trop souvent il cherche à imiter
l'inimitable Milton. Ces défauts se font remarquer surtout dans son
poème du M cneslret royal , qui réunit , du reste, les conditions exigées
pour la fable d'un poème épique. L'action est une, complète et grande.
Elle commence au moment où le berger-roi est déclaré l'oint du Sei-
gneur, et se termine à son avènement au trône d'Israël. Les vicissitudes
de sa vie, la lutte des puissances de l'enfer soulevées conire lui, les
fureurs de Saiil , etc., forment les grands traits du poème, dans lequel
on retrouve souvent l'inspiration des livres saints. L'amitié touchante
et désintéressée de Jonalhas pour David, le beau caractère de ce prince
et son triste sort , la noble conduite de David quand son persécuteur
Saiil tombe en sa puissance, le remords et les horreurs qui empoison-
nent les derniers jours du malheureux monarque, les lamentations de*
David sut la chute de son roi et de son ami , sont autant de circonstan-
ces dont le po ite a su tirer un parti étonnant. — Dans Roifwald , la scène
se passe en Angleterre, à l'époque de l'heptarcbie saxonne. Le sujet,
plus romantique qu'épique, est entièrement d'invention, et semble se
rapprocher des délicieux lomans poétiques de sîr Walter Scott; mais
l'action, bien que compliquée , est néanmoins insuBîsante. Elle n'est
pas dirigée, dés le commencement, vers un but unique et déterminé;
en un mot, elle n'a point les caractères de l'épopée. Ces défauts sont
rachetés, il est vrai, par un intérêt toujours croissant, par des incldens
bien amenés, par des descriptions charmantes des mœurs du tems, et
par de fort beaux vers. Des lecteurs français ne pourront que s'éton-
ner de la fécondité peu ordinaire de M. l'ennie ; pour comprendre ce
prodige, il faut se rappeler que la versification anglaise est beaucoup
plus facile que la nôtre; que, soumise a moins de règles, elle laisse
plus de liberté à l'imagination , que celle dernière faculté est très-géné-
ralement cultivéo en Angleterre, et qu'en général, on y a peut-être l'es-
prit plus poétique.
LIVRES ETRANGERS. 555
110. — -Hélène Gray , ou La Malédiction de la jeune fille mourante,
poème, par feu ^rc/t Macleob. Edimbourg, iSaô, Constable; Londres,
lîurst. Brocbure in-S" de 4o pages.
Le sujet de ce poème est tiré d'un fait rapporté dans l'histoire de
Cornouaille , par Polewliele, comme étant arrivé en 1780 ; il prrte mer-
veilleusement à la poésie, et il est raconté d'une manière pleine de
■grâce. L'auteur, qui s'est, dit-on, caché sous un nom supposé, a su
garder un juste milieu entre le style ambitieux, les fougueux emporte-
inens des sectateurs de lord Byron, et la trop î^rande simplicité qu'af-
fectenl les Poètes du Lac, (On nomme ainsi une réunion de poètes qui
habitent sur les bords du lac de Cumberland. Wordsworth est à la tète
de cette école , qui a pour principe de peindre la nature telle qu'elle
est, sans ornement et sans fard. Ses disciples sont tombés dans l'affec-
tatioD, à force de chercher la bonhomie. Ils riment le cri des oiseaux,
comme Rousseau a tenté de rimer en français le croassement de la gre-
nouille; ils répèlent deux ou trois fois le même mot dans deux vers;
enfin, ils sont parvenus à se donner quelquefois une physionomie pres-
que niaise, qui laisse percer néanmoins des éclairs de génie.) L'auteur
d'Hélène Gray ne suit les traces de personne; il est neuf, ingénieux,
brillant. On pourrait lui reprocher trop de penchant pour les tableaux
mélancolique?; mais il sait leur prêter un charme qui eu adoucit la
tristesse. Donner l'analyse d'un poème aussi court, et dont tout le mé-
rite est dans l'expressiou des sentimens, c'est risquer d'en ôterla fleur.
Nous nous bornerons donc à dire que cette production peut être rangée
parmi le petit nombre de celles qui enrichissent la littérature moderne
de l'Angleterre.
111. — The King ofthe Peak. — Le Roi du Pic , roman ; par l'auteur
du Cavalier. Londres, 1823 ; Longman et Comp'. Trois vol. în-12.
Walter Scott fait décidément école en Angleterre ; tous le^ roman-
ciers se jettent dans la carrière qu'il a ouverte. Je ne sais si la littérature
anglaise y gagnera beaucoup; mais je conseillerais du moins aux imitateurs
du poète écossais de le copier moins servilement, de ne pas lui emprun-
ter des caractères, des scènes calquées tout entières sur celles que l'on
trouve dans ses romans. L'imitation, d'ailleurs, est toujours froide et
fatigante. — La donnée principale du roman que nous annonçons se re-
trouve dans une tradition du Derbyshire , qui a fourni le sujet d'un
poème intitulé : Les sept Forestiers de Chattswortfi , publié dernière-
ment dans un ouvrage périodique. Il s'agit d'une conspiration, qu'on
suppose avoir été, sinon fomentée, du moins secrètement favorisée,
par la cour d'Espagne, pour exciter en Angleterre une révulution, à la
356 LIVRES ETRANGERS.
faveur de laquelle on espérait déposer la reine Elisabeth , et couronner
à sa place le comte de Derby. Un des principaux agens de celle cons-
piration est Edouard Stanley, le plus jeune des Gis du comte, soldat
ambitieux, propre par son caractère et ses habitudes aux entreprises
hardies. Les intrigues qui se lient au complot tramé contre Elisabeth,
forment la partie sérieuse et politique de l'ouvrage. Le reste se compose
de scènes d'amour entre sir Thomas Stanley et Marguerite , et d'appari-
tions mystérieuses d'un jeune étranger don ton n'apprend le véritable nom
qu'à la fin du roman; les autres personnages sont absolument secon-
daires. Le style est inégal, tantôt exagéré, tantôt trivial, ou d'une éner-
gie qui va jusqu'à la grossièreté. Cependant, on rencontre dans cet ou-
vrage quelques indices d'un talent qui pourrait se développer avanta-
geusemcni, si l'auteur voulait être lui-même, et ne pas chercher dans
d'autres livres ce qu'il doit faire dire à ses personnages. L. Sw. Belloc.
112. — The Quaterly Heview, n" 5-. Londres, septembre 1825 ; Mur-
ray. Un vol. in-S", de 282 pages ; prix, 6 schellings.
Nous avons déjà l'ait plusieurs mentions de ce Recueil, l'un des meil-
leurs que l'Angleterre possède en ce genre. Il fut fondé, en opposition
à la Eevue d'Edimbourg , qui est elle-même un excellent ouvrage, dont
nous ftarlerions plus souvent, s''il nous était plus régulièrement adressé; et
Jes principes de ses rédacteurs sont, en politique, entièrement ministé-
riels, c'est-à-dire, conformes à ceux du gouvernement anglais. On y
trouve souvent d'excellens articles sur la littérature , l'histoire , la philo-
sophie , l'économie politique , etc. Mais il mérite le reproche de partia-
lité , soit qu'il ait à parler d'ouvrages écrits dans les principes de l'oppo-
sition , soit qu'il s'occupe des pays étrangers, et en particulier de la
France et des Français. Suivant notre usage, nous allons donner le ré-
sumé des matières contenues dans le cahier que nous avons sous les
yeux. On y lit d'abord avec intérêt un article sur trois voyages entrepris
pour explorer la vallée du Mississipi , et dont les relations ont été pu-
bliées aux Etals-Unis. L'article suivant porte les titres de plusieurs nou-
velles tragédies françaises, de l'^«i/a de M. Bis, àe Régulus par M.
Arnault lils , des Machahccs de M. Giraud , et des tragédies de M.
Soumet. Cependant , il renferme à peine quelques lignes qui aient rap-
port à ces ouvrages. C'est un usage trop généralement adopté par les
critiques anglais, d'écrire un traité complet, lorsqu'ils ne paraissent se
proposer que de faire l'analyse d'une production nouvelle. Ainsi, le ré-
dacteur du OuaHcrly Review donne, a cette occasion, à ses lecteurs, un
précis historique sur l'art dramatique en France. C'est un homme versé
dans notre littérature, et il fait preuve d'érudition; mais nous regret-
LIVRES ÉTRANGERS. 0^7
tons de ne pas trouver dans son écrit un autre mérite j non moins in-
dispensable au critique, celui de la justice et de l'inaparlialité. Nous
avons été étonnés de le voir , répétant une infâme calomnie, appeler
notre grand poète Chénier (M. J.) le meurtrier juridique de son fVf're.
Ne devait-il pas le compter au nombre des auteurs tragiques dont la
France s'honore? Nous croyons encore devoir en appeler de ses juge-
mtns, lorsqu'il dit «que l'imagination et l'invention ne sont pas des qua-
lités dominantes chez les Français; «lorsqu'il les accuse de manquer
«d'un goût sûr et varié; «lorsqu'il prononce enfin, que» la tragédie dans
son sens le plus étendu et le plus relevé , est au-dessus de l'intelligence
française. «Les articles suivans sont consacrés à l'analyse de l'histoire de
la guerre d'Espagne (Peninsutar fVar), par Robert Southey , l'un des
hommes qui connaissent le mieux ce pays, sa langue, sa littérature et
son histoire ; de l'essai historique et lopographique sur les îles Ionien-
nes de M. W. Goodisson; des notes sur les mœurs des talars de la. Cri-
mée, ouvrage curieux, de M™<^ Holdcrness ; d'un ouvrage de géologie,
Reliquiœ^ diiiivianœ , de M. Buckland , accueilli avec une grande fa-
veur en Angleterre; enfin, trois autres ouvrages, un traité d'écono-
mie politique, par M. Th. Tooke, une réimpression de l'histoire de l'e'-
vèque Buruct, due à la célèbre imprimerie de Clarendon à Oxford, et
la visite en Espagne de M. Quin , dont la Ucvue a rendu compte , occu-
pent le reste du volume. On y a joint, comme à l'ordinaire, un bulle-
tin iudiquant seulement les titres de plusieurs ouvrages récemment pu-
bliés. Cet ensemble, comme on voit, est assez intéressant ; et cependant,
nous pensons qu'on pourrait rcprochei aux rédacteurs du Ouarierly Re-
vicw de s'occuper trop exclusivement de voyages ou de productions re-
latives à l'histoire. A. J.
RUSSIE.
ii5. — L' Etoile folaire , ou Almanach des amateurs de la littérature
russe, pour iSaS, publié par ^, Bestougkf et Rileïkf. Saint-Pétersbourg,
1823; de l'imprimerie de Gretch. Un vol. in-i6, de 594 pages; prix ,
10 roubles.
Ce nouveau recueil, qui peut être rangé parmi les ouvrages périodi-
ques, puisque les deux éditeurs, qui sont des littérateurs distingués, pro-
mettent de le faire paraître régulièrement, chaque année, contient
douze morceaux en prose, de sept auteurs différeiis, et cinquante-trois
pièces de vers, de vingt poètes. Ces derniers se recommandent , en gé-
néral, par un excellent choix, un style pur, une versification facile. La
première partie contient des morceaux en prose de M. Bes'.ougcf, l'ua
558 LIVRES ETRANGERS.
des éditeurs; de MM. Boulgarin, Th. Gliuka , Gretch , Kornilovilcli ,
Stnkovsky el Soiuof ; el la seconde, des pièces de vers de MM. Aba-
dovsky, Baralynsky , Voeïkof, Th. Glinka . Gnéditch , Davidol', Jou-
kovsky, Isniaïlof, Krilof, Labanof , 0^lolopof, Pimaef, Pletnécf, Pous-
chkin, Rileïer(run des éditeurs^ Toumansky, un anonyme, et du priiue
Viazcmsky, du baron Delvigue el du comte Khvastof. L'exécution ly-
pograpliique de cet ouvrage, qui est orné de jolies gravures, pourrait être
plus soignée. Les éditeurs promettent, sous ce rapport, pour l'année
prochaine , une amélioration qui rendra ce recueil encore plus at-
trayant.
1 14. — Siippiémens littéraires au Fils de la Patrie; bibliothèque de
lecture, com|>osée de contes, d'anecdotes el d'autres productions de la
litiéralure, rédigée par M. N. Gbetch. Première année (iSa?), T. IV,
Vit VI. Deuxième année (1820), T. VU, VIII, IX. Saint-Pétersbourg,
imprimerie de Gretch. In-8°. Pris de l'abonnement pour 26 livraisons
(il en parait une tous les quinze jours); 17 roubles 5o kopecks.
En annonçant (Tom. XVI, pages 200 et Say) les trois premiers volu-
mes de cet ouvrage périodique , c'est par erreur que nous avons dési-
gné M. Joukovsky au nombre de ses éditeurs. Ces supplémens sont
rédigés par M. K. Gretch , éditeur du FUs de la Patrie ; M. Joukovsky,
ainsi que d'autres littérateurs, tels que MM. Th. Glinka, Besiongef, etc.,
y font seulement insérer detems en tems quelques articles. — On trouve,
dans ce recueil, un grimd nombre de morceaux curieux cl intéressans,
soit originaux, soit traduits des diverses langues de l'Europe.
S. P— ï.
SUÈDE.
11 5. — Marie et Julie , ou Etrennes aux jeunes demoiselles qui étu-
dient la langue française ; pour servir à leur instruction, et à leur avan-
cement; par L. Paban. Stockholm, iSaô; brochure dt- 76 pages.
L'auleur de cette brochure française, imprimée à Stockholm, s'est dis-,
tingué , pendant son long séjour en Suéde, en enseignant bien la langue
Irançaise, et parait, dans ce petit ouvrage, avoir dirigé ses dernières for-
ces (il était alors mourant) vers le but de son âge mûr, l'instruction de
}a jeunesse. Nous aç pouvons donc pas aunoucer ce petit roman, comme
une production remarquable de l'imagination , quoique l'auteur ait su
amener trés-adroitement un songe qui prouve sa gratitude envers la fa-
mille du roi actuel de Suède. M. L. Pabau n'avait pas besoin de celle
production littéraire pour rendre sa mémoire chère aux amis de l'huma-
LIVRES ETRANGERS. 55()
nité, ayant été le premier l'ondalcur de la Société des amis des nécessi-
teux, qui existe encore à Stockiiolm.
DANEMARCK.
1 16. — Dcr Europaeischc Bund. — L'alliance européenne, par le dm-
teur C. F. Schmidt- Phisei.dek. Copenli.igue , 1821. xxiv et 356 pages ,
in-y°.
JXous avons eu déjà l'occasion d'annoncer un autre ouvrage du môme
auteur (Voy. Tom. VII, pag. 5^0), et nous répétons aujourd'hui ce que
nous avons dit alors, que M. Sclimidt Phiseldek est un penseur profond.
Nous ajoutons qu'il professe des doctrines noblement libérales , quoi-
qu'il les énonce avec beaucoup de circonspection. Nous sommes loin de
lui faire un reproche de sa timidité ; car nous vivons dans un tems où la
prudence est devenue plus que jamais nécessaire. L'auteur croit prévoir
une époque plus ou moins éloignée , où , par la seule force irrésislible de
la raison et des lumières, le gouvernement constitutionnel sera intro-
duit dans tous les états de l'Europe. Il en résultera, selon lui, nécessaire-
ment un premier et très-grand bienfait pour l'humanité, celui de l'abo-
lition des armées permanentes; parce que, dit-il, du moment où une
armée nationale sera composée de cilojens qui ont d'autre^ intérêts que
ceux de gagner une chétive solde , et d'autre espoir que celui du buliii ^
chaque soldat, avant de s'embarquer avec ardeur dans une guerre pro-
jetée par son gouvernement, en examinera froidement la justice et la
nécessité, de manière à forcer le monarque et son conseil à réfléchir plus
mûrement que d'usage sur une entreprise hasardeuse, qui pourrait en-
traîner la ruine de l'élit et d'autres malheurs incalculables. Le pian de
l'auteur est beaucoup plus vaste ; il embrasse une foule d'auires idées qui
lui paraissent devoir exercer avec le tems une influence bienfaisante.
C'est ainsi qu'il croit que tous les états de l'Europe consentiront à former
un jour une grande confédération , à l'instar de celle qui existe dans l'A-
mérique septentrionale, ou plutôt entre les membres du corps germani-
que (1); il veut que cette confédération soit dirigée par une sorte de
congrès suprême , où chaque état aura son député , et que ce sénat soit
(1) Voy., ilans le RecwU des pièces officielles puhliê pur Schcell , T. IX, le
mémoire intitule : La Conservateur de l'ilurope, qui contit-nl le plan d'une grande
fédération européenne, propre à garanfiv ta paix générale, ;': consolider les trÔDes,
à protéger les peuples, à favoriser le b'iire et entier développcisirnl des élémers ùc
la prospérité publique.
36o LIVRES ETRANGERS.
investi du droit de prononcer sans appel dans toutes les cause» litigieu-
ses, qui pourraient s'élever entre quelques-uns des co-éfals, et du pou-
voir nécessaire ainsi qu'une force suffisante pour mettre à exécution ses
décisions souveraines, ^ous craignons beaucoup que les idées de notie
auteur soient seulement les rêves d'un homme de bien; nous croyons
même que les gouverncmens constitutionnels, tel» qu'ils existent au-
jourd'hui , sont peu disposés à les réaliser. Mais nous gardons sur ce
sujet un silence commandé par la nature même cie la licvue Encyclapé-
dique , étrangère , comme l'on sait , aux discussions concernant la politi-
que spéciale qui peuvent diviser les esprits, réveiller les passions, et
changer un sanctuaire consacré aux sciences et aux arts, en une soi te
d'arène ouverte aux débats politiques.
1 1-. — Die Poiitik nach den Grundsaetzcn, etc. — La Politique d'après
les principes' de la Sainte-Alliance ; par le même. Copenhague, 1822.
XVI et 5i8 pages, in-8".
Cet ouvrage peut être considéré comme la suite du précédent. L'au-
teur a pris pour texte cette fameuse alliance qui a été sanctifiée par son
acte de naissance, en attendant qu'elle le soit par son éducation. Nous
croyons cette expression d'autant plus juste , qu'il est hors de doute que
tous les traités , les conventions, les alliances, renferment dans leur sein,
comme les enfans nouveau - nés, des germes , dont le développement,
soit pour le bien , soif |)our le mal , dépend d'une foule de circonstances,
quelquefois habilement prévues, mais plus souvent fortuites. Nous ne
révoquons pas en doute les intentions bienveillantes des augustes signa-
taires de cette alliance; mais le tems seul pourra prononcer jusqu'à quel
point leurs magnanimes promesses auront été réalisées. Après avoir en-
visagé cet acte sous le rapport de sa forme, l'auteur cherche à deviner et
à prédire quelle sera son InQuence sur le caractère des différens peuples
de l'Europe, sur l'éducation d'; la jeunesse, sur la religion et le clergé,
sur l'administration intérieure des états, dans toutes ses branches, sur
la classification des citoyens et la différence des rangs entre eux; enfin ,
sur les relations extérieures de chaque état avec ses co-états, ou sur la
diplomatie. Nous n'osons pas affirmer que partout l'auteur ail deviné au
juste les intentions et les désirs des augustes signataires de l'acte en ques-
tion; nous craignons même qu'il les ait un peu outrepassés, surtout en
ce qui concerne l'éducation de la jeunesse, la religion et le clergé; mais
nous désirons ardemment que le commentaire de autre auteur soit ap-
prouvé par les hommes d'état qui influent sur les destinées des peuples.
Nous ne dissimulerons pas que nous avons trouvé, dans cet ouvraije,
jfjnsi que dans le précédent , quelques idées que nous ne saurions adop»
LIVRES ÉTRANGERS. 5th
ter. Mous n'en ferons pas un reprorhe à l'auteur; car si, à quelques
égards, son opinion est erronée, il partage cette erreur avec une foule
d'hommes Irès-éclairés, et dont la noblesse des sentinacns n'est nulle-
ment douteuse. Mais, puisqu'il faut loujoiirs faire la part de la critique ,
nous observerons que le style de l'auteur est souvent un peu obscur; que
plusieurs de ses périodes sont trop longues et fatigantes, et qu'on ren-
contre , presqu'a chaque page, des phrases laborieusement enlortillées.
£n effet, ce ne sont là que de petits défauts ; mais nous croyons que l'au-
teur aurait pu et dû les éviter, surtout puisqu'il avait de si bonnes cho-
ses à dire. Heibbrc.
iiS.—Prolusiones et opuscula A cademica. —Opuscules académi-
ques, par M. Birgcrus Thoblacics , conseiller-d'étal, etc. Copenhague,
1S22. In-S".
Ce n'est pas U première fois que nous avons mie sous les yeux de nos
lecteurs les travaux de M. Thoriacius , l'un des plus illustres savans dont
s'honore la littérature du Nord. Aujourd'hui, nous leur ferons connaître
sommairement le cinquième volume d'une collection du plus haut inté-
rêt pour la philologie. Le premier des traités de ce volume porte un ti-
tre piquant : Doctrina chrisUana , qualcm lihn sihyUini exhibent. —
De la doctrine chrétienne , telle qu'elle est frésenléc dans les livres si-
iyllins. M. Thoriacius revendique pour eux l'honneur d'avoir été l'une
des sources de nos dogmes. On ne peut que renvoyer à la Dissertation
pour les développeraens de cette assertion , appuyée de nombreuses ci-
tations par lesquelles on prouve que l'unité, l'élernilé de Dieu et son
omniscience étaient connus des auteurs des oracles. Nous revenons à des
choses qui sont du domaine de la philologie. Dans son second traité, M.
Thoriacius examine quelle était, au xii= siècle, la connaissance des let-
tres grecques et latines : pour y parvenir, il s'attache à la vie et aux ou-
vrages de Jean de Salisbéry, ami du célèbre Thomas Becket, et disciple
d'Abcïiard, qu'il vint entendre à Parb, en iiô;. Jean de Salisbéry se
distingua dans tous les genres d'études; il jouit d'un grand crédit près
des papes Eugène III , Adrien IV, et Alexandre III ; et quand Thomas
Becket eut été exilé, il partagea son sort, et supporta patiemment un
exil de sept ans , après lequel il ne craignit pas de s'associer encore au
turbulent archtvêque, et reçut, en le couvrant de sou corps, une dan-
gereuse blessure. Je;;n de Salisbéry revint en Fiance, y fut évêque, et
mourut en 1 .82 II était en tout fort au-dessus de son siècle. M. Thoria-
cius montre combien était grande la connaissance que ce savant prélat
avait acquise des auteurs de la Grèce et de Rome ; il prouve ensuite que,
dans ce tems , on possédait encore bien des trésors, tombés depuis dans
362 LIVRES ÉTRANGERS.
l'oubli. Nous allons en fournir un aperçu , d'après les ouvrages elles dans
les écrits rie Jean de Salisbéry : i » un Trnilé de Catoa sur l'art mililaire;
2" un traire de Varron, intitule : Rei-um humanarum antiquitales , en
25 livres; 5» un autre ouvr.ige de Varrou ; Reriun diviiiarum antiqui-
lates, en i6 livres, adressé à Caïus César, souverain pontife : celui-ci e»l
cité par Lactance, et tous deux le sont par Saint Augustin ; 4° Lihri na-
vales ; 5» la Satyre Menippée ; 6^ un Traité de .4naiogid de Jules César ;
ç° la République de Cicëron, citée aussi par Gerbert au x- siècle ; S" Hy-
<}i7ius de vitâ rciusque virorum Uiustrium 11 parjît que plusieurs
ouvrages grec», que nous ne reverrons plu» , étaient aussi connus alors:
c'est ainsi qu'on retrouve la mention des questions de table d'Ari^tote ,
du Traité de la richesse de Théophraste, du Traité sur le Mariage, par
le même, de l'Histoire de Tbéopompe, du Traité du gouvernement et
des choses mémorables de Plutarque. M. Thorlacius transcrit la tra-
duction latine, que nous a transmise Jean de Salisbéry, d'un passage de
Théophraste sur le mariage; c'est une assez plaisante diatribe contre les
femmes.... Parmi les autres parties de ce volume, nous avons remarqué
une dissertation intéressante : De Carminihua niytltico-historicis Eddœ
scmundinœ-; ce qui est très-important pour la mythologie du Nord. L'ex-
plication d'une lame d'argent, chargée d'une inscription grecque, et
celle de quelques pierres gemmes, feront plaisir à tous les antiquaires.
M. Thorlacius acquiert tous les jours de nouveaux titres à l'estime des
«3 vans. />/t. GuLBtEv.
ALLEMAGNE.
1 19. — Reise durch Schwedcn , Norwegen, Lappland, etc. — Vova"C
en Suède, en Norvège, en Laponie , en Finlande, pendant les années
i8j7, 1818 et 1820, par W. Schibebt; Leipsig, 182Ô. In-8».
Ce voyage est l'œuvre d'un homme versé dans la connaissance des lan-
gues de tous les pays qu'il a parcourus, d'un homme initié aux sciences,
<"t que les gouvernemens comme los particuliers se sont empressés de
seconder. M. Schubert, qui est professeur à Grcifswalde , s'est plus par-
ticulièrement appliqué à ce qui concerne l'instruction publique et l'état
ecclésiastique; mais il a embrassé dans son plan les observations qu'il a fai-
tes sur les hommes , sur le climat, sur les produits territoriaux. Les anti-
quités, les usages, l'agriculture cl les sciences naturelles ne lui sont pas
non plus étrangers. L'auteur s'est arrêté assez de tems dans chaque \ illc
pour en parler sciemmfnt. Voici la division de ce pieinl.r volume : i " Voya-
ge de Slralsund au portd'Ystadt, encore inconnu dans les ouvrages de géo-
graphie publiés en France, quoiqu'il paraisse destiné à devenir un petit
LIVRES ETRANGERS. - SGd
Calais ou un petit Douvres ; observations sur la manière dont on voyage
en Suède. 2° Voyage à Lund, siège épisropal de Dalby, ëglise souteT<-
raine. ô" De la ville et de l'université de Lund et du système universi-
taire en Suéde. 4" Voyage à Cbristianstadt. 5° De l'administration et <J6
la justice dans les provinces suédoi^^es. 6» Voyage à Cariscron; de B\c-
Kingen et de ses habitans; état militaire de la Suède; antiquités de
Kobby. JVotice sur l'amiral Cbapmen, le plus habile constructeur de vais-
seaux de l'Europe, sous Gustave III; vallée des Rossignols, près la mer
Baltique. 7" Cariscron, description de ce que cette ville offre de remar-
quable; Moraves, Juift, leur état en Suède. 8° Voyage à Calmar; Tu-
inuii (éminences en terres rapportées). 9° ville de Calmar; son gymoase
et sa bibliothèque; îles d'Œland et Golbiand. 10° Route de Linl;œp-
ping ; Ostgolhs. 1 1" Du peintre d'église Hœiberg; des eaux salutaires de
Medevi. ia° Route de Stockholm. i5" Description do cette capitale» 1^°
Voyagea Upsal ; de l'ancienne Sigtuna. 15" Description d'Upsal «îl de
ses environs. Cette ville a deux librairies et une bibliothèque à l'uijiver-
sité ; elle a de plus une imprimerie. Des cartes et des de:<sin.} sont
joints à cet intéressant volume, qui sera bientôt suivi de celui qui traite
du Danemarck. On l'attend avec impatience , car on sait que l'auiteur a
fait dans ce pays des remarques tout a fait neuves.
120. — Indicis Codicum et editionum juris Justinianei prodromus
cura D. JuanL. G. Beck. Leipsig , 182/». In-S".
M. Beck a pris part aux travaux de M. Hugo, relativement au droit
antérieur à Justinien. A peine avait-il terminé celte tâche, que trois des
plus célèbres juiisconsultcs de l'Allemagne, MM. Cramer , ïlaubold et
de Savigny , lui contièrent l'achèvement de leurs collections ^ur la lé-
gislation de cet empereur. M. Beck commence par le Prodromus d'un
index; il espère que les savaus, préposés à la garde des grandes biblio-
thèques, contribueront à compléter cet index, en lui fournissant des
indications, sans lesquelles un seul homme ne pourrait tout réunir. Il
prépare une table alphabétique, par noms de pays et de villes, des
manuscrits de parties séparées du Corpus juris , une des'ription de ces
manuscrits ou des édhions sine loco et anno. Sans doute, on s'empressera
de répondre à cet appel d'un savant recommandablc.
121. — Gescliichte dcr Eidechsen Gesellschaft in Preussen. — Histoire
lie \i Société des Lézards, eaViusse; par /e«ra Voigt. Kœnisberg, 1S25.
L'auteur avait déjà donné au public un essai sur le même sujet, sous
ce titre latin : De Lacertarum Societate; c'est l'ouvrage approfondi
auquel il travaillait alors qu'il publie aujourd'hui. Il commence par un
aperçu sur les sociétés chevaleresques en général; puis, il passe à la
^64 LIVRES ETRANGERS.
fondation de celle des Lézards, le 21 septembre 1397. Celte association
est l'ouvrage de quatre chevaliers des environs deEeden, dans la Prusse
oru-nlaie. Dans le principe de son institution , elle était particulièrement
dirigée contre le grand-maître Henri de Plaunen. M. Voigt examine
quelle fut, de i44o à i455, l'influence de la Société des Lézards contre
l'ordre teulonique , tant en Pologne qu'à la cour de l'empereur. La se-
conde partie est composée d'appendices et de documens fort intéres-
sons, la plupart relatifs à l'ordre teutoniqiie.
122. —Deufsch Hetraisches IVôrterhuch. — Dictionnaire hébraïque-
allemand, par Elwebt. Tome II (M— Z). Lcipsig, 1822.
C'est le premier dictionnaire qui , sans intermédiaire, facilite aux Al-
lemands la connaissance de l'hébreu. L'auteur a parfaitement exécuté
son plan. L'impression de l'ouvrage est très-coirectc , chose essentielle
dans un pareil livre, où la moindre faute pei^t égarer. Le premier vo-
lume (qui avait paru il y a quelque tems) n'était pas exempt de repro-
chcs à cet égard. M. Elwert avait annoncé un traité particulier sur les
noms propres; il s'est déterminé à le réunir à son dictionnaire. On y
trouve d'utiles explications sur le sens de la plupart de ces noms ; 00
rencontre aussi d'intéressantes excursions archéologiques , par exemple ,
sur leTalmud, sur les sacrifices expiatoires, etc. Mais, l'auteur n'a
pas toujours été entièrement exact dans le sens qu'il donne aux mots;
il n'a pas complètement recueilli toutes les expressions qui pouvaient
être utiles aux Israélites. On pense que le succès de ce livre rendra
bientôt nécessaire une seconde édition, et qu'à cette occasion , rien ne
sera négligé pour perfectionner ce premier travail.
123. — Bhagavad-çjUa, id est tlierpcsion metos , sive Krishnnœ et
Arjounœ colioquium. de rcbus divinis , etc. — Le Bhagavad-gîta , c'est-
à-dire, le Chant divin , ou le Diali>gue de Krishuna et d'Arjouna sur la
religion, épisode du poème épique le 37 £Î/»a6/idra<(i, contenant le texte
samskrit , une version latine et des notes critiques ; par Aug. Guiil. de
ScHLECEL. Bonn, 1820; Weber. In-S» de plus de 200 pages , dont 96
en samskrit. De l'imprimerie royale rhénane du roi de Prusse.
124. — Miscellanea tnaximam purlern crltica, — Mélanges critiques ,
parFaiEnEMANN et Sebbode. ïom. 1, 4^ partie. Ilildesheim, i823. In-8».
Nous avons déjà parlé de cet estimable recueil , à la tête duquel figu-
pent les philologues que la renummée proclame comme les plus habiles.
Ce quatrième cahier a souffert de longs relards, et l'en espère qu'à l'a-
venir le public n'en éprouveia plus de semblables, d'après l'assurance
que donnent les auteurs. M. Louis Heeren ouvre le cahier qui vient de
paraître par un article sur les chaurs des tragiques grecs, considérés sous
LIVRES ÉTRANGERS. 365
le rapport de leur composition; il les a classés dans un certain ordre,
et a comparé ci-ux des différens auteurs : aussi, quoique, depuis 4o ans,
la question des chœurs grec» soit à peu près épuisée , il a trouvé le moyen
de la rendre encore intéressante. On lit ensuite une dissertation de M.
Lobeck, De Tritopatribus. L'auteur y soutient que, sous le nom de
Tritopalres, on désignait les dieux mânes. Il s'élève contre les étymo-
logies indiennes , et généralement contre ceux qui font venir de l'Inde
les fables de la mythologie grecque. Des variantes, tirées d'un manus-
crit de Copenhague, par M. Bloch, pour VHccuhc, les P hcnicicnnsi et
VOresle d'Euripide , succèdent à ce morceau , et elles sont elles-mêmes
suivies d'autres variantes recueillies par M. Roelher, professeur à Hei-
delberg, pour les écrits du sophiste Libanius. M. Crcutzcr, dont le nom
se mêle à tant de travaux utiles et importans, a encouragé son élève
dans le dessein qu'il a formé de nous donner une édition de Libanius;
et ce premier essai est un appel aux savaus qui pourraient posséder des
matériaux ou seconder l'éditeur. On remarque une autre colleclion de
variantes, puisées dans le Quiutilien de M. Lumairc , par le docteur
Klein. Enfin, M. Seebode en a cherché , dans un manuscrit de Wolfen-
biittel, pourNonnius Marcellus. Après tant de variantes utiles pour la
philologie, mais arides pour le lecteur, on revoit avec plaisir un traité
de M. Malhiœ sur quelques passages de VOratcur de Cicéron, et des
observations de M. Bolhe sur Quinte-Gurce. M. Guillaume Munich a
donné une Notice des manuscrits de (a biUiolUcquc de Cracovle. C'est
le même qui a publié une Histoire de la liltàrature en Pologne ( elle
forme le lô^ volume de 1 Histoire générale de la littérature d'Eichoru) :
ta bibliothèque de Cracovie possède , sur le droit romain , des manuscrits
très-précieux. M. Oiann communique de nouvelles leçons pour Ando-
cide; M. Reiz conteste à Burmanii la faculté de juger de la doctrine de
Eenllcysurles vers de Térence; M. AIdyvardt prétend que jusqu'ici tous
les chœurs des tragiques et des comiques ont été mal distribués dans lis
éditions. Noua avons encore remarqué les morceaux suivans : Inscriplio
latina Romœ nuper détecta. M. Thorlacius , de Copenhague , a fourni
ce morceau, qui se distingue , comme tout ce qu'il écrit , par une grande
sagacité de critique et par une vaste érudition. L'inscription qu'il dis-
cute est rapportée par lui au commencement du v« siècle. — De vcrsiéus
quihusdam Horatianis. M. Eichsfacdt attaque une ode d'Horace ,
dont il vent qu'une strophe ait été forgée avec des vers pris ailleurs au
même poète. JN'ous n^t pouvons citer tous les morceaux de ce cahier,
qui est pourvu d'index philologiques dis mots grecs et latins renfermés
dans le volume dont il fait la clùlure. Toutes les dissertations qui com-
363 LIVRES ÉTRA^^GERS.
posent ce rec.eil étant écrite., en latin , elles conviennent aux savans de
tous les pays; et nos compatriotes sans doute ne perdront pas celte oc
casion d'entrer en relation intellectuelle avec la docte Allemagne.
12.5. - Ucher den Ritler Gluck. - Sur le chevalier Gluck Tel sur
ses ouvroges, avec un jugement critique de leur mérite, cl des lettres
de ce célèbre composilour et d'autres hommes céiè! res. Berlin, iSaô.
Nous savons, par la tradition , de quelle importance a été, dans le
Siècle dernier, la querelle des Glackistcs et des Piceinisles ; mais le
souvenir s'en est beaucoup affaibli, même dans l'histoire des arls. Il
ne faut pas s'étonner si les seuls lecteurs de mémoires et de correspon-
dances littéraires s'en occupent encore un peu aujourd'hui. Quelle na
donc pas é!é notre surprise, en lisant le titre du livre que nous venons
de transcrire, avec la date de iSaô, et l'indication typographique de
Beriin! Singulière conception que celle d'un Allemand qui, après tant
d'années, va donner à ses compatriote» la compilation de l'abbé Arnaud !
car. Al. Siegmeyer n'a lait cl n'a voulu faire que cela; et si nous en
parlons, ce n'est pas que les sciences ou la philosophie y puissent rien
gagner : cet ouvrage se.ait absolument du nombre de ceux que h Revue
doit laisser sans examen , et nous n'en aurions pas fait mention , si son
titre ne nous fournissait une occasion de faire remarquer combien la
librairie d'Allemagne l'emporte en activité sur celle de Fiance. Quel
est celui qui, à Paris, se chargerait de vendre un vieux récit sur deux
musiciens de Prusse? qui aurait assez de loisir pour le lire? Cependant,
on voit tous les jours, en Allemagne, éclore des livres d'un moindre
intérêt encore ; et ce pays, où le goût des plus sérieuses recherches
rend à l'esprit humain de si grands services, a des lecteurs pour tous
les écrivains. -Passons à l'ouvrage lui-même. M. Siegmeyer n'a pas fait
grâce à ses lecteurs d'une syllabe de toute la polémique musicale; il y a
joint une préface ; enfin , il a grossi le volume d'une Fie de Gluck , ex-
traite du Convcrsatio7is Lexicon. Que dira-t-on désormais sur les con-
quérans de la terre, quels volumes suffiront à leur histoire, si la bio-
graphie d'un musicien absorbe à elle seule un gros volume?
Ph. GOLBÉBY.
N. B. On publie en même lems , à Paris , deux forts volumes sur la
biographie du célèbre compositeur et musicien Rossini.
126. — Zenobia. — Zénobie, tragédie en cinq actes, par Dr. G.
DoERiiMC. Francfort, 1820, Un vol. in-i2de 192 pages, avec une gra-
vure.
La lutte de Palmyre contre l'empire romain, et les grandes qualités
de Zénobie avaient déjà attiré l'attention des poètes tragiques. M . Uo^ou
LIVRES ETRANGERS. 067
en avait fait le sujet dune tragédie, représentée au Théâtre-Français il
y a quelques années, et qui n'obtint pas un succès brillant ni durable.
Avanî lui , clic avait inspiré la muse d'un poète , M. François, qui, sim-
ple cordonnier et toujours occupé de son état, s'est quelquefois montré,
comme auteur, digne interprète de Meiporaène. 11 serait sans doute
possible de tirer parti de cet épisode , l'un d<s plus inlércssans qu'oflVe
l'histoire romaine, »ous le régne des empereurs. M. Docring vient de
l'adapter à la scène allemande; et sa tragédie, en général assez froide,
offre néanmoins quelques bonnes scènes. Odenat a conclu avec les Ro-
mains un traité d'alliance; il est même sur le point d'admettre une de
leurs armées dans les murs de Paimyre. Trompée par les faux rapports
d'un ambitieux, qui désire obtenir la main de Zéiiobie et monter sur
le trône, la reine fait empoisonner son époux, aGn de prévenir la honte
et le» malheurs inséparables de l'occupalion étrangère. Ici, l'auteur a
violé la fidélité historique; car Odenat est mort plusieurs années avant
le règne d'Aurélien. C'est un .-machronisme d'autant plus inutile, qu'il
n'en résulte qu'un premier acte très-froid, espèce d'avant -propos sans
nul intérêt. Cependant, Zénobie a repoussé l'armée romaine qu'Odcnat
avait appelée. Auréliea a juré de venger cet échec; il arrive avec des
forces considérables , entre par trjhison dans Paimyre, et livre cette;
malheureuse ville aux flammes et au pillage. Au cinquième acte, nous
voyons Zénobie aux prises avec quelques vétérans romains, lutler avec
eux de force et d'adresse, en immoler deux ou trois, et périr enfin
sous leurs coups. Pour amener ce dénoûment de mauvais goût, et tout
au plus convenable au mélodrame, l'auteur , comme on voit, a encore
chani^é l'histoire. Mais, en reprochant à M. Docring quelques erreurs
de goût, le défaut d'intérêt qui provient d'un grand nombre d'incidcns
inutiles, et la faiblesse du rôle de Longiii , nous aimons à reconnaître
du talent dans la manière dont il a tracé le caractère de Zénobie et
celui d'Herennian son fils. Enfin, son style, toujours élégant et facile j
mérite des éloges.
127. — Der Renégat. — Le Renégat, de M. d'Arlincourt , traduit ca
allemand pat T. Hell. T. I. Dresde, i8a5; Arnold. Un vol. in-8<>.
On ne doit pas s'étonner du succès d'ua pareil ouvrage, chezuu peuple
qui se laisse séduire pur Tintérêt des événemens, sans pouvoir apprécier
avec justesse les défauts du style. A. J.
SUISSE.
liS. — Le Robinson français , ou Histoire d'une famille française,
haiilunt une île delà mer du Sud; par J. F, W, Genève, iSaô.
368 LIVRES ETRANGERS.
J. J. Paschoud ; Paris, le même. Quatre vol. iii-i 2, avec deux carte*
et seize planches lilhographiées -, prix, 12 fr.
Depuis loiig-tems les Bohiasons font une partie obligée de la biblio-
thèque de l'enfance. Traduit dans toutes les langues , le premier qui
parut, en Angleterre , ne tarda pas à donner naissance à de nombreuses
imitations; les unes, sous le titre de i\tniV6au Rabinson, de Robinson
aliemavd^ de Roéinson suisse; le» autres, sous ceux de voyages ima-
ginaires, d'aventures merveilleuses, etc. Mais , il faut le dire : la plupart
de ces ouvrages, quoique de nature à piquer vivement la curiosité, pè-
chent cependant, plus ou mois, par l'invraisemblance des scènes que
les auteurs mettent sous nos yeux , et surtout par les erreurs graves,
pour ne pas dire les absurdités en histoire naturelle dont ils fourmillent,
et qui ne sont propres qu'à remplir les esprits de leurs jeunes lecteurs
d'idées fausses, dont ils ont beaucoup de peine à se débarrasser dans
la suite. L'auteur du Robinson français s'est principalement appliqué à
éviter ce défaut, dont les conséquences sont plus graves qu'on ne le
pense; au lieu de promener son héros au travers de catastrophes extraor-
dinaires, d'aventures étranges, de situations bizarres et forcées, dans
des lieux déserts, sous des climats affreux , de le mettre en présence
de hordes sauvng s, qui ne lui offriraient que le hideux tableau de la
nature humaine au dernier degré de l'abrutissement, il le fait arriver
dans une île riante, où le ciel semble avoir accumulé pour lui les pro-
ductions les plus variées, où les règnes animal et végétal, en particulier,
lui prodiguent toutes les richesses des contrées les plus favorisées. Les
moyens qu'emploie notre solitaire pour tirer paitl de cette abondance,
sont des plus propres à captiver l'attention de l'enfant qui le suit dans
ses divers travaux ; et des descriptions exactes d'une foule d'animaux et
de plantes des tropiques deviennent autant deleçons d'histoire naturelle,
puisées aux meilleures sources. — D'ailleurs, le Robinson français ne
reste pas long-tems seul dans son île; la Providence lui amène un com-
pagnon, qui double ses forces et ses jouissances; bientôt en surviennent
d'autres, cl l'on voit à la fin se former une peuplade, au bonheur de
laquelle rien ne manquera si elle peut échapper aux visites des Colombs
moderues.— La partie morale de l'histoire n'est pas moins recommanda-
ble que sa partie industrielle; elle est pleine de leçons de résignation ,
de patience, de courage , et d'une piété de jour en jour plus éclairée et
plus solide. Le style laisse , il est vrai, quelque chose à désirer; mais les
lecteurs difficiles voudront bien considérer que l'auteur aspire à un au-
tre succès qu'à un succès purement littéraire. Si on le compare d'ail-
leurs, à ce dernier égard , avec la plupait des ouvrages de ce genre,
LIVRES ETRAÎSGERS. 5G9
soit originaux , soit traduits de l'allemand ou de l'angiais , on ne le trou-
vera rien moir.s qu'inférieur à ceux qui sont les plus estiméj. Tel qu'il
est, le Rohinson français peut donc êlre recommandé comme un livre
attachant et utile. (;/t,
I TA L I E.
129. — C atalogus 'ptantarum quœ asscrvanturin rcgiohorlo scrcnis-
sitni Francisci Borbonii, frincipis JMventulis in Boccadifuico, jtrofe
Pannormum. Adduni^ir non-nullœ adnotaliones ao descriptioncs nova-
ruin aiiqxiot spcrierum. Naples, 1821. In-8°.
- Ce C'iUaiojtce déplantes a été rédigé par M. Gussoni , botaniste fort
distingué. Il comprend 3, 000 espèces que l'on cultive à Boccadifalco ,
près de Palerme. L'auteur observe que ce climat, où le thermomètre de
Réaumur se soutient ordinairement, l'hiver, entre 8 et lodei'rés au-
dessus de zéro, est très - favorable à l'éducation des plantes des pays
chauds. La plupart de ces plantes sont exotiques; toutefois, il y en a
plusieurs qui appartiennent à la Sicile. On attend du même auteur une
Flore sicilienne (Fiora Sicula), dont il s'occupe.
lôo (*). — Compendio delta storia deW astronomia, etc. Abrégé
de l'histoire de l'astronomie, par le marquis de Laplace , traduit en ita-
lien, par Antonio Cattawko. Milan, 1825. In-8».
Cet abrégé ne contient que le cinquième livre de V Exposition du
système du monde, par le célèbre Laplace. Le traducteur italien , pen-
sant, avec Tauteur, que cette p.trlie bisterique du grand ouvragi- serait à
la portée d'un plu- grand nombre de lecteurs, a voulu la publier sépa-
rément, pour l'avantage de ses compatriotes. M. Cattaneo, dans sa tra-
duction , pousse la fidélité peut-être jusqu'à l'excès, puisqu'il conserve
souvent les tours et les phrases de l'original.
i">i. — Siiggio critîco storico e filosojfico sul dirifto di natura e délie
genti c sullc successive icggi, istiluti e govemi civili c politici, etc.
Essai critique, historique, et philosophique, sur le droit naturel, sur le
droit des gens, et sur les luis, les institutions, et les gouvernemeus civils.
Ouvrage posthume du conseilk-r Alberto dk Simont. Tome IV. Mi-
lan, lSi2.
L'auteur de cet ouvrage a voulu s'y montrer à la fois historien, critique,
et philosophe. J\ous n'osons pa< décider sons lequel de ces rapports il s'est
le plus distingué. Comme historien, ii traite du dioit de la nature et des
gens, envisagé dans tuutos les tp.jques de i'antiquilc ; commençant mê-
me par celle qui a précédé le déluge, il parvient jusqu'à Charles-Quint
T. XX. — Novembre i825. 24
5;o LITRES ETRANGERS.
et la république de Venise; mais il traite son sujet d'une manière
trop vague et trop générale. A l'appui de sa critique, il s'efforce de dé
montrer l'autorité et raulhenticilé du code de Moïse; la vérité du dé-
luge univcivel par les témoignages irréfragables de plusieurs docteurs,
el l'origine des lois des XII Table* provenant des lois des Grecs ^ des
Égyptiens, et, par conséquent j des Hébreux. Qujnt à la partie philo-
sophique, il ne faut pas se dissimuler qu'il n'est pas allé aussi loin que
Genovesi, Spedalieri, Lafnpredi, et surtout Itomagnosi, et plusieurs au-
tres Italiens qui ont souvent traité le même sujet.
i52(*). — Do' Delitti, et dMc fene, del marchesc Caare Beccaria coni'
a(j(]iuntadv{i' esame critico, etc. — Traité des délits et des peines du mar-
quis ^esar Beccaeia , avec un esamen critique de l'avocat Jldoiranda
Paolusi. Florence, 1821. In-8°.
L'ouvrage de Beccaria, l'intention dans laquelle il a été écrit, sont as-
sez généralement connus pour qu'il ne soit plus nécessaire de s'étendie
sur ce sujet. Les éloges seraient ici superflus. JNous ne voulons pas dire
cependant que toutes les assertions de ce célèbre auteur soient égale-
ment exactes; mais nous ne les croyons ni entièrement faussf's, ni dange-
reuses parce qu'elles se tiouvent quelquefois en opposition avec des ins-
titutions aujourd'hui dominantes. M. Paolini ne se montre pas animé
de cet esprit de prévention qui règne chez la plupart de ses adversaires,
en examinant la théorie et les principes de Beccaria. Cependant, il sem-
ble avoir peu approfondi l'auteur qu'il commente et vouloir le réfuter
sans de bonnes raisons. Du reste, son examen ne peut qu'èlre utile, et
par les idées qu'on y rencontre, et par celles qu'il fera naître dans l'es-
prit de ses lecteurs.
i53 (*). — Sloria délia Spagna anlica e moderna , etc. — Histoire
de l'Espagne ancienne et moderne, par M. le chevalier Luigi Bossi,
avec des cartes géographiques et des planches. Milan, 1822.
On sait qu'un travail semblable à clIuI qu'a entrepris M. Bossi, en
Italie , depuis 182», va être publié par trois savans français, MM. Sainl-
Martio , Després et Raoul Rochelle, qui ont tous les moyens nécessai-
res pour bien remplir leur promesse. M. Bossi , obligé de continuer ses
toins à son Histoire générale d'Ilaiic, qu'il a conduite jusqu'au 19* vo-
lume , a cependant publié déjà 6 vol. de son Histoire d'Espagne. Le
mérite caractéristique de cet ouvrage est dans le nombre et la variété
de connaissances dont l'auteur a su profiler. M. Bossi est certainement
un des savans italiens les plus respectables ; il se dislingue par la fécon-
dité de son esprit, el par le zèle avec lequel il soutient la littérature de
«on pays. Lis volumes que nous annonçons, en tont une preuve non-
ITVRES ETRANGERS. ;,;,
velle. 11 y examine d'abord les révuljtiuus phy^icn^es que l'E-ipagne a dû
subir; il se demande si elle était jadis allachét a l'Afrique, et si le dé-
troit qui l'en sépare s'est tflcndu de plus en plus ; il clierclie l'origine
des Espagnols jusqui- dans les Tables qui la dérobent à nos invesliga-
lions, ainsi que celle de toutes les nations. Jl essaie de donner quelque
idée de la niytbo ogie espagnole et du système géographique de l'Es-
pagne, etc. Peut-être, pour avoir suivi trop religieusement l'ordre chro-
nologique, a-l-il quelquefois négligé l'ordre didactique. L'auteur traite
ensuite de l'inllueuce qu'exercèrent s\ir l'Espagne les Celles, les l'héni-
ciens et d'autres peuples anciens, dont on a recr)onu les iraces dans ks
mœurs, rites, et même dans quelques mots espaj^iiols. Toutes les re-
cherches ou les indications de ce genre doivent iull•re^ser les savacs ; ce
qui importe aux hi>toriens, commence aux premiers élablissemens des
Carthaginois. L'auteur rectilie ce qu'a écrit sur ce sujet le Tite-Live de
l'Espagne, Mariaua. Voulant déterminer le earaclère des Espagnols, il
nous fait observer que cette même fermeté inébranlable, qirl leur Ut
jadis défendre leur liberté avec le plus grand courage, peupla le ciel
de saints, l'église de mciines, les armées de héros, les Indes d'apôtres
et de conquérans, acheva 1,'S entreprises les plus glorieuses, et produisit
les horreurs du fanatisme et de l'inqui-tilion. C'est dans cet esprit que
M. Bossi a continué son histoire jusqu'au 6' volume.
i54 (*). — Storia detla Gran-Brctagna da' priini tcinpi sino a di
nostri, etc. — Histoire de la Grande-Bretagne, depuis les premiers Icm»
jusqu'à nos jours, par John Adams, trjduite de l'aDglai> en italien, par
M. David 'UERTotom, avec des additions pour servir de continuation à
VAérégé de l'histoire nnivcrseUe de J\I. le comte de Sigur. T. VIII.
Milan, 1822 — iSaô. Inia avec planciies et carte géographique.
On regarde cette traduction comme une production presque origina-
le de M. Bertolotti. Suivant les termes de Hume, qu'Adams avait pris
pour guide dans sa narration, il conduit son histoire bien plus loin. (On
sait que l'hisloirc de Hume s'arrête à l'année i4^5.) La partie militaire
et politique de l'ouvrage appartient entièrement au continuateur. Quant
à ce qui regarde le schisme d'Angleterre, il a suivi plutôt Lally-Tolcndal,
Sevelingcs , M. Villemain, etc. , que des historiens trop piévenu>, contre
la rrli^ion romaine. L'auteur ne considère son travail que comme une
compilation ; mais, sous ce rapport même, il lui mériterait tix reconnais-
sance de ses lecteurs.
i35. — \uovo Dizionario degli uomini illustri, etc. — Nouveau diction-
naire des lion.mes célèbres dans Tbi-ftoire des science», des armes, de la
ô-^i T.IVRES ETRANGERS.
politique, et des beaux-arts; par l'aulcurde V Encyclopcdie des Enfans,
avec divers portraits. Milan, iSaô. Deux vol. in-S".
Le titre et le luit de cet ouvrage seraient d'un grand inl»rêl , si l'au-
tour lui avait consacré des éludes plus sérieuses, et avait l':iil un meil-
leur choix. Souvent, ou y cherche en vain les hommes véritalilement cé-
lèhres; on trouve à leur phice d<'s noms c]u'il aurait mieux valu laisser
dans l'oubli; il n'en est pas des biographies générales ou particulières
comme des histoires littéraires : les premières doivent ne rien omettre de
ce qui peut être l'objet de quelques recherches pour les écrivains à ve-
nir ; dans les autres, on ne cherche et l'on ne doit exposer que les choses
réellement digues d'un inléièl durable.
i36. — Ui'ofjraphia Crcmoncsc, etc. — Biogr.'ïplue de Crémone, ou
Dictionnaire historique des familles el des personnages illustres de Cié-
mon? depuis les tems les plus anciens jusqu'à uos jours; par M. f^'in-
ccnt Lascetti. Toni. III. Milan, 1822. ln-4°.
L'auteur se montre très-passionné pour la gloire de Crémone, sa pa-
trie, et très-instruit dans ce genre de recherches biographiques. On lui
reproche tl'avoir donné place, dans son dictionnaire, à plusieurs noms
qu'il aurait mieux fait de négliger. Mais, ce reproche, qui souvent ne
prouve que l'ignorance ou les prcveutions de ceux qui le font , pourrait ,
au contraire, servir de preuve à l'intelligence el à l'exactitude de l'his-
torien. Nous préférons, quant à nous , dans ce genre de recueils, l'opi-
nion de ceux qui pensent qu'il vaut mieux pécher par abondance, que par
pauvreté. Ces sources historiques doivent fournir des matériaux aux re-
cherches de tous ceux qui ont besoin d'y puiser : ce n'est qu'à ceux qui
en profitent qu'il ap[)artienl de bien les apprécier.
F. Salfi.
PAYS- «AS.
i5-, — Uistoire de la Belgique, par /. J. de Ssiet, régent de rhéto-
rique au collège d'Alost. Seconde tdilion. Gand , 1822; Begyn. Deux
vol. in-i2 ; prix, l^ÏT.
Cette édition a été revue avec soin ; l'auteur s'est efforcé de rendre
son travail plus correct et plus exact. On doit surtout le louer d'avoir
présenté de préférence des traits qui peignent les mœurs et servent à
dessiner la physionomie d'un siècle. Arrivé à l'époque de notre graude
révolution, M. de Smet fait un usage fréquent de Van dcr Wynckt, et
l'on doit convenir qu'il ne pouvait puiser à une source plus pure On
s'étonne seulement de le voir citer l'ouvrage de cet écrivain , comme
manuscrit, taudis qu'il en a paru récemment deux éditions, l'une com-
LIVRES ETRANGERS. 070
plètc et conforme au texte original , l'autre tronquée et défigurée par
l'éditeur. De R— g,
i58. — Mémoires de J. Ductercq , iruprimés sur lus manuscrits du roi ,
et publiés pour la première lois, pai F. baron de Rkiffejtberg. Tom. III.
Bruxelles; Arnold Lacrosse. In-S", de 55o pages.
Ces mémoires , publiés par souscription , formeront la malièie de trois
volumes iu-«». Ils sont écrits dans le vieux langage , et renferment
une foule de détails curieux, qui peignent parfaitement les mœurs et les
usages du quinzième siècle. L'auteur paraît avoir vécu à la cour des ducs
«le Bourgogne. Il décrit avec exactitude, peut être même avec un soin
minutieux , ce qu'il voyait autour de lui. Le troisième volume qui vient
de paraître, est presque entièrement consacré à dépeindre les châtlmens
barbares que l'on faisait subir aux malheureux , accusés du crime de
vauideric (sorcellerie). L'auteur raconte , avec une naïveté toute parti-
culière, ce qui se passait dans leurs réunions mystérieuses ; il semble, de
bonne foi, pénétre de la vérité de ses récils : cependant, il transmet fidè-
lement les bruits qui circulaient parmi le peuple sur la barbarie et la
rapacité des inquisiteurs. Un pareil livre n'est guère propre à prouver
l'excellence de ces tems si vanlés , auxquels voudraient nous ramener
iuscnsibicment quelques esprits effrayés des progrès des lumières. L'édi-
teur , en faisant paraître d'abord le dernier volume , a eu Fans doute en
vue de faire précéder l'ouvrage d'un discours préliminaire. Nous aurons
soin d'en rendre compte, dès qu'il aura paru. Kous devons déjà à M. de
Reiffeuberg, une édition de l'Histoire des troubles des Pays-Bas, par
Van DnRWï?.cK.T, qui jusqu'alorsétaitétj.ilemeni demeuréeen manu-crit.
^ous avons lieu d'espérer que nous connaîtrons successivement , de la
même manière , les principaux écrits que renferme encore l'ancienne
bibliothèque des ducs de Bourgogne. La partie typographique de l'ou-
vriige que nous annonçons, ne laisse rien à désirer: elle offre une nou-
velle preuve des progiès rapides que l'imprimerie f<iit en Belgique.
A. Q.
lôg. — Enseignement universel. Langue maternelle , par J. Jacotot.
Louvain, iSaô; II. de Pauw. ln-8° de 296 pages.
^ oici un livre impatiemment attendu , et dont on avait pu pressentir
les principes par la lecture du Sommaire. (Voy. Rev. Enc. , T. XVIII ,
pag. 619.) 11 est écrit avec esprit et avec malice ; le sarcasme s'y trouve
mêlé aux leçons destinées à l'enfance. L'auteur se plaint de persécutions
auxquelles il prétend être eu butte; nous pensons qu'il ne fait, en cela,
que se créer un fantôme. Si quelques personnes ne se rangent priul de
son avis , tout le monde s'accorde à rendre hommage à son caractère et
574 LITRES EÏRAISGERS.
à ses connaissances. INous allons exposer, s.ins commentaire . les idées
fondamentales de son ouvrage, — Tous les hommes ont une inlelligeuce
égale. Tout est dans tout; sachez un livre et rapportez-y tous iesaulres.
La ihétorique et la raison n'ont rien de commun. Chaque langue a son
génie, c'est-à-dire, chaque peuple a >cs habitudes; il ne s'agit point ici
des mois : ce sont évidemment des conventions arbitraires dans l'ori-
gine ; quant aux expressions, c'est l'intelligence qui les a créées. Mais,
quoique tout homme ait une égale intelligence, il nous est impossible
de deviner quelles sont les expressions reçues chez tel ou tel peuple. Je
puis bien, comme homme, avoir l'idée de comparer une chose qui pro-
duit beaucoup de maux avec une source , et employer l'express'on source
de -maux. Mais il m'est impossible de deviner si les Chinois , par exem-
ple, ont adopté celte comparaison : si je réunis les deux mots source et
ïnflwa; dans la langue des mand:irins, les Chinois se moqueront peut-
être de moi , parce (]ue je n'ai point parlé dans le génie de leur langue.
J'ai fait de l'esprit d'homme, mais je n'ai pas fait de Vespritde chinois,
et il n'y a que celui-là qui ait cours à Pékin. L'esprit ne s'apprend pas;
mais l'esprit français s'apprend. On voit de l'esprit dansFénélon mille
fois plus que n'eu montre le premier venu, et l'on dit que Fénélon a
plus d'esprit qu'un autre, c'est une erreur; les réflexions de Fénélon
sont celles que tout homme a faites; les signes qu'il emploie , il a dû
les apprendre : que lui reste-t-il donc, en fait d'intelligence ? rien, abso-
lument rien ! mais il est un grand-lionime par son courage et <a patience
À étudier et à apprendre , et bien mieux par ses vertus. De R — g.
A. B. On ne peut su dissimuler que l'auteur s'appuie sur un sophisme,
et part d'une idée entièrement fausse, en paraissant croire que tous les
hommes sont doués des mêmes facultés iolellccluelles et des mêmes dis-
positions naturelles, tandis qu'on est forcé de reconnaître des différences
essentielles entre \c:' divers individus, sous le rapport de l'organisation
physique et de l'intelligence.
i4o {*). — Journal d'ylfjriculiure , d'Economie rurale et des Manu-
factures du royaume des Pays-Bas, ouvrag<' périodique publié par livrai-
sons mensuelles. Bruxell'^s, L. Poublon, rue de l'Etuve, n» i46o. Prix
de l'abonnement, i8 fr. pour la France.
Ce recueil estimable, qui a pour but de faire connaître l'état de
J'asriculture dans un dos pays les mieux cultivés de l'iùirope, existe
d'.puis prts de huit ans. 1! tsl surtout recoin niaudable , m ce qu'il n'est
point l'ouvrage de savaos uniquement guidés parla théo.ie : Ij's docu-
mcns qu'il renferme sont fondés sur la piatiquc. L'éd-tiur a ])arfa!tpmenl
senti que, pour être utile, il ne devait pas dédaigner d'associer à ses
LIVRES ÉTRANGERS. 375
travaux le modeste habitant des campagnes. Aussi cherche-ton , dan»
suQ JQurnalj l'élégance du styie bien moins que les utiles résultais de
rexpérience et les fécondes ressources de l'industrie. Ou se tromperait
cependant en ne croyant y trouver que des notices écrites sans intérêt.
Les personnes qui connaissent la Belgique savent fort bien que l'agri-
culture y rapproche tous les rangs, et que les hommes les plus marquant
p;ir leur savoir et leur nais'jance aiment a descendre aux travaux du
simple cultivateur. — Parmi les Mémoires contenus dans les dernières
livraisons, nous avons surtout remarqué celui sur la Bêche ou la Mine
d'or des deux Flandres , par M. le comte de Lichlervelse ; un article de
M. Drapier, etc.; des Ohscrvations sur tes tois et forêts, et l'analyse
d'un ouvrage sur Vétat de l'Agriculture dans le royaume des Pays-
Bas, rédigé et publié par ordre de S. E. le ministre de l'industrie na-
tionale et des colonies. On y trou\e aussi plusieurs articles iuiéressan»
sur l'art vétérinaire. Cette dernière partie, depuis quelque tems, a fixé
l'attention du gouvernement des Pays-Bas : c'est dans la vue de la faire
prospérer, qu'il a établi nouvellement, près d'Ctrecht, une école dans
le genre de celles d'Aifort et de Lyon. Cet utile établissement, dès sa
naissance, promet déjà les résultats les plus satisfaisans. — Dans un re-
cueil destiné à rendre compte de ce qui peut intéresser l'agriculteur et
l'nmi de l'humanité, on devait s'attendre naturellement à trouver aussi
des renseignemens sur la colonie du Clunnp Fridcric. Cette institution
peut être regardée comme une des plus belles que renferme le royaume
des Pays Bas. Elle naît d'une idée sans doute fort heureuse, puisqu'elle
tend à assurer une existence honorable à des malheureux livrés au fléau
de la mendicité, et à fcrtili-er des terrains jusque-là regardés comme
stériles. En faisant connaître de pareils établissemens, on est toujours
sûr d'intéresser. Le zèle que l'éditeur montre à s'acquitter des obliga-
tions qu'il a contractées enrers le public , obtient une juste récompense,
si l'on en juge par la rapidité avec laquelle son journal s'est répandu à
l'extérieur. A. Q.
LIVRES FRANÇAIS.
i4i. — Essai sur le vol des insectes , et Observations sur quelques
parlie> de 1h mécanique des mouvemens progressifs de l'homme et des
animaux vertébrés, ai compagnes de lô planches relatives aux organes
du vol dans les insectes f Extrait des Mémoires du Muscum d'bistoiro
naturelle), etc.; par M. Charrier, ancien oflicicr-supérieur, corres-
pondant de la Société d'histoire naturelle, etc. Paris, 1822; Bclinj
Û7.G LIVUES FRANÇAIS.
rue des MalLuiiiis-Saint-Jacques. Un vol. in-\° de iv-ôaS pag, cl viii-
Ô4 ; pr^x , 1 5 11 .
La priiicip;ile partie de ce recueii se compose de plusieurs Mémoires,
résultats de longs travaux que l'auteur a présenlés à l'Académie des
sciences, dans le courant de l'année 1820, et sur lesquels il a été fait
des rapports avantageux. Elle a pour objet la description des organes
du vol chez les insectes , et l'explication du mécanisme de ce mode de
lo-omotfon. — Cctle partie est partagée en huit chapitres. Le premier
contient des vues générales sur le vol des insectes, la description des
parties solides du thorax , on du tronc sur lequel les ailes de ces ani-
maux prennent leur point d'appui, la nomenclature de ces parties, plus
cnmplèle que celles qui ont été admises anciennement, et sa synony-
niie, avec une nomenclature de AL Andouin, postérieure à la publica-
tion du travail de iM.Chabrier. L'auleur examine ensuite la composition
du ventre ou de l'abdomen, qu'il considère comme l'organe principal
de la respiration, et l'instrument ou le soufflet qui, en introduisant
l'air dans le thorax ou tronc alifère, tend à augmenter la légèreté spé-
cifique de cette partie. Traitant des ailes en général , il examine succes-
sivement leur forme, leur étendue, leur composition dans les insectes
des divers ordres ; il fait connaître leur mode d'articulation avec le corps,
par l'intermédiaire de trois ( sselets qu'il nomme bxinierus , omoplate et
os ongulairc, lesquels sont enveloppés par une membrane commune
circumbasilairc. I! décrit les muscles moteurs de ces ailes, et les par-
tage : 1° en muscles dorsaux qui occupent la région moyenne, supé-
rieure et longitudinale du thorax, et qui ont pour double fonction l'a-
baissement des ailes et la dilatation du tronc, pour y introduire lair
que les stigiii.!ics abdominaux ont aspiré; 2» enmusHes stcrnuli dor-
saux et costaii dorsaux , formant di>ux paires, placées latéralement,
et dont l'usage est de relever les ailes et de diminuer la capacité du
thorax, pour en chasser avec plus ou moins de force l'air qui y était
contenu.— Comparant ensuite le vol et le mode de respiration des oiseaux
a ceux des insectes, M. Cbabricr fait remarquer l'analogie qui existe
particulièrement danslcsdilatationset contractions successives delà cage
Ihoracique des uns, avec celles qui se font remarquer dans le tronc ali-
fère des autres.— Adoptant complètement l'idée émise par quelques na-
turalistes, il regarde comme expirateurs les stigmates Ihoraciques, et
il croit que le bourdonnement, qu'où. attribue ordinairement au mou-
vement des ailes, est produit par le superQu de l'air intérieur qui s'é-
chappe avec force par ces stigmates, lorsqu'il est chassé en vertu de
l'action des muscles constricteurs dont nous avons fait mention plus haut;
LIVRES FRANÇAIS. ^77
et, comme ces muscles servent en même tems au mouvement des ailes,
il explique nnlurclleiacut la relation qui existe entre ce mouvement et
le bourdonnement. Il nomme ces ouvertures di lliorax bouches vocales
ou stigmates vocaux, et les décrit avec soin dans plusieurs insectes lo-
marquables par le bruibseiuent qu'ils font enleudre. II rapporte, à ce
sujet, plusieurs expériences curieuses qui lui sont propres, et dont une
a consisté : i" à CTjller les deux ailes d'une mouche 1/ieue de la viande ,
sans que cette mouche ait cessé de former des sous peu différens de son
bourdonnement ordinaire; 2° à laisser libre les ailes d'un autie insecte
de la mCme espèce, mais en hii enlevant certaines écailles nombreuses
situées près de l'ouverture de ses stigmates vocaux ; alors, le vol a été
complet et le bruit presque nul. — Ce sujet a naturellement conduit M.
Chabirer à faire connaître en dét.-iil les organes qui produisent le stri-
dulement des criquets ou grillons et des cigales; organes qui avaient
déjà été le sujet des observations de Réauraur et d'Olivier, Ce chapitre
est terminé par des considérations générales sur la résistance de l'air
ambiant dans le vol, et sur les conditions nécessaires à cette aciion ;
enfin, par un parallèle entre plusieurs organes chez les oiseaux et les
insectes, tels que les ailes sons le double rapoort de leur forme et de
leur position ; les nervures rétracliles qui servent à diminuer leur surface
dans certains cas; les réservoirs aériens inléiieurs; la tète, l'abdomen
et la queue considérés comme servant de contiepoids pour maintenir le
corps dans la position convenable au vol; les muscles contracteurs de
la poitrine ou du thorax, quant à leur position relative aux parties solides ;
les muscles, soit abaisseurs, soit releveurs des ailes, quant à leur force
et à leurs proportions. — Le second chapiire est une application du
premier, qui , ainsi qu'on l'a vu, ne comprend que des généralités.
11 renferme une anatomie très-détaillée du Ironc alilére du hanneton;
la description très-aiinutievise, mais très bien ordonnée, des parties so-
lides qui le composent, l'indication des moindres crêtes ou apophyses
servant à l'insertion des luuscies, les rapports de connexion de ces di-
verses pièces , etc. Le mode de l'articuhiîion de l'aile est soigneusement
décrit; tous les muscles qui eoncuurenl a son mouvement sont très-
clairement indiqués, suit qu'ils appartietment à la p.irtie dorsale ou aux
parties latérales du trunc. Leurs dénominations sont significatives, et,
comme celles que présente le système de myologie de M. Chaussier,
fondées sur les désignations des points d'attache. Ce chapitre est ac-
compagné de quatre planches, très-bien exécutées , qui représentent
toutes le» parties molles ou solidi.'s dont il renferme la description. —
Dans le troisième ohjpilre, le système des organes du i'ol des demoi-
3:8 LIVRES FRANÇAIS.
settcs ou liielMes est exposé avec les mômes détdils, et rînq planclics
en rendent toutes ks formes, — Le quatrième est aussi complet, relafi-
Tement aux in}.ectr.s du genre des bourdons, et trois planches l'accom-
pagnent. — Enfin, les chapitres V, VI, Vil et VIII, quoique moins
développés que les trois précédens, sont remplis d'une foule de parti-
cularités , jusqu'alors inconnues , sur la composition du thorax , des ailes
et de leurs muscles dans les criquets, les hémiplèrcs, h s lépidoptères
et les diptères. — Ce travail, dont nous venons de donner un aperçu
rapide, n'avait de précédent que celui qui a été publié par M. de Ju-
rine sur les ailes des hyménoptères. M. C;hahrier, ainsi que nous avons
pu en juger, a envisagé la que^^lion du voi des infectes sous un point
de vue beaucoup plus étendu, et l'a poursuivie fort loin avec autant de
méthode que de clarté.— Les deux Mémoires qui sont joints à cette pre-
mière p;.rlie n'ayant que peu ou point de rapports avec l'histoire natu-
relle, et même rentrant essenlillement dans le domaine de la mécani-
que et de l'astronomie, nous nous abstiendrons d'en faire ici l'extrait.
Ils sont mlituîés : Observations «wr quelques parties de la mécanique des
mouvcmcns progressifs de l'homme et des animaux vcrtéirés , et idées
nouvelles sur le. sysléme solaire. Desmark t.
«42 {*). — De ta puissance vitale , considérée dans ses fonctions phy-
siologiques, eltez l'homme et tous les êtres organisés, avec des rfcher-
ches sur les forces médicatrices , et les moyens de prolonger l'existence ;
par J. J. VinsY, D. M., etc. Paris, iSaô; Crochard. Un vol. in-8o de
5o7 pag.; prix, 7 fr., et 8 fr. .5o c.
L'ouvrage que nnu-, annonçons traite des inlérèls les plus chers à Thu-
maiiité, puisque l'auteur s'est occupé, non-seulement de recherches
physiologiques et philosophiques sur la puissance vitale, mais encore
sur les moyens de prolonger l'existence. Persuadé que, jusqu'à présent,
les physiologistes ont suivi une mauvaise marche dans leurs études, M.
Virey a cru devoir tracer une nou%elle route, qui lui paraît plus propre
à conduire au but qu'on se propose. Ainsi, les physiologistes modernes
étudient d'abord l'anatoaiie, qui leur fait connaîlre le nombre, les for-
mes, la situation, les connexions et toutes les qualités apparentes des
organes; puis, ils cherchent à expliquer, par l'action des différens or-
ganes en particulier, et par les sympathies qu'ils exercent les uns sur les
autres, les phénomènes dont l'ensemble constitue la vie : c'est ce
que l'on nomme physiologie. M. Virey, au contraire, veut que l'on
étudie la vie dans tous les corps de la nature, cl que l'on commen-
ce par les êtres les plus simples pour remonter à l'homme, qui est
de tous le plus compliqué et le plus perfectionné : il pense qu'il est
LIVRES FRANÇAIS. 079
indispensable de faire une physioiotflc cowfarcc , comme il existe uue
unatomie comparée, et ce sont des matériaux propres à concourir à la
formation de cet ou\ra^e important, qu'il soumet aux méditations des
médecins et des philosophes. — L'ouvrage de M.Vircy est divisé en qua-
tre livres. Dans ii s deux premiers, il traite de la puissance vitale; le troi-
sième est eon.sacié à des rec;:erches sur îes forces médiealrices de la na-
ture, sur i'inslinct conservateur, sur les révolutions naturelles, et leurs
effets sur l'orsanisme de l'homme «t sur l'énergie vitale. Le quatrième
livre est composé d'tm Mémoire sur la longévité, et d'un Essai sur l'art
d'être malade, pour servir de cojseils aux personnes en bonne sauté.—
C'e-t surtout en Irailanl de la puissance vitale, que l'auteur s'est élevé
aux plus hautes régions de la philosoph'e et de la métaphjsique. Il fait
( onnaitre les différentes opinions des philosophes sur le sens à donner
au mot iiiitiire; puis, il s'exprime en ces termes : • Si l'on compare la
nature et l'âme , on remarquera que la premièie est dépourvue de l'in-
telligence {bien qu'elle agi-^se -iavamment sans être apprise), qu'elle est
terreslre; mais, l'âme est émanée de la suprême intelligeuce. L'œuvre
de la nature consiste dans la nuirition et l'accroissement ; celui de 1 âme,
dans la faculté de sentir cr le mouvement volontaire. « — Les recherches
de M. Virej sur l'hisioire naturelle sont du plus grand intérêt : il a cru
devoir remonter à l'époque In plus reculée des révolutions du globe,
pour prouver qu'une multitude d'uDim.inx ont dû être crées avant l'hom-
me, et que, par conséquent, c'est ,uivre la marche du Créateur que
d'étudier les êtres les plus imparfaits, avant de s'occuper de celui qui ,
selon l'expression fie M.Virey.e-t le lien qui unit le ciel à la terre.— Dans
le livre qui a p ur objet l'étude des forces médicatrices de !a nature ,
l'auteur rappelle les opinions de tous les mé.decins, qui , suivant les tra-
ces du vieillard de Cos , faisaient une raédicioe purement expectanle.
(Jerlts, dans beaucoup de rirconstanccs, le médecin n'a rien de mieux
à faire que d'obs<rver la marche de la nature, pour attendre le moracut
favorable où il pourra l'aider ou la diriger, mais , nous ne pensons pas,
comme M. Virey, que ce soit surtout dans le* maladies très aiguës ; car,
le plus souvent, les crises que l'on attend, s.mt incomplètes ou fâcheu-
ses, et l'on est réduit à regarder comme une terminaison heureuse le
passage de la maladie à l'étal chronique. — Dans son mcmoire ^u^ la lon-
gévité, l'auteur réfute l'opinion des fatalistes, qui pensent que nos jours
sont comptés. 11 déu.ontre, par des raisonnemeos fort judicieux, que la
sobriété, la continence, etc., sont des moyens presque infaillibles de
prolonger l'existence.— En général, M. Virey est plus heureux, quand il
s'occupe de l'hygiène et de son application pour conserver l'iiorame eu
^>^o LIVRES FRANÇArS.
Banté, que quand il veut donner des préceptes pour la rétablir lorsqu'elle
est allérée. Son ouvrage, remarquable par une vaste érudition , par des
recherches immenses en histoire naturelle et par des vues fort ingénieu-
ses, mérite de fixer l'attention des médecins, des naturalistes et des phi-
'o=*op'»ts- D K.
1 }5. — Essai sur la théorie des hernies, de leur étranglement et d»
leur cure radicale ; par F. P. U.v.x. Paris, 1822; Méquignon-Marvis.
l n vol. in-8° de viii-56 pag. ; prix , 1 fV. 5o c.
\\\. — Hygiène oculaire , ou Conseils aux fer sonnes dont les yen»
sont failles, etc.; par J. H. Reveillé-Parise, D. M. Seconde édition.
Paris, 1825; l'auteur, rue des Saints-Pères, n" Sy, et Méquignon-Mar-
^is. Un vol. in-ia ; prix, 2 fr., et 2 fr. 5o c.
Cet opuscule est divisé en deux parties : dans la première, l'auteur ex-
pose avec concision les moyens les plus propres à nous conserver un or-
gane dont nos besoins et nos plaisirs réclament sans cesse les bienfaits. Il
recommande spécialement aux personnes qui portent des lunettes , de
prendre garde aux terre* que rend défectueux la qualité delà matière,
ou l'imperfection de la taille : le nombre eu est plus considérable dans
le commerce et les effets beaucoup plus funestes qu'on ne serait tenté
de le supposer. Dans la seconde partie, M. Reveillé-Parise établit , par
des observations et des expériences, le peu de réalité des causes que l'on
assigne en général à la myopie. Ce défaut de la vue n'est point, suivant lui,
dû à la conformation originelle de l'œil : c'est une maladie de l'organe, que
l'on augmcnlepar l'usage des verre* cowcawe*, et que l'on pourrait guérir
ou diminuer beaucoup, en exerçant de bonne heure les jeux myopes à
regarder les objets éloignés. On ne peut trop exhorter l'auteur à conti-
nuer, et à étendre les recherches dont ['hygicne oculaire est déjà le fruit :
sur te sujet inléressaut, toute découverte devient un service rendu au
plus grand nombre des hommes. Eusète Salvehtk.
145 (*j. — Des hôpitaux et des secours à domicile, etc ; par J. So-
vuHE. Paris et Montpellier, i8a3 ; Gabon et comp. Uu vol. in-8»;
prix , 3 fr. , et ô fr. yS cent.
'46 (')• — Recherches statistiques sur la ville de Paris et le diparte-
ment de la Seine ; recueil de tableaux dressés et réunis d'après les ordres
de M. le comte de Chabrol , conseilier-d'état , préfet du département.
Pans, 1825, de l'imprimerie royale. Un vol. in-4» , composé d'une
lulroduciion en 28 pages, et de loi tableaux, destinés à faire connaître
tout ce qui se rapporte aux tinances, à la consommation, à la popula-
tion , à la mortalité, aux mariages et naissances, à la navigation, à
la métrologie, etc. , de la \ille de Paris et des communes qui en sont
voisines.
LIVRES FRAISÇÂIS. 58 1
Ce beau travail fait Iionneur au magistrat qui en a ordonné et sur-
veillé l'exécution; c'est un des plus graud.s ouvrages de stalislique qui
aient encore été publiés, et un véritable nnonumenl élevé en l'bon-
neur d'une science entièrement inconnue de nos pères , qui de nos jours
a fait d'immenses progrès. Nous reviendroas sut la Statistique du dé-
partement delà Seine; et nous consacrerons un article cMendu à l'expo-
sition des faits contenus dans cet ouvrage. FHANcrECH.
i47' — Extrait du rapport général sur les travaux du conseil de sa-
luhrité, fendant l' année 1822, pour servir de réponse aux criti'jues pu-
bliées contre l'éclairage par le gaz hydrogène. Paris, iSao; Lad\orat ,
au Palais-Royal; Igonette, quai des Augustins , n° 27; In-S" de 54
pages; prix , 1 l'r,
i4^- — Sur le grand Gazomcirc de l'usine ètaMic rue du Faubourg-
Poissonnière, n° 97. Paris, iSaS; mêmes adresses. In-S", 7jS pages; prix,
75 cent.
i49- — Adresse de la Compagnie française de Pauwcls, à sa Majesté;
1820. In-i» de ij pages; imprimerie de Cliaignieau, rue de la Monnaie,
n. 1 I.
\So. — De l'éclairage par le gaz hydrogène; Paris, iSiô; Dondey-
Dupré , rue de Richelieu, n° 67. In-S" de q4 pages; prix, 5o cent.
Les quatre brochures que l'on réunit ici, ne suffisent point pour mettre
les lecteurs en état de se former une opinion S'jr l'éclairage par le gaz
hydrogène, quoique la première établisse avec certitude que cet éclai-
rage n'a rien de nuisible pour la santé, et que l'autre ne prouve pas
moins clairement qu'on s'est beaucoup exagéré les inconvéniens du
grand gazomètre du faubourg Poissonnière, et que les dangors dont quel-
ques voisins se sont crus menacés n'ont aucune réalité. La troisième est
un document qu'il faudra conserver pour servir à l'histoire de l'étrange
procès que le nouvel éclairage soutient en ce moment. Quant à la qua-
trième, nous ne la plaçons dans cet article que comme un exemple des
abus d'un demi-savoir, ce qui est fort innocent, et des insinuations dont
un certain parti se permet d'user si largement, même dans ce qui est le
plus étranger à la politique; moyens dont l'auteur a senti l'ignominie,
car il ne s'est pas nommé. — Gomme nous présenterons bientôt à nos
lecteurs un exposé général des procédés du nouveau mode d'éclairage,
de son histoire , des débats qu'il a fait naître et de sa situation actuelle ;
nous nous bornerons, quant à présent, à citer la conclusion du conseil
général de salubrité. « Il n'y a donc pas d'objection fondée contre cet
éclairage, si favorable aux consommateurs, c'est-à-dire à cette masse
582 LIVRES FRAÎSÇÂÎS.
de la population .lonl l'iniérèt doit toujours, au besoin, faire taire, au
près d'une admiaislration éclairéCj les intérêts de quelques industries
rivales , et s'il est un point qui re.-te déinootré dans l'tsprit des person-
nes qui se livrent à l'examen de la question avce le seul di'sir de voir It;»
choses telles qu'elles sont, c'est que les préventions élevées conire la
lumière du gaz ne peuvent manquer de s'affaiblir et de s'éteindre... » —
A la fin de la seconde brochure, une nule nous apprend que la requête
adressée au Roi par les entrepreneurs du grand gazomètre du faubourg
Poissonnière, n'est pas demeurée sans effet. L'usage de leur établissement
leur est rendu provisoirement ; et dans tous les cas , ce sera par ui^e me-
sure générale qu'il sera statué sur tous les établissemens fi'éclairage par
le g.TZ. Le gazomètre dont il s'agit est Iv plus grand que l'on ail construit
jusqu'à présent, même en Angleterre; mais les difficultés fie cette
construction n'étaient pas aussi grandes qu'on le dit dans cette brochure,
quoiqu'elles exigeassent cerlainemeut de l'habileté et une grande con-.
Dciissance de l'art des machines. Quoique la description de cet appareil
gigantesque soit d'une extrême brièveté, elle suffit cependant pour que
l'on demeure convaincu que toute crainte d'une exi)losion e-t entière-
ment chimérique. — L'auteur de la quatrième bmciiure commence son
premier chapitre par une sorte de principe dont il lire des conséquences
qu'il lui plaît de trouver justes. Pour apprécier sa manière de raisonner,
il suCGî de l'appliquer à un autre objet. « La flamme, dit-il, est une de
sa nature, quel que soit le corps qui la donne, etc. « — Les alcools, di-
rons-nous, sont identiques, de quelque substance qu'ils soient extraits:
ainsi, toutes les liqueurs alcooliques jouissent des mêmes propriétés, et
peuvent être substituées run<; à l'autre, depuis le vin de Tokai jusqu'au
cidre de Normandie, la bière des Allemands ou le koumis des Talars.
Quant aux appréhensions de l'auteur de la brochure, aux suppositions
de crimes sur lesquelles il insiste avec une sorte de complaisance, aux
vuetf mystérieuses qu'il ectrevoit dans ces canaux souterrains qui por-
tent partout les dangers de l'explosion, il paraît que ces estais de calom-
nie lui plaisent : nos lecteurs ne ks goûteraient certainement pas autant
que lui. * t^*
i5i (*). — Le Camitste universel, ou TraUé complet des changes, mon-
naies, poids et mesures de toutes las nations commerçantes et de leurs co-
lonies ; avec un exposé de leurs banques, fonds publics et papiers mon-
naies; rédigé par ordre et aux frais du gouvernement anglais, par Rbllï,
examinateur pour les mathématiques du collège de la Trinité, etc. Tra-
duit cl calculé aux unilés françaises sur la seconde édition ; augmenté de
LIVRES FRANÇAIS. ."P5
tableaux des monnaies d'or et d'argent, d'un Aperçu sur la Ictiie d'-
change et les opérations de la bourse de Paris. Paris, i82j; Bossaugi.'
frères. Deux vol. in-4° de 842 pages ensemble; prix, 4^ fr.
Cet ouvrage , qui manquait au commerce et aux sciences , est dû spé-
cialement aux immenses relations du gouvernement britannique, et à la
protection qu'il ne ccs^e d'accorder à l'industrie et aux spéculations com-
merciales. L'importance d'un traité de cctie nature doit nous déterminer
a en donner, dès que nous l'aurons à liotre disposition, onv notice éten-
due, pour en faire apprécier le plan. Fha.^coech.
i52. — \olice hiitorlquc de l'art de fa verrerie, né en Egypte; par
M. BoLDET, pharmacien en chef d'armée en Egypte. Taiis, 1821; à l'im-
primerie royale, la-folio, de 22 pages.
Cette notice e«t destinée à compléter la colleolion des méaioircs snf
les arts de l'Egypte, et M. Boudet y a joint des recherches sur l'intro-
duction de l'art du verrier en Europe, et spécialement en France. C'est
aux anciens babitans des bords du ^il qu'il attribue l'honneur d'avoir
enseigné cet art, d'abord aux Grecs conquérans de l'Egypte, et plu-t
lard, à l'Europe occidentale. Il ne laisse pas même aux peuples moder-
nes le mérite de quelques perfectionnemens : suivant lui, nos verreries
ne possèdent rien qui ne vienne des anciens , et dont on ne retrouve
l'origine dans leurs écrits. Cependant, il est incontestable que nous
avons vu naître quelques procédés ; que l'expérience en a créé, sans le
secours d'aucune érudition , et que les sciences chimiques y ont aussi
quelque part. M. Boudet croit même apercevoir des traces de la haute
antiquité des lunettes: mais il confond ces iuslrumens d'optique avec les
rairoiis, et ses conclusions sont quelquefois un peu trop hasardées.
D'ailleurs, les témoignages sur lesquels il se fonde ont besoin d'êtr»*
pesés, puisqu'il s'agit d'attester un fait historique : or, comme c'e.-t
principalement à Rome, et parmi les poètes qu'il va chcrci^er les preu-
ves de ses assertions , on ne peut se dispen:-er de remarquer que lc«
Romains , leurs poètes et même leurs historiens étaient fort ignorans
sur ce qui concerne les arts, et se vantaient de l'être. La notice le M.
Boudet est pleine d'érudition, elle répand beaucoup de lumières siir
l'uue des plus belles créations de l'industrie humaine; mais elle ne prou-
ve jioint que l'art du verrier nous vient d'Egypte.
1 53. — IVotct sur la Suisse et une jmrtie de l'Italie , par M. le comto
Tficohald WihsB. Paris, 1S2Ô; Trouvé, rue Îjeuve-Saint-Auguslin, n" iy.
Vin vol. in-8"; prix, 5 fr., et 3 fr. 5o c.
Des sujets un peu trop usés sont présentés dans cet ouvrage, sous un
uspcct nouveau, ou revêtus de c^iuleur» plus fraîches : Iv voyageur, t.iiilôl
584 LIVRES FRANÇAIS.
observateur profon-J, tantôt superficiel et môme frivole, mais toujours
spirituel, sait bien voir la nature, les arts et leurs produits; mais il se
trompe souvent sur les hommes et les insliîutions. On a bientôt (décou-
vert la cause de ces méprises: c'est qu'il jii<ïe les hommes et les institu-
tions avec l'esprit de son rang. Quelquefois, cependant, le voyageur
s'abandonne aux inspirations d'une philosophie plus généreuse, et les
pages que la raison seule lui a iliclées sont les plus remarquables de son
livre, même par le style. Lorsque net excellent guide lui manque, le
bon goût l'abandonne aussi; des plaisanteries un peu trop puériles vien-
nent émousscr d'heureuses saisies, et déUuire l'efTct de quelques ima-
ges bien placées. L'auteur es) jeune; sr^n talent mûrira, il renoncera aux
jeux de mots; car il y en a dans son livre. Il réformera aussi certaines ex-
pressions vicieuses, telles que je suis passi-, au lieu de j'ai passé', je n'ai
■poinlétc pour dire, je ne suis point aHc, etc. Malgré ces critiques, un
livre où le vr.->i et le naturel abondent, ne peut manquer de plaire. F.
i.')4 ('}■ — Voyage au Mont-Caucase cl en Géorgie, par M. /. Klaproth,
avec une carte nouvelle de la Géorgie. Paris, iHaô; Schubart et Don-
dey-Dupré, rue de Richelieu, n" 67. Deux vol. in-S"; prix, 18 fr.
i55. Essai sur ie Masptième; par J. JV1argih.t, curé de Bouillon.
Huitième cdition. Besançon, iSaS. I.t-»6.
On ne peut s'expliquer comment cet opuscule, du-dessous de la cri-
tique pour la doctrine comme pour le style, est p;uvenu à sa huitième
édition. Voici l'abrégé de ce qu'il contient ;- nous le donnons comme
un ]ietit tableau de ce qui se publie en France pour l'instruction et
l'édiGcation des dernières classes du peuple. 1° Déclamations rebattues
contre les impiétés et les autres excès bien réciproques dont la Charte
royale commande et fait jurer l'oubli. Les débitans de tabac sont forcés
de prêter avec solennité ce serment pacifique , si favorable à tous, sau»
distinction de parti; mais, par une fatalité digne de remarque, les
curés, les dçsservans, les prêtres approuvés n'y sont pas tenus. Il leur
est donc loisible d'être du monde (fui »i'rt point proinis d'ouKicr, qui
n'oublie pas , qui raconte, qui répète sans cesse , et no met les torts que
d'un seul côté. 2" Plaintes amères contre le genre humain, contre la
génération présente, contre la masse des dvrètiens , contre ta nation
française, qui a voulu que les lois et les codes ne parlent pas de reli-
gion (quoique les lois et le budget en parlent utilement pour les citoyens
et pour le clergé ). 5" Déclaration théologique et scientifique que le
mot sacré (qui, de même que le mot saccr d'où il vient, fut toujour»
pris en bonne ou mauvaise part, selon l'usage et selon tous nos lexi-
cographes), est devenu improhaiif ou péjoratif, par le fait du liber-
LIVRES FRANÇAIS. 585
lins et des homm-es grossiers; qtie , dans ce sens, l'usage de ce mot est
un attentat contre Dieu , un fèchè infâme , incontestaMement mortel ,
un crime. 4° Longs regrets et aflligeans détails sur les tems passés ,
les tems heureux, et Vheurcv.se époque, et les régions heureuses où rien
que la mort, le pilori, les mutilations, les galères, ne pouvaient ou ne
peuvent expier le blasphème. 5° Grave démonslralioii de Vinutilità
des blasphèmes. 6" Recueil d'apostrophes et d'exiiorlations aux jjarti-
culiers, pour les exciter à dénoncer les Itlasfliémateurs , à les frapfer,
à les souffleter, à les forcer par \iolence privée à faire amende hono-
rable «t à se bannir de la commune, en uu mot, d tes châtier, fallût-il
mourir; et dans ces vues si calmes et si paisibles, l'auteur propose des
associations j des confréries pour extirper les ttaspliémes. Ce fut ainsi
que , pour extirper les hérésies , qui sont plus ou moins blasphématoires ,
le premier congrès réuni à Vérone, en 1184, érigea la sainte Inquisi-
tion, qui maintenant se réhabilite en Espagne. Ce tribunal serait d'une
grande utilité contre les hlasfhémes de pensée, objets importaus du
zèle de M. Marguet ; car il a voulu ne rien oublier. Sans doute il fau-
drait , pour réprimer avec succès ks blasphèmes de pensée , des sup-
plices décerné» par des juges du for intérieur, comme aux époques heu-
reuses des tems passés. Je reviens aux associations, aux confréries
proposées. Ce luxe de piété est-il bien ami de la piété véritable? Wa-t-il
point fomenté l'orgueil, les jalousies, les discordes , les superstitions,
les hérésies, les idolâtries, et couvert d'un voile pernicieux les intrigues
politiques? N'est-ce point, sans y songer, dèpriscr, rabaisser, affaiblir
la belle et divine confrérie de l'Eglise universelle , que de prétendre
la renforcer par des coteries, par des assemblées privées et d'institu-
tion purement humaine, par des réunions illégales, en ua mot, et
dangereuses en plus d'un sens ? Les confréries ne furent pas toujours
pour la légitimité ; elles étaient le plus ferme appui de la sainte
association , de la ligue qui osa faire la guerre civile à Henri 111, à
Henri IV, et qui s'cllurç;t d'exclure du trône de France la maison de
Bourbon, aGo d'y porter ua prince étranger. — On vient de voir que notre
auteur n'aperçoit pas l'inconvenance, quand elle est fort sensible, et
qu'il trouve des blasphèmes où il n'y en a pas. Comment se fait-il qu'il
ait omis de censun r le parjure, qui est le plus conjmun et le plus grave
des blasphèmes ? Pourquoi a t-il oublié le blasphème de flagornerie , qui
ose décerner à la divine Providence des certificats de bonne conduite,
portant qu'eWe a fuit son devoir? Pourquoi ne parle-t-ii pas du blasphème
nouveau, qui attribue d la lecture de l'Ecriture Sainte nos milliers de
T. xs.. — ISovtmbrc ibaS. 25
586 LIVRES FRANÇAIS.
erimes depuis trente ans? Esl-cc onbli? esl-ce ménagement? Attendons-
le à sa oeuvième édit'oo. Là peut-être il nous prouvera, par sh retenue,
que, lorsqu'on a le bonheur d'être chrétien sans fanatisme et sans hypo-
crisie , on se rappelle avec une loiinble inquiétude que les scribes et les
pharisiens, qui n'entraient pas , qui empêchaient d'entrer, qui faisaient
sortir, firent crucifier Jésus-Chiist comme ilasphémaleur!.,. Cette ré-
flexion pourra le rendre plus circonspect. Encouragé par ses premiers
succès, il nous promet contre les paroles grossières un autre ouvrage de
sa façon. L'on est tenté de croire qu'il ferait mieux de se borner à diri-
ger sa paroisse et à méditer l'Évangile , pour en mieux connaître le vé-
ritable esprit, à étudier quelques livres judicieux sur la charité envers
les pécheurs, sur la douceur, la modération, la prudence chrétienne, et
même quelques pages contre l'anaxciùe et les anarchistes.
Lahjdinais, de l'Institut.
i56. — Considérations sur iemariagc et sur ie divorce , adressées aux
citoyens d'Haïli; par M. Gbégcirb , ancien évèque de Blois. Paris ,
182Ô ; Baudoin frères. In-16 de 65 pages; prix, 60 c. et -5 c
Cet ouvrage traite particulièrement du concubinage et du divorce
entre catholiques. TS'ous en citerons te qui suit: .Supposons qu'un
tribunal ecclésiastique , lâche et corrompu , ait prononcé un divorce, la
religion ne serait point complice d'une prévarication qu'elle abhorre....
Trop souvent, on vit des adulateurs vendus à Tiniquilé. Le pécheur, dit
la Sainte Écriture , trouve des interprétations de (a loi selon son désir.
Philippe I", voulant répudier sa femme Berthe pour épouser, au moyen
de ce divorce, l'ambitieuse Bertrade , femme divorcée, des évèque^
indignes conuivèient à' ce désordre. Ives de Chartres, déclara qu'il
aimerait mieux être jeté à la mer avec une pierre au cou , que de paraître
autoriser par sa présence une alliance criminelle qui scandaliserait louis
l'Eglise. Ici se présente naturellement le souvenir du divorce de Napo-
léon, coloré de nullité par une officialité prétendue. Les officialités,
sources primitives de l'inquisition, ont été abolies par les lois françaises
des 7 et ij décembre 1790; elles n'ont éJé rétablies par aucune loi. La
prétendue officialité dont il s'agit prononça la nullité du premier ma-
"^?^ ^^^ cardinaux, des évêques assistèrent au second mariage;
d'autres cardinaux , d'autres évêques refusèrent d'y paraître; au nombre
de ces derniers est celui qui vous adresse la parole. Après a.oîr, comme
sénateur, lui quatorzième , voté contre ce divorce, et avoir déclaré au
président du sénat qu'il n'assisterait pas au nouveau mariage, t,i le
sort l'appelait a cette céiémonie, il refusa même son billet d'invitation.
Ces faits sont connus de tous les membres qui composaient le -sénat. •
L.
LIVRES FRANÇAIS. 387
1^7 (*) — Bisloire comparée, des systèmes de pfiilosnpliic, considérés
rclativtu^cnt aux jiriiitincs des connaissances humaines; par M. Degk-
BANDO, membre de l'inslilul de France. Deuxième édition, revue,
corrigée et augmentée. T. IV. Paris, iS25; Eymery. la-S»; prix, 7 fr,
(Voy. Rev. Enc, T. XVIII, noie de la p. 5i5.)
Nous ren<lrons, diins l'un de nos prochains cahiers, un compte dé-
taillé de cet important ouvrage , auquel l'auteur a fait des additions
considérables dans celte nouvelle édition. Nous nous bornerons ici à
indiquer sommairement les iiialiéres traitées dans ce quatrième volume.
Les sept chapitres dont il se compose, contiennent l'hisloirc de la phi-
losophie pendant le moyen âge, en la comipençant par les pères de
l'Eglise et les docteurs chrétiens ; puis, en la suivant chez les Grecs du
Bas-Empire, chez les Arabes et les Juifs, et en finissant par les diffé-
rens âges de la scholastique en Occident. \^
iô8 ('). — De lapniiosophie morale , ou Des différcns sy.^tèmes sur la
science de la vie, ^ar Joseph Daoz. Paris, liSaS; Renouarù. Un vol. iu-S»
de 5oo pages; prix , 5 fr. , et 6 fr.
Cet ouvrage a un cachet. tout particulier. La tolérance scicntiGque y
fsl érigée en système, sans dégénérer en scepticisme et sans tomber dans
l'indifférence. L'auteur, affligé des di<sentimens qui divi,eul les philoso-
phes sur les théories de la morale, cherche à les concilier par des paroles
de paixj sans leur demander des coneosions que la conviction scienti-
fique ne peut pas accorder. Nous levieudrons sur ott ouviage, dio-pe de
l'auteur de l'Essai iur Vart d'clre heureux , et de V Éloge de Montaigne.
La tentative de metirc la paix parmi les philosophes mérite un sérieux
examen. (]_ jj^
rôg. — Discours sur la dignité de l'homme , prononcé à l'Académie
•d«s sciences, belles-lettres et aits de Lyon, dans la séance pnblique du
37 août 1825, par Honoré Torombbbt, avocat. Paris , itiaô ; Delaunay,
Palais - Royal ; Lyon, Faverio, rue Lafont. Brochure de 5a pages;
prix , 1 fr. 5o c.
La dignité de l'homme , dit l'auteur , est dans ses facultés intellec-
tuelles et dans l'usage qu'il en fait ; elle est surtout dans sa moralité. Il
examine quelle est la source de cette moralité; il fait voir qu'il faut la
chercher dans une région plus haute que la philosophie d'Épicure, re-
nouvelée par l'école anglaise , et connue sons le nom de philosophie des
sensations. Jamais ce sysléme ne pourra faire sortir l'homme des froids
calculs de Vintérel et de Vuiilité , pour l'élever aux idées d'héroïsme, di;
dévouement . d'enthousiasme pour ce qui est beau et grand. C'est dans
la conscience que le créateur a gravé , avec le sentiment innédenotre di-
583 LIVRES FRAINÇAIS.
gnité, les principes éternels de la morale, développés ensuite et rendus
populaires par le christianisme. Le style de ce discours est simple et
grave ; on y trouve plus de sentimens élevés que de raisoniu-mens : l'au-
teur se propose d'en discuter et d'en approfondir les principei , dans une
Réfutation du Contrat social de Rousseau, qu'il doit donuer incessam-
ment au public. On ne saurait trop engager M. Torombert à mettre au
jour un ouvrage qui, par l'intérêt même du sujet , et la grande célé-
brité de l'adversaire qu'il entreprend de combattre, ne peut manquer
d'appeler l'attention des lecteurs. L. S.
160. — Réflexions sur les sociétés secrètes et les usurpations , etc. , par
C.J. GiLLiARD, maire de iNIonchard (Jura). Arbois, i823 ; de Timpri-
meric de Javel. Deux vol. in-S" , formant , avec la préface, environ
790 pages.
Le sujet de ce livre est très-important , surtout au moment où les
journaux retentissent des mesures prises en divers pays contre toutes les
sociétés secrètes , soupçonnées de zèle pour les libellés civiles ou politi-
ques. Mais l'exécution de cet ouvrage est loin de répondre à l'importance
du sujet. On lira peut-être avec quelque intérêt les chapitres concernant
les Bons-Cousins-Charhonnicrs , société très-ancienne dans l'est delà
France, établie par des personnes pieuses pour éclairer et civiliser les
charbonniers et les bûcherons, multipliés dans les forêts. — Saint Thiébaut
est leur patron. Leur code ou catéchisme (Tom. II, pag. i4i et suîv.)
offre, dans les questions et dans les réponses , des pensées religieuses ,
mélangées de bizarreries qui font allusion aux travaux de ces ouvrier?.
Cette société , composée de gens moraux et paisibles, ne fut jamais l'ob-
jet d'aucune plainte. L'auteur , dout nous annonçons l'ouvrage, en fait
un grand éloge; et il les prémunit contre les tentatives d'autres carbonari
qui , selon lui , n'ont emprunté le nom et le code des bons cousins char-
bonniers , que pour mieux voiler des projets qu'il signale comme désas-
treux.— L'ouvrage de M. Gilliard estune déclamation continuelle, et des
plus virulentes, contre toutes les sociétés secrètes poursuivies par les
gouvernemens , et qui ne sont peut-être que le contre-poids d'autres so-
ciétés secrètes, dans le sens actuel de certains gouvernemens. On con-
çoit que Barruel puisse être un héros pour notre auteur; mais, avec de
la bonne foi ou plus de lumières, n'aurail-il pas déféré aux a\is que pré-
sente l'ouvrage du sage Mouiiier, sur ce même sujet ? C'est avec des
preuves en mains et non par des phrases de rhéteur, qu'on parvient à
obtenir la confiance des lecteurs impartiaux. — On remarque dans cet ou-
vrage des méprises qui, bien que minutieuses en apparence , annon-
ceraient une ignorance bien caractérisée. Qui ne connaît bvcdenhor^ .,
LIVRES FRANÇAIS. 5F9
dont il a fait fVedenhorg ou S. Wedenborg? Wersbaupt (T. I, pag.226)
est écrit partout fFiieùliaupt (T. I, pag. i54); et ce ïf ueishawpt , fon-
dateur de sociétés d'illuminés , n'est cependant , selon M. Gilliard , que
l'adepte de Jean-Jacques Kousseau , véritable fondateur de leur secte:
ailleurs, il donne celte paternité aux Américains. En conséquence, il
demande que l'Europe vomisse dans le Nouveau monde tous les carbo-
nari qu'il a en vue, sans excepter ceux qui ne sont que suspects, ni
ceux dont le carbonarisme royal a cbangé l'Europe en 1814. — On apprend
dans ce livre que l'Amérique est au centre du globe (T. II, pag. 180). —
11 fait un prélat de l'avant-dernier duc luthérien de Saxe Gotha, mort
il y a une vingtaine d'années {T^oy.T. I, p. 27). — (T. II, p. 240}, il nous
apprend que la grâce de Jésus-Christ n'a que des désirs spirituels, La
f/râce qui a des désirs! — M. Gilliard ne manque pas de faire sa cour aux
opinions dominantes et aux Lommes revêtus de pouvoirs; par exemple,
aux jésuites patens et secrets; et dés-Iors on ne peut être étonné des
vives censures qu'il adresse aux personnages morts et à ceux qui vivent,
mais exilés , proscrits ou en état de dépression. De ce nombre est , entre
autres, un ministre disgracié, sur lequel il accumule les injures et les
accusations les plus absurdes, les plus atroces. Attaquer les morts, les
exilés, les proscrits, les disgraciés, ce n'est faire preuve de courage
ni de délicatesse. — Si l'ouvrage en valait la peine, il serait vraiment
curieux de compter combien de fois on y trouve les mots apostat, Ju-
das, perfide, infâme, infernal, scùicrat, scéicraiesse , etc. : l'âcreté des
épithètes semble y tenir lieu de raisonnement. L'histoire des sociétés
secrètes est encore à faire: il esta souhaiter que des plumes impartiales
et véridiqucs s'en occupent; car il importe essentiellement detranquil-
li<er les ministres sur cet objet, si les craintes qu'on leur inspire sont
illusoires; ou, si elles sont fondée», de leur faciliter les moyens d'at-
teindre les coupables, et d'anéantir des sociétés contraires à la tran-
quillité publique et à la sûreté de l'état. G.
161. — De la situation des fjens de couleur libres, aux Antilles fran-
çaises. Paris, 1825 ; imprimerie de Mac-Carthy. In-S°, de 02 pages;
prix , 1 fr. 3o c.
On réclame , dans cette brochure , pour les gens de couleur libres de
la Martinique et de la Guadeloupe, la jouissance d'une foule de droits
civils, dont on les dit privés, au mépris des anciennes fois du ivii™»
siècle, et d'après des réglemens plus modernes ou des jugemens et des
usages abusifs. I/ouvrage e^l très-intéressant par sa nature, et par des
anecdotes les plus surprenantes, et les plus circonstanciées.
J62 (*), — État des juifs en France, en Espafjne et en Italie, sous les
590 LIVRES FRA^ÇA1S.
rapports du droit civil, du commerce et de la litléiatnrc, depuis le com-
mencement du *•=« viècle de l'ère vulgaire jusqu'à ia fin du xv!""*, ou-
vrage qui a concouru pour le prix décerné par l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres, en juillet iSsS ; par !e chevalier Bail, auteur des
Juifa au ix""» siècle, de i'Hisloire des Bèvolutions , etc. Avec cette épi-
graphe :
Dcploi nble Sion , qii as-lu fuit de la gloire ?
Paris, 1825 ; Eymcry, In-S", du 200 pages; prix , 4 fr.
Cet ouvrage n'a point été couronné. Il se peut qu'un concurrent ait
mérité de l'emporter sur M. Bail, par une crilique plus exacte et par
des recherches plus érudiles, ou plus complètes. Kous le présumons
ainsi, d'après le jugement de l'Académie; mais nous devons dire que ce
volume est pl<'in de recherches très întéressantes ; qu'il est écrit avec fa-
cilité, avec éléîrance, et que par rapport ai^x pensées et aux sentimens,
il mérite de fiser l'altcnlian de ceux qui ont l'àme noble , les idées
étendues et élevées.
i63 (*). — Esprit, angine et "progrès des institutions judiciaires
des principaux pays de l'Europe ; par J. D. Meyer, chevalier de l'ordre
royal du Lion Btlgique, de l'institut royal des Pays-B:is, etc. Cinq forts
roi. in -8» imprimés sur beau papier, contenant : Tom. I, La partie
historique ancienne; Tom. II, Partie moderne; laslitjlions judiciaires
de l'Angleterre et de la France avant la révolution. Tom. III, Partie
moderne. In>liliilions judiciaires des Pays-Bas. Tom. IV, Partie mo-
derne; Institutions judiciaires de l'Allemagne et de la France depuis la
révolution. Tom. \ , Lfpartie appliquée et thcorique, résultats de l'ex-
périence pour les législations futures. Paris, iSaS; G. Dufour et Ed. d'O-
cagne, éditeurs, quai Voltaire, n» i5 ; prix, \o fr., et 4<) fr. par la poste.
(Voy. R&v. Enc.j T. Il, p. 235-249, et ci-dessus, p. 177.) .
164 (*). — Science du puhliciste , ou Traité des principes èlùmentaircs
du droit, considéré dans ses principales divisions ; avec des notes et
des citations tirées des autt-urs les plus célèbres ; par M. Alb, Fhitut,
avocat, Tom. XI. Paris, iSaS; Bossange; Londres, même maison. Un
vol. in-S" , de 454 P^g^^s, avec un tableau synoptique des divisions
principales de l'ouTrage; prix, 7 fr. (Voy. Rev. Enc, T. XVIII. p. 645.)
i65 (*■). — Recueil complet des lois et des ordonnances du royaume,
avec des notes historiques et critiques , et uue conférence peipétuelle
des lois antérieures depuis l'origine de la monarchie , etc., accompagné
de Tatles chronologique et alj)4iaiétiquc , par M. Isambeht , avocat au
conseil d'état et a la Cour de cassation. Année 1822. Paris , 1820; Bos-
sange frères. Un vol. in-S", de 65o pages; prix, 10 fr.
LIVRES IRAINÇAIS. Sqi
Cet cscellenl recueil commence à l'année iSi/j; il est maintenant
complet depuis celte époque. Le volume de iHaâ est sous presse. Celui
de iH'i-2 mérite le grand succès qu'ont eu les précédeos. 11 est, comme
eux, très-remarquable pour Tordre , pour le nombre et pour le choix des
pièces, les unes qu'on ne trouve point, les autres qu'on trouve difficile-
irent ailleurs. Les noies sont modérées, savantes, ibrt utiles, dignes de
l'habile publiciste qui les a lédigées, elles sont toutes au profit de la jus-
tice, de la raison et de la liberté conslilutionnelle , sûre gardienne du
trône et de la paix. Ce volume est accompagné d'une curieuse disser-
tation svr les réglemens de folicc. Lanjdisais , de V Institut.
166. — Traite des chemins de toutes espèces, comprenant les grande»
routes, chemins de hallage, cucrains vicinaux et jiarliculicrs, arbres et
fossés qui les bordent , rues et places publiques, ouvrage destiné à faire
suite au Régime des eaux; par M. GAaniEB, avocat au conseil du Roi et
à la cour de cassation. Paris, iS23; Antoine Bavoux et Deschamps. In-
8°; prix, 7 fr.
L'une des plus grandes entraves à une justice prompte et impartiale,
est peut-être celle qui naît des conflits de juridictions; et il n'est pas
sans exemple, dans ce cas, que les parties se trouvent ruinées, avant
qu'il soit décidé n laquelle des deux autorités, administrative ou judi-
ciaire, elles doivent laisser la décision de leurs difiFéren.*; c'est qu'en
matière de conflit, les difficultés sont sans nombre. Il devait en être
ainsi, dès qu'aucune loi ne fixait les limites de l'uue et de l'autre com-
pétence; et l'on sait que rien dans notre légi.-ialion n'établit cette ligne
de démarcation d'une manière précise. M. Garnier, plus à portée qu'un
autre de sentir cet inconvénient , ne néglige rien pour en diminuer les
funestes conséquences; il a voulu , autant qu'il était possible de le faire,
suppléer au silence de notre Code civil , et à l'absence de ce Code rural
désiré depuis si long-tenis. Il publia, il y a un an, un ouvrage sur le
Cours des eaux. Il donne aujourd'hui un traité des chemins, où il éu-
blit les règles et discute les questions auxquelles ils peuvent donner
lieu. Il pose des principes puisés surtout dans les décisions du conseu-
d'état et de la cour de cassation ; il les développe et les accompagne
d'observations judicieuses; on trouve enfin dans son ouvrage celle éru-
dition trop souvent bannie des livres publiés aujourd'hui , et sans la-
quelle cependant on ne peut espérer un succès durable. Le traité des
chemins est un livre dont les jurisconsultes sentiront facilement tout le
prix.
i6j c). — Revue chronologique de l'Histoire de France, depuis la pre-
mière convocation des notables jusqu'au départ des troupes étrangères
"92 LIVRES FRANÇAIS.
(ij^j-il'iiS). Seconde idition. Paris, 182Ô; Firmin Didot. Un vol. in-S° ;
prix, i5 fr. , et 16 ir.
Lorsque, dans un tems nù il se [xiblie tant d'ouvrages divers, un livre
sérieux, qui ne se recommande Xii par un de ces noms f;imetix qui in-
fluencent toujours un peu notre juj;emcnt, ni par les éloges trop sou-
vent provoqués de* journaux , arrive cependant, en peu de tems, à une
seconde édition inen rédle, il doit exister une présomption en sa faveur;
mais, alors aussi, celui qui l'examine doit se montrer sévère appré-
ciateur de ses défauts, comme de son mérite. Tout ceci s'applique
a l'ouvrage que nous annonçons, et dont la première édition a déjà été
le sujet d'un article dan.^ ce recueil, (Voy, Rev. Eno. , Tom. IX, janvier
1821, pag. Sa-J-S.)— Certainement, c'est ici un livre très-utile; je crois
même qu'on clierclierait vainement , dans un autre ouvrage de ce "cnre,
sans en excepter celui du président Hénault, beaucoup trop loué sans
doute, la même profondeur dans les vues, la même sagesse dans les
jugemens, la même élégance dans le récit. Il est sorti, sans contredit ,
de la plume d'un homme capable d'écrire autre chose qu'une revue
chronologique, d'un homme qu'on ne peut même croire toul-à-fait
étranger aux choses qu'il raconte ; mais il ne faut pas penser non plus
que cet ouvrage soit exempt de taches, de jugemens hasardés, et même
de graves erreurs.— Choisissons un passage qui puisse faire connaître l'es-
prit et le stvle de l'auteur. Il vient de parler de la restauration de i8i4,
et il continue : « La Charte est donc le nœud formé par la sagesse, qui
réunit solidement la puissance et le bonheur, la confiance et l'autorité,
la grandeur du monarque et la liberté publique. Sa perfiction consiste
dans le pouvoir de nous gouverner sans menace , sans violence , sans
artifice, et comme une famille. Le gouvernement représentatif embrasse
ou considère une immensité d'objets : et cependant, il est mesuré dans
ses moyens et prudent dans «a marche; il donne à la vertu de l'essor,
aux esprits de la flexibilité : la justice le conduit, la bonne loi devient
son bouclier; ia vérité, soncfée. Ces résultats s'apprécieront bien mieux
s»u9 des rois incapables ou faibles , aux époques de minorité ou de cri-
ses politiques ou de formidables agressions. Par lui, on échappe aux
hasards d'une monarchie absolue. Les meilleurs princes . saint Louis ,
Louis XII , Henri IV, redoutant les erreurs de leur autorité , se plurent
à demander les conseils de leurs sujets. Charles V, à son lit de mort,
prévoyant de prochains malheurs, regretta de n'avoir pas établi la pé-
riodicité des états-généraux. Pbilippc-le-Bel, Jean, enveloppés de dan-
gers, trouvèrent des ressources certaines dans les résolutions de ces as-
semblées. Mais les piinccs absolus , que dévorait la j.nlousic du pouvoir.
LIVRES FRAIKÇALS. 5 93
qui prenaient leurs modèles à Coustantinople, qui furent le jouet de
leurs passions et de leurs Qatteurs , placés par leurs excès sur le bord de
l'abîme , préféraient y tomber que de recourir aux lumières publiques.
Ils craignaient l'intervenlion de la nation , et lui refusaient le droit d'.-
prendre connaissance de ses intérêts. François !<■', Louis XIV, Louis XV,
repoussant tous les vœux à cet égard, léguèrent à Louis XVI cette dé-
fiance' générale qui devint si funeste à ia couronne : il était donné à
Louis XVIil d'accomplir les desseins de son frère. Mais, quel affreux
intervalle ! Puissions-nous pressentir le bonheur destiné à la Frani-e, par
une ferme adhésion anx principes de la Charte ! Que l'ambition d'un
ministère dépravé, ou l'inflexible orgueil des rejetons de la viiille aris-
tocratie, ou l'égarement de quelques sophistes à théories générales, ne
vienne pas s'opposer au développement de ces institutions dont la
Charte a si bien tracé les iincamcns ! La Charte, malgré ses imperfec-
tions et même quelques discordances de détail , malgré quelques réli-
cences se popularisera de plus en plus, parce qu'en annonçant le
dessein de fermer le cercle des révolutions, elle rétracte les doctrines
contre-révolutionnaires, efface les prétentions émanées de l'ancien ré-
gime; prétentions et doctrines en horreur à la nation, qui, depuis aS
ans, ne cesse <le réclamer les droits du citoyen, l'égalité politique. » — Tel
est à peu près l'esprit général de l'ouvrage^ les choses et les hommes y
sont presque toujours jugés avec impartialité ; les jugeniens y sont écrits
avec élégance et précision , et développés avec une juste mesure , selon
leur degré d'importance. Toutefois, on regrette de lems en lems ces
qualités si essentielles à l'histoire ; par exemple , la haine qu'inspire ,
avec raison, le despotisme à l'auteur, ne lui a peut-être pas toujours
permis de rendre justice à Napoléon, d'avouer qu'il fui souvent grand,
lorsqu'il ne l'ut pas uniquement despote. — Si l'on considère son ouvrage
sous le rapport du style, on sera encore obligé d'avouer qu'on cherche
souvent dans plusieurs passages cette pureté et ce goût sans lesquels un
livre reste toujours imparfait : qu'est-ce en effet qu'un «homme dont les
jeunes idées n'ont grandi qu'au soleil de la faveur? » Est-il permis d'é-
crire que 0 semblable a cette précieuse écume que la vague de la Balti-
que dépose sur la grève, et dont on façonne de gracieux ornemens de
toilette féminine, le ministre de la police (M. Decazes) paraît un poli-
tique à brillante et diaphane surface? " Maliieureu^emcnt , on pourrait
multiplier à l'infini de semblables citations. — Au total, la Revue chrono-
logique est un registre où sont consignés les faits importans de notre
histoire pi ndaiit les trente dernières années , et un ouvrage qui peut
dispenser d'en lire beaucoup d'autres. J. G. , avocat.
