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Full text of "Revue encyclopédique : liberté, égalité, association"

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in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/revueencyclopd20jull 


REVUE 

ENCYCLOPÉDIQUE; 


DE  L'IMPRIMERIE  DE  PLASSAN,  RUE  DE  VAUGIRARD,  N»  i5, 

DEBBlàBR    l'odÉOIS. 


REVUE 

ENCYCLOPÉDIQUE, 

OU 

ANALYSE  RAISONNÉE 

DES   PRODUCTIONS  LES   PLUS   REMARQUABLES 

DASS  LA  LITTÉRATCRE,   LES  SCIENCES  ET  IJES  ARTS, 

PAR  UNE  RÉUNION 

DE  MEMBRES  DE  L'INSTITUT, 
ET  D'AUTRES  HOMMES  DE  LETTRES. 


(  5    (JLii/iiée^.  j 


TOME  XX. 


PARTS, 


AU  BUREAU  CENTRAL  DE   LA   REVUE  ENCYCLOPEDIQUE, 
RUE  d'enfer-saint-micuel,  is°  i8; 

ET  CHEZ  ARTHUS  BERTRAND,  RUE  HAUTEFEUILLE,   N"  23. 
LONDRES.  TREUTTEL  ET  WCBTZ,  BOSSANGE,  ET  DULAII  ET  C". 

WWWl/WW\f 

OCTOBRE    182.). 


(I  Tontes  les  scieaces  sont  les  rameaux  d'ace  même  tige.  » 

Bacov. 

(i  L'art  n'est  autre  chose  qne  le  contrôle  et  le  registre  des  meillenres  produc- 
tions  A  contrôler  les  productions  (et  les  actions)  d'un  chacun  ,  il  s'en- 
gendre envie  des  bonnes  et  mépris  des  mauvaises.  » 

MoNTAIGNI!. 


(i  Les  belles-lettres   et  les   sciences,  bien  étudiée»  et  bien  comprises,  sont  def 
instrumens  iiuiversels  de  raison,  de  yertn  ,  de  bonhenr.  n 

M.  A.  J. 


AVIS  ESSENTIEL  AUX  SOUSCRIPTEURS. 

La  Revue  ENCYCLOPiniQUE  ayant  donne  jusqu'ici  j 
chaque  mois ,  un  nombre  de  feuilles  d'impression  qui 
excédait  toujours  d'un  sixième,  ou  d'un  quart,  et  quel- 
quefois d'un  tiers,  celui  de  12  feuilles  qui  élait  promis 
et  dû  h  ses  souscripteurs,  a  éprouvé,  par  cette  circons- 
tance, une  augmentation  considérable  de  dépenses,  tant 
pour  les  frais  de  papier  et  d'impression,  que  pour  ceux 
d'envoi  par  la  poste,  sans  compter  les  dépenses  de  la 
rédaction. 

Une  expérience  de  cinq  années  nous  ayant  fait  recon- 
naître la  nécessité  d'agrandir  notre  cadre  pour  amélio- 
rer et  compléter  notre  plan ,  nos  souscripteurs  trouve- 
ront sûrement  juste  et  fondée  la  très -légère  augmenta- 
tion de  4  francs  par  abonnement  d'un  an,  à  Paris,  5  /"/'. 
par  iaposlc,  dans  les  dèpartemens ,  et  G  fr.  dans  l'étran- 
ger, qui  aura  lieu  à  compter  de  l'année  1824,  et  au 
moyen  de  laquelle  la  Revue  s'engage  à  donner  régulière- 
ment i4  feuilles  d'impression  par  mois,  au  lieu  de  12. 

On  peut  remarquer  que  le  volume  de  la  Revue  s'ac- 
croît ainsi  d'un  sixième  au  moins,  tandis  que  le  prix  de 
la  souscription  n'est  pas  même  augmenté  d'un  dixième. 
Ce  Recueil  n'en  sera  pas  moins  le  plus  économique 
des  ouvrages  périodiques  du  même  genre ,  relativement 
à  son  étendue  et  à  l'abondance  des  matières  qu'il  ren- 
ferme. Ainsi,  à  commencer  du  i"  janvier  1824,  le  prix 
de  la  souscription  reste  définitivement  fixé  de  la  manière 
suivante  : 

A  Paris ^G  it.  pour  un  an  ;   26  fr.  pour  six  mois. 

Dans  les  dèpartemens. .    53.        id,      id.       3o. 
Dans  les  pays  étrangers.  60.        id.      id,       ô\. 

I\.  B.  Les  abonnemens  ne  peuvent  être  faits  que  pour 
une  année  entière,  ou  pour  six  mois,  à  partir  du  1"  jan- 
vier ou  du  i'"'  juillet  de  chaque  année.  Les  abonnemens 
bornés  h  six  mois  sont  d'un  prix  plus  élevé,  parce  qu'ils 
décomplètent  les  collections. 


REVUE 

ENCYCLOPÉDIQUE, 

ou 
ANALYSES  ET  ANNONCES   RAISONNÉES 

DES  PRODUCTIONS  LES  PLUS  REMARQUABLES 
DANS  LA  LITTÉRATURE,    LES  SCIENCES  ET  LES  ARTS. 

I.  MÉMOIRES,  NOTICES, 

LETTRES  ET  MÉLAISGES. 


QUELQUES  VUES  sur  le  développement  naturel  et 

PROGRESSIF  de   l'eSPRIT   HUMAIN  ET  DE   LA  CIVILISATION. 

Le  célèbre  philosophe  allemand  Fichte,  que  l'on  peut 
considérer  comme  le  successeur,  et  à  quelques  égards 
comme  le  continuateur  de  Rant,  a  consigné  ses  idées 
fondamentales  sur  l'homme,  sa  nature,  sa  destination  et 
ses  devoirs  ,  sur  l'éducation  ,  la  morale  et  la  politique  , 
dans  quelques  ouvrages  très-estimés  en  Allemagne,  et  il 
compte  de  nombreux  disciples  dans  sa  patrie.  L'idée 
fondamentale  de  V Education,  prise  dans  son  sens  le  plus 
étendu  et  le  plus  complet,  est  liée,  selon  lui,  avec  celle 
du  développement  progressif  des  facultés  humaines,  qui 
doivent  être  cultivées  d'une  manière  harmonique ,  se- 
lon leur  nature,    et   sous   tous   les   rapports.    Il  exa,- 


G  SUR  LE  DÉVELOPPEMENT  PROGRESSIF 
mine  d'abord  la  force  morale  de  l'homme.  Il  distingue 
la  moralité  instinctive,  bonne  dans  son  principe  ,  mais 
faible  et  insuffisante,  de  la  moralité  ratsonnée ,  positive 
et  pratique,  que  l'homme  s'approprie  lui-même,  par  la 
formation  du  caractère,  par  la  réflexion,  par  l'habitude, 
et  surtout  par  l'empire  sur  ses  passions ,  et  par  la  force 
de  sa  volonté  (i). 

Comme  les  ouvrages  de  Fichte  sont  généralement  peu 
connus  en  France,  on  lira  peut-être  avec  intérêt  le  frag- 
ment qui  va  suivre.  Je  crains  bien  de  n'avoir  pu  lui  ôter 
entièrement  le  caractère  d'obscurité,  reproché  à  la  phi- 
losophie allemande.  Du  reste,  je  me  borne  ici  au  simple 
rôle  d'interprète,  sans  adopter  ni  rejeter  les  vues  géné- 
rales exposées  dans  ce  fragment.  Il  est  extrait  d'un  Jour- 
nal de  voyage  en  Suisse  et  en  AUemat^ne ,  où  j'ai  re- 
cueilli les  résultats  de  mes  conversations  avec  un  pro- 
fesseur nourri  des  leçons  et  des  principes  de  Kant  et  de 
Fichte,  dont  il  aimait  à  reproduire  et  à  développer  les 
doctrines. 

Fichte  avait  signalé  cinq  grandes  époques  dans  la 
marche  des  sociétés  humaines ,  ou  cinq  degrés  de  l'a- 
vancement social. 

Dans  les  trois  premiers  degrés ,  il  distingue  trois  élé- 
mens  :  V instinct  raisonnable ,  la  force,   la  liberté. 

D'abord,  la  loi  de  la  raison,  sans  force  et  sans  liber- 


(i)  On  trouve  plusieurs  passages  relalifs  à  réducation ,  traitée  sous 
un  point  de  vue  général  et  philosophique,  dans  l'ouvrage  de  Fichtb  , 
inlilulé  :  Discours  à  ta  nation  alicmande.  (Berlin  ,  1808.  Un  vol.  in-S".) 
Cet  ouvrage,  qui  fit  dans  le  Icms  une  grande  sensation,  fut  cité,  dans 
notre  Moniteur^  comme  propre  à  faire  apprécier  l'espril  public  qui  se 
manifcslait  alors  en  Allemagne,  et  surtout  en  l'iufse. 


DE  LA  CIVILISATION.  7 

lé,  n'agit  que  d'une  manière  instinctive  :  c'est  la  pre- 
mière époque,  où  domine  Vinstinct  raisonnable.  L'hom- 
me suit  une  imptilsion  ,  qui  n'a  point  encore  les  carac- 
tères de  la  moralité.  Sa  vie  est  une  sorte  de  végétation  : 
c  est  l'enfance  des  peuples  ,  chasseurs ,  pasteurs,  noma- 
des et  agricoles;  c'est  le  tems  antique  et  primitif,  anté- 
rieur à  l'histoire ,  célébré  sous  le  nom  d'âge  d'or. 

Le  second  élément,  la  force,  succède  à  la  loi  de  la 
raison ,  sans  que  la  liberté  existe  encore.  Ce  règne  d'une 
force  aveugle,  qui  impose  une  obéissance  servile,  appar- 
tient à  une  seconde  époque,  celle  des  nations  militaires, 
conquérantes,  et  asservies  elles-mêmes  par  des  chefs 
puissans  et  ambitieux.  L'homme  a  besoin  d'être  guidé  : 
il  subit  les  volontés  d'un  ou  de  plusieurs  maîtres.  Sa  si- 
tuation est  un  combat  continuel  entre  l'instinct  raison- 
nable qui  existe  en  lui ,  et  la  liberté  naturelle;  celle-ci 
finit  par  triompher ,  et  une  troisième  époque  com- 
mence. 

Le  troisième  élément,  la  liberté,  affranchie  du  double 
joug  de  la  raison  et  de  la  force ,  qui  sont  l'une  et  l'au- 
tre impuissantes  pour  la  diriger,  agit  d'une  manière  in- 
dépendante, sans  règle  et  sans  frein.  —  Ici ,  le  pouvoir 
delà  raison  a  presque  disparu;  elle  est  éclipsée,  elle 
paraît  anéantie.  —  C'est  notre  troisième  époque,  qui  est 
celle  de  la  licence  et  de  l'anarchie  ,  ou  d'une  liberté 
sans  loi  raisonyiable  et  sans  force  répressive. 

Indiquons  ici  deux  exemples  pris  chez  deux  peuples 
contemporains.  La  Turquie  est  soumise  à  la  force  op- 
pressive d'un  pouvoir  arbitraire  et  absolu  ,  qui  exclut 
toute  liberté.  —  La  France ,  dans  l'époque  de  sa  crise 
révolutionnaire,  avait  une  fausse  apparence  de  liberté. 


8  SUR  LE  DÉVELOPPEMENT  PROGRESSIF 
sans  loi  raisonnable  pour  la  diriger.  Car,  le  despotisme 
d'un  seul,  et  la  liberté  anarchique,  qui  n'est  elle-même 
qu'un  despotisme  multiple,  circulant  de  mains  en  mains, 
ont  une  grande  analogie.  —  Ces  deux  pays,  livrés,  l'un 
(la  Turquie)  à  l'obéissance  aveugle,  qui  est  l'esclavage; 
l'autre  (la  France  ,  en  i  795  et  1 794)  à  la  liberté  aveu- 
gle et  sans  lois,  qui  n'est  que  désordre,  licence,  anar- 
chie, nous  offrent,  en  réalité,  l'état  de  maladie  morale 
qui  caractérise  l'époque  dont  il  s'agit. 

A  la  quatrième  époque :,  la  loi  ou  la  raison,  et  la  li- 
berté  commencent  à  se  rapprocher.  Celle-ci,  éclairée 
par  ses  propres  fautes  ,  devenue  la  compagne  de  la  rai- 
.son,  rend  l'homme  capable  de  comprendre  la  loi.  Cette 
conscience  des  lois  de  (a  raison,  fortifiée  par  les  leçons 
de  Vexpérience,  devient  une  science  positive  et  une  rè- 
gle fixe.  La  liberté  se  soumet  à  la  loi  :  le  véritable  droit, 
ou  la  raison,  commence  à  présider  à  l'ordre  social  ;  les 
hommes  apprennent  à  jouir  d'une  vie  pure  et  active , 
libre  et  raisonnable.  Cette  époque  est  celle  de  la  science 
de  la  raison,  ou  d'un  nouveau  degré  à' amélioration  du 
genre  humain  :  c'est  celle  des  nations  commerçantes  et 
industrielles. 

Enfin,  à  la  cinquième  et  àeTnihre époque ,  qu'on  pour- 
rait appeler  l'apogée  du  perfection?iement  du  genre  hu- 
main, la  liberté  et  la  loi,  combinées  entre  elles  par  une 
sorte  de  fusion ,  pénétrées  l'une  par  l'autre,  n'exerçant 
plus  d'action  séparée,  deviennent  les  élémens  d'un  tout 
identique.  II  n'existe  plus  de  liberté  sans  loi  ,  ni  de 
loi  sans  liberté.  —  Dans  ce  cinquième  degré ,  qu'on 
ne  trouve  malheureusement  encore  chez  aucun  peu- 
ple ,  la  raison  devient  à  la  fois  une  science  et  un  art 


DE  LA  CIVILISATION.  9 

pratique  :  elle  produit  peu  à  peu  l'étal  de  perfection  le 
plus  avancé  qui  soit  accessible  à  la  nature  humaine;  c'est 
l'époque  du  libre  et  entier  développement  de  nos  facul- 
tés. C'est  l'objet  des  plus  justes  désirs  ,  des  plus  nobles 
espérances,  le  but,  encore  inconnu  et  indéterminé  ,  vers 
lequel  les  philosophes  invitent  les  individus  et  les  nations 
à  se  diriger,  par  une  tendance  commune,  et  dont  la  sa- 
gesse des  gouvernemens  pourrait  les  rapprocher  par  une 
progression  plus  ou  moins  accélérée. 

Nous  avons  vu,  dans  ce  système,  V instinct  raisonna- 
ble, élément  du  premier  degré,  faire  place  5  une  dispo- 
sition intérieure  qui  porte  l'homme  à  le  combattre,  pré- 
cisément parce  qu'il  ne  sait  point  le  comprendre.  L'hom- 
me éprouve  un  besoin  de  liberté  qui  lui  fait  repousser  la 
loi  instinctive,  comme  un  joug  odieux.  Il  veut  s  affran- 
chir de  l'obéissance  aveugle,  et  non  pas  réfléchie,  qu'elle 
impose.  Ceux  qui  sont  ou  qui  se  disent  encore  inspirés  et 
conduits  par  cet  instinct ,  emploient  la  force  pour  y  sou- 
mettre les  autres.  Dans  ce  combat ,  l'instinct  moral  se 
perd.  L'homme  qui ,  parvenu  à  un  degré  de  développe- 
ment plus  avancé  ,  a  cru  devoir  s'en  délivrer,  devient  le 
jouet  d'une  prétendue  liberté  aveugle,  qui  n'est  plus  gui- 
dée par  V instinct  et  qui  ne  l'est  pas  encore  par  la  rai- 
son. Un  raisonnement  vague  et  confus  ,  qui  flotte  entre 
les  inspirations  obscurcies  de  l'instinct  et  les  lumières 
trop  faibles  et  trop  incertaines  encore  de  la  raison,  égare 
l'homme  au  lieu  de  le  diriger-  —  Dans  cet  état  intermé- 
diaire ,  il  règne  une  grande  liberté  de  penser,  mais  une 
plus  grande  confusion  d'idées.  La  liberté  qui  n'a  au- 
cune règle,  ni  aucun  frein,  dégénère  en  licence.  C'est 
une  époque  de  corruption,  de  troubles  et  de  malheurs. 


10  SUR  LE  DÉVELOPPEMENT  PROGRESSIF 

11  farit  que  la  raison  vienne  au  secours  de  l'homme; 
qu'elle  regarde  en  elle-même,  pour  voir  si  elle  n'y  trouve 
pas  des  moyens  de  rétablir  cet  ordre  altéré  par  la  perte 
de  l'instinct  moral. 

Dans  ce  nouveau  degré ,  la  moralité  se  rétablit ,  non 
comme  instinct,  mais  comme  raison,  comme  cons- 
cience, comme  résultat  d'une  conviction  intime  et  pro- 
fonde, de  l'action  libre  de  l'intelligence  qui  comprend 
sa  nature  et  le  but  de  l'existence  et  de  la  société. 

Ainsi,  le  genre  humain  doit  s'élever  lui-même,  par 
la  réilexion ,  par  la  connaissance  des  principes,  par  une 
science  positive  substituée  à  l'expérience  et  à  l'empiris- 
me ,  au  même  degré  où  il  n'existait  auparavant  que  par 
l'impulsion  primitive  de  sa  nature. 

11  doit  naître  un  véritable  âge  d'or,  une  nouvelle  époque 
àeinoraliU ,  non  ^Xus  instinctive,  vna\%  raisonnée ,  dans 
laquelle  le  genre  humain  pourra  se  maintenir,  parce  qu'il 
s'y  sera  élevé  lui-même  par  ses  propres  forces. 

Telle  est  l'ébauche,  très-imparfaite,  d'une  conception 
de  Fichte,  métaphysicien  supérieur  et  profondément  zélé 
pour  les  idées  religieuses  et  presque  mystiques. Un  philo- 
sophe moderne  ,  moissonné  en  France  par  la  faulx  des 
factions,  Gondorcet,  grand  mathématicien,  et  constam- 
ment animé  de  seulimens  philantropiques,  avait  dévelop- 
pé, dans  son  Esquisse  (Van  tableau  historique  des  progrès 
fie  l'esprit  humain ,  où  l'on  remarque  tour-à-tour  tant  de 
hauteur  et  d'inégalité  ,  plusieurs  vues  analogues  à  celles 
de  Fichte;  il  est  convaincu  que  les  seules  forces  de  la  rai- 
son, disséminant  par  degrés  sa  lumière,  doivent  suffire 
pour  résoudre  le  problême  de  la  civilisation. 

Un  autre  philosophe,  professeur  dans  une  université 


DE  LA  CIVILISAI  ION.  1 1 

d'Allemagne,  ami  et  disciple  de  Ficiite  ,  en  considérant, 
dans  les  annales  des  peuples,  la  marche  naturelle  et  pro- 
gressive de  l'esprit  humain  ,  distingue  trois  grandes  pé- 
riodes historiques ,  qui  ont  une  parfaite  analogie  avec  les 
trois  âges  de  la  vie  humaine  ,  Vciifi(nce,  \ii  jeunesse,  la  vi- 
rilité,  et  qui  se  trouvent  dans  un  rapport  plus  intime  que 
les  cinq  divisions  de  Fichte  avec  la  science  pédagogique  , 
ou  avec  l'éducation  et  la  culture  de  l'homme.  En  effet , 
les  trois  degrés  que  nous  allons  indiquer,  se  reproduis<înl 
dans  chaque  individu  en  particulier,  comme  dans  la  vie 
du  genre  humain. 

Le  premier  âs^e  est  celui  de  la  simple  perception  des 
objets  par  les  sens  matériels ,  de  l'intuition  extérieure  , 
avec  un  faible  concours  de  l'intelligence.  C'est  l'image 
du  monde  antique  primitif,  antérieur  aux  tems  qui  nous 
sont  connus  par  l'histoire.  L'homme  vit  d'une  sorte  de 
vie  végétative;  il  agit  sans  réflexion,  conduit  par  le  seul 
instinct.  C'est  aussi  l'état  naturel  de  l'enfant,  qui  laisse 
aller  sa  vie  sans  y  réfléchir,  dans  ses  premières  années. 
C'est  l'âge  de  l'innocence  ,  ou  plutôt  de  l'ignorance  ab  - 
solue  et  de  la  vie  instinctive.  Quelques  peuplades  sau- 
vages ,  observées  de  nos  jours  par  des  voyageurs  dans  les 
contrées  voisines  des  pôles,  peuvent  donner  une  idée  de 
cette  première  époque. 

Nous  supprimons  les  degrés  intermédiaires,  et  souvent 
imperceptibles,  par  lesquels  l'espèce  humaine  a  dû  s'éle- 
ver à  une  période  plus  avancée.  Les  sociétés  sont  for- 
mées,  les  arts  sont  créés. 

Dans  notre  seconde  époque ,  qui  est  celle  du  tems  his- 
torique proprement  dit ,  Thomme  commence  seulement 
à  puiser  ses  règles  de  conduite  dans  son  propre  fonds  , 


12  SUR  LE  DEVELOPPEMENT  PROGRESSIF 
dans  sa  raison  ,  dans  sa  conscience.  Il  applique  ses  obser- 
vations aux  tems  anciens  et  aux  choses  qui  l'environnenl. 
Cet  âge  est  celui  des  imitations  réfléchies,  des  ébauches 
imparfaites  ,  plutôt  que  des  créations  perfectionnées. 
C'est  l'état  de  l'adolescent ,  qui ,  sorti  de  la  vie  végéta- 
tive et  instinctive  de  l'enfance,  observe  de  quelle  ma- 
nière se  conduisent  les  hommes  plus  âgés  que  lui ,  pour 
les  imiter  et  les  prendre  pour  modèles ,  et  fait  lui-même 
l'essai  de  ses  forces  créatrices  pour  arriver  à  une  vie  ori- 
ginale et  qui  lui  soit  propre.  C'est  l'époque  où  se  trouve 
aujourd'hui  le  vulgaire.  La  plupart  de  nos  contemporains 
étudient  l'histoire  des  tems  passés ,  et  oublient  leur  siè- 
cle. Ils  observent  encore  les  Grecs  et  les  Romains;  ils  re- 
produisent des  imitations  souvent  grossières,  pernicieu- 
ses, de  leurs  institutions  et  de  leurs  lois.  Mais,  il  ne  s'agit 
pas  de  répéter  servilement  les  actes  de  la  vie  de  ces  na- 
tions; il  s'agit  de  vivre  d'une  vie  mieux  réglée,  mieux  ap- 
propriée à  nos  besoins,  à  notre  destination,  qui  convienne 
à  une  civilisation  plus  avancée.  Les  peuples  de  l'Europe,, 
dans  nos  tems  modernes,  copient  souvent  les  anciens,  ou 
se  copient  maladroitement  les  uns  les  autres;  ils  font  des 
essais  imprudens,  périlleux,  et  succombent  dans  des  luttes 
pour  lesquelles  ils  n'étaient  pas  suffisamment  préparés. 
La  troisième  époque ,  qu'on  peut  appeler  scientifique  et 
rationnelle,  esttelle  d'une  force  intellectuelle  qui  produit 
par  elle-même,  et  par  des  méthodes  éprouvées.  L'hom- 
me instruit  par  les  phénomènes  et  les  événemens  anté- 
rieurs, en  découvre  les  principes,  dont  il  fait  les  règles 
de  sa  conduite.  La  raison  succède  à  la  réflexion,  comme 
celle-ci  a  remplacé  Vinstinct.  — L'homme,  parvenu  à 
l'âge  mûr,  ne  se  borne  plus  à  une  iuiilation  servile,  à 


DE  LA  CIVILISATION.  i5 

une  répétition  monotone  des  actes  qu'il  a  observés.  Il 
fait  usage  de  sa  raison ,  de  sa  volonté  :  il  se  conduit  d'a- 
près des  principes  qu'il  a  reconnus  vrais  par  l'action  li- 
bre de  son  entendement ,  et  qui  sont  d'accord  avec  sa 
conscience.  Il  vit  de  sa  propre  substance  morale  et  intel- 
lectuelle. Il  a  la  conscience  de  la  vie ,  que  ne  pouvait 
f^'oir  ni  l'enfant  aveugle  .  guidé  par  une  impulsion  natu- 
relle qu'il  n'aperçoit  pas  lui-même ,  ni  l'adolescent  imita- 
teur qui  n'a  pas  encore  atteint  sa  maturité.  Car,  l'enfant 
et  l'adolescent  vivent  hors  d'eux-mêmes  :  l'homme  fait 
rentre  en  lui-même,  et  travaille  sur  ses  propres  facultés. 
Désormais,  éclairé  par  sa  raison,  il  se  rend  compte  de  ses 
actions  et  de  leur  but  :  il  sait  ce  qu'il  veut ,  ce  qu'il  doit , 
ce  qu'il  fait.  Le  savoir,  la  pensée,  la  volonté,  l'action  sont 
habituellement  en  harmonie  :  la  vie  intérieure  (  ou  la 
conscience),  et  la  vie  extérieure  (ou  la  conduite),  offrent 
alors  les  caractères  de  l'unité. 

La  pédagogie ,  ou  la  science  de  l'éducation ,  et  la  po- 
litique, ou  l'art  de  gouverner  les  hommes  d'après  des 
lois  justes  et  raisonnables ,  doivent  tendre  de  concert  h 
préparer  par  degrés ,  pour  le  genre  humain ,  ce  troi- 
sième âge  de  la  raison  perfectionnée,  devenue  la  direc- 
trice de  notre  vie. 

Au  premier  degré,  les  hommes  ne  comprennent  pas 
assez  le  but  de  l'existence  :  c'est  l'enfance  des  nations  et 
de  chaque  individu. — Dans  le  second  degré,  ils  commen- 
cent à  l'entrevoir;  mais  ils  n'en  ont  pas  encore  une  cons- 
cience claire  et  distincte.  —  Au  troisième  degré,  qui  est 
celui  dont  nous  devons  nous  rapprocher,  autant  que  no- 
tre nature  le  permet,  les  hommes  ont  la  véritable  intui- 
tion, la  conscience  positive  de  la  vie  et  de  son  but.  LU 


i4     SUll  LES  PROGRÈS  DE  LA  CIVIIJSATION. 

sentent  leur  destination;  iis  vivent  d'accord  avec  eux- 
mêmes  ,  par  la  conformité  de  leurs  sentimens ,  de  leurs 
principes  et  de  leurs  actions. 

On  pourrait  reprocher  h  plusieurs  philosophes  alle- 
mands ,  quelle  que  soit  en  eux  la  disposition  qu'ils  appel- 
lent religiosité,  d'oublier,  dans  les  moyens  de  perfection- 
nement humain ,  la  nécessité  de  la  moralité  imposée  à 
l'homme  par  sa  nature,  qui  tend  sans  cesse  à  le  ramener 
à  des  préceptes  et  à  des  lois  ,  dont  la  morale  évangélique, 
bien  comprise  et  bien  appliquée ,  sera  toujours  le  type  le 
plus  parfait. 

Du  reste,  on  doit  reconnaître  que  de  pures  spécula- 
tions métaphysiques ,  isolées  de  l'étude  de  l'histoire  et 
des  faits  positifs  qu'elle  fournit  au  philosophe  observa- 
teur qui  voyage  dans  les  différens  siècles  et  chez  les  dif- 
férens  peuples ,  ne  suffisent  point  pour  éclairer  la  route 
de  la  civilisation.  C'est  en  consultant  avec  attention,  avec 
patience  et  avec  sagacité  les  annales  du  genre  humain , 
en  observant  et  en  comparant  les  nations  dans  les  pério- 
des successives  qu'elles  ont  traversées,  eu  creusant  au 
fond  des  abîmes  qui  séparent  quelquefois  ces  périodes  : 
(tel  fut  le  mojen  âge,  immense  lacune ,  sorte  d'île  sa- 
blonneuse jetée  entre  deux  contrées  fertiles  et  cultivées;) 
c'est  enfin  en  s'appuyant  sur  l'histoire  et  sur  les  faits 
bien  constatés  qu'elle  présente,  et  surtout  en  cherchant 
h  mieux  connaître  la  nature  de  l'homme ,  à  saisir  les  rap- 
ports mystérieux  qui  existent  entre  son  organisation  et 
son  intelligence,  qu'un  homme  supérieur  pourra  tracer 
d'un  pinceau  hardi  et  fidèle  un  véritable  tableau  de  la 
civilisation ,  et  indiquer  les  progrès  futurs  et  possibles  du 
genre  hiinjain.  M.  A.  Jullie>,  de  Paris. 


NOTICE  «S 

Sur  l'exposition  publique  des  produits  de  l'industrit. 
FRANÇAISE,  au  palais  du  Louvre,  en  1825. 

L'exposition  publique  des  produits  de  nos  arts  et  de  nos 
nanufactures  ,  est  une  institution  d'origine  républicaine.  Bo- 
laparte  jugea  qu'elle  pouvait  contribuer  à  l'éclat  de  son  gou- 
i'ernement;  11  la  conserva.  Elle  a  survécu  à  l'empire,  comme 
beaucoup  d'autres  traditions  de  la  même  époque  :  mais ,  à 
:haque  période  de  sou  existence ,  elle  a  été  modifiée  par  la 
;"orme  du  pouvoir  suprême,  par  l'état  de  l'opinion  publique  cl 
le  plus  ou  le  moins  de  liberté  qu'on  laissait  à  son  expression. 
!V.i!isi,  l'institution  naissante  n'a  pas  pu  se  consolider  encore  , 
ni  prendre  assez  de  vigueur  pour  exercer  une  influence  re- 
marquable par  des  effets  qui  lui  soient  propres ,  et  que  l'on  ne 
puisse  attribuer  à  d  autres  causes. 

Les  premières  expositions  furent  réduites  à  un  petit  nombre 
[l'objets.  L'étendue  qu'elles  ont  acquise  est-elle  une  preuve  de 
leur  utilité?  Cette  question  devient  plus  embarrassante,  à  me- 
sure qu'on  1  examine  avec  plus  d'attention.  Les  faits  qui  pour- 
raient réclaircir  ne  sont  point  assez  nombreux ,  ni  assez  ana- 
logues à  celui  dont  il  s'agit.  Ainsi ,  par  exemple ,  les  succès 
obtenus  par  les  sociétés  d'encouragement  sont  d'une  autre  na- 
ture que  ceux  qu'on  peut  espérer  des  expositions  publiques. 
Les  sociétés  provoquent  des  travaux  qui  n'eussent  été  faits  que 
plus  tard  j  elles  remarquent  des  lacuues,  et  s'efforcent  de  les 
remplir  ;  elles  montrent  les  sources  où  l'on  peut  puiser,  diri- 
gent et  secondent  les  recherches.  Elles  ont  le  tems  de  bien  voir 
et  de  bien  connaître ,  avantage  qui  manque  aux  commissions 
chargées  de  prononcer  sur  les  expositions  publiques ,  etc.  Le 
bien  opéré  par  ces  réunions  civiques ,  est  trop  évident  pour 
qu'on  puisse  le  méconnaître  :  l'induence  des  expositions  pu- 
bliques se  confond  avec  plusieurs  autres  non  moins  efficaces, 


i6  EXPOSITION 

telles  que  les  progrès  tle  rinstruction,  les  imporlalions  de  ma- 
chines et  de  procédés ,  le  goût  des  voyages  et  l'habitude  de 
Tobservatiou,  les  boas  écrits  sur  les  arts.  Il  n'est  pas  facile  d'as- 
signer à  chacune  de  ces  causes  diverses ,  la  part  qui  lui  appar- 
tient dans  l'effet  total. 

Il  semble  que  les  expositions  publiques  favorisent  l'in- 
dustrie de  la  capitale  aux  dépens  de  celle  des  provinces  ,  et 
celle  que  Ton  voit  en  ce  moment  ne  contredit  point  cette  opi- 
nion. Plus  du  tiers  des  objets  exposés  sort  des  manufactures 
et  des  ateliers  de  Paris,  tandis  que  plusieurs  départemens  n'ont 
pris  aucune  part  à  cette  solennité ,  et  que  d'autres  n'y  ont  pres- 
que pas  contribué.  Si  l'on  compare  le  nombre  des  exposans 
de  Paris  à  celui  des  fabricans  des  départemens  qui  ont  envoyé 
des  échantillons  de  leurs  produits ,  on  en  trouvera  presque 
autant  des  uns  que  des  autres.  Mais,  cet'e  concentration  de 
l'industrie  dans  un  espace  aussi  resserré ,  est  sans  doute  plus 
apparente  que  réelle  :  tout  invite  les  fabricans  de  la  capitale  à 
profiter  des  expositions  publiques ,  au  lieu  que  plusieurs  cau- 
ses en  éloignent  ceux  qui  ne  perdent  pas  de  vue  le  prix  du 
tems  et  les  frais  de  déplacement.  Ainsi ,  les  premiers  se  pré- 
sentent presque  tous ,  et  ils  montrent  tout  ce  qui  peut  faire 
honneur  à  leurs  manufactures ,  au  lieu  que  les  seconds  n'ap- 
portent qu'une  partie  de  ce  qu'ils  auraient  pu  mettre  sous  les 
yeux  du  public. 

Cette  observation  ne  doit  pas  être  négligée ,  si  l'on  veut  ap- 
précier avec  exactitude  l'utilité  des  expositions  publiques. 
Comme  cette  utilité  se  manifesterait  par  une  augmentation 
de  la  quantité  ou  de  la  valeur  des  produits  industriels ,  ou  par 
la  diminution  de  leur  prix ,  on  peut  la  comparer  aux  dépen- 
ses que  les  expositions  occasionent  aux  gouvernemens  et  aux 
exposans.  Cette  année ,  plus  de  mille  manufactures  des  dépar- 
temens ont  envoyé  leurs  produits ,  sous  la  surveillance  de 
quelques-uns  de  leurs  emplovés  ;  dépense  stérile ,  si  elle  n'a- 


DES  PRODUITS  DE  L'INDUSTRIE,  17 

mène  point  une  augmentation  de  débit.  En  dernière  analyse  , 
c'est  le  consommateur  qui  paie  tous  les  travaux  de  l'industrie: 
et  si  la  consommation  ne  peut  croître,  on  ne  peut  que  nuire 
aux  fabriques  ,  en  s'intcrposant ,  de  quelque  manière  que  ce 
soit,  entre  le  fabricant  el  racbetour.  Si  de  fausses  vues  d'ad- 
ministration rendaient  plus  lente  ou  plus  dispendieuse  la  cir- 
culation des  objets  fabriqués  ,  ce  serait  au  préjudice  des  con- 
sommateurs, ou  de  la  consommation.  Les  expositions  publi- 
ques coulent  beaucoup  ,.  et  c'est  le  public  qui  en  supporte  la 
dépense  :  il  faut  au  moins  qu'il  eu  retire  quelque  fiult. 

L'exposition  de  cette  année  ne  sera  pas  perdue  pour  les 
progrès  des  sciences  politiques  :  elle  a  mis  à  découvert  le  jeu 
de  quelques  passions  qui  se  montrent  larement  aussi  fran- 
cbesj  elle  révèle  à  l'industrie  comment  ses  intérêts  soûl  com- 
pris, et  lui  interdit  un  espoir  Irop  ambitieux.  Quelques  faits 
d'une  autre  nature  attireront  aussi  l'altention  des  observateurs  : 
on  a  vu  des  intérêts  privés  mettre  à  profit  les  circonstances  po- 
litiques ,  et  déshonorer  la  noble  carrière  des  arls  utiles  par  des 
procédés  qui  ne  peuvent  convenir  qu'à  une  ambition  peu  dé- 
licate sur  le  clioix  de  ses  moyens. 

Le  tems  approcbe  où  l'édifice  social  s'élèvera  sur  un  plan 
conforme  aux  idées  dominantes  :  les  arts  utiles  y  seront  ad- 
mis ,  car  on  ne  peut  s'en  passer  ;  mais  le  faste  des  expositions 
publiques  ne  sera  plus  d'accord  avec  l'ensemble.  L'industrie 
resserrée  dans  un  cercle  plus  étroit  et  soumise  à  des  lois  sé- 
vères ,  sera  hors  d'état  de  créer  :  la  vigueur  qu'elle  avait  dé- 
ployée ,  durant  nos  orages  pollliques  ,  l'abandonnera  dans  ces 
tems  de  calme  :  beureuse  encore ,  si  elle  peut  vérifîer  alors 
l'ancien  adage,  \ Anglais  invente^  et  le  Français  peij'ec- 
tionne  ! 

Mais,  ces  alarmes  sont  peut-être  mal  fondées  ;  nos  fabri- 
ques ne  subiront  peut-être  pas  le  joug  fl  trissant  des  maîtri- 
ses. Si  elles  conservent  l'indépcudance  dont  elles  ont  si  bien 
T.  XX. — Octobre  1820.  2 


i8  EXPOSITION 

usé  pour  la  prospérité  publique,  il  sera  peut-être  utile  île  con- 
tinuer, durant  quelque  tems,  !a  solennité  des  expositions,  jus- 
qu'à ce  que  Ton  puisse  reconnaître  et  apprécier  leur  inf'uence 
sur  les  progrès  de  l'industrie.  Les  questions  relatives  u  cette 
institution  ne  peuvent  être  résolues  qu'en  France  :  si  quelque 
nation  de  l'Europe  voulait  aussi  la  mettre  à  l'épreuve  ,  elle 
comniencerait  par  l'approprier  à  ses  besoins,  à  ses  habitudes, 
a  ses  localités.  Ainsi ,  nous  ne  trouverions  ,  dans  le  résultat  de 
ces  essais,  qu'uue  instruction  tardive  et  moins  complette  que 
celle  dont  nous  recueillerons  bientôt  les  fruits  sur  notre  pro- 
pre sol. 

En  effet,  quels  sont  les  peuples  européens  qui  pourraient 
imiter  nos  expositions  publiques?  Les  Anglais  n'en  ont  pas 
besoin  :  les  produits  de  leurs  manu'actures  couvrent  tout  le 
globe  ;  voilà  leur  exposition.  Londres  n'absorbe  pas  l'industrie 
des  provinces  ;  les  diverses  l'abriques  de  celte  capitale  ne  l'élè- 
vent  pas  au-dessus  de  quelques  autres  villes  manufacturières 
de  la  Grande-Bretagne. 

En  Russie  ,  l'immensité  des  distances  et  la  diversité  des 
mœurs  s'opposent  aux  communications  rapides  et  intimes  en- 
tre les  nombreuses  subdivisions  de  l'industrie;  les  expositions 
publiques  v  seraient  impraticables,  si  ce  n'est  dans  un  bazar 
pour  les  produits  ,  et  dans  une  salle  de  modèles  pour  les  nia- 
cbines.  Quant  à  la  Suède,  elle  connaît  sa  position  .  ses  be- 
soins et  ses  ressources  ;  sans  repousser  le  luxe  par  des  lois 
somptuaires,  elle  n'adoptera  point  une  institution  qui  tend 
bien  plus  directement  à  multiplier  les  jouissances  du  riche , 
qu'à  satisfaire  les  besoins  de  l'homme  laborieux. 

Dans  les  états  autrichiens  ,  rien  n'est  préparé  pour  un  éta- 
blissement que  son  origine  doit  rendre  très-suspect.  La  Prusse 
et  la  confédération  germanique  le  jugeraient  peut-être  avec 
moins  de  prévention  ;  mais  l'état  politique  de  l'Allemagne  ne 
pourrait  l'admelti'e  qu'avec  des  modilications  qui  le  translor- 


DES  PRODUITS  DE  L'INDUSTRIE.  19 

nieraient  en  une  Institution  toute  nouvelle.  Le  Danemarck 
n'en  éprouve  pas  le  besoin.  La  Prusse  el  les  Pays-Bas  pour- 
raient le  recevoir,  (el  que  nous  l'avons  ,  avec  les  mêmes  avan- 
tages ou  les  mêmes  risques ,  une  égale  probabilité  de  bon  ou 
lie  uiauyats  succès.  La  Prusse  y  trouverait  peut  être  un  moven 
de  mettre  plus  d'enseml)le  dans  ses  arts  ,  de  répandre  dans  ses 
provinces  la  connaissance  et  le  goût  des  formes  gracieuses 
d'y  introduire  une  sorte  de  civilisation  que  les  arts  du  des- 
sin peuvent  seuls  amener  :  car  le  pouvoir  de  ces  arts  n'est  pas 
inférieur  à  celui  de  la  musique  :  nous  ne  sommes  pas  moins 
sensibles  à  l'harmonie  des  formes  qu'à  celle  des  sons  ;  et  les 
idées  que  nous  recevons  ,  les  habitudes  et  les  besoins  que 
nous  contractons  par  la  vue  des  belles  tonnes  ont  un  carac- 
tère moral  qui  dispose  l'àme  au  sentiment  des  convenances, 
à  tout  ce  qui  dérive  de  ce  sentiment,  à  la  véritable  civili- 
sation. 

L'état  politique  des  deux  péninsules  nous  impose  le  devoir 
de  ne  pas  étendre  ces  considérations  au-delà  des  Alpes  et  des 
Pyrénées.  Il  n'y  a  donc  ,  en  Europe ,  que  deu\  pays  où  nos 
expositions  publiques  pourraient  être  imitées.  L'un  des  deux 
(le  royaume  des  Pays-Bas,  ou  plutôt  l'ancienne  Belgique) 
profile  sans  poiue  el  sans  frais  des  fruits  de  nos  expériences  et 
de  nos  travaux  :  il  est  instruit  de  nos  découvertes  ,  aussitôt  que 
nous-mêmes  ;  et  il  lui  suflit  de  nous  visiter  de  tems  en  tems 
pour  se  les  approprier.  En  tout  ce  qui  concerne  les  arts  ,  les 
lettres  et  les  sciences  ,  il  n'y  a  point  de  frontières  qui  séparent 
les  deux  royaumes.  Les  relations  entre  la  Prusse  et  la  France 
laissent  apercevoir  les  effets  de  la  distance  :  si  l'un  des  deux 
pays  veut  imiter  ce  que  l'on  fait  dans  l'autre,  c  est  une  impor- 
tation qui  exige  quelques  efforts,  et,  dans  de  certains  cas,  de 
l'habileté.  Quand  même  la  Prusse  instituerait  des  solennités  et 
des  récompenses  pour  l'encouragement  de  ses  fabriques  ,  ces 
établissemens  débuteraient  par  quelques  essais,  avant  de  ré- 


io  EXPOSITION 

pondre  aux  vues  du  législateur,  et  ils  ne  nous  offriraient , 
comme  nous  l'avons  dit ,  qu'une  instruction  tardive ,  et  peut- 
être  insuffisaule. 

Traversons  l'Océan  ,  et  voyons  si  les  expositions  publiques 
conviendraient  aux  formes  de  gouvernement  adoptées  dans  le 
nouvciiu  monde.  Il  semble,  au  premier  coup  d'œil,  que  cette 
institution  va  trouver  une  nouvelle  patrie  qui  s'empressera 
de  l'adopter  ;  cette  illusion  est  bientôt  dissipée.  Le  gouver- 
nement des  États-Unis  ne  se  laisse  point  séduire  par  de  bril- 
lans  dehors.  Et  d'ailleurs,  tous  les  arts  utiles  ne  marchent- 
ils  pas  assez  vite  ,  dans  celte  heureuse  contrée?  Ne  serons-nous 
pas  long-tems  et  souvent  dans  le  cas  daller  y  chercher  de 
l'instruction?  Quant  aux  états  formés  par  l'émancipation  des 
colonies  espagnoles ,  leurs  fondateurs  n'ont  pas  le  tems  de 
penser  aux  progrès  des  arts  :  la  patrie  est  encore  sur  les 
champs  de  bataille.  Lorsque  ces  guerriers  pourront  quitter 
l'épée  et  cultiver  les  arts  de  la  paix  ,  ils  se  trouveront  tels  que 
le  gouvernement  de  la  métropole  les  avait  laissés,  réduits  à 
demander  au  commerce  extérieur  les  instrumens  des  arts  les 
plus  indispensables,  sans  uiacuiacturesetpresquesans  moyens 
d  en  élever,  si  ce  n  est  avec  le  secours  de  l  industrie  étrangère. 
Avant  de  créer  des  institutions  dont  le  but  est  de  perfectionner 
les  produits  du  travail,  il  faut  que  îe  U'avail  ait  commencé;  il 
faut  des  ouvriers  ,  des  fabriques ,  des  apprentissages ,  une  po- 
pulation disposée  à  devenir  laborieuse. 

Les  bonnes  institutions,  comme  les  bonnes  lois,  doivent 
convenir  à  presque  tous  les  peuples  bien  gouvernés  :  on  vient 
de  voir  que  nos  expositions  pul)liques  n  ont  point  ce  caractère. 
Ne  seraient-elles  qu'une  emnir  séduisante?  Pour  dissiper  le 
prestige  ,  et  reconuaiue  les  effets  réels  de  ce  moyen  d'encou- 
ragement, examinons  attentivement  son  iuiluence  morale  et 
ses  résultats  industriels. 

L'exposition  de  cette  année  rend  très-sensibles  les  progrès 


DES  PRODUITS  DE  L'INDUSTRIE.  21 

d'uQ  luxe  sans  biil ,  sans  goiit  et  sans  esprit ,  dont  les  caprices 
commandent  presque  seuls  au  génie  des  arts  et  dirigent  ses 
plus  grands  efforts.  LVIéganre  et  la  correction  des  ioruics  sent 
peu  recherchées  :  les  ornemens  bizarres  et  insigciflans  scjt 
prodigués  partout,  et  semblei)t  attester  que  le  sentiment  du 
beau,  si  analogue  à  celui  des  convenances,  abandonne  les 
hautes  fortunes  et  se  réfugie  tians  son,  asile  chéri ,  la  classe 
dite  moyenne  ou  médiocre.  Serait-il  injuste  d  attribuer,  au 
moins  eu  partie,  à  rinfliieoce  des  expositions,  cette  altération 
du  goût  public?  Si  des  objets  d'une  beauté  réelle  sont  mis  à  la 
portée  des  fortunes  médiocres  ,  le  riche  ne  les  choisira  point  5 
ces  objets  ne  tarderont  pas  à  devenir  trop  communs  pour  mé- 
riter 1  honneur  d'être  exposés  :  le  riche  se  gardera  d'autant 
plus  soigneusement  de  les  inciter  :  il  veut  du  neuf,  et  i!  est  si 
facile  de  lui  en  faiie  I  Ces  deux,  causes  réunies  tcsident  à  rem- 
plir les  salles  d'exposition  de  ce  qui  ne  con vient  qu'à  l'opu- 
lence ,  et  à  laisser  au-dehors  une  partie  des  produits  qu  une 
Industrie  très-digne  d'estime  a  préparés  pour  les  consomma- 
teurs bornés  au  nécessaire. 

Il  est  pénible  d'avoir  à  raj)peler  des  contestations  peu  ho- 
norables entre  quelques-uns  des  exposans,  des  combats  livrés 
par  l'amour-propre  ou  par  l'intérêt  dans  l'arèDC  des  jour- 
naux. Les  petites  passions  et  les  misérables  moyens  qu'elles 
mettent  en  œuvre  forment  un  contraste  désagréable  ave-"  jes 
nobles  occupations  des  arts  utiles.  Ces  débats  scandaleux  au 
sujet  de  quelques  médailles  seraient  évités,  si  les  récompen- 
ses offertes  à  1  industrie  étaient  d'un  ordre  plus  élevé.  A  l'ori- 
gine de  l  institution  ,  les  médailles  suffisaient ,  parce  qu'elles 
étaient  une  des  distinctions  personnelles  le  plus  environaées 
de  considération,  et  qu'elles  pouvaient  aplanir  la  route  vers 
les  plus  hautes  fonctions  de  létat.  Aujourd  hui ,  les  services 
rendus  par  l'industrie  ne  sont  pas  d'une  moindre  Importance; 
mais  ils  n'obtiennent  plus  les  mêmes  honneurs,  quoiqu'ils  lui 


22  EXPOSITION 

soieut  otiieils  sous  la  mérue  forme.  Les  me'dailles  ont  éprou- 
vé le  sort  des  monnaies  :  la  valeur  nominale  n'a  pas  changé  , 
mais  le  prix  intrinsèque  a  beaucoup  diminué.  L'institution  a 
vieilli  très  -  rapidement ,  et  le  peu  de  force  qu'elle  a  pu  con- 
server serait  un  appui  bien  faible  et  bien  insuffisant  y  si  nos 
arts  n'en  avaient  pas  d'autres. 

Il  est  très-difficile  de  savoir  comment  et  combien  les  expo- 
sitions publiques  ont  eu  part  à  la  propagation  des  connaissan- 
ces industrielles.  Le  Conservatoire  et  les  écoles  spéciales 
d'arts  et  métiers  feront  A'aloir  en  ceci  des  droits  qui  ne  seront 
point  contestés  ,  et  les  nombreuses  sociétés  d'encouragement 
exposeront  aussi  les  services  qu'elles  ont  rendus.  Que  Ion  y 
joigne  ,  comme  nous  l'avons  dit,  l'influence  des  hommes  ins- 
truits et  celle  des  livres  ,  les  voj^ages  et  tous  les  autres  moyens 
de  communication  entre  les  amis  àes  arts,  il  sera  facile  de  re- 
montei-  à  l'oi-igine  de  touies  les  découvertes ,  des  perfection- 
nemens,  des  conceptions  utiles  et  de  leurs  applications  :  il  est 
Irès-probable  f|ue  la  part  des  expositions  publiques  se  trouvera 
réduite  à  presque  rien. 

Si  cette  notice  ne  devait  être  lue  que  par  des- Français , 
nous  aurions  peut-être  jugé  moins  sévèrement  nne  institution 
qui  leur  plaît,  et  qui  met  sous  leurs  jeux  un  tableau  si  ma- 
gnifique,  si  varié,  les  œuvres  les  plus  précieuses  de  Tinlel- 
ligence  et  de  l'adresse.  Mais  la  vérité  est  cosmopolite  ,  et  la 
Revue  E neyclopéclique  doit  être  l'un  de  ses  interprètes.  Nous 
dirons  donc  à  nos  compatriotes  ce  que  les  étrangers  doivent 
penser  de  nous ,  de  nos  institutions  ,  de  nos  progrès  dans  les 
arts  industriels.  Si  nous  reconnaissons  que  nous  sommes  en- 
gagés dans  de  fausses  roules ,  nous  tâcherons  d'en  détourner 
ceux  qni  seraient  tentes  de  nous  y  suivre.  Nous  serons  forcés 
d  omettre  beaucoup  de  choses  qui  ne  sont  point  sans  impor- 
tance, des  noms  qui  mériteraient  d'être  cités,  et  surtout,  il  ne 
nous  sera  pas  possible  de  satisfaire  toutes  les  curiosités  ;  mais 


DES  PRODLIÏS  DE  L'INDUSTRIE.  25 

nous  tàclieroQS  de  n'oublier  aucune  découverte,  d'indiquer 
ce  qui  peut  en  amener  de  nouvelles  ,  de  classer  les  objets 
suivant  Tordre  de  leur  utilité  ,  sacs  tenir  compte  du  prix  que 
la  fantaisie  peut  y  attacher  j  enfin,  nous  n'aurons  d'autre  pré- 
tention que  celle  d'exposer  avec  franchise  ce  que  nous  avons 
cru  voir  après  un  examen  attentif,  scrupuleux  et  bienveillant. 

Avant  de  rendre  compte  à  nos  lecteurs  de  ce  qui  nous  a 
paru  le  plu?  digue  d'être  remarqué  dans  l'exposition  de  celte 
année  ,  disons  quelque  chose  des  produits  de  lindustrie  que 
1  on  n'y  a  pas  vus.  En  commençant  par  l'at^riculture,  nous  re- 
marquerons qu'elle  n'était  représentée  au  Louvre  que  par 
quelques-uns  de  ses  instrnmens  et  quelques  matières  textiles 
ou  comestibles  déjà  préparées  par  d'autres  arts.  Cependant,  il 
ne  suffit  pas  de  lui  décerner  de  vains  hommages  ,  de  procla- 
mer qu'elle  est  le  premier  et  le  plus  noble  des  arts  ,  si  l'éclat 
des  représentations  solennelles  lui  est  interdit.  Est-ce  par  une 
distinctiiDn  respectueuse  qu'on  ne  l'a  pas  confondue  avec  les 
arts  du  bijoutier,  du  fabricant  de  draps  et  de  cachemires  ,  de 
l'imprimeur?  Tout  contribue  à  la  faire  disparaître,  ainsi  que 
les  autres  arts  qui  fournissent  les  matières  premières.  Ses  ins- 
trumens  sont  attribués  très -légitimement  aux  arts  qui  les  fa- 
briquent; ses  machines  sont  classées  parmi  celles  qui  leur 
sont  analogues  ;  on  ne  voit  plus  rien  qui  soit  l'un  de  ses  pro- 
duits :  l'industrie  agricole  ne  participe  point  à  nos  expositions. 
Celle  du  mineur  est  dans  le  même  cas  ,  ainsi  qu'un  grand 
nombre  d'autres  plus  recommandables  par  les  services  obs- 
.  curs  qu'elles  rendent  à  la  société  que  celles  qui  n'ont  d'autre 
objet  qu'un  luxe  brillant.  C'est  ainsi  que,  dans  la  construction 
d'un  édifice,  les  fondations  disparaissent  sous  le  sol^  et  que 
les  parties  les  plus  saillantes  sont  aussi  les  plus  chargées  d'or- 
nemens. 

(commençons  notre  revue  par  les  arts  qui  fournissent  à 
tous  les  autres  le  plus  grand  nombre  de  leurs  instrumeus ,  et 


24  EXPOSITION 

plaçons  au  premier  rang  la  fabrication  du  fer.  On  voit  avec* 
satisfaction  que  les  fabricans  suivent  avec  persévérance  les 
rechercbes  sur  Templol  du  cbarbon  de  terre  dans  tous  les 
travaux  des  forges  ,  et  que  leurs  efforts  ne  sont  pas  sans  ré- 
sultats. La  compagnie  des  mines  de  fer  de  Saint-Etienne  sait 
extraire  un  métal  de  bonne  qualité  de  certaines  mines  dont 
on  n'avait  encore  pu  faire  aucun  bon  emploi.  Dans  le  déparle- 
ment du  Doubs,  aux  forges  de  Montecy,  la  bouille  commen- 
ce à  remplacer  le  cbarbon  de  bois ,  sans  que  la  qualité  des 
produits  en  soit  altérée.  On  peut  donc  espérer  que  nos  forêts 
ne  disparaîtront  point  totalement ,  et  même  qu  elles  auront 
le  tenis  de  réparer  leurs  pertes  ;  mais  il  faut  avouer  que  cet 
art  si  nécessaire  de  fabriquer  le  fer  avec  la  bouille  n'est  pas 
encore  tout-à-fait  naturalisé  en  France,  et  il  esta  craindre 
que  sa  propagation  n'y  soit  très-lente.  Le  laminage  du  fer,  les 
tréflleries  et  les  autres  préparations  de  ce  métal  s'étendent  et 
se  perfectionnent  de  plus  en  plus.  On  a  remarqué  particu- 
lièrement les  tôles  d  Impliy,  de  Moyeu vre  et  du  Pont-Sainl- 
Ours,  et  le  fil  de  fer  carre  de  Chennecy,  dans  le  département 
du  Doubs. 

La  tôle  étamée  ou  fer-blanc  mérite  une  mention  particuliè- 
re. Tout  annonce  que  nos  fabriques  seront  bientôt  en  état  de 
fournir  cette  matière  première  aux  arts  qui  remploient,  et 
que  nous  cesserons  de  payei-,  pour  cet  objet ,  à  l'Angleterre  et 
à  l'Allemagne,  un  tribut  très-onéreux.  Les  forges  de  Bains  ont 
encore  perfectionné  leur  fabrication  ;  celles  d  Hayange  ,  de 
Cbaudeau  et  d'Impby  fournissent  aussi  dexcellens  produits. 

La  conversion  du  fer  en  acier  aurait  besoin  ,  comme  la  fa- 
brication du  fer,  de  devenir  moins  dispendieuse,  et  à  quelques 
égirds  d'être  perfectionnée.  Il  n'est  aucune  soi  te  dacier  que 
Ton  ne  fasse  très-bien  en  France,  mais  en  trop  petite  quantité, et 
par  conséquent  trop  cbèrement  :  l'économie  est  le  principal 
avantage  des  grandes  fabriques.  Nous  approchons  du  teuis  où 


DES  PRODUITS  DE  I/INDUSTRIE.  aS 

Tari  si  imporlaiit  de  la  fabrication  de  l'acier  n'aura  plus  de  mys- 
tères ,  grâce  aux  travaux  des  savans  et  des  artistes  français. 
Depuis  que  la  chimie  a  révèle  la  théorie  du  fer  et  celle 
des  combinaisons  qui  constituent  les  différentes  sortes  de  fou- 
tes et  d'aciers ,  il  ue  reste  plus  qu'à  faire  les  applications  de 
cette  théorie,  et  à  convertir  les  expériences  de  laboratoire  eu 
procédés  de  manufacture;  mais  ce  travail  ne  peut  être  promp- 
tenieut  terminé,  et  pour  que  ses  résultats  se  répandent  avec 
ordre  et  en  quantité  suffisante ,  il  faut  plus  de  tems  encore.  On 
a  vu  à  cette  exposition  de  l'acier  naturel  fabriqué  à  Sahorre  et 
à  Ria ,  dans  les  Pyrénées-Orientales.  Le  département  de  l'Ar- 
riége  a  envoyé,  de  Foix  et  de  Pamiers,  quelques  échantillons 
d'acier  raffiné  ;  mais  les  Pyrénées  ,  dépouillées  de  leurs  forêts 
et  mal  pourvues  de  houille  ,  ue  sont  pas  ,  malgré  l'excellence 
de  leurs  mines  de  ier,  le  lieu  le  plus  propre  à  rétablissement 
de  grandes  fabriques  d'acier,  et  ce  n'est  que  dans  ces  établis- 
semcns  du  premier  ordre  qu'il  est  possible  de  réunir  l'écono- 
mie à  la  bonne  qualité  des  produits.  Le  département  de  la  Loi- 
re est  une  des  parties  de  la  France  le  mieux  disposées  pour  les 
arts  métallurgiques  ;  les  fabrications  d'acier  cémenté  n'y  ont 
pas  été  négligées.  On  a  vu,  au  Louvre,  celui  des  forges  d'Ou- 
trefurens  avec  ceux  de  Rives,  d'Orléans,  d'Amboise  et  de 
Pontarlier.  La  Haute -Saône,  la  Moselle  et  la  Côte -d'Or 
ont  aussi  fourni  quelques  échantillons  ;  la  Meuse  a  produit 
de  l'acier  fabriqué  à  Naix  avec  de  vieilles  ferrailles.  L'acier 
fondu  va  devenir  plus  commun,  et  le  tems  n'est  pas  éloigné 
où  nous  serons,  encore  à  cet  égard,  iudépcudans  de  l'Angle- 
terre. La  fabrique  de  cet  acier,  établie  à  ia  Bérardlère,  dé- 
partement de  la  Loire,  est  pourvue  de  tout  ce  qui  peut  en  as- 
surer le  succès  :  abondance  et  bonne  qualité  des  matières  , 
excellente  direction.  La  forge  d  Outrcfureus  est  aussi  avan- 
tageusement placée  pour  toutes  les  fabrications  d'acier  ;  et 
lou  a  vu  des  échantillons  de  son  acier  fondu.  Enlin,  tout  près 


26  EXPOSITION 

de  la  capitale  ,  les  vovageurs  que  la  curiosité  couduit  à  Ver- 
sailles,  peuvent  visiter^  chemin  faisant,  à  Chaville,  une  fa- 
brique d'acier  fondu. 

M.  Lenorniand  s'est  occupé  de  l'acier  sous  un  autre  point 
de  vue,  et  avec  succès.  Il  a  converti  le  plus  mauvais  acier 
brut  en  un  autre  qui  se  montre  pourvu  des  meilleures  qua- 
lités :  on  a  vu  des  échantillons  de  cette  transformation  très- 
remarquable. 

Toutes  ces  différentes  sortes  d'acier,  converties  en  barres 
de  toutes  grosseurs,  en  lames  et  eu  fils,  ont  paru  à  cette  ex- 
position 5  mais  il  ne  semble  point  que  ces  préparations  aient 
fait  des  progrès  sensibles. 

Dans  ses  limites  actuelles  ,  la  France  manque  de  cuivre , 
d'étain  et  de  plomb,  métaux  également  nécessaires  à  la  j^uei'- 
re  et  à  la  paix  ;  ainsi ,  les  arts  qui  emploient  ces  métaux  ap- 
procheront d'autant  plus  de  la  perfection  qui  nous  convient , 
qu'ils  réussiront  mieux  à  épargner  la  matière  et  à  porter  l'é- 
conomie dans  la  fabrication.  Les  grandes  usmes  sont  les  seules 
qui  puissent  arriver  à  cette  perfection  :  celles  de  Romillv  et 
d'Imphy  ne  laissent  rien  à  désirer  pour  tout  ce  qui  concerne 
le  laminage  du  cuivre.  A  l'exception  du  fer-blanc,  on  n'a  vu 
aucun  produit  des  arts  qui  travaillent  létain.  Les  diverses 
préparations  du  plomb  nont  rien  offert  de  nouveau. 

Le  zinc  est  devenu  une  matière  indispensable  pour  un 
assez  grand  nombre  d'arts  :  aujourd'hui ,  c  est  au  commerce 
extérieur  que  nous  sommes  réduits  à  le  demander.  Cepen- 
dant, on  peut  espérer  que  l'exploitation  de  toutes  nos  riches- 
ses minérales  nous  procurera  quelque  jour,  non-seulement 
le  zinc,  mais  peut-être  même  létain  nécessaire  à  notre  con- 
sommation. Quant  aux  métaux  précieux,  on  sait  que  notre 
sol  en  est  dépourvu ,  et  que  nous  ne  pouvons  guère  attendre 
de  découvertes  importantes  ,  après  les  diligentes  explorations 
(le  nos  Ingc'nienrs  des  mines.  Les  espérances  fondées  sur  l'or 


DES  PRODUITS  DE  L'IISDLSTRIE.  27 

de  la  Corse  sont  évanouies.  Les  véritables  mines  d'or  de  la 
Corse  ,  a  dit  Dtsson  (ingénieur  des  raines  ,  auteur  d'un  excel- 
lent Mémoire,  sur  la  Corse),  sont  les  Ains,  les  liuiles  ,  les 
hois. 

Les  art  s  qui  emploient  les  métaux  préparés  ont  fait  preuve, 
à  celte  exposition  ,  du  zèle  et  des  laleus  de  cette  classe  nom- 
breuse de  Cabricans.  L'attention  publique  a  été  généralement 
provoquée  par  les  tissus  métalliques,  et  par  les  beureuses  ap- 
plications qu  on  en  a  faites.  A  Paris,  M.  Mickaud-Labontc 
a  fait  des  toiles  en  platine,  et  procuré  aux  cb'mistes  des  filtres 
qui  rendront  quelques  analyses  plus  faciles,  plus  promptes  et 
plus  sûres.  A  Scbelestadt ,  M.  Roswag  fabrique  des  gazes 
métalliques.  D  autres  tissus  d  un  emploi  moins  limité  sortent 
des  ateliers  de  M.  Gaillard  ,  à  Paris  ,  et  de  ceux  de  M.  Dt- 
lage,  à  Saint- Micbel ,  département  de  la  Cbarente.  Nous  ne 
«lirions  rien  de  quelques  ouvrages  de  fantaisie  en  (ils  métal- 
liques ,  tels  que  gilets  et  autres  objets  dun  luxe  bizarre ,  s  ils 
ne  donnaient  point  lieu  à  quelques  observations  sur  l  inlluen- 
ce  des  expositions  publiques  et  sur  leurs  résultats  nécessaires. 
Jïlndustrie,  sentant  qu'elle  sera  jugée  par  tous  les  goûts  ,  mê- 
me les  plus  frivoles ,  s'altacbe  à  les  satisfaire  ,  et  crée  des 
cbefs-d'œuvre  sans  but  et  sans  mérite  réel.  C'est  ainsi  qu  eiie 
parvient  à  fixer  les  regards  distraits  d'un  certain  nombre  de 
spectateurs  ,  dont  l'attention  ne  se  porte  guère  que  sur  les  ba- 
gatelles. 

L'ancienne  fabrique  de  limes  d' Amboise  voit  s'élever  de  toutes 
parts  de  nombreuses  et  redoutables  rivales.  Pesque  tous  les 
fabricans  d'acier  transforment  en  limes  une  partie  de  leurs 
produits  pour  les  répandre  dans  le  commerce.  Paris  et  ses 
environs  disputent  aux  provinces  l'avantage  de  satisfaire  ce 
premier  besoin  d'un  si  grand  nombre  d'arts .  Cette  concur- 
rence ne  peut  être  que  très-utile.  Remarquons  cependant,  que 
les  fabriques  de  limes  établies  dans  la  capitale  ou  trop  près 


28  EXPOSITION 

de  sou  enceinte  ne  peuvent  soutenir  que  durant  un  petit 
nombre  d'années,  une  iulte  trop  inr^ale  contre  ies  fabrica- 
tions bien  plus  pconomiques  dans  les  provinces.  Exprimons 
le  regret  que  ces  étab.issemens  d'une  industrie  si  précieuse 
ne  s  élèvent  pas  immédiatement  sur  les  points  où  ils  prospé- 
reront le  mieux  et  subsisteront  le  plus  long-tcms.  Cette  ob- 
servation s'étend  à  plusieurs  autres  fabriques  de  Paris ,  et  spé- 
cialement à  celle  de  quincaillerie. 

La  coutellerie  et  la  fabrication  des  armes  marcbent  vers  la 
perfection.  Les  lames  en  acier  ioudu  damassé  ,  exposées  par 
M.  Bréant,  sont  peut  être  supérieures  aux  lames  orientales 
les  plus  estimées,  et  clans  une  fabricaiion  en  grand,  elles  se- 
ront d'un  prix  très-modéré;  mais  elles  ne  feront  point  aban- 
donner la  méthode  de  Cloiiet,  qui  donne  à  un  habile  forée- 
ron  le  moyen  d'obtenir  un  damassé  plus  agréable  et  d'une 
forme  déterminée.  D'ailleurs,  cette  méthode,  appliquée  à  la 
taillanderie,  aux  instrumens  de  culture,  etc.,  procure  des 
outils  plus  durables  et  d'un  tneiUeur  service.  Il  est  bien  à  dé- 
sirer que  ce  moyen  facile  d'améliorer  tous  les  tranchans  soit 
généralement  connu,  et  surtout  pratiqué. 

Toulouse,  Foix,  Lafcrrière,dansledépartementduDûubs, 
et  Sanxillanges  ,  dans  celui  de  Puy-de-Dôme  ,  sont  les  seuls 
lieux  d'où  Ion  ail  envoyé  des  faulx.  Il  est  à  craindre  que  les 
cultivateurs  français  ne  trouvent  pas  encore  dans  les  usines 
françaises  tout  ce  qui  est  nécessaire  à  leur  industrie.  Parmi  les 
ouvrages  en  fonte  moulée ,  on  a  remarqué  les  objets  de  quin- 
caillerie envoyés  de  Saint-Étienne. 

Les  arts  métallurgiques  fournissent  à  la  construction  des 
machines  les  parties  les  plus  essentielles  ,  celles  dont  la  forme  • 
doit  être  correcte,  invariable,  dont  la  solidité  doit  résister  à  des 
chocs  et  à  des  frotlemcns  prolongés.  La  foute  de  fer  moulée  y 
remplit  des  fonctions  importantes,  et  par  conséquent  celte 
sorte  de  moulage  doit  s'associer  à  la  construction  des  ma- 


DES  PRODUITS  DE  L'INDUSTRIE.  29 

chiufis.  Rien  loin  de  lui  interdire  le  séjour  tles  grandes  villes  , 
il  convient  souvent  de  Ty  appeler,  afin  qu'il  participe  aux  per- 
fectionneuiens  (!ont  ces  loyers  de  toutes  les  connaissances  et 
de  tontes  les  industries  enrichissent  les  arts  soumis  à  leur  ac- 
tion immédiate.  On  ne  peut  donc  qu'approuver  les  établisse- 
meas  de  ce  genre  formés  à  Paris  ;  ce  sont  des  modèles  pour 
ceux  qui  sVlèveront  dans  les  provinces,  et  une  ressource  pour 
les  manufactures,  jusqu'à  ce  qu  elles  trouvent  plus  près  d'elles 
tous  les  instrumens  nécessaires  à  leurs  travaux. 

A  chaque  exposition  ,  le  no.nbre  des  machines  plus  ou 
moins  nouvelles,  mises  sous  les  yeux  du  public,  est  toujours 
très-considérabie  ,  sans  que  l'on  remarque  une  augmentation 
proportionnelle  dans  la  collection  des  machines  employées.  On 
se  borne  donc  le  plus  souvent  à  substituer  une  machine  nou- 
velle à  une  plus  ancienne,  et  quelquefois  ce  changement  n'est 
pas  une  amélioration.  Quelques-unes  de  celles  que  l'on  a  vues 
cette  année  ,  en  supposant  qu  elles  tiennent  tout  ce  que  les  in- 
venteurs promettent,  seraient  encore  au-dessous  du  produit 
d'une  bonne  machine.  Telle  est ,  par  exemple,  la  pompe  dite 
Norpac,  exposée  et  mise  en  mouvement  dans  la  cour  du  Lou- 
vre, et  dont  l'effet  utile  est  au-dessous  de  celui  qu'on  devait  at- 
tendre de  la  force  motrice  qu'on  y  emploie.  Quelques  autres 
paraissent  construites  avec  une  connaissance  approfondie  de 
l'effet  à  produire  et  des  moyens  de  l'obienirj  c'est  le  juge- 
ment que  Ion  portera  de  la  pompe  à  vapeur,  sans  piston,  due 
à  M.  Gtmoul,  de  Lyon.  A  l'exception  de  la  machine  à  va- 
peur de  M.  Gingembre,  aucune  de  celles  qui  ont  été  expo- 
sées ne  présente,  ni  dans  i'ensemhie,  ni  dans  les  détails,  rien 
qui  la  rende  préférab  e  aux  formes  connues;  et  il  en  est  une 
dans  laquelle  ia  lige  du  piston  n'est  pas  bien  uiaintenue  dans  la 
direction  de  Taxe  du  cylindre. 

Toutes  les  fabricpies  de  tissus  ajouVnt  de  nouvelles  machi- 
nes à  celles  dont  leurs  ateliers  sont  déjà  pourvus,  ou  perfec- 


5o  EXPOSITION 

tiounent  quelques  parties  des  anciens  mécanismes.  La  ton- 
deust  de  MM.  Collier  et  Se\>ene,  de  Paris,  né  tardera  point 
à  trouver  sa  place  dans  toutes  les  manufactures  de  draps  :  on 
ne  négligera  pas  non  plus  !a  machine  à  éplucher  le  colon,  de 
MM.  Riskr  et  Dixon,  à  Cernay  (Haut-Rhin);  une  autre 
pour  élargir  les  toiles  destinées  à  1  impression,  de  MM.  Lami 
et  i^^acAer,  deRoueaj  des  moulins  à  blutoirs  métalliques,  oii  le 
(rottement  des  brosses  remplace  la  percussion  et  supprime  le 
bruit  incommode  qu'elle  occasionait,  etc.  Parmi  les  machi- 
nes plus  ingénieuses  peut-être  que  réellement  utiles ,  il  faut 
faire  mention  du  tour  à  portraits  de  M.  IVolgutinuth,  à  Paris. 
Ce  mécanicien  a  peut-être  découvert  le  seul  moyen  praticable 
d  exécuter,  à  Taide  du  mouvement  de  rotation,  une  figure  ri- 
goureusement semblable  à  une  autre,  et  d'une  dimension  dé- 
terminée. 

Nous  regrettons  qu'il  ne  soit  pas  possible  de  faire  mention 
de  tout  ce  que  les  mécaniciens  ont  otiert  aux  regards  du  pu- 
blic dans  cette  exposition,  qui  suffirait  seule  pour  prouver 
fjne  le  génie  inventeur  n'a  pas  été  refusé  aux  Français.  Avant 
de  passer  à  un  autre  objet,  nous  réclamerons,  au  nom  de  nos 
compatriotes  ,  l'inver^'lon  des  scies  circulaires,  dont  on  a  tait 
usage  en  France,  plusieurs  années  avant  la  révolution,  pour 
recéper  des  pieux  sous  leau. 

L'attention  des  spectateurs  s  est  portée  avec  intérêt  sur  plu- 
sieurs autres  objets  fabriqués  en  fer.  Des  peignes  pour  les  tis- 
serands, des  cardes,  dont  les  plus  remarquables  sont  celles  de 
M.  Scrive,  à  Lille;  des  cables,  ou  chaînes  en  ier,  pour  la  ma- 
rine; le  modèle  d'un  comble  eu  fer  projeté  pour  l'édifice  de 
la  Bourse,  l'un  des  plus  beaux  monumens  d'architecture  qui 
décorent  la  capitale.  Si  les  proportions  de  ce  i.-iodèle  étaient 
suivies  rigoureusement  dans  l'exécution,  il  entraînerait  cer- 
tainement une  grande  dépense  en  pure  perte  ;  car  les  dififé- 
renles  parties  de  ses  Jermes  sont  plus  grosses  que  leur  desti- 


DES  PRODUITS  DE  L'INDUSTRIE.  3i 

ualioii  ne  l'exige.  Il  semble  aussi  qu'il  eût  été  bon  tléviter 
quelques  assemblages  obliques  dont  l'œil  n'est  pas  satisfait. 

L" horlogerie  est  l'application  des  machines  les  plus  parfaites 
à  la  production  dun  mouvement  uniforme  qui  puisse  servir 
à  la  mesure  du  tems.  Nous  plaçons  la  revue  des  produits  de 
ce  bel  art  immédiatement  après  celle  des  macbiues,  vl  nous 
l'associons  à  la  construction  des  iusU'umens  de  pbysiquc  et 
de  mathématiques,  parce  que,  pour  un  chronomètre,  un  théo- 
dolite, une  machine  pneumatique,  etc.,  l'esprit  d'invention  et 
de  perfectionnement  a  le  même  caractère,  et  ([ue  tous  ces  Ira 
vaux  sont  des  applications  des  sciences  à  la  création  de  leurs 
instrumens.  L'horlogerie  vient  de  faire  une  perte  bien  dou- 
loureuse; mais,  heureusement,  le  talent  de  Bregitet  forme  la 
partie  la  plus  précieuse  de  l'héi  Itage  qu'il  laisse  à  son  fds. 
Nous  possédons  encore  Janvier,  dont  plusieurs  horloges  as- 
tronomiques ont  enrichi  l'exposition  de  celte  année.  Wag- 
ner, considérant  son  art  sous  le  point  de  vue  commercial,  a 
lait  voir  plusieurs  horloges,  dont  la  plus  remarquable,  en  rai- 
son de  sa  grande  utilité,  est  une  horloge  de  village,  en  fer  fon- 
cu.  Perron  a  réuni  dans  une  seule  machine  toutes  les  mesu- 
res du  tems  qu'exigent  les  usages  civils  et  l'observation  des 
mouveiuens  célestes.  Les  excellens  théodolites  de  LenoirAes 
instrumens  de  mathématiques,  d'optiques,  etc.,  fabriqués  par 
lécher,  qui 's'attache  peut-être  trop  à  produire  en  grande 
quantité;  les  machines  pneumatiques  soriies  des  ateliers  de 
l'École  d'Angers,  rapprochées  des  pièces  d'horlogerie  fabri- 
quées par  les  élèves  de  l'École  de  Chàlons  soues  la  direction 
de  5/ eg^«e<;  les  balances  de  MM.  Cauchoix ,  Chemin  et  De- 
teuil;  les  baromètres  de  MM.  Lenoir,  Cauchoix  et  Lerebours; 
les  thermomètres  de  M.  Chei'alier,  etc.,  prouvent  assez  que 
cette  partie  importante  de  nos  arts  est  au  niveau  de  toutes  les 
connaissances  acquises,  et  telle  que  l'exigent  les  progrès  des 
sciences.  Observoui,  au  sujet  des  baromètres  et  des  thermo- 


32  EXPOSITIOIN 

mètres,  que  ces  derniers  conviennent  spécialement  aux.  habi- 
tudes du  citadin  ,  et  se  multiplient  facilement  dans  les  -villes, 
mais  que  le  baromètre  serait  plus  utile  k  l'homme  des  champs; 
si  cet  instrument  était  placé  dans  son  habitation ,  il  cesserait 
de  consulter  Talmanach  de  Liège,  il  acquerrait  quelques  con- 
naissances, perdrait  quelques  préjugés,  et  ce  changement  seul 
donnerait  à  son  jugement  plus  de  rectitude  et  de  sûreté.  Il 
serait  bien  à  désirer  que  l'oa  pût  donner  à  cet  instru- 
ment la  forme  qui  conviendrait  le  mieux  à  son  emploi  dans 
la  direction  des  travaux  de  la  culture  ;  qu'il  fût  d'un  prix 
modique,  et  que  Ton  s'occupât  des  moyens  d'en  rendre  lu- 
sage  universel. 

Portons  maintenant  nos  regards  sur  l'immense  variété  de 
tissus ,  dont  l'abondance,  la  perfection  et  le  bas  prix  ,  en  tout 
ce  qui  n'appartient  pas  exclusivement  au  Juxe ,  annoncent 
les  progrès  toujours  croissans  de  notre  industrie,  et  la  pros- 
périté de  nos  manufactures.  Nous  commencerons  par  les 
tissus  de  laine;  les  draps  en  forment  la  partie  la  plus  impor- 
tante ,  surtout  pour  le  commerce  extérieur.  Leur  perfection- 
nement a  dû  suivre  celui  des  laines ,  seul  fruit  d'une  utilité, 
réelle  que  la  France  ait  recueilli  dune  longue  suite  de  vic- 
toires. Possesseurs  de  la  meilleure  race  de  moutons,  il  ne 
nous  reste  plus  qu'à  la  propager  partout  où  elle  conservera 
les  qualités  qui  la  rendent  précieuse.  L'art  de  la  tonte  u'a  pas 
encore  terminé  les  recherches  qui  fixeront  pour  chaque  cli- 
mat l  époque  la  plus  convenable  pour  faire  ce  travail.  Dans 
le  déparlement  de  l'Ain ,  on  s  est  assuré  qu'une  laine  de  six 
mois  est  plus  fine  que  celle  de  Tannée,  et  qu'elle  est  assez 
longue  pour  la  meilleure  filature  ;  que  la  double  tonte  des 
moutons  procure  ainsi  tout  à  la  fois  l'abondance  et  la  bonne 
qualité  des  toisons.  Ce  fait  intéressant  n'a  pas  besoin  d'être 
recommandé  à  l'attention  des  propriétaires  de  mérinos. 

Le  problème  de  la  fabrication  des  draps  communs  peut 


DES  PRODUITS  DE  L'INDUSTRIE.  35 

être  regardé  comme  résolu.  Si  le  prix  de  ces  tissns  paraît  en- 
core élevé,  c'est  qu'on  ne  lait  pas  attention  à  roccroissemeut 
prodigieux,  du  numéraire  en  circulation  ,  et  à  la  consomma- 
tion beaucoup  plus  grande  aujourd'Lui  qu'elle  ne  le  fut  dans 
aucun  tems.  D  ailleurs,  la  concurrence  contribue  nécessaire- 
ment à  maintenir  le  bas  prix.  Partout  des  fabriques  s'éic'cnt 
et  réussissent.  Comme  les  laines  commuues  s'améliorent  pro- 
gressivement, les  vètemens  de  la  classe  laborieuse  sont  moins 
grossiers  ,  plus  souples  ,  plus  légers  sans  être  moins  cbauds , 
meilleurs  à  tous  égards.  La  liste  des  manuracluriers  qui  ont 
exposé  des  draps  très-bons  et  à  des  prix  très -modérés  excé- 
derait de  beaucoup  les  limites  que  nous  devons  nous  pres- 
crire. 

lia  fabrication  des  draps  fins  est  l'objet  d'une  concurrence 
louable,  si  les  concurrens  se  bornent  à  cbercber  les  movcns 
de  l'emporter  sur  leurs  rivaux  par  une  plus  grande  perfection . 
C'estainsi qu'il  convient  nuxGerdrei.  aux  Riboulcou,  etc., de 
lutter  contre  l'industrie  active  ,  persévérante  et  judicieuse  de 
M.  Ternaux.  Les  dissensions  entre  ce  fabricant  célèbre  tt 
plusieurs  autres  auxquels  son  exposition  particulière  a  déplu, 
ces  fàcbeux  débats  entre  des  hommes  accoutumés  à  mieux  em- 
ployer leur  lems,  ont  été  jugés  par  le  public,  puisque  c'est  ."i 
son  tribunal  que  cette  cause  a  été  soumise.  On  a  vu,  d'na 
côté,  l'usage  d'un  droit  très  -  légitime  ,  une  franchise ,  une 
loyauté  qu'on  ne  pouvait  s'erapécber  de  reconnaître,  et  dont 
on  était  encore  mieux  convaincu  après  l'avoir  bien  observée; 
on  a  reconnu  que  la  qualité  des  étoffes  et  la  modicité  du  prix 
étaient  précisément  ce  que  M.  Ternaux  avait  annoncé.  De 
l'autre  côté  ,  de  l'humeur,  des  insinuations  obscures,  certai- 
nes phrases  qui  prenaient  un  air  de  délation  ,  rien  de  clair,  de 
positif,  et  rien  pour  l'intérêt  des  consommateurs;  l'opinion 
du  juge  a  été  bientôt  formée.  Quel  que  soit  l'avis  de  la  com- 
T.  XX. — Octobre  1825.  5 


54  EXPOSITION 

mission  cliargée de  décerner  les  médailles,  celui  du  public  est 

fixé  d'après  la  raison  ,  secundum  allegata  et  probata. 

Les  casi/nirs exposés  cette  année  ont  mérité  de  justes  éloges, 
par  la  perfection  du  tissu  et  la  beauté  des  couleurs.  Cette 
branche  d'industrie  serait  peut-être  celle  qui  a  fait  les  progrès 
les  ^>lus  remarquables  ,  si  les  cbàles  n'avaient  point  étonné  les 
spectateurs,  par  le  développement  inattendu  de  leurs  riches- 
ses asia'.iqucs. 

Les  tapis  se  perfectionnent  aussi  dans  les  deux  sens  ,  pour 
le  luxe  et  pour  la  médiocrité  ;  d'un  côté  la  magnificence,  et  de 
l'autre  ,  la  propreté  et  le  bon  goût.  Dans  ce  genre  de  fabrica- 
tion, le  nom  de  M.  Ternaux  se   trouve  associé  à  ceux  de 
MM.  Delonne, Roger  Gl  Sallandrouze,  etc.,  à  Paris.  liCS  ma- 
nufactures royales  d'Aubusson  et  de  la  Savonnerie  soutien- 
nent leur  ancienne  réputation.  Aucun  de  leurs  ouvrages  n'of- 
lense  l'œil  par  des  dessins  bizarres  ,  et  plusieurs  ofireiit  au 
contraire  des  peintures   correctes  et  gracieuses.  A  l'imita- 
tion de  nos  voisins  d'outi-emer,  nous  finirons  par  couvrir  de 
tapis  le  froid  carrelage  de  nos  habitations  ,  et  cette  partie  de 
notre  ameublement  passera,  pour  ainsi  dire  ,  dans  le  domai- 
ne de  larchitecture.  On  pourra  lui  imposer  alors  les  lois  plus 
stables  et  plus  sévères  qui  gouvernent  l'art  de  construire  nos 
demeures  ,  et  d'en  disposer  toutes  les  parties  suivant  leur  des- 
tination  :  on  ne  marchera  plus  sur  des  figures  d  hommes , 
d'animaux ,  sur  desp  aysages  et  autres  représentations  aussi 
peu  faites  pour  èti'e  mises  sous  nos  pieds.  Les  inépuisables 
ressources  de  l'art  du  dessin  ,  l'imagination  féconde  des  artis- 
tes sauront  trouver  des  ornemens  plus  conformes  à  la  raison. 
Cette  réforme  judicieuse  est  déjà  faite  sur  les  tapis  économi- 
ques ;  leur  couleur  unie  ,  leurs  carreaux  et  leur  simple  bor- 
dure obtiendront  la  préférence  sur  les  ornemens  absurdes  ou 
déplacés. 

On  ne  regardera  pas  comme  une  invention  ni  comme  un 


DES  PRODUITS  DE  L'INDUSTRIE.  55 

perfecllonneinent  une  légère  modificatiop  d'une  ancienne 
<''tolTe  reproduite  sous  un  autre  nom  ;  ces  petits  artlliccs  soûl 
très-permis  dans  lempire  de  la  mode ,  mais  liaduslric 
qui  les  emploie  n'est  pas  celle  dont  une  nation  peut  shono- 
rer,  et  celle-ci  est  la  seule  qui  doive  se  montrer  au  Louvre. 
Mais  les  tricots  sont  une  sorte  de  tissus  dont  la  souplesse  et 
lextensibilité  dans  tous  les  sens  ne  peuvent  être  remplacres 
par  aucune  autre  texture  :  cette  fabrication  fait  aussi  des  ac- 
quisitions, et  développe  ses  ressources.  On  a  remarqué  prin- 
cipalemenl  les  produits  des  ateliers  de  M.  Cliantrtl,  à  Han- 
gest ,  et  de  M.  Roux,  à  Paris. 

La  lilature  et  le  tissage  du  coton  ont  opéré  la  plus  éton- 
nante rt'volution  dans  l'ensemble  de  nos  fabriques  et  dans  nos 
rapports  commerciaux.  Cette  matière  cxotiquesemble  vouloir 
se  su])Stituer  au  lin  et  au  chanvre  :  la  laine  même  n'est  pas 
préservée  de  ses  envabissemeus.  Il  faut  avouer  que  tout  sem- 
ble se  réunir  en  sa  faveur,  et  défendre  ses  intérêts.  I^a  facilité, 
la  propreté  ,  la  salubrité  de  tous  les  travaux  quelle  alimente, 
depuis  la  culture  du  cotonnier  dans  les  pays  qui  lui  convien- 
nent jusqu'à  la  fabrication  des  toiles,  des  mousselines,  etc.  , 
aucune  autre  substance  ne  se  prête  mieux  à  l  action  des  ma- 
cbines  ,  et  quoique  nous  soyons  encore  fort  au-dessous 
des  Anglais  quant  à  l'immensité  des  filatures  ,  nous  les  éga- 
lons au  moins  par  la  tinesse  et  la  perfection  du  travail.  Cepen- 
dant, la  cause  de  la  filature  et  des  tissus  de  lin  n'est  pas  perdue. 
Quelques  essais  de  mécaniques  pour  remplacer  le  travail  de  la 
(ileuse  ont  déjà  réussi,  et  MM.  DrabbU,  à  Douay,  Roussilhc  et 
Palezy,  à  Paris,  ont  exposé  des  échantillons  salisfaisans  du 
produit  de  ce  nouveau  travail  :  le  premier  pas  est  fait ,  et  dans 
presque  toutes  les  entreprises,  11  est  le  plus  difficile.  Un  autre 
concurrent  redoutable  vient  encore  disputer  au  colon  la  pos- 
session exclusive  des  manufactures  qui  nous  fournissent  les 
toiles  et  les  autres  tissus  analogues  ;  c'est  le  phormium  tenax, 


36  EXPOSITION 

transporté  de  TOréanique  dans  riiémisphère  boréal ,  et  qui 
semble  appelé  à  lonrnir  un  jour  à  la  marine  ses  meilleurs 
cordages ,  et  à  ropuleoce  ses  tissus  les  p!us  reclierchés.  M. 
Dtrepas,  de  Dijon,  a  fait  voir  quon  peut  le  convertir  en  (ils 
à  dentelle.  Voilà  deux  industries  naissantes,  et  bien  dignes 
d'être  encouragées  par  tous  les  amis  des  arts,  la  filature 
méjcanique  du  lin  et  du  cbauvre ,  et  celle  du  phormium  te- 
nax,  ou  lin  de  la  Nouvelle-Zélande. 

Les  tissus  de  coton  ne  pouvaient  paraître,  en  iSaS,  beau- 
coup au-dessus  de  ce  qu'ils  étaient  eu  1819.  A  mesure  que 
Ton  approcbe  de  la  perlection  ,  le  mouvement  se  ralentit,  et 
le  cbemln  parcouru  ne  devient  sensible  qu'après  un  tems 
plus  long.  Les  manufactures  de  tissus  de  coton  imités  de  ceux 
(le  rinde  ont  égalé,  surpassé  leurs  modèles  ;  les  créations  de 
l'industrie  européenne  ,  variées  et  perfectionnées  d'une  année 
à  l'autre,  paraissent  approcber  du  terme  où  elles  n'acquerront 
plus  rien,  lia  beauté  et  la  finesse  des  toiles  peintes  exposées 
au  Louvre  donnent  un  moyen  de  comparer  cette  partie  des 
arts  modernes  à  ce  qu'elle  était  chez  les  anciens.  Les  parures 
élégantes  des  ouvrières  et  des  paysannes,  d."ns  presque  toutes 
nos  provinces  ,  auraient  tenté  la  cupidité  de  ces  proconsuls 
romains  ,  dont  le  luxe  coûtait  si  cher  aux  malheureux  sujets 
de  la  république  ou  de  l'empire.  Cicéron  reproche  à  Verres 
de  paraître  en  public,  revêtu  dune  toile  très-fine,  parsemée 
de  petits  points  :  Tenuissimo  liiio  ininutis  ,  maculis.  Toate  la 
tlescription  de  la  magnificence  insensée  de  ce  proconsul 
prouve  que  les  boutiques  les  plus  somptueuses  de  Syracuse 
étaient  moins  bien  fournies  que  celles  des  quartiers  les  moins 
opulens  de  Paris  ne  le  sont  aujourd'hui. 

Les  tissus  de  coton  blancs  ou  imprimés  n'ont  pas  montré  , 
celte  année,  tout  ce  qui  méritait  d'être  vu.  Des  manufactu- 
res célèbres  y  ont  laissé  un  vide  que  le  public  a  remarqué.  Il 
est  presque  inutile  de  dire  que  celles  qui  ont  pris  part  à  cette 


DES  PRODUITS  DE  L'INDLSTRIE.  07 

fête  des  arts  soutiennent  leur  ancienne  réputation  ;  que  Rouen 
est  toujours  le  Manchester  de  la  France  ;  que  les  excellentes 
et  nombreuses  fabriques  de  Normandie,  dont  quelques-unes 
n'ont  rien  exposé  ,  sont  toujours  aussi  dignes  déloges  ;  que 
Lille,  Saint-Quentin,  Valenciennes,  et  quelques  autres  villes 
du  iNord  de  la  France,  conservent  le  rang  honorable  qu'el- 
les occupent  depuis  si  long-tems  dans  la  statistique  de  l'in- 
dustrie ;  que  le  Haut- Rhin  et  ses  belles  fabriques  ne  restent 
pas  en  arrière  ;  que  la  petite  ville  de  Tarare  aspire  à  se  distin- 
guer par  la  perfection  de  ses  fdatures  ,  etc.  Comme  il  nous 
serait  impossible  de  placer  dans  cette  Notice  les  noms  de  tou- 
tes les  manufactures  et  de  tous  les  fabricans  qui  ont  obtenu 
les  suffrages  du  public ,  nous  suppléerons  à  ceux  que  nous 
sommes  forcés  d'omettre,  en  insérant,  le  plus  tôt  qu'il  nous 
sera  possible  ,  la  liste  des  exposans  qui  auront  obtenu  des  mé- 
dailles ,  ou  dont  la  commission  aura  fait  mention.  Observons 
toutefois  que  cette  liste  est  celle  des  récompenses  ,  le  résultat 
d'un  choix,  et  que,  par  conséquent,  des  noms  très-dignes  d'es- 
time n'y  seront  point  inscrits.  Dans  celte  lutte  honorable,  le 
vainqueur  et  le  vaincu  paraissent  quelquefois  égaux  en  force, 
et  la  victoire  n'est  décidée  que  par  une  supériorité  trop  peu 
sensible  pour  être  aperçue  par  des  spectateurs  iuattentifs  ou 
sans  expérience. 

Ensuivantla  règleqnc  nous  nous  sommes  imposée,  les  tissus 
d  un  usage  universel  ou  indispensable  passeront  sous  les  yeux 
de  nos  lecteurs  avant  ceux  qui  ornent  les  palais  ,  forment  les 
vèteraens  ou  la  parure  des  classes  distinguées.  On  a  vu  des 
toiles  de  toutes  les  espèces,  depuis  les  toiles  d'emballage  jus- 
qu'aux services  de  table  travaillées  avec  le  plus  grand  luxe  , 
depuis  les  toiles  à  voile  jusqu'aux  batistes  les  plus  fines.  Les 
tissus  de  soie  ont  étalé,  comme  à  l'ordinaire,  leur  iTsagnificen- 
ce,  rehaussée  dans  quelques-uns  par  l'éclat  (\es  métaux  pré- 
cieux ;  mais  il  faut  avouer  qu'on  a  eu  rarement  à  louer  le  choix 


38  EXPOSITION 

des  dessins.  Ce  reproche  est  assez  grave  pour  qu'on  y  fasse 
plus  d'allentlon  qu  à  un  caprice  de  la  mode  :  ce  n'est  pas  aux 
soieries  seuicmeut  qu  on  peut  1  adresser,  mais  à  presque  tous 
les  objets  de  luxe  et  d'ornement.  Des  formes  contournées  et 
bizarrement  associées  ;  dans  les  meubles,  des  sculptures  là  où 
la  main  devrait  se  poser  sur  une  surlace  unie,  des  placages 
sans  éclat  et  qui  adaiblisseut  sans  embellir  ;  un  poids  inutile, 
parce  qu'on  a  voulu  s'écarter  des  formes  simples  qui  réunis- 
sent la  plus  grande  résistance  à  une  légèreté  qui  est  certaine- 
ment un  mérite  de  plus  ;  dans  les  éloPiCS ,  rien  qui  soit  digne 
du  crayon  ui  du  pinceau  d  un  peintre  judicieux  et  bien  pé- 
nétré du  sentiment  du  beau,  qui  puisse  ajouter  au  pouvoir  de 
la  beauté,  répondre  à  la  majesté  du  trône,  à  l'éclat  et  à  la 
pompe  des  cérémonies  publiques,  aux  mouvemens  gracieux 
de  la  danse  ;  des  dessins  qui  rappellent  les  premiers  essais  de 
l'enfance  ,  et  qu'il  eût  fallu  laisser  aux  peuples  qui  ne  savent 
pas  faire  mieux  ;  enfin ,  beaucoup  de  travail  sur  des  matières 
précieuses,  de  grandes  difficultés  surmontées,  et  un  mauvais 
résultat  :  voilà  ce  que  les  cbefs-dœuvre  del'ébénisterie  et  des 
fabriques  de  cbàles  ont  offert ,  celte  année  ,  à  ladmiralion  pu- 
blique. Depuis  long-teras  ,  le  bon  goiit  avait  fait  disparaître 
les  grands  ramages  des  étoffes  à  l'usage  du  beau  sexe  ;  les 
palmes  sont  maintenant  en  vogue  ,  quoiqu'elles  n'aient  sur  les 
dessins  proscrits  aucun  avantage  ,  si  ce  n'est  celui  d'être  tout- 
à-fait  insignifiantes.  Il  sera  facile  de  laire  un  meilleur  usage 
du  précieux  duvet  des  chèvres  thibétainesj  ses  qualités  sont 
précisément  celles  que  doit  réunir  au  plus  haut  degré  le  vête- 
ment des  dames  :  souple ,  léger,  commode,  rehaussant  les 
charmes  de  la  beauté  ,  se  prêtant  à  tous  les  mouvemens  gra- 
cieux, lorsqu'il  n'est  pas  sous  la  ferme  de  chàle. 

Il  ne  fallait  rien  moins  que  l'immobilité  asiatique  pour  em- 
pêcher que  cette  matière  n'obtînt  pas,avec  le  tems,  la  destiuafion 
qui  lui  convient  le  mieux.  Aujourd'hui  qu'elle  est  entrée  dans 


DES  PRODUITS  DE  L'INDUSTRIE.  og 

lo  domaine  de  Tiudustrie  européenne ,  ce  n'est  point  aux  ca- 
prices de  la  mode  qu'il  appartient  d'eu  disposer.  Son  introduc- 
tion dans  nos  manufnctures  a  été  marquée  par  des  prodiges.  Un 
petit  nombre  d'années  a  sufti  pour  atteindre  et  surpasser  peut- 
être  l'antique  perfection  des  tissus  de  cachemire  ,  pour  inulti- 
plier  les  fabriques,  fournir  à  tous  les  besoins  du  commerce 
intérieur,  verser  même  un  excédant  au-dehors ,  étaler  au 
Louvre  luie  abondance  ,  une  variété,  wne  perfection  de  ces 
tissus  dont  tous  les  spectateurs  ont  été  surpris,  l'^t  tant  d'ellorts, 
de  travaux  et  de  succès  n'ont  abouti  qu'à  satisfaire  le  plus  dis- 
pendieux des  mauvais  goûts!  Au  reste,  ce  n'est  pas  l'indus- 
trie qu  il  faut  accuser,  mais  le  public,  qui  lui  imprime  cette 
fausse  direction.  Excusons  même  les  dames  françaises  :  il  était 
diOicile  qu'elles  échappassent  à  l'engouement  des  châles,  ma- 
ladie européenne  dont  elles  seront  guéries  avant  tout  le  beau 
sexe  des  autres  nations.  La  mobilité  de  nos  modes  aura  cette 
fois  le  mérite  de  nous  avoir  débarrassés  de  celte  épidémie 
asiatique. 

Entraînés  par  la  chaîne  de  nos  idées,  nous  avons  parlé 
de  la  fabrication  des  châles  ,  plus  tôt  que  nous  ne  l'au- 
rions voulu  :  beaucoup  d'autres  arts  moins  brillans,  mais  plus 
utiles,  avaient  le  droit  de  se  présenter  avant  celui-ci.  Eulin  , 
notre  pénible  excursion  est  terminée;  reprenons  la  voie  de 
l'industrie  vraiment  nationale,  de  celle  qui  s'occupe  de  nos 
besoins  réels  ,  dont  le  corps  social  ne  peut  se  passer,  et  qui 
est,  par  conséquent,  l'une  des  causes  de  la  félicité  publique. 
La  pn'paration  des  peaux  ,  les  produits  chimiques  ,  la  con- 
servation des  substances  alimentaires  ,  l'eniploi  des  bois  indi- 
gènes ,  la  fabrication  du  verre  ,  des  poteries  ,  de  la  porcelaine, 
les  appareils  de  cbaufiage  économique  ,  l'art  du  chapelier  et  la 
variété  des  matières  sur  lesquelles  il  s'exerce  aujourdhui,  etc.. 
tous  ces  arts  ont  fait  preuve  d'un  perfectionnement  sensible.  Il 
en  est  quelques-uns  dont  nous  n'avons  pu  juger  par  nous- 


4o  EATOSITION 

niêmes  :  tels  sont  les  procédés  pour  la  conserTation  des  vian- 
des ,  les  appareils  distilîatoires ,  les  calorifères  et  calefac- 
tcurs,  parmi  lesquels  nous  distmi;uerons  celui  de  M.  Lemare. 
1j' Académie  des  Sciences  a  déjà  prononcé  sou  jugement  sur 
cette  invention  ,  qui  saus  doute  ne  demeurera  pas  stérile  ,  et 
qui  peut  contribuer  puissamment  à  de  grandes  réformes  dans 
réconomie  domestique  (i).  Quant  aus.  produits  chimiques, 
il  suffit  de  nommer  les  fabrlcans  pour  faire  prési»iîer  l'excel- 
lence de  la  fabrication  :  MM.  Cliaplal ,  Darcet  et  Holker  ne 
sont  pas  moins  estimés  pour  leurs  succès  dans  les  arts  cbimi- 
ques  et  par  la  sage  administration  de  leurs  travaux.,  que  par  ce 
qu'ils  ont  fait  pour  le  progrès  des  sciences.  Ou  a  été  surpris 
que  Grenoble  n'ait  point  envoyé  quelques  échantillons  des 
peaux  qui  donnent  une  si  haute  renommée  aux  ganteries  de 
cette  ville.  Le  travail  des  bois  indigènes  réussit  très -bien  entre 
les  mains  de  M.  y acher  :  mais ,  avant  que  nous  avons  multi- 
jîlié  ceux  des  bols  colorés  que  notre  climat  ne  repousse  point, 
ne  vaudrait-il  pas  mieux  chercher  de  bons  procédés  de  tein- 
ture pour  les  bois  indigènes  ,  et  renoncer  au  placage?  Si  nos 
foréls  avaient  le  tems  de  vieillir,  elles  ne  seraient  point  dé- 
pourvues de  bois  colorés,  D  ailleurs,  les  idées  de  M.  Vacher 
sur  les  meilleurs  procédés  pour  faire  un  placage  solide  méri- 
tent beaucoup  d'attention ,  et  peuvent  être  appliquées  à  d'au- 
tres asseiiib'as:es  de  bois  de  nature  diCférenle. 


(i)  On  doit  aussi  à  M.  I/emare  un  Dictionnaire  de  l'exposition  au 
Louvre  en  i Si û  :  i°  par  ordre  de  producteurs  avec  leurs  adresses;  2°  par 
ordre  des  produits,  avec  les  noms  des  producteurs.  Octobre  18  >5;  Béchet 
aîné,  quai  des  Âuguslins,  n°  ôj;  et  chez  l'auteur,  quai  de  Conli,  a"  5  , 
en  face  le  Pont -Neuf.  216  pages  in-S";  prix,  5  francs.  Cet  ouvrage 
est  exact ,  et  présente  ,  sous  une  forme  commode ,  l'immense  nomencla- 
ture des  objets  exposés.  Les  recueils  de  celte  espèce  conservent  des  ma- 
tériaux précieux  pour  l'histoire  des  arts,  lorsque  l'on  aura  ie  courage  de 
l'écrire. 


DES  PRODUITS  DE  L'INDUSTRIE.  ^l 

L'art  du  verrier  n'a  produit  que  des  objets  de  luxe  ,  dont 
plusieurs  n'étaient  point  recommandables  par  réiëgance  des 
formes.  Mais  les  pierres  artificielles  de  M.  Dedreux  ont  ob- 
tenu de  justes  éloges,  en  les  considérant  comme  un  produit 
des  arts.  Sous  un  autre  point  de  vue ,  ou  peut  douter  que  l  lia~ 
bile  artiste  parvienne  à  exercer  quelque  influence  sur  l'opi- 
nion. Ni  le  prix,  ni  l'usage  du  diamant  et  des  pierres  précieu- 
ses ne  cbangeront;  les  licbes  voudront  en  avoir,  pour  être 
distingués  de  cette  classe  moyenne  dont  l'aspect  les  fatigue  , 
lorsqu'ils  ne  peuvent  ni  acquérir  ses  connaissances  ,  ni  prati- 
quer ses  vertus  :  une  vanité  qui  n'eut  point  pensé  à  des  paru- 
res d'un  trop  baut  prix  ,  se  contentera  de  pierres  artificielles  5 
n'est-ce  pas  un  movcu  de  la  fortifier?  l'esprit  tt  le  cœur 
ne  perdent-ils  rien  sous  l'empire  des  petites  passions  "■  Os 
considérations  nous  conduisent  naturellement  aux  cbc's- 
d'œuvre  d'orfèvrerie  de  M.  Odiot,  aux  bronzes  dorés  de 
MM.  Chopin,  Cunlamiiie  et  Galle,  aux  ébénisteries  de  MM. 
Werner  et  Putaux,  aux  porcelaines  de  Sèvres,  et  à  celles  qui 
se  contentent  de  rexcellcuce  de  la  matière,  de  la  beauté  des 
formes  et  de  la  perfection  du  dessin  ,  sans  ambitionner  les  di- 
mensions gigantesques  des  ouvrages  exécutés  à  la  Manufac- 
ture royale.  Nous  jetterons  en  même  teins  un  coup  d'œll  sur  les 
faïences  de  Sargucmines,  sur  les  prodiges  opérés  par  MM. 
Utzchneider  iiiFobry ,  sur  ces  candélabres  et  ces  vases  imitant 
si  parfaitemenl  le  porplivi  e  ,  que  lœil  du  naturaliste  le  plus 
exercé  ne  peut  écbapper  à  l'illusion.  Cette  application  d  une 
industrie  créatrice  nous  plaira  d'autant  plus ,  quelle  ne  se 
borne  pas  aux  objets  d  ornement ,  et  que  tout  ce  qui  sort  de 
la  belle  manufacture  de  Sarguemines  réunit  toutes  les  qualités 
désirables  dans  les  vases  de  celte  matière ,  l'élégance ,  la  so- 
lidité ,  la  beauté  de  î'éinall  et  le  bas  prix. 

Disons  aussi  «lue  nos  artistes  s'attacbent  à  mettre  en  œuvre 
les  matières  indigènes,  à  mouler  en  carton  des  ornemens  d'ar- 


4  «2  EXPOSITION 

chitecîure  pour  rintéricur  des  édifices  ;  que  les  tôles  vernies 
sont  façonnées  en  meubles  élégans  ,  solides  et  légers  ;  mais, 
au  milieu  de  l'une  des  capitales  du  monde  civilisé,  près  du 
foyer  de  toutes  les  sciences  et  de  tous  les  arts,  celui  d'appli- 
quer sur  le  fer  un  vernis  brillant  et  durable  est  encore  dans 
Teufance,  si  l'on  compare  ses  produits  â  ceux  de  quelques 
ouvriers  à  demi  sauvages  qui  Tont  porté  au  plus  haut  degré 
de  perfection  dans  les  forèls  de  TOural ,  en  Sibérie.  L'origine 
de  cette  industrie  très-extraordinaire  n'est  pas  bien  connue. 

Quelques  ébauches  de  statues  moulées  ,  soit  en  pale  de  car- 
ton, soit  eu  stuc  imitqnt  la  pierre,  n'offrent  encore  rien  de 
satisfaisant  :  il  faut  attendre  de  nouveaux  essais  ,  avant  de  pro- 
noncer sur  le  mérite  de  celte  innovation.  Ces  tentatives  n  en- 
richissent pas  les  beaux-ai-ts ,  et  ne  contribuent  point  à  leur 
perfectionnement  :  il  vaudrait  mieux  s'attacher  à  créer  de 
nouveaux  cbefs-d'auvre ,  qu'à  multiplier  les  mauvaises  co- 
pies des  bons  modèles. 

Nous  terminerons  celle  Notice  par  l'un  des  arts  les  plus  ai- 
mables ,  et  dont  les  progrès  tiennent  nécessairement  à  ceux  de 
la  civilisation,  la  musique ,  et  par  un  autre  dont  l'inlluence 
est  beaucoup  plus  puissante ,  qui  conserve  le  dépôt  de  toutes 
les  connaissances,  qui  les  propage  el  les  met  à  la  portée  de 
tous  les  esprits  capables  de  les  recevoir;  c'est  la  typographie. 
Après  les  recherches  de  MM.  Savarl  et  Chanot  sur  le  violon 
et  les  heureuses  applications  qu  ils  eu  ont  faites ,  il  semblait 
que  de  long-lems  on  ne  songerait  à  de  nouveaux  perfectiou- 
uemens  ;  mais,  les  difficultés  n'ont  point  effrayé  MM.  Legros 
de  la  Neuville  et  LaFrevoile.  Les  violons  qu'ils  ont  exposés 
sont  effectivement  très-bons  ,  mais  ceux  de  l'exposition  pré- 
cédente Tétaient  aussi ,  et  il  faudrait  les  entendre  les  uns  et  les 
aulres  ,  les  comparer  altcntivemeul  sous  tous  les  rapports.  Les 
pianos  et  les  harpes  exposés  unissent  la  décoration  extérieure 
à  la  beauté  des  sons  :  en  général,  ce  ne  sera  pas  la  faute  des 


DES  PRODUITS  DE  L'INDUSTRIE.  4^ 

faclenrs  d'iuslrumens ,  si  les  musiciens  font  encore  quelque- 
fois d'assez  mauvaise  musique.  Les  propres  de  la  typographie 
n'ont  ofiert ,  au  Louvre,  que  ce  que  ion  avait  déjà  vu  dans 
les  belles  éditions  sorties  des  presses  de  MM.  Didot.  On  a  re- 
marqué cependant,  avec  satisfaction,  que  les  caractères  gothi- 
ques deviennent  rares.  Quant  à  la  reliure  ,  elle  a  subi  le  soi-t 
des  arts  du  dessin  ,  d'autant  moins  agréable  à  l'œil ,  qu'elle  est 
plus  chargée  dornernens. 

L'état  des  arls  lilhoi'raphiques  et  le  développement  rapide 
de  cette  nouvelle  industrie,  étaient  généralement  connus  :  ce 
que  l'exposition  au  Louvre  en  a  montré ,  n"a  rien  appris  de 
nouveau. 

Il  nous  reste  à  faire  quelques  observaliors  sur  les  movens 
d'apprécier  le  mérite  industriel  des  objets  exposés  ,  et  d  at- 
teindre le  but  de  l'instilulion  par  une  équitable  distribution 
des  récompenses  décernées  aux  exposans. 

Jusqu'à  présent,  cette  tâche  délicate  et  difficile  a  été  con- 
liée  à  une  commission  de  savans  et  de  manufacturiers  choisis 
et  nommés  par  le  gouvernement.  Cette  année  ,  deux  hommes 
reconimandobles  par  de  vastes  connaissances  dans  les  arts  et 
par  un  noble  caractère  ,  ont  cessé  de  faire  partie  de  cette  com- 
mission ;  la  confiance  publique  s'est  affaiblie.  Le  choix  de 
deux  savans  non  moins  dignes  d'estime  a  réparé  les  pertes 
de  la  commission ,  mais  sans  rétablir  entièrement  la  con- 
tiance.  On  a  craint  que  certaines  passions  politiques  ne  pré- 
sidassent à  la  distribution  des  médailles  j  plusieurs  fabricans 
qui  s'étaient  montrés  avec  distinction  aux  expositions  précé- 
dentes ,  n'ont  point  paru  à  celle-ci.  L'amovibilité  des  mem- 
bres de  la  commission  ,  au  gré  de  l'autorité  administrative  , 
est  donc  un  mal ,  une  erreur  de  la  législation.  Mais ,  com- 
ment la  réparer?  11  faudrait  que  la  commisï.ion  fût  réellement 
un. Jury,  dans  la  rigueur  du  terme,  c'est-tà-dire,  un  tribunal 


44  EXPOSITION  DES  PRODUITS  DE  L'INDUSTRIE, 
composé,  chaque  année,  de  juges  ,  choisis  sans  la  participa- 
tion de  Tautorité  administrative,  suivant  des  formes  légales, 
soit  par  les  exposans  ,  soit  de  toute  autre  manière  ,  pourvu 
qu'elle  fût  partaitement  indépendante.  Mais ,  cette  réforme  ne 
ferait  pas  disparaître  tous  les  inconvéniens  de  l'institution  ;  elle 
conduirait  même  d'autant  plus  sûrement  et  plus  tôt  à  une  con- 
centration dangereuse  de  presque  tontes  les  industries  dans  la 
capitale.  S'il  est  quelque  moyen  de  remédier  à  ce  mal,  en 
conservant  le  bien  que  les  expositions  peuvent  opérer,  on  ne 
pourrait  le  découvrir  que  par  des  recherches  étrangères  à  no- 
tre objet  (  I  ) . 

B'erry. 


(i)  Voyez  ci-après  {Nouvellei  scientifiques  et  littéraires)  les  détails  re- 
latifs à  la  distribulioa  des  médailles  d'ot,  d'argent ,  et  de  bionze,  décer- 
nées par  le  Jury,  qui  a  été  laite  par  le  Roi,  au  palais  des  Tuileries,  le  26 
octobre. 


VVV»VVVVVVV»VVVVV%/WrM/«M«««M/««V\;V«WVV«l/«%VVV»V«W««VV««/WMiVVV««VV^^ 


II.  ANALYSES  D'OUVRAGES. 


SCIENCES  PHYSIQUES. 

Précis  des  événemens  militaires  ,  ou  Essais  historiques 
sur  tes  campagnes  de  1799  à  i8i4,  avec  cartes  et 
plans;  par  M.  le  Comle  Mathieu  Dumas,  Lieutenant- 
général ,  etc.  —  Campagne  de  i8o5  (1). 

Le  saraut  et  habile  auteur  du  Précis  des  événemens  mili- 
taires,  qui  embrasse,  dans  cet  important  ouvrage,  Ihisloire 
abrégée  d'une  grande  partie  des  guerres  de  la  république  et 
de  celles  de  lempire,  a  su  rendre  cette  liistoire  à  la  fois  utile 
et  instructive  pnur  les  hommes  de  Tart,  intéressante  et  en 
quelque  sorte  dramatique  pour  toutes  les  classes  de  lecteurs. 
Il  annonce,  en  commençant  les  quatre  volumes  qui  font  le 
sujet  de  cet  article,  qu  il  entre  désormais  dans  un  ordre  de 
choses  entièrement  nouveau,  qu'une  nouvelle  ère  va  s'ouvrir  : 
Novus  reruni  nascidir  ordo. 

En  effet,  tout  est  changé.  Ce  ne  sont  plus  les  institutions  na- 
tionales ,  la  cause  de  la  pairie  et  de  la  liberté  que  les  armées 
françaises  sont  appelées  h  défendre.  Elles  ne  sont  plus  que  des 
légions  ,  organisées  et  dirigées  par  un  grand  capitaine  (jui  veut 
les  faire  servir  d"ins;rumens  à  sa  gloire,  à  son  ambition  gigan- 
tesque et  à  ses  projets  de  domination  universelle.  Et  cepen- 

(1)  Paris,  1822.  Quatre  vol.  in-S»,  avec  uu  atlas  in-folio.  Treuttel  et 
Wûrtz  ,  rue  de  Bourboa  ,  ti'  17  ;  prix  ,  25  fr.  —  Ces  quatre  volumes  sont 
les  Tomes  XI,  XII,  XIII  el  XIV  de  la  grande  et  belle  collection  inti- 
tulée :  Précis  des  événemens  militaires.  —  On  trouve  aussi  le  même  ou- 
vrage à  Hambourg,  chez  Pertliès  et  Besser,  libraires. 


4 G  SCIENCES  PHYSIQUES. 

dant ,  elles  vont  déployer  sous  ses  drapeaux  la  même  intrépi- 
dité, le  même  enthousiasme  qui  les  animaient  dans  les  guer- 
res précédentes.  Car,  une  sorte  d'illusion  et  de  prestige,  qui 
les  enivre  et  les  entraîne,  leur  persuade  que  cette  gloire  mi- 
litaire, fausse  et  trompeuse,  si  funeste  à  l'humanité  et  à  la  mo- 
rale publique,  pourra  placer  la  France  à  la  tète  des  nations 
européennes  ,  et  lui  procurer  une  grande  et  honorable  supré- 
matie militaire  et  politique,  en  échange  de  sa  liberté  anéan- 
tie. Il  n'était  donné  qu'à  un  petit  nombre  d'hommes  généreux^ 
victimes  de  tous  les  genres  de  fyrannie ,  doués  d'une  prévision 
malheureusement  inutile,  et  réduits  à  une  entière  impuissance 
de  servir  leur  pavs,  par  la  défiance  ombrageuse  d'un  maître  ab- 
solu ,  d'entrevoir  dès-lors  (suivant  l'expression  pittoresque  et 
prophétique  employée,  eu  1800,  avec  Napoléon  lui-même) , 
au  bout  de  cette  longue  avenue  de  lauriers,  dans  laquelle  s'a- 
vançait avec  joie  tout  une  génération  guerrière ,  le  gouffre 
ensanglanté  où  serait  plus  tard  précipitée  la  patrie, 

La  campagne  de  1 8o5  ne  semble  pas  encore  préparer  les 
événemens  qui  ont  décidé  le  sort  de  la  France ,  et  la  terrible 
catastrophe  réservée  à  Bonaparte.  Sur  terre,  la  victoire  de- 
meure fidèle  aux  drapeaux  français  j  sur  mer,  nos  vaisseaux 
ne  sont  pas  réduits  h  se  renfermer  dans  nos  ports  ;  et  nos  ma- 
rins ,  avec  des  forces  inférieures ,  causent  beaucoup  d'embar- 
ras et  quelques  dommages  aux  Hottes  anglaises  :  la  France 
peut  encore  voir,  dans  sa  marine,  autre  cliose  qu'un  luxe  oné- 
reux. Ainsi ,  les  champs  de  bataille  ne  sont  pas  seulement  en 
Europe  :  les  opérations  militaires  embrassent  les  deux  conli- 
nens  ;  ce  qui  se  passe  aux  îles  du  Vent  on  au  sud  de  l'Afrique, 
est  l'effet  de  l'impulsion  communiquée  à  toutes  les  forces  na- 
tionales, et  dont  la  puissance  se  fait  principalement  sentir  en 
Italie,  sur  le  Danube  et  à  Auslerlitz. 

Au  commencement  de  celle  année  (i8o5),  on  pouvait  es- 
pérer encore  que  le  nouveau  chef  de  la  France  s'occuperait 


SCIENCES  PHYSIQUES.  47 

des  vrais  movens  de  la  rendre  lieareuse  et  florissante ,  et  non 
du  soin  de  fonder  des  royaumes  pour  chacun  des  membres  de 
sa  famille,  et  d'ajouter  de  nouveaux  états  à  ceux,  qui  suffisaient 
pour  entretenir  une  armre  invincible,  des  flottes  imposantes  , 
et  pour  lui  assurer  une  prépondérance  non  contestée  sur  la 
politique  européenne.  Il  restait  donc  aux  vrais  Français,  aux 
amis  de  leur  pays  ,  quelques  motifs  de  consolation  et  d'espé- 
rance. Une  dernière  lueur  de  liberté  pouvait  prolonger  en- 
core des  illusions,  toujours  chères  aux  âmes  généreuses.  Les 
hochets  de  la  vanité  ,  les  récompenses  et  les  libéralités  cor- 
ruptrices n'avaient  pas  été  prodiguées  autant  qu'elles  le  fu- 
rent dans  la  suite.  La  France  était  moins  étendue,  mais  en 
réalité  beaucoup  plus  forte  qu'elle  ne  le  fut  après  avoir  fran- 
chi ses  limites  naturelles  ,  les  Alpes  et  le  llhin. 

L'année  i8o5  vit  donc  toutes  les  forces  de  la  France  eu 
mouvement.  Ainsi ,  l'on  ne  sera  point  surpris  que  l'histoire  de 
cette  campagne  occupe  quatre  volumes  ,  d'autant  plus  qu'une 
partie  du  premier  est  consacrée  à  l'exposition  de  quelques  évé- 
nemens  de  1804,  qui  exercèrent  une  grande  influence  sur 
ceux  de  i8o5. 

Jj'auteur  divise,  comme  dans  les  volumes  précédeus  ,  son 
ouvrage  en  trois  parties  :  le  ii^cit  des  faits ,  les  pièces  justifi- 
calii'es,  et  des  notes.  Sous  ce  dernier  titre  ,  on  trouve  souvent 
des  mémoires  très-instructifs  sur  des  questions  militaires,  po- 
litiques ou  historiques  :  tels  sont,  par  exemple,  les  rapports 
du  général  du  génie  Chasseloup ,  et  du  colonel  du  génie  Lie- 
dot  sur  la  place  d'Alexandrie  ,  en  Piémont,  et  sur  les  ouvra- 
ges que  les  Français  y  ont  exécutés  avec  une  activité  incroya- 
ble ,  poiu-  en  frtire  une  (\qs,  meilleures  forteresses  de  l'Europe. 
C'est  ainsi  que  Louis  XIV  prodigua  souvent  les  trésors  de  la 
France  et  le  génie  de  Vauban  pour  la  construction  de  places 
fortes  qui  ne  devaient  rester  que  peu  de  tems  au  pouvoir  des 
Français*  On  ne  lira  pas  avec  moins  d'intérêt  l'opinion  de  l'a- 


48     '  SÇIEINCES  PHYSIQUES. 

mirai  Verbuel  sur  rcxpédkion  dont  l'Angleterre  fut  menacée, 
dans  cette  campagne  de  i8o5.  «  J'ai  été  de  bonne  foi ,  dit-il  ; 
et  dans  le  commaudemeul  de  l'aiie  droite  qui  m'a  été  confié  , 
j'ai  cru  à  la  possibilité  la  plus  entière  de  celte  expédition.  La 
malheureuse  affaire  de  Trafalgar  nous  avait  enlevé  un  grand 
appui.  Une  fois  eu  Angleterre ,  les  difficultés  majeures  eus- 
sent été  de  maintenir  les  communications  ouvertes.  Mais  je 
demande  si  les  flottes  française  et  espagnole,  qui  pouvaient  , 
avec  une  grande  supériorité ,  venir  dans  la  Maucbe ,  y  eus- 
sent occupé  les  dottes  anglaises  dont  les  escadres  divisées  sur- 
veillaient la  côte  de  France  depuis  Brest  jusqu'au  Pas-de-Ca- 
lais, et  si  les  escadres  hollandaises  du  ïexel  et  d  Helvoct-Sluis 
eussent  fait  en  même  tems  leur  expédition  sur  les  côtes  du 
nord  de  l'Angleterre,  quel  obstacle  aurait  pu  empêcher  ie  pas- 
sage de  la  flottille? La  réussite  de  celte  grande  entreprise 

'  eût  changé  la  face  de  l'Europe.  »  —  Les  militaires  méditeront 
avec  soin  les  observations  de  notre  auteur  sur  l'organisation 
de  la  i^ve.mwve  grande  armée ,  ou  armée  impéiiale.  Après 
une  discussion  lumineuse ,  mais  trop  serrée  pour  être  suscep- 
tible d'analyse,  M.  le  général  Dumas  arrive  à  cette  conclu- 
sion :  «  la  grande  armée,  ou  armée  impériale,  formée,  orga- 
nisée, disciplinée  par  Napoléon,  en  i8o5  et  i8o4 ,  et  mise  en 
action  en  Allemagne  et  en  Italie,  vers  la  fin  de  iBo5,  fut,  sous 
tous  les  rapports  ,  la  meilleure  qu'aucune  nation  moderne  eût 
eue  jusqu'à  cette  époque.  » — Il  est  quelques  autres  objets  sur 
lesquels  tous  les  lecteurs  ne  partageront  pas  les  opinions  de 
M.  le  général  Dumas  ,  parce  qu  il  n'a  pu  leur  donner  tous  les 
développemens  et  les  appuis  nécessaires,  ce  qui  affaiblit  le  pou- 
voir des  raisonnemeus  sur  les  esprits  un  peu  difficiles.  Nous 
l'avouons  :  ce  que  l'auteur  a  dit,  relativement  aux  forces  na- 
vales qu'il  convient  à  la  France  d'entretenir  en  tems  de  paix  , 
ne  nous  a  point  convaincus  ;  et  en  cas  de  guerre ,  si  l'on  ne 
peut  indiquer  quelques  moyens  d'être  le  plus  fcrt ,  les  conseils 


SCIENCES  PHYSIQLES.  49 

paraissent  assez  inutiles.  La  question  de  rétablissement  d'une 
marine  militaire  suppose  qu'on  a  résolu  celles  qui  concernent 
les  étal)  issemens  coloniaux  ,  les  traités  de  commerce,  etc.  : 
elle  suppose  que  la  politique  est  plus  éclairée,  moins  vacil- 
lante ,  et  qu'elle  est  dirigée  vers  le  bien  de  tou'es  les  nations  ; 
car,  si  elle  se  proposait  un  autre'  but ,  c'est  dans  Machim'cl 
qu'elle  trouverait  les  règles  de  sa  conduite  et  les  principes  de 
ses  institutions. — Sur  celte  question  :  Convient-il  aux  mo- 
narques de  commander  leurs  armées  eu  personne?  notre 
auteur  établit  une  distinction  essentielle.  Lorsqu'il  s'agit  de 
repousser  une  invasion,  la  présence  du  clief  suprême  de  l'é- 
tat à  la  tète  des  armées  ,  est  toujours  très-utile  ;  mais  ,  au-delà 
des  Irontières ,  sur  le  territoire  ennemi ,  il  est  rare  que  les 
princes  qui  ont  voulu  commander  en  personne  n'aient  pas 
attiré  de  grands  maux,  sur  eux-mêmes  et  sur  les  peuples. 

La  substance  des  pièces  justificatives  est  tout  entière  dans 
le  récit  des  événernens  ;  mais  il  en  est  quelques-unes  d'un  ca- 
ractère si  remarquable,  qu'il  convient  de  les  produire,  sinon 
dans  leur  entier,  au  moins  dans  leurs  traits  les  plus  saillans. 
Voici  queiijues  extraits  d'une  note  sur  la  flottille  de  Boulogne, 
écrite  sous  la  dictée  de  Napoléon  ,  à  son  retour  de  Boulo^^ne 
(septembre  i8o5). 

*  Chapitre  1.  Quel  a  clé  mon  but  dans  la  création  de  la 
flottille  de  Boulogne. — Art.  i .  Je  voulais  réunir  4o  ou  5o  vais- 
seaux de  guerre  dans  les  ports  de  !a  Martinique  ,  par  des  opé- 
rations combintes  de  Toulon,  de  Cadix,  du  Ferrol  et  de 
Brest  ;  les  faire  revenir  tout  d  un  coup  sur  Boulogne;  me  trou- 
ver pendant  quinze  jours  maître  de  la  mer  ;  avoir  i5o  mille 
hommes  ,  et  lo  miiie  chevaux  campés  sur  cette  cote  ;  trois  ou 
qu  itre  mille  batimens  de  tlottiiie  ;  et  aussitôt  l'arrivée  de  mon 
escadre,  débarquer  en  Angleterre,  m'emparer  de  Londres  et 
de  la  Tamise.  Ce  projet  a  été  sur  ie  point  de  réussir  ;  si  l'ami - 
raî  Villeneuve  ,  au  lieu  d'entrer  au  Ferrol,  se  fût  contenté  de 
T.  XX. — Octobre  i8'25.  ^ 


5o  SCIENCES  PHYSIQUES, 

rallier  l'escaclre  espagnole,  et  eût  fait  \oile  sur  Brest  pour  s'y 
rf'unir  avec  l'amiral  Gautlieaumc  ,  mou  armce  tle'ljai'nuait,  et 
c'en  était  fait  de  l'Angleterre. 

«  ^rl.  2.  Pour  faire  rJussir  ce  projet,  il  fallait  réunir 
i5o,ooo  liomraes  à  Boulogne,  y  avoir  quatre  mille  balimens 
de  flottille,  un  immense  matériel,  embarquer  tout  ce'a ,  et 
pourtant  empêcher  l'ennemi  de  se  douter  de  mon  projet  :  cela 
paraissait  impossible.  Si  j'y  ai  réussi ,  c'est  eu  faisant  l'inverse 
de  ce  qu'il  semblait  qu'il  fallait  faire.  »  (Suivent  les  explica- 
tions qui  font  connaître  comment  les  Anglais  ont  pris  le  chan- 
ge, et  commis  des  fautes  qui  auraient  dû  les  perdre,  si  quel- 
ques circonstances  n'avaient  empêché  la  flotliile  de  soitir.) 

))  Chap.  II.  Que  convient-il  de  faire  de  la  fluUiile  de 
Boulogne? —  An.  5.  Le  projeta  été  démasqué  :  l'ennemi  voit 
que  le  plan  était  d  ariivcr  sous  la  protection  de  mes  escadres. 
Les  travoux  faits  à  Boulogne  et  aux  poi  ts  de  Vimei-eux  et 
d'Ambletcuse  ,  qui  lui  sont  parfaitentent  connus  ,  lui  ont  prou- 
vé, d'ailleurs,  que  la  f'ottiile  ne  peut  appareiller  dans  une 
seule  marée.  Dès-lors,  lAng'eteire  n'a  plus  la  crainte  que 
cette  flottille  veuille  passer  avec  ses  propres  forces,  puisque 
les  combinaisons  de  1  amiral  Villeneuve  ont  prouvé  que  j'at- 
tendais son  arrivée  pour  traverser  le  détroit 

n  Art.  4-  Dans  cette  situation  des  choses  ,  la  rade  de  Bou- 
logne n'étant  point  propre  à  instruire  mes  matelots  ,  et  !a  flot- 
tille ne  pouvant  d'us  donner  à  l'Angleterre  l'inquiétude  de  lui 
voir  faire  le  passage  de  vive  force,  il  faut  reprendre  le  projet 
qui  a  été  manqué  ,  avoir  sur  les  bauteurs  de  Boulogne  une  ar- 
mée de  2o  à  i\  mille  hommes  ;  avoir  5oo  l<àtimens  pouvant 
porter  4o  à  5o  mille  hommes,  et  plusieurs  milliers  decbevanx; 
n'avoir  (ju'une  partie  des  matelots  nécessaires  pour  l'arme- 
ment de  ces  vaisseaux  ;  et  au  moment  où  mes  escadres  coiu- 
mencerai(nt  leurs  mouvemens,  faire  une  levf'e  de  pécheurs 
sur  les  côtes  ;  rétidiiir  la  ligne  dembossage  j  embarquer  l'ar- 


SCIENCES  PHYSIQUES.  5i 

tillerle  et  ie  matériel  ;  laire  enfin  toutes  les  démonstrations  né- 
cessaires pour  faire  voir  qu'on  n'attend  qu'une  escadre  pour 
passer. 

»   Chap.  IV.  Avantage  du  cep l(tn. — Jrt.5,G. 

»  Chap.  V.  Que  coiitcront  ces  avantages  ?  —  Art.'].  Les 
principaux  frais  de  cetîe  grande  diversion  consistent  dans  len- 
tretien  de  l'armée  de  terre  dans  ses  camps  :  mais  on  a  déjà  dit 
les  avantages  a'tacliés  à  !a  présence  des  troupes  dans  ce  lieu  , 
sous  le  point  de  vue  continental  ;  et  dans  l'obligation  de  gar- 
der une  grande  quantité  de  troupes  pour  le  maintien  de  ma 
considération,  il  est  indidércnt  de  les  entretenir  à  Boulogne 
ou  ailleurs.  (Il  prouve  ensuite  que  ces  dispositions  sont  le 
moyen  le  plus  eflicacc  et  le  plus  économique  de  nuire  à  l'en- 
nemi ,  en  l'obligeant  à  tenir  continuellement  en  mer  une  flotte 
nombreuse  ,  et  sur  les  côtes  ,  une  l'orle  armée  qui  ne  pourra 
sortir  d'Angleterre.) 

»  Art.  9.  Ayant  ainsi  fait  connaître  an  ministre  de  la  marine 
le  rôle  que  je  veus.  faire  jouer  à  la  fiolllile  de  Boulogne,  je  dé- 
sire qu'il  me  propose  les  modifications  nécessaires  pour  qu  elie 
atteigne  mon  but ,  en  me  coûtant  le  moins  possible.  » 

Cette  pièce  ,  remarquable  par  ie  fond  et  par  la  singularité 
de  la  rédaction  ,  provoquera  plus  d  une  remarque  de  la  part 
des  Anglais  ,  et  l'histoire  profitera  des  discussions  sur  ces  faits 
que  la  lumière  n'éclaire  que  lentement,  et  dont  une  partie  de- 
meurerait dans  les  ténèbres,  si  Ton  n'interrogeait  qu'une  classe 
de  témoins.  Dans  le  même  tems  ,  les  journaux  se  chargeaient 
de  iausses  nouvelles  ,  et  portaient  la  déception  dans  la  France, 
aussi-]jien  que  chez  l'ennemi  qu'on  voulait  tromper.  Aujour- 
d  hui  même  ,  tous  les  prestiges  n'ont  peut-être  pas  encore  dis 
paru  :  quelques-uns  des  hommes  qui  furent  dans  le  secret , 
garderont  la  part  qui  leur  fut  confiée. 

Un  fait  sur  lequel  il  semble  que  M.  le  gént'ral  Dumas  s'est 
miîpris  ,  c'est  ie  projet  attribué  à  Napoléon  de  s'emparer.,    de 


5a  SCIENCES  PHYSIQUES. 
Sainte-Hélène  !  S'il  avait  effectivement  conçu  ce  dessein ,  il 
faudrait  reconnaître  en  ceci  l'un  des  jeux  les  plus  bizarres  de 
la  fortune.  Mais,  d'après  sa  lettre  au  ministre  de  la  guerre, 
du  17  septembre  i8o5  (pièces  jusliticalives,  page  aGi)  ,  il  ne 
s'agissait  que  d'uue  occupation  momentanée,  d'une  station  de 
croisière ,  et  non  dune  prise  de  possession  déiuiitive.  Napo- 
léon recommanda  de  donner  des  instructions  larges  à  l'ami- 
ral chargé  dune  expédition  pour  1  Ile-de-France  j  de  «  lui 
laisser  le  choix,  de  se  porter  sur  le  Cap ,  ou  sur  Sainte-Hé- 
Ihne ,  pourvu  qu'en  définitive  tout  se  rallie  à  la  Martinique , 
et  trouve  là  ,  ainsi  qu'à  la  Guadeloupe  ,  six  mois  de  vivres.  Si 
des  circonstances  de  navigation  ne  s'j  opposent,  peut-être  de- 
vrait-il prendre  langue  à  Cayenne,  croiser  à  la  Barbade,  un 
ou  deux  mois ,  pour  intercepter  tout  ce  qui  vient  d'Europe,  et 
après  cela  ,  partir  bien  approvisionné  de  la  Marlinique  pour 
retourner  à  Sainte -Hélèiie  :  c'est  dans  cette  croisière  qu'on 
trouvera  des  matelots.  En  ne  relournantà  Sainie-Hélhie  que 
quatre  mois  après  en  être  parti ,  la  croisière  n  y  trouvera  plus 
i'euuemi  ^  ce  seront  ces  croisières  bizarres  et  incalculables 
qui  feront  un  très -grand  mal  à  l'ennemi.  Ainsi  doue  ,  deux 
mois  pour  aller  à  Sainte-Héikne  ;  trois  mois  de  croisière  j  un 
mois  pour  venir  à  la  Marlùiujiie ,  deux  mois  pour  y  rester, 
voilà  luiit  mois  ;  un  mois  pour  retourner  à  Sainte-Hélène  ; 
trois  mois  pour  y  rester,  et  deux  mois  pour  revenir  en  Europe^ 
voilà  une  croisière  Je  quatorze  mois »  Dans  tout  ce  docu- 
ment officiel  ,  il  ne  s'agit  point  de  conquérir,  ni  de  garder  ce 
rocher  où  l'homme  qui  menaçait  Londres  ,  eu  i8o5  ,  fut  atta- 
ché ,  dix  ans  après ,  commeun  autre  Promelhée  ,  et  ilnit  dans 
la  captivité  une  carrière  qu'il  aurait  parcourue  sans  danger, 
avec  plus  de  gloire  et  de  puissance ,  s'il  avait  consacré  ses  ta- 
leus  au  honheur  de  sa  patrie  et  du  genre  humain. 

Les  détails  niarltimes  tiennent  une  place  considérable  dans 
ces  quatre  volumes.   Les  lecteurs  ne  s'en  plaindront  point  ; 


SCIENCES  PHYSIQUES.  53 

celte  partie  de  nos  annales  leur  sera  d'autant  plus  agréable , 
qu'elle  est  en  gôneral  moins  connue  que  les  opérations  des 
armées  de  terre.  Ils  remarqueront  principalement  le  r('cil  du 
combat  de  Trafalgar,  que  M.  le  général  Dumas  emprunte  à 
M.  Parisot ,  oflicier  de  marine,  non  moins  recomniandable 
comme  écrivain  que  comme  militaire.  Le  narrateur  observe 
une  rigoureuse  équité  dans  la  répartition  de  ses  éloges  ;  Tiia- 
bileté  et  le  courage  des  ennemis  ne  sont  point  voilés,  non  plus 
que  les  fautes  des  Français.  Les  excellentes  instructions  don- 
nées par  l'amiral  Nelson  aux  officiers  sous  ses  ordres,  les  com- 
bats de  Géans  livrés  par  le  capitaine  français  liUcas  au  vais- 
seau amiral  anglais  et  à  deux  autres  vaisseaux  qui  l'attaquè- 
rent ,  au  moment  où  il  était  sur  le  point  de  prendre  son  enne- 
mi à  l'abordage,  le  courage  plus  bcurcux  de  i'Iuibile  Cosmao, 
qui  fit,  dans  cette  journée  ,  tout  ce  qu'il  fallait  pour  fixer  la 
victoire,  si  tous  les  capitaines  français  lavaient  imité;  la  mort 
de  l'illustre  Melson  ,  la  perte  immense  des  Hottes  alliées  ,  tous 
ces  grands  événemens  sont  reli'acés  avec  clarté  et  précision  , 
et  avec  les  véritables  couleurs  de  l'iiistoire.  Depuis  le  combat 
de  J^a  llougue,  aucune  action  sur  mer  n'avait  eu  des  suites 
aussi  funestes  que  celle  de  Trafalgar.  Nelson  mouiut,  comme 
Gustave  Adolpbe  ,  après  avoir  organisé  la  victoire  ;  mais  Tor- 
dre de  bataille,  déterminé  par  ces  grands  maîtres  dans  1  art  de 
la  guerre,  ne  périt  point  avec  eux. 

Les  drapeaux  français  auraient  ofifert  une  sorte  de  com- 
pensation des  écbecs  éprouvés  par  notre  pavillon  ,  si  le  besoin 
de  succès  maritimes  eût  été  moins  vivement  senti,  xiujour- 
d'Iiui,  nous  voyons  trop  clairement  que  les  victoires  sur  terre 
et  les  défaites  sur  mer  nous  précipitaient  également  vers  la  ca- 
tastrophe qui  a  renversé  le  trône  de  Napoléon ,  sans  rendre  U 
la  France  sa  splendeur,  sa  puissance  et  son  antique  prospé- 
rité. Réduits  à  ne  trouver  aucune  consola îiou  ni  dans  ics  sou- 
venirs du  passé ,  ni  dans  la  vue  du  présent ,  ni  dans  un  espoir 


54  SCIEISCES  PHYSIQUES. 

raisonnable  ,  nous  voudrions  .  comme  dit  Tacite  ,  qu'il  nous 
fût  aussi  facile  d'ouljlicr  que  de  nous  taire.  Jetons  cependan'^ 
un  coup  d'œil  sur  cette  belle  campagne  qui  finit  à  Austerlitz; 
suivons  les  opérations  de  celte  grande-armée  ,  dont  les  niou- 
vemens  combinés  s'étendent  sur  tout  le  bassin  du  Danube  et 
sur  le  nord  de  l'Italie  :  observons  les  niouvemens  encore  plus 
mystérieux  de  la  diplomatie  et  de  la  politique.  Assistons  au 
grand  spectacle  de  ces  années  extraordinaires  (on  est  tenté  de 
dire  ,  béroïques),  comme  à  une  représentation  théâtrale,  dans 
le  seul  but  de  connaître  le  drame  et  de  juger  les  acteurs.  L'am- 
bition et  les  vues  d'agrandissement  de  Bonaparte  troublent  de 
nouveau  la  paix  de  lEurope;  une  nouvelle  coalition  se  forme 
entre  l'Angleterre,  la  Russie  et  l'Autricbe  ;  tandis  que  la 
Grande-Bretagne  attaque  les  Français  sur  mer,  luie  armée 
austro-russe  menace  le  nouveau  royaume  d'Italie,  et  nos 
frontières  de  l'est.  L'apparente  neutralité  de  la  Prusse  dégui- 
sait mal  un  ennemi  secret  de  la  France ,  prêt  à  se  déclarer  au 
premier  succès  des  alliés.  Jamais  l'activité  de  INapoléon  et  le 
déploiement  de  ses  ressources  militaires  n'avaient  été  exigés 
par  des  circonstances  plus  impérieuses  :  il  ne  fut  pas  au-des- 
sous de  ces  circonstances,  La  grande-armée  s'ébranle;  les  plans 
de  campagne  de  TAutrlcbe  s'évanouissent  à  Ulm  ;  l'ennemi , 
chassé  d'Italie,  est  rejeté  sur  le  Danube;  la  capitale  de  l'Au- 
tricbe  tombe  au  pouvoir  des  Français  ;  tout  se  dispose  pour 
une  bataille  décisive  :  elle  se  donne  enlîn  dans  la  Moravie,  et 
rend  à  jamais  célèbre  la  petite  ville  d' Austerlitz.  Notre  auteur 
a  rassemblé  sur  cette  brillante  journée  les  documens  les  plus 
authentiques  et  les  plus  complets.  Sa  narration  instruira  les 
hommes  de  guerre,  entraînera  tous  les  lecteurs,  ne  paraîtra 
point  trop  longue  aux  honmies  de  goût ,  quoiqu'elle  soit  de  80 
pages  ,  sans  compter  quelques  accessoires  non  moins  intéres- 
sans  que  l'ensemble  du  récit.  De  part  et  d'autre,  la  même  bra- 
voure et  la  même  audace  :  une  éi;ale  résolution  de  vaincre,  et 


SCIENCES  PHYSIQUES.  55 

peut-éire  autant  de  lalens  et  d'habileté  parmi  les  ofliciers  in- 
férieurs :  mais  les  généraux  en  chef  ne  pouvaient  souten  r  le 
parallèle.  Si  l'on  comparait  celle  hataille  à  celle  de  Pharsale  , 
on  V  trouverait  plusieurs  analogies  :  le  nomhre  et  la  conHance 
du  parti  qui  fut  vaincu  ,  ses  perles  après  1  action  ,  qtielques 
manœuvres,  les  corps  délite  des  deux,  armées  aux  prises  les 
uns  contre  les  autres,  etc.  Mais,  ce  oui  nappartient  qu  à  cette 
hataille,  c'est  la  i!i-parition  sous  les  i^laces  d'une  colonne  russe 
avec  son  artillerie  et  ses  bagages,  l^es  leoleui"S  feront  bien  de 
chercher,  dans  les  pièces  justillcalives  ,  la  note  autographe 
adressée  à  noire  auteur  par  le  général  Rapp  :  ce  général  \ 
raconte  le  beau  fait  d'armes  qui  contribua  puissamment  au 
succès  de  la  journée ,  et  qui  détruisit  presque  entièrement  la 
garde  in^p  -riale  russe,  rjue  l'on  vantait  au  point  de  dire  qu'elle 
sulïlrait  seule  pour  an('>anlir  l'armée  française. 

Dans  cet  ouvrage  ,  i!  (-lail  impossible  que  l'auteur  ne  par- 
lât point  quelfjue'bis  de  Napoléon  avec  éloge.  Mais,  si  l'on 
veut  connaître  sa  pensée  sur  cet  homme  prodigieux  ,  qu'on 
lise  ce  qu'il  a  écrit,  [«âge  \o'j  du  premier  volume. 

«  Quel  capitaine  a  remporté  plus  de  victoires?  quel  n>o- 
narcue  a  fait  plus  de  conquêtes,  détruit  plus  de  ligues  ,  signé 
plus  de  traité'S  lionorables,  donné  des  lois  à  plus  de  nations? 
quel  homme  s'est  élevé,  de  l'ohscurité  des  rangs  inférieurs,  à 
de  plus  hautes  destinées,  et  s'y  est  acquis  plus  de  gloire? 
quelle  dynastie  eut  des  comraeucemeos  plus  brillans,  reçut 
}»lus  d'hommages,  réunit  plus  de  vœux  pour  son  bonheur  et 
sa  durée?  quel  empire  a  jamais  été  fondé  par  des  armées 
plus  ncmhreuses  ,  plus  braves  et  plus  fidèles ,  administré  par 
des  mains  plus  habiles?  et  cet  empire  a  passé,  en  moins  de 
de  tems  qu'il  n'en  faudrait  pour  recueillir  tous  les  grands 
«iouvenirs  qua  laissés  son  existence  :  tanl  il  est  vrai  que  l'u- 
nique source  du  pouvoir,  et  toutes  les  garaiitieis  de  sa  durée 
sont  dans  le  respect  des  lois  et  dans  l'afTection  des  peuples! 

M.  A.  — F. 


SCIENCES  MORALES  ET  POLITIQUES. 


Tableaux  DE  l'Pîistoire  philosophique  du  christianisme, 
ou  Etudes  de  philosophie  religieuse  ;  par  Charles 
Coquerel   (i). 

La  philosopliie  du  xvili*  siècle  a  rendu  des  services  énii- 
nens  ';  la  civilisation  ,  et  par  suite  à  riminanilé;  mais,  comme 
toules  les  révolutions  (car  soa  action  fut  une  révolution  mo- 
rate),  elle  a  pius  d'uue  fois  d('passé  le  but;  en  poursuivant  la 
vérité ,  elle  a  offensé  des  choses  dignes  de  tons  nos  respects. 
Au  premier  rang  des  croyances  vénérables  que  plusieurs  phi- 
losophes du  xviii''  siècle  ont  malheureusement  heurtées  de 
front ,  il  faut  placer  le  christianisme  ,  base  et  fondement  iné- 
branlable de  la  civilisation  moderne. 

Avant  la  Révolution,  la  pente  du  siècle  était  vers  l'incrédu- 
lité ;  les  malheurs  et  les  secousses  longues  et  terribles  de  cette 
grande  époque,  ont  chaugé  la  direction  des  esprits  :  dans  toute 
l'Europe  ,  la  pente  du  siècle  est  aujourd  hui  vers  les  idées  re- 
ligieuses ,  et  par  conséqueot,  vers  le  christianisme,  dont  elles 
sont  désormais  inséparables.  Deux,  écueiis, néanmoins, se  pré- 
seuleul,  qu'il  iaut  également  éviter.  Le  premier,  c'est  le  re- 
tour au  mysticisme  théologique  ,  à  la  superstition  ,  à  l'intolé- 
rance. Une  Ibrce  artificielle  et  précaire  pousse  de  ce  coté  ; 
mais  eiie  est  arrêtée  par  la  force  indomptable  des  choses  j  et, 
bien  qu  il  faille  se  tenir  en  surveillance  à  cet  égard ,  un  nau- 
frage complet  n'est  point  à  craindre.  Mais  ,  les  exagérations  , 


(i)  Paris,  iSiô.  Un  vol.  in-i8  de  viii  et  420  pag.  Servier,  rue  de  l'O- 
ratoire, n"  6;  Ponthicu,  Palais-Royal.  Prix,  5  iV. ,  et  3  fr.  5o  c,  par  la 
poste. 


SCIENCES  MORAÎ.ES  ET  POLITIQUES.  57 

les  persécalions ,  les  succès  éphémères  de  ce  système  iVldées 
vieux  et  usé,  ne  risqueut-ils  point  de  repousser  la  génération 
actuelle  vers  Técueil  opposé  ,  vers  les  affiigeautes  doctrines  de 
Tathéisme,  ou  seulement  vers  les  froides  spéculations  du 
déisme?  C'est  ce  que  l'état  actuel  des  esprits  et  les  circons- 
tances politiques  de  l'Europe  pourraient  l'aire  craindre,  s'il  ne 
se  formait  déjà  sous  nos  yeux  une  généreuse  secte  de  philoso- 
phes chrétiens ,  qui ,  tout  en  respectant  les  dogmes  ,  les  rites  , 
et  même  les  disciplines  de  la  religion  de  Jésus- Christ ,  fout 
des  efforts  pour  la  conserver  en  harmonie  avec  l'ordre  social 
auquel  aspire  le  monde  actuel,  et  qui  est  renfermé  tout  entier, 
quanta  ses  élémeus,  dans  FEvangile.  Elle  promet  aux  idées  li- 
bérales d'importantes  conquêtes  ;  elle  doit  les  dépouiller  de  tout 
ce  qu'elles  ont  de  sinistre  et  de  menac^int  pour  des  yeux  en- 
core effrayés  du  souvenir  de  récentes  tempêtes.  Eu  Angle- 
terre, en  Allemagne,  en  France,  ce  projet  est  suivi  avec 
constance  par  des  écrivains  et  des  hommes  d  état ,  dont  le  ca- 
ractère distinctif  esl  celui  d'une  parfaite  moralité. 

Le  livre  que  nous  annonçons  contient  de  nouveaux  argu- 
mens  à  l'appui  de  celte  pieuse  et  bienfaisante  entreprise;  son 
auteur,  M.  Coquerel,  figure  dans  les  rangs  de  ces  nombreu- 
ses sociétés  philandjropiques  qui,  en  deçà  et  au-delà  delà 
Manche  ,  propagent  à  la  fois  ,  sous  des  formes  et  des  noms  di- 
vers ,  le  christianisme  et  la  liberté. 

Après  avoir  exposé  rapidement  l'antiquité  ,  l'origine  et  le 
caractère  de  la  philosophie  religieuse  en  général,  M.  Coque- 
rel examine  la  situation  et  les  besoins  des  sociétés  modernes. 
Sous  ce  nom  ,  il  entend  désigner  seulement  les  sociétés  chré- 
tiennes ;  car,  désormais  ,  ii  est  clair  qu  il  n'y  a  plus  de  civili- 
sation tant  soit  peu  avancée  hors  du  christianisme.  Ceci  le 
conduit  à  retracer  la  situation  de  l'empire  romain ,  lors  de 
l'apparition  du  christianisme  ,  et  à  signaler  l'induence  que  les 
idées  d  égalité,  enseignées  par  cette  religion  ,  durent  exercer 


58  SCIENCES  MORz^LES 

sur  !a  consiiiuiion  de  ce  colosse  politique,  vaste  et  difforme» 
Ou  la  dit  qiu'îqut'rois  ,  mais  on  ne  saurait  'rop  le  répéter, 
parce  que  cette  observation  n'a  pas  encore  d<'passé  un  nom- 
bre ("ort  limité  d'esprits  :  le  caractère  dominant  du  cbrislia- 
nis.iie,  c'est  Tesprit  d  égalité.  Sans  donte  1  Evangile  prêche 
aussi  la  liberté  ,  puisqu'eHe  est  une  conséquence  de  la  justice; 
mais  il  ne  lenseigne  qu  implicitement ,  parce  que  le  divin  lé- 
gislateur ne  pouvait  ignorer  qu'elle  n'est  pas  eompatib'e  au 
même  degré,  avec  tous  les  tems  et  toutes  les  circonstances. 
Mais  quant  à  l'esprit  d'égalité,  il  est  si  fortement  empreint  dans 
l'Evangile,  ses  conséquences  s'y  trouvent  si  formellement  ex- 
primées ,  que  certains  sectaires  n'ont  pas  eu  trop  d  efforts  à 
faire  pour  en  exagérer  les  applications.  Tout  le  monde  a  re- 
marqué que  c'est  le  christianisme  qui  a  fait  disparaîti'e  du 
monde  ancien  l'esclavage,  jusqu'alors  toléré  au  moins,  par  les 
religions  de  la  Grèce  et  de  Rome  ;  comme  c  est  encore  au  dé- 
veloppement et  aux  progrès  des  doctrines  chrétiennes  qu'on 
devra  bientôt  la  cessation  entière  de  l'esclavage,  non  moins 
odieux,  qui  souille  les  côtes  de  l'Afrique,  et  infeste  les  belles 
eontri-es  de  l'Amérique.  Mais  ,  peut-être  ,  n'a-l-on  pas  assez 
remarqué  que  l'esprit  d  égalité  s'est  conservé  dans  le  sanc- 
tuaire, à  l'insu  de  ceux-là  mêmes  qui  s'effraient  le  plus  de  ce 
mot.  ]N'est-ce  pas,  en  effet,  dans  le  cloître  et  aux  pieds  des  au- 
tels que  s'ilalt  réliigiée  l'égalité  parfaite,  dans  les  tems  du 
triomphe  le  plus  complet  de  l'inégalité  ,  c'est-à-dire,  dans  les 
siècles  f('odaux7  Fallait- il  alors  des  titres  ou  même  des  ri- 
chesses pour  être  admis  dans  l'enceinte  sacrée?  Non,  certesj 
les  monastères  du  moyen  âge  se  remplirent  constamment  de 
(iîs  de  vilains  et  de  paysans  ,  au\que!s  11  suffisait  de  passer  par 
ces  aggrc'gations,  alors  ouvertes  à  tous,  pour  devenir  aptes  aux 
plus  hauies  dignité-s  ecc'ésiastifjues.  On  sait  que  c  est  en  tra- 
versant un  cloître  de  moines  nn'ndians  ,  que  le  pauvre  pâ- 
tre .  qui  i.ut  depuis  Sixte-Quint,  atteignit  jusqu'à  la  ihlarc.  Cet 


ET  POLITIQUES.  5o 

exemple  ,  précédé  et  suivi  tle  tant  d'autres  moins  illustres  ,  a 
fait  une  si  profonde  impression  sur  l'esprit  du  pavsan  romain, 
que  iong-tems  il  n'aurait  pas  renoncé  pour  un  grand  prix  à 
ses  droits  éventuels  sur  la  triple  couronne. 

Tous  ces  raisonnemens  se  réduisent  à  dire  :  Tous  tous  (jui 
aimez  et  voulez  l'égalité  ,  et  qui  avez  tant  de  raison  de  l  aimer 
et  de  la  vouloir,  puisqu'elle  est  la  justice,  loin  de  vous  éloi- 
gner du  christianisme,  à  cause  de  quelques  liostililcs  indivi- 
duelles ,  venez  plutôt  cultiver  l'égalité  dans  son  sein  ;  car  lui 
seul  peut  vous  l'ofifrir  réelle  ,  durable  ,  séparée  de  tout  alliage 
impur  et  cimentée  par  la  morale. Voilà,  en  abrégé,  ce  que  dit 
M.  Coquerel ,  et  ce  que  répètent  tous  les  écrivains  de  îa  même 
école.  INous  remarquerons  seulement  que  notre  auteur  ne 
semble  pas  avoir  suffisamment  reconnu  l'existence  de  l'esprit 
d'égalité  dans  l'Eglise  catliolique  du  moven  âge.  Ce  serait  une 
erreur  grave  de  méconnaître  ce  fait  ;  il  domine  l'époque  , 
et  il  est  un  des  plus  beaux  fleurons  de  la  couronne  de  l'Eglise. 
Mais  M.  Coquerel ,  ardent  prolestant ,  ne  pouvait  guère  l'en- 
visager en  face,  ayant  besoin  en  quelque  sorte  de  faire  dispa- 
raître pour  un  tems  l'Église  de  Jésus-Cbrisl  et  son  Evangile  , 
afin  d'avoir  le  droit  de  réiormer  ce  qui ,  selon  lui  ,  n'en  avait 
plus  que  le  nom.  Pourtant,  quand  nous  repassons  l'histoire  de 
nos  aïeux  catholiques ,  quelles  que  soient  les  ténèbres  dont 
l'ignorance  des  tems  barbares  les  ait  enveloppés  ,  nous  ne 
trouvons  aucune  époque  des  annales  ecclésiastiques  où  ils 
aient  cessé  de  posséder  le  texte  de  l'Évangile  et  de  reconnaî- 
tre ce  livre  divin  comme  la  pierre  fondamentale  de  leur  reli- 
gion. Dès-lors,  nous  concluons  (ju'il  n'y  a  point  eu  solution 
de  continuité,  depuis  les  Apôtres  jusquà  nos  jours. 

Sans  doute  ,  ce  n'est  point  ici  le  lieu  d'engager  une  contro- 
verse th(»ologique  ;  mais  il  doit  être  permis  de  discuter  des 
circonstances  historiques  très-importantes.  Ces  circonstan- 
ces ,  sur  lesquelles  je  diffère  de  sentiment  avec  l'auteur  du  li- 


6o  ,         SCIENCES  MORALES 

vre  que  j'atiuonce,  sout  jugées  diversement  par  chacun  de 
nous,  par  suite  de  la  diversité  de  nos  opinions  religieuses. 
Ainsi ,  nous  sommes  et  nous  resterons  d'accord  sur  la  morale 
de  l'Évangile  et  sur  ses  conséquences  pratiques  ;  mais,  afin  de 
mieux  apprécier  l'esprit  du  christianisme,  M.  Coquerel  a  fait 
des  incursions  sur  l'histoire  ecclésiastique,  et  c'est  alors  qu'il 
a  traité  TEglise  catholique  en  rigoureux  adversaire.  Le  mot 
n'est  pas  trop  dur  ;  car,  en  parlant  d'elle ,  il  ne  craint  pas 
d'imputer  aux  papes  (pag.  i64)  d'avoir  fondé  progressive- 
ment une  religion  qui  n'a  plus  que  des  rapports  éloignés  avec 
l'Evangile;  assertion  qu'il  range  parmi  les  théorèmes  évidens, 
et  à  l'abri  de  toute  objection  raisonnable.  Certes ,  je  suis 
moins  exclusif  que  l'écrivain  qui  nous  accuse  :  tout  en  rejet- 
tant  la  foi  protestante,  je  n'irai  pas  jusqu'à  dire  qu'e//e  n'a 
plus  que  des  rapports  éloignés  avec  l'Evangile  ;  je  concède, 
au  contraire ,  de  toute  ma  conviction ,  qu'elle  a  conservé  la 
suhlime  morale  de  ce  code  de  la  civilisation  ;  mais  ,  au  nom 
de  la  France  catholique  ,  je  demande  qu'on  accorde  à  la  re- 
ligion qu'elle  professe,  le  même  caractère  évangélique  et  mo- 
ral. S  il  en  était  autrement,  M.  Coquerel  et  tous  ceux  qui  pen- 
sent comme  lui  devraient  renoncera  l'espoir  de  réaliser  l'cllian- 
ce  des  idées  religieuses  avec  les  idées  libérales;  car  ils  ne  se  ilat- 
tent  pas,  sans  doute,  de  voir  succomber  aujourd'hui  cette  Eglise 
qui  a  résisté  à  tant  d'orages.  M,  Coquerel  conteste  à  l'Eglise 
catholique  ce  caractère  d'unité  qui  constitue  sa  force,  comme 
association  ,  qui  explique  sa  vieille  durée  ,  et  qui  garantit  son 
long  avenir.  L'autorité  de  ses  conciles  et  de  ses  papes  lui  sem- 
ble incompatible  avec  la  liberté  de  penser,  qu'il  revendique  si 
justement  au  nom  de  l'esprit  du  siècle.  Il  y  a  ici  exagération 
de  sa  part.  En  religion  comme  eu  politique  ,  il  faut  éviter  de 
confondre  l'anarchie  avec  la  vraie  liberté.  Celle-ci  est  loin 
d'être  inconciliable  avec  un  gouvernement  sagement  consti- 
tué. Si  i  on  accordait  à  M.  Coquerel  la  licence  d'opinion  qu  il 


ET  POLITIQUES.  6i 

scmWe  ri'clatner,  je  ne  rois  pas  ce  qu'on  pourrait  dire,  d'un 
càt(« ,  aux  adversaires  du  christianisme  ,  de  l'autre  ,  à  ses  in- 
toléraus  zélateurs,  s'ils  nous  disaient,  les  uus  et  les  autres, 
qu'ils  suivent  la  lumière  de  leur  raison  ,  et  obéissent  à  l'ins- 
tinct de  leur  conscience.  Hélas  I  nous  ne  le  savons  que  trop  : 
la  raison  de  Ihomme  est  faible,  sa  conscience  erronée;  et, 
bien  qu'il  doive  écouter  leur  voix  ,  il  doit  aussi  mettre  en  ba- 
lance ,  pour  sa  direction  ,  les  règles  traditionnelles  et  les  déci- 
sions de  1  autorité,  qui  l'aideront  plus  d'une  fois  à  éviter  Ter- 
reur et  à  reconnaître  la  vérité.  Cette  digression  n'était  point 
bors  de  propos,  en  rendant  compte  de  l'ouvrage  de  M.  Co- 
querel  ;  cet  écrivain  n'avait  pas  suiiisammenl  ménagé  le  ca- 
tliolicisme  ,  j'avais  droit  de  le  défendre.  A  l'en  croire  ,  le  ca- 
tholicisme aurait  dévié  de  l'Évangile;  il  serait  devenu  défavo- 
rable à  la  civilisation  :  je  devais  le  laver  dune  telle  impu- 
tation ;  même,  j'aurais  pu  prouver  que  la  réiormation  n'a  rien 
changé  à  la  morale  ,  et  qu'elle  n'a  attaqué  que  le  dogme  et  la 
discipline.  Après  cela  ,  je  conviendrai  sans  peine  qu  elle  a  fa- 
vorisé et  développé  l'esprit  d'examen. 

Après  avoir  discuté ,  avec  M.  Coquerel .  ce  point  capital ,  j'au- 
rai désormais  l'avantage  d'être  habituellement  d'accord  avec 
lui.  J'adopte,  à  peu  près  sans  restriction  ,  tout  ce  qu'il  dit  sur 
l'instilulion  des  jésuites  ,  qu'il  range  au  nombre  des  inventions 
dirigées  contre  la  liberté  d'examen.  Peut-éUc  qu'au  lieu  de  s'at- 
tacher à  l'ancienne  forme  de  celte  société  monastique  ,  il  au- 
rait pu  indiquer  avec  plus  de  précision  les  formes  nouvelles 
à  l'aide  desquelles  le  jésuitisme  s'est  réintroduit  dans  le  catho- 
licisme. Ce  point  de  vue  lui  aurait  offert  quelques  circonstan- 
ces dignes  d'intérêt.  M.  Coquerel  rapporte  un  des  traits  les 
plus  curieux  du  dévouement  des  moines  à  l'autorité  des  pa- 
pes. C'est  l'avertissement  placé  à  la  tète  de  l'un  des  volumes 
de  la  belle  édition  que  les  P.  P.  Minimes  ont  donnée  ,  du 


62  SCIENCES  MORALES 

Traué  de  la  philosopliie  naturelle,  de  Newton.  Voici  cette 
singulière  déciaralion  ; 

«  New  tonus  in  hoc  tertio  lelluris  motœ  hypothesini  assu- 
niit.  Auctoris  propositiones  aliter  ex/Uicari  non  poterant 
nisi  eâdeni  quaque Jacta  hypolhesi.  Hinc  aliénant  coactisu- 
nius  gerere  pe/sonani.  Ceterù/n  latis  a  sunitnis  pontijicibus 
contra  telluris  niotuin  decretis ,  nos  obsequi  profiieniur  (i). 

u  Newton,  clans  ce  troisième  livre,  admet  Iliypolijèse  du 
mouvement  de  la  terre.  Nous  ne  pouvions  expliquer  les  pro- 
positions de  l'auteur  qu'en  ad()ptant  la  racme  livpollièse. 
Ainsi ,  nous  avons  été  forcés  de  suivre  une  opinion  qui  nous 
est  étrangère.  Du  reste,  nous  déclarons  adopter  les  décrets 
rendus  par  les  souverains  pontifes  contre  le  mouvement  de  la 
terre.   » 

Des  jésuites,  M.  Coquerel  passe  à  leurs  adversaires,  aux- 
quels ils  ont  attribué  le  nom  Ae  jansénistes ,  comme  pour  eu 
faire  des  hérétiques,  bien  que  ceux-ci  n'aient  cessé  de  pro- 
tester de  leur  soumission  à  l'Eglise,  et  d  eu  donner  des  preu- 
ves eflectives.  Il  explique  fort  bien  les  rapports  intimes  qui 
existent  entre  la  cause  des  disciples  de  Port-Koyal,  et  celle 
de  la  liberté  d'examen.  On  peutaliirmer  qu'à  cet  égard,  ceux, 
qu'on  appelle  jansénistes  ont  touclié  la  limite,  sans  la  dépas- 
ser, puisqu'ils  ont  apporté  le  plus  grand  soin  à  ne  jamais  se 
séparer  de  l'unité  catholique  5  iis  ont  été,  dans  leur  tems,  le 
côté  gauciie  de  la  catholicité.  «  On  peut  dire,  ajoute  notre 
auteur,  que  la  révolution  française,  qui  a  tant  efiacé  de  cho- 
ses ,  a  plutôt  interrompu  que  terminé  ces  détjats.  On  rencon- 
tre encore  une  fouie  de  vétérans  du  jansénisme,  délassés  de 


(1)  Pliilosophia  naluralls ,  auclore  Isaaco  Newlono,  perpeluis  corn- 
mcnlariis  iitustrata  ;  coinmuni  Uwlio  P.  P,  T.  Lesucur  et  F.  Jac<juier^ 
1760. 


ET  POLITIQUES.  6j 

leurs  anciennes  campai;ues,  et  qui  sont  très-capables  île  re- 
prendre du  service,  si  lullrà  moatanisixic  insulte  ù  leur  re- 
traite.  » 

Les  Sociét('S  bihliques  ont  été  pour  l'auteur  la  matière  d'un 
chapitre,  où  il  na  lait  quindiqucr  un  peu  supcrliciclletncnt 
la  nouvelle  activité  qu  elles  ont  linpriniée  au  cliristianisme 
dans  diverses  contrées  non  civilisées  de  lancieu  et  du  nouveau 
Monde  ;  mais  en  même  tenis  ,  M.  Coqucrel  a  discuté  la  ques- 
tion de  savoir,  s'il  coQvienl  de  publier  les  textes  sacrés  dans 
leur  nudité,  ou  avec  des  prélaces ,  notes  ou  commentaires. 
L'auteur,  contre  l'opinion  généralement  adoptée  cbez  les  pro- 
testans,  voudrait  au  moins  qu'on  les  f  ît  précéder  d'un  préam- 
bule, où  il  serait  démontré  m  qu'il  n'est  pas,  dans  la  littéra- 
ture ou  dans  l'histoire  ancienne,  un  seul  ouvrage  dont  l'au- 
tbenlicité  puisse  être  plus  victorieusement  établie  que  celle  de 
l'Évangile.  »  Les  chapitres  où  M.  Coquerel  rélute  les  raison- 
nemens  sur  lesquels  s'appuient  les  doctrines  du  matérialisme  , 
seront  lus  aussi  avec  beaucoup  d  intérêt  ;  ils  renferment  un 
appel  plein  de  chaleur  et  de  conviction  ,  à  l'évidence  morale 
et  au  sens  intime  j  car,  c'est  le  seul  moyen  den  linir  sur  ces 
points. 

Considéré  sous  un  cert.iin  rapport ,  V Essai  sur  la  pliilosu- 
phie  religieust  pourrait  aussi  êtie  intitulé  :  le  CUnstianlsme 
appliqué  à  la  politique.  Voici ,  en  quelques  lignes  ,  le  corol- 
laire des  raisonnemcns  sur  lesquels  il  repose.  «  Penser,  agir, 
posséder  librement,  sont  les  trois  points  hors  desquels  il  n  y 
a  aucune  raison  ,  ni  aucun  repos  ;  à  leur  observation  sont  at- 
tachés tout  le  bonheur,  toute  la  dignité  dont  l'homme  puisse 
jouir  d;!ns  l'état  d'existence  où  il  se  trouve  dans  ce  monde.  Ces 
droits  lUi  appartiennent ,  non  par  concession  ou  contrat,  mais 
bien  parce  qu'ils  découlent  de  sa  nature  même,  et  qu'ils  sont 
les  co!)-*équences  des  facultés  de  sou  intelligence  ,  et  des  lois 
de  sa  pensée.  Tout  pouvoir  qui  les  anéantit  e^t  injuste  ,  illégi- 


64  SCIENCES  MORALES 

tirae,  et  mauvais,  quelle  que  soit  crailleurs  rantiquitë  dont  il 
s'appuie,  le  titre  dout  il  se  pare,  et  la  force  dont  il  dispose  : 
1  homme  ne  peut  jamais  les  résigner  entre  les  mains  de  qui 
que  ce  puisse  être  :  ce  serait  un  attentat  contre  l'espèce  tout 
entière  ,  une  sorîe  de  suicide  moral  également  criminel  et  avi- 
lissant. On  voit  que  la  philosophie  morale,  qui  a  pour  base 
ridée  de  l'égalité ,  philosophie  que  l'Evangile  a  clairement 
annoncée  et  que  la  raison  confirrae  ,  suffit  pour  assigner  net- 
tement les  droits  et  les  devoirs ,  pour  maintenir  les  vertus  in- 
dividuelles et  les  vertus  publiques.  »  L  ouvrage  de  M.  Co- 
querel  renferme,  d'ailleurs,  toutes  les  idées  de  la  civilisa- 
tion la  plus  élevée  ,  touchant  le  patriotisme  exclusif,  la  haine 
delà  guerre,  et  d'auties  points  sur  lesquels  bien  des  gens  qui 
se  disent  libéraux  ,  sont  loin  d'avoir  des  idées  arrêtées  et  bien 
ralsonnées.  Aucun  ne  me  semble  plus  propre  à  mettre  ces 
excellentes  vues ,  eucore  trop  peu  vulgaires ,  à  la  portée  des 
gens  du  monde  ,  et  surtout  des  jeunes  gens  ,  auxquels  il  im- 
porte de  les  faire  goûter,  et  dont  lame  est  faite  pour  les  sen- 
tir. Le  slvle  de  M.  Coquerel  est  habituellement  smip'e,  clair, 
élégant ,  spirituel  sans  prétention ,  et  nourri  de  savoir  sans 
pédanterie.  Peut-être  doit -on  reprocher  à  l'ensemble  de 
sa  composition  quelque  désordre  dans  la  distribution  des  par- 
ties, et  souhaiter  sur  quelques  points  des  dëveloppemens  plus 
étendus . 

A.  Mahul. 


KT    POLITIQUES.  55 

Parallèle  de  la  puissance  anglaise  et  russe, 
relativement  à  l'Europe;  par  M.  de  Pradt  ,  ancien 
archevêque  de  Malines  (1). 

Premier  article.  —  Ang(elerre. 

C'est  en  hésitanl,  je  favoue,  que  je  mVlùvcrai,  dans  cet  ar- 
ticle, contre  quelques  opinions  d'un  écrivain  que  l'ancien  et 
le  nouveau  Monde  placent  avec  raison  parmi  leurs  publicislcs 
les  plus  célèbres.  Cependant,  ils'agU  d'un  problème  de  stati- 
que militaire  et  d'économie  politique ,  pour  lequel  je  croi> 
posséder  quelques  élémons  de  solution,  qui  manqu.iient  à 
l'auteur  de  l'ouvrage,  objet  de  cet  article.  Il  s'agit  du  ran- 
que  doivent  acquérir  ou  conserver  les  peuples  de  l'Europe'i 
dans  lequillbre  de  forces  (,«i  tend  à  se  lormcr  depuis  la  der- 
nière guerre t/AngIcterre  et  la  Russie  sont-elles  d-^sor- 

raais  les  seules  nations  européennes  qui  jouiront  de  Tindépen- 
dance?  Ne  reste-t-ll  aux  autres  peuples  que  le  cbois  du  vas- 
selage,  entre  deux  peuples  suzerains?  La  France,  la  Germa- 
nie et  les  attires  puissances,  sont-elles  ainsi  déchues  de  leur 
libre  arbitre  et  de  leur  dignité  sociale?  Leurs  monarques  sont- 
ils,  sous  des  formes  plus  humaines  et  moins  avilissantes,  ce 
qu'étaient  les  Prusius  et  les  Dejotarus  :  des  rois  protégés  ! 
M.  de  Pradt  se  prononce  pour  l'affirmalive  ;  il  s'efforce  d'en 
convaincre  iEurope,  et  cest  là  le  but  européen  qu'il  assigne 
à  son  ouvrage. 

li  nous  semble,  au  contraire  ,  qu'on  pourrait  démontrer, 
sans  dissimuler  en  rien  les  forces  de  l'Angleterre  et  de  la  Rus- 
sie, que  les  peuples  de  notre  continent  ont,  dans  l'éiat  actuel 
de  leur  population  ,  de  leur  industrie  et  de  leur  civilisation  , 

(0  Paris,   ,823.  Un  voJ.  in-8".  Béchet  aîné,  quai  des  Augusiins, 
n»  57.  Prix,  4  fr.  5o  cent,,  et  par  la  poste,  5  fr.  50  cent. 
;         T.  XX.  — Octobre  187.5.  c 


Ô6  SCIENCES  MORALES 

des  moyens  suffisans  pour  assurer  leur  indépendance,  et  pour 
rester,  avec  les  deux  états  qu'on  ose  nous  présenter  comme 
les  protecteurs  obligés  de  tous  les  autres  ,  daus  des  rapports 
honorables  d'égalité  et  de  réciprocité. 

P^ais,  avant  tout,  rendons  aux  talens  supérieurs  de  notre 
illustre  antagoniste,. l'hommage  qui  leur  est  dû.  I^es  ouvrages 
de  M.  de  Pradt  sont  en  possession  d'attirer  fortement  l'atten- 
tion du  lecteur  éclairé.  Toujours,  ils  sont  consacrés  à  de 
grauds  intérêts  publicsj  presque  toujours,  ils  sont  les  précur- 
seurs et  les  indices  de  catastrophes  imminentes.  C'est  aux  ap- 
proches de  la  crise  qui  va  décider  du  sort  des  ces  grands  inté- 
rêts, que  leur  auteur  monte  sur  son  tribunal  littéraire,  pour 
Juger  de  l'issue  qu'auront  les  luttes  et  les  débats  auxquels  nous 
prenons  part,  comme  acteurs  ou  comme  victimes. 

En  remplissant  ces  hautes  fonctions ,  souvent  M.  de  Pradt 
a  su  prévoir  les  événeraens  avec  un  rare  bonheur,  ou  plutôt 
avec  une  profondeur  qui  lient  à  l'étendue  de  son  esprit  et  à 
la  justesse  de  ses  vues  générales. 

Ainsi,  dissipant  par  les  forces  de  sa  pensée  les  illusions  que 
tendaient  à  propager  l'éloignement  et  la  fausseté  des  rapports 
sur  la  répression  des  colonies  espagnoles  soulevées  contre 
leur  mère-patrie,  M.  de  Pradt,  marchant  sur  les  traces  de 
Turgot ,  renouvela  les  prédictions  de  cet  habile  et  vertueux 
ministre  au  sujet  de  la  libération  solidaire  des  Amériques  du 
Mord  et  du  Sud.  M.  de  Pradt  a  constamment  soutenu  le  suc- 
cès inévitable  des  populations  d'outrt-mer  pour  conquérir 
leur  indépendance,  et  pour  se  séparer,  les  unes  de  l'Espagne, 
les  antres  du  Portugal  :  on  sait  à  quel  point  les  éA'énemens  ont 
justifié  les  assertions  de  Turgot,  habilement  reproduites  par 
l'archevêque  de  Malines. 

Maintenant  que  sont  accomplis  les  destins  du  nouveau- 
Monde,  M.  de  Pradt  ramène  sa  pensée  sur  le  sort  de  l'ancien. 
C'est  de  l'Europe,  avons-nous  dit,  qu'il  s'occupe  anjourd'huij 


ET  POLITIQUES.  G7 

rVst  vor.^  l'avenir  politique  de  ce  berceau  de  la  cirilisation 
nioileriie,  qu'il  a  dirii^é  sa  vue  perçante. 

Il  aperçoit  deux  empires,  nouveaux  Tuu  et  laulrc  dans  leur 
f,'randcur  et  leur  prépondérance,  et  décidant  à  l  avenir  du  sort 
de  tous  les  états  de  notre  continent.  I/un  de  ces  empires  sans 
rival  sur  mer,  l'autre  sans  rival  sur  terre;  l'un  prospérant  par 
tous  les  avantages  que  procurent  les  institutions,  les  libertés  et 
la  civilisation;  l'autre  dominant  avec  toute  !a  force  que  don- 
nent la  double  suprématie  religieuse  et  politique,  l'obéissance 
illimitée  d'une  armée  innombrable,  et  la  sévérité  d'une  disci- 
pline automatique  qui  régit,  avec  un  même  arbitraire,  le 
peuple  et  les  grands,  les  soldats  et  les  citadins. 

Telles  sont  les  deux  puissances  dont  M.  de  Pradt  entre- 
prend vT offrir  le  parallèle,  en  v  subordonnant  le  reste  des  na- 
tions. Jamais  sujet  plus  grand  et  plus  beau  ,  ne  pouvait  s'of- 
frir à  l'examen  d'un  liomme  d'état,  ni  dans  un  moment  plus 
convenable,  qu'à  l'instant  où  l'Europe,  encore  incertaine  et  ti- 
morée, flotte  entre  deux  influences,  et  passe  tour-à-tour  des 
terreurs  d'un  parti  aux  espérances  du  parti  contraire  ,  et  des 
prédilections  pour  une  alliance  aux  préjugés  qui  repoussent 
d  autres  fédérations. 

«  Uu  écrit  destiné,  dit  M.  de  Pradt,  à  guider  dans  le  cboix 
de  ces  protecteurs  obligés  (le  Russe  ou  l'Anglais),  en  faisant 
bien  connaître  tous  les  élémens  qui  concourent  à  la  forma~ 
lion  de  ce  protectorat,  m'a  paru  ne  pouvoir  être  qu'à  Tor- 
dre du  jour,  etc.»  (p.  6.) 

Mais,  d'abord,  ce  principe  fondamental,  sur  lequel  IM.  de 
Pradt  élève  sou  édilice,  est-il  au)oiird  bui  bien  constant?  L  Eu- 
rope est-elle  en  effet  placée  entre  deux  dominateurs  ohliqésl 
est-elle  désormais  réduite  à  l'inévitable  rôle  de  protégée? 

Que  lcspeu[les  continentaux  de  l'Europe  civilisée,  quand 
viendra  l'instant  du  besoin,  cberclicnf,  par  des  alliances,  à 
rendre  moins  inégale,  ou.  pour  mieux  dire,  à  rendre  égale  la 


68  SCIENCES  AMORALES 

partie  contre  l'Europe  encore  incivilist^e,  on  !e  conçoit.  Mais, 
nous  le  disons  hardiment,  ce  n"est  point  en  vassaux  et  comme 
forcément  protégés,  qu'ils  doivent  chercher  un  secours  pareil 
à  celui  qu'eux-mêmes  peuvent  rendre.  Telle  est  notre  intime 
conviction.  Cependant,  n'anticipons  point  sur  des  considé- 
rations qui  prendront  plus  de  force  après  un  mûr  examen  des 
faits. 

M.  de  Pradt ,  entre  les  deux  protecteurs  dont  il  nous  im- 
pose ralternative,  se  décide  ouvertement  pour  l'Angleterre. 
Beaucoup  d'hommes  éclairés  seront  probablement  de  ce  parti. 
Tout  rapprochement  avec  l'Angleterre  ne  peut  nous  fournir 
que  des  sujets  de  comparaison  ,  utiles  ;i  nos  institutions  ,  à  no- 
tre industrie,  à  notre  savoir.  L'Angleterre  olfre  à  la  France 
autant  d'objets  dignes  de  son  étude  et  de  son  imitation,  que  la 
France  en  peut  offrir  à  l'Angleterre.  Tous  les  amis  du  perlec- 
tionnemeut  des  sociétés  humaines  éprouvent  le  désir  de 
resserrer  plutôt  que  de  dissoudre  les  liens  qui  doivent  rap- 
procher les  deux  peuples  les  plus  illustres  de  l'Europe.  Je 
puis  être  cru  dans  cet  aveu  de  mon  admiration  pour  la  gran- 
deur et  la  beauté  des  modèles  que  la  nation  britannique  pré- 
sente aux  autres  nations;  puisque  j'ai  consacré  ma  vie  à  l'é- 
tude de  ces  modèles,  pour  faire  hommage  à  ma  patrie  de  tout 
ce  qui  m'a  paru  digne  d'être  importé  sur  notre  territoire. 

Mais  celte  admiration,  dont  je  ine  sens  pénétré,  ne  saurait 
m  éblouir,  et  m'empccher  d  apercevoir  le  détriment  que  cer- 
taines vues  de  la  politique  et  de  l'industrie  britanniques  pour- 
raient causer  aux  intérêts  de  mon  pays.  Sous  ce  rapport,  et 
sans  même  consulter  le  noble  sentiment  de  notre  dignité  na- 
tionale ,  je  ne  saurais  regarder  autrement  que  comme  un 
tléau  tout  protectorat  obligé  y  exercé  par  l'Angleterre  à  l'égard 
de  la  France. 

Pour  bien  juger  de  la  Grande-Bretagne,  il  faut  toujours 
considérer  comme  deux  choses  essentiellement  distinctes: 


ET  POLITIQUES.  69 

1"  sa  politique  et  son  économie  intérieures;  2°  son  économie 
et  sa  politique  ex.t«'rieures.  Les  premières  sont  presque  tou- 
jours régies  traprès  les  principes  les  plus  élevés  et  les  plus 
généreux;  mais  les  secondes  sont  trop  souvent  guidées  par  de 
tout  autres  principes.  M.  <le  Pradt  n'a  pas  cru  devoir  faire 
une  diïitinclion  pareille.  C'est  sans  aucune  restriction  qu'il 
accorde  son  sulFrage  à  la  philautropie  britannique,  étendue 
aux  citovens  des  autres  états,  comme  aux  citovcns  des  trois 
royaumes. 

«  Ce  n'est  pas  un  monument  à  la  gloire  personnelle  de 
TAngletorre  que  je  me  suis  proposé  dans  ce  travail,  nous  dit- 
il,  mais  à  celle  de  la  civilisation,  dont  l'Angleterre  est  louvra- 
ge  et  la  mesure;  car  l'Angleterre  n'a  pu  fonder  et  maintenir 
sa  puissance  et  son  opulence,  comme  je  le  prouverai,  que  sur 
l'accroissement  de  la  civilisation  de  l'univers.  Il  résultera  de 
renseignement  donne  par  l'exemple  de  l' Angleterre ,  que 
l'art  d'être  heureux  consiste  à  ne  faire  que  du  bien  aux 

AUTRFS,  et  a  ne  suivre  que  la  voie  de  la  raison »  Ainsi 

donc,  l'Angleterre  a  <lonné  cet  enseignement  à  I  univers! 

L'Angleterre,  considérée  seulement  comme  puissance  com- 
merciale, est,  à  certains  égards,  intéressée  au  bien-être,  à 
l'opulence  des  autres  nations;  elle  est,  si  je  puis  parler  ainsi, 
leur  amie  pécuniaire  obligée.  Mais  l'Angleterre,  en  cela  pa- 
reille à  toute  autre  puissance  mercantile,  est  surtout  intéressée 
à  trouver  des  acbeteurs  qui  tiennent  beaucoup  plus  à  con- 
sommer de  ses  produits  que  ceux  des  autres  contrées.  Il  lui 
faut,  ù  l'étranger  ,  des  consommateurs  égoïstes  qui  préfèrent 
ses  marchandises  à  celles  de  leurs  propres  fabricans,  au  dé- 
triment, plus  ou  moins  prononcé,  de  leur  industrie  natio- 
nale. A  ce  sujet,  nous  devons  par  conséquent  établir  une 
distinction  irès-im porto  oie. 

Dans  son  commerce  direct  avec  une  autre  puissance,  l'An- 
gleterre est  intéressée  à  ce  que  celte  auli-e  puissance  excelle 


no  SCIENCES  MORALES 

eu  certaines  Tjranches  d'industrie,  sur  lesquelles  ne  porte  pas 
la  sapériorité  présente  ou  future  de  ses  propres  faLrications; 
par  ce  moyen ,  elle  trouve  matière  à  des  échanges  également 
utiles  aux.  deux  nations.  Mais,  pour  les  productions  de  Tart  et 
de  la  nature,  sur  lesquelles  les  deux,  peuples  peuvent  entrer 
en  rivalité,  les  progrès  de  l'un  sont  directement  contraires  aux 
progrès  de  l'autre.  Il  ne  s'agit  pas  seulement  de  savoir  qui  des 
deux  fournira  son  compétiteur  ou  sera  fourni  par  lui,  avec 
ce  produit  d'industrie.  Il  s'agit  de  savoir  si,  sur  tous  les  mar- 
chés de  l'univers,  ce  même  produit,  fabriqué  par  l'un  ou  par 
l'autre  peuple,  sera  préféré.  C'est  en  ce  sens  que  le  commer- 
ce extérieur  de  la  Grande-Bretagne  est  eu  opposition  directe 
avec  le  commerce  extérieur  de  toutes  les  autres  nations  :  ain- 
si, par  exemple,  sans  la  supériorité  des  Anglais  dans  l'œuvre 
des  cotons,  la  France  en  vendrait  peut-être  aux  diverses  na- 
tions ,  pour  5oo  millions  de  francs  par  année.  Mais  l'Angle- 
terre nous  surpasse  dans  cette  espèce  de  fabrication.  En  cou- 
séquence  ,  chaque  année,  elle  vend  des  cotons  œuvres  pour 
5oo  millions  de  francs ,  et  nous  n'en  vendons  pas  pour  le 
dixième  de  cette  valeur. 

Ainsi,  l'intérêt  positif  de  l'Angleterre  est  que  les  arts  ,  qui 
font  la  base  de  sa  prééminence  industrielle ,  soient  toujours 
moins  avancés  chez  les  autres  peuples  que  chez  elle.  C'est 
pour  cela  qu'elle  prohibe  la  sortie  des  métiers  et  des  machi- 
nes ;  c'est  pour  cela  qu'elle  punit,  par  des  peines  infamantes 
et  corporelles,  les  ouvriers  qui,  sachant  faire  aller  ces  mé- 
tiers, tentent  de  porter  leur  industrie  h  d'autres  nations;  c'est 
pour  cela  qu'elle  condamne,  avec  une  excessive  sévérité,  tout 
Anglais  qni  détermine  ces  mêmes  ouvriers  à  transporter  ainsi 
leur  industrie  chez  les  peuples  étrangers. 

Lorsque  les  magistrats  municipaux,  lorsque  le  monarque 
lui-même,  en  annonçant  des  fêtes  solennelles,  engagent  les 
Anglais  et  les  Anglaises  à  composer  leurs  somptueuses  pa- 


ET  POLITIQUES.  71 

rares  avec  des  produits  qui  n'aient  été  fournis  par  aucun  peu- 
ple étranger,  est-ce  pour  oirrir  aux.  nations  l'exemple  de  cet 
heureux  échange  des  œuvres  de  l'art  entre  les  difjfcrens  peu- 
ples, qui  les  fait  jouir  au  même  degré  des  avantages  mutuels 
d'un  équitable  commerce? — ISon  ,  certes.  La  Grande-Bre- 
tagne ne  veut  recevoir  de  l'étranger  que  ce  qu'elle  ne  peut 
pas,  que  ce  qu'elle  ne  pourra  pas  fabriquer  quelque  jour. 
Ainsi,  pendant  un  siècle,  elle  a  prohibé  les  soieries  si  supé- 
rieures de  la  France,  dans  l'espoir  qu'au  bout  d'un  siècle  elle 
pourrait  s'élever  jusqu'à  la  concurrence,  et  parvenir,  bientôt 
après,  k  nous  expulser,  pour  celte  brandie  d  indu-^trie,  de 
tous  les  marchés  de  l'univers.  C'est  un  avantage  qu'eie  q^pé- 
rait  se  procurer,  non  pas  en  nous  faisant  du  bien,  mais  en 
ruinant  l'une  de  nos  plus  riches  fabrications. 

Disons  plus  sirapiement:  l'Angleterre,  dans  ses  relations 
commerciales  avec  les  autres  peuples,  leur  fait  du  l)ien,  quand 
ce  bien  concorde  avec  le  sien  propre,  et  du  mal,  aussitôt 
qu'elle  s'y  croit  intéressée,  ou  pour  son  industrie,  ou  pour  sa 
politique.  Ceci  n'est  pas  uu  reproche  que  nous  prétendions 
lui  adresser,  plutôt  qu  à  toute  autre  puissance  ;  car  tous  les 
peuples  ont  jusqu  à  présent  tenu  cette  conduite.  Ils  n  ont  iKl- 
féré  que  par  les  nuances  de  leur  égoïsme  et  de  Icw  cupi- 
dité. 

Les  intérêts  du  commerce  influent  encore  d'une  autre  ma- 
nière sur  les  desseins  politiques  de  la  Grande-Bretagne.  Celle 
nation,  dont  les  vues  sont  très-élendues  et  très -profondes, 
sait  parfaitement  que  la  supériorité  de  son  commerce  et  de  sa 
force  tient  à  l'heureux  équilibre  de  ses  institutions,  à  la  pleine 
jouissance  de  toutes  ses  libertés.  Aussi,  jusqu'à  ces  derniers 
tems,  a-l-elle  paru  peu  jalouse  d'assurer,  sur  le  continent,  les 
mêmes  bieufails  aux  autres  peuples. 

Dans  une  enquête  parlementaire  fort  remarquable,  sur  le 
commerce  de  la  Grande-Bretagne  comparé  à  celui  des  di- 


7'^  SCIENCES  morai;es 

rerses  nations,  on  voit  les  membres  du  parlement  charge's  de 
celte  enquête,  demander  aux  négocians  :  «  Ne  pensez-vous 
pas  que  la  France  (si  elle  conserve  ses  nouvelles  institutions 
et  sou  gouvernement  constitutionnel)  n'y  trouve,  pour  son 
commerce,  des  éiémens  de  prospt  rite  qui  lui  ont  manqué  jus- 
qu  à  ce  jour?»  —  Sans  aucun  doute,  ont  répondu  les  habiles 
négocians. 

L  Angleterre  n'a  donc  aucun  intérêt  pécuniaire  à  ce  que  la 
France  conserve  la  forme  actuelle  de  son  gouvernement,  el 
ne  perde  pas  les  libertés  si  chères  qui  nous  sont  garanties  par 
la  Charte.  Elle  j  voit  pour  nous  des  movens  puissans  de  lutter 
couti-e  le  monopole  qui  résulte  de  sa  supériorité  industrielle. 
]Nous  ne  voulons  pas  dire,  par-là,  que  l'Angleten-e  aidât  avec 
plaisir  à  renverser  ce  beau  monuinent  dont  l'inimortalilé  fait 
1  objet  de  notre  espérance.  Nous  voulons  dire  seulement  qu'el- 
le n'aurait  aucun  intérêt  mercantile  à  prévenir  le  malheur 
d  une  telle  subversion.  Ses  vues  à  cet  égard  ne  sauraient  donc 
être  pour  nous  un  motif  d  implorer  son  protectorat. 

Parlerons-nous  à  présent  d'indépendance  nationale! 

l->  Angleterre  n'avait  pas  d'intérêt  à  ce  que  Gènes  restât  indé- 
pciidanle,  à  ce  que  Raguse  i-estàt  ind('pend;inte,  à  ce  que  Ve- 
nise l'cslàt  indépendante,  à  ce  que  la  Sicile  continuât  d'avoir 
un  parlement  et  des  lois  fondamentales.  Aussi,  malgré  des 
promesses  éclatantes,  a-t-elle  fait  sans  effort  le  sacrilice  des 
libertés  et  des  prospérités  de  ces  états  commercans ,  ruinés 
aujourdhui  par  une  telle  condescendance. 

L  Europe  entière  a  retenti  des  cris  dindiguatiou  qui  se  sont 
élevés,  au  sujet  de  la  part  active  que  l'Angleterre  a  prise  con- 
tre les  Grecs,  depuis  l'époque  des  malheurs  de  Parga  jusqu'à 
ces  derniers  tems.  On  s'est  demandé  par  quelles  lois  d'excep- 
tion il  se  faisait  qu'un  Anglais,  un  Ecossais,  un  Irlandais,  pus- 
sent aller,  dans  le  sud  de  l'Amérique  ou  dans  l'archipel  de  la 
Grèce,  combattre  pour  des  états  nouYellemeut  formés,  sans 


ET  POLITIQUES.  7  5 

fjue  le  goiiveineiucat  britannique  osât  leur  infliger  aucune 
I)eine  dans  leurs  biens  ni  dans  leurs  personnes  ;  el  comment 
des  Grecs  de  Corcyre,  dlthaque  et  deCônlialonie,  qui  voulu- 
rent aller  défendre  leurs  frères,  sur  la  terre  de  leurs  aïeux,  ou 
sur  les  mers  illustrées  par  leurs  ancêtres,  furent  privés  de  tous 

leurs  biens,  et  prosciits  dans  leurs  personnes? On  sVst 

demandé  comment  la  Cité  de  Londres,  qui  se  prononça  si 
baulement  en  faveur  de  rt-mancipation  des  Américains  du 
Sud,  et  qui  leur  loJirnlt  tant  de  secours  pour  combattre  des 
bommes  appartenant  à  la  même  race,  aux  mêmes  mœurs,  à 
ia  même  religion,  comment  la  Cité  de  l-oudres  ,  durant  les 
plus  grands  dangers  et  tes  plus  grands  malbeurs  de  la  Grèce, 
u  a  gardé  qu'un  morne  silence,  au  sujet  de  la  généreuse  et 
magnanime  régénération  dun  peuple  qui  sacritie  son  sang 
pour  (aire  triompher  i\  tendaid  de  la  croix  sur  le  croissant  de 
I  -doiatre,  et  les  lumières  du  cliristianisme  sur  rabrutissement 

de  l'islamisme? 

Les  Grecs  sont  aujourd  bui  les  premiers  navigateurs  de  la 
M(daorranée.  Sobres,  actifs,  économes,  intrépides,  aucun 
étal  maritime  ne  peut  transporter,  comme  eux,  les  produits 
de  i  mdustric  humaine,  pour  un  modique  salaire.  L'enquête 
p  irlemeutaire  qui  reconnaît  pour  {.1  Fiance  tout  l'avantage  de 
SOS  institutions ,  reconnaît  la  supériorité  des  Grecs  dans  la  na- 
vigation marcbande.  Cette  enquête  démontre  clairement  (|ue 
les  Anglais  mêmes  ne  sauraient  soutenir  la  concurrence  con- 
tre les  Hellènes,  dans  l'économie  du  commerce  de  transport. 
Depuis  quelque  tems  ,  il  est  vrai  ,  la  politique  extérieure  de 
l'empire  britannique,  confiée  à  des  mains  plus  généreuses, 
et  placée  par  les  événemens  dans  des  circonstances  nouvelles  , 
a  fait  cesser  toute  mesure  hostile  de  l'Angleterre  contre  les 
Grecs ,  et  diminué  la  piotectiou  que  les  flottes  de  cette  puis- 
sance, éparses  dans  la  Méditerranée,  prêtaient  aux  Musul- 
mans. Mais  il  ne  doit  pas  moins  être  évident,  pour  les  Grec? 


74  SCIENCES  MORALES 

ea  particulier,  qu'aux,  teins  de  leur  plus  grande  infortune , 
la  politique  britannique  ne  cherchait  pas  à  se  rendre  heu- 
reuse à  leur  égard,  enjaisant  du  bien  aux  autres. 

Enfin,  aujourd'hui  même,  on  nous  assure  que  des  agens 
anglais  s'efforcent  de  faire  accepter  aux  Grecs  une  adminis- 
tration musulmane,  pareille  à  celle  des  Waivodes ,  et  qui 
pourrait  procurer  à  l'industrieuse  Hdlcnie ,  la  civilisation  du 
Bulgare  ,  la  sécurité  du  Valaque  et  les  libertés  du  Servien  !... 

Je  sais  qu'au  sein  de  la  Grande  Bretagne ,  il  est  des  hom- 
mes généreux  qui  voudraient  concilier  le  bien-élre  de  tous 
les  peuples  avec  la  dignité  de  toutes  les  puissances  ;  ils  ne 
souhaitent  pas  que  l'éminence  de  leur  patrie  soit  marquée 
par  la  faiblesse  et  la  dégradation  des  nations  étrangères. 
Mais  de  tels  hommes  sont  aussi  rares  en  Angleterre  qu'en  tout 
autre  pays  ;  ils  ne  doivent  compter  que  comme  exceptions. 

L'Angleterre  est  pleinement  convaincue  qu'il  convient  à  sa 
propre  sécurité  ,  que  la  France  ne  devienne  jamais  une  trop 
grande  puissance  j  elle  a  déclaré  ,  par  exemple ,  qu'elle  ne  se 
croirait  jamais  en  sûreté,  si  nous  gardions  l'Escaut  et  la  Bel- 
gique. Aussi,  les  avons-nous  perdus  ,  dès  qu'elle  a  pu  nous 
les  faire  perdre  ;  et  s'est-elle  chargée  de  veiller  à  ce  qu'on  hé- 
rissât de  remparts  la  frontière  qu'elle  élève  contre  nous  du 
côté  du  nord  :  le  tout ,  pour  nous  empêcher  d'atteindre  à  nos 
limites  naturelles.  En  ce  moment  même  ,  le  duc  de  "Welling- 
ton continue  d'inspecter  les  places  fortes  érigées  contre  nous 
dans  la  Flandre. 