^94 LIVRES FRANÇAIS.
168 {*).—Camimgnes e^e i8i5 c< t/c 1814, suri'Ebre, les Pyrénées et
ia Garonne, précédées de considérations sur la dernière guerre d'Espa-
gne; par Edouard Lapèse , auteur des Évènemens mUitaires devant
Touiovsc en 1814. Paris, iSaS; Anselin et Pochard. Un vol. in-S", avec
deux cartes ; prix , 7 fr. 5o c. et 9 fr.
M. Lapène nVst pas un Inslorien de ce siècle, nonobstant la date des
évènemens qu'il raconle; il dit tout ce qu'il sait, et persiste à être vrai.
Il n'ignore pourtant pas que riiisfoire n'est plus aussi rigide, et qu'au
hesoin, elle sait être obséquieuse. Mais, ces histoires, écrites avec la
prudence du siècle, dépo.^ées précieusement dans les bibliothèques , y
demeurent intactes et oubliées : nous autres lecteurs , ce sont les écri-
vains , tels que M. Lapène, que nous recherchons. Il faut le dire- à l'é-
loge de no» oÉBciers, après avoir nnontré sur le champ de bataille tout le
oourage du guerrier, ce sont eux qui donnent aujourd'hui le plus
d'exemples du courage civique.— On ne sera pas toujours de l'avis de
l'auteur sur le caractère espagnol, et les évènemens de la campagne de
1825 nous le montrent sous un aspect très-différent de ce qu'il parut
durant !a guerre précédente ; en moins de dix ans, il semble que cette
nation ait traversé une longue suite de siècles, ou que ses qualités mo-
rales ne soient pas assez fortes pour résister à une guerre civile. Mais,
quelque opinion que l'on ait sur l'Espagne et sur les deux guerres
que les Français y ont faites, on ne lira pas sans intérêt et sans fruit les
considérations de M. Lapène, d'autant plus qu'il ne se borne pas à nous
faire connaître le^ Espagnols , et qu'il dépeint aussi le soldat français de
cette époque , tel qu'il était devenu par l'action de plusieurs causes que
l'auteur a dû bien observer, et qu'il expose avec beaucoup de clarté.—
Quoique cet ouvrage paraisse consacré spécialement au récit des opéra-
tions aulilaircs, on y trouve un grand nombre de faits d'un autre ordre,
et quiattireronl l'ai lention de tous les lecteurs. La belle défense deSaint-
.Sëbastien, les suites funestes de la bataille d'Orthès, les évènemens qui pré-
cédèrent celle de Toulouse, le tableau de la situation de cette ville après
l'action, et les suites déplorables de ces combats inutiles, tous ces cruels
souvenirs sont rappelés dans cet ouvrage avtc la véracité, avec l'âme
d un vrai Français. Puisse cet excell' nt livre contrebalancer, dansTopi-
nrou des étrangers, les mensonges impudens répandus par des ouvrages
auxquels on ose donner le nom d'hisloire!
169. — Réponse de l'auteur de l'nistoire de l'expédition de Russie à ia
Iroeimre de M. le comte Rostopchin, intitulée : La vérité sur l'incendie
de Moscou. Paris, iSaô; Pillet aîné, .\nselin et Pochard. In 8°, de iS
pages; prix , i fr.
LIVRES FRANÇAIS. 'up
L'auteur du meilleur ouvrage que nous ayons sur la fatale expédition
de Russie a cru devoir répondre à unt; brochure de M. le corate Ros-
topchin : il eût pu s'en dispenser. M. le comte a voulii prouver qu'il n'a-
vait aucune part à l'incendie de Moscou ; l'historien français l'accablf
de preuves contraires, et détruit facilement les vagues assertions de son
antagoniste. L'écrit de l'ancien gouverneur de Moscou est oublié ; c'est
ce qui est le plus avantageux pour son auteur : la ré[)Onse à cet écrit
founira quelques notes intéressantes à la seconde édition de l'histoire
de l'expédition de liussic. F.
170. — (*) CoUection de Mémoires relatifs à la révolution d'Angle-
terre, accompagnée de notices ei d'éclairoissemens lii.-loriqi'es , et
précédée d'une introduction sur i'Histoire de la révolution d'Angle-
terre ; par M. Gcizot. Cinquième livraison , contenant le procès de
Charles !'='■; — l'Eikôn de Basilikè; — les Mémoires de Charles H; —
et le T. 1 des Mémoires de mistriss Unichinson. Paris, 1825 ; Bécbet
aîné; Rouen, le même. Deux vol. in-8">; prix, 12 et ij fr. (Voy.
ci-dessus , p. iX5.)
171 (*). — Mémoires four servir à l'Histoire de Francç sous !\'apo-
téon, écrits à Saiote-Hé!èu° par les généraux qui ont partagé sa capti-
vité , et publiés sur les manuscrits entièrement corrigés de la main
de Napoléon. Troisième livraison. P.iris, iSaj; Rossange frères. Deux
vol. in 8° ; prix , i5 fr. ( Voy. T. XIX, p. 432.)
Les campagnes d'Italie ont toujours passé pour un des plus beaux
litres de la gloire mililaire de Napoléon. Si quelque chose peut ajouter
à l'intérêt qu'excitent ces événemeos niéuiorables , c'est d'en lire le
récit fait par lui-même. L'n des volumes de cette troisième livraison est
consacré à la relation de la guerre de 1796. On y trouve un précis des
événemens militaires de l'armée d'Italie pendant les années 1792, 179Ô,
1794 et 1795; puis une description topographique de l'Italie, accom-
pagnée d'aperçus clairs et l'rappans sur la situation politique des di-
verses puissances qui se partageaient cette péninsule en 1796. Les
batailles de Montenoltc, de Lodi , de Castiglione, d'Arcole , de Rivoli ,
forment les épisodes de celte espèce de poème, dont la narration vivante
et animé* est entremêlée de vues politiques d'un haut intérêt. — Le
second volume contient le précis fait par Napoléon, des campagnes de
Turenne et du grand Frédéric, notamment un examen détaillé de la
guerre de sept ans. Chaque volume est orné de fac-sitnilc de l'écriture
de Napoléou , faisant paitie de ses Mémoires écrits à Sainte-Hélène ,
et qui en attestent l'authenticité. A.
'7* D- — tS apolcun jugé par luimênie, par ses amis et ses enn&inis;
Sqg livres français.
par le baron Massia;!, aacien chargé d'afifaires près la cour de Bade,
résident , consul-général à Dantzick; iivec ces deux éi)igraphcs : «Le
st)le est tout l'homme, » Bcffon. — * Ex ungue leoneni. A l'ougle seul
on devine le lion. » — Paris, iSij; Firmin Didot. Un vol. in-8° , 26S
pages ; prix , 5 fr.
Le titre seul de cet ouvrage commande l'intérêt; l'exécution fait es-
timer l'auteur. C'est un homme de bonne foi qui puise ses jugemens
dans sa conscience et dans sa raison, éclairées l'une et l'autre par une gran-
de habilude de recueillement et de méditation , et par une longue expé-
rience des hommes, de leurs passions et des affaires publiques. « Le
style est tout l'homme, d M. Massias , appliquant cette pensée à Napo-
léon, s'empare du Manuscrit de Sainte-Hélène pour en faire le texte
de ses observations. 11 avait déjà réisuraé, d'une manière précise et subs-
tantielle, son opinion sur cet écrit, dans son grand et important ouvrage :
,Des rapports de la nature à l'homme. « Ces Mémoires , selon M. Massias,
ont un tel goût de terroir; ils sont si pleins de traits, de mots ,. d'idées,
de vues , d'une brusque simplicité, d'une énergie adroite, d'un culte
pour la force, d'une dérision de tous les droits, les siens exceptés, si
exclusivement propres à Napoléon, qu'il est fort inutile de demander
si ces Mémoires sont de lui : ils sont bien mieux, puisqu'ils sont lui.
Au reste, s'ils sont d'un autre, cet autre savait Bonaparte par cœur, et
il l'a récité sans faute. ■ M. Massias marque en lettres italiques les en-
droits qui n'ont pu être sentis et pensés que par Napoléon; il y joint
de courtes notes, qui sont l'expression rapide et souvent piquante du
sentiment qu'il éprouve ; il renvoie à la fin de l'ouvrage plusieurs pièces
justificatives. Il apprécie tour-à-tour, dans Napoléon, le militaire , le
politique, l'homme, l'écrivain. Militaire: il se sentait lui-même l'ins-
tinct de la guerre. « Il avait deviné, dit M. Massias, ce que lui con-
firma depuis l'expérience, que l'art du grand capitaine se réduit à trois
points principaux : être maître de ses derrières, de se déployer, et de
se concentrer. » Politique et homme puMic '■ à l'âge de 24 ans , il se vit
déjà dans l'histoire ; une ambition immense le dévorait. Cette ambition,
toute personnelle et rapportée à lui seul; son indifférence absolue sur
la moralité des moyens, pourvu qu'il ]>ût réussir; son mépris Jes hom-
mes, dont je lui ai entendu dire une Ibis, à l'armée d'Italie, que c'é-
taient des pourceaux qui se nourrissent d'or, et qu'il leur jetait de l'or
pour s'en servir; la sécheresse de son âme et son instinct de despotisme,
qui ne lui firent voir dans la révolution française qu'une cmevic; le soin
d'étouffer les hommes à caractère, les hommes qui avaient une conscience,
des principes, un amour sincère de la patrie et de la vertu, et qu'il
LIVRES FRANÇAIS. 597
appelait des idéologues ; le choix d'hommes corrompus ou faciles à cor-
rompre, d'agens dociles et serviles, pour la plupart des fonctions émi-
nentes : ces traits distinctifs de l'homme extraordinaire auquel une nalion
trop confiante avait eu l'imprudence et le malheur de livrer ses desti-
nées, sont fidèlement tracés par notre historien, qui rend aussi hom-
mage au grand génie de son hérus , à sa haute capacité politique, com-
posée d'un mélange de raison supérieure, d'audace, de prudence et
d'hypocrisie, et à l'espèce de dignité qu'il a conservée dans le malheur.
Homme : il a été , par sa nature , toujours isole , essentiellement égoïste.
Écrivain : il est quelquefois ég;d à Tacite et à Montesquieu pour la
pénétration et la profondeur.
La ricapituiation de M. Massias est pleine d'énergie et de vérité ,
quoiqu'il se laisse quelquefois séduire par la gloire du grand personnage
historique qu'il veut juger. Cette gloire ne fut point pure de crimes ,
même dans les premières campagnes d'Itahe; la (in en fot souillée par
le traité impohtique et impie qui sacrifiait la république de Venise.
L'Italie entière fut bientôt trompée , trahie , mutilée par celui qui s'était
proclamé son libérateur, et qui pouvait y créer une grande et forte na-
tion , destinée à serdr de barrière entre deux puissances qui, depuis, en
ont fait une sanglante arène. L'expédition criminelle de Saint-Domin-
gue ; la Pologne séduite par des protestations fastueuses, et replongée
ensuite dans un abîme de malheurs : ce qui fut, d'après Napoléon lui-
même, l'une des principales fautes de soniégne; l'assassinat du duc
d'Enghien, dont plusieurs révélations récentes ont mis au grand jour
toute l'atrocité; la mesure plus qu'wTi peu violente (expression de Bo-
naparte) de l'arrestation et de la captivité du pape; la protection hypo-
crite accordée à la Suisse; l'envahissement de la Hollande, des villes
anséatiques, du Piémont , de Rome, etc., réunis, contre la nature
des choses, à cette belle France, qui perdait en force réelle tout ce
qu'elle paraissait acquérir en éten.lue de territoire et en population;
la ruse léonine, ou plutôt [ii guet - afens qui ouvrit pour l'Espagne
une carrière non encore fermée de guerres civiles, combinées avec la
guerre étrangère, et de révolutions sanglantes et atroces; la France
elle-même , enfin , livrée aux doctrines du pouvoir arbitraire, privée de
ses frontières naturelles, conquises avant l'usurpation consulaire et im-
périale; puis, envahie par l'Europe armée, mais ne pouvant oubher
qu'elle doit à Napoléon plusieurs belles et utiles institutions, des co-
des, des canaux, des ponts, des chemins, des monumens. . .Voila les
faits d'après lesquels la po»térité , plus impartiale que nous , assignera
le ran- que Napoléon doit occuper dans l'histoire. M. Massias appelle
51)8 LIVRES FRANÇAIS.
ie M( mariai tîe Saînfe-Hélcno , par M. de Las Gasos, dont il apprécie
le noble dévoueuient , ua hcau résumé de l'hisloire de l'empereur. (Voy.
Rev. Enc, T. XMll, note des pages 548 et 549; T. XIX, p. 180, et
ci-dtssus, p. i85 , 186 et 187.) M. A. Jullien , de Paris.
175 (*J. — Mémoires de (>oethe , traduits de l'allemand par M. Aubebt
DK ViTBY. Paris, iS^sô ; Ponthieu, Bossaii;,'e père, Bossange frères. Deux
vol. in-S° de 5oo pages chaciia , avec; un portrait de Goethe ; prix , i4 fr.
Le public français, avide de nouveautés et à qui la langue et la litté-
rature alltm:indes sont élranî^ères, apprcndia avec plaisir la publication
de celle traduction. Le Neslor des poètes et des romanciers renommés est,
pour ses compatriotes, ce que Voltaire est pour nous ; mais c'est Voltaire
avec des sentimens religieux. Nous remarquons d'abord, dans ces Mémoi-
res, la confiance avec laquelle l'illustre ;iuUur s'est livré de son vivantaux
jugeaieiis de ses contemporains, qui ne feront que devancer en sa fa-
\ eur la voix de la poste; ilc. Celle biographie autographe .se rerommande
encore par beaucoup d'autres traits qui la distinguent de toutes les com-
positions de ce genre. L'auleur a eu essentiellement pour but d'y mar-
quer le développement et la marche de son génie romantique , d'y
signaler les progrès et !a ié\okilion de la littérature germanique, qu'il
a constamment dirigée , de caractériser l'Allemagne , ses mœurs et les
habitudes de .-^es gens <îe lettres ; de marquer également par leurs traits
saillans les physionomies des litlératures française , anglaise et italienne ,
•i l'époque correspondante avec le grand mouvement liliérairc de l'Al-
lemagne; enQu, d'y esquisser aussi les progrès de l'asthétique , c'est-à-
dire ceux de la théorie, du goût et du génie des beaux-arts, genre de
progrès dont l'écrit de Lessing, intitulé : Du Lavcoon , et les ouvrages
deWinckelmann, ont été les premier* mobiles. — LeVoyagc en Italie, qui
fait partie de cet ouvrage biographique de Goethe, est plus spéciale-
ment consacré à cette partie de son plan. L'aspect physique et moral
de cette contrée classique y est dépeiut avec tout son talent. L'intérêt
anecdotique , romanesque et dramatique n'est pas moins vif dans les
Mémoires de l'auteur. Beaucoup de détails curieux sur des hommes di-
versement célèbres, une série de portraits presque tous piquans par
l'originalité des modèles , des réflexions d'une haute portée sur les ques-
tions les plus intéressantes de la phiio.sophie , de la morale et de la re-
ligion ; des révélations sur les circonstances et le caractère des héros et
de l'héroïne de Werther, cette composition si fameuse dans le genre
romaniique, la narration passionnée des amours réels de l'auteur, nar-
ration à laquelle un cœur sensible, la chaleur et l'énergie de sou pin-
ceau , cl une imagiuatit)n toujours fraîche ont su imprimer tout Iv
I^IVIŒS FRANÇAIS. 599
charme de la fiction, font de son livre vraiment original une des pro-
duclions à la ibis les plus instructives et les plus piquantes qu'on nous
ait données depuis loDg-tcms. Comme taMeau de l'Allemagne et de
sa littérature, les Mémoires de Goeihe, éclaircis et complétés sous ce
rapport par liulroductioii et les notices hiographiques et littéraires du
traducteur, seront un supplément et un commentaire lrés-ulile> po-ir
le livre célèbre de M""" de Staël. M. Aubert de Viîry, dans ses écrits
et ses traductions antérieurs, a lait preuve de con~rienre littéraire. Un
long séjour en Allemagne , et ses relations avec les hommes de lettres
renommés de cette contrée, l'ont d'ailleurs misa même d'exécuter avec
soin la tâche pénible qu'il s'était imposée.— Il existe , indépendamment
de la Biographie de Goethe et de son Vojage en Italie jusques et com-
pris Korae, des récits qu'il a publiés postérieurement de deux autres
voyages; l'un dans les Dtux-Slciles, et le dernier en Champagne. (Voy.
nev. Enc. , T. XIX , p. 80 87. ) 11 faut espérer que k traducteur en fera
également jouir le public français. Z.
iji. —Notice sur ia vie et les ouvrages du docteur Samuel Johnson ,
par M. P. J. Servois. Cambrai, i823; à l'imprimerie de A. F. Ilurez;
Paris, Pelicier. Brochure in 8% de 126 pages; prix, 2 fr.
Celte notice ne peut manquer d'intéresser le public savant, et surtout
les philologues. Le docteur John-on est celui qui a donné, en quelque
sorte, le mouvement à toute ia littérature anglaise, et l'on peut dire
qu'il en a hâté le perfectionnement par ses ouvrages en prose ou en
vers, et plus encore par son grand Dictionnaire de ia langue anglaise,
dont la réputation était déjà faite même avant qu'il parût. Cet ouvrage
fi; le plus grand honneur à son auteur, que des envieux abreuvèrent à ce
sujet de dégoûts et de tracasseries. La Notice de M. Servois devient dé-
sormais iu^épaIab!e de celles de Johnson lui-même sur les poètes anglais,
traduites et publiées à Paris par M. J. Didot , et E. Mahon. A. B.
i-S.— Notice liislorique sur M. i'aiiio Devienne , chanoine, comte de
Brioude, vicaire-général de Saint-Flour, missionnaire de Toug-King, par
JM. l'abbé La Boudrbik, chanoine-honoraire d'Avignon et de Saint-
Flour, etc. Paris, 1825; Théodore-Leclerc. ln-8°, de Ô2 p.; prix, 1 fr. Soc.
176. — Le Sténographe parisien. — Jffaire Castaing ; 10 livraisons
avec trois portraits. Paris, 1825 ; Delongchamps , quai des Augustins,
n» 5i; Ponlhieu, au Palais-Rojal. Pris , S fr. 26 c.
Ce recueil contient en entier l'acte d'accusation, les débats et les
plaidoiries de MM. de Broë, avocat-général ; Roussel et Berryer, défen-
seurs de Castaing, jeune médecin , accusé d'avoir empoisonné son ami
Auguste Ballet, dont il était le légataire universel. On trouve, au corn-
4oo LIVRES FRANÇAIS.
raencement, des Noiices biographiques sur les deux frf.res Ballet et le
docteur Castaing, dont les i;ortraits, fort ressemb'ans et très-bien
dessinés, donnent un degré d'iotérêt de plus à.l'biatoire de ce trop cé-
lèbre procès. Z.
1--. — Poèmes extraits du Diwan d'Omar Jbn-Faredh , par M.
Gbangebet de r.A Grange. Paris, iSaô; Dondey -Dupré, père et fils.
Brochure in-8° de 18 pag.; prix, 1 fi.
Ces poésies, dont la traduclioa est extraite du Journal Asiatique,
journal intéressant et instructif, publié par la Société asiatique de Pa-
ris, et que nous avons annoncé (Voy. Bev. Enc, Tom. XVIII, p. aôy),
méritent d'attirer l'attention des personnes qui s'appliquent a l'étude de
la littérature orientale. Elles sont précédées de remarques fort intéres-
santes sur les caractères principaux de la poésie des Arabes. H. P.
i-t8. — Discours de Ciccron four te poète Archias. Traduction, nou-
velle, suivie de notes critiques et littéraires; i)ar F. Dklcboix. Paris-,
1825 ; Brunot-Labbe , quai des Augustins, n" 53. Un vol. in-iS de 64
pag.; prix, 2 fr.
^79 (*i* — Lucrèce, de la nature des ciioses , traduit en vers français
par M. J. B, S. de Poncsbvillk [texte en regard); précédé d'un Dis-
cours f réliminaire ; des lies de Lucrèce et d'Epicure; de divers frag-
luens du Traité de la Nature , par le philosophe grec, retrouvés à Her-
culanum, et de quatre planches regrésentant plusieurs de ces fragmens;
avec des Noies du traducteur, et des Fartantes du texte. Ouvrage dé-
dié au Koi. Paris, iSaS; Dondej-Dupré, père et fils. Deux vol. grand
in-8" de 906 pag.; papier fin satiné, 18 fr.^ papier vélin très-fort, 56 fr.
Il n'est point de littérateur qui, à la seule idée de traduire en vers
français le poème de Lucrèce, ne soit saisi d'un frémissement religieux,
tant sont efifrayantes les diEGcultés qu'il oppose à notre langue et à notre
versification. On jieutdire que, jusqu'à l'apparition de l'ouvrage de M.
de Pongervill?, elles avaient été jugées insurmontables. Le succès qu'il
obtient, est la récompense méritée d'un talent supérieur et d'un travail
opiniâtre. La versification de M. de Pongerville eat a la fois vigoureuse
et souple, noble et gracieuse. Ces qualités étaient indispensables au
traducteur de Lucrèce : il devait, pour faire goûter la lecture de ce poète,
prendre avec lui-même rengagement de l'éclaircir et de l'embellir en
plus d'un endroit. Wous nous hâtons d'ajouter qu'il a tenu parole au-de-
là de toute vraissemblance. Nous offrirons à nos lecteurs un compte dé-
taillé de cette traduction, qui a déjà recueilli les sulfrages, nous osons
dire, excité l'étouriement de nos littérateurs les plus distingués. C.
180. — De l'usage des expretsions négatives dans la langue française,
LIVRES FRAKÇAIS. 4oi
par M. CoLLiN d'Ambli , inslilutpur, etc. Troisième édition, revue, cor-
rigée et augmenlée. Paris, i823; Villet. m p. in S^ ; pfix , i fr. 5o c,
et i fr. 80 c.
Nous devons à M. Collin d'Ambli une Grammaire française fort esli-
mée, et un bon Traité de l'usage des prépositions dans la langue fran-
çaise, publié en ibig. SonTraité des expressions négatives, dans la inê
me langue, se distingue par la justesse des doctrines et par la clarté de la
rédaction.Cette troisième édition, qui n'est point mensongère dans son in
titulé, prouve assez que cet ouvrage a obtenu beaucoup de suffrages. L,
i«i C). — Clos siq tus français , ou Bibliotfnque portative de i'ama-
tcur, composée des chefs-d'œuvre en prose et en vers des meilleurs au-
teurs. Soixante vol. in 02, imprimés chez M. Firmin Didot , avec des
caractères neufs fondus exprès. Cinqnièrae livraison, composée des
œuwrcirfe Racine. Paris, 182.5-, L. Debure. Quatre forts volumes in-32,
avec un très beau portrait de Racine; prix , 12 fr. et i5 fr. 10 c. — Sépa
rément, 10 gravures in-j2, pour la Ilcnriade, faisant partie de la pre-
inière livraison; prix, G fr. ; avant la lettre, 12 fr. ; papiir de Chine,
i5 fr. ; in-8°, avant la lettre, i/i fr. ; papier de Chine, 20 fr.
Différent de quelques éditeurs d'ouvrages, aunoncés d'avance avec
(^■mphase dans leurs prospectus, qui semblent n'appeler l'attention du
publie que pour le tromper ensuite, M. Debure poursuit, avec un suc-
cès toujours croissant, sa charmante collection des classiques français,
dont chaque livraison vient apporter de nouvelles preuves à l'appui des
éloges que nt»us avons été des premiers à lui accorder. Les œuvres de
Racine, qui composent la cinquième livraison que nous annonçons, ont
été collationnées par lui, sur l'édition revue par Boileau; ce qui doit
être un sûr garant de l'exactitude et de la correction du texte. Les ca
ractères, le papier et le tirage sont toujours les mêmes, et l'éditeur, di-
minuant un peu sa justification pour la prose, a répondu au seul désir
que ses souscripteurs eussent encore à former. — Quelques-uns des ou-
vrages de cette collection pouvant faire désirer d'y placer des suites de
gravures , on a voulu satisfaire encore les amateurs sur ce point ; dix gra-
vures de la Henriade, faites, d'après les dessins de M. Xavier Leprince,
par les plus habiles artistes, feront juger du soin que l'éditeur s'est pro-
posé d'apporter dans ce genre de luxe. E. H.
182 (*). — OEuvres compiètcs de Voltaire, 9™= et 10™' livraisons.
(Théâtre, T. VIII, Histoire de Russie, la Pucelle et Facéties). Paris,
1825; Dupont et Chassériau. Quatre vol. in-8°. T. IX, 488 pag. ; T.
XXXIII, 4.-.1 pag.; T. XI, ôgô pag., et T. XLV, 48,j pag. Prix de
chaque volume, 5 fr. [Foy. Rev. Enc, T. XIX, pag. 443,)
T. XX. — Nosembrc iSaS. a6
4o3 LIVRES FRANÇAIS.
,85, Dciix cpîtres à MM. tes memircs de la Société de Paris, fOVT
l'amdiorationdc l'enseignement clcmenlaire, par A. A. Malinas. Pa-
ris. iSaS; Dauihcreau, au Palais-Royal, galerie de Nemours, n" 29.
Brochure ia-12 de 09 pag. ; prix, i fr. et 1 fr. i5 c.
Une préface qui sert d'introduction , et deux argumens placés en tête
des deux épîtres, exposent le sujet et le plan qu'à suivi l'auteur. II est
noble et beau de défendre une méthode indignement calomniée par l'es-
prit de parti, et presque abandonnée par l'autorité, qui, trompée sur
ses véritables intérêts, méconnaît les grands avantages qu'elle aurait pu
en retirer.— Mais, en rendant justice à l'inteniion du poète, nous devons
reconnaître la faiblesse de l'esét ulion. Rien de plus difficile que de irai-
ter en plaisantant un sujet sérieux. L'irouie est une arme tranchante , mais
qui s'émousse aussitôt qu'elle ne blesse pas : c'est co que M. Malinas
paraît n'avoir pas assez senti , et malheureusement son slyle est bien
loin de compenser un pareil défaut. B. J.
184. — Corinthe vengée , dithyrambe par M. F. E. de Bonnkchose ,
dédié aux Grecs. Paris, iHïi ; Ladvocat , JNepveu. Brochure in-8° d'une
feuille d'impression ; prix, jS c, et 1 fr.
Au mois de novembre de l'année 1822 , la flotte turque, revenant de
sa campagne de Morée , s'était arrêtée à Ténédos, en alleudant le vent
favorable pour rentrer aux Dardanelles, quand le vai-seau amiral fut
incendié par Constantin Canaris, de Psara. 'C'est cet événement mémo-
rable que l'auteur a voulu peindre ; voici quelques traits de son tableau :
Sous les ponts écroulés le feu s'ouvre un passage.
Dans la carène ardente il promène sa rage.
Il s'éehappe en grondant de ses flancs entr'onverts;
Le mât brûle, caché sous des flots de fumée;
Il gémit, de sa chute il menace les mers:
11 tomhe, et la voile enflammée
En nuage de fen s'envole dans les airs.
Ces vers prouvent que l'auteur n'est point étranger aux secrets de la
poésie; il y a du mouvement et du style dans ce passage, qui ne peut
que donner une opinion favorable de tout le poème. Un jour, et peut-
être ce jour n'est-il pas très-éloigné, les efiforfs des Grecs pour recontiué-
rir leur indépendance seront couronnés d'un entier succès. Après avoir
compté et récompensé les guerriers qui leur auront prêté leurs bras, ils
voueront des actions de grâces aux écrivains qni auront défendu la plus
belle comme la plus noble des causes, et M. de Bonnechose prendra une
place honorable parmi ces derniers. £• H-
LIVKES FRANÇAIS. 4o3
i85. — Charades inises en action, mêlées de couplets et de vaudcviUes,
ou Nouveau théâtre de sutiélé , par M""^ la comtesse D'Haupoul ; or-
nées de six jolies gravure,». Paris, iS25; Vernarcl ol Tenon, rue Hau~
tcfeuiile , n" jo. Deux vol. in- 12 de j6o pages enviion; prix, 8 fr. , et
9 fr. 75 c.
De petits drames , qui , dans le cadre fort étroit où ils sont resserrés,
oiTrent pourtant de l'intérêt, des situations piquantes, des détails de
mœurs bien saisis, une critique fine dis ridicules du moment, un dia-
logue tantôt enjoué, tantôt .'iltendrissant , toujours naturel et facile ,
voilà ce que l'on trouve dans le recueil que nous annonçons, et ce qu'on
pouvait s'attendre à y trouver d'après le nom de l'auteur. ftl™<= la com-
tesse d'IIaulpoul a porté dans ces légères compositions, le talent dont
elle a souvent fait preuve dans des ouvrages d'un ordre plus élevé. Elle
ne veut point, dit-elle dans son épigraphe, être jugée sur des produc-
tions si frivole:- ; mais elie ne peut empêcher que le lecteur ne la recon-
naisse encore jusque dans ces canevas de comédie , comme elle les ap-
pelle, destinés à l'amuseuient de ses soirées. La publication de son
théâtre est une bonne fortune pour les acteurs de société, dont il variera
fort agréablement le répertoire. H. P.
i8fi. — Souvenir du Musée des monutnens français. Collection de
4o dessins perspectifs , gravés au trait , représentant les principaux as-
pects sous lesquels on a pu considérer tous les monumens réunis dans
ce musée, dessinés par M. J. E. Biet , et gravés par MM. A'okmand
père et Gis , avec un texte explicatif, par M. J. P. Bbés. Cinquième
livraison. Paris , iSxj; chez l'auteur, rue Grange-aux-Belles, n. i3. Un
cahier in-l'ol".
187. — Cathédrales françaises, dessinées, lithographlées et publiées par
Ch».puy ex-o£!icier , du génie maritime, ancien élève de l'Ecole poly-
technique, avec un texte historique et descriptif, par F. T. ok Jolimost,
ex-ingénieur , membre de la Société d'émulation de Rouen, etc. Pre-
mière et sec<aide livraisons, contenant la description de l'église de t\o-
tre- Dame; Paris, iSaS ; Chapuy, auteur et éditeur, rue de Seine,
n" 56. — L'ouvrage entier contiendra, en trente-six livraisons, grand-
jésus vélin in-4'', la description d'environ vingt-cinq cathédrales. Chaque
livraison se composera de cinq planches liihographiées, savoir: quatre
vues intérieures ou extérieures et une planche de fragmen». (.les plan-
ches seront accompagnées de huit à seize pages de texte. Le prix est
de 6 fr., et 10 fr. avec épreuves sur papier de chine, ou avec épreuves à
fond de couleur, rehau.-sées de blanc à la main.
Depuis quelques années, les Anglais ont publié, par le moyen de la
4«i LIVRES FRAÎSÇAIS.
gravure, tous les raonumen» anciens et modernes qu'ils possèdent. Leurs
graveurs, les plus habiles de toute l'Europe, en ce genre, ont donné à
CCS collections un attrait qui les a fait rechercher, sous le double nnérite
de l'intérêt des monumeas qu'ils offraient aux regards, et de l'habileté
qu'ils avaient développée dans l'exécution. Bientôt ils ont passé le dé-
troit , et ils se sont répandus sur le coulincnl , publiant de la même ma-
nière tout ce qui leur paraissait digne d'intérêt. Paris, ses monumens
et ses environ»; les bords de la Seine, Bouen , le Havre, etc., ont été
dessinés et gravés par des anglais, avec la même perfection qu'ils avaient
mise à reproduire leurs monumens nationaux; enfin, ils ont aussi ex-
ploré l'Italie, et les ruines de Pompeiont fait l'objet d'uue des plus jo-
lies collcctioiis gravées qui oxistcnt. — Cette invasion de notre territoire,
par les artistes étrangers, a réveillé le génie des nôtres. Une grande entre-
prise a été faite ; des hommes de talent se sont réunis, et c'est à leur asso-
ciation que nous devons la description dts Monumens del'ancîenne Fran-
ce, publiée par Eagelmannf rères, l'un des premiers ouvrages où la litho-
graphie ait révélé sa puissance; mais cette collection , formée sur une
très-grande échelle, peut inspirer quelque inquiétude pour l'avenir. Déjà
il a paru plus de trente livraisons, et la Normandie n'est pas encore
épuisée; on voit aisément où cela peut conduire les éditeurs et les sous-
cripteurs.— M. Cliapuy s'est renfermé dans des limites plus étroites, sou»
le rapport des dimensions et du but qu'il s'est proposé. Ce ue sont
pas tous les monumens de l'ancienne France, mais seulement les cathé-
drales qu'il entreprend de publier; e! ce cercle renfermecocore un grand
nombre dédifices très-insiéressans. Il a , d'ailleurs , écarté le hue de
l'iu fulio , adoptant le format in-4°, qui est trés-vonvenable, et que les
Aai;;liiis n'ont jamais dépassé dans les collections dofît je viens de parler.
— Lfs deux livraisons qui ont déjà paru donnent une idée favorable de
cette entreprise. M. Chapuy manie le crayon lithographique avec fines-
se, et i! choisit bien ses vues ; on voit qu'il est consciencieux, et qu'il n'a
rien voulu négliger de ce qui pouvait faire connaître suffisamment le
monument qu'il publie. Ce sont des élémcns de succès. Il faut, toute-
fois, <]u'il se mette en garde contre une certaine mollesse qui, à la vé-
rité, peut provenir de la manière dont les planches sont imprimées.
Dans ce cas, le reproche s'adresserait à l'imprimeur; mais c'est bien cer-
tainement à M. Chapuy, lui-même, que je dois témoigner le regret
qu'il n'ait pas donné un pian de Kolre-Dame , seul moyen de bien
connaître les monumens de cette nature. Ce plan, d'ailleurs, se trouve
dans plusieurs anciens recueils; il ne lui restait donc qu'à le faire co-
pier et réduire : dès-lors c'esl une chose rép.Tiablc Le texte joint aux
LITRES FRAISÇAIS. 4o5
l'IariLlies est puisé aux meilleures sources, et coDlient tout ee qu'il est
important de savoir; on y trouvera même des détails peu connus , et
qui cependant excitent l'intérêt , à plusieurs titres. L'auteur rap-
porte, par exemple, que l'on conserve dans le trésor de Notre-Dame,
une escourgette en chaînes de fer, avec laquelle Saint-Louis se faisait
ilonner la disciplioe , tous les vendredis, par son confesseur. Certes,
les tems sont bien difiPérens; on ne se fait plus donner et on ne se
donne même plus la discipline, mais ce ne sont pas seulement les mœurs
qui ont changé , le monument qui contient ce singulier iuslrument a
éprouvé lui-même bien des altérations.
188. — A liumreUgieux, ou description des églises du diocèse de Paris,
représentant le monument et l'image de lewr patron. Paris, iSîù; Noël
et comp., artistes éditeurs, rue des Deux-Portes, n» 7. Le prix de cha-
que livraison, format grand 10-4", est de j f. sur beau papier, et 5 f. sur
papier de Chine.
Le prospectus que nous avons sous les yeux ne fait pas connaître le
nombre de Irx'raisons dont cet ouvrage sera composé; il en a déjà paru
cinq, qui contiennent la vue principale des églises de Notre-Dame,
Sainte-Geneviève, Saint-Roch, de l'église royale de Saint-Denis; la faça-
de, au trait seulement, de l'église de Saint -Louis et Saint -Paul, en-
fin, une vue terminée de la Sainte-Chapelle, monument très-élégant
élevé par Saint-Louis. Chaque livraison contient, en outre, l'image du
patron auquel l'église représentée est dédiée , et deux notices histori-
ques, l'une sur le saint, et l'autre sur le monument. A l'exception de
Saint Louis, dont les traits sont connus d'une manière authentique, tous
les autres saints sont des ligures auxquelles l'artiste a donné les caractè-
res consacrés par l'usage ou pris dans les traits les plus saillans de leur
vie. Ainsi, Saint-Roch est en habit de pèlerin; Sainte-Geneviève, ou-
bliant sa quenouille et les moutons confiés à ses soins, lève vers le ciel des
regards extatiques; et Saint-Denis, dont on ne connaît, au juste, ni le
lems où il vivait, ni le lems où il est mort, est représenté en^habils pon-
tificaux avec un glaive à ses pieds, ce qui veut dire, sans dout(;, qu'il
eut la tête tranchée. Au reste, plusieurs de ces figures sont composées
avec goût et exécutées avec habileté. — L'écrivain qui a rédigé les notices
historiques sur les saints a eu le bon esprit de reconnaître qu'il était im-
possible de reproduire, aujourd'hui, toutes les fables contenues dans la
légende; il y a une sorte de pudeur et même d'esprit de criticjue dans
la manière dont ces ni;tices sont écrites. — I^a partie la plus inté-
ressante de cette collection, ce sont les vues des églises. Chez tous le»
4o6 LIVRES FRANÇAIS.
peuples, à toutes les époques, les temples élevés à la Divinité ont été
l'objt t d(s so^n^^ les plus assidus. Ce sont aussi les inonumens les plus re-
luarquabies, et, dans beaucoup de pays dilFérens. ils ont survécu a la
croyance qui les avait élevés. — Il existe à Paris, et dans l'étendue du
diocèse, une foule d'églises intéressantes sous le rapport de l'architec-
ture, et les planches destinées à en reproduire l'aspect principal, ne
j)euvent manquer jd'èlre recherchée'*; elles sont, d'ailleurs, faites par
des hommes de talent , tels que MM. Fragonard, Arnout, Collin et Re-
nou. Ce n'est pas , au reste, un ouvrage destiné à erre étudié par les ar-
chitectes; pour eux, il faut que le compas , l'équerrc et la règle inter-
viennent : ce sont des vues pittoicsques par lesquelles on se propose de
donner une idée juste de l'aspect de chaque monument. Ce but étant
très-bien rempli, dans son ensemble, je ne m'engagerai pas dans une
critique de détails, qui serait sans objet. P. A.
ib'g. — Les principes de lu musique, arrangés à l'usage de la jeunesse,
parZ,. CoRBET aîné. Vingt-quatre petits tableaux, avec vignettes lilho-
graphiécs , sur caries vélin, représeniaut des personnages jouant les di-
vers instrumtns de musique, (en un étui). Paris, iXaJ; lithographie de
^lacairc ; l'auteur, rue des Fossés-Sain l-Germain-des-Prés , n. 17, près
l'Odéon. Prix , 10 fr.
M. Corret a voulu , en publiant ses tableaux , engager les jeunes gens,
par l'at Irait des gravures, à reposer leur attention sur les premier» prin-
cipes de la musique, malheureusement trop négligés. Ainsi , chaque
carte ou tableau présente, à la faveur de sa vignette, l'explication claire
et simplifiée d'un des élémens de la science musicale. Les Principes de
musique sont très-.susceptibles d'être offerts en cadeau ^ leur utilité doit
les recommander comme objets d'étrennes. Du reste, quoique arrangés
plus spécialement pour les enfans , ils ne peuvent qu'être utiles à Icutes
les personnes qui désirent apprendre la musique. A. J.
190. — Manuel du Bi{)liopliitc,oa Traité du choix des livres, contenant
des developpemens sur ia nature des ouvrages les plus propres à former
une collection précieuse, et particulièrement sur les chefs- d'oeuvre de la
littérature sacrée, grecque, latine, française, étrangère; avec les juge -
mens qu'en ont portés les plus célèbres critiques; une indication des mor-
ceaux les plus saillans de ces chefs-d'œuvre; la liste raisonnée des édi-
tions les plus belles et les plus correctes des principaux auteurs anciens
et modernes, avec les prix; la manière de disposer une bibliothèque, de
préserver les livres de toute avarie, avec des détaik sur leurs formats, sur
les différcos genres de reliures, etc., et une ample tabl,e des matières.
LIVREIS FRANÇAIS. 407
Par Gatvicl Peignot, inspecteur de l'Académie royale de Dijon. Dijon,
1823; Vicloi- Lagiei; Paiii, Renouard. Deux vol. in 8° de 470 et de 49a
j).; prix, en papier ordinaire, 12!'., papier fln, i4 f-
Ce nouvel ouvrage de M. Peignot, Tun de nos plus laborieux biblio-
graphes, se recommande principalement par son ulllilé, ainsi que la plu-
part des productions de son auteur. Les developpemcns du titre présen-
tent l'analyse de l'ouvrage et donnent l'indication de ce qu'il renferme.
Une de> pai tics les plus curieuses de ce recueil est la seconde, quia pour
litre: De la prédilection particulière que les hommes céièbres de tous
les tems oui eue pour certains ouvrages, et surtout pour les chel's-d'œu-
vres littéraires. En apprenant vers quelles lectures favorites^le goût des
divers hommes célèbres s'est porté plus particulièrement, on apprécie
le livre par le lecteur, et le lecteur par le livre; cette manière d'étu-
dier les hommes peut donner lieu à des observations à la fois piquantes
et justes. Celte partie de l'ouvrage de M. Peignot gagnerait à être moins
longue, et surtout plus méthodique et moins chargée de digres>ions. La
partie principale du Manuel du BibUophile est la quatrième; l'auteur a
eu l'intention , dit-il, d'y renfermer l'indication sommaire des éditions
les plus correctes et les plus belles des meilleuis ouvrages de la littéra-
ture sacrée, grecque, latine, française et étrangère. Au milieu d'un
grand nombre de renscignemens, dont l'utilité est incontestable, on doit
regretter plusieurs omis.-«ions importantes, suitouten ce qui concerne les
auteurs modernes. Ces omissions se remarquent d'autant plus, que M.
Peignot a beaucoup cité quelques auteurs contemporains, choisis pres-
que exclusivement dans un parti qui n'aime, cependant, ni les livres, ni
les lumières, et qui, loin de regarder l'ignorance comme un mal, ne
connaît pas de plus grand danger pour le genre humain que l'instruction
des peuples. Ainsi, M. Peignot cite perpétuellement, sur les sciences
murales et politiques, MM. de Bonald et de Maistrt- ; mais il ne nomme
pas une seule fois M""' de Staël, ni MM. Guizol, Benjamin Constant, de
Pradt, Lullin de Châleauvieux. Il range parmi les historiens MM. Ber-
trandt de Molleville, et Charles Lacretelle; mais il omet M. de Sismou-
diet M. Daru. Parmi les poètes vivans, dont, dit-il, les travaux poétiques
se sont fait remarquer, il place avec raison M. de La Martine et M. Hu-
go, mais il oublie à tort MM. Lebrun etVleunel; il est surtout inexcusable
d'avoir passé sous silence le poète brillant et national qui a chanté tesMes-
sénicnncs, et qui, bien jeune encore, a écrit déjà tant de beaux vers. En-
tin, M. Peignot n'est entré dans aucun déluil sur la littérature dramati-
que moderne, et n'a pas donné place, dans son mémorial bibliographique,
aux noms de MM. Picard , Andiieux, Élienue, Alexandre Duval, Le-
4< 8 LIVRES FRANÇAIS.
mercier. Ces omissions dépareat d'uulant plus l'ouvrage de M, Pei^iiot,
qu'elles preunent les apparences d'une parlialilé qui s'aeeorde mal avec
le ton toujours décent el modéré de son livre, et avec le désir sincère
d'être utile, dont il se montre constamment animé. C. H.
A'. B. On ne peut attribuer qu'à l;i même partialité, l'omission re-
marquable et volontaire de l'auteur, qui, dans sa quatrième partie, con-
tenant un Mémorial hiUiographiquc , fait une longue mention de plu-
sieurs oavrage-i périodiques estimables, et se borne à citer, dans une
ligne, tombée de sa plume, comme par hasard, la Revue Encyiiofèdi-
^fiie, fondée le i" janvier 1819, sans lui accorder aucun article spécial,
-ni une annonce de quelque étendue, que pouvait mériter un recueil
plus apprécié dans les pays étrangers qu'en France, et auquel un hi-
Hiopliite aussi zélé que M. Peignot aurait dû rendre ju^tice , s'il n'é-
lait dominé par c ertaines préventions contre tout ce qui paraît avoir une
Il ndauce pLilosopbique.
Mémoires et Rapports de Sociétés savantes et d'utilité publique.
'9' (')• — Société éHlù/ue protestante de Paris. — Quutriémt rapporl
unnuci, du t(i avril 1823. l'aris , i825; imprimerie de Smitb. Lnvol.
in-S" de VIII et 206 pages.
192. — BuHetins deiaSocicté itiblique proteslante'de Paris. Deuxièinf
année, n°' iS-i/, mai-septembre, 1823. Paris, 1823 ; même imprimerie.
Cinq cahiers formant 99 pages ( 195-272).
Parmi les institutions bienfaisantes qui honorent !e commencement
du dix-neuvième siècle , peu se sont propagées avec plus de rapidité que
rinslitution biblique. C'est en Angleterre qu'elle a jiris niii-sance, il y
a dix-neuf ans. Le zèle de ses fondateurs el la généiosité de ses nom-
breux associés, lui ont procuré des relations étendnes, des ressources
abondantes et d'honorables succès sur tous les points du globe. Elle s'est
toujours proposé pour unique but, de répandre les érrituns saintes, et
jamais elle ne l'a perdu de vue, même pour contribuer à des actes pbi-
lanlropiques ou chiétiens d'une nature analogue. Les membres' de
l'institution biblique se sont refusés, par ce motif, à coopérer à la dis-
tribution des Traités chrétiens par la voie de leur association , tout en y
prenant part comme individus. On trouve, dans le 1 apport de M. de Staël,
l'un des secrétaires de la société , un tableau complet , fort intéressant ,
des progrès de l'Institution biblique , dans les divei>es contrées où elle a
fait ressentir sa bienfaisante influence. La Grande-Bretagne est la pre-
mière sur la liste; c'e^t là qu'existe la Soeiété-iWèie , connue sou> le
l.l\RES FRANÇAIS. 4ofj
nom de Société tibiique itrilannique et étrangère. Klle correspond avec
j:«9 société» auxiliaii-ea, établies dans les possessions anglaises de»
(juatrc pallies du monde, et disiribue annuellement pins de 2.5o,ooo Bi-
bles ou Nciuveaux-Testaniens. Après l'Anglelerre, tous les états chrétien»
de l'Europe sont passés en revue par M. de Staël; en Autriche, en Italie,
en Espagne, en Portugal, il ne trouve aucune trace d'association bibli-
que; mais il t ite avec éloges les sociétés d'Amsterdam , de Bàle (la })lus
ancienne du continent), celIcN de Lausanne, de Marbourg , etc., enlin
celle de Russie, qui a déjà publié i lo éditions des Ecritures, formant
557,000 exemplaii* s , en i^6 langues diirércnles. Le zélé qui anime les
chrétiens d'Europe piur la propagation des livres saints s'étend au-delà
des mers. On compte aux lltats Unis , outre la Société principale de
]Nev\'-York , '47 sociétés auxiliaires. Enlin, grâce aux soins de la Société
de Londres, la Bible <st tiaduite dans presque toutes les langues con-
nues, et pénètre chez les tribus les plus reculées, M. de Staël , pour don-
ner une idée de la charité universelle et infatigable de l'Inslilulion bi-
blique , mentionne, dans sa vaste éoumération , les pcu|)les de l'Océa-
nie. >■ A peine , dit-il, quelquci-unes de ce» îles nous sont connues par
K- récit de:. \oy;!geuis, et déjà les amis de la Bible les ont embrassés dans
leur zèle sans bornes. « On peut citer comme des faits curieux, la tra-
duction de la Bible en langue chinoise (Toy. ci-dessus, pag. 217), en
langue groenlaudaise , en langue chippawa, usitée chez quelques peu-
plades de l'Amérique du nord , en langue arowacks, que parlent les In-
diens dans les l'orêls de la Guyane ; enfin , une version des quatre évan-
giles vient d'être imprimée aux îles de la Société, daas la langue des
naturels du pays, et l'évangile selon Saint Jean a été traduit et circule a
Otahiti. — Si nous suivons en Fiai.ce iVl. de Staël; nous remarquons à Pa-
ris une Siiciété biblique non moins active que ses émules. Il y a peu d'an-
nées qu'elle existe , mais elle n'a rien omis pour atteindre son but. Elle
compte aujourd'hui 120 sociétés auxiliaires ou associations bibliques,
établies parmi la population protestante de la France, avec lesquelles
elle entrelient des relations suivies. Los plus importantes sont celles de
Monibéliard, Strasbourg, La Rochelle, Bordeaux ^ Montauban , Is'imcs,
Lyon , etc. Dans l'année qui vient de s'écouler, elle a distribué 4^627 Bi-
bles et 5,196 Nouveaux-Testamens; des commissaires, choisis dans son
sein , ont donné et continuent à donner tous leurs soins à une nouvel le
édition de la Bible, version d'Osterwald; enfin , elle a proposé un prix,
oftert par un anonyme , au meilleur mémoire sur l'esprit , le iut, et l.'u-
tUilù de {'institution IfiMiquc, pr'tJi qu'elle a accordé à M. G. de Fklice,
de Lille , petit- fils du célèbre de Félice , éditeur de l'Encyclopédie d'Y-
4'o LIVRES FRANÇAIS.
verduD. Si l'on compare It-s travaux de la Société biblique de Paris aux
faibles ressources que lui offie la population protestante, si peu considé-
rable en France, on appréciera mieux encore les utiles travaux de ses
uicmbres. Outre l'excclleot Rapport dans lequel nous avons puisé ces
<!élails , on lit encore avec intéiét, dans le volume que nous annonçons,
YÉloged'Owtn, par M. Lafon de Ladébat, écrit dont nous avons déjà
fait mcDlion (Voy. T. XIX, pag. 691;. Les autres pièces contiennent
des rcnseigncmens sur l'administration des fonds de la Société, etc. —
Le BulUlin mensuel renferme beaucoup de fjiis curieux, extraits d'une
correspondance fort étendue , et qià appartiennent à ^hi^loire des insti-
tutions bibliques.
19^ D-— Société pliilantropiquc — Rapports et comptes rendus pour
Vannée 1822, lus dans l'assemblée générale du 11 juillet iS23; Paris,
1825; M. Baron , commissaire de la Soi iété , rue des Petils-Awguslins,
n" 20; prix, 1 fr. 5o c. , au profit de l'établissement.
Aa nombre des sociétés de bienfaisance établies à Paris, nous devons
citer, comme une des plus utiles et des plus recommandables, la Société
phiiantropiquc , [imdèe en 1798 (an viu) , et qui, depuis vingt-cinq ans,
n'a pa.-. cessé de remplir sa noble tâche avec un zèle généreux et éclairé.
A l'époque de sa fondation, il n'existait que peu d'élablissemens de bien-
faisance, et leurs moyens étaient bornés; les premiers sou'^cripteurs se
réunirent aux diverses hociétés déjà connues, entre autres, aux membres
de l'ancienne Société pliiiantropique, a ceux de la Société de bienfai-
sance judiciaire , etc. Leur but était de suppléer aux soulagemens déjà
procurés aux indigcns par le gouvernement, et par le moyen des bureaux
de charité. Ils s'étaient proposé de former, tour-à-tour, et suivant que
leurs ressources pécuniaires le permettraient, diverses institutions pour
venir au secoure des indigens et des classes inférieures de la Société.
Ainsi, ils ne s'occupèrent d'abord que de distribuer des soupes économi-
ques-, et dans les lems de disette, cette simple distribution contribua
beaucoup à dimunuer la misère du peuple. Plus lard, la même Société
fonda des dispensaires , oîi les malades reçurent gratuitement des soins
et des médicamens. A une époque où le gouvernement n'avait point
encore établi d'école pour les enfans pauvres, elle fit quelques ten-
tatives pour satisfaire à ce besoin. Un autre bienfait de la même so-
ciété, bienfait qui doit avoir une grande inlluence sur les moeurs et
le bien-être de la classe ouvrière, est l'encoiirugement accordé aux
Sociétés de prévoyance que forment les ouvriers des différens métiers.
Un grand nombre de citoyens, parmi lesquels on remarque beaucoup
de pairs de France, d'hommes de lettres, de banquiers, de négocians,
LIVRES FRANÇAIS. 4"
connus p^r leur rang dans le rcondc , par leurs talens ou k-ur foi tune,
composent celle Sociilé. Va comité de cinucanle inemhr-s, renouvelc
par tiers tous Us ans , et dont font partie le président, deux vicc-pré-
sidens, le jecrélaire , deux vicc-secrélain!;, et le trésorier, est chargé
de l'administration des fonds. Ces fonds proviennent d'abord des sous-
criptions (chaque membre devant souscrire au moins pour5o fr. par an);
ensuite, des dons et des legs faits à la Société. Nous ne pouvons nous em-
pêcher de citer ici M. Delessert , trésorier de la Société depuis plusieurs
années, et dont le désinléressemint e! la sa-c administration méritent
ia reconnaissance publique. - Pour donner à nos lecteurs les moyens
d'apprécier le bien fait par la Société philanlropiquc, nous allons mettre
sous leurs yeux divers détails empruntés aux intéressaos rapports lus dans
la séance du 1 1 juillet, par M. Delbusk, secrétaire actif et éclairé du co-
mité, par M. le docteur Rey, médecin du deuxième dispensaire, au
nom de ses confièrcs, et par M. Jacqoinut, commissaire pour l'examen
des comptes.— La distribution des soupes, établie dès l'origine, forme une
des parties les plus importantes des travaux de la Société. Depuis vingt-
cinq ans, 16,000,000 de rations de soupe ont été fournies gralnitement
aux indigens, ou vendues aux pcrsonues bienfaisantes, au prix de i sou
la ration. Dans une année de disette , il en a été distribué plus de deux
raillons , dont une partie, il est vrai , aux frais du gouvernement. Dan»
l'année qui vient de s'écouler (1822) , le nombre des rations de soupe,
sorties des trois fourneaux de la Société, a été de 82,8,--.-Six dispensai-
res sont établis dans différens quartiers de Paris ; à chacun d'eux sont at-
tachés un agent, un médecin et un chinngien ordinaires, et plusieurs
médecins et chirurgiens adjoints, tous choisis par la Faculté de médecine.
Depuis leur élablisssement, c'est-à-dire, depuis vingt ans, on y a soigné
oi.jSl malades, dont 20,895 ont été guéris. La proportion des morts
aux malades guéris a été de , à 4i. 2187 enfans y ont été vaccines.
Le zélé des médecins , qui ne s'est jamais ralenti , est allé cher-
cher et soigner les malades chez eux et jusque dans les quartiers les
plus r.tlrés de Paris. En i82i, le nombre des malades a excédé
de 5 10 celui de l'année précédente, et s'est élevé à 3,738.— Quant
aux sociétés de prévoyance, le comité , nommé pour s'occuper de ce
travail, a déjà établi des relations avecï 7 1 d'entre elles , dont li ont été
fondées dans l'année 1822. 11 leur a souvent fait accorder des secours,
et s'est eCTorcé, par ses conseils, de perfectionner leurs reglemens et leur
administration. Au Rapport que nous annonçons est joint u;i tableau de
ces sociétés indiquant leur but, qui est en général de fournir des secours
aux membres malades, et de procurer des pensions alimentaires aux
4i2 MVKES FRANÇAIS.
vieillards. Ce laMeau iloune encore le nombre des membres de cbaque
Société, l'éJdt des fonds en caisse, et d'autres détails. Ainsi, nous y
trouvons que le terme moyen de la cotisation mensuelle, dans ces di-
verses sociéies, est de i IV. 5o c. par lèle, et que les secours accordés à
un malade s'élèvent à i fr. 5o c. , quelquefois à ^ fr. par jour. iNous avons
calculé, d'après ce tableau , que 14,149 ouvriers et plus participent à la
mise de fonds de ces utiles institutions ; le total de leurs dons forme une
somme de 68o,56o francs, dans lesquels nous n'avons pu comprendre
les fonds non indiqués de quelques unes des sociétés. Le seul reproche
que leur adre,se le comité, est celui d'un excès de générosité, dont le
résultat est l'adopliop de règleraens conçus sur une base trop large , el
fendant à ruiner Ls sociétés, tout en soulageant quelques malade»
i.olés. ^ j
Lhres en langues étrangères, publiés en France.
193, —Conclones Grœcœ. — Harangues tirées des historiens grecs
texte grec, avec la traduction française en regard), par M. Longcevillb.
Paris, 1823; Aug. Dclalain. Deux vol. in- 12; prix, lafr.; sans le texte,
4 fr. 5o c.
L'élude des Lettres grecques a repris faveur parmi nous depuis plu-
sieurs années; et parmi le» ouvrages propres a encourager et à faciliter
celte étude à la jeunesse, on doit citer honorablement les travaux de M.
Longueville, savant infatigable et non moins modeste. Il vient de pu-
blier une nouvelle édition des Conciones Grœcœ. Le texte a été colla-
lionne et revu stir les ineilleures éditions critiques, et pour la partie
d'Hérodote, sur l'excellente édition donnée en 1816, par M. Schweig-
bœuser. Chaque discours est accompagné d'analyses, de nouveaux som-
maires bisioriques, et de notes grammaticales. Chaque partie, en outre,
c.t suivie de tables et d'un index des locutions grecques. Dans sa traduc-
tion française de ces discours, l'auteur s'est attaché à une exactitude
scrupuleuse, et presque littérale, qui pourtant nuit rarement a l'élégance.
La seconde partie, qui contient les harangues extraites des trois premiers
livres de Thucydide, offrait encore plus de difficultés. Le premier orateur
de Rome, l'un de ses plus grands hommes d'état, Cicéron a dit de Thu-
cydide : Ses harangues renferment tant de -pensées obscures et cnvelop-
fces, qu'on a de la peine à les comprendre. Tel est l'auteur dont M. Lon -
guevillc a \oulu faciliter la lecture et l'intelligence aux jeunes élèves de
nos écoles. Aussi, a-t-il multiplié les notes et les explications relatives au
teste grec. Chaque discours est précédé d'une analyse raisonnée, propre
a rendre plus sensible la liaison des idées, des raisonnemens , et les
LIVRES FRANÇAIS. 4 '5
moyens de l'arguinentation, parfois difficiles à saisir dans les discours de
cet historien. Ces analyses peuvent servir encore à l'éfudc de la compo-
sition oratoire, dont les harangues de Thucydide offrent des modèles ad
mirables. Ce nouveau travail de M. Longut-ville nous paraît donc de-
voir ajouter à sa réputation, comme éruditj et lui donner de nouveaux
titres à la reconnaissance de ceux qui s'inléres>pnt aux progrès des étu-
des fortes, et du goût de la lilléraiure grecque en France. Son ouvrage
est digne d'obtenir les suffrages du conseil de l'instruction publique, et
d'être mis au nombre des livres adoptés pour l'enseignement dans les
collèges. "•
^cf'fi'). — Publius J'trgilius Maro. Paris, 182'.; M. Malcpeyre, rue
Gît-le-Cœur, n» 4. Deux volumes grand in-S", papier vélin satiné; prix,
i4 francs.
Cet auteur fait suite à la nouvelle Coilcclion des Classiques latins^ pu-
blics par M. Malepeyre. L'éditeur, M. F. G. Pottier, dans sa préface,
examine l'édition de Ileyne sous ses différens rapports, et la juge avec
impartialité. Trois feuilles et demie de variantes, qui terminent le se-
cond volume , présentent une collalion exacte des quatre plus anciens
manucrils de Virgile, et cette collation a fourni à l'éditeur les moyens
de rétablir dans le texte un assez grand nombre de leçons, parmi les-
quelles nous en avons reconnu de liés heureuses, et qui permettent de
regarder celte édition comme nouvelle. Z.
t^o.— F crzeichniss dcr chinesisclien , etc.— Catalogue des livres et
des manuscrits chinois et mandchous de la bibliothèque royale de Ber-
lin, avec un traité sur la langue et l'écriture des Oïgours; par M. Jules
Klapboth. Paris, 1822; Schubart et Doniley-Dupré. Un vol. in-folio.
igg^'j. — Asiafoly()lotta, \oaiulius Klapboth. Paris, iSaô; Schu-
bart. Un vol. io-4° de 442 pages, avec un atlas polyglotte in-lblio; im-
primerie d'Éberhard : prix , 48 fr.
Les savans disaient encore , dans le xviii» siècle , qu'il y a sur la terre
quatre langues-mères et soixante-douze idiomes. La linguistique., ou la
science générale des langues, s'est formée assez nouvellement, elle
Milliridates d'Adelung, continué par M. Vater (en allemand, 4 vol.
in-S") , nous a appris, depuis peu d'années, qu'il a existé parmi les
hommes plus de deux raille idiomes , et que ces idiomes , plus éloignés
par les tems et par les situations géographiques, ont plus o.i moins de
mots communs, qui ne doivent ritn à l'imitation des sons naturels. Les
recherches de M. Abel Remusat sur les langue» tatares, et deux nou-
veaux ouvrages de M. Klaproth ont encore éclairci, étendu nos connais-
*unres sur lis langues du nord de l'Asie. Des reclieiehes comprises dans
4ii LIVRES FRANÇAIS.
cci. deus ouvrages, contenant les plus riches répertoires de mots sem-
blables des diverses langues asiatiques , ii résulte: i" que toutes les
langues de l'Kurope sont originaires de l'Asie , et qu'elles viennent prin-
cipalement d'une antique langue mrfo-persanne ou indo germanique ,
eu un mot, du samskrit ; 2" que toutes ou presque toutes les langues de
l'Afiique viennent principalement de l'arabe , dont l'hébreu , etc., sont
des idiomes. Ce qu'on découvre tous les jours sur ce sujet si vaste et si
important, contribue à vérifier les propositions générales qui viennent
d'être énoncées. L'étude plus approfondie des langues étrangères nous
fait dé( ouvrir le véritable sens des mots de nos langues européennes , et
nous met sur la voie pour tracer les origines douteuses eu inconnues des
différentes nations. 11 est démontré désormais, surtout par les langues,
que les homme* ont eu un premier berceau commun , et qu'ils ne sont
pas venus comme l'herbe dans les îles et sur les continens. Voltaire ne
voudrait plus hasarder maintenant un tel paradoxe. — M. Klaprolh s'est
attaché a la seule comparaison des mots semblables.'Cet te méthode abrégé
le travail, mais, en elle-même, est sujette à l'erreur ; elle a besoin d'être
unie à l'élude approfondie des grammaires. Cependant, ce que nous
savons déjà de la structure du samskrit , par exemple, a paru confirmer
que le grec, l'allemand, le latin et le slave, sont pour la plus grande
partie provenu» de celte langue indo-persanne ou indo germanique.
Quoi qu'il en soit , les nombreux rapprochemens de mots que l'on doit
à l'auteur jettent beaucoup de lumières et sont du plus grand intérêt ;
mais il se livre à d'autres investigations. D'après ses vastes recherches, il
fixe, comme il est dit en la table suivante, le commencement des tems
hi^toriques chez les principales nations de l'Asie. — Époques du com-
mencement de l'insloire certaine che^ plusieurs peuples de l'Asie : — Chi-
nois, au ix-^ siècle avant J. C; — Japonais, au vu''; — Arméniens, au
ii« ; — Géorgiens , au m' ; — Arabes, au v siècle après J . C. ; — Per-
sans, au iir^ ; — Turcs , au xiv; — Mongoles, au xii= (mais leur langue
et leur ancienne littérature sont reconnues de beaucoup de siècles anté-
rieures à l'ère chrétienne; ; — Hindous , au sii« ; — Tibétans , au 1". —
Cela ne s'accorde guère avec les tables de ceux qui aiment à compter
par trente millions d'années, dans leurs chronologies vraiment fantasti-
ques.— L'auteur définit soigneusement ce que l'on doit entendre par les
Tartares, ou mieux Talars. Il reconnaît, avec M. Remusat, que c'est
une nation mongole. Il explique en détail les différentes branches de la
famille des Turcs. Il en sépare les habilans de la grande et de la petite
Boukarie; il prouve que leur langue est une branche du persan, d'où il
conclut qu'ils sont de rate persaane. L'auteur termine son in-4° par
LIVRES FRANÇAIS. 4i5
une T'ie de Boudha, prince du Bahar, auteur de la religion des Bou-
dhistcs; et cette vie, qui est une pauvre légende traduite du mongole,
offre néanmoins un écrit fort curieux à beaucoup d'égards : elle est en-
richie de notes de l'éditeur. Quant à l'atlas polyglotte in- folio, c'est un
recueil do vocabulaires comparatifs qui se trouvent ici plus riches et ap-
pliqués à plus de dialectes qu'ils ne le sont danl rin-4''. A la fin de cet
allas est une carte géographique et linguistique des langues de l'Asie;
elle est fort instructive. Lasjuinais, de l'Institut.
'97(*)* — Antologia itullana , etc. — Anthologie italienne, par le
chevalier F. Brancia. Paris, 182 ; L. Dufart , Bossangc père , etc. Deus
Vol. in-S» ; [irix, 8 fr.
M. Brancia, persuadé que la lecture des grands modèles est le meil-
leur traité de l'art d'écrire , a entrepris de nous donner un recueil des
morceaux les plus saillans de la littérature italienne, d'après le plan de
MM. Koël et de la Place, qui en ont fait de même pour les littératures
française et latine modernes. L'Italie, selon M. Brancia , n'avait pas en-
core eu jusqu'ici un bon recueil analytique, malgré le grand nombre de
compositions de ce genre qu'elle pouvait citer. Il en attribue la faute au
peu de soins que les Italiens semblent donner à la première instruction
de la jeunesse. Selon lui, l'Italie ne possède que la Grammaire du P.
Suave et celle de M. Biagioli, et l'Essai sur les synonymes de la langue
italienne, de M. Grassi. Quand même il eût rappelé la Grammaire de
l'abbé Muro, rédigée à peu près suivant les mêmes principes, le Diction-
naire des synonymes, Rabbi, et celui de l'abbé i\omani, qui comprend
l'explication de 4^000 mots, et dont l'institut Lombard-Vénitien a déjà
rendu compte (Voy. liev. Eue. T. XII, p. 5j2), i! ne serait pas moins
vrai qu'en général les Italiens s'occupent plutôt de la paitie positive it
critique, que de la partie logique et raisonnée des grammaires, des
dictionnaires et des rhétoriques. Animé de l'esprit philosophique qui
dirige , chez les nations les plus civilisées, cette partie élémentaire de
rinslri'.ction publique, M. Brancia présente aux Italiens et aux étran-
gers un choix de morceaux de pi;ésie italienne , qu'il regarda comme
classiques. Il adopte à peu près les divisions et l'ordre de MM. Noè'l et
de la Place, savoir, narrations, tnùteuuoo , descriptions, difinilions,
atlcgorics, fahtcs, "piiilcsofhie morale, caraclircs et portraits, discours^
dialogues , égioQues , élégies, pocsits lyriques. On trouve, parmi les
narrations, des chants presque entiers de l'Arioslc et du Tasse, ce qui
pourrait déplaire à ceux qui ne s'attendaient à trouver dans ce recueil
que des récits plus ou moins rapides , et non des épisodes aussi longs ,
ou plutôt des épopéis, qui renferment toutes sortes de figures, de sly-
4i6 LIVRES FRANÇAIS.
les et d'exemples. Mais celte réflexion ne diminue pas le raérile de ces
morceaux, ni celui du critique qui les a choisis. On pourrait plutôt lui
reprocher, après avoir ajouté à ses divisions, l'églogue et l'élégie, ainsi
que le dylhirambe et d'autres espèces de poésie lyrique, de ne pas avoir
donné des exemples de genres non moins distingués , tels que les v'enres
satirique, comique, liércï-comique, épislolaire, etc., qui nous auraient
cejandant paru mériter quelque attention. Kous craignons que les étran-
gers, ne trouvant dans le recueil de M. Brancia aucun exemple de ces
divers genres de poésie, ne pensent que les muses italiennes n'en offient
point. Il y a peut être aussi plus de ricbesst- et de variété dans les Leçons
françaises de I\IM. Noël cl de Laplace , que dans l'Anthologie de M.
Brancia. Mais, dans un pareil choix , tout dépend de la manière devoir
de celui qui le fait. Il ne faut pas confondre l'éditeur d'un recueil de
poé>ies avec l'historien d'une littérature: le premier est bien libre de
choisir ce qui lui semble le mieux convenir à son plan ou à ses intérêts;
l'autre doit rendre compte de tout ce qui peut caractériser une époque
liltéraire. Qu'on ne croie donc pas que la muse italienne soit moins ri-
che que la musc franc;iise. iNous pensons, au contraire, que MM. Noël
et de Laplace, qui s'élaienl proposés de donner un recueil de poésies
italiennes, pourraieul bien exécuter leur projet, sans rien emprunter à
celui de M. Brancia. Cette concurrence serait utile; elle serviiait à
faire mieux apprécier la littérature italienne et le goût des critiques, qui
s'étudient à la faire connaître. Il faut cependant savoir gré à M. Brancia
d'avoir choi-i les exemples les plus propres à inspirer a la jeunesse le goût
le plus sûr et la morale la plus sévère. Afin d'éviter de blesser ses jeunes
lecteurs, il n'a pas hésité même .i dénaturer quelquefois les passages les
plus inléress.ins de l'Arioste et du Dante, et par conséquent à diminuer
leur mérite par ses corrections. Ainsi, dans cette confession naïve que
Franccsca de Rimini fait au Daute , M. Brancia substitue destra à iocca,
».c qui dénature entièrement ce beau vers:
La bocca mi bacià tittto tremaiitt-.
que le poète avait si bien préparé par ces deux vers précédens:
F.oi che hggtnano il diziato sico,
Esser baciato da cotanto amante , etc.
Quelques corrections semblables se trouvent dans Us morceaux de l'A-
rioste. On sait la peine que se donnèrent Salviati pour corriger Boccace,
et d'autres pour convertir Pétrarque et le faire paraître en habit de péni-
LIVRES FKANÇAIS. 4,^
lent. M. B. fsl bien loin de suivre l'exemple de ces corrupteurs; il a
voulu pourvoir, par de légères modifications, aux mœurs des jeunes
«ens, ce qui fait honneur à sa moralité. jNous pensons, néanmoins,
qu'il aurait mieux fait de supprimer les passages qui lui paraissaient
dangereux, et d'en substituer d'autres plus convenables à son but. L'in-
térêt que nous a inspiré l'utile recueil de M. B., nous a dicté les obser-
vations que nous venons d'indiquer, et nous fait faire des vœux pour
qu'il poursuive la même carrière , et nous donne aussi un chois pareil de
morceaux de prose italienne. §
'98 (*). — Traduction en grec moderne des Délits et des Peines, par
Beccaria. Seconde édition , corrigée et augmentée, avec des noies et
des renvois, une fable des chapitres et une table alphabéliquc. Paris,
1825 ; Firmin Didot. Un vol. in-S» d'environ 5oo pag. ; prix, 8 f. et 9 5o c.
Cette traduction, avec les notes de son auteur, le célèbre Coray, avait
paru en 1-S02. Très-augmentée et améliorée, dans cette seconde édition,
elle ne peut manquer d'avoir un grand et important succès, au moment
où la Grèce chrétienne, opprimée par les barbares et cruels sect:.iies de
Mahomet, délaissée, contrariée même dans sa noble entreprise par tous
ses co-religionnaircs, paraît devoir rester définitivement libre et triom-
phante, j
T. XX.— Novembre iSa'/.
,(,^V««%«VW%M/t%VVVVVVVVVVVVM/VVVVVVVVV%VVVVVVVVt«V\VVVM'VV«VVVVVVVVVVVVV\fV\VWV
IV. NOUVELLES SCIENTIFIQUES
ET LITTÉRAIRES.
AiMÉRIQUE.
États-Ukis. — Nbw-Yobk. — Mécanique. — Transport de maison.
— Dans le but d'agrandir et de régulariser une des rues de la ville de
Kew-York (Maidenlanc), il fallait qu'une des maisons de cette rue fût
ou démolie, ou portée de 21 pieds et demi en arrière. Cette maisoD a
trois étages , 25 pieds de face et 45 de profondeur ; elle est couverte en
ardoise, et d'une valeur assez considérable. Le projet de la transporter
a été conçu par M. Sim'^on Broy\n , qui a déjà réussi précédemment à
charrier une vingtaine de bâtimens construits en partie en briques ,
plusieurs fois sans déranger aucunement les habilans des maisons, dï
même exiger qu'on en ôtât les meubles. Celle dont il est questiou ,
construite entièrement en briques , et dont le poids était d'en?iroD
55o tonnes (7,000 quintaux ) , a été transportée dans toute son inté-
grité, les cheminées, fenêtres, portes, demeurant en place, sans le
moindre dommage. On commença par l'établir sur les cadres destinés
au transport , et , le 5 juin , elle fut mise en mouvement au moyen de
trois vis parallèles établies perpendiculairement au front de la maison ,
et dont chacune était mise ea action par deux ou trois hommes. Ce
qu'on avait considéré comme la partie la plus difficile de l'opération ,
avait élé la nécessité d'élever tout l'édifice d'environ deux pieds au-
dessus du niveau de ses fondations. On en vint à bout au moyen de
deux vis seulement, placées en dessous, et qui soulevèrent doucement
la maison tout entière , jusqu'au degré requis. Dans le courant de la
journée , on lui fit parcourir seize pieds, sans qu'il s'y fît de lézardes,
ni aucun dérangement quelconque; on a dû terminer l'opération le 4
au matin. On la considéra comme tellement sûre et à l'abri de tout
danger, que, pendant le transport, le propriétaire reçut chez lui en-
viron cent cinquante personnes, auxquelles il fit servir une fort belle
collation. La dépense occasionnée par eetle entreprise s'est élevée à
environ un cinquième de la valeur totale de l'édifice. (Philosophieal
Magazine. )
F.UROPE. 4")
N. B. Il faut conclure df ce récit que la construction des maison*
de New-York est aD3lo{,'ue à celle des maisons de Russie , où ces ma-
nœuvres de transport ^out employées depuis long-tems.
ELllOPK.
ILES BRITAiSNIQUES.
ÉcossB. — Di'NFKBi.iNB. — Industrie. — Filature. — M. Ilatton , de
c tte ville , a depuis plus d'un an dc\ix souris constamment employées
a filer du coton à coudre , au moyen d'une machine semblable aux mou-
lins qui sont établis dans les maisons de force, et que les malfaiteurs
font mouvoir en marchant (tread - mill). Chacun de ces petits animaux
lait par jour de cent à cent vingt liis; pour achever celte tache, il faut
qu'il parcoure environ troislieueset demie (lo millcsetdemij.Eri prenant
pour bases la quantité de fil fabriqué chaque jour par une souris, et les
fiais de son enlrelien qui se réduisent à un sou (ha{f-()enny ) pour cinq
semaines, on a calculé que chaque souris donne un bénéfice net de
7 francs lo sous (C shellings) par an. M. Ilatton se propose de louer un
vieil édifice de loo pieds de lonj» sur 5o de large et aulant de haut , dans
lequel on pourra renfermer jusqu'à dix mille moulins à ^ou^iï. Si cette
entreprise réussit, on évalue à Ô7,5oo fr. ( 2,.îoo I. st.) le bénéfice an-
nuel , net de tous frais et inlérêls , que pourra en retirer le propriétaire.
{Edinburgh Star.)
Londres. — Nouveau système d'enseignement pour i'ctudc des langues.
— M. Hamilton, Américain, a commencé un cours d'enseignement des
langues d'après une nouvelle méthode. Elle consiste a faire répéter à
haute voix, par les élèves de chaque classe, les phrases que le maître
vient de prononcer, ainsi que la traduction mot à mot. Le son des let-
tres et la construction graqimalieale des phrases sont intliqués dans
dis leçons imprimées que tiennent les élèves, afin de pouvoir suivre le
maître de l'œil et de l'oreille. Répétés par toutes les classes , l'un après
l'autre, ces mots, ainsi que leur prononciation et leurs combinaisons,
deviennent familières à des oreilles étrangères. M. Hamilton assure que,
d'apiés sa méthode, on peut acquérir une connaissance suffisante de
l'une des langues allemande, anglaise ou française, après quarante-huit
leçons d'une heure chacune. Avant d'accorder une foi entière à cette
assertion, il faut attendre que l'expérience l'ait confirmée.
— Institut des artisans. — 11 a été tenu, à la taverne de la Couronne
une assemblée dans laquelle on a décidé, à l'unaniniilé, qu'il serait fondé
j20 EUROPE.
'dans celte capitale un Institut des artisans. Cet cUiblisseoicnt jura [jour
objet de faciliter, aux individus de la classe ouvrière, les moyens de
s'instruire à moins de frais dans les principes des arts qu'ils pratiquent;
il contribuera en mùme teras à améliorer leur sort , et concourra sans
doute ans progrès des arts et des sciences daus ce pays.
— Socictc asiatiquo de la Grande-Bretagne et de l'Irlande. — Elec-
tion de plusieurs membres. — Cette Société vient d'admettre au nom-
lire de ses membres plusieurs princes étrangers et plusieurs savans; le
roi d'Oude, 5îgr. le duc d'Orléans, le raja de Tanjore, le baron Sylves-
tre de Sary, M. de Chézy. L. S B.
— Le Journal asiatique- de novembre contient trois articles remar-
quables : 1° Les textes du | hilosophe Confucius, qui annoncent le plus
claireraenl, dans le 6' siècle avant notre ère, qu'il faut attendre de l'Oc-
cident (par rapport à !a Cliine) un saiat, le saint gui doit venir enseigner
aux liomracs tous leurs devoirs et donner à la religion sa perfection.
Ces textes imporlans , déjà publiés par M. Abel Rerausat, sont ici en
caractères chinois' , avec une version anglaise et une version latine, qui
répond mot à mot à chaque caractèic chinois. 2° L'annonce d'un Traité
en anglais que le célèbie Moncthéiste, brahmane, rûm,a-^nohâna-raja
(en bengali Ramtnohun-Roy) , a publié à Calcutta, en 1S22, un traité prou-
vantledroit légitime de la veuve indouc d'ayoJr une part d'enfantdans la
succession de soa mari. Il réeulte de ce droit , bien établi par d'anciens
textes tirés du samskrif, i" que la tufcli-e fierpétiictle des femmes indoucs,
qui .ivail passé à lîome. ne nuit point à leur droit de propriété; ?■> que
les iodoues ne sont point et n'étaient point légalement tenues de se brùlei
pur le tombeau de leur unri , quoique différens zâilrah, ou livres d'au-
lorifé réputée divine, leur rec(jmraaudent ce suicide, comme une action
honnête, glorieuse et très-méritoire. 3° Le texte fort long d'un ordre
du conseil, nous dirions en France d'une ordonnance royale, qui ap-
porte de graves restrictions à la liberté de la presse dans l'Indoslan ;
outre ia patente devenue nécessaire pour imprimer^ l'obligation de
mettre sur chaque ouvrage le nom de l'imprimeur, et de faire don de
plusieurs exemplaires au gouvernement colonial, il est établi en loi,
pour celle immense colonie, que l'autorité peut (arbitrairement et sans
recours légal) défendre la circulation de tout écrit qui lui déplaît. Dans
cet oidre du conseil , nous ne trouvons point la gravure ni la lithogra-
phie. Elles n'ont point échappé, dans d'autres pays , à l'attention de
teus qui ont donné des lois sur la publicité des écrits. L.
— Poii-ie française. — Cba7isc-ns de Déranger. — Uu article plein de
»civ(( et dt talKn!, sur la poéiiu IVjnçïise, parut , il y a quelque tcms,
FT'ROPF.. 42Ï
tlans la Revue d'Ediiniourg. Quoique entache de queliiip" préjuj^és
anli-français, il rendait une justice éclatante aux poélii distingués d»;
notre époque, parmi lesquels il cite d'aljord Casimir de Lavigue, Bc-
ranger et de La Martine. Lcsciond, lo:t peu connu jusqu'alors en An-
gleterre, y est mainleaaiil à la mode. Trois journaux littéraires du mois
d'octobre donnent à la fois des notices sur lui et sur la nature de son
talent, et des extraits de ses chansons. Malheureusement, le choix n'en
est pas toujours judicieux. Par exemple, V Europeanmagazî.ne Aannç la
traduction de 5 ch.;n^ons des moins connues ; i" l'.-idieudc M arie S tuart;
2° le Commevcemcnt du voi/agc ; 5° Romance à Sophie , qui dcmandail
à l'auteur de coinpnscr un roman j 4° (es Oiseaux; 5" ma Republique,
Le génie de Béranger s'y fait reconnaître de loin en loin; mais il n'y
brille pas au nsême degré que dans ses autres compositions. Ce poète
ne supporte pas plus la traduction que La Fontaine; jilein d'à propos
et de saillies, il donne à chaque expression un lour neul'et piquant. 11
enrichit la langue, sans phrases amhiiicuses , sans néologisme, sans
blesser le goût délicat des Français. Quand il lui arrive d'être un peu
libre, c'est avec une g;:i(;té si franche et une folie si spirituelle, qu'il
déride le front du plus sévère censeur. Ce qui le fait aimer surtout ,
c'c.-'t son caractère noble, indépendant et bon, qui se peint dans ses
écrits. Sa poésie, si populaire en France, s'élève, dans de simple
chansons, à la \\a\.\\.QUt à'cdcs suitimcs , comme l'a dit Beiijamin Cons-
tant. Le meilleur article sur Bcrangcr est ceiui du Ncw-Montidy ma-
gazine, insGTC soui le tilra des Poi tes français viva7is . n" i. L'auteur
s'y montre juge éclairé de notre littérature , qu'il connaît cl qu'il ap-
précie souvent beaucoup mieux que œ le font en général ses compa-
triotes. Il est fort rare qu'un Anglais puisse s'identifier avec notre lan-
gue, au point de comprendre tout le charme des compositions vraiment
nationales de notre pays. Que d'allusions aux usages, au gouvernement ,
aux personnages du jour, perdus pour un étranger! Que d'esprit et de
talent dans la manière d'encadrer un mot ou une idée ! F.t cependant ,
voilà ce qu'a su sai-ir parfaitcmi'Ut l'auteur de l'article. Aussi, a-t-il
peint notre chansonnier sons des couleurs si vives et si vraies , que nous
ne pouvons que sympathiser avec lui, excepté en un seul pomt. Il ac-
cuse le poète français de tomber de la naïveté dans la trivialilè. Là , il
trahit son ctrangeté. Béranger a plus de bonhomie que de naïveté : il
n'est jamais trivial, car ses idées ne sont point communes , et il .-^e
sert fort rarement, je pourrais dire jamais, de mots iguobLs. Sa verve
satirique et en jouée l'entraîne quelquefois trop loin , mais ne le fait ja,-
roais d< scîndre ju-qu'à l.n grossièreté. La seule chanson citée est (s
422 FXROPE.
Vicvjc drapeau. J'eusse préféré : ie Roi d'ivclot; le Dieu des tonnes
gens; te Sénateur, etc. J'ai regrellé aussi que l'auteur de l'article n'eût
pas essayé de donner une Iraductioa de quelques-uns di- s»'s cbacts. Sa
manière de les sentir et de les ju'^çer me fait croire qu'il était appelé à
vaincre les obstacles qui s'opposent au succès de cette difficile entre-
prise. Le Montlilij magazine a voulu aussi contribuer à la gloire de Bc-
ranger , ou du moins à étendre sa réputaiion. L'auteur de l'article inséré
dans le cahier d'octobre professe une haute admiration pour son talent;
mais , à l'appui de son opinion , il cite deux couplets du Dieu des bonnes
gens, qu'il traduit de la manière la plus malheureuse. L. S. B.
— Art dramatique. — Costumes. — Par une étrange bizarrerie;, les
Anglais, si observateurs de la nature dans leurs tragédies, avaient jus-
qu'à présent négligé de compléter l'illusion théâtrale par la vérité des
costumes. Le rôle de Brutus se jouait en uniforme de colonel anglais;
au lieu de l'habit écossais et de la coite de mailles, Macbeth portail une
perruque et un habit galonné. Kemble réforma ce ridicule usage. 11 vint
à Paris, vit nos théâtres, où nous devons à Talma d'avoir introduit
l'exaclilude rigoureuse du costume; il se convainquit que l'auteur,
l'acteur et le public y gagneraient également. De retour en Angleterre, il
fit de grands efforts pour amener une réforme générale , mais il ne réus-
sit qu'en partie. On avait des costumes tout faits; il fallait en coraman-
dei de nouveaux sur des formes à peine connues. En conséquence, on
continua de suivre la même routine. Craignant, après la mort de Kem-
ble, que ce qu'il avait commencé ne s'achevât pas, des artistes ont
conçu le plan de publier un ouvrage sur les costumes dramatiques con-
venables dans chaque pièce, d'après les meilleures autorités. AL J. R.
Planché, éditeur, a fait choix, pour commencer, de la tragédie du
roi Jean. Une série de dessins lithographies représente les divers per-
sonnages dans leurs véritables costumes, tels qu'ils sont dépeints par l?s
écrivains contemporains dans les monumens, dans les anciens portraits,
etc. Peut-être est-il à craindre que les dessins ne soient trop petits : ils
n'ont que quatre pouces de hauteur.
— Beaux- Arts. — Gravure. Les membres de la Société chargés d'ad-
ministrer les fonds des artistes, ont formé le projet de publier des gra-
vures au profit de cette institution, fondée en 1810. La Société, com-
posée d'environ cent vingt à cent trente personnes, peut entreprendre
Ja vonle sans le secours des marchands; ce qui épargne le droit de com-
mission, qui diminuait beaucoup les bénéfices des artistes. M. John Pye
a conçu l'idée du plan, et la Société a nommé un comitc pour veill' r à
l'exécution. Phisieuis gravures paraîtront incessamment.
EUROPE. h'i'^
Nécrologie.— Le docteur Mathieu Baillic est mort dernièrement à sa
rampagne, près de Circncestcr, âgé d'environ 62 ans. Il était frère de la
célèbre Jeanne Baillie (auteur de plusieurs tragédies fort estimées en An-
gleterre) , et neveu du célèbre John William Hunier. Son ouvrage sur
l'Anatomic moriide du corps humain a eu plusieurs éditions, depuis
1795. 11 y ajouta un appendice, en 1798. Il publia, en 1799, une série de
gravures pour servir d'éclaircissemens à son Anatomie. Ses ouvrages, et
ta liaule réputation dont il jouissait comme médecin, lui procurèrent une
fortune considérable dont il usait noblement pour le soulagement des
malheureux, il contribuait à la rédaction de quelques journaux, et fit
insérer plusieurs mémoires dans les Transactions de la Socictc des pro-
grès ac ta science médicale et chirurgicale. L. Sw. Belloc.
RUSSIE.
Mojira-OvajLLs.—yoyage scientifique.— M. le sénateur Soïmonof et le
docteur Fuchs, professeur de médecine à l'Université de Casan, vien-
nent de faire, aux Monls-Ourals, un voyage qui sera aussi utile aux in-
térêts de la science qu'à ceux du gouvernement. Ces deux savans ont
visité les mines d'or qui ont été découvertes pendant ces trois dernières
années. Ils ont reconnu que les mines, situées à l'est de l'Oural, sont
très-riches et d'une exploitation facile. Ce métal s'y trouve sons la for-
me de grains d'or dans une terre glaise qu'on rencontre presque immé-
diatement sous le gazon. Des enfans suiEsent pour faire le lavage de cette
terre aurifère. On y a découvert des pierres précieuses, parmi lesquelles
une, qui ressemble au saphir, a reçu le nom de Soïmonite.
Saint-Pbtehsboubg. — Société patriotique des Dames. — En 18 12, plu-
«ieurs dames russei se réunirent, sous les auspices de l'impératrice Eli-
sabeth, pour soulager les malheureuses victimes de la guerre. Elles s'oc-
cupèrent d'abord de secourir les pauvres les plus nécessiteux. Les mala-
des et les infirmes furent placés dans des hôpitaux, où tous les soins leur
furent prodigués. On procura un abri à ceux qui en manquaient, et du
travail à ceux que l'on jugea capables d'exercer quelque profession; en-
fin, les orphelins furent recueillis dans des maisons d'éducation, et une
tendre sollicitude veilla sur leurs besoins. Cette réunion de Dames bien-
faisantes prit le nom de Société patriotique des Dames de SaintPêters-
iourg, et, pour se former un capital, résolut que chaque membre verse-
rait une somme de 200 rouble-s, par année, dans U caisse. Des dons de
plusieurs personnes gènéreu-es, entre autres ceux des membres de la
famille impériale, contribuèrent à donner à la S09 été patriotique le»
-M ELROPE.
moyens d'atteindre son nol.le but. Depuis 18.2, elle a employé à divers
objet, de bienfaisance une somme de 88o,i55 roubles (environ 880,000
francs; La Société a fondé un établissement d'éducation pour trente de-
moiselles aobies qui avaient perdu leurs parens, pendant la guerre de
1812. On y enseigne L rcliuion, la littérature, et l'histoire russes; la géi-
grapbe, l'histoire universelle, la langue et la littérature françaises; l'al-
lemand, le dessin, la danse, la musique instrumentale et le cbant 4'é-
gl.se, enfin, les espèces d'ouvrages faits à la main qui peuvent conve-
nu aux femmes. Plusieurs autres écoles ont été fondées par la Société
patriotique, dans différens quartiers de Pélersbourg, et sont ouvertes
aw Cilw pauvres. Enfin, des secours annuels et accidentels sont accor-
des aus familles ruinées, aux vieillards qui ont passé l'âge de 65 ans. a
des individus infirmes; des fonds M.nt envoyés dans dilTéreulcs villes
pour soulager les victimes de l'invasion.
-Pui,licatio7i prochaine.- M. Zani de Ferranti, Italien, qui h.ibite
Saint-Petersbourg, a ouvert, en septembre, une souscription pour la
publication des Méditations poéliques de M. de La Martine, traduites
en vers italiens. //^„„ , . . . ,
[Conservateur itnvartialA
POLOGNE. '
Travaiix fuilics. — Le gouvernement a entrepris de curer et de ren-
dre navigables les rivières de Pilica, du INiémen, de Kamiuka et de Ra-
doinka ; ,1 fait aussi raffermir les bords de la Vistuie, prés de Vinnicia ,
IffianovMce et Brzyscam , dans les districts de Sandomir et de Radom.
— Monument élevé à Cracovie, à la mémoire de Koscluszko, cnjuiUcl
1820. — Le monument qu'on élève à Ko«ciuszko, a Cracovie, est un
lerlre de 46 toises de diamètre à sa base, et de 20 toises de hauteur.
C'est, sans contredit, le pbs grand de tous ceux qui aient jamais été
faits de main d'hovr.mes. Pau<anias, dans sa description de l'ancienne
Grèce, liv. II, VI et IX, n'a point marqué les dimensions de ceux dont
il parle. Mais, nous savons par les recherches savantes de notre compa-
triote Edouard Raczynski , consignées dans son superbe ouvrage sur la
Turquie, que le tertre d'Ajax, sur le promontoire Rhetëe , ne mesure
que 100 toises de pourtour, et 6 toises d'élévation verticale (/oMr««^
d'un voijaçje en Turquie en 1S16, pag. ,22, édit. in-fol».) ce qui ne
fait pas même le tiers de celui de KosciusEko; et ceux qu'on voit jusqu'.i
présent dans les plaines immenses et désertes de l'Ukraine, et qu'on dit
être des tombeaux d'anciens rois scylhes , ne sont guère plus grands.
Cette manière antique de perpétuer la mémoire des grands hommes et
des grands événemcns , en donnant un sujet indestructible à la tradi-
tion du peuple, a paru d'autant plus propre en celtcciiconstance, qu'on
en avait déjà deux modèles remarquables, dont l'origine se perd dan?
ia nuit des tems. Le tcitre de fVanda, sur la gauche , et celui de Cro-
cus, sur la droite de la Vislule, vus à plusieurs railles par ceux qui s'ap-
prochent de Cracovie, rappelaient les commencemens de l'histoire du
pays et de la nation. Un troisième , élevé pour Koscinszko, complcltant
un triangle , liait le présent au passé. L'emplacement de ce tertre a été
très-heureusement choisi sur la butte, dite de la Dronislawn, située a
un quart de lieue , à l'ouest de la ville, sur la gauche de la Vistuie. Le
nom de cette butte vient dun petit ermitage, placé sur son sommet
avec une chapelle et la demeure d'un ermite , entourées d'un bosquet.
La tradition raconte qu'une jeune personne, de famille noble, fuyant les
dangers du monde, s'y était réfugiée , à une époque très-reculée . et
avait fondé cet ermitage, qui apparli<'nl aujourd'hui au couvent des
Filles de Saint-Hurbert, placé à une petite distance. Le nom de Bro-
nidawa signifie : celle qui défend la gloire. La butte est à 5q toises au-
dessus du niveau de la Vistuie. Surcctte élévation, le tertres'éléve à 20loi-
ses de hauteur; et l'on ne saurait simagincr l'étendue et la beauté de la
vue qui déjà maintenant, à celle de i5 toises, charme les yeux surpris
. du spectateur. On se souviendra que Cracovie se trouve placé près du
point oij les montagnes de la Silésie se joignent à la grande chaîne des
monts Carpates , dans un hassin formé par les chaînoDs et les contre-
forts de CCS montagnes; la Vistuie est déjà navigable et le pays très-peu-
plé et cultivé. Au coucher du soleil d'un jour serein , ces chaînes et ces
chaînons se voient d'ici dans tout leur développement, et les pics et Us
aiguilles , quoique éloignés de a5 à ôo lieues, brillent de leurs éternelles
glaces , non pas aussi distinclcmenl , mais d'une manière plus grandiose
et plus imposante qu'à Berni". Il n'y avait autrefois qu'un mauvais petit
sentier que les curieux et les personnes pieuses gravissaient pénible-
ment pour arriver à la chapelle. On a depuis tracé un chemin plus com-
mode , qui sera nivelé et pavé pour les voitures , avec des ailées d'arbres
pour les piétons. Car, depuis l'automne de 1821 , où l'on a commencé à
construire ce tertre , ce lieu est devenu un but de promenade. On v,i
acquérir le terrain nécessaire autour du tertre, pour y établir quatre fa-
milles villageoises, choisies parmi celles des Polonais qui ont ser\l >ou^
Kosciufzko. Elles seront chargées de veiller à la conservation du moni;-
ment. Les maisons construites pour ces t'amilles , avec l*s jiîidins et les
champs qui en dépendront, entreront dans un plan de promenade. Le
monument se construit sous la direction d'un comité particulier, choisi
par le sénat de la ville libre, parmi les habitans du pays et parles seuls
fonds provenant des souscriptions faites dans toute la Pologne. On en a
420 FXROPE. ^
déjà détnché la somme du 18,000 florins, qui a élé sussitôt augmentée
de 12,000 par la géncrosiié du comte Arthur Potocki, pour doter troi»
fiauvres orphelines, filles d'un cousin-germain de Kosciuszko, que l'on
a découvcrles en Wolhynic. C. P.
SUÈDE.
Stockholm. — Navigation. — La diète a décidé, le i5 oclohrc, la
gran'de question relative au canal de Gotha. Les choses eniélaient venues
au point qu'il fallait suspendre entièrement cette belle entreprise , déjà
si avancée, si la pénurie d'argent que l'état éprouve maintenant em-
pêchait d'assigner de nouveaux fonds pour la continuer. Le sentiment
d'honneur national l'n emporté, et la diète a consenti, une fois pour tou-
tes, à eniprunter de la banque i ,600,000 écus de banque pour continuer
les travaux. La bauque avancera cette somme, dans l'espace de quatre
ans , de manière que le canal soit entièrement terminé vers la fin de
182S, pour être navigable en 1829. Outre les villes et les pays qui avoisi-
nent le canal, la nouvelle ville de Molala, que l'on a le projet de cons-
truire sur ses bords , dans une situation extrêmement fertile, en retirera
des avantages incalculables, et l'on apprend que plus de quatre cents
personnes se sont présentées pour y faire bâtir des maisons, et s'y éta-
blir avec leurs familles. On a déjà terminé le plan de la ville, qui aura
des rues très-larges, des trottoirs, des allées d'arbres, de grandes places
avec des marchés , un port et un quai commodes. Si l'on ajoute les pri-
vilèges et les immunités accordés aux habitans , leur affranchissement
des entraves et des vexations qui résultent des corporations, il n'y a au-
cun doute que la ville, dès sa fondation, offrira un asile favorable aux
hommes industrieux de toutes les classes et de tous les pays.
— Théâtres. — L'opéra de la Vcstaie , de M. Jouy, traduit en vers
suédois adaptés à la musique de Spontini, a élé représenté avec pompe,
le 27 juillet. Le style manque en plusieurs endroits de cette élégante
facilité qui distingue l'original, et qui cependant est loin d'être étran-
gère au traducteur ; mais on avait exigé de lui que la pièce fût faite pour
la célébration du mariage du prince Oscar, et il était de plus soumis à
la nécessité d'arranger ses vers sur une musique déjà faite. Cependant,
on n'y trouve point d'inversions bizarres, point de phrases obscures,
tandis qu'on peut citer beaucoup de vers d'une grande beauté.
— Titus, Shadespei nied sung i 2 acier (Titus, opéra, imité de
Métastase, musique de Mozart). Cette production , qui parait être du
même auteur que la traduction précédente, n'e.st pas également heureu-
se. L'imitateur s'est tiop souvent écarté de l'original, pour faire entrer
dans la pièce des allusions qui ne sont ni heureuses ni justes. Malgré la '■
EUROPE. 427
beauté d'un grand nombre de vers , la poésie n'est ni aussi sonore, ni
aussi agréable que celle de la Vestale. En conséquence, la belle musi-
que de Mozart n'a pas suffi pour procurer un grand succès à celte pièce.
— Journaux. — Le nombre des journaux , gazettes et feuilles pério-
diques, publiés en Suéde, est de près de 10, dont les principaux sont :
1° Le Journal de Littérature svédoise, in-4°, imprimé cliez Paimblad
et comp. , à Upsal , mérite la première place, pui^qu'il contient tout ce
qui a rapport à la littérature et aux sciences, en Suède. Si, dans les der-
niers tems, le style n'en a pas été toujours également clair et facile, les
aniiljses des ouvrages n'en ont pas moins été intéressantes et instructi-
ves. 2° Le Journal générai , in- j", chez Elméen et Granberg, a Stock-
holm, a encore pour rédacteur, M. Wahlmark, dont l'esinit et le juge-
ment ne vieillissent pas, dont le style modéré, mais élégant, le fait re-
chercher et lire par les deux partis opposés, quoiqu'il n'en serve aucun.
"" L'Argus , journal politique, commercial et littéraire, imprimé à
Stockholm, chez Cheutz, in-4'', n'a pas fait connaître d'autre rédac-
teur que l'imprimeur, qui est en même tems homme de lettres. Ce jour-
nal a été supprimé par le ministère, quatre l'ois; mais ayant, selon les
lois de la presse , le droit de reparaître sous un autre litre , lorsque le ju-
ry ne l'a point condamné , il a présentement le titre à' Argus. (Je recueil,
qui défend avec chaleur les principes d'une sage liberté, est souvent em-
preint d'une gaîté satirique. On prétend reconnaître, à certains mor-
ceaux, la plume énergique d'un représentant de la noblesse très esti-
mé. 4" i« iciimal viédical fait honneur à la profonde érudition et à
l'esprit observateur des médecins qui le rédigent. 5° La Poste de Stock-
holm, in-4°, est une feuille quotidienne qui existe depuis plus de trente
ans; et, quoiqu'elle n'ait plus le mérite littéraire qu'elle avait lorsque
l'illustre Kellgren la rédigeait, elle est toujours Ires- remarquable : ses
auteurs professent un libéralisme modéré. G° V Annotateur, in-4", ^'^^^
Elméen et Granberg, à Stockholm, est un journal libéral dont le style
n'est pas toujours bien soigné. 1° Le Censeur (Grecnokaren), in-4'', chez
Nestius , à Stockholm, ne manque pas de lecteurs, quoique sévère.
8» Le Courrier de Stockholm, in 4°, chez Elméen et Granberg, recueil
ultrà-libéral , s'atlacbe parfois un peu trop à des minuties et à des pué-
rilités. 9° Swea (la Suède) , journal des sciences et des arts; à Upsai ,
chez Paimblad et comp. : ouvrage d'une tendance très-utile, d'un stylw
remarquable ; il est rédigé avec soin et avec goût.
D A ^ E M A R K.
CoPENHAGUB. — Sociolé dts Scîcnces. — La classe d'histoire «
4^S ASIE.
proposé poar siijcl dun ^lix qui sera décerné le i" juin 1824, une
partie inléressanle et peu approfondie de l'histoire : il s'agit de l'cm..
pire grec de Trébizonde, depuis laoi h li^i. On sait qu'après la prise
de Constantinople par les Latins , les Grecs , souffrant impatiemment la
domination de ces dernier,, refluèrent dans l' Asie-Mineure; mais l'empire
de Trébizonde qui a d<iré 25o ans, est peu connu. C'est dans les écri-
vams de Byzance , dans quelques voyages et jusque dans les annales
turques qu'il faut puiser des renseigncmens. L'Académie ne veut pas
que l'on néglige les expéditions gliovaleresques et merveilleuses , sut
lesquelles il nous est parvenu quelques rëtîls fabuleux. Ph. G.
ALLEMAGNE.
MuwiCH. — Académie royale des Sciences. — Le secrétaire de l'Aca-
démie fait savoir à tous ceux qui se proposent de concourir pour le su-
jet de prix proposé sur les idé s folitiqttes de Platon et d'Arislote , que
la classe de fhîMogie a reculé de six mois le terme de l'admission des
écrits, et que, par conséquent , ils seront reçus jusqu'au 12 octobre 1824,
Bebua. — A cadimie royale des Sciences. — A l'occasion de l'anniver-
saire consafré à Ltibnitz, l'Académie s'est réunie, le ô juillet, en as-
semblée publique. Elle a dccirné à M. Théodore Kvpffer, de Miltau^
le prix proposé pour le meilleur mémoire sur la Mesure des anyles davs^
les dijfèrens systèmes de. cristnliisation. Elle a ensuite fait connaître les
nominations suivant< s : membre honoraire, M. le lieutenant - général
Muflling; membres correspondans : 1° M. Encke, |)rofesscur à Golba,
pour la classe de mathématiques; 2° M. Muller, professeur à Gœttingue,
pour la classe d'histoire et de philologie. Immédiatement après, M. Su-
vern a lu un traité sur le stylo de Tacite, et M. Bopp a<lonné une ana-
lyse du samshrit , en te qui concerne les pronoms de la première et de
la seconde personne, comp.Trés à ceux des langues qui ont de l'affinité
avec celle-là. h' Académie des beaux-arts a nommé pour membres ordi-
naires M. le comte Théodore de Tolstoy, de Saint-Pétersbourg; M. Vo-
gel , peintre d'histoire à Dresde ; MM. lless et Domenico Quaglio, pein-
tres à Munich; M. Bega^se, peintre à Cologne; M. Wilhelin Herbig, et
enfin M. Gropius, aussi peintre à Biilin.
— Le 9 juillet , la Société d'histoire naturelle a célébré le So" anni-
versaire de sa fondation , sous la présidence de M. Bode, qui reste seul
de tous les fondateurs; à lui seul aussi appartenait l'honneur de faire
l'histoire de la Société, et il s'est acquitté de cette tâche à la satisfac-
tion de tous les assistans. Ph. G.
rX'ROPK. 4.9
Ikna. — La Sociale de mincrato^ic , dans sa séance du 5 oclobre der-
niiT, a admis au nouibre de ses mtinbrcs élrangcrs , MM. le prolcsscur
yitalis, secrét;iire perpétuel de l'Académie royale «le Rouen ; Dvtarue,
secrétaire de la Société de médecine du <ié[)arlement de l'Eure , et phar-
macien à Évreux ; et le docteur VandcnZande, médecin à Anvers.
De KiNKOFF, de la Société d'féna.
Gotha. — Société d'encourafjcnient j)Our l'induairic nationale. — Il
vient de se Ibriner, à Gotha, une association de plusieurs hahitans, pour
l'encouragement et le pcrfeclionneinent de l'industrie. Cette associdtiiiQ
ffra l'aire, chaque année, une exposition publique des objets d'arts du
pays.
Ulm. — Socicle nouvcUe.-^Lc piol'esscur D. Grxter, recteur du Gym-
nase d'Ulni, a iondé , en novembre 1822, dans cette ville el avec l'au-
lorisaliou du roi, une Société des amis du Dancinarck sur les tords du
Danube. Cetie Société compte déjà beaucoup de membres distingués.
IJERLIN. — Université. — Le programme des diirérens cours qui doi-
vent avoir lieu pendant le semestre d'hiver 1825-1824 î vient de paraître.
Ils sont au nombre de 189, et divisés en 10 classes. La première com-
pl-end , sous le litre de Connaissance de la divinité , -20 cours différens
consacrés à l'explication des divers livres de la Bible, à l'Encyclopédie
et à l'histoire des sciences théoiogiques , à l'histoire des diverses époques
du christianisme , à la littérature et à la poésie sacrées , à la morale théo-
logique, à Vhomilctiquc ou théologie pratique, etc. Dans la sccondt
classe , on compte 21 cours destinés aux diverses sciences qui se rappor-
tent à Yctude du droit. Nous citerons celui qui a pour but l'exposition
du système deîa législation administrativeen Prusse. La troisième classe,
celle des connaissances médicales, est la plus riche; elle comprend
65 cours. Il v a des professeurs qui traitent uniquement des épizootie»
particidières aux animaux domestiques, de l'ophlalmie, etc. A la qua-
trième classe ai\tp:nl\t:aocnt Il cours sar les sciences ptiîlosophiijues; un
des plus curieux est celui dont l'objet est de signaler les traits princi-
paux de la pc^/a^oj/ît;, ou science de l'éducation. La cinquième classe
embrasse les sciences mathématiques , qui font l'objet de i4 cours difi'é-
lens. Les sciences jHiysiques , réparties en 22 cours, forment <a sixième
classe; 11 cours composent la septième division , celle des sciences éco-
nomiques et administratives , et <le l'application des diverses sciences
aux besoins des l'onctionnaircs publics. Les sciences historiques et poli-
tiques sont enseignées par 6 professeurs ; et l'histoire des heaux-arls est
l'objet de deux cours différens. L.i dixième et dernière classe comprend
ly cours , destinées aux sciinces philologiques , à lu tjra7nmaire ijénéraiit
43o EUROPE.
et à V histoire des lanifues. Les jeunes gens avides d'insiruction peuvent
assister encore à des leçons sur les langues et les littératures française,
espagnole et anglaise. Un professeur est chargé de l'enseignement gra-
tuit du chant, et les arts gymnastiques et d'agrément sont aussi ensei-
gnés par d'excellens maîtres. Il est inutile d'itjouler que tous les établis-
semens publics, tels que les bibliothèques, les musées , les dépôts de
cartes et de plans, les cabinets d'anatomie, les galeries d'antiquités et
d'objets d'arts , etc. , sont ouverts aux étudians.
( Gazette iittcraire d'Icna. )
Halle. — Université, — Le nombre des élèves, pendant le semestre
d'été , a été de plus de i,ioo. Le gouvernement n'épargne rien pour
notre université ; il vient de f.iire agrandir le bâtiment de la bibliothè-
que et de donner un nouveau local pour le musée zoologique, qui, grâce
aux soins de M. le professeur Nitzsch, offre maintenant un coup-d'œil
aussi intéressant qu'instructif. Des négociations sont ouvertes pour ac-
quérir une collection qui ajouterait beaucoup de prix à notre musée mi-
néralogique; enfin, l'institution des accouchemens a reçu aussi des ac-
croissemens considérables.
HonuHiE. — Polémique religieuse. — Les esprits sont fort agités main-
tenant par un écrit dirigé contre les protestaus, et qui a pour auteur
M. Hohenegger. Cet écrit, ïaùtulè : Zeichen der Zeit, cl qui tend à
réunir toutes les communions chrétiennes en une seule, inquiète d'au-
tant plus, que, s'il en faut croire les journaux d'Allemagne , il a paru
sous la protection du prince archevêque Rudnay , auquel il est dédié.
L'auteur, en conservant les apparences de la politesse, fait entendre
que les protestans sont ennemis des monarchies , et , pour le prouver ,
il donne des extraits des écrivains les plus marquans de cette religion ;
mais OD lui reproche d'avoir isolé ces extraits et de les avoir même al-
térés, pour leur prêter un sens coupable. Peut-on , après cela, s'écrier
avec présomption : sapite regesl inlclligite et erudimini qui judicatis
terrant ! Ce sont les docteurs du genre de M. Hohenegger qui entravent
les bons elTets de la sagesse dis rois; et lorsque ceux-ci ont accordé
une loi salutaire à une classe nombreuse de leurs sujets, s'il ne se trou-
vait pas entre les peuples et le prince d'imprudens et de malveillans in-
terprètes , toutes choses en iraient mieux , et les protestans de Hongrie
ne verraient pas dans leurs frères catholiques un esprit de prosélytisme,
qui sans doute n'existe que dans quelques têtes exaltées.
Ph. GOLBBBV.
— Littérature. — Depuis trois ans, les Hongrois ontfait des progrèscon-
tinuels en littérature, tout en cultivant avec succès les sciences et le»
EUROPE. 45 1
beaui-arls. Le Zeeik6nyv , (almanach des muses , pour 1821}, est un
recueil remarquable qui peut rivaliser avec les meilleurs de ceux du
même genre qui paraissent en Allemagne. Il est publié par Samu^-
Ygax, de Vienne, et l'on y distingue principalement les poèmes de Ka-
EÏnczy, de Kolezey, etc.; la traduction des odes d'Horace de M. de
Marton ; des morceaux du joli roman écrit dans le genre français, par le
baron Louis de Podmanitzky , et dont le titre e^t la Rccotn'pense d'une
tonne action; enfin un fragment d'un voyage en Italie, qui fait désirer
rjue l'auteur, M. Joseph Papp, le publie en totalité. — L'Aurora, hazai
nimanack (l'Aurore, almanach patriotique), qui paraît depuis deux ans,
n'est pas moins remarquable que l'almanach des muses, par le choix de*
matières, la beauté des gravures, l'élégance de l'impression et de fa re-
liure. A côté du nom de l'éditeur, Ch. de Kisfaliidy, l'un dis plus cé-
lèbres poètes dramatiques hongrois, on distingue ceux de MM. Alexan-
dre de Kisfaludy Kolezey, Fr. Kazinczy, Fr. et Jos. Vekeli, du célè-
bre Gabriel Debrentey, etc. L'Aurore de 1822 contient trois charman-
tes compositions musicales de Ladislas de Fay, d'Alex, de Kisfaludy et
deCh. Scbrejber.
LusACE. — Ggeblitz. — Recueil périodique. — Les troisième et quatrième
cahiers d'un journal, publié sous la direction de la Société des sciences de la
Uaute-Lusaccj par M. Weumann, viennent de paraître à Gœrlitz. M,
Worbs a terminé, dans cette livraison, l'histoire de la ville de Cottbus,
que cependant il ne conduira pas jusqu'à nos jours, faute de documen»
qu'un habitant seul pourrait réunir. Cette histoire d'une petite ville est
écrite avec un grand esprit de critique. L'auteur embrasse dans son plan
la constitution intérieure, les finances, le système monétaire, l'instruc-
tion publique et la littérature. Ailleurs, on examine la question de savoir
s'il faui remettre en vigueur la langue dite ff^endischc Sprache,ou s'il
faut la laisser tomber en désuétude? C'est M. Korn, prédicateur à Cott-
bus, qui s'est chargé de la résoudre; et il conclut à l'extinction de ce reste
des anciens Henett ouVenedt, que, suivant Hubner, on conserve en-
core dans six villes. Le même Hubner avertit qu'il ne faut pas se laisser
prendre à la conformité du mot allemand Wendisch, adjectif qui s'appli-
qucaussiaux Vandales... Onlitaveointérêt nnedescriptimi statistique de»
hruyires qui avoisinent Gœrlitz: ce morce.iu est de M. le conseiller de
justice Starcke; il a été couronné par la Société des sciences en uSiy :
aujourd'hui, il parait accompagné d'une carte. M. le docteur Thoret a
traité des ossemens fossiles, découverts dans les lamoius calcaires de
Kunncrsdorf. M. Worbs a examiné s'il a réellement existé une divinité
locale sous le nom de Flins, Nous renvoyons à ce sujet au savant ouvra^
43a EUROPE.
ce de M. Monol, T. I, p. 209. Des poésies, parmi lesquelles on distin-
gue quelques imilations d'Horace, eniichissent les cahiers de ce recueil,
qui, sous le titre de Magasin de la Haute-Lusace, ne laisse rien ignorer
de ce qui intéresse les sciences, les lettres, à 'ceux qui se sont voués à
leur culte. C'est ainsi que l'on trouve, dans les cahiers que nous annon-
çons un relevé général des Schuiprogramme, depuis 1809; genre d'écrit
assez intéressant, en ce qu'ordinairement, à chaque solennité scolaire,
on traite, dans ces programmes mêmes, des questions de la plus haute
importance. C'est donc, sous un titre modeste, une véritable série de
di.ssertalions, la plupart approfondies.
Abxstadt. —Nccrotogie. —G. C. B. Busch , conseiller-ecclésiastique,
*slmort à Arnsladt, le iS mars 1S25, à l'âge de 65 ans. Il était connu
par plusieurs bons ouvrages, entre autres par son Manuel de l'histoire
des découvertes.
Bkhlin. — Formey. — Le 20 juin dernier, l'un des plus célèbres mé-
decins de la Prusse, M. Louis Formey, a terminé sa carrière, à l'âge de
57 ans. Il était professeur à l'Académie militaire de chirurgie et de mé-
decine, et occupant encore plusieurs emplois distingués. M. Formey,
qui appartenait à la colonie française dans laquelle il donnait ses soins
aux pauvres, était membre de la Légion-d'Honneur et de plusieurs au-
tres ordres. />/,. G,
SUISSE.
Acadcmiedc Lausanne. — La retraite de M. Comtb, chargépar lecon-
seil-d'état de l'enseignement du droit naturel , a laissé cette chaire va-
cante, à la veille de l'ouverture des cours. Ses leçons intéressantes, fé-
condes en vues neuves et justes , avaient constamment rassemblé un
nombreux auditoire autour de ce professeur. Son noble caractère, sa
vie sage, entièrement consacrée dans la retraite à sa famille et à la
science, semblaient l'avoir placé sous l'égide du respect public et de
rhospitalite. En partant, il a emporté les suffrages honorables de beau-
coup d'hommes éclairés et l'estime générale. Le tems et les épreuves
exigés par la loi pour la nomination d'un professeur n'ont pas permis de
songera donner un successeur à M. Comte; l'enseignement du droit na-
turel est confié ad intérim a M. Pidol, jeune jurisconsulte, dont les ta-
lons, les excellentes études et les connaissances étendues rsp|iellcnt le
souvenir d'un père qui fut l'honneur de notre magistrature, l'institu-
teur et i'ami de son fils. Un autre jeune jurisconsulte, M. Porciiet ,
vient d'êlre nommé proTcsseur de droit romain : une chaire aussi im-
portante, confiée à un homme de son âge, fait l'éloje de ses talens et d«
EUROPE. 411
ses premiers travaux. — Leplusancien de nos professeurs, M. Doioir, lati-
niste profond , qui joint le goût au savoir et le tairnt de Tiire admirer
les gr.^nds cLissiques de Rome à l'art de parler leur langue avec élo-
qutnce, a obtenu un suppléant, M. Bbidei, ; le nom de ce jeune ecclé-
siastique, cher aux muses et aux sciences, les lalens Léréditaires dans sa
famille, so.i mérile peisonni'l , le guide sous lequel il a le bonheur d'en-
treprendre ses travaux académiques, sont du plus lieurenx augure. De-
puis quelques années, plusieurs jeunes gens ont été introduits au sein de
notre Académie, ou admis à suppléer des professeurs. On aurait tort de
leur supposer un esprit d'innovation, ou la légèreté de la jeunesse : l'a-
mour du bien et des lumières n'est |)as nouveau dans noire Académie;
et rien ne garantit mieux la slabililé du caractère qu;> l'attachement aux
vérités élerm lies et au bon sens. Les vingt dernières années ont changé
la face de l'Académie de Lausanne. Elle fit londée, à l'époque de la ré-
formation, pour donner a l'église évangélique des pasteurs dignes d'elle,
des pasieurs pieux et savans. Peu considérable d'abord, elle reçut des ac-
croissemens successifs; mais toutes les sciences, même les mathématiques
n'y furent considérées que comiiie des sciences auxiliaires de la (héulo^ic.
Pendant une période de trois siècles, elle produisit un grand norubre d'hom-
mes dont les noms sont encore en vénération dans l'église ou dans la scien-
ce ; mais elle ne fut qu'un séminaire en grand. L'indépendance de no-
tre canton et notre attachement à celte indépendance ont pro^ëssive-
menl changé le séminaire en institution nationale. De nouvelles bran-
ches d'enseignement, ajoutées aux anciennes, offrent une instruction plus
variée au jeune théologien, et présentent des ressources à toutes les autres
clafcses. A la faveur de notre position topograpliique, de nouveaux bien-
faits du gouvernement changeraient aisément cette institution nationale
en académie ou université européenne; malgré les sacrifices considé-
rables qu'exigerait une telle entreprise, l'intérêt de la science et delà
vérité se trouverait d'accord, cette fois, avec l'intérêt pécuniaire. Quels
que soient les changemens qu'on a déjà introduits dans l'organisation de
notre Académi', les institutions et les habitudes du séminaire n'ont pas
encore pu se renfermer dans les limites de la faculté de théologie. Quoi-
que la majorité de ses membres puissent être laïques, l'Académie en corps
confère l'imposition des mains aux théologiens qui se consacrent au saint
ministère; l'Académie en corps est chargée de l'inspection sur les ecclé-
siastiques qui n'ont pas d ■ cure, du placement des suffragans ou vicai-
res, et , outre cela , d'une minutieuse administration en sous-ordre. De
là, des occupations fastidieuses sans nombre, une correspondance sans
T. XX. — I\oi'ifn/>re ly**"), 28
434 EUROPE.
limites, des assemblées sans fin. Ces dernières fondions transforment
le corps enseignant en «ne sorte de bureau administratif, et accablent
les professeurs de travaux ennemis de rétude; bien qu'elles puissent être
considérées comme des droits, les amis des sciences ne sauraient y voir
que dps corvées. Les seuls droit* que nous devions être jaloux d'avoir ou
de conserver , sont le loisir de chercher la vérité et la liberté de la dire.
Cn. MoNNARD, 'professeur.
1 TA L I E.
— Encouragement «twc littres. — L'empereur de Russie a envoyé à
M. Melchior Gioja, auteur du Nuovo projMo délie scienze economicUe,
une lettre de change de 20,000 f., en lui demandant cent exemplaires de
son ouvrage, qui a 8 vol. in-4.°. — C'est avec une telle munificence que
les monarques peuvent contrlbiur puissamment aux progrès de l'esprit
humain, lorsque leurs faveurs tombent sur des ouvrages qui les méri-
rent.
Vkmse. — Ptibliration nouvelle. — La traduction italienne de la Bio-
graphie-universelle, ancienne et moderne, entreprise à Paris, avec tant
de soins, est continuée à Venise avec le même zèle. Tous les Italiens pren-
nent part à fia perfection, et particulièrement les rédacteurs de la Biblio-
thèque italienne de Milan et du V Anthologie de Florence. Au moyen des
journaux , beaucoup de personnes communiquent aux coilaborateurs de
ce vaste ouvrage leurs remarques et leurs corrections. Les Napolitains
étaient méeonlens qu'on eût oublié dans l'ouvrage original le célèbre
Francesco d'Anf^rea , qui fut rey;ardé comme le TuUius de son tems; de
même les Yénitieus faisaient de vifs reproches à plusieurs biographes
étrangers, de ne pas avoir remarqué que le fameux Baretli était l'auteur
de XskJusla letleraria, publiée sons le nom de Scannabue, ouvrage qui
a plus contribué le à la réputation de son auteur, et qu'on doit regar-
der comme un modèle des feuilles littéraires périodiques. De semblables
omissions ne peuvent jamais être pardonnées, quel que soit le mérite
des ouvrages qui les renferment; et l'on espère, en Italie, qu'elles seront
bientôt réparées. F. S.
Naples. — Antiquités. — Les fouilles de Pompeï ont été continuées,
cet été, avec très-peu de zèle; vingt ouvriers, qui, avec cinq charrettes,
sont chargés de déblayer une ville entière, ne doivent pas faire de grands
progrès ; et malheureusement les cendres tombées au mois d'octobre
1822 ont couvert de nouveau des endroits déjà déblayés, et rendent les
travaux plus pénibles; aussi marcbe-t-un avec difficulté d.ms lis ruis
EUROPE. 435
de la ville antique. On remarque avec peine que Icu objets d'art , sur-
tout les peintures, souffrent beaucoup de Texpositiou ea plein air. Les
peintures de l'ampiiithéâtre ont presque toutes disparu. Quelque agréj-
ble qu'il soit de voir ces ornemen-> sur place, on sera obligé, pour les
conserver, de les défacber, et de les transporter au Musée, ou bien de
les mettre à l'abri sous des toits. On a ucemment mis à découvert un
grand édifice , auquel les antiquaires ont donné le nom de Panlhcon.
C'est un carré obiong, dont un des côtés les plus étroits sert d'entrée.
Dans le fond , il y a trois petites cliambres ; celle du milieu contient des
nicbes où l'on a placé les statues de Tibère et de Livie , qui ont été
trouvées sur le sol. Les bras manquent, et on n'a pu les trouver jusqu'à
présent; la draperie est belle et Iranee avec beaucoup de soin : on voit
des traces d'une couleur rouge dont a été enduit le vêlement de Ti-
bère. Il j)arait que cette statue tenait une lance. Un tableau assez bien
conservé décore le mur principal; il a évidemment rapport à l'histoire
de Romulus et Rémus, qui sont allaités parla bergère Lupa, tandis que
le berger, assis auprès d'elle, regarde avec complaisance les enfans entre
lesquels est couchée une louve. Dans l'espèce de corridor qui y conduit,
nn petit mur fotine une séparation, qui parait avoir été un vestiaire.
On suspendait vraisemblablement les vêtemens auprès de tablettes de
marbres, où les chiffres sont marqués dans l'ordre et de la manière sui-
vante : IIX. IX. X. XI. IIIV. IIV. IV. V. VI. III II. I.; au dessus
de chaque tablette il y a un trou rond, où l'on reconnaît des débris de
crochets ou clous de fer oxidés. Tous les murs de l'édifice sont oraés de
peintures. Ce sont ordinairement des figures isolées sur un Fond d'un
rouge Ibncé, et séparées par des paysages ou des fleurs et d'autres orne-
mens; une des petites chambres représente des chasses, des nionstres
marins et d'autres animaux. L'édifice est précédé d'une cour qu'entou-
rait un portique; les bases des colonnes sont en marbre blanc, nu di-
rait qu'on vient de les poser ; mais les colonnes n'ont point été trouvées.
Au milieu de la coût, on voit encore huit piédestaux, qui ont dû sup-
porter une petite rotonde, comme dans le temple de Sérapis à Pouzzo-
les. Auprès de l'entrée, les ouvriers ont découvert une petite cassette,
garnie de bronze , et renfermant 047 médailles de cuivre, 47 d'argent et
une d'or, ainsi qu'une bague d'argent; le bois de cette cassette était
entièrement réduit en charbon. Dans une autre maison, que les fouilles
de l'été de 1823 ont mise à découvert, on a trouvé, dans une chambre,
un grand nombre d'amphores de vin ; l'une d'elles portait de» étiquettes
en petits caractères qu'un voyageur a voulu copier; mais on ne le lui a
pas permis. Uoe maison du voisinage a dû être une savonnerie; du moins,
456 EUROPE.
on y a Irouvé tous les objels nécessaires à cette fabrication, ainsi qu'un
amas de chaux d'une blancheur éclatante. Enfin, on a retrouvé un puits,
qui, dans une profondeur de cent palmes, donne une eau fraîche,
mais d'un goût un peu piquant, et que l'on n'a pas encore analysée.
D— G.
ILES lONIENiNES.
CoBFOD, — \J Université do cette ville devra encore à lord Guiiford
un nouveau bienfait, {f'oy. ci-dessus, pag. 228.) Ce protecteur généreux
et éclairé, outre les livres qu'il fait venir de Paris, vient d'acquérir,
pour cett? université, une belle suite de 20,000 empreintes de médailles
grecques, avec leur description par M. Mionnet , premier employé du
cabinet des médailles de la bibliothèque du roi. Ces pièces, recueillies
jadis sur le sol de la Grèce, et transportées en France par les voyageurs,
vont retourner dans leur patrie primitive, en effigie seulement; mais
elles y reporteront la trace des arts que le tems et l'esclavage avaient
presque effiicée. Les babitans de Corfou n'y reverront pas san*. intérêt
les m^innaies frappées par leurs ancêtres, avec l'ancien nom de Corcyre,
plus poétique que le nouveau : la représentation de leur J ufiiter-Casios ,
et les jardins d' Alcinoûs célébrés par Homère. Rendons grâce , en
passant, à cette heureuse correspondance universelle de la république
des lettres, qui ne permet pas que le feu sacré qui leur sert d'aliment
s'éteigne jamais, et quia fait trouver un asile dans l'Athènes moderne
aux arts exilés de la Grèce antique. Dumebsan.
Instruction 'puMiquc. — Le nombre des professeurs de l'université de
Corfou vient d'être augmenté. Parmi les nouveaux membres du corps
enseignant, on cite avec éloge le jeune .^f/ianasios Politis, natif de
Leucade ^^Sainte-Maure), savant médtcin, et profondément versé dans
les sciences naturuUes ; le père Andréas Hidbom^nos, de Parga , littéra-
teur distingué , possédant à fond la langue d'Homère; un excellent bo-
taniste, italien de naissance, dont j'ai oublié le nom, et trois profes-
seurs de droit. — h' enseignement muluet fait toujours de nouveaux
progrès dans nos îles. Les babitans de Céphalonie viennent d'établir un
grand lycée , qui est déjà dans un état prospère. C. W.
GRÈCE.
Athènes. — On a ouvert une souscription pour ériger un monument à
l'immortel Marcos Botzabis , mort si glorieusement pour la sainte cause
de sa patrie. Il vient aussi de paraître plusieurs pièces de vers en l'iion-
ECROPE. 457
neur de ce héros, dont la plus remarquable est celle d'ua jeune poète
thessalien. GV'st une ode pleine de sensibilité et d'énergie; en voici
quelques passages : « La voix terrible de ce grand guerrier retentit dan»
les plaines, abat le courage fanatique des hordes musulmanes et dis-
perse leurs phalanges ; elle seule vaut trois mille combaltans. Mais sou-
dain le sang pur du héros coule en bouillonnant , et arrose les verte*
prairies : la blessure est mortelle. 11 appelle son frère , et lui tient, pour
la dernière fois, ce discours : « Cher Constantin, reçois mon épéc : frap-
pez les barbares et vengez ta patrie. Que ma mort serve d'exemple à toi
et à mes cnfans, dont tu seras le père. Ah! puisse la Grèce recouvrer
son entière indépendance par le sang de ses guerriers intrépides! etc. »
Cbéte. — Nécrologie. — IM. Kanélos , jeune savant, [)iein de mérite ,
ancien élève des universités d'Allemagne , qui occupait auprès de
M. Tombase , notre illustre gouverneur, une place éminenle , vient de
mourir de la peste. Sa mort est pour toute la Grèce une perte difficile h
réparer. Tous ceux qui ont connu cet homme si rccommandable , ont
versé des larmes en apprenant sa fin prématurée. C. W.
PAY S - B A S.
LoDVAiN. — La Société de médecine a couronné à l'unanimité, dans la
séance générale du 22 octobre dernier, un mémoire sur cette question :
« Existe-t-il, dans l'état de maladie , une condition générale des forces
dont la connaissance soit nécessaire pour fixer les indications eurativcs?»
Si cette condition existe , déterminer en quoi elle consiste, et quels si-
gnes la caractérisent; si elle n'existe paa , Caire connaître les causes qui
induisent en erreur les médecins qui l'admettent. On doit ce travail à
la plume savante et féconde de l'un de nos médecins les plus distingués,
M. le docteur Bégin , auteur de plusieurs ouvrages estimés des praticiens
et des élèves, et l'un des lédaiteurs des Mémoires de midecine niiii-
taire , du Dictionnaire abrégé des sciences médicales , etc. M. Bégin est
attaché au Gymnase normal, militaire et civil, et il y donne des soins,
avec le plus grand succès, aux personnes qui assistent à la classe d'or-
thopédie La Société de médecine de Louvain fait prévenir l'auteur du
mémoire, ay;mlpour épigraphe: Non crit emisso reditus lioi... qui
miser egi? qu'elle attend qu'il se fasse connaître pour lui envoyer un
diplôme de membre correspondant. Z.
Liège. — hiabtisscment pour les sourds-muets. — C'est à une associa-
lîcn d'hommes éclairés et bieufaisans, formée en 1820, que la province
et la ville de Liégo doivent cette utile fondalion. Réunissant leurs efforts
438 EUROPE.
à ceux d'un hoiuuit; simple et modeste, comme l'abbé de l'Ej^ée, plu-
sieurs scus-cripteurs ont voulu contribuer, par des secours pécuniaires,
aux bienfaits que ses leçons el son dévouement procurent aux sourds-
niufts. M. Pouplin se trouvait à la tète d'une école d'enseignement mu-
tuel, lorsque la vue.d'un tableau des .^ig^l•s à l'usage des sourds-muets
le frappa , et lui inspira le désir d'être utile à quelques-uns de ces in-
fortunés. Il en admit d'abord deux dans son écoio , et commença leur
instruction. Cet essai réussit ; il étendit ses soins à plusieurs autres mai-
heureux , condamnés jusqu'alors h uneccmplèle ignorance. Aujourd'hui
il est sur le point d'obtenir la récompense de ses travaux. L'école des
sourds-xnuets va être entièrement séparée de l'école d'enseignement mu-
tuel, et le respectable instituteur pourra consacrer uniquement aux
sourds-muets le temps et les soins que , jusqu'à présent, il a été obligé
de part.igcr entre les deux établisscmens qui lui étaient confiés.
A. J.
FRANCE.
DoBDOGNB. — DoMMB. — Âctiou cuvativc de la vaccine four d'autres cas
que la variole. — M, Lassère, D. M. P., déterminé à faire participer au
bienfait de la vaccine un enfant de 4 ans, que ses parons refusaient cons-
tamment do soumetlre à cette salutaire application, profita de la cii-
con>tance d'une tumeur que cet enfant avait à la première phalange du
doigt médius de l.i main droite, et qui inquiétait cruellement la mère,
nour ia déterminer à permettre la vaccination sur la tumeur môme, en
lui en faisant espérer la guérison. Deux pustules vaccinales se dévelop-
pèrent; et, quelque teros après la disparition de l'inflammation, on vit
le volume de l'os du doigt diminuer très-sensiblement, ia tumeur s'a-
moindrir de jour en jour, au point que, trois semaines après, le doigt
avait repris ses dimensions naturelles; et depui:», il est resté complète-
ment guéri. Le mal dont cet enfant était atteint est le svtna ventosa, de
l'espèce à laquelle M. Boyer a reconnu que les enfans lymphatiques
étaient sujets; il occupait toute l'élendue de la phalange, sans attaquer
les extrémités articulaires. Ce premier succès détermina le médecin à
essayer ia vaccine sur une jeune fille de 14. ans qui avait au col quatre
tumeurs de nature scrophu'cuse , et contre lesquelles on avait infruc-
tueusement tenté l'usage d'un grand nombre de moyens, ilils anli scro-
fliuieux. Dix piqûres de vaccin furent pratiquées à un pouce des tumeurs:
huit boulons se manifestèrent; leur marche et leur dessication furent ré-
gulières. Après la chute des croûtes, les tumeurs présentèrent les caractè-
res de l'inflammation sanguine. L'application réitérée des sangsues fut
EUROPE. 4^9
prescrite, on y joignit des purgatifs , un régime approprié au tempéra-
ment de la jeune fille fut' suivi; les symptômes de scrophule disparurent,
tt depuis lors ne se sont plus manifestés. (Voy. le n» 19 de la Gazette de
santé. Juillet i8231. ^- ^^
Rhônb.— Lyon.— ^nii^Mi^tJ*-— dernièrement, en creusant les fonde-
mens d'une maison a la droite du Jardin des Plantes, non loin de l'en-
ceinte où l'on a reconnu les vestiges d'une naumacbie, on a découvert
trois pavés en mosaïque, établis successivement les uns au-dessus des au-
tres. Le premier et le plus profond se trouvait à dix pieds au-dessous du
soi actuel; il posait sur un lit de cailloux légèrement incliné, dans un ter-
ruin rempli de roches; il offrait, à sa surface, une réunion de cubes de dif-
érens marbres brisés, opus incerlum, liés par un ciment, dans le genre
de ce qu'on appelle mosaïque à la vénitienne. Le second, londé a deux
pieds au-dessus de celui-ci, était une véritable mosaïque, opus tessclalum,
composée avec des cubes de diverses couleurs. On y voyait des tableaux
et des compartimens carrés, nvidrés par des entrelacs, unis par des orne-
mens en forme de labyrinlbe. Dans le milieu , paraissait un fragment
historié où l'on reconnaissait le combat de l'Amour et du dieu Pan, su-
jet souvent répété sur les mosaïques de Lyon. De chaque coté étaient,
ou devaient être, les quatre saisons, si l'on en juge par les deux qui res-
tent, Bacchus et Cérès, vus a mi-corps et de grandeur naturelle. Le troi-
sième pavé, à trois pieds au-dessus de ce dernier, et à cinq pieds au-des-
sus du sol d'aujourd'hui, était aussi en mosaïque, combinée feulement
avec des cubes noirs et bbncs, formant des losanges et divers comparti-
mens. Ces trois pavés, chose fort remarquable, et que uous avons obser-
vée dans plusieurs quartiers de la ville, présentaient les mêmes traces
d'incendie, c'est à-dire, une couche de charbon de trois a quatre pou-
ces d'épaisseur, et par-dessus des débris de tuiles et de briques; ce qui,
d'accord avec l'histoire, prouve clairement que Lyon, du tems des Ro-
mains, a été biûlé au moins trois fois : d'abord, sous Néron, 60 ans après
Jcsus-Christ; puis, par Septime-Sévcre ; enfin, par Aitila, en 445. Le
.style de ces mosaïques semble se rattacher à ces époques désastreuses,
bien qu'elles puissent leur être antérieures. La première, plus simple,
annoncerait le commencement de cet art dans les Gaules; la deuxième,
plus historiée, indiquerait le tems où le luxe de ces peintures était en vo-
gue; et la troisième, plus grossière, sans variété de couleurs, conviendrait
très-bien au tems de la décadence de l'Empire. Sur cette dernière, on a
rencontré plusieurs objets iutéressans, entre autres, deux bustes en mar-
bre grec, de style romain, grands comme nature, l'un avec une longue
barbe, l'autre sans barbe, tous deux d'un âge avancé. Ils sont maintenant
44o EUROPE.
sous les portiques du Musée lapidaire. C'étaient vraisemblablement les
images de deux Lyonnais qui avaient fondé quelrtue établissement, ou
qui avaient choisi leur sépulture en cet endroit. A côté de ces portraits,
on a ren(-ontré des plaques de maibre de couleur, contre lesquelles ils
avaient été adossés; des ferrures de porte rccou\ertes de lames de cui-
vre, et plus loin, uue médaille de Sévérina, femme d'Aurélien. Ce bron-
ze nous a donné l'idée que ce lieu aurait pu commencer à être boule-
versé sous cet empereur qui vivait pendant les guerres des trente tyrans.
Près de la mosaïque de l'Amour et du dieu Pan entourée des saisons, on
voyait trois réservoirs revêtus en béton de six pieds en carré, et le long
d'une muraille, un canal en pierre de choin de fay, de i8 pouces de large.
Tous les deux recevaient les eaux d'une source voisine encore existante ;
il parait que ce pavé et d'autres qui faisaient suite, appartenaient à des
bains; nous en jugeons par la mosaïque du gouiguillon, représentant
Pan et l'Amour, qui, destinée au même usage, avait aussi près d'elle un
canal alimenté jadis par les eaux de la conserve des Ursulincs; nous en
jugeons encore parla mosaïque de M. Micboud de Sainte-Colombe, of-
frant la même composition, et qui faisait partie d'une salle de bains dont
nous avons levé le plan. Tout porte à croiie que l'emplarement de la
déscile, <'ù l'on a trouvé, en différcns lems , de riebes fragmens d'anti-
quités, renfermait les bâtiinens dcpendans de l'ampbilhéâtre naumachi-
que, c'est-à-dire, les salles de réunion pour les autorités et les députés
des soixante nations; les logemens des inspecteurs, les jardins publics,
les thermes, etc. Ce qui fortifie ectic opinion, c'est la découverte récen-
te d'un aviron en bronze doré qu'un maçon a déterré dans ce local et
qu'il a vendu, à l'insu de son maître. Cet instrument, de trois pieds
quatre pouces de long sur six ponces de large dans sa partie inférieure,
a été préservé d'une destruction totale par un jeune homme passionné
pour les arts, JVl. Carrond, à l'instant où un orfèvre allait en détacher la
dorure: niais, ce qui donne beaucoup de regrets, et qui devrait exciter en
ce moment la suilicitude des magistrats, c'est que cet aviron parait avoir
été fixé par deux tiges à une statue do fleuve ou de Neptune , qui était
sans dcute d'une grande richesse^ et qu'on découvrirait vraisemblable-
ment dans le même terrain , s'il était possible de reconnaître l'ouvrier
qui l'a exhumé. Quant à la peinture allégorique de l'Amour et du dieu
Pan dont i:ous avons parlé, ce sujet était sans doute particulièrement con-
sacré aux pavés de.-» thermes, dont les eaux salutaires excitent les forces
el inspirent la volupté; nous croyons que ces deux divinités athlétiques,
placées dans l'enceinte d'un gymnase, représentent la nature aux prises
avec un sentiment dont on ne peut se défendre. A., de Lyon.
EUROPE. iii
Sociétés savantes et Étahlissnncns d'instruction et fl'uli'ifr
/mljUr/uc.
Abras {Pas-de-Calais). — Société royale pour V encouragement des
Sciences, des Lettres, et des Arts. — Programme dis prix pour 1824. —
Agriculture. « Mémoire >ur les améliorations dont ragriciilture est sus-
ceptible dans le dépariement du Pas-de-Calais.» Prix : ime méilaille
d'or de trois cents francs. — Economie potiti(/ue. oQuellessont les prin-
cipales causes de la mendicité dan» le déj)«rle;iient «lu Pas-de-Calais, et
quels seraient les moyens les plus effi''aces d'y remédier. «Prix : médaille
d'or de trois cents Fraocë. — Poésie. Pièce de deux cents vers au moins
sur ce sujet : « Épître qu'un iih adresse à son père pour le prier d'être
son guide dans le choix d'un état. » — Réponse du père. Prix : médaille
d'or de deux cents francs. — Prose. Wolice Lislorique sur la vie et les ou-
vrages de l'abbé Proyarl ( Liévin-Boiiavenlure), né à Doucliy-lès Ayclle,
arrondissement d'Arras, canton de Clroisille , en 1743, et mort à Arras,
le 25 mars 1808. — Économie rurale. Nouvelle méihode de boiaagc,
pour les terres, qui ne soit pas plus dispendieuse que celle dont on fait
usage aujourd'hui, mais qui rende plus diflieile le déplacement des bor-
nes, et soit plus simple et plus précise dans ses moyens de vérificalion.
La .Société décernera des médailles d'encouragement à l'auleur du meil-
leur mémoire sur ces deux derniers sujets. — L>s ouvrages envoyés au
concours pour 1824» devront èlre adressés au secrétaire perpét'it-l de la
Société royale d'Arras, et être parvenus avant le i" juillet.
Besançon (Doubs). — Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et
Arts, de Besançon. Prix proposés — L'Académie lemet au concoure
pour l'année iS:'4 le sujet sui\ant : n Com,bien le principe de Vlionncur a
conirihuè à l'éclat ei à la véritaitlj gloire de la uionarc'iiie française. »
Le prix consistera en une médaille d'or de 2O0 fraiii s. L'en concurrens fe-
ront parvenir leurs ouvrages au secret.iire - perpétuel , avant le i*"" juin
1824. L'étendue du discours ses a de trois quarts d'heure de lecture,
sans y comprendre les notes.En ibaô, l'Académie décernera le prix au
meilleur mémoire sur cette question : Quels sont les avantages à espé-
rer de V ouverture du (\inai-Moasicur pour tes tivis departcmens du
Doubs, du Jura, et de ta HautL-Saûiie : en supposant que CtS avantages
puissent être balancés pur quelques ineotiviniens lOcaux et momentanés,
quiis serai, ni tfs mogens de parer à cetun ci ?
CuALONS {Marne. — Société d'Agriculture, Commerce. Sciences et
Arts. — Séance publique du 27 aoCà 1825. — IVÎ. le préfet occupe le fau-
\\i EUROPE
leuil. M. Dupuis, président annuel, ouvre la séance par un discours sut
l'Education du lahoureur. M. Caquot, secrélaire , rend compte des
travaux de la Société, depuis sa dernière séance publique, ainsi que du
résultat du concours, il donne une courte notice nécrolojjique sur M. le
l)aron Gorbincau, receveur-général des linances du département, mem-
bre titulaire, et sur M. le docteur Harmand de Montgarny, médecin à
l'aris, membre correspondant, que la mort a enlevés cette année. M.
Vanzul lit un discours sur la Vérité considérée dans lamorale et dans
les Arts. M. Th. Pcin lit des fragmens d'une comédie en un acte et en
vers, intitulée : le Dcinénafiemcnt de La Fontaine, Le secrétaire donne
lecture du programme des prix proposés par la Société. Le président
annuel prcclame le résultat îles concours anisF qu'il suit : Premier con-
cours i" La Société, au nom de laquelle une accusation est intentée, ne
devrait-elle pas une indemnité à l'accusé que la justice absout? En cas
d'affirmative, examiner les motifs qui ont fait maintenir en France une
législation contraire, et indiquer les dispositions qui pourraient modi-
fier cette législation, en conciliant l'intérêt de la Société avec l'intérêt
des accusés. » Li-s ouvrages n'ont pas été jugés dignes du prix. Le sujet
est rctiréî — -Il est décerné une mention honorable : i° à M. Auguste Vi-
vien, avocat à la cour royale d'Amiens, dont le mémoire portait cette
épigraphe : « Instituée pour la réparation des torts, la justice voudrait-
elle que les siens fussent privilégiés? J. Bentham.» 2° A M. L. A. de
St.-J. de Colmont , de Paris; 5° à M.Bouchené-Lefer, avocat à la cour
royale de Paris. Deuxième concours : a S tatistiqne d'un canton du dépar-
temcnt de la Marne. » Une médaille d'encouragement de première classe
est décernée à M. Clialclte, auteur de la Statistique du canton de Fis-
mes. Programme : La Société décernera, au mois d'août i8?4» "fs
médaille d'or de ôoo francs, au meilleur mémoire sur ce sujet : « Exa-
uiiner si, dans l'instruction de la jeunesse, l'art de dire doit précéder
l'art de raisonner; en d'autres termes, si lenseigncraent de la rhétorique
doit précéder celui de la logique. » — Elle décernera, dans sa séance pu-
blique de iS'iS, une médaille de la même valeur, au meilleur'mémoire
sur celte question ; « Quels seraient les moyens d'intéresser davantage
le ftrmierà l'amélioration des propriétés qui lui sont confiées, et de ren-
dre en même tems le propriétaire u.oins étranger aux chances des récol-
tes? » — Elle continue d'offrir des prix d'encouragemeut, 1" à l'auteur
de la meilleure Statistique d'un canton du département de la Marne. La
valeur du jirix sera augmentée lorsque le travail paraîtra assez important
pour mériter une récompense particulière. Les mémoires sur la premiè-
EUROPE. 44">
re question et les Statistiques devront être parvenus, francs de fcH, au
secrétaire de la Société , à Cliàlons-sur-Mainc ; avant le i" juillet 1824;
les mémoires sur la deuxième question, avant le i" juillet 1826; 2" au
médecin ou chirurgien de ce département qui aura vacciné le plus, grand
nombre de sujets pendant l'année iSaS. Le prix sera décerné dans la
séance publique de 1825. — La Société d'encouragement pour l'indus-
trie nationale, de Pari», dans sa séance du ô octobre 1821, en couron-
nant un mémoire de M. Garnier, ingénieiu au corps royal des Mines,
sur VArt du Fontainier sondeur et des Puits artésiens , a annoncé
qu'elle décernerait trois médailles de 5oo francs chacune , aux pro-
priétaires qui, avant l'année 1824, et dans un pays où il n'existe point
de puits artésiens, auraient introduit l'usage de celte sorte de puits,
pour servir à l'irrigation de la plus grande étendue de terre, laquelle ne
pourra être moindre de cinq hectares. La Société de la Marne, dans sa
séance publique de 1824 , décernera un prix de 200 francs au proprié-
taire qui aura le premier, depuis le concours ouvert par la Société
d'encouragement, lait établir dans le départemeot de la Marne un
puits artésien , avec les mêmes conditions d'irrigation; cette médaille
sera décernée à celui de nos concitoyens qui l'aura méritée, quand
-même il aurait obtenu, pour le même fait, une des médailles proposées
par la Société d'encouragement. Les communes du déparlement sont
admises au concours comme- le» particuliers. Les certificats de l'autorité
locale, attestant le fait, devront parvenir au secrétaire de la Société
avant le i^'' juin i834-
PARIS.
IssTiTUT. — Acadcinic des sciences. — },lois d'octobbe iS23. —
M. Latreilie fait un rapport verbal sur l'ouvrage intitulé : Monoqrapliia
tcndredinetarum. — M. (Jagniard de Latour lit un mémoire intitulé :
Expériences diverses à haute pression. (MM. Vauquelin, Dulong et Am-
pèie , commissaires. ) Il présente des observations sur l'aquéduc suspen-
du qu'il a fait établir en 1822 , à Crouzol, département du Puy-de Dôme.
(MM. Prony, Molard, Fourier, Dupiu et Fresnel.) — M. Vauquelin lit
des expériences sur Ie5 acétates de cuivre qu'il avait déposés sur le bu-
reau le 22 septembre iSaô. — MM. Ampère et Caucliy font un rapport sur
le mémoire M. Foëx , relatif à {a thcorie des faraUèlcs.'W en résulte
que ce travail ne mérite pas l'approbation de l'Académie. — MM. Dumas
it Prévost commencent la lecture d'un mémoire contenant des oiser-
vations microscopiques sur la liqueur séminale de divers animavÀia.
Ui EUROPE.
— Pu i5. - Ou lit une lettre dans laquelle M. Clément communique
diverses ohscrvalions récentes de M"* sur un ciment analogue à celui
que M. Parlhera appelé ciment romain. — M. Navicr adresse quelques
explications relatives à une note communiquée par M. Cagniard de La-
tour, au sujet de l'aquéduc suspendu de Woolvich. M. Dupin donne de
vive voix divers celaircissemens conccroant le rapport qu'il avait lu , et
dans lequel il est fait mention de la construction de cet aqueduc. — M.
Arago donne lecture d'une note que M. Becquerel lui a communiquée,
et qui annonce de nouvelles expériences électricques. <■ Au moyen de
galvanomètres disposés de telle sorte que chacun d'eux concourt à l'effet
général, on es-t parvenu à augmenter indéQniment la sensibililé de cet
appareil; on s'en est servi pour découvrir les courons électriques qui
ont lieu : i" dans la dissolution des alcalis, des sels et des acides dans
l'eau ; 2° dans les phénomènes capillaires. Les résultats auxquels on a
été conduit permettent de suivre pas à pas tous ces phénomènes..— En
envoyant son ouvrage sur l'organe et tes gaz de la respiration dans la
fœtus, M. Geoffroy Sainl-Hilaire annonce qu'il l'avait imprimé, quand
i! lut informé, pur deux recueils périodiques Irançjis, que M. Jean Mill-
ier faisait paraître à Leipsig un ouvrage intitulé sur la respiration du
fœtus. Il fait remarquer qu'aucun exemplaire de l'ouvrage de M. Mill-
ier n'est encore arrivé à Parie. —M. Poiteau adresse un mémoire «ur <a
famille des Lecythidées. (MM. Desfontaines et Mirbel, commissaires.)—
M. Chrisiian, professeur au collège de Bourges, adresse la descriplioa
d'un instrument qu'il appelle compas de sections coniques. (M M. Lacroix
et Cauchy, commissaires.) — MM. Girard et Prony fbnl un rapport sur un
mémoire de MM. Chaudruc de Crazannes , cl Gallocheau de Saintes,
intitulé : Observations sur (juetgucs dépôts d huîtres entières trouvées
dans les constructions romaines de Mediolanum Santonum (Saintes).
— Les rapporteurs combattent l'opinion des auteurs qui ont conclu de
re que les deux valvis des huîtres ont été trouvées attachées par leur
ligament, qu'elles ont été mires en œuvre sans que les mollusques en
eussent élé extraits. Ils peusent qu'il existe dans l'intérieur des terres, '
aux environs de Saintes et d'Agen , des amas d'huître.-: non fossiles,
«emblables à ceux que les membres de l'institut d'Égyple ont trou-
vés dans la vallée de V Égarùnxent. Recherchant ensuite les motifs qui
ont pu fai:e adopter parles constructeurs de Saintes l'usage d'établir
le sol factice ou le pavage de certain édifice sur un lit de coquilles d'huî-
tres supportées elles-mêmes par des couches de charbim , de cen-
dre., et d'os calcinés, les rapporteurs croient que les huîtres remplissent
tout simplement l'objet de la seconde des trois couches dont les Ro-
F.UROPE. 445
maius formuicnf le miis-iifsur lequel ils asseyaient le pavage des parties
inférieures de leurs habitations, pour les garantir de l'humidité, et que
les constructeurs de Saintes et d'Agen ont employû de préférence les
huîtres, parce qu'ils en onl trouvé des amas naturels dans le pays.
(Adopté.) — M. Hachette lit uo mémoire intitulé: De la mesure des ef-
fets dynamiques dans les machines, (M.M. Prony, Molard et Ampère,
commissaires.) — MM. Prévost et Dumas acîiévent la lecture de leur mé-
moire sur la liqueur séminale des animaux. (MM. Cuvier, Duméril,
Savigny et Mirbel, commissaires.)
— Du 20. — M. Barbier demande à faire, en présence de l'Académie,
l'expérience d'un nouveau procédé qui a pour objet de rendre simple et
facile l'instruction privée des aveugles. (MM. de Lacepède et Ampère,
commissaires.) — M. John Walsh adresse de nouvelles observations re-
latives au calcul du Binôme. (MM. Poisson et Cauchy, commissaires.)
— M. Dupont, naturaliste, demande que l'Académie fasse examiner son
cabinet de pièces anatomiques et pathologiques. i^MM. Duméril et Ma-
gendie , commissaires.) — M. Circaud des Geslins écrit de la Clayette
(Saône-et-Loire), qu'il a inventé une charrue préférable à toutes celles
dont on fait usage. Il désire concourir pour le prix fondé par M. de
Montyun. On l'invite à envoyer des plans ou des modèles , avant le 1"
janvier 1824. — M. Chaptal, au nom d'une commission, fait un rapport
sur le Hjémoire de M. Julia Fontcnelle , intitulé : Expérience sur (a fer-
mentation vineuse. M. Julia s'est proposé de déterminer la quantité du
produit en vin et en alcool que donnent comparativement les différens
plants de vigne du même âge et sur le même sol. L'Académie approuve
le travail de M. Julia , et l'engage à continuer ses recherches. — M. de
Humboldt communique l'extrait d'une lettre de M. Boussingault ( â
Santa-Fé de Bogota), annonçant qu'il a trouvé dans les Cordillières de
Santa- Bosa, entre Tanja et le plateau de Bogota , plusieurs masses de
fer météorique très-duclile Le poids de l'une des masses est d'environ
5o quintaux. M. Boussingault a nivelé avec RI. Olivera, au moyen de
plusieurs baromètres de Fortin, tout le pays montagneux qui s'étend de
Caracas à Santa-Fé. Ces voyageurs ont observé avec soin les variatii>ns ho-
raires , et ont recueilli un grand nombre d'observations chronométriques
et de latitude. — M. Magendie communique l'observation qu'il a faite
récemment d'une maladie qui a paru offrir tous les caractères de Thydru-
phobie. Il a injecté dans les veines d'un bras environ une pinte d'eau à
la température du sang, et les symptômes ont entièrement cessé. M. Ma-
gendie fait remarquer dans l'état du malade divers accidens fâcheux in-
446 EUROPE.
dépendaos de la cause principale. — M. Gambey lit un mémoire dans
lequel il propose un nouveau moyen de diviser avec précision les inslrU-
men-: astronomiques, sans qu'il soit nécessaire de faire coïncider le cen-
tre de la plaie-forme et celui de rinslrument. ( Mil. Prony, Mathieu et
Fresnel, commissaires.) — M, Hachette continue b lecture de son mé-
moire sur la mesure des effets dynamiques. Ce second chapitre concerne
l'exploitation des carrières aux environs de Paris. L-auteur a t'ait précé-
der cette lecture d'observation» relatives a diverses pompes, savoir : cel-
les de Lahire, la pompe rotative anglaise, celle de M, Conté, et celle de
M. ArnoUet. — M. Strauss lit un mémoire d'analomie comparée, dans
lequel il traite des animaux articules.
— Du 27. — M. Gambey envoie la description et le dessin d'un appa-
reil à l'aide duquel on peut vérifier l'horizontalité de l'axe d'une lunette
méridienne dans toutes les positions de l'instrument. (MM. de Hum-
boldt,Arago et Gay-Lussac, commissaires.) — M. Ferrand transmet un mé-
moire contenant de nouvelles explications relatives à un bateau remon-
teur et navigateur dont il a proposé l'usage. (MM. Piony, Girard et Mo-
lard, commissaires.) — M. Turban, père, propose l'emploi du plâtre dé-
layé dans l'eau tiède pour guérir les engelures. Il annonce aussi avoir fait
tisser des couvre-pieds très-économiques. (MM. Fourier et Magendie,
commissaires.) — M. Hachette communique une note relative à des ex-
périences sur la vitesse du son, par M- Olynlhus Gregory, professeur à
l'Académie de Woolwicb. — M. Magendie annonce que le malade chei
lequel on avait observé les symptômes de l'bydrophobie , vient de suc-
comber par suite d'autres accidens très-graves qu'il avait d'abord fait re-
marquer. — M. Geoffrov Saint-Hllaire lis un mémoii-e intitulé : Consi-
dérations sur ta hoursect l'utérus des animaux marsupiaux ; sur la com-
position et les rapports intimes de ces organes ; sur les artères qui s'y dis-
l'-ibuent, et le haut développement de la charpente osseuse qui les en-
toure, et sur l'action de ces deux poches d'incubation dans la formation
du fœtus. — M. Vauquelin fait un rapport sur un mémoire qui avait été
présenté par M. Cagniard de Lntour, et qui est relaùl' à diverses expérien-
ces physico-chimiques sur des corps soumis à l'action simultanée de la
chaleur et de la pression. 0 Nous pensons, dit en terminant le rapporteur,
que la plupart des expériences que M. Cagniard de Latour offre comme
des applications de ses connaissances eu mécanique à la chimie, sont
mtéressantes et curieuses; que plusieurs des conséquences qu'il en tire
sont ingénieuses, et pourront trouver des applications utiles à la pratique
des aits. Nous pensons , en outre, qu'on doit savoir gré à M. Cagniard
EUROPK. 447
du zèle qui l'a porté a cnlrcprcndre ce genre de recherches , que nous
considérons coiiimo une nouvelle mine à exploiter, et pour la découverte
de laquelle nous proposons à l'Académie d'accoiiler son approhaiiou.
— M. Gay-Lussac, au nom de la section d;- pli),sique, (ail un rapport
sur le projet de M. l'architecle Alavolne, qui a proposé de reconstruire
en l'er coulé la flèche de la cathédrale de Rouen, en lui donnant la forme
d'une pyramide quadrangulaire de 79 met. de hauteur, ce qui porterait
le sommet de l'édifice à i58 met. au-dessus du sol. La section de physi-
que est d'avis que la pyramide en fer ne piésenle, relativement à son
action sur l'électricité atmosphérique, aucun inconvénient qu'on ne
puisse éviter. Elle deviendra même un excellent paratonnerre (>our la
calhéilrale et les bâtimcns environnans, en la i'aisant communiquer avec
un sol humide, au moyen de deux barres de l'er de 27 à 3a millimcl. de
côté en carré. — M. Girard fait un rapport sur le mémoire de M. de Thi-
vilie, intitulé: Observations iur quelques erreurs en physique. Les erreurs
signalées par M. de ïhiville se réduisent à deux : l'une sur la forcemuscu-
laire des animaux considérés comme moteurs ; l'autre , sur le frottement
des liquides en mouvement contre la surface des corps solides. Il ré-
sulte du rapport qu'il y a bien long temps qu'il n'est plus question ea
physique des erreurs dont parle M. de Thiville ; et que ses observations
ne prouvent autre chose , sinon qu'il ne s'est point tenu au courant de ces
deux sciences. — D'aptes le rapport de M. Cauchy, l'Académie approu-
ve le mémoire de M. Téxier de Montainville, qui a pour objet l'inscrip-
tion des cinq corps réguliers dans la sphère. — M. Flouretss présente
un mémoire sur i'aclion des diverses parties de l'organe cérébral.
A. M. T.
— Académie française. — Séance extraordinaire du \ novembre iS'i.î.
— M. Auger lit deux Notices historiques et littéraires , l'une sur l'^é-
vare, et l'autre sur Georges Dandin. M. Aignan , sa traduction en vers
de VHymne à Cérès, atlri!)ué à Homère, et qui doit faire partie du 5«
vol. de la Bibliothèque étrangère. M. Lémontey, une Notice sur il/"'
Clairon.
— Société d'encouragement pour l'industrie nationale. — Séance gé-
nérale annuelle du 29 octobre iSîJ. — L'assemblée était présidée par
M. Chaptal, pair de France. M. de Grrando, secrétaire, a fait con-
naître, par une analyse claire et rapide, le résultat de chacun des con-
cours ouverts en i8?.2. — Sur vingt prix proposés , deux ont été rempor-
tés; un troisième, ajourné pour éclaircissemeiil. Deux concurreris ont
approché d'assez près d'un quatrième et cinquième prix, pour mériter
448 EUROPE.
chacun une médaille d'or. Enfin, sur les dix-sept questions qui ont été
remises au Loncours, il en est neuf qu'on peut regarder coMiine à peu
près résolues. — Il reslait du concours de l'année dernière deux pris ,
dent la délivrance avait été suspendue pour appel à l'expérience; ils ont
été déiinitivement adjugés. Ln troisième n'avait élé délivré que par-
tiellement par le même molif ; il a été complété. Les récompenses dé-
cernées dans celte séance s'élèven» à la somme de jôoo fr. — Chaque co-
mité a fait ensuite ses rapport» particuliers et détaillés, sur Ks divers su-
jets de prix dont la proposition avait donné lieu à des tentatives plus ou
moins heureuses. — Sur le rapport de M. Molard jeune, membre du co-
mité des arts mécaniques, le piix de 2000 fr. ayant pour objet l'application
de la machine à vapeur aux presses d'imprimerie, a été adjugé à M. Sel-
ligue, mécanicien à Paris, rue des Vieux-Augustins , n" 8. L'auleur a six
presses de ce genre en activité depuis six mois; elles servent à impri-
mer des journaux ou d'autres ouvrages. La maciiine à vapeur qui les fait
mouvoir est de la force de quatre chevaux, et travaille habitueilemeut
sous la pression des deux atmosphères. La dépense est de i5 fr. par jour
pour les six presses, ce qui fait, peur chacune, 2 fr. 5o c. Cette dé-
pense, comparée à celle de la meilleure presse ordinaire , est dans le
rapport de 5 à 8. — Sur la proportion du même comité, une mé-
daille d'or de la valeur de 5oo fr. a été décernée à MM. Van Honlem
père, et Sevin de Beauregard, propriétaires de la fabrique d'aiguilles de
Marouvel, près Laigle (Orne), en récompense des efforts qu'ils ont faits
pour perfectionner cette fabrication. — M. Mérimée, membre du co-
mité des arts chimiques, a fait un rapport sur le concours relatif à la fa-
brication du cuivre en bâtons, à l'usage des tireurs d'or. M. Gardon et
MM.Villetle frères, de Lyon, ont atteint le but désiré; leurs produits sont
également beaux. Mais les quantités livrées au commerce n'ayant pu
être vérifiées à tems, la délivrance du prix a été ajournée jusqu'à plus
ample information. — Sur Ne rapport du même membre, une médaille
d'or de 5oo fr. a été décernée à M. Vieat, ingénieur des ponls-ct-chaus-
âées, à Souillac (Lot-et-Garonne), pour avoir approché du prix relatif à la
composition d'une matière plastique, se moulant comme le plâtre, et
capable de se durcir à l'air autant que la pierre. Les échantillons envoyés
par M. Vicat ont résisté, pendant deux ans, à l'épreuve de la gelée. —
Un troisième rapport a été fait , par M. Mérimée , sur la fabrication du
cuir, façon de Russie. Le prix de ôooo fr., proposé pour cet objet, avait
été décerné, en 1822, à MM. Duval-Duval et Grouvelle ; mais la moitié
seulement de cette somme leur avait été délivrée. On voulait s'assurer
EUROPE. ^0
si l'odeur des peaux qu'ils avaient préparées, odeur dont l'identité
avec celle des cuirs de Russiie avait été bien conslatée par le comité des
arts chimiques, ne s'aû'aiblirait point au l)Out d'un certain teins. Sun in-
tensité ayant paru la même, après un an d'épreuve, et les coucurren:>
ayant d'ailleurs ajouté à leur procédé de nouveaux perfeclionnemen», la
lof alité du prix leur a été définitivement adjugée. — Le prix de i5oo l'r.
pour la culture du pin laricio, et celui de looo fr. pour la culture du pin
d'Ecosse, réservés, en 1832, savoir : le premier, à M. de Lnrgeril, maire
de Rennes; et le second, à M. Trorhu , propriétaire à Belle - Isle-en-
Mer, leur ont été adjugés définitivement , sur le rapport de M. Bosc ,
membre du comité d'agriculture. — M. Trochu a déclaré qu'il se pro-
|)osait d'employer entièrement la valeur de son prix à de nouveaux
semis, projet d'autant plus digne d'éloges, que l'île qu'il habite est
entièrement dépourvue de bois. — M. Uuzard, membre du même co-
mité, a rendu compte du ré-ultat du concours ouvert par M. Ternaux ,
pour le meilleur Mémoire sur les avantages qu'on peut se promettre,
suivant les circonstances et les localités, de l'éducation des moutons à
laine supcrCne d'Espagne, et sur le croisement des races de moutons de
France. — Le prix, consistant en une somme de 3oo fr., a été décerné à
M. Perrot de Jotems, l'un des propriétaires du beau troupeau de IVaz,
commune de Ccssy , département de l'Ain. Cet agronome distingué avait
déjà concouru, pour le même prix, en 1S22, et obtenu une médaille
d'argent. — Deux nouveaux prix ont été proposés, l'un de i5oo t"r. pour la
meilleure râpe à betteraves , et l'autre de 1200 fr. pour lameilleure presse
àexprimer le sucde celte plante. L'un et l'autre seiontdécernés en 1824.
— La fin de celte séanco, déjà si pleine d'intérêt, a présenté une cir-
constance remarquable. Les coins qui servent à frapper les médailles de
la Société, et dont l'exécution est un chef-d'œuvre de l'url numismati-
que, sont l'ouvrage et en même tems un don de feu M. Tiolicr père,
graveur-général des monnaies; mais la grandeur du module empécliait
qu'on en fît usage pour des médailles d'or au-dessous de 5oo fr. , ce qui
en rendait l'emploi rare et applicable seulement aux primes df première
classe. M. Tiolicrfils, héritier des talens et du ilésinléressement de son
père , afin de mettre la Société à même de multiplier les marques de sa
générosité, a gravé pour elle une nouvelle médaille de plus petite di-
mcn?ion que la première, et a saisi le moment de sa réunion en assem-
blée générale pour lui en faire !iomm;ige. La Société lui a témoigné sa
ii-connaissance par ses applaud'sseiuins, et de plus elle a décidé, sur
la proposition de M. Mérimée, qu'une empreinte en or de cette racmc
T. XX. — iS'o'.'e.nibrc i8'i~). %j
45o EUROPE.
médaille serait oHertc à M. Tiolier, dans sa procliaine séance générale.
— Les fabricans ont montré beauroup d'empressement à relever, p.ir
l'exhibition de leurs produits , i'éclat de cette solennité. On y voyait
deux des grands candélabres imitant le porphyre, de la manufacture de
Srfrguemines, une coupe en argent , de M. Fauconnier, orfèvre, et un
vase en bronze, du même artiste, ainsi qu'une multitude d'autres ou-
vrages des plus remarquables parmi ceux qui ornaient l'exposition du
Louvre , et dont les auteurs ont obtenu des distinctions honorables.
Concours ouvert pour les années 1824, 189.5 et i85o. G,
Arts mécaniques. — Constrnclioii d'une machine propre à
travailler les verres d'optique , 2,5oofr.
Construction d'un moulin à moudre et à concasser les grains,
qui puisse être adapté à toutes les exploitations rurales ^,000
Fabrication des aiguilles à coudre 3, 000
Application de la presse hydraulique à l'extraction des hui-
les, du vin , et en général dis sucs des fruits a,09O
Construction d'une machine propre .i raser les poils des
peaux employées dans la chapellerie 1,000
Fabrication du Cl d'acier propre à faire les aiguilles à cou-
dre 6,000
Amélioration des fontes françaises 6,ooq
Perfectionnement du moulage en fonte 6,000
Construction d'une machine pour lâper les betlera*es. . . . «,5oo
Construction d'une machine pour presser la pulpe des bet-
teraves k « >ooo
Arts chimyjues. — Etauiage des glaces à miroirs, par un
procédé différent de ceux qui sont connus 2,4oo
Perfectionnement des matériaux employés dans la gravure
en taille-douce i,5oo
Préparation du 1 et du chanvre, sans employer le rouis-
jage 6,000
Découverte d'un métal ou d'un alliage moins oxidable que
le fer et l'acier, propre à être employé dans les machines à di-
viser les substances molles et alimentaires 0,000
Fabrication des creusets propres à la fonte de l'acier s,ooo
..Perfectionnement dans la fabrication des cordes d'instru-
mens 2 .000
Fabrication du papier avec Técorce du mûrier à papier. . . 5, 000
ÀH$ cconomiqacs. — Fabrication de la colle de poisson. . . a,oo(.i
EUROPE. 45 1
Construction d'un moulin à bras pour écosser les légumes
sets 1 ,000 fr.
Découverte d'une matière su moulant comme le plâtre, et
capable de résister à l'air autant que la pierre 2,000
Moyens d'occuper les aveugles 1 ,000
Conservation des substances alimentaires, par le procédé
de M. Appert, exécuté en grand, ou par tout autre moyen., y, 000
Olssécation des viandes 5, 000
Agriculture. — Semis de pins du Kord ou de pins de Corde,
connus sous le nom de laricio , cl semis de pins d'Ecosse. . . 1,000
Construction d'uù moulin pour nettoyer le sarrasin 600
Importation en France et culture de plantes utiles à l'agri-
culture , aux manuiactures ou aux arts , i*^^ prix 2,000
•2' prix 1,000
Introduction des puiis artésiens dans un pays où ces sortes
de puits n'existent pas. (Trois médailles d'or de la valeur de
Soo fr. cbacune.') 1 ,5oo
Concours ouvert pour l'année i85o. — Plantation de ter-
rains en pente, \" prix 3, 000
7.' prix i,5oo
Total des prix offerts par la Société 76,600 fr.
Société Asiatique. — Cette Scciété continHC avec assiduité ses in-
téiessans travaux. M. de Lasleyric, qui la présidait dans sa dcrniéie
séance du 5 novembre, a annoncé que le texte chinois et la traduction
latine d'un ouvrage philosophique de Alencius, qui vivait dans le qua-
trième siècle avant Jésus-Christ, étaient presque entièrement lithogra-
jihiés et imprimés, et qu'ils seraient mis en vente incessamment. Le
'Journal asiatique de cette société se continue avec succès, et parait fort
régulièrement à la fin de chaque mois , chez Dondey Dupré père et fils ,
rue Saint-Louis, n" 46, au Marais. !..
ATHKNtE ROYAL oB PâBis. — Programme fourt'an 1824. — De tous les
établissemens littéraires de Paris, VAthénéc royal, nommé autrefois
Lycée-, est un de ceux qui ont le plus contribué iiux progrès des sciences
«t des lettres : les savans et' les littérateurs les plus distingués de la
France y ont professé tour-à-lour. C'est pour cet établissement que La-
iiAKrE fit son Cours de littérature, Gisgoehé son Histoire littéraire de
l'Italie, FoL'BCROi son Système des connaissances chimiques, M. La m eb
ciER son Cours analytique de littératuie générale, et c'est diins cet éla-
45a EUROPE.
blissemcnt que ^I. Clvier a fait ces belles leçons d'histoire naturelle et
d'aaatomie comparée j qui lui ont mérité les suffrages de toute l'Europe.
Les chaires de l'Athénée ont été constamment ouvertes à tous le» profes-
seurs célèbres, et on s'est plu à y encourager d'une manière particulière
tous les jeunes talens. Satisfaire le goùl des gen? instruits , suppléer à
l'instruction des autres, rappeler aux uns ce qu'ils savent, apprendre
aux autres ce qu'ils ignorent ou ce qu'ils n'ont appris qu'imparfaitement,
inspirer l'amour des bonnes étudea à ceux qui ne l'ont pas encore, se-
conder les études des autres , occuper agréablement les personnes âgées
qui sont fatiguées du poids des affaires ou qui sont ennuj'écs des plaisirs ,
enfin, offrir aux jeunes gens qui ont mal fait leurs études classiques ou
qui ne les ont pas finies, les moyens de les compléter et de les perfec-
tionner , tel Cït le but et telle est l'utilité de l'Athénée. Cet établisse-
ment n'est pas seulement utile aux habitans de la capitale; il l'est plus
aux étrangers, qui vivent isolés et sans famille au milieu de ce tourbil-
lon de tous les peuples , et qui ne sachant souvent comment varier les
occupations de leur vie , trouvent à l'Athénée une société d'hommes
choisis, des salles de cotwersation et de lecluret une bHiiiolhè<fue com-
posée de bons ouvrages, les nouveautés les plus intéressantes, Aa jour-
naux littéraires et folitiques ; enfin , des cours agréables et variés sur
les principales branches des connaissances humaines.
Tableau des Gocbs et des Lectuabs.
Première section. MINI.
Physique exfcri ment aie -Pouiilet.
Chimie Dumas.
Anatomii et Physiologie Magekdie.
Astronomie Fbancoecb.
Seconde section.
Littérature Paeent-Réai.
Histoire littéraire de la France Villknave.
Art oratoire Mehvillb.
Histoire d'Angleterre Mics«r.
Indépendamment de ces cours réglés, MAI. Jomabd, membre de l'A-
cadémie des inscriptions et belles-lettres, Deson , membre de l'Iustitut
(Académie des beaux arts), F. BoDts, Victobi.n-Fabbe, de L* Bebgebie,
DcBOis, Febvb, Savabda.-^ et sulres savacs et hommes de lettres, ont
promis de faire des lectures sur différens sujets de leur choix. — La
XXXIX' année athénéenne commencera le i5 novembre 1825, et
finira le 16 novembre i8a4. Quelle que soit l'époque de la souscrip-
EUROPE. 45>
lion y ces dates en détcriniocnt invariablemcnl la durée. L'Athénée est
ouvert tous les jours, depuis neuf heures du matin jusqu'à onze heures
et demie du soir. Les souscripteurs reçoivent , le dimanche , le bulletin
des leçons de la semaine suivante. Tous les cours auront lieu le soir. Le
prix de la souscription est de i20 francs pour les hommes , et de 60 fr.
pour les dames; celui de l'admission de MM. les étudians, pendant
toute la durée des cours , est de 60 francs. Le bureau pour les abonne-
mens est ouvert tous les jours au secrétariat de l'AthénéL', rue de Valois
(ci-devant rue du Lycée), n" 2, au coin de la rue Saint-Honoré et de
la place du Palais Royal.
Athénée des Dames. — Une Société académique de femmes vient de s'é-
tablir, sous ce nom, dans un hôtel de la place Vendôme. Le premier nu-
méro des Annales littéraires a paru. On y lit avec intérêt les discours
d'ouverture. S. A. R. M™^ la duchesse de Berry, voulant contribuer A
l'agrandissement de cette Société, vient de l'honorer de sa jouscription.
M™'= la maréchale duchesse de Regfjio s'est fait inscrire aussi sur la liste
de cette Société, qui compte parmi ses membres un grand nombre de
personnes de la plus haute distinction.
Conservatoire des Art» et Métiers (ancienne Abbaye Saint-Martin,
rue Saint-Martin). — Les cours publics et gratuits, fondés dans ce bel
et utile établissement par l'ordonnance royale du 25 novembre 1819,
ont été ouverts samedi 29 de ce mois. Ils continueront, chaque semaine ,
à deux heures et demie précises, ainsi qu'il suit : Mécanique appliquée
aux arts, professeur, M. Ch. Dupin, les mercredi et samedi; Chimie
appliquée aux arts, M. Clément-Dksormes, les lundi et jeudi ; Econo-
mie industrielle, ISL J. B. Sa y, les mardi et vendredi.
École spéciale des Langues orientales ( à la Bibliothèque du Roi). —
Les cours de cette école vont recommencer, le lundi i^' décembre, dans
l'ordre suivant ;
Cours de Persan, M. Langlès; lundi, mercredi, vendredi, 9 heures
du matin.
Arate, INL SvLVEaTaE deSacv; mardi, jeudi, saofédi, 11 heures
du matin.
Arabe vulgaire , NL Cacssin dk Pkrcevai. fils; lundi, mercredi,
vendredi, à midi.
Turc, M. Amédée Jacbeht; mardi, jeudi-, samedi, 9 heures
du matin.
Arménien , M. Cibbied ; mêmes jours, à 6 heures et demis
du soir.
454 EUROPE.
Grec moderne, M. Hasse ; lundi, mercredi , veudrcdi, à 2 heu-
res et demie du soir.
Gymnase r.ormal, civil et mUitaire. ■ — Séance puhiique. — Le di-
manche 26 octobre, ce bel établissement a été le rendez -tous d'une
société aussi nombreuse que brillante : la distribution des prix aux élèves
civiis et militaires, les exercices et lesprogiès étonnans de cette jeunesse,
confiée aux soins de M. le colonel Amobos, ont reçu des applaudissemens
unanimes et bien mérites. Dans la carrière delà gymnastique, ouverte
en France par M. Amoros , le succès appelle le succès, et chaque séance
générale offre aux spectateurs les attraits de la nouveauté. Celle dont
nous parlons a fait concevoir les plus grandes espérances : des enl'.ins
de 5 à 6 ans y ont l'ait preuve d'une adresse, d une force et d'un courage
extraordinaires, et dont ils apprennent en même tems à faire le plus ho-
norable emploi. Mais, ce qui ajoute encore à l'intérêt de cette séance,
c'est que M. le directeur a fait connaître , dans son discours d'ouverture
que ces exercices conviennent également à la jeunesse des deux sexes;
qu'ils ont été suivis avec un succès remarquable par de jeunes person-
nes , les unes d'une constitution faible , et qui ont acquis le trésor d'une
bonne santé; les autres, affectées de quelques déformations, soit natu-
relles, soit accidentelles , et dont les membres ont repris leurs formes
ordinaires. Ces exercices, dont le but est si louable et le résultat si tou-
chant , où tout est prévu pour la décence et pour les soins de la santé ,
dirigés et surveillés par des médecins habiles, rappellent quelques éla-
biissemens analogues formés en Suisse, en Allemagne et en .\nglcterre.
Celui de M, Amoros a le très-graud mérite d'amener, par l'attrait du
plaisir, ou la guérison , ou raccroiîisement de la santé et de tous les biens
dont elle est la source. C'est un nouveau présent que M. le directeur du
gymnase nous a fait. F.
Jnslruclionpublifjue. — Etablissement de M, H. Boismont^ rue Man-
dar, n" 5. — Cet établissement, où sont enseignés simultanément le grec,
le latin, l'anglais, la grammaire française, les mathématiques, l'hisloirc,
la géographie, le dessin, vient de terminer son année scolaire. Les élè-
ves qui coinposent l'école secondaire ont été soumis à l'examen de pro-
fessseurs habiles et de littérateurs distingués; cette épreuve a convaincu
tous l'"s auditeurs, qu'un grand nombre de ces jeunes élèves avaient éga-
lement réussi dans chacune des branches de leurs études. Ne pourrait-on
pas conclure de cet essai que la réunion d'un certain nombre d'objets
d'instruction, loin de nuire aux progrès des élèves, seconde au contraire
les développemens de leur esprit, soit en prévenant la lassitude et le dé-
goût par ia variété des travaux, soit en exerçant, en rectifiant même l'in-
ELR.OPE. r»"^
l.lliscncc, par rhabituJo de comparer les idées de diSernnt.e nature
qu'on leur inculque? '•'•
Cours d'astronomie et machines astronomiqxies , propres à faire com-
prendre le système du monde. — Au moyen de deux appareils astrono-
miques de son invention, M. Ringleb , habile mécanicien genevois, dé-
montre d'une manière si claire les phénomènes de notre système plané-
taire, que les personnes les moins famiiièrcs avec les science», les com-
prennent sans dillJculté (i). L'un de ces appareils, qui représente le sys-
tème planétaire en mouvcmeni , est renfermé dans un ciel de satin bleu
de 24 pieds de circonférence, avec les constellations zodiacales cl les
principales boréales; le soleil y est figuré par une étoile garnie de bril-
lans. L'autre appareil, entouré d'un cercle de i5 pieds de circonféren-
ce, et figurant l'écliptique , démontre les mouvemens de la terre, l'in-
clinaison et le parallélisme de ton axe, les causes du changement des sai-
sonsetde l'inégalité desjoiirs; le mouveuienldc la propre lune, l'inclinai-
son de sonorbile, ses nœuds, ses phases; enfin, les éclipses de lune et du
soleil. Tous les mouvemens dans les deux appareils s'exécutent comme
d'eux-mêmes, et sans qu'aucune des pièces qui servent à les faire mou-
voir soient vues et produisent aucun bruit. M. Ringler a ouvert, le iG
novembre, des cours et des séances publiques. — On peut voir ces ma-
chines, tous le-! jours, excepté les iêtcs et les dimanches, depuis une
heure jusqu'à quatre, rue d'Aviioise, prés ccUndc Richelieu, hôtel du
Pelit Cercle, n° 1. Prix d'entrée, 5 fiancs. M. Ringler donnera des cours
particuliers sur les phénomènes du système du monde. Ces cours auront
dix à douze séances, et l'on pourra les suivre, en prenant un abonne-
ment de 40 francs pour chaque cours : les jours et les heures des séances
seront réglés à la commodité des abonnés: un cours commencera, dès
qu'il y aura six personnes in.^critfs pour le suivre. Par ce moyen, les
chef» d'institutions et les pères de famille pourront procurer à leurs é-
lèves ou à leurs enl'ans les avantages que procurent les machines de M.
Ringler pour l'étude des élémens de l'astronomie. Z.
Cours de langue et de (illéralurc grecques. — M. Kiccio-Poilo , de
Smyrne, l'un de nos collaborateurs, ouvrira, cet hiver, un cours rai-
sonné de langue et de littérature grecques , d'après une méthode ex-
trêmement simple et facile don! il se sert , depuis dix-sept ans, pour ses
élèves, et qui leur épargne beaucoup de temps et des dépenses. Le pre-
mier de 5 à 10 fr. par mois, pour trois leçons par semaine. M. K. iom-
(1) L,3 Société genevoise pour l'encouragement da arts a décerné nm; mé-
daille il or à M. Biiigler.
456 EUROPE.
dra à son cours quelques notions sur la musique grecque, appliqtice à
des vers d'Hùmèrc et de Sophocle, selon la prosodie el le rhyilune des
anciens. On se fait inscrire pour tout le cours chez M. Kico[.o-PorLO,rue
Kotre-Dame-des-Victoircs, n" ii, et à la biblothèque de l'Institut.
Cours public gratuit anal\licofralique de musique instrutnentate
et vocale y par M. G. Nézot, inventeur de la mélliode rfiythmi- harmo-
nique, rue de Kussv, n" i5. Ce cours sera continué, tous les dimanches,
à une heure aprè.-. midi, pendant l'hiver. Les lo ou 12 premières leçons
seront en partie consacrées «î des notions essentielles d'acoustique, que
l'on appliquera à l'harmonie; à<les considérations sur l'utilité physique
et morale delà musique, à l'examen rapide de ses effets, et à l'exposé
de la seule méthode à l'aide de laquelle des amateurs et des élèves de
capacité différente peuvent concerter ensemble de prinjt-abord, sans
que leur nombre, l'inégalité de leurs talens ni la diversité de leurs étu-
des nuisent à leurs progrés respectifs ou au bel effet de l'ensemble. Il
y a dans la semaine des leçons par abonnement. Z.
Anatomie arlificielle. — Sur la demande de M. le garde-des-sceaux,
chargé provisoirement du portefeuille de l'intérieur, V Académie royale
de mcdecine avait nommé, dans le mois de septembre 1822, une com-
mission pour exan-.incr les pièces d'analomic artificielle de M. Aczoux ,
D. M. , et un mémoire qu'il y avait joint. MM. Béclard, Dumerii, H'"".
Cloquel, Breschet et Dcsgcneltcs composaient cette commission, dont le
rapport a été lu par ce dernier, dans la séance du 5 novembre 1825. IjC
rapporteur l'ait l'éloge du talent de M. Auzoux, et de soa zelc éclairé ,
modeste, désintéressé, inl'atigabie. Tout en remarquant qu'il existe
entre ses travaux et ceux de quelques autres anatomistes, surtout de
M. Ameline , quelques points de contact; M. Desgenettes observe que
M. Auzoux est auteur d'innovations importantes, et qu'il en promet plu-
sieurs autres encore. Enfin, le rapport conclut à recommander fortement
à l'attention du ministère les travaux de ce jeune et habile médecin. —
^^ous essaierons de donner ici un aperçu des pièces anatomiques de
M. Auzoux, qui nous ont paru mériter une mention toute particulière
à cause des grands avantages que son travail promet à la science. Jus-
qu'à présent , on s'était appliqué à produire des imitations d'anatomie
pour lesquelles on employait la cire, à cause de sa flexibilité; mais ces
imitations d'une vérité frappante , ne présentaient que la surface des
objets; et comme les détails intérieurs, encore plus nécessaires à l'étudi.',
ne pouvaient être rendus parce moyen , elles étaient plus convenables à
EUROPE. 4. 7
un musée qu'à un amphilhéâlre. M. Auzoux , avec une composition
semblable au carton , est parvenu à construire des corps tout entiers,
dans lesquels tous ies organes , tous les détails des parties externes et
internes sont fidèlement représentés. Les parties supérieures se démon-
tent facilement et d'après les règles adoptées dans la dissection. Elles
font place aux parties intérieures, qui s'enlèvent avec la même lacililé.
On parvient à décomposer ainsi le corps humain en miMe pièces diverses,
qui sont aisément réunies les unes aux autres, au moyen de numéros
d'ordre. Voilà deux avantages obtenus snr la méthode ordinaire de la
dissection, usitée pour l'étude de l'anatoraie. On évite le dégoût insé-
parable des opérations faites sur les cadavres, et l'élève, en recompo-
sant lui-même le corps humain, apprend bien mieux à connaître toutes
ses parties. La seule objection à faire au procédé de M. Auzoux , c'est
que sa^eompositlon ne peut reproduire aus^i parfaitement que la cire ,
toutes les nuances de couleur. Mais cet obstacle peut être vaincu. Du
reste, les moindres organes, les nerfs, les musoles, les veines, tous les
vaisseaux, sont fij^urés dans toute leur étendue, avec une exactitude ri-
goureuse. M. Auzoux se propose d'ouvrir une souscription, au moyen de
laquelle chaque souscripteur aura une pièce complète, le corps entier
d'un homme, pour le prix de !5oo francs. Quels sont les cabinets, les
bibliothèques publiques , les écoles de médecine , ou même les hom mes
livrés à l'étude de l'anatomie, qui ne pourront pas retirer une grande
utilité de cette belle invention ? Elle peut d'ailleurs conduii e a ime quan-
tité de perfectionnemens intéressans. Appliquée à la pathologie anato-
mique, elle permettra de représenter, non-seulement l'effet de la ma-
ladie sur une surface , mais encore ses ravages dans l'intérieur du corps,
les altérations qu'elle fait subir aux divers tissus, etc. Pour l'étude des
accoud'emens, au moyen de pièces de rechange, 11 sera facile de faire
voir la grossesse à ses différentes époques, les phénomènes qui ( n sont
la suite , les déviations de l'utérus , etc. L'anatomie comparée , la méde-
cine vétérinaire , doivent aussi en attendre de précieux résultats. Enfin,
ce qui ne sera pas le moindre service rendu à la science anatomique
par M. Auzoux , son procédé la met à la portée des gens du monde et des
différentes personnes que le dégoût éloigne des amphithéâtres où elle est
cnsei^;née. A. J.
Chimie appliquée. — Moyen de rétailir les vins tournés. Les vins
sont sujets à une décomposition à laquelle les cultivateurs donnent le
nom de tour'uurc , quand elle est encore peu avancée. Leur matière co-
lorante devient violette ou presque noire ; le vin prend alors une saveur
et une odeur désagréables, et cesse d'être transparent; l'écume qu'il
458 EUROPF.
forme en l'agilant n'est ])liis rouge. L'analyse démontre qu'il s'est formé
du sousearboiiale de potasse aux dépens de la crème de tartre et de la
matière colorante contenues nalurelieinent dans le vin. Si Ton ajoute un
peu d'acide tartrique à ce liquide décomposé, cet acide s'empare de la
potasse; il se dépose de la crème de tartre au fond du vase, et le via re-
prend sa saveur et son odeur naturelles. L'e.tpérien'e faite sur plusieurs
centaines d'hectolitres de vin tourné , a démontré qu'il fallait une demi-
ouee d'acide tartrique pour chaque hectolitre de vin , quantité qu'il faut
un peu augmenter quand la décomposition e«t plus avancée. Ce moyen,
qu'on doit à M. Breton, profes!>eur de chimie, à Paris , ne convient qu'à
des vins tournés depuis un an.
Théâtres. — Second Théâtre- Français. — Le Tribunal secret on ies
Francs- juges y tragédie en cinq actes et en vers, par M. Leon-Thiessé.
(i 1 novembre.) — Celle tragédie, qui n'avait obtenu d'abord qu'un suc-
cès vivement contesté, a depuis été accueillie beaucoup plus favorable-
ment, dans plu>ieurs lepréser.tations successives, parce que l'auteur, do-
cile aux con-eils d'une critique sévère, et lui-même excellent critique , a
su retoucher son ouvrage et l'améliorer par des coupures et par des chan-
geraens importans. Le sujet parait appartenir au mélodrame, qui s'en
était déjà emparé, plutôt qu'a la muse tragique. Un tribunal de sang qui
jugeait dans l'oinbre, qui imposait à une corporation secrète d'initiés
fanatiques, véritables séides , le devoir de fouler aus pieds tous les sen-
timens de la nature, la piété filiale, l'amitié, l'amour, la reconnaissance,
d'immoler au besoin les objets de leurs plus chères affections, parais-
sait devoir exciter au plus haut degré les impressions de la terreur. Un
prince d'Allemagne, Conrad, a résolu d'anéantir les francs-juges; ceux-
ci, inforniés de ses desseins, ont lancé contre lui un arrêt de mort. Le
prince sait qu'il est voué aux poignards par ses puissans ennemis. 11
conSe sa position, ses chagrins et son danger à son fière, qui vient le
rejoindre , après une longue absence; et ce frère lui promet son appui
et cchii de son fils Rodolphe, revenu avec lui d'une guerre lointaine, et
qui doit arriver incessamment dans le château, où se posse le premier
acte. Au second acte, la scène est dans une sombre forêt. Rodolphe, ac-
compagné de deux guerriers, se félitiie de revoir les lieux qui furent témoins
des jeux de son enTance , et la fille de Conrad , Evnestine , qu'il aime et
qu'ildoitépouscr. llentend pron ncer son nom parunevoix mystérieuse.
Un inconnu se présente it lui demande un entretien particulier : ses
compagnons se retirent à l'écart. L'inconnu est un franc-juge qui lui fait
connaître que le tribunal secret le charge, lui Rodolphe, d'exécuter l'ar-
rêt de mort prononcé contre Conrad. Il lui rappelle ses sermens , et lui
prouve que Couiad a conspiré la ruine df l'associ.ilioti dont il est mem-
bre. Le jeune Rodolphe se trouve livré à l'affreux combat des senlimens
de la nature et du cruel devoir qu'on lui impose. Au troisième acte, on
rentre dans le chàleau de Conrad. Rodolphe ne peut ni dissimuler ni
expliquer l'agitation de fon âme, cl il ne répond point à l'accueil em-
pressé que lui l'ait Erncsline. Elh; se retire , et Conrad par:iît. Toujours
plus irrésolu que jamais, Rodoliilie ne peut cependant consommer le
crime f;ui lui est ordonne. Il fait connaît ■ à son oncle l'Iiorrible mission
qu il a reçue, et jette au loin son poignard, en renonçant à la remplir.
La fille de Conrad, agitée par de vives alarmes , revient auprès de son
père qu'elle trouve seul, un poignard à ses pieds; elle ramasse le poignard
sur lequel sont écrits ces mots : Tribunal secret. Elle devine ce qui s'est
passé, et ce que Conrad ne veut point lui révéler. Ici, la première action
p.'irait terminée. On s'intéresse peu à l'incertain Rodolphe qui ne peut
se résoudre ni à tuer son oncle, ni à se prononcer contre la sanglante
société dont il est membre. II n'est ni entièrement fanatique, ni ver-
tueux. L'inconnu de la forêt, qui a pénétré dans le château, se présente
à Rodolphe, lui reproche d'avoir trahi ses sermens, et lui annonce qu'il
va !u;-m ème exécuter l'arrêt du tribunal. En effet, il entre précitamment
dans l'appartement du prince, où Rodolphe le suit. Au cinquième acte,
dans les premières représenlntions , on voyait reparaître tour à-tour le
prince , qui , défendu par son neveu , n'a été bles-é que légèrement par
son assassin, et Rodolphe lui-même, qui a été blessé mortellement, com-
me proscrit par les francs-juges, pour avoir enfreint leurs ordres. Main-
tenant, Conrad seul revient sur la scène, et la mort de Rodolphe est
annoncée par un officier qui apporte en mêftic tems la nouvelle que l'a-
bolition du tribunal secret vient d'être prononcée par la diète germani-
que. Telle est, en peu de mots, la marche de cet ouvrage , où l'on a re-
marqué des situations qui ont produit de l'effet , et plusieurs vers qui
ont obtenu de vifs applaudissemens.
Beacx-arts. — Exposition des ohjefs d'art envoyés par l'école de Borne.
— Cette exposition, dont le retour est annuel, a été, celte fois, beau-
coup plus complète que les précédentes. On a paru attribuer ce chan-
gement au zèle du peintre distingué qui a été récemment nommé direc-
teur de cette école, et je le cruis volontiers. Le public a mis de l'em-
pressement à venir examiner les tiavaux de cette jeune légion d artistes
que la France entretient a Rome, et qui sont aujourd'hui l'espérance,
comme ils seront un jour l'ornement de leur patrie. La promicrc salle
de cette exposition était occupée par les architectes et les sculpteurs.
Les travaux des premiers 8C composent d'études générales ou partielles,
4"o EUROPE.
faites d'après les monumens cxistans de TancieDDe Rome, telles qu'élé-
vations, plans, chapiteaux, corniches, etc., et enfin de restaurations.
Ce dernier ^enre de productions est la partie romanesque de l'architec-
ture, si je puis ra'exprimer ainsi ; car elle consiste à rétablir, dans leur
entier, et tels qu'ils sont supposés avoir existé, des édifices dont il ne
subsiste plus que des ruines ou même de simples vestiges. Ce sont,,
toutefois, d'excellentes études qui exigent de la perspicacité, et au moyen
desquelles on a relevé, à peu de frais, le temple de la Concorde, celui
dédié à Jupiter-Tonnant, le panthéon d'Agrippa, le théâtre de Marcel-
lus, etc. En quelques aunées, Rome, toute eniière, sortirait de aea
rumes; et, si l'on pouvait également rendre à la vie ses anciens habi-
tans , ils seraient , sans doute , très-étonnés de l'as^pect nouveau de leurs
édifices. Il y avait , en général , une précision remarquable dans toutes
ces études d'architecture; peut-être même est-elle poussée trop loin, et
va-t-e!le, chez quelques-uns, jusqu'à la dureté; mais je m'accommode
mieux de ce défaut que du défaut contraire, la mollesse, dont on ne
fait jamais rien. Les sculpteurs doivent envoyer, selon le tems qu'ils
ont déjà passé à Rome, des figures en plâtre ou en marbre. Parmi ces
dernières, qui annoncent la fin des études , j'ai principalement remar-
qué plusieurs belles copies d'apics l'antique, de MM. Vatinelle, Dimier
et Jacquot; un End) mion couché et endormi, de M. Brun; enfin une figure
représentant Eurydice blessée , de M. Nanteuil. Il y a bien un peu d'af-
féterie dans la pose de cette figure, mais le travail est d'un ciseau déli-
cat , le dessin est correct et élevé ; c'est donc une production qui honore
sou auteur et qui lui assigne déjà un rang. Les peintres faisaient seuls
les honneurs de la seconde salle ; car les gravures au burin et en pierres
fines, qui y éiaieut également exposées , occupaient fort peu le public,
dont les regards ne sont attirés que par les masses : les travaux fins et
délicats sont du ressort exclusif des artistes cl des connaisseurs. M. Ré-
mond, qui paraît vouloir nous consoler de la perte de Michallon, avait
envoyé deux paysages , dont l'un , Fue prise d'Almafi, était un fort bel
ouvrage. M. Dubois avait recueilli des éloges les années précédentes ;
mais il est resté, cette fois, au-de^snus de lui-même. IM. Hesse , dont
le tableau était également médiocre, avait envoyé, en outre, une
très-belle copie de Polydore de Caravas;ge, qui a attiré tous les regards.
Mais, ce qui a surtout fixé l'attention , c'est une scène du déluge de
M. Court. Les uns ont exalté la beauté de l'exécution ; les autres ont
tout condamné , à cause du peu d'élévation qui régnait dans cet ouvrage.
Quant à moi , je me range avec les premiers. Lorsqu'un jeune homme a
une force d'exécution comme celle que M. Court a développée, je le
FX'ROPE. 4<5i
tiens pour un véritable artiste. L'élude, la mt-fii(ation , l'examen des
grands maîtres pourront lui donner ce qui lui manque ; mais rien ne ra-
chète la faiblesse d'exécution. L'ensemble de celte exposition , sans rien
oEFrir d'extraoïdinaire , est cependant assez satisfaisant. 11 est à crain-
dre, toutefois, et celte tendance se décèle surtout chez les peintres,
que la génération actuelle ne veuille s'écarter de la marche suivie par
les maîtres qui ont si glorieusement relevé l'école française. A cela je
ne connais point de remède; les idées ont quelquefois une marche ré-
trograde qu'il serait impossible d'arrêter, et les avi'i du maître habile
qui dirige l'école de Rome, l'auteur de Phèdre, de iMarcus Sextus et
de Didon , feront plus que tous les critiques réunis.
— Peinture. — L'exposition au Louvre, qui dérange tant decombinai-
sons, renverse tant d'espérances, détruit tant de réputations, est aussi
l'époque oîi l'artiste qui présente au public une production digne de
ses suffrages , reçoit la récompense la plus chère à son coeur. Quel doux
concert de louanges 1 son âme en est émue, sa vanilé flattée ; déjà, il re-
garde SCS confrères avec un air de protection. Mais, à l'exposition suivan-
te, un rival plus heureux captive l'attention des connaisseurs. Soudain,
le désespoir le transporte , il veut effacer cette gloire nouvelle; il prend
ses pinceaux, se remet à l'ouvrage; son imagination est en délire, il va
créer un chef-d'œuvre; et jusqu'au nouveau salon l'espérance le berce
de ses douces et décevantes illusions. Voilà la vie d'un artiste. Le grand
salon du Louvre est son Parnasse, son temple de mémoire; c'est l'arène
où se livrent les combats dans lesquels il brûle de vaincre. Maintenant
que l'on comprenne, s'il est possible, le désespoir d'un peintre que de
justes succès ont accoutumé aux louanges du public, lorsqu'une circons-
tance invincible vient lui ravir les éloges auxquels il croyait pouvoir as-
pirer. Écoutez - le s'écrier dans son atelier : ce dernier ouvraî^c qu'on
lui enlève avant d'avoir pu le montrer, était justement celui dans lequel
il s'était élevé au plus haut degré. Quels beaux nus! quelle savante dis-
position ! quelle harmonie de couleurs! avec quel art les draperies sont
jetées! Cette situation, de laquelle il faut retrancher lout ce qui est de
pure imagination , est justement celle où se trouve ^L Ch. Taudiko.
Chargé par le ministère de la maison du roi d'exécuter plusieurs tableaux
importans, destinés à être reproduits en tapisseries des Gobelins, il a
eu la douleur d'être obligé de les remettre aux maîns qui vont les tra-
duire aussitôt qu'ils ont été achevés, et lorsque le salon s'ouvrira, hélas I
ses tableaux n'y paraîtront pas. Pour se dédommager, autant que pos-
sible, il a invité ses confrères et les connaisseurs à venir voir les trois
productions qu'il vient d'achever. Lis sujets sont pris dani la vie d«
463 HUROPE.
l'un de nos plus grands rois, saint Louis. «Sa piété , qui était celle d'un
anachorète, dit Voliairc, ne lui ôta aucune vcrlu de roi. Une sage éco-
nomie ne déroba rien à sa libéralité. Il sut acc-order une politique pro-
fonde avec une justice exacte. Prudent il ferme dans le conseil, intré-
pide dans les combats, sans être emporté , il fut compatissant, comme
s'il n'avait jamais été que mathcurevur. t Quel louchant éloge renfer-
xnent ces dernières paroles! Considérons maintenant k-s tableaux de M.
Ch. Tardieu , tt nous allons retrouver ce grand roi sous chacun ds ces
caractères : guerrier intrépide, monai que ami de la justice , prince émi-
nemment religieux et coaipatissanl. Ici, le peintre nous le montre s'é-
lançantle premier sur le livagc égyptien , suivi de l'élite de ses troupes :
rennemi luit de toutes parts, laissant sur le champ de bataille des morts
et des blessés. Là , le guerrier fait place au Chrétien qui s'bumilic : le roi
de Fran'-e lave les pieds d<'s pauvres et leur fait distribuer des aumônes.
Enfin, nous le voyous, assis à l'ombre d'un chêne, rcodaut la justice
dans la forêt de Vincennes. Dans tous ces tableaux, on retrouve un
peintre nourri de bonnes études et Gdéle aux piincipes des maîtres qui
ont regénéré l'école française. Habile à bien disposer ses masses, M.
Ch. Tardieu en rend tous les détails avec talent. Je lui donnerai i^urtout
des éloges pourl^ manière dont il a su éviter l'écueil qu'ulPrait la scène
qu'il a choisie , pour nous montrer saint Louis administrant la justice
par lui-même. Un chevalier, au prinlems de son âge, a rencontré dans
1(; bois une jeune et belle paysanne. Il a ravi ce qu'il n'avait pu ob-
tenir par ses prières; mais on accourt aux cris de la victime, et le
ITicLe qui a abusé de sa force est conduit devant le roi. Le peintre a
supposé que la jeune fille était belle et bien faite ; il a eu raison
il (allait justifier, eu quelque sorte, Tincontinence du jeune hrim-
me, afin de ne pas trop l'avilir. Enfin, il a su répandre sur toute cette
scène une teinte de pudeur qui lui donne de l'intérêt et du charme , et il
a prouvé en cela du goût et de l'habileté. La jeune fille, couchée sur les
genoux de sa mère, cache sa figure dans Tune de ses mains qu'elle arrose
de ses larmes; sa mère lève l'autre bras pour montrer au roi les traces
de la corde dont le chevalier s'est servi pour lui faire violence; le père
montre cette même corde. Le jugement est prononcé, et l'on dégrade
le coupable, en lui enlevant ses éperons. Le reste se devine et n'est
plus du ressort du peintre, qui a fort bien écrit sa scène.
— Giavure. — Lorsque j'ai reqdu compte de l'exposition particulière
que M. H. Vernet a laite de ses ouvrages, en 1S22, j'ai tâché de faire
passer dans l'âme de uics lecteurs l'impression ^ ive et profonde que
j'avais ressentie,^ à la vue du tablvau repiéscnlunt l'une des scènes de la
EUROPE. 4G5
défense de ParL-;, en i8i|. Ce tableau vient d'étrp gravé, dans une très-
grande dimension, par M. Jazet. Cette gravure est l'une des plus par-
faites qui soient sorties des mains de cet habile artiste. Pour ceux qui
n'ont pas vu le lable;iu, il leur semblera qu'il ne leur reste rien à dési-
rer; mais, mui qui l'ai vu, considéré, admiré, je ne puis m'empêcticr
de me rappeler Esrhjine s'écri.jnt, à l'occasion des applaudissemens ex-
cités |);ir les discuurs de Déinosthènes qu'il récitait à ses élèves : Que
serait-ce donc, si vous faisiez entendit, lui vicnic? P. A.
— Gravureiilhograpliii-e, représentant le monument consacré à la mé-
moire de M. Rolland, membre de la chambre des députés, mort e«
1822. Paris, 1820; au Dépôt central de la lithographie, quai Voltaire ,
et chez tous les marchands de nouveautés. In-fol. ; prix, 1 fr. 25 c.
Cette lithogiaphie, très-biwi exécutée , offre, sur le premier pian , la
tombe de M. Jlulland ; un voit au l'und la ville de Metz, prés de laquelle
la reconnaissance publique a élevé ce simple monument à l'un des plus
fidèles défenseurs de nos libertés.
Jeux divers. — Jeu de la guerre. — Les Cris de Paris. — Jeu de Quilles.
— Ecran (tes Mctamorjffioses, etc. — C'est un spectacle intéressant que
celui de notre industrie, à l'approche du jour de l'an. Peu de personnes
sont à portée d'.ipprécier le nombre d'artistes et d'ouvriers occupé^ à
exciter l'attention des donneurs d'étrennes. Plus de i5,ooo personnes a
Paris travaillent à flatter les différens goûts, à tenter les différentes for-
tunes, au moyen de la branche d'industrie connue sous le nom de car-
tonnage. Le carton , dans leurs mains , prend les formes les plus élégan-
tes et les plus gracieuses. Ici se présentent ces écrans qui amusent nos
yeux en même tems qu'ils les préservent de l'action trop vive du feu du
foyer. Là, toutes sortes de boîîes présentent des surprises agréables,
tandis que des jeux variés se préparent pour égayer les longues soirées
d'hiver, en offrant les chances d'une fortune sans périls. Parmi tous ces
objets, si séduisans pour les enPans , pour la jeunesse, et quelquefois
pour Tâge mûr, il en est quelques-uns qui nous ont frappés par leur élé-
gance comme par leur iovenrion. Le Jeu de (a guerre tah passer sous
les yeux du spectateur, d tns un cadre étrcit , mille scènes diverses de
combattans, qui, comme de raison, moii'rent toujours l'avantage du côle
du peuple auquel le jeu est destiné. Dans une boile élégante, nous trou-
vons des cartes représentant les divers marchands et marchandes dont
les cris font retentir chaque jour les rues de Paris. Au moyen de ces fi-
gures, on fait un jeu djns lequel chaque personne répète les différens
cris des marchands que les cartes lui présenlenl. Ce jeu, intitulé /es
Cris de Paris, amène d.ias les salons la g:ûté broyant^?. Des vers ptquan»
4'»4 EUROPE.
sont relatifs aux fonctions de chacun des personnages. Parmi ces petites
pièces , nous avons remarqué celle du Marchand de vieux Uabils, Un
.nuire jeu, non moins ingénieux, est le Jeu de Quilles, qui offre les
quilles et la boule dessinées sur des cartes, tandis qu'un chien malen-
contreux vient se mêler de la partie, où il est reçu comme l'annonce le
proverbe. Plus loin , le carton, par un art délicat , prend la forme d'une
pendule. Chaque heure se montre dans le calice d'une fleur, et Zéphyre,
le bras tendu, remplaçant l'aiguille du cadran, les indique tour-à-tour.
Un papillon, placé sur le stylobafe, est l'emblème du tems qui passe
parmi les fleurs. Un écran de main nous présente une jeune femme qui
se montre tour à-tour sous mille costumes divers, et pique sans cesse la
curiosité par la variété de ses ajuslemens. C'est l'écran des Métamorpho-
ses. Un autre écran , non moins agréable , reUace assez exactement l'effer
magique du Diorama. Les tableaux sont transparens, et les jeux de la
lumière d'un foyer suffisent pour imiter les effets de la lumière du jour
dans le beausj)ectacle de MM. Bouton et Daguerre. Cette partie du com-
merce, qu'on pourrait appeler ta petite industrie j est plus importante
qu'on ne le croit ordinairement, et sa prospérité prouve qu'en France
on n'a pas moins de plaisir à faire d'agréables cadeaux qu'à les recevoir.
Bbès.
Nbceologik. — Carnot. — Voici un homme que ses contemporains
ont vu tel que la postérité le jugera , et dont la vie entière est connue de
toute l'Europe; cependant, il n'est pas encore tems d'écrire son his-
toire. Son nom et sa mémoire tiennent si essentiellement à une grande
série de faits, qu'il n'est pas possible de l'isoler dans une biographie.
Pour en parler convenablement, il faudrait écrire l'histoire de la révo-
lution ; mais quoique nous po-sédions une immense collection d'écrits
sur cette partie de nos annales , aucun de ceux qui portent le nom A'his-
toire n'est exempt d'erreurs, et loin que l'on, cherche à les recliGer, les
témoins occulaires qui restent encore laissent croître de jour en jour le
nombre des mensonges historiques, et ne s'opposent point à l'altération
des faits les plus imporlans. Lorsque la génération contemporaine de la
révolution aura disparu , les récits de ce grand événement demeureront
tels qu'on les aura faits dans des tems postérieurs, et la postérité ne
saura que ce qu'on aura voulu luilaisser apprendre. Toutefois, la vérité ne
sera pas tout-à-fait sans asile : quelques mémoires échapperont à la vi-
gilance de ses ennemis, et recomposeront une histoire incomplète, mu-
tilée, mais sincère. A cette époque, très-reculée et même problémati-
que, il sera possible de considérer Carnot comme homme public , et ce
.sera dans l'histoire même, dans le grand tableau des faits auxquels il
EUROPE. , 465
pnt pari, qu'il faudra chercher les traits qui le caractérisent. Aiijour-
iVhui, nous devons nous borner à peindre le savant et le citoyen, ^om
ne pouvons cependant nous dispenser d'appeler l'attention sur l'une
de ses qualiiés morales qui régla dans tous les tems sa vie politique ;
c'est une modéiatlon, un calme de l'âme, qui ne laissait aucun accès à
1 ambition. Cette belle qualité ne fut p;is toujours aussi utile que digne
d'estime : elle empêcha plus d'une fois que les talens et les grandes
vues de Carnot ne tournassent au profit de la cause qu'il avait embras-
sée. Ou ne peut le connaître et l'apprécier , que lorsqu'il agit seul.
Dans le peu de tems qu'il lut (hargé du ministère de la guerre, il
ne parut presque point agir, il ne fa'igua ni ses bureaux ni la presse;
et cependant, une forte impulsion fut donnée à l'immense dévelop-
pement des forces militaires de la France à celle époque. Aucun
liomme ne connut mieux que lui l'art du faire beaucoup avec très-peu
de moyens apparens, sorte d'iulelligence et d'adresse qui ne sera ja-
mais devinée ni recherchée par un ambitieux. Dans une république
bien réglée, il serait arrivé, suivant l'ordre naturel des choses, aux
premières fonctions de l'état ; il eût présidé à ses destinées. Aussi
désintéressé, aussi dévoué à sa patrie que Washington le fut à la sien-
ne , et possédant de plus grands talens militaires, il n'aurait pas
moins bien défendu la cause de la liberté , que ne le fit l'illustre Amé-
ricain. Mais ses connaissances et ses qualités précieuses devinrent inu-
tiles, parce qu'il fut associé à des collègues moins habiles et plus ambi-
tieux; il n'influa point sur les délibération-! les plus importantes; i! ne
put empêcher que la direction des affaires ne tombât entre les mains de
l'ignorance audacieuse et de l'opiniâlre médiocrité. S'il eût eu assez
d'ambition pour dominer le directoire, et se mettre à la place que ses
talens lui assignaient, Bonaparte n'aurait point soumis la France, et la
face de l'Europe ne serait pas aujourd'hui telle que nous la voyons.
Ajoutons encore un très-léger linéament à cette esquisse de l'homme
public. Lorsque Cainot fut chargé du gouvernement d'Anvers, les cais-
ses de cette place étaient vides, et il fallut recourir à une monnaie ob-
ridionale. Eu pareil cas, on donne presque toujours une valeur fictive
aux pièces que l'on fabrique; celles que Carnot fit frapper n'avaient
que leur valeur intrinsèque , en sorte que leur circulation ne pouvait
causer aucune perte, quels que fussent les événemeus de la guerre et
les conditions de la paix.
Carnot naquit, en 1-55, à Noiay , petite ville du département de la
tôte-d'Or. Son père était un jurisconsulte très-estimé ; il entra fort
E. XX. — Novembre i8i3. 3o
466 EUROPE.
jeune dans le corps du génie; el avantl'âge de vingt ans, le jeune offi-
cier avait composé V Eloge ds Vatiban^ couronné par l'Académie de Dijon.
Quelques poésies furent aussi pour Iqi un dèhassement de travaux plus
sérieux. Porté par le sentiment de ses devoirs aux études de l'ingénieur,
el par ses goûts, aux mathématiques et aux lettres , il réussit également
dans la culture de ces diverses branches de connaissances. En ijSiî, il fit
paraître un Essai sur les machines ; ^t vingt ans plus tard , après le?
tourmentes révolutionnaires , son ouvrage intitulé : Principes fondamen-
taux de l'équilibre et du, mouvement. Ces principes sont plus métaphy-
siques qu'analytiques, plus propres à satisfaire les esprits accoutumés a
HOC extrême sévérité de raisonnement qu'à fournir des moyens d'appli-
cation. En 1802, il publia sou Traité de géométrie de "position, le plus
remarquable et le plus utile de ses ouvrages mathématiques. Quatre
aus après, on vit paraître ses Réflexions sur la mélaphysique du calcul
infinitésimal, dont on a fait dernièrement une nouvelle édition. Toute s
ces recherches annoncent un esprit exact, patient, mais peu jaloux de
suivre les roules battues^ et se plaisant à lutter contre les diOScultés. On
Toit assez que l'institut de France n'avait pas de membre plus actif et
plus laborieux. Lorsqu il n'était pas encore totalement éloigné des af-
faires publiques, c'était par des occupations de cabinet qu'il se repo-
sait des soins et des travaux qui lui étaient imposés par ses fonctions.
Outre les ouvrages que nous avons cités, il a fait plusieurs mémoires
insères dans le recueil de ceux de l'institut. Mais, aucun de ces écrit»
ne fit autant de bruit que son Traité de la défense des places. Aujour-
d'hui même, plusieurs militaires ne le lui ont point pardonné, et quel-
ques-uns l'ont attaqué avec un acharnement qu'ils n'auraient point mon-
tré contre de simples erreurs. [<es sciences même, et à plus forte raison
i<es arts ne sont pas toujours préservés de l'esprit de parti,
Carnot eut pour ennemis tous ceus qui s'enrichirent et s'élevèrent par
la révolution ; sa vie entière était , pour ainsi dire, leur acte d'accusation.
Fouché , devenu ministre eu i8i5, ne balança point à le proscrire. Il
eut pu trouver hors de sa patrie ce qu'il n'avait jamais demandé à se»
concitoyens ; mais son âme généreuse ne pouvait accepter les dons de
rélranger. Content d'un patrimoine très-modique, il ne l'accrut par au-
cune spéculation d'intérêt, et termina sa carrière dans la plus bonorabla
pauvreté. Vénéré dts étrangers au milieu desquels il avait trouvé un
asile, chéri d'un grand nombre d'amis dévoués, admiré de tous ceux
qui ont quelque élévation dans l'âme, sa retraite ne fut pi-s sans dou-
ceur, el «a fin sans consolations, f.es habitans de Magdcbourg, litu d*
EUROPE. 407
sa dernière habitation , conserveront long temps le souvenir d'un Iiùlc
si digne de l'eslime qu'ils lui témoignaient. 11 leur fut cnlové, à l'âge
de 70 ans , au commencement du mois d'août de celle année. F.
— Agier. — La magistrature française vient de faire une perte bien
censibic dans la personne de M. Pierre-Jean Agieb, doyen des prcsi-
dens de la cour royale de Paris, mort le 35 septembre iSaô. à soixante-
seize ans. Malgré son graud âge, ce respectable magistrat apport ait un zèie
pieu» et une sagacité rare dans l'accomplissement de ses importantes
fonctions. M. Agier avait exercé la profession d'avocat-coosiiltant .i l'an-
cien parlement de Paris. Ses études eurent pour but principal d'appro-
fondir les dispositions du droit canonique, sur lesquelles sa science et
son esprit vraiment religieux le portaient de préférence, A cette épo-
que , M. Agier a travaillé , avec Bayard et Camus, à Ja Collection de dé-
cisions nouvelles , connue sous le nom de Nouveau Denisarl. Il publia,
en 1789, le Jurisconsulte national , ou Principes sur les droits les plus
importans de la nalion, et en 1790, des vues sur la réforme des lois ci-
viles. M. Agier, à la mémorable époque de la révolution, conçut toutes
les espérances qu'elle donnait aux hommes généreux et amis de leur
pays. Il fut nommé, en 1789, député suppléant de Paris aux états géné-
raux, et membre de la commune au i4 juillet. Ses connaissances aussi
variées que profondes et la fermeté de ses principes et de son caractère
le firent mettre au nombre des candidats pour la place de gouverneur
du dauphin, désigné alors sous le nom de prince-royal. La première année
du gouvernement consulaire, M. Agier fui nommé juge du tribunal
d'appel, et quelque temps après il devint l'un des présidens de ce tri-
bunal, place qu'il a occupée jusqu'à sa rr.ort. Parmi les divers ouïr;iges
de M. le président Agier , on doit distinguer celui qui a pour tilrc : du
Mariage, dans ses rapports avec la religion et avec les lois nouvelles da
France. (Paris, 1801 , 2 vol. in-S».) Il renferme les meilleurs principes
sur le mariage, considéré commt: contratcivilt et ou y reconnaît la science
profonde et l'esprit judicieux de celui qui l'a écrit. M. le président Agier
avait consacré, pendant beaucoup d'anoéi-s, le tems que lui laissaient ses
importantes fonctions àdenombreux travaux sur les prophéties de la bible
qu'il a recueillies et traduites sur les testes hébraïques , avec des notes
critiques et des commentaires. Ua juge éclairé sur ces matières, M. Lan-
juinais, a souvent entretenu les lecteurs de la Revue Encyclopédique des
ouvrages de ce genre successivement publiés par son savant ami. (^oy.
Tom. X, pag. 17g; Tora. XI, pag. Sgo; Tom. XVI, pag. i5i.) C'est
après l'achèvement de ces estimables et utiles travaux que la mort est
%iOS El R OPE.
vniue frapper M. le président Açicr. Janraîs aucun tribunal n'eut an
juge plus équitable; jamais la science du droit n'eut un plus habile in-
terprète. A. Tk\llaiioip.r, avocat.
— Bi'uguièrc deSorsum. — Le» lettres viennent de perdre un homme
qui les aimait avec passion, et qui, long-tems forcé de les négliger pour
d'autres occupations était constamment revenu vers elles, et recommen-
çait, depuis son loisir, à les cultiver avec ce goût décidé qui est à la fois
l'indice et le gage du succès. M. Antoine- André Rbugdièbe, iaron de
Sorsnm, né à Marseille, en juillet 1770, d'un négociant de cetle ville,
embrassa, très-jeune encore, la carrière du commerce, et fit un voyage
à la Guadeloupe, où l'appelaient les affaires de son père, et où il passa
quelques années ; il parcourut à celle époque les îles voisines, et se rendit
ensuite à Cajcnne, chargé d'une mission importante, relative à la cul-
ture du poivre et du girofle , dont ou voulait alors enrichir nos Antilles»
Il parcourut l'intérieur delà Guyane française, et s'y occupa, durant un
an, de l'histoire naturelle du pays. 11 revint ensuite à la Guadeloupe. Les
circonstasces malheureuses où se trouvaient alors nos colonies, n'étaient
rien moins que favorables aux spéculations commerciales; le goût du
jeune Bruguière ne le portait point d'ailleurs vers ce genre d'occupation.
et il revint en France, après une absence plus fructueuse pour son esprit
que pour «a forlune. Ce besoin d'une imagination jeune et vive, ce dé-
sir avide de voir et d'apprendre, lui firent trouver, dans le grand specta-
cle que déroulaient à ses yeux ces contrées lointaines, une source de sen-
.«ations délicieuses qui développèrent en lui le sentiment poétique, et où
il puisa un goût très-prononcé pour les voyages et les connaissances va-
riées qu'ils procurent. — A son retour d'Amérique, M. Bruguière, se trou-
vant à l'armée d'Italie, fut parliculièiemcnt attaché au général Dessol-
les, avec lequel il forma dès- lors une liaison qui lui l'ut toujouis chère;
vers celte époque, et dansTintimité du général, il contracta d'honorables
amitiés, qui l'ont suivi jusqu'à sa mort, et qui garderont un long souve-
nir à sa cendre. Lorsque le général Desselles devint chef d'étal -ma-
jor de Morcau , M. Bruguièie l'accompagna à l'armée du Rhin. La
pais. d'Amiens lui ayant apporté quelque loisir, il en profita pour pu-
hlier, en i8o5, Sacontala, drame samskril, qu'il avait traduit de l'an-
glais, sur la version de William Jones, et auquel il ajouta des noies in-
téressantes. 11 suivit , quelque tems après , le général Desselles à l'armée
des côtes , et revint à Paris avec lui , lorsqu'il y fut rappelé. Veis ce tems».
ties études et son goût pour la littérature lui firent rechercher la société
des homme» les plus distingués dans les lettre», et il se lia intimcmcnl
FUR OPE. 46r>
avec Fi)n(;ines. Ses amis crtnnai>saienî alors de lui quelques essais, où
brillait déjà un talent remarquable, et qu'il révéla au public dans le
concours de poésie proposé pir l'Instilul , en 1807, concours où il obtint
le premier accessit pour un poème inlilulé: Le J^oyagcur, placé par les
critiques du lems au-dessus du poème de Millevoie, qui avait remporté
la couronne. Lorsqu'après la guerre de Prusse le royaume de Westphalie
fut créé, les amis de M. Briiguière l'y appelèrent. Il y fut successive-
ment secrétaire-généial du ministère de la guerre, secrétaire du cabinet
et maître des requêtes au coDseil-d'étaf. Le prince qui gouvernait alors
ce pays sut apprécier son beau talent et ses excellentes qualités; il le
nomma baron, en attachaot à ce titre honorifique la terre de Sorsutn.
Au milieu des dexAjirs de sa place, qui lui imposait plus d'assujettisse-
ment que de travail, M. Brui,'uièro pouvait encore consacrer quelques
instans au culte des muses et à l'élude de la littérature orientale. Il com-
posa, pendant son séjour à Cassel, un drame en vers et en musique, in-
titulé : les Captifs d'Alger; €t il apprit le samskrit, langue difficile, dans
a connaissance de laquelle il fit des progrès assez rapides. Rendu , de-
puis 1814, à un studieux repos, M. Bruguière , retiré près de Tours,
dans une jolie habitation clianipêlre, se livrait enfin tout entier à ses
goûls, prés d'une épouse chérie et d'un enfant qui faisait toute sa joie.
Il avait entrepris la traduction des chefs-d'œuvre de Shakspcare ; mais ,
pénétré de la nécessité de conserver sa physionomie à un poète aus»i
original , il essayait uu nouveau genre de traduction : il traduisait en
prose la prose de l'auteur anglais, en vers rimes ses vers rimes, et quant
aux vers blancs , il tûchait d'en donner au moins un équivalent, ainsi
que l'avait fait Voltaire, dans la traduction de Jutes César. Il avait
déjà traduit, d'après ce procédé, cinq des pièces les plus admirées de
Shakspcare. Nous souhaitons vivement que le putdic puisse jouir de ce
beau travail, ainsi que de la traduction d'un drame allégorique indien,
intitulé : Le lever de la Lune de l'intciligence, dont la publication nous
offrirait un double intérêt, sous le rapport de l'histoire de l'art dramati-
que, et de la connaissance des mœurs et de la métaphysique de l'Inde.
A l'époque du ministère du général Dessniles, M. Bruguière revint à Pa-
ris et fut nommé secrétaire de l'ambassade de France en Angleterre ;
mais il ne s'est jamais rendu à ce poste, et il resta auprès du ministre
jusqu'au moment où celui-ci quitta si honorablement les affaires. M.
Bruguière publia dans ce tems (1819) un volume de littérature orien-
tale, contenant une comédie chinoise {Lao-seng-eul ou le Vieillard au-
q%iei a naît un héritier), et un conte moral {San-iu-icou j ou ics Trois.
470 EUROPE.
étages consacrés), tiaduils sur la version anglaise de J. F. Da^is; oh
trouve dans ce volume un avant-propos et des noies qui annoncent une
connaissance approfondie de la littérature de la Chine. Ce fut aussi à
cette époque qu'il prit paît à la publication d'un journal littéraire, le Ly-
cée fraif.çais , parmi les rédacteurs duquel il comptait plusieurs amis; il
l'enrichit de quelques bons morceaux de littérature étrangère et de poé-
sie. EnGn, il donna, en 1820, la traduction du Rodcrick, de Soulhey, en 3
vol. in-12; ouvrage où brille à un haut degré le talent assez rare d'im-
primer à une traduction le caractère de l'original. Lorsque le Lycée fran-
çais se réunit à la Revue Encijclo'pédique , M. Bruguière, qui avait connu
particulièrement aux armées et à Paris M. Jullien, fondateur et directeur
de ce dernier recueil, avait fait espérer qu'il en deviendrait un des colla-
borateurs; d'autres occupations et le mauvais état de sa santé l'en ont em-
pêché. Tourmenté d'une indisposition !iss<z grave, et dont il était ve-
nu chercher le soulagement à Paris, il y a élé enlevé le 7 octobre , à une
famille qui le chérissait, et à des amis qui ne se consoleront jamais de
sa perte. Il a conservé, au milieu de ses souffrances, la tranquillité d'une
conscience pure; sa mort a été calme et douce, comme sa vie. Celui
qui trace cette notice, son ami depuis i5 ans, et qui a eu la dou-
loureuse consolation de partager avec d'autres amis les soins donnés à
ses derniers momens, éprouve le besoin de rendre à cette belle âme à
cette heureuse union des qualités du cœur et de l'esprit, un témoignage
qui ne coulera licn à sa sincérité. Homme de mœurs extrêmement dou-
ces et d'un commerce très fariic, Bruguière invitait à la confiance, et il
semblait tout naturel de l'aimer ; il joignait à un esprit supérieur cette
bonhommie qui a be-oin d'être en pays de connaissance; sans l'efiVayer,
le grand monde la rend quelque peu silencieuse, mais elle jette dans l'in-
timité un charme inexprimable. L'aménité de son caractère, la bonté de
?on cœur, la modestie de son e-prif, relevaient encore son talent. Mal-
heureusement, ce talent n'a pas porté tous ses fruits ; Bruguière mettait
jusque dans ses travaux littéraires quelque chose de cette incurie qui
étiiit naturelle chez lui pour sa fortune et ses affaires; fréquemment tour-
menté de la goutte, il s'en faisait un prétexte pour mener va genre de
vie peu favorable à sa santé et même au développement de son beau ta-
lent, mais qui s'atcordait avec ses goûts paisibles et son humeur parcs-
feuse. Cependant, .«^ans compter ^ca ouvrages imprimés, il laisse en ma-
nuscrit des productions d'un mérite distingué. Outre les traductions de
Shakspeare et du drame indien dont nous avons parlé, nous connais«ons
dt lui des imitations à'Ossian^ dont sa poé5ie a su conserver habilement
EUROPE. 4^1
le coloris original; un poème sur Marseille, sa patrie; des fragmeus d'u-
ne tragédie à' Antijori,e, et d'un poème sur la conquête du Mexic/ue, qui,
malheurcusemcnf , n'est qu'ébaucliû. Lps amis de liruguière, et tous c(.mix
qui aiment les beaux vers , doivent souhaiter que ses manuscrits soient
recueillis avec soin, et qu'on publie ce qui sera en état de paraître. M.
Bruguière était membre de la SocUté usiatique de France et de VAcadé-
ime Tojale de Coeitinjue.
RI. AviNKL.
TABLE DES ARTICLES
CONTENUS
DANS LE CINQUANTE -NEUVIÈME CAHIEU.
NOVEMBRE 1825.
I. MEMOIRES, NOTICES ET MELANGES.
1. Sur les matériaux recueillis en Egypte par M. Cailliaud. J*. p. 267
2. Notice biographique sur Ilaiiy et sur Breguct. F-M. A. -T. 265
IL ANALYSES D'OUVRAGES.
5. Chimie appliquée à l'agriculture , par le comte Chaptal.
Ferry. 279
4. Rapport sur le service des aliénés.
Edouard Laffun de Ladébat. 287
5. Collection des Mémoires historiques des dames françaises.
J. C. L, de Sismondi, 294
6. Parallèle de la puissance anglaise et russe, par M. de Pradf.
Second article. — Rui^sie. Ch. Dupin, de l'Institut. 5o(j
7. Œuvres de F. G. S. Andiioux , T. IV. St. A. BerviUe. ^27
S. Nouvelles Méditations poétiques, par A. de La Martine.
Léon Thiessé. 555
' III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
AanoDces de (^9 ouvrages, français et étrangers. 345
IV. NOUVELLES^ SCIENTIFIQUES ET LITTÉRAIRES.
Amébiquk — États-Unis. 4 '8
Europe. — Iles Britanniques. — Russie. — Pologne. — Suède. — Da-,
nemarck. — Allemagne. — Suisse. — Italie. — Iles Ioniennes. —
Grèce. — Pays-Bas. -p- France. — Paris. 4*9
AYÏS ESSENTIEL AUX SOLSCRIPTEURS.
La Revie Ekcyclopédiole ayant donné jusqu'ici,
chaque mois, un uouiijre de feuilles d'impression qui
excédait toujours d'un sixième , ou d'un quart , et quel-
quefois d'un tiers , celui de 12 feuilles qui était promis
et du à ses souscripteurs, a éprouvé, par celte circons-
tance , une augmentation considérable de dépenses, tant
pour les frais de papier et d'impression , f|U8 pour ceux
d'envoi par la poste, sans compter les dépenses de la
rédaction.
Une expérience de cinq années nous ayant fait recon-
naître la nécessité d'at|;randir notre cadre poiu' amélio-
rer et compléter notre plan , nos souscripteurs trouve-
ront sûrement juste et fondée la très-légère augmenta-
tion de 4 francs par aiotmnxent d'un an, à Paris , 5 fr.
par la poste , da/ts les diparlcmcns, cl 6 fr. dans l'étran-
ger, qiii aura lieu à compter de l'année iSs/j, et au
moven de laquelle la licvfie s'engage à donner régulière-
mont i4ft'ui!lcs d'impression par mois, au lieu de 12.
On peut remarquer que le volume delà 7?t'rf(6 s'ac-
croît ainsi d'mi siocitmc au moins , tandis que le prix de
la souscription n'est pas même augmenté d'un dixième.
Ce Recueil n'en sera pas moins le plus économique
des ouvrages périodiques du même genre, relativement
h son étendue et à l'abondance des matières qu'il ren-
ferme. Ainsi , à commencer du 1"^ janvier 1824 , le prix
de la souscviplion reste déiinitive nent fixé de la maniera
suivante :
A Paris 46 Fr. ];our un an ; 26 fr. pour six mois.
Dans IfS déj>arlemcn.s. . 55. la. id. 5o.
Dans les pays étrangerîi. Go. id. id. Ô4.
N. B. Les abonnemens ne peuvent être faits que pour
une année enlière, ou pour six mois , à partir du i" jan-
vier ou du 1" juillet de chaque année. Les abonnemens
bornés h six mois sont d'un prLx plus élevé, parce qu'ils
déccmplèîent les collections.
REVUE
ENCYCLOPÉDIQUE,
ou
ANALYSES ET ANINONCES RAISONNÉES
DES PRODUCTIOAS LES PLUS REMARQUABLES
DANS LA LITTÉRATURE, LES SCIENCES ET LES ARTS.
%#VVVV%/VVt'VVV WW^ VV\V W%'V%/W%VVW\aVV WVW \'WVVVWV% WVVVWVW\'V\WV^W%%VV%'WV
I. MÉMOIRES, NOTICES,
J.ETTRES ET MÉLANGES.
NOTICE
Sur divers travaux géodésiques , ordonnés par le Gou-
vernement français, et exécutés en partie par les in-
génieurs du dépôt général de la guerre.
Une des couceplions administratives que les hommes d'état
estiment le plus, et dont les étrangers eux-mêmes reconnais-
sent Timportance, est celle qui a ordonné la formation du
cadastre de la France. Cette opération , qui a pour but de
décrire , de figurer et de classer toutes les propriétés immo-
bilières , selon leur étendue et leurs produits, bannit l'arbitraire
et facilite la disposition des rôles d impositions directes : cba-
qne conti'ibuable peut lui-même juger si la portion d'impôts
qu'on exige de lui est, relativement à ses biens, dans la pro-
portion fixée par la loi.
Originairement (eu i 797), l'exécution du cadastre fut con-
fiée à une administration particulière , dirigée par le savant
T. XX. — Décembre iSaD. 3t
474 NOTICE
M. de Prouy ; dhabiles ingénieurs furent mis sous ses ordres,
et des élèves géographes, sortis de l'école Polytechnique , leur
furent adjoluls , pour se former auprès d'eux par leurs exem-
ples et par les soins de professeurs distingués. Les travaux
préparatoires de cette vaste entreprise furent très-longs, et deux
années s'écoulèrent sans quelle fut commencée. Le chef de
l'ancien gouvernement , accoutumé à l'exécution militaire et
immédiate de ses ordres, fut mécontent de ces lenteurs, et
changea cet état de choses.
Napoléon crut qu'il sutEsait, pour exécuter le cadastre gé-
néral de la France, d'employer des géographes, moins ha-
biles , mais plus expédilils que ceux qui en avaient été char-
gés ; et , considérant l'opération sous le rapport financier , il
en confia la direction au ministre des finances. M. le duc de
•Gaëte , dont la probité et les talens administratifs sont géné-
ralement reconnus, fut cliargé de cette entreprise. Pour met-
tre pins de célérité dans l'exécution, il crut devoir ne pas la
faire reposer sur un grand appareil scientifique.
I! se peut qu'en effet, dans la première organisation, on
n'ait pas développé une assez grande activité , en considérant
l'importance du but qu'on se proposait, et surtout le carac-
tère de Bonaparte ; mais, l'expérience a montré qu'aller vite
n'était pas un sûr moyeu de faire promptement. Plusieurs
opérations cadastrales , surtout celles des pays fortement ac-
cidentés , furent manquées , pour avoir été confiées à des in-
génieurs peu instruits , ou dirigées par des personnes sans
talent. Il fallut recommencer. Cependant, l'entreprise s'est
continuée avec des succès variés, elles grands avantages qu'on
en retire dans les pavs cadastrés montrent aux esprits les plus
prévenus com}>ien était belle et vaste l'idée créatrice de cette
grande opération.
Le dépôt de la guerre , institué par Louvois , sons le règne
de Louis XrV, fut supprimé dans les premitres annJes de la
SUR DIVERS TRAVAUX GÉODÉSIQUES. 475
révolution, en 1791. On y suppléa en employanl, tant aux
années que dans rintérleur, d-.s ingénieurs , qui étaient cl,ar-
gés des mêmes fonctions , mais ne (orm^ient pas un corps
distinct. Depuis , Napoléon sentit la nécessité de rétrd)Iir cette
institution , et ses i?uorres d'Italie et d'Égvp'e lui eu avaient
montré toute futilité; c'est en 1809 qu'il organisa ce bel éta-
blissement tel qu'il existe aujourd'hui.
Les ing'nieurs-géographes forment un corps militaire, com-
posé d'ofïiciers de difFérens grades , et d'élèves sortis de le-
cole Polytcclinique, qui en réparent les pertes : il est destiné
aux levers géographiques, aux reconnaissances en présence
de l'ennemi, à la contèction des cartes, etc. Souvent, les of-
ficiers de ce corps paient de leur personne sur les champs de
bataille ; plusieurs sont morts au lit d'honneur, ou par suite
des fatigues de la guerre , et les noms du général Vallongue,
de Jacotin oncle, des chefs d escadron Chabrier, Boclel , des
capitaines Lasseret, Pierreponl , etc., peuvent être comparés
à tout ce que notre armée présente de plus brave et de plus
instruit. En général, on reconnaît qu'il n'est pas de corps
plus honoré et plus digne de l'être que les ingénieurs du dépôt
de la guerre, à raison du mérite des olîlciers qui le composent.
Ce dépôt a été dirigé successivement par les généraux An-
dréossy, Samson, BacIer-d'Aîbe, dEcquevilly, Evain; il l'est
maintenant par le général Guilleminot, qui est digne, par son
habileté , par les souvenirs d'une vie militaire très-honora-
ble, par l'esprit de sagesse et de modération dont il a donné
des preuves récentes , de toute la confiance du personnage
auguste qui a voulu lassocier à ses travaux et à sa gioire.
En tems de paix , le dépôt de la guerre est chargé de tou-
tes les opérations géographiques de France : il a exécuté plu-
sieurs grands travaux en Belgique , en Égjpte, en Italie, en
Bavière, etc. , et s'occupe de perfectionner la connaissance
de la configuration de notre sol , avec le degré de précision
476 KOTICE
que comporieiit Tétat de la science et la perfection des îns-
truniens. Il travaille maintenant à faire une carie de France,
conçue sur une grande échelle , et qui puisse suffire à Tavcnir
à tous les besoins de radminislration ou des services publics j
en sorte qu'on ne verra plus, comme par le passé, les mêmes
contrées mesurées cinq ou six fois , aux frais de léîat. par des
ingénieurs qui , appartenant à des directions différentes, ex-
ploraient les lieux, avec des buts divers.
Si Ton eût continué lentreprise du cadastre sur le plan pri-
mitif, dont M. de Pronj dirigeait Texécution, on ne serait
pas obligé de refaire aujourd hui une grande partie des tra-
vaux qui ont été exécutés par les ordres du ministre des fi-
nances ; le gouvernement, sans abandonner les vues finan-
cières qui ont dirigé ce magistrat, a ordonné des opérations
plus vastes. La manière dont elles seront exécutées se trouve
garantie d avance par les résultats que le dépôt de la guerre a
obtenus dans les départemens réunis du nord de la France , et
qui sont dus à M. Trancbol, puis dans la Bavière et en Ita-
lie, et par les résultats non moins satisiaisaus qu'on vient d'ob-
tenir en France. Les deux notices suivantes sont relatives à
ces deux belles opérations.
L Sur les travaux des ingénieurs français en Italie ,
depuis ies Alpes jusqu'à Borne, de 1801 à 181 4, et
les opérations géodésiques que Con exécute actuclU-
ment en France.
ïRAYArX EXÉCÏTÉS EN ITALIE.
Les opératioîis géodésiques que le corps des ingénieurs-
géographes militaires a exécutées dans la haute Italie , depuis
1801 jusqu'en i8i4^ avaient pour objet spécial de dresser la
carte gém'rale du rovaume d'Italie , et d'offrir des bases aux
SUR DIVERS TRAVAUX GÉODÉSÎQUES. 477
travaux topograpliiqucs des diverses coalrées adjacentes sou-
mises alors à la domination française (1).