Ce  n'est  point  par  le  désir  de  faire  du  bien  aux  autres,  afin 
d'en  éprouver  elle-même ,  que  l'Angleterre  proclamait ,  eu 
i8i4,  le  rétablissement  des  états,  sur  le  même  pied  qu'eu 
1789  ;  puis  dépouillait  la  Hollande  et  de  Ceylan  et  du  cap  de 
Bonne  -Espérance  ,  et  nous  enlevait  l'île  de  France,  Mais 
l'Angleterre  vSavait  que  ,  si  ces  possessions  avaient  fait  du  bien 
à  leurs  anciens  maîtres  ,  il  lui  sérail  pour  le  moins  aussi  proli- 


ET  POLITIQUES.  75 

lal)le  de  les  garder  à  Jamais  ;  et  elle  en  a  fait  sa  propriété ,  sans 
s'inquiéter  si  cet  acte  était  en  harmonie  avec  les  principes  mê- 
mes qu'elle  professait  avec  le  plus  d'éclat. 

Gardons-nous  donc  de  compter  exclusivement  sur  le  pré- 
tendu besoin  de  bienfaisance  universelle  éprouvé  par  TAn- 
gîeterre.  Admettons-la  franchement  et  lovalcmenl  parmi  nos 
amis  ,  quand  elle  ne  sera  pas  au  rang  de  nos  ennemis.  Mais  , 
ne  la  regardons  jamais  comme  notre  protectrice  obligée ,  ni 
comme  notre  bienfaitrice  permanente,  infaillible  et  néces- 
saire. 

Du  reste  ,  suivons  un  excellent  précepte  indiqué  par  M.  de 
Pradt  lui-même.  INe  nous  laissons  inllucncer,  dans  nos  déter- 
minations ,  ni  par  un  amer  souvenir  des  maux  jadis  souiierts, 
ni  par  ime  reconnaissance  éternelle  pour  des  bienfaits  passa- 
gers. Etudions  notre  vraie  position,  apprécions  nos  intérêts, 
et  laissons  à  la  raison  le  droit  de  nous  dicter  les  règles  de  no- 
tre conduite. 

Pour  examiner  les  moyens  des  deux  puissances  ,  protectri- 
ces obligées  du  reste  de  l'Europe ,  M.  de  Pradt  commence 
par  reproduire  les  principaux  faits  présentés  dans  les  comptes 
ministériels  britanniques,  sous  le  dire  (^ Etat  de  l'Angleterre 
en  iBsir  et  en  i8'ia. 

M.  de  Pradt  tranche  nettement ,  an  sujet  de  tous  ceux  qui 
ont  publié  quelques  observations  sur  ces  données  ofScielles. 

tt  Le  grand  rapport  de  la  question  avait  également  échappé 
à  tous,  dit-il,  celui  de  l'amélioration  des  sociétés  humaines  , 
comme  la  source  de  la  richesse  de  l'Angleterre  ,  qui  ne  s'ali- 
mente que  de  celle  diffusion  de  l'aisance  et  du  goût  dans  tout 
l'Univers.  » 

A  cet  égard  ,  il  nous  semble  que  nous  venons  à  notre  tour 
de  jeter  sur  le  grand  rapport  qui  nous  avait  échappé  cl  tous , 
quelque  lumière  que  l'éloquent  auteur  du  Parallèle  avait  né- 
girgé  de  nous  transmettre. 


70  SCIENCES   MORALES 

Si  M.  fie  Praill  avait  daigné  parcourir  rintrotluctiou  duo 
ouvrage  consacré  à  Texameu  de  la  Force  militaire  de  la 
Grande-Bretagne ,  il  y  aurait  trouvé  ces  mots  qui  prouvent , 
peut-être ,  que  le  grand  rapport  dont  il  parle  n'avait  pas 
(comme  il  laffirme)  échappé  également  à  tous  ses  devan- 
ciers. 

«  Chaque  jour  (depuis  la  paix)  on  a  moins  regardé  comme 
une  perte  pour  un  peuple,  raccroissementde  la  fortune  et  du 
bonheur  des  peuples  circonvoisius.  On  commence  ,  au  con- 
traire ,  à  concevoir  qu'il  est  utile  de  voir,  autour  de  soi ,  s'en- 
richir des  acheteurs  ,  si  l  ou  tient  soi-même  à  devenir  un  ven- 
deur opulent.  Tout  ce  calcul  d'égoisme  est  bien  petit  et  bien 
bas,  sans  doute,  devant  les  vues  plus  nobles  et  plus  vastes 
d'une  saine  philantropie.  Mais,  qu'importe  la  voix  qui  mène 
les  hommes  au  bien  ,  à  la  prospérité  !  Pourvu  qu'ils  devien- 
nent moins  envieux,  moins  ennemis  les  uns  des  autres  ,  c'est 
toujours  un  triomphe  pour  l'humanité  :  elle  ne  sait  pas  se  ren- 
dre difficile  sur  les  chemins  qui  conduisent  à  ce  but  cher  et 
sacré.  »  (In(roduction,  pag.  xiv.) 

Comment  se  tait-il  que  ce  grand  rapport ,  inconnu  à  tous 
les  écrivains  qui  ont  parlé  de  l'Angleterre  et  de  son  com- 
merce ,  ait  été  cependant  signalé  par  l'un  d'eux ,  comme  la 
découverte  d'un  des  écrivains  les  plus  anciens  et  les  plus  cé- 
lèbres de  l'antiquité  ,  qui  disait,  en  parlant  de  Tyr,  celle  Al- 
bion de  la  terre  proniise  ? 

■  «  Le  port  de  Tyr  était  ouvert,  sans  restriction  ,  aux  bâti- 
mous  ,  aux  marins  de  toutes  les  contrées  ;  l'étranger  y  pou- 
vait, comme  le  régnicole ,  acquérir  et  vendre  sans  entraves. 
(>  commerce  avait  comblé  de  biens  un  grand  nombre  de  na- 
tions maritimes  ;  et  l'opulence  de  Tyr  avait  fait  la  fortune  des 
rois.  Quel  est  donc,  ajoutait-on,  quel  est  l'observateur  pro- 
fond qui  nous  apprend  ces  bieniails  d'un  commerce  ami  des 
hommes,  ce  partage  d'une  fortune  adverse  ou  favorabiej 


ET  POLITIQUES.  77 

celle  alliance,  enflu,  qui  naît  d'un  mutuel  intérêt  entre  les 

rois  et  les  peuples  de  diverses  nations? Quel  génie  philo- 

sopliique,  perçant  la  nuit  des  lems  barbares  ,  découvre  ainsi, 
d'un  sublime  regard,  les  causes  invisibles  des  prospérités  com- 
merciales :  le  savoir,  l'honneur,  les  libertés  et  la  sécurité? 
C'est  le  prophète  Ezéchiel  (1).  » 

M.  de  Pradt,  pour  analyser  les  élémens  de  la  puissance 
britannique,  commence  par  s'occuper  de  la  population. 

«  U Etat  de  l' Angleterre  en  1821,  dit-il,  établit  que  celle 
population  a  augmenté  d'un  cinquième  dans  l'espace  de  tems 
qui  s'est  écoulé  depuis  1792  jusqu'en  1822,  c'est-à-diie,  pen- 
dant trente  ans.  L'accroissement  que  TAngleterre  a  acquis  est 
fort  grand  ,  et  ne  se  retrouve  dans  aucune  contrée  de  l'Eu- 
rope ;  il  faut,  ajoute-t-il,  aller  jusqu'aux  ELils-Lnis  pour  rt/i~ 
contrer  encore  mieux.  » 

Commençons  d'abord  par  observer  qu'ici  l'accroissemeut 
rapporté  par  M.  de  Pradt  n  est  que  !a  uioilié  t!e  l'accroisse- 
ment réel.  C'est  une  erreur  de  5o  pour  cent ,  sur  un  objet  de 
la  plus  haute  importance. 

En  France ,  de  1  792  à  1822  ,  la  population  s'est  augmentée 
précisément  dans  la  proportion  d'un  cinquième;  elle  n'avait 
que  vingt-quatre  millions,  au  commencement  de  la  Révolu- 
tion; elle  en  a  plus  de  trente  aujourdhui.  La  population  de 
la  baute  Italie,  de  la  Belgique  et  d'une  grande  partie  de  l'Al- 
lemagne a  éprouvé  des  accroisscmens  presque  aussi  con- 
sidérables. 

Pour  trouver  un  plus  grand  accroissement  de  population 
qu'en  Angleterre  ,  il  n'est  pas  nécessaii'e  d'alier  aux  Etats- 
Unis  ;  nous  pouvons,  même  en  Europe,  rencontrer  encore 


(1)  Influence  du  commerce  sur  le  &iivoir  et  ta  civilisation  des  peuples 
anciens;  Discours  prononcé  dacis  la  séance  publique  de  l'Institut  de 
France  ,  le  24  aviil  1822.  In-S".  Paris;  Bachelier;  1  l'r.  a5  c. 


^8  SCIENCES  MORALES 

mieux,  et  c'est  la  Russie  qui  nous  offre  ce  plus  grand  accrois- 
sement de  population.  En  Russie  ,  sur  la  seule  population  at- 
tachée à  la  religion  grecque,  le  nombre  des  naissances  an- 
nuelles surpasse  i  ,5o(),ooo  individus;  celui  des  mortalités 
n'atteint  pas  900,000  ;  ainsi ,  le  progrès  naturel  de  la  popu- 
lation est  de  600,000  par  an.  Il  est  facile  de  calculer  ce  qu'un 
pareil  excédant  pourrait  produire  en  trente  années. 

Voyons  quelles  explications  M.  de  Pradt  nous  fournit  de 
la  supériorité  d'accroissement  de  la  population  britannique. 

«  Les  progrès  de  la  population  anglaise  ont  eu  lieu  dans 
un  période  de  tems  consacré  exclusivement  à  la  guerre,  cir- 
constance engendrai  plus  contraire  que  favorable  à  ce  genre 
d'accroissement  :  en  le  comparant  abstracùvement  avec  ce 
qui  se  passe  sur  le  continent,  on  pourrait  en  être  étonné  ;  mais 
la  réliexion  montre  bientôt  que  ce  qui  sévit  comme  un  fléau 
sur  le  continent,  doit  s'émousser  contre  les  préservatifs  dont 
la  nature  et  la  civilisation  ont  contribué  à  munir  l'Angleterre. 
En  effet ,  elle  est  située  et  constituée  socialement,  de  manière 
que  ce  qui  fait  du  mal  aux  autres  lui  fasse  du  bien  (i)  ;  que 
ce  qui  fait  reculer  ailleurs,  fasse  avancer  chez  elle;  que  ce 
qui  ailleurs  éclaircit  les  rangs ,  les  épaississe  cbez  elle  :  la 
guerre  n'atteint  que  les  coffi-es  de  l'Angleterre  ;  ses  cités  et  ses 
cliamps  restent  intacts.  Les  dévastations,  compagnes  ordinai- 
res de  la  guerre ,  viennent  expirer  au  pied  de  ses  rivages.  Du 


(i)  C'est  en  parlie  pour  cela  qu'en  Angleterre  beaucoup  de  guerres  sont 
extrêmement  populaires.  Lorsque  j'ai  visité  pour  la  première  fois  la 
Grande-Bretagne,  en  1816  et  1817,  tous  les  gens  du  peuple,  avec  les- 
quels j'avais  quelques  relations,  ne  tarissaient  pas  dans  leurs  lamenta- 
tions et  dans  leurs  regrets  sur  l'aisance  et  le  bonheur  dont  ils  avaient 
joui  durant  la  guerre.  Ils  appelaient  à  grands  cris  le  retour  des  combats, 
avec  autant  de  ferveur  que  ,  durant  une  saison  trop  arîde,  l'homme  f'.es 
champs  appelle  la  rosée,  pour  féconder  ses  guérets  et  fertiliser  ses  prai- 
ries. 


ET  POLITIQUES.  79 

haut  de  ces  citadelles  ailées  qui  lui  donnent  l'empire  de  la  mer, 
l'Angleterre  chasse  devant  elle  la  guerre  et  ses  fléaux,  comme 
on  voit  des  vaisseaux,  que  l'Iiomme  a  rendus  les  rivaux  ou  plu- 
tôt les  vainqueurs  des  éléniens ,  dissiper  avec  les  foudres  qui 
arment  leurs  flancs  ,  les  nuées  orageuses  que  le  ciel  a  formées 
avec  les  vapeurs  de  l'Océan  (i).  Tandis  que  presque  toutes  les 
capitales  de  l'Europe  étaient  occupées  par  l'ennemi  ;  tandis 
que  vingt  princes  fuyaient,  erraient,  rentraient  humiliés  dans 
leurs  états  morcelés ,  l'Angleterre  attirait  dans  sou  sein  tout 
l'or  et  toutes  les  marchandises  de  l'Lnivers  ;  elle  nourrissait, 
elle  hahillait,  elle  armait  amis  et  ennemis.  »  (^Paralltlt,  etc., 
pag.  I  et  12.) 

Nous  nous  sommes  abandonnes  au  plaisir  de  citer  tout  ce 
brillant  morceau.  Mais  avant  d'aller  plus  loin,  nous  pourrions 
demander  à  M.  de  Pradt  comment  il  est  possible,  d'une  part, 
que  l'Angleterre  soit  située  et  constituée  socialement ,  de  mA- 
nière  que  ce  qui  fuit  du  mal  aux  autres,  lui  Jasse  du  bien; 
et  de  l'autre,  comment  sou  exemple  peut  nous  montrer  que 
Vart  d'être  heureux  consiste  à  ne  faire  que  du  bien  aux  au- 
tres :  faut-il  admettre  en  même  tems  ces  deux  propositions 
contradictoires?  —  Je  crois  plutôt  que  la  première  est  tout-à- 
fail  exagérée  ,  et  la  seconde  tout-à-fait  inexacte. 

Aux  assertions  de  M.  de  Pradt  sur  les  causes  qui,  durant  la 
guerre,  favorisent  la  population  (\es  lies  Britanniques,  pour 
défavoriser  les  états  du  Continent,  nous  n'opposons  qu'uu  fait 
déjà  cité  :  la  France,  malgré  tous  ses  désavantages  de  situa- 
tion continentale ,  malgré  toutes  les  pertes  des  guerres  san- 
glantes qu'elle  a  si  long-tems  soutenues  ;  la  France ,  après 
avoir  eu  deux  fois  sa  capitale  occupée,  a  pourtant  vu  sa  po- 


(i)  M.  de  Pradt  regarde  sans  doute  comme  une  plaisanterie  cette  ma- 
nière de  chasser  les  orages  à  coups  de  canon ,  dan»  l'immensité  des  airs 
et  de  l'Océan. 


8o  SCIENCES   MORALES 

puiatlon  faire  d'immenses  progrès.  C'est  pourquoi  nous  ne 

pensons  pas  qu'on  puisse  conclure  avec  M.  de  Pradt  : 

«  Ainsi  c'est  du  sein  même  de  la  mort ,  du  gouffre  où  s'tn- 
sexditisaient  d'autres  populations  ,  que  la  vie  s'est  reproduite 
et  multipliée  eu  Angleterre.  Ce  progrès  dont  on  ne  jugeait 
pas  bien  le  principe ,  avait  trompé  les  yeux  accoutumés  à  ce 
spectacle  des  effets  que  la  guerre  produit  ordinairement  sur 
le  continent  :  c'est  que  la  raarclie  de  l'Angleterre  leur  avait 
écliappé.  Cette  marche  se  faisait  en  sens  im'erse  du  continent; 
ici  (sur  le  continent)  la  guerre  est  un  état  suspensif  de  l'acli- 
A  ilé  laborieuse.  Principe  et  mobile  principal  de  la  reproduc- 
tion dans  les  sociétés,  l'homme  tombe  sans  compensation  ; 
en  Angleterre,  plus  la  guerre  s'étend,  plus  le  travail  croît, 
elc.  »  [Parallèle .  pag.  i5,) 

INous  ne  regardons  pas  comme  exact  de  dire  que,  sur  le 
continent,  la  guerre  soit  par  elle-même  un  état  suspensif  de 
l'activité  laborieuse.  Nous  savons,  ati  contraire,  (jue  Tindus- 
irie  continentale  a  pris  des  developpemeus  marqués,  durant 
les  dernières  guerres  de  lempire  français  ,  en  France,  en  Bel- 
gique, en  Italie,  et  dans  la  confédération  du  Rhin. 

Si  M.  de  Pradt  tombe  parî'ois  dans  quelques  erreurs  sur 
les  sources  de  la  prospérité  industrielle  de  la  Grande-Breta- 
gne ,  sou  esprit  supérieur  le  conduit  à  des  vérités  importantes 
quil  développe  dans  toute  leur  étendue.  Tel  est ,  à  quelques 
égards  ,  le  tableau  de  l'avantage  que  tous  les  peuples  retirent 
de  raccroissement  qu'éprouve  la  population  britannique.  Ce- 
pendant ,  il  va  trop  loin ,  lorsqu'il  dit  :  u  Mettez  à  coté  du  peu- 
ple anglais  ,  ces  nations  insensibles  aux  jouissances  ,  bébétées 
dans  un  engourdissement  moral  et  physique ,  privées  de  goùl> 
semblables  à  ceux  des  peuples  civilisés  ,  par  exemple ,  des 
Turcs,  des  Africains;  qu'importe  au  bien  général  do  la  so- 
ciété ,  la  multiplication  de  ces  peuplades  stériles  pour  les  au- 
tres comme  pour  elles-mêmes?  Qu'en  recevoir?  que  leur 


ET  POLITIQUES.  8i 

donner?  qu'apporter,  qu'échanger  avec  elles?  Elles  sont 
comtnc  mortes  au  monde,  et  le  caractère  sacré  de  Thuma- 
nité  mis  ;i  part,  la  brûle  dont  la  chair  nourrit  riiomme,  dont 
une  aulre  partie  de  la  dépouille  contribue  à  ses  arts  ,  est  plus 
utile  à  riiuiiKuiité  que  ces  êtres  revêtus  de  la  figure  humaine  , 
et  qui  ne  contribuent  en  rien  à  rulilité  de  leurs  sembla- 
bles .   » 

Je  ferai  d'abord  observer  à  M.  de  Pradt  qu'il  n'y  a  point 
de  peuple  sans  commerce,  même  en  Turquie,  même  en 
Afrique.  Les  Africains  et  ies  Turcs  savent  fort  bien  que  rece- 
voir et  que  donner  dans  leurs  échanges.  Des  armes,  des  tis- 
sus ,  des  montres,  des  horloges,  des  meuhles,  voilà  les  objets 
qu'ils  demandent;  de  l'or,  de  l'ivoire,  de  la  soie  brute,  des 
aromates,  voilà  ce  qu'ils  fournissent  en  retour.  Ce  commerce 
faisait  jadis  l'opulence  de  Marseille  ,  il  est  encore  important 
pour  la  richesse  de  l'Angleterre.  Disons  seulement  que  les 
Turcs  et  les  Africains,  moins  avancés  en  industrie  que  les 
peuples  de  lEurope  ,  font  un  commerce  moins  étendu.  Mais, 
n'allons  pas  jusqu'à  ne  voir  en  eux  que  des  êtres  à  face  hu- 
maine, qui  ne  contribuent  à  l'utilité  de  leurs  semblables,  pas 
même  autant  que  des  hêtes  de  boucherie,  et  les  peaux  qu'on 
en  relire. 

Considérons  à  présent  la  grande  question  des  accroissemens 
de  la  population  ,  sous  un  point  de  vue  plus  élevé  que  ne  l'a 
fait  M.  de  Pradt,  et  gardons-nous,  à  cet  égard  comme  à  beau- 
coup d'autres  ,  de  ses  principes  exclusifs. 

Tantôt  les  progrès  de  la  population  sont  un  avantage  ,  et 
tantôt  un  iiéau  pour  un  peuple  ,  selon  que  les  moveus  de  sub- 
sister, et  de  pourvoir  au  bien-être  de  la  vie,  suivent  ou  ne  sui- 
vent pas  faccrolssement  de  la  population.  Ainsi,  cet  accrois- 
sement est  un  bienlait  pour  l'Angleterre,  il  est  un  malheur 
pour  l'Irlande.  LTrlande  serait  plus  riche,  plus  civilisée,  plus 
T.  XX. — Octobre  1823.  6 


82  SCIENCES  MORALES 

heureuse  ,  si  l'industnc  et  le  travail  s\  multipliaient  plutôt 
que  les  familles  oisives  ,  abruties ,  qui  pullulent  sur  sou  terri- 
toire. Neprououcons  donc  rien  d'absolu  sur  les  avantages  que 
présente  raccroissement  des  populations  :  consultons  avant 
tout  Tétat  des  arts  et  de  la  société. 

Après  avoir  parlé  de  la  population  ,  M.  de  Pradt  résume  , 
dans  un  chapitre  spécial ,  les  principaux  résultats  financiers 
publics  en  1821  et  1822 ,  par  un  organe  du  ministère  britan- 
nique. 

M.  de  Pi-adt  nous  otFre,  sur  les  sources  du  crédit  de  l'Angle- 
terre ,  des  observations  jusies  en  elles-mêmes.  Mais  ,  il  s'exa- 
gère la  prospérité  financière  de  cette  puissance  ,  lorsqu'il 
prend  à  la  lettre  cette  déclaration  ministérielle,  a  que  jamais 
la  nation  ne  fut  plus  en  mesure  d'embrasser  toutes  les  résolu- 
tions exigées  par  son  honneur  et  par  Tintérèt  général  de 
l'Europe,  n  II  n'en  reste  pas  moins  démontré  que,  malgré  la 
sévère  économie  apportée  par  degrés,  depuis  la  paix,  dans  les 
dépenses  des  services  publics,  ces  dépenses  ,  jointes  à  l'intérêt 
Je  la  dette ,  sont  un  énorme  fardeau.  Si  le  commerce  fleurit , 
les  agriculteurs  éprouvent,  depuis  la  fin  de  la  guerre,  une 
détresse  qui  n'est  pas  encore  a  son  terme.  J'avoue  qu  il  me 
sejnble  prématuré  de  dire,  dès  à  présent,  que  jamais  l'Angle- 
terre ne  fut  plus  en  mesure  d'agir  au  dehors  avec  efficacité  : 
aussi,  reste-t-elle  oisive 

Rappelons-nous  toujours  que  l'Angleterre  a  plus  de  '700 
millions  à  payer  chaque  année  ,  comme  intérêt  de  sa  dette  , 
avant  d'avoir  un  seul  denier  applicable  aux  besoins  d'admi- 
nistration pour  Tintérieur,  et  de  la  guerre  pour  l'extérieur. 
Afin  de  démontrer  la  grandeur  de  la  prospérité  financière  de 
cet  empire  ,  M.  de  Pradt  avance  que  ,  depuis  1819  jusqu'en 
iSaS,  le  gouvernement  a  remis  aux  contribuables  des  som- 
mes qui  ne  sont  pas  moindres  de  3oo,ooo,ooo.  Ce  fait  est  ab- 
solument inexact.  On  en  pourra  juger  par  le  tableau  compa- 


ET  POLITIQUES.  83 

ré  des  dépenses  du  gouvernement ,  pendant  les  quatre  années 


dont  il  s'agit 

1819.  53,599,276  liv.  sterl. 

1820.  55,095,877 

1821.  55,52"),9i5 

1822.  49,968,364 

Total...  209,989,432 
Pour    quatre   annt'es   comme    1819.   2i4,397,c8J 

Economie  réelle  sur  18 19,  en  quatre 

«"'* iÂO'jA-j^ 

C'est-à-dire,  environ  cent  dix  millions  de  francs  sur  quatre 
ans.  Or,  je  demanderai  comment ,  avec  une  économie  de  cent 
dix  niillions  de  francs  sur  les  dépenses  ,  on  peut  remettre  trois 
cent  millions  aux.  contribuables?....  surtout  si  l'on  considère 
qu'une  partie  des  ri'ductions  faites  dans  la  dépense  est  appli- 
qu<'e  à  l'augmentation  de  l'amortissement. 

M.  de  Pradt  se  livre  à  des  réflexions  fort  sages  sur  la  com- 
paraison qu'on  peut  faire  entie  la  modicité  de  l'impôt  territo- 
rial en  Angleterre,  et  son  énormilé  en  France;  tandis  que 
l'impôt  indirect  est,  en  proportion,  beaucoup  plus  considéra- 
ble dans  la  Grande-Bretagne.  M.  Ganilb  ,  habile  économiste, 
avait  déjà  présenté,  de  !a  manière  la  plus  lucide,  les  mêmes 
considér.aious  à  notre  Cbambre  des  Députés  :  M.  de  Pradt 
iiurait  dû  citer  cette  autorité  recommandable,  ne  fût-ce  que 
par  reconnaissance. 

Dans  le  chapitre  II ,  consacré  au  commerce  ,  M.  de  Pradt 
reproduit  les  principaux  résultats  donnés  dans  les  chapitres 
aussi  relatifs  au  commerce,  de  ["Etat  de  l'Angleterre,  ouvrage 
traduit  deux  fois  en  français  ,  et  aualvsé  dans  l'écrit  intitulé 
Système  de  l'administration  britannique ,  où  nous  avons 
parlé  surtout  avec  d.'lails  du  commerce  des  soieries  ,  des  lai- 
nes ,  des  cotons  et  des  todes. 


84  SCIENCES  MORALKS 

«  L'Aûglelerre  ,  dit-il ,  pag.  5^,  possède  un  trc'sor  avec  les 
laines  de  Botany-Bay,  qui  surpassent  en  qualité  les  puis  belles 
de  la  Saxe  et  de  l'Espagne.  »  Ce  sont ,  au  contraire  ,  des  lai- 
nes communes  qu  on  retire  de  Botany-Bay.  Jusqu'ici ,  d'ail- 
leurs ,  cette  ressource  est  très-peu  de  chose.  On  en  jugera 
par  l'état  suivant  qui  se  rapporte  à  Tannée  1819,  et  que  j'es.- 
trais  des  comptes  imprimés  par  ordre  de  la  chambre  des  com- 
munes. 

Lainages  importés  en  Angleterre  ,  et  tirés  des  diverses  par- 
ties du  monde i5,664,859  liv.  pes. 

De  la  Nouvelle-Hollande 715290 

Par  conséquent,  les  laines  de  Botany-Bav  ,  au  lieu  d'être 
un  trésor,  n'ont  été  jusqu  ici ,  pour  l'Angleterre,  qu'un  objet 
d'une  espérance  lointaine  encore  ;  puisque  la  totalité  des  lai- 
nes tirées  de  cet  établissement  n'équivalait  qu'à  la  191''  par- 
tie de  la  quantité  fournie  par  les  autres  parties  du  globe. 

M.  de  Pradt  exagère  la  quantité  totale  du  tonnage  des  navi- 
res employés  à  trafiquer  avec  les  colonies  britanniques  du  nord 
de  l'Amérique,  tonnage  qu'il  porte  à  600,000  tonneaux.  Il 
exagère  pareillement  la  totalité  des  produits  britanniques  ex- 
portés au  Canada,  en  la  donnant  comme  supérieure  à  la  quan- 
tité des  produits  du  même  genre  exportés  dans  les  Indes  orien- 
tales. 

On  voit,  en  effet,  qu'en  1821,  les  produits  de  l'industrie 
britannique  exportés  donnent  les  résultats  suivans  : 

Aux  Indes- Orientales  ,   cotons  et  lainages  seule- 
ment  2,957,665 

Au  Canada  et  dans  toutes  les  autres  co- 
lonies du  nord  de  l'Amérique.  (Valeur 
totale.) 1,676,516 

Les  considérations  de  M.  de  Pradt  sur  l  Inde  sont  pleines 
d'intérêt.  Il  s'agit  de  l'émancipation  future  d'une  colonie  loin- 
taine :  l'auteur  est  là  sur  son  terrain.  Il  applique  aux  contrées 


ET  POLITIQUES.  85 

orientales  les  principes  qui  se  sont  si  bien  yérifiés  tlans  les 
contrées  occidentales. 

Cependant,  il  me  semble  (jue  lauleur  va  trop  loin  ,  lors- 
<j[U  il  nous  dit ,  par  forme  de  digression  :  a  Ln  jour,  TEspa- 
gne  et  le  Portugal  reconnaîtront  qu'ils  ont  gagné  à  perdre  j 
l'un,  l'Amérique,  et  l'autre  ,  le  Brésil.  La  perte  de  la  sou- 
veraineté nesl  dommageable,  fjue  lorsqu'elle  est  accompa- 
gnée de  la  perte  du  commerce  ;  mais  quand  celui-ci  reste  ,  la 
souveraineté  peut  s'en  aller,  surtout  à  l'égard  d  un  peuple  qui 
cultive  les  arts  de  l'industrie,  et  qui  peut  ("aire  recevoir  ses 
produits  dans  les  lieux  oîi  l'on  a  rejeté  son  autorité....  Ces 
principes  sont  certains,  etc.  » 

Qui  donc  assure  à  M.  de  Pradt  que  l'Espagne  et  le  Portu- 
gal, après  avoir  perdu  leurs  colonies,  en  conserveront  le  com- 
merce? L'Angleterre,  plus  avancée  en  civilisation,  ne  s'est- 
elle  pas  emparée  déjii  de  ce  négoce,  par  la  force  naturelle, 
nécessaire  et  durable  de  son  industrie  mercantile?  C'est  une 
perte  absolue,  et  sans  compensation,  pour  le  Portugal  et  pour 
l'Espagne.  Sans  doute.  Il  n'en  faut  pas  conclure  que,  pour 
éviter  cette  perte,  l'Espagne  et  le  Portugal  doivent  épuiser 
1  or  et  le  sang  de  la  mère-pairie;  mais,  c'est  aussi  pousser 
trop  loin  t'eulbousiame  des  émancipations,  que  de  nous  pré- 
senter, comme  un  ^*iiii,  des  pertes  de  cette  nature. 

Ce  qui  a  pu  tromper  M.  de  Pradt  sur  l'avantage  prétendu 
que  trouvent  inj'ailliblement  les  métropoles  à  perdre  leurs  co- 
lonies, c'est  l'exemple  de  l'émancipation  des  colonies  anglo- 
américaines,  dont  la  confédération  forme  aujourd'bui  les  États- 
Unis.  Mais  la  plupart  des  causes  qui  tendaient  à  faire  conser- 
ver à  la  Grande-Bretagne  la  majeure  partie  de  son  commerce 
avec  ces  anciennes  colonies,  n'existent  pas  pour  d'autres  mè- 
res-patries, et  surtout  pour  l'Espagne,  non  plus  que  pour  le 
Portugal.  En  elïet,  les  produits  d'industrie  de  ces  deux  con- 
trées ne  sauraient  soutenir  une  libre  concurrence  aA-ec  ceux 


86  SCIEISCES  MORALES 

«le  TAngleterre,  de  la  France,  de  rAUemague  et  de  Tlta- 

lie  (.). 

M.  de  Pradt  termine  son  chapitre  V,  Des  colonies,  par 
d'importantes  réilexious  sur  les  mpports  de  la  prospc'rilé  in- 
dustrielle de  TAnglelerre  avec  rexcellence  de  ses  institutions. 

Il  consacre  ensuite  un  chapitre  de  quatre  pages  moins  qu.i- 
tre  lignes  à  rexainen  de  la  force  navale  de  la  Grande-Breta- 
gne; examen  qu'il  réduit  à  des  assertions  Iranchaules  dont 
plusieurs  sont  susceptibles  d'être  réf'uli'es,  mais  sur  lesquelles 
nous  ne  voulons  pas  même  arrêter  l'attention  du  lecteur.  Nous 
nous  contentons  de  renvoyer  à  l'ouvrage  intitulé  :  Force  na- 
vale de  la  Grande-Bretagne. 

M.  de  Pradt  consacre  à  Fexamen  et  à  l'étude  de  la  force 
militaire  de  la  Grande-Bretagne  un  chapitre  de  quatre  pages 
moins  cinq  lignes;  c'est-à-dire,  plus  court  d'une  ligne  que  le 
chapitre  relatif  à  la  force  navale,  quil  regarde  avec  raison 
comme  plus  importante  et  méritant  un  p'us  long  développe- 
ment. Il  y  a  peu  de  faits  et  beaucoup  d  erreurs  dans  le  chapi- 
pitre  qui  traite  de  l'armée;  nous  n'en  citerons  quf.  trois  esen)- 
ptes. 

«L'étal  émané  du  bureau  de  Vaide-de-carnp  général  i\\i 
généralissime  de  l'armée  anglaise,  le  duc  d'York,  dit  M.  de 
Pradt,  portait,  en  i8i5,  le  nombre  total  de  ces  troupes  à 
5oo,ooo  hommes.  » 

Il  n'v  a  point  d  aide-de-camp  général  du  généralissime  de 
l'armie  anglaise,  et  la  force  qu'on  assigne  à  cette  armée  est 
trop  considérable  de  60,000  hommes.  Dans  le  premier  vo- 

(i)  Si  l'on  veut  connaître  les  véritabies  causes  qui  militent  pour  que 
les  métropoles  retiennent  une  portion  plus  ou  moins  grande  de  leur 
pomraerce  avec  leurs  colonies  émancipées,  il  faut  lire  deux  beaux  mé- 
moires écrits  par  M.  de  Talleyrand,  après  son  voyage  aux  Étals-Unis  ,  et 
publiés  dans  les  Mémoires  de  l'Institut  national  de  France,  il  y  a  24 
ans. 


ET  POLITIQUES.  ^7 

lume  de  la  Force  militaire  de  la  Grande-Bretagne,  où  l'on  a 
cité,  d'après  l'c'lal  de  l'adjudant-gënéral  du  commandeur  en 
chef,  l'efïeclif  de  rarmée  anglaise  au  25  décembre  i8i4,  il 
n'était  alors  que  de  241,166  liommes.  En  décembre  i8i5, 
il  était  moins  considérable  encore;  et  depuis  lors,  on  n'a  pas 
cessé  de  le  réduire  jusqu'en  182  1 . 

Aujourd'hui,  cet  efiéctif  est  encore  d'à  peu  près  90,000 
hommes;  la  réduction,  réellement  opérée  depuis  décembre 
j8i4»  ne  peut  donc  être  que  de  i5o,ooo  hommes,  et  non  pas 
de  5oo,DOO  hommes,  ainsi  que  le  rapporte  M.  de  Pradt,  d'a- 
près V  Etat  de  C  Angleterre  en  i82i.Comraent,d'aiIleurs,  un  ef- 
iéctif de  3oo, 000  hommes,  après  une  réduction  de  3oo,ooo^ 
présenterait-il  encore  un  restant  qui  surpasse  80,000  hom- 
mes?  

M.  de  Pradt  se  trompe  également  sur  l'armée  britannique 
de  l'Inde  ,  qu'il  porte  à  9.2,000  Européens  Anglais  , 
et  120.000  Indiens. 

D'après  l'état  des  forces  de  celte  armée ,  soumis  à  la  cham- 
bre des  communes  en  mars  181  g,  il  y  avait  dans  l'Inde 
3o,2  55  Européens  sous  les  armes, 
1 83, 201  Indiens. 


Total.   215,454 
Au  lieu  de  142,000. 

Ainsi ,  M.  de  Pradt  s'est  trompé  de  •;  i,454  hommes  sur  la 
force  des  troupes  britanniques  de  l'armée  indienne. 

M.  de  Pradt,  dans  le  chapitre  IX,  pour  donner  une  idée  des 
libertés  récemment  accordées  au  commerce  extérieur  de  la 
Grande-Bretagne,  rapporte  de  longs  extraits  du  compte  ren- 
du par  le  ministère  anelais,  en  1822.  M.  de  Pradt  attribue  à 
l'Angleterre  l'honneur  d'avoir  fait  les  premiers  pas  dans  cet 
affranchissement  de  l'industrie  mercantile  exercée  de  nation  à 
nation.  Il  me  semble  que  c'est  aux  Etats-Unis  qu'appartient 
cet  honneur.  Les  premiers,  dans  ces  tems  modernes,  ils  ont 


88  SCIENCES  MORALES 

réclamé  de  telles  libertés;  ils  les  ont  réclamées  en  se  servant 
lour-à-tour  des  armes  de  la  raison  et  des  armes  de  la  force 
plnsique.  Ce  n'est  pas  à  la  bénévole  concession  faite  par  la 
Grande-Bretagne ,  c'est  aux  succès  éclatans  obtenus  par  les 
Américains  dans  la  dernière  guerre  qu'ils  ont  soutenue  pour 
repousser  l'oppression  de  la  marine  anglaise,  qu'ils  ont  dû  de 
pouvoir  librement  trafiquer  avec  l'Indostan.  Ajoutons,  d'ail- 
leurs, qu'il  est  très-vrai  que,  depuis  plusieurs  années,  les 
hommes  d'état  qui  dirigent  les  intérêts  législatifs  et  politiques 
du  commerce  anglais  ont  manifesté  des  idées  équitables, 
grandes,  et  bien  supérieures  à  celles  de  l'immense  majoiité 
des  fabricans  et  des  marchands  britanniques. 

Un  chapitre  abondant  en  belles  considérations  est  celui  des 
six  Angleterres,  dans  lequel  M.  de  Pradt  examine  l'influence 
que  la  nation  britannique  exercera  sur  le  globe,  par  ses  lois, 
ses  institutions,  ses  mœurs,  son  industrie  et  ses  lumières;  il 
envisage  les  progrès  obtenus  déjà,  et  surtout  les  progrès  fu- 
turs des  trois  rovaumes  ,  lelativement  à  l'Europe;  des  Etats- 
Unis  et  des  Canadas,  relativement  à  lAmériquej  de  la  colonie 
du  Cap,  relativement  à  l'Afrique;  de  l'Indostan,  relativement 
à  l'Asie  orientale;  enfin,  de  la  JNouveîle-Galles,  relativement 
à  FAustralasie. 

Les  chapitres  XII  et  XIII ,  qui  ne  devraient  pas  être  dis- 
joints par  une  digression  étrangère ,  montrent  d'une  part 
comment  le  continent  européen  peut  résister  à  I  Angleterre  et 
se  donner  action  sur  elle,  en  la  frappant  dans  son  commerce; 
de  l'autre  part,  comment  l'Angleterre  peut  réagir  sur  le  con- 
tinent, p^ur  le  maintien  de  l  équilibre  politique,  par  l'appui 
(ju  elle  prête  aux  faibles  ,  en  leur  donnant  les  moyens  de  ré- 
sister aux  puissans.  Ces  deux  chapitres  présentent  beaucoup 
de  vues  brillantes  et  profondes,  qu'on  est  fâché  de  voir  obs- 
curcies par  quelques  erreurs. 

ïiC  pouvoir  de  l'Angleterre  est  nul  à  l'égard  de  tous  les  étals 


ET  POLITIQUES.  89 

médlterranés,  dit  M.  de  Pradt.  Saus  doute,  mais  celui  de  rcs 
états  est  nul  aussi  sur  elle.  Non  ,  dircz-vous;  car  l's  peuvent  la 
priver  de  leur  commerce.  Eh  bien!  en  se  conduisant  ainsi,  ils 
se  privent  eux-mêmes  du  bénéfice  qu'ils  retiraient  d'un  l<l 
commerce,  dans  le  but  de  priver  d'un  égal  bénéfice  le  peu- 
ple devenu  Tobjet  de  leur  aversion .  J  y  vois  seulement  cette 
différence,  que  l'Angleterre  a  bien  plus  de  moyens  pour  for- 
cer toutes  les  barrières  anti-mercantiles  des  peuples  du  con- 
tinent européen,  que  ces  peuples  n'en  ont  pour  franchir,  en 
contrebande,  les  mers  qui  les  séparent  de  la  Grande-Bre- 
tagne. 

Comment  se  fait-il  que  M.  de  Pradt  range  la  Prusse  et  l'Au- 
triche parmi  les  états  méditerranés?  ne  sont-  ce  pas  aujour- 
d'hui des  étals  limitrophes  de  la  mef  ?  et  peut-on  dire  de  ces 
contrées  :  «  Là,  il  u'v  a  rien  à  bloquer,  à  bombarder,  à  captu- 
rer, aucun  point  de  contact  n'existe  entre  ces  contrées  et  l'An- 
gleterre 5  et  si  les  bataillons  des  unes  ne  peuvent  pas  aller  ea 
Angleterre  ,  les  vaisseaux  de  l'Angleterre  ne  peuvent  pas  da- 
vantage aller  dans  ces  contrées»(pag.  i  i  5). — La  Prusse  a  des 
ports  importans  et  nombreux  dans  la  Baltique,  L'Autriche 
possède  aujourd'hui  tout  le  littoral  de  l'Adriatique,  depuis  la 
marche  d'Aucône  jusquà  Venise,  et  depuis  Yenise  jusqu'aux 
Bouches  du  Caltaro, 

Quant  aux  étals  intérieurs  de  l'Allemagne,  la  liberté  de  la 
navigation  du  Danube  ,  de  l'Elbe  et  du  Weser  n'est-elle  pas 
à  la  fois  garantie  par  les  traités  et  par  l'intérêt  de  tous  les  peu- 
ples riverains?  L'Angleterre  ,  en  i-emontant  ces  (ieuves,  n'ar- 
rivera-t  elle  pas  toujours  jusqu'à  la  fronfière  du  peuple  le  p'us 
reculé  dans  le  centre  de  l'Jlurope?  ne  sera-t-ei!e  pas  en  cela 
favorisée  par  tous  les  peuples  qui  bénéticleront  sur  le  tran- 
sit (1)? 


(i  )  Voici  ce  que  nous  avons  dit  à  ce  sujet  dans  l'Examen  du  Système 


90  SCIENCES  MORALES 

Nous  croyons  aussi  (]ne  M.  de  Pradt  se  trompe,  quand  il 

dit ,  pag.  I  l'y  :  «  Les  choses  eu  sont  au  point  que  TAngleterre 

ne  pourrait  pas  soutenir  directement  le  pays  avec  lequel  elle 

entretient  une  espèce  de  pacte  de  famille,  le  Hanovre.  //  /ni 

faut  un  transit  accordé  pour  pouvoir  y  aborder.  » 

Tout  en  conccdant  à  M.  de  Pradt,  que  l'Angleterre  seule 
ne  pourra  pas  faire  la  guerre  contre  la  Russie,  et  à  plus  forte 
raison  contre  la  Sainte-Alliance  ,  il  me  semble  qu'on  doit  con- 
venir que  cet  auteur  diminue  trop  Tinfluence  de  la  Grande- 
Bretagne,  comme  force  militaire  et  comme  force  navale,  dans 
la  mer  Noire  et  dans  la  Baltique.  Il  donne  aussi  beaucoup 
trop  peu  (rintluence  pour  l'avenir  aux  finances  de  rAn£;le- 
terre ,  sur  la  création  des  résistances  destinées  à  combattre 
les  projets  futurs  de  la  Russie.  Sans  doute ,  un  subside  ne  fera 
pas  entrer  sans  motif  une  puissance  secondaire  dans  une  lutte 
imprudente  contre  un  si  formidable  empire;  mais ,  quand  ce 
même  empire  menacera  Tune  de  ces  puissances  ,  l'Angleterre 
pourra  fournir  à  celle-ci  des  subsides  qui  lui  permettront  de 
commencer  sans  retard  une  résistance  vigoureuse ,  et  de  tou- 
tes parts  lui  procurera  des  alliés ,  en  leur  donnant  les  seules 
ressources  qui  leur  manquent  souvent  pour  entrer  dans  une 
lutte  dont  ils  ont  d'avance  épousé  les  intérêts  :  les  moyens  pé- 
cnniaires.  Cli.  Dupi\  ,  de  l'Institut. 

{La  suite  au  prochain  cahier.) 


de  V  administration 'britannique ,  p.  1 14  .«En  Allemagne,  des  lois  pro- 
hibitives ont  frappé  plusieurs  produits  de  l'industrie  britannique.  L'An- 
gleterre n'a  pas  réclamé  contre  ces  lois,  que  la  contrebande  se  chargea 
de  rendre  inexécutables!  Les  Anglais  portent ,  à  présent  même  ,  pour 
205  millions  de  francs  de  marchandises,  dans  l'intérieur  de  l'Allemagne. 
Plusieurs  états  germaniques  firent  une  partie  de  leur  revenu  ,  du  transit 
de  ces  marchandises;  ils  ont,  par  conséquent,  un  intérêt  direct  à  l'ac- 
eroissemenl  des  ventes  faites  par  l'Angleterre.» 


ET  POLITIQUES.  9' 

Histoire  de  la  Révolution   Helvétique,    de  1797   à 
i8o5,  par  M.  Raoul-Rociiette  ,  de  Vlnstitut  (1). 

Cet  ouvrage  renferme  Y  Histoire  géncrnle  de  la  Suisse  ,  du 
Falais  et  des  Grisons  ,  de  1797  ii  i8o5.  On  y  volt  les  treize 
cantons,  autrefois  mal  unis,  et  leurs  anciens  sujets,  et  leurs 
petits  alliés  ,  se  clianijer,  il  est  vrai  par  l'injustice  et  les  cala- 
mités inséparables  (Vune  inlervenlir.n  étrangère  ,  c'est-à-dire, 
par  Tinlluence  diplomalifiue,  par  de  cruelles  guerres  du  de- 
hors ,  et  par  dliorribles  guerres  civiles,  d'abord  en  républi- 
que une  et  indivisible,  de  19  cantons,  fortement  unie, sans  pe- 
tits alliés  ,  sans  sujets  ,  sans  privilèges  ;  ensuite  ,  par  l'arbllragc 
de  Napoléon  et  le  consentement  des  députés  nationaux  ,  en 
républi(jue  fédératlve,  aussi  de  19  cantons  ,  mais  égalenicîil 
sans  petits  aUi('^s  et  sans  sujets  ,  sans  privilèges  de  lieux,  de 
personnes  ou  de  familles. 

Tel  est  encore  aujourd'hui  le  dernier  é'tat  où  se  trouve  la 
Suisse,  par  la  reconnaissance  et  l'iniluencc  de  la  Sainte-Al- 
liance et  par  la  révision  des  consiilulions  ,  depuis  i8i4  >  saul 
le  rétablissement  de  plusieurs  privilèges ,  et  l'adjonction  de 
trois  cantons,  qui  a  rendu  le  roi  de  Prusse,  comme  prince  de 
Neuchàtcl,  un  des  vingt- deu s.  membres  de  la  diète  fédérale 
de  THelvétie. 

La  plupart  des  renseignemcns  sur  ces  objets  n'ont  guère  été 
jusqu'ici  publiés  qu'en  langue  allemande  et  eu  d'autres  langues 
étrangères.  M.  Raoul-Rocheltc  a  donc  choisi  un  sujet  neuf, 
à  beaucoup  d'égards,  pour  notre  littérature  française  :  c'est 
un  sujet  utile  ,  important ,  non  moins  mte'ressant  pour  la  mo- 


(1)  Paris,  182Ô.  Unvol.  in-S°  de  55o  pages  ,  avec  un  portrait  d'yrffoj/s 
Redding,  et  une  Carte  générale  de  la  Suisse  en  22  cantons.  Kepveu ,  li- 
braire. 


çfi  SCIENCES  MORAl.ES 

raie  <[ue  pour  la  politique  intérieure  et  extrrieure;  sujet  tVail- 
leurs  fort  difficile  à  traiter  avec  clarté  ,  vu  la  ressemblance  et 
la  complication  tles  révolulioas  de  la  France  imitées  dans 
THelvétie ,  vu  qu'il  sagit  détats  petits  et  nombreux  qui  ont  eu 
chacun  des  vues  divergentes,  des  allures  dissemblables,  et  qui 
ont  diversement  souffert  de  la  part  des  agens  des  diverses  puis- 
sances ,  et  des  armées  nombreuses  de  la  France,  de  l'Autrl- 
che ,  cnliu  de  la  Russie,  pénétrant ,  pour  la  première  fois, 
dans  le  midi  de  l'Europe. 

L'auteur  a  iulté  contre  les  difficultés  avec  beaucoup  de  la- 
lent  et  de  patience.  Il  a  été ,  avec  distinction  ,  professeur  d'his- 
toire à  Paris  ;  on  lui  doit  Y  Histoire  des  colonies  de  la  Grèce.  ; 
il  est  membre  de  TAcudémie  des  inscriptions  et  bclles^lettres, 
où  il  se  signale  par  de  continuels  travaux;  il  a  fait  trois  voya- 
ges en  Suisse  ,  pour  bien  étudier  son  sujet  sur  le  théâtre  mè- 
medes  évéaemensj  il  apublié  de  nouvelles  Lettres  sur  la  Suis- 
se^ dont  la  seconde  édition  vient  de  paraître.  Quant  aux  doc- 
trines et  aux  sentlmens  dont  il  parait  animé  ,  dans  cette  nou- 
velle histoire ,  il  montre  beaucoup  d'enthousiasme  pour  les 
vieilles  libertés,  pour  les  vieilles  mœin'S  ,  une  grande  aver- 
sion pour  les  chaugeinens,  surtout  pour  les  injustices  ,  et  cou- 
séquemment  pour  l'iulerveutlon  étrangère  dans  les  affaires 
domestiques  ,  dans  les  constitutions  des  peuples  voisins. 

Une  idée  domine  fortement  son  ouvrage  ;  elle  y  est  sans  ces- 
se inculquée  :  c'est,  dit-il,  la  haine  des  révolutions  ;  et ,  nous 
devons  le  croire,  la  haine  des  contre -révolutions ,  puisque, 
sans  nul  doute  ,  elles  sont  toujours  des  révolutions  ,  et  parce 
que  ,  d'ordinaire,  elles  rabaissent  la  condition  et  le  caractère 
des  hommes  qui  s'en  font  les  entrepreneurs,  aussi-bien  que 
celui  des  peuples  qui  les  subissent.  I!  déclare  donc  que  la  ré- 
volution des  Suisses  est  un  de  nos  plus  grands  crimes,  et  il 
nomme  pervers  notre  gouvernement  pour  l'avoir  pré'parée. 
S'il  parle  d'intervention  étrangère  pour  changer  un  gouverne- 


ET  POLITIQUES.  9^ 

ment  voisin  ,  il  l'appelle  l'opprobre  de  l'intervention  ;  et  sur 
ce  point ,  il  n'aura  guère  de  contradicteurs  parmi  les  hommes 
éclairés  et  de  bonne  foi.  Il  rassemble  avec  soin  des  traits  vi- 
goureux contre  ces  sortes  d'entreprises ,  sans  vouloir  mémo 
considérer  si  elles  sont  au  profit  de  la  juste  liberté  de  tous, 
ou  au  profit  ries  privilèges  de  quelques-uns ,  où  à  celui  du 
despotisme  d'un  seul.  Il  pense  ,  en  un  mol ,  qu'en  tout  genre 
les  aggresseurs  ont  tort  devant  Dieu  et  devant  les  hommes. 

Mais,  quelle  que  soit  sa  haine  contre  les  révolutions  ,  il  a 
fait ,  dans  ses  Lettres  sur  la  Suisse  ,  un  grand  éloge  de  la  ré- 
volution helvétique  du  xiv<=  siècle.  En  certaines  matières  , 
les  déclarations  de  haine  ou  d'amour  peuvent  doue  n'être  que 
de  vagues  généralités  ,  eu  des  hyperboles  qu'il  faut  réduire  à 
des  termes  raisonnables. 

Dans  sa  carrière  historique  relative  à  l'Hclvélie,  M.  Raoul- 
Rochettea  été  précé<lé  particulièrement  par  M.  Zshokkc  ,  dont 
les  ouvrages  sont  en  allemand ,  et  il  a  pris  la  peine  de  dire  : 
Les  opinions  de  M.  Zshokke  sont  loin  d'être  conformes  aux 
miennes  ;  mais ,  pour  être  d'un  parti  contraire  ,  je  n'en  esti- 
me pas  moins,  etc.  Il  nous  révèle  ainsi  que  V Histoire  de  la 
Suisse ,  de  1 797  à  1 8o3  ,  se  trouve  écrite  en  deux  langages  dif- 
férons ,  par  deux  auteurs  ,  dont  chacun  est  d'un  parti  contrai- 
re à  celui  de  l'autre.  Il  paraît  s'en  suivre  qu'il  faudra  consul- 
ter quelquefois  les  deux  écrivains  et  les  corriger  l'un  par  l'au- 
tre, en  attendant  qu'il  survienne,  pour  apprécier  les  mêmes 
faits,  un  troisième  historien  dont  l'ImpartiaUté  soit  lout-à- 
fait  le  caractère. 

Cette  observation  nous  échappe  ;  mais ,  nous  devons  due 
aussi  que  M.  Raoul-Rochette  est  fort  exact  à  s'appuyer,  dans 
ses  récits,  de  toutes  les  autorités  dont  il  a  recueilli  avec  grand 
soin  les  témoignages ,  et  qu'il  cite  les  écrits  même  de  ceux 
dont  il  est  le  plus  enclin  à  censurer  les  opinions.  Nous  croyons 
qu'il  s'est  acquitt(<  avec  honneur  de  sa  belle  enlreprise;  que  sou 


94  SCIENCES  MORALES 

livre  est  digne  d'être  lu  et  consnlté ,  et  de  trouver  une  place 

honorable  dans  nos  hibliotlièques  les  mieux  choisies. 

Eu  homme  de  l'art .  il  a  fait  de  cet  ouvrage  ,  divisé  eu  qua- 
tre livres,  une  sorte  de  drame,  qui  a  son  exposition,  son  nœud 
et  sou  dénouement. 

L'exposition  y  occupe  toutle  premier  livre,  et  le  nœud  y 
commence  à  se  former.  Il  décrit,  dans  ce  livre,  la  situation 
politique  et  morale  de  la  Suisse,  à  la  fin  du  xvrii^  siècle,  les 
soins  et  les  sacrifices  de  !a  diète  pour  conserver  sa  neutralité, 
les  vues  réciproques  de  révolution  et  de  contre-révolution  re- 
latives à  la  Suisse  ,  les  troubles  de  ce  pays  jusqu'au  commence- 
ment de  1798,  et  il  peint  les  personnages  qui  jouèrent  dans 
celle  tragédie  les  principaux  rôles.  I!  expose  des  lails  de  Tiuler- 
veution  diplomatique  et  de  finlervenlion  armée  du  gouverne^ 
ment  français  dans  l'Helvétie,  et  partout  il  censure  cette  dou- 
ble manœuvre.  Elle  avait  apparemment  quelque  motif  d'in- 
térêt politique  :  l'historien  n'en  dit  pas  un  mot. 

Le  nœud  se  développe  et  continue  à  s'embrouiller,  dans 
les  deuxième  et  troisième  livres,  et  dans  une  partie  du  qua- 
trième, à  la  fin  duquel  se  trouvent  l'histoire  très-abrégée  de 
la  médiation  du  premier  consul  Napoléon  ,  et  l'indication  ,  trop 
vague  peut-être  et  trop  succincte  ,  de  la  composition  qui  fut 
convenue  à  l'amiable ,  quoique  d'un  effet  irrésistible,  si  l'on 
considère  la  puissance  immense  et  le  caractère  du  média- 
teur. Voici  celte  indication  ,  telle  qu'elle  est  dans  l'ouvrage  : 
u  Du  moment  que  la  Suisse  fut  courbée  sous  la  main  puissante 
de  son  médiateur,  elle  avait  cessé  d'exister,  si  ce  n'est  dans  le 
cabinet  des  Tuileries.  Les  deux  parties  qui  la  divisaient,  s  y 
retrouvèrent  encore  aux  prises,  et  toujours  défendant,  avec 
plus  d  obstination  que  de  succès  ,  l'un  ,  ses  théories  impratica- 
bles ,  l'autre  ,  ses  privilèges  abolis.  Le  premier  consul  avait 
choisi  ,  pour  conférer  avec  les  députés  des  cantons,  quatre  sé- 
nateurs, Barthélémy  ,  Fouché  ,  Rœderer  et  Desmeuniers  ,  les 


ET   POLITIQLES.  95 

deux  derniers  surtout  cliargés  du  travail  difficile  de  coaciller 
les  intérêts ,  et  le  premier  du  soin  plus  doux  ,  plus  conlornie  à 
son  caractère ,  de  verser  sur  les  plaies  actuelles  de  la  Suisse 
les  consolations  d  une  ancienne  aaiilié.  Les  confVrcnces  furent 
vives  et  durèrent  plusieurs  mois.  Deux  (ois  dans  cet  intervalle, 
le  premier  consul  appela  en  sa  présence  dix  députés  des  deux 
partis,  et  Tacte  de  médiation,  promul^i^ué  le  Sio  février  i8o5  , 
fut  le  résuluît  de  ce  dernier  entrelien.  L'histoire ,  tout  en  re- 
prochant à  cet  acte  le  vice  de  son  origine  et  les  vues  svcrcdes 
de  son  auteur,  ne  doit  point  dissimuler  ce  qu  il  y  eut  d  utile  et 
de  généreux  dans  cette  concession  d'un  ma  lire  ;  et  la  Suisse  , 
alors  parvenue  au  dernier  degré  de  l'anarchie  cl  de  la  misère  , 
ne  saurait  oii})lier  quelle  lui  dut  la  (iu  de  ses  longs  malheurs. 
Les  petits  cantons  y  retrouvèrent  l'image  adorée  de  leurs  dé- 
mocraties fédératives  :  c'était  tout  ce  que  pouvait  comporter 
la  nature  de  leur  pavs.  Les  unitaires  ohtinrcnt  également  l'i- 
mage d'un  gouvernement  central  ;  c'était  tout  ce  que  pouvait 
accorder  la  politi(]ue  d'un   conquérant.  Les  aristocrates  se 
consolèrent  de  la  perte  de  quelques  privilèges  personnels , 
par  une  sorte  de  prééminence  politique  ,  laissée  aux  anciennes 
cités  souveraines.  Les  Bernois  seuls,  sur  qui  retombait  pres- 
que en  entier  le  fardeau  de  la  dette  nationale  ,  purent  expri- 
mer des  regrets  légitimes  ;  mais  leurs  plaintes  se  perdirent 
dans  la  reconnaissance  de  tout  un  peuple,  qui,  ne  pouvant 
plus  attendre  de  lul-mcme  un  remède  à  ses  malheurs  ,  dut 
regarder,  comme  autant  de  bienfaits ,  les  liherlh  qu'on  lui 
rendit. 

/>Le  général  d'AlTry,  désigné  dans  l'acte  de  médiation  pre- 
mier landamann  de  la  Suisse  ,  ouvrit ,  le  4  jmllet  suivant,  a 
Frlbourg  ,  sa  ville  natale,  la  première  diète  helvétique, 

»Sous  quelque  tristes  auspices  qu'eut  été  formée  cette  assem- 
blée, ce  fut  du  moins  une  consolation  pour  la  Suisse,  que  d  y 
retrouver,  siégeant  parmi  ses  députés,  l'homme  qui  avait  le 


95  SCIENCES  MORALES 

mieux  combattu  et  le  plus  souffert  pour  la  patrie ,  le  héros  , 
le  magistrat  et  le  proscrit ,  que  ce  dernier  titre  rendait  encore 
plus  auguste.  A  peine  sorti  du  château  d'Aarburg,  Aloys  Red- 
diug  reparut  dans  le  conseil-suprême  de  son  pays  ,  toujours 
reprcsentanl  de  Schwyz  et  de  la  liberté  helvétique,  au  sein  de 
la  diète  ,  comme  au  fond  d'une  prison.  Tous  les  yeux  ciicr- 
chaicnt  avidement,  sur  ses  anciennes  cicatrices  ,  Tempreinle 
récente  de  ses  (ers  ;  mais  tous  les  cœurs  étaient  heureux  de 
son  retour  j  et  la  Suisse ,  en  le  revoyant  libre ,  semblait  l  être 
redeveuueelle-méme.'La présence  d'Aloys  Kedding  à  !a diète 
de  Fribourg  réconcilia  îe  peuple  suisse  avec  son  médiateur. 
Ce  fut  le  dernier  service  que  ce  grand  citoyen  rendit  à  son 
pays.  Après  tant  de  stériles  agitations,  le  repos  était  désormais 
pour  tous  les  partis  un  besoin  ,  une  nécessité,  et  presque  une 
vertu  :  plus  heureuse  que  la  France,  THelvétie  pouvait  d'ail- 
leurs se  consoler  avec  i'iinoge  de  la  liberté..  Sa  résistance  n'a- 
vait pas  été  sans  gloire  ;  sa  soumission,  n'était  pas  sans  exem- 
ple ;  et  le  jour  était  trop  éloigné  qui  devait  absoudre  la  Provi- 
dence des  succès  de  la  force  et  du  règne  de  rinjustice.  »  Ainsi,^ 
d'une  part,  la  Suisse  dut  regarder,  comme  des  bienfaits  ,  les 
liberlés  quon  lui  rendit  ;  et  de  l'autre ,  il  fallait  quelle  se 
consolât,  avec  l'image  de  la  liberté,  avec  une  image  de  dé- 
mocratie ,  et  une  image  de  gouvernement  central.  » 

Voilà  bien  des  images  pour  déprécier  des  constitutions  qu'on 
ne  fait  pas  connaître  ,  et  qui  valaient  mieux  ,  ce  nous  semble  , 
que  l'ancien  état  de  choses  j  des  constitutions  qui,  sous  la  pro- 
tection de  la  Sainte-Alliance ,  n'ont  pas  été  améliorées,  sont 
devenues  seulement  plus  aristocratiques,  mais  ont  été  affaiblies 
par  l'adjonction  dun  roi  absolu,  par  les  nouvelles  entraves  de 
la  censure  des  journaux  et  àes  livres,  et  par  les  restrictions 
imposées  du  dehors  au  droit  d'asiie. 

Si,  avant  toutes  ces  altérations,  la  Suisse  n'avait  que  des 
miages  de  sa  liberté  ,  comment  donc  appeler  ce  qui  lui  reste. 


ET  POLITIQUES.  g^ 

sous  nos  tems  plus  heureux?  Et ,  si  le  médiateur  ne  fit  réta- 
hlir  en  Suisse  que  des  images  des  vieilles  libertés,  comment 
1  auteur  a -t-il  pu  dire  que  les  Bernois  seuls  ,  et  précisèrent  à 
cause  d  une  prétendue  inégale  répartition  de  la  dette  commu- 
ne, purent  alors  exprimer  des  regrets  légitimes?  Est-ce  donc 
que  les  libertés  ne  doivent  être  partout  que  des  images?  est- 
ce  que  des  regrets  sont  illégitimes ,  lorsqu'ils  s'appliquent  à  la 
liberté,  même  réduite  en  vain  simulacre? 

L'auteur,  sans  doute,  n'a  pas  songé  aux  conséquences  natu- 
relles de  son  texte.  De  même  ,  il  n'a  pas  senti  que  l'absolution 
décernée,  de  sa  part,  à  la  Providence,  à  cause  de  la  dou- 
ble chute  de  Napoléon ,  ressemble  trop  à  une  phrase  témé- 
raire ,  et  pourtant  fameuse  dans  les  annales  de  la  flagornerie  : 
La  Providence  a  fait  son  devoir.  Il  y  a  ,  dans  ces  deux  for- 
mules analogues  ,  un  ton  de  légèreté,  de  familiarité  ,  d'audace 
même,  qui  sied  fort  mal  au  simple  théiste,  et  surtout  au  chré- 
tien :  c'est  trop  oublier  ce  que  Dieu  est ,  et  ce  que  nous  som- 


mes. 


Celte  réflexion  nous  amène  au  style  général  de  l'ouvrage. 
«  J'ai  voulu,  dit  M.  Raoul-Rochette,quela  diction  eu  fût  cons- 
tamment simple ,  grave  et  sévère,  même  un  peu  rude  et  agres- 
te, comme  il  convient  à  une  histoire  dont  la  Suisse  est  le 
théâtre ,  et  dont  les  héros  sont  des  pâtres.  »  S'il  n'a  pas  tou- 
jours réussi,  comme  il  le  voulait,  à  être  simple,  grave  et 
sévère,  il  est  du  moins  partout  ingénieux,  fleuri,  et  souvent 
très-épigrammatique.  Ses  épigrammes  les  plus  mordantes  et 
ses  plus  rudes  expressions  tombent  presque  uniquement  sur 
les  acteurs  d'un  seul  parti ,  et  une  fois  (pag.  70),  sur  un  hom- 
me que  la  France,  lEurope,  l'Amérique  honorent  d'une  haute 
estime,  et  qui  n'a  rien  eu  à  démêler  avec  la  Suisse. 

Voici  une  épigramme,  ou  un  trait  de  censure  qui  se  trouve 
(pag.  O7)  et  qui  doit  disparaître  dans  les  futures  éditions , 
parce  qu'il  est  contraire  à  la  vérité  historique  :  «  La  foi  publi- 

-r.xx.— Octobre  i^-iS.  « 


g8  SCIENCES  MORALES 

que  n'avait  pas  encore  été  profanc'e  ,  dans  le  pays  de  Yaud  , 
par  ces  honteux  sermens ,  qui  ne  laissaient  depuis  long-tems  à 
la  république  française,  privée  de  Dieu,  de  culte  et  d'autel , 
que  la  religion  du  parjure.  »  Nous  ne  prétendons  pas  exami- 
ner si  la  religion  du  parjure,  aulrcaient  le  parjure  poillique  , 
a  cessé  en  France  avec  la  république  a  avec  le  régime  de  Na- 
poléon 5  chacun  sait  là-dessus  à  quoi  s'en  tenir.  Il  suffira  d'ob- 
server que  l'auteur  veut  Ici,  par  un  contraste ,  relever  l'excel- 
lence d'un  nouveau  serment  de  fidélité  que  le  sénat  de  Berne, 
au  commencement  des  troubles  ,  exigea  de  ses  sujets  du  pays 
de  Vaud,  pour  les  retenir  dans  sa  domination;  que  ce  ser- 
ment fut  prêté  avec  réserve  ou  refusé  ;  qu'il  amena  la  guerre 
civile  ;  qu  il  n'eut  point  d'autre  efficacité^  qui!  fut  bientôt  rem- 
placé par  des  sermens  contraires  ;  que  la  phrase  citée  se  rap- 
porte à  l'année  1 798,  époque  de  ce  nouveau  serment,  et  qu'en- 
fin, dès  1795,  les  cultes  publics  avalent  été  rétal)lis  ,  dans 
toute  la  France,  par  les  lois  de  la  Convention  ,  dont  les  scan- 
dales cessèrent  presque  aussitôt  qu'elle  cessa  d'être  mutilée, 
comme  elle  l'avait  été,  en  1795  et  1794,  par  l'Influence  tou- 
jours réunie  de  quelques  démagogues  forcenés,  et  des  enne- 
mis de  la  révolution  au-debors  et  au-dedans. 

Lanjuinais,  de  f Institut. 


LITTERATURE. 

Histoire  littéraire  d'Italie  ,  de  P.  L.  Ginguené  , 
membre  de  l'Institut  ^  etc.  ,  continuée  par  F.  Salfi  , 
ancien  professeur  dans  plusieurs  Universités  d'Ita- 
lie j  etc.  Tome  X  (i). 

A  la  fia  da  siècle  de  Louis  XIV,  un  préjugé  défavorable  à 
la  littérature  italienne  avait  généralement  prévalu  en  France. 
Les  traits  lancés  par  Boileau  contre  le  Tasse,  les  reproches 
généraux  qu'il  fait  au  goût  italien,  dans  son  y4rt  poétique, 
avaient  préoccupé  l'opinion  de  nos  littérateurs.  Il  était  pour- 
tant aisé  de  s'apercevoir,  à  la  critique  même  que  Boileau 
fait  du  style  de  l'Arioste  ,  dans  sa  Dissertation  sur  les  trois  Jo- 
condes ,  que  l'Aristarque  français  connaissait  mal  le  génie  de 
cette  belle  langue,  et  qu'il  n'avait  point  le  sentiment  de  ses 
grâces. 

Certes  ,  on  ne  peut  disconvenir  que  l'abus  de  l'esprit  n'ait 
été  justement  reproché  au  Tasse ,  comme  à  presque  tous  les 
poètes  italiens,  antérieurs  au  xviii"  siècle.  Mais  fallait  -  il  , 
pour  cela  ,  méconnaître  celte  heureuse  hardiesse  de  pensées  , 
d'images,  d'expressions  qui  embellit  leur  style?  J'ose  dire 
que  ce  préjugé  dédaigneux  a  été  funeste  à  notre  poésie.  Ainsi, 
tandis  que  nos  voisins  d'outre-mer,  justement  frappés  de  lé- 
clatde  ces  richesses  étrangères,  les  reproduisaient  sans  cesse 
dans  leurs  écrits,  sous  des  formes  et  avec  des  grâces  nouvelles, 
nos  poètes  ,  après  le  grand  siècle,  tristement  confinés  dans  li- 
mitation  des  chefs-d'œuvre  nationaux,  ne  mirent  au  jour, 
pendant  long-tems ,  que  des  ou-vTages  décolorés.  Il  en  est  des 

(î)  Paris,  1825.  Un  vol.  in-8°,  556  pogcs.  P.  Dufart,  quai  Voltaire  ; 
prix,  8  fr.  (Voy.  Rev.  Enc. ,  T.  II,  pag.ji  1-026,  l'an.-ilyse  du  T.  IX  de 
la  continuation  de  VHistoire  littéraire  d'Ilaiic] 


loo  LITTÉRATURE. 

productlous  Je  riutelligeace  humaine,  comme  de  celles  de  !a 
nature  :  de  même  que  le  croiseiueut  des  races  améliore  en 
général  les  espèces,  de  même  lalliauce  des  esprits  modinés  par 
des  mœurs  et  par  des  langages  différens  ,  enfante  des  concep- 
tions plus  vigoureuses  ;  et  les  idées  ,  amsl  que  les  plantes ,  se 
plaisent  à  croître  sur  un  sol  étranger.  Si  Voltaire  s'est  élevé 
si  au-dessus  des  poètes  ses  contemporains,  c'est  peut-être 
parce  que  Sliakespeare  et  Milton  furent  pour  lui  ce  que  les 
poètes  espagnols  avaient  été  pour  Corneille,  et  les  anciens  pour 
Racine. 

Cependant ,  à  la  fin  du  xvill*  siècle,  les  charmantes  poésies 
de  Métastase  ramenèrent  Tatteutlon  des  Fi'ançais  vers  les  mu- 
ses ultramontalnes.  Malheureusement,  cet  homme  de  génie 
avait  en  partie  manqué  à  sa  vocation.  La  nature  avait  fait  de 
lui  un  grand  poète  dramatique  :  faut-il  qu  il  ait  préféré  à  ce 
noble  partage  ,  la  triste  dignité  de  poète  impérial ,  poeia  ce- 
sareo  ?  Obligé  de  composer  pour  la  cour  de  Vienne  une  mul- 
titude d'opéras  musqués  ,  soumis  par  conséquent  au  double 
caprice  des  courtisans  et  des  musiciens ,  il  se  vit  forcé  de  ré- 
duire à  un  petit  nombre  de  mots  sonores  le  dictionnaire  de  sa 
langue ,  d'énerver  son  stjle  par  une  frivole  galanterie ,  d'é- 
touffer les  mâles  accens  de  Caton  et  de  Tliémistocle  sous  les 
soupirs  de  fades  amourettes.  Aussi ,  le  succès  de  ses  ouvrages 
donna-t-il  naissance  à  un  nouveau  préjugé  ,  contraire  à  la  lit- 
térature italienne.  On  s'imagina  que  cette  belle  langue  ne  sa- 
vait exprimer  que  l'amour,  et  un  amour  langoureux.  On  l'eiàt 
volontiers  considérée  comme  exclusivement  propre  à  l'églo- 
gue  et  au  madrigal.  On  oubliait  que  c'est ,  au  contraire  ,  dans 
les  passions  fortes ,  dans  les  images  sublimes  ou  terribles,  que 
les  deux  grands  génies  de  Tltalle  moderne ,  le  Dante  et  le 
Tasse  ,  ont  surtout  excellé. 

C  était  un  service  important  à  rendre  à  notre  littérature,  que 
de  détruire  les  préventions  qui  nous  délouruaient  de  l'étude  de 


LITTERATURE.  loi 

tant  d'heureux  moclèles.  Tel  fut  le  bat  que  se  proposa  Gin- 
guené ,  dans  son  Histoire  de  la  liltéroture  italienne .  L'Italie 
avait  déjà  vu  paraître  beaucoup  d'ouvrages  consacrés  à  l'ana- 
lyse de  ses  richesses  intellectuelles.  Mais  ,  on  croit  pouvoir  al- 
flrmer,  sans  injustice,  qu'ils  étaient  tous  restés  au-dessous  du 
sujet.  Tiraboschi  lai-mcnie,  critique  dai  Heurs  judicieux,  ou- 
blie trop  souvent ,  dans  ses  interminables  dissertations  biogra- 
phiques, qu'il  écrit  l'histoire  de  la  littérature,  et  non  celle  des 
littérateurs.  Peu  profond  dans  ses  jugeniens  ,  peu  animé  dans 
son  style  ,  il  ne  soutient  pas  long-tems  ratteniion  du  lecteur, 
souvent  tenté  de  le  reléguer  parmi  ces  écrivains  que  l'on  con- 
sulte avec  fruit,  mais  qu'on  ne  peut  pas  lire. 

La  marche  de  Ginguené  est  à  la  fois  bien  plus  hardie  et  bien 
plus  sûre  :  doué  d'une  raison  supérieure ,  d'un  goût  délicat , 
d'une  grande  profondeur  d'analyse  ,  il  réunit  à  ces  qualités, 
déjà  si  rares  ,  une  indépendance  de  jugement  plus  rare  en- 
core peut-être.  Il  sent ,  comme  un  véritable  Italien,  les  beau- 
tés des  chefs-d'œuvre  qu'il  examine  ;  mais ,  s'aglt-il  de  dévoi- 
ler leurs  Imperfections  ,  il  redevient  le  critique  français  ,  ou 
plutôt  l'homme  de  goût  affranchi  de  tous  préjugés  nationaux. 
Faculté  réservée  à  un  petit  nombre  d'esprits  supérieurs  ,  de 
se  naturalisep  ainsi  dans  les  llttératiu-es  étrangères ,  et  d'en 
juger  les  productions  avec  l'inipartialité  d'un  goût  cosmo- 
polite ! 

Un  ouvrage  tel  que  celui  de  Ginguené  demeure  entre 
deux  nations  comme  un  monument  d'estime ,  un  gage  d'af- 
fection réciproque.  Son  influence  est  à  la  longue  plus  efficace 
que  celle  de  tel  traité  que  la  politique  impose  aujourd'hui,  et 
qu'elle  déchirera  demain.  Les  littérateurs  animés  d'un  esprit 
vraiment  philosophique ,  ne  sauraient  trop  avoir  en  vue  de 
pareils  modèles.  Les  discordes  et  les  rivalités  des  puissances 
sont  éphémères  ,  comme  les  intérêts  qui  les  font  naître.  Tôt  ou 
tard  elles  cèdent  aux  opinions  nationales,  qu'il  est  donné  aux 


103  LITTÉRATURE. 

grands  écrivains  de  diriger  et  de  modifier.  En  établissant  en- 
tre eus  ,  d'un  pays  à  Tautre  ,  des  rapports  intellectuels  fon- 
dés sur  la  justice  et  sur  la  bienveillance  ,  ils  accélèrent  la  ci- 
vilisation des  peuples  ,  et  leur  préparent  des  jours  de  paix  et 
de  bonheur.  Telle  est  sans  doute  la  mission  que  la  Providence 
a  donnée  au  génie. 

Frappé  d'une  mort  prématurée  au  milieu  de  ses  travaux , 
Ginguené  avait  laissé  incomplet  son  grand  ouvrage  :  Vffis- 
toire  de  la  liuérature  italienne  s'arrêtait  vers  la  fin  du  xvi* 
siècle.  Plein  de  l'esprit  et  des  inspirations  de  cet  écrivain,  M. 
Salfi^,  son  ami ,  a  formé  le  dessein  de  la  conduire  jusqu'à  nos 
jours.  Il  Aient  de  donner  suite  à  cette  utile  entreprise,  en  pu- 
bliant le  dixième  volume ,  qui  termine  l'histoire  littéraire  de 
ce  siècle  justement  surnommé  l'âge  d'or  du  Parnasse  italien. 

Ce  volume  contient  cinq  chapitres.  Le  I^'  est  consacré  à 
divers  genres  de  poésie  légère  ,  tels  que  l'épigramme ,  le  ma- 
drigal,  la  Cab'e  ,  la  chanson,  l'ode  ,  l'élégie,  les  sylves  ,  les 
poemetti  proprement  dits,  et  enfin  à  ce  genre  de  talent  qui 
est  particulier  à  l'Italie  moderne,  je  veux  dire,  l'improvi- 
sation. 

Dans  le  II"  chapitre,  M.  Salfi  traite  de  la  poésie  bucolique 
et  de  la  poésie  rusticale,  qui  est  comme  une  parodie  de  la  pre- 
mière dans  l'idiome  toscan  vulgaire. 

Le  IIP  embrasse  les  traductions  en  vers  des  poètes  anciens, 
la  poésie  macaronique  ,  et  enfin  les  nombreux  poèmes  latins 
que  l'Italie  vit  paraître  dans  le  xvi*  siècle. 

Une  multitude  d'ouvrages  remarquables  sont  analysés  dans 
ces  trois  chapitres.  Parmi  les  écrivains  dont  ils  nous  font  con- 
naître la  vie  et  les  protluctions,on  disfingue  Tansillo,  Bernar- 
do  Tasso,  Alamanni,  AnnihalCaro ^Sannazar ,  Sadolet,  Fi- 
da^  Fracastor,  et  l'inventeur  de  la  poésie  macaronique  ,  le  P. 
Folengo,  plus  connu  sous  le  nom  de  Merlin  Coccai.  M.  Salfi 
fait  preuve  d'une  érudition  fort  étendue,en  citant  au  tribunal  de 


LITTERATURE.  io5 

la  critique  beaucoup  d'auteurs  assez  obscurs.  Peut-être  même 
s'est-il  trop  appesanti  sur  quelques-uns  d'entre  eux.  Il  résulte 
nécessairement  quelque  sécheresse  de  celte  revue  beaucoup 
trop  nombreuse  d'ouvrages  entaches  de  mauvais  goùl.  Ra- 
mener au  jour  tant  de  faibles  productions  d'une  littérature 
d'ailleurs  si  féconde,  c'est  nous  étaler  ses  misères  plutôt  que 
ses  richesses. 

Dans  le  IV  chapitre  ,  l'auteur,  après  quelques  aperçus  gé- 
néraux sur  les  rapports  qui  existent  entre  les  arts  et  les  lettres, 
traite  des  ouvrages  les  plus  remarquables  qui  ont  paru  ,  dans 
le  XVI*  siècle ,  sur  l'histoire  et  la  théorie  des  arts.  Il  jette  en- 
suite un  coup  d'œil  rapide  sur  les  différentes  écoles  de  pein- 
ture qui  faisaient  alors  la  gloire  de  ITtalie ,  vaste  et  brillant 
sujet  que  M.  Salfi  ne  pouvait  qn  esquisser  dans  son  ouvrage. 
La  musique,  la  pantomime,  la  décoration  théâtrale,  la  dé- 
clamation ,  occupent  aussi  leur  place  dans  ce  chapitre ,  qui 
est  d'un  grand  intérêt,  et  auquel  il  ne  manque  peut-être 
qu'un  peu  plus  de  développeraens. 

Enfin  ,  dans  le  dernier  chapitre  de  ce  volume,  bien  supé- 
rieur à  ceux  qui  le  précèdent,  M.  Salfi  donne  un  résumé  plein 
de  goût  de  l'histoire  littéraire  du  xvi*^  siècle.  Il  s'enorgueillit 
à  juste  titre  de  cette  heureuse  rivalité  d'instruction  et  de  talent 
qui  animait  alors  toutes  les  villes  d'Ilalie.  Chez  les  autres  peu- 
ples ,  suivant  sa  remarque,  «  c'est  la  capitale  qui  a  toujours 
absorbé  les  trésors  de  l'esprit ,  comme  ceux  de  l'industrie  de 
la  nation  entière.  Dans  l'Italie  du  xvi*  siècle,  ce  n'est  plus 
Rome  seule  qui  brille  et  profite  de  toute  la  lumière.  Non-seu- 
lement les  villes  principales  ,  mais  aussi  les  moins  remarqua- 
bles, semblent  lui  disputer  son  éclat  ;  elles  sont  comme  autant 
de  foyers  d'où  partent  et  se  répandent  les  sciences  et  les  arts. 
Florence  ,  Ferrare ,  Urbin  ,  Bologne ,  Naples ,  Salerne ,  Ve- 
nise ,  Padoue  ,  Milan ,  Turin  ,  Pavie ,  Gênes  ,  Manloue  ,  Sa- 
bionette ,  toutes  avaient  reçu  la  même  impulsion ,  et  suivaient 


ïo4  LITTÉRATURE. 

leur  tendance  commune.  De  là  ,  ce  nombre  prodigieux  d  e- 
coles  ,  d"universlk-s  ,  d'imprimeries,  de  bibliothèques,  et  sur- 
tout d'académies  ,  qui ,  lors  même  quelles  nous  ont  paru  de 
peu  d'importance  et  quelquefois  ridicules ,  tant  par  leur  déno- 
mination que  par  leur  objet,  prouvaient,  du  moins  ,  ce  be- 
soin général  qu'avaient  les  Italiens  de  s^instruire  et  de  s'é- 
clairer. » 

»  Cette  ardeur  pour  l'instruction,  qui  partout  ailleurs  s'est 
vue  resti-eiute  dans  une  classe  pour  ainsi  dire  privilégiée,  n'é- 
tait étrangère  à  aucune  chez  les  Italiens  de  ce  siècle.  La  litté- 
rature semblait  se  confondre  avec  la  civilisation  nationale. 
Des  cours  elle  se  répandait  dans  les  rangs  inférieurs  des  ci- 
loveus,  et  jusque  dans  la  dernière  classe  du  peuple.  Nous 
avons  vu  presque  tous  les  princes  et  les  gouvernemeus  dltalie 
la  regarder  comme  un  attribut  ou  une  marque  distinctive  de 
leur  grandeur...  Ainsi,  les  cours  ne  paraissaient  être  que  des 
académies ,  et  leurs  courtisans  que  des  hommes  de  lettres  et 
des  savans  distingués.  » 

Mais  ,  bientôt ,  M.  Salfî  démêle  ,  avec  une  sagacité  remar- 
quable ,  ce  qu'avait  d'imparfait  cette  civilisation ,  en  appa-. 
reuce  si  brillante.  Outre  limitation  trop  servile  des  anciens, 
défaut  caractéristique  des  écrivains  de  ce  tems ,  une  cause 
plus  générale,  l'absence  de  la  véritable  philosophie,  arrêtait, 
suivant  lui ,  l'essor  du  génie  italien.  Laissons-le  nous  expli- 
quer lui-même  les  motifs  de  la  direction  frivole  que  prenaient 
alors  les  esprits  : 

«  Si  Ton  ne  peut  se  dispenser  d'attribuer  une  partie  de  la 
gloire  de  ce  siècle  à  la  protection  des  princes  qui  gouvernaient 
l'Italie  ,  c'est  aussi  à  leur  influence  que  sont  dus  la  plupart  de 
ses  défauts.  Ces  Mécènes ,  en  protégeant  les  lettres  et  les  arts , 
ne  pouvaient  les  faire  servir  qu'à  leur  propre  intérêt.  Les  Mé- 
dias leur  donnèrent  une  toute  autre  direction  que  celle 
qu'ils  avalent  reçue  sous  les  auspices  de  la  liberté.  Il  fallut  que 


LITTERATURE.  io5 

tout  se  pliât  insensiblemeut  aux.  desseins  des  petits  ducs  de 
Florence  et  de  Léon  X.  Les  Sforce  firent  de  même  à  Mi- 
lan ,  et  tous  les  autres  princes  de  l'Italie  suivirent  à  peu  près 
cet  exemple.  Ainsi ,  les  lettres  ,  les  arts  ,  les  écoles  ,  les  acadé- 
mies, les  savans,  se  trouvèrent  tous  animés  et  dirigés  par  l'es- 
prit de  ces  princes  et  de  leurs  courtisans Or,  quelle  in- 
fluence pouvaient  exercer  les  princes  d'Italie  sur  reî>prit  des 
peuples  et  des  savans  de  leur  tems  7  Ils  s'efforçaient  en  vain 
de  couvrir  leur  faiblesse  de  l'éclat  des  lettres  et  des  beaux- 
arts.  Exposés  aux  menaces  et  aux  prétentions  de  voisins  plus 
puissans,  ils  sentaient  le  besoin  des  petites  intrigues,  de  fby- 
pocrlsie,  de  la  défiance,  et  de  ces  plaisirs  qui  assoupissent 
l'âme ,  et  l'engourdissent ,  au  lieu  de  la  délasser.    » 

Cette  manière  générale  et  profonde  d'envisager  la  littéra- 
ture et  les  arts  ,  nous  montre,  dans  M.  Salfi  ,  le  digne  conli- 
nualeur  de  Ginguené.  Supérieur  à  tout  préjugé  national  , 
comme  celui-ci  fêtait  à  toute  prévention  étrangère,  il  ap- 
précie, avec  la  même  impartialité  que  lui ,  les  beautés  et  les 
défauts  des  écrivains  italiens  ,  et  l'on  ne  s'aperçoit  pas  que  la 
balance  altcbangé  de  mains.  Nous  engageons  M.  Salfi  à  pour- 
suivre une  entreprise  dont  les  résultats  seront  également  fruc- 
tueux pour  la  littérature  des  deux  nations. 

Il  serait  trop  rigoureux,  en  jugeant  f ouvrage  d'un  étran- 
ger, de  se  livrer  à  une  critique  minutieuse  du  style.  Nous  in- 
vitons cependant  M.  Salfi  à  soigner  davantage,  dans  les  vo- 
lumes sulvans ,  cette  partie  de  son  travail.  li  sait  trop  bien  que 
félégance  de  fexpression  ajoute  à  la  force  des  pensées ,  et 
que  fincorrection  mène  à  l'obscuilté.  Il  nous  a,  d'ailleurs, 
donné  le  droit  d'èlre  exigeans,  eu  nous  prouvant  par  plus 
d'un  passage  de  son  livre ,  et  surtout  par  f  éloge  de  Ginguené, 
imprimé  à  la  suite  de  ce  volume  ,  qu  il  connaît  le  génie  et  les 
ressources  de  notre  langue.  Cet  éloge ,  qui  fait  autant  d  bon- 
neur  à  son  cœur  qu'à  son  esprit,  doit  être  regardé  comme  un 


io6  LITTÉRATURE. 

liommage  solennel  rendu  par  la  littérature  italienne  à  son  sa- 
rant  et  équitable  historien. 

Je  terminerai  cet  article  par  une  remarque  en  apparence 
assez  futile ,  mais  qui  n'est  pas  sans  quelque  importance  au 
sujet  d'un  ouvrage  qui  offre  à  chaque  instant  l'occasion  de  la 
faire.  M.  Salfi  n'a  pas  cru  devoir  traduire  les  noms  des  grands 
génies  de  son  pays.  Il  écrit  donc  toujours  :  Tasso ,  ArioHo  , 
Michelangelo,  Rajfatllo ,  Tiziano ,  etc.  Je  sens  ce  qu'il  doit 
en  coûter  à  une  plume  italienne  pour  faire  subir  à  ces  noms 
un  changement  qui  semble  les  défigurer.  Cependant ,  l'usage 
a  consacré  parmi  nous  ce  changement;  et  ces  désinences 
étrangères,  bizarres  et  choquantes  dans  une  phrase  française, 
peuvent  même  quelquefois  dépayser  un  lecteur  peu  attentif. 
Que  l'Italie  ne  s'offense  point  de  ce  que  nous  avons  ainsi  fran- 
cisé ses  grands  hommes.  Ils  sont  devenus,  comme  ceux  de 
l'antiquité,  les  grands  hommes  de  tous  les  pays.  Montai- 
gne seul,  dans  la  naïve  étrangeté  de  son  slvle,  dit  encore 
avec  grâce  Plato,  P'irgilius  et  Petrarca. 

Chauvet. 


BEAUX-ARTS. 

Histoire  de  l'art  par  les  Mo^•UME^s ,  depuis  sa  déca- 
dence au  iv^  siècle,  jusqu'à  son  renouvellement  au  xvi'| 
pari.  B.  L.  G.  Seroux  d'Agincourt,  ouvrage  enrichi 
de  32  5  planches  (i). 

VViNCKELMANN  a  terminé  XHistoire  de  l'art  des  anciens  , 
au  règne  de  Constantin.  Vasari  ,  et  les  divers  auteurs  qui  ont 
écrit  les  yles  des  artistes  moderaes,  ne  sont  remontes  que 
vers  le   milieu  du  xiii«  siècle.   Quelques  écrivains,   mais 
en  petit  nombre  ,  défrichant  avec  plus  ou  moins  d'étendue  et 
de  succès  les  landes  du  moyen  âge ,  recherchant  les  monu- 
mens  et  les  écrits  de  toutes  les  époques  propres  à  les  faire 
connaître,    ont  suivi  l'art  sans  discontinuité  en  embrassant 
toutes  ses  branches  ,  archileclure ,  sculpture  ,  peinture ,  vi- 
traux, orfèvrerie,  fonte  des  métaux,  fabrication  de  tentures 
et  de  lapis,  dans  tout  l'espace  resté  vacant  entre  WInckelraann 
et  Vasari,  c'est-à-dire,  depuis  Constantin  jusqu'à  saint  Louis. 
Leurs  recherches  ont  mis  en  évidence  un  fait  auparavant  peu 
connu  et  mcrae  contredit  :  c'est  que  ni  la  France ,  ni  l'Italie  . 
ni  l'Allemagne ,  n'ont  cessé  en  aucun  tems ,  non  plus  que  la 
Grèce  ,  d'exécuter  de  très-grands  ouvrages  de  tous  les  genres  ; 
11  a  été  prouvé  que,  dans  les  ix%  x«  et  xr  siècles ,  les  égU- 
ses ,  les  cloîtres  ,  les  palais  étalent  ornés  de  peintures  et  de 
sculptures  Innombrables  et  souvent  colossales.  On  a  montre 
([ue  ces  tems  d'ignorance  ont  eu  des  peintres  et  des  statuaires , 
honorés  parmi  leurs  contemporains  d'une  grande  réputation  ; 
des  poètes  qui  célébraient  leurs  ouvrages  ,  quelquefois  même 


(i)  Paris,  182Ô.  Six  vol.  In-fol.  TreuUel  et  Wurtz,  libraires,  rue  de 
Bourbon,  n«  17.  A  Strasbourg  et  à  Londres,  même  maison  de  com- 
merce. Prix,  papier  fin,  720  fr.;  papier  vélia,  lijofr. 


«t'8  BEAUX- ARTS. 

des  écoles ,  où  des  maîtres  abandonnés  à  la  plus  avengle  rou- 
tine, croyaient  en  se  transmettant  l'un  à  l'autre  les  pratiques 
des  arts,  suivre  encore  quelques  règles  anciennes,  et  ensei- 
gner aussi  à  leur  élèves  quelques  bons  principes.  Muratori , 
Heyne,  Fiorillo ,  se  sont  chargés  de  cette  tâche  laborieuse. 
S'il  était  permis  de  se  citer  sol-même,  l'auteur  du  présent  ar- 
ticle oserait  dire  qu'il  croit  avoir  eu  le  bonheur  d'ajouter 
quelque  chose  aux  témoignages  rapportés  à  ce  sujet,  par  de 
si  habiles  professeurs. 

Il  existait,  toutefois,  une  autre  manière  de  remplir  cette 
belle  page  de  l'histoire  des  arts.  EUe  consistait  à  laisser  de  côté 
les  vies  des  artistes  ,  ainsi  que  les  preuves  écrites  de  l'existence 
de  leurs  ouvrages  ,  à  s'emparer  des  monumens  eux-mêmes, 
à  reproduire  par  la  gravure  ceux  de  tous  les  âges  qui  paraî- 
traient les  plus  intéressans  ,  à  disposer  cette  nombreuse  collec- 
tion par  ordre  chronologique  ,  et  à  placer  sous  les  yeux  des 
hommes  curieux  de  connaître  les  succès  et  les  égaremens  de 
l'esprit  humain  ,  non  plus  des  descriptions  et  des  récits  ,  mais 
cette  série  de  productions  dun  mérite  si  diaérent,  et  dont  les 
deux  extrémités  appartiennent  à  des  époques  si  distantes  l'une 
de  l'antre.  Ce  plan  était  vaste  et  magnifique  :  c'est  celui  que 
M.  d'Agincourt  a  suivi  dans  l'ouvrage  que  nous  annonçons, 
et  dont  la  publication  vient  d'être  heureusement  terminée. 

r/auteur  a  vu  son  sujet  grandement.  Voulant  montrer  en 
entier  les  révolutions  des  arts  ,  leurs  erreurs ,  leur  chute  ,  leur 
renaissance,  il  en  a  suivi  la  marche,  depuis  Constantin  jus- 
qu'à Léon  X.  Il  commence  même  par  présenter  à  ses  lecteurs 
quelques-uns  des  chefs-d'œuvre  les  plus  remarquables  des 
beaux  siècles  d'Alexandre  et  d'Auguste ,  afin  que  l'opposition 
soit  mieux  sentie  entre  la  perfection  de  l'antique  et  la  grossiè- 
reté du  moyen  âge.  On  voit  la  sculpture  et  la  peinture  s'alté- 
rer, dès  le  second  siècle  de  l'ère  chrétienne  j  on  les  voit  se 
corrompre,  se  dégrader  de  plus  en  plus;  se  précipiter  enfin 


BEAUX-ARTS.  ioq 

dans  une  barbarie,  dont  il  serait  impossible  de  se  former  une 
idée  ,  si  le  tems  u'eu  eût  laissé  subsister  des  preuves.  Ensuite, 
ces  deux  arts  ,  et  ceux  qui  en  dépendent ,  se  relèvent ,  en  re- 
Tcnaut  à  Tiraitation  de  la  nature.  La  peinture  renaît ,  c  est  à- 
dire  ,  le  bon  goût  reprend  son  empire.  Le  génie  de  l'imitation 
développe  de  jour  en  jour  de  nouvelles  forces.  Ses  progrès 
sont  lents  ,  parce  que  Tétude  est  difficile  ;  mais  ils  sont  con- 
tinus tant  qu'il  est  exempt  de  système.  Il  parvient  enfin  ,  dans 
les  beaux  ouvrages  de  Léonard  de  Vinci ,  de  Michel-  Ange 
et  de  Raphaël,  à  une  excellence  qui,  si  elle  n'égale  pas  la 
beauté  de  l'antique ,  laisse  du  moins  entrevoir  la  possibilité  d'y 
atteindre  :  tableau  vraiment  philosophique,  o\x  l'ignorance  et 
le  savoir,  où  le  penchant  à  la  routine  et  l'esprit  d'analyse  se 
montrent  dans  toute  leur  puissance,  et  où  la  barbarie  de  l'é- 
poque intermédiaire  est  aussi  étonnante  que  la  sublimité  de 
l'âge  qui  avait  précédé ,  et  que  la  noble  vérité  de  celui  qui  a 
suivi. 

Nous  ne  pouvons  savoir  assez  de  gré  à  l'auteur  de  ï Histoire 
de  l'art  par  les  monumens  ^  de  ce  qu'il  a  consacré  trente  an- 
nt'es  de  sa  vie ,  et  une  portion  considérable  d'une  assez  grande 
fortune  ,  à  l'exécution  d'une  si  belle  entreprise.  Pour  rassem- 
bler, comme  il  l'a  fait ,  des  monumens  de  tous  les  âges  et  de 
tous  les  pays ,  et  afin  de  ne  point  laisser  de  lacune  dans  la 
suite  chronologique  qu'il  devait  offrir  à  ses  lecteurs  ,  il  a  fallu 
d'immenses  recherches  ,  de  nombreux  voyages,  et  par  consé- 
quent ,  beaucoup  de  zèle  et  d'activité. 

M.  d'Agincourt  a  fait  graver  plus  de  quatorze  cents  monu- 
mens ,  dont  plus  de  sept  cents  étaient  inédits.  Ces  objets  com- 
posent 325  planches ,  savoir,  -yS  pour  l'architecture,  4^  pour 
la  sculpture  ,  et  204  pour  la  peinture. 

Les  dessins  sont  réduits  à  de  petites  proportions  :  il  eût  fallu 
les  trésors  d'un  gouvernement  pour  les  retracer  sur  une  plus 
grande  échelle.  Mais  l'auteur  a  remédié,  autant  qu'il  se  pou- 


i,o  BEAUX-ARTS, 

vait,  à  ce  défaot  îaévitable ,  ea  dounant  souvent,  à  côté  de 
Tobjel  réduit ,  une  tète  ou  quelque  autre  partie ,  grande 
comme  l'original ,  ce  qui  eu  t'ait  connaître  le  style.  Il  paraît , 
d'ailleurs  ,  avoir  apporté  tous  ses  soins  à  ce  que  le  dessin  fût 
rendu  avec  une  parfaite  exactitude.  «  Gravées  sous  mes  yeux, 
par  les  plus  habiles  artistes  ,  les  planches ,  nous  dit-il ,  sont 
exécutées  avec  une  fidélité  dent  il  y  a  peu  d'exemples  ,  et  le 
véritable  caractère  des  originaux  y  est  toujours  soigneusement 
conservé  ;  ce  qui  était  de  la  dernière  imporlance  pour  l'objet 

que  je  m''étais  proposé La  représentation  des  monumens  , 

ajoute-t-il,  était  tellement  la  partie  fondamentale  d'un  ouvrage 
tel  que  le  mien ,  que  par  le  fait  celui-ci  s'est  trouvé  terminé 
lorsque  l'ordre  et  l'arrangement  des  planches  ont  été  définiti- 
vement arrêtés  ;  j  ^oserais  même  croire  que  très -souvent  elles 
offriront ,  à  elles  seules ,  une  histoire  suffisamment  claire  et 
complète ,  à  l'œil  exercé  de  l'artiste  qui  voudra  en  parcourir 
alteutivement  les  diverses  séries.  (  Préface  ,  pag.  ij.  )  » 

Ces  planches  exigeaient  un  travail  considérable  j  c'était  de 
les  accompagner  d'une /Tofice  détaillée  des  objets  qu'elles  ren- 
ferment. «  C'est  ce  que  j'ai  fait ,  dit  l'auteur,  en  rédigeant  avec 
Tatlention  la  plus  scrupuleuse  une  Table  analyt.ique  des 
planches ,  disposée  suivant  le  même  ordre  que  celles-ci ,  et 
contenant ,  outre  l'indication  précise  de  tout  ce  qu'il  importe 
de  savoir  sur  chaque  monument ,  une  foule  de  documens  pré- 
cieux et  de  détails  importans  qui  ne  pouvaient  pas  entrer  dans 
le  tissu  des  discours  sur  chaque  art.  (  lôici.  )  »  Cette  Table 
analytique  fait  connaître  le  lieu  où  se  trouve  chaque  monu- 
ment,  sa  destination,  l'époque  à  laquelle  il  appartient,  le 
nom  de  l'artiste,  quand  il  est  connu,  les  gravures  qui  en  ont 
déjà  été  publiées  ,  lorsqu'il  en  existe. 

Après  des  renseignemens  si  précieux ,  un  texte  n'était  plus 
absolument  nécessaire.  L'auteur  a  cependant  accompagné  les 
planches  ,  i°  d'un  Tableau  historique  de  l'état  civil  et  poli- 


BEAUX-ARTS.  1 1 1 

tique  de  la  Grèce  et  de  C Italie ,  depuis  la  première  époque 
de  la  décadence  de  l'art-,  jusqu'à  son  renouvellement  com- 
plet; 1°  de  trois  Discours  historiques ,  sur  l'architecture ,  la 
peinture  et  la  sculpture. 

u  Mon  Tiihleau  historique  est,  dit-il,  une  esquisse  rapide 
des  évi'neint'us  les  plus  importans  que  présenteut,  dans  ce 
que  je  crois  pouvoir  appeler  le  monde  des  sciences  et  des  arts, 
les  douze  siècles  qui  séparent  Constantin  de  Léon  X  ;  il  a  spé- 
cialement pour  objet ,  de  faire  ressortir  l'influence  des  causes 
générales  qui ,  dans  tons  les  teras  et  dans  tous  les  lieux ,  déci- 
dent du  sort  des  beaux-arts.  (^Préface ^  pag.  i.)  »  Les  Dis- 
cours historiques  donnent  de  nouveaux  renseignemens  sur 
les  objets  dont  se  composent  les  planches.  L'auteur  compare 
ces  objets  entre  eux  ;  il  fait  remarquer,  tantôt  la  perfection  de 
l'art ,  tantôt  sa  décadence  ,  tantôt  son  amélioration. 

Dans  le  travail  de  M.  d'Agincourt ,  tout  a  l'utilité  pour  but. 
Quelques  parties  ont  reçu  plus  de  développement  que  les  au- 
tres, soit  parce  qu'elles  offraient  plus  d'intérêt,  soit  parce 
qu'elles  pouvaient  faire  naître  des  idées  neuves.  C'est  par  ces 
motifs  que  l'auteur  a  présenté  une  description  des  plus  célè- 
bres Catacombes  ,  païennes  et  chrétiennes  ;  des  Recherches 
sur  l'origine  et  le  caractère  de  l'Architecture  appelée  go- 
thique; une  notice  chronologique  des  divers  procédés  de  l'art 
de  bâtir  ;  des  dociimens  multipliés  sur  les  Djptiques  (  pein- 
tures ou  sculptures  fermées  par  des  volets  )  grecs  et  latins  ; 
sur  la  Fonte  en  bronze,  la  Ciselure  et  la  Damasquinure ; 
sur  VArt  de  graver  le  cristal;  un  Essai  historique  sur  la 
Peinture  en  miniature  ,  etc. 

Il  serait  inutile  d'entrer  dans  de  plus  grands  détails  ,  pour 
faire  apprécier  l'importance  de  cet  ouvrage.  On  chercherait 
vainement  ailleurs  la  représentation  de  cette  Immense  quan- 
tité de  monumens  ,  dlssénilnés  sur  la  surface  entière  de  l'Eu- 
rope ,  renfenatiés  dans  des  catacombes ,  iuhércas  aux  mur* 


112  BEAUX-ARTS. 

d'une  multitude  d'anciennes  églises,  placés  dans  des  biblio- 
thèques ou  dans  des  cabinets ,  que  l'auteur  a  retirés  de  leur 
obscurité ,  et  réunis  sous  les  jeux  de  ses  lecteurs.  Cbaque 
jour,  le  tenis  acliève  de  détruire  quelqu'un  de  ces  vénérables 
restes,  soit  de  l'art  des  anciens,  soit  de  la  piété  du  moyen  âge. 
Depuis  que  le  respectable  d'Agincourt  a  commencé  son  tra- 
vail, combien  de  monumens  qu  il  a  décrits  ont  cessé  d  exister  ! 
Tant  de  causes  conspirent  sans  cesse  contre  la  durée  des  pro- 
ductions de  l'art!  Ne  devons -nous  pas  nous  féliciter  de  ce 
qu'il  s'est  rencontré  un  homme  laborieux ,  qui ,  ne  pouvant 
seul  les  protéger  contre  tant  et  de  si  puissans  ennemis ,  a  pris 
soin  du  moins  d'en  retracer  l'image  et  d'en  perpétuer  la  mé- 
moire ? 

Une  semblable  collection  n'est  pas  d'ailleurs  sans  quel- 
que utilité  morale.  Quand  on  voit  l'immense  différeuce  qui 
sépare  les  beaux,  ouvrages  de  l'antiquité,  d'avec  ceux  du  ix*" 
et  du  x^  siècles ,  comment  n'être  pas  frappé  des  causes 
qui ,  après  une  telle  sublimité ,  ont  amené  une  si  profonde 
barbarie?  Combien  de  calamités  ont  dû  affliger  les  peuples  , 
combien  de  vices  ont  du  souiller  la  législation,  pour  que  ie 
ciseau  qui  sculpta  les  frontons  du  Parthenon  se  soit  avili ,  en 
passant  de  main  en  maiu,  jusqu'à  produire  des  ouvrages  tels 
que  les  bas-reliefs  de  Saint-Celse  et  Saint-INazaire,  le  dyptique 
d'Arabona  ,  les  médailles  de  nos  premiers  princes  croisés? 
Comment  nos  pères  pouvaient-ils  tolérer  de  si  vicieuses  imi- 
tations ?  Les  artistes  de  ces  tcms  mallieureux  navaient-ils  pas 
la  nature  sous  les  yeux  pour  l'imiter?  Les  princes  et  les  prélats 
ne  pouvaient-ils  pas,  d'après  ce  modèle,  apprécier  de  si 
monstrueuses  images?  Déplorable  effet  des  guerres  prolon- 
gées ,  de  la  servitude  et  de  l'ignorance  î  J^a  prospérité  des 
arts  n'atteste  pas  toujours  dune  manière  non  équivoque  le 
bonheur  des  nations  ;  mais  de  graves  égaremens  sont  un  signe 
certain  de  quelque  corruption  dans  l'organisation  sociale. 


BEAUX-ARTS.  ii3 

L  ouvrage  de  M.  il  Ai;iiicourt  conduit  naturelletnent  à  ces 
rélicxions.  Ce  sont  les  laits  qui  parient;  la  leçon  est  dans  les 
luonuuK  ns  mêmes  et  dans  ienr  raijprocl.ement.  J.es  arts  sont 
peut-être,  de  tontes  les  productions  du  g- nie  ,  ceaes  oii  se 
mani. estent  le  plus  clairement  les  îiabituilesdessooi''tés.  L'ob- 
servateur jug<î  des  moeurs  d  un  peuple,  à  rinspecfirtn  de  ses 
statues  et  de  ses  tableaux,  eonimc  le  médecin  reconnaît  T-tat 
de  maladie  ou  de  santé  d'un  homme  ,  d'après  les  signes  exté- 
rieurs fjue  présentent  ses  regards  ,  sa  physionomie  ,  la  cou- 
leur de  sou  teint  et  toutes  les  habitudes  de  son  corps. 

T.  B.  Éi\i?:Ric-DAVlD,  de  l'Institut. 


«/Wt  wv«  vwwvv\ 


Encyclopédie  des  dames  (i).  Ess\i  sur  la  danse  antique 

ET  MODERNE  ,  par  M"^  tl'lSt  VoiART    (2). 

C'est  une  heureuse  idée  qu'a  eue  M.  Audot  de  donner  au 
public  une  Encyclopédie  des  Dames ,  et  une  idée  j>ius  heu- 
reuse encore  de  leur  avoir  confié  l'exécution  des  ouvrages  qui 
ont  plus  spécialement  rapport  à  elles.  Nous  n'aurions,  sans 
cela,  ni  le  Manuel  de  la  inailvesse  de  maison  ,  par  ;VJ™«  i*A- 
RiSF.T,  ni  la  Maison  de  campagne  de  IVl'"^  Jglaé  Adanson  , 
ni  \! Histoire  de  la  musique  de  M"'^  deBawr,  ouvrages  d'une 
saine  ei  utile  littérature  ,  auxquels  ne  le  cède  en  rien  ['Essai 
sur  la  danse  antique  et  moderne  de  M'"^  Elise  Yoiart,  dont 
nous  allons  rendre  compte. 

M-"^  Élise  Voiart  est  déjà  connue  par  de  très-bonnes  tra- 


(1)  Voyez ,  pour  its'parlies  de  l'Encyclopédie  des  Dames  qui  ont  paru  , 
Rev.  Enc,  T.  XI,  p.  iSgctSyS;  T.  XII,  p.  i55et  170;  etT.XVIII, 

p.  »95- 

{1)  P.iris,  iSaô.  Un  vol.  in-12  de  25o  pages;   prix,  4  fr-  Audot,  rue 

des  iMaçons-Sorbonne,  n°  4» 

T.  XX. — Octobre  i823.  8 


ii4  BEAUX- ARTS. 

ductioDS  de  plusieurs  romans  d'Auguste  La  Fontaine,  par  un 
ouvrag&<:harniant  sur/a  Toilelie.,  faisant  partie  de  ÏEncyclo- 
pédiedes  Dûmes, el  surtout  par  [a  Vierge  d'Arduhie,t\\x\ ,  dans 
un  cadre  beitreux,  présente  les  mœurs  et  les  usages  de  notie 
nation  avant  Tère  elirétienne  (i).  Le  sujet  et  la  manière  dont  il 
est  traité  préseiverout  cet  ouvrage  du  sort  de  tant  d'autres  li- 
vres éphémères.  Une  grande  érudition,  parfaitement  digérée, 
y  rappelle  souvent  le  célèbre  vojage  de  l'abbé  BarUiélemy, 
qui  serait  un  chef-d'œuvre  classique,  si  le  stjle  n'en  était  lé- 
gèrement déparé  par  un  travail  qui  sent  quelquefois  la  pré- 
tention ,  défaut  qu'on  ne  peut  reprocher  au  st)'le  de  M™« 
Voiart,  toujours  pur,  simple,  et  élégant  sans  affectation. 
Mais  venons  à  son  nouvel  ouvrage.  «  J'ai  entrepris,  je  le  sais, 
dit-elle,  dans  un  avant-propos  plein  de  grâce  et  de  bon  sens  , 
une  tâche  diiEcile,  en  m'engageanl  à  faire  un  livre  sur  un  su- 
jet léger,  frivole  même,  et  dont  l'utilité  réelle  est  plus  que 
douteuse  :  cette  idée  est  capable  de  glacer  l'imagination  la  plus 
féconde.  Il  me  semble  que  je  commence  une  de  ces  danses 
périlleuses,  où  le  pied  craintif  n'a  pour  arène  qu'une  corde 
tendue.  »  Que  M"!'^  Voiart  n'abuse  point  de  son  esprit  pour 
déprécier  ainsi  son  travail,  ea  nommant  inutile  ce  qui  sert  à 
nos  plaisirs,  et  qui  peut  tourner  au  perfectionnement  de 
l'homme  et  de  la  société. 

L'origine  de  la  danse ,  son  caractère  chez  les  anciens  ,  ses 
espèces  et  ses  variétés  chez  les  Grecs  et  les  Romains  ,  le  pas- 
sage de  la  danse  antique  à  la  danse  moderne,  la  danse  en 
France  et  en  Europe  ,  quelques  considérations  générales  sur 
ce  qu'elle  est  dans  les  quatre  partie-;  du  monde,  telles  sont  les 
divisions  que  l'auteur  s'est  tracées  ,  etqu'H  a  parcourues  avec 
succès. 


(i)  Voyez,  cl  dessus,  Rev.  Enc. ,  T.  IX,  p.  1 1  i-i  17,  le  compte  rendu 
de  La  Vierge  cL' Ardutnc ,  par  M.  le  comte  de  Skgok. 


BEAUX-ARTS.  i,5 

L'homme  rjui  «'prouve  de  vives  sensations  est  forcé  de  les 
manilesit'r  pai-  la  voix  et  le  geste;  la  voix  acceutm'e  est  chant; 
le  geste  mesuré  est  danse.  JNous  dansons  parce  que  nous  sen- 
tons ,  el  nos  danses  prennent  le  caractère  de  nos  sensations. 

La  joie  excitant  à  sonmelt-e  les  niouvemens  du  corps  à  la 
cadence,  les  premit.-res  danses  lurent  l'expression  du  plaisir. 
Ensuite,  la  reconnaisauce  des  premiers  humains  qui  présenta 
sur  le-^  autels  de  la  Divinit(''  des  iicurs,  des  fruits,  les  prémices 
des  moisons  el  des  lroui)eaux,  lui  oflrit  aussi  les  premiers 
scntimens  de  honlieur  mauiieslés  par  des  pas  mesurés  et  ca- 
dencés. IVl"'^  Voiart  prouve  ion  bien,  contre  M.  de  Cal.usac, 
auteur  dun  Traité  de  la  danse,  que  «  la  dan:e,  expression 
d'une  joie  naïve  et  passagère,  a  dû  exister  avajit  le  d.  veiop- 
pement  des  facidtés  inlel'ecluellcs  (!•:  Ihomme  »,  et  quelle  a 
été  plaisir  innocent,  avant d'èlre  un  hommage  à  la  puissance 
qui  gouverne  lunivers.  Ce  chapitie  est  ttrminr'  par  des  con- 
sidérations sur  les  inconvénieiis  de  la  danse  iorsqu  ou  s'v  li- 
vi'e  immodérément. 

Les  Egyptiens  firent  de  la  danse  la  partie  principale  de  leur 
culte  religieux  ;  dans  ses  myst;  rieux  hiéroglvphes,  rÉgvpte 
figura  le  mouvement  du  ciel ,  les  actions  de  ses  héros  et  de 
ses  dieux  ,  qui  nV  taicnt  elles-mêmes  pour  la  plupart  que  des 
allégories  astronomiques.  Avec  les  vases  de  TÉgypte  ,  les  Hé- 
breux en  emportèrent  'es  danses  sacrées.  «  Louez  le  seigneur 
au  son  des  trompettes  ;  louez-!e  en  harpe  et  psalterlon  ;  louez- 
le  en  multitude  d.<  chants  harmonieux  j  louez-le  par  des 
chœurs  et  des  danses,  » 

Te  que  Moise  avait  fait  pour  les  Hébreux,  Orphée  le  fit 
pour  la  Grèce,  où  il  transporta  le  culte,  les  mystères  et  la 
danse  des  prêtres  de  Saïs.  Lyourgue  lui  donna  entrée  à  Spar- 
te ;  ((  le  divin  Platon  traça  ses  lois;  les  généraux,  les  philo- 
sophes ,  les  orateurs,  tels  que  Périclès  ,  Xénophon  ,  Épami- 
nondas  ,  Socrate,  s'y  adonnèrent,  sans  croire  déroger  à  leur 


I  iQ  BEAUX-ARTS. 

caractère.  »  Ceux  qui  sont  étonurs  des  effets  prodigieux  que 
la  daiise  produisit  chez  les  anciens ,  ne  songent  pas  à  la  cor- 
rélation nécessaire  qui  existe  entre  les  attitudes  du  corps  elles 
passions  de  Tàme.  Les  mouvemcns  hardis  et  mesurés  qui  por- 
taient le  Spartiate  contre  l'ennemi  excilaieat  d'autres  senti- 
meus  que  les  pas  mous  et  iiexihlcs  des  filles  d'Ionie,  exécutés 
en  catlence. 

Le  tiolsièrae  cliapitre  traite  des  danses  grecques.  Il  n" csl , 
pour  ainsi  dire,  point  de  passion,  point  de  d''sir,  point  de 
voîuplé  qui  u  ait  eu  sa  dause  propre, On  peut  néanmoins  les  n'u- 
nir, ainsi  que  tous  les  beaux-arts,  sous  trois  grandes  divisions, 
le  suî=>linie,  le  tcaipéré,  le  gracieux.  «  Au  rremicr  rang  était 
la  noble  et  sévère  Enunéleia,  danse  sacrée  ,  destinée  à  retra- 
cer les  actions  des  dieux  ou  les  mystères  de  la  uaiurc....  Ve- 
nait ensuite  le  Cordax,  danse  vive,  légère....  La  troisième 
portait  le  nom  de  S-kiiinis....  Les  danseurs  étaient  velus  d'un 
petit  manteau  tissu  de  tieurs  de  toute  espèce.  Us  s'étudiaient  à 
imiter  d'une  manière  ridicule  les  danses  sérieuses  des  autres 
sa'tateurs.  >i 

Tous  les  beaux-arts  se  tenant  par  !a  main,  si  la  statuaire  pro- 
fitait des  poses  et  des  niouvemeus  des  haLi'es  danseurs  pour 
les  imiter,  ceux-ci  se  modelaient  sur  les  chefs-d'œuvre  des 
grands  sculpteurs.  «  Ces  chefs-d'œuvre,  voués  à  Timniorta- 
llté  ,  instruisent  à  leur  tour  les  saltatrices  des  siècles  qui  leur 
succèdent  :  elles  les  consultent  avec  soin  ,  et  se  modèlent  sur 
lesnobles  productions  des  Praxitèle  et  des  Scopas,  de  peur  de 
perdre  ce  caractère  de  pudeur,  charme  puissant  ds  la  danse 
antique,  dont  le  marbre  conservait  les  précieuses  traditions.  « 
L'auteur  arrive  aux  danses  romaines.  «  La  danse  propre- 
ment dite  n'était  point  dans  le  génie  primitif  des  Romains  ;  et 
dos  siècles  s'écoulèrent  avant  qu'ils  en  connussent  les  char- 
mes.... Ce  n'était  que  par  degrés  que  les  Grecs  avaient  passé 

des  danses  allégoriques  aux  danses  voluptueuses....  Les  Ro- 


BEAUX- ARTS.  117 

mains,  moins  délicats  et  peut-être  plus  arflens  pour  les  pi.ii- 
sirs  ,  conimenccrcnl  par  où  les  Giccs  avaient  ilni....  De  là  To- 
rigine  du  mépris  aKaciié  à  la  profession  de  danseur.  » 

Dans  le  premier  cîinpitre  de  la  seconde  partie ,  l'auteur, 
après  avoir  traversé  les  siècles  i!c  barbarie,  et  nous  avoir  mon- 
tré Téglise  tantôt  proscrivant,  tantôt  sanctifiant  les  danses,  ar- 
rive à  celles  qui  sont  usitées  en  France. 

Un  morceau  excellent ,  plein  de  grâce ,  ei  même  de  pi>ilo- 
sopbie,  est  celui  qui  traite  de  la  contredanse.  Les  bornes  de 
cet  article  ne  nous  permettant  pas  de  le  citer,  le  lecteur  le  trou- 
vera, page  1 32  et  suivantes.  r>l"'=  Voiart  rogw;t{c  que  celle  com- 
position cborégrapiiiqucuc  soit  point  doiiginc  française  ;  nous 
osons  rassurer  son  amoiu'-propre  national,  parce  que  les  rai- 
sons qui  la  font  venir  d'Angleterre  nous  paraissent  faibles  et 
peu  fondées.  Voici  ces  misons  :  u  Countrj-dance  signifie  en 
anglais  clause  des  cliaiiip.s.  »  Nous  opposons  à  ces  inductions 
les  observations  snivaiUes  : 

1°.  Nous  ne  connaissons  aucun  mot  français  dans  letiue!  en- 
tre le  mol  contre  ^(\u\  ait  pourétvmologie  le  mot  anglais  ro«/r- 
tiy,  2"  dans 'près  de  cent  cTîniposés  français,  le  mol  contre 
signifie  en  opposition,  vis-à-vis;  5"  l'essence  de  la  contredanse 
est  dans  la  figure  qui  place  un  danseur  (  t  des  groupes  de 
danseuses  en  face  les  uns  des  autres  ;  4"  ""^  partie  de  la  con- 
tredanse porte  le  nom  de  chaîne  anglaise^  pour  la  distinguer 
de  sa  totalité,  qui  est  française  ;  5°  une  telle  danse  ne  peut  ve- 
nir des  champs,  puisque  ,  snivanï  l'auteur,  elle  est  l'image  de 
l'urbanité  française  et  l'emblème  de  la  bonne  société. 

Dans  l'ouvrage  que  nous  examinons,  les  danses  des  divers 
pays  sont  caractérisées  suivant  leur  degré  d'importance  ;  elles 
sont  analogues  au\  mœurs  et  aux  climats.  Etant  l'effet  d'une 
nécessité  instructive  qui  porte  à  évaporer  une  surabondance 
de  vie  et  de  sensations,  comment  ne  îiendraient-elics  pas  de 


ii8  BEAUX- ARTS. 

leur  cause?  Aussi  ,  l'aulcur  ob->ei  ve  qu'on  ne  danse  pas  au— 
deià  du  (j2  ;iogré  de  latitude,  et  que  les  Asiatiques  ,  blasés- 
dans  leurs  ^loùts,  et  à  qni  il  ne  reste  une  exubérance  d'activité 
que  dans  i'iiuagiuation,  se  contentent  de  1  exciter  par  ie  spec- 
tacle des  danseuses,  qui  sont  le  princip  il  ornement  de  leurs 
fêtes.  Les  filmés  et  les  Bayadh  es  enivrent  les  yeux  des  peu- 
ples corrompus,  par  la  barbarie  ou  par  l'excès  de  la  civilisa- 
tion. La  licence  de  leurs  atlrludes  va  contre  le  but  qu'elle  se 
propose  ,  en  rétrécissant  les  limites  de  la  jouissance  ,  et  en  la 
renierm-int  dans  une  grossière  sensualité.  La  pudeur  recule 
iudétiniment  ces  limites  j  elle  est  ie  mystère  de  la  volupté. 

Massias. 


IIT.  BULLE  n?^  BIBLTOGR/\PH[QUE. 
LIVRES  ÉÏRAISGERS  (i). 


AMERIQUE. 

ÉTATS-UNIS. 

1.  — A  Journal  of  travels  inlo  ific  Arkansa  tcrrhonj,  etc.  — Journal 
de  voyages  dans  Je  territoire  d'Arkansas,  pendant  l'année  1819.  avec  des 
observations  sur  les  mœurs  des  Aborigènes,  orné  d'une  carte  et  de  plu- 
sieurs gravures;  par  Thomas  IWttall,  membre  honoraire  de  la  Société 
philosophique  américaine,  et  de  l'Académie  des  sciences  naturelles. 
Philadelphie,  1822;  Th.  Palmer,  Un  vol.  in-8",  296  pages. 

Parmi  les  grands  traits  de  la  géographie  de  l'Amérique  septentrionale, 
un  des  plus  remarquables  est  le  bassin  du  iMississipi.  Ce  (louve  majes- 
tueux parcourt  environ  5, 000  milles,  du  nord  au  sud  de  sa  source,  et, 
après  avoir  reçu  plusieurs  courans  tributaires,  dont  quelques-uns  t-ont 
aussi  larges  que  le  Danube,  il  décharge  ses  eaux  dans  le  gulfe  du  INIexi- 
']ue.  Cet  immense  bassin  s'étend  depuis  les  monts  AUegliani  et  Apala- 
ches,  qui  bordent  à  l'est  l'ancien  territoire  des  Etats-Unis,  jusqu'aux 
montagnes  rocheuses  (rocky  tnountains)  qui  le  séparent  du  Nouveau- 
Mexique,  et  des  autres  parties  situées  le  long  de  la  côte  occidentale  du 
continent.  Toute  cette  région,  habitée  autrefois  par  les  nombreuses 
tribus  des  naturels  ,  est  maintenant  couverte  d'établissemens  européens, 
devant  lesquels  se  retirent  les  propriétaires  primitifs  do  sol.  Le  but  de 
M.  Thomas Nuttall,  en  écrivant  ces  voyages,  a  été  de  donner  un  aperçu 
de  l'histoire  naturelle  du  pays  qu'arrose  la  rivière  Arkansas.  avant  de  se 
jeter  dans  le  Mississipi.  Les  États-Unis  y  ■  nt  déjà  fondé  plusieurs  colo- 
nies, et  il  est  probable  que  l'agriculture  et  la  civilisation  effaceront 
bientôt  les  traits  primitifs  de  cette  région.  Parti  de  Philadelphie  en  iiSiH, 
l'auteur  traversa  la  chaîne  des  Alleghany,  et  atteignit  Pittihourg ,  qui 
(communiquant  par  d'excellentes  routes  aux  disiricts  de  l'orient,    b3ti 

(i)  Nous  iadi((iieri.ns"^r  un  astéiis'iuo  (*]  placé  à  côtèda  titre  de  chaque  ou- 
vrage, ceux  des  livres  étrangers  ou  français  qni  paraîtront  dignes  d'une  attention 
pdi  ticuîièie,  et  dmit  nous  rendrons  (juelqiiofois  compte  dans  ia  section  des  Analyses. 


lao  LIVRES  EÏRÂISGERS. 

sur  l'Oliio,  an  confluent  de  la  Monongabeta  et  de  l'Alleghany),  peut 
être  reg.iide  coiiiiiie  un  entrepôt  pour  les  pays  situés  de  chaque  côté  des 
montagnes.  Les  bords  de  l'OLio  étaient  garnis  de  plus  de  cent  embar- 
caîions  de  toute  espèce.  Des  bateaux  à  vapeur,  des  bateaux  à  charbon 
atiendjitnt  tous  avec  impatience  la  crue  des  eaux  ,  qui  étaient  alnis  liès- 
basses.  !.'■  charbon  de  terre  e>t  très-abondant  aux  environs  de  Pi'ts- 
bourg,  et  r.iil  une  des  richesses  de  celle  ville.  M.  Nultall  s'embarqua  et 
descendit  TObio.  Au  bout  de  cinq  jours,  il  arriva  à  Wheeling,  <lépôt 
de  cette  partie  de  la  Viiginie.  11  visita  les  établisseniens  suisses  de  V«'vay 
et  de  Gand,  où  l'on  a  tssajé  d>'  cultiver  des  vignes,  mais  sans  succès; 
ensuite  ,  Louisville  ,  dans  le  Kentucky  ,  ville  grande  et  floiissautc .  quoi- 
que iuf'csièe  d'un  esprit  de  jeu  de  bourse  qui  a  multi|'lié  de-*  banques 
sar.s  confiance  et  sans  crédit.  Il  passa  les  chutes  de  rO!iio;  elles  ne  pa- 
raissent p;is  très-redoutubles.  Les  bateaux  à  vapeur  de  la  Kouvelle-Or- 
léans,  qui  remontent  l'OLio  jusqu'à  Shippingsport ,  au-dessous  des 
chutes,  sont  du  port  de  5  à  5oo  tonneaux;  ils  descendent  ordinairement 
à  la  Koiiveile-Orléans  en  dix-huit  jours.  Le  voyageur  atteignit  l'embou- 
chure de  rOhio,  et  entra  dans  le  Mississipi.  Le  pays  qui  avoisine  ces 
deux  rivières  c-?t  inhabité  à  cause  des  inondations;  mais  il  abonde  en 
gibier.  La  navigation  est  itifficile  et  souvent  dancrireuse ,  [>ar  la  quantité 
d'arbres  entraînes  par  le  (Ouiai,t.  el  qui,  rencontrant  qui  îque  obstacle, 
se  tixent  au  fond  de  la  rivière,  et  foinient  des  espèces  de  .>igiies  ou  d'é- 
cueils  contre  lesquels  les  i^ateaux  courent-.iisqiic  de  se  briser.  Lis  bords 
du  Mississipi,  comme  ceux  de  lOiiioj  sont  |)ar.venié>  de  plaines,  de 
bois,  de  hameaux,  de  vilies  naissantes,  el  des  camps  des  l.idiens.  A{)rès 
une  D.ixi^atioi)  de  viogl-quatre  jours  sur  le  Mississipi,  M.  Nullal!  entra 
dans  rAikan>as.  Les  premières  lubitavions  qu'il  découvrit  faisaient  par- 
tie d'un  petit  établissement  français,  où  la  terre  est  cultivée  et  produit 
du  blé  et  du  colon.  En  peuétrant  plus  avant,  il  ne  remarqua  aucun 
changement  dans  la  végétation;  on  n'apeieevait  que  d'immenses  forêts 
où  l'on  ne  vo.ait  aucun  sentier.  Aucune  luine  ne  rappeiail  l'empire  de 
l'h.iini>e;  la  terre  avail  tout  le  hixe  ^auvage  de  sa  nai.-sance  :  elle  con- 
servjii  son  <  mpiernle  |  rimilive.  L'auteor  raconte  ensuite  son  entrevue 
axée  un  chef  des  Quapaws,  qui  lui  jiMwitra  un  traité  pai  lequel  lui  el  sa 
nation  s'eng.ige^ii  iit  à  céder  une  |  ortion  considérable  de  terres  qu'ils 
j)Ossédaienl,  moyennant  la  somme  de  4-000  iloMais,  et  une  rente  an- 
DUfl.'c  (If  I  ,o>o  dollars  «n  nirre!  an<!îses.  A  pies  une  longue  tournée  ilans 
ces  léijioiis  nouvcili  ment  acqu  s-  s  par  le-  Etals  Lnis  .  et  vers  Icsqeelles 
se.i.rg  ni  lis  llits  immenses  .j'iine  populatiin  d'émi.rés  européens, 
M.  Nu  Hall  visita  les  élablissemens  réguliers  qui  s'étendeal  sans  inler- 


LIVRES  ETRANGERS.  121 

ruplion  jusqu'à  la  Nouvelle  OiltMns.  Il  préscnic  un  triblcnu  tlTray  int  de 
la  cniaule  dont  on  u.m-  invtr.s  ks  Nejjrcs;  il  cilo  inèiiu  li-  nom  cl'un 
Aniéiiciiio  rcpulc  pnur  le  pius  alroce  des  tyrans.  Ces  misérables  pro- 
piiélaires  passent  leur  vie  a  jouer,  à  boire,  el  à  dissiper  dans  des  ■  rgies 
l'or  baigné  de  sang  que  rapportent  leurs  terns.  Dans  un  ..ppendice, 
l'auteur  donne  une  esquisse  de  l'aneienne  population  des  bords  du  Mis- 
sissipi ,  tiréi  d'une  relation  de  l'expédilion  de  t'erdinaiid  de  Solo,  qui 
mit  à  la  voile  de  Cuba  ,  avec  i.ooo  hoimncs  ,  en  i5ôy,  et  qui.  débjrquant 
en  Floiide,  s'avança  jjsqu'au  MIssissipi,  el  explora  une  grandi-  partie 
de  ce  vasie  pays,  d'où  il  ne  revint,  eu  ^/^'t ,  que  ii5  persoi.nes  de 
celles  qui  l'avaient  suivi.  Cet  ouviage  sera  du  nombre  de  eeux  que  l'on 
pourra  consulter  avec  fiuil,  pour  connaître  les  rapides  progrès  de  'a  ci- 
vilisation en  Auiérique,  et  Taspeet  primitif  da  pays  et  de  st  s  liabitans. 

L.  Stv.  B. 

2.  —  j4  dixcourse ,  on  ihc  importance  of  ctiaraclcr  and  educalion  , 
etc.  —  Discours  sur  l'importance  de  I  éducation  dans  le.-  Etals-Unis, 
prononcé  le  2ù  novembre  1822,  par  John  GriscoUj  prolésseur  à  Ke'.v- 
York ,  a  l'ouverluie  de  son  cours  de  pliy^ique  experinii-nlale  et  de  clii- 
/nic.  JNew  Yoik,  iSaô;  imprimerie  de  Mahlon  Uay.  Biociiuie  de  21S 
pages  iii-S°, 

M.  Ciiscuni  n'a  pas  voulu  seulement*,  dans  ce  discours,  démontrer 
l'utilité  de  l'édutatiun  pour  les  Liats  Unis,  il  s'est  atiacbé  à  si;^na- 
ier  rhci.riuse  inllueiiCi;  d'une  éducation  |)ei  l'cctioiinée  sur  les  progrès 
de  ^iudu^l^ie  ,  des  sciences  el  des  arts  ,  el  sur  l'amelittralioit  des  mœurs 
dans  tous  les  pays.  C'est  pt'itot  pai  <les  exemples  que  par  des  rai-oime- 
mCHS  qu'il  cbercbe  à  pnuver  celle  giande  vérité.  Il  nous  p'-ésente  d'a- 
bord l'Ecosse,  la  Hollande  el  laS.iisse,  où  les  institutions  littéraires  et 
les  écoie.-<  paioissiales  sont  si  répandues,  et  où  le  peuj)le,  surtout  dans 
la  jirem-èie  de  ces  contrées,  parait  devoir  à  ces  bt-lics  iustilutioiis  sa 
sujerioiilé  morale  et  sou  bouh-jur.  Nous  opposeron-,  comme  lui,  à  ces 
pays  ceux  où  l'anarcLio ,  le  de.vpoli.-imc  cl  la  supcr^^iition  (ioînioent  et 
oppriment,  el  nous  altribiieruiis  ces  fléaux  à  l'ignoiance  et  au  défaut 
presq.;t  ;rbso!u  vi'éducalio!!.  .VI.  Griscoin  se  plau  à  roconnailre  les  in- 
tentions généreuses  des  bomuusdc  bien  de  tous  les  pi'y-'j  pour  répan- 
dre sur  toutes  le»  cla.-ses  'es  i)ien!'aiu  de  l'éducation.  Il  cite  la  Fiance, 
et  les  travaux  de  la  .Si  ciélé  pour  l'enseignement  élémentaire.  Fuis,  re- 
venant au  suj' t  indii)ué  par  le  lilre  de  Sun  discours,  il  f.;it  observer 
qu'aux  Elals-Uiiis,  avec  nés  insliluiions  qrii  ouvrent  à  cbaque  citoyen 
la  carrière  des  afldires  pubi-^ues,  une  éducation  liLéialc,  et-générale- 
ixicnt  répandue,  esl  surtout  nécessaire.  11  iait  valoir  les  avantages  qu'of- 
•i 


laci  LIVRES  ETRANGERS. 

freotà  leur  tour,  pour  atteindre  ce  but,  ces  mêmes  institutions,  et  la 
jeunesse  d'un  pav  appelé  à  profiter  de  l'expérience  et  des  malheurs  de 
la  vieille  Europe.  Enfin  ,  il  exprime  le  noble  vœu  de  voir  un  jour  sa 
patrie,  élevée  au  plus  haut  rang  par  l'influence  de  l'éducation,  servir  de 
guide  et  de  modèle  ans  nations  européennes  dans  la  route  de  la  civili- 
isation  et  de  la  vériiable  liberté.  A.  J. 

EUROPE. 
GRATiDE-BRETAGNE, 

3. — Sketches  in  Bedlam  ,  or  Characterîsiic  traits  of  insanity.  —  Es- 
quisses faites  à  Bedhim,  ou  Traits  caractéristiques  de  l'glie  observé.s  sur 
cent  quarante-deux  fous  des  deux  sexes,  etc.  ;  par  un  constant  observa- 
teur. Londres,  iSaô  ;  Sberwood,  Jones.  Un  vol.  in-S",  012  pages. 

Le  titre  de  cet  ouvrage  pouvait  faire  croire  d'abord  qu'il  était  d'un 
médecin  pbilantrope,  assez  dévoué  au  bien  de  ses  semblables  pour  se 
consacrer  à  la  plus  triste  élude  qu'il  soit  possible  de  faire ,  afin  d'en  tirer 
quelques  lumières  propres  à  rendre  la  raison  aux  malheureux  qui  l'ont 
perdue.  Il  semblait  que  ce  motif  pouvait  seul  décider  un  homme  p  épier 
les  tristes  lueurs  qui  apparaissent  au  milieu  de  cette  sombre  nuit,  à 
contempler  la  dégradation  de  notre  espèce  sous  un  de  ces  plus  affligeans 
aspects.  Kous  espérions  que  son  dévouement  ne  serait  pas  inutile,  et 
qu'il  allait  nous  communiquer  des  observations  curieuses,  et  peut-être 
d'importans  résultats.  Quel  a  donc  été  notre  étonnement,  nous  dirons 
même  noire  affliction,  en  voyant  que  cette  galerie  d'infortunés  était 
offerte  au  public  comme  un  sujet  d'amusement!  L'auteur,  quia  bieri 
fait  de  garder  l'anonyme,  oubliant  toute  pudeur,  a  nommé  ces  mal- 
heureux, les  a  exposés,  dans  tout  leur  abaissement,  à  une  curiosité  indé- 
cente et  cruelle.  Ainsi,  leurs  familles ,  eux-mêmes  peut-être,  quand  ils 
auront  repris  leur  place  dans  la  société,  deviendront  l'objet  de  la  risée 
publique  ou  d'une  insultante  pilié.  Malgré  les  bienfaits  inséparables  de 
la  liberté  de  la  presse,  il  serait  à  souhaiter  qu'on  pût,  en  pareil  cas, 
réprimer  une  licence  aussi  déplacée  qu'inhumaine.  Les  journaux  anglais 
ont  fait  justice  de  ce  libelle  d'une  nouvelle  espèce  (qui  ne  peut  être 
comparé  qu'à  certaines  Biographies  d'hommes  vivans,  tout  aussi  indé- 
cemment scandaleuses,  dans  un  genre  plus  dangereux  encore),  et  nous 
nous  joignons  de  bon  cœur  à  eux  pour  le  vouer  au  mépris. 

4-  —  Letters  on  iht  state  ofChrîstinnity  in  India.  —  Lettres  sur  l'état 
du  Christianisme  dans  l'Inde,  dans  lesquelles  la  conversion  des  Indous 
est  regardée  comme  impraticable;  par  l'abbé  /.  A.  DtBois,missionnairB 


LIVRES  KTRÂNGFRS.  ia5 

dans  le  Misore,  auteur  de  la  Descriplion  du  peuple  indien.    Londres, 
1820  ;  I.ongman.  Un  vol.  in-îS"  ;   prix  ,  9  siu'llnigs. 

Cet  ouvrage  ne  peut  manquer  d'iniéressir  le  monde  chrétien;  il  est 
le  fruit  de  trente  ans  d'observaiions  faites  par  un  ecclé-ia>tique  employé 
aux  missions,  qui  a,  plus  que  personne  ,  le  droit  de  donner  son  avis  sur 
une  chose  aussi  importante.   Il  réduit  la  question  à  ces  deux  pomts  : 
.  T  a-l-il  une  possibilité  de  faire  de  véritablis  roiiverlis  au  christianisme 
parmi  les  naturels  de  l'Iude?  —  Les  moy.-ns  qu'on  a  pris,  et  surtout  la 
traduction  dt  s  sainles  Écritures  dans  les  dififcrens  idiomes  du  pays  ,  sont- 
ils  propres  à  conduire  à  ce  but  désirable?  Je  n'hésite  pas,  dit -il,  à 
répondre  négativement  ;  mon  opinion  arrêtée,  mûrie  et  basée  sur  des 
faits,  est  que  dans  les  circonstances  présentes  il  n'y  a  aucune  possihihlé 
humaine  de  convertir  les  Indons  à  aucune  secte  chrétienne,  et  de  plus, 
que  les  traddctions  des  saintes  Écritures  répandues  parmi  eux,  loin  d'a- 
mener ce  résultat,  augmenteront  au  contraire  les  préjugés  des  naturels 
contre  la  religiou  du  Christ,  et  y  deviendront  presque  toujours  nuisibles. 
Ces  asseilions,  venant  d'une  personne  de  ma  profession,  peuvent  pa- 
raître hardies  ou  extraordinaires;  je  ii-s  appuierai  donc  des  preuve^  que 
m'a  fournies  une  longue  expérience  dans  la  carrière  du  prosé'ytisme.  » 
Remontant  alors  aux  premières  tentatives  faites  parles  Jésuites,  pour 
introduire  la  foi  catholique  dans  l'Inde,  l'abbé  Dubois  passe  en  revue 
les  obstacles  qu'ils  rencontrèrent  :  la  plupart  avaient  leur  origine  dans 
le  culte  des  Brames.  Cependant,  à  force  d'abstinence ,  de  sobriété,  de 
douceur,  les  Jésuites  s'insinuèrent  dans  l'esprit  du  peuple,  et  firent  un 
grand  nombre  de  convertis.    Mais  l'invasion  européenne  qui  eut  lieu  à 
cette  époque,  les  contestations  sanglantes  qui  s'élevèrent  entre  les  An- 
glais et  les  Français  ,  les  communications  qui  s'établirent  entre  Us  étran- 
gers et  les  naturels,  révélèrent  bientôt  à  ces  derniers  que  les  mission- 
naires, qu'ils  avaient  pris  d'abord  pour  des  braraines  d'une  espèce  su- 
périeure, n'étaient  que  des  Francis  ou  Européens  déguisés;    que  leur 
patrie,  leur  religion,    leur  éducation  étaient  les  mômes  que  celles  des 
vils  et  méprisables  Frangis  qui  avaient  dernièrement  envahi  leurs  pos- 
sessions. Dès-lors,  il  ne  se  fit  plus  de  conversion  ;  l'apostasie  fut  géné- 
rale; le  christianisme  devint  un  objet  de  mépris  et  d'aversion,  à  mesure 
que  les  Indous  connurent  mieux  les  mœurs  européenm  s.  Cette    mpres- 
sion  n'est  point  effacée.   Lorsqu'un  Indou  d'une  caste  élevée  embrasse 
la  religion  chrétienne,   il  voit  ses  amis,  ses  proches  l'abandonner;  ses 
biens,   son  héritage,    tout  lui  est  enlevé.    Le  titre  de  chrétien   est  nn 
sceau  d'infamie,    et  la  proposition  de  se  convertir  au  christianisme  est 
regardée  comme  une  insulte.   Les  convertis  deviennent  de  jour  en  jour 


124  LIVRES  ÉTRANGERS. 

plus  rares.  La  forte  des  préjugés  est  incroyable  parmi  les  ludous  :  0» 
peut  les  persécuitT,  les  réduire  eu  esclavage,  leur  eulcver  leuis  fem- 
mes, leurs  enfans,  les  charger  de  chaînes,  les  envoyer  en  exil,  ils  se 
soumcllront  à  tout;  luais  si  vous  teniez  de  cbani;er  leurs  institution» 
civiles  ou  religieuses,  vous  les  trouverez  intraitables.  Or,  toute  leur 
croy.iOce  est  eu  opposilîon  directe  avec  la  foi  qu'on  veut  leur  inculquer. 
Ils  frémissent  d'horreur  au  récit  des  sacrifices  d'animaux  oflerts  par  tes 
Juifs,  selon  leurs  lois  anciennes.  Chaque  ligue  des  saioles  Ecritures 
leur  seuible  une  sorte  de  blasplième,  6u  de  censure  de  la  religion  des 
Brames;  et  ils  s'empressent  de  se  purifier  quand  ils  ont  lu  ou  entendu 
ces  préceptes.  L'abbé  Dubois  rapporte  plusieurs  anecdotes  qui  donnent 
une  idée  juste  des  dififioultés,  cl  peut-être  de  l'impossibilité  que  l'on 
rencontre  à  propager  la  religion  chrétienne  dans  l'Inde.  Ses  aperçus 
sont  d'un  homme  éclairé ,  et  répandent  un  nouveau  jour  sur  une  ques- 
tion d'un  haut  inlérct.  Louixe  Sw.  Belloc. 

5.  —  For  Ihe  oracles  ofGod,  four  ovations.  For  judjment  to  corne,  an. 
argtiment  innine  farls.  —  Des  oracles  de  Dieu  (quatre  senuons).  Du 
jugcmctit  fvitur,  argument  en  neuf  parties;  par  le  révérend  Edouard 
Irving.  Londres,   iSaJ.  In-S". 

Un  prédicateur  nouveau  ,  du  nom  d'irving  et  Ecossais  de  naissance, 
est  venu  captiver  l'attention  du  beau  monde  de  Londres,  au  moment 
où  un  autre  Irving,  Américain  spirituel,  partait  pour  le  continent. 
Tous  les  journaux  de  la  métropole  ont  cherché  à  expliquer  la  vogue  ex- 
traordinaire de  l'Aateur  sacré,  et  à  juger  son  talent.  La  petite  église 
réservée  au  culte  écossais,  el  qui  naguère  encore  était  presque  trop 
grande  pour  les  fidèles,  ne  peut  plus  contenir  l'affluencc  des  curieux, 
parmi  lesquels  on  remarque  des  hommes  d'état,  des  dames  de  la 
haute  société,  des  hommes  de  lettres,  et  en  général  plus  de  gens  du 
monde  que  de  dévots;  enfin,  une  souscription  a  été  ouverte  pour  bâtir 
une  plus  grande  église.  Les  journaux  anglais  ont  indiqué  diverses  causes 
de  ce  succès  étonnant;  mais  leurs  explications  contradictoires  nous 
laisseraient  dans  le  doute,  si  le  prédicateur  ne  se  fût  hâté  de  livrer.au 
jugement  du  public  une  partie  des  sermons  qui  lui  ont  obtenu  celte  vo- 
gue rapide.  M.  Irving  est  du  nombre  de  ceux  qui,  voyant  la  tiédeur  du 
grand  monde  pour  le  culte  extérieur,  pensent  qu'il  faut,  pour  l'y  r;ime- 
ner,  lui  parler  son  langage  cl  se  metlre  à  sa  portée.  M.  Irving  a  cher- 
ché à  rendre  ses  sermons  agréables,  à  peu  près  comme  M.  de  Châleau- 
hriaud  a  voulu  rendre  le  christianisme  poétique.  En  annonçant  l'Evan- 
gde  aux  mondains,  il  les  entretient  de  littérature  et  de  philosophie  na- 
turelle; il  esquisse  les  mœurs  et  les  uiag*>s  de  la  société;    il  juge  Ici 


LIBRES  ÉÏR.A1NGERS.  i^Z 

poètes  et  les  journalistes;  II  parle  mêine  tant  sent  peu  de  politi(|ue, 
sans  montrer  une  i'réclilcelion  exclusive  pour  aucun  parti;  il  crue  sou 
stjle,  enfin,  d'images  poétiques,  et  de  fleurs  de  riiétorique.  De  là  cet 
empressement  pour  obicuir  une  place  aux  sermons  d'Irving,  et  le  con- 
cours d'équipages  que  l'on  voit  se  presser,  le  dimanche,  dans  les  rues 
voisines  du  temple.  Cependant  quelques  journalistes,  qui  ne  partagent 
pas  l'engou--mcnt  du  public,  ont  jugé  sévèrement  l'auteur  de  celte  espèce 
de  révolution  :  ils  l'accusent  d'un  peu  de  charlatanisme,  trouvent  son 
style  bizarre,  et  lui  reprochent  sa  prédilection  pour  les  expressions  et  les 
tournures  de  phrases  qui  ont  vieilli.  D'autres,  au  coniriire,  s'érigeanl  en 
défenseurs  de  ses  succès  ,  prétendent  qu'il  n'excite  tant  de  mécontente- 
ment de  la  part  de  quelques  hommes,  que  parce  qu'il  n'est  ni  Whig  ni 
Tory,  et  qu'il  n'a  pas  le  bonheur  d'appartenir  à  l'église  anglicane,  qui 
est  la  religion  de  l'état.  Ce  qui  parait  certain  ,  après  la  lecture  de  ses  ser- 
mons, c'est  qu'Edouard  Ii  ving  est  un  homme  de  talent,  doué  d'assez  de 
tact  pour  saisir  le  goût  du  publie  et  s'y  conformer;  mais  que  la  vogue,  si 
facile  à  s'accroîlre  dans  les  grandes  villes,  lorsqu'une  fois  les  trompettes 
de  la  renommée  ont  éveillé  l'attention  des  classes  oisives,  a  élevé  le  pré- 
dicateur plus  haut  qu'il  ne  s'y  attendait  peut-être  lui-même.      D — g. 

6.  —  Travcls  in  Etjypt,  and  Ihe  Iloiy  Land.  —  Voyage  en  Egypte  et 
dans  la  Terre-Sainte;  par  W illiatn Roc'^ M.iQy .  Londres,  iSaS;  Long- 
man.  Un  vol.  de  555  pages. 

11  parait  que  l'auteur  de  cet  ouvrage  a  entrepris  ce  voyage  principa- 
lement dans  le  but  de  visiter  les  lieux  saints  ;  mais  il  a  recueilli  dans  ses 
courses  des  rcnseigneinens  sur  une  foule  de  sujets  importans,  qui  don- 
nent à  son  livre  un  iniérèt  qui  n'est  pas  exclusivement  borné  aux  matiè- 
res religieuses.  Lorsqu'il  débarqua  dans  le  port  d'Alexandrie,  la  premiè- 
re visite  qu'il  dut  faire,  ce  lut  au  pacha  Mohammed-Ali.  Entre  autres  re- 
marques singulières  que  le  pacha  lit  pendant  sa  conversation  avecM.Wil- 
son  ,  il  dit  qu'il  ne  pouvait  concevoir  comment  lord  Amherst,  dans  son 
ambassade  à  la  Chine,  put  ix'fuser  de  se  soumettre  a  la  cérémonie  exigée 
par  l'empereur,  et  qui  lui  eût  ouvert  peut-être  les  secrets  de  la  diplo- 
matie chinoise.  M.  Wilson  visita  successivement  Rosette  et  le  Caire.  11 
donne  une  description  ,  qui  révolte  l'humanité  ,  du  marf^hé  aux  esclaves 
dans  cette  dernière  ville,  toujours  abondamment  pourvu  de  JSoirs  qu'on 
amène  delà  Nubie,  par  le  Wil.  Tous  ces  esclaves,  suivant  M.  Wilson  , 
sont  très-impaliens  de  sortir  des  mains  de  leur  maître,  et  cherchent  de 
mille  manières  à  se  faire  acheter.  Il  remarque  ,  à  ce  sujet,  que  la  niisère 
de  l'esclave  africain  finit  le  jour  où  il  est  vendu,  tandis  que  dans  les  co- 
lonies des  deux  Indes ,  la  misère  des  Koirs  ne  finit  jamais  et  dure  autant 


lîiS  LIVRFS  ÉTRANGERS. 

que  leurs  travaux  soits  l-  ciel  hrûlantdes  tropiques.  Au  Cairo  ,  M.  Wil- 
son  prit  le  tr.ib  m  ,  pom  vovacer  avec  plus  de  sArelé.  fi  arriva  à  J;.ffa, 
eleosuile  à  Jérusalem.  Il  y  fut  reçu  dans  le  couvent  de  Saitit-rierre  , 
où  les  religieux,  obsédé»  sans  doute  du  nombre  des  pèlerins ,  ont  afSché 
un  écriteau,  portant  que  nul  n'y  restera  plus  d'un  mois.  En  effet ,  c'est 
à  ce  laps  de  tems  que  leur  hospitalité  est  limitée.  On  lira  avec  intérêt 
la  description  que  M,  Wilson  a  donnée  du  tombeau  de  Godefroi  de 
Bouillon.  Sur  une  tablette  de  marbre  blanc,  très  bien  conservé,  se  lit 
celte  in*criplioii,  en  langue  latine  :  «Ici  gît  le  fameux  Godefroi  de 
Bouillon,  qui  élablit  le  eulle  de  Jé»u^-C!lrisl  dans  toute  cette  contrée: 
qu'd  repose  en  paix.»  Un  Ira  t  fort  curieux  et  peu  connu,  c'est  que  le 
roi  d'Angleterre,  Georges  IV,  voulant  reconnaîlre  les  soins  accordé» 
par  les  Frères  des  couvens  de  Jérusalem  à  tant  de  voyageurs  an.;lai-,  a 
envoyé,  il  y  a  plusieurs  années,  par  l'entremise  de  sir  Robert  Liston  , 
ambassadeur  à  Constantinople  ,  une  somme  de  2000  liv.  >t.  aux  moines 
franciscains  de  la  Fal(sline.  On  trouvera  dans  ce  livre  des  détails  horri- 
1  Ussur  le  caractère  et  les  cruautés  de  Djezzar,  pacha.  L'ouvrage  de  M. 
Wilson  pourra  servir  à  faire  mieux  connaître  l'état  religieux  et  moral  de 
iî-Terre-Sainte  ;  et  quoique  les  voyages  en  Palestine  aient  été  très-fré- 
quens  dans  ces  dernières  années,  son  récit  sera  lu  avec  instruction  et 
plaisir. 

7.  —  Narrative  of  a  journey  in  the  Morca.  —  Relation  d'un  voyage 
dansia  Morée;  par  fF M iam  G ell,  de  la  Société  royde  de  Londres. 
Londres,  i825;  Longman.   Un  vol.  in-8»,  4ii  pagts;  prix,  18  fr. 
Cet  ouvrage  est  remarquable.   Un  livre  écrit  dans  un  esprit  contraire 
l'émancipation  de  la  Grèce  est,  sans  contredit,   un   fait  bien  rare  en 
Angleterre.  L'auleurcommence  par  avertir  qu'on  ne  trouvera, dans  son  li- 
vre,ni  discussionsprofondes  sur  les  antiquités,  ni  des  tableaux  de  mœurs, 
avoulu  simplement ,  en  racontant  des  faits  qui  se  sont  passés  sous  ses 
yeux,  «  rectifier  les  idées  de  ses  compatriotes,  sur  l'espoir  qu'on  peut 
entretenir  de  voir  la  Grèce  s'affranchir  de  la  tyrannie  ottomane..    Ses 
théories  de  l'organisation  des  sociétés  en  général  sont  fort  étroites;  il  est 
en  arrière  de  son  siècle.  Dans  le  tems  où  nous  vivons,  faut-il  encore 
entendre  avancer,  en  thèse  générale,  que  les  peuples  méridionaux  sont 
incapables  et  indignes  de  liberté!  Cette  opinion  n'est  soutenue  que  par 
Jaremarque  fort  rebattue  que  les  républiques  de  Sparte  et  d'Athènes 
n'étaient  qu'un  r^espotisme  populiire  ou  oligarchique.   M.  Gell  ne  craint 
pas  d'avancer,  malgré  des  faits  accablans,  que  la  Grèce  sera  plus  mal- 
heureuse encore  ,  le  jour  où  elle  réussira  à  briser  le  joug  qui  pèse  sur  elle. 
Le»  principes  de  cet  auteur  ont  quelque  chose  de  triste  et  de  flétrissant. 


LIVRES  ETRAISGERS.  127 

Il  n'est  pas  éloigné  de  penser,  avec  Hobbcs,  que  l'état  naturel  de 
riiommc  est  la  guerre  ,  et  le  seul  gouvernemenl  légal ,  le  gouvernement 
absolu.  Voici  une  prédiclion  assez  singulière  ,  que  nous  consiguons  ici 
pour  prendre  (laie  :  <■  Peut  èlre,  le  jour  n'est-il  pas  éloigné,  ditM.Gell, 
où  les  classes  siipérieuies  <le  tous  les  pays  seront  bien  aises  d'être  débar- 
rassées de  l'onnuycux  honneur  d'avoir  quelque  part  aux  gouvernemens.  » 
L'auteur  nie  absolument  que  la  Grèce  soit  susceptible  de  dévcloppemens 
moraux  et  intellectuels.  II  se  moque  avec  assez  d'esprit  de  la  foi  impli- 
cite que  beaucoup  de  feuilles  anglaises  et  françaises  ajoutent  aux  nou- 
velles de  \a  Gazelle  d' A  u&honrtj.  Cependant,  malgré  les  déclamations 
et  les  prophéties  décourageantes  de  M.  GcII,  il  est  de  fait  que  l'état  de 
la  Gièix*  est  tout  autre  quil  ne  ncus  l'a  repré.-enté  :  les  voyageurs  anglais 
sont  unanimes  sur  ce  point.  M.  Frédéric  Douglas,  qui  a  récemment 
parcouru  l'antique  Ilcllénie,  assure  qu'il  n'est  pas  de  village  où  l'on 
ne  rencontre  quelqu'un  qui  parle  l'ancien  grec,  aussi-bien  que  le  nou- 
veau dialecte  (le  y.ovjvi  y?^cT(T:).  M.  Lcakie,  dans  ses  e  Ilcsearclies  in 
Grcrce, «rapporte  qu'i'l  n'est  pas  un  village,  habité  tant  soit  peu  par  des 
personnes  jouissanl  de  quelque  fortune,  où  il  n'y  ait  au  moins  une  école 
dans  laquelle  on  enseigni;  la  langue  d'Homère.  Les  principales  institu- 
tions d'instruction  publique  existaient  à  Kesaria,  en  Crimée,  à  Cons- 
tjnlinople,  Srnyrne,  Chios  et  Saloniquc;  mais  les  armes  cruelles  des 
Turcs  ont  détruit  plusieurs  de  ces  sanctuaires  académiques.  Au  collège 
de  Bucharest,  on  comptait,  en  novembre  i8io,  244  ctudians  et  12  pro- 
fesseurs. On  y  distribue  des  prix  annuels  aux  professeurs  comme  aux 
élèves  ;  ces  derniers  reçoivent  une  médaille  d'argent  représentant  une 
tête  d'Apollon  ,  avec  ces  mots  pour  exergue  :  Apsr'^^s/tHx  -/.en  -TTXiliictz,, 
On  a  fondé  deux  Académies  à  Joanina;  l'une  d'elles  est  dirigée  par 
Athanasius  Psalida,  qu'on  regarde  comme  le  premier  savant  de  la  Grèce. 
On  distingue  aussi  VaLno  et  Sakalarrius.  Depuis  long-tems,  on  a  tra- 
duit en  grec  moderne  les  plus  célèbres  ouvrages  de  Beccaria  et  de  Mon- 
tesquieu. Koletli  a  fait  des  recherches  intéressantes  sur  le  calorique  ,  et 
il  a  traduit  en  grec  moderne  la  Géométrie  deLegendrc,  et  Y  Arithmétique 
(sans  doute  la  Géométrie  aihatijtique)  de  M.  Biot.  Philipidi  a  traduit 
l'astronomie  de  Lalande  et  la  logique  de  Coodillac.  Voilà  des  faits  qui 
détruisent  complètement  les  allégations  dirigées  par  M.  Gell  contre  Tan- 
tique  patrie  des  arts  et  de  la  civilisation.  Qu'on  ajoute  à  ces  renseigne- 
mens  que,  suivant  le  témoignage  de  Tournefortj  qui  visita  l'Hellénie 
en  1780,  on  ne  trouvait  pus  alors  en  Grèce  douze  personnes  qui  possé- 
dassent la  langue  d'Homère,  on  conviendra  que  les  progrès  de  ces  peu- 
ples ont  dû  être  bien  lapides,  puisque  leurs  Académies  sont  florissautei 


128  TJVPFS  FTPANOFBS. 

aujourd'hui,  et  l'on  -.(Ta  ronvainru  que  eoUe  terre,  consacrée  par  tant 
de  souvtnirs  g!'<rii-  'x  ,  reiiCmni'  de»  germes  Fécoiïds  de  civilis  lion  ,  qui 
n'att(.nd'  nt  poiTccinrc  que  le  soleil  île  lu  liberté.  C.  C  . 

8.  — liuntcr's  mnnoirs  of  a  ciiptivity  ainon<j  the  Indîans  of  \orlh 
America.  —  iVléuioiies  <li-  liiinler,  pen<l.int  sa  captivité  chez  es  Indiens 
de  l'Amérique  SI  pirntriooaie.  Londres,  i825:  Long'uan.  Un  vol. 

Cette  hi.-tciiie  d'un  j"une  Blanc  é'happé  li'une  liorde  di-  >;uivages, 
parmi  lcsquel^  il  avait  été  élevé  d'  puis  i'eiil'ince ,  ressemble  d'ahord  à 
un  roman;  mais-  à  mesure  qu'on  avance  di'ns  la  lecture ,  les  doutes  se 
dissipent.  Le  slyleest  simple,  les  événtniens  vraisemblables,  les  obser- 
vations saj;;»  s,  on  pourrait  même  dire  pliilo^Of'hiijues.  (k-nt  Irciile-quatre 
pages  environ  sont  cousjcrées  au  récit  des  aventures  perMinnelles  de 
l'auteur;  le  resie  do  vulunie  traite  des  mœurs  et  coutumes  i!e  plusieurs 
tribus  indienn's  qui  b  ibiteut  a  l'ouest  du  Alis-is^pi.  M.   Hunier  quiila 

Jeflndiens  in  iSi6,  ayant,   d'après  son  cal' ul ,   eHvirun  iv,  ou  20  ans. 

8n-pren)iéies  aventures  sont  une  snile  de  combats  el  d'éinif^ialions  des 
différentes  inbus  avec  lesquelles  il  vécut,  car  le  sort  de  la  guerre  le  fit 
passer  de  l'une  vh^v.  l'autre.  La  seconde  ])artie  présente  davantage  le 
caractère  de  compil.ilion.  Il  .ivone  lui-raèine  avoir  élé  obligé  de  s'aider 

dtsvoyageurs  anglais,  pour  !es  ilriails  (;u'il  dinne  sur  le  p-iys  et  les 
mœurs  des  babitans.  M.  Ilunlei  liabile  mainlenanl  l'An'jileterre  ;  st.»n 
ami,  Edouard  Ciark,  a  revu  son  manuscrit,  et  l'a  enrichi  de  quelques 
observations  et  de  cfueiques  développemens. 

9.  —  Thoucjhli  and  détails  on  thc  liijh  and,  low  frices.  —  Pensée» 
et  détails  sur  îa  hau?se  el  la  baisse  des  crix  penddul  les  trente  dernières 
années.  Première  parliii.  Sur  les  altérations  survenues  dans  le  cours  des 
monnaies.  Par  Thomas  Tooke.  Londres,  1820 ;  Murray.  Un  volume  de 
320  pages. 

Cet  ouvrage  se  rattache  à  une  question  d'une  haute  importance  théo- 
rique et  pratique,  savoir  :  «  Quelle  est  l'influe  ce  .'xercée  par  le  cours 
des  monnaies  d'un  pays  sur  ses  prix?  »  Cette  que.-.lioii  a  été  l'ort  agitée 
en  Angleterre  dcjiuis  la  reslriclion  de  la  banque  en  1797,  et  surtout  de- 
puis trois  ans,  d'après  la  conviclion  générale  <|ue  l'acte  de  i<Sic),  appelé 
communément  le  billde  Peel,a  ciinaidérablemenl  influencé  la  baisse  des 
prix  ,  cause  de  tant  de  misère.  Nous  ne  pouvons  entrer  ici  dans  un  exa- 
men approfondi  du  livre  de  M.  Tooke  ;  nous  nous  bornerons  à  dire  qu'il 
est,  en  grande  partie,  basé  sur  des  données  pratiques.  L'auteur  a  ras- 
semblé plusieurs  l'ails  utiles  qu'il  commence  par  exposer,  el  dont  il  tire 
ensuite  ses  conclusions.  Il  promet  une  seconde  partie  plus  développée. 


LIVRES  ETRANGERS.  129 

sur  divers  sujets  d'économie  politique.  Son  style  est  ciair,  ses  iiléti 
justes  et  bien  exposées.  L,  S.  B. 

10. — OuUines  ofpotitical  economy. — Esquisse  d'un  système  d'écon.,- 
uiie  politique,  présenté  dans  le  double  but  defjire  voir  au  gouvernen.piit 
1 1  au  pays,  que  la  cause  de  la  présente  détresse  de  l'agriculture  est  entière- 
ment artiGcielle,  et  d'indiquer  un  phm  pour  administrer  la  monnaie  eu 
circulation,  pour  faire  cesser  cette  détresse  sans  qu'elle  pui-se  jamais 
se  reproduire j  avec  la  (juatrièine  édition  de  V Essai  sur  les  -principes  du 
iabanque;  parJ.  Joplis.  Londies,  iSaô;   Baldwin.   Un  vol.  in-^". 

Voilà  un  titre  dont  la  longueur  répond  assez  bien  à  la  grosseur  d'un  vo- 
lume de  piès  de  5oo  pages;  ce  titre  peut  tenir  lieu  d'une  analyse.  Ceux 
qui  se  procureront  l'Esquisse  achèteront,  du  moins,  cet  ouvrage  en  con- 
naissance de  cause.  C'ist  un  singulier  pliénuniènc ,  en  Angleterre,  que 
l'apparition  répétée  et  suivie  de  tant  de  systèmes  d'économie  politique. 
La  théorie  n'est  pas  ce  qui  manque,  ni  dan»  ce  pays,  ni  ailleurs.  M.  Ju- 
plin,  qui  ne  craint  pas  d'entrer  dans  la  lice,  aimé  d'un  système  entiè- 
rement nouveau ,  réduit  toutes  les  améliorations  qu'il  propose  à  une 
seule  :  l'élablissement  universel  de  compagnies  de  banque.  Son  idée  prin- 
cipale consiste  à  fonder  partout  des  banques  anak>gues  à  celles  de  l'L- 
cosse.  L'auteur  a  porté  sa  théorie  à  un  point  loiit-à-fait  hors  de  mesure.  11 
déclare  avec  beaucoup  d'assurance  que  la  banque  d'Angleterre  a  sauvé 
le  pays;  mais  il  fallait  ajouter  à  cela  qu'en  1797  le  pays  a  sauvé  la  ban- 
que. 11  est  ridicule,  comme  on  l'a  très-bien  et  fort  souvent  remarqué, 
de  persister  à  faire  l'éloge  d'un  .«ystème  de  papier-monnaie ,  qui  est  pro- 
tégé ou  plutôt  imposé  par  la  Ici,  qu'on  ne  peut  pas  toujours  convertir 
en  espèces  à  volonté ,  qui  a  un  caractère  légal  parce  que  l'autorité  le  lui 
impose,  et  qui,  malgré  toutc;>  ces  ])réeautions,  s'est  maintenu  si  long- 
ttms  à  25  ou  00  au-dessous  du  pair,  uonosbtant  les  pompeuses  assuran- 
ces de  l'échiquier.  Une  chose  assez  remarquable,  c'est  que  les  vues 
d'Adam  Smith  sont  en  op[.'<!sition  directe  avec  celles  de  M.  Joplin.  Ce 
dernier  pense  qu'il  est  urgent  d'effacer  de  la  charte  constitutive  de  \^ 
banque  d'Angleterre,  la  clause  qui  défend  à  toute  autre  compagnie  de 
s'organiser  en  lumque,  au-delà  de  six  actionnaires.  On  lira  avec  intérêt 
le  plan  compliqué  de  c^irrcncy ,  que  propose  M.  Joplin.  Bien  que  fort 
ingénieux,  ce  plan  nous  semble  avoir  un  inconvénient,  celui  d'être 
complètement  impraticable.  En  résumé,  Al.  Joplin  a  fait  preuve  de 
connaissances  profondes;  il  parait  avoir  beaucoup  médité  son  sujet. 
Mais  ,  dans  l'état  de  crise  liuancièrc  ou  se  trouvent  plusieurs  pays  de 
l'Europe,  il  est  fâcheux  de  voir  les  économistes  aussi  divisés  d'opinion. 
T.  XX. — Octobre  iS^â.  9 


i5o  LIVRES  ÉTRANGERS. 

Cette  d'ssidence  fait  nuilre  la  même  inquiétude  que  produirait  sur 
nous  l'irrésolution  de  médecins,  qui,  consultés  aa  sujet  d'une  maladie 
dangereuse,  ne  seraient  d'accurd  ni  sur  ses  causes,  ni  sur  les  remèdes 

ce 

à  lui  opposer.  '-'•  '^• 

,,_  Memorandtim  of  tvco  conversations  hetwcen  tlic  emperor  Na- 

folcon  and  viscount  Ehringion ,  etc.  —  Mémorandum,  de  deux  conver- 
sations entre  l'empereur  Napoléon  et  le  vicomte  Ebringlon ,  à  Porto- 
Ferrajo.  Londres,  iSaô;  Colburo.  In-S". 

Ce  nouvel  écrit  reproduit,  à  peu  de  choses  près,  ce  qu'on  a  déjà  lu 
dans  l'ouvrage  de  M.  OMea.a  et  dans  le  Mémorial  de  M.  de  Las-Cases. 
Les  opinions  de  Napoléon  sur  l'empereur  Alexandre,  et  sur  les  autres 
monarques  du  Nord,  ainsi  que  sur  quelques  généraux  français,  y  sont 
les  mêmes  que  dans  les  livres  précédens.  Nous  renvoyons  donc  le  lecteur 
au  Mémorial  de  Sainte-Hclènc,  dont  nous  avons  rendu  compte.  (Voyez 
lîiv.  Enc.,  Tom.  XIX,  page  iSo.)  L.  S.  B. 

jj  (•).  —Beport  on  ihc  présent  stalc  ofihegrech  confédération,  etc.— 
Rapport  sur  l'état  actuel  de  la  conlédération  grecque  ,  et  sur  ses  droits  à 
l'assistance  du  monde  chrétien  ,  lu  au  comité  grec ,  le  i3  septembre  1823, 
par  Edouard  Blaqoièbe.  Londres,  iSaô;  Wbittaker.  Brochure  in-S»,  de 

5o  pag. 

Au  commencement  de  celte  année ,  un  grec,  M.  Luriottis ,  fut  envoyé 
à  Londres  pour  y  établir  des  relations  utiles  à  la  cause  de  ses  corapa- 
iriotes.  Sans  caractère  ofllciel ,  il  ne  put  s'adresser  au  gouvernement  an- 
glais ;  mais  il  trouva  de  simples  particuliers,  zélés  pour  sa  patrie,  qui  for- 
mèrent une  société  et  ouvrirent  des  souscriptions  en  faveur  des  Grecs. 
Va  d'eux,  l'auteur  de  ce  rapport,  résolut  même  de  se  rendre  sur  le 
Ihéûtre  de  la  guerre,  entreprise  par  cette  courageuse  nallon,  afin  de 
mieux  apprécier  sa  situation  ,  ses  ressources,  et  ses  besoins.  Le  rapport 
que  nous  annonçons  contient  les  principaux  détails  recueillis  par  M.  Bla- 
quière,  pendant  son  voyage.  Bien  loin  de  joindre  sa  voix  à  celle  de  pl.i- 
sieurs  autres  voyageurs  qui  ,  l'on  ne  sait  trop  pourquoi ,  ont  cherché  à 
discréditer  la  cause  des  Grecs ,  il  la  regarde  comme  digne  des  vœux  et 
de  l'appui  de  tous  les  peuples  civilisés.  D'autres  afftctent  de  ne  voir 
chez  les  (irecs  que  les  vices  produits  par  l'état  d'ignorance  et  de  dégra- 
dation dans  lequel  ils  ont  langui  si  long-tems.  M.  Blaquiére,  aussi 
écl.oiréet  plus  impartial  que  ses  prédécesseurs,  la  plupart  militaires,  étran- 
gers à  tout  ce  qui  n'est  pas  du  ressort  de  l'art  de  la  guerre,  ou  bien 
aventuriers  déçus  dans  leurs  espérances  de  fortune,  a  su  reconnaître 
dans  la  nalu.n  grecque  ds  grandes  et  nobles  vçrtus,  uue  activité  prcdi- 
"icusc^  une  avidité  d'inslruclion  peu  commune ,  un  saint  amour  pour  la 


LIVRES  ÉTRAISGERS.  i5i 

patrie,  une  rare  inlelligcnce.  Il  s'est  convaincu  que  l'accusation  de  l)ar- 
barie  imputée  aux  Grecs,  n'était  qu'une  infâme  calomnie.  Sans  doute  ils 
ont  commis  des  excès;  mais  quel  peuple,  même  le  plus  civilisé,  n'en 
commet  point ,  au  milieu  des  hoireur»  de  la  guerre?  L'écrit  de  JM.  Bl.i- 
quière,  en  détruisant  les  calomnies  répandues  contre  eux  avec  une  in- 
signe mauvaise  foi,  oflie  des  considérations  d'un  grand  intérêt  sur  leur 
caractère  et  sur  la  justice  de  la  guerre  qu'ils  soutiennent  avec  une  si  ho- 
norable persévérance.  Nous  attendrons,  pour  entrer  dans  de  plus  grands 
détails  sur  ce  sujet ,  l'ouvrage  que  va  publier  incessamment  le  même  au- 
teur sur  la  révolulion  grecque,  son  origine,  ses  progrés,  etc.  Seulement, 
qu'il  nous  soit  permis  de  proclamer  avec  lui  que  cette  révolution  a  été  en- 
tièrement indépendante  des  autres  é\énemens  politiques  qui  ont  a"ité  , 
pendant  ces  dernières  années,  l'Europe  méridionale;  qu'elle  n'a  été  que 
la  suite  naturelle  des  cruautés  et  de  l'oppiession  des  Turcs.  Ajoutons  en- 
core que  les  Grecs  sont  assez  forts  par  eux-mêmes  pour  défendre  leur  cau- 
se; qu'ils  ne  demandent  point  à  l'Europe  des  armées  auxiliaires  ,  ni  des 
soldats  ;  mais  qu'ils  ont  besoin,  pour  entretenir  des  armées,  nationales  et 
régulières  de  terre  et  de  mer,  d'avoir  de  l'argent,  des  arm.es,  et  surtout 
des  canons  et  des  pièces  de  siège  ;  enfin  des  artisans,  et  des  liom.-nrs  b.a- 
biles  dans  les  arts  mécaniques,  et  capables  de  leur  former  de  bons  ou- 
vriers en  ce  genre.  Avertissons  avec  lui  tous  ceux  que  l'enthousiasme  ou 
tout  autre  moùf  porteraient  à  se  rendre  en  Grèce,  qu'il»  doivent  y  com- 
battre à  l'égal  des  Grecs,  c'est-à-dire  sans  prétendre  à  aucune  solde,  à 
aucune  récompense.  Ils  doivent  au  contraire  emporter  avec  eux  l'ar-^ent 
nécessaire  pour  leur  entretien  ,  pendant  une  année  au  moins.       A.  J. 

•J-  — ;  The  fForhs  of  GarciHasso  de  la  T'cga,  surnamed  the  ■prince 
ofcastiiianfGcU.  —Œuvres  de  GarciHasso  de  la  Vcga,  surnommé  le 
prince  des  poètes  castillans,  traduites  en  vers  anglais,  avec  un  Essai 
historique  et  critique  sur  la  poé,ie  espagnole,  et  la  vie  de  l'auteur;  par 
J.Ji.  WiFFBs.  Londres,  1825  ;  Longman.  Un  vol.  in-S"  de  407  pages; 
prix,  i5  fr. 

La  littérature  espagnole  était  peu  connue  en  Angleterre.  A  l'exception 
de  Cervantes,  aucun  auteur  de  cette  nation  n'avait  été  traduit  d'une  ma- 
nière satisfaisante  ;  aucun  ouvrage  ne  conservait ,  dans  la  traduction  , 
cette  teinte  nationale  prononcée  qui  fait  le  cachet  du  stjle.  Cependant , 
Carew  et  Fairfax  ont  mis  le  Tasse  en  vers  anglais,  et  Harrington  a  ren- 
du, avec  assez  de  bonheur,  les  beautés  de  l'Arioste.  Dans  ces  derniers 
tems,  on  s'est  beaucoup  occupé  de  la  littérature  castillane.  Haylcy  avait 
fait  connaître,  d'une  manière  incomplète  il  est  vrai,  VAraucana  d'Er- 
cella,   essai  de  poème  épique.   M.  Southcy   a   vivement  excité  la   eu- 


,32  LIVRES  ÉTRANGERS. 

riosi.é  pubLqae  par  son  poème  de  la  Chronique  du  CiU.  F.ère ,  Lochard 
et  Bowring  se  sont  livrés  à  des  travaux  assez  étendus  sur  1  b.to.re  de  la 
littérature   de  TEspagne.    M.  W.ffcn  traduit  aujourd'hui  X.sOEuvrcs 
ecurtétcs  do  ta  Vc.a.  Les   églogues  ont  été  rendues  par  lu.  avec  un 
...nd  bonheur  d'expression  :   rien  de  plus  touchant  et  de  plus  t.ndre 
q„e  les  lan.entations  du  berger  Salicio,  sur  l'inlidélité  de  sa  n.a.tresse. 
IJn  autre  pasteur,  Nemoroso,  déplore  la  mort  d'une  bergère,  en  vers 
dignes  de  Virgile.  M.  le  professeur  Bouter>Yek  a  dit  de  ce  passage,  qu  au- 
cun morceau  de   la   lit.érature  ancienne   ou  moderne  ne  le  surpassai 
en  beauté.  Ceci  est  sans  doute  très-exagéré.    On  admet  généralement 
que  les  can.oni  et  les  sonnets  de  la  Vega  ne  valent  pas  ses  poes.es  pas- 
tor  .les   M.  Wiffen  a  joint  à  ce  volume  la  traduction  d'un  Essai  de  Qum- 
tana  sur  la  focsie  cspasnoh  :  on  a  aussi,  du  même  auteur,  les  Poesvas 
sclcclas  Castellanas.  C'est  un  tableau  très  -  instructif  et  .ntéressant  de 
This.oire  de  la  poésie  espagnole,  enrichi  par  M.  Wiffen  de  nombreuses 
pièces  de  vers  imitées  de  l'espagnol.  On  lira  aussi  avec  plais.r  la  v.e  de 
Garcillasso  de  la  Vega,  qui  lut  tué  a  l'attaque  d'un  Tort,  a  1  âge  de  oo 
ans   On  annonce  une  traduction  complète  de  la  Jérusalem  dchvree,  par 
le  même  auteur,  dont  le  style,  pur  et  élégant,  paraît  tout-à  fa.t  propre 
à  rendre  en  anglais  les  beautés  immorlelles  du  T.-»sse. 

,4.—  Valferga;  or  the  Ufc  and  advcntures  o/-CrtS(rucoto.— Val pcrga, 
ou  la  Vie  et  les  aventures  de  Caslruccio,  prince  de  Lucques;  par  l'auteur 
de  Franhcstein.  Londres,  .825;  WhlUaker.  Trois  vol.  in-12;  prix,  21 
shellings  cartonnés. 

Ce  dernier  ouvrage  de  M»^  Shellv  est  bien  au  dessus  <le  Frankeslan. 

Oa  n'y  retrouve  pas  à  un  si  haut  degré  ce  délire  et  ces  écarts  d'une  .ma- 

oi,.at.on  vagabonde;  mais  elle  se  jette  encore  parfois  hors  de  la  nature 

humaine  et  dc-s  chu.es  possibles.  Son  talent ,  plus  mûri ,  s'est  complu  a 

retracer  dans  Valperga  des  passions  vives,  développées  et  excitées  encore 

par  un  tems  de  trouble  et  de  .superstition.  Le  héros  du  roman,  Ca^lrnc-^ 

cio,  fut  (selon  Moréri)  un  des  plus  célèbres  capitaines  du  x.vc  s.èclc. 

«  11  était  de  la  famille  des  AntdmineUi ,  de  Lacques.  Ayant ,  quoique 

iort  jeune,  pris  les  armes  en  faveur  des  Gibelins,    il  fut  exilé  par  les 

Cuelpl.es.  Il  servit,  peu  de  tems  après,  dans  les  armées  de  Ph.hppe,  ro. 

de  France,  qui  faisait  alors  la  guerre  aux  Flamands.  Ensuite,  il  repassa 

les  Alpes,  et  ayant  rejoint  Uguccione  Fagginola  ,  chef  des  G.bel.nsde 

Toscane,  il  réduisit  Lucques,  Pisloia  et  plusieurs  autres  v:lles.  11  devint 

aussi  l'allié  de  l'empereur  Louis  de  Bavière,  contre  le  pape  Jean  XXII. 

Robert,  roi  de  Waples,  et  les  Florentins.  Louis  de  Bavière  lu.  donna  les 

domaines  de  Lucques,  av  ce  le  tilrc  de  duc,  et  celui  de  sénateur  romnm-. 


LIVRES  ETRANGERS.  153 

Bien  ne  srniblail  pouvoir  résister  à  son  courao[e  et  à  son  bonheur,  quand 
il  fut  enlevé  par  une  mort  piématurée,  en  i55o,  à  l'âge  de  47  ans.»  C';s 
détails  historiques  forment  la  base  du  roman  de  M°>«  Sliellj.  Elle  y  a  in- 
troduit une  foule  de  personnanjes  imaginaires,  qui  souvent  excitent  la 
cutiosilé  sans  la  satisfaire.  A  peine  ontils  paru  qu'elle  les  replonge  dans 
le  néant  dont  elle  les  a  tirés,  et  le  lecteur  ne  l<s  voit  plu^.  Il  n'en  e>t 
pas  de  même  d'Eulbanase  et  de  Béatrice,  créations  neuves  et  pleines  de 
charme,  êtres  privilégiés  qui  brillent  comme  deux  anges  célestes  au  mi- 
lieu des  démons.  L'ambilion,  la  vengeance,  le  fanatisme  sont  personni- 
fiés dans  ce  roma.i  avec  une  verve  cffray.Tnte,  qui  outrepasse  la  nalure. 
Cette  exagération  fatigue  et  aflaiblit  quelquefois  l'efiFet  que  l'auteur  veut 
produire.  Il  existe  en  nous  un  instinct  qui  nous  fait  démêler  le  faux  du 
vrai.  Ainsi ,  sans  avoir  vécu  dans  les  tems  reculés  si  bien  peints  par  Wal- 
ter  Scott,  sans  être  même  versé  dans  les  chroniques  de  cette  époque, 
sans  en  connaître  les  usages,  on  est  certain  qu'il  décrit  juste.  On  sérail 
tenté  de  croire  que  ses  personnages  historiques  ont  dû  parier  comme 
il  les  fait  parler;  et  ce  sentiment  doit  naîlre  de  la  manière  impartiale 
et  vraie  dont  il  observe  la  nature.  On  en  conclut  naturellement  qu'il  porte 
partout  le  même  esprit  consciencieux.  M'"«  Shelly  ne  produit  pas  la 
même  impression.  On  aime  son  talent,  son  stylt»  énergique,  ses  images 
variées,  tour-à-tour  sombres  ou  brillantes,  sa  peinture  si  forte  des  pas- 
sions les  plus  exallées,  mais  on  sent  qu'il  manque  à  tout  cela  le  charme 
de  la  vérité.  Louise  Svv.  Bei.loc. 

i5.  —  Relies  of  littérature.  —  Reliques  de  la  littérature,  par  Etienne 
Collet,  avec  une  planche  d'autographes.  Londres,  i8a3.  Un  vol.  in-S°; 
prix,  iS  fr. 

Ce  volume  renferme  un  mélange  d'anecdotes,  de  morceaux  de  poésie 
cl  de  documens  historiques.  L'auteur  a  glané  dans  une  foule  d'ouvrages 
rares  ou  peu  connus.  H  a  disposé  ses  nombreux  matériaux  sous  aSo  titres 
distincts.  Les  compilations  de  ce  genre,  qui  se  sont  beaucoup  multipliées 
en  Angleterre  dans  ces  derniers  tems,  sont  loin  d'être  inutiles  :  c'est  là 
que  se  conservent  ces  bruits  du  jour,  ces  auecdoles  fugitives,  nés  de  la 
circonstance,  et  qui  mourraient  avec  elle,  si  quelque  bibliographe  ne 
les  recueillait  dans  son  portefeuille.  M.  Collet  a  beaucoup  rapporté  des 
États-Unis  d'Amérique;  il  a  mis  aussi  à  contribution  les  manuscrits  du 
mu^ée  de  Londres.  Parmi  les  pièces  inédiles  qu'il  a  réunies,  et  qui  ont 
trait  à  l'histoire  des  Etats-  Unis,  nous  citerons  une  lettre  très-curieuse 
de  Washington  au  marquis  de  Chastellux,  où  il  expose  ses  opinions  per- 
sonnelles sur  le  mariage.  C'est  une  épitre  de  félicitations;  Washington 
y  compliniente  son  ami,  à  l'occasion  de  son  maxiage,  avec  des  formes 


i5i  LIVRES  ETRANGERS. 

de  style  à  la  fois  polies  et  ironique?,  \oici  une  phrase  qui  se  rappr-rte  à 
loute  autre  clioso,  et  qui  devient  bien  remarquable  dans  les  circons- 
tajces  présentes;  on  dirait  que  le  grand-homme  qui  l'écrivait  avait  le 
pressentiment,  qu'un  jour  la  république  qu'il  fondaitpourrait  bien  ser- 
vir de  refuge  à  la  liberté  du  monde.  «  Si  tous  les  états  ,  dit-i! ,  adoptent 
]-i  constitulion  (et  je  pense  qu'ils  le  feront  tous),  l'Amérique  pourra  le- 
ver la  tète  cl  devenir  encore  respectable  parmi  les  nations.  Il  est  doux 
et  consolant  de  penser  que  notre  république  est  l'objet  des  vœux  de  tout 
ce  qu'il  y  a  d'Iiomme.s  philosophes,  vertueux  et  patriotes  sur  la  terre. 
Ils  l'envisagent  comme  un  bienfaisant  asile  ouvert  au  genre  humain. 
Plaise  à  Dieu  que  nous  ne  soyons  point  dîsapoiiitis  par  l'effet  de  nos  er- 
reurs ou  de  notre  mauvaise  conduite;  »  On  doit  recueillir  précieusement 
CCS  belles  paroles  du  gr;>nd  Washington.  —  Parmi  les  pièces  curieuses 
que  renferme  ce  volume,  nou«  distinguerons  encore  le  catalogue  de  la 
bibliothètjue  du  roi  de  Wurtemberg.  Cet  éiablissement  renferme,  sui- 
vant IVI.  Collet,  4ooo  éditions  de  la  Bible,  dans  les  diverses  langues  eu- 
ropéennes. 11  y  en  a  ai5  en  anglais,  et  290  en  français.  Nous  recomman- 
dons ce  dernier  nombre  à  l'attention  et  à  la  critique  de  nos  bibliogra- 
phes; il  nous  paraît  exagéré.  Parmi  les  morceaux  historiques,  nous  cite- 
rons une  discussion  sur  les  loteries  anglaises;  M.  Collet  a  pris  la  peine 
de  faire  de  grandes  recherches  sur  ce  sujet.  Le  premier  tirage  dont  l'his- 
toire anglaise  fasse  mention,  remonte  à  l'année  i-Sôg.  11  y  avait  4<>»ooq 
numéros  à  10  shellings  le  billet;  les  lots  gagnans  étaient  composés  d'ar- 
genterie. Le»  bénéfices  de  celte  loterie  furent  consacrés  à  l'entretien 
des  ports  de  mer.  Le  tirage  commença  le  11  janvier  1569,  et  se  continua 
jusqu'au  G  mai.  En  1612,  le  roi  Jacques  ,  afin  d'encourager  la  lorinatioa 
de  la  colonie  de  Virginie,  accorda  un  second  privilège  de  loterie.  Un 
tailleur  de  Londres  gagna  le  gros  loi ,  qui  était  de  la  valeur  de  4,000  cou- 
ronnes d'argent.  La  reine  Anne  supprima  totalement  les  loteries.  Sous 
George  I ,  on  les  rétablit,  et  suivant  M.  Collet,  «ce  fut  parce  qu'on  avait 
besoin  de  plus  forts  revenus  pour  mettre  à  la  disposition  du  gouverne- 
ment ,  et  servir  à  corrompre  les  représentans  de  la  nation  ,  afin  d'obte- 
nir d'eux  qu'ils  cédassent  au  ministère  les  fonds  et  les  droits  de  leurs 
commctlans.  »  Voilà  une  singulière  cause  fi7uil6  de  l'établissement  des 
loteries!  11  paraît,  d'après  ]\L  Collet,  que  la  mode  en  est  passée  eu 
Angleterre,  et  que  le  gouvernement  ne  les  soutient  plus.  Puissions-nous 
bientôt  en  dire  autant  des  loteries  royales  de  France!  C.  C 

16.  — Acdcs  AUhorjtianac,  or  an  accaunt  of  thc  mansion,  tooks  and 
piclurcs  at  éllhorp.  —  Notice  sur  le  château,  les  livres  et  les  tableaux 
d'Althorp,  lésidence  du  comte  Spencer;  par  le  rér.  Thomas  FeoghalIi 


LIVRES  ETRANGERS.  i35 

DiBDiN.  Londres,   1822.  Deux  vol.  in-4",  avec  gravure  sur  cuivre  et  sur 
bois. 

Lord  Spencer  pos:iède  une  des  plus  belles  bibliothèq-ics  particulières 
qui  existent,  tant  par  la  rareté  que  par  la  beauté  des  éditions;  elle  occu- 
pe cinq  grandes  stalles  du  château  d'Althorp,  dans  le  comté  de  Noltinj;;- 
ham,  où  il  y  a,  en  outre,  de  be;iux  tableaux  distribués  dans  la  bibliothè- 
que et  dans  d'autres  parties  de  la  maison.  M.  Dibdin,  son  bibliothécaire, 
est  un  des  bibliographes  les  plus  infatigables  qui  existent. (Voy.  P>ev.  Enr. 
T.  XVIlI,p.()7-io4.)  On  l'a  \u,  ily  a  quelques  années,  parcourir  la  France 
et  l'Allemagne,  accompagné  d'un  deçsinateur,  offrant  de  l'or  pour  tous 
les  livres  rares  qu'on  lui  faisait  voir,  même  dans  les  bibliothèques  publi- 
ques et  appartenant  à  l'état,  se  consoler  des  refus  un  peu  durs  qu'il  es- 
suyait, par  les  marchés  avantageux  qu'il  concluait  ailleurs,  faisant  dessi" 
ner  des  vignettes  de  livres, de  vieux  monumens,  et  jusqu'aux  costumes  des 
Cauchoises.  On  l'a  vu  publier  ensuite,  avec  un  luxe  de  gravures  extraor- 
dinaire, toutes  les  notes  qu'il  avait  recueillies,  et  l'on  a  trouve  dans  ce  li- 
vre coûteux  beaucoup  d'inutilités  au  milieu  de  détails  intéressans  pour 
les  bibliographes.  C'est  aussi  pour  cette  classe  de  savans  que  Dibdin  a 
publié,  il  y  a  quelques  années,  le  Catalogue  de  ia  Mjliothèqti-^  spencé- 
rienne,  en  4  gros  volumes  in-8°.  On  devait  croire  qu'il  avait  tout  dit 
sur  celte  bibliothèque;  mais  voici  tleux  nouveaux  volumes  in-4°,  enrichis 
de  gravures,  qui  doivent  servir  de  suppléaient,  et  qui,  de  plus,  contien- 
nent la  description  des  tableaux  et  il^es  estampes  rares  que  possè.le  son 
Mécène.  Il  est  vrai  que  lord  Spcncr  fait  continuellement  des  acquisi- 
tions; on  est  devenu  si  pauvre  sur  le  continent,  et  l'on  est  détourné  par 
tant  d'autres  besoins,  qu'une  foule  de  raretés  typographiques  devien- 
nent la  propriété  di's  amateurs  anglais,  disposés  à  les  acquérir  à  tout 
prix.  Les  Aedcs  aitliorpianac  de  Dibdin  ont  plus  satisfait  les  vrais  biblio- 
graphes que  les  ouvrages  précédens  de  cet  auteur.  Il  semble  qu'.i  force 
de  vivre  avec  les  livres,  M.  le  bibliolhécairc  commence  à  les  mieux  ap- 
précier; il  les  décrit  avec  plus  de  soin,  et  ne  se  passionne  plus  pour  des 
bagatelles.  Cependant,  son  nouvel  ouvrage  n'est  pas  exempt  d'erreurs; 
on  en  a  signalé  plusieurs  dans  le  n"  XVIIl  de  l'Hermès  (Leipsiek,  1820). 
M.  Dibdin  aurait  pu  se  dispenser  aussi  de  reproduire  autant  de  gravures 
sur  bois,  copiées  sur  des  livres  des  premiers  lems  de  l'imprimerie;  enfin, 
ses  jugeaiens  ne  sont  pas  toujours  exacts,  ni  même  justes.  C'est  ainsi 
qu'à  l'occasion  des  gravures  de  l'édition  de  luxe,  faite  à  Paris,  de  la  Lou- 
siade  du  Camoens,  aux  frais  de  M.  Souza-Botelho,  il  prononce  que  les 
graveurs  de  l'école  française  ne  donnent  pas  assez  d'attention  à  la  sur- 
face des  choses,  que  leur  draperie  a  souvent  la  dureté  de  l'armure,  que 


i56  LIVRES  ETRA!SGERS. 

l'iuto?  If  s  choses  ont  un  a«pect  luftré,  et  que  la  cliair  ressemble  trop  scki- 
vcnt  à  du  marbre  ou  à  de  l'airain  :  ji  se  peut  que  quelques  graveurs  aient 
ec  défaut,  mais  ce  n'est  sûrement  pas  celui  de  l'école,  ou  du  moins  il 
est  Lien  moins  saillant  que  la  mollesse  de  toii  qu'on  reproche  à  la  gravu- 
re anglaise  :  ce  qui  n"empêche  pas  qu'on  ne  fasse  de  trés-booTies  gravures 
CD  Angleterre.  D  —  g. 

17.  —  ^n  Essay  on  tlie  fiisiory  and  Tttcory  of  nvusic.  —  Essai  sur 
rhlsloire  et  la  théorie  de  la  musique ,  sur  les  qualités,  les  faoultés ,  et  la 
manière  de  co-.diu're  et  de  ménager  la  voix  iiumaine  ,  par  J.  !Nathan, 
îiufeur  des  MUcdies  liébraîques.  Londres,  182^;  Wbiltaker.  Un  vol. 
in-i° ,  ?.5o  pag. 

M.Nathan,  déjà  connu  par  une  b-^nne  méthode  cl  d'excellens  principes 
de  musique  ,  a  joint  à  la  jiartie  pratique  de  son  art ,  un  essai  sur  son  in- 
fluence chez  les  anciens.  Il  cherche  à  découvrir  les  causes  qui  ont  si  fort 
diminué  cette  inQuence  chez  les  modernes,  et  croit  les  trouver  d.ins  la 
civilisation  ,  qui  émousse  trop  les  sensations  pour  leur  permettre  de  s'é- 
veiller facilement,  dans  les  convenances  de  la  société,  qui  répriment  les 
émotions  violentes  et  tolèrent  à  peine  l'enthousiasme.  Le  pouvoir  de  la 
musique  sur  les  anciens  s'explique  d'autant  mieux,  qu'elle  se  liait  pour 
eux  à  tout  ec  qui  était  pur,  noble  et  solennel.  Elle  faisait  partie  des  cé- 
rémonies religieuses,  des  fétcs  nationidcs.  (l'était  le  culte  des  dieux  et 
des  héros  :  elle  n'est  plus  pour  noi:s  qu'une  science,  un  talent.  Ce  n'est 
plus  l'inspiration,  le  feu  du  ciel  qui  vient  révéler  à  l'homme  des  sensa- 
tions qu'il  ignore.  Quelques  élus  échappent  cependant  à  ce  refroidisse- 
ment presque  général  :  la  musique  les  émeut ,  les  entraîne  ,  dispose  leur 
âme  aux  affections  vives,  aux  grands  sacrifices:  à  l'amour,  à  la  gloire. 
Mais  ces  êtres  priviligiés  sont  assez  rares.  J'ai  ctuï  dire  à  un  compositeur 
pkin  d'âme  et  de  talent ,  qu'il  n'av.nit  rencontré,  dans  toutL-  sa  vie,  que 
fiis  personnes,  dont  cinq  femmes,  qui  sentissent  ■véritablement  le  charme 
rie  la  musique.  M.  Nathan  a  été  plus  heureux.  Adorateur  de  son  art,  il 
veut  ramener  ses  bcayx  jours.  De  toutes  les  anecdotes  qu'il  cite,  je  choi- 
sis les  deux  suivantes. —  «Un  juif,  abhorré  de  ses  frères  pour  la  licence 
de  ses  principes,  officiait  dans  la  synagogue  comme  chanteur.  Le  grand- 
prêtre,  qui  avait  été  le  plus  acharné  cf)ntre  lui ,  fut  si  frappé  de  la  dou- 
oeur  de  sa  voix  et  de  l'expression  touchante  qu'il  savait  lui  donner,  qu'ou- 
bliant le  lieu  où  il  était ,  il  s'écria  tout  haut  :  ■!  Favori  du  Ciel ,  le  bonheur 
d(.it  être  ton  partage  dans  l'autre  vit-,  quoique  le  crime  ait  marqué  ta 
carrière  .sur  la  teirc.  •  On  raconte  un  fait  du  même  genre  ,  arrivé  à 
M"""  Cibbcr,  actrice  célèbre.  Chantant  un  oratorio  à  Dublin,  elle  étonna 
et  r.'ivil  tellement  un  évêque,  qu'il  ne  put  s'empêrhcr  de  dire  assez  haut 


*  LIVRES  ETRAr;GERS.  157 

pour  tire  entendu  de  tous  ceux  qui  l'entouraient:  oFcmrac,  tes  péchés 
te  sont  remis.»  L.  Sw — B. 

RUSSIE. 

18.  — Nouvelles  notions  historiques  et  {géographiques  sur  le  Caucase, 
recueillies  par  M.  5»Tnon  UK  BKONi;v»K.y.  Moscou,  iS^S;  Sélivanosvsky. 
Deux  vol.  in-S°. 