Un réseau continu de triangles du premier ordre couvre la
superficie entière d'une partie de l'Italie supérieure , qui s'é-
tend des Alpes aux Apennins , et des rives de la Sésia à celles
de risouzo. Ce réseau porte des ramifications dans le Piémont,
le canton du Tésin , les états de Gènes , de Parme et de Plai-
sance , en Istrie et dans le golfe de Quarnero ; euOn , des opé-
rations trigonomélriques faites à Rome et dans les environs,
avec l'intention de mesurer de nouveau les anciennes trian-
gulations de Lemaire et Roscovich , dont une partie avait été
reclitiée précédemment dans la Marche d'Ancône : telle est
l'étendue qu'embrassent , en Italie , les travaux géodésiques
des ingénieurs-géographes français.
La base de départ est celle que MM. Oriaui, Cesaris et
Reggio, astronomes milanais, ont mesurée en 1788, dans
une bruvère proche la rive gauche du Tésin : réduite au ni-
veau de la mer , cette hase a 9999,81 mètres. L'aiguilie du
dôme de Milan est le point capàid de plusieurs chaînes d'en-
viron cent triangles, dont l'une va à Rimiai , une autre à Vé-
rone et k Manloue, dans le sens de la perpendiculaire h la
méridienne du domej une troisième arrive à Venise, une
quatrième va de Rimini à Padoue; une cinquième sétend à
Rivoli , et une sixième à Turin. La concordance la plus re-
(1) Ces travaux ont élé exécutés sous les ordres du colonel Brossiez,
par MM. Moijmt, Dcnaix, Rousseau, Coraiœuf, Béraïul, Le Senne, etc.
Les ingénituis italiens y ont contribué, et leur zèle inépite autant d'é-
loges que leurs talens. La Notice que je présente est extraite d'un très-
beau travail, rédigé par M. Cobabckcf, chef d'escadron au dépôt de la
guerre, qui a bien voulu me le communiquer, avec l'approbation su-
périeure. Cet ingénieur joint à une grande instruction, une modestie
et un attachement à ses devoirs qui lui attirent la considération géné-
rale.
478 NOTICE
marquable existe entre les mesures obtenues par nos ingé-
nieurs et par M. âe Zacli à Passariano dans le Frioul , à
Sc!>uarzaueck en Carinlhie , puisque, à plus de44o-ooo mè-
tres de distance, les bases mesurées par ce géographe ne dif-
fèrent pas de 5 à G décimètres de celles que donnent les cal-
culs : précision que ion aurait peine à concevoir , si l'on ne
connaissait le talent de nos savans ingénieurs et le degré d'exac-
titude auquel on peut atteindre dans l'état actuel de la science
et des iustrumeus.
Les observations, faites avec d'excelleus cercles répétiteurs,
confiésà desijommeshabilesel exercés; lemploi des méthodes
perlectiounées de nos jours j Textrème précision de la base
de départ ; l'accord étonnant des résultats avec ceux qu'on
s est procurés dans les parties extrêmes du réseau trigonomé-
trique , et avec les A'érilications que donnent les combinaisons
r(ciproqucs des parties ; eiA'in , le soin qu'on a mis dans les
observations astronomiques pour les déterminations de lati-
tude, de longitude et d'azimuts , pour en déduire la situation
relative de plus de quatre mille points ; tout concourt à mettre
cette belle entreprise au rang de celles qui oflrent le plus de
garanties de leur exactitude.
lu des avantages qui résultent des travaux dont nous ren-
dons compte, c'est la découverte de fortes erreurs dans les
ancieuues mesures d"un arc du méridien terrestre , exécutées,
il y a 5o ou 60 ans , par Boscovich dans les états romains , et
par Beccaria en Piémont (i). La recherche et le rétablisse-
ment des termes des deux buses mesurées par le premier; la
liaison immédiate de l'une d elles et de quelques sommets de
ses triangles avec ceux de nos ingénieurs , ont donné le moyen
de rectiiier la mesure de l'arc du méridien qui passe à Rome ,
(1) Cfs travaux oot été exécutés aux frais du roi de Sarilaigne et dd
pape, d'après les injtances de l'Académie des Sciences de France.
SLR DIVERS TRAVALX GÉODÉSIOLES. 479
et d'eu déduire une A';>leur plus exacte du degré terrestre. Nos
géographes , en prolongeant l'arc de Boscovich depuis Rimini
jusqu'au nord de Venise , ont obleuu , par leurs seules déter-
minations , la mesure de ce prolongement et une nouvelle
valeur du degré du méridien d'Italie. Donnons, par quelques
développeniens, une idée de ces ti-avaux.
Les PP. Lemaire et Boscovich avaient mesuré deux ])ases
géodésiques situées aux limites de l'arc de méridien qu'ils
voulaient connaître. L'une de ces bases est près de Rimini ,
sur le bord de la mer ; elle a 1 1-60,1 2 mètres de longueur j
l'autre, de 1 1964,30 mètres , est près de Rome. Il fallait re-
trouver ces deux bases sur le pol même, pour en apprécier le
degré d'exactitude, et s'en servir s'il j avait lieu.
La première , terminée par deux pilotis enfoncés dans la
terre , était d'autant plus diilicile à retrouver , que les erreurs
de l'ancienne opération s'étendent jusqu'à 3o mètres sur la
longueur de certaines distances. La mer, en se retirant con-
tinuellement, laisse le rivage à nu, et on volt maintenant des
jardins aux lieux où il n'existait, il y a un denii-siècle, que
des falaises. Les vieillards même n'avaient conservé au-
cun souvenir des lieux où ces pilotis avaient été enfoncés
pour signaler les limites de la base ; enfin , après diverses ten-
tatives Infructueuses, on a retrouvé ces pilotis à 4 pieds de
profondeur. La mesure de cette base , telle que le P. Bosco-
vicb la donne dans son ouvrage (^oj^^e aslronomique ,Qlc .) .
s'est trouvée forî exacte.
La seconde base s'étendait du tombeau de Métella , au-des-
sous de Fratochia , à trois mliies d'Albe, sur le milieu de la
vole Appia. La première de ces extrémit<s était fariie à re-
trouver ; la seconde présentait d'assez grandes difficultés : un
cube de granit, enfoui à un pied sous terre, a été reconnu
comme la fin de cette base. Cette recbeiche, quoique bien
plus facile que la précédente, a présenté cependant plus dcm-
48o NOTICE
barras , à cause des énormes erreurs qui en étaient la consé-
quence. Sur la dislance de Rome à Rimiui, tirée de cette base
et calculée selon tes règles trigonométriqucs , on a trouvé 108
mètres de trop , sans parler d'autres erreurs moindres , quoi-
que très-fortes, sur diverses autres longueurs. Toutes ces in-
corrections provenaient des instrumens déleclueux empîovés
par Boscoyicb à la mesure des angles, et aussi de fautes com-
mises dans les observations.
Il résulte de ces travaux, dont la précision peut être regar-
dée comme extrême, que la valeur du degré du méridien ter-
restre sous la latitude de 45", conclue de lamplitude de l'arc :
De Rome à Rimlni , est de 1 10954 mètres.
De Rome à Venise , de 1 1 1212
De Rimini à Venise, de 111648.
Ou suppose au spbéroide terrestre un aplatissement de ^fg,
qui résulte de la plus grande amplitude (celle de Rome à
Venise). Ces résultats , si diflérens entre eux , et si éloignés
des idées qu'on s'est faites de !a figure du globe terrestre, en
accusent lirrégu'iarité. Comme il n'est possible d'élever aucun
doute sur l'exaclitude des observations et sur la précision des
calculs , ces grandes anomalies dans des déterminations ré-
centes signalent un fait déjà constaté par d'auires mesures
géodésiques , c'est que les méridiens ne sont point égaux ,
ni de même figure, et que par conséquent la terre est plus
irrégu'.ièrc qu'on ne l'aurait imaginé.
Les travaux de Bcccaria sont moins exacts encore que ceux
de Bescovicb , et ce savant paraît avoir mis , dans ses mesures
d'angles et ses obsei'vations astronomiques, une n('gligcnce
funeste à son entreprise. Sa base, qui a 1 1797,425 mètres de
longueur, s'étend de Turin à Rivoli, le long de la grande
route. Les différences que nos ingénieurs trouvèrent pour des
distances entre ces points identiques, les portèrent à effec-
tuer la jonction de leurs triangles sur les termes mêmes de
SUR DIVERS TRAVAUX GÉODÉSIQLES. 481
cette base. Ils reconRurcut Tune tles cxîréuîités à une pierre
sortant un peu de terre , et qu'ils constatèrent n"avoir souf-
fert aucun dérangement; elle est près de Rivoli. Le mar-
bre cjui fixait l'autre extrémité était enfoui à 2 pieds sous
terre ; comme de l'une on ne pouvait apercevoir l'autre , à
cause de l'indexion du sol , Beccaria imagina de la prolonger
aux deux bouts sur des tertres plus élevés. On attribue à celte
idée malbeureuse une partie des erreurs graves auxquelles il
a été conduit. On trouve près de 6 mètres de moins à sa
base , et 5 portent sur le prolongement. Les erreurs de ce tia-
vail sont telles , que , dans le degré du méridien du Piémont ,
il a trouvé 120 mètres de moins qu'il ne devait. Il y a 55 mè-
tres d'erreur par déiaul. , sur la distance de la Superga à San-
fré, et 26 mètres sur celle de Sanfré à Saluées. M. de Zncli ,
qui a fait , avec beaucoup de soin et un talent recommandable,
diverses opérations gcodésiques sur les mêmes lieux , est par-
venu à des résultats qui présentent un accord très-satisfaisant
avec ceux des ingénieurs français. Il est inutile de dire que
ceux-ci , pour oflrir à leurs successeurs tous les moyens de
vérification , ont marqué par des travaux en maLonncrio iout-
à-fait invariables , les extrémités des trois bases qu ils ont
vérifiées. Ils ont cru devoir s'imposer cette triple jonction,
afin de prouver d'autant mieux Texactitude de leurs opéra-
tions, et de ne laisser à la malignité aucun mo^eu de les
attaquer.
On volt , par cet exposé , combien des travaux erronés s-mt
préjudiciables aux sciences, surtout quand ils sont laits par
des bommes en possession de l'estime puljlique, et lorsqu lis
ont reçu l'appui des gouvcruemens et l'assentlmcat des socié-
tés savantes. Les ouvrages de Beccaria et de Boscovicb ont
ét(' regardés trop long - teins comme des modèles d'exacti-
tude; la discordance de leurs résultats avec ceux de nos in-
génieurs, a dû inspirer à ces derniers une juste méfiance de
48-2 JNOTICE
Ifius propres travaux : des veHnoatlous longues et coûteuses
sont devenues nécessaires. Il eût été bien préférable que les
deux géographes itaiieus n'eussent rien lait du tout ; 11 a ïaliu
plusieurs années pour démolir péniblement rinulile édifice
qu'ils avaient élevé : ce lems eût pu suffire à d'autres opéra-
tions aussi précises que celles que uous possédons actuelle-
ment , et qui auraient fourni des données susceptibles d'être
employées dans tous les tems.
La connaissance de ces détails est bien propre à faire res-
sortir les avantages de la pratique actuelle sur le mode an-
cennement en usage dans les opérations géodésiques , abs-
traction faite du perfectionnement de nos instrnraens ; la
p'us grande partie des inexactitudes reconnues dans les an-
ciennes opérations , peut être imputée à la négligence des ob-
servateurs .
La jonction projetée du grand réseau Irigonométrique de
l'Italie supérieure avec les chaînes principales de triangles
formées en France, pour le levé de la nouvelle carte géné-
rale de ce royaume . offrira une utile application des mesures
géodésiques à la recherche de la figure de îa terre , en ser-
vant à la détermination dun arc de parallèle compris entre
Fmme et la tour de Co^'douan , arc d-environ 14 degrés.
II. Opérations géodésiques exécctÉes bécbmment e>- Fri^ce.
Parmi les immenses travaux géodésiques qui s'accomplis-
sent maintenant eu Europe , sous les auspices de divers gou-
vernemens, la nouvelle Description géomcirique delà France,
fondée sur les meilleures méUiodes dobservation et de calcul ,
tiendra assurément le premier rang , parce que tout a été prévu
pour eu garantir l'entier succès.
Le projet de cette grande opération , qui fut médité au dépôt
général de la guerre , auquel est confié le soin daccroître nos
SUR DIVERS TRAVAUX GÉODÉSIQLES. 485
richesses géodésiques et topograpliiques , et qui avait pour
but de coordonner , dans l'int-'rét des services publics , tous
les plans du cadastre, pour eu composer une carte générale
du royaume, fut d'autant mieux accueilli par le gouverne-
ment , que l'illustre auteur de la Mccanique céleste en dé-
veloppa les avantages dans une séance de la chambre des
pairs , pendant la session de i8i6, et en provoqua lui-même
l'adoption.
Les bases et le mode d'exécution de celle nouvelle carte
furent arrêtés par une commission spéciale , créée par une
ordonnance royale du ii juin 1817, présidée par M. de La
Place, et composée de membres appartenant aux d('partemens
de l'intérieur, de la guerre, de la marine et des finances. Par
suite des délibérations de cette commission , et des instruc-
tions particulières rédigées au dépôt de la guerre, le corps
royal des ingénieurs-géographes fut chargé, dès 1818, de
procéder à la mesure de plusieurs chaînes principales de
triangles , formées dans le sens du méridien et des perpendi-
culaires à celte direction, etdVtahlir ainsi les premiers lini-a-
mens de l'immense réseau qui doit couvrir toute l'étendue de
la France et se rattacher à la méridienne mesurée par De-
lambre et Mécbain.
Les triangles du premier ordre, dont se composent les
grands quadrilatères limités par ces principales chaînes, dis-
tantes de 200;000 mètres environ les unes des autres , sont
observés avec une précision qui permet de les considérer
eux-mêmes comme faisant partie d'autres chaînes primor-
diales. A ces triangles se lient ceux du second ordre , destinés
à coordonner et à réunir les plans du cadastre , ainsi que les
levés de détail des ingénieurs , et à procurer un nivellement
trigonométrique d'une multilude de points remarquables du
terrain, dont les hauleurs au-dessus de la mer seront évaluées,
et qui, pour la plupart, seront signalés par des bornes. A
484 KOTICE
Taifle de CCS travaux , les difl^Vons services publics, les admi-
Dislralions d. partementales et les associations particulières
pourront trouver en tout tems des bases (ixes pour la con-
fectioa des plans qu'il serait nécessaire de construire par la
suite.
D exceljens cercles et théodolites répétiteurs, construit"^ par
nos plus habiles arlisîes , sont employés à ces opérations, dons
les circonstances atmosphériques les plus favorables. Les ol>-
servations astronomiques sont faites avec des instrurnens de
plus grandes dimensions. Aucune administration, autre que
le dépôt de la guerre, ne possédait une coliectlou dinstrumens
de géodésie aussi complète que celle qui est mise à la dis-
position des ingénieurs-géographes, et ne pouvait réunir un
aussi grand nombre de personnes versées dans la théorie et
la pratique des méthodes d observation el de calcul.
La nouvelle description géométrique du rovaume, essen-
tiellement liée à la méridienne de Duakerque ," présente doue
ce genre d ulilité , de vérifier et de coordonner les pians ca-
dastraux , de manière à procurer une nouvelle carte topogra-
phique appropriée à tous les services publics, et dune exé-
cution bleu supérieure à tout ce qui existe de meilleur sous
ce rapport. Celte description aura, en outre, le précieux avan-
tage de fournir aux savans une nouvelle occasion de consta-
ter , par i\es mesures directes, la valeur de l'aplatissement
de la terre, puisqu'elle se composera d'un grand nombre
d arcs de -méridiens et de parallèles qui traverseront toute l'é-
tendue du royaume. Queiques-uns de ces arcs, di'jà mesurés
géodésiquemeiit et astronomiquement , s'étendent même hien
au-delà des limites de la France, et se lient, tant aux opé-
rations trigouométriques que les ingénieurs-géographes fran-
çais ont faites hors de nos frontières , qu'à celles que les gou-
vernemens d'Angleterre, d'Autriclie, des Pays-Bas, de Da-
SUR DIVERS TRAVAUX GLODÉSIQUES. 48"S
nemarck , deSarclaigne et cVltalic font, à rcxemple du noire,
exécuter sur leurs territoires respectifs.
La science gécdésicjue est susceptible , pai- ses continuelles
applications, d'agrandir le domaine de nos connaissances
géographiques : espérons que le goût de celle étude se répan-
dra de plus en plus , et que les gouverncmens qui s'intéres-
sent aux progTcs des lumières , continueront de lui accorder
uue piotection spéciale. FrancCeur, «
«.VVVVVWV^'VWVVti
Notice sur M'^* Clairon, née à Salnt-Wanon de Condé,
en 1723, morte à Paris le ox janvier i8o5 (1).
De tous les témoins nécessaires , celui qu'on est le moins
obligé de croire , est sans contredit l'enfant qui raconte les
détails de sa naissance. Ainsi, nous nous permettrons de dou-
ter, malgré le récit de M"'= Clairon, que, née avant terme
pendant le carnaval, elle ait été baptisée à la hâte au milieu
d'une salle de bal , par le curé et son vicaire , déguisés en ar-
lequin et en gille. I! n'était pas besoin de cette fabic pour si-
gnaler la vocation qui ia tit comédienne. INi la misère, ni les
coups, ni l'ignorance ne purent l en détourner, et sa volonté
eut à cet égard la ténacité de Tinstinct. En général , depuis le
berceau jusqu'à la tombe , M"^ Clairon n'a dû qu'à elle-mê-
me tout ce qu'elle a valu .
Cependant ,• elle trouva un premier obstacle dans Tespèce
de contradiction que la nature avait mise entre ses disposi-
tions morales et ses formes extérieures. Celte jeime liamnnde
portail dans sa petite et déilcale stature, un caractère énergi-
(i) Cette INoTicE, lue par l'auteur dans la séance de l'Académie fran-
çaise du 4 novembre iSîô, est destinée à faire partie de la Galerie fran-
çaisc. (Voy. ci-dessus, Rev, Enc, T. XIX, p. figa.)
486 NOTICE
que et passionné , et sous les {olls traits cVune pliysîouomie
vénitienne, cachait une grande cervelle d'homme, comme
on le disait de !a reine Elisabeth. Elle subit d abord la loi
(les apparences; et née avec la mine dune soubrette, force
lui fut d en accepter les rôles. Elle y débuta, dès Tàge de treize
ans, à la Comédie-Italienne, et continua de les remplir dans
des troupes de province, à Rouen , à Lille, à Gand, à Dun-
kerque , en figurant aussi , selon l'usage , dans des divertisse-
mens de cliant et de danse. Sa voix acquit une telle étendue,
qu elle fut appelée à l'Opéra pour doubler M»e Lemaure , la
première cantatrice du tcms. Mais, sou inexpérience en mu-
sique la fit rentrer, maigre ses succès , dans la classe des sou-
brettes. Un ordre de débuter à la Comédie-Française, sous le
tablier de Marton , fut donné à celle qui ne devait bientôt
être connue dans les coulisses que par le sobriquet pompeux
de reine de Carthoge ; elle payait pour sa jolie figure, comme
Philopœmen pour sa mauvaise mine....
Ses deTïuls au Théâtre -Français eurent tout le merveilleux
des métamorphoses. Quoique désignée pour doubler MH^Dan-
geville dans lemploi des soubrettes, elle devait, à la forme des
règlemens, de se montrer aussi dans quelques personnages tra-
giques. Or, la néophjtc , substituant l'accessoire au principal,
n'exigea pas seulement que son premier début se fît dans la
tragc^die, mais choisit le rôle de Phèdre, qui était le triomphe
de M'ie Dumesnil. Son droit et son opiniâtreté firent taire les
réclamations , et l'on n'attendit plus qu'une issue burlesque de
cet acte de démence, où Lisette devait soutenir, aux yeux
d'un public prévenu , le poids de la couronne et les feux de
l'inceste. Le jour de l'épreuve justifia l'audace de l'entreprise.
Le succès fut complet, et ladmlralion universelle. Une autre
Clairon sembla naître. On n'avait connu que son masque ;
c'est son âme qui débuta. Chacun fut frappé du grandiose de
sa petite taille; et sa physionomie piquante étonna par sa ma-
SUR M"e CLAIRON'. 487
Jesté. Celle illusion ôlait due à deux qualités de ractrice , un
organe plein , sonore, le plus beau qui eut retenti sur la scène
française, et une àme de feu, que dirigeait une profonde intel-
ligence. I^es hommes de noire tems se feront une idée de ce
prestige, sils ont vu celte infortunée Mailiard , qui d('buta ,
il V a quinze ans , au Théàtre-Francais , où hienlôl elle s'élei-
gnit, consumée par ses passions ; et s ils se rappellent com-
ment cette jeune fille, si petite et si jolie , s'élevait par enchan-
tement à la taille héroïque de Roxane et d'TIermione , el
d'une voix tonnante, que je crois encore entendre, envovaitBa-
jazet à la mort , et foudroyail l'assassin de Pvrrbus. M"« Clai-
ron soutint par d'autres riMos l'enthousiasme qu'elle avait ex-
cité dans P/ièdre. Sa r>'ceplion se fit sans obstacle et sans dé-
lai. Pendant vingt -deux années qu'elle occupa la scène, sa
réputation alla toujours croissant , et le public fut conslam -
ment de l'avis de Voltaire , lorsqu'il écrivait : Je suis Clai-
ronitn.
La postérité reconnaîtra les services que ]M"« Clairon a ren-
dus à l'art théâtral. La première, elle en fil une science, et
tendit toujours à la perfection , c'est-a-dire , à l'expression de
la vérité par des movens nobles et de vives émotions. Secon-
dée par Lekain,elle abolit les costumes de fantaisie, qui con-
fondaient dans une commune mascarade les personnages de
tous les tems et de tous les pays. On ne vit plus se mêler, dans
la même pièce , telle que Cinna ou Andromaque , les acteurs
vêtus en courtisans de Louis XIV, aux actrices parées en maî-
tresses de Louis XV (i), et dès- lors les couleurs locales plus
(1) Voici quelques particularités inconnues sur cette révohitinn des
costumes. La rcprésenlation de VOr'phelin de ta Chine, au mois d'août
1755, en offrit la première idée. La iranie des productions chîno'sts en
étoffes, en meubles, et en quincailleries, avait rendu si popVilairc la
connaissance des vêtemens de celte nation, qu'il p;irut également im-
possible de montrer sur la scène des CLinois habilléj en fracçais ou eu
488 NOTICE
respectées îm-itèrent les acteurs et les écrivains draïuatitiues
à moins s'écarter du naturel. M''^ Clairon elle-même chan-
gea sou premier jeu trop emporté , et y substitua une manière
raisonnée, où de plus grands effets naissaient de causes plus
simples , comme ces liqueurs généreuses qui s'adoucissent en
vieillissant, et perdent leur dpreté en gardant leur force, Cette
réforme était le fruit d'études opiniâtres qui décelaient du ju-
gement, de la sagacité, et une contention d'esprit peu com-
mune. Chacun de ses rôles fut confronté par elle à l'histoire,
à la philosophie morale, à la connaissance du cœur hu-
main, et lui (it découvrir dans les pièces des effets et des
intentions dont les auteurs étaient eux-mêmes les plus éton-
nés. Une tête naturellement poétique , une oreille sensible à
l'euphonie, un débit fidèle aux moindres beautés, la rendaient
précieuse aux gens de lettres. Le goût des arts du dessin et de
magots. Joseph Vtrnel venait d'exposer ses premières marines, et la
variété des costumes étraugers qu'il arait peints sur les ports de Mar-
seille et de Toulon, était suitout admirée. Les amis de Voltaire, qui déjà
vivait sur le territoire de Genève, engagèrent ce peintre à dessiner pour
la nouvelle tragédie des costumes mixtes, juste assez chinois et assez
français pour ne pas exciter le rire. Vernet eut cette complaisance, et
M"» Clairon fit, dans son personnage d'Idatné, quelque altération à
l'ancienne routine. La décoration présentait un superbe palais d'ordre
corinthien, dont chaque colonne portait sur son chapiteau des feuilles
d'acanthe, le magot accroupi d'un mandarin occupé à lire. Cette tenta-
tive n'eut point alors de suites ; mais une autre épreuve de l'année sui-
vante fut décisive. M"'' Clairon était venue donner quelques représen-
tations à Marseille, lorsque le maréchal de Richelieu y débarqua, tout
couvert des lauriers de Malion. Le jour que le vainqueur se rendit au
spectacle, elle l'embrassa et le complimenta au haut de l'escalier, dans
le costume d'Jtzire, c'est-à-dire, en belle robe de soie mordorée, avec
un sole.l appliqué en lames d'or sur la poitrine, et un petit panier cir-
culaire ou tonnelet chargé de pompons jon^ui/^e. Le jour suivant, elle
joua Zaïre dans une parure non moins ridicule, et fut poignardée sur un
canapé français, «t fort embarrassée après sa mort dans un énorme par
SUR M"" CLAIRON. ' 489
la slatuaire antique prr'sidait h sa clémarche , à ses attitudes, à
l'expression de ses traits. Elle poussa l'amour de Icxactitude
jusqu'à s'assurer, par des leçons d'anatoniie, du mouvement
des muscles faciaux et des règles du jeu muet ; et telle fut son
ardeur scieutifique , qu'elle dédaigna de s'.ipercevoir que de
loin comme de près , le plus parfait des épouvantaiis doit être
une femme anatomiste.
Par le soin , la profondeur et la perfection de son jeu ,
M"^ Clairon fut l'actrice des connaisseurs . des lettrrs , des
gens de goût , tandis que M"® Dumesuil entraînait la multitu-
de par quelques éclairs admirables qui jaillissaient d un de'bit
nu, prc'cipité, incorrect et sans couleur. Cel'e-ci est, disait-
on, l'interprète de la nature, et l'autre est l'enfant de l'art.
Mais il faut laisser à Dorât ces anlillièses de rhéteur. Ce n'est
pas sans art que M"^ Dumesnil donnait, par ses négligences,
nier de cour chamarré d'or et d'argent. Le soir, ellcsoupait, suivant son
Usage , chez le duc de Viilars , gouverneur de la province , avec le maré-
chal de Richelieu et son état-major; el'c se trouva placée à table à côté
d'une dame grecque, que M. Guys, riche négociant, et auteur de Voya-
ges en Italie et en Grèce , avait épousée a Constantinople. Après les élo-
ges que méritait son jeu , cette dame témoijjna a M"*' Ci.iiron ses regrets
de ne pas lui avoir proposé pour le rôle de Zaïre un des habilli mens grecs
qu'elle avait apportés de son pays. L'actrice fut vivement frappée de
celte idée; et , comme elle devait jouer la pièce une seconde fois, non-
seulement M"" Guys lui envoya un de ses costumes byzantins, mais e'ie
vint elle-même l'habiller. Le public applaudit cette nouveauté avec trans-
port, et M"" Guys en prit occasion de faire présent à M"*" Ci.n"ron d'un
ajustement oriental complet, dont une magni6|ue pelisse f.iisait pa'ti' .
De retour à Paris , ftl"' Clairon s'empressa de renouveler ujie espérience
dont le bon sens et la nécessité furent si fortement sentis, que lu réforme
devint générale pour les deux sexes. La poudre, les niouchfs, les chi-
gnons, les paniers, les fontanges, et mille autres fantaisies modernes, fu-
ient bannis du costume tragique; les héroïnes de la Grèce et de Rome ,
les reines de Carthage et de Babylone, les sauvages du Pérou et de la
Scandinavie, n'eurent plus rien à démêler avec l'almanacli des modes.
T. XX. — Décembre i825. ùi
4oo INOÏICE
pins de relief anx élans de son âme; et Fart n'était, chez
M''« Clairon , que la règle et Tornement d'une nature non
moins riche qu énergique. Aussi reraarque-t-on , comme un
témoignage de la franchise de son jeu, quelle excella sur-
tout dans les rôles analogues à son propre caractère , vain ,
enthousiaste, altier et véhément. Ce caractère lui fît presque
autant d'ennemis que ses talens. Mais, si elle en eut les torts
et les ridicules , elle en recueillit aussi les avantages : le res-
pect de soi-même, l'amour de la gloire, le désintéressement,
la véracité, le goût du noble et du beauj enfin , comme elle
l'a écrit elle-même, la force, le courage, et le cœur d'un
galant homme. On peut dire d'elle , et c'est un assez rare
éloge, que, dans le cours entier de sa vie, toutes les fois
qu'elle eu-t un parti à prendre , elle choisit le plus généreux.
he soyons donc point surpris si elle eut des amis enthousias-
tes, non-seulement dans les hommes , mais parmi les femmes,
entre lesquelles oa peut citer la duchesse de Villeroi , la fem- •
me de l'intendant de Paris , Berthier de Sauvigny, et la prin-
cesse de Gallilzin , qui la fit peindre par Wanloo dans un ta-
bleau magnifique, que Louis XY A^oulut enrichir d'une bor-
dure de cinq mille francs , et que le comte de Valbelle fit gra-
ver. Une médaille fut aussi frtjppée en son honneur. La sculp-
ture modela ses traits; et deux cliarmanies épîtres de Voi-
ture lui assurèrent l'immortalité mieux que le marbre et le
bronze.
M^'^ Clairon , enivrée de ces hommages, s'indigna du con-
traste de sa gloire avec l'abaissement de sa profession , et ré-
solut d'abord de soustraire les gens de théâtre à l'excommuni-
cation religieuse. Il est vrai que cette rigueur n'a pas lieu dans
les autres pays catholiques, et l'on remarque que les mœurs
des comédiens y sont infiniment meilleures qu'en France, ré-
sultat qui prouve, d'un côté, l'avantage des pratiques du culte,
et de l'autre, le danger de la sévérité gallicane. Notre église
SUR Mi'-^ CLAIRON. 49,
avait (]es pn'lats (riiii esprit a<.scz élevé pour apprécier cette
considération , si elle lenr eût été soumise. Il parait que
Mlle Clairon voulut l'emporter par d'autres voies. Elle ins-
pira si mal uu jurisconsulte inhabile, appel»' tlutvnt de La
Motte , cpie son Mémoire fut lacéré par la main du bourreau,
et l'auteur rave du tableau des avocats. Un siècle indliTérent
ne vit, dans la démarche de l'aclrice , qu'une boufioe d'or-
gueil ; et ses camarades se rirent d'un zèle qui les touchait
peu. Je crois cependant qu'au milieu de sa v;inité, M"<= Clai-
ron écoutait aussi que'i<jues pieux scrupules, dont les (èuimes,
d'un cœur droit et d'une imagination vive , ne s'afTranchissent
jamais entièrement. Âujourdbni , les gens de tlu'àtre , mus
de senllmens religieux , trouvent un refuge dans les commu-
nions évangéllques , qui n'étaient pas alors autorisées par les
lois de l'état , comme elles le sont maintenant.
M"^ Clairon éc^iappa aux censures ecclésiastiques autre-
ment qu'elle ne l'avait prévu. Un acteur du Théàlre-Francais
s'étant donné en spectacle par un procès scandaleux contre
son chirurgien, ses camaradts payèrent sa dette, et arrêtè-
rent de ne plus communiquer avec lui. Cette résolution fit
manquer une représentation de la tragédie du Siège de Ca-
lais, et causa un assez grand tumulte, à la suite duquel les
principaux acteurs lurent emprisonnés au For - L' E\>ënue.
Mi'« Clairon y resta durant cinq jours . et tint pendant vin^t-
un les arrêts chez elle. Révoltée de ce traitement , elle donna
sa démission, et l'autorité, alarmée de sa perte, vint ni'gocler
avec elle. Mais l'héroïne , plus inflexible dans son repos qu'A-
chille sous sa tente, ne se laissa point apaiser, et la levée de
l'excommunication des ccmédieus, qu'elle avait bien voulu
mettre pour condition à sa rentrée, n'avant pu s accomplir,
elle quitta le tbéatre à 1 âge de quarante-deux ans, dans le
plus grand éclat de son talent, et laissant un vide qui ne fut
pas rempli j car les inspirations de M"« Dumesnil se bornaient
492 NOTICE
à peu tlo rôles , et lai étaient trop personnelles poar servir de
modèle. M"'^ Clairon, devenue indépendante, fit le pèlerinage
de Fernev ; et le petit thcàîrc du patriarche fut ébranlé de ses
acccns. Elle consentit à reparnîlre deux (ois sur le théâtre de
la cour, à roccaslon du funeste mariage de Louis XVI. On la
vit aussi , dans une nombreuse assemblée réunie chez elle,
se montrer sous le vêtement d'une prétresse d'Apollon, et cou-
ronner le buste de Voltaire , en récitant un hjmne de Mar-
montel. Le public se fût probabli^mcnt moins moqué de cette
fête prétentieuse, si Iode eut été meilleure. Le soin que prit
M"^ Clairon de former peur la scène Larive et M''« Raucour,
fut le deruier service de sa carrière théâtrale. Elle donna aussi
quelques leçons à Tavocat-général Hérault de Sechelles, mais
sans pouvoir animer l idole ; car je ne me souviens pas d'a-
voir connu de plus bel homme , ni de plus mol oi'ateur.
La vie privée d'une actrice touche par trop de points aux
actes de sa profession , pour qu'elle n'en partage pas souvent
la publicité. On sait déjà quels tributs la jeunesse de M^'^ Clai-
rou paya dans les provinces aux séductions de son métier, et
peut-être aux causes premières de son talent. Des indiscrets
ont trahi les faiblesses moins excusables qui la suivirent dans
une situation plus indépendante. On croirait qu'ils nous par-
lent , dans leurs confidences , de cette Ninon de l'Enclos, qui
charma ses infimités par tant de passion, de volupté, d'en-
jouement , de franchise , de désintéressement , par tout ce qui
enchaîne les hommes, hormis la constance. Marmonlel, Guy-
mond de la Touche, Du Belloy, rectu'ent la part qu'elle tit
aux muscs dans les affections de son cœur. Son amour pour
le comte de Valbelle, qui se prolongea pendant dix-neuf an-
nées , et son attachement au margrave d'Anspach , qui ou
dura dix-sept , eurent une célébrité, pour ainsi dire , histo-
rique.
Le comte de Valbelle , plus jeune qu'elle de sept à huit ans,
SUR M"«' CLAIRON. 4o3
en fut si éperdument épris , qu'il la sollicita pendant treize ans
«raccepler sa main, et obtint nu-me le consentement de la
marquise de Valbelle , sa mère. Mais M"^ Clairon, qui Tai-
mait avec lenJi-esse et sincéritr^, se refusa constamment à celle
haute fortune par des motifs qui honorent la fierté et la déli-
catesse de son caractère. Ce j'-une officier, d\m grand non» et
d'une rare beauté , mêlait aux grâces brillantes d'un courti-
san français, une àme efféminée, un esprit frivole, et les goûts
magnifiques d'un grand seigneur. Dans un moment de gène,
où ses dissipations le compromettaient , M"" Clairon vendit
ses eflets les plus pn-cicux , et lui prêta pour dix années une
somme de 90,000 fr. Devenu , par la mort de son frère aiaé,
le che( de sa famille et possesseur d'une immense fortune , il
retourna eii Provence, oi!i , dégagé des conseils de son amie,
Il afficha une dissolution eirrénée. Son superbe château de
Tourves fut un théâtre si fameux de faste , de corruption et
de galanterie, que les bourgeois de la contrée n'en pronon-
çaient le nom qu'en rougissant. Mais, à Paris, oà tout se
peint cil beau, on publiait que ces orgies et ces fêtes, si mor-
l''lles aux bonnes mœurs, n'étaient que les simples jeux d un
t'oubadour opulent et spirituel , jaloux de restituer à la terre
galante des Provençaux Tancieune institution des cours iVa-
inour. Je ne tairai pas que, du sein de ce désordre, M. de
Valbelle fit à l'Académie française le fonds d'un prix annuel
pour l'encouragement des gens de lettres , et qu à ce noble
réveil on reconnut l'ancien ami de M"^ Clairon, et tout ce
qu'elle avait pu semer de litlériiirc daïis un cœur aussi lé-
ger (1).
(1) IVI. de Valbelle avait été uommû commandnol de la Provence. Ce
tjne j'ai dit de sa magnificence et de la dépravation de ses mœurs, est
confirmé par le témoignage des liubjtans du pays. Voici d'ailleurs re
que lui écrivait M"« Claiion , dans une lettre datée d'Anspach , le 20 fé-
tiier 1774 : Pourquoi rester dan» des lieuv où vous avez ie faste le plu»
494 NOTICE
Plusieurs traits de la conduite de cette actrice, rentrée dans
la vie commune ,' avaieat tralii ce besoin d'occuper le public,
dont ne se guérisseut jamais les âmes qui ont une l'ois goùlé
Tivresse des applaudissemeus. Depuis la désertion du beau
commandant de la Provence, elle cultivait quelques bran-
ches de riiistoire naturelle , lorsque la conquête d'un prince
souverain vint la distraire de ce loisir philosophique, plus
convenable h la maturité de son âge. Le margrave d'Ans-
pach , de retour dans ses étals , ne put supporter l'absence de
son amie , et la ccnjura de venir habiter sa cour, M^'^ Clairon
se rendit à ses prières réitérées , et lui sacrifia toutes les ha-
bitudes de sou existence. Elle avait cinquante ans , lorsqu'elle
partit, et soixante-sept, lorsqu'elle revint en France, d'où
ruineux, où tout le inonde vous hait au fond de l'âme? A trois femmes
■prés, vous m'avez dit les avoir lues toutes. Espérez-vous qu'elles vous
pardonnent tant de légèreté? Espérez-vous que des maris outragés , des
atnans ■négligés pour vous, puissent jamais être vos amis J..., Renoncez
à dis chimères d'ostentation qui dégradeiU votre grandeur réelle; ayez
dans vos affaires l'ordre dont votre âge, voire esprit, voire hoimeur vo^is
font un devoir ; quittez des lieux où vous ne pouvez faire que des fautes
funestes au repos de vos vieux jours et à la gloire de tous vos momens.
Prenez une compagne qui vous honore, etc. Une triste fatalité détruisit
tout cet enchanltmenl. Le romte de Valbelle mourut, à 46 an», usé
par les plaisirs; son corps fut entreposé dans une écurie; son beau châ-
teau de Tourves a été rasé; la révolution a confisqué la somme de
a4,ooo fr. qu'il avait léguée à l'Académie française, par son testament
du 6 février 1779, pour que le revenu en fût, chaque année, assigné par
elle à un homme de lettres qui aurait fait ses preuves, ou qui donnerait
seulement des espérances. II n'était resté du nom de Valbclle qu'un fils
naturel du frère aîné, dont la naissance avait été voilée par son intro-
duction dans v.ne famille étrangère. A la suite d'un procès célèbre au
parlement d'Aix, il fut mis en possession de la plupart des grands biens
que les Valbelle lui avaient légués; mais ce jeune homme, d'une extrême
beauU , d'un caractère facile, d'un esprit médiocre, et qui avait quitte-
son nom de Cossigny pour celui de ses bieufaiteurs, fui eruellemenl im-
molé soua le règne de la terreur.
SUR M"* CLAIRON. 49^
l'on peut raisonnablement conclure que si leur union avait
admis dans son berceau quelque chose de terrestre , le lems
avait du Télever à la dignitc^ platoni(juo.
Cbrislian-Frédéric-Cbarles-A-lexandre , margrave d'Ans-
pach et de Bayreulb, qui possédait quatre noms et deux prin-
cipautés, n avait pas un seul enfant pour en hériter. L'aigle
prussien dévorait de ses regards celte proie qui devait lui
écheoir. Le margrave découragé , faible , mélancolique , tâ-
chait de s'étourdir par les plaisirs, et menaçait de s'éteindre,
comme le dernier des Médicis, dans une honteuse apathie.
M"^ Clairon osa rajeunir ce régne expirant , et rendre an
prince abattu le sentiment de ses nobles devoirs. Il voyait en
elle sa maîtresse , son philosophe et son premier ministre. Née
treize ans avant lui , elle eût presque été sa mère , et il lui en
donnait le nom; ce qui n empêcha pas M"'' Clairon , tant que
la margrave vécut, d'en essuyer des accès de jalousie. Des
tracasseries et des noirceurs de cour ne purent l'arrêter dans
le plan qu'elle suivit avec courage, lumières, et persévérance.
Les dettes anciennes et nouvelles turent acquittées, les im-
pots adoucis , l'agriculture utilement protégée ; la ville d'Ans-
pach s'embellit d'une fontaine monumentale, et ï hospice
Clairon éternisa le nom de sa fondatrice. Jamais une telle
sollicitude de l'avenir et du bonheur des peuples n'avait illus-
tré les adieux d'une dynastie mourante. Mais , le cabinet de
Berlin, qui avait d'autres vues , ne songea quà terminer ce
drame de dix -sept ans, où l'actrice française l'importunait,
<iepuis surtout que le margrave , devenu veuf, pouvait se re-
ni;>rler convenablement à sa dignité, ainsi que M"«= Clairon
le lui conseillait , et se donner des héritiers directs. Des iem-
mes séduisantes eurent la mission d'atlaquer par les voluptés
ie cœur du prince , et n'y réussirent que trop bien. L'Egéne ,
aux cheveux gris , fut rassasiée de dégoûts, et céda la place
aux coquettes diplomatiques j elle rendit tièrementau margrave
496 * NOTICE
le peu qu'elle avait consenti à en rerevoir , et rentra clans sa
patr'e , moins riche qu'elle n'en était sortie. Cependant, au
bruit de la prochaine abdication du prince, M"^ Clairon, qui
ne pouvait soulïi'ir le désbonneur de ceux qu'elle avait aimés ,
lui écrivit, pour l'en détourner, une lettre toute romaine, et
telle que le vieux Corneille l'aurait dictée. Ce fut en vain ; le
margrave , privé de Pamip sincère , qui seule faisait son àme
et sa force , vendit ses états pour une pension , et, devenu l'é-
poux de lady Craven , cacha dans Londres un front d(''pouillé
d'honneur et de couronne. Ce làclie dénoùmcnttutle plus bel
éloge de M"® Clairon. Sou souvenir est resté cher aux pays
qu elle gouverna ; car le peuple de Franconie ne s'est pas cru
obligéde payer par des épigramines les bienfaits d une lavorite,
et ces bonnes gens n'ont pas eu l'esprit d'être ingrats.
M"^ Clairon revit Paris aux appioches dune révolution
qui commençait à en bouleverser les habitudes; elle cbcrcba
dans la tourmente ù s'entourer de quelques-uns de ces débris
d'anciennes amitiés, si précieux à la vieillesse. Plus lard elle
publia un livre, qu'elle appelle improprement ses Mcmoires.
Ce qu'on y remarque le plus , c'est un style plein dame ,
de mouvement , de conscience , un style qui est bien à
elle, et honore singulièrement une femme à qui la première
éducation avait manqué. Ce qu'elle y d't de son art, quoique
bien incomplet, sera lu avec fruit , et annonce du sens , de
la sagacité, de la précision. Elle juge autrui sévèrement,
mais avec bonne foi ; elle a une grande idée de ses talens et
de ses succès ; mais , comme elle s'en forme une bleu plus
grande encore de l'étendue et des difficultés de son art, il y a
dans sa vanité même une sorte de modestie ([ui fait qu'elle in-
téresse et ne choque pas. Quant aux événemens personnels
à l'auteur , la curiosité publique n'a pas été satisfaite : un
petit nombre de faits tronqués et dt'cousus ne sont pas le récit
piquant et varié qu'où attendait d'une vie si pleine et si agitée ,
SUR M"* CLAIRON. 497
d'un caractère si sip<ri(ur à ceux qui Venlouraient, d'une
observatrice doure d'un csjril si vif et si indcpcudant ; mais
on y trouve en rcvtnrlie ce quon n'attendait pas, des ré-
flexions nobles et iciucbanles ; une morale pure, raisonnable,
religieuse; des conseils sur l'éducation des femmes , qui sou-
tiendraient le parallèle avec les meilleurs rcrits de la marquise
de Lambert ; et comme la précbeuse fait en même tems
d'assez borne grâce l'aveu de ses forts , le langage de la vertu
n'est dans sa boucbe ni sans attrait, ni sans naturel.
Cependant , je dois le dire, ce qui fil le plus de bruit dans
son livre, fut l'histoire de son revenant; elle v raconte les
tours malicieux que lui a joués, durant quelques années, l'om-
bre d'un jeune Breton qu'elle avait sans pitié laissé mourir d'a-
mour. On reconnut, dans ce récit, fa il sérieusement et de bonne
foi, l'effet naturel de ces visions que la physiologie a si bien ex-
pliquées de nos jours; cl, comme en même teras elle citail des
témoins, on ne douta pas que ses amis, s'amusaiit de sa laiblesse,
n'eussent été bien aises de lui persuader que le décès d'un pa u vre
amoureux ne suffit pas pour en débarrasser une cruelle. Elle
écrivait d'ailleurs cinquante ans après l'événement, et ne pou-
vait que traduire les impressions d'une jeunesse irréfléchie.
Je crois enfin qu'elle n'eût poinv mis au jour celte billevesée ,
si, à l'époque où parut son écrit , les contes de voleurs et de
revenans n'eussent été le passe-tems favori des sociétés de la
capitale. Un salon presque obscur, ou uu pavillon de jardin
éclairé par la lune , contenait lauditoire; alors , tour-à-tonr
et avec l'accent de la conviction, quelques personnes racon-
taient les aventures les plus étranges et les plus terribles. Au
milieu de ces douteuses lénèbres , j'ai entendu des hommes
et des femmes à la mode exceller dans ces narrations fantas-
tiques ; et un cercle de jolies têtes, tout récemment échappées
au glaive de l'anarchie , goûtail le plaisir nouveau d avoir peur
sans danger.
4:j8 notice
Outre ses Mémoires , M^^^ Clairon a écrit une énorme quan-
tité de lettres ; le comle de Valbeile en avait pour sa part reçu
quinze ceuls. La perte de ces lettres est fort regrettable, si
Ton en jage par le petit nombre de celles qui nous restent, où
la critique la plus difficile ne saurait méconnaître la pureté
de la diction , la hauteur des scnliniens , et surtout une verve
entraînante.
I/épreuve du malheur confirma la sincérité de la morale
que M"e Clairon tenait de Texpérience et de la réflexion. Dé-
pouillée de sa fortune par les violences révolutionnaires , sa
vieillesse soutint avec dignité un état voisin de l'indigence, et
y conserva ces formes théâtrales qui étaient devenues pour
elle une seconde nature (i). On sait que , dans la vie privée ,
elle resta en effet toujours reine et actrice , et que , dans son
livre y elle recommande aux comédiens cette bizarre illusion ,
comme une précaution essentielle de 1 art , imitant par-lk
beaucoup de beaux esprits qui ont composé des poétiques à
l usage de leurs défauts. Je me souviens d'avoir fait, avec
quelques personnes , une visite à M"<= Clairon dans Tannée qui
précéda sa mort ; je trouvai une très-petite vieille , sèche, ri-
dée et maladive ; sa personne offrait tous les signes de la ca-
ducité , à l'exception de sa voix grave , ferme et sonore , sans
aigreur et sans dureté. Elle s'exprima avec lenteur et ma)esté,
en termes purs et bien choisis, sur les détails domestiques
dont nous aA'ions à lui parier. Ayant aperçu un enfant qui
('tait venu avec nous, elle prononça ces paroles avec solen-
nité : Faites approcher cet enj'ant; il sera bien aise un jour
de dire qu'il a vu M"^ Clairon , et quelle lui a parlé. J'avais
(i) I,es Labitudes de M"* Dumesnil étaient, au contraire, prodigieu-
jement bourgeoises. M"' Clairon aimait dans ses propos railleurs à dé-
peindre sa rivait" quittant le sceptre de CIcopâtre four donner à man-
fjer à set fo%tlcs.
SUR M"« CLAIRON. 409
peine à caclier le sourire que provocjuail le contraste eutre le
ton et la matière de ses discours ; mais comme tout ce qui est
'extraordinaire, sans être aflecté , finit par intéresser , l'accent
iiigéiiumenl dramatique de la petite vieil'e m'assaillit de mille
souvenirs, et me reporta malgré moi au icnis de sa gloire.
Enfin , mon imagination se mit à retirer M"« Clairon de ses
ruines; alors (favouemon illusion), dans celle petite ma-
chine décrépite et octogénaire, je ne crus pas voir, je vis la
sublime actrice telle que W-mloo la peinte sur le cliar de
Médée , et je Tenteudis telle que Paris l'admirait , proclamant
Tamouj- d'Améuaïde pour ïaucrcde, ou prophétisant les mal-
heurs de Troie par la bouche de Cassandre (i). J'avais fait
précisément comme les peintres vovageurs qui , à l'aspect de
quelques pans de murailles grecques ou romaines , rebâtissent
des temples et des palais.
LÉMONTEY, de l'insliiui.
(i) DaDs la tragédie des Troyennes , par M. de Ghâtcaubrun.
vvv\»*^^vvvvvvv%*vv*l*v^vvv^^vvvvvv^^vvvtvl^vvv\vvl/vv^^^.^*^»lvv»v■vv\vvv\vvvx»
n. ANALYSES D'OUVRAGES.
SCIENCES PHYSIQUES.
Traité complet de l'art de la distillation , conte-
nant, dans un ordre méthodique , les instructions
théoriques et pratiques les plus exactes et les plus nou-
velles sur la préparation des liqueurs alcoholiques
avec les raisins, les crains, les pommes de terre et
les fécules de tous les végétaux sucrés ou farineux;
par M. DuBRUNFAUT, membre de la Société d'.encou-
ragement pour l'industrie nationale, et auteur d'un
Mémoire sur la sacchariflcation (conversion en su-
cre) des fécules, couronné en 1S20 par la Société
royale et centrale d'agriculture (1).
Le titre de Traité complel de l'art de. la distiUalion , coa-
Tiendrait à uu ouvrage plus étendu que ceiui-ci ; car, au lieu
de se bornera la distillation des liqueurs alcoholiques , l'au-
teur eût pu comprendre dans son sujet toutes les opérations
<lc cette naturr employées dans les arts chimiques. D"iui au-
tre coté, si les connaissances tlu-oriques étaient aussi répan-
dues qu elles devraient 1 être , si elles avaient pénétré dans les
ateliers , la description d'un art se réduirait à celle de ses
procédés et de ses iustrumens. L'ouvrage de M. Dubrun-
FAUT, et plusieurs autres où ia théorie est enseignée en même
tenis que la pratique , nous avertissent que nous sommes en-
(1) Paris, 1.S25, Deux vol. in-8<>avec huit planches gravées. Ba^liclier,
quai (les .\ugustiQs, ii" 55; \n\x lofr., et i)ar I;i poste i3 h.
SCIENCES PHYSIQUES. 5oi
core loin de l'époque où les travaux des manufaclurcs seront
éclairés par toutes les lumières dont ils ont besoin pour arri-
ver à la perfection. Un livre ne peut être à la fois suffisam-
ment instructif sur la théorie et sur les applications ; et d'ail-
leurs , les méthodes d'exposition qui conviennent à ces doux
divisions des connaissances, sont très-rarement rendues pins
faciles par leur rapprochement; elles ne saident point Tune
Tautre, quelquefois même elles se nuisent. Ue peintre qui
voudra étudier la théorie de la perspective fera très-bien , tant
qu'il s'occupera de cette étude, d'oublier qu'il veut marcher
sur les traces de Raphaël. On a constamment observé que
renseignement des applications réussit mal dans les écoles de
sciences , parce que les esprits y sont disposés pour les véri-
tés générales , ce qui les éloigne des détails dont les applica-
tions se composent. Et, comme la méthode d'un livre bien
fait est celle d'une Instruction bien dirigée, on en conclura
que, dans les livres comme dans les écoles , la théorie et la
pratique ne doivent point , pour ainsi dire , habiter ensemhle,
et qu'il leur faut des traités séparés. D'ailleurs, un ouvrage
tel que celui de M. Dubrunlaut exigerait plus qu'une con-
naissance superficielle des propriétés du calorique et des lois
de sa propagation , du thermomètre et de l'aréomètre : le lec-
teur qui voudra mettre à profit l'excellente instruction conte-
nue dans ce traité , devra se munir de connaissances physi-
ques et chimiques, applicables non-seulement à l'art du dis-
tillateur, mais à presque tous les arts chimiques ; et par con-
séquent, il aura commencé par l'étude de cette parlie des
mal'>ématiques sans laquelle la physique serait inaccessible.
Le manufacturier dont l'instruction n'a pas été confinée dans
les ateliers, qui a fréquenté les collèges, et qui n'y a pas
perdu son lerns , qui a suivi des cours de physique et de chi-
mie, se trouve précisément tel que doivent être les lecteurs
d'un livre d'application des sciences physiques et chimiques.
5oi SCIENCES PHYSIQUES.
L'auteur cle ce livre peut donc se dispenser de traiter, même
sommairement, de tout ce qui est censé connu de ses lec-
teurs , et commencer imiucdiateiuenl par Tobjet spécial dont
il veut les occuper.
Malgré ces observations , on doit savoir gré à notre auteur
du travail qu'il s'est imposé pour rendre son ouvrage com-
plet , quand même les fabricans pour lesquels il a écrit ne re-
cueilleraient aucun fruit des notions théoriques qu'il s'efforce
de leur donner. On regrettera seulement qu'uu excellent cha-
pitre , jeté à la tin du second volume , soit perdu pour tout le
monde : l'auteur de cette Théorie de la dislillntion a fait une
application de l'analyse algébrique aux- phénomènes de cette
opération chimique , en introduisant dans le calcul toutes les
lois connues auxquelles les liquides et les fluides élastiques
sont soumis. Quand même cet essai d'analyse ne contiendrait
pas encore tout ce qui doit entrer dans le calcul , il ne serait
cependant pas sans mérite , au jugement des géomètres. Mais,
à la place qu'il occupe, ce n'est que par hasard qu'il peut trou-
ver des lecteurs.
L'ouvrage de M. Dubrunfaut réunit tout ce que l'on a écrit
de plus utile sur la préparation des liqueurs alcoholiques et
sur leur distillation : il tient lieu d'une multitude de mémoires
épars , et l'instruction qu il va répandre est rigoureusement
au niveau des connaissances acquises. Le premier volume, qui
traite de la pr.'paration des liqueurs alcoholiques, est celui
qui excitera le plus fortement la curiosité , par le grand nom-
bre de faits peu connus que fauteur y expose. On lira sur-
tout avec intérêt l'hiStoire d'un véritable miracle chimique, la
conversion des fécules en matière suer e . par faction de l'a-
cide sulfurique affaibli, et un prodige d industrie, lapplica-
tion de ce procédé de laboratoire aux travaux des distilleries.
C'est ainsi que les arts de l'homme ont su imiter et ourpasse-
ront peut-être un jour l'un des procédés de la nature vivante ,
SCIEISCES PIIYSIQLES. 5o:S
ei feront trouver dans les substances inorganiques ce que l'on
n'avait tiré jusqu'à présent que de la matière organisée.
L'auteur ne pouvait se dispenser d'une discussion appro-
fondiesur les appareils vinificateurs, et particulièrement sur ce-
lai de M"^ Gervais. Quelle que soit la destinée de cet appareil,
on ne peut lui contester une sorte d'utilité , c'est d'avoir pro-
voqué des recherches , des expériences et des écrits dont les
sciences et les arts ont profité. Nous ne sommes pas éloignés
du tems où Ton ne parlera plus de cette prétendue découverte;
si l'histoire n'en conservait point le souvenir, elle serait peut-
être reproduite encore comme nouveile, après quelques an-
nées d'oubli. Ne pas conserver les noms des Invefiteurs de
procédés utiles, c'est ingratitude; laisser perdre la mémoire
des tentatives infructueuses , des méthodes abandonnées , des
erreurs reconnues, c'est imprudence. L'histoire des arts ne
contribue pas moins aux progrès de l'industrie, que la science
des faits politiques et moraux ne sert an perfectionnement de
l'art social.
Bien convaincu de cette utilité de l'histoire, notre auteur
n'a pas négligé celle de l'art qu'il décrit. Il a pu retrouver ii
des époques très-reculées des faits relatifs aux liqueurs vi-
neuses , et rechercher l'origine de leur préparation avec le
flambeau de l'histoire , à travers les fables mythologiques et
les fictions des poètes; mais la distillation, quoique moins
ancienne , a été beaucoup moins observée , et t'époque de sa
découverte est tout-à-fait ignorée. M. Dubrunfaut pense que
l'alambic nous vient des Arabes , et qu'il fut transporté dans
l'Europe, à la suite des croisades. Mais, si les Arabes prati-
quaient effectivement la distillation, il est probable que ce
n'était pas celle des liqueurs spirltueuses ; d'ailleurs , ils
avaient sans doute introduit cet appareil en Espagne , et par
conséquent, l'Europe a pu le recevoir des Maures espagnols.
Quoi qu'il en soit, l'art de la distillation fut long-tems dan*
5o4 SCIENCES PHYSIQUES,
l'enfance , et c'est des ino lerncs qu'il a reçu les nombreux
perfectioonemens qui le metlea! au niveau fies autre.* arts
chimiques. L'auteur di'crll el compare les dilférens appareils
employés aujourd'hui , ou proj)os's comme préférables à tous
les autres. Après un examea tiès-atlentif et des calculs aussi
rigoureux que la matière le permet, c'est à la distillation
continue et aux divers moyens de l'obtenir, q'iil reconnaît
le plus d'avantages ; et en dernière auaivse , i'appareil de M.
Deroxnc est celui dont il conseille de faire usage.
Quelques chapitres de cet ouvrage ne sont pis consacrés
spécialement aux descriptions techniques : le treizième, qui
contient une discussion très-instructive sur les causes des dif-
Jérais goûts qui caraclcrisent les liqueurs alcoholiques , se-
rait bien placé dans un traité de cijimie destiné à cette partie
de la société que l'on désigne par la bizarre dénomination de
gens du monde. Telle est encore une grande partie du cha-
pitre ly, où l'on trouve des détails sur les fruits et autres
substances végétales sucrées qui fournissent des liqueurs spi-
ritueuses. M. Dubrnnfaut a trouvé plus d'un moyen d'être
utile : son livre deviendra le guide des distillateurs ; et dans
les bibliothèques , il sera consulté par les amis des arts , et
nième par les simples curieux. Ferry.
V W» WV\WV\ VWtl
Traité de mécanique industrielle, ou Exposé de la
SCIENCE DE LA MÉCANIQUE, déduite de l'expérience et
de L' observation t principalement à l'usaj^e des manu-
facturiers et des artistes; par M. Christian, directeur
du Conservatoire des x\rts et iMéliers. Tom. II (i).
Nous avons donné , dans le T. XV de la Revue, p.4 7^>
(i) Paris, 1823. Trois vol. in-4°, et atlas de 60 planches doubles.
Pris, 75 fr. Cet ouvrage parait en trois livraisons, composée:^ cliacuue
SCIENCES PHYSIQUES. 5o5
uue analyse assez détaillée du premier volume tle cet ouvrage,
pour faire connaître le plan de Fauteur, et la manière dont
il a rempli le cadre qu'il s'était tracé. Le second volume était
attendu avec impatience, à cause de 1 importance des matiè-
res qu'il devait contenir ^ le nombre des souscripteurs s'était
considérablement accru, et il a été reçu avec autant d empres-
sement que le premier.
Les vingt-deux premiers cba pitres du second volume ter-
minent le livre premier, et traitent de faction mécanique de
lair, et de la vapetw consid-.'rée comme force motrice.
L'auteur, après avoir reconnu que l'air peut agir ou par
pression, ou par impulsion , et avoir défini ces deux modes
d'action i s'altacbe plus particulièrement à examiner les lois
d'après lesquelles il agit- par impulsion. Il recberthe quelle
est l'action du vent comme force motrice , et étudie avec
Mariette, Borda , Roiise et Sméaton, les règles qu'il suit
lorsqu'il agit contre des surfaces en repos, exposées perpen-
diculairement à cette action. Il considère sous tous les aspects
les moulins à vent à ailes verticales, et résout les diverses dif-
ficultés que présente celte étude , à l'aide des travaux de
Borda, de Smcatou, de Coulomb, et de Maclaurin. II passe
ensuite à l'examen des moul-ns à vent horizontaux, et s'ap-
puvant sur l'opinion de Snivaion , il montre le désavantage
de ces moulins sur les moulins verticaux.
On n'avait pas encore réuni dan? un même carlre toutes les
observations éparses des savans, sur la vapeur considérée
comme force motrice, et c'était une belle entreprise que de
donner un traité complet sur une pareille matière, qui inté-
d'un volume et d'un cahier de planches eo forme d'atlas. — Le second
volume est en vente; il est livré avec un hon pour le troisième , qui sera
délivré gratis. Bachelier, libraire, iuccesseur de M™« veuve Courcier,
quai des Auguslins, n" 55.
T. XX. — Déctrabre j8a3. 53
5o6 SCIENCES PHYSIQUES.
resse si vivement Tindustrie maaufacturière. Voyons coin-
meut Tauleur a rempli la tâche difficile qu'il s'était im-
posée.
M. Christian suppose d"abord que son lecteur n'a aucune
connaissance des effets de la vapeur, et d'expérience en ex-
périence il le conduit au point de lui faire employer ce puis-
sant agent comme moteur. Nous pensons qu'il aurait pu sup-
poser au lecteur un peu plus d'intelligence et de connaissan-
ces acquises , sans lesquelles ii ue pourrait pas même lire son
livre avec fruit , ce qui lui aurait fait supprimer la plus grande
partie des soixante pages qu'il a consacrées à ces détails mi-
nutieux. Quoi qu'il eu soit, il arrive à l'emploi des machines
à vapeur ; mais avant de les décrire, il cherche non-seule-
ment à établir la théorie des divers modes d'action de la va-
peur comme puissance mécanique , mais encore à se diriger
dans le choix des combinaisons mécaniques les plus propres
à obtenir de cette puissance le plus d'effet possible , dans l'é-
tat actuel de nos connaissances.
Pour parvenir à ces résultats , il se propose une série de
dix-sept problèmes , qu'il énonce en ces termes :
i". Comment produit-on la chaleur, et comment agit-elle
en général? — 2° Quelle est 1 action de la chaleur sur les corps
solides ; quels sont les phénomènes qu'ils présentent , lors-
qu ils sont pénilrés dune chaleur extraordinaire? Se pénè-
trent-ils tous indistinctement de la même quantité de chaleur,
et quand ils en sont pénétrés , peuvenl-ils la conserver ou la
perdre , et comment la conservent-ils où la perdent-ds? —
3" Quelle est l'action de la chaleur sur les liquides , et princi-
palement quels sont les phénomènes que présente l'eau dans
ses relations avec la chaleur? — 4" Qu<--!le est l'action du calo-
rique sur les lluides aériformes, et principalement sur la va-
peur et sur l'air? — 5° Quelles sont les propriétés mécaniques
de la vapeur, et les circonstances qui influent sur sa force 7
SCIENCES PHYSIQUES. Soj
— 6° Quelle quantité de vapeur , à tel degré de tension , peat-oa
produire avec une certaine quantité de divers combustibles? —
7" Quels sont les phénomènes que présente, ou auxquels donne
lieu la vapeur, lorsqu'elle sort d une chaudière par divers orifi-
ces, et à divers degrés de tension? — 8" Une chaudière étant don-
née avec la quantité d'eau requise, combien sorlirait-il de va-
peur en un certain tcms par divers orifices, et à quels degrés de
tension? — g° Dans quel rapport doit être la grandeur de l'ori-
fice de sortie avec la capacité de la chaudière, pour obtenir
toujours une vapeur au même degré de tension? — lo" Quelle
influence peuvent exercer les tuyaux de conduite sur les dé-
penses de vapeur, et sur l'intensité de sa force? — 1 1° Quelles
sont en général les dispositions les plus convenables à donner
aux fourneaux et aux chaudières pour produire do la vapeur?
— 12° Quelles sont les précautions à prendre pour se mettre à
l'abri de l'explosion de la vapeur? — 1 5° Quels sontles appareils
destinés à alimenter d'eau les chaudières à vapeur? — 1 4°Que's
sont les moyens les plus propres à diriger et à régler l'action
de la vapeur? — 1 5" Quels sont les moyens de modérer l'action
de la vapeur lorsqu'elle acquiert un excédant de force ? —
16° Quelles sont les dispositions du piston , du dylindre et de
la boîte à étoupes dans laquelle glisse la lige? — n° Enfin ,
quels sont les meilleurs moyens de condensation et de pro-
duction de vide?
On voit, par le simple énoncé de ces problèmes, que la
solution des dix premiers renferme toute la théorie des ma-
chines à vapeur, et que celle des sept autres est absolument
relative à la pratique.
Pour résoudre les problèmes sur la théorie, l'auteur met à
contribution non-seulement les travaux de tous les savans qui
ont écrit avant lui , et ont répandu beaucoup de lumière sur
celte matière ; mais il y a ajouté quelques expériences qui lui
sont propres , soit pour éclaircir quelques faits qui paraissaient
5o8 scie:\ces physiques.
ejîcore douteux , soit pour répandre uu nouveau jour sur une
élude qui présente un grand nombre de difficultés. Celte par-
tie de sou IraA'ail est très- importante , et les praticiens lui sau-
ront gré de l'avoir enrichie dun grand nombre de tables qui
leur seront Ibrî uliies. Il a rapproché tout ce que les savans
les plus distingués ont écrit sur cette matière, et qui se trou-
vait épars dans beaucoup de volumes.
La seconde série des problèmes qu'il a cherché à résoudre,
présenlait une solution plus facile, et l'auteur l'aurait rendue
bien plus claire et inlînimeut pins utile, s'il avait accompagné
ses raisonnemcns de la description des ligures qui se rappor-
tent nalurellement à chacun d eux. Nous avions fait celle mê-
me remarque en analysant îc premier volume , et nous étions
fondés à croire que M. Christian aurait été convaincu de la vé-
rité de notre assertion. Les figures sont nue espèce de lan-
gage qu'on ne peut pas négliger d'employer dans les arts in-
dustriels ; elles parlent aux yeux , et elles abrègent toujours
un discours qu'elles rendent très-clair, tandis qu'en suivant
une marche contraire , l'on est obligé d'avoir recours à des
dissertations qui n'éclalrcissent rien , et le discours en devient
le plus souvent très-obscur. Des légendes que l'on renvoie à
la fin de l'ouvrage, ne peuvent pas suppléer à ces descriptions
placées à propos à côté des mots dont elles éclaircissent le
sens, et donnent ainsi une parfaite connaissance des macbi-
nes que l'on présente comme modèles.
Lorsqu'on rédige les légendes que Ton croit suffisantes jiour
expliquer une planche, la partie du discours à laquelle elle
s'applique est déjà loin de l'auteur; son imagination n est
plus frappée de ce qu'il devrait dire, cl 11 oublie la trts-
grande partie des objets sur lesquels il aurait du plus forte-
ment appuyer.
L'atlas qui accompagne ce volume se compose de 27
planches Irès-blen gravées par M. Leblanc. Les diverst«
SCIFKCES PHYSIOLES^. So^
macliines qu'elles renferment sont dessinées et ijravoes avec
grand soin ; mais les légendes qu'on y lit pour les expliquer,
sont toutes incomplètes et ne peuvent pas donner, à celui qui
ne connaît pas ces diverses machines, une connaissance suf-
fisante de leurs fonctions. Si l'auteur, nous le répétons, avait
donné 1 explication de ces ligures dans le cours de sa disserta-
tion, il se serait aperçu de l'exactitude de notre observation.
C'est un nuage qu'il a jeté sur son traité de mécanique, et
nous sommes convaincus qu'il aurait été infiniment plus utile
s il avait suivi notre premier conseil.
Le livre second traite des mécanismes ajant pour objet
de transmeure , de transformer et de modifier le mouvement
primitif des moteurs. D'après ce titre, le lecteur devait s'at-
tendre à trouver réunis tous les moyens de transmission , de
tran-sformation et de modification connus jusqu'à ce jour.
L'auteur écrivait après Lanz et Bettancourt, après Ilaelulte,
après Borgnis, et il ne lui était pas difficile de ue rien omet-
tre de ce que ces sa vans avaient consigné dans leurs ()uvr'a:;es
imporlaus. Placé à la tète du Conservatoire des Arts et "Slc-
hQii, il aurait pu euricliir son truite de plusieurs machine*
dans ce genre que les savaus que nous venons de citer n'ont
pu qu indiquer, et l'on ne conçoit pas comment , sur une ma-
tière aussi importante , et dont l'artiste a besoin de counaîue
toutes les ressoui-ces, M. C//r^^m/i s'est borné à consacrer un
petit nombre de pages pour un sujet qui eu aui-ait exigé beau-
coup plus. Il aurait pu , sans allonger son volume , supprimer
la description du tliermomctre et du baromètre, qu'il a copiée
du Traité élémentaire de physique de Ilaùy, comme il l'an-
nonce lui-même, que toul le monde connaît, et remplacer
ces seize pages et une très-grande partie des soixante dont nous
avons parlé plus haut, par la description de plusieurs movens
nouveaux relatifs aux objets dont il traite dans ce livre.
A ces défauts près , et quel est l'ouvrage qui en est exempt?
5io SCIENCES PHYSIQUES.
le Traité de mécanique industrielle peut être très-utile, sur-
tout si les tables , dont il est rempli , sont exactes, ce que nous
avons lieu de présumer.
Quant à Texécution typngrapliique , nous ne pouvons que
répéter ce que nous avons dit dans l'analyse du premier vo-
lume. M. Bachelier, libraire-éditeur, est trop jaloux de la
confiance du public , pour ne pas faire tous les sacrifices que
nécessite la perfection des ouvrages qu il entreprend.
Si Ton peut juger de la bonté et de futilité d un ouvrage
par le nombre de lecteurs qui s'empressent de se le procurer,
on peut dire que celui-ci occupe un des premiers i-angs. An
moment où le second volume a été mis en vente , le nombre
des souscripteurs était plus que doublé^ et il était déjà consi-
dérable, à l'époque de la publication du premier volume.
L. SÉB. Le Normand, professeur de technologu.
SCIENCES MORALES ET POLITIQUES.
Voyage dans la CnkcE, comprenant la description an-
cienne et moderne de l'Epire, de l'IUyrie fjrecqtie ,
de la Macédoine Cisaxienne, d'une partie de la Tri-
balliej de la Thessalie, de l' Acarnanie , de l'JÙolie
ancienne , de la Locride kcspérienne , de la Doride,
et du Pcloponcsc, avec la Vie d'Ali Pacua, les évé-
ncmens de sa unerre en 1820, et des considérations
sur l'archéolos^icj la numismatique, les mœurs , les
arts, l'itidustrie et le commerce des habitons de ces
provinces ; par F. C. H. L. Poloueville, ancion con-
sul général de France près d'Ali Pacha de Janina ,
correspondanl de l'Académie des inscriptions et bel-
les-lettres, etc. (1)
Depuis long-tems , la puissance des souvenirs attire sur le
sol de la Grèce de nombreux voyageurs , empressés de par-
courir le lliéàti'e des évéuemeus racontés par Tbucjdide et
Plutarque , ou de visiter les montagnes et les forêts, asiles des
dieux de l'antique mythologie. Une suite non interrompue
de curieux se succèdent sur la terre classique ; des savans sont
allés reconnaître les emplacemens où fleurirent tant de villes
célèbres ; les artistes vont iuterroger les sites pittoresques et
les ruines poétiques qu'élaleut les vallées de Tempe , les bois
de rOlympe , les cotes de TAttlque et du Péloponèse , et re-
(1) Tom. V. Paris, 1S21; Firmin Didot, rue Jacob, n" 24. Piix ,
gfr.Voy. ci-dessus, Bev. Ene. , T. XI, pag. 35i-34o, le compte rendu
des quatre premiers voluaies.
5i2 SCIENCES MORALES
cueillir les précieux débris des monumeus des arts ; de célè-
bres écrivains même ont été y cbercber des images et des
couleurs pour leurs poétiques tableaux. Mais la plupart , dans
leur curiosité exclusive pour uue nature morte , et pour les
vestiges de l'antiquité, semblaient avoir oublié l'homme ha-
bitant de ces ruines . la population moderne , qui , pour em-
ployer ua mot consacré , est elle-même uue ruine vivante ( i ) .
Préoccupés de l'idée formée d'avance d'une dégradation to-
tale produite par la conquête étrangère, les voyageurs, aa
lieu de compatir aux souffrances des pauvres Grecs , les ju-
geaient iiuligues darréler un instant les regards de l'observa-
teur ; ou bien ils sétonuaienl qu'une nation soumise depuis
quelques siècles à un joug ilétrissaut , endurât sans résistance
les avanies d un maître slupide et barbare : encore se trom-
paient-ils , eu confondant l'habitant désarme de la plaine et le
Grec avili du Fanar, avec la sauvage mais énergique popula-
tion des montagnes , et les intrépides marins des îles de l'Ar-
chipel.
M. Pouqueviile, du moins, n'est pas tombé dans ces mé-
prises dune observation superficielle; il n'a pas montré cet
injuste dédain pour le caractère des Grecs modernes : il suHit
de liie ce que , dès 1819 , il écrivait sur les Albanais ou Schy-
pctars, peuple, disait-i! , dont le courage, l'industrie et l'ac-
tivité semblent devoir changer un jour la face de la Grèce ;
et comme dans les ruines de ieuis villes, il avait habilement
distingué les différons âges d'architecture , démêlant quelque-
fois dans un même lieu, sous le plâtrage des Turcs , ou sous
les répaiations romaines", les constructions de fabrique grec-
que , ou même les acropoles d'architecture pélasgique ou
cycîopéenne : avec une égale sagacité , ii découvre, dans les
mœurs actuelles des Hellènes , le mélange de divers tàges , et
(1) Byron; Fiilcmain.
ET POLITIQUES. 5i3
dans leur geure de vie, leurs coutumes et leurs idées, Il re-
trouve parlois les traces des mœurs antiques, des traditions
m\ tIioloi;iques , et des scènes de la vie domestique de leurs
aieus..
Cette ressemblance ineffaçable reste empreinte dans la lan-
gue qui est encore anjourd liui si peu altércej l'esprit poétique
des Hellènes vit encore dans les croyances, les superstitions,
les chants nationaux de la Grèce moderne j l'esprit de liberté
même n'a jamais entièrement péri sous le sabre musulman :
c'est ce qu'attestent liaulement les eflbrls des Giecs pour bri-
ser un joug dc'testabie. Depuis les premiers jours de leur in-
surrection , ou ne peut voir sans admiration les traits d'bé-
roisme et de dévouement national ([ui ont honoré leur cause.
La cendre des héros semble s'être ranimée, et rEurope les
voit renaître avec toute la vigueur d'un peuple rajeuni : leurs
évéques se sont moiitrc-s , comme aux siècles de l'église pri-
mitive, défenseurs de la patrie, houinies d'état et maityrs,
La nation tout entière s'est levée contre les harbares , en-
flammée de vengeance pour leurs cruaut('S , et eu même lems
pleine de mépris pour leur stupide ignorance.
Et il faut le dire à l'honneur de la civilisation , si ce mou-
vement sidjlinie lut déterminé parle sentiment doue oppres-
sion intolérable , il avait été préparé dès long-tems par le pro-
grès des lumières, qui commençaient à pénétrer uu sein de
cettepopulation, abrutie par un long esclavage. Les nombreux
lycées qui , depuis aS ans , s'étaient formés sur les cotes de
l'Asie -Mineure cl dans les îles, ont Tourni des officiers aux
valeureuses milices de la Morée : dans ces gymnases , que la
plupart des villes durent à la muuitlceace des citoyens enri-
chis par le commerce, la jeunesse était initiée à l'ancienne
langue et aux traditions historiques de la patiie, Nos sciences
modernes ne sont pas devenues moins familières aux (irecs,
et elles oui concouru à leur glorieuse entreprise , en leur don-
5i4 SCIENCES MORALES
uant, dans la marlae et dans rarlillerie, une supériorité re-
lative qui les a mis en état de lutter sans dcsavaiitage contre
des maîtres forts d'une longue possession.
Il y a donc , chez ces hommes , naguère si opprimés , tous
les élémens d'une société forte et éclairée. Le sentiment de la
patrie surtout les domine au plus haut degré; il s'est conservé
dans leur esclavage; il s'est nourri de leurs malheurs : c'est
lui qui a fait leur force , et les a soutenus dans une lutte qui
semblait d'abord si inégale ; c'est lui, entin , qui les a régé-
nérés , et qui a enfanté les Bozzaris , les Odysseus , les Colo-
cotroni, les Mauroeordato.
Les gouvernemens européens , tranquilles spectateurs , ont
vu ces intrépides insurgés conquérir pied à pied leur terri-
toire, et puiser dans les cruautés de leurs farouches ennemis
de nouveaux motifs de résistance. Abandonnée de l'Europe
entière, cette héroïque nation ne s'est pas manqué à elle-
même ; et pendant que les cabinets se traînaient sur les téné-
breuses combinaisons de la diplomatie, les brûiols d'Hydra et
la vaillante épée des KUpliLes moniagnards se sont chargés de
trancher la question. Puisse-t-elle donc , celte nation, si long-
tems opprimée , être enfin rendue à la civilisation ; et pour
prii de ses glorieux travaux , libre , indépendante , jouir du
loisir nécessaire pour cultiver tous les arts où l'appel.e son
heureux génie! Au milieu de cette imprévoyance de nos po-
litiques , qui sait ce que peut être un jour pour la liberté de
1 Europe cette nation si indignement délaissée?
Un des morceaux les glus remarquables de l'ouvrage de
M, Pouqueville, était sans contredit la biographie d'Ali , pa-
cha de Janina. L'auteur l'a complétée par une Notice détail-
lée sur les principaux événemens de la guerre que ce pacha
redouté soutint, en 1820 , contre le grand-seigneur. Le récit
de la révolte d'Ali doit servir d'introduction naturelle à l'his-
ET POLITIQtES. 5i5
toire de riiisurrecùon qui , en mars 1821 , a donné le signal
de raffrancl)issement de la Grèce.
e Ce cinquième volume contient encore , parmi plusieurs
morceaux intércssaus, des Iragmens pour servir à Vhistoire
de Souli , depuis la prise de ce canton par Ali Pacha, en i8o5,
jusqu'à l'année 1820 ; et d'autres fragmens grecs sur l'histoire
de rÉpire , publiés d'après des manuscrits inédits.
C'est dans le 142" chapitre du Voyage , que se trouve l'é-
pisode du jeune Diacre , qui a Inspiré à notre poêle Casim.r
Delavigne sa touchante élégie sur les malheurs de la Grèce.
Je ne crois pas avoir besoin d'excuse pour retracer ici l'une
de ces scènes gracieuses dont le voyageur entremêle parfois
ses savantes investigations (i ) .
« J'étais placé près d'une galerie donnant sur le golfe de
Messénie, que la lune éclairait, lorsqu'une barque, glissant a
la surface de la mer, s'arrêta devant moi. J'y faisais peu d'at-
tention, quand les sons d'un télracorde, pareil à celui de
Terpandre, m'arrachèrent aux réflexions que je faisais sur le
proscrit qui venait de se retirer. Mais , quel fut mou élonne-
menl , lorsqu'aux accords du nautonuier succéda celte mes-
sénienne antique! Je crus entendre la voix d'Aristomène ou
celle de Comon , pleurant sur les malheurs de leur patrie.. ..
» La barque que j'avais entrevue , le soir de mou arrivée
à Coron , ne reparut plus ; mais un chantre plus sublime que
le batelier raessénien , qui mêlait des idées de domination aux
souvenirs des calamités de la Grèce , vint à son tour charmer
mes ennuis. Lorsque tout le monde était couché, je m as-
seyais à une fenêtre voisine de l'humble métropole de Colo-
nis , afin d'entendre l'orphée sacré de la Messénie. C'était un
jeune di:icre , qui répétait les lamentations du fils d Helcias ,
(i) T. V, p. uo et suiv.
5i6 SCIENCES MORALES
prophète que rÉternel avait béni dès le sein de sa mère S.
VO.X pure et béleste nètait soutenue que par le hruit mono-
toue des vagues de la n,er, qui renvoyaient en gémissant aux
échos, le no,n de rEternel quil invoquait. « Vovez , Sei-
gneur, secriait-d dun accent plaint.!'; Roi tout-puissant,
vo,e.n ,, opprobre e, nos ,naux. ^héritage de nos a.eu.
est tombe aux n,an. de leVangerl LVpouse est veuve î Nous
sonan.es orphelins, et nous ne buvons leau de nos sources
qu a P.-.X d argent. Les femmes et les filles de Sion sont livrées
auxafîroat.. L adolescent est lobjet de la luxure de nos op-
presseurs, et la jeunesse expire sous leur bâton ensanglanté
Tout pia.u- est banni de nos lètes. Dieu paternel, Adonai ^
entends nos cris (i) ),
» Et mes yeux se remplissaient de larmes, en comparant
les tourmens de Sion avec ceux des enfans de la nouvelle Jé-
rusalem. Le diacre, moins beu.eux que Jérémie, qui avait
conserve le droit de pleurer au milieu des Israélites captifs
deva.t„,eme user de circonspection pour exhaler se. pla in-'
es. Quelquefois, des coups de pistolet, tirés par des janissaires
^"•utaux , qu. vomissaient en passant des mjures contre le saint
des samls , mterrompaient ses éh-gies. La voix du lévite «ar-
rêtait alors, comme celle du rossignol lorsqu'un bruit cxtraor^
dmaue trouble subiîement le silence des bois. Il semblait es-
suyer ses larmes, et ses cliants se ranimaient pour soupirer
ue n„u^ebes douleurs, des que les infidèles sétaient 1.-
gnes. »
Artaud.
(i) Lamenlat, Jerevu, c. 5.
ET poi,nmris. 5,r
Barreau Français; Collection des chefs-d'œuvre de
l'éloquence judiciaire en France, recueillis par MM.
Clair et Clapieb , avocats (i).
Voici le plus beau monument qui ait été élevé en France
à la gloire de l'éloquence judiciaire. Rassembler des plai-
doyers qui auraient fini par se perdre, les présenter au pu-
blic pour dissiper les préventions littéraires qui entourent trop
souvent les discussions du Palais , telle a été sans doute la
pensée des éditeurs. Nous devons examiner quel est le mé-
rite d'exécution de ce grand ouvrage , et si son cadre est aussi
heureux qu'il le paraît au premiei- aperçu.
Nous navons d'autre moyen de rendre compte de cette
collection, que de suivre les progrès du barreau, depuis l'é-
poque oîi vivaient les avocats dont les plaidoyers ouvrent
:ette longue galerie, jusqu'à ceux de nos contemporains qui
doivent la fermer. Nous ferons nos efforts pour caractériser
eurs divers genres de talens oratoires. Nous espérons par-là
iiettre les lecteurs qui n'ont pas fait une étude spéciale de
.'éloquence judiciaire , à portée de connaître cette braucbe
:1e notre littérature.
D abord , nous devons dire qu'on a une idée fausse de l'an-
îien barreau, lorsqu'on pense qu'il n'avait à sa disposition au-
;nn moyen d'obtenir des sujets propres h faire naître l'élo-
juence. Les procédures criminelles se passaient, il est vrai ,
lans le silence le plus absolu. L'accusé n'avait pas de conseil
jui put émouvoir ses juges et présenter sa défense sous un
our plus ou moins avantageux. Les formes du gouvernement
lemblaient aussi interdire ces grandes affaires d'état qui of-
(i) Paris, 1S22 et iSîj. Seize vol. 111-8°, Tanckoucke, éditeur. (Treize
rpl. ont paru.) Prix , 6 l'r. le vokirue.
5i8 SCIENCES MORALES
freQt tant d'occisions de fai^-e Lriîler le talent d'un oratear. La
liberté de la presse n'existait pas ; les lettres de cachet étaient
ordinairement le seul genre de procédure employé contre les
auteurs dont le pouvoir croyait avoir à se plaindre. Mais, en
revanche, quelques grandes questions politiques se sont agi-
- tées devant les parlemens, et ont laissé les avocats maîtres d(
sujets vraiment dignes de les échauffer et de leur fournir de;
inspirations oratoires. Quelle cause plus vaste que celle qui ;
été plaidée , en 1 594 , par Antoine Arnaud, portant la paroi
au nom de TUniverslté de Paris contre les jésuites 7 II faut lir
ce singulier plaidoyer, pour avoir une idée de ce que peut 1
conviction la plus intime, au milieu du mauvais goût et de
bizarreries de l'époque. Des éclairs d'éloquence apparaisser
de tems en tems , et laissent deviner le germe d'un orateur dij
lingue, dans l'avocat qui a pu quelquefois abandonner la mau
vaise route où il s'était engagé eu suivant des exemples con
tagieux.
Le premier reproche que nous adressons aux éditeurs d
Barre au français, est de ne pas comprendre ce plaidoyer a
nombre de ceux qui composent leur collection. Il doit êti
considéré comme un monument historique et littéraire; c:
il est curieux de comparer la manière des avocats du XV
siècle à celle des siècles snivans.
Pour apprécier ce morceau d'éloquence judiciaire , 11 fa
se reporter au tems où il a été pi*ononcé. Rappelez-vous
France divisée en deux partis qui l'ont déchirée pendant
long-tems. D'un côté, les restes des vieux ligueurs , unis <
seutimens et d'intentions aux jésuites et aux Espagnols j i
l'autre , les nombreux partisans de Henri IV et ces homm
religieux , précurseuis de Port-Royal , que leur austère ver
avait rendus ennemis irréconciliables d'un ordre qui sut fai
de la religion un instrument d'intrigue et un moyen d a<
croître sa funeste influence.C'estdans un tel état de choses q
ET POLITIQUES. 619
l'Université de Paris prend la résolution d'abattre la puissance
jésuitique. Elle s'adresse à l'avocat le plus célèbre qu'elle puisse
rencontrer, à Antoine Arnaud, dont le courage inilexible doit
être pour eUe un puissant auxiliaire. Le parlements'assemble;
il est composé presque entièrement de vieillards qui ont vu les
troubles civils, et qui apportent une scrupuleuse attention à
écouler celui qui parle , au nom de 1 un (\c!> corps les plus res-
pectables de la France, au nom de cette Université que nos
rois se sont plu à nommer leur fille aînée, attaquant un or-
dre puissant qui a en sa faveur de noml>reux partisans, et con-
tre lui de plus nombreux, ennemis. Toute la France , toute
l'Europe s'intéresse à une cause d'une aussi baute importance.
Arnaud se lève et prononce la barangue dont on va lire la
dernière partie.
« Le Roi désire le bien : peut-on croire qu'il aime ceux qui
attentent cbacun jour sur sa vie, et qui ont causé toutes les
misères qu'endure son pauvre peuple? Quand vous aurez
donné voslrearrest, il faudra cent mille bommes pour en re-
tarder l'exécution : Sa Majesté veut que vous participiez en
quelque chose à ses triomphes ,
Veterum que cwemfla secutus ,
Dijerit iniperii sub Judice facta senatu,
))II a cbassé de Paris la garnison espagnole armée et ouverte :
cbassez, messieurs, !a couverte et secrette, cbassez celle qui a
fait entrer l'autre, qui Fa fait demeurer si long-tems et qui
Fallait faire redoubler, s'ils eussent encore eu un passage sur
l'Oise, lorsqu'ils vindrent jusqu'à Beauvais. p^tnit teniptis, sé-
rias onininoquani dignumnomine Francico fuit , sed tamen
ila matnruni , iit dijf'erri jam non possit. Considérez , s'il
vous plaist , Messieurs , où vous en êtes venus. Vous aurez
déclaré le duc de Mayenne criminel de Leze-Majesté : et le
tyran d'Espagne et ceux qui le soustiennent, joignans leurs ar-
550 SClExNCES MORALES
mées aux siennes , ennemis communs de la chrestienté : c eSÏ
un beau mot Citrate ut viri skis et cogitale qnem in locunt
sitis progressi. Vous leur avez arraché la ville de Paris, qu'ils
pensaient avoir assujettie pour jamais à leur domination. Ils
n'ont regret de rien tant au monde , que de ce qu'ils ne vous
ont oslé la vie h tous, nunc onines itiio ordine kabenl. Une
autre fois il ne vous faudrait point de Bastille, le tombeau se-
rait votre bastille; encores ne scai-je s'ils vous l accorderaient.
Dieu a misanjourd liuv en votre puissance d achever, de rora»
pre pour jamais toutes leurs pratiques et toutes leurs intelli-
gences : ils penseront avoir perdu deux batailles, lorsqu'ils
sauront que tous leurs jésuites seront chassés hors de France.
Ne laissez pas , Messieurs, escouler ceste belle , ceste prompte
occasion de vous délivrer de ceux ausquels les leltt'es ne ser-
vent (non plus qu'à Caracalia) ojue d instrumens propres à
mal faire. Chassez ces gens icy , qui n'ont point de pareils en
toutes sortes de mé'chancclez , tam acres , tam paratos , tam
audaces, tam callidos , tam in scelere vigilantes, tam in
perditis rébus diligentes , contre lesquels quand vous vous
lèverez , Messieurs , pour opiner, souvenez-vous , je vous sup-
plie, combien sera douce la peine de l'exil à ceux qui ont tant
de richesses en Espagne , en Italie et aux Indes , au lieu qu'en
l'an 1 53o ils n'avaient qu'une petite pension qui leur estait en-
voyée dEspagne , ainsi qu'eux-mêmes le tesmoignent. Souve-
nez-vous aussi , s'il vous plaisl , de la perte de vos parens ,
de vos amis et de vos biens j de la désolation de tant de pays ,
de la mort de tant de grands capitaines , de tant de g<*néreuse
noblesse, de tant de braves soldats emportez par la (ureur de
nos guerres, qu'ils ont toujours échauffées, comme ils font en-
core aujourd huy. Et ne doutez nullement que , purgeant la
France de ce poison , il ne lui advienne , comme aux corps
qui se remettent en meilleur estât par longues et grièves ma-
ladies , qui leur donnent une santé plus entière et plus nette
ET POLITIQUES. 52 1
que celle qu'elle leur avait oslée. Et quand leur advocat vous
viendra louer la magnanimité et la clémence du Roy, souve-
nez-vous, Messieurs, que c'est de ce Roy du quel ilsont lésant;
chacun jour en leurs vœux , la mort en leurs prières , l'assas-
sinat en leurs détestables et exécrables conseils. Souvenez-
vous que c'est de ^-e Roy , au quel ils ont aidé dès leur fonda-
teur Ignace, d'arracher partie de la couronne de INavarre : et
n'ontaulre travail aujourd'huy que de s'efforcer à luv o&ter celle
de France, qu'ils désirent assujettir et unir à l'Espagne , comme
ils ont fait le Portugal. »
Si , comme nous l'avons dit , Ton se reporte au lems oîi ce
plaidoyer a été prononcé , on se (igureia facilemeutquelle im-
pression il dut faire. J.es gens du Roi , à la requête des défen-
seurs des jésuites , avaient eu la précaution de demander que
l'audience eût lieu à huis-clos , ce qui leur avait été accordé.
Mais , l'effet qu'Arnaud avait produit sur les membres du par-
lement , ne tarda pas à transpirer j l'énergie de ses accusations ,
la gravité des faits allégués contre les jésuites , ses accens pro-
phétiques qui osaient annoncer l'assassinat du roi Henri IV,
si cet ordre célèbre n'était pas exftlu delà France , un langage
qui alors ne manquait pas de pureté et d'élégance , tout con-
courait h donner à la cause une solennité qui doit la faire re-
garder comme l'une des plus importantes dont nos tribunaux
aient retenti. La haine janséniste d'Arnaud lui a fait poursui-
vre les jésuites avec un acharnement qui a quelque chose de
cette àcreté que respirent plusieurs des harangues de l'anli-
quité.
Près d'un demi-siècle s'est écovdé entre Antoine Arnaud et
les deux avocats auxquels on a coutume de faire remonter
l'origine dun barreau moins barbare que celui qui existait
auparavant. On voit que nous voulons parler de Lemaistre et
de Palru. Malgré les grands progrès que faisait alors la lanc;ue
française , nous n'apercevons pas une amélioration sensible
T. XX. — Décembre \^-2~). 54
5'i2 SCIENCES MORALES
daus les travaux judiciaires de ces trois orateurs. Même ejoiit
pour les citations , mêmes comparaisons ridicules tirées de !a
Bible et de la Mythologie, même envie d'introduite dans l'en-
ceinte étroite de nos tribunaux, les formes bien aatremenl
majestueuses de L'éloquence populaire grecque et romaine.
Patru. plaidant pour les R. P. Mathurius, s'évertue à cber-
cbcr une origine miraculeuse à Tordre dont ils font partie. 11
laisse de coté les argumens de droit qu'il peut faire valoir en
leur faveur, et transporte son auditoire à Rome, pour le faiie
assister le jour de Sainte-Agnès à 1 office, pendant lequel un an-
ge parut en Tair au-dessus de l'autel. « Sa robe estait toute
blanche , et sur le devant on lui voyait une croix moitié rouge
et moitié bleue. II avait les bras croisez et de chaque main
tenant au bout d'une longue ebaisne un esclave , l'un maure ,
l'autre chrestien, il semblait comme escbanger ces malheureux,
et donner le mescréan pour racheter le fidèle. » Telle est, se-
lon lui , l'origine des Mathurins.
Nous sommes en droit de nous étonner que le goût exquis
de Boileau et de Racine , dans l'intimité desquels Patru vivait ,
ne se soit pas révolté des cBoses ridicules qui se rencontrent
en foule dans les œuvres de cet avocat. Patru , si sévère pour
les autres, Patru dont Boileau, écrivant à Brossette, disait : a II
me souvient que , lorsque M. Racine me faisait sur des en-
droits de mes ouvrages quelque observation un peu trop sub-
tile , comme cela lui arrivait quelquefois , au lieu de lui dire
le proverbe latin : Ne sis Patruus milii, n'ayez pas pour mol
la sévérité d'un oncle , je lui disais : Ne sis Patru mihi ,
n'avez pas pour moi la sévérité de Patru (i). » Patru n'au-
rait-il pas eu besoin d'exercer cette sévérité sur ses propres
ouvrages; et alors, ils pourraient être lus aujourd'hui , comme
(i) Lcltro XXX de Boileau à Brossette, T. III , p. 25o de l'édition
de 1812.
ET POLITIQUES. 5 2"^
les œuvres de ses illustres amis. Cependant , il est juste de dire
que , si nous comparons les plaidoyers dePalru à ceux, de ses
contemporains , nous apercevrons entre eus. uue distance
considérable à laquelle il a dû, sans aucun doute, son im-
mense réputation.
En lisant les œuvres de Lemaistre, on trouve toujours un
déclamateur habile , mais rarement un véritable orateur.
Néanmoins, sa renommée a été aussi brillante que celle de
Patru. On rapporte que, les jours où Lemaistre devait plai-
der, les prédicateurs s'abstenaient de monter en chaire pour
aller prendre des leçons de ce jeune homme, qui devait bien-
tôt abandonner le théâtre où il cueillait des palmes qu'on ne
cherchait pas à lui disputer, pour aller s'ensevelir dans l'illus-
tre retraite de Port-Royal , dont il a été l'un des membres les
plus zélés.
Cependant, le siècle véritablement littéraire auquel Louis
XIV a donné son nom, s'écoule, et les cours de justice n'offrent
pas à la France un seul orateur dont la gloire puisse , non pas
égaler celle qui environne les voix éloquentes qui retentissent
du haut de la tribune sacrée, mais du moins eu approcher.
Ln seul homme semble aspirer au désir de léguer à sa patrie
un monument digue d'être comparé à ce que les anciens ont
de plus parfait eu ce genre. Cet homme n'est pas un avocat;
un seul sentiment l'anime , mais c'est le plus puissant de tous ,
celui de l'amitié. Combien Fouquet , dans sa disgrâce , dut
éprouver de consolation , en voyant la littérature française
s'enrichir des travaux de deux liommes de génie qui se réu-
nissent pour obtenir son pardoii du plus puissant des monar-
ques! La Fontaine laisse échapper de sa veine facile des vers
admirables en faveur de son ami , et Pélisson trace des mé-
moires dans lesquels la noblesse du style s unit à la grandeur
des idées et des sentimens. Les avocats, au contraire , persis-
tent à s'écarter du goût antique , par cela même qu'ils veulent
524 SCIENCES MORALES
rimiter. Ils ne savent pas apercevoir conabiea Us sont loin
de la vérité , et dans quels malheureux écarts ils se précipi-
tent , lorsqu'ils invoquent les dieux d'Homère ou les person-
nages vénérés du christianisme , à propos d'un mur mitoyen
ou d'une violation quelconque de la coutume de Paris. La
Bruvère les avertit en vain de la fausse voie dans laquelle ils se
sont jeu's. Ses sarcasmes piquaus n'épargnent pas le ridicule
des avocats qui ont la manie des citatious inutiles et des rap-
proclieniens bizarres dont ils inondent leurs plaidoyers, « dans
lesquels Ovide et Catulle , dit- il , achèvent de décider des ma-
riages et des testamens , et viennent, avec les Pandectes , au
secours de la veuve et de l'orphelin ; où le sacré et le profane
ne se quittent jamais , où les poètes sont de l'avis de saint Au-
gustin et de tous les Pères. »
Laissant de côté quelques avocats qui illustrèrent le bar-
reau à la fm du xvii^ siècle , nous arrivons à Cochin et à
d'Âguesseau. C'est sur ces deux noms que semble reposer la
preuve que les Français ont aussi une véritable éloquence Ju-
diciaire. Cochin , dans un style pur, mais peu élevé et pres-
que entièrement dénué d'ornemens oratoires, a traité des ques-
tions de droit en habile jurisconsulte. Pour dire ici toute no-
tre pensée, nous croyons qu'il est loin de mériter la grande
répuliilion dont il jouit. Quanta d'Aguesseau, le caractère
dont il était revètvi et sa haute sagesse ont dû étendre sa re-
nommée bien au-delà de l'enceinte du parlement. Ses Mer-
curiales, ou discours prononcés aux jours de rentrée, con-
tiennent une excellente morale, présentée avec le charme d'un
style élégant et correct , mais un peu froid et par trop apprêté'
peut-être. Les éditeurs du Barreau Français ont mis un pelil
nombre des plaidoyers de ces deux hommes célèbres, et ils ont
pensé avec raison que leurs œuvres complettes se trouvant
dans toutes les bibliothèques des jurisconsultes, c'eût été faire
un double emploi que d'en multiplier les extraits. Mais , puis-
ET POLITIQUES. 5a5
que nous veuous d'avoir Toccasioa de nommer d'Agucsseau ,
nous adresserons dès à présent un reproche aux. éditeurs sur le
peu de justesse du titre de leur collection. Le mot barreau ,
d'après sa véritaLle signification , ne peut s'appliquer qu'au
corps des avocats , qu'aux hommes parlant à la barre d'un tri-
bunal. Les magistrats du parquet , les officiers du ministère
public, ne peuvent, pas plus que leurs ouvrages, être con-
fondus avec le barreau.
Au surplus, cette critique est de fort peu d'importance , et
nous continuons Texamen des principaux monumens de
notre éloquence judiciaire , contenus dans le Barreau Fran-
çais.
A quelques plaidoyers et discours de Cochin et de d'Agues-
seau succèdent un plaidoyer de Mannory , et un Mémoire de
Barbier d' Aucourt ; mais, il faut avouer qu'ils étaient peu
dignes de figurer dans un recueil de chej's-d œuvre de félo-
quence judiciaire.
Ici , nous arrivons au xvill^ siècle. Voyons s'il nous offrira
de plus dignes modèles que l'époque que nous venons de par-
courir, pendant laquelle , cependant, la littérature française
est parvenue au plus haut degré de perfection.
Montesquieu se présente le premier; et, quoique ce grand
homme n'ait jamais été avocat , les éditeurs ne font pas moms
fait entrer dans leur barreau. C'est un discouis prononcé en
sa qualité de président à mortier au parlement de Bordeaux ,
qui lui a fait trouver sa place dans celte collection. Ce discours
est fort peu important 5 et sans le nom à jamais célèbre de ce-
lui qui en est l'auteur, il n'aurait sans doute pas été inséré
dans un recueil du genre de ceiul-ci.
Le barreau , ou plutôt tous les membres àc^?, corps judi-
ciaires, magistrats et avocats, ne restèrent point étrangers aux
querelles qui s'élevèrent entre la philosophie et les anciens pré-
jugés, et c'est à dater de ce temsque s'élevèrent dans le seia
536 SCIEISCES MORALES
des tribunaux des plaintes énergiques contre les abus qui en-
vironnaient Fadministration de la justice. Le système barbare
de pénalité existant alors , trouva de rudes adversaires , et To-
pinion publique , éclairée par les attaques des magistrats eux-
mêmes , finit par obtenir la grande réformation qui a cai'ac-
térisé la fin duxviii*' siècle.
Les pbilosophes faisaient des livres ; les avocats-généraux
les poursuivaient par de fulmiuans réquisitoires. Séguier sur-
tout s'est acquis une juste célébrité en ce genre , et nous regret-
tons de ne trouver, dans le Barreau Français , qu'un seul
des réquisitoires de cet avocat- général. Il est vrai que ce ré-
quisitoire mérite d'être conservé , et par l'importance de la
cause dans laquelle il fut prononcé, et par une argumenta-
tion qui n'est pas sans babileté ; c'est contre un magistrat que
Séguier avait à exercer les rigueurs de son nvinistère. Diipaty ,
président à mortier au parlement de Bordeaux, avait fait un
Mémoire en faveur de trois bommes condamnés à la roue ,
et c'est contre ce Mémoire qui honore son auteur, que Séguier
lança les foudres de son éloquence. Nous ne doutons pas qu'on
ne lise avec beaucoup d'intérêt et le mémoire de Dupatv,
et le réquisitoire de Séguier, quoique ces affaires soient au-
jourd'hui bien moins importantes qu'elles ne l'étaient dans un
tems où les rigueurs excessives de la justice criminelle étaient
censurées par tous les cœurs généreux qui i;i 'avaient pas en-
core obtenu une réformalion si indispensable pour l'honneur
de l'humanité.
Les jésuites ont souvent fourni aux magistrats et aux avo-
cats français, l'occasion de se livrer à de beaux mouvemens
oratoires. Cet ordre, adroit et astucieux, a toujours su résister
aux coups qui semblaient devoir l'accabler. îSous l'avons vu
attaqué par Arnaud , au xvi* siècle ; nous le trouvons en-
core, au xviii^, poursuivi par La Chatolais , avec un zèle
non moins ardent et dans lequel on pourrait sans injustice
Eï POLITIQUES. 537
trouver une sorte de fanatisme. Séguicr lui-même, qui avait
été leur élève , prouonça contre eux , selon Tauteur ilo la no-
tice placée en tète de la partie tlu Barreau Français qui lui
est réservée , v un très-beau réquisitoire , où , tout en recon-
naissant que cette société avait bien mérité des sciences et des
lettres , il signale de nouveau les dangers de son institution ,
et la nécessité de réprimer ses intrigues secrètes. »
Les éditeurs n'ont pas fait entrer dans leur collection les
fameux réquisitoires de La Clialotais conU'C les jésuites ; mais
ils y ont inséré les Mémoires que ce magistrat fut , bientôt
après, obligé de publier pour sa propre défense. Il a su , par
expérience, que Ion n'a jamais pu attaquer les disciples de
Loyola impunément. Ces Mémoires sont t-crits avec une cha-
leur profonde et naturelle. On remarquera surtout celui qui
a été tracé par La Clialotais au fond de son cachot, avec ce
cure-dent dont Voltaire a dit qu il gravait pour l'immortalilé.
A la même époque, Z/Oj^e^u de Ma«/eow apportait un goût
romanesque dans la composition de travaux judiciaires. Mer-
veilleusement servi par la plupart des causes qui lui ont été
conQées, cet avocat a rédigé des Mémoires qui ont obtenu de
très-grands succès. INIalgré le mérite que l'on ne saurait re-
fuser à l'art avec lequel il a su présenter les faits et leur don-
ner uue teinte d'aventures imaginaires , nous croyons qu'on
l'a trop exalté, et nous oserons ne pas adopter l'avis de J. J.
Rousseau écrivant, dans ses Cortfessions , que la défense de
M. de Portes lui paraissait digne de Démosthèues. Le style de
Loyseau de Mauiéou est prétentieux , et nous ne trouvons pas
sans justesse l^expression d'un homme d'esprit qui le surnom-
mait le Dorât des avocats.
Dans cette esquisse rapide de nos orateurs judiciaires, nous
ne devons point oublier l'avocat-général Servan, qui piaida
la cause de la philosophie et de l'humanité au parlement de
Grenoble. Il doit être placé au piemier rang du petit nombre
5a8 SCIE^Ct:S MORALES
de magistrats qui se sont servis de rinfluence que leur don-
naient leurs hautes fonctions pour décrt'diter des a])us et de-
mander des réformes salutaires et indispensables.
Elie de Beauinont, Target^ Lingiict, et surtout Gerbier,
ont servi encore à l'illustration du barreau français , à la fin du
XVIII* siècle. Il est à regretter que fart de la sténographie n'ait
pas conservé quelques-unes des harangues de Gerbier. Tous
ceux qui Tont entendu, ont encore présens à la mémoire la
force de sa dialectique , ses gestes nobles et touclians , ses ac-
cens mâles et solennels. Enfin , ce grand avocat paraissait doué
de l'action oratoire la plus riche que l'imagination puisse se
représenter.
Les Mémoires imprimés de Gerbier sont peu propres à don-
ner une haute idée de son talent , et peut-être les éditeurs du
Barreau Français devaient-ils s'abstenir de mettre dans leur
collection celui qu'ils ont cru devoir y insérer.
Si les avocats que nous venons de mentionner faisaient re-
tentir les voûtes du Palais de leurs voix éloquentes , la plume de
Beauinarrliais traçait des pages auxquelles une ironie amère ,
une discussion pleine de verve et de sel obtinrent un succès
qui n'est pas encore oublié. Dans un genre beaucoup plus éle-
vé , Î\L de Lally-ToUendal . animé du plus pieux de tous les
sentimens , apportait dans des discussions judiciaires , les vues
de l'homme d'état, et un style noble et digne du sujet qu'il avait
entrepris de traiter.
Enfin , Bergasse s'est attiré une gi^ande et juste réputation
par 1 affaire du banquier Rornman. Son argumentation est
adroite , et les expressions dont il a fait usage, pleines de vie
et même d'uue certaine impétuosité qui n'était pas déplacée dans
le sujet qu'il avait à traiter.
Ici, se ferme l'ancien Barreau Français, et commence
une ère nouvelle.
De grands changemens politiques s'introduisent dans les
ET POLITIQUES. 609
formes de notre gouvernement. Les antiques cours de justice
s'écroulent et font place à des tribunaux qui d'abord ne nous
offrent aucun monument oratoire susceptible d'être conserve.
Cependant, au fort de la tempête, le plus mémorable procès
dont nos annales puissent faire mention , donne à un avocat
roccasion de développer un beau talent, et, ce qui vaut beau-
coup mieux , un grand courage.
La république consulaire vit aussi quelques procès impor-
tans déiéndus dignement par de jeunes oratcuis qui eurent à
leur disposition des causes dont les tribunaux français na-
valent pas encore fourni d'exemple. M. Betlart fait proclamer
l'innocence de M''^ de Cicé par un plaidoyer dans lequel on
remarque une rare adresse. M. Bonnet défend IMoreau . et les
éditeurs de la collection que nous annonçons nous appren-
nent que ce plaidoyer est lun des plus beaux titres de la gloire
de l'orateur. Nous regrettons que ces éditeurs n'aient pas joint
à la défense de Moreau, par M. Bonnet, le discours éloquent
que le général prononça lui-même , et qui est attribué à IVL
Garât.
Pendant la domination impériale, le barreau n'a pas été ap-
pelé à la défense de causes politiques. Ces sortes d'aAaires se
jugeaient alors dans l'enceinte d'un tribunal militaire , et Ton
sait que ces juridictions sont peu propres à fournir des ins-
pirations oratoires. Mais de grandes causes civiles eurent lieu ,
et les cbangemens intervenus dans le droit amenèrent des
questions importantes qui furent débattues avec talent. Cette
fois , les éditeurs doivent être loués de nous avoir fait connaî-
tre quelques-uns des plaidoyers du barreau de Bordeaux. Nous
en trouvons dans leur recueil de fort remarquables, de MM.
Laine e\. /?«v'es, et surtout de M. Fererre , qui nous parait
doué du véritable génie de l'éloquence. Son style est plein d'i-
mages et de mouvemens dramatiques d'un grand efiet. Si Fe-
rerre eût été appelé à jouer un rôle sur un plus vaste tliéâtre ,
55o SCIENCES MORALES
nons ne cloutons pas qu'il ne se fût placé à côté des hommes
les plus célèbres dont la Gironde a fait présent à la patrie.
La Charte , en nous donnant des institutions constitution-
nelles, a ouvert une immense carrière au barreau. Nous nous
abstiendrons de caractériser le i^enre d"élo(]uence qui est pro-
pre aux avocats qui honorent notre époque. Nous dirons seu-
lement que la multitude de procès politiques , qui ont eu lieu
depuis dix ans , sont devenus une source in' puisabie à laquelle
les éditeurs du Bairtau Français ont eu recours avec dis-
cernement. On trouve dans leur ouvrage le plaidover remar-
quable de M. Dupiii dans l'affaire des Anglais accusés d'avoir
favorisé Tévasion de Lavaiette. L'éloquente défense de M. Fié-
vée par M. Hennequin ; les procès de la Souscription natio-
nale , de la Société des amis de la presse , de la Bibiiotiieque
historique, de M. de Pradt, etc. , et sous ce rapport le Bar-
reau Français ne sera pas seulement consulté par les person-
nes qui voudront étudier les monumens de notre éloquence
judiciaire , mais encore par tous ceux qui désireront connaî-
tre unepartie importante de l'histoire contemporaine. Les An-
glais possèdent, sous le titre de State Trials , une collection
beaucoup plus complète et plus méthodique des procès politi-
ques ; mais le Barreau Français ^eul jusqu à un certain point
en tenir lieu parmi nons.
Le reproche le plus grave que nous adresserons aux édi-
teurs, est relatifà leur deuxième section ou Barreau moderne,
dans laquelle ils ont jeté péle-mèle les différens plaidoyers. A
l'exception de cette gi-ande division du Barreau ancien et du
Barreau moderne , division qui ne nous paraît pas heureuse,
nous n'apercevons aucune méthode dans la marche qu'ils
ont suivie. En effet , le troisième volume du Barreau moderne
contient des plaidoyers prononcés long-tems avant la plupart
de ceux qui sont contenus dans les deux premiers de la même
série. Les éditeurs ne se justifieront pas, quanta cette deuxième
ET POLITIQUES. 55 1
scclion , d'avoir nc'gligc Tordre clironologiqne, le plus rigou-
reux de tous , en alléguant que leur intention a été de réunir
les travaux d'un même orateur, car cette partie est encore plus
négligée que la première. Le lecteur , s il neùt pu avoir Ta-
vantage de suivre clironologiquement Tordre ou la nature des
affaires, aurait au moins désiré devoir réunis les différens
plaidoyers et les discours d'un même orateur.
Pour terminer la partie critique de cet article, nous croyons
que les éditeurs ont beaucoup trop multiplié les chefs-d^aui-
i're de Téloquonce judiciaire en France. ISous avons eu plus
haut occasion de prouver le peu de justesse du titre qu ils
ont donné à leur collection, et nous y revenons parce que
nous croyons qu'elle est propre à jeter de la défaveur sur
leur entreprise, aux yeux de ceux qui auront lu la plu-
part de ces prétendus chefs -d œuvre. Assurément, per-
sonne ne contestera que la chaire française n'ait de beaucoup
surpassé le barreau en richesse et en gloire. La cause tient
sans doute à des considérations morales et littéraires que
nous ne pouvons examiner en ce moment. Toutefois , nous
doutons fort que Ton puisse réunir seize volumes de chefs-
d'œuvre dus à Tinspiration évangélique. Cependant, nos pré-
dicateurs n'ont pas été plus avares de paroles que nos avo-
cats.
Il y aurait de 1 injustice à ne pas reconnaître l'utilité de ce
recueil. Il renferme beaucoup de morceaux qui étaient deve-
nus extrêmement rares , et qui auraient fini par se perdre en-
tièrement. Si nous avons adressé aux éditeurs plusieurs repro-
ches que nous croyons tondes, Timpartialité veut que nous
ajoutions qu'ayant les premiers entrepris de donner une col-
lection de ce genre, il n'est pas étonnant que quelque désor-
dre se soit glissé dans un recueil aussi volumineux, pour la
composition duquel ils n'avalent pas de modèle , et que , s'ils
ont trouvé des imitateurs , ceux-ci n'ont pas eu un grand mé-
^03 SCIENCES MORALES
rite à perfectionner un plan dont l'expérience leur avait dévoi-
lé les défauts,
A. Taillandier, avocat aux conseils du Roi.
aWtWVMWX^/Wt
Mémoires srn la Révolution française , par Buzot, dé-
puté à la Coiivenlion nationale , précédés d'un Précis
de sa vie, et de Recherches historiques sur les Giron-
dins, par M. GiADET (i).
La révolution française semble chaque jour acquérir un
noTiveau degré d'intérêt, à mesure que nos regards peuvent
la considérer dun peu plus loin. Tout ce qu elle offre à la fois
de généreux et d'atroce, de brillant et d'abject, devait d'abord
en quelque sorte éblouir et fasciner notre vue ; et il était natu-
rel que nos jugemenssur ses phases mémorables ne fussent au
commencement que le résultat d'impressions trop vives pour
être tout-à-fait d'accord avec la froide raison. Aujourd'hui ,
celle-ci peut faire entendre sa voix sévère ; après avoir cédé
long-tems aux illusions de l'imagination , on voudrait ne plus
admettre que la vérité , ei l'on recherche avidement les écrits
qui peuvent contribuer à l'établir.
Le nouveau volume de Mémoires sur la révolution, que
vient de publier M. Guadel , doit à juste titre être placé dans
ce nombre. Il nous présente cette grande époque d?' nos an-
nales sous une face nouvelle j il s'empare , pour ainsi dii-e ,
d'un côté de ce vaste tableau pour le présenter de nouveau à
nos regards avec d utiles dévcloppemens, et en faire ressortir
de vives lumières qui rejaillissent sur l'ousemble. Il vient
remplir une lacune que l'on pouvait remarquer dans l'impor-
(0 Paris, iSaS, Un vuJ. in S» de 5oo pages. Prix, 6 fr. Be'cliet aîné.
ET POLITIQLES. 533
(anlc colleclioa publiée par MM. Barrière et Bcrvil'ic, et il
en est , sous ce rapport , uu complément indispensable.
Eu eOét , le parti qui , dans le cours de la révolution , a sans
contredit compté le plus d bommes célèbres , qui a le plus
déployé de vues généreuses et vraiment patriotiques , n'avait
eu jusqu'ici que deux organes. Louvel et Barbaroux (ainsi que
]\Ime Rolland) sont les seuls Girondins qui aient laissé ou du
moins dont on ait publié des mémoires ; mais le premier s'est
beaucoup plus occupé de lui et des particularités qui le con-
cernaient immédiatement , que du parti dont il avait suivi la
bannière, et de l'influence exercée par ce parti sur les affaires
générales : il a écrit eu romancier et en bonime de parti , do-
miné par ses préventions et ses passions, beaucoup plus qu'en
homme d'état et en patriote éclairé , juste et impartial. Ce
que nous connaissons du second, n'offre guère d'impor-
tant que des éclaircissemens sur la journée du lo août. Il
était donc utile de livrer à la curiosité publique des mémoi-
res oii fût spécialement considérée , dans son ensemble , la
conduite du parti de la Gironde; où l'on pût suivre la lutte
glorieuse qu'il eut à soutenir contre un déplorable esprit d'a-
narchie et de dévastation dont la France éprouva trop long-
tems l'induence , et dont l histoire devra rechercher et indi-
quer l'origine et les causes. C'est là précisément ce qui dis-
tingue les Mémoires de Bitzot. Lhomnie y disparaît pour
faire place au défenseur ardent et généreux de ceux dont il
avait embrassé les opinions politiques. Il examine successive-
ment et réfute avec énergie les reproches adressés aux Giron-
dins par ceux qui parvinrent , à la faveur des dangers publics
et de l'borreur qu Inspirait l'invasion étrangère , à dominer
la Convention nationale et la nation elle-même, en soulevant
les passions de la populace des cités. Il fait voir quel était le
but de ses amis , et comment , défenseurs des vrais principes
sur lesquels la B'rance révolutionnaire s'était assise, ils durent
554 SCIENCES MORALES
succomber , quaud ces principes mêmes eurent été renversés
par la rage insensée de quelques hommes.
M. Guadet a accompagné les Mémoires de Buzot de mor-
ceaux dun haut intérêt. Sa position particulière le mettait à
même de recueillir une foule de renseignemens précieux ,
épars dans la mémoire des contemporains , et son nom même
était une espèce de titre à en devenir Thahile commentateur.
Au nombre de ces morceaux sont , la Relation des événemens
d'Evreux après le 5i mai, et celle du séjour de quelques-uns
des proscrits à Saint-Emilion , chez ce généreux Jean-Bap-
tiste ïrocquarl , qui leur offrit , au péril de ses jours , Vasile
tt le pain du pauvre , pour me servir d\me expression de
Buzot. M. Guadet, sur le compte duquel, an surplus, je serai
sobie d'éloges, par dos motifs de convenance que nos lecteurs
sauront apprécier (i), a fait précéder Touvrage d'une Notice
biographique sur l'auteur des Mémoires. Buzot y est peint
comme un homme dans la cariière duquel on ne peut trouver
d'autres taches que celles qui appartiennent à ses opinions po-
litiques j comme un homme dont toutes les actions furent
empreintes d'un amour pur, ardent et vraiment antique, pour
la vertu et la liberté, et qui , à la fin du xvin^ siècle, a pu
dire de lui-même : Jusquà un âge avancé , jamais un pro-
pos licencieux n'a^'ait souillé mes lèvres.
J'arrive à un écrit plus important , et qui fixera sans doute
l'attention publique ; je veux parler des Recherches histo-
riques sur les Girondins. M. Guadet s'est borné sagement ,
dans ce précis , à l'objet même de ses investigations ; il n'a
point voulu Imiter les écrivains qui, pour s'épargner la peine
de réfléchir, se livrent sans cesse à des considérations qu'ils
appellent générales , mais qui ne sont fréquemment que su-
perficielles. Il s'est contenté d'évaluer rigoureusement la part
(i) M. Guadet est un des collaboralcnrs de la Revue Encyclofcdiqiie.
ET POLITIQUES. 555
qu'ont prise les hommes dont 11 scst conslitaé l'historien , aux
év; nemcns (jui ont eu de riufiuence sur les destinées de la
pairie.
On a demandé si Taccusation dejedéralisme, alléguco par
la Montagne contre les Girondins , était fondée; M. Guadet ne
croit pas pouvoir en douter , et il se regarde c<jmme suffisam-
ment autorisé à avancer que la pens -e secrète des membres in-
Huens du parti était de créer un gouvernement fédératit' dont
Louis XVI eût été le chef, assertion hardie et qui trouvera sans
douîe des contradicteurs , mais qui sera certainement spé-
cieuse pouî" ceux, qui auront lu attentivement les Recherches
historiques et les Mémoires , bien que Buzot j repousse avec
force cette accusation, et qu'il ait dit simplement (p. 195 ) :
(( Notre but était d'avoir le meilleur gouvernement républi-
cain qui fût possible en France ; quant aux moyens et aux
idées que chacun se formait de ce mieux possible , il pouvait
garder à cet égard la plus parfaite indépendance; » passage
qui n'indiquerait pas un plan arrêté.
Il n'est plus permis maintenant de révoquer en doute les
relations des Girondins avec la Cour, à une époque assez rap-
prochée de celte terrible journée du dix août , qui renversa le
trône. M. Guadet a fait voir clairement que , par suite de ces
relations , peu s'en fallut alors qu'une réaction dans un autre
sens ne vînt changer tout-à-fait le cours des choses : si les
conseillers du malheureux monarque eussent été de bonne
foi , si les prétentions aristocratiques lui eussent permis d'ac-
cepter les propositions des Girondins, la crise, devenue né-
cessaire , eût été dirigée contre le jacobinisme , et d'immenses
malheurs , des crimes commis au nom de la liberté , qui les
désavoue avec horreur, eussent été prévenus. Les Girondins
n'ayant pu s'allier avec la Cour, se réunirent à la Montagne,
et lirent le dix août , alliance fatale dont ils comprirent plus
tard l'imprudence et tous les dangers, et qui causa la ruine
553 SCIENCES MORALES ET POLITIQUES,
de leur parti el la mort tragique de ses plus illustres chefs.
Ce volume , qui rappelle à notre souvenir des hommes cé-
lèbres par leurs taleus , et dour les erreurs furent souvcul
associées aux. sentimens les plus généreux , renferme des pages
qu ou ne peut lire sans attendrissement. Telles sont celles oii
se trouvent les lettres écrites par les malheureux députés , la
veille même du jour où , après avoir quitté l'asile qui les ca-
chait à leurs prescripteurs , ils furent trouvés à moitié dévorés
dans un champ. Le passage suivant , qui offre les derniers
momens de ceux des proscrits qui terminèrent leurs jours à
Bordeaux , servira en même tems à faire connaître la manière
de lauieur : u Les députés, dit-il (p. io4), marchèrent à la
mort comme on court à la gloire. Le dernier souvenir de
Salles fut pour sa femme. Nous avons la lettre sublime qu il
lui écrivait quelques momens avant l'heure fatale. Guadet
conservait encore plus de calme et de présence d'esprit : Foila.,
disait-il à son compagnon d'infortune, lorsqu'on marchant au
supplice ils arrivèrent vis-à-vis de la maison de Grange-
neuve, voilà la demeure de notre malheureux collègue/
Arrivé à l'échafaud , il s'offre à la multitude avec un visage
serein : il veut haranguer le peuple, mais on craint encore
l'effet de sa bouche éloquente ; un roulement de tambour
couvre sa voix , et l'on ne peut entendre que ces mots : Ci-
toyens ! voila les derniers de vos rcprésentans fidèles. »
P. A. D.
LITTÉRATURE.
(Œuvres coMPLkTES de M. T. Cicéron, publiées en fran-
çais, avec le texte en regard, par M. Jos. Fict. Le
Clerc , professeur de rhétorique au Collège royal de
Charlemagne. Trente vol. in -8° (i). Même ouvrage,
seconde édition, 36 vol. in-i8 (2).
Je n'examinerai cet impr.-tant ouvrage que sons le rapport
bibliographique, plus conforme au genre de mes études. Ces
recherches , quand elles sont faites avec soin , tiennent aussi
quelque place dans lecercle des connaissances humaines, et un
recueil tel que le nôtre , chargé, pour ainsi dire, d'enregistrer
tous les progrès des arts , des sciences et des lettres , est l'al-
lié naturel de la bibliographie , qui a pour but d'en con«tater
riilstoire. Le nouvel éditeur de Cicéron n'a pas besoin d'ail-
leurs que nous parlions longuement de ses travaux : la répu-
tation de son ouvrage est déjà faite, et une seconde édition ,
publiée par lui avant que la première ne soit achevée, parle
plus haut que tous nos éloges.
On se souvient à peine qu'il parut , vers la fin du xvil* siè-
cle, une prétendue collection des œuvres de Cicéron, tradui-
tes en français par Pierre Du Rjer, en 12 vol. in- 12. D'a-
bord cette U'aduction était fort incomplète , puisqu'on n'y
trouve ni le Traité des Lois, ni les Lettres à Quintus , ni les
ferais bieiis et les vrais maux, ni la Divination, ni les Let-
tres à Atticus, cette partie des ouvrages de Cicéron regardée
comme un précieux monument d histoire, de morale et de
politique , ni d'autres ouvrages plus ou moins dignes d'être
(1) Paris, 1321-1025. Sept fr. le volume. Chez Lefèvre , rue de TÉ-
peroD , n" 6.
(2) Paris, 1823. Trois fr. 76 c. le volume. Chez le même libraire.
T. XX. -^Décembre iSiô. 35
558 LITTERATURE.
connus. Mais ensuite , c'est par une ruse de libraire qu'on lit
sur le frontispice le nom du seul Du Ryer, le plus fécond et
le moins mauvais des traducteurs de cette époque ; car beau-
coup d'ouvrages inséras dans cette collection ont été traduits
par des hommes d'un talent très-inférieur à celui de Du Ryer.
Paul Jacob, avocat , est auteur de la traduction de la Rliéto^
rique (à Herennius); le professeur Godouin, de celle des Let-
tres familières ; l'avocat Soreau , de celle des Lettres à Bru-
tas. Un anonyme E. B. a ti'aduit le traité apocryphe de la
Consolation.
Il n existait alors en français que deux choix des Lettres à
yîtticus, et ils eussent pu figurer honorablement dans la col-
lection de Du Ryer. Qu'on me permette de donner ici quel-
ques détails sur ces petits volumes, et sur d'autres traductions
de Cicéron par le même auteur, Thomas Guyot, plus connu
de son tems sous le nom de Lé Bachelier. On a de lui : i"
Lettres morales et politiques de Cicéron à son amy Jttiqut
sur le parti qu'il devait prendre entre César et Pompée
(avec un avis sur les principes de morale et de politique qui
font la base de ces lettres), Paris, i665, in- 12; — 2° Nouvelle
traduction d\m nouveau recueil des plus belles lettres que
Cicéron écrit à ses amis (avec un avis sur l'utilité et Texccl-
lence de ces lettres), Paris, 1666, in- 12; — 5° Les billets que
Cicéron a écrits, tant à ses amis communs qu'à Attique, son
amy particulier (avec une méthode en forme de préface,
pour conduire un écolier dans les lettres humaines), Paris,
1666, in-i2 : cet ouvrage a été classique en France, pendant
cent ans, et dès-lors très -souvent réimprimé ; la préface ne
se trouve que dans la première édition. — 4** Lettre politique de
Cicéron à son frère Quintus , touchant le gouvernement de
l'Asie, et le Songe de Scipion, du même auteur, avec divers
avis touchant la conduite des eufans, en forme de préface,
Paris, 1670, in- 12. On doit encore à cet estimable écrivnin
LITTÉRATURE. 539
les iraductions des Captifs ele Piaule, des Bucoliques et des
Géorgiques de Virgile , enfin, les Fleurs moralts et épigram-
matiques tant des anciens que des nouveaux auteurs, Paris,
16G9, in-12 ; c'est la traduction des plus belles pensées des
auteurs latins , anciens et modernes ; on y trouve la traduc-
tion du poëme latin de Nie. Mercier, de Officiis scholasti-
corum.
Les grands talens et les grandes qualités de l'orateur ro-
main sont très-bien appréciés dans les préfaces dont Tliomas
Guyot a enricbi ses quatre traductions de Cicéron. Ou v voit
aussi qu il avait encore plus à cœur de former le jugement
des enfans et de régler leurs mœurs, que de leur apprendre
les élémcns des langues. Considéré comme traducteur, il a le
défaut de parapbraser les auteurs quil traduit; mais il suffit ù
son éloge de dire qu'il a été l'un des maîtres des petites éco-
les de Port -Royal , dont le souvenir ne périra point, parce
qu'au bonheur d'avoir été dirigées par les Lancelot, les Ni-
cole, les Coustel, les Floriot, les Fontaine, les Lcmaître-de-
Sacy, elles ont joint le mérite de former des élèves tels aue
les Bignon , les Dufossé, les Perrier, neveux de Pascal, Bois-
gnilbert et l'immortel Racine.
L'abbé Goujet a dit beaucoup de bien de plusieurs ouvra-
ges de Thomas Guyot, sans savoir au juste à quoi s'en tenir
sur leur auteur. Pour moi, je dois à mou goût pour les le-
cherches bibliographiques la connaissance positive des huit
volumes qu'il a publiés, en partie sous le voile de l'anonvme.
Je ne fais donc ici que rendre une justice trop tardive à un
savant qu'une modestie rare avait condamné à l'oubli.
C'était le xviii*' siècle qui devait produire, le premier, quel-
ques traductions moins indignes de nous représenter Çice'ron
dans les diverses parties de ses œuvres; il a été donné aussi à
ce siècle, si célèbre sous d'autres rapports , de produire deux
belles éditions de ces chefs-d'œuvre de l'antiquité : l'une, en
54o LITTERATURE.
9 Toluiues 10-4", avec des notes choisies, a été imprimée par
Gat'rla et de la Tour ; elle a été dirigée par Tabbé d'Olivet,
et jouit encore de l'estime des savans ; l'autre, revue par le
professeur Lallemand, fait partie de la collection des ouvra-
ges classiques , imprimés très-élégamment par Barbou. Mais
il était réservé au xix^ siècle d'élever, en l'honnear de Cicé-
ron et de la France, un monument d'un intérêt plus général,
et dont l'exécution était désirée depuis long-tems : je veux
parler d'une bonne édition latine et française de l'orateur ro-
main. Dès 1816, le libraire Fournier annonça une entrepri-
se de ce genre; nombre de souscripteurs secondèrent son zèle,
mais l'exécution ne répondit point à l'attente du public. Des
fautes nombreuses furent remarquées dans le texte des ou-
vrages, et les traductions ne furent ni choisies avec assez de
discernement, ni revues avec assez de soin.
On désirait donc généralement qu'une nouvelle entreprise
pût Inspirer une entière confiance aux amateurs de la lan-
gue latine. M. Lefèvre, libraire, très - avantageusement con-
nu par des éditions aussi exactes qu'élégantes de plusieurs
classiques français, fit paraîti-e, en 1820, le prospectus d'une
nouvelle édition de Cicéron , latine et française , publiée par
M. Jos. Victor Le Clerc , professeur de rhétorique au collège
de Cbarlemague. Le nom de ce savant éditeur ne contribua
pas peu au succès de lentreprise ; d'un autre côté , les détails
contenus dans le prospectus sur les traductions qui devaient
accompagner les ouvrages de Çicéron , furent lus avec un vif
intérêt. La nouvelle édition fut donc bientôt mise sous presse,
et les livraisons , qui en ont été publiées avec une rare et
louable exactitude , depuis le mois de février 1821 , furent re-
çues avec une satisfaction générale. On remarqua , en etfet ,
oue l'éditeur donnait les soins les plus scrupuleux à l'impres-
sion du texte latin , accompagné partout de ses notes criii-
LITTÉRATURE. 54»
(jues , aux introductions historiques et littéraires qui précè-
dent chaque ouvrage, au choix des traductions, et à la ré-
vision de celles , qui , malgré leurs imperfections , jouissaient
de lestime publique. \J Eloge de Montaigne, eiXes Pensée»
de Platon, publiés précédemment par M. Le Clerc, lui
avaient déjà acquis l'estime des savans ; mais le travail qii il
exécute depuis trois ans sur le plus parlait des orateurs an-
ciens, mettra le comble à sa réputation. Jamais peut-être uu
éditeur n'a été si pénétré de Timpoi'tance de ses devoirs , et
ne les a remplis avec plus de zèle et de succès. M. Le Clerc
a mis à contribution les recherches des éditeurs étrangers
poor améliorer le texte de Cicéron , sans cependant adopter
toutes leui's conjectures. vSon édition sera même la première
où l'on aura profité , pour le texte et pour le sens de plusieurs
discours (J^oy. entre autres le Tome XI), des Scholies pu-
bliées à Milan, en i8i4 et en 1817, par Angelo Mai; des tra-
vaux de Garatonlo et de Lagomarsiui , et de plusieurs com-
mentaires importans , qui ont paru récemment en Allema-
gne. Ou a justement reproché à nos anciens éditeurs de n'a-
voir pas assez profité des secours que leur oflraieut les savans
étrangers. Quant aux traducteurs français, leurs noms suf-
fisent pour inspirer de la confiance , et la plupart seront nom-
més dans la suite de cet article. Combien il est honorable pour
l'Université de France de compter plusieurs de ses membres
parmi les plus habiles de ces traducteurs!
La nouvelle édition de Gicéron doit être composée de 3o
volumes, dont 27 ont déjà paru; les volumes I , XXIX et
XXX restent à publier. Le tome premier contiemlra une His-
toire de la vie de Cicéron, par M. Le Clerc. Les anciens
fragmens, ceux quon a nouvellement découverts à Milan et
à Rome, notamment les nombreux fragmens de la Répu-
blique, accompagnés d'une traduction de M. Le Clerc, Cor-
542 LITTERATURE,
meront le 29" volume (i). Les tables d'Eniesli, revues et
augmeulées d après ces nouvelles découvertes, composeront
le trentième et dernier. Voici le détail de ce qui se trouve
dans les 2^ volumes qui ont paru. Je suivrai , comme l'édi-
teur, la grande division des œuvres de Cicéron en écrits sur
la rhétorique , Discours, Lettres, et Traités de philosophie.
Les tomes II— "V renferment les ouvrages de rhétorique ,
traduits presque tous par Ihabile éditeur. On lui doit spécia-
lement la traduction de la Rhétorique à Herennius , qu'il a fait
précéder d"uue préface judicieuse , où il prouve , contre le
sentiment de quelques érudils , que cet ouvrage élémentaire
est plutôt de Cicéron que de tout autre écrivain contempo-
rain j je partage entièrement son opinion. M. Le Clerc a tra-
duit aussi rOr^fet/r. Le mérite de ceux qui Tavaient précédé
dans ce travail , fera ressortir encore davantage la supériorité
qu'on ne peut lui refuser. Le Bruius , ou Dialogue sur les
orateurs illustres , a été traduit par M. Buraoul", professeur
d'éloquence latine au collège de France. Nommer ce traduc-
teur, c'est.aunoncer un excellent ouvrage. M. Gaillard , pro-
fesseur de rhétorique au collège de Henri IV, a donné une
traduction nouvelle des trois Dialogues de l'Orateur. L'an-
cienne traduction de l'abbé Cassagne était tombée dans uu
juste oubli. Tous ces ouvrages sont accompagnés ici d'Iutro-
ductions qui ne laissent rien à désirer pour Ihlstoire litté-
raire , et de notes pleines de goût et d'instruction.
Dans les Discours (Tom. VI — XIV), nous retrouvons
MM. Le Clerc et Buruouf, qui ont su répandre beaucoup d'in-
térêt sur celles des compositions oratoires dont ils se sont oc-
cupés. Il faut joindre à ces deux professeurs , feu M. Gueroult
l'aîné , qui , de son vivant même , a été proclamé le premier
des traducteurs français . On lui doit les deux principales f^er-
(1) Ce volume paraît en c« moment.
LITTERATURE. 543
rCnes , les Discours pour Célius , pour Marcellus , pour Liga-
rius, pour Mllon , etc. , et plusieurs Pliilippiques. Les autres
sont de M. Goubaux , qui a suivi dignement les traces d'un si
grand maître. M. Naudet , membre de TAcaderaie des In-
scriptions, a traduit les plaidoyers pour Rabirius, accusé do
baute trahison , et pour Déjotarus. Quelques traductions des
discours portent les noms de Tabbé Auger et de René RInet ,
ancien recteur de rUniversIlé ; mais l'éditeur les a tellement
corrigées, qu'elles peuvent passer pour nouvelles. M. Le
Clerc commence à donner, au tome neuvième, de nouveaux
fragmens de Cicéron, découverts à Rome, en 1820 , dans la
bibliothèque du Vatican, par M. Niebuhr. Une excellente in-
troduction contient l'histoire de ces manuscrits, qu'on appelle
palimpsestes ou récrits , et nous apprend l'origine de ces ac-
quisitions récentes , dont s'enrichissent ici pour la première
fois les œuvres de Cicéron.
IjCS Lettres (Tom . XV — XXI) avaient été depuis long-tems
l'objet de quelques travaux estimables. Oiî connaît la traduc-
tion des Lettres familières , par l'alîbé Prévost, I/éditeur de-
vait craindre que la réputation dont jouit cet abbé , comme
écrivain et comme traducteur, ne fit juger défavorablement
la révision de son ouvrage ; mais , dans un Avis ajouté à l'an-
eienne préface, M. Le Clerc cite nombre de fautes graves
échappées à l'abbé Prévost, homme d'un esprit léger, accou-
tumé à travailler fort vite , et livré , comme on sait , à des ha-
bitudes vagabondes, puisqu'il a passé la plus grande partie
d'une vie assez orageuse , soit eu Hollande , soit en Angleterre.
Nous devons donc savoir beaucoup de gré à l'éditeur d'avoir
fait dispai'aître d'une traduction , que l'on consulte sans cesse ,
les taches qui l'ont trop long-lems défigurée. On peut dire à peu
près la même chose de la traduction des Lettres à Atticus ,
par l'abbé Mougault, quoiqu'elle soit plus exacte et plus soi-
gnée que la première. Les détails que présente M, Le Clerc,
544 LITTERATURE.
à la fia de son Avertissement sur ces lettres, justifient parfal-
temenl le courage qu'il a eu de revoir et de refaire quelque-
fois cette traduction . dont le slv!e manquait très-souvent de
précision et d'élégance. Il a donné lui-même une traduction
entièrement nouvelle des Lettres à Quintus et de la corres-
pondance entre Brutus et Cicéron. La lettre seizième de Brutiis
a été traduite par M. de Saint-Aulaire, membre de la Cliam-
bre des Députés. Dans tous ces recueils épistolaires,on trouve,
pom' la première fois, la date en tète de chaque lettre, travail
difficile, et qui a demandé de longs calculs chronologiques.
Une Table générale des Lettres, à la fin du T. XXI, nous les
ofifre rangées dans l'ordre des lems, depuis l'an de Rome 685
jusqu'à l'an 710 , époque de la mort de Cicéron. 11 est impos-
sible de ne pas convenir avec l'éditeur que, si l'on avait eu
autrefois les mêmes secours , on aurait écrit avec plus d'exac-
titude les annales du siècle de Cicéron et de César.
La série des ouvrages philosophiques , comprise dans les
Tomes XXII — XXVIII , est une de celles où l'éditeur a rendu
le plus de services à la littérature ancienne. Il a traduit la plus
grande partie de ces ouvrages, et il a éclairci les autres par
des introductions savantes et d'utiles commentaires. Ainsi, à la
tète des Académiques , dont il a revu la traduction, par Jean
Salvemini de Castillon , de l'Académie de Berlin , il a retracé,
avec autant de rapidité que d'éclat, une histoire abrégée duPla-
tonlsme. Il a donné les mêmes soins aux dialogues sur la f^ieil-
lesse, sur l'Amitié, aux Tusculancs, à la Nature des Dieux,
au Traité des Devoirs. Ce dernier ouvrage , le plus généra-
lement admiré des écrits philosophiques de Cicéron, a eu
d'innombrables traducteurs. Le plus ancien est un auonjmc,
qui a publié son travail sous ce titre : Trois volumes parlant
de justice et injustice, et des quatre vertus cardinales ; Lvon,
\^ç)3 , in-Jol. On l'a réimprimé dans la même ville en i496-
L abbé de Saint-Léger, qui a examiné tant de livres de cette
LlTTÉRATLTxE. 545
espèce, attribuait celui-ci à Laurent de Premierfalct , mort
en i4i8. La traduction que le même auteur avait faite de
ï Amitié et de la Fieilksse, est restée manuscrite. Il y a en-
core une traduction anonyme de ces ouvrages , imprunée a
Paris en i 583, in-i8.0n en trouve une édition ainsi intitulée :
Les Offices de Cicéron, avec le livre de l' Amitié, celui de
l'Etat de Fieillesse, les Paradoxes, le Songe de Scipion ,
avec la demande du Consulat. Ces deux derniers morceaux
sont traduits par G. C. ; les autres par C. D. V. ; le tout revu
par Fédéric Morel , professeur royal en grec ; Morlaix ,
imprimerie de George Allienne , 162S , 2 vol. in-18.
A la suite des œuvres de Cicéron, M. Le Clerc a conservé
et traduit le recueil des ouvrages apocryphes , dont quelques-
uns sont aujourd'hui très -rares, et que plusieurs éditeurs
avaient eu tort de supprimer.
Je n'ai pu donner, dans une an:dyse si rapide , qu'une idée
très-incomplète des nombreuses qualités et des additions ab-
solument nouvelles qui distinguent cette édition de Cicéron ,
latine et française j mais je ne crois pas me tromper, en affir-
mant que tous les amateurs s'empresseront de la placer dans
leur bibliothèque. L'estime publique accompagnera sans
doute les noms du libraire qui s'est chargé de mettre au jour
une si Importante collection , des savans qui y ont coopéré ,
et surtout de l'habile éditeur qui , non content de la diriger
avec tant de succès , l'a enrichie de ses précieux travaux.
Ant.-Alex. Barbtf.r , ancien bibliothécaire.
54(3 LITTERATURE.
West-œstlicher Divan. — Divan occidento-oeiental^
ou Anthologie Arabe et Persane^ par Goethe (i).
En 1782, à rappariliou de rouvrage de Herder sur la
poésie des Ilibrenx, dans lequel, intlépcndamnient de Téru-
ditiou la plus solide, il déploya ua taleut de traducteur, rare
même pour rAllemagne où cette sorte de talent l'est biea
moins que partout ailleurs, les yeux se fixèrent sur lui. IL
ne lut bruit pendant long-lems que des diliicultés qu'il avait
vaincues , des tours de force presque incroyables qu elles lui
avaient coûté , du génie qu'il fallait avoir eu pour s'en être
tiré avec autant de bonheur. Enfin, sa renommée de poète
grandit excessivement; et elle parla si haut, que d'autres,
plus vieilles et mieux gagnées encore, se turent devant elle.
Goet'ie lui-même, qui depuis tant d'années absorbait seul, à
juste titre, toute Tattention de ses compatriotes , la vit se dé-
tourner de lui un moment; el cet oubli, «pioique passager^
ne laissa pas de lui causer quelque peine. Non que je veuille
insinuer par-là , qu'il en ait conçu contre Herder la moindre
jalousie; un homme comme lui ne s'ignore pas assez lui-
même , pour attribuer à qui que ce soit le droit de lui
en inspirer. Et d'ailleurs , ce sentiment répugne trop à son
caractère, pour qu'on puisse raisonnablement l'en supposer
atteint, surtout à l'égard d'un ami. Mcàs, accoutumé qu'il
était à régner sur tous les genres de poésies , et cette publi-
cation lui en ayant découvert un nouveau dans lequel Her-
der semblait vouloir tenir le sceptre, il n'est pas improbable
que l'envie lui soit venue de le reconquérir sur lui , en tra-
duisant à son tour quelques poésies orientales, ainsi qu'il le
fit plus tard sur l'auteur àe. Louise^ en composant llermann
(1) Slullgard, 1819; Colla. Un vol. ia-8"' de 556 paj
LITTERATURE. 547
et Z?oro//i(.'e. Quoi qu'il en puisse être, au reste, de la circons-
tance positive qui tourna ses regards de ce côté, toujours est-
il vrai qu'il commença, dès cette époque, à s'occuper de l'A-
sie. Mais, soit que le peu de connaissance qu il avait alors
des langues originales ne lui eût pas permis de travailler assez
vile pour saisir là propos , soit qu'il ne fût pas assez coulent
du résultat de ses eflbrls pour oser descendre dans l'arène et
s'attaquer d'abord à un aussi rude adversaire que Herder, ou
bien par toute autre raison que j'ignore, il différa sa publica-
tion. Pendant ce tems, Herder mourut, et GoeUie laissa là
l'Orient, attendant une nouvelle occasion; elle fut lente à
s'offrir; mais enfin, il la trouva dans ces dernières années, où
l'étude de la littérature asiatique fut reprise avec une ardeur
jusqu'alors inconnue, et où tant d'bommes, philosophes, my-
thologues ou simples humanistes, consacrèrent leurs veilles à
exploiter cette mine féconde, chacun dans la sphère qui lui
était propre. Celle de Goedie n'était pas douteuse ; la poésie
devait l'intéresser avant tout. Il se remit donc sérieusement
au travail; et, malgré sou âge avancé, apprit assez bien
deux de ces belles langues pour achever ce qu'il avail entre-
pris tant d'années auparavant. En 1819, parut ce travail ,
sous le titre de Divan oc cidento- orienta l ; ce qui veut dire
qu'il s'y occupe de la Perse et de l'Arabie, exclusivement à
ce qui constitue plus essentiellement l'Orient, à toute l'Asie
antérieure.
Le Divan se compose de deux parties que j'examinerai sé-
parément : l'une en vers, forme le texte ; l'autre , en prose ,
est le commentaire. Ce que j'appelle le texte, consiste en plus
d'une centaine de pièces de vers, non traduites, mais imitées
de divers poètes arabes et persans, lesquelles sont réparties en
douze livres, donlchacun porte un titre analogue au sujet qui s'y
trouve traité. Ces sujets sont la plupart fort simples : le vin ,
l'amour, la religion, voilà sur quoi roulent presque tous les
548 LITTÉRATURE.
poèmes ; mais, en revanc'je, ils vaiienl beaucoup de dimen-
sions et de 1 ormes. Ainsi, le livre des proverbes ne contient
guère que des distiques ou de petits quatrains tout au plus ;
tandis que d autres, tels que celui des paroles , s'étendent jus-
qu'à l'octave et au dizain ; et que d'autres encore, ceux, par
exemple , des méditations , du paradis , de l'hégire, sont
remplis d'odes véritables et de longues ballades , dialoguées,
ou eu récit. Le caractère de tous ces poèmes est à peu près le
même ; et , quoiqu'il y ait , entre le genre de vie des Persans
et celui des Arabes, une opposition très-marquée , dont on
s aperçoit même jusqu'à un certain point par celle des sujets
qu'ils traitent de préférence , on reste pourtant plus frappé
encore de l'extrême analogie qui existe entre eux dans leurs
manières de sentir et de s'exprimer. C'est le même style ,
figuré , quoique simple ; naïf, quoique spirituel : c'est le mê-
me bon sens et la même grâce. On retrouve , à un égal de-
gré , cbez les deux peuples, ce contentement d'esprit habituel
à des hommes vivant au sein d'une nature qui leur sourit
toujours , et va , pour ainsi dire , au - devant de leurs be-
soins j aassi-bien que cette insouciance qui en est la suite
inévitable, et sur laquelle, plus que sur tel ou tel passage du
Roran, se fonJe le dogme de la fatalité, répandu dans toute
cette partie de l'Asie. C'estencore Tinaltérabie beauté du climat
qui atFaiblit et rend presque nulle l'opposition dont je parlais
tout à l'heure , entre le Persan casanier et l'Arabe nomade.
Ce dernier a sa maison, comn^e l'autre; seulement, elle est
plus vaste. Il n'est pas douteux néanmoins que cette manière
de demeurer sans jamais rester en place , ne doive modifier
prodigieusement les goûts et les mœurs , lors même que le
naturel ne changerait point , et c'est bien aussi ce qui arrive.
L'amour de l'indépendance, ce trait essentiel du caractère de
1 Arabe , on le chercherait en vain dans les poètes persans :
d'ailleurs, ceux-ci ont vécu la plupart à la cour de despotes ca-
LITTÉRATURE. 549
pricieux , dont Ils ont eu le malheur d'être protégés et encou-
ragés. Pour en venir à ce qui appartient à Goethe dans ces
poèmes, ils sont tous pleins d'harmonie, de grâce et de sim-
plicité dans rexpressiou, dignes, en un mot, delà plume de ce
grand poète ; et pour le fond , il est impossible , au dire des
hommes les plus versés dans la connaissance des originaux .
d'avoir mieux saisi , et reproduit avec une fidélité plus sé-
vère, le coloris des poètes qu'il a pris pour modèle. Après
ces éloges , j'ai peur, en offrant quelque citation, de paraître
me contredire ; car la naïveté, en français, ressemble fort par-
fois à de la niaiserie ; et , quand le fond est léger, une traduc-
tion enlève d'ordinaire tout ce qui fait le mérite de l'original.
Je me bornerai donc à trois stances qui m'ont paru réunir les
principaux caractères que j'ai attribués tout-à-l'heure à la poé-
sie arabe : elles sont rendues vers pour vers.
L'INÉVITABLE.
Qui peut commander aux oiseaux
De se fixer sur l'herbe tendre?
A la brebis qui peut défendre
De trépigner sous les ciseaux f
Quand ma lèvre de poils s'ombrage, *
M'entend-on me plaindre et crier?
Non! c'est quand la main du barbier
Me les arrache du visage.
Qui m'interdit, dans le bocage.
De chanter tout le long du jour,
Et de confier au nuage
Ce qu'elle accorde à mon amour?
A travers cette ver>ion, qui est du moins très-fidèle, on
sentira peut-être quelque chose de cette simplicité presque
nue qui fait le charme et l'un des mérites de l'allemand. jSe
croit-on pas, en ell'et, lire une véritable pièce arabe, traduite
55o LITTÉRATURE.
mot pour mot? C'est le sealimeut qu ou éprouve en lisant tou-
tes les autres poésies contenues dans le Divan, ho'in donc d'af-
faiblir l'éclat de la gloire de Goethe, cet ouvrage de sa vieil-
lesse y ajoute, s'il se peut, un rayon de plus : c'est une nou-
velle preuve, après tant d'autres, de cette pénétration surpre-
nante qui lui fait saisir, si l'on peut ainsi parler, tout ce qu'il
y a de poétique eu tout; de cette souplesse d'imagination qui
lui permet de s'entourer des images les plus étrangères à nos
mœurs et à nos goûts, et de s'en servir, comme s'il n'en avait
jamais connu d'autres. Sa muse est un véritable Protée : nous
l'avions vue tour-à-tour sous le costume grec, sous celui du
moyen âge, sous le notre; la voici maintenant qui s'est faite
arabe et persane. Encore quelques essais semblables, et il ne
lui en restera plus à tenter.
La seconde partie du Divan consiste en notes, ainsi que je
l'ai remarqué plus haut. Elles traitent différens sujets, tous
relatifs aux lettres orientales. On y voit, d'abord, une histoire
abrégée de la Perse et de l'Arabie, particulièrement sous le
rapport littéraire, et l'indication des, plus illuslres poètes de celte
première nation; puis, quelques morceaux d'un haut intérêt,
tels qu'une dissertation sur la route des Israélites dans le désert,
seul passage du Divan où il soit question d'eux, mais que Goethe
demande la permission d'offrir ici, comme un échantillon des
premiers travaux de sa jeunesse, qu'il ne saurait trop où rat-
tacher plus naturellement; et une autre dissertation sur les di-
vers systèmes de traduction, et sur le mérite comparatif de
chacun d'eux. Ensuite viennent des remercîmens, adressés
eu particulier à chacun des savans et des voyageurs auxquels
il doit de précieux matériaux et des secours pour en profiter.
Il y trouve l'occasion de passer en revue ce qu'il y a eu, ce
qu'il y a encore d'hommes célèbres en ce genre. Chardin ,
John, Eichhorn, Diez, Hammer et d'autres sont cités, et leurs
services appréciésj tant ceux qu'ils ont rendus aux lettres eo
LITTÉRATURE. 55 1
géoéral, que ceux, dont fauteur lui-même leur est redevable.
Mais, celui de tous qui paraît l'avoir aidé avec le plus de
suite et d'efficacilé, c'est Rosengarten, jeune professeur da-
rabe à l'université de Halle : il lui en exprime très-vivement
sa reconnaissance , et lui demande de vouloir continuer à
l'assister, pour la compositiou d'un second divan qu'il prépa-
re. Enfin, le volume est terminé par un hommage, en forme
de quatrain, offert à Torientalisle par excellence, M. Silvestie
de Sacy : il l'appelle son raaîlre, et lui envoie son petit livre,
tout plein de joie et en même tems de crainte; ce quatrain
est traduit au -dessous en arabe, non par Goethe, j ima-
gine.
Parmi ces notes , on trouve plusieurs traductions fidèles ,
dont quelques-unes rivalisent avec ce qu'il y a de mieux
dans le texte : nommément une ballade arabe, espèce de
chant guerrier d'uue grande beauté, mais dont il serait inutile
de vouloir donner une idée, le mérite consistant surtout dans
l'expression , toujours énergique et pittoresque. Quant aux
notes elles-mêmes , qui ont été composées plus récemment
que tout le reste, elles méritent bien aussi d'être lues et mé-
ditées. Ce n'est pas qu'on y remarque rien d'absolument neuf
dans les recherches, d'autres y auraient pu mettre plus de ce
qu'on nomme érudition; mais elles abondent en aperçus m-
génieux et vrais, en rapprochemens justes et frappans; ce qui
vaut mieux que toutes les citations du monde, et instruit da-
vantage, dans le véritable sens du mot. L'article iï/a/iowrt
est remarquable, sous ce rapport; en le parcourant, on regret-
te, plus que jamais, queGoethe ait renoncé à écrire une pièce
de théâtre sur la vie de ce grand homme, ainsi qu'il en avait
conçu le projet : il l'eut réhabilité aux yeux de ceux qui ne le
connaissent que parla tragédie de Voltaire; et c'eût été de sa
part une belle amende honorable, pour avoir traduit précisé-
ment celle tiagédie. L'article dont je parle commence par une
55a LITTERATURE.
dictinction entre le poète et le prophète : je ne puis me refu-
ser au plaisir de la citer. « L'un et l'autre, dit-il, est saisi d'un
dieu qui l'excite et l'entlamme : mais le poète prodigue eu
Jouissances les dons que la nature lui a départis, afin de pro-
curer des jouissances aux autres, et d'obtenir ainsi pour lui-
même quelque gloire et une vie tranquille. Tout autre but, il
le dédaigne ; il cherche à être varié , à se montrer illimité
dans ses sentimens et dans ses productions. Le prophète, aa
contraire, ne voit qu'un but, unique et déterminé; et pour l'at-
teindre, il se sert des moyens les plus simples. Il va prêcher
une doctrine; et l'arborant comme un étendard, par elle et
autour d elle il va rassembler les peuples. Ayant en vue cela
seul, que le monde le croie, il doit être et demeurer monotone;
car, ce qui est varié, divers, on ne le croit pas, on le recon-
naît. »
Cette citation suffira pour donner l'idée de sa manière lar-
ge, concise et spirituelle. Je ne tenterai point de taire une plus
ample analyse de cette dernière partie de l'ouvrage : elle n'en
paraît point susceptible ; car elle se divise en uue multitude
de chapitres, rangés sans ordre systématique, et qui excèdent
rarement eux-mêmes les bornes d'un article de journal. J'ai
indiqué plus haut quels sont les principaux sujets que l'auteur
a effleurés; pour en dire davantage, il faudrait traduire.
En résumé, cette publication est sans contredit l'une des
plus remarquables qu'on ait faites en Allemagne, dans ces
derniers tems. Véritable Antliologie orientale, si elle n'a pas
jeté un nouveau jour sur cette belle partie du monde, qu'on
exploite maintenant si curieusement et avec tant de zèle, elle
a du moins associé les ignorans aux jouissances que de plus
liablles peuvent aller puiser à la source même; et c'est assu-
rément beaucoup. Elle a, de plus, offert l'intéressant specta-
cle d'un vieillard de -jS ans, qui, après avoir donné dès sa pre-
mière jeunesse de si grandes impulsions à son siècle, participe
LITTERATURE. 553
encore, au déclin de sa vie, à celle qui Temporte vers des con-
trées lointaines, et se livre pour cela à des études longues et
laborieuses, qui rebuteraient plus d'un homme dans la vi-
gueur de Tàge. Albert St***.
«wwwwwwvvvwvt
L'École des Vieillards, comédie en cinq actes; par
M. Casimir J)ela.\igise (i).
te Le jeune Casimir Delavigne a-t-il vraiment d'heureuses
dispositions, me disait, il y a douze ans, un homme dont la
protection, déguisée sous les formes de l'égalité (M. Français
de Nantes, ancien directeur des droils-rcunis), a été si utile
aux lettres, aux sciences et aux arts? — Oui , monsieur, ré-
pondis-je sans balancer. — Mais promet-il un talent vérila-
ble? — Je n en lais nul doute. — Eh bien, chargez- vous de
sq fortune littéraire ; je me charge de sa fortune pécuniaire. »
M. Delavigne a perdu le protecteur de sa jeune muse, et lui
conserve à jamais un souvenir du cœur : le poète avait un au-
tre moyeu d'acquitter la dette de la reconnaissance, c'était de
justifier les espérances que j'avais conçues , et il l'a tait de la
manière la plus brillante, A peine âgé de trente ans, il a donné
quatre grands ouvrages eu cinq actes, qui sont en possession
de la scène.
Les Fepres siciliennes furent son début. On remarqua ,
dans cette tragédie, de la force , de la chaleur , de l'intérêt,
des situations dramatiques ; deux rôles, parfaitement tracés,
celui du cocspirateur Procida et celui de Lorédan, son fils.
Le jeune écrivain avait habilement mis en action ce qui n'é-
tait qu'en récit dans le Brutits de Voltaire. Aussi , le serment
des conjurés inspira-t-il toujours cette terreur qui donne des
angoisses comme la douleur. On aperçut bien quelques dé-
(i) Paris, 1823. Barba, Palais-Rojal. In-S"; prix, 5 fr., et 5 fr. 60 c.
T. XX. — Décembre i825, 56
554 LITTÉRATURE.
fauts daus la conlexture de l'ouvrage; la siesta du gouver-
ueur, qui semble aller se reposer pour laisser à la conspira-
tion le moyen de s'établir trauquilleraent dans le palais, ne
fut jamais regardée comme un niojen susceptible de justifi-
cation; mais la critique judicieuse ne pouvait s'empêcher de
remarquer aussi avec quelle habileté l'auteur , qui était en-
core dans la première jeunesse au moment de la conception
de sa tragédie , avait su éviter les écueils d'un sujet pareil an
sien sur une scène française. Il fallait pour cela beaucoup
d'art; et si l'art fait partie des heureuses inspirations du talent.
il est plus encore le fruit du tems et de la maturité. Quatre-
vingts représentations de suite ont confirmé le succès des
Vêpres siciliennes.
Dans les Comédiens, le poète s'était mis lui-même en scène j
et , par ce moyeu , il avait créé une situation neuve et vraie
au théâtre , celle des rebuts et des dégoûts qu'un jeune au-
teur éprouve , quand il lui faut lutter avec les dédains , les
rivalités , les prétentions et les caprices des acteurs. Voltaire
l'avait esquissée, dans ces vers du Pauvre Diable :
Tout ranimé par ce ton didactique,
Je cours en hâte au parlement comique.
Bureau de vers , où maint auteur pelé
Vend mainte scène à m»i»t acteur siÉQé.
J'entre, je lis d'une voix faible et grêle
Le triste drame écrit pour la Denèle.
Dieu paternel I quels dédains, quel accueil!
De quelle œillade altlère , impérieuse ,
La Dumesnil rabattait mon orgueil!
La Dangeville est plaisante et moqueuse.
Elle riait; Granval me regardait
D'un air de prince, et Sarrazin dormait;
Et renvoyé penaud par la cohue.
J'allai gronder et pleurer dans la rue. »
Le public , épousant la cause de son jeune favori , adopta
*a comédie , écrite d'ailleurs avec une rare élégance , semée
LITTÉRATURE. 555
de traits heureux, éliuoelante de verve, et ne manquant pas
de gaieté. Sans attirer ia foule, comme les Ft^pres siciliennes,
cette pièce fut constamment suivie : on la revoit toujours avec
plaisir. On y désira généralement plus de force comique,
une peinture plus vive des ridicules, surtout dans la délibé-
ration du parlement dramatique. Mais les connaisseurs , frap-
pés d'abord de la souplesse du talent de Fauteur, crurent re-
connaître en lui , à certains signes, une vocation plus grande
encore pour la comédie que pour la tragédie ; ils prévirent
qvi'il n'en resterait pas à son début dans le premier de ces
deux genres.
Casimir Delà vigne, se délassant de ses grandes composi-
tions par d'autres travaux , a publié successivement plusieurs
chants lyriques , sous le nom de Messéniennes. On admira ,
dans les premières, une poésie riche, élevée, harmonieuse '
et parfois des traits sublimes ; mais on vit avec peine quelques
ornemens brillantes que l'auteur paraissait affectionner, et
semblables à une parure moderne sur la tête d'une vierge de
Raphaël. Ce défaut parut bien plus sensible encore dans les
Secondes 3Iesscniennes. Entraîné par les souvenirs de la fa-
ble , et par les riantes images que la Grèce attacha aux divi-
nités représentées par le ciseau de ses Phidias , le jeune poète
perdit de vue la majestueuse douleur qui devait régner dans
les plaintes d'un Français, indigné de l'enlèvement des chefs-
d'œuvre conquis par la victoire et rassemblés dans un temple
où leur réunion ajoutait à l'idée de la puissance du génie de
l'homme dans les créations des arts. Les vers de Casimir sur
Mars, Apollon et Vénus étaient les plus beaux du monde j
DeliUe , à l'école duquel ils appartenaient, n'en eût désavoué
aucun ; mais la raison ne pouvait approuver que ceux qui
exprimaient avec vérité les mouvemens excités par la situa-
tion. Il ne faut jamais oublier que toutes les compositions doi-
vent offrir un caractère plus ou moins dramatique, pour
556 LITTÉRATURE.
plaire à des Français. La conviction de cette vérité aurait
ajouté beaucoup de prix aux. poèmes lyriques de J.-B. Rous-
seau. L'ode était dramatique chez les anciens ; je n'en veux
pour preuve que l'effet des chants de Pindare aux jeux olym-
piques, et les chœurs des tragédies de Sophocle , d'Euripide,
mais surtout d'Eschyle. Je ne connais rien de plus propre à
émouvoir que la peinture du départ d'Hélène , qui laisse après
elle le deuil à son époux, la désolation à la Grèce , et porte
à Troie la guerre et la ruine. Au reste, Delavigne n'a be-
soin , pour sentir la justesse de ce conseil , que de se rappeler
la cause du succès de sa belle Messênienne sur Parthénope.
Cette ode ressemble à une grande scène; aussi a-t-elîe em-
porté tous les suffrages. Puisque j'ai entrepris d'avertir l'au-
teur je lui recommanderai une attention sévère sur le choix
des rimes dans la poésie lyrique. L'ode du Jeune Grec, mal-
heureuse excursion dans le genre romantique, qui ne con-
vient pas à son genre d'esprit franc, naturel, manquait entiè-
rement d'harmonie, par la répétition de rimes qui laissaient
tomber le vers , sans que le son pût en rester dans les oreil-
les comme les traits d'une agréable musique. Les autres piè-<-
ces qui accompagnaient celle de Parthénope, méritaient sou-
vent de leur être comparées.
La tragédie du Paria n'avait aucune vérité de mœurs et
de caractère ; trompé par l'éloquent rêveur qui nous a donné
la Chaumière Indienne, et par quelques autres déclamations
prétendues philosophiques , l'auteur ne connaissait pas le fond
du sujet qu'il avait à traiter. Jeune , aventureux , plein de
fou"ue et d'audace , il a donné carrière à son imagination ;
et' au lieu d'une tragédie fondc'e sur l'observation des mœurs,
il nous a présenté, comme Voltaire la fait tant de fois, un
roman tout entier de sa composition. Même dans l'ordre
d'idées où Delavigne s'était placé , le rôle du père de son
héros péchait contre toute vraisemblance ; ce rôle , profou-
LITTÉRATURE. 557
d(''tnent médilé , pouvait à lui seul racheter ou du moins
evcuser, par des beautés d'un ordre supérieur, le vice des
(ondemens de la pièce ; conçu avec trop de légèreté, énervé
par de molles descriptions, dénué d"<'nergie, sans aucune
clialeur dramatique , il a toujours ralenti l'iutérètet rei'rcidi
la scène ; pour comble de malheur , c'est dans le même rôle
que l'auteur avait laissé voir ces moyens factices qui amènent
de l'orce une situation, parce que Ton a manqué de ressources
pour la produire naturellement. Jamais Casimir n'a autant
oublié la raison que dans cet ouvrage ; cependant ses efforts
ont été couronnés d'un succès que l'envie elle-même ne
pourrait nier. Doù vient ce prodige, au milieu d'uu peuple
qui porte une si grande sévérité jusque dans le plus vif
de ses plaisirs? Voici l'explication de l'énigme : il y avait
de la profondeur dans le grand-prclre , bridé intérieure-
ment d'une ambition irritée par les rigueurs d'un long si-
lence. Sa fille Néala offrait plus d'une ressemblance avec
Esther , et des grâces nouvelles que l'auteur avait empruntées
à làge , aux. mœurs , aux habitudes, au ministère de la jeune
vierge prête à quitler le culte du soleil pour les délices d'un
amour innocent. Le caractère du fils du Paria ne manquait
point de force dramatique : la passion de la gloire, l'ivresse
du triomphe accrue par l'espérance d'être sorti de l'hutnilia-
tion d'un, opprobre injuste, sa passion pour Néala, l'aveu
terrible qu'il est obligé de lui faire avant de s'unir à elle pour
jamais , ses combats avec un père obstiné à condamner un
hymen dont il redoute les fatales conséquences , la catastrophe
oui le fait tomber de la plus haute fortune dans un abîme dont
!a mort est le terme , produisirent de profondes émotions j
mais , il faut l'avouer, la cause du trionjphe fut presque tout
entière dans les séductions du talent. Soit que le public eût
auendu beaucoup de luxe dans un sujet oriental , soit que nous
nous rapprochions du goût des Grecs, et que la poésie ait pour
558 LITTERATURE.
nous un nomel attrait , tout le monde fut ébloui de Téclat ,
de la magnificence de cette jeune muse , tantôt inspirée par
lÂpollon Pytljlen, tantôt par cet amour naïf qui a la persua-
sion sur les lèvres ; ici, par le génie de l'épopée j là, par Mel-
pomène. Il est vrai que, grâces à une heureuse exception au
vice du genre, les nombreuses descriptions de l'auteur étaient
animées d'une certaine tlamme qui vient de la verve , et les
spectateurs cédaient volontiers à leur entraînement, parce
qu'ils n'éprouvaient point de fatigue. Delavigne seul peut-
être, de nos jours, avait les moyens d'exercer une telle puis-
sance ; mais, il faut le lui dire avec franchise, encore un succès
pareil , et il était perdu pour le théâtre , et même pour la poé-
sie lyrique. Ambitieux d'effets dus à la magie des vers , il eût
désappris son art et reculé dans la carrière où il vient de ren-
trer par un triomphe.
Sans doute il aura tait en silence de profondes réflexions , et
reconnu les vices de sa manière dans le Paria; sans doute il
aura pratiqué le conseil qu'on lui a donné , de beaucoup mé-
diter et d'écrire peu : en effet, sa nouvelle composition u'olire
aucun des défauts de ses autres ouvrages. Mieux conduite que
les Vêpres Siciliennes^ plus dramatique et plus animée par l'in-
térêt que la pièce des Comédiens , purgée de tous les vices du
Paria , plus élégante et plus vraie dans le style , lEcoLE des
Vieillards atteste un progrès réel , et un progrès d'autant
plus précieux qu'il promet d'autres ouvrages marqués du
même caractère. L'auteur est rentré lout-à-fait dans la bonne
route ; il n'a plus besoin que de marcher devant lui , en con-
tinuant à soumettre son talent au frein de la raison. Créer ,
c est céder au génie en le domptant.
Essayons maintenant de justifier nos éloges et nos prédic-
tions par une analyse rapide et succincte de l'ouvrage.
Veuf et possesseur d'une fortune immense , Danviile , an-
cien armateur du Havre , âgé de soixante ans, a épousé uue
LITTÉRATURE. SSg
jeune personne, qui lui a apporté pour dot l'esprit , la beauté,
un cœur sensible, et les grâces d'un heureux, caractère. Dan-
ville est au comble de la félicité; mais il a retenu dans sa mai-
son raïeule d'Hortense, madame Saint-Clair, femme à pré-
tention. Amie du grand monde, quelle ne connaît pas, idolâ-
tre des plaisirs bruyans , elle presse chaque jour sa petite-fille
de venir les chercher dans la capitale, leur véritable théâtre.
Danville, aveuglé par sa passion, se rend aux désirs de sa
jeune femme, et l'envoie à Paris, sous la garde d'un Mentor
peu fait pour inspirer la confiance. Il va plus loin encore , il
remet cinquante mille francs à Hortense , devenue sa tréso-
rière. A la vérité, il devait la suivre de près ; mais des affaires
le retiennent encore pendant deux mois au Havre. Il arrive
enfin , et reçoit en même tems plusieurs leçons des impru-
dences qu'il a commises.
Son fils , abandonné à lui-même, a fait de mauvaises affai-
res; c'est ce qu'on apprend par un vieux camarade de Dan-
ville, receveur-particulier, comptable rigide, mais ami vrai,
qui tait le nom du coupable par un reste de ménagement.
Il faut vingt mille francs pour sauver le jeune homme :
le père ne les a pas , mais il va les demander à sa femme.
Quelle surprise I le trésor conjugal est vide. Danville se fâche
du train qu'on a pris , de l'excès des dépenses qu'on a faites.
Hortense entreprend de se justifier, et le fait avec d'autant
plus de succès, que le juge est gagné d'avance. La raison de
Danville ne se rend pas, mais son cœur cède. La discussion
entre le mari et la femme est pleine de traits comiques qui
sortent de la situation ; l'auteur y a Riis très-habilement en
scène l'ascendant irrésistible d'une jeune tèmme sur un vieil-
lard, dont l'àme encore ardente ressemble au feu caché sous
une cendre trompeuse. Persuadé, mais non pas convaincu,
Danville sort pour aller demandera son banquier les ao,ooo f.
promis à l'excellent Bonnard.
56a LITTÉRATURE.
Au second acte, Danvllle rentre furieux ; ses deux ban-
quiers et son notaire sont à la campagne jusqu'au lundi sui-
vant. Pour soulager sou chagrin , il s'est rendu aux Tuileries,
où il n'a pu voir sa femme qu'en perspective, à travers des
flots d'admirateurs, parmi lesquels il a reconnu et remarqué
im jeune homnie plus attentif que tous les autres. M"" Saint-
Clair lui apprend que c'est le duc Delmar, parent du ministre
des finances. Ce duc, qui a eu l'occasion de voir Hortense au
Havre, demeure dans l'Iioteloù l\I'°e Saint-Clair a eu l'impru-
dence de cherclier un logement pour elle et sa petite-fille. Au
nom du duc Delmar, la jalousie de l'époux commence à poin-
dre. Bonnard accourt, impatient de loucher les 20,000 francs
promis, Danville, qui n'a pu les avoir, élude la question , et c'est
alors qu'il apprend le nom de celui auquel Bonnard s'inté-
resse si vivement. Banville, frappé d'un coup de foudre , a
recours à son ami, et triomphé enfin de sa résistance. La le-
çon donnée au vieillard amoureux est bien forte ; mais elle ne
produit pas un assez grand eflét sur lui , ou plutôt cet effet no
se prolonge pas assez ; le père ne reparaît plus dans le reste
de la pièce : un souvenir de sa faute et des conséquences
qu'elle a failli avoir, était au moins nécessaire; et, parexem-
ple , au dénoùment, le faible mais sensible Danville devait
dire à Hortense : Tu te raccommoderas avecmon fils, tu pro-
mettras de toujours l'aimer ; et Hortense devait jurer avec
honne foi , sauf à tenir sa promesse si la nature humaine le
permet.
Dans ce moment, le duc se pr('sente chez Hortense pour
l'inviter à un bal donné par le ministre, son parent. Danville,
auquel il fait d'abord la proposition, la reçoit très-sèchement.
Hortense , restée seule avec son mari , s'efforce de le persua-
der. Il est impossible de déployer plus d'innocentes séduc-
tions que ne le fait la jeune femme. La beauté qui connaît
son empire, consciajbvniœ, l'amour qui prie, l'esprit quiioim
LITTERATURE. 56 1
avec le sentiment pour plaire encore plus sûrement, la fami-
liarité tendre, qui prête de la ijràce aux moindres paroles, tout
se réunit pour subjuguer Danville; cependant il résiste, et
l'acte finit par une querelle assez vive.
Au troisième acte, Ilortense , rebelle au joug de Tliymen,
qu'elle a senti pour la première fois, a mis son habit de bal ;
Banville reparaît. Vaincu par des réflexions qui viennent de
son cœur, entraîné par vme passion impérieuse à tout âge et
surtout au sien , alarmé du premier chagrin qu'il ait causé à
sa jeune épouse, il vient donner la permission tant désirée.
Hortense, toute disposée à la mutinerie, est émue de ce retour ,
et renonce, quoique avec un peu de peine, au plaisir qu'elle se
promettait. Mais, en l'absence de Danville, le duc revient ; il
presse, il prie , il conjure j M™^ Saint-Clair unit ses instances
à celles du séduisant orateur : il ne s'agit que d'écrire un mol
à Danville. Hortense oublie toutes ses promesses j elle part.
Danville de retour, et plein des espérances du bonheur qu'il
se promet pour la soirée , reçoit la lettre de sa femme ; il se
croit joué : il est furieux, et part pour rejoindre Hortense au
bal du ministre.
A peine Hortense a mis le pied dans la salle du bal, qu'elle
sent toute l'étendue de sa faute ; elle a entrevu son mari , qui
ne lui a point parlé. Déchirée de remords , elle est rentrée
chez elle 5 une voiture arrive : sans doute c'est celle de Dan-
ville. La porte s'ouvre , le duc paraît : il apporte la nomina-
tion de Danville à une place de receveur - général ; voilà un
prétexte pour cacher ses desseins , et le moyen de transition
pour arriver à la déclaration de son coupable amour. Il tombe
aux genoux de la jeune épouse. Hortense, éperdue, hors
d'elle-même, lui répond avec horreur : « Je vous dis que
TOUS m'épouvantez! » et le pousse, par ses gestes, par ses
paroles désordonnées, dans un cabinet dont elle referme la
porte. Danville entre ; une scène tragique par sa nature mé-
562 LITTÉRATURE.
me , mais sans sortir des bornes qne la comédie peut attein-
dre , a lieu entre Hortense et son époux. Elle sort; Danville
appelle !e duc ; les voilà en présence. Ici commence une au-
tre scène , tracée avec un talent supérieur, une énergie inex-
primable , et une égale élévation de sentimens de ia part des
deux personnages. Un duel est inévitable. Le duc laisse échap-
per les mots de cheveux blancs :
Vous auriez dû les voir avant de m'outrager!
s'écrie DanviUe ; réponse vraiment sublime , et telle que le
grand Corneille en a semées plus d'une fois , même dans la
comédie. Voilà de quelle manière finit le quatrième acte.
Au cinquième , le duel a eu lieu ; Delmar a désarme son
adversaire , et pleinement justifié Hortense. Cependant, ni les
procédés , ni les paroles du duc qui a reconnu sa faute, n'ont
dissipé les soupçons de Danville ; une lettre quHortense écri-
vait an séducteur, plus étourdi que corrompu , les détruit en-
tièrement, et produit une réconciliation parfaite. Mais la jeune
lèmme , frappée des dangers qu elle a courus, craignant elle-
même les séductions du monde et les illusions de son âge, dé-
cide facilement Danville à la ramener dans sa province , où
Bonnard , qui a sauvé l'honneur du fils , viendra quelquefois
embellir le bonheur des deux époux.
Cette pièce fait le plus grand honneur an talent de Casimir
Delavigne , sous plus d'un rapport. Vue du côté moral , elle
oflre une leçon utile à la vieillesse , sans l'immoler à la risée
publique, sans acheter les applaudisseniens aux dépens d'un
âge qu'on ne saurait trop respecter. Comme observation de
mœurs , elle est vraie et prise dans la nature même. Le rece-
veur Bonnard sent tout-à-fait la bonne et franche comédie ,
qui fait rire par la vérité de la peinture. Le caractère de Dan-
ville me paraît tracé de main de maître; ce mélange de pas-
sion, de faiblesse, de courage, de vieil honneur, compose un
LITTÉRATURE. 563
rôle neuf au théâtre. Quant à la jeune femme, on ne saurait
trop s'étonner qu'un écrivain si jeune encore ait pu lire ainsi
dans le cœur des femmes , et former de cent traits épars un
tout si vrai , si charmant , si propre à séduire. Hortense réu-
nit tout ce qu'on peut désirer, la candeur, l'esprit, la-sensi-
bilité , la grâce , l'aimable enjouement , un cœur pur, une vo-
lonté pleine dlnnocence ; mais elle est jeune et belle , son
épousL a soixante ans ; le jour où elle fera la comparaison d'un
homme de son âge avec cet époux , les dangers sont certains.
Que dis-je? c'est parce que la comparaison est faite, qu Hor-
tense elle-même veut fuir Paris. Aussi , est-ce un trait de
génie que sa prière à Banville pour retourner au Hàvre.
Je voudrais pouvoir dissimuler que M^i^deSainte-Clair, rôle
mal conçu et plus mal exécuté , gâte un si bel ouvrage ; heu-
reusement, l'auteur en a fait disparaître les défauts les plus
choquans -, il lui serait facile de les efiacer tous avec un peu de
travail. Mais comment ne pas pardonner quelques fautes dans
un ouvrage étincelant de beautés du premier ordre? Comme
l'exposition est facile et claire I que d'esprit et de gaité dans le
premier acte! que de grâce et d'élégance dans le second,
quelle chaleur entraînante! quelle puissance dramatique dans
le quatrième ! avec quelle adresse le poète est encore parvenu
à fournir le reste de sa carrière , en soutenant l'intérêt par
d'autres moyens , après des explosions si vives, qui n'avaient
pas laissé aux auditeurs le tems de respirer!
Je n'ai point assez d'éloges pour le style. Brillant et naturel,
plein de traits comiques, toujours conforme au caractère du
personnage , image fidèle de la conversation animée , il s é-
lève parfois k la plus grande hauteur. La pièce des Comédiens,
que le public avait trouvée bien écrite , est à une distance im-
mense de ï Ecole des Fieillards. Cet ouvrage restera certai-
nement au théâtre j mais il pourrait perdre beaucoup à n'être
plus représenté par les deux acteurs inimitables qui jouent les
564 LiTTERATLRE.
deux premiers rôles. Jamais M''^ Mars ne fut si parfaite; et
quant à Talma , il a fait un prodige , eu débutaut avec une si
étonnante supériorité dans la comédie, à Tàge de soixante ans.
Aucun autre n'aurait saisi comme lui le caractère de Dan-
ville. Cependant, privée de la séduction de deux grands talens,
la pièce de Casimir aura toujours du succès à la scène , et la
lecture ne lui sera pas moins favorable que la repré-sentation.
Voilà UQ beau et légitime triomplie; 11 doit produire des
cliefs-d œuvre : pour se surpasser lui-même , il faut que Tau-
leur fortifie chaque jour son bon sens par le commerce des
écrivains chez qui celte faculté abonde; il faut qu'il élève à
côté de ses dieux pénates un autel à la raison ; qu'il se sou-
melte à elle, comme à une divinité supérieure; il faut qu'il
lise sans cesse dans le cœur humain, dans le premier et le plus
utile des livres , et qu'il nourrisse dans son cœur cet amour de
la véritable gloire, qui veut surtout des triomphes dans l'a-
venir.
P. F. TissoT.
BEAUX-ARTS.
Voyage pittoresque et historique a Lyon , aux envi-
rons et sur les rives de la Saône et du Rhône; par
M. E. M. FoRTis, ancien avocat-général, membre de
plusieurs académies, etc. (i)
A rinspcclîoti du tllre de cet ou\Tage , le lectetir pourrait
s'attemire à Tune de ces compilalions volumineuses , où de
laborieux, érudits ont renferme- tout ce qu'il est possible de sa-
voir et de dire sur un petit canton , sur une seule ville. Mais ,
M. Fortis a vu son sujet avec plus de disceruemenl ; il a com-
paré ce quil voulait peindre ou raconter, à limmensilé de
la nature et de l'bistoire ; et loin d'aspirer aux bonceurs de
Tin-folio , il s'est réduit à deux volumes in -8° , d une gros-
seur très-ordinaire, accompagnés d'un atlas exécuté avec
beaucoup de soin et de succès. Après avoir fixé la grandeur
du cadre , il s'agissait de le remplir avec goût , de faire un bon
cboix entre les innombrables objets qui avaient , en quelque
sorte , le droit d'v elre placés : en ceci , le travail de M. Fortis
aura l'approbation de tous ses lecteurs.
L'auteur expose , dans un discours préliminaire , le but , le
plan et les principales divisions de son ouvrage. C'est sa ville
natale qu'il veut dccrirc : on pense qu'il ne parlera pas sans
quelque entbousiasme de ses monumens , des beaux sites qui
l'environnent, des bommes célèbres dont elle fut le berceau,
des grands souvenirs qu'elle a transmis à l'histoire. Il préfère ,
sans hésiter, le paysage des rives de la Saône aux plus beaux
sites de toute la France : avant d'approuver cette décision , les
spectateurs impartiaux voudront comparer. Ils suivront le
(i) Paris, 1821 et 1823. Deux vol. ia-S» avec un atlas. Bossange frè-
res, rue de Seine, n° 12.
566 BEALX-ARTS.
cours de la Loire , desceudront avec la Garonne du haut des
Pyrénées , et obseiveront jusqu'à reraboucluire de ces fleuves
les formes du terrain , la végétation , les villes , l'état des arts
et de la population. Des attraits de plusieurs sortes les ramè-
neront aux bords de la Seine , et ils ne les quitteront point sans
regret. Si la curiosité peut les arracher aux délices de la ca-
pitale, ce sera peut-être pour visiter le magnifique bassin du
Rhin , les deux chaînes de montagnes qui dirigent le cours du
fleuve à travers des plaines chargées des plus riches cultures.
Là , aussi , le peintre trouvera des objets dignes de ses pin-
ceaux ; le poète , des inspirations ; l'homme de lettres et le pu-
bliciste, des sujets d'études, des matériaux pour des ouvrages
d'un grand intérêt. D'autres parties de notre belle France van-
teront aussi les agrémens de leurs paysages , et l'illustration de
lears cités. Si l'on voulait indiquer, dans nos différentes pro-
vinces , les lieux les plus dignes d'être visités , et surtout ha-
bités, et les classer suivant un ordre de choix, ce sont les
étrangers quil faudrait consulter. Quant à nous, ne craignons
point de nous livrer au sentiment de prédilection pour les lieux
de notre naissance , pourvu qu'il ne soit point confondu avec le
sentiment de la patrie , et qu'il ne l'affaiblisse jamais.
M. Fortis a écrit sou livre en hon et franc Lyonnais , mais
avec goût, et même avec une sévérité de jugement dont il ne
se relâche guère qu'en faveur des poètes de son pays. En toute
autre chose , ses éloges seront confirmés par les lecteurs. Afin
de donner une idée de son style, citons ce quil dit, après avoir
développé, dans son discours préliminaire, les moufs qui l'ont
décidé à choisir la gravure à Vaquatinta, et les succès de M.
Piringer dans ce genre de gravure, succès qui seraient attes-
tés par l'atlas de cet ouvrage , si les amateurs d'estampes colo-
riées n'en avaient beaucoup d'autres preuves.
« Le Lyonnais , que son industrie , létendue de son com-
merce, sou goût pour les voyages, portent à s'établir dans tou-
BEAUX-ARTS. 567
tes les contrées de TEurope , et au-delà des mers , sent tres-
saillir son cœnr, lorsqu'il y trouve des souvenirs de sa patrie.
Avec quel inlérél ne reconnaîtra-t-il pas , dans ces gravures,
les lieux, qui Vont vu naître , les places , les monumeus , les
costumes des habitans de la campagne, les jenx de son en-
fance, les objets de sa vt-iiération? Lorsqu'il aura ce tableau
sous les yeux , ce n'est pas sans émotion qu'il entendra le récit
des traits de bienfaisance , de pieté , de bravoure et de gloire
qui forme son antique et noble béritage. Dans quelle circons-
tance et à quelle époque un ouvrage à la fois descriptif et bis-
torique , pouvait-il être plus nécessaire qu'à la suite d'événe-
mens sur lesquels il faut tirer un voile, après avoir recueilli
les leçons qu ils nous donnent , et le tableau des mouumens
détruits? L'artiste , Ibomme qui étudie les progrès des scien-
ces et des arts , le pbilosophe qui médite sur l'histoire , ver-
ront , à côté des ricliesses qu'ils ont perdues , celles qui leur
restent , celles que les beaux-arts ont produites, et enfin celles
qu'ils préparent à la génération future ; les uns et les autres ,
placés entre les regrets du passé et les espérances de l'avenir,
en trouveront les douces illusions dans la religion consolante
des souvenirs dont cet ouvrage sera un des monuraens pour
la ville de Lyon, n
Notre auteur met quelquefois un peu trop de poésie dans
ses descriptions. Ou remarque ces prestiges de son imagina-
tion , à la page 166 du second volume , où il nous représente
les fonderies de MM. Frère-Jean , à Vienne, comme un vol-
can non moins redoutable que le Vésuve. Quelques gouttes
d'eau ne suffisent pas , comme il le dit , « pour produire une
explosion capable de faire sauter dans les airs , à plus de trois
ou quatre cents pieds de bauteur, la fonte , les hommes , les
édifices , et pour enflammer l'horizon sur un espace de plu-
sieurs lieues. »
La liste des édifices que la révolution a fait détruire à Lyon,
5(38 BE\UX-ARTS.
celle des constructions nouvelles et des établissemens qui se
sont élevés depuis i^go jusquà la restauration, et enfin celle
des fondations les plus récentes, présentent un résultat dii^ne
d'être connu et médité. Le marteau destructeur a frappé deux
tours , dont Tune portait une inscription en mémoire de
Henri IV, les ruines de l'ancien clpîlre d'une abbaye , deux
façades de la place Bellecour, la statue de Louis XIV, et ses
décorations accessoires , une pyramide érigée en mémoire de
Henri IV, 94 édifices religieux, églises, chapelles ou couvens.
Pendant la révolution , et sous le règne de Bonaparte, la ville
a été embellie de trois cours plantés d'arbres, d'une pépinièi'e,
d'un jardin des plantes, d'un marché aux fleurs; une école vé-
térinaire et un musée des tableaux et d'antiqu( s, ont été ajoutés
aux autres établissemens d'instruction; quatre nouveaux ponts
ont été construits ; le palais de justice a été considérablement
agi-andi ; l'hôtel de la préfecture, uue caserne, un nouveau
théâtre , un hospice sont aussi des acquisitions nouvelles ; une
place nouvelle, des ports et des quais achèvent de décorer les
bords du Rhône et de la Saône , et de pourvoir aux besoins
du commerce : sous l'empire , les églises paroissiales ont été
restaurées; depuis i8i4, notre auteur se borne à citer la
création de trois monastères de religieuses, le rétablissement
d'un ancien couvent, et la fondation d'une maison centrale
pour les frères de la doctrine chrétienne.
Plusieurs chapitres de cet ouvrage sont suivis de notes in-
téressantes et instructives, A la page 96 du second volume, on
eu trouve une, dans laquelle l'auteur expose les conjectures
de plusieurs écrivains sur l'origine des étoffes de soie , ou plu-
tôt , sur le lieu d'oii la connaissance et l'usage de ces étoffes
ont passé dans l'Europe. Il a omis l'opinion la plus ^Taisem-
blable , si même on doit la regarder comme une opinion , et
non comme un fait historique : c'est que les Romains commen-
cèrent à connaître la soie et les étoffes de celle matière, à l'é-
BEAUX-ARTS. 569
|)oqtie où ils portèrent leurs armes dans le pays clés Sériques ,
contrée de la Booikarie , où cette fabrication s'est maintenue
jusqu'à nos jours, et d'où elle répand ses produits dans l'in-
térieur de l'Asie , et jusque dans la Russie orientale.
Lyon est, sans contredit, celle de toutes les villes *le France
que la révolution a le plus maltraitée : cependant, ses liabi-
tans surent apprécier et reconnaître les biens durables opérés
par ce grand événement politique. Cette justesse d'esprit et
cette droiture d intention caractérisent aussi l'ouvrage de M.
Fortis. C'est en historien qu'il parle du siège de sa ville natale,
et des épouvantables massacres qui en furent la suite. A quel-
que opinion, à quelque parti politique que ses lecteurs soient
attachés , tons approuveront la sagesse de l'auteur : il serait à
désirer que ce bon exemple fut plus souvent imité.
Ainsi, indépendamment de la beauté des gravures, M, For-
tis nous a fait présent d'un livre que l'on ne se contentera pas
de lire une seule fois : on y reviendra de tems en tems par cu-
riosité j on le consultera pour s'instruire; on y cherchera les
agrémens d'une lecture intéressante, et qui n'est jamais sans
profit. Plus on sentira le mérite réel de l'ouvrage, plus on
regrettera que l'auteur l'ait terminé par un extrait du Jour-
nal des Débats, où des éloges excessifs lui sont prodigués,
en échange de ceux dont il a gratifié l'auteur de cet article de
journal. L'encens que les auteurs se distribuent de la sorte ,
leurs démêlés et leurs combats peuvent égayer la malignité,
mais ils affligent toujours les lecteurs judicieux.
V,
T. XX. — Décembre i825. 67
VVV'VVVVV»*'VVVVV*\VVVVVV*VVV*»iVVVVVV*VVVVVVV»VV\VVVV\VVVVVVV»\'VVVVVV\-VVV*»'VV>(VVU
IIL BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE,
LIVRES ÉTRANGERS (i).
AMERIQUE.
ÉTATS-UNIS.
199. — A Year in Europe. — Une année en Europe. — Journal des
observations recueillies pendant les années 1818 et 1819, dans un vojage
en Angleterre, en Ecosse, en Irlande, en France, en Suisse, en Italie
et en Hollande: par John Gbiscom. JNew-York, 1820, Collins et comp.
Deux vol. in-S" de 320 et 562 pages.
Une année en Europe ne suflBt pas sans doute pour bien connaître et
pour apprécier l'état actuel de notre civilisation et de nos institutions.
Dans cet espace de tems , un voyageur visitera beaucoup de lieux , beau-
coup d'élablissemcns , et, s'il est Instruit, il pourra les décrire et en
rendre un compte satisfaisant ; mais s'il veut s'élever à des observations
sur les mœurs, sur les caractères distiuctifs des peuples, s'il veut tracer
un tableau complet des contrées qu'il a parcourues , il doit consacrer a
ces contrées un espace de tems bien plus étendu , il doit en quelquii
sorte s'y naturaliser, M. Griscom a vu beaucoup de pays dans une seule
année ; mais il ks a parcourus rapidement, et la vitesse de sa course ne
lui a pas permis de mûrir ses observations. Aussi s'est-il contenté de
dire ce qu'il avait vu, et d'en donner des descriptions plus ou moins
détaillées. Je ne sais s'il a écrit les lettres dont se compose son ouvrage
aus époques et dans les lieux dont elles portent les dates ; mais, en les
adressant à un de ses compatriotes à qui l'Europe est encore inconnue,
il semble convenir qu'elles ne sont écrites que pour les Américains, et
seulement pour ceux qui ne connaissent l'Europe ni par leur propre
expérience, ni par d'autres ouvrages. Ces lettres, d'ailleurs, semblent
bien propres à intéresser ceux à qui elles sont destinées. L'auteur,
homme instruit et éclairé , et surtout véritable ami des hommes , a visité
(1) Nous inJiquei-oDS par nn astérisque (*} placé à côté du tilie <Ie chaque ou-
•vrage, ceux «les livres étrangers ou français qui paraitrout dignes d'une atteuti-jit
(111 ticulière, et dout nous readrons quer^ucfois compte dans la seclioa des Analyse.
î/iVRES ETRANGERS. 571-
les principales villes de l'Europe, Paris, Londres, Gènes, Milan, Ams-
terdam, Bruxelles, Lyon, Llverpool, Edimbourg, et partout il s'est
attaché à voir les établissemens utiles , qu'il signale avec soin à ses com-
patriotes. Un autre genre d'intérêt se trouve dans son livre : comme il
a eu l'occasion de rencontrer les savans, les littérateurs, les philan-
tropes , dont l'Europe s'honore, il saisit cette occasion de leur rendre
un hommage public et de les faire connaître.
200. — Tho national Caiendar, etc. — Almanach national et An-
nuaire des Etals-Unis pour l'année 1823 ; par P. Fobce, Tome IV.
Washington , 1823 ; Davis et Eorcc. Un vol. io-12 de 2S6 pages , avec
des planches et des tableaux de la population.
Cet Almanach est plus intéressant que la plupart de ceux que l'on
publie en Europe : c'est un manuel statistique, sans doute incomplet,
mais dont l'utilité est incontestable. Nous y trouvons des documens pré-
cieux sur les Etats-Unis, des notices sur les dépenses et les recettes, sur
l'administralion, sur les trailemens des différens fonctionnaires, etc.
Le gouvernement y expose à l'attention et à la censure publique tous ces
détails de finances que, dans d'autres pays, on s'eËForce de soustraire à
la connaissance des administrés. Les tableaux de population , dressés
sur un excellent modèle , donnent le nombre des habilnns de chaque
province, présentent leur division en hommes blancs et hommes de
couleur, en hommes libres et esclaves, indiquent les proportions entre
les homiHes et les femmes, et apprennent combien de personnes s'oc-
cupent d'agriculture, combien se livrent au commerce ou à l'industrie
manufacturière. Nous trouvons que les Étals-Unis comptent 9,654»4i5
habitans, dont 1,543,688 esclaves. L'agriculture y occupe 2, i-5,o65 in-
dividus, tandis que le comnierce n'en occupe que 72,558, et les manu-
factures que 349,665 (Voy. Rev. Enc, T. XVlII, p. 202-204, des détails
sur la population des Etats-Unis. ) Il manque à ces tableaux, pour être
complets, des données sur la population des villes, sur le nombre des
morts , des naissances , et sur quelques autres faits nécessaires à la science
de la statistique. En revanche, nous signalerons un paragraphe curieux
sur les émigrations. Les différens navires arrivés aux Etats-Unis pendant
les années 1821 et 1822^ y amenèrent 20,201 passagers, dont 5,96g ci-
toyens des États-Unis. Sur les i6,?52 émigrans étrangers, on compte
8,284 sujets européens de l'Angleterre, 685 Français, 486 Allemands,
4oo E>p.ignols ,112 Hollandais. Ce n'est pas une question de peu d'im-
poi tance que de reconnaître quels avantages les États-Unis retirent de
ces émigrations, et jusqu'à quel point ils en profitent. L'auteur de
l'Annuaire cherche à résoudre cette question , ou du moins il rap-
573 LIVRKS ETR AIN GERS.
porte des faits qui peuvent en rendre la solution plus facile. Il divise
les émigrans en quatre classes : la première est appelée classe produc~
iive-utite, et comprend 4î946 individus, tous occupés d'un métier quel-
conque. D'après M. Force, les États-Unis ont actuellement autant de
tailleurs, de maçons, de laboureurs, de boulangers, etc. , que leur»
besoins en réclament; mais ils manquent d'ouvriers pour leurs manu-
factures , dont la situation est bien moins satisfaisante que celle de»
autres branches de l'industrie. On compte dans les trois dernières classes
5,069 individus improduclifs-ittitci, 459 improductifs, et 9,721 impro-
ductifs divers , enire autres les femmes et les enfans. Parmi les pièces
les plus remarquables contenues dans l'Annuaire , nous citerons encore
la liste des hrevels délivrés en i8'22. Ils sont au nombre de 194, dont 11
pour des charrues perfectionnées, 22 environ pour des procédés ou des
in^lruiuens nouveaux en agriculture, 1 5 pour des fourneaux ou foyers
économiques, gquisont relatifs à la construction des navires, etc. ; nous en
remarquons encore 5 accordes à l'inventeur du télégraphe domestique^
à celui d'un levier pour .soulever les objets perpendiculairement; enfin,
à l'iaventeur d'un procédé pour transmettre une empreinte quelconque
du papier sur le bois. Une autre liste non moins intéressante, est celle
des divers ouvrages qui ont élé déposés au secrétariat de l'intérieur pen-
dant la même année. Elle en comprend g5 : ao sont des dictionnaires ,
des grammaires ou des livre.» élémentaires et d'éducation ; 9 appartien-
nent à la théologie et à la morale; 1/} aux sciences physiques et mathé-
matiques ; 8 au droit et à la jurisprudence ; n à la statistique et à la géo-
graphie. Nous y remarquons encore 2 ouvrages sur la marine ; 2 sur l'art
militaire; 4 de biographie et d'histoire ; 2 sur la politique spéciale et
l'administration ; 5 recueils de poésies; un ouvrage grec, un espagnol;
5 recueils ou traités de musique ; 9 cartes et un portrait gravé. On publie,
aux Etats-Unis, jô journaux quotidiens. — Ces détails ne sont pas les
seuls que contient l'Annuaire; mais nous les avons choisis comme étant
à la fois les plus intéressans pour nos lecteurs, et les plus propres à faire
apprécier cet utile recueil. A. J.
ASIE.
201. — Dictionnary ofthe Persian and Arabie language, — Diction-
naire des langues Arabe et Persane; par Jos. Bibbetto. Calcutta, 1823.
Deux vol. in-8°; prix , 4 livres sterling 4 schellings.
202. — Amara Kosa, tricanda Sesha , haravali Kosa et Mcdini Kosa.
— Quatre vocabulaires de mots samskrits. Calcutta. Un vol. in-S» ; prix,
2 livres sterl. 2 schell.
LIVRKS ETRANC^ERS. 5-!^
îo3. — The Cootislan of the celehrated Musleh udDeen qf Shiram.
— Le Gulislan du célèbre Mii^LEn-uD-DKES de SuiBtNZ, siirnoaimé
Shbikb Sadi, avec une traduction anglaise et des notes; par James
DuMOCLiN. Calcutta. Grand in-4"; prix , 3 livres slerlin;^s i3 schellingâ
6 pences.
204. — Soofirai, a foem éy Firdcnirsec, etc.. — Souhrab, poème par
FiRDocBzi, relisant partie i\\x Shali- IS ahma lie ce pnète célèbre ; avec
une Iradurtioii libre, en anglais, par 7. Alkinson. Calcutta. Un vol.
in-8»; prix, i5 scliellings.
205. — MecliaDvta. — Le Messager des Nues, poème, parCADiDASA;
avec une traduction en vers anglais, des notes et des éclaircissemens,
pari,. H. WiLsoM. Calcutta. Un voL in-^"; prix, a livres sterling »
icbellinps.
EUROPE.
GRANDE-BRETAGNE.
ao6 ('). — The philosophy of zoologtf. — Zoologie philosophique, ou
Description générale de la structure, des fonctions et de la classifîration
des animaux ; par John Fleukng , membre de la Société royale d'Edim-
bourg. Londres, 1822; Hurst. Deux vol. in-8" avec gravures.
L'auteur de cet ouvrage a entrepris la tâche difficile de donner les
caractères zoologiques naturels de tous les animaux, aux divers di grés
de l'échelle de l'organisation. Il rejette presque entièrement la méthode
linnéennc, à laquelle, en Angleterre, on est resté si fidèle. 11 tâche d'as-
signer la différence entre la matière organisée et non organisée. Voici
les conditions qu'il établit comme nécessaires au développement de la
■vie, des parcns, de i'humiditc, de ta chaleur, de l'air, de la nourriture.
Remarquons que ces conditions expérimentales du développement de
la vie ne ji Itent aucun jour nouveau sur la définition de ce mode parti-
culier de l'être. On voit que le docteur Fleming nie absolument les gé-
nérations spontanées. Sous ce rapport, comme sous plusieurs autres,
ses opinions diffèrent de celles de notre célèbre naturaliste, M. De la
Marck. — Cet ouvrage renferme une discussion fort intéressante des faits
principaux de la zoologie fossile. L'auteur admet que, plus les restes d'a-
nimaux et les empreintes de plantes se trouvent dans des roches reculées
suivant l'ordre des tems, plus elles diffèrent de celles que l'un observe
aujourd'hui sur le globe. De plus, les vestige? fossiles qui se rencontrent
dans les roches primitives, sont toujours celles des animaux les moins
parfaits. Il en est de même des plantes. Les roches superposées au.gra-
574 LIVRES ÉTRANGERS.
nit ne renfeiinent gupre que des impressions de fougères et dautrcs ia-
railles cryptogames, avec des zoophytes corallins. Les roches moder-
nes, au contraire, abondent en débris d'animaux fort rapproché::! de
ceux qui vivent aujourd'hui, sont quelquefois identiques avec eux, et
renferment en même lenis beaucoup de restes de végétaux dicolylé-
dons. Après ces considérations générales, qui se lient à la manière sui-
vant laquelle l'auteur conçoit le développement de la vie organique, il
présente une nouvelle classification zoologique. Sa méthode, qui sem-
ble très-philosophique quand on l'envisage en général dans ses rapports
avec les familles , serait-elle bien applicable aux détails du règne animal ?
En effet, il faut absolument finir par donner une bonne classification
naturelle des poissons ou des insectes ; et ce n'est que lorsqu'on fait su-
bir aux systèmes l'épreuve sévère de les appliquer à ces groupes où des
nuances seulement sépauenl les classes, qu'on peut prononcer sur leur
mérite, et sur leur aptitude à représenter fidèlement les lois de la vie.
L'ouvrage de M. Fleming nous parait moins utile, sous ce dernier rap-
port , que sous le point de vue des considérations générales. L'auteur
est ecclésiastique ; le sentiment religieux perce en plusieurs endroits dans
son livre. Il nous semble qu'un simple naturaliste serait arrivé aux mê-
mes conclusions. Il n'y a pas deux systèmes de philosophie : l'un à l'u-
sage des gens d'église; l'autre à l'usage des savans. 11 n'y a qu'une phi-
losophie pour tout le monde, celle qui s'occupe de la nature, de Dieu
et de l'imniorlalité.
207. — A Treatisc on nervous diseuses , Vol. I, induding apoplexia
■hsdro-cefhalica. — Traité des maladies nerveuses; Tom. I, renfermant
l'apoplexie hydro-céphale^ avec un tableau des opinions des physiolo-
gistes anciens et modernes, concernant la nature et les fonctions du
système nerveux; par Jo/in Coo&e. Londres, jSaô; Longman. In-8»
de 669 pages; prix, i5 fr.
20S. — History and tneibod of cure of the varions species ofpalsy. —
Description et traitement des diverses espèces de paralysie , par le mê-
me. Londres, iSaj; Longman. In-S" de 21 5 pages.
L'auteur de l'important Traité des matadies nerveuses commence pat
émettre le vœu, que des médecins se chargent spécialement de faire
l'histoire particulière et appronfondie d'un seul genre d'affection. C'esi
un travail de cette espèce qu'il a entrepris. Il est incontestable qu'un
ouvrage de pathologie générale ne peut guère renfermer que les faits les
plus importa ns; et cependant, il importe de détailler jusqu'aux moin-
dres circonstances des maladies. Le docteur Gookc présente, dans la
première partie de son livre , l'histoire des opinions sur les fooctions
LIVRES ETRA^'GERS. 5 7 S
des nerfs , depuis les tems les plus anciens jusqu'à nos jours , depuis le
père de la médecine, Platon, l'école d'Alexandrie, jusqu'à MM. Gallet
Spurzlieim. Il traite, en passant, des opinions du docteur Reid , phi-
losophe écossais , et aborde un peu légèrement la grande question du
matérialisme. Sa dissertation sur l'apoplexie hydro-cépbale est divisée
en chapitres, qui permettent de saisir plus facilement les vues de l'au-
teur. Il admet que répanthement sanguin dans le cerveau n'entraîne pas
toujours des accidcns graves, et il se prononce pour la saignée copieuse-
et instantanée. On voit que ses opérations ne présentent rien de bien
nouveau. Dans le second ouvrage, qui n'es^ pour mieux dire que la
deuxième partie du premier, il combat fortement les opinions de M. le
<locteur Serres, sur quelques circonst;inces des maladies cérébrales. Ce
qu'il y a de plus curieux dans ces deux ouvrages, ce sont les nombres
qu'ils conlicnneot sur la proportion numérique des maladies nerveuses
que l'auteur décrit , et qui lui ont été fournies par le docteur Gordon.
Ce dernier les a obtenus par le recensement des registres des hôpitaux
militaires de l'armée anglaise de terre. Pendant six mois de l'année
1819, sur 5,999 hommes de cavalerie, il y eut 5 cas d'apoplexie et 4
d'hémiplégie; sur ii,865 hommes d'infanterie, une apoplexie et 5
hémiplégies. Dans le nombre total de 6,190 vétérans, on n'observa
qu'une apoplexie et 4 hémiplégies. Dans l'Inde anglaise, pendant huit
mois, il y eut , sur 12,800 hommes , i5 apoplectiques et 18 paralytiques.
Ces nombres sont fort importons. Oo semble y reconnaître l'influence
du service à cheval comparé au service à pied, et surtout on y voit l'in-
fluence de la chaleur du climat sur le développement de ces affection^s.
Ces ouvrages du d'-cteur Cooke peuvent Être très-utiles, surtout s'il les
continue de manière à embrasser la pathologie complète. On peut les
regarder comme un essai de monograpltic médicale des deux maladies
qu'il a spécialement décrites.
209 {*). — A Memoir of central India, including Maîwa , and adjoi-
ning provinces, with the history and copious iliustrations of tlie past
and présent condition of that counlry. — Tableau de l'Inde centrale .
comprenant la province de Malwa et les districts environnans, avec de
nombreux détails sur l'état passé et présent de ces contrées; parsir/oftK.
Malcolm. Londres , iSaô; Kingsbury, Leaden-Hall Street. Deux vol.
in-8'', 58o et 547 P^g*^^» ^^^^ des cartes.
On connaît à peine de nom le territoire de l'Inde centrale, qui se
trouve à peu près au milieu de la péninsule de l'Indostan. Depuis trente
ans, cette contrée n'a cessé d'être en proie à l'anarchie et aux ravage^;
;!es chefs indiens, dont les jalousies mutuelles furent trop souvent exci:
576 LIVRES ÉTRANGERS,
tées ou entretenues par le cabinet anglais. Eufin, les armées LritanDÎ-
ques, pour mettre les combattans d'accord, se sont emparées déCniti-
vement de ce fertile pays. En Asie comme en Europe, il faut s'enten-
dre, afin de pouvoir repousser l'étranger. L'auteur a été ciiargé du gou-
vernement de la province de Malwa pendant quatre ans, de 181S à 1822 ;
il a donc été à même de réunir un grand nombre de documens officiels',
dont il publie aujourd hui la collection, sous la garantie du directeur de
la compagnie des Indes. 11 faut s'empresser de remarquer un fait tout
à l'honneur de sir John Malcolm ; c'est que son administration ne pa-
raît avoir été marquée par aucun de ces actes arbitraires, dictés par la
cupidité, qui signalèrent la conduite de ses prédécesseurs, et qui don-
nèrent lieu à la mise en jugement du lord Haslings, devant la chambre-
haute. Sans avoir exercé de rigueurs, il parait avoir complètement pa-
cifié les pays qu'il a gouvernés. Il commence par des observations géo-
graphiques sur le climat et l'es productions de l'Inde centrale; il arrive
ensuite à l'histoire de cette contrée, et il décrit d'une manière très-in-
téressante l'invasion barbare des Mahrattes, dont l'innombrable cavale-
rie fut dispersée par la tactique européenne: les exploits des familles
royales de Dhar et de Sindia, et les aventures souvent dramatiques de
la vie toute guerrière de Hokar et d'Ameerkan. On remarque, dans
cet ouvrage, un chapitre important sur l'origine, les progrès et l'anéan-
tissement des Pindaris, tribu errante et belliqueuse de partisans in-
diens, dont les légers bataillons harcelaient sans cesse les troupes de
la compagnie. (Voy. Rev. £nc. , Tom. I , pag. 295.) Aventuriers par
goût et voleurs par profession , ces barbares pouvaient lancer sur les éla-
tablissemeDS florissaos de l'intérieur, et surtout des côtes, 3o,ooo hom-
mes de cavalerie armés à la légère, et qui dévastaient tout sur leur ra-
pide passage. Le plus hardi des chefs Pindaris , Cheetoo , fut forcé de
fuir, en 1817, dans les forêts inaccessibles de Eirwass, où les tigris le
dévorèrent, sans toucher à sa tête, qui fut rapportée dans le camp an-
glais. La nation des Pindaris n'existe plus. Leur dernier chef, Kurreen,
fut fait prisonnier, en iSiS , par sir John Malcolm , et mourut miséra-
blement. Celte horde a été absorbée par une compagnie de marchands,
commet' aigle d'Autriche a dévoré Venise— Le deuxième volume de cet
ouvrage est spécialement consacré aux recherches statistiques et de po-
pulation, aux systèmes législatifs, aux cours de justice. On y recueillera
surtout des ren.seignemens curieux relatifs à la levée des impôts , et des
conseils sur l'administration, que l'auteur adresse à son gouvernement,
avec une franchise peu ordinaire dans les hommes en place. Un volu-
mineux appendice, et une liste explicative de noms propres indiens,
LIVRES ÉTBAISGERS. 577
Icrmint-nl l'ouvrage. M. Dangcrfitld a enrichi ce second volume d'un
morceau neuf et important, la description géologique et physique de
la province de Mahva. C'est peut-être le seul travail un peu complet
de ce genre qui ait été entrepris dans l'Inde anglaise. Nos lecteurs ap-
prendront avec plaisir qu'une traduction française de l'ouvrage de sir
John Malcolm est sur le point de paraître. Ce livre, indépendamment
des faits qu'il renferme, a un côté fort instructif : comme tous les au-
tres ouvrages sur l'Inde, il prouve la toute-puissance de l'industrieet du
commerce. La compagnie commande à vingt royaumes; elle nourrit
leurs princes détrônés, et ces marchands paient exactement des pcn-
«ions aux familles des rois. Charles Coqueriîl.
210. — Sketch ofthe hislory and influence ofthe fress in hrilish In-
dia, — Esquisse de l'histoire et de l'influence de la presse dans l'Inde
britannique; par Lkicesteb Stawhope. Londres, 182Ô ; Chapple. In-8*
de 194 pages.
La liberté de la presse est une idée dont on ne s'occupait guère , il y
a un demi siècle, en Asie. Mais des états y naissent et se développent ;
ce sont des Européens qui les forment; il est tout simple qu'ils y trans-
portent les institutions qu'ils ont chez eux , en Europe : Us Portugais
transplantèrent à Goa leur inquisition; les Anglais introduisent à Cal-
cutta la liberté de la presse. Cependant, ce n'est pas sans peine que
l'on est parvenu à obtenir dans l'Inde anglaise les avantages dont jouit
la métropole. La presse a déjà eu ses vicissitudes sur les bords du Gange;
c'est ce que nous apprend l'esquisse du colonel Stanhope, qui a servi
dans ce pays , et qui , par conséquent , a été à même de se procurer les
documens nécessaires. L'auteur prend son sujet bien haut; il part des
tcms de Timur et d'Akbar, et il nous assure que , sous ces sultans, les
Indiens avaient pleine liberté d'écrire. Je voudrais bien savoir quels
écrits prouvent l'existence de la liberté de la presse, sous ces monarques
musulmans. ]\L Stanhope assure encore que , pendant que Warren-Has-
lings, lord Cornwallis et sir John Shore étaient gouverneurs de l'Inde,
on écrivait dans ce pays tout ce que l'on voulait. L'auteur aurait dû ci-
ter quelques faits à l'appui de son assertion. Lord Wellesley vint enfin
introduire la censure, après l'affaire d'un M. Allan INIaclean, le même
qui, dans la suite, a observé avec tant d'intrépidité les symptômes et
la marche de la peste en Turquie. M. Maclean s'était plaint dans les
journaux de quelques abus de l'administration de la justice : on avait
voulu le contraindre à demander pardon aux juges; il s'y était refusé.
Le gouverneur l'avait fait arrêter, et l'avait renvoyé ensuite en Europe.
Quand lord Moira , maintenant marquis d'Hastings, parvint au gouver-
578 LIVRES ÉTRANGERS.
nement de l'Inde, il abolit la censure de son prédécesseur, du moins
dans la présidence de Calcutta ; il rendit la presse libre, mais sous les
restrictions suivantes : € i» Les auteurs ne pourront point blâmer les
mesures et les démarches de l'honorable cour des directeurs (ie la Com-
pagnie des Inde^) , ni d'autres autorités anglai-es chargées de l'adminis-
tration publique dans l'Inde; ils ne pourront point discuter les actes
publics des administations locales de l'Inde, ni censurer la conduite
publique des membres du conseil, des juges de la cour suprême, et du
lord-évêquc de Calcutta. 2° lis doivent éviter toutes les discussions ten-
dant à répandre des alarmes ou dessoupçons parmi les indigèaesj rela-
tivement à quelque intervention européenne dans leur culte et religion.
5° Ils ne pourront réimprimer des passages de journaus. anglais qui ap-
partiendraient aux deux catégories précédentes, et qui nuiraient au
pouvoir britannique dans l'Inde. 4° l's doivent éviter le scandale privé,
et des remarques personnelles sur les individus, si ces remarques sont
de nature à ciciter des dissensions dans la !<ociété. • Le marquis d'Has-
tings reçoit du colonel Stanhope de grands éloges, et il se peut qu'il les
mérite; je ne connais pas assez l'histoire de son administration pour
prononcer sur ce point. Accordons aussi au colonel Stanhope, que c'est
dans des intentions très-louables que le gouverneur a imposé ces restric-
tions à la presse. L'auteur en cite une preuve. D'imprudens mission-
naires, après s'être familiarisés avec les langues des indigènes, se ser-
vaient de ces idiomes pour prouver, dans des termes virulens, aux Hin-
dous, l'absurdité de leur culte et de leurs préjugés religieux. Les indi-
gènes, loin de se convertir au christianisme à la suite de ces prédica-
tions, s'irritaient contre les Européens, et les haïssaient un peu plus
qu'auparavant. On pense bien que la Compagnie des Indes n'a pu voir
d'un œil tranquille ce zèle intempestif, qui pouvait disposer les Hindous
à se révolter contre l'ordre de choses actuel; il a donc fallu mettre un
frein au prosélytisme : c'est ce qui a donné lieu a la seconde des restric-
tions imposées a la presse par le marquis d'Hastings. Mai» cette part
faite par la prudence est si considérable, que la presse perd à peu
près ce qu'elle peut avoir de salutaire dans l'Inde. En effet, si elle ne
peut éclairer la conduite publique des autorités, signaler les abus,
avertir des démarches mal réfléchies, l'écrivain se trouve privé de sa
plus belle mission, et il ne lui reste d'autre rôle que celui d'amuser les
lecteurs, au lieu d'instruire la nation. Comme chaque gouverneur de
rinde britannique arrive à son poste avec un système particulier, 11 se-
rait passible que le succesoeur du marquis d'Hastings n'eût pas main-
tenu les dispositions de son prédécesseur. Dans tous les cas , il serait à
LIVRES ÉTRAiSGERS. 579
lésirer que le priucipe de la liberté de la presse fût reconnu comme loi
ondamentale, et que Ton ne put varier que sur la manière de prévenir
ïs abus. D — G.
^11. — ^n Essay on criminal laws. — Essai sur les lois criminelles;
ar Andrew GtLV,t.-s. Londres, 1825 ; Longman. Brochure in-8».
L'auteur de cette brochure discute avec beaucoup d'habileté sur la
lature, le but et l'application des lois criminelles. Selon lui, les ofiense.s
ontre les individus et contre la société doivent seules être punies. 11
e voudrait pas qu'on imposât de peines légales aux personnes accusées
'cireuses envers la Divinité, genre de délit , dit-il, qu'il est fort difE-
ile, sinon impossible, de déterminer d'une manière précise. Ce raison-
lenient semble faux, car tout scandale réafjit sur la société, qui doit
tre protégée par les lois. Du reste, au milieu de beaucoup de sopbis-
nes , il y a dans ce petit ouvrage des aperçus lumineux et quelques
Jées saines.
212. — Tite triais ofMarijared Lyndsay. — Les épreuves de Marguerite
/Vndsay, par lauleur des Ombres et des clairs de ta vie Ecossaise, d'yi-
lam Blaie , etc. Edimbourg, 1823. Londres, William Blackwood et T.
ladell. Un vol, in-12, de 4o5 pages.
Il y a un talent très-remarquable dans ce roman, dont néanmoins,
.'S incideus sont souvent fort cxtravagans. On y voit figurer des person-
lagcs d'autant plus ignobles, qu'ils sont peints avec vérité. L'auteur
st doué du talent d'observateur et de beaucoup d'énergie; mais il abu-
e parfois de cette dernière qualité. 11 semble, du reste, avoir écrit sous
influence d'une secte religieuse, et l'on pourrait le croire méthodiste.
I promène son héroïne de malheurs en malheurs, qui sont, comme
annonce le tilie, autant d'épreuves dont elle sort victorieuse. Les gens
icieux qui l'entourent, servent à faire ressortir son innocence. Les ca-
astroplies terribles se succèdent avec une effrayante rapidité; les scènes
le désolation remplissent la moitié du volume. Dans cet ouvrage, la ré-
gion a des formes austères, qui éveillent plutôt la crainte que l'atten-
Irissement. Le talent de l'auteur a une teinte sombre et parfois fanati-
[ue ; il finit pourtant par <lonner la palme à la vertu. Après bien des
ribulations, Marguerite devient enfin heureuse; mais on ne comprend
las qu'elle puisse le devenir; on sent qu'à sa place on ne saurHit plus
être. Elle a vu son père livré au vice et à la misère, condamné à des
leines infamantes. Elle a vu mourir ses sœurs, ses amis ; une jeune fille
[u'clle aimait s'est corrompue. L'époux qu'elle avait choisi a une pre-
uière femme et un enfant qui viennent l'arracher des bras de Margue-
ile; il s'enfuit, sa femme meurt, et après une longue absence, il vient
58o LIVRES KTRANGEES.
retrouver celle dont il avait trompé la coofiancc. Voilà le bonheur qui a
coûté tant d'épreuves et de chagrins à la pauvre fille. Il semble quel»
plume de l'auteur se prête à rcgrvt à lui accorder cette compensation
de SCS pi ini's; et quelle compensation! On voit combien le plan est dé-
raisi>nnabIo ; mais les déldils sont quelquefois étouuans de vérité. Il se-
rait à désirerquePauteur de iN'aiguerite Lindsay pût étudier une nature
plus riante , ou que du moins il ne rembrunît pas autant ses ta-
bleaux.
210. — Transactions oflhe Society oftfie Antiquaries of ScoUand. —
Transaction de la Société des antiquaires de l'Ecosse. Tome II , se-
cor)de partie. Edimbourg, iJ<25; W. el C. Tait. Un vol. in-4°5 de 544
pages.
Les antiquités de l'Erosse étaient négligées , lorsqu'une association
s'est formée, dans le but de sauver de l'oubli les monumens anciens.
Mais, déjà, elle semble disposée àse livrer aux commentaires, aux con-
jectures savantes; déjà elle abandonne les faits pour les suppositions. Il
serait à désirer qu'une pareille société s'occupât surtout à recueillir les
traditions qui ont rapport aux édifices gothiques, qu'elle embrassât l'en-
semble des sitcles passes, qu'elle fût la dépositaire de tout ce qui se
rattache à l'histoire locale d'un pays, qu'elle ne se bornât pas aux des-
sins fidèles des vieux châteaux, des couvens , des abbayes; mais qu'elle
nous donnât l'historique de ses babitans, leurs traits caractéristiques. De
quel prix seraient ces annales pour les historiens, les romanciers et les
poètes! Que de recherches elles éviteraient! Combien de genres de
gloire elles serviraient! Quel charme ne prètcraient-elles pas à l'his-
toire d'un pays! Mais une fidélité sciupulcuse devrait être leur première
règle. Ces registres n'auraient de valeur, que pour leur exactitude. L'his-
toire des tems les plus reculés prendrait une couleur vraie; les délaiU
ajouteraient un nouvel intérêt a l'ensemble. — Mais, laissant ce qui de-
vrait être pour ce qui est, revenons au volume que nous annonçons, il
se compose de dix-sept articles : l'un a rapport à l'Angleterre; un autre
a la Grèce ; un troisième à l'ile de Man ; tout le reste traite de l'Ecosse.
Le premier de ces articles, consacré à rechercher le lieu où se passa
l'action entre Galgacus et l'armée romaine, est intéressant; mais il est
singulier que ce sujet soit encore discuté. L'auteur prouve assez victo-
rieusement que c'est à St ne-Havcn qu'eut lieu ce combat, et non à
Ardoch ou à Comrie , comme on l'a dit. — Une description de quelques
colonnes sculptées dans le nord de l'Ecosse est accompagnée de des-
sins. — Le catalogue des livres appartenant à la cathédrale de Glasgow,
par ÎM. DilioD, cet un document plein d'intérêt el suivi de remarques ju-
LIVRES ETRANGERS. 5Si
dicieuses. Ce catalogue confirme cette opinion, que les anciennes bi-
bliothèques ecclésiastiques de l'Ecosse avaient peu de valeur et ne ren-
fermaient aticun des auteurs clas-iquos. — L'article qui vient ensuite est
le plus long, le pius savant, et le plus important du recueil. C'est uu
Essai historique sur un des événeniens les plus remarquables de l'an-
cienne histoire écossaise , sur lequel les historiens écossais ont formé des
conjectures très inexactes, la célèbre expédition de Ilaco, roi de Nor-
vège, et la bataille de Largs, qu'il livra aux Écossais. — Le docteur Boog
décrit la tombe «le la reine Bleary, dans l'église abbatiale de Paisley. —
On mémoire sur les inscriptions runiques, termine les articles de l'K-
cosse , dont nous n'avons cité que les principaux. En général , ce volu-
me est riche en matériaux ; mais , comme nous l'avons dit , on y remar-
que plutôt une tendance aux discussions sur les divers points d'archéo-
logie, qu'une direction philosophique vers un but réfl d'utilité.
2i4. — Scvcntecnth report ofthe direclors ofthe African fnsfilution.
— Dix-septième rapport des directeurs de l'Institution africaine, lu à
l'assemblée générale qui s'est tenue le 16 mal. Londres, iSiô; Colburn.
Un vol. in-S"; prix 4 scheilings.
Il est affreux de voir échouer les efforts de tous les phi'antropes éclai-
rés qui se sont réunis pour abolir enfin l'odieuse traite des noirs. Le»
gouvernemens opposent leur apathique insouciance aux appels répété»
des hommes humains , et aux cr:s des victimes. On trouve, dans ce rap-
port, le récit détaillé des importantes négociations de Vérone à ce su-
jet; mais ni représentations, ni prières n'ont pu vaincre l'inertie des
gouvernemens. Cette brochure contient aussi des informntions intéres-
santes sur les tentatives laites, dans différentes parties du monde, pour
abolir la traite des noirs. On y fait mention du comité pour l'abolition
de la traite , établi dans le sein de la Société de la morale chrétienne ,
fondée à Paris depuis deux ans. Vient ensuite une notice sur les Socié-
tés qui ont été formées et qui se forment encore dans différentes parties
de l'Angleterre, et dont le but est de faire dispaïaître l'esclavage dan»
les colonies anglaises. Il est probable que ces Sociétés publitrout les
documens les plus précis sur cette question , et qu'à la prochaine séan-
ce du parlement, elles renouvelleront leurs demandes en faveur d'un
nouvel ordre de choses. Les maux occasionés par l'esclavage en Amé-
rique ne semblent pas être du domaine de l'Institution Africaine , puis-
qu'il n'en est point parlé dans ce rapport. iVlais ces maux s'aggravent
rapidement; et si les amis de la justice et de rhumanité ne redoublent
pas de zèle et d'énergie, un système infâme de tyrannie et de souffrance,
ieiublable à celui de Saint-Domingue > i'organisera aux £tats-Unii.
58a LIVRES ETRANGERS.
On assure qu'on s'occupe du moyen d'inlroduire l'esclavage dans ceux
des états où il n'existe pas encore. Si cela était possible dans le pays de
la libellé et de la tolérance religieuse, où donc la justice et Thuinanité
auraient-elles désormais un asile? L. Sw.-Belloc.
2i5. — Brilish and foreign pinlantroptc Society, for ihe fermement
relief of the laboiiring classes. — Société philantropique et étrangère,
pour le soulagement des classes laborieuses. — Prospectus. — Londres,
iSaô; Applegath. lu-fol.
On vient de fonder à Londres une Société dont le but est d'offrir aux
classes inférieures des secours permanens, en établissant des commu-
nautés, dans le sein desquelles la coopération active de chaque membre
contribuera à l'ai.sance générale , et qui, au moyen de l'éducation , des
bons exemples et du travail , doivent réussir à extirper les maux enfan-
tés par l'ignorance, les habitudes vicieuses , la misère et l'oisiveté. Cette
Société, véritablement philantropique, ne restreint pas sa sphère d'ac-
tion à la seule Angleterre; elle veut l'étendre sur toute la surface du
globe ; et , à cet effet, elle a pris des mesures pour faire connaître aux
classes élevées de tous les pays, comment elles peuvent , sans sacriGcc
pécnniaire, et peut-être même avec des avantages réels, concourir à
cette œuvre de bienfaisance. Le prospectus publié dans ce but est sous
nos yeux. Il expose d'abord l'organisation de la Société; puis, il offre
les règlemens qui doivent servir de base à la formation des communau-
tés projetées. IS'ous ne pouvons que reconnaître l'utilité dont seraient
de semblables établissemens, et approuver les règlemens que l'on con-
seille de leur appliquer. Ce sont des vues analogues à celles que la Revue
a eu déjà occasion de signaler, dans une notice sur la colcoie de New-
Lanark, en Ecosse, et sur les travaux de Robert Owen. [^oy. T. XVIII,
pag. 5.) Il s'agit de réunir les communautés dans un village, où l'on
affecterait une étendue de terrain suËfisanle pour subvenir aux besoins
de tous. Les travaux des membres seraient répartis en 7 départemens ,
ceux de l'agriculture , des manufaclurcs et métiers , du commerce, de
l'économie domestique ou police intérieure des habitations, de la police
extérieure, de l'hygiène et de la médecine, enfin , de l'éducation. Les
talens , les forces de chaque individu se trouveraient ainsi convenable-
ment employés pour le bien de tous. Nous abrégeons beaucoup les dé-
tails assez longs que contient ce prospectus, pour en extraire quelques-
uns des articles les plus remarquables. — Article i^. Coinme, d après
les arrangeruens proposés, chaque invention pour abréger et simplifier
le travail des hommes sera la cause d'une augmentation du bien-être gé-
néral, un des premii.rs soins sera d'inlroduire, autant que possible , dans
LIVRES ETRA^^GERS. 583
la communauté, tous les perfectionncmens modernes dus aux sciences,
et dont le lésullat sera de l'.iire, du travail manuel , un exercice salutaire
et agréable. — /article i8. Pour éviter les maux inséparables d'un sys-
tème de crédit, toutes les transactions commerciales auront lieu en ar-
gent comptant. — Articto 21. Les occupations des femmes seront la
préparation des alimens, le soin des vêtemens et des maisons, l'éduca-
tion première et partielle des enl'ans. — Les articles 22 et 23 ont pour
objet les règlemens relatifs à la propreté , à l'bygiène et aux secours dus
aux malades. — L'article 24 traite de l'éducation. Ellcser.i la même pour
tous les enfans. Elevés ensemble, habitués à ne former qu'une seule fa-
mille, ils s'accoutumeront aussi de bonne heure à l'égalité de droits, qui
est une des bases de la communauté. Ils apprendront à lire , à écrire , à
compter couramment. On leur enseignera les élémens des sciences uti-
les, entre autres, de la géographie et de l'iiisloire naturelle. On leur don-
nera des notions d'agriculture et d'économie domestique; lisseront,
de plus, exercés à un art mécanique, ou à quelque autre occupation uti-
le. Pour former leur intelligence, pour les rendre charitables et bien-
veillans, on s'attachera surtout à leur donner une connaissance exacte
d'eux-mêmes et de la nature humaine. Les exercices gymnastiques n'ont
pas été oubliés. A seize ans, les jeunes gens auront le droit, soit de de-
venir membres de la communauté , soit de rentier dans la société géné-
rale, avec tous les avantages qu'il sera possible de leur procurer. Du
reste, tout membre de la communauté a la libcité de la quitter, et il re-
çoit alors tous les secours que les circonstances permettent de lui accor-
der. Des matrones sont choisies poui diriger les jeunes mères dans les
soins qu'elles doivent à leurs nourrissons. Nous ajouterons encore queP
ques-uns des passages les plus curieux. — Article 27. En hiver, ou dans
les mauvais tems, il y aura des amuscmens et des délai^semens intérieurs,
propres à soulager des fatigues et des occupalious ordinaires. — Art. 28.
Chaque membre aura une liberté entière de conscience. — Article 3i.
Un membre nouveau ne sera admis qu'après le consentement des trois
quarts des membres. — Article 53. Tout individu dont la conduite sera
jugée nuisible au repos ou au bien être général, quittera la communauté ,
sur la décision des trois quarts des membres. — Article 38. Comme ce
système est directement opposé à toute espèce d'exclusion ou de mys-
tère, les étrangers auront une entière facilité d'étudier les lois et la situa-
tion de la communauté. — A'ous n'avons pas encore parlé Ce la manière
dont cette communauté, ou plutôt dont toutes les communautés, éta-
blies sur ce plan, seront dirigées et gouvernées. Comme la Société phi-
lantropiquc fera tous les frais nécessaires à leur établissement , elle se
584 LIVRES ETRANGERS.
réserve de nommer annuellement, à cet effet, un comité de douze mem^
bres. Mais, aussitôt que la communauté aura remboursû les avances,
elle aura seule le droit de nommer les membres de son conseil d'admi-
nistration, subdivisé, comme nous l'avons vu , en sept conseils, dont
chacun aura son département distinct. Le conseil d'administration sera
chargé de communiquer au gouvernement du pays, toutes les fois que
cela sera nécessaire, les détails et les explications qui pourraient être
demandés sur l'état et les affaires de la communauté. — Nous avous saisi
avec empressement cette occasion de participer à une belle entreprise,
en contribuant à la faire connaître. Sans doute, l'exécution de ces pro-
jets d'une pbilantrople éclairée est difBcile, mais il n'est point d'obs<
tacle que le véritable zèle ne puisse surmonter. Ce que des hommes
gans volonté forte auront appelé de beaux rêves, des hommes actifs et
énergiques parviendront à le réaliser. Il faut faire des vœux pour que
l'énergie nécessaire soit unie , chez les membres de la Société philan-
tropique , aux lamiéres dont ils ont donné des preuves , en publiant leur
plan. A. J.
2 16. — La Bibliotheca americana. — Bibliothèque américaine, T. I*'
(juillet, août et septembre 1825). Londres, i825; imprimerie de doo
G. Marchant. — Bossange, Great-Mariborough-Stieet , n° i4. Prix, 18
schellings les trois cahiers, qui composent le premier volume.
Lorsque nous avons publié le prospectus de cet ouvrage, nous nous
«ommes bornés à exposer le but et le plan des éditeurs, et les moyens
dont ils s'étaient environnés pour le succès de leur entreprise. Les
trois premiers numéros qui viennent de paraître donnent lieu à quel-
ques observations, par lesquelles nous allons commencer, avant de
rendre un compte sommaire des objets traités dans ce premier vo-
lume de la BiUiothèque américaine. — Cet ouvrage est rédigé pour
les nouveaux états de l'Amérique, formés par l'émancipation des co-
lonies espagnoles. Les rédacteurs sont citoyens de l'une de ces répu-
bliques; ils viennent recueillir en Europe les connaissances qui leur
paraissent les plus utiles à leur patrie. Ils sont actuellement en An-
gleterre, où la liberté de la presse éprouve le moins d'entraves; et,
s'ils avaient connu sur le continent une station aussi sûre, aussi com-
mode , aussi bien pourvue de ce qu'ils veulent importer dans leur pa-
trie, ils l'auraient peut-être préférée à celle de Londres : ils imi-
tent le navigateur qui choisit les ports les plus sûrs, sans tenir compte
des droits d'ancrage. On doit dune considérer leur travail comme ap-
partenant aux lettres américaines , quoiqu'il sorte des presses anglaises,
de même que les enfans , nés dans le cours d'un voyage, sont étranger*
LIVRES ETRANGERS. 585
au lieu de leur naissance, et adoptés parla patrie de leurs parcns. La
Bihliollièqtic américaine est réellement une production des nouvelles
répubiiquis du Woiiveau-Moade , et c'est en cette qualité qu'on doit
s'e^n|l^<■s^er de l'accuciliir dans toute la lépublique des lettres. — Les ré-
daclcnra de cet ouvrage admettent les trois divisions suivantes: \° Hu-
maniti's et arts libcraux; 2° sciences niathf.ina tiques et physiques, et
leurs a;ipiicationâ ; Ti" id^^oiogie , morale ci histoire. Chacune de ces
divi-.ions forme un cahier séparé, et les éditeurs ne s'attachent point à
donner a tous les cahiers à peu près la môme grosseur : ils se règlent sur
l'abond.ince des matières, ou d'après les besoins de leurs compatriotes.
Peur nous autres Euiopéens, la première et la troisième divisions nous
offriront long-tems plus d'objets nouveaux que la seconde, sur laquelle
l'Amérique n'est pas eucore en état àc suivre les travaux des savans eu-
ropéens. Eu iiltératiire, les productions des pays éloignés, où les mœurs
ne sont pas tout-à-fait les nôtres , et où les objets de la nature sont très-
dilférens, ont nécessairement un caractère d'^étranjeté qui excite la cu-
riosité ; en histoire et en morale , tous les peuples contribuent également
à l'instruction de tous, en rai?on des événemens et des faits observés.
Dans la partie liilcraire de ce premier volume , on lira avec intérêt une
dissertation .-.ur les teuvres poétiques de Cicnfucgos, poète espagnol peu
connu hors de sa patrie, quoique très-estimé de ses compatriotes. Mais,
ce qui sera lu avec plus d'intérêt encore , c'est une exposition sommaire
des antiquités du Pérou, des observations sur les lois coloniales de
riDspagne, et sur l'indépendance de ses plus importantes colonies; un
ordre au vice-roi du Pérou, portant la suppression d'un collège fondé à
Lima pour l'instruction des enfans des anciens Caciques, à cause du
danger de répandre l'iustruction parmi ces hommes; le récit de plu-
sieurs traits de courage des femmes américaines; l'histoire de la répres-
sion des premiers troubles de la ville de Lapaz, en 1809; le siège de
Carthagène par Morillo , la conduite atroce de ce chef envers les mal-
heureux liahitaos de cette ville, et elle du brigadier Calleja envers les
babitans de Guaiiaxuato , qui avaient osé défendre leur ville : « Demain
et les jours suivans, écrivait-il au vice-roi du Pérou, je ferai passer par
les armes une partie des plus coupables, pris dans tous les rangs; et,
si CG\.X*t déutonstration n'est pas suCQsante , que votre grâce veuille bien
me mauder ce que je dois faire, d Et c'est dans un pays , témoin de tous
ces crimes , que l'on ose proposer une amnistie aux victimes, pourvu
qu'elles rentrent sous la domination di* leurs bourreaux ; — Aous ne per-
drons pas de vue cet intéressant recueil, et nous oonsacerons un article
plus étendu aux livraisons qui ne tarderont point à paraître ; car les ré-
T. XX.. — Décembre ibaâ. 58
586 LITRES ETRAISGERS.
dacteurs annoncent la résolution de surmonter toutes les difiîcuîlés, et
de continuer leur louable entreprise avec autant de zèle qu'ils l'ont
commencée. F.
21'j. — The asiatic journal , etc. — Journal asiatique. Cahier d'oc-
tobre 1820, n» XCIV, Vol. XVI. Londres, 1823 ; Kingsbury, Parbury.
Cent pages iu-S"; prix , 2 schellings 6 pences.
Ce journal, auquel nous empruntons quelquefois des nouvelles de
l'Asie, est plus spécialement destiné à faire connaître la nature des pos-
sessions anglaises dans l'Inde, le climat, les productions du pays, les
ressources qu'il offre, les mœurs des habitans , etc. Comme nous avons
déjà eu l'occasion d'en parler, nous renvoyons le lecteur au XVI*" volu-
me de la Revue, page 52j, où il trouvera des délails sur son plan, son
but, et sur les principaux articles de la 8' livraison. Celle que nous an-
nonçons contient, entre autres choses curieuses : 1» Un aperçu du sys-
tème religieux des Hindous. L'auteur s'appuie du témoignage et des ob-
servations de M. Lanjuinais, développées dans son analyse de l'Oup-
nek'hat, traduit en latin par Anquelil Duperron ; analyse insérée dans
le Magasin Encyelopùdîque i-'iViin<j, pour combattre les opinions de
M. Alill, dans son Histoire des Indes britanniques. 2° Une description
abrégée du ilalwah. 3" La suite de l'édit sacré de l'empereur Kang-he ,
avec les caractères chinois et leur signification. 4° Le récit d'un AnglaL»,
qui est parvenu à empêcher une veuve , de la caste Kunaït, de se brûler
vivante sur le bûcher de son mari. 5° L'analyse d'une petite brochure in-
dienne, par un naturel du pays, présentatit des notions sur la religion des
Hindous. 6° Des palenles du roi de Cocbinchine, traduites du français de
Bissachère. 7° Une visite aux cbréliens de la Syrie, tirée du Journal d'un
voyage dans l'Inde mcridîonale, en 1821 et 1822, par un officier de ca-
valerie anglaise. 8° Nouveau système de législation en Polynésie, Otahili.