Tel  est  le  titre  d'un  ouvrage  curieux  si.-r  le  Caucase,  qui  vient  de  pa- 
raître a  Moscou.  M.  le  conseil'cr-d'étal  aclue!  de  Bronevsky,  allât!. éau- 
IrelViis,  comme  directeur  des  chancelleries,  au  feu  prince  de  Tzitzianof, 
commandant  en  cliel"  en  Géorgie  et  sur  la  ligne  du  Caucase,  depuisgou- 
verncur  de  la  ville  de  Théodosic  en  Crimée,"  et  aujourd'hui  retiré  du 
service,  a  élé  à  même,  plu,<!  que  personne,  de  recueillir  des  notions  exac- 
tes sur  le  Caucase  et  les  divers  peuples  qui  l'Iiabilenf.  Il  donne  aujour- 
d'hui au  public  les  fruits  de  reclierclies  et  de  méditations  qui  l'ont  oc- 
cupé pendant  plusieurs  années  de  sa  vie.  La  position  de  l'auteur  auprès 
du  prince  de  Tzitz.ianof  lui  a  donné  les  moyens  de  réunir  des  matériaux 
piéeieux  sur  ces  contrées  antiques,  si  peu  connues  en  Europe,  et  si  in- 
téressantes sous  tous  les  rapports;  il  a  consulté  tous  les  ouvrages  anciens 
et  modernes  qui  en  traitent,  et  son  livre  est  le  résultat  d'une  élude  ap- 
profondie, et  d'une  observation  juste.  Les  moyens,  les  connaissances  et 
le  caractère  personnel  de  RL  de  Bronevsky  garantissent  le  mérite  de  son 
ouvrage.  M.  de  Bronevsky  partage  le  Caucase  en  deux  grandes  divisions: 
1°  la  partie  occidentale,  ou  le  bord  de  la  mer  Noire;  2"  la  partie 
orientale,  ou  bord  de  la  mer  Caspienne.  Il  traite  successivement  des 
limites,  de  la  position,  du  climat,  du  sol,  des  productions  naturelles, 
des  fleuves  et  des  montagnes  de  ces  parties;  des  eaux  chaudes  et  miné- 
rales, de  la  population  ,  etc.  11  nous  fait  connaître  toutes  les  tribus  qui 
habitent  ces  contrées  peu  accessibles;  leurs  noms,  religions,  gouver- 
nemens,  manière  d'administrer  la  justice,  mœurs,  u«ages,  habillement, 
économie  domestique,  indu.^trie,  commerce,  etc.  Il  parcourt  les  diOe- 
rentcs  époques  historiques  du  Caucase,  sous  les  Grecs,  les  Romains,  les 
Persans,  les  Russes,  et  entre  dans  des  recherches  curieuses  sur  le  com- 
merce des  anciens  par  le  Cyrus  et  le  Phase;  sur  les  hahitans  de  la  ville 
de  Koubetch,  et  sur  le  mur  de  Derbent.  M.  de  Bronevsky  ne  se  bornera 
pas  à  la  publication  de  ce  seul  livre;  il  promet  au  public  un  second  ou- 
vrage sur  le  Caucase,  qui  doit  paraître  incessamment,  et  qui  seivira,  ru 
quelque  sorte,  de  complément  au  premier.  Voici  son  titre  :  ISaticns  his- 
toriques sur  les  relations  qui  ont  existé  entre  (a,  Bussie  et  la  Perse,  la 
Géorgie,  les  Circassiens  et  autres  peuples  du  Caucase,  depuis  le  règn^ 


i38  LIVRES  ÉTRAINGERS. 

du  izar  Jean  U',  jusqu'à  l'avènewenl  au  trône  de  Vemfereur  Alexan- 
dre.— Les  notions  que  renfermera  ce  nouvel  ouvra|Te,ontëté  puisées  dans 
les  chroniques  russes,  ainsi  que  dans  le»  archives  du  collège  de»  affaires 
élrangèrcs.  On  y  trouvera  plusieurs  extraits  curieux,  comme:  i°  sur 
l'origine  d«'s  Cabardiens  ;  a°  sur  l'expédition  du  chah  Nadyr,  depuis 
1702-174'»  extrait  des  dëpêchis  du  prince  de  Gollitzin,  qui  était  accié- 
dité  auprès  de  lui,  et  du  résident  Kalouschkin;  5"  table  des  traités  et 
autres  trausaclions,  depuis  157H-1730,  entre  les  souverains  de  la  Russie 
et  les  chahs  de  Perse,  les  rois  de  Géorgie  et  d'Immérette,  les  princes 
de  Rlinjçréiie  et  autres  petits  souverains  du  Caucase;  4°  sur  l'expédition 
du  comte  de  Totleben  en  Géorgie,  Immérette  et  Mingrélie,  en  1770  et 
1771  ,  extrait  de  ses  rapports  au  gouvernement;  5"  extrait  des  rapports 
des  généraux  de  Médeu  et  Jakobi,  sur  les  actions  de  guerre  contre  les 
peuples  du  Caucase  ,  depuis  17C5-1778  ;  etc.  —  Ces  ouvrages  de^  M.  de 
Bronevsky  ,  qui  renferment  tant  de  notions  variées  et  neuves,  mérite- 
raient d'être  traduits  dans  l?s  langues  de  l'Europe,  et  il  serait  à  désirer 
(\ue\d  Sociclé  de  traduction,  établie  depuis  quelque  tems  à  Paris,  en- 
treprît de  les  faire  connaître  en  France.  S r. 

19-  —  Traduclians  en  prose  de  K'iadimir  Izmaïlof.  Moscou  ,  1819 — 
1820;  imprimerie  de  l'Université.  Six  vol.  inis;  prix  26  roubles, 

M.  Izmaïlof,  connu  en  Russie  par  la  rédaction  du  Patriote,  journal 
d'éducation  ,  en  1804,  du  Courrier  de  l'Europe ,  en  1814,  et  du  Musée 
Européen,  en  i8i5,  a  réuni  dans  ces  six  volumes  divers  morceaux,  tra- 
duits el  insérés  déjà  dans  ses  divers  recueils  périodiques  ou  d.ins  d'autres 
ouvrages.  Un  goût  parfait,  un  style  pur  et  agréable  caractérisent  la  plus 
grande  parîic  de  ses  traductions,  telles  que  celle  d^Atala,  publiée  eo 
1802,  du  Taéleau  historique  et  politique,  par  Séqur,  publié  la  même 
année  (il  en  paru  une  troisième  édition  en  1806),  du  Discours  surl'in- 
dépendance  de  l'homme  de  lettres,  par  Millevoye.  Cette  dernière  traduc- 
tion, en  vers,  parut  à  Moscou  en  iSoS;  et  celle  des  Lettres  sur  la  bo- 
tanique de  J.  J ■  Rousseau ,  en  1810.  On  a  encore  de  lui  un  ï'ogage  dans 
la  lîussie  méridionale;  Moscou,  4  vol.  1802  (deuxième  édition  i8o5). 

30.  —  OEuvrcs  du  prince  Chalikof.  Moscou,  1819.  Deux  vol.  in-8»  ; 
prix,  i5  rouble:!. 

Le  prince  de  Chalikof  est  un  des  auteurs  russes  qui  ont  entretenu  le 
goût  et  l'esprit  classiques,  qui  dominaient  dans  la  littérature  a  la  fin  du 
dix  huitième  Riècle,  et  qu'y  a\ait  introduits  M.  Karanisin.  L'école  que 
celui-ci  a  formée  n'a  pas  toujours  suivi  ses  traces  avec  un  égal  bonheur; 
mais  on  voit  quelquefois  jaillir  des  œuvres  du  prince  Chalikof  des  idées 
ingénieuses  et  nouvelle*.  Une  extrême  sensibilité  caractérise  tout  ce  «jui 


I  LIVRES  ÉTR  AÏS  GERS.  i:>.) 

snrt  de  sa  plume  ;  élégant  dans  quelques  passages  ,  il  est  obscur  dans 
d'autres,  et  ses  écarts  proviennent  de  cette  sensibilité  même.  Il  a  de  la 
clarté  et  de  la  pureté  dans  le  style,  que  déparent  quelquefois  l'affeclatioii 
et  le  pédanlisnie. Cependant,  ses  travaux  littéraires  méritent  d'être  bien 
accueillis  en  raison  des  efforts  que  l'auteur  a  faits  pour  polir  la  langue  et 
ramener  les  auteurs  à  l'étude  des  bons  modèles  On  a  de  lui  beaucoup 
d'ouvrapes  originaux  et  des  traductions  de  M.Cb.îleaubriand  et  de  M""-de 
Genlis,  publics  à  diverses  époques.  II  est  à  remarquer  que,  depui";  plu- 
sieurs années  ,  il  ne  cesse  d'insérer,  dans  cbaque  premier  numéro  de  la 
Gazelle  de  Moscou  ,  des  vers  sur  le  nouvel  an,  où  l'on  trouve  autant  de 
poésie  que  de  variété.  1!  s'occupe  aussi  aven  succès  d'analyses  de  pièces 
de  théâtre,  et  de  critiques  sur  le  jeu  des  actCKrs  du  théâtre  de  Moscou  , 
comme  nous  l'avons  oéjà  remarqué  (Tom.  VI,  p.  566).  M.  Chalikof  a 
rédigé,  en  i8oG,  \k  Spectateur  de  Moscou,  journal  littéraire  (i  vol.  in-ia), 
et  Afflaé,  depuis  1808  jusqu'en  1812  (54  livraisons  in-S»).  Quoiqu'il  ait 
publié,  en  itSaa  ,  ses  nouvelles  poésies  en  un  petit  volume  in-12  de  oi 
pages,  sous  le  titre  de  dernier  Sacrifice  aux  Muscs,  il  a  cependant  ré- 
digé, à  Moscou,  depuis  le  mois  de  janvier  1823,  le  Journal  des  Dames, 
qui  doit  former  vingt-quatre  livraisons  à  la  un  de  l'année.      S.  P — v. 

DAKEMARCK.. 

zi.—Da(]iod  j>aa  euReise.  —Journal  tenu  pendant  \ia  voyage  en 
Suéde  par  M.  J.  L.  Beere»  ,  avec  un  plan  de  la  ville  de  Stockholm. 
Copenhague;  1820,  sxvin  et  Ô71  pages,  in  S''. 

Parmi  les  voyageurs,  les  uns,  véritables  courli-^ans  ,  trouvent  tout  à 
louer  :  d'autres  ,  philosophes  moroses,  déprécient  tout  dans  les  pays 
qu'ils  parcourent.  Ki  les  uns,  ni  les  autres  ne  méritent  beaucoup  d'at- 
tention; il  faut  néanmoins  convenir  que  les  premiers  sont  plus  excusa- 
bles. M.  Beeken  n'appartient  a  aucune  de  ces  deux  classes.  On  voit 
qu'il  loue  avec  plaisir;  mais  il-ne  ci;iint  pas  non  plus  de  critiquer,  tou- 
tes les  fois  que  la  critique  lui  paraît  ju_sle  et  bien  fondée.  L'ouvrage  que 
nous  annonçons  contient  quelques  pages  remplies  de  niaiseries  et  de 
futilités;  en  revanche,  on  y  trouve  beaucoup  de  renseignemens  curieux 
et  d'un  intérêt  incoulestablc.  C'est  aiu>i  que  nous  avons  lu,  avec  un 
grand  plaisir  la  proposition  concernant  la  réduction  de  l'état  militaire 
de  la  Suéde,  faite  a  la  diète  de  1818,  par  M.  le  comte  d'Anckarsvaerd^ 
et  la  réplique  de  M.  le  baron  de  Skjoldcbrand.  Cette  dernière  nous 
semble  beaucoup  plus  véhémente  que  judicieuse.  Elle  forme  peut-être 
le  premier  cliaînon  des  persécutions  dont,  ainsi  que  nous  l'apprennent 


7  \o  LIVRES  ETRANGERS. 

récemment  las  journaux,  M.  Anckarsvaerd  a  dcpuU  clé  la  victime,  noa 
de  la  part  du  gouvernement  suédois,  mais  par  le  fait  de  quelques  mem- 
bres du  corps  de  la  noblesse,  auquel  il  appartient  lui-même.  Kotre  voya- 
geur observe,  avec  une  juste  satisfaction,  que  peut-être  il  n'y  a  pas  un 
pays  en  Europe  où  l'on  soit  moins  importuné  par  des  meodians  ,  et  il 
en  trouve  la  cause  dans  la  bonne  organisation  des  établisscmens  publics 
destinés  à  procurer  du  travail  aux  pauvres  valides  ,  et  des  secours  aux 
vieillards  et  aux  infirmes.  Par  contre,  il  se  plaint  de  l'absence  presque 
totale  d'écoles  et  de  moyens  d'instruction  dans  les  campagnes,  si  l'on 
excepte  ceux  que  le  peuple  trouve  les  dimanclies  dans  les  églises;  il  a 
même  entendu  révoquer  en  doute  ,  par  des  personnes  fort  instruites 
elles-mêmes,  si  l'instruction  et  les  lumières  sont  utiles  ou  non  au  peu- 
ple. En  général ,  les  savans  suédois,  qu'on  trouve  en  assez  grand  nom- 
bre, sont  d'autant  plus  cstimal)lcs,  qu'ils  ont  à  lutter  contre  des  difficultés 
qui  ne  se  rencontrent  dans  aucun  autre  pays  en  Europe.  Pour  prouver 
cette  assertion,  M.  Beekcn  observe  (pag.  324  et  325)que,  parmi  les  seize 
imprimeries  qui  existent  à  Stockholm ,  il  n'y  en  a  peut-être  pas  une  seule 
qui  possède  deux  presses,  et  que  la  plus  grande  partie  des  ouvrages  qui  en 
sortent,  sont  imprimés  par  demi-feuilles.  Il  y  a  ,  dit-il,  dans  celte  ville, 

8  ou  g  maisons  de  librairie  ;  mai-i  une  seule  peut  mériter  ce  nom.  Et  ce- 
pend.intj  on  y  thercherait  vainement  un  ouvrage  imprimé  à  l'étranger, 
à  moins  qu'il  n'ait  déjà  quelques  années  de  date.  Il  ajoute  que  les  villes 
de  province  sont  encore  plus  mal  pourvues,  sans  en  excepterUpsal,  siège 
d'une  université  célèbre.  De  là  vient,  comme  l'observe  notre  voyageur, 
que,  dans  certaines  parties,  les  Suédois  sont  un  peu  en  arrière;  mais  il 
est  assez  juste  pour  ajouter  que  cette  circonstance  ne  tient  point  à  un 
défaut  d'aptitude  dans  la  nation  ,  ni  à  l'âpreté  du  climat.  Et  certes  ,  un 
pays  qui  peut  se  gloriGer  d'avoir  produit  des  savans  du  premier  ordre, 
tels  qu'un  Linné e ,  un  Thunberg  ,  un  Bergitiann  ,  un  fF  aKerius,  un 
Jl'ai'gentin,  un  lîuMcck,  un  Bcrzelius,  et  tant  d'autres,  n'<.st  pas  doté 
par  la  nature  avec  trop  de  parciraoinie.  Le  plus  grand  obstacle  qui 
s'oppose  au  progrès  rapide  de  certaines  connaissances  en  Suède,  est  la 
difficulté  des  coaimunicalions  avec  l'étranger.  Il  a  été  souvent  remar- 
qué, et  M.  Beeken  reproduit  cette  observation  ,  que  la  Suède  éprouve 
le  besoin  d'un  établissement  qui  existe  depuis  plus  de  quarante  ans  en 
Danemarck.  Tontes  les  semaines,  il  part  en  poste  de  Hambourg  pour 
Copenhague,  et  de  Copenhague  pour  Hambourg,  un  fourgon  (ou  plu- 
sieurs au  besoin)  chargé  de  ballots  de  marchandises  pour  le  commerce 
danois,  et  dont  le  transport  se  fait  à  un  prix  très-modéré.  Les  libraires 
de  Copenhague,  qui  sont  très-nombreux  et  parfaitement  bien  fournis, 


LIVRES  ETRANGERS.  i4i 

proGicnl  de  celle  facilité  pour  garnir  leurs  magasins  de  loiitcs  les  nou- 
veautés qui  paraissent.  Aussitôt  qu'un  nouvel  ouvrage  arrive  à  Leipsick, 
e'est-à-dire,  au  centre  de  la  librairie  de  l'Allemagne,  les  libraires  de 
llamliourg  ont  soin  de  s'en  pourvoir,  lien  résulte  que  toutes  les  nou- 
veautés, même  les  proiluclions  des  inipriniorips  françaises,  sont  mises 
en  vente,  à  Copenhague,  au  plus  tard  dans  une  quinzaine  ou  dnns  un 
mois,  suivant  les  distances,  après  leur  publication.  II  faut  espérer  que 
le  gouvei  nernent  éclairé  de  Suède  ne  lardera  pas  à  procurer  à  son  pa^rs 
le  bienfait  d'un  semblable  établissement,  pour  lequel  la  nouvelle  in- 
venlioo  des  bateanx  à  vapeur  pourrait  encore  Fournir  de  grandes  faci- 
lilés.  Heibrbc. 

22. — Sommer  fugle ,  etc.  —  Papillon,  par  M.  Sôloft.  Copenhague, 
182  i. 

C'est  une  colleclion  de  petits  conle!5,  dont  quelques-uns  sont  assez 
agréables,  et  prouvent  que  l'auteur  réussira  plnlùl  dans  ce  genre  que 
dans  la  tragédie  ,  à  laquelle  il  s'est  voué  depuis  quelque  tems. 

25.  — Eydora  ,   Almanach  poétique  pour  l'an  1823.  Sleswic,  1823. 

Cet  almauacb  est  un  peu  gros  pour  sa  forme  <'t  peut-être  .nussi  pour  son 
contenu.  i)n  y  trouve  néanmoins  des  morceaux  charmans  de  M.  Sch;ick 
Slaffeldt,  connu  déj^. ,  dans  la  littérature  danoise  ,  comme  un  poète  du 
premier  rang.  H.,  fils. 

ALLEMAGNE. 

24.  —  J.  C. Rôhtings Deutschlands  Ftora  ,  etc. — Flore  d'Allemagne, 
par  RoHLiNr. ,  publiée  sur  un  plan  plus  étendu  et  modifié  par  Franz~ 
Cari  Meeteks  et  fFithelm- Daniel- Joseph  Koch.  Francfort-sur- le-Mein^ 
1825 ;   Fred.  Wilmans.  Un  vol.  en  2  parties,  in-S"  de  888  pages. 

Outre  les  nombreuses  Flores  des  différentes  contrées,  principautés  ou 
villes  d'Allemagne,  les  personnes  livrées  à  l'élude  de  la  botanique  pos- 
sédaient déjà  des  tableaux  plus  ou  moins  étendus  des  plantes  de  ce  pays. 
Les  uns  ne  sont  que  des  catalogues  insufDsans  pour  l'étude,  tels  que  les 
Flores  d'Alemagne  d'HofiTman  cl  de  Rôhling;  les  autres,  beaucoup 
plus  marquans  et  qui  so;it  très-estimés,  tels  que  le  Manuel  botanique 
de  Schkubr  et  le  Tentamen  floragcrmanica  de  Rotb,  ont  l'inconvénient 
de  n'être  plus  au  niveau  des  nombreux  ouvrages  sur  la  botanique  qui 
ont  paru  depuis  trente  ans.  Le  no;ii  de  Schrlider  donnait  de  grandes  es- 
pérances; mais  nous  ne  possédons  que  le  premier  volume  de  sa  Flora 
germaniea,  publié  en  1806,  et  contenant  seulement  les  trois  premièies 
classes  de  Liancc.  La  nouvelle  Flore  d'Allemagne  que  nous  annonçons  , 
quoiqu'elle  porte  le  nom  de  Rôbliug,  est  ud  ouvrage  entièrement  neuf, 


i42  LIVRES  ETRANGERS. 

établi  sur  un  vasîe  plan,  et  qui  fait  honneur  aux  deux  auteurs  qui  en 
ont  entrepris  la  rédaction.  Le  volume  publié  est  divisé  en  dfux  parties; 
la  première  se  compose  de  la  terminologie  ,  d'une  explication  très-com- 
plète du  système  de  Linnée,  d'un  court  exposé  de  la  mélhode  de  Jussicu, 
et  d'un  tableau  de.-  fainilles  naturelles,  de  Snrengel;  la  seconde  partie 
conlicnt  les  descriptions  très-délaillées  de  525  espèces  de  plantes,  ré- 
parties dans  127  genres  appartenant  aux  quatre  premières  classes  de 
Linnée,  dont  les  auteurs  suivent  le  système.  La  synonymie,  quoique 
présentée  avec  assez  d'étendue,  paraît  plus  généralement  bornée  aux 
auteurs  allemands.  L'ouvrage  entier  est  écrit  en  allemand,  même  les 
phrases  spécifique».  JNous  ne  chercherons  point  à  assigner  la  part  de 
chacun  de  ces  deex  auteurs  à  cette  belle  entreprise;  mais  la  réputation 
scientifi']ue  dont  jouit  M.  ISlertens  nous  autorise  à  lui  en  supposer  une 
très-grande,  et  à  exprimer  le  vccu  que  ce  savant  nous  fasse  promplement 
jouir  du  résume. de  ses  nombreux  et  précieux  travaux  sur  la  classe  inté- 
térrssante  d(:s  productions  appelées  des  noms  divers  d'ulvcs  ,  fucus  , 
conferves,  algues,  thalassiophytes  et  hydrofUites.  D.  et  B.  G. 

25. — Klinischer  Cotnmcntar  ûber  die  Beitandlung  der  fFasserschen. 
—  Traité  clinique  des  moyens  curatifs  de  la  rage;  parle  chevalier  Lomjs 
Bbera.  Brandebourg,  1822.  In-8". 

Ce  traité  est  emprunté  à  l'Italie  par  M.  Aîcyer,  docteur  en  ciiirurgie 
à  Brandebourg.  Le  savant  B.-cia ,  professeur  à  Padoue ,  était  directeur 
de  l'bùpital  de  Crema,  quand  on  y  apporta  treize  personnes  qui  avaient 
été  mordues  par  un  loup  enragé.  On  trouve  ici  des  détails  trèsintéres- 
sans  sur  leur  maladie,  leur  sexe,  leur  âge,  la  nature  de  la  piaie  ,  et  les 
moyens  employés  pour  la  guérison.  Le  traducteur  y  a  joint  de  savantes 
remarque»  sur  la  rage,  et  s'est  en  quelque  sorte  approprié  cet  ouvrage. 

Ph.  G. 

26.  —  UmriiS  eines  elementar-LchrcuriUS  der  -physischen  Géogra- 
phie, etc. — Esquisse  d'un  cours  élémentaire  de  géographie-physique , 
par  J.  f^i  F,  Lamolboux  ,  professeur  d'histoire  naturelle  à  Gaen  ,  etc., 
traduit  du  français  par  le  professeur  D'  Le  Bbet.  Stuttgart  et  Tubingue  , 
iSaJ  ;  Colta. 

Nous  ne  faisons  mention  de  cet  ouvrage,  déjà  avantageusement  connu 
en  France,  aue  pour  nous  féliciter  de  l'hommage  rendu  à  l'un  de  nos 
savans,  par  les  savaus  étrangers.  Cependant  ,  tout  en  rendant  justice  au 
talent  avec  lequel  M.  Lamouroux  a  traité  un  sujet  aussi  intéressant  que 
celui  de  son  ouvrage ,  plusieurs  criliq' es  allemands  ont  regretté  qu'il 
n'cvit,  pour  ainsi  dire,  qu'ébauché  un  travail  suscenlible  des  développc- 
mens  les  plus  riches  et  les  plus  étendus. 


LIVRES  ETRANGERS.  i45 

1-j. —  Handhuch  fur  Retsendc  ,  etc.  —  Manuel  des  voyageurs  en  Ac- 
triclie,  suivi  de  l'indication  de  quelques  routes  dans  les  pay^  adjacens; 
rédigé  d'après  les  voyages  et  le»  itinéraires  les  plus  nouveaux,  à  l'aide 
de  notes  manuscrites  et  de  remarques  faites  par  l'auteur  dans  ses  voyages; 
par  R.  E.  dk  Jkmny.  Seconde  partie,  comprenant  les  pays  allemands  si- 
tués sur  la  rive  {^auclie  du  Danube  ,  le  royaume  de  Gallieie  et  les  pays 
héréditaires  hoogrois;  de  plus,  quelques-unes  des  principales  routes  de 
la  Saxe,  de  la  Silésic  prussienne  et  de  la  Pologne.  Vienne,  i8?,3;  Anl. 
Doll.  Un  vol.  in-S"  de  4''^^  pag.  (419  a  89 i) ,  et  44  p^g-  pour  le  titre  et 
les  tables. 

Le  voyageur  trouvera  ,  dans  ce  Manuel  tous  le»  détails  qu'il  jieut  dé- 
sirer, et  dont  il  éprouve  bi  vivement  le  besoin,  l<irsqu'il  se  trouve  dans 
un  pays  qu'il  parcourt  pour  la  première  ibis,  et  où  tout  lui  est  encore 
étranger.  L'auteur  donne  d'abord  les  noms  des  endroits  principaux  que 
l'on  remarque  sur  la  route,  avec  leurs  distances  respectives.  11  entre  en- 
suite dans  plusieurs  détails  sur  la  population,  les  édifices,  les  manufactu- 
res, etc.  Au  lieu  d'une  nomenclature  aride  de  noms  et  de  chilT-es ,  il 
présente  un  taMeau  statistique  et  topographique  fort  intéressant.  ISon 
content  de  faire  connaître  à  l'étranger  qu'elles  distances  il  a  parcourues, 
il  veut  le  faire  voyager  avec  fruit;  il  lui  sert  de  guide,  lui  indique  tout 
ce  qni  est  curieux  et  digne  de  son  attention.  Rien,  enCn,  de  ce  qui  peut 
intéresser  le  voyageur  n'échappe  à  ses  observations.  Cet  ouvrage  est 
encore  remarquable  par  le  nombre  et  la  variété  des  matériaux  que  l'au- 
teur y  a  rassemblés.  Dans  ce  seul  volume,  M.  Jenny  donne  l'itinéraire 
de  222  roules  de  toute  espèce,  dont  quelques-unes  conduisent  jusqu'à 
Dresde,  Nuremberg,  Varsovie,  et  d'autres  villes  situées  hors  des  états 
autrichiens.  Il  y  joint  la  désignation  de  45800  villes,  villages  et  autres 
endroits  situés  sur  ces  routes  ou  dans  leurs  environs.  A.  J. 

28.  —  lleher  des  Flavius  Joscj)hus  Zcugnis  von  Christo.  —  Du  té- 
moignage de  Joseplie  sur  Jésus-Ghribt;  par  C.  f .  Boehmebt.  Leipsick, 
182J. 

11  s'agit  ici  de  l'authenticité  d'un  passage  de  l'historien  Josèpbc.  M. 
Eiehstaedt,  dans  des  recherches  ingénieuses  et  profondes,  semblait  avoir 
fermé  la  discussion,  et  avoir  enlevé  à  Jo^èphe  ce  passage  sur  Jésus- 
Christ,  pour  en  attribuer  l'interpolation  à  un  chrétien  de  la  fin  du  in*^ 
siècle.  Cependant,  M.  Bœhmert  ne  craint  pas  aujourd'hui  d'attaquer 
une  autorité  aussi  redoutable.  Il  examine  la  question  avec  calme,  avec 
érudition ,  et  ce  qu'il  di!  mérite  de  la  part  de  ses  adversaires  une  sérieu- 
se attention.  C'est  dans  la  vie  et  dans  le  caractère  de  Josèphe  qu  il  cher- 
che !a  preuve  de  raiiihcnticilé  du  passage  où  il  parle  de  Jésus.    Aussi, 


i44  LIVRES  ETRANGERS. 

son  premier  chapitre  cst-il  consacré  à  la  vie  de  cet  auteur;  ce  qui  était 
nécessaire  pour  pouvoir,  dans  le  second  ,  déterminer  son  caractère.  Cette 
tâclie  présentait  néanmoins  plus  d'une  difficulté;  Josèj)lie  a  souvent  été 
en  contradiction  avec  lui-même  dans  ses  actions.  M.  Bœlimert  établit 
qu'il  était  dominé  par  l'ambition  ,  et  par  un  désir  de  sa  conservation  qui 
l'emportait  sur  tout;  mais  l'historien  Israélite  rachetait  en  quelque  sorte  ces 
deux  défauts  par  sa  droiture:  il  aimait  la  vérité;  il  était  dégagé  des  vues 
étroites  de  sa  nation.  M.  Bitliraert  fait  ressortir  de  ses  écarts  tous  les 
endroits  qui  le  caractérisent,  soit  comme  homme,  soit  comme israélite, 
soit  comme  historien.  Sous  ce  dernier  rapport,  il  pense  que  Josèphe 
était  non-seuleinent  capable  d'écrire  les  événemens  auxquels  il  avait  lui- 
mêuie  tant  de  part,  mais  qu'il  avait  la  volonté  ferme  de  dire  impartia- 
lement ce  qu'il  avait  reconnu  conforme  à  la  vérité.  M.  Bœhmert  fournit 
la  preuve  de  cette  assertion  par  des  exemples.  Dans  ces  dispositions, 
Josèphe  at-il  parlé  de  Jésus-Cluist  ?  en  a-t-il  parlé  de  la  même  manière 
que  dans  le  passage  dont  il  s'agit?  Nul  ne  conteste  que  Josèphe  ait  pu 
en  parler.  RI.  Bœhmert  prouve  qu'il  a  dû  en  avoir  la  volonté,  puisqu'il 
se  'rouvait  mèiue  dans  la  nécessité  de  le  faire.  Quelque  aversion  qu'on 
lui  suppose  pour  ce  sujet,  pouvait-il,  dans  l'histoire  de  son  pays,  se 
taire  sur  le  fondateur  d'une  secte  pacvenue  à  un  tel  degré  de  faveur, 
qu'elle  comptait  des  adeptes  même  à  la  cour  de  l'empereur?  Josèphe 
Il 'a-t-il  donc  pas  fait  mention  d'imposteurs  obscurs  qui  se  donnaient  , 
chacun  de  son  côté,  pour  ce  libérateur  des  Juifs  si  Ijng-teins  attendu? 
Il  pouvait  sans  doute  méconnaître  le  véritable  Messie,  mais  il  ne  pou- 
vait le  passer  sous  silence  ;  ses  relations  à  la  cour  elles-mêmes  l'obli- 
geaient à  en  parler.  Flavius  Cleonens  et  sa  femme  Domitilla  ,  qui  te- 
naient de  si  près  à  l'empereur  par  les  liens  du  sang,  qui  avaient  tant 
d'inûuencc  à  la  cour  quand  Josèphe  écrivait,  étaient  chrétiens  :  Epa- 
phrodile,  qui  l'engagea  à  écrire,  paraît  aussi  l'avoir  été.  Ainsi  se 
trouve  résolue  la  première  question.  Mais  la  solution  de  la  seconde, 
celle  de  savoir  si  Josèphe  s'est  exprimé  sur  Jésus  dans  les  termes  hono- 
rabli.'s  qu'on  lui  prête,  était  sans  doute  beaucoup  plus  difficile.  C'est 
dans  la  fidélité  et  dans  l'impartialité  de  l'historien  que  M.  Bœhmert 
puise  une  réponse  affirmative.  Il  parle  ensuite  du  témoignage  en  lui- 
même,  et  n'y  voit  nulle  raison  de  l'ôtec  à  Josèphe.  Il  réfute  enfin  les 
argumens  des  partisans  de  l'opinion  contraire,  et  se  distingue  surtout 
en  repoussant  les  avantages  qu'ils  veulent  tirer  du  silence  de  Justin, 
d'Oiigène  et  de  Photius. 

2C).  —  DeDionysio  Arcopayita.  —  Sur  Denys  l'Aréopagitc,  parBAUia- 
GARTEN  Cbcsips.  léna ,  1S25.  In-4°  de  23  pag. 


LIVRES  ETRANGERS.  ,45 

Déjà  M.  Engeliiardt  avait  renouvelé,  dans  deux  écrits  successifs,  les 
reclurches  fa  les  au  xviie  siècle  sur  DfnysI'Aréopagilc;  d'abord,  en  1S21, 
dans  sou  Truite,  De  Dionysio  plotinizanle ,  puis,  en  1822  ,  dans  celui, 
De  orijine  scriptorum  Areopagitoi-um.  L'année  iSjJ  ne  se  sera  pas  non 
plus  écoulée  sans  accorder  un  regard  à  cet  auteur,  M.  Bauingarlen  Cru- 
sius,  connu  en   philologie  par  des  essais  qui  l'ont  placé  au  rang  des 
maîtres  ,   al)orde  à  son  tour  la  discussion,  dans  un  de  ces  prcrammes 
académiques  que  les  Allemands  appillenl  Einladungs  Sclirift.  Suppo- 
sait que  les  écrits  attribués  a  ce  Denys  sont  du  seul  et  même  auteur, 
M.  Crusius  examine  à  quel  tems  il  faut  reporter  ces  écrits.  L'opinion  de 
son  prédécesseur  Engelliardt  était  qu'un  élève  de  l'école  de  Proclus,  à 
Athènes,  avait  appliqué  sa  pliilosuphie  au  cin  istianisme ,  et  s'était  seivi 
du  nom  de  l'aréupagile  pour  en  orner  se»  propres  ouvrages.  M.  Crusius 
prétend  que,  dès  le  quatrième  siècle,  Athènes  possédait  une  école  chré- 
tienne en  relation  avec  les  philosophes  paù-ns  ;  il  pense  que  les  ouvrages 
placés  sou.s  le  nom  de  Denys  viennent  d'un  homme  qui  cherchait  à  trans- 
férer les  mystères  gre^s  dans  le  christianisme  avec  encore  plus  d'exacti- 
tude que  cela  n'avait  été  fait  jusqu'alors  ;  et  quant  à  son  nom  ,  il  pré- 
sume que  cet  écrivain,  suivant  l'usage  des  initiés,  l'avait  emprunté  aux 
my.-tères  eux-mêmes.  M.  Crusius  est  il'a\is  que  les  livres  de  ce  Denys 
TAréopagite  remontent  beaucoup  plus  haut  que  le  ti«  siècle,  sans  cepen- 
dant précéder  le  commencement  du  iii«.Dans  une  seconde  partie,  l'auteur 
s'occupe  plus  spiciaiement  de  la  doctrine  de  ces  livres.  Kous  regrettons 
de  ne  pouvoir  le  suivre  dans  ce  qu'il  dit  de  l'opposition  entre  les  gnos- 
tiques  et  /es  nouveaux  platoniciens,  ni  dans  sa  distin^  lion  entre  le" pla- 
tonisme païen  et  le  platonisme  chrétien.  Tout  cela  est  du  plus  haut  iolé- 
rêt ,  et  c'est  par  suite  de  J'examen  de  la  doctrine  en  clk-même  ,  qu'il 
finit  par  penser  que  son  philosophe  était  interioris  disciplinée  inler 
Clirislianos.  Dans  une  troisième  partie,  M.  Crusius,  revenant  aux  mys- 
tères de  Bacchus  ,  qu'il  sépare  des  fêtes  scandaleuses  de  ce  dieu  ,  dit  que 
ces  mystères  avaient  fortement  attiré  l'attention  des  chrétiens.  Da,-,s  son 
opinion  ,  ]\onn<is  a  écrit  son  poème  des  Dionysiaques  en  chrétien  :  il  le 
range  parmi  les  sectateurs  de  cette  rcligio,,.  Selon  lui  toujou-s,  ce  poêle 
a  voulu  comprendre  dans  ce  suje-t  ce  qu'il  voyait  de  plu.  noble  chez  les 
chrétiens,  l'évangile  de  S.int  Jean,  et  ce  qui  chez  les  païens  était  le  plus 
élevé  et  le  plus  près  du  christianisme ,  c'est  à-dire  les  mystère:,  de  Bac- 
chus. Quant  à  l'Aréopagite,  deux  choses  principalement  l'ont  occupé:  la 
nature  de  la  fable  et  du  c.dte  de  Bacchus,  et,  en  second  lieu,  quod  suv- 
mum  omnino  cssct  in  Grœ.corum  mvstcriis.  M.  Crusius  attribue  à  son 
T.  XX. — (Jccoùre  iSaj. 


JO 


,^(3  LIVRES  ÉTRANGERS. 

auteur  l'intention  de  faire  passer  dans  le  christianisme  la  doctrine  mys. 
tique  du  platonisme.  Nous  avons  accordé  beaucoup  de  détails  à  une 
brochure  de  aJ  pages,  parce  que  rien  n'est  plus  innportaut  dans  l'histoire 
de  l'esprit  humain  que  le  passage  d'une  religion  à  une  autre  ,  et  c'est 
réellement  pour  l'observateur  une  bonne  fortune,  quand  il  peut  ressai- 
sir, à  travers  tant  de  siècles  ,  la  pensée  des  hommes  éclairés,  contem- 
porains de  celte  imposante  révolution  ,  ou  quand  il  peut  apircevoir  ces 
hommes  cherchant ,  dans  les  débris  même  de  l'édifice  renversé  .  les  ma- 
tériaux avec  lesquels  ils  en  ont  élevé  un  nouveau.  Ph.  Golbkry. 

3o.—Handluch  dcr  Philosophie  und  der  phitosophischen  Literalur. 
—  Manuel  de  philosophie  et  de  littérature  philosophique,  par  GuiUauma 
Kbcg.  Leipsick,  1822:  F.  A.  Brockbms.  Deux  vol.  in  8°. 

M.  Krug  est  connu  dans  sa  patrie  par  la  publication  de  plusieurs  ou- 
vrages deV'losophie  ,  où  l'on  trouve  des  idées  justes,  et  quelquefois 
neuves.  L'un  de  ses  ouvrages  a  été  traduit  récemment  en  grec,  par 
M.  K..  M.  Koumas.  Son  système  de  philosophie  critique  l'a  été  en  latin 
par  M.  Etienne  Marton.  M.  Krug  n'est  pas  moins  estimé  pour  la  noble 
indépendance  et  la  chaleur  avec  laquelle  il  s'est  élevé  ,  dans  plusieurs 
circonstances,  contre  les  détracteurs  de  la  jeunesse  moderne  et  des  étu- 
des auxq^uelles  elle  se  livre.  Le  Manuel  que  nous  annonçons  est  rédigé 
avec  beaucoup  de  méthode  ;  toutes  les  sources  d'instruction  y  sont  indi- 
quées avec  autant  de  sagacité  que  d'impartialité.  ÎNons  avons  été  seule- 
ment surpris  de  ne  pas  y  voir  citée  l'Histoire  comparée  des  systèmes  d» 
philosophie  de  M.  De  Gérando  ,  production  distinguée  qui  a  trouvé 
des  approbateurs  même  en  Allemagne,  et  à  laquelle  l'illustre  Dugald- 
StLVTart  et  le  profond  Tennemann  ont  accordé  beaucoup  d'éloges.  (On 
en  publie  maintenant,  à  Paris,  une  nouvelle  édition  dont  nous  rendrons 

compte.) 

3j  _  fersuche  cur  Kritik  und  Auslegunc)  dcr  Ouellen  des  rœmis- 
ehenUechls.  —Essais  sur  la  critique  et  l'explication  des  sources  du  droit 
romain;  par /it;nrt-£rf.  Dirksen.  Leipsick,  iSî.î.  In-S". 

Ce  livre  se  compose  de  six  dissertations  qui  prouvent  beaucoup  d'éru- 
dition et  un  esprit  de  recherche  peu  commun  L'auteur  y  traite  d'abord 
des  iorraules  du  droit  romain,  et  il  examine  impartialement  le  traité 
de  Brtssonius,  De  formulis  et  solemnibus  popali  romani;  il  pense  que 
ni  lui  ni  ses  successeurs  n'ont  encore  considéré  les  formules  sous  leur 
véritable  aspect  historique;  il  montre  av,c  quel  avaniage  ou  pourrait 
suppléer  a  cette  omission ,  et  suivre,  depuis  leur  origine  et  dans  leurs 
développemcns,  toutes  ces  parties  si  esseiitielles  du  droit  romain.  L'au- 
teur fournit  lui-mème  et  l'exemple  et  le  précepte;    on  peut  proposer 


LIVRES  ÉTRAINGF.RS.  ,  ç^ 

pour  modèle  son  travail,  De  cdictis  ■perpctuîs,  et  sur  les  cliançeuicns 
survenus  dans  les  rormulcs  après  Constantin.  La  seconde  dissertation  de 
M.  Dirksen  a  pour  objet  la  signification  juridique  de  quelques  expres- 
sions latines.  Selon  lui,  la  découverte  des  Institufes  de  Gajus  a  beau- 
coup étendu  la  langue  du  droit;  mais  il  lait  la  sage  remarque  qu'il  faut 
ici  se  conduire  avec  beaucoup  de  précaution,  et  ne  pas  prendre  po.ir 
termes  scientifiques  des  mots  employés  dans  un  sens  juridique  par  des 
auteurs  qui ,  sous  le  rapport  du  droit ,  ne  sont  pas  classiques  ;  et  d'après 
ce  principe  ,  il  examine  lui-même  quatre  de  ces  mots.  11  se  demande  si 
VAhdicatio  Hiferorum,  chez  les  Romains,  liv.  6,  God.  De  patria  fo- 
fcstate,  étaient  ce  que  les  Alhéni(  ns  appelaient  xTTOK-^pv'ét: ,  et  ^'il 
faut  l'entendre  dans  le  même  sens.  11  passe  ensuite  à  l'adoption  per  tes- 
tHWentum,  expression  que  l'on  ne  trouve  point  dans  les  sources  du 
droit,  ou  du  mr-in;,  que  les  classiques  n'emploient  pas  avec  une  rigou- 
reuse uniformité.  Ici,  M.  Dirksen  pense  (etc'élait  l'opinirn  deRicbter,, 
que  ladoplion  faite  pararle  de  dernière  volonté  n'en  était  vérilablement 
pas  une,  et  qu'il  s'agissait  plutôt  de  la  transmission  d'une  succes»!ion , 
sous  la  condition  de  porter  le  nom  du  testateur.  Le  troisième  mot  dont 
s'occupe  M.  Dirksen  est  amici.  11  montre,  contre  l'o;)ini)n  de  ceux  qui 
suivent  exclusivement  l'interprétalion  de  la  loi  225  de  Verb  sijnif,  que 
le  concilium  amicorum  est  souvent  diflérent,  dans  les  classiques  de  la 
jurisprudence,  du  concilium  eognaiorun,  yenlitiutn  ,  etc.  Le  uuatiième 
mol  est  suburbana;  il  lui  trouve  une  sigiiitit  ation  juridique  dérivée  de 
la  nature  du  bien  dont  il  s'agit ,  et  une  signification  topographique  qu'il 
doit  à  la  position  seulement  des  domaines  auxquels  on  l'applique.  Noms 
regrettons  de  ne  pouvoir  suivre  M.  Dirksen  dans  les  développemens  de 
sa  proposition.  Dans  son  troisième  traité  ,  on  trouve  un  examen  criti- 
que de  plusieurs  passages  des  Institules  de  Gajus;  puis  viennent  des 
remarques  sur  le  plébiscite,  rfe  r/i<'rmc»wi6««,  dont,  en  i566,  Manu- 
tius  a  donné  un  fragment,  mais  qui  jamais  n'avait  été  appliqué.  Voici 
sur  quoi  portaient  les  éclaircissemens  de  l'auteur.  Des  libcrœ  civitates 
en  générai ,  et  de  la  liberté  de  la  ville  de  Thermessus  en  particulier.  Le 
plébiscite  parait  devoir  être  rapporté  à  l'an  de  Rome  682.  Dans  la  cin- 
quième de  ses  dissertations,  M.  Dirksen  montre  que,  depuis  Trajan, 
1<  s  jurisconsultes  se  bornant  à  leur  pratique,  évitaient  les  r.  cherches 
archéologiques  sur  le  droit,  iinfîn  ,  la  sixième  dissertation  est  un  examen 
de  ce  que  l'on  a  fait  jusqu'à  ce  jour  pour  rétablir  le  texte  dans  ce  qui 
nous  reste  de  la  législation  des  rois.  Ici  M.  Dirksen  entre  dans  le  dé- 
tail de  ce  qui  appartient  à  chacun  de  ces  rois.  On  ne  peut  lire  ,  sans  en 
tirer  beaucoup  de  fruit ,   cette  intéressante  partie  de  son  ouvrait.  ;   et 


i48  LIVRES  ÉTRANGERS. 

d'après  ce  qu'il  a  fait  en  cette  occasion  ,  on  doit  désirer  avec  ardcut 
la  publication  prochaine  de  son  travail  sur  la  loIdi'sXFI  labli-s. 

Ph.  GoLBKKV. 

52.  —  Poctische  Belrachtuneftn,  etc.  —  Méditations  poétiques  d'Ai' 
pfionse  DB  Lamartine,  traduites  du  français,  par  J.  B.  Schacl.  Ginund, 
1825  ;  Ritter.  Un  vol.  iu-12  de  160  pages. 

Les  Allemands,  plus  qu'aucune  autre  nation,  s'occupent  à  enrichir 
leur  littérature  des  ouvrages  étrangers  qui  ont  le  plus  de  réputation.  On 
a  aussi  remarqué  qu'ils  sont  les  voyageurs  par  excellence,  sans  excepter 
les  Anglais,  et  qu'ils  savent  mettre  à  profit  les  perfectionncmens  (  t  les 
améliorations  que  leurs  fiéquens  voyages  et  leur  connaissance  des  pays 
étrangers  les  mettent  à  même  d'observer.  Le  grand  nombre  de  traduc- 
ticus  que  l'en  publie  en  Allemagne,  semble  (onfirmer  celte  assertion. 
En  effet,  il  est  peu  d'o'Jvr;iges  un  peu  remarquables  de  nos  poètes,  de 
nos  savans,  de  nos  liilératcurs  qui  aient  échappé  aux  inTe.>tigation"=  des 
traducteurs  allcm.inds.  ISoos  ne  devons  donc  pas  nous  étonner  si  l'ou- 
vrage de  M.  de  Lamartine,  accueilli  en  France  par  une  espèce  de  vogue, 
a  trouvé  si  promptement  un  interprète  en  Allemagne.  Mais,  ce  qui 
nous  surprendra,  c'est  que  les  beaux  vers  et  les  pensées  poétiques  de 
l'auteur  des  Mcdifations  n'aient  pas  mieux  inspiré  son  imitateur  :  du 
moins,  les  critiques  allemands,  en  général,  se  sont-ils  accordés  pour  ré- 
fuser à  M.  Scbaul  le  mérite  d'une  traduction  heureuse,  et  celui  d'une 
versification  élégante.  M.  Scbaul  a  cependant  une  sorte  de  nom  dans  la 
littérature  allemande;  il  est  l'auteur  de  quelques  critiques  sur  KIopstock 
et  Schiller,  dans  lesquelles  il  s'est  montré  souvent  sévère,  et  quelque- 
fois même  injuste.  Il  est  curieux  de  connaître  les  jugemens  portés  par 
les  étrangers  sur  les  ouvrages  de  nos  auteurs,  afin  de  les  comparer  à 
nos  propres  jugemens.  Nous  profiterons  de  cette  occasion  pour  mettre 
sous  les  )eux  de  nos  lecteurs  ce  que  dit,  à  l'occision  de  la  traduction  de 
l'ouvrage  de  M.  de  Lamartine,  le  rédacteur  de  la  Feuille  de  liltcraturo 
de  Cotta  {Literatur-  Biatt),  publiée  à  Siuttg.irt  et  Tubingue.  a  M.  de 
Lamartine,  dit-il,  paraît,  d'après  la  couleur  et  l'esprit  de  ses  poésies, 
plutôt  Anglais  que  Français.  Une  mélancolie  souvent  obscure,  un  désir 
ardent  et  indéfinissable  qui  semble  l'attirer  vers  quelque  chose  de  sur- 
naturel,  un  goût  excessif  pour  les  descriptions  de  sites  romantiques, 
sont  des  qualités  particulières  à  notre  auteur,  et  qui  se  font  remarquer 
dans  les  Méditations;  mais,  certes,  elles  u'app^irtiennent  pas  au  genre 
de  la  poésie  française.  Ces  mêmes  qualités  sont  précisément  la  source 
des  défauts  que  l'on  pourrait  reprocher  à  M.  de  Lamartine  :  sa  mélan- 
colie est  quelquefois  exagérée,  et,  pour  ainsi  dire,  factice.  Cette  affec- 


LIVRES  ÉTRANGERS.  i4g 

taiion  se  reproduit  dans  les  images  et  dans  les  comparaisons,  dont  il  est 
prodigue.  Souvent  aussi,  il  s'abandonne  trop  à  l'expret-sion  coiifuse  de 
vagues  désirs,  dont  le  kcleur  cherche  inutilement  à  s'expliquer  l'objet. 
Quant  à  la  description  trop  fréquente  des  paysages  où  le  poêle  se  con;- 
pluît,  il  oublie  qu'il  est  aisé  de  lasser  la  patience  de  ses  auditeurs 
quand  on  ne  sait  pas  Its  intéresser,  et  que  de  longs  détails,  unique- 
ment descriptifs,  tout  beaus  qu'ils  soient,  manquent  de  vie  et  d'inlérêf . 
Nou*  lui  reprocherons  encore  un  défaut  d'ensemble  dans  ses  poésies  di- 
dactiques, qui  inanquent  presque  toujours  d'un  but  bien  déterminé,  et 
qui  n'oETient  souvent  qu'une  réunion  bizarre  d'antilhéses  et  de  lieux 
communs.  »  A.  J. 

35.  —  Annales  Acadcmiœ  Jcncnsis.  —  Annales  de  l'Académie  de 
Jéna;  par  Eiciistakdt,  conseiller  intime  et  professeur.  Toio.  I.  Jéna,^ 
1823.   la-i". 

Une  description  poétique  des  environs  de  Jéna  ouvre  le  volume  de 
M.  Eichsiaedt,  qui,  déjà  célèbre  dans  le  monde  sa  ant ,  rend  aux  lettres 
un  nouveau  !-ervice,  en  faisant  connaître  l'origine  et  les  progrès  de  l'un 
des  principaux  foyers  de  lumières  en  Allemagne.  Le  19  mars  i543,  on 
fonda  ,  à  Jéna  ,  un  Pedagogium  provinci.ilc,  qui ,  dix  ans  après  ,  devint 
université  :  tout  ce  qui  suit  est  exposé  avec  clarté  et  avec  ordre,  et  se 
trouve  digne  du  talent  vraiment  classique  de  son  auteur.  On  trouve  ici 
une  chose  qu'il  serait  utile  d'imiter  pour  les  compagnies  savantes,  et 
pour  les  corps  enseignans.  M.  Eithstaedt,  dans  la  première  partie,  ra- 
conte ce  qu'a  lait  chacun  des  professeurs  actuels  de  l'université.  Voici 
le  titre  de  celte  division  :  Pars  ■prima  conlincns  vitas  doctorum  qui 
MKnc  in  univcrsitate  Jenensi  litteras  et  artes  publiée  privatimve  tra- 
dunt,  una  cum  librorum  ah  ipsis  ediloruni  enumeralione.  On  trouve 
ici  64  biographies  selon  l'ordre  du  programme  des  cours  de  l'université  ; 
celle  de  M.  Eichstaedt  lui-même  est  remarquable  par  son  élégance  et  par 
sa  concision.  La  seconde  partie  contient,  en  4r  sections ,  l'histoire  de 
l'université  depuis  1817.  La  troisième  renferme  quelques  dissert. liions 
académiques,  parmi  lesquelles  nous  en  citerons  une  sur  l'aristorratie 
des  anciens.  De  aristocratia  vcterum,  par  M.  Gotllinger;  cet  écrivain 
cherche  en  quoi  l'aristocratie  chez  les  anciens  différait  du  l'aristocralic 
moderne,  qu'il  pense  être  plutôt  une  oligarchie  qu'une  véritable  aristo- 
cratie. M.  Eichstaedt  non-seulement  a  enrichi  la  littérature  de  tout  ce 
qui  lui  appartient  dans  ce  livre,  mais,  de  plus,  il  nous  a  mis  à  même 
de  profiter  des  savantes  éludes  de  l'université.  Pk.  G.'lbkby. 

34.  —  ff'ûrlcmbergische  Jalirbûcher  fiir  vaiertândisclie  Gesciiichtc, 
etc. ,  etc.  — Annuaire  wurtembergeois  pour  l'histoire,   la  géographie. 


i5o  LIVRES  ETRANGERS. 

la  statistique  et  la  topograjihie ,  publié  par  J.  D.  G.  Mrmming^r.  Pr^ 
misr  cahier  (i823},  avec  une  carie  des  élévations  du  terrain.  Stuttgart 
et  Tubinguc,  iSaS;  Colta. 

En  Allemagne,  comme  en  Suisse,  il  n'est  guère  de  contn-e  et  de 
canton  qui  n'ait  ses  annuaires.  Ce  sont  des  espèces  d'archives,  où  les 
hommes  instruits  du  pays  viennent  déposer  les  résultats  de  leurs  travaux 
et  de  leurs  rccherclies,  et  que  l'on  peut  consulter  avec  fruit,  loisque 
l'on  dési-e  avoir  des  données  certaines  sur  l'histoire,  les  antiquités,  l'ad- 
ministration ,  la  géographie,  l'agriiulture ,  etc.  Pour  le  savant  qui  s'oc-> 
cupe  de  recherches  statistiques,  ce  sont  les  meilleures  sources  auxquelles 
il  puisse  avoir  recours.  Kous  avons  déjà  fait  mention  des  annuaires  de 
TAutiiche  et  d'autres  pays  :  dans  celui  que  nous  annonçons,  et  qui  parait 
fort  bien  rédigé,  on  trouve  des  articles  sur  les  évéïiemens  les  plus  re- 
marquabl'S;  la  nénologie  des  plus  célèbres  Wurtembergeois  morts 
penditnt  l'annét-  précédente;  diverses  notices  historiques,  archéologiques 
et  géographiques;  et  une  carte  fort  bien  faite.  Elle  représente  avec  une 
grande  exactitude  l'ensemble  des  chaînes  de  montagnes  du  Wurtem- 
berg, et  le  cours  des  principales  rivières  avec  leurs  afHueiis.  On  y  a  joint 
des  observations  sur  la  température  ,  sur  l'atniosp!;ère,  sur  la  nature  ihi 
terrain,  l'histoire  naturelle,  enfin  sur  !out  ce  qui  peut  servir  à  faire 
connaître  la  statistique  et  la  géographie  physique  du  Wurtemberg. 

35.  — Essais  imilalifs  de  queUiues  poésies  de  SchUler,  dédiés  au  roi 
Frédéric-Guillaume  111,  par  C.  Boaafont.  Halle,  i825;  E.  Anton.  Un 
vol.  in-S"  de  19  pages. 

Un  Français,  établi  en  Allemagne,  où  il  a  sans  doute  appris  à  con- 
naître les  œuvres  des  grands  poètes  de  ce  pays,  a  voulu  leur  payer  un 
juste  tribut  d'aduiiration,  en  essay.mf  de  reproduire  leurs  poésies  dans 
sa  langue  natale.  Son  choix  est  tombé  sur  ciuq  pièces  détachées  de 
Schiller  :  La  Jeune  fiUc  de  l'ctranqcr,  le  Partage  de  ta  terre,  ie  Secret, 
la  U encontre ,  et  ia  Dignité  des  fi^mmes,  que  déjà,  sans  doute,  bien 
des  Français  connaissent  d'après  la  traduction  qu'en  a  publiée  M.  C.  J. 
(Voyez  Riv.  Enc.,  Tom.  XIV,  pag.  ^i-)  M.  Bonafont  n'a  pas  cru  de- 
voir se  borner  à  la  prose;  il  a  entrepiis  une  traduction  en  vers.  Il  au- 
rait eu  raison,  s'il  avait  toujours  réussi  à  bien  rendre  Schiller.  Nous 
trouvons,  il  est  vrai,  çà  et  ]à  ,  quelques  bons  vers,  et  des  imitations  di- 
gnes de  l'original;  mais,  souvent  aussi,  le  poète  français  ne  sait  pas  se 
borner,  il  veut  agrandir  son  modèle,  et  il  n'y  réussit  pas.  A.  J. 

SUISSE. 

56.  —  Élcmcns  de  graminaire  allemande,  dédiés  a  la  jeunesse  de  la 
Suisse  IVauçaise,  Lausanne,  182Ô.  In-S"  de  i4i  pages. 


LIVRES  ETRANGERS.  i5f 

Des  divisions  faciles  à  saisir,  une  gramk-  clarté  dans  l'en'îembie,  et 
surtout  de  la  biiévclé  dans  les  détails,  telles  sont  les  qualités  qui  distin- 
guent cet  ouvrage.  Après  quelques  pages  consacrées  à  la  connaissance 
des  lettres,  l'auleur,  M.  //.  G.  Bu.noer  entre  en  matière,  et  (raile,  en 
dix  chapitres,  des  dix  parties  du  discours.  Un  onzième  chapitre  est  ré- 
servé à  l'exarpen  des  diverses  constructions  ,  qu'il  range  sous  les  litre» 
de  simples,  explicatives ,  conclusivcs  et  Imnsfositivcs.  Enfin,  il  fait , 
sur  une  ode  placée  à  la  fin  du  volume,  l'ai.plication  des  règles  énoncées 
dans  son  ouvrage,  exercice  précieux  dont  les  commençons  doivent  re- 
mercier l'auteur,  ainsi  que  du  parti  qu'il  a  pris  de  substituer  aux  phra- 
ses triviales  qui  remplissent  nos  grammaires  élémentaires,  des  exemple» 
consacrés  à  la  gloire  du  peuple  auquel  il  a  destiné  la  sienne.  C'est  un 
mérite  qui,  sans  doute,  la  rentra  nalii^nale  eu  Suisse.  La  critique  ne 
doit  pourtant  pas  laisser  ignorer  à  M.  Biinlier  quelques  fautes  contre  la 
métaphysique  du  langage.  Les  mots  sont  divises  nécessairement  en  deux 
grandes  cldsse^,  les  uns  désignent  les  êtres,  les  autres  seulement  leur» 
rapports.  IN 'eût-il  pas  élé  plus  simple  de  conserver  cet  ordre,  que  den 
créer  un  enlièrement  factice?  La  môme  raison  d'analogie  n'aurait- elle 
pas  dû  faire  réunir  le  pronom  au  substantif,  et  à  l'adjectif  les  articles 
et  les  mots  improprement  appelés  noms  numcraux?  JN'oublions  pas  que 
rien  n'est  si  favorable  à  l'élude  d'une  science  qu'une  divi,ion  méthodi- 
que, réunie  à  des  définitions  rigoureuses.  Sous  te  rapport,  on  pourrait 
eiîrore  attaquer  la  nouvelle  grammaire;  mais  ce  sont  des  taches  légères, 
qu'il  sera  facile  de  faire  disparaître.  J'appellerai  aussi  l'attention  de  M. 
lUinher  sur  son  style;  la  langue  française  paraît  ne  lui  être  pas  assez  fa- 
milière :  sa  phrase  est  souvent  embarrassée.  Cependant ,  il  doit  savoir 
que  la  clarté  du  s!y!e  est  une  qualité  indispensable ,  surtout  dans  un  ou- 
vrage élémentaire.  "•  ■'• 

ôy.  —  Le  firmier  aveugle  et  su  famiUe  ,  traduit  de  l'anglais.  —Genè- 
ve, 1822,  Paschoud.  Paris,  même  maison,  rue  de  Seine.  Un  vol.  la  12, 
de  179  pages  ;  prix  ,  1  fr.  5o  c. 

On  se  plaint  avec  raison  qu'il  n'y  ait  point  assez  de  livres  qui,  en  cap. 
tivant  laltenlion  et  l'intérêt  du  peuple,  puissent  développer  en  lui  de» 
germes  de  moralité  et  de  vertu  ,  ou  l'aCferinir  dans  ses  principes  de  con- 
duite ;  le  charmant  ouvrage  que  nous  annonçons,  vient  heureusement 
jcmplir  une  partie  de  cette  lacune.  L'auteur  a  eu  pour  but  de  prouver 
qu'il  n'est  point  de  situation  dans  la  vie  qui  ne  soit  susceptible  d'être 
8loucie,par  une  piété  sincère  et  par  une  volonté  ferme  de  tirer  le  meil- 
leur parti  possible  des  ressources  que  Dieu  place  toujours  à  côté  du 
malheur  ,  pour  soulager  ceux   qu'il  éprouve.   Il  a  réussi  à   démontrer 


i5i  LIVRES  ETRANGERS. 

qu'une  exacte  probité  et  une  honnête  industrie  sont  les  meilleurs  moyens 
pour  s'assurer  une  bonne  réputation  et  pour  surmonter  la  pauvreté. 
Dans  quelque  classe  de  la  société  que  se  trouvent  placés  les  lecteurs, 
ils  relireront  de  cette  nouvelle  autant  de  plaisir  que  de  fruit. — Un  brave 
fermier  est ,  ainsi  que  sa  famille,  victime  du  funeste  système  qui  a  fait 
tant  de  mal  dans  les  îles  britanniques,  et  particulièrement  en  Ecosse, 
celui  de  la  concentration  des  petites  fermes  ou  de  grands  domaines.  Le 
propriétaire,  sir  Henri  Milfort,  jeune  homme  peu  accoutumé  à  réflé- 
chir, se  laisse  entraîner,  sur  le  propos  inconsidéré  d'un  valet,  et  sans 
motif  de  plainte,  à  expulser  d'une  de  ses  fermes,  l'homme  laborieux 
qui,  soit  par  son  père,  soit  par  lui-même,  la  faisait  prospérer  depuis  bien 
des  années.  Celte  résolution  précipitée  cause  la  ruiue  d'un  homme  ver- 
tueux, (  hif  d'une  nombreuse  et  intéressante  famille.  Le  tal>leau  des  efiforts 
individuels  de  chacun  de  ses  membres  pour  se  tirer  d'.iiTaire  et  poursur- 
monter  les  infortunes  qui  accompagnent  ce  renvoi ,  qui  est  encore  ag- 
gravé par  l'état  de  cécité  complète  auquel  le  père  se  trouve  bientôt  ré- 
duit, remplit  la  plus  grande  partie  du  volume.  Le  bon  fermier  recou- 
vre enfin  la  vue,  au  moyen  des  secours  généreux  de  son  ancien  maître, 
accordés  par  celui-ci,  sans  qu'il  sache  à  qui  ils  sont  destinés.  Différentes 
combinaisons  rapprochent  de  ce  maître  désabusé  le  vertueux  Norton  et 
sa  famille,  dont  il  ignorait  le  sort  depuis  long-tems,  et  lui  fournissent 
l'occasion  de  réintégrer  ce  brave  homme  dans  sa  ferme  ,  et  de  réparer, 
d'une  manière  noble  et  généreuse,  ses  torts  involontaires  envers  lui. 
Plût  à  Dieu  qu'il  se  trouvât  beaucoup  de  Henri  Milfortl  l'Irlande  ne 
serait  peut-être  plus  en  proie  aux  désordres  de  toute  espèce,  amenés 
par  la  misère  à  laquelle  les  classes  inférieures  sont  réduites!  — Nous 
rejjrettons  de  ne  pouvoir  nommer  à  nos  lecteurs  ni  l'auteur,  ni  le  tra- 
ducteur ,  qui  ont  juge  a  propos  de  garder  l'anonyme  :  ils  méritent  l'ua 
et  l'autre,  la  reconnaissance  des  philantropcs.  E. 

ITALIE. 

58  (*). — RaccoUa  d'autori  ilaliani  che  IraUano  dei  moto  del  acque. — 
Recueil  des  auteurs  italiens  qui  ont  écrit  sur  la  science  de  l'hydrauli- 
que. Bologne,  iS2i-i8a5;  imprimerie  de  Marsigli.  In-4''. 

Les  Italiens ,  entrés  les  premiers,  depuis  la  renaissance  des  lettres, 
dans  la  c.irrièri'  des  scit-nces  mathématiques  et  naturelles,  ont  aussi  été 
les  premicrb  à  en  faire  d'utiles  applications;  ils  pratiquaient  l'art  de  di- 
riger les  cours  d'eau  qui  traversent  leur  contrée,  long-tems  avant  que 
les  principes  fondamentaux  de  l'hydraulique  fussent  bien  connus  des  au- 


LIVRFS  ÉTRANGERS.  i53 

très  nations  de  l'Europe.  Galilée,  Torioclli ,  et  les  nombreux  disciples 
de  CCS  grands  hommes  durent  natiirrliiin<  nt  fixer  leur  attention  sur  les 
movens  de  l'aire  servir  leurs  décou\ertes  dans  une  science  nouvelle  à 
l'amélioration  de  leur  pays.  Ils  muliiplièrent  à  l'envi  leurs  obseï valions, 
et  ils  nous  les  ont  tr.jnsmises ,  avec  toiiles  les  conséquences  qi.'ils  en 
ont  déduites.  La  collet  tion  cle  leurs  ouvrages  a  été  imprimée  à  Paime, 
en  1766  et  1768,  en  sept  volumes  in  4"  ;une  tioisiéme  et  dernière  édi- 
tion, en  neuf  volumes,  en  a  été  publiée  à  Florence,  en  i774.  Celle  que 
nous  annonçons  aujourd'liui  a  été  entreprise  sur  un  plan  plus  vaste; 
elle  sera  composée  de  trois  parties.  La  ■preniiirc  comprendra  les  ou- 
vrages italiens  déjà  recueillis  dans  les  collections  précéden'es.  La  se- 
conde  sera  formée  de  plusieurs  pièces  inédites,  conservées  dans  quel- 
ques bibliotéques  publiques,  et  de  dilférens  traités  de  plusieurs  auteurs 
italiens  déjà  connus,  mais  qui  n'ont  point  été  réunis  en  un  seul  corps. 
Enfin,  la  troisième  et  dernière  partie  sera  formée  d'ouvrages  sur  l'hy- 
draulique composés  par  divers  auteurs  étrangers  à  l'Ilalie.  L'éditeur, 
M.  Francesco  Cardiiuiti,  se  propose,  comme  on  voit,  de  former  en 
quelque  sorte  une  bibliothèque  complète  de  ce  qui  a  été  publié  de  plus 
marquant  sur  cette  matière,  et  spécialement  sur  l'bydrauliijue  appl.quéc 
aux  besoins  de  la  vie  civile.  Il  n'annonce  point  encore  de  combien  de 
volumes  se  formera  sa  collection.  Les  cinq  premiers  que  nous  avons 
sous  les  yeux,  contiennent  le  Traité  de  la  nature  des  fleuves,  de  Domi- 
nique Guglielmini,  avec  les  annotations  d'Eustaehe  ManlVedi;  le  Traité 
de  la  mesure  des  eaux  courantes ,  du  même  Guglielmini  ;  les  théorèmes 
d'Archimède  sur  l'hydrostalique;  un  discours  de  Galilée  sur  la  même 
matière;  un  Mémoire  sur  la  mesure  des  ea%ix  courantes  de  Casicili; 
un  autre  d'Alphonse  Borelli  sur  les  lagunes  de  T'enise;  un  discours  de 
Toricelll  sur  V Amélioration  de  la  vallée,  de  la  Chiana,  en  Toscane;  un 
écrit  de  Vincent  Viviani  sur  les  aitcrissctncns ,  et  les  corrosions  de  l'Ar- 
no;  divers  mémoires  de  Guy  Grandi ,  sur  tes  m-ouvcmcns  des  eaux  ;  de 
'^»tà\icc\-,  sur  les  irrigations;  de  Michelini,  sur  l'art  de  diriger  les /Lu- 
ves;  de  Laurent  Albizi,  sur  les  amèlioratians  du  Pisan;  de  Monlanari, 
sur  la  mer  Adriatique  et  ses  couvaris;  enfin,  divers  écrits  d'EusIache 
Manfredi,  relatifs  à  l'hydraulique  et  à  des  questions  dejlocalité  sur  les- 
quelles il  avait  été  consulté.  Les  noms  de  la  plupart  des  auteurs  que 
nous  venons  de  citer  sont  depuis  long-tems  célèbres  parmi  ceux  des 
géomètres,  des  physiciens  et  des  ingénieurs.  Nous  reviendrons,  dans 
un  article  plus  étendu,  sur  chacun  de  leurs  ouvrages  qui  entrent  dans 
la  collection  de  J\L  V.  Cardineli.  Nous   terminons  celui- ci,   en  cxpri- 


i54  LIVRES  ETRANGERS. 

mant  le  désir  de  voir  bienlôl  arriver  à  son  terme  l'ulilc  entreprise  à  la- 
quelle il  se  livre.  P.  S.  G. 

ù().  — Nouvollc  mèt!wdc  pour  réduire  les  distances  apparentes  de  la. 
lune  au  soleil  où  à  une  élniic  en  dislii/rces  vraies  dans  le  calcul  des 
ion'/iludes ,  par  Giraldi,  professeur  de  mathématiques  et  d'Iiydngra- 
pbii.'  à  TEcole  nyjje  de  la  marine  de  S.  M.  Sarde, —  Gènes,  1(820;  ira- 
primeiie  de  Reggio.  In-S°,  de  36  pages. 

Le  procédé  le  plus  usité  et  le  plus  exact  pour  trouver  la  longitude 
en  mer,  consiste  à  mesurer  à  la  fois  la  distance  de  la  lune  au  soleil  ou 
hune  étoile,  et  la  hauteur  de  ces  deux  astres;  comme  la  parallaxe 
uliaisse  la  lune  et  le  soleil,  tandis  que  la  réfraction  les  élève,  il  s'ensuit 
qu'on  ne  voit  pas  ces  corps  aux  mènie;.  points  du  ciel,  que  si  on  les 
observait  du  centre  de  la  terre.  On  calcule,  d'après  les  données  ci-des- 
sus, quelle  est  cette  distance,  vue  du  centre  du  globe.  Mais,  la  rapidité 
de  la  marche  de  la  lune  dans  son  orbite  lait  varier  à  chaque  moment 
cette  distance  vraie,  qui  est  donnée  dans  la  connaissance  des  tems, 
de  trois  en  trois  heures:  il  est  facile,  par  une  interpolation,  d'en  con- 
clure l'heure  de  Par!»  à  laquelle  la  distance  vraie  est  précisément  celle 
que  l'on  a  conclue  de  la  distance  apparente.  On  a  d'ailleurs  l'heure  du 
lieu  où  ou  est;  ainsi,  l'on  connaît  les  heures  que  l'on  comjjte  dans  ce  lieu 
et  à  Paris,  auxquelles  la  distance  vraie  a  existé;  la  différence  de  ces 
heurts  est  celle  des  méridiens.  Le  calcul  de  la  di.-i tance  vraie  de  la  lune 
au  soleil  ou  à  une  étoile,  déduite  de  la  distance  apparente  observée,  est 
en  général  assez  long,  soit  qu'on  emploie  la  formule  de  Borda,  soit 
qu'un  se  serve  de  quelques  autres  procédés  fondés  sur  le  même  genre 
d'analyse;  et  comme  ces  sortes  d'opérations  reviennent  fréquemment, 
on  a  essayé  de  les  abréger  en  composant  des  tables  qui  donnent  ces  cal- 
culs tout  f.iils,  du  moins  en  grande  partie.  Les  tables  de  M.  G.raudi 
sont  d'un  usage  fort  commode  et  remplissent  très  bien  le  but  qu'il  s'est 
proposé.  Au  reste,  il  ne  faut  pas  se  dissimuler  qu'il  est  à  peu  près  aussi 
court  et  un  peu  plus  exact  de  se  servir  de  la  formule  même  et  d'y  appli- 
quer le  calcul  logarithmique.  Les  personnes  exercées  à  se  servir  des  ta- 
bles ne  balanceront  donc  pas  à  préférer  ce  dernier  moyen.  Mais  celles 
qui  n'ont  pas  l'habitude  de  ce  genre  de  procédés,  peuvent  avec  avan- 
tage recourir  à  la  raélhoile  de  M.  Giraudi.  Je  lis,  dans  son  opuscule  : 
«11  me  parait  qu'en  navigation  ma  formule  donnera  plus  d'exactitude 
au  commun  des  marins»  aux  capitaines  de  long  cours,  aux  personnes 
enGn  médiocrement  instruites....»  Il  me  semble  que  M.  Giraudi  aurait 
pu  se  dispenser  de  ranj;er  les  capitaines  de  long  cours  dans  le  nombro 


LIVRES  ETnANCT-nS.  i".5 

des  ij,'norans;  la  marint-  fV.inçaise  peut  lai  offrir  des  ofTicieis  de  cette 
espèce,  dont  rinstructiun  égale  la  moJestic;  et  je  cn.is  même  pouvoir 
assurer  que  les  capitaines  génois  ne  méritent  pas  plus  que  les  nôtres  la 
classification  dont  je  relève  l'inconvenance.  Il  eût  aussi  été  à  désirer 
que  l'auteur  eût  démontré  la  forinule  dont  il  se  sert,  sans  renvoyer  à 
l'un  des  numéros  de  la  Corrcsfondanre  astronomique  de  M.  De  Zuch^ 
qui  n'est  pas  entre  les  mains  de  toutes  les  personnes  intéressées  à  com- 
prendre son  procédé.  La  brochure  n'en  aurait  pas  été  beaucoup  plus 
forte,  et  elle  eût  pu  se  suffire  à  elle-même.  IVI.  Giraudi  est  un  ho;r.me 
de  mérite  qui,  sans  doute,  prendra  en  bonne  part  le  peu  de  critiques 
que  je  fais  sur  son  utile  travail.  Frascceir. 

4n. — La  fionda  di  David  ,  ossia  V  antichilà  ed  autorità  de'  jninti  vo- 
ea,li  nci  testa  Ebrco ,  etc.  —  La  Fronde  lie  David  ,  ou  Antiquité  et  auto- 
rité des  points  vocaux  dans  le  texte  bébreu  ,  démoiitiées  et  défendues , 
par  le  AocWar  Ifpoiito  RosBiLmi.  Bologne,  182Ô.  In-S". 

Cet  ouvrage  contient  l'histoire  et  la  démonstration  de  l'antiquité,  de 
l'authenticité  et  de  l'autorité  des  points  uiassoréliques  dans  le  texte  hé- 
breu,  et  la  traduction  lilléiale  de  quelques  cliap'trcs  des  Proverbes  de 
Salomon,  faite  d'après  le  système  massorélique  (1),  avec  le  texte  en  re- 
gard, et  quelques  notes  explicatives  à  la  fin  de  chaque  ch;ipilre.  L'auteur, 
jeune  encore  ,  fait  espérer  qu'il  se  distinguera  un  jour  dans  l'étude  des 
langues  orientales. 

4i.  — Luciani  samosatcitsis  deorum  diatogi  decem  a  Livio  Gxddo- 
lolto  urbinate  setect i ,  jyrobati  ac  latine  reddili  ;  ah  Aioysio  de  AwGiii.i* 
in  hiiAiothcca  Stnensi  vunc  primntn  dclecli  ,  futticique  juris  facti. 
Sienne,  i8:*3. 

C'est  le  seul  ouvrage  connu  jusqu'ici  de  Livio  Guidolotti ,  écrivain  du 
siècle  de  Léon  X,et  qu'on  avait  presque  entièrement  oublié.  Il  était  né 
à  Urbin,  avait  cultivé  les  lettres  grecques  et  latines,  et  était  devenu  un 
des  ornemeus  de  la  cour  de  ce  pape.  La  traduction  latine  des  dix  dia- 
Icigues  de  Lucien,  que  nous  annonçons,  atteste  sa  connaissance  appro- 
fondie des  langues  grecque  et  latine.  Instruit  du  goût  de  son  Mécène ,  il 
s'était  proposé  de  lui  dédier  cet  ouvrage.  La  diction  en  est  correcte  ,  et 
le  style  tiès-soigné.  Les  amateurs  de  ce  genre  de  littérature  ^auront  gré 
à  M.  Louis  de  Angelis  d'avoir  déterré  et  publié  ce  manuscrit,  qui  existait 
inconnu  dans  la  bibliothèque  de  Sienne.  F.  S. 

42.  —  Pfiilonis  Judœi  sermones  très  hactenùs  inediti  I ,  et  II ,  de  Pro- 

(i)  Qui  a  rapport  à  l'examen  du  texte  de  I.1  Bible ,  par  des  docteurs  juifs  <jui  out 
fixé  les  différentes  leçons,  le  nombre  des  versets  et  des  mots  ,  etc. 


i56  UVIIES  ÉTRANGERS. 

vident ia  ;  et  III ,  de  animalihus  ;  —  in  armenâ  vcrsione  anliquissîmâ  al> 
ipso  original!  texlu  graeco  ad  verhum  striclè  exequuta  ,  nunc  priroùm  ii> 
latioum  fidelittr  Iranslali ,  per  P.  Jo.  Uaftislum  Aicdeb  ,  ancjranuia 
monachum  ariucnum  et  doclorem  mechitariïtum.  Vcneliis,  1822. 

Philo:»  peut  cire  regardé  comme  Ihomme  le  plus  savant  parmi  ceux 
de  sa  nation  qui  cultivèrent  les  lettres  ,  du  tems  des  roLs  d'Egypte  et  des 
empereurs'roraains.  Né  à  Alexandrie»  et  issu  d'une  race  sacerdotale,  il 
fut  élevé  dans  la  religion  hébraïque  par  srsparens,  instruit  dans  la  phi- 
losopliie  par  les  Grers  de  cette  ville  ,  et  formé  à  mener  une  vie  contcm- 
flutive  par  les  saj:es  de  la  secte  des  Esséniens.  Ses  connaissances  et  ses 
Tcrtus  sociales  lui  firent  accorder  la  place  de  préfet  de  son  pays  natal. 
Vers  Tan  .\o  de  l'ère  vulgaire,  il  fut  chai gé  aus.-i  ,  par  ses  compatriotes, 
d'alli  r  a  Rome  ,  à  la  îèle  d'une  dcputalion  pour  demander  à  l'empereur 
Caligula  la  cessation  des  violences  exercées  de  la  part  de  Flaccus  Avilius, 
procurateur  d'Egypte.  Mais  ses  représentations  furent  rejetées,  parce 
que  ses  co-n  ligionnaircs  avaient  refusé  précédemment  d'exposer  le 
portrait  de  cet  empereur  dans  leurs  temples.  Aimant  avec  passion  la 
vie  ascétique  et  les  sciences  spéculaiives  ,  Philon  composa,  dans  sa 
rcliaiti  ,  plusieurs  ouvrages  de  commentaires  sur  la  Bible  hébraïque, 
beaucoup  de  discours  sur  des  questions  mélhaphysiques.  11  connais- 
sait presque  tous  les  écrivains  grecs  el  latins;  mais  l'auteur  avec  le- 
quel il  s'était  le  plus  familiarisé  était  le  divin  Platon.  Sans  renoncer  aux 
traditions  de  ses  ancêtres,  il  fut  un  des  plus  habiles  imitateurs  de  ce  sage 
de  lantiquilé.  Ou  reconnaît,  dans  toutes  ses  production^  littéraires,  ua 
juif  éclairé  el  un  j)hilosuphe  pieux.  Son  style  même  a  le  défaut  et  les  per- 
fections du  savant  de  la  Grèce  :  il  est  quelquefois  très-concis  ,  ou  expres- 
sif; quelquefois  obscur  ou  confus,  comme  son  maître  et  son  modèle. 
Les  œuvri  s  de  Phiion  ,  écrites  originairement  en  grec,  furent  traduites 
en  arménien ,  dans  les  premiers  siècles  du  christianisme.  Jusqu'à  pré- 
sent on  n'a  trouvé  dans  la  langue  originale  qu'une  partie  de  ses  ourrat^cs, 
qui  furent  publiés  successivement  à  Bâle ,  à  Paris  ,  è  Amsterdam  ,  et  à 
Londres.  Mais,  la  version  arménienne  renferme  quelques  traités  de  plus, 
qui  sont  :  1°  Discours  sur  la  Providence  ,  adressé  à  Alexandre  (neveu 
de  Philon  ).  j°  Dialo(jue  entre  Philon  et  Alexandre  sur  (a  Providence. 
Z°  Dialogue  entre  Phi'.on  et  Lisimaqve  (frère  de  Philon),  sur  l'âme  des 
éêtes.  4°  Questions  sur  la  Genèse.  5°  Question  sur  l'Exode.  G"  Sermon 
sur  Samson.  ~"  Sermon  sur  Jonus.  «S»  Dialogue  sur  les  anges  (jui appa- 
rurent à  JLraham.  Pour  faire  conn.iître  ces  ouvrages  aux  savans  qui  les 
regardaient  comme  pcrdL-s,  M.  Aucher  les  a  traduits  en   latin,  en  les. 


LIVRES  ÉTRÂINGERS.  i5 


«onfronlant  sur  dlfférens  exemplaires  arméniens  manuscrits  (i);  et  il 
vient  de  publier  une  partie  de  ses  travaux  en  un  vol.  in-Julio  ,  qui  con- 
tient une  dédicace,  deux  prolégomènes  (dont  l'un  est  d'un  ancien  glos- 
salcur  arménien  sur  Fliilon) ,  Us  traités  sur  la  Providence,  et  celui  sur 
l'âme  des  bêtes,  en  arménien  et  en  latin.  M.  Aucher  les  a  accompagnés 
de  notes,  d'éclairrisstnicns  et  de  IVagmens  grecs  des  mêmes  ouvrages, 
conservés  dans  d'autres  auteurs  ancieus  :  lia  placé,  à  la  On  du  volume, 
une  table  alphabétique  des  matières  et  des  noms  propres  d'hommes, 
un  recueil  des  paroles  sentencieuses  du  philosophe  juif,  et  quelques 
anciens  vers  arméniens  ,   connus  sous  le    litre   d'épilaptie   de   Philon. 
Cette  partie  des  ouvrages  de  Philon  peut  intéresser  un  plus  grand  nom- 
bre de  lecteurs,   et  on  doit  la  considérer  comme  une  réfutation  de  la 
doctrine  des  fatalistes  et  des  matérialistes.  L'auteur  connaissait  presque 
tous  les  systèmes  philosophiques  des  anciens  sur  l'univers  ;  il  cherche 
partout  à  argumenter  contre  eux  ,  à  résoudre  les  objections  qu'ils  ren- 
ferment, à  prouver  qu'il  y  a  une  providence  en  toute  chose.  11  Cite  sou- 
vent des  passages  plus  ou  moins  longs  de  Platon  ,  d'Hésiode  ,  d'Homère, 
d'Eschyle,  de  Pindare,  et  d'autres;  et  il  fait  mention  d'un  grand  nom- 
bie  de  philosophes,   de  poètes  et  d'historiens  grecs.   Dans  son  dialogue 
sur  l'âme  des  bêlis,  il  donne  des  notions  générales  sur  la  science  zoolo- 
gique, et  il  rapporte  beaucoup  de  faits  et  d'anecdotes  sur  les  instincts, 
sur  l'intelligence,   sur  les  capacités  et  sur  les  forces  des  animaux.  En 
général ,  la  lecture  de  ces  trois  traités  de  Philon  est  instructive  et  amu- 
sante. Dans  ses  raisonnemens  sur  ces  sciences  ,  l'écrivain  greco-juif  in- 
dique, de  tcms  a  autre,  des  traits  relatifs  aux  arts  mécaniques,   aux 
mœurs,  et  aux  usages  de  divers  peuples  de  l'antiquité.   En  parlant,  par 
exemple,  de  l'intelligence  de  l'homme  et  de  celle  de  son  créateur  tout- 
puissant,  il  rapporte  un  fait  qui  pourrait  prouver  que  l'invenlion  des 
horloges  à  roue,  ou  de  semblables  machines  horaires,  était  connue  des 
anciens.  Le  style  de  Philon  est,  comme  nous  l'avons  dit,  souvent  obscur 
et  énigmatique.  Son  traducteur  en  arménien  ,  dont  le  nom  ne  nous  est 
pas  connu,  a  conservé,  dans  sa  version  ,  les  héllénismes  et  les  caractères 
particuliers  du  style  de  Philon.   Mais ,  pour  mieux  réussir  dans  son  imi- 
tation, le  traducteur  latin  n'emploie  ordinairement  que  les  mots  et  les 
formes  de  locution  les  plus  choisies  :  quelquefois  il  invente  des  exj.res- 


(i)  L'un  de  ces  exemplaires  avait  apparteni.  à  Hailon  II,  roi  d'Arménie,  dans 
le  xiu"  siècle,  et  il  avait  tli  même  transcrit  par  un   nommé  Vasil,  scvibe  de   c« 


prince. 


iJ8  LIVRES  ÉmANGERS. 

sioDs,  pour  mieux  faire  connaître  la  force  et  Us  nuances  des  idées  de 
1  auteur  original;  et  très-souvent  ,  il  fait  u^age  de  tours  de  phrase  très- 
hardis  ou  peu  usités  dans  l'arménien.  On  avait  multiplié,  dans  le  moyea 
âge,  des  commentaires  et  des  glossaires  sur  les  ouvrages  de  Pbilon,  dans 
lesquels  les  ellipics  et  ies  transpositions  sont  les  figures  grammaticales 
les  plus  fréquemment  employées.  Dans  sa  traduction  de  l'arménien  en 
latin,  M.  J  B.  Auchcr  a  suppléé  à  ces  sortes  d'omissions  et  d'interver- 
sions :  il  a  donné  aussi  des  noies  et  des  éclairciss-jmeus  sur  quantité  de 
passages  obscurs  ,  et  !1  en  a  signalé  avec  franchise  plusieurs  autres,  dont 
le  sens  lui  paraissait  trop  abstrait,  ambigu,  ou  manquant  de  clarté. 

GiRRIED. 

43.  —  Isidc  c  Osiride  opuscolo  di  Plutarcho  Cher07iese,  etc.  —  Isis  et 
0>iris,  opuscule  de  Plutarque  de  Cbéronéc,  traduit  du  ^rcc  ,  avec  des 
notes  philologiques  et  des  observations  sur  le  texte;  par  le  chevalier  Sé- 
iiaslicn  Ciampi,  correspondant  en  Italie  de  la  commission  royale  des 
cultes  et  (ie  rin?truclion  publique  du  royaume  de  Pologne,  Floreocc, 
1825;  Piatti,  In-S"  de  89  et  lxxxvi  pag.,  avec  planches;  prix,  S  paoli. 

Le  beau  ciel  de  l'Italie,  que,  grâce  à  la  munificence  éclairée  de 
S.  M.  l'empereur  de  Russie  ,  il  est  permis  au  chevalier  Ciampi  de  revoir, 
sans  quitter  le  service  de  ce  monarque,  semble  inspirer  à  ce  savant  une 
nouvelle  ardeur  pour  la  culture  des  lettres  anciennes.  Nous  recevons  des 
échantillons  d'un  grand  et  beau  travail  auquel  M.  Ciorapi  consacre  ac- 
tuellement ses  doctes  veilles;  c'est  la  traduction  de  quelques  Opuscules 
de  Plutarque,  pour  compléter  celle  de  Marcel  Adriaui,  écrite  au  xvi« 
siècle.  Un  seul  de  ces  traités  a  élé  tiré  à  part  :  celui  d'Lsis  et  Osiris^ 
qui  forme  un  volume  précieux.  JNous  ne  dirons  rien  de  l'opuscule  en 
lui-même,  qui  est  assez  connu.  On  sait  que  Plutarque  paraît  s'y  ètro 
proposé  de  montrer  la  connexion  du  culte  égyptien  ,  et  en  général  du 
polythéisme,  avec  la  science  de  la  nature,  dont  les  allégories  païennes 
retracent  les  secrets,  que  savaient  seuls  dévoiler  et  expliquer  le-  prêtres, 
les  philosoi)hes  et  leurs  initiés.  Ce  traité  est  l'un  des  plus  curieux  du 
philosophe  de  Chéronée  ,  rt  il  devient  d'autant  plus  intéressant  aujour- 
d'hui,  que  les  récentes  lumières  jetées  sur  la  vieille  histoire  et  les  an- 
tiquités de  l'Egypte,  permettent  de  le  mieux  apprécier.  La  traduction 
de  M.  Ciampi  uous  a  paru  exacte,  et  sou  style,  autant  qu'il  peut  être 
permis  à  un  étranger  d'en  juger,  d'une  élégance  fort  remarquable.  Les 
travaux  de  M.  Ciampi,  comme  commentateur,  nous  ont  piru  encore 
plus  dignes  d'éloges,  il  a  joint  des  annotations  nouvelles,  aux  noies  par 
lui  reproduites  de  Reisk  et  Wyttenbach  :  deux  manuscrits  peu  anciens,  il 
est  vrai,  mais  encore  non  explorés,  de  la  bibliothèque  Laurenlienne,  ont 


IlVr.ES  LTKAISGERS.  i-^r, 

fourni  à  M.  Ciampi  des  leçons  inédites  et  des  corrections  ingénieuses. 
Cette  partie  aurait  pu  recevoir  des  dimensions  beaucoup  plus  étendues, 
si  l'éditeur  eût  v.ulu  mettre  à  conliiijulion  tous  les  écrits  des  modernes 
sur  l'Egypte;  il  s'est  borné  à  donner  un  catalogue  sommaire  des  ligyp- 
tiographes,  dans  lequel  ne  sont  pas  oubliés  les  Français  modernes,  tels 
HucMM.Denon,  Jomard,  Cailiiaud,  Lcironne ,  ChamfollionFigeac, 
etc.;  mais  où  se  tiduvenl  omis,  bien  à  tort,  les  écrits  si  imporlans  de 
M.  ChamfoHion  le  jtune,  sur  ks  Pharaons,  et  sur  les  hiéroglyphes.  Le 
nouvel  cdileur  publie  aussi  un  Calendrier  isiaque,  adapté  à  l'opuscule 
de  Plularque,  et  rais  en  concordjnce  avec  les  calendriers  romains  et 
vulgaires,  au  moyen  d'un  Émcrologc  extrait  d'un  manuscrit  de  la  bi- 
bliotlièque  Laurentienne  ;  cette  pièce  importante  pour  la  chronologie, 
et  dont  les  plus  célèbres  auteurs  en  ce  genre  avaient  parlé,  est  donnée 
cette  fois  encore  par  extrait,  mais  avec  plus  d'étendue  pourtant  et  de 
précision  qu'on  n'avait  fait  jusqu'à  présent.  Ce  volume  est  dédié  à  M. 
le  comte  Léon  Polocki,  seigneur  polonais,  dont  la  famille  est  connue 
par  son  amour  pour  les  belles-lettres  anciennes.  A.  M. 

44.  —  M.  Comclii  Frontonis  et  M.  Jui-lii  im-pcratoris  Epistotœ  : 
L.  f'eri  et  Antonini  PU  et  Appiani  cpislolarxnn  reliijuiœ,  :  Fragmenta 
Frontonis,  et  scriplu  grammatica.  Edilio  prima  romana  plus  centum 
epislolis  aucta  ex  codice  rescriplo  Bihliothccœ  pontificiœ  J  aticanœ,  cu- 
rante Angelo  Majo,  liUiotheccB  cjusdcm  prcefecto.  Rome,  1823.  In-b». 
{Foy.  Tom.  XIX  ,  pag.  aôa.) 

M.  Angelo  l\L-\ï,  toujours  infatigable  et  toujours  heureux  daus  ses  re- 
cherches, avait  déjà  reîrouvé,  dans  un  palimsextc  de  la  bibliothèque 
Ambroisienne,  une  partie  des  écrits  de  M.  C.  Fronton  :  il  en  avait  pu- 
blié, à  Milan,  en  iSi'i,  une  édition  qu'on  avait  généralement  bien  ac- 
cueillie. 11  vient  de  fjiie,  dans  la  bibliothèque  du  Vatican,  une  décou- 
verte encore  plus  riche  et  plus  importante  des  mêmes  écrits,  et  d'autres 
fragmens  appartenant  à  Fronton,  à  Marc-Auréle,  àVerus,  à  Antonin- 
le  Pieux,  etc.,  et  il  en  a  publié,  à  Rome,  une  nouvelle  édition,  par 
conséquent  plus  complète  que  la  première.  Cette  découverte  a  coûté 
beaucoup  de  peine  et  de  travail  à  M.  Mai,  parce  que  les  pièces  origi- 
nales de  ce  palimsextc  étaient  dispersées  et  confondues  avec  d  autres 
d'une  nature  toute  différente.  Les  soins  de  l'éditeur  ont  été  bien  payés 
par  les  fruits  heureux  de  sa  découverte, Tout  ce  qui  appartient  à  Fronton 
doit  intéresser  les  véritables  savans  et  les  philosophes.  Il  a  été  le  pré- 
cepteur de  tiois  princes  qui  ont  répondu  aux  soins  et  aux  maximes  de 
leur  maître,  et  qui,  après  avoir  été  ses  élèves,  sont  devenus  ses  amis. 
Warc-Aurèle  lui  lit  élever  une  statue  ;  mais  il  laissa  de  lui  un  monument 


ï6o  LIVRES  ETRANGERS. 

encore  plus  durable  :  «  CVst  à  Fronton,  disait-il,  que  je  dois  d'avoir  ap* 
pris  loul  ce  que  la  royaulé  euferaïc  de  jalousie,  d'astuces  ,  o'.'hypocrisie, 
et  combien  ,  en  général ,  il  a  y  peu  d'affection  dans  le  cœur  de  ces 
hommes  qu'ici  l'on  appelle  nobles.  »  Fronton  fut  grammairien,  histo- 
rien ;  et  s'il  n'était  un  autre  Cicéron ,  il  fut,  sans  doute,  un  des  pre- 
miers orateurs  de  son  s'ècle.  On  ne  connaissait  de  lui  que  le  traité  que 
publia  3.  Parrasius,  De  differentiis  vocahulorum.  Les  ouvrages  qui 
Tiennent  de  paraître  n'apparliennenfla  plupart  qu'au  genre  épistolaire, 
ou  à  l'art  du  rbéleur;  mais  ils  peuvent  servir  à  nous  l'aire  mieux  juger 
une  époque  extraordinaire  de  l'histoire  ancienne  ,  époque  que  trois  prin- 
ces, tout-à-r<iit  différen»  par  leurs  maximes  et  par  leur  conduile,  de  ceux 
qui  les  avaient  précédés  et  les  ont  suivis,  oui  rendue  respectable  aux  yeux 
des  amis  de  l'humanité.  On  peut  même  regarder  la  lecture  de  Fronton 
comme  un  moyen  de  tempérer  l'impression  que/loit  produire  la  lecture 
de  Tacite  et  de  ^lacbiavel.  C'est  dans  cet  écrivain  qu'on  peut  chercher  le 
plus  grand  éloge  de  la  royauté,  appliquée  au  bonheur  des  peuples  ,  et  les 
plus  utiles  instructions  pour  les  prinres.  On  y  trouve  en  même  tems  des 
notices  plus  ou  moius  remarquables,  non-seulement  sur  cette  époque, 
mais  aussi  sur  dos  tems  encore  plus  anciens;  même  des  morceaux  qui 
étaient  inconnus  jusqu'ici,  des  livres  perdus  de  Gaton  et  d'Ennius. 
Parmi  les  écrits  et  les  fragmens  des  Antonins,  ceux  de  L.  Verus  prou- 
vent qu'il  ne  manquait  pas  de  plusieurs  qualités  estimables  d'esprit  et 
de  cœur,  qu'on  lui  avait  jusqu'ici  trop  ^évèremcnt  refusées.  Cette  édi- 
diiiun  est  riche  en  remarques  savantes,  en  index  et  notices  iiltérai- 
rcs,  etc. 

45.  — Dizionario  délie  antichità  csistenti  inSiciiia,  etc.  —  Diction- 
naire des  antiquités  qui  existent  dans  la  Sicile,  eic. ,  par  G.  M.  Capo- 
Dicci.   Syracuse,  icSvo.  In  4°> 

C'est  un  bon  catalogue  qui,  dit  on,  peut  servir  de  guide  aux  étrangers. 

46.  —  Tavotc  diUe  cose  •più  memorabili  délia  sloria  di  Sifacuna  ,  etc. 
—  Tables  des  choses  les  plus  mémora!)les  appartenant  à  l'histoire  de 
Syracuse,  avant  l'ère  vulgaire;  par  le  même  auteur.  Messine,  1821. 
In-4°. 

Ces  tables  sont  précédées  d'un  es.-ai  sur  ce  qu'on  admirait  le  plus 
dans  l'ancienne  Syracuse,  et  accompagnées  de  tables  chronologiques 
relatives  à  son  histoire  politique  et  littéraire. 

47.  —  De'  diritti  délia  Sicilia  fer  la  sua  nationale  indi-pendcnza , 
etc.  —  Mémoire  sur  les  droits  de  la  S'cile  à  l'independauie  nationale; 
par  le  baron  F.  Ventuba.   Palerme,  1821.  In-4°. 

L'auteur  prouve  que  la  Sicile  a  toujours  eu  un  gouvernement  parti- 


LIVRES  ETRANGERS.  16 1 

culier  et  un  parlement  national.   Muis,  est-ce  assez  pour  qu'elle  n'ait 
plus  rien  à  réclamer? 

48.  —  Memorie  de'  flUori  Messinesi  e  degli  esteri  cfie  in  Mesxina 
ftorirono,  etc.  —  Mémoires  des  pcinircs  de  Messine  et  des  peintres 
étrangers  qui  fleurirent  dans  cette  ville,  depuis  le  xii'  siècle  jusqu'au 
xix«.  Mtssine  ,   1821.  In-8°,  avec  2S  portraits. 

D'après  un  jugement  porté  à  Palcrrac,  cet  ouvrage  contient  plusieurs 
inexactitudes, 

49.  —  /  fragmenti  di  Diccnrco  da  Messina,  etc.  — Les  fragmcns  de 
Dicéarque  de  Messine,  recueillis  et  éclaircis  par  M.  Cclidonio  Ebrantk, 
etc.  Palerme,  1822.  In-S». 

Cet  ouvrage  conlii'nt  un  mémoire  très-savant  sur  l'époque,  les  écrits 
et  les  opinions  de  Dicéarque ,  et  sur  son  système  philologique.  Le  texte 
grec  est  accompagné  d'une  traduction  italienne,  et  de  diverses  notes 
historiques  et  philologiques.  Le  premier  vulume  de  cet  ouvrage  fait  dé- 
sirer le  second. 

50.  —  Discorso  intorno  ad  Arcldmede,  etc.  —  Discours  sur  Arclii- 
mèdc;   par  l'abbé  Domenico  SciNà.  Palerme,  iSaS,  ln-4''. 

On  connaît  assez  le  mérite  de  M.  Scinà ,  en  érudition  et  en  philoso- 
phie, pour  bien  augurer  de  ce  nouveau  travail,  semblable  aux  autres 
du  même  genre  qu'il  a  déjà  publiés. 

5i.  —  Rcpcrtorio  scella  ad  usa  de'  teatri  iladani,  etc.  —  Képerloire 
choisi,  à  l'usage  des  théâtres  d'Italie;  parle  professeur C«_/c<anBABBiKai. 
Milau  ,  1820. 

Cet  amateur  de  l'art  dramatique  avait  déjà  publié  un  recueil  sembla- 
ble, en  1821.  Peut-être  a-l-il  l'intention  de  l'améliorer,  dans  la  seconda 
édition,  dont  il  a  déjà  fait  paraître  2  vol.  Les  juges  sévères  d'un  art 
qu'ils  Voudraient  vuir  perfectionné  d'après  les  ]>rincipcs  de  l'cxpérienci; 
et  de  la  raison  .  lui  avaient  reproché  de  partager  les  idées  et  les  préjngéi 
des  comédiens  italiens,  qui,  en  général,  sont  les  plus  ignorans  de  leur 
profession.  11  ne  connaît  d'autre  mérite  que  celui  qui  consiste,  dil-il, 
dans  les  grands  effets  ;  et,  pour  obtenir  ces  effets  ,  on  sait  trop  combien 
il  est  fréquent  de  voir  négliger  les  préceptes  du  bon  sens  et  ceux  d  i 
goût.  On  espère  néanmoins  que  iM.  Barbieri ,  déférant  aux  observations 
et  aux  vœux  de  ses  concitoyens  les  plus  éclairés,  préférera,  pour  cctt  • 
seconde  édition  de  son  Rcfcrtolrc  ,  les  sages  conseils  et  l'expérience  des 
vrais  connaisseurs,  à  la  routine  aveugle  d'artistes  médiocres,  qui  conlr'- 
buenl  à  décréditer,  aux  yeux  de  l'étranger,  l'antique  et  noble  patrie  de* 
beaux-arts.  Le  célèbre  ^Jota,  le  second  Goldoui  de  l'ilali?,  a  déjà  dounii 
T.  XX.  —  Octobre.  1825.  Il 


,62  LIVRES  ETRANGERS. 

Je  si<^nal  ;  la  route  qu'il  a  ouverte  est  la  seule  qu'il  soit  permis  de  suivre 
pour  obtenir  de  véritables  succès, 

52.  —  Dcscrizione  di  due  statue  di  Antonio  Canova;  prosa  di,  etc. 
—  Descriptiou  de  deux  statues  d'Antonio  Canova,  par  Miclale  Lbowi. 
Turin  ,  1823.  Chinî  et  Mina;  avec  le  dessin  d'une  de  ces  statues. 

Cet  opuscule  est  intéressant,  non  -  seulement  sous  le  rapport  du  goût 
qui  l'a  dicléj  mais  plus  encore  par  la  pensée  généreuse  que  l'auteur  com- 
munique aux  amateurs  des  beaux-arts,  dans  l'Europe  civilisée.  11  pro- 
pose ,  et  juge  d'une  grande  utilité  que  les  connaisseurs  les  plus  éclairés 
de  chaque  pays  ,  qui  possèdent  quelques  monumens  du  génie  de  Canovu, 
essaient  d'en  donner  la  description  la  plus  complète  et  la  plus  exacte 
pos<ib'e  ;  ce  qu'on  ne  pourrait  faire  avec  succès  sur  des  copies  où  l'oa 
ne  retrouve  plus  l'inspifilion  de  l'artiste  original.  Pénétré  de  l'impor- 
tance de  cette  idée ,  M.  Leoni  a  cherché  à  la  réaliser  par  son  exemple  ; 
il  a  publié  la  description  d'une  statue  de  la  Concorde  et  d'un  Hermès 
représentant  S.  M.  Marie-Louise ,  qui  se  trouvent  dans  le^  duché  de 
Parme.  Après  avoir  rappelé  le  caractère  général  de  l'artiste  à  qui  l'on 
doit  ces  deux  statues,  il  en  détaille  les  qualités  particulières.  L'élégance, 
elparconséqueiit  la  perfection  de  l'art  et  du  goût,  dominent  surtout  dans 
la  statue  de  la  Concor^/t,  que  M.  Cicognara,  le  juge  italien  le  plus  com- 
pétent, regarde  comme  un  des  modèles  les  plus  parljiis  que  Cauova  ait 
exécuté.  \J Hermès  a  quelques  imperfections  ,  que  M.  Leoni  n'a  p(jint 
laissé  ignorer;  mais  elles  ne  peuvent  faire  méconnaître  le  cachet  du  grand 
artiste  qui  a  conçu  et  dirigé  l'ouvrage.  Espérons  que  l'exemple  de 
M.  Leoni  sera  généralement  imité,  et  que  cette  idée  heureuse,  mise 
jjartout  à  exécution  ,  tournera  au  prolit  des  arts  ,  eu  contribuant  h  l'ins- 
trucliwn  des  artistes.  F.  Salfi. 

PAYS-BAS. 

ô5.  —  Dissertatio  anatomico-jmlttotojia  de  niulalo  vasorum  sanyiù- 
ferorum  decursu  in  scoliosi  cl  cypltosi. —  Dissertation  d'anatomie-patho- 
logique  sur  la  dibposition  des  vaisseaux  sanguins  dans  les  cas  de  scoiiosie 
et  de  cyphosie,  présentée  à  l'Académie  d'Utrecht  par  W.  Vholik.  Am- 
iterdam,  iSaS.  ln-4''  ;  34  P^g.  avec  planches. 

M.  Vrolik  a  pris,  pour  sujet  de  sa  thèse,  une  matière  neuve  et  diffi- 
cile. Il  a  pensé  avec  raison  que  Texamen  d'une  aberration  très-frappante 
des  lois  physiologiques  de  l'organisation  humaine,  qui  se  porto  sur  l'ap- 
pareil da  système  vertébral,  pourrait  fournir  des  inductions  importantes. 
Il  admet,  dans  la  pathologie  de  déformalion  de  l'épine,  trois  cas  princi- 
paux :    \:x  lordosiPi  où  les  vcrîèbres  se  plient  de  manière  que  leur  en- 


LIVRES  ÉTRANGERS.  i65 

semble  devient  concave  ejctvrieuroment  ;  la  cypliosie,  où  le  système  il<'ï 
vtrlébres  devient  convexe  extcricurcmcnl ,  ce  qui  est  le  cas  des^iiiij- 
sitcs  ordinaires  ;  enlin  ,  la  tcoliusie,  où  les  vertèbres  se  plient  à  droite 
ou  à  gaucbe.  Il  décrit  avec  soin  plu^iicurs  cas  do  ces  diverses  espèces  ,  et 
il  examine  ensuite  l'intluence  de  ces  déformations  sur  le  cours  des  {,'rancls 
vaisseaux  artériels  et  veineux.  Cetle  partie  du  travail  de  M.  \  rolik  est 
très-ieinarquabie,  et  peut  donner  lieu  a  de  nomhreuses  considéra:ion<» 
pUysiologiques  d'un  giand  inlésèt.  Il  a  étudié  aussi,  dans  son  contour, 
kl  flexion  de  l'aorte  et  du  canal  ihoracique,  qui  accompagne  celle  de  tout 
le  système  vertébral.  Dans  le  eorolUire  1 1 1  de  la  seconde  partie  de  su» 
travail,  l'auteur  donne  une  raison  physiologique,  que  nous  croyons  plus 
ingénieuse  que  solide,  de  la  supériorité  d'esprit  de  trois  illustres  bossus, 
Ésope,  ScarroH,  et  Pope.  1!  termine  par  des  considérations  sur  quelques 
points  nouveaux  d'anatomie  comparée,  et  sur  la  l'onction  de  quelques 
£ippareils,  dont  le  niode  d'action  n'est  pas  encoie  ^uSlsammenl  éclairci. 
M.  Vrolik  a  joint  à  ton  mémoire  la  gravure  de  deux  cas  Ibrt  curieux  de 
scoliosie.  Il  s'est  beaucoup  aidé  de  la  belle  collection  physiologique  et 
pathologique  do  M.  le  professeur  Vrolik,  son  père,  colKutlon  aussi  re- 
marquable par  le  choix  et  la  rareté  des  pièces,  que  par  la  méthode  et  i.i 
disposition  suivant  laquelle  il  le.i  a  classés,  et  dans  laquelle  nous  avons 
eu  l'avantage  de  voir  les  préparations  qui  ont  servi  de  base  au  mémoire. 

ce. 

54  (*).  —  Syslètne  des  facultés  de  i'dine,  par  P.  LAROMiGciKBii;  estra:t 
de  ses  leçons  de  philosophie  ,  et  augmenté  de  notes  critiques  par  Louis- 
Auguste  Gbuyer  ,  ancien  inspecteur  des  douanes  françaises.  Bruxelles, 
iSaô  ;  Delemer  frères.  Un  vol.  in-18  de  i83  pag. 

Cet  extrait  du  bel  ouvrrige  de  M.  Laromiguièrc  est  fort  bien  t'ai'. 
L'auteur,  en  employant  souvent  le  texte  même  du  savant  prul'esseur, 
s'est  permis  des  suppressions  qui  ne  peuvent  nuire  à  la  suite,  ni  à  l.i 
clarté  du  raisonnement.  Les  noies  dont  il  a  accompjgné  son  travail  sont 
écrites  avec  ce  ton  d'une  sage  réserve  qui  convient  à  des  matières  où  su 
sont  égarés  successivement  les  meilleurs  esprits  de  tous  les  siècles.  Si 
1\L  Laromiguièrc  a  cru  philosophique  de  dire  quelquefois  :  Je  n'en  sais 
rien,  M.  Gruyer,  en  Iiaaardant  quelques  explications  nouvelles,  s'e>t 
hâté  d'ajouter  aufsi  '.Je  ne  suis  pas  sàr  de  savoir. On  voit  facilement,  ei 
lisant  ces  noies  ,  ainsi  que  l'Esf/uis.ie  du  nouveau  système  des  fitcullés  de. 
l'âme,  que  l'auteur  a  abordé  son  sujet  avec  quelques  idées  étiangères  a 
l'école  pbilosopi'.ique  dont  le  professeur  français  s'est  montré  le  plus 
éloquent  organe.  Il  en  est  résulté  des  développemeas  qui  rendent  plu- 
sieurs pages  de  la  dernière  moitié  de  ce  petit  volume  fort  inténssanles. 


î64  LIVRES  ETRANGERS. 

C'est  ainsi  qu'en  attribuant  à  Vorganisme  une  part  plus  considérable 
dans  les  pLéiionièiics  de  la  vie  active  et  passive  de  l'âme  ,  M.  Gruyer  me 
semble  s'être  placé  sur  la  voie  qui  doit  peut-être  ua  jour  mener  à  la 
révélation  de  quelque  autre  grand  secret  de  la  nature.  Mais  je  lui  ferai 
remarquer  en  mC-iue  tems  que  c'est,  siPon  peut  s'exprimer  ainsi,  recu- 
ler en  avançant,  que  de  trop  se  bâlLT  de  mettre  des  suppositions  systé- 
matiques a  la  place  des  faits  reconnus  et  bien  conslalés.  Celte  observa- 
tion m'est  suggérée  spécialemeat  par  ce  fluide  trcs-subtii  que  M.  Gruyer 
établit  comme  agent  de  l'âme  ou  de  l'esprit ,  sur  la  matière  pondérable. 
Certainement,  les  physiologistes  prendront  l'auteur  à  partie  sur  la  décou- 
verte de  ce  fluide  très-subtil  ;  ils  ne  l'en  croiront  pas  tout-à-fait  sur 
parole;  ils  voudront  quelques  faits  à  l'appui  de  son  existence.  —  Ces 
observations  suffisent  pour  donner  une  idée  d'un  travail  fort  estimable 
à  plusieurs  égards  ,  et  qui  annonce  un  esprit  exercé  à  ces  sortes  de  re- 
cl-.erches.  P.  A.  Dcfac. 

55.  —  Vicr  Brîcvcn,  etc. —  Quatre  lettres  écriies  par  MM.  Jacoh 
ScHELTEMA  ct  3 ac(rb  RôsisG  ,  suF  Ics  dcruiers  débats  relatifs  à  la  préten- 
tion de  la  ville  de  Harlem  à  la  découverte  de  l'imprimerie.  Ilarlem , 
iSaô;  veuve  A.  Loosjes.  5?  pag.  in-8°. 

IS'ous  avons  annoncé  {Rev.  Enc,  T.  XVIîI,  pag.  275)  la. fêle  séculaire 
qi;i  a  eu  lieu,  le  lo  juillet  dernier,  à  Harlem  ,  pour  la  découverte  de  l'iui- 
primerie.  On  n'ignore  point  les  débats  qui  se  sont  élevés  il  y  a  long- 
tems  à  ce  sujet.  En  dernière  analyse  ,  le  récit  de  Junius  est  universelle- 
ment regardé  comme  fabuleux  ,  et  les  savans  partagent  l'opinion  dont 
M.  Renouard  a  exposé  si  clairement  les  motifs,  dans  le  second  volume 
de  son  Catalogue  d'un  amateur,  M.  Rôning- a  cru  son  patriotisme  inté- 
itbt.é  à  soutenir  l'opinion  coulraire  ;  et ,  pojr  prouver  que  Cosler  n'est 
pas  un  personnage  équivoque  ,  ou  va  graver  de  ijouveau  le  portrait  que 
poss'Lde  M.  Enscbedé.  Ceux  qui  connaissent  l'histoire  littéraire  de  la 
Belgique  savent  que  ce  portrait  n'est  pas  celui  du  sacristain  Laurent  , 
mais  de  Ruardus  Tapperus,  d'Enkhuisen,  docteur  en  théologie,  inqui- 
siteur de  la  foi,  à  qui  répito;^e  dont  il  est  revêtu  convient  mieux. 
M.  Schellema  prétend  que  M.  Renouard  a  eu  tort  d'avancer  que  les  sa- 
vans mêmes  de  la  Belgique  ne  croy:iient  pas  en  Cosler,  et  il  soutient  que 
M.  Van  Hullhem  est  le  seul  qui  rési:'te  encore.  En  conséquence,  il  le 
somn:e  assez  inconsidérément  de  se  déclarer,  afin  qu'on  puisse  le  com- 
hattre  en  champ  clos. 

56.  —  La  Fiancée  d'Jbydos,  poème  en  deux  chants.,  avec  des 
notes,  imité  de  lord  Byron  ,  par  J ug.  Ç.lxv kn'ixv.  Gand,  iS25  ;  Iluuùin; 
Co  pag.  :n-8°,  avec  un  beau  ]  ortrait. 


IJYRES  FRÂ?^ÇÂtS.  »G5 

Cette  trailiitioii  fait  beaucoup  d'bonneiîr  à  M.  CLivarcau,  dont  le  slvie 
a  reçu  des  améliorations  sensibles.  On  lui  reprochait  généralement  de 
manquer  de  couleur  ;  il  a  répondu  à  cet  le  observation  par  de  nouveaux 
efforts  :  et  c'est  ainsi  qu'il  est  honorable  de  fermer  la  bouche  aux  cri- 
tiques. Les  vers  de  M.  Clavareau ,  dans  son  nouveau  poème,  ont  du 
mouvement,   du  coloris,  et  de  la  chaleur.  F.  De  R— g. 

LIVRES  FRANÇAIS. 

57  (•).  —  Mémoires  du  Mvséum  d'fn'sloirc  nnfurede,  par  les  profes- 
seurs de  cet  établissement.  Tom.  IX.  In-4''. 

Ce  volume  confient  les  vingt-huit  dissertations  s'iirantes  ,  savoir  :  Ob- 
servations sur  la  germination  des  prêles;  {)ar  M.  Acaedh,  piofesseur  à 
Lnnd,  en  Suède.  —  Sur  les  cucurbitarécs  et  les  pnssiflorées.  —  Voyage 
dans  l'intérieur  du  Brésil ,  par  M.  Auguste  de  Saint-Hilane.  Sur  le 
genre  paradoxure  et  deux  nouveaux  mammifères  qui  s'y  rapportent.  Sur 
de  nouvelles  familles  voisines  de  la  marmotte.  Sur  les  porcs  -  épies  ,  et 
genres  voisins  ;  par  M.  F.  Cuvikb.  —  Sur  les  travaux  de  M.  le  docteur 
Flourens,  relatifs  aux  propriétés  du  système  nerveux;  par  M.  G.  Ci'vier. 
—  Sur  la  tribu  des  cuspariée«  ;  par  M.  Decandoi.lb.  —  Anatomic  du 
système  locomoteur  chez  le  phoque  commun  ;  par  M.  Dcvbbnoy,  mé- 
decin à  Montbeillard.  —  Sur  les  organes  sexuels  et  sur  les  produits  de 
génération  des  poules  dont  on  a  suspendu  la  ponte,  enfermant  l'oviduc- 
tus.  Sur  une  nouvelle  espèce  de  bœuf,  d'une  taille  gigantesque,  et 
ayant  les  apophyses  épineuses  des  verièbres  dorsales  prolongées  exté- 
rieurement. Sur  les  rapports  des  tige»  montantes  des  vertèbres  dorsales 
chez  les  mammifères  ,  et  les  rayons  des  nageoires  dorsales  chez  les  pois- 
sons. —  Considérations  sur  la  vertèbre  ,  détermination  de  ses  parties 
élémentaires,  au  nombre  de  neuf;  sur  la  séparation  de  ces  pièces  chez 
les  mammifères  à  l'état  de  fœtus  ,  chez  les  poissons  adultes ,  chez  les 
crusfacées,  etc.,  et  sur  l'existence  et  la  composition  des  mêmes  élémens 
vertébraux  chez  les  insectes.  Sur  les  principes  de  la  Philosophie  nnito- 
miquc.  Considérations  générales  sur  'es  organes  sexuels  des  animaux  à 
grandes  respiration  et  circulation.  Composition  des  appareils  génitaux  , 
urinaires,  et  intestinaux,  à  leurs  points  de  rencontre  dans  l'autruche  et 
dans  le  casoar  ;  par  M.  Geoffbov-Sairt-Hii.aibe.  —  Analyse  de  deux  va- 
riétés du  cobalt  arséniatc  ;  par  M.  Laugieb.  —  Relation  d'un  voyage 
aux  Indes -Orientales.  Notice  sur  une  nouvelle  espèce  de  vinetler;  par 
M.  rESCHENAi'LT-DE-LA-ToiB.  —  Caractèrcs  de«  aroïdées  du  genre  Ludo- 
via.  Sur  une  nouvelle  famille  de  plantr^s,  les  cyciantées.  Histoire  de» 


166  LIVRES  FRAISÇÂIS. 

palmiers  de  la  Guyane  française;  par  M.  Poiteah,  — Sur  une  j>iéirndue. 
{greffe,  dite  Columelle  ;  par  M.  Thoiin.  —  Sur  le  soiis-gtnre  Marteau, 
Zigœna;  par  M.  Valercienmes.  —  Sur  l'acide  purpuri(]ne  et  les  purpu- 
rales.  —  Analyse  d'une  eau  minérale  de  l'ile  Bourbon.  Analyse  des  cen- 
dres du  Vésuve.  Examen  de  l'influence  des  alcalis  sur  l'oxide  d'arsenic  ; 
par  M.  Vauqdemn.  f'higl-qualre  pfanc/ie*  accompagnent  ces  Mémoires. 

—  Après  celte  énnmération  des  pièces  contfnnes  dans  le  9»  volume  que 
nous  annonçonsi,  il  suffira  d'ajouter  que  ce  volume,  formant  le  29*  dzs 
deux  collections  publiées  par  MM.  les  professeurs  du  Muséum,  ne  dif- 
liire  point  en  importance  et  en  mérite  des  volumes  précédens  ;  il  l'em- 
porte même  sur  plusieurs,  eu  égard  à  la  hautenr  des  idées  qui  y  sont 
exposées  ,  et  à  l'influence  qu'elle»  doivent  avoir  sur  la  marche  des 
bciences  naturelles  en  général,  et  en  particulier  sur  la  philosophie.     Z. 

58  {').  —  DicUonnairc  des  sciences  nalureUcs  ,  dans  lequel  on  traite 
luwlliodiqucraent  de»  dilloiens  êtres  de  la  nature  ,  considérés  soil  en 
eux-mêmes,  soit  relativeujcnt  à  l'ulililé  qu'en  peuvent  retirer  la  méde- 
cine, l'agriculture  ,  le  commerce  et  les  arts;  par  plusieurs  professeurs 
du  jardin  du  Roi,  et  des  principales  écoles  de  Paris.  Tom.  XXVII.  Syl- 
labe LIO  — MAC.  Paris,  i8a3;  Le  formant.  Un  vol,  in-S"  de  55 1  pag., 
et  un  atlas  de  20  planches;  prix  ,  6  ir. ,  et  7  fr.  5o  cent;  chaque  livraison 
de  planches,  en  noir,  5  fr.  et  5  fr.  5o  c.  ;  en  couleur,  i5  fr.,  et  i5  fr.  5o  c. 

—  (Voy.  Tom  XI,  pag.  072,  et  Tom.  XIII ,  pag.  65a.  ) 

Celle  importante  entreprise,  qui  élève  un  beau  monument  scienti- 
fique ,  se  continue  avec  le  soin  et  l'exactitude  qu'on  est  en  droit  d'atten- 
dre des  hommes  de  mérite  qui  concourent  à  son  exécution.  Depuis 
noire  dernier  article,  la  livraison  que -nous  annonçons  a  été  précédée 
des  tomes  9.2»,  25«,  24",  '.'-S'',  et  26',  rcnl'ermant  les  mois  compris  entre 
les  syllabes  Huit  et  Ltn.  Nous  n'essaierons  point  de  donner  la  nomencla- 
ture de  tous  les  articles  inléressans  que  renferment  ces  volumes  ;  mai»' 
nous  citerons  ceux  qui  ont  le  plus  d'étendue,  et  nous  dirons  que  l'ar- 
ticle ictliyologie ,  de  M.  Cloquet  ,  est  rempli  d'érudition,  et  qu'il  pré- 
sente toutes  les  classifications,  les  méthodes,  et  les  systèmes  proposés 
jusqu'à  ce  jour  sur  les  nombreux  individus  de  cette  grande  partie  de  la 
ioologie.  \J ■AtlifÀQ  Indojfcndanee  des  formations ,  qui  occupe  la  moitié 
du  •>,.■")«  vol.  ,  était  extrait  d'un  ouvrage  inédit  de  M.  de  Jlumiotdt  ; 
il  présente  pour  H  géogiiosie  le  traité  le  plus  curieux  ,  le  plus  étendu  ,  et 
le  plus  varié  de  la  formation  des  roches  et  de  leur  superposition  dans 
les  deux  hémisphères.  L'article  insectes ,  de  M.  Dutnéril,  offre  au  natu- 
ralisie  les  documens  physiologiques  et  méthodiques  les  plus  satisl'aisans. 
Sous  le  titre  de  Jardin  de  iotaniqiM,  M.  DecandoUe  expose  l'histoire  do 


LIVRES  FRANÇAIS.  1G7 

f-'fs  établlsscmens ,  si  utiles  ;nis  progrès  de  la  botanique,  le»  priin-ipcs 
d'administration  qui  leur  «ont  ))roprcs  ,  et  dont  l'obscrvalion  influe  sur 
leur  utilité.  Sous  le  mot  laves,  que  M.  Brongniarl  restreint  à  la  signifi- 
cation de  substances  minérales  fondues  par  l'action  des  feux  volca- 
niques, on  trouve  des  détails  sur  leurs  formes,  leur  chaleur,  leur  écou- 
lement, et  la  détermination  des  roches  qui  les  composent.  Ce  même 
savant  donne,  au  mot  lignite,  des  détails  minérahtgiqucs ,  géogra- 
phiques, et  géognostiques  tfès-uliles  sur  ce  combustible  charbonneux, 
d'origine  végétale ,  qu'on  a  confondu  pendant  long-tems  avec  lnliouillc, 
et  dont  on  doit  la  distinction  réelle  à  M.  Foigt,  —  Le  27*  volume,  qui 
a  paru  depuis  peu,  est  remarquable  par  un  article  de  physique  générale , 
d'une  étendue  propott'onnée  à  l'importance  des  phénomènes  dont  ilelfre 
la  description,  t«;ls  que  la  transmission,  la  réllexion,  la  réfraction,  et  la  dé- 
composition de  la  lumière.  Les  effets  de  la  vision  ,  de  la  double  rélVac- 
tion,  et  de  la  polaiisation  de  la  lumière,  sont,  ains-i  que  la  production  des 
couleurs  ,  exposés  par  M.  La  Croix,  avec  beaucoup  de  clarté  et  de  pré- 
cision. La  botanique  présente  un  grand  nombre  d'articles  intércssans  , 
parmi  lesquels  on  remarque,  sous  le  point  de  vue  historique  et  écono- 
mique, les  mots  (is,  liseron,  Iwpin,  luzerne,  liquidainhar,  lycopcrdon,, 
et  lycofodinur.  Les  articles  de  mammifères  les  plus  saillans  par  la  des- 
cription des  mœurs  et  des  détails  auatoniiques ,  sont  Loir,  loutre,  cl 
Macaque.  Les  diil'érentes  branches  de  la  zoologie,  ainsi  que  de  la  chiniii', 
la  minéralogie,  la  conchyologie,  offrent  aussi  des  articles  très-satisfai- 
sans.  —  Le  cahier  de  planches  ,  qui  accomiiagne  cette  livraison,  est  le 
25<^  ;  plus  de  5oo  espèces  de  productions  naturelles  sont  déjà  figurées. 
Les  de!>sins,  confiés  aux  soins  de  M.  Tur[)in,  sont  faits  avec  une  exacti- 
tude qui  ne  laisse  rien  à  désirer.  B.  G. 

59  (*).  — Planches  anatomiqucs  du  corps  humain ,  exécutées  d'après 
les  dimensions  naturelles,  accompagnées  d'un  texte  explicatif,  par  J.  Aiv- 
TOMMARCui;  publiées  par  M.  de  Lasteyrie.  Troisième  et  quatrième  li- 
vraisons. Paris,  iSaô;  à  la  lithographie  de  l'édileur,  rue  du  Bac,  n"  58. 
Très-grand  in-folio;  prix,  5o  fr. 

Cet  ouvrage,  auquel  nous  avons  déjà  consacré  une  analyse  (^^oy.  ïom. 
XVIII,  pag.  5oi-5o5),  a  reçu  l''a])probation  éclairée  de  M.  le  doyen  de 
la  Faculté  de  Paris,  qui  en  a  constaté  l'importance  et  l'utilité  dans  une 
lettre  adressée,  le  16  mai  dernier,  au  ministre  de  l'intérieur,  et  dont 
nous  reproduisons  ici  un  extrait.  «  J'ai  reçu  la  première  livraison  des 
planches  anatomiqucs,  du  docteur  Antommarchi  ,  et  la  lettre  par  la- 
quelle vous  m'invitLZ  à  vous  donner  mon  avis  sur  l'utilité  de  l'exécu- 
tion de  cet  ouvrage.  En  général ,  les  planches  gravées  ou  lithograpliiées 


iGS  LHTIES  FRANÇAIS. 

son!  d'un  faible  secours  pour  l'étude  de  l'aiiatomic  quaud  elles  sont 
exactes,  et  deviennent  plus  uuisibk-s  qu'utiles,  quand  elles  ne  le  sont 
pas.  La  première  livraison  des  planches  aoatomiques  donne  une  idée 
d'abord  un  peu  obscure  des  objets;  mais,  lorsque  ces  planches,  d'ailleurs 
très-exactes,  sont  coloriées,  il  est  facile  de  distinguer  toutes  les  parties 
dont  elles  retracent  l'image.  Cet  ouvrage  me  paraît  devoir  être  fort  utile 
pour  les  praticiens  qui  ne  peuvent  plus  se  livrer  aux  travaux  anatonii- 
ques  ,  et  je  pense  qu'à  est  à  désirer  qu'il  soit  déposé  dans  les  grandes 
bibliothèques.  »  Signé  Lasdbk  Beacvais. 

60  (*). — ■.Considérations  générales  sur  ia  classe  des  insectes;  par  A. 
51.  C.  DcMÉBiL,  de  l'Institut.  Paris,  iSaô  ;  Levrault.  Un  vol.  in-S» ,  de 
272  pag.  et  X,  avec  6o*planchcs;  prix,  avec  les  planches  noires,  20  fr. ; 
coioriées,  60  fr. 

L'auteur  de  cet  ouvrage  avait  composé,  pour  \e Dictionnaire  des  scien- 
ces naturelles ,  un  article  élendn  sur  les  insectes.  Le  livre  que  nous  an- 
nonçons est  ce  même  article,  tiré  à  part  et  augmenté  de  notes  et  d'ob- 
servations nouvelles.  L'ouvrage  est  divisé  en  huit  chapitres.  Le  premier 
iraile  du  rang  qu'occupent  les  insectes  dans  l'ordre  des  êtres  animés; 
ce  qui  conduit  M.  Duméril  à  faire  un  tableau  très-inlércssaot  de  la 
classification  naturelle  des  animaux,  depuis  les  zoophytcs  et  les  mollus- 
ques  jusqu'aux  insectes,  dont  il  donne  une  définition  généiale.  Les  cha- 
pitres buivans  sont  consacrés  à  l'étude  des  formes  et  de  la  slru.  fure  des 
insectes ,  à  leurs  fonctions,  aux  moyens  de  défense  et  de  conservation^ 
aux  modes  de  propagation,  enfin  à  l'exposition  de  la  méthode  analyti- 
que de  classification.  Le  chapitre  IV  forme  une  hibliographic  entomo- 
iogique  des  auteurs  principaux  qui  ont  écrit  sur  les  Insectes,  et  des  sys- 
tèmes dans  lesquels  on  a  essayé  de  ranger  tous  ces  êtres,  dont  Pline  a 
caractérisé  l'assemblage  par  un  mot  heureux,  »inextricniitis  pcrfecti.» 
M.  Duméril  publie  aujourd'hui  sa  méthode  naturelle,  dont  ileut  la  pre- 
mière idée  en  iSoo.  Il  adopte  pour  les  ordres  des  inserles,  les  caractè- 
res tirés  des  ailes,  comme  l'avait  fait  Linnée;  mais  la  plus  grande  dif- 
ficulté, c'était  de  trouver  des  signes  dislinctifs  pour  les  familles  et  les 
genres.  Ce  savant  professeur  les  a  découverts,  par  l'examen  attentif  et 
minutieux  des  caractères  très-naturels  qae  fournissent  les  mâchoires  et 
le  nombre  des  articles  aux  tarses  des  pattes.  On  lira  aussi  avec  un  vii'in- 
lerèt  les  descriptions  très-curieuses  des  mœurs,  des  habitudes,  et  de  In 
structure  des  insectes.  Le  style  de  ces  morceaux  est  clair,  simple  et  élé- 
gant. Ce  livre  est  du  petit  nombre  ds  ceux  que  les  gens  du  monde  et 
les  naturalistes  pourront  lire  avec  le  même  plaisir.  Il  est  à  désirer  que 
SI.  Duméril  se  décide  à  publier  aussi  le  résumé  de  ses  cours  sur  l'his- 


LIVRES  FRANÇAIS.  iG.) 

toirc  des  reptiles.  L'ouvrage  est  orné  de  gravures  coloriées ,  d'un  fini 
très-remarquable,  dessinées  par  M.  Prêtre,  et  dont  la  gravure  a  élé  di- 
rigée par  M.  Turpin.  Ce  livre  ne  pourra  qu^ajouter  encore  s  la  réputa- 
tion que  s'est  acquise  M.  Daraéril,  par  ses  vastes  travaux  en  histoire 
naturelle.  On  voit,  en  le  lisant,  que  la  nature  est  partout  également  riche 
et  féconde,  qu'elle  n'a  pas  di;  petits  phéuomùnes  ,  et  que  la  sa^jcsse  in- 
finie du  Créateur  se  montre  de  la  manière  la  plus  admirable,  jusque 
duns  ces  insectes,  dont  cliacua  semble  dans  son  genre  un  être  parfait. 

Chartes  Coqcebel. 
61  (').  —  Encyclopédie  tnoderiye  ,  ou  niclionnaire  abrégé  des  sciences, 
des  lettres  et  des  arts,  avec  l'inclicatioi  des  ouvrages  où  les  différens 
sujets  son  développes  et  approfondis;  par  M.  Cocbtin  ,  ancien  magis- 
trat ,  et  par  une  Société  de  gens  de  lettres.  (A — ALV).  Paris,  182Ô. 
In-S". — Cet  ouvrage  aura  24  volumes,  et  l'éditeur  s'engage  à  ne  pas  dé- 
passer ce  nombre.  Chaque  volume  sera  de  5o  à  55  feuilles  d'impression. 
liC  premier  en  a  58  ;  le  second  va  paraître  incessamment,  et  l'ouvrage 
f-nliersera  publié  avant  la  fin  de  1825.  Le  prix  de  chaque  volume  bro- 
ché est  fixé  à  7  fr.  5oc.,  pour  les  perso'incs  qui  auront  souscrit  avant 
ia  mise  en  vente  du  troisième  volume.  Après  celte  époque,  chaque  vo- 
lume coûtera  9  fr.;  on  ajoutera  un  volume  de  planches,  publiées  en  deux 
livraisons,  la  première  après  le  12"=  volume,  et  la  seconde  après  le 
^4°"'  :  le  piix  de  chacune  de  ses  livraisons  sera  aussi  de  7  fr.  30  c.  ;  l'en- 
voi par  la  poste  coûtera  1  fr.  -S  c.  de  plus.  On  souscrit  à  Paris,  à  la  li- 
brairie universelle,  chez  Mongie  aîné ,  boulevart  Poissonnière,  et  au 
bureau  de  l'Encyclopédie,  chez  M.  Dupuy,  éditeur,  rue  Neuve  Saiut- 
Roch,  n»  24. 

Nous  rendrons  compte  de  cet  ouvrage  important,  lorsque  nous  au- 
rons reçu  le  second  volume.  En  parcourant  le  premier,  on  commence 
à  bien  augurer  de  l'entreprise  de  JVI.  Courtin  ;  un  examen  plus  attentif 
ne  peut  sans  doute  que  fortifier  cette  opinion  favorcble.  «  La  France, 
dit  l'éditeur,  ne  possède  pas  (comme  l'Allemagne  et  l'Angleterre)  un 
Dictionnaire  atrégédes  sciences,  des  lettres  et  des  arts....  Il  fallait  met- 
tre V Encyclofcdie  (ou  un  résumé  de  noticns  élémentaires  et  précises 
sur  toutes  les  branches  de  nos  connaissances)  à  la  portée  de  toutes  les 
fortunes.  Il  fallait  que  les  citoyens  industrieux  pussent  connaître  les 
conquêtes  de  l'industrie,  que  la  classe  studieuse  pût  apprécier  les  pro- 
grès des  connaissances  humaines D'ailleurs,  la  marche  continuelle 

et  progressive  des  lumières  a  rendu  plusieurs  parties  de  nos  deux  gran- 
des Eucyclopédies  imparfaites,  insuffisantes,  et  presque  surannées 

Il  nous  fallait  donc  iin  ouvrage  qui  fût  en  harmonie  avec  les  idées  ac- 


i7«  LIVRES  FRAISÇAIS. 

quises,  qui  fût  rcxpicssîon  corapiète  de  l'état  actuel  de  l'esprit  hu- 
main.» Si  les  auteurs,  dirigés  par  ces  deux  puissans  motifs,  remplis- 
sent digucmenl  la  noble  lâche  qu'ils  s'imposent,  ils  rendront  un  service 
important  aux  sciences  et  à  l'humanité.  Mais,  peut-être,  ils  auraient 
mieux  atteint  leur  but ,  en  publiant  une  collection  de  petits  traités  élé- 
mentaires ,  écrits  avec  concision  et  clarté  ,  sur  chaque  partie  des  scien- 
ces et  des  arts Parmi  les  auteurs  des  articles  qui  composent  le  pre- 
mier volume,  on  remarque  les  noms  de  MM.  Abnaclt,  Aibbbt  db 
ViTRv,  Berton,  de  riusiitul,  Bory  de  Saint  Vi;«cent  ,  Coiaim,  £. 
DupàTV,  Fbanccecr,  Lamabqdk,  lieutenant-général,  Le  Kobmamd  ,  Ni- 
coi.ET,  Pages,  Pahisot  ,  Tis.-ot  ,  Thocret,  etc.  Il  est  à  désirer  que  cha- 
que matière  soit  traitée  ,  dans  les  différens  articles  ,  par  un  juge  com- 
pétent dont  le  nom  et  les  travaux  antérieurs  lui  donnent  une  certaine 
autorité  et  inspirent  une  ferme  conQance  foudée  aux   lecteurs.     F. 

62  (') Dictionnaire   chronologique  et  raisonné  des  découvertes ^ 

inventions,  etc.;  par  une  Société  de  gens  de  lettres.  T.  X;  HEK— 
MAC  (1).  Paris,  18  ..5  ;  Colas.  In-S»;  prix,  7  fr. ,  et  8  fr.  80  c. 

Parmi  les  articles  de  zoologie  renfermés  dans  ce  volume,  nous  avons 
remarqué:  1°  la  descrijttion  (\\i'3i  faite  M.  Geoffroy  Saint-Ililaire ,  du 
jaguar,  animal  que  l'on  a  long-tems  confondu  avec  U  panthère ,  quoi- 
qu'il  soit  bien  plus  vigoureux,  et  qu'il  diffère  beaucoup  de  ce  dernier 
par  >on  pelage,  et  par  sa  taille,  ouiot  presque  double;  2"  les  oôservations 
du  même  naturaliste  sur  le  kanguroos  (didelphis  gigantea) ,  animal  à 
poche,  remarquable  par  l'inégalité  de  ses  extrémités,  qui  rend  son  allure 
lente  et  embarrassée,  et  par  la  longueur  du  doigt  annulaire  des  pieds  de 
derrière,  lequel  est  armé  d'un  ongle  long  et  pointu  ,  dont  les  kanguroos 
se  servent  pour  évenlrer  leurs  ennemis.  M.  Cuvier  a  donné  sur  l'eslo- 
raac  et  le  canal  de  ces  animaux  des  détails  analomiques  curieux.  3°  L'ar- 
ticle tiré  d'un  mémoire  di;  M.  Latreille  sur  les  langoustes,  qu'il  divise 
en  cinq  espèces,  dont  la  première  est  la  langouste  commune  (vulgaire- 
ment homard),  très-abondante  ^a^  les  côtes  de  France,  et  qu'on  a  sou- 
vent regardée  à  tort  comme  le  cancer  homarus  ou  l'attacus  homarus. 
Cette  espèce  était  importante  à  connaître  parce  qu'elle  est  un  mets  re- 
cherché, qu'Aristote  en  a  parlé  sous  le  nom  de  carahos^  et  les  auteurs 
latins  sous  celui  de  iocusla.  4»  La  limace  et  le  colimaçon  se  ressemblent 
tellement,  à  la  grandeur  de  la  coquille  près,  que  M.  Cuvier  a  cru  de- 


(1)  Nous  n'avons  pu  annoncer  en  son  leiiis,  le  T.  VIII  (G AL  —  HEP) ,  qui 
ne  nous  est  rnrvenu  qu'après  le  l.  IX,  ot  qui  ii'ofFie  pa^niuins  d'inléiét  que  les 
prércJcns. 


LIVRES  FRANÇAIS.  171 

voir  réunir  i'auatofnie  de  ces  deuï  gastéropodes  dans  un  seul    travail , 
qui  prouve  l'admirable  sagacité  de  ce  savant  natiiralislc. — Si  nous  pas- 
sons à  la  botanique,  nous  indiquerons  d'abord  l'aviicle  jaiap  y  dans  le- 
quel  M.   Deslbntaines  a  démcntré  quo  la  plante  qui  a  pour  racine  ce 
précieux  purgatif  doit  être  classée  dans  la  famille  des  liserons.  Les  ob- 
servations de  MM.  Henri  et  Planche  sur  la  racine  et  la  résine  -le  jalap , 
quoique  appartenant  à  la  chimie  vëgétaie,  doivent  être  cites  ici.  M.  De- 
liile  a  donné  la  description  des  trois  espèces  de  iotu';  dont  les  historiens 
tl  les  monumens  de  l'Egypte  font  menliou.    L'article  iycupndimcts  ol- 
fre  l'exîrait  succinct  du  travail  de  M.  Dosvaux  sur  cette  famille,  dont 
les  genres  ne  différent  selon  lui  que  par  le  nombre  de»  loges  des  capsu- 
les. Ou  sait  que  c'e^t  le  lycopode  en  masse  (lycopoJiuin  clavatum),  qui 
prod.iit  cette  poudre  jaune  et  inflaminubie  donl  on  se  sert  sur  les  iheà- 
très  pour  imiter  les  éclairs,  etc.    MM.  Vauquclin  ,  Dolomleu,  flauv  et 
Gilet  Lauuiontont  fourni  à  la  minéralogie  des  articles  sur  la  (aumointc, 
la  ieucite,  etc.;  et  M.  le  général  Andréossy  la  description  des   lacs  du 
fiatroun,  du  fleuve  sunscau  et  do  Menz<iUh  eu  Egypte,  description  qui 
se  rattache;  à  la  géographie  et  à  l'archéob^ie,  comme  celle  du  lac  Mœrix 
par  M.  Jomajd,— l'armi  les  arlicks  relatifs  à  la  physique  ,  on  distingue 
principalement  les  observations  dans   lesquelles  M.  Dclaplace  démon- 
tre que  la  durée  du  jour  n'a  pas  varié  d'uc  deux  centième  de  seconde 
depuis  deux  mille  ans.  Ce  fait  a  été  confirmé  par  l'application  que  M. 
Poisson  a  faite  des  tables  actuelles  du  soleil  et  de  la  lune  ,  aux  éclipses 
observées  par  les  anciens  astronomes.  Un  extrait  bien  fait  du  travail  de 
M.  de  Ilumboldt  sur  les  lignes  isollicrmcs ,  donne  des  notions  exactes 
sur  la  distribution  de  la  chaleur  à  la  surface  du  globe.  Le  beau  Mémoire 
de  MM.  Arago  et  Petit  sur  la  puissance  réfraclive  et  dispersive,  et  sur 
l^s  vapeurs  des  Uijuidus,  renouvelle  lu  sentiment  de  reconnaissance  que 
méritent  les  immenses  travaux  du  premier,  et  les  vifs  regrets  qu'a  fait 
éprouver  la  mort   prématurée  du   second.    Sous   le  titre  lumière  ,  on 
trouve  une  analyse  des  découvertes  dont   MM.  Malus,  Biol,  Fresncl , 
Pouiilet,etc.,  ont  enrichi  la  physique.  La  lune  est  le  sujet  de  plusieurs 
articles  où  l'on  remarque  les  noms  de  MM.  Dclaplace,    Bouvard,  Ni- 
collet,  Delamarck,  etc.  —  Les  chimistes  s'arrêteront  principalement  sur 
Vanatysc  de  l'eau  du  Jourdain,  par  M.  Gay-Lussac;  sur  celle  de  l'ni- 
secte  appelé  kermès,  qu'on  trouve  dans  le   midi  de  la  France  attache 
aux  feuilles  d'une  espèce  particulière  de  chêne,   et  avec  lequel  on  fait 
une  couleur  écarlatc  plus  brillante  encore  que  celle  de  la  cochenille.  Ils 
remarqueront  encore  la  description  du  laboratoire  économique,  inventé 
parM.Guyton-Morvtau;  Vanahjse  dn  /a»t,par  Dcycux  etParmentier;  lei 


172  LIVRES  FRANÇAIS. 

travaux  de  Pourcroy ,  Vauqutiin  ,  Thénard  ,  Bouilion-Lagrange  et  Vo- 
gcl  sur  la  même  substance  ;  ceux  de  M.  Thénard  sur  la  liqueur  fumante 
de  Cadet,  etc.  —Si  l'on  s'occupe  ensuite  des  applications  des  sciences  à 
l'économie  industrielle,  on  lira  la  description  de  la  tampe  à  air  in/lam- 
ma'olc,  perfeclionnée  par  M.  Gay-Lussac  ;  et  des  différentes  lampes  in- 
ventées par  MM.  Carccl,  Bordier,  Marcet,  Argand,  Le  Normand,  Ga- 
gneau,  Vcrzy,  etc.;  un  article  sur  l'emploi  du  mâchefer,  dans  l'écono- 
mie  rurale ,   par  M.  Thouin  ;  sur  l'importation  de  la  lithographie  en 
France,  par  M.  de  Lasteyrie,  à  qui  ses  compatriotes  ne  sauraient  mon- 
trer trop  de  reconnaissance. —La  mécanique  industrielle  occupe  une 
place  importante  dans  le  volume  que  nous  annonçons.  Les  ingénieuses 
raachiucs  inventées  p.ir  M.  Douglas  pour  carder  et  filer  la  laine  ,  prou- 
vent que  la  France  a  fait  une  acquisition  précieuse  en  adoptant  ce  mé- 
canicien étranger.   Mais  aucun  nom  ne  se  présente  avec  autant  d'éclat 
que  celui  de  M.  Ternaux,  qui  a  porté  au  plus  haut  degré  de  prospérité 
une  des  branches  d'industrie   auxquelles   notre  pays  doit  sa  richesse. 
L'article  filature  du  Un  fait  connaître  les  tentatives  de  MM.  Trolty  , 
Bunneville  et  de  M--  d'Argence  ,  pour  résoudre  un  problème  de  méca- 
nique très-compliqué.    Les  machines  occupent  seules  4o  pages;  celles 
qui  nous  ont  paru  mériter  le  plus  d'attention  sont  :  j  "  la  machine  à  cen- 
trer les  pivots  ,  de  M.  Privât  ;  2»  la  machine  à  trames,  de  M.  Rousseau; 
3-  la  machine  de  M.  Drapier  pour  couper,  râper  les  hettc-raves,  et  cd 
exprimer  le  suc;  4'  les  machines  à  f&u  de  MM.   Perrier,  Girard,  Clé- 
racnt-Désormes,   Gengembre,  Cagnard-Latour ,   Martin,  etc.;   5»  les 
machines  hydrauliques  de  MM.  Trouville,  Lacaze,  Chauvin,  de  Maiziè- 
res  ;  6°  les  machines  soufflantes  de  MM.  O'reilly  et  Williœ.  —  Les  litté- 
rateurs trouveront  deux  articles  imporlans.  Le  premier  est  une  analyse 
du  cours  de  littérature  de  L^  Harpe;  l'autre,   qui  est  de  M.  Touchard- 
Lafosse,  est  intitulé  :  Littérature  dramatique  (considérations  sur  l'état 
où  elle  se  trouvait  avant  1789,  et  sur  sa  marche  depuis  cette  époque.) 
Il  y  a  sans  doute  du  talent  dans  ce  morceau  ;  mais  il  renferme  des  ju- 
gemens  littéraires  auxqucisnous  ne  pouvons  donner  notre  assentiment, 
et  les  bornes  étroites  où  l'auteur  s'est  renfermé  l'ont  obligé  de  passer 
trop  légèrement  sur  les   productions  littéraires  dout  notre  scène  s'e,t 
enrichie  depuis  la  création  du  second   Théâtre-Français,  Nous  ne  con- 
sentirons janKi«  à   regarder  le  Gtoricu-v   de  Destouches    comme  une 
excellente  comédie,  et  il  nous  semble  qu'on  pouvait  passer  sous  silence 
le  5o/rtnam6u/e,  les /^a«S5es/n/irfé/i/cs,  et  quelques  autres  ouvrages,  sans 
être  taxé  d'injustice.  Mais  c'en  est  peut-être  une  de  ne  pas  mettre  1'^- 
vocat  au-dessus  de  VAssemUéc  de  Famille;  et  c'est  une  hieu  grave  omis- 


LIVRES  FRAISÇAIS.  i:> 

sîon  de  n'avoir  pas  même  nommé  la  pièce  des  Comédiens  de  M.  Casimir 
Delavigne,  que  btaucoup  de  littérateurs  placent  à  côlé  de  la  Métro- 
manie,  et  qui  aurait  suffi  pour  mettre  son  jeune  auteur  au  premier  rang 
des  poètes  de  notre  époque.  11  nous  semble,  enfin,  que  M.  Toucha rd  , 
au  lieu  de  s'arrôler  sur  des  productions  assez  médiocres  ,  aurait  pu 
dire  quelques  mots  de  l'Artaxerce  de  M.  DelaviUe,  de  Conradin  cl 
Frédénc  de  M.  Liadière,  de  ta  Famille  Glinet  de  M.  Merville  ,  de  17r- 
résoiu  de  M.  Leroy  ,  et  de  plusieurs  autres  pièces  qui  ont  obtenu  un 
succès  mérité.  -'^-  Micbelot. 

63.  —  Discours  sur  la  rdlrjion ,  considtrJe  comme,  une  nécessité  de  la 
société;  par  M.  l'abbé  Cottrbt,  chanoine  de  la  cathédrale  de  Paris,  et 
professeur  de  théologie  à  l'Académie  de  Paris,  ouvrage  couronné  par 
la  Société  de  Cambrai.  Paris,  iSïô;  Adrien  Le  Clerc.  îa-b"  de  52  pag.; 
prix,  i  fr.  25. c,  et  parla  poste,  i  fr.  5o  c. 

Ce  discours  censure  vivement  une  partie  de  no.tre  Charte  royale,  et 
des  Codes  où  cette  partie  de  notre  loi  iondamentalc  est  organisée.  Il  a 
pour  objet  de  mettre  en  lumière  une  de  ces  phrases  vague*,  obscures, 
équivoques,  paradoxales,  qui  ont  annoncé  de  loin  les  attaques,  deve- 
nues, en  1825,  plus  directes  et  plus  hardies  contre  nos  libertés  civiles, 
politiques  et  religieuses.  Voici  la  phrase  :  «  On  avait  assez  considéré  la 
religion  comme  un  besoin  de  l'homme;  les  tcms  sont  venus  de  la  con- 
sidérer comme  une  nécessité  de  la  société.  ■  S'agil-il  là  de  la  religion 
patriarchale ,  des  religions  paùnnes,  ou  de  la  religion  judaïque,  ou 
de  toutes  les  religions  chrétiennes,  de  la  religion  catholique  romaine, 
ou  des  religionsmusulmanes,ou  d'un  théisme  philosophique,  c'est-à-dire, 
d'une  religion  dite  naturelle  et  formée  par  un  démembrement  arbitraire 
des  religions  connues?  S'agirait-il,  enfin,  de  toutes  ces  religions  diffé- 
rentes ,  ou  de  quelque  religion  exclusive,  avec  un  clergé  dominateur, 
accumulateur  de  richesses  et  d'influence  et  intolérant?  Voilà,  d  abord  , 
ce  qui  demeure  incertain.  L'orateur  couronné  alBrrae  que  c'est  du  seul 
christianisme.  Malgré  le  style  éoiginalique  dont  il  s'enveloppe  dans 
tout  son  discours,  sa  restriction  au  seul  christianisme  (et  apparemment 
à  tout  christianisme,  puisqu'il  affecte  de  ne  pas  nommer  une  seule  fois 
le  catholicisme),  est  peut-être  suffisamment  éclaircie.  1°  Eo  ce  qu'il  en- 
seigne, pag.  1-,  que  l'homme  n'a  point'  de  droit,  parce  qu'il  n'a  point 
de  titres,  et  qu'il  n'a  poiul  de  titras  parce  qu'il  n'a  point  droit  d'exis- 
ter, avant  d'exister;  vu  que  le  droit  résiderait  dans  Dieu  et  non  dans 
l'homme.  Cette  manière  de  raisonner  n'est  pas  précisément  du  catholi- 
cisme ;  mais  elle  appartient  à  une  école  qui  n'est  point  séparée  du  catlio- 
licismc,  et  qui  ne  se  trouve   que  chez  certains  ca'holiqucs.  2°  En  ce 


174  LIVRES  FRAJSÇAIS. 

qu'il  se  camplaîl  fort  à  d'autres  choses  qu'on  n'a  point  trouvées  hors 
de  quelque»  pajs  catlioliques ,  p-ir  exemple,  la  néctiské  légale  d'être 
thréticn  ou  de  païaîlre  tel.  Le  sacre  appartenant  à  la  loi  cércmooiale 
judaïque  abolie,  mais  établie,  au  viii"  iiècle,  en  France,  pour  couvrir 
l'usurpation  non  prescrite  (i),  et  nos  rois,  dans  cette  cérémonie,  pre- 
mièie  source  de  leur  déposition  par  les  prêtres,  ornés  d'habits  clérico- 
royaux,  recevant,  sans  sacrement,  l'huile  fabuleuse  de  la  fabuleuse  am- 
poule qui  n'existe  plus,  la  recevant,  comme  dit  M.  l'abbé  Gottret,  avec 
les  mystères  et  les  traditions  antiques,  et  V attribution  du  pouvoir  d' o~ 
fùrer  des  (jxurisons  miracuLuses.  Il  ne  dit  rien  des  formules  à'clection 
du  roi,  toujours  conservées  dans  le  rituel  du  sacre,  et  toujours  usitées. 
D'après  ces  éclairoissemens,  on  peut  et  l'on  doit  croire  que  le  christifi- 
nisme,  déclaré  ici  nécessite  sociale,  est  le  catholicisme  romain  ,  arec 
certaines  formes  accessoires.  Néanmoins,  en  se  résumant,  il  dit  seule- 
ment que  le  christianisme  est,  non  pas  celte  fois,  une  nécessite  pro- 
prement dite,  mais  un  l/esoin ,  apparemment  plus  ou  moins  rigoureux 
pour  Vliomiue  en  société,  ha  conclusion  est  donc  plus  resserrée  que 
son  titre  et  que  sa  pensée,  comme  son  litre  et  l'exposé  de  sa  doctrine 
sont  plus  étendus  que  sa  péroraison.  — Ce  besoin  ,  ou  cette  nécessité, 
ne  parurent  pas  dans  l'ordre  social,  durant  les  milliers  de  siècles  qui 
ont  précédé  l'ère  chrétienne;  et  depuis  l'èie  chrétienne,  le  besoin  oa  la 
nécessité  légale  d'être  catholique,  ou  seulement  chrétien  pour  être  ci-^ 
tojcn  ou  sujet,  n'a  pas  existé,  si  ce  n'est  chez  les  Espagnols,  courbés 
sous  le  joug  de  riiiquisilion.  Cette  nécessité  ,  d'aiileurs,  n'a  été  fossihiô 
que  pour  une  partie  de  la  terre,  qui  est  sans  doute  la  plus  éclairée , 
mais,  aussi,  quanta  présent  et  sans  comparaison,  la  plus  petite.  Main- 
tenant, qu'est  ce  qu'une  nécessité  dont  on  se  passait  partout,  avant 
l'ère  chrétienne,  dont  on  »\st  passé  partout  et  presque  toujours  depuis 
celte  même  ère?  —  Comui'-nt  prouver  que  les  tcms  de  cette  nécessité 
sont  venws  quelque  part?  Quand  seraient-ils  venus?  Par  quels  moyens? 


(i)  Notre  atileiir,  pages  8,  2a  et  26,  n'aJniet  pourtaut  d'autorité  légitime^  qua 
celle  q^ai  est  antique  ou  prescrite  (il  ne  sait  pas  depuis  quel  teras),  qui  est  reconnue 
de  tous,  et  consacrée  par  les  principes,  par  la  reli'gion  ,  par  les  lois  ,  par  les 
iniéréte  de  la  société.  Mais,  il  observe  que,  si  elle  n'a  pas  la  force  ,  elle  n'est  p;.s 
réelle.  Assurément,  Childéric  III,  et  Charles,  duc  de  Lorraine,  au  viu"  et  au  x" 
siècles,  u'avaient  pas  la  force.  11  jr  a  donc  des  autorites  légitimes  qui  ne  sont  p:;s 
réelles,  des  autorités  réelles  qui  ne  sont  pas  légitimes.  Scint  Paul  est  moins  dil^ll^, 
moins  équivoque,  moins  einlianaîsé.  (Voj  e^  BtRclKR  ,  Dictionnaire  théoto^i- 
tjue.  au  wol  ^'ouver/iemen  t.  } 


LIVRES  FRANÇAÎS.  175 

Par  qui,  pour  qui  et  pourquoi  seràienl-ils  venus,  puisque  tcis  les  vrais 
(■hrétiens  sont  et  doivent  être,  comme  la  ruison  et  riivaugilf,  comme 
les  apôtres  l'enseignent,  entièrement  favorables  à  la  liberté  civile  d'o- 
])iniaa  et  de  pratique  rellijieuse?  —  Ces  questions  sont  délicates  sans 
doute,  parce  qu'elles  se  lient  à  de  certaines  circonstances;  mais  toutes 
ces  questions  naissent  du  texte  donné  à  l'orateur,  et  il  n'en  a  traité  au- 
cune. —  Encore  une  réflexion  :  L'homme  est  teliement  social,  dit  notre 
crateur,  que,  sans  ia  sociclé,  il  ne  serait  fas  homms.  Les  besoins  de 
l'homme  renferment  donc  les  bcnoins  de  la  société?  On  ne  peut  donc 
jias  avoir  assez  consitlvré  les  bi'soins  de  l'homriie,  si  l'on  ne  les  a  p;iS 
considérés  comme  besoins  de  la  société?  Aussi,  depuis  plus  de  deux  miilr 
ans  au  moins,  les  lems  sont  venus  où  l'on  a  répété  partout  qu'on  bâtirait 
l>lutôt  des  cités  en  l'air  que  des  cités  sans  aucun  sentiment  de  religion. 
Le  pyrrhonien  Bayle  a  voulu  établir  le  contraire,  et  il  a  été  réfuté  vic- 
torieusement; mais  nul  n'a  songé  à  conclure ,  comme  notre  orateur, 
de  l'utilité  de  la  religion  ,  comme  lien  de  conscience  ,  pour  mainteuir 
l'ordre  social,  que  les  teins  sont  venus  où  la  loi  est  insensée,  quand  le 
l'ail  civil  de  la  naissance ,  et  le  contrat  naturel  et  civil  du  mariage,  et 
le  fait  civil  de  V inhumation ,  sont  séparés  par  la  loi  de  ce  qui  regarde  le 
ministère  religieux^  et  que  l'on  doit  être  forcé  légalement  à  des  céré- 
monies pieuses,  du  refus  ou  de  la  concession  desquelles  le  prêtre  est  de 
fait  actuellement ,  en  France,  le  ministre  arbitraire  ,  sans  responsabilité 
civile  pour  violatioa  des  règles  canoniques  protégées  par  l'état.  Lé  culte 
forcé  par  la  loi  serait  un  attentat  aux  lois  naturelles  et  aux  règles  im- 
périssables i\n  christianisme.  Les  vraies  nécessites  sociales  ne  vienneiil 
pus  avec  le  tems.  Elles  existaient  dès  le  commencement  du  genre  hu- 
main ,  ou  l'on  doit  convenir  que  le  tems  n'en  est  pas  venu  ,  et  qu'il  ne 
viendra  jamais.  Il  demeure  donc  prouvé,  à  tous  égards,  que  le  texte 
du  disco'irs  a  élé  mal  conçu,  mal  choisi;  que  le  problème  à  résoudre 
était  mal  posé  ,  vague ,  équivoque  ,  erroné  dans  le  sujet  ,  dans  l'objet  et  ■ 
dans  le  terme  circonslantiel  de  la  proposition.  Nous  aimons  à  le  recon- 
naître :  ce  commenlaiie  contient,  sans  doute,  çà  et  là,  de  vraies,  de 
belles  et  bonnes  paroles;  mais  il  participe  à  la  nature  vicieuse  du  texte. 
On  y  découvre  des  sens  erronés,  des  sens  dangereux,  des  sens  équivo- 
ques et  fort  inutiles,  pour  jusiilier  une  théorie  pernicieuse,  intolérante 
et  anti-constitutiotinclle.  On  y  remarque  aus>i  de  l'incohérence  dans  les 
assertions,  une  citation  inexacle,  ctlle  des  Tuscidanes  ;  une  application 
exclusive,  et  conséquemment  fausse,  aux  seules  personnes  royales,  d'un 
texte  sacré  qui  s'applique  litléralcment  à  tous  les  hommes  qui  niarcheril 
dans  la  voie  du  salut  ;  enfin,  une  applicatii^n  peu  décente  aux  rois  de 


176  LIVRES  FRÀÎNÇAIS. 

ce  qui  ne  concerne,  selon  le  (exte  de  l'Écrilure  et  la  tradition  de  l'É- 
glise, que  la  personne  du  Messie,  que  Dieu  même.  Nous  serions  loin 
de  finir,  si  nous  voulions  relever  en  déiail  chacune  des  Fautes  qui  dé- 
parent cet  écrit,  tout  édifiant  pour  un  parti  et  pour  ceux  qui  n'en  juge- 
ront que  l'écoice,  blâmable  pour  ceux  qui  sauront  en  examiner  et  en 
apprécier  toutes  les  assertions  avec  inlelligence  et  impartialilé.  Nous 
faisons  profession  de  croire  aux  bonnes  intentions  de  l'auteur  et  de  ceux 
qui  l'ont  couronné;  puissent  ils  s'apercevoir  que  les  Français  n'ont  pas 
besoin  de  commentaires  inquiétans  sur  d'équivoques  symboles  de  con- 
grégation ;  mais  que  les  tems  sont  venus  où  il  serait  nécessaire  d'appek  r 
fortement  l'attention  publique  sur  ces  oracles  méconnus,  lumineux  et 

pacifiques  :  Apprenez  de  quel  esprit  vous  êtes Donnez  la  ■paix  à 

■votre  cite Alon  royaume  n'est  pas  do  ce  monde! 

Lakjl'inais,  de  Vlnsiitut. 

<J4'  —  Le  livre  des  pères  et  des  mèrcs,  pendant  ia  première  éducation 
de  leurs  enfans,  où  l'on  montre  quels  sout  les  dangers  d'une  tendresse 
mal  entendue,  et  d'une  couduite  inconsidérée  de  la  paît  des  parens, 
pendant  celte  première  éducation,  et  en  même  tems  de  quelle  manière 
et  par  quelles  méprises  on  peut,  sans  s'en  douter,  gâter  le  meilleur  na- 
turel des  enfans,  et  leur  Imprimer  des  vices  et  des  travers  qui  préparent 
leur  malheur  et  celui  de  leurs  familles;  par  M.  D'*'.  Paris,  iSaô;  De- 
launay,  Mongie  aîné,   J\epveu.  In-S";  prix,  5  fr. 

Les  livres  sur  l'éducation  corrigent  les  familles  comme  l'histoire  cor- 
rige les  peuples;  c'est  moins  par  des  conversions  accidenleiles  que  par 
l'mfluence  lente  d'idées  saines,  et  par  conséquent  utiles,  qui,  répan- 
dues de  pioche  en  proche,  parviennent  à  réformer  l'opinion  générale, 
et  que  l'on  finit  en  quelque  sorte  par  respirer  :ivec  l'air.  En  toute  chose, 
les  régénérations  progressives  oflVent  une  garantie  plus  sûre  que  les 
éclats  d'un  enlhousiasme  novateur  :  aussi  Taimirable  livre  de  Rousseau, 
où,  comme  dans  tous  ses  ouvrages,  de  graves  erreurs  r.ccoinpagnent 
des  vérités  du  premier  ordre,  produit-il  aujourd'hui  des  résultats  plus 
heureux  et  plus  durables  que  dans  le  tems  où  l'admiration  pour  l'Emile 
n'élaitencorequedufanatisme.  Toutamide  l'humanité,  loin  de  se  laisser 
décourager,  en  voyant  que  l'influence  des  vérités  utiles  est  si  tardive, 
doit  sentir  augmenter  son  zèle,  par  la  certitude  d'avoir  jeté  dans  une 
terre  paresseuse,  mais  non  stérile,  quelques  grains  de  bonne  semence. 
Ce  nom  d'ami  de  l'humanité  est  celui  qui  caractérise  le  mieux  l'auteur 
de  l'ouvrage  que  nous  annonçons.  Son  but  n'a  point  été  de  présenter  un 
système  complet  d'éducation;  il  s'est  tracé  un  cadre  plus  resserré,  mais 
qu'il  remplit  de  tableuu^  d'un  intérêt  supérieur,  se  bornant  à  signaler 


LIVRES  FRANÇAIS.  i^^ 

ICi  défauts  el  les  vices  donl  les  parens  jettent  les  germes  dans  le  cœur 
de  leurs  enfans.  Une  triste  expérience  ne  nous  apprend  que  trop  com- 
bien de  pères  et  de  mères  Iransmettent  à  leurs  enfans  ,  avec  le  bienfait 
de  la  vie,  ces  penclians  funestes  qui  doivent  en  empoisonner  le  cours, 
et  faire  leur  malheur  et  la  honte  des  familles.  C'est  donc  une  œuvre 
philantropique  et  méritoire,  que  d'exposer  aux  yeux  de  parens  que 
leurs  passions  aveuglent  sur  leurs  plus  grands  intérêts,  une  série  de  ta- 
bleaux dont  la  ressemblance  les  fasse  rougir  et  rentrer  en  eux-mêmes. 
Alin  de  rendre  ses  leçons  plus  frappantes  et  plus  généralement  utiles, 
l'auteur  remplace  presque  constamment  la  marche  didactique,  dans  son 
ouvrage,  par  des  narrations  dont  les  sujets,  tantôt  historiques,  tantôt 
imaginaires,  reposent  toujours  sur  des  vérités  d'observation.  Ces  for- 
mes dramatiques  font  des  leçons  de  ftl.  D**'  une  lecture  allachanle  ,  tt 
plairont  même  à  ces  lecteurs  frivoles  qu'il  faut  tromper  pour  instruire, 
en  paraissant  ne  s'occuper  que  de  leur  amusement.  Cependant,  s'il 
nous  est  permis  de  hasarder  une  légère  critique,  l'intérêt  dramatique 
nous  semble  avoir  entraîné  l'auteur,  dans  un  petit  nombre  de  ses  récits, 
à  renforcer  les  traits  de  ses  per>onnages  et  les  couleurs  de  ses  aclioos. 
Pour  coniger  la  grande  masse  des  hommes  passionnés,  il  vaudrai!  mieux, 
selon  nous,  oflVir  à  leurs  yeux  ks  effets  ordinaires  des  passions  coupa- 
bles ,  que  de  leur  en  représenter  les  derniers  excès.  Du  reste,  les  leçons 
données  par  M.  D*"  sont  si  importantes  et  d'une  application  si  éten- 
due, que,  si  tous  ceux  à  qui  elles  peuvent  proGtcr  lisent  son  ouvrage, 
le  Livrée  des  pères  et  des  mûres  sera  le  livre  de  tout  le  monde.  L'auteur 
ne  s'est  désigné  que  jiar  une  initiale;  nous  n'avons  pas  besoin  de  son 
nom  pour  reconnaître  dans  cet  écrit  un  homme  distingué,  doué  du 
double  talent  de  bien  observer  et  de  bien  écrire.        C.  Monnaho,  prof. 

65  {*).  —  Esprit,  oriqine  et  progrès  des  institutioris  judiciaires  des 
principaux  pays  de  l'Europe;  par  J.  D.  Meïkb.  Tora.  V.  Institutions 
judiciaires  de  l'AUcmagne  moderne  et  de  la  France ,  depuis  la  rcvo- 
lution.  In-S". 

Un  de  nos  collaborateurs  a  déjà  consacré  plusieurs  articles  à  l'examen 
de  cet  important  ouvrage.  (Voj.  licv.  Erw. ,  Tom.  II,  pag.  255-249; 
Tom.  X  ,  pag.  52i-52y,  et  Tom.  XIV,  pag.  260-272.)  11  a  donné  l'anal 
lyse  des  quatre  premiers  volumes  ,  dans  lesquels  M.  Mejer  a  trailé  des 
institutions  judiciaires  de  l'Euroge  pendant  le  moyen  âge,  de  celles  de  la 
France  ,  de  l'Angleterre  et  des  l'ays-îîas  ,  dans  les  tems  poslérieuis.  Le 
cinquième  volume  est  consacré  aux  institutions  judiciaires  de  I' Allen)a"ne 
moderne,  et  à  celles  de  la  France  depuis  la  Révolution.  L'auteur  signale 
T.  XX. — Uclobra  i^ij.  J2 


1^8  LIVRES  FRANÇAIS. 

parliculièrcment,  dans  les  iostitulions  allemandes,  le  défaut  d'unité, 
qu'il  attribue  à  l'abseuce  d'un  pouvoir  central,  et  l'inflaence  trop  éteu- 
due  accordée  à  l'érudition  et  aux  subtilités  de  l'interprétation  du  droit 
romain.  C'est  à  cette  dernière  cause  qu'il  rapporte  l'introduction  des 
procédures  secrètes  ,  et  les  abus  qui  en  dérivent.  Arrivé  à  l'txamen  des 
institutions  créées  en  France  par  !a  lîévoltiiion,  il  retiacc,  avec  autant 
de  clarté  que  d'exactitude,  le  ta!<leau  de  notre  conslilution  ju'Hciaire  ; 
il  parcourt  les  diverses  juridictions,  depuis  le-<  justices  de  paix  jusqu'aux 
cours  d'app''l  et  de  cassation  ,  d«j)uis  les  tribunaux  correctionnels  jus- 
qu'au jury,  décrit  l'organisation  du  ministère  public  et  reconnaît  les 
bornes  de  l'autorité  judiciaire.  Il  arrive,  par  le  résultat  de  cette  analyse, 
à  ces  quatre  observations  générales  :  i"  que  la  France  a  beaucoup  em- 
prunté à  l'Angleterre,  en  l'ait  d'organisation  tant  jndici  lire  qu'admi- 
nistrative, quoique  cepend.int  ni  la  représentation  nationale,  ni  l'iu- 
fluence  de  la  nation  sur  les  jwgemens,  ne  reposent  chez  nous  sur  des 
hases  aussi  larges  qu'en  Angleterre;  a»  que  la  France  possède,  dans 
l'administration  de  la  justice,  une  grande  force  d'unité  et  d'exécution; 
5°  que  l'indépendance  des  tribunaux  s'y  concilie  avec  les  limites  légales 
dans  lesquelles  le  pouvoir  du  juge  s'y  trouve  resserré  ;  4"  T"*^  '^  distinc- 
tion des  pouvoirs  y  est  nettement  établie.  — Nous  nous  b(vrnons,  pour 
le  moment,  à  ces  rapides  indications.  On  annonce,  pour  une  époque  pro- 
chaine ,  une  nouveiU  cdition  du  bel  ouvrage  de  R!.  ?.Ieycr;  nous  saisi- 
rons cette  occasion  pour  faire  connaître  !e  cinquième  volume  avec  plus 
de  détail,  et  pour  jeter  en  même  tems  un  coup-à'œi!  sur  l'ensemble  de 
l'ouvrage.  St.-A.  Bbbvilie  ,  avocat. 

66  (*).  —  Collection  des  constitutions  ,  chartes  et  lois  fondamentales 
des  peuples  de  l'Europe  et  des  deux  Amcriqucs ,  avec  des  Prêt  is  offrant 
l'histoire  des  libertés  et  des  institutions  politiques  chez  les  nations  mo- 
dernes; par  MM.  P.  A.  Dlfac  ,  J.  B.  Dlvebgieb  et  J.  Gladkt.  Paris, 
iSai-iSaô;  Béchet  aîné.  Six  vol.  in-8°  ;    prix,  4^  fr. 

Cette  importante  collection,  qui  est  entièrement  terminée,  contient 
des  pièces  fort  intéressantes  ,  et  ne  peut  qu'obtenir  un  succès  toujours 
croissant.  Elle  sera  recherchée  sans  doute  par  tous  ceux  qui  veulent 
faire  une  étude  sérieuse  de  l'état  actuel  des  sciences  politiques  en  Eu- 
rope et  dans  les  deux  Améiiqp.es.  Le  soin  qu'ont  pris  Ic'i  éditeurs  de 
joindre  au  texte  des  lois  constitutionnelles  un  précis  historique  sur  les 
événemens  qui  les  ont  précédés  ou  suivis,  ajoute  un  nouvel  intérêt  à 
leur  travail.  Dans  un  article  d'anrt<ysCj  nous  examinerons  avec  quelque 
étendue  cet  ouvrage,  qui  mérite,  à  bien  des  égards ,  d  être  distingué 
de  la  foule  des  compilations  que  l'on  publie  journellement. 

A.  T. ,  avoctit. 


LIVRES  FRAISÇAIS.  ,^g 

67  (*)•  —  Essai  politique  sur  ie  revenu  fiiUic  des  fcufAcs  de  l'c.nll- 
guiiè,  du  moyen  ù-je ,  des  siècles  modernes ,  et  sféciatcment  de  la  France 
et  de  l'An^ltlerre,  depuis  le  milieu  du  xv^  siècle  Jusqu'en  iSaô;  pur 
M.  Ch.  Ganilh,  dôputé  du  Caillai.  Seconde  édition ,  considérablement 
revue,  corrigée  et  augmentée.  Paris,  820;  Treutell  et  Wiiitz.  Deux 
vol.  in-S°;  prix,  la  fr. 

La  science  du  revenu  public,  onyidéréc-  dans  ses  élémens  primitifs, 
est  la  connaissance  des  sources  d'où  il  dérive;  des  principes,  des  rèffU-s 
et  des  usages  qui,  dans  cbaque  état,  eu  déterminent  l'étendue;  des 
procédés  et  des  mélbodes  qui  en  assurent  la  perception  et  la  distribu- 
tion; des  mesures  qui  garantissent  l'inlégrité  et  la  Gdélité  de  son  em- 
ploi.Ces  points  élémentaires  et,en  quelquesorle,  constitutifs  de  la  science 
n'en  forment  cependant  qu'une  partie,  et  cette  partie  n'est  ni  la  plus 
importante,  ni  la  plus  étendue,  ni  la  plus  difficile.  Mais,  un  point  de 
vue  sou»  lequel  la  science  doit  être  surtout  envisagée,  ce  sont  ses  rap- 
ports avec  l'ordie  public  et  la  prospérité  sociale,  dont  elle  a  sans  doule 
tiré  sa  dénomination  d'économie  ■politique.  Il  est  difficile  de  ne  pas  re- 
garder ses  eflcts  sur  le  système  social,  comme  une  des  causes  les  plus 
actives  des  révolutions  politiques  qui  ont  ébranlé  ou  renversé  les  "oa- 
vernemens,  altéré  ou  cbaogé  la  destinée  des  empires,  consoranTé  la 
ruine  ou  préparé  le  bonheur  des  peuples.  «C'est  une  grande  et  belle 
démonstration,  comme  le  fait  observer  l'auteur  dans  sa  préface,  que 
celle  qui  établit  que  le  revenu  public  est  non-seulement  la  sauve-garde 
de  la  civilisation  moderne,  mais  la  plus  sûre  garantie  de  sa  marcbe  pro- 
gressive  et  de  son  amélioration  indéfinie.  .  Cette  démonstration  ,  qui 
n'élail  que  rationnelle  lois  de  la  première  édition  de  l'ouvrage,  est  arrivée 
au  plus  haut  degré  de  certitude,  maintenant  que  rcxpérience  la  plus 
solennelle  a  confirmé  les  aperçus  de  la  spéculation,  et  que  la  science  du 
revenu  public,  si  bahilemeot  mise  en  piaiique  par  l'Angleterre,  a 
triomphé  de  l'art  de  la  guerre,  si  puissant  et  si  lenible  sous  la  direclion 
du  plus  grand  ou  du  plus  heureus  capitaine  qui  ait  bouleversé  le  monde. 
Mais,  si  J'ouvrage  que  nous  annonçons  n'offre,  sous  le  rapport  poli- 
tique, que  la  confirmation  des  vérités  que  la  première  édition  avait 
fait  entrevoir,  on  y  trouvera,  dads  h  partie  économique  ,  de  nombreu- 
ses additions,  qui  en  font ,  pour  ainsi  dire,  un  ouvrage  nouveau.  J\on- 
seulement  l'auteur  a  rétabli  les  chapitres  que  la  censure  avait  .supprimés, 
mais  il  n'a  rien  négligé  pour  mettre  le  Traité  du  rcv.nu  puvtic  au  ni- 
veau des  connai»sances  acquises  depuis  dans  celle  partie  importante  de 
la  science.  Ce  traité,  réani  ;mik  Systèmes  d'éconoi.iic  politique,  et  à  la 
Théorie  de  l'économie  rolilique,  dont  il  a  été  publié  une  seconde  édition 


]8o  LIVRES  FRANÇAIS. 

en  1821  et  1822,  forme  l'ensemble  de  !a  science  de  l'économie  pofîlî- 
que.  Dans  les  Syslimcs ,  on  voit,  pour  ainsi  dire,  éclore  les  divers  élë- 
mens  de  la  science.  Dans  la  Théorie,  elle  se  place  au  rang  des  sciences 
spéculatives,  dont  elle  partage  l'importance  et  la  considération.  Enfin, 
dans  le  Traite  du  revenu  •public,  la  théorie  est  réduite  en  pratique,  dans 
l'intérêt  des  peuples,  des  gouvernemcns  et  de  la  fortune  publique.  Le 
mode  que  M.  G«nilh  a  suivi,  dans  ce  dernier  ouvrage ,  fait  en  quelque 
sorte  concourir  le  lecteur  au  développement  des  vérités  que  l'auteur 
établit.  M.Ganillt  a  eu  raison  de  croire  que,  dans  les  siècles  de  lumières, 
les  sciences  ne  peuvent  se  propager,  faire  des  progrès  et  se  perfectionner, 
que  par  les  mélhodcs  ralionnelles  les  plus  analogues  à  l'enst-ignemeut  so- 
cratique. jNous  désirerions  pouvoir  prouver,  par  l'examen  de  l'ouvrage 
et  par  les  cilalions  de  plu-icurs  de  ses  parties,  jusqu'à  quel  point  l'au- 
teur a  niérilé  le  succès  qu'il  avait  ambitionné;  mais,  nous  ne  saurions 
trop  recommander  un  ouvrage  qui  embrasse  l'ensemble  de  la  science, 
en  réunit  les  parties  dans  un  seul  cadre  ,  indique  ses  progrès,  et  déter- 
mine l'état  où  elle  est  parvenue  en  France  au  xix»  siècle.  Convaincu 
par  sa  propre  expérience  que,  si  l'on  n'est  pas  versé  dans  la  science  du 
revenu  public,  on  ne  peut  1  emplir  qu'imparfaitement  les  fonctions  lé- 
gislatives et  administratives,  l'aultur  a  voulu  ,  par  ses  recherches  et  par 
son  travail,  faciliter  l'élude  et  la  propagation  de  la  science,  lever  les 
obstacles  qui  en  ont  éloigné  les  bons  esprits,  qui  lonl,  pour  ainsi  dire, 
reléguée  dans  les  bureaux ,  et  en  ont  presque  réservé  le  domaine  et  la 
possession  aux  agens  de  l'administration  supérieure.  Cependant,  les 
études  sur  l'économie  politique  sont  devenues  d'autant  plus  nobles,  que 
le  patriotisme  cl  un  généreux  esprit  d'opposition  peuvent  se  réfugier 
plus  sûrement  dans  ce  sujet  et  dans  ce  genre  de  discussions,  comme, 
à  une  certaine  époque,  la  philosophie,  proscrite,  avait  trouvé  un  asile 
heureux  dans  les  sciences.  M.  Gauilh  ne  nous  parait  appartenir  à  aucune 
école;  et,  comme  toutes  les  personnes  instruites  et  indépendantes  » 
l'opinion  qu'il  professe  est  à  lui.  En  comparant  la  valeur  des  divers  sys- 
tèmes, il  adopte  toujours  la  doctrine  la  plus  favorable  aux  progrès  des 
richesses  et  de  l'industrie.  Ses  trois  ouvrages  ont  le  mériîe  incontestable 
d'oQ'rir  un  cours  complet  d'économie  théorique  et  pratique  ;  et  dire  que, 
par  ses  efforts  et  ses  succès,  cette  belle  science  n'est  plus  occulte ,  esl 
moins  un  éloge  qu'une  exacte  justice  rendue  à  M.  Ganilh. 

Pabent-Rkal,  avocat. 
68  (*).  —  Histoire  d' /Angleterre ,  depuis  l'invasion  des  Romains  dans 
la  Bretagne,  jusgit'en  i8i4,  ouvrage  destiné  à  l'éducation  de  la  jeunesse, 
par  M""'  Élisaifeth  Hei.uk  ;  traduite  de  l'auj^lais  sur  la  quatrième  édition. 


LIVRES  FRANÇAIS.  i8i 

Par  M"»  A.  Céline  Madchain.  Cacn,  182";  Mancel;  Paris,  Aillius  Ber- 
trand ,  rue  Uaulefeuille  ,  n"  20.  Deux  vol.  in  8°  formant  ensemble  iv  et 
571  pag.  ;  prix,  9  fr. 

Cette  histoire  est  présentée  sous  une  forme  qui  n'est  pas  nouvelle  , 
mais  dont  heureusement  les  exemples  sont  rares.  C'est  une  suite  de  con- 
versations entre  un  père  de  famille,  sa  femme,  et  ses  enfans,  âgés  de 
sept  à  quinze  ans;  la  narration,  fréquemment  interrompue  par  des  ré- 
flexions presque  toujours  communes  ,  et  souvent  fort  insignifiantes  , 
telles  au  reste  qu'on  doit  les  attendre  des  interlocuteurs  mis  eu  scène, 
nous  semble  dépouillée  de  cet  intérêt  grave  et  de  cette  haute  instruction 
que  l'on  demande  à  l'iiisloire.  Objectera-t-on  que  M™*  Helme  a  destine 
son  travail  principalement  aux  enfans?  Nous  croyons  qu'il  suffisait ,  pour 
les  intéresser  et  former  leur  jeune  raison  ,  de  raconter  les  faits  avec  pré- 
cision et  simplicité,  et  il  semble  que  la  narration  n'aurait  rien  perdu  à 
être  débarrassée  d'interruptions  telles  que  celles-ci  :  «  Cromwel  était 
un  bien  méchant  homme,  n'esl-il  pas  vrai,  papa?  s  et  o  J'ai  bien  envie 
d'apprendre  ,  dit  Françoise  ,  comment  le  pauvre  roi  Charles  sortit  d'em- 
barras, n  Outre  que  ces  puérilités  allongent  un  ouvrage ,  dont  le  premier 
mérite  serait  d'être  succinct,  elles  dégradent  la  majesté  de  l'histoire, 
sans  aucun  profit  pour  l'instruction.  —  Si  l'espace  nous  le  permettait , 
nous  pourrions  contester  quelques-unes  des  opinions  de  l'auteur,  et  rele- 
ver plusieurs  inexactitudes  disséminées  dans  l'ouvrage  ;  nous  nous  bor- 
nerons à  deux  ou  trois  observations  relatives  à  des  événcmens  conlempo- 
lains.  Nous  lisons,  sur  l'année  1806,  que  Napoléon  nomma  son  frère 
Joseph  roi  d'Italie;  c'est  roi  de  PJaplcs  qu'il  fallait  dire  :  tout  !e  monde 
sait  que  c'est  Napoléon  lui-même  qui  était  roi  d'Italie. — Le  bombarde- 
ment de  Copenhague ,  en  1807,  est  présenté  par  l'auteur  comme  un  acte 
de  politique  fort  humaine  :  «  Il  faut  considérer,  dit  M"«  Helme,  que  ce 
fut  pour  prévenir  des  maux  plus  grands  que  nous  en  agîmes  ainsi  ;  ce  ne 
fut  ni  l'ambition,  ni  la  vengeance  qui  nous  inspira  la  conduite  que  nous 
tînmes  en  cette  occasion.  11  était  nécessaire  de  se  comporter  de  cette 
manière  pour  s'opposer  aux  desseins  de  Napoléon  ,  dont  les  intentions  se 
montraient  évidemment  en  Espagne.  »  Voilà  une  morale  large  et  une 
politique  loul-àfait  anglaise.  Toutefois  ,  l'historien  aurait  dû  ajouter 
que  Copenhague  fut  brûlé  sans  déclaration  de  guerre  :  c'est  une  circons- 
tance que  les  rédacteurs  du  Courier  ont  pu,  dans  le  lems,  passer  sous 
silence,  mais  que  l'histoire  ne  saurait  taire. — On  sait  qu'en  vertu  delà 
capitulation  faite  par  .lunot,  en  Portugal,  les  troupes  françaises  qui  éva- 
cuaient ce  royaume  devaient  être  ramenées  en  France  :  les  Anglais 
violèrent  scandaleusement  cette  capitulation.  Voici  comment  cette  viola- 


i82  LIVRES  FRANÇAIS. 

tioQ  est  racontée:  «  L'AngIcIerrn  fut  trùsrnécnnîentc  de  cette  clause,  et  le 
témoigna.» — L'iiistorien  dit  qu'en  iiSi5  Wapoléon  repartit  pour  la  Russie. 
II  n'est  personne  qui  ne  sache  que  la  caiiipagne  de  i8i3  n'eut  janjai» 
d'autre  but  que  de  se  maintenir  en  Allemagne.  Plus  loin  ,  nous  lisons  : 
«  l-a  fortune  semblait  abandonner  Napoléon  ;  le  général  Vandamme  fut 
fait  prisonnier;  les  maréciiaux  Ney  et  Oudiuot  éprouvèrent  le  même  sort 
de  la  part  du  roi  de  Suède.»  Assurément ,  en  voilà  la  première  nouvelle  ; 
il  païaîl  que  M""^  Helme  écrivait  son  l'.istoire  sur  quelques  rapsodies  col- 
portées dans  les  rues  de  Londres.  Après  nos  désastres  en  Espagne  ,  Wel- 
lington pénétra  en  France  :  nous  nous  souvenons,  et  les  Anglais  se  sou- 
viennent aussi,  de  la  bataille  de  Toulouse.  M""  Helme  se  contente  de 
dire  :  o  Lord  Wcllingtoa  dirigea  nos  armées  vers  la  France  pour  y  porter 
la  guerre.  »  Et  pas  un  uiot  de  la  bataille  :  ce  silence  est  prudent  ;  il  au- 
rait fallu  avouer  que  Soult  battit  le  'léros  anglais,  avec  des  forces  bien 
inférieures.  Enfin,  la  mémorable  camjiagne  de  France  ,  en  i8i4  ,  est  ex- 
pédiée en  deux  lignes:  «Tandis  que  nous  triomphions  en  Espagne,  lesalliés 
traversaient  le  Rhin,  et  pénétraient  en  France  de  plusieurs  côtés;  i!  en  ré- 
sulta un  combat  sanglant.  «Ce  cointat, c'est  une  campagne  de  trois  mois, 
regardée  par  les  gens  du  métier  comme  l'une  des  époques  les  plus  éton- 
nantes de  la  carrière  militaire  du  plus  habile  général  des  tems  modernes. 
—  Notre  premier  besoin  est  d'être  juste  ;  nous  nous  empressons  d'ajouter 
qu'il  ne  fiiuchait  pas  apprécier  toute  Thistoire  que  nous  annonçons  sur 
ces  inexactitudes  et  ces  mauvais  jugemens  ,  accumulés  en  quelques 
pages:  on  sent  que  l'historien,  qui  d'ailleurs  pouvait  suivre,  pour  les 
époques  antérieures,  des  écrivains  estimés,  n'a  pas  eu  les  mêmes  motifs 
d'erreur  ou  de  partialité.  Quant  à  l'auteur  de  la  traduction,  nous  lui  con- 
seillons de  choisir  de  meilleurs  originaux  ,  et  de  travailler  un  style  qui 
n'est  pas  formé  sur  de  bons  modèles;  mafgrè  que,  de  suite,  en  agir,  rè- 
cnafpcr  un  vaisseau,  sont  des  locutions  incorrectes  ;  on  ne  dit  pas  non 
plus  :  0  Un  événement  tragique  eut  lieu  dans  la  •personne  de  M.  Perce- 
val  ,  »  ni  :  i.  De  grandes  réjouissances  eurent  lieu  en  félicitations  dii 
règne  de  la  maison  de  Brunswick  sur  le  trône  de  la  Grande-Bretagne  , 
en  anniversaire  de  la  victoire  du  Nil ,  et  en  célébration  de  la  paix.  »  Ce 
n'est  pas  la  écrire  en  français.  11  est  aussi  d'asage  chez  nous  de  traduire 
les  noms  propres  étrangers;  ainsi ,  nous  ne  disons  pas  :  o  11  fit  embarquer 
son  armée  à  Corunna,  mais  bien  d  ta  Corognc  ;  il  faut  savoir  l'atiglais  ou 
le  hollandais  pour  comprendre  ce  que  signifie  La  rivière  de  Sclietdt:  nous 
sommes  habitués  à  dire  V Escaut.  Malgré  les  défauts  que  nous  avons  re- 
marqués ,  cet  ouvrage  a  le  mérite  de  n'être  pas  volumineux  ,  et  sous  ce 
rapport,  du  moins,  il  peut  convenir  à  l'instruction  des  jeunes  gens. 

M.   A. 


LIVRES  FRANÇAIS.  t83 

69  (*).  —  Collection  des  Mcuioires  relatifs  à  ia  rérolution  d'.4nq{e~ 
terre,  accompagnùo  de  nolicfs  et  d'éclaircisscmcns  hislorIc]ues,  et  pré- 
cédée d'une  Introduction  sur  l'Iiisloire  de  la  révolution  d'Angh.'lerre; 
par  M.  GcizoT.  i'",  2'',  ô' et  \<=  livraisons.  Paris,  iSiS;  Bétlictaîué.  Pris, 
12  fr.  par  livraison  de  2  vol. 

Ceîte  importantf  cnllcction,  que  nous  avons  déjà  signalée  à  l'allen- 
fion  publicjue  (^'oy.  Tom.  XIX,  p.  /{3i),  conlinucdc  paraître  avec  un 
succès  doublement  justirié  par  rinlérêl  des  Mémoires  dont  elle  se  com- 
pose, et  par  le  talent  de  l'écrivain  qui  s'e.-t  chargé  de  la  publier.  Peu 
de  personnes  étaient  plirt  capables  que  M.  Guizot  de  répondre  au  désir 
des  hommes  instruits,  qui  regrettaient  depuis  long-tems  de  voir  la  ré- 
volution anglaise  mal  connue  et  mal  jugée,  et  qui  ont  réfléchi  sur  les 
rapports  singuliers  que  présentent  ia  révolution  d'Angh.'terrc  et  la  ré- 
volution de  France.  —  La  liberté,  pour  laquelle  les  Anglais  combattirent 
en  i64f>)  était  à  la  fois  religieuse  cl  politique;  l'esprit  fanatique  de  cette 
époque  lui  imprima  même  un  caractère  particulier;  mais,  dans  se» 
diverses  phases,  dans  ses  accidens  multiplies,  dans  sa  marche  d'abord 
progressive,  et  ensuite  décroissante,  elle  se  rapprocha  beaucoup  de  la 
révolution  française.  Les  événemens,  les  idées  peuvent  varier,  selon  la 
difiFérence  des  époques;  mais  le  cœur  humain  est  toujours  le  même,  cl, 
sous  ce  rapport,  Tliisloire  de  toutes  les  révolutions  ee  ressemble.  Si  cet 
aperçu  est  juste,  l'utilité  de  la  Colteclion  des  Mémoires  relatifs  à  la 
révolution  d'Angleterre  ne  s.Turait  être  contestée.  —  Les  quatre  livrai- 
s^ms  déjà  publiées  contiennent  :  \°  l'Histoire  du  long  parlement,  psr 
Thomas  Mori ,  secrétaire  du  parlement,  et  en  conséquence,  partisan 
déclaré  de  ta  révolution,  savant  écrivain,  qui  ne  réussissait  pas  moins 
dans  la  poésie  que  dans  la  prose,  et  qui  s'est  fait  une  réputation  par  un 
Supplément  de  Lucain,  en  vers  latins;  2°  les  Mémoires  de  sir  Philippe 
PFarwick,  partisan  des  Stuart*  ;  5°  les  Mémoires  de  Herbert  et  de  Berh- 
ley ,  également  ennemis,  mais  par  des  caus<'S  et  arec  des  nuances  dif- 
férentes, de  !a  révolution;  4°  les  Mémoires  de  Priée,  chapelain  du 
Monck,sur  la  restauratiou  des  Stu.irts;  5°  les  Mémoires  de  Hotiis ., 
de  Huntington  et  Fairfax,  attachés  à  des  sections  différentes  du  mê- 
me parti;  6°  enfin,  les  Mémoires  de  Ludlow,  l'un  des  plus  ardens  dé- 
fenseuis  de  la  liberté  anglaise.  —  Kn  attendant  que  nous  puissions  con- 
sacrer â  la  Collection  des  Mémoires  une  analyse  proportionnée  à  son 
importanre  ,  nous  recommandons  avec  (;onfiance  cet  ouvrage  à  tous  les 
hommes  éclairés.  Les  notices  de  M.  Guizot  sont  remplies  d'idées  justes, 
et  de  faits  curieux.  Léon  Thiessé. 

70 (').  —  CoUcclion  des  Mi^moires  relatifs  à  li  révaiation  frdnçaisc , 


i84  LIVRES  FRANÇAIS. 

avec  des  \oticcs  svr  Iciirs  autcv.rs ,  et  (\e=.  Éciaircifsemcns  historînv^s; 
iTi'  livraison.  Paris,  1S2Ô  ;  Baudouin  frères.  In-8°;  prix  ,  11  fr. 

Cette  nouvelle  livraison  contient  un  Mémoire  de  M.  le  baron  de  Go- 
guclat,  lieutenant-général,  sur  les  événemcns  relatifs  au  voyage  de 
Louis  XA'I  à  Varennes.  Attaqué  un  peu  vivement  dans  les  Mimoircs  de 
]}/mc  Campan,  M.  de  Goguelal  a  cru  devoir  publier  sa  relation,  qui 
sera  un  document  de  plus  à  joindre  aux  témoignages  contradictoires  de 
AIM.  de  Bouille  ,  de  Cboiseul,  de  Damas  et  de  Raigecourt.  Il  y  a  ajouté 
un  précis  des  tentatives  faites  pour  arracher  la  reine  à  la  captivité  du 
Temple.  —  Le  second  volume  des  Mvinoircs  sur  les  prisons  contient , 
entre  autres  pièces  intéressantes ,  un  journal  des  événemens  arrivés  à  la 
maison  d'arrêt  de  Porl-Libre ,  ou  la  Bourbe  ,  par  Coitlaut,  et  le  voyage 
de  102  Nantais,  envoyés  à  Paris  par  le  comité  révolutionnaire  de  Nantes. 
Enfin  ,  cette  livraison  est  complétée  par  les  Mémoires  de  Louvtt ,  par- 
ticulièrement relatifs  au  5i  mai.  On  sait  que  r.iuleur  de  FauLtas ,  doué 
d'une  imagination  très-vive  et  ardente,  d'un  caractère  violent  et  irasci- 
ble, et  qui  était  naturellement  aigri  par  le  malheur,  publiait  ses  souve- 
nirs peu  après  la  persécution  dirigée  contre  lui  et  les  Girondins,  pros- 
crits par  la  Montagne.  Aussi,  le  langage  de  Louvet  est-il  constamment 
passionné  ;  et  si  cette  exaltation  le  fait  lire  avec  plus  d'intérêt ,  elle  a  dû 
égarer  plus  d'une  fois  son  jugement. — Par  une  singulière  inadvertance, 
ou  peut-être  par  l'eifet  d'un  retard  dans  l'envoi,  une  lettre  adressée 
aux  éditeurs,  par  ÎA.  Jullien,  de  Paris,  pour  faire  partie  des  éclaircîsse- 
meos  historiques,  et  qui  en  forme  une  des  pièces  les  plus  remarquables, 
te  trouve  re jetée  en  dehors  du  volume,  et  placée  isolément  à  la  fin, 
comme  une  brochure  séparée.  Cette  lettre  a  pour  objet  de  détruire  l  ef- 
fet d'une  calomnie  atroce  que  Tallien  avait  inculquée  dans  l'esprit  lie 
Louvet  contre  M.  Jullien,  alors  âgé  de  ipans,  qu'il  n'avait  jamais  vu 
ni  connu,  et  qu'il  accusait  d'avoir  contribué  activement  à  la  mort  de 
ses  collègues,  dont  Tallien  était  lui-même  le  principal  auteur,  puisqu'il 
avait  seul  nommé  la  commission  militaire  qui  avait  fait  exécuter  à  l'é- 
gard de  ces  malheureux  proscrits  le  décret  de  mise  hors  la  loi,  par  le- 
quel ils  étaient  voués  d'avance  à  l'échafaud.  Quand  on  hasarde  de  pa- 
reilles accusations,  le  devoir  de  tout  homme  impartial  est  d'écouler  la 
réponse:  et  celle  de  M.  Jullien  nous  parait  repousser  victorieusement 
une  attaque  injuste,  calomnieuse  et  atroce  ,  diiigée  contre  une  victime 
alors  obscure  et  hors  d'état  de  se  défendre,  et  plongée  dans  l'horreur 
d'un  cachot,  par  un  ennemi  puissant ,  qui,  pour  se  réconcilier  avec  les 
députés  de  la  Gironde  échappés  à  la  proscription,  et  rentrés  dans  le  seia 
de  la  coQveatiou  nationale,  avait  le  plus  grand  intérêt  à  rejeter  sur  un 


LIVRES  FRAINÇAIS.  i85 

autre  la  responsabilité  de  ses  propres  actes.  Les  ravages  causés  parl'in- 
tluence  de  la  calomnie,  surtout  dans  les  leais  de  révolution,  ont  souvent 
livré  les  hommes  les  plus  honorables  aux  préventions  les  plus  injustes, 
accueillies  par  une  facile  crédulité.  Puis  ,  lu  jour  de  la  vérité  et  de  la  jus- 
tice vient  remettre  les  hommes  et  les  choses  à  leur  place,  et  l'on  voit 
reparaître,  tels  qu'ils  furent  vcritablementj  certains  personnages  aux- 
quels on  avait  substitué  des  fantômes  révêtus  de  leur  nom,  pour  égarer 
l'opinion  sur  leur  compte.  Aktaid. 

71  (*).  —  Esquisses  4iisloriqucs  delà  révolution  française,  depuis  la 
convocation  des  Étals-généraux  jusqu'au  rélabllssemeut  de  la  maison 
de  Bourbon  ;  par  Ddlaubb,  auleur  de  V Histoire  de  Paris.  Ouvrage  orné 
de  gravures,  représentant  les  principalts  scènes  de  la  révolution  fran- 
çaise. Paris,  1820;  Baudouin  frères.  Prix  de  chaque  livraison,  5  fr. 
.>o  G.  (Les  dix  premières  livraisons  ont  paru.) 

M.  Dulaure ,  déjà  connu  par  son  utile  et  intéressante  Histoire  de 
Paris  (  roy.  Tom.  XIX,  pag.  t^')"^),  raconte  ,  dans  ce  nouvel  ouvrage  , 
des  événemens  dont  il  lui  le  spectateur,  et  dont  il  a  pu ,  mieux  que 
jjersonne,  étudier  et  pénétrer  les  causes.  On  peut  donc  regarder  ces 
Jisqxiisses  comme  une  production  de  bonne  foi.  L'auteur,  persuadé 
que  le  moment  n'est  pas  encore  arrivé  d'écrire  avec  indépendance  l'his- 
toire delà  Révolution,  s'est  borné  à  tracer  quelques  tableaux  épars,  en 
laissant  à  d'autres  le  soin  de  présenter  l'ensemble  de  ce  grand  et  im- 
posant sujet.  On  ne  peut  qu'applaudir  à  la  force  et  à  l'énergie  avec  les- 
quelles il  a  su  accomplir  la  tâche  qu'il  s'était  imposée.  M.  Dulaure  a 
souvent  eu  besoin  de  courage  pour  remplir  les  devoirs  d'historien  fidè- 
le,  et  l'on  doit  dire,  à  sa  gloire,  qu'il  n'en  a  jamais  manqué.  Les  Es- 
quisses de  la  révolution  sont  accompagnées  de  très-belles  gravures,  qui 
ajoutent  un  grand  prix  à  cet  ouvrage ,  parce  qu'elles  représentent  les 
costumes  du  tems,  et  les  principales  scènes  d'une  époque  féconde  en 
vertu»  et  en  excès,  en  scandale  comme  en  n(jl)les  exemples,  en  événe- 
mens touchans  et  terribles.  Kous  espérons  revenir  plus  lard  sur  celte 
importante  publication.  Lkon  ThiessÉ. 

72  (').  —  Mémorial  de  Sainte -Hélène,  ou  Journal  dans  lequel  se 
trouve  conservé,  jour  par  jour,  ce  qu'a  dit  et  fait  Kapoléon ,  pendant 
dix-huit  mois;  par  le  Comte  de  Las-Cases.  Tom.  VII  et  VIII,  de  446 
<;l  528  pages,  avec  une  Tahle  (jénérale,  analytique  et  raisonnèe  des 
matières.  Paris,  1825;  chez  l'auteur,  rue  du  Bac,  n"  55.  Prix,  7  fr.  le  vo- 
lume in-S"  ;  ô  fr.  5o  c.  in-12. 

Ces  deux  volumes,  qui  terminent  et  complètent  l'intéressante  relation 
publiée  par  M.  de  Las-Cases,  n'ont  pas  moins  d'intérêt  que  ceux  qui  ont 


i86  LIVRES  FRANÇAIS. 

précédé. (ro^'-.iîcv.  Enc.,T.  XVII,  p.  076,  et  T.  XIX,  p.  180.)  Ony  remar- 
que (Tom.  VII,  pag.  9),  des  instructions  officiclies,  relatives  à  une  mL- 
sion  en  Pologne  ,  confiée  au  mois  d'avril  iSi  a,etdestinée  à  disposer  la  na- 
tion polonaise  à  seconder  avec  énergie  les  Français  dans  la  guerre  con- 
lie  la  Russie,  qui ,  selon  Napoléon  ,  et  sous  un  point  de  vue  à  quelques 
égards  juste  et  profond  ,  n  aurait  dû  être  la  plus  populaire  des  tems 
modernes.  C'était  celle  du  bon  sens  et  des  vrais  intérêts,  celle  du  repos 
et  de  la  sécurité  de  tous;  elle  était  purement  paciQque  et  conservatrice, 
tout-à-fait  européenne  et  continentale.»  Du  reste,  comme  JMapoléon  en 
convient  lui-même,  a  on  a  mal  agi  en  tout  sens;  a  et,  loin  d'adopter 
une  politique  franche  et  ouverte,  on  s'est  aliéné  l'opinion  des  peuples 
d'Allemagne  et  de  Pologne,  et  Ton  a  détruit  d'avance  tous  les  moyens 
de  force  morale  et  de  succès  durable. — On  voit  avec  regret  l'idée  peu  fa- 
vorable que  Kapoléon  s'était  formée  des  hommes  en  général  :  «  Pau- 
vre humanité,  disait -il,  toujours  et  partout  la  mêmel  »  Il  aurait 
mieux  fait  de  dire  :  a  Pauvres  gens  de  cour ,  toujours  et  partout  les 
mêmes!  »  Très-heureusement,  ce  n'est  point  là  toute  l'humanité;  et 
les  courtisans  eus-mèmes  cessent  d'être  aussi  corrompus ,  lorsqu'ils  sor- 
tent d'une  atmosphère  presque  toujours  empoisonnée,  pour  se  retrem- 
[«er  dans  la  société  ordinaire.  IVous  aimons  à  recueillir  (T.  VII,  p.  oa) 
l'hommage  rendu  par  l'ex-erapereur  à  la  morale  publique,  «  qui  est  du 

domaine  spécial  de  la  raison  et  des  lumières On  pourra  hicn  arrêter, 

comprimer  le  mouvement  ascendant  d'amélioration ,  mais  non  le  dé- 
truire. »  Napoléon  se  plaint ,  non  sans  quelque  raison  (T.  VII ,  p.  92) , 
tle  certains  c  salons  de  Paris,  véiitablement  infernaux,  qui  sont  en  mé- 
disance et  en  calomnie  permanentes.  »  Mais  lui-même  ne  sait  point,  sur 
son  rocher,  secouer  encore  la  poussière  des  salons  de  scspaUis,  qui 
étaient  dans  un  état  de  flatterie  permanente  pour  louer  tous  les  actes 
de  délire  de  son  ambition  et  de  son  orgueil,  et  qui  calomniaient  à  ses 
yeus  les  patriotes  les  plus  honorables,  pour  exploiter  seuls  la  faveur  du 
maître  elles  emplois  de  l'administation  publique.  —  Nous  regrettons  de 
ne  pouvoir  suivre ,  dans  ces  entretiens  si  variés  ,  et  d'où  jaillissent  quel- 
quefois des  traits  de  génie,  l'homme  extraordinaire  auquol  M.  de  Las- 
Cases  s'était  consacré  avec  un  si  noble  dévouement. — Dans  le  huitième 
volume,  c'est  M.  de  Las-Cases  lui-même  qui  est  obligé  de  se  mettre  en 
scène,  et  l'intérêt  n'est  point  diminué.  Éloigné  de  Sainte- Hélène, 
transporté  au  cap  de  Bonne-Espérance,  où  il  est  retenu  prisonnier  d'é- 
tat, au  mépris  de  toute  justice ,  ramené  enfin  en  Europe,  et  promené 
malgré  lui  de  contrée  en  contrée,  par  une  longue  suite  de  vexations 
nouvelles,  il  est  enfin  réuni  à  sa  noble  et  conragcnse  épouse,  et  leur 


LIVRES  FRANÇAIS.  187 

rapprochement  fait  verser  au  lecteur  dt-s  larmes  douces  et  amèrcs.  Com- 
incnl  la  méchanceté  des  hommes  a-t-elle  pu  s'acharner  à  ce  point  contre 
un  homme  qui  honorait  rhumanilé,  par  le  pieux  exemple  d'une  fidélité 
Inviolable  au  malheur!  Ce  trait  d'héroïsme  aurait  dû  lui  concilier  l'es- 
time des  hommes  de  toutes  les  opinions;  et  c'est  au  nom  des  gouvcr- 
nemens  de  plusieurs  nations  civilisées  qu'une  proscription  injuste  et 
cruelle  s'attache  partout  à  ses  pas!....  Nous  crox'ons  pouvoir,  en  termi- 
nant cet  article,  inviter  l'estimable  auteur  du  Mémorial  de  Saintc-ïlé- 
iène  à  en  préparer  bientôt  une  nouvelle  édition  ,  piTgce  de  quelques  né- 
gligences de  style  et  de  quei(]rcs  détails  nn  peu  troj)  minutieux,  et  aussi 
soignée,  sous  tous  les  rapports,  que  doit  l'être  celle  d'un  ouvrage  des- 
tiné à  devenir  un  monument  historique.         M.  A.  Ji mjkv,  de  Paris. 

-!i. — Histoire  des  invasions  et  des  expéditions  inititaircs  en  Espagne, 
depuis  les  Phéniciens  jusqu'à  nos  jour»;  par  M.  de  Boissi.  Paris,  i8?,5; 
l'éditeur,  place  de  l'Odéon,  n"  5.  Un  vol.  in-«8  de  4-2  pages,  orné 
d'une  eaite  géographique  des  royaumes  d'Espagne  et  de  Portugal  ;  prix, 
4  l'r.,  et  4  fr-  "5  c. 

C';  petit  livre,  dont  le  style,  à  quehiues  incorrections  près,  est  assez 
pur,  n'offre  guère  qu'un  exposé  sommaire  des  vicissitudes  qu'a  subies 
l'Espagne,  depuis  le  tcms  de  la  descente  que  Grent  sur  ses  côles  les  Phé- 
niciens ,  et  les  Grecs  sortis  de  l'ile  de  Rhodes.  Les  invasions  et  les  ex- 
péditions militaires  dans  celte  contrée  y  sont  indiquées,  mais  non  pas 
décrites.  Cet  ouvrage  se  fera  lire  néanmoins,  avec  intérêt,  par  cette 
classe  de  lecteurs  qui  se  contentent  de  connaissiinces  et  de  notions  gé- 
nérales et  superficielles.  M.  de  Boissi  rappelle  ,  à  son  occasion  ,  les  jirin- 
cîpaux  ouvrages  qu'il  a  déjà  publiés  :  Agnès  Sorel  et  les  Amours  do 
Louis  XIV.  C'est  peut-être  pour  un  historien  une  recommandation  as- 
sez bizarre  que  de  s'annoncer  ainsi,  comme  l'auteur  de  deux  romans. 

B.  L. 

74  (*).  —  Histoire  de  l'Egypte,  sous  le  (jouverneincnt  de  Moliainmed- 
Aiy-Pacha ,  ou  Récit  des  événemcns  politiques  et  militaires  qui  ont  eu 
lieu,  depuis  le  départ  des  Français  jusqu'en  iSaô,  par  Félix  Mangis; 
odvrage  enrichi  de  notes  par  deux  membres  de  l'Institut  (MM.  La?îgibs 
cl  Jomard),  et  précédé  d'une  Introduclion  historique ,  par  J.  Agocb. 
Tom.  I.  Paris,  1825 ;  Arthus  Bertrand.  In-8°  de  464  pages ,  avec  un 
atlaà  lithographie;  prix  de  l'ouvrage  entier,  qui  aura  un  second  volume, 
20  fr.  avec  l'atlas  in-tbl.,  figures  en  noir;  25  fr.  avec  atlas,  dont  7  plan- 
ches coloriées,  avec  2  cartes  lavées;  papier  vélin  surpcrfîn ,  tiré  à  un 
petit  nombre  d'exemplaires,  avec  les  planches  coloriées,  et  celles  qui 
doivent  être  eu  noir,  sur  papier  de  Chine,  4°  h".   Il  faut  ajouter  5  fr. 


i88  LIVRES  FRANÇAIS. 

pour  recevoii  l'ouvrage  complet  par  la  poste.  —  A  la  mise  en  vente  du 
Tom.  II  (novembre),  le  prix  du  papier  ordinaire  sera  augmenté,  pour 
les  non-souscripteurs  ,  de  3  fr. ,  et  celui  du  vélin ,  de  5  fr. 

Cet  ouvrage  est  terminé  par  un  tableau  du  pays  de  Nedj,  qui  était, 
pour  ainsi  dire  ,  inconnu  jusqu'ici ,  et  que  l'auteur  a  décrit  avec  le  plus 
grand  soin.  Il  doit  former  le  complément  indispensable  de  la  Descrip- 
tion de  l'Egypte.  L'exécution  de  l'atlas,  qui  comprend,  en  outre  de 
la  carte  du  pays  de  Nedj ,  le  plan  du  nouveau  canal  d'Alexandrie,  a  été 
confié  à  M.  Dutcrtre  ,  qui  a  fait  partie  de  l'expédition  d'Egypte;  et  cet 
artiste  a  lithographie  le  portrait  du  vice-roi  d'Egypte,  ceux  du  chef  des 
Wahabis,  du  roi  de  Sennaar,  et  plusieurs  autres  figures.  M.  Coste, 
architecte  du  vice-roi,  a  dessiné  la  vue  du  palais  de  ce  prince,  sur  la 
place  de  l'Eshekich,  au  Caire;  celle  de  son  palais,  à  Alexandrie,  et  la 
sainte  Famille  se  reposant  sous  le  sycomore  de  Matharieh. 

yS  (*). — Histoire  physitjuc ,  eivite  et  morale  de  Paris,  depuis  les  pre- 
miers tems  historiques  jusqu'à  nos  jours,  contenant,  par  ordre  chrono- 
logique, la  description  des  accroissemens  successifs  de  cette  ville,  et 
de  SCS  monumens  anciens  et  modernes,  la  notice  de  toutes  ses  institu- 
tions, tant  civiles  que  religieuses ,  et,  à  chaque  période,  le  Tableau 
des  moeurs,  des  usages  et  des  progrès  de  la  civilisation  ;  ornée  de  gra- 
vures représentant  divers  plans  de  Paris,  ses  monumens  et  ses  édifices 
principaux;  par  /.  A.  Du  la  ire,  de  la  Société  des  antiquaires  de  France. 
Seconde  édition,  considérablement  augmentée  en  texte  et  en  gravures. 
Tom.  Il  (4  livraisons) ,  5i  2  page»  ;  Tom.  III  (i"^'  et  2^  livraisons) ,  256 
])ngcs  ;  avec  un  atlas  in-4°  obloiig,  précédé  d'une  Introduction  de  48 
pages,  et  contenant  cinq  plans  de  Paris  :  i°  sous  la  domination  rom,aine; 
2"  sous  le  règne  de  Philippe- Auguste ,  jusqu'à  l'année  1220;  3°  sous 
François  I";  ^°  sous  Louis  XIII  ;  5»  dans  son  état  actuel.  — Paris, 
iSaô;  Guillaume,  libraire-éditeur;  prix,  5  fr.  yS  c.  par  livraison. 

Nous  avons  déjà  rendu  compte  des  premières  livraisons  de  cet  impor- 
tant ouvrage.  (Voy.  Rev.  Encyci.,  Tom.  XIX,  pag.  433.)  Il  continue  de 
présenter,  dans  ses  livraisons  successives ,  un  intérêt  toujours  croissant. 
L'auteur  fait  preuve  d'une  érudition  profonde  et  d'une  saine  philosophie. 
II  conduit  pas  à  pas  son  lecteur  à  travers  des  périodes  historiques,  enve- 
loppées jusqu'ici  des  plus  épaisses  ténèbres.  On  apprend  à  connaître  ce 
i)on  vieux  tems ,  si  vanté  et  si  regretté  par  des  esprits  superficiels  qui  ne 
s'en  font  aucune  idée,  et  qui  croient  qu'il  est  du  bon  ton  d'attaquer  les 
innovations  et  les  perfeciionnemens,  et  qu'ils  se  donnent  ainsi  un  certaia 
air  d'ancienne  noblesse.  «  Il  serait  difiScile,  dit  notre  auteur,  en  esquis- 
sant le  TaUcau  moral  de  Paris,  dans  les  xt"  et  xii'  siècles,  de  trouver 


LIVRES  FRA^;ÇA1S.  i8g 

daus  les  annales  des  nations  un  état  social  plus  désordonné,  des  opinions 
plus  fausses,  des  malheurs  plus  grands,  plus  soutenus,  des  crimes  plus 
graves  et  des  mœurs  plus  corrompues  que  «hez  les  hahitans  de  la  Gaule 
pendant  cette  période.  Ces  siècles,  qu'on  a  nommés  siècles  de  ptomù , 
seraient  plus  exactement  caraclérisés,  si  on  les  qualifiait  de  siècles  lie 
tcnèhres,  de  houe  et  de  san<j  ,  (Tom.  II,  pag.  ii5).  »  A  la  période  sui- 
vante, qui  s'étend  depuis  le  règne  de  LouisVlI  jusqu'à  celui  de  Louis  IX  : 
«  Le  régime  iéodal  et  la  barbarie  commencent  à  s'affaiblir  ;  la  royauté 
devient  plus  paissante;  plusieurs  villes  ,  jouissant  du  droit  de  commu- 
ne, peuvent  se  protéger  elles-mêmes  contre  les  brigandages  de  la  no- 
blesse   L'étude,  plus  protégée  et  plus  active,  introduit  des  lumières 

vraies  ou  fausses  dans  des  parties  du  corps  social,  où,  depuis  plusieurs 
siècles,  il  n'en  pénétrait  point;  mais  le  vice  est  trop  profondément  en- 
raciné, la  eorruption  est  trop  générale,  pour  que  de  si  faibles  innova- 
tions puissent  corriger  l'un  et  purifier  l'autre.  Les  mœurs,  pendant  cette 
période,  n'offrirent  que  des  espérances  d'amélioration  ,  (ï.  il,  p.  555;. 
Le  XII. «siècle  est  remarquable  par  la  corruption  estrème  du  clergé,  qui 
surpassait  celle  du  peuple,  et  par  l'hypocrisie  des  faux  dévots,  contre 
laquelle  s'élèvent  avec  énergie  les  prosateurs  et  les  poètes  de  cette  époque; 
(T.  m,  p-57)-  '•  Les  évoques  et  les  moines  trnaienl  les  habitans  des  villa- 
ges dont  ils  étaient  seigneurs,  dans  un  état  complet  de  servitude.  —  On 
commence,  au  xiv  siècle,  à  mépriser  les  chevaliers  qui  ïivaienl  de  pil- 
lage, et  qui  sont  qualifiés,  dans  quelques  monumens  du  tems,  de  che- 
valiers à  la  proie Le  torrent  de  l'immoralité  rencontre  quelques 

digues  dans  les  institutions  fondées  par  Philippe-le-Bel On  trouve, 

dans  les  registns  criminels  du  parlement  de  Paris,  plusieurs  exerapl<  s 
de  gentil.-hommei  punis  avec  sévérité  pour  dos  vols,  des  meurtres  tt 
d'autres  délits Les  écoles  se  multiplient....  L'esprit  public  se  pro- 
nonce en  faveur  des  institutions  enseignantes,  et  fait  espérer  mieux 

(Tom.  III,  p.  258  et  suiv.).»— Les  débauches,  l'avidité,  les  fourberies  a 
les  exactions  du  clergé  ne  connaissent  aucun  frein.  i  Le  trafic  honteux 
des  choses  saintes  fut  en  plein  usage  jusqu'au  milieu  du  xvi»  siècle. 
Alors,  par  l'ordonnance  d'Orléans  de  i5Go,  il  fut  restreint,  mais  non 
aboli  :  il  a  subsisté  en  partie  jusqu'à  nos  jours,  {iind. ,  pag.  255).  »  —  Je 
pourrais  multiplier  a  l'infini  les  citations,  pour  compléter  les  esquisses 
des  différens  siècles  que  le  savant  historien  reproduit  devant  nos  yeux. 
Je  continuerai  plus  tard,  avec  lui,  celte  revue  des  traits  caractéristiques 
de  l'état  moral  de  Paris  et  de  la  France ,  pendant  les  différentes  périodes 
historiques  qu'il  a  décrites.  —Grâces  aux  laborieuses  investigations  de 
M.  DcLACBË,  aux  savantes  recherches  et  aux  ingénieux  aperçus  de  M.  ds 


iQO  LIVRES  FRANÇAIS. 

SiàuOKDi ,  qui,  dans  sod  llisloire  des  Français,  nous  fait  connaître  à 
nous-mêmes  notre  propre  nation,  et  aux  tableaux  philosopliiques  et 
aDirués  dont  M.  de  Skglr  a  composé  son  Abrégé  de  i'iiistoirc  univer- 
selle, les  hommes  d'élat  qui  ne  veulent  pas  rester  indignes  de  ce  nom, 
les  vrais  philosophes,  les  amis  sincères  de  la  patrie  et  de  rhuinanité  , 
pouriout  sonder  sans  peine  toute  la  profondeur  des  abîmes  dans  lesquels 
l'ignorance  et  la  barbarie  avaient  plongé  les  peuples,  et  apprécier  l'im- 
prévoyance et  la  fureur  aveu^'le  des  passions  qui  tendraient  à  nous  y 
précipiter  de  nouveau,  et  à  menacer  le  inonde  entier  d'une  sorte  d'é- 
clipse  tie  la  raison  et  de  la  liberté.  M.  A.  Jilukn. 

76  (*).  —  Galerie  française,  ou  Collection  de  portrails  des  hommes 
et  des  femmes  célèbres  qui  ont  illustré  la  France,  dans  les  xvi<^,  xvii« 
et  xviii*  siècïes  ;  par  une  SociL'lé  d'hommes  de  lettres  et  d'artistes.  T.  II. 
—  lô'  Livraison.  Paris,  i8^5;  au  buieau  delà  Galerie  frunç>iisc j  rue 
de  l'Arbre-Sec,  n»  22.  Grand  iu-4°,  papier  vélin  ;  prix  de  souscription, 
10  fr.  par  livraison  pour  Paris  ,  10  fr.  Soc.  pour  les  départcraens. 

Cette  livraison  contient  les  poriraiis  de  Fénélon,  Fauban,  Audran 
et  A/°"  Dacier,  avec  des  Notices  de  MJI.  Laàouderie ,  Liqdiéres,  Denon 
et  Amaury-Duval.  On  y  a  joint  des  fac  siiuUe  de  l'éciilure  de  Bal- 
zac,  M"'  de  Scudéry,  Mézeray,  Corneille,  Catinal,  Colbcrt ,  Vauban  et 
de  Tourville.  —  Un  avis  aux  souscripteurs  les  prévient  qu'une  Notice 
qui  n'est  pas  prête  (celle  de  Pascal),  n'a  pas  permis  aux  éditeurs  de 
donner  la  fin  du  Tom.  II.  lis  recevront  incessamment,  avec  "cette  no- 
tice ,  tous  les  fac  simile  qui  manquent,  et  la  Table  des  matières. —  En 
attendant,  les  éditeurs  se  sont  occupés  du  T.  III ,  dont  nous  avons  déjà 
annoncé  les  quatre  premières  livraisons  [^oy.  Tom.  XIX,  pag.  ^-i). 

•■y  (*).  — Annuaire  "hi  si  orir.uc  universel  four  1S22,  avec  un  A-pfcn- 
rfî'fe  contenant  les  actes  publics,  traités,  notes  diplomatiques,  papiers 
d'états  et  tableaux  statistiques,  financiers,  administratifs  et  nécrologi- 
ques j  une  Chronique  offrant  les  événemens  les  plus  piquans,  le  causes 
les  plus  célèbres,  etc.  ;  des  extraits  de  voyages  ou  de  mémoires  intéres- 
sans,  et  une  Revue  des  productions  les  plus  remarqua  blés  de  l'année  dans 
les  sciences,  dans  les  lettres  et  dans  les  arts;  par  C.  L.  Lksijr,  auteur  de 
la  France  et  les  Français  en  iSi-,  etc.  Paris,  1823  ;  Pantin  et  Gosselln; 
Treuttel  etWiirtz.Un  vol.  in-8°  de  vi  et  867  p.;  prix,  lo  fr.,  et  12  fr.  5o  c. 

Jusqu'ici,  la  Revue  a  rendu,  chaque  année,  un  compte  détaillé  de 
V Annuaire,  (/ oy.  Tom.  IV,  pag.  280;  T.  VIII,  p.  289;  T.  XII,  p. 
5oi|  ;  et  T.  XVI,  p.  495-)  H  convenait  à  ses  vues  générales,  à  son  plan 
encyclopédique ,  de  présenter  en  quelques  pages  un  aperçu  des  événe- 
mens qui  avaient  rempli  l'année  précédente.  Mais  la  publication  de 


LIVRES  FRANÇAIS.  i()i 

l'Annuaire  est  tellement  iclardée,  que,  si  l'ouvrage  ne  perd  rien  de  son 
utilité,  l'analyse  en  devient  beaucoup  moins  piquante;  et,  pour  ne  ci- 
leiqu'un  exemple  ,  il  serait  fort  peu  intéressant  d'entretenir  nos  lecteurs 
d'un  cordon  i^aniliiire  ou   d'un  cordon  d'observation,  au  moment  où  la 
guerre  d'Espagne  touche  à  son  terme.  Ce  n'est  pas  à  une  époque  où  les 
événemcns   marchent  avec  une   telle  rapidité,   qu'un  écrit  périodique 
peut  attendre  dix  mois  pour  en  offrir  le  lai)leau  à  ses  lecteurs.  Ce  retard, 
nous  le  lépélons,  n'est  pas  un  inconvénient  pour  l'Annuaire  ;  les  lecteurs 
qui  veulent  y  trouver  un  résumé  de  faits  et  un  recueil  de  documens , 
préféreront  toujù:irs  moins  de  promptitude  dans  la  publication,  et  plus 
d'exactitude  et  d'cbondauce  dans  l  s  matériaux.  Ceux  dont  se  compose 
l'Annuaire  de  1822  offrent  un  graud  intérêt.  Dans  eetle  période,  l'esprit 
des  peuples  et  celui  des  agens  de  l'autorité  se  développent  <n  sens  in- 
verse d'une  manière  fort  remarquable  :  tanilis  que,  d'un  côté  ,  tout  s'tl- 
firce  de  b'avancer  vers  les  améliorations  et  le  perfectionnement,  tout, 
de  l'autre,  se  rejette  en  arrière  et  suit  une  marche  rétrograde.  C'est  ui:e 
vérité  dont  l'auteur  de  l'Annuaire  ne  paraît  pas  se  douter,  mais  qui  sort 
vivante   des  faits   ainsi  rapprochés  ,  de  quelque  manière  qu'iU  soient 
d'ailleurs  présentés;   la  distraction  affectée  de  l'annaliste  ne  sert  même 
qu'à  mieux  éveiller  l'attention  du  lecteur.  ]N(. us  allons  lâcher  d'indiquer 
en  peu  de  mots  l'ensemble  des  principaux  événemens  classés  dans  l'An- 
nuaire de  1822. —  i'=  PABTiE.  Histoire  de  France.  —  La  portion  la   plus 
importante  de  cette  histoire  est  toujours  le  résuuié  des  travaux  des  deux 
chambres.  La  suite  de  la  session  de  1821  a  été  consacrée,  en  grande 
partie,  à  la  législaliou  de  la  presse.  Deux  lois  sur  cette  importante  ma- 
tière ont  totalement  changé  la  légiflation  précédente,  soit  en  laissant 
plus  de  vague  dans  l'appréciation  des  délits,  soit  en  augmentant  la  gra- 
vité des  peines,  soit  en  ôtant  au  jury  la  grande  attribution  dont  il  jouis- 
sait précédemment ,  soit  enfin  en  livrant  la  presse  périodique  à  la  merci 
de  l'autorité.  Le  budget  de  1823  a  ensuite  occupé  les  derniers  momens 
de  la  Chambre;  il  a  été  voté  lorsqu'il  était  déjà  à  moitié  dépensé.  Pour 
faire  cesser  cet  abus,  la  session  de  i>Sa2  fut  convoquée  immédiatement, 
et  fut  consacrée  presque  tout  entière  à  la  discussion  du  budget  de  182.1. 
Une  question  incidente,  cependant,  occupa  vivement  la  Chambre  dei 
députés,  et  mérite  d'être  mentionnée,  c'est  la  proposition  demander  i. 
la  barre  le  procureur-général  de  Poitiers  ,  pour  y  rendre  compte  de  plu- 
sieurs passages  de  son  acte  d'accusation  dans  le  procès  de  !a  conspira- 
tion de  Thûuars.  Les  autres  événemens  de  cette  année  se  composent  de 
diverses  procédures  criminelles  pour  cause  de  conspiration,  procédure* 
qui  donnèrent  lieu  à  quatorie  condamnations  capitales,  dont  onze  fu- 


192  LIVRES  FRANÇAIS. 

reut  suivies  d'exécution  ;  de  la  lutte  des  élections  ,  dans  lesquelles  \c 
parti  libéral  a  éprouvé  une  inféiiorité  tout-à-f'ait  décidée;  de  la  supprc'^- 
sion  de  l'Ecole  de  médecine  ;  du  congiès  de  Vëronne  ;  des  divi.sions  dans 
le  niiiiislère,  qui  ont  motivé  un  changement  de  minisfres,  sans  rien  chan- 
ger à  la  marche  des  affaires.  —  Seconde  pahtib.  Histoire  ctrun(jèrc. 
—  Cette  seconde  partie  est  occupée  presque  entièrement  par  les  affaires 
d'Amérique,  de  Grèce,  et  surtout  par  celles  d'Espagne.  Le  gouverne- 
ment des  Etats-Unis  reconnaît  l'indépendance  des  colonies  espagnoles; 
événement  politique  d'une  haute  importance  j'^- et  dont  i!  convenait  aux 
Etats-Unis  de  donner  l'exemple.  Les  triomphes  maritimes  des  Grecs, 
la  destruction  de  5n,ooo  Turcs  qui  avaient  franchi  les  Thermopyles,  et 
la  conUii.ution  connue  sous  le  nom  de  loi.  d'EpidaurCj  sont  des  faits  dé- 
cisifs dans  l'histoire  de  l'affranchissement  de  la  Grèce.  Celle  de  la  révo- 
lution d'Espagne,  dans  l'année  1822,  prouve  que,  malgré  la  conduite 
faible  ou  inhabile  de  plusieurs  ministres,  la  réforme  pulitique  se  fût  ac- 
complie dans  celte  contrée, sans  l'intervention  étrangère.  L'énormité  des 
charges  militaires  imposées  aux  états  de  la  Confédération  germanique; 
la  diversité  d'intérêts  clairement  manifestée  entre  les  peuples  de  Hol- 
lande et  ceux  de  Belgique,  par  la  discussion  des  lois  de  finances  ;  la  mé- 
sintelligence déclarée  entre  le  Portugal  et  le  Brésil;  enfin,  la  tendance 
du  gouvernement  anglais  à  modifier  l'acte  de  navigation  ,  rendent  l'his- 
toire de  celte  année  très-remarquable,  moins  encore  par  les  événemens 
qui  lui  appartiennent  que  par  ceux  qu'elle  laisse  présager.  —  L' Appen- 
dice rcnftiitae  un  choix  fort  bien  fait  de  documens  et  de  pièces  officiel- 
les; et  la  Chronique  offre,  comme  de  coutume,  parmi  quelques  parti- 
cularités curieuses,  beaucoup  de  choses  insignifiantes  ou  inexactes.  On 
permet  au  journal  de  la  veille  de  faire  des  contes;  mais  c'est  ce  qu'on 
ne  peut  passer  à  une  gazelle ^  lorsqu'elle  recueille  des  anecdotes  qui  ont 
une  année  de  date,  et  dont  elle  a  eu  le  lems  de  vérifier  l'authenticité. 
Ainsi,  à  l'occasion  du  concours  de  poésie,  dont  le  sujet  était  le  dévoue- 
ment des  médecins  français ,  la  Chronique  nous  raconte  que  «  le  vain- 
queur est  un  jeune  Français,  né  à  Barcelonne;  qu'il  était  sur  les  lieux; 
qu'il  avait  vu  les  malheurs  qu'il  décrit;  que  sa  mère  a  été  sauvée  par  le 
médecin  français  qui,  lui  même,  en  est  tombé  victime;  qu'il  a  écrit 
sous  rinspiration  de  la  piété  filiale.  »  ÎJ'y  a-t  il  pas  un  peu  de  bonhomie 
à  nous  faire  ce  récit  quatorze  mois  après  que  chacun  a  pu  apprendre  que 
tout  cela  n"est  qu'une  fiction  du  jeune  poète?  Au  resle,  nous  voudrions 
n'avoir  que  des  reproches  de  ce  genre  à  faire  à  M.  Lesur.  Nous  avons 
dit,  dans  nos  précédentes  analyses,  que  son  livre  pourrait  souvent  Irom.- 
per  ceux  qui  voudraient  s'en  servir  pour  apprécier  l'époque  où  nous  *i 


LIVRES  FRA^iÇAIS.  i<;5 

vous  :  c't'sl  une  remarque  dont  la  lecture  de  ce  volume  nous  semble  encore 
confirmer  la  justesse.  L'auteur  s'est  décidéiHent  réduit  à  n'être  que  le 
copiste  du  Moniteur,  rôle  peu  digne  d'un  puhlitistc,  et  d'un  écrivain 
qui  s'occupe  a  rassembler  des  matériaux  pour  rhistoiro.  L'auteur  de  l'An- 
nuaire ajoute  foi  entière  et  aveugle  ù  tout  ce  que  l'autorité  veut  faire 
croire  ;  il  ne  sali  rien  deviner,  rien  examiner.  Que  les  agens  du  pouvoir, 
soumis  à  une  publicité  inévitable,  s'arrartgent  pour  la  faire  tourner  a 
leur  profit;  qu'ils  se  ménagent  des  échos  parmi  les  écrivains  dont  le  la- 
lent  peut  leur  faire  craindre  que  la  postérité  n'entende  une  autre  voix 
que  la  leur  rien  n'est  plus,  naturel,  et  l'on  ne  peut  leur  en  savoir  mau- 
vais gré  ;  mais  aussi  la  critique  doit-elle  avertir  le  lecteur  d'accorder  peu 
de  confiance  aux  couleurs  soas  lesquelles  de  tels  écrivains  preoentenl  les 
faits ,  et  de  se  tenir  sur  ses  gîirdes  en  les  lisant  :  c'est  nn  devoir  que  nous 
nous  croyons  obligés  de  remplir.  Considéré  comme  un  recueil  de  doeu- 
mens,  l' Annuaire  est  un  répertoire  utile,  et  qui  a  sa  place  marquée  dans 
les  bibliothèques;  considéré  sous  le  rapport  moral  de  l'appréciation  des 
événemens  ,  c'e>t  un  livre  nul,  et  qui  reste  bien  au-dessous  de  la  répu- 
tation (|u'unafaite  aux  premiers  volumes.  M.  AvE^EL. 

78.  —  Adresse  au  feuple  espa(/Hot  ;  Es()utssc  rapide  d'un  contrat  so- 
cial, Pœux  sur  ia-paix.  Paris,  iiSaS;  Brissol-Tliivars,  rue  de  l'Abbaye, 
n»  \'f.  In-îJ»  de  4i  pages;  prix,  1  fr.  5o  c. 

Tout  homme  qui  veut  fortement  et  qui  cherche  sincèrement  le  bien 
est  digne  d'estime  ,  lors  même  que  ses  vues  de  bien  public  peuvent  être 
considérées  comme  des  rêveries.  Trop  souvent,  en  etiet,  au  milieu  des 
passions  humaines  en  fermentation,  les  vues  politiques  les  plus  raison- 
nables et  les  plus  sages,  ne  trouvent  point  les  esprits  disposés  à  les 
adopter,  et  sont  reléguées  au  nombre  des  théories  impraticables.  Ces  ré- 
flexions nous  sont  suggérées  par  l'écrit  que  nous  annonçons.  L'auteur  est 
un  ami  de  riiumacité,  qui  veut  la  paix,  la  liberté,  la  justice,  et  qui  croit 
que  les  hommes,  les  peuples,  même  les  gouvernemens  ne  seront  pas 
sourds  à  sa  voix  et  ne  regretteront  point  ses  conseils,  parce  qu'il  leur 
présente  des  moyens  de  conciliation,  d'ordre  et  d'aduiini>traiion  pu- 
blique conformes  à  leurs  véritables  intéiêis.  Cependant,  il  se  fait  illu- 
sion. Les  vrais  intérêts  des  individus,  ni  des  nations,  ni  des  rois,  ne  sont 
guère  compris  ni  consultés  d.ins  les  époques  de  crises  violentes,  de  ré- 
volutions et  de  guerres.  Quoi  qu'il  en  soit  ,  le  plan  de  contrat  social . 
proposé  aux  Espagnols  par  M.  de  Franclieu  ,  et  ses  vœux  pour  la  paix, 
annoncent  un  véritable  philantrope,  fortement  attaché  aux  principes 
d'ordre  et  de  liberté  qui,  dans  notre  état  actuel  de  civilisation,  peuvent 
T.  XX.  —  Octobre  ib'-iJ.  i5 


,,4  LIVRES  FRAKÇATS. 

seuls  assurer  la  tranqiiillilé  et  le  bonheur  des  nations  et  la  solidité  dc^ 

trônes. Tons  les  hommes  de  bien,  quelle  que  puisse  être  la  diversité 

de  leurs  manières  de  sentir  et  de  jug<r  en  politique,  partageront  avec 
notre  auteur  le  désir  de  voir  donner  à  l'Espagne  des  institutions  analo- 
gues à  ses  besoins,  et  propres  â  lui  rendre  la  paix  intérieure  et  les 
moyens  de  réparer,  par  les  influences  réunies  de  l'instruction,  de  l'in- 
tUisIrie  et  d'une  sage  liberté,  les  immenses  malheurs  produits  parle 
double  néau  de  l.i  guerre  civile  et  de  la  guerre  étrangère.       M.  A.  J. 

„Q,  Éciairtissemens  touchant  les  motifs  et  les  circonstances  (U  la 

dctenlion  de  M .  Alphonse  Mahll,  suivis  6.' Observations  sur  les  frisons 
de  la  Force  et  de  la  Conciergerie.  Paris,  i825;  Ponthieu.  Brocbure 
in-8»  de  x  et  iiS  pages  d'impression  ;  prix,  2  fr.  5o  cent.,  au  profit  des 
prisonniers. 

M.  Mahul  rend  compte  avec  beaucoup  de  simplicité  et  de  bonne  foi, 
dans  la  première  partie  de  la  brochure  dont  nous  venons  de  transcrire 
ie  litre,  des  diverses  circonstances  qui  l'ont  conduit  en  prison  ,  des  er- 
reurs de  la  police  à  son  égard,  et  de  sa  justification  pleine  et  entière, 
proclamée  par  la  chambre  du  conseil  du  tribunal  de  première  instance. 
Les  détails  qu'il  donne  sur  son  affaire  ne  sont  pas  susceptibles  d'analyse, 
et  nons  devons  seulement  les  indiquer  comme  des  modèles  de  noblesse 
et  de  respect  pour  la  justice  et  pour  ses  ministres.  Mais  les  observations 
sur  le  régime  de  la  Force  et  de  la  Conciergerie  qui  terminent  la  bro- 
chure de  M.  Mahul,  méritent  surtout  d'attirer  notre  altealion.  Près  de 
trois  mois  passés  dans  ces  prisons  ont  donné  a  leurauteur  une  triste  expé- 
rience des  choses  qui  s'y  pratiquent.  Il  a  voulu  que  ce  lems  si  long, 
pendant  lequel  il  a  été  arraché  à  ses  travaux  paisibles  ,  à  fa  lamille  cl  à 
ses  ami^,  ne  iùt  pas  perdu  pour  tout  le  monde;  et  sans  aucun  souvenir 
amer  de  l'erreur  dont  il  s'est  trouvé  la  victime,  M.  Mahul,  usant  du 
droit  le  plus  précieux  qui  nous  a  été  concédé  par  nos  lois  constitution- 
nelles, celui  de  la  publicité,  lait  connaître  aujourd'hui  les  abus  qu'il  a 
remarqués  dans  deux  des  principales  prisons  de  Paris.— Espérons  que 
l'autorité  remédiera,  autant  qu'il  est  en  elle,  à  ces  .ibus  qui  lui  sont  dé- 
noncés avec  tant  de  mesure  et  de  modération,  tt  répondra  dignement  à 
une  voix  qui  ne  l'ait  entendre  que  des  plaintes  trop  bien  londées.     Y. 

80.  —  Institution  de  M.  G:isc,  professeur  oCBcier  de  l'université,  mem- 
bre de  plusieurs  sociétés  savantes,  rue  des  Postes,  n"»  58  et  io  ,  a  Pa- 
ri,.:. _  Rapport  généraL  l'aii  en  i8?.5.  lu-4"  de  4;  pages. 

Ce  rapport  sur  une  institution  particulière  nVst  pas  limité  à  sqn  objet 
spécial  ;  M  Gaie  en  a  fajl  un  Mémoire  .sur  l'éducation.  Qui  Iqucs  prin- 
ripes  fondamentaux  de  l'art  .,i  important  d'élever   la  jeunesse  sont  dis- 


LIVRES  FRANÇAIS.  ,^^5 

cules,  non  pas  dans  fonte  leur  étendue,  mais  assez  pour  (d  faire  bien 
comprendre  le  sens,  et  mettre  l;i  vérité  hors  de  doute.  Telle  est,  par 
exemple,  la  di.tinction  admise  depuis  long-tems  entre  l'éducation  el 
l'imlruction.  M.Gaso  la  regarde,  comme  une  erreur  dangereuse,  contrai- 
re a  l'idée  qu'on  doit  se  former  de  l'âme  humaine,  être  simple  qui  est 
tout  à  chaque  ch.-se  qui  IV.ccupe,  dont.une  paiiie  ne  peut  demeurer 
oisive  tandis  qu'une  antre  agirait  seule.  .  Après  avoir  lu  cet  écrit  on 
formera  le  xœu  que  le  bon  exemple  donné  par  M.  Gasc  ait  de  nombreux 
mi.tateurs  parmi  Us  chef,  d'institution;  que  plusieurs  d'entre  eux  com- 
muniquent le  résultat  de  leurs  observations;  que  tous  ces  fruits  d'une 
expéru-nee  si  précieuse  puissent  servir  quelque  jour  à  couiposer  un  traité 
complet  de  l'éducation.  Ces  dépositaires  des  espérances  de  la  p;,trie  et 
des  familles  sont  revêtus  d'un  sacerdoce  moral  qui  donne  plus  d'aulo.i- 
té  à  leurs  pensées  et  à  leurs  écrits  :  le  philosophe  qui  trait.rait  le  même 
sujet  dans  la  retraite  de  son  cabmet ,  n'obtiendrait  pas  autant  de  con- 
fumce,  et  l'opinion  publique  aurait  bien  jugé.  Ceux  qui  ont  vu  le  plu. 
tt  qui  ont  bien  vu,  les  hommes  attachés  par  tant  de  l,ens  à  l'ordre  pu- 
blic et  privé,  accoutumés  à  la  pratique  si  douce  et  si  facile  des  vertus 
domestiques,  sont  ceux  qui  paraissent  plus  particulièrement  appelés  à 
ecnre  sur  l'art  honorable  qu'ils  exercent  avec  tant  de  succès.         F. 

Si.-NawvcHc  Logique  destiuée  à  la  jeune^^e  française,  par  J.  F,  A 
Caro,  professeur  de  philosophie  au  collège  de  Poitiers,  etc.  Poitiers^ 
iS23;  Catineau,  imprimeur-libraire.    Un  vol.   in-iade  205  naa   •   r,,.' 
■).  francs.  ^  "''  ^       ' 

Cet  ouvrage  est  demeuré,  pendant  plus  de  trois  mois,  dans  les  mains 
d'un  ancien  professeur  de  philosophie,  qui  avait  lui-même  demandé  d'en 
rendre  compte,  et  qui  a  toujours  négligé  d'acquitter  sa  dette.  On  donne 
.c.  de  la  publicité  à  cette  circonstance,  pour  expliquer  à  l'auteur,  absent 
de  Pans,  la  cause  du  long  silence  dont  il  étaîi  fondé  à  se  plaindre  et 
dont  se  plaignaient,  comme  lui,  les  rédacteurs  de  la  «e«Mc ,  vicli.nes 
d'une  confiance  mal  placée,  et  d'une  promesse  mal  observée.-La  Lo- 
aique  de  M.  Caro,  purement  élémenlaire,  n'est  point  embarrassée  de  re- 
cherches métaphysiques,  obscures  et  abstraites.  Il  pa.tde  ce<  deux  hlées 
fondamentales  :  que  la  raison  est  la  plus  noble  prérogative  qui  distingue 
l'homn.e;  que  la  vraie  gloire  de  l'homme  consiste  à  bien  dirioer  sa  laî 
son  dans  la  recherche  de  la  vérité.  Il  ira  te  ensuite,  dans  deux  parties 
sepa.ees  :  i<'  des  moyens  de  découvrir  la  vérité;  a"  des  cause,  de  nos 
erreurs.  Il  disimgue  des  moyens  extcriturs  et  intérieurs  de  découvrir  la 
vérité.  Les  premiers  comprennent  :  le  témoignage  des  se„s.  c.l„i  des 
hommes,  la  lecture,  l'instruction  vivante  des  maîtres,  la  conversation 


ïqg  livres  français. 

la  discussion,  la  méthode,  la  dérînition,  la  perfection  du  langage.  Let 
moyens  intérieurs  sont  au  nombre  de  six  :  l'observation,  la  réflexion,  la 
comparaison,  l'abslraclion ,  le  raisonnement,  la  mémoire.  —  Dans  la 
seconde  partie,  l'auteur  signale  huit  causes  de  nos  erreurs  :  les  illusions 
des  sens,  celles  de  l'Iaiagination,  l'autorité,  la  confusion  des  idées,  Passo- 
cialiun  des  idées,  les  inclinations,  les  passions,  les  sophismcs.  — Nous 
n'entrerons  pas  ici  dans  l'examen  de  ci-s  divers  sujets;  il  nous  suCBt  d'in- 
diquer la  route  que  l'auteur  s'est  tracée,  et  dans  laquelle  plusieurs  de 
nos  lecteurs  aimeront  sans  doute  à  le  suivre.  —  Ce  livre  est  terminé  p^r 
un  catalogue  d'ouviages  propres  à  former  le  cœur  et  l'esprit  d'un  jeune 
philosophe;  nous  eu  donnerons  ici  un  extrait,  pour  l'usage  des  éludians 
en  philosophie  :  i°  les  deux  grands  ouvrages  de  Bacon,  la  dignité  et 
raccrcissement  îles  sciences,  le  iwvum  organum;  2°  la  Méthode  de 
Descarles  ;  5°  les  règles  de  l'Art  do  raisonner  (Regulae  philosophandi), 
par  Newton;  4°  Loche;  5"  la  Logique  de  Port-lioyal  ;  6°  le  chapitre  de 
Pascal,  sur  la  manière  de  prouver  la  vérité  et  de  l'exposer  aux  hommes; 
7°  la  Recherche  de  la  vérité,  par  Mailebranclie;  8°  l'Introduction  à  la 
philosophie,  par  S'Gravesandc  ;  9"  la  Logique  de  Dulens  ;  10°  des  Signes 
et  de  l'art  de  penser,  cor;-^idérés  dans  le<n-j  rapports  mutuels,  par  M. 
Dcijérando;  11"  Gramnii^ire  des  sciences  piiilosophiques  ,  par  Bcny, 
Paris,  1764»  12°  de  1  Exi.ilence  de  Dieu,  par  Fcneion;  i."."  même  sujet , 
traité  par  Ciarkc;  i4°  la  Théodicée  de  Lcibnitz;  iS'J  les  Méditations  de 
Descarles;  16"  les  Entretiens  métaphysiques  de  MaUcbranche;  17°  des 
vraies  et  des  fausses  idées,  par  Arnauld;  18°  la  Spiritualité  et  l'immor- 
talité de  l'âme,  par  le  R.  P.  Haycr;  19°  Traité  du  libre  arbitre,  par 
Bossuel;  20°  Lettres  d'Euler  à  une  princesse  d'Allemagne;  21"  les  Nou- 
veaux essais  sur  l'entendement  humain,  par  Lcibnitz;  22°  l'Essai  sur 
l'homme,  de  Pope,  traduit  eo  vers  français,  par  Delille  et  par  Fontanes, 
(Voyez  P.cv.  Enc.,  T.  XIII,  p.  109  et  5Gi)  ;  25»  de  la  Génération  des 
connaissaDces  humaines,  par  Degérando  ;  24°  Histoiro  comparée  des  sys- 
tèmes de  philosophie,  par  le  même  (dont  une  nouvelle  édition  se  publie, 
en  ce  moment,  chez  Eymery;  Voy.  Rev.  Enc,  T.  XVIII,  la  note  de  ia 
page  5  i5);  25"  Recherches  de  Pieid  sur  l'entendement  humain;  26"  Essais 
sur  l'esprit  humain,  par  le  même;  27°  Eléaicns  de  la  philosophie  de  l'es- 
prit humain,  par  Dugald  Stewart;  a8"  Essais  philosop.hiques,  du  même; 
•jxj°  Histoire  abrégée  des  sciences  philosophicjueset  morales,  par  le  même, 
traduite  de  l'anglais,  par  M.  Buehon  (Voy.  Rev.  Enc.,  T.  V,  pag.  2i4); 
3o°  Leçons  de  philosophie,  yvAi-  La RomigiiièTe  (\ny.  Rev.  Ene.,T.  XIV, 
p.  44-^-j);  2i°  Elémens  d'idéologie,  par  M.  DesiuUTracy;  52°  Théorie 
des  seuiinieus  agiéahLes,  par  Y Evesque.  de  PotùUy;  53»  Théorie  des  stn- 


LIVRES  FRANÇAIS.  197 

tiincns  moraux,  par  A.Saiilh,  ouvraj^c  traduit  avec  éle^anre  et  fidélité, 
par  M™'  Condoiccl  ;  54°  Manière  d'étudier  K  s  belles-lettres  par  rap|)Ort 
à  l'esprit  et  au  cœur,  par  Rodin;  1^5°  Essais  de  morale,  de  Nicole;  36» 
Système  de  philo^opllie  morale  de  Hutiheson;  5;"  Science  morale,  par 
Ferguson;  38°  Élémens  de  la  science  morale,  par  Beattie;  ôg"  Critique 
delà  rai-^on-pratique,  de  Kant ,  ouvrage  que  l'on  peut  signaler  comme 
l'un  des  plus  beaux  et  des  plus  solides  nirinumens  que  la  philosophie  ait 
jamais  élevés  à  la  vertu  ;  40"  Pensées  sur  la  religion,  par  Pascal;  /^i" 
Kssai  sur  les  passions,  publié  à  Halle,  en  i8o5,  par  le  professeur  Maass; 
1^1°  De  la  vérité  du  christianisme  ,  par  Addisson;  45°  Traité  de  la  vérité 
de  la  religion  chrétienne,  par  Aitadie;  4i°  Traité  des  principes  de  la 
foi  chréiienne  par  Duquel;  45°  Perpétuité  de  la  foi,  par  Jrnauld  et 
Nicole,  etc.  —  Nos  lecteurs  nous  pardonneront  l'étendue  et  l.i  séclieressc 
de  cttte  nomenclature,  en  raison  de  l'utilité  qu'elle  peut  avoir  pour  les 
jcuues  gens  qui  voudraient  consulter  les  piincipaux  ouvrages  écrits  sur 
la  métaphysique  et  sur  la  philosophie  morale.  —  L'ouvrage  de  M.  Caro 
annonce  un  homme  éclairé,  qui  veut  sincèrement  le  triomphe  de  la 
raison,  qui  cherche  de  bonne  foi  la  véiité,  qui  expose  d'une  manière 
simple  et  claire  la  route  que  l'une  doit  suivre  pour  arriver  à  l'autre. 

h.  .T. 

iSa. — Les  Orncmens 'poétiques  delà  Mémoire,  contenant  un  choix  dys 
meilleurs  morceaux  de  poésie  française,  1°  sur  Dieu  et  ses  attributs;  sur 
l'histoire  de  la  création  et  des  premiers  âges  du  monde  ;  sur  l'établisse- 
ment du  christianisme  et  sur  les  principes  de  la  morale  chrétienne  ; 
2"  sur  les  vertus  qui  constituent  rhonnêt(;  homme,  selon  la  religion  et 
selon  le  monde,  et  sur  les  vices  qui  déshonorent  le  plus  la  nature  hu- 
maine ;  5°  sur  les  principes  élémentaires  de  notre  littérature  en  poési<i 
et  en  éloquence;  par  M.  D'*'.  Paris,  1820;  Delaunay,  Mongie,  ef'Kep- 
veu.  Un  vol.  in- 12;  prix,  5  fr. 

Nous  avons  cité  ce  titre  en  entier,  parce  qu'il  renferme  l'analyse 
exacte  de  l'ouvrage.  Le  goût  et  la  sévérité  qui  ont  présidé  aa  choix  des 
morceaux ,  l'ordre  lucide  dans  lequel  ils  sont  rangés,  les  explications 
mises  en  tète  de  chaque  chapitre,  les  préceptes  clairs  et  judicieux  ac- 
compagnés de  morceaux  choisis  parmi  les  chefs-d'œuvre  de  notre  jioé- 
sie,  la  correction  et  l'élégance  typographique,  la  modicité  du  prix,  tous 
ces  avantages  réunis  nous  font  un  devoinlc  recommander  ce  livre  aux 
parens  et  aux  instituteurs.  \jesOrnemens  focliqufs  à^  la  mémoire  peu- vent 
être  mis  avec  une  pleine  sécurité  entre  les  mains  des  enfans  et  de*  jeunes- 
gens  dont  on  veut  former,  en  même  Icras,  le  crciir  et  le  goût;  c'est  uri 


if)8  LIYRKS  FRANÇAIS. 

ouvrage    classique    pour   les  m;iisons   d'éducation,  où   il   remplacerait 
avec  avantage  des  ouvrages  moins  bien  faits. 

C.  Mo>NABD,  professeur. 

85  (*).  —  Histoire  littéraire  des  Arabes  ou  des  Sarrasins  jjendant  le 
moyen  «<ye,  traduit  de  l'anglais  de  Joscpli  Bcrington;  par  A.  M.  H.  B. 
Piitis,  1825  ;  De  Biisseaux.  In-S"  ;  prix,  5  fr. 

Ce  volume  complète  la  traduction  française  de  l'Histoire  littéraire 
du  moyen  dgc,  écrite  par  un  savant  anglais.  M.  Boulard  l'a  publiée  suc- 
cessivement par  parties;  celle-ci  est  la  septième,  et  ce  qui  a  été  dil  dans 
la  Revue  de  ebacune  d'elles  ,  à  mesure  qu'elle  a  été  publiée,  a  donné 
une  juste  idée  de  l'importance  de  l'uuvrage  original  et  de  l'utilité  de  sa 
traduction.  Cette  nouvelle  et  dernière  partie,  rehtive  aux  Arabes,  n'est 
pas  ime  des  moins  curieuses,  car  la  littérature  de  ce  grand  peuple  a 
servi  comme  d'intermédiaire  à  l'Europe  moderne  pour  s'introduire  dans 
les  écrits  et  les  idées  de  l'ancienne  Grèce.  Les  Arabes  ont  traduit,  com- 
menté et  enseigné  Aristote,  et  nous  ont  enseigné  aussi  les  astronomes 
Grcs ,  dont  ils  ont  étendu  les  théories  et  les  observations.  Ils  nous  ont 
transmis  l'aritbmélique  et  la  numération  généralement  pratiquées  aujour- 
d'hui; et  l'on  dcjit  dire  transmis,  parce  qu'on  a  cru  originaires  de  l'In- 
de les  chiffres  que  nous  nommons  arabes,  mais  qui  se  retrouvent  au- 
jourd'hui sur  les  papyrus  égyptiens  hiératiques,  avec  leur  valeur  de  po- 
sitions, comme  on  le  verra  par  le  Précis  du  système  hiéroglyphique  des 
anciens  égyptiens  ,  que  M.  Champollion  le  jeune  va  rendre  public  très- 
incessauiuitnt ,  et  sur  un  l'rjgment  de  papyrus  qui  porte  ces  chiffres  , 
communiqué  par  ce  savant  et  publié  récemment  en  An-^leterre.  Quant 
a  la  littérature  des  Arabes  proprement  dite,  qui  embrasse  la  grammaire, 
l'éloquence,  la  poésie,  et  tous  les  ouvrages  d'imagination ,  les  travaux 
des  orientalistes  ont  rendu  vulgaires  les  notions  que  tout  homme  ins- 
truit doit  posséder  à  cet  égard;  leur  philosophie  n'est  pas  moins  cou- 
nue,  ainsi  que  leurs  recherches  et  leurs  opinions  relatives  aux  sciences 
naturelles,  a  la  morale  et  inéme  .î  l'ascétisme.  Tout  date  jioureuxde  la 
fuite  de  leur  cèièbre  prophète,  et  parmi  tant  d'autres  prodiges,  ce  n'est 
pas  le  moins  remarquable  que  ce  goût  pour  la  culiuie  des  connaissances 
uiiies  et  pour  tous  les  arts  de  la  paix,  chez  un  peuple  qui  avait  conquis 
ou  occupé  par  la  force  des  armes  tous  les  pays  qui  embrassent  la  Perse, 
la  Syrie,  i'Égypte,  l'Afrique  et  l'Espagne.  L'historien  de  leur  lilléra- 
lurc  considère  successivement  chacune  des  bran»  hes  des  connaissances 
humaines  que  les  Arabes  cultivèrent;  l'histoire  n.itionale .  la  médecine 
et  les  malin-mutiquc-  occupent  une  grande  place,  et  il  est  à   regretter 


LIVRES  FRANÇAIS.  ujg 

([lie  l'auteur  anglais  n'ait  pu  mentionner  plus  spécialement  la  grande 
comj)Osition  mathimatique  ùv  Plol«uiée  ,  que  les  Arabes  ont  fait  ap- 
peler V Altnagestt ,  ouvrage  du  plus  haut  inlcrêt  pour  l'aslronomie  et 
la  tlironologie ,  dont  la  première  traduction  latine  a  été  faite  sur  une 
version  arabe,  et  dont  iNJ.  l'abbé  Halma  publie  à  Paris  une  vei'sion 
française  avee  le  texte  grt'C.  jSous  dirons,  néanmoins,  que  le  Précis  de 
M.  Berington  est  un  bon  abrégé  de  l'hisfoire  littéraire  des  Arabes,  qu'il 
compfèlc-  heureusement  le  Manuel  historique  qu'il  avait  entrepris  ,  et 
nous  indiqueron«  ce  nouveau  fruit  du  zèle  actif  et  des  talcns  de  M. 
Boulard  à  la  juste  reconnaiss.ince  du  monde  savant-  M.  Boulaid  a  , 
d'ailleurs,  enrichi  sa  Iraduttion  de  plusieurs  notes  httéiaircs  très  utiles 
à  l'intelligence  du  texte;  il  en  est  même  une  d'un  autre  genre,  que  nous 
n'hésitons  pas  à  indiquer,  c'est  celle  où  M.  Boulard  demande  une  sainte- 
alliancedes  souverains  pour  interdire  les  horribles  fusées  à  l;i  Corigrève, 
rappelant  le  noble  exemple  donné  par  Louis  XV,  qui  acheta  de  Dupié 
le  secret  d'un  autre  feu  grégeois;  et  ce  vœu  est  ct-lui  d'un  homme  de 
bien  qui  a  trouvé  dans  la  soliiude  des  lettres  et  les  méditations  de  l'esprit 
ces  douces  inspirations  de  l'humanité,  qui  sont  aus^^i  une  religion. 

CF. 

84.—  OEuvrcs  choisies  de  De.-portks,  Bertalt  et  Régmkr,  précédées 
de  notices  historique»  ri  critiques  sur  ces  poètes,  et  suivies  d'un  Voca- 
bulaire, par  M.  PiiLLi.-siER.  Édition  sièréotxpe.  Paris,  1825  ;  Firniin  Di- 
dot.  Un  Vol.  in-iS,  de  Sao  pag's  ;  papier  ordinaire  i  fr. ,  papier  Un  1  fr. 
20  c.  ,  papier  vélin  2  fr.  5o;  in- 12  vélin,  5  fr.  5o  c. 

Un  choix  fait  avec  discernenjent,  des  notices  à  la  fois  biograpîiiqucs 
et  littéraires,  qui  attestent  de  nombreuses  recherches  et  prouvent  que 
M.  Pellissier  réunit  le  goût  du  critique  au  talent  de  l'écrivain  ,  tels  sont 
les  divers  genres  de  méiile  qui  distinguent  ce  recueil.  11  est  à  désirer 
que  M.  Pellissier  continue  sur  le  même  plan  la  collection  des  richesses 
de  nos  poêles.  Dégagées  de  leur  alliage  et  rassemblées  dans  un  cadre 
plus  étroit,  elles  brilleront  d'un  éclat  plus  vif ,  et  ajouteront  à  l'instruc- 
tion et  aux  jouissances  d'un  grand  nombre  de  lecteurs  ,  que.  faute  d'un 
pareil  choix,  la  lecture  de  nos  anciens  auteurs  avait  jusqu'ici  effarou- 
chés. C. 

85.  — Bihlîolhèque  du  jjromcneur  ,  rédigée  par  M.  Brks.  Paris  ,  182J  ; 
Lefuei,  libraire,  rue  Saint-Jacques,  n°  5(.  Un  vol.  in-18,  de  aSi  pages, 
avec  une  jolie  gravure  de  Deveria  ,  représentant  les  trois  siècles  littérai- 
res français  (xvi"",  xvii' et  xviii«),et  un  Tableau  chronologique  des  jyoètes 
français,  depuis  Thibault,  comte  de  Champagne,  né  en  1201,  jus- 
qu'à Delille,  mort  en  i8>i;  prix,  3  fr. 


200  IJVRES  FRANÇAIS. 

C'est  une  idée  nouvelle  et  heureuse  que  d'avoir  réuni ,  dans  un  seul  et 
très-petit  volume,  avec  l'inventaire  de  tous  les  travaux  de  nos  poètes,  un 
choix  présentant  la  naeilleurc  pièce  de  chacun  d'eux.  M.  Brès  ne  s'est 
point  !)orné  à  reproduire  sous  nos  yeux  plusieurs  poésies,  devenues  clas- 
siques; il  a  recherché  avec  soin  et  recueilli  avec  discernement  quelques 
pièces  Irès-rares  et  peu  connues.  Tel  est  le  poème  sur  les  mauvais  gestes 
des  pvcc/icatcurs  ,  par  le  P.  Sanlecquc  ,  qui  rappelle  souvent  la  manière 
de  Boileau.  On  en  jugera  par  son  début , 

n  C'esl  en  vain  qu'un  docteur  qui  prêche  1  iïangiîe 

Mêle  cliréliennement  l'agréable  el  l'utile: 

S  il  ne  joint  un  beau  geste  à  l'art  de  bien  parler. 

Si  dans  tout  son  deliors  il  ne  sait  se  régler, 

Sa  voix  ne  charme  plus,  sa  phrase  n'est  pîus  belle  ; 

Dès  l'exorde,  j'aspire  à  la  gloire  éternelle  ; 

F.t  dormant  quelquefois  sans  interruption  , 

Je  reçois  en  sursaut  sa  bénédiction.  » 

Plus  de  cent  poètes  français  ,  sur  58o  antérieurs  à  l'an  1800 ,  se  trou- 
vent ici  convoqués  dans  une  sorte  de  congrès  liUcraire,  où  ciiacun  ap- 
porte le  tribut  de  sa  inuse.  Des  notes,  jointes  aux  différens  morceaux 
contenus  dans  ce  livre,  offrent  souvent  des  détails  curieux  sur  leurs  au- 
teurs. M.  Brès  nous  fait  esp'-rer  un  semblable  recueil ,  composé  de 
morceaux  choisis  de  nos  meil'rurs  écrivains  en  prose,  qui  complettera 
sa  Biùliolhèquo  du  promeneur.  Les  hommes  sensibles  aux  charmes 
de  la  bonne  littérature  doivent  accueillir  avec  empressement  ce  char- 
mant ouvrage,  qui  fait  passer  rapidement  en  revue  devant  eux  tous  nos 
poètes,  avec  les  principaux  titres  de  Ifur  gloire  littéraire.  M.  A.  J. 

86.  — Souvenirs  des  Muses,  ou  Collection  des  poètes  français  morts 
à  la  fleur  de  l'âge  ;  publiée  par  J.  B.  Bcissoa.  Paris,  iSîô  ;  l'éditeur,  rue 
Guisarde,  n°  14;  faubourg  Saint-Germain.  Un  vol.  in-S"  de  58o  pag.  ; 
prix,  10  fr.  en  papier  satiné,  ?o  fr.  en  vélin. 

0  Élever  un  monument  à  la  gloire  des  jeunes  écrivains  qu'une  mort 
prématurée  a  ravis  à  l'espoir  des  muses  françaises  ;  faire  jouir  le  public 
d'une  foule  de  belles  productions  éparses  ou  perdues  dans  une  centaine 
de  volumes  ignorés  ;  arracher  à  l'oubli  des  noms  dignes  d'estime  :  »  tel 
est  le  but  que  M.  Buisson  s'est  proposé  en  fermant  cette  collection  ,  cl 
le  public  doit  lui  savoir  gré  de  celle  heureuse  idée  et  de  la  manière  dis- 
tinguée dont  il  l'a  exécutée.  —  Le  premier  auteur  qui  s'offre  à  nous,  en 
commençant  la  lecture  du  recueil,  est  Malfii-atiie,  auquel  le  poème  de 


UVRES  FRANÇAIS.  201 

Narcisse  dans  l'île  de  Vémis,  et  l'ode  sur  le  soleil  fixe  au  miUtu  des 
étoiles,  assurent  une  place  distinguée  parmi  les  écrivains  originaux  du  xvim" 
siècle— Gilles  d'Aubigny,  poète  du  xvi^  siècle,  mort  âgé  de  20  ans,  est  un 
auteur  peu  connu ,  mais  il  mérite  de  l'être.  Son  Tuteur  d'amour  est  un 
poème  remarquable  pour  l'époque  où  il  a  été  composé ,  et  le  vieux  style 
français,  dans  lequel  il  est  écrit,  a  souvent  celte  grâce  cl  cette  franchise 
qu'on  aime  dans  les  écrits  de  Marot,  dé  Montaigne,  et  d'Amyot.  — 
Nous  ne  nous  arrêterons  pas  sur  la  tragédie  Alfhiçjénie  en  Aidide, 
la  seule  que  nous  ayons  de  Gdimond  de  la  Tocchk.  La  Harpe,  dans  son 
Cours  de  littérature,  a  rendu  justice  aux  beautés  qu'elle  contient.  — 
JVotre  contemporain  Doraince,  enlevé  trop  tôt  aux  muses  et  à  des  parens 
qui  le  pleurent  encore  ,  nous  a  laissé  une  traduction  des  Bucoliques  de 
J'irgile,  qui  est  assez  médiocre;  nous  en  dirons  autant  des  Odes  à  Bo- 
naparte. Mais,  parmi  un  certain  nombre  do  bonnes  pièces,  on  remarque 
surtout  la  dernière  qu'il  ût  :  Ses  adieux  à  In  vie,  où  l'on  trouve  ces  vers 
pleins  de  poésie. 

Ma  jeunesse  fut  mensongère; 
On  crut  la  voir  naître  et  fleurir; 
Mais,  comme  la  plante  étrangère, 
On  la  vit  naitie  et  se  fietrir. 
Sur  ma  paupière  dcfaillanto, 
De  l'inspiration  brillante 
Ne  descendent  plus  les  rayons  : 
On  juge  mes  faibles  prémices: 

Ne  jugez  pas D'autres  esquisses 

Attendaient  encor  mes  crayons. 

—  GiLBF.HT  :  à  ce  nom  on  croit  voir  un  satirique  exaspéré,  brûlant, 
comme  Polycucte  ,  de  renverser  ce  qu'il  appelle  les  idoles  des  faux 
dieux.  Il  faut  le  plaindre  plus  encore  que  le  blâmer:  doué  si  jeune  d'un 
si  beau  talent,  que  ne  serait -il  pas  devenu,  si  la  mort  ne  l'avait  arrêté 
dans  sa  course?  Sa  satire  du  dix-huitième  siècle  est  pleine  de  bons  vers 
et  de  critiques  injustes;  mais  on  aime  surtout,  et  l'on  relit  toujours  avec 
le  même  plaisir,  son  ode  imitée  de  plusieurs  psaumes,  et  qu'il  fit  trois 
jours  avant  sa  mort.  —  Le  fils  d'un  tonnelier  de  Paris,  Falaise  de  Ver- 
seuil,  qui  l'ut,  comme  beaucoup  d'autres,  poêle  malgré  ses  parens,  nous 
a  laissé  des  piétés  bien  écrites,  surtout  les  deux  fables  intitulées,  ['En- 
fant et  le  tas  de  neige,  et  le  Voyageur  et  les  cigales.— ^\\\e  de  Lovencourt 
fut  contemporaine  de  J.B.  Roussoau.L'édileur  nous  donne  d'elle  quelques 
cantatis  qui,  sans  être  des  chefs-d'œuvre  comme  celles  de  notre  grand 
lyrique,  ne  laissent  pas  d'avoir  beaucoup  de  grâce.  —  André  CnÉMna  , 

I 


202  LIVRES  FRANÇAIS. 

ce  poète  infoi'ttiné  qu'une  mort  trafique  nous  a  ravi,  promettait  d'être 
notre  ïheocrite.  Il  était  si  rempli  des  anciens!  il  les  itnil.iit  avec  tant  de 
grâce!  Que  n'a-l-on  respecté  sa  précieuse  vie!  il  aurait  fait  disparaître 
les  incorrections  qui  défî£;urent  ju.^qu'à  ses  meilleurs  morceaux,  tels  que 
le  Chant  d'une  Jeune  captive,  .et  le  Jeune  malade  ,  chants  qui  tous  sont 
remplis  d'une  buavité  de  poésie  qui  nous  enivre  douccroeut.  —  Le  bril- 
laiu  chevalier  Bertis  ,  l'ami  de  Pariiy,  le  plus  aimable  peut-être  des 
épicuriens  qui  portaient  l'écharpe  gris  de  lin,  est  notre  Propercc,  coname 
Parny  l'ut  notre  Tibullc.  II  faut  remercier  l'éditeur  d'avoir  placé  dans 
son  recueil  beaucoup  d'élégies  de  ce  poète  charmant,  quoique  il  ne  soit 
pas  mort  tout-à-fait  à  la  fleur  de  l'âge,  puisqu'il  était  alors  âgé  de  3y  ans. 
— DocGAnos,  ou  ic  pcrc  Vknance,  capucin  et  puis  soldat,  chantait  fort 
agréablement  l'amour,  tant  d.ms  s-a  cellule  qu'aux  champs  de  JVlars.  L'ode 
anacréonlique  intitulée,  V Amour  et  les  ijrûces,  est  une  pièce  charaianlc. 
—  L'éditeur  a  terminé  son  recueil  par  deux  ou  trois  complimens  en  vers 
assez  communs,  d'un  jeune  Bbacchatkac,  dont  le  nom,  tout-à-fait  in- 
connu, ne  méritait  pas  de  figurer  à  côté  de  ceux  que  nous  venons  de 
citer.  R. 

f*7  ('  .  —  OEuvrcs  de  Marie-Joseph  Clwnier,  recueillies  et  publiées 
par  M.  LiïrtiNTRE,  ornées  du  portrait  de  Tauteur  et  d'un  fao  siniile  de 
son  éciiture.  Première  livraison  (Tom.  Il  du  Théâtre).  Paris,  iSaS  ; 
Guillaume.  In-8"  de  420  pages;  prix,  papier  superfin  satiné,  7  fr.  5oc., 
et  papier  raisin  vélin  ,  16  fr. 

Si  la  scène  française  est  privée  depuis  long-tems  dt;s  ouvrages  dra- 
matiques de  Chéiiier,  du  moins  nos  bibliothèques  eu  ont-elks  augmenté 
leur  trésor  poétique  ;  et  cette  compeusation  est  une  preuve  de  la  justice 
que  l'on  sait  rendre  a  leur  auteur.  En  effet ,  plcisieurs  éditions  sucessives 
n'ont  pu  satisfaire  l'cmpressemeut  d'un  public  avide  de  jouissances  mo- 
rales et  iniellecluelles.  —  Il  serait  inutile  d'essayer  uo  nouvel  exauiea 
du  Théâtre  de  Chniier,  après  l'excellente  analyse  qu'en  a  faite  M.  iW  Le- 
mercier,  auquel  ses  ouvrages  dramatiques  et  sou  Cours  de  littérature 
analtjtiijue  ont  acquis  une  autorité  si  imposante.  JNous  croyons,  en  reu- 
voy;int  nos  lecteurs  à  cette  analyse,  tiippeler  uii  souvenir  agréable  à 
ceux  qui  l'ont  lue,  et  procurer  une  jouissance  réelle  à  ceux  qui  ne  la 
connaîtraient  pas  encore.  (Voy.  Rev.  EncycL,  Tom.  I,  pag.  11  i-iô^  , 
998  007  et  l^i^G-5o2.)  Le  jugement  porté  par  notre  estitnable  collabora- 
teur a  obtenu  l'approbation  de  tous  les  véritables  amis  de  notre  gloire 
littéraire;  il  a,  de  plus,  nçu  la  sanction  du  tems;  et  depuis  que  les 
éditeurs  d'une  édition  du  Théâtre  de  Chcnier  {t'oy.  ïoui.  XI,  pug.  597), 


LIVRES  FRANÇAIS.  9.o5 

l'onl  fuit  piécédci-  de  celte  analyse,  c:npruntée  à  notre  recueil  ,  elle 
semble  no  pouvoir  p\ui  être  sép.irée  «les  œuvres  de  notre  autear.  Tif 
judicieux  éditeur  de  la  nouvelle  édition  que  nous  annonçons  a  suivi  en 
cela  Texemple  de  MM.  Tîaiidonin  frères  ,  et  le  Tom.  I  (  qui  n'a  pas  en- 
core paruj  doit  conUnir  l'analyse  d''  M.  Lemcrcicr,  avec  une  yotire  srir 
Chcnier,  accompagnée  de  son  portrait.  —  Le  texte  de  celte  cditlon 
compf^fc  l'emporte,  et  devait  l'emporter  beaucoup  pour  l'exactitude  , 
sur  celui  des  éditions  partielles  qui  ont  paru  précédemmcol,  puisqu'il 
offre  les  corrections  faites  par  l'iiiileur  lui-même  sur  un  manuscrit  dont 
les  devanciers  de  M.  Lepeintre  n'ont  point  eu  connai!.sance.  —  L'exé- 
culiou  typographique  a  été  confiée  à  M.  Firniin  Didot,  qui  doit  épale- 
ment  prêter  ses  presses  à  une  édition  des  Œuvres  d'André  Chcnier, 
entreprise  par  les  mêmes  éditeurs,  et  qui  sera  plus  complète  que  toutes 
celles  que  l'on  a  données  jusqu'à  présent.  E.  H. 

88. — Souvenirs  foètiqucs  de  deux  prisonniers,  par  J.  D.  Magai.lox,  et 
A.  Barcinbt  (de  Grenoble).  Paris,  iSaô;  Masson,  fds  aîné,  quai  M;ila- 
quais,  n"  i3.  Avec  cette  épigraphe  :  O  navis,  réfèrent  in  mare  te  novi 
Fiuchis!  (Hoa.,lib.  i,  ode  xiii). 

Partout  où  le  poète  peut  porter  sa  lyre,  i!  conserve  le  courage  de  l'â- 
me. La  lyre  est  toujours  accompagnée  d'agréables  illusions,  qui  voilent 
les  plus  tristes  réalités,  et  qui  aident  à  comballre  l'influence  des  maux. 
Les  muses  sont  des  amies  qui  ne  craignent  point  de  descendre  avec  nous 
dans  les  prison';;  elles  y  amènent  les  doux  souvenirs,  le»  gracieuses  es- 
pérances, et  font  briller  sous  de  sombres  voûtes  les  feux  des  riantes  au- 
rores du  printeuis.  C'est  surtout  lorsque  l'homme  jouit  de  la  force  des 
premières  années  qu'il  .«ent  l'effet  de  ce  pouvoir  consolateur.  MM.  Ma- 
gallon  el  Barginet  en  donnent  un  nouveau  témoignage,  dans  le  volume 
qu'ils  viennent  de  publier.  Amis,  dès  l'adolescence,  leur  détention  leur  a 
fait  sentir  qu'ils  le  seraient  durant  toute  leur  vie.  Comme  La  Fontaine 
et  Maucroix,  ils  ont  désiré  voir  leurs  poésies  réunies  dans  le  même  livre. 
Les  souvenirs  de  leurs  muses  ne  sont  point  ceux  de  leurs  malheurs  el  de 
leur  captivité -.ces  deux  jeunes  poètes  ne  font  point  retentir  le  bruit  de 
leurs  chaînes.  Ils  nous  peingnent  leipremiers  sentimens  de  bonheur  qui 
pénétrèrent  dans  leurs  âme-î  a  l'aspect  des  beautés  de  la  nature  el  de  cel- 
les des  arts;  ils  retracent  ces  prenjiéres  impressions  de  l'amour  qu  on 
regretterait  toute  la  vie,  si  l'amitié  ne  venait  les  remplacer.  C'est  dans 
l'école  de  Parny ,  et  dans  celle  de  Dolille,  que  MM.  Magallon  et  Bar- 
ginet semblent  avoir,  de  préférence,  pris  leurs  modèles.  Leur  style, 
pur  et  gracieux  ,  rappelle,  dans  l'élégie,  celui  de   Millevoye.    La   pièce 


2oi  LIVRES  FRANÇAIS. 

de    M.    Magalion  ,   intitulée   Louisa  ,   fera  juger  du   (aient  de  son  au- 
teur : 

Déjà  l'aurore  matinale 
Colore  l'Orient  et  de  pourpre  et  d'azur; 
La  terre  a  déployé  sa  pompe  végétale, 
Et  de  la  fleur  des  champs  la  grâce  virginale 

S'épanouit  ans  ravous  d'un  jour  pur. 
Il  est  fête  au  vallon.  L'oiseau,  sous  la  feuillée. 

A  soupiré  de  doux  concerts; 
Mais  vainement  de  fleurs  la  terre  est  émailiée. 
De  parfums  vainement  elle  inonde  les  airs  : 
Je  sens  de  pleurs  ma  paupière  mouillée. 
Oh  !  combien  je  suis  malheurenx  ! 
Il  est  féfe  au  vallon  ;  et  sous  cetlo  humble  pierr» 
Que  frappe  le  pasteur  d'un  pied  libre  et  joyeux. 
Repose  Luuisa  ,  la  vierge  aux  longs  cheveux. 
Hélas!  depuis  le  jour  qu'elle  a  clos  sa  paupière. 
Le  soleil  quinze  fois  a  brille  dans  les  cienx. 
Tendres  oiseaux,  cessez  vos  chants  mélodieux; 
Nature,  couvre-toi  d'un  voile  funéraire. 
De  l'amour  maternel  sa  mort  trahit  l'espoir; 
An  sein  du  foyer  solitaire, 
Jamais  anx  côtés  de  sa  mère 
Elle  ne  reviendra  s'assoir  ; 
Et  de  l'aïe'il  octogénaire, 
Seul,  hélas!  son  plus  jeune  frèr» 
Recevra  le  baiser  du  soir. 
\  leillard  ,  séchez  vos  plenrî ,  etc. 

Celle  pièce,  en  même  tems  qu'elle  fait  connaître  la  manière  de  M.  Ma- 
galion,  donne  une  idée  du  talent  de  M,  Gargine' ;  par  un  hasard  non 
moins  licurciix  que  remarquable,  l'analogie  des  talens  de  ces  deux  poètes 
est  ausM  exaele  que  celle  de  leur  destinée.  Plus  tard,  ils  sentiront  le  be- 
soin de  donner  plus  de  force  à  leur  style  et  plus  d'originalilé  à  leurs  com- 
positions. Aujourd  hiii,  l'élirilons-nous  des  preuves  qu'ils  noni  donnent 
du  pouvoir  de  la  poésie  pour  calmer  les  ennuis  de  la  captivité. 

J.  P.   Brès. 

Sg. — Almanach  des  Dames,  -pour  Van  1824.  Paris,  i8aâ;  Treiiltel  et 
Wiirlz.  Un  vol.  in-18  de  224  pages,  avec  8  gravures;  prix,  5  f. 

9"- — Almanach  dédié  aux  Dames,  four  Van  iS;?/|.  Paris,  i825;  Lc- 
fuel.  V,n  vol.  in-18  de  162  page»,  avec  6  gravures;  prix, 4  f. 

Si  les  gravure»  ne  font  pas  seules  le  mérite  des  nombreux  almanaciis 


LIVRES  FRANÇAIS.  2ofi 

que  l'on  off.e  av.   beau  sexe  ,    au  renouvellement  de  chaque  année,  du 
moins  sonr-e'.les  un  des  objets  qui  attirent  le  plus  spécialement  son  at- 
tention. De  jolies  gravures  reposent  l'œil  agréablement;  on  aime  à  voir 
reproduits  par  un  b.irio  gracieux  ces  tableaux  de  nos  grands  maîtres  qui 
ont  réuni  tous  les  sulf.ages  dans  nos  expositions,  et  surtout  l'image  ché- 
rie de  ces  femmes,  l'orgueil  de  leur  sexe  et  l'admiration  du  nôtre,  qu. 
se  sont  distinguées  par  des  actions   d'éclat,  ou   par  les  conquêtes  plus 
douces  de  l'esprit  et  de  la  beauté.  Lorsque  l'œil  est  satisfait,  lorsque  les 
tableaux  qu'il  a  parcourus  ont  réveillé  dans  l'âme  des  souvenirs  et  de 
douces  illusions,  on   daigne  alors  penser  à  ces  pauvres  auteurs,  et  leur 
demander  de  nouvelles  sensaîions  et  de  nouveaux  plaisirs.  Mais  on  com- 
mence ordinuirement  sa  lecture  par  les  morceaux  les  plus  courts,  par  ces 
quatrains  Insignifians,  ces  Innocentes  épigrammes,  tes  fades  madrigaux, 
que  l'on  nomme  iouU  de  page  en  style  d'éditeur;  et,  presque  toujours, 
l'insipide  nullité  de  ces  morceaux  fait  tomber  le  livre  des  mains.   Les 
rédacteurs  des  deux  recueils  que  nous  annonçons  ici,  ont  donc  agi  avec 
prudence,  en  soignant  la  première  et  la  frincifale  partie  de  leur  livre, 
celle  des  gravures;  mais  nous  devons  avertir  les  éditeurs  de  V Aimanach 
des  Dames  que,  s'ils  n'y  font  attention,  ils  se  laisseront  dépasser  sous  ce 
rapport  par  ceux  qui  sont  entrés  plus  tard  dans  la  même  carrière.  Celte 
année,  les  gravures  de  V Aimanach  dédié  aux  Dames  semblent,  en  el- 
fet,  supérieures  à  celles  de  son  aîné. -Quant  aux  poésies  dont  se  com- 
posent ces  deux  recueils,  on  voit  que  souvent  elles  ont  été  puisées  a  la 
même  source,  celle  des  journaux  littéraires  et  des  recueils  périodiques; 
les  auteurs  de  nos  jours  dédaignent  d'envoyer  eux-mé.i.es  leurs  produc- 
tions aux  Almanachs;  chaque  éditeur,  semblable  à  l'abeille,  va  butinant 
de  son  côté,  et  souvent  .,lusieurs  d'entre  eux  se  rencontrent  sur  la  mê- 
me fleur.  C'est  ainsi  que  nous  retrouvons,  dans  l'un  et  dans  l'autre  re- 
cueils que  nou.  annonçons  (p.  180  et  20),  la  Noce  d' Elvirc ,  cLarmanle 
élégie  de  Mlle  Delphine  Gay,  à  qui  nous  n'hésitons  pas  de  donner  la  pal 
me?eetfe  année;   (p.  2i4  et  58)   ie  Dernier  jour  de  l'année,  élégie  de 
M--  AmabieTASJV,  courounée  récemment  aux  Jeux  floraux,  dont  nous 
avons  déjà  parlé  (Voy.T.  XIX,  p.  187),  et  qui  seule  pourrait  prétendre  à 
partai^.-r  le  prix  avec  la  pièce  de  Mlle  Gay;  (p.   199  et  5o)  les  Sermens 
de  M.  Casimir  j>elavignk,  qu'aucun  de  nos  poètes  modernes  ne  se  plain; 
dra  sans  doute  de  voir  nommer  ici  le  premier.  Nous  avons  voulu  citer 
trois  morceaux  qui  nous   paraissent  autant  de  chefs-d'œuvre  dans  leur 
genre.    Après  eux,  nous  avons  distingué  encore,  dans  V Aimanach  des 
Dames  Je  Secret  du  Bonheur,  conte  par  M.  BRiFxtT,V  Esprit  follet,  chan- 
son par  M.  Botigsot;  le  Coiwent,  stances  élégiaques  de  M.  DEHst-BARo; 


2oG  LIVRES  FRANÇAIS. 

la  Veuve  du  Soldat,  ballade  de  M.  Glébih;  Mon  fils  est  là,  romance  de 
M.  E.  Scribe,  et  des  .-.tances  adressées  par  M.  J.  Pain  à  M">e  Desbordes 
Vulinorc;  d.ins  V Almanach  dtdié  avx  Dames,  un  fr  itjment  d'une  Pro- 
trunade  pliUosophiqur  au  rimeliérc  du  P.  Lachnise,  lue  par  l'aule'ir,  M. 
ViE>KET,  dans  l'une  des  séances  de  l'Athénee,  l'Liver  dernier;  /u  Mari, 
i'Jmant,  et  le  f'oteur,  conte  de  M.  .^JEBVl^LK,  lu  par  lui  dans  la  même 
séance,  et  te  Dévoûment  des  Médecins  français,  par  M^e  Difrénoy,  poè- 
me qui  a  concouru  l'année  dernière  a  l'Académie,  et  que  son  auteur  a  fait 
imprimer  et  vendre  au  proGt  des  sœurs  de  Sainte-Camille  (Voy.  T.  XVI, 
p. 176).  —  D'un  autre   côlé,  la  critique  pourrait  reprocher  aux  éditeurs 
de  V  Almanach  des  Dames,  l'insertion  d'une  élégie  de  M.  Moifls,  inti- 
tulée: le  dernier  Chant  du  Pacte,  pièce  que  la  So<  iété  d'émulal.o  ;  de 
Liège  a  jugée  digne  d'une  médaille  d'or;  les  Fleurs  mal  assnriics,  allé- 
gorie très-longue  a  très  Iroide  d'un  anonyme;  une  Pensée  de  M.  iM;:.lle- 
vALT,  pe;it  distique,  imprimé  au  bas  delà  page  117,  et  dont  nous  avion» 
déjà  eu  l'occasion  de  blâmer  l'insertion  dans  un  autre   recueil  (Voy. 
T.  XVII,  p.  142,  l'annonce  de  VAimanach  des  Muses,  pour  i8ï3),  et 
trois  odes  de  M.  Dubargel,  dont  une  couronnée  cette  année  aux  Jeux 
floraux.  On  pourrait  aussi  reprocher  aux  éditeurs  de  l'Altnanacf,  dcdiè 
aucL  Dames,  une  élégie  de  M.  De  La  Tocchk,  et  une  très-mauvaise  iablc, 
d'un  anonyme,  intitulée  :  les  Çm7/ts.— Clia(  un  de  ces  deux  recueils  con- 
tient aussi  quelques  mon  eaux  de  prose,  et  leur  lecture  vient  à  l'appui  de 
cette  opinion,  que  de  bonne  prose  est  encore  plus  difficile  a  faire  |>eut- 
être  que  de  bons  vers.  En  effet,  rien  de  plus  ennuyeux  et  de  plus  déc  <a- 
su  qu'un  long  morceau  qui  occupe  les  pages  85  à  122  de  l'Mmanach 
dédié  aux  Dames,  et  qui  a  pour  titre  :<e  Pulais-Royat,  ou  hisi.oire  de 
M.  Dnperron;  rien  de  plus  mal  écrit  ,  et  isurtout  de  plus  inconvenant 
dans  un  recueil  ofler t  au  beau  sexe,  que  deux  morceaux  de  M,  Charles 
Malo,  Lon/jchan,ps  et  ('Adonis  parisien  ,  insérés  tous  deux  dans  l'Ai- 
manacli  des  Dames.— Ce  n'est  pas  san*  dessein  que  nous  avons  indiqué 
iapagination  de  plusieurs,  des  pièces  que  nous  avons  citées;  si  nous  n'a- 
vions craint  d'être  trop  arides,  nous  auiiuns  voulu  le  faire  pojr  toutes;  et 
cetle  mesure  devei  ait  nécessaire,   renvoyant  n<.s  lecteurs  a  des  parties 
de  ces  deux  recueils  qu'il  est  liès-difficde  de  rt  trouver  au  moyen  de  la 
table.  En  eflél,  cette  fable,  d'une  disposition  nouvelle  et  très-peu  com- 
mode, n'olhe  point,  soit  la  lisle  des  auleu.s,  soit  celle  des  pièces  par  or- 
dre alphabétique;  on  s'e,t  contenté  d'y  donner  les  titres  de  cea  dernières, 
selon  leur  ordre  d'impression  dans  le  volume,  répétant  ainsi  le  nom  d'un 
auteur  autant  de  fois  qu'il  a  fourni  de  morceaux  dans  le  recueil.— Un 
dernier  reproche  s'adrose  à  M.  Jules  Didol,  et  seulement  poui  l'Mma- 


LITRES  FRAiSÇAlS.  no- 

nach  rf6's  Dames,  quoiqu'il  ail  imprimé  égal  cm  f  ni  V/Umanacli  dédié  aux 
Dames:  nous  avons  remarqué,  dan,  le  piemicr,  plusieurs  incorreclions 
assez  graves,  entre  autres  ,  p.  ii4,  ^^  pronom  ses  employé  pour  les,  et 
plus  loin,  tes  pour  ses,  fautes  qui  dénaturent  entièrement  le  sens  de  la 
plirase  où  elles  se  trouvent;  puis,  le  nom  de  Chérbau,  désigné,  dans  la 
table,  coïcme  auteur  de  la  fable  intitulée  :  le  Lys  et  la  Pensée,  nom  qu'il 
convient  de  rcctiQer  d'après  la  signature  de  cet  article.       E.  Hkreau. 

91  (').—Les  Mille  et  une  Nuits,  contes  arabes,  traduits  eu  français, 
par  Gallaîid;  Nouvelle  cdition'm-^",  publiée  par  M.  Edouard  Galttikh, 
augmentée  de  contes  traduits  pour  la  première  l'ois,  et  do  vingt  et  une 
gravures.  T.  VI.  Paris,  1823  ;  Rapilly,  boulevart  Montmartre,  n"  2Ô; 
Gaultier,  à  la  Tente,  galerie  de  Bois,  au  Palais-Royal;  Donriey-Dupré, 
père  et  ûis,  rue  de  Uitbelieu.  n»  67.  lri-8".  Prix  invariable  de  l'ouvrage: 
chacun  des  sept  voliim»  s ,  papier  un  satiné,  6  fr.  ;  carré  vél:o,  12  Ir.; 
grand-raisin  velin,  ao  fr.  —  Chacune  des  trois  livraisons  de  gravures, 
composée  de  sept  vignettes,  en  noir,  6  fr.  5oc.;  papier  de  Chine,  12  fr.; 
tiiples  épreuves,  papier  de  Chine  bistre  et  noir,  26  Ir. 

Ces  fables  charmantes,  devenues  presque  populaires  chez  toutes  les 
nations  où  elles  ont  été  transplantées,  offrent  le  riant  tableau  de  la  my- 
thologie orientale.  Comme  dans  la  mythologie  des  Grecs, 

Là  ,  pour  nous  t-ndinnter,  tout  est  mis  en  usage. 

La  lecture  de  ces  contes  fait  les  délices  de  la  jeunesse;  mais  il  n'est  per- 
sonne qui,  dans  la  maturité  de  la  r.iison,  no  veuille  encore  les  relire,  pour 
y  étudier  les  lois,  les  mœurs,  les  coutumes  des  antique;,  et  nombreuses  po- 
pulations dont  ce  recueil  fut  en  quelque  sorte  le  premier  code.  Aussi,  oc- 
cupel-il  une  place  honorable  dans  toutes  les  bibliothèques  choisies.  Le 
mérite  de  cette  édition  n'échappera  point  aux  hommes  de  lettres.  Elle  se 
fait  remarquer  par  une  dissertation  savante  sur  l'oiiginrde  ces  contes,  par 
des  notes  lumineuses  sur  les  passages  qui  peuvent  arrêter  les  lecteurs.  En- 
fin, par  un  assez  grand  uocibre  d'hislnire«,  traduites  pour  la  première  fuis 
de  l'arabe  par  le  jeune  éditeur.— C'est  surtout  dans  un  ouvrago  destiné 
à    flatter  l'imagination,    que  le  luxe  typographique  peut  être  regardé 
comme  nécessaire.  Sous  ce  rapport,  l'édition  que  publie  M.  Ed   G.iul- 
tii^r,  au  nom  de  la  Société  de  traduction,  satisfera  les  amateurs  les  ])lus 
difficiles.  Elle  est  imprimée  sur  tiès-heau  papier,  par  Firmin  Did(.l ,  et 
ornée  de   21  figures,  dessinées  it  gravées  par  dis  artistes  renommés  : 
les  sept  vignettes  qui  forment  la  1^  livraison,  sont  supérieures  aux  pre- 
mières, qui  avaient  paru  très  jolies;  elles  accompagnent  If  6=  volume, 
composé  en  grande  partie  d'un  choix  des  Nuits  arabes,  publiées  en  an- 


2o8  LIVRES  FRANÇAIS. 

glais  par  Jonathan  Scott,  et  traduites  de  cet  auteur  par  M""  Marie 
et  René  Rojer.  La  cooptralion  de  ces  dames  e.st  un  titre  honorable  de 
plus  aux  eccouragemens  que  cette  réimpression  a  obtenus,  et  auxquels 
nous  regardons  comme  une  justice  de  joindre  notre  suffrage.  Z. 

92.  —  Charles  H arinwrc ,  par  le  comte  d&  Fobbin  ,  auteur  du  Voyatje 
dans  le  Levant  et  des  Souvenirs  de  la  Sicile.  —  Quatiicme  édition.  — - 
Paris,  1823;  Masson  fils  aîné,  qiiai  Malaqaais,  n°  i5.  Deux  vol.  in-12; 
prix ,  5  fr. 

Ce  roinan,  ou  plutôt  cette  Nouvelle,  a  le  double  mérite  de  i)résenter 
deà  événemens  simples  et  touclians  racontés  dans  un  style  pur  et  natu- 
rel. Charles  Barimore  est  un  jeune  Anglais  qui,  dans  ses  voyages,  a 
rencontré,  ;'u  sein  d'un-  pauvie  lamille  de  pêcheurs,  une  jeune  fille 
dont  il  est  détenu  épcidiiuient  amoureux.  La  f'amil.c  habite  l'île  de 
Procida,  à  trois  lieues  de  Naples,  et  c'est  dans  cette  admirable  contrée, 
nou  loin  du  cap  Mysène,  en  présence  du  Monte-Epomeo  et  du  promon- 
toire de  Bivara  ,  que  Barimore  est  témoin  des  charmes  et  des  vertus  de 
Nisieda.  Le  tableau  de  l'amour  qu'ils  ressentent  l'un  pour  l'autre  est 
tracé  avec  beaucoup  de  délicatesse.  Barimore  finit  par  épouser  Nisieda  ; 
Ils  habitent  une  jolie  m:iison  de  campagne  à  Souzzoles,  et  semblent  jouir 
du  bonheur  le  plus  parfait.  Mais  cette  lélicilé  n'est  que  passagère  :  la 
passion  dont  l'épouse  est  animée  pour  Barimore  lui  fait  bientôt  ressentir 
les  tourmtns  de  la  jalousie.  Diver.>-es  circonstances  seiiibknt  justifier  ses 
alarmes  ;  enfin  elle  dispauiît  et  va  s'ensevelir  dans  un  couvent ,  sans  qu'il 
soit  possible  à  Barimore  de  découvrir  sa  re'raitc  et  de  lui  prouver  son 
erreur.  Lui-même,  dévoré  par  des  chagrins  si  légitime»,  abandonne 
l'Europe,  s'embarque  pour  les  Indes  avec  uu  am;.  Cet  ami,  forcé  de  s'ar- 
rèler  à  Wadras,  doit  le  retrouver  à  Calcutta.  Mais  c'est  en  vain  qu'il  le 
cherche  dans  cette  dernière  ville;  tout  ce  qu'il  peut  apprendre,  c'est  que 
Barimore  est  parti  de  Jagrenac  pour  les  îles  Moluques.  Après  plusieurs 
années  cl  de  longues  et  infructueuses  recherches,  il  apprend  enfin  que 
deux  bâtimens  ont  péri  h  la  pointe  de  Salatan ,  dans  l'île  de  Bornéo,  à 
peu  près  à  l'époque  où  Barimore  a  dû  s'embarquer  pour  les  Moluques. 
—  Ces  aventures  n'ont  rien  d'extraordinaire  ;  elles  procurent  à  l'âme  une 
douce  mélancolie,  par  cela  même  qu'elles  sont  naturelles  et  que  le  lec- 
teur peut  facilement  se  mettre  à  la  place  du  principal  personnage.  On 
aime  à  retrouver  dans  les  peintures  que  l'auteur  a  faites  de  l'Italie,  les 
noms  des  plus  célèbres  artistes  qui  l'ont  honorée  de  nos  jours.  Monti,Gi- 
marosa,  Guglielmi,  M""'  Carradori,  apparaissent  sur  le  second  plan  du 
tableau,  et  contiibuent  également  à  répandre  encore  plus  d'intérêt  dans 
l'ouvrage,  et  à  constater  le  goût  si  connu  de   ftl.   de   FoiLin  pour  les 


LIVRES  FRANÇAIS.  0.09 

bx-aux-arts.  Celte  nouvelle  édition  de  Charles  Barimore,  élégamment 
imprimée  dans  un  format  commode,  obtiendra  sans  douts  non  moins 
de  succès  que  les  précédentes.  Y. 

95.  —  Exposition  de  (a  gamme- ,  ccheile  ctém,entaire  de  ia  mttsique , 
pour  servir  d'introduction  aux  cours  analytiques  de  musique  par  !a  mé- 
lliode  du  Métoflast6,àéà\ée  à  MM.  les  élèves  de  l'Ecole  Polytechnique; 
par  PU.  Dege>lin  ,  élève  de  M.  Caiin.  Paris,  iSaô  ;  chez  l'auteur,  pioles- 
seur  de  méloplasie,  rue  Saint- Honoré ,  n»  354;  P'"''^»   •  ff* 

94.  —  Exposition  des  iases  de  l'harmonie,  pour  servir  de  suite  aux 
cours  analytiques  de  musique  par  ia  méthode,  du  Métoplastc;  par  le 
raéme.  Paris,    182");   chez  l'auteur  ;  prix,   i  fr. 

Dans  le  premier  de  ces  opuscules,  M.  Degeslin  démontre  que  la  gam- 
me n'est  point  une  invention  arbitraire,  mais  le  résultat  nécessaire  de 
notre  organisation.  Le  diapason  seul  est  arbitraire  et  de  convention,  la 
nature  ne  nous  donnant  pas  de  modèle,  de  point  de  départ.  Mais,  une 
fois  la  base  ou  le  point  de  départ  adopté,  les  sons  se  succèdent  dans  des 
rapports  fixes  entre  eux;  et  ce  sont  là  les  degrés  fondamt^ntaux  de  l'é- 
chelle musicale.  Ces  principes ,  d'un  intérêt  scientifique  plutôt  que  pra- 
tique, sont  exposés  avec  clarté  dans  la  première  brochure  de  M.  Deges- 
lin.— Daus  la  seconde,  il  a  eu  pour  but  de  simplifier  les  principes  de 
l'harmonie.  Des  consonnanccs  il  passe  aux  accords,  qu'il  ramène  à  une 
classification  peu  nombreuse  et  sans  complication,  ce  qui  doit  faciliter 
beaucoup  l'étude  de  la  science  harmonique.  On  sait  quelle  est  l'obscu- 
rité de  la  plupart  des  traités  écrits  sur  cette  matière,  illisibles  pour  tout 
autre  que  celui  qui  est  déjà  versé  dans  les  secrets  de  la  science.  Les 
amis  d'un  art  enchanteur,  qui  excite  en  nous  des  jouissances  si  intimes 
et  si  pures,  doivent  donc  de  la  reconnaissance  à  ceux  qui  travaillent  h 
en  rendre  l'exposition  claire,  méthodique  et  facile;  et  les  ouvrages  d- 
M.  Degeslin  nous  paraissent  très-propres  ix  atteindre  ce  but,  en  mémo 
tems  qu'ils  rappellent  celui  qu'avait  publié  M.  <îalin  sur  sa  méthode  du 
Mcioplaste ,  et  que  nous  avons  annoncé  (Tom.  XTI,  pag.  20).  A. 

95.  —  Myriorama ,  collection  de  plusieurs  milliers  de  paysages  dif- 
fércns,  dessinés  par  M.  Bhès,  jeu  amusant  et  ingénieux,  composé  du 
?>-î  cartes,  réunies  dans  une  boîte  élégante.  Paris,  iSiJ;  Lefuel,  rue 
S;iint-Jacques,  n°  54  ;  prix,  20  fr.  et  ?.5  fr. 

Le  Myrioram.T  est  un  tableau  mobile,  dont  le  nom  e:;t  formé  de  deux 

mots  grecs,  myrias ,  multitude,  et  oramu,  spectacle,  site,   paysage, 

parce  qu'il  présente  un  grand  nombre  de  sites  différens.  Chacune  des 

trente -deux  cartes  qu'emploie  ce  jeu,   porte  un  fragment  de  paysage. 

T.  XK.  —  Ocloùrc  182").  l4 


210  LIVRES  FRANÇAIS. 

C<?s  cartes  sont  numérotées,  depuis  i  jusqu'à  02  inclusivemenl;  hu'A 
d'entre  elles  portent  des  numéros  de  couleur  rouge ,  huit  autres  de  cou- 
leur-t^ewe,  huit  de  couleur  jawne,  et  les  huit  dernières  ont  des  numé- 
10s  Mancs.  Pour  employer  ces  trente -deux  cartes  de  manière  à  former 
des  site»  divers,  il  faut  les  réunir  de  quatre  en  quatre  ,  d'après  l'indica- 
tion suivante  :  On  met  ensemble  toutes  les  cartes  dont  les  numéros  sont 
de  même  couleur;  l'on  prend  ou  l'on  fait  tirer  au  busard  dans  chacun 
des  quatre  paquets  que  Ton  a  formés  une  carte  dans  l'ordre  suivant  : 
rouge,  Meu,  jaune  et  hlanc,  et  l'on  pose  les  quatre  cartes  dans  le  même 
ordre  ,  l'une  auprès  de  l'autre  ,  de  gauche  à  droite.  —  On  peut  aussi  em- 
plover  un  dé  à  jouer,  composé  de  douze  facettes,  sur  huit  desquelles 
sont  des  numéros  de  1  à  8.  On  prend,  parmi  les  trente-deux  cartes,  le 
numéro  indiqué  par  le  dé;  on  jette  de  nouveau  le  dé,  on  ajoute  8  au 
numéro  qu'il  amène,  et  le  nombre  qui  résulte  de  celte  addition  indiqua 
le  numéro  que  l'on  doit  prendre  parmi  les  cartes.  On  jette  encore  le 
«ié,  et  l'on  ajoute  iG  au  numéro  obtenu  :  le  nombre  résultant  de  cette 
addition  indique  le  numéro  que  l'on  doit  prendre  parmi  les  cartes.  En- 
fin, pour  la  quatrième  fois  j  le  dé  étant  jeté,  on  ajoute  24  au  nombre 
ou'il  présente,  et  le  nombre  qui  résulté  de  cette  addition  indique  la 
dernière  carte  nécessaire  pour  former  un  site.  Les  diËférens  sites  offrent 
tour-à-tour  un  aqueduc,  une  chapelle,  un  ermitage,  une  fontaine, 
une  forêt,  une  île  ,  une  marine^  un  paysage  grec ,  une  ruine,  un  tom~ 
irnau,  etc.  On  peut  aussi  mettre  au  concours  la  composition  d'un  paj- 
tdge,  en  laissant  à  chaque  personne  le  choix  parmi  les  trente-deux  car- 
tes. On  donne  le  prix  à  la  composition  qui  réunit  le  plus  de  suffrages, 
et  on  le  partage,  si  les  suffrage^  sont  partages  entre  deux  compositions. 
— On  peut  aussi  foràier  un  nombre  considérable  de  paysages,  en  ne  pre- 
nant que  deux  numéros  qui  offrent  souvent  des  sites  plus  simples  et  plus 
agréables.  L'auteur  a  réuni,  pour  embellir  son  Myriorama,  toutes  les 
lessources  que  lui  offraient  les  arts  de  l'imprimeur,  du  graveur,  et 
même  du  relieur.  Aussi,  peut-il  espérer  un  succès  digne  de  ses  soins, 
t^elte  ingénieuse  production,  qui  est  l'un  des  plus  jolis  objets  d'étren- 
iies  qu'offre,  celte  année,  la  librairie  de  M.  Lefuel ,  est  très-propre  â 
exciter,  parmi  les  eofans  et  les  jeunes  gens,  le  goût  des  arts  du  dessin, 
et  leur  fournit  de  charmans  modèles  à  imiter.  A.  J. 

96.  —  Portrait  du  pape  Sylvestre  II.  In-S". 

Ce  pape  est  le  célèbre  Gerbert,  qui,  par  ses  nombreux  écrits,  se  dis- 
tingua dans  son  siècle,  et  composa  divers  traités  sur  la  philosophie  et 
les  mathématiques,  cités  encore  honorablement  dans  l'histoire  de  ces 
deux  sciences.   Il  fut  aussi  le  premier  Français  exalté  sur  la   chaire  de 


LIVRES  FRANÇAIS.  211 

.•iaiiit  Pierre.  A  tous  ces  litres,  sa  mémoire  mérite  d'élre  conservée,  et 
l'on  ne  peut  qu'applaudir  au  zèle  éclairé  de  son  compatriote,  !\I.  K;iul- 
liac,  premier  adjoint  du  maire  d'Aurillac,  dépariimenl  du  Cantal,  qui, 
soigneux  de  tous  Us  intérêts  de  sa  ville  natale,  consacre  noidtment  -Oii 
tems  et  sa  lorlunc  à  tout  ce  qui  peut  la  servir  ou  l'illu'itrer.  C'est  a  srs 
frais  que  le  portrait  de  Gerbcrt  viint  d  être  exécuté,  d'après  plusieurs 
gravures  faites  à  Rome,  où  <e  pape  mourut  en  looô;  il  était  né  à  Au- 
lillac  vers  gio,  et  avait  été  élu  pape  en  999.  Nous  citerons  avec  plaisir 
l'exemple  que  vient  de  donner  M.  Raulhac,  car  rien  ne  serait  plus  utile 
à  l'histoire  nationale,  que  de  retrouver,  dans  chaque  province,  le  sou- 
venir des  hommes  illustres  qu'elles  ont  produits;  ce  souvenir  servirait  à 
à  la  fois  aux  contemporains  et  d'exemple  et  de  précepte. 

Mémoires  et  Rapports  de  Sociétés  savantes  et  d' utilité  publique. 

97.  — Société  des  amis  des  scienees,  des  lettres,  de  l'açfricuilutr  et 
des  arts.  —  Séance  publique  du  7  juin  iSaS.  Aix,  1S2J;  Augustin  Pon- 
tier,  imprimeur  du  Roi.  In  8°  de  46  pages. 

La  Société  d'Aix  s'est  fait  un  règlement  tiès-aagc,  qu'elle  suit  avec 
persévérance.  Quelques-uns  de  ses  membres  remplissent  dans  l'élat  ou 
des  fonctions  importantes,  ou  «les  emplois  qui  exigent  de  profondes  con- 
naissances; d'autres  sont  livrés  à  des  travaux  utiles,  ou  à  la  culture  des 
sciences  et  des  lettres,  et  tous  mettent  en  commun  les  fruits  de  leurs 
méditations  et  de  leur  expérience.  Deux  volumes  de  Mémoires,  qui 
viennent  de  paraître,  nous  fourniront  des  matériaux  précieux  :  ils  raid- 
tiplieront  les  moyens  de  comparer  les  unes  aux  autres  les  différentes 
parties  de  la  France  ,  relativement  à  i'agricullure,  à  l'industrie,  aux 
progrès  de  l'instruction,  et  généralement,  à  tout  ce  qui  constitue  l'iirt 
social.  Dans  la  séance  du  7  juin,  le  vice -président  (M.  d'Astros)  a  f^iit 
l'cloge  de  l'agriculture,  et  quelques  critiques  bienveillantes  et  utiles  de 
la  manière  dont  ce  premier  des  arts  est  exercé  dans  le  déparicmenf  dc^. 
Bouchesdu-Rhône.  —  Un  membre  nouvellement  admis  a  prononcé  un 
discours  où  l'on  remarque  de  légères  erreurs  hisloriques;  il  n'est  pas 
exact  de  dire,  que  le  bon  goût  fût  aussi  généralement  répandu  dans  le 
tems  de  Racine  et  de  Boiieau  ,  et  que  la  déceuce  fût  mieux  obscrvéo 
alors  qu'elle  ne  l'a  été  depuis.  —  Le  secrétaire  perpétuel  a  rendu  compte 
des  travaux  de  la  Société,  pendant  l'année  précédente,  et  a  proclamé 
le  seul  prix  qui  ait  été  remporté  cette  année.  La  question  mise  au  con- 
cours était  celle-ci  :  Queile  influence  la  poésie  -piutette  avoir  désormais, 
en  France,  sur  ta  7naurs?  L'auteur  de  la  meilleure  pièce  de  vers  sur  ce 


212  LIVRES  FRANÇAIS. 

sujet  est  M.  Florimond  Levol.  {f^oy.  Tom.  XIX,  pag.  755,  ie  program- 
rae  des  prix  proposés  par  la  5ocù'fé  des  Bouches- du- Rliône,  pour  êtn^- 
distribués  en  1824.) 

Ouvrages  Périodiques. 

n8.  —  Le  Propagateur,  recueil  sténographique  d'éloquence,  de  littéra- 
liire  et  d'histoire;  ouvrage  publié  par  livraisons  de  2  à  4  feuilles  ,  et  qui 
doit  se  composer  de  4  volumesin-8"  d'environ  600  pages,  y  compris  une 
table  alphabétique  par  ordre  de  matières.  On  souscrit  à  l'imprimerie  ec- 
clésiastique de  Bcaucé-Rusand,  hôtel  Palatin,  près  Saint-Sulpice,  à  Paris; 
prix  par  volume,  10  f.  pour  la  France,  et  12  f.  pour  l'étranger. 

Parmi  les  recueils  de  tout  genre  qui  se  multiplient  chaque  jour  autour 
de  nous,  celui-ci  paraît  avoir  un  caractère  particulier.  Il  est  destiné  à  re- 
cevoir et  à  publier  un  certain  nombre  depiéccs  officielles,  et  à  devenir, 
sous  ce  rapport,  une  sorte  de  HMiothcgue  hislorique  de  noire  époque. 
Seulement,  on  doit  craindre  que  ce  répertoire  ne  soit  ouvert  qu'aux  do- 
cumens  favorable?  à  un  parli,  et  qu'il  ne  soit  pas  un  noble  asile  pour  tou- 
tes les  opinions  raisonnables  et  modérées,  un  monument  consacré  à  la 
vérité  et  à  l'impartialité. — On  trouve,  dans  les  sept  premières  livraisons 
que  nous  avons  sous  les  yeux,  le  discours  de  Mgr.  l'évêque  d'Hermopolis, 
prononcé  à  la  distribution  des  prix  du  concours  général,  le  18  août  der- 
nier, et  le  rapport  fait  par  le  même  orateur  à  la  séance  de  l'Académie 
fiançaise  sur  les  prix  de  vertu;  l'éloquent  panégyrique  de  Saint-Louis, 
par  M.  l'abbé  Béraud;  un  discours  de  M.  Maugras  sur  l'importance  et  les 
vrais  caractères  de  la  philosophie;  plusieurs  autres  discours,  et  même  des 
plaidoyers;  quelques  analyses  d'ouvrages,  dont  une  très-étendue,  de  M. 
J'.Ialte-Brun,  sur  le  guide  du  voyageur  en  Espagne,  par  M.  Bory  de  Saint- 
Vincent;  divers  extraits  du  Bulletin  des  Lois;  un  tableau  des  nominations 
tt  promotions  du  mois  d'août  1820,  spécialement  dans  l'église  et  dans 
l'armée;  un  chapitre  particulier  pour  les  anecdotes;  des  tables  chrono- 
logiques de  l'histoire  <ie  nos  jours;  enfin,  l'index  des  livres  prohibés,  piè- 
ce importante,  qu'il  serait  difficile  de  se  procurer  ailleurs,  et  dans  la- 
quelle on  s'étonnera  de  trouver  les  noms  et  les  ouvrages  de  beaucoup  de 
personnages  très-orthodoxes. — Tel  qu'il  est,  ce  nouvel  ouvrage  périodi- 
dique  recueille  des  matériaux  utiles  pour  l'histoire,  et  offre  des  alimens  à 
la  curiosité,  mais  il  nous  a  paru  manquer  de  plan,  et  sa  composition,  sous 
ce  rapport,  est  peut-être  défectueuse.  Il  ne  suffit  pas  de  réunir  des 
pièces  intéressantes,  il  faut  les  disposer  dans  un  ordre  convenable. 

A.  J. 


LIVRES  FRÂINÇAIS.  2i3 

Livres  en  langues  clrangèreSi  publiés  en  France. 

yç)  (').  —  Niiova  scella  di  poésie  italiane,  Irattc  da'  più  celehri  au- 
tori  anlichi  c  moderni  ,  elc   —  Nouveau  chois  de  poésies  italiennes, 
tics  plus  célèbres  auteurs  anciens  et  modernes,  avec  de  courtes  notices 
bur  la  vie  et  les  écrits  de  chacun  d'eux,  par  P,  L.  Costantiju.  Paris, 
iSaiî;  Bossangc  père.  Deux  vol.  in-S";  prix,  6  fr.,  et  7  fr.  5o  c. 

On  a  souvent  accusé  les  Italiens  de  ne  savoir  faire  que  des  recueils  de 
poésies.  Le  grand  nombre  de  ces  recueils  différens  prouverait  en  quelque 
sorte,  qu'il  n'est  pas  si  facile  de  bien  choisir,  dans  une  mine  aussi  abon- 
dante. Mais,  ])Our  la  plupart  du  tems,  les  compilateurs  ne  font  que  se 
copier  les  uns  les  autres.  Au  moins,  ceux  qui  en  agissent  ainsi  devraient- 
ils  indiquer  au  lecteur  les  sources  connues  où  ils  ont  puisé ,  rendant 
ainsi  à  chacun  de  leurs  devanciers  la  part  qui  leur  apparlienl.  Nous  avons 
fait  cette  observation  pour  qu'on  i^e  confonde  pas  avec  ce  las  de  pla- 
giaires de  métier  qui  ne  cessent  de  fabriquer  des  livres  en  copiant  ou 
dénaturant  les  ouvrages  d'autrui ,  ceux  qui  ne  puisent  qu'aux' sources. 
M.  Gostanlini  semble  avoir  voulu  se  placer  au  petit  nombre  de  ces  der- 
niers. Il  se  contente  de  nous  présenter  un  choix  de  poésies,  fait  sui- 
vant l'ordre  chronologique  de  leur  publication  ,  depuis  Guiltone  d'A- 
rczzo  jusqu'à  Alessandro  Guidi.  Mais  ce  choix  est-il  bien  réellement  le 
meilleur  que  l'on  pût  faire?  Les  auteurs  qu'il  a  mis  à  contribution 
ne  lui  présentaient-ils  rien  de  préférable?  Sans  résoudre  cette  question, 
très-délicate  puisqu'elle  se  rattache  entièrement  à  une  question  de  goût, 
nous  pouvons  assurer  que  toutes  les  pièces  du  recueil  de  M.  Costantini 
sont  bien  choisies.  Cependant,  les  articles  biographiques  nous  ont  paru 
généralement  plus  intéressans  encore  que  les  poésies  dont  ils  sont  suivis. 
Le  prudent  et  sage  éditeur  dit  qu'il  a  consulté  les  écrivains  les  plus  res- 
pectables, et  surtout  le  comte  Comiani  ,  «  qu'il  a  pris,  dit-il ,  pour  son 
guide.  »  Il  semblera,  sans  doute,  à  plusieurs  personnes  qu'il  a  fait  plus, 
c'esl-à-dire ,  qu'il  l'a  copié  litlcialement ,  et  peul-être  trouvera-t-on  qu'il 
eût  été  convenable  d'en  prévenir  un  peu  plus  clairement  ses  lecleurs.  Pour 
nous,  tout  en  respectant  les  jugemens  et  l'aulorilé  de  Corniani,  nous 
rendrons  justice  au  zèle  et  à  la  sagesse  de  M.  Costantini,  qui  a  su  le 
préférer  à  tant  d'autres  écrivains  qui  ne  l'eussent  pas  aussi  bien  guidé. 
Il  faut  encore  le  louer  de  n'avoir  pas  touché  aux  poètes  du  siècle  der- 
nier, malgré  l'exemple  que  lui  offraient  d'autres  recueils  qui  en  sont 
remplis.  Sans  doute  ,  il  aurait  craint  de  passer  ou  pour  adulateur  ou 
pour  contempteur  d'hommes  sur  le  mérite  desquels  leurs  travaux  en- 
core trop  récens  ne  permettent   pas  d'asseoir   un  jugement    hien  sÛTt 

F.  S. 


IV.  NOUVELLES  SCIENTIFIQUES 

ET  LITTÉRAIRES, 


AMÉRIQUE. 

ETATs-Ums.—iV'KW- York.— ^ocicïd  d'histoire  naturelle.  — Extrait  de 
ties  Mémoires.— M.  Pierre,  après  avoir  lu  quelques  observations  sur  Ja  géo- 
logie des  montagnes  de  Catskill ,  a  déposé  une  collection  de  minéraux  et 
«le  fossiles  ramassés  dans  ce  district.— Le  docteur  Van  Reusselaer  a  offert 
r.  la  Société  un  échantillon  du  Cyperus  papyrus  qu'il  a  cueilli  sur  la  rivière 
Anapo,  près  de  Syracuse,  accompagné  d'un  Mémoire  sur  l'Iiisloire  na- 
turelle de  celle  plante,  et  sur  l'usage  qu'on  en  lait  dans  les  arts.  —  Le 
docteur  Dyckman  a  présenté,  au  nom  de  M.  Stevenson,  une  collection 
de  plantes  et  de  minéraux  français.  —  M.  Blunt  a  donné  quelques  échan- 
tillons de  zoophytes  des  Bermudes.  —  M.  Emmet  a  lu  un  rapport  sur 
une  mine  de  fer  des  hautes  terres  de  New-York,  dont  l'examen  lui  avait 
été  confié.  C'est  un  oxide  magnétique  d'un  ti$su  granulaire,  mêlé  d'une 
substance  ressemblant  au  quartz,  d'un  blanc  jaunâtre  et  presque  opa- 
que. M.  Emract  soumit  celte  substance  à  un  grand  nombre  d'expérien- 
ces, et  y  reconnut  la  présence  du  phospbate  de  chaux.  —  M.  Jacob  A. 
Vandenheuvel  lut  aussi  un  Mémoire  sur  l'origiDe  domestique  dts  abeil- 
les de  l'Amérique  septentrionale,  et  sur  plusieurs  particularités  intéres- 
santes des  mouches  à  miel  de  la  Guyane.  —  Le  docteur  Dekay  a  com- 
muniqué un  Mémoire  sur  les  cétacées.  Il  en  compte  vingt  espèces, 
dont  treize  se  trouvent  dans  ks  mers  d'Amérique.  —  Le  major  Dcla- 
field  a  envoyé  plusieurs  minéraux  et  des  restes  organiques  recueillis  par 
lui  sur  les  limites  septentrionales  des  Étals-Unis.  Les  fossiles  et  les  sul- 
fate? de  strontiane  sont  d'une  beauté  remarquable.  —  Le  président 
Mitchill  a  communiqué  une  description  d'un  animal  apporté  par  M, 
Schoolcraft  des  régions  situées  aux  environs  des  sources  du  Mississipi. 
Il  ressemble  au  sciurtus  striatu^ ,  ou  écureuil  de  terre.  Le  docteur  Mit- 
chill le  nomme  S.  trcdecim  liveatus ,  à  cause  de  ses  treize  raies.  Une 
description  détaillée  en  a  été  donnée  dans  le  recueil  médicinal  deJVew- 
Vork,  en  icSïi.  Le  président  déposa  aussi  sur  le  bureau  une  peau  du 
mus  iursarlvs,  ou  rat  à  poche  (appoitée  par  le  capitaine  Douglas),  du 


AMÉRIQUE.  2i5 

lac  supérieur.  —  M.  Blunl  a  lu  une  lettre  concernant  un  ossemcnl  fos- 
sile découvert  dnns  les  montagnes  de  Catskill,  et  envoyé  à  la  Société; 
le  président  Milchili,  quelques  r.  marques  sur  le  proteus  anguinas ,  au 
Carniole,  et  sur  la  syréne  iaccrtina,  de  la  Caroline  ;  une  lettre  du  juge 
Woodward,  sur  les  marées  du  lac  Érié ,  et  uu  Mémoire  sur  le  coca  du 
Pérou,  erxUto.vylon  coca,  fort  en  usage  parmi  les  Péruviens  comme  ali- 
ment et  comme  remèdc.-Le  révérend  Sohaeffer  a  présenté  un  Mémoire 
sur  un  os  fossile  (la  tète  du  tibia)  d'un  mammouth  ,  trouvé  dans  le  comté 
de  Lancastre.  Dix  grands  os  ont  été  découverts;  mais  la  plupart  étaient 
trop  décomposés  pour  être  conservés.  —  M.  Barnes  a  décrit  une  nou- 
velle espèce  de  molusque  bivalve,  trouvée  par  M.  J.  Cozzens ,  près  de 
la  Nouvelle -Orléans,  et  que  M.   Barnes  nomme  myiilus  striatus.  — 
M.  Dckay  a  oEfert  le  dessin  et  la  description  du  laienopterus  acutoros- 
fratus;  cet  animal  fut  pris   par-delà  Sandy-Hook,    et  montré  comme 
une  curiosité  dans  cette  ville  :  le  président  MitcbiU  a  lu  un  rapport  sur 
la  dissection  qu'on  en  a  faite.  —  Le  major  Delafield  a  envoyé  la  des- 
cription d'un  fusil  d'ancienne  consiructioa,  retrouvé  dans  le  Chesapeake, 
couvert  de  pierres  poreuses.  —  Le  président  termine  la  séance  par  un 
résumé  des  progrès  de  l'histoire  naturelle ,  depuis  le  mois  de  mai  1822. 
-Fondationd'v.neviUe.—SÏVon  en  croit  les  journaux  anglais.  Joseph 
Bonaparte  a  fondé  une  ville  aux  États-Unis  ,  appelée  la  nile  de  Josephy 
et  qui  a  déjà  5,ooo  habitans,  presque  tous  Français. 

Colombie.  —  Progrès  de  la  civilisation.  —  Instr^iction  fuUique.  — 
Les  dernières  gazettes  de  cette  république  prouvent  avec  qui  lie  acti- 
vité elle  s'occupe  de  perfectionner  ses  lois,  ses  institutions.  Le  gou- 
vernement paraît  surtout  empressé  de  rendre  l'instruction  populaire.  Il 
y  a  deux  écoles  lancastériennes  dans  la  capitale,  qui  fournissent  des  maî- 
tres pour  les  écoles  de  province  à  mesure  qu'elles  s'établissent.  On  en- 
seigne aux  élèves  la  lecture,  l'écriture,  l'arithmétique,  les  élémeos  de 
la  géographie  ,  les  droits  et  les  devoirs  du  citoyen.  Les  derniers  examens 
ont  mis  le  public  à  même  d'apprécier  les  progrès  des  élèves  de  ces  éco- 
les ,  qui  sont  soutenues  et  défrayées  par  les  revenus  des  monastères  sup- 
primés. L'amélioration  des  Noirs  a  été  également  l'objet  de  la  sollicitude 
publique.  M.  Gamillo  Maurique  a  denùèremeut  affranchi  neuf  de  ses 
esclaves,  et  M.  Fernandez  Solo  traite  tous  ses  Nègres  comme  des  ou- 
vriers libres,  et  leur  paie  leurs  travaux.  De  tels  hommes  méritent  d'être 
connus.  L.  Sw.  B. 

—Bogota. — École  des  mines. — Le  gouvernement  vient  de  fonder  dans 
cette  ville  un  collège  national  pour  l'instruction  des  jeunes  mineurs^ 


2i6  ASIE.  . 

—  Voyages  scienfifiques.  —  Des  letlrcs  Irès-iccentcs  de  ce  paj3  an- 
noncent que  MM,  Biaissingault  et  Rivcro  ,  dont  l'Académie  des  sciences 
de  Paris  a  reçu  plusieurs  commuDications  très-intéressantes,  sont  arrivés 
sur  le  plateau  de  Bogota  à  la  fin  du  mois  de  juin.  Ils  ont  fait  le  nivellc;- 
mi'nt  des  hautes  Cordillières  de  Mérida  et  de  Pamplona,  el  déterminé, 
avec  d'cxcellens  chronomètres,  la  posiliou  astronomique  d'un  grand 
nombre  de  lieux  qui  n'avaient  point  été  visités  par  M.  de  Ilumboldt. 
Près  de  Santa-Rosa,  ces  savansont  l'ait  la  découverte  importante  d'une 
masse  de  Ter  ductile  (probablement  météorique)  du  poids  de  trente 
quintaux.  A.  J. 

ASIE. 

Calccita.  —  Un  Nouveau  journal  va  être  publié  dans  cette  ville.  11 
])araiira  tous  les  trois  mois,  sous  le  titre  de  VObservateur  asiatique  ,  ou 
àlelanges  religieux,  liltéraires  et  philosophiques. 

AFRIQUE. 

SiEBRA-LfcONii.  —  \j^  vaccine  vient  cnGn  d'être  introduite  dans  cette 
colonie,  et  l'on  a  pris  des  mesures  pour  en  répandre  l'usage  jusque 
dans  1  intérieur  de  l'Afrique. 

ItE  Mai:kice,  ci-devant  Ile  de  Fbance. — Traite  des  Noirs. — L'abolition 
de  rinlâme  traite  des  Noirs  est  dans  nos  colonies  l'objet  des  efforts  les 
plus  énergiques.  Sir  T.  Farquliar  ,  gouverneur  de  l'île  de  France ,  vient 
de  conclure,  avec  Timan  de  Muscat,  un  traité,  par  lequel  ce  dernier 
s'engage  à  prohiber  la  traite  dans  l'île  de  Zanzibar  et  dans  tous  les  pays 
soumis  à  sa  domination.  A  l'île  de  Bourbon,  le  commerce  des  Nègres 
est  très-considérable,  malgré  tous  les  efforts  du  gouverneur,  m.ilheu- 
reusemcnt  mal  secondés  ,  jiour  Iç  réprimer.  La  frégate  V Àndrotnaquc , 
qui  se  trouvait  df  rnièrement  à  l'île  Sainte- Marie  ,  possession  française, 
y  a  découvert  des  traces  très-étendues  du  même  commerce.  Une  déptï- 
che  du  capitaine  Leake  à  sir  II.  Mcnds,  datée  de  l'embouchure  de  la 
rivière  Bonny,  dans  la  baie  de  Biafra,  rend  compte  de  la  prise  de  deux 
vaisseaux  espagnols,  dans  la  rivière  de  Nutony,  ayant  ensemble  à  bord 
284  esclaves.  Six  vaisse.nux  français  se  trouvaient  aussi  dans  ces  parap;es 
pour  le  même  but.  Du  commencement  de  juillet  1822  à  la  fin  du  mois 
de  novembre  de  là  même  année  ,  il  a  paru  sur  cette  côte  126  vaisseaux 
négriers,  dont  8(j  français  et  4o  e.-pagnols.  Six  d'entre  eux  étaient  de 
gros  navires,  dont  une  frégate  montée  par  200  matelots  anglais,  amé- 
ricains et  espagnols,  et  aruiée  de  28  pièces  du  calibre  de  24,  outre  plu- 
sieurs carunnades  et  CQuIeuvrincs.    L"s  équipages  des  cinq  autres  bàli- 


EUROPE.  ai  7 

mens,  tous  Irès-hien  armés,  étaient  en  général  composés  de  Portugais 
cl  d'Espagnols.  Celte  année  (i825)  le  nombre  des  vaisseaux,  qui  ont 
déjà  complélé  leurs  cliargenicns  et  mis  à  la  Toile ,  est  immense;  et  le 
capiîaine  Leake  a  appii;  que  l'on  en  attendait  un  bien  plus  grand  nom- 
bre. Depuis  18  mois,  on  compte  424  navires,  dont  la  plupart  portaient 
pavillon  français ,  arrivés  sur  la  côte  septentrionale  de  la  baie  de  lîialVa, 
pûur  cet  infâme  trafic,  et  repartis  avec  des.  char,;^einens  d'esclaves  très- 
considérables,  dont  quelques-uns  de  5oo  jusqu'à  1,000  îjoirs.  Une  éva- 
luation Irès-modérée  porte  à  106,000  esclaves  le  nombre  des  malhe  •- 
reu^es  victimes  qu'ont  exportées  ces  négocians  d'bommes,  dans  un  es- 
pace de  lems  aussi  court.  A.  i. 

EUROPE. 
ILES  BRITANNIQUES. 

LiVEBPOoi..  —  Institution  royale.  —  La  ville  de  Liverpool  ,  si  connue 
par  l'étendue  de  ses  relations  commerciales,  ne  mérite  pa*  moin*  de 
l'être  par  le  zèle  avec  lequel  ses  habitans  ont  toujours  encouragé  la  cul- 
ture des  sciences  et  des  arts.  Cette  ville  doit  aux  souscriptions  de  quel- 
ques riches  particuliers  et  coromerçans,  des  établissemeos  d'une  haute 
utilité,  tels  qu'une  Bibliothèque,  un  AtUénéc,  etc.  La  corporation  de 
cette  ville,  c'est-à-dire,  l'assemblée  des  habitans  qui  ont  droit  de  bour- 
geoisie, a  dernièrement  voté  une  somme  de  1,000  livres  sterling  (20,000 
francs)  pour  l'achat  d'instrumens  de  matliémaliques  et  de  physique,  etc., 
destinés  à  ['Institution  royale  qui  y  est  établie,  et  dont  le  célèbre  his- 
torien et  publlciste  Roscoe  est  l'un  des  fondateurs.  A.  J. 

LosDEEs.  —  Société  -billique.  —  Bille  clnnoiie.  —^  Il  résulte  du  bulle- 
tin du  dix-neuvième  anniversaire  de  la  Société  biblique  britannique,  dont 
Il  séance  publique  a  eu  lieu  à  Londres,  le  7  mai  182Ô,  que  3io,5oo 
(  xemplaires  des  livres  sacrés  ont  été  distribués  à  ses  frais,  de  mars  1822  a 
mars  iSaô.  Ce  nombre  porte  à  3,675,474  celui  des  exemplaires  distribués 
depuis  la  fondation  de  celle  admirable  institution;  il  y  faut  ajouter 
2,000,000  euviion  d'exemplaires  distribués  par  toutes  les  sociétés  aux- 
quelles celle  -  ci  a  donné  naissance  sur  tou.s  les  points  du  globe.  Une 
circonstance  a  rendu  celle  séance  particulièrement  intéressante  :  M. 
Marshmann  a  déposé  sur  le  bureau  la  version  chinoise  de  la  Bible,  à  la- 
quelle il  travaillait  depuis  seize  années. C'est  la  première  bible  complète 
qui  ait  été  imprimée  dans  celle  langue.  Ce  travail  ,  qui  aidera  puissam- 
joent  les  cflbrls  des  missionnaires  cluélicns  en  Chine,  peut  amener  pour 
cet  empire  des  résultats  de  la  plus  haute  imporlance.  A.  * 


2»8  EUROPE. 

—  Editinn  e/rmpacte  de  Shakespeare.  —  Les  pièces  de  ce  célèbre  au- 
teur, quisuffist-nt  pour  remplir  12  volume»  in-S»,  viennent  d'être  publiée» 
<  n  uu  seul  volume,  formai  de  poche,  dont  le  prix  est  d'une  guinée  (26 
à  26  francs). 

—Histoire  Uttéraire.  —  Les  lettres  de  Henri  FUI  à  Anne  Boleyn, 
écrites  en  français  ,  et  qui  viennent  d'être  traduites  pour  la  première  fois 
en  anglais,  sont  un  monument  curieux  de  la  barbarie  et  de  l'ij^norance 
de  ce  roi.  En  lisant  ce  smgulier  recueil,  on  est  frappé  des  nombreuses 
fautes  que  <  ommet  a  chaque  instant  l'illustre  auteur,  contre  le  bon  goût, 
l'orthographe,  et  la  grammaire:  on  est  tenté  de  douter  que  ia  même 
main  ait  pu  tracer  ces  lettres  grossières  et  écrire  l'ouvrage  de  la  Défense 
de  ia  foi,  où  l'on  trouve  des  preuves  d'une  instruction  solide  et  d'un 
mérite  réel.  f^    j 

—  Théâtres.  —  Opéra.  —  L'extravagant  roman  de  Frankestein,  par 
M°»^  Sheily,  a  fourni  le  sujet  d'une  pièce  représentée  à  ce  théâtre,  et 
beaucoup  mieux  accueillie  qu'elle  ne  le  méritait.  Fraakcslein  ,  jeune 
philosophe  allemand,  l'ail  un  homme  avec  des  débris  de  cadavres  ,  et 
réussit  à  animer  sa  créature.  Cet  être  monstrueux  le  remplit  d'horreur. 
Il  essaie  de  le  détruire  ,  mais  un  vain  ;  car,  doué  d'une  énergie  surnatu- 
relle, le  monstre  est  plus  fort  que  lui.  Furieux  du  mauvais  traitement 
de  celui  à  qui  il  doit  le  jour,  il  s'en  venge  sur  tous  ceux  qu'aime  Fran- 
kestein. II  étrangle  son  frère  encore  cnlanl,  assassine  sa  maîtresse,  et, 
d'aventure  en  aventure,  fait  périr  son  créateur  par  la  chute  d'une  ava- 
lanche qni  les  engloutit  tous  deux.  Une  telle  action  paraît  plus  propre 
à  une  parade  qu'à  un  opéra.  Le  monstre  ne  parle  point,  et  sa  panto- 
mine est  souvent  niaise,  à  force  de  vouloir  être  effrayante.  Les  deux 
Itères  n'inspirent  aucun  intérêt  ;  les  mauvaises  plaisanteries  du  valet 
Fritz,  espèce  de  bouflbn  ,  détruisent  la  seule  illusion  que  puisse  faire 
la  pièce.  Une  intrigue  d'amour  entre  la  sœur  de  Franke.-^tein  et  un  des 
amis  de  ce  dernier,  est  la  seule  conception  naturelle.  Malgré  tous  ses 
défauts,  l'opéra  a  été  vivement  applaudi. 

BEDFOBDsniBE.  —  Sheffokd \èctviogic Bloomfleid.—^é  à  Hom- 

migton,  dans  le  comté  de  Suffolk,  en  1766,  Robert  Bloomfield  fut  un 
homme  extraordinaire;  il  eut  à  lutter  de  bonne  heure  contre  son  sort 
obscur.  Sans  éducation,  sachant  à  peine  lire,  il  se  rendit  à  Londres 
pour  y  être  garçon  cordonnier.  Ce  fut  pendant  son  séjour  dans  cette 
ville,  qu'il  publia,  en  iSoo,  son  premier  poème,  le  Garçon  fermier. 
il  excita  l'intéièt  général ,  on  ne  parla  plus  que  du  cordonnier-poète. 
Enivré  par  son  succès,  Bloomûeld  abandonna  le  métier  qui  lui  donnait 
du  pain,  pour  se  consacrer  à  la  poésie;   il  vécut  malheureux   et  mourut 


EUROPE.  ^'0 

pauvre.  Ses  Contes  chamfêlrcs  parnrt-nf  en  1802;  Bonnes  vmtvelivs, 
dfux  ans  après  ;  les  Flevurs  sauvages  ,  doux  ans  plus  tard  ;  hs  rives  de  In 
fFye,  c-n  i8n,  Enlln,  le  Mai  des  muses  dont  nous  avons  parlé  dans  l. 
ReifL.  BloomGfld  est  mort  le  19  août  à  ShefT^.rd ,  a  la  Ruilo  d'une  ma^ 
ladie  longue  et  douloureuse.  Les  journaux  anglais  qui  louent  aujour- 
d'hui ses  ouvrages,  auraient  dû  intéresser  U-  puhlic  pour  lui  pendant 
sa  vie,  el  lui  procurer  les  secours  que  son  ajre  et  ses  infirmités  lui  ren- 
daicut  si  nécessaires.  /.outVc-Sw.-BEtLOC. 

RUSSIE. 

Statistique.  — PoruUition.  —On  a  publié  une  iVoie  de  la  population 
de  la  Russie  en  1821;  au  dénombrement  des  habitans  dans  chacun  des 
cinquante  pouvcrncmens,  on  a  joint  la  surlace  en  milles  carrés  géo- 
graphiques. 

Arkhan^el 200,000  habitans.  1 1 ,900  milles  carrés. 

Astrakhan 190,000  5, 100 

Courlundc 4i05"oo  ^^° 

Novogororl 6<->.oof>  2,Soo 

Moscou 1.275,000  470 

Pétersbourg 690,000  84o 

Tobolsk 400,800  16,800 

Smolensk 950,000  ».ooo 

Irkutsk 210,000  126,400 

Tolal. .    4î928'000  habitans. 

La  somme  totale  des  habitans  de  l'empire  entier  s'élève  à  40,067,000. 

Le  nombre  des  manufactures  et  des  ateliers  à  3,724  i  le  lolal  du  capital 

,lu  commerce  se  monte  à  019,660,000  r..nbles,  et  le  revenu  de   la  ca  pi- 

lation  et  de  l'impôt  sur  la  consommation  des  liqueurs  à    169,500,000 

roubles.  (Le  rouble  papier  vaut  environ  i  fi.) 

Mo9cov.  — La  Société  d'économie  ruraie  âc  cette  ville  a  formé  une 
Écok  d'aiïTiculture  à  l'instar  de  celles  qui  existent  à  Hofwyl  en  Suisse, 
.  t  à  Fricdrichsfelde  près  Berlin  :  .'■o  élèves  y  seront  admis. 

—  Université.  — Les  membres  de  l'université  de  Moscou  se  sont  réunie 
rn  assemblée  générale.  Le  professeur  Sehlotzer  a  lu  un  discours  latin 
sur  '(a  statistique  considérée  dans  ses  rapports  avec  les  sciences  morales 
rt  politiques.'  Après  l'exécution  d'un  morceau  de  musique,  le  profes- 
seur Denissoflut  une  dissertation  sur  les  prof)rès  et  (es  perfectionnement 
que  l'industrie  doit  à  l'influence  de  la  chimie;  cnGn,  M.  Menliakof  ré- 
,  ila  quelques  vers  sur  la  paix.  Alors  eut  lieu  la  distribution  de  diverses 


220  EUROPE. 

médailles  nccordccs  par  l'iaùver.ité.   M.  Dvigoubsky  prit  ensuite  la  pa- 
role pour  la  lecture  du  rapport  annuel,  daas  lequel  il  fil  raenlion  des 
acquisllions  diverses  faites  pour  le  Musée  et  pour  la  Bibliothèque.  En- 
tre autres  choses  contenues  dans  ce  rapport,  on  .emarque  la  dotation  de 
5,000  roubles  faite  ,  par  la  SocLté  des  amis  do  la  iiltératurc  russe,  à 
rinstilution   des  Enfans-Trouvùs,   et  dont  les  intérêts  sont   des.inés  à 
payer  les  frais  d'université,  pour  les  deux  enfans  qui  seront  le  plus  avan- 
ces dans  l'étude  de  la   littérature-  russe.    On  a  établi  à  l'imprimerie  de 
l'un.versité  une  presse  lithographique—Fendant  l'année  écoulée,  le  co- 
mité de  censure  a  examiné  et  approuvé  .56  manuscrits;  le  comité  d.  s 
«amens,  établi  par  l'ukase  de  1S09  ,  a  examiné  .5  personnes.  Quatre 
ecoies  de  district ,  cnq  séminaires  et  quatre  écoles  particulières  ont  été 
établies  pendant  celte  année.   Le  nombre  des  étudians  à  l'université  a 
ele  deGo5,  rt  celui  dos  enfan»  inslruils  dans  les  écoles  du  di,trict  de 
Moscou,  de  to,9a.   Un  docteur,  quatre  maîtres,   douze  candidats,  et 
•ijetudians  ont  quitté  l'université ,  où  sont  entrés  i^i  étudians,  1,  au- 
diteurs volontaires,  et  .6  personnes  vouées  à  l'étude  .de  la  médecine. 
D^fferens  membres  de  l'université  ont  publié  divers  ouvrages,  entre  au- 
tres des  traductions  d'Homère,  de  Sophocle,  des  hymnes  de  C.ili.xiaque  et 
des  fables  dS.ope,  enrichies  de  notes  philologiques.    Les  professeurs , 
membres  ou  associes  de  l'universilé,  sont  au  nombre  de  quarante-buit 
et  sont  reparus  dans  un  nombre  égal  de  chaires,  destinées  aux  dlfféren-^ 
tes  branches  des  connaissances  humaines.    Parmi  les   cours  intéressans 
ou  curieux,  on  peu,   citer  ceux  qui  ont   lieu  sur  l'écnomie  politioue. 
in  lUterature  esclavonne,  le  Hason  et  ta  science  généalogique,  le.lan- 
'lues  françuisc  et  anglaise. 

~  Pria:  propose.  -  L'université  ,  conformément  au  §  5;  de  .es  sta- 
ta ts,  propose  la  question  suivante  : .  L'exemplaire  florentin  desPandec.es 
est  regarde  comme  le  plus  correct  et  le  plus  ancien  de  tous  ceux  qui 
>ont  connus  en  Europe;  presque  tous  les  autres  qu'on  voit  n'en  sont  que 
des  copies,  1  inaporte  donc  de  connaître  la  manière  dont  il  est  parvenu 
..Florence.  On  croit  généralement  que  cet  exemplaire  original  faisait 
partie  de  ceux  que  Justmien  envoya  dans  quelques  provinces,   qu'il  fut 

rouve  a  la  prise  d'Amalfi,  don.é  ensuite  par  l'emperem  Lothaire  II,  aux 
l>abitans  de  Pi.e,  et  a  la  conq.ê.e  de  celte  dernière  vilh,  transporté  à  F-o- 
^enee,  ou  .1  es.  conservé  aujourd'hui  avec  beaucoup  de  soin.  Mois  de- 
puis la  ,.oit,e  du  siècle  dernier,  il  s'est  élevé  à  cet  égard   des  contesta- 

e  a  Ama,h  e,  donne  aux  Pi>ans;  d'autres  tiennent  à  Paneienne  opinion. 
J-  question  se  réduit  donc  à  exposer  avec  une  saine  critique  les  opinions 


EUROPE.  2ii 

et  raisons  des  deux  partis,  et  de  fixer  d"uuc  manière  positive  laquelle 
de  ces  deux  opinions  se  rapproche  le  plus  de  !a  vérilé  et  mérite  le  plus 
de  cioyancc.  •  Le  prix  proposé  est  de  2.5o  roubles.  Les  mémoires  adref- 
sés  à  l'universilé  de  Moscou  pourront  être  écrits  en  russe,  latin  ,  françui»; 
ou  allemand.  Le  terme  est  le  mois  d'avril  1825. 

iSAisT-PÉTBRSBOcaG.—^rt  mi^iiatre.  —On  aétabliunc  nouvelle  Ecolu 
militaire  pour  5o  jeunes  gens  de  familles  nobles  qui  se  destinent  au  ser 
vice  de  chef  de  colonne,  près  le  vaguemestre  de  l'état -major-général  de 

,,  Al 

l  empereur.  "•  •" 

POLOGNE. 

Cbacovie.  —  Fêle  patriotique.  —  On  a  célébré  ici,  le  1 1  du  ce  mois, 
avec  la  plus  grande  solennité,  une  double  fête  :  celle  de  l'anniversairo 
de  l'introduction  de  la  constitution  dans  notre  état  libre,  et  celle  de 
S.  M.  l'empereur  Alexandre. 

Varsovie.  —  Mission  four  les  Juifs.  —  Il  est  arrivé  ici,  le  24  sep- 
tembre, de  Londres,  par  Paris,  Berlin  et  Posen,  deux  nouveaux  mission- 
naires de  la  Société  formée  en  Angleterre,  pour  répandre  le  christianis- 
me parmi  les  Juifs.  L'un  est  M.  Mac'kant,  prêtre,  et  l'autre,  un  candi- 
dat nommé  O'neil.  Varsovie  est  le  siège  d'un  des  principaux  établisse- 
mens  de  celle  société;  elle  y  entretient  cinq  missionnaires. 

—  PuUication  nouvelle.  —  11  vient  de  paraître  un  nouveau  roman  ea 
deux  parties  ,  intitulé  :  HMwige ,  reine  de  Pologne,  et  dont  l'auteur  est, 
dit-on,  une  dame  d'un  rang  élevé. 

—  Beaux-arts.  —  On  a  commencé,  le  iT,  septembre,  dons  le  nou- 
veau pavillon  du  palais  Kazymirowski  ,  l'exposition  de  peinlarc  , 
sculpture,  etc.;  il  y  avait  71  tableaux  à  l'huile,  48  dessins,  i4  plan» 
d'architecture  ,  et  i5  ouvrages  de  sculpture  ;  mais  ce  n'est  pas  encore  la 
moitié  de  ce  que  doit  offrir  celte  exposition.  On  remarque  déjà  beau- 
coup d'ouvrages  dont  les  auteurs  sont  des  femmes,  ce  qui  prouve  que 
le  goût  de  la  peinture  fait  des  progrès  aussi  sensibles  que  celui  de  la 
musique.  ^'  "' * 

SUÈDE. 

Stockholm.— 5<a<îst/7ue.  — D'après  un  tableau,  qui  a  déjà  été  adopté 
dans  la  Chambre  des  pay-ans ,  le  nombre  total  des  fonctionnaires  du 
royaume,  qui  avaient  des  appointemens  en  1S17,  montait  à  17,740,  et  le 
total  de  leurs  traitemens  à  9,156,277  écus  de  banque.  La  force  militaire 
tst  calculée  à  4g,6o5  individus,  dont  la  solde  s'élève  à  4,855,62?.  écus. 
L'état  civil,  outre  la  cour,  consiste  en  5,.S55  individus,  dont  le  trai:e- 


in-i  ELROPE. 

ment  forme  une  somme  de  -2,387,9 1«  «i^us.  On  porle  à  4,-60  le  nom- 
bre des  ecclésiastiques  salariés,  et  a  2  millions  leur  traitement.  L'ii- 
niversité  d'Upsal  avait  demandé  aux  états -généraux  un  emprunt  de 
00,000  écus  pour  achever  un  nouveau  bâtiment  où  IVio  duit  placer  l;> 
bibliotb.èque.  L'ordre  du  clergé  et  celui  des  bourgeois  y  ont  consenti; 
mais  la  noblesse,  contre  l'attente,  a  refusé  une  demande  qui  paraissait 
généralement  appr.uvée.  L'ordre  des  paysans  n'a  pas  encore  voté. 

—  Cammcrce  extérieur.— Lg  commerce  de  la  Suède  ayec  l'Egypte  a 
pris  un  accroissement  considérable.— Plus  de  quatre  cents  bâtimens  sué- 
dois ont  été  envoyés,  celte  année,  dans  le  seul  port  d'Alexandrie. 

—  V Académie  suédoise,  en  qualité  de  propriétaire  responsable  du 
journal  intitulé  :  Post  och  inrikcs  tidningar.  Gazette  de  ta  poste  it  de 
l'inférieur,  vient  d'être  citée  devant  les  tribunaux,  à  cause  d'une  an- 
nonce injurieuse  qui  a  été  insérée  dans  cette  feuille. 

—  Manuscrit.  —  Il  y  a  dans  la  bibliothèque  royale  de  Stockholm  un 
inanusciit  très-remarquable,  le  Codex  giganteus  (Livre  géant).  Il  fut 
enlevé  d'un  mouastère  bénédictin, a  Prague,  lors  de  la  guerre  de  trente- 
ans.  Sa  hauteur  est  de  di  ux  aunes  suédoises,  et  sa  largeur  proportion- 
née. Outre  la  vulgate  ,  une  collection  d'écrits  sur  les  antiquités  juives, 
par  Josephus  Isidorus,  etc.,  et  le  Comœs  pragensis  Chronicon  Bohemiœ, 
ce  manuscrit  contient  un  traité  sur  la  magie ,  orné  d'uue  figure  coloriée 
du  diable. 

DANEMARCK. 

Islande.  —  Physique.  —  Un  ancien  volcan  ,  le  Koetlugan  (district  do 
«yrdaij,  qui  ,  depuis  68  ans,  n'avait  point  eu  d  éruption  ,  a  lancé  de, 
masses  d'eau  ,  de  cendre,  et  de  boue  considérables  ,  depuis  le  1"  jus- 
qu'au i5  juillet  dernier.  Cette  éruption  aqueuse  a  cessé  loul-à-fail  le  19; 
et  le  25,  la  fumée  du  cratère  ayant  disparu ,  on  a  pu  apercevoir  le  som- 
met de  la  montagne.  Les  cendres  et  la  boue  ont  couvert  un  terrain  de 
quatre  à  cinq  milles  danois  (9  à  10  lieues  de  France)  ;  mais  c'est  un 
bonheur  que  l'éruption  se  soit  dirigée  vers  la  mer  ;  elle  aurait  causé  sans 
cela  de  bien  plus  grands  désastres. 

CoPKRHAGiB.  —  Statistique.  —  Dans  le  cours  de  l'année  dernière^  il  v 
»  eu  dans  cette  île  1724  naissances  et  «4i  décès,  ce  qui  est  un  résultai  tiès- 
lavorablepourun  pays  aussi  stérile.  Le  conseiller  de  conférence  Stephen- 
sen  porle,  dans  son  tableau  de  l'I.siande,  la  population  de  cette  ile  à 
49.269  individus.  Le  même  auteur,  dans  ses  calculs  statistiques,  compte 
en  Islande  i6,o52  vaches,  2904  bœufs,  et  6761  pièces  de  jeuce  bétail; 
340,752  brebis  et  18.941  chevaux   domptés. 


EUROPE. 


ALLEMAGNE. 


PopuLATio:^. — Statistique. — Voici  le  Tableau  statistique  des  Sg  ètaU 
qui  composent  la  C  on  fédération  germanique,  rédigé  sur  les  données  Ie> 
plus  récentes  tirées  des  archives  de  la  Dièle.  Les  états  qui  figurent  sui 
ce  tableau  n'y  sont  compris  que  pour  les  provinces  qui  font  réellement 
partie  de  la  confédération  : 

Etats  qui  composent  la  Coafédéra- 
tiou. 

Autriche 

l'russe 

{Bavière 

Saxe 

Hanovre 

Wurtemberg 

Bade .'. .  . 

Hesse  électorale 

Hcsse  grand-ducale 

Holstein  et  Lauenbourg 

Luxembourg 

Saxe-Weimar 

Saxe-GMha 

Saxe-Meinungcn 

Saxe-IIildburghausen 

Saxe  Cobourg 

Brunswick 

JVassau 

Meckknbourg-Schwcrin 

Mecklcnbourg-Strclilz 

Holstein -Oldenbourg 

Anhalt-Dessau 

Anhall-Bernbourg 

Auhalt-Koelhen 

Schwarlzbourg-Sondershausen  . 

Schwarlzbourg-Rudolstadt 

Hohenzollern-Hechingen 

HohenzoUern-Sigmaringen 

Lichtenstein 

Ueuss-Graetz 


Popnlaticin. 

Revenu  ann'icl 
en  florins. 

Voix  à 
ladiète 

9>4S^,277 

5t!, 000, 000 

4 

7,953,341 

57  000,000 

4 

3,523,000 

3o,  5oo,"oo 

4 

l,203,O0O 

1 1 ,000,000 

4 

i,3o5,55i 

12,000,000 

4 

1,395,46a 

1  i,o(io,ooo 

4 

1,002,000 

9,200,000 

567,86s 

4,000,000 

"^ 

625,000 

4,000,000 

3 

565,000 

2,000,000 

255,628 

i,5oo,ooo 

3 

201,000 

1,800,000 

180,682 

i,5oo,ooo 

54,400 

55o,ooo 

29,700 

210,000 

80,012 

55o,ooo 

210,000 

1,800,000 

5a450oo 

2,960,000 

55^,378 

2,000,000 

:^7'>9 

750,000 

217,759 

1,200,000 

53,947 

5 10,000 

37,000 

450,000 

02,454 

35o,ooo 

45,120 

36o,ooo 

54,000 

270,000 

i4,5oo 

90,000 

37,100 

240,000 

5,000 

aojooo 

22,255 

1 20,000 

224  EUROPE. 

Reuss-PiaucD 54,751  290,000 

Lippe-Dctmold 70,000  466,000 

Lippt-Schaumbourg 24,000  160,000 

Wal-Icck-Pyrraont 61,877  420,000 

Hesse-Hombourg 20,000  180,000 

l'^^^^^OTt 4-,85o  800,000 

^"^'<^^'' 4o,65o  400,000 

^"^'n*^ ^Moo  400,000 

1,200,000 


Hambourg ,  5o,ooo 


50,178,811  219,955,627  69 

A  ces  indications,  on  peut  ajouter  que  la  population  totale  de  la  Con- 
fédération germanique  se  divi.e  à  peu  près  en  17  millions  de  catholi- 
ques, i5  millions  de  protestans,  et  200,000  juifs,  répandus  sur  une  su- 
perficie totale  de  11,869  demi-milles  carrés  d'Allemagne,  formant  un 
treizième  du  territoire  de  l'Europe,  f/armée  fédérale  est,  en  tems  de 
paix,  de  501,780  hommes;  et,  en  tems  de  guerre,  de  452  6-0. 

Leips.cs.—  Israélites.  —  LVtat  des  Israélites  et  leur  religion  occupent 
toujours  beaucoup  les  esprits  :  les  Chrétiens  viennent  d'instituer  encore 
quelques  nouvelles  associations  pour  les  amener  à  quitter  le  culte  d- 
leurs  pères;  et  le  9  février,  la  Sociclc  de  Berlin  ,  dont  nous  avons  déjà 
eu  occasion  de  parler,  a  reçu  l'iuslilution  royale,  qui  a  aussi  été  con- 
férée le  11  avril  à  une  association  semblable  parmi  les  femmes.  On  dit 
qu'à  Rome  les  mesures  prises  par  Clément  VIII  ont  élé  récemment  re- 
nouvelées; elles  consistaient  à  réunir,  dans  l'Oraforio  délia  Santa-Tri- 
nita,  trois  cents  individus  de  la  religion  juive,  à  l'effet  d'y  entendre  un 
prédicateur.  Une  amende  pécuniaire  frappait  ceux  qui,  appelés  à  leur 
tour,  ne  s'y  étaient  pas  rendus  :  celte  cérémonie  se  renouvelait  chaque 
samedi.  Deleurcôlé,  les  Israélites  ne  négligent  rien  pour  répandre  entre 
eux  les  lumières.  Une  Société  juive,  un  journal  spécial,  les  secondent 
dans  leurs  vues, et  souvent  la  générosité  des  particuliers  vient  à  l'appui 
de  ces  entreprises  générales.  C'est  ainsi  qu'à  Maycnce,  Michel  Benedict 
a  légué  sa  maison  aux  membres  delà  comnmnauté  juive,  pour  y  fonder 
uni;  Ecole  théologique;  sa  bibliothèque  a  reçu  la  même  de-llnation  ;  en- 
fin, 8,000  florins  de  fondation  serviront  à  entretenir  deux  pauvres  élu- 
dians.  Rien  n'égale  cependant  les  elTorts  de  la  Société  améiicaine,  éta- 
blie pour  l'amélioration  du  sort  des  Juifs  :  elle  a  acquis  de  i5  à  20,000 
acres  de  terre,  dans  la  vue  d'en  faire  une  colonie  d'Israélites  convertis 
au  christianisme. 


EUROPE.  225 

PacssB.  —  Macdeboobg,  —  Beaux-arts.  —  Gravure.  —  M.  Donafi  va 
publier  par  souscriplJon  un  portrait  gravé  du  célèbre  Carnot.  L'original, 
peint  en  i8i8,  par  Schœner,  élève  de  David,  est,  dil-on  ,  d'une" par- 
faite ressemblance. 

Beeslau.  -  Arcliéolosie.  -  Jurisprudence.  -  Dans  le  cours  de  son 
voj^age  en  Italie,  le  professeur  Gaupp  a  découvert  quatre  feuilles  d'un 
manuscrit  des  Pandectcs,  qu'il  croit  être  du  xn'  siècle.  Ces  feuilles, 
qu'il  a  trouvées  dans  la  bibliothèque  royale  de  Kaples,  sont  palimpses- 
tes :  on  lit,  par-dessus  .'ancienne  écriture,  un  fragment  du  grammairien 
Cbarisny,  et  un  autre  des  yUœ  pontificum  d'Ana.lasius,  et  l'on  aperçoit 
a  force  de  soins  des  passages  des  Pandectes,  et  d'autres  de  la  PharsaU. 
de  Lucain.  M.  Gaupp  les  a  fait  copier  ;  ce  sont  des  phrases  pour  l.i  plu- 
part incomplètes  qu'il  a  obtenues  par  ce  travail;  mais,  par  leur  coïnci- 
dence ,  elles  démontrent  l'excellence  du  manuscrit  de  Florence  Les 
passages  des  Pandectes  appartiennent  aux  titres  du  livre  X  ,  FamUi<B 
erciscundœ,  Communi  dividundo  et  Ad  exhiiendum.  Les  majuscules 
qui  composaient  originairement  ce  manuscrit  sont  plus  belles  que  cel'es 
de  Florence.  Bientôt  M.  Gaupp  en  livrera  au  pubLc  un  fac  simiie. 

Pli.  GOLBÉBÏ. 

BEHLm.  -  Nécrologie.  -  Le  professeur  rVadreck  vient  de  mourir 
dans  cette  ville.  Il  avait  conçu,  le  premier,  le  projet  de  fonder  une  ins- 
titution decharité,  destinée  à  recevoir  les  enfans  pauv.es  ou  abandon- 
nes, et  ou  11  en  avait  rassemblé  4oo.  Son  ardente  philantropie  et  son 
continuel  dévouement  à  ses  semblables,  lui  donnent  des  droits  au  res- 
pect et  aux  regrets  de  tous  les  gens  de  bien.  L.  S.  B 

SUISSE, 

Genèvb.  -  ÉtnUissement  de  la  censure  littéraire.  -  Le  conseil  re 
présentatif  de  cette  ville  vient  de  rendre,  à  la  majorité  de  deux  tiers 
des  sullrages,  une  loi  suspensive  de  la  liierté  de  la  presse  pour  le  ter- 
me dun  an.  Tous  les  écrits,  de  quelque  sujet  qu'ils  traitent ,  seront 
soumis  a  une  censure  préalable.  Il  est  bien  pénible  de  voir  un.  mesure 
aussi  contraire  aux  pro^  de  l'esprit  humain,  prise  par  une  ville  où 
1  instruction  et  la  philosophie  paraissaient  si  répandues. 

BHB.K.  -  Nécrologie.  _  Halter.  -  La  Sui.e  a  perdu,  à  huit  jours 
de  d.s,a„ce.  deux  de  ses  plus  illustres  citoyens,  M.  MOert  de  Huiler 
et  M.  Jean  Conrad  Escher  de  la  Linth  :  celui-ci  figure  déjà  d.ns  nos 
tablettes  nécrologiques  ^Voy.,  Tom.  XVII,  pag.  665);  il  nous  reste 
à  parler  du  premier.  AiUrt  de  llallcr,  le  plus  jeune  des  fils  du 
ï.  \x.— Octobre  1825.  ,5 


2^6  EUROPE. 

oraud  Haller,  est  décédé  à  Berne,  le  i""  mars  iSîô,  âgé  de  65  ans.  Il 
était  à  la  fois  homme  d'état  habile  et  savant  naturaliste.  Le  jour  même 
de  sa  mort,  il  avait  assisté  à  une  longue  séance  de  la  commission  de 
législation  civile,  et  pris  une  part  liès-aclive  à  la  délibération.  Il  était 
doué  d'une  promptitude  de  discernement  remarquable,  et  joignait  i; 
cet  avantage  un  esprit  très- étendu,  une  sagacité  rare  et  une  mémoire 
surprenante.  Il  cultivait  avpc  succès  la  botanique,  et  laisse  des  travaux 
inéi'its  qui  seront  d'une  grande  utilité  pour  la  composition  de  la  Ftcrc 
hdvctiqxie.  Il  était  trés-att;iché  à  Genève,  et  iié  d'une  amitié  intime 
avec  plusieurs  savans  de  cette  ville  ;  c'est  à  ce  motif,  plutôt  qu'aux  dé- 
goûts qu'il  a  pu  éprouver  dans  sa  patrie,  qu'on  doit  attribuer  le  legs 
qu'il  a  lait  de  son  heibier  à  la  bibliothèque  publique  de  Genève.  L'her- 
bier et  la  bibliothèque  du  grsnd  Ilalier,  vendus,  peu  de  tems  après  sa 
mort,  au  gouvernement  de  la  Lombardie,  sont  soigneusement  conser- 
vés à  Milan.  C'est  donc  en  pays  étranger,  et  non  à  Berne,  qu'il  fau- 
dra chercher  désormais  les  précieuses  collections  de  ces  deux  habiles 
naturalistes  1  E. 

ITALIE. 

îiiCB. —  {Maison  d'Hygiène).  —  M.  Cauvy,  docteur  français  de  Paris 
et  de  Montpellier,  vient  de  créer,  à  Nice,  un  établissement  nouveau 
pour  cette  ville,  et  où  les  malades  que  la  beauté  du  climat  et  l'excel- 
lence de  l'air  attirent,  chaque  année,  dans  ce  pays,  trouveront  de  grands 
avantages.  Quatre  maisons,  pouvant  réunir  25  à  5o  familles,  ont  été 
affectées  à  cette  entreprise.  Cha((Ue  malade  y  trouvera  rexposilion  qui 
lui  est  la  plus  favorable,  et  pourra  jouir  de  la  promenade  dans  des  jar- 
dins d'orangers  spacieux,  qui  dépendent  de  l'établissement.  Un  docteur 
anglais  et  un  pharmacien  contribueront,  de  tout  leur  zèle  et  de  tous 
leurs  talens,  au  bien  de  cet  établissement.  Environné  des  soins  les  plus 
empressés,  le  malade  n'aura  pas  à  souffrir  de  la  moindre  négligence.  Les 
entrepreneurs  ont  en  outre  pris  des  mesures  pour  satisfaire  pleinement 
leurs  nouveaux  hôtes  dans  leurs  moindres  désirs. 

Naples.  —  Statistique. —  La  fojjulation  de  ce  royaume  qui,  à  l'épo- 
que du  5i  décembre  1821,  était  de  5,s5G,020  individus,  se  montait,  le 
5i  décembre  1822,  à  5,022,889,  dont  2,595,872  hommes  et  2,727,017 
femmes.  Augmentation  ,  66,869  individus. 

Gênes.  —Instruction  des  sourds-muets.  —  M.  Henri  Mayer,  retour- 
nant d'Italie  en  Allemagne,  a  voulu  donner  quelque  idée  des  progrès 
extraordinaires  que  l'établissement  des  sourds- muets  a  faits  à  Gênes , 
sous  la  direction  du  respectable  1'.  Azarroiti.  Ce  philosophe  bienfaisant , 


IXROPE.  227 

iiranf  parti  du  langage  que  chacun  des  sogrds-muets  s'était  formé  nalu- 
rtllement,  est  parvenu  à  leur  enseigner,  avec  une  rapidité  incroyable, 
les  langues  latine,  ilalicune,  française,  anglaise  et  espagnole;  lliisloire 
universelle  ancienne  et  moderne  ,  la  géographie,  l'algèbre  et  la  géomé- 
trie, les  élémens  de  l'astronomie  ,  la  mélaphj,ique  et  quelques  autres 
parties  de  la  philosophie  rationnelle;  la  religion,  et  les  arts  du  de-sin  et 
de  la  gravure.  Le  savent  voyageur  a  assisté  à  plusieurs  séances  où  le  P. 
Azairotti  a  bien  voulu  le  mettre  à  même  de  juger  du  développement  de 
ses  élèves.  Après  avoir  rendu  compte,  dans  sa  relation,  de  tout  ce  qu'il 
a  appris  à  cet  égard,  M.  Mayer  ajoute  quelques  considérations  philm- 
fropiqucssur  l'utilité  réelle  des  occupations  auxquelles  les  sourds-mucis 
devraient  se  borner.  11  voudrait  qu'on  en  fit  plutôt  des  artistes  habiles 
que  des  hommes  de  lettres  superficiels.  (  Voy.  l'^inthologie,  n»  xxxi, 
pag.  5o.) 

BoLOG^E.-Journaux.-Cenc  ville  s'était  distinguée  par  la  publication 
périodique  d'un  Recueil  d'Opuscules  scientifiques  et  littéraires,  qu'elle 
avait  donné  jusqu'à  iSao.  Elle  vient  de  reprendre  ce  travail,  aussi  hono- 
rable pour  ses  auteurs  qu'utile  pour  le  public,  sous  le  titre  de  :  Nuova  co(- 
Iczione,  etc.  {Nouvelle  coUection  d'Opuscules  scientifiques  et  littcraires) 
Chaque  volume  sera  suivi  d'une  Appendice  éiitio_graphique  et  critique, 
qui  rendra  compte  de  tous  les  ouvrages  publiés  dans  les  états  de  TÉglise^ 
x>u  appartenant  à  des  auteurs  de  ces  états.  On  a  distribué,  en  juillet^der- 
nier,  les  premières  livraisons  de  ce  savant  recueil.  Nous  informerons  nos 
lecteurs  de  ce  qu'il  contiendra  de  plus  intéressant ,  à  mesure  que  nous 
en  recevrons  les  livraisons.  Parmi  les  personnes  respectables  qui  pren- 
nent part  à  cette  entreprise,  on  compte  MM.   Bruni,  bibliothécaire  de 
l'Institut  de  Bologne;  F.  Orioli,  professeur  de  physique;  F.  Cardinali 
professeur  de  mathématiques;    F.  Tognetti,  etc.,  etc.  Ces  noms   soni 
sufGsans  pour  accréditer  le  journal  que  nous  venons  d'annoncer.  On  doit 
à  Bologne  une  autre  entreprise  à  la  fois  instructive  et  agréable ,  c'est 
une  BiMïothèque  universelle  de  vmsique,  intitulée  :  Po^mnm  europea. 
Elle  est  divisée  en  deux  parties  :  l'une  sera  historique  et  didactique ,  et 
l'autre  renfermera  des  notices  et  des  anecdotes  curieuses,  relatives  aux 
théâtres,  aux  artistes  et  à  leurs  ouvrages.  Elle  a   paru  en  juin,  et  conti- 
nuera à  donner  deux  Hvraisons  pyr  mois.  L'esprit  de  ce  journal  est  de 
concilier  la  musique,   et  ceux   qui  l'exercent,  avec  les  maximes  de  la 
morale  et  les  lumières  de  la  phiio>opbie,  comme  en  fait  preuve  la  sa- 
vante introduction  qui  le  précède.  F.  Salfi 

SxRDAJQye.— Antiquités.— Le  gouvernement  sarde  a  dernièrement 
fait  l'acquisition  de  la  grande  et  belle  collection  d'antiquités  égyptiennes, 


..8  EUROPE. 

qu'a  formée  M.  Drovetli,  et  dans  laqurllc  on  compte  12  à  i5  statues  as- 
sise», plusieurs  g.auds  sarcoi-hages,  beaucoup  de  pièc.  s  de  monnaies,  et 
une  quantité  de  petites  pièces.  Elle  a  été  payée  000,000  francs.  Vingt 
caisses,  qui  ne  contiennent  que  de  petits  objets,  sont  déjà  arrivée» 
à  Livourne.    {Kunst  Blatl.) 

GRÈCE. 

CoBfov.-L'U7iiversitédes  îles  Ioniennes  vient  d'être  déGnitiveraent 
établie  à  Corfou,  sous  la  direction  de  lord  Guilford ,  protecteur  des  let- 
tres et  ami  de  la  nation  grecque.  Parmi  les  professeurs  de  cette  univer- 
sité, on  distingue  M.  Bambas,  natif  de  Chios,  savant  ecclésiastique,  an- 
cien élève  de  l'Université  de  Paris;  M.  Asopios,  littérateur  plein  d'éru- 
dition; et  M.  Piccolo,  jeune  savant,  qui  va  commencer  sa  noble  carrière 
par  un  cours  de  philosophie  moderne.  Nous  avons  appris  avec  le  plus 
grand  plaisir  que  lord  Guilford  a  chargé  un  Grec  de  ses  amis,  à  Paris,  de 
hii  acheter  tous  les  bons  ouvrages  de  philosophie,  publiés  en  France;  ou- 
vrages dont  le  nombre  est  considérable,  et  qu'il  doit  offrir  a  M.  Piccolo 
à  titre  d'encouragement.   Ce  nouvel  acte  de  générosité  ,  de  la  part  de 
1  illustre  directeur,  ajoute  à  l'admiration  et  à  la  reconnaissance  de  tous 
les  cnfans  de  la  Grèce,  qui,  un  jour,  lui  élèveront  des  statues  pour  im- 
mortaliser le  souvenir  des  nombreux  bienfaits  qu'il  ne  cesse  de  verser, 
depuis  vingt  ans,  sur  l'antique  patrie  des  Muses.Voici  un  extrait  de  la  lettre 
de  lord  Guilford  à  son  ami  de  Paris  :  «  Connaissant  parf..ilcment ,   mon 
cher  monsieur  W.,  le  vif  intérêt  que  vous  prenez  à  notre  université,  j'ose 
vous  envoyer  la   liste  ci  jointe  des  livres  que  je  dois  offrir  a  M.  Piccolo, 
dont  le  cours  de  philosophie  commencera  au  mois  de  novembre  prochain: 
veuillez  bien  vous  charger  de  l'acquisition  de  ces  livres,  dont  le  mon- 
tant, à  ce  que  je  présume,  n'excède  pas  mes  forces;  et  agrée*  les  assu- 
rances de  la  vive  estime,,  etc.  Lord  Guilford  est  actuellement  à  Vienne; 
on  l'attend  ici  sous  peu,  et  l'on  se  prépare  à  le  recevoir  comme  un 

C.  N. 
père. 

Ile  de  Scio.  —  Culture  des  Lettres.  —Dans  V Anthologie  de  Florence 
(n°  xxxi)  on  trouve  une  lettre  d'un  grec,  ami  de  la  philosophie  et  de  son 
pays,  sur  la  prospérité  dont  jouissait  lîle  de  Scio,  et  sur  l'état  de  misère 
où  elle  vient  de  tomber.  11  est  affreux  d'avoir  vu  détruire  presque  enliè- 
xeraent  une  population  de  100,000  âmes,  au  moment  où  elle  n'avait 
commis  d'autre  crime  que  celui  de  se  placer  au  niveau  des  nations  les 
plu>  civilisées,  en  se  hviant  a  des  études  paisibles  et  utiles.  Une  biblio- 
thèque publique  riche  de  12,000  volumes;  des  écoles  de  littérature,  de 
phiiosoihie  et  de  sciences;  une  imprimerie;  plusieurs  autres  «lablisss- 


EUROPE.  22i> 

mens  d'instruction  et  de  bienfaisance,  faisaient  déjà  regarder  Scio  com- 
mv  !a  capitale  de  la  république  des  lellrcs  grecques.  Malheureusement, 
celle  population  ,  si  florissante  ,  est  aujourd'hui  réduite  à  8,000  malheu- 
reux. Mais  ce  qui  étonne  et  console  en  même  teras  ,  ces  restes  d'une  po- 
pulation dispersée,  ne  cessent  pas,  au  milieu  de  leurs  vicissitudes,  de 
concourir  à  l'édition  que  l'estimable  patriarche  de  la  littérature  grecque 
et  moderne,  M.  Coray,  avait  entreprise  des  ancitns  classiques  grecs;,  et 
le  dernier  volume  des  œuvres  d'Aristote  a  été  imprimé  aux  frais  des  ha- 
bitans  de  Scio.  F.  S. 

PORTUGAL. 

LisBosNE. — In.itrticlion  fuMiqne. — Le  gouvernement  vient  d'établir, 
à  Lisbonne,  dans  l'iiolel  de  la  monnaie,  deux  cours  publics,  l'un  de  phy- 
sique ,  l'autre  de  cliimie,  sous  la  direction  de  M.  MosinUo  Aliiuqucrquc^ 
qui  a  étudié  à  Paris,  où  il  a  suivi  les  cours  des  plus  savans  professeurs,  et 
où  il  a  fait  lui-même  un  cours  particulier,  l'année  dernière. 

— M.  Le  Coeq,  qui  a  été  envoyé  à  Paris  par  le  gouvernement  portugais, 
pour  étudier  Va  méthode  dVnseignemeijl  mutuel ,  et  pour  y  suivre  le 
cours  de  l'école  normale,  est  rappelé  en  Portugal,  où  il  doit  intro- 
duire la  méthode  nouvelle,  qui  est  déjà  appliquée  avec  succès  dans 
plusieurs  corps  de  troupes,  et  organiser  une  école  destinée  à  former  d«, 
b.ons  instituteurs  primaires.  A.  J. 

PAYS-BAS. 

Histoire  naiureUe. — Ossemens  fosslics. — On  a  découvert,  en  creusant 
le  canal  entre  Maestricbt  et  Bois-le-Duc,  dans  la  terre  glaise,  à  7  mètres  de 
profondeur,  reposant  presque  sur  le  gravier,  une  défense  d'éléphant  de 
1  met,  5o  cent,  de  longueur  et  11  centimètres  de  diamètre;  à  quelque 
distance  de  là ,  on  a  trouvé  une  autre  défense  ayant  plus  de  1  met.  j5  c. 
de  longueur  et  i5  cent,  de  diamètre.  Ces  deux  défenses  ont  une  double 
courbures  et  conservaient  même  une  espèce  de  racine  qui,  cependant, 
n'a  pu  être  retirée  entière,  à  cause  de  son  état  de  dépérissement.  Ces  dé- 
fenses ne  sont  point  pétrifiées  comme  les  objets  que  l'on  trouve  dans 
le  terrain  calcaire  de  Saint-Pierre:  elles  étaient  humides,  et  l'une  sem- 
blait entièrement  changée  en  craie  ;  dans  l'intérieur  est  une  graisse  as- 
sez fraîche,  ressemblant  au  spermaceti  ou  au  cérat. — On  a,  de  plus,  re- 
cueilli une  mâchoire  inférieure  d'éléphant  avec  deux  dents  molaires  com- 
plètes ,  et  deux  autres  dents  qui  semblent  repousser  les  premières.  Celle 
mâchoire  triangulaire  a  environ  4o  cent,  de  longueur  sur  ch.ique  côléj 


a5o  EUROPE. 

trouvée  comme  les  autres  débris  dans  la  lerrc  glaise  ,  elle  n'est  égale- 
ment point  pétrifiée,  mais  seulement  conservée. — Enfin,  la  découverte 
comprend  encore  quantité  d'os  informes,  d'une  dimension  énorme,  qui 
étaient  autsi  tendres  que  la  terre  qui  les  entourait.  Quelques-uns  que 
l'on  a  recueillis  se  sont  durcis,  entre  autres  une  omoplate,  un  vertèbre 
de  l'épine  dorsale,  des  côtes,  quelques  dents  molaires  de  différentes 
grandeurs,  ayant  évidemment  appartenu  à  des  individus  différens.  On 
a  reconnu  dans  ces  ossemens  des  traînées  d'un  rouge  foncé  tirant  sur  le 
sang,  parsemé  de  globules  que  Ion  croit  métalliques.  Ces  ossemens  pour- 
raient être  soumis  à  une  analyse  fort  curieuse.  On  a  trouvé  aussi,  dans 
le  gravier,  quelques  oursins,  des  dénis  de  sanglier,  des  cornes  de  cerf 
et  quelques  coraux.  Le  gouvernement  s'est  réservé  la  propriété  de  toutes 
les  antiquités  dont  la  fouille  du  nouveau  canal  pourrait  amener  la  dé- 
couverte. "• 

(N.  D.  R.)  Les  os  trouvés  dans  un  état  de  mollesse  aussi  complet,  ne 
seraient-ils  pas  déjà  convertis  en  adypociro,  comme  plusieurs  de  ceux 
qui  ont  été  retirés  des  anciens  cimetières  de  Paris?  Nous  n'avons  pas 
assez  de  détails  pour  résoudre  cette  question,  que  nous  soumettons  aux 
Sùvans  belges. 

LuxEMBuuBG.  —  Société  d'encouragement  four  l'instruction  élémen- 
taire. —  Lorsque  le  jury  d'instruction  fut  établi  à  Luxembourg,  en 
1817,  il  ne  tarda  pas  à  s'apercevoir  qu'il  existait  un  vice  dans  l'ensei- 
gnement, et  que  ce  vice  provenait  surtout  du  défaut  d'instruction  dans 
les  instituteurs.  Il  fonda  dès-lois  une  Ecole  normale,  de  concert  avec 
MM.  les  professeurs  de l'Atbénée  et  quelques  autres  amis  du  bien  public, 
qui  se  chargèrent  de  donner  des  Kçons  aux  personnes  qui  voudraient  se 
préparer  à  l'enseignement.  Le  premier  cours  de  cette  école  eut  lieu, 
en  1818,  et  il  se  fit  avec  un  tel  succès,  il  produisit  à  la  fois  tant  d'avan- 
tages et  d'émulation,  que  lu  jury  ne  put  se  dispenser  de  recourir  à  de 
plus  grands  moyens  pour  entretenir  cet  utile  établissement.  11  provoqua 
à  cet  effet  une  assemblée  des  babitans  les  plus  connus  par  leur  atlacbe- 
meut  à  l'inslruclidn  publique;  et  aussitôt  il  se  forma  dans  le  sein  de 
cette  assemblée  une  Société  d'encouragement  pour  l'instruction  élémen- 
taire dans  le  grdnd-duché  de  Luxembourg.  Cette  société  s'étendit  bicn- 
tôi  sur  tous  les  points  de  la  province;  dès  le  premier  mois  do  son  éta- 
blissement elle  eut  un  grand  nombre  de  souscripteurs.  Elle  arrêta  bien- 
tôt im  règlement  pour  consolider  son  existence,  et  depuis,  l'Ecole  nor- 
male n'a  fait  que  prospérer  de  plus  en  plus.  On  y  comptait  en  1S22 
au-de  à  de  160  élèves.  Elle  se  compose  de  deux  cours,  l'un  pour  les 
instituteurs  français,  l'autre  pour  les  instituteurs  allemands.   Les  ma- 


Et  R  OPE.  aôi 

tiôrcs  de  l'enseignement  sont  les  principes  de  la  musique  et  du  chant; 
la  grummaire,  la  géog^rapliie  ,  rhisloito  ,  l'écriture,  l'arithmétique ,  la 
morale  et  l'art  d'enseigner.  On  a  réuni  à  ces  différens  cours  des  leçons 
d^économie  rurale  et  de  botanique.  Pour  conlribucr  d'une  manière 
plus  active  encore  au  progrès  de  l'inslruction  élémentaire ,  le  jury  a 
nommé  160  correspondans,  choisis  .-.ur  les  différens  points  du  g.aiid- 
duché.  Lis  correspondans  sont  chargés  de  visiter  les  écoles  de  toutes 
les  communes,  et  de  rendre  compte  d<'  leur  situation.  Du  reste,  le 
jury  d'instruction  et  la  Société  d'encouragement  ne  protègent  pas  ex- 
clusivemi'nt  tel  ou  tel  mo  le  d'enseignement  ;  ils  encouragent  tc)us  les 
modes  qui  ont  pour  objet  d'amener  des  améliorations,  selon  les  re^sour- 
c<'s  locales,  mais  ils  éclairent  lis  inslituteors  et  les  ariministralions  com- 
munales sur  le  raeilkur  choix  à  faire  parmi  ces  divers  modes.  Par  exem- 
ple, l'enseignement  de  l'Ecole  modèle  est  un  composé  de  l'enseignement 
mutuel  et  de  l'enseignement  simultané;  et  il  a  pour  objet  d'offrir  ce  qui 
|>arait  le  mieux  dans  l'une  et  l'autre  méthodes.  Il  n'y  a  dans  h-  grand- 
duché  qu'une  seule  école  où  l'enseignement  mutuel  soit  suivi  exclusive- 
ment ,  c'est  l'Ecole  des  garçons  pauvres  de  Luxembourg.  Celte  école 
compte,  pendiint  l'hiver,  i5o  À  160  élèves,  et  à  peu  près  la  moitié  de  ce 
nombre  pendant  l'été.  Dans  les  autres  parties  de  la  Belj^ique,  on  ne 
s  occupe  pas  avec  moins  d'actiiité  h  répandre  les  lumières  dans  les  der- 
niers rangs  de  la  société ,  et  celle  heureuse  impulsion  est  surtout  secon- 
dée parle  minisire  (M.  de  Falck) ,  auquel  sont  confiées  les  différentes 
branches  de  l'enseignement.  Q. 

FRANCE. 

Côte-d'()«.  —  Saktbnai.  —  Fontaine  mincraie  d'eau  suive.  —  Il  existe 
à  Saotenai,  petit  bourg  situé  au  pied  de  la  montagne  d'Urseile  (i5  ki- 
lom.  sjd-oucst  de  Beaune)  une  source  d'eau  salée.  Celte  source  est  à  5oo 
pas  de  la  rive  gauche  de  laDclume,  dans  un  petit  pré  d'un  mauvais 
rapport ,  où  elle  forme  une  espèce  d'excavation  dans  laquelle  l'eau  sé- 
journe presque  toute  l'année.  Le  rol<'au  au  bas  duqi:el  elle  coule  tran- 
quillement, fait  partie  de  celle  chaîne  de  montagnes,  plus  connues  par 
les  vins  exquis  qu'elle  produit  que  par  ses  richesses  minérales.  Depuis 
quelques  années  ,  des  médecins  de  Châlons-sur-Saône,  et  MM.  les  doc- 
leurs  Bard ,  Montot  et  Masson ,  de  Beaune,  ayant  c-sayé  el  obtenu  de 
bons  effets  de  l'eau  de  Sanlenai,  l'ont  conseillée.  Le  nombre  de  person- 
nes qui  eu  ont  fait  usage  auguienlaul  tous  les  ans  a  éveillé  l'altenlion 
du  propriétaire,  qui  a  pensé  qu'il  pouvait  tirer  un  parti  avantageux  de 


23a  EUROPE. 

cette  fontaine.  11  a  fait  nétoyer  etagrandir  le  bassin,  qu'il  a  entouré  d'une 
clôture  ;  plus  de  5oo  pcisonnes  ont  visité  ces  eaux  ,  en  1822.  M.  Masson- 
Four,  pharmacien  de  Dijon,  a  été  chargé  par  l'acadétnie  des  sciences, 
de  celte  ville,  dont  il  est  membre,  d'aualjser  l'eau  de  Santenai.  Son 
travail,  qui  est  fort  intéressant,  est  consigné  dans  le  bulletin  des  tra- 
vaux de  la  Société  de  pharmacie  de  Paris.  [Journal  de  'pharmacie,  juil- 
let it  août  1825  ,  pag.  559  à  Sôg).  11  se  termine  ainsi  :  «  L'eau  de  San- 
tenai se  trouve  naturellement  classée  dans  les  eaux  salines  froides  et  non 
gaziuses.  Elle  doit  une  grande  partie  de  ses  propriétés  médicales  au 
chlorure  de  sodium  et  au  sulfate  de  soude,  qui  sont  en  assez  grande  quan- 
tité pour  être  exploités,  en  cas  de  b(Soin,  d'après  les  procédés  usités  en 
Franche-Comté  et  en  Lorraine.  11  est  probable  que  cette  fontaine  tire 
son  origiiîe  d'une  mine  de  sel  gemme  qu'on  découvrira  peut-être  un 
jour  dans  les  environs  de  Santenai.  M.  Masson-Four  engage  le  proprié- 
taire a  tirir  parti  de  ce  don  de  la  nature.  11  pense  qu'en  retenant  les 
eaux  de  la  nouice  dans  un  bassin  assez  vaste,  elle  fournirait  de  quoi  ali- 
mente/ des  bains  qui  remplaceraient  ceux  de  mer,  en  les  chauffante 
la  vapeur,  suivant  le  procédé  de  M.  Valdini.  Celte  eau,  ajoute-t-il ,  n'é- 
prouve aucune  décomposition;  on  augmenterait  au  besoin  son  eflBcacité 
par  l'addition  du  sullale  alcalin,  ce  qui  la  rendrait  très-ulile  dans  un 
grand  nombre  d'affections  de  la  peau.  0  B.  G. 

Aude. — Dessccitement  des  marais. — Réclamation  adressée  à  la  Revue 
par  un  de  ses  abonnés. —  «  Votre  cahier  du  mois  d'août  contient  untî  er- 
reur que  Vous  me  permettrez  sans  doute  de  vous  fiiire  connaître.  Eo 
rendant  (omple  de  l'ouvrage  de  M.  Julia,  sur  l'i'ir  marécageux,  M.  B. 
dit  en  note  (p.  5o8)  :  L'auteur  aurait  pu  parier  du  travail  excculé  au 
corumenccvient  du  siècle  dernier,  par  lequel  on  a  coynblc  l'ctang  des 
Marseillttlts ,  vaste  murais  près  de  l'Aude,  dans  le  département  de  ce 
nom,  etc. —  L'étang  des  Marseillettes  n'a  pas  été  comblé;  il  ne  pourrait 
pas  l'être,  et  ou  ne  l'a  pas  tenté;  l'Aude  est  au-dessous,  et  le  canal  du 
Midi  entre  deux.  On  ne  pouvait  donc  y  former  des  attérissemens  ;  mais 
pluji'  urn  foi.^  on  a  essayé  de  dessécher  cet  immense  réservoir,  dont  la 
superlicie  était  de  près  de  6  millions  de  toises  carrées.  Les  clals  du  Lan- 
guedoc ont  plus  d'une  fois  provoqué  l'exécution  de  cette  entreprise, 
pour  laquelle  ils  ont  donné  des  sommes  considérables.  M.  de  Garipuy, 
directeur-général  des  travaux  de  la  province ,  est  le  dernier  qui  s'en  soit 
occupé  avant  la  révolution,  et  sans  succès;  mais  depuis,  une  dame 
étrangère,  que  je  crois  hollandaise,  n'a  pas  été  effrayée  des  difficultés: 
elle  est  parvenue  à  dessécher  l'étang  en  pratiquant  un  canal  d'écoule- 
ment, pour  le  passage  duquel  l'administration  du  canal  a  fait  construire 


EUROPE.  •>^5 

un  aqueduc,  qui  fail  le  plus  grand  honneur  à  feu  M.  de  l'Espinasse ,  in- 
génieur chargé  de  la  conduite  des  travaux.  Madame a  lait  élever 

un  grand  nombre  de  bâlimens  d'exploitation,  et  mis  en  culture  la  pres- 
que totalité  de  rétang,  dont  les  produits  sont  prodigieux.  Mais  il  est  à 
craindre  que,  dans  les  parties  supérieures  surtout,  le  manque  d'eau  ne 
nuise  beaucoup  aux  cultures  et  aux  bestiaux ,  et  que  la  magnifique  en- 
treprise du  dessèchement  d'un  aussi  vaste  terrain  ne  trompe  les  espé- 
rances des  intéressés.  La  voie  des  attérissemens  indiquée  par  M.  B.  est 
employée  depuis  longtcms  pour  diminuer  au  moins  l'étendue  de  l'étang 
de  Capeslang  ,  et  pour  combler  l'étang  salin  situé  au-dessous  de  Narbon- 
ne.  Quatre  canaux  dérivés  de  la  livitre  d'Aude,  ont  été  construits  pour 
amener  les  eaux  troubles  de  cette  rivière.  C'est  aux  états  du  Languedoc 
que  la  province  eu  a  été  redevable.  J'ignore  dans  quel  état  ils  sont  au- 
jourd'hui.        J'ai  l'honneur,  etc.  Un  abonné  du  la  Revue.  » 

Sociétés  savantes  et  établissemens  d'utilité  pnhlique. 

Bordeaux  (Gironde).— Société  royale  de  médecine.  — Séance  fuMiquc 
</u  3o  août  iH 20.— La  Société  avait  annoncé  ,  dans  son  programme  de 
1821,  qu'elle  décernerait,  dans  la  séance  de  ce  jour,  un  prix  de  la  va- 
leur de  ."Joc  fr.,  à  l'auteur  du  mémoire  qui  aurait  traité,  d'une  manière 
satisfaisante,  la  question  suivante  :  «  Déterminer  la  nature,  le?  différen- 
ces ,  les  causes  ,  les  signes  et  le  traitement  de  la  maladie  appelée  œdème 
des  poumons.  »  —Le  mémoire  n"  2,  écrit  avec  méthode,  offre  cependant 
plusieurs  imperfections  dans  le  style,  et  la  théorie  de  l'auteur  est  trop 
exclusive.  Néanmoins  ,  la  Société  a  reconnu  un  mérite  réel  dans  ce  mé- 
moire; elle  a  décidé  qu'en  témoignage  de  sa  satisfaction,  elle  décerne- 
rait ,  dans  la  séance  de  ce  jour,  une  médaille  d'or  de  la  valeur  de  ion  fr., 
à  l'auteur,  M.  le  docteur  J.  B.  Montfalcon,  médecin  à  Lyon.  — Cette 
question  est  retirée  du  concours.— La  Société  a  décerné  un  jeton  d'or  de 
5o  fr.  à  M.  Ladevèse,  médecin  à  Bordeaux,  auteur  d'un  mémoire  sur 
celle  question,  qu'elle  retire  du  concours  :  «  Quelles  sont  les  maladies 
qui  régnent  le  plus  communément  dans  le  département  de  la  Gironde? 
En  établir  les  causes,  et  les  moyens  de  les  prévenir.» — La  Société  pro- 
pose 1°  un  prix  de3oo  fr.,  four  1824,  à  l'auteur  du  meilleur  mémoire  sur 
cette  question  :  «  Existe-t  il  des  maladies  dans  lesquelles  les  propriétés 
vitales  soient  lésées  seulement,  sans  altération  des  tissus  organiques? 
(]cs  maladies  peuvent-elles  être  reconnues  et  démontrées  par  des  carac- 
tères positifs,  et  confirmées  ultérieurement  par  l'ouverture  des  cada- 
vres? »— 2°   Pour  1825,  un  prix  de  5oo  fr.,  à  l'auteur  du  mémoire  qui 


''3|  EUROPE. 

résoudra  le  miiux  la  question  suivanle  :  «  Peut-on  se  permettre  d'injec- 
ter des  substances  médicamenteuses  dans  le  système  veineux  de  l'homme? 
Quels  sont  les  laédicamens  qu'on  peut  introduire  dans  l'économie  ani- 
male par  cette  voie?  et  quelles  peuvent  èîre  les  maladies  qui  exigent  ce 
mode  de  médication  ?  »  —  Depuis  sa  dernière  séance  puLlique  la  Sociélé 
a  reçu  plusieurs  ouvrages,  parmi  lesquels  elle  a  distingué  un  mémoire 
ayant  pour  titre  :  Influence  de  l'estomac  sur  la  jrroduction  de  l'apo- 
plexie, dont  l'auteur  est  M.  le  docteur  Kichoad,  médecin  à  Strasbourg, 
son  correspondant.— La  Sociélé  lui  décerne  une  médaille  d'or.  Elle  ac- 
corde une  mention  honorable,  i«  à  un  anonyme,  pour  son  mémoire  sur 
l'iniantlclde;  2°  à  M.  le  docteur  Blondcau,  médecin  à  Cadillac ,  corres- 
pondant de  la  Société  de  Bordeaux,  pour  un  mémoire  sur  le  Tipluis,  ob- 
servé dan,  les  cantons  de  Cadillac  et  de  Jargon  (Gironde)  pendant  le  der- 
nier semestre  de  l'an  1S22  ;  5.»  à  M.  le  docteur  Montagnon  ,  médecin  à. 
INîmes,  correspondant  de  la  Société,  pour  un  mémoire  sur  les  affections 
nerveuses.— La  Société  a  reçu  cette  année  plusieurs  tableaux  de  vaccina- 
tions,qui  ne  lui  ont  pas  parumériter  de  récompense;  elle  .-c  plaît, cepen- 
dant, à  louer  le  zélé  de  leurs  auteurs.— La  compagnie  promet  de  décerner 
des  médailles  d'arj^ent  aux  praticiens  de  ce  département  qui,  dans  le  cou- 
rant de  l'année,  lui  enverront  de  nouveaux  tableaux ,  en  se  conformant 
aux  conditions  suivantes  :  a  Les  tableaux  dûment  légalisés,  doivent  ren- 
fermer le  nom  ,  le  prénom  ,  l'âge,  le  sexe,  l'état  des  enfans  vaccinés,  et 
les  observations  intéressantes  à  recueillir.  » —  Les  mémoires  écrits  en 
latin  ou  en  français,  doivent  être  envoyés  chez  M.  Dupuch  -  Lapointe  , 
secrétaire-général  de  la  Sociélé,  rue  des  Trois-Conils,  n"  9,  avant  le 
i5  juin. 

TotLorsK  {Haute-Garonne).  —  Académie  royale  des  sciences,  ins- 
criptions et  belles-lettres. — Prix  proposés  pour  les  années  1824,  182.5, 
1826.— L'Académie  avait  proposé  pour  sujet  de  prix  à  adjuger  en  182J  : 
une  théorie  physico-mathématique  des  pompes  aspirantes  et  foulantes, 
faisant  connaître  le  rapport  entre  la  force  motrice  employée  et /a  çîian- 
tité  d'eau  réellement  élevée  (la  liauleur  de  l'clévation  étaiit  connue),  en 
ayant  égard  à  tous  les  obstacles  que  la  force  peut  avoir  à  vaincre.  Celte 
théorie  doit  être  basée  sur  des  expériences  positives,  et  les  formules  qui 
en  seront  déduites  doivent  être  faciles  à  employer  dans  la  pratique.  Les 
mémoires  qur-  l'Académie  a  reçus  sur  cet  objet  n'ayant  pas  entièrement 
reinpli  les  conditions  du  programme,  elle  donne  encore  celte  même 
question  pour  le  sujet  du  prix  à  distribuer  en  1826,  et  elle  double  la  va- 
leur de  ce  prix,  lequel  consistera  ainsi  en  une  médaille  d'or  de  mille 
francs.— Elle  continue,  pour  sujet  du  prix  qu'elle  doit,  donner  en  182^, 


LUROPE.  2)j 

et  qui  consisltra  on  une  médaille  de  la  valeur  de  5oo  fiancSj  les  ques- 
tions suivantes:  i»  Déltriiiinei  par  des  observations  comparatives  les  cas 
où  l'emploi  des  sels  à  base  de  quinine  est  aussi  avantageux  que  celui  du 
quinquina.  2°  Désigner  les  cas  où  il  mérite  la  préférence.— Elle  propose, 
pour  sujet  du  ])rix  à  adjuger  en  1S2Ô,  la  question  suivante:  Piul-on  se 
flatter,  sans  l'étude  des  langues  anciennes,  d'être  mis  au  rang  des  bons 
écrivains?  El,  dans  le  cas  où  l'on  soutiendrait  la  négative,  l'élude  de  la 
langue  latine  peut-elle  suppléer  à  l'élude  de  toute  aulie?  Le  piixsera, 
selon  l'usage,  de  Soo  francs.  Les  Sdvans  de  tous  les  pays  sont  invités  à 
travailler  sur  les  sujels  proposés.  Les  auteurs  sont  priés  d'écrire  en  fran- 
çais ou  en  lalin.  Ils  adresseront  les  lettres  et  paquets  à  M.  d'Aubuisson 
de  Voisins,  ingénieur  en  chef  des  Mines,  secrélaire  perpétuel  de  l'Acadé- 
mie. Les  mémoires  ne  seront  reçus  que  jusqu'au  1''  mai  de  chacune  des 
années  pour  lesquelles  le  concours  est  ouvert. 

Cambru  {\ord').  —  La  Sociale  d'émulation  a  proposé  ,  pour  sujet  du 
prix  d'éloquence  à  décerner  en  i8v4,  VÉlopc  historique  du  cardinal 
Pierre  d' A illi/,  évèque  de  Cambrai  au  xv^  siècle.— Le  sujet  du  prix  de 
poésie  est  laissé  au  choix  des  concurrens,  et  sira  décerné  à  l'ouvrage 
inédit  de  cent  à  deux  cents  vers ,  qui ,  sous  tous  les  rapports  ,  sera  juge 
le  meilleur.  Le  prix  d'éloquence  consistera  en  une  médaille  d'or  de  la 
valeur  de  200  fr.  ;  celui  de  poésie  sera  une  lyre  en  argeni  de  même  va- 
leur. Les  ouvrages  devront  être  adressés,  avant  le  r>o  juin  i824)  à  M. 
Leglay  ,  secrélaire  perpétuel. 