(Voy. Rev. Enc, T. XIX , p. 210). 9° Les règlemens du nouveau port
de Singapour. (Voy. Rev. Enc.,Tota. XIX, pag. 463, les délails que
nous avons donnés sur cet établissement, traduits de l'anglais du Jour-
nal asiatique], 10° Lettre sur la civilisation de l'Inde, adressée à l'édi-
teur. 1 1* Examen de caractères arabes gravés à Paris , par Mole, sous la
direction de ^L Langlès, et d'un spécimen de l'imprimerie d'Everat.
12» Extrait d'une lettre de Java, en date du 6 janvier, annonçant l'ir-
ruption de plusieurs volcans dans différentes parties de l'île. i3° Revue
d'ouvrages concernant les Indes, entre autres, des lettres sur l'état du
christianisme dans l'Inde, par l'abbé Dubois , missionnaire dans le Mis-
sour. 14° Nouvelles philosophiques et littéraires, tic. L. Sw. B.
LIVRES ETRANGERS. 587
RUSSIE.
218. — Grammaire russe, à l'usage des étrangers qui désirent con-
naître à fond les principes de celte langue , précédée d'une Introduction
sur la laiipie slavonnc; par Ch. Ph. Beiff (en français!. Saint Pëters-
bouffç, 18/1; impiiiiierie de N. Gret,ch. Paris, Dulart, quai Voltaire.
In-8" lie xvi et 296 pascs.
Les derniers événeuien* arrivés en Europe, et dans lesquels la Russie
a joué un rôle si important, ont attiré tous les regards sur cette vaste
contrée, si neuve encore pour les étrangers. La curiosité une fois exci-
tée, on a commencé à examiner attenliveraenl la Russie sous divers
rapports; on s'est occupé de la langue du pays, de sa littérature , et l'on
a remiirqué , avec un plaisir mêlé d'élonnemcnt , que l'empire des tzars,
dans tous les genres de gloire, n'él^iit pas resté lonj,'-teins en arrière de
l'Europe. L' Anthologie russe , publiée en anglais par M. Bowring (voy.
Rev. Enc, Tom. X, j.ag. 55j-56y), a éveillé l'attention et mérité les
éloges des critiques anglais et français. M. Von dor Borg, dans une
traduction élégante et fidèle, a fait connaître aux Allemands un choix
de poésies russes. M. Dupré de Saint- Maure, à son tour, à publié ré-
cemment à Paris une Anthologie russe, où les Français ont pu prendre
une idée favorable des poètes dont il a essayé de reproduire les chefs-
d'œuvre. ( Voy. Rcv. Enc. , Tom. XIX, p. .85. ) II faut espérer que les
littérateurs de tous les pays se rapprocheront de plus en plus des littéra-
teurs russes, auxquels ils aimeront quelquefois à faire des emprunts.— Un
grand obstacle pour les étrangers s'était opposé jusqu'ici à ces commu-
nications, si utiles à la fois pour ceux qui donnent et pour ceux qui re-
çoivent; c'étaient les difEcullés que présentait l'étude de la langue
russe, de cette langue qui diff-re entièrement des autres langues de
l'Europe. Plusieurs de ceux qui ont entrepris de faire connaître des
productions russes, hors du pays et de la langue où elles avaient été
écrites , se sont vus obligés de se servir de traductions littérales, qu'ils
se bornaient à revêtir des formes de style propres à la nation dont ils
voulaient enrichir la littérature. Mais, dans un pareil travail, comment
se flatter d'avoir atteint celte exactitude, cette fi^Jélité si indispensable
dans ies ouvrages d'imagination comme dans les ouvrages de science.'
Déjà. M. Tappe avait rendu un grand se rvice aux Alltmands, en publiant
sa Grammaire r-.ssc, accompagnée d'exercices pratiques; mais, pour
étendre lu connaissance de cette langue dans toutes les contrées de l'Eu-
rope, il fallait emprunter un idiome généralement connu: il fallait une
grammaire écrite en français. Les essais de MM. Charpentier, Maudru
588 LIVRES ETRANGERS.
et Hamonîère, malgré le mérite de leurs auteurs, laissaient beaucoup
à désirer, sous le rapport de la concision et de la clarté. L'ouvrage de
M. Reiff nous semble avoir rempli d'une man'ère beureuse une lacune
imporlante. Composée d"après les meilleurs modèles, sa Grammaire mé-
rite l'attention , non-seulement dfs étrangers, mais encore des Russes
eux - mêmes , qui doivent voir avec satisfaction la conpaissance de
leur langue et de leur littérature se répandre de plus en plus en
Europe. — M. Reiff, dans une Introduction sur la langue stavonne,
pense qu'il est vraisemblable que cette langue s'est formée, ainsi que
le grec, le laiin et l'allemand, du samskrit, ancienne langue des Hin-
dous. Il a divisé sa grammaire en quatre parties : Etymologie des
mots, lexicologie, syntaxe et orthographe. Cette dernière n'occupe
que sept pages ; encore , deux de ces pages sont-elles consacrées à une
table d'homonymes. Ceci ne paraîtra pas étonnant, quand on saura que
les mots russes s'écrivent comme ils se prononcent , et que la seule dif-
ficulté qu'ils présentent est dans l'emploi des lettres dont la prononcia-
tion est à peu près semblable. Une cinquième partie contient les règles
de la versification russe ; enfin, un supplément traite de l'alphabet slavon,
des rangs et des titres parmi les Russes; puis, des poids, mesures t't
monnaies du pays. L'utilité générale de ces derniers renseignemens pour
les étrangers, doit les faire juger très-convenables à la suite de cet ou-
vrage , où chacun aimera à les retrouver nu besoin. — L'Académie russe
a accueilli la Grammaire de iM. Reiff, et lui en a témoigné toute sa sa-
tisfaction dans une lettre de remercîment , où elle lui dit que son livre
mérite, à juste titre, des éloges particuliers. L'auteur, à la fin de l'Intro-
duction dont nous avons parlé plus haut , se loue beaucoup (ies conseils
et des secours qu'il a trouvés dans la bienveillance éclairée de M. Gretscb,
littérateur distingué , dont nous avons déjà eu plusieurs fois l'occasion
d'entretenir nos lecteurs, et auquel les étrangers devront une Histoire
de la littérature russe , dont la traduction française paraîtra incessam-
ment à Saint-Pétersbourg. E. H.
POLOGNE.
2ig. — Ch. Ph. Reiffa, Grammatyka rossyyska dla uzytku cudzo-
ziemcow napisana, przetozona z francuzhiego içzyka i potreseèncmi
dodathami do uzytku Polakoxv zastosowana przez A. B, Klebovvicza ,
handydata fitozofii. Wilno, iSaT); drukowat Jàzef Zawadzki, In-S" ,
XVI— 189 str.
C'est la traduction, en polonais , de la Grammaire russe de M. Reiff,
annoncée ci-dessus ; a" 21S.
LIVRES ETRANGERS. 58c,
SUÈDE.
320. — Sanilinqar i ailmcin physih, forstadelen, fragmenter af na-
tur-fliiluso'phiens och natur-târan liistoria. — Collection de inalériaux
relalil's à la physique générale. — Première partie. — Fragmens de l'his-
loire de la pLilusophie, et de la physiqv.e naturelle.
La première suhdivision de ce livre contient un compte rendu de
tout ce que les observateurs et les penseurs les plus célèbres, depuis les
tcms les plus reculés jusqu'à nos jours, ont imaginé et proposé comme
rnison suffisante de l'origine de la nature, des lois de ses phénomènes,
de leurs rapports réciproques, des rapports de l'homme avec eux , et de
ses Mpporls avec un autre monde, auquel l'homme sert probablement de
chaînon avec celui-ci, etc. L'auteur n'a pas fait uniquement, comme
tant d'autres , des extraits d'anciens livres, pour en former un nouveau.
Ce n'est pas seulement d'après les autres qu'il décrit les parties les plus
élevées de la pliilosophie naturelle. L'on voit qu'il se trouve placé sur
un des sommets d'où sa vue s'étend sur les régions inférieures. Son ou-
vrage annonce à la fois de profondes méditations , et une érudition im-
mense. La seconde Suhdivision cnnl'icnt l'histoire de la météorologie, de-
puis son origine jusqu'à nos jours. Partout cet ouvrage ofiTre, dans le style
et dans les pensées, une élévation qui commande l'attention, et nourrit
l'esprit du lecteur. L'auteur en promet la continuation.
22 1. — FâHniarskathen grefve Dahlhercjs egenhândigs fôrfatta de
dagtock. — Journal manuel du sénateur, gouverneur-général et feld-
maréchal comte de Dahlbebg.
Peu de grands hommes se sont distingués, en Suéde , par une activité
aussi constante que celle de feule comte de Dahibcrg. Connu pour avoir
partagé la gloire militaire des rois Charles X, Charles XI et Charles XII,
pour avoir donné les plans dts passages des Belts et du Diina , et s'être
montré au rang des premiers ingénieurs de son tems, il est encore auteur
et dessinateur de l'ouvrage intitulé : De Sueeiaantiquaet /lodiema, et a de
plus fourni les dessins des batailles de Charles X, qui ornent l'histoire de ce
roi, par Puffendorf. Les notes journalières qu'il a recueillies ne sauraient
donc manquer d'être d'un grand intérêt pour l'historien, ainsi que pour les
amis des arts et des sciences. Ce que l'on doit surtout aimer en lui, c'est
une simplicité de style qui inspire la conûance; il parle toujours avec
modestie de lui-même; avec franchise , mais sans haine, de ses enne-
mis. Quiconque aura commencé la lecture de ce livre, l'achèvera sans
doute , et se seutira élcctrisé par ces sentirnens de civisme , de fermeté,
590 LIVRES ÉTRANGERS.
d'héroïsme, de religiosité qui distinguent son auteur. Les lettres doivent
de la reconnaissance au descendant du comte de Dahlberg qui, posses-
seur du manuscrit original, a bien voulu permettre qu'on s'en servit
pour la confection du journal que nous reconimandons à nos lecteurs.
G — G.
NORVÈGE.
222. — Politishe Apfwrismer , etc. — Apliorismes politiques , ou Con-
sid'irations sur les gouvernemens en général et la constitutioD du royau-
me de Norvège en particulier, ainsi que sur les propositions royales et
autres, qui seront dirsculées à la diète ordiuaire de iSaj. Gbristiansand ,
août, 182J. In-S", de 210 page».
Ce petit ouvrage est très-remarquable. L'auteur, avec la prudence et
le ton de modération que lui impose sa situation individuelle, y exanii-
ne tous les projets de changemens à la constitution de son pays, pré-
sentés pour être discutés à la diète prochaine , qui doit s'ouvrir le 1" fé-
vrier 1824. II se montre peu favorable à ces innovations, qu'il combat
au moyen d'argumens que nous croyons très-diCBciles à réfuter. Malgré
le slyle un peu négligé de cet écrit, les argumens qu'il renferme sont
présentés avec une lucidilé extrême, et il nous semble que l'auteur est
parvenu à les mettre à la portée de tout le monde. Il ne se nomme pas ;
mais il dit, à la fla de son avant-propos, qu'il ne cherche nullement à
garder l'incognito, et qu'au contraire il se nommera à quiconque dési-
rera le conûaître. Nous ne blesserons donc pas les convenances , en ap-
prenant à nos lecteurs que l'auteur des Afhorismes politiques ti,X INL le
capitaine Broch, homme instruit, qui jouit de l'estime de tous ceux qui
le connaissent. Nous sommes très-persuadés que le roi Charles-Jean a
dû apprendre, avec plaisir, qu'il a, dans son armée norvégienne, des
hommes qui manient également bien la plume et l'épée. Puisse cet ou-
vrage de M. Broch tourner à l'avantage de sa patrie; l'auteur aura eu
la douce satisfaction de sccpnder les vues de sou gouvernement , qui
tendent sans doute au même but, la prospérité du pays.
liEiBEac.
DANEMARCK.
■223. — iS'arratio (fc Lucio primo episcopo Roviano, etc. — Histoire de
révêque de Rome , L'.icius premier. Dissertation de M. le docteur /''rt'rf.
MuKTBE, évêque de Roskild, par laquelle il convoque son synode dio-
césain , pour le 2 juillet 1823. Copenhague, 1820. In-/|,°, de 22 pages.
LIVRES ETRANGERS. 591
Le pape Saint Lucien, dont on ne sait rien ou presque rien que sa
promotion en 262 et sa mort en 253, a été long-tems honoré, comme
martyr, dans l'église danoise, et particulièrement dans celle de Ros-
kild , anciennement la capitale du royaume. Voilà ce qui est fort sa\am-
ment prouvé dans celle dissertation , écrite par un évêque luthérien. Ce
qu'elle apprend de plus remarquable à nous autres méridionaux, c'est
que le pouvoir ahsofu du Danemarck est resté compatible avec la disci-
pline de tous les lemt^sur la tenue des conciles diocésains , pendant que,
de fait, les lilrertés réelles ou nominales du gouvernement repré.-ientatir
paraissent tendre à concentrer exclnsivemenl dans la personne de l'évê-
que , et dans celle du pape, toute l'autorité ecclésiastique, générale et
particulière. Autre observation : dans les gouverneraesis absolus de droit
et de lait, comme en Danemarck, en Italie, en Allemagne, on est inondé
de livres de pure érudition , la plus minutieuse. Les écrivains semblent
toujours penser davantage, dans les gouvernemens qu'on appelle re-
présentatifs. La.-vjlinais, de l' Institut.
2?.4- — Bemœrkningcr, etc. — Observations sur les romances nationa-
les danoises du moyen âge; par M. Christian Molbrch. Copenhague,
i8i3; Seideiin. In-8° de 126 pag.
Le Danemarck possède un grand nombre de romances nationales,
qui jettent beaucoup de lumière sur l'histoire, les mœurs et les usages
du pays, dans le moyen âge. Pour se faire une idée de l'abondance de
ces poésies, il suffit de dire qu'en 1812 et i8i5, iMM. Nycrup et Ralttck
en ont publié un recueil en cinq volumes in-S°; et cependant, dans
l'ouvrage que nous annonçons, M. Molbech nous assure (page 1 iû) que,
par les soins de M. Thiéle, employé à la bibliothèque royale de Copen-
hague, il a été découvert plus de 200 romances qui n'ont jamais été
publiées, et dont ce littérateur prépare une édition , qui ajoutera des
richesses considérables à la littérature de son pays. Quant à l'ouvrage de
M. Molbech, inséré d'abord dans les Mémoires de la Société Scandinave,
il est rempli d'observations judicieuses, et ne peut qu'augmenter la
réputation littéraire d'un auteur dont plusieurs écrits sont déjà connus
des lecteurs de la Revue Encyclofédiquc. iS'ous profilons de cette cir-
constance, pour leur faire savoir que M. Molbech prépare trois au-
tres ouvrages fort importans, savoir : i° un Dictionnaire de la langue
danoise, sur un plan diflerent de celui adopté pour l'Académie des
sciences ; 2° Matériaux pour servir à un vacahulaire du lavgagc du
peuple et des provinciaiismcs ; 5° une Histoire de la langue danoise et
de la littérature du pays. Heureusement, l'auleur, dans la force de son
âge , est entouré de toutes les ressources qui , exploitées par une main
592 LIVRES ÉTRANGERS.
si habile, promettent au Danemarck une source inépuisable de richesses
littéraires. Hebehg.
ALLEMAGNE.
223. — Die Anihr(ypoiogic als H'issensclioft. — L'Anthropologie con-
sidérée comme science ; par Joseph IIii.lebband , docteur et professeur
de philosophie à l'université d'Heidelberg. Mayence, 1822 et 1825 ;
Kupferbcrg. Trois parties inS».
Depuis quelque tcnis, la science de l'homme est devenue, en Alle-
magne, comme en France, l'objet des recherches de beaucoup d'hom-
mes éclairés. En effet, comme le dit M. Hillebrand : « Parmi tous les
objets qui s'offrent aux recherches et à l'investigation de l'bomnie , il est
lui-même le plus iîsiporl.mt, et en quelque sorte le premier et le dernier.
De quelque côté et aussi loin que les regards p'.nétrans de sa pensée
peuvent se porter dans la nature, il est toujours obligé de revenir au
point d'où il est parti, à l'homme. » Plus loin, il ajoute : cSans doute,
aucune branche des sciences ne demande autant d'applications répétées
des autres sciences, que la science de l'homme. Chaque progrès qu'a-
mène letems fournit de nouvelles expériences à l'appui de cette assertion.
Chaque résultat nouveau, obtenu par l'étude de la philosopiiie morale
et nalurrlle, par celle de l'histoire, introduit dans cette science une
nouvelle lumière. Ce motif seul devrait nous disposer à en faire l'objet
d'une attention s^érieuse. » Après ces observations préliminaires, dont
la justesse ne sera point contestée, l'auteur passe à l'exposition de son
système. — Il divise son traité en trois parties. Dans la première, il s'oc-
cupe de la connaissance de l'homme en général, ou de la situation de
l'homme dans l'ensemble des êtres ou dans la nature. D'abord, il traite
de la nature en général ; il la définit ; il parle de ses grands phénomènes,
de ses forces et de ses lois. Il prend pour objet de ses recherches la na-
ture terrestre, ses bases, sa formation, et jette un coup-d'œil sur les
créatures qui en dépendent; de degré en degré, il arrive à l'homme,
qu'il considèresous un point de vue général. — La seconde partie en? brasse
l'antltropoioqie proprement dite , la science de l'homme en p;irliculier.
Elle c,-.t divisée en deux sections : la première, intitulée somutologie;
la seconde, -psychologie. Trois livres composent la pr mière seiMion,
dans laquelle l'auteur examine, d'après les résultats les plus cirtuins de
l'anatomie, delà physiologie, et de l'histoire naturelle de l'homme, tout
ce qu'offre de plus important l'existence animale. Dans la section con-
sacrée à la psychologie, il s'occupe d'abord de la partie analytique de
cette science; il présente le développement de la vie de l'ame dans ses
LIVRES ÉTRANGERS. Sç^)
différentes sphères d'action, isolées et distinctes; puis, il arrive à la
partie synibétique, vi montre comment elles se rapportt^nt l'une à l'pu-
tre, comment elles contribuent à l'ensemble. Cette dernière partie est
traitée dans Us cbai.il rcs iuiilulés : Thconc de i'âme. Théorie de la
sensibilité, Th oric du cœur. Théorie de V esprit , et en dernier lieu,
Théorie des rapyorls entre i'dme et te corps. De là , il passe à ce qu'il
ai>pc\k- phénoménologie, ou sciencedts principaux pbénomènesderàmc,
qui comprend les songes, le somnambulisme, les maladies mentales, il
termine cette seconde partie par un aperçu sur les différences des âmes,
sur les divers carac'.ères qui distinguent les individus, les sexes, les
âges, les peuples. — Dans la troisième partie est vx\>osèe la théorie de
la culture de l'homme, ou i'anthropologe pragmatique. L'auteur a par-
tagé cette partie de son tiavail en deux sub avisions. Dans la première,
où il s'occupe de la théorie en général , il examine ce que doit être celte
culture; quelles sont les différentes destinations de Ihomme; enfin,
quels obstacles ou quels moyens auxiliaires s'oÛ'rent pour fariliter celte
culture, et quels sont ses print ipaux objets. Dans la seconde subdivision,
spécialement consacrée à la partie historique, et qui termine l'ouvrage,
il retrace les diverses périodes et les époques parlicuiièjes de cette cul-
ture. L'origine et la source de toute culture; l'histoire de ia société hu-
maine, d'après celle des principaux peuples; l.i civilisation des pays de
rOrienI; celle de l'E irope, chez les peuples anciens et modernes; la
civilisation des pays situés hors de l'Asie et de l'Europe; enfin, les ré-
sultats généraux que procurent, pour la science de l'humanité, 1 his-
toire et la philosophie. Telles sont les matières de la dernière portion du
vaste et intéressant travail dont nous tâchons ici de donner un rapide
apeiçu. A. J.
226. — Die Insel Nordcrncy und ihr Seebad.—h'ile de Nord, rney et
ses bains de mer; par le docteur F. /r. deHalku. Hanovre, 1S22. Id-S".
Le cunllnent de la Frise orientale est entouré d'une ceinture d'îles,
qui présentent, à la vue de celui qui les aperçoit de la digue, nomme
une vaste mui aille de sable biane. Deux ou tiois liiues de mer sép:.rent
ces îles de la Terre lirme; et souvent le refiux, mettant à sec cette vaste
plage, permet à l'homme de laire le trajet à pied. Mais , malheur à qui
s'égarerait! il se trouverait surpris dans sa route par l'arrivée des eaux; et
plus d unt- luis des prisonniers que des vaisseaux anglais faisaient déoar-
quer loin du rivage, ont trouvé la mort, au moment même où ds
cnyaieot rentrer dans leur patrie. Parmi ces îles, au-delà (lesquelles
l'imagination ne voit plus q e l'immensité, se truuve celle de j\ .rder-
ney. C'est l'une des jjIus considérables; tependani, elle n'a guère que 700
594 LI\RES ÉTRANGERS.
habitans. La pêche et les établissemcns do bains sont leur seule res-
source; nulle terre à cultiver, nulle industrie manufacturière n'aident
à leur entretien. Le sol est un sable éblouissant, d'où l'on voit sortir cà
et là quelque peu de verdure; aussi , les bestiaux n'y sont-ils qu'en très-
petit nombre. Mais la nature n'y apparaît pas moins dans toute sa ma-
jesté : elle semble vouloir compenser, par le spectacle imposant de la
mer, la sécbercsse de cette île et sa pauvreté. Ou dirait qu'elle a voulu
seulement accorder à l'homme un lieu où il pût se placer, pour admirer
les sévères beautés de la création. Nulle part ailleurs, on n'apprécie
mieux le grand génie d'Homère ; et ses descriptions maritimes y sont
d'un effet que je n'avais point soupçonné avant de les avoir lues dans
ces iles, qui sont réellement les conQns de l'immensité. —Mais il est tums
de parler de M. Halem ; cet habile médecin, qui habite modestement
une très-petite ville de la Frise orientale , donne aujourd'hui son troi-
sième ouvrage sur les bains de Norderney : déjà , en i8oi et en 181 5 , il
avait fait connaître cet établissement , qui lui doit une partie de sa pros-
périté. Outre le corps-dc-!ogis voisin des bains, les 1 55 maisons isolées
de l'île ont été disposées, par les habiiaus, de manière à ce que les
«étrangers y trouvent 543 chambres à louer. Le gouvernement d'Hanovre
a pris des mesures pour qu'aucun des objets utiles aux baigneurs n'y
manquât. La saison s'ouvre au i"'' juillet, et ne dure que jusqu'au i'-'"'
septembre. J\ous ne pouvons suivre l'auteur dans tous les détails ; qu'il
nous suffise do dire qu'il n'omet rien d'essentiel. C'est ainsi qu'il traite
de l'île de JVorderney , sous les rapports physiques et topographiques ;
puis, des bains froids et chauds; enfin, des différentes maladies qu'ils
peuvent guérir, et qui sont principalement les maladies scrophuleuses ,
celles des nerfs , celles de la peau , les rhumatismes , etc. M. de Halem a_
fait à la fois un livre utile et agréable.
2^7- — AscvxpQOu Apsrtvcv Trspi tî?; tSîv 4>:.op£VTtvùj-j tto'itsixç. — Traité
de Léonard Arétin , sur h constitution politique des Florentin», d'après
un manuscrit de la bibliothèque royale de Munich , publié , traduit et
pourvu d'un index, par C. F. NEnuAKK. Francfort, 1S22. In-S" de
95 pages.
En apercevant un titre grec, le lecteur peut-être s'est reporte à la
philologie, pensant qu'il s'agissait encore d'un des grands débris échap-
pés à la ruine de la Grèce. Il n'en est rien ; l'auteur de l'ouvrage que
nous annonçons s'occupe de la politique du moyen âge , pour une cité à
laquelle les lettres modernes doivent tant d'éclat. L'Arétio traite de la
constitution de Florence , telle qu'elle était au xv<: siècle. Il ne faut pas
croire que tout le livre soit absorbé par le sujet annoncé sur le litre;
LIVRES ÉTRAT\GERS. 595
riiistoirc a aussi sa part , et ce n'est pas sans le plus vif intérêt qu'on lit,
dans l'inlrocluition , la relation des secousses politiques de Florence,
pendant tout le moyen âge, jusqu'à l'élévation d'Alexandre de Médicis
au rang suprême de grand-duc, arrivée le 6 juillet i5ôi. A la vérité , le
choc des pasisions, les querelles perpétuelles de la noblesse et du peu-
ple, jettent un peu de monotonie sur le récit. Au tems de l'Arélin, le
gouvernement de Florence était une aristocratie mitigée ; les magistrats,
appelés jjriores , avaient l'antorité ; mais deux seulement appartenaient
au peuple et étaient choisis dans les corporations ; les autres étaient pris
parmi les nobles et les riches. Le plus élevé en dignité prenait le titre
de Gonfaloniere de la giusiizia. Deux conseils^ l'un de tri)is cents mem-
bres , l'autre de deux cents, représentaient, le premier, le peuple, le
second , la noblesse. Ces conseils ne pouvaient néanmoins conn.'dtre
d'aucune affaire qui n'eût précédemment été l'objet d'une délibération
des neuT priorcs, assistés de leurs vingt collègues consultans; et ce n'é-
tait qu'après la décision d;i conseil du peuple, celle dis trois cents, et le
consentement du conseil ù'.s deux cents, que la loiétait parfaite. Là, il
n'y avait point d'amendemeus à proposer; il fallait, comme dans l'une
des dernières constitutions françaises , adopter ou rejeter en entier les
projets présentés- Le manuscrit qui nous a fourni ce traité, se trouve dé-
crit dans le catalogue de Ilard , T. I , p. 246; on lit aussi une notice sur
ce manuscrit dans le livre intituié : Moreili tibliolfi. ie<). div, Marc.
manuscrit grec et lalin (T. i, p. 2y/\).
228. — Regesta sivc rcrum Boirarum auto/jrapha ad annutn vsque
MCCC 6 regni seriniis fldcliter in sumnas contracta jaxtaque genui-
nam Icrrœ slispisque diversitaton in Bavarica, Alnnanica et Franco-
nica syncliroitisiice disposUa cura, C. II. de La>'G. Vol. I. Munich,
1822. In 4° de 48 iei'ille*.
Connu par beaucoup d'utiles travaux sur l'histoire nationale , M. le
chevalier de Laug fut chargé par le ministre , M. de Monlgélas, de com-
poser ce recueil de documcns bavarois. A cet eH'et , toutes les archives
du royaume lui furent ouvertes , et les titres ignorés, qui dormaient en
Franconie , malgré les rétlimatious de Luo'wig et d'Ussermann, devin-
rent accessibles à rinvesliî^aieur, devant lequel se brisèrent les serrures
et les verroux. Le titre seul de ce premier volume pmuve l'immense tra-
vail auquel s'est livré l'juteur, durant plusieurs années; il a lu et véri-
fié plusieurs milliers de litres, depuis le \iii« siècle jusqu'à la fin du
xvie; il les a 1 anges par ordre chronologique, et en a extrait la substance.
M. de Lang ne s'attachait qu'aux originaux, négligeant les copies, qui
sont, ainsi qu'il le dit, l'ouvrage de scribes ignorans, dont les suppres-
596 LIVRES ÉTRAINGERS.
sions e! les additions allèrent souvent la vérité. On ne saurait imaginer
un ordre plus lucide que celui qu'a suivi l'auteur : il a divisé ses docu-
mens en trois classes, savoir : les Bavarois, les Allemanniques et les
Franconique*. La première classe comprend les renseignemens relatifs
à l'ancien cercle de Bavière et au duché de Keubourg; la seconde, ceux
qui concernent les pays cédés au roi de Bavière, dans le cerc'e de
Souabe; par exemple, Dillingen, Hochstett, Lauingen, Burgau , Œt-
tingcn, la ville de Werdet l'abbaye de Kayscisluim. La troisième classe
comprend les évêchés de Bamberg, de Wurzbourg et d'Eichstcdt, les
principautés d'Anspach et de B.-.yrenlh, avec les villes impériales de
Franconie et le district d'Ascliaifenburg. Une paj;e, sur chaque feuillet,
est cousaciée aux titres bavarois; ceux de Souabe et de Franconie par-
tagent en deux colonnes la page qui est en regard. Les dates sont sur
la première de ces pages, et se rapportent aux titres qu'on lit sur l'au-
tre. Lorsqu'ils sont de la même année, au moyen d'une série de points,
le soin avec lequel sont faits les extraits, répond à cette bonne dispn-
silion; ils ont plus ou moins d'étendue, selon l'importance de la pièce
dont ils font connaître le contenu. M. de Lang a eu soin d'indiquer les
changemens opérés par le tems dans les noms des lieux , et de détermi-
ner la position de ceux qui ont cessé d'être habités. Après les extraits ;
il est fait mention des témoins, surtout lorsqu'ils sont princes, évoques,
ou comtes. On pourra, par ce moyen, remplir beaucoup de lacunes
dans les généalogies et dans les nomenclatures dévÊques et d'abbés, qui
sont très-souvent défectueuses. Les dates sont données par indictious
et par années de règne. Al. de Lang ayant dû adraett.e quelques pièces
dont l'authenticité est suspecte , en avertissant toutefois ses lecteurs, on
désirerait beaucoup que des hommes versés dans ces matières, voulus-
sent en faire un examen critique , dont le résultat serait un rejet formel
ou une réhabilitation honorable. Ce premier volume commence avec
l'année 770, et s'étend jusqu'en 1200; le second renfermera les cin-
quante années suivantes; enfin , l'autre moitié du xiii-^ siècle remplira
seule deux volumes.
22y. — De Eficharmo scrifsit Ilcrmannus Harless Traité sur Epi-
charme, Leipsig, 1822.
Cet Epicharme, qui, selon quelques personnes , a été l'inventeur de
la comédie , est aujourd'hui presque ignoré. M. Harless vient de rappe-
ler son nom, en produisant une dissertation qu'il avait écrite à Halle
pour obtenir le grade de docteur ; mais il l'a reproduite considérablement
augmentée , et digne de figurer à côté des nombreuses recherches que
l'Allemagne consacre tous les jours à ces auteurs dont les siècles ont dé-
LIVRES ETRANGERS. r^97
truit les ouvrages. M. Harless pense, avec raison , que ceux qui jusqu'à
ce jour ont traîlé d'Epicharme, n'ont pas fort avancé ses affaires; il se
propose de réunir et de publier bientôt tous ses fragmens, comme l'a
fait M. Meintke pour Philémon et Ménandre. Quelques critiques, par-
nji lesquels se trouve le grand-père de l'auteur (dans son édition de la
Bibtiothècjue grecque de Fabricius), onl soutenu qu'il y avait eu deux
Epicharme, le philosophe et le comique. M. Harless pense que les mo-
tifs de ces critiques ne sont pas suEBsans. On a beaucoup discuté sur la
patrie d'Epicharme, qui, selon son nouvel historien, serait né en Sicile:
il florissait, dit-il, non dans l'olympiade 77 ou 84 , mais dans la 73'" ou
dans la 74*. C'est du tems duGélonque ses comédies furent représentées
à Syracuse. D'après cela, la naissance- d'Epicharme est lixéo entre la 60'
et la 62" olympiade, et l'école de Pythagore le reçut vers la 68*. C'est
d'après les témoignages des anciens que son mérite est apprécié dans la
nouvelle dissertation. En cxamin.mt la question de savoir si effective-
ment Epicharme est l'inventeur de la comédie , l'auteur reconnaît que
l'on trouve des indications d'auteurs comiques plus anciens; et ces re-
cherches le conduisent à traiter habilement de rapports de la comédie
dorienne avec la comédie atlique. Epicharme a perfectionné ce qui exis-
tait avant lui et en a changé entièrement la forme. M. Harless chc-'clic
des preuves do celte assertion dans le peu que nous savons de ce poêle,
et jusque dans le titre de ses pièces ; il va jusqu'à discuter la nature du
métré employé par lui. Le catalogue des pièces d'Epicharme est plus
complet et plus étendu que celui de Fahricius, et vaut mieux aussi que
ce qu'a fait iMcursius. Encore quelques écrits de ce genre, et nous pour-
rons réunir tous les débris du grand naufrage. Mais, que sont quelques
vers isolés, quelques sentences sèches et sans attrait, en comparaison
des pertes immenses qu'a faites la liltérature ancienne? Nous sommes
réduits à glaner aujourd'hui dans un champ , sur lequel malheurement
il ne s'élèvera plus de moisson. Ph. Golbkhy.
23o. — Lehensabriss fVerners. — Abrégé de la vie de F. L.Zacoharie
Webnee, par l'éditeur de la Vie d' Hoffmann. Berlin, iSzô. In-8°.
V/ernera été successivement un fameux poète protestant et un iamcux
prédicateur catholique. Celait un de ses hommes qui passent d'une
extrémité à l'autre, presque sans paraître inconséquens, parce que c'est
toujours le même mobile qui les guide. Il naquit le 18 novembre 1768 ,
à Kœnigsberg, en Prusse, d'un père qui était professeur d'histoire et
d'éloquence à l'université de cette ville , et censeur du théâtre; ce qui
mit de bonne heure le fils à même de connaître la scène; sa mère,
nièce d'un poète, tenait de sa famille une imagination si ardente, qu'à
598 LIVRES ETRANGERS.
la fin de sa v;e la ièfe lui tourna , et qu'elle crut être la Sainte-Vierge et
avoir enfanié le Sauveur. Cellt exaltation du cerveau paraît s'être un
peu comnauniquée à ZoCcbaricWcrner. Sesétudes furent très-régulières :
il étudia la philosophie sous Kant, suivit des cours de droit, et déhuta
en 1789 par des poésie? où il annonça des opinions fort libérales. En
1-93 il obtint un emploi dans l'a ^ministratioa prussienne , 'et fut en-
voyé en divers chefs-lieux, surtout à Varsovie, où il demeura jusqu'en
i8o">. C'est là que son biograplu; , M. Hitzig , eut de fréquciles relations
avec lui, et vécut dans son intimité. Il le vit compo^er son meilleur
poème : Les fils de la vallée. A quelque distance de Varsovie, dans une
épaisse forêt, arrosée par la Vistule, est située une abbaye de camaldules,
appelée Bielang. En été , les deux amis parlaient de la capitale, le sa-
medi soir, dès que les buri-aux étaient fermés, et se rendaient dans la
forêt, auprès de ce monastère romantique; ils s'établissaient dans une
aubeige ou sous les arbres de la forêt, emiiloyaient le dimanche à par-
rouiir les beaux sites de la contrée, cl dans ces promenades solitaires ,
Werner lisait h son ami les vers qu'il avait composés dans la semaine.
A cette époque, le jeune poète protestant avaii déjà enfanté une idée
bizarre : trouvant le protestantisme trop prosaïque, il prétendait qu'il
fallait le rendre à la poésie , en le remplaçant par le catholicisme, mais
par un catholicisme épuré à l'aide de la franc-maçonnerie. Il avait une
singulièremanièred'exprimer ses idées sublimes. « Au diable , écrivait-il,
Is génie des arts en Europe , si nous ne retournons pas au catholicisme
épuré d'où nous sommes partis, n On voit qu'à celte époque Werner
était déjà à moitié catholique. On sera peut - être surpris d'appren-
dre que cet homme , si religieux , avait répudié deux femmes et qu'il
venait d'épouser la troisième, qui n'eut pas un meilleur sort. Les que-
relles de ménage ne pouvaient pourtant pas les désunir, car Werner ne
parlait qu'allemand, et sa femme ne savait que le polonais. Quand il se
fut séparé de sa troisième épouse, il écrivit fort naïvcinent : « En cons-
cience, je n'ai pu exiger de ma femme qu'elle fût heureuse avec moi;
je ne suis pas méchant, il est vrai , mais je suis minutieux, capricieux ,
avare et sans ordre , toujours distrait , toujours préoccupé, répandu dans
les sociétés et les spectacles : est-ce ma faute si je suis ainsi?» Après
avoir fait divorce avec trois femmes légitimes, Werner poursuivit, plus
que jamais, ses idées religieuses et poétiques. Son fameux drame, Vln-
auguration de la Force { Die Weihc der Kraft, qui a été récemment
traduit en français, par M. Michel Berr, sous le titre de Luther) , parut
d'abord un monument élevé au plus célèbre des réformateurs ; cepen-
dant les protestaus clairvojans y aperçurent une prédilection marquée
LIVRES ETRANGERS. Sgn
ponr les prestiges, la pompe et les croyances du culte catholique ; il leur
sembla que le poète protestant avait plus d'imagination que de raison.
Wcrner écrivait alors dans une de ses lettres: a Je regrette infiniment
devoir dissiper l'énergie des hommes nouveaux, des Schlegel, des
Tieck , des Schiciermachcr ; l'un fait une comédie, l'autre un journal,
un troisième des poésies romantiques, des sonnets . et Dieu sait quoi;
je souffre de les entendre se vanter de grandes entreprises , comme les
Français parlent toujours de la descente en Angleterre ; cependant, ils
n'ont aucun grand but , ils ne fondent aucune association pour un noble
projet, et ne songent point à réaliser l'idée divine d'une réunion d'amis
pour la plus haute des entreprises.... Il nous faut des apôtres qui ne tra-
vaillent que pour un seul but, ainsi que drs prosélytes, etc. «De la part d'un
homme très-mondain, et divorcé pour la troisième fois, ces idées étaient
assez singulières ; aussi n'eurenteiies point de suite, si ce n'est que Wer-
ner composa la Croix de ta mer Baltique, et reçut une pension du prince
Primat. Ayant perdu son emploi par l'invasion des Français en Prusse,
il vint à Paris, où il n'édifia personne, et partit pour Rome, où il em-
brassa en secret la religion catholique. Revenu en Allemagne, il se fit
prêtre à Aschaffenbourg , et, en i8i4, le congrès eut la satisfaction de
l'entendre prêcher à Vienne; en récompense de ses bons seotimens, il
obtint de l'Autriche un canonicaf. Eucore plein de ferveur, Werner
entra dans l'ordre des rédemptoiistes ; mais bientôt après il jeta le froc
aux orties, et se contenta de prêcher. Il y avait dans ses sermons des
éclairs de génie, et des passages où l'on reconnaissait l'ancien poète;
mais souvent aussi il tombait d.nns les lieux communs et devenait tri-
vial. Il mourut le 17 janvier iSaJ, après avoir fait un long testament ,
par lequel il légua, entre autres , sa plume d'argent à une image de la
Vierge, Irès-vénérce en Autriche , et après avoir composé son épitaphe,
qu'il termine par un verset de l'évangile de Saint-Luc , suivi d'un point
d'interrogation et d'un point d'exclamation , que chacun pourra inter-
préter comme il voudra. Son biographe a inséré dans sa notice une es-
pèce de Confessions que Werner a rédigées, mais qui ne sont pas lout-
à-fait yussi sincères ni aussi atimyaDtes que celles d'un autre converti
célèbre, qui, à la différence de Werner , rentra dans le sein de sa reli-
gion paternelle. D — g.
201. — Phalaridis Epistolœ. — Lettres de Phalaris. Edition de G. H .
ScHAEFER. Leipsig, 183 . In-S°.
Le tyran d'Agrigente , celui qui enfermait ses victimes dans un tau-
reau d'airaiu , ne peut laisser à la postérité que des souvenirs d'horreur,
et l'on frémirait sans doute à la vue de ses lettres , si elles étaient in-
Goo LIVRES î:TR ANGERS.
contcstablcmenl son ouvrage. Mais, outre qu'aucun auteur sncicn ne
cite ce recueil, le dialecte dnricn , employé par les Siciliens f..it ici
place au dialecte attique. Aussi, Pliotius , Anj^elus Polilianus, V"S.sîus,
Vaikeuaer et d'autres savaiis critiques, n'out ils p.is hésité à refuser à
cet odieux Pbalaiis les i48 lettres qui portent son nom. Ces lettres,
d'ailleurs, seraient en oppo.-ition manifeste avec son caractère; elles
respirent la Laine du pouvoir absolu, et sent pleine? de sentiiucns gé-
néreux , tels que le pardon des oflt.m>e.s et la juste appréciation du mé-
rile. Enfin, la io6«^ lettre fait mention de vases qui n'ont été intentés
que par Phintias, long-ttms après Phalaris. Quelques crl!iques, parmi
lesquels on remarque le célèbre Fabricius, attribuent ce recueil à un
rhéteur du tems de Marc-Aurèle. Quoi qu'il en soit, il vaut la peine
d'être lu , tant à cause du mérite du style que pour la bonté des pensées
en elles-mêmes. En 1777, Valkenacr en donna une édition qu'avait
commencée Leunep; elle était accompagnée d'une traduction et enii-
chie des noies de Boyie. C'est cette édition que reproduit aujourd'hui
iti. Srhaefcr, avec quelques reclificalions de texte et plusieurs notes
nouvelles. La préface de Valkenaer commence le volume; M. Schaefer
n'y a rien ajouté : il a eu soin, pour la commodité des citations , de re-
porter en marge la pagin;ition de l'ancienne édition; les index ont été
aussi disposés de manière à pouvoir servir à l'une et à l'autre. C'est tou-
jours un service rendu a la liilerature que de reproduire un livre devenu
rare. Les lettres de Phalaris ont été traduites en fiançais ; il en a paru
une version en 1797, et une autre en i8o5 : la première avait été faite
d'après une traduction de l'Arétin. Ph. Golbkbv.
SUISSE.
202. — Leiensbeschreiiiung dcr fVîtlwe des Oherst Florian Engcl,
etc. — Vie de la veuve du colonel Engcl at. Langvyies, dans les Grisons,
écrite par elle-même, et revue par un de ses parens. Zurich, 1821.
In-S».
Il y a des romans qui sont plus intércssans , mais où il n'y a pas autant
d'aventures que dans ce récit véridique, écrit par la veuve d'un soldat
de fortune, qui commença sa carrière romm'.' sergent-major dans les
gardes-suisses de Louis XVI , et la finit à Waterloo commç colonel au-
près de Kapoléon. Il est à regretter que cette histoire ne soit pas écrite
d'une manière plus piquante. D — c-
20.). — Aeschinis Oratoris opéra Grcece. Ad fidetn codicum manus-
criptoruin recogncvit animadvcrsîoni'busque illustravit Jo. Hcnr.
LIVRES ETRANGERS. fioi
Bbemics, Ilelveio-Turicensis.Wùl. I. Impensi» Zicgieri et Gliorum.
Turic, iSaô. Tiois cent cinquanle-deux pages in-8".
M. le chanoine Brerai, profcsseuraugymna.se de Zurich , est connu
depuis long-tems en Allemagne et en Suisse, par des travaux philolo-
giques aussi utiles à la science que nombiLux. L'amour de l'antiquité
classique, une connaissance profonde des langues anciennes, le désir
d'en propager l'élude, en la facilitant et en la faisant reposer sur les ba-
ses les plus soliJes, voilà quelques-uns des titres de M. Bremi, et des
mérites que l'on retrouve dans ses ouvrages. Son édition de Corné-
lius Nepos, surtout, est l'une des meilleures que 1' )n puisse mettre
entre les mains des jeunes gens, pour la connaissance approfondie
du lalin, des finesses de la langue et des nuances de l'expression, Si»n
Escliinc , dont il vient de publier le premier volume, est un nouveau
service rendu aux études classiques. Pour faciliter a la jeunesse studieuse
la lecture de cet orateur, le nouvel éditeur a joint, à un sage choix de
variantes, des notes qui expliquent brièvement et clairement les diffi-
cultés de l» langue, les allusions historiques et divers points des anti-
quités. Un index alphabétique du contenu des notes termine ce premier
volume, également recoramandable par les recherches qui appartien-
nent au nouvel édileurj et parie choix qu'il a su faire parmi les remar-
ques des éditeurs précédens. C. Monnakd.
ITALIE.
234- — Geogmfia moderna univcrsale, etc. — Géographie moderne
universelle, etc.; par P. U. Pagnozzi. Florence, iSjiî. In-8°.
Cet ouvrage, dont on a publié jusqu'ici quatre volumes , se fait de
mieux en mieux accueillir par les Italiens. Les connaissances de M.
Paguozzi semblent être au niveau de la science qu'il a entrepris d'expo-
ser. Il répand dans son ouvrage toutes les lumières qu'il a su tirer de
l'histoire des derniers voyages, cl de toutes les découvertes les plus cu-
rieuses et les plus intéressantes que l'on a faites jusqu'à nos jour». JNous
attendrons que son entreprise soit terminée, pour en rendre compte
avec plus de détails.
235. — Nuovo dizicnario gcografîco ■, etc. — Nouveau dictionnaire
géographique de Vosgien. Nouvelle édition , entièrement refondue, re-
vue et corrigée le plus soigueiisemetit , et enrichie de beaucoup d'addi-
tions ; par M. Luiçji NiRoi. Livourne , iSaô. In-S".
On sait que le dictionnaire de Vosgien, outre uu nomïjre assez con-
sidérable de fautes que l'on retrouve dans ses éditions successives, ne
présente pas l"état de la géographie telle qu'elle se trouve aujourd'hui.
T. XX. — Di.'ce!iihrc \^'1J 59
6;ti LIVRES ÉTRANGERS.
11 serait utile et même urgent de lui substituer un nouveau dictionnaire,
où l'on mettrait à proCt les progrès qu'a faits la science. Mais l'éditeur
deLivourne, loin de remplir ce vœu des savans , non - seulement n'a
pas corrigé les erreurs les plus grossières de son texte : il y a encore
ajouté les siennes. Ce travail est entièrement difTérent de celui de M.
Pugnozzi, que nous venons d'annoncer.
2^6. — E saine analilico defic facoltà di sentir e de' fenomeni délia re-
mîniscenza , del soyno , del sonniloquio , del delirio e delta pazzia , etc.
— Examen analytique des facultés de la sensibilité et des phénomènes de
la réminiscence, du songe, du somniloque, du délire et de la folie, avec
un Essai sur l'analyse logique, appliquée aux problèmes indéterminés
d'algèbre; par G, M. Scabami;zza. Milan, iS23.
L'auteur de cet ouvrage semble, au premier aperçu , se ranger parmi
les matérialistes, en répétant, après eux, que la pensée se transforme
en seusalion , en rémitii-cence , en raisonnement, etc. Mais, sans lui
adresser le même reproche qu'on a fait à tant d'autres, qui ne le méri-
taient pas plus que lui, nous le blâmerons seulement de s'être proposé
d'examiner tant de phénomènes idéologiques ou physiologiques dans un
opuscule de 5i pages. Est-ce là un ouvrage? ou n'en est-ce pas plutôt
le prospectus? Aurait-il voulu nous faire comprendre qu'il est inutile de
s'occuper encore delà recherche de ces problèmes? Mais, dans ce cas,
pourquoi les muhiplier par des hj'pothèses et par des idées bizarres?
r^ous ne croyons pas que l'auteur puisse satisfaire la curiosité de ses lec-
teurs, en traitant ce sujet avec une concision qui dégénère en séche-
resse. Il eût mieux valu suivre, autant que possible, l'histoire la plus
précise de ces phénomènes, en remarquer toutes les circonstances, les
principes, les développemens , les progrès, et s'arrêter au point oîi la
nature semble nous abandonner et se dérober à nos yeux.
238. — Cronica di Giovanni ï'illani, a miglior lezionc ridolla coW
ajuio de' texti apenna. — Chronique de JeanVillani, réduite et éclair-
cie au moyen de plusieurs manuscrits. Florence, i825. In-8°.
On a publié jusqu'à présent quatre volumes de cette histoire, et l'on
assure que l'édition est beaucoup plus correcte que celle de Muratori,
renouvelée à Milan, en 1802. Les nouveaux éditeurs de Florence ont
piis pour guide surtout le célèbre texte Davavzati, qui se conserve dans
la lliccardiana , et que fit transcrire Matteo Viilani lui-mêuie, fils de
Jeun. Ils en démontrent l'authenticité et la supérioiité en fait de cor-
rection, et détruisent les doutes et les accusations que les éditeurs de
Milan avaient dirigées contre cet ancien manuscrit. F. S.
208. — Cesta Caioli Mui;ni ad Cdrciissonnfn it Narhonum , tt de
I.IVRI.S ETRAI\GERS. ().-,
œdificationc monastcrii Crassensis , édita ex codice Laurentiano cl ab-
servatt. criticis-pliiiolotficis illuslrata, a Sehasliano Ciahpi. — Aclions
de Charlemagnc à Caicat.sonno et à Narbonne, et de la fondation du
monastère de la Grasso, etc.; par S. Ciampi. Florence, iSaô. Impri-
merie Magheri. Pans, Bossange père. In-S" de xxii et i55 pao-es.
L'esirtence de cet'e liistoiro romaut'sque était connue des savans par
l'Histoire du Lanijucdoc de D. Vaisselle, par l'ouvrage intitulé Gadia
christiana , par la Bibliotlicqxie historique de la France, et par plu-
sieurs autres coinpilatinns érudites oii elle est citée; mais on la publie
aujourd'hui pour la première ibis. C'est ainsi que M. Ciampî se délasse
de SCS travaux sur la littérature ancienne, en élaguant quelques brous-
sailles dans le champ trop négligé de la laliniié du moyen âge. L'auteur
de ce récit est un moine , nommé Guillaume Paduanus (ou dePadoue),
qui prétend l'avoir traduit en latin, de la Inngue rustique ou romane,
dans laquelle il aurait été primitivement écrit , par un prétendu Filo-
mène, historiographe de Charlemagne. Le sujet principal est la fon-
dation de l'abbaye de la Grasse, au diocèse de Carcassonnc, dans les
Corbières , montagnes situées entre le bassin du Languedoc et le Tlous-
sillon. La révolution a fait supprimer l'abbaye, mais le bourg qui s'était
formé autour d'elle existe encore aujourd'hui, et il est un des chefs-
lieux de canton du déparleaiept de l'Aude. Le but de iU. Ciampi, en
publiant ce livre, est de nous faire jouir d'un monument des traditions
et de la latinité du moyen âge. Le style, en effet, mêlé de barbarismes
et d'idiotismes importés de la langue romane, est reproduit avec exac-
titude j conformément au manuscrit de la bibliothèque de Florence,
qui a servi pour ceite édition. La fable , évidemment romanesque , ren-
ferme pourtant dis détails de mœurs, de géographie et de topographie,
qui doivent intéresser vivement les ainis éclairés de l'histoire , qui no
se contentent point de notions superficielles. C'est en étudiant les vieilles
compositions manuscrites et imprimées de ce genre, qu'un des plus
grands génies de l'Angleterre, VValter Scott , a fait revivre, avec leurs
mœurs singulières et leur physionomie propre, les âges perdus de l'his-
toire nationale de nos voisins. Rendons grâce au savant Italien, qui
prépare pour les littérateurs français des matériaux avec lesquels il peut
4eur être permis d'atteindre à une gloire rivale. L'éditeur, dans sa pré-
face , explique, avec sou érudition et sa sagacité ordinaire , les circons-
tauces relatives à l'auteur présumé de l'ouvrage, à l'époque de sa com-
position, qui parait devoir être fixée vers le commencement du m«
siècle, et enfin au fond même du sujet. Des notes, également ingé-
liieusesel savantes, sont placées après le texte, dont elles éclaircissent
6o4 LlVr.LS ETRAjNGERS.
les dlITiculiéj. Il y a lieu de présumer que ce livre sera favorablement
acciuilli en France, et parliculièremenl par les habitans du pays dont
il raconte les tradilions. — Ce volume est dédié à M. Alphonse Mahul,
l'un des collaborateurs de la Revue Encyclopédique. M. le chevalier
Ciampi , instruit qu'une des villes dont on lit le nom dans le titre de son
livre, est la pairie de notre collaborateur, a voulu saisir celle occasion
de lui donner un témoignage éclatant de sa bienveillance. X.
2ôg. — Fr<igmcnto d'un' ELegia , elc— Frap;menl d'une élégie d'Her-
mcsianax, traduit et éclaire! \>m Framesco jSegbi. Milan, i8a2. In-S".
Hermesianax, disciple et ami de Tbilète, poète élégiaque, comme
lui, florissait >ioas les règnes de Ph lippe et d'Alexandre-Ie-Grand. Il
écrivit, dit-on, trois livres d'élégies, adressées àLéontium, sa maî-
tresse; mais il ne nous en est parvenu que près de cent vers, qu'Athé-
née lira de son troisième livre. Ce fragment, qui fait regretter la perte
de ses poébies, a excité la critique de plusieurs savans commentateurs ,
qui ont tous cru l'avoir assez éclairci. M. Negri vient d'ajouter encore â
leurs édaircissemens, et il l'a fait véritablement avec tant de savoir,
qu'il sut passe tous ses devanciers. Hcrmesianax , dans son élégie , s'é-
tait plu à passer en revue les victimes les plus illustres de l'amour : ce
qu'a fait Pétrarque, dans un des chapitres du Triomphe d'Amour. Au
nombre des poètes et des autres savans célèbres qu'il représente comme
des amans malheureux, il fait paraître Homère lui-même, qu'il suppose
avoir été amoureux do Pénélope, ce qui semble, avec juste raison, à
M. Negri un peu trop bizarre. Les notes grammaticales et historiques
que le traducteur a ajoutées à son texte, ne manquent pas d'intérêt ;
elles font preuve de son savoir comme helléniste et comme critique.
240. — Sonctli di Angioio AUori, dclto il Bronzinn, cd altre rime iné-
dite di piùinsigni poeli. — Sonnets û' Angioio Allori, surnommé le
Eronzino, et autres vers inédits de plusieurs poètes célèbres. Florence,
1825.
jVI. le chanoine Moreni, ne se lasse point d'offrir de riches tributs
à la république des lettres, et surtout à l'Italie; c'est à lui qu'elles doi-
vent encore cette publication. Quoique ce genre de littérature ait déjà
été souvent exploité par des mains habiles, la curiosité des Italiens pa-
rait toujours avide de ces nouvelles publications. Ce n'est pas tant l'inté-
rêt qu'ils portent a cette sorte de compositions, que la vénération qu'ils
conservent pour des noms célèbres qui leur fait rassembler ces pièces
oubliées ou dispersées. Les noms de Caro, de Molza, de SannazarOjde
Rcdi, Menzini, etc. , suffisent pour justifier les intentions de M. More-
ni et de ceux qui, comme lui, s'occupent à recueillir tout ce qui a jelé
p j ut jelcr encore quelque éclat sur leur littérature nationale.
rJVRES ETRANGERS. r,o"
1^1. — 11 fiorc delV artc clcW intuqtio niUc slampe con singotare stu-
dio raccollc , etc. — La perltciion de l'art de la £;r:ivure dans les esliioa-
jjc's recueillies avec beaucoup de soin par M. Luicji Ginoio. Padouc ,
1825. In^'-
M. Antoine Marsan, professeur à l'univer.*ilé de Padoue , à qui nous
devons la plus bel'e édition des poésies de Pctrarque , a voulu décrire
et illustrer une collection d'estampes plus précieuse que riche, possédée
par Louis-Gaudio, Paduuan. 11 expose, dans une introduction, les diver-
ses méthodes de fdire ces collections d'estanipirs ; et à cette occasion, il
rappelle plusieurs collections de ce genre formées à Padoue , et nomme
le» particuliers qui les possèdent, tels que M.M. Jean de Lazara, An-
dré Majer, l'abbé Daniel, M. Francesconi, le marquis Frédéric
Manfredini , etc. Le petit, mais excelle. :t ouvrage de M. Gaudio , se
borne aux chefs-d'œuvre des meilleurs artistes, et plutôt des anciens que
des modernes, dont les sujets appartiennent au genre le plus sublime ,
au genre historique. Les descriptions qu'en fait l'éditeur, ont beaucoup
de clarté et de précision, il emploie toutes les lumières de l'art et de
riiisloire pour instruire et inléresfer ses lecteurs. F. Salfi.
242. — Mcmoric delta R. acadeinia Ercolanese di arclioolocjic. — Mé-
n^oires de l'académie royale d'archéologie. Kaples , iSaS To:n. I.
De toutes les Sociétés savantes et littéraires de l'Italie, celles qui se
rendent les plus utiles dans les circonstances actuelles, ce sont celles
qui s'occupent des antiquités de leur pays. On leur laisse une entière
liberté d'explorer, de rechercher, d'écrire; aussi les auteurs, gênés sur
tant d'autres points, se dédommagent dans l'archéologie. A l'exemple
de Rome, la ville de Waples a récemment reçu une Société ou Acadé-
mie avchcoioqique. Cette nouvelle institution s'est hâtée de faire con-
naître son existence par un premier volume de mémoires. Les maté-
riaux ne pouvaient manquer dans un pays où l'on tire des villes entières
de dessous les cendres. On y trouve une dissertation de Fr. Rossi, sur
une médaille de Crispus-César , fils de Constantin, trouvée à Capoue
avec la légende "i^r^ws cxercit; une autre dissertation du même savant
sur une inscription de P. Œlius Mucien , ainsi connue : P. /Etio Mu-
ciano sfcc. leg. II. aajut. P. OElio Muclano Sfccululori te-glonis sccun-
dœ adjutrices. L'auteur s'attache surtout à bien définir la signification
du mot specutalor chez les anciens. M. Andrés a inséré un mémoire au
sujet du commentaire d'Ëustate, sur Ilomèie, et il a fait connaître une
carte géographique de i455, dans laquelle il trou vemarquée la positiondes
Antilles; il faudra que M. Andrés ne laisse aucundoute sur la date de cette
carte. M. Avellinoa écrit sur une couronne d'or, qu'on a trouvée en i8i5,
6o6 LIVRES ÉTRANGERS.
dans un tombeau antique, auprès d'Armetilo, dans ia Basilicato ; celte
couronne c.«J tressée de feuilles de rhêne, entrelacées de petites bran-
ches et de fleurs; on croit y reconnaître des roses, des narcisses, du
lierre, etc. Sur les fleurs et les feuilles le ciseleur a représenlé des abeil-
les ; on y voit six (icji'res , dont quatre de femmes et deux d'hommes.
Cette couronne fournit à M. Avellino l'occasion de discuter sur les
couronnes des anciens, et parfieulièremeut sur la manière de les com-
poser pour les divers usages. C'éfai. nt des couronnes du genre de cel-
le-ci qu'on oITrit au nombre de 2,000, pendant les funérailles de Sylla ,
et que toutes les villes de Tbessalie, selon Plutarque, consacrèrent aux
mânes de Péiopidas. L'auteur a répandu beaucoup d'érudition dans ce
mémoire. M. Careani n éclairei une inscription découverte en ij6ri , >ur
la porte du temple d'I.-is à Pompéi, et concernant un Numerius Popi-
d:us adinis au nombre des décurions pour avoir rétabli ce temple ; dans
l'antiquité comme aujourd'hui , les libéralités faites au temple portaient
de hauts intéiêls; voici cette inscription : N. Pofidius n. f. cetsinus
œ4cm Isidis lerrœ motu contapsam a fundamcnto P. S. resti'tuU
hune oh (ibiralitatem cnm esstt anvorum scxs ordini suo ffralis adte-
gerunt : hvsixs. est douteux; l'auteur énonce la conjecture peu heu-
reuse que ce dévot Popidius était peut être un enfant de 6 ans, à qui
son père transférait Ihonncur d'avoir rebâti une chapelle. On assure que
le deuxième volume des mémoires de la Sociélé contiendra les dessins
de ce temple d'isis. Dans le premier volume, on trouve encore une
notice sur le fragment d'une inscription grecque, consacrée à l'empe-
reur Adrien, par la ville de Cibyra en Phrygie, et trouvée à Pouzzoles
en 1818 : l'auteur est M. Castaldi; une autre notice sur un diplôme
grec des archives de ]\aples, adressé en io55 , à l'abbé de San-Nicolo à
Monopolis; enHn , une troisième notice de M. Garguilo, sur les noms
grecs encore subsistans des lieux situés entre le Sarno et le cap de Mi-
nerve. Il serait à désirer que celte Société publiât aussi la suite des an-
tiquités d'Herculanum; mais il faudrait que le gouvernement fournît
des fonds : or, les fonds sont rares dans un pays soumis à l'occupation
étrangère. Toutefois, il est récemment sorti de l'imprimerie royale de
Kaplcs, un volume in folio , avec 107 planches, sous ce titre : G/t or-
nati délie pcreti e di pavimenti dette slanze dclV antica Pompei ; c'est-à-
dire, décoration& des murs et pavés des chambres dans l'ancienne Pom-
péi; c'est la représentation des arabesques, mosaïques et autres orne-
mens trouvés dans 1rs mais ms antiques de celle ville. On y remarque
plusieurs groupes et compositions inléiessantes pour l'artiste et l'anti-
quaire , entre autres six dessins des arènes de l'amphitéâlre, mainte-
LIYRKS ÉTRANGERS. (k.7
iianl'détruitc's. Il faut ajouter que l'imprimerie royale vient de Lire
aussi les frais d'ime nouvelle édilion df.s monumens inédils de Winkel-
mann. Plusieurs savons se sont réunis pour publiur, par livraisons et <'n
peut format, les chefs-d'œuvre antiques du musée de Waples. L'Acadé-
mie s'est cbargée de la moitié des dépeases. D — g,
PAYS -15 A S.
243. — Mémoires sur qxtelques svjets intcressans d'anatomie et de
physiologie, par M. Vbolir, traduits du hollandais, par M. Fallût.
Amsterdam , «822 , de l'imprimerie de L. Van Es. Un vol. in-4° de loi
p;ig., avec i3 planches.
Ces Mémoires se trouvaient épars dans la collection des Mémoires de
la première classe de l'Institut des Pays-Bas, dont M. Vrolik est secré-
taire perpétuel. M. Fallot les a réunis dans un volume, et les a publiés
en français, afin de les mettre à la portée d'un plus grand nombre de
lecteurs. On lui doit des éloges pour avoir traduit ces Mémoires curieux ,
qui étaient en quelque sorte ensevelis dans les actes de l'Institut des
Pays-Bas. — Dans U- premier de ces Mémoires, il est question d'un cas
singulier de retard dans le développement et de ramollissemeut partiel
du tissu osseux, acrompagnés d'atrophie des deux neifs optiques par
suite de cécité, chez un garçon de quatorze ans. — Dans le sccund Mé-
moire, M. Vrolik expo-ie un cas qu'il a observé, d'un fœtus mons-
trueux, né au bout du huitième mois de la grossesse, en mè'ne tems qu'un
enfant bien conformé. Les raisonncmens anatonsiques et physiologiques
dans lesquels l'auteur entre à ce sujet sont remarquabks : il donne des
détails très-lumineux sur ces vices de conformation, désignés sous le
nom de monstruosités, dont il possède une quantité d'exemples. — Le troi-
sième Mémoire a pout objet un cas d'extrnversion de la vessie , accom-
pagné d'un prolapsus d'une portion retournée Je l'intestin grèle, qui a
perforé la paroi postérieure de In vessie. — Le sujet du quatrième et der-
nier Mémoire est un vice de conformation , accompagné de la dénuda-
tion de la moitié antérieure de la vessie, et de la division partielle du
pénis. — On reconnaît dans ces Mémoires l'exactitude de l'anatomiste
consommé, et les. profondes connaissances physiologiques qui distin-
guent le savant docteur "Vrolik. K.
244- — Essai de philosoptiie physique, par L. R.Ghdyer, ancien ins-
pecteur des douanes françaises. Biuxelles, 1823 ; Delemer, fières; Pa-
ris, Ferra jeune. Un vol. in-S".
Cet ouvrage avait déjà paru sous U- li[te de Notions prciiminaires sur tes
0^8 LIVRES ÉTRANGERS.
propriétés /jéncraics des corps, et sans nom d'nuteur. En publiant cette
nouvcUe cdilion, el en cl.an-eai.l sou titre, M. Gruyer a cru devoir se
nommer, cl il a bic ,. fait. Il n'a j.oiDl de motif pour désavouer le fruit de
son travail; ses vues, si elles ne sont point adoj.tées, auront néanmoins
le meule d'avoir provoqué des discus*ions utiles, et d'avoir appelé l'at-
teniioD sur des principes qu'on admet trop souvent sans examen , sur
des h.vpoll.èses dont on néglige plusieurs eonséquences qui semblent
contredites par les f.iis. En un mot, si l'on ne suit pas tout-à-fait sa ma-
n-er<. de philosopher en pbysi.jue, on s'attachera du moins à raisonner
avec plus de rigueur, à ne pas se contenter d'une demi-certitude, à sen-
tir et à exiger l'évidence. Quant au nouveau titre de cet ouvrage, il ne
sera p;,s hors de propos de nous y arrêter un moment. -Vers la fin du
dernier siècle, Fourcroy publia une Phitosophie chimique. Cette tenta-
ti^e ne fut pas heureuse, parce qne la cl.imie n'éiait pas encore assez
avancée pour qu'il fût possible de la présenter cous la forme dite pUilo-
Sophie. Cependant , Fourcroy eut des imiiateurs, et quelques traités de
science* prirent le titre de philosophiques. Cette innovation dans le li-
tre fi- penser que la science allait s'oBrir dans ces ouvrages sous un as-
pect nouveau; mais celte attente lut trompée. Le dépit des lecteurs se
tourna contre le mot phitosophie; on en vint à penser qu'il désignait
une vaine métaphysique désavouée par les sciences qui se composent
uniquement de laits ci de lois, et que, si l'on veut avancer dans la car-
rière, il faut éviter de perdre son tems à de pareilles subtilités. On
craignit qu'après avoir f.iit la philosophie de chaque science, on n'entre-
prît de rédiger aussi la philosophie doia philosophie, et laissant faire
ceux qui se plaisent à ces sortes de considérations, on marcha droit à la
recherche de vérités nouvelles. Il ne sera pas facile de réhabiliter ce
ETiOt de philosophie dans l'opinion de ceux qui estiment les connaissan-
ces en raison de leur utilité. — Laissons maintenant le titre de l'ouvrage,
et parlons des doctrines nouvelles de M. Gruyer. Ce phy.Nicien a cher-
ché à débarrasser !.. science de V.ua de ses mystères contre lequel notre
imagination ne cessera jamais d'être rebelle, la porosité des corps que
l'on est forcé de regarder comme infinie, en comparaison du volume
réel de toutes les molécules dont ces corps sont formés ; ce qui n'em-
pêche pas l'action mutuelle de ces molécules les unes sur les autres; et
par conséquent, cette action peut avoir lieu sans contact. Afin de dissi-
per au moins la moitié de ces ténèbres, notre auteur introduit la porosité
dans les molécules mêmes , ce qui lui permet de les mettre en contact.
Jusqu'à présent, les physiciens ont construit l'édifice des corpsavecdes
matériaux solides, mais suivant un procédé fort étrange : des atomes
LIVRES ÉTRAÎSGERS. 609
d'une densité ab!:oluc «Uaie'Dt tenus écailt's les uns des autres, non par
un ciment solide, mais au contraire parla cause générale de toute flui-
dité. M. Gruycr imite le procédé des architectes. Pour construire un
vaste édifice en n'employant que peu de matière, il creuse ses maté-
riaux jusqu'à te qu'il leur ait donné la légèreté requise ; puis il les as-
semble à la manière ordin;iire. Cette idée est séduisante , mais l'auteur
ne l'a pas rom))létée. En essayant de construire ses molécules poreuses,
au moyen de petits cylindies dont deux dimensions sont infiniment pe-
tites, par rapport à la troisième, il n'a [)as iudii;ué par quelle loi d'at-
traction ces cylindres élémentaires devraient être fixés à la place qu'il
leur assigne, et cette loi ne peut être aucune de celles que l'on connaît.
Il est donc à craindre que son liypollièse ne puisse jamais être mise hors
de doute, car, pour établir la loi qui manque, il ne suffirait pas de
rimajjinei; il faudrait la déduire d'une série de laits ; et comme les molé-
(ules une fois formées seraient indestructibles, il nou» serait impossible
«l'observer le mode de leur formation. — Suivant notre auteur, on don-
ne le nom d'inertie à l'indilTérence parfaite que la matière affecte pour
le mouvement ou pour le repos : cette définition ne peut être juste. La
notion d'inertie dont on se passerait très-bien en physique, dérive des
lois de la communication du mouvement, et la propriété de la ma-
tière que ce mot désigne ne peut être que la niasse. Il y a donc dan» la
science deux mots pour une seule idée, ce qui n'est jamais sans incon-
vénient.— Ce que nous venons de dire, suffit pour faire voir que le livre
de M. GruyiT doit être lu et médite, et que, sans admettre les opinions
de l'auteur, les physiciens n'auront pas à regretter le terns consacré à
cette lecture. Fkbhï.
245. — De Jvsti Lipsii vita et scriptis Commeniarius, etc. — Mémoire
sur la vie et les écrits de Juste Lipse, par Fr. Aug. baroa de Rkiffen-
BEBG, ouvrage couronné par l'Académie royale de Bruxelles, Bruxelles,
ï823; P. .1. de Mal. Un vol. in-4° de 258 pag. , orné du portrait de Juste
Lipscet d'une yuo de sa maison.
Il e^t bon de montrer de tems en tems à la frivolité de notre siècle
quelqu'une de ces graves et imposantes figures des siècles passés, ne fût-
ce que pour rappeler un moment à notre amour-propre qu'il y eut une
époque où le titre d'homme instruit ne s'obtenait pas aussi facilement
qu'aujourd'hui , où il fallait avoir consacré de longut's veilles aux lettres
grecques et romaines pour oser parler d'un ancien, où l'on ne jugeait
passons rien savoir, cù l'ignorance ne pouvait être long-tems en crédit,
parce qu'on s'imaginait encore qu'il n'y a rien de plus honteux pour une
nation que ces mensonges publics dont elle semble complice, où l'é'.u-
r.io ' LIVRES ÉTRANGEkS.
ilit le plus profond croyait n'avoir acquis , par se» médilations et ses tr»- il
vaux, que le droit de proposer ses conjectures et ses doutes. La plupart ^i
de ces hommes laborieux sont oubliés. C'est cependant par leurs recher- ilj
ches fécondes que se sont formées peu à peu les seules notions qu'on |
puisse rassembler aujourd'hui sur la chronologie , l'histoire, le gouverne- li
ment , les mœurs de la Grèce tt de Rome ; et nous recueillons , presq>ie
sans y songer, les fruits que nous ont h gués ces tenis de persévérance et
de bonne foi, si mal appréciés par quelques beaux esprits. On prétend
que c'était le règne du pédanlisme, et il est naturel qu'on le prétende;
car, trop souvent, nous accusons de pédantisme ceux qui ont été nos
instituteurs et nos m;iîtres. Quand nous avons jeté un coup-d'reil super-
ficiel et dédaigneux sur toutes ces connaissances qu'ils nous ont révélées,
quand nous croyons avoir embrassé en quelques jours re qu'ils n'ont ap-
pris que par de longues études, nous les jugeons, et notre orgueilleuse
confiance se croit supérieure à leur antique simpllrité. On trouve, il faut
l'avouer, cette injustice et cette ingratitude dans la plupart de ceux que
l'on entend parler des Saumaise, des Muret , des C^saubon, des Juste
Lipse; ils les appellent des commentateurs , et croient avoir tout dit. —
Mais, pour ne nous orcuper ici que de Juste Lipse, qui a donné lieu à ces
réflexions , et pour ne l'envisager même que comme interprète des an-
ciens, comme auteur de commentaires, croit - on que ce soit peu de
chose que d'avoir, le premier, fait connaître aux modernes le génie de
Tacite, de leur avoir expliqué le caractère de son style , d'avoir épuré
son texte, que tant de siècles et d'ignorans copistes avaient alléré; d'a-
Toir en quelque sorte recréé cet immortel monument d'énergie et de
vertu? Voilà ce que l'on doit a Juste Lipse; il est encore, à proprement
parler, le seul éditeur de ce grand historien; car, en France, en Angle-
terre en Allemagne , on s'est à peu près contenté de reproduire ses Ira-
vaux. Je ne connais point non plus d'interprète de Sénèque qui ait ef-
facé le premier commentateur de ses œuvres complètes. Si l'on songe
que Juste Lipse , outre ces deux grands ouvrages , a publié des notes pré-
cieuses sur Valère-Maxirae, Sénèque le tragique, Pline le jeune, Vclléius,
Suétone, etc.; qu'il a donné plusieurs recueils de lettres sur divers points
d'antiquité, et des dissertations spéciales sur la milice romaine, la po-
iiorcétique, les gladiateurs, l'amphithéâtre, les vestales, les bibliothè-
ques, la philosophie stoïcienne, et que la plupart de ses décisions font
encore autorité ; qu'enfin^ au milieu de toutes ses recherches d'érudition,
il a eu la gloire d'apprécier un des premiers le génie de noire Montaigne,
quoiquedansune langue qui n'était pas la sienne, et dans un genre si peu
conforme à celui de ses éludes, on conviendra peut-être qu'un lel homme
LIVRFS ÉTRANGERS. Tiit
mérilait l'honneur que lui a dérerné l'Académie du Bruxelles, en finsaiit
de pon éloge li- sujet d'un conrours public ; et que, si celle dette de la
reconnaissance a dû èlre surtout acquittée par les compalrio'es de Juste
Lipse, toute l'Europe savante doit applaudir au panégyriste qu'ils ont
couronné. — M. de RciQenberg, qui a pris pour devise, Moribus anti-
quis, et dont nous avons annoncé les travaux sur les anciennes annales
de sa pairie (Vov. ci-dessus, pag. Jjj), n'a rien négligé de ce qui pou-
vait contribuer à la gloire de son héros , un des plus illustres professeurs
de l'université de Louvain. Il paraît avoir In, avec une patience vraiment
honorable, la longue biographie écrite par Auberl Le Mire ; après une
analyse claire et succincte de ces mémoires, il rend un compte iriélho-
dique de tous les ouvrages de Juste Lipse; il rappelle les jugemens qu'on
en a portés, les éditions qu'on en a laites, et ne se montre pas inférieur
en sagacité, en exactitude, à celui qu'il s'est chargé de célébrer, frut-
être lui ressemble t-il aussi par quelques négligences de style. Scioppius
en reprochait un assez grand nombre à Juste Lipse : sans vouloir imiter
cet impitoyable censeur, j'indiquerai seulement , pag. i5, ruris agerc;
pag. 19 , in homine contrariis consuto; pag. 94 , quando quidcm, pour
velquum, etc. Mais ces légères taches , fort rares dans un ouvrage si
étendu , et qui a demandé un travail si pénible, sont aisément efiTacée»
par la variété des recherches, l'intérêt des récits, la clarté des analyses,
Id ^olidilé de la critique , et ce goût facile et pur, qui suffirait pour prou-
ver, quand d'autre» ouvrages de M. de Rciffeuberg ne l'attesteraient pas,
que, fidèle à l'exemple que lui donnait Juste Lip.e lui-même, il a étu-
dié et quelquefois imité nos bons auteurs français avec le même soin et
le même succès qu'il écrit en latin l'éloge des savans de «■« nation.
J. V. Lk Clekc.
2^6. — p, J. L. HcET, De Grœcorum et Vondciii tragedià. Trajecti
ad r.henum, apud Van Paddenburg, et Van Schoonhoven , Academiae
typographos, 1821. Un vol. in-d" de iSiî pages.
L'Académie d'Ulrecht avait proposé, pour sujet de prix, cette ques-
tion littéraire : « Disquiratur, quœnam universe fucrit tragediœ grœcœ
ratio, ad enmque exigatur nobilissima Fondelii fabula, Gyshrcvht
van Amstct. » Deux concurrcns ont partagé le prix, à luéiite égal.
Nous avons déjà parlé du travail de M. Parreau ; nous allons examiner
aujourd'hui celui de son compétiteur, M. Huet. Les deux concur-
rens ont très-bien senti que celte expression un peu vague, grœcœ
iragediœ ratio, les obligeait à donner une idée générale mais com-
plète du théâtre grec, et à le rapprocher ensuite, sous ses rapports
divers, des compositions nationales de Voadel, et surtout de sa pièce
^J'*^ LIVRES ÉTRANGERS.
luliliilée GysbreclU d'Amsterdam. Le Mémoire de M. Hi.et me paraît
siipériiiir à celui de M. Parieau, sous les rapports de la méthode , la
di-position et les vues; mais il lui est inférieur peut-être par le style et
la manière d exposer les recherches, résultat de l'érudition. Cependant,
je remarquerai à ce sujet que la forme dialoguée que M. Parreau a don-
née à son Mémoire, et dont les savans se sont tant de fois servis au xvi»
et xvne siècles, est en général peu favorable à des matières très-graves
et sérieuses de leur nature. J'aime mieux, dans les questions de phihi-
logie , un ordre purement didactique II faut craindre de donner à qui-1-
que genre de composition que ce soit un ton qui lui convient peu. Ré-
servons le badinage d'une conversation familière pour les sujets légers;
dans les sciences et dans les objets de pure érudition , on doit renoncer
a taire de l'esprit. — M. Huet a divisé sa dissertation eu deux parties.
Dans la seconde, il rapproche Vondel des tragiques grecs ; dans la pre-
mière, il se contente de donner un tableau général du système de cette
belle tragédie, où les chœurs majolueux de Sophocle, et la brillante
poésie d'fcuripidc , venaient délasser les Grecs au milieu de leurs graves
devoirs de citoyens. Celte partie de l'ouvrage est du plus grand intérêt.
S'appnyant d'abord de la conn;«i9sancc approfondie du texte antique , et
de Tautoritë des plus célèbres commentateurs, le père lirumoy, Bar-
thélémy, Blaire, Heyne , Schlegel el Bilderdyk, l'auteur présente le
.«système général que les Grecs ont adopté pour leur ihéâlre. Dans des
prolégomènes a.>,scz étendus, il indique l'origine et les progrès du théâtre
des Grecs, et donne quelques détails sur la forme de l'orchestre, du
iogcum, du proscenium et du thyméic, celte espèce d'autel autour duquel
le chœur se groupait. 11 traite successivement du sujet des tragédies
{argumenta), des unités, de la division el de la marche de l'action dis-
jiosifione, ■partitione), (\\i^'\\ ^at{a^ç civfrotogue, è-pisode et exorde, et
du caractère des personnages, et enfln des chœurs et du but [fine) des
tidgédics grecques. La seconde parlie est d'un intérêt plus restreint,
parce qu'elle est uniquement consacrée à la comparaison détaillée de la
pièce de Vondel et du genre des tragédies grecques. La dissertation d&
CItoro est surtout remarquable. On peut y suivre la marche successive
de Titction drumatique depuis ces tems primitifs, où le chœur compo-
sait presque toute la pièce, jusqu'au point de perfectionnement où Eu-
ripide porta le théâtre de sa patrie. Alors le chœiir, relégué dans l'or-
chestre, était chargé de soutenir l'action pendant que la scène était vide ;
entourant le thyméic, ou s'élevant parle cliarontium, il commentait
en quelque sorte l'ation dramatique. C'est ainsi qu'an dénouement de
LIVRES FRANÇAIS. Giô
VOEdipe roi, de Sopliocle, il excile le peuple à braver les coups du
sort, et à opposer un front intrépide à la colère même des dieux.
C. GOQOEREL.
LIVRES FRANÇ4IS.
247. — Le i)on Jardinier, Almanoch pour l'année iSaf , contenant des
préceptes f;enéraux de culture, l'indication, mois par mois, des travaux
à faire dans les jardins , la description , l'histoire et la culture particu-
lière de toutes les plantes potaj^ères, économiques, ou employées dans
les arts ou pour fourrages ; des arbres fruitiers , de la manière de les bien
conduire, et l'indicalioa des meilleurs fruits , des oignons et plantes à
fleurs d'ornement, etc.; et une table française tiès-complète de tous ies
noms de cbaque plante, avec un noca^w/ft/re explicatif des termes de
jardinage et de botanique; par M VI. Vii.morfn , memhre de la Società
royale d'agriculture, de la Société liorticuiturale de Londres, etc. ; et
Noisette , membre des Socittés horliculluratcs de Londres et de Berlin,
etc. Paris, 1S24, Audot; Bruxelles, Tailicr. In-12 de 1084 pages, avec
figures gravées; prix 8 fr. , et 10 fr. 10 c. par la poste.
L'historique de cet almanach suffira pour lui attirer !a conGance des
cnitivaleurs. Conçu en 1754, accru et amélioré successivement entre
les mains de rédacteurs habiles, il est parvi'uu au point de contenir,
dans un seul volume, toutes nos connais>ances en jardinage. L'art ne
fait pas une découverte, la culture ne s'enrichit pas d'une plante nou-
velle, sans que l'almanach s'empare sur-le-champ de ces deux sortes
d'acquisitions. Ainsi, pourvu qu'il ait été complet une seule fois dans le
cours de sa longue existence, il n'a pu cesser de l'être, puisque les ré-
dacteurs le tiennent scrupuleusement au courant de tout ce que l'on
apprend. Quoiqu'il ait été rédigé spécialement pour le climat de Paris,
ses préceptes seront facilement adaptés à ce qu'exigent les localités plus
chaudes ou plus froides. F.
248. — Anatomicdc l'homme, ou Descriptioft et Ggures lithographiées
de toutes les parties du corps humain ; par Jules Cloqcet, D. M. , pu-
bliée par C. DE Lasteykie. Seizième et dix-septième livraisons. P;iris,
1825-, imprimerie de l'éditeur, rue du Bac, n° 58. Deux cahiers iu-fol.,
avec planches; prix, 9 fr. chaque livraison.
Le naturaliste qui veut étudier ou faire connaître des êtres organisés,
areconnu , depuis long-tems, que de simples descriptions étaient sou-
vent insuffisantes pour déterminer leurs espèces avec certitude, parce
6i4 LIVRES FRANÇAIS.
que tous leurs caractères ne peuvent être décrits à la fois, et qu'il y a de
ces caractères qui se rtfiisent en quelque sorte aux descriptions. Le se-
cours du dessin lui a fourni le moyen d'abréger en même lems celles-ci,
et de donner uDe connaissance bien plus complète, et souvent absolue,
des êtres naturels. Aussi , ne regarde-t-on plus actuellement, en histoire
naturelle, que comme très-mal connus les ctres dont on ne possède que
des descriptions sans figures. La science rendue plus précise par leurs
secours , et son étude plus facile et moins fastidieuse , comptent un plus
grand nombre de disciples qui concourent à ses progrès. Mais, de tou-
tes ses parties, l'anatomie humaine, la plus difficile dans son objet, la
])lus importante dans sa connaissance, réclamait plus impérieusement
l'assistance d'un art qui, associé au langage descriptif, fait connaître la
nature avec tant de précision. Déjà, il est vrai, de magnifiques mono-
graphies anatomiques avaient été publiées par d'illustres auteurs, et
enrichies de ce que le dessin et la gravure ont de plus parfait (i); mais,
relativement à l'ensemble de ia science , ces travaux étaient incomplets,
comme des monographies; et en outre, le prix excessif de la gravure
ne permettait qu'à un petit nombre d'en profiter. — M. Jules Cloquet,
fn appliquant à la représentation de toutes les parties du corps humain
le procédé lilliographique , si fidèle et si peu dispendieux , a donc rendu
un service qui ne sera pas moins senti par ceux qui veulent apprendre,
que par ceux qui veulent se ressouvenir ; il a élevé à l'anatomie un mo-
nument qui facilite beaucoup son étude aux jeunes médecins , jaloux
d'en acquérir une connaissance profonde, et qui permet aux gens du
monde, éloignés des amphithéâtres par un juste dégoût, de ne pas res-
ter étrangers aux notions les plus générales de l'organisation humaine.
Les vastes connaissances anatomiques de l'auteur ne lui eussent point
suffi pour donner à cet ouvrage tout ce mérite, sans une sagacité non
moins grande et dont chaque livraison nouvelle offre de nouveaux té-
moignages. Il est juste lie dire que le travail des artistes qu'il dirige , et
qui, dans les commencemcns , n'a pas été toujours également heureux,
semble maintenant avoir atteint la perfection. Rochoux , D. M.
249. — Vade-mecum du jeune Médecin, contenant un Abrège de mè-
decine-fratique , dans lequel les maladies se trouvent rangées par ordre
alphabétique; — Ln Précis de pharmacologie , renfermant les médica-
mens simples et composés, les formules officinales et magistrales les
plus usitées; et une liste alphabétique des propriétés médicinales des
(l) Ànatomie (lu cerviaii , de G.*t,i,; V(Sil humain ^ par Si>iMiiERiNr. ; le Sys-
tème lymphatique de M.isiCAfi.si , etc., etc.
M VUES FRANÇAIS. GiS
médicamen»; par F. T. M- Bocrgeoisb, D. M. de la Faculté de Paris,
etc. Seconde édition. Paris, 1823 ; Méquigiion-Marvis. Ia-12 de 65o p.;
prix , 5 fr. , et par la poste , (i fr.
On est bien malheurcus , quand on annonce un ouvrage, de ne pas
trouver le moyen de lui donner quelques éloges ; mais j'en demande p^i-
don à l'auteur du T'ade-mccum : plus j'ai rais d'attention à parcourir
son livre, pour en dire un peu de bien, plus je me suis convaincu que
les jeunes médecins, pour lesquels il a été fait, n'y puiseront que des
idées contraires à la bonne médecine-pratique. M. Bourgeoise n'est pas
de force à combattre en faveur des Gèvres; depuis long-tems, leur exis-
tence n'est plus défendue que par l'ignorance ou la mauvaise foi; et déjà,
les médecins, je ne dis p:is, les partisans de la médecine physiologique,
mais ses plusacbarnés adversaires , ne parlent de fièvres adynamique?,
ataxiques, etc., qu'avec la plus grande retenue. Cette concession qu'ils
font au nouveau langage et aux nouvelles doctrines médicales, est déjà
d'un grand avantage pour les malades, puisque, dans ces Gèvres, qui
ne sont que des êtres imaginaires , on ne base plus le traitement sur le
quinquina et les toniques de toute espèce. — Un Vade-mecum, pour avoir
quelque valeur, devrait être l'ouvrage d'un vieux praticien, qui, s'é-
tant toujours tenu au courant des nouvelles découvertes, les apprécierait
et les jugerait avec impartialité. C'est ce que je crois au-dessus des for- ,
ces de tous ceux qui nous ont donné jusqu'à présent des livres dans le
genre de celui que nous annonçons. D.
25o. — Annuaire du département des Fosgcs, pour l'an 1 825. Epiual,
i833.In-i2.
Ceux qui se livrent à l'étude de la statistique, ceux qui aiment les
ob^ervations météorologiques, les questions relatives à l'agricuUure , ou
enfin l'bistoire naturelle, seront pleinement satisfaits par la lecture de
cet Annuaire, l'un des meilleurs ouvrages qu« l'on connaisse en ce genre.
Très-peu de pages sont absorbées par les nomenclatures communes or-
dinairement aux almanacbset aux annuaires. Après avoir p.:yé cet inévi-
table tribut à la nature de leur ouvrage, les auteurs offrent d abord une
notice détaillée sur Epinal, et promettent d'en donner chaque année
sur les principales communes des Vosges. L'état dts forcis du déparle'
ment , et leur influence sur le dérangement des saisons, est un morceau
fort savant et fort curieux. Nous citerons aussi celui sur l'aérolilhe tom-
bé dans la commune de la Baffe, le i5 septembre 1822. — Mais ce qui est
surtout digne d'attention, ce qui déjà avait distingué l'Annuaire de l'an-
née précédente, c'est l'excellent précis des travaux de la Commission
des antiquités du département des Vosges. Cette Commission a perdu,
6i6 LIVRES FRANÇAIS.
diins M. Jollois , Tiin des plus savons antiquaires de France; elle jm-^
prime ici , par extraits , son raémoire sur les antiquités de Gran. La mé-
daille qui a, cette année, couronné les efforts de M. Jollois, nous dis-
pense de tout éloge , et le détail des objets qu'il décrit ne pourrait être
même indiqué, dan< un aussi couri espace que celui dont nous pouvons
disposer. JS'ous allons entretenir nos lecteurs de quelques autres notices;
l'une est de M. Parisot, secrétaire de la Commission, et concerne les
antiquités de Bouzemont. 11 nomme d'abord toutes les chartes où il est
question de ce village, qui n'a aujourd'hui que 262 habitans; puis il
décrit quelques-unes des constructions que l'on y remarque. JVon loin
de là sont des tumuli , que l'auteur croit être celtiques. Ce n'est point
15 mon avis; et peut-être les raisons qu'il donne ne sont-elles pas suffi-
santes, licite les tombelles , découvertes en Alsace par le savant M.
Schweighœuser : j'en ai tout autant à lui montrer dans le département
du Haut-Rhin. Mais, ni ceux de la Basse-Aisjce ni les miens, ni même
les tumuli de Bouzemont, ne prouveraient pour lui ; et le passage de
César, dont il s'appuie, n'est pas, à mon gré, très-concluant. Il faut bien
que deux antiquaires se disputent : je n'en ai pas moins apprécié toute
l'érudition qui est déployée par M. Parisot ea cet endroit ; et j'attends
avec impatience le réstiUat des fouilles qu'il doit faire dans le lieu appelé
le Couvent, où déjà l'on a trouvé des médailles grecques et romaines.
L'Annuaire de iS2'|. doit nous en apprendre le résultat, et je suis bien
aise d'avoir ainsi par arance la certitude de lire bientôt encore un travail
de M. Parisot. Les antiquités de Plombières ont occupé ]\L fe docteur
Jaquot , qui examine la question de savoir si une étuve antique , décou-
verte en septembre 182a, sous la route de Luxcuil, était chauffée arti-
ficiellement. M. Goury, ancien ingénieur en chef, a décrit aussi ua
\aste banc de ciment , au milieu duquel était un puits, où l'on a trou-
vé des médailles romaines. Le village de Champs, près Bruyères, a
été la résidence de Charlemagne . et M. le docteur Mougeot a qu.lque
espoir de déterminer par des fouilles l'emplacement de son palais. Eulin,
les voies romaines ont été suivies par les soins de la Commission, et les
endroits qu'elles traversent £ont tous indiqué-;. C'est avec le plus grand
plaisir que nous lisons dans l'Annuaire des Vosges, la promesse d'une
prochaine publication de l'histoire de la ville et du val de Saint-Dié, par
M. Gr.'vier. Ce qu'on a donné de lui en 1823, permet de concevoir les
plus grandes espérances de son travail. N'oublions pas déparier de M.
Dideiot , curé de Pouxeux, qui emploie ses loisir^ à exhumer des ar-
chives de Remireiiiont et d'Epioal , des chartes et des manuscrits pré-
cieux. Il est peu dedépartemens aussi riches en hommes de mérite, et
' LIVRES FRANÇAIS. 617
l'élude de l'antiquilé ne compte poiat partout des zélateurs aussi éclai-
rés. Ph. GOLBÉBY.
25 1. — Atlas français ou Nouvel atlas de France, divisé par déparle-
mcns, dressé à l'échelle d'j—^ , composé de 90 ftuilles, dont 86 repré-
sentent les 86 départemens, et dont les 4 autres sont destinées aux cartes
générales physique et politique, au litre de l'atlas et au tableau des signes
conventionnels. Première et seconde livraisons, composées, l'une du
titre de l'ouvrage, du département de la Seine et de Seine-et Oise, et
de celui des Basses-Pyrénées ; l'autre des départemens des Hautes-Py-
rénées et des Pyrénées-Orientales, et du tableau des signes conven-
tionnels.— L'Atlas français parait par livraisons de trois feuilles, qui sont
publiées de tiois mois en trois mois. Le prix de chaque livraison est,
j^our (es souscripteurs , de 12 fr. papier ordinaire , enluminé, et de i5
Ir. papier vélin satiné et enluminé. Chaque carie se vend séparément:
papier ordinaire, 5 Tr. ; papier vélin, 6 fr. On ne paie qu'en recevaut
les livraisons. Les demandes, lettres, argent, etc. , doivent être adres-
sées, franc de port, à Paris, chez les auteurs, MM. Eugènedc Bbanville,
rue de Grenelle, n" 5, au (îros-Caillou ; L. A. Pailuieb, rue de Vaugi-
rard , n° 90.
Ces deux livraisons garantissent à cette belle entreprise le succès le plus
grand et le mieux mérité. Leurs auteurs rendent un service véritable à
la science, au commerce et à tous ceux qui sont curieux d'acquérir une
des cotiDais>ances les plus indispensables à l'homme en société. Z.
252('). — Dictionnaire chronologt(jU6 et raisonné de^ découvertes en
France , de 1789 à la Un de 18.0 , Tom. XI (MAC-MOU). Paris, 1820 ;
Colas, rue Dauphine, n° 02. In-S", de Gi4 pages; prix j fr, , et 8 fr.
80 c. {f^oy. ci-dessus , pag. 170).
Ce volume renferme deux articles de zoologie d'une haute importance.
Le premier fait connaître par quelle suite de raisounemens M. de Lace-
pède a été conduit à former sa table mè.lliodique des manimifères. Après
les avoir divisés en trois classes, dont la première est celle des quadru-
pèdes vivipares ', la seconde celle des mammifères ailés, et la troisième
celle des tnam.mifères marins , l'auteur a subdivisé chacune de ce^ classes
d'après les organes extérieures de leurs mouvemcns; enfin, c'est dans la
nature et dans l'absence des dents qu'il a cherché les signes distinctifs
des ordres dont devait se composer chaque sous-division. — Le deuxième
article est extrait de deux beaux mémoires de RL Frédéric Guvier, dont
ce savant a l'ait un ouvrage publié récemment. Ce naturaliste, dont la
modestie surpasse encore le mérite, est le premier qui ait employé les
T. XX. — Décembre i825. ^<j
6.8 LIVRES FRANÇAIS.
dents comme caractère général pour la formation des genres de mammi-
fères, en prenant pour caractères secondaires ceux que l'on trouve dans
les organes des sens, du mouvement, de la génération ; et en réservant
les légurae'ns pour distinguer les espèces. Nous avons encore remarqué
les observations de MM. Beudant et de Lamarck sur les mollusques ^ et
plusieurs articles de M. G. Guvier. — Nous avons distingué , parmi les
articles de botanique : i" celui où M. Du Petit-Thounrs a fait connaître
qu'il avait trouvé deux embryons dans un grain de maïs ; 2' des oAiCi'-
vations de M, Ramond relatives à ta végétation des montagnex, et pu-
bliées à une époque où MM. de Humboldt et Decandolle n'avaient pas
encore enrichi la géographie totaniqiie de leurs découvertes et de leurs
travaux; 5° des articles de MM. Ventenat et Palissot de Bcauvois sur
la fructification et les organes sexuels des trwusses et des lycopodes. —
Si l'on passe à l'agriculture et à l'économie rurale, on s'arrélera sur les
observations de MM. Boncerf, Carbon de Fontaine, de Perthins et Her-
\\in,sur le dasccUcment des marais. On lira aussi avec intérêt l'exposé
des expériences de MM. Ch. Pictet , Cadet et Lapanouze, sur la quan-
tité de sucre qu'on peut retirer du maïs; et l'article sur la naturalisa-
tion des mérinos en France, par MM. Billard, Mac-Malion , de Lastey-
rie , Pojféré de Cère, Teissier, Ternaux, etc. — Le résumé des expé-
riences de Coulomb et de M. Trémery sir le magnétisme , et les ob-
servations de MM. Biot et de Humboldt sur les variations de l'aiguille
magnétique à différentes latitudes, forn^ent des articles intéressons pour
les physiciens. Il en est de même des expériences de M. Péron sur la
température de (a mer à différentes profondeurs ; de la théorie physi-
co-mathématique des mondes, par M. Lancelin , où l'auteur cherche à
démonirer, par les faits ( t par le calcul, que les planètes, les satellites
et les comètes sont formées par des explosions spontanées du .-olei!, de
Jupiter, etc., lesquelles, combinées avec le mouvement de rotation de
ces grandes masses avec l'attraction mutuelle des corps lancés, et les autres
causes développées dans l'ouvrage, ont suffi pour déterminer un syslèine
d'orbites peu excentriques. — L'article météorologie, dont les matériaux
sont dus à Mooge , mérite aussi une attention jiarticulière. — Celle des
chimistes s'arrêtera sur V analyse du marron-d' inde , par M. Vauquelin;
sur les travaux de Berlhoilet, Guibourt, Vogel Vitalis, relatifs]au mer-
cure; sur la purification du miel, par M. Thénard, sur la fabrication en
grand du minium,, par MM. Olivier, d'Artigues. La morphine, cette subs-
tance qui vient d'occuper le public d'une manière si afiligeante, a fourni
deux articles dus à MM. Orfila et Magendie. — Les physiologistes remar-
«jucront les observations de M.LegaUois sur le sicg» et le principe du sen -
LIVRES FRANÇAIS. 619
rnent et du mouvement, qu'ils aimeront à rapprocher des belles expérien-
ces de MM. Magendie, Flourens el Serres. Les maiadies héréditaires ,
ta manie, la luaniérede rendre tes médicanuns moins disatjréablcs, la
mèdeeine des Chinois, ont fourni à MM. Portai, lisquirol, Vireyet Le-
page des articles curieux. Les auteurs du Diciionnaiie n'ont pas né^li-'é
le» arts industriels, ainsi que le témoignent l'invention dis macitines d
scier le mari/re, par M. Barbier; la teinture et l'inipression du maro-
quin par M. Dolfus ; le mastic de hitumc minerai, par M. Garroz ; ce~
lui de Dibl ; les différentes espèces de n*ec/ie$; les motUins d farine , le
moulin à drajuer, de M. Hubert, etc. — La mer Bouge est le sujet de
plusieurs dissertations fféographiques , parmi lesquelles on doit citer
celle de M. Rozièrc; c'est aussi à la description de la terre que se rap-
porte la méthode de M. Puissant poui tracer ritjourc.uscvient tes méri-
diens et les 'parallèles. — f> ux -diùcle^iXe mathématiques se font sur-
tout remarquer : le premier est une analyse de l'ingénieux travail de M.
Poinsot sur des polyfjoncs el des polyèdres, dont personne ne s'était oc-
cupé avant lui. Le second est dû a M. Lcgendre, et fait connaître la nic-
tiiode des moindres carres employée par ce géomètre quand il s'agit de
tirer de mesures doimées par l'observation des résultais les plus exacts
qu'elles puissent fournir. — Le mélodrame , dont l'invention est attri-
buée à MM. Cuvelier et de Pixérécourt , est le sujet d'un morceau éten-
du, où l'auteur fait des observations trés-judicieusts relativement a la
supériorité des mélodrames de MM. Mélesville, Ducange, Daub'gnj,
etc. , sur ceux qu'on a joués au commencement de la révolution. Cet
écrivain pose d'une manière assez précise et assez juste les règles de ce
genre de pièces, et défend avec esprit la cause des jeunes auteurs qui
essaient leurs forces dans des composiiion» où Ils peuvent se livrer avec
plus de liberïé à leurs inspirations. — IVous citerons, en terminant, la
description des ruines de Med-a-Moud , et des édifices de Mcd\ net-
Abou, par MM. Jollois et de Villiers; ces deux articles, fort étendus el
extraits du grand ouvrage sur l'Egypte , sont précieux pour les person-
nes qui ne peuvent se procurer ce bel ouvrage.
255 ('). ■ — Collection de machines , d'instrumens , ustensiles , etc. ;
par le comte de Lasteyrik. ^', 5* et 6' livraisons. Paris, iXaô ; Arthus
Bertrand, rue Haiitefeuille , n° aô. Prix de chaque livraison , ^[t.Toi/.
Tom. XIX , p.Tg. 420.)
La 4' livraison contient la fin des haies et clôtures, dont nous avons
déjà parlé dans notre précédent article. Les 20 planches des deux au-
tres livrai^ons sont toutes consacrées aux macfiines de transport. Dans la
planche première, nous avons remarqué labrouette à caisson horizontal.
620 LIVRES FRANÇAIS.
donl la roue est placée au ccnîre, et qui sert à transporter les grains,
etc. ; le cliarriot à quatre roues , avec lequel les Hollandais transportent
leurs denrées au marché , et qui est assez léger pour être traîné par deux
ou trois chiens. Dans la planche quatrième, notre attention s'est portée
sur la hrouetle à iaquet, qui peut être fort utile pour les irrigations , le
transport du vin, etc. Parmi les machines de la planche huitième (que
le dessinateur a numérotée g , tandis qu'il a donné le n" 8 à la planch. 9),
nous citerons le fétiche du département de la Gironde, qui sert à trans-
porter des fardeaux , et qui s'appuie à la fois sur la trte et sur les deux
épaules. La planche treizième représente , entre autres objets , nue iar-
rique tournante, assujettie à des brancards, et en usage dans les Etats-
Unis , pour charrier le tabac et autres denrées , dans les cantons où l'on
manque do chemins; xmt charrette dont on se sert dans la Vieille-Cas-
lille, et remarquable non-seulement par sou essieu tournant, raais en-
core par la construction économique de ses roues. La charrette à treuil
de la planche quinzième, employée en Suède, est commode pour le
chargement des corps pesans. Dans la planche seizième, on remarque
la charrette belge, qui est garnie en dessous d'un grand panier soutenu
par des chaînes, et d'un usage avantageux sur les bonnes roules. La
charrette romaine de la planche dix-huitième mérite d'être citée, parce
qu'elle est d'une construction facile, et qu'elle a été, dit-on, construite
d'après un dessin donné par Michel-Ange. La même planche repré.^ente
aussi une charrette de montagnis, employée en Espagne; les roues en
sont très-solides, et fixées à un essiiu tournant qui porte le corps de la
charrette. Ou remarque , dans la planche dix-neuvième, \g traîneau à
roues du Bolonais. Il a l'avantage d'avoir un avant-train, qui permet de
le faire tourner facilement au coin des rues. La planche vingtième ren-
ferme les dessin.-, des charrettes et tumbereaux l<s plus usités à Paris.
A. M— T.
254 — Purgatoire de feu M. ie Comte Joseph de Maislre , ex-ministre
du roi de Sardaigne , etc. ; par M. Sekli , prêtre étranger . aumônier du
i5= régiment d'infiinterie de ligne. Paris, ibzS. In-S" de iv-ga pages.
M. de Maislre nous a laissé trois ouvrages, qui ont fait quelque bruit
par le talent et l'audace, unis aux plus absurdes et aux plus ridicules er-
reurs. L'un est intitulé, DuPafc, Louvain , 1821 ; l'autre , De i'Lglise
gallicane, dans son rapfart avec le souverain Pontife, Anvers, 182a ;
et le troisième. Lettre à un Gentilhomme russe, sur l'Inquisition ,
Paris, 1822. L'auteur y prêche rinfaillibililé des bulles et des brefs des
papes, sans songera concilier leurs contradictions si connues, ni même
à justifier leur opposition trop peu rare avec l'Evangile et avec l'ordre
LIVRES FRANÇAIS. Gai
public. Ce n'est pas tout , il fait l'apologie de la sainte Inquisition d'Es-
pagne , et des grands services que cet horrible tribunal a rendus et peut
rendre aux gouverncinens. Le Purgatoire est une censure religieuse et
badine de ces trois écrits , plus clignes de pilié que de réfutation. (Voy.
V Abrégé de l'Histoire de l'Inquisition d'Espagne , par M. Gallois , a""
édition, 1 vol.-in-i«. Paris, iSaj. — Rev. Ennjclojy., Tom. XIX, pag.
690.) ^•
255 (•), — La morale et la politique d'Aristote, traduites, du grec
par M. TncaOT, professeur au collège de France et à la faculté des let-
tres de Paris. Tom. I" {Morale). Paris, 1825 ; Firmin Didot. Un vol.
in-S'- prix, 10 fr. papier fin ; 20 fr. papier vélin.
Si ce n'est pas absolument la première fois que la morale d'Aristole
paraît en français, il n'en existait du moins qu'une traduction à peu près
inconnue aujourd'hui , et fort imparfaite, publiée en i6i4, parC.Calel,
conseiller au parlement de Toulouse. La traduction que donne M. Thu-
rot a été faite sur l'édition grecque que M. Coray fit imprimer à Paris
l'année dernière; cl les lumières réunies de ces deux savans hellénistes
ont dû donner à ce travail toute la perfection dont il est susceptible.
M. Tburot, qui est également versé dans l'histoire et la théorie des opi-
nions philosophiques, a mis en tèle de sa traduction un discours préli-
minaire , où il retrace , dans une esquisse rapide, l'histoire de la science
morale chez les Grecs. Afin de mettre le lecteur à même d'apprécier la
doctrine d'Aristote, il expose d'abord l'état de la science avant ce phi-
losophe, puis ce qu'elle a dû aux méditations de ses successears. Il a
caractérisé avec précision l'influence de Socrate sur son épo jue, et les
diverses écoles nées après lui, les sysièmcs de Platon et d'Aristote, de
Zenon et d'Épicure. — Cet ouvrage se vend au profit des malheureux
Grecs échappés aux massacres de Scio. Il n'e.sl pas besoin de rappeler
que, dans cette île, sur une population d'environ 120,000 personnes,
en peu de jours, 4o,ooo ont été massacrées ; 5o,ooo, emmené< s eu escla-
vage, se verront peut-être la plupart forcés d'embrasser l'islamisme , et
le reste, luttant contre la misère et le désespoir, s'est trouvé dispersé
dans toutes les parties de l'Europe. Un gymnase , où se trouvaient réu-
nis Soo étudians, a été détruit; une bibliothèque de 60,000 volumes
est devenue la proie des flammes. En secondant les vues désintéressées
du traducteur, les souscripteurs auront donc aussi la satisfaction de pro-
curer quelques secours aux infortunés qui , après avoir échappé à ce dé-
sastre, se voient aujourd'hui réduits à une existence précaire et misé-
rable. — Nous rendrons prochainement un compte plus détaillé de cet
important ouvrage. **■*
6i2 LIVRES FRANÇAIS.
256. — Eechcrchesiurlemécanisme social de la France; par M. Mazet.
Mciitpellier, 1822; Ricard. In-4°de52 pa'^es.
aSj. — Thioric du mouvement social; par le n:ême. Paris, iSaS;
Lecaudcy. Tientc-dciix pages in-S".
Ces fieux ouvrages .sont dignes de fixer i'allenlion des personnes qui
aiment a s'instruire et à méditer sur l'orgdni.^ation sociale. Voici l'ana-
lyse exacte d'une idée principale qui s'y trouve développée :— La vie de
tous les corps consiste dans leur mouvement; — la vie du corps social
consiste dans la plus grande activité de son mouvement créateur, qui est
celui des cchanijes. — La cause, le moteur du mouvement est le mieux
être, l'intérêt du corps social qui se meut Le moyen et le signe du
mouvement social est le numéraire. — Le numeiaire était insuÉGsant
au besoin du mouvement: — le crédit a suppléé à cette insuffisance. —
Outre que le premier signe, le numéraire, est insuffisant , il est vicieux
autant qu'utile, car il est naturellement propre à favoiiser tout genre
de désordre ; ce n'est donc pas le meilleur moyen de procurer le mieux
être social. — Le second signe , le crédit , est souvent imaginaire , con-
séquemment dépourvu de réalité, de garantie. — Le crédit est néan-
moins le grand principe du mouvement social , mais il faut le constituer
sur une ba,e indestructible, qui ne peut être que le territoire, puis-
qu'il faut aux hommes, avertis par l'expérience, des garanties vraiment
certaines de l'utilité du mouvement Mais, le IcrritoTe ne peut de-
■venir le signe garant de l'utilité du mouvement que par sa monétiya-
tioa. —Cette nouvelle monnaie , morale de sa nature , conduit à sa per-
fection tout corps social chez lequel elle sera instituée; elle jette tout-à-
coup le fondement de la société universelle. — Le seul f.iit de l'institu-
tion de celte monnaie, loin de blesser aucun intérêt bien entendu ,
assure tout à la fois et décuple proportionnellement le iien-éire de cha-
que existence individuelle.
258. — TaKeau de l'intérieur des prisons de France, ou Études sur
Ja situation et les souffrances morales et physiques de toutes le> classes
de prisonniers ou détenus, par J. F. T. Gihocvikb : Punis (e criminel,
mais n'outrage foint Viiommc. Paris, 182."); Baudouin fières. Un vol.
in -8" de 276 pag; prix, 4 fr. Soc.
Sans doute, il ne faut outrager personne, pas même les criminels.
Mais allons plus loin : il faut, s'il est possible, empêcher qu'on n'oppri-
me ni par les lois, ni de fait, les détenus innoceus ou coupables, et par-
ticulièrement ceux qui ne sont pas condamnés. Voilà ce que ne dit pas
l'épigraphe de l'auteur, et ce qui est pourtant l'objet principal de tout
son livre. — JNous avons annoncé, il y a peu de mois, un bon ouvrage sur
IJVRF.S FRANÇAIS. G^^
les abus des ijagncs , et le livre des prisons, telles qu'eUes sont et telles
qu' elles devraient être , par M. le D. £oMi5-/?e7M; Villebmk. (Pdris, 1820.
Un vol. in-8°de kji pag. Méijuignon-Marvis.) Celui-ci est tl'une plus gran-
de iraporlanee, puisqu'il traite des abus qui se ioul remarquer générale-
ment dans toutes les prisons du royaunie. Ce n'est pas sansraison que l'on
reproelie à notre liberté actuelle, toujours demeurant façonnée par les loia
de Napoléon ou par ses décrets, et par quel^jucs mesure* non moins sé-
vères, d'être, même légalement, l)caucoup plus dure et plus emprison-
nante qu'elle ne l'était dans l'ancien régime. JNous comptons, par exem-
ple, bien des ciimes devant la loi qui ne devraient être que des délits cor-
rectionnels; on punit arbitrairement de la prison, beaucoup trop prolon-
gée par la faute des juges et de la loi, une foule de délits de simple police,
ou qu'il suffirait de punir d'amendes pour la première ou la seconde fois,
et d'amendes qui ne fussent pas en effet de véritables confiscations,
comme elles le sont trop souvent. La création immorale et toujours sub-
sistante du prétendu crime de non révélation, multiplie aussi les délLO-
lions, et pour cinq ans. Dans le tems dts plus longues détentions n'est
point compté celui qui précéda la condamnation , et qui a duré plusieurs
mois, quelquefois plus d'un an. Pour l'amende ou les frais, le condamné
peut être retenu encore cinq ans, à cause de son insolvabilité. Les em-
prisonnemens légaux provisoires sout ordonnés plus fréquemment, plus
légèrement qu'autrefois, parce qu'on a prodigué le droit d'arre?laliun
à toutes sortes de foDclionnaires ; et lorsque les juges doivent délibérer
de l'accusation qui entraîne d'ordinaire l'emprisonnement, la voix ac-
cusatrice d'un sçul juge est plus forte que celle des autres juges qui com-
posent le tribunal. Il n'v a point de responsabilité directe et régulière
contre les agens emprisonoans du pouvoir ministériel; et les juges, dans
nos circonstances, ne manquent point de raisons ni de piétixlcs pour
les votes de la plus grande rigueur; de là encore il arrive que les déten-
tions sont multipliées et prolongées. Ce qu'il y a de très-laclicus , c'est
que, dans l'état des clioses , outre que le pouvoir législatif n'est guère
occupé que du budget, on craindrait que, s'il travaillait maintenant a
d'autres lois, ce ne fût pas dans la vue de diminuer Us rigueurs. Quant
à présent , les remèdes sont dans le courage et le zèle des bons écrivains
pour signaler les désordres; dans l'inlerventiou des sociétés pour le sou-
lagement des prisonniers; enfin, dans le domaine des ordonn.Tnccs et
des règiemens; dans la bonne volonté des ministres, des préfets et sous-
préfets, et de leurs délégués, qu'on appelle maires et officiers munici-
paux; dans l'absence entière du vrai gouvernement municipal; enfin,
dans la sagesse cl la charité des aumôniers et autres ecclésiastiques»
624 LIVRES ITxAN'ÇAIS.
Mais, à tons égards, un grand intérêt est dû aux ouvrages, tels que ce-
lui de M. Ginouvicr. Il y traite, en douze chapitres, dont la labié
manque, de l'acte d'incarcération , des différens établissemens de dé-
tention , des concierges ou gardiens , des directeurs ou économes , et des
guichetiers ; dt la détention , yar voie de police de sûreté ; des lourmens
qui suivent la mise au secret, et de l'espionnage dans les prisons; des
secours et des soins de bienveillance accordés aux prisonniers; de ce
qui s'observe ou doit s'observer dans les prisons, en vue de la morale et
de la religion; du départ pour le tribunal, des menottes et de l;i ren-
trée en prison après la condamnation ; de la justice et de la législation
criminelle par rapport aux détentions. C'est là par où il fallait commen-
cer, et sur quoi l'auteur n'a peut-être pas assez insisté, quoiqu'il fasse
plusieurs observations justes et hardies; enfin, viennent des réflexions
sur ce qui précède et suit l'exécution des jugemcns criminels , et sur la
sortie après l'acquiltemenl. Il y a beaucoup à profiter dans ce livre, pour
toutf'S sortes de per.^onnes, et spécialement pourxielles qui participent
au régime des prisons et des autres maisons de détention.
, LAVi}vif>\ts , de l'Irtstitut,
2 59. — Rapport sur les opérations du Comité des Grecs , lu à la Socicté
de la Morale chrélienne , dans la séance du 10 novembre 182J, par M.
Mahpl, l'un des membres du comité; imprimé par ordre du conseil.
Crapeiet. Brochure in-8° de 5o pages. (Ne se vend pas.)
Au premier rang des Sociétés philanlropiques dont s'honore la Fran-
ce , nous devons sans doute placer la Société de la Morale chrétienne,
dont nous avons fait plusieurs mentions dans ce recueil. (Voy. liev.Enc,
Tom. XIII, pag. 245; T. XVI, p. 419,616,61;; T. XVII, p. 675;
T. XVIII, p. 2.56, et T. XIX , p. 245.) Ses comités pour l'abolition de
la lia:tedesKoirs, pour l'abolition des maisons de jeux et des loteries,
pour les Grecs, ont déjà fait part au public de plusieurs travaux impor-
tans; et, sans avoir à leur disposition des moyens pécuniaires considé-
rables, ils ont cependant réussi à remplir en partie leur utile destina-
tion. On trouve, dans le rapport de M. Malml, les détails de ce que le co-
mité a pu faire en faveur des Grecs qui se trouvaient en France, et qui
désiraient retourner dans les rangs de leurs frères. Mais la partie inté-
ressante de cette brochure consiste surtout dans les pièces justificati-
ves, parmi lesquelles on trouve des documens curieux, relatifs à l'insur-
reclion grecque et aux dispositions de l,i diplomatie européenne à l'é-
gard des infortunés Hellènes. {F oyez ci-dessus, pag. lôo, des détails
»ur l'insurrection grecque.) A. J.
a6o (*). — De l'Économie puMitfue et rurale des Égyptiens et des Car-
LIVRES FRANÇAIS. 62'')
thnrfînots; par L. Rf.ynier. Paris, 182J; J. J. Paschoud ; Genève, ie
même. Un vol. in-S" ; prix, 7 fr. , et par la poste, 9 fr.
261. — Fragtncns d'un nouvel écrit sur les finances, relatifs à l'amé-
liorationdu taux vénal des propiiélés particulières dites nationales ; par
yi rmand SÉGviî). Paris, i823; Guiraudet et Gallay, rue Saint-Honoré,
n" 5i5. In^" de Si pages. (Ne se vend pas.)
Le sîyle apocalyptique de M. Séguin nous a toul-à-fail dérobé la con-
naissance de ses vues financières. A l'cxceplion de quelques vérités in-
contestables, mais si évidentes qu'il était superflu de le» élayer de preu-
ves, ces fragmens auraient besoin d'être traduits en langage vulgaire , et
mis à lapoitée des intelligences médiocres. L'un des collaborateurs d'un
journal quotidien a été plus pénétrant que nous : il a compris , ou a cru
comprendre M. Séguin , mais il ne l'a point interprété; en sorte que
nous n'en sommes pas mieux instruits sur ces grands moyens qui , sui-
vant l'auteur, opéreraient des prodiges. Pour donner une haute idée de"
l'entreprise de M. Séguin, il nous suflira decitirson é|)igraphe. «Dé-
montrer la possibilité, revi-iue d'immenses avantages pour l'état, de
la réalisation d'un sentiment intime de justice, c'est satisfaire touslts
intérêts, et détruire un cercle d'illusions, de tergivi-rsalions et d'ajour-
nemens, qui ne pourraient être présentés comme alimens qu'à des âmes
débiles qui n'auiaient pas été retrempées par trente années de tour-
mentes. »
26a. — Aperçu de la situation financière de V Espagne; par M. Alexan-
dre DB Laeurdk^ membre de l'Institut, etc. Paris, 1823 ; l'éditeur des
Taitctlcs universelles, rue Raine-.u , n" 6. In -8° de trois feuilles;
prix , i fr. 5o c.
Cette brochure de circonstance n'est-elle pas hors des attributions de
la Revue Encyclo'pédique? Nous avons commencé parle craindre, à l'ins-
pection du titre; mais la lecture de l'écrit nous a rassurés. M. de Laborde
ne limite point ses considérations à la crise que l'Espagne subit en ce
moment ; il porte ses regard* plus loin et plus haut : il interroge l'his-
toire de plusieurs règnes, et fonde ses raisonneincns sur des principes,
des maximes et des données statistiques qui appartiennent à des scien-
ces que l'on peut considérer en elles-mêmes, et indépendamment de
toute applicalii)n. L'auteur s'étonne que l'on s'occupe autant qu'on le
fait de savoir 0 si le gouvernement espagnol doit oa ne doit pas remplir
les engagetneus qu'il a contractés à diffcreutes époques, sans chercher
à connaître s'il est véritablement en état de le faire. » Ce n'est peut-être
pas sous ce point de vue que la sollicitude générale sur le sort d.-s em-
prunts faits par le» Cortès espagnoles a été le plus remarquable. Durant
f^2G LIVRES FRANÇAIS.
plus de quatre mois, les événemens de la guerre de la péninsule n'ont
excite que de la curiosité; tant que les décrets du port Sainte-Marie se
sont boinés à des arrestations, à des cxiU , à des proscriptions, on ne
s'en est occupé que faiblement; tant de sang et de larmes, ces longues
infortunes d'un si grand nombre de familles, n'ont presque pas fait de
sensation; mais, dès qu'il a été question de quelques éciis, l'Europe
tout entière s'est émue. Il serait trop long d'assiginr les causes de ce
pLénoinènc moral, aussi ancien que l'exislence des nations ; m.us il fal-
hiit au moins le remarquer. Quant à la manière dont la question de droit
a été discutée, soit dans riiilérôt des créanciers du gouvernement es-
pagnol, soi! en faveur des déclarations du port Sainte-Marie, on s'est
appuyé de part et d'autre sur des principe» qui s'excluent mutuellement,
en sorte que, pour arriver à des conclusions confradidoires, il suffisait
«juc chaque parti raisonnât également bien. Les créanciers, se fondant
tur la morale universelle et sur les notions vulgaires d'équité, croyaient
avoir contracté avec le gouvernement espagnol comme représentant de
la nation , et l'autorité royale leur a répondu : l'étal, c'est moi. — Cette
manière de raisonner n'est pas nouvelle en Espagne. Ce fut ainsi , dit M.
de Laborde, que le bucce>seur de Philippe V refusa de reconnaître les
dettes du règne précédent; mais Charles lll , prince qui avait les ver-
tus d'un particulier, crut que l'équité lui imposait le devoir d'acquitter
les charges de la couronne qu'il tenait de son aïeul, et il le fit, autant
que les événemens de son règne le lui permirent. Et de quelle nature
étaient ces créances que Ferdinand désavouait? Il est pénible de le dire,
même d'après l'histoire : c'étaient les plus sacrées de tontes , des nan-
tissemens, des fonds de banque, des em()runls sans intérêts, etc. —
La dette de l'Espagne est de plus de trois milliards cinq cent uiillious
de francs. Elle se compose de deux parties, dont la première est sans
intérêt, et l'autre, constituée au taux de 5 pour loo : cette seconde
partie est à peu près les dix-sept trente-sixièmes du tout ; en sorte que
le payement manuel des intérêts est une dépense de près de 85 millions
de francs. M. de Laborde estime que, dans la supposition la plus l'avo-
rable, la recette pourrait s'élever cjcore à loo millions; mais il faudrait
que les traces de la guerre eussent disparu, que la culture et l'industrie
revinssent au moins à leur ancien étal. Le budget des dépenses, en
mais 1822, excédait le double de cette recette, tout exagérée qu'elle
est; car le ministre Canga- Aryutllès la réduisait de plus de moiîié.