Lyon  {Rhône).  —V Académie  des  sciences  de  celte  ville  a  décerné 
une  médaille  d'or,  de  la  valeur  de  5oo  fr.,  à  M.  Monialcon  ,  médecin 
à  Lyon  ,  auteur  d'une  dissertation  sur  celte  question,  mise  au  concours 
en  1822  :  De  l'influence  des  cmanations  marccai)cuses  sur  l'organisme. 
Ce  médecin  vient  d'obtenir  un  succès  semblable  a  Bordeaux.  (  T'oy. 
ci-dessus,  pag.  2Ôô}.  Dans  l'espace  de  dix  mois,  M,  Moufaleon  a  reçu 
trois  prixj  deux  médailles  d'or,  et  les  diplômes  de  membre  des  Aca- 
démies et  Sociétés  royides  des  sciences  de  Dijon,  Mâcon,  Nancy^  Bou- 
logne, Nantes,  de  la  plupart  des  Snciélés  de  médecine  de  la  France, 
et  lie  plufieuis  compagnies  savantes  étrangères.  Il  est  l'un  des  au- 
teurs du  Dictionnaire  des  sciences  mcdicalcs  ,  du  Journal  complé- 
mentaire, de  la  Biographie  médicale,  et  a  donné  plusieurs  articles 
à  la  nouvelle  Biographie  des  contemporains,  entre  autres  les  noUces 
sur  Barthez  et  sur  M.  Broussais.  —  La  Société  a  décerné  ,  à  M.  Alo- 
reau  de  Jonnés ,  le  prix  de  :!,ooo  fr.  qu'elle  avait  proposé  pour  le  meil- 
leur Mémoire  sur  cette  question  :  «  Quels  seraient  tes  meilleurs  moyens 
à  employer,  soit  dans  le  rcjime  actuel  des  colonies,  soit  dans  la  fonda- 


2"6  EUROPE. 

tien  de  cohnîes  nonveUes,  foxtr  rendre  ces  ctaUissemens  ie  plusutHes. 
à<vxmémes  tl  uujc  nulrojjoles  y,>  L'Académie  propose  une  médaille 
d'or  de  bvu  h.,  pour  une  pièce  de  vers  sur  le  siège  de  Ljon  en  1793, 
et  un  autre  m.'<J..ille  de  la  même  valeur  pour  un  Mémoire  sur  celle 
qnesiin,.  :  .  Trouver  moyen  de  decreusir  comjdctement  ia  soie  sans  l'é- 
nerver et  sans  employer  le  suvon  ni  aucune  autre  substuncc  alcaline.  » 
Lis  ouvrages  devront  èlre  adressés,  franc  d.-  port,  avant  le  3o  juin  1S24, 
a  ^;.  Mollet,  ou  à  M.  Dumas,  secrétaires,  ou  à  tout  autre  membre  de 
rAeadéinic.  y 

PARIS. 

Institct.  —  académie  des  sciences.  —  Mois  de  seplemire.  —  Séance 
du  i".  —  M.  Turban  éciit  sur  une  macliine  qui  a  pour  objet  de  sauver 
les  personnes  renfirmées  dans  les   maisons  incendiées.   (  Renvoyé  aux 
commissaires  déjà  nommés.)  —  Ou  donne  lecture  d'une  lettre  de  M»'« 
Soj.hie  Germain,  concernant  les  expériences  de  M.   W-atstone  sur  les 
vibrations  des  flaques  métalliques.  (MAI.  Fourier  el  Arago,  commis- 
saires.) —  Au  nom  d'une  commission  ,  M.  de  Ros:<el  fait  un  rapport  con- 
cernant Id  demande  du  minisire  de  l'intérieur,  qui  a  pour  objet  de  con- 
naître exactement  les  distances  de  Paris  à  Bastia  et  a  Ajaccio.  Les  résul- 
tats des  nouveaux  calculs  ont  di.nné  les  quantités  suivantes  :  De  Paris  à 
Marseille,  65.77  my.iamèlres  (168,7  lieues  de  2000'}  ;  de  Paris  à  Bastia, 
87,66  myriamèlres  (29.4,9  ''f'^s)  ;  de  Paris  a  Ajaccio,  91,6  myriamètres 
(a35,o  lieues)  :   de  Paris  à  Toulon  ,  86,5  myriamètres  (221,86  lieues)  ; 
de  Toulon  à  Bastia,  par  Tolare  ,   ^2,78  myriamètres  (81, Sfi  lieues)  ;    de 
Toulon  à  Ajaccio,  a6,S  myriamètres  (6'S82  lieues).  Il  laut  ajouter  que 
la  plus  courte  durée  de  la  traversée  de  Toulon  à  Bastia  ou  à  Ajaceio  n'est 
pns  de  2  jours  entiers;   la  plus  longue  durée  est  évaluée  à  8  ou  10  jours  : 
amsi  I.  terme  moyen  est  de  \  ou  5  jours.  —  M.  Dureau  Delaraalle,  de 
l'Académie  des  inscriptions,   lit  un   Mémoire  sur  cette  question   :   La 
succession  atternalivc  dans  la  reproduction  des  espèces  végétales  vivan- 
tes en  société,  est-elle  une  loi  de  la  nature?  —  M.  le  général  Rlein  lit 
un  Mémoire  intitulé  :  Recherches  sur  la  nature  de  la  courhe  décrite  par 
une  corde  sonore  en  vibration  ,  et  sur  ia  détermination  de  quelques  uns 
de  ses  points  d'inflexion.  (Commissaires  déjà  no.iimés.  )  —  M.  Giliet- 
Laumont   lit  une   note  sur  la  germination  particulière  des  graines   de 
plwrmium  tcnax  en  France  ,  et  sur  qu  Iques  essais  des  produits  de  cette 
plante.  —  M.  C.  Hestiolis  lit,  en  son  nom  et  au  nom  du  docteur  Liebig, 
un  Mémoire  sur  ia  composition  chimique-  des  osscmens  fossiku.   (  MM. 
Vaiiqufjjin  et  d'Arcei ,  commissaires.)  —  M.  Ampère  communique  une 


EUROPE.  a"^? 

addition  au  Mémoire  de  M.  Foex  sur  la  thcorie  des  paraUrles.  (MM. 
Caucby  e.  Ampère,  commissaires.)  -  On  lit  un  Mémoire  de  M.Marcel 
de  Sem-s,  intitulé  :  Observations  sur  tes  ossemens  humains  duouverts 
dans  tes  crevasses  des  terYains  seeorulaires ,  et  en  particulier  sur  ceux 
gue  l'on  observe  dans  la  caverne  de,  Durforl,  département  du  Gard. 
(MM.  Brongniart  et  Cordier,  commissaires.) 

_  /),i  8  —M.  Chantcau  adresse  un  projcl  de  canaux  de  glace,  pour 
le  transport  des  marchandises  pendant  l'hiver.  (  MM.  Prony,  Girard  et 
Frcsnel,  commissaircs.)-Un  mémoVe  de  M.  Picquet.  sous-chel  a  1  en- 
seignement des  ans  et  métiers  de  Châlons,  est  renvoyé  à  l'examen  de 
MM.  Fresnel  ,  Mathieu  et  Dupin.-M.  Delaplace  présente  un  memoue 
sur  le  flus  et  le  refius  de  la  mer.  -  M.  Poisson  donne  l'énonce  des  prm- 
cipaus  théorème,  qui  entreront  dans  un  travail  qu'il  préparc  sur  le  ma- 
gnétisme.-M.  Cuvier  lit  un  mémoire  sur  les  cétacées  fossiles.  -M.  Ro- 
che présente  un  mémoire  destiné  à  compléter  la  méthode  de.,  fnax.ma 
et  des  minima.  (  MM.  Lacroix  et  Ampère,  commissaires.) 

—  Du  i5.  — Le  ministre  de  l'inlérieur  adresse  a  l'Académie,  les  ex- 
plications et  dessins  relatifs  au  métnoire  de   géométrie  envoyé   précé- 
demment par  M.  Allais,  secrétaire  de  l'Académie  royale  de  France,  a 
Rome.  (MM.  Ampère  etCauchy,  commissaires.)-M.  Bourgeois  adresse 
un  deuxième  mémoire  sur  les  ref rang iUlités  diverses  de  la  lumière  et 
des  couleurs,  faisant  suite  d  un  premier  qu'il  a  présenté  le  4  deccm- 
tre  1821.  (  MM.   Biot,  Ampère  et  Fresnel,  commissaires.)— M.  Boze, 
peintre ,  adresse  un  mémoire  sur  une  nouvelle  manière  d'atteler  les 
chevaux  d'une  voiture.  (MM.  Molard  et  Girar4,  commissaires,) -MM. 
BBAco^N0x,  de  Nancy,  et  Hatcheit,  de  Londres,  sont  nomn.es  corres, 
pondans  de  la  section  de  chimie.- M.  Dulong  lit,  au  nom  de  M.  The- 
nard  et  au  sien  ,  une  note  relative  d  ta  propriété  que  possèdent  quelques 
métaux  de  faciliter  la  combinaison  des  fluides  élastiques. -M.  Arago 
annonce  que  M.  Becquerel  a  commencé  à  former  une  table  d'affin.té  , 
d'après  le  développement  d'électricité,  qui  se  manifeste  au  moment  de  la 
combinaison  des  corps.  Jusqu'ici  ses   résultats  sont  d'accord  avec  ceux 
que  les  chimistes  ont  déduits  des  phénomènes  de  double  décomposition. 
_  M.  Flourens  lit  un  mémoire  concernant  <<-«  propriétés  et  les  fondions 
des  diverses  parties  de  la  masse  cérébrale  ,  et  il  expose  les  résultais  de* 
expériences  qu'il  a  faites  sur  celte  matière.   11   annonce  un  second  mé- 
moire, dans  lequel  il  traite  de  l'action  du  système  nerveux  dans  les  mon- 
vemens  dits  involontaires  ou  de  conservation.  —  M.  Seguin,  aîoé,  com- 
munique l'extrait  d'une   notice  sur  les  ponts  suspendus  en  fil  de  fer. 
(MM.  Prony,  Girard  ,  Fresnel  et  Molard  ,  commissaires.)— M.  Laugier 


^''^  EUROPE. 

m  un  mén^oire  intîlulé  :  Analyse  de  la  mine  d' l  rane  d^Autun.  (MM. 
lauqueUn  c.  Oa^-Lu.,.c,  co™,„i.aire..)-M.  de  Prony  fait  un  rapport 
surleM.rno.roae  M.  Pecqueur,  chef  dos  nrdîers  du  Coosc-rvn.olre  des 
an.  et  meuers  ,  relatif  a  une  mahodc  .en^raU  de  calculer  les  rouages. 

Du  ..         M.  le  cl.val.er  de  Kirkhof  adresse  son  Hygiène  .niiitaire 

(An.e,s,  uS.o),  et  exprime  le  désir  d'é.re  nommd  correspondant.  Sa 

demanoees.  renvoyée  à  la  section  de  médecine.   M.  Pcrcy  est  invité 

a  fa.re  un  rapport  verbal  sur  son  ouvrage.  -  M.  Thénard  entretient 

Acaden^e  des  nouvelles  expériences  qu'il  vient  de  faire  avec  M.  Du- 

long    concernant  i'uction  du  palladium,  du  rodiun. ,  et  de  l'iridium, 

sen^blable  a  celle  du  platine  sur  le  gaz  hydrogène.  Le  palladium  et  le 

rod.um  rouissent,  comme  le  platine,  an  contact  avec  un  mélan.e  d'hy- 

drogea.et  doxigène;  l'iridium  s'échauffe  fo.tement,  à  la  température 

ordn.a,re;    1  ormi.m  chauffé  d'avance  rougit  ;  le  nikel  et  le  cobalt  ne 

de.crm.neat  la  <  omb.naison  qu'à  ÔOo  degrés  de  chaleur  environ  ;  enfin, 

le  protox.de  d'azote  est  décomposé  à  froid   par  le  platine  spongieux.  _ 

M.  Sarrusauressedes  recherches  sur  lemouvcmentdesfluides(MM.Poi.- 
soo  et  Cauchy,  commls.ai.es).  -  M.  Serres,  médecin  à  l'hôpital  de  Ja 
Fme,   recl.me   la  p.io.ite  de  la  découverte  de  l'action  croisée  du  cer- 
velet ,  qu.l  a   publiée  depuis  long-tems,  et  présente  un  paquet  ca- 
cheté contenant  des  expériences  sur  le  même  sujet,    dont  il  demande 
le   dépôt  au  secrétariat.  _  MM.   Desfontaines  et   Mirbel  font  un  rap- 
port sur  le  mémoire  de  M.  Fée,  intitulé  :  Essai  sur  les  erypto.ames 
deseeoreesoinanales.  .  x^..us  pensons,  dit  en  terminant  le  rappjrteur, 
que  le  travail  de  M.   ree   est  digne  de  l'approbation  de   l'Académie. 
Si  nous  n'en  proposons  pas  l'insertion  dans  le  recueil  de»  savans  élran- 
ge.s,  cest  q..'.l  est  trop  volumineux  pour  y  être  publié,  et  que  l'au- 
teur se   prf.[,ose   de  l'imprimer  incessamment.  „   _  M\I.  Faraday  et 
STBr,„EYKB  sont  élus  corrcspoudans  de  la  section  de  chimi,.-U.  Can- 
chy  1,1 ,  sur  le  mémoire  de  M.  Allais ,  relatif  au  rapport  du  diamètre  à 
la  cvreanfercnce,  un  mémoire  d'où  il  résulte  que  ce  travail  ne  mérite 
pas  l'attention  de  l'Académie.  -  M.  Becquerel  lit  un  mémoire  sur  l'^f«« 
de  l  elcetrtctlè  qui  se  développe  pendant  les  actions  chimiques ,  et  sur  la 
mesure  de  ces  dernières,  au  moyen  des  effets  électriques  auxquels  elles 
donnent  Ueu  (MM.   Arago,   Dulong ,    et  Fresnel  ,  commissaires  1.  - 
M.  ftav.er  lit  un  mémoire  sur  les  ponts  suspendus  (MM.  Pronv.'Mo- 
lard ,  Four.er,  Dupin  ,  et  Fresnel ,  commissaires). 

-  Du  29.  -  M.  le  directeur  général  de  l'administration  de  l'agricul- 
ture  et  du  commerce,  adresse  a  l'Académie,  une  lettre  et  diverses  piè- 
ces concernant  l'éclairage  parle  gaz  hyd.ogéne  carboné.  Il  invite  l'Aca- 


EUROPE.  i'{) 

di-mif  à  exprimer  son  avis  tur  l<s  règicmens  qu'il  convient  de  prescrire  à 
ce  genre  d'industrie.  Au  nombre  des  pièces  se  trouve  l'extrait  des  enquê- 
tes faites  par  cidre  du  p.ulement  bntannique.  (MM.  Prony,  Gay-Lussac, 
néion-de-Villerosse,  Dulong  et  d'Arcet,  commissaires.)— M.  Bordier- 
Marcet  adresse  une  notice  relative  à  l'emploi  de  ses  réflecteurs  pour  l'é- 
clairage maritime.  — M.  Flourens  adresse  à  l'Académie  diverses  expli- 
cations relatives  à  une  réclamation  qui  s'est  élevée  au  sujet  de  ses  re- 
cherches physiologiques.  (  Benvoyé  à  la  commission  déjà  nommée.)  — 
M.  Chevreuse,  de  Metz,  présente  un  mémoire,  intha\é  :  Bechcrchcs 
fhysico-cMmiques  sur  le  charhon.  (MM.  Chapfal  et  d'Arcet,  commis- 
saires.)—M.  Ampère  l'ail  un  rapport  sur  un  nouvel  instrument  présenté 
par  M.  Rollé,  construit  par  M.  Qulntenz,  et  auquel  ce  dernier  a  donné 
le  nom  de  huscide  porlalivc.à  l'usage  du  commerce.  Ce  rapport  demande 
et  obtient  l'approbation  de  l'Académie,  pour  cette  machine  utile  et  in- 
génieuse. —  M.  Dupin  lit ,  au  nom  d'une  commission,  un  rapport  très- 
élendu  sur  un  mémoire  relatif  aux  fonts  suspendus  fnr  des  câMcs  ,  dû 
à  M.  l'ingénieur  INavier.  Ce  mémoire  est  approuvé  par  l'Académie,  de 
la  manière  la  plus  honorable;  et  aurait  été  imprimé  dans  le  recueil  des 
savans  élrancrers  ,  s'il  ne  l'eût  été  déjà  aux  frais  du  gouvernement. — M. 
Latreille  lit  un  rapport  sur  un  mémoire  présen'é  par  M.  de  Fêrussac,  et 
dont  l'objet  était  l'examen  de  diverses  coquilles  trouvées  dans  le  jN'il 
Bleu,  et  apportées  par  M.  Frédéric  Callliaud.  Le  travail  de  M.  de  Férus- 
sac  est  jugé  digne  de  l'approbation  de  l'Académie.  A.  M — t. 

Académie  royale  des  beaux-arts.  ^  Séance  annuelle  du  ^octobre  1820, 
■présidée  par  M.  Cartellier.  i°La  séance  a  commence  par  l'exécution  de  la 
scène  qui  a  remporté  le  deuxième  premier  grand  prix  de  composition 
musicale.  2°  On  a  entendu  ensuite  une  notice  historique  sur  la  vie  et  les 
ouvrages  de  M.  Pkybe;  par  M.  Quatbemèhe  de  Quincv  ,  secrétaire  per- 
pétuel, ô"  Un  Rapport  sur  les  ouvrages  des  pensionnaires  du  Roi,  à  l'Aca- 
démie de  France  à  Borne,  par  M.  Hcyot.  4°  Une  notice  historique  sur  la 
vie  et  les  ouvrages  de  M.  Bervic  ;  par  IM.  Qlatbemkde  de  Qcincv  ,  secré- 
taire perpétuel.  5°  Apiès  ces  lectures,  a  eu  lieu  la  distribution  des  grands 
prix  de  peinture,  de  sculpture,  d'architecture,  de  gravure  en  médaille 
et  pierre  Cne  et  de  composition  musicale.  6°  La  séance  a  été  terminée 
par  l'exécution  de  la  scène  qui  a  remporté  le  premier  grand  prix  de 
composition  musicale. 

Grands  pri.v  de  peinture. — Le  sujet  donné  par  l'Académie  est  :  Egis- 
the  croyant  découvrir  le  corps  d'Oreste  mort,  reconnaît  en  place  celui 
de  Clvlemntslre.  Le  premier  grand  prix  a  été  remporté  par  M.  Au- 
guïte-Hiacjate  Debaï,  natif  de  Nantes,  département  de  la  Loire-Iiifé- 


24  o  EUROPE. 

ricure,  âgé  de  dix-neuf  ans,  élève  de  M.  Gros.  Le  deuxième  premier 
grand  prix  :.  éié  remporté  par  M.  François  Bocchot  ,  de  Paris ,  à-é  de 
vingt-trois  ans,  élève  de  M.  Lelhièrc.  Le  second  <)rand  -prix  a  été  "rem- 
porté par  M.  Éloi  FiRON,  de  Paris,  âgé  de  vingt  et  un  an  ,  éiève  de  M. 
Gros.  Le  deuxième  second  grand  prix  a  été  remporté  pai  M.  Sébastien- 
Louis  WilLem  KoBBLiN,  natif  de  Varsovie,  âgé  de  vingl-sept  ans,  élève 
de  M.  Regnault. 

Sculpture.  -  L'Académie  a  donné  pour  sujet  de  concours  :  u  La 
douleur  d'Évandre  sur  le  corps  de  son  fils  P.UIas.  «  —  Le  premier  grand 
prix  a  été  remporté  par  M  Augustin-Alexandre  Dlmont,  de  Paris,  âgé 
devmgt  deux  ans,  élève  de  son  pèreet  de  M.  Cartelueq.  Le  deuxL 
me  premier  grand  prlxa  été  remporté  par  M.  François-Joseph  Dcret, 
de  Pans,  âgé  de  dix-oeuf  ans  ,  élève  de  M.  Bosio.  Le  second  grand  prix 
a  été  remporté  par  M.  Jean-Baptiste-Joseph  Debav,  natif  de  Kantei,  dé- 
partement de  la  Loire-Inférieure,  âgé  de  vingt-un  ans,  élève  de  M.  Bo- 
sio. Le  deuxième  second  grand  prix  a  été  remporté  par  M.  Antoine- 
Laurent  Da«tan,  natif  de  Saiot-Cloud,  âgé  de  vingt-cinq  ans,  élève 
de  M.  Bosio. 

Arcl.i lecture.  —  Le  sujet  du  concours  est  le  projet  d'un  hôtel  des 
Douanes  et  deiWtroi,  dans  une  capitale,  d  la  réunion  de  trois  grandes 
rues  et  près  du  principal  port  de  la  rivière  qui  traverse  la  ville.  —  Le 
premier  grand  prix  ^  été  remporté  par  M.  Félix-Jean  Dcban,  de  Paris, 
âgé  de  vingt-cinq  ans  et  demi,  élève  de  M.  Debret.  Le  second  grand 
prix  a  été  remporté  par  M.  Jean-Louis-Victor  Gr.^art,  de  Pari.,  âgé  de 
vingt-six  ans,  élève  de  MM.  Hnyot  et  Guénepin.  Le  deuxième  second 
grand  prix  a  été  remporté  par  M.  Alph,  n.e-Henri  Gisohs,  de  Paris, 
âgé  de  vingt-sept  ans,  élève  de  M.  Percier. 

Gravure  en  médaille  et  en  pierre  /îne.  -  L'Académie  a  donné  pour 
sujet  du  concours  :  Pdris  lâclmnt  une  flèche  dirigée  contre  le  talon  d'A- 
chille. —  L'Académie  a  jugé  qn'il  n'y  avait  pas  lieu  à  décerner  de  pre- 
m,er  grand  prix  ;  mais  elle  a  décerné  deux  second  grands  prix.  Le  second 
grand  prix  a  été  rencporié  par  M.  Joseph-Arsenne  Théodore  Lefèbre 
DeBoeao,  de  Paris,  âgé  de  vingt-deux  ans,  élève  de  MM.  Bosio  et  Gal- 
le. Le  deuxième  second  grand  prix  a  ^ié  remporté  par  M.  Louis  Bbisivet, 
de  Paris,  âgé  de  vingt-cinq  ans,  élevé  de  son  père  et  de  M.  Bosio. 

Composition  musicale.  -  Le  sujet  du  concours  a  été:  i»  Un  con- 
tre-point  d  la  douzic^ne ,  à  deux  et  à  quatre  parties  ;  2»  Un  contre-point 
quadruple  àV  octave;  o"  Une  fugue  âtrois  sujets  et  d  quatre  voix;  j»  Une 
cantate  composée  d'un  récitatif  abligé ,  d'un  cantahile,  d'un  récitatif 
simple,  et  terminé  par  un  air  de  mouvement;  S"  Thisbk,  cantate.  Les 


EUROPE.  ali 

paroles  sont  de  M.  J.-A.  Vinaty.  Le -premier  grand  prix  dé  lé  remporté 
par  RI.  Edouard  Boillv,  de  Paris,  â^e  du  vingt-qualre  aci ,  elcve  de  M. 
Boieldicu,  pour  la  composition,  et  de  M.  Félis,  pour  le  coatrc-point. 
Le  deuxième  premier  grand  prix  a  été  remporté  par  AI.  Louis -Constant 
Ermel,  natif  de  Gand ,  âgé  de  vingt-trois  ans  et  demi,  élève  de  M.  Le 
Sueur.  Le  second  grand  prix  a  clé  remporté  par  M.  Maximilien-Charlcs 
Simon,  natif  de  Metz,  département  de  la  iMoselle,  âgé  de  vingt-sis  ans, 
élève  de  M.  Le  Sueur.  Le  deuxième  second  grand  prix  a  été  remporté 
par  M.  Théodore  Lababbb  ,  de  Paris,  âgé  de  dix-huit  ans,  élève  de  M. 
Boieldicu  pour  la  composition,  et  de  M.  Félis  pour  le  contre-point. 

—  L' .académie  a  arrêté,  le  i5  septembre  1821 ,  que  les  noms  de  MM. 
les  élèves  de  l'Ecole  royale  et  spéciale  des  beaux-arts  qui  auront ,  dans  Tan- 
née, remporté  les  médailles  des  prix  fondés  par  M.  le  comte  deCayluset  M. 
de  Latour,  et  la  médaille  dite  autrefois  du  \)x\\  dtparmentat ,  stioiil  procla- 
més an  nuellemeut  à  la  suite  des  grands  prix,  dans  la  séance  publique.  Le 
prix,  pour  Ih  tête  d'expression,  a  été  remporté,  eu  peinture,  par  M. 
François  Bouchot,  de  Paris,  âgé  de  vingt-trois  ans,  élève  de  M.  Lelhière. 
En  sculpture t  M.  Hippolyte- Isidore-Nicolas  Beion,  de  Paris,  âgé  de 
vingt-cinq  ans,  élève  de  M.  Bosio ,  a  obtenu  une  mentioa.  Le  prix  de  la 
demi- figure  peinte  3  été  remporté  par  M.  Pierre-Astasie-Théodore  Sk\- 
TiBs,  de  Paris,  âgé  de  vingt-deux  ans,  élève  de  M,  Gros.  M.  Michel  Ma- 
EicRY,  de  Paris ,  âgé  de  vingt-huit  ans,  élevé  de  M.  Gros,  a  obtenu  une 
mention.  La  médaille  dite  autrefois  du  prix  départemental  a  été  rem- 
portée dans  l'Ecole  d'architecture,  par  M.  Pierre-Frrançois-IIenri  La- 
BnoesTB  le  jeune,  de  Paris,  âgé  de  vingt-un  ans  et  demi,  élève  de  AÏ.  Vau- 
doyer,  et  de  M.  Lebas ,  architecte  du  gouvernement.  Dans  le  concours 
de  paysage  historique,  la  premiire  médaille  a  été  remportée  par  M. 
André  Giroox  ,  de  Paris,  âgé  de  vingt-un  ans  et  demi,  élève  de  son 
père.  La  deuxième  mèdaitle  a  été  remportée  j)ar  M.  Louis-Joseph  F>b- 
fiOBNE,  natif  de  Versailles,  âgé  de  vingt-sept  ans,  élève  de  M.  Regnaull. 
M.  Aristide  Paillabd,  natif  de  Nantes,  âgé  de  vingt  trois  ans,  élève  de 
M.  Boisselier,  a  obtenu  une  mention. 

La  Société  d'agriculture,  dans  sa  séance  publique  du  6  avril  dernier, 
a  décerné  à  MM.  A.  Payen  et  A,  Chevalier  une  médaille  d'or,  comme 
auteurs  d'un  mémoire  sur  la  culture  raisonnée  de  sept  espèces  de  pom- 
mes de  terre.  Ce  mémoire  vient  d'être  imprimé,  et  se  vend  au  profit 
des  pauvres  du  ii«  arrondissement.  On  y  indique  les  terrains  qui  con- 
viennent à  la  culture  de  la  pomme  de  terre,  les  espèces  les  plus  pro- 
ductives, et  la  quantité  d'eau  et  de  matière  nutritive  qu'elle."!  contiennent. 
T.  XX. — Octobre  iSaJ.  i6 


5'^.j  EUROPE. 

École  royale  d'économie  rurale  et  vétérinaire  d'Alfort,  d  Charcnlon, 
•prés  Paris.  — Va  dislrlbutioa  des  prix  et  des  diplômes  de  cette  école  a 
eu  lieu  le  dimancbe  2G  octobre,  à  deux  heures  après  midi,  go  as  la  prési- 
dence lie  M.  Castelbajac,  directeur-général  de  l'agriculture  et  des  haras. 
—Huit  élèves,  de  cinq  années  d'études,  ont  reçu  le  diplôme  de  nudecin 
vitcrinaire;  vingt-cinq  élèves,  de  trois  années  d'études,  ont  obtenu  le  di- 
plôme de  marcchai  vMrinairc;  et  onze  d'entre  eux  ont  été  dés. gués 
pour  suivre  le  cours  de  médecine. —Douze  élèves  ont  été  nommés  répé- 
titeurs des  différeus  cours  dont  l'instruction  vétérinaire  se  comi)Ose.— 
Enfin,  douze  prix  ont  été  distribués  aux  élèves  des  i'',  2%  5%  4%  «--t  5» 
années  d'études.  On  a  remarqué,  parmi  les  élèves  couronnés,  un  Belge  (  t 
un  Portugais,  et  parmi  les  médecins  vétérinaires  proclamés,  un  jeune 

Saxon. 

Bourse  générale,  au  profit  des  jeunes  gens  appelée  par  ta  loi  sur  le  re- 
crutement.—Oo  souscrit  pour  la  classe  de  ih25  jusqu'au  27  octobre, 
ehez  M.  Maine-Glatlgny,  notaire  rojal,  rue  Richelieu,  n"  90;  et,  dans 
les  départemens,  a  tous  les  chel:r-lieux  de  cantons  ,  d'arrondissemens  et 
de  départemens.  , 

Quand  une  loi,  bien  que  rigoureuse,  est  cependant  nécessaire,  toutes 
les  conceptions  qui,  sans  nuire  à  son  exécution,  peuvent  en  adoucir  la  »é- 
^férité,  sont  à  la  fois  dans  l'intérêt  des  particuliers  et  de  l'état.  Cette  con- 
sidération fait  apprécier  l'utilité  de  l'institution  qui  a  été  fondée  en  1822, 
sous  la  dénomination  de  Bourse  générale,  par  M.  J.  G.  Ymberl,  ancien 
chef  de  bureau  au  ministère  de  la  guerre.  En  voici  les  èlémrns  :  La  popu- 
lationsujete  à  laloide  recrutementest,  chaqueannée,  d'environ 5oo,ooj. 
La  loi  n'en  appelle  que  40,000  à  entrer  dans  les  rangs  de  l'armée;  mais 
tous  sont  obligés  de  tirer  au  sort,  et  les  numéros  obtenus  désignent  le^^ 
parlans.  La  Bourse  générale  piésente  à  tous  un  contrat,  duquel  résulte 
la  faculté  de  verser  une  somme  dont  le  minimum  e»t  de  5o  f.,  et  le  maxi- 
mum, de  900  f.  Ceux  que  le  sort  exempte  fout  l'abandon  de  leur  mise, 
au  profit  de  ceux  que  le  sort  désigne.  Il  en  résulte,  pour  ces  derniers,  un 
bénéfice  en  argent  qui  leur  donne  le  moyen,  soit  de  se  procurer  un  rem- 
plaçant, soit  de  partir  et  d'améliorer  leur  position  militaire.  Ce  qu'il  y  a 
surtout  de  louable  dans  la  Bourse  générale,  ce  sont  les  règles  et  l'ingénieux 
mécanisme  au  moyen  desquels  la  Direction  amis  les  souscripteurs  à  l'a- 
bri de  toute  inquiétude  sur  le  dépôt  et  le  retour  de  leurs  fonds.  Ainsi, 
chaque  souscripteur  verse  sa  souscription  entre  les  mains  d'un  notaire; 
celui-ci,  dans  la  caisse  du  receveur-général  ou  particulier,  qui  délivre  un 
mandat  sur  le  trésor  royal,  à  Paris,  encaissable  seulement  par  la  Banqiu. 
de  France.  Quand  la  liquidation  est  établie  ,  le  trésor  royal ,  à  son  tour. 


EL^ROPE.  u45 

délivre  des  mandats  sur  les  receveurs  des  finances  à  l'ordre  de  cliaque 
souscripteur  gagnant ,  de  sorte  que  pas  un  éru  n'est  un  seul  instant  l;oii 
des  caisses  publiques.  Avant  l'expérience  de  l'année  1822,  ceci  aurait 
pu  ne  paraître  qu'une  ingénieuse  théorie;  mais  l'application  en  a  été 
pleinement  justifiée  parl'opération  qui  a  eu  lieu,  à  l'occ.ision  de  l'avant- 
dernier  appel  :  5,r:j56  souscripteurs  sont  venus  verser  diverses  sommes  , 
dont  le  total  s'est  élevé  à  près  de  1.700,000  fr.,  qui  ont  été  réunis  à  la 
banque  de  France.  En  moins  d'un  mois ,  la  répartition  et  les  retours 
ont  été  effectués  en  mandats  du  trésor  royal,  et  le  compte  nominatif  de 
cette  liquidation  a  été  envoyé  à  toutes  les  autorités.  La  forme  en  est 
telle,  que  chaque  souscripteur  est  constitué  vérificateur  des  opérations 
de  la  Bourse  générale.  Ce  grand  étahli^semcnt  appelait  nécessairement 
la  surveillance  d'hommes  notables.  Cette  surveillance  est  confiée  à  M.  le 
comte  Mathieu-Dumas  ,  a  M.  le  lieutenant-général  De  France,  et  à 
M.  le  baron  M nrtcltière  ,  dont  on  reconnaît  l'influence  dans  l'ordre  et  lu 
régularité  que,  font  ressortir  les  opérations  et  les  comptes  de  la  Bourse 
générale. 


Exposition  ■puUique  des  jrroduits  de  l'industrie.  —  Distribution  dts 
médailles.  —  L'exposition  de  celte  année  sera  plus  remarquable  par  h  s 
mesures  adaiinistiativcs  dont  elle  a  été  l'objet,  que  par  les  chefs-d'œuvre 
qu'elle  a  rais  sous  les  yeux  des  spectateurs.  Elle  donnera  lieu  à  des  recher- 
ches sur  la  nature  des  récompenses  décernées  aux  fabricans;  on  examine- 
ra si  elles  peuvent  être  conditionnelles  ;  si  pour  les  mériter  et  les  conser- 
ver, il  ne  suffit  pas  de  se  rapprocher  de  la  perfection  ,  et  de  ne  pas  rétro- 
grader. j\ous  nous  proposions  d'insérer  ici  la  liste  des  exposans  qui  ont 
obtenu  des  médailles,  ou  la  confirmation  de  celit-s  qu'ils  avaient  reçues 
aux  expositions  précédentes;  mais  cette  volumineuse  nomenclature  de 
noms  qui  se  trouve  dans  le  Moniltur  ti  dans  les  autres  feuilles  quotidien- 
nes ,  excéderait  de  beaucoup  les  loines  qui  nous  sont  prescrites.  JNous 
sommes  donc  forcés  à  ne  mettre  ici  que  le  nombie  des  médailles  et  la  dé- 
signation des  branches  d'industne  qui  les  ont  reçues,  i»  Rappel  des  mé- 
dailles d'or.  Tissus  ,8;  —  métaux  ,  i5  ;  —  machines  ,  1  ;  —  instrumens 
de  précision ,  1  ;  —  beaux-arts ,  6  ;  —  poteries ,  4  ;  —  arts  chimiques ,  3  ; 
—  arts  divers,  5.  Total ,  45.  ^=  Mcdailltcs  d'or  décernées  en  1820.  Tis- 
sus, 5i  , —  métaux,  ifi;  —  machines  ,  4  ;  — instrumens  de  précision  , 
7  ;  —  beaux-arts  ,  6  ;  —  poteries ,  1  ;  —  arts  chimiques ,  1  ;  arts  divers,  3. 
Total ,  69.  =  2°  Rappel  des  médailles  d'argent.  Tissus ,  20  ;  —  métaux  , 
8;  —  machines,  2  ;  —  insirunrens  de  précisions,  4;  —  beaux-arts,  7  ;  — 
pvteries,  i;  —  atts  chimiques,  8;  —  arts  divers,  7.  Total,  60.  =  Méduil- 


.^4',  EUROPE. 

Ivs  d'arjent  de  i825. Tissus,  49i  —  métaux,  53;  — machloe»,  1 1;  —  ins- 
tiuniens  de  précision  ,  i6;  —  beaux-arts,  1 1  ;  —  poteries,  5  ;— arts  chi- 
miques, 7;  —  arts  divers,  ifi.  Total  i\Q.  =  liappel  des  mcdaitUs  de 
4>ronze,  ai. — Médailles  de  bronze,  décernées  en  iSiô,  245.  —  Il  paraît 
que  la  commission  a  substitué  les  médailles  aux  mentions  bouorables,  qui 
avaient  été  jusqu'alors  le  derr.ier  degré  de  récompense. 

Culte  hébraï<iue.  —  Réclamation.  —  Nous  recevons  encore  une  lettre 
de  M.  Michel  Berr,  relaiive  à  une  nouvelle  brochure  d'un  de  ses  co-reli- 
gionnaires  ,  Tsarphali ,  et  dans  laquelle  on  lui  reproche  d'avoir  ,  dans  un 
article  d'un  de  nos  derniers  cahiers  consacré  à  un  nouveau  calendiier 
israélile  ,  parlé  avec  admiration  de  la  dnte  de  ce  calendrier,  qui  remonte 
à  la  créiition  du  monde,  et  laissé  entendre  que  son  existence  daterait  de 
celte  époque.  Notre  collaborateur  veut  bien  se  donner  la  peine  de  mon- 
trer combien  cette  dernière  supposition  est  absurde,  et  rappelle  que  c'est 
de  la  conservation  des  rnonumens  littéraires  historiques  et  religieux  du 
peuple  juif  qu'il  a  piirié  comme  d'une  conservation  extraordinaire.  Il  fait 
sentir,  eu  même  tems,  combien  il  est  peu  raisonnable  de  vouloir  ami- 
liorer  un  culie,  une  croyance,  en  attaquant  ses  principes,  et  par  dis 
autorités  qui  lui  sont  étrangères  ou  opposées  ;  enfui,  qu'on  a  mauvaise 
grâce  à  attaquer  les  préjugés  d'une  classe  de  citoyens  dont  on  n'a  jamaia 
défendu  les  droits  sociaux  et  l'existeiice  politique.  Kous  ne  parlerons 
plus  de  cette  discussion,  qui  se  rapporte  à  un  sujet  qui  devra  être  ex- 
clusivement traité  dans  les  Annales  Israélites ,  dont  nous  aurons  à  ren- 
dre un  compte  sommaire. 

Théâtres.  —  Théâtre- Français.  —  L'auteur 7n al gr é  iui  ,  comédie  en- 
trois  actes  et  en  vers,  par  M.  de  Saint-Rkmy  (uS  octobre).  —  Le  fond 
très-léger  de  celte  petite  comédie  n'exigera  pas  un  long  article.  Un  cer 
tain  magistrat,  nou.nié  Merteuil,  s'amuse,  dans  sa  maison  de  Vaugi- 
rard ,  è  composer  de  méchans  vers  que  ses  convives  admirent ,  et  quoi- 
qu'il ne  fasse  mystère  à  personne  de  ce  qu'on  appelle  son  talent,  il  crain- 
drait de  blesser  les  convenances,  en  s'avouant  pour  l'auteur  d'une  co- 
médie qu'on  doit  jouer  au  Théâtre- Français  ,  et  qui  a  été  reçue, 
apprise,  et  répétée,  sans  que  personne  se  doute  de  qui  elle  est.  Ou 
ne  sait  trop  par  quelle  fanlaisie  il  se  met  en  tète  de  céder  foule  la 
gloire  qui  lui  en  doit  revenir  à  Saint-Firmin,  fils  d'un  de  ses  amis,  et 
qui  visite  souvent  la  maison  de  Vaugirard ,  séduit  par  les  beaux  yeux  de 
Ja  nièce  <3e  Merteuil  bien  plus  que  par  les  vers  du  vieux  rimeur.  Saint- 
Firrain ,  qui,  par  un  malentendu,  s'imagine  que  la  main  de  la  nièce  se- 
ra le  piix  de  sa  complaisance,  se  dévoue,  non  sans  terreur,  à  la  tenoui- 
mke  dont  Merteuil  le  menace.  Pour  augmenter  l'embarras  du  pauvre  jeu- 


EUROPE.  24"> 

ne  h.^mme ,  un  oncle  de  province  lui  tombe  sur  les  bra^ ,  furieux  d;.v..it 
un  neveu  apprenii  poète;  Mvrlcull  promcl  sa  tille  à  Dcrmance  ,  espè- 
ce de  parasite  qui  se  moque,  en  la  flattant,  delà  manie  du  bonhomme; 
et  enfin  ,  la  pièce  tombe  avec  Iracas.  Mais  cette  chute  même  arrange  les 
afifaires  de  Saint-Firmln  ;   Mertcuil ,   touché  de  la  triste  posilioD  où  la 
complaisance  de  ce  bon  jeune  homme  l'a  mis,  avoue  qu'il  est  lui-même 
le  malencontreux  auteur,  chasse  Dcrmance  ,. donne  sa  nièce  à  Salnt-Fir- 
min,  et  réconcilie  l'oncle  et  le  neveu.  —On  voit  que  ce  canevas  n'est 
ni  bien  neuf,  ni  d'un  grand  intérêt.  Lj  Mclromanic ,  et  le  Con7iai!iseur, 
de  Marmontel,  dont  le  sujet  a  été  reproduit  dix  fois  au  tliéâtrc  sans  suc- 
cès, ont  débarras-;é  l'auteur  du  soin  d'imaginer  une  fable;  mais  ses  em- 
prunts ne  l'ont  pas  enrichi,  car  il  a  plutôt  gâté  qu'embelli  ce  que  lui 
ont  fourni  ses  devanciers.  Les  éternels  plaidoyers  pour  et  contre  la  poé- 
sie iont  fort  insipides  ;  il  n'y  a  chose  au  monde  sur  laquelle  on  ne  puisse 
établir  une  pareille  controverse;  mais,  parce  qu'il  y  a  de  mauvais  poè- 
tes, est-ce  à  dire  que  personne  ne  doit  être  poète?  Baliveau  est  plus  con- 
séquent et  plus  plaisaut,  lorsqu'il  soutient  que  tout  faiseur  de  vers  a  le 
cerveau  fêlé.  L'accueil  fait  à  VAutcur  tnaUjré  lui  j)rouve  que  l'on  peut 
encore  obtenir  du  succès  avec  une  pièce  dont  l'intrigue  est  faible,  qui 
n'offre  point  la  peinture  des  mœurs  du  jour,  et  où  les  caractères  ne  sont 
que  de  pâles  ciples  de  caractères  déjà  présenlés  .'•u   théâtre.   Le  secret 
de  ce  succès  est  dans  un  style  facile,  dans  des  vers  ingénieux  et  spiriluelle- 
incnt  tournés ,  que  les  acteurs  ont  tous  fait  valoir  de  leur  mieux  ;  de  sorte 
queM.  de  Sainl-Remy  qui,  comme  SaintFirmin  ,  n'es!  ici  qu'un  prête- 
nom,  n'a  rien  à  reprocher  au  véritable  auteur,  qui,  comme  M.  Merieuil, 
a  voulu  sacrifier  sa  gloire  aux  convenances  de  son  état. 

—Second  Théâtre- Français.— La  Reine  de  Porlufjat,  tragédie  en  cinq 
actes  ,  par  M.  Firmin  Didot  ^20  octobre).— Premier  Théâtre  Français. 
—  Pierre  de  Portujai,  tragédie  en  cinq  actes,  par  M.  Lucien  Arsault 
(  ai  octobre). — C'est  une  circonstance  assez  singulière,  dans  l'histoire 
de  l'art  dramatique  ,  que,  précisément  un  siècle  après  la  représentation 
d'une  tragédie  qui  obtint  un  succès  de  vogue  ,  et  qui  a  toujours  conservé 
une  place  distinguée  dans  l'estime  des  connaisseurs,  deux  poètes  se  ren- 
contrent pour  reproduire ,  en  même  tems  ,  ce  même  sujet  sur  la  scène. 
La  Reine  de  Portugal,  de  M.  Firmin  Didot,  jouée  a  l'Odéon  le  20  oc- 
tobre; et  Pierre  de  Portugal,  de  M.  Lucien  Arnault,  représenté,  le 
lendemain,  au  premier  Théâtre-Français,  sont  deux  tragédies  dont, 
comme  on  sait,  le  sujet  est  le  même  que  celui  de  V Incs  de  Lamolte. 
TVlalgré  un  style  faible  et  décoloré,  malgré  un  4"  acte  d'une  extrême 
fioidcur,  Incs  produisit  toujours,  à  la  représenlnlloD  ,  un  efl'el  touchant, 


245  EUROPE. 

grâce  à  une  action  ;ntércssaDtcsaj;emcnlcondaite,  et  à  deux  actes  esce!- 
luiis  ,  dont  le  dernier  surtout  offie  une  des  situatioas  les  plus  pathétiques 
qui  soient  au  lliéâtre.  Au  moment  où  le  vieux  roi,  jusqu'alors  inflexible,  tou- 
ché enfin  de  la  soumission  et  des  larmes  d'Inès, pardon  ne, à  h  vue  des  jeunes 
enl'aus  qui  embrassent  ses  genoux, et  consent  à  bénir  l'union  de  Don  Pèdre; 
lorsque  la  joie  la  plus  vive  succède  à  tant  d'alarmes,  tout-àroup  Inès  em- 
poiscanée  tombe  dans  les  bras  de  l'époux  qui  vient  de  lui  être  rendu,  Gedé- 
uonement  inattendu  et  pourtant  suffisamment  préparé,  produit  un  effet 
déchirant;  et  j'avoue  que  je  préfère  celte  seule  situation  aux  deux  piè- 
ces nouvelles.  Toutefois  ,  cette  prédilection  ne  me  rendra  point  injuste  , 
et  ne  m'empècbera  point  d'apprécier  les  beautés  qui  appartiennent  aux 
deux  nouveaux  auteurs, — M.  Didot  s'est  moins  éloigné  que  syn  rival  de 
la  pièce  de  Lamolte;  on  retrouve  chez  lui  les  mêmes  personnages  et  la 
même  donnée  principale;  c'est  encore  ici  l'épouse  du  vieux  roi  et  Ja 
marâtre  du  prince  qui  persécute  Inès,  pour  venger  sa  fille  dédaignée  par 
Don  Pèdre;  mais  l'auteur  moderne  a  su  jeter  plus  d'intérêt  sur  le  rôle 
«le  la  jeuae  princesse.  Toutefois,  il  n'a  pu  éviter  une  certaine  monoto- 
nie de  supplications  qui  répand  sur  tout  l'ouvrage  une  froideur  à  laquelle 
il  faut  encore  assigner  une  autre  cause  :  i'yuteur  n'a  pas  assez  ménagé  s^n 
.-ujet,  il  l'épuisé,  dès  la  première  scène  du  second  acte,  avec  une  prodig.i- 
lité  qui  annonce  peu  d'habitude  du  théâtre.  Le  roi  et  ia  reim.'  sont  sur  le 
trône  ;  toute  la  cour  est  assemblée  pour  recevoir  solennelleu:cnl  le  prince 
Vainqueur  des  Maures;  la  belle  Constance,  fille  delà  reine,  éprise  d'a- 
mour pour  le  jeune  héros  ,  va  lui  être  donnée  pour  épouse  ;  Inè-;,  cachée 
parmi  les  dames  de  sa  suite,  attend  en  frémissant  l'issue  de  celle  fatale 
cérémonie;  tout-à-coup  le  prince  refuse  la  main  de  Constance,  et  dé- 
clare qu'Inès  est  son  épouse,  et  sera  reine  de  Portugal.  Quoique  celte 
scène  ait  besoin  d'être  mieux  préparée,  elle  a  produit  de  l'efiFet,  mais  aux 
dépens  de  l'effet  général  de  la  pièce;  car,  de  cet  instant  au  dénDuement, 
l'auteur  n'a  plus,  pour  suspendre  l'intérêt,  qu'une  révolte  appaisée  par 
Inès,  comme  chez  Lamotte,  et  la  scène  du  pardon  ,  qui,  nous  le  répé- 
tons, est  si  prodigieusement  inférieure  à  celle  de  ce  dernier  poète.  En- 
fin, Inès  poignardée,  à  la  fin  du  4°  acte,  sous  les  yeux  de  la  reine,  et 
par  Alvarèi,  le  sénéchal  de  cette  princesse,  offre  un  spectacle  plus 
dégoûtant  que  tragique.  Il  reste  à  faire  un  5'  acte,  et  Lamotte  ne  four 
nit  plus  rien  à  M.  Didot;  mais  l'histoire  est  là.  Elle  dit  que  Don  Pèdre, 
devenu  roi,  fit  exhumer  Inès,  la  couronna  solennellement,  et  lira  de 
ses  meurtriers  une  vengeance  cruelle.  Voici  comment  l'auteur  a  mis  en 
scène  cette  donnée  historique.    Au    commencement  du   .V  acte,    le 


EUROPE.  247 

vieux  roi  ,  qui  a  pardonné  à  son  fils ,  abdique  la  couronne  en  sa  faveur, 
et  consent  à  reconnaître  l'union  secrète  qu'il  a  formée.  Au  milieu  des 
transports  de  sa  joie,  le  prince  aperçoit  le  corps  d'Inès,  que  l'assassin  a 
jeté  dans  la  coulisse;  le  poignard,  resté  dans  le  sein  de  la  victime,  tra- 
hit les  coupables  ;  le  vieux  roi  hasarde  quelques  mots  en  faveur  de 
son  épouse ,  et  l'auteur ,  qui  l'a  placée  dans  une  position  humi- 
liante et  presque  ridicule,  se  hâte  de  le  fairq  sortir.  Cependant,  Don  Pè- 
dre,  après  avoir  ordonné  qu'Inès  soit  revêtue  des  habits  rojaux  ,  tait  ve- 
nir la  reine  et  le  sénéchal;  ils  nient  froidement  leur  crime;  un  rideau 
s'ouvre,  et  l'on  voit  Inès  couronnée  et  placée  sur  le  trône.  Le  prince  y 
monte  à  côté  d'elle  ;  nouvel  interrogatoire  des  coupables,  nouvelle  déné- 
gation ;  on  leur  cite  la  loi  qui  les  condamne  ,  et  Alvarès  est  entraîné  à  la 
mort;  le  prince  ordonne  à  la  reine  de  se  retirer  auprès  de  son  époux  ,  et 
termine  la  pièce  par  ce  vers,  dont  l'expression  est  si  simple  et  le  senti- 
ment si  profondément  pathétique: 

Le  roi  vous  cuodamnait,  mais  Inès  vous  panloiine. 

On  se  figure  l'elTet  sombre  et  tragique  qu'une  pareille  situation  pouvait 
produire  entre  des  mains  exercées;  M.  Didot  l'a  traitée  avec  trop  peu 
d'adresse,  pour  sauver  ce  qui  pouvait  effaroucher  notre  goût  timide  et 
routinier.  En  général,  l'auteur  a  quelques  idées  dramatiques;  mais  il 
ne  sait  point  les  mettre  en  œuvre,  et  son  style  n'a  point  ce  charme  de 
poésie  qui  fait  passer  une  situation  équivoque  ,  ou  un  caractère  qui  man- 
que de  convenance.  Le  succès  de  cette  pièce  a  été  contesté  ;  nous  ap- 
prenons qu'aux  représentations  suivantes,  d'heureuses  corrections  ont 
procuré  à  la  Reine  de  Portugal  un  accueil  plus  favorable. — M.  Lucien 
Arnault  a  suivi  une  roule  toute  nouvelle;  chez  lui,  Inès  n'est  pas  une 
dame  d'honneur,  mais  la  fille  d'un  vieil  officier.  Elle  ignore  que  son 
ëpous  est  le  prince  de  Portugal,  supposition  à  laquelle  on  peut  repro- 
cher quelque  invraisemblance,  mais  qui  nous  semble  fort  bien  imaginée 
pour  surprendre  l'intérêt  et  ménager  d'heureuses  situations.  M.  L.  Ar- 
nault a  fait  en  ceci  preuve  d'imagination  et  de  goût  :  nous  ne  saurions 
donner  le  même  éloge  â  l'idée  de  substituer  un  ministre  à  la  reine  que 
nous  voyons  dans  la  pièce  de  Lamotte  ;  ou  du  moins,  il  fallait  peindre 
ce  ministre  sous  d'autres  couleurs.  Son  acharnement  à  poursuivre  Inès 
n'est  pas  raisonnable,  et,  ce  qui  est  bien  pis,  n'est  pas  dramatique.  Il  y  a 
loin  d'une  pareille  conception  à  celle  d'une  reine  orgueilleuse,  blessée 
dans  ce  qu'elle  a  de  plus  cher,  et  dont  la  fureur  est  d'autant  plus  excu- 
sable aux  yeux  des  speclateur.s  ,  que  sa  fille  est  plus  intércssantej   et  qui 


'^4^  EUROPE; 

peut  <lirc,  enfin,   comme  dans  la  pièce  de  Lamotic,  en  declaranl  à  Inè» 
«jutlle  vengerail  cruellement  Constance  dtMaisséc  .■ 

Son  afTronl  est  le  mien ,  sa  rivale  est  la  mienne. 

Voilà  un  sentiment  qui  fait  frénnir  le  spectateur,  parce  qu'il  en  est 
Irappé  ;  mais  il  se  soucie  fort  peu  de  la  froide  politique  de  Paclieco.  Une 
autre  idée  qui  appartient  aussi  à  l'anteur,  c'est  de  faire  mourir  le  vieux 
roi  au  milieu  de  la  j,<ièce.  L'abdication  nous  semble  un  moyen  mieux 
nnaginé.  Si  Alphonse  ct^t  mourant,  si  l'on  répète  sans  cesse  que  sa  fin 
est  prochaine,  le  spectateur  voit  trop  ce  qui  va  arriver;  et  de  plus,  la 
conduite  du  prince  et  d'Inc's  semble  manquer  un  peu  de  raison;  car, 
dans  la  supposition  faite  par  l'auteur,  le  seul  parti  que  le  bon  sens  pres- 
crive à  Inès ,  c'est  de  mettre  un  instant  elle  et  son  fils  à  l'abri  de  l'o- 
rage;  demain  le  prince  sera  roi,  et  elle  reparaîtra  reine  de  Porliigal. 
]\ous  avouons  aussi  que  la  scène  du  jugement  nous  a  laissé  des  doutes 
qui  nous  semblent  nuire  à  l'intérêt.  Qu'est-ce  que  celte  loi  dont  le  roi 
»'a  aucune  connaissance?  comment  peut-elle  punir  une  faute  commise 
il  y  a  dix  ans?  comment  le  mensonge  que  fait  solennellement  Inès  peut- 
il  légitimer  son  fils?  comment  un  désaveu  peut-il  paralyser  l'effet  de  la 
loi?  Tout  cela  nous  semble  avoir  besoin  d'être  éclairci  ;  il  faut  compren- 
dre pour  être  touché.  La  mère  d'Inès  est  inutile;  il  n'est  pas  dans  les 
convenances  dramatiques  d'introduire  un  personnage  de  cette  impor- 
tance, pour  lui  faire  juuer  un  rôle  si  nul;  il  nous  semble  aussi  qu'on  a 
tiré  peu  de  parti  de  l'enfant.  Le  dernier  acte,  consacré  tout  entier  à  la 
mort  d'Inès,  nous  paraît  un  peu  long,  et  le  dénoûment  a  trompé  l'at- 
tente que  faisaient  concevoir  ces  beaux  vers  : 

Oni ,  le  sceptre  à  la  main  ,  de  la  nuit  des  tombeaux, 
Inès,  ta  sortiras  pour  juger  tes  bourreaux. 

On  voit  que  M.  L.  Arnault  a  craint  d'aborder  une  situation,  dans  la- 
quelle au  contraire  M.  F.  Didot  s'est  jeté  sans  aucune  précaution  :  c'est 
une  belle  scène  qui  reste  à  faire.  Pour  le  style,  autant  qu'on  en  peut 
jugera  une  première  représentation,  il  nous  semble  qu'il  a  de  l'éléva- 
tion ,  de  la  noblesse,  et  un  éclat  auquel  on  peut  reprocher  trop  d'anli- 
thè.-^es  et  de  sentences.  Malgré  les  taches  que  nous  venons  de  remarquer, 
la  pièce  intéresse  assez  vivement  ;  et  quoique  l'émotion  ne  soit  pas  aussi 
profonde  que  pourrait  le  permettre  un  aussi  beau  sujet,  l'effet  général  est 
touchant  ;  on  le  doit  surtout  à  l'heureuse  idée  d'avoir  suspendu  l'intérêt, 
en  laissant  quelque  tems  Inès  dans  l'ignorance  de  sa  brillante  destinée, 
à  plusieurs  morceaux  pathétiques  de  son  rôle,  et  à  celui  de  D.  Pèdrej 


EUROPE.  2^0) 

pprsminage  dessiné  avec  beaucoup  de  talent.  Le  succès  éclatant  de  la 
première  représentation  a  été  moins  brillant)  dit-on,  aux  représenta- 
tions suivantes.  M.  A. 

Opkka-Comique.  —  La  Neige,  ou  ic  Nouvel  Éçjinard,  opéra-comique 
en  4  acles,  paroles  de  MM.  Spribb  cl  Germain  Dblavigne  ,  musique  dr 
M.  AoBBB  —  (8  octobre).  —  On  .-ail  qu'Emma  ,  fille  de  Charlemagne  , 
éprise  d'amour  pour  Éginard,  d'abord  page,  puis  secrélaire  du  roi,  crai- 
f^nant  que  les  pas  de  son  amant,  empreints  .sur  la  neige,  ne  fissent  dé- 
courrir  leur  intrigue  ,  prit  le  parti  de  transporter  Eginard  dans  ses  bras, 
cl  que  Cbarlemagne,  qui,  s'ètant  éveillé  de  bon  matin,  fut  témoin  de 
cette  preuve  d'amour,  loin  de  punir  les  coupables,  les  unit  l'un  à  l'autre. 
Celle  aventure  a  Iburni  le  sujet  du  nouvel  opéra  ;  mais  le  lieu  de  la 
scène  et  les  personnages  sont  changés.  IjC  duc  de  Souabe  a  promis  la 
main  de  sa  fille,  la  princesse  Louise,  au  prince  de  Neubourg.  Un  léger 
obstacle  s'oppose  à  celle  union  :  la  jeune  princesse  a  épousé  secrètement 
le  comte  de  Linsberg,  officier  qui  s'est  distingué  à  la  tète  de  l'armée. 
Celui-ci  revient  à  la  cour,  au  momenl  où  tout  se  prépare  pour  le  ma- 
riage. Réduit  à  demander  à  Louise  un  entretien  secret  il  ebarge  du  soin 
de  remettre  sa  lettre  son  rival,  le  prince  de  INeubourg  lui-tiiême  ,  qui 
s'adressait  à  lui  pour  le  prier  de  rédiger  un  billet  à  la  princesse;  Lins- 
berg, dans  la  lettre  qu'il  est  censé  écrire  pour  le  prince,  demande  un 
rendez-vous  pour  lui-même.  Le  troisième  acte  se  passe  dans  l'apparle- 
ment  de  la  princesse,  qui  attend  son  époux;  mais,  au  lieu  de  Lins- 
berg, c'est  le  duc  de  .Souabe  qui  parait ,  <t  qui  presse  sa  fille  de  con- 
sentir à  l'alliance  projetée.  A  peine  s'esl-ii  relire,  qu'on  frappe  à  la 
croisée  :  Linsberg  est  venu  par  le  lac  glacé  qui  s'étend  jusque  soiis  les 
fenêtres.  Ils  sont  bientôt  interrompus  par  l'arrivée  du  prince  de  Neu- 
bourg; mais  la  baronne  de  Wédel,  confidente  de  la  princesse,  se  charge 
de  réconduire.  Cependant,  la  neige  est  tombée  à  gros  flocons.  Com- 
ment Linsberg  traversera-t-il  le  lac  glacé,  sans  y  laisser  la  trace  de  ses 
pas?  Heureusement,  on  aperçoit  un  traîneau;  Linsberg  et  la  princesse 
y  prennent  place,  et  la  baronne  se  charge  de  le  diriger.  Au  qualricuit 
acte,  un  jardinier  prie  Linsberg  de  l'introduire  auprès  du  ducj  pour  lui 
révéler  un  complot.  Linsberg ,  sans  se  douter  qu'il  s'agit  de  son  aventure 
nouluroe,  conscut  même  à  l'avertir,  lorsqu'il  se  servirait  de  quelque 
expression  inconvenante.  Il  est  convenu  qu'il  se  taira,  chaque  fois  que 
Linsberg  toucheri  sa  collerette  ;  ce  qui  produit  une  scène  assez  comi- 
que, imitée  de  la  Prison  d'Edimbourg.  Lu  duc,  enfin  instruit  de  la 
vérité,  finit  par  accorder  son  pardon  aux  deux  amans.  La  musique,  où 
l'on  retrouve  le  talent  de  M.  Auber,  est  quelquefois  un  peu  prétentieuse. 


a5o  FXROPE. 

surtout  au  premier  acte.  Le  morceau  le  plus  remarquable  est  un  trio  du 
second  acte,  ainsi  qu'un  beau  Gnal  qui  le  termine.  On  pourrait  y  repro- 
cher quelques  réminiscences,  et  surtout  une  imitation  trop  marquée  de 
ta  manière  de  Rossini.  A. 

Bealï-arts.  —  Peinture.  —  Les  deux  artistes  qui  ont  créé  le  Diorama 
soutiennent  l'attention  publique  par  deux  moyens  tout-puissans  :  le  ta- 
lent et  la  variété. Voici  le  quatrième  tableau  qu'ils  ontexposé  aux  regards 
des  connaisseurs,  depuis  moins  d'un  au;  et,  certes,  l'affluencc  n'a  pas 
été  moins  grande  que  pour  les  précédens.  Le  sujet  de  ce  dernier  tableau 
est  une  Fuc  intérieure  de  ta  cathédrale  de  Chartres.  Ce  monument, 
l'un  des  plus  beaux  et  des  plus  anciens  que  possède  la  France,  a  éprouvé, 
vers  1772,  une  sorte  de  mutilation.  A  celte  époque,  l'évêque  fit  exé- 
cuter, à  l'imitation  du  cbapitre  métropolitain  de  Paris,  des  embellisse- 
mens  qui  n'étalent  pas  d'accord  avec  le  caractère  général  de  l'architec- 
ture. Ils  eurent  lieu  principalement  dans  le  chœur,  et  c'est  ce  qui  a 
empêché  MM.  Boito-v  et  Dagcebhe  d'en  faire  l'objet  de  leur  tableau, 
quoique  ce  soit  ordinairement  la  partie  la  plus  riche  et  la  plus  variée 
d'olTcts.  Ils  ont  cherché  un  point  de  vue  qui  donnât  une  idée  plus  juste 
du  caractère  général  de  l'intérieur  de  cette  église,  tel  qu'il  était  avant 
ces  changemens,  et  ils  me  paiaissent  y  avoir  parfaitement  bien  réussi. 
Il  ont  supposé  que  le  spectateur,  après  avoir  suivi  une  des  nefs  latérales, 
s'était  arrêté  à  l'entrée  d'une  chapelle  placée  au  chevet  de  l'église  ,  et 
considérait  de  là  l'ensemble  du  monument.  Le  premier  objet  qui  at- 
tire son  attention,  c'est  une  enceinte  très -élevée,  qui  enferme  le 
choeur.  L'architecture  de  cette  enceinte,  dans  le  style  que  l'on  ap- 
pelle improprement  gothique,  est  d'une  extrême  richesse.  Elle  est 
ornée  ea  dehors,  conséquemment  du  côté  du  spectateur,  de  bas -re- 
liefs en  ronde-bosse,  exécutés  dans  le  cours  du  xvi*  siècle.  Si  l'œil  s'é- 
lève, il  3uit  involontairement  le  jeu  de  la  lumière  dans  les  voûtes  et 
les  aspects  variés  et  piquans  formés  par  les  arceaux  en  ogives  qui  cou- 
vrent le  chœur  et  la  nef  qui  l'entoure.  Lorsqu'il  s'abaisse  vers  le  sol,  de 
nouveaux  objets  viennent  l'occuper  :  à  gauche  et  à  droite,  il  plonge 
dans  une  partie  des  chapelles  qui  terminent  l'extrémité  principale  de 
l'église;  enfin,  des  épisodes  conformes  au  caractère  du  lieu  représenté, 
viennent  compléter  l'intérêt  et  l'illusion  :  ici,  un  jeune  homme  à  ge- 
noux, faisant  face  au  spectateur,  parait  plongé  dans  une  profonde  mé- 
ditation; là,  vers  la  gauche,  une  foule  recueillie  vient  probablement 
adresser  ses  vœux  à  l'objet  d'une  vénération  toute  particulière,  etc. 
Le  plus  bel  éloge  que  l'on  puisse  faire  de  ce  tal)leau ,  c'est  de  dire 
que  le  spectateur  croit  avoir  sous  les  yeux  le  monument  même  qu'il 


EUROPF.  ?'" 

représente;  mais  ,  après  avoir  ain^i  payé  aux  deux  arlislcs  qui  l'ont  exé- 
ruté  le  juste  tribut  d'admiration  qui  leur  est  du,   j'essaierai  cependant 
de  Jeur  faire  quelques  observations  ,    qui  prennent  leur  source  pkiiôl 
dans  le  genre  qu'ils  ont  créé  ,  que  dans  la  manière  dont  ils  le  cullivent. 
La  peinture  est  un  art  d'imitalion  ,  sans  doute  ,  mais  cette  imitation  n'est 
jamais  complète  au  point  de  fai-e  une  entière  illusion  ;  c'est  parce  que  le 
spectateur  reconnaît  tout  de  suite,  en  voyant  uu  tableau  ,  qu'il  n'a  sous 
les  yeux  qu'une  imitation  de  la  nature  et  non  pa»  la  nature  elle  même, 
qu'il  ne  se  fatigue  pas  de  voir  un  personnage  rester  constamment  dans 
la  même  pose.  L'imitation  de  la  nature  porte  en  elle  même  les  motifs  du 
plaisir  qu'elle  cause,  et  ce  plaisir  disparaît  et  fait  place  à  une  sensation 
d'une  autre  nature,  lursque  l'illusion  est  telle  que  l'imitation  cesse  d'être 
aperçue.  Je  ne  développerai  pas  davantage  ce  système,  sur  lequel  je  re- 
viendrai à   l'occasion  de  l'ouvrage  de  M.   Quatremère  de  Quincy  :  De 
l'imitation  dans  les  heaux-arti  ;  ce  peu  de  mots  suffit  d'ailleurs  pour 
faire  apprérier  le  mérite  démon  observation.  MM.  Bouton  et  Daguerre, 
ainsi  que  les  auteurs  de  Panoramas,  veulent  faire  plus  qu'imiter;    ils 
veulent  mettre  la  nature  même  sous  les  yeux.  Dès-lors,  ils  doivent,  ce 
semble,  éviter  d'introduire  dans  leurs  tableaux  des  figures  dont  l'immo- 
bilité nuit  à  l'illusion  qu'ils  se  pmposeot  de  pruluire.  J'ai  été  singuliè- 
rement contrarié,  dans  plusieurs  Panoramas,  de  l'immobilité  de  cer- 
taines  figures  que  le   peintre  avait  représentées  dan»  des  raouvemens 
Irèï-animes ,    et   qui,   conséquerament,   ne  pouvaient    être    quinstan- 
l.-més.  MM.  Bouton  et  Daguerre  ont,  en  général,  évité  cet  écueil.  Dans 
la  cbapelle  de  la  cathédrale  de  Caotorbery,   les  ouvriers  sont  dans  le 
moment  du  repos,  ils  se  livrent  au  sommeil,  et  le  spectateur  n'est   pas 
étonné  qu'ils  dorment  plus  de  tems  qu'il  n'en  met  lui-même  à  regar- 
der le  tableau;  mais,   dans  la  vue  du  port  de  Brest,   le  jeune  homme 
qui  tourne  le  dos  et  qui  regarde  le  port,  commence  à  attirer  l'attention 
du  spectateur,    qui  trouve  qu'il  reste  long-tems  dans  la  même  posture. 
Dans  un  tableau  qui  n'est  que  la  réduction  de  la  nature,  on  introduit 
une  figure  humaine  pour  servir  d'échelle  et   donner  une  idée  précise 
du  degré  de  réduction;  mais,   puisque  c'est  la  nature  même  que  l'on 
a  sous  les  yeux  au  Diorama ,  il  me  semble  inutile  de  mettre  des  figu- 
res; car,  elles  peuvent  nuire  à  l'illusion,  et  elles  ajoutent  peu  à  l'in- 
rérêt.  Je  ferai  maintenant  une  observation  d'une  autre  nature.  Les  édifi- 
ces considérables  produisent,  en  général,  une  impression  aussi  grande, 
et  peut-être  même  plus  grande,  par  l'aspect  de  leur  masse  que  par  la 
vue  de  leur  disposition  intérieure.    11  y  a  donc  tout  lieu  de  croire  que 
si  M.VI.  Bouton  et  Daguerre  eussent  mis  sous  les  yeux  du  spectateur  la 


2'2  FIROPF'. 

vue  fxiéricurc  de  IVglise  di- Chartres ,  prisL>  de  minii're  à  donner  une 
idée  juste  du  carnclére  srnéral  do  C(;  monument,  ce  tnbleau  eOl  excité 
j>lns  d'intérêt  que  celui  qu'ils  oui  exposé  ;  mnis ,  pour  que  l'œil  pût  em- 
brasser cette  église  djti*  ses  parties  les  plus  iiuportanles,  il  aurait  i'aliu 
la  mettre  sur  un  plan  éloigné.  Il  est  probable  que  ces  arliiles  ont  é'é 
retenus  par  la  difficulté  de  rendre  uac  vue,  en  plein  air,  qui  prête  beau- 
coup moins  à  l'dlusion  qu'une  vue  iulérieure,  et  qu'ils  ont  craint  de  uulre 
à  l'eflot  qu'ils  voulaient  produire-,  en  faisant  occuper  leurs  premiers  plans 
par  des  figures  dont  il  aurait  été  difficile;  de  justifier  l'immobilité.  Je 
i-rains  que  le  Diorama  ne  soit  obliu:é  de  se  reuCermer  dans  un  cercle  as- 
sez étroit.  Je  finirai  celte  série  de  remarques  par  la  suivante.  En  exami- 
nant attentivement  le  tableau  qui  donne  lieu  à  cet  article,  il  m'a  paru  que 
les  divers  objets  placés  sur  les  premiers  plans,  la  figure  d'homme  à  ge- 
noux, les  chaises  dispcrséi's  çà  et  là,  etc.,  étaient  plus  grands  que  nature. 
he  monument  lui-même  parait  donc  sous  des  dimensions  exagérées?  Je 
le  crois,  mais  je  n'oser:iis  l'affirmer.  Au  reste,  je  livre  ces  rétlexioDS  aux 
auteurs  mêmes  de  ce  tableau.  Elles  doivent  leur  prouver  le  soin  que  j'ai 
apporté  dans  l'examen  de  leur  ouvrage,  et  je  me  plais  à  répéter,  en 
finissant,  que  cette  production  prouve,  de  nouveau,  leur  grande  ha- 
bileté. 

— Sculpture.  —  M.  Bosio,  premiersrulptcilrdu  roi,  a  récemment  termi- 
né, et  l'on  vient  d'exposer,  dans  le  grand  salon  du  Louvre,  une  statue  en 
inarbre  d'Henri  IV  entant.  Ce  prince  est  représenté  à  l'âge  de  12  à  i4 
ans;  son  regard  est  fixe  et  son  altitude  ferme.  Le  costume  est  celui  du 
tems.  Ld  ressemblance  a  nécessairement  quelque  chose  de  hasardé;  tou- 
tefois, un  artiste,  tel  que  M.  Bosio,  est  bien  capable  de  retrouver,  au- 
tant que  cela  est  possible,  dans  les  traits  de  l'âge  mùr,  ce  qui  appartient 
au  jeune  âge;  et  d'ailleurs,  s'il  existe,  comme  je  le  crois,  quelque  |,or- 
Irait  authentique  du  prince  de  Jiavarre  enfant,  il  s'en  sera  probablement 
aidé.  Cette  statue  est  un  charmant  ouvrage.  Le  fête  et  les  mains,  les  seu- 
les parties  nues,  sout  exécutées  avec  une  finesse  de  travail  extrêmement 
remarquable;  l'ajustement  est  disposé  avec  goût,  et  l'ensemble,  tout  en 
donnant  l'idée  d'un  enfant  résolu,  hardi,  tel,  enfin,  qu'il  était  réelle- 
ment, cooser\e  toutefois,  dans  les  formes,  le  sentiment  juvénile  si  difi- 
file  à  exprimer. 

— Gravure. — Virgile  a  raconté,  dans  son  épisode  d'Aristée,  les  mal- 
heurs d'Orphée  et  d'Eurydice.  M.  Drolliog,  peintre  distingué  de  la  nou- 
velle école,  a  puisé  dans  ce  touchant  récit  le  sujet  d'un  tableau  qu'il  a  ex- 
p  ijé  en  1819.  Le  moineaf  choisi  pai  l'ariislc  est  relui  où  l'infortunée  Eu- 


ELKOPK.  '^^"^ 

rydlcr,  sentant  que  la  nIc  l'abandonne  de  nouveau,  par  rim|..udc.ue  d« 
»on  époux,  s'écrie  : 

Jani  que  vale:  fe.or  ingenti  circun.data  nocte, 

Invalidasque  ûbi  tenUc-ns,  lieu  .'  non  tua  palmas. 

Dixit  et  ex  vculis  subito,  ceufiimus  in  aaras 

Commiatus  tenues,  ias^Xà'ii'-'c^^-  r  •»,   „- ^ 

(Gnon. ,  l'ib.  n  . 

Mercure,  armé  de  son  caducéo,  enlève  duo.  ses  bras  Eurydice  expi- 
rante, et  reconduit  son  ombre  aux  enfers.  A  cette  vue,  Orphée  cxpranc 
par  le  désordre  de  ses  mouvemcns  les  premières  iu^prcssions  d'un  grand 
désespoir;  la  lyre  qui  lui  avait  servi  à  reconquérir  son  épouse  adorée  sur 
l'avare  Achéron  est  à  ses  pieds,  désormais  inulUe.-U  règne  une  gn.nde 
pureté  de  formes  dans  ce  tableau,  qui  fait  maintenant  partie  de  la  gakr.e 
du  Luxembourg.  La  figure  d'Eurydice  est  po»ée  avec  grâce  dan.  l.s  bra. 
de  Mercure;  sa  tête  renversée  exprime  bien  les  seatimens  de  douleur  qu. 
ont  précédé  sa  mort,  mais  la  figure  d'Orpbée  n'est  pas  également  b.en 
posée;  elle  manque  de  noblesse  et  d'élégance.  La  SocUte  des  a.n,s  des 
arts  a  fait  graver  ce  tableau,  et  c'est  M.  Garnier  qui  a  été  charge  de  cct.c 
entreprise.  Je  le  dis  à  regret,  mais  la  vérité  m'oblige  à  le  dire,  cette  gra- 
vure laisse  beaucoup  à  désirer.  Ce  jeune  artiste ,  élève  de  M.  Bervic  , 
,'est  élancé  dans  la  carrière  avant  de  posséder  tous  les  secrets  de  son  art. 
Le  travail  des  chairs,  et  particulièrement  des  tètes,  manque  de  finesse;  H 
ne  sait  pas  donner  de  la  transparence  à  ses  ombres;  ses  contours  ne  sont 
pas  toujours  purs;  mais  on  voit  qu'il  a  de  la  main,  pour  me  servir  de  l  ex- 
pression technique,  et  c'est  ce  qui  lui  a  inspira  une  confiance  temera.r,-. 
Dans  les  premières  années  de  sa  fondation,  la  Société  des  amis  d.s  arts 
a  publié  plusieurs  planches  exécutées  par  des  hommes  tiè.-habiles,  le!s 
que  MM.  Pachomme,  Laugler  et  MuUer.  11  paraît  qu'elle  n'apporte  plus 
le  même  soin  dans  le  choix  des  altistes;  cependant,  elle  devrait  fa,re  at- 
tention que  le  plus  grand  nombre  de  ses  souscripteurs  n'obtient  que  des 
gravures,  et  il  semble  qu'avec  un  revenu  annuel  de  70  à  80  mdle  bancs, 
elle  pourrait  bien  employer  des  hommes  d'uu  talent  distingué.  Je  fau 
cette  observation  dans  l'intérêt  de  l'art  et  de  la  Société  elle-même. 

_  Lithografhie.  —  Voxjage  m  Italie  far  J.  Isabky,  en  1822.  (Trente 
dessins  lithographies,  format  in-folio,  papier  vclin  ;  prix,  jS  francs.- 
Le  premier  besoin  d'un  artiste  qui  foule  le  sol  de  l'Ilalie,  cette  terre 
classique  des  arts  ,  favorisée  de  tous  les  dons  de  la  nature,  c'est  de  re- 
produire, par  le  moyen  de  ses  crayons,  les  lieux  et  les  monumens  dont 
la  vue  1-ont  transporté.  C'est  un  moy.  n  de  conserver  le  souven.r  de  se* 


^54  EUROPE. 

«■motions.  L'éciiraÏD  ,  qui  suit  la  même  route,  décrit  les  choses  qui  l'ont 
frappé.  Dans  celle  lutte,  où  tous  deux  essaient  de  parvenir  au  même 
but  par  des  moyens  dilTcrens,  l'avantage  ne  reste  pas  toujours  au  pein- 
tre. Le  crayon  donne  une  idée  fidèle  des  lieux  ;  mais,  d'abord,  il  est  im- 
puissant pour  transmettre  l'impression  que  produit  leur  masse;  ensuite, 
le  profond  silence  qui  environne  les  ruines  et  qui  ajoute  à  leur  majes- 
té, comme  à  l'effet  qu'elles  produisent;  les  souvenirs  que  les  lieux  voi- 
sins peuvent  faire  naître,  et  qui  répandent  tant  de  charmes  sur  la  mé- 
ditation ,  tout  cela  disparaît.  L'écrivain  ,  au  contraire  ,  laisse  quelque 
chose  de  vague  dans  ses  tableaux  ;  mais  il  ébranle  l'imagination  par 
le  récit  de  ce  qu'il  a  éprouvé;  il  captive  davanlage  la  pensée.  L'artisie 
et  récrivain  se  complèleni,  et  devraient  toujours  marcher  ensemble. 
RL  Isabey  n'a  roidu  devoir  son  succès  qu'à  lui  seul;  c'est  le  tribut  de 
son  crayon,  dépouillé  de  tout  autre  secours  ,  qu'il  offre  au  public.  Cet 
artiste  a  un  véritable  talent  ;  toutes  les  ressources  de  la  lithographie  lui 
sont  connues  :  plusieurs  ])lyachcs  sont  vraiment  renr,jlies  de  goût  et 
d'esprit  ;  mais  celte  manière  vaporeuse,  vague,  qu'il  semble  avoir  adop- 
tée, et  qui  convient  si  bien  lorsqu'il  s'agit  de  faire  un  portr.tit  de 
femme  ,  devrait  être  remplacée  par  ud  crayon  plus  ferme  ,  plus  précis, 
quand  il  s'agit  de  reproduire  la  statue  colossale  de  Charles  Borromée, 
le  cratère  du  Vésuve,  la  vue  du  château  de  l'Œuf-,  etc.  Chaque  ville 
principale  de  l'Italie  a  fourni  son  contingent ,  et  les  treiite  dessins 
dont  se  compose  cette  collection,  offrent  de  la  variété,  sinon  dans  la 
manière  dont  ils  sont  exécutés,  au  moins  dans  les  obfels  qu'ils  repré- 
sentent. Au  reste,  le  nom  seul  de  M.  Lsabey,  qui  a  été  si  long-tems  dans 
toutes  les  bouches,  lui  a  valu  un  saccès  mérité  à  beaucoup  d'égards.  — 
C'est  de  son  vivant  même  que  M.  Phdd'ho»  a  reçu  le  nom  de  Corré(jo 
français.  La  postérité  ,  qui  a  maintenant  commencé  pour  lui ,  peut  rati- 
fier cet  éloge.  Sans  doute  son  talent  n'était  pas  exempt  de  défauls:  son 
dessin  n'était  pas  correct  ;  les  tètes  de  tous  ses  personnages  avaient  en- 
tie  elles  uue  constante  rcsscinblanee  ;  mais  il  avait  toujours  une  couleur 
suave  et  brillanle  ,  et  un  charme  de  pinceau  que  personne  ne  peut  lui 
contester:  il  était  peintre,  enfin.  L'un  de  ses  plus  charmans  tableaux 
est,  sans  contredit,  celui  dans  lequel  il  a  représenté  un  dieu  jeune  et 
folâtre,  Zéphyre  ,  suspendu  à  des  branches  d'arbre,  au  milieu  d'un  frais 
bocage  ,  effleurant  avec  le  bout  de  son  pied  la  superficie  de  l'eau  au  des- 
sus de  laquelle  il  se  balance.  Ce  tableau,  qui  l'ut  extrêmement  goûté  du 
public,  appartient  à  M.  de  Sommarlva;  mais  l'auteur  a  recommencé  ce 
sujet,  dans  une  plus  petite  proportion  et  avec  quelques  changcmens  hier» 
entendus.  C'est  ce  dernier  petit  tableau  que  M.  Gbkvkdoa  a  lilhograpi.i^ 


EUROPE.  25) 

«tec  un  lalent  très-remarquable,  puisqu'il  a  su  se  faire  oublier,  et  mett.e 
le  maître  môme  sous  les  yeux  des  amateurs  (  prix  ,  lo  fr.  sur  papier  tic 
Chine  ,  et  5  fr.  sur  papier  ordinaire).  —  M.  Aibry-le-Comte  ,  qui  parait 
vouloir  associer  constamment  son  nom  à  celui  de  son  maître,  vient  de  pi.  - 
blier  uneodalhqucvueàmi-ccrj>s,  que  M.  Girodet  a  exécutée,  il  y  a  deux. 
à  trois  ans.  Je  nai  pas  vu  l'original;  mai*  le  maître  se  révèlesuffisamment 
dans  le  dessin  lithographie,  et  il  est  impossible  de  le  méconnaître.  Lv 
peintre  a  voulu  exprimer  ce  mélange  de  senlimens  divers  qu'éprouvent  les 
femmes  de  l'Orient,  lorsqu'elles  paraisscntdevantcelui  qui  peut  toutoser, 
et  qu'elles  ont  encore  de  la  pudeur  et  de  l'innocence.  L'odalisque  a  les  yeux 
baissés,  et  le  mouvement  général  de  son  corps,  ainsi  que  l'expression  d..- 
son  visage  ,  me  paraissent  rendre  d'une  manière  bien  comp'èie  l'idée  .K^ 
l'artiste.  Il  est  impossible,  au  reste,  de  voir  une  tête  modelée  plus  (Ine- 
menf,  les  étoffes  riches  de  l'Orient,  dont  sa  tête  et  ses  épaules  sont  cou- 
vertes, ont  été  rendues  par  le  lithographe  avec  une  extrême  habileté  ; 
enGn  ,  c'est  une  fort  belle  estampe,  qui  a  été  de  suite  très-recherchée, 
(  prix  ,  10  fr.  sur  papier  de  Chine  ,  et  5  Ir.  sur  papier  ordinaire).     P.  A. 

KKCR0L0G.E.-Duc«m;).-La  chirurgie  française  déplore  en  ce  moment 
la  perte  qu\lle  vient  de  faire  dans  la  personne  de  M.  Théodore  Ducamf, 
docteur  en  médecine,  né  à  Bordeaux,  le  lo  avril  1792,  et  mort,  a  Paris 
le  1"  avril  dernier.  Ce  jeune  médecin  était  connu  par  une  traduction 
d'un  ouvrage  anglais,  sur  les  désordres  de  ta  respiration,  par  une  réfu- 
tation delà  doctrine  des  fiévres^d  principalement  par  un  Trailè  des  ma- 
ladies des  voies  urinaires,  contenant  le  développement  de  sa   méthode 
de  trailement,  applicable  au  rétrécissement  du  conduit  urétral.  .  U  nom- 
bre de  malades  qu'il  avait  guéris,  prouve  assez,  dit  le  rédacteur  de  la  Re- 
vue médicale,  en  faveur  des  perfectlonnemens  apportés  à  la  roélhoic 
de  la  cautérisation,  et  des  nouveaux  procédés  qu'il  a  imaginés.  .  Dan* 
une  notice  nécrologique  sur  ce  médecin,  M.  le  docteur  Pasquier  ra<  orne 
un  fait  que  nous  ignorions,  et  que  nous  rapportons  avec  plai=ir:  .  Le  suf- 
frage de  deux  praticiens  célèbres,  MM.  Percy  et  Deseliamps,  Oatla,  dit- 
il,  ioBniment  le  docteur  Ducamp;  mais  un  témoignage  d'estime  qui  tou- 
cha son  cœur,  et  dont  il  parlait  quelquefois  avec  attendrissement,  c'est 
la  décision  prise  par  les  élèves  des  hôpitaux  de  Bordeaux  (où  il  avait 
commencé  ses  éludes)  de  déposer  honorablement  dans  la  salle  de  garde, 
l'ouvrage  de  leur  ancien  camarade,  avec  les  instrumens  destinés  à  gué- 
rir une  des  maladies  le»  plus  cruelles  de  l'homme.  »     {Mémorial   bur- 
dclais.) 


TABLE  DES  ARTICLES 

CONTENUS 

DANS  LE  CINQUANTE-HIITIÈME  CAHIER. 

OCTOBRE   1825. 


I.  MÉMOIRES,  NOTICES  ET  MÉLANGES. 

1.     Sur  le  Développement  de  la  civilisation.        M.  A..  Jullien.    p.       5 
s.     Sur  l'Exposilion  [)ubli([ue  des  pioduils  de  l'indubtrie.     Ferry.      i5 

IL  ANALYSES  D'OUVRAGES. 

s.     Précis    des    événemens     militaires,    pur   le    comte    Malhicu 

Dumas.  M.  A.— F.     45 

■4'     Tableaux  de  l'Histoire  pbiloi^ophique  du  christianisme,   par 

Charles  Coquerel.  /t.  Mahul.     56 

5.  Parallèle  de  la  puiss;ince  anglaise  et  russe,  par  M.  de  Pradt. 

Ch.  Dupin,   de  l'Institut.     65 

6.  Histoire  de  la  Révolution  liclvétique,  par  M.  Kaoul-Uochette. 

Lanjuînais ,  de  l'Institut.     91 

7.  Histoire  littéraire  d'Italie,  continuée  par  M.  Salfi.     Chauvet, 

8.  Histoire  de  l'Art,  par  M.  d'Agincourt. 

Emeric-David ,  de  l'Institut. 

9.  Essai  sur  la  danse  antique  et  moderne,  par  M™=  Elise  Voïart. 

Massias.   ii 

m.  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

Annonces  de  c^g  ouvrages,  français  1 1  étrangers.  1 19 

IV.  NOUVELLES  SCIENTIFIQUES  ET  LITTÉRAIRES. 

Amérique.  —  Etats-Unis.  —  Colombie.  — Bogota.  214 

Asie. — Calcutta.  ai6 

Afbiqce.  —  Sierra-Leone.  —  Ile  de  France.  216 

Europe.  —  Iles  Britanniques.  —  Russie.  —  Pologne.  —  Suède.  —  Da- 

ncmarck.  —  Allemagne.  —  Suisse.  —  Italie.  —  Grèce.  —  Portugal. 

—  Pavs-Bas.  —  France.  —  Paris.  217 


REVUE 

ENCYCLOPÉDIQUE, 

ou 
ANALYSES  ET  ANNONCES  RAISONNÉES 

DES  PRODUCTIONS  LES  PLUS  REMARQUABLES 
DANS  LA  LITTÉRATURTî,    LES  SCIENCES  ET  LES  AUTS. 

I.  MÉMOIRES,  NOTICES, 

LETTRES  ET  MÉLANGES. 


Extrait  d'un  Rapport  sur  les  matériaux  recueillis  par 
M-  Cailliaud  ,  pendant  son  dernier  vojage  en  Ethio- 
pie, par  une  commission  composée  de  MM.  le  comte 
de  Chabrol,  QuATREMfeRE  de  Quixcy  ,  Abel  Remusat, 
et  Letroinne  ,  membres  de  l'Institut,  et  désignée  par 
S.  E.  le  ministre  secrétaire-d'état  de  l'Intérieur. 

La  conitnission  cliargée  d'exauiiiier  les  matériaux  recueil- 
lis par  M.  Cailliaud  ,  de  Nantes  ,  dans  son  dernier  voyage 
en  Ethiopie,  et  de  donner  un  avis  sur  les  moyens  les  plus  con- 
venables pour  en  assurer  la  prompte  publication  ,  a  lait  une 
revue  exacte  et  détaillée  de  tous  les  objets  qui  composent  la 
collection  de  ce  voyageur,  et  a  reçu  de  lui  tous  les  renseigne- 
mens  qu'elle  a  cru  nécessaires  pour  éclairer  sou  jugement.  Ce 
sont  les  résultats  de  cet  examen  qui  font  l'objet  du  rapport 
qu'elle  adresse  ù  S.  E.  le  minislre  de  llnlérieur. 

T.  XX. — Novembre  iS-2'5.  l'j 


a58  RAPPORT  SUR  L'OUVRAGE 

Les  circonstances  qui  ont  permis  à  M.  Cailliaucl  de  remoa-' 
ter  le  cours  du  Nil ,  jusqu'à  un  point  plus  reculé  que  ceux  où 
se  sont  arrêtés  tous  les  voyageurs  qui  l'ont  précédé  dans  ces 
contrées ,  sont  de  nature  à  ne  pouvoir  se  renouveler  de  long- 
tems.  A  la  faveur  de  l'expédition  qu'Isiuaël  Pacha,  fils  du  gou- 
verneur d  Egypte ,  fit  en  Nubie,  dans  l'année  1821  ,  M.  Cail- 
liaud  ,  sur  les  connaissances  duquel  on  comptait  pour  la  dé- 
couverte des  mines  d'or,  a  pu  suivre  l'armée  et  atteindre  avec 
elle  le  terme  où  elle  s'arrêta.  Il  a  eu  toutes  les  facilités  néces- 
saires pour  faire  des  observations  astronomiques,  noter  la  di- 
rection des  routes ,  tenir  compte  des  distances  ,  prendre  des 
vues ,  dessiner  des  monumens ,  lever  des  plans ,  copier  des 
inscriptions  ;  et ,  comme  il  s'était  préparé  par  des  études  spé- 
ciales à  ce  second  voyage ,  les  résultats  qu'il  en  a  tirés  sont 
d'un  liaut  intérêt  pour  la  géographie ,  les  arts  et  la  connais- 
sance de  l'antiquité. 

Pour  apprécier  l'importance  de  ses  matériaux  géographi- 
ques, il  faut  se  rappeler  que  M.  Gau  ,  dont  le  bel  ouvrage  sur 
les  antiquités  de  la  Nubie  a  ajouté  tant  de  faits  nouveaux  à  ceux 
dont  l'expédition  d'Egypte  a  procuré  l'acquisition  ,  s'est  arrêté 
sur  le  Nil ,  à  Ouadi-Halfa  ,  à  la  hauteur  de  la  seconde  cataracte  j 
que  Kobbé  ,  dans  le  Darfour,  à  1 4°  de  latitude  nord  ,  est  le  lieu 
le  plus  méridional  où  le  voyageur  anglais  Browne  ait  pu  pé- 
nétrer, en  l 'jgo  ;  et  que  Bruce  partant  de  Sennar  et  traversant 
le  désert  pour  se  rendre  sur  les  bords  de  la  mer  Rouge  ,  ne 
s'est  pas  élevé  au-delà  de  i3".  Or,  M.  Cailliaud  est  parvenu 
jusqu'au  lO* ,  i5o  lieues  plus  loin  que  Sennar,  et  dans  la  di- 
rection de  la  branche  principale  du  Nil,  sur  laquelle,  par  con- 
séquent ,  il  a  pu  recueillir  des  renseignemens  précis  et  se  pro- 
curer des  notions  depuis  long-tems  désirées  des  géographes. 
Celle  partie  de  sa  route  est  donc  entièrement  nouvelle  ,  et  ne 
saurait  manquer  de  fixer  l'attention  des  savans.  M.  Cailliaud 
porail  n'avoir  rien  négligé  pour  répondre  dignement  à  leur  at- 


DE  M.  CAILLULD.  9.59 

tenle.  Il  a  teau ,  peudaut  lout  son  vojage ,  uq  journal  exact  de 
su  marche,  et  marqué  avec  soia  la  direction  d'après  la  bous- 
sole, et  en  tenant  compte  de  la  déclinaison.  Il  n'a  pas  mis 
moins  d  attention  à  évaluer  les  distances,  en  notant  la  diffé- 
rence des  journées  d'homme,  de  cheval  et  de  chameau.  Indé- 
pendamment de  cet  itinéraire   détaillé  ,    plus   de  cinquante 
points  ont  été  relevés  astronomiquement  par  M.  Cail'iaud  ,  ou 
par  sou  compagnon,  M.  Letorzec  ,  et  serviront  à  lier  ensem- 
ble les  ditîérenles  parties  de  la  route  et  à  contrôler  les  énon- 
cés des  distauces.  Les  cahiers  contenant  le  journal  et  les  ob- 
servations astronomiques  ont  été  mis  sous  les  yeux  de  la  com- 
mission ,  qui  pense,  qu'après  qu'ils  auront  été  vérifiés  et  sou- 
mis de  nouveau  au  calcul ,  ils  pouiront  oftrir  les  élémens  d'wne 
bonne  carte.  Cette  carte  acquerra  même  un  prix  particulier, 
par  la  précaution  que  M.   Cailliaud  a  prise,  après  avoir  re- 
cueilli les  noms  des  lieux  (lu'il  a  visités  ou  dont  il  a  eu  connais- 
sance, de  les  faire  écrire  en  arabe  par  les  naturels  du  pays.  La 
table  de  ces  noms  préviendra  bien  des  incertitudes  et  des  mal- 
entendus auxquels  donnent  souvent   lieu    les  relations   des 
voyageurs  qui  ont  parcouru  des  contrées  peu  connues.  L'issue 
définitive  de  l'expédition  d'Ismaël  Pacha ,  le  massacre  d'une 
partie  de  la  garde  de  ce  prince  par  les  naturels,  la  révolte. de 
toutes  les  tribus  barbares  de  la  haute  Ethiopie,  opposeront 
désormais  d'insurmontables  obstacles  aux  Européens  qui  vou- 
draient pénétrer  aussi  loin  dans  le  sud ,  et  cette  circonstance 
augmente  encore  le  prix  des  renseignemens  géographiques 
dont  on  est  redevable  au  voyageur  français. 

M.  Cailliaud  a  pris  soin  de  recueillir  aussi  des  observations 
météorologiques  ,  en  notant  trois  fois  par  jour  l'état  du  ther- 
momètre. Les  tables  qu'il  a  formées  de  cette  manière  ,  et  dont 
la  commission  a  pris  connaissance,  peuvent,  étant  rappro- 
chées des  l'cuseignemens  du  même  genre  qui  sont  épars  dans 
les  autres  parties  de  la  relation,  donner  une  juste  idée  du  cli- 


ùGo  RAPPORT  SLR  L'OUVRAGE 

mal  des  pays  parcourus  ,  lequel  paraît  différer  considérable- 
ment de  celui  des  contrées  situées  plus  au  nord.  On  sait  qae 
M.  Caiîliaud  s'est  occupé  de  rassembler  aussi  des  plantes,  des     ■ 
animaux,  et  des  minéraux  ,  dont  la  collection  aidera  à  com- 
pléter la  description  pbysique  des  pays  qu'il  a  visités. 

Mais  les  objets  qui  ont  surtout  fixé  son  attention ,  et  qui , 
dans  la  direction  actuelle  des  recherches  en  Europe ,  excite- 
ront peut-être  un  intérêt  plus  général ,  ce  sont  les  monumeus 
et  les  ruines  d'édifices  antiques  ,  tels  que  temples ,  pyramides  , 
colosses ,  bas-reliefs  ,  inscriptions  grecques  ou  hiéiogh'phi- 
ques  ,  etc.  La  limite  des  pays  où  l'on  supposait  qae  devaient 
se  trouver  cesprécieux  vestiges  d'antiouit'S  .  a  successivement 
été  reculée  par  les  progrès  des  découvertes.  IVlais  ,  nul  voya- 
geur ne  l'avait  encore  portée  si  loin  que  M.  Caiîliaud,  et  l'on 
peut  à  peine  se  flatter  de  rien  trouver  en  ce  genre  au-delà  du 
terme  qu  il  a  atteint.  I^e  précieux  ouvrage  de  M.  Gau  sur  les 
antiquités  de  la  Nubie  ,  ne  contient  rien  ai*-dessns  de  Ouadi 
Halfa ,  et  c'est  précisément  le  point  oii  commencent  les  inves- 
tigations de  M.  Caiîliaud.  Ainsi ,  les  deux  relations  se  complé- 
teront l'une  par  l'autre  ;  et  eu  v  joignant  le  grand  ouvrage  pu- 
blié par  la  commission  d'Egypte,  on  possédera  la  série  non  in- 
terrompue et  presque  complète  des  monumeus  placés  dans 
la  vallée  du  ISil ,  depuis  les  rivages  de  la  Méditerranée  jus- 
qu'au fond  de  TÉthiopie.  Le  nombre  de  ceux  que  M.  Caiîliaud 
a  décrits  est  dVjviron  cent;  plusieurs  se  distinguent  par  des 
caractères  particuliers,  et  la  comparaison  qu'où  en  peut  faire 
avec  les  monumeus  de  Tî^gypte  et  de  la  Nubie  inférieure,  tou- 
cbe  à  d'importantes  questions  sur  l'histoire  des  arts  et  les  an- 
tiquités. Du  nombre  des  plus  remarquables  sont  les  temples 
de  Naga  et  de  Soieb  ,  les  pyramides  de  Barkal  et  de  Chendy, 
lieu  où  toutes  les  probabilités  se  réunissent  pour  placer  la  célè- 
bre presqu'île  de  Meroé.  Tels  sont  encore,  sous  un  autre  rap- 
port ,  les  ruines  qui  se  Ironveut  à  Soubah ,  au  1 5'=  degré  de 


DE  M.  CAILLIAUD.  261 

latitude,  à  rembouchure  du  Rahad  et  du  fleuve  Blanc,  le  point 
le  plus  méridional  où  Ton  ait  trouvé  des  monuniens  antiques  , 
et  le  lieu  le  plus  reculé,  suivant  toute  apparence,  où  les  an- 
ciens aient  formé  des  établissemens  durables. 

La  métbode  suivie  par  le  voyageur  pour  représenter  les  rui- 
nes qu'il  a  explorées  ,  est  celle  d'un  observateur  attentif  et  ju- 
dicieux. Il  ne  s'est  point  borné  à  tracer  des  vues  perspectives 
prises  dans  différentes  directions,  et  des  élévations  des  parties 
d'édifices  qui  sont  encore  debout;  il  y  a  joint  des  plans  détail- 
lés, où  les  mesures  sont  cotées  avec  le  plus  grand  soin ,  et , 
quand  l'occasion  s'en  est  oiîérle  ,  des  dessins  particuliers  d  or- 
nemens,  des  détails  de  sculpture,  des  inscriptions  liiéroglyplii- 
ques,  etc.  Cette  attention  scrupuleuse  est  d'un  grand  prix  aux 
yeux  des  antiquaires  et  des  artistes  :  elle  est  un  motif  de  con- 
fiance et  offre  une  base  solide  aux  recberclies  ultérieures.  On 
reconnaît,  dans  les  productions  du  crayon  de  M.  CailliaïKl , 
sinon  ce  degré  d'élégance  et  de  perfection  qui  caractérise  le 
dessinateur  de  profession  ,  au  moins  ce  soin  minutieux  qui  est 
une  garantie  plus  sûre  d'exactitude  et  de  fidélité.  La  commis- 
sion ayant  occasion  de  comparer  quelques  dessins  de  monu- 
mens  qui  ont  été  pris  en  Egypte  et  en  Nubie  par  le  voyageur 
français  d'une  part,  et  par  MM.  Waddington  et  Belzoni,  de 
l'autre  ,  doit  déclarer  qu  elle  a  remarqué  ,  dans  les  premiers , 
une  supériorité  incontestable  en  ce  qui  concerne  l'expression 
du  style  de  l'art  égyptien,  l'énoncé  des  mesures  et  la  représen- 
tation des  détails. 

Enfin  ,  la  relation  de  M.  Cailliaud,le  récit  de  ses  aventures 
personnelles  et  de  ses  observations  journalières ,  celui  de  l'ex- 
pédition d'Ismaël  Pacba  dans  un  pays  situé  à  4oo  lieues  au  sud 
des  frontières  de  l'Egypte  ,  les  renseignemens  de  divers  genres 
<}ue  le  voyageur  a  recueillis  sur  les  mœurs  ,  les  productions  et 
le  commerce  des  vastes  contrées  où  s'est  étendue  son  excursion , 
pourront  sans  doute  assurer  à  son  ouvrage  l'estime  du  public 


262         SLR  L'OUVRAGE  DE  M.  CAILLAUD. 
éclairé,  et  justifieront  la  protection  que  le  gouvernement  a  déjà 
accordée  à  ce  zélé  et  courageux  observateur. 

Il  est  donc  d  une  incontestable  utilité  pour  la  géographie  , 
les  sciences  historiques  ,  les  antiquités  et  Ihistoire  naturelle, 
que  les  matériaux,  rassemblés  par  !\L  Cailliaud  soient  mis  au 
jour.  Il  est  même  à  désirer  que  la  publication  soit  aussi  prompte 
que  possible  ,  pour  éviter  qu'un  A'ovageur  français  ne  soit  de- 
vancé par  des  étrangers  qui  ont  pu  avoir  connaissance  d'une 
partie  des  faits  qu'il  a  étudiés,  ou  parcourir  après  lui  quelques- 
unes  des  contrées  qu'il  a  visitées.  La  commission  ne  peut  qu'ap- 
plaudir aux  vues  bienveillantes  que  le  ministre  a  déjà  mani- 
festées à  cet  égard.  L'intérêt  de  la  science  et  l'honneur  natio- 
nal se  réunissent  pour  faire  souhaiter  que  notre  compatriote 
reçoive  la  récompense  qu'il  a  méritée  par  ses  travaux ,  et  s'as- 
sure ,  en  publiant  son  ouvrage  ,  l'estime  et  la  considération  qui 
sont  dues  à  ses  efforts  (ij.  J*. 

(i)  Trois  volumes  in-S",  accompagnés  de  i^o  planclies,  suESront  pour 
comprendre  tous  les  résultats  vraiment  neufs  et  importans  que  les  scien- 
ces doivent  retirer  du  voyage  de  M.  Cailliaud. 

L'ouvrage  dont  il  est  fait  mention  dans  ce  Rapport ,  parait  sous  le  li- 
tre de  Voyage  à  Méroe,  au  fleuve  Bianc ,  au-delà  du  Fazôgt  dans  le 
midi  du  royaume  de  Sennâr,  à  Syouah  et  dans  cinq  autres  Oasis;  fait 
dans  les  années  1819,  1820,  1821  et  1822,  par  ?\I.  Frédéric  Cailliaud  , 
de  Nantes.  Dédié  au  Roi.  Ouvrage  publié  par  l'auteur,  rédigé  par  le 
même  et  par  M.  Jomard,  membre  de  l'In.-titut  royal  de  France,  cor- 
respondant de  l'Académie  des  sciences  de  Berlin,  etc.;  accompagné  de 
cartes  géographiques  et  topographiques,  de  planches  représentant  les 
monumens  de  ces  contrées,  avec  des  détails  relatifs  à  l'état  moderne  et 
à  l'histoire  naturelle. 

Cet  ouvrage,  dont  l'impression  est  confiée  à  M.  Rignoux ,  formera 
deux  volumes  de  planches,  format  in-fol.,  et  trois  volumes  de  texte 
format  in-8<>. 

La  partie  in-folio  est  divisée  en  28  livraisons,  de  cinq  planches  cha- 
cune. 

Le  texte  in-8°  paraîtra  sous  peu  de  tems  ;  il  sera  orné  d'une  carie  et 


203 

NOTICE  BIOGRAPHIQLE  sur  Hauv  et  sur  Breguet. 
HAUY. 

A  la  séance  publique  de  rAcaclômie  des  Sciences  (le  2  juin 
1825),  un  savant  illustre  loua  dignement  l'illustre  Haùy  :  il 
rappela  les  travaux  du  physicien,  du  minéralogiste,  et  sur- 
tout ceux  du  professeur  j  il  raconta  la  vie  simple  ,  pure  ,  mo- 
dfste  et  occupée  de  l'homme  de  bien.  Dans  cette  occasion  , 
M.  Cuvier  avait  ajouté  aux  charmes  de  son  style  ceux  d'une 
expression  naïve  et  touchante,  parfaitement  en  harmonie  avec 
son  sujet.  Haùy  fut  un  de  ces  hommes  qui  apparaissent  de  loin 
en  loin  pour  soutenir  notre  courage ,  et  nous  préserver  du 
malheur  de  mépriser  la  nature  humaine.  Leur  histoire  est 
plus  instructive  que  celle  de  certains  peuples  ,  des  monarques 
qui  les  gouvernèrent,  des  guerres  qu'ils  soutinrent,  <\cs  alter- 
natives de  succès  et  de  revers  dont  se  composent  leurs  anna- 
les. Les  faits  de  la  vie  privée  nous  offrent  des  leçons  mieux  ap- 
propriées à  nos  besoins.  On  y  remarque  l'heureuse  influence 
d'un  bon  naturel,  plus  précieux  que  les  vertus  mêmes,  et  dont 
l'imitation  est  d'autant  plus  attrayante,  quelle  semble  plus  fa- 
cile :  on  y  apprend  qu'avec  de  la  persévérance  et  du  travail , 
un  esprit  juste  sans  être  étendu  peut  aller  aussi  loin  que  le 
génie  ,  et  rendre  aux  sciences  des  services  non  moins  iuipor- 
îans.  Et  même,  selon  M.  Cuvier,  le  génie  ne  serait  autre  chose 
qu'un  esprit  juste  et  persévérant  :  cette  opinion  peut  être  cou- 
de gravures  représentant  les  costumes  de  différenles  peuplades  ,  et  com- 
prendra :  1°  la  Relation  du  Voyaee  et  rexplicalioo  des  planches;  a°  les 
Observations  astronomiques  ei  météorologiques,  el  l'Extrait  du  journal 
de  roule;  3°  la  Description  des  objets  d'histoire  naturelle;  4°  ^^^  •"f- 
scignemens  sur  le  pays  de  Dinka  ,  situé  sur  le  fleuve  Blanc,  cl  sur  les 
noirs  de  Chcloukhs,  avec  la  liste  des  rois  de  Sennûr,  de  Chendi,  c*c.  ; 
5°  le  Kccit  de  l'expédition  d'Ismaël-Pacha  en  Kiibie. 

On  se  propose  de  publier  uoiquument  un  ouvrage  de  faits  et  d'obser- 
vations :  c'est  un  vaste  champ  que  M.  Gailliaud  va  ouviir  aux  recherche» 
et  aux  discussions  scientifiques. 


264  NOTICE 

testée.  Le  mot  génie  désigne  certainement  le  plus  haut  degré 
de  l'inlelllgence  humaine,  la  plus  grande  puissance  de  la  raé- 
moire  el  de  l'imagioalioa  jointe  à  la  rapidité  de  la  pensée. 
L'homme  de  génie  aperçoit  presque  au  même  instant  et  avec 
la  même  clarté  une  multitude  dohjets  dont  il  saisit  les  rap- 
ports ;  au  lieu  qu  ua  esprit  ordinaire,  quelque  juste  et  persé- 
vérant qu'il  puisse  être,  ne  découvre  qu'un  horizon  plus  li- 
mite, voit  successivement,  et  laisse  échapper  ce  qui  ne  peut 
être  connu  que  par  la  comparaison  immédiate  des  deux  ex- 
trémités d'une  longue  série  d  objets  ou  d  idées. 

M.  Cuvier  a  distingué,  dans  Hauy,  le  savant  et  riiomme. 
Nous  aurons  souvent  à  parler  du  savant ,  de  ses  ouvrages,  de 
la  part  qu'il  eut  aux  découvertes  dont  les  sciences  se  sont  en- 
richies depuis  un  demi-siècle,  de  celle  qui  lui  appartient  dans 
les  travaux  de  ses  nombreux  disciples  :  aujourd'hui  ,  nous 
n'emprunterons  à  M.  Cuvier  que  les  traits  par  lesquels  il  a 
dépeint  l'éiève,  le  professeur,  l'homme  studieux  enfermé  dans 
une  prison,  l'académicien  au  comble  des  honneurs  littéraires, 
et  dans  tous  les  tems  ,  la  belle  âme  d'Haiiy,  sa  candeur,  sa 
bienveillance  universelle. 

René-Just  Hauy,  chanoine  honoraire  de  Noire  -  Dame  , 
membre  de  l'Académie  des  Sciences,  et  de  la  plupart  de  celles 
de  lEurope,  naquit  le  28  février  1743,  à  Saint-Just,  petit 
bourg  du  département  de  l'Oise.  Il  était  le  ftére  aîné  de  feu 
M.  Haûj,  si  connu  comme  inventeur  d'une  méthode  d'ins- 
truction pour  les  aveugles  nés.  Le  père  de  ces  deux  enfans  , 
destinés  à  reculer  les  bornes  des  sciences  et  de  leurs  applica- 
tions ,  était  un  pauvre  tisserand  ,  qui ,  selon  toute  apparence  , 
n'aurait  pu  donner  à  ses  fds  d'autre  profession  que  la  sienne,' 
SI  des  personnes  généreuses  n'étaient  venues  à  son  secours  (i). 

(1)  Ce  secours  n'eût  peut-être  pas  été  plus  nécessaire  au  jeune  Haiiy, 
qu'il  ne  le  îul  au  géomètre  Lambeet  ,  de  l'Académie  de  Berlin.  On  sait 


SUR  H  AL  Y  ET  SUR  BREGUET.  265 

11  y  avait  alors  à  Saint-Just  une  abbaye  :  le  jeune  Haiiy  sui- 
vait avec  assiduité  les  cérémonies  religieuses,  et  montrait  beau- 
coup de  goût  pour  les  cbants  de  TégUse.  Il  attira  ratlention  du 
prieur,  qui  le  fit  venir,  Tinlerrogea  ,  et  qui ,  frappé  de  lin- 
tellieence  extraordinaire  de  cet  enfant,  lui  fit  donner  des  le- 
cons  par  quelques-uns  de  ses  religieux.  Les  progrès  de  féco- 
lier  furent  si  rapides  ,  que  ses  maîtres  engagèrent  sa  mère  à 
le  conduire  à  Paris,  où  il  trouverait  certainement  les  moyens 
de  conliuuer  ses  éludes.  Cette  mère  courageuse  suivit  ce  con- 
seil ,  malgré  des  obstacles  de  toute  espèce  ,  et  ne  put  être  re- 
butée par  les  maux  qu  elle  eut  à  supporter  dans  une  grande 
ville  où  elle  se  trouvait  sans  ressources.  Le  premier  soulage- 
ment qu  elle  reçut,  après  une  longue  attente ,  fut  une  place 
déniant  de  cbœurpour  son  fils,  dans  une  église  du  quartier 
Saint- Antoine.  Le  jeune  Haiiy  sut  profiter  de  la  seule  instruc- 
tion qu'il  put  recevoir  dans  cet  emploi  ;  il  devint  bon  musi- 
cien. Enfin  ,  ses  protecteurs  lui  obtinrent  une  bourse  au  col- 
lège de  Navarre  ,  et  c'est  à  son  entrée  dans  ce  collège  qu'il 
faut  fixer  le  commencement  de  ses  études  régulières.  Sa  con- 
duite lui  mérita  l'esùme  et  l'attacliement  de  ses  professeurs  ; 
lorsqu'il  cessa  dètre  écolier,  quoique  très-jeune  encore,  ses 
maîtres  le  jugèrent  en  état  de  partager  leurs  travaux.  A  vingt- 
un  ans  ,  il  fut  régent  de  quatrième ,  et  quelque  tems  après ,  il 
passa  comme  régent  de  seconde  au  collège  du  Cardinal  I^e- 


quc  cet  tiomme  estioardinaire  était  Gis  d'un  tailleur,  et  qu'il  exerça  ,  dès 
son  enfance,  la  profession  de  son  père;  que,  privé  de  ses  païens,  en- 
core dans  l'adolescence  ,  avec  des  frères  et  des  sœurs  dont  il  était  le  seul 
appui,  il  les  nourrissait  du  produit  de  son  aiguilie,  suppléait  aux  soins 
qu'ils  auraient  reçus  d'un  père  et  d'une  mère,  remplissait  tous  les  de- 
voirs de  clief  de  famille,  s'acquittait  de  toulcs  les  charges  du  mèn.ige , 
et  trouvait  encore  le  tems  de  cultiver  les  sciences  et  les  lettres,  sans  maî- 
tres ,  sans  conseils ,  seul  avec  ses  livres.  Il  n'est  peut-être  aucun  obsta- 
cle que  le  génie  ue  puisse  surmonter,  (N.  d.  R.) 


2G6  jNOTICE 

moine.  Rien  jusqu'alors  ne  dirigeait  sa  carrière  vers  la  physique 
eiriiistoire  naturelle j  mais  il  avait  suivi  les  cours  de  Brissonau 
collège  de  Navarre,  et  pris  quelque  goût  pour  les  expériences 
de  physique.  D  un  autre  côté  ,  parmi  les  nouveaux  confrères 
d'Haiiy  au  collège  du  Cardinal  Lemoine ,  se  trouvait  alors 
Lhomoud  ,  homme  d'un  profond  savoir,  plus  pieux  et  plus 
modeste  encore  qu  il  n'était  savant.  Il  sVtait  borné  lui-même 
à  l'enseignement  de  la  sixième ,  et  n'a  composé  d'ouvrages 
que  pour  les  enfaus  ;  mais  ces  ouvrages  sont  remarquables  par 
une  extrême  clarté  ,  et  par  une  simplicité  de  ton  conforme  au 
caractère  de  Tauleur,  IjC  jeune  Haiiy  devint  bientôt  l'ami  du 
respectable  Lhomond  ,  et  il  le  choisit  pour  le  directeur  de  sa 
conscience.  11  eut  pour  lui  toute  la  tendresse  d'un  fils  :  il  soi- 
gnait ses  affaires,  le  soulageait  dans  ses  souffrances,  l'accom- 
pagnait dans  ses  promenades.  Lhomond  aimait  à  herboriser  ; 
mais  Haiiy  n'avait  aucune  idée  de  botanique  :  l'industrieuse 
amitié  du  jeune  professeur  vint  à  bout  de  remplir,  en  très- 
peu  de  tems ,  cette  lacune  dans  son  instruction,  afin  d'être 
encore  plus  agréable  et  plus  utile  à  son  ami.  A  la  première 
herborisation ,  il  fut  en  élat  de  nommer  les  plantes  ,  d'assigner 
leurs  caractères  botaniques  :  bientôt  il  fut  au  niveau  des  con- 
naissances de  son  coinpagnon  ,  et  dès-lors  ,  tout  fut  commun 
entre  eux  ,  jusqu'aux  amusemens. 

Le  collège  du  Oirdinal  Lemoine  est  près  du  Jardin  des 
Plantes  ;  il  était  naturel  qu'Haiiy  s'y  promenât  souvent. Voyant 
im  jour  la  foule  d'auditeurs  qui  se  pressaient  d'entrer  à  une 
leçon  de  Daubenlon  sur  la  minéralogie,  il  voulut  entendre 
ce  professeur,  et  fut  charmé  de  trouver,  dans  cette  partie  de 
l'histoire  naturelle,  des  sujets  d'études  plus  analogues  encore 
que  les  plantes  à  son  goût  pour  la  physique.  La  comparaison 
de  ces  deux  sortes  de  productions  de  la  nature  fit  naître  dans 
son  esprit  une  suite  de  réflexions  qui  préparèrent  ses  décou- 
vertes eu  c/v,y/fl//ogr<7^/»'e.  Comment,  se  disait-il,  la  même 


SUR  HATJY  ET  SUR  RREGUET.  267 

pierre,  le  même  sel  se  montreut-ils  en  cubes  ,  en  prismes,  en 
aiguilles  ,  sans  que  leur  composition  change  dun  atome,  tan- 
dis que  la  rose  a  toujours  les  mêmes  pétales,  le  gland  la  mê- 
me courbure  ,  le  cèdre  la  même  hauteur  et  le  même  dévelop^ 
pement?  Il  était  rempli  de  ces  idées,  lorsque  examinant  quel- 
ques minéraux  chez  un  de  ses  amis,  M.  Dèfratice,  maître  des 
comptes ,  il  eut  Theureuse  maladresse  de  laisser  tomber  un 
beau  groupe  de  spath  calcaire  cristallisé  en  prismes.  Quelques 
fragmens  détachés  du  groupe  se  présentèrent  sous  Tapparence 
d'un  cristal  nouveau  d'une  (orme  régulière,  lisse  sur  toutes 
ses  faces  :  Haiiy  découvre  avec  surprise  que  cette  forme  est 
précisément  celle  des   cristaux  rliomboïdes  du  spath  d'Is- 
lande.... Tout  est  trouve,  s'écrie-t-il.  ElTeclivement,  toute  sa 
théorie  cristal lographique ,  monument  impérissable  comme 
les  vérités  géométriques, est  fondé  sur  cette  observation;  mais, 
parce  que  cette  de'couverle  était  toute  géométrique  ,  c'était  au 
moyen  de  la  géométrie  qu'il  fallait  la  compléter  et  l'exposer  : 
Haiiv  sentit  encore  en  cette  occasion  que  ses  éludes  avalent 
été  imparfaites.  Il  ne  se  reluita  point  :  11  apprit  ce  qu'il  fallait 
pour  continuer  ses  recherches  sur  la  structure  des  cristaux  , 
inventa  des  moyens  de  mesure  cl  de  description,  et  ce  fut  seu- 
lement alors  qu'il  osa  parler  de  ses  découvertes  à  son  maître, 
dont  il  avait  suivi  les  leçons  modestement  et  en  silence.  On 
pense  bien  que  Daubenton  s'empressa  d'accueillir  et  de  faire 
connaître  des  travaux  si  précieux  :  M.  de  Laplace ,  auquel  il 
en  fît  part,  se  hcàta  d'encourager  l'auteur  à  les  communiquer 
à  l'Académie  des  Sciences.  Mais  il  n'était  pas  facile  de  déter- 
miner le  modeste  Haiiy  à  sortir  de  son  heureuse  obscurité  ,  à 
se  montrer  au  Louvre  où  rAcadémie  tenait  al  ors  ses  séances,  et 
au  milieu  de  cette  réonion  d'hommes  célèbres  :  c'était  un  pays 
tout-à-'ait  étranger  pour  lui.  Il  céda  pourtant;  il  se  rendit  au 
Louvre,  et  s  y  montra,  comme  dans  une  cérémonie  ecclé- 
siastique ,  revêtu  du  costume  prescrit  par  les  canons.  Il  fallut 


a68  AOTICE 

recourir  à  j'aulorité  d'un  docleur  de  Sorbonne,  pour  lui  per-  • 
suader  qu'il  pouvait ,  en  sûreté  de  conscience,  s  habiller  com- 
me les  autres  ecclésiastiques  dccetems.  Au  reste,  il  est  pro- 
bable que  l'Académie  l'aurait  adopté  ,  quelque  habit  qu'il  eût 
porté.  Le  12  février  i'j85  ,  cette  compagnie  l'admit,  comme 
adjoint ,  dans  la  classe  de  botanique. 

Tandis  qu  Haiij  poursuivait  ses  paisibles  travaux  ,  la  révo- 
lution avait  éclaté.  La  Bastille  était  tombée  ;  et  quelque  tems 
après ,  la  monarchie  avait  subi  le  même  sort ,  sans  que  le  na- 
turaliste eût  rien  changé  à  l'ordre  de  ses  occupations ,  ni  par- 
ticipé au  mouvement  général.  Comme  il  refusa  de  prêter  ser- 
ment à  la  constitution  ecclésiastique  de  cette  époque ,  il  fut 
privé  de  tous  ses  emplois  ,  et  se  vit  aussi  pauvre  que  dans  le 
tems  où  l'emploi  d  enfant  de  chœur  était  l'objet  de  son  ambi- 
tion. Cette  pauvreté  ne  le  mit  pas  à  couvert  de  plus  grands 
dangers.  Fort  Ignorant  de  tout  ce  qui  se  passait  autour  de  lui, 
11  voit  un  jour  son  modeste  réduit  envahi  par  des  hommes  qui 
lui  demandent  s'il  n'a  point  d'armes  à  feu  :  Je  ii'en  ai  point 
d'autres  que  celle-ci,  dit-il  en  tirant  une  étincelle  de  sa  ma- 
chine électrique.  On  saisit  ses  papiers  ,  où  il  n'v  avait  que  des 
calculs  mathématiques  5  on  culbuta  sa  collection,  qui  était  sa 
seule  propriété  ;  enfin  ,  on  fenferma  ,  avec  les  autres  prèlres, 
dans  le  séminaire  Salnt-Firmin,  qui  avait  été  converti  en  pri- 
son. Cellule  pour  cellule,  il  ne  se  trouvait  pas  trop  mal  dans 
sa  nouvelle  habitation.  Tranquillisé  surtout ,  en  voyant  autour 
de  lui  plusieurs  de  ses  amis  ,  il  ne  songea  plus  qu'à  se  faire  ap- 
porter ses  tiroirs,  afin  de  remettre  ses  cristaux  en  ordre.  Heu- 
reusement ,  il  lui  restait  au-dehors  des  amis  mieux  Informés 
de  ce  qui  se  préparait.  L'un  de  ses  élèves ,  devenu  depuis  son 
collègue  ,  M.  Geojfroi  de  Saint-Hilaire  ^  membre  de  l'Aca- 
démie  des  Sciences  ,  logeait  alors  au  collège  du  Cardinal  Le- 
molne.  A  peine  instruit  du  sort  de  son  maître ,  il  court  implo- 
rer tous  ceux  qu'il  croit  en  état  de  le  servir  encore  ;  enlin ,  on 


SUR  HALY  ET  SUR  BREGUET.  269 

obtient  un  ordre  de  délivrance.  M.  Geoffroy  court  le  porter  à 
Saint-Firmin  ;  mais  il  était  tard  ;  Haiiy  était  si  tranquille  ,  d 
se  trouvait  si  bien,  que  rien  ne  put  le  déterminer  à  sortir  le 
jour  même.  Le  lendemain,  il  fallut  presque  lenlraîner  de 
force  :  le  surlendemain  fut  le  2  septembre! 

Ce  qui  est  bien  remarquable,  c  est  que,  depuis  les  massacres 
auxquels  Haiiv  venait  d  être  soustrait  avec  tant  de  bonheur,  d 
ne  fut  plus  inquiété.  Un  jour  seulement,  on  le  fit  comparaître 
à  la  revue  de  son  bataillon  ;  mais  il  fut  réformé  sur-le-champ, 
à  cause  dt  sa  mauvaise  mine.  Ce  fut  à  peu  près  tout  ce  qu'il 
sut ,  ou  du  moins  tout  ce  qu  il  vit  de  la  révolution.  Au  tems  où 
la  Convention  agissait  avec  plus  de  violence  ,  elle  le  nomma 
membre  de  la  commission  des  poids  et  mesures ,  et  conser- 
vateur du  cabinet  des  mines.  Lorsque  Lavoisier  fut  arrête , 
que  Borda  et  Delambre  furent  destitués  ,  I^aiiy  seul  put  écrire 
en  leur  faveur,  et  il  uhéslta  point  à  le  faire  :  lui ,  prêtre  in- 
sermenté, remplissant  tous  les  jours  les  fonctions  ecclésiasti- 
ques! A  une  pareille  époque,  son  impunité  étonnait  encore 
plus  que  son  courage. 

A  !a  mort  de  Daubenton  ,  la  voix  publique  désignait  Hauv 
pour  lui  succéder.  Cependant ,  ce  fut  Dolomieu  qui  fut  nom- 
mé (1).  Mais,  ce  savant  était  alors  arrêté ,  contre  le  droit  des 
gens,  dans  les  cachots  du  gouvernement  napolitain  :  on  u  a- 
valt  de  lui ,  pour  tout  signe  de  vie  ,  que  quelques  lignes  écri- 
tes sur  les  marges  d'un  livre  ,  avec  un  éclat  de  bols  et  la  fu- 
mée de  sa  lampe ,  et  que  ringénieuse  humanité  d  un  Anglais 
avait  su,  à  force  dor,  se  faire  remettre  par  le  geôlier.  Ces  li- 
gnes parlèrent  en  sa  faveur  autant  que  ses  ouvrages;  et  l'un 
de  ceux  qui  sollicitèrent  le  plus  vivement  pour  le  faire  uom- 


(0  M.  Cuviei  prend  ici  l'opinion  de  l'Acad«mie  pour  la  voix  publique  : 
les  suffrages  du  public  eussent  été  en  faveur  de  Dolomieu,  peut-être  a 
cause  de  l'extrême  raodeslie  d'IIauj ,  (N.  d.  R.) 


I 


270  NOTICE 

mer,  ce  fnt  Hauy.  On  anrait  pu  croire  que  de  pareils  témoi- 
gnages rendus  par  de  tels  liommes  adouciraient  les  bourreaux 
de  Doiouileu  :  mais  combien  de  gens  en  pouvoir,  lorsqu'une 
passion  momentanée  les  aveugle ,  ne  s'in'ormenl  pas  plus  des 
sentimens  de  leurs  conîemporains  ,  qu'ils  ne  prévoient  lin- 
dignation  de  la  postérité  1  Doiomicu  ne  sortit  de  son  souter- 
rain qu'en  vertu  d'un  article  d'un  traité  de  paix,  et  une  mort 
prématurée,  suite  des  mauvais  traitemeiis  qu  il  avait  subis  ,  ne 
i-endlt  que  trop  tôt  à  Haiiy  la  place  à  laquelle  celui-ci  avait  si 
généreusement  renoncé.  Depuis  ce  moment ,  renseignement 
de  la  minéralogie  a  pris  une  vie  nouveUe.  Les  collections  ont 
été  quadruplées ,  ii  v  a  régné  sans  cesse  un  ordre  conforme 
aux  découvertes  les  plus  récentes,  et  1  Europe  niinéralogi- 
que  est  accourue  pour  observer  tant  d'objets  si  bien  exposés  , 
et  pour  entendre  un  professeur  si  élégant,  si  clair,  et  surtout 
si  complaisant.  Sa  bienveillance  naturelle  se  montrait  à  toute 
heure  envers  ceux  qui  avaient  le  désir  d'apprendre.  Il  les  ad- 
mettait dans  son  intérieur,  leur  ouvrait  ses  collections  ,  et  ne 
leur  refusait  aucune  explication.  Les  éludians  les  plus  hum- 
bles étaient  reçus  comme  les  personnages  les  plus  sa  vans  et 
les  plus  augustes  j  car  il  eut  des  élèves  de  tons  les  rangs. 

L'Université,  lors  de  sa  fondation  ,  crut  shonorer,  en  pla- 
çant le  nom  d'Haiiy  sur  la  liste  de  l'une  de  ses  Facultés.  Elle 
n'en  attendait  point  de  leçons ,  et  lui  avait  donné  un  adjoint 
très-digne  de  lui  ,  M.  Brongniart ,  aujourd'hui  membre  de 
l'Académie  des  Sciences,  et  qui  lui  a  succédé  au  Muséum 
d'histoire  naturelle.  Mais  Haiiy  ne  voulait  pas  porter  un  titre 
sans  en  remplir  les  devoirs.  Il  faisait  venir  chez  lui  les  élèves 
de  lÉcole  Normale  ;  et  dans  des  conversations  aimables  et  va- 
riées ,  il  les  initiait  k  ses  secrets.  Il  reprenait  alors  sa  vie  de 
collège,  jouait  presque  avec  les  jeunes  gens  ,  et  surtout  ne  les 
renvoyait  jamais  sans  une  ample  collation  :  ainsi  se  passaient 
ses  journées.  Devoirs  religieux,  recherches  profondes  suivies 


SUR  IIALY  ET  SUR  BREGUET.  271 

sans  relâche  ,  actes  de  bienveillance ,  surtout  envers  la  jeu- 
nesse, voilù  ce  (jui  Toccupait  tout  entier.  Aussi  tolérant  que 
pieux  ,  jamais  Topinion  des  autres  n'inilua  sur  sa  conduite  en- 
vers eux  :  aussi  pieux  que  fidèle  à  ses  ('tudes  ,  les  spéculations 
les  plus  sublimes  n'auraient  pu  !e  détourner  d'aucune  œuvre 
prescrite  par  le  rituel  5  du  reste,  ne  mettant  aux  choses  du 
monde  que  le  prix  qu'elles  pouvaient  avoir  aux  yeux  d'un 
homme  pénétré  de  tels  sentimens.  Par  la  nature  de  ses  re- 
cherches ,  les  plus  belles  pierreries  du  monde  ont  passé  de- 
vant ses  yeux ,  et  même  il  en  a  publié  un  traité  particulier, 
sans  qu'il  y  ait  vu  autre  chose  que  des  cristaux.  Un  degré  de 
plus  ou  de  moins  dans  l'angle  d'un  scliorl  ou  d'un  spath,  l'au- 
rait ,  à  coup  sûr,  plus  intéressé  que  tous  les  trésors  des  deux 
Indes.  Et  même,  si  l'on  a  pu  lui  reprocher  quelque  attache- 
ment trop  vif,  c'est  celui  qu'il  montrait  pour  ses  idées  sur 
cette  matière.  Il  s'y  concentrait  entièrement;  ce  n'était  pas 
sans  impatience  qu'il  s'en  voyait  détourné  par  des  objections  ; 
son  repos  en  était  troublé.  C'était  le  seul  motif  qui  pût  lui  faire 
oublier  sa  douceur,  sa  bienveillance  naturelle  ;  et  nous  devons 
l'avouer,  cette  disposition  n'a  pas  été  sans  effet.  Mais ,  dans  le 
lems  même  où  il  payait  ce  tribut  à  la.  faiblesse  humaine,  il  n'é- 
tait occupé  que  de  ce  qu'il  regardait  comme  l'intérêt  de  la 
science  ,  et  ne  .se  fâchait  que  contre  les  obstacles  qui ,  selon 
lui,  s'opposaient  au  triomphe  de  la  vérité. 

Tant  de  services  méritaient  une  récompense.  A  plusieurs 
repiises ,  notre  savant  fut  pressé  de  faire  connaître  ce  qu'il  dé- 
sirait :  tous  ses  vœux  se  bornèrent  à  demander  qu'on  le  mît  en 
état  de  rassembler  sa  làmille  près  de  lui ,  afin  qu'il  en  fût  soi- 
gné dans  ses  infirmités  et  dans  sa  vieillesse.  Son  désir  fut  sa- 
tisfait sur-le-champ,  au  moyen  d'une  petite  place  de  finance 
accordée  au  mari  de  sa  nièce.  Qui  croirait  qu'une  récompense 
si  bien  méritée  disparut,  à  la  première  réforme,  et  que  les  amis 
d  Ha'ùv  ne  purent  obtenir  d'autre  réponse  à  leurs  sollicita- 


ara  NOTICE 

lions ,  si  ce  n'est  qu'il  n'y  a  point  de  rapport  entre  les  con- 
tributions et  la  cristaliogi'c7pLie  (i). 

Celte  épieuvc  ne  fut  pas  la  seule  que  l'illustre  savant  eut  u 
supporter.  Peu  de  te;ns  après  ,  les  lois  de  finances  lui  firent 
perdre  une  pension  qu'il  ne  pouvait  plus  cumuler  avec  un  Irai- 
lenient  d'activité.  Son  frère,  que  Ton  avait  atfiré  en  Russie  pour 
y  répandre  les  moyens  d'instruire  les  aveugles  ,  revint  de  ce 
pays  sans  qu'aucune  des  pronjesses  qu'on  lui  avait  faites  eût 
été  remplie ,  et  avec  une  santé  tellement  délabrée  ,  qu'il  tom- 
bait entièrement  à  la  cliarge  de  sa  famille.  Ce  fut  ainsi  que  , 
vers  la  fin  de  ses  jours,  Haiiy  se  vit  ramené  bien  près  de  ce 
strict  nécessaire  dont  il  avait  eu  plus  d'une  fois  l'expérience. 
Sa  résignation  religieuse  fût  devenue  pour  lui  un  secours  in- 
dispensable ,  si  ses  jeunes  parens  ne  lai  eussent  caché  avec  le 
plus  grand  soin  l'embarras  de  ses  propres  affaires.  Plus  il  per- 
dait les  moyens  de  leur  témoigner  sa  reconnaissance  ,  plus  ils 
redoublaient  leur  empressement  et  leurs  attentions  délicates. 
L'amour  de  ses  élèves  et  le  respect  de  toute  l'Europe  contri- 
buèrent aussi  à  le  consoler.  Les  hommes  instruits,  de  tous  les 
rangs  ,  qui  arrivaient  à  Paris  ,  s'empressaient  de  lui  apporter 
leurs  hommages  ,  et  presqu'à  la  veille  de  sa  mort ,  nous  avons 
vu  l'héritier  d  un  grand  royaume  (le  prince  royal  de  Dane- 
marck)  revenir  à  plusieurs  reprises  converser  près  de  son 

(i)  Cette  réponse  est  juste  quant  au  fond,  cequi  n'empêche  pas  qu'elle 
ne  soit  très-sotte.  Il  est  certain  que  ce  n'est  pas  par  des  emplois  qu'il  con- 
vient de  récompenser  les  savaiis  et  les  gens  de  lettres  ,  et  encore  moins 
par  des  places  accordées  à  leurs  parens.  Les  emplois  doivent  ôlre  rem- 
plis par  ceux  qui  les  exerceront  le  plus  utilement  pour  la  chose  publique. 
Il  y  a  donc  une  lacune  dans  nos  institutions  :  on  n'a  pas  pourvu  aux 
moyens  d'être  juste  envers  les  hommes  les  plus  dignes  d'estime,  dont 
les  travaux  impérissables  étendent  et  enrichissent  de  plus  en  plus  le  do- 
maine de  la  pensée  et  de  l'industrie,  procurent  tant  de  nobles  jouissan- 
ces à  leurs  contemporains,  et  en  préparent  de  plus  grandes  à  la  posté- 
rité. (N.  d.  R.} 


SLR  HAUY  ET  SUR  BREGLEÏ.      273 

lit,  et  lui  marquer  son  intérêt  dans  les  termes  les  plus  tou- 
cbans.  Mais  le  soutien  ie  plus  réel  qui  le  lortilia  dans  ces 
tems  d'épreuve  ,  c'est  qu'au  milieu  de  sa  gloire  et  de  sa  fortu- 
ne, il  n'avait  quitté  ni  les  habitudes  de  son  collège  ,  ni  celles 
de  son  village.  Les  heures  de  ses  repas ,  de  son  lever  et  de  son 
coucher,  ne  lurent  jamais  cliangées  ;  chaque  jour,  il  faisait  à 
peu  près  le  même  exercice ,  se  promenait  dans  les  mêmes 
lieux;  et  tout  en  se  promenant,  sa  bienveillance  lui  faisait 
trouver  des  occupations.  Il  conduisait  les  (trangers  qu'il  voyait 
embarrassés;  il  leur  donnait  des  billets  d'entrée  dans  les  col- 
lections :  beaucoup  de  gens  lui  ont  dû  ces  petits  agrémens , 
sans  se  douter  de  quelle  main  ils  les  avaient  retus.  Son  vête- 
ment antique,  son  air  simple,  son  langage  d'une  modestie  ex- 
cessive, n'étaient  pas  propres  à  le  l'aire  reconnaître.  Lorsqu'il 
allait  passer  quelque  tems  dans  son  bourg  natal,  aucun  de  ses 
anciens  voisins  n'aurait  pu  soupçonner  qu'il  fût  devenu  un  per- 
sonnage considérable.  Un  jour,  dans  une  promenade  sur  le 
boulevart,  il  rencontra  deux  anciens  soldats  qui  allaient  se  bat- 
tre: il  s'informa  du  sujet  de  la  querelle,  parvint  à  les  réconci- 
lier ;  et  pour  bien  s'assurer  que  le  débat  ne  renaîtrait  point,  il  alla 
sceller  avec  eux  la  paix  à  la  manière  des  soldats  ,-au  cabaret. 

Les  sciences  et  rhumanilé  le  perdirent  le  3  juin  1822  ,  à 
l'âge  de  79  ans.  Il  n'a  laissé  à  sa  famille  qu'un  seul  héritage, 
mais  magnifique  ,  sa  précieuse  collection  de  cristaux  que  les 
dons  de  presque  toute  l'Europe  ,  pendant  vingt  ans  ,  ont  mis 
au-dessus  de  toutes  celies  que  l'on  a  laites  jusqu'à  présent. 

BREGUET. 

La  vie  d'HAUY  présente  aux  moralistes  un  sujet  d'études  très- 
difficiles.  En  suivant ,  avec  M.  Cuvier,  cet  homme  remarqua- 
ble ,  depuis  son  enfance  jusqu'à  la  tin  de  sa  carrière,  comment 
démêler  ce  qu'il  reçut  de  la  nature  ,  et  le  séparer  de  ce  qui  fut 
le  résultat  de  l'éducation  et  des  circonstances?  Quelques  unes 
T.  XX. — Novembre  1825.  18 


3^4  NOTICE 

de  ses  qualités  admirables  s'aunoacèreut  dès  ses  première» 
années;  d'autres  se  développèrent  successivement  dans  des 
occasions  qui  i'ureut  peut-être  nécessaires  à  ce  développe- 
ment el  qui  manquent  trop  souvent  aux.  pluslieureuses  dis- 
positions naturelles.  On  ne  peut  douter  que,  sans  ces  occa- 
sions, le  naturaliste,  le  cristallograplie  ne  nous  eut  point  été  ré- 
vêlé  :  peut-être  même  i'audrait-il  assigner  à  d'autres  circons- 
tances une  part  dans  la  nobic  simplicité,  les  mœurs  si  pures  , 
la  conduite  toujours  si  digne  d'estime  ,  et  quelquelbis  si  tou- 
chante ,  que  Ion  serait  tenté  de  préférer  même  au  plus  pro- 
fond savoir  et  aux  plus  grandes  découvertes. 

Bheguf.t  ne  provoque  point  de  pareilles  observations  ;  sa 
vie  entière  lut  selon  le  cours  ordinaire  dune  nature  bien  or- 
donnée. En  le  rapprochant  d'Hauy  ,  notre  intention  est  d'es- 
saver  un  parallèle  que  nos  lecteurs  achèveront.  Nous  nous 
bornerons  à  faire  connaître  Thomme,  en  attendant  que  nous 
avons  pu  recueillir  ce  dont  les  sciences  et  les  arts  sont  rede- 
vables au  célèbre  mécanicien.  Nous  aurons  alors  à  rempHr 
une  tache  agréable,  vH  dont  les  difficultés  sont  toutes  dans  la 
chose  même ,  dans  la  diversité  des  talens  ,  des  services  rendus 
par  Ilaùy  aux  sciences ,  et  par  Breguet  aux  arls  ;  dans  les 
moyens  de  trouver  des  termes  de  comparaison,  une  sorte  de 
mesure  commune  entre  le  génie  qui  crée  les  théories  et  celui 
qui  invente  ou  perfectionne  des  machines,  en  leur  appliquant 
les  connaissances  acquises.  Aujourd'hui,  nous  allonsseulemeut 
comparer  l'un  à  l'autre  dejix  Ijomnies  également  estimés  pour 
leurs  qualités  morales,  portées  au  plus  haut  degré  ;  mais  nous 
sommes,  en  cela  ,  beaucoup  plus  embarrassés  ,  que  s'il  était 
question  de  les  juger  comme  savans.  Nous  ne  devons  pas 
oublier  que  l'un  fut  un  prêtre  catholique ,  lidèle  à  tous  les 
devoirs  de  son"  ministère  ;  cpe  l'autre  lut  prolestant ,  cl  n'eut 
k  remplir  que  les  devoirs  de  citoyen.  La  morale  purement 
humaine  est  d'une  autre  nature  que  la  morale  religieuse, 


SUR  HAUY  ET  SUR  BREGUET.  373 

considérée  comme  partie  d'une  religion  révélée  ;  et  la  res- 
semblance des  effets  opérés  par  Tune  et  par  l'autre  ,  ne  suffit 
point  pour  qu'il  soit  permis  d'assimiler  les  causes.  Bre^uet  ue 
fut  pas  moins  bienveillant  qu'Haiiv  ;  et  dans  sa  position  ,  on 
peut  affirmer  que  le  mécanicien  fit  encore  plus  de  bien  que  le 
professeur  et  recclésiastique.  Tous  deux  goûtèrent  les  char- 
mes des  amitiés  durables  ,  parce  que  tous  deux  en  furent  éga- 
lement dignes.  ISous  laisserons  donc  à  nos  lecteurs  le  soin  d'as- 
signer, suivant  leurs  opinions  el  leurs  affections  particulières, 
le  degré  d'estime  qui  appartient  à  chacun  de  ces  deux  hom- 
mes illustres  ,  parmi  les  contemporains,  et  dans  la  postérité. 
Breguet,  membre  de  l'Académie  des  Sciences  et  du  bu- 
reau des  longitudes,  et  horloger  de  la  marine,  naquit  en 
Suisse,  le  10  janvier  1747-  Sa  famille,  originaire  de  Picar- 
die ,  avait  été  forcée  ,  par  la  révocation  de  fédit  de  Nantes,  à 
chercher  une  terre  hospitalière  où  elle  pût  exercer  son  indus- 
trie, sans  abandonner  ni  dissimuler  sa  croyance  religieuse. 
Peu  après  la  naissance  de  Breguet,  les  affaires  de  la  famille  qui 
avaient  prospéi'é  jusqu'alors  ,  commencèrent  à  décliner. 

Quoique  le  jeune  Breguet  parût  à  tous  égards  un  enfant 
très-spirituel ,  il  ne  réussit  point  dans  ses  premières  études  , 
et  ses  maîtres  concm'ent  une  très-mauvaise  opinion  de  son  in- 
telligence. A  l'âge  de  dix  ans ,  il  perdit  son  père  ;  et  sa  mère 
ne  tarda  pas  à  contracter  un  nouveau  mariage  avec  un  hor- 
loger. Le  beau-père  fit  sortir  le  jeune  Breguet  du  collège  ,  où 
il  perdait  son  tems  ,  et  lui  fit  commencer  l'apprentissage  de 
l'horlogerie  :  l'enfant  ne  se  prêta  qu'avec  une  extrême  répu- 
gnance à  ce  nouveau  travail. 

A  Tage  de  quinze  ans ,  Breguet  fut  conduit  à  Paris  par  sou 
beau- père ,  avec  sa  sœur  aînée  et  leur  mère  :  il  fit  alors  un 
apprentissage  régulier  chez  un  horloger  de  Versailles  où  il  fut 
placé  ,  et  commença  véritablement  la  carrière  qu'il  a  parcou- 
rue avec  tant  d'éclat.  Lorsqu'il  eut  terminé  son  apprentissage, 


276  ISOTICE 

lemahreétaitsatisrailcleson  élèvcj  mais  celui-ci  ne  IVtait  point 
de  lui-même  :  il  se  reprochait  de  n'avoir  pas  toujours  em- 
ployé son  tems  ,  comme  il  l'aurait  dû  pour  l'avantage  de  son 
maître ,  et  le  pria  de  lui  permettre  de  continuer  à  travailler 
chez  lui ,  sans  salaire,  durant  trois  mois.  On  pense  hien  que 
ce  trait  de  délicatesse  redoubla  rattachement  du  maître  pour 
cet  élève  ,  qui  était ,  à  coup  siîr,  son  meilleur  ouvrage. 

Bientôt  après,  Breguet  perdit  sa  mère,  son  beau-père,  et 
se  vit  seul  avec  sa  sœur,  sans  fortune  et  sans  appui.  Réduit  à  ' 
un  travail  où  son  intelligence  n'avait  aucune  part,  forcé  à  le 
prolonger,  non-seuîemeut  afin  de  pourvoir  aux  besoins  de 
sa  sœur  et  aux  siens  ,  mais  aussi  pour  trouver  le  tems  de  sui- 
vre un  cours  de  mathématiques  et  de  compléter  son  instruc- 
tion ,  sou  existence  ne  lui  paraissait  point  heureuse.  Il  sentait 
que  ses  facultés  intellectuelles  étaient  suspendues  ;  il  craignait 
ou  elles  n'éprouvassent  quelque  aitération  ,  ce  qui  n'arriva 
point  :  ce  fut  au  prix  de  sa  santé  qu'il  parvint  à  les  conserver. 

Le  cours  de  mathématiques  que  Breguet  suivait  était  celuî 
de  l'abbé  Marie.  Le  professeur  ne  tarda  pas  à  distinguer  le 
jeune  horloger  dans  le  grand  nombre  de  ses  élèves  ;  il  remiar- 
qua  sa  rare  intelligence,  et  cette  extrême  bonté  qui  lui  valut 
tant  et  de  si  dévoués  amis.  Marie  fut  de  ce  nombre  :  le  pro- 
fesseur ne  fut  séparé  de  son  disciple  que  par  les  fureurs  de  la 
révolulion.  Marie  lut  contraint  de  fuir  sa  pairie  ;  Breguet  se 
consolait  par  l'espoir  de  revoir  bientôt  son  ami  ;  mais  après  un 
an,  ils  furent  séparés  pour  toujours. 

Breguet  avait  surmonté  toutes  les  difficultés  de  sa  position  , 
en  reculant  les  bornes  de  son  art.  Son  établissement  était  for- 
mé ,  et  la  renommée  commençait  à  publier  son  nom.  Le  duc 
d'Orléans  ,  étant  h  Londres  ,  montrait  un  jour  une  montre  de 
Breguet  au  célèbre  x\rnoid ,  horloger  anglais.  Après  avoir 
bien  examiné  ce  chef-d'œuvre,  admiré  lemécanisme  et  icx- 
celleute  exécution  de  toutes  les  pièces ,  Arnold  dit  adieu  à  sa 


SLR  H  AL  Y  ET  SLR  BREGLET.  277 

femme  ,  et  partit  sur-le-champ  pour  la  France  ,  exprès  pour 
faire  connaissance  avec  Tliorloger  français.  La  connaissance 
fut  ])ientôt  faite,  et  suivie  d'une  amitié  soiide.  Lorsqu'Arnolil 
quitta  Paris  pour  retouruer  en  Angleterre,  Brcguet  lui  contia 
son  fils  ;  il  ne  pouvait  donner  à  son  npuvel  ami  un  gage  plus 
touchant  de  son  estime  et  de  son  atîeclion.  Le  jeune  homme 
travailla  deux  ans  à  coté  de  ce  maître  habile,  et  Ton  pense  bien 
<jueni  l'un  ni  rautren'eulà  regretter  un  lems  si  bien  employé. 

La  révolution  devenait  de  plus  en  plus  orageuse  :  Breguet 
et  son  fils  durent  quitter  la  France  ;  et  ils  trouvèrent,  dans  les 
deux  partis  opposés ,  des  amis  qui  leur  en  procurèrent  les 
moyens.  Après  denx  ans  d'absence  ,  ils  purent  revenir;  mais 
leur  établissement  n'existait  plus  ;  il  fallut  en  recommencer  un 
nouveau ,  ce  qui  ne  fut  point  difficile.  Le  père  et  le  fils  avaient 
mis  à  profit  ces  deux  années  d'exil  et  de  retraite  :  forcés  par 
un  ami  riche  et  généreux  (M.  Disnay  Ffvtche)  à  vivre  sur  un 
portefeuillr-  qu  il  leur  remit,  ils  s'étaient  livrés  exclusivement 
à  des  recherches  ,  et  revinrent  après  avoir  considérablement 
augmenté  le  fonds  précieux  de  leurs  connaissances.  (  e  fut  avec 
tous  ces  moyens  de  succès  qu'ils  se  l'cmirent  au  travail.  Le 
reste  de  la  carrière  de  Breguet  fut  une  succession  continue  de 
jours  heureux  et  bien  employés,  soit  pour  Ihamanité,  soit 
pour  les  arts.  Tant  de  services  ,  des  qualités  si  émiuentes  ob- 
tinrent enfin  des  récompenses  bien  méritées  :  Breguet  fut 
nommé  successivement  horloger  de  la  marine  ,  membre  du 
bureau  des  longitudes ,  et  enfin,  membre  de  l'Institut. 

Lorsque  la  mort  vint  le  frapper  (le  17  septembre  iSaS)  , 
il  travaillait  à  un  grand  ouvrage  sur  Ihorlogerie,  on  toutes  ses 
découverlesseront  consignées. Ce précieuxti'avail  ne  sera  point 
perdu  :  son  fils  s'est  chargé  de  le  completter  et  de  le  publier. 

La  fin  de  Breguet  rappelle  celle  d'Euler  :  il  s'éteignit  comme 
lui,  en  quelques  instans  ,  et  sans  éprouver  ni  les  approches 
ni  les  douleurs  de  la  mort  :  après  une    vie  digne  de  servir 


278      NOTICE  SUR  HALY  ET  SUR  BREGUET. 
d'exemple ,    on  peut  dire  qu'il  avait  quelques  droits  à  une 
mort  aussi  douce. 

Un  de  ses  amis  dépeint  ainsi  l'iieureux  caractère  de  Bre- 
guet  :  ((  Il  ne  l'ut  point  ce  que  certaines  gens  entendent  par  un 
homme  ci' tsprit ,  ce?,\.-k-d^\ve^  que  sa  conversation  ne  brillait 
point  par  des  saillies.  Sa  volonté  ,  ses  paroles  et  ses  actions 
étaient  toujours  en  harmonie  :  la  raison  l'arrêtait ,  au  monienl 
où  la  sensibilité  l'aurait  entraîné  ;  ce  qui  lui  donnait  un  grand 
calme  ,  et  une  physionomie  qui  exprimait  si  bien  la  sagesse  et 
la  bonté.  Il  voyait  tout  en  beau  ,  ses  ouvrages  exceptes.  Tou- 
jours peu  satisfait  de  lui-même  ,  il  fut  long-tems  célèbre  ,  sans 
le  soupçonner  le  moins  du  monde,  et  il  fallut  que  des  étrangers 
lui  apprissent  qu  il  jouissait  d'une  grande  réputation  dans  toute 
l Europe.  Aux  défauts  de  ses  amis,  il  opposait  leurs  bonnes 
qualités  ,  et  le  bien  qu'ils  avaient  fait,  de  sorte  que  la  part  du 
bien  se  trouvait  toujours  la  plus  forte  5  il  ne  pouvait  croire  que 
cela  pût  être  autrement.  Il  s'affligeait  des  dissensions  entre  les 
hommes  de  mérite,  des  effets  de  la  jalousie,  et  des  passions 
haineuses  :  il  ne  pouvait  concevoir  ces  écarts  de  la  raison  , 
car  l'injustice  n'était  pour  lui  qu'une  absurdité.  Son  esprit 
droit  et  son  bon  cœur  souffraient  également,  lorsqu'il  était 
témoin  de  ces  troubles,  malheureusement  trop  fréquens  dans 
la  républif|ue  des  lettres. 

»  Quoique  réellement  philantrope,  il  n'était  pas  ce  que  roi> 
appelle  ïami  de  tout  le  monde  :  quoique  sou  abord  fût  tou- 
jours plein  de  bienveillance ,  et  que  sa  figure  exprimât  par- 
faitement bien  la  candeur  de  sou  àme  ,  il  avait,  en  accueillant 
ses  amis ,  une  expression  plus  affectueuse,  caressante  ,  indéfi- 
nissable. Aussi  bon ,  mais  plus  sensible  que  le  bon  La  Fon- 
taine; modeste  par  sentiment  de  la  perfection  dans  les  arts, 
louant  plus  les  travaux  des  autres  que  les  siens  propres  ;  gé- 
néreux lorsqu'il  crovait  n'être  que  juste;  voilà  quel  fut  noti"e 
ami.  »  F.— M.  A.— T. 


II.  ANALYSES  D'OUVRAGES 


SCIENCES  PHYSIQUES. 

Chimie  appliquée  a  l'agriculture  ,  par  M.  le  comte 
Chaptal  ,  pair  de  France ,  membre  de  l'Académie 
des  Sciences  ,  etc.    (  i  ) 

On  se  rappelle  avec  reconnaissance  que  l'art  de  faire  le 
via,  la  fabrication  du  sucre  de  betteraves,  et  d'autres  bran- 
cbes  de  réconomie  rurale ,  ont  été  l'objet  des  reclierclics 
chimiques  de  M.  Chaptal  ,  et  que  l'industrie  agricole  lui  est 
redevable ,  pour  les  travaux  de  cette  nature ,  de  procédés 
sûrs,  rédiç;és  avec  clarté  et  précision.  On  est  surpris  que  ce 
savant  n'ait  pas  été  le  premier  à  parcourir ,  dans  toute  son 
étendue ,  nue  carrière  où  bien  peu  de  concurrens  auraient 
pu  l'atteindre.  Ou  s'étonne  aussi  que,  dans  l'ouvrage  qu'il 
publie  aujourd'hui ,  après  M.  II.  Davy,  il  ne  dise  rien  de  sou 
illustre  devancier.  Quoiqu'il  en  soit,  le  travail  du  chimiste 
français  ne  peut  être  dépourvu  d  une  sorte  de  nouveauté  :  le 
ohimiste  anglais  n'a  pu  faire  l'application  de  ses  préceptes  à 
notre  sol  et  à  ses  produits ,  au  lieu  que  M.  Chaptal  en  a  fait 
l'objet  du  second  tome  de  son  ouvrage.  Cependant ,  on  y  re- 
marque avec  regret  des  lacunes  assez  importantes.  Ainsi ,  par 
exemple ,  la  question  du  rouissage  du  chanvre  n'est  pas  étran- 
gère à  la  chimie,  et  M.  Chaptal  n'en  parie  point.  Puisqu  il  a 
jugé  convenable  d'exposer  les  moyens  d'assainir  les  habita- 
tions rurales  ,  tant  poiu-  les  cultivateurs  que  pour  les  animaux, 

(i)  Paris,  1825.  Deux  vol.  in-S".  M°"  IluzarJ  ,  rue  de  l'Épeion,^ 
II»  7;  prix,  12  fr.,  et  i5  fr. 


28o  SCIENCES  PHYSIQUES. 

n'aurait-il  pas  tien  uiérilé  d'une  partie  de  la  France  en  trai- 
tant aussi  des  précautions  à  prendre  pour  conserver  la  santé 
des  vers  à  soie,  et  en  indiquant  les  remèdes  propres  à  guérir 
quelques- uues  de  knrs  maladies?  Mais  ,  avant  d'examiner  ce 
qui  aurait  pu  compléter  ce  traité  de  cliimie  appliquée  à  l'agri- 
citllure ,  vovous  ce  qu  il  contient. 

I/auteur  commence  par  un  Discours  préUminairc  très- 
bien  fait,  et  plein  de  vérités,  dont  quelques-unes  éprouve- 
ront de  violentes  contradictions.  Ce  n'est  p;is  sans  fondement 
que  nous  caractérisons  ainsi  les  attaques  auxquelles  ]M.  Cliap- 
tal  doit  s'attendre  :  la  violence  est  l'auxiliaire  que  les  passions 
appellent  le  plus  souvent  au  secours  de  leurs  mauvais  raison- 
neraeus.  Notre  auteur  ,  quoique  grand  propriétaire,  ose  par- 
ler en  faveur  des  petites  propriétés.  Il  rappelle  aux  législateurs 
et  aux  hommes  d'état ,  deux  grands  exemples  quils  ne  de- 
vraient jamais  perdre  de  vue  :  l'Angleterre  ,  où  presque  tou- 
tes les  terres  sont  entre  les  mains  de  23,000  familles,  sup- 
porte une  taxe  de  5oo  millions  pour  donner  du  pain  aux  pro- 
létaires 5  l'Espagne,  où  la  noblesse  et  le  clergé  possédaient 
aussi  presque  tout  le  sol ,  tandis  que  des  foules  de  mcndians 
assiégeaient  sans  cesse  les  portes  des  châteaux  et  des  couvens. 
«Veut-on,  dit  IM.  Chaplal,  élever  le  caractère  national.) 
veut-oii  améliorer  les  mœurs  et  former  de  bons  citoyens? 
veut-on  augmenter  la  production?  que  l'on  respecte  la  petite 
propriété.  » 

Beaucoup  d'autres  vérités,  soit  d'administration  publique, 
soit  d'économie  rurale,  sont  exposées,  dans  ce  discours  pré- 
liminaire, avec  une  force  de  raisonnement  qui  portera  la 
conviction  dans  tous  les  esprits  non  prévenus.  Cependaut ,  la 
première  phrase  qu'on  y  lit  est  peut-être  une  erreur  ;  examl- 
nous-la ,  non  pour  la  combattre,  mais  pour  en  restreindre  le 
sens  dans  ses  véritables  limites. 

«  Sau>  lagricullure,  les  hommes  vivraient  errans  sur  le 


SCIENCES  PHYSIQUES.  2B1 

-loLe,  se  disputant  les  dépouilles  des  animaux  et  quelques 
Iruits  sauvages  ;  on  ne  connaîtrait  ni  société  ni  patrie.  » 

On  trouve  celte  pensée  dans  le  Discours  de  Rousseau  ,  sur 
l'origine  de  rinégalité  des  conditions.   Mais,   comme  cette 
question  ne  peut  être  décidée  que  par  des  faits ,  on  peut  op- 
poser à  Jean-Jacques  et  à  M.  Chaptal ,'  Texemple  de  quel- 
ques peuplades  de  l'Asie  centrale,  qui  no  cultivent  point  et 
qui  forment  néanmoins  une  société,  même  assez  avancée 
dans  la  civilisation  ;  et  si  quelques  hommes  de  ces  contrées 
ont  été  jetés  loin  de  leurs  hordes  et  de  leur  pays  natal ,  qu'on 
les  Interroge,  et  qu'on  dise  ensuite  qu'ils  nont  pas  le  senti- 
ment de  la  patrie  !  Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  ragrlcuîtuie 
avait  seule  le  pouvoir  de  fortitier  le  lien  social,  de  mettre  les 
hommes  dans  un  état  d'aisance  et  de  stabilité  qui  leur  permît 
de  développer  leurs  facultés  intellectuelles ,  et  de  créer  les 
arts  qui  supposent  une  intelligence  exercée  et  de  l  instruction. 
Quant  aux  notions  ei  au  sentiment  de  la  patrie,  gardons-nous 
d'associer  à  ces  nobles  idées  des  considérations  qui  leur  soient 
étrangères.  C'est  dans  la  sublime  conception  dune  patrie  f{ue 
l'on  peut  contempler  l'âme  humaine  tout  entière ,  et  dans 
toute  sa  beauté  ;  on  y  trouve  réunis  tous  les  rapports  entre  des 
•    êtres  intelligens  et  sensibles ,  les  lois  qui  sont  l'expression  de 
ces  rapports,  les  vertus  qui  suppléent  à  ce  que  les  lois  n'ont 
point  prescrit.  Tout  eu  reconnaissant  les  bienfaits  immenses 
que  l'agriculture  a  répandus  sur  la  société,  on  ne  lui  accor- 
dera point  l'honneur  d'avoir  eu  quelque  part  à  une  inslitulion 
toute  morale  ,  indépendante  du  territoire ,  de  son  étendue  et 
de  ses  produits. 

M.  Chaptal  a  divisé  son  ouvrage  eu  dix-huit  chapitres, 
dont  les  sept  premiers  sont  une  application  des  connaissances 
chimiques  aux  phénomènes  généraux  de  la  végétation  ,  à 
l'analyse  des  terres  végétales ,  à  la  théorie  des  engrais  ,  etc. 
Ces  matières  importantes  sont  traitées  dans  le  premier  volu- 


282  SCIENCES  PHYSIQUES. 

me,  que  Tauteur  a  lermiiié  par  ua  cliapitre  beaucoup  trop 

court,  et  dont  le  titre  semble  promettre  ce  qui  eût  peut-être 

exigé  tout  un  volume  ;  c'est  le  Tabltau  des  produits  de  l'a- 
griculture française.  Ce  tableau  n'excède  pas  retendue  de 
deux,  pages.  Il  est  vrai  que  M.  Cbaptal  renvoie  les  lecteurs  à 
son  Traité  sur  l' industrie  française .  Mais  dans  ce  traité  qui , 
d'après  sou  titre,  devrait  être  une  véritable  encyclopédie  in- 
dusti'ielle ,  l'agriculture  occupe  moins  de  place  que  dans  un 
ouvrage  qui  lui  serait  consacré  spécialement.  Le  lecteur  n'y 
trouvera  donc  point  l'instruction  qu'il  s'attendait  à  recueillir 
dans  le  dernier  cbapitre  de  la  Chimie  appliquée  à  l'agricul- 
ture. Il  eût  peut-être  mieux  valu  ne  point  imprimer  ce  cba- 
pitre ,  puisque,  à  la  rigueur,  il  n'était  pas  nécessaire  à  l'en- 
semble de  l'ouvrage. 

Il  semble  que  M.  Cbaptal  donne  quelquefois  trop  d'exten- 
sion à  quelques  mots,  ou  à  quelques  idées.  Ainsi ,  par  exein- 
ple ,  si  l'on  désigne ,  comme  lui ,  par  le  mot  engrais  «  toutes 
les  substances  qui ,  confiées  au  sol  ou  existant  dans  l'atmos- 
pbère,  peuvent  être  portées  dans  les  organes  du  végétal,  et 
servir  à  la  nutrition  ou  à  la  végétation,  »  les  idées  seront  plu- 
tôt confondues  que  généralisées;  elles  perdront  en  clarté  l  é- 
quivalent  au  moins  de  ce  qu'elles  auront  pu  gagner  en  pro- 
fondeur. Il  est  vrai  que  l'auteur  renonce  promptement  à  cette 
généralité  peu  instructive,  et  qu'il  divise  les  engrais  en  nu- 
tritifs et  siimulans  :  mais ,  pour  des  fonctions  aussi  diverses  , 
convenait-il  de  désigner  les  agcns  par  le  même  mol?  Si  les 
agronomes,  qui  n'étaient  pas  assez  instruits  en  chimie,  ont 
commis  cette  faute  de  nomenclature  et  de  méthode,  c'est  au 
chimiste  qu'appartenait  le  droit  de  la  faire  disparaître. 

Au  sujet  de  l'emploi  du  plâtre  comme  engrais  des  prairies 

,    artincielles,  notre  auteur  rapporte  une  anecdote  digne  d'être 

connue.  Durant  son  séjour  à  Paris  ,  Franklin  fut  témoin  des 

eflets  prodigieux  opérés  par  cet  engrais;  et,  à  sou  retour  eu 


SCIENCES  PHYSIQUES.  283 

Amérique ,  il  se  chargea  d'une  bonne  provision  de  plâtre  de 
Paris.  Afin  de  répandre  plus  proinptemeut  et  plus  utilement 
ce  nouveau  procédé  de  culture ,  il  cljoisit  une  luzerne  près 
d'une  grande  route  aux  environs  de  Washington,  et  il  y  écri- 
vit en  grands  caractères  formés  par  la  poussière  du  plâtre: 
Ceci  a  été  plâtré.  Ces  caractères  se  montrèrent  couverts 
d'une  végétation  si  magnifique,  que  la  méthode  fut  adoptée 
et  répandue  rapidement.  Ce  mode  d'instruction,  imaginé  par 
Franklin,  peut  recevoir  beaucoup  d'autres  applications. 

Les  lecteurs  habitués  à  la  marche  régulière  des  sciences 
exactes  ,  éprouveront  d'abord  quelque  peine  à  suivre  celle  de 
M.  Chaptal;  qu'ils  ne  se  rebutent  point.  Il  est  vrai  que  Tor- 
dre naturel  des  faiis  et  des  idées  paraît  quelquefois  interverti  ; 
que  l'on  eût  désiré  trouver,  dès  les  premières  pages  ,  une  ins- 
truction qu'il   faut  aller  chercher  plus  loin  ;  que  l'auteur  , 
forcé  de  revenir  sur  ses  pas ,  contrarie  de  tems  en  tems  la 
pensée  du  lecteur,  toujours  dirigée  en  avant.  Mais  il  faut  con- 
sidérer que  l'agriculture  est  un  art  extrêmement  compliqué. 
L'application  d'une  science  aux  objets  si  nombreux  et  si  di- 
vers que  cet  art  embrasse  ,  ne  peut  suivre  exactement  la  mé- 
thode des  théories  5   quelques  répétitions  y  sont  inévitables. 
M.  Chaptal  l'a  bien  senti ,  et  dans  son  discours  préliminaire, 
il  eu  prévient  ses  lecteurs.  Cependant  les  chapitres  VI  et  VII, 
sur  les  amendemens  du  sol  et  sur  les  assoltmens ,  sont  re- 
marquables par  l'ordre  qui  y  règne ,   surtout  dans  celui  des 
assolemens.   L'auteur  y  fait  le  résumé  des  doctrines  et  des 
préceptes  qu'il  a  exposés  dans  les  chapitres  précédens,   et  il 
en  déduit  cinq  principes  généraux,  sur  lesquels  tous  les  agro- 
nomes instruits  ont  fondé  la  doctrine  des  assolemens.  Eu  rap- 
portant plusieurs  exemples  de  cultures  successives  ou  rota- 
tions de  récoltes,  M.  Chaptal  ne  se  borne  pas  toujours  aux 
observations  chimiques  j   il  leur  associe  quelques  faits  d'une 


284  SCIENCES  PHYSIQUES. 

autre  nature ,  tel  que  celui  qu'il  rapporte  dans  les  termes 


suivans. 


a  Dans  un  voyage  que  je  fis  avec  Napoléon  dans  la  Belgi- 
que ,  je  l'entendis  témoigner  sa  surprise  à  un  conseil  de  dé- 
partement, de  ce  qu'il  venait  de  parcourir  une  vaste  étendue 
de  terrain  en  bruyères.  Il  lui  fut  répondu  :  Donnez-nous  un 
canal  pour  y  porter  nos  engrais  et  en  extraire  nos  produits, 
et  en  cinq  ans  ce  pays  stérile  sera  couvert  de  récoltes.  Le 
canal  fut  exécuté  tout  de  suite ,  et  la  promesse  des  habitans 
réalisée  eu  moins  de  tenis  qu  ils  n'en  avaient  demandé,  » 

L'auteur  aftlnne  qu'un  bon  système  d'assolement  oliange 
tellement  les  propriétés  d'un  terrain  ,  que  l'on  peut  réussir  à 
cultiver  les  plantes  les  plus  délicates  et  le  pins  exigeantes  dans 
un  sol  naturellement  stérile.  Les  sables  arides  d'une  grande 
partie  de  la  Belgique,  et  plusieurs  terres  d'ailuvion  près  de 
nos  grandes  rivières ,  offrent  (\.es  exemples  de  cette  heureuse 
transformation.  Ce  sont  les  assolemens  qui  règlent  le  sort  de 
l'agriculture  j  lorsqu'ils  sont  bleu  raisonnes  ,  ils  garantissent 
une  prospérité  durable. 

Le  second  volume  de  l'ouvrage  de  M.  Ciiaptal  ne  fait  pas 
désirer,  autant  que  le  premier,  un  ordre  plus  lucide  et  plus 
facile  à  suivre,  soit  que  l'auteur  ail  médité  plus  long-tems 
les  différens  sujets  qu  il  y  traite,  soit  parce  que  les  applica- 
tions y  ont  un  objet  déterminé,  circonscrit,  et  que  ,  par  con- 
séquent, elles  ne  forment  point  un  ensemble  dont  l'esprit 
étudie  les  proportions,  après  avoir  considéré  séparément 
chacune  de  ses  parties. 

Le  chapitre  IX  expose  la  nature  et  les  usages  des  produits 
de  la  végétation  :  la  physiologie  végétale  en  réclame  une 
partie ,  et  le  reste  est  tout  entier  dans  le  domaine  de  la  chi- 
mie. Le  chapitre  X  est  réellement  une  application  des  con- 
naissances rh indiques  à  la  conservation  des  substances  anima- 


SCIENCES  PHYSIQUES.  aSS 

les  et  végptales  :  quelques  procédés  nouveaux  n'y  sont  point 
décrils.  Le  chapitre  suivant  traite  du  lait  et  de  ses  produits. 
Viennent  ensuite  des  extraits  des  excellens  Mémoires  de  l'au- 
teui-  sur  la  fermentation  et  la  distillation  ,  et  le  chapitre  XIV, 
où  il  expose  les  movens  de  préparer  des  boissons  saines ,  à 
l'usage  des  habitans  de  la  campagne. 

Le  chapitre  XV  sera  trouvé  bien   court,  si  l'on  compare 
le  nombre  de  ses  pages  à  l'importance  du  sujet  :  il  s'agit  des 
habitations  rurales,  tant  pour  les  hommes  que  pour  les  ani- 
maux ,  et  des  moyens  de  les  assainir.  Les  trois  chapitres  sui- 
vans  sont  des  extraits  des  mémoires  publiés  à  différentes  épo- 
ques par  l'auteur  sur  les  lessives  économiques,  sur  la  culture 
du  pastel  et  l'extraction  de  l'indigo  ,  sur  la  culture  de  la  bette- 
rave, la  fabrication  du  sucre  et  la  distillation  des  mélasses. 
M.  Chaptal  termine  son  ouvrage  par  le  calcul  des  dépenses 
et  des  produits  d'une  sucrerie ,  et  arrive  à  ce  résultat  :  «  Si 
l'on  parvenait  à  fabriquer  assez  de  sucre  de  betterave  pour  la 
consommation  de  la  France,  on  aurait  doté  l'agriculture  d'une 
valeur  de  plus  de  80  millions  par  an.  »  Il  avertit  (|ue ,  pour 
faire  prospérer  les  établlssemens  de  sucre  de  betterave  ,  il  faut 
nécessairement  les  lier  à  une  exploitation  rurale  ;  que  cette 
fabrication  est  mal  placée  dans  les  villes,  où  elle  est, d'ailleurs, 
fort  incommode  pour  les  voisins  :  Il  pense  que  ,  pour  cncou- 
raeer  à  la  fois  les  sucreries  coloniales  et  celles  de  l'intérieur, 
il  conviendrait  de  prohiber  l'importation  des  sucres  étrangers 
et  de  réserver  le  sucre  des  colonies  pour  les  ventes  à  l'étran- 
ger. L'autorité  de  M.  Chaptal  ,  comme  savant,  comme  ma- 
nufacturier et  comme  homme  d'état ,  est  certainement  dun 
très-grand  poids;  mais  le  régime  des  prolilbltlons  se  pré- 
sente avec  tant  de  défaveur,  et  les  questions  relatives  aux  co- 
lonies sont  si  obscures  ,  que  l'on  craint  de  les  aborder,  même 
à  la  suite  des  meilleurs  guides. 

Les  doctrines  agricoles  de  M.  Chaptal  sont  iacoulesta])lcs; 


^86  SCIEiSCES  PHYSIQUES, 

les  préceptes  qu'il  donne  dans  cet  ouvrage  ont  reçu  la  sanc- 
tion du  tems  eldelexpérience;  mais  il  n'a  pas  fait  toutes  les 
applicatioDS  de  la  chimie  à  l'agriculture  :  il  lui  sera  facile  d'a- 
jouter un  troisième  volume  aux  deux  qu  il  vient  de  consacrer 
à  ce  grand  art ,  hommage  également  honorable  pour  celui 
qui  le  fait,  et  pour  la  profession  qui  le  reçoit.  Rien  ne  fait 
concevoir  une  plus  haute  idée  de  l'agriculture  que  l'énumé- 
ratiou  des  sciences  qui  lui  apportent,  pour  ainsi  dire,  leur 
tribut.  Les  Cliaptal  et  les  Davy  acquittent  celui  de  la  chimie; 
le  naturaliste  s'eu  occupe  dans  ses  excursions  lointaines;  le 
physicien  dans  ses  observations  ;  l'ingénieur  s'attache  k  lui 
créer  de  nouvelles  ressources  ;  mais ,  comme  on  ne  pent  ho- 
norer l'art  sans  relever  la  condition  de  ceux  qui  l'exercent , 
un  stupide  orgueil  s'oppose  seul  à  ces  nobles  efforts ,  et  ne 
réussit  que  trop  souvent  à  les  rendre  infructueux. 

Ferry. 


SCIENCES  MORALES  ET  POLITIQUES. 


Rapport  fait  au  C onseil-s^énérat  d' Administration  des 
hospices  de  Paris,  sur  le  service  des  aliénés  traités 
dans  les  établissemens  de  l'Administration,  par  le 
membre  de  la  commission  administrative  chargé  des 
hospices  (i). 

De  toutes  les  infirmités  qui  frappeul  riiomiiie  ,  raliénation 
mentale  est  sans  doute  une  de  celles  qui  mérileni  ie  plus  d'in- 
térèt  et  de  pitié,  puisqu'elle  le  prive  de  ses  facultés,  et  qu'elle 
ratteint  dans  tous  les  rangs,  à  tous  les  âges,  sur  le  troue  com- 
me dans  les  chaumières ,  dans  l'elfervescence  de  la  jeunesse 
comme  aux  dernières  années  de  la  vie. 

Cependant,  jusqu'à  la  tin  du  xviir  siècle,  dans  la  plupart 
des  pays  de  l'Europe,  et  principalement  en  France,  les  insen- 
sés étaient  presque  tous  abandonnés  à  des  traitemens  qui  font 
gémir  l'humanité.  Souvent  confondus  dans  les  prisons  avec 
les  criminels,  ou  relégués  dans  les  quartiers  les  plus  insalu- 
bres des  hôpitaux,  ensevelis  dans  des  loges  étroites  et  infec- 
tes ou  dans  des  cachots,  chargés  de  fers  lorsque  leur  ailection 
avait  des  caractères  de  violence ,  livrés  souvent  à  la  risée  du 
peuple,  tout,  dans  leur  situation,  était  fait  pour  exaspérer  leur 
mal  et  le  rendre  h  jamais  incurable. 

D'éloqnens  philantropes  ont  éleié  la  voix  contre  de  tels 
traitemens;  des  hommes,  unissant  une  belle  àme  à  un  rare  sa- 
voir, ont  porté  leurs  méditations  sur  les  causes .  la  marche, 


(i)  Paris,  1823.  ln-4°  de 72  pages,  avec  deux  planches.  Imprimerie 
deM"«Huzard.  Ne  se  vend  pas.  — Voy.  Rev.  Enc. ,  T.  IX,  pag.  26-41, 
une  lyotice  qui  a  pour  titre  :  Des  Maisons  de  sanlè  destinées  aux  aiiénês. 


288  SCIENCES  MORALES 

les  caractères  de  ralic'nalionj  ils  ont  étudié  les  moyens  de  la 
guérir,  et  ils  ont  prouvé,  par  leurs  écrits  et  par  rexpérience, 
que  Ton  pouvait  contenir  les  insensés,  et  mettre  ceux  qui  les 
entourent  à  l'abri  de  leurs  violences ,  sans  exercer  sur  eux 
des  rigueurs  barbares^  que  la  douceur,  des  soins,  un  régime 
approprié  à  la  nature  de  leur  maladie,  pouvaient  rendre  à  la 
raison  un  grand  nombre  de  ces  infortunés,  et  que  Ton  pouvait 
de  même  adoucir  du  moins  Tcxistence  de  ceux  qui  ne  lais- 
saient point  d'espoir  de  guérison. 

Si  les  conseils  de  ces  amis  de  Thumanité  n'ont  pas  encore 
obtenu  tout  le  fruit  qu'on  pouvait  en  désirer,  il  en  est  cepen- 
dant résulté  déjà  de  grandes  améliorations.  Il  s'est  déjà  formé, 
pour  le  traitement  des  aliénés  qui  appartiennent  aux  classes  ai- 
sées, des  maisons  de  sauté  oîi  tous  les  soins  leur  sont  prodi- 
gués; presque  partout,  les  rigueurs  exercées  à  l'égard  des  in-' 
sensés  de  la  classe  indigente  ont  cessé,  et  la  plupart  des  éta- 
blissemens  où  ils  sont  admis  se  sont  perfectionnés, 

L  administration  des  hospices  de  Paris  a  surtout  des  droits 
à  la  reconnaissance  publique ,  pour  les  améliorations  succes- 
sives qu'elle  a  apportées  dans  le  service  des  aliénés  confiés  à 
ses  soins. 

Le  rapport  que  nous  annonçons  a  pour  objet  de  i-endre 
compte  de  celles  qui  ont  été  faites  et  de  celles  que  Ion  projette 
encore  ;  et  nous  avons  cru  qu  il  ne  serait  pas  sans  intérêt  pour 
nos  lecteurs  de  leur  offrir  l'analyse  de  ce  travail,  que  l'on 
doit  au  zèle  et  aux  talens  de  M.  Desportks  ,  lun  des  mem- 
bres de  la  commission  administrative  des  hospices. 

Le  rapport  présenté  au  conseil-général  d'administration 
des  hospices ,  et  imprimé  par  ses  ordres ,  se  divise  en  quatre 
parties. 

INousne  nous  arrêterons  pas  sur  la  première,  dans  laquelle 
M.  Desportes  rend  compte  des  dispositions  qui  ont  été  adop- 
tées pour  faire  payer  aux  hospices  de  Paris  la  dépense  des 


ET  POLITIQUES.  289 

insensés  étrangers  à  la  capllale  ,  qui  sont  admis  dans  ces  éta- 
blissemens.  C'est  une  discussion  purement  administratiTC. 
Nous  ferons  seulement  remarquer  que,  sur  1,800  aliénés  qui 
se  trouvaient  à  la  charge  des  liospices  de  Paris ,  en  1816,  545 
n'appartenaient  pas  au  déparlement  de  la  Seine. 

La  seconde  partie  traite  de  raugmenlaiion  du  nombre  des 
aliénés  admis  dans  les  hospices  de  Paris.  Le  i""""  janvier  1801 
ils  étaient  au  nombre  de  i  ,070  ,  dont  4©  dans  V hospice  des 
Petites- Maisons ,  84  à  \ Hôtel- Dieu  ,  537  à  Bicétre,  et  609 
à  la  Saipé/rière. 

Avant  i8o5,  tous  les  insensés  ont  été  réunis  :  les  hommes, 
àBicêtre;  les  femmes ,  à  la  Salpètrière  ;  et  le  3i  décembre 
1821 ,  ils  étaient  au  nombre  de  2,^40  ,  dont  764  dans  le  pre- 
mier de  ces  établissemens ,  et  i  ,476  dans  le  second. 

Ainsi ,  dans  l'espace  de  vingt  ans ,  le  nombre  des  aliénés 
traités  dans  les  liospices  de  Paris  a  plus  que  doublé. 

Les  médecins  des  aliénés  de  Bicétre  et  de  la  Salpètrière , 
consultés  sur  les  causes  de  cet  énorme  accroissement ,  ont 
envisagé  la  question  sous  des  points  de  vue  dilférens. 

Dans  l'opinion  de  M.  Pariset ,  les  grands  événemens  poli- 
tiques qui  se  sont  succédé  depuis  trente  ans ,  les  revers  de 
fortune  qui  en  sont  résultés  ,  l'exaltation  qu'ils  ont  imprimée 
aux  esprits  ,  l'accroissement  de  la  population  ,  sont  les  prin- 
cipales causes  qui  out  augmenté  le  nouibre  des  aliénés. 

Suivant  M.  £'.'r^f///o/,  un  grand  nombre  d  insensés  étaient , 
avant  la  révolution  ,  placés  dans  des  couveus  ,  ou  conservés 
dans  leurs  familles.  Ou  n'envoyait  dans  les  hospices  que  les 
fous  furieux.  IjCS  améliorations  apportées  dans  la  tenue  de 
ces  établissemens  ont  détruit  la  répugnance  qu'éprouvaient 
les  familles  à  y  placer  les  aiiérK-s  :  aujourd'hui ,  dès  quun 
individu  a  du  délire ,  ou  dès  que  la  tète  d'un  vieillard  s'affai- 
blit,  on  l'envoie  dans  les  hospices, 

A  ces  considérations,  qui  paraissent  également  fondées, 
T.  XX. — Novembre  1823.  19 


<igo  SCIENCES   MORALES 

M.  Despoi'tes  ajoule  qirautrefois  les  aliéuos  susceptibles  de 
auérisoa  ctaleat  placés  à  l  Hôtel-Dieu  ,  el  qu'ils  (''aient  rea- 
Yovés  aussitôt  que  la  raison  leur  était  niomentauémeut  ren- 
due. Auionrdhui,  les  aliénés  mis  en  traitement  sont  placés 
dans  la  même  maison  que  les  incurables ,  el  sotjs  les  jeux 
du  même  médecin.  Les  tous  qui  recouvrent  leur  raison  sont 
mis  en  convalescence  dans  l  établissement ,  el  cette  conva- 
lescence est  fréquejnment  prolongée  par  la  prévoyance  des 
médecins ,  qui  ne  se  d(>termlnent  à  les  renvoyer  que  lorsque 
la  £;uérison  leur  a  paru  bien  complète.  D'un  autre  côté,  les 
malades  qui  sont  reconnus  incurables  ,  perpétuent  leur  séjour 
dans  les  bospices ,  et  finissent  par  y  rester ,  lors  même  qu'ils 
ne  sont  pas  dangereux  et  qu  ils  pourraient  être  repris  par 
leurs  familles. 

M.  Desporles  pense  que  le  nombre  des  insensés  à  la  cbarge 
des  bospices  diminuerait,  si  Ton  formait  un  bôpital  spécial 
pour  le  traitement,  el  que  Tou  ne  plaçât  que  les  incurables 
dans  les  bospices  de  Bicètre  et  de  la  Salpélrière ,  parce  que, 
au  moment  où  les  insensés  seraient  renvoyés  de  Tbôpital  de 
traitement,  les  familles  aimeraient  souvent  mieux  les  re- 
prendre que  de  les  abandonner  dans  des  établissemens  où  ils 
ne  recevraient  pas  les  mêmes  soins. 

Dans  la  troisième  partie  ,  M.  Desportes  rend  compte  des 
constructions  qui  ont  été  faites  pour  donner  plus  d'étendue 
aux  bàtimens  destinés  aux  aliénés  ,  les  rendre  plus  salubres 
et  mieux  appropriés  à  cette  destination. 

En  1800,  les  aliénés  en  traitement  étaient  à  l'Hôtel-Dieu  , 
péle-mèle  avec  les  autres  malades  :  et  dans  les  bospices  des 
Petites-Ma.isons,  de  Bicètre  et  de  la  Salpêtrière  ,  les  insensés 
étaient  renfermés  dans  des  loges  où  l'on  ne  voudrait  pas  au- 
jourd'bui  placer  ,  au  Jardin  du  Roi ,  l'animal  le  moins  rare  : 
plusieurs  de  ces  infortunés  y  étaient  encore  tenus  par  de  lour- 
des cbaînes  dont  le  mouvement  portait  au  loin  Tépouvante. 


ET  POLITIQUES.  291 

Aussitôt  que  le  conscil-gf'nt'ral  des  hospices,  <jui  fut  for- 
mé à  celle  époque,  eut  pris  coimaissauce  de  cet  état  de  clio- 
scs  ,  les  chaînes  ,  les  carcans,  les  fers  des  pieds  et  des  mains 
furent  immédiatement  supprimés;  les  loges  ("ur eut  aérées  et 
assainies.  Successivement,  les  qu:irLiers  consacrés  aux  aliénés 
dans  les  hospices  de  Bicètre  et  de  la  Salpélrière  ont  été  agran- 
dis; (ie  nouveaux  bâti  mens  y  ont  i'>té  consti-uits,  de  vastes 
promenoirs  et  des  jardins  y  ont  été  formés  ;  les  loges  au- 
dessous  du  sol,  et  qui,  à  la  Salpélrière,  formaient  de  véri- 
tables cachots  ,  ont  él  '■  presque  toutes  supprimées.  Le  plus 
grand  nombre  dos  aliént's  ont  été, placés  dans  des  dortoirs , 
et  l'expérience  a  prouvé  que  les  loges  ne  sont  nécessaires  que 
pour  les  fous  dont  les  paroxysmes  trop  vio'.ens  exigent  qu'on 
les  place  à  part ,  afin  quiis  ne  puissent  pas  nuire  à  leurs  voi- 
sins ,  ni  se  nuire  à  eux-uicmes. 

Au  rapport  sont  joints  les  plans  des  bàtimtns  récemment 
construits  dans  les  deux  hospices  pour  le  service  des  aliénés 
et  ils  peuvent  servir  de  modèle  pour  les  élabiissemens  de  ce 
genre. 

Quinze  cents  nouvelles  places  ont  été  créées  par  suite  de 
ces  dispositions,  et  chaque  aliéné  couche  seul  :  tous  jouissent 
de  logemeus  plus  salubres  ,  de  vastes  promenoirs,  et  de  salles 
de  bains  dont  ils  manquaient  absolument. 

La  {[uatrième  et  dernière  partie  du  rapport  est  consacrée  à 
1  organisation  méilicale  du  traitement  des  aliénés  ,  et  des  amé- 
liorations introduites  dans  ce  service. 

Le  régime  alimentaire  des  aliénés  a  été  augmenté  et  amé 
lioré.  La  pharmacie  de  chaque  hospice  a  été  abondamment 
fournie  de  tous  les  médicanu-us  demandés  par  les  médecins. 
On  a  réuni  dans  les  sai.es  de  bains  les  divers  genres  de  dou- 
ches ([ui  peuvent  être  utiles  aux  malades.  M.  Esquirol  fait  à 
la  Salpélrière  un  cours  de  clinique  sur  l'aliénation  mentale  ; 
et  là  ,  se  ibrment  des  («lèves  qui  ajouteront  aux  connaissances 


aga  SCIENCES  MORALES 

déjà  acquises  poui-  ia  giiërison  de  cette  déplorable  lufirmilé. 

On  laisse  anx  aliénés  toute  la  liberté  compati])!c  avec  leur 
sûreté.  Ils  ne  peuvent  être  visités  qu'avec  la  permission  du 
médecin.  Le  travail  est  un  des  moyens  qui  agissent  le  plus 
favorablement  sur  les  aliénés,  et  on  a  établi ,  à  la  Salpêtrière  , 
des  ouvroirs  où  les  leiumes  trouvent  toujours  du  linge  à  cou- 
dre. L'administration  n'a  pu  encore  trouver  les  movens  de 
procurer  du  travail  aux.  hommes  ;  mais  elle  s'en  occupe  ,  et 
M.  Desportes  désirerait  aussi  qu'on  établit  dans  les  deux  hos- 
pices des  jeux  et  des  distractions ,  pour  donner  aux  aliénés 
un  salutaire  exercice,  elles  arracher  aux  idées  qui  les  do- 
minent. 

Deux  tableaux  synoptiques  des  tous,  imbéciles  et  épilep- 
tiques  ,  renfermés  dans  les  hospices  de  Bicétre  et  de  la  Salpê- 
trière ,  à  l'époque  du  i^""  janvier  1822,  contiennent  des  dé- 
tails curieux  sur  Tàge,  la  profession ,  l'état  civil  de  ces  infor- 
tunés ,  et  sur  les  causes  de  leur  aliénation. 

Le  nombre  des  aliénés  furieux  ne  s'élève  pas  au  20'  du 
nombre  des  aliénés  tranquilles  ;  mais  il  faut  remarquer  que 
Ton  ne  classe  point  parmi  les  premiers  ceux  qui  n'ont  que  des 
accès  passagers. 

C'est  dans  les  périodes  de  5o  à  40,  de  4©  à  5q,  et  de  5o  à 
(3o  ans,  que  le  nombre  des  insensés  est  le  plus  considérable, 
et  il  est  à  peu  près  le  même  dans  chacune  d  elles. 

Ouant  aux  causes  des  aliénations,  il  est  souvent  bien  diffi- 
cile de  les  apprécier. 

On  doit  donc  considérer  comme  un  peu  hypothétique  la 
elassiiication  qui  en  a  été  faite  dans  ces  tableaux:  et  il  faudrait 
une  longue  suite  d  observations  pour  en  tirer  des  inductions 
qui  offrissent  quelque  certitude. 

On  peut  cependant  remarquer  que,  chez  les  hommes,  le 
nombre  des  aliénations  attribuées  à  des  causes  morales  n'est, 
au  nombre  des  aliénations  attribuées  à  des  causes  physiques, 


ET   POLITIQUES.  2y5 

que  dans  le  rapport  de  2  h  5;  tandis  qn'll  est,  chez  les  fem- 
mes, d'environ  2  à  3,  On  remarquera  aussi  que  le  10^  envi- 
ron des  aliénations  est  attribué  à  l'ivrognerie. 

En  résumant  son  rapport,  M.  Desportes  exprime  de  nou- 
veau le  vœu  de  voir  établir,  à  Paris,  pour  le  traitement  de  l'a- 
liénation  mentale,  un  hôpital  spécial  où  Ton  réunirait  pour  le 
bien-être  et  la  guérlson  fies  insensés  tous  les  moyens  dont 
Texpérience  et  la  connaissance  actuelles  ont  démontré  l'u- 
tilité. 

Tous  les  amis  de  l'humanité  s'uniront  h  ce  vœu,  et  for- 
meront en  même  tems  celui  de  voir  créer  aussi  des  établissc- 
mens  analogues  dans  les  diverses  parties  de  la  France. 

En  1819,  le  ministre  de  l'Intérieur  avait  nommé  une  com- 
mission pour  examiner  le  moyen  d'améliorer  le  sort  des  alic- 
ués.  Cette  commission  reconnut  unanimement  que  la  mesure 
la  plus  efficace  serait  de  créer,  pour  la  réclusion  et  le  traite- 
ment des  insensés ,  des  malsons  centrales  communes  â  plu- 
sieurs départemens. 

Des  logemens  salubres  et  aérés,  des  divisions  et  des  subdi- 
visions nombreuses,  de  vastes  promenoirs,  un  grand  isole- 
ment, des  soins  constans  et  assidus,  voilà  les  conditions  pre- 
mières qu'exige  le  traitement  des  aliénés,  et  elles  ne  peuvent 
être  remplies  que  dans  des  établissemens  qui  soient  exclusive- 
ment consacrés  à  ce  genre  d'infortunés.  Ce  n'est,  d'ailleurs, 
que  dans  des  maisons  où  l'on  en  réunira  un  grand  nombre, 
((ue  l'on  pourra  étudier  avec  soin  l'aliénation,  et  que  l'on 
pourra  recueillir  des  faits  et  des  résultats  qui  soient  vraiment 
utiles  à  l'avancement  de  la  science,  et  au  soulagement  de  l'hu- 
manité. 

Si  des  besoins  plus  urgens  ont  empêché  jusqu'ici  le  gou- 
vernement de  réaliser,  dans  ceîte  branche  d'administration, 
des  améliorations  si  désirables,  espérons  qu'aussitôt  que  les 
circonstances  le  permettront,  l'attention  du  ministère  et  celle 


agi  SCIEÎSCES   MORALES 

de  !a  législature  se  porlej  o;it  sur  un  objet  si  cligne  de  leur  iu- 
térél.  Edouard  Laffon  de  Ladébat. 

Collection  des  Mémoires  historiques  des  dames  fran- 
çaises, contenant  les  Mémoires  de  M"^  de  Motteville 
sur  la  Fie  d'Anne  d'Autriche,  ceux  de  M"*  de  Mont- 
PENSiER,  de  la  duchesse  de  Nemours,  de  M™*  de  Staal, 
les  Souvenirs  de  M""®  de  Caylus,  et  les  Mémoires  de  la 
cour  de  France,  par  M""^  de  La  Fayettk  (i). 

C'est  un  caractère  fort  remarquable  de  l'époque  où  nous 
vivons,  que  la  nature  des  entreprises  de  librairie  que  nous 
voyons  annoncer  simultanément  en  France.  Cbaque  partie  de 
riiistoire  nationale  ,  ebaqae  partie  de  1  bistoire  étrangère  qui 
peut  répandre  du  jour  sur  celle  de  la  nation,  devient  à  son 
tour  l'objet  du  travail  d  un  bomme  de  lettres  et  de  la  spécula- 
tion d'un  libraire.  M.  Guîzot  annonce  une  collection  de  Mé- 
moires antérieurs  au  \ui'  siècle,  en  5o  volumes  in-S".  M. 
Foucault  donne  une  nouvelle  édition  de  la  grande  Collec- 
tion des  Mémoires  historiques ,  dont  la  première  formait  déjà 
67  volumes  iu-S".  MM.  Berville  et  Barrière  publient  une 
collection  de  /Mémoires  relatifs  à  la  révolution  Jiancaise  , 
dont  il  a  déjà  paru  27  volumes.  MM.  Bossange  frères  pu- 
blient des  Mémoires  des  Contemporains ,  pour  servir  à  Ibis- 
loire  de  la  ré'publique  et  de  l'empire.  De  nouveau,  M.  Guî- 
zot, publie  uiie  collection  de  Mémoires  n^lolijs  à  la  révo- 
lution d'Angleterre ,  et  nous  avons  sous  les  yeux  une  collec- 
tion en  26  volumes  des  UK-moires  (^crits  par  les  femmes  ,  sur 
'époque  011  les  iemmes  oiît  gouverné  la  France. 

(i)    Paris,  iSaô.  Vingl-six  vol.  in-iS.  Colnet,   quai  Malaquais ,  a"  9; 
et  Pi!!ct  aîné,  rue  Chrislinc,  n»  5;  prix  ,  .5a  fc. 


ET  POLITIQUES.  >'0 

Ceux-là  seuleincnl  qui  ne  savent  jamais  remonter  des  et- 
fets  aux  causes,  ne  verront,  dans  ces  puhiications  simulta- 
nées ,  qu'un  indice  de  Tindustrie  des  libraires,  et  de  l'activité 
de  leurs  spéculations.  Les  llbmires  ne  mettent  de  l'empresse- 
raent  à  publier  que  ce  que  le  goût  du  pul^lic  leur  demande  ; 
et  lorsque  ,  dans  une  même  année,  des  centaines  de  volumes 
lui  sont  offerts  à  la  fois  sur  l'histoire  de  France  ,  on  ne  sau- 
rait douter  de  Tavidité  nouvelle  avec  laquelle  les  Français 
clierchent  dans  les  tems  qui  se  sont  écoulés  une  instruction 
politique.  Ils  veulent  connaître  ce  que  leurs  pères  ont  souf- 
fert ,  et  pourquoi  ils  ont  souiï'ert ,  parce  qu'ils  veulent  protiter 
de  l'expérience  des  siècles  ,  et  qu'en  dépit  de  plusieurs  symp- 
tômes alarmans,  ils  comptent  toujours  qu'ils  seront  appelés 
à  inlluer  eux-mêmes  sur  leur  destinée. 

Avant  la  révolution ,  il  n'y  avait  qu'un  petit  nombre  de  li- 
vres historiques  ;  encore  ,  n'était-ce  guère  par  les  idées  gé- 
nérales qu'on  pouvait  y  recueillir  sur  la  marche  du  gouverne- 
ment ,  qu'ils  se  recommandaient  à  l'attention  du  public.  Mais, 
les  uns  réussissaient  par  l'esprit  et  l'élégance  de  style;  d'au- 
tres ,  par  les  exploits  qu'ils  retraçaient,  et  qui  flattaient  la  va- 
nité nationale;  d'antres  encore,  par  le  commérage  de  bonne 
société  auquel  ils  initiaient  les  lecteurs.  Pendant  la  révolu- 
tion ,  d'autre  part ,  le  passé  tout  entier  fut  oublié  ;  les  meneurs 
d'alors  ,  dans  l'enivrement  que  leur  causaient  quelques  prin- 
cipes nouveaux  ,  se  liguraient  que  toutes  les  sciences  publi- 
ques étaient  à  refaire  ,  que  les  leçons  de  l'expérience  étaient 
inutiles,  puisqu'on  ne  trouvait  dans  le  passé  que  l'ouvrage 
des  préjugés  et  de  l'erreur,  et  qu'enlin  ceux  qui  avaient  pro- 
clamé les  droits  de  l'homme,  devaient  être  les  précepteurs  de 
l'univers.  Aujourd'hui,  une  autre  ère  a  commencé.  C'est  avec 
une  bien  autre  puissance  que  les  sciences  publiques  se  déve- 
lopperont, et  que  l'opinion  imposera  à  l'adminislratiou  le  de- 
voir de  se  conl'oi-mer  h  leurs  progrès  ,  lorsque  la  pensée  phi- 


296  SCIENCES  MORALES 

losophique  reposera  sur  rexpérlence  des  siècles  ,  lorsque  la 
connaissauce  des  faits  secondera  IVtude  des  principes,  lors- 
que le  public  enfin  qui  accueillit  avec  tant  de  faveur  toutes 
CCS  publications  nationales ,  en  aura  fait  vraiment  sa  pro- 
priété, eu  les  lisant  et  en  les  méditant. 