Voilà l'étal présent et réel : les espérances que M. de Laborde fait en-
trevoir dans l'avenir, ne reposent que sur ce que l'on pourrait faire.
Tiolre auteur connaît lièn-bien l'Espagne; a-l-il une idée aussi juste des
LIVRES FRATSOÂIS. 60.7
Espagnols d'aujonid'hui? et d'ailleurs, qu'importent 1rs q'jalités, bonnes
ou mauvaises, d'une nation qui a perdu son indépendance ? — La conclu-
sion de M. de Laborde est désespérante pour l'Espagne: il ne trouve qu'un
moyen de salut pour ce pays, c'est d'y faire précisément ce que les Corlès
avaient préparé et commencé. Nous n'avons pu donner qu'une idée très-
imparfaite d'un écrit aussi plein de faits, aussi fort de raisonnemens, et
si court, qu'il semble plutôt aroir besoin de commenlaire que se prê-
ter à l'analyse. L'auteur de V Itinéraire en Espagne , nous le répétons,
connaît très-bien le pays dont il nous parle; une foule de témoins ocu-
laires ont pu véiiGer l'exactitude de ses récits. 11 essaie, page 16, d'a-
doucir les trai's sévères du tableau qu'il a tracé ; mais il ne s'est occupé
que des finances, de leur élat présent et des moyens de les restaurer :
il n'a considéré les autres maux dont l'Espagne est accablée qu'en raison
de leur influence sur les ressources et les revenus de l'état. 11 reste donc
encore à tirer des désastres de la péninsule la plus précieuse de toutes
les instructions, celle qui tend à perfectionner la morale des peuples.
Que des écrivains courageux transmettent à la postérité le résultat dr.-.
longues et cruelles expériences de nntre âge; qu'ils s'atlacbent smiont
à faire connaître les causes de l'altération du caractère moral des peuples
par l'ilTet des guerres civiles , et à démêler pourquoi cette altéiation fut
salutaire en France, et si funeste en Espagne. F.
265. — Le droit civil français, suivant l'ordre du Code; par M.
Toii.LiEB. professeur, bâtonnier de l'ordre des avocats de Rennes.
Tom. XI. Paris, iSaj; Warée. In-S" de 667 pages; prix, 10 fr., et 11
ù. 25 e. (Voy. Rev.Enc, Tom. XVI, pag. 35 J.)
Le Tom. XI de cet excellent ou\ragc, où la théorie du droit civil est
plus approfondie que dans tous les livres de ce genre, termine l'exposé
des principes généraux, tant sur les obligations conventionnelles que
sur les eng^gcmens qui se forment sans convention. On y trouve des
tables générales, étendues, cl complètes des malièies expliquées, et des
articles des cinq Codes interprétés dans les onze volumes. Le douzième
est bOus presse; il commence l'important traite du contrat de mariage
ei des droits respectifs des époux.
264. — Jurisprudence et style du Notaire, etc.; par MM. Massé,
ancien notaire, et L'Heebette, ancien magistrat. T. III. Paris , 1825 ;
Warée. ln-S° de 65a pages; prix, 6 fr. , et 7 fr. 73 c.
Cet ouvrage est un cours général théorique et pratique sur toutes les
parties de notre droit civil, qu'on peut rapporter à la science du nota-
riat, c'est-a-dire sur presque toutes ses parties. Les auteurs approfon-
dissent les questions les plus abstruses; ils expostint les autres avec au-
628 LIVRES FRANÇAIS.
tant de clarté que de précision. Leur Iravail sera uliJe à tous ceux qui
sont destinés aux occupations du notariat , aux exercices du barreau,
aux fonction; de la mag'slrature. L.
265. — Formutaire alphabétique, ou Manuel-pratique des gardes-
champêtres, des i}ardcs-forcstiers et des gardes -pèche; par J. M. Dc-
FOLE, avocat, ancien jufjc au tribunal du département de la Seine. Paris,
iSaS; A. Bavoux , rue Gil-le-Cœur. Un vol. in-12; prix, 1 f'r,
2^)6. — Législation et jurisprudence des successions, suivant le droit
ancien, le droit intermédiaire , cl le droit nouveau ; par Paillet, avo-
cat à la cour royale d'Orléans. Edition augmentée. Paris, iSaô; le mê-
me. Trois vol. in-8° ; prix , 18 Ir. , et 24 Ir. par la poste.
Il faut do la science pour toutes les classes de lecteurs, comme il faut
des alimens pour tous les estomacs; et l'on doit quelque reconnaissance
à ceux qui veulent bien etjiployer leurs loisirs à essayer de la mettre à
la portée des espiits même les plus ordinaires. — Les agons subalternes,
préposés à la police des champs, des forêts et des rivières, apprendront
ce qu'il leur est rigoureusement nécessaire de savoir dans l'exercice de
leurs fonctions , à l'aide du Manuel-pratique de M. Dufour (f). — L'ou-
vrage de M. Paillet est plus important ; mais c'est moins un traité qu'une
compilation. 11 contient une analyse rapide de l'ancienne législation
sur les successions, selon le droit romain et selon le droit français; un
utile aperçu des lois intermédiaires , des lois nouvelles, et des monu-
mens de la jurisprudence générale sur cette matière et sur celles qui s'y
rattachent. Il est propre à abréger et à ftciliter les recherclies. On ne
lira pas sans fruit l'introduction dont il est précédé : elle offre une no-
tice iiistorique et substantielle de cette partie du droit romain, et de
notre droit fiançais.
267. — Mémorial de Jurisprudence des Cours royales de France ,
avec une notice des décisions ministérielles ou administratives les plus
remarquables; par M. Tajan, avocat. Tom. VI et VII. Toulouse, 5820 ;
au bureau du Mémorial, rue Peyrolières , a° 4-^. Deux vol. in-iS»; prix,
i5 francs.
La jurisprudence forme le complément de la législation; elle est le
flambeau qui porte la lumière sur les dispositions des lois qui présentent
un sens obscur; et un bon choix d'arrêts notables , fait par d'Iiabiles ju-
risconsultes, est sans contredit le meilleur commentaire qui puisse en
(i) Ce jurisconsulte avait déjà fait paraître, en 1822, ua ouvrage éléuienlaire ,
en 2 vol. in-12 , chez le même libraire , qui a aussi son degré d'utilité, sur la Ja-
risjiriideiîce du Code civil. Prix, 8 Ir.
LIVRES FRANÇAIS. 629
èlre donné. Celui que conlinue de publier M. Tajan mérite li'ctre dis-
tingué par les soins particuliers qu'il y apporte, et par l'importance des
questions dont il offre la jiolulion légale. Nous exprimerons, néanmoins,
un vœu qui est conforme au plan que M. Tajan s'était tracé lui-même,
et qu'il a suivi pendant les trois premières années de l'existence de son
recueil. Il eût mieux faii, à notre avis, de se bornera y l'aire connaître la
jurisprudence des cours royales du Midi, de ce pays autrefois régi par le
droit écrit. L'observateur eût aimé a y trouver, sans mélange, un objet
de comparaison avec la jurisprudence des cours des ci-dcvant pays de
coutume ; et les résultats de celle comparaison eussent pu présenter des
nuances, dans l'application des lois , dignes de fixer l'attention du lé-
gislateur. En travaillant sur un plan plus raste , M. Tajan travaille moins
dans l'intérêt de la science; il prive ses lecteurs <l'un plus grand nom-
bre d'arrêts des cours du Midi , que son recueil ét.iit destiné à contenir
dans l'origine ; et ce recueil perd cet intérêt de localité qu'il offrait d'a-
bord.Tel qu'il est , néanrnoiijs, il figure avec distinction à côté du Jour-
nal du Palais , et du Journal de M. Sirey. Il est essentiellement riche
des arrêts de la cour royale de Toulouse, dont les sages décisions se font
remarquer parmi celles des autres cours royales du Midi; et la discus-
sion en droit dont ils sont précédés y est rédigée avec autant de clarté
et de méthode que de précision. On y lit aussi avec intérêt plusieurs
dissertations savantes , ^ur des points controversés de notre droit , par
des jurisconsultes dont s'honorent le barreau de Toulouse , celui de Gre-
noble et quelques autres. Crivelli , avocat.
268. — Guide delà •politique, ouvrage indispensable pour suivre les
discussions des chambres et connaître la forme du gouvernement ac-
tuel.— Paris, 184; Ponlhieu. In-i2 de loô pages; prix, i franc 5o
cent.
Ce petit ouvrage explique, avec beaucoup de clarté et assez d'exacti-
tuile, les ressorts de notre gouvernement, tel qu'il a été établi par la
Charte constituliounelle de i8i4, et lis lois org.iniques qui ont été ren-
dues depuis. Il serait à désirer que des ouvrages de ce genre fussent
rendus très- populaires, pour qu'au moins chaque citoyen connût en
substance quels sont ses droits et ses devoirs, et possédât les premières
notions du gouvernement sous lequel il vit. Le pouvoir absolu seul est
ténébreux par sa nature; mais un ordre constitutionnel appelle la lu-
mière et ne craint pas que ses ressorts soient exposés au grand jour. Les
Anglais ont beaucoup de livies de ce genre, et nous devons expértrque
des publicistes iusiruits ne dédaigneront pas, eu France, d'écrire aus^i
pour le peuple. '■•
63 LIVRES FRANÇAIS.
269. — Sut- la calasfropfie de Mgr. le duc d'Enghien , extrait des Mé-
moires de M. le duc de Rovico. Paris, 1823 ; Gosselin el Puntliieu.
Brocb. in-S°; prix, 2 fr. 5o.
^•yO.—Sur la catastrophe de Joncliîm Murnt, extrait des Mémoires du
(/énérai Cotetla i lr:^du\l [nxr Léonard Gallois. Paris, iS25; Ponthicu.
Brorh. in- S".
27'- — Explications offertes aux hommes impartiaux! au sujet de la
commission militaire instituée en Van xii pour juger le due d'Enghien,
par 37. le comte Hdllix. Paris, iSi^; Baudouin. Broch. in-S"; prix, i fr.
272. — Pièces judiciaires et historiques relatives au procès du duc
d'Enghien, précédées de la discussion des actes de la commission mi-
litaire, par I'auteub de l'opuscule intitulé : De la lihre défense des ac-
cusés. Paris, iSaô; Baudouin. Broch. in-S"; prix, 2 fr.
273. — Extrait des Mémoires inédits sur ia Révolution française ;
par M. Mehke de la ToicnE. Paris, iSaô; Plancher. Brochure in-S".
27I. — Réfutation de l'ccrit puilie par M. le duc de Rovigo, suivie
de l'Eloge de Mgr. L duc d'Enghien, par Macquaeï. Paris, 1823. Broch.
in-{^".
^7^- — Conduite de Bonaparte, relativement au.v assassinats du duo
d'Enghien et du marquis de Frotté, par M. Gaitibb, du Far. Paris,
1820; Ponfliieu. Broch. in-S".
276. - Réponse à M. le due de Rovigo, ou Opinion d'un ex-commis-
saire de police, etc., par Chavard. Paris, 1823. Broch. in-S».
277. — Recherche de la vérité , ou Coup-d'œil sur la hrochure de M.
le duc de Rovigo , par de L"'. Paris, 1825. Broch. in-8°.
278. — Lettre sur le document publié par M. le duc de Rovigo. Pa-
ris, 1820; Petit, Ponlliieu, et Delaunay. Rroth. in-«".
279. — Un Français sur l'extrait des mémoires de M. le duc de Ro-
vigo. Paris, 1825 ; Ponihieu. Hroch. in-.S".
280. — Quelques observations iùn françaises sur la hrochure inti-
tulée: Un Français, etc., par M. le comte de Maleyssic. Paris, 1825 ;
Ej,'ron. Broch. in-S".
281. — Z?e MM. le duc de Rovigo et le prince Tatlcgrand , par M.
Achille Roche. Paris, 1825 ; Plancher. Broch. in-8°.
28^. — C'est lui, ce n'est pas lui, eh! mais qui donc? ou le Lavabo
politique. Paris, 1823 ; Ponthieu, Lccoirite et Durey. Broch. in-8».
280. — Le duc de Rovigo juge par lui-même et par ses contemporains.
Paris, 1825. P!i,ce de l'Odéon, n° 3. Broch. in-8».
?84. — Mémoire, lettres et pièces enUhentiquçs touchant la vie et la
LIVRES FRANÇAIS. 63 1
mort du duc d'Engiiicn, par M. Bovdabd, de l'Hérault. Paris, 182") ;
Audin. Un vol. in-S°.
Pri'ssé de jouir du jugi-ment que la postérité doit porter sur sa con-
duite dans la déplorable affaire du duc d'Eugliicn , M. le duc de Rovigo
vient de détacher et de livrer au public quelques feuillets de ses curieux
lémoires. Il provoque sur son compte les arrêts de la génération pré-
sente, cl se liâtc de recueillir et de goûter ainsi par avance celte der-
nière portion des fruits de son obéissance passive. Sa brochure a donné
naissance à une finile d'autres que nous allons inventorier ici, et dont
quelques-unes renferment des matérianx historiques, dignes d'être con-
servés. La plus importante, ?ous ce rapport, est le recueil des pièces
même du procès, publiées par les frères Baudouin. Elles sont précé-
dées d'une discussion sévère et précise due à l'un de nos plus célèbres
jurisconsultes, et qui établit d'une manière inconleslable le carjc-
tère illégal de cet acte, sur la moralilé duquel il n'y a dès long-tems
d'ailleurs qu'une seule voix. Parmi les personnes dont le nom figure
dans le récit de ce triste drame politique, se trouve l'ex - roi de Na-
ples , Joachim, Murât : un rapprochement assurément fort remarqua-
ble nous le montre expiant, par une fin semblable, la part qu'il a
pu prendre, et qu'il dciiie toutefois avec force au moment même de
sa mort, à la fin tragique du duc d'Enghien. On lit avec intérêt , dans
le fragment des mémoires du général Coletta Iradiiil et publié par M.
Léonard Gallois, le récit des dernières circonstances de la vie, si rem-
pliede vicissitudes, dece monarquesoldat. — Un autreacleur de ce même
drame apparaît ensuite, tenant à la main ses expiications , c'est M. le
comte liullin. Vieux aujouid'hui, frappé de cécité, retiré du monde, il
lontre au moins, dans ses révélations, qu'on ne saurait d'ailleurs taxer
d'imprudence, une vertu qui paraît étrangère à ÎM. de Rovigu, je veux
parlerdu repentir. Mais, ce n'est point contre le général Hullm que celui-
ci dirige, en se disculpant à sa manière, ses accusations; ce n'est point
non plus contre Bonaparte, avec lequel M. de Rovigo fait au contraire
cause commune, mais à qui M. Gautier du Var , veut rendre la part qui
ers effet semble lui appartenir dans cet odieux attentat, en lui en repro-
chant même, en passant, un autre antérieur et de même nature, l'assas-
ssinat de M. de Frotté. Les imputations de M. de Rovigo ne s'adressent
li à des individus morts , ni absens , ni même , il faut le dire, à des in-
dividus obscurs; {lies portent toutes, en effet , i,»r un grand fcrson-^
nage, pair de France, grand am'bassadcur de S. il/., son ex -am-
bassadeur, son ex-ministre des relations extérieures, ex-président du
gouvernement provisoire en 1814, ex-ministre de ia ri'puhliijuc, de Bonn-
65i LIVRES FRANÇAIS.
farte ex-empereur et de Bonaparte consul, et enfin ancien èvêque tV Au-
tuHy ayant officié ponlificaletnent au Champ-de-M ars, le i^ juillet 1790.»
C'est ainsi que ce personnage est ilésigné dans une brochure, intitulée :
Rcclierclie dclavcrité, où M. de L*** rassemble et résume, pour ainsi
diie, coni;ne l'a fait aus.-.i M. Benoît Jolicœur, dans sa Lettre sur le do-
cument puhiié par M. le duc, toutes les charges et les insinuations épar-
ses dans Vextrait de M. de Rovigo, contre M. le prince de Bénévent;
charges et insinuations qui se trouvent combattues et repoussées dans
une autre brochure qui a pour titre : Un français , itc, , laquelle , à son
tour, a donné lieu, de la part de M. le comte de Maleyssie, à quelques
observations qui m'ont paru êîre trop vagues et trop étrangères à la ques-
tion. Mais, malheurcusemenl pour M. le duc, pour sa jusliQcation et pour
SCS accusations, il se trouve démenti sur plusieurs faits piincipaux par M.
le comte HuUin ; par M. Macquart ; par MM. Marguerit et Laporte-La-
lanne, dont les lettres ont été insérées dans les journaux , celles du pre-
mier dans le Journal des Déhats du 5 novembre, et dans le Drapeau
Blanc, du 27; (celle du second est reproduite à la suite de la bro-
chure de M. Gautier du Var); et enfin, par M. Méhée de la Touche, dont
les mémoires contiennent aussi, outre les détails relatifs à l'affaire du duc
d'Engliien , de scandaleuses révélations sur d'autres affaires qui lui sont
plus personnelles. Au reste , la personne qui semble avoir le mieux jugé
le débat suscité par M. le duc de Rovigo, soit en ce qui touche M. de
T*'*, soit en ce qui regarde la coaduite de M. de Rovigo lui-même ,
est M. Achille Roche. Non-seulement, ce jeune écrivain démontre l'ab-
surdité de plusieurs des alléf^ations de M. de Rovigo, mais il s'élève aussi
avec force, et selon nous, avec beaucoup de raison et de succès, contre
le danger et l'absurdilé des doctrines sur lesquelles celui-ci veut fonder sa
prétendue justification. Enfin, le résultat de toutes cesopinions et des dis-
cussions particulières que nous venons de mentionner, se trouve exposé
avec netteté et évidence dans la dernière brochure qui vient de paraî-
tre , sous ce titre : le duc de Rovigo jugé par lui-même et par ses conteiih-
porains.— Fatiguée de cette affligeante polémique, l'àmese repose ensuite
avec quelque satisfaction, sur les mémoires, lettres et pièces authenti-
ques exploitées avec talent par M. Boudard, de l'Hérault, et offrant des
détails historiques intéressans sur les campagnes des Français réfugiés, à
l'époque de nos troubles civils, sous les drapeaux du prince de Condé ;
et l'on puise encore quelques émotions douces dans la lecture de l'éloge,
ou plutôt de l'oraison funèbre de Mgr le duc d'Enghien, couronnée en
181-, par l'Académie de Dijon, et que son auleur, M. Macquart, a repro-
duite, à la suite de sa réfutation de M. le duc de Rovigo ; oraison funè-
LTVRE'^ FRANÇAIS. 653
bro empreinte i\'a"C sensif)il té vr.iic et profonde, et où se renmnlrent
plu-!cui- traiis n'um- véiilalili éloquence. R. L. , arorat.
P. S. L s personnes jwlo ises de een: aîtie la jns'ifieallon «l'un per-
sonnase di.nl le nom a aussi fié inipllrju;' dans IMPaire du due d En-
ghi<-n. du géuér:d Caiilaineourt, peuvent recourir aux journaux de Paris
d s 26 et 7 avril 1814. Il y a déjà eu, à celle époque, plusieurs bro-
chures publiées sur le même événeinenl.
235 (•), — Mémoires des Conlcmporaivs. — fl ist.iire ètrantjère. — Mù-
moitcs du eolonil Voctier .sur (a fjucrve nctnillu des Grecs. Paiis, dé-
cembre 189Ô; Bossante frèr. s. Un vol in-S", fig; prix, 7 fr.
Si le réveil de la nation grecqu»- est un des plus grands évéoemens de
noire époque, on eonçuil l'inléiêt qui s'altatlie au» récits qui nous re-
tracent les causes et les détails de celle héroïque révolution. Plu.sieurs
de nos eompat.ioles, lorsque la guerre des (Jrers éclata, sont allés,
pleins d'cnlhoiisiasine, combattre pour une si belle CjU-c, el contribuer
par leur valeur à l'affranchis eineiit de la lerre cla-s que. Déjà, quelques-
uns d'entre eux nous ont l'ait connaître les événeiners qu'ils oni vus
par eux-mêmes, el auxquels ils ont pris part. De ce nombre «si M. le
colonel Voutier. La simplicité naïve, et l'air d. viracilé empreint dans
les ré< its de ce témoin oculaire, ne (Oniribuent pas moins qu'un intérêt
bien naturel pour la cause disGre.s, à l'avidiié avec laquelle on lit
ses Mémoires. 11 ne prétend ()as donner une histoire coni|>icle de l'io-
surreclion des Hellènes; il ne ratonle que les laits auxquels il aas-islé,
et son livre est plein de détails instructifs et piquans sur les mœurs des»
deux peuples qui luttent à présent , l'un pour sa liberté et son existence,
l'autre pour recouvrer une horrible lyrannie. Nous n'en citerons qu'un
exemple relatif aux Klephtes montagnards, qui ont le plus puissam-
ment résisté à l'oppression. • Le nom de Kleplitti (brigand) doimé par
les Turcs à ces braves, scia un nom à jamais g'orieux : dans les rangs
des Hellènes, il est un juste sujet d'orgueil el d'en\ie. 0 Iiplonz la dé-
mence de \oire maître suprême, écrivait Ali, jahi de Janina. au fa-
meux Liaeos, retiré dans les montagnes de l'Flpire; venez vous proster-
ner aux pieds de vore visir,el il vous pardonnera. » — «Ji- n'ai p' ur maî-
tre suprême que le Uieu des chrétiens, répond le capiiaine; pour pa-
cha, mou fiisil , et mon sabre, pour grand-vi-ir. » — Ceito r pense est
conservée dans un chaul populaire. — Lis Mémoires du colonel Vuutier
renferment une foule de détails trè- curieux sur les sièges de Tiipoliiza,
de Coiinthe, d'Alhènes, de Missniutighi , d'\n..pli, etc., ainsi que
sur Jes per-onnages marquans de la révolution, Ypsilanli, Maurocordato,
T. XX. — Décembre iSiJ. 4*
634 LIVRES FRAISÇAIS.
ColocotroDÎs , Odysseus, Bozzaris , etc. On y trouve aussi l'acle d'indé-
pendance de la nation grecque, et sa constitution provisoire. A.
^§g 1*-,^ — Galerie française , ou Collection de Portraits des hommes
et des femmes célèbres qui 07it illustré la France, dans les i6«, 17°
et 18' siècles; par une société d'homn;ics de lettres et d'artistes. T. III,
sixième livraison. Paris, i8a5; au Bureau de la Galerie française , rue
de l'Arbre-Sec, n" 22. Un cahier in-fol. de Sj pages (loi à 167); pris,
10 fr. par livraison pour Paris, et 10 fr. 5o c. pour les départemens.
(Voy. Rev. Enc, Tom. XIX, pag. 692.)
Cette livraison contient les portraits de Piron, Roltin, J. B. Rous-
seau et Fontenelle. Les notices qui les accompagnent sont dues à MM.
AucER, Andbieux, Patin et Boissy-d'Ahglas.
jg- (♦\ — Annuaire nécrologique, ou Complément annuel et Continua-
tion de toutes les Biographies ou Dictionnaires historiques, contenant la
vie de tous les hommes remarquables par leurs actes ou par leurs pro-
ductions, morts dans le cours de cbaque année, â commencer de 1820 ,
orné de portraits; rédigé par A. Mahdl. Troisième année (1822). Paris,
1825 ; Ponthieu, au Palais-Royal. In-S" de x-552 pages, avec 4 portraits
(ceux du général Berton, du duc de Richelieu , de l'abbé Sicard et de
Caroline, reine d'Angleterre]. Pris, 7 fr.
La réputation de ce livre est assurée; il doit nalurellemeut trouver
place dans toutes les bibliothèques. M. ÎMahul étant au nombre des plus
anciens collaborateurs de la Revue Encyclopédique , nous avons été les
premiers à portée d'apprécier et de faire apprécier son travail à nos lec-
teurs, {foy. T. XII , p. 543-353 , et T. XVI , p. 16S-171.) Depuis, nous
avons eu la satisfaction de voir les critiques de tous les partis adopter no-
tre opinion sur le mérite de [' A nnuaire nécrologique. Tous ont reconnu
avec nous «que l'auteur repousse avec une attention religieuse tout ce
qui pourrait blesser la vérité, ou porter le caractère de la passion; qu'il
considère d'un point de vue élevé , avec une rare impartialité , les hom-
mes , les gouvernemens , les partis; que son objet enfin n'est point de
Catter aucun personnage puissant, de caresser aucune opinion exclusive,
mais de se moatrer l'homme de la France , de la vérité et de l'avenir. •
M. iMabul, dans les deux volumes publiés depuis celui de l'année 1820,
qui avait été l'occasion de cet éloge, a continué de le justifier, en con-
servant cette noble franchise et cette impartialité qui le distinguent ; il <'n
a donné des preuves réitérées dans plusieurs articles très-délicats à trai-
ter : tel est celui sur Napoléon Bonaparte {voy. année 1821). Une seule
amélioration était encore à désirer, c'était devoir l'auteur donner plus
de dévelappcraeal à la partie étrangère de son Annuaire; mais lai-
LIVRES FRA>;ÇAIS. 035
même en .-vait senll la nécessité , et déjà l'on n'a plus qu'a lui adiesser
les mêmes éloges pour cette partie et pour la nécrologie française. La
première année (1820), où il n'avait rien accordé à la nécrologie étran-
gère, lui avait présenté 90 personnages dignes de son attention, dont
5 femmes. Le volume de la deuxième année (1S21) renferme des
articles sur 98 personnages distingués morts en France, dont 9 lérames,
et sur 40 étrangers. On trouve , dans le volume consacré à la troisième
année (1822), et que nous annonçons ajourd'liui , 99 articles pour la par-
tie française , et 60 pour la partie étrangère. Onze iémmes figurent dans
la première, et 5 dans la dernière, parmi lesquelles Caboi.ine de Bkuns-
wiCR, reine d'Angleterre, si célèbre par le procès scandaleux qni a oc-
cupé toute l'Europe en 1S20. RI. Maliul rapporte, avec une fidélité et
une concision admirables, toutes les pièces de ce procès; et cependant,
la matière était telleincnt abondante, qu'il a dû consacrer à ce seul ar-
ticle près de 3o pages, sur deux coloimes. Sans vouloir porter ici un
jugement sur la vie et les actions de la reine d'Angleterre, remarquons
seulement combien on préfère lire les détails pleins d'un plus doux in-
térêt que nous donne l'auteur sur des femmes nées dans un rang moins
élevé, mais qu'elles ont Lonoré par des vertus, des talens ou des qua-
lités aimables. Telles sont les notices sur M™""* dk Condorcet et ue Vu.-
LBTiE , que nous avons nous-mêmes placées dans nos tablettes nécro-
logiques {voy. Tom, XVI, pag. 227 et 669) ; sur M"« Campai, lectrice
de la reine, directrice de la maison d'Écouen, sous Bonaparte^ et dont
les Mémoires , si attacbans et si curieux , ont déjà eu plusieuis éditions ;
sur M™"^' Celliez et de Rernrville, honorablement connues par des ou-
vrages d'éducation , ou destinés à l'amusement de l'enfance; M^'^ Ba-
LABD , poète, couronnée aux Jeux floraux ; enfin, sur M"»= la dcchesse de
BooBBON, cet ange de bonté dont tous leshommes d'état devraient appren-
dre par cœur ce qu'elle appelait sa o chimère en fait de gouvernement,»
idées sublimes par leur simplicité et la pureté des sentimens qui les a
fait naître, consignées par elle dans la Lettre XI de sa correspondance,
et que M. Mahul a précieusement recueillies (pag. ^1-^2). — Parmi les
notices consacrées aux hommes, nous avons principalement remarqué
celles sur le général Beeton et sur le lieutenant-colonel Caho.v, dont les
procès ont obtenu une si triste célébrilé dans nos annales poliliaues ;
sur le duc de Kicheliec, «homme d'état dont la haute moralité et la par-
faite loyauté, dit l'historien, ont réuni les suflVages de tous les partis,
mais qui, long-tems absent de .-a patrie, connaissait peu la France et
n'eut pas le talent de la deviner » ; sur le brave général Lefebvae-Des-
nodettes ; l'évêque de Chartres, M. de Lcbebsac; les savans Bïbtholet,
6"j6 LIVRES FRANÇAIS.
chimiste; Delamehe, astronome; Uallé, médecin; Hauv, minéralogiste;
les abbés Sicard et Girabd , qui ont écrit tous deux sur la grammaire et
la rhétorique ; sur Bérenger , de Lyon , auteur de la Morate en action,
ouvrage répandu dans tous les collèges et qui a eu un si grand nombre
d'éditions; Galin, savant modeste, profond mathématicien , mais dont
le plus beau titre à notre reconnaissance est Tinvention du Miioplaste,
méthode singulièrement propre à répandre promptement la connais-
sance des premiers élémens de la musique , dont elle doit rendre la
lecture aussi facile et aussi vulgaire que celle des livres ; sur Vanspa\-
DONCK, habile peintre de fleurs; Michallon, autre peintre, mort si
malheureusement à la fleur de l'âge , et qui avait déjà fait preuve d'un
talent capable de le placer bientôt au rang de nos premiers maîtres ; sur
AwDBiEn et Bbrvic, graveurs estimés; Flbuby, comédien , qui semble
avoir emporté avec lui dans la tombe cette grâce, celle élégance, cette
finesse si essentielles dans les rôles de la haute comédie , et dont la tra-
dition se perd tous les jours au théâtre; Lainez, acteur lyrique distingué;
enfin, sur Glelon-xMarc , qui s'offrit , en 1792, à la Convention , com-
me otage de Louis XVI , et sur le baron db Batz, et le comte de Valory,
connus par leur dévouement a la famille royale. — Nous regrettons de
ne pouvoir no:is étendre davantage sur tant de personnages si intéressons, .
à la plupart desquels, du reste, la Revue a déjà consacré des notices né-
crologiques. Plus consciencieux que tant d'autres écrivains , M. Mahul
renvoie lui-même à ces articles, comme il le fait souvent , pour la partie
bibliographique, au Journal de la Librairie , rédigé par M. Beuchot
avec un talent si remarquable et un zèle si digne d'éloges. — Citons en-
core, pour compléter le tableau des noms les plus célèbres inscrit* eu
i«22 dans les tablettes nécrologiques de M. Mahul , l'abbé Bondi, litié-
rateur italien ; le général Dumo^ceao; le docteur Frank ; le patriarche
de Constantinople, Grégoire; If baron d'Hebmeun, minéralogiste sué-
dois ; M»« LvcHBALD , a la lois actrice et auteur dramatique ; K^•ox , lit-
térateur et moraliste anglais; Mabche.-ïa, littérateur espagnol; Mor-
CELLi, savant archéologue italien ; Ochs, qui fut directeur de la repu-
blique Helvétique; Popham, célèbre amiral anglais; Rennie , ingénieur,
«on compatriote; les comtes de Sheffikld et de Stolbebg ; enfin, Wyt-
lENBAGH, littérateur allemand; et souhaitons que l'auteur, qui, jeune
encore, figure déjà parmi nos publicistes , conserve dans son caractère
et dans ses écrits cette noble indépendance qui ajoute tant de prix au
talent. p „ -
£. Uebead.
aSS ('). — Esquisses historiques et politiques sur te Pape Pie ril ,
LIVRES fra:sçais. r,j-
Bvec une Notice sur Léon XII; par M. Gcadet. Paris, tSaô; Béchet
aîné. In-S"; prix, 3 fr., et 5 fr. y 5 c.
Plusieurs des journaux quotidiens ont parlé avec les plus grands éloges
des Esquisses de M. Guadet. Comme il est un de nos collaborateurs,
ce titre nous impose l'obligation de laisser à d'autres le soin de payer
à son ouvrage le tribut de louanges qu'il mérite. Nous en indiquerons
seulement l'esprit et le plan. — Le récit des faits et l'exposé des juge-
mens auxquels ils donnent lieu, portent ce caractère d'indépendance
et d'impartialité que l'on cherche trop souvent en vain dans les écrits
des contemporains; l'auteur n'affaiblit point les qualités de son héros;
il ne dissimule point ses fautes. La politique de la cour de Rome n'est
point pour lui l'objet de satire.'' continuelles; mais aussi , il met dans
tout son jour cet esprit d'envahissement , cet alliage impur de la puis-
sance spirituelle et temporelle qui la caractérise. C'est dire assez, et le
titre de l'ouvrage l'anniinçait suffisamment, que M. Guadet n'a pas voulu
écrire une notice biographique sur Pie VII (il en existait déjà un
grand nombre); mais qu'il a voulu présenter le pontife prenant part aux
jirincipalcs transactions politiques de notre époque, déterminer la part
qu'on doit lui assigner, ou plutôt, quelle fut, sous son règne, l'in-
fluence de la cour de Rome dans les affaires de l'Europe. Le plan était
vaste, et l'auteur l'a embrassé tout entier dans un livre d'un petit nom-
bre de pages , destiné à tigurer dans la bibliothèque de tous les hommes
qui ne sont pas étrangers aux matières politiques. — L'ouvrage de M.
Guadet renferme des détails curieux sur le couronnement de JVapoléon,
sur l'enlèvement de Pie VII, sur ses relations avec l'empereur, sur le
rétablissement des jésuites en Europe; enfin, sur les trois concordats
conclus entre Rome et la France , sous le pontificat du dernier pape.
Z.
2^9 ('). — Histoire physique,civiie et morale de Paris, depuis les pre-
miers tenis historiques jusqu'à nos jours; par 3. A. DrLAiBE, de la So-
ciété des antiquaires de France. Seconde édition, considérablement aug-
mentée. Tom. III, 5<- et 4' livraisons; Tom. IV, 4^4 P-^gcs; Tom. V,
première partie, 224 pages. Paris, 1820; Guillaume, Quatre vol. inb°;
prix , 3 fr. 55 cent, par livraison.
Cet important ouvrage, dont nous avons annoncé les premiers volu-
mes (Voy. ci-dessus, pag. i8f>), continue à nous offrir un tableau fidèle
et complet de Paris, aux différentes époques de son histoire. — Après avoir
vu cette capitale à son berceau , nous avons pu suivre , avec M. Dulaure,
les progrès des agrandissemens et des embtllissemens qui oat amené sa
G38 LIVRES FRANÇAIS.
splendeur actuelle. Grâce à l'érudition et aux recherches savantes de son
historien , nous apprenons ce que chaque règne , chaque période a don-
né à Paris d'édifices et d'établissemcns publics. Dans les premiers siè-
cles de la monarchie française , la dévotion , qui tient alors lieu de tou-
tes les verius, qui sert d'excuse à tous les crimes, consiste pour les rois
à élever des temples , à doter des couveiis et des monastères , à enrichir
le clergé. Paris , à cette époque, n'a d'autres monumens que de vastes
abbayes, et di.«» églises gothiques. Mais 1rs rois deviennent bientôt
moins généreux envers le clergé; ils consacrent une partie de leurs re-
venus à l'embellissement de leurs propres demeures. Nous venons de
lire l'histoire de Paris depuis Charles V jusqu'à Henri IV. Pendant cette
période, le premier de ces rois fait agrandir le château de Vincennes ,
construire celui de Beauté-sur-Marne, réparer presque entièrement le
Louvre, et réunir en une seule enceinte plusieurs bâtiuiens qui formè-
rent l'hôtel royal de Saint -Paul. Sous Henri II, le vieux Louvre déjà
commencé fut achevé; on bâtit le château de« Tuileries et l'hôtel de
Soissons. On rapporte à la même époque, la construction de l'église
Saint-Gervais. Plus tard , nous verrons les rois employer les richesses de
l'état à des fondations plus utiles. Ces divers détails sont compris dans la
partie de l'ouvrage qui traite de VEtat physique. — Quant au Taitrau
moral, les volumes que nous annonçons ne le cèdent point à ceux qui
ont précédé. M. Dubure a dépouillé le 1)071 vieux tems de ces prestiges
de chevalerie et de pureté de mœurs dont on s'est plu souvent à le pa-
rer. Il nous le montre dans toute sa difformité. Qui serait tenté de le re-
gretter, après avoir soulevé avec lui le voile dont l'avaient couvert les
mensonges officieux des historiens? Certes, on aurait mauvaise grâce
à accuser notre siècle de corruption, quand on lit l'effrayante descrip-
tion des siècles antérieurs. Non-seulement M. Dulaure s'attache à signa-
ler la dépravation des cours et les crimes des grands; il montre encore
quelle a été leur funeste inQuence sur les mœurs des peuples, et à quel
point l'ignorance était favorable aux désordres de tout genre dont se
compose l'histoire de ces tems barbares. — Cet ouvrage est plein de faits,
dont l'appliratlon est du plus haut intérêt. Ainsi, M. Dulaure, en par-
lant de l'introduction de l'imprimerie à Paris, sous Louis XI, observe
que six mille personnes occupées jusqu'alors à copier des manuscrits, se
trouvèrent tout-à coup sans travail et presque sans pain. Cette invention
nouvelle, en froissant quelques intérêts privés, excita le mécontentement
public. Cependant, quel a été son résultat? I/a propagation du goût des
lettres, et l'emploi d'un nombre d'hommes bien plus considérable pour
les travaux que ce goût nécessite. Aujourd'hui, il y a dans Paris peut-
LIVRES FRANÇAIS. 6^9
ùhe dix fois plus d'imprimeurs de tout genre qu'il n'y avait alors de co-
pistes. Tel est le sort^ et tels sont les avantages de toutes les découver-
tes. A. J.
■2Ç0 (*). — De V Emploi du tcms ; par M™<^ la comtesse dk Genlis. Paris,
1824 ; Arthus Bertrand , rue Ilautefeuille, n° 24. Un vol. grand in-8° de
260 pages ; prix, 6 fr. et 7 fr.
Un bon emploi du tems est, sans contredit, un des premiers élémens du
bonheur. Mais il ne suffît pas de savoir mettre chaque instant à profit. Il
faut tendre sans cesse au perfectionnement moral. Il faut élever l'âme à
tout ce qui est noble et grand. On ne saurait trop cultiver l'amour du bien ,
du beau , du vrai. Comme tout est progressif, cette éducaliim doit com-
mencer de bonne heure. INous sommes des voyageurs qui marchons, dès
notre naissance , vers un but glorieux. La route est pénible , mais malheur
à celui qui s'arrête! Ce but est, selon moi, le développement de toutes
nos facultés, appliquées à des actions vertueuses. Dès qu'il pourra vous
comprendre, votre élève vous secondera ; mais, d'abord, aplanissez-lui
le chemin par des moyens simples, par des méthodes sûres. Son esprit
une fois en mouvement , vous le dirigez avec facilité. Vous seconderez
ses bons penchans, vous étoufferez les mauvais. Ne craignez pas d'exal-
ter son âme pour la vertu : l'enthousiasme , quoique participant de la pas-
sion , ne m'ef'raie pas, autant qu'il effraie M""^ de Genlis. Je le regarde
<-omme une de nos plus nobles facultés, et comme un puissant mobile
pour le bien. Peut-on s'élever aux actions vraiment sublimes, sans en-
thousiasme! Les passions elles -mêmes nous prêtent des ailes pour monter
aux cieux. Il est vrai que parfois elles nous dégradent, et nous rendent
criminels. Mais , doit-on rejeter le fer, parce que les hommes en ont fait
des armes meurtrières? Le soc de la charrue, la faux du moissonneur,
ne sont-elles pas aussi du même métal? L'amour passionné de la vertu ,
de la religion , ne conduit-il pas au dévoûment sublime, aux plus éton-
nans sacrifices? M"*' de Genlis combat cette opinion; elle veut que le
devoir soit l'unique loi. Je craindrais qu'une pareille doctrine ne refroi-
dît des cœurs brûlans, ne leur ôtat l'énergie et la grandeur imposante
que Dieu leur a données. Je conviens, avec M™' de Genlis, que l'exal-
tation d'une âme passionnée peut conduire à l'admiration de la lorce ,
et en général de tout ce qui caractérise une grande puissance morale ;
mais c'est un abus contre lequel on doit se mettre en garde. Les exem-
ples du danger des passions poussées à l'excès, ne sont que trop com-
muns ; là , comme partout , le bien est dans un juste milieu. La religion
est aussi un puissant secours pour les âmes passionnées : elle nourrit leur
enthousiasme de vérités grandes et sublimes. Elle emploie leur énergie
G4o LIVRES FRANÇAIS.
au profit do l'bumanilc; elle les encourage par la promesse des seules
ré'oinpensts qui soitnt en harmonie avec leurs .sentin.eD- el leui8s..cn-
fic> s ; <ll<- léchd' fl"< lont ce 4ui serait l'ioid sans eiie. La (.l.ilantiopie ié-
sis.te difB<il< nient à la teirible épieuve de l'in-iratilude de» hainmes. La
relipion, au contraire, n'en est pas même jlléiée. L'ouLli at s biei.lails ne
la blisse pas, mais le moindre rtmeiciminl la louclu. Klle n'a |>oiiit les
luimmes i n haine ou en pitié ; elle sait que notre natiirt esi un élimiiant
mélange de bien tt île mal; elle arctple no» f;.iblesses, et se léjouil de
nos ver us. La religi n e>t telle | our le-^ âmes qui en compienneiit la
grandeur et la beai^té; mais elle est loin dètre toujours pialiquée dans
son subliuie csp-ii. Vouloir souttiiir qu'il ne s'esi pas glis-é d abus dans
ses préceptes, dej>i'is que D'eu la < oi fia aux hommes, c'est, je ci ois ,
fi'égaier. Il n" m'appai lient pas (l'« lainiiier ces abus, leur nature el leur
iniluenre; mas il mesimble qu'il doit en exi-ter, pat ce qu'on peut
tout dénatur* r el tout c-.rrompre. M"« lie C.enlis vt ul laire déc ul< r de
la r. li^ion la liltéralure. la musique, la peinlme. J'aiuie mirux ne lui
devoir que 1'. xei<icc de la chaiiîé, du paidon d< s injuies, du déviû-
meiil con'iuuel de soi-même | our soulai^er ceux qui soi ËFient Tout sys-
tème exclu-if d« vil ni erroné. Ji rep ocber.i aussi a M""» de (ieulis l'hu-
meur cluiurine qui lui f.jt déshériter notie siècle pour eniicb.i et lui de
L. uis XIV. Par suite du u.êm<- p.éjugé, eile s'écrie : « De» inventions
ne sont pas innéuicuses quaud elles n'ollieut que ce qu'en a déjà, et
que c'est ave( beaucoup moins de bouté et de S'.lidilé : « n ne l'ait alors
que Iroii'pei de ji ux peu rl.iirvoyans , cl l'on gâte le goût général. (;'• st
aios qu on a iiiveniè la iilhoyra'pUic : on y exi elle , nous l'avouons ; mais
la gravure au butin est t. u -a-iail négligée (page 12.). » M"'* de Genlis
semble ne pas connaîire l'inwnliou qu'tde (Ondaume. S.ius cela,coin-
miut ne seotirail-eile pas l'immense avanlage de posséder el de mulli-
pliei à l'infini, sans aucune altérât on, le dtssln du mailie, tel qu'il l'a
coi.ç.i , ixeculé da s toute la bucc de sa pensée, sans rintermédiairc
d'un graveur, qui, lûl-il habile, n'est jamais qu'un tiers fiiiid , cl .sou-
vint mala .roil , entre le peintre et le spectateur. L'imprcssit.n stéréo-
type, dont la oetli té et le bon marché pro;'agent les miilleurs écrits, el
le-, mettent a portée ne toutes K s classes, excite également i'mdigualioa
de M«ne de G idis. lînfin, elle reproche aux orfèvres de descendre jus-
qu'à la l'ahricalion de le r faux et de> pierreries factices , comme s'il u'é-
tail pas |)lus seusé d'« m ployer pour tles parures un métal sans v.deur et
qui plaît aux yeux, que d'enlever à la circulation des .somme» énormes,
remises a peu pie» iuutiics. Le passage suivant est lio|>cinitux pour ne
pas le citer : 0 Oq a iait de grauds progrès dan» la luécanique; on a iu-
LIVRES FRANÇAIS. f)4»
venté une prodigicimo quanlllé de machines afin de rendre inutile l'a-
drr.s-e lu.maine; c'est un lii>le projfl, et qui ne peut s'exéeuter qu'aux
dépens d. la peifeeli.n des <.uvrag.->; Us toile> et les perkales, faites
par des madiine», soit < x( essivemenl inférieures à tout ce que les
iloi^lh d'nne main l>abii«; fabriquaient auir.foisen ce genre. D'ailleurs,
toules ee,- ma li^ne*. en rmdaiit heaticoup de bras inutiles, réduisent à
la mendicité une iuBniie d'.ndividus; on nous annonce une machine à
iciUtr, ee qui met lia à i'auniôue toules les vieilles femme* et les jeunes
filU-sdedlx a douze an.-., etc. (pagc> 12Ô124.) . M»' de Genlls veut en-
suite prouvir que, us purai..niieries exig<rnt une extrême surveillance:
ils'.iail plus prudent de n en poinl ivoir, el elle ajoute que • des ap-
parlemens teminb de soie sans anrun mélange de inétal, préservaient
jadis toul au~si ^ûlemeul el n'»vai-nl pas les mêmes iuconvéniens. » En-
lin, les boleaux 0 \apeur, le gaz hyit< gène, juisemblenl autant d'inven-
tions fui. este.-.. Qudiii a la v..cnne, \oiri comment elle en parle : «C'est
au tims à pro oueer .si le \enin o'un quadrupède , introduit dans le
.van;; huii.ain, vaut mieux qui l'inOiuLtiou. .Citer de pareilles opinions,
c'est as.sez lis euniba tr ■. Lu houii' lets, ces coiffures lourdes qui, en-
ticlei.anl une clialeur dccablanie a la lèle des ciifans, y appellent le sang,
provoquent les convulsion», oeea.sn neni des rhumes affreux par des rc-
froidi.ss. mens, el enhii euièvenl a I cufanl tjut moyen d'exercer son
adre-Ne et 1 vxpéii.nei- qu il . cquiii t d'heure en heure , semblent très-
renrellabls a M"" de G. nlis. Elle .-e plaint que l'usage en soit moins
univ.rsil L'. au épurée, les speclacles, les cabriolets , sont autant de
sujets qui .xe.teut son mécnteni. m. ni. Partout elle se montre ennemie
dts :Uu«vblioii.- et du lems présent. Elle accorde pourtant quelques per-
fei lu.uncmcns a notre epo ,ue, m^isen si petit nombre qu'ils sont loin
de o.iiM.en.>er 1« s i.ieUiulus abus qu'elle signale.— Tout l'ouvrage est
in.pr-im de p.evn.ti.'n^ prunoi.rées euntreia génération actuelle : j'a-
vuiit qi.e je le les en i> pos loiic.éis. 1! me semble, au contraire, que les
ide s -aine- -'accie.iiient de jour en jour, que l'esprit est plus cultivé ,
If guut plnssiir ; quf les ats t-t Us sciences ont fait d'admirables pro-
grei-,el que, loin d'appio' hei di la décrépitude, nous avons l'ardeur
iuipatienle el ^'encreux- de la jeunesse. Peulêlre la différence de nos
ûgts eu élabiii-clle dans notre u.ai.ière de voir; mais, sur cela, du
m..iiis, je ne pnis partager l'a vi, de IM»^ de Genlis. Des réflexions très-
sag s, Ir.ut d'une longue i-x; érienee. quelques préceptes utiles, peu de
meihoiie, cl beaucoup de inéjugés, forment l'ensemble de ce livre, qui
eût élé plus tompl l el meilieir si, ne s'écartant pas continuellement
du sujet , l'aulcui eût écrit avec plus d'impartialité et moins de passion;
6f2 LIVRES FRANÇAIS.
car il y a de la passion jusque dans la manière dont M"» de Gculis la
condamne. i. Sw.-B.
29' (*j- — Essai sur l'emploi du tems, ou Méthode qui a pour &bjet
de itien régler sa vie, premier moyoi d'être heureux; destinée spéciale-
ment à l'usage des jeunes gens; par Marc-Antoine Jullie?i , de Paris,
clievalicr de la légion-d'honncur , membre de plusieurs Sociétés savan-
tes , françaises et étrangères. Troisième édition, entièrement retondue
et trèsaugraenlée, ornée d'une gravure : l'économie recueille les résul-
tats du tems; et d'une plancbe lilhographiée : Courbe de la vie; ainsi
que du modèle des tablettes du Biomètre, sorte d'instrument pour m< -
surer la vie. Paris, 1824 ; Dondey-Dupré père et liis, rue Saint- Louis,
n° 'jG, au Marais, et rue Richelieu, u" 67; et au bureau de la Revue
Encyclopédique, rue d'Enfer Saint-Michel , a° iS. Prix, 7 fr.
Cet ouvrage, qui parait aujourd'hui pour la troisième fois en français,
et dont il a été publié plusieurs traductions en anglais et en allemand,
traite à fond le sujet, qui n'est guère qu'indiqué par le titre et dans les
premiers chapitres de l'ouvrage précédent. Régler sa vie de manière à
pouvoir se rendre compte de chaque journée , apprécier les résultais
bons ou mauvais de ses actions, encourager et nourrir les inclinations
vertueuses, étouffer les dispositions qui nous portent au mal, fixer par
écrit et conser.ver pour son usage un résumé fidèle de ses observations,
de ses projets , de ses lectures : tels sont les principaux avantages que
l'auteur attribue à la méthode qu'il propose. Un examen réfléchi de son
travail nous fait partager sa conviction. —Déjà, dans son Essai générai
d'éducation , il avait offert au public une partie des vérités qu'il repro-
duit ici avec de nouveaux développemens. Guidé par le même esprit de
philanlropie et dîanalyse , il établit des principes qui assurent sa mar-
che, et il en déduit des conséquences rigoureuses. Il prouve d'abord
l'importance et la nécessité de tirer le meilleur parti possible du tems,
cette étoffe dont la vie est faite, a Nous nous plaignons, dit-il, de la
courte durée de l'existence, et nous contribuons nous-mêmes à l'abré-
ger et à la perdre par une dilapidation déplorable de nos înstans. Com-
bien peu de personnes savent apprécier la valeur des heures, et en régler
les divers emploi» avec une sage et sévère économie! On parle souvent
du prix du tems; et tuer le tems j est la grande occupation d'un grand
nombre d'hommes. » (Pag. 3o. ) M. Jullien divise son travail en deux
parties, dont l'une contient ["exposition, et l'autre l'application prati-
que de sa méthode. Il serait trop long de présenter ici les considérations
générales, les raisonnemens et les faits sur lesquels il s'appuie. On doit
les chercîif r dans l'ouvrage Eiême , a'nsi que les modèles de ses trots
LIVRES FRANÇAIS. 6'i5
livrcls-fratiqves d'emploi du tcms, Icjournai des faiUet ohservationf ,
V agenda général, qui comprend six comptes ouverts distincts pour six
divisions principales de la vie, et le iiomitre ou mémorial horaire,
qui permet de recueillir, en une minute, et sur une seule ligne, le
souvenir des divers emplois de cl.aque intcrviille de vingt-quatre heu-
res. Il suffit de dire que l'on peut à volonlé tenir un seul, ou deux de
ces livrtls, ou tous les tiois à la fois, sans qu'ils fassent double emploi,
puisque chacun d'eux a sa destination spéciale bien raarcinée, et que la
pratique de celte méthode n'exige pas plus d'un quart d'heure par jour.
Elle convient svrtout aux jeunes gens qui sont jaloux de se perfectionner
et de s'instruire, et ne serait pas moins utile aux personnes même d'un
âge mûr qui auraient assez de courage et de persévérance pour l'appli-
quer. M. .lullien a voulu donner l'exemple avec le précepte. Quelques
extraits de ses différens journaux mettent le lectenr à même d'apprécier
le but , la marche et les résultats de sa méthode : cet exemple-pratique
nous semble préférable à tous les commentaires. Un aperçu sur l'ordre
à établir dans ses lectures, et dans l'éluik des ouvrages scientifiques el
historiques, qui fait le sujet du huitième chapitre de la seconde partie,
est terminé par un chois de pensées de Bacon sur les obstacles à la
prospérité publique et à l'avancement des sciences. Dans le dernier cha-
pitre, l'auteur récapitule les principes de sa méthode, comparée aux
dillerentes méthodes religieuse el philosophique, commerciale, ad-
ministrative, militaire, qui ont le plus contribué à l'amélioration mo-
rale des hommes et aux progrès de la civilisation. — Quatre appendices,
placés à la suite de V Essai sur Vemptoi du tcms, dont ils sont le com-
plément naturel et presque nécessaire, renferment : 1° un exposé de
douze principes généraux, pouvant fournir des bases pour toute espèce
de méthodes, et susceptibles d'un nombre infini d'applications prati-
ques dans les sciences, dans les arts et dans la conduite de la vie; 2° un
exposé de la méthode de Locke, pour recueillir des extraits de ses lec-
tures et un modèle du journal qu'il propose d'établir ; 5° un précis ana-
lytique de la méthode morale ou règle de conduite suivie et conseillée
par Franklin, la forme des pages de son livre, et l'explication d'une
planche lithographiée représentant unecourbede la vie, qui accompa-
gne cet appendice; 4" enfin, quelques pensées détachées de différens
auteurs anciens et modernes, Sénèqua . Bacon, Montaigne et M. le
comte de Ségur, sur le prix et l'emploi du tems (1). B.
(1) Ces deux ouvrages, sur l'Emploi du tems, auraient dû , d'après la division
méthodique suivie jusqu'ici dans ce bulletin, et analogue à celle que nous avons
^^4 LIVRES FRANÇAIS.
292 n.~Étndcs morales, foUliques et titléraires, ou Recherche des
vcruesj,aries faits; parM.VA.BBV, conservateur des bibliothèques
parucul.eres du Roi. Paris, ,8.5; Ladvoca,. Un vol. i„-8" de,, et 302
pages d .nipression , avec cette épigraphe : Qutd verum atc,ue decens. -
DuBAT. Prix , 6 fr.
Sous ce titre, un peu vague peut-être, M. Valéry a traité un grand
nombre de sujets de morale, de poIiti<iuc et de littérature. Chacun de
ses chapitres est une petite dissertation, où l'auteur fait connaître sa
manière d'env,sager les plus hautes questions. On pourra souvent ne
point partager ses opinions, maison lira son livre avec plaisir. En effet,
Il c.l facile de concevoir que , lorsqu'on entreprend d'écrire sur des ma-
tières qui, prises séparément, ont occasioné d'innombrables contro-
verses. Il serait impossible de satisfaire tous Jes esprits. Les moralistes
qui se sont fa.ls peintres, si nous pouvons nous exprimer ainsi ; ceux
qui, comme La Bruyère, esquissent uu portrait, tracent un caractère,
censurent un ridicule, ont choisi une tâche plus aisée à remplir que
celle des ecnvams qui veulent aborder des .ujcts de philosophie. Ainsi,
par exemple, je prends dans l'ouvrage de M. Valéry le chapitre intitulé
Gouvernement, et je me demande si l'auteur, en l'écrivant, a pu croire
qu U mettrait d'accord les publicistes divergens , malgré les milliers de
volumes qui ont été consacrés à l'examen de tout ce qui a rapport aux
gouvernemens. Telle n'a pas été la pensée de M. Valéry ; il a voulu seu-
ementreun,r quelques faits et quelques autorités , afin de comparer
les divers modes employés jusqu'ici pour régir les sociétés. Un esprit
aussi sage devait flétrir le pouvoir absolu , et reconnaître qu'une monar-
chie tempérée paraît être, de tous les gouvernemens, celui qui offre le
plus de garanties à la paix publique, à la protection et à la sûreté des
citoyens. Il faut lire l'ouvrage même de M. Valéry pour se former une
juste idée de sa manière : la profonde érudition de l'auteur est accom-
pagnée d'un tact fin et délicat , dont il fait preuve à chaque instant, et
cachée sou. un style singulier, remarquable surtout dans un livre de ce
adoptée pour la section des ana/yses. trouver place parmi les livres de philosophie
morale et dédncation ; mais, comme leur publication a été retardée, et comme
nous n avons pas voulu néanmoins en différer l'annonce iusqu'aprés le commence-
nen.de la nouvelle année, nous les avons compris dans la classe des ouvrages de
i^ttérature, a laquelle ils appartiennent aussi, sous quelques rapports, par la ma-
nière don. les deux auteurs ont traité leur sujet, en écrivant plutôt pour les geu*
.lu monde que pour Jes savans de profession et pour les philosophes.
LIVRES FRANÇAIS. (345
genre; car on sait que les érudits n'ont pas riiabiludc d'attacher beau-
coup d'importance à Texpression de leurs pensées. A. T.
'•i9''(')' — Syliahaire dactylologique, ou Tableau d'une langue manuel-
le, d l'usage des sourds -muets. Pari,", i825; à l'Institution royale des
Sourds-Muets, rue Saint- Jacques, et chez Verret, libraire, rue des
Francs-Bourgcois-Saint-Michcl , 0° 3. In-4°; prix, ^[r. 5o cent.
On avait , dès long tcms , eu recours aux gestes pour figurer les lettres,
et suppléer à l'usage de la voix. Il n'est point d'écolier qui, dans le si-
lence de la classe, n'ait ainsi échangé quelques mots avec ses camara-
des. Un des premiers essais de la lithographie, en Allemagne, a été la
gravure d'un alphabet manuel à l'usage des sourds-muets [Handalplia-
ijeth dcr Taubstummen). Comme celui îles écoliers , cet alphabet a le
défaut d'affecter un signe à chaque lettre; ce qui rend le langage des
doigts d'une prolixité rebutante. On a vu les sourds-muets, à l'Institu-
tion royale de Paris , saisir sans peine une courte demande que l'on écii-
vait en l'air a»-ec le doigt. Ce moyen de communication sulBt pour quel-
ques mots; mais il exigerait, dans l'usage habituel, une attention trop
soutenue. Observons ^ d'ailleurs, qu'on ne peut l'employer qu'après
avoir appris aux sourds-muets, et la langue française et l'écriture. L'au-
teur du Syliahaire dactylologique, partage tous lis mots français en
consonnes simples, doubles et triples , et en portions de mots, commen-
çant par une des six voyelles. Pour exprimer les unes et les autres, il
lui suQit de douze positions de la main , de sept positions du pouce , et
de dix raouvemcDS des doigts. Le succès a couronné son iaventioa. Ins-
truit par lui, son fils écrit sur-le-champ , avec une orthographe correcte,
les mots, les phrases, les noms propres qu'on lui dicte. I.cs frères et
les parens de l'enfant ont saisi sans peine la méthode inventée pwr son
père et conversent avec leur jeune parent plus rapidement que l'in-
venteur lui-même. Il a été appelé à Paris, pour faire, à l'Instilulir d
des sourds-muels , un essai de sa méthode. Déjà, il obtenait un succès
marqué, quand des devoirs de famille l'ont rappelé impérieusement
dans ses foyers. Alors l'Institution royale a pris le parti de faire imprimer,
à ses frais, \e Syliahaire dactylologique, persuadée qu'on ne pouvait
trop appeler l'attention sur ce moyen ingénieux d'établir entre les sourds-
muets et nous la communication des idées. — Seize planches gravées
indiquent les divers mouvemens dactylologiques. JVous n'essaierons pas
ici d'en faire connaitie les détails ; mais nous pouvons assurer, d'après
notre propre expérience , qu'en étudiant les planches et leur explication,
on reconnaîtra que tous ces mouvemens sont faciles à exécuter, à ap-
G46 LIVRES FRANÇAIS.
prendre et à relenii'. Peul-êlre, cependant, sera-t-on tenté de reprocher
au Xcxle ex /ilicatif trop de concision; mais il faut se souvenir que l'au-
teur a écrit pour des élèves, devant lesquels il se proposait de professer
et de iauUi]>iier les applications de ses principes. — Une autre critique
portera sur l'addilioa d'un certain nombre de signes destinés à exprimer,
comme en abrégé, des lettres et des syllabes qui se répètent fréquem-
ment dans les divers mots de la langue. Sans doute, on évite, parleur ii'
usa;j;e , bien des longueurs ; nous en évitons aussi, en conveisalion , par
notre prononciation t'amilièie, qui supprime, dans les mots, plusieurs
lettres et des syllabes entières. Mais, ne risquerail-oa pas de tromper,
sur l'ortbograplie, et par suite, sur le sens des mots, un enfant à qui
on les dicterait comme nous les prononçons dans un eniretien rapide?
Les abréviations dactylologiques de notre auteur n'auront-elles pas un
danger analogue ? et en multiplant les signes d'une manière étrangère
au principe fondamental de la mélbode, ne porleront-elles pas quelque
confusion dans les idées ? c'est ce qu'on n'a pas éprouvé avec un enfant
très-intelligent, et l'unique objet des soins d'un père, inventeur de ce
nouveau langage. Mais s'ensuit-il que l'inconvénient ne se fasse pas sen-
tir, au niili u d'une école nombreuse, où les facultés intellectuelles se-
ront toujours inégales, et où un seul professeur devra enseigner à un
grand nombre d'élèves ce qu'il aura appris lui-même et non pas inventé ?
— Une dernière difficulté s'est déjà présentée à l'esprit des lecteurs : la
nouvelle méthode nlfie-l-elle assi-z d'avantages pour qu'on doive la subs-
tiîuiT à la méthode du respectable abbé Sicard , O'i seulement l'ac-
curilljr concurremment avec elle? L'auteur du Syllii'bairf, s'est proposé
cette question. Ses réponses sont plausibles; jecrois même qu'il est diffi-
<:ile d'y répliquer. 11 a suivi avecson fils, sourd-muet, la même marche
qu'avec ses autres en l'a n^, laroarclieque l'on a toujours prise et qu'il faudra
prendre toujours : il a commencé par lui apprendre à farlcr et à écrire
■p:ir h abitua'e , ou, ?i l'on veut, par routine, réservant, pour un âge plus
avancé, l'étude logique et métaphysique de la grammaire. La méthode
des .vignes Tirtfuj'c^s commence , au contraire, p.ir-là ^ elle suppose une
inlelligencc déjà développée. Elle conviendrait a un adulte qui jouirait
de ses facultés intellectuelles dans toute leur énergie, avant d'avoir
l'idée de ce qu'est une langue écrite ou parlée. Mais l'enfant , qu'il im-
porte si fort, pour son bonheur présent et pour son bonheur à venir, de
met Ire en communication de scntimens et d'idées avec nous, l'enf.int
n'est point cet homme-là ; il est doué de mémoire, d'aptitude à appren-
dre et à retenir, long-tems avant d'être capable de raisonnement et do
LIVRES FRAÎSÇAIS. 647
réflexion. La métaphysique subtile de la langue des signes naturels es^
perdue pour lui. Tout ce qu'on lui ea apprend, il le retient comme i!
retiendrait les signes du Syllabaire dactylototjique. , et ayee moins de
profit ; car, plus tard, on devra lui enseigner à comprendre ce qu'on lui
en aura précédemment appris. Si l'on veut d'ailleurs qu'il connaisse une
langue et qu'il la sache écrire , ne faudra-t-il pas, comme dans l'inven-
tion du DOuVisaa S^ilabaire , établir une relation conventionnelle entre
les signes naturels et les lettres ou syllabes dont se composent les mots?
Cette relation sera de plus sujette à varier suivant les idiomes , puisque,
par exemple, j/ia/uni en latin , ^onime en français, apple ea anglais,
»Mc<a en italien , répondront à un même signe naturel, quelque difTé-
rens que soient les caractères qui expriment ces divers mots. Ici, la mé-
thode que nous annonçons présente un avantage incontestable. Les con-
sonnes et les portions de mots sont les mêmes dans toutes les langues, à
quelques exceptions près ; et ces exceptions , plus ou moins nombieuses
dans chaque langue étrangère, seront facilement exprimées par le Sylla-
baire dactylologique. En examinant les tableaux de l'auteur, on voit que la
composition des mots français est loin d'épuiser toutes les combinaisons
de signes que peuvent fournir les élémens de sa méthode. Cet avantage
prend encore plus d'importance, si, comme rien n'empêche de le faire,
l'enseignement de sa méthode devient une préparation à l'enseigne-
ment des signes naturels. Ce ne seront plus des esprits sjns déve-
loppement €t sans culture que vous appliquerez tout d'un coup à uni-
étude qui doit créer leurs idées et former leur raison; ce seront des
élèves déjà habitués à apprendre, et qui, à la connaissance des principes
généraux du langage, joindront celle d'un ou de plusieurs idio:aes, et
l'aptitude à écrire toutes les langues qu'on voudra leur enseigner. Qui-
conque a approfondi l'influence qu'exerce , sur la formation et la coni-
position des idées , l'usage de la parole et de l'écriture , sentira le prix
d'une si heureuse ))réparation. — Une considération ne doit point échap-
per aux amis de l'humanité. Les sourds-muets sont plus multipliés, en
France et en Europe, qu'on ne le suppose communément ; et ce n'est
que sur le plus petit nombre qu'on a pu répandre , jusqu'à présent, ie>
bienfaits de l'instruction. La méthode des signes naturels demande des
professeurs qui en aient fait l'objet de leurs longues méditations. L'en-
chaînement logique qui lui assure sa supériorité, larttireen même tems
du domaine des intelligences ordinaires. Oa ne la peut enseigner avec
fruit que dans des écoles où sont réunis des hommes habiles , et destinés
d'avance à suivre c<:tte carrière. La nouvelle méthode est à la portée de
648 LIVRES FRÂTSÇATS.
fout le monde ; l'instiliileur le plus vulgaire, le père , la mère , les c»-
marades d'un sourd-mu' t, tous peuvent se l'approjjrier. Tons sans doulc
essaieront de le faite. I!s y réussiionl sans de i^ratids elFuis , et il» ren-
dront grâce à l'auteur du S\U.. baire ductylotoghfuc ; ils rendront grâce à
r»7i*<i'<M<i'on. bicnfui-anle qui a décidé la publicité d'une invenliun des-
tinée peut-être , sans .«es encouragement, à rester ignorée au sein de la
famille dont elle est devenue la cunsolation. Eus. he Salverte.
^gl- — Grammaire françiiise ruisonnce, par J. J. F- Bilc/N , prol'es-
seur. Sixième édilion. ^iatitiii , 1820, Mdiigin; Paris, Lymery. Un vol.
in-12 , de 3"o pa^es.
Cette grammaire toute pratique, extraite de nos meill''urs auteurs,
est fort répandue dans une partie de la ci-devant liielaguc. No.is l'eii.s-
.'•ions déjà l'ait connaîtie si elle nous eût été plulôl comuiuniquee. L'au-
teur en a puiilié, à Nantes, un abrégé qui a déjà eu deux edii o s, d a
donné aussi une Cacoloyie qui en a eu trois, cnliu, ['Arilhinctii/ue ■ n-
cienne et décimale à l -usa'je diS enfum . L.
2q5('). — i\ ouvtiile (jramniairi française, sur im plan très-mélhodi-
quc, avec de nombreux exercices d'ortlioqi-iiphc , de syntixe et de fonc-
tuntionx par MM. JSi.bl , inspcctfur-t;eiieidi de l'uiiiver»ile, el I.hap-
SAL, professeur de grammaire général. ; ouvrage mis au lang des livres
classiques par le conseil royal de l'Université. P.iris, i8-!3; Aum<iit ,
Veuve JNyon , quai Conti , 11° lô. Diux vol. iu 1 2 ; [)rix Ue cba'jue vol.,
I fr. 5o c. , et 2 fr. f)ar la poste.
Si l'auteur du Traité des éludes revenait parmi nous, et qu'il vît le
grand nombre de grammaires qui a paru depuis trente ans, il ne se
plaindrait sans doute plus du peu d'atlenti n que l'on a<-cordeà l'élude
de notre langue. Il est vrai que la plupart de ces ouvrages n'aitcignent
pas le but que leu:s auteurs ont dû se propo-ier : lis uns , t^op voluiii-
neux cl trop abstraits, ne conviennent I ut au plus qu'.iux maîtres;
les autres, resserrés dans un cadre trop étroit, sont plus p 0|>res,
par leur séclieresse, à inspirer le dégoû! de l'élude qu'a g-jidi r et
éclairer l'e-prit. Il manquait à l'enseignement une bonne grammaire
élémentaire. Deux hommes dont le nom fait autorité en matière d'ins-
truction, ont réuni leurs lumières et leur cxpérii-nce pour remplir cette
lacune. Leur ouvrage, remarquable par sa marclie extrêmement mé-
thodique, par la justesse de ses définitions et par !<• grand nombre de
faits et de règles qu'il renferme, a obtenu les suffrages de l'Univrrsi'é,
el vient d'être mis au rang des livres classiques. (A-tte e\rellfnle gram-
maire se compose de deux parties distinctes : l'une a pour objet l'élude
LIVRES FîlAKÇAIS. (J49
des règles , c'c^t h grammaire proprement dite: l'autre, sous le titre
d'exercices , lenfernie l'application des préceptes. Celte seconde partie,
absolument divisée comme !a première, est une véritable giammaire
pralifjuc, dans laquelle un grand nombre de pLrases , empruntées à i,os
bous auteurs, présentent tout à la fois un moyeu facile de se familiari-
ser avec les règles du langage, et une lecture propre à orner l'esprit et
à former le cœur. C'est ain.-i que MM. JNoël et Cliapsal ont su se con-
former au précepte d'Horace, utile didci , dans un genre d'ouvrage où
l'on trouve ordinairement plus d'épines que de fleurs, et plus d'ins-
truction que d'agrément. Z.
296. — La clef des jmrlicipes , par Vamike, instituteur. Troisième
édition. Paris, 1S24 ; Vernarcl et Tenon, rue Hautefeuille, n» 5o ;
prix , 1 fr. 5o, et 'A fr.
Toute la doctrine de l'aiileur est renfc-rmée dans cette formule : a Le
participe est ur.e inflexion verbale qui sert à exprimer soit l'état, soit
l'action du sujet. — Quand il exprime l'état , il est particip -adjectif,
et s'accorde toujours avec son substantif, en genre et en nombre.
Quand il exprime l'action , il ef<l participe-verbe , et demeure invaria-
ble, à moins qu'il n'ait un régime direct formellement exprimé avant
lui.» Ces principes sont incontestables et clairement énoncés. L'auteur
en a fait l'application à tous les cas particuliers qui peuvent se présen-
ter , et a mis à la fin de son ouvrage des phrases et des exercices sur le
participe et sur le modiflcalif d'action , nom qu'il a donné au parti-
cipe présent invariable, et qui ne nous paraît pas plus facile à compren-
dre que ce dernier. On pourrait faire à M. Vanier le reproche qu'il
adresse à plusieurs grammairiens, celui d'avoir attaché trop d'impor-
tance à la théorie des participes, et d'avoir consacré 190 pages à une
question qu'il dit avoir réduite à la plus grande simplicité. >oii;\ l'enga-
geons aussi c. retrancher, dans une nouvelle édition , les réfutations des
doctrines opposées à la sienne, et surtout quelques déclamations sur la
dénomination àa participe présent , où l'auteur montre presque do Ja
colère contre ceux qui l'emploient. Néanmoins, l'ouvrage, tel qu'il ejt ,
mérite d'être consulté par les priifesseurs et par les gens du monde.
A. M— T.
2e,-. — Lettres Bourr}ui()noncs , ou Correspondance sur divers points
d'Iiistoirc littéraire , de biographie ,,de iibiiograpliic, etc. , par C. A'.
Ama.nton , conseiller de préfecture du déparieiuent de laCôte-d'Or,
etc. Dijon, iSaS; Paris, A. A. Renouard. In-S-' , de fô pag. : prix,
2 fr, , et 2 IV. 5o e.
Ces lettres se composent de dissertations curieuses , sur divers points
T. x\. — Décembre iS25. ^2
g:o livres français.
d'histoire litlérairc , adressées à plusieurs hommes de lettres , dont
quelques-uns entre autres, SIM. deLabouisse, Guillaume et Breghdt
du Fjut , ont répondu par de.* épîtres non moins précieuses que celles de
RI. Arnanlon. Il résulte de cette correspondance , que le poète l'ergier^
dont oa a un recueil de contes fort connus , ne se nommait ni Verger
ni Duvergier, ainsi qu'on l'a quelquefois appelé mal à propos, et qu'A-
lexis Piron n'a jamais fait aucune démarche pour être de l'Académie fran-
çaise. Ces résultats, qui, au premier coup-d'a'ilj peuvent paraître assez
minces, sont obtenus à l'aide d'innombrables recherches qui prouvent
le savoir et la sagacité de M. Amanton , et dont les détails sont pleins
de charmes pour les rérilablcs ;imateurs d'histoire lilléraire. La bro-
chure csl ornée de deux fac simiie de l'écriture de Vergier et de Piron,
qui ajoutent encore à son intérêt. On doit au même M. Arnanlon , une
Notice sur Ci.-Xavier Girault {Vans, l\eaounrd, i8-23; in-8" , i6 pag. ;
prix, 80 c.), qui a écrit un grand nombre d'opusculcb sur l'histoire lii-
téraire et les monumens de la Franche-Comté, et que les lettres out
perdu , dans le courant de l'année 1825. M. Amanton est du petit nom-
bre des savans qui cultivent avec zèle et succès, dans nos provinces, la bi-
bliographie et l'histoire locale , souvent si curieuse et toujours tiès-utile
pour l'éclaircissement de l'histoire nationale. X.
2qS. -- Lettres sur l'astronomie, en prose et en vers , par j\I. Aliicrt
MoNTÉMONT, membre de plusieurs Sociétés savantes. Paris, iSaô; Lt-
long, au Palais-Royal. Quatre vol. in-iS, d'environ zSo pages chacun, ac-
compagnés de figures et vignettes; prix, 12 fr., et i4 fr.
1 L'astronomie , par la dignité de son objet et la perfection de ses
théories , est le pins beau monument de l'esprit humain, le tilre le plus
noble de son intelligence. «Cette épigraphe, que l'auteur a tirée de l'Ex-
position du système du monde de M. Laplace, justifie les efforts souvent
renouvelés pour mettre l'astronomie à la poitée des gens du monde. M.
Albert-Montémont, en insérant, dans ses Lettres sur V astronomie, di-
verses pièces de poésie , tirées des bons auteurs , a réussi à jeter des
fleurs sur l'étude de celte belle science et à rendre moins pénible pour
l'attention , moins fatigant pour l'esprit , un enseignement qui em-
brasse les plus beaux effets de la nature. Des notes qui accompagnent
chacune de ces lettres , sont destinées à éclaircir les difficultés les plus
importantes qu'on rencontre dans cette étude. Plusieurs de ces lettres
sont sorties de la plume d'un littérateur dont les lecteurs de la Revue ont
souvent distingué les écrits : M. Charles Coquerel a réuni ses efforl> à
ceux de m. A. Montémont, pour répandre quelques clartés sur des matiè-
les aussi profondes. Le public accutillcra sans doute avec intérêt un ou-
T.IVRES FRANÇAIS. G5i
vrage utile, cl dont la lecture est facile et pleine d'agrém-'ns. La seule cri-
tique que je me permettrai d'en faire, c'est que l'aulcur y revient trop fré-
quemment sur les mêmes idées, et craignant sans doute que trop de pré-
cision ne nuise à la clarlé, reproduit dans les notes tout ce qu'il dit dans
les lettres; ce qui rend l'ensemble un peu prolixe. Mais , peut être y
a-l-il un grand nombre de lecteurs à qui côlte abondance sera agréable;
et d'ailleurs, les nombreuses pièces de vers qu'on y trouve éparscs et
analogues à chaque sujet, jettent dans cette leclurc une variété qui
compense agréablement le défaut que je viens de signaler. M. A. Mon-
témont fait preuve lui-même de talent po<:iique; et plusieurs morceaux
dus à sa verve ne déparent pas son ouvrage. L'Ode au soleil est riche
d'images poétiques :
Arbitre du jour et du monde.
Foyer de ceut globes diveis,
O toi dont la clarté féconde
Anime ce vaste univers .
Soleil ! que j'aime ta puissance ,
Combien dç ta magnificence
L'éclat émerveille mes yeux !
La nuit commandait à l'espace;
Tu viens, elle s'écoule et passe.
Et ta gloire inonde les cieux.
FRAKcœrs.
299 (*)• — ^e Guide de Carliste et de l'amateur, contenant le Poème de
la -peinture, de Dcjfresnoy, avec une traduction nouveilc, revue rar M.
KÉRATRY ; suivi de Réflexions de ce dernier aiiteur, et des Notes du
Revnolds ; de l'Essai sur la feinture de DinERuT; d'une Lettre sur te
faysage, par Gkssker; de trois lettres tirées du Paresseux (Journal an-
glais), sur l'observation des règles, sur l'imilatlon de la naïuie et sur la
beauté (Lettres attribuées à Reynolds). Paris, 1823 ; Grimbert, rue de
Savoie, n" i4. Un vol. ic-12; prix, 3 fr. 75 c, et 4 fr.
Le recueil que nous annonçons manquait à ceux qui s'occupent des
arts d'imitation , et spécialement de la peinture. 11 contient, dans un
-seul et même volume, les préceplei les plus sûrs, les dissertations les
mieux senties, les remarques les plus judicieuses et les plus originales
que l'on possède aujourd'hui sur ces arts Tous les mon eaux dont ou
présente Ja réunion au public sont depuis long-teras connus et appré-
ciés ; mais l'éditeur paraît avoir été guidé , duus le choix qu'il en a fait,
moins encore par la haute estime dont chacun de ces essais jouit déjà ,
que par les avantages qui résultent de leur valeur connnaralive et de leur
G53 LIVRES FRANÇAIS.
niérite respcclif. Comme, en uni de beaux-arts, tout aperçu, quelque
juste et quelque étendu qu'il soit , <i nécessairement, tant qu'il est isolé,
le défaut d'être exclusif et partiel, c'est toujours une idée salutaire, de
présenter en regrard l'un de l'autre les meilleurs aperçus qui aient été
produits sur un art. Rien , d'ailleurs , n'est plus funeste aux progrés réels
des arts d'imagination que l'u.'sprit de système; et le moyen le plus sûr
d'en neutraliser l'effet , c'est d'opposer et de balancer enire eux les diC-
férens systèmes qui ont pour objet les mômes arts. Ce que cliacune de
ces théories a de plus vrai s'appelle et s'unit par une sorte d'alBnité
inorale; il en résult(i, pour nous, un nouveau tout, un corps de doc-
trine, qui cependant n'est plus un système, et qui, saisi par le génie,
devient un germe fécond en créations nouvelles. — Tel est l'un des points
de vue les plus importans de la philosophie des arts; tel est celui qu'a
dû saifir M. Kératry, en ajoutant à ce recueil ses propres observations.
Quacd nous avons dit que ce livre ne contenait rien qui ne fût déjà
connu, nous n'en exceptions pas même ce tribut nouveau que M. Kéra-
try vient de payer aux arts. Cet écrivain sent ie beau avec tant de force
et de vérité, qu'il ne lui serait pas possible d'en concevoir de fausses
idées; cbiz lui, les combinaisons de l'esprit sont d'autant plus justes,
qu'elles viennent toujours après les inspirations du cœur. Heureux l'é-
crivain qui a su maintenir ce bel équilibre entre ses facultés ! Il lui est
donné d'allier sans effort l'éloquence avec la profondeur, la vie de l'âme
avec la finesse de l'esprit, la fraîcheur de l'imagination avec la force du
raisonnement. — Le traité, à l'insuffisance duquel M. Kératry s'est princi-,
paiement proposé de sup[ léer, est le Poème de Dufresnoy, sur la pein-
ture. Dufresnov, pour devenir peintre, oublia tout le reste, et subit
même avec joie les rigueurs paternelles; mais son exemple est une des
preuves les plus frappantes d'une vérité souvent remarquée au sujet des
artistes : c'est qu'une inébranlable vocation n'annonce pas toujours h
présence du feu sacré. Dufresnoy ne biisa les entraves qui s'opposaient
il son goût favori, que pour se jeter aussitôt dans toutes celles de
l'art qui en était l'objet. Après avoir étudié scrupuleusement jusqu'.iux
moindres détails des arts plastiques, il lit plusieurs ouvrages où parait
une belle et sévère rorrection , mais que le génie n'a point animés. De
même, les préceptes qu'il a donnés en vers latins ont une concision lu-
cide et judicieuse, excellente pour les progrès de l'étude, nulle pour
l'enthousiasme et pour les nuances infinies du sentiment. Il semble
(pie la constance de son culte en ait banni presque toute chaleur. Sé-
duit par l'exemple d'Horace , il n'a pas vu que le poète de Tibur, avant
de descendre aux règles didactiques, s'était élevé sur les ailes de Tins-
LIVRES FRANÇAÎS. r>~.-
piralîon lyrique plus haut que Pindare, son maître. Il n'a pas vu non
plus que, pour peindre en vers la peinture elle-nnème, U faut appeler
à soi le génie poétique tout entier; l'adage qu'il se plaît à rappeler, et
par lequel il débute, ut picluru J^ocsis■, nurah dû l'en avertir. — fi'illustre
fondateur de l'Aeadémie de peinture de Londres, Josué Reynolds , avait
déjà enrichi ce traité des notes les plus savanie> , et des préceptes Ks
plus sûrs que puisse fournir la pratique du pinceau; et c'est le plus b<;I
éloge de ce poème qu'il ail fixé aussi particulièrement l'attention de
Reynolds. iMais., ce grand peintre lui-même est plutôt un Anglais savant,
qu'un interprèle passionné de ces intimes secrets de l'art, par lesquels
la nature et la vie viennent se fixer sur la toile. — Il appartenait à l'au-
teur des Iiiductions morales et fhysiologiques (Voy. Rev. Enc, T. I,
pag. igS), à l'écrivain qui, dans ses Méditations sur ic hcau, a si bien
allié la haute pliilosophie de Kant à l'éloquence communicative de Ber-
nardin de Saiut-Pierre, d'ajouter aux ouvrages de ces deux grands maî-
tres les fleurs variées du sentiment qui étaient échappées à leur savante
préoccupation. — Si l'espace nous le permettait, ['Essai sur la peinture
de Diderot mériterait bien aussi que nous en rappelions les divers genres
de mérite à nos lecteurs. Diderot se montre inégal, ici comme partout
ailleurs; mais, ici, ses inégalités mêmes tournent au profit de l'art.
Sa fougueuse critique met tout en saillie : les vérités et les erreurs qu'il
énonce ont une expression si frappante et si vive, que les unes servent
d'autant mieux à faire discerner les autres : il n'est pas d'écrivain chez
qui le jjaradoxe et la vérité, l'éloquence et la déclamation , la nature et
sa fausse image, se louchent de plus j)rès; c'est qu'il est de bonne foi dans
le bon comme dans le iiwiuvais , et que l'un et l'autre lui échappent pres-
que involontairement. — Le recueil est terminé par une Lc(/)'edeGe^sncr
sur ie paijsa/jc, et par plusieurs autres Lettres sur la peinture en gé-
néral, qui sont allribuécs à Reynolds. La lettre de Gessnerse fait lire
avec tout l'intérêt d'une idylle, et nul n'avait plus le droit de diriger
vers les beautés agrestes les pinceaux de l'artiste, que le i>oète ami des
champs, dans l'âme et les écrits duquel ces beautés se réfléchissaient,
comme dans les eaux d'un lac paisible. Jules Macviel.
5oo(*). — Œuvres complètes d' Etienne iovi , de l'Académie fian-
çaibC. Tom. I et XVIIl. (Le I" de V Essai sur Ls mœurs et le I'"^ du
Tludlre.) Paris, i823; Jules Didol, Bossange père, Aimé Audré , et
l'auteur, rue des Trois-Frères , n" 1 1. Deux vol. in-8»; prix, 8 fr.
Ce n'est pas Seulement une nouvelle édition d'ouvrages connus que
publie M. Jouy : une partie de ces œuvres était inédite. En littérature,
le passé càl presque toujours le garant de l'avenir. Lorsque l'auteur tin
654 LIVRES FRANÇAIS.
et spirituel, auqnt-I nous dorons tant d'observations piquantes sur les
mœurs francises, piomef la peinture dis passions dans un roman, celle
des courtisans dans une comidie intitulée : les Intrigues de cour, et celle
des intrigues de ville, dans une autre comédie qui a pour litre : les Mœurs
dutems, le public est fondé à attendre des tableaux d'un coloris aussi bril-
lant, d'une ïérilé aussi parfaite que ceux déjà sortis de la même main.
Celte attente ne sera point trompée, si nous en jugeons par les deux
prenii.Ts volumes qui composent la première livraison que nous annon-
çons. Comme nous donnerons, dans la section dvs analyses, des déve-
loppemens plus étendus sur ces différens ouvrages, nous nous bornons
à indiquer ici ceux que renferme cette livraison. Outre 42 chapitres de
l'Ermite de la Chausséc-d'Anlin , on trouve, dans le premier volume,
un discours préliminaire consacré aux répulalions contemporaines. L'au-
teur jette un coup-d'œil rapide sur la plupart des hommes qui, depuis
vmgt-c:nq ans, se sont illustrés dans les sciences , les lettres et les arts.
On pourrait y remarquer plusieurs omissions et quelque partialité. Le
second volume renferme 4 tragédies; deux seulement, TippôSach et
Sytla, ont paru sur la scène : les deux autres ont été arrêtées par la
censure. Celle de Bétisaire avait déjà été imprimée; Julien dans tes
Gaules est publiée pour la première fois. L'auteur joint, à chacune de
CCS pièces, des notes extrêmement curieuses, tant sur le sujet que sur
les intrigues auxquelles elles ont donné lieu. Parmi ce? notes historiques,
il CD esl plusieurs d'un grand intérêt; do ce nombre est celle où l'auteur
rend compte d'une conversation entre Talma et JVapoléon , sur la tia-
gédie d( Tipfû-Sacb. Cette note jette un nouveau jour sur le caractère et
l'esprit de l'homme le plus extraordinaire de notre époque. A....
Joi {*). — Moïse, poème en quatre chants, par Mfomu^^no Lkmeh-
ciEB, de rinsl.tut de France (Académie française). Paris, iSaS; Bos-
sango frères, rue de Seine, n" 12. ln-8°; prix, 4 fr.
JNous n'aimons pas beaucoup Moïse comme héros d'un poème : ce
grand législateur, quelle que soit la majesté des souvenirs attachés à
son nom , repousse i'inlérêf dramatique, qui est l'âme de toute corapo-
bitiou inspirée. Il y a, d'ailleurs, dans la vie du prophète hébreu, des
cruautés qui répandent sur sa mémoire une réprobation que rien ne
saurait effacer aux yeux de l'humanité. Des cliâtimens pareils a ceux
dont il usa envers les Israélites, les ordres terribles de sa farouche in-
tolérance, ses lois de sang se mêlent , malgré nous, à la renommée de
sa haute sagesse, à l'éclat de son génie, que Rousseau a célébré avec la
pLs magniiique éloquence. Au lonlraire, tout est pur, innocent et sans
tache dans l'immortel ^m^Pn■, et si, en le célébrant, M. Lemercier
LIVRES FRAÎSÇÂIS. , 6' 5
h'a pu composer un drame d'un inlérêt allacliaiit, II n'a du moins
causé de regret à aucun de ses lecteurs ; et lorsque son beau lalcnt s'est
montré digne de lui dans un sujet où tout était à créer, la fable, les
personnages , les allégories , les formes qui en sont l'expression , il a
causé une vive satisfaction aux connaisseurs pour lesquels l'admiration
du beau est une passion avide de jouissances. — Le poème de Moi se n'est
pas véritablement et ne pouvait être im poème d'action ; les récits y
tiennent une trop grande place pour l'étendue de l'ouvrage; on peut
lui reprocher encore la monotonie des idées. Jéhovah remplit tous les
vers de M. Lcmcrcicr; on parle toujours de la grandeur de Jéliovah; et
les divers interlocuteurs ne sont pas toujours aussi éloqucnslesuusquelcs
autres. De là vient que des beautés sublimes sont affaiblies par des cho-
ses qui ne les égalent point. M. Lcmercier n'a point lait une attention
asse? sérieuse à cet inconvénient. Des suppressions laites par sa main
habile ajouteraient beaucoup au prixdeses inspirations. Jamais peutêîn;
l'auteur n'en a eu de plus hautes, et quelquefois elles sont d'une rare
énergie, ou d'une simplicité et d'une magnificence semblables a celles des
anciens :
Ce terrible ennemi , ce Moïse est un homme.
Son image, au travers 3u Ijainïeau de la peur,
S'agrandit à nos yeux d'un appareil trompeur.
Comment aux bords du Nil parla-t-il à ses frères?
<( Enfans égaux, vivez, libres comme vos pères.
Le superbe, diargcant nos fils d'un joug nouveau,
De l'équité première a rompu le niveau.. ..
Les jeunes bois ont dit sur les hautes collines :
Du cèdre qui nous couvre arrachez les racines;
Il ravit , en dressant un front victorieux ,
Tous les sucs à la terre et la rosée aux cienx;
Des orages en vain ses bras nous garantissent,
El séchant à nos pieds , nos rejetons périssent.
Tombe, orgueilleux géant ! et que nos fronts vengés
D'un éternel ennui ne soient plus ombragés. »
Le discours du rebelle Coré, qui veut soulever le peuple contre Moïse,
élinccllc de beautés ; celui de Moïse aux révoltés sur la puissance de
Dieu est d'un ordre encore plus élevé. On y trouve une foule de vrrs
qui unissent la vigueur de Corneille à la magnificence de Racine.
Si j'eusse fait mentir son saint nom profané.
Moi-même, avec mes fils, il m'eût exterminé.
Quel séj our si lointain où son bras ne m'atteigne ?
Les enfers? i! s'v vençe : et le* cieu-x? il y rèç-ne.
6^6 LIVRES FRAISÇAIS.
Ne murmnre donc pins; ah i qu'il n'entende pas
Vos lèvres, vos pensers le blasplicjner lout bas ,
De peur que d'ans ces lieux la foudre toujours prêle,
Ne vous jette saus vie aux pieds de son prophète.
La naïveté ynlJque respire dans un dialogue entre la fils de Mone ,
qui s( it à nous déla-ser de runiformifc du n;rand et du beau. Des tein-
tes encore plus douces sont habilement répandues sur les amours de
Cosbë, jeune Moabite, avec le guerrier Zumbri; on reconnaîtrait un
poète à ces seuls vers :
Les coteaux , peints de fleurs aux rayons du soleil ,
Fumaient des premiers feux dune humide lumière.
Tout-ù-coup l'astre pur, lancé dans la carrière.
Des splendeurs qu'il versait tedoubla le torrent.
Et le blasphémateur se tut en aJmirant.
On peut facilement relever des fautes duos le poème de M. Lemercier;
mai^ il renferme des beautés si élevées que la critique est retenue par
la crainte de méconnaître un talent qui sort de pair à tous moraens,
et s'élève souvent sans effort jusqu'au sublime, I.
ùoi.—Le rrilunal Secret, tragédie en cinq actes, par M, Léon
Thibssé, repré.-emée, pour la première fois, parles comédiens du roi,
sur le Second-Théâlre français, le mardi ii novembre 182.1. Paris,
io23; J. K. Barba. Brochure in-S", de xi et 68 pages; prix, 5 Ir.
Kons avons rcniu compte de cette tragédie, lors de sa première le-
p.ésentation. (Foy. ci-dessus, page 4.'')8.) L'auteur la soumet aujour-
d'hui à l'épreuve de la lecture, en y joignant une prélace dans laquelle
il examine les diverses critiques, plus ou moins judicieuses, ou , selon
lui, peu fondées, dont son ouvr;.ge a élé l'objet. Après atoir tracé un
aperçu liistorique très-rapide , et néanmoins fort interes.sant, des prin-
cipaux faits relatifs ai. tribunal vl.émique établi en 8o5 par Charlema-
gne, il s'attache surtout à le distinguer des as.sociatIons d'un genre bien
diffé.ent que nous avons vues en Italie, il y a si peu d'années. Loin de
vouloir juger, on accuser ces Sociétés, désormais vaincues et sans
puissance, il a cru trouver dans l'horreur que font naître l'inslitulion
barbare des Francs-juges, leur farouche despotisme, et leur cruauté fa-
natique, des inspirations dignes de la nuise tragique, et des leçons pro-
pres à faire délester le fanatisme et la tyrannie. —On remarque dans
cette tragédie, un but moral et politique trè.s-louabic , un talent di.^-
tingué,et la preuve quel auteur, qui a »u déjà écouter et suivre les
LIVRES FRANÇAIS. 657
conseils d'une critique éclairée, promet beaucoup plus qu'il n'a donné.
A. J.
ôo5 - Almanach des Muses, ou Choix de Poésies fugitives, r'>^r
i'ann.e 1S2/,. (60- année.) Pan., .8.4; Eymery. In-i. de 288 pages ;
prix, 2 tV. 5oc., et 3 fr. 2S c.
Ce recueil a le désavanlase de paraître trop lard. Rédi?e, comme la
plupart de ceux qui abondent au renouvellement de chaque année, d'a-
,,rès un choix fait dnns divers ouvrages périodiques , les meilleures pièces
ou'll renferme, déjà connues par une première publication, ont ete
réunies par des éditeurs qui ont pris l'avance auprès du pubbc C est
«insi que nous retrouvons plusieurs morceaux que nous avons de,a eu
occasion de signaler à l'atten.ion de nos l cteurs. Tels sont : les ^c«
rour l'ouvertu^ de la nauvdlc salie de spcetacle du Havre , par Cas.rmr
Dei..v,gnb; <e. Sermevs, du même; /e Dernier jour de Vannée par
M- JmaUc T ASTC ; Mon fds est là , par M. Scribe ; le Mar. , l Amant
et/.ro/cur,conte,parM.MERV.LLK(voy. ci-dessus, pag..o+->07,
l'annonce de V Aiman.ch des Dames et de VAlmanach dcdic au-rDa-
,nes) ; V Abolition de ta traite des Noirs , poème , par M . Chacvkx {vay.
Tom. XIX, pag. 4.6 et C99Î ; Jnditn , poème , par M. B.ca. (.0^.
Tom. XIX , pag. 18;) : le Fugitif, par M. Henri Berthoco , et 1 EfUre
au Tluâtre, de M. Justin Gknso.l, éditeur de VMmanaeh des Musc,
(.oV-Tom.XIX, pag.7<")- Après ces pièces, qui méritent bien , du
Lie, l'honneur de f.gurer dans plusieurs recueils, nous ne trouvons
plus à citer que (a Messe du Mariage et les Derniers ----'<*;;;
pièces charmantes de MM. A.let^ et Ac.o„b ; Commode et le G.ad^ateur,
Ile M. lUtEVV, t.ès-jeune poète qui a déjà pris un rang distingue partnx
1 suaductcurs dllurace ( ra^. Tom. XIX , pag. .8.); le Rossrgnol ,
fable , par M. Kaudkt, et Chaque chose à son tour, conte, par M. Ue-
VH LE (i).-Nous croyons avoir indiqué tout ce que r^/m«nac/< rfcs .Ume5
renferme, cette année, de pièces réellement dignes d'éloges. Le reste
du recueil se compose de fragmens de poèmes beaucoup trop longs , et
trop multipliés, narement de pareils extraits , ainsi dégagés du cad.c
dont ils doivent faire partie , présentent de l'intérêt , et trop souvent ils
accusent l'impuissance des auteurs qui les livrent au jugement du pubbc.
jNous crnyons que M. Justin Ge.s.li,, pour la gloire de M.llevove et
U) Le „,éme autenr a fait pa-Ure. au rou.n.encen,eat de cette a.nee chez
MarciUy aîac, rne Saint-Jacques , n« ai, un recueil de poésies légères, sous le t,-
l.e de Délas.emer,s poétlques.Va vol. iu-i8 de 176 pages, avec des gravures et
de la. musique, prix, 3 fr.
^''^ LIVRES FRANÇAIS.
pour la sienne, n'aurait pas dû donner place aux deux pièces de vers
que nous trouvons à la page .5, et qui étaient bonnes seulement pour
acrconstancequi les a fait naî.re ; non plus qu'à deux fables, dont
les sujets avaient été traités par l'inimitable La Fontaine , et que MM
BE V,.Lo„o» et Félix NOG.K.T n'ont pas craint de parodier. Pour ne pas'
abuser d une place que nous pouvons mieux employer dans l'in-érèl de
nos lecteurs , nous renonçons au des.ein que nous avions eu de transcrire
.c. quelques p.eces d'un très-mauvais goût et presque ridicules, telles
que celle qu. a pour litre : Vlntérieur d'une coquette (pag. .9.). Nous
ne saunons à quoi attribuer l'insertion de pareilles pièces dans VAlma-
nach des Muses , .i notre siècle n'était pas accusé d'être peu favorable à
la poes.e Ma.s, dans un tel dénuement de richesses littéraires, pour-
quoi I edaeur dédaignerait-il les vers que lui adressent des auteurs qui
n ont pomt encore de nom dans la république des lettres, et qui cher-
chent a s'en faire un f Je n'insisterai pas sur ce dernier reproche .• je
cramdra.s que M. Geusoul ne le regardât comme une récrimination de
ma part. ,
. , -t. hlEaEAu.
^04. - Le chansonnier des Grâces, pour ,824 (28^ de la collection),
i'ans; Loms, éditeur, rue Hautefeuille, n-> ,0. Un vol. in-18, avec deux
gravures et 56 pages de musique ; prix, 5 fr., et 3 fr. 5o c.
Oû5. - Le Nouveau Caveau, pour .824 (6c de la collection). Paris;
Ejmery, rue Ma^arine. Un vol. in-.8; prix, . fr., et . fr. Soc.
oob.~Les Soupers de Momus (. .e je la collection). Paris; le même
■ln-18; pnx, 2fr., et 2 fr. 5o c.
Si l'on devait juger de la gaité française par le nombre de chanson-
niers que chaque jour voit éclore, jamais elle n'aurait été plus générale
que depuis quelques années; et, si le talent était une condition indispen-
sable pour se voir admis dans ces recueils , jamais nous n'aurions eu plus
de poètes qu'aujourd'hui. Mall.cureusement, ces inductions seraient éga-
lement fausses. Altéré par nos troubles politiques, l'esprit français a perdu
nécessairement un peu deson aimable insouciance; il lui faut aujourd'hui
autre chose que des chansons pour l'alimenter; et d'ailleurs, les auteurs qui
tenaient le sceptre de la chanson semblent l'avoir laissé tomber dans des
mains beaucoup moins heureuses.Comment expliquer alors l'affluence des
recueils chantans? par l'accroissement des spéculateurs. La masse de ri-
chesses ne s'e,t point accrue , au contraire ; mais plus de personnes veu-
lent y avoir part. Aussi, voyons-nous, comme nous l'avons déjà observé,
au sujet de VAlmanach des Muscs et des deux Almanachs des Dames,
plusieurs éditeursvivre de quelques auteurs et de quelques pièces, qu'ils
revendique m tour-à-lour. Cependant , la disette devient de jour en H>ur
LIVRES FRANÇAIS. CBg
si grande, que quelques-uns sont rëduils , pour avoir des matériaux et
surtout des noms , à puiser dans les anciens dépôts , et à reproduire au-
jourd'hui, comme nouveau , ce qui a fdit les liéiices de nos pères. C'est
ainsi que nous reliouvoiis, dans \cs Sowpers de Moimts , pour i8i4> ^*
Nature et la Lanterne ma;iiqu6 , de MM. Jour et Armand Gouffb; plu-
sieurs cliansons de M. Amiginac , et de quelques autres qui ont inlt par-
tie du Caveau moderne, recueil qui paraissait il y a quinze ans. Ajoutez
à cela un certain nombre de pèces de vers, depl.icées dans un recueil
chantant, puisqu'on ne peut y adaiittr .iicuii air, tels que le Jugement
de Salomon, des Soupers de Momus; dt« pièces que leur ton et leur
facture n'auraient jamais dû permettre d'imprimer dans un ouvrage que
leurs éditeurs désirent voir dans toutes les mains, tflles que ['Amour
a'^ent de change, de M. Lance ; la Stratégie, de M. Coupé Saint-Don at,
(du Nouveau Caveau); et vous comprendrez comment on peut faire tant
de livres avec si peu de matériaux. Nous n'avons trouvé à citer que
quelques pièces dans les deux derniers recueils que ncius annonçons en
lêle de cet article; ce sont, dans le Nouveau Caviait. iedîner de Sainte-
Barbe, de M. Eugène Scrihb ; tes Deuac côtés, de M. Simo^nin; VOrage,
de M. de Béranger, it deux ou trois autres ; dans les Soupers de Momus,
cinq ou six pièces dont la moitié appartient à M. J. LBOLKiiS, qui semble
ambitionner la gloire de marcher sur les traces des pères de la chan-
son. — Quant au premier, le Chansonnier des Grâces, le plus ancien
et le plus répandu de» trois, il (.onlinue de mérite r le succès que lui
ont assuié les soins donnés à sa rédaclion. Un grand nombre d'au-
teurs, qui ont ufl nom, d'autres, qui cherchent à s'en faire un; quel-
ques-uns qui, comrue M. Gijkrin ont débuté enmaHres, s'empressent,
chaque année, d'enrichir ce recueil de leurs meilleures productions. De
charmantes gravures , et un choix des plus jolis airs nouveaux, viennent
ajouter leur prix à celui qu'.l tire déjà du méiite de ses productions
littéraires. Quelques personnes, qui ne connaîtraient point encore le
Chansonnier des Grâces , peuvent craindre que son titre n'éloigne la
variété si nécessaire dans un recueil semblable , et que l'on n'y accorde
trop au genre sentimental. Un coup-d'œil jeté sur le volume de cette
année leur prouvera que les Grâces ne sont point ennemies d'une gaîté
douce et décente, qu'elles permettent même l'épigramme. Nous cite-
rons, comme des modèle» en ce genre, les chaneoiis suivantes : ie Mé-
nestrel affamé; Quand l'chat n'est plus là, les rats dansent , et la Dame
du château, par M. Gcébin ; le liomantique, par M. Pkan; VlncuraUc^
par M J. P. [Joseph PainJ; YAngdus, par M. Jxislin Gen>oci.; le Chevalier
discret, p^r M. Boucher DEPEainEs ; le Diable au manoir, par M. Dat-
6<5o LIVRES FRANÇAIS.
TEL DE Lctange; et une dizaine d'autres aussi jolies. Le genre gracieux n'a
pas non plus elé négligé; nous signalerons, entre un grand nornbre de
pièces , V Aveugle, par ]\l»e a. T. (M'"e AmaMe Tasiu, sans doutej ; la
FUlc de Couiançfcs, par M. Glkb.iv ; Haroun et Rosétide, par M. Thkau-
lon; et l'Attente, par M. Casimir Delavigke. Nous avons lu ce recueil
avec le plus grand plaisir, et nous pensons qu'on pourrait difficilement
faire, au commencement de l'année, un plus joli cadeau aux dames et
à tous les partisans dune g.ùté franche mais décente. E. Kébeac.
■'o; (*). — L'Exaité, ou Histoire de Gabriel Désodry , sous l'ancieu
régime, pendant la révolution et sous l'empire; par M. L. B. Picahd,
de l'Académie française. Paris, 1824; Baudouin frères. Quatre volum.
în-i2 ; prix , 12 fr. .
Un roman dont les personnages, pris dans le siècle et dans le pays
où nous vivons, ont des mœurs , des caractères et des aventures qui
pourraient être les nôtres propres , nous paraît un ouvrage peut-être
plus utile au commun des hommes que l'histoire elle-même. En effet,
un simple bouigeois peut chercher à imiter les personnages vertueux du
roman; mais lis vertus des héros de l'histoire sont , pour ainsi dire,
hors de notre portée, et ne semblent faites que pour des grands, pour
des orateurs, pour des généraux d'armée , etc. I! est même dangereux
de les admirer avec trop d'enthousiasme; car on peut se perdre" en
voulant pratiquer ces hautes vertus dans un siècle de petitesses. Ainsi,
les bons romans , c'est-à-dire les romans qui peuvent rendre les hommes
meilleurs, en leur montrant ce qu'il y a de bon à suivre , ou ce qu'il y
a de mauvais à fuir dans les mœurs de la société où ils vivent , nous sem-
blent plus utiles à la plupart des hommes, comme nous l'avons déjà dit,
que les annales des peuples : c'était l'opinion du célèbre Volney; et je
crois qu'il est peu de personnes qui ne la trouvent raisonnable.— L'£iCrt//e
de M. Picard est un livre vrai, écrit de bon goût et avec facilité; c'est
un ouvrage qui sait instruire et plaire, qui fait aimer le bien, en pré-
sentant la conduite des hommes vertueux de manière a la faire aimer,
et qui porte à fuir les vices et les travers , en nous les montrant tels qu'ils
sont.— On a blâmé, mais à tort, selon moi, le titre de ce roman : on a
dit qu'il ne saurait convenir à un ouvrage dont le héros devient vers la
fin égoïste. Et là-de.^sus, on a cité Horace : Urvetur ad imum gicaiis
ai incefto proccsscrit, et sibi constet. Sans faire attention que ce pré-
cepte est seulement pour les poèmes dramatiques, et non pour les ro-
mans; car, si Horace et le bon sens disent qu'un homme ne change
point de caractère en vingt-quatre heures, ils ne peuvent soutenir qu'on
n'en puisse changer dans tout le cours de sa vie. Mais , dira-t on encore ,
LIVRES FRAISÇAIS. 66 1
comment un exalté devient-il ua égoïste? L'égoïsme est le contraire de
l'exaitalion ! Oui ; mais l'esprit humain ne va-t-ii pas d'une exJrêrae à
l'autre, et n'est-il pas possible de porter l'exaltation jusque dans l'é-
goïsme? Après avoir été froissé par les hommes, et avoir observé qu'en
général chacun ne peasu et n'agit que pour soi, Désodry finit par n'agir et
ne penser que pour lui. Cela n'est pas hors de la vraisemblance; et malheu-
reusement, on a vu beauroup de ces hommes si ardens pour le bien public,
a 1 époque de la révolution , ne plus penser qu'à eux , dès que Bonaparte,
devenu maître absolu, eut offert une sorte de prime à l'égoïsme. Du
reste, qu'on intitule le roman de M. Picard comme on voudra , il n'en
sera pas moins un bon ouvrage , qui a surtout ce mérite : qu'il est im-
possible de ne pas se sentir meilleur après l'avoir lu. Il serait trop long
de suivre Désodry depuis son enfance jusqu'à sa mort, de le monirer
tour-à-tour séminariste et dévot presque fanatique, sous l'ancien régime;
patriote ardent et rédacteur d'un journal républicain , pendant la révo-
lution; puis, persécuté au nom même delà cause de la liberté qu'il av.it
embrassée avec chaleur, et obligé de fuir sa patrie pour échapper à la
proscription; adepte philosophe, dans une petite ville d'Allemagne;
enfin , rentré en France et devenu courtisan et chambellan sous l'empe-
reur, toujours en proie à des senlimens d'exaltation dans ses croyances
reli.'ieuses, dans ses opinions politiques , dans ses éludes de phdosoph.e,
dans ses projets d'ambition et de fortune ; tourmenté par sa faiblesse et
par son inconstance, et trop heureux de revoir près de lui, autour de
Ion lit de mort , une sœur chérie et le mari de cette sœur , qn .1 ava.t
négligés et abandonnés dans les jours de sa prospérité. Son beau-frèrc,
Pierre Vubin , homme véritablement bon et de grand sens , est 1 histo-
rien de son ami , et fait passer en revue sous les yeux du lecteur le bon
M Lecoq et sa femme , l'hypocrite et patelin Falcol, la coquette Der-
blây , une foule de personnages, les uns bons, lesaulres mauvais , avec
le.quels nous engageons nos lecteurs à faire connaissance entière dan.
l'excellent roman de M. Picard. Ils y remarqueront sans peine une pen-
sée in-^énieuse et profonde , qui met tourà-tour en action les dilTerens
lys.eines de philosophie que son ami, M. Droz, auquel il s'était associe
pour la rédaction des intéressans .Mémoires rfc Jocgues FauveH^oj. Rcv.
fnc T XYIlI,p.92),vientd'exposeravecaulantdepréc.s.onquedeclar-
,1 dans sou dernier ouvrage : De ia fhilosorlùc morale , ou Des diflc-
TOUS systèmes sur la science de la vie ( voy. ci-dessus , p. 087 ). Ainsi,
les deux amis ont traité, chacun à sa manière , le même su,et : 1 un ,
.ous une forme dramatique et animée ; l'autre , en écrivain didactique ,
et sous la forme d'une instruction positive. Leurs esprits, comme leurs
f>t)2 LIVRES FRANÇAIS.
cœurs, toujours en harinonîe, ontdirlgé vers ud but rommun deux pro-
duclious également distinguées, par l'habileté de l'un à peindre les
mœurs et les scènes de la vie ordioaire, et par la sagacité de l'autre à dé-
mêler et à expliquer les principes les plus abstraits de la pliilosopbie et
de la morale.
5o8. - Dudley et Claiidy, ou l'IL de Tenir iffe, traduit de l'anglais ,
de M"e Okeeffk, par M™' de iMontolfec (.o' livraison des Œuvres com-
plètes. Voy. Rev. Enc. , T. XVIII, p. ,90). Paris, .825 , Arthus Ber-
trand. Cinq volumes in-12 , avec figures ; prix, 18 fr., et 21 fr.
a Cet ouvrage ne présentera au lecteur aucun de ces grands mouvc-
mens, de ces crimes, de ces événemens terribles, soit hislcriques , soit
romanesques , qui remuent Pâme et réveillent les passions : son intérêt
porte sur l'éducation de deux aimables enfans que l'auteur conduit par
degrés, sa.is obstacles, sans traverses, jusqu'au moment de leur union
et de leur bonheur. Cependant, l'épisode de l'espagaoi don Zulvago,
placé avec beaucoup d'art par l'auteur, et parfaitement lié à l'action
pnncipale , offre des situations pleines de l'intérêt le plus vif, et fait
naître tour-à-tour des émotions douces et pénibles. Mais les scènes de
famille, le développement des caractères de Dudley et de Chnidy les
descriptions locales d'une terre étrangère, auront plus d'attrait encore
pour quelques lec:eurs. Le cadre, d'ailleurs, nous a paru assez, neuf,
les situations variées et les caraclères bien soutenu,. . J.n partageant cette
opmion, que M»^ de Montolieu émet sur cet ouvrage , dans une dédi-
cace qu'elle adresse à sa sœur, nous croyons ponvou- la lassurer sur la
crainte qu'elle témoigne d'entendre les lecteurs ac, user la faiblesse et
1 âge du traducteur. Dudley et Ctaudy n'est point indigne de la réputa-
tion de M- de Montolieu , et ce. ouvrage exigeai. d'..u.ant plus de soins
qu'il est écrit sous la forme de lettres , genre ingrat et très-difficile . par
la variété de tons et de siyle qu'il demande. g. H.
5o9(*).— NouveUe notation dts parties d'échecs , par M. Gcyot. Paris,
>823; l'auteur, rue du Faubourg-Poissonnière, n" 19, et Éverat, rue du'
Cadran, n» 16. Un vol. in-S°, de près de 5oo pag. ; prix , 10 fr.
Ce n'est point un nouveau traité du jeu d'échecs que Ton publie au-
jourd'hui. L'auteur, quoique inité dans lou.es les ruses de cette petite
guerre, n'a pas cru devoir ajouter de n.,nvelles parties à celles qu'a-
vaient déjà publiées depuis long-tems Philidor, Le Calabroîs, Philippe
btamma , Lolli , etc. C'est uniquement une nouvelle manière d'écrire
ces parties, et d'en rendre la notation si facile , que les amateurs même
les moins exercés dans la pratique de ce jeu, puissent p.o.iter des le-
çons et de l'exemple des grands maitres. Sous ce rapport , son ouvrage
LIVRES FRANÇAIS. 665
cra très-utile à ceux qui font du icu d'échecs I r amusement favori ; la
■ ' pli
oélhode adoptée par Tauteur, a été vue et juo-ée par les plus célèbres
oueurs de la capitale ; elle est infiniment plus simple que celle que l'on
suivie jusqu'à ce jour. — Il faut observer que la notation analytique des
>arlies d'échecs a beaucoup varié , depuis qu'on s'est décidé à la metirc
■n pratique; Philippe Stamma est le premier qui s'en soitservi , eu 1737.
>Ia:s le Traiti des amateurs , publié en 1775 , avait déjà introduit quel*
jucs chauuenicns dans cette notation de Stamma; et les éditeur* du
Craité de PUUidor , en ï8o5 , en avaient également fait plusieurs dans
elle du Traité des amateurs; de manière que les Ici-leurs de ces diffé-
■ens ouvrages se trouvaient quelquefois embarrassés, ne pouvant se ser-
vir d'une môme clef pour la soiution de tant de problèmes, La méthode
employée par l'auteur de la nouvelle notation, a non-seulement l'avan-
.age d'être plus simple que les autres; elle tend, de plus, à établir l'u-
niformité que les joueurs d'échecs adopteront sans doute, comme nous
le leur conseillons. — Il paraît inutile du rappeler ici l'impûrtancc du jeu
d'échecs , auquel plusieurs hommes de lettres distingués n'ont pas hésilé
de donner le nom de science. Olails Magnusdh que les princes suédois
avaient pour coutume d'éprouver les jeunes princes qu'ils destinaient à
épouser leurs filles, en les faisant jouer aux échecs; parce que dans ce
jeu on voit se développer successivement \a colère, V amour-propre , la
générosilc, Vavarice, la vaiHance, la {acheté, et plusieurs autres mou-
vemens de l'âme , qui peuvent faire connaître le caractère des joueurs et
ses repli* les plus cachés. Lidotte.
3,0. — £,c Savant de société , ou Petite encyclopédie des jeux fami-
liers; ouvrage dédié à la jeunesse. Quatrième édition, enlièreracnt re-
fondue, considérablement augmentée et ornée de quatre jolies figures
et de planches. Paris, 1824; Béchet aîné. Deux vol. in-12, ornés de
gravures ; prix , 6 fr., et 7 fr. 5o c.
Cet ouvrage est réellement aussi complet, dans son genre, que puisse
l'être aucun traité. Il est divisé en deux parties, contenant, l'une l'énu-
méralion de tous les plus jolis jeux, l'autre quelques proverbes dramati-
ques choisis dans le recueil de Carmontelle. Nous avons compté dans la
première dix-neuf jeux qui demandent de l'action , douze qui peuvent
servir à exercer la mémoire , vingt-deux où l'esprit est intéressé , et dix
jeux d'attrape; de plus, cinquante-quatre pénitences, dont très-peu sont
redoutables, et quelques morceaux de nos trois tragiques. Corneille ,
liacine et Voltaire , très-propres à faire ressortir les deux qualités néces-
saires à ceux qui veulent briller dans ces petits jeux de société, la mé-
moire et l'esprit. La seconde partie nous offre huit proverbes, une tra-
664 LIVRES FRANÇAIS.
gédie burlesque, et un choix dv récréations et de tours de société, suivis
du langage des fleurs. L'érudition se montre quelquefois dans cet o;:-
frage à côté des choses les plus frivoles; telle est une note où l'on up-
prend l'esislcnce d'un jeu connu chez les anciens ïh races , sous le nom
de jeu du Pendu : • Ils attachaient une corde aux branches d'un arbre;
ils plaçaient perpendiculairement sous celte corde un caillou rond cl uni
On tirait au sort celui qui devait être le principal acteur. (;elui-ci, armé
d'une faux , montait sur le caillou, se passait lui-même le lac de la corde
au cou , pendant qu'un autre ôlait .subtilement la pierre. Si celui qui de-
meurait suspendu n'avait pas le bonheur ou l'adresse de couper à l'ins-
tant la corde avec la faux qu'il tï.n<iit à la main , il ëtuit élrangi,é, et pé-
tissait ainsi au milieu des spectateurs, qui se moquaient de sa mala-
dresse. » {Histoire des Celtes, liv. ri,chap. xiii.) Il faut convenir que
les jeux que nous ont transmis nos aïeux et ceux que nous avons in-
ventés, sont moins dangereux et plus aimables que ceux des Thraces.
Si l'cQ pouvait adresser un reproche aux nôtres , ce seiait , non pas
d'être grossiers, mais plutôt de tomber trop souvent dans la fadeur, dé-
faut qui se retrouve quelquefois sous la plume de l'écrivain qui les a
rassemblés ici dans une espèce de code. E. H.
3i 1. — Douze mclodies françaises , avec accompagnement de piano ou
de harpe, paroles imitées de Thomas Moobe , par le conate Aufjuste de
Lagabde. Paris, iSaô.
La partie musicale de ces mélodies se compose d'un choix des airs de
plusieurs compositeurs connus; les paroles sont imitées des Mclodies
irlandaises de Moore , que nous avons annoncées (roj/. Tom. XIX ,
p. io5). Les vers sont gracieux et faciles. Les chants, qui nous ont paru
se rapprocher le plus de l'anglais, par le sentiment et par l'expression ,
sont ceux ci : l'adieu , /a dernière rose de fêté , la linrpe de Cura , que
l'on pourra comparer à la traduction qu'en a donnée M"" Belloc. Z.
Mémoires et Rapports de Sociétés savantes et d' utilité publique.
ôi2. — Mémoires de la Société royale d' Arras pour l'encouragctncnt
des sciences, des lettres et des arts. Séance publique du 26 août itaî.