Entre  ces  collections  diverses,  celle  des  Mémoires  histo- 
riquts  écrits  par  les  dames  françaises ,  paraîtra  peut-être  la 
plus  futile.  Les  éditeurs  semblent  eux-mêmes  en  avoir  jugé 
ainsi  5  car,  ils  ont  réimprimé  les  ouvrages  des  six  femmes  cé- 
lèbres qui  composent  leur  recueil ,  dans  le  petit  formai  qu'on 
réserve  d'ordinaire  pour  les  livres  de  boudoir,  sans  notes  , 
sans  éclaii'cissemens ,  sans  aucun  appareil  d'érudition  ,  et 
comme  s'ils  n'avaient  d'autre  but  que  de  les  mettre  à  la  por- 
tée des  femmes  et  des  gens  du  monde.  En  effet ,  ces  livres 
commençaient  à  devenir  rares;  cependant,  leur  réputation 
était  faite  depuis  long-tems.  Les  lecteurs  les  plus  frivoles  les 
avaient  trouvés  amusans  à  l'égal  des  romans  ;  ils  s'étaient  plu 
à  V  rencontrer  la  peinture  vraie,  variée  ,  piquante  ,  des  intri- 
gues de  cour,  des  mœurs  d'une  époque  célèbre ,  des  senli- 
niens  secrets  de  personnages  bistoriques.  Les  Mémoires  de 
jVImes  ^ç  Motteville  et  de  Monlpensier,  de  Staal  et  de  La 
Fayette  ,  n'avaient  aucun  besoin  de  la  révolution  qui  de  nos 
jours  s'est  opérée  dans  les  esprits,  pour  être  lus  avec  avidité. 
Tls  ont  fait ,  ils  feront  encore  partie  de  la  bibliotbèque  de  ces 
cbàleaux  mêmes  où  l'on  admet  avec  le  plus  de  répugnance 
les  livres  nouveaux  ;  ils  se  retrouveront  sur  la  toilette  des  fem- 
mes qui  détestent  le  plus  la  politique  moderne,  ils  encbante- 
ront  enfin  ceux  qui  ne  savent  accorder  leur  admiration  qu'à 
la  cour  du  grand  roi ,  et  qui  demandent  avec  avidité  des  sou- 
venirs du  grand  siècle ,  pour  les  opposer  aux  exploits  de  la 
grande  nation  ,  aux  tropbées  de  la  grande  armée. 

Mais,   l'école  nouvelle,   pour  laquelle  l'bistoire  est  une 
étude  plus  st'riense ,  et  qui  demande  an  tems  passe  moins  de 


ET  POLITIQUES.  297 

souvenîrs  de  galanterie  et  plus  d'ifîées  ,  pourrait  être  tentée  tle 
regarder  comme  indigne  de  sou  attention  une  collection  his- 
torique de  mémoires  de  femmes  ;  elle  doutera  pcut-clre  que 
du  fond  dun  boudoir,  on  puisse  entreprendre  de  peindre  les 
batailles  j  ou  de  peser  les  délibérations  du  conseil.  ISous  croyons 
donc  devoir  dire  aux  jeunes  gens  qui  fouillent  avec  tant  d'avi- 
dité dans  les  archives  nationales  ,  que  les  mémoires  des  Icm- 
mes  sur  le  siècle  de  Louis  XIV  ,  ne  sont  pas  seulement  une  lec- 
ture amusante  ,  qu'ils  sont  nécessaires  pour  faire  comprendre 
le  progrès  des  mœurs ,  des  esprits ,  et  par  suite  des  événe- 
mens  ,  qu  ainsi  Tinstruction  qu'on  peut  y  recueillir  n'est  pomt 
à  mépriser. 

^i  En  voyant  aujourd'hui ,  »  dit  la  duchesse  de  Nemours , 
pag.  I ,  «  la  France  si  calme  ,  si  triomphante  ,  gouvernée  avec 
tant  de  sagesse  ,  et  une  puissance  si  absolue,  on  se  persua- 
derait aisément  qu'elle  a  toujours  été  gouvernée  de  mèu^e ,  et 
on  a  peine  à  s'imaginer  qu  elle  ait  été  réduite  au  point  où  nous 
l'avons  vue  au  tems  de  la  régence  d'Anne  d'Autriche,  mère  du 
Roi .  «Cependant,  c'était  peut-être  justement  ce  gouvernemeul 
d'une  femme  qui  avait  toutes  les  faiblesses  de  son  se5.e  :  c'é- 
tait l'autorité  des  favoris  ,  l'importance  accordée  au.-v  intrigues 
de  cour,  l'alliance  de  la  politique  h  la  galanterie ,  la  transfor 
mation  des  anciens  seigneurs  de  châteaux  en  héros  de  roman, 
qui  rendirent  possible  l'établissement  de  cette  puissance  ab- 
solue, que  les  femmes  trouvèrent  si  sage,  parce  qu'elle  était 
exercée  par  le  plus  beau  des  rois.  H  se  fit ,  au  milieu  du  xvir 
siècle  ,  une  révolution  qui  transmit  aux.  femmes  le  sceptre  de 
la  France ,  et  il  n'appartenait  qu'aux  femmes  de  la  bien  dé- 
crire. 

Dans  les  tems  antérieurs  ,  François  1"%  et  Henri  IV,  n  a- 
vaient  pas  manqué  de  galanterie.  Plus  d'une  maîtresse  avait 
fait  oubUer  à  plus  d'un  roi  les  devoirs  sacre's  du  mariage  5  plus 
d'uQ  exemple  de  scandale  avait  et'-  donné  dans  un  rang  assez 


298  SCIENCES  MORALES 

élevé  pour  corrompre  les  mœurs  publiques  ,  et  plus  (Vune 
grâce  avait  été  accordée  à  la  beauté,  après  avoir  été  refus;  e 
au  mérite.  Mais  ,  l'opinion  des  femmes  n'avait  point  encore 
usurpé  la  place  de  l'opinion  publique,  et  le  pouvoir  des  sa- 
lons n  élait  point  encore  senti.  Dès  le  tems  de  Samt- Louis  , 
le  bon  comte  de  Soissons  pouvait  bien  ,  au  plus  fort  du 
combat  de  la  Massoure ,  se  gausser  avec  Jninville ,  et  lui 
dire  eu  jurant,  encore  en  parlerons-nous  de  cette  journée 
es  chambres  dés  clames  (Joinville,  Histoire  de  Saint- 
Louis,  pag,  52.)  Mais,  quoique  celles-ci  donnassent  à  la 
valeur  ses  plus  douces  récompenses  ,  elles  ne  croyaient  point 
encore  être  les  juges  par  excellence  du  mérite  des  bom- 
mes  publics.  C'e^t  à  la  cour  d'Anne  d'Autricbe  ,  c  est  à  l  in- 
troduction en  France  de  la  galanterie  espagnole ,  c'est  plus 
que  tout  peut-être  ,  à  l'invention  des  romans  français  ,  et  à 
l'avidité  avec  laquelle  les  courtisans  dévorèrent  des  livi'es  qui 
les  transportaient  dans  un  monde  idéal ,  tout  composé  de  sen- 
limens  alFect^s  et  de  langage  précieux,  que  nous  devons  attri- 
buer le  cbangement  qui  s'opéra  dans  tous  les  esprits.  Les  sei- 
gneurs français  se  formèrent  sur  les  béros  de  Cassandreou  de 
Cléopâtrej  !a  guerre  de  la  fronde  lut  entreprise  par  des  per- 
sonnages de  tiic.itre  ,  plutôt  que  des  personnages  îiistoriques  ; 
la  iutilité  ne  se  caclia  qu  à  demi  sous  un  masque  sérieux  ;  et 
ceux  qui  parlaient  de  bien  public  ,  ceux  qui  avaient  à  défen- 
dre conUe  les  ruses  de  IMazarin  leurs  di'oits  ,  leur  propriété  , 
ieui-  liberté  ,  ne  se  ballaieut  en  réalité  que  pour  faire  parler 
d  eux  dans  les  salons  des  danics. 

Si  l'histoire  de  celle  longue  mascarade  n'avait  été  écrite 
que  par  des  bommes ,  iis  u  auraient  pas  pu  sempècber  de 
mettre  dans  leurs  récits  un  Sî-rieux  qui  n'éiait  point  dans  les 
«  vénemens.  Ils  auiaient  voulu  expliquer,  par  la  politique, 
par  les  intérêts  du  peuple,  ou  par  ceux  des  grands,  des  réso- 
lutions, des  alliances,  des  haines  qui  avaienL  eu  leur  pre- 


ET  POLITIQUES.  399 

tnlcrc  origine  dans  le  babil  trivole  d'une  rueile.  Les  femmes 
seules  pouvaient  nous  reprt'seuter,  comme  il  otail,  !e  monde 
où  elles  dominaient^  nous  montrer  toule  la  politif|uc,  à  la  seule 
lueur  du  flambeau  de  l'amour  el  de  la  galanterie ,  et  exprimer 
avec  naïveté  des  opinions  qui ,  toutes-puissantes  quelles  fus- 
sent alors ,  auraient  fait  rougir  les  bommes  mêmes  qui  les 
prenaient  pour  règles  de  leur  conduite  .  s  ils  les  avaient  vues 
sur  le  papier.  C'est  dénaturer  Ibistoire  que  de  transporter  à 
une  t'poque  les  idées  dominantes  dans  une  autre ,  el  le  siècle 
de  Louis  XIV  ne  sera  bien  compris  (jue  par  ceux  qui  auront 
su  le  voir  tel  qu'il  apparaissait  à  sa  cour. 

IjCS  Mémoires  de  M'"^  de  MoUevillc  sont  les  premiers  en 
date  dans  cette  eoilecliou  :  ils  sont  aussi  les  plus  volumineux, 
puisqu  ils  remplissent  onze  volumes  sur  les  vingt-six.  La  dame 
qui  les  composa  fut  attacb(>e  à  la  reine  Anne  d'Aulricbe,  dès 
l'époque  de  la  mort  de  Louis  XIII  (i643)-  Elle  fut  honorée 
de  sa  confiance,  et  elle  a  peint  avec  beaucoup  de  simplicité 
et  de  bonne  foi  le  caractère  et  les  angoisses  de  sa  protec- 
trice ,  pendant  la  guerre  civile  ;  ses  regrets,  au  moment  oii  le 
pouvoir  lui  écbappait  pour  passer  aux  mains  de  son  fils  ,  et  le 
courage  qu'elle  déploya  ,  durant  sa  longue  maladie,  jusqu  à 
sa  mort,  arrivée  eu  iG65.  La  vérité  des  sentimens  de  M""^  de 
Motteville  fait  sur  le  lecteur  une  impression  immanquable  ;  et 
quoiqu'elle  ne  puisse  réussir  à  faire  considérer  sa  bienfaitrice 
comme  une  grande  reine,  peu  de  gens  liront  d'un  œil  iec 
l'histoire  de  ses  derniers  momens. 

]\lme  (Je  Motteville  semble  indiquer  elle-même,  dès  le  com- 
mencement de  ses  Mémoires,  cette  révolution  dans  les  mœurs 
qui  lit  le  caractère  de  la  période  où  l'on  entrait  alors,  qui  don- 
na à  la  galanterie  une  importance  jusqu'alors  inouie  ,  et  qui 
transmit  aux  femmes  de  la  cour  le  droit  de  s'ériger  eu  orga- 
nes de  l'opinion  publique,  c  II  v  avait  encore  en  France,  » 
dit-elle  (T.  I ,  pag.  52)   «  quelque  reste  de  la  politesse  que 


ooo  SCIE?;CES  MORALES 

Catherine  de  Médicis  y  avait  apportée  d'Italie,  et  Fou  trouvait 
une  si  grande  délicatesse  dans  les  comédies  nouvelles  et  tous 
les  autres  ouvrages  en  vers  et  en  prose  qui  venaient  de  Ma- 
drid ,  que  la  marquise  de  Sablé  (femme  qui  donnait  le  ton  à 
la  cour,  quand  la  reine  vint  eu  France)  avait  conçu  une  haute 
id(  e  de  la  galanterie  que  les  Espagnols  avaient  apprise  des 
Maures.  Elle  était  persuadée  que  les  hommes  pouvaient  sans 
crime  avoir  des  senlimens  tendres  pour  les  femmes,  que  le 
dc'sir  de  leur  plaire  les  portait  r*ux  plus  grandes  et  aux  plus 
belles  actions ,  leur  donnait  de  l'esprit ,  et  leur  inspirait  de  la 
libéralité  et  toutes  sortes  de  vertus  ;  mais  que  ,  d  un  autre  cô- 
té ,  les  femmes  qui  étaient  rornement  du  monde,  et  étaient 
faites  pour  être  ser^-ies  et  adorées  des  hommes,  ne  devaient 
souffrir  que  leurs  respects.  »  Cet  exposé  de  la  foi  romanesque 
est  destiné  seulement  à  amener  le  récit  de  la  manière  dont  la 
reine  reçut  ies  hommages  du  duc  de  Montmorency,  du  duc 
de  Bellegarde ,  et  enfin  du  duc  de  Buckingham ,  qui ,  selon 
jVime  (Je  Motteviile ,  «  brouilla  les  deux  couronnes  pour  reve- 
nir en  France,  par  la  nécessité  d'un  traité  de  paix,  lorsque, 
selon  ses  intentions  ,  il  aurait  fait  éclater  sa  réputation  par  ies 
victoires  qu'il  prétendait  remporter  sur  notre  nation.  »  (Pag. 
42.)  —  Une  femme  seule  pouvait  nous  apprendre  que  ce  n'é- 
tait ni  pour  défendre  la  religion  protestante,  ni  pour  proté- 
ger les  libertés  d'une  ville  amie  ,  ni  pour  mettre  obstacle  aux 
envahissemens  continuels  de  Richelieu  ,  que  Buckingham 
ameua  une  puissante  armée  navale  au  secours  des  Rochelois, 
mais  qu'il  songeait  seulement  à  briller  aux  yeux  de  sa  bien 
aimée,  par  les  grands  coups  d'épée  qui  signalaient  les  héros 
de  la  Calpi-enède ,  tandis  que  cette  bleu  aimée,  reine  de 
France ,  faisait  des  vœux  secrets  contre  ses  sujets ,  pour  la 
piospérité  des  armes  des  Anglais. 

Les  Miinoires   de  Marie  d'Orléans ,   duchesse  de  Ne- 
mours, sont  les  seconds  dans  l'ordre  des  lems;  car  ils  com- 


ET  POLITIQUES.  'oi 

meiiceat  à  peu  près  avec  la  guerre  de  la  Fronde.  Ils  caracté- 
risent mieux,  encore  peut-être  celte  politique  de  romans  que 
les  femmes  avaient  inventée,  et  d'après  laquelle  elles  gouver- 
nèrent la  France.  Écoutons  cette  princesse  faire  le  portrait 
de  sa  belle-mère,  la  duchesse  de  Longueville,  p.  54. 

«En  ce  tems-là,  ni  son  esprit,  ni  celui  de  toute  la  cabale, 
n'étaient  point  d'avoir  des  desseins  ni  de  Thabileté;  et,  quoi- 
qu'ils eussent  pourtant  tous  beaucoup  d' esprit ,  ils  ne  l'em- 
ployaienlque  dans  les  conversations  galantes  et  enjouées,  qu'à 
commenter  et  à  raffiner  sur  la  délicatesse  du  cœur  et  des  sen- 
limens.  Ils  faisaient  consister  tout  l'esprit  et  tout  le  mérite 
d'une  personne  à  faire  des  distinctions  subtiles,  et  des  repré- 
sentations quelquefois  peu  naturelles  là-dessus.  Ceux  qui  y 
brillaient  donc  le  plus  étaient  les  plus  honnêtes  gens,  selon 
eux,  et  les  plus  habilesj  et  ils  traitaient,  au  contraire,  de  ri- 
dicule et  de  grossier  tout  ce  qui  avait  le  moindre  air  de  con- 
versation solide. 

»  Madame  de  Longueville  savait  très-mal  ce  que  celait  de 
politique^  aussi,  en  avait-elle  si  peu,  que,  quelques  années 
avant  le  tems  dont  je  parle,  elle  avait  vu,  sans  chagrin  com- 
me sans  conséquence,  l'amour  et  l'attachement  extrême  de  M. 
le  prince  et  de  Mi'«=  du  Vigean,  de  laquelle  elle  avait  fait  son 
Intime  amie ,  jusqu'à  entrer  même  dans  celte  confidence,  n 
Mais  il  suffit  de  continuer  la  lecture  de  ces  Mémoires  pour 
voir  par  quel  subit  développement  de  son  génie  cette  grande 
princesse  se  releva  d'un  tel  oubli  de  la  première  des  sciences 
sociales,  de  celle  qui  se  propose  de  conduire  les  nations  au 
bonheur  et  à  la  gloire,  de  celle  qui  combine,  avec  l'expérien- 
ce des  siècles,  l'étude  des  intérêts  du  moment.  «  Lorsque 
l'expérience,  continue  M^^^  de  Nemours,  leur  en  eut  appris  da- 
vantage à  toutes  deux  (à  M-^^  de  Longueville  et  à  la  maîtresse 
de  son  frère),  en  devenant  plus  politiques,  elles  se  devinrent 
insupportables  l'une  à  l'autre»  (p.  55).  Ne  trouvera-t-ou 


001  SCIEISCES  MORALES 

point  quelque  rapport  entre  cette  preuve  que  donne  M™«  de 
Nemours  des  rapides  progrès  de  sa  belle-niore  en  politique, 
et  l'anecdote  (|ue  racontait  un  philosophe  anglais?  Il  avait  été 
présenté  à  un  souverain  dont  on  a  plus  souvent  célébré  le 
heau  pays  que  la  houte  sagesse;  mais  il  ("ut  vivement  touché 
de  ionlendre  accuser  lui-même  la  mauvaise  éducation  qu'il 

avait  reçue  :  livré  aux  mains  <lu  D.  de ,  était-ce  sa  faute, 

s'il  n'avait  fait  aucun  progrès,  ni  dans  les  arts  ,  ni  dans  les 
sciences?  Pouvait-il  devenir  autre  qu  li  n'était  en  effet  ?  n'a- 
vait-il pas  passé  son  enfance  tuut  entière  dans  une  crasse 
ignorance?  Enfin,  Monsieur,  le  croiriez-vous,  dit-il  eu  ter- 
minant ses  plaintes  padiétiques,  j'étais  arrivé  à  1  âge  de  dix- 
huit  ans,  que  je  ne  savais  pas  encore  faire  la  sauce  au  pois- 
son. 

Les  Miiiioirts  de  M"'^  de  Mont])ensU'r  sont  les  troisièmes 
en  date  dans  cette  collection;  ils  sont  les  seconds  en  étendue. 
La  grande  Mademoiselle,  Ihéroïne  de  la  Fronde,  raconte,  en 
dix  volumes,  tous  les  détails,  non-seulement  de  ses  intrigues, 
mais  de  ses  fêtes,  de  ses  voyages,  de  ses  amours.  Elle  donne 
aux  riens  une  importance,  elle  considère  les  grands  événe- 
meus  avec  une  frivolité,  qui  peignent  son  siècle,  mieux  que 
n'aurait  su  le  faire  une  personne  de  plus  de  talent.  M™^  de 
Motleville  était  une  femme  sensée  qui  ne  jouait  aucun  rôle  , 
et  qui  racontait  avec  simplicité  ce  quelle  avait  été  à  portée 
de  voir.  Mademoiselle  n'avait  point  de  sens  et  jouait  un 
grand  rôle;  aussi,  eslimalt-eile  l  iuiporlance  de  chaque  chose 
d'après  son  seul  rapport  avec  elle-même.  Toute  remplie  du 
sentiment  de  son  rang,  de  sa  grandeur,  de  ce  qu'elle  appelait 
sa  gloire,  elle  se  hou/lissait  de  vanité,  se  ilaltaiit  que  c'était  de 
l'orgueil,  taudis  qu'elle  ne  pouvait  jamais  atteindre  que  cette 
fanfaronnade  de  grandeur  donnée  par  Corneille  à  quelques- 
unes  de  ses  héroïnes.  Quand  ses  Mémoires  ne  nous  appren- 
draient autre  chose  que  la  différence  entre  les  guerres  civiles 


ET  POLITIQUES.  5o5 

des  conrlisans  et  les  guerres  civiles  des  patriotes,  encore  vau- 
drait-il la  peine  de  les  étudier.  L'égoïsme,  Tabsence  de  tout 
sentiment  noble,  de  toute  vue  élevée,  de  toute  attention  au 
bien-être  ou  aux  progrès  de  Thumanité,  tous  les  vices  des 
grands,  enfin,  s'y  représentent  à  chaque  page.  On  rougit  pour 
les  bourgeois  et  les  soldats  qui  sont  si  dupes  que  de  s'exposer, 
les  uns  aux  pillages  et  aux  supplices,  les  autres  aux  bies:;ures 
et  à  la  mort,  pour  des  chefs  qui  ne  regardaient  eux-mêmes 
leurs  débals  que  comme  des  intrigues  de  théâtre.  Ainsi,  Ion 
voit  Mademoiselle  se  livrer  à  la  haine  la  plus  violente  contre 
le  prince  de  Condé,  pour  des  chucholeries  au  bal,  des  succès 
de  société  qui  excitent  sa  jalousie,  des  cabales  dont  tout  le  but 
est  de  s'empêcher  les  uns  les  autres  de  danser  (T.  I,  p.  70). 
Et  cette  haine  ne  va  à  rien  moins  qu'à  souhaiter  avec  passion 
que  M.  le  Prince  passât  sa  yie  en  prison,  et  à  s'opposer  en  con- 
séquence, de  tout  son  pouvoir,  à  la  paix  avec  l'Espagne,  ou  à 
celle  qui  devait  mettre  un  terme  à  la  guerre  civile  (T.  II , 
p.  85).  Mais  il  est  des  douleurs  qui  devaient  enfin  triompher  de 
cette  haine  héroïque,  «  L'ennui  que  j'eus  à  Libourne,  dit-elle, 
p.  83,  où,  quoiqu'il  fît  le  plus  beau  tems  du  monde,  la  reine 
ne  voulait  point  se  promener,  ce  qui  me  donna  beaucoup  de 
mortification  de  ne  bouger  d'une  chambre ,  m  avait,  re- 
prend-elle (p.  90),  fait  changer  la  pens(^  que  j'avais  de  recu- 
ler la  paix  de  tout  mou  possible,  en  un  désir  fort  ardent  de  1  a- 
vancer,  si  je  pouvais.  » 

Il  est  vrai  que  les  rovaux  cbampions  de  la  guerre  civile,  en 
Angleterre ,  ne  se  montrent  pas ,  dans  ces  Mémoires  ,  avec 
beaucoup  plus  de  dignité.  L'intimité  des  princes  donne  aux 
événemens  qui  ont  bouleversé  le  monde  quelque  chose  de  si 
mesquin  et  de  si  bas,  qu'on  se  demande  avec  etonnement  si 
ce  sont  bien  les  mêmes  révolutions  ,  les  mêmes  batailles,  qui, 
dans  les  récits  des  hommes  élevés  loin  des  cours ,  vous  ont 
fait  battre  le  cœur.  En  i65i,  après  sa  défaite  k  Worcester,  el 


3o4  SCIEISCES  MORALES 

cette  fuite  sur  laquelle  lord  Clareaclou  répand  uu  si  vif  inté- 
rêt (i),  Charles  II  d'A/igleterre  rentra  en  France.  «La  reine 
d'Augieterre,  dit  Mademoiselle,  apprit  qu'il  était  à  Rouen,  et 
qu'il  venait  à  Paris  ;  elle  alla  au-devant  de  lui.  Il  y  avait  quel- 
que (enis  que  je  n'osais  sortir  j  j'avais  une  fluxion  au  visage. 
Je  crus  qu  en  celle  occasion  je  ne  pouvais  m'en  dispenser  ; 
c'est  pourquoi  j'allai ,  le  lendemain ,  chez  la  reine  d  Angle- 
terre, sans  étrecoitfée.  Elle  me  dit  :  Vous  trouverez  mon  fils 
bien  ridicule;  pour  se  sauver,  il  a  coupé  ses  cheveux.,  et  a 
un  habit  fort  extrordinaire.  Dans  ce  moment,  il  entra  :  je  le 
trouvai  fort  bien,  de  beaucoup  meilleure  mine  qu'il  n avait 
avant  son  départ,  quoiqu'il  eût  les  cheveux  courts  et  beau- 
coup de  barbe,  ce  qui  change  les  gens.  Je  trouvai  qu'il  par-' 
lait  fort  bon  français.  Tl  nous  conta  qu'après  avoir  perdu  la 
bataille ,  il  repassa  avec  4o  ou  5o  cavaliers  au  travers  de 
Parmée  ennemie  et  de  la  ville  au-delà  de  laquelle  s  était  donné 
le  combat;  qu'après  cela  il  les  avait  tous  congédiés,  et  était 
demeuré  seul  avec  un  mylord  ;  qu'il  avait  été  long-tems  sur 
un  arbre,  ensuite  dans  la  maison  d'un  paysan,  où  il  avait  coupé 
ses  cheveux  ;  qu'un  gentilhomme  qu'il  avait  reconnu  sur  le 
chemin  l'avait  mené  chez  lui ,  où  il  avait  séjourné  ,  et  qu  il 
avait  été  à  Londres,  avec  le  frère  du  gentilhomme,  dei-rière 
lui  en  croupe  ;  qu'il  y  avait  couché  une  nuit,  et  avait  dormi 
dix  heures  avec  la  dernière  tranquillité  ;  qu'il  s'était  mis  dans 
un  bateau  à  Londres,  pour  alier  jusqu'au  port  où  il  s'em- 
barqua, et  que  le  capitaine  du  vaisseau  l'avait  reconnu  :  ainsi, 
il  arriva  à  Dieppe.  Il  me  vint  conduire  jusqu'à  mon  logis , 
par  cette  galerie  dont  j'ai  déjà  parié  au  commencement  de  ces 

(i)  Clarkndon's  History,  pag.  602.  Son  récit  a  été  reproduit ,  tou- 
jours avec  un  nouvel  intérêt,  par  Rapin  TnovHAS,  par  Humej  et  tout 
récemment  par  M.  Villkmain  ,  Histoire  de  CromweU ,  liv.  v»  P^o-  •'•■'5. 
11  n'est  pas  de  souvenirs  plus  altachans,  dit-il,  que  ces  infortunes  roya- 
les. —  Oui ,  pourvu  qu'elles  n'aient  pas  des  princes  pour  historiens. 


ET  POLITIQUES.  3o5 

Mémoires ,  qui  va  du  Louvre  aux  Tuileries  ;  et  ie  long  du 
chemiu,  il  ne  uie  parla  que  de  la  misérable  vie  qu'il  avait 
menée  en  Ecosse  ;  qu'il  n'y  avait  pas  une  femme  ;  que  les 
gens  du  pays  étaient  si  rustres,  qu'ils  croyaient  que  c'était  un 
péché  d'entendre  des  violons  ;  qu'il  s'y  était  turieusement  en- 
nuyé; que  la  perte  de  la  bataille  lui  avait  été  moins  sensible, 
sur  l'espérance  de  venir  en  France,  où  il  trouvait  tant  de 
charme  en  des  personnes  pour  qui  il  avait  beaucoup  d'amitié; 
Il  me  demanda  si  l'on  ne  commencerait  pas  bientôt  à  danser. 
H  me  parut,  par  tout  ce  qu  il  me  disait,  un  amant  timide  et 
craintif,  qui  ne  m'osait  dire  tout  ce  qu'il  sentait  pour  moi ,  et 
qui  aimait  mieux  que  je  le  crusse  insensible  à  ses  malheurs  , 
qu«  de  m'en  ennuyer  par  le  rrcit.  Aux  autres  personnes  ,  il  ne 
parlait  point  de  la  joie  qu'il  avait  d'être  en  France,  ni  de  son 
envie  de  danser.  11  ne  me  dt-plut  pas ,  et  vous  pouvez  le  voir 
par  la  favorable  explication  que  j'ai  donnée  à  ce  qu'il  me  dit 
en  assez  mauvais  français.  A  la  seconde  visite  qu'il  me  rendit, 
il  me  demanda  en  grâce  de  lui  faire  entendre  ma  bande  de 
violons  qui  était  fort  bonne  :  je  les  envoyai  quérir,  et  nous 
dansâmes.  El  comme  cette  fluxion  dont  j'ai  parlé  fu 'obligea 
à  garder  le  logis  tout  l'hiver,  il  venait  tous  les  deux  jours  me 
voir,  et  nous  dansions.  »  (  Tom.  If  ,  pag.  i55.) 

Je  ne  sais  si  tous  les  lecteurs  des  Mémoires  de  Mademoiselle 
en  recevront  la  même  impression  que  moi  -,  mais,  ces  violons 
me  font  supporter  avec  plus  de  résignation  d'augustes  dou- 
leurs pour  lesquelles  il  y  a  i'j5  ans  qu'on  nous  demande  des 
larmes. 

Les  Mémoires  de  M"""  de  La  Fayette ,  en  un  volume,  et 
les  Mémoires  de  M"^^  de  Cayliis ,  aussi  en  un  volume,  n'ap- 
partiennent point  aux  tems  de  la  Fronde;  ils  retracent,  au 
contraire ,  des  souvenirs  de  la  cour  de  Louis  XIV,  pendant 
la  toute-puissance  royale.  On  ne  saurait  ouvrir  les  uns  ou 
les  autres,  sans  y  retrouver  des  traits  qui  peignent  le  carac- 
T.  XX. — Novembre  iSsri.  ao 


5o6  SCIENCES  MORALES 

tère  de  celle  seconde  période  de  rempire  .des  femmes  en 
France.  La  nalion  cesse  dèfre  eomptp'e  pour  quelque  cliose, 
iorsou'il  s'a?,it  des  plaisirs  du  monarque  ou  des  dames  de  sa 
cour.  Les  premiers  mots  des  Mémoires  de  M™^  de  La  Favelte 
expriment  même  si  naïvement  le  peu  de  cas  qu'on  faisait  de 
la  vie  des  hommes  ,  lorsqu'on  pouvait  à  ce  pris,  ajouttr  aux 
pompes  de  Versailles  ,  que ,  s'ils  étaient  écrits  aujourd'hui , 
nous  n'hésiterions  pas  à  les  regarder  comme  une  ironie  assez 
amère. 

«La  France,  dit-elle,  était  dans  une  tranquillité  parfaite; 
l'on  n'y  connaissait  plus  d'autres  armes  que  les  instrumens 
nécessaires  pour  remuer  les  teires  et  pour  bâtir.  On  employait 
les  troupes  à  ces  usages  ,  non-seulement  avec  l'intention  des 
anciens  Romains ,  qui  n'était  que  de  les  tirer  d  une  oisiveté 
aussi  mauvaise  pour  elles  que  le  serait  l'excès  du  travail  ;  mais 
le  but  était  aussi  de  faire  aller  la  rivière  d'Eure  contre  son 
c;ré ,  pour  rendre  les  tbntaines  de  Versailles  continuelles.  On 
eoiplovait  les  troupes  à  ce  prodigieux  dessein ,  pour  avancer 
de  quelques  années  les  plaisirs  du  roi,  et  on  le  faisait  avec 
moins  de  dépenses  et  moins  de  lems  que  Ton  n'eût  osé  l'es- 
pérer. La  quantité  de  maladies  que  cause  toujours  le  remue- 
ment des  terres ,  niellait  les  troupes  qui  étaient  campées  à 
Maintenon,  où  était  le  fort  du  travail,  hors  d'état  d'aucun 
service  ;  mais  ,  cet  inconvénient  ne  paraissait  digne  d'aucune 
attention  f  dans  le  sein  de  la  tranquiUité  dont  on  jouissait.  » 

Ces  maladies,  données  à  plaisir  à  l'armée,  et  qui  n'a\-aient 
paru  dignes  A'aucune  attention,  étaient  cependant  si  graves, 
que  nous  voyons  plus  loin  (pag.  90),  que,  quand  on  eut  be- 
soin d'employer  à  la  défense  de  l'état  ces  troupes  dont  ou 
avait  joué  la  vie  ,  «  elles  étalent  en  si  mauvais  état,  qu  il  fut 
impossible  de  les  y  envoyer  ;  car  on  ne  put  jamais  trouver 
que  cent  hommes  qui  pussent  marcher.  » 

M"»^  de  La  Fayette  a  composé  ses  Mémoires,  non  avec  ce 


p:t  politiques.  507 

quelle  a  fait  ou  ce  quelle  a  tu,  mais  avec  ce  quelle  a  en- 
tendu conter  dans  les  salons  de  la  cour,  durant  les  campagnes 
de  1688  et  1689;  et  quoiquelle  ne  parle  presque  que  d  une 
cliose  qu'elle  ne  pouvait  entendre  ,  la  guerre  ,  elle  le  fait  avec 
tant  de  grâce  qu'on  ne  saurait  abandonner  la  lecture  de  son 
ouv  rage.  Il  est  vrai  que  c'est  la  guerre ,  telle  que  les  belles 
dames  la  conçoivent.  Les  grands  évéuemens  pour  elles  ne 
sont  pas  les  conquêtes  ou  les  défaites  ;  mais  les  blessa-  es  re- 
çues par  quelques  favoris  de  la  bonne  société ,  ou  les  bon- 
neurs  acquis  par  quelques  autres.  L'effroyable  dévastation  du 
Palatinat  est  indiquée  avec  indifférence  dans  deux  petites  pa- 
ges (i''8,  179);  aussi,  faut-il  dire  que  ceux  dont  on  brûlait 
les  maisons  et  les  greniers  ,  dont  on  pillait  les  magasins  ,  dont 
on  arrachait  les  vignes  ;  que  ceux  qu'on  laissait  périr  de  froid 
et  de  misère  sur  les  grands  chemins,  avec  leurs  femmes  et 
leurs  enfans,  n'étaient  que  des  Allemands,  et  qui  pis  est,  des 
bourgeois  et  des  paysans.  Pourquoi  leur  sort  aurait-il  donné 
uu  moment  d'émolion  à  une  grande  dame? 

Les  Mémoires  de  M'^^  de  La  Fayette  sont  cependant  de 
l'histoire  j  les  souvenirs  de  M™^  de  Caylus  sont  seulement  des 
anecdotes  de  cour,  des  développemens  sur  le  gouvernement 
des  maîtresses,  et  sur  les  intrigues  des  fils  légitimés  durant 
les  dernières  années  du  règne  de  liOuis  XIV.  Ce  commérage 
sur  de  grands  noms  et  de  petits  caractères  occupait  alors  toute 
la  France;  encore  aujourd'hui,  il  est  demeuré  le  sujet  classi- 
que de  la  conversation,  dans  tous  les  sanctuaires  de  la  bonne 
compagnie  et  dans  toutes  les  cours.  Il  faut  le  connaître,  puis- 
qu'il caractérise  l'époque ,  et  il  vaut  mieux  encore  s'y  faire 
initier  par  M'^^  de  Cayius  que  par  les  mémoires  d'un  cour- 
tisan. 

Les  Mémoires  de  M'^°  de  Siaal,  en  deux  volumes,  sont 
les  derniers  en  date  dans  cotte  collection  ;  ils  sont  aussi  les 
plus  étrangers  au  tableau   des  événemens  publics.   Ce  n'est 


5o8  SCIET^CES  MORALES 

que  par  les  rapports  de  M""^  de  Staal  avec  la  duchesse  du 
Maine,  dont  elle  était  femine-de-chambre ,  et  par  les  détails 
qu'elie  donne  sur  une  de  ces  petites  cours  qui  reflétaient  celle 
de  Louis  XIV,  que  les  confessions  ,  si  agréaLiement  écrites 
par  cette  dame ,  peuvent  trouver  place  parmi  les  Mémoires 
historiques. 

ISous  u  en  dirons  pas  davantage  sur  le  mérite  des  écrivains 
dont  M.  Colnet  a  donné  une  édition  nouvelle,  et  peul-êlre 
trouvera-t-on  que  nous  nous  sommes  déjà  trop  étendus  sur 
des  ouvrages  dès  long-tems  juges  par  le  public.  Mais,  nous 
terminerons  nos  observations  par  quelques  mots  sur  ce  qui 
distingue  ou  devrait  distinguer  celte  collection  d'avec  les  édi- 
tions précédentes.  Le  papier  est  très-hîauc,  le  caractère  est 
neuf,  et  quoique  fm,  il  est  fort  net.  On  trouverait  difficile- 
ment ces  six  ouvrages  pour  le  prix  que  coûte  leur  collection  ; 
et  bientôt  peut-être,  il  ne  sera  plus  possible  de  se  les  procurer 
dans  les  éditions  anciennes.  Cependant ,  les  éditeurs  auraient 
dû  chercher  à  donner  a  leur  réimpression  une  supériorité  plus 
réelle  sur  les  éditions  précédentes  ;  ils  auraient  dû ,  pour 
leur  intérêt  même ,  ne  pas  se  contenter  de  traiter  avec  un 
imprimeur,  mais  consulter  aussi  un  homme  de  lettres j  ne 
fût-ce  que  pour  ranger  leurs  Mémoires  dans  Tordre  qu'ils 
s'efforcent  de  rétablir  après  coup  et  que  nous  avons  suivi , 
et  plus  encore  pour  les  orner  de  quelques  notes. 

On  ne  trouve,  eneflet,dans  celte  édition,  point  de  renvoi  aux 
auteurs  qui  ont  raconté  dilféremment  les  mêmes  faits,  qui  ont 
donné  deséclaircissemens  ou  suppléé  des  circonstances  omises, 
point  de  divisions,  point  de  dates  auhaut  despages,  point  de  no- 
tes que  celles  qui  sont  empruntées  à  une  édition  précédente,  et 
doutTauteur  n'estpas  même  indiqué;  enfin,  aucun  point  de  re- 
père d'aucune  espèce.  Ces  défauts  sont  aujourd'hui  sans  remè- 
de^mais  il  y  enaunautreque  les  éditeurs  seraient  encoreàtems 
de  réparer  :  il  n'y  a  point  de  table  des  matières,  et  je  ne  vois 


ET  POLITIQUES.  009 

pas  pourquoi  un  vingt-septième  volume  ne  comprendrait  pas 
«ne  table  chronologique  el  une  lable  alphobélique,  commu- 
nes aux  vingt-six.  volumes  précédeus.  Je  voudrais  que  la  tabie 
chior.ologique  indiquât,  année  par  année,  la  concordance  en- 
tre les  six  Mémoires  des  dames  (rauraises,  de  manière  à  for- 
mer en  quelque  sorte  les  annales  du  règne  des  femmes  à  la 
cour  de  Louis  XIV.  Je  voudrais  que  la  table  alpbabétique  in- 
diquât ,  sous  cliaque  nom  ,  les  détails  divers ,  les  anecdotes 
que  cliacun  de  ces  auteurs  raconte  sur  le  même  personnage 
ou  le  même  fait.  Cet  accord  synoptique  des  ouvrages  qu'on  a 
cru  convenable  de  réunir  en  un  seul  corps,  donnerait  à  leur 
collection  une  supériorité  sur  les  éditions  séparées  de  ces  mê- 
mes ouvrages,  à  laquelle,  jusqu'à  présent  elle  ne  peut  point 
prétendre.  J.  C.  L.  de  SiSiViONDi. 


WWlVl'MWVVVW 


PA.RA.LLkLE    DK    LA    PUISSANCli    ANGLAISE    ET    RUSSE, 

relativement  à  l'Europe;  par  M.    de  Pradt,  ancien 
archevêque  de  Malines  (i). 

Sucond  article.  —  Russie. 

(Voyez  ci-dessus,  pag.  65-go.) 

La  marche  de  M.  de  Pradt  au  sujet  de  la  Russie  est  très- 
dillérente  de  celle  qui!  a  suivie  au  sujet  de  l'Angleterre.  Pour 
celle  dernière  puissance  ,  les  matériaux  officiels  sont  publics, 
abondans,  el  faciles  à  recueillir  ;  aussi  M.  de  Pradt  ena-t-il 
fait  un  grand  usage.  Il  n  avait  point  les  mêmes  ressources 
pour  la  Russie  ,  et  il  s'est  borné  le  plus  souvent  à  des  aperçus 
et  à  des  généralités.  Nous  allons  tâcher  d'y  substituer  des  faits, 
et  dêU'cplus  précis  dans  nos  raisonnemeus. 

(i)  Paris,  1825.  Un  vol.  io-S".  Béchet  aîné,  quai  des  Aogustius  , 
n°  57.  Pris,  4  fr-  Soceat.,  et  par  la  podte,  5  fr.  5o  cent. 


3io  SCIENCES  MORALES 

Nous  ne  suivions  ni  M.  do  Pradt  ni  d'autres  publicistes  dans 
leurs  r,'flex!ons  sur  i"iniiuence  cjue  peut  avoir  le  caractère  per- 
souueî  des  souverains  de  TEurope,  et  particulièrement  du 
monarque  qui  régit  aujourd'hui  Teiupire  de  Russie.  Nous  n'.i- 
horderons  pas  même  le  sujet ,  si  important  pour  nous  ,  de  la 
politique  occulte  ou  patente  du  cahinet  de  Saint-Pi^tersbouri;, 
à  l'égard  des  peuples  de  l'Asie  et  des  peuples  de  l'Europe. 
Trop  de  mystères  dérobent  aujourd'hui  la  connaissance  de  la 
vérité  sur  des  intentions  déguisées  avec  tout  le  secret  que 
peut  garder  un  gouvernement  absolu.  Trop  de  passions  en- 
traînent aujourd'hui  les  hommes  dans  les  sens  les  plus  oppo- 
sés, pour  trouver  dans  leurs  conjectures,  dans  leurs  pressen- 
limeus  et  dans  leurs  assertions ,  les  lumières  qui  nous  man- 
quent encore.  Depuis  i8i4  jusqu'à  ce  jour,  les  amis  et  les  en- 
nemis des  libertés  con>titutionuel'es  ont  tour-î -tour  espère'  de 
compter  sous  leurs  bannières  l'empereur  Alexandre  ;  ils  se 
sont  vantés  publiquement  de  son  appui  ;  ils  ont  cité  tantôt  ses 
paroles,  tantôt  celles  de  ses  ambassadeurs,  ou  de  ses  ministres 
ou  de  ses  conseillers  intimes.  Laissons  au  lems  à  dévoiler  la 
ve'rité.  Contentons-nous  de  rappeler  aux  hommes  de  tous  les 
rangs,  sans  excepter  le  rang  suprême  ,  que  l'état  moderne  de 
la  civilisation,  le  progrès  des  idées  et  lamélioraliou  des  mœurs 
réclament  également ,  pour  les  nations ,  un  ordre  politique 
oi!i  le  prince  trouve  à  la  fois  la  sécurité,  la  puissance  et  la 
gloire,  où  le  peuple  trouve  en  même  tems  la  justice,  les  sa- 
ges libertés,  les  durables  garanties,  et  les  moyens  de  donner  à 
son  instruction  comme  à  son  industrie  tout  le  développe- 
ment, toute  la  perfection  où  le  génie  de  l'homme  puisse  at- 
teindre. 

Un  roi  même  a  reconnu  ,  par  des  paroles  pleines  de  digni- 
té, ces  besoins  de  l'état  social,  dans  le  préambule  de  la  loi 
fondamentale  qu'il  a  doiinée  à  son  penple  :  «  Nous  avons  dû 
apprécier  les  eiîels  des  progrès  toujours  croissans  des  lumiè- 


ET  POLITIQUES.  5ii 

res,  les  rapports  nouveaux  que  ces  progrès  ont  introdiills  dans 
la  société,  la  direction  imprimée  aux  esprits  depuis  un  demi- 
siècle  ,  et  les  graves  altérations  qui  en  sont  résultées  :  nous 
avons  reconnu  que  le  vœu  de  nos  sujets,  pour  une  charte 
constitutionnelle,  était  L'objet  d'un  besoin  réel.  »  Pbéameule 
de  la  CHARTE. 

L'histoire  placera  parmi  les  bienfaiteurs  du  genre  liumain, 
les  princes  qui  comprendront  ces  besoins  réels  de  l'époque  où 
nous  vivons..,.  Contentons -nous  de  rappeler  cet  avenir  à  la 
pensée  des  souverains.  Éveillons,  au  fond  de  leur  conscience, 
un  juge  plus  libre  et  non  moins  sévère  que  Ihisforien  le  plus 
intègre.  Sans  emprunter  des  paroles  indiscrètes  au  bîame  hi  à 
l'éloge,  sachons  faire  taire  les  adulations  du  courtisan  et  les 
satires  du  calomniateur  ;  c'est  en  ce  sens  que  le  silence  des 
peuples  est  la  leçon  des  rois. 

Un  spectacle  ,  qui  ne  saurait  avoir  pour  nous  d'illusions  ni 
de  mensonges,  c'est  l'état  social  d'un  enqoire  dont  la  gran- 
deur, toujours  croissante,  est  un  sujet  d'alarmes  pour  les 
uns  ,  d'espoir  pour  les  autres  ,  d'inquiétude  et  d'attention  pour 
tous. 

Yovons  donc  à  quel  degré  se  trouve  parvenue  aujourd  hui 
la  civilisation  delà  Russie.  Que  fait-elle  pour  accroître  ses 
lumières  et  développer  son  industrie  ,  pour  améliorer  le  sort 
des  haL'ilans  et  leur  état  civil ,  pour  augmenter  et  régulai  iser 
la  force  pul)lique7  Quand  nous  posséderons  bien  ces  don- 
nées, nous  saurons  ce  que  l'Europe  doit  espérer  ou  redouter 
de  l'iniiuence  moscovite,  sur  ia  destinée  des  autres  états. 

Presque  toujours  les  bommes  ,  dans  leurs  jugemens,  res- 
tent en  arrière  de  l'état  présent  des  nations.  A  chaque  épo- 
que,  l'opinion,  généralement  formée  à  l'égard  d  un  peuple, 
se  compose  d'une  longue  suite  de  faits,  d'idées,  de  souve- 
nirs ,  qui  tiennent  la  plupart  à  des  événeniens  passés ,  à  des 
générations  qui  ne  sont  plus,  à  des  influences  affaiblies,  à 


^'2  SCIENCES  MORAÎ^S 

l'ancien  état  dime  civilisation  qui  n  est  pas  restée  stationnaire. 
Ainsi  les  peuples  qui  les  prenjicrs  captivent  la  renommée 
par  leurs  arts,  ou  leurs  lumières ,  ou  leurs  lorces ,  conser- 
vent iong-tems  leur  réputation  prépondérante^  ils  en  jouissent, 
alors  mé<ue  qu'ils  sont  de  beaucoup  descendus  au-dessous  de 
leur  propre  renommée ,  et  que  des  peuples  rivaux,  moins  cé- 
lèbres ,  mais  déjà  dignes  de  i'ètre  davantage,  les  ont  beau- 
coup devancés. 

Ces  observations  s'appliquent  en  partie  aux  nations  qui 
composent  l'immense  empiré  des  tzars. 

La  Russie,  il  n'y  a  qu'un  siècle,  était  à  peu  prés  bornée 
aux  territoires  occupés  par  la  race  moscovite,  qui  se  confon- 
dait alors  ,  dans  l'esprit  de  tous  les  bommes,  avec  la  race 
slavonne,  et  dont  les  mœurs  rappelaient  les  Scvlbes,  les 
Partbes,  les  Huns ,  et  tous  ces  fléaux  du  genre  bumain,  qui 
causèrent,  à  tant  de  reprises,  les  malbeurs  de  l'Europe  civi- 
lisée. 

Un  grand  bomme  s'élève  au  milieu  de  ces  barbares.  Il 
imprime  à  tous  ses  peuples  une  puissante  impulsion  ,  qui  sur- 
vit à  son  règne  ;  il  apprend  la  discipline  à  leurs  bordes,  et 
l'industrie  à  leurs  bourgades  ;  il  conquiert  des  provinces  déjà 
civilisées ,  et  bàlit  sa  nouvelle  capitale  aux  environs  de  ces 
provinces. 

Par  degrés,  la  force  militaire  de  l'empire  moscovite  s'af- 
fermit; elle  se  signale  à  cbaque  génération  par  des  conquêtes 
de  plus  en  plus  importantes.  Les  unes  s'étendent,  à  travers 
lessoHtudes  de  l'Asie,  jusqu'aux  frontières  de  la  Cbine,  de 
la  Perse  et  de  la  Turquie;  les  autres  embrassent  les  plus  bel- 
les provinces  de  la  Suède  et  de  la  Pologne.  Ces  dernières  ac- 
quisitions ont  accru  considérablement  la  partie  policée  de 
l'empire. 

A  présent  nous  pouvons  apprécier  des  erreurs  européen- 
nes, qui  maintiennent  encore  les  peuples  les  plus  éclairés 


ET  POLITIQUES.  5i3 

dans  leurs  fausses  opinions  sur  des  états  éloignés.  Iva  Russie 
ne  saurait  se  présenter  à  notre  esprit ,  sans  y  faire  naître  aus- 
sitôt le  souvenir  repoussant  des  harJ^ares  du  Nord.  Cependant, 
les  hommes  du  nord  de  la  Russie  sont  beaucoup  plus  civilisés 
qu'une  grande  partie  des  habitans  du  midi  de  cet  empire  et 
du  sud  des  états  d'Autriche.  Ce  sont  des  hommes  que  la 
Suède,  la  Pologne,  ou  la  Hanse  teutonique,  ont  comptés 
parmi  leurs  citoyens,  et  qui,  depuis  la  conquête,  ont  gagné 
beaucoup  en  industrie,  en  richesse^,  en  lumières. 

Au  centre  même  de  l'empire,  Moscou,  l'antique  métropo- 
le, et  les  sept  gouvernemens  qui  l'entourent,  loin  de  présen- 
ter l'aspect  d'une  contrée  barbare,  sont  peut-être  les  districts 
les  plus  avancés  en  civilisation ,  entre  toutes  les  provinces 
de  la  Russie.  Les  arts  utiles,  et  même  les  beaux-arts,  y  fleu- 
rissent. Là  ,  l'industrie  déploie  son  activité  ,  que  le  commerce 
double  encore.  Les  lettres  et  les  sciences  sont  cultivées  sur 
les  bords  de  la  Moskwa  ;  la  philosophie  de  Newton,  les  Uiéo- 
ries  des  La  Grange,  des  Laplace  et  des  Lavoisier  ,  sont  en- 
seignées dans  le  sein  des  gymnases  et  des  académies  de  l'an- 
cienne capitale  et  des  grandes  villes  de  l'empire.  A  Moscou 
comme  à  Pétersbourg,  les  chefs-d'œuvre  de  Corneille,  de 
Racine  et  de  Voltaire  sont  reproduits  sur  la  scène,  dans  la 
langue  même  de  leurs  auteurs  ,  et  joués  en  langue  moscovite 
sur  le  théâtre  national.  La  peinlm-e  et  la  sculpture  embel- 
lissent les  monumens  dune  architecture  somptueuse  et  par  - 
fois  élégante  ;  ce  luxe  des  beaux-arts  atteste  les  progrès  de  la 
haute  classe  vers  la  civilisation.  Un  sénateur  de  Russie  nous 
a  donné  l'histoire  de  la  musique,  ainsi  que  l'histoire  de  la 
peinture  en  Italie;  et  celte  histoire,  écrite  en  langue  fran- 
çaise ,  est  surtout  remarquable  par  l'aménité  des  senti- 
mens  et  la  noblesse  des  pensées.  Tels  sont  les  plaisirs  et  les 
études  auxquels  se  livrent  les  grands,  dans  l'empire  des 
tzars. 


5i4  SCIENCES  MORALES 

C'est  au  loin ,  vers  l'orient  et  vers  les  frontières  du  midi , 
qu'il  faut  s'avancer  pour  trouver  les  peuplades  barbares;  c'est 
aus.  lieux  dans  lesquels  vivent  les  tribus  tatares  ou  nomades 
encore;  c'est  par-delà  la  Tauride ,  ou  plus  près  de  la  Tur- 
quie ,  au  pied  du  Caucase  ou  vers  les  confins  de  la  Cbine, 

Mais,  dans  celte  partie  même,  l'habitant  est  pour  )amais 
guéri  du  prfjugc  qui  iit  de  ses  ancêtres,  les  Huns  et  les 
Alains,  le  fléau  des  nations  civilisées  ;  il  conçoit  l'avantage  et 
les  bienfaits  de  llnslruction,  et  cbérit  les  arts  productifs.  Des 
écoles  d'enseignement  mutuel  sont  établies  sur  les  deux  rives 
du  Don  et  du  Volga ,  sur  les  bords  de  la  mer  Noire  el  de  la 
nier  vJaspienne ,  ainsi  que  sur  les  bords  de  la  nier  Glaciale,  et 
dans  le  cœur  de  la  Sibérie  ,  comme  sur  le  plateau  de  la  haute 
Tatarie.  TiCs  Cosaques  ont  compris  ce  que  ne  veulent  pas 
comprendre  ,  au  n.«;!ieu  de  la  France  ,  les  hommes  opiniâtre- 
ment attachés  par  leurs  préjugés  à  d'antiques  et  mauvaises 
méthodes;  ils  exigent  que  leurs  eufans  apprennent  à  lire,  à 
écrire  ,  à  compter  ;  ils  se  forment  à  des  professions  nouvelles, 
et  par  degrés  améliorent  les  pratiques  imparfaites  qu'ils  avaient 
suivies  jusqu'à  ce  jour,  dans  chaque  genre  de  métiers. 

Une  invention  récente  contribuera  puissammeat  à  la  pros- 
périté de  la  Russie  orientale  :  c'est  l'invention  des  bateaux  à 
vapeur.  Durant  l'été,  cette  vaste  contrée  n'offre  guère  au 
commerce  d'autres  routes  économiques  que  les  tleuves  et  les 
principales  rivières.  H  a  fallu  jusqu'à  présent  un  tems  consi- 
dérable pour  parcourir  ces  rivières  et  ces  fleuves,  et  surtout 
pour  les  remonter,  dans  les  parties  où  leurs  rives  ne  présen- 
tent pas  de  chemins  de  halage.  L'usage  des  bateaux  à  vapeur 
rendra  donc  à  la  Russie  orientale,  les  mêmes  services  qu'aux 
États-Unis  d'Amérique.  Il  donnera  au  commerce  une  activité 
nouvelle;  il  permettra  d'établir  des  bourgades  et  des  cités  ,  eu 
des  lieux  auparavant  déserts  ;  il  enrichira  et  multipliera  la  po- 
pu'ation  ;  il  imprimera  un  mouvement  extraordinaire  à  l'a- 


ET   POLITIQUES.  3i5 

gricullure ,  ainsi  qu'à  toutes  les  autres  branches  tle  rindustrie. 
Le  récit  de  ces  Lienfails  ,  encore  inoui  dans  l'occident  de  l'Eu- 
rope, n'y  peut  pas  même  èlre  soupr-onnéj  tandis  que  nous 
sommes  frappés  d'admiration  par  les  brillans  récits  de  ser- 
vices pareils  rendus  aux  Ani^îo-Ani' ricains  ,  par  le  nouveau 
mode  de  navigation  fluviale  et  maritime. 

Ajoutons  que  ces  bienfaits  seront  d'autant  plus  grands ,  que 
des  travaux  nombreux,  ont  établi ,  par  un  système  de  canaux, 
et  de  rivières,  la  communication  de  la  Balti(|ue,  de  la  mer 
JNoire,  de  la  mer  Caspienne  et  de  la  mer  Blanche. 

On  compte  aujourd'hui  plus  de  45  millions  d'habilans  dans 
l'empire  de  Russie;  ^o  millions  peuplent  la  partie  européenne, 
où  domine  la  civilisation  ;  cinq  à  six  seulement  sont  dispersés 
sur  l'immense  étendue  de  l'Asie  septentrionale.  Si  l'on  ôtait  de 
la  Russie  ces  cinq  millions  de  sujets,  et  qu'on  la  comparât  à 
l'Autriche,  c'est  cette  dernière  puissance  qui  semblerait  la 
moins  civilisée. 

En  Russie,  l'esclavage  existe  encore,  comme  en  Hongrie, 
en  Galicie,  eu  Croatie,  et  dans  beaucoup  d'autres  provinces 
autrichiennes.  Mais  le  progrès  des  mœurs  ,  et  l'instruction 
généralement  répandue  chez  les  seigneurs,  adoucissent  beau- 
coup cet  esclavage.  Avec  la  permission  du  maître,  les  escla- 
ves peuvent  acquérir,  posséder  et  transmettre  des  meubles  et 
des  immeubles.  Les  communes  soumises  au  servage,  traitent 
avec  leur  seigneur  pour  la  redevance  en  nature  ou  en  main- 
d'œuvre;  et  cette  redevance  une  fois  acquittée,  la  population 
reste  libre  d'employer  pour  elle-même  toute  son  industrie. 
Cette  industrie  produira,  chez  les  Russes,  ce  qu'elle  a  produit 
chez  tous  les  peiqjles  de  l'Europe  moderne  :  elle  donnera  aux 
habitans  qui  sont  encore  soumis  au  joug  du  servage,  le  désir 
et  les  moyens  d'acheter  leur  indépendance.  Ainsi,  par  degrés, 
tous  les  Russes  acquerront  le  bien-être  inestimable  de  la  li- 
berté individuelle.  Déjà  même,  dans  quelques  provinces  du 


5i6  SCIENCES  MORALES 

nord,  les  seigneurs  ont  affranchi  leurs  serfs,  moyennant  une 
redevance  solennellement  établie.  I/enipereur  favorise  cette 
grande  amélioration  de  l'état  social  :  c'est  un  de  ses  plus  beaux 
titres  de  gloire. 

La  liberté  individuelle  répand  tous  ses  bienfaits  dans  les  vil- 
lesj  leurs  habitans  ont  des  droits  politiques  dont  ue  jouissent 
pas  les  habitans  du  reste  de  l'Europe.  Dans  presque  toute  re- 
tendue de  la  Russie,  les  juges  des  diverses  juridictions  sont 
nommés  par  les  citoyens.  La  noblesse  élit  une  partie  de  ces 
juges,  et  la  bourgeoisie  élit  Faulre.Ceia  fait  qu'en  ces  contrées 
la  justice  est  nécessairement  populaire,  attentive,  et  modérée 
dans  ses  rigueurs;  comme  doit  l'être  toute  magistrature  élue 
par  les  citoyens  mêmes,  pour  administrer  leurs  propres  inté- 
rêts et  concilier  leurs  difiVrens.  La  Russie  jouit  donc  d'un  des 
élémens  les  plus  précieux  du  bonheur  de  la  vie  civile,  d'ua 
élémenl  qui  manque  à  la  plupart  des  nations  de  l'Europe  ci- 
vilisée, un  pouvoir  judiciaire  au  choix  des  citoyens  ;  ce  qui 
compense,  en  partie,  les  graves  inconvénieus  d'un  gouverne- 
ment autocratique. 

Voyons  maintenant  quelles  sont  l'étendue  et  la  stabilité  de 
la  puissance  moscovite. 

La  Russie  n'a  reçu  le  titre  d'empire  que  sous  ie  règne  de 
Plerre-le-Grand;  mais  elle  était  depuis  long-tems  une  puis- 
sance conquérante,  digne  de  Fallention  des  hommes  d'état. 
Pierre,  avons-nous  dit,  y  fonda  la  discipline  militaire.  Il  y 
transporta  l'art  moderne  de  la  guerre,  et  par-là  prépara  tous 
les  aggrandissemens  qu'a  reçus  la  puissance  à  laquelle  il  a 
donné  tant  d'éclat. 

Catherine-la-Grande  a  maintenu  dans  toute  leur  vigueur 
les  institutions  et  les  lois  militaires.  Elle  a  fait  plus,  elle  a  créé 
des  lois  civiles  appropriées  aux  besoins,  ainsi  qu'à  la  nature  de 
son  vaste  empire. 

Sans  revenir  sur  ce  que  nous  avons  (lit  au  sujet  de  la  civl- 


ET  POLITIQUES.  Tu-] 

lisation,  ajoulons  que,  depuis  un  siècle,  la  Russie  a  conçu, 
dans  toute  leur  étendue,  les  besoins  et  les  avantages  de  ce  pro- 
grès de  l'état  social.  Depuis  celte  heureuse  époque^  elle  a  fait 
des  pas  immenses  dans  la  carrière  des  perfectionnemens. 
Lorsque  Alexis,  le  père  de  Pierre-le-Grand,  monta  sur  le 
trône,  Tétat  politique  de  la  Moscovie  n'était  guère  plus  avan- 
cé que  celui  de  la  France  autenis  de  Cliarlemagne. Quand 
le  (ils  d'Alexis  atteignit  le  terme  de  sa  carrière,  une  vaste  por- 
tion de  territoire  ajoutée  à  ses  étals  héréditaires  ,  des  villes 
nouvelles  et  des  colonies  d'étrangers,  (ondées  par  son  génie 
créateur,  présentaient  déjà  toute  la  civilisation  d'une  grande 
partie  des  peuples  germaniques. 

Ce  qui  me  paraît  surtout  mériter  une  profonde  méditation, 
c'est  l'esprit  du  gouvernement  russe  ,  envisagé  dans  ses  rap- 
ports avec  le  grand  art  d'assimiler  à  l'empire  les  populations 
envahies.  Depuis  Rome,  dont  les  lois  semblent  avoir  été  fai- 
tes pour  la  conquête  du  monde,  aucun  pays  ne  fut  constitué, 
comme  l'est  la  Russie ,  pour  étendre  et  surtout  pour  garder 
ses  conquêtes. 

La  Russie  s'élant  vue  destinée,  ainsi  que  le  fut  Rome  anti- 
que, à  composer  son  empire  d'une  foule  de  nations  différen- 
tes de  religion,  de  mœurs  et  de  langage,  elle  s'est  imposé  cetie 
règle,  de  laisser  à  chaque  peuple  toutes  les  idées  qui  lui  sont 
plus  chères  que  l'existence  politique.  Ainsi,  tous  les  cultes 
sont  également  tolérés,  disons  plus,  ils  sont  également  proté- 
gés; leur  exercice  est  public  et  paisible,  dans  les  parties  de 
l'empire  où  vivent  à  la  fois  des  hommes  de  diverses  croyan- 
ces. Ces  cultes  ont  chacun  leurs  temples,  leurs  autels  et  leurs 
ministres.  Dans  Pétersbourg,  par  exemple,  s'élèvent  les  égli- 
ses de  la  religion  grecque,  de  la  religion  juive,  de  la  religion 
romaine,  de  la  religion  protestante,  avec  toutes  ses  variétés  de 
luthéranisme,  de  calvinisme,  etc.  Dans  les  provinces  du  sud, 
rislamisnae    est  librement  professé  par  les  peuples  qui  sui- 


ûiS  SC1E\CES  MORALES 

valent  la  loi  de  AJaliomet,  avant  qu'ils  fussent  soumis  à  la  Rus- 
sie. Dans  l'orient,  il  existe  encore  des  peuplades  idolâtres,  et 
le  gouvernement  ne  persécute  point  leur  idolâtrie.  Il  sait  qu'a- 
vec l'aide  du  tems  et  par  le  progrès  des  lumières,  les  hommes 
sVlèvent  d'eux-mêmes  à  des  croyances  plus  épurées,  à  des 
cultes  plus  convenables  à  notre  nature,  et  moins  indigues  de 
la  majesté  de  l'Eternel. 

La  Russie  ne  cherche  point,  par  des  moyens  violens ,  à 
faire  oublier  aux  peuples  conquis  la  langue  de  leurs  pères  , 
cet  héritage  intellectuel  auquel  se  rattachent  tant  de  doux 
souvenirs  et  de  vertus  héréditaires  !  Le  gouvernement  se 
confie  dans  l'action  inseusibie,  mais  sûre,  de  ses  rapports 
obligés  avec  les  hommes  de  toutes  les  provinces,  et  de  l'in- 
térêt de  ces  hommes  à  connaître  la  langue  du  vainqueur, 
surtout  quand  ce  vainqueur  avance  à  grands  pas  dans  les  voies 
de  la  civilisation.  A  ces  causes  viennent  s'unir  encore  toutes 
celles  qui  naissent  du  rapprochement  d'hommes  tirés  des  na- 
tions diverses ,  et  réunies  dans  les  mêmes  camps  sous  les 
mêmes  drapeaux;  enfm ,  tous  les  motifs  d'ambition,  d'espoir 
de  fortune  ou  privée  ou  publique  ,  qui  portent  tôt  ou  tard  les 
vaincus  à  conuaîli-e,  et  finalement  à  n'employer  que  la  langue 
an  vainqueur. 

La  Russie  a  pareillement  permis  à  chaque  peuple  de  cou- 
server  ses  coutumes  et  ses  mœurs.  Elle  a  laissé  les  Tatares 
combattre,  comme  ils  le  faisaient  dès  le  tems  des  Parthes  et 
des  Scythes.  Elle  s  est  contentée  de  former  des  corps  d'élite 
dans  cette  cavalerie  irrégulière ,  de  les  placer  dans  les  rangs 
de  la  garde  impériale,  de  les  oUrir  comme  un  modèle  aux 
pulks  barbares,  qui  par  degrés  ont  appris  tout  ce  qu'ils  ajou- 
teraient à  leur  force  par  la  discipline  et  par  l'exercice. 

Aujourdhui,  dans  l  Ukraine  et  sur  les  bords  du  Don, 
40,000  Cosaques  sont  organisés  en  cavalerie  régulière  de  lan- 
ciers, et  en  autres  corps  légèrement  armés  ,  ayant  avec  eux 


ET  POLITIQUES.  5 19 

de  raiiilierie  légère  bien  raoutée  et  bien  servie. Cette  immense 
cavalerie,  prête  à  marcher  eu  masse  au  premier  signal,  vit 
campée  sur  un  territoire  qui  sufiit  à  son  existence. 

I/ciitliousiasme  militaire  est  la  passion  dominante  de  ces 
peuplades,  qui,  jusquîi  ce  jour,  nonl  pu  connaître  d'aulrc 
source  d'illusliation  que  la  gloire  des  combats.  Lorsqu'on 
1812  l'armce  l'rancaise  eut  pénétré  dans  1  intérieur  de  la  Rus- 
sie, celte  cavalerie  ta  tare  se  leva  comme  un  seul  homme; 
elle  prit  sa  marche  au  milieu  d\m  affreux  hiver,  acharnée  à 
sa  proie  et  poursuivant  sans  pitié  les  victimes  d  un  climat  dé- 
vorateur.  «Compagnons,  s'écriaient -ils  entre  eux,  s'iudi- 
gnanl  de  la  vaillance  de  nos  soldats  ,  au  milieu  de  leur  misère 
et  «le  leur  dénuement,  compagnons!  quelle  houle  pour  nous, 
si  nous  laissons  ces  squelettes  se  lever  de  leurs  tombeaux,  et 
s'échapper  de  nos  mains!  »  Et  ils  se  précipitaient  sur  les  dé- 
bris de  nos  phalanges  avec  une  nouvelle  furie.  Voilà  l'appui 
que  la  Russie  trouve ,  au  besoin ,  dans  la  partie  la  moins 
civilisée  de  sa  population. 

Le  dévouement  des  provinces  européennes  conquises  par 
la  Russie  n'est  pas  moins  prononcé.  En  Pologne  même,  où 
le  souvenir  d'une  antique  et  puissante  aristocratie  laisse  à  la 
classe  supérieure  de  la  société  des  re2;rels  et  des  souvenirs 
douloureux,  lorsque  les  habilans  comparent  leur  état  social 
à  celui  des  Polonais  soumis  aux  puissances  germaniques , 
ils  doivent  s'estimer  fortunés. 

L'empereur  Alexandre  a  rendu  la  capitale  de  l'ancienne 
Pologne  le  siège  d'un  gouvernement  représentatif,  objet  âes 
vœux  et  de  l'atlachement  d'une  génération  civilisée.  C'est 
encore  un  exemple  des  sacrifices  que  la  Russie  sait  faire  à 
l'esprit  du  siècle  ,  ainsi  qu'aux  pcnclians  des  peuples  associés 
à  son  empire. 

Ainsi,  pénétrons-nous  bien  de  cette  triste  mais  irrécusable 
vérité,  qui  sort  d'un  examen  impartial  de  l'état  des  choses  : 


'>20  SCIENCES  MORALES 
depuis  la  Baltique  jusqu'à  TAdriatique,  depuis  les  boucbes 
du  Cattaro  jusquà  l'embouchure  de  la  Vistule,  le  raaiheu- 
reus  système  qu'ont  adopté  les  grandes  puissances  germani- 
ques, porte,  par  un  attrait  irrésistible,  les  babitans  d'une 
immense  zone  de  provinces,  à  tendre  les  bras  Aers  la  domi- 
nation moscovite 

La  Germanie  n'a  qu'un  moyen  d'échapper  à  la  grandeur 
d'un  tel  péril  :  c'est  d'imiter  la  Russie  dans  la  profondeur  de 
ses  vues ,  et  dans  la  générosité  de  ses  mesures  envers  les 
peuples  gouvernés  ;  cest  de  leur  donner  la  liberté  religieuse 
dans  toute  son  étendue ,  et  la  liberté  municipale  sans  aucune 
restriction  ;  c'est  de  rendre  l'indépendance  et  la  dignité  aux 
diétines  des  provinces,  et  de  les  rallier  toutes  par  le  lien 
plus  tort  encore  d  une  grande  représentation  nationale . 
Alors ,  et  seulement  alors ,  les  peuples  dont  nous  parlons 
pourront  éviter  le  danger  imminent  qui  s'est  loruié  sur  leur 
tète. 

Déjà  la  Prusse  a  compris  une  partie  des  vérités  que  nous 
venons  d'énoncer.  L'ami  des  nations  européennes  doit  s'en 
réjouir  avec  sincérité ,  tout  en  s'afïligeant  de  la  lenteur  de 
ces  améliorations  ,  auxquelles  la  sécurité  de  l'Europe  entière 
est  intéressée. 

Je  n  ai  pas  encore  exposé  dans  toute  son  étendue  le  péril 
oui  menace  et  l'Europe  et  l'Asie,  vers  l'occident,  l'orient  et 
le  midi.  Il  faut  parler  dune  conception  gigantesque,  et  qui, 
dès  à  présent ,  a  pris  un  accroissement  qui  surpasse  toute 
croyance. 

Les  Autrichiens  ont  les  premiers  donné  l'exemple  des  co- 
lonies militaires  ,  en  attachant  au  territoire  dix-huit  régi- 
meus  de  race  siavonne ,  le  long  de  leurs  IVontières  de  Tur- 
quie. Ces  régimeus  rivant  même  origine ,  même  religion  et 
même  langage  qu  une  grande  partie  de  la  nation  russe,  pas- 
seront tôt  ou  tard  du  côté  de  cet  empire  j  ils  ajouteront  à  la 


ET  POLITIQUES.  32 ^ 

force  coloDisée,  dont  nous  allons  expliquer  Torganisation  et 
montrer  IVtentlue. 

L'enjpereur  Alexandre  a  conçu  la  pensée  de  fonder,  dans 
les  diverses  parties  de  son  empire  ,  des  colonies  ou  plutôt  des 
castes  militaires.  Là  ,  tous  les  enfans  mâles  naiti-out  soldats  • 
ils  passeront  sous  les  drapeaux  dès  1  âge  de  quinze  ans  •  ils 
y  resteront  enrôlés  jusqu'à  l'âge  de  soixante  ans.  En  devenant 
soldats,  ils  cesseront  d'être  esclaves,  suivant  la  loi  moscovite. 
Ainsi ,  Tétat  militaire,  qui  chez  d'autres  peuples  est  reoardé 
comme  un  tems  de  servitude,  devient  pour  eux  le  double 
Ijienfait  de  ralTrancliissemeut  et  de  la  gloire. 

Le  monarque  prend  ,  sur  les  domaines  de  la  couronne,  les 
terres  nécessaires  à  l'établissement  et  à  la  subsistance  des  ré- 
gimens  colonisés.  Pour  récompense  des  terres  ainsi  con- 
cédées ,  ces  guerriers  doivent  se  nourrir  et  s'entretenir  eux- 
mêmes  ,  ainsi  que  leurs  chevaux  ,  tant  qu'ils  ne  seront  pas 
commandés  pour  des  expéditions  qui  leur  fassent  quitter  leur 
pays.  Par  ce  moyen,  des  armées  entières,  des  armées  innom- 
brables, seront  tenues  sur  pied,  durant  la  paix,  sans  entraîner 
le  trésor  public  dans  aucune  dépense. 

La  solde  de  ces  corps  commencera  seulement  quand  ils  se- 
ront appelés  hors  de  leurs  colonies  respectives;  et  cette  solde 
aura  toute  la  modicité  dont  peut  se  contenter  un  peuple  neuf 
sans  besoins  et  sans  luxe. 

Ces  populations  militaires  où  tous,  sans  exception  ,  porte- 
ront les  armes  ,  s'exerceront  sans  cesse  ,  et  conserveront  leur 
esprit  guerrier,  comme  les  stations  de  l'empire  romain,  au 
tems  le  plus  redoutable  de  ses  conquêtes. 

Quand  ce  projet  aura  reçu  son  exécution  ,  l'empire  comp- 
tera trois  millions  de  mâles,  dans  les  colonies  militaires.  C'est 
donc  parmi  ces  trois  millions  que  l'autocrate  de  toutes  les  Rus- 
sies  pourra  faire  marcher,  par  un  simple  ukase  ,  tous  les  indi- 
vidus ,  depuis  quinze  ans  jusqu'à  soixante,  c'est-à-dire,  au 
moins  quinze  cent  mille  combattans. 

T.  XX. — Novembre  1823.  a, 


323  SCIEÎSCES  MORALES 

Dès  à  présent,  40)00q  cavaliers  sont  ainsi  colonisés;  une 
seule  colonie,  étab'ienon  loin  de  Pclersbourg,  près  de  Now- 
i^orod,  compte  'yo.ooo  combattans.  Le  total  de  la  caste  mili- 
taire, di'jà  constiiuée  ,  est  de  400,000  soldats. 

En  attendant  que  cette  efb-n.aule  conception  soit  conduite 
à  son  dernier  terme  ,  la  conscription  ,  établie  sous  ie  règne  de 
Catherine,  sert  à  recruter  larmée  dont  les  cadres  compren- 
nent plus  de  800.000  liommcs. 

Celte  conscription  cessera  par  degrés,  à  mesure  que  la  co- 
lonisation militaire  fera  des  progrès  ;  elle  sera  toul-à-fail  abo- 
lie ouand  on  aura  coraph'té  la  caste  militaire. 

Mais  les  troupes  de  la  Russie  ne  sont  pas  seulement  redou- 
tables par  le  nombre;  tUcs  le  sont  par  la  vaillance,  par  Tim- 
pi'-luosité  dans  l'attaque,  et  par  l'inébranlable  fermeté  dans  la 
retraite.  Ce  fut  un  spectacle  extraordinaire  et  digne  d  admi- 
ration de  voir,  durant  iinvasion  si  brillante  d'abord  de  lar- 
mée française,  les  troupes  d'arrière-garde  des  Russes,  for- 
cées de  céder  le  terrain  à  Ibéroisme  français,  ne  le  céder 
jamais  sans  r-'sistance  opiniâtre;  se  présenter,  cliaque  soir,  en 
ordre  de  bataille  ,  à  l'endroit  clioisi  pour  leur  jhalte,  et  cbaque 
matin,  repartir  avec  leurs  canons  et  tous  leurs  équipages, 
sans  que  leurs  pertes  pussent  jamais  les  porter  à  se  Jt  bander. 

Tout  eu  admettant  l'incontestable  puissance  de  la  Russie 
pour  dfMèndre  son  propre  territoire,  on  dispute  sur  sa  puis- 
sance a  agressive.  On  se  fonde  sur  la  pénurie  où  se  trouverait 
cet  empire,  s'il  était  obligé  de  subvenir  seul  aux  d(''penses 
d  une  guerre  otrensive  et  prolongée.  On  juge  toujours  de  la 
Russie  par  ce  qu'elle  était  il  y  a  cent  ans ,  ou  du  moins,  par  ce 
quelle  était  il  y  a  cinquante  ans  ;  et  depuis  vingt  années  seu- 
lement,  la  Russie  a  fait  un  ilemi-siècle  de  progrès.  Toutes 
les  sources  de  ricbesses  coulent  chaque  jour,  avec  une  abon- 
dance nouvelle,  dans  les  canaux  industriels  de  cet  empire. 

Dès  h  présent,  le  nombre  des  nianu!actures  de  la  Russie 
surpasse  3,700;  le  capital  employé  au  commerce,  d'après  la 


ET  POLITIQUES.  Saô 

déclarallou  même  des  commercans,  est  de  3i^,C68,ooo  rou- 
bles. Le  montant  des  seuls  impots  de  la  capitation  et  des  bois^ 
sons  ,  s'élève  à  i6g,35o,ooo  roubles.  D  après  ces  seuls  docu 
mens,  je  le  demande,   peut-on  regarder  la  Russie  comme 
n'avant  que  de  faibles  moyens  pécuniaires!... 

L'agriculture  étonne  par  la  grandeur  et  la  rapidité  de  ses 
accroissemens,  dans  le  nord  et  dans  le  midi  de  l'empire.  Le 
commerce,  dans  ses  progrès, suit  le  même  développement.  La 
Russie  a  peu  de  grandes  roules  ,  il  est  vrai ,  dans  l'intérieur  de 
ses  immenses  provinces.  Elle  en  établirait  difficilement,  par- 
ce que  l'abondance  des  neiges ,  leur  long  séjour  sur  la  terre 
et  les  dégâts  du  dégel ,  rendraient  impraticables  les  voies  pu- 
bliques, durant  une  grande  partie  de  l'année  ;  tandis  qu  il  fau- 
drait d'énormes  dépenses  pour  jouir  de  ces  voies  publiques 
durant  un  petit  nombre  de  mois. 

Biais  en  hiver,  la  neige  même  qui  couvre  les  champs,  et  la 
glace  qui  couvre  les  lleuves ,  les  lacs  et  les  mers  ,  permettent 
on  plutôt  facilitent  un  immense  commerce,  par  un  transport 
qui  se  fait  avec  une  extrême  rapidité.  En  été  ,  les  grands  fleu- 
ves, réunis  par  des  canaux,  permettent, ainsi  que  nous  l'avons 
expliqué,  de  transporter  les  produits  de  l  agriculture  et  de 
l'industrie ,  des  bassins  dont  les  eaux  se  réunissent  à  celles 
de  l'Océan  septentrional,  de  la  mer  Bianche  ou  de  la  Balti- 
que, dans  les  bassins  dont  les  eaux  se  réunissent  à  celles  de 
la  mer  Noire  ou  de  la  mer  Caspienne. 

La  Russie  s'est  rendue  maîtresse  de  la  navigation  de  la  mer 
Caspienne ,  où  les  Persans  osent  à  peine  se  montrer  j  elle  do- 
mine dans  la  mer  Moire,  et  tout  la  porte  à  s'emparer  de  l'is- 
sue de  ce  ricbe  bassin. 

Deux  des  plus  plus  beaux  fleuves  de  l'empire  moscovite 
versent  leurs  eaux  dans  la  mer  Noire.  Un  territoire  immense 
se  rattache  delà  sorte,  dans  la  Russie,  au  bassin  de  cette 
mer.  La  fertilité  de  ce  bassin  est  si  grande  ,  eue  les  produits 
de  ragricullare  y  surpassent  de  beaucoup  les  besoins  de  la 


324  SCÎEISCES  MORALES 

conàomniatlon.  Cet  escvciant  de  production  s'accroît  chaque 
annôe.  Les  peaux  et  la  toison  des  troupeaux  de  la  Tartarie, 
de  rUkraine  et  de  la  Moscovie,  sont  aussi  des  objets  d'ex- 
portation de  plus  eu  plus  recherche's. 

Ou  pourra  juger  de  la  prospérité  de  ce  commerce  et  des 
riclicsses  qu  il  répand  sur  sa  route,  malgré  les  entraves  dont 
nous  allons  bientôt  parler,  par  le  seul  tableau  des  accroisse- 
mens  d'Odessa,  lun  des  ports  de  la  mer  ISoire  ,  au  débouché 
du  Don ,  et  de  la  mer  d'Azof. 

En  dix  années  seu!en»ent,  M.  le  duc  de  Pilcbeiieu,  gou- 
verneur d'Odessa  ,  a  vu  la  population  de  cette  ville  s'accroître 
de  5,ooo  à  55,ooo  habitans  ;  celle  de  son  gouvernement  s'est 
accrue  d'un  million  d'babitans.  Odessa  compte  aujourd  hui 
plus  de 4o,ooo  individus,  Russes,  Allemands,  Italiens,  Fran- 
çais, Juiis,  Polonais, et  surtout  Grecs.  Il  y  a,  dans  cette  ville, 
un  théâtre  français,  uu  théâtre  italien  et  un  théâtre  grecj  il  y 
a  des  écoles  de  droit,  de  navigation  et  de  commerce. 

Si,  nouvel  Kplménide,  Anacharsis  pouvait  sortir  d  un  som- 
meil de  vingtsièc'es,  et  se  retrouver  toutà  coup  devant  Odessa, 
sur  les  bordsdumoderneEuxin,  il  croirait  n'avoirpoint  quitté 
les  bords  de  l'antique  Hellespont  ;  il  venait  les  ordres  de  l'Io- 
iiie  ,  de  Corinthe  et  de  la  Dôride,  embellir  les  portiques  des 
temples  et  des  palais;  11  reverrait  le  Musée,  l'Académie  et 
le  LAcée,  ouverts  à  l'instruction  du  jeune  âge,  au  perfection- 
netnent  de  l'âge  mûr.  Dans  l'enceirile  du  théâtre,  il  entendrait 
les  beaux  vers  de  Sophocle  et  d'Euripide,  récités  par  les  en- 
fans  de  la  Grèce,  et  salués  d'applaudissemens  patriotiques, 
aux  doux  noms  de  liberté  ,  de  gloire  et  d'immortalité.  Ana- 
charsis ne  pourrait  se  croire  dans  le  voisinage  de  la  Scvthie, 
et  dans  cette  Tauride,  célèbre  encore  par  l'antique  férocité 
de  ses  mœurs. 

Cette  opulence  éclairée  ,  ce  luxe  des  arts  de  la  paix  ,  fruits 
de  l'industrie  et  du  commerce,  sont  dus  surtout  à  la  naviga- 
tion des  grands  fleuves  de  la  Russie  méridionale,  et  à  la  na- 


ET  POLITIQUES.  3a5 

vigatioa  de  la  mer  Noire,  ainsi  que  de  la  Méditerranée  ,  qui 
sont  les  principaux  débouchés  des  productions  de  celle  por- 
tion de  la  Piussie. 

C'est  ici  que  se  présente  une  grande  difficulté  politique.  Le 
gouvernenient  turc  est  le  maître  unique  du  passage  étroit  et 
long  qui  seii  à  communiquer  entre  ces  deux  mers  ;  et  la  ca- 
pitale de  l'empire  ottoman  s'élève  sur  les  rives  du  Bosphore. 
Les  Turcs  entravent  la  navigation  de  ce  passage  ,  par  des  lois 
arbitraires  ,  ineptes  et  capricieuses  ,  comme  l'esprit  de  leur 
législation.  Ainsi ,  le  débouché  le  plus  important  pour  le  plus 
riche  commerce  de  l'empire  de  Russie  ,  est  à  la  merci  d'un 
état  barbare  qui  n'a  nulle  fixité  dans  la  marche  de  son  gou- 
vernement. 

Cet  inconvénient  paraît  plus  grave,  à  mesure  que  les  pro- 
vinces russes  ,  situées  dans  le  bassin  de  la  mer  Noire  ,  devien- 
nent plus  peuplées,  plus  industrieuses,  et  par  consécjueut  plus 
riches  en  objets  d'exporlation  ;  à  mesure  aussi  qu'elles  ont 
des  besoins  plus  étendus  et  plus  varit's  d'objets  d'importation. 

Les  cabinets  européens  peuvent  écrire  les  notes  diplomati- 
ques les  plus  adroites  et  les  plus  savantes ,  ils  peuvent  étaler 
des  principes  admirables  d'équilibre  europ^-en  ,  de  repos  uni- 
versel et  de  philantropie  diplomatiques.  Ces  simulacres  de  rai- 
sonnement ne  pourront  rien  changer  à  la  nature  des  choses. 
Il  importe  au  bien  être,  k  la  richesse  ,  à  la  force  de  la  Russie, 
([ue  le  Bosphore  soit  libre  pour  elle,  dans  tous  les  tems  et 
malgré  toutes  les  circonstances.  Un  de  ses  tzars  ,  deux  ,  trois 
îzars  ,  peut-être,  parviendront  à  se  dissimuler  un  tel  besoin  , 
et  à  faire  taire  l'expression  du  désir  de  leurs  sujets  ,  en  disant 
comme  Neptune  aux  vents  irrités  : 

Sic  volo ,  sic  juheo ,  sit  fro  ralionc  voluntas. 

L'empire  de  Russie  n'en  conservera  pas  moins  sa  tendance  à 
devenir  le  seul  arbitre  des  rives  du  Bosphore,  ou  du  moins  à 
voir  placer  cet  important  passage  en  des  mains  assez  dépen- 


3à6  SCIENCES   MORALES 

danles  de  raulorité  moscovite  ,  pour  n'interrompre  jamais 
rentrée  et  la  sortie  des  bàtimens  des  Russes  et  de  leurs  alliés. 
Pourra- t-on  jusqu'à  ce  point  aJ)aisser  la  puissance  ot'.omane? 
Pourra-t-on  lui  imposer  une  constante  soumission?  Pourra- 
t-on  donner  à  des  barbares  orgueilleux  la  modeste  retenue 
d'une  perpétuelle  déférence?  C'est  ce  que  nous  laissons  à 
penser  aux  hommes  ,  pour  lesquels  de  semblables  questions 
peuvent  sembler  encore  indécises. 

Nous  avons  indiqué,  sans  rien  dissimuler,  la  puissance  for- 
midable de  la  Russie ,  et  la  nature  de  ses  progrès  toujours 
croissans  ;  la  tendance  de  ces  accroissemens  du  côté  de  l'oc- 
cident et  du  midi,  et  les  facilités  malheureuses  que  l'impré- 
Toyance  des  états  limitrophes  semble  présenter  aux  envabis- 
semens.  En  même  tems  ,  nous  croyons  avoir  monfré  dans 
quelles  voies  les  peuples  de  l'Europe  doivent  marcher,  pour 
opposer  aux  Russes  une  résistance  efficace.  Etablissons  par- 
tout des  institutions  fortes  qui  soient  la  rautueiie  garantie  des 
monarques  et  des  sujets  ;  favorisons  le  progrès  des  sciences 
et  des  arts  utiles,  l'instruction  populaire,  l'industrie  et  le  com- 
merce. Rendons  les  citoyens  heureux  et  clairvoyans, afin  qu'ils 
courent  d'eux-mêmes  au-devant  des  dangers  de  la  chose  pu- 
blique, et  qu'à  l  instant  du  besoin,  ils  meurent  avec  enthousias- 
me pour  la  défense  d'une  patrie  qui  donne  le  bien-être  à  leurs 
familles  et  garantit  la  durée  de  ce  bien-être  à  leur  postérité. 

La  France  peut  marcher  au  premier  rang  ,  dans  la  noble 
carrière  qui  doit  être  à  la  fois  le  salut  et  la  gloire  de  l'Euro- 
pe occidentale  ;  elle  peut  commander  par  sou  exemple,  et  di- 
riger par  ses  lumières;  voilà  son  rôle  naturel,  voilà  la  seule 
destinée  digne  de  sa  grandeur.  C'est  à  ce  poste  avancé  que 
nous  osons  l'appeler,  et  non  pas  en  protégt  e  ,  en  seconde  li- 
gne, derrière  les  vaisseaux  d'Angleterre  et  les  diplomates 
d'Albion.  Puissent  nos  vœux  et  notre  espoir  ne  pas  être  dé- 
mentis par  le  cours  des  événemens  I 

•  Charles  Dvvi:s! ,  de  l'InsliliU. 


LITTERATURE. 

Œuvres  de  François- Cut'llaume  Stnnislas  AîiDiMEVX , 
membre  de  l'Institut  de  France.  {Académie  fran- 
çaise.) Tome  IV  (i). 

M.  Andrieux  a  publù',  il  y  a  environ  cinq  ans,  le  recueil 
de  ses  œuvres,  en  5  volumes  in-8°.  Dt-juiis ,  so'licili' cl  eu 
donner  une  nouvelle  (-dition  dans  le  format  in- 18  ,  il  a  joint 
à  cette  seconde  édition  plusieurs  morceaux,  ou  entièrement 
inédits  ,  ou  publiés  postérieurement  à  la  première.  Dès-lors  , 
les  acquéreurs  de  celle-ci  ne  se  trouvaient  plus  posséder  une 
édition  complète.  C'est  pour  remédier  à  cet  inconvénient  que 
M.  Andrieux  a  eu  la  pens 'e  d'ajouter  aux  trois  volumes  de 
son  édition  in-8°,  un  quatrième  volume  renfermant  les  mor- 
ceaux nouvellement  publiés.  Nous  avons  analvsé  son  recueil 
au  moment  où  U  a  paru  (2)  j  nous  allons  indiquer  les  écrits 
plus  récens  dont  Tauleur  vient  de  l'augmenter. 

Une  Notice  étendue  sur  CoUin-Harleville  ;  trois  ISoticts 
plus  succinctes .y«/-  Louis  XII,  Guillaume  Budée  et  Henri  //^; 
deux  Dissertations,  Vxxnesur  le  Promcthée  enchaîne  à¥.sc\i^\e, 
l'autre  sur  les  langues  ;  une  Traduction  de  la  Préface  du  dic- 
tionnaire anglais  de  Johnson  ;  une  comédie  ;  un  drame,  imité 
de  la  JaneShore  de  Roive  ;  te!s  sont,  avec  quelques  compo- 
sitions moins  importantes,  les  écrits  contenus  d-ms  ce  volume. 
La  traduction  de  la  préface  anglaise ,  intéressante  à  lire  en 
entier,  est  peu  susceptible  d'analyse;  la  dissertation  sur  le 
Prométhée  est  déjà  connue  de  nos  lecteurs  (5)  :  il  suffira  donc 
de  jeter  un  regard  sur  les  autres  morceaux. 

(1)  Paris,  1812.  Un  vol.  in-S»  de  5oo  pages.  Ncpveu ,  passage  de» 
Panoramas ,  n"  a6. 

(2)  Rev.  Enc,  T.  VII,  pag.  5o3-523. 

(5)  Rev.  Enc. ,  T.  VI,  p.  442-4^9»  où  cette  dlsserlalion  est  textuel- 
lement insérée. 


SaS  LITTERATURE. 

Un  sentiment  moins  rare  qu'on  ne  le  croit  parmi  les  liom- 
mes  qui  cultivent  les  lettres,  ramitié,  a  dicté  la  Notice  sur 
Collin  (i).  L"auteur  des  Etourdis  lut  trente  ans  l'ami  le  plus 
cher  de  l'auteur  du  Vieux  célibûlairc  :  c'est  à  lui  qu'il  ap- 
partenait d'élever  un  monument  en  sou  honneur;  c'était  à 
lami  qui  a  survécu  de  cultiver  la  mémoire  de  l'ami  descendu 
trop  tôt  dans  la  tomhe.  Ce  n'est  point  un  panégyrique  qu'a 
voulu  faire  M.  Andrieux  ;  ce  n'est  pas  non  plus  un  jugement 
littéraire  qu'il  a  voulu  prononcer.  Lui-même  nous  apprend 
quel  dessein  il  s'est  proposé  en  écrivant  la  vie  du  compagnon 
de  sa  carrière,  a  Ce  que  je  veux  dire  de  l'auteur,  c'est  ce  que 
très-peu  de  personnes  en  peuvent  dire  aujourd'hui  ;  c'est  ce 
dont  j  ai  été  personnellement  témoin  ;  ce  sont  des  faits  aux- 
quels il  m'est  arrivé  de  prendre  part.  Je  pourrai  raconter 
telle  anecdote ,  qui  mettra  jusqu'à  un  certain  point  le  lecteur 
dans  le  secret  de  la  manière  dont  telle  comédie  a  été  conçue 
et  composée;  et  de  pareilles  anectodes  sont,  à  ce  qu'il  me 
semble  ,  curieuses  et  rares  ;  car  les  poètes  et  les  écrivains  en 
général  ne  nous  font  point  entrer  dans  le  mystère  de  leur  tra- 
vail ,  si  l'on  peut  ainsi  s'exprimer  ;  nous  n'en  voyons  que  les 
résultats  ,  sans  connaître  les  procédés  qu'ils  ont  employés.  Je 
pense  qu'il  sera  neuf  et  peut-être  utile  d'ouvrir  une  fois  l'intt'- 
rieur  du  cabinet  d'un  poète  ,  de  l'y  montrer  composant  d'ins- 
piration et  de  verve.  J'ai  assisté  quelquefois  à  ces  momens 
sanctifiés ,  pour  ainsi  dire ,  par  ia  présence  d'une  muse  ;  et 
j'en  ai  bien  gardé  le  souvenir,  car  je  les  compte  au  nombre 
des  momens  les  plus  agréables  de  ma  vie. 

)»  Mais  c'est  l'homme,  encore  plus  que  le  poète  ,  que  j'ai 
aimé.  C'est  sa  vie  surtout  dont  je  veux  offrir  ici  le  tableau  en 
l'iionneur  des  lettres  ,  au  profit  de  'a  morale  ,  et  pour  l'ios- 
Iruction  de  la  jeunesse  ;  car  ce  fut  une  vie  de  bon  exemple  , 

(i)Voy.  Rev.  £nc.,T.  XIII,  pag.  194,  le  compte  que  nous  en  avons  rendu. 


LITTERATURE.  5ag 

et  Ton  n'aurait  jamais  accusé  les  gens  de  lettres  d'envie,  de 
cabales,  de  Tuauvais  procédés  entre  eux,  de  manque  de  bonne 
foi  dans  leurs  livres  ,  d'orgueil  puéril  ,  de  folle  ambition  ,  et 
quelquefois  même  de  cupidité  bonteuse ,  s'ils  axaient  tous 
compris,  comme  CoUin,  que  leur  vocation  est  d'améliorer 
les  hommes ,  et  que  ,  pour  la  remplir  ,  il  faut  commencer  par 
s'améliorer  soi -même.  » 

Fidèle  à  ce  dessein  ,  M.  Andrieux  nous  montre  successi- 
vement Collin  dans  linlérieur  de  sa  famille,  dans  les  rela- 
tions de  l'amitié  ,  et  sur  la  scène  du  monde  littéraire.  11  re- 
cueille les  nombreux  détails  de  sa  vie  ,  surtout  ceux  qui  peu- 
vent faire  estimer  ou  foire  aimer  l'homme  dislinejué  dont  il  se 
propose  de  peindre  le  caractère.  Il  évite  avec  soin  les  formes 
pompeuses  ou  apprêtées  de  l'éloge  académique,  et  se  montre 
partout  attentif  à  conserver  à  sa  narration  le  plus  grand  ca- 
ractère de  simplicité.  «  Je  n'ai  ,  dit-il ,  envie  de  faire  ni  phra- 
ses ,  ni  lieux  communs  ;  je  ne  cherche  point  du  tout  à  bril- 
ler. «  Et  ailleurs  :  u  A  quoi  bon  flatterais-  je  ce  portrait?  Il  me 
plairait  moins  si  je  tembeliissais ,  ce  ne  serait  plus  Collin, 
ce  ne  serait  plus  mon  ami.  n 

Cette  abondance  de  détails  n'aurait  pas  été  aussi  convena- 
blement placée  dans  les  autres  notices  que  renferme  ce  volu- 
me. Elles  ont  été  composées  pour  la  Galerie  jvancaUe ,  col- 
lection intéressante,  où  la  gravure  et  les  lettres  se  réunissent 
pour  honorer  la  mémoire  de  nos  grands  hommes.  Leur  objet 
est  de  présenter  ,  en  quelques  pages,  le  tableau  abrégé  ,  mais 
fidèle  ,  d'une  vie  célèbre.  Une  narration  rapide  ,  des  aperçus 
généraux, quelques  traits  choisis  pour  faire  ressortir  le  carac- 
tère, telle  a  du  être  la  forme  de  ces  notices,  parmi  lesquelles  ou 
remarquera  particulièrement  celle  dont  Henri  IV  est  le  héros. 

La  Dissertation  sur  les  langues  est  une  composition  im- 
portante par  son  étendue  et  par  son  objet.  L'auteur  l'a  divisée 
en  deux  parties.  Dans  la  première,  il  traite  de  l'origine  et 


33o  LITTÉRATURE. 

de  la  formation  des  langues  :  il  expose  ,  en  peu  de  mots,  les 
divers  systèmes  des  philosoplies  sur  ce  sujet  obscurci  difficile: 
il  rend  hommage  à  ce  qu'ils  ont  de  jusle  et  dingcnieux  ;  il 
indique  ce  qu'ils  ont  d'erroné  ou  d  incertain.  Dans  la  seconde 
partie  ,  qui  a  pour  objet  la  varicu'  des  langues  ,  leur  progrès 
et  leur  déclin ,  il  se  livre  lui-même  à  diverses  recherches: 
sans  vouloir  expliquer  les  causes  innombrables  de  la  variété 
des  langues  ,  il  la  considère  comme  une  des  conséquences  de 
la  diversité  infinie  que  la  nature  a  voulu  meltre  entre  les  hom- 
mes. La  dernière  moitié  de  cette  seconde  partie  ,  où  M.  An- 
drieux  examine  les  langues  dans  leur  progrès  et  dans  leur  dé- 
cadence, nous  parait  être  celle  oii  il  a  déposé  le  plus  de  vues 
et  d'observations  de  son  propre  fonds.  Eu  tout,  cet  écrit  peut 
être  regardé  comme  une  élude  faite  avec  beaucoup  de  soin 
sur  la  philosophie  et  sur  les  procédés  du  langage,  par  un 
écrivain  quia  Inug-tems  réfléchi  sur  cet  important  sujet. 

Un  fabliau  du  xii*  siècle  a  fourni  l  idée  de  la  comédie  in- 
titulée le  Manteau  ou  le  Rêve  supposé.  Un  mari  jaloux ,  ou 
du  moins  porté  à  le  devenir,  trouve  ,  en  revenant  de  A'ovage, 
un  manteau  étranger  dans  l'appartement  de  sa  femme.  îl  con- 
çoit d'injuslcs  soupçons.  Pour  les  détourner,  celle  femme,  ou 
plutôt  sa  cousine  ,  imagine  de  persuader  à  l'époux  qu  il  a  rêvé 
ce  qu'il  a  vu.  Darlière  repousse  d'abord  cette  idée  :  cepen- 
dant ,  subjugué  par  linslslance  et  par  le  ton  de  bonne  foi  des 
personnes  qui  lui  parlent,  il  est  sur  le  point  de  se  laisser  per- 
suader, lorsque  sa  femme  elle-même  le  désabuse.  L'époux, 
que  cette  épreuve  a  convaincu  de  l'injustice  de  ses  craintes , 
abjure  son  penchant  à  la  jalousie,  et  proclame  hautement 

Qu'il  faut,  pour  être  heureux,  se  fier  à  sa  femme. 

Aux  premières  représentations  ,  le  dénouement  était  uu 
peu  différent.  Darlière  se  laissait  complètement  abuser,  et  se 
persuadait  qu'il  avait  réellement  rêvé  la  vue  du  manteau.  Il 


LITTÉRATURE.  33 1 

paraîl  (c'est  M.  Andrlenx  qui  nous  l'apprend  dans  sa  préface) 
que  le  public  trouva  la  crédulité  de  ce  bon  mari  un  peu  trop 
forte,  et  que  ce  dénouement  fit  succéder  quelques  murmures 
aux  applaudissemeos  que  la  pièce  avait  obtenus  jusque-lài 
Averti  par  l'effet  du  théâtre,  l'auteur  a  cru  devoir  la  corriger  : 
dans  la  pièce,  telle  qu'il  Ta  livrée  à  l'impression ,  Darlière 
n'est  plus  entièrement  dupe  5  il  n'est  qu'ébranlé.  Ses  doutes 
suffisent  pour  le  destin  du  drame  ,  et  sa  perplexité  est  même 
d'un  effet  plus  comique  que  ne  l'était  sa  crédulité. 

Lénovt  est  un  drame  imité  d'une  tragédie  anglaise  de  Rowe, 
qui  lui-même  a  pris  sou  sujet  dans  l'histoire  d'Angleterre. 
Le  principal  personnage  est  une  femme  séduite  par  le  roi 
Edouard  IV,  qui  régnait  vers  la  fin  çlu  XV^  siècle.  «  Jane 
Sliore  (c'était  son  nom)  avait  été  enlevée  à  son  mari ,  orfèvre 
de  Londres.  Elle  vécut  à  la  cour,  et  s'y  fit  aimer  de  tout  le 
monde.  Elle  avait ,  dit-on  ,  autant  d'esprit  que  de  beauté  ;  elle 
V  Joignait  les  qualités  du  cœur;  elle  était  accessible  aux  infor- 
tunés, aimait  à  rendre  service,  et  soulageait  les  pauvres.  Après 
la  mort  d'Edouard  IV,  son  frère,  le  duc  de  Glocesler,  qui 
fut  depuis  Richard  III ,  fameux  par  ses  crimes ,  enveloppa  Jane 
Sbore  dans  une  accusation  de  magie;  il  la  (it  condamner, 
comme  ayant  V('cu  en  adultère,  à  une  pénitence  publique  et 
solennelle  ;  elle  fut  obligée  de  faire  amende  honorable  devant 
l'église  de  Saint-Paul,  en  chemise,  la  tète  et  les  pieds  nus,  un 
cierge  dans  la  main  :  elle  fut  ensuite  promenée  dans  cet  état , 
et  donnée  en  spectacle  dans  toute  la  ville  ;  il  était  défendu  , 
sous  des  peines  graves  ,  d'accorder  à  la  coupable  l'asile ,  le 
pain  et  reaii.   » 

Jane  Shore,  ajoute  M.  Andrieux  ,  survécut  à  cette  horrible 
scène.  Rowe  a  préféré  la  faire  mourir  des  suites  de  sa  con- 
damnation. M.  Andrieux  l'a  suivi  en  ce  point,  ainsi  que  dans 
lemotii'que  l'auteuranglais  a  donné  à  la  proscription  de  Jane 
Shore.  C'est  pour  avoir  refusé  de  servir  l'ambition  de  Gloces- 


353  LITTERATURE. 

ter,  quicl)erche  à  fîépouiller  les  jeunes  fils  d'Edouard,  qu"  elle 
se  voit  en  balte  à  la  colère  du  protecteur.  Cette  conduite  no- 
ble et  courageuse  la  rend  plus  intéressante  ,  et  fait  excuser  ses 
ei-reurs  passées.  Une  autre  idée  ,  dont  il  faut  savoir  gré  à  l'au- 
teur anglais ,  et  dont  M.  Andrieux  a  proiité  en  la  modifiant, 
c'est  d'avoir  ramené  auprès  de  Jane  Shore  expirante,  1  époux 
qu'elle  avait  quitté.  H  est  témoin  de  sou  repentir,  de  ses  souf- 
frances; il  lui  pardonne  sa  faute,  et  cette  consolation,  que  le 
ciel  envoie  à  l'inforlunée,  au  moment  de  sa  mort,  est  d'un 
effet  très-touchant;  elle  adoucit  ce  que  la  situation  pourrait 
avoir  de  trop  décliirant  et  de  trop  pénible.  M.  Andrieux  a  con- 
servé cette  scène;  mais,  par  respect  pour  les  bienséances  de 
notre  théâtre,  il  a  substitué  au  mari  de  Jane  vShore,  dont  la 
position  est  assez  difficile  à  présenter,  dans  un  drame  sérieux,  à 
des  spectateurs  français,  le  père  de  cette  femme  égarée  et  mal- 
heureuse. En  avouant  qu  un  goût  éclairé  a  dicté  ce  change- 
ment ,  je  ne  puis  m'empècher  de  gémir  sur  cette  excessive 
délicatesse  delà  Meipomène  française,  quelle  oblige  souvent 
à  se  priver  des  plus  grandes  bc.utés  .  par  égard  pour  des  con- 
venances qu!  pourraient  être  moins  sévères.  Ici,  par  exem- 
ple ,  est-ce  la  même  chose  que  la  présence  du  père  ou  celle 
de  l'époux?  Ce  qu'il  y  a  de  profondément  attendrissant  dans 
la  conception  de  l'auteur  anglais,  n'est-ce  pas  la  vive  peinture 
qu  il  nous  offre  du  sort  affreux  de  Jane  Shore,  si  malheureuse 
que  la  pitié  qu'elle  inspire  efface  jusqu'au  ressentiment  de  la 
plus  mortelle  injure?  ie  pardon  de  l'époux  est  dautant  plus 
touchant  qu'il  doit  lui  couler  davantage.  Dailleurs ,  u'çst-ce 
pas  à  celui  que  Jane  offensa,  de  lui  remettre  sa  faute,  à  la  face 
du  ciel ,  et  de  jeter  encore  quelque  douceur  sur  ses  derniers 
momens,  m  venant  rassurer  sa  conscience  à  l'entrée  de  la 
tombe?  Ces  consid.'rations  n'ont  point  certainement  échappé 
à  M.  Andrieux  :  mais  nos  bienséances  parlaient  plus  haut 
qu'elles  :  il    a    du   affaiblir  nu  peu  son   dénouement  pour 


LITTÉRATURE.  533 

obéir  à  leur  loi  rigoureuse  ;  il  ne  fallait  pas  faire  virt  le  par- 
terre. 

J'ai  essayé  ,  dans  cette  rapide  analyse  ,  de  donner  une  idée 
des  principales  pièces  qui  coniposeat  ce  voiume.  J'ai  pensé 
devoir  me  borner  à  une  simple  revue  et  m  interdire  de  juger 
ce  que  j'analysais.  Lorsque  je  fus  appelé,  il  y  a  peu  d'années,  à 
rendi-e  compte  ,  dans  ce  recueil,  des  œuvres  de  M.  Andrieux  , 
il  m'était  permis  do  dire  tout  le  bien  que  je  pensais ,  et  de  l'au- 
teur et  de  rouvrage.  Aujourd'hui,  mes  sentimens  sont  loin  d'a- 
voir changé;  mais  les  convenances  ne  sont  plus  les  mêmes  (i). 
Les  fonctions  de  juge  ne  pouvaient  plus  me  convenir  :  j'ai  dû 
les  abdiquer,  et  me  réduire  aux  fonctions  de  rapporteur.  Je 
n'aurais  pu  être  juste  envers  M.  Andrieux  ;  il  m'était  défendu 
de  louer.  St.  A.  Bervili.e. 


«tA/WVMWWlA^V* 


Nouvelles  MiuiTAxioiys  poétiques,   par  Alphonse  De 
La  Martine  (2). 

Lorsque  nous  fûmes  chargés,  il  y  a  trois  ans  ,  d'entietenir 
les  lecteurs  de  la  Revue  Encyclopédique  (Voy.  Tom.  VIH, 
pag.  '^'i)  des  premières  Méditations  poétiques  de  M.  de 
La  Martine  ,  en  rendant  une  Justice  complète  aux  beautés 
élevées  qui  brillaient  dans  cet  ouvrage,  le  devoir  du  criiique 
nous  obligea  de  tempérer  les  éloges  par  une  juste  censure  ,  et 
de  signaler  les  défauts  graves  dans  lesquels  l'auteur  était  sou- 
vent tombé.  Le  premier  de  ces  défauts  était  une  absence  con- 
tinuelle de  plan  et  de  liaison.  Nous  reprocliàmes  à  M.  de  La 
Martine  le  choix  peu  intéressant  de  la  plupart  de  ses  sujets,  di- 
verses fautes  de  goût,  et  particulièrement  une  tendance  pro- 

(1)  M.  Bcrville  est  devenu  le  gendre  de  M.  Andrîeux. 

(2)  Paris,  1825.  Ud  vol.  in-8"  ;  prix,  4  fr.  Urbain  Canel,  libraire,  rue 
Hautefeuille,  n»  5;  et  chez  Audin  ,  quai  des  Augustins,  n°  aS. 


334  LITTÉRATURE, 

noncée  vers  le  faux  genre  qui  menace  d'étouffer  désormais  la 
littérature  française.  Mais  nous  reconnûmes,  en  même  tems, 
que  le  talent  de  M.  de  La  Martine  était  de  nature  à  faire  con- 
cevoir les  plus  légitimes  espérances;  que,  si  ce  jeune  écrivain 
se  vouait  au  culte  de  la  raison  et  à  l'étude  du  naturel,  ses 
dispositions  poétiques  paraissaient  assez  brillantes  ,  pour  que 
l'on  pût  espérer  de  le  voir  devenir  un  jour  Tun  des  plus  heu- 
reux soutiens  de  la  poésie  française. 

Tel  fut  le  jugement  que  nous  avons  porté  sur  les  premiers 
essais  de  M.  de  La  Martine.  Mais  ,  ce  fut  à  nos  yeux  un  mal- 
heur littéraire  ,  de  voir  ce  qui  avait  été  précisément  l'objet  de 
nos  justes  critiques  ,  devenir  pour  l'auteur  une  source  d'élo- 
ges de  la  part  de  quelques  faux  amis  ,  ou  de  quelques  admira- 
teurs indiscrets.  Ou  seflorca  de  lui  persuader  que  ses  fautes 
mêmes  étaient  des  beautés  ;  on  encouragea  son  penchant  vers 
les  tournures  étranges  et  les  alliances  bizarres.  On  caressa  ses 
préjugés  littéraires  ;  et  comme  les  flatteurs  obtiennent  toujours 
plus  de  crédit  que  les  critiques  austères,  M.  de  La  Martine, 
environné  d  un  agréable  concert  de  louanges,  prôné  avec  un 
imprudent  enthousiasme ,  crut  facilement  que  la  route  qu'il 
avait  suivie  était  la  véritable  ,  et  ne  pensa  pas  qu'il  eût  rien  de 
mieux  à  faire  que  de  s'y  enfoncer  de  plus  en  plus.  Déplora- 
ble effet  de  la  flatterie  qui  corrompt  les  plus  beaux  dons  de  la 
nature,  en  trompant  les  meilleurs  esprits  sur  le  caractère  de 
leur  talent ,  et  sur  la  direction  qu'ils  doivent  suivre  î 

Ce  n'est  pas,  toutefois,  que  les  conseils  d'une  sage  critique 
aient  entièrement  été  sans  fruit.  Il  y  a  plus  de  choses  ,  des  idées 
plus  utiles  et  plus  positives  dans  les  Nouvelles  méditations , 
que  Ton  n'en  trouvait  dans  les  premières.  Le  talent  poétique 
de  l'écrivain  a  grandi;  son  vol  ,  autrefois  peu  soutenu  ,  est  de- 
venu plus  assuré  ;  il  tombe  moins;  c'est  un  aigle  dont  l  adoles- 
cence est  arrivée,  et  qui  contemple  avec  plus  d'assurance  les 
rayons  brûlans  du  soleil.  Ou  ne  saurait  le  nier,  les  Nouvelles 


LITTÉRATURE.  555 

Méditaiions  poétiques  sont  un  ouvrage  plus  fort ,  et  d'une  plus 
[jauie  portée  que  les  premières.  Mais  ,  le  dirons-nous  avec  la 
même  franchise?  si  elles  offrent  des  l)eautés  plus  nombreuses 
et  plus  remarquables  ,  elles  présentent  aussi  des  fautes  d'une 
nature  toute  nouvelle  :  les  défauts  de  l'auleur  ont  suivi  la  mê- 
me progression  que  ses  beautés  ;  ce  qui  n'était  que  vague  dans 
les  premiers  essais  ,  est  obscur  dans  les  seconds  ;  ce  qui  ne  fut 
que  singulier,  est  aujourd'hui  bizarre.  La  pureté  du  style  n'est 
plus  aussi  respectée  ;  tantôt,  l'auteur  se  perd  dans  les  nues  ; 
tantôt,  il  tombe  dans  une  simplicité  qui  approche  du  vulgaire  , 
je  dirai  même  ,  du  trivial.  Q«ielques  pièces  sont  une  véritable 
marqueterie;  et  l'on  pourrait,  ea  les  lisant,  appliquer  à  l'auteur 
ces  deux  vers  du  législateur  du  Parnasse  : 

Sa  muse  déréglée,  en  ses  vers  vagabonds, 
Ne  s'élève  jamais  que  par  sauts  cl  par  bouds. 

(BoiLEAu,  Art  poétique.) 

Un  défaut ,  déjà  signalé  dans  notre  premier  article ,  et  qui  n'a 
fait  que  s'enraciner,  qui  même,  le  dirons-nous?  est  devenu, 
chez  l'auteur,  une  manière  constante ,  et  peut-être  un  systè- 
me, c  est  l'absence  totale  de  variété  ;  c'est  la  monotonie  soute- 
nue qui  règne  plus  encore  dans  le  second  ouvrage  que  dans 
le  premier.  Cette  monotonie  résulte  moins  des  t"ormes  du  sty- 
le, que  du  retour  continuel  des  mêmes  pensées;  ou  serait  por- 
té à  accuser  M.  de  La  Martine  de  stérilité.  Toujours  de  va- 
gues excursions  dans  le  domaine  de  la  métaphysique  ;  toujours 
celte  pensée  ,  sans  doute  utile  et  belle ,  mais  devenue  com- 
mune par  les  innombrables  développemens  qu'elle  a  inspirés 
il  divers  auteurs  :  quest-ce  que  l'homme?  où  allons-nous? 
que  deviendrons-nous  après  cette  vie?  C'est  toujours  ce  re- 
doutable problème ,  que  la  sagesse  étudia  long-tems  sans  le 
résoudre,  ce  secret  d  en  haut  qu'il  ne  nous  est  pas  donné  de  pé- 
nétrer, et  qui,  s'il  doit  imprimer  au  cœur  de  l'homme  une 


356  LITTÉRATURE. 

terreur  mystérieuse  et  une  tristesse  profomle  ,  ne  peut  servir 
d'unique  base  à  une  composition  poétique  ,  parce  que  la  mo- 
uotonie  est  le  plus  fatal  écueil  des  ouvrages  de  Tesprit. 

Plusieurs  juges  ,  d  ailleurs  éclairés  ,  ont  prodigué  de  grands 
éloges  à  la  pîiilosophie  de  M.  de  La  Martine.  Nous  avons  en- 
tendu dire  à  l'un  deux  ,  que  cette  pliilosophlc  était  celle  du  siè- 
cle. Une  telle  opinion  nous  paraît  peu  fondée.  Que  la  généra- 
tion actueiic,  en  edet,  soit  réilécliie  et  pensante;  qu  elle  ait  du 
penchant  pour  la  rêverie,  et  se  livre  volontiers  à  ces  pensées 
de  découragement  et  de  désespoir  qui  s'emparent  des  peuples 
dont  la  civilisation  est  très-avancée,  et  qui  doivent  leur  carac- 
tère sombre ,  soit  aux  malbeurs  des  tems,  soit  à  d'affligeantes 
circonstances  politiques  :  cette  révolution  morale,  quoiqu'elle 
paraisse  incompatible  avec  le  caractère  français,  peut  sembler 
explicable,  et  même  passer  aux  yeux  de  certains  esprits  qui 
jugent  la  génération  actuelle  par  eux-mêmes,  pour  la  philo- 
sophie del'époquej  mais  nous  demanderons  si  l'on  trouve  rien 
de  pareil  dans  M.  de  La  Martine.  Sa  philosophie  ,  qui  se  rap- 
proche beaucoup  de  celle  du  monoloue  Young  ,  semble  plu- 
tôt le  fruit  d  une  hypocondrie,  ou  d'un  spleen,  que  d'un  re- 
tour amer  sur  la  situation  politique  de  la  société  européenne. 
Oue  ion  fasse  honneur  de  pareils  motifs  à  lord  Byron  ,  je  le 
conçois  ,  et  je  crois  même  cette  opinion  juste  ;  mais  où  M.  de 
La  Martine  a-t-il  fait  voir  (jue  létat  actuel  des  choses  dût  le 
plonger  dans  une  profonde  tristesse?  quels  regards  a-t-ll  jetés 
sur  ce  long  et  sanglant  combat  de  la  liberté  contre  le  privilè- 
ge ,  dont  trente  années  n'ont  point  aiuené  l'issue?  quelles  lar- 
mes a-t-il  versées  sur  la  perle  de  tant  et  de  si  légitimes  espé- 
rances? quels  poétiques  regrets  a-t-il  donnés  à  l'anéantisse- 
ment de  tant  d'eiïorts  ,  de  tant  de  sacriiices ,  par  lesquels  oa 
avait  espéré  de  renouveler  une  civilisation  usée,  et  de  rajeunir 
la  décrépitude  de  la  vieille  Europe  ?  M.  de  La  Martine  n'a  con- 
sacré à  ces  grandes  idées  ,  qui  sont  réellement  celles  de  la  gé- 


LiTTÉRÂTtRE.  53; 

iiéralion  présente,  aucune  des  cordes  de  sa  Ijre.  Laissant  à 
d'autres  le  soin  de  pleurer  sur  nos  pertes,  il  s'est  chargé  de  er- 
mirsurle  prétendu  afTaiblissemeiit  des  sentiineus  religieux 
qui  cependant  ne  furent  jamais  plus  vifs.  Il  n'a  célébré  que  la 
victoire  du  pUis  fort ,  et  si,  ea  cliantaut ,  sa  lyre  s'est  baignée 
de  larmes,  c'est  qu'il  a  jugé  son  la'ent  plus  propre  à  être  fécon- 
dé par  les  larmes  que  par  la  joie. 

Le  morceau  le  plus  remarquable  des  Nouvelles  méditations 
c'est  sans  contredit  celui  qui  est  intitulé  Bonaparte.  Nous 
nous  plaisons  à  rendre  hommage  au\  beautés  poétiques  de 
cette  pièce,  dont  nous  citerons  plus  lard  quelques  iWigniens. 
Mais ,  dans  un  si  grand  sujet ,  où  l'auteur  eût  pu  se  rendre  i'in- 
terpi-ète  de  la  pensée  du  siècle,  quelles  couleurs  sa  muse  lui 
a-t-e!le  fournies  pour  dépeindre  un  des  îiommes  les  plus  ex- 
traordinaires de  tous  les  tenis?  A  quelles  (acuités  de  ce  chef 
ambitieux  a-t-il  prodigué  ses  éloges?  de  quels  reproches  a-l  il 
poursuivi  sa  mémoire?  C'est  ici  que  le  lecteur  va  juger  la  piii- 
losopble  du  poète. 

Après  la  plus  surprenante  des  révolutions  politiques  ,  révo- 
lution sanglante  et  sublime ,  souillée  par  des  crimes  honteux  , 
enaoblie  par  d'illustres  vertus ,  un  homme  s'élève.  Tout  ce 
qu'il  entreprend  porte  un  caractère  d'audace  qui  étonne;  la  vic- 
toire le  choisit  pour  son  favori;  et  sa  Vaste  tète  embrasse  à  la 
fois  l'art  compliqué  des  combats,  et  la  science  plus  compli- 
quée de  l'administration.  A  ses  élounautes  facultés  ,  aux  gran- 
des choses  qu'il  accomplit,  toute  une  génération  admire;  ou 
se  livre  à  lui  avec  une  confiance  sans  bornes  ;  on  lui  découvie 
les  plaies  de  la  patrie;  on  ne  lui  cache  ni  ses  dangers,  ni  ses 
craintes  ;  on  lui  dit  tout,  parce  que  lui  seul  peut-être  peut  re- 
médier à  tout  ;  on  lui  remet  le  fardeau  tout  entier,  parce  qu'il 
est  le  seul  allas  qui  puisse  le  soutenir.  Le  voilà  donc  porté  sur 
ie  pavois  ;  chargé  des  destinées  de  la  première  nation  de  l'Eu- 
rope; dépo^taire  unique  de  la  civihsation  de  l'ancien  monde. 
T.  XX. — Novembre  i^^o3^  23 


558  LITTERATURE. 

La  cil-constance  est  donnée  :  il  peut  être  un  WasLiaglou  -,  ii 
peut  être  un  Monck  ;  mais  il  peul  être  aussi  un  Croniwel. 

Une  hautevertu  lui  eût  lait  choisir  le  premier  rôle;  uneam- 
bition  modique  lui  eût  conseillé  le  second  :  lasoii'de  ladomi- 
naliou  lui  fait  choisir  le  troisicine.  11  répond  à  la  confiance  du 
peuple  eu  chassant  ses  tribuns  ;  il  jette  sous  ses  pieds  le  noble 
Cardeau  de  la  liberté  qu'il  avait  promis  de  soutenir.  Le  gou- 
vernement de  son  choix,  c'est  !e  despotisme  ;  le  palais  qu  ii  ai- 
lue,  c'est  un  camp;  sou  cortège,  ce  sont  des  (lalicurs  ;  il  ne 
connaît  ounac  ennemie,  et  c  est  la  vérité.  Long-tcras  la  vic- 
toire sourit  à  ses  espérances ,  long-tems  il  essaie  de  cacher 
sous  des  lauriers  ia  statue  de  la  liberté;  mais  la  fortune  se 
lasse  ;  de  grands  revers  suivent  de  grands  triomphes  :  il  tom- 
be, et  la  vengeance  des  rois  de  i  Europe  relègue  sur  un  ro- 
cher, au  milieu  des  mers  ,  l  homme  qui  avait  menacé  le  con- 
tinent d  une  monarchie  universede.  C'est  là  qu'il  meurt  soli- 
taire ,  et  une  immense  pitié  s'élève  dans  tous  les  cœurs,  désar- 
més k  l'aspect  d'une  si  imposante  ruine. 

Tel  est  Iborame  que  M.  de  La  MartiiK;  à  voulu  peindre. 
Tel  est  le  conquérant  auquel  la  poésie  ne  devait  se  consacrer 
que  pour  donner  sur  sa  tombe  de  hautes  leçons  aux  puissaas  de 
la  terre.  L'auteur  des  Médiialions  a-t-il ,  dans  un  si  grand  su- 
jet, allié  les  couleurs  poétiques  aux  saintes  inspirations  de  !a 
philosophie?  Nous  regrettons  d'être  obligés  de  déclarer  qu'il  a 
négligé  la  plus  belle  partie  du  noble  thème  qu'il  avait  choisi. 
Ce  qui  Ta  frappé  seulement  dans  Bonaparte,  ce  sont  les  facul- 
tés extraordinaires  de  l  homme,  c'est  le  contraste  du  triomphe 
et  des  revers  ,  de  1  élévation  et  de  la  chute  ;  mais,  ces  grandes 
facultés,  ce  poétique  coniraste ,  se  rencontrent  dans  tous  les 
despotes  que  leur  génie  u'a  point  préservés  de  la  ruine;  l'ode 
de  M.  de  La  IMarline  peut  s'appliquer  à  tous  les  conquéians 
qui  ont  !lni  par  succouiber;  on  lui  demandait  de  peindre  l3o- 


liTTERÂTURE.  559 

Viaparte  et  de  ue  peindre  que  lui  :  il  a  représenté  un  type  et 
non  un  individu. 

Voici  sous  quelles  couleurs  le  poète  dépeint  le  premier 
•avènement  de  Napoléon  au  pouvoir  : 

Les  dieux  étaient  tombés;  les  trônes  étaient  vides; 
La  victoire  te  prit  sur  ses  ailes  rapides  ; 
D'un  peuple  de  Brutus  la  gloire  te  fit  roi. 
Ce  siècle  dont  l'écume  entraînait  dans  sa  course 
Les  mœurs,  les  rois,  les  dieux.... ,  refoulé  vers  sa  source, 
Recula  d'un  pas  devant  toil 

Cette  strophe  est  poéliquemeiît  magnifique.  Mais ,  voilà 
d'un  mot  rusurpatlou ,  les  abus  de  la  force,  la  ruina  de  la  li- 
berté justifiés.  La  poésie,  dans  ce  pnssagT3,  n'est  quun  art  de 
déception  et  de  mensonge.  Poursuivons  : 

Ainsi,  dans  les  erreurs  d'un  impuissant  délire, 
Quand  un  siècle  vieilli  de  ses  mains  se  déchire, 
En  jetant  dans  ses  l'ers  un  cri  de  liberté , 
Un  héros  tout-à-coup  de  la  poudre  se  lève, 
Le  frappe  avec  son  sceptre;  il  s'éveille ,  et  le  rêve 
Tombe  devant  la  vérité, 

TDans  cette  strophe,  moins  poétique  que  la  première,  la  rai- 
son et  la  pliilosophie  ne  sont  pas  moins  blessées  :  Tauleur 
nomme  l'oppresseur  un  héros  ,  et  le  despotisme  est  à  ses  yeux. 
la  vérité.  Toute  la  pièce  sur  Bonaparte  est  composée  dans  ce 
sens.  Après  avoir  signalé  le  vice  du  fond,  nous  conviendrons 
que  la  forme  est  généralement  très-belle.  Si  les  strophes  sui- 
vantes ne  sont  pas  dun  philosophe,  ou  avouera  du  moin.'j 
qu" elles  sont  d'un  poète  : 

Ta  tombe  et  ton  berceau  sont  couverts  d'un  nuage; 
Mais,  pareil  .i  l'éclair,  lu  sortis  d'un  orage; 
Tu  foudroyas  le  monde  ,  avant  d'avoir  un  nom  1 
Tel  ce  PJil  dont  Memphis  boit  les  vagues  fécondes, 
Avant  d'être  nommé  ,  fait  bouillonner  les  ondes, 
Aux  solitudes  de  Mcmnon 


54o  LITTÉRATLRE. 

Tu  graudis  sans  plaisir,  tu  tombas  s-aus  murniaie  ! 
Ritn  d'humain  ne  battait  sous  ton  épaisse  armure; 
Sans  bainc  et  sans  amour,  lu  vivais  pour  penser  1 
Comme  l'aigle  régnant  dans  un  ciel  solitaire, 
Tu  n'avais  qu'un  regard  pour  mesurer  la  terre, 
Et  des  serres  pour  l'embrasser! 

Être  d'un  siècle  entier  la  pensée  et  la  vie, 
Emousscr  le  poignard  ,  décourager  l'envie, 
Ébranler,  raffermir  l'univers  incertain, 
Aux  sinistres  clartés  de  ta  foudre  qui  gronde, 
"V  ingt  fois  contre  les  dieux  jouer  le  sort  du  monde  ; 
Quel  rêve!  et  ce  lut^on  destin!. .. 

On  dit  qu'aux  derniers  jours  de  sa  longue  agonie, 
Devant  rÉiernité,  seul  avec  son  géjiie, 
Son  regard  vers  le  ciel  parut  se  soulever! 
Le  signe  rédempteur  louc'ia  son  front  farouche! 
El  même  on  entendit  commencer  sur  sa  bouche. 
Un  nom  '..  . .  qu'il  n'osait  achever. 

Achève!  c'est  le  Dieu  qui  règne  et  qui  couronne! 
C'est  le  Dieu  qui  punit!  c'est  le  Dieu  qui  pardonne! 
Pour  les  héros  et  nous  ,  il  a  des  poids  divers  ! 
Parle-lui  sans  eflroi  !  lui  seul  peut  te  comprendre! 
L'esclave  et  le  tyran  ont  tous  un  compte  à  rendre. 
L'un  du  sceptre  ,  l'antre  des  fers  ! 

Celle  cUation  peut  meitie  le  iecteur  en  ctat  de  juger  les  pro- 
grès poétiques  de  M.  de  La  Martine.  Si  les  bornes  dans  les- 
quedes  nous  sommes  circoncrits  nous  eussent  permis  de  citer 
1  ode  entière,  le  lecteur  aurait  pu  juger  que  celte  ode  est 
d  ailleurs  dèi'ectueuse,  sous  le  rapport  de  la  composition. 
Lauleur  manque  quelquefois  de  clarté  ;  souvent  il  se  conlre- 
da:  il  contredit  plus  souvent  encore  Thistoire,  en  substitiianî 
un  portrait  de  lautaisie  au  portrait  véritable  de  son  néros. 

La  méditation  sur  Napoléon  n'est  pas  au  reste  la  seule  re- 
marquable que  présente  le  nouveau  recueil  ;  il  y  a  de  (rès- 
Lcaus  pa.-^sages  dans  la  médilation  intitulée  les  Etoiles.  Des 


UTTERATLRF..  54t 

morceaux  de  la  plus  haulc  poésie  se  irouvent  dans  les  Pn'iii- 
flcs ,  sorte  de  chaut  pof'liqne  ,  dans  Ic{|ucl  l'aïUcur  parcourt 
sans  ordre  et  sans  transiliou  tous  les  sujets.  Des  critiques  lia- 
Liics  ont  (ait  un  grand  éloge  d  une  pièce  qui  a  pour  litre  : 
le.  Crucifix.  Nous  nous  plaisons  à  la  signaler  r gaiement .  com- 
me l'une  des  meilleures  de  l'ouvrage  ;  mais,  à  notre  avis ,  la 
plus  irreprocliable  ,  c'est  une  méditation  sur  le  passé,  adres- 
sée par  Fauteur  à  l'un  de  ses  amis.  Ce  morceau  nous  semble 
à  la  fois  un  modèle  de  gr|ce  et  de  goût,  que  n'auraient  pas  dé- 
savoué no«  écrivains  les  plus  dislingm's.  il  y  a  quelques  belles 
stroplies  ,  mais  aussi  beaucoup  de  (autcs  dans  le  Poitc  mou- 
rant. Une  méditation  intilult  e  :  la  Liberté,  olïrc  quelques  ver» 
hieu  faits ,  mais  pèche  par  l'absence  de  sentimcns  Arais  et  de 
pensées  justes.  L'auteur  admire  et  chante  la  liberté  grecque 
et  romaine  j  mais  il  répudie  la  liberté  française,  qu'il  flétrit  du 
nom  de  licence,  oubliant  que  ,  daus  les  républiques  antiques, 
la  licence  était  la  règle  générale  ,  et  la  liberté  i  exception  ; 
tandis  qu'en  France  et  chez  les  peuples  modernes,  la  vérita- 
ble licence  qui  tourmenta  les  peuples  ,  ce  fut  la  double  licen- 
ce du  despotisine  et  des  classes  privilégiées.  M.  de  La  ?Iartine 
reproche  aux  amis  actuels  de  la  libei  té  d'avoir  subi  le  joug 
de  Bonaparte;  mais  lui-même,  dont  les  vers  sont  la  plus 
complète  apologie  de  ce  joug  ,  aurait- il  chanté  eu  présence 
du  fer?  et  d'ailleurs,  si  quelques  hommes  brûlent  au jourd  h  ui 
sur  l'aulel  de  la  liberté  un  encens  peu  digne  d  elle  ,  quel  re- 
proche le  poète  osera-t-il  adressera  ia  gv^nération  qui  s  élève, 
qui  n'a  pu  participer  à  aucun  excès ,  et  se  rendre  coupable 
d'aucune  làcheli?  La  liberté  ne  peut-elle  être  ,  sans  prolana- 
tion  ,  adorée  par  la  jeunesse  actuelle?  Où  M.  de  La  Martine 
a-l-Il  vu  que  le  tyran  du  jour  ce  sol  le  peuple?  d'où  peut 
naître  cette  confiance  sans  limites  qu'il  accorde  à  'a  puis  - 
sauce,  et  cet  arrêt  sans  appel  qnil  prononce  contre  tous  les 
hommes  qui  proclament  le  mot  de  iiberté?  C  est  encore  iel 


342  LITiERATURE. 

que  la  pbilosopliie  de  railleur  se  trouve  slngulièremcnl  ei» 
défaut.  Pardonnous  ,  au  reste  ,  aux.  poètes  de  déraisonner 
dans  de  tels  sujets  ;  ia  politique  n'est  point  une  science  d'inia- 
ginaliou.  et  les  erreurs  de  M.  de  La  Martine  à  cet  égard  n<» 
doivcnl  étonner  personne. 

Mais  ce  qui  doit  surprendre  dans  cet  écrivain,  ce  sont 
les  fautes  de  goût  dans  lesquelles  il  tombe  trop  souvent.  Nou-< 
avons  rendu  ta  plus  complète  justice  à  son  talent  :  le  moment 
est  venu  de  mêler  à  nos  éloges  de  justes  critiques.  M.  de  La 
Martine,  nous  Tavons  dit  au  commencement  de  cet  article  , 
s'est  engagé  de  plus  en  plus  dans  un  faux  genre  5  il  lui  était 
impossible  de  se  soustraire  aux  nécessités  de  Técoîe  qu  il  a 
suivie,  lAm  des  principaux  caractères  de  cette  école  ,  c'est 
Tobscurlté  ;  nous  indiquerons  comme  presque  ininteiligibie 
une  pièce  intitulée  :  l'Esprit  de  Dieu.  Le  poète  compare  cet 
esprit  divin  au  feu  qu'un  berger  allume  au  bord  d'une  foret  ; 
il  demande  ensuite  à  son  àme  de  quel  côté  viendra  ce  souffle 
sacré;  si  ce  sera  un  enfant  des  orages,  un  doux  zéphir  ou 
un  cri  de  douleur.  Après  s'être  adressé  à  lui-même  celte  ques- 
tion singulière,  il  termine  par  un  vers  qui  signifie  à  peu  près  : 
Qu'il  vienne  d'où  il  voudra  ,  pourvu  qu'il  vienne.  Le  poète 
ajoute ,  toutefois,  que  l'on  invoque  en  vain  cet  esprit  de  Dicii , 
qu  il  n'arrive  jamais  qu'à  sou  heure  ,  d'oii  il  suit  que  l'invo- 
cation qui  précède  était  complètement  iauiile.  Vient  ensuite 
une  comparaison  entre  l'àme  qui  reçoit  l'esprit  divin  cl  Ja- 
cob qui  lutte  contre  une  ombre.  Le  morceau  est  terminé  par 
une  strophe  sur  l'homme  qui ,  iong-tems  assi(^gé  par  le  dou- 
te ,  finit  par  céder  au  pouvoir  de  ia  vérité. 

Ainsi,  dans  les  ombres  du  doute, 
L'homme,  liélas  !  égaré  souvent, 
Se  trace  à  soi-même  une  roule  , 
Et  veut  voguer  contre  le  veut  ; 
Mais,  dans  celle  lutte  insensée,  - 
Bientôt  notre  aile  tcrr^issée 


LITTÉRAÏUFJ'.  54") 

Tnr  le  souffle  qui  la  combat , 
Sur  la  terre  lombe  cssonfléc  , 
Comme  ia  voUe  dcscnfl:  c  , 
Qui  tombe  et  dort  le  lonrj  du  mât. 

Nous  laissons  le  lecteur  piououccr  sur  le  mi  iUe  cl  une  pa- 
reille composition. 

Parmi  les  yen  singuliers  qui  îibondent  daus  les  ÎNouYCifs 
méditations  poétiques  ,  nous  avous  rcmaïque  les  suivans  : 

Ainsi  qu'un  moissonneur  va  clicrcher  son  salaire , 

Et  dort  sur  sa  faucille  avant  d'ctrc  payé  , 

Tu  ceiijnis  en  mourant  ton  gUiivc  sur  ta  cuisse,  etc. 

{Méditation  sur  Bonaparte.) 

Dans  (a  dunsc  céleste  ils  (les  astres)  s'élancent...  etl'Uommc, 
Ainsi  (]uun  nouveau-ni ,  les  salue  et  tes  notnme. 

[Les  Etoiles.) 

Oui ,  dans  cet  air  du  ciel ,  les  soins  lourds  de  la  vie  , 
Le  mépris  des  mortels ,  leur  haine  ou  leur  envie , 
^"accompagnent  plus  l'homme  et  ne  surnagent  pas  : 
Comme  U7i  vil  plomb,  d'cuxmêmc,  ils  retombent  en  bas. 

[La  Solitude.) 

L'onde  qui  baise  ce  rivage , 

De  quoi  se  plaint-elle  à  ses  hords? 

[Les  Préludes.) 

Le  paresseux  s'endort  dans  les  iras  de  la  faim; 
Le  laboureur  conduit  sa  fertile  charrue  ; 
Le  savant  pense  et  Ut  ;  le  guerrier  frappe  et  tue  ; 
Le  mendiant  s'assied  sur  les  bords  du  chemin. 

{Méditation  dix-ituitiéme.) 

Ah  1  berce ,  berce ,  berce  encore , 
Berce  pour  la  dernière  fois  , 
Berce  cet  enfant  qui  t'adore  ,  etc. 

{Adieux  à  la  Mer.) 

Heureuses  ces  coupes  vermeilles 
Qui  pressent  tes  lèvres,  pareilles 
A^ix  frétons  qui  tel  ont  les  fleurs. 

{Chant  d'amour.) 


^^4  I-ÎTTÉRATUIIE. 

Les  fautes  de  toute  espèce  qui  se  rencontrent  dans  ces  vers 
sont  à  peine  concevables.  S!  loa  jugeait  le  talent  d'un  auteur 
par  ses  défauts,  quelle  opinion  se  formerait-on  de  celui  de 
M.  de  La  Martine?  Mais  heureusement,  celte  manière  de  ju- 
ger serait  la  plus  fausse  et  la  plus  injuste.  Une  centaine  de  vers 
bizarres  ne  feront  point  oublier  les  morceaux  très-remarqua- 
bles, et  les  nombreuses  beautés  qui  brillent  dans  les /\^o«i'e//e.9 
mtditations  poétiques.  Nous  avons  essayé  de  les  apprécier 
avec  impartialité  j  le  talent  et  le  caractère  de  l'auteur  nous  en 
faisaient  un  devoir  rigoureux.  Un  critique  serait  saus  excuse, 
s  il  cîierchait  à  décourager  un  bomme  d  un  mérite  véritable  ; 
luais  une  trop  complaisante  in.lulgence  ne  serait  pas  moins 
funeste  à  Fart  et  à  l'auteur  lui-même.C'est  parce  que  M.  de  La 
Martine   peut  faire   beaucoup  mieux,   c'est  parce  que  ses 
ouvrages  peuvent  honorer  l'époque ,  et  ranimer  le  goût  des 
beaux  vers  ,  quil  faut  être  plus  sévère  avec  lui  qu'avec  tant 
d  écrivains  qui  u'out  point  d'avenir.  Il  se  présente  aux  juges 
éclairés  avec  les  plus  heureuses  dispositions  j  son  âme  brûle 
•souvent  du  feu  sacré,-  son  esprit  atteint  aux  plus  hautes  pen- 
sées, mais  la  raison  qui  corrige ,  le  goût  qui  épure,  l'art  qui 
dispose  une  composition  poétique  ,  la  logique  qui  la  distribue, 
enfin  le  talent  qui  varie  les  formes  et  invente  les  contrastes, 
voilà  ce  qui  doit  devenir  pour  M.  de  La  Martine  l'objet  de  la- 
plius  constante  étude,  s'il  ne  veut  pas  faire  naufrage  au  port.  Il 
lui  manquerait  bien  encore  quelque  chose  ;  mais  nous  n'o- 
sons espérer  que  l'auteur  veuille  l'acquérir.  C'est  un  peu  plus 
de  pînfosophie  ,  et  un  peu  plus  d'estime  pour  son  siècle;  c'est 
surtout  quelque  indulgence  pour  la  liberté  ,  cette  divinité  de 
notre  époque,  qui  fut  toujours  et  qui  peut  être  encore  pour 
les  vrais  poètes  la  plus  fidèle  et  la  plus  noble  des  muses. 

LÉON  Thiessé. 


%ia'VA\vv»\\vi\'»/\t\'VV\»'Wv\'W\v^v\wx\v\vv\\\«wvvi.vw»'v*\\v\t.vi'»\v\\tw\m»\v» 

m.  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 
LIVRES  ÉTRAINGERS  (i). 


AMERIQUE. 

ÉTATS-UNIS. 

joo.  — Mémoire  sur  la  non-contagion  de  la  fièvre  jatme ,  par  Pierre. 
Lbfort,  premier  médecin  en  chef  de  la  marine  à  la  Martinique,  elc. 
Saint-Pierre,  182J;  Fleurot  el  Turban.  Paris,  Firmin  Didot.  Uq  vol. 
in-8°  ;  prix  ,  5  tr. 

Le  litre  de  cet  ouvriige  annonce  le  but  que  l'auteur  s'est  proposé, 
mais  que  les  difficultés  du  sujet  ne  lui  ont  pas  permis  d'atteindre  eom- 
piétcmenl.  Il  présente,  néanmoins,  à  l'appui  de  son  opinion,  plusicuis 
faits  qui  mériteut  d'être  esaminés.  Le  premier  concerne  le  brick  r£«- 
riale ,  à  bord  duquel  la  fièvre  jaune  se  déclara,  dans  le  mois  de  mars, 
pendant  une  croisière.  Lorsqu'il  relâcha  au  fort  Royal,  il  avait  déjà  per- 
du son  chirurgien  et  cinq  hommes  de  son  équipage.  Plusieurs  hommes 
de  la  frégate  la  Gloire  y  furent  envoyés  ;  quelques-uns  y  contractèrent 
la  maladie  et  en  moururent.  (JNouvrl  argument  en  faveur  des  contagio- 
nistcs.)  Mais,  les  malades  de  rF>uriale  ,  transportés  à  l'hôpital  et  en- 
voyés ensuite  ,  en  état  de  convalescence,  au  fort  Bourbon,  avec  leurs 
hardes  non  soumises  à  une  désinfection  frcaUMc,  ne  commun iqui'rent 
j)as  la  fièvre  jaune.  {Preuve  de  lit  non-conlagion.)  Le  second  fait  cité 
par  M.  Lefort  se  rapporte  à  la  corvette  l'Egcric,  qui,  pendant  le  séjour 
qu'elle  fil  dans  la  rade  des  Trnis-llets,  avec  la  Diligente  et  le  brick  l^  Si- 
lène, perdit  plusieurs  hommes  qui  moururent  de  la  fièvre  jaune,  sans 
que  personne  des  équipages  des  derniers  bûtimens  en  fût  atteint,  maigre 
les  communications  fréquentes.  IM.  Lciort  cite  encore  un  autre  cas  ana- 
logue, et  termine  par  le  détail  bien  circonstancié  des  expériences  que 
Aï.  Guyon.  chirurgien  de  la  marine,  a  faites  sur  lui-même.  Elles  ont 
consisté  à  épuiser  tous  les  modes  de  contact  et  d'inoculation  ,  soit  en  coa- 


Nous  indiquerons  par  yn  aslérJ'ifjDe  (')  placé  à  côlédn  litre  tic  rliaquc  ou- 
vrage, ceux  des  livres  étrangers  ou  français  qui  paraîtront  dignes  d'une  atlcnlion 
particulier©,  et  dont  nous  rendrons  ^nelqnefois  cdrapte  dans  la  section  des  Analyses. 


.:.;'G  LH'RES  ETRÂISGERS. 

chant  avec  des  ma'.nJts,  soit  en  se  faisant  inoc;)!cr  la  miilière  drs  vomis- 
seraens,  etc.  i)n  ne  peut,  x'ii  Usant  cis  i'aifs  bien  constatés,  que  rendre 
liomaïaiJC  au  i  or.rage  et  au  dévouement  de  ce  respt  clable  médecin;  car, 
quelque  grande  que  fût  sa  conviction  dans  la  nature  oon-contagicuse 
de  cette  ma'adie,  il  y  a  toujours  beaucoup  de  mérile  à  livrer  volontai- 
rement s'i  vie  à  tijutcs  les  cîiances  d'uae  expérience  médicale.  Mainte- 
nant ,  peut-on  conclure  de  ces  observations  que  la  fièvre  jaune  n'est 
jamais  coalagieuse,  c'est-à-dire,  que  celte  maladie  ne  peut  jamais  être 
assez  intense  pour  qu'un  raahide  devienne  sei:!  un  l'oser  d'infection,  et 
pour  que  dcs  marchandise-,  imprégnées  de  miasmes  putrides,  ne  puis- 
sent la  développer  au  ioi.i?  Je  ne  le  pense  pas,  elle  fait  de  M  Guyon  n'est 
nullement  concluant.  1°  Ces  expérieBCCssOiit  contrebalancées  pard'autres 
aussi  positives;  on  sait  que  le  docteur  Vaîii,  ayant  voulu  faire  avec  le 
plus  noble  dévouement  une  pat  lie  de  ces  essais,  péril  au  bout  de  peu  de 
jours  :  il  aurait  fallu  que  plusituri  personnes  se  fussent  espijsées  à  la  con- 
tagion de  la  même  manière,  i"  M.  Gujon  est  arrivé,  depuis  i8i4,  dans 
le  pays,  et  doit  être  maintenant  acclimaté.  Probablement  que,  nouvelle- 
ment débarque  à  la  Martinique  ,  il  n'eût  [ta»  fait  de  semblables  essais  , 
sans  courir  de  graves  dangers.  5"  Enfin,  M.  Guyon  se  trouvait  placé 
dans  toutes  les  conditions  de  l'infection,  puisqu'il  élail  dans  l'hôpital,  au 
milieu  des  malades,  qu'il  respirait  leurs  miasmes  et  s'inoculait  leurs  hu- 
meurs; et  cependant,  M.  Guyon  n'a  point  été  frappé  de  la  fièvre  jaune, 
ni  par  contagion  ,  ni  par  l'infLction  ,  qui  n'est  dans  le  fond  qu'une  con- 
tagion rtS5erree  dans  de  plus  étroites  limites.        Amèdùc  Drpài,  d.  h. 

EUROPE. 
GRANDE  BRETAG?;E. 

101.  — Picmarks  onthc  coKnlr\  extcnding  frori  cape  Palmas  to  the  Ti- 
rer Congo,  etc.—  Remarques  sur  le  pays  qui  s'étend  du  cap  Palmas  à 
la  rivière  Congo,  renfermant  des  observations  sur  les  mœurs  et  les  cou- 
tumes des  habilans,  etc.;  par  le  capitaine  Jo/m  Adam-.  Londres,  i8a5; 
Whittaker.  Un  vol.  in-S",  260  pages. 

Capitaine  d'un  vaisseau  marchand  ,  l'auteur  de  ce  voyage  a  débarqué 
à  tcàis  les  endroits  importans,  dans  le  trajet  du  cap  Palmas  à  la  liviere 
Congo.  Il  a  même  pénétré  assez  avant  dans  l'intérieur,  et  il  a  rédigé, 
sous  la  forme  de  notes,  ce  qui  l'a  frappé  dans  lis  mœurs  et  les  usages 
des  naturels.  Il  a  visité  les  pei:plcs  de  Fanlée  ,  de  Widah,  d'Ardrah  ,  et 
les  Dahomiens  :  Us  villes  de  Lagos,  de  Bcnin  ,  de  Bonny  et  de  Calabar, 
ainsi  que  les  états  de  Jabon,  d'IIio,  de-  llousa,  de  Mahi ,  de  CIianib.i,et 


Ln'iiES  etr.ai';gers.  347 

plupïcurs  autres  qui ,  malgré  leur  étendue,  ne  sont  ijutre  connus  que  de 
nom,  en  Europe.  fJcÎJJct  principal  de  son  ouvrage  parait  êlre  de  prou- 
Tcr  qu'il  serait  beaucoup  plus  avantageux  de  former  des  élablisscaiens 
anglais  à  Malemba  et  à  Cabenda  qu'à  Sierra-Leone  ;  et  que,  pour  la  sa- 
lubrité, les  facilités  de  connmerce ,  etc.,    le  gouvernement  angla  s  ne 
pourrait  mieux  cboisir  l'emplacement  d'une  colonie.    Le  tableau  qu'il 
trace  de  l'abrutissement  et  de  la  férocité  du  peuple  africain,  qui  bîibite 
sur  les  côtes  et  qui  fait  l'abominable  commerce  des  esclaves,  est   telle- 
ment odieux  ,  qu'on  voudrait  qu'il  fut  exagéré.    La  tyrannie  la  plus  ab- 
solu? et  la  plus  capricieuse,  la  servilité  la  plus    basse,    et  la  cruauté  la 
plus  atroce,  sont  empreintes  dans  toutes  leur  actions.   L'horrible  coutu- 
me  de  sacrifier  des  victimes  humaines  aux  fétiches  et  aux  mânes  de» 
morts ,  est  générale  dans  ces  contrées.  Le  roi  de  Lagos,  Contry,  comme 
la  plupart  de  ses  royaux  collègues  africains,  est  receleur  d'objets  volés. 
11   n'hésite   point  à  partager   ce    que  dérobent   ses  serviteurs  ;   et  celui 
d'entre  eux  qui  vole  les  Européens  avec  le  plus  d'adresse,  devient  aus- 
sitôt son  plus  grand  favori.  lia  adopté,    pour  fétiche,  les  dents  de  l'é- 
léphant, parce  que  cet  animal  est  réputé  le  plus  fort  et  le  plus  sage  des 
animaux.  Un  des  stratagèmes  politiques  de  ce  desposte  africain  consiste 
à  ordonner  au  diable  de  visiter  de  tems  en  tems  sa  capitale.  Le  diable 
de   Contry  n'est  point  un  esprit  aérien,  mais  un   véritable  démon,  un 
homme  armé,  avec  licence   de  commettre  des  meurtres.    Il  parcourt 
masqué  les  différentes  avenues  de  la  ville,  et  déiruit  tout  ce  qu'il  trouve 
sor  son   passage.    M;ils,  comme  le  gong-gonfj   (Thomme  qui  sonne  la 
cloche)   donne  avis  de  sa  visite  nocturne,  il  est  assez  rare  que  quelqu'un 
périsse.  Les  Européens  sont  aussi  prévenus  de  rester  dans  leurs  maisons, 
attendu  qu'une  fois  dans  Lagcs ,  le  diable  ne  respecte  personne.  Outte 
l'averlissement  public  donné  dans  ces  occasions,  le  diable  ne  parait 
jamais  que  pendant  la  pleine  lune,  alin  de  ne  pas  être  exposé  à  traiter 
le  roi  comme  un  de  ses  sujets.  Les  chiens  mâles  sont  bannis  de  Lagos, 
ou  sacriliés  comme  victimes  ofTertes  aux  esprits  du  mal.   A  Grewhe,  où 
le  capitaine  Adams  se  rendit  en  quittant  Lagosj  il  vit  au  milieu  du  mar- 
ché un  grand  arbre,  assez  sciiiblabie  au  mûrier,  si  ce  n'est  que  les  bran- 
ches croissent  hoiizontales.oCei  arbre,  dit  l'auteur,  présentait  un  spec- 
tacle singulier  :  ses  branches  étaient  couvertes  de  milliers  de  chauves- 
souris  de  la  plus  grosse  espèce,  qui  s'y  tenaient  su;;pondues  par  les  grif 
fes.   Elles  restaient  ainsi  tout  le  jour,  la  tète  en  bas  ,  sans  paraître  trou- 
blées  du   bruit   qu'on   faisait    au  dessous    d'elles.   J'en  tuai  plusenr,^  , 
qui  avaient   deux  pieds  d'envergure.    La  forme  de  leur  tête  a  quelque 
rapport  avec  celle  d'un  cheval  ;  les  ^veux  ,   les  dents,  et  les  moustache» 


548  LIVRES  KTRAKGERS. 

sont  celles  d'un  énorme  rat.»  Une  ries  bizarres  coutumes  du  peuple  d& 
Grewlicct  de  Popn,  est  radmissioii  des  lenmies  prèUesstc,  qui  parta- 
gent avec  les  prêtres  les  soins  du  culie  des  fétiche».  M.  Adains  fut  té- 
moin de  cette  cérémonie,  qu'il  décrit  au  loug.  le  portrait  de  Tammala 
ou  monsieur  Pierre,  riche  sauvage  d'Ardrah,  qui  fut  autrefois  esclave 
«M  amené  en  France  par  son  maître,  est  d'autant  plus  curieux,  qu'il  unit 
la  barbarie  à  une  légère  teinture  de  civilisation.  Nous  aurions  à  citer  en- 
core beaucoup  d'autres  passages  intéressans;  mais  nous  piéfcrons  ren- 
voyer les  lecteurs  à  l'ouvrage  même^  qui  ue  peut  manquer  de  les  inté- 
resser vivement. 

102.  —  J  vicw  oflhe  past  and  'présent  stale  ofthe  island  of  J amaica, 
^^'^-  — Tableau  de  l'état  passé  et  présent  de  l'île  de  la  .Tamaïque,  avec 
des  remarques  sur  la^ituation  physique  et  morale  des  esclaves,  et  sur 
l'abolition  de  l'esclavage  dans  les  colonies;  par  J.  Stevtart,  qui  a  long- 
tems  résidé  à  la  Jamaïque.  Londres,  iS25;  Whiltaker.  Un  vol  in-8" , 
565  pages. 

11  existe  en  Angleterre  une  Histoire  très-complète  des  Colonies  an- 
glaises,  par  Bryan  Edwards  ,  et  plusieurs  autres  ouvrage*  estimés  sur 
le  même  sujet;  mais  celui-ci  est,  je  crois,  Je  premier  qui  traite  spé- 
cialement de  la  Jamaïque ,   et,    sous  plus  d'un  rapport,   celte  île   im- 
portante est  digne  de  fixer  l'attention.   Des  questions  d'un  haut  intérêt 
se  rattachent  à  son  histoire;  les  effets  du  système  de  colonisation,  Tibo- 
htion  de  l'esclavage,  la  propagation  du  christianisme,  etc.  M.  Stewart, 
rappelant  la  découverte  de  l'ile  due  à  l'immortel  Christophe  Colomb, 
raconte  comment   nette  île  appartint   à   la  famille   de  ce  navigateur, 
comment  elle  passa  à  la  couronne  d'Espagne,  comment  enGn  elle  fut 
conquise  par  les  Anglais,  sous  Cromwell  (en  i655).  Ce  dernier  envoya 
les  deux  commandans  de  cette  expédition  victorieuse,  l'amiral  Penn  et 
le  général  Venables ,  à  la  Tour,  pour  les  punir  de  s'être  arrêtés  à  celte 
conquète^  de  peu  d'importance,  au  lieu  de  prendre  Hispaniola.    C'est 
ici  le  lieu  de  rappeler  que  la  Jamaïque  rend  aujourd'hui  à  l'Angleterre 
un  revenu  plus  considérable  que  la  totalité  du  revenu  national ,  sous  le 
Protecteur.  La  Jamaïque,  à  l'époque  de  sa  conquête,  et  long-tems  en- 
core aprèSj  lut  considérée  comme  très-inférieure  aux  îles  de  Cuba  et 
d'Hispaniola.  Cependant,   grâces  à  l'industrie  et  à  l'acliviié  de  ses  ha- 
bitans,  elle  e>l  à  présent  la  colonie  la  mieux  cultivée  et  la  plus  produc- 
tive de  l'archipel  américain.    Passant  à  la  situation  actuelle  du  pays, 
l'auteur  entre  dans  les  détails  relatifs  au  climat ,  aux  maladies,  au  sol, 
aux  saisons,  à  l'agriculture,  au  commerce,  etc.  Il  regarde  la  licence  et 
l'immoralité  grossière  qui  se  sont  introduites  dans  les  mœurs,  comme 


LIVRES  ÉTRANGERS.  7)4 y 

une  des  causes  qui  rutarJent  les  progiès  do  la  S0(iélé;  il  iiiJi'[uc  plu- 
sieurs excelkns  ré-'iullats  de  l'abolilidii  de  la  traite  des  Koiis.  Le  pre- 
mier esl  l'accroissement  de  la  populaliou,  et  les  adoucissenicns  survenus 
dans  le  traittincnl  des  esclaves  ;  il  esjièn'  que  les  efforts  des  nouveaux 
e<,<  résiajil'iques  einoyés  dans  l'île,  en  i8iS,  pour  instruira  les  liabilans 
cl  ie»  Noirs,  amèneront  bientôt  une  rélorine  morale.  L'iiistnjre  naiinelle 
est  traitée  avec  talent  dans  cet  ouvrage,  qui  contient  d'aiilcuis  lis  iii- 
i'urmations  les  plus  précises  et  les  [>ius  importantes  sur  la  Janidique. 

Louise  S\T.  Bei.loc. 

lo.")  (*).  —  Stcfjstancc  of  l'ne  dibalc  in  llie  house^of  covimons  ,  on  a 
•rnuliun  for  l lu  mil i g n lion  and  ffruduai  nholilion  of  slavcry  ,  lliroutj- 
4tout  ihe  itritisit  dominions.  —  Résumé  des  débals  qui  ont  eu  lieu  dans 
la  (iliaiiibre  des  couiinunes  ,  par  suite  de  la  rnolioD  pour  l'adoucissement 
et  l'abolition  graduel»  de  l'escla'i'age  dans  les  possessions  anglaises.  Lon- 
dres, itS23;  H.itcbard.  Ua  vol.  248  pag.  cl  xxxix;  prix,  4  fr. 

Ce  Volume  rei.r<  rnic  à  la  l'ois  les  discussions  les  plus  importantes  et 
les  l'aiîs  les  plus  tristes  Dans  les  coloniis  anglaises,  800,000  lioinmes 
ISoijs  ou  de  couleur  gémissent  dans  l'esclavage,  lis  sont  la  propriété 
absciluc  de  maîtres  souvent  barbares.  Un  grand  nombre  d'entre  eux 
vopt  marqués  sur  l'épaule  ,  avec  le  fer  n-uge,  du  signe  indélébile  de  la 
srrvitu.ie.  On  les  gouverne  avec  le  fouet,  et  ils  travaillent  sans  recevoir 
aucun  salaire.  Dans  la  saison  des  récoltes,  par  exemple  de  la  cuite  des 
sucres,  leur  tâche  se  [rulonge  fort  avant  da.is  la  nuit.  Le  dimanche  , 
seul  jour  de  repos  qui  1(  ur  reste  ,  esl  employé  par  eux  à  cultiver  un  iris- 
sérable  coin  de  terre  pour  se  nourrir,  eux  et  leur  Iri-ite  posiciilé.  Les 
lois  donnent  aux  maîtres  le  pouvoir  discrétionnaire  fie  châtiment  ;  ils 
ne  peuvent  appliquer  cependant  qu'un  certain  nombre  de  coups  en.  wne 
fois.  Les  fenames ,  comme  les  hommes,  sont  soumises  a  des  chàlimens 
honteux,  qui  blessent  à  la  tnis  la  pudeur  el  l'humanité.  Les  esclaves 
sont  de  vrais  biens  meubles  :  on  peut  les  saisir  et  les  vendre  pour  les 
dettes  du  propriétaire.  Les  liens  de  famille,  d'amitié,  sont  à  chaque 
inslanl  rompvis  :  aucun  mariage  légal  ne  peut  être  coutracté  p-ir  les  es- 
claves. Ils  n'ont  aucun  caractère  pour  déposer  devant  les  tribunaux. 
Tout  ?<oir  est  présumé  esclave.  La  seule  couleur  de  sa  peau  décide  de 
£0:)  el*  ruelle  seiviiude.  Des  droits  listaux  considérables  s'opposertt  à 
l'aûVanehissement.  Dans  les  colonies  anglaises  et  dans  quelques  étals 
américains,  l'esclave  ne  peut  s'aQ'ranchir ,  même  p.ir  son  propre  travail, 
tandis  que,  d;ins  l'Arnériq^ie  espagnole,  tout  JNoir  et  loul  Indien  peut 
obliger  son  maître  .i  lui  vendre  sa  liberté. —  Voilà  quelques-uns  des 
traits  caracléiisliques  de  la  situation  des  Koirs  dans  les  colonies  anglai- 


55o  LIVRES  ETRANGERS. 

se*,  avec  quelques  légères  modifications,  et  ils  conviennent  à  tnutcs 
îcs  autres  colonies.  Mais,  cette  question  de  l'esclavage  se  complique 
d'une  autre  grande  question,  celle  du  droit  de  propriété ,  et  des  in- 
térêts des  colons.  De  plus,  c'est  une  affaire  entièrement  commerciale, 
et  le  parti  (;ne  va  prendre  l'Angleterre  mérite  bit-n  de  fixer  l'attention; 
car,  on  peut  s'en  reposer  sur  elle,  pour  ne  rien  l'aire  qui  compromette 
son  comoierce.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  clair,  ce  ([ui  est  établi  jusqu'à  1  é- 
vidence  par  les  faits  de  ce  volumineux  rapport,  c'est  que  l'on  ne  doit 
lien  attendre  des  gauvcrnemens  coloniaux,  en  fait  d'amélioration  de 
l'état  des  esclaves.  Bien  plus,  dans  les  colonies  anglaises,  ils  n'ont  pas 
craint  de  s'y  opposer  ouvertement.  Le  gouverneur  de  la  Dominique  , 
Maxwell,  dénonça  à  son  gouvernement  quelques  îictes  de  barbarie  ttn- 
vers  les  JNoirs ,  entre  antres  celui  de  deux  petites  filles  de  12  ans  qu'on 
obligeait  à  travailler,  attachées  ensemble  et  chargées  d'une  chaîne  pe- 
sant iS  livres.  Le  grand-jury  de  l'ile,  dans  une  délibération  du  -26  août 
1817,  se  plaignit  vivement  du  gouverneur,  et  demamla  son  remplace- 
ment. M.  Buxton,  membre  du  parlement,  n'a  pas  obtenu  de  la  cham- 
bre des  communes  tout  ce  qu'il  demandait.  Les  ministres  ont  exigé 
que  sa  molioB  fut  généralisée,  et  l'on  s'est  contenté,  pour  le  présent, 
d'adopter  une  lormule  de  protestation  contre  le  droit  d'esclavage  colo- 
ni;:l.  C'est  quelque  chose,  s.ins  doute.  Nous  ferons  plus  lard  connaître 
en  détail  la  motion  de  M.  Buxton,  et  les  coiicessions  du  secrétaire  «l'é-^ 
tat  ;  ce  qui  embl■a^se  la  situation  générale  des  INoirs  dans  les  colonies 
anglaises.  On  peut  remarquer,  cependant,  que,  dans  toutes  ces  discus- 
sions, il  règne  une  certaine  aigreur.  Ln  des  orateurs  a  dit  une  grande 
vérité  ,  «  C'est  qu'il  n'est  pas  permis  de  faire  un  cadeau  à  l'humanité, 
avec  les  biens  des  colons. d  Aussi ,  les  ministres  n'ont-ils  voulu  adopter 
lamotion  de  M.  Buxton,  que  d'une  manière  très- générale.  M.  Alexan- 
dre Baring  a  déclaré  qu'il  appréciait  infiniment  la  philanthropie  de  la 
Sainte-Alliance,  et  sa  sensibilité  pour  les  malheurs  de  l'Afrique,  mais 
<|u'il  n'y  avait  pas  besoin  d'aller  si  loin.  Un  des  points  sur  lesquels  M. 
Buxton  a  le  plus  insisté,  c'eit  la  nécessité  de  donner  aux  Noirs  un  jour 
de  travail  à  leur  profit  (1).  Cctie  mesure,  qui  aurait  en  effet  un  résultat 

(1)  Ue  tems  jroinèmori:ii  ,  ies  m gies  disposaient ,  dans  Jes  coiouies  françaises  , 
■d'un  jour  de  travail,  et  l'on  a  même  lait  aux  colons  français  le  reproche  d'e,\jger 
les  cinq  antres  jours.  Ainsi,  ce  que  l'on  propose  comme  un  adoucissement  au  sort 
des  esclaves  ,  J.tds  les  co!onies  anglaises,  fui  constamment  pratiqué  dans  les  iles 
fian^riises.  Il  sernit  tems  d'aller  plus  loin,  et  que  l'csclnve  ne  fut  pas  coudaniiic  à 
J'iire  cinq  f  .'!s  p!i:s  de  Ira",  ail  poLir  son  ruaitie,  que  pDur  lui-mênic  et  pour  sa  fa- 
JBiUe.  (N.  d.  R.) 


LIVRES  ETRA3SGERS.  j'm 

décisif  pour  l'affranchissement,  a  élé  rt  commandée,  il  y  a  plut  de  (renie 
ans,  par  un  Français  qui  n'a  cessé  de  s'occuner  de  l;i  cau^e  de  la  liberté 
et  du  bien,  M.  Lafon  de  Ladébat.  —  Il  est  incouleslablc,  daiileurs  , 
que  les  insurrcilons  toutes  récentes  de  Demerary  ont  conGrmé  Topi- 
iiion  de  ceux  qui  désirent  l'abolition  ,  m;iis  l'abolition  graduelle  de  l'es- 
clava'.'e  colonial.  Comment  peul-on  esj  érer  que  la  paix  et  la  résignation 
diiienl  toujours  d;!OS  des  eonirées  où,  comme  à  Saint-Domingue,  par 
exemple,  en  '.'f^S,  il  y  a  sur  loo  personnes,  8  blancs,  G  hommes  de 
couleur  et  86  Noiii?  Ft  ceux  qui  inroquenl  l'adoucissement  de  l'cscla- 
va2e,  travaillent  à  prévenir  des  maiïieurs,  sur  la  probabilité  desqueli 
l'expérience  devrait  avoir  éclairé  tout  le  monde.  lîépctons  encore,  com- 
me un  fait  consolant,  que  celle  ]ilaie  de  l'esclavage  est  presque  incon- 
ni'e  dans  l'Amérique  méridionale.  A  l'ile  de  Cuba,  cette  anliile  es|)a- 
gnole,  il  n'y  a  que  20  ociaves  sur  100  habilans.  Au  Mexique,  il  n'y  a 
presque  pas  de  Noirs.  Dans  la  république  de  Colombie,  un  grand  nom- 
bre d'esclaves  se  sout  aflVanchis  par  leur  travail  ,  tt  sont  devenus  ci- 
toyens comme  lcur<  maiircs.  ('elfe  absence  de  toute  seiviîude  est  un  fait 
qui  influera  puissamment  sur  la  destinée  de  ces  jeune*  républiques,  qui 
seront  peul-élre  un  jour  le  refuge  de  la  civilisation  et  de  la  liberté. 

Chartes  Goqdkkel. 

lo'j  (0.  —  Ei'(j  titrent  II  report  oftfie  -tritisti  and  forcign  se  tiool  Society , 
etc.  — Dix-li'.iitièmc  rapport  de  la  Société  des  écoles  anglaises  et  étran- 
gère-i ,  fait  à  l'as-enibléc  générale  des  membres  de  cette  Société,  qui  a 
eu  lieu  le  12  mai  1820  ;  avec  un  Appendice.  Londrrs,  1820;  Longmaii 
et  comp'.  Un  vol.  in-8"  de  ioô  f>ag-;  prix.  2  fr.  5o  c. 

Nous  ne  reviendrons  pas  sur  l'utilité  de  celte  Société,  sur  les  éloges 
dus  à  son  activité  et  à  sa  pliilantropie  éclairée.  La  Revue  Enoyclopidii/ue 
a  déjà  rempli  ce  devoir,  en  rendant  compte  des  précédens  rapporis. 
Celui  que  nous  annonçons  contient  encore  beaucfsup  de  détails  inlércs- 
sans,  et  une  foule  de  faits  nouveaux,  relatifs  aux  succès  toujours  crois- 
«ans  de  la  méthode  de  Boll,  et  des  méthodes  analogues  de  Lancasire 
et  de  l'enseignement  mutuel.  Peu  de  cont.-ées  y  sont  restées  étrangères. 
Partout,  des  ramifications  de  la  Société-mère  fondée  à  Londres,  s'oc- 
cupent de  répandre  ces  uiéihodes  perfectionnées  ,  aa  profit  de  l'instruc- 
tim  primaire  et  publique,  et  surtout  des  classes  pauvres.  Les  méthodes 
nouvelles  ont  porté  leurs  bienfaits  au-delà  des  mers.  Les  Etat.s- Uaij 
n'ont  pas  élé  le.s  derniers  à  les  encourager  et  à  les  proïéger.  Le  gouver- 
nement de  Saint-Domingue  et  ceux  de  l'Amérique  nit-ridionale  oat 
suivi  cet  exemi)le.  Enfin,  toutes  les  colon;  ■«  soumises  aux  Anglais  ccrap- 
tent  de  nonihrcuses  éiole».  A.  J, 


552  LIVRES  ÉTRANGERS. 

io5.  — y/ji  ex.itninalion  oflkc  frinciftes ,  elc,  —  Ëxuinen  des  prin» 
cipes  d'après  lesquels  la  Société  des  écoles  anglaises  el  étraugères  a  été 
établie;  de  la  nature  de  l'éducation  qu'elle  lépund;  de  Tétendue  de 
SCS  opérations,  et  de  l'appui  auquel  elle  a  droit;  par  fV.  Williams. 
L-ondris,  iSaS;  Luplon  Relfe.  BrocLure  de  02  pages  in^S"  ;  prix,  1 
slielling. 

106.  — Illustrations  hislorical  and  crilical  of  thc  life  of  Lorenzo  de 
Mtdicii  callcd  tli6  Magnip,cint ,  etc.  — Eclaircissemens  historiques  et 
critiques  sur  la  vie  de  Laurent  de  Médicis ,  nommé  \e  Magnifique,  avec 
un  Appendice  contcnaot  des  documens  ori^'.inaux,  par  Guillaume  Ros- 
coE.  Londres,  1S22. 

Lu  intervalle  de  25  années  s'est  écoulé  ,  depuis  que  M.  Koscoc  a  pu- 
blié la  vie  de  Laurent  le  Magnifique.  M.  G.  Spreugel  l'a  traduite  en 
allemand  ;  M.  F.  Thupot  en  l'ranrais.  L'Italie  en  possède  aussi  deux  tra- 
ductions, parmi  lesquelles  ou  doit  distinguer  celle  do  M.  L.  Bossi ,  sur- 
tout à  cause  des  remarques  dont  il  l'a  enrichie.  Accueilli  partout  favo- 
rablement ,  cet  ouvrage  a  néanmoins  essuyé  quelques  critiques  plus  ou 
inoins  graves.  On  reproche  à  l'auteur  d'avoir  trop  exalté,  dans  Laurent 
icMaguifique,  un  hypocrite  ambitieux,  un  oppresseur  de  la  liberté  de  sa 
patrie,  de  ne  pas  avoir  donné  un  tableau  assez  complet  de  l'étal  des 
sciences  et  des  arts ,  au  xv"' siècle,  en  Italie;  d'avoir  fait  prendre  à 
Sixle  IV  beaucoup  de  part  a  la  conjuralica  des  Pazzi.  Plusieurs  autres 
critiques  lui  furent  adressées  par  M.  Pozzetti,  sur  le  caractère  de  L.  B. 
Alberli,  sur  le  mérite  poétique  de  Laurent  de  Rlédicis,  sur  l'introduc- 
tion de  la  presse  à  Venise,  sur  la  conduite  de  Paul  II  envers  les  écri- 
vains de  son  tems,  ainsi  que  sur  Poliziano,  Fdelfo,  Pic  de  la  Mirandole, 
Sa\onarola  et  Pierre-Leoni ,  médecin  de  Laurent,  et  assassiné  par  son 
lils.  M.  Bossi  avait  reproduit  et  apprécié  plusieurs  de  ces  remarques. 
M.  Pioscoe  lui-même  confirme  dans  ses  eclaircissemens  la  plupart  des 
observations  de  ce  critique.  Mais  l'ouvrage  dont  le  biographe  anglais 
s'occupe  le  plus,  c'est  YHistuirc  des  rcpuùiiques  iiatienncs,  par  JM.  de 
Sismoodi.  Il  n'approuve  pas  l'ex tension  donnée  par  cet  écrivain  à  la 
maxime  que  le  caractère  moral  des  peuples  n'est  que  l'ouvrage  des  lois 
el  des  gouvcrncmens;  il  lui  reproche  d'avoir  attaqué  le  caractère  per- 
sonnel de  Laurent,  son  héros  favori.  Quant  à  son  mérite  littéraire,  il 
s'appuie  de  l'autorité  de  Fabroni  et  même  de  celle  de  Guinguené,  dont 
le  jugement  est  d'un  si  grand  poids  auprès  des  amateurs  de  la  littéra- 
ture italienne.  ^L  Roscoe  sedéfeud,  en  même  tems,  d'une  inculpation  de 
ce  dernier  j  qui  lui  reproche  d'avoir  dis-imulé  les  cruautés  de  Côme  de 
Médicis.  Il  blâme,  à  son  leur,  M.  de  Sismoudi  d'avoir  préféré  lautoriti 


LIVRES  ETRANGERS.  553 

de  Machiavel  à  celle  de  Laurent  le  Magnifique,  en  ce  qui  concerne  l'his- 
toire de  Florence,  d'avoiralléré  plusieurs  circonstances  de  la  conjuralion 
des  Pazzi,e(c.  Les  remarques  deM.Roscoe  sontau  nombrede  quarante; 
les  plus  importantes  roulent  sur  les  assertions  de  M.  Sismondi  contre 
Laurent  de  Médicis.  L'ouvrage  mérite  Tattenlion  du  public  par  les 
éclaircissemens  que  orésenle  l'auteur  et  par  l'examen  ultérieur  auquel 
ils  pourront  donner  lieu.  F.  Salfi. 

107.  — •  Memoirs  of  the  life  and  writings  of  fViUiam  Hayley.  — 
Mémoires  sur  la  vie  et  les  écrits  de  IVilliam  IIayley  ,  ami  et  biographe 
deCowper,  écrits  par  lui-même,  etc.  ;  et  Mémoires  de  son  fils  Thomas 
Alphonse  Haylby  jeune,  sculpteur,  publiés  par  John  Johnson.  Londres, 
1825  ;  Colburn.   Deux  vol.  in-4°. 

La  biographie  est  tellement  à  la  mode  en  Angleterre,  qu'il  n'y  a  pas 
si  mince  auteur  qui  n'ait  son  biographe.  Qui  ne  s'effraierait  en  France 
de  deux  volumes  in-4°  rcmplio  des  circonstances  les  plus  puériles  de  la 
vie  d'un  homme  assez  ignoré,  et  dont  le  plus  grand  mérite  est  d'avoir 
vécu  avec  des  getis  d'esprit  ?  Quoiqu'on  Angleterre  on  lise  à  peu  prés 
tout  ce  qui  s'imprime,  je  doute  que  le  public  s'accommode  du  prix  et 
de  la  grosseur  de  ces  volumes.  En  récompense,  l'auteur  s'est  bien  trouvé 
de  les  avoir  écrits.  L'éditeur  anglais  (  M.  Johnson  )  ayant  à  régler  un 
compte  avec  M.  Hayley  pour  sa  vie  de  Cowper,  lui  proposa,  en  1H09. 
de  lui  faire  une  rente  annuelle  de  460  louis,  à  la  condition  qu'il  lui  as- 
surerait, après  sa  mort,  la  propriété  de  sa  vie  écrite  par  lui-même; 
cette  rente  a  été  régulièrement  payée  jusqu'à  la  mort  de  Hayley,  erj 
1820.  Le  libraire  mourut  avant  de  recueillir  le  fruit  de  ses  sacrifices; 
c'est  un  de  ses  descendans  qui  publie  aujourd'hui  ce  manuscrit  de  i,G6o 
louis  (environ  cent  dix  ou  douze  mille  francs.)  Nous  ne  pouvons  le  féli- 
citer :  ces  Mémoires  ne  contiennent  rien  d'iutéressant.  Des  p.iges  entiè- 
res sont  consacrées  au  récit  des  prouesses  d'un  enfant  d'un  an  ,  fils  de 
l'auteur,  et  il  règne  dans  tout  l'ouvrage  une  afiectalion  de  bonhomie 
qui  va  jusqu'à  la  niaiseiie. 

108.  —  The  royal  Minstret,  or  the  fVifchcri'es  of  Endor.  —  Le  Mé- 
nestrel royal,  ou  les  Sorcrlleiies  d'Endor,  poème  épique  en  douze  livres: 
par  J.  F.  Pennie.  Seconde  édition.  Londres,  1822  ;  Pennock  et  Maunder. 
Un  vol.  in-'S"  de  442  pages. 

109.  —  llogwatd.  —  Rogwald  ,  poème  épique  en  douze  livres;  par  le 
même,  Londres,  1825  ;  Whittaker.  Un  vol.  ia-8"  de  568  pages. 

La  composition  de  deux  p()èmes  épiques  es»  assurément  un  grand  ti- 
tre à  la  célébrité,  surtout  lorsqu'ils  renferment,  comme  ceux-ci,  des 
beautés  lrès-remar;;;'îables.  M.  Pennie  n'a  pas  plus  de  trente  ans;  il  rem- 
T.  \'X. — Novembre  iHa"^.  2^ 


554  LIVRES  ETRANGERS. 

plit  sans  ambition  le  modeste  emploi  de  maître  d'école  de  village  à 
Lutworlh  ,  près  de  Warebam,  dans  le  Dorsetshire,  où  il  consacre  ses 
loisirs  à  la  poésie.  On  le  dit  doué  d'une  étonnante  facilité  de  versification, 
et  d'une  si  grande  déférence  pour  les  jugemens  d'autrui,  qu'il  n'hésite 
point  à  letrancher  des  passages  entiers  et  à  les  recomposer  de  nouveau, 
avec  autant  de  modestie  que  de  facilité.  Ses  pians  sont  bien  choisis  et 
bien  conduits  ;  ses  pensées  ,  lumineuses  et  poétiques  :  l'ensemble  de  ses 
conceptions  a  de  la  vigueur  et  du  mouveinent.Gcs  qualités  sont  trop  dis- 
tinguées, pour  qu'on  puisse  craindre  d'affliger  l'auteur,  en  faisant  la  part 
de  la  critique.  On  trouve  quelquefois  dans  sa  poésie  plus  que  du  désor- 
dre. Ses  images  manquent  de  naturel,  et  trop  souvent  il  cherche  à  imiter 
l'inimitable  Milton.  Ces  défauts  se  font  remarquer  surtout  dans  son 
poème  du  M  cneslret  royal ,  qui  réunit ,  du  reste,  les  conditions  exigées 
pour  la  fable  d'un  poème  épique.  L'action  est  une,  complète  et  grande. 
Elle  commence  au  moment  où  le  berger-roi  est  déclaré  l'oint  du  Sei- 
gneur, et  se  termine  à  son  avènement  au  trône  d'Israël.  Les  vicissitudes 
de  sa  vie,  la  lutte  des  puissances  de  l'enfer  soulevées  conire  lui,  les 
fureurs  de  Saiil ,  etc.,  forment  les  grands  traits  du  poème,  dans  lequel 
on  retrouve  souvent  l'inspiration  des  livres  saints.  L'amitié  touchante 
et  désintéressée  de  Jonalhas  pour  David,  le  beau  caractère  de  ce  prince 
et  son  triste  sort ,  la  noble  conduite  de  David  quand  son  persécuteur 
Saiil  tombe  en  sa  puissance,  le  remords  et  les  horreurs  qui  empoison- 
nent les  derniers  jours  du  malheureux  monarque,  les  lamentations  de* 
David  sut  la  chute  de  son  roi  et  de  son  ami ,  sont  autant  de  circonstan- 
ces dont  le  po ite  a  su  tirer  un  parti  étonnant.  — Dans  Roifwald  ,  la  scène 
se  passe  en  Angleterre,  à  l'époque  de  l'heptarcbie  saxonne.  Le  sujet, 
plus  romantique  qu'épique,  est  entièrement  d'invention,  et  semble  se 
rapprocher  des  délicieux  lomans  poétiques  de  sîr  Walter  Scott;  mais 
l'action,  bien  que  compliquée ,  est  néanmoins  insuBîsante.  Elle  n'est 
pas  dirigée,  dés  le  commencement,  vers  un  but  unique  et  déterminé; 
en  un  mot,  elle  n'a  point  les  caractères  de  l'épopée.  Ces  défauts  sont 
rachetés,  il  est  vrai,  par  un  intérêt  toujours  croissant,  par  des  incldens 
bien  amenés,  par  des  descriptions  charmantes  des  mœurs  du  tems,  et 
par  de  fort  beaux  vers.  Des  lecteurs  français  ne  pourront  que  s'éton- 
ner de  la  fécondité  peu  ordinaire  de  M.  l'ennie  ;  pour  comprendre  ce 
prodige,  il  faut  se  rappeler  que  la  versification  anglaise  est  beaucoup 
plus  facile  que  la  nôtre;  que,  soumise  a  moins  de  règles,  elle  laisse 
plus  de  liberté  à  l'imagination  ,  que  celle  dernière  faculté  est  très-géné- 
ralement cultivéo  en  Angleterre,  et  qu'en  général,  on  y  a  peut-être  l'es- 
prit plus  poétique. 


LIVRES  ETRANGERS.  555 

110.  — -Hélène  Gray ,  ou  La  Malédiction  de  la  jeune  fille  mourante, 
poème,  par  feu  ^rc/t Macleob.  Edimbourg,  iSaô,  Constable;  Londres, 
lîurst.  Brocbure  in-S"  de  4o  pages. 

Le  sujet  de  ce  poème  est  tiré  d'un  fait  rapporté  dans  l'histoire  de 
Cornouaille  ,  par  Polewliele,  comme  étant  arrivé  en  1780  ;  il  prrte  mer- 
veilleusement à  la  poésie,  et  il  est  raconté  d'une  manière  pleine  de 
■grâce.  L'auteur,  qui  s'est,  dit-on,  caché  sous  un  nom  supposé,  a  su 
garder  un  juste  milieu  entre  le  style  ambitieux,  les  fougueux  emporte- 
inens  des  sectateurs  de  lord  Byron,  et  la  trop  î^rande  simplicité  qu'af- 
fectenl  les  Poètes  du  Lac,  (On  nomme  ainsi  une  réunion  de  poètes  qui 
habitent  sur  les  bords  du  lac  de  Cumberland.  Wordsworth  est  à  la  tète 
de  cette  école  ,  qui  a  pour  principe  de  peindre  la  nature  telle  qu'elle 
est,  sans  ornement  et  sans  fard.  Ses  disciples  sont  tombés  dans  l'affec- 
tatioD,  à  force  de  chercher  la  bonhomie.  Ils  riment  le  cri  des  oiseaux, 
comme  Rousseau  a  tenté  de  rimer  en  français  le  croassement  de  la  gre- 
nouille; ils  répèlent  deux  ou  trois  fois  le  même  mot  dans  deux  vers; 
enfin,  ils  sont  parvenus  à  se  donner  quelquefois  une  physionomie  pres- 
que niaise,  qui  laisse  percer  néanmoins  des  éclairs  de  génie.)  L'auteur 
d'Hélène  Gray  ne  suit  les  traces  de  personne;  il  est  neuf,  ingénieux, 
brillant.  On  pourrait  lui  reprocher  trop  de  penchant  pour  les  tableaux 
mélancolique?;  mais  il  sait  leur  prêter  un  charme  qui  eu  adoucit  la 
tristesse.  Donner  l'analyse  d'un  poème  aussi  court,  et  dont  tout  le  mé- 
rite est  dans  l'expressiou  des  sentimens,  c'est  risquer  d'en  ôterla  fleur. 
Nous  nous  bornerons  donc  à  dire  que  cette  production  peut  être  rangée 
parmi  le  petit  nombre  de  celles  qui  enrichissent  la  littérature  moderne 
de  l'Angleterre. 

111.  —  The  King  ofthe  Peak.  —  Le  Roi  du  Pic ,  roman  ;  par  l'auteur 
du  Cavalier.  Londres,  1823  ;  Longman  et  Comp'.  Trois  vol.  în-12. 

Walter  Scott  fait  décidément  école  en  Angleterre  ;  tous  le^  roman- 
ciers se  jettent  dans  la  carrière  qu'il  a  ouverte.  Je  ne  sais  si  la  littérature 
anglaise  y  gagnera  beaucoup;  mais  je  conseillerais  du  moins  aux  imitateurs 
du  poète  écossais  de  le  copier  moins  servilement,  de  ne  pas  lui  emprun- 
ter des  caractères,  des  scènes  calquées  tout  entières  sur  celles  que  l'on 
trouve  dans  ses  romans.  L'imitation,  d'ailleurs,  est  toujours  froide  et 
fatigante. — La  donnée  principale  du  roman  que  nous  annonçons  se  re- 
trouve dans  une  tradition  du  Derbyshire  ,  qui  a  fourni  le  sujet  d'un 
poème  intitulé  :  Les  sept  Forestiers  de  Chattswortfi ,  publié  dernière- 
ment dans  un  ouvrage  périodique.  Il  s'agit  d'une  conspiration,  qu'on 
suppose  avoir  été,  sinon  fomentée,  du  moins  secrètement  favorisée, 
par  la  cour  d'Espagne,  pour  exciter  en  Angleterre  une  révulution,  à  la 


356  LIVRES  ETRANGERS. 

faveur  de  laquelle  on  espérait  déposer  la  reine  Elisabeth ,  et  couronner 
à  sa  place  le  comte  de  Derby.  Un  des  principaux  agens  de  celle  cons- 
piration est  Edouard  Stanley,  le  plus  jeune  des  Gis  du  comte,  soldat 
ambitieux,  propre  par  son  caractère  et  ses  habitudes  aux  entreprises 
hardies.  Les  intrigues  qui  se  lient  au  complot  tramé  contre  Elisabeth, 
forment  la  partie  sérieuse  et  politique  de  l'ouvrage.  Le  reste  se  compose 
de  scènes  d'amour  entre  sir  Thomas  Stanley  et  Marguerite  ,  et  d'appari- 
tions mystérieuses  d'un  jeune  étranger  don  ton  n'apprend  le  véritable  nom 
qu'à  la  fin  du  roman;  les  autres  personnages  sont  absolument  secon- 
daires. Le  style  est  inégal,  tantôt  exagéré,  tantôt  trivial,  ou  d'une  éner- 
gie qui  va  jusqu'à  la  grossièreté.  Cependant,  on  rencontre  dans  cet  ou- 
vrage quelques  indices  d'un  talent  qui  pourrait  se  développer  avanta- 
geusemcni,  si  l'auteur  voulait  être  lui-même,  et  ne  pas  chercher  dans 
d'autres  livres  ce  qu'il  doit  faire  dire  à  ses  personnages.     L.  Sw.  Belloc. 

112. — The  Quaterly  Heview,  n"  5-.  Londres,  septembre  1825 ;  Mur- 
ray.  Un  vol.  in-S",  de  282  pages  ;  prix,  6  schellings. 

Nous  avons  déjà  l'ait  plusieurs  mentions  de  ce  Recueil,  l'un  des  meil- 
leurs que  l'Angleterre  possède  en  ce  genre.  Il  fut  fondé,  en  opposition 
à  la  Eevue  d'Edimbourg  ,  qui  est  elle-même  un  excellent  ouvrage,  dont 
nous  ftarlerions  plus  souvent,  s''il  nous  était  plus  régulièrement  adressé;  et 
Jes  principes  de  ses  rédacteurs  sont,  en  politique,  entièrement  ministé- 
riels, c'est-à-dire,  conformes  à  ceux  du  gouvernement  anglais.  On  y 
trouve  souvent  d'excellens  articles  sur  la  littérature  ,  l'histoire ,  la  philo- 
sophie ,  l'économie  politique  ,  etc.  Mais  il  mérite  le  reproche  de  partia- 
lité ,  soit  qu'il  ait  à  parler  d'ouvrages  écrits  dans  les  principes  de  l'oppo- 
sition ,  soit  qu'il  s'occupe  des  pays  étrangers,  et  en  particulier  de  la 
France  et  des  Français.  Suivant  notre  usage,  nous  allons  donner  le  ré- 
sumé des  matières  contenues  dans  le  cahier  que  nous  avons  sous  les 
yeux.  On  y  lit  d'abord  avec  intérêt  un  article  sur  trois  voyages  entrepris 
pour  explorer  la  vallée  du  Mississipi ,  et  dont  les  relations  ont  été  pu- 
bliées aux  Etals-Unis.  L'article  suivant  porte  les  titres  de  plusieurs  nou- 
velles tragédies  françaises,  de  l'^«i/a  de  M.  Bis,  àe  Régulus  par  M. 
Arnault  lils ,  des  Machahccs  de  M.  Giraud  ,  et  des  tragédies  de  M. 
Soumet.  Cependant ,  il  renferme  à  peine  quelques  lignes  qui  aient  rap- 
port à  ces  ouvrages.  C'est  un  usage  trop  généralement  adopté  par  les 
critiques  anglais,  d'écrire  un  traité  complet,  lorsqu'ils  ne  paraissent  se 
proposer  que  de  faire  l'analyse  d'une  production  nouvelle.  Ainsi,  le  ré- 
dacteur du  OuaHcrly  Review  donne,  a  cette  occasion,  à  ses  lecteurs,  un 
précis  historique  sur  l'art  dramatique  en  France.  C'est  un  homme  versé 
dans  notre  littérature,  et  il  fait  preuve  d'érudition;  mais  nous  regret- 


LIVRES  ÉTRANGERS.  0^7 

tons  de  ne  pas  trouver  dans  son  écrit  un  autre  mérite  j  non  moins  in- 
dispensable au  critique,  celui  de  la  justice  et  de  l'inaparlialité.  Nous 
avons  été  étonnés  de  le  voir  ,  répétant  une  infâme  calomnie,  appeler 
notre  grand  poète  Chénier  (M.  J.)  le  meurtrier  juridique  de  son  fVf're. 
Ne  devait-il  pas  le  compter  au  nombre  des  auteurs  tragiques  dont  la 
France  s'honore?  Nous  croyons  encore  devoir  en  appeler  de  ses  juge- 
mtns,  lorsqu'il  dit  «que  l'imagination  et  l'invention  ne  sont  pas  des  qua- 
lités dominantes  chez  les  Français;  «lorsqu'il  les  accuse  de  manquer 
«d'un  goût  sûr  et  varié;  «lorsqu'il  prononce  enfin,  que»  la  tragédie  dans 
son  sens  le  plus  étendu  et  le  plus  relevé  ,  est  au-dessus  de  l'intelligence 
française.  «Les  articles  suivans  sont  consacrés  à  l'analyse  de  l'histoire  de 
la  guerre  d'Espagne  (Peninsutar  fVar),  par  Robert  Southey  ,  l'un  des 
hommes  qui  connaissent  le  mieux  ce  pays,  sa  langue,  sa  littérature  et 
son  histoire  ;  de  l'essai  historique  et  lopographique  sur  les  îles  Ionien- 
nes de  M.  W.  Goodisson;  des  notes  sur  les  mœurs  des  talars  de  la.  Cri- 
mée, ouvrage  curieux,  de  M™<^  Holdcrness  ;  d'un  ouvrage  de  géologie, 
Reliquiœ^  diiiivianœ ,  de  M.  Buckland ,  accueilli  avec  une  grande  fa- 
veur en  Angleterre;  enfin,  trois  autres  ouvrages,  un  traité  d'écono- 
mie politique,  par  M.  Th.  Tooke,  une  réimpression  de  l'histoire  de  l'e'- 
vèque  Buruct,  due  à  la  célèbre  imprimerie  de  Clarendon  à  Oxford,  et 
la  visite  en  Espagne  de  M.  Quin ,  dont  la  Ucvue  a  rendu  compte ,  occu- 
pent le  reste  du  volume.  On  y  a  joint,  comme  à  l'ordinaire,  un  bulle- 
tin iudiquant  seulement  les  titres  de  plusieurs  ouvrages  récemment  pu- 
bliés. Cet  ensemble,  comme  on  voit,  est  assez  intéressant  ;  et  cependant, 
nous  pensons  qu'on  pourrait  rcprochei  aux  rédacteurs  du  Ouarierly  Re- 
vicw  de  s'occuper  trop  exclusivement  de  voyages  ou  de  productions  re- 
latives à  l'histoire.  A.  J. 
RUSSIE. 

ii5.  —  L' Etoile  folaire ,  ou  Almanach  des  amateurs  de  la  littérature 
russe,  pour  iSaS,  publié  par  ^,  Bestougkf  et  Rileïkf.  Saint-Pétersbourg, 
1823;  de  l'imprimerie  de  Gretch.  Un  vol.  in-i6,  de  594  pages;  prix  , 
10  roubles. 

Ce  nouveau  recueil,  qui  peut  être  rangé  parmi  les  ouvrages  périodi- 
ques, puisque  les  deux  éditeurs,  qui  sont  des  littérateurs  distingués,  pro- 
mettent de  le  faire  paraître  régulièrement,  chaque  année,  contient 
douze  morceaux  en  prose,  de  sept  auteurs  différeiis,  et  cinquante-trois 
pièces  de  vers,  de  vingt  poètes.  Ces  derniers  se  recommandent ,  en  gé- 
néral, par  un  excellent  choix,  un  style  pur,  une  versification  facile.  La 
première  partie  contient  des  morceaux  en  prose  de  M.  Bes'.ougcf,  l'ua 


558  LIVRES  ETRANGERS. 

des  éditeurs;  de  MM.  Boulgarin,  Th.  Gliuka  ,  Gretch  ,  Kornilovilcli  , 
Stnkovsky  el  Soiuof ;  el  la  seconde,  des  pièces  de  vers  de  MM.  Aba- 
dovsky,  Baralynsky  ,  Voeïkof,  Th.  Glinka  .  Gnéditch  ,  Davidol',  Jou- 
kovsky,  Isniaïlof,  Krilof,  Labanof ,  0^lolopof,  Pimaef,  Pletnécf,  Pous- 
chkin,  Rileïer(run  des  éditeurs^  Toumansky,  un  anonyme,  et  du  priiue 
Viazcmsky,  du  baron  Delvigue  el  du  comte  Khvastof.  L'exécution  ly- 
pograpliique  de  cet  ouvrage,  qui  est  orné  de  jolies  gravures,  pourrait  être 
plus  soignée.  Les  éditeurs  promettent,  sous  ce  rapport,  pour  l'année 
prochaine  ,  une  amélioration  qui  rendra  ce  recueil  encore  plus  at- 
trayant. 

1 14.  — Siippiémens  littéraires  au  Fils  de  la  Patrie;  bibliothèque  de 
lecture,  com|>osée  de  contes,  d'anecdotes  el  d'autres  productions  de  la 
litiéralure,  rédigée  par  M.  N.  Gbetch.  Première  année  (iSa?),  T.  IV, 
Vit  VI.  Deuxième  année  (1820),  T.  VU,  VIII,  IX.  Saint-Pétersbourg, 
imprimerie  de  Gretch.  In-8°.  Pris  de  l'abonnement  pour  26  livraisons 
(il  en  parait  une  tous  les  quinze  jours);  17  roubles  5o  kopecks. 

En  annonçant  (Tom.  XVI,  pages  200  et  Say)  les  trois  premiers  volu- 
mes de  cet  ouvrage  périodique  ,  c'est  par  erreur  que  nous  avons  dési- 
gné M.  Joukovsky  au  nombre  de  ses  éditeurs.  Ces  supplémens  sont 
rédigés  par  M.  K.  Gretch  ,  éditeur  du  FUs  de  la  Patrie  ;  M.  Joukovsky, 
ainsi  que  d'autres  littérateurs,  tels  que  MM.  Th.  Glinka,  Besiongef,  etc., 
y  font  seulement  insérer  detems  en  tems  quelques  articles. — On  trouve, 
dans  ce  recueil,  un  grimd  nombre  de  morceaux  curieux  cl  intéressans, 
soit  originaux,  soit  traduits  des  diverses  langues  de  l'Europe. 

S.  P— ï. 

SUÈDE. 

11 5. — Marie  et  Julie  ,  ou  Etrennes  aux  jeunes  demoiselles  qui  étu- 
dient la  langue  française  ;  pour  servir  à  leur  instruction,  et  à  leur  avan- 
cement; par  L.  Paban.   Stockholm,  iSaô;  brochure  dt-  76  pages. 

L'auleur  de  cette  brochure  française,  imprimée  à  Stockholm,  s'est  dis-, 
tingué  ,  pendant  son  long  séjour  en  Suéde,  en  enseignant  bien  la  langue 
Irançaise,  et  parait,  dans  ce  petit  ouvrage,  avoir  dirigé  ses  dernières  for- 
ces (il  était  alors  mourant)  vers  le  but  de  son  âge  mûr,  l'instruction  de 
}a  jeunesse.  Nous  aç  pouvons  donc  pas  aunoucer  ce  petit  roman,  comme 
une  production  remarquable  de  l'imagination ,  quoique  l'auteur  ait  su 
amener  trés-adroitement  un  songe  qui  prouve  sa  gratitude  envers  la  fa- 
mille du  roi  actuel  de  Suède.  M.  L.  Pabau  n'avait  pas  besoin  de  celle 
production  littéraire  pour  rendre  sa  mémoire  chère  aux  amis  de  l'huma- 


LIVRES  ETRANGERS.  55() 

nité,  ayant  été  le  premier  l'ondalcur  de  la  Société  des  amis  des  nécessi- 
teux, qui  existe  encore  à  Stockiiolm. 

DANEMARCK. 