Arras, i82j-, Topino, rue Saint-Auberl. In-S" de 10 feuilles.
Dans le Rapport fait à la Société sur les travaux de l'unnée dernière,
on remarque une observation très extraordinaire. 1\1. le docteur Coquin
annonce qu'il a guéri, au bout de iJ jours, par un traitement très-sim-
ple et qu'il indique, un hoquet qui avait duré 18 ans, et dont les
bruyantes explosions pouvaient être entendues la nuit à près d'un quar t
LIVRES FRANÇAIS. 0(35
de lieue. Une autre observation, moins sui prenante, c'est que les con-
cours ouverts par la Société aux recherches sur l'agriculture, le com-
merce et l'industrie n'ont obtenu aucun résultat, au lieu que la cou-
ronne poétique a provoqué des joules brillantes, suivies de l'éclat
d'un triomphe mérité. Le règne exclusif de la poésie serait-il arrivé?
Aurions-nous perdu le goût des arts, des sciences et même celui de la
prose consacrée à des sujets dédaijjnés par la poésie? L;'s partisans du
langage vulgaire seront un peu rassurés , après avoir lu les pièces de vers
et de prose qui se succèdent l'une à l'autre dans le recueil de la Société
d'Arras j d'autant plus que les vers n'y sont pas sans mérite et que les
sujets traités en prose n'y sont pas sans intérêt. Parmi ceux-ci, les lec-
teurs ne manqueront pas de distinguer un rapport sur la culture en France
du riz sec ou riz de montagne, envoyé autrefois par le vénérable Poivre
dans le Lyonnais, perdu à l'époque de la révolution, et réintroduit par
les soins d'un jeune homme arrivé de la Cocliinchine, qui eut le bon-
heur de dérober celte céréale précieuse aux gardiens vigilans dont le
gouvernement cnchiiichinois l'entoure, afin de s'en assurer la po^^session
exclusive. Ce lut ainsi que Poivre commit jadis aux Moluques le vol
pbilan tropique du giroflier, en faveur des possessions africaines de la
France, et qu'il fut presque réduit à commettre dans l'île Bourbon un
nbuveau larcin pour faire le même présent à la colonie française de
Cayenne : 02 grains de riz sec envoyés par M. Fodéré, de Strasbourg, fu-
rent plantés, en octobre 182 r , dans le jardin de Al. le préfet; toutes les
plantes qui en provinrent passèrent l'hiver sans acL-iJent, el fleurirent en
juin 1822. La récolte, faite le 26 juillet, a donné 629 épis contenant le
nombre moyen de 3o grains : 3i grains, plantés en avril 1H12, ont égale-
ment bien levé; mais ils n'ont fleuri qu'au mois d'août, et la récolte n'a
été que de io5 épis, moins pleins que ceux de la semaille d''automne. La
culture prinlanière de M. Foderé avait été plus heureuse : 02 grains lui
avaient produit 4-^0 épis. Au reste, cette plante n'est encore en France
qu'à sa quatrième génération, et il reste à faire des épreuves en grand,
fortement encouragées par le résultat des expériences en petit. La position
géographique du déparlement du Pas-de-Calais est une de celles qui con-
viennent le mieux à des recherches de cette nature; si le riz sec pros-
père dans ses plaines, ainsi que sur les coteaux des Pyrénées-Orientales
et des bords du Verdon ou de la Cochinchine, aucune plante ne paraîtra
mieux dcstitiée par la nature à servir de nourriture à l'homme civilisé.
3*5. — liecueil de Mémoires et autres pièces de piose et de vers qui
ont été lus dans les séances de la Société des amis dts sciences, des lettres,
de l' agriculture et des arts, à Aix, déparleraeut des Bouches-du-Rhôoe.
T. XX. — Décembre tbî^. 4^
666 LITRES FRANÇAIS.
Aix, 1819 — iS:«:i. Doux volumes io-S». Pontier, rue dn Pont-Moreau.
Les deux volumes que la Société d'Aix a publiés sont un répertoire
dont nous i'crons usage pour en lirer, non-seuleinent des notions sur la
culture des sciences , des lettres et des arts dans le département des Bou-
clus-duKhône, mais pour conlirmer, rélormer ou modifier des observa-
tion» généralessurlesc{uelUs il serait nécessaire de consulter un grand nom-
bre d'opinions, et surtout des opinions bien diverses. Comme la Société
d'Aix a eu la sagesse de laisser à ses membres une entière libcrlé de
penser, et de s'interdire toute discussion sur les dogmes religieux et
sur la politique, les Mémoires dont son recueil se composent expriment
fidèlement ce que cbaque auteur a voulu éciire; en les consultant, on
sait à qui l'on s'adresse, il n'en est pas ainsi des rédactions laites ou seu-
lement adoptées en commun. On n'ignore point que ces expressions du
vœu ou de l'opinion de tous ne sont presque jamais qu'un terme moyçn
entre des vœux ou des avis plus ou mois divergens, le résKltat d'une
transaction où chacun a fait quelque sacrifice, c'est-à-dire, que l'opi-
nion de tous n'est strictement l'opinion de personne. Nous interroge-
rons donc de tenis en tems MM. les membres de la Société d'Aix; mais
quelques uns des Mémoires contenus dans les deux volumes que nous
avons sous les yeux sont d'un intérêt plus générai et plus pressant, et
peuvent contribuer eCBcacement aux progrès des connaissances : ce mo-
tif nous détermine à les désigner plus spécialement à l'attention de no.s
lecteurs. J\ous commencerions par la Notice sur la constitution gcoiogi-
quc dwbassin houiller du dcfartcinent des Douches-du-Rhône, et surle&
diverses qualités de liouilie qu'il renferme, par M. Blavieb, ingénieur
en chef des mines, si ce mémoire n'était pas aussi destiné à d'autres
collections.— M. PoNTiKn a traité avec étendue, en chimiste, en natura-
liste et en cultivateur, la question des engrais , et son Mémoire, un peu
réduit, deviendrait un excellent article d'un dictionnaire d'agriculture.
L'auteur a évité quelques reproches que l'on peut faire aux doctrines de
chimie agricole de M. Chaptal : il ne généralise point au-del.î du terme
où le va'Tue et la confusion commenceraient , et ne comprend pas sous
iir)è seule dénomination des fonctions ou des substances esscnliellem( nt
différentes. On doit au même savant une méthode de géologie , dont il
fait l'application au département des Bouches-du-Rbône , en considé-
rant particulièrement le sol par rapport à l'agriculture. Ses idées géolo-
giques sont peut-être un peu timides ; mais nous ne manquons pas d'hy-
p.>thèsis hardies, et il est tems en effet de procéder avec précaution , alin
d'élever un édifice solide.— Un excellent Mémoire de M. de Fouscolombs
sur lu destruction et le rùtablisscmcnt des oois dans l'ancienne Provence,
LIVRES FRAISÇAIS. GC^
sera lu cl médité avec fruit dans nos provinces plus ou moins allfintcs du
mêoïc mai, « t qui ont aussi besoin des mêmes remèdes, —Deux Mémoi-
res de malhémaliques appliqués, l'un suriejaugeaije, jiar M. Vas.>b de
Saint-Ocen , et l'autre sur une méthode pour caicuicr p/rr approxima-
tion la ^07ifjitiide cnmer, par M. Debbe, ancien officier d'artillerie, sont
dignes de l'atlenlion des géomètres. — Nous ne passerons point sous
sUencel'Insloire d'une plante de tlé, pai M. D'Astroz L'auteur de celte
relation est médecin, cultivateur et troubadour. Sa narration est si ai-
mable que nous l'aurions insérée en entier, si l'espace nous l'eût per-
mis; mais, en l'abrégeanl, nous aurions commis une sorte de sacrilè-
ge.— Dans un autre genre, nous recommanderons à nos lecteurs l'Éloge
funèbre de M. de Brancas , archevêque d'Aix, par M. Chistine , rec-
teur de Saint-Jean : l'onction et la sagesse évangéliqne sont le caractère
de ce discours, bien digne de la chaire chrétienne. — Nous n'avons pas
besoin de dire que l'on trouve aussi des vers, et de bons vers dans ce
recueil. Quoique nous ne les ayons pas tous lus, et même que nous ne
soyons pas en état de les lire tous (il y a quelques poésies provençales),
nous ne craignons pas d'affirmer qu'ils sont uue partie précieuse de ces
deux volumes. Feeby.
Ouvrages Périodiques.
5i4. — Revue médicale française et étrangère , et journal de cliniqu*
de l'IIôtel-Dicu et'de la Charité de Paris. — Tout ce qui regarde l,i rédac-
tion doit être adressé, franc de port, à jNI. le docteur Ainédce Dup .u, rue
du Ficujc-Colomiier , n" 17. Tous les médecins sont priés d'envoyer à
cette adresse les observations et les mémoires qu'ils voudraient faire in-
sérer. A, partir du mois de janvier 1824, la Revue médicale sera composé
de dix à onze feuilles (176 pages), cAt^cViitM philosophie f:X petit-romain;
le prix de l'abonnement est de 27 fr. pour Paris, et de 3o fr. pour les
déparlemens. On s'abonne chez Gabon et co.i;pagnie, à Paris et a Mont-
pellier; chez Levrauit, à Strasbourg, et cLez les piincipaux libraires de
ia France et de l'étranger.
La partie clinique dont la Revue médicale est augmentée, doit don-
net à ce joutnal un nouveau degré d'importance. Tous les médecins
connaissent la grande utilité que l'on peut retirer de ces communica-
tions pratiques, d'après le succès obtenu par Dessaull, Corvisart ,
Poyt-r, etc.... C'est aussi à des professeurs célèbres que cet héritage est
conOé : MM. Laennec, Récamicr , Cayo! , LacdréBcauvais , Bailly, Es-
quirol. Roux, etc., feront revivre, dans des publications régulières, tout
te ({ue la pratique des hôpitaux oQ'ie de découvertes et de procédés
G68 LIVRES FRANÇAIS.
utiles. La Revue médicale continuera toujours de publier des mémoires
originaux cl d'offrir des discussions rai^onnées sur les points nouveaux
et difBcilcs de la doctrine médicale. Au milieu de l'anarchie des systè-
mes, ce journal s'est maintenu dans ce juste degré de modération qui
lui a permis d'accueillir toutes les vérités et de repousser l'exagération
des idées exclusives. C'est un témoignage que tous les partis lui ren-
dent^x'n l'adoptant pour juge dans les grandes discussions qui s'élèvent.
Mais ce qui a le plus contrihué à donner à la Revue médicale ce carac-
tère d'impartialité, c'i'st l'attention scrupuleuse des rédacteurs- à ne
point juger les liommes , mais les choses, et à rendre justice aux sa-
vans étrangers, en dépit des passions locales. Aussi , la iiltcraiure mé-
dicale étrangère occupe une place très-importante dans ce recueil; tou-
tes les découvertes faites en Europe y sont consignées, comparées et
appréciées. Les lectures de l'Institut , de l'Académie royale de méde-
cine et des autres Sociétés viennent encore enrichir ce journal de nou-
velles scientifiques et de travaux iotéressans. Enfin, un 'bulletin iMio-
(jrajjfiifjue , accompagné de notes critiques sur les ouvrages qui ne mé-
ritent pas une analyse particulière, termine et complète ce recueil. Z.
3i5. — La Musc française, n" I — VI. Juiltct-Déccmi/re. — II paraît un
numéro composé de 5 feuilles le i"" de chaque mois. On s'abonne à
Paris , chez l'éditeur, rue du lîatloir-Saint-André-des-Arcs , n" i a ; prix ,
franc de portj pour Paris elles déparleraens, i3fr. pourômois, u^fr,
pour l'année.
IVous avons voulu laisser écouler quelques mois, avant de porter un
jugement sur ce nouveau recueil littéraire. Nous ne pouvions croire que
l'avant propos qui est en tête du premier numéro, et qui ne porte point
de signature, y eût été inséré de l'aveu des éditeurs. En eflef , comment
penser que des gens de lettres qui prétendent au difficile emploi de ré-
genter les écrivains de leur siècle, aient laissé passer celte phrase, la
première de leur recueil? ail existe encore en France, sans qu'il y pa-
raisse, un assez grand nombre de personnes qui aiment et sentent la
poésie; mais elles l'aiment en silence, et à l'écart comme on aime
en/iji;» et cette autre, qui termine si bien leur premier article? « Lors-
qu'on sort d'une époque où la dérision des homm,es s'est jouée follement
deschoses les plussainles, par un retour étrange et inévitable, l'innocente
hilarité nous apparaît quelquefois au milieu de dos souvenirs, comme
vne sorte de profanation ; les tristesses du passé ont déposé un reste d a-
■mcrtume jusque dans notre joie : alors, la plaiianterie peut avoir sa
tjvavitc , et la satire môme, sa mélancolie. « JN'est-ce pas là plutôt le
»tyK- des Précieuses ridicules que celui de la critique? — La Musa fran-
LIVRES FRANÇAIS. 66g
çaise est divisée en trois parties: la première comprend la Poésie; la se-
conde, la Critique iittcraire, et la troisième, des articles de Mœurs. Les
deux premières sections du premier numéro pouvaient nous réconci-
lier avec les éditeurs et donner quelques espérances. Cependant, nous
avions trouvé déjà beaucoup de néoiogismes , d'expressions fausses ou
hasardées, dans les vers. Mais combien n'avions-nous pas été étonnés <lc
voir, dans un article criliqucconsacreaWalterSrott, son auteur qualilier
laHcnriadc «d'aride gazette en vers, où Vollairea évité soigneiJ^ement
la poésie, comme on évite un ami avec nui l'on veut se brouiller. » Quaiit
à l'arlicle Mdurs , nous ne pouvions pas augurer fiivnrablement d'un
jeune moraliste qui débute par un panégy''"!"'-' f n faveur de Vobscuran-
tisme, et semontre partisan exclusiCdes jésuites, qu'il appelle a diriger
seuls l'instruction publique. — Les numéros suivans n'ont point juslilié
les faibles espéraaces que nous avait données la Musf française; mais,
en revanche , ils ont réalisé nos craintes. Quelques pièces, telles que la
jeune mère mourante, de M""" J rhablc T astc , le poème de M. Piciiald,
adresse aux menés deMazct, VOdalisquedc M. Jules de Rbsséguieb, une
Éfître de M. Angelot à son ami Soumet et deux ou trois autres doivent
être exceptées de cet amas de vers, où Ton trouve à chaque instant les
défauts et les bizarreries du genre romantique, sans que rien puisse ta
t lieter l'ennui d'une pareille lecture. Mais c'est surtout la partie de la
Critique qui, dans les cinq derniers numéros, nous a paru elle-même au-
dessous de toute critique. Nous citerons principalement un article sur le
Saûl de M. Soumet (iV" lll). Voie! comment on y qualiQe la poésie clas-
sique (pag. 162) : » Cette fille de la fjonne société , toujours préoccupée
de la crainte de se comfromctlre, qui, avant d'aborder l'idée ou le mot
énergique qui l'exprimerait , et comme pour éviter de se froisser contre
une aspérité, se fait précéder d'autant d'intermédiaires que l'étiquette
académique en permet , et n'arrive au but qu'à travers citle espèce d'es-
corte métonymique, escorte toujours prête à recommencer ses évolutions,
comme ^me file do valets inéiitaUes, à chaque pas que fait cette muse en
cours de visite.» Voilà maintenant la détinilion du genre romantique
donnée plus loin (pag. 205) , dans un article consacré aux Méditations de
M. de La Martine : « En général, la poésie de M. de La Martine est pleine
de la plus délicieuse rêverie ; on ne peut l'entendre sans attendrissement
et même sans larmes. Wul poète n'a su mieux exprimer cette étrange in-
quiétude, cette rêveuse souffiancc qui pèse sur certains hommes, dans
les âges de décadence ou de transition. Le vulgaire (dors peut bien con-
tinuer de vivre comme on a toujours vécu, mais les âmes d'élite se dé-
goûtent de toutes choses matcrieiles, sitôt qu'elles descendent de l'idéal ;
670 LIVRES FRANÇAIS.
je ne sais quelle prévoyante terreur les saisit, etc. » L'aufenr de cel ar-
ticle nous donne ici le précepte et l'exemple, si toutefois le genre roman-
tique peut admettre des préceptes, et si ce n'est pas, au contraire, un ou-
bli continuel de toutes les règles et de toutes les observations ducs à l'ex-
périence.— Du reste, Jes éditeurs ne s'arrêtent gxjère qu'aux ouvrage» des
écrivains d'un parti, nous dirions presque d'une coterie, et pour rrmplii
leurs feuilles , ils vont uième cbercher des ouvrages publiés depuis long-
tems. Aucun d'eux ne semble avoir adopté de genre, cliacun se croit
appelé à juger de tout; aussi , vovons-nou'* le détracteur de Voltaire len-
die compte tour-à-Iour des oeuvres de Walfer Scott et de celles de M. de
la Mennais. — Quant au jeune moraliste , il poursuit sa carrière, en nrius
entretenant sur un sujet bien neuf, l'c^a/i^c, oîi, comme il ledit lui-même
fort élégamment en parlant des pbilosojihcs , il a tramasse un bon nom-
bre d'idées et d'expre<sions que, lancés dans les hautes régions de la
pensée, ils ji'on/ pas aperçines oumème ont rejctces; » puis il nous apprend
que toutes (es fimvns sont eoqu, tics, et il le prouve d'ans un article où
respire la fiiluité bien plus que l'esprit ou le raisonnement. — Mais que di-
rons-nous d'un article qui a pour titre, Un Samedi auLouvre'i {]V° IV.)
Ti'auteur s'efforce de faire de l'esprit sur l'exposition des produits de l'in-
dustrie. Le tems n'est plus, en France, où l'on peut plaisanter sur les
objels d'utililé publique; et si quelque écrivain pouvait préférer à une
plus noSile mission celle d'amuser ses lecteurs, en traitant un pareil sujet
avec une ioconvenante légèreté, du moins luudrait-il qu'il le fit avec
esprit. Kous laisserons à juger, par Incitation suivante, jusqu'à quel
point le rédacteur de la Muse y a léassi. < Ces objets, dit-il, en parlant
de lampes , de candélabres et de lustres de toute espèce , sont desl'nés
à propa;:er une fl.imute de la même nature que celle des éclairs. Des
mains habiles ont doré, sculpté le danger , et dans un boudoir, entre le
gaz allumé et une jeune femme, on ignore si l'on aura la tête eassèc- ou
tournée. » — Que conclure de nos observations, et qu'espérer des rédac-
teurs de la Muse française? En général, on doit les croire fort jeunes,
et par conséquent susceptibles d'écouter de sages avis. Mais, ils sont
entrés dans une route entièrement fausse, et des critiques qui osent a-
vouer (p'ige 4) qu'ils seront «indolens à punir les hardiesses ou les né-
gligences de langage,» et qui le prouvent par une foule d'incorrections
de slvle,'de tournures bizarres, par un néologisme enfin des plus bar-
bares, ne semblent pas appelés à faire écouter leur vois, tant r|uc les
Fraiiçais conserveront quelque respect pr-ur les chefs-d'œuvre des lîacine,
desBoilciu, des Voltaire, etc.. et pour la langue dans laquelle ces auteurs,
si dépréciés {f oy. n" VI, l'article sur Voltaire) ou négligés par eux, out
écrit. E. H.
«*»VVV*VVVWAr»*VVVVVVV*VVV%\VV*XV^'\VVVVV»^V»/VVVV\\VVVVVVVVVVVVVtV\%'VV\VVV*\.'lV
IV. NOUVELLES SCIENTIFIQUES
ET LITTÉRAIRES.
A M É R I Q U E.
Chili. — Baie de la Conception. — Voyage scientifique. — Exlr.iit
d'un rapfuH adressé, le li janvier iS25, au Minisire de ta marine,
far M. Dupcrrcy, lieutenant de vaisseau. —«Arrivé, le 20 novembre
1822, auxiles Malouines, j'installai, le 26, mon observatoire clans la
baie Française ou de la Salédad; et je commençai les observations de
tous genres, notamment celles du pendule, demandées par l'Institut
de France. — Malgré la rigueur du climat des Malouines, nous avons
trouvé sur ces iles d'abondantes ressources. Pendant la relâche, quel-
ques personnes de l'équipage apportaient , chaque jour , assez de bœufs,
de porcs, de lapins , d'oies ou de canards pour nourrir un équipage dix
lois plus nombreux que celui de la corvette la Coquille. De plus, toutes
les lois que nous tendions nos trémailles dans la rivière de Bougainville,
nous étions certains d'en retirer de cent à cent cinquante livres de pois-
son. — Plus de 120 plantes en fleurs ont été le résultat des courses de
M. Durviile, lieutenant de vaisseau. Curieux de connaître les produc-
tions de l'intérieur de l'île, M. Durviile se transporta au sommet du
mont Chatelleux, point le plus élevé des Malouines, situé à 19 milles
du mouillage, et à 35o toises au-dessus du niveau de la mer. La neige
dont cette montagne était en partie couverte, n'a pu soustraire aux re-
cherches de M. Durviile quelques plantes dont il a garni son herbier.—
M. Gainot, chirurgien -major, pense avoir complété l'ornilhologic de
ces îles, à l'exception du cygne à tête noire dont parient Bougainville
et Peinetiy. — La géologie a été étudiée avec soin par M. Lesson , se-
cond chirurgien , qui s'est en outre attaché à la recherche des poissons,
méduses et mollusques. Tous ces objets sont dessinés avec une grande
Nérilé par lui et M. Lejeune , dessinateur de l'expédition. — La conchyo-
logle occupe aussi un rang distingué dans nos collections. — Les seuls
insectes qui ont pu échapper à M. Durviile, appartiennent a la clai,se
des lépidoptères. — JNous sommes arrivés à la Conception sans avo^r
éprouvé la plus petite avarie, et sans avoir un malade a bord. J'attii-
672 ASIE.
bue la bonne sanlé dont nous jouissous tous à la (|ualité et à l'abondance
de l'eau conservée dans les caisses de i'er, au pain frais dont l'équipage
n a jamais cessé d'avoir un repas par jour, depuis noire départ de France,
et à la bonne qualité des vivres de tous genres qui nous ont été fournis
par les magasins de la marine à Toulon. De la Conception , je me di-
riijrerai sur les iles de la Société, et de là sur les Muigraves.'»
A. M— T.
Etats-Ums. — Kew-Yohk. — Industrie nationale. — Le i5 novembre
dernier a eu lieu , dans celte ville, une exposition des produits de l'in-
dustrie américaine , à la suite de laquelle un grand nombre de prix ont
été décernés aux cxposans, dont les produits ont été jugés d'une qualité
supérieure à ceux de leurs concurrens. Cette exposition diËPérail de celle
qui a eu lieu, l'été dernier, à Paris , en ce que les objets exposés se ven-
riaieot à l'instant môme comme dans une foire. Les prix décernés étaient
d'une valeur fort modique , les prix les plus élevés ne s'élevant pas au-
de là de i5 dollars {78 fr. 76 c.).
ASIE.
PossBssioNs ANGLAISES. — Kallyghast. — Pont suspcndu SUT te Totttf' S
Nuttah. — Celte nouvelle construction e'^t faite d'après le rrême systè-
me que les ponts suspendus de l'Amérique et de l'Angleterre (système
qui a été simplifié en France, surtout par M. Navier, et mis à exécution
par MM. Séguin , du département de l'Ardèche : Voy. Tom. XVI, pa^.
4o8.) Le lieutenant Scbalch a seul dirigé les travaux , sans le secour*
d'aucun ouvrier européen. Il lui a fallu autant d'industrie que de pa-
tience, pwir faire exécuter des opérations aussi difficiles par des arti-
san» du pays, qui n'en avaient ni l'babitude ni l'expérience. On a fait pas-
ser su-r le pont, dis troupes, des bestiaux, des voitures, etc., sans qu'il
y ait eu aucune vibration inquiétante. Le gouverneur-général des Gran-
des-Indes était présent à ces épreuves. {Journal Asialitfue.)
Calcctta. — Société asiatique. — Séance du H mars. — M. J. H. Hab-
BiNGTON est élu vice-président. On lit : i» une lettre de M. de Hammer,
annonçant que quelques nouveaux inonuracns mithriaques, encore plus
remarquables que ceux qui étaient déjà connus , ont été découverts en
Transylvanie; ilofl're d'en donner une descriptiim. 2° Une lettre du doc-
teur Corey . dans laquelle il transmet à la Société quelques détails en-
voyés p;ir M. Nisbet, sur l'aérolite qui tomba dernièrement dans le zil-
iah d'Allahubad. M. Kisbet promet d'envoyer au musée de la Société,
un échantillon de cette pierre météorique. Il en possède six fragmens,
pesant plus de vingt-une livres. S" La noie d'un envoi de M. Moorcroft,
ASIE, 673
en dépulatlon à Tourkistan Oosheck, dal6e de Leh , capitale du Lada-
kiou. Cette note annonce une ptau de lynx , dis peau» de léopards
•nâUs et femelles, une peau d'ours, une peau de .enard, la peau d'une
espèce d'éfureii volant; ces peaux différent , dit-on , considérablement
d'aspect et de couleur, avec celles des mêmes espèces d'animaux dans
les autres pailles de l'Asie où les Européens ont pénétré. — M. Bayley
a présenté a la Société, pour le musée, an nom de M. Hodg-on, .juel-
qu^fs écbanlillons de tissus de laine, de cristaux d'ores métalliques, de
pierres de Salagram , dt'slva lingas, et un cylindre à prière {prayer-cy-
ihidcr),i\e Nepaul. Les tissus de laioe sont fabriqués par les femmes de
Bboie. Selon les naturels de Kutmandoo, Dhotc est ce vaste pays mon-
tagneux , borné à l'est par l'Indus , à l'ouest par le Burhampouler , et au
iZii par les monts Himalaya, couverts de neiges éternelles. Au sud ,
il ,u- semble pas y avoir de bornes naturelles. Le mouton , dont la toison
fournil les matières propres a la fabrication d.s tissus dont nous avons
parlé , est natif de Bl.ole ; c'e*t un animal grand et forl. C'est la seule
l.ête de somme qui puisse traverser ces effroyables régions ; il vaut , dans
la vallée de JNej.aul, environ deux roupies ou huit anas. Sa toison dif-
fère de qualité, suivant les climats variés de ce pays montagneux : elle
est commune dans la partie méridionale, et augmente de finesse et de
douce«r en remontant vers le nord. Dans le voisinage immédiat des
neii;es, celte laine est peu inférieure à la toison des chèvres de Cache-
mire.—Un tres-joli modèle d'une voiture construite dans le pays, a été
offert à la Société par des parens de feu miss lyttcr, qui a enrichi le
musée d'une multitude d'objets curieux , et qui, par se» connaissances
étendues en sciences et en littérature, a contribué au progrès de la ci-
vilisation dans les Indes.— Les deux premiers cahiers du Journal Asia-
tique, publie par la Société Asiatique de Pari., , ont été reçus et commu-
niqués à la Société. Enfin , le s. crélaiie alu un mémoire géographique,
statistique, poUlique, h.slo.iqae et archéologique sur Orlssa propre-
ment d.te, ou Culta-k, par AndrevT Slirling. Ce travail se divise en
trois parties : la p.emière contient une description générale de la pro-
vince , et fait connaître ses limites anciennes et modernes, son sol , ses
productions, sa géologie , se., rivières, ses villes, son commerce, sa po-
pulation , ses revenus , .-e* institutions politiques , etc. La seconde partie
traite de sa chronologie et de »on histoire. La troisième , de sa religion ,
de ses antiquités , de srs temples , de son architecture civile.
SÉnAMPOtR. - ColL:<,e. - On se rappelle que le but de cette louable
institution est de répandre les lumières dans l'Inde, et de contribuer à
la prospérité du pays , en peifeclionnant les facultés morales cl intcllec-
^74 AFRIQUE.
tuelles de ses habilans. Le troisième rapport sur ce collège, pour l'an-
née i«22 , nous apprend que l'édifice est assez avancé pour être bientôt
habité. Les douze salles du centre sont presque toutes achevées, ainsi
que la salle des cours et la bibliothèque; mais on ne peut.terminer L,
constructions qu'après l'arrivée des deux escaliers de fonte qui ont été
commandés en Angleterre. Des quatre suites d'appartemcns destinés
aux professeurs, deux sont finies : chaque suite contient huit chambres
de différentes grandeurs, qurvre en bas et quatre en haut. M. Johnmack,
qui a fait récemment un cours de chimie dan. la salle appartenant à la
Société Asiatique , a été nommé surveillant du département des science,
dans le Collège. Le nombre des élèves, mentionné dans le dernier rap-
port, était de 45 ; il s'élève aujourd'hui à 5o. Le comité a admis deux
jeunes musulmans de Delhi, dont l'éducation sera payée sur les fonds
faits par le capitaine Gowan , pour cet objet : l'un étudie le persan , l'au -
tre le samskrit; un troisième, nouvellement admis, est un brahmane
mahrotte , d'environ vingt ans, que le capitaine Gowan a placé au Col-
lege , à ses frais , pour trois ans. Il étudie l'anglais, le samskrit, la géo-
graphie et ie système d':.slronomie de JVewton. Ces trois élèves , avec les
Six brahmanes qui étudient l'astronomie , reçoivent une certaine somme
par mois pour leur nourriture, attendu que les règles de leur caste ne
leur permettent pas de manger dans le Collège. Le quatrième examen
des élèves , qui se fait tous les trois mois , a eu lieu dans la grande salle
du Collège, en présence du gouverneur de Sérampour.A la suite de
cette cérémonie, onadècidé qu'à l'avenir on donnerait aux jeunes gens
qui étudient l'anglais, quelques notions sur la chimie. Le comité a pro-
posé d'ajouter a l'établissement ua professeur de théologie. Le salaire
de chaque professeur est fixé à aSo roupies par mois. Le comité propose
au.^si un professeur de médecine. La nécessité d'avoir un observatoi.e
pour faciliter l'étude de l'astronomie, n'a point échappé à l'.Wlcntion du
comité : la hauteur et la solidité du centre de l'édifice permettra d'en
élever un à peu de frais. Les missionnaires de Sérampour ont offert à la
bibliothèque du Collège environ trois mille volumes , qu'ils eut rassem-
blés depuis vingt ans. {Gazeile de Caicutla.)
AFRIQUE.
Ile de Boubbox. — Extrait d'une (eltrc en date du. i bjuin iS^Ô. — Le-
jardin ictanique destiné à faciliter la naturalisation dans la colonie des
plantes exotiques les plus précieuses, s'est enrichi depuis peu d'années
de quatre végétaux, dont l'espèce s'est ensuite répandue dans l'île; et sur
lesquels voici quelques détails. -rrtmY<»er. Des boutures qui furent in-
AFRIQLE. 675
troduites de Cayonnc, en 1819, par M. le capitaine de vaisseau Phili-
bert, ont pi-ilailement riiusà; aujoiud'liui, le jardin de naturalisation,
ainsi que plusieurs habitations parliculiert s, possèdent des vanilliers de
einq à six pieds de hauteur, et dans le meilleur état de végétation.— £ri-
tUiinalnilica. Cet arbre est considéré comme éminemment propre à
servir de tuteur au poivrier : il en a été déposé à Bourbon, en iS.'O. plu-
sieurs plants qi i sont maintenant élevés de trois mèlies et ont déjà mul-
tiplié —Dolictws huthoius. substance légumineuse du genre haricot. Sa
"ousse est un nuls sain et savoureux, que les Malais et les habitans des
îles Philippines recherchent beaucoup; semée dans le jardin botanique
de Bourbon, le 6 décembre 1822, elle montrait, au i5 mai iSaô, une
végétation aussi active que vigoureuse. Les bulbes des dolichos existant
à Rdurbon av;.ient alors deux pouces de diamètre. L'introduction de
Celle plante nourricière , dont on s'occupe de faire des semis en grand ,
est pour la colonie un véritable bienfait. On est persuadé qu'il serait fa-
cile de la nalur.diser en France, surtout dans les départemens méridio-
na»x.— A lire nsinevx non encore décrit. Le plant qui en fut apporté des
Philippines à Bourbon, en 1820, par M. Pcrroitet. jardinier botaniste,
et qui élait alors très petit, a plus de deux mètres de hauteur; il en existe
actuellement douze pieds au jardin du Roi à Bourbon. Il s'échappe du
tronc de cet arb-e, lorsqu'il est fendu verticalement , un suc qui pro-
duit une résine abondante et précieuse pour divers usages. D. B.
SoBZ. — T'oynge scientifique. — Le docteur Ehrenberg et le docteur
I-Iemprich, natun.iisles prussiens, qui ont fait un voyage en Egypte,
sont sur le point d'entreprendre une nouvelle expédition que la libéra-
lité du roi de Prusse Ir^s met à même de l'aire. Diuis une lettre de Suez,
dalée du 8 juin, ils donnent un exposé de leur plan. Ils comptent visi-
ter d'abord les cotes de la mer Rouge, et faire un assez long séjour à
Tor et à Akaha. 11^ s'embarqueront ensuite pour Moka, d'où ils feront
des excursions sur les côtes d'Abyssinic et les îles voisines de Bab-cl-
Mandeb ; ils iront ensuite à Puakem, et, si les circonstances le leur per-
mettent, ils tenteront de pénétrer en Wubie jusqu'à Sennaar, afin de
mieux connaître les contrées fertiles qu'ils ont vues lors de leur pre-
mier voyage, et dont ils n'ont vi^ité que les limites. Ils se proposent de
retourner au Caire par Cosseir et Sineh. Un riche convoi de trente gran-
des caisses, renfermant les résultats de leur expédition en Nubie, est
arrivé en Allemagne il y a quelques m >is. Ce sont des spécimen de
toutes les productions naturelles de ce pays , si imparfaitement connu
en Europe. Ce qu'ils ont recueilli depuis a été embarqué pour Trieste, et
arrivera en Prusse vers la fin de l'année. LezèW Infatigable de ces deux
6?^ EUROPE.
savans el l'ùlcndue de leurs connaissances, rendront ces voyages d'une !
haute iniportunce pour l'histoire nalureile. L. S, B.
EUROPE.
ILES BRITANNIQUES.
LoNDBEs. — Lampes au gaz, portatives. — Une nouvelle compagni<.'
lient de s'élablir à Londres. Elle vend et loue à domicile des Lmpes porta-
livcsalimenlécs par le gaz. Ces lampes, dont l'inventeur est M.Gordon,
renferment un magasin rempli de gazbuile [oilgaz), de la meilleure qua
hté, pouvant alimenter la Qjmme avec économie pendant une ou deus
nuits. Les fondateurs de cet établissement assurent que la dépense est
moitié«ioindre qu'avec de ia cliandelle. Ils envoient, tous les jours, chez
leurs pratiques, des hommes ch;irgés-de remplacer les réservoirs vides
par des réservoirs pleins, et de mettre les lampes en étal d'être allumées
de suite, en tournant une vis et en appliqant la flamme à rouverluie du
tupu. (iW. le capitaine Uauchelt est venu depuis peu importer le même
procédé à Paris, où plusieurs expériences, faites en présence de réu-
nions nombreuses et choisies, ont parfaitement réussi.)
Staffobdshibe. — Walsale. — Nouveau proccdé de tannage. — M.
Gjbbon, de cette ville, a découvert un procédé trè.,-expéditif pour tan-
ner les peaux. Il emploie les mêmes substances que les autres tanneurs,
et c'est par la pression qu'il parvient à gagner les quatre cinquièmes du
tems ordinairement nécessaire. L. S. B.
f oyage scientifique. — Le capitaine Parry est arrivé a Londres, le :8
octobre dernier, de retour de son long et périlleux voyage. Quoique ses
tflbrts n aient pas été couronnés d'un succès complet , et qu'il ne sait
point parvenu à découvrir le passage si long-tems cherché, cet intrépide
marin a mérité l'admiration et la reconnaissance gtnéralcs. — Partis en
1821, avec un tems favorable , les hardis navigateurs, guidés par M.
Parry, atteignirent bientôt le détroit de Hudson, qu'ils traversèrent. La
plus grande partie de l'été se passa en reciierches dans la baie du Refus.
(Repuise itay.) Ils pénétrèrent dans plusieurs petits golfes , croyant y
trouver un passage vers la mer Glaciale. Au commencement d'octobre,
la mer gela; ils mirent un terme à leurs recherches, et le 8 du même
mois, ils établirent leur quartier d'hiver dans une île à laquelle ils don-
nèrent pour cette raison le nom de IVinter-Isiand (île d'hiver). Elle est
située par les 82» 55' de longitude occidentale, et les (îe,° ii' de latitu-
de nord. Cette année, ils n'ont pas dépassé le èe-- degré de longitude
EUROPE. ^77
jccîdenlalc, ni les 69» 48' de latitude septentrionale.— On obtint, pen-
iant cet liiver, les résultats les pins satisfaisans du prorédé employé
)Our chauffer les vaisseaux, au moyen de courans d'air chaud , dirigés
lar des tuyaux de métal dans toutes les parties du bâtiment. Telle fut
eur utilité, que la température la plus basse de toute la saison fut de
iS" Fahrenheit au-dessous de zéro. Dans l'hiver suivant, elle descendit
usqu'à 45°; cependant , le froid ne fut pas aussi insupportable que dans
e premier voyage du capitaine Parry. Pendant l'été 1822 , les vaisseaux
'a Furie et VHccla, longeant la côte vers le nord , ne parvinrent pas
au-delà des ba" 5o' de longitude, ni du 69» 4o* de latitude. Après avoir
exploré dans leur courte croisière plusieurs petits golfes, ils amarrèrent
auprès d'une petite île, située par les 81° 44' de longitude ouest , et 69°
21' de latitude septentrionale. Ils restèrent dans cette position depuis
le a4 septembre 1822 jusqu'au 8 août dernier. Ils venaient de pénétrer
dans un détroit qui «e dirige vers l'ouest. D'après les rapports d'un paiti
d'Esquimaux et leurs propres observations , ils étaient persuadés que ce
détroit devait séparer toutes les contrées septentrionales du continent
de l'Amérique. Mais, arrivés à quinze milles de son ouverture, ils fu-
rent arrêtés par la glace; cependant, dans la persuasion ovi ils étaient
d'avoir enfin trouvé le véritable canal qui pouvait les conduire vers
l'ouest, iis restèrent là près d'un mois, espérant chaque jour que la
glace se romprait. Ce n'est que le 19 septembre, et lorsque la mer com-
mençait à se geler, qu'ils laissèrent ces parages, et Vinrent s'établir près
de la petite île que les Esquimaux appellent Itfloolik.
{Pliilosophicat Mag.)
Londres. — S ocictc s savantes. — Société météorologique. — La réunion
d'un grand nombre de correspondans et d'observateurs exacts étant né-
cessaire pour les progrès de la météorologie, on a jugé à propos d'ins-
tituer celle nouvelle Société. Sa consilulion est très-libérale. Tous les
amis des arts et des sciences sont appelés à en faire partie, en payant
la somme de deux guinées par an. Les fondateur» se sont assemblés pour
arrêter les règlcmen.^. Les séances régulières ont du commencer le 12
novembre.
A\ U. Il est peu de science qui ne soit représentée à Londres par des
Sociétés riches et actives. Les principales sont : 1° la Société des arts ;
20 la Société linncenne ; 3° la Société horlicuUuraie; 4° la Société mé-
dicaie; 5° la Société nintliématique; 6" la Société géologique ; 7° la So-
ciété a stronomiqw, S" la Société méléoroiogi(/ve. On s'éionne de ne
pas voir sur cette liste une Société de chimistes. Jusqu'à présent la
chimie a figuré au nombre des hautes sciences encouragées par les pre-
678 EUROPE.
mières Sociétés savantes ; maïs elle mérite bien une distinction parti-
culière, surtout dans un siècle qu'cllu a enrichi de si importantes dé-
couvertes.
Caebmarthkk. — Distribution des prix décernés aux Bardes du pays
de Ga«e4-. — L'Eisteddrod , ou congrès des Bardes du pays de Galles , a
eu lieu dernièrement. Lord Dinevor présidait, et à ses côté;* était assis
l'évêque de Saint-David, pntron de la Société. Le révérend David Kv.ns
a obtenu le prix pour des poèmes >nt . U CoUége de Saint-David , <. et
sur /es nouvelles victoires ri^nportccs par les Grecs. Le rev«>rend Jubn
Jones a été ensuite couronné poui- ses vers sur « sir Gruffyddah Ni-
cholas , » l'un des ancêtres de lord Dinevor.
Pktebbobough, —Écoles. — La souscription ouverte pour rétablisse-
ment de deux écoles nationales dans cette ville, s'élève déjà à plus de
65o livres sterling. Le comte de Filzwilliam a souscrit pour 200 livres
sterling. Lord Miilon et l'évêque de Pcterborougb ont donné chacun
5o livres sterling.
Kent. - Maidstoxe. —Antiquités. — Quelques ouvri.-rs, occupés à
démolir un édifice en ruine près de Maidsione , ont trouvé dans le mur
un grand vase de terre soigneusement fermé par un couvenle de même
matière, et enveloppé de toile et de peau. Il contenait une bible im-
primée en caractères fort anciens , frès-bien conservée, dans laquelle
ou a trouvé des pages blanches , chargées de notes manuscrites a peine
lisibles par l'effet de l'humidité. Cependant, il en restait ass<z de traces
pour distinguer que c'était le mcmorandum d'un voyageur qui avait vi-
sité le pays, vers le milieu du xv.^ MècJe. Il y avait aussi deux pièces
de monnaie intactes : l'une, d'argent, paraît être romaine; l'autre, de
cuivre, date du règne de la reine Anne. Elles sont entre les mains de
M. Henry Markham , sur les terres duquel elles ont ont été trouvées.
Irlande. — Beaux-arts.— Fondation d'une Académie, royale de pein-
ture. — Le gouvernement anglais vient d'accorder aux artistes irlandais
le droit de former un corps, sous le tiire d'Académie royale hibernienne.
On augure bien de celle nouvelle institution. L. S. B.
DAKEMARCK.
CoPENHAGCE. — Projet d une Société pour U propagation dj la physi-
que expérimentale. — M. Ocrsted, qui est de retour de son voyage, et
que les rédacteurs de la Revue Encyclopédique ont eu le plaisir de pos-
séder, l'année dernière , au milieu d'eux , ne cesse de se vouer aux pro-
giès des sciences et à la gloire de sa p.,Uie, auxquelles il a déjà tant
EUROPE. 679
contribué. Il vient de faire insérer dans les journaux une invitation
adressée à tous les habitans du royaume, et dont le but est de former
une Société poiir la propagation de la physique expérimentale. Il com-
mence par exposer la grande influence qu'une pareille Société pourrait
avoir dans l'administration intérieure d'un pays. La Société projetée
établirait un comité central à Copenhague, dans la double vue, d'abord,
de contribuer à la propagation des connaissances physiques et à leur ap-
plication dans toutes les branches de l'ioJustrie ; puis, de former des
jeunes gens qui fussent propres à être envoyés en province pour y pro-
fesser la physique dans des cours publics. Partout où une chaire de pro-
fesseur serait élevée, on aurait soin d'envoyer une collection portative
d'instrumens , de livres et de dessins. Les professeurs devraient se trans-
porter par semestre d'une ville dans une autre , de sorte que dans peu
de tems tout le pays aurait joui du bienfait de cette instruction égide-
ment utile à toutes les classes. Chaque professeur serait obligé de se
rendre une fois par an au comité central à Copenhague , afin de prcndee
connaissance des nouvelles découvertes dont la science se serait enrichie
dans rintcrvallc. Le comité s'occuperait aussi de faire faire, à ses dé-
pens, des expériences nouvelles pour hâter les progrès de la physique,
et de fonder un établissement à l'usage de ceux qui désircr.nent appren-
dre à en faire les applications. Hkirerg, /i/s.
— NécrtÀoffie. — Moldenhawer. — La grande bibliothèque royale de
Copenhague a perdu son administrateur en chef. Daniel GoUhilf Mol-
denhawer était né Kœnîgsberg en Prusse, le 11 décembre lySi. Après
avoir étudié à Gœltingue et dans d'autres universités d'Allemagne, il
fut appelé, en 1777, à celle de Kiel, en qualité de professeur extraor-
dinaire de philosophie. En .779, il fut nommé professeur de théologie
à la même université, où il reçut, en 17S2, les honneurs du doctorat
en théologie. Après avoir laie un voyage en Hollande, en Angleterre,
en Espagne et en Italie , il fut nommé , en 1783 , professeur de théologie
à l'université de Copenhague. Plus tard, il fit. avec le célèbre orien-
taliste Tychsen, un second voyage en Espagne , d'où il rapporta en Da-
nemarck un grand nombre d'ouvrages rares, et de manuscrits précieux
en langue espagnol, et autres, qui font aujourd'hui partie des richesses
delà bibliothèque royale de Copenhague, dont il fut nommé adminis-
trateur en chef, en J7S8. Kommé, en 1809, chevalier de l'ordre de
Daunebrog, il est mort le 21 novembre iSaô, âgé de 72 ans. Les prin-
cipaux ouvrages de M. Moldenhawer sont une Histoire des Templiers,
en allemand, et un Éloge de feu M. le comte A. P. de Bernstorff, écrit
en latin presque classique. Ses autres éciiis sont disséminés dans une
68o EUROPE.
foule d'où vrages^ périodiques, tant en Danemarck qu'en Allemagne.
Heibebg.
ALLEMAGJVE.
\\K7iHK.— Bateaux d rayicur. — Les feuilles allemandes ont déjà fait
mention à plusieurs reprises, des expériences qui ont eu lieu sur le Danube
pourremonlcrce fleu\e;iu moyen des bateaux a vapeur. Le résultat deces
expériences est Ici, que les actionnaires n'ont pas hésilé à fournir, de
leur plein tiré , le double de la somme pour laquelle ils s'étaient primiti-
vement engagés. Il n'y a plus maintenant à douter que cette entreprii^e
ne fasse époque dans l'histoire de noire commerce , et ne soit delà plus
grande ulilité pour l'échange des produits du royaume de Hongrie. C'est
encore à M. le conseiller intime Ferdinand de Palfy, généralement connu
par son zèle pour toutes les conce^piiQIls-^andes et utiles, que l'on est
redevable de cet impoilant succès. Les premières diEGcultés que l'on a
rencontrées dans cette entreprise avaient paru insurmontables, soit à
cause de la rapidité du fleuve, soit à cause des bas-fonds qui s'y trou-
vent en beaucoup d'endroits; et il fallait un homme du génie et de
l'aclivilé de M. Palfy, pour ne pas se laisser décourager.
— Universités. — Nous avons donné, dans notre précédent cahier
(Voy. ci-dessus, p. 429), le programme des cours de l'Université de Ber-
lin ; nous croyons qu'il sera intéressant pour nos lecteurs de le comparer
à d'autres programmes des principales Universités de l' Allemagne. —
L'Université <^6 Bonn, qui est, comme celle de Berlin, sous la dorai-
nation prussienne, a i55 cours, ainsi disinbués : Thcotogie , facultc ca-
thoiiquc, i4; facutlc cvangéliquc. , 16; droit, 19; médecine, 55; -philo-
sopliin , i4 ; sciences naturelles et inathimntiqucs , 18 ; langues ancien-
nes, 1 5 ; langues orientales , 4 ; langues modcrni s, 5; rhétorique et his-
toire littéraire, 6; sciences historiques, 8; sciences adn^inist rat ivc s ,
ou application des sciences aux besoins des fonctionnaires publics, 5;
heaux-arts , 5 ; arts gymnasliqucs , 5. — y4 V Université de Fribourg ,
en Brisgau, sont attachés 43 professeurs, mais chacun d'eux fait plu-
sieurs cours. Il» sont divisés en quatre facultés : Théologie, 6 professeurs ;
droit, 8; médecine, 10; philosophie j dans laqueile on comprend les
lettres et les sciences naturelles, -ta ; enfin , hraux-aris et gymnastique,
4' — A. l'Université de W'urzbourg, nous comptons 122 cours, établis
dans les proporliors suivantes : Philosophie, 10; sciences mathémati-
ques et naturelles , 8 ; sciences historiques , et histoire d^s sciences et des
lettres, 8; philologie, 7; théologie, 12, droit, 19; sciences administra-
«ît'cs (Canuralviissenschaften), i5; médecine, ùj ; heaux-arls, 3; arts
FX^ROPP. 68 1
gyfnnasliqucs t 2; langues modernes, 4- — L'Université de léna pré-
senle 162 cours, qui sont répartis comme il suit : Des sciences en général,
de Icurhut et des études académiques , 1; théologie, 19; droit, 26 ; mé-
decine, 35 j iiliitosofhic, 9; matliématiqucs , 11; sciences naturelles,
i3; sciences adniinistrutivcs , 9; histoire, 5; philologie , 24; arts litres
et teaujcarts , 11. — L'Université de Brcdau comprend i6i cours,
savoir: Théologie, faculté catholique , 20; faculté évangélique , 20;
droit, ï6; médecine, ùo; philosophie, g ; mathématiques , 9; sciences
naturelles, i4; sciences administratives , j; sciences historiques, 8;
tangues orientales, 8; philologie , 9; langues modernes , 9; heaux-arts,
4 ; arts gymiiastiques , 5. [Gazette de lénd).
HsiDELBEnc. — ]Nous avonst'Dlielcnu souvent nos lecteurs de CLtte uni-
versité, qui continue à être l'une des meilleures de l'Allemagne. IVous avons
sous les yeux le programme de ses cours pour le semestre présent. Quelle
branche de science» ne s'y trouve pas enseignée par les hommes les plus
marquans? quelle partie des connaissances humaines n'y est pas portée
au pluj haut degré d'érudition ? S'agit-il de théologie? les noms de MM.
Schwiuls et Paulus présentent la garantie de leur juste réputation ; — d'his-
toire? deux auteurs se présentent : l'un, le célèbre M. Schlosser, fait con-
naître les annales du moyen âge; l'autre, M. Mone, qui vient de pu-
blier la Mythologie du Nord, donne une théorie des constitutions poli-
tiques de l'antiquité. M. Creutzer répand toujours l'éclat de sou nom
sur cette université, où il traite maintenant des antiquités romaines, La
jurisprudence s'honore des travaux de MM. Thibaut et Z.ichariae ,
qui attirent par leur présence un concours nombreux d'ëludians. La
minéralogie et la géologie ont pour professeur un homme cher à la
science, M. Leonhard ; et Vanatomie est confiée à un savant justement
apprécié, M. Tiedmann.Nous n'avons point encore parlé de la philulo-
eie. Un jeune professeur, avantageusement connu par une édition de
V Alcibiadc de Plutarque, M. Bsebr, auteur de plusieurs savantes disser-
tations annoncées dans la Revue, explique Aristophane aux jeunes hel-
lénistes, et les Philippiques de Cicéron aux amis de la littérature latine.
Le défaut d'espace nous oblige à passer sous silence beaucoup d'autres
noms, dont la plupart appartiennent à la littérature par des ouvrages
reeommandables. L'université de Heideiberg est l'une des plus voisines
de la France, et nous croyons rendre service à nos lecteurs en appelant
quelquefois l'attention sur ce foyer de lumières. Assez long-tenis, la
guerre a divisé deux nations faites pour s'éclairer mutuellement; aux
haines qu'avait suscitées l'esprit de conquête et de dévastation succède
T. XX'. — l'éciunbre i8'>.5. 44
GBa EUROPK.
enfin une cslime réciproque, qui f;iit sentir que les travaux de cbacun
de CCS peuples avancent la civiljsaliuu de l'autre.
jjq^j(_ Lo nombre des étudians s'est élevé, dans le courant de l'an-
née 1825, à 528, dont 106 suivaient ks cours de lhtoto(/ic calhoiique;
ia ceux de iJit'oiogie protestante.. Le droit avait ijo élèves; la médeci-
ne, 119; enfin, la philosophie en comptait 89. Il a paru, au suj;t de
l'obtention des degrés, deux dissertations que l'on cite comme très-im-
portantes pour la ^iZfi'raiure «fafce, la première est de M. Hengsten-
htt" , sous le titre de Ainrulkeisi Moalakuh : c'est une édition faite
d'après un manuscrit (!e ia Bibliothèque royale de Paris, et accompa-
gnée de notes et de traductions. La seconde, intitulée : Carmen ahui
tajih alitned Ben Alhosain AlmoUnaiibi quo iuudat Alhosainum Ben
ishak Aitanuchitani, est de M. A. Horst ; e'ie est enrichie de scholies ,
d'une version et de coinmcniaires. Ces deux ouvrages, dil-on , l'ont le
plus grand honneur à leurs studieux auteurs.
UessE-DAKMSTiDT. — JtistTuct'on des Israélites. — Un édit astreint tous
ceux qui prol'esscnt la religion israélite à envoyer leurs enfans aux éco-
les publiques. Ils peuvent choisir celles de leur culte, ou profiter de
l'instruction donnée dans h s écoles chrétiennes. — .WVeimiir, les Juil» ont
été également Invités à prendre part à l'éducation publique. L'ensei-
gnement dans les écoles de leur religion devra se faire en allemand, mais
une disposition du décret leur accorde l'entrée des gymnases et de l'u-
uiversilé, et les déclare admissibles aux pl.ices entretenues par l'état
pour les élèves. Les mariages mêmes \ieniicnt d'être permis entre juifs
et chiéliens, sous la condition ntaniiioiiis que les enfans seront chré-
tiens. Ces mesures , bien plus que les proscriptions et les lois d'excep-
tion , ramèneront à un nieiileur état cette portion de l'humanité, que la
méfiance dent elle a été jusqu'ici l'objet, tient seule séparée du rtsle
de la société. — Koui avons déjà fait remarquer que 1rs états de l'Améri-
que , où lés Juifs jouissent des mêmes droits que les autres citoyens ,
n'ont jamais eu à se plaindre d'eux.
IIu^GBlE — Pest, — Société tittcrairc. — Une fondation vraiment pa-
triotique a institué des prix pour les meilleurs ouvrages publiés en lan-
gue Magyare. La distribution s'en eit faite , le 5 du mois de juin der-
nier, avec une grande solennité ; les administrateurs de la fondation se
suiil rendus en grande cérémonie auprès de l'archiduc Joseph Palatin
de Hongrie, qui u bien voulu présider l'assemblée , où il est venu avec
l'archiduc Ferdinand. M. Ladislas de Szentklràlji , ouvrit la séance par
un discours sur l'importance de ia tiitéralure nationate, fOur le f rince
-f{ fOur ia nation. Un lut ensuite les titres des livre* impiimés vu lau-
EIROPE. 685
}Çue Magyare, pendant les années 1819, 1820, 1821 et 1822. Plusieurs
furent cilés avec éloge, et l'on indiqua, comme devant être couronnés,
lin Manuel iiojraphique , par Benjamin Mokry, ancien professeur
d'histoire; un traité sur (es anciennes familles de Hongrie, par E!itn-
nedeHorvat, bibliothécaire du Musée de Pest ; V Iliade traduite en
Magyare par Valyi-Nagy , piofisseur de liltérature grecque, mort depuis
peu de tems ; un traité du i.roit civil hongrois, par Alexandre de Kœvj,
professeur au collège de Saros-Patak. Après la distribution des prix, qui
étaient de deux cents florins chacun, le Palatin de Hongrie a prononcé
un discours latin, dan.s lequel il a exhorté les Magnats à favoriser la cul-
ture des leUres , en citant comme d'honorables modèles le comte de
Szécfénys, fondateur do la biblioliièque hongroise, le comte de Fesle-
lics , fondateur du Georgicon, les comtes Samuel et Ladislas Tclcki, la
comtesse de Pongracz , enGn M. de Podmaniczky , dont les Muses hon-
groises déplorent la perte récente. On proj^osa ensuite de nouveaux su-
jets de prix pour l'anuée qui s'ouvre, et la séance fut terminée par un
discours de M. Miller, directeur du Musée national, dont le but était
de remercier les augustes personnages qui, par une piotection éclairée,
assurent la prospérité des lettres. Ph. Golbéry.
Beblin. — Nouveau journal. — Il a paru dans cette ville, au mois de
mai dernier, le premier numéro d'un journal intitulé : Paiacphron et
Neoicrpc. On fait l'éloge de l'imparlialitéet du goût avec lequel ce jour-
nal, destiné surtout à la critique littéraire, est rédigé. M. Schubart en
est l'éditeur et le principal rédacteur. [MorgenbUitt.)
Nécrologie. — Joh. H. Voigt. — Ce professeur, l'un des plus anciens
et des plus distingués de ceux dont s'honore l'université de léaa, est
mort dans cette ville, le 6 septembre dernier : né à Gotha, le 27 juin
175 1, il fut d'abord attaché au gymnase de sa ville natale, d'où il vint à
léna. Il y exerça, pendant 54 ans, avec un zèle infatigable, les fonctions
de professeur, et mérita par ses leçons, ses exemples et ses écrits, l'es-
time générale. M. Voigt était conseiller intime du grand-duc de Wei-
mar, professeur de physique et de mathématiques, et doyen de la fa-
culté de philosophie. Il a laissé une riche collection d'appareils, qu'il a-
vait rassemblée à ses frais, et que chaque année il augmentait afin de
rendre ses leçons plus claires et plus profitables. {Gazette de léna).
SUISSE.
Cantoîi de LicEBKK. — Instruction fuhlique. — Le gouvernement du
eanton vient d'accepter la démission de M. Fu^lislhaler, professeur de
68 i EUROPE.
plijsique, à qui l'élat de sa santé ne permetiail plus d'exercer ses fonc-
tious. Il lui a été alloué ua logement et une pension, en attendant la
vacance d'un canonicat. Son successeur est déjà nommé : c'est M. Jo-
sep»» Ineitben. Les talens de ce jeune professeur , ses études prépara-
toires j les cinq dernières années qu'il a passées, soit h Gœttingue,sùit à
Paris, et qu'il a consacrées enlièrcment à la physique et aux sciences
naturelles , sont d'un Leureiix augure pour le succès de son en^eigne-
nient. Le cabinet de pby>ique attaché au lytée vient aussi de recevoir,
pour la première l'ois, un accroissement considérable.
— Instruction ètémentaire. — Le conseil administratif de la ville de Lu-
cernc a porté son attention sur les !)e.soins de» écoles destinées à former
les classes de citoyens qui ne désiicnt pas recevoir une instruction éten-
due; ces écoles ont subi des cliangemens importans et avantageux. —
Sous la date du âi octobre derniî-T, à l'ouverture de l'année scolaiie, le
conseil d'éducation du canton de Lucerne a publié deux décrets. — Par le
premier, les écoles de la campagne , et qui ont servi d'écoles-modèles ,
l'année dernière, sont maintenues en celte qualité. Tout aspirant à une
place «l'instituteur doit avoir fréquenté l'une de ces écoles et aidé le
maitre dans ses fonctions , avant de pouvoir se présenter pour une place
vacanic. — Le second décret fixe la durée des semestres d'hiver. • Les
préposés des communes , y c»t il dit, sont tenus de fournir, sans déîai,
aux instituteurs, la iisle des enfans obligés de fréquenter les écoles ; ils
veilleront à ce que les écoles soient pourvues de toutes les choses que
les communes doivent fournir , et a ce que "les eofans des pauvres reçoi-
vent régulièrement les alimens néces.-aires ; les préposés d..s communes,
qui négligeraient de remplir ces devoirs, seront immédiatement signa-
lés par l'instiluleur à l'inspecleur de l'école. Tous les quinze jours, les
instituteurs adiesseiont un rapport sur l'élat de leur école à leur ins-
pecteur et à leur pasteur respeclifs. Chaque mois, les inspecteurs dt-s
diverses écoles enverront à i'autoiilé supérieure, un rapport sur les pro-
grès faits dans les écoles soumises à leur surveillance. Les parens qui en-
voient négligemoieut leurs enfans aux écoles, sont soumis à des peines
légales.
CAuroN DE Beb.ne. — Après plusieurs règkmens successivement aban-
donnés, on a vu paraître, celte année (18:; 5), un nouveau régicnunt pour le
collège littéraire de la ville de Berne. Sins entrer dans les détails de tous
les objets de l'enseignement, multipliés à ce qu'il nous semble, au dé-
triment de l'instruction véritable , nous nous bornerons à faire remar-
quer une dispoùlion du premier paragraphe : ce paragraphe exclut du
collège : I" les GU de parens qui n'ont ni un revenu indépendant, ni
EUROPE. G85
une profession déterminée; 2° les jeunes gens étrangers au canton , rjui
ne sont pas iiourgeois d'une ville , ou que le rang , l'état et la fortune de
leurs parens ne paraissent pas destiner à recevoir tine éducation scienti-
fique. Une pareille dispo-ition existait déjà dans la ville essentiellement
patricienne de Berne, avant la révolution helvétique; à cette époque ,
l'auteur du présent article ne put obtenir sou admission au collège de
P.erne , en sa double qualité de bourgeois d'un village et de petit -fils
d'un laboureur.
Ganto> De Vavd. — Lausanne. — Cours puMics. — Outre les cours
académiques, ouverts au public aussi-bien qu'aux étudians, nous au-
rons cet hiver deux cours publics : l'un d'histoire do la Suisse, par
M. Robert - Bergier; l'autre, de liltcrature grecque, par unGrec, M.
ScouCTos. Le premier de ces cours remplira en partie une lacune impor-
tante dans notre instruction académique. Par je ne sais quelle bizarre-
rie, l'histoire n'est point enseignée dans l'académie de Lausanne. On
espère que le cours de M. Scouffos ne sera pas seulement le résultat de»
éludes que les jeunes Grecs viennent faire dans les diverses université-!,
et qu'il aura de plus un caractère national. C. Monsabd.
ITALIE.
Florence. — Traduction du grec— Oa trouve de tems en tems, dan»
l'Anthologie de Florence, des odes de Findare , Iraduites en italien, par
le marquis César Lucchesini , avantageusement connu dans le monde lit-
téraire. Si, d'après ce qu'on a vu jusqu'à présent, il est permis de juger
du reste, ce nouveau traducteur a beaucoup de vjrve et d'exactitude,
ou, pour mieux dire , une sorte d'originalité par laquelle il devient pres-
que l'émule de son modèle. Kous espérons qu'il pourra publier le plus
tôt possible son travail, et qu'il justifiera nos éloges. Nous exprimons
aussi le vœu^iiieie chevalier André MaETei contioueà traduire le poème
héroïque de Jean-Ladislas Pirkcr, intitulé La Tunisiade. La Bibdotlié-
que italienne a publié la traduction d'un éoisode de cette nouvelle épo-
pée : c'est la mort de Malhilde, après avoir mis au monde un enfant,
dans une grotte. En lisant ce morceau , on ne sait décider si le charme
est dû plutôt au sentiment de l'auteur qu'au talent du traducteur. Plu-
sieurs Allemands ont jugé les vers de Pirlfer supérieurs aux hexamètres de
KIopstok, de Goethe et de Voss: nous pouvons assurer aux étrangers
que les vers de Maffei ne le cèdent pas à ceux des plus grands versifica-
teurs italiens.
Rons. — Population. — Le journal intitulé Le nollzie del Giorno,
pubhe un tableau de la population de R.me, d\iprès lequel cette cap!-
686 EUROPE.
taie du moude chrélitn comptait, en 1820, à Pâques, 106,269 habitan^î
elle n'en avait, en i8i45 que 120, 5o5. Le nombre des décès continue,
depuis iSij, à surpasser celui des naissances : l'année dernière, il y a
eu 5,480 morts, et seulement 4)S65 baptêmes. Les décès sont à la pt>-
pulation , comme 1 à 24 ^ ; les naissances . comme i à 21 -,. On compte
à Rome 27 évêques, i^SgS prêtres, i,565 moines tt religieux , 1 jJjo
religieuses, et plus de 4oo séminari.>-tes.
— I\ (■croiogie. — Errante. — Kous venons de recevoir une notice
nécrologique sur le cLevalier Giuseppe Errante, peintre , mort à Rome
en 1821, rédigée par l'abbé François Canccllie ri. Giuseppe Errante était
né àTrapani (Sicile) en 1760. Ayant fait ses premières études dans son
pays, fl se rendit à Rome pour les perfectionner. Il devint l'ami de plu-
sieurs savans , et surfout de l'abbé Spedalieri , son compatriote et Tun
des philosophes les plus distingués de son lems. Il profita beaucoup
de leurs entreliens, et, jeune encore, ii se distingua dans le talent
d'imiter les plus grands maîtres, tels queRaphaé'l, Titien, les Carraches,
la Dominiquin, et surtout le Corrégc , au point que souvent on confon-
dait la copie avec l'origiral. Sou mérite fut apprécié par le roi de^ Deux-
Sicilcs; mais les circonstances rempéehèrent de profiter de sa protec-
tion , et il passa la plus grande partie de sa vie à Aiilan , où il se fit dis-
tinguer, malgré l'éclat que jetait le célèbre Afipiani, qui éclipsait tous
les autres artistes ses contempor.uns. Il scroit trop long d'indiquer ici
ses meilleurs ouvrages. On a remarqué surtout son Artcmisc fleurant
sur les cendres de Mausole, ia Mort du comte Ugolin au milieu de ses
en fan s , le Concours de la éeauté, i'Endiinion, les divers tableaux de
Psychc, etc. Plusieurs de ces sujets ont été gravés avec succès par ses
élèves. Il fil les portraits de ])Iusicurs litlérateurs ses amis , qui lui pro-
diguèrent leurs vers et lcur> éloges. Le duc de Monte-Leone , encore
plus généreux, au moment où il était, comnie lui, hors de sa patrie,
lui affecta une pension de Co ducats pur m!)is. Il a enseigné une nouvelle
manière de re^taurel les tableaux. 11 a publié aussi deux .Mémoires , l'un
sur les couleurs employées par les plus célèbres artistes italiens et fla-
mands, l'autre, sous le titre d'Essai sur les ccicleurs. Très-habile à f.iire
des armes, il croyait cel art aussi utile aux peintres modernes que la
gymnastique l'avait été aux anciens. 11 s'était proposé d'écrire un traité
sur l'élude du mouvemeut des muscles d'un corps vivant en action. Mais,
surpris parla mort, il ne put achever plusieurs ouvrages dont sa fé-
conde !mi:ginatiou lui avj",t inspiré l'idée. On s'occupe de lui élever un
monument, exécuté par le sculpteur sicilien Léonard Fennino.
FionKKCE, — BcllilLmcs. — Les amateurs de la déclumation ihéàlrale
FLROPF. ^'87
ont perdu, à Florence, Paolo Belliblane^*. mort le 1 5 oolohrc dernier,
àr3jîede49;.ns, Malgré les détauls de sa voix, 11 déployait b.-anronp
de talent et une piaïule sensibilité d^ns certains rôles. Quoique acteur
par profession , il préférait a la fortune la gloire de prendre part à la
réforme du théâtre italien. 1! élait l'ami de tous ceus qui conûaissaient
l'art , partageait leurs iuienlions pairioliqnes , et chérissait son pays au-
tant que sa profession. t-OALFI.
PAY S - H A S.
Amsterdam. — Socièlô S cer landaise four i'amcliorafion morale des
détenus. — Cette institution bienfaisante, dont le titre indique l'objet ,
s'est établie, dans cette ville, le 12 novembre dernier. Elle est dirigée
par dis hommes connus par leurs lumières, leur sagesse, et leurs senti-
mens élevés. Leur zèle pliilantropique promet d'honorables succès. M.
Van-Hall est président, et M. W. II. Warsmck, secrétaire.
Bruxelles. — Société de Uenfaisance des provinces méridionales drS
Puys-Iias. — La commission centrale s't»t réunie, le 6 août dernier,
sous la présidence du prince Frédéric des Pays-Sas. Elle s'est associi^c
un grand nombre de membres dont les noms rappellent des services si-
gnalés rendus à celte Société , ou qui, par leurs connaissances et leur
philanlropie , chercbent à améliorer le sort des malheurcus livrés au
fléau de la mendicité. Elle a admis, au nombre de ses membres honc-
raircs, plusieurs pliilanlropes étrangers, qui se sont acquis des titres
honorables, en employant leurs talens pour soulager la classe indigente ;
tels que MM. le duc de la Roche fourault-Liancourt , président de plu-
sieurs élabllssemens fondés dans l'intérêt des pauvres, à Paris; le duc
de Bedford, à Londres; le comte Batovoshi, à Saint-Pétersbourg; le
comte de Lasteyrie , à Paris ; de FeiUnherg , en Suisse ; le chevalier de
Gruncr, à Munich; le comte Alexandre Delà Borde, à Paris; Pictel ,
rédacteur de li bibliothèque universelle à Genève; Pcstatozzi, en Suisse ;
Owen, fondateur des élablisscmcns de jNevv - Lanark, en Ecosse; le
comte François <<e Neufclulteau, à Paris; Laine, ministre d'état à Pa-
ris; Joham Daniel Latuaetz, directeur de la colonie de Frédériks Gabe,
dans le Holstein.
— Àthcnée de BruxcUts. — L'administration de cet établissement
a décidé que l'ouvrage de M. Marc-Antoine JcLLiEif , de Paris, intitulé :
Essai sur l'emploi du teins, dont la troisième édition française vient
de paraître.! Paris, serait compris au nombre des ouvrages donnés,
chaque année, aux époques des distributions de prix.
Jou»-7.flM.T. - Parmi le grand nombre d- fevilUs] quotidiennes pu-
f^8S EUROPE.
bHees dans le royaume des Pays-Bus. on remarque les suivante*: i»
Slaals-courant (journal du gouvernement), consacré à la politique cl à
la publiction des décrets royaux; L., Haye. 2" Haarlcnsche-courant
(journal de Harlem), ôo A mUcmsc lie - courant (journal d'Arnheim).
4° Advcrtenlic-Uad (feuille d'avis); Amsterdam. 5» Jmvynal de la.
Bcloiquc; Bruxelles. 6» L'Oracle; Bruxelles, j» jSouvel AHstarque;
Bruxelles. 8° Journal de Bru.reUcs. g» Le Courrier des Pays-Bas;
Bruxelles, lo" L'Ami du Bai et de (a Patrie; Bruxelles, ii^' Journal
d'Anvers, qui s'imprime riiez Jonan. 12- Journal de G and, qui s'im-
prime chez Houdin. Les deux dernières feuilles, que nous n'avons pas
encore annoncées, sont consacrées non-seulemenl à la politique, mais
aussi à l'industrie et à la littérature; elles sont rédigées avec beaucoup
de soin et de sagesse; elles n'alimentent les passions d'aucun parti; on
y remarque un iiUralisme modéré qui honore le caractère des rédacteurs.
Les analyses d'ouvrages nouveaux et les articles ihéâtres sont écrits avec
goût et impartialité. - Kous citerons également une feuille quotidienne,
publiée depuis peu à Anvers , sous le titre de Spectateur, et rédigée par
M. Bourcler, éditeur-propriétaire et littérateur distingué. Cette feuille ,
à la fois politique et littéraire, contient quelquefois des pièces de vers
de M. Bourcier, qui font bonneur à son talcht.
H^Bi.Ey,. - Nécrologie. — M. Arntzenius, associé d'un grand nombre
de sociétés littéraires, membre de la seconde chambre des états-géné-
raux , vient de mou-ir dans celte ville, le 2Ô novembre. Il cultivait avec
succès les lettres, et il était en même tcms homme détal b.biie, b.-n
citoyen et ami sincère. „, K.bcrhoff, D. M.
FRANCE.
Cot^XR.— Écrit périodique. -Depuis le mois d'octobre, il parait
tous les dimanches, à Colraar, un journal allc-nand intitulé Jugend-
Zeilung, Gazette de la jeunesse, et déjà l'auteur, AI. G orlan, reçoit
de toutes parts les témoignages d'une estime méritée. C'est à 1.. jeunJsse
qu'il s'adresse, comme son litre l'indique ; mais il plaît à tous les âges i
on sait que l'Alsace dans les campagnes est encore allemande pour la
langue. Kéaomoins l'absence de relation avec les peuples d'outre-Rhi;.,
l'usage où l'on est de traiter en français les affaires judiciaires et admi-
nistratives, ont éloigné du pLvsla connaissance de l'allemand litté-
raire; celui que l'on parle communément n'est qu'un langage corrompu
que comprennent ix reine les étrangers. D'un autre côté, le français n'a
J as encore jeté de racines assez piofondes, pour que l'on ait au village le
moindre peuchant vers la Itctcre. M. Gorfao rend donc un service sfena-
EUROPE. TïSg
lé h l'Alsacf, en faisant participer ses babilans à la civili.^alion de l'Allr-
niagr.e, sans les empêcher pour cela de rester bons Français. Il leur
prodigue les leçons de la morale la plus douce et la plus pure, et cette
morale plaît parce qu'elle se présente einirunt.ée du charme d'agiéable»
n:irrations. Chaque numéro en renferme une nouvelle, aiu-i que quel-
que trait intéressant, quelque utile leçon d'histoire naturelle ou d'éco-
nomie rurale. M. Gortan instruit en piquant la turiosJté, et la curiosité
de ses lecteurs se satisfait toujours au profit de ses connaissances. Tout
annonce un grand succès à ce journal de la jeunesse. C'est depuis long-
tcms la seule entreprise littéraire qu'ait vu paraître Colmar. On s'y sou-
vient encore d'un Recueil, publié en 1776» »:77 ^'^ '77^» P^*" '*^ P^'^'t-'"»"
Billing. Ce recueil allemand , qui aurait fait honneur à un plus graad
théâtre , s'appelait l'Alsacien patriote. Il ne faut souvent qu'un homme
pour réveiller le goût du beau. Puisse M. Gcrlan rétablir les Muses al-
lemandes dans la patrie de Pfeflel ! P- GolbÉby.
Sociétés savantes et Établissevuns fl'i?istructbn et d'utilité
publique.
Macok {Saôneet-Loire). — La Sociclc d'a;iriculiure, des sciences et
arts met au concours la question suivante : — « Comparer les littéralnres
française et anglaise, sous le rapport du roman, et déterminer à laquelle
appartient la supériorité dans ce genre de composition.» Les ouvrages
devront être parvenus au secrétaire perpétuel de la Société, avant lei"
août 1824. Le prix (une médaille d'or de la valeur de 5oo fr. ) sera dé-
cernée le jour de la Saint- Louis.
Steasboueg {Bas-Rhin). — FacuUè de médecine. — Celle facuhé a
tenu, le 1 i décembre, sous la présidence de M. le recteur, un.- séance
publique et solennelle , dans laquelle ont été distribués les prix de l'an-
née scolaire écoulée. Cette distribution, précédée d'un discours >.ur l'a-
bus des systèmes en médecine, a été remarquable, en ce que le jeune
Jean-François-Timoléoa Touzet, de Bieux {HauleGaronne) , a rem-
porté trois prix, savoir : le premier de chirurgie, le premier de méd.e-
eine, et le second d'anatomie et de physiologie.
BoBDEAUx. — [Gironde). — Société Unnccnne.— Le 4 de ce mois, la
Société a tenu, en mémoire de Charles Lii^kb, sa séance publique
d'hiver. Elle a été ouverte par M. Laterrade, directeur, qui, en l'abscn'-
te de M. Dargelas, président, a prononcé un discours dans lequel il a
rappelé l'origiue et le but de la Sociélé. M. Chaigneau, secrétaire, a l.i
la notice des travaux annuels. On a vu par cette notice que la So. iéte
*"esl occupée avec succès de botanique et d'agriculture. Oa a entendu en-
6oo EUROPE.
euilf des réflexions jjjàicieuses sur les avantages de la botanique, par M.
Teulèrc, U. xM.; un mémoire sur les vers à soie et la culture du mûrier
blanc, pdi 51. Housset, culture qu'il veut essayer dans la Ferme expérimen-
lale; un essai sur les plantes considérées dans leurs rapports avec les facul-
té!, nu raies de l'homme , par M. Uesaybats fils ; uni' notice sur la métemp-
sycose, par !\I. Legiand. LaSocictc Linnécnne de Bordeaux n'est qu'une
brandie, mais la branche principale de l'utile association qu'elle a for-
mée pour répandre le goùl de la botanique ; cette Société a des sections
à Libourne, à Rocbefort, à Paris, à Montpellier, à Narbonne, dans les
Basses- Pyrénées, à l'Isle-Mautice , à la Guiane et au Sénégal. M. Latrr-
rade a présenté avec ordre le précis des travaux de ces diverses sections,
et Ta terminé par le tableau qu'elles offrent toutes < '.semble le jour de la
fête linnéennc, jour où la Société se trouve réunie sur tant de points dif-
féiens, à la même heure, à la différence des longitudes près. M. Guilhe
a terminé cette séance intéressante par des stances qu'il a consacrées à la
mémoire du savant Latapie, que la Société vient de perdre.
Jardin des Plantes. — La séance -publique du 4 septembre, prési-
dée par le professeur, 31. Dargclas , & été ouverte j>iir un discours
qu'il a prononcé sur l'utilité des jardins iotanif/ucs. — M. Pail-
loUfD. M., a pris ensuite la parole, pour faire sentir la néressilé de
l'élude de la botanique pour la médecine, et il a terminé par des con-
seils pleins de sagesse, adressés à MM. les élèves en médecine. — M . Re-
votât, flis , médecin , à lu un mémoire intéressant sur l'influeoce des
odeurs sur réi'onomie animale. — iM. Laterradc, naturali-tc, a fuit ob-
server, dans un discours savant , combien est grande l'icflucnce des mé-
téores sur la végétation , et celle de la végétation sur les météores. — M.
Ginlrar, médecin, a fait sur l'étude de la nature quelques léflexions,
qu'il a su rendre agréables par son style. — ^J . de Saincric , D. M. , a fixé
noire attention sur les zoophites, en rappelant une foule de faits cu-
rieux, relatifs à ces animaux-plantes, — La séance a été terminée par
la lecture du procès-verbal des membres du jury, et par la proclamation
des noms de ceux qui oui obtenu des prix.
Cours de holaniquc. — La distrihufion annuelle des prix a eu lieu
dans le mois d'aoûi dernier. M. Révolat a ouvert la séance par un dis-
cours très-bien écrit, quia été écoulé avec le plus vif intérêt. D'exccllens
conseils ont été ensuite adressés aux élèves par M. Lalerrado, qui a ex-
posé en peu de mots la marche de son cours. M. Paillou , D. M. , a pré-
senté des considéra lions ingénieuses sur les saveurs et les odeurs des vé-
gétaux, et jM. Désaybats fils a terminé la séance par une description ra-
pide des agrémeiis de la bolarique , et par i'clojrc de !"auteur de la Fia-
FUR OPE. 691
r« bordelaise (M. Lalprrade\ On a distribue les prix dans l'ordre suivant :
— Éthnens de lotnniqne. Prix, M. Bernard Cliabrcly, de Bordeaux. —
Lcscriplion des plantes. Prix , M, Alphonse Ruiz, de Madrid. — Pliy-
siolofjie vcgitate. Prix e.r œquo, MM. Coui bin et \\mz.— Prix ohlenus au
concours des clives de l'année. M. Pierre Bouchy. du Cantal. — Assi-
duité aux séances et aux excursions. Prix , MM. Pierre Empereur, d'An-
dora , et Alplionse de Rossane, de la Gironde.
— École publique et gratuite de Commerce. —ht-s cours, dont îa du-
rée est de deux ans, continueront cette année; ils comprennent les élu-
des qui préparent à la science du commerce, et la théorie du commerce
proprement dite. Les études qui préparent à la science du commerce,
sont : 1° l'art d'écrire commercial, c'est-à-dire, l'art de recueillir, de
lier et d'exprimer ses idées sur toutes les matières qui se rapportent au
commerce: 2» la chronologie commerciale , offrant les grandes époques
du commerce, et les détails relalils aux progrès de l'agriculture , des
manufactures, des arts, des découvertes maritimes et de la navigation ;
ô° la géographie des peuples eommerçans, comprenant les notions as-
tronomiques , géologiques et politiques dont a besoin la science du com-
merce; 4° les révolutions historiques des nations^ commerçantes , du
tems ancien , du moyen âge , et du lems dans lequel nous vivons. — La
théorie commerciale proprement dite , comprend : i" Le tableau du sys-
tème commercial, dans cet ordre : iiée du commerce et de ses bran-
ches. — Objets d'échange, provenus de l'agriculture, des mines, des
pêches et chasses, et de l'industrie. — Moyens de communication ou
caravanes, navigation et roules.— Mesure des marchandises ou système
des poids et mesures. — Prix des marchandises, ou théorie des mon-
naies et des papiers qui les représentent. — Relations commerciales et
balance du commerce d'une nation.— Eflets produits par le commerce,
ou preuve qu'il est la source de Pinduslrie, de la richesse , de b popu-
lation et du bonheur. 2° L'élat commercial ou le degré de richesse, de
puissance et de force de tous les peuples eommerçans, anciens, du mçyen
âge et moderne». 5" La législation du commerce , ou l'art de poser, chez
une nation, les bases d'un grand comuvrce; de mettre ces bases en
harmonie; d'organiser le commerce intérieur par des réglemens sages ,
et d'assurer la durée de ses relationr, cxlérieurcs sur la justice, la force
et la modération. 4° Les lois commerciales, ou l'analyse des lois du
commerce avant (Jo'.bert, ;ous Colbeii , pendant h révolution française,
et le développement du nouveau code de commerce. S" La morale ,
rapportée aux devoirs du négociant. 6° Les élémens abrégés du com-
merce pratique, c'est-à-dire, l'aiilhméliquc, la géométrie, les mon
^9'^ EUROPE.
naies et changes, ef l'art do tenu- les livres. — Le, leçons de l'an dcr-
nier ayant eu pour obj-t l-s éludes qui préparent à la science du com-
merce, ia théorie tomraercialc proprement dite sera enseignée cette
année. —Ce plan, outre qu'il embrasse la science du commerce er
grand, présente une source variée d'instructions qui se lient à presque
toutes les connaissances humaines. L'école est absolument gratuite, ei
ouverte à tout le monde- les élèves n'ont d'autre formalité à remplir
que celle de donner leur nom au professeur.
il. C.GiiuiB, professeur. Loi-is V a j>&e, président. \.XHHmBB,sccréltnre.
PA R I S.
Ir^titct. — Àcadcmicdes sciences. — Mois de kovbmbbe i8i.', —
Séance du 5. — M. Ar.ipo donne lecture d'une note qui indique les ré-
sultats les plus réceiis des reclierchefi physiologiques de M. Flourens,
concernant l'atlion spéciale qne cirlaines substances exercent sur les
diverses parties du cerveau. M. Magendie communique ses remarques à
ce sujet ,et citedes recherclies dont s'occupe mainsenant Al. FofJtra.—
M. Delaplace donne lecture de l'extrait d'un mémoire relatif à l'action
de la lune sur l'atmosphère , et aux observations météorologiques dont
la comparaison attentive rend cette action sensible. — M. Dulong lit
au nom de M. Tbénard et au sien, une seconde note concernant la prc-
pnélé qu'ont certaines substances de favoriser ia combinai>on des Hui-
des élastiques. — M. Ar.igo lit un rapport sur un hUloslal, un a-ppn-
rcil à niveau et une ioussole de M. Gainbey. Après avoir fait connaître
les avantages que ces ingénieux instrumens ont sur ceux en U'^age jusqu'à
présent, le rapporteur témoigne ses regrets de ce que M. Gambey n'ait
pu présenter à l'Académie son magnifique ifjuaforiafe, que tous les ar-
tistes se sont empressés de proclamer le plus bel instrument de l'expo-
sition du Louvre. D'après ses conclusions, l'Académie décide qu-.- la des-
cription des instrumens de .Al. Gainbey, accompagnés des beaux des-
sins qu'il eu a préseutés, sera imprimée dans le Recueil des savans étran-
gers M. Mathieu lit un rapport sur un procédé de M. Gambey, qui a
pour objet d'opérer la division précise des instrumens d'astronomie et
de géodésie , au moyen de la plate- forme, sans exiger la coïucidence
exacte des centres. La machine d diviser, de M. Gambey , est approu-
vée par l'Académie; la description en sera insérée dans le Recueil des
savans étrangers.
Du lo. — M. Brun-LafoDt adresse des observations critiques con-
cernauî l'éclairage par le gaz hydrogène.— Après deux toursde scrutin,
sans majorité absolue , on procède à un troisième four entre MM. N.ivicr
EUROPE. 69"")
et Ilatlutlc. Cl dernier ayant 28 voix conlie 2a, esl jjroelau:é membre
de l'académie. Lesantns candidiits étaienl MM. Caigiiiard-Latour, Gara-
bcv , Cachin , Lamandé , Gengembre, Christian. — M. Flourens donne
lecture du résumé de se» recherches expérimentales sur la l'onction de»
diirérentes parties du cerveau. — M. Fonrier lit ûa mémoire de mallié-
mali |ues, intitulé : Analyse indcterminèe , calcul des conditions d'iné-
gadtc. — M. Riincneau, de Lille, correspondant, professeur de botani-
que à Montpellier, lit un mémoire qui a pour titre : Examen de la vé-
gétation de Visoutes iaciistris , et exposition de ses caractères. — M. Du-
mas lit, au nom de l\I. Prévost et au sien, la deuxième partie de son mé-
moire sur la généralion.
— Du 17. — Le ministre de l'intérieur envoie un rapport du Préfet de
Seine-et Marne , sur la découverte qu'on a faite d'un cavalier et d'un
cheval i-élrifiés, entre Rloiel et Monligny, dans la forêt de Fontaine-
bleau. ( MM. Cuvier, Cordier et Brongniart, commissaires.)— Le mi-
nistre de la marine transmet le r.tpporl d'une commission spéciale sur la
combustion spontanée qui s'esl manifestée dans des amas de charbon
de terre , formant l'approvisionnenient de l'arsenal du port de Brest.
(MM. Vauqueiin, Dulong , Gay-Lussac, d'Arcet et Fresnel, commis-
saires.)— On lit une lettre du général Brisbane, gouverneur de la nou-
velle Galles méridionale, par laquelle il annonce que M. Rumckerset
lui ont déjà observé plus de io,ouo éloiles du catalogue de Lacaille, et
qu'il en reste à faire, pour compléter l'émisphère austral, à peu près un
égal nombre, qui seront achevées en dix m.is. M. le général Brisbane
envoie ses observations, qui seront transmises au bureau des longitudes.
M. Rousseau lit un mémoire intitulé : .\olicesu7' un galvanomètre at-
mosphérique , ayant pour moteur une pile sèche , et sur des décomposi-
tions d'huile obtenues parce même mode d'action. (MM. Dulong et
Ampère, commissaires.)— M. Brisson , ingénieur en chef des pouls-ei-
chaussées, présente nu mémoire , ayant pour tiire : 5w {'in/tgmiioîi
des é<juati07is linéaires. (MM. Delaplace, Fourier, Poisson elCaucl.y.)
— M. Cauchy lit un mémoire sur les effets de l'attraction moléculaire
dans ie mouvement des ondes. — M. Fourier présente la deuxième par-
tie de son mémoiresur les conditions d'inégalité. — MM. Cuvier, Vau-
queiin et Savigny sont nommés commissaires pour l'examen d'un mé-
moire présenté par M. Thomas Lanth , « sur les momies égyptiennes,
et sur les connaissances qu'Hérodote et Diodore nous ont transmises,
concernant les embaumemens.. — MM. Bosc et Savigny sont nommés
commissaires pour l'examen d'un mémoire de M. Gaillon , qui a pour ti-
tre : « Nouvelles observations sur la cause de la coloration des huîtrei et
6()4 FXROPE.
sur les animalcules qui servent à leur nuirilion ; consitléralîun et léfula-
tion de 'diverses objections sur ce sujet. — M. Dumas lit, en aoa nom
tt au nom de M. Prévost , un second mémoire sur la génération , et
dans lequel il traite des rapports de l'œuf avec la liqueur fécondante ,
des phénomènes qui rcsulteut de leur action mutuelle et du développe-
ment de l'œuf des batraciens. — M. Becquerel lit un nouveau mémoire
sur les effets électromagnétiques , développés par les actions capillaires,
et par les actions chimiques des diverses subtances.
— Du 24. — M. Ranson, inspecteur des bâiimens royaux du cercle
du bas Danube, communiquée l'Académie diveises remarques concer-
nant la résolution de quelques équations numériques. ^MM. Cauchy et
Ampère, commissaires. J — iVI. Desfont.iines lit un rapport sur un mé-
moire de M. Poileau, renfermant la description des cinq genres exoti-
ques delà famille des myrthes. Ce mémoire sera imprime dans le Re-
cueil des savans étrangers. — M. Girard lit un rapport sur un mémoire
de M. Boze, peintre, osur la manière d'ateler les chevaux et de les dé-
teler.» Sans prétendre que l'usage ne puisse contribuer à la perfection du
mécanisme de M. Boze , le rajjpoiteur pense que.tel qu'il est, il mé-
rite l'approbation de l'Académie. — M. Vauquelin annonce qu'il a pris
connaissance, avec M. d'Arcet des recherches de M°"= Matliieu, et que
ce^recherches ne concernant pas l'Académie , il n'y a pas lieu à faire de
rapport. — M. Longchamp lit un mémoire intitulé: Tlicorie nouvelle
delà nitriflcation. Pltibieurs membres communiquent leuis observa-
tions à ce sujet. (MM. Chaptal, Vauquelin , Gay-Lussac , Dulong et d'Ar-
cet , romniissaires.) — M. Flourens lit un mémoire intitulé: Recherches
physiques touchant l'action déterminée ou spéciliquede certaines subs-
tances sur certaines parties du cerveau. (MM. Cuvier, Humboldt, Por-
tai , Duméri! et Dulong , commissaires.) — M. Desmoulins lit une note
sur la mesure du développement sphérique des rétines plissées (MM. Ma-
uendie et Frtsnel, commissaires.) A. M — t.
Académie Française. — M. Auger lit , ]>our M. François de Keufchâ-
teau , un discours en vc-rs sur la doctrine des rapports du physique au
moral de l'homme. — M. le comte Ferraud récite deux Eclcs de sa tra-
gédie de Philoctètc.
— Acadétnic des inscriptions et belles-lettres. — Le 28 novembre ,
l'Académie a nommé deux correspondans : l'un, régnicole , M. Gaujal,
auteur des Recherches sur les antiquités du Quercy, et premier prési-
dent de la cour royale de Limoges ; l'autre, étranger, M. Frachn, savant
antiquaire de Péltrsbourg.
— académie des heaux-arts, — Celte Académie, désirant compléter
EUROPE. 695
la liste de ses associes éliangers, a nommé, dans le courant du mois,
MM. Alvarés , sculpleur; Luni/lii , graveur; Rossini , compo-iiieui mu-
sicien ; Schinchel , arcliitccle ; 'l'horwaldson , sculpteur, et ZingurcHi,
f omposileur musicien. Elle a piocédé , dans la séance suivante , à ia
noininalion de deux correspondans : le premier est M. Granet , peintre
de genre, résidant à Rome; le second, M. Ingrc . peintre d'bisloire ,
dcmeuianl à Florence.
Société midicaie d'émulation. — Celle Société, déjà ancienne,
londée par le célèbre Bichat , el dont les Mémoires contiennent beau-
coup de faits curieux et instructifs, a nommé, dans aa dernière séance,
M. Lariey pour son président, M. Keraudrcn , poursun vice-président,
cl iVl. Hi-ppoL {^loquet, pour secrétaire-générai.
Athénée de Paris. — Séance d'ouverture pour l'année 11S25 — 1824
(29 novembre iSaô). Cette séance avait réuni un auditoire nombreux et
brillant. On s.ivait, par avance, qne M. Victorin Fabre élait chaigé du
discours d'ouverture, et la réputation que cet écrivain s'est si justement
acquise, et qu'il a si heureusement soutenue dans le cours de l'année
précédente, justillait assez l'empressement du public. Les espérances
de l'auditoire n'ont pas été déçues. M. Fabre, après avoir esquissé ra-
pidcmenl les titres qui font de l'histoire de l'Athénée une belle |)age
de notie histoire littéraire , s'est trouvé naturellement amené à s'occuper
des hautes questinus que présentent les lettres considérées sous leur vé-
ritable point de vue, c'est-à-dire, bien plutôt comme un vaste moyen
de civilisation que comme un harmonieux arrangement de mots. L'o-
rateur lésa traitées avec cette supériorité que donnent de longues ic-
flexions el des études approfondies. Après avoir manifesté, dans plu-
sieurs pa-sages vivement applaudis, ces senliraens généreux professés
par tous les esprits élevés de notre époque, notamment en faveur de
ces héroïques chrétiens abandonnés de TEurope civilisée, et qui refont
Vantiquité. M. Fabre a terminé son discours par uue péroraison bril-
lante qui a produit beaucoup d'effet. — Ce discours a été suivi de lectu-
res intéressantes, entre lesquelles on a distingué un fabliau versiflé par
M. Merville, avecl'esprit et le goût qui distinguent cet écrivain. — On a
entendu, dans la même séance, une dissertation sur le genre lyrique des
Grecs, par Casimir Bonjour, qui a paru depuis imprimée dans le Mer-
cure, et diverses pièces de poé-ie , par MM. Sainiine, Lemazurier et
Famin. — Depuis cette première séance, les professeurs des sciences
naturelles, de litlérature et d'histoire ont coiaraencé successivement
leurs leçons. A*.
— Le b décembre , M. Par» nt-Réal , à qui l'administration de l'Athé-
(kj'j EUROPE.
née a confié une chaire d'éloquence et de littérature, a omcrt son cours,
en exposant, avec d'assez grands développemens , le plan qu'il se pro-
pose de suivre. Il a prom:s de donner un aperçu sur l'art oratoire en
France, considéré tour-à-tour dans ses différentes aiiplications, puis, de
signaler les caractères dislinctifsde la littérature dans les diverses phases
qu'elle a parcourues, et de rechercher à quelles influences elle a été
successivement soumise. Il s'occupera ensuite de tracer l'origine des
tiens genres classique et roraanti(]ue , et de déterminer leurs différences.
Knlin , il terminera son cours par un précis de l'Histoire littéraire de»
femmes en France. Le discours de M. Parent-Réal a offert plusieurs
vues neuves, qui l'ont espérer une suite de leçons intéressantes.
Athénée des arts. — Nous rappelons à nos lecteurs que celte So-
ciété, dans la séance publique du 26 août 1821, a proposé pour sujet du
prix triennal fondé par M. ïurrel la question suivante : Quels ont été
les progrès des sciences physitjues et chimiques depuis le commence-
ment du xviii' siècle jusqu'à ce jour, et qu'elle a été leur influence sur
l'industrie manufacturière? Les Mémoires devront être envoyés, avant
Cl" mars 1824, à M. IVlirault, secrétaire-général de i'Athécée, rue
Sainte-ÂpoUinc, u" 2- Le prix est de 5oo fr. Il sera décerné dans la
séance publique de 1824. A. J.
Histoire littéraire. — Copie (Vune lettre autographe de M"' Clairon.
— M. Berlhevin , Conservateur à l'Imprimerie royale, et qui pos-
tède une fort belle collection d'autographes, a bien voulu nous com-
muniquer la lettre suivante, que nous regrettons de ne pas avoir reçue
plutôt pour la joindre à la Notice de M. Lémontey, sur cette actrice
célèbre {voy. ci-dessus , pag. 485j. — a Citoyen ministre , je cherche en
vain depuis un mois un protecteur qui m'a^roche de vous, mais s'il est
vrai que l'huaianité vous soit chère, c'est à vous seul que que je dois
ni'adiesser; âgée de soixante et dix neuf ans, accablée d'infirmités,
prête a mcnquer du nécessaire, célèbre autre fois par quelque lak-os ,
j'atlCTi* à votre porte que vous d'aigoits m'acorder un instant. Cliibon. »
— En marge est, de la main de M. Chaplal : «Chez M""* de Vandail,
rue Faubourg- Poissonnière, n" 35, maison Titon. » Puis: «Bon pour
deux mille francs, à payer de suite. Chaptal. u Et plus bas : « Vu bon à
payer, à titre de secours remboursable sur ie fonds spécial des encou-
ragemcns aux beaux-arts. Rosman. « — (La lettre est sans date.)
Théâtres. — Second théâtre français. (Odéon.) — GuiUaum,e et Ma-
rianne ou ic Frère el la Sœur, drame en un acte et en prose, imité de
l'allemand; par M. ***. Cette petite pièce a été accueillie avec de vif»
EUROPE. G97
appIaudisBeniens. Lt; fond en est emprunté à un acte de Goelhc, que
la belle entreprise de la Collection des Thùâlres étrangers nous a fait
connaître. Ce tableau pur et naïf d'un amour qui croit n'être que fra-
ternel, a beaucoup de grâce dans l'original, et il ne l'a point perdue dans
la copie. L'auteur du drame français a fort bien compris qu'il ne fallait,
pour faire passer cette pièce sur notre théâlre, que lui ôlcr ce qu'elle
avait de par trop germanique, et il l'a fait avec un discernement et un
goût dont les partisans modères de» deux écoles littéraires doivent lui
tenir compte. Le Fière et la Sœur sont joués, avec beaucoup de talent,
par Perrier et par M"" Anaïs. A*.
— Petite Revue Tfiéâtrnie de l'année 1825. — Pendant cette année,
on a représenté sur les théâtres de Paris 217 pièces nouvelles, savoir :
8 tragédies, 22 comédies, 4 drames, /f.opéras, 5 opéras italiens, i4
opéras-comiques, 1 >.4 vaudeville», u) mélodrames , 4 ballets, lôpièces
de diDerens genres. Dans ce nombre, 112 pièces ont réussi, et 6 au
plus paraissent devoir prolonger leur existence au-delà de quelques an-
nées ; 77 n'ont obtenu qu'un succès d'estime ou contesté : il y a eu 28
chutes complètes.
Beadx-Abts. — Peinture. — Jusqu'ici, les yuteurs du Diorama avaient
établi entre eux une sorte de solidarité de talent et de succès : les ta-
bleaux exposés paraissaient être le résultat de leurs efforts communs;
du moins, rien n'indiquait le contraire. ^Maintenant, chacun d'eux veut
obtenir, séparément , la part de louange et de critique qui lui appartient
en propre, et le dernier programme fait connaître que M. Bouton est
l'auteur de la T'^ue intérieure de la cattiédrale de Chartres , et que
celle de la ChafeUe en ruines du château d'Hoiy-Rood , le dernier ta-
bleau exposé, est due au pinceau de M. Dacukbbr. (/^'ov. ci-dessus, p. 25o.)
La fondation de ce château, situé près d'Edimbourg, et du monas-
tère qui y aliénait , remonte à une époque où les miracles, les visions,
les apparitions venaient encore soutenir la foi chancelante de nos bons
aïeux. Dans le commenccmeut du xii« siècle, le roi David I", grand
chasseur, selon l'usage de cet heureux tems, renver.-^é, ainsi que son
cheval, paruncerf d'une grandeur et d'une force prodigieuses, se voyait,
disent les auteurs de la notice, en danger de périr, lorsqu'un bras diviu,
sorti d'un nuage épais, plaça , entre le monarque et le cerf, une croix
de l'éclat le plus éblouissant. L'animal effrayé s'enfuit, comme l'on peut
bien croire, et le roi revint chargé de la relique céleste. La nuit suivante,
il entendit, en songe, une voix qui lui ordonnait d'élever une ahtayc
au lieu même oîi il avait été si miraculeusement délivré, et c'est pour
T. XX. — Déctmbre i8'25. ^5
6ç)8 EUROPE.
obéir à cet ordre qu'il fit bâtir le monastère d'Holy-Rood (Sainte-Croix),
dans lequel la croix divine fut, pendant des siècles, selon l'annaliste que
je transcris, une source de prospérité et de consolations pour les âmes
pieuses. Si l'origine de ce monument a un caractère un peu fabuleux,
1< s évènemens dont il a été le théâtre ont une triste et douleureuse au-
thenticité. C'est dans la chapelle dont le peintre a mis les ruines sous
r;os yeux, que l'infortunée Marie Sluartëpousa successivement, et con-
tre son gré , son cousin Darnley , aussi beau qu'il était féroce et slupide,
et le comte Bothwel, aussi stupide et féroce qu'il était laid. C'est en-
core dans le château d'Holy-Rood que Rizzio fut poignardé, sous les
yeux et à côté même de cette princesse. Depuis ce tems, le château,
le monastère et la chapelle étaient tombés en ruine ; mais les débris en
furent relevés en 1816. U faut fèliciterles Anglais de ce que, non-icule-
ment ils élèvent et terminent de nouveaux édifices , lorsque l'utilité pu-
blique l'exige, mais encore de ce qu'ils mettent du piix à conserveries
monumens légués parleurs ancètres.C'est avant cette restauration que M.
Daguerre a visité les ruines d'IIoly-Rood, et c'est dans leur état de rui-
nes qu'il les a mUcs sous nos yeux. Éclairées par la lueur vague et incer-
taine de la lune, dont le disque est successivement recouvert de nuages
légers qui viennent en diminuer l'éclat , on éprouvb , au premier aspect,
une impression mélancolique dont il est impossible de se défendre; les
souvenirs que réveillent ces débris, sont bien de nature à entretenir l'â-
me dans une sorte de disposition rêveuse, qui n'est pas sans charmes.
Indépendamment du moyen employé pour varier l'état apparent du ciel
et l'intensité de la lumière de la lune, l'artiste a imaginé plusieurs episo-
des pour augmenter, s'il est possible, l'impression que produit l'aspect
eénéral de son tableau. Ainsi , d a représenté , au milieu de ces ruines ,
une femme vêtue d'une robe blanche attachée avec une ceinture noire,
priant près d'un tombeau sur lequel elle a déposé sa lumière. Quel est
le sentiment qui l'amène , pendant la nuit , au milieu de cette solitude .
Pendant que chaque spectateur s'interroge ainsi , et se dispose a repon-
dre selon sa disposition particulière, une flûte, qui semble partir éga-
lement des mêmes lieux , fait entendre un vieux chant écossais et com-
plète l'illusion. U y aurait bien quelques observations à faire sur l emploi
de tous ces moyens, qui ne sont pasavoués par l'art, et qui tiennent un
peu delà fantasmagorie; mais, quand on a éprouvé du plaisir, d serai
mal séant de critiquer l'artiste qui a fait tant d'efforts et développe tant
de talens pour vous le procurer. Toutefois , je ne puis m'cmpecher de
dire aux auteurs du Diorama que nous avons assez vu d'intérieurs et de
monumens gothiques, et qu'il faudrait, maintenant, mettre sous nos
EUROPE. C99
yeux des scènes de plein air et des monuracns d'un autre caractère : b
Grèce, l'Ilalic, l'Espagne sont des mines inépuisables qu'ils doivent
exploiter.
—LithocUromic. — Tous les journaux ont beaucoup vanté cette décou-
verte; pour moi, apresavoir vu ses premiers essais, j'ai cru devoirra'abs-
lenird'en parler : cet arl était encore dans son enfance; il fallait, avant
de le juger, altendic qu'il eut atteint l'âge viril. Deux an.iées se sont
écoulées depuis que RI. Malapeau, fondant sur sa découverte un espoir
qui ne me parait pas encore réalisé, a demandé et obtenu un brevet
d'invention. On peut donc maintenant asseoir son opinion sur une base
connue. Le procédé de l'inventeur consiste, dil-11, à feindre à l'huile
sur la inerrc, et à imprimer sur la toile également avec des "peintures
à t'huile. Voilà tout ce qui transpire du moyen qu'il emploie; le reste
est son secret, et il a raison de ne pas se laisser pénétrer. Mais, le di-
rai-je? je ne crois pas à la sincérité de cet aveu. La lithochromie est
évidemment une application de la lithographie; pour juger la première,
non pas d'une manière absolue , sans doute , mais tout au moins proba-
ble, voyons comment procède la seconde. L'arlisfe qui veut litbogra-
pLier un sujet, dessine, comme à l'ordinaire, avec un crayon ; seule-
ment, il dépose sa création sur une pierre et non sur un papier, et le
crayon dout il s'est servi a une propriété particulière, qu'il doit aux in-
grédiens dont il est composé. Lorsque le dessin a été transporté chez
l'imprimeur-lithogtaphc, celui-ci, après plusieurs opérations propres à
affermir le dessin sans en changer la nature ni l'essence, It; revêt d'une
encre qui s'attache aux parties dessinées , dans la proportion même que
l'artiste a employée dans son dessin. Ainsi, les parties vigoureuses s'em-
parent d'une grande quantité d'encre, et les parties légères n'en retien-
nent qu'une faible portion. Ainsi préparée, la planche passe à la presse,
et c'est par la pression que la feuille de papier humide superposée s'em-
pare de l'encre qui s'était attachée à la pierre. Cette opération repro-
duit le dessin avec une entière fidélité; et cependant, elle est toute méca-
nique : il ne faut que de l'adresse pour la faire réussir. C'est sympathi-
(jucment que l'encre d'impression s'attache au dessin sur la pierre; un
ouvrier ordinaire peut étendre cette encre; il n'y a point de travail d'art :
un simple rouleau passé sur la pierre sature toutes les parties du dessin
de la quantité d'encre qu'elles peuvent «yw/Jai/iiçu^îmenf retenir.— La
lilUochromie fait bien plus : on peint sur la pierre , dit-on, puis, on im-
prime avec de la couleur sur une toile ; mais, comment celte couleur ou
ces couleurs sont-elles étendues sur la pierre peinte, pour qu'elles puis-
sent ensuite s'attacher à la toile? Est-il possible d'imaginer un moyen.
:oo EUROPE.
qui fasse que chaque couleur aille, 'l'tUc-même, s'attacher sur la pierre
à la couleur semblable et que j'appellerai volontiers génératrice, dans la
même proportion, avec les mêmes formes et les mêmes nuances ? Ici, il
ne s'agit plus d'une seule teinte qui va, en se dégradant, du blanc pur
au noir entier et qui ne fait que changer d'intensité; c'est , au contraire,
un mélange de couleurs de diverses espèces; du blanc, du rouge, du vert,
etc., et de nuances variées à l'inCni et formées de ces diverses couleurs.
Cette supposition est inadmissible; et si l'ouvrier, avant d'imprimer sur
la toile, place, sur la pierre peinte, des teintes identiques avec celles
que l'artiste y a appliquées, il est artiste lui-même et il a fait un tableau
par -dessus un autre tableau. Mais je ne crois pas que l'on doive
non plus s'arrêter à cette idée. L'examen attentif des productions
lithochromiques exposées dans le salou de M. Malapeau m'ont con-
duit à faire uue autre conjecture qui me paraît plus fondée. Je crois
qu'une première impression au trait guide la personne chargée d'em-
ployer les couleurs, et que même cette personne n'applique que des
tons généraux , qu'une main plus savante fond et harmonise aussitôt
après l'impression, pendant que les couleurs sont encore fraîches, en
les liant par les teintes intermédiaires qui composent le modelé, c'est-à-
dire la forme même de l'objet représenté. Voilà ce qui me paraît plus
probable , et je suis d'autant plus fondé à exprimer cette opinion que
l'on avoue chez M. Malapeau qu'après l'impression on fait quelques
retouches. Il serait sans doute téméraire de prétendre que ce pro-
cédé n'est pas susceptible de perfection; je n'admets ici ni ne rejette
aucune supposition à cet égard; seulement , je dirai que les tableaux ex-
posés ne sont en général que de très-faibles copies, et que les maîtres
sont pour la plupart étrangement défigurés. A la vérité, ces tableaux ne
coûtent qu'un prix très-médiocre, et pour les amateurs peu éclairés
c'est un moyen de se composer une galerie à bon marché. Je ne serais
donc pas étonné que l'inventeur, qui n'a encore rien fait que l'art puisse
avouer, ait cependant travaillé d'une manière Irès-profilablc pour lui.
Au reste, il résulte de ces réflc xions , que chaque impression lithochio-
mique est terminée par un artiste. Il ne serait donc pas difficile, en fai-
sant un beau tableau sur une mauvaise impressicn , d'attribuer au pro-
cédé un mvrite qui lui serait bien étranger, et c'est probablement par
celle petite supercherie que M. Malapeau a obtenu dans quelques jour-
naux des éloges qui sont au moins prématurés.
Gravure. — La Suisse, l'Italie et l'Espagne , les contrées les plus pif-
toresqurs de l'Europe, n'ont plus de recoin qui n'ait été visité; tout est
maintenant ronnu, et cependant il nous faut du nouveau, n'en fût- U
EUROPE. 701
•plus au monde. L'Amérique paraît devoir fournir pendant lonj; fcms en-
core desalimens à notre cnriosilé. J'ai déjà j^ignalé, à l'orcasion de l'ex-
posiiion de 1822 {Voy. Rev. Eikcvc. , ï. XVI, pag. a3), plusieurs vues
du Brésil de M. Tauuay. Il paraît que M. de Clarac a exploré ce même
pays. Forêt vierge au Brésil, tel est le titre qu'il a donné à un dessin
trùs-inléressant que M. Foetiee vient de graver dans une grande propor-
tion. L'aspect de cette forêt a quelque chose de vraiment surprenant,
par la variété et le caractère des arbres et des plantes de toutes natures
qu'elle contient. Pour animer cette solitude, l'artiste y a représenté un
naturel du pays, armé d'un arc et d'une flèche, avec laquelle il va percer
un animal, qui, dans sa faite, éveille un serpent qui s'élève en sifilanf.
Plus loin, un autre Brésilien traverse un torrent, sur un pont formé d'un
tronc d'arbre renversé ; sa femme porte leur enfant dans ses bras, et le
suit en hésitant. Un rayon de soleil qui pénètre au milieu de cette redou-
table forêt, en éclaire les diverses parties, d'une manière qui ajoute à l'é-
trangcté du tableau. Cette estampe , qui a beaucoup excilé la curiosité,
laisse néanmoins quelque chose à désirer, sous le rapport de l'exécution :
les oppositions d'effets ne sont pas assez senties , il y a trop d'égalité de
ton. Le graveur a employé l'eau forte et le burin, et je crois qu'il aurait
fallu se borner au preaiier de ces deux moyens. C'est, au reste, une
fort belle planche , dont le prix est de 60 fr. avant la lettre , et de
3o fr. après la lettre. "• ""
Kkcrologib. — Le docteur TViirts.— Ce savant médecin était né à
Strasbourg, où il Gt ses premières études, qu'il termina dans les univer-
sités allemandes. Il a puhhé des écrits sur son art, sur la chimie et sur
des questions relatives à l'économie religieuse et philantropique. De ces
écrits, les uns sont en allemand , d'autres en latin, d'autres en français;
trois langues que l'auteur écrivait avec une égale correction. Le docteur
Wurtz n'était pas moins respectable par son caractère et par ses moeurs,
que par son savoir. Il était le frère de l'un des chefs de la puissante et
honorable maison de librairie française, connu sous le nom de Treuttcl
et IVûrts. Cet homme de bien est mort à Versailles, le 9 septembre
iS23; M. le pasteur Boissard a prononcé un discours à ses funérailles;
cette pièce se trouve imprimée, avec quelques notes iiographiques (Pa-
ris, Ilerhan, i8a3, in-S»,.S et 6 p^^^es] : Sur M. le docteur frurl:.
A. M.
— Jean-Baf liste HuBr de Coctiisan , naguère rédacteur en chef du
Journal dxi Commerce, vient de mourir à Nantes, à l'âge d'environ
52 ans. C'était un homme d'un vrai mérite, et qui fut constamment tlc-
voué à sa patrie et à la liberté; il défendit l'une et l'autre, à l'armée, a
:oî EUROPE.
la tribune et par ses i^crlls. Né à Nantes, d'une famille distîoguée dans
la magistrature, il semblait devoir suivre cette carrière, lorsque la ré-
volution changea ses destinées , et donna une autre direction à ses talens.
Fidèle aux principes d'une sage liberté, il fut persécuté et proscrit, à
des époques fort différentes. Officier au i" bataillon de JVantcs , il se
trouvait dans cette ville , en 1795 , pour les aflaires de son corps. Il fut
l'un des commissaires nommés pour se concerter, dans le Calvados, sur
les moyens de sauver la patrie des fureurs de cette époque. Après le 3i
mai, il fut proscrit comme fédéraliste, et l'on mit sa tête à prix. Il se
sauva à l'armée des Pyrénées, où il servit avec distinction , comme aide-
de-camp du général Dugomraier et ensuite du général Pérignon. Lors
de la paix avec l'Espagne , se. goûts et la confiance de ses cnm^>atriotes
le firent entrer dans Padministialion ; il se donna tout entier à l'étude de
l'économie politique, et publi;. successivement plusieurs ouvrages relatifs
à cette science. L'un d'eux, intitulé : Recherches économi(,ues II statisli-
qius sur le département de la Loire- Infirieure, le fil connaître avanta-
geusement. Il était alors secrétaire-général de la préfecture de ce dépar-
lement , d'où il passa à la sous-préfecture de Razas : c'était dans un teras
assez difficile, eu 1808, au commencement de la seconde guerre d'Es-
pagne, et son administration a laissé, dans le département de la Gi-
ronde, les plus honorables souvenirs. Cependant, il ne fut point heu-
reux, sous le gouvernement impérial, et ne le fut pas plus après sa
chute. Il avait étudié avec soin l'histoire et la législation de l'Angle-
terre, et voulut, en 1816, consacrer ses loisirs à visiter ce pays. On lui
accorda un passeport; mais il fut arrêté au premier relais, iffut incar-
céré, et resta dix mois en prison , dont trois au secret, dans un des ca-
chots de la Conciergerie; et pourtant il est mort sans avoir appris la
cause de cette détention aussi injuste qu'arbitraire. Le ministre lui-mê-
me n'en a peut-être jamais rien su. Doué des plus grands talens , ses
connaissances et l'élévation de ses idées le rendaient capable des em-
plois supérieurs; roaLs il était modeste, et demeura perdu dans la foule,
d'où il put voir, plus d'une fois, la médiocrité parvenir aus honneurs et
à la puissance. t rv
—QiUtant {Antoine-François).— S^è à P.,ris le 4 octobre 1753,- M.
Quélant avait droit au titre de doyen des gens de lettres. Les premières
années de sa carrière littéraire se rapportent à une époque où l'art dra-
matique rencontrait, comme tous les autres, des entraves que la révo-
lution a brisées. La première pièce de Quélant [les Ainours grenadiers)
date de 1766, et fut destinée au théâtre âi^s grands danseurs de corde
et sauteurs du Roi, depuis théâtre de Nicollct, et aujourd'hui théûlre
EUROPE.
noJ
de la Gaîté. Le Maréchal ferrant h j62) détermina la réunion des theâ-
ircs de l'Opéra-Comique et des Italiens. Cette pièce et (c Tonnchcr
(1765) eurent beaucoup de suecès, et peuvent être placées au rang de*
premiers ouvrages , dans un genre où la France s'est depuis assuré tant
de palmes dramatiques et musicales. L'.a.teur de ces légères produc-
tions connaissait plusieurs langues étrangères; on lu. do.t , entre au-
tres productions, ia Science du ionhovunc Richard, de Frankhn II
laisse plusieurs manuscrits qui attestent le goût des reehercbes prolon-
des. M. Quêtant ebt mort à Paris, le 19 août uS23. A-
Lcforli^r -M. Jean-François Lefûetieb, professeur de belles-let-
tres à l'École royale spéciale mili.aire de Saint-Cyr, est mort, le 21 octo-
bre dernier, Agé de cinquante-trois ans. C'était un professeur d.stmgue,
et un hcmmc de beaucoup d'esprit, qui joignait, à un goût fin et debcat ,
des connaissances variées en littérature. Après avoir brille dans les con-
cours généraux de l'ancienne université de Paris , il remplissait les lonc-
tions de l'enseignement public, depuis près de trente ans : il fut nomme
professeur de belles-lettres, à l'école centrale de Vannes, en 1798, pas-
sa, quelques années après, avec le même titre, à celle de Fontamebleau ,
et ensuite à l'École militaire, originairement fondée dans cette dern.ere
ville Partout , il a laissé un profond souvenir de ses talens , de la tour-
nure vive et piquante de son esprit, de la droiture de son cœur et de la
bonté de son caractère. 11 est regretté de ses supérieurs, de ses confrè-
res et de .es élèves, dans l'établissement auquel il était allacbe depu.s
si long-lems. Il a publié, chez Le formant, en iSoô , une traducl.on du
rraUé du P. de J- .vency, jésuite , sur l'art d'enseigner et d'apprendre.
De Arte docendi et discendi. Celle traduction est fort estimée ; et le D..-
cours préliminaire, dont elle est ornée , écrit avec beaucoup de pur-lc,
de clarté et d'élégance, présente une foule d'excellenles vues sur la par-
tie de l'éducation , qui regarde proprement l'enseignement htterarre.
Swc1,ac1i. - Les arts viennent de faire une perte nouvelle dans la per-
sonne de M. S^vebach , peintre de genre, qui est mort le 10 décembre.
Une.xrande facilité, le tour spirituel qu'il savait donnera ses compo.-
tions? toutes du meilleur goût, assurent à ses ouvrages un rang d.stm-
j^ué , il laisse un fils qui marche dignement sur ses traces, et qu. s est
déjà montré avec avantage au dernier salon.
TABLE DES ARTICLES
CONTEKUS
DANS LE SOIXANTIÈME CAHIER.
DÉCEMBRE 1823.
I. MÉMOIRES, NOTICES ET MÉLANGES.
1. Notice sur diver* travaux géodésiques. F rancœur, •p. ^fi,
8, ÎJotice sur M"' Clairon. -témonfev, de l'Institut. 48j
II. ANALYSES D'OUVRAGES.
5. Trailé complet de l'art de la dislillation , par xM. Dabrunfaut.
Ferry. 5oo
4. Traité de mécanique, pjr M. Christian. Le Normand. 5o\
5. Voyage dans la Grèce, par M. Pouqueville. Artaud. 5ii
6. Barreau Français. ^. TaiWmdier. 617
7. Mémoires de Biizot. p_ ^ j) 553
8. Œuvres complètes de Cicéron , publiées par M. J. V, Lecicrc.
Barhier. 507
9. Anthologie Arabe et Persane, par Goethe. A. S. 546
10. L'Ecole des Vieillards , comédie par M. Casimir Delavigne.
Tissât. 555
11. Voyage pittoresque et historique à Lyon, par M. E. M. Fortis.
F. 565
IIL BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Annonces de 116 ouvrages, français et étrangers. - Sjo
IV. NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTÉRAIRES.
Amksiqoe. —Chili — États-Unis. g-,
Asie. — Possessions anglaises. — Calcutta. — Sérnmpour. 67a
Afbiqcb. — Ile de Bourbon. — Suez. C^l
E.;hopk. — Iles Britanniques. — Danemarck. — Allemagne. — Suisse.
— Italie. — Pays-Bas. — France. — Paris. 6-6
915 4
DII^L/li^VM •w'n-'u^
AP Revue encyclopédique
20
R53
t. 20
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