1 16.  —  Dcr  Europaeischc  Bund. — L'alliance  européenne,  par  le  dm- 
teur  C.  F.  Schmidt-  Phisei.dek.  Copenli.igue  ,  1821.  xxiv  et  356  pages  , 
in-y°. 

JXous  avons  eu  déjà  l'occasion  d'annoncer  un  autre  ouvrage  du  môme 
auteur  (Voy.  Tom.  VII,  pag.  5^0),  et  nous  répétons  aujourd'hui  ce  que 
nous  avons  dit  alors,  que  M.  Sclimidt  Phiseldek  est  un  penseur  profond. 
Nous  ajoutons  qu'il  professe  des  doctrines  noblement  libérales  ,  quoi- 
qu'il les  énonce  avec  beaucoup  de  circonspection.  Nous  sommes  loin  de 
lui  faire  un  reproche  de  sa  timidité  ;  car  nous  vivons  dans  un  tems  où  la 
prudence  est  devenue  plus  que  jamais  nécessaire.  L'auteur  croit  prévoir 
une  époque  plus  ou  moins  éloignée  ,  où  ,  par  la  seule  force  irrésislible  de 
la  raison  et  des  lumières,  le  gouvernement  constitutionnel  sera  intro- 
duit dans  tous  les  états  de  l'Europe.  Il  en  résultera,  selon  lui,  nécessaire- 
ment un  premier  et  très-grand  bienfait  pour  l'humanité,  celui  de  l'abo- 
lition des  armées  permanentes;  parce  que,  dit-il,  du  moment  où  une 
armée  nationale  sera  composée  de  cilojens  qui  ont  d'autre^  intérêts  que 
ceux  de  gagner  une  chétive  solde  ,  et  d'autre  espoir  que  celui  du  buliii  ^ 
chaque  soldat,  avant  de  s'embarquer  avec  ardeur  dans  une  guerre  pro- 
jetée par  son  gouvernement,  en  examinera  froidement  la  justice  et  la 
nécessité,  de  manière  à  forcer  le  monarque  et  son  conseil  à  réfléchir  plus 
mûrement  que  d'usage  sur  une  entreprise  hasardeuse,  qui  pourrait  en- 
traîner la  ruine  de  l'élit  et  d'autres  malheurs  incalculables.  Le  pian  de 
l'auteur  est  beaucoup  plus  vaste  ;  il  embrasse  une  foule  d'auires  idées  qui 
lui  paraissent  devoir  exercer  avec  le  tems  une  influence  bienfaisante. 
C'est  ainsi  qu'il  croit  que  tous  les  états  de  l'Europe  consentiront  à  former 
un  jour  une  grande  confédération  ,  à  l'instar  de  celle  qui  existe  dans  l'A- 
mérique septentrionale,  ou  plutôt  entre  les  membres  du  corps  germani- 
que (1);  il  veut  que  cette  confédération  soit  dirigée  par  une  sorte  de 
congrès  suprême ,  où  chaque  état  aura  son  député  ,  et  que  ce  sénat  soit 

(1)  Voy.,  ilans  le  RecwU  des  pièces  officielles  puhliê  pur  Schcell ,  T.  IX,  le 
mémoire  intitule  :  La  Conservateur  de  l'ilurope,  qui  contit-nl  le  plan  d'une  grande 
fédération  européenne,  propre  à  garanfiv  ta  paix  générale,  ;':  consolider  les  trÔDes, 
à  protéger  les  peuples,  à  favoriser  le  b'iire  et  entier  développcisirnl  des  élémers  ùc 
la  prospérité  publique. 


36o  LIVRES  ETRANGERS. 

investi  du  droit  de  prononcer  sans  appel  dans  toutes  les  cause»  litigieu- 
ses, qui  pourraient  s'élever  entre  quelques-uns  des  co-éfals,  et  du  pou- 
voir nécessaire  ainsi  qu'une  force  suffisante  pour  mettre  à  exécution  ses 
décisions  souveraines,  ^ous  craignons  beaucoup  que  les  idées  de  notie 
auteur  soient  seulement  les  rêves  d'un  homme  de  bien;  nous  croyons 
même  que  les  gouverncmens  constitutionnels,  tel»  qu'ils  existent  au- 
jourd'hui ,  sont  peu  disposés  à  les  réaliser.  Mais  nous  gardons  sur  ce 
sujet  un  silence  commandé  par  la  nature  même  cie  la  licvue  Encyclapé- 
dique ,  étrangère  ,  comme  l'on  sait ,  aux  discussions  concernant  la  politi- 
que spéciale  qui  peuvent  diviser  les  esprits,  réveiller  les  passions,  et 
changer  un  sanctuaire  consacré  aux  sciences  et  aux  arts,  en  une  soi  te 
d'arène  ouverte  aux  débats  politiques. 

1 1-. — Die  Poiitik  nach  den  Grundsaetzcn,  etc. — La  Politique  d'après 
les  principes' de  la  Sainte-Alliance  ;  par  le  même.  Copenhague,  1822. 
XVI  et  5i8  pages,  in-8". 

Cet  ouvrage  peut  être  considéré  comme  la  suite  du  précédent.  L'au- 
teur a  pris  pour  texte  cette  fameuse  alliance  qui  a  été  sanctifiée  par  son 
acte  de  naissance,  en  attendant  qu'elle  le  soit  par  son  éducation.  Nous 
croyons  cette  expression  d'autant  plus  juste ,  qu'il  est  hors  de  doute  que 
tous  les  traités  ,  les  conventions,  les  alliances,  renferment  dans  leur  sein, 
comme  les  enfans  nouveau  -  nés,  des  germes  ,  dont  le  développement, 
soit  pour  le  bien ,  soif  |)our  le  mal ,  dépend  d'une  foule  de  circonstances, 
quelquefois  habilement  prévues,  mais  plus  souvent  fortuites.  Nous  ne 
révoquons  pas  en  doute  les  intentions  bienveillantes  des  augustes  signa- 
taires de  cette  alliance;  mais  le  tems  seul  pourra  prononcer  jusqu'à  quel 
point  leurs  magnanimes  promesses  auront  été  réalisées.  Après  avoir  en- 
visagé cet  acte  sous  le  rapport  de  sa  forme,  l'auteur  cherche  à  deviner  et 
à  prédire  quelle  sera  son  InQuence  sur  le  caractère  des  différens  peuples 
de  l'Europe,  sur  l'éducation  d';  la  jeunesse,  sur  la  religion  et  le  clergé, 
sur  l'administration  intérieure  des  états,  dans  toutes  ses  branches,  sur 
la  classification  des  citoyens  et  la  différence  des  rangs  entre  eux;  enfin  , 
sur  les  relations  extérieures  de  chaque  état  avec  ses  co-états,  ou  sur  la 
diplomatie.  Nous  n'osons  pas  affirmer  que  partout  l'auteur  ail  deviné  au 
juste  les  intentions  et  les  désirs  des  augustes  signataires  de  l'acte  en  ques- 
tion; nous  craignons  même  qu'il  les  ait  un  peu  outrepassés,  surtout  en 
ce  qui  concerne  l'éducation  de  la  jeunesse,  la  religion  et  le  clergé;  mais 
nous  désirons  ardemment  que  le  commentaire  de  autre  auteur  soit  ap- 
prouvé par  les  hommes  d'état  qui  influent  sur  les  destinées  des  peuples. 
Nous  ne  dissimulerons  pas  que  nous  avons  trouvé,  dans  cet  ouvraije, 
jfjnsi  que  dans  le  précédent ,  quelques  idées  que  nous  ne  saurions  adop» 


LIVRES  ÉTRANGERS.  5th 

ter.  Mous  n'en  ferons  pas  un  reprorhe  à  l'auteur;  car  si,  à  quelques 
égards,  son  opinion  est  erronée,  il  partage  cette  erreur  avec  une  foule 
d'hommes  Irès-éclairés,  et  dont  la  noblesse  des  sentinacns  n'est  nulle- 
ment douteuse.  Mais,  puisqu'il  faut  loujoiirs  faire  la  part  de  la  critique  , 
nous  observerons  que  le  style  de  l'auteur  est  souvent  un  peu  obscur;  que 
plusieurs  de  ses  périodes  sont  trop  longues  et  fatigantes,  et  qu'on  ren- 
contre ,  presqu'a  chaque  page,  des  phrases  laborieusement  enlortillées. 
£n  effet,  ce  ne  sont  là  que  de  petits  défauts  ;  mais  nous  croyons  que  l'au- 
teur aurait  pu  et  dû  les  éviter,  surtout  puisqu'il  avait  de  si  bonnes  cho- 
ses à  dire.  Heibbrc. 

iiS.—Prolusiones  et  opuscula  A cademica.  —Opuscules  académi- 
ques, par  M.  Birgcrus  Thoblacics  ,  conseiller-d'étal,  etc.  Copenhague, 
1S22.  In-S". 

Ce  n'est  pas  U  première  fois  que  nous  avons  mie  sous  les  yeux  de  nos 
lecteurs  les  travaux  de  M.  Thoriacius  ,  l'un  des  plus  illustres  savans  dont 
s'honore  la  littérature  du  Nord.  Aujourd'hui,  nous  leur  ferons  connaître 
sommairement  le  cinquième  volume  d'une  collection  du  plus  haut  inté- 
rêt pour  la  philologie.  Le  premier  des  traités  de  ce  volume  porte  un  ti- 
tre piquant  :  Doctrina  chrisUana  ,  qualcm  lihn  sihyUini  exhibent.  — 
De  la  doctrine  chrétienne ,  telle  qu'elle  est  frésenléc  dans  les  livres  si- 
iyllins.  M.  Thoriacius  revendique  pour  eux  l'honneur  d'avoir  été  l'une 
des  sources  de  nos  dogmes.  On  ne  peut  que  renvoyer  à  la  Dissertation 
pour  les  développeraens  de  cette  assertion  ,  appuyée  de  nombreuses  ci- 
tations par  lesquelles  on  prouve  que  l'unité,   l'élernilé  de  Dieu  et  son 
omniscience  étaient  connus  des  auteurs  des  oracles.  Nous  revenons  à  des 
choses  qui  sont  du  domaine  de  la  philologie.  Dans  son  second  traité,  M. 
Thoriacius  examine  quelle  était,  au  xii=  siècle,  la  connaissance  des  let- 
tres grecques  et  latines  :  pour  y  parvenir,  il  s'attache  à  la  vie  et  aux  ou- 
vrages de  Jean  de  Salisbéry,  ami  du  célèbre  Thomas  Becket,  et  disciple 
d'Abcïiard,  qu'il  vint  entendre  à  Parb,  en  iiô;.  Jean  de  Salisbéry  se 
distingua  dans  tous  les  genres  d'études;  il  jouit  d'un  grand  crédit  près 
des  papes  Eugène  III ,  Adrien  IV,  et  Alexandre  III  ;  et  quand  Thomas 
Becket  eut  été  exilé,  il  partagea  son  sort,  et  supporta  patiemment  un 
exil  de  sept  ans ,  après  lequel  il  ne  craignit  pas  de  s'associer  encore  au 
turbulent  archtvêque,  et  reçut,  en  le  couvrant  de  sou  corps,  une  dan- 
gereuse blessure.  Je;;n  de  Salisbéry  revint  en  Fiance,  y  fut  évêque,  et 
mourut  en  1  .82    II  était  en  tout  fort  au-dessus  de  son  siècle.  M.  Thoria- 
cius montre  combien  était  grande  la  connaissance  que  ce  savant  prélat 
avait  acquise  des  auteurs  de  la  Grèce  et  de  Rome  ;  il  prouve  ensuite  que, 
dans  ce  tems ,  on  possédait  encore  bien  des  trésors,  tombés  depuis  dans 


362  LIVRES  ÉTRANGERS. 

l'oubli.  Nous  allons  en  fournir  un  aperçu  ,  d'après  les  ouvrages  elles  dans 
les  écrits  rie  Jean  de  Salisbéry  :  i  »  un  Trnilé  de  Catoa  sur  l'art  mililaire; 
2"  un  traire  de  Varron,  intitule  :  Rei-um  humanarum  antiquitales ,  en 
25  livres;  5»  un  autre  ouvr.ige  de  Varrou  ;  Reriun  diviiiarum  antiqui- 
lates,  en  i6  livres,  adressé  à  Caïus  César,  souverain  pontife  :  celui-ci  e»l 
cité  par  Lactance,  et  tous  deux  le  sont  par  Saint  Augustin  ;  4°  Lihri  na- 
vales ;  5»  la  Satyre  Menippée  ;  6^  un  Traité  de  .4naiogid  de  Jules  César  ; 
ç°  la  République  de  Cicëron,  citée  aussi  par  Gerbert  au  x-  siècle  ;  S"  Hy- 

<}i7ius  de  vitâ  rciusque  virorum  Uiustrium 11  parjît  que  plusieurs 

ouvrages  grec»,  que  nous  ne  reverrons  plu»  ,  étaient  aussi  connus  alors: 
c'est  ainsi  qu'on  retrouve  la  mention  des  questions  de  table  d'Ari^tote  , 
du  Traité  de  la  richesse  de  Théophraste,  du  Traité  sur  le  Mariage,  par 
le  même,  de  l'Histoire  de  Tbéopompe,  du  Traité  du  gouvernement  et 
des  choses  mémorables  de  Plutarque.  M.  Thorlacius  transcrit  la  tra- 
duction latine,  que  nous  a  transmise  Jean  de  Salisbéry,  d'un  passage  de 
Théophraste  sur  le  mariage;  c'est  une  assez  plaisante  diatribe  contre  les 
femmes....  Parmi  les  autres  parties  de  ce  volume,  nous  avons  remarqué 
une  dissertation  intéressante  :  De  Carminihua  niytltico-historicis  Eddœ 
scmundinœ-;  ce  qui  est  très-important  pour  la  mythologie  du  Nord.  L'ex- 
plication d'une  lame  d'argent,  chargée  d'une  inscription  grecque,  et 
celle  de  quelques  pierres  gemmes,  feront  plaisir  à  tous  les  antiquaires. 
M.  Thorlacius  acquiert  tous  les  jours  de  nouveaux  titres  à  l'estime  des 
«3 vans.  />/t.  GuLBtEv. 

ALLEMAGNE. 

1 19.  —  Reise  durch  Schwedcn ,  Norwegen,  Lappland,  etc. — Vova"C 
en  Suède,  en  Norvège,  en  Laponie ,  en  Finlande,  pendant  les  années 
i8j7,  1818  et  1820,  par  W.  Schibebt;  Leipsig,  182Ô.  In-8». 

Ce  voyage  est  l'œuvre  d'un  homme  versé  dans  la  connaissance  des  lan- 
gues de  tous  les  pays  qu'il  a  parcourus,  d'un  homme  initié  aux  sciences, 
<"t  que  les  gouvernemens  comme  los  particuliers  se  sont  empressés  de 
seconder.  M.  Schubert,  qui  est  professeur  à  Grcifswalde  ,  s'est  plus  par- 
ticulièrement appliqué  à  ce  qui  concerne  l'instruction  publique  et  l'état 
ecclésiastique;  mais  il  a  embrassé  dans  son  plan  les  observations  qu'il  a  fai- 
tes sur  les  hommes  ,  sur  le  climat,  sur  les  produits  territoriaux.  Les  anti- 
quités, les  usages,  l'agriculture  cl  les  sciences  naturelles  ne  lui  sont  pas 
non  plus  étrangers.  L'auteur  s'est  arrêté  assez  de  tems  dans  chaque  \  illc 
pour  en  parler  sciemmfnt.  Voici  la  division  de  ce  pieinl.r  volume  :  i  "  Voya- 
ge de  Slralsund  au  portd'Ystadt,  encore  inconnu  dans  les  ouvrages  de  géo- 
graphie publiés  en  France,  quoiqu'il  paraisse  destiné  à  devenir  un  petit 


LIVRES  ETRANGERS.         -  SGd 

Calais  ou  un  petit  Douvres  ;  observations  sur  la  manière  dont  on  voyage 
en  Suède.  2°  Voyage  à  Lund,  siège  épisropal  de  Dalby,   ëglise  souteT<- 
raine.  ô"  De  la  ville  et  de  l'université  de  Lund  et  du  système  universi- 
taire en  Suéde.  4"  Voyage  à  Cbristianstadt.  5°  De  l'administration  et  <J6 
la  justice  dans  les  provinces  suédoi^^es.  6»  Voyage  à  Cariscron;  de  B\c- 
Kingen   et   de  ses  habitans;   état  militaire  de  la  Suède;   antiquités  de 
Kobby.  JVotice  sur  l'amiral  Cbapmen,  le  plus  habile  constructeur  de  vais- 
seaux de  l'Europe,  sous  Gustave  III;  vallée  des  Rossignols,  près  la  mer 
Baltique.  7"  Cariscron,  description  de  ce  que  cette  ville  offre  de  remar- 
quable; Moraves,  Juift,  leur  état  en  Suède.  8°  Voyage  à  Calmar;    Tu- 
inuii  (éminences  en  terres  rapportées).  9°  ville  de  Calmar;  son  gymoase 
et  sa  bibliothèque;   îles  d'Œland  et  Golbiand.    10°  Route  de  Linl;œp- 
ping  ;  Ostgolhs.  1 1"  Du  peintre  d'église  Hœiberg;  des  eaux  salutaires  de 
Medevi.  ia°  Route  de  Stockholm.  i5"  Description  do  cette  capitale»  1^° 
Voyagea  Upsal  ;  de  l'ancienne  Sigtuna.  15"  Description  d'Upsal  «îl  de 
ses  environs.  Cette  ville  a  deux  librairies  et  une  bibliothèque  à  l'uijiver- 
sité  ;  elle  a   de   plus  une  imprimerie.    Des  cartes  et  des  de:<sin.}  sont 
joints  à  cet  intéressant  volume,  qui  sera  bientôt  suivi  de  celui  qui  traite 
du  Danemarck.  On  l'attend  avec  impatience  ,  car  on  sait  que  l'auiteur  a 
fait  dans  ce  pays  des  remarques  tout  a  fait  neuves. 

120.  —  Indicis  Codicum  et  editionum  juris  Justinianei  prodromus 
cura  D.  JuanL.  G.  Beck.  Leipsig ,  182/».  In-S". 

M.  Beck  a  pris  part  aux  travaux  de  M.  Hugo,  relativement  au  droit 
antérieur  à  Justinien.  A  peine  avait-il  terminé  celte  tâche,  que  trois  des 
plus  célèbres  juiisconsultcs  de  l'Allemagne,  MM.  Cramer ,  ïlaubold  et 
de  Savigny  ,  lui  contièrent  l'achèvement  de  leurs  collections  ^ur  la  lé- 
gislation de  cet  empereur.  M.  Beck  commence  par  le  Prodromus  d'un 
index;  il  espère  que  les  savaus,  préposés  à  la  garde  des  grandes  biblio- 
thèques, contribueront  à  compléter  cet  index,  en  lui  fournissant  des 
indications,  sans  lesquelles  un  seul  homme  ne  pourrait  tout  réunir.  Il 
prépare  une  table  alphabétique,  par  noms  de  pays  et  de  villes,  des 
manuscrits  de  parties  séparées  du  Corpus  juris ,  une  des'ription  de  ces 
manuscrits  ou  des  édhions  sine  loco  et  anno.  Sans  doute,  on  s'empressera 
de  répondre  à  cet  appel  d'un  savant  recommandablc. 

121.  —  Gescliichte  dcr  Eidechsen  Gesellschaft  in  Preussen.  — Histoire 
lie  \i  Société  des  Lézards,  eaViusse;  par /e«ra  Voigt.  Kœnisberg,  1S25. 

L'auteur  avait  déjà  donné  au  public  un  essai  sur  le  même  sujet,  sous 
ce  titre  latin  :  De  Lacertarum  Societate;  c'est  l'ouvrage  approfondi 
auquel  il  travaillait  alors  qu'il  publie  aujourd'hui.  Il  commence  par  un 
aperçu  sur  les  sociétés  chevaleresques  en  général;  puis,  il  passe  à  la 


^64  LIVRES  ETRANGERS. 

fondation  de  celle  des  Lézards,  le  21  septembre  1397.  Celte  association 
est  l'ouvrage  de  quatre  chevaliers  des  environs  deEeden,  dans  la  Prusse 
oru-nlaie.  Dans  le  principe  de  son  institution  ,  elle  était  particulièrement 
dirigée  contre  le  grand-maître  Henri  de  Plaunen.  M.  Voigt  examine 
quelle  fut,  de  i44o  à  i455,  l'influence  de  la  Société  des  Lézards  contre 
l'ordre  teulonique ,  tant  en  Pologne  qu'à  la  cour  de  l'empereur.  La  se- 
conde partie  est  composée  d'appendices  et  de  documens  fort  intéres- 
sons, la  plupart  relatifs  à  l'ordre  teutoniqiie. 

122.  —Deufsch  Hetraisches  IVôrterhuch.  —  Dictionnaire  hébraïque- 
allemand,  par  Elwebt.  Tome  II  (M— Z).  Lcipsig,   1822. 

C'est  le  premier  dictionnaire  qui ,  sans  intermédiaire,  facilite  aux  Al- 
lemands la  connaissance  de  l'hébreu.  L'auteur  a  parfaitement  exécuté 
son  plan.  L'impression  de  l'ouvrage  est  très-coirectc ,  chose  essentielle 
dans  un  pareil  livre,  où  la  moindre  faute  pei^t  égarer.  Le  premier  vo- 
lume (qui  avait  paru  il  y  a  quelque  tems)  n'était  pas  exempt  de  repro- 
chcs  à  cet  égard.  M.  Elwert  avait  annoncé  un  traité  particulier  sur  les 
noms  propres;  il  s'est  déterminé  à  le  réunir  à  son  dictionnaire.  On  y 
trouve  d'utiles  explications  sur  le  sens  de  la  plupart  de  ces  noms  ;  00 
rencontre  aussi  d'intéressantes  excursions  archéologiques  ,  par  exemple  , 
sur  leTalmud,  sur  les  sacrifices  expiatoires,  etc.  Mais,  l'auteur  n'a 
pas  toujours  été  entièrement  exact  dans  le  sens  qu'il  donne  aux  mots; 
il  n'a  pas  complètement  recueilli  toutes  les  expressions  qui  pouvaient 
être  utiles  aux  Israélites.  On  pense  que  le  succès  de  ce  livre  rendra 
bientôt  nécessaire  une  seconde  édition,  et  qu'à  cette  occasion  ,  rien  ne 
sera  négligé  pour  perfectionner  ce  premier  travail. 

123.  —  Bhagavad-çjUa,  id  est  tlierpcsion  metos ,  sive  Krishnnœ  et 
Arjounœ  colioquium.  de  rcbus  divinis  ,  etc.  —  Le  Bhagavad-gîta  ,  c'est- 
à-dire,  le  Chant  divin  ,  ou  le  Diali>gue  de  Krishuna  et  d'Arjouna  sur  la 
religion,  épisode  du  poème  épique  le  37 £Î/»a6/idra<(i,  contenant  le  texte 
samskrit ,  une  version  latine  et  des  notes  critiques  ;  par  Aug.  Guiil.  de 
ScHLECEL.  Bonn,  1820;  Weber.  In-S»  de  plus  de  200  pages ,  dont  96 
en  samskrit.  De  l'imprimerie  royale  rhénane  du  roi  de  Prusse. 

124.  — Miscellanea  tnaximam  purlern  crltica,  —  Mélanges  critiques  , 
parFaiEnEMANN  et  Sebbode.  ïom.  1,  4^  partie.  Ilildesheim,  i823.  In-8». 

Nous  avons  déjà  parlé  de  cet  estimable  recueil ,  à  la  tête  duquel  figu- 
pent  les  philologues  que  la  renummée  proclame  comme  les  plus  habiles. 
Ce  quatrième  cahier  a  souffert  de  longs  relards,  et  l'en  espère  qu'à  l'a- 
venir le  public  n'en  éprouveia  plus  de  semblables,  d'après  l'assurance 
que  donnent  les  auteurs.  M.  Louis  Heeren  ouvre  le  cahier  qui  vient  de 
paraître  par  un  article  sur  les  chaurs  des  tragiques  grecs,  considérés  sous 


LIVRES  ÉTRANGERS.  365 

le  rapport  de  leur  composition;  il  les  a  classés  dans   un  certain  ordre, 
et  a  comparé  ci-ux  des  différens  auteurs  :  aussi,  quoique,  depuis  4o  ans, 
la  question  des  chœurs  grec»  soit  à  peu  près  épuisée  ,  il  a  trouvé  le  moyen 
de  la  rendre  encore  intéressante.  On  lit  ensuite  une  dissertation  de  M. 
Lobeck,  De  Tritopatribus.    L'auteur  y  soutient  que,  sous  le  nom  de 
Tritopalres,  on  désignait  les  dieux  mânes.  Il  s'élève  contre  les  étymo- 
logies  indiennes  ,  et  généralement  contre  ceux  qui  font  venir  de  l'Inde 
les  fables  de  la  mythologie  grecque.  Des  variantes,  tirées  d'un  manus- 
crit de  Copenhague,  par  M.  Bloch,  pour  VHccuhc,  les  P hcnicicnnsi  et 
VOresle  d'Euripide  ,  succèdent  à  ce  morceau ,  et  elles  sont  elles-mêmes 
suivies  d'autres  variantes  recueillies  par  M.    Roelher,  professeur  à  Hei- 
delberg,  pour  les  écrits  du  sophiste  Libanius.  M.  Crcutzcr,  dont  le  nom 
se  mêle  à  tant  de  travaux  utiles  et  importans,  a  encouragé  son  élève 
dans  le  dessein  qu'il  a  formé  de  nous  donner  une  édition  de  Libanius; 
et  ce  premier  essai  est  un  appel  aux  savaus  qui  pourraient  posséder  des 
matériaux  ou  seconder  l'éditeur.    On  remarque  une  autre  colleclion  de 
variantes,  puisées  dans  le  Quiutilien  de  M.  Lumairc  ,  par  le  docteur 
Klein.  Enfin,  M.  Seebode  en  a  cherché ,  dans  un  manuscrit  de  Wolfen- 
biittel,  pourNonnius  Marcellus.   Après  tant  de  variantes  utiles  pour  la 
philologie,  mais  arides  pour  le  lecteur,  on  revoit  avec  plaisir  un  traité 
de  M.  Malhiœ  sur  quelques  passages  de  VOratcur  de  Cicéron,   et  des 
observations  de  M.  Bolhe  sur  Quinte-Gurce.    M.  Guillaume  Munich  a 
donné  une  Notice  des  manuscrits  de  (a  biUiolUcquc  de  Cracovle.  C'est 
le  même  qui  a  publié  une  Histoire  de  la  liltàrature  en  Pologne  (  elle 
forme  le  lô^  volume  de  1  Histoire  générale  de  la  littérature  d'Eichoru)  : 
ta  bibliothèque  de  Cracovie  possède ,  sur  le  droit  romain  ,  des  manuscrits 
très-précieux.  M.  Oiann  communique  de  nouvelles  leçons  pour  Ando- 
cide;  M.  Reiz  conteste  à  Burmanii  la  faculté  de  juger  de  la  doctrine  de 
Eenllcysurles  vers  de  Térence;  M.  AIdyvardt  prétend  que  jusqu'ici  tous 
les  chœurs  des  tragiques  et  des  comiques  ont  été  mal  distribués  dans  lis 
éditions.   Noua  avons  encore  remarqué  les  morceaux  suivans  :  Inscriplio 
latina  Romœ  nuper  détecta.   M.  Thorlacius ,  de  Copenhague ,  a  fourni 
ce  morceau,  qui  se  distingue  ,  comme  tout  ce  qu'il  écrit ,  par  une  grande 
sagacité  de  critique  et  par  une  vaste  érudition.  L'inscription   qu'il  dis- 
cute est  rapportée  par  lui  au  commencement  du  v«  siècle.  —  De  vcrsiéus 
quihusdam   Horatianis.   M.    Eichsfacdt   attaque   une  ode  d'Horace  , 
dont  il  vent  qu'une  strophe  ait  été  forgée  avec  des  vers  pris  ailleurs  au 
même  poète.    JN'ous  n^t  pouvons  citer  tous  les  morceaux  de  ce  cahier, 
qui  est  pourvu  d'index  philologiques  dis  mots  grecs  et  latins  renfermés 
dans  le  volume  dont  il  fait  la  clùlure.  Toutes  les  dissertations  qui  com- 


363  LIVRES  ÉTRA^^GERS. 

posent  ce  rec.eil  étant  écrite.,  en  latin  ,  elles  conviennent  aux  savans  de 
tous  les  pays;  et  nos  compatriotes  sans  doute  ne  perdront  pas  celte  oc 
casion  d'entrer  en  relation  intellectuelle  avec  la  docte  Allemagne. 

12.5.  -  Ucher  den  Ritler  Gluck.  -  Sur  le  chevalier  Gluck  Tel  sur 
ses  ouvroges,  avec  un  jugement  critique  de  leur  mérite,  cl  des  lettres 
de  ce  célèbre  composilour  et  d'autres  hommes  céiè!  res.  Berlin,  iSaô. 
Nous  savons,   par  la  tradition  ,  de  quelle  importance  a  été,   dans  le 
Siècle  dernier,  la  querelle   des   Glackistcs  et   des  Piceinisles  ;  mais  le 
souvenir  s'en  est  beaucoup  affaibli,  même  dans  l'histoire  des  arls.  Il 
ne  faut  pas  s'étonner  si  les  seuls  lecteurs  de  mémoires  et  de  correspon- 
dances littéraires  s'en  occupent  encore  un  peu  aujourd'hui.   Quelle  na 
donc  pas  é!é  notre  surprise,  en  lisant  le  titre  du  livre  que  nous  venons 
de  transcrire,   avec  la  date  de  iSaô,  et  l'indication  typographique  de 
Beriin!  Singulière  conception  que  celle  d'un  Allemand  qui,  après  tant 
d'années,  va  donner  à  ses  compatriote»  la  compilation  de  l'abbé  Arnaud  ! 
car.   Al.  Siegmeyer  n'a  lait  cl  n'a  voulu   faire  que  cela;    et  si  nous  en 
parlons,  ce  n'est  pas  que  les  sciences  ou  la  philosophie  y  puissent  rien 
gagner  :  cet  ouvrage  se.ait  absolument  du  nombre  de  ceux  que  h  Revue 
doit  laisser  sans  examen  ,  et  nous  n'en  aurions  pas  fait  mention  ,  si  son 
titre  ne  nous  fournissait   une  occasion  de  faire  remarquer  combien  la 
librairie  d'Allemagne  l'emporte  en  activité  sur  celle  de  Fiance.  Quel 
est  celui  qui,    à  Paris,    se  chargerait  de  vendre  un  vieux  récit  sur  deux 
musiciens  de  Prusse?  qui  aurait  assez  de  loisir  pour  le  lire?  Cependant, 
on  voit  tous  les  jours,  en  Allemagne,  éclore  des   livres  d'un  moindre 
intérêt  encore  ;  et  ce  pays,  où  le  goût   des   plus  sérieuses   recherches 
rend  à  l'esprit  humain  de  si  grands  services,  a  des  lecteurs  pour  tous 
les  écrivains. -Passons  à  l'ouvrage  lui-même.  M.  Siegmeyer  n'a  pas  fait 
grâce  à  ses  lecteurs  d'une  syllabe  de  toute  la  polémique  musicale;  il  y  a 
joint  une  préface  ;   enfin  ,  il  a  grossi  le  volume  d'une  Fie  de  Gluck  ,  ex- 
traite du  Convcrsatio7is  Lexicon.   Que  dira-t-on  désormais  sur  les  con- 
quérans  de  la  terre,  quels  volumes  suffiront  à  leur  histoire,  si  la  bio- 
graphie d'un  musicien  absorbe  à  elle  seule  un  gros  volume? 

Ph.    GOLBÉBY. 

N.  B.  On  publie  en  même  lems ,  à  Paris ,  deux  forts  volumes  sur  la 
biographie  du  célèbre  compositeur  et  musicien  Rossini. 

126.  —  Zenobia.  —  Zénobie,  tragédie  en  cinq  actes,  par  Dr.  G. 
DoERiiMC.  Francfort,  1820,  Un  vol.  in-i2de  192  pages,  avec  une  gra- 


vure. 


La  lutte  de  Palmyre  contre  l'empire  romain,  et  les  grandes  qualités 
de  Zénobie  avaient  déjà  attiré  l'attention  des  poètes  tragiques.  M  .  Uo^ou 


LIVRES  ETRANGERS.  067 

en  avait  fait  le  sujet  dune  tragédie,  représentée  au  Théâtre-Français  il 
y  a  quelques  années,  et  qui  n'obtint  pas  un  succès  brillant  ni  durable. 
Avanî  lui ,  clic  avait  inspiré  la  muse  d'un  poète ,  M.  François,  qui,  sim- 
ple cordonnier  et  toujours  occupé  de  son  état,  s'est  quelquefois  montré, 
comme  auteur,  digne  interprète  de  Meiporaène.  11  serait  sans  doute 
possible  de  tirer  parti  de  cet  épisode  ,  l'un  d<s  plus  inlércssans  qu'oflVe 
l'histoire  romaine,  »ous  le  régne  des  empereurs.  M.  Docring  vient  de 
l'adapter  à  la  scène  allemande;  et  sa  tragédie,  en  général  assez  froide, 
offre  néanmoins  quelques  bonnes  scènes.  Odenat  a  conclu  avec  les  Ro- 
mains un  traité  d'alliance;  il  est  même  sur  le  point  d'admettre  une  de 
leurs  armées  dans  les  murs  de  Paimyre.  Trompée  par  les  faux  rapports 
d'un  ambitieux,  qui  désire  obtenir  la  main  de  Zéiiobie  et  monter  sur 
le  trône,  la  reine  fait  empoisonner  son  époux,  aGn  de  prévenir  la  honte 
et  le»  malheurs  inséparables  de  l'occupalion  étrangère.  Ici,  l'auteur  a 
violé  la  fidélité  historique;  car  Odenat  est  mort  plusieurs  années  avant 
le  règne  d'Aurélien.  C'est  un  .-machronisme  d'autant  plus  inutile,  qu'il 
n'en  résulte  qu'un  premier  acte  très-froid,  espèce  d'avant -propos  sans 
nul  intérêt.  Cependant,  Zénobie  a  repoussé  l'armée  romaine  qu'Odcnat 
avait  appelée.  Auréliea  a  juré  de  venger  cet  échec;  il  arrive  avec  des 
forces  considérables ,  entre  par  trjhison  dans  Paimyre,  et  livre  cette; 
malheureuse  ville  aux  flammes  et  au  pillage.  Au  cinquième  acte,  nous 
voyons  Zénobie  aux  prises  avec  quelques  vétérans  romains,  lutler  avec 
eux  de  force  et  d'adresse,  en  immoler  deux  ou  trois,  et  périr  enfin 
sous  leurs  coups.  Pour  amener  ce  dénoûment  de  mauvais  goût,  et  tout 
au  plus  convenable  au  mélodrame,  l'auteur  ,  comme  on  voit,  a  encore 
chani^é  l'histoire.  Mais,  en  reprochant  à  M.  Docring  quelques  erreurs 
de  goût,  le  défaut  d'intérêt  qui  provient  d'un  grand  nombre  d'incidcns 
inutiles,  et  la  faiblesse  du  rôle  de  Longiii ,  nous  aimons  à  reconnaître 
du  talent  dans  la  manière  dont  il  a  tracé  le  caractère  de  Zénobie  et 
celui  d'Herennian  son  fils.  Enfin,  son  style,  toujours  élégant  et  facile j 
mérite  des  éloges. 

127.  — Der  Renégat.  —  Le  Renégat,  de  M.  d'Arlincourt ,  traduit  ca 
allemand  pat  T.  Hell.  T.  I.  Dresde,  i8a5;  Arnold.  Un  vol.  in-8<>. 

On  ne  doit  pas  s'étonner  du  succès  d'ua  pareil  ouvrage,  chezuu  peuple 
qui  se  laisse  séduire  pur  Tintérêt  des  événemens,  sans  pouvoir  apprécier 
avec  justesse  les  défauts  du  style.  A.  J. 

SUISSE. 

liS.  —  Le  Robinson  français  ,  ou  Histoire  d'une  famille  française, 
haiilunt  une   île  delà  mer  du  Sud;    par   J.   F,  W,   Genève,  iSaô. 


368  LIVRES  ETRANGERS. 

J.  J.  Paschoud  ;  Paris,  le  même.  Quatre  vol.  iii-i 2,  avec  deux  carte* 
et  seize  planches  lilhographiées  -,  prix,  12  fr. 

Depuis  loiig-tems  les  Bohiasons  font  une  partie  obligée  de  la  biblio- 
thèque de  l'enfance.  Traduit  dans  toutes  les  langues ,  le  premier  qui 
parut,  en  Angleterre  ,  ne  tarda  pas  à  donner  naissance  à  de  nombreuses 
imitations;  les  unes,  sous  le  titre  de  i\tniV6au  Rabinson,  de  Robinson 
aliemavd^  de  Roéinson  suisse;  le»  autres,  sous  ceux  de  voyages  ima- 
ginaires, d'aventures  merveilleuses,  etc.  Mais  ,  il  faut  le  dire  :  la  plupart 
de  ces  ouvrages,  quoique  de  nature  à  piquer  vivement  la  curiosité,  pè- 
chent cependant,  plus  ou  mois,  par  l'invraisemblance  des  scènes  que 
les  auteurs  mettent  sous  nos  yeux  ,  et  surtout  par  les  erreurs  graves, 
pour  ne  pas  dire  les  absurdités  en  histoire  naturelle  dont  ils  fourmillent, 
et  qui  ne  sont  propres  qu'à  remplir  les  esprits  de  leurs  jeunes  lecteurs 
d'idées  fausses,  dont  ils  ont  beaucoup  de  peine  à  se  débarrasser  dans 
la  suite.  L'auteur  du  Robinson  français  s'est  principalement  appliqué  à 
éviter  ce  défaut,  dont  les  conséquences  sont  plus  graves  qu'on  ne  le 
pense;  au  lieu  de  promener  son  héros  au  travers  de  catastrophes  extraor- 
dinaires, d'aventures  étranges,  de  situations  bizarres  et  forcées,  dans 
des  lieux  déserts,  sous  des  climats  affreux ,  de  le  mettre  en  présence 
de  hordes  sauvng  s,  qui  ne  lui  offriraient  que  le  hideux  tableau  de  la 
nature  humaine  au  dernier  degré  de  l'abrutissement,  il  le  fait  arriver 
dans  une  île  riante,  où  le  ciel  semble  avoir  accumulé  pour  lui  les  pro- 
ductions les  plus  variées,  où  les  règnes  animal  et  végétal,  en  particulier, 
lui  prodiguent  toutes  les  richesses  des  contrées  les  plus  favorisées.  Les 
moyens  qu'emploie  notre  solitaire  pour  tirer  paitl  de  cette  abondance, 
sont  des  plus  propres  à  captiver  l'attention  de  l'enfant  qui  le  suit  dans 
ses  divers  travaux  ;  et  des  descriptions  exactes  d'une  foule  d'animaux  et 
de  plantes  des  tropiques  deviennent  autant  deleçons  d'histoire  naturelle, 
puisées  aux  meilleures  sources.  —  D'ailleurs,  le  Robinson  français  ne 
reste  pas  long-tems  seul  dans  son  île;  la  Providence  lui  amène  un  com- 
pagnon, qui  double  ses  forces  et  ses  jouissances;  bientôt  en  surviennent 
d'autres,  cl  l'on  voit  à  la  fin  se  former  une  peuplade,  au  bonheur  de 
laquelle  rien  ne  manquera  si  elle  peut  échapper  aux  visites  des  Colombs 
moderues.—  La  partie  morale  de  l'histoire  n'est  pas  moins  recommanda- 
ble  que  sa  partie  industrielle;  elle  est  pleine  de  leçons  de  résignation  , 
de  patience,  de  courage  ,  et  d'une  piété  de  jour  en  jour  plus  éclairée  et 
plus  solide.  Le  style  laisse  ,  il  est  vrai,  quelque  chose  à  désirer;  mais  les 
lecteurs  difficiles  voudront  bien  considérer  que  l'auteur  aspire  à  un  au- 
tre succès  qu'à  un  succès  purement  littéraire.  Si  on  le  compare  d'ail- 
leurs,  à  ce  dernier  égard ,   avec  la  plupait  des  ouvrages  de  ce  genre, 


LIVRES  ETRAÎSGERS.  5G9 

soit  originaux ,  soit  traduits  de  l'allemand  ou  de  l'angiais  ,  on  ne  le  trou- 
vera rien  moir.s  qu'inférieur  à  ceux  qui  sont  les  plus  estiméj.  Tel  qu'il 
est,  le  Rohinson  français  peut  donc  êlre  recommandé  comme  un  livre 
attachant  et  utile.  (;/t, 

I  TA  L I  E. 

129.  —  C atalogus 'ptantarum  quœ  asscrvanturin  rcgiohorlo  scrcnis- 
sitni  Francisci  Borbonii,  frincipis  JMventulis  in  Boccadifuico,  jtrofe 
Pannormum.  Adduni^ir  non-nullœ  adnotaliones  ao  descriptioncs  nova- 
ruin  aiiqxiot  spcrierum.  Naples,    1821.  In-8°. 

-  Ce  C'iUaiojtce  déplantes  a  été  rédigé  par  M.  Gussoni ,  botaniste  fort 
distingué.  Il  comprend  3, 000  espèces  que  l'on  cultive  à  Boccadifalco , 
près  de  Palerme.  L'auteur  observe  que  ce  climat,  où  le  thermomètre  de 
Réaumur  se  soutient  ordinairement,  l'hiver,  entre  8  et  lodei'rés  au- 
dessus  de  zéro,  est  très  -  favorable  à  l'éducation  des  plantes  des  pays 
chauds.  La  plupart  de  ces  plantes  sont  exotiques;  toutefois,  il  y  en  a 
plusieurs  qui  appartiennent  à  la  Sicile.  On  attend  du  même  auteur  une 
Flore  sicilienne  (Fiora  Sicula),  dont  il  s'occupe. 

lôo  (*).  —  Compendio  delta  storia  deW  astronomia,  etc.  Abrégé 

de  l'histoire  de  l'astronomie,  par  le  marquis  de  Laplace  ,  traduit  en  ita- 
lien,  par  Antonio  Cattawko.  Milan,  1825.  In-8». 

Cet  abrégé  ne  contient  que  le  cinquième  livre  de  V Exposition  du 
système  du  monde,  par  le  célèbre  Laplace.  Le  traducteur  italien  ,  pen- 
sant, avec  Tauteur,  que  cette  p.trlie  bisterique  du  grand  ouvragi-  serait  à 
la  portée  d'un  plu-  grand  nombre  de  lecteurs,  a  voulu  la  publier  sépa- 
rément, pour  l'avantage  de  ses  compatriotes.  M.  Cattaneo,  dans  sa  tra- 
duction ,  pousse  la  fidélité  peut-être  jusqu'à  l'excès,  puisqu'il  conserve 
souvent  les  tours  et  les  phrases  de  l'original. 

i">i.  —  Siiggio  critîco  storico  e  filosojfico  sul  dirifto  di  natura  e  délie 

genti   c  sullc  successive  icggi,  istiluti  e  govemi  civili  c  politici,  etc. 

Essai  critique,  historique,  et  philosophique,  sur  le  droit  naturel,  sur  le 
droit  des  gens,  et  sur  les  luis,  les  institutions,  et  les  gouvernemeus  civils. 
Ouvrage  posthume  du  conseilk-r  Alberto  dk  Simont.  Tome  IV.  Mi- 
lan,  lSi2. 

L'auteur  de  cet  ouvrage  a  voulu  s'y  montrer  à  la  fois  historien,  critique, 
et  philosophe.  J\ous  n'osons  pa<  décider  sons  lequel  de  ces  rapports  il  s'est 
le  plus  distingué.  Comme  historien,  ii  traite  du  dioit  de  la  nature  et  des 
gens,  envisagé  dans  tuutos  les  tp.jques  de  i'antiquilc  ;  commençant  mê- 
me par  celle  qui  a  précédé  le  déluge,  il  parvient  jusqu'à  Charles-Quint 
T.  XX. — Novembre  i825.  24 


5;o  LITRES  ETRANGERS. 

et  la  république  de  Venise;  mais  il  traite  son  sujet  d'une  manière 
trop  vague  et  trop  générale.  A  l'appui  de  sa  critique,  il  s'efforce  de  dé 
montrer  l'autorité  et  raulhenticilé  du  code  de  Moïse;  la  vérité  du  dé- 
luge univcivel  par  les  témoignages  irréfragables  de  plusieurs  docteurs, 
el  l'origine  des  lois  des  XII  Table*  provenant  des  lois  des  Grecs  ^  des 
Égyptiens,  et,  par  conséquent j  des  Hébreux.  Qujnt  à  la  partie  philo- 
sophique, il  ne  faut  pas  se  dissimuler  qu'il  n'est  pas  allé  aussi  loin  que 
Genovesi,  Spedalieri,  Lafnpredi,  et  surtout  Itomagnosi,  et  plusieurs  au- 
tres Italiens  qui  ont  souvent  traité  le  même  sujet. 

i52(*).  —  Do'  Delitti,  et  dMc  fene,  del  marchesc  Caare  Beccaria  coni' 
a(j(]iuntadv{i'  esame  critico,  etc. — Traité  des  délits  et  des  peines  du  mar- 
quis ^esar  Beccaeia  ,  avec  un  esamen  critique  de  l'avocat  Jldoiranda 
Paolusi.  Florence,  1821.  In-8°. 

L'ouvrage  de  Beccaria,  l'intention  dans  laquelle  il  a  été  écrit,  sont  as- 
sez généralement  connus  pour  qu'il  ne  soit  plus  nécessaire  de  s'étendie 
sur  ce  sujet.  Les  éloges  seraient  ici  superflus.  JNous  ne  voulons  pas  dire 
cependant  que  toutes  les  assertions  de  ce  célèbre  auteur  soient  égale- 
ment exactes;  mais  nous  ne  les  croyons  ni  entièrement  faussf's,  ni  dange- 
reuses parce  qu'elles  se  tiouvent  quelquefois  en  opposition  avec  des  ins- 
titutions aujourd'hui  dominantes.  M.  Paolini  ne  se  montre  pas  animé 
de  cet  esprit  de  prévention  qui  règne  chez  la  plupart  de  ses  adversaires, 
en  examinant  la  théorie  et  les  principes  de  Beccaria.  Cependant,  il  sem- 
ble avoir  peu  approfondi  l'auteur  qu'il  commente  et  vouloir  le  réfuter 
sans  de  bonnes  raisons.  Du  reste,  son  examen  ne  peut  qu'èlre  utile,  et 
par  les  idées  qu'on  y  rencontre,  et  par  celles  qu'il  fera  naître  dans  l'es- 
prit de  ses  lecteurs. 

i53  (*).  —  Sloria  délia  Spagna  anlica  e  moderna  ,  etc.  —  Histoire 
de  l'Espagne  ancienne  et  moderne,  par  M.  le  chevalier  Luigi  Bossi, 
avec  des  cartes  géographiques  et  des  planches.  Milan,  1822. 

On  sait  qu'un  travail  semblable  à  clIuI  qu'a  entrepris  M.  Bossi,  en 
Italie  ,  depuis  182»,  va  être  publié  par  trois  savans  français,  MM.  Sainl- 
Martio ,  Després  et  Raoul  Rochelle,  qui  ont  tous  les  moyens  nécessai- 
res pour  bien  remplir  leur  promesse.  M.  Bossi  ,  obligé  de  continuer  ses 
toins  à  son  Histoire  générale  d'Ilaiic,  qu'il  a  conduite  jusqu'au  19*  vo- 
lume ,  a  cependant  publié  déjà  6  vol.  de  son  Histoire  d'Espagne.  Le 
mérite  caractéristique  de  cet  ouvrage  est  dans  le  nombre  et  la  variété 
de  connaissances  dont  l'auteur  a  su  profiler.  M.  Bossi  est  certainement 
un  des  savans  italiens  les  plus  respectables  ;  il  se  dislingue  par  la  fécon- 
dité de  son  esprit,  el  par  le  zèle  avec  lequel  il  soutient  la  littérature  de 
«on  pays.  Lis   volumes  que  nous  annonçons,  en  tont  une  preuve  non- 


ITVRES  ETRANGERS.  ;,;, 

velle.  11  y  examine  d'abord  les  révuljtiuus  phy^icn^es  que  l'E-ipagne  a  dû 
subir;  il  se  demande  si  elle  était  jadis  allachét  a  l'Afrique,  et  si  le  dé- 
troit qui  l'en  sépare  s'est  tflcndu  de  plus  en  plus  ;  il  clierclie  l'origine 
des  Espagnols  jusqui-  dans  les  Tables  qui  la  dérobent  à  nos  invesliga- 
lions,  ainsi  que  celle  de  toutes  les  nations.  Jl  essaie  de  donner  quelque 
idée  de  la  niytbo  ogie  espagnole  et  du  système  géographique  de  l'Es- 
pagne, etc.  Peut-être,  pour  avoir  suivi  trop  religieusement  l'ordre  chro- 
nologique, a-l-il  quelquefois  négligé  l'ordre  didactique.  L'auteur  traite 
ensuite  de  l'inllueuce  qu'exercèrent  s\ir  l'Espagne  les  Celles,  les  l'héni- 
ciens  et  d'autres  peuples  anciens,  dont  on  a  recr)onu  les  iraces  dans  ks 
mœurs,  rites,  et  même  dans  quelques  mots  espaj^iiols.  Toutes  les  re- 
cherches ou  les  indications  de  ce  genre  doivent  iull•re^ser  les  savacs  ;  ce 
qui  importe  aux  hi>toriens,  commence  aux  premiers  élablissemens  des 
Carthaginois.  L'auteur  rectilie  ce  qu'a  écrit  sur  ce  sujet  le  Tite-Live  de 
l'Espagne,  Mariaua.  Voulant  déterminer  le  earaclère  des  Espagnols,  il 
nous  fait  observer  que  cette  même  fermeté  inébranlable,  qirl  leur  Ut 
jadis  défendre  leur  liberté  avec  le  plus  grand  courage,  peupla  le  ciel 
de  saints,  l'église  de  mciines,  les  armées  de  héros,  les  Indes  d'apôtres 
et  de  conquérans,  acheva  1,'S  entreprises  les  plus  glorieuses,  et  produisit 
les  horreurs  du  fanatisme  et  de  l'inqui-tilion.  C'est  dans  cet  esprit  que 
M.  Bossi  a  continué  son  histoire  jusqu'au  6'  volume. 

i54  (*).  — Storia  detla  Gran-Brctagna  da'  priini  tcinpi  sino  a  di 
nostri,  etc.  —  Histoire  de  la  Grande-Bretagne,  depuis  les  premiers  Icm» 
jusqu'à  nos  jours,  par  John  Adams,  trjduite  de  l'aDglai>  en  italien,  par 
M.  David 'UERTotom,  avec  des  additions  pour  servir  de  continuation  à 
VAérégé  de  l'histoire  nnivcrseUe  de  J\I.  le  comte  de  Sigur.  T.  VIII. 
Milan,  1822 — iSaô.   Inia  avec  planciies  et  carte  géographique. 

On  regarde  cette  traduction  comme  une  production  presque  origina- 
le de  M.  Bertolotti.  Suivant  les  termes  de  Hume,  qu'Adams  avait  pris 
pour  guide  dans  sa  narration,  il  conduit  son  histoire  bien  plus  loin.  (On 
sait  que  l'hisloirc  de  Hume  s'arrête  à  l'année  i4^5.)  La  partie  militaire 
et  politique  de  l'ouvrage  appartient  entièrement  au  continuateur.  Quant 
à  ce  qui  regarde  le  schisme  d'Angleterre,  il  a  suivi  plutôt  Lally-Tolcndal, 
Sevelingcs  ,  M.  Villemain,  etc. ,  que  des  historiens  trop  piévenu>,  contre 
la  rrli^ion  romaine.  L'auteur  ne  considère  son  travail  que  comme  une 
compilation  ;  mais,  sous  ce  rapport  même,  il  lui  mériterait  tix  reconnais- 
sance de  ses  lecteurs. 

i35. — \uovo  Dizionario  degli  uomini  illustri,  etc. — Nouveau  diction- 
naire des  lion.mes  célèbres  dans  Tbi-ftoire  des  science»,  des  armes,  de  la 


ô-^i  T.IVRES   ETRANGERS. 

politique,  et  des  beaux-arts;  par  l'aulcurde  V Encyclopcdie  des  Enfans, 
avec  divers  portraits.  Milan,  iSaô.  Deux  vol.  in-S". 

Le  titre  et  le  luit  de  cet  ouvrage  seraient  d'un  grand  inl»rêl ,  si  l'au- 
tour lui  avait  consacré  des  éludes  plus  sérieuses,  et  avait  l':iil  un  meil- 
leur choix.  Souvent,  ou  y  cherche  en  vain  les  hommes  véritalilement  cé- 
lèhres;  on  trouve  à  leur  phice  d<'s  noms  c]u'il  aurait  mieux  valu  laisser 
dans  l'oubli;  il  n'en  est  pas  des  biographies  générales  ou  particulières 
comme  des  histoires  littéraires  :  les  premières  doivent  ne  rien  omettre  de 
ce  qui  peut  être  l'objet  de  quelques  recherches  pour  les  écrivains  à  ve- 
nir ;  dans  les  autres,  on  ne  cherche  et  l'on  ne  doit  exposer  que  les  choses 
réellement  digues  d'un  inléièl  durable. 

i36.  —  Ui'ofjraphia  Crcmoncsc,  etc.  —  Biogr.'ïplue  de  Crémone,  ou 
Dictionnaire  historique  des  familles  el  des  personnages  illustres  de  Cié- 
mon?  depuis  les  tems  les  plus  anciens  jusqu'à  uos  jours;  par  M.  f^'in- 
ccnt  Lascetti.  Toni.  III.  Milan,  1822.  ln-4°. 

L'auteur  se  montre  très-passionné  pour  la  gloire  de  Crémone,  sa  pa- 
trie, et  très-instruit  dans  ce  genre  de  recherches  biographiques.  On  lui 
reproche  tl'avoir  donné  place,  dans  son  dictionnaire,  à  plusieurs  noms 
qu'il  aurait  mieux  fait  de  négliger.  Mais,  ce  reproche,  qui  souvent  ne 
prouve  que  l'ignorance  ou  les  prcveutions  de  ceux  qui  le  font ,  pourrait , 
au  contraire,  servir  de  preuve  à  l'intelligence  el  à  l'exactitude  de  l'his- 
torien. Nous  préférons,  quant  à  nous  ,  dans  ce  genre  de  recueils,  l'opi- 
nion de  ceux  qui  pensent  qu'il  vaut  mieux  pécher  par  abondance,  que  par 
pauvreté.  Ces  sources  historiques  doivent  fournir  des  matériaux  aux  re- 
cherches de  tous  ceux  qui  ont  besoin  d'y  puiser  :  ce  n'est  qu'à  ceux  qui 
en  profitent  qu'il  ap[)artienl  de  bien  les  apprécier. 

F.  Salfi. 
PAYS- «AS. 

i5-,  —  Uistoire  de  la  Belgique,  par /.  J.  de  Ssiet,  régent  de  rhéto- 
rique au  collège  d'Alost.  Seconde  tdilion.  Gand  ,  1822;  Begyn.  Deux 
vol.  in-i2  ;  prix,  l^ÏT. 

Cette  édition  a  été  revue  avec  soin  ;  l'auteur  s'est  efforcé  de  rendre 
son  travail  plus  correct  et  plus  exact.  On  doit  surtout  le  louer  d'avoir 
présenté  de  préférence  des  traits  qui  peignent  les  mœurs  et  servent  à 
dessiner  la  physionomie  d'un  siècle.  Arrivé  à  l'époque  de  notre  graude 
révolution,  M.  de  Smet  fait  un  usage  fréquent  de  Van  dcr  Wynckt,  et 
l'on  doit  convenir  qu'il  ne  pouvait  puiser  à  une  source  plus  pure  On 
s'étonne  seulement  de  le  voir  citer  l'ouvrage  de  cet  écrivain  ,  comme 
manuscrit,  taudis  qu'il  en  a  paru  récemment  deux  éditions,  l'une  com- 


LIVRES  ETRANGERS.  070 

plètc  et  conforme  au  texte  original ,   l'autre  tronquée  et  défigurée  par 
l'éditeur.  De  R— g, 

i58.  — Mémoires  de  J.  Ductercq  ,  iruprimés  sur  lus  manuscrits  du  roi , 
et  publiés  pour  la  première  lois,  pai  F.  baron  de  Rkiffejtberg.  Tom.  III. 
Bruxelles;  Arnold  Lacrosse.  In-S",  de  55o  pages. 

Ces  mémoires  ,  publiés  par  souscription  ,  formeront  la  malièie  de  trois 
volumes  iu-«».  Ils  sont  écrits  dans  le  vieux  langage  ,  et  renferment 
une  foule  de  détails  curieux,  qui  peignent  parfaitement  les  mœurs  et  les 
usages  du  quinzième  siècle.  L'auteur  paraît  avoir  vécu  à  la  cour  des  ducs 
«le  Bourgogne.  Il  décrit  avec  exactitude,  peut  être  même  avec  un  soin 
minutieux  ,  ce  qu'il  voyait  autour  de  lui.  Le  troisième  volume  qui  vient 
de  paraître,  est  presque  entièrement  consacré  à  dépeindre  les  châtlmens 
barbares  que  l'on  faisait  subir  aux  malheureux ,  accusés  du  crime  de 
vauideric  (sorcellerie).  L'auteur  raconte  ,  avec  une  naïveté  toute  parti- 
culière, ce  qui  se  passait  dans  leurs  réunions  mystérieuses  ;  il  semble,  de 
bonne  foi,  pénétre  de  la  vérité  de  ses  récils  :  cependant,  il  transmet  fidè- 
lement les  bruits  qui  circulaient  parmi  le  peuple  sur  la  barbarie  et  la 
rapacité  des  inquisiteurs.  Un  pareil  livre  n'est  guère  propre  à  prouver 
l'excellence  de  ces  tems  si  vanlés  ,  auxquels  voudraient  nous  ramener 
iuscnsibicment  quelques  esprits  effrayés  des  progrès  des  lumières.  L'édi- 
teur ,  en  faisant  paraître  d'abord  le  dernier  volume  ,  a  eu  Fans  doute  en 
vue  de  faire  précéder  l'ouvrage  d'un  discours  préliminaire.  Nous  aurons 
soin  d'en  rendre  compte,  dès  qu'il  aura  paru.  Kous  devons  déjà  à  M.  de 
Reiffeuberg,  une  édition  de  l'Histoire  des  troubles  des  Pays-Bas,  par 
Van  DnRWï?.cK.T,  qui  jusqu'alorsétaitétj.ilemeni  demeuréeen  manu-crit. 
^ous  avons  lieu  d'espérer  que  nous  connaîtrons  successivement ,  de  la 
même  manière  ,  les  principaux  écrits  que  renferme  encore  l'ancienne 
bibliothèque  des  ducs  de  Bourgogne.  La  partie  typographique  de  l'ou- 
vriige  que  nous  annonçons,  ne  laisse  rien  à  désirer:  elle  offre  une  nou- 
velle preuve  des  progiès  rapides  que  l'imprimerie  f<iit  en  Belgique. 

A.  Q. 

lôg.  —  Enseignement  universel.  Langue  maternelle ,  par  J.  Jacotot. 
Louvain,  iSaô;  II.  de  Pauw.  ln-8°  de  296  pages. 

^  oici  un  livre  impatiemment  attendu  ,  et  dont  on  avait  pu  pressentir 
les  principes  par  la  lecture  du  Sommaire.  (Voy.  Rev.  Enc. ,  T.  XVIII , 
pag.  619.)  11  est  écrit  avec  esprit  et  avec  malice  ;  le  sarcasme  s'y  trouve 
mêlé  aux  leçons  destinées  à  l'enfance.  L'auteur  se  plaint  de  persécutions 
auxquelles  il  prétend  être  eu  butte;  nous  pensons  qu'il  ne  fait,  en  cela, 
que  se  créer  un  fantôme.  Si  quelques  personnes  ne  se  rangent  priul  de 
son  avis ,  tout  le  monde  s'accorde  à  rendre  hommage  à  son  caractère  et 


574  LITRES  EÏRAISGERS. 

à  ses  connaissances.  INous  allons  exposer,  s.ins  commentaire .  les  idées 
fondamentales  de  son  ouvrage, — Tous  les  hommes  ont  une  inlelligeuce 
égale.  Tout  est  dans  tout;  sachez  un  livre  et  rapportez-y  tous  iesaulres. 
La  ihétorique  et  la  raison  n'ont  rien  de  commun.  Chaque  langue  a  son 
génie,  c'est-à-dire,  chaque  peuple  a  >cs  habitudes;  il  ne  s'agit  point  ici 
des  mois  :  ce  sont  évidemment  des  conventions  arbitraires  dans  l'ori- 
gine ;  quant  aux  expressions,  c'est  l'intelligence  qui  les  a  créées.  Mais, 
quoique  tout  homme  ait  une  égale  intelligence,  il  nous  est  impossible 
de  deviner  quelles  sont  les  expressions  reçues  chez  tel  ou  tel  peuple.  Je 
puis  bien,  comme  homme,  avoir  l'idée  de  comparer  une  chose  qui  pro- 
duit beaucoup  de  maux  avec  une  source  ,  et  employer  l'express'on  source 
de  -maux.  Mais  il  m'est  impossible  de  deviner  si  les  Chinois ,  par  exem- 
ple, ont  adopté  celte  comparaison  :  si  je  réunis  les  deux  mots  source  et 
ïnflwa;  dans  la  langue  des  mand:irins,  les  Chinois  se  moqueront  peut- 
être  de  moi ,  parce  (]ue  je  n'ai  point  parlé  dans  le  génie  de  leur  langue. 
J'ai  fait  de  l'esprit  d'homme,  mais  je  n'ai  pas  fait  de  Vespritde  chinois, 
et  il  n'y  a  que  celui-là  qui  ait  cours  à  Pékin.  L'esprit  ne  s'apprend  pas; 
mais  l'esprit  français  s'apprend.  On  voit  de  l'esprit  dansFénélon  mille 
fois  plus  que  n'eu  montre  le  premier  venu,  et  l'on  dit  que  Fénélon  a 
plus  d'esprit  qu'un  autre,  c'est  une  erreur;  les  réflexions  de  Fénélon 
sont  celles  que  tout  homme  a  faites;  les  signes  qu'il  emploie  ,  il  a  dû 
les  apprendre  :  que  lui  reste-t-il  donc,  en  fait  d'intelligence  ?  rien,  abso- 
lument rien  !  mais  il  est  un  grand-lionime  par  son  courage  et  <a  patience 
À  étudier  et  à  apprendre  ,  et  bien  mieux  par  ses  vertus.  De  R — g. 

A.  B.  On  ne  peut  su  dissimuler  que  l'auteur  s'appuie  sur  un  sophisme, 
et  part  d'une  idée  entièrement  fausse,  en  paraissant  croire  que  tous  les 
hommes  sont  doués  des  mêmes  facultés  iolellccluelles  et  des  mêmes  dis- 
positions naturelles,  tandis  qu'on  est  forcé  de  reconnaître  des  différences 
essentielles  entre  \c:'  divers  individus,  sous  le  rapport  de  l'organisation 
physique  et  de  l'intelligence. 

i4o  {*).  — Journal  d'ylfjriculiure ,  d'Economie  rurale  et  des  Manu- 
factures du  royaume  des  Pays-Bas,  ouvrag<'  périodique  publié  par  livrai- 
sons mensuelles.  Bruxell'^s,  L.  Poublon,  rue  de  l'Etuve,  n»  i46o.  Prix 
de  l'abonnement,  i8  fr.  pour  la  France. 

Ce  recueil  estimable,  qui  a  pour  but  de  faire  connaître  l'état  de 
J'asriculture  dans  un  dos  pays  les  mieux  cultivés  de  l'iùirope,  existe 
d'.puis  prts  de  huit  ans.  1!  tsl  surtout  recoin  niaudable ,  m  ce  qu'il  n'est 
point  l'ouvrage  de  savaos  uniquement  guidés  parla  théo.ie  :  Ij's  docu- 
mcns  qu'il  renferme  sont  fondés  sur  la  piatiquc.  L'éd-tiur  a  ])arfa!tpmenl 
senti  que,  pour  être  utile,   il  ne  devait  pas  dédaigner  d'associer  à  ses 


LIVRES  ÉTRANGERS.  375 

travaux  le  modeste  habitant  des  campagnes.  Aussi  cherche-ton ,  dan» 
suQ  JQurnalj  l'élégance  du  styie  bien   moins  que  les  utiles  résultais  de 
rexpérience  et  les  fécondes  ressources  de  l'industrie.   Ou  se  tromperait 
cependant  en   ne  croyant  y  trouver  que  des  notices  écrites  sans  intérêt. 
Les  personnes  qui  connaissent   la  Belgique  savent  fort  bien  que  l'agri- 
culture y  rapproche  tous  les  rangs,  et  que  les  hommes  les  plus  marquant 
p;ir  leur  savoir  et  leur  nais'jance  aiment  a  descendre  aux  travaux  du 
simple  cultivateur.  —  Parmi  les  Mémoires  contenus  dans  les  dernières 
livraisons,  nous  avons  surtout  remarqué  celui  sur  la  Bêche  ou  la  Mine 
d'or  des  deux  Flandres ,  par  M.  le  comte  de  Lichlervelse  ;  un  article  de 
M.  Drapier,  etc.;  des  Ohscrvations  sur  tes  tois  et  forêts,  et  l'analyse 
d'un  ouvrage  sur  Vétat  de  l'Agriculture  dans  le  royaume  des  Pays- 
Bas,  rédigé  et  publié  par  ordre  de  S.  E.  le  ministre  de  l'industrie  na- 
tionale et  des  colonies.  On  y  trou\e  aussi  plusieurs  articles  iuiéressan» 
sur  l'art  vétérinaire.  Cette  dernière  partie,  depuis  quelque  tems,  a  fixé 
l'attention  du  gouvernement  des  Pays-Bas  :  c'est  dans  la  vue  de  la  faire 
prospérer,  qu'il  a  établi  nouvellement,  près  d'Ctrecht,  une  école  dans 
le  genre  de  celles  d'Aifort  et  de  Lyon.  Cet  utile  établissement,  dès  sa 
naissance,  promet  déjà  les  résultats  les  plus  satisfaisans.  —  Dans  un  re- 
cueil destiné  à  rendre  compte  de  ce  qui  peut  intéresser  l'agriculteur  et 
l'nmi  de  l'humanité,  on  devait  s'attendre  naturellement  à  trouver  aussi 
des  renseignemens  sur  la  colonie  du  Clunnp  Fridcric.  Cette  institution 
peut  être  regardée  comme  une  des  plus  belles  que  renferme  le  royaume 
des  Pays  Bas.  Elle  naît  d'une  idée  sans  doute  fort  heureuse,  puisqu'elle 
tend  à  assurer  une  existence  honorable  à  des  malheureux  livrés  au  fléau 
de  la  mendicité,  et  à  fcrtili-er  des  terrains  jusque-là  regardés  comme 
stériles.    En  faisant  connaître  de  pareils  établissemens,  on  est  toujours 
sûr  d'intéresser.   Le  zèle  que  l'éditeur  montre  à  s'acquitter  des  obliga- 
tions qu'il  a  contractées  enrers  le  public  ,  obtient  une  juste  récompense, 
si  l'on  en  juge  par  la  rapidité  avec  laquelle  son  journal  s'est  répandu  à 
l'extérieur.  A.  Q. 

LIVRES  FRANÇAIS. 

i4i.  —  Essai  sur  le  vol  des  insectes ,  et  Observations  sur  quelques 
parlie>  de  1h  mécanique  des  mouvemens  progressifs  de  l'homme  et  des 
animaux  vertébrés,  ai  compagnes  de  lô  planches  relatives  aux  organes 
du  vol  dans  les  insectes  f  Extrait  des  Mémoires  du  Muscum  d'bistoiro 
naturelle),  etc.;  par  M.  Charrier,  ancien  oflicicr-supérieur,  corres- 
pondant de  la  Société  d'histoire  naturelle,   etc.    Paris,  1822;  Bclinj 


Û7.G  LIVUES  FRANÇAIS. 

rue  des  MalLuiiiis-Saint-Jacques.   Un  vol.  in-\°  de  iv-ôaS  pag,  cl  viii- 
Ô4  ;  pr^x ,  1 5  11 . 

La  priiicip;ile  partie  de  ce  recueii  se  compose  de  plusieurs  Mémoires, 
résultats  de  longs  travaux  que  l'auteur  a   présenlés  à  l'Académie  des 
sciences,  dans  le  courant  de  l'année  1820,    et  sur  lesquels  il  a  été  fait 
des  rapports  avantageux.    Elle  a   pour  objet  la  description  des  organes 
du  vol  chez  les  insectes  ,  et  l'explication  du  mécanisme  de  ce  mode  de 
lo-omotfon.  —  Cctle  partie  est  partagée  en  huit  chapitres.  Le  premier 
contient  des  vues  générales  sur  le  vol  des  insectes,  la  description  des 
parties  solides  du  thorax ,  on  du  tronc  sur  lequel  les  ailes  de  ces  ani- 
maux prennent  leur  point  d'appui,  la  nomenclature  de  ces  parties,  plus 
cnmplèle  que  celles  qui  ont  été  admises  anciennement,  et  sa  synony- 
niie,  avec  une  nomenclature  de  AL  Andouin,   postérieure  à  la  publica- 
tion du  travail  de  iM.Chabrier.  L'auleur  examine  ensuite  la  composition 
du  ventre  ou  de  l'abdomen,  qu'il  considère  comme  l'organe  principal 
de  la  respiration,  et  l'instrument  ou  le  soufflet  qui,   en  introduisant 
l'air  dans  le  thorax  ou  tronc  alifère,  tend  à  augmenter  la  légèreté  spé- 
cifique de  cette  partie.  Traitant  des  ailes  en  général ,  il  examine  succes- 
sivement leur  forme,  leur  étendue,  leur  composition  dans  les  insectes 
des  divers  ordres  ;  il  fait  connaître  leur  mode  d'articulation  avec  le  corps, 
par  l'intermédiaire  de  trois  (  sselets  qu'il  nomme  bxinierus ,  omoplate  et 
os  ongulairc,   lesquels  sont  enveloppés  par  une  membrane  commune 
circumbasilairc.   I!  décrit  les  muscles  moteurs  de  ces  ailes,  et  les  par- 
tage :   1°  en  muscles  dorsaux  qui  occupent  la  région  moyenne,  supé- 
rieure et  longitudinale  du  thorax,  et  qui  ont  pour  double  fonction  l'a- 
baissement des   ailes  et  la  dilatation  du  tronc,  pour  y  introduire  lair 
que  les  stigiii.!ics  abdominaux  ont  aspiré;   2»  enmusHes  stcrnuli  dor- 
saux et  costaii  dorsaux ,  formant  di>ux  paires,  placées  latéralement, 
et  dont  l'usage  est  de  relever  les  ailes  et  de  diminuer  la  capacité  du 
thorax,   pour  en  chasser  avec  plus  ou  moins   de  force  l'air  qui  y  était 
contenu.— Comparant  ensuite  le  vol  et  le  mode  de  respiration  des  oiseaux 
a  ceux  des  insectes,  M.  Cbabricr  fait  remarquer  l'analogie  qui  existe 
particulièrement  danslcsdilatationset  contractions  successives  delà  cage 
Ihoracique  des  uns,  avec  celles  qui  se  font  remarquer  dans  le  tronc  ali- 
fère des  autres.— Adoptant  complètement  l'idée  émise  par  quelques  na- 
turalistes,   il  regarde  comme  expirateurs  les  stigmates  Ihoraciques,   et 
il  croit  que  le  bourdonnement,   qu'où. attribue  ordinairement  au  mou- 
vement des  ailes,   est  produit  par  le  superQu  de  l'air  intérieur  qui  s'é- 
chappe avec  force  par  ces  stigmates,   lorsqu'il  est  chassé  en  vertu  de 
l'action  des  muscles  constricteurs  dont  nous  avons  fait  mention  plus  haut; 


LIVRES  FRANÇAIS.  ^77 

et,  comme  ces  muscles  servent  en  même  tems  au  mouvement  des  ailes, 
il  explique  nnlurclleiacut  la  relation  qui  existe  entre  ce  mouvement  et 
le  bourdonnement.  Il  nomme  ces  ouvertures  di  lliorax  bouches  vocales 
ou  stigmates  vocaux,  et  les  décrit  avec  soin  dans  plusieurs  insectes  lo- 
marquables  par  le  bruibseiuent  qu'ils  font  enleudre.  II  rapporte,  à  ce 
sujet,  plusieurs  expériences  curieuses  qui  lui  sont  propres,  et  dont  une 
a  consisté  :  i"  à  CTjller  les  deux  ailes  d'une  mouche  1/ieue  de  la  viande  , 
sans  que  cette  mouche  ait  cessé  de  former  des  sous  peu  différens  de  son 
bourdonnement  ordinaire;  2°  à  laisser  libre  les  ailes  d'un  autie  insecte 
de  la  mCme  espèce,  mais  en  hii  enlevant  certaines  écailles  nombreuses 
situées  près  de  l'ouverture  de  ses  stigmates  vocaux  ;  alors,  le  vol  a  été 
complet  et  le  bruit  presque  nul. — Ce  sujet  a  naturellement  conduit  M. 
Chabirer  à  faire  connaître  en  dét.-iil  les  organes  qui  produisent  le  stri- 
dulement  des  criquets  ou  grillons  et  des  cigales;   organes  qui  avaient 
déjà  été  le  sujet  des  observations  de  Réauraur  et  d'Olivier,  Ce  chapitre 
est  terminé  par  des  considérations  générales  sur  la  résistance  de  l'air 
ambiant  dans  le  vol,   et  sur  les  conditions  nécessaires  à  cette  aciion  ; 
enfin,    par  un  parallèle  entre  plusieurs  organes  chez  les  oiseaux  et  les 
insectes,  tels  que  les  ailes  sons  le  double  rapoort  de  leur  forme  et  de 
leur  position  ;  les  nervures  rétracliles  qui  servent  à  diminuer  leur  surface 
dans  certains  cas;  les  réservoirs  aériens  inléiieurs;  la  tète,  l'abdomen 
et  la  queue  considérés  comme  servant  de  contiepoids  pour  maintenir  le 
corps  dans  la  position  convenable  au  vol;    les  muscles  contracteurs  de 
la  poitrine  ou  du  thorax,  quant  à  leur  position  relative  aux  parties  solides  ; 
les  muscles,  soit  abaisseurs,  soit  releveurs  des  ailes,  quant  à  leur  force 
et  à  leurs  proportions.   —    Le  second  chapiire  est   une  application  du 
premier,   qui  ,   ainsi  qu'on   l'a  vu,  ne  comprend   que  des  généralités. 
11  renferme  une  anatomie  très-détaillée  du  Ironc  alilére  du  hanneton; 
la  description  très-aiinutievise,  mais  très  bien  ordonnée,  des  parties  so- 
lides qui  le  composent,  l'indication  des  moindres  crêtes  ou  apophyses 
servant  à  l'insertion  des  luuscies,  les  rapports  de  connexion  de  ces  di- 
verses pièces  ,  etc.  Le  mode  de  l'articuhiîion  de  l'aile  est  soigneusement 
décrit;    tous  les  muscles  qui  eoncuurenl  a  son  mouvement  sont   très- 
clairement  indiqués,  suit  qu'ils  appartietment  à  la  p.irtie  dorsale  ou  aux 
parties  latérales  du  trunc.   Leurs  dénominations  sont  significatives,   et, 
comme  celles  que  présente  le  système  de  myologie  de   M.  Chaussier, 
fondées  sur  les  désignations  des  points  d'attache.    Ce  chapitre   est  ac- 
compagné de  quatre  planches,  très-bien  exécutées ,    qui  représentent 
toutes  le»   parties  molles  ou  solidi.'s  dont  il  renferme  la  description.  — 
Dans  le  troisième  ohjpilre,  le  système  des  organes  du  i'ol  des  demoi- 


3:8  LIVRES  FRANÇAIS. 

settcs  ou  liielMes  est  exposé  avec  les  mômes  détdils,  et  rînq  planclics 
en  rendent  toutes  ks  formes,  —  Le  quatrième  est  aussi  complet,  relafi- 
Tement  aux  in}.ectr.s  du  genre  des  bourdons,  et  trois  planches  l'accom- 
pagnent. —  Enfin,  les  chapitres  V,  VI,  Vil  et  VIII,  quoique  moins 
développés  que  les  trois  précédens,  sont  remplis  d'une  foule  de  parti- 
cularités ,  jusqu'alors  inconnues  ,  sur  la  composition  du  thorax  ,  des  ailes 
et  de  leurs  muscles  dans  les  criquets,  les  hémiplèrcs,  h  s  lépidoptères 
et  les  diptères.  —  Ce  travail,  dont  nous  venons  de  donner  un  aperçu 
rapide,  n'avait  de  précédent  que  celui  qui  a  été  publié  par  M.  de  Ju- 
rine  sur  les  ailes  des  hyménoptères.  M.  C;hahrier,  ainsi  que  nous  avons 
pu  en  juger,  a  envisagé  la  que^^lion  du  voi  des  infectes  sous  un  point 
de  vue  beaucoup  plus  étendu,  et  l'a  poursuivie  fort  loin  avec  autant  de 
méthode  que  de  clarté.— Les  deux  Mémoires  qui  sont  joints  à  cette  pre- 
mière p;.rlie  n'ayant  que  peu  ou  point  de  rapports  avec  l'histoire  natu- 
relle, et  même  rentrant  essenlillement  dans  le  domaine  de  la  mécani- 
que et  de  l'astronomie,  nous  nous  abstiendrons  d'en  faire  ici  l'extrait. 
Ils  sont  mlituîés  :  Observations  «wr  quelques  parties  de  la  mécanique  des 
mouvcmcns  progressifs  de  l'homme  et  des  animaux  vcrtéirés ,  et  idées 
nouvelles  sur  le.  sysléme  solaire.  Desmark  t. 

«42  {*).  —  De  ta  puissance  vitale  ,  considérée  dans  ses  fonctions  phy- 
siologiques, eltez  l'homme  et  tous  les  êtres  organisés,  avec  des  rfcher- 
ches  sur  les  forces  médicatrices  ,  et  les  moyens  de  prolonger  l'existence  ; 
par  J.  J.  VinsY,  D.  M.,  etc.  Paris,  iSaô;  Crochard.  Un  vol.  in-8o  de 
5o7  pag.;  prix,  7  fr.,  et  8  fr.  .5o  c. 

L'ouvrage  que  nnu-,  annonçons  traite  des  inlérèls  les  plus  chers  à  Thu- 
maiiité,  puisque  l'auteur  s'est  occupé,  non-seulement  de  recherches 
physiologiques  et  philosophiques  sur  la  puissance  vitale,  mais  encore 
sur  les  moyens  de  prolonger  l'existence.  Persuadé  que,  jusqu'à  présent, 
les  physiologistes  ont  suivi  une  mauvaise  marche  dans  leurs  études,  M. 
Virey  a  cru  devoir  tracer  une  nou%elle  route,  qui  lui  paraît  plus  propre 
à  conduire  au  but  qu'on  se  propose.  Ainsi,  les  physiologistes  modernes 
étudient  d'abord  l'anatoaiie,  qui  leur  fait  connaîlre  le  nombre,  les  for- 
mes, la  situation,  les  connexions  et  toutes  les  qualités  apparentes  des 
organes;  puis,  ils  cherchent  à  expliquer,  par  l'action  des  différens  or- 
ganes en  particulier,  et  par  les  sympathies  qu'ils  exercent  les  uns  sur  les 
autres,  les  phénomènes  dont  l'ensemble  constitue  la  vie  :  c'est  ce 
que  l'on  nomme  physiologie.  M.  Virey,  au  contraire,  veut  que  l'on 
étudie  la  vie  dans  tous  les  corps  de  la  nature,  cl  que  l'on  commen- 
ce par  les  êtres  les  plus  simples  pour  remonter  à  l'homme,  qui  est 
de  tous  le  plus  compliqué  et  le  plus  perfectionné  :  il  pense  qu'il  est 


LIVRES  FRANÇAIS.  079 

indispensable  de  faire   une  physioiotflc  cowfarcc ,  comme  il  existe  uue 
unatomie  comparée,  et  ce  sont  des  matériaux  propres  à  concourir  à  la 
formation  de  cet  ou\ra^e  important,   qu'il  soumet  aux  méditations  des 
médecins  et  des  philosophes.  — L'ouvrage  de  M.Vircy  est  divisé  en  qua- 
tre livres.  Dans  ii  s  deux  premiers,  il  traite  de  la  puissance  vitale;  le  troi- 
sième est  eon.sacié  à  des  rec;:erches  sur  îes  forces  médiealrices  de  la  na- 
ture, sur  i'inslinct  conservateur,  sur  les  révolutions  naturelles,  et  leurs 
effets  sur  l'orsanisme  de  l'homme  «t  sur  l'énergie  vitale.   Le  quatrième 
livre  est  composé  d'tm  Mémoire  sur  la  longévité,  et  d'un  Essai  sur  l'art 
d'être  malade,  pour  servir  de  cojseils  aux  personnes  en  bonne  sauté.— 
C'e-t  surtout  en  Irailanl  de  la  puissance  vitale,   que  l'auteur  s'est  élevé 
aux  plus  hautes  régions  de  la  philosoph'e  et  de  la  métaphjsique.   Il  fait 
(  onnaitre  les  différentes  opinions  des  philosophes  sur  le  sens  à  donner 
au  mot  iiiitiire;  puis,   il  s'exprime  en  ces  termes  :  •  Si  l'on  compare  la 
nature  et  l'âme  ,  on  remarquera  que  la  premièie  est  dépourvue  de  l'in- 
telligence {bien  qu'elle  agi-^se  -iavamment  sans  être  apprise),  qu'elle  est 
terreslre;  mais,  l'âme  est  émanée  de  la  suprême  intelligeuce.  L'œuvre 
de  la  nature  consiste  dans  la  nuirition  et  l'accroissement  ;  celui  de  1  âme, 
dans  la  faculté  de  sentir  cr  le  mouvement  volontaire.  «  —  Les  recherches 
de  M.  Virej  sur  l'hisioire  naturelle  sont  du  plus  grand  intérêt  :  il  a  cru 
devoir  remonter  à  l'époque  In  plus  reculée  des  révolutions  du  globe, 
pour  prouver  qu'une  multitude  d'uDim.inx  ont  dû  être  crées  avant  l'hom- 
me, et  que,   par  conséquent,  c'est  ,uivre  la   marche  du  Créateur  que 
d'étudier  les  êtres  les  plus  imparfaits,  avant  de  s'occuper  de  celui  qui  , 
selon  l'expression  fie  M.Virey.e-t  le  lien  qui  unit  le  ciel  à  la  terre.— Dans 
le  livre  qui  a  p  ur  objet  l'étude  des  forces  médicatrices  de  !a  nature  , 
l'auteur  rappelle  les  opinions  de  tous  les  mé.decins,  qui ,  suivant  les  tra- 
ces du  vieillard  de  Cos ,  faisaient  une  raédicioe  purement  expectanle. 
(Jerlts,  dans  beaucoup  de  rirconstanccs,  le  médecin  n'a  rien  de  mieux 
à  faire  que  d'obs<rver  la  marche  de  la  nature,  pour  attendre  le  moracut 
favorable  où  il  pourra  l'aider  ou  la  diriger,  mais  ,  nous  ne  pensons  pas, 
comme  M.  Virey,  que  ce  soit  surtout  dans  le*  maladies  très  aiguës  ;  car, 
le  plus  souvent,  les  crises  que  l'on  attend,  s.mt  incomplètes  ou  fâcheu- 
ses, et  l'on  est  réduit  à  regarder  comme  une  terminaison  heureuse  le 
passage  de  la  maladie  à  l'étal  chronique. — Dans  son  mcmoire  ^u^  la  lon- 
gévité, l'auteur  réfute  l'opinion  des  fatalistes,  qui  pensent  que  nos  jours 
sont  comptés.  11  déu.ontre,  par  des  raisonnemeos  fort  judicieux,  que  la 
sobriété,  la  continence,  etc.,  sont  des  moyens  presque  infaillibles  de 
prolonger  l'existence.— En  général,  M.  Virey  est  plus  heureux,  quand  il 
s'occupe  de  l'hygiène  et  de  son  application  pour  conserver  l'iiorame  eu 


^>^o  LIVRES  FRANÇArS. 

Banté,  que  quand  il  veut  donner  des  préceptes  pour  la  rétablir  lorsqu'elle 
est  allérée.  Son  ouvrage,  remarquable  par  une  vaste  érudition  ,  par  des 
recherches  immenses  en  histoire  naturelle  et  par  des  vues  fort  ingénieu- 
ses, mérite  de  fixer  l'attention  des  médecins,  des  naturalistes  et  des  phi- 
'o=*op'»ts-  D K. 

1  }5.  —  Essai  sur  la  théorie  des  hernies,  de  leur  étranglement  et  d» 
leur  cure  radicale  ;  par  F.  P.  U.v.x.  Paris,  1822;  Méquignon-Marvis. 
l  n  vol.  in-8°  de  viii-56  pag.  ;  prix  ,  1  fV.  5o  c. 

\\\.  —  Hygiène  oculaire ,  ou  Conseils  aux  fer  sonnes  dont  les  yen» 
sont  failles,  etc.;  par  J.  H.  Reveillé-Parise,  D.  M.  Seconde  édition. 
Paris,  1825;  l'auteur,  rue  des  Saints-Pères,  n"  Sy,  et  Méquignon-Mar- 
^is.  Un  vol.  in-ia  ;  prix,  2  fr.,  et  2  fr.  5o  c. 

Cet  opuscule  est  divisé  en  deux  parties  :  dans  la  première,  l'auteur  ex- 
pose avec  concision  les  moyens  les  plus  propres  à  nous  conserver  un  or- 
gane dont  nos  besoins  et  nos  plaisirs  réclament  sans  cesse  les  bienfaits.  Il 
recommande  spécialement  aux  personnes  qui  portent  des  lunettes  ,  de 
prendre  garde  aux  terre*  que  rend  défectueux  la  qualité  delà  matière, 
ou  l'imperfection  de  la  taille  :  le  nombre  eu  est  plus  considérable  dans 
le  commerce  et  les  effets  beaucoup  plus  funestes  qu'on  ne  serait  tenté 
de  le  supposer.  Dans  la  seconde  partie,  M.  Reveillé-Parise  établit ,  par 
des  observations  et  des  expériences,  le  peu  de  réalité  des  causes  que  l'on 
assigne  en  général  à  la  myopie.  Ce  défaut  de  la  vue  n'est  point,  suivant  lui, 
dû  à  la  conformation  originelle  de  l'œil  :  c'est  une  maladie  de  l'organe,  que 
l'on  augmcnlepar  l'usage  des  verre*  cowcawe*,  et  que  l'on  pourrait  guérir 
ou  diminuer  beaucoup,  en  exerçant  de  bonne  heure  les  jeux  myopes  à 
regarder  les  objets  éloignés.  On  ne  peut  trop  exhorter  l'auteur  à  conti- 
nuer, et  à  étendre  les  recherches  dont  ['hygicne  oculaire  est  déjà  le  fruit  : 
sur  te  sujet  inléressaut,  toute  découverte  devient  un  service  rendu  au 
plus  grand  nombre  des  hommes.  Eusète  Salvehtk. 

145  (*j.  —  Des  hôpitaux  et  des  secours  à  domicile,  etc  ;  par  J.  So- 
vuHE.  Paris  et  Montpellier,  i8a3  ;  Gabon  et  comp.  Uu  vol.  in-8»; 
prix  ,  3  fr.  ,  et  ô  fr.  yS  cent. 

'46  (')•  —  Recherches  statistiques  sur  la  ville  de  Paris  et  le  diparte- 
ment  de  la  Seine  ;  recueil  de  tableaux  dressés  et  réunis  d'après  les  ordres 
de  M.  le  comte  de  Chabrol ,  conseilier-d'état ,  préfet  du  département. 
Pans,  1825,  de  l'imprimerie  royale.  Un  vol.  in-4»  ,  composé  d'une 
lulroduciion  en  28  pages,  et  de  loi  tableaux,  destinés  à  faire  connaître 
tout  ce  qui  se  rapporte  aux  tinances,  à  la  consommation,  à  la  popula- 
tion ,  à  la  mortalité,  aux  mariages  et  naissances,  à  la  navigation,  à 
la  métrologie,  etc. ,  de  la  \ille  de  Paris  et  des  communes  qui  en  sont 


voisines. 


LIVRES  FRAISÇÂIS.  58 1 

Ce  beau  travail  fait  Iionneur  au  magistrat  qui  en  a  ordonné  et  sur- 
veillé l'exécution;  c'est  un  des  plus  graud.s  ouvrages  de  stalislique  qui 
aient  encore  été  publiés,  et  un  véritable  nnonumenl  élevé  en  l'bon- 
neur  d'une  science  entièrement  inconnue  de  nos  pères ,  qui  de  nos  jours 
a  fait  d'immenses  progrès.  Nous  reviendroas  sut  la  Statistique  du  dé- 
partement delà  Seine;  et  nous  consacrerons  un  article  cMendu  à  l'expo- 
sition des  faits  contenus  dans  cet  ouvrage.  FHANcrECH. 

i47'  —  Extrait  du  rapport  général  sur  les  travaux  du  conseil  de  sa- 
luhrité,  fendant  l' année  1822,  pour  servir  de  réponse  aux  criti'jues  pu- 
bliées contre  l'éclairage  par  le  gaz  hydrogène.  Paris,  iSao;  Lad\orat , 
au  Palais-Royal;  Igonette,  quai  des  Augustins ,  n°  27;  In-S"  de  54 
pages;  prix  ,    1  l'r, 

i4^-  —  Sur  le  grand  Gazomcirc  de  l'usine  ètaMic  rue  du  Faubourg- 
Poissonnière,  n°  97.  Paris,  iSaS;  mêmes  adresses.  In-S",  7jS  pages;  prix, 
75  cent. 

i49-  —  Adresse  de  la  Compagnie  française  de  Pauwcls,  à  sa  Majesté; 
1820.  In-i»  de  ij  pages;  imprimerie  de  Cliaignieau,  rue  de  la  Monnaie, 
n.    1  I. 

\So.  —  De  l'éclairage  par  le  gaz  hydrogène;  Paris,  iSiô;  Dondey- 
Dupré  ,  rue  de  Richelieu,  n°  67.  In-S"  de  q4  pages;  prix,  5o  cent. 

Les  quatre  brochures  que  l'on  réunit  ici,  ne  suffisent  point  pour  mettre 
les  lecteurs  en  état  de  se  former  une  opinion  S'jr  l'éclairage  par  le  gaz 
hydrogène,  quoique  la  première  établisse  avec  certitude  que  cet  éclai- 
rage n'a  rien  de  nuisible  pour  la  santé,  et  que  l'autre  ne  prouve  pas 
moins  clairement  qu'on  s'est  beaucoup  exagéré  les  inconvéniens  du 
grand  gazomètre  du  faubourg  Poissonnière,  et  que  les  dangors  dont  quel- 
ques voisins  se  sont  crus  menacés  n'ont  aucune  réalité.  La  troisième  est 
un  document  qu'il  faudra  conserver  pour  servir  à  l'histoire  de  l'étrange 
procès  que  le  nouvel  éclairage  soutient  en  ce  moment.  Quant  à  la  qua- 
trième, nous  ne  la  plaçons  dans  cet  article  que  comme  un  exemple  des 
abus  d'un  demi-savoir,  ce  qui  est  fort  innocent,  et  des  insinuations  dont 
un  certain  parti  se  permet  d'user  si  largement,  même  dans  ce  qui  est  le 
plus  étranger  à  la  politique;  moyens  dont  l'auteur  a  senti  l'ignominie, 
car  il  ne  s'est  pas  nommé.  —  Gomme  nous  présenterons  bientôt  à  nos 
lecteurs  un  exposé  général  des  procédés  du  nouveau  mode  d'éclairage, 
de  son  histoire ,  des  débats  qu'il  a  fait  naître  et  de  sa  situation  actuelle  ; 
nous  nous  bornerons,  quant  à  présent,  à  citer  la  conclusion  du  conseil 
général  de  salubrité.  «  Il  n'y  a  donc  pas  d'objection  fondée  contre  cet 
éclairage,  si  favorable  aux  consommateurs,  c'est-à-dire  à  cette  masse 


582  LIVRES  FRAÎSÇÂÎS. 

de  la  population  .lonl  l'iniérèt  doit  toujours,  au  besoin,  faire  taire,  au 
près  d'une  admiaislration  éclairéCj  les  intérêts  de  quelques  industries 
rivales  ,  et  s'il  est  un  point  qui  re.-te  déinootré  dans  l'tsprit  des  person- 
nes qui  se  livrent  à  l'examen  de  la  question  avce  le  seul  di'sir  de  voir  It;» 
choses  telles  qu'elles  sont,  c'est  que  les  préventions  élevées  conire  la 
lumière  du  gaz  ne  peuvent  manquer  de  s'affaiblir  et  de  s'éteindre...  »  — 
A  la  fin  de  la  seconde  brochure,  une  nule  nous  apprend  que  la  requête 
adressée  au  Roi  par  les  entrepreneurs  du  grand  gazomètre  du  faubourg 
Poissonnière,  n'est  pas  demeurée  sans  effet.  L'usage  de  leur  établissement 
leur  est  rendu  provisoirement  ;  et  dans  tous  les  cas  ,  ce  sera  par  ui^e  me- 
sure générale  qu'il  sera  statué  sur  tous  les  établissemens  fi'éclairage  par 
le  g.TZ.  Le  gazomètre  dont  il  s'agit  est  Iv  plus  grand  que  l'on  ail  construit 
jusqu'à  présent,  même  en  Angleterre;  mais  les  difficultés  fie  cette 
construction  n'étaient  pas  aussi  grandes  qu'on  le  dit  dans  cette  brochure, 
quoiqu'elles  exigeassent  cerlainemeut  de  l'habileté  et  une  grande  con-. 
Dciissance  de  l'art  des  machines.  Quoique  la  description  de  cet  appareil 
gigantesque  soit  d'une  extrême  brièveté,  elle  suffit  cependant  pour  que 
l'on  demeure  convaincu  que  toute  crainte  d'une  exi)losion  e-t  entière- 
ment chimérique.  —  L'auteur  de  la  quatrième  bmciiure  commence  son 
premier  chapitre  par  une  sorte  de  principe  dont  il  lire  des  conséquences 
qu'il  lui  plaît  de  trouver  justes.  Pour  apprécier  sa  manière  de  raisonner, 
il  suCGî  de  l'appliquer  à  un  autre  objet.  «  La  flamme,  dit-il,  est  une  de 
sa  nature,  quel  que  soit  le  corps  qui  la  donne,  etc.  « —  Les  alcools,  di- 
rons-nous, sont  identiques,  de  quelque  substance  qu'ils  soient  extraits: 
ainsi,  toutes  les  liqueurs  alcooliques  jouissent  des  mêmes  propriétés,  et 
peuvent  être  substituées  run<;  à  l'autre,  depuis  le  vin  de  Tokai  jusqu'au 
cidre  de  Normandie,  la  bière  des  Allemands  ou  le  koumis  des  Talars. 
Quant  aux  appréhensions  de  l'auteur  de  la  brochure,  aux  suppositions 
de  crimes  sur  lesquelles  il  insiste  avec  une  sorte  de  complaisance,  aux 
vuetf  mystérieuses  qu'il  ectrevoit  dans  ces  canaux  souterrains  qui  por- 
tent partout  les  dangers  de  l'explosion,  il  paraît  que  ces  estais  de  calom- 
nie lui  plaisent  :  nos  lecteurs  ne  ks  goûteraient  certainement  pas  autant 
que  lui.  *  t^* 

i5i  (*). — Le Camitste  universel, ou  TraUé complet  des  changes,  mon- 
naies, poids  et  mesures  de  toutes  las  nations  commerçantes  et  de  leurs  co- 
lonies ;  avec  un  exposé  de  leurs  banques,  fonds  publics  et  papiers  mon- 
naies; rédigé  par  ordre  et  aux  frais  du  gouvernement  anglais,  par  Rbllï, 
examinateur  pour  les  mathématiques  du  collège  de  la  Trinité,  etc.  Tra- 
duit cl  calculé  aux  unilés  françaises  sur  la  seconde  édition  ;  augmenté  de 


LIVRES  FRANÇAIS.  ."P5 

tableaux  des  monnaies  d'or  et  d'argent,  d'un  Aperçu  sur  la  Ictiie  d'- 
change  et  les  opérations  de  la  bourse  de  Paris.  Paris,  i82j;  Bossaugi.' 
frères.  Deux  vol.  in-4°  de  842  pages  ensemble;  prix,  4^  fr. 

Cet  ouvrage  ,  qui  manquait  au  commerce  et  aux  sciences  ,  est  dû  spé- 
cialement aux  immenses  relations  du  gouvernement  britannique,  et  à  la 
protection  qu'il  ne  ccs^e  d'accorder  à  l'industrie  et  aux  spéculations  com- 
merciales. L'importance  d'un  traité  de  cctie  nature  doit  nous  déterminer 
a  en  donner,  dès  que  nous  l'aurons  à  liotre  disposition,  onv  notice  éten- 
due, pour  en  faire  apprécier  le  plan.  Fha.^coech. 

i52. — \olice  hiitorlquc  de  l'art  de  fa  verrerie,  né  en  Egypte;  par 
M.  BoLDET,  pharmacien  en  chef  d'armée  en  Egypte.  Taiis,  1821;  à  l'im- 
primerie royale,  la-folio,  de  22  pages. 

Cette  notice  e«t  destinée  à  compléter  la  colleolion  des  méaioircs  snf 
les  arts  de  l'Egypte,   et  M.  Boudet  y  a  joint  des  recherches  sur  l'intro- 
duction de  l'art  du  verrier  en  Europe,  et  spécialement  en  France.  C'est 
aux  anciens  babitans  des  bords  du  ^il  qu'il  attribue  l'honneur  d'avoir 
enseigné  cet  art,   d'abord  aux  Grecs  conquérans  de  l'Egypte,  et  plu-t 
lard,  à  l'Europe  occidentale.  Il  ne  laisse  pas  même  aux  peuples  moder- 
nes le  mérite  de  quelques  perfectionnemens  :  suivant  lui,  nos  verreries 
ne  possèdent  rien  qui  ne  vienne  des  anciens  ,  et  dont  on  ne  retrouve 
l'origine  dans  leurs  écrits.    Cependant,  il  est  incontestable  que  nous 
avons  vu  naître  quelques  procédés  ;  que  l'expérience  en  a  créé,  sans  le 
secours  d'aucune  érudition  ,  et  que  les  sciences  chimiques  y  ont  aussi 
quelque  part.  M.  Boudet  croit  même  apercevoir  des  traces  de  la  haute 
antiquité  des  lunettes:  mais  il  confond  ces  iuslrumens  d'optique  avec  les 
rairoiis,    et  ses   conclusions  sont   quelquefois   un   peu  trop  hasardées. 
D'ailleurs,  les  témoignages  sur  lesquels  il  se  fonde  ont  besoin  d'êtr»* 
pesés,   puisqu'il  s'agit  d'attester  un  fait  historique  :  or,  comme  c'e.-t 
principalement  à  Rome,  et  parmi  les  poètes  qu'il  va  chcrci^er  les  preu- 
ves de  ses  assertions ,  on   ne  peut  se  dispen:-er  de  remarquer  que  lc« 
Romains ,  leurs  poètes  et   même  leurs  historiens  étaient  fort  ignorans 
sur  ce  qui  concerne  les  arts,  et  se  vantaient  de  l'être.   La  notice    le  M. 
Boudet  est  pleine  d'érudition,  elle  répand   beaucoup  de   lumières  siir 
l'uue  des  plus  belles  créations  de  l'industrie  humaine;  mais  elle  ne  prou- 
ve jioint  que  l'art  du  verrier  nous  vient  d'Egypte. 

1 53.  —  IVotct  sur  la  Suisse  et  une  jmrtie  de  l'Italie  ,  par  M.  le  comto 
Tficohald  WihsB.  Paris, 1S2Ô;  Trouvé,  rue  Îjeuve-Saint-Auguslin,  n"  iy. 
Vin  vol.  in-8";  prix,  5  fr.,  et  3  fr.  5o  c. 

Des  sujets  un  peu  trop  usés  sont  présentés  dans  cet  ouvrage,  sous  un 
uspcct  nouveau,  ou  revêtus  de  c^iuleur»  plus  fraîches  :  Iv  voyageur,  t.iiilôl 


584  LIVRES  FRANÇAIS. 

observateur  profon-J,  tantôt  superficiel  et  môme  frivole,  mais  toujours 
spirituel,  sait  bien  voir  la  nature,  les  arts  et  leurs  produits;  mais  il  se 
trompe  souvent  sur  les  hommes  et  les  insliîutions.  On  a  bientôt  (décou- 
vert la  cause  de  ces  méprises:  c'est  qu'il  jii<ïe  les  hommes  et  les  institu- 
tions avec  l'esprit  de  son  rang.  Quelquefois,  cependant,  le  voyageur 
s'abandonne  aux  inspirations  d'une  philosophie  plus  généreuse,  et  les 
pages  que  la  raison  seule  lui  a  iliclées  sont  les  plus  remarquables  de  son 
livre,  même  par  le  style.  Lorsque  net  excellent  guide  lui  manque,  le 
bon  goût  l'abandonne  aussi;  des  plaisanteries  un  peu  trop  puériles  vien- 
nent émousscr  d'heureuses  saisies,  et  déUuire  l'efTct  de  quelques  ima- 
ges bien  placées.  L'auteur  es)  jeune;  sr^n  talent  mûrira, il  renoncera  aux 
jeux  de  mots;  car  il  y  en  a  dans  son  livre.  Il  réformera  aussi  certaines  ex- 
pressions vicieuses,  telles  que  je  suis  passi-,  au  lieu  de  j'ai  passé',  je  n'ai 
■poinlétc  pour  dire,  je  ne  suis  point  aHc,  etc.  Malgré  ces  critiques,  un 
livre  où  le  vr.->i  et  le  naturel  abondent,  ne  peut  manquer  de  plaire.  F. 
i.')4  ('}■ — Voyage  au  Mont-Caucase  cl  en  Géorgie,  par  M.  /.  Klaproth, 
avec  une  carte  nouvelle  de  la  Géorgie.  Paris,  iHaô;  Schubart  et  Don- 
dey-Dupré,  rue  de  Richelieu,  n"  67.  Deux  vol.  in-S";  prix,  18  fr. 

i55.  Essai  sur  ie  Masptième;  par  J.  JV1argih.t,  curé  de  Bouillon. 
Huitième  cdition.  Besançon,  iSaS.  I.t-»6. 

On  ne  peut  s'expliquer  comment  cet  opuscule,  du-dessous  de  la  cri- 
tique pour  la  doctrine  comme  pour  le  style,  est  p;uvenu  à  sa  huitième 
édition.  Voici  l'abrégé  de  ce  qu'il  contient  ;- nous  le  donnons  comme 
un  ]ietit  tableau  de  ce  qui  se  publie  en  France  pour  l'instruction  et 
l'édiGcation  des  dernières  classes  du  peuple.  1°  Déclamations  rebattues 
contre  les  impiétés  et  les  autres  excès  bien  réciproques  dont  la  Charte 
royale  commande  et  fait  jurer  l'oubli.  Les  débitans  de  tabac  sont  forcés 
de  prêter  avec  solennité  ce  serment  pacifique  ,  si  favorable  à  tous,  sau» 
distinction  de  parti;  mais,  par  une  fatalité  digne  de  remarque,  les 
curés,  les  dçsservans,  les  prêtres  approuvés  n'y  sont  pas  tenus.  Il  leur 
est  donc  loisible  d'être  du  monde  (fui  »i'rt  point  proinis  d'ouKicr,  qui 
n'oublie  pas ,  qui  raconte,  qui  répète  sans  cesse ,  et  no  met  les  torts  que 
d'un  seul  côté.  2"  Plaintes  amères  contre  le  genre  humain,  contre  la 
génération  présente,  contre  la  masse  des  dvrètiens ,  contre  ta  nation 
française,  qui  a  voulu  que  les  lois  et  les  codes  ne  parlent  pas  de  reli- 
gion (quoique  les  lois  et  le  budget  en  parlent  utilement  pour  les  citoyens 
et  pour  le  clergé  ).  5"  Déclaration  théologique  et  scientifique  que  le 
mot  sacré  (qui,  de  même  que  le  mot  saccr  d'où  il  vient,  fut  toujour» 
pris  en  bonne  ou  mauvaise  part,  selon  l'usage  et  selon  tous  nos  lexi- 
cographes), est  devenu  improhaiif  ou  péjoratif,  par  le  fait  du  liber- 


LIVRES  FRANÇAIS.  585 

lins  et  des  homm-es  grossiers;  qtie  ,  dans  ce  sens,  l'usage  de  ce  mot  est 
un  attentat  contre  Dieu  ,  un  fèchè  infâme  ,  incontestaMement  mortel , 
un  crime.  4°  Longs  regrets  et  aflligeans  détails  sur  les  tems  passés , 
les  tems  heureux,  et  Vheurcv.se  époque,  et  les  régions  heureuses  où  rien 
que  la  mort,  le  pilori,  les  mutilations,  les  galères,  ne  pouvaient  ou  ne 
peuvent  expier  le  blasphème.  5°  Grave  démonslralioii  de  Vinutilità 
des  blasphèmes.  6"  Recueil  d'apostrophes  et  d'exiiorlations  aux  jjarti- 
culiers,  pour  les  exciter  à  dénoncer  les  Itlasfliémateurs ,  à  les  frapfer, 
à  les  souffleter,  à  les  forcer  par  \iolence  privée  à  faire  amende  hono- 
rable «t  à  se  bannir  de  la  commune,  en  uu  mot,  d  tes  châtier,  fallût-il 
mourir;  et  dans  ces  vues  si  calmes  et  si  paisibles,  l'auteur  propose  des 
associations  j  des  confréries  pour  extirper  les  ttaspliémes.  Ce  fut  ainsi 
que  ,  pour  extirper  les  hérésies  ,  qui  sont  plus  ou  moins  blasphématoires , 
le  premier  congrès  réuni  à  Vérone,  en  1184,  érigea  la  sainte  Inquisi- 
tion, qui  maintenant  se  réhabilite  en  Espagne.  Ce  tribunal  serait  d'une 
grande  utilité  contre  les  hlasfhémes  de  pensée,  objets  importaus  du 
zèle  de  M.  Marguet  ;  car  il  a  voulu  ne  rien  oublier.  Sans  doute  il  fau- 
drait ,  pour  réprimer  avec  succès  ks  blasphèmes  de  pensée ,  des  sup- 
plices décerné»  par  des  juges  du  for  intérieur,  comme  aux  époques  heu- 
reuses des  tems  passés.  Je  reviens  aux  associations,  aux  confréries 
proposées.  Ce  luxe  de  piété  est-il  bien  ami  de  la  piété  véritable?  Wa-t-il 
point  fomenté  l'orgueil,  les  jalousies,  les  discordes  ,  les  superstitions, 
les  hérésies,  les  idolâtries,  et  couvert  d'un  voile  pernicieux  les  intrigues 
politiques?  N'est-ce  point,  sans  y  songer,  dèpriscr,  rabaisser,  affaiblir 
la  belle  et  divine  confrérie  de  l'Eglise  universelle  ,  que  de  prétendre 
la  renforcer  par  des  coteries,  par  des  assemblées  privées  et  d'institu- 
tion purement  humaine,  par  des  réunions  illégales,  en  ua  mot,  et 
dangereuses  en  plus  d'un  sens  ?  Les  confréries  ne  furent  pas  toujours 
pour  la  légitimité  ;  elles  étaient  le  plus  ferme  appui  de  la  sainte 
association  ,  de  la  ligue  qui  osa  faire  la  guerre  civile  à  Henri  111,  à 
Henri  IV,  et  qui  s'cllurç;t  d'exclure  du  trône  de  France  la  maison  de 
Bourbon,  aGo  d'y  porter  ua  prince  étranger. — On  vient  de  voir  que  notre 
auteur  n'aperçoit  pas  l'inconvenance,  quand  elle  est  fort  sensible,  et 
qu'il  trouve  des  blasphèmes  où  il  n'y  en  a  pas.  Comment  se  fait-il  qu'il 
ait  omis  de  censun  r  le  parjure,  qui  est  le  plus  conjmun  et  le  plus  grave 
des  blasphèmes  ?  Pourquoi  a  t-il  oublié  le  blasphème  de  flagornerie  ,  qui 
ose  décerner  à  la  divine  Providence  des  certificats  de  bonne  conduite, 
portant  qu'eWe  a  fuit  son  devoir?  Pourquoi  ne  parle-t-ii  pas  du  blasphème 
nouveau,  qui  attribue  d  la  lecture  de  l'Ecriture  Sainte  nos  milliers  de 

T.  xs.. — ISovtmbrc  ibaS.  25 


586  LIVRES  FRANÇAIS. 

erimes  depuis  trente  ans?  Esl-cc  onbli?  esl-ce  ménagement?  Attendons- 
le  à  sa  oeuvième  édit'oo.  Là  peut-être  il  nous  prouvera,  par  sh  retenue, 
que,  lorsqu'on  a  le  bonheur  d'être  chrétien  sans  fanatisme  et  sans  hypo- 
crisie ,  on  se  rappelle  avec  une  loiinble  inquiétude  que  les  scribes  et  les 
pharisiens,  qui  n'entraient  pas  ,  qui  empêchaient  d'entrer,  qui  faisaient 
sortir,  firent  crucifier  Jésus-Chiist  comme  ilasphémaleur!.,.  Cette  ré- 
flexion pourra  le  rendre  plus  circonspect.  Encouragé  par  ses  premiers 
succès,  il  nous  promet  contre  les  paroles  grossières  un  autre  ouvrage  de 
sa  façon.  L'on  est  tenté  de  croire  qu'il  ferait  mieux  de  se  borner  à  diri- 
ger sa  paroisse  et  à  méditer  l'Évangile  ,  pour  en  mieux  connaître  le  vé- 
ritable esprit,  à  étudier  quelques  livres  judicieux  sur  la  charité  envers 
les  pécheurs,  sur  la  douceur,  la  modération,  la  prudence  chrétienne,  et 
même  quelques  pages  contre  l'anaxciùe  et  les  anarchistes. 

Lahjdinais,  de  l'Institut. 

i56.  —  Considérations  sur  iemariagc  et  sur  ie  divorce ,  adressées  aux 
citoyens  d'Haïli;  par  M.  Gbégcirb  ,  ancien  évèque  de  Blois.  Paris  , 
182Ô  ;  Baudoin  frères.  In-16  de  65  pages;  prix,  60  c.  et  -5  c 

Cet  ouvrage  traite  particulièrement  du  concubinage  et  du  divorce 
entre  catholiques.  TS'ous  en  citerons  te  qui  suit:  .Supposons  qu'un 
tribunal  ecclésiastique  ,  lâche  et  corrompu  ,  ait  prononcé  un  divorce,  la 
religion  ne  serait  point  complice  d'une  prévarication  qu'elle  abhorre.... 
Trop  souvent,  on  vit  des  adulateurs  vendus  à  Tiniquilé.  Le  pécheur,  dit 
la  Sainte  Écriture  ,  trouve  des  interprétations  de  (a  loi  selon  son  désir. 
Philippe  I",  voulant  répudier  sa  femme  Berthe  pour  épouser,  au  moyen 
de  ce  divorce,  l'ambitieuse  Bertrade  ,  femme  divorcée,  des  évèque^ 
indignes  conuivèient  à' ce  désordre.  Ives  de  Chartres,  déclara  qu'il 
aimerait  mieux  être  jeté  à  la  mer  avec  une  pierre  au  cou  ,  que  de  paraître 
autoriser  par  sa  présence  une  alliance  criminelle  qui  scandaliserait  louis 
l'Eglise.  Ici  se  présente  naturellement  le  souvenir  du  divorce  de  Napo- 
léon,  coloré  de  nullité  par  une  officialité  prétendue.  Les  officialités, 
sources  primitives  de  l'inquisition,  ont  été  abolies  par  les  lois  françaises 
des  7  et  ij  décembre  1790;  elles  n'ont  éJé  rétablies  par  aucune  loi.  La 
prétendue  officialité  dont  il   s'agit  prononça  la  nullité  du  premier  ma- 

"^?^ ^^^  cardinaux,  des  évêques  assistèrent  au  second  mariage; 

d'autres  cardinaux  ,  d'autres  évêques  refusèrent  d'y  paraître;  au  nombre 
de  ces  derniers  est  celui  qui  vous  adresse  la  parole.  Après  a.oîr,  comme 
sénateur,  lui  quatorzième  ,  voté  contre  ce  divorce,  et  avoir  déclaré  au 
président  du  sénat  qu'il  n'assisterait  pas  au  nouveau  mariage,  t,i  le 
sort  l'appelait  a  cette  céiémonie,  il  refusa  même  son  billet  d'invitation. 
Ces  faits   sont  connus  de  tous  les  membres  qui  composaient  le -sénat.  • 

L. 


LIVRES  FRANÇAIS.  387 

1^7  (*)  —  Bisloire  comparée,  des  systèmes  de  pfiilosnpliic,  considérés 
rclativtu^cnt  aux  jiriiitincs  des  connaissances  humaines;  par  M.  Degk- 
BANDO,  membre  de  l'inslilul  de  France.  Deuxième  édition,  revue, 
corrigée  et  augmentée.  T.  IV.  Paris,  iS25;  Eymery.  la-S»;  prix,  7  fr, 
(Voy.  Rev.  Enc,  T.  XVIII,  noie  de  la  p.  5i5.) 

Nous  ren<lrons,  diins  l'un  de  nos  prochains  cahiers,  un  compte  dé- 
taillé de  cet  important  ouvrage  ,  auquel  l'auteur  a  fait  des  additions 
considérables  dans  celte  nouvelle  édition.  Nous  nous  bornerons  ici  à 
indiquer  sommairement  les  iiialiéres  traitées  dans  ce  quatrième  volume. 
Les  sept  chapitres  dont  il  se  compose,  contiennent  l'hisloirc  de  la  phi- 
losophie pendant  le  moyen  âge,  en  la  comipençant  par  les  pères  de 
l'Eglise  et  les  docteurs  chrétiens  ;  puis,  en  la  suivant  chez  les  Grecs  du 
Bas-Empire,  chez  les  Arabes  et  les  Juifs,  et  en  finissant  par  les  diffé- 
rens  âges  de  la  scholastique  en  Occident.  \^ 

iô8  (').  —  De  lapniiosophie  morale  ,  ou  Des  différcns  sy.^tèmes  sur  la 
science  de  la  vie,  ^ar  Joseph  Daoz.  Paris,  liSaS;  Renouarù.  Un  vol.  iu-S» 
de  5oo  pages;  prix  ,  5  fr.  ,  et  6  fr. 

Cet  ouvrage  a  un  cachet. tout  particulier.  La  tolérance  scicntiGque  y 
fsl  érigée  en  système,  sans  dégénérer  en  scepticisme  et  sans  tomber  dans 
l'indifférence.  L'auteur,  affligé  des  di<sentimens  qui  divi,eul  les  philoso- 
phes sur  les  théories  de  la  morale,  cherche  à  les  concilier  par  des  paroles 
de  paixj  sans  leur  demander  des  coneosions  que  la  conviction  scienti- 
fique ne  peut  pas  accorder.  Nous  levieudrons  sur  ott  ouviage,  dio-pe  de 
l'auteur  de  l'Essai  iur  Vart  d'clre  heureux ,  et  de  V Éloge  de  Montaigne. 
La  tentative  de  metirc  la  paix  parmi  les  philosophes  mérite  un  sérieux 
examen.  (]_  jj^ 

rôg.  —  Discours  sur  la  dignité  de  l'homme  ,  prononcé  à  l'Académie 
•d«s  sciences,  belles-lettres  et  aits  de  Lyon,  dans  la  séance  pnblique  du 
37  août  1825,  par  Honoré  Torombbbt,  avocat.  Paris  ,  itiaô  ;  Delaunay, 
Palais  -  Royal  ;  Lyon,  Faverio,  rue  Lafont.  Brochure  de  5a  pages; 
prix  ,  1  fr.  5o  c. 

La  dignité  de  l'homme  ,  dit  l'auteur ,  est  dans  ses  facultés  intellec- 
tuelles et  dans  l'usage  qu'il  en  fait  ;  elle  est  surtout  dans  sa  moralité.  Il 
examine  quelle  est  la  source  de  cette  moralité;  il  fait  voir  qu'il  faut  la 
chercher  dans  une  région  plus  haute  que  la  philosophie  d'Épicure,  re- 
nouvelée par  l'école  anglaise  ,  et  connue  sons  le  nom  de  philosophie  des 
sensations.  Jamais  ce  sysléme  ne  pourra  faire  sortir  l'homme  des  froids 
calculs  de  Vintérel  et  de  Vuiilité  ,  pour  l'élever  aux  idées  d'héroïsme,  di; 
dévouement .  d'enthousiasme  pour  ce  qui  est  beau  et  grand.  C'est  dans 
la  conscience  que  le  créateur  a  gravé  ,  avec  le  sentiment  innédenotre  di- 


583  LIVRES  FRAINÇAIS. 

gnité,  les  principes  éternels  de  la  morale,  développés  ensuite  et  rendus 
populaires  par  le  christianisme.  Le  style  de  ce  discours  est  simple  et 
grave  ;  on  y  trouve  plus  de  sentimens  élevés  que  de  raisoniu-mens  :  l'au- 
teur se  propose  d'en  discuter  et  d'en  approfondir  les  principei  ,  dans  une 
Réfutation  du  Contrat  social  de  Rousseau,  qu'il  doit  donuer  incessam- 
ment au  public.  On  ne  saurait  trop  engager  M.  Torombert  à  mettre  au 
jour  un  ouvrage  qui,  par  l'intérêt  même  du  sujet  ,  et  la  grande  célé- 
brité de  l'adversaire  qu'il  entreprend  de  combattre,  ne  peut  manquer 
d'appeler  l'attention  des  lecteurs.  L.   S. 

160.  —  Réflexions  sur  les  sociétés  secrètes  et  les  usurpations ,  etc. ,  par 
C.J.  GiLLiARD,  maire  de  iNIonchard  (Jura).  Arbois,  i823  ;  de  Timpri- 
meric  de  Javel.  Deux  vol.  in-S" ,  formant ,  avec  la  préface,  environ 
790  pages. 

Le  sujet  de  ce  livre  est  très-important ,  surtout  au  moment  où  les 
journaux  retentissent  des  mesures  prises  en  divers  pays  contre  toutes  les 
sociétés  secrètes ,  soupçonnées  de  zèle  pour  les  libellés  civiles  ou  politi- 
ques. Mais  l'exécution  de  cet  ouvrage  est  loin  de  répondre  à  l'importance 
du  sujet.  On  lira  peut-être  avec  quelque  intérêt  les  chapitres  concernant 
les  Bons-Cousins-Charhonnicrs ,  société  très-ancienne  dans  l'est  delà 
France,  établie  par  des  personnes  pieuses  pour  éclairer  et  civiliser  les 
charbonniers  et  les  bûcherons,  multipliés  dans  les  forêts. — Saint  Thiébaut 
est  leur  patron.  Leur  code  ou  catéchisme  (Tom.  II,  pag.  i4i  et  suîv.) 
offre,  dans  les  questions  et  dans  les  réponses  ,  des  pensées  religieuses  , 
mélangées  de  bizarreries  qui  font  allusion  aux  travaux  de  ces  ouvrier?. 
Cette  société  ,  composée  de  gens  moraux  et  paisibles,  ne  fut  jamais  l'ob- 
jet d'aucune  plainte.  L'auteur  ,  dout  nous  annonçons  l'ouvrage,  en  fait 
un  grand  éloge;  et  il  les  prémunit  contre  les  tentatives  d'autres  carbonari 
qui ,  selon  lui ,  n'ont  emprunté  le  nom  et  le  code  des  bons  cousins  char- 
bonniers ,  que  pour  mieux  voiler  des  projets  qu'il  signale  comme  désas- 
treux.— L'ouvrage  de  M.  Gilliard  estune  déclamation  continuelle,  et  des 
plus  virulentes,  contre  toutes  les  sociétés  secrètes  poursuivies  par  les 
gouvernemens  ,  et  qui  ne  sont  peut-être  que  le  contre-poids  d'autres  so- 
ciétés secrètes,  dans  le  sens  actuel  de  certains  gouvernemens.  On  con- 
çoit que  Barruel  puisse  être  un  héros  pour  notre  auteur;  mais,  avec  de 
la  bonne  foi  ou  plus  de  lumières,  n'aurail-il  pas  déféré  aux  a\is  que  pré- 
sente l'ouvrage  du  sage  Mouiiier,  sur  ce  même  sujet  ?  C'est  avec  des 
preuves  en  mains  et  non  par  des  phrases  de  rhéteur,  qu'on  parvient  à 
obtenir  la  confiance  des  lecteurs  impartiaux. — On  remarque  dans  cet  ou- 
vrage des  méprises  qui,  bien  que  minutieuses  en  apparence ,  annon- 
ceraient une  ignorance  bien  caractérisée.  Qui  ne  connaît  bvcdenhor^ ., 


LIVRES  FRANÇAIS.  5F9 

dont  il  a  fait  fVedenhorg  ou  S.  Wedenborg?  Wersbaupt  (T.  I,  pag.226) 
est  écrit  partout  fFiieùliaupt  (T.  I,  pag.  i54);  et  ce  ïf  ueishawpt ,  fon- 
dateur de  sociétés  d'illuminés  ,  n'est  cependant ,  selon  M.  Gilliard  ,  que 
l'adepte  de  Jean-Jacques  Kousseau  ,  véritable  fondateur  de  leur  secte: 
ailleurs,  il  donne  celte  paternité  aux  Américains.  En  conséquence,  il 
demande  que  l'Europe  vomisse  dans  le  Nouveau  monde  tous  les  carbo- 
nari  qu'il  a  en  vue,  sans  excepter  ceux  qui  ne  sont  que  suspects,  ni 
ceux  dont  le  carbonarisme  royal  a  cbangé  l'Europe  en  1814. — On  apprend 
dans  ce  livre  que  l'Amérique  est  au  centre  du  globe  (T.  II,  pag.  180). — 
11  fait  un  prélat  de  l'avant-dernier  duc  luthérien  de  Saxe  Gotha,  mort 
il  y  a  une  vingtaine  d'années  {T^oy.T.  I,  p.  27). — (T.  II,  p.  240},  il  nous 
apprend  que  la  grâce  de  Jésus-Christ  n'a  que  des  désirs  spirituels,  La 
f/râce  qui  a  des  désirs! — M.  Gilliard  ne  manque  pas  de  faire  sa  cour  aux 
opinions  dominantes  et  aux  Lommes  revêtus  de  pouvoirs;  par  exemple, 
aux  jésuites  patens  et  secrets;  et  dés-Iors  on  ne  peut  être  étonné  des 
vives  censures  qu'il  adresse  aux  personnages  morts  et  à  ceux  qui  vivent, 
mais  exilés ,  proscrits  ou  en  état  de  dépression.  De  ce  nombre  est ,  entre 
autres,  un  ministre  disgracié,  sur  lequel  il  accumule  les  injures  et  les 
accusations  les  plus  absurdes,  les  plus  atroces.  Attaquer  les  morts,  les 
exilés,  les  proscrits,  les  disgraciés,  ce  n'est  faire  preuve  de  courage 
ni  de  délicatesse.  —  Si  l'ouvrage  en  valait  la  peine,  il  serait  vraiment 
curieux  de  compter  combien  de  fois  on  y  trouve  les  mots  apostat,  Ju- 
das, perfide,  infâme,  infernal,  scùicrat,  scéicraiesse  ,  etc.  :  l'âcreté  des 
épithètes  semble  y  tenir  lieu  de  raisonnement.  L'histoire  des  sociétés 
secrètes  est  encore  à  faire:  il  esta  souhaiter  que  des  plumes  impartiales 
et  véridiqucs  s'en  occupent;  car  il  importe  essentiellement  detranquil- 
li<er  les  ministres  sur  cet  objet,  si  les  craintes  qu'on  leur  inspire  sont 
illusoires;  ou,  si  elles  sont  fondée»,  de  leur  faciliter  les  moyens  d'at- 
teindre les  coupables,  et  d'anéantir  des  sociétés  contraires  à  la  tran- 
quillité publique  et  à  la  sûreté  de  l'état.  G. 

161. — De  la  situation  des  fjens  de  couleur  libres,  aux  Antilles  fran- 
çaises. Paris,  1825  ;  imprimerie  de  Mac-Carthy.  In-S°,  de  02  pages; 
prix  ,  1  fr.  3o  c. 

On  réclame  ,  dans  cette  brochure  ,  pour  les  gens  de  couleur  libres  de 
la  Martinique  et  de  la  Guadeloupe,  la  jouissance  d'une  foule  de  droits 
civils,  dont  on  les  dit  privés,  au  mépris  des  anciennes  fois  du  ivii™» 
siècle,  et  d'après  des  réglemens  plus  modernes  ou  des  jugemens  et  des 
usages  abusifs.  I/ouvrage  e^l  très-intéressant  par  sa  nature,  et  par  des 
anecdotes  les  plus  surprenantes,  et  les  plus  circonstanciées. 

J62  (*),  — État  des  juifs  en  France,  en  Espafjne  et  en  Italie,  sous  les 


590  LIVRES  FRA^ÇA1S. 

rapports  du  droit  civil,  du  commerce  et  de  la  litléiatnrc,  depuis  le  com- 
mencement du  *•=«  viècle  de  l'ère  vulgaire  jusqu'à  ia  fin  du  xv!""*,  ou- 
vrage qui  a  concouru  pour  le  prix  décerné  par  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres,  en  juillet  iSsS  ;  par  !e  chevalier  Bail,  auteur  des 
Juifa  au  ix""»  siècle,  de  i'Hisloire  des  Bèvolutions ,  etc.  Avec  cette  épi- 
graphe : 

Dcploi  nble  Sion  ,  qii  as-lu  fuit  de  la  gloire  ? 

Paris,  1825  ;  Eymcry,  In-S",  du  200  pages;  prix  ,  4  fr. 

Cet  ouvrage  n'a  point  été  couronné.  Il  se  peut  qu'un  concurrent  ait 
mérité  de  l'emporter  sur  M.  Bail,  par  une  crilique  plus  exacte  et  par 
des  recherches  plus  érudiles,  ou  plus  complètes.  Kous  le  présumons 
ainsi,  d'après  le  jugement  de  l'Académie;  mais  nous  devons  dire  que  ce 
volume  est  pl<'in  de  recherches  très  întéressantes  ;  qu'il  est  écrit  avec  fa- 
cilité, avec  éléîrance,  et  que  par  rapport  ai^x  pensées  et  aux  sentimens, 
il  mérite  de  fiser  l'altcnlian  de  ceux  qui  ont  l'àme  noble ,  les  idées 
étendues  et  élevées. 

i63  (*).  —  Esprit,  angine  et  "progrès  des  institutions  judiciaires 
des  principaux  pays  de  l'Europe  ;  par  J.  D.  Meyer,  chevalier  de  l'ordre 
royal  du  Lion  Btlgique,  de  l'institut  royal  des  Pays-B:is,  etc.  Cinq  forts 
roi.  in -8»  imprimés  sur  beau  papier,  contenant  :  Tom.  I,  La  partie 
historique  ancienne;  Tom.  II,  Partie  moderne;  laslitjlions  judiciaires 
de  l'Angleterre  et  de  la  France  avant  la  révolution.  Tom.  III,  Partie 
moderne.  In>liliilions  judiciaires  des  Pays-Bas.  Tom.  IV,  Partie  mo- 
derne; Institutions  judiciaires  de  l'Allemagne  et  de  la  France  depuis  la 
révolution.  Tom.  \ ,  Lfpartie  appliquée  et  thcorique,  résultats  de  l'ex- 
périence pour  les  législations  futures.  Paris,  iSaS;  G.  Dufour  et  Ed.  d'O- 
cagne,  éditeurs,  quai  Voltaire,  n»  i5  ;  prix,  \o  fr.,  et  4<)  fr.  par  la  poste. 
(Voy.  R&v.  Enc.j  T.  Il,  p.  235-249,  et  ci-dessus,  p.  177.)  . 

164  (*).  — Science  du  puhliciste ,  ou  Traité  des  principes  èlùmentaircs 
du  droit,  considéré  dans  ses  principales  divisions  ;  avec  des  notes  et 
des  citations  tirées  des  autt-urs  les  plus  célèbres  ;  par  M.  Alb,  Fhitut, 
avocat,  Tom.  XI.  Paris,  iSaS;  Bossange;  Londres,  même  maison.  Un 
vol.  in-S"  ,  de  454  P^g^^s,  avec  un  tableau  synoptique  des  divisions 
principales  de  l'ouTrage;  prix,  7  fr.  (Voy.  Rev.  Enc,  T.  XVIII.  p.  645.) 

i65  (*■).  — Recueil  complet  des  lois  et  des  ordonnances  du  royaume, 
avec  des  notes  historiques  et  critiques ,  et  uue  conférence  peipétuelle 
des  lois  antérieures  depuis  l'origine  de  la  monarchie  ,  etc.,  accompagné 
de  Tatles  chronologique  et  alj)4iaiétiquc ,  par  M.  Isambeht  ,  avocat  au 
conseil  d'état  et  a  la  Cour  de  cassation.  Année  1822.  Paris  ,  1820;  Bos- 
sange  frères.  Un  vol.  in-S",  de  65o  pages;  prix,  10  fr. 


LIVRES   IRAINÇAIS.  Sqi 

Cet  cscellenl  recueil  commence  à  l'année  iSi/j;  il  est  maintenant 
complet  depuis  celte  époque.  Le  volume  de  iHaâ  est  sous  presse.  Celui 
de  iH'i-2  mérite  le  grand  succès  qu'ont  eu  les  précédeos.  11  est,  comme 
eux,  très-remarquable  pour  Tordre  ,  pour  le  nombre  et  pour  le  choix  des 
pièces,  les  unes  qu'on  ne  trouve  point,  les  autres  qu'on  trouve  difficile- 
irent  ailleurs.  Les  noies  sont  modérées,  savantes,  ibrt  utiles,  dignes  de 
l'habile  publiciste  qui  les  a  lédigées,  elles  sont  toutes  au  profit  de  la  jus- 
tice, de  la  raison  et  de  la  liberté  conslilutionnelle ,  sûre  gardienne  du 
trône  et  de  la  paix.  Ce  volume  est  accompagné  d'une  curieuse  disser- 
tation svr  les  réglemens  de  folicc.  Lanjdisais  ,  de  V Institut. 

166.  —  Traite  des  chemins  de  toutes  espèces,  comprenant  les  grande» 
routes,  chemins  de  hallage,  cucrains  vicinaux  et  jiarliculicrs,  arbres  et 
fossés  qui  les  bordent ,  rues  et  places  publiques,  ouvrage  destiné  à  faire 
suite  au  Régime  des  eaux;  par  M.  GAaniEB,  avocat  au  conseil  du  Roi  et 
à  la  cour  de  cassation.  Paris,  iS23;  Antoine  Bavoux  et  Deschamps.  In- 
8°;  prix,  7  fr. 

L'une  des  plus  grandes  entraves  à  une  justice  prompte  et  impartiale, 
est  peut-être  celle  qui  naît  des  conflits  de  juridictions;  et  il  n'est  pas 
sans  exemple,  dans  ce  cas,  que  les  parties  se  trouvent  ruinées,  avant 
qu'il  soit  décidé  n  laquelle  des  deux  autorités,  administrative  ou  judi- 
ciaire, elles  doivent  laisser  la  décision  de  leurs  difiFéren.*;  c'est  qu'en 
matière  de  conflit,  les  difficultés  sont  sans  nombre.  Il  devait  en  être 
ainsi,  dès  qu'aucune  loi  ne  fixait  les  limites  de  l'uue  et  de  l'autre  com- 
pétence; et  l'on  sait  que  rien  dans  notre  légi.-ialion  n'établit  cette  ligne 
de  démarcation  d'une  manière  précise.  M.  Garnier,  plus  à  portée  qu'un 
autre  de  sentir  cet  inconvénient ,  ne  néglige  rien  pour  en  diminuer  les 
funestes  conséquences;  il  a  voulu  ,  autant  qu'il  était  possible  de  le  faire, 
suppléer  au  silence  de  notre  Code  civil ,  et  à  l'absence  de  ce  Code  rural 
désiré  depuis  si  long-tenis.  Il  publia,  il  y  a  un  an,  un  ouvrage  sur  le 
Cours  des  eaux.  Il  donne  aujourd'hui  un  traité  des  chemins,  où  il  éu- 
blit  les  règles  et  discute  les  questions  auxquelles  ils  peuvent  donner 
lieu.  Il  pose  des  principes  puisés  surtout  dans  les  décisions  du  conseu- 
d'état  et  de  la  cour  de  cassation  ;  il  les  développe  et  les  accompagne 
d'observations  judicieuses;  on  trouve  enfin  dans  son  ouvrage  celle  éru- 
dition trop  souvent  bannie  des  livres  publiés  aujourd'hui ,  et  sans  la- 
quelle cependant  on  ne  peut  espérer  un  succès  durable.  Le  traité  des 
chemins  est  un  livre  dont  les  jurisconsultes  sentiront  facilement  tout  le 
prix. 

i6j  c). — Revue  chronologique  de  l'Histoire  de  France,  depuis  la  pre- 
mière convocation  des  notables  jusqu'au  départ  des  troupes  étrangères 


"92  LIVRES  FRANÇAIS. 

(ij^j-il'iiS).  Seconde  idition.  Paris,  182Ô;  Firmin  Didot.  Un  vol.  in-S°  ; 
prix,  i5  fr. ,  et  16  ir. 

Lorsque,  dans  un  tems  nù  il  se  [xiblie  tant  d'ouvrages  divers,  un  livre 
sérieux,  qui  ne  se  recommande  Xii  par  un  de  ces  noms  f;imetix  qui  in- 
fluencent toujours  un  peu  notre  juj;emcnt,  ni  par  les  éloges  trop  sou- 
vent provoqués  de*  journaux  ,  arrive  cependant,  en  peu  de  tems,  à  une 
seconde  édition  inen  rédle,  il  doit  exister  une  présomption  en  sa  faveur; 
mais,  alors  aussi,  celui  qui  l'examine  doit  se  montrer  sévère  appré- 
ciateur de  ses  défauts,  comme  de  son  mérite.  Tout  ceci  s'applique 
a  l'ouvrage  que  nous  annonçons,  et  dont  la  première  édition  a  déjà  été 
le  sujet  d'un  article  dan.^  ce  recueil,  (Voy,  Rev.  Eno. ,  Tom.  IX,  janvier 
1821,  pag.  Sa-J-S.)— Certainement,  c'est  ici  un  livre  très-utile;  je  crois 
même  qu'on  clierclierait  vainement ,  dans  un  autre  ouvrage  de  ce  "cnre, 
sans  en  excepter  celui  du  président  Hénault,  beaucoup  trop  loué  sans 
doute,  la  même  profondeur  dans  les  vues,  la  même  sagesse  dans  les 
jugemens,  la  même  élégance  dans  le  récit.  Il  est  sorti,  sans  contredit , 
de  la  plume  d'un  homme  capable  d'écrire  autre  chose  qu'une  revue 
chronologique,  d'un  homme  qu'on  ne  peut  même  croire  toul-à-fait 
étranger  aux  choses  qu'il  raconte  ;  mais  il  ne  faut  pas  penser  non  plus 
que  cet  ouvrage  soit  exempt  de  taches,  de  jugemens  hasardés,  et  même 
de  graves  erreurs.— Choisissons  un  passage  qui  puisse  faire  connaître  l'es- 
prit et  le  stvle  de  l'auteur.  Il  vient  de  parler  de  la  restauration  de  i8i4, 
et  il  continue  :  «  La  Charte  est  donc  le  nœud  formé  par  la  sagesse,  qui 
réunit  solidement  la  puissance  et  le  bonheur,  la  confiance  et  l'autorité, 
la  grandeur  du  monarque  et  la  liberté  publique.  Sa  perfiction  consiste 
dans  le  pouvoir  de  nous  gouverner  sans  menace ,  sans  violence  ,  sans 
artifice,  et  comme  une  famille.  Le  gouvernement  représentatif  embrasse 
ou  considère  une  immensité  d'objets  :  et  cependant,  il  est  mesuré  dans 
ses  moyens  et  prudent  dans  «a  marche;  il  donne  à  la  vertu  de  l'essor, 
aux  esprits  de  la  flexibilité  :  la  justice  le  conduit,  la  bonne  loi  devient 
son  bouclier;  ia  vérité,  soncfée.  Ces  résultats  s'apprécieront  bien  mieux 
s»u9  des  rois  incapables  ou  faibles  ,  aux  époques  de  minorité  ou  de  cri- 
ses politiques  ou  de  formidables  agressions.  Par  lui,  on  échappe  aux 
hasards  d'une  monarchie  absolue.  Les  meilleurs  princes  .  saint  Louis  , 
Louis  XII ,  Henri  IV,  redoutant  les  erreurs  de  leur  autorité  ,  se  plurent 
à  demander  les  conseils  de  leurs  sujets.  Charles  V,  à  son  lit  de  mort, 
prévoyant  de  prochains  malheurs,  regretta  de  n'avoir  pas  établi  la  pé- 
riodicité des  états-généraux.  Pbilippc-le-Bel,  Jean,  enveloppés  de  dan- 
gers, trouvèrent  des  ressources  certaines  dans  les  résolutions  de  ces  as- 
semblées.  Mais  les  piinccs  absolus ,  que  dévorait  la  j.nlousic  du  pouvoir. 


LIVRES  FRAIKÇALS.  5 93 

qui  prenaient  leurs  modèles  à  Coustantinople,  qui  furent  le  jouet  de 
leurs  passions  et  de  leurs  Qatteurs ,  placés  par  leurs  excès  sur  le  bord  de 
l'abîme  ,  préféraient  y  tomber  que  de  recourir  aux  lumières  publiques. 
Ils  craignaient  l'intervenlion  de  la  nation  ,  et  lui  refusaient  le  droit  d'.- 
prendre  connaissance  de  ses  intérêts.  François  !<■',  Louis  XIV,  Louis  XV, 
repoussant  tous  les  vœux  à  cet  égard,  léguèrent  à  Louis  XVI  cette  dé- 
fiance' générale  qui  devint  si  funeste  à  ia  couronne  :  il  était  donné  à 
Louis  XVIil  d'accomplir  les  desseins  de  son  frère.  Mais,  quel  affreux 
intervalle  !  Puissions-nous  pressentir  le  bonheur  destiné  à  la  Frani-e,  par 
une  ferme  adhésion  anx  principes  de  la  Charte  !  Que  l'ambition  d'un 
ministère  dépravé,  ou  l'inflexible  orgueil  des  rejetons  de  la  viiille  aris- 
tocratie, ou  l'égarement  de  quelques  sophistes  à  théories  générales,  ne 
vienne  pas  s'opposer  au  développement  de  ces  institutions  dont  la 
Charte  a  si  bien  tracé  les  iincamcns !  La  Charte,  malgré  ses  imperfec- 
tions et  même  quelques  discordances  de  détail ,  malgré  quelques  réli- 
cences   se  popularisera  de  plus  en    plus,  parce  qu'en  annonçant  le 

dessein  de  fermer  le  cercle  des  révolutions,  elle  rétracte  les  doctrines 
contre-révolutionnaires,  efface  les  prétentions  émanées  de  l'ancien  ré- 
gime; prétentions  et  doctrines  en  horreur  à  la  nation,  qui,  depuis  aS 
ans,  ne  cesse  <le  réclamer  les  droits  du  citoyen,  l'égalité  politique.  »  — Tel 
est  à  peu  près  l'esprit  général  de  l'ouvrage^  les  choses  et  les  hommes  y 
sont  presque  toujours  jugés  avec  impartialité  ;  les  jugeniens  y  sont  écrits 
avec  élégance  et  précision  ,  et  développés  avec  une  juste  mesure  ,  selon 
leur  degré  d'importance.  Toutefois,  on  regrette  de  lems  en  lems  ces 
qualités  si  essentielles  à  l'histoire  ;  par  exemple  ,  la  haine  qu'inspire  , 
avec  raison,  le  despotisme  à  l'auteur,  ne  lui  a  peut-être  pas  toujours 
permis  de  rendre  justice  à  Napoléon,  d'avouer  qu'il  fui  souvent  grand, 
lorsqu'il  ne  l'ut  pas  uniquement  despote. — Si  l'on  considère  son  ouvrage 
sous  le  rapport  du  style,  on  sera  encore  obligé  d'avouer  qu'on  cherche 
souvent  dans  plusieurs  passages  cette  pureté  et  ce  goût  sans  lesquels  un 
livre  reste  toujours  imparfait  :  qu'est-ce  en  effet  qu'un  «homme  dont  les 
jeunes  idées  n'ont  grandi  qu'au  soleil  de  la  faveur?  »  Est-il  permis  d'é- 
crire que  0  semblable  a  cette  précieuse  écume  que  la  vague  de  la  Balti- 
que dépose  sur  la  grève,  et  dont  on  façonne  de  gracieux  ornemens  de 
toilette  féminine,  le  ministre  de  la  police  (M.  Decazes)  paraît  un  poli- 
tique à  brillante  et  diaphane  surface?  "  Maliieureu^emcnt ,  on  pourrait 
multiplier  à  l'infini  de  semblables  citations. — Au  total,  la  Revue  chrono- 
logique est  un  registre  où  sont  consignés  les  faits  importans  de  notre 
histoire  pi  ndaiit  les  trente  dernières  années  ,  et  un  ouvrage  qui  peut 
dispenser  d'en  lire  beaucoup  d'autres.  J.  G. ,  avocat. 


^94  LIVRES  FRANÇAIS. 

168  {*).—Camimgnes  e^e  i8i5  c<  t/c  1814,  suri'Ebre,  les  Pyrénées  et 
ia  Garonne,  précédées  de  considérations  sur  la  dernière  guerre  d'Espa- 
gne; par  Edouard  Lapèse  ,  auteur  des  Évènemens  mUitaires  devant 
Touiovsc  en  1814.  Paris,  iSaS;  Anselin  et  Pochard.  Un  vol.  in-S",  avec 
deux  cartes  ;  prix  ,  7  fr.  5o  c.  et  9  fr. 

M.  Lapène  nVst  pas  un  Inslorien  de  ce  siècle,  nonobstant  la  date  des 
évènemens  qu'il  raconle;  il  dit  tout  ce  qu'il  sait,  et  persiste  à  être  vrai. 
Il  n'ignore  pourtant  pas  que  riiisfoire  n'est  plus  aussi  rigide,  et  qu'au 
hesoin,  elle  sait  être  obséquieuse.  Mais,  ces  histoires,  écrites  avec  la 
prudence  du  siècle,  dépo.^ées  précieusement  dans  les  bibliothèques ,  y 
demeurent  intactes  et  oubliées  :  nous  autres  lecteurs  ,  ce  sont  les  écri- 
vains ,  tels  que  M.  Lapène,  que  nous  recherchons.  Il  faut  le  dire- à  l'é- 
loge de  no»  oÉBciers,  après  avoir  nnontré  sur  le  champ  de  bataille  tout  le 
oourage  du  guerrier,  ce  sont  eux  qui  donnent  aujourd'hui  le  plus 
d'exemples  du  courage  civique.— On  ne  sera  pas  toujours  de  l'avis  de 
l'auteur  sur  le  caractère  espagnol,  et  les  évènemens  de  la  campagne  de 
1825  nous  le  montrent  sous  un  aspect  très-différent  de  ce  qu'il  parut 
durant  !a  guerre  précédente  ;  en  moins  de  dix  ans,  il  semble  que  cette 
nation  ait  traversé  une  longue  suite  de  siècles,  ou  que  ses  qualités  mo- 
rales ne  soient  pas  assez  fortes  pour  résister  à  une  guerre  civile.  Mais, 
quelque  opinion  que  l'on  ait  sur  l'Espagne  et  sur  les  deux  guerres 
que  les  Français  y  ont  faites,  on  ne  lira  pas  sans  intérêt  et  sans  fruit  les 
considérations  de  M.  Lapène,  d'autant  plus  qu'il  ne  se  borne  pas  à  nous 
faire  connaître  le^  Espagnols  ,  et  qu'il  dépeint  aussi  le  soldat  français  de 
cette  époque  ,  tel  qu'il  était  devenu  par  l'action  de  plusieurs  causes  que 
l'auteur  a  dû  bien  observer,  et  qu'il  expose  avec  beaucoup  de  clarté.— 
Quoique  cet  ouvrage  paraisse  consacré  spécialement  au  récit  des  opéra- 
tions aulilaircs,  on  y  trouve  un  grand  nombre  de  faits  d'un  autre  ordre, 
et  quiattireronl  l'ai  lention  de  tous  les  lecteurs.  La  belle  défense  deSaint- 
.Sëbastien,  les  suites  funestes  de  la  bataille  d'Orthès,  les  évènemens  qui  pré- 
cédèrent celle  de  Toulouse,  le  tableau  de  la  situation  de  cette  ville  après 
l'action,  et  les  suites  déplorables  de  ces  combats  inutiles,  tous  ces  cruels 
souvenirs  sont  rappelés  dans  cet  ouvrage  avtc  la  véracité,  avec  l'âme 
d  un  vrai  Français.  Puisse  cet  excell'  nt  livre  contrebalancer,  dansTopi- 
nrou  des  étrangers,  les  mensonges  impudens  répandus  par  des  ouvrages 
auxquels  on  ose  donner  le  nom  d'hisloire! 

169.  — Réponse  de  l'auteur  de  l'nistoire  de  l'expédition  de  Russie  à  ia 
Iroeimre  de  M.  le  comte  Rostopchin,  intitulée  :  La  vérité  sur  l'incendie 
de  Moscou.  Paris,  iSaô;  Pillet  aîné,  .\nselin  et  Pochard.  In  8°,  de  iS 
pages;  prix  ,   i  fr. 


LIVRES  FRANÇAIS.  'up 

L'auteur  du  meilleur  ouvrage  que  nous  ayons  sur  la  fatale  expédition 
de  Russie  a  cru  devoir  répondre  à  unt;  brochure  de  M.  le  corate  Ros- 
topchin  :  il  eût  pu  s'en  dispenser.  M.  le  comte  a  voulii  prouver  qu'il  n'a- 
vait aucune  part  à  l'incendie  de  Moscou  ;  l'historien  français  l'accablf 
de  preuves  contraires,  et  détruit  facilement  les  vagues  assertions  de  son 
antagoniste.  L'écrit  de  l'ancien  gouverneur  de  Moscou  est  oublié  ;  c'est 
ce  qui  est  le  plus  avantageux  pour  son  auteur  :  la  ré[)Onse  à  cet  écrit 
founira  quelques  notes  intéressantes  à  la  seconde  édition  de  l'histoire 
de  l'expédition  de  liussic.  F. 

170.  —  (*)  CoUection  de  Mémoires  relatifs  à  la  révolution  d'Angle- 
terre,  accompagnée  de  notices  ei  d'éclairoissemens  lii.-loriqi'es  ,  et 
précédée  d'une  introduction  sur  i'Histoire  de  la  révolution  d'Angle- 
terre ;  par  M.  Gcizot.  Cinquième  livraison  ,  contenant  le  procès  de 
Charles  !'='■;  — l'Eikôn  de  Basilikè;  —  les  Mémoires  de  Charles  H;  — 
et  le  T.  1  des  Mémoires  de  mistriss  Unichinson.  Paris,  1825  ;  Bécbet 
aîné;  Rouen,  le  même.  Deux  vol.  in-8">;  prix,  12  et  ij  fr.  (Voy. 
ci-dessus  ,  p.  iX5.) 

171  (*).  —  Mémoires  four  servir  à  l'Histoire  de  Francç  sous  !\'apo- 
téon,  écrits  à  Saiote-Hé!èu°  par  les  généraux  qui  ont  partagé  sa  capti- 
vité ,  et  publiés  sur  les  manuscrits  entièrement  corrigés  de  la  main 
de  Napoléon.  Troisième  livraison.  P.iris,  iSaj;  Rossange  frères.  Deux 
vol.  in  8°  ;  prix  ,  i5  fr.  (  Voy.  T.  XIX,  p.  432.) 

Les  campagnes  d'Italie  ont  toujours  passé  pour  un  des  plus  beaux 
litres  de  la  gloire  mililaire  de  Napoléon.  Si  quelque  chose  peut  ajouter 
à  l'intérêt  qu'excitent  ces  événemeos  niéuiorables ,  c'est  d'en  lire  le 
récit  fait  par  lui-même.  L'n  des  volumes  de  cette  troisième  livraison  est 
consacré  à  la  relation  de  la  guerre  de  1796.  On  y  trouve  un  précis  des 
événemens  militaires  de  l'armée  d'Italie  pendant  les  années  1792,  179Ô, 
1794  et  1795;  puis  une  description  topographique  de  l'Italie,  accom- 
pagnée d'aperçus  clairs  et  l'rappans  sur  la  situation  politique  des  di- 
verses puissances  qui  se  partageaient  cette  péninsule  en  1796.  Les 
batailles  de  Montenoltc,  de  Lodi ,  de  Castiglione,  d'Arcole  ,  de  Rivoli , 
forment  les  épisodes  de  celte  espèce  de  poème,  dont  la  narration  vivante 
et  animé*  est  entremêlée  de  vues  politiques  d'un  haut  intérêt.  —  Le 
second  volume  contient  le  précis  fait  par  Napoléon,  des  campagnes  de 
Turenne  et  du  grand  Frédéric,  notamment  un  examen  détaillé  de  la 
guerre  de  sept  ans.  Chaque  volume  est  orné  de  fac-sitnilc  de  l'écriture 
de  Napoléou  ,  faisant  paitie  de  ses  Mémoires  écrits  à  Sainte-Hélène  , 
et  qui  en  attestent  l'authenticité.  A. 

'7*  D- — tS apolcun  jugé  par  luimênie,  par  ses  amis  et  ses  enn&inis; 


Sqg  livres  français. 

par  le  baron  Massia;!,  aacien  chargé  d'afifaires  près  la  cour  de  Bade, 
résident  ,  consul-général  à  Dantzick;  iivec  ces  deux  éi)igraphcs  :  «Le 
st)le  est  tout  l'homme,  »  Bcffon. —  *  Ex  ungue  leoneni.  A  l'ougle  seul 
on  devine  le  lion.  »  —  Paris,  iSij;  Firmin  Didot.  Un  vol.  in-8°  ,  26S 
pages  ;  prix  ,  5  fr. 

Le  titre  seul  de  cet  ouvrage  commande  l'intérêt;  l'exécution  fait  es- 
timer l'auteur.  C'est  un  homme  de  bonne  foi  qui  puise  ses  jugemens 
dans  sa  conscience  et  dans  sa  raison,  éclairées  l'une  et  l'autre  par  une  gran- 
de habilude  de  recueillement  et  de  méditation  ,  et  par  une  longue  expé- 
rience des  hommes,  de  leurs  passions  et  des  affaires  publiques.  «  Le 
style  est  tout  l'homme,  d  M.  Massias  ,  appliquant  cette  pensée  à  Napo- 
léon, s'empare  du  Manuscrit  de  Sainte-Hélène  pour  en  faire  le  texte 
de  ses  observations.  11  avait  déjà  réisuraé,  d'une  manière  précise  et  subs- 
tantielle, son  opinion  sur  cet  écrit,  dans  son  grand  et  important  ouvrage  : 
,Des  rapports  de  la  nature  à  l'homme.  «  Ces  Mémoires  ,  selon  M.  Massias, 
ont  un  tel  goût  de  terroir;  ils  sont  si  pleins  de  traits,  de  mots  ,. d'idées, 
de  vues  ,  d'une  brusque  simplicité,  d'une  énergie  adroite,  d'un  culte 
pour  la  force,  d'une  dérision  de  tous  les  droits,  les  siens  exceptés,  si 
exclusivement  propres  à  Napoléon,  qu'il  est  fort  inutile  de  demander 
si  ces  Mémoires  sont  de  lui  :  ils  sont  bien  mieux,  puisqu'ils  sont  lui. 
Au  reste,  s'ils  sont  d'un  autre,  cet  autre  savait  Bonaparte  par  cœur,  et 
il  l'a  récité  sans  faute.  ■  M.  Massias  marque  en  lettres  italiques  les  en- 
droits qui  n'ont  pu  être  sentis  et  pensés  que  par  Napoléon;  il  y  joint 
de  courtes  notes,  qui  sont  l'expression  rapide  et  souvent  piquante  du 
sentiment  qu'il  éprouve  ;  il  renvoie  à  la  fin  de  l'ouvrage  plusieurs  pièces 
justificatives.  Il  apprécie  tour-à-tour,  dans  Napoléon,  le  militaire  ,  le 
politique,  l'homme,  l'écrivain.  Militaire:  il  se  sentait  lui-même  l'ins- 
tinct de  la  guerre.  «  Il  avait  deviné,  dit  M.  Massias,  ce  que  lui  con- 
firma depuis  l'expérience,  que  l'art  du  grand  capitaine  se  réduit  à  trois 
points  principaux  :  être  maître  de  ses  derrières,  de  se  déployer,  et  de 
se  concentrer.  »  Politique  et  homme  puMic  '■  à  l'âge  de  24  ans ,  il  se  vit 
déjà  dans  l'histoire  ;  une  ambition  immense  le  dévorait.  Cette  ambition, 
toute  personnelle  et  rapportée  à  lui  seul;  son  indifférence  absolue  sur 
la  moralité  des  moyens,  pourvu  qu'il  ]>ût  réussir;  son  mépris  Jes  hom- 
mes, dont  je  lui  ai  entendu  dire  une  Ibis,  à  l'armée  d'Italie,  que  c'é- 
taient des  pourceaux  qui  se  nourrissent  d'or,  et  qu'il  leur  jetait  de  l'or 
pour  s'en  servir;  la  sécheresse  de  son  âme  et  son  instinct  de  despotisme, 
qui  ne  lui  firent  voir  dans  la  révolution  française  qu'une  cmevic;  le  soin 
d'étouffer  les  hommes  à  caractère,  les  hommes  qui  avaient  une  conscience, 
des  principes,  un  amour  sincère  de  la  patrie  et  de  la  vertu,  et  qu'il 


LIVRES  FRANÇAIS.  597 

appelait  des  idéologues  ;  le  choix  d'hommes  corrompus  ou  faciles  à  cor- 
rompre, d'agens  dociles  et  serviles,  pour  la  plupart  des  fonctions  émi- 
nentes  :  ces  traits  distinctifs  de  l'homme  extraordinaire  auquel  une  nalion 
trop  confiante  avait  eu  l'imprudence  et  le  malheur  de  livrer  ses  desti- 
nées, sont  fidèlement  tracés  par  notre  historien,  qui  rend  aussi  hom- 
mage au  grand  génie  de  son  hérus ,  à  sa  haute  capacité  politique,  com- 
posée d'un  mélange  de  raison  supérieure,  d'audace,  de  prudence  et 
d'hypocrisie,  et  à  l'espèce  de  dignité  qu'il  a  conservée  dans  le  malheur. 
Homme  :  il  a  été  ,  par  sa  nature ,  toujours  isole ,  essentiellement  égoïste. 
Écrivain  :  il  est  quelquefois  ég;d  à  Tacite  et  à  Montesquieu  pour  la 
pénétration  et  la  profondeur. 

La  ricapituiation  de  M.  Massias  est  pleine  d'énergie  et  de  vérité , 
quoiqu'il  se  laisse  quelquefois  séduire  par  la  gloire  du  grand  personnage 
historique  qu'il  veut  juger.  Cette  gloire  ne  fut  point  pure  de  crimes  , 
même  dans  les  premières  campagnes  d'Itahe;  la  (in  en  fot  souillée  par 
le  traité  impohtique  et  impie  qui  sacrifiait  la  république  de  Venise. 
L'Italie  entière  fut  bientôt  trompée  ,  trahie  ,  mutilée  par  celui  qui  s'était 
proclamé  son  libérateur,  et  qui  pouvait  y  créer  une  grande  et  forte  na- 
tion ,  destinée  à  serdr  de  barrière  entre  deux  puissances  qui,  depuis,  en 
ont  fait  une  sanglante  arène.  L'expédition  criminelle  de  Saint-Domin- 
gue ;  la  Pologne  séduite  par  des  protestations  fastueuses,  et  replongée 
ensuite  dans  un  abîme  de  malheurs  :  ce  qui  fut,  d'après  Napoléon  lui- 
même,  l'une  des  principales  fautes  de  soniégne;  l'assassinat  du  duc 
d'Enghien,  dont  plusieurs  révélations  récentes  ont  mis  au  grand  jour 
toute  l'atrocité;  la  mesure  plus  qu'wTi  peu  violente  (expression  de  Bo- 
naparte) de  l'arrestation  et  de  la  captivité  du  pape;  la  protection  hypo- 
crite accordée  à  la  Suisse;  l'envahissement  de  la  Hollande,  des  villes 
anséatiques,  du  Piémont ,  de  Rome,  etc.,  réunis,  contre  la  nature 
des  choses,  à  cette  belle  France,  qui  perdait  en  force  réelle  tout  ce 
qu'elle  paraissait  acquérir  en  éten.lue  de  territoire  et  en  population; 
la  ruse  léonine,  ou  plutôt  [ii  guet  -  afens  qui  ouvrit  pour  l'Espagne 
une  carrière  non  encore  fermée  de  guerres  civiles,  combinées  avec  la 
guerre  étrangère,  et  de  révolutions  sanglantes  et  atroces;  la  France 
elle-même  ,  enfin  ,  livrée  aux  doctrines  du  pouvoir  arbitraire,  privée  de 
ses  frontières  naturelles,  conquises  avant  l'usurpation  consulaire  et  im- 
périale;  puis,  envahie  par  l'Europe  armée,  mais  ne  pouvant  oubher 
qu'elle  doit  à  Napoléon  plusieurs  belles  et  utiles  institutions,  des  co- 
des, des  canaux,  des  ponts,  des  chemins,  des  monumens. .  .Voila  les 
faits  d'après  lesquels  la  po»térité  ,  plus  impartiale  que  nous  ,  assignera 
le  ran-  que  Napoléon  doit  occuper  dans  l'histoire.  M.   Massias  appelle 


51)8  LIVRES  FRANÇAIS. 

ie  M(  mariai  tîe  Saînfe-Hélcno ,  par  M.  de  Las  Gasos,  dont  il  apprécie 
le  noble  dévoueuient ,  ua  hcau  résumé  de  l'hisloire  de  l'empereur.  (Voy. 
Rev.  Enc,  T.  XMll,  note  des  pages  548  et  549;  T.  XIX,  p.  180,  et 
ci-dtssus,  p.  i85  ,  186  et  187.)  M.  A.  Jullien  ,  de  Paris. 

175  (*J.  —  Mémoires  de  (>oethe  ,  traduits  de  l'allemand  par  M.  Aubebt 
DK  ViTBY.  Paris,  iS^sô  ;  Ponthieu,  Bossaii;,'e  père,  Bossange  frères.  Deux 
vol.  in-S°  de  5oo  pages  chaciia  ,  avec;  un  portrait  de  Goethe  ;  prix  ,  i4  fr. 

Le  public  français,  avide  de  nouveautés  et  à  qui  la  langue  et  la  litté- 
rature alltm:indes  sont  élranî^ères,  apprcndia  avec  plaisir  la  publication 
de  celle  traduction. Le  Neslor  des  poètes  et  des  romanciers  renommés  est, 
pour  ses  compatriotes,  ce  que  Voltaire  est  pour  nous  ;  mais  c'est  Voltaire 
avec  des  sentimens  religieux.  Nous  remarquons  d'abord,  dans  ces  Mémoi- 
res, la  confiance  avec  laquelle  l'illustre  ;iuUur  s'est  livré  de  son  vivantaux 
jugeaieiis  de  ses  contemporains,  qui  ne  feront  que  devancer  en  sa  fa- 
\  eur  la  voix  de  la  poste;  ilc.  Celle  biographie  autographe  .se  rerommande 
encore  par  beaucoup  d'autres  traits  qui  la  distinguent  de  toutes  les  com- 
positions de  ce  genre.  L'auleur  a  eu  essentiellement  pour  but  d'y  mar- 
quer le  développement  et  la  marche  de  son  génie  romantique  ,  d'y 
signaler  les  progrès  et  !a  ié\okilion  de  la  littérature  germanique,  qu'il 
a  constamment  dirigée  ,  de  caractériser  l'Allemagne  ,  ses  mœurs  et  les 
habitudes  de  .-^es  gens  <îe  lettres  ;  de  marquer  également  par  leurs  traits 
saillans  les  physionomies  des  litlératures  française ,  anglaise  et  italienne  , 
•i  l'époque  correspondante  avec  le  grand  mouvement  liliérairc  de  l'Al- 
lemagne; enQu,  d'y  esquisser  aussi  les  progrès  de  l'asthétique  ,  c'est-à- 
dire  ceux  de  la  théorie,  du  goût  et  du  génie  des  beaux-arts,  genre  de 
progrès  dont  l'écrit  de  Lessing,  intitulé  :  Du  Lavcoon  ,  et  les  ouvrages 
deWinckelmann,  ont  été  les  premier*  mobiles.  —  LeVoyagc  en  Italie, qui 
fait  partie  de  cet  ouvrage  biographique  de  Goethe,  est  plus  spéciale- 
ment consacré  à  cette  partie  de  son  plan.  L'aspect  physique  et  moral 
de  cette  contrée  classique  y  est  dépeiut  avec  tout  son  talent.  L'intérêt 
anecdotique  ,  romanesque  et  dramatique  n'est  pas  moins  vif  dans  les 
Mémoires  de  l'auteur.  Beaucoup  de  détails  curieux  sur  des  hommes  di- 
versement célèbres,  une  série  de  portraits  presque  tous  piquans  par 
l'originalité  des  modèles  ,  des  réflexions  d'une  haute  portée  sur  les  ques- 
tions les  plus  intéressantes  de  la  phiio.sophie ,  de  la  morale  et  de  la  re- 
ligion ;  des  révélations  sur  les  circonstances  et  le  caractère  des  héros  et 
de  l'héroïne  de  Werther,  cette  composition  si  fameuse  dans  le  genre 
romaniique,  la  narration  passionnée  des  amours  réels  de  l'auteur,  nar- 
ration à  laquelle  un  cœur  sensible,  la  chaleur  et  l'énergie  de  sou  pin- 
ceau ,   cl    une   imagiuatit)n    toujours   fraîche  ont  su  imprimer    tout   Iv 


I^IVIŒS  FRANÇAIS.  599 

charme  de  la  fiction,  font  de  son  livre  vraiment  original  une  des  pro- 
duclions  à  la  ibis  les  plus  instructives  et  les  plus  piquantes  qu'on  nous 
ait  données  depuis  loDg-tcms.  Comme  taMeau  de  l'Allemagne  et  de 
sa  littérature,  les  Mémoires  de  Goeihe,  éclaircis  et  complétés  sous  ce 
rapport  par  liulroductioii  et  les  notices  hiographiques  et  littéraires  du 
traducteur,  seront  un  supplément  et  un  commentaire  lrés-ulile>  po-ir 
le  livre  célèbre  de  M"""  de  Staël.  M.  Aubert  de  Viîry,  dans  ses  écrits 
et  ses  traductions  antérieurs,  a  lait  preuve  de  con~rienre  littéraire.  Un 
long  séjour  en  Allemagne  ,  et  ses  relations  avec  les  hommes  de  lettres 
renommés  de  cette  contrée,  l'ont  d'ailleurs  misa  même  d'exécuter  avec 
soin  la  tâche  pénible  qu'il  s'était  imposée.— Il  existe  ,  indépendamment 
de  la  Biographie  de  Goethe  et  de  son  Vojage  en  Italie  jusques  et  com- 
pris Korae,  des  récits  qu'il  a  publiés  postérieurement  de  deux  autres 
voyages;  l'un  dans  les  Dtux-Slciles,  et  le  dernier  en  Champagne.  (Voy. 
nev.  Enc. ,  T.  XIX  ,  p.  80  87.  )  11  faut  espérer  que  k  traducteur  en  fera 
également  jouir  le  public  français.  Z. 

iji.  —Notice  sur  ia  vie  et  les  ouvrages  du  docteur  Samuel  Johnson  , 
par  M.  P.  J.  Servois.  Cambrai,  i823;  à  l'imprimerie  de  A.  F.  Ilurez; 
Paris,  Pelicier.  Brochure  in  8%  de  126  pages;  prix,  2  fr. 

Celte  notice  ne  peut  manquer  d'intéresser  le  public  savant,  et  surtout 
les  philologues.  Le  docteur  John-on  est  celui  qui  a  donné,  en  quelque 
sorte,  le  mouvement  à  toute  ia  littérature  anglaise,  et  l'on  peut  dire 
qu'il  en  a  hâté  le  perfectionnement  par  ses  ouvrages  en  prose  ou  en 
vers,  et  plus  encore  par  son  grand  Dictionnaire  de  ia  langue  anglaise, 
dont  la  réputation  était  déjà  faite  même  avant  qu'il  parût.  Cet  ouvrage 
fi;  le  plus  grand  honneur  à  son  auteur,  que  des  envieux  abreuvèrent  à  ce 
sujet  de  dégoûts  et  de  tracasseries.  La  Notice  de  M.  Servois  devient  dé- 
sormais iu^épaIab!e  de  celles  de  Johnson  lui-même  sur  les  poètes  anglais, 
traduites  et  publiées  à  Paris  par  M.  J.  Didot ,  et  E.  Mahon.         A.  B. 

i-S.— Notice  liislorique  sur  M.  i'aiiio Devienne ,  chanoine,  comte  de 
Brioude,  vicaire-général  de  Saint-Flour,  missionnaire  de  Toug-King,  par 
JM.  l'abbé  La  Boudrbik,  chanoine-honoraire  d'Avignon  et  de  Saint- 
Flour,  etc.  Paris,  1825;  Théodore-Leclerc.  ln-8°,  de  Ô2  p.;  prix,  1  fr.  Soc. 

176.  —  Le  Sténographe  parisien.  —  Jffaire  Castaing  ;  10  livraisons 
avec  trois  portraits.  Paris,  1825  ;  Delongchamps  ,  quai  des  Augustins, 
n»  5i;  Ponlhieu,  au  Palais-Rojal.  Pris  ,  S  fr.  26  c. 

Ce  recueil  contient  en  entier  l'acte  d'accusation,  les  débats  et  les 
plaidoiries  de  MM.  de  Broë,  avocat-général  ;  Roussel  et  Berryer,  défen- 
seurs de  Castaing,  jeune  médecin  ,  accusé  d'avoir  empoisonné  son  ami 
Auguste  Ballet,  dont  il  était  le  légataire  universel.  On  trouve,  au  corn- 


4oo  LIVRES  FRANÇAIS. 

raencement,  des  Noiices  biographiques  sur  les  deux  frf.res  Ballet  et  le 
docteur  Castaing,  dont  les  i;ortraits,  fort  ressemb'ans  et  très-bien 
dessinés,  donnent  un  degré  d'iotérêt  de  plus  à.l'biatoire  de  ce  trop  cé- 
lèbre procès.  Z. 

1--.  —  Poèmes  extraits  du  Diwan  d'Omar  Jbn-Faredh ,  par  M. 
Gbangebet  de  r.A  Grange.  Paris,  iSaô;  Dondey -Dupré,  père  et  fils. 
Brochure  in-8°  de  18  pag.;  prix,  1  fi. 

Ces  poésies,  dont  la  traduclioa  est  extraite  du  Journal  Asiatique, 
journal  intéressant  et  instructif,  publié  par  la  Société  asiatique  de  Pa- 
ris, et  que  nous  avons  annoncé  (Voy.  Bev.  Enc,  Tom.  XVIII,  p.  aôy), 
méritent  d'attirer  l'attention  des  personnes  qui  s'appliquent  a  l'étude  de 
la  littérature  orientale.  Elles  sont  précédées  de  remarques  fort  intéres- 
santes sur  les  caractères  principaux  de  la  poésie  des  Arabes.     H.   P. 

i-t8.  —  Discours  de  Ciccron  four  te  poète  Archias.  Traduction,  nou- 
velle, suivie  de  notes  critiques  et  littéraires;  i)ar  F.  Dklcboix.  Paris-, 
1825  ;  Brunot-Labbe  ,  quai  des  Augustins,  n"  53.  Un  vol.  in-iS  de  64 
pag.;  prix,  2  fr. 

^79  (*i*  — Lucrèce,  de  la  nature  des  ciioses ,  traduit  en  vers  français 
par  M.  J.  B,  S.  de  Poncsbvillk  [texte  en  regard);  précédé  d'un  Dis- 
cours f  réliminaire  ;  des  lies  de  Lucrèce  et  d'Epicure;  de  divers  frag- 
luens  du  Traité  de  la  Nature ,  par  le  philosophe  grec,  retrouvés  à  Her- 
culanum,  et  de  quatre  planches  regrésentant  plusieurs  de  ces  fragmens; 
avec  des  Noies  du  traducteur,  et  des  Fartantes  du  texte.  Ouvrage  dé- 
dié au  Koi.  Paris,  iSaS;  Dondej-Dupré,  père  et  fils.  Deux  vol.  grand 
in-8"  de  906  pag.;  papier  fin  satiné,  18  fr.^  papier  vélin  très-fort,  56  fr. 

Il  n'est  point  de  littérateur  qui,  à  la  seule  idée  de  traduire  en  vers 
français  le  poème  de  Lucrèce,  ne  soit  saisi  d'un  frémissement  religieux, 
tant  sont  efifrayantes  les  diEGcultés  qu'il  oppose  à  notre  langue  et  à  notre 
versification.  On  jieutdire  que,  jusqu'à  l'apparition  de  l'ouvrage  de  M. 
de  Pongervill?,  elles  avaient  été  jugées  insurmontables.  Le  succès  qu'il 
obtient,  est  la  récompense  méritée  d'un  talent  supérieur  et  d'un  travail 
opiniâtre.  La  versification  de  M.  de  Pongerville  eat  a  la  fois  vigoureuse 
et  souple,  noble  et  gracieuse.  Ces  qualités  étaient  indispensables  au 
traducteur  de  Lucrèce  :  il  devait,  pour  faire  goûter  la  lecture  de  ce  poète, 
prendre  avec  lui-même  rengagement  de  l'éclaircir  et  de  l'embellir  en 
plus  d'un  endroit.  Wous  nous  hâtons  d'ajouter  qu'il  a  tenu  parole  au-de- 
là de  toute  vraissemblance.  Nous  offrirons  à  nos  lecteurs  un  compte  dé- 
taillé de  cette  traduction,  qui  a  déjà  recueilli  les  sulfrages,  nous  osons 
dire,  excité  l'étouriement  de  nos  littérateurs  les  plus  distingués.      C. 

180.  —  De  l'usage  des  expretsions  négatives  dans  la  langue  française, 


LIVRES  FRAKÇAIS.  4oi 

par  M.  CoLLiN  d'Ambli  ,  inslilutpur,  etc.  Troisième  édition,  revue,  cor- 
rigée et  augmenlée.  Paris,  i823;  Villet.  m  p.  in  S^  ;  pfix ,  i  fr.  5o  c, 
et  i  fr.  80  c. 

Nous  devons  à  M.  Collin  d'Ambli  une  Grammaire  française  fort  esli- 
mée,  et  un  bon  Traité  de  l'usage  des  prépositions  dans  la  langue  fran- 
çaise, publié  en  ibig.  SonTraité  des  expressions  négatives,  dans  la  inê 
me  langue,  se  distingue  par  la  justesse  des  doctrines  et  par  la  clarté  de  la 
rédaction.Cette  troisième  édition,  qui  n'est  point  mensongère  dans  son  in 
titulé,  prouve  assez  que  cet  ouvrage  a  obtenu  beaucoup  de  suffrages.  L, 

i«i  C).  —  Clos siq tus  français ,  ou  Bibliotfnque  portative  de  i'ama- 
tcur,  composée  des  chefs-d'œuvre  en  prose  et  en  vers  des  meilleurs  au- 
teurs. Soixante  vol.  in  02,  imprimés  chez  M.  Firmin  Didot ,  avec  des 
caractères  neufs  fondus  exprès.  Cinqnièrae  livraison,  composée  des 
œuwrcirfe  Racine.  Paris,  182.5-,  L.  Debure.  Quatre  forts  volumes  in-32, 
avec  un  très  beau  portrait  de  Racine;  prix  ,  12  fr.  et  i5  fr.  10  c.  —  Sépa 
rément,  10  gravures  in-j2,  pour  la  Ilcnriade,  faisant  partie  de  la  pre- 
inière  livraison;  prix,  G  fr.  ;  avant  la  lettre,  12  fr.  ;  papiir  de  Chine, 
i5  fr.  ;  in-8°,  avant  la  lettre,  i/i  fr.  ;  papier  de  Chine,  20  fr. 

Différent  de  quelques  éditeurs  d'ouvrages,  aunoncés  d'avance  avec 
(^■mphase  dans  leurs  prospectus,  qui  semblent  n'appeler  l'attention  du 
publie  que  pour  le  tromper  ensuite,  M.  Debure  poursuit,  avec  un  suc- 
cès toujours  croissant,  sa  charmante  collection  des  classiques  français, 
dont  chaque  livraison  vient  apporter  de  nouvelles  preuves  à  l'appui  des 
éloges  que  nt»us  avons  été  des  premiers  à  lui  accorder.  Les  œuvres  de 
Racine,  qui  composent  la  cinquième  livraison  que  nous  annonçons,  ont 
été  collationnées  par  lui,  sur  l'édition  revue  par  Boileau;  ce  qui  doit 
être  un  sûr  garant  de  l'exactitude  et  de  la  correction  du  texte.  Les  ca 
ractères,  le  papier  et  le  tirage  sont  toujours  les  mêmes,  et  l'éditeur,  di- 
minuant  un  peu  sa  justification  pour  la  prose,  a  répondu  au  seul  désir 
que  ses  souscripteurs  eussent  encore  à  former.  —  Quelques-uns  des  ou- 
vrages de  cette  collection  pouvant  faire  désirer  d'y  placer  des  suites  de 
gravures  ,  on  a  voulu  satisfaire  encore  les  amateurs  sur  ce  point  ;  dix  gra- 
vures de  la  Henriade,  faites,  d'après  les  dessins  de  M.  Xavier  Leprince, 
par  les  plus  habiles  artistes,  feront  juger  du  soin  que  l'éditeur  s'est  pro- 
posé d'apporter  dans  ce  genre  de  luxe.  E.  H. 

182  (*).  —  OEuvres  compiètcs  de  Voltaire,  9™=  et  10™'  livraisons. 
(Théâtre,  T.  VIII,  Histoire  de  Russie,  la  Pucelle  et  Facéties).  Paris, 
1825;  Dupont  et  Chassériau.  Quatre  vol.  in-8°.  T.  IX,  488  pag.  ;  T. 
XXXIII,  4.-.1  pag.;  T.  XI,  ôgô  pag.,  et  T.  XLV,  48,j  pag.  Prix  de 
chaque  volume,  5  fr.  [Foy.  Rev.  Enc,  T.  XIX,  pag.  443,) 
T.  XX. — Nosembrc  iSaS.  a6 


4o3  LIVRES  FRANÇAIS. 

,85,  Dciix  cpîtres  à  MM.  tes  memircs  de  la  Société  de  Paris,  fOVT 

l'amdiorationdc  l'enseignement  clcmenlaire,  par  A.  A.  Malinas.  Pa- 
ris. iSaS;  Dauihcreau,  au  Palais-Royal,  galerie  de  Nemours,  n"  29. 
Brochure  ia-12  de  09  pag.  ;  prix,  i  fr.  et  1  fr.  i5  c. 

Une  préface  qui  sert  d'introduction ,  et  deux  argumens  placés  en  tête 
des  deux  épîtres,  exposent  le  sujet  et  le  plan  qu'à  suivi  l'auteur.  II  est 
noble  et  beau  de  défendre  une  méthode  indignement  calomniée  par  l'es- 
prit de  parti,  et  presque  abandonnée  par  l'autorité,  qui,  trompée  sur 
ses  véritables  intérêts,  méconnaît  les  grands  avantages  qu'elle  aurait  pu 
en  retirer.— Mais,  en  rendant  justice  à  l'inteniion  du  poète,  nous  devons 
reconnaître  la  faiblesse  de  l'esét  ulion.  Rien  de  plus  difficile  que  de  irai- 
ter  en  plaisantant  un  sujet  sérieux.  L'irouie  est  une  arme  tranchante  ,  mais 
qui  s'émousse  aussitôt  qu'elle  ne  blesse  pas  :  c'est  co  que  M.  Malinas 
paraît  n'avoir  pas  assez  senti  ,  et  malheureusement  son  slyle  est  bien 
loin  de  compenser  un  pareil  défaut.  B.  J. 

184.  —  Corinthe  vengée ,  dithyrambe  par  M.  F.  E.  de  Bonnkchose  , 
dédié  aux  Grecs.  Paris,  iHïi  ;  Ladvocat ,  JNepveu.  Brochure  in-8°  d'une 
feuille  d'impression  ;  prix,  jS  c,  et  1  fr. 

Au  mois  de  novembre  de  l'année  1822  ,  la  flotte  turque,  revenant  de 
sa  campagne  de  Morée  ,  s'était  arrêtée  à  Ténédos,  en  alleudant  le  vent 
favorable  pour  rentrer  aux  Dardanelles,  quand  le  vai-seau  amiral  fut 
incendié  par  Constantin  Canaris,  de  Psara. 'C'est  cet  événement  mémo- 
rable que  l'auteur  a  voulu  peindre  ;  voici  quelques  traits  de  son  tableau  : 

Sous  les  ponts  écroulés  le  feu  s'ouvre  un  passage. 

Dans  la  carène  ardente  il  promène  sa  rage. 

Il  s'éehappe  en  grondant  de  ses  flancs  entr'onverts; 

Le  mât  brûle,  caché  sous  des  flots  de  fumée; 

Il  gémit,  de  sa  chute  il  menace  les  mers: 

11  tomhe,  et  la  voile  enflammée 
En  nuage  de  fen  s'envole  dans  les  airs. 

Ces  vers  prouvent  que  l'auteur  n'est  point  étranger  aux  secrets  de  la 
poésie;  il  y  a  du  mouvement  et  du  style  dans  ce  passage,  qui  ne  peut 
que  donner  une  opinion  favorable  de  tout  le  poème.  Un  jour,  et  peut- 
être  ce  jour  n'est-il  pas  très-éloigné,  les  efiforfs  des  Grecs  pour  recontiué- 
rir  leur  indépendance  seront  couronnés  d'un  entier  succès.  Après  avoir 
compté  et  récompensé  les  guerriers  qui  leur  auront  prêté  leurs  bras,  ils 
voueront  des  actions  de  grâces  aux  écrivains  qni  auront  défendu  la  plus 
belle  comme  la  plus  noble  des  causes,  et  M.  de  Bonnechose  prendra  une 
place  honorable  parmi  ces  derniers.  £•  H- 


LIVKES  FRANÇAIS.  4o3 

i85.  —  Charades  inises  en  action,  mêlées  de  couplets  et  de  vaudcviUes, 
ou  Nouveau  théâtre  de  sutiélé ,  par  M""^  la  comtesse  D'Haupoul  ;  or- 
nées de  six  jolies  gravure,».  Paris,  iS25;  Vernarcl  ol  Tenon,  rue  Hau~ 
tcfeuiile ,  n"  jo.  Deux  vol.  in- 12  de  j6o  pages  enviion;  prix,  8  fr.  ,  et 
9  fr.  75  c. 

De  petits  drames  ,  qui ,  dans  le  cadre  fort  étroit  où  ils  sont  resserrés, 
oiTrent  pourtant  de  l'intérêt,  des  situations  piquantes,  des  détails  de 
mœurs  bien  saisis,  une  critique  fine  dis  ridicules  du  moment,  un  dia- 
logue tantôt  enjoué,  tantôt  .'iltendrissant ,  toujours  naturel  et  facile  , 
voilà  ce  que  l'on  trouve  dans  le  recueil  que  nous  annonçons,  et  ce  qu'on 
pouvait  s'attendre  à  y  trouver  d'après  le  nom  de  l'auteur.  ftl™<=  la  com- 
tesse d'IIaulpoul  a  porté  dans  ces  légères  compositions,  le  talent  dont 
elle  a  souvent  fait  preuve  dans  des  ouvrages  d'un  ordre  plus  élevé.  Elle 
ne  veut  point,  dit-elle  dans  son  épigraphe,  être  jugée  sur  des  produc- 
tions si  frivole:-  ;  mais  elie  ne  peut  empêcher  que  le  lecteur  ne  la  recon- 
naisse encore  jusque  dans  ces  canevas  de  comédie  ,  comme  elle  les  ap- 
pelle, destinés  à  l'amuseuient  de  ses  soirées.  La  publication  de  son 
théâtre  est  une  bonne  fortune  pour  les  acteurs  de  société,  dont  il  variera 
fort  agréablement  le  répertoire.  H.  P. 

i8fi.  —  Souvenir  du  Musée  des  monutnens  français.  Collection  de 
4o  dessins  perspectifs  ,  gravés  au  trait ,  représentant  les  principaux  as- 
pects sous  lesquels  on  a  pu  considérer  tous  les  monumens  réunis  dans 
ce  musée,  dessinés  par  M.  J.  E.  Biet  ,  et  gravés  par  MM.  A'okmand 
père  et  Gis  ,  avec  un  texte  explicatif,  par  M.  J.  P.  Bbés.  Cinquième 
livraison.  Paris  ,  iSxj;  chez  l'auteur,  rue  Grange-aux-Belles,  n.  i3.  Un 
cahier  in-l'ol". 

187. — Cathédrales  françaises,  dessinées,  lithographlées  et  publiées  par 
Ch».puy  ex-o£!icier ,  du  génie  maritime,  ancien  élève  de  l'Ecole  poly- 
technique, avec  un  texte  historique  et  descriptif,  par  F.  T.  ok  Jolimost, 
ex-ingénieur  ,  membre  de  la  Société  d'émulation  de  Rouen,  etc.  Pre- 
mière et  sec<aide  livraisons,  contenant  la  description  de  l'église  de  t\o- 
tre-  Dame;  Paris,  iSaS  ;  Chapuy,  auteur  et  éditeur,  rue  de  Seine, 
n"  56.  —  L'ouvrage  entier  contiendra,  en  trente-six  livraisons,  grand- 
jésus  vélin  in-4'',  la  description  d'environ  vingt-cinq  cathédrales.  Chaque 
livraison  se  composera  de  cinq  planches  liihographiées,  savoir:  quatre 
vues  intérieures  ou  extérieures  et  une  planche  de  fragmen».  (.les  plan- 
ches seront  accompagnées  de  huit  à  seize  pages  de  texte.  Le  prix  est 
de  6  fr.,  et  10  fr.  avec  épreuves  sur  papier  de  chine,  ou  avec  épreuves  à 
fond  de  couleur,  rehau.-sées  de  blanc  à  la  main. 

Depuis  quelques  années,  les  Anglais  ont  publié,  par  le  moyen  de  la 


4«i  LIVRES  FRAÎSÇAIS. 

gravure,  tous  les  raonumen»  anciens  et  modernes  qu'ils  possèdent.  Leurs 
graveurs,  les  plus  habiles  de  toute  l'Europe,  en  ce  genre,  ont  donné  à 
CCS  collections  un  attrait  qui  les  a  fait  rechercher,  sous  le  double  nnérite 
de  l'intérêt  des  monumeas  qu'ils  offraient  aux  regards,  et  de  l'habileté 
qu'ils  avaient  développée  dans  l'exécution.  Bientôt  ils  ont  passé  le  dé- 
troit ,  et  ils  se  sont  répandus  sur  le  coulincnl ,  publiant  de  la  même  ma- 
nière tout  ce  qui  leur  paraissait  digne  d'intérêt.  Paris,  ses  monumens 
et  ses  environ»;  les  bords  de  la  Seine,  Bouen ,  le  Havre,  etc.,  ont  été 
dessinés  et  gravés  par  des  anglais,  avec  la  même  perfection  qu'ils  avaient 
mise  à  reproduire  leurs  monumens  nationaux;  enfin,  ils  ont  aussi  ex- 
ploré l'Italie,  et  les  ruines  de  Pompeiont  fait  l'objet  d'uue  des  plus  jo- 
lies collcctioiis  gravées  qui  oxistcnt. — Cette  invasion  de  notre  territoire, 
par  les  artistes  étrangers,  a  réveillé  le  génie  des  nôtres. Une  grande  entre- 
prise a  été  faite  ;  des  hommes  de  talent  se  sont  réunis,  et  c'est  à  leur  asso- 
ciation que  nous  devons  la  description  dts  Monumens  del'ancîenne  Fran- 
ce, publiée  par  Eagelmannf  rères,  l'un  des  premiers  ouvrages  où  la  litho- 
graphie ait  révélé  sa  puissance;  mais  cette  collection  ,  formée  sur  une 
très-grande  échelle,  peut  inspirer  quelque  inquiétude  pour  l'avenir.  Déjà 
il  a  paru  plus  de  trente  livraisons,  et  la  Normandie  n'est  pas  encore 
épuisée;  on  voit  aisément  où  cela  peut  conduire  les  éditeurs  et  les  sous- 
cripteurs.— M.  Cliapuy  s'est  renfermé  dans  des  limites  plus  étroites,  sou» 
le  rapport  des  dimensions  et  du  but  qu'il  s'est  proposé.  Ce  ue  sont 
pas  tous  les  monumens  de  l'ancienne  France,  mais  seulement  les  cathé- 
drales qu'il  entreprend  de  publier;  e!  ce  cercle  renfermecocore  un  grand 
nombre  dédifices  très-insiéressans.  Il  a ,  d'ailleurs ,  écarté  le  hue  de 
l'iu  fulio ,  adoptant  le  format  in-4°,  qui  est  trés-vonvenable,  et  que  les 
Aai;;liiis  n'ont  jamais  dépassé  dans  les  collections  dofît  je  viens  de  parler. 
— Lfs  deux  livraisons  qui  ont  déjà  paru  donnent  une  idée  favorable  de 
cette  entreprise.  M.  Chapuy  manie  le  crayon  lithographique  avec  fines- 
se, et  i! choisit  bien  ses  vues  ;  on  voit  qu'il  est  consciencieux,  et  qu'il  n'a 
rien  voulu  négliger  de  ce  qui  pouvait  faire  connaître  suffisamment  le 
monument  qu'il  publie.  Ce  sont  des  élémcns  de  succès.  Il  faut,  toute- 
fois, <]u'il  se  mette  en  garde  contre  une  certaine  mollesse  qui,  à  la  vé- 
rité, peut  provenir  de  la  manière  dont  les  planches  sont  imprimées. 
Dans  ce  cas,  le  reproche  s'adresserait  à  l'imprimeur;  mais  c'est  bien  cer- 
tainement à  M.  Chapuy,  lui-même,  que  je  dois  témoigner  le  regret 
qu'il  n'ait  pas  donné  un  pian  de  Kolre-Dame ,  seul  moyen  de  bien 
connaître  les  monumens  de  cette  nature.  Ce  plan,  d'ailleurs,  se  trouve 
dans  plusieurs  anciens  recueils;  il  ne  lui  restait  donc  qu'à  le  faire  co- 
pier et  réduire  :  dès-lors  c'esl  une  chose  rép.Tiablc    Le  texte  joint  aux 


LITRES  FRAISÇAIS.  4o5 

l'IariLlies  est  puisé  aux  meilleures  sources,  et  coDlient  tout  ee  qu'il  est 
important  de  savoir;  on  y  trouvera  même  des  détails  peu  connus  ,  et 
qui  cependant  excitent  l'intérêt  ,  à  plusieurs  titres.  L'auteur  rap- 
porte, par  exemple,  que  l'on  conserve  dans  le  trésor  de  Notre-Dame, 
une  escourgette  en  chaînes  de  fer,  avec  laquelle  Saint-Louis  se  faisait 
ilonner  la  disciplioe ,  tous  les  vendredis,  par  son  confesseur.  Certes, 
les  tems  sont  bien  difiPérens;  on  ne  se  fait  plus  donner  et  on  ne  se 
donne  même  plus  la  discipline,  mais  ce  ne  sont  pas  seulement  les  mœurs 
qui  ont  changé  ,  le  monument  qui  contient  ce  singulier  iuslrument  a 
éprouvé  lui-même  bien  des  altérations. 

188. — A liumreUgieux,  ou  description  des  églises  du  diocèse  de  Paris, 
représentant  le  monument  et  l'image  de  lewr  patron.  Paris,  iSîù;  Noël 
et  comp.,  artistes  éditeurs,  rue  des  Deux-Portes,  n»  7.  Le  prix  de  cha- 
que livraison,  format  grand  10-4",  est  de  j  f.  sur  beau  papier,  et  5  f.  sur 
papier  de  Chine. 

Le  prospectus  que  nous  avons  sous  les  yeux  ne  fait  pas  connaître  le 
nombre  de  Irx'raisons  dont  cet  ouvrage  sera  composé;  il  en  a  déjà  paru 
cinq,  qui  contiennent  la  vue  principale  des  églises  de  Notre-Dame, 
Sainte-Geneviève,  Saint-Roch,  de  l'église  royale  de  Saint-Denis;  la  faça- 
de,  au  trait  seulement,  de  l'église  de  Saint -Louis  et  Saint -Paul,  en- 
fin, une  vue  terminée  de  la  Sainte-Chapelle,  monument  très-élégant 
élevé  par  Saint-Louis.  Chaque  livraison  contient,  en  outre,  l'image  du 
patron  auquel  l'église  représentée  est  dédiée ,  et  deux  notices  histori- 
ques, l'une  sur  le  saint,  et  l'autre  sur  le  monument.  A  l'exception  de 
Saint  Louis,  dont  les  traits  sont  connus  d'une  manière  authentique,  tous 
les  autres  saints  sont  des  ligures  auxquelles  l'artiste  a  donné  les  caractè- 
res consacrés  par  l'usage  ou  pris  dans  les  traits  les  plus  saillans  de  leur 
vie.  Ainsi,  Saint-Roch  est  en  habit  de  pèlerin;  Sainte-Geneviève,  ou- 
bliant sa  quenouille  et  les  moutons  confiés  à  ses  soins,  lève  vers  le  ciel  des 
regards  extatiques;  et  Saint-Denis,  dont  on  ne  connaît,  au  juste,  ni  le 
lems  où  il  vivait,  ni  le  lems  où  il  est  mort,  est  représenté  en^habils  pon- 
tificaux avec  un  glaive  à  ses  pieds,  ce  qui  veut  dire,  sans  dout(;,  qu'il 
eut  la  tête  tranchée.  Au  reste,  plusieurs  de  ces  figures  sont  composées 
avec  goût  et  exécutées  avec  habileté. —  L'écrivain  qui  a  rédigé  les  notices 
historiques  sur  les  saints  a  eu  le  bon  esprit  de  reconnaître  qu'il  était  im- 
possible de  reproduire,  aujourd'hui,  toutes  les  fables  contenues  dans  la 
légende;  il  y  a  une  sorte  de  pudeur  et  même  d'esprit  de  criticjue  dans 
la  manière  dont  ces  ni;tices  sont  écrites.  —  I^a  partie  la  plus  inté- 
ressante de  cette  collection,  ce  sont  les  vues  des  églises.  Chez  tous  le» 


4o6  LIVRES  FRANÇAIS. 

peuples,  à  toutes  les  époques,  les  temples  élevés  à  la  Divinité  ont  été 
l'objt  t  d(s  so^n^^  les  plus  assidus.  Ce  sont  aussi  les  inonumens  les  plus  re- 
luarquabies,  et,  dans  beaucoup  de  pays  dilFérens.  ils  ont  survécu  a  la 
croyance  qui  les  avait  élevés.  — Il  existe  à  Paris,  et  dans  l'étendue  du 
diocèse,  une  foule  d'églises  intéressantes  sous  le  rapport  de  l'architec- 
ture, et  les  planches  destinées  à  en  reproduire  l'aspect  principal,  ne 
j)euvent  manquer jd'èlre  recherchée'*;  elles  sont,  d'ailleurs,  faites  par 
des  hommes  de  talent ,  tels  que  MM.  Fragonard,  Arnout,  Collin  et  Re- 
nou.  Ce  n'est  pas ,  au  reste,  un  ouvrage  destiné  à  erre  étudié  par  les  ar- 
chitectes; pour  eux,  il  faut  que  le  compas  ,  l'équerrc  et  la  règle  inter- 
viennent :  ce  sont  des  vues  pittoicsques  par  lesquelles  on  se  propose  de 
donner  une  idée  juste  de  l'aspect  de  chaque  monument.  Ce  but  étant 
très-bien  rempli,  dans  son  ensemble,  je  ne  m'engagerai  pas  dans  une 
critique  de  détails,  qui  serait  sans  objet.  P.  A. 

ib'g.  — Les  principes  de  lu  musique,  arrangés  à  l'usage  de  la  jeunesse, 
parZ,.  CoRBET  aîné.  Vingt-quatre  petits  tableaux,  avec  vignettes  lilho- 
graphiécs  ,  sur  caries  vélin,  représeniaut  des  personnages  jouant  les  di- 
vers instrumtns  de  musique,  (en  un  étui).  Paris,  iXaJ;  lithographie  de 
^lacairc  ;  l'auteur,  rue  des  Fossés-Sain l-Germain-des-Prés  ,  n.  17,  près 
l'Odéon.   Prix  ,  10  fr. 

M.  Corret  a  voulu  ,  en  publiant  ses  tableaux  ,  engager  les  jeunes  gens, 
par  l'at Irait  des  gravures,  à  reposer  leur  attention  sur  les  premier»  prin- 
cipes de  la  musique,  malheureusement  trop  négligés.  Ainsi  ,  chaque 
carte  ou  tableau  présente,  à  la  faveur  de  sa  vignette,  l'explication  claire 
et  simplifiée  d'un  des  élémens  de  la  science  musicale.  Les  Principes  de 
musique  sont  très-.susceptibles  d'être  offerts  en  cadeau  ^  leur  utilité  doit 
les  recommander  comme  objets  d'étrennes.  Du  reste,  quoique  arrangés 
plus  spécialement  pour  les  enfans ,  ils  ne  peuvent  qu'être  utiles  à  Icutes 
les  personnes  qui  désirent  apprendre  la  musique.  A.   J. 

190. — Manuel  du  Bi{)liopliitc,oa  Traité  du  choix  des  livres, contenant 
des  developpemens  sur  ia  nature  des  ouvrages  les  plus  propres  à  former 
une  collection  précieuse,  et  particulièrement  sur  les  chefs- d'oeuvre  de  la 
littérature  sacrée,  grecque,  latine,  française,  étrangère;  avec  les  juge - 
mens  qu'en  ont  portés  les  plus  célèbres  critiques;  une  indication  des  mor- 
ceaux les  plus  saillans  de  ces  chefs-d'œuvre;  la  liste  raisonnée  des  édi- 
tions les  plus  belles  et  les  plus  correctes  des  principaux  auteurs  anciens 
et  modernes,  avec  les  prix;  la  manière  de  disposer  une  bibliothèque,  de 
préserver  les  livres  de  toute  avarie,  avec  des  détaik  sur  leurs  formats,  sur 
les  différcos  genres  de  reliures,  etc.,  et  une  ample  tabl,e  des  matières. 


LIVREIS  FRANÇAIS.  407 

Par  Gatvicl  Peignot,  inspecteur  de  l'Académie  royale  de  Dijon.  Dijon, 
1823;  Vicloi-  Lagiei;  Paiii,  Renouard.  Deux  vol.  in  8°  de  470  et  de  49a 
j).;  prix,  en  papier  ordinaire,  12!'.,  papier  fln,  i4  f- 

Ce  nouvel  ouvrage  de  M.  Peignot,  Tun  de  nos  plus  laborieux  biblio- 
graphes, se  recommande  principalement  par  son  ulllilé,  ainsi  que  la  plu- 
part des  productions  de  son  auteur.  Les  developpemcns  du  titre  présen- 
tent l'analyse  de  l'ouvrage  et  donnent  l'indication  de  ce  qu'il  renferme. 
Une  de>  pai  tics  les  plus  curieuses  de  ce  recueil  est  la  seconde,  quia  pour 
litre:  De  la  prédilection  particulière  que   les  hommes  céièbres  de  tous 
les  tems  oui  eue  pour  certains  ouvrages,  et  surtout  pour  les  chel's-d'œu- 
vres  littéraires.  En  apprenant  vers  quelles  lectures  favorites^le  goût  des 
divers  hommes  célèbres  s'est  porté  plus  particulièrement,  on  apprécie 
le  livre  par  le  lecteur,   et  le  lecteur  par  le  livre;   cette  manière  d'étu- 
dier les  hommes  peut  donner  lieu  à  des  observations  à  la  fois  piquantes 
et  justes.  Celte  partie  de  l'ouvrage  de  M.  Peignot  gagnerait  à  être  moins 
longue,  et  surtout  plus  méthodique  et  moins  chargée  de  digres>ions.  La 
partie  principale  du  Manuel  du  BibUophile  est  la  quatrième;  l'auteur  a 
eu  l'intention  ,  dit-il,  d'y  renfermer  l'indication  sommaire  des  éditions 
les  plus  correctes  et  les  plus  belles  des  meilleuis  ouvrages  de  la  littéra- 
ture sacrée,  grecque,  latine,   française  et  étrangère.   Au  milieu  d'un 
grand  nombre  de  renscignemens,  dont  l'utilité  est  incontestable,  on  doit 
regretter  plusieurs  omis.-«ions  importantes,  suitouten  ce  qui  concerne  les 
auteurs  modernes.  Ces  omissions  se  remarquent  d'autant  plus,  que  M. 
Peignot  a  beaucoup  cité  quelques  auteurs  contemporains,  choisis  pres- 
que exclusivement  dans  un  parti  qui  n'aime,  cependant,  ni  les  livres,  ni 
les  lumières,  et  qui,  loin  de  regarder  l'ignorance  comme  un  mal,  ne 
connaît  pas  de  plus  grand  danger  pour  le  genre  humain  que  l'instruction 
des  peuples.  Ainsi,   M.  Peignot  cite  perpétuellement,  sur  les  sciences 
murales  et  politiques,  MM.  de  Bonald  et  de  Maistrt- ;  mais  il  ne  nomme 
pas  une  seule  fois  M""'  de  Staël,  ni  MM.  Guizol,  Benjamin  Constant,  de 
Pradt,  Lullin  de  Châleauvieux.  Il  range  parmi  les  historiens  MM.  Ber- 
trandt  de  Molleville,  et  Charles  Lacretelle;  mais  il  omet  M.  de  Sismou- 
diet  M.  Daru.  Parmi  les  poètes  vivans,  dont,  dit-il,  les  travaux  poétiques 
se  sont  fait  remarquer,  il  place  avec  raison  M.  de  La  Martine  et  M.  Hu- 
go, mais  il  oublie  à  tort  MM.  Lebrun  etVleunel;  il  est  surtout  inexcusable 
d'avoir  passé  sous  silence  le  poète  brillant  et  national  qui  a  chanté  tesMes- 
sénicnncs,  et  qui,  bien  jeune  encore,  a  écrit  déjà  tant  de  beaux  vers.  En- 
tin,  M.  Peignot  n'est  entré  dans  aucun  déluil  sur  la  littérature  dramati- 
que moderne,  et  n'a  pas  donné  place,  dans  son  mémorial  bibliographique, 
aux  noms  de  MM.  Picard  ,  Andiieux,  Élienue,  Alexandre  Duval,  Le- 


4<  8  LIVRES  FRANÇAIS. 

mercier.  Ces  omissions  dépareat  d'uulant  plus  l'ouvrage  de  M,  Pei^iiot, 
qu'elles  preunent  les  apparences  d'une  parlialilé  qui  s'aeeorde  mal  avec 
le  ton  toujours  décent  el  modéré  de  son  livre,  et  avec  le  désir  sincère 
d'être  utile,  dont  il  se  montre  constamment  animé.  C.  H. 

A'.  B.  On  ne  peut  attribuer  qu'à  l;i  même  partialité,  l'omission  re- 
marquable et  volontaire  de  l'auteur,  qui,  dans  sa  quatrième  partie,  con- 
tenant un  Mémorial  hiUiographiquc ,  fait  une  longue  mention  de  plu- 
sieurs oavrage-i  périodiques  estimables,  et  se  borne  à  citer,  dans  une 
ligne,  tombée  de  sa  plume,  comme  par  hasard,  la  Revue  Encyiiofèdi- 
^fiie,  fondée  le  i"  janvier  1819,  sans  lui  accorder  aucun  article  spécial, 
-ni  une  annonce  de  quelque  étendue,  que  pouvait  mériter  un  recueil 
plus  apprécié  dans  les  pays  étrangers  qu'en  France,  et  auquel  un  hi- 
Hiopliite  aussi  zélé  que  M.  Peignot  aurait  dû  rendre  ju^tice  ,  s'il  n'é- 
lait  dominé  par  c  ertaines  préventions  contre  tout  ce  qui  paraît  avoir  une 
Il  ndauce  pLilosopbique. 

Mémoires  et  Rapports  de  Sociétés  savantes  et  d'utilité  publique. 

'9'  (')•  —  Société  éHlù/ue  protestante  de  Paris. —  Quutriémt  rapporl 
unnuci,  du  t(i  avril  1823.  l'aris ,  i825;  imprimerie  de  Smitb.  Lnvol. 
in-S"  de  VIII  et  206  pages. 

192. —  BuHetins deiaSocicté  itiblique  proteslante'de  Paris.  Deuxièinf 
année,  n°'  iS-i/,  mai-septembre,  1823.  Paris,  1823  ;  même  imprimerie. 
Cinq  cahiers  formant  99  pages  (  195-272). 

Parmi  les  institutions  bienfaisantes  qui  honorent  !e  commencement 
du  dix-neuvième  siècle  ,  peu  se  sont  propagées  avec  plus  de  rapidité  que 
rinslitution  biblique.  C'est  en  Angleterre  qu'elle  a  jiris  niii-sance,  il  y 
a  dix-neuf  ans.  Le  zèle  de  ses  fondateurs  el  la  généiosité  de  ses  nom- 
breux associés,  lui  ont  procuré  des  relations  étendnes,  des  ressources 
abondantes  et  d'honorables  succès  sur  tous  les  points  du  globe.  Elle  s'est 
toujours  proposé  pour  unique  but,  de  répandre  les  érrituns  saintes,  et 
jamais  elle  ne  l'a  perdu  de  vue,  même  pour  contribuer  à  des  actes  pbi- 
lanlropiques  ou  chiétiens  d'une  nature  analogue.  Les  membres'  de 
l'institution  biblique  se  sont  refusés,  par  ce  motif,  à  coopérer  à  la  dis- 
tribution des  Traités  chrétiens  par  la  voie  de  leur  association  ,  tout  en  y 
prenant  part  comme  individus.  On  trouve,  dans  le  1  apport  de  M.  de  Staël, 
l'un  des  secrétaires  de  la  société  ,  un  tableau  complet ,  fort  intéressant  , 
des  progrès  de  l'Institution  biblique  ,  dans  les  divei>es  contrées  où  elle  a 
fait  ressentir  sa  bienfaisante  influence.  La  Grande-Bretagne  est  la  pre- 
mière sur   la   liste;   c'e^t   là   qu'existe  la  Soeiété-iWèie  ,  connue  sou>  le 


l.l\RES  FRANÇAIS.  4ofj 

nom  de  Société  tibiique  itrilannique  et  étrangère.  Klle  correspond  avec 
j:«9  société»   auxiliaii-ea,    établies   dans   les    possessions    anglaises   de» 
(juatrc  pallies  du  monde,  et  disiribue  annuellement  pins  de  2.5o,ooo  Bi- 
bles ou  Nciuveaux-Testaniens.  Après  l'Anglelerre,  tous  les  états  chrétien» 
de  l'Europe  sont  passés  en  revue  par  M.  de  Staël;  en  Autriche,  en  Italie, 
en  Espagne,  en  Portugal,  il  ne  trouve  aucune  trace  d'association  bibli- 
que;  mais  il  t  ite  avec  éloges  les  sociétés  d'Amsterdam  ,  de  Bàle  (la  })lus 
ancienne  du  continent),  celIcN  de  Lausanne,  de  Marbourg ,  etc.,  enlin 
celle  de  Russie,  qui  a  déjà  publié   i  lo  éditions  des  Ecritures,  formant 
557,000  exemplaii*  s  ,  en   i^6  langues  diirércnles.  Le  zélé  qui  anime  les 
chrétiens  d'Europe  piur  la  propagation  des  livres  saints  s'étend  au-delà 
des    mers.   On  compte  aux  lltats  Unis  ,  outre  la  Société   principale  de 
]Nev\'-York  ,  '47  sociétés  auxiliaires.  Enlin,  grâce  aux  soins  de  la  Société 
de  Londres,  la  Bible  <st  tiaduite  dans  presque  toutes  les  langues  con- 
nues, et  pénètre  chez  les  tribus  les  plus  reculées,  M.  de  Staël ,  pour  don- 
ner une  idée  de  la  charité  universelle  et  infatigable  de  l'Inslilulion  bi- 
blique ,  mentionne,  dans  sa  vaste  éoumération  ,  les  pcu|)les  de  l'Océa- 
nie.  >■  A  peine  ,  dit-il,  quelquci-unes  de  ce»  îles  nous  sont  connues  par 
K-  récit  de:.  \oy;!geuis,  et  déjà  les  amis  de  la  Bible  les  ont  embrassés  dans 
leur  zèle  sans  bornes.  «   On   peut  citer  comme  des  faits  curieux,  la  tra- 
duction de  la  Bible  en  langue  chinoise  (Toy.   ci-dessus,  pag.   217),  en 
langue  groenlaudaise  ,  en  langue  chippawa,  usitée  chez  quelques  peu- 
plades de  l'Amérique  du  nord  ,  en  langue  arowacks,  que  parlent  les  In- 
diens dans  les  l'orêls  de  la  Guyane  ;  enfin  ,  une  version  des  quatre  évan- 
giles vient  d'être  imprimée  aux  îles  de   la  Société,   daas  la  langue    des 
naturels  du  pays,  et  l'évangile  selon  Saint  Jean  a  été  traduit  et  circule  a 
Otahiti. — Si  nous  suivons  en  Fiai.ce  iVl.  de  Staël;  nous  remarquons  à  Pa- 
ris une  Siiciété  biblique  non  moins  active  que  ses  émules.  Il  y  a  peu  d'an- 
nées qu'elle  existe  ,  mais  elle  n'a  rien  omis  pour  atteindre  son  but.  Elle 
compte   aujourd'hui   120  sociétés  auxiliaires  ou  associations  bibliques, 
établies  parmi  la  population  protestante  de  la   France,    avec  lesquelles 
elle  entrelient  des  relations  suivies.  Los  plus  importantes  sont  celles  de 
Monibéliard,  Strasbourg,  La  Rochelle,  Bordeaux  ^  Montauban  ,  Is'imcs, 
Lyon  ,  etc.  Dans  l'année  qui  vient  de  s'écouler,  elle  a  distribué  4^627  Bi- 
bles et  5,196  Nouveaux-Testamens;  des  commissaires,  choisis  dans  son 
sein  ,  ont  donné  et  continuent  à  donner  tous  leurs  soins  à  une  nouvel  le 
édition  de  la  Bible,  version  d'Osterwald;  enfin  ,  elle  a  proposé  un  prix, 
oftert  par  un  anonyme  ,  au  meilleur  mémoire  sur  l'esprit ,  le  iut,  et  l.'u- 
tUilù  de  {'institution  IfiMiquc,  pr'tJi  qu'elle  a  accordé  à  M.  G.  de  Fklice, 
de  Lille  ,   petit- fils  du  célèbre  de  Félice  ,  éditeur  de  l'Encyclopédie  d'Y- 


4'o  LIVRES  FRANÇAIS. 

verduD.  Si  l'on  compare  It-s  travaux  de  la  Société  biblique  de  Paris  aux 
faibles  ressources  que  lui  offie  la  population  protestante,  si  peu  considé- 
rable en  France,  on  appréciera  mieux  encore  les  utiles  travaux  de  ses 
uicmbres.  Outre  l'excclleot  Rapport  dans  lequel  nous  avons  puisé  ces 
<!élails ,  on  lit  encore  avec  intéiét,  dans  le  volume  que  nous  annonçons, 
YÉloged'Owtn,  par  M.  Lafon  de  Ladébat,  écrit  dont  nous  avons  déjà 
fait  mcDlion  (Voy.  T.  XIX,  pag.  691;.  Les  autres  pièces  contiennent 
des  rcnseigncmens  sur  l'administration  des  fonds  de  la  Société,  etc.  — 
Le  BulUlin  mensuel  renferme  beaucoup  de  fjiis  curieux,  extraits  d'une 
correspondance  fort  étendue  ,  et  qià  appartiennent  à  ^hi^loire  des  insti- 
tutions bibliques. 

19^  D-— Société  pliilantropiquc — Rapports  et  comptes  rendus  pour 
Vannée  1822,  lus  dans  l'assemblée  générale  du  11  juillet  iS23;  Paris, 
1825;  M.  Baron  ,  commissaire  de  la  Soi  iété  ,  rue  des  Petils-Awguslins, 
n"  20;  prix,  1  fr.  5o  c.  ,  au  profit  de  l'établissement. 

Aa  nombre  des  sociétés  de  bienfaisance  établies  à  Paris,  nous  devons 
citer,  comme  une  des  plus  utiles  et  des  plus  recommandables,  la  Société 
phiiantropiquc ,  [imdèe  en  1798  (an  viu)  ,  et  qui,  depuis  vingt-cinq  ans, 
n'a  pa.-.  cessé  de  remplir  sa  noble  tâche  avec  un  zèle  généreux  et  éclairé. 
A  l'époque  de  sa  fondation,  il  n'existait  que  peu  d'élablissemens  de  bien- 
faisance, et  leurs  moyens  étaient  bornés;  les  premiers  sou'^cripteurs  se 
réunirent  aux  diverses  hociétés  déjà  connues,  entre  autres,  aux  membres 
de  l'ancienne  Société  pliiiantropique,  a  ceux  de  la  Société  de  bienfai- 
sance judiciaire ,  etc.  Leur  but  était  de  suppléer  aux  soulagemens  déjà 
procurés  aux  indigcns  par  le  gouvernement,  et  par  le  moyen  des  bureaux 
de  charité.  Ils  s'étaient  proposé  de  former,  tour-à-tour,  et  suivant  que 
leurs  ressources  pécuniaires  le  permettraient,  diverses  institutions  pour 
venir  au  secoure  des  indigens  et  des  classes  inférieures  de  la  Société. 
Ainsi,  ils  ne  s'occupèrent  d'abord  que  de  distribuer  des  soupes  économi- 
ques-, et  dans  les  lems  de  disette,  cette  simple  distribution  contribua 
beaucoup  à  dimunuer  la  misère  du  peuple.  Plus  lard,  la  même  Société 
fonda  des  dispensaires  ,  oîi  les  malades  reçurent  gratuitement  des  soins 
et  des  médicamens.  A  une  époque  où  le  gouvernement  n'avait  point 
encore  établi  d'école  pour  les  enfans  pauvres,  elle  fit  quelques  ten- 
tatives pour  satisfaire  à  ce  besoin.  Un  autre  bienfait  de  la  même  so- 
ciété, bienfait  qui  doit  avoir  une  grande  inlluence  sur  les  moeurs  et 
le   bien-être  de  la  classe  ouvrière,  est  l'encoiirugement  accordé  aux 

Sociétés  de  prévoyance  que  forment  les  ouvriers  des  différens  métiers. 

Un  grand  nombre  de  citoyens,  parmi  lesquels  on  remarque  beaucoup 
de  pairs  de  France,  d'hommes  de  lettres,  de  banquiers,  de  négocians, 


LIVRES  FRANÇAIS.  4" 

connus  p^r  leur  rang  dans  le  rcondc ,  par  leurs  talens  ou  k-ur  foi  tune, 
composent  celle  Sociilé.  Va  comité  de  cinucanle  inemhr-s,  renouvelc 
par  tiers  tous  Us  ans  ,  et  dont  font  partie  le  président,  deux  vicc-pré- 
sidens,  le  jecrélaire  ,  deux  vicc-secrélain!;,  et  le  trésorier,  est  chargé 
de  l'administration  des  fonds.  Ces  fonds  proviennent  d'abord  des  sous- 
criptions (chaque  membre  devant  souscrire  au  moins  pour5o  fr.  par  an); 
ensuite,  des  dons  et  des  legs  faits  à  la  Société.  Nous  ne  pouvons  nous  em- 
pêcher de  citer  ici  M.  Delessert ,  trésorier  de  la  Société  depuis  plusieurs 
années,  et  dont  le  désinléressemint  e!  la  sa-c  administration  méritent 
ia  reconnaissance  publique.  -  Pour  donner  à  nos  lecteurs  les  moyens 
d'apprécier  le  bien  fait  par  la  Société  philanlropiquc,  nous  allons  mettre 
sous  leurs  yeux  divers  détails  empruntés  aux  intéressaos  rapports  lus  dans 
la  séance  du  1 1  juillet,  par  M.  Delbusk,  secrétaire  actif  et  éclairé  du  co- 
mité, par  M.  le  docteur  Rey,  médecin  du  deuxième  dispensaire,  au 
nom  de  ses  confièrcs,  et  par  M.  Jacqoinut,  commissaire  pour  l'examen 
des  comptes.— La  distribution  des  soupes,  établie  dès  l'origine,  forme  une 

des  parties  les  plus  importantes  des  travaux  de  la  Société.  Depuis  vingt- 
cinq  ans,  16,000,000  de  rations  de  soupe  ont  été  fournies  gralnitement 
aux  indigens,  ou  vendues  aux  pcrsonues  bienfaisantes,  au  prix  de  i  sou 
la  ration.  Dans  une  année  de  disette ,  il  en  a  été  distribué  plus  de  deux 
raillons  ,  dont  une  partie,  il  est  vrai  ,  aux  frais  du  gouvernement.  Dan» 
l'année  qui  vient  de  s'écouler  (1822) ,  le  nombre  des  rations  de  soupe, 
sorties  des  trois  fourneaux  de  la  Société,  a  été  de  82,8,--.-Six  dispensai- 
res sont  établis  dans  différens  quartiers  de  Paris  ;  à  chacun  d'eux  sont  at- 
tachés un  agent,  un  médecin  et  un  chinngien  ordinaires,    et  plusieurs 
médecins  et  chirurgiens  adjoints,  tous  choisis  par  la  Faculté  de  médecine. 
Depuis  leur  élablisssement,  c'est-à-dire,  depuis  vingt  ans,  on  y  a  soigné 
oi.jSl  malades,   dont  20,895    ont  été  guéris.  La  proportion  des  morts 
aux   malades  guéris  a  été  de  ,    à  4i.    2187  enfans  y  ont  été  vaccines. 
Le    zélé   des   médecins  ,    qui    ne  s'est   jamais   ralenti ,    est    allé   cher- 
cher et  soigner  les  malades  chez  eux  et  jusque  dans  les  quartiers  les 
plus   r.tlrés   de   Paris.    En    i82i,  le    nombre   des    malades    a   excédé 
de  5 10  celui  de  l'année  précédente,  et  s'est  élevé  à  3,738.— Quant 
aux  sociétés  de  prévoyance,  le  comité  ,  nommé  pour  s'occuper  de  ce 
travail,  a  déjà  établi  des  relations  avecï  7 1  d'entre  elles ,  dont  li  ont  été 
fondées  dans  l'année  1822.  11  leur  a  souvent  fait  accorder  des  secours, 
et  s'est  eCTorcé,  par  ses  conseils,  de  perfectionner  leurs  reglemens  et  leur 
administration.  Au  Rapport  que  nous  annonçons  est  joint  u;i  tableau  de 
ces  sociétés  indiquant  leur  but,  qui  est  en  général  de  fournir  des  secours 
aux  membres  malades,  et  de  procurer  des  pensions  alimentaires  aux 


4i2  MVKES  FRANÇAIS. 

vieillards.  Ce  laMeau  iloune  encore  le  nombre  des  membres  de  cbaque 
Société,  l'éJdt  des  fonds  en  caisse,  et  d'autres  détails.  Ainsi,  nous  y 
trouvons  que  le  terme  moyen  de  la  cotisation  mensuelle,  dans  ces  di- 
verses sociéies,  est  de  i  IV.  5o  c.  par  lèle,  et  que  les  secours  accordés  à 
un  malade  s'élèvent  à  i  fr.  5o  c. ,  quelquefois  à  ^  fr.  par  jour.  iNous  avons 
calculé,  d'après  ce  tableau  ,  que  14,149  ouvriers  et  plus  participent  à  la 
mise  de  fonds  de  ces  utiles  institutions  ;  le  total  de  leurs  dons  forme  une 
somme  de  68o,56o  francs,  dans  lesquels  nous  n'avons  pu  comprendre 
les  fonds  non  indiqués  de  quelques  unes  des  sociétés.  Le  seul  reproche 
que  leur  adre,se  le  comité,  est  celui  d'un  excès  de  générosité,  dont  le 
résultat  est  l'adopliop  de  règleraens  conçus  sur  une  base  trop  large  ,  el 
fendant  à  ruiner  Ls  sociétés,  tout  en  soulageant  quelques  malade» 
i.olés.  ^    j 

Lhres  en  langues  étrangères,  publiés  en  France. 

193,  —Conclones  Grœcœ.  —  Harangues  tirées  des  historiens  grecs 
texte  grec,  avec  la  traduction  française  en  regard),  par  M.  Longcevillb. 
Paris,  1823;  Aug.  Dclalain.  Deux  vol.  in- 12;  prix,  lafr.;  sans  le  texte, 
4  fr.  5o  c. 

L'élude  des  Lettres  grecques  a  repris  faveur  parmi  nous  depuis  plu- 
sieurs années;  et  parmi  le»  ouvrages  propres  a  encourager  et  à  faciliter 
celte  étude  à  la  jeunesse,  on  doit  citer  honorablement  les  travaux  de  M. 
Longueville,  savant  infatigable  et  non  moins  modeste.  Il  vient  de  pu- 
blier une  nouvelle  édition  des  Conciones  Grœcœ.  Le  texte  a  été  colla- 
lionne  et  revu  stir  les  ineilleures  éditions  critiques,  et  pour  la  partie 
d'Hérodote,  sur  l'excellente  édition  donnée  en  1816,  par  M.  Schweig- 
bœuser.  Chaque  discours  est  accompagné  d'analyses,  de  nouveaux  som- 
maires bisioriques,  et  de  notes  grammaticales.  Chaque  partie,  en  outre, 
c.t  suivie  de  tables  et  d'un  index  des  locutions  grecques.  Dans  sa  traduc- 
tion française  de  ces  discours,  l'auteur  s'est  attaché  à  une  exactitude 
scrupuleuse,  et  presque  littérale,  qui  pourtant  nuit  rarement  a  l'élégance. 
La  seconde  partie,  qui  contient  les  harangues  extraites  des  trois  premiers 
livres  de  Thucydide,  offrait  encore  plus  de  difficultés.  Le  premier  orateur 
de  Rome,  l'un  de  ses  plus  grands  hommes  d'état,  Cicéron  a  dit  de  Thu- 
cydide :  Ses  harangues  renferment  tant  de  -pensées  obscures  et  cnvelop- 
fces,  qu'on  a  de  la  peine  à  les  comprendre.  Tel  est  l'auteur  dont  M.  Lon  - 
guevillc  a  \oulu  faciliter  la  lecture  et  l'intelligence  aux  jeunes  élèves  de 
nos  écoles.  Aussi,  a-t-il  multiplié  les  notes  et  les  explications  relatives  au 
teste  grec.  Chaque  discours  est  précédé  d'une  analyse  raisonnée,  propre 
a  rendre  plus  sensible   la  liaison  des   idées,   des  raisonnemens ,  et  les 


LIVRES  FRANÇAIS.  4 '5 

moyens  de  l'arguinentation,  parfois  difficiles  à  saisir  dans  les  discours  de 
cet  historien.  Ces  analyses  peuvent  servir  encore  à  l'éfudc  de  la  compo- 
sition oratoire,  dont  les  harangues  de  Thucydide  offrent  des  modèles  ad 
mirables.  Ce  nouveau  travail  de  M.  Longut-ville  nous  paraît  donc  de- 
voir ajouter  à  sa  réputation,  comme  éruditj  et  lui  donner  de  nouveaux 
titres  à  la  reconnaissance  de  ceux  qui  s'inléres>pnt  aux  progrès  des  étu- 
des fortes,  et  du  goût  de  la  lilléraiure  grecque  en  France.  Son  ouvrage 
est  digne  d'obtenir  les  suffrages  du  conseil  de  l'instruction  publique,  et 
d'être  mis  au  nombre  des  livres  adoptés  pour  l'enseignement  dans  les 
collèges.  "• 

^cf'fi').  —  Publius  J'trgilius  Maro.  Paris,  182'.;  M.  Malcpeyre,  rue 
Gît-le-Cœur,  n»  4.  Deux  volumes  grand  in-S",  papier  vélin  satiné;  prix, 
i4  francs. 

Cet  auteur  fait  suite  à  la  nouvelle  Coilcclion  des  Classiques  latins^  pu- 
blics par  M.  Malepeyre.  L'éditeur,  M.  F.  G.  Pottier,  dans  sa  préface, 
examine  l'édition  de  Ileyne  sous  ses  différens  rapports,  et  la  juge  avec 
impartialité.  Trois  feuilles  et  demie  de  variantes,  qui  terminent  le  se- 
cond volume ,  présentent  une  collalion  exacte  des  quatre  plus  anciens 
manucrils  de  Virgile,  et  cette  collation  a  fourni  à  l'éditeur  les  moyens 
de  rétablir  dans  le  texte  un  assez  grand  nombre  de  leçons,  parmi  les- 
quelles nous  en  avons  reconnu  de  liés  heureuses,  et  qui  permettent  de 
regarder  celte  édition  comme  nouvelle.  Z. 

t^o.— F crzeichniss  dcr  chinesisclien ,  etc.— Catalogue  des  livres  et 
des  manuscrits  chinois  et  mandchous  de  la  bibliothèque  royale  de  Ber- 
lin, avec  un  traité  sur  la  langue  et  l'écriture  des  Oïgours;  par  M.  Jules 
Klapboth.  Paris,  1822;  Schubart  et  Doniley-Dupré.  Un  vol.  in-folio. 

igg^'j. — Asiafoly()lotta,  \oaiulius  Klapboth.  Paris,  iSaô;  Schu- 
bart. Un  vol.  io-4°  de  442  pages,  avec  un  atlas  polyglotte  in-lblio;  im- 
primerie d'Éberhard  :  prix  ,  48  fr. 

Les  savans  disaient  encore  ,  dans  le  xviii»  siècle  ,  qu'il  y  a  sur  la  terre 
quatre  langues-mères  et  soixante-douze  idiomes.  La  linguistique.,  ou  la 
science  générale  des  langues,  s'est  formée  assez  nouvellement,  elle 
Milliridates  d'Adelung,  continué  par  M.  Vater  (en  allemand,  4  vol. 
in-S") ,  nous  a  appris,  depuis  peu  d'années,  qu'il  a  existé  parmi  les 
hommes  plus  de  deux  raille  idiomes  ,  et  que  ces  idiomes  ,  plus  éloignés 
par  les  tems  et  par  les  situations  géographiques,  ont  plus  o.i  moins  de 
mots  communs,  qui  ne  doivent  ritn  à  l'imitation  des  sons  naturels.  Les 
recherches  de  M.  Abel  Remusat  sur  les  langue»  tatares,  et  deux  nou- 
veaux ouvrages  de  M.  Klaproth  ont  encore  éclairci,  étendu  nos  connais- 
*unres  sur  lis  langues  du  nord  de  l'Asie.  Des  reclieiehes  comprises  dans 


4ii  LIVRES  FRANÇAIS. 

cci.  deus  ouvrages,  contenant  les  plus  riches  répertoires  de  mots  sem- 
blables des  diverses  langues  asiatiques ,  ii  résulte:  i"  que  toutes  les 
langues  de  l'Kurope  sont  originaires  de  l'Asie  ,  et  qu'elles  viennent  prin- 
cipalement d'une  antique  langue  mrfo-persanne  ou  indo  germanique  , 
eu  un  mot,  du  samskrit  ;  2"  que  toutes  ou  presque  toutes  les  langues  de 
l'Afiique  viennent  principalement  de  l'arabe  ,  dont  l'hébreu  ,  etc.,  sont 
des  idiomes.  Ce  qu'on  découvre  tous  les  jours  sur  ce  sujet  si  vaste  et  si 
important,  contribue  à  vérifier  les  propositions  générales  qui  viennent 
d'être  énoncées.  L'étude  plus  approfondie  des  langues  étrangères  nous 
fait  dé(  ouvrir  le  véritable  sens  des  mots  de  nos  langues  européennes  ,  et 
nous  met  sur  la  voie  pour  tracer  les  origines  douteuses  eu  inconnues  des 
différentes  nations.  11  est  démontré  désormais,  surtout  par  les  langues, 
que  les  homme*  ont  eu  un  premier  berceau  commun  ,  et  qu'ils  ne  sont 
pas  venus  comme  l'herbe  dans  les  îles  et  sur  les  continens.  Voltaire  ne 
voudrait  plus  hasarder  maintenant  un  tel  paradoxe. — M.  Klaprolh  s'est 
attaché  a  la  seule  comparaison  des  mots  semblables.'Cet  te  méthode  abrégé 
le  travail,  mais,  en  elle-même,  est  sujette  à  l'erreur  ;  elle  a  besoin  d'être 
unie  à  l'élude  approfondie  des  grammaires.  Cependant,  ce  que  nous 
savons  déjà  de  la  structure  du  samskrit ,  par  exemple,  a  paru  confirmer 
que  le  grec,  l'allemand,  le  latin  et  le  slave,  sont  pour  la  plus  grande 
partie  provenu»  de  celte  langue  indo-persanne  ou  indo  germanique. 
Quoi  qu'il  en  soit ,  les  nombreux  rapprochemens  de  mots  que  l'on  doit 
à  l'auteur  jettent  beaucoup  de  lumières  et  sont  du  plus  grand  intérêt  ; 
mais  il  se  livre  à  d'autres  investigations.  D'après  ses  vastes  recherches,  il 
fixe,  comme  il  est  dit  en  la  table  suivante,  le  commencement  des  tems 
hi^toriques  chez  les  principales  nations  de  l'Asie.  — Époques  du  com- 
mencement de  l'insloire  certaine  che^  plusieurs  peuples  de  l'Asie  : — Chi- 
nois, au  ix-^  siècle  avant  J.  C;  — Japonais,  au  vu'';  — Arméniens,  au 
ii«  ;  —  Géorgiens  ,  au  m'  ;  —  Arabes,  au  v  siècle  après  J .  C.  ;  —  Per- 
sans, au  iir^ ;  —  Turcs  ,  au  xiv;  —  Mongoles,  au  xii=  (mais  leur  langue 
et  leur  ancienne  littérature  sont  reconnues  de  beaucoup  de  siècles  anté- 
rieures à  l'ère  chrétienne;  ;  —  Hindous  ,  au  sii«  ;  —  Tibétans  ,  au  1".  — 
Cela  ne  s'accorde  guère  avec  les  tables  de  ceux  qui  aiment  à  compter 
par  trente  millions  d'années,  dans  leurs  chronologies  vraiment  fantasti- 
ques.—  L'auteur  définit  soigneusement  ce  que  l'on  doit  entendre  par  les 
Tartares,  ou  mieux  Talars.  Il  reconnaît,  avec  M.  Remusat,  que  c'est 
une  nation  mongole.  Il  explique  en  détail  les  différentes  branches  de  la 
famille  des  Turcs.  Il  en  sépare  les  habilans  de  la  grande  et  de  la  petite 
Boukarie;  il  prouve  que  leur  langue  est  une  branche  du  persan,  d'où  il 
conclut  qu'ils  sont  de  rate  persaane.    L'auteur  termine  son  in-4°  par 


LIVRES  FRANÇAIS.  4i5 

une  T'ie  de  Boudha,  prince  du  Bahar,  auteur  de  la  religion  des  Bou- 
dhistcs;  et  cette  vie,  qui  est  une  pauvre  légende  traduite  du  mongole, 
offre  néanmoins  un  écrit  fort  curieux  à  beaucoup  d'égards  :  elle  est  en- 
richie de  notes  de  l'éditeur.  Quant  à  l'atlas  polyglotte  in- folio,  c'est  un 
recueil  do  vocabulaires  comparatifs  qui  se  trouvent  ici  plus  riches  et  ap- 
pliqués à  plus  de  dialectes  qu'ils  ne  le  sont  danl  rin-4''.  A  la  fin  de  cet 
allas  est  une  carte  géographique  et  linguistique  des  langues  de  l'Asie; 
elle  est  fort  instructive.  Lasjuinais,  de  l'Institut. 

'97(*)* — Antologia  itullana ,  etc.  — Anthologie  italienne,  par  le 
chevalier  F.  Brancia.  Paris,  182  ;  L.  Dufart ,  Bossangc  père  ,  etc.  Deus 
Vol.  in-S»  ;  [irix,  8  fr. 

M.  Brancia,  persuadé  que  la  lecture  des  grands  modèles  est  le  meil- 
leur traité  de  l'art  d'écrire  ,  a  entrepris  de  nous  donner  un  recueil  des 
morceaux  les  plus  saillans  de  la  littérature  italienne,  d'après  le  plan  de 
MM.  Koël  et  de  la  Place,  qui  en  ont  fait  de  même  pour  les  littératures 
française  et  latine  modernes.  L'Italie,  selon  M.  Brancia  ,  n'avait  pas  en- 
core eu  jusqu'ici  un  bon  recueil  analytique,  malgré  le  grand  nombre  de 
compositions  de  ce  genre  qu'elle  pouvait  citer.  Il  en  attribue  la  faute  au 
peu  de  soins  que  les  Italiens  semblent  donner  à  la  première  instruction 
de  la  jeunesse.  Selon  lui,  l'Italie  ne  possède  que  la  Grammaire  du  P. 
Suave  et  celle  de  M.  Biagioli,  et  l'Essai  sur  les  synonymes  de  la  langue 
italienne,  de  M.  Grassi.  Quand  même  il  eût  rappelé  la  Grammaire  de 
l'abbé  Muro,  rédigée  à  peu  près  suivant  les  mêmes  principes,  le  Diction- 
naire des  synonymes,  Rabbi,  et  celui  de  l'abbé  i\omani,  qui  comprend 
l'explication  de  4^000  mots,  et  dont  l'institut  Lombard-Vénitien  a  déjà 
rendu  compte  (Voy.  liev.  Eue.  T.  XII,  p.  5j2),  i!  ne  serait  pas  moins 
vrai  qu'en  général  les  Italiens  s'occupent  plutôt  de  la  paitie  positive  it 
critique,  que  de  la  partie  logique  et  raisonnée  des  grammaires,  des 
dictionnaires  et  des  rhétoriques.  Animé  de  l'esprit  philosophique  qui 
dirige ,  chez  les  nations  les  plus  civilisées,  cette  partie  élémentaire  de 
rinslri'.ction  publique,  M.  Brancia  présente  aux  Italiens  et  aux  étran- 
gers un  choix  de  morceaux  de  pi;ésie  italienne  ,  qu'il  regarda  comme 
classiques.  Il  adopte  à  peu  près  les  divisions  et  l'ordre  de  MM.  Noè'l  et 
de  la  Place,  savoir,  narrations,  tnùteuuoo ,  descriptions,  difinilions, 
atlcgorics,  fahtcs,  "piiilcsofhie  morale,  caraclircs  et  portraits,  discours^ 
dialogues ,  égioQues ,  élégies,  pocsits  lyriques.  On  trouve,  parmi  les 
narrations,  des  chants  presque  entiers  de  l'Arioslc  et  du  Tasse,  ce  qui 
pourrait  déplaire  à  ceux  qui  ne  s'attendaient  à  trouver  dans  ce  recueil 
que  des  récits  plus  ou  moins  rapides  ,  et  non  des  épisodes  aussi  longs  , 
ou  plutôt  des  épopéis,  qui  renferment  toutes  sortes  de  figures,  de  sly- 


4i6  LIVRES  FRANÇAIS. 

les  et  d'exemples.  Mais  celte  réflexion  ne  diminue  pas  le  raérile  de  ces 
morceaux,  ni  celui  du  critique  qui  les  a  choisis.  On  pourrait  plutôt  lui 
reprocher,  après  avoir  ajouté  à  ses  divisions,  l'églogue  et  l'élégie,  ainsi 
que  le  dylhirambe  et  d'autres  espèces  de  poésie  lyrique,  de  ne  pas  avoir 
donné  des  exemples  de  genres  non  moins  distingués  ,  tels  que  les  v'enres 
satirique,  comique,  liércï-comique,  épislolaire,  etc.,  qui  nous  auraient 
cejandant  paru  mériter  quelque  attention.  Kous  craignons  que  les  étran- 
gers, ne  trouvant  dans  le  recueil  de  M.  Brancia  aucun  exemple  de  ces 
divers  genres  de  poésie,  ne  pensent  que  les  muses  italiennes  n'en  offient 
point.  Il  y  a  peut  être  aussi  plus  de  ricbesst-  et  de  variété  dans  les  Leçons 
françaises  de  I\IM.  Noël  cl  de  Laplace ,  que  dans  l'Anthologie  de  M. 
Brancia.  Mais,  dans  un  pareil  choix  ,  tout  dépend  de  la  manière  devoir 
de  celui  qui  le  fait.  Il  ne  faut  pas  confondre  l'éditeur  d'un  recueil  de 
poé>ies  avec  l'historien  d'une  littérature:  le  premier  est  bien  libre  de 
choisir  ce  qui  lui  semble  le  mieux  convenir  à  son  plan  ou  à  ses  intérêts; 
l'autre  doit  rendre  compte  de  tout  ce  qui  peut  caractériser  une  époque 
liltéraire.  Qu'on  ne  croie  donc  pas  que  la  muse  italienne  soit  moins  ri- 
che que  la  musc  franc;iise.  iNous  pensons,  au  contraire,  que  MM.  Noël 
et  de  Laplace,  qui  s'élaienl  proposés  de  donner  un  recueil  de  poésies 
italiennes,  pourraieul  bien  exécuter  leur  projet,  sans  rien  emprunter  à 
celui  de  M.  Brancia.  Cette  concurrence  serait  utile;  elle  serviiait  à 
faire  mieux  apprécier  la  littérature  italienne  et  le  goût  des  critiques,  qui 
s'étudient  à  la  faire  connaître.  Il  faut  cependant  savoir  gré  à  M.  Brancia 
d'avoir  choi-i  les  exemples  les  plus  propres  à  inspirer  a  la  jeunesse  le  goût 
le  plus  sûr  et  la  morale  la  plus  sévère.  Afin  d'éviter  de  blesser  ses  jeunes 
lecteurs,  il  n'a  pas  hésité  même  .i  dénaturer  quelquefois  les  passages  les 
plus  inléress.ins  de  l'Arioste  et  du  Dante,  et  par  conséquent  à  diminuer 
leur  mérite  par  ses  corrections.  Ainsi,  dans  cette  confession  naïve  que 
Franccsca  de  Rimini  fait  au  Daute  ,  M.  Brancia  substitue  destra  à  iocca, 
».c  qui  dénature  entièrement  ce  beau  vers: 

La  bocca  mi  bacià  tittto  tremaiitt-. 
que  le  poète  avait  si  bien  préparé  par  ces  deux  vers  précédens: 

F.oi  che  hggtnano  il  diziato  sico, 
Esser  baciato  da  cotanto  amante ,  etc. 

Quelques  corrections  semblables  se  trouvent  dans  Us  morceaux  de  l'A- 
rioste. On  sait  la  peine  que  se  donnèrent  Salviati  pour  corriger  Boccace, 
et  d'autres  pour  convertir  Pétrarque  et  le  faire  paraître  en  habit  de  péni- 


LIVRES  FKANÇAIS.  4,^ 

lent.  M.  B.  fsl  bien  loin  de  suivre  l'exemple  de  ces  corrupteurs;  il  a 
voulu  pourvoir,  par  de  légères  modifications,  aux  mœurs  des  jeunes 
«ens,  ce  qui  fait  honneur  à  sa  moralité.  jNous  pensons,  néanmoins, 
qu'il  aurait  mieux  fait  de  supprimer  les  passages  qui  lui  paraissaient 
dangereux,  et  d'en  substituer  d'autres  plus  convenables  à  son  but.  L'in- 
térêt que  nous  a  inspiré  l'utile  recueil  de  M.  B.,  nous  a  dicté  les  obser- 
vations que  nous  venons  d'indiquer,  et  nous  fait  faire  des  vœux  pour 
qu'il  poursuive  la  même  carrière ,  et  nous  donne  aussi  un  chois  pareil  de 
morceaux  de  prose  italienne.  § 

'98  (*).  —  Traduction  en  grec  moderne  des  Délits  et  des  Peines,  par 
Beccaria.  Seconde  édition  ,  corrigée  et  augmentée,  avec  des  noies  et 
des  renvois,  une  fable  des  chapitres  et  une  table  alphabéliquc.  Paris, 
1825  ;  Firmin  Didot.  Un  vol.  in-S»  d'environ  5oo  pag.  ;  prix,  8  f.  et  9  5o  c. 

Cette  traduction,  avec  les  notes  de  son  auteur,  le  célèbre  Coray,  avait 
paru  en  1-S02.  Très-augmentée  et  améliorée,  dans  cette  seconde  édition, 
elle  ne  peut  manquer  d'avoir  un  grand  et  important  succès,  au  moment 
où  la  Grèce  chrétienne,  opprimée  par  les  barbares  et  cruels  sect:.iies  de 
Mahomet,  délaissée,  contrariée  même  dans  sa  noble  entreprise  par  tous 
ses  co-religionnaircs,  paraît  devoir  rester  définitivement  libre  et  triom- 
phante, j 


T.  XX.— Novembre  iSa'/. 


,(,^V««%«VW%M/t%VVVVVVVVVVVVM/VVVVVVVVV%VVVVVVVVt«V\VVVM'VV«VVVVVVVVVVVVV\fV\VWV 

IV.  NOUVELLES  SCIENTIFIQUES 

ET  LITTÉRAIRES. 


AiMÉRIQUE. 

États-Ukis. — Nbw-Yobk. — Mécanique.  —  Transport  de  maison. 
—  Dans  le  but  d'agrandir  et  de  régulariser  une  des  rues  de  la  ville  de 
Kew-York  (Maidenlanc),  il  fallait  qu'une  des  maisons  de  cette  rue  fût 
ou  démolie,  ou  portée  de  21  pieds  et  demi  en  arrière.  Cette  maisoD  a 
trois  étages  ,  25  pieds  de  face  et  45  de  profondeur  ;  elle  est  couverte  en 
ardoise,  et  d'une  valeur  assez  considérable.  Le  projet  de  la  transporter 
a  été  conçu  par  M.  Sim'^on  Broy\n  ,  qui  a  déjà  réussi  précédemment  à 
charrier  une  vingtaine  de  bâtimens  construits  en  partie  en  briques  , 
plusieurs  fois  sans  déranger  aucunement  les  habilans  des  maisons,  dï 
même  exiger  qu'on  en  ôtât  les  meubles.  Celle  dont  il  est  questiou  , 
construite  entièrement  en  briques  ,  et  dont  le  poids  était  d'en?iroD 
55o  tonnes  (7,000  quintaux  ) ,  a  été  transportée  dans  toute  son  inté- 
grité, les  cheminées,  fenêtres,  portes,  demeurant  en  place,  sans  le 
moindre  dommage.  On  commença  par  l'établir  sur  les  cadres  destinés 
au  transport  ,  et ,  le  5  juin  ,  elle  fut  mise  en  mouvement  au  moyen  de 
trois  vis  parallèles  établies  perpendiculairement  au  front  de  la  maison  , 
et  dont  chacune  était  mise  ea  action  par  deux  ou  trois  hommes.  Ce 
qu'on  avait  considéré  comme  la  partie  la  plus  difficile  de  l'opération  , 
avait  élé  la  nécessité  d'élever  tout  l'édifice  d'environ  deux  pieds  au- 
dessus  du  niveau  de  ses  fondations.  On  en  vint  à  bout  au  moyen  de 
deux  vis  seulement,  placées  en  dessous,  et  qui  soulevèrent  doucement 
la  maison  tout  entière  ,  jusqu'au  degré  requis.  Dans  le  courant  de  la 
journée  ,  on  lui  fit  parcourir  seize  pieds,  sans  qu'il  s'y  fît  de  lézardes, 
ni  aucun  dérangement  quelconque;  on  a  dû  terminer  l'opération  le  4 
au  matin.  On  la  considéra  comme  tellement  sûre  et  à  l'abri  de  tout 
danger,  que,  pendant  le  transport,  le  propriétaire  reçut  chez  lui  en- 
viron cent  cinquante  personnes,  auxquelles  il  fit  servir  une  fort  belle 
collation.  La  dépense  occasionnée  par  eetle  entreprise  s'est  élevée  à 
environ  un  cinquième  de  la  valeur  totale  de  l'édifice.  (Philosophieal 
Magazine.  ) 


F.UROPE.  4") 

N.  B.  Il  faut  conclure  df  ce  récit  que  la  construction  des  maison* 
de  New-York  est  aD3lo{,'ue  à  celle  des  maisons  de  Russie  ,  où  ces  ma- 
nœuvres de  transport   ^out  employées  depuis  long-tems. 

ELllOPK. 
ILES  BRITAiSNIQUES. 

ÉcossB.  —  Di'NFKBi.iNB.  —  Industrie.  —  Filature.  —  M.  Ilatton ,  de 
c  tte  ville  ,  a  depuis  plus  d'un  an  dc\ix  souris  constamment  employées 
a  filer  du  coton  à  coudre  ,  au  moyen  d'une  machine  semblable  aux  mou- 
lins qui  sont  établis  dans  les  maisons  de  force,  et  que  les  malfaiteurs 
font  mouvoir  en  marchant  (tread  -  mill).  Chacun  de  ces  petits  animaux 
lait  par  jour  de  cent  à  cent  vingt  liis;  pour  achever  celte  tache,  il  faut 
qu'il  parcoure  environ  troislieueset  demie  (lo  millcsetdemij.Eri  prenant 
pour  bases  la  quantité  de  fil  fabriqué  chaque  jour  par  une  souris,  et  les 
fiais  de  son  enlrelien  qui  se  réduisent  à  un  sou  (ha{f-()enny  )  pour  cinq 
semaines,  on  a  calculé  que  chaque  souris  donne  un  bénéfice  net  de 
7  francs  lo  sous  (C  shellings)  par  an.  M.  Ilatton  se  propose  de  louer  un 
vieil  édifice  de  loo  pieds  de  lonj»  sur  5o  de  large  et  aulant  de  haut ,  dans 
lequel  on  pourra  renfermer  jusqu'à  dix  mille  moulins  à  ^ou^iï.  Si  cette 
entreprise  réussit,  on  évalue  à  Ô7,5oo  fr.  (  2,.îoo  I.  st.)  le  bénéfice  an- 
nuel ,  net  de  tous  frais  et  inlérêls ,  que  pourra  en  retirer  le  propriétaire. 
{Edinburgh  Star.) 

Londres. — Nouveau  système  d'enseignement  pour  i'ctudc  des  langues. 
—  M.  Hamilton,  Américain,  a  commencé  un  cours  d'enseignement  des 
langues  d'après  une  nouvelle  méthode.  Elle  consiste  a  faire  répéter  à 
haute  voix,  par  les  élèves  de  chaque  classe,  les  phrases  que  le  maître 
vient  de  prononcer,  ainsi  que  la  traduction  mot  à  mot.  Le  son  des  let- 
tres et  la  construction  graqimalieale  des  phrases  sont  intliqués  dans 
dis  leçons  imprimées  que  tiennent  les  élèves,  afin  de  pouvoir  suivre  le 
maître  de  l'œil  et  de  l'oreille.  Répétés  par  toutes  les  classes  ,  l'un  après 
l'autre,  ces  mots,  ainsi  que  leur  prononciation  et  leurs  combinaisons, 
deviennent  familières  à  des  oreilles  étrangères.  M.  Hamilton  assure  que, 
d'apiés  sa  méthode,  on  peut  acquérir  une  connaissance  suffisante  de 
l'une  des  langues  allemande,  anglaise  ou  française,  après  quarante-huit 
leçons  d'une  heure  chacune.  Avant  d'accorder  une  foi  entière  à  cette 
assertion,  il  faut  attendre  que  l'expérience  l'ait  confirmée. 

—  Institut  des  artisans.  —  11  a  été  tenu,  à  la  taverne  de  la  Couronne 
une  assemblée  dans  laquelle  on  a  décidé,  à  l'unaniniilé,  qu'il  serait  fondé 


j20  EUROPE. 

'dans  celte  capitale  un  Institut  des  artisans.  Cet  cUiblisseoicnt  jura  [jour 
objet  de  faciliter,  aux  individus  de  la  classe  ouvrière,  les  moyens  de 
s'instruire  à  moins  de  frais  dans  les  principes  des  arts  qu'ils  pratiquent; 
il  contribuera  en  mùme  teras  à  améliorer  leur  sort ,  et  concourra  sans 
doute  ans  progrès  des  arts  et  des  sciences  daus  ce  pays. 

—  Socictc  asiatiquo  de  la  Grande-Bretagne  et  de  l'Irlande.  —  Elec- 
tion de  plusieurs  membres.  —  Cette  Société  vient  d'admettre  au  nom- 
lire  de  ses  membres  plusieurs  princes  étrangers  et  plusieurs  savans;  le 
roi  d'Oude,  5îgr.  le  duc  d'Orléans,  le  raja  de  Tanjore,  le  baron  Sylves- 
tre de  Sary,  M.  de  Chézy.  L.  S  B. 

—  Le  Journal  asiatique-  de  novembre  contient  trois  articles  remar- 
quables :  1°  Les  textes  du  |  hilosophe  Confucius,  qui  annoncent  le  plus 
claireraenl,  dans  le  6'  siècle  avant  notre  ère,  qu'il  faut  attendre  de  l'Oc- 
cident (par  rapport  à  !a  Cliine)  un  saiat,  le  saint  gui  doit  venir  enseigner 
aux  liomracs  tous  leurs  devoirs  et  donner  à  la  religion  sa  perfection. 
Ces  textes  imporlans  ,  déjà  publiés  par  M.  Abel  Rerausat,  sont  ici  en 
caractères  chinois' ,  avec  une  version  anglaise  et  une  version  latine,  qui 
répond  mot  à  mot  à  chaque  caractèic  chinois.  2°  L'annonce  d'un  Traité 
en  anglais  que  le  célèbie  Moncthéiste,  brahmane,  rûm,a-^nohâna-raja 
(en  bengali  Ramtnohun-Roy) ,  a  publié  à  Calcutta,  en  1S22,  un  traité  prou- 
vantledroit  légitime  de  la  veuve  indouc  d'ayoJr  une  part  d'enfantdans  la 
succession  de  soa  mari.  Il  réeulte  de  ce  droit ,  bien  établi  par  d'anciens 
textes  tirés  du  samskrif,  i"  que  la  tufcli-e  fierpétiictle  des  femmes  indoucs, 
qui  .ivail  passé  à  lîome.  ne  nuit  point  à  leur  droit  de  propriété;  ?■>  que 
les  iodoues  ne  sont  point  et  n'étaient  point  légalement  tenues  de  se  brùlei 
pur  le  tombeau  de  leur  unri ,  quoique  différens  zâilrah,  ou  livres  d'au- 
lorifé  réputée  divine,  leur  rec(jmraaudent  ce  suicide,  comme  une  action 
honnête,  glorieuse  et  très-méritoire.  3°  Le  texte  fort  long  d'un  ordre 
du  conseil,  nous  dirions  en  France  d'une  ordonnance  royale,  qui  ap- 
porte de  graves  restrictions  à  la  liberté  de  la  presse  dans  l'Indoslan  ; 
outre  ia  patente  devenue  nécessaire  pour  imprimer^  l'obligation  de 
mettre  sur  chaque  ouvrage  le  nom  de  l'imprimeur,  et  de  faire  don  de 
plusieurs  exemplaires  au  gouvernement  colonial,  il  est  établi  en  loi, 
pour  celle  immense  colonie,  que  l'autorité  peut  (arbitrairement  et  sans 
recours  légal)  défendre  la  circulation  de  tout  écrit  qui  lui  déplaît.  Dans 
cet  oidre  du  conseil ,  nous  ne  trouvons  point  la  gravure  ni  la  lithogra- 
phie. Elles  n'ont  point  échappé,  dans  d'autres  pays  ,  à  l'attention  de 
teus  qui  ont  donné  des  lois  sur  la  publicité  des  écrits.  L. 

—  Poii-ie  française.  — Cba7isc-ns  de  Déranger.  —  Uu  article  plein  de 
»civ((  et  dt  talKn!,  sur  la  poéiiu  IVjnçïise,  parut ,  il  y  a  quelque  tcms, 


FT'ROPF..  42Ï 

tlans  la  Revue  d'Ediiniourg.    Quoique  entache  de  queliiip"  préjuj^és 
anli-français,  il  rendait  une  justice  éclatante  aux   poélii  distingués  d»; 
notre  époque,    parmi  lesquels  il  cite  d'aljord  Casimir  de  Lavigue,  Bc- 
ranger  et  de  La  Martine.  Lcsciond,  lo:t  peu  connu  jusqu'alors  en  An- 
gleterre, y  est  mainleaaiil  à  la  mode.  Trois  journaux  littéraires  du  mois 
d'octobre  donnent  à  la  fois  des  notices  sur  lui  et  sur  la  nature  de  son 
talent,  et  des  extraits  de  ses  chansons.  Malheureusement,  le  choix  n'en 
est  pas  toujours  judicieux.  Par  exemple,  V  Europeanmagazî.ne  Aannç  la 
traduction  de  5  ch.;n^ons  des  moins  connues  ;  i"  l'.-idieudc  M arie S tuart; 
2°  le  Commevcemcnt  du  voi/agc  ;  5°  Romance  à  Sophie  ,  qui  dcmandail 
à  l'auteur  de coinpnscr  un  roman j  4°  (es  Oiseaux;  5"  ma  Republique, 
Le  génie  de  Béranger  s'y  fait  reconnaître  de  loin  en  loin;   mais  il  n'y 
brille  pas  au  nsême  degré  que  dans  ses  autres  compositions.    Ce  poète 
ne  supporte  pas  plus  la  traduction  que  La  Fontaine;   jilein  d'à  propos 
et  de  saillies,  il  donne  à  chaque  expression  un  lour  neul'et  piquant.  11 
enrichit   la  langue,  sans  phrases  amhiiicuses ,  sans    néologisme,   sans 
blesser  le  goût  délicat  des  Français.   Quand   il  lui  arrive  d'être  un  peu 
libre,    c'est  avec  une  g;:i(;té  si  franche  et  une  folie  si  spirituelle,  qu'il 
déride    le  front   du  plus  sévère  censeur.    Ce  qui  le  fait  aimer  surtout , 
c'c.-'t  son  caractère  noble,  indépendant  et  bon,    qui  se  peint  dans  ses 
écrits.    Sa   poésie,    si  populaire  en    France,  s'élève,   dans  de  simple 
chansons,  à  la  \\a\.\\.QUt  à'cdcs  suitimcs ,  comme  l'a  dit  Beiijamin  Cons- 
tant.   Le  meilleur  article  sur  Bcrangcr  est  ceiui  du  Ncw-Montidy  ma- 
gazine,  insGTC  soui  le  tilra  des  Poi  tes  français  viva7is  .  n"  i.   L'auteur 
s'y  montre  juge  éclairé  de   notre    littérature  ,   qu'il  connaît  cl  qu'il  ap- 
précie souvent  beaucoup  mieux  que  œ  le  font  en  général  ses  compa- 
triotes. Il  est  fort  rare  qu'un  Anglais  puisse  s'identifier  avec  notre  lan- 
gue, au  point  de  comprendre  tout  le  charme  des  compositions  vraiment 
nationales  de  notre  pays.  Que  d'allusions  aux  usages,  au  gouvernement , 
aux  personnages  du  jour,   perdus  pour  un  étranger!    Que  d'esprit  et  de 
talent  dans  la  manière  d'encadrer  un  mot  ou  une  idée  !   F.t  cependant , 
voilà  ce  qu'a  su  sai-ir  parfaitcmi'Ut  l'auteur  de  l'article.    Aussi,  a-t-il 
peint  notre  chansonnier  sons  des  couleurs  si  vives  et  si  vraies ,  que  nous 
ne  pouvons  que    sympathiser  avec  lui,  excepté  en  un  seul  pomt.    Il  ac- 
cuse le  poète  français  de  tomber  de  la  naïveté  dans  la  trivialilè.  Là  ,    il 
trahit  son  ctrangeté.   Béranger  a  plus  de  bonhomie  que  de  naïveté  :  il 
n'est  jamais   trivial,  car  ses  idées  ne   sont  point  communes ,   et  il  .-^e 
sert  fort  rarement,  je  pourrais  dire  jamais,  de  mots  iguobLs.  Sa  verve 
satirique  et  en  jouée  l'entraîne  quelquefois  trop  loin  ,  mais  ne  le  fait  ja,- 
roais  d<  scîndre  ju-qu'à  l.n   grossièreté.    La   seule  chanson  citée  est  (s 


422  FXROPE. 

Vicvjc  drapeau.  J'eusse  préféré  :  ie  Roi  d'ivclot;  le  Dieu  des  tonnes 
gens;  te  Sénateur,  etc.  J'ai  regrellé  aussi  que  l'auteur  de  l'article  n'eût 
pas  essayé  de  donner  une  Iraductioa  de  quelques-uns  di-  s»'s  cbacts.  Sa 
manière  de  les  sentir  et  de  les  ju'^çer  me  fait  croire  qu'il  était  appelé  à 
vaincre  les  obstacles  qui  s'opposent  au  succès  de  cette  difficile  entre- 
prise. Le  Montlilij  magazine  a  voulu  aussi  contribuer  à  la  gloire  de  Bc- 
ranger  ,  ou  du  moins  à  étendre  sa  réputaiion.  L'auteur  de  l'article  inséré 
dans  le  cahier  d'octobre  professe  une  haute  admiration  pour  son  talent; 
mais  ,  à  l'appui  de  son  opinion  ,  il  cite  deux  couplets  du  Dieu  des  bonnes 
gens,  qu'il  traduit  de  la  manière  la  plus  malheureuse.  L.  S.  B. 

—  Art  dramatique.  —  Costumes.  —  Par  une  étrange  bizarrerie;,  les 
Anglais,  si  observateurs  de  la  nature  dans  leurs  tragédies,  avaient  jus- 
qu'à présent  négligé  de  compléter  l'illusion  théâtrale  par  la  vérité  des 
costumes.  Le  rôle  de  Brutus  se  jouait  en  uniforme  de  colonel  anglais; 
au  lieu  de  l'habit  écossais  et  de  la  coite  de  mailles,  Macbeth  portail  une 
perruque  et  un  habit  galonné.  Kemble  réforma  ce  ridicule  usage.  11  vint 
à  Paris,  vit  nos  théâtres,  où  nous  devons  à  Talma  d'avoir  introduit 
l'exaclilude  rigoureuse  du  costume;  il  se  convainquit  que  l'auteur, 
l'acteur  et  le  public  y  gagneraient  également.  De  retour  en  Angleterre,  il 
fit  de  grands  efforts  pour  amener  une  réforme  générale ,  mais  il  ne  réus- 
sit qu'en  partie.  On  avait  des  costumes  tout  faits;  il  fallait  en  coraman- 
dei  de  nouveaux  sur  des  formes  à  peine  connues.  En  conséquence,  on 
continua  de  suivre  la  même  routine.  Craignant,  après  la  mort  de  Kem- 
ble, que  ce  qu'il  avait  commencé  ne  s'achevât  pas,  des  artistes  ont 
conçu  le  plan  de  publier  un  ouvrage  sur  les  costumes  dramatiques  con- 
venables dans  chaque  pièce,  d'après  les  meilleures  autorités.  AL  J.  R. 
Planché,  éditeur,  a  fait  choix,  pour  commencer,  de  la  tragédie  du 
roi  Jean.  Une  série  de  dessins  lithographies  représente  les  divers  per- 
sonnages dans  leurs  véritables  costumes,  tels  qu'ils  sont  dépeints  par  l?s 
écrivains  contemporains  dans  les  monumens,  dans  les  anciens  portraits, 
etc.  Peut-être  est-il  à  craindre  que  les  dessins  ne  soient  trop  petits  :  ils 
n'ont  que  quatre  pouces  de  hauteur. 

— Beaux- Arts.  —  Gravure.  Les  membres  de  la  Société  chargés  d'ad- 
ministrer les  fonds  des  artistes,  ont  formé  le  projet  de  publier  des  gra- 
vures au  profit  de  cette  institution,  fondée  en  1810.  La  Société,  com- 
posée d'environ  cent  vingt  à  cent  trente  personnes,  peut  entreprendre 
Ja  vonle  sans  le  secours  des  marchands;  ce  qui  épargne  le  droit  de  com- 
mission, qui  diminuait  beaucoup  les  bénéfices  des  artistes.  M.  John  Pye 
a  conçu  l'idée  du  plan,  et  la  Société  a  nommé  un  comitc  pour  veill' r  à 
l'exécution.  Phisieuis  gravures  paraîtront  incessamment. 


EUROPE.  h'i'^ 

Nécrologie.— Le  docteur  Mathieu  Baillic  est  mort  dernièrement  à  sa 
rampagne,  près  de  Circncestcr,  âgé  d'environ  62  ans.  Il  était  frère  de  la 
célèbre  Jeanne  Baillie  (auteur  de  plusieurs  tragédies  fort  estimées  en  An- 
gleterre) ,  et  neveu  du  célèbre  John  William  Hunier.  Son  ouvrage  sur 
l'Anatomic  moriide  du  corps  humain  a  eu  plusieurs  éditions,  depuis 
1795.  11  y  ajouta  un  appendice,  en  1798.  Il  publia,  en  1799,  une  série  de 
gravures  pour  servir  d'éclaircissemens  à  son  Anatomie.  Ses  ouvrages,  et 
ta  liaule  réputation  dont  il  jouissait  comme  médecin,  lui  procurèrent  une 
fortune  considérable  dont  il  usait  noblement  pour  le  soulagement  des 
malheureux,  il  contribuait  à  la  rédaction  de  quelques  journaux,  et  fit 
insérer  plusieurs  mémoires  dans  les  Transactions  de  la  Socictc  des  pro- 
grès ac  ta  science  médicale  et  chirurgicale.  L.  Sw.  Belloc. 

RUSSIE. 

Mojira-OvajLLs.—yoyage  scientifique.— M.  le  sénateur  Soïmonof  et  le 
docteur  Fuchs,  professeur  de  médecine  à  l'Université  de  Casan,  vien- 
nent de  faire,  aux  Monls-Ourals,  un  voyage  qui  sera  aussi  utile  aux  in- 
térêts de  la  science  qu'à  ceux  du  gouvernement.  Ces  deux  savans  ont 
visité  les  mines  d'or  qui  ont  été  découvertes  pendant  ces  trois  dernières 
années.  Ils  ont  reconnu  que  les  mines,  situées  à  l'est  de  l'Oural,  sont 
très-riches  et  d'une  exploitation  facile.  Ce  métal  s'y  trouve  sons  la  for- 
me de  grains  d'or  dans  une  terre  glaise  qu'on  rencontre  presque  immé- 
diatement sous  le  gazon.  Des  enfans  suiEsent  pour  faire  le  lavage  de  cette 
terre  aurifère.  On  y  a  découvert  des  pierres  précieuses,  parmi  lesquelles 
une,  qui  ressemble  au  saphir,  a  reçu  le  nom  de  Soïmonite. 

Saint-Pbtehsboubg. — Société  patriotique  des  Dames. — En  18 12,  plu- 
«ieurs  dames  russei  se  réunirent,  sous  les  auspices  de  l'impératrice  Eli- 
sabeth, pour  soulager  les  malheureuses  victimes  de  la  guerre.  Elles  s'oc- 
cupèrent d'abord  de  secourir  les  pauvres  les  plus  nécessiteux.  Les  mala- 
des et  les  infirmes  furent  placés  dans  des  hôpitaux,  où  tous  les  soins  leur 
furent  prodigués.  On  procura  un  abri  à  ceux  qui  en  manquaient,  et  du 
travail  à  ceux  que  l'on  jugea  capables  d'exercer  quelque  profession;  en- 
fin, les  orphelins  furent  recueillis  dans  des  maisons  d'éducation,  et  une 
tendre  sollicitude  veilla  sur  leurs  besoins.  Cette  réunion  de  Dames  bien- 
faisantes prit  le  nom  de  Société  patriotique  des  Dames  de  SaintPêters- 
iourg,  et,  pour  se  former  un  capital,  résolut  que  chaque  membre  verse- 
rait une  somme  de  200  rouble-s,  par  année,  dans  U  caisse.  Des  dons  de 
plusieurs  personnes  gènéreu-es,  entre  autres  ceux  des  membres  de  la 
famille  impériale,  contribuèrent  à  donner  à  la  S09  été  patriotique  le» 


-M  ELROPE. 

moyens  d'atteindre  son  nol.le  but.  Depuis  18.2,  elle  a  employé  à  divers 
objet,  de  bienfaisance  une  somme  de  88o,i55  roubles  (environ  880,000 
francs;  La  Société  a  fondé  un  établissement  d'éducation  pour  trente  de- 
moiselles aobies  qui  avaient  perdu  leurs  parens,  pendant  la  guerre  de 
1812.  On  y  enseigne  L  rcliuion,  la  littérature,  et  l'histoire  russes;  la  géi- 
grapbe,  l'histoire  universelle,  la  langue  et  la  littérature  françaises;  l'al- 
lemand, le  dessin,  la  danse,  la  musique  instrumentale  et  le  cbant  4'é- 
gl.se,  enfin,  les  espèces  d'ouvrages  faits  à  la  main  qui  peuvent  conve- 
nu aux  femmes.  Plusieurs  autres  écoles  ont  été  fondées  par  la  Société 
patriotique,  dans  différens  quartiers  de  Pélersbourg,  et  sont  ouvertes 
aw  Cilw  pauvres.  Enfin,  des  secours  annuels  et  accidentels  sont  accor- 
des aus  familles  ruinées,  aux  vieillards  qui  ont  passé  l'âge  de  65  ans.  a 
des  individus  infirmes;  des  fonds  M.nt  envoyés  dans  dilTéreulcs  villes 
pour  soulager  les  victimes  de  l'invasion. 

-Pui,licatio7i  prochaine.- M.  Zani  de  Ferranti,  Italien,  qui  h.ibite 
Saint-Petersbourg,  a  ouvert,  en  septembre,  une  souscription  pour  la 
publication  des  Méditations  poéliques  de  M.  de  La  Martine,  traduites 

en  vers  italiens.  //^„„  ,         .  .   .  , 

[Conservateur  itnvartialA 
POLOGNE.  ' 

Travaiix  fuilics.  —  Le  gouvernement  a  entrepris  de  curer  et  de  ren- 
dre navigables  les  rivières  de  Pilica,  du  INiémen,  de  Kamiuka  et  de  Ra- 
doinka  ;  ,1  fait  aussi  raffermir  les  bords  de  la  Vistuie,  prés  de  Vinnicia  , 
IffianovMce  et  Brzyscam  ,  dans  les  districts  de  Sandomir  et  de  Radom. 

—  Monument  élevé  à  Cracovie,  à  la  mémoire  de  Koscluszko,  cnjuiUcl 
1820.  —  Le  monument  qu'on  élève  à  Ko«ciuszko,  a  Cracovie,  est  un 
lerlre   de  46  toises   de   diamètre  à  sa  base,  et  de  20  toises  de  hauteur. 
C'est,   sans  contredit,   le  pbs  grand  de  tous  ceux  qui  aient  jamais  été 
faits  de  main  d'hovr.mes.   Pau<anias,  dans  sa  description  de  l'ancienne 
Grèce,  liv.  II,  VI  et  IX,  n'a  point  marqué  les  dimensions  de  ceux  dont 
il  parle.  Mais,  nous  savons  par  les  recherches  savantes  de  notre  compa- 
triote Edouard  Raczynski ,  consignées  dans  son  superbe  ouvrage  sur  la 
Turquie,  que  le  tertre  d'Ajax,   sur  le  promontoire  Rhetëe  ,  ne  mesure 
que  100  toises  de  pourtour,  et  6  toises   d'élévation  verticale  (/oMr««^ 
d'un  voijaçje  en  Turquie  en  1S16,  pag.  ,22,  édit.    in-fol».)  ce  qui  ne 
fait  pas  même  le  tiers  de  celui  de  KosciusEko;  et  ceux  qu'on  voit  jusqu'.i 
présent  dans  les  plaines  immenses  et  désertes  de  l'Ukraine,  et  qu'on  dit 
être  des  tombeaux  d'anciens   rois   scylhes  ,  ne  sont  guère  plus  grands. 
Cette  manière  antique  de  perpétuer  la  mémoire  des  grands  hommes  et 
des   grands  événemcns  ,   en  donnant  un  sujet  indestructible  à  la  tradi- 
tion du  peuple,  a  paru  d'autant  plus  propre  en  celtcciiconstance,  qu'on 


en  avait  déjà  deux  modèles  remarquables,  dont  l'origine  se  perd  dan? 
ia  nuit  des  tems.  Le  tcitre  de  fVanda,  sur  la  gauche  ,  et  celui  de  Cro- 
cus, sur  la  droite  de  la  Vislule,  vus  à  plusieurs  railles  par  ceux  qui  s'ap- 
prochent de  Cracovie,  rappelaient  les  commencemens  de  l'histoire  du 
pays  et  de  la  nation.  Un  troisième  ,  élevé  pour  Koscinszko,  complcltant 
un  triangle  ,  liait  le  présent  au  passé.  L'emplacement  de  ce  tertre  a  été 
très-heureusement  choisi  sur  la  butte,  dite  de  la  Dronislawn,  située  a 
un  quart  de  lieue  ,  à  l'ouest  de  la  ville,  sur  la  gauche  de  la  Vistuie.  Le 
nom  de  cette  butte  vient  dun  petit  ermitage,  placé  sur  son  sommet 
avec  une  chapelle  et  la  demeure  d'un  ermite  ,  entourées  d'un  bosquet. 
La  tradition  raconte  qu'une  jeune  personne,  de  famille  noble,  fuyant  les 
dangers  du  monde,  s'y  était  réfugiée ,  à  une  époque  très-reculée .  et 
avait  fondé  cet  ermitage,  qui  apparli<'nl  aujourd'hui  au  couvent  des 
Filles  de  Saint-Hurbert,  placé  à  une  petite  distance.  Le  nom  de  Bro- 
nidawa  signifie  :  celle  qui  défend  la  gloire.  La  butte  est  à  5q  toises  au- 
dessus  du  niveau  de  la  Vistuie.  Surcctte  élévation,  le  tertres'éléve  à  20loi- 
ses  de  hauteur;  et  l'on  ne  saurait  simagincr  l'étendue  et  la  beauté  de  la 
vue  qui  déjà  maintenant,  à  celle  de  i5  toises,  charme  les  yeux  surpris 
.  du  spectateur.  On  se  souviendra  que  Cracovie  se  trouve  placé  près  du 
point  oij  les  montagnes  de  la  Silésie  se  joignent  à  la  grande  chaîne  des 
monts  Carpates  ,  dans  un  hassin  formé  par  les  chaînoDs  et  les  contre- 
forts de  CCS  montagnes;  la  Vistuie  est  déjà  navigable  et  le  pays  très-peu- 
plé et  cultivé.  Au  coucher  du  soleil  d'un  jour  serein  ,  ces  chaînes  et  ces 
chaînons  se  voient  d'ici  dans  tout  leur  développement,  et  les  pics  et  Us 
aiguilles  ,  quoique  éloignés  de  a5  à  ôo  lieues,  brillent  de  leurs  éternelles 
glaces  ,  non  pas  aussi  distinclcmenl ,  mais  d'une  manière  plus  grandiose 
et  plus  imposante  qu'à  Berni".  Il  n'y  avait  autrefois  qu'un  mauvais  petit 
sentier  que  les  curieux  et  les  personnes  pieuses  gravissaient  pénible- 
ment pour  arriver  à  la  chapelle.  On  a  depuis  tracé  un  chemin  plus  com- 
mode ,  qui  sera  nivelé  et  pavé  pour  les  voitures  ,  avec  des  ailées  d'arbres 
pour  les  piétons.  Car,  depuis  l'automne  de  1821  ,  où  l'on  a  commencé  à 
construire  ce  tertre  ,  ce  lieu  est  devenu  un  but  de  promenade.  On  v,i 
acquérir  le  terrain  nécessaire  autour  du  tertre,  pour  y  établir  quatre  fa- 
milles villageoises,  choisies  parmi  celles  des  Polonais  qui  ont  ser\l  >ou^ 
Kosciufzko.  Elles  seront  chargées  de  veiller  à  la  conservation  du  moni;- 
ment.  Les  maisons  construites  pour  ces  t'amilles  ,  avec  l*s  jiîidins  et  les 
champs  qui  en  dépendront,  entreront  dans  un  plan  de  promenade.  Le 
monument  se  construit  sous  la  direction  d'un  comité  particulier,  choisi 
par  le  sénat  de  la  ville  libre,  parmi  les  habitans  du  pays  et  parles  seuls 
fonds  provenant  des  souscriptions  faites  dans  toute  la  Pologne.  On  en  a 


420  FXROPE.    ^ 

déjà  détnché  la  somme  du  18,000  florins,  qui  a  élé  sussitôt  augmentée 
de  12,000  par  la  géncrosiié  du  comte  Arthur  Potocki,  pour  doter  troi» 
fiauvres  orphelines,  filles  d'un  cousin-germain  de  Kosciuszko,  que  l'on 
a  découvcrles  en  Wolhynic.  C.  P. 

SUÈDE. 

Stockholm.  —  Navigation.  —  La  diète  a  décidé,  le  i5  oclohrc,  la 
gran'de  question  relative  au  canal  de  Gotha.  Les  choses  eniélaient  venues 
au  point  qu'il  fallait  suspendre  entièrement  cette  belle  entreprise  ,  déjà 
si  avancée,  si  la  pénurie  d'argent  que  l'état  éprouve  maintenant  em- 
pêchait d'assigner  de  nouveaux  fonds  pour  la  continuer.  Le  sentiment 
d'honneur  national  l'n  emporté,  et  la  diète  a  consenti,  une  fois  pour  tou- 
tes, à  eniprunter  de  la  banque  i  ,600,000  écus  de  banque  pour  continuer 
les  travaux.  La  bauque  avancera  cette  somme,  dans  l'espace  de  quatre 
ans  ,  de  manière  que  le  canal  soit  entièrement  terminé  vers  la  fin  de 
182S,  pour  être  navigable  en  1829.  Outre  les  villes  et  les  pays  qui  avoisi- 
nent  le  canal,  la  nouvelle  ville  de  Molala,  que  l'on  a  le  projet  de  cons- 
truire sur  ses  bords  ,  dans  une  situation  extrêmement  fertile,  en  retirera 
des  avantages  incalculables,  et  l'on  apprend  que  plus  de  quatre  cents 
personnes  se  sont  présentées  pour  y  faire  bâtir  des  maisons,  et  s'y  éta- 
blir avec  leurs  familles.  On  a  déjà  terminé  le  plan  de  la  ville,  qui  aura 
des  rues  très-larges,  des  trottoirs,  des  allées  d'arbres,  de  grandes  places 
avec  des  marchés  ,  un  port  et  un  quai  commodes.  Si  l'on  ajoute  les  pri- 
vilèges et  les  immunités  accordés  aux  habitans ,  leur  affranchissement 
des  entraves  et  des  vexations  qui  résultent  des  corporations,  il  n'y  a  au- 
cun doute  que  la  ville,  dès  sa  fondation,  offrira  un  asile  favorable  aux 
hommes  industrieux  de  toutes  les  classes  et  de  tous  les  pays. 

—  Théâtres.  —  L'opéra  de  la  Vcstaie ,  de  M.  Jouy,  traduit  en  vers 
suédois  adaptés  à  la  musique  de  Spontini,  a  élé  représenté  avec  pompe, 
le  27  juillet.  Le  style  manque  en  plusieurs  endroits  de  cette  élégante 
facilité  qui  distingue  l'original,  et  qui  cependant  est  loin  d'être  étran- 
gère au  traducteur  ;  mais  on  avait  exigé  de  lui  que  la  pièce  fût  faite  pour 
la  célébration  du  mariage  du  prince  Oscar,  et  il  était  de  plus  soumis  à 
la  nécessité  d'arranger  ses  vers  sur  une  musique  déjà  faite.  Cependant, 
on  n'y  trouve  point  d'inversions  bizarres,  point  de  phrases  obscures, 
tandis  qu'on  peut  citer  beaucoup  de  vers  d'une  grande  beauté. 

—  Titus,  Shadespei  nied  sung  i  2  acier  (Titus,  opéra,  imité  de 
Métastase,  musique  de  Mozart).  Cette  production ,  qui  parait  être  du 
même  auteur  que  la  traduction  précédente,  n'e.st  pas  également  heureu- 
se. L'imitateur  s'est  tiop  souvent  écarté  de  l'original,  pour  faire  entrer 
dans  la  pièce  des  allusions  qui  ne  sont  ni  heureuses  ni  justes.  Malgré  la    '■ 


EUROPE.  427 

beauté  d'un  grand  nombre  de  vers  ,  la  poésie  n'est  ni  aussi  sonore,    ni 
aussi  agréable  que  celle  de  la  Vestale.  En  conséquence,  la  belle  musi- 
que de  Mozart  n'a  pas  suffi  pour  procurer  un  grand  succès  à  celte  pièce. 
—  Journaux.  —  Le  nombre  des  journaux  ,  gazettes  et  feuilles  pério- 
diques,  publiés  en  Suéde,  est  de  près  de  10,  dont  les  principaux  sont  : 
1°  Le  Journal  de  Littérature  svédoise,  in-4°,  imprimé  cliez  Paimblad 
et  comp. ,  à  Upsal ,  mérite  la  première  place,  pui^qu'il  contient  tout  ce 
qui  a  rapport  à  la  littérature  et  aux  sciences,  en  Suède.  Si,  dans  les  der- 
niers tems,  le  style  n'en  a  pas  été  toujours  également  clair  et  facile,  les 
aniiljses  des  ouvrages  n'en  ont  pas  moins  été  intéressantes  et  instructi- 
ves. 2°  Le  Journal  générai ,  in- j",  chez  Elméen  et  Granberg,  a  Stock- 
holm, a  encore  pour  rédacteur,  M.  Wahlmark,  dont  l'esinit  et  le  juge- 
ment ne  vieillissent  pas,  dont  le  style  modéré,  mais  élégant,  le  fait  re- 
chercher et  lire  par  les  deux  partis  opposés,  quoiqu'il  n'en  serve  aucun. 
""  L'Argus ,  journal  politique,  commercial  et  littéraire,  imprimé  à 
Stockholm,    chez  Cheutz,  in-4'',  n'a   pas   fait   connaître  d'autre  rédac- 
teur que  l'imprimeur,  qui  est  en  même  tems  homme  de  lettres.  Ce  jour- 
nal a  été  supprimé  par  le  ministère,   quatre  l'ois;  mais  ayant,  selon  les 
lois  de  la  presse  ,  le  droit  de  reparaître  sous  un  autre  litre  ,  lorsque  le  ju- 
ry ne  l'a  point  condamné  ,  il  a  présentement  le  titre  à' Argus.  (Je  recueil, 
qui  défend  avec  chaleur  les  principes  d'une  sage  liberté,  est  souvent  em- 
preint d'une  gaîté   satirique.   On  prétend  reconnaître,   à  certains  mor- 
ceaux,   la  plume  énergique  d'un  représentant  de  la  noblesse    très  esti- 
mé.  4"   i«  iciimal  viédical  fait  honneur  à  la  profonde  érudition  et  à 
l'esprit  observateur  des  médecins  qui  le  rédigent.  5°  La  Poste  de  Stock- 
holm, in-4°,  est  une  feuille  quotidienne  qui  existe  depuis  plus  de  trente 
ans;  et,   quoiqu'elle  n'ait  plus  le  mérite  littéraire  qu'elle  avait  lorsque 
l'illustre   Kellgren  la  rédigeait,  elle  est  toujours  Ires- remarquable  :  ses 
auteurs  professent  un  libéralisme  modéré.  G°  V Annotateur,  in-4",  ^'^^^ 
Elméen  et  Granberg,  à  Stockholm,  est  un  journal  libéral  dont  le  style 
n'est  pas  toujours  bien  soigné.  1°  Le  Censeur  (Grecnokaren),  in-4'',  chez 
Nestius  ,  à  Stockholm,   ne  manque  pas  de  lecteurs,   quoique  sévère. 
8»  Le  Courrier  de  Stockholm,  in 4°,  chez  Elméen  et  Granberg,  recueil 
ultrà-libéral ,    s'atlacbe  parfois  un  peu  trop  à  des  minuties  et  à  des  pué- 
rilités. 9°  Swea  (la   Suède) ,  journal  des  sciences  et  des  arts;  à  Upsai , 
chez  Paimblad  et  comp.  :  ouvrage  d'une  tendance  très-utile,    d'un  stylw 
remarquable  ;  il  est  rédigé  avec  soin  et  avec  goût. 

D  A  ^  E  M  A  R  K. 

CoPENHAGUB.   —  Sociolé   dts  Scîcnces.    —   La     classe   d'histoire  « 


4^S  ASIE. 

proposé  poar  siijcl  dun  ^lix  qui  sera  décerné  le  i"  juin  1824,  une 
partie  inléressanle  et  peu  approfondie  de  l'histoire  :  il  s'agit  de  l'cm.. 
pire  grec  de  Trébizonde,  depuis  laoi  h  li^i.  On  sait  qu'après  la  prise 
de  Constantinople  par  les  Latins  ,  les  Grecs  ,  souffrant  impatiemment  la 
domination  de  ces  dernier,,  refluèrent  dans  l' Asie-Mineure;  mais  l'empire 
de  Trébizonde  qui  a  d<iré  25o  ans,  est  peu  connu.  C'est  dans  les  écri- 
vams  de  Byzance  ,  dans  quelques  voyages  et  jusque  dans  les  annales 
turques  qu'il  faut  puiser  des  renseigncmens.  L'Académie  ne  veut  pas 
que  l'on  néglige  les  expéditions  gliovaleresques  et  merveilleuses ,  sut 
lesquelles  il  nous  est  parvenu  quelques  rëtîls  fabuleux.  Ph.  G. 

ALLEMAGNE. 

MuwiCH.  —  Académie  royale  des  Sciences.  —  Le  secrétaire  de  l'Aca- 
démie fait  savoir  à  tous  ceux  qui  se  proposent  de  concourir  pour  le  su- 
jet de  prix  proposé  sur  les  idé  s  folitiqttes  de  Platon  et  d'Arislote ,  que 
la  classe  de  fhîMogie  a  reculé  de  six  mois  le  terme  de  l'admission  des 
écrits,  et  que,  par  conséquent ,  ils  seront  reçus  jusqu'au  12  octobre  1824, 

Bebua.  —  A cadimie  royale  des  Sciences.  —  A  l'occasion  de  l'anniver- 
saire consafré  à  Ltibnitz,  l'Académie  s'est  réunie,  le  ô  juillet,  en  as- 
semblée publique.  Elle  a  dccirné  à  M.  Théodore  Kvpffer,  de  Miltau^ 
le  prix  proposé  pour  le  meilleur  mémoire  sur  la  Mesure  des  anyles  davs^ 
les  dijfèrens  systèmes  de.  cristnliisation.  Elle  a  ensuite  fait  connaître  les 
nominations  suivant<  s  :  membre  honoraire,  M.  le  lieutenant  -  général 
Muflling;  membres  correspondans  :  1°  M.  Encke,  |)rofesscur  à  Golba, 
pour  la  classe  de  mathématiques;  2°  M.  Muller,  professeur  à  Gœttingue, 
pour  la  classe  d'histoire  et  de  philologie.  Immédiatement  après,  M.  Su- 
vern  a  lu  un  traité  sur  le  stylo  de  Tacite,  et  M.  Bopp  a<lonné  une  ana- 
lyse du  samshrit ,  en  te  qui  concerne  les  pronoms  de  la  première  et  de 
la  seconde  personne,  comp.Trés  à  ceux  des  langues  qui  ont  de  l'affinité 
avec  celle-là.  h' Académie  des  beaux-arts  a  nommé  pour  membres  ordi- 
naires M.  le  comte  Théodore  de  Tolstoy,  de  Saint-Pétersbourg;  M.  Vo- 
gel ,  peintre  d'histoire  à  Dresde  ;  MM.  lless  et  Domenico  Quaglio,  pein- 
tres à  Munich;  M.  Bega^se,  peintre  à  Cologne;  M.  Wilhelin  Herbig,  et 
enfin  M.  Gropius,  aussi  peintre  à  Biilin. 

—  Le  9  juillet ,  la  Société  d'histoire  naturelle  a  célébré  le  So"  anni- 
versaire de  sa  fondation  ,  sous  la  présidence  de  M.  Bode,  qui  reste  seul 
de  tous  les  fondateurs;  à  lui  seul  aussi  appartenait  l'honneur  de  faire 
l'histoire  de  la  Société,  et  il  s'est  acquitté  de  cette  tâche  à  la  satisfac- 
tion de  tous  les  assistans.  Ph.  G. 


rX'ROPK.  4.9 

Ikna.  —  La  Sociale  de  mincrato^ic ,  dans  sa  séance  du  5  oclobre  der- 
niiT,  a  admis  au  nouibre  de  ses  mtinbrcs  élrangcrs  ,  MM.  le  prolcsscur 
yitalis,  secrét;iire  perpétuel  de  l'Académie  royale  «le  Rouen  ;  Dvtarue, 
secrétaire  de  la  Société  de  médecine  du  <ié[)arlement  de  l'Eure ,  et  phar- 
macien à  Évreux  ;  et  le  docteur  VandcnZande,  médecin  à  Anvers. 

De  KiNKOFF,  de  la  Société  d'féna. 
Gotha.  —  Société  d'encourafjcnient  j)Our  l'induairic  nationale. — Il 
vient  de  se  Ibriner,  à  Gotha,  une  association  de  plusieurs  hahitans,  pour 
l'encouragement  et  le  pcrfeclionneinent  de  l'industrie.  Cette  associdtiiiQ 
ffra  l'aire,  chaque  année,  une  exposition  publique  des  objets  d'arts  du 
pays. 

Ulm. — Socicle  nouvcUe.-^Lc  piol'esscur  D.  Grxter,  recteur  du  Gym- 
nase d'Ulni,  a  iondé  ,  en  novembre  1822,  dans  cette  ville  el  avec  l'au- 
lorisaliou  du  roi,  une  Société  des  amis  du  Dancinarck  sur  les  tords  du 
Danube.  Cetie  Société  compte  déjà  beaucoup  de  membres  distingués. 

IJERLIN. —  Université. —  Le  programme  des  diirérens  cours  qui  doi- 
vent avoir  lieu  pendant  le  semestre  d'hiver  1825-1824  î  vient  de  paraître. 
Ils  sont  au  nombre  de  189,  et  divisés  en  10  classes.  La  première  com- 
pl-end  ,  sous  le  litre  de  Connaissance  de  la  divinité  ,  -20  cours  différens 
consacrés  à  l'explication  des  divers  livres  de  la  Bible,  à  l'Encyclopédie 
et  à  l'histoire  des  sciences  théoiogiques  ,  à  l'histoire  des  diverses  époques 
du  christianisme  ,  à  la  littérature  et  à  la  poésie  sacrées ,  à  la  morale  théo- 
logique,  à  Vhomilctiquc  ou  théologie  pratique,  etc.  Dans  la  sccondt 
classe  ,  on  compte  21  cours  destinés  aux  diverses  sciences  qui  se  rappor- 
tent à  Yctude  du  droit.  Nous  citerons  celui  qui  a  pour  but  l'exposition 
du  système  deîa  législation  administrativeen  Prusse.  La  troisième  classe, 
celle  des  connaissances  médicales,  est  la  plus  riche;  elle  comprend 
65  cours.  Il  v  a  des  professeurs  qui  traitent  uniquement  des  épizootie» 
particidières  aux  animaux  domestiques,  de  l'ophlalmie,  etc.  A  la  qua- 
trième classe  ai\tp:nl\t:aocnt  Il  cours  sar  les  sciences  ptiîlosophiijues;  un 
des  plus  curieux  est  celui  dont  l'objet  est  de  signaler  les  traits  princi- 
paux de  la  pc^/a^oj/ît;,  ou  science  de  l'éducation.  La  cinquième  classe 
embrasse  les  sciences  mathématiques  ,  qui  font  l'objet  de  i4  cours  difi'é- 
lens.  Les  sciences  jHiysiques ,  réparties  en  22  cours,  forment  <a  sixième 
classe;  11  cours  composent  la  septième  division ,  celle  des  sciences  éco- 
nomiques et  administratives  ,  et  <le  l'application  des  diverses  sciences 
aux  besoins  des  l'onctionnaircs  publics.  Les  sciences  historiques  et  poli- 
tiques sont  enseignées  par  6  professeurs  ;  et  l'histoire  des  heaux-arls  est 
l'objet  de  deux  cours  différens.  L.i  dixième  et  dernière  classe  comprend 
ly  cours ,  destinées  aux  sciinces  philologiques  ,  à  lu  tjra7nmaire  ijénéraiit 


43o  EUROPE. 

et  à  V histoire  des  lanifues.  Les  jeunes  gens  avides  d'insiruction  peuvent 
assister  encore  à  des  leçons  sur  les  langues  et  les  littératures  française, 
espagnole  et  anglaise.  Un  professeur  est  chargé  de  l'enseignement  gra- 
tuit du  chant,  et  les  arts  gymnastiques  et  d'agrément  sont  aussi  ensei- 
gnés par  d'excellens  maîtres.  Il  est  inutile  d'itjouler  que  tous  les  établis- 
semens  publics,  tels  que  les  bibliothèques,  les  musées ,  les  dépôts  de 
cartes  et  de  plans,  les  cabinets  d'anatomie,  les  galeries  d'antiquités  et 
d'objets  d'arts  ,  etc. ,   sont  ouverts   aux   étudians. 

(  Gazette  iittcraire  d'Icna.  ) 

Halle. —  Université, —  Le  nombre  des  élèves,  pendant  le  semestre 
d'été  ,  a  été  de  plus  de  i,ioo.  Le  gouvernement  n'épargne  rien  pour 
notre  université  ;  il  vient  de  f.iire  agrandir  le  bâtiment  de  la  bibliothè- 
que et  de  donner  un  nouveau  local  pour  le  musée  zoologique,  qui,  grâce 
aux  soins  de  M.  le  professeur  Nitzsch,  offre  maintenant  un  coup-d'œil 
aussi  intéressant  qu'instructif.  Des  négociations  sont  ouvertes  pour  ac- 
quérir une  collection  qui  ajouterait  beaucoup  de  prix  à  notre  musée  mi- 
néralogique;  enfin,  l'institution  des  accouchemens  a  reçu  aussi  des  ac- 
croissemens  considérables. 

HonuHiE.  —  Polémique  religieuse.  —  Les  esprits  sont  fort  agités  main- 
tenant par  un  écrit  dirigé  contre  les  protestaus,  et  qui  a  pour  auteur 
M.  Hohenegger.  Cet  écrit,  ïaùtulè  :  Zeichen  der  Zeit,  cl  qui  tend  à 
réunir  toutes  les  communions  chrétiennes  en  une  seule,  inquiète  d'au- 
tant plus,  que,  s'il  en  faut  croire  les  journaux  d'Allemagne  ,  il  a  paru 
sous  la  protection  du  prince  archevêque  Rudnay  ,  auquel  il  est  dédié. 
L'auteur,  en  conservant  les  apparences  de  la  politesse,  fait  entendre 
que  les  protestans  sont  ennemis  des  monarchies  ,  et ,  pour  le  prouver  , 
il  donne  des  extraits  des  écrivains  les  plus  marquans  de  cette  religion  ; 
mais  OD  lui  reproche  d'avoir  isolé  ces  extraits  et  de  les  avoir  même  al- 
térés, pour  leur  prêter  un  sens  coupable.  Peut-on  ,  après  cela,  s'écrier 
avec  présomption  :  sapite  regesl  inlclligite  et  erudimini  qui  judicatis 
terrant  !  Ce  sont  les  docteurs  du  genre  de  M.  Hohenegger  qui  entravent 
les  bons  elTets  de  la  sagesse  dis  rois;  et  lorsque  ceux-ci  ont  accordé 
une  loi  salutaire  à  une  classe  nombreuse  de  leurs  sujets,  s'il  ne  se  trou- 
vait pas  entre  les  peuples  et  le  prince  d'imprudens  et  de  malveillans  in- 
terprètes ,  toutes  choses  en  iraient  mieux  ,  et  les  protestans  de  Hongrie 
ne  verraient  pas  dans  leurs  frères  catholiques  un  esprit  de  prosélytisme, 
qui   sans  doute  n'existe  que  dans  quelques  têtes  exaltées. 

Ph.     GOLBBBV. 

— Littérature. — Depuis  trois  ans,  les  Hongrois  ontfait  des  progrèscon- 
tinuels  en  littérature,  tout  en  cultivant  avec  succès  les  sciences  et  le» 


EUROPE.  45 1 

beaui-arls.  Le  Zeeik6nyv ,  (almanach  des  muses ,  pour  1821},  est  un 
recueil  remarquable  qui  peut  rivaliser  avec  les  meilleurs  de  ceux  du 
même  genre  qui  paraissent  en  Allemagne.  Il  est  publié  par  Samu^- 
Ygax,  de  Vienne,  et  l'on  y  distingue  principalement  les  poèmes  de  Ka- 
EÏnczy,  de  Kolezey,  etc.;  la  traduction  des  odes  d'Horace  de  M.  de 
Marton  ;  des  morceaux  du  joli  roman  écrit  dans  le  genre  français,  par  le 
baron  Louis  de  Podmanitzky ,  et  dont  le  titre  e^t  la  Rccotn'pense  d'une 
tonne  action;  enfin  un  fragment  d'un  voyage  en  Italie,  qui  fait  désirer 
rjue  l'auteur,  M.  Joseph  Papp,  le  publie  en  totalité.  — L'Aurora,  hazai 
nimanack  (l'Aurore,  almanach  patriotique),  qui  paraît  depuis  deux  ans, 
n'est  pas  moins  remarquable  que  l'almanach  des  muses,  par  le  choix  de* 
matières,  la  beauté  des  gravures,  l'élégance  de  l'impression  et  de  fa  re- 
liure. A  côté  du  nom  de  l'éditeur,  Ch.  de  Kisfaliidy,  l'un  dis  plus  cé- 
lèbres poètes  dramatiques  hongrois,  on  distingue  ceux  de  MM.  Alexan- 
dre de  Kisfaludy  Kolezey,  Fr.  Kazinczy,  Fr.  et  Jos.  Vekeli,  du  célè- 
bre Gabriel  Debrentey,  etc.  L'Aurore  de  1822  contient  trois  charman- 
tes compositions  musicales  de  Ladislas  de  Fay,  d'Alex,  de  Kisfaludy  et 
deCh.  Scbrejber. 

LusACE. — Ggeblitz. — Recueil  périodique.  — Les  troisième  et  quatrième 
cahiers  d'un  journal,  publié  sous  la  direction  de  la  Société  des  sciences  de  la 
Uaute-Lusaccj  par  M.  Weumann,  viennent  de  paraître  à  Gœrlitz.  M, 
Worbs  a  terminé,  dans  cette  livraison,  l'histoire  de  la  ville  de  Cottbus, 
que  cependant  il  ne  conduira  pas  jusqu'à  nos  jours,  faute  de  documen» 
qu'un  habitant  seul  pourrait  réunir.  Cette  histoire  d'une  petite  ville  est 
écrite  avec  un  grand  esprit  de  critique.  L'auteur  embrasse  dans  son  plan 
la  constitution  intérieure,  les  finances,  le  système  monétaire,  l'instruc- 
tion publique  et  la  littérature.  Ailleurs,  on  examine  la  question  de  savoir 
s'il  faui  remettre  en  vigueur  la  langue  dite  ff^endischc  Sprache,ou  s'il 
faut  la  laisser  tomber  en  désuétude?  C'est  M.  Korn,  prédicateur  à  Cott- 
bus, qui  s'est  chargé  de  la  résoudre;  et  il  conclut  à  l'extinction  de  ce  reste 
des  anciens  Henett  ouVenedt,  que,  suivant  Hubner,  on  conserve  en- 
core dans  six  villes.  Le  même  Hubner  avertit  qu'il  ne  faut  pas  se  laisser 
prendre  à  la  conformité  du  mot  allemand  Wendisch,  adjectif  qui  s'appli- 
qucaussiaux  Vandales...  Onlitaveointérêt  nnedescriptimi  statistique  de» 
hruyires  qui  avoisinent  Gœrlitz:  ce  morce.iu  est  de  M.  le  conseiller  de 
justice  Starcke;  il  a  été  couronné  par  la  Société  des  sciences  en  uSiy  : 
aujourd'hui,  il  parait  accompagné  d'une  carte.  M.  le  docteur  Thoret  a 
traité  des  ossemens  fossiles,  découverts  dans  les  lamoius  calcaires  de 
Kunncrsdorf.  M.  Worbs  a  examiné  s'il  a  réellement  existé  une  divinité 
locale  sous  le  nom  de  Flins,  Nous  renvoyons  à  ce  sujet  au  savant  ouvra^ 


43a  EUROPE. 

ce  de  M.  Monol,  T.  I,  p.  209.  Des  poésies,  parmi  lesquelles  on  distin- 
gue quelques  imilations  d'Horace,  eniichissent  les  cahiers  de  ce  recueil, 
qui,  sous  le  titre  de  Magasin  de  la  Haute-Lusace,  ne  laisse  rien  ignorer 
de  ce  qui  intéresse  les  sciences,  les  lettres,  à  'ceux  qui  se  sont  voués  à 
leur  culte.  C'est  ainsi  que  l'on  trouve,  dans  les  cahiers  que  nous  annon- 
çons un  relevé  général  des  Schuiprogramme,  depuis  1809;  genre  d'écrit 
assez  intéressant,  en  ce  qu'ordinairement,  à  chaque  solennité  scolaire, 
on  traite,  dans  ces  programmes  mêmes,  des  questions  de  la  plus  haute 
importance.  C'est  donc,  sous  un  titre  modeste,  une  véritable  série  de 
di.ssertalions,  la  plupart  approfondies. 

Abxstadt.  —Nccrotogie.  —G.  C.  B.  Busch  ,  conseiller-ecclésiastique, 
*slmort  à  Arnsladt,  le  iS  mars  1S25,  à  l'âge  de  65  ans.  Il  était  connu 
par  plusieurs  bons  ouvrages,  entre  autres  par  son  Manuel  de  l'histoire 
des  découvertes. 

Bkhlin.  —  Formey.  —  Le  20  juin  dernier,  l'un  des  plus  célèbres  mé- 
decins de  la  Prusse,  M.  Louis  Formey,  a  terminé  sa  carrière,  à  l'âge  de 
57  ans.  Il  était  professeur  à  l'Académie  militaire  de  chirurgie  et  de  mé- 
decine, et  occupant  encore  plusieurs  emplois  distingués.  M.  Formey, 
qui  appartenait  à  la  colonie  française  dans  laquelle  il  donnait  ses  soins 
aux  pauvres,  était  membre  de  la  Légion-d'Honneur  et  de  plusieurs  au- 
tres ordres.  />/,.  G, 

SUISSE. 

Acadcmiedc  Lausanne.  — La  retraite  de  M.  Comtb,  chargépar  lecon- 
seil-d'état  de  l'enseignement  du  droit  naturel ,  a  laissé  cette  chaire  va- 
cante, à  la  veille  de  l'ouverture  des  cours.  Ses  leçons  intéressantes,  fé- 
condes en  vues  neuves  et  justes ,  avaient  constamment  rassemblé  un 
nombreux  auditoire  autour  de  ce  professeur.  Son  noble  caractère,  sa 
vie  sage,  entièrement  consacrée  dans  la  retraite  à  sa  famille  et  à  la 
science,  semblaient  l'avoir  placé  sous  l'égide  du  respect  public  et  de 
rhospitalite.  En  partant,  il  a  emporté  les  suffrages  honorables  de  beau- 
coup d'hommes  éclairés  et  l'estime  générale.  Le  tems  et  les  épreuves 
exigés  par  la  loi  pour  la  nomination  d'un  professeur  n'ont  pas  permis  de 
songera  donner  un  successeur  à  M.  Comte;  l'enseignement  du  droit  na- 
turel est  confié  ad  intérim  a  M.  Pidol,  jeune  jurisconsulte,  dont  les  ta- 
lons, les  excellentes  études  et  les  connaissances  étendues  rsp|iellcnt  le 
souvenir  d'un  père  qui  fut  l'honneur  de  notre  magistrature,  l'institu- 
teur et  i'ami  de  son  fils.  Un  autre  jeune  jurisconsulte,  M.  Porciiet  , 
vient  d'êlre  nommé  proTcsseur  de  droit  romain  :  une  chaire  aussi  im- 
portante, confiée  à  un  homme  de  son  âge,  fait  l'éloje  de  ses  talens  et  d« 


EUROPE.  411 

ses  premiers  travaux. — Leplusancien  de  nos  professeurs,  M.  Doioir,  lati- 
niste profond  ,  qui  joint  le  goût  au  savoir  et  le  tairnt  de  Tiire  admirer 
les  gr.^nds  cLissiques  de  Rome  à  l'art  de  parler  leur  langue  avec  élo- 
qutnce,  a  obtenu  un  suppléant,  M.  Bbidei,  ;  le  nom  de  ce  jeune  ecclé- 
siastique, cher  aux  muses  et  aux  sciences,  les  lalens  Léréditaires  dans  sa 
famille,  so.i  mérile  peisonni'l ,  le  guide  sous  lequel  il  a  le  bonheur  d'en- 
treprendre ses  travaux  académiques,  sont  du  plus  lieurenx  augure.  De- 
puis quelques  années,  plusieurs  jeunes  gens  ont  été  introduits  au  sein  de 
notre  Académie,  ou  admis  à  suppléer  des  professeurs.  On  aurait  tort  de 
leur  supposer  un  esprit  d'innovation,  ou  la  légèreté  de  la  jeunesse  :  l'a- 
mour du  bien  et  des  lumières  n'est  |)as  nouveau  dans  noire  Académie; 
et  rien  ne  garantit  mieux  la  slabililé  du  caractère  qu;>  l'attachement  aux 
vérités  élerm  lies  et  au  bon  sens.  Les  vingt  dernières  années  ont  changé 
la  face  de  l'Académie  de  Lausanne.  Elle  fit  londée,  à  l'époque  de  la  ré- 
formation, pour  donner  a  l'église  évangélique  des  pasteurs  dignes  d'elle, 
des  pasieurs  pieux  et  savans.  Peu  considérable  d'abord,  elle  reçut  des  ac- 
croissemens  successifs;  mais  toutes  les  sciences,  même  les  mathématiques 
n'y  furent  considérées  que  comiiie  des  sciences  auxiliaires  de  la  (héulo^ic. 
Pendant  une  période  de  trois  siècles, elle  produisit  un  grand  norubre  d'hom- 
mes dont  les  noms  sont  encore  en  vénération  dans  l'église  ou  dans  la  scien- 
ce ;  mais  elle  ne  fut  qu'un  séminaire  en  grand.  L'indépendance  de  no- 
tre canton  et  notre  attachement  à  celte  indépendance  ont  pro^ëssive- 
menl  changé  le  séminaire  en  institution  nationale.  De  nouvelles  bran- 
ches d'enseignement,  ajoutées  aux  anciennes,  offrent  une  instruction  plus 
variée  au  jeune  théologien,  et  présentent  des  ressources  à  toutes  les  autres 
clafcses.  A  la  faveur  de  notre  position  topograpliique,  de  nouveaux  bien- 
faits du  gouvernement  changeraient  aisément  cette  institution  nationale 
en  académie  ou  université  européenne;  malgré  les  sacrifices  considé- 
rables qu'exigerait  une  telle  entreprise,  l'intérêt  de  la  science  et  delà 
vérité  se  trouverait  d'accord,  cette  fois,  avec  l'intérêt  pécuniaire.  Quels 
que  soient  les  changemens  qu'on  a  déjà  introduits  dans  l'organisation  de 
notre  Académi',  les  institutions  et  les  habitudes  du  séminaire  n'ont  pas 
encore  pu  se  renfermer  dans  les  limites  de  la  faculté  de  théologie.  Quoi- 
que la  majorité  de  ses  membres  puissent  être  laïques,  l'Académie  en  corps 
confère  l'imposition  des  mains  aux  théologiens  qui  se  consacrent  au  saint 
ministère;  l'Académie  en  corps  est  chargée  de  l'inspection  sur  les  ecclé- 
siastiques qui  n'ont  pas  d  ■  cure,  du  placement  des  suffragans  ou  vicai- 
res, et ,  outre  cela ,  d'une  minutieuse  administration  en  sous-ordre.  De 
là,  des  occupations  fastidieuses  sans  nombre,  une  correspondance  sans 
T.  XX. — I\oi'ifn/>re  ly**"),  28 


434  EUROPE. 

limites,  des  assemblées  sans  fin.  Ces  dernières  fondions  transforment 
le  corps  enseignant  en  «ne  sorte  de  bureau  administratif,  et  accablent 
les  professeurs  de  travaux  ennemis  de  rétude;  bien  qu'elles  puissent  être 
considérées  comme  des  droits,  les  amis  des  sciences  ne  sauraient  y  voir 
que  dps  corvées.  Les  seuls  droit*  que  nous  devions  être  jaloux  d'avoir  ou 
de  conserver ,  sont  le  loisir  de  chercher  la  vérité  et  la  liberté  de  la  dire. 

Cn.  MoNNARD,  'professeur. 

1  TA  L I  E. 

—  Encouragement  «twc  littres.  —  L'empereur  de  Russie  a  envoyé  à 
M.  Melchior  Gioja,  auteur  du  Nuovo  projMo  délie  scienze  economicUe, 
une  lettre  de  change  de  20,000  f.,  en  lui  demandant  cent  exemplaires  de 
son  ouvrage,  qui  a  8  vol.  in-4.°.  —  C'est  avec  une  telle  munificence  que 
les  monarques  peuvent  contrlbiur  puissamment  aux  progrès  de  l'esprit 
humain,  lorsque  leurs  faveurs  tombent  sur  des  ouvrages  qui  les  méri- 
rent. 

Vkmse. —  Ptibliration  nouvelle. — La  traduction  italienne  de  la  Bio- 
graphie-universelle, ancienne  et  moderne,  entreprise  à  Paris,  avec  tant 
de  soins,  est  continuée  à  Venise  avec  le  même  zèle. Tous  les  Italiens  pren- 
nent part  à  fia  perfection,  et  particulièrement  les  rédacteurs  de  la  Biblio- 
thèque italienne  de  Milan  et  du  V Anthologie  de  Florence.  Au  moyen  des 
journaux  ,  beaucoup  de  personnes  communiquent  aux  coilaborateurs  de 
ce  vaste  ouvrage  leurs  remarques  et  leurs  corrections.  Les  Napolitains 
étaient  méeonlens  qu'on  eût  oublié  dans  l'ouvrage  original  le  célèbre 
Francesco  d'Anf^rea  ,  qui  fut  rey;ardé  comme  le  TuUius  de  son  tems;  de 
même  les  Yénitieus  faisaient  de  vifs  reproches  à  plusieurs  biographes 
étrangers,  de  ne  pas  avoir  remarqué  que  le  fameux  Baretli  était  l'auteur 
de  XskJusla  letleraria,  publiée  sons  le  nom  de  Scannabue,  ouvrage  qui 
a  plus  contribué  le  à  la  réputation  de  son  auteur,  et  qu'on  doit  regar- 
der comme  un  modèle  des  feuilles  littéraires  périodiques.  De  semblables 
omissions  ne  peuvent  jamais  être  pardonnées,  quel  que  soit  le  mérite 
des  ouvrages  qui  les  renferment;  et  l'on  espère,  en  Italie,  qu'elles  seront 
bientôt  réparées.  F.  S. 

Naples.  —  Antiquités.  —  Les  fouilles  de  Pompeï  ont  été  continuées, 
cet  été,  avec  très-peu  de  zèle;  vingt  ouvriers,  qui,  avec  cinq  charrettes, 
sont  chargés  de  déblayer  une  ville  entière,  ne  doivent  pas  faire  de  grands 
progrès  ;  et  malheureusement  les  cendres  tombées  au  mois  d'octobre 
1822  ont  couvert  de  nouveau  des  endroits  déjà  déblayés,  et  rendent  les 
travaux  plus  pénibles;  aussi  marcbe-t-un  avec  difficulté  d.ms  lis  ruis 


EUROPE.  435 

de  la  ville  antique.  On  remarque  avec  peine  que  Icu  objets  d'art  ,  sur- 
tout les  peintures,  souffrent  beaucoup  de  Texpositiou  ea  plein  air.  Les 
peintures  de  l'ampiiithéâtre  ont  presque  toutes  disparu.  Quelque  agréj- 
ble  qu'il  soit  de  voir  ces  ornemen->  sur  place,  on  sera  obligé,  pour  les 
conserver,  de  les  défacber,  et  de  les  transporter  au  Musée,  ou  bien  de 
les  mettre  à  l'abri  sous  des  toits.  On  a  ucemment  mis  à  découvert  un 
grand  édifice ,  auquel  les  antiquaires  ont  donné  le  nom  de  Panlhcon. 
C'est  un  carré  obiong,  dont  un  des  côtés  les  plus  étroits  sert  d'entrée. 
Dans  le  fond  ,  il  y  a  trois  petites  cliambres  ;  celle  du  milieu  contient  des 
nicbes  où  l'on  a  placé  les  statues  de  Tibère  et  de  Livie  ,  qui  ont  été 
trouvées  sur  le  sol.  Les  bras  manquent,  et  on  n'a  pu  les  trouver  jusqu'à 
présent;  la  draperie  est  belle  et  Iranee  avec  beaucoup  de  soin  :  on  voit 
des  traces  d'une  couleur  rouge  dont  a  été  enduit  le  vêlement  de  Ti- 
bère. Il  j)arait  que  cette  statue  tenait  une  lance.  Un  tableau  assez  bien 
conservé  décore  le  mur  principal;  il  a  évidemment  rapport  à  l'histoire 
de  Romulus  et  Rémus,  qui  sont  allaités  parla  bergère  Lupa,  tandis  que 
le  berger,  assis  auprès  d'elle,  regarde  avec  complaisance  les  enfans  entre 
lesquels  est  couchée  une  louve.  Dans  l'espèce  de  corridor  qui  y  conduit, 
nn  petit  mur  fotine  une  séparation,  qui  parait  avoir  été  un  vestiaire. 
On  suspendait  vraisemblablement  les  vêtemens  auprès  de  tablettes  de 
marbres,  où  les  chiffres  sont  marqués  dans  l'ordre  et  de  la  manière  sui- 
vante :  IIX.  IX.  X.  XI.  IIIV.  IIV.  IV.  V.  VI.  III  II.  I.;  au  dessus 
de  chaque  tablette  il  y  a  un  trou  rond,  où  l'on  reconnaît  des  débris  de 
crochets  ou  clous  de  fer  oxidés.  Tous  les  murs  de  l'édifice  sont  oraés  de 
peintures.  Ce  sont  ordinairement  des  figures  isolées  sur  un  Fond  d'un 
rouge  Ibncé,  et  séparées  par  des  paysages  ou  des  fleurs  et  d'autres  orne- 
mens;  une  des  petites  chambres  représente  des  chasses,  des  nionstres 
marins  et  d'autres  animaux.  L'édifice  est  précédé  d'une  cour  qu'entou- 
rait un  portique;  les  bases  des  colonnes  sont  en  marbre  blanc,  nu  di- 
rait qu'on  vient  de  les  poser  ;  mais  les  colonnes  n'ont  point  été  trouvées. 
Au  milieu  de  la  coût,  on  voit  encore  huit  piédestaux,  qui  ont  dû  sup- 
porter une  petite  rotonde,  comme  dans  le  temple  de  Sérapis  à  Pouzzo- 
les.  Auprès  de  l'entrée,  les  ouvriers  ont  découvert  une  petite  cassette, 
garnie  de  bronze ,  et  renfermant  047  médailles  de  cuivre,  47  d'argent  et 
une  d'or,  ainsi  qu'une  bague  d'argent;  le  bois  de  cette  cassette  était 
entièrement  réduit  en  charbon.  Dans  une  autre  maison,  que  les  fouilles 
de  l'été  de  1823  ont  mise  à  découvert,  on  a  trouvé,  dans  une  chambre, 
un  grand  nombre  d'amphores  de  vin  ;  l'une  d'elles  portait  de»  étiquettes 
en  petits  caractères  qu'un  voyageur  a  voulu  copier;  mais  on  ne  le  lui  a 
pas  permis. Uoe  maison  du  voisinage  a  dû  être  une  savonnerie;  du  moins, 


456  EUROPE. 

on  y  a  Irouvé  tous  les  objels  nécessaires  à  cette  fabrication,  ainsi  qu'un 
amas  de  chaux  d'une  blancheur  éclatante.  Enfin,  on  a  retrouvé  un  puits, 
qui,  dans  une  profondeur  de  cent  palmes,  donne  une  eau  fraîche, 
mais  d'un  goût  un  peu  piquant,  et  que  l'on  n'a  pas  encore  analysée. 

D— G. 
ILES  lONIENiNES. 

CoBFOD,  —  \J Université  do  cette  ville  devra  encore  à  lord  Guiiford 
un  nouveau  bienfait,  {f'oy.  ci-dessus,  pag.  228.)  Ce  protecteur  généreux 
et  éclairé,  outre  les  livres  qu'il  fait  venir  de  Paris,  vient  d'acquérir, 
pour  cett?  université,  une  belle  suite  de  20,000  empreintes  de  médailles 
grecques,  avec  leur  description  par  M.  Mionnet ,  premier  employé  du 
cabinet  des  médailles  de  la  bibliothèque  du  roi.  Ces  pièces,  recueillies 
jadis  sur  le  sol  de  la  Grèce,  et  transportées  en  France  par  les  voyageurs, 
vont  retourner  dans  leur  patrie  primitive,  en  effigie  seulement;  mais 
elles  y  reporteront  la  trace  des  arts  que  le  tems  et  l'esclavage  avaient 
presque  effiicée.  Les  babitans  de  Corfou  n'y  reverront  pas  san*.  intérêt 
les  m^innaies  frappées  par  leurs  ancêtres,  avec  l'ancien  nom  de  Corcyre, 
plus  poétique  que  le  nouveau  :  la  représentation  de  leur  J ufiiter-Casios , 
et  les  jardins  d' Alcinoûs  célébrés  par  Homère.  Rendons  grâce  ,  en 
passant,  à  cette  heureuse  correspondance  universelle  de  la  république 
des  lettres,  qui  ne  permet  pas  que  le  feu  sacré  qui  leur  sert  d'aliment 
s'éteigne  jamais,  et  quia  fait  trouver  un  asile  dans  l'Athènes  moderne 
aux  arts  exilés  de  la  Grèce  antique.  Dumebsan. 

Instruction  'puMiquc.  —  Le  nombre  des  professeurs  de  l'université  de 
Corfou  vient  d'être  augmenté.  Parmi  les  nouveaux  membres  du  corps 
enseignant,  on  cite  avec  éloge  le  jeune  .^f/ianasios  Politis,  natif  de 
Leucade  ^^Sainte-Maure),  savant  médtcin,  et  profondément  versé  dans 
les  sciences  naturuUes  ;  le  père  Andréas  Hidbom^nos,  de  Parga  ,  littéra- 
teur distingué  ,  possédant  à  fond  la  langue  d'Homère;  un  excellent  bo- 
taniste, italien  de  naissance,  dont  j'ai  oublié  le  nom,  et  trois  profes- 
seurs de  droit. —  h' enseignement  muluet  fait  toujours  de  nouveaux 
progrès  dans  nos  îles.  Les  babitans  de  Céphalonie  viennent  d'établir  un 
grand  lycée  ,  qui  est  déjà  dans  un  état  prospère.  C.  W. 

GRÈCE. 

Athènes.  —  On  a  ouvert  une  souscription  pour  ériger  un  monument  à 
l'immortel  Marcos  Botzabis  ,  mort  si  glorieusement  pour  la  sainte  cause 
de  sa  patrie.  Il  vient  aussi  de  paraître  plusieurs  pièces  de  vers  en  l'iion- 


ECROPE.  457 

neur  de  ce  héros,  dont  la  plus  remarquable  est  celle  d'ua  jeune  poète 
thessalien.  GV'st  une  ode  pleine  de  sensibilité  et  d'énergie;  en  voici 
quelques  passages  :  «  La  voix  terrible  de  ce  grand  guerrier  retentit  dan» 
les  plaines,  abat  le  courage  fanatique  des  hordes  musulmanes  et  dis- 
perse leurs  phalanges  ;  elle  seule  vaut  trois  mille  combaltans.  Mais  sou- 
dain le  sang  pur  du  héros  coule  en  bouillonnant ,  et  arrose  les  verte* 
prairies  :  la  blessure  est  mortelle.  11  appelle  son  frère  ,  et  lui  tient,  pour 
la  dernière  fois,  ce  discours  :  «  Cher  Constantin,  reçois  mon  épéc  :  frap- 
pez les  barbares  et  vengez  ta  patrie.  Que  ma  mort  serve  d'exemple  à  toi 
et  à  mes  cnfans,  dont  tu  seras  le  père.  Ah!  puisse  la  Grèce  recouvrer 
son  entière  indépendance  par  le  sang  de  ses  guerriers  intrépides!  etc.  » 
Cbéte.  —  Nécrologie.  —  IM.  Kanélos  ,  jeune  savant,  [)iein  de  mérite  , 
ancien  élève  des  universités  d'Allemagne  ,  qui  occupait  auprès  de 
M.  Tombase  ,  notre  illustre  gouverneur,  une  place  éminenle  ,  vient  de 
mourir  de  la  peste.  Sa  mort  est  pour  toute  la  Grèce  une  perte  difficile  h 
réparer.  Tous  ceux  qui  ont  connu  cet  homme  si  rccommandable  ,  ont 
versé  des  larmes  en  apprenant  sa  fin  prématurée.  C.  W. 

PAY  S  -  B  A  S. 

LoDVAiN.  —  La  Société  de  médecine  a  couronné  à  l'unanimité,  dans  la 
séance  générale  du  22  octobre  dernier,  un  mémoire  sur  cette  question  : 
«  Existe-t-il,  dans  l'état  de  maladie  ,  une  condition  générale  des  forces 
dont  la  connaissance  soit  nécessaire  pour  fixer  les  indications  eurativcs?» 
Si  cette  condition  existe  ,  déterminer  en  quoi  elle  consiste,  et  quels  si- 
gnes la  caractérisent;  si  elle  n'existe  paa  ,  Caire  connaître  les  causes  qui 
induisent  en  erreur  les  médecins  qui  l'admettent.  On  doit  ce  travail  à 
la  plume  savante  et  féconde  de  l'un  de  nos  médecins  les  plus  distingués, 
M.  le  docteur  Bégin  ,  auteur  de  plusieurs  ouvrages  estimés  des  praticiens 
et  des  élèves,  et  l'un  des  lédaiteurs  des  Mémoires  de  midecine  niiii- 
taire  ,  du  Dictionnaire  abrégé  des  sciences  médicales ,  etc.  M.  Bégin  est 
attaché  au  Gymnase  normal,  militaire  et  civil,  et  il  y  donne  des  soins, 
avec  le  plus  grand  succès,  aux  personnes  qui  assistent  à  la  classe  d'or- 
thopédie La  Société  de  médecine  de  Louvain  fait  prévenir  l'auteur  du 
mémoire,  ay;mlpour  épigraphe:  Non  crit  emisso  reditus  lioi...  qui 
miser  egi?  qu'elle  attend  qu'il  se  fasse  connaître  pour  lui  envoyer  un 
diplôme  de  membre  correspondant.  Z. 

Liège.  — hiabtisscment  pour  les  sourds-muets. — C'est  à  une  associa- 
lîcn  d'hommes  éclairés  et  bieufaisans,  formée  en  1820,  que  la  province 
et  la  ville  de  Liégo  doivent  cette  utile  fondalion.  Réunissant  leurs  efforts 


438  EUROPE. 

à  ceux  d'un  hoiuuit;  simple  et  modeste,  comme  l'abbé  de  l'Ej^ée,  plu- 
sieurs scus-cripteurs  ont  voulu  contribuer,  par  des  secours  pécuniaires, 
aux  bienfaits  que  ses  leçons  el  son  dévouement  procurent  aux  sourds- 
niufts.  M.  Pouplin  se  trouvait  à  la  tète  d'une  école  d'enseignement  mu- 
tuel, lorsque  la  vue.d'un  tableau  des  .^ig^l•s  à  l'usage  des  sourds-muets 
le  frappa  ,  et  lui  inspira  le  désir  d'être  utile  à  quelques-uns  de  ces  in- 
fortunés. Il  en  admit  d'abord  deux  dans  son  écoio ,  et  commença  leur 
instruction.  Cet  essai  réussit  ;  il  étendit  ses  soins  à  plusieurs  autres  mai- 
heureux  ,  condamnés  jusqu'alors  h  uneccmplèle  ignorance.  Aujourd'hui 
il  est  sur  le  point  d'obtenir  la  récompense  de  ses  travaux.  L'école  des 
sourds-xnuets  va  être  entièrement  séparée  de  l'école  d'enseignement  mu- 
tuel, et  le  respectable  instituteur  pourra  consacrer  uniquement  aux 
sourds-muets  le  temps  et  les  soins  que  ,  jusqu'à  présent,  il  a  été  obligé 
de  part.igcr  entre  les  deux  établisscmens  qui   lui  étaient   confiés. 

A.   J. 

FRANCE. 

DoBDOGNB. — DoMMB. — Âctiou  cuvativc  de  la  vaccine  four  d'autres  cas 
que  la  variole. — M,  Lassère,  D.  M.  P.,  déterminé  à  faire  participer  au 
bienfait  de  la  vaccine  un  enfant  de  4  ans,  que  ses  parons  refusaient  cons- 
tamment do  soumetlre  à  cette  salutaire  application,  profita  de  la  cii- 
con>tance  d'une  tumeur  que  cet  enfant  avait  à  la  première  phalange  du 
doigt  médius  de  l.i  main  droite,  et  qui  inquiétait  cruellement  la  mère, 
nour  ia  déterminer  à  permettre  la  vaccination  sur  la  tumeur  môme,  en 
lui  en  faisant  espérer  la  guérison.  Deux  pustules  vaccinales  se  dévelop- 
pèrent; et,  quelque  teros  après  la  disparition  de  l'inflammation,  on  vit 
le  volume  de  l'os  du  doigt  diminuer  très-sensiblement,  ia  tumeur  s'a- 
moindrir de  jour  en  jour,  au  point  que,  trois  semaines  après,  le  doigt 
avait  repris  ses  dimensions  naturelles;  et  depui:»,  il  est  resté  complète- 
ment guéri.  Le  mal  dont  cet  enfant  était  atteint  est  le  svtna  ventosa,  de 
l'espèce  à  laquelle  M.  Boyer  a  reconnu  que  les  enfans  lymphatiques 
étaient  sujets;  il  occupait  toute  l'élendue  de  la  phalange,  sans  attaquer 
les  extrémités  articulaires.  Ce  premier  succès  détermina  le  médecin  à 
essayer  ia  vaccine  sur  une  jeune  fille  de  14.  ans  qui  avait  au  col  quatre 
tumeurs  de  nature  scrophu'cuse ,  et  contre  lesquelles  on  avait  infruc- 
tueusement tenté  l'usage  d'un  grand  nombre  de  moyens,  ilils  anli  scro- 
fliuieux.  Dix  piqûres  de  vaccin  furent  pratiquées  à  un  pouce  des  tumeurs: 
huit  boulons  se  manifestèrent;  leur  marche  et  leur  dessication  furent  ré- 
gulières. Après  la  chute  des  croûtes,  les  tumeurs  présentèrent  les  caractè- 
res de  l'inflammation  sanguine.  L'application   réitérée  des  sangsues  fut 


EUROPE.  4^9 

prescrite,  on  y  joignit  des  purgatifs  ,  un  régime  approprié  au  tempéra- 
ment de  la  jeune  fille  fut' suivi;  les  symptômes  de  scrophule  disparurent, 
tt  depuis  lors  ne  se  sont  plus  manifestés. (Voy.  le  n»  19  de  la  Gazette  de 
santé.  Juillet  i8231.  ^-  ^^ 

Rhônb.— Lyon.— ^nii^Mi^tJ*-— dernièrement,  en  creusant  les  fonde- 
mens  d'une  maison  a  la  droite  du  Jardin  des  Plantes,  non  loin  de  l'en- 
ceinte où  l'on  a  reconnu  les  vestiges  d'une  naumacbie,  on  a  découvert 
trois  pavés  en  mosaïque,  établis  successivement  les  uns  au-dessus  des  au- 
tres. Le  premier  et  le  plus  profond  se  trouvait  à  dix  pieds  au-dessous  du 
soi  actuel;  il  posait  sur  un  lit  de  cailloux  légèrement  incliné,  dans  un  ter- 
ruin  rempli  de  roches;  il  offrait,  à  sa  surface,  une  réunion  de  cubes  de  dif- 
érens  marbres  brisés,  opus  incerlum,  liés  par  un  ciment,  dans  le  genre 
de  ce  qu'on  appelle  mosaïque  à  la  vénitienne.  Le  second,  londé  a  deux 
pieds  au-dessus  de  celui-ci,  était  une  véritable  mosaïque,  opus  tessclalum, 
composée  avec  des  cubes  de  diverses  couleurs.  On  y  voyait  des  tableaux 
et  des  compartimens  carrés,  nvidrés  par  des  entrelacs,  unis  par  des  orne- 
mens  en  forme  de  labyrinlbe.   Dans  le  milieu ,   paraissait  un  fragment 
historié  où  l'on  reconnaissait  le  combat  de  l'Amour  et  du  dieu  Pan,  su- 
jet souvent  répété  sur  les  mosaïques  de  Lyon.    De  chaque  coté  étaient, 
ou  devaient  être,  les  quatre  saisons,  si  l'on  en  juge  par  les  deux  qui  res- 
tent, Bacchus  et  Cérès,  vus  a  mi-corps  et  de  grandeur  naturelle.  Le  troi- 
sième pavé,  à  trois  pieds  au-dessus  de  ce  dernier,  et  à  cinq  pieds  au-des- 
sus du  sol  d'aujourd'hui,  était  aussi  en  mosaïque,  combinée  feulement 
avec  des  cubes  noirs  et  bbncs,  formant  des  losanges  et  divers  comparti- 
mens. Ces  trois  pavés,  chose  fort  remarquable,  et  que  uous  avons  obser- 
vée dans  plusieurs  quartiers  de  la  ville,   présentaient  les  mêmes  traces 
d'incendie,  c'est  à-dire,  une  couche  de  charbon  de  trois  a  quatre  pou- 
ces d'épaisseur,  et  par-dessus  des  débris  de  tuiles  et  de  briques;  ce  qui, 
d'accord  avec  l'histoire,  prouve  clairement  que  Lyon,  du  tems  des  Ro- 
mains, a  été  biûlé  au  moins  trois  fois  :  d'abord,  sous  Néron,  60  ans  après 
Jcsus-Christ;  puis,  par  Septime-Sévcre  ;  enfin,  par  Aitila,   en  445.  Le 
.style  de  ces  mosaïques  semble  se  rattacher  à  ces  époques  désastreuses, 
bien  qu'elles  puissent  leur  être  antérieures.  La  première,  plus  simple, 
annoncerait  le  commencement  de  cet  art  dans  les  Gaules;  la  deuxième, 
plus  historiée,  indiquerait  le  tems  où  le  luxe  de  ces  peintures  était  en  vo- 
gue; et  la  troisième,  plus  grossière,  sans  variété  de  couleurs,  conviendrait 
très-bien  au  tems  de  la  décadence  de  l'Empire.  Sur  cette  dernière,  on  a 
rencontré  plusieurs  objets  iutéressans,  entre  autres,  deux  bustes  en  mar- 
bre grec,  de  style  romain,  grands  comme  nature,  l'un  avec  une  longue 
barbe,  l'autre  sans  barbe,  tous  deux  d'un  âge  avancé.  Ils  sont  maintenant 


44o  EUROPE. 

sous  les  portiques  du  Musée  lapidaire.  C'étaient  vraisemblablement  les 
images  de  deux  Lyonnais  qui  avaient  fondé  quelrtue  établissement,  ou 
qui  avaient  choisi  leur  sépulture  en  cet  endroit.  A  côté  de  ces  portraits, 
on  a  ren(-ontré  des  plaques  de  maibre  de  couleur,  contre  lesquelles  ils 
avaient  été  adossés;  des  ferrures  de  porte  rccou\ertes  de  lames  de  cui- 
vre, et  plus  loin,  uue  médaille  de  Sévérina,  femme  d'Aurélien.  Ce  bron- 
ze nous  a  donné  l'idée  que  ce  lieu  aurait  pu  commencer  à  être  boule- 
versé sous  cet  empereur  qui  vivait  pendant  les  guerres  des  trente  tyrans. 
Près  de  la  mosaïque  de  l'Amour  et  du  dieu  Pan  entourée  des  saisons,  on 
voyait  trois  réservoirs  revêtus  en  béton  de  six  pieds  en  carré,  et  le  long 
d'une  muraille,  un  canal  en  pierre  de  choin  de  fay,  de  i8  pouces  de  large. 
Tous  les  deux  recevaient  les  eaux  d'une  source  voisine  encore  existante  ; 
il  parait  que  ce  pavé  et  d'autres  qui  faisaient  suite,  appartenaient  à  des 
bains;  nous  en  jugeons  par  la  mosaïque  du  gouiguillon,  représentant 
Pan  et  l'Amour,  qui,  destinée  au  même  usage,  avait  aussi  près  d'elle  un 
canal  alimenté  jadis  par  les  eaux  de  la  conserve  des  Ursulincs;  nous  en 
jugeons  encore  parla  mosaïque  de  M.  Micboud  de  Sainte-Colombe,  of- 
frant la  même  composition,  et  qui  faisait  partie  d'une  salle  de  bains  dont 
nous  avons  levé  le  plan.  Tout  porte  à  croiie  que  l'emplarement  de  la 
déscile,  <'ù  l'on  a  trouvé,  en  différcns  lems ,  de  riebes  fragmens  d'anti- 
quités, renfermait  les  bâtiinens  dcpendans  de  l'ampbilhéâtre  naumachi- 
que,  c'est-à-dire,  les  salles  de  réunion  pour  les  autorités  et  les  députés 
des  soixante  nations;  les  logemens  des  inspecteurs,  les  jardins  publics, 
les  thermes,  etc.  Ce  qui  fortifie  ectic  opinion,  c'est  la  découverte  récen- 
te d'un  aviron  en  bronze  doré  qu'un  maçon  a  déterré  dans  ce  local  et 
qu'il  a  vendu,  à  l'insu  de  son  maître.  Cet  instrument,  de  trois  pieds 
quatre  pouces  de  long  sur  six  ponces  de  large  dans  sa  partie  inférieure, 
a  été  préservé  d'une  destruction  totale  par  un  jeune  homme  passionné 
pour  les  arts,  JVl.  Carrond,  à  l'instant  où  un  orfèvre  allait  en  détacher  la 
dorure:  niais,  ce  qui  donne  beaucoup  de  regrets,  et  qui  devrait  exciter  en 
ce  moment  la  suilicitude  des  magistrats,  c'est  que  cet  aviron  parait  avoir 
été  fixé  par  deux  tiges  à  une  statue  do  fleuve  ou  de  Neptune  ,  qui  était 
sans  dcute  d'une  grande  richesse^  et  qu'on  découvrirait  vraisemblable- 
ment dans  le  même  terrain  ,  s'il  était  possible  de  reconnaître  l'ouvrier 
qui  l'a  exhumé.  Quant  à  la  peinture  allégorique  de  l'Amour  et  du  dieu 
Pan  dont  i:ous  avons  parlé,  ce  sujet  était  sans  doute  particulièrement  con- 
sacré aux  pavés  de.-»  thermes,  dont  les  eaux  salutaires  excitent  les  forces 
el  inspirent  la  volupté;  nous  croyons  que  ces  deux  divinités  athlétiques, 
placées  dans  l'enceinte  d'un  gymnase,  représentent  la  nature  aux  prises 
avec  un  sentiment  dont  on  ne  peut  se  défendre.  A.,  de  Lyon. 


EUROPE.  iii 

Sociétés   savantes  et   Étahlissnncns    d'instruction   et   fl'uli'ifr 
/mljUr/uc. 

Abras  {Pas-de-Calais).  — Société  royale  pour  V encouragement  des 
Sciences,  des  Lettres,  et  des  Arts.  — Programme  dis  prix  pour  1824.  — 
Agriculture.  «  Mémoire  >ur  les  améliorations  dont  ragriciilture  est  sus- 
ceptible dans  le  dépariement  du  Pas-de-Calais.»  Prix  :  ime  méilaille 
d'or  de  trois  cents  francs.  —  Economie  potiti(/ue.  oQuellessont  les  prin- 
cipales causes  de  la  mendicité  dan»  le  déj)«rle;iient  «lu  Pas-de-Calais,  et 
quels  seraient  les  moyens  les  plus  effi''aces  d'y  remédier.  «Prix  :  médaille 
d'or  de  trois  cents  Fraocë.  — Poésie.  Pièce  de  deux  cents  vers  au  moins 
sur  ce  sujet  :  «  Épître  qu'un  iih  adresse  à  son  père  pour  le  prier  d'être 
son  guide  dans  le  choix  d'un  état.  » — Réponse  du  père.  Prix  :  médaille 
d'or  de  deux  cents  francs.  —  Prose.  Wolice  Lislorique  sur  la  vie  et  les  ou- 
vrages de  l'abbé  Proyarl  (  Liévin-Boiiavenlure),  né  à  Doucliy-lès  Ayclle, 
arrondissement  d'Arras,  canton  de  Clroisille  ,  en  1743,  et  mort  à  Arras, 
le  25  mars  1808. — Économie  rurale.  Nouvelle  méihode  de  boiaagc, 
pour  les  terres,  qui  ne  soit  pas  plus  dispendieuse  que  celle  dont  on  fait 
usage  aujourd'hui,  mais  qui  rende  plus  diflieile  le  déplacement  des  bor- 
nes, et  soit  plus  simple  et  plus  précise  dans  ses  moyens  de  vérificalion. 
La  .Société  décernera  des  médailles  d'encouragement  à  l'auleur  du  meil- 
leur mémoire  sur  ces  deux  derniers  sujets.  —  L>s  ouvrages  envoyés  au 
concours  pour  1824»  devront  èlre  adressés  au  secrétaire  perpét'it-l  de  la 
Société  royale  d'Arras,  et  être  parvenus  avant  le  i"  juillet. 

Besançon  (Doubs). — Académie  royale  des  Sciences,  Belles-Lettres  et 
Arts,  de  Besançon.  Prix  proposés  — L'Académie  lemet  au  concoure 
pour  l'année  iS:'4  le  sujet  sui\ant  :  n  Com,bien  le  principe  de  Vlionncur  a 
conirihuè  à  l'éclat  ei  à  la  véritaitlj  gloire  de  la  uionarc'iiie  française.  » 
Le  prix  consistera  en  une  médaille  d'or  de  2O0  fraiii  s.  L'en  concurrens  fe- 
ront parvenir  leurs  ouvrages  au  secret.iire  -  perpétuel ,  avant  le  i*""  juin 
1824.  L'étendue  du  discours  ses  a  de  trois  quarts  d'heure  de  lecture, 
sans  y  comprendre  les  notes.En  ibaô,  l'Académie  décernera  le  prix  au 
meilleur  mémoire  sur  cette  question  :  Quels  sont  les  avantages  à  espé- 
rer de  V  ouverture  du  (\inai-Moasicur  pour  tes  tivis  departcmens  du 
Doubs,  du  Jura,  et  de  ta  HautL-Saûiie  :  en  supposant  que  CtS  avantages 
puissent  être  balancés  pur  quelques  ineotiviniens  lOcaux  et  momentanés, 
quiis  serai,  ni  tfs  mogens  de  parer  à  cetun  ci  ? 

CuALONS  {Marne. — Société  d'Agriculture,  Commerce.  Sciences  et 
Arts. — Séance  publique  du  27  aoCà  1825. — IVÎ.  le  préfet  occupe  le  fau- 


\\i  EUROPE 

leuil.  M.  Dupuis,  président  annuel,  ouvre  la  séance  par  un  discours  sut 
l'Education  du  lahoureur.   M.  Caquot,   secrélaire ,  rend    compte  des 
travaux  de  la  Société,  depuis  sa  dernière  séance  publique,  ainsi  que  du 
résultat  du  concours,  il  donne  une  courte  notice  nécrolojjique  sur  M.  le 
l)aron  Gorbincau,  receveur-général  des  linances  du  département,  mem- 
bre titulaire,  et  sur  M.  le  docteur  Harmand  de  Montgarny,  médecin  à 
l'aris,  membre  correspondant,  que  la  mort  a  enlevés  cette  année.  M. 
Vanzul  lit  un  discours  sur  la  Vérité  considérée  dans  lamorale  et  dans 
les  Arts.  M.  Th.  Pcin  lit  des  fragmens  d'une  comédie  en  un  acte  et  en 
vers,  intitulée  :  le  Dcinénafiemcnt  de  La  Fontaine,  Le  secrétaire  donne 
lecture  du   programme  des  prix  proposés  par  la  Société.  Le  président 
annuel  prcclame  le  résultat  îles  concours  anisF  qu'il  suit  :  Premier  con- 
cours i"  La  Société,  au  nom  de  laquelle  une  accusation  est  intentée,  ne 
devrait-elle  pas  une  indemnité  à  l'accusé  que  la  justice  absout?  En  cas 
d'affirmative,  examiner  les  motifs  qui  ont  fait  maintenir  en  France  une 
législation  contraire,  et  indiquer  les  dispositions  qui  pourraient  modi- 
fier cette  législation,  en  conciliant  l'intérêt  de  la  Société  avec  l'intérêt 
des  accusés.  »   Li-s  ouvrages  n'ont  pas  été  jugés  dignes  du  prix.  Le  sujet 
est  rctiréî — -Il  est  décerné  une  mention  honorable  :  i°  à  M.  Auguste  Vi- 
vien, avocat  à  la  cour  royale  d'Amiens,  dont  le  mémoire  portait  cette 
épigraphe  :  «  Instituée  pour  la  réparation  des  torts,  la  justice  voudrait- 
elle  que  les  siens   fussent  privilégiés?    J.  Bentham.»  2°  A  M.    L.  A.  de 
St.-J.  de  Colmont ,  de  Paris;  5°  à  M.Bouchené-Lefer,  avocat  à  la  cour 
royale  de  Paris.  Deuxième  concours  :  a  S  tatistiqne  d'un  canton  du  dépar- 
temcnt  de  la  Marne.  »  Une  médaille  d'encouragement  de  première  classe 
est  décernée  à  M.   Clialclte,  auteur  de  la  Statistique  du  canton  de  Fis- 

mes. Programme  :  La  Société  décernera,  au  mois  d'août  i8?4»  "fs 

médaille  d'or  de  ôoo  francs,  au  meilleur  mémoire  sur  ce  sujet  :  «  Exa- 
uiiner  si,  dans  l'instruction  de  la  jeunesse,  l'art  de  dire  doit  précéder 
l'art  de  raisonner;  en  d'autres  termes,  si  lenseigncraent  de  la  rhétorique 
doit  précéder  celui  de  la  logique.  » — Elle  décernera,  dans  sa  séance  pu- 
blique de  iS'iS,  une  médaille  de  la  même  valeur,  au  meilleur'mémoire 
sur  celte  question  ;  «  Quels  seraient  les  moyens  d'intéresser  davantage 
le  ftrmierà  l'amélioration  des  propriétés  qui  lui  sont  confiées,  et  de  ren- 
dre en  même  tems  le  propriétaire  u.oins  étranger  aux  chances  des  récol- 
tes? »  —  Elle  continue  d'offrir  des  prix  d'encouragemeut,  1"  à  l'auteur 
de  la  meilleure  Statistique  d'un  canton  du  département  de  la  Marne.  La 
valeur  du  jirix  sera  augmentée  lorsque  le  travail  paraîtra  assez  important 
pour  mériter  une  récompense  particulière.  Les  mémoires  sur  la  premiè- 


EUROPE.  44"> 

re  question  et  les  Statistiques  devront  être  parvenus,  francs  de  fcH,  au 
secrétaire  de  la  Société  ,  à  Cliàlons-sur-Mainc  ;  avant  le  i"  juillet  1824; 
les  mémoires  sur  la  deuxième  question,  avant  le  i"  juillet  1826;  2"  au 
médecin  ou  chirurgien  de  ce  département  qui  aura  vacciné  le  plus,  grand 
nombre  de  sujets  pendant  l'année  iSaS.  Le  prix  sera  décerné  dans  la 
séance  publique  de  1825.  —  La  Société  d'encouragement  pour  l'indus- 
trie nationale,  de  Pari»,  dans  sa  séance  du  ô  octobre  1821,  en  couron- 
nant un  mémoire  de  M.  Garnier,  ingénieiu  au  corps  royal  des  Mines, 
sur  VArt  du  Fontainier  sondeur  et  des  Puits  artésiens ,  a  annoncé 
qu'elle  décernerait  trois  médailles  de  5oo  francs  chacune  ,  aux  pro- 
priétaires qui,  avant  l'année  1824,  et  dans  un  pays  où  il  n'existe  point 
de  puits  artésiens,  auraient  introduit  l'usage  de  celte  sorte  de  puits, 
pour  servir  à  l'irrigation  de  la  plus  grande  étendue  de  terre,  laquelle  ne 
pourra  être  moindre  de  cinq  hectares.  La  Société  de  la  Marne,  dans  sa 
séance  publique  de  1824  ,  décernera  un  prix  de  200  francs  au  proprié- 
taire qui  aura  le  premier,  depuis  le  concours  ouvert  par  la  Société 
d'encouragement,  lait  établir  dans  le  départemeot  de  la  Marne  un 
puits  artésien ,  avec  les  mêmes  conditions  d'irrigation;  cette  médaille 
sera  décernée  à  celui  de  nos  concitoyens  qui  l'aura  méritée,  quand 
-même  il  aurait  obtenu,  pour  le  même  fait,  une  des  médailles  proposées 
par  la  Société  d'encouragement.  Les  communes  du  déparlement  sont 
admises  au  concours  comme-  le»  particuliers.  Les  certificats  de  l'autorité 
locale,  attestant  le  fait,  devront  parvenir  au  secrétaire  de  la  Société 
avant  le  i^''  juin  i834- 

PARIS. 

IssTiTUT.  —  Acadcinic  des  sciences.  —  },lois  d'octobbe  iS23.  — 
M.  Latreilie  fait  un  rapport  verbal  sur  l'ouvrage  intitulé  :  Monoqrapliia 
tcndredinetarum.  —  M.  (Jagniard  de  Latour  lit  un  mémoire  intitulé  : 
Expériences  diverses  à  haute  pression. (MM.  Vauquelin,  Dulong  et  Am- 
pèie  ,  commissaires.  )  Il  présente  des  observations  sur  l'aquéduc  suspen- 
du qu'il  a  fait  établir  en  1822  ,  à  Crouzol,  département  du  Puy-de  Dôme. 
(MM.  Prony,  Molard,  Fourier,  Dupiu  et  Fresnel.) —  M.  Vauquelin  lit 
des  expériences  sur  Ie5  acétates  de  cuivre  qu'il  avait  déposés  sur  le  bu- 
reau le  22  septembre  iSaô. — MM.  Ampère  et  Caucliy  font  un  rapport  sur 
le  mémoire  M.  Foëx  ,  relatif  à  {a  thcorie  des  faraUèlcs.'W  en  résulte 
que  ce  travail  ne  mérite  pas  l'approbation  de  l'Académie. — MM.  Dumas 
it  Prévost  commencent  la  lecture  d'un  mémoire  contenant  des  oiser- 
vations  microscopiques  sur  la  liqueur  séminale  de  divers  animavÀia. 


Ui  EUROPE. 

—  Pu  i5.  -  Ou  lit  une  lettre  dans  laquelle  M.  Clément  communique 
diverses  ohscrvalions  récentes  de  M"*  sur  un  ciment  analogue  à  celui 
que  M.  Parlhera  appelé  ciment  romain.  —  M.  Navicr  adresse  quelques 
explications  relatives  à  une  note  communiquée  par  M.  Cagniard  de  La- 
tour,  au  sujet  de  l'aquéduc  suspendu  de  Woolvich.  M.  Dupin  donne  de 
vive  voix  divers  celaircissemens  conccroant  le  rapport  qu'il  avait  lu  ,  et 
dans  lequel  il  est  fait  mention  de  la  construction  de  cet  aqueduc.  —  M. 
Arago  donne  lecture  d'une  note  que  M.  Becquerel  lui  a  communiquée, 
et  qui  annonce  de  nouvelles  expériences  électricques.  <■  Au  moyen  de 
galvanomètres  disposés  de  telle  sorte  que  chacun  d'eux  concourt  à  l'effet 
général,  on  es-t  parvenu  à  augmenter  indéQniment  la  sensibililé  de  cet 
appareil;  on  s'en  est  servi  pour  découvrir  les  courons  électriques  qui 
ont  lieu  :  i"  dans  la  dissolution  des  alcalis,  des  sels  et  des  acides  dans 
l'eau  ;  2°  dans  les  phénomènes  capillaires.  Les  résultats  auxquels  on  a 
été  conduit  permettent  de  suivre  pas  à  pas  tous  ces  phénomènes..— En 
envoyant  son  ouvrage  sur  l'organe  et  tes  gaz  de  la  respiration  dans  la 
fœtus,  M.  Geoffroy  Sainl-Hilaire  annonce  qu'il  l'avait  imprimé,  quand 
i!  lut  informé,  pur  deux  recueils  périodiques  Irançjis,  que  M.  Jean  Mill- 
ier faisait  paraître  à  Leipsig  un  ouvrage  intitulé  sur  la  respiration  du 
fœtus.  Il  fait  remarquer  qu'aucun  exemplaire  de  l'ouvrage  de  M.  Mill- 
ier n'est  encore  arrivé  à  Parie.  —M.  Poiteau  adresse  un  mémoire  «ur  <a 
famille  des  Lecythidées.  (MM.  Desfontaines  et  Mirbel,  commissaires.)— 
M.  Chrisiian,  professeur  au  collège  de  Bourges,  adresse  la  descriplioa 
d'un  instrument  qu'il  appelle  compas  de  sections  coniques. (M  M.  Lacroix 
et  Cauchy,  commissaires.)  — MM.  Girard  et  Prony  fbnl  un  rapport  sur  un 
mémoire  de  MM.  Chaudruc  de  Crazannes  ,  cl  Gallocheau  de  Saintes, 
intitulé  :  Observations  sur  (juetgucs  dépôts  d  huîtres  entières  trouvées 
dans  les  constructions  romaines  de  Mediolanum  Santonum  (Saintes). 
—  Les  rapporteurs  combattent  l'opinion  des  auteurs  qui  ont  conclu  de 
re  que  les  deux  valvis  des  huîtres  ont  été  trouvées  attachées  par  leur 
ligament,  qu'elles  ont  été  mires  en  œuvre  sans  que  les  mollusques  en 
eussent  élé  extraits.  Ils  peusent  qu'il  existe  dans  l'intérieur  des  terres,  ' 
aux  environs  de  Saintes  et  d'Agen ,  des  amas  d'huître.-:  non  fossiles, 
«emblables  à  ceux  que  les  membres  de  l'institut  d'Égyple  ont  trou- 
vés dans  la  vallée  de  V Égarùnxent.  Recherchant  ensuite  les  motifs  qui 
ont  pu  fai:e  adopter  parles  constructeurs  de  Saintes  l'usage  d'établir 
le  sol  factice  ou  le  pavage  de  certain  édifice  sur  un  lit  de  coquilles  d'huî- 
tres supportées  elles-mêmes  par  des  couches  de  charbim ,  de  cen- 
dre., et  d'os  calcinés,  les  rapporteurs  croient  que  les  huîtres  remplissent 
tout  simplement  l'objet  de  la  seconde  des  trois  couches  dont  les  Ro- 


F.UROPE.  445 

maius  formuicnf  le  miis-iifsur  lequel  ils  asseyaient  le  pavage  des  parties 
inférieures  de  leurs  habitations,  pour  les  garantir  de  l'humidité,  et  que 
les  constructeurs  de  Saintes  et  d'Agen  ont  employû  de  préférence  les 
huîtres,  parce  qu'ils  en  onl  trouvé  des  amas  naturels  dans  le  pays. 
(Adopté.)  —  M.  Hachette  lit  uo  mémoire  intitulé:  De  la  mesure  des  ef- 
fets dynamiques  dans  les  machines,  (M.M.  Prony,  Molard  et  Ampère, 
commissaires.)  —  MM.  Prévost  et  Dumas  acîiévent  la  lecture  de  leur  mé- 
moire sur  la  liqueur  séminale  des  animaux.  (MM.  Cuvier,  Duméril, 
Savigny  et  Mirbel,  commissaires.) 

—  Du  20.  —  M.  Barbier  demande  à  faire,  en  présence  de  l'Académie, 
l'expérience  d'un  nouveau  procédé  qui  a  pour  objet  de  rendre  simple  et 
facile  l'instruction  privée  des  aveugles.  (MM.  de  Lacepède  et  Ampère, 
commissaires.)  —  M.  John  Walsh  adresse  de  nouvelles  observations  re- 
latives au  calcul  du  Binôme.  (MM.  Poisson  et  Cauchy,  commissaires.) 
—  M.  Dupont,  naturaliste,  demande  que  l'Académie  fasse  examiner  son 
cabinet  de  pièces  anatomiques  et  pathologiques.  i^MM.  Duméril  et  Ma- 
gendie  ,  commissaires.)  —  M.  Circaud  des  Geslins  écrit  de  la  Clayette 
(Saône-et-Loire),  qu'il  a  inventé  une  charrue  préférable  à  toutes  celles 
dont  on  fait  usage.  Il  désire  concourir  pour  le  prix  fondé  par  M.  de 
Montyun.  On  l'invite  à  envoyer  des  plans  ou  des  modèles ,  avant  le  1" 
janvier  1824.  — M.  Chaptal,  au  nom  d'une  commission,  fait  un  rapport 
sur  le  Hjémoire  de  M.  Julia  Fontcnelle  ,  intitulé  :  Expérience  sur  (a  fer- 
mentation vineuse.  M.  Julia  s'est  proposé  de  déterminer  la  quantité  du 
produit  en  vin  et  en  alcool  que  donnent  comparativement  les  différens 
plants  de  vigne  du  même  âge  et  sur  le  même  sol.  L'Académie  approuve 
le  travail  de  M.  Julia  ,  et  l'engage  à  continuer  ses  recherches.  —  M.  de 
Humboldt  communique  l'extrait  d'une  lettre  de  M.  Boussingault  (  â 
Santa-Fé  de  Bogota),  annonçant  qu'il  a  trouvé  dans  les  Cordillières  de 
Santa- Bosa,  entre  Tanja  et  le  plateau  de  Bogota  ,  plusieurs  masses  de 
fer  météorique  très-duclile  Le  poids  de  l'une  des  masses  est  d'environ 
5o  quintaux.  M.  Boussingault  a  nivelé  avec  RI.  Olivera,  au  moyen  de 
plusieurs  baromètres  de  Fortin,  tout  le  pays  montagneux  qui  s'étend  de 
Caracas  à  Santa-Fé. Ces  voyageurs  ont  observé  avec  soin  les  variatii>ns  ho- 
raires ,  et  ont  recueilli  un  grand  nombre  d'observations  chronométriques 
et  de  latitude.  —  M.  Magendie  communique  l'observation  qu'il  a  faite 
récemment  d'une  maladie  qui  a  paru  offrir  tous  les  caractères  de  Thydru- 
phobie.  Il  a  injecté  dans  les  veines  d'un  bras  environ  une  pinte  d'eau  à 
la  température  du  sang,  et  les  symptômes  ont  entièrement  cessé.  M.  Ma- 
gendie fait  remarquer  dans  l'état  du  malade  divers  accidens  fâcheux  in- 


446  EUROPE. 

dépendaos  de  la  cause  principale.  —  M.  Gambey  lit  un  mémoire  dans 
lequel  il  propose  un  nouveau  moyen  de  diviser  avec  précision  les  inslrU- 
men-:  astronomiques,  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  faire  coïncider  le  cen- 
tre de  la  plaie-forme  et  celui  de  rinslrument.  (  Mil.  Prony,  Mathieu  et 
Fresnel,  commissaires.)  —  M,  Hachette  continue  b  lecture  de  son  mé- 
moire sur  la  mesure  des  effets  dynamiques.  Ce  second  chapitre  concerne 
l'exploitation  des  carrières  aux  environs  de  Paris.  L-auteur  a  t'ait  précé- 
der cette  lecture  d'observation»  relatives  a  diverses  pompes,  savoir  :  cel- 
les de  Lahire,  la  pompe  rotative  anglaise,  celle  de  M,  Conté,  et  celle  de 
M.  ArnoUet.  —  M.  Strauss  lit  un  mémoire  d'analomie  comparée,  dans 
lequel  il  traite  des  animaux  articules. 

—  Du  27.  —  M.  Gambey  envoie  la  description  et  le  dessin  d'un  appa- 
reil à  l'aide  duquel  on  peut  vérifier  l'horizontalité  de  l'axe  d'une  lunette 
méridienne  dans  toutes  les   positions  de   l'instrument.  (MM.  de  Hum- 
boldt,Arago  et  Gay-Lussac, commissaires.) — M.  Ferrand  transmet  un  mé- 
moire contenant  de  nouvelles  explications  relatives  à  un  bateau  remon- 
teur et  navigateur  dont  il  a  proposé  l'usage.  (MM.  Piony,  Girard  et  Mo- 
lard,  commissaires.)  —  M.  Turban,  père,  propose  l'emploi  du  plâtre  dé- 
layé dans  l'eau  tiède  pour  guérir  les  engelures.  Il  annonce  aussi  avoir  fait 
tisser  des  couvre-pieds  très-économiques.  (MM.  Fourier  et  Magendie, 
commissaires.)  —  M.  Hachette  communique  une  note  relative  à  des  ex- 
périences sur  la  vitesse  du  son,  par  M-  Olynlhus  Gregory,  professeur  à 
l'Académie  de  Woolwicb.  —  M.  Magendie  annonce  que  le  malade  chei 
lequel  on  avait  observé  les  symptômes  de  l'bydrophobie ,   vient  de  suc- 
comber par  suite  d'autres  accidens  très-graves  qu'il  avait  d'abord  fait  re- 
marquer. —  M.  Geoffrov  Saint-Hllaire  lis  un  mémoii-e  intitulé  :  Consi- 
dérations sur  ta  hoursect  l'utérus  des  animaux  marsupiaux  ;  sur  la  com- 
position et  les  rapports  intimes  de  ces  organes  ;  sur  les  artères  qui  s'y  dis- 
l'-ibuent,  et  le  haut  développement  de  la  charpente  osseuse  qui  les  en- 
toure, et  sur  l'action  de  ces  deux  poches  d'incubation  dans  la  formation 
du  fœtus.  — M.  Vauquelin  fait  un  rapport  sur  un  mémoire  qui  avait  été 
présenté  par  M.  Cagniard  de  Lntour,  et  qui  est  relaùl' à  diverses  expérien- 
ces physico-chimiques  sur  des  corps  soumis  à  l'action  simultanée  de  la 
chaleur  et  de  la  pression.  0  Nous  pensons,  dit  en  terminant  le  rapporteur, 
que  la  plupart  des  expériences  que  M.  Cagniard  de  Latour  offre  comme 
des  applications  de  ses  connaissances  eu  mécanique  à  la  chimie,   sont 
mtéressantes  et  curieuses;  que  plusieurs  des  conséquences  qu'il  en  tire 
sont  ingénieuses,  et  pourront  trouver  des  applications  utiles  à  la  pratique 
des  aits.  Nous  pensons  ,  en  outre,  qu'on  doit  savoir  gré  à  M.  Cagniard 


EUROPK.  447 

du  zèle  qui  l'a  porté  a  cnlrcprcndre  ce  genre  de  recherches ,  que  nous 
considérons  coiiimo  une  nouvelle  mine  à  exploiter,  et  pour  la  découverte 
de  laquelle  nous  proposons  à  l'Académie  d'accoiiler  son  approhaiiou. 

—  M.  Gay-Lussac,  au  nom  de  la  section  d;-  pli),sique,  (ail  un  rapport 
sur  le  projet  de  M.  l'architecle  Alavolne,  qui  a  proposé  de  reconstruire 
en  l'er  coulé  la  flèche  de  la  cathédrale  de  Rouen,  en  lui  donnant  la  forme 
d'une  pyramide  quadrangulaire  de  79  met.  de  hauteur,  ce  qui  porterait 
le  sommet  de  l'édifice  à  i58  met.  au-dessus  du  sol.  La  section  de  physi- 
que est  d'avis  que  la  pyramide  en  fer  ne  piésenle,  relativement  à  son 
action  sur  l'électricité  atmosphérique,  aucun  inconvénient  qu'on  ne 
puisse  éviter.  Elle  deviendra  même  un  excellent  paratonnerre  (>our  la 
calhéilrale  et  les  bâtimcns  environnans,  en  la  i'aisant  communiquer  avec 
un  sol  humide,  au  moyen  de  deux  barres  de  l'er  de  27  à  3a  millimcl.  de 
côté  en  carré. — M.  Girard  fait  un  rapport  sur  le  mémoire  de  M.  de  Thi- 
vilie,  intitulé:  Observations iur quelques  erreurs  en  physique.  Les  erreurs 
signalées  par  M.  de  ïhiville  se  réduisent  à  deux  :  l'une  sur  la  forcemuscu- 
laire  des  animaux  considérés  comme  moteurs  ;  l'autre ,  sur  le  frottement 
des  liquides  en  mouvement  contre  la  surface  des  corps  solides.  Il  ré- 
sulte du  rapport  qu'il  y  a  bien  long  temps  qu'il  n'est  plus  question  ea 
physique  des  erreurs  dont  parle  M.  de  Thiville  ;  et  que  ses  observations 
ne  prouvent  autre  chose ,  sinon  qu'il  ne  s'est  point  tenu  au  courant  de  ces 
deux  sciences.  —  D'aptes  le  rapport  de  M.  Cauchy,  l'Académie  approu- 
ve le  mémoire  de  M.  Téxier  de  Montainville,  qui  a  pour  objet  l'inscrip- 
tion des  cinq  corps  réguliers  dans  la  sphère.  —  M.  Flouretss  présente 
un  mémoire  sur  i'aclion  des  diverses  parties  de  l'organe  cérébral. 

A.  M.  T. 

—  Académie  française.  —  Séance  extraordinaire  du  \  novembre  iS'i.î. 

—  M.  Auger  lit  deux  Notices  historiques  et  littéraires ,  l'une  sur  l'^é- 
vare,  et  l'autre  sur  Georges  Dandin.  M.  Aignan ,  sa  traduction  en  vers 
de  VHymne  à  Cérès,  atlri!)ué  à  Homère,  et  qui  doit  faire  partie  du  5« 
vol.  de  la  Bibliothèque  étrangère.  M.  Lémontey,  une  Notice  sur  il/"' 
Clairon. 

—  Société  d'encouragement  pour  l'industrie  nationale.  —  Séance  gé- 
nérale annuelle  du  29  octobre  iSîJ.  —  L'assemblée  était  présidée  par 
M.  Chaptal,  pair  de  France.  M.  de  Grrando,  secrétaire,  a  fait  con- 
naître, par  une  analyse  claire  et  rapide,  le  résultat  de  chacun  des  con- 
cours ouverts  en  i8?.2.  —  Sur  vingt  prix  proposés  ,  deux  ont  été  rempor- 
tés; un  troisième,  ajourné  pour  éclaircissemeiil.  Deux  concurreris  ont 
approché  d'assez  près  d'un  quatrième  et  cinquième  prix,   pour  mériter 


448  EUROPE. 

chacun  une  médaille  d'or.  Enfin,  sur  les  dix-sept  questions  qui  ont  été 
remises  au  Loncours,  il  en  est  neuf  qu'on  peut  regarder  coMiine  à  peu 
près  résolues.  —  Il  reslait  du  concours  de  l'année  dernière  deux  pris  , 
dent  la  délivrance  avait  été  suspendue  pour  appel  à  l'expérience;  ils  ont 
été  déiinitivement  adjugés.  Ln  troisième  n'avait  élé  délivré  que  par- 
tiellement par  le  même  molif  ;  il  a  été  complété.  Les  récompenses  dé- 
cernées dans  celte  séance  s'élèven»  à  la  somme  de  jôoo  fr. — Chaque  co- 
mité a  fait  ensuite  ses  rapport»  particuliers  et  détaillés,  sur  Ks  divers  su- 
jets de  prix  dont  la  proposition  avait  donné  lieu  à  des  tentatives  plus  ou 
moins  heureuses. — Sur  le  rapport  de  M.  Molard  jeune,  membre  du  co- 
mité des  arts  mécaniques,  le  piix  de  2000  fr.  ayant  pour  objet  l'application 
de  la  machine  à  vapeur  aux  presses  d'imprimerie,  a  été  adjugé  à  M.  Sel- 
ligue, mécanicien  à  Paris,  rue  des  Vieux-Augustins  ,  n"  8.  L'auleur  a  six 
presses  de  ce  genre  en  activité  depuis  six  mois;  elles  servent  à  impri- 
mer des  journaux  ou  d'autres  ouvrages.  La  maciiine  à  vapeur  qui  les  fait 
mouvoir  est  de  la  force  de  quatre  chevaux,  et  travaille  habitueilemeut 
sous  la  pression  des  deux  atmosphères.  La  dépense  est  de  i5  fr.  par  jour 
pour  les  six  presses,  ce  qui  fait,  peur  chacune,  2  fr.  5o  c.  Cette  dé- 
pense, comparée  à  celle  de  la  meilleure  presse  ordinaire  ,  est  dans  le 
rapport  de  5  à  8.  —  Sur  la  proportion  du  même  comité,  une  mé- 
daille d'or  de  la  valeur  de  5oo  fr.  a  été  décernée  à  MM.  Van  Honlem 
père,  et  Sevin  de  Beauregard,  propriétaires  de  la  fabrique  d'aiguilles  de 
Marouvel,  près  Laigle  (Orne),  en  récompense  des  efforts  qu'ils  ont  faits 
pour  perfectionner  cette  fabrication. — M.  Mérimée,  membre  du  co- 
mité des  arts  chimiques,  a  fait  un  rapport  sur  le  concours  relatif  à  la  fa- 
brication du  cuivre  en  bâtons,  à  l'usage  des  tireurs  d'or.  M.  Gardon  et 
MM.Villetle  frères,  de  Lyon,  ont  atteint  le  but  désiré;  leurs  produits  sont 
également  beaux.  Mais  les  quantités  livrées  au  commerce  n'ayant  pu 
être  vérifiées  à  tems,  la  délivrance  du  prix  a  été  ajournée  jusqu'à  plus 
ample  information.  —  Sur  Ne  rapport  du  même  membre,  une  médaille 
d'or  de  5oo  fr.  a  été  décernée  à  M.  Vieat,  ingénieur  des  ponls-ct-chaus- 
âées,  à  Souillac  (Lot-et-Garonne),  pour  avoir  approché  du  prix  relatif  à  la 
composition  d'une  matière  plastique,  se  moulant  comme  le  plâtre,  et 
capable  de  se  durcir  à  l'air  autant  que  la  pierre.  Les  échantillons  envoyés 
par  M.  Vicat  ont  résisté,  pendant  deux  ans,  à  l'épreuve  de  la  gelée. — 
Un  troisième  rapport  a  été  fait  ,  par  M.  Mérimée  ,  sur  la  fabrication  du 
cuir,  façon  de  Russie.  Le  prix  de  ôooo  fr.,  proposé  pour  cet  objet,  avait 
été  décerné,  en  1822,  à  MM.  Duval-Duval  et  Grouvelle  ;  mais  la  moitié 
seulement  de  cette  somme  leur  avait  été  délivrée.  On  voulait  s'assurer 


EUROPE.  ^0 

si  l'odeur  des  peaux  qu'ils  avaient  préparées,  odeur  dont  l'identité 
avec  celle  des  cuirs  de  Russiie  avait  été  bien  conslatée  par  le  comité  des 
arts  chimiques,  ne  s'aû'aiblirait  point  au  l)Out  d'un  certain  teins.  Sun  in- 
tensité ayant  paru  la  même,  après  un  an  d'épreuve,  et  les  coucurren:> 
ayant  d'ailleurs  ajouté  à  leur  procédé  de  nouveaux  perfeclionnemen»,  la 
lof  alité  du  prix  leur  a  été  définitivement  adjugée.  —  Le  prix  de  i5oo  l'r. 
pour  la  culture  du  pin  laricio,  et  celui  de  looo  fr.  pour  la  culture  du  pin 
d'Ecosse,  réservés,  en  1832,  savoir  :  le  premier,  à  M.  de  Lnrgeril,  maire 
de  Rennes;  et  le  second,  à  M.  Trorhu  ,  propriétaire  à  Belle  -  Isle-en- 
Mer,  leur  ont  été  adjugés  définitivement ,  sur  le  rapport  de  M.  Bosc  , 
membre  du  comité  d'agriculture.  —  M.  Trochu  a  déclaré  qu'il  se  pro- 
|)osait  d'employer  entièrement  la  valeur  de  son  prix  à  de  nouveaux 
semis,  projet  d'autant  plus  digne  d'éloges,  que  l'île  qu'il  habite  est 
entièrement  dépourvue  de  bois.  —  M.  Uuzard,  membre  du  même  co- 
mité, a  rendu  compte  du  ré-ultat  du  concours  ouvert  par  M.  Ternaux , 
pour  le  meilleur  Mémoire  sur  les  avantages  qu'on  peut  se  promettre, 
suivant  les  circonstances  et  les  localités,  de  l'éducation  des  moutons  à 
laine  supcrCne  d'Espagne,  et  sur  le  croisement  des  races  de  moutons  de 
France. —  Le  prix,  consistant  en  une  somme  de  3oo  fr.,  a  été  décerné  à 
M.  Perrot  de  Jotems,  l'un  des  propriétaires  du  beau  troupeau  de  IVaz, 
commune  de  Ccssy ,  département  de  l'Ain.  Cet  agronome  distingué  avait 
déjà  concouru,  pour  le  même  prix,  en  1S22,  et  obtenu  une  médaille 
d'argent. —  Deux  nouveaux  prix  ont  été  proposés,  l'un  de  i5oo  t"r.  pour  la 
meilleure  râpe  à  betteraves  ,  et  l'autre  de  1200  fr.  pour  lameilleure  presse 
àexprimer  le  sucde  celte  plante.  L'un  et  l'autre  seiontdécernés  en  1824. 
—  La  fin  de  celte  séanco,  déjà  si  pleine  d'intérêt,  a  présenté  une  cir- 
constance remarquable.  Les  coins  qui  servent  à  frapper  les  médailles  de 
la  Société,  et  dont  l'exécution  est  un  chef-d'œuvre  de  l'url  numismati- 
que, sont  l'ouvrage  et  en  même  tems  un  don  de  feu  M.  Tiolicr  père, 
graveur-général  des  monnaies;  mais  la  grandeur  du  module  empécliait 
qu'on  en  fît  usage  pour  des  médailles  d'or  au-dessous  de  5oo  fr. ,  ce  qui 
en  rendait  l'emploi  rare  et  applicable  seulement  aux  primes  df  première 
classe.  M.  Tiolicrfils,  héritier  des  talens  et  du  ilésinléressement  de  son 
père  ,  afin  de  mettre  la  Société  à  même  de  multiplier  les  marques  de  sa 
générosité,  a  gravé  pour  elle  une  nouvelle  médaille  de  plus  petite  di- 
mcn?ion  que  la  première,  et  a  saisi  le  moment  de  sa  réunion  en  assem- 
blée générale  pour  lui  en  faire  !iomm;ige.  La  Société  lui  a  témoigné  sa 
ii-connaissance  par  ses  applaud'sseiuins,  et  de  plus  elle  a  décidé,  sur 
la  proposition  de  M.  Mérimée,  qu'une  empreinte  en  or  de  cette  racmc 
T.  XX. — iS'o'.'e.nibrc  i8'i~).  %j 


45o  EUROPE. 

médaille  serait  oHertc  à  M.  Tiolier,  dans  sa  procliaine  séance  générale. 
—  Les  fabricans  ont  montré  beauroup  d'empressement  à  relever,  p.ir 
l'exhibition  de  leurs  produits ,  i'éclat  de  cette  solennité.  On  y  voyait 
deux  des  grands  candélabres  imitant  le  porphyre,  de  la  manufacture  de 
Srfrguemines,  une  coupe  en  argent ,  de  M.  Fauconnier,  orfèvre,  et  un 
vase  en  bronze,  du  même  artiste,  ainsi  qu'une  multitude  d'autres  ou- 
vrages des  plus  remarquables  parmi  ceux  qui  ornaient  l'exposition  du 
Louvre  ,  et  dont  les  auteurs  ont  obtenu  des  distinctions  honorables. 
Concours  ouvert  pour  les  années  1824,  189.5   et   i85o.  G, 

Arts  mécaniques.  —  Constrnclioii  d'une  machine  propre  à 

travailler  les  verres  d'optique , 2,5oofr. 

Construction  d'un  moulin  à  moudre  et  à  concasser  les  grains, 

qui  puisse  être  adapté  à  toutes  les  exploitations  rurales ^,000 

Fabrication  des  aiguilles  à  coudre 3, 000 

Application  de  la  presse  hydraulique  à  l'extraction  des  hui- 
les, du  vin  ,  et  en  général  dis  sucs  des  fruits a,09O 

Construction  d'une  machine  propre  .i  raser  les  poils  des 

peaux  employées  dans  la  chapellerie 1,000 

Fabrication  du  Cl  d'acier  propre  à  faire  les  aiguilles  à  cou- 
dre       6,000 

Amélioration  des  fontes  françaises 6,ooq 

Perfectionnement  du  moulage  en  fonte 6,000 

Construction  d'une  machine  pour  lâper  les  betlera*es. . . .      «,5oo 
Construction  d'une  machine  pour  presser  la  pulpe  des  bet- 
teraves  k «  >ooo 

Arts  chimyjues.  —  Etauiage  des  glaces  à  miroirs,   par  un 

procédé  différent  de  ceux  qui  sont  connus 2,4oo 

Perfectionnement  des  matériaux  employés  dans  la  gravure 

en   taille-douce i,5oo 

Préparation  du  1       et  du  chanvre,  sans  employer  le  rouis- 

jage 6,000 

Découverte  d'un  métal  ou  d'un  alliage  moins  oxidable  que 
le  fer  et  l'acier,  propre  à  être  employé  dans  les  machines  à  di- 
viser les  substances  molles  et  alimentaires 0,000 

Fabrication  des  creusets  propres  à  la  fonte  de  l'acier s,ooo 

..Perfectionnement  dans  la  fabrication  des  cordes  d'instru- 

mens 2 .000 

Fabrication  du  papier  avec  Técorce  du  mûrier  à  papier.  . .      5, 000 
ÀH$  cconomiqacs.  —  Fabrication  de  la  colle  de  poisson. . .      a,oo(.i 


EUROPE.  45 1 

Construction  d'un  moulin  à  bras  pour  écosser  les  légumes 
sets 1 ,000  fr. 

Découverte  d'une  matière  su  moulant  comme  le  plâtre,  et 
capable  de  résister  à  l'air  autant  que  la  pierre 2,000 

Moyens  d'occuper  les  aveugles 1 ,000 

Conservation  des  substances  alimentaires,  par  le  procédé 
de  M.  Appert,  exécuté  en  grand,  ou  par  tout  autre  moyen.,      y, 000 

Olssécation  des  viandes 5, 000 

Agriculture.  —  Semis  de  pins  du  Kord  ou  de  pins  de  Corde, 
connus  sous  le  nom  de  laricio ,  cl  semis  de  pins  d'Ecosse. . .      1,000 

Construction  d'uù  moulin  pour  nettoyer  le  sarrasin 600 

Importation  en  France  et  culture  de  plantes  utiles  à  l'agri- 
culture ,  aux  manuiactures  ou  aux  arts  ,  i*^^  prix 2,000 

•2'    prix 1,000 

Introduction  des  puiis  artésiens  dans  un  pays  où  ces  sortes 
de  puits  n'existent  pas.  (Trois  médailles  d'or  de  la  valeur  de 
Soo  fr.  cbacune.') 1 ,5oo 

Concours  ouvert  pour  l'année  i85o.  —  Plantation  de  ter- 
rains en  pente,  \"  prix 3, 000 

7.'  prix i,5oo 

Total  des  prix  offerts  par  la  Société 76,600  fr. 

Société  Asiatique.  —  Cette  Scciété  continHC  avec  assiduité  ses  in- 
téiessans  travaux.  M.  de  Lasleyric,  qui  la  présidait  dans  sa  dcrniéie 
séance  du  5  novembre,  a  annoncé  que  le  texte  chinois  et  la  traduction 
latine  d'un  ouvrage  philosophique  de  Alencius,  qui  vivait  dans  le  qua- 
trième siècle  avant  Jésus-Christ,  étaient  presque  entièrement  lithogra- 
jihiés  et  imprimés,  et  qu'ils  seraient  mis  en  vente  incessamment.  Le 
'Journal  asiatique  de  cette  société  se  continue  avec  succès,  et  parait  fort 
régulièrement  à  la  fin  de  chaque  mois ,  chez  Dondey  Dupré  père  et  fils , 
rue  Saint-Louis,  n"  46,  au  Marais.  !.. 

ATHKNtE  ROYAL  oB  PâBis.  — Programme  fourt'an  1824. —  De  tous  les 
établissemens  littéraires  de  Paris,  VAthénéc  royal,  nommé  autrefois 
Lycée-,  est  un  de  ceux  qui  ont  le  plus  contribué  iiux  progrès  des  sciences 
«t  des  lettres  :  les  savans  et' les  littérateurs  les  plus  distingués  de  la 
France  y  ont  professé  tour-à-lour.  C'est  pour  cet  établissement  que  La- 
iiAKrE  fit  son  Cours  de  littérature,  Gisgoehé  son  Histoire  littéraire  de 
l'Italie,  FoL'BCROi  son  Système  des  connaissances  chimiques,  M.  La  m  eb 
ciER  son  Cours  analytique  de  littératuie  générale,  et  c'est  diins  cet  éla- 


45a  EUROPE. 

blissemcnt  que  ^I.  Clvier  a  fait  ces  belles  leçons  d'histoire  naturelle  et 
d'aaatomie  comparée  j  qui  lui  ont  mérité  les  suffrages  de  toute  l'Europe. 
Les  chaires  de  l'Athénée  ont  été  constamment  ouvertes  à  tous  le»  profes- 
seurs célèbres,  et  on  s'est  plu  à  y  encourager  d'une  manière  particulière 
tous  les  jeunes  talens.  Satisfaire  le  goùl  des  gen?  instruits  ,  suppléer  à 
l'instruction  des  autres,  rappeler  aux  uns  ce  qu'ils  savent,  apprendre 
aux  autres  ce  qu'ils  ignorent  ou  ce  qu'ils  n'ont  appris  qu'imparfaitement, 
inspirer  l'amour  des  bonnes  étudea  à  ceux  qui  ne  l'ont  pas  encore,  se- 
conder les  études  des  autres  ,  occuper  agréablement  les  personnes  âgées 
qui  sont  fatiguées  du  poids  des  affaires  ou  qui  sont  ennuj'écs  des  plaisirs  , 
enfin,  offrir  aux  jeunes  gens  qui  ont  mal  fait  leurs  études  classiques  ou 
qui  ne  les  ont  pas  finies,  les  moyens  de  les  compléter  et  de  les  perfec- 
tionner ,  tel  Cït  le  but  et  telle  est  l'utilité  de  l'Athénée.  Cet  établisse- 
ment n'est  pas  seulement  utile  aux  habitans  de  la  capitale;  il  l'est  plus 
aux  étrangers,  qui  vivent  isolés  et  sans  famille  au  milieu  de  ce  tourbil- 
lon de  tous  les  peuples  ,  et  qui  ne  sachant  souvent  comment  varier  les 
occupations  de  leur  vie  ,  trouvent  à  l'Athénée  une  société  d'hommes 
choisis,  des  salles  de  cotwersation  et  de  lecluret  une  bHiiiolhè<fue  com- 
posée de  bons  ouvrages,  les  nouveautés  les  plus  intéressantes,  Aa  jour- 
naux littéraires  et  folitiques  ;  enfin  ,  des  cours  agréables  et  variés  sur 
les  principales  branches  des  connaissances  humaines. 

Tableau  des  Gocbs  et  des  Lectuabs. 

Première  section.  MINI. 

Physique  exfcri  ment  aie -Pouiilet. 

Chimie Dumas. 

Anatomii  et  Physiologie Magekdie. 

Astronomie Fbancoecb. 

Seconde  section. 

Littérature Paeent-Réai. 

Histoire  littéraire  de  la  France Villknave. 

Art  oratoire Mehvillb. 

Histoire  d'Angleterre Mics«r. 

Indépendamment  de  ces  cours  réglés,  MAI.  Jomabd,  membre  de  l'A- 
cadémie des  inscriptions  et  belles-lettres,  Deson  ,  membre  de  l'Iustitut 
(Académie  des  beaux  arts),  F.  BoDts,  Victobi.n-Fabbe,  de  L*  Bebgebie, 
DcBOis,  Febvb,  Savabda.-^  et  sulres  savacs  et  hommes  de  lettres,  ont 
promis  de  faire  des  lectures  sur  différens  sujets  de  leur  choix. —  La 
XXXIX'  année  athénéenne  commencera  le  i5  novembre  1825,  et 
finira  le  16  novembre  i8a4.  Quelle  que  soit  l'époque  de  la   souscrip- 


EUROPE.  45> 

lion  y  ces  dates  en  détcriniocnt  invariablemcnl  la  durée.  L'Athénée  est 
ouvert  tous  les  jours,  depuis  neuf  heures  du  matin  jusqu'à  onze  heures 
et  demie  du  soir.  Les  souscripteurs  reçoivent ,  le  dimanche  ,  le  bulletin 
des  leçons  de  la  semaine  suivante.  Tous  les  cours  auront  lieu  le  soir.  Le 
prix  de  la  souscription  est  de  i20  francs  pour  les  hommes  ,  et  de  60  fr. 
pour  les  dames;  celui  de  l'admission  de  MM.  les  étudians,  pendant 
toute  la  durée  des  cours  ,  est  de  60  francs.  Le  bureau  pour  les  abonne- 
mens  est  ouvert  tous  les  jours  au  secrétariat  de  l'AthénéL',  rue  de  Valois 
(ci-devant  rue  du  Lycée),  n"  2,  au  coin  de  la  rue  Saint-Honoré  et  de 
la  place  du  Palais  Royal. 

Athénée  des  Dames. — Une  Société  académique  de  femmes  vient  de  s'é- 
tablir, sous  ce  nom,  dans  un  hôtel  de  la  place  Vendôme.  Le  premier  nu- 
méro des  Annales  littéraires  a  paru.  On  y  lit  avec  intérêt  les  discours 
d'ouverture.  S.  A.  R.  M™^  la  duchesse  de  Berry,  voulant  contribuer  A 
l'agrandissement  de  cette  Société,  vient  de  l'honorer  de  sa  jouscription. 
M™'=  la  maréchale  duchesse  de  Regfjio  s'est  fait  inscrire  aussi  sur  la  liste 
de  cette  Société,  qui  compte  parmi  ses  membres  un  grand  nombre  de 
personnes  de  la  plus  haute  distinction. 

Conservatoire  des  Art»  et  Métiers  (ancienne  Abbaye  Saint-Martin, 
rue  Saint-Martin).  —  Les  cours  publics  et  gratuits,  fondés  dans  ce  bel 
et  utile  établissement  par  l'ordonnance  royale  du  25  novembre  1819, 
ont  été  ouverts  samedi  29  de  ce  mois.  Ils  continueront,  chaque  semaine  , 
à  deux  heures  et  demie  précises,  ainsi  qu'il  suit  :  Mécanique  appliquée 
aux  arts,  professeur,  M.  Ch.  Dupin,  les  mercredi  et  samedi;  Chimie 
appliquée  aux  arts,  M.  Clément-Dksormes,  les  lundi  et  jeudi  ;  Econo- 
mie industrielle,  ISL  J.  B.  Sa  y,  les  mardi  et  vendredi. 

École  spéciale  des  Langues  orientales  (  à  la  Bibliothèque  du  Roi).  — 
Les  cours  de  cette  école  vont  recommencer,  le  lundi  i^'  décembre,  dans 
l'ordre  suivant  ; 

Cours  de  Persan,  M.  Langlès;  lundi,  mercredi,  vendredi,  9  heures 
du  matin. 

Arate,  INL  SvLVEaTaE  deSacv;  mardi,  jeudi,  saofédi,  11  heures 

du  matin. 
Arabe  vulgaire ,  NL  Cacssin  dk  Pkrcevai.  fils;  lundi,  mercredi, 

vendredi,  à  midi. 
Turc,  M.  Amédée  Jacbeht;  mardi,   jeudi-,  samedi,  9  heures 

du  matin. 
Arménien ,  M.  Cibbied  ;    mêmes  jours,   à  6  heures  et  demis 

du  soir. 


454  EUROPE. 

Grec  moderne,  M.  Hasse  ;  lundi,  mercredi  ,  veudrcdi,  à  2  heu- 
res et  demie  du  soir. 

Gymnase  r.ormal,  civil  et  mUitaire.  ■ —  Séance  puhiique.  —  Le  di- 
manche 26  octobre,  ce  bel  établissement  a  été  le  rendez -tous  d'une 
société  aussi  nombreuse  que  brillante  :  la  distribution  des  prix  aux  élèves 
civiis  et  militaires,  les  exercices  et  lesprogiès  étonnans  de  cette  jeunesse, 
confiée  aux  soins  de  M.  le  colonel  Amobos,  ont  reçu  des  applaudissemens 
unanimes  et  bien  mérites.  Dans  la  carrière  delà  gymnastique,  ouverte 
en  France  par  M.  Amoros  ,  le  succès  appelle  le  succès,  et  chaque  séance 
générale  offre  aux  spectateurs  les  attraits  de  la  nouveauté.  Celle  dont 
nous  parlons  a  fait  concevoir  les  plus  grandes  espérances  :  des  enl'.ins 
de  5  à  6  ans  y  ont  l'ait  preuve  d'une  adresse,  d  une  force  et  d'un  courage 
extraordinaires,  et  dont  ils  apprennent  en  même  tems  à  faire  le  plus  ho- 
norable emploi.  Mais,  ce  qui  ajoute  encore  à  l'intérêt  de  cette  séance, 
c'est  que  M.  le  directeur  a  fait  connaître ,  dans  son  discours  d'ouverture 
que  ces  exercices  conviennent  également  à  la  jeunesse  des  deux  sexes; 
qu'ils  ont  été  suivis  avec  un  succès  remarquable  par  de  jeunes  person- 
nes ,  les  unes  d'une  constitution  faible ,  et  qui  ont  acquis  le  trésor  d'une 
bonne  santé;  les  autres,  affectées  de  quelques  déformations,  soit  natu- 
relles, soit  accidentelles  ,  et  dont  les  membres  ont  repris  leurs  formes 
ordinaires.  Ces  exercices,  dont  le  but  est  si  louable  et  le  résultat  si  tou- 
chant ,  où  tout  est  prévu  pour  la  décence  et  pour  les  soins  de  la  santé , 
dirigés  et  surveillés  par  des  médecins  habiles,  rappellent  quelques  éla- 
biissemens  analogues  formés  en  Suisse,  en  Allemagne  et  en  .\nglcterre. 
Celui  de  M,  Amoros  a  le  très-graud  mérite  d'amener,  par  l'attrait  du 
plaisir,  ou  la  guérison ,  ou  raccroiîisement  de  la  santé  et  de  tous  les  biens 
dont  elle  est  la  source.  C'est  un  nouveau  présent  que  M.  le  directeur  du 
gymnase  nous  a  fait.  F. 

Jnslruclionpublifjue.  —  Etablissement  de  M,  H.  Boismont^  rue  Man- 
dar,  n"  5. — Cet  établissement,  où  sont  enseignés  simultanément  le  grec, 
le  latin,  l'anglais,  la  grammaire  française,  les  mathématiques,  l'hisloirc, 
la  géographie,  le  dessin,  vient  de  terminer  son  année  scolaire.  Les  élè- 
ves qui  coinposent  l'école  secondaire  ont  été  soumis  à  l'examen  de  pro- 
fessseurs  habiles  et  de  littérateurs  distingués;  cette  épreuve  a  convaincu 
tous  l'"s  auditeurs,  qu'un  grand  nombre  de  ces  jeunes  élèves  avaient  éga- 
lement réussi  dans  chacune  des  branches  de  leurs  études.  Ne  pourrait-on 
pas  conclure  de  cet  essai  que  la  réunion  d'un  certain  nombre  d'objets 
d'instruction,  loin  de  nuire  aux  progrès  des  élèves,  seconde  au  contraire 
les  développemens  de  leur  esprit,  soit  en  prévenant  la  lassitude  et  le  dé- 
goût par  ia  variété  des  travaux,  soit  en  exerçant,  en  rectifiant  même  l'in- 


ELR.OPE.  r»"^ 

l.lliscncc,    par  rhabituJo  de  comparer   les  idées  de  diSernnt.e   nature 
qu'on  leur  inculque?  '•'• 

Cours  d'astronomie  et  machines  astronomiqxies ,  propres  à  faire  com- 
prendre le  système  du  monde.  — Au  moyen  de  deux  appareils  astrono- 
miques de  son  invention,  M.  Ringleb  ,  habile  mécanicien  genevois,  dé- 
montre d'une  manière  si  claire  les  phénomènes  de  notre  système  plané- 
taire, que  les  personnes  les  moins  famiiièrcs  avec  les  science»,  les  com- 
prennent sans  dillJculté  (i).  L'un  de  ces  appareils,  qui  représente  le  sys- 
tème planétaire  en  mouvcmeni ,  est  renfermé  dans  un  ciel  de  satin  bleu 
de  24  pieds  de  circonférence,  avec  les  constellations  zodiacales  cl  les 
principales  boréales;  le  soleil  y  est  figuré  par  une  étoile  garnie  de   bril- 
lans.  L'autre  appareil,  entouré  d'un  cercle  de  i5  pieds  de  circonféren- 
ce, et  figurant  l'écliptique ,  démontre  les  mouvemens  de  la  terre,  l'in- 
clinaison et  le  parallélisme  de  ton  axe,  les  causes  du  changement  des  sai- 
sonsetde  l'inégalité  desjoiirs;  le  mouveuienldc  la  propre  lune,  l'inclinai- 
son de  sonorbile,  ses  nœuds,  ses  phases;  enfin,  les  éclipses  de  lune  et  du 
soleil.  Tous  les  mouvemens  dans  les  deux  appareils  s'exécutent  comme 
d'eux-mêmes,  et  sans  qu'aucune  des  pièces  qui  servent  à  les  faire  mou- 
voir soient  vues  et  produisent  aucun  bruit.  M.  Ringler  a  ouvert,  le  iG 
novembre,  des  cours  et  des  séances  publiques.  — On  peut  voir  ces  ma- 
chines, tous  le-!  jours,  excepté  les  iêtcs  et  les  dimanches,  depuis  une 
heure  jusqu'à  quatre,  rue  d'Aviioise,  prés  ccUndc  Richelieu,  hôtel  du 
Pelit  Cercle,  n°  1.  Prix  d'entrée,  5  fiancs.  M.  Ringler  donnera  des  cours 
particuliers  sur  les  phénomènes  du  système  du  monde.  Ces  cours  auront 
dix  à  douze  séances,  et  l'on  pourra  les  suivre,  en  prenant  un  abonne- 
ment de  40  francs  pour  chaque  cours  :  les  jours  et  les  heures  des  séances 
seront  réglés  à  la  commodité  des  abonnés:  un  cours  commencera,  dès 
qu'il  y  aura  six  personnes  in.^critfs  pour  le  suivre.   Par  ce  moyen,  les 
chef»  d'institutions  et  les  pères  de   famille  pourront  procurer  à  leurs  é- 
lèves  ou  à  leurs  enl'ans  les  avantages  que  procurent  les  machines  de  M. 
Ringler  pour  l'étude  des  élémens  de  l'astronomie.  Z. 

Cours  de  langue  et  de  (illéralurc  grecques.  —  M.  Kiccio-Poilo  ,  de 
Smyrne,  l'un  de  nos  collaborateurs,  ouvrira,  cet  hiver,  un  cours  rai- 
sonné de  langue  et  de  littérature  grecques  ,  d'après  une  méthode  ex- 
trêmement simple  et  facile  don!  il  se  sert ,  depuis  dix-sept  ans,  pour  ses 
élèves,  et  qui  leur  épargne  beaucoup  de  temps  et  des  dépenses.  Le  pre- 
mier de  5  à  10  fr.  par  mois,  pour  trois  leçons  par  semaine.  M.  K.  iom- 


(1)  L,3  Société  genevoise  pour  l'encouragement  da  arts   a  décerné  nm;  mé- 
daille il  or  à  M.  Biiigler. 


456  EUROPE. 

dra  à  son  cours  quelques  notions  sur  la  musique  grecque,  appliqtice  à 
des  vers  d'Hùmèrc  et  de  Sophocle,  selon  la  prosodie  el  le  rhyilune  des 
anciens.  On  se  fait  inscrire  pour  tout  le  cours  chez  M.  Kico[.o-PorLO,rue 
Kotre-Dame-des-Victoircs,  n"  ii,  et  à  la  biblothèque  de  l'Institut. 

Cours  public  gratuit  anal\licofralique  de  musique  instrutnentate 
et  vocale  y  par  M.  G.  Nézot,  inventeur  de  la  mélliode  rfiythmi- harmo- 
nique, rue  de  Kussv,  n"  i5.  Ce  cours  sera  continué,  tous  les  dimanches, 
à  une  heure  aprè.-.  midi,  pendant  l'hiver.  Les  lo  ou  12  premières  leçons 
seront  en  partie  consacrées  «î  des  notions  essentielles  d'acoustique,  que 
l'on  appliquera  à  l'harmonie;  à<les  considérations  sur  l'utilité  physique 
et  morale  delà  musique,  à  l'examen  rapide  de  ses  effets,  et  à  l'exposé 
de  la  seule  méthode  à  l'aide  de  laquelle  des  amateurs  et  des  élèves  de 
capacité  différente  peuvent  concerter  ensemble  de  prinjt-abord,  sans 
que  leur  nombre,  l'inégalité  de  leurs  talens  ni  la  diversité  de  leurs  étu- 
des nuisent  à  leurs  progrés  respectifs  ou  au  bel  effet  de  l'ensemble.  Il 
y  a  dans  la  semaine  des  leçons  par  abonnement.  Z. 


Anatomie  arlificielle.  —  Sur  la  demande  de  M.  le  garde-des-sceaux, 
chargé  provisoirement  du  portefeuille  de  l'intérieur,  V Académie  royale 
de  mcdecine  avait  nommé,  dans  le  mois  de  septembre  1822,  une  com- 
mission pour  exan-.incr  les  pièces  d'analomic  artificielle  de  M.  Aczoux  , 
D.  M. ,  et  un  mémoire  qu'il  y  avait  joint.  MM.  Béclard,  Dumerii,  H'"". 
Cloquel,  Breschet  et  Dcsgcneltcs  composaient  cette  commission,  dont  le 
rapport  a  été  lu  par  ce  dernier,  dans  la  séance  du  5  novembre  1825.  IjC 
rapporteur  l'ait  l'éloge  du  talent  de  M.  Auzoux,  et  de  soa  zelc  éclairé  , 
modeste,  désintéressé,  inl'atigabie.  Tout  en  remarquant  qu'il  existe 
entre  ses  travaux  et  ceux  de  quelques  autres  anatomistes,  surtout  de 
M.  Ameline  ,  quelques  points  de  contact;  M.  Desgenettes  observe  que 
M.  Auzoux  est  auteur  d'innovations  importantes,  et  qu'il  en  promet  plu- 
sieurs autres  encore.  Enfin,  le  rapport  conclut  à  recommander  fortement 
à  l'attention  du  ministère  les  travaux  de  ce  jeune  et  habile  médecin. — 
^^ous  essaierons  de  donner  ici  un  aperçu  des  pièces  anatomiques  de 
M.  Auzoux,  qui  nous  ont  paru  mériter  une  mention  toute  particulière 
à  cause  des  grands  avantages  que  son  travail  promet  à  la  science.  Jus- 
qu'à présent ,  on  s'était  appliqué  à  produire  des  imitations  d'anatomie 
pour  lesquelles  on  employait  la  cire,  à  cause  de  sa  flexibilité;  mais  ces 
imitations  d'une  vérité  frappante  ,  ne  présentaient  que  la  surface  des 
objets;  et  comme  les  détails  intérieurs,  encore  plus  nécessaires  à  l'étudi.', 
ne  pouvaient  être  rendus  parce  moyen  ,  elles  étaient  plus  convenables  à 


EUROPE.  4. 7 

un  musée  qu'à  un  amphilhéâlre.  M.  Auzoux ,  avec  une  composition 
semblable  au  carton ,  est  parvenu  à  construire  des  corps  tout  entiers, 
dans  lesquels  tous  ies  organes  ,  tous  les  détails  des  parties  externes  et 
internes  sont  fidèlement  représentés.  Les  parties  supérieures  se  démon- 
tent facilement  et  d'après  les  règles  adoptées  dans  la  dissection.  Elles 
font  place  aux  parties  intérieures,  qui  s'enlèvent  avec  la  même  lacililé. 
On  parvient  à  décomposer  ainsi  le  corps  humain  en  miMe  pièces  diverses, 
qui  sont  aisément  réunies  les  unes  aux  autres,  au  moyen  de  numéros 
d'ordre.  Voilà  deux  avantages  obtenus  snr  la  méthode  ordinaire  de  la 
dissection,  usitée  pour  l'étude  de  l'anatoraie.  On  évite  le  dégoût  insé- 
parable des  opérations  faites  sur  les  cadavres,  et  l'élève,  en  recompo- 
sant lui-même  le  corps  humain,  apprend  bien  mieux  à  connaître  toutes 
ses  parties.  La  seule  objection  à  faire  au  procédé  de  M.  Auzoux  ,  c'est 
que  sa^eompositlon  ne  peut  reproduire  aus^i  parfaitement  que  la  cire  , 
toutes  les  nuances  de  couleur.  Mais  cet  obstacle  peut  être  vaincu.  Du 
reste,  les  moindres  organes,  les  nerfs,  les  musoles,  les  veines,  tous  les 
vaisseaux,  sont  fij^urés  dans  toute  leur  étendue,  avec  une  exactitude  ri- 
goureuse. M.  Auzoux  se  propose  d'ouvrir  une  souscription,  au  moyen  de 
laquelle  chaque  souscripteur  aura  une  pièce  complète,  le  corps  entier 
d'un  homme,  pour  le  prix  de  !5oo  francs.  Quels  sont  les  cabinets,  les 
bibliothèques  publiques  ,  les  écoles  de  médecine  ,  ou  même  les  hom  mes 
livrés  à  l'étude  de  l'anatomie,  qui  ne  pourront  pas  retirer  une  grande 
utilité  de  cette  belle  invention  ?  Elle  peut  d'ailleurs  conduii  e  a  ime  quan- 
tité de  perfectionnemens  intéressans.  Appliquée  à  la  pathologie  anato- 
mique,  elle  permettra  de  représenter,  non-seulement  l'effet  de  la  ma- 
ladie sur  une  surface  ,  mais  encore  ses  ravages  dans  l'intérieur  du  corps, 
les  altérations  qu'elle  fait  subir  aux  divers  tissus,  etc.  Pour  l'étude  des 
accoud'emens,  au  moyen  de  pièces  de  rechange,  11  sera  facile  de  faire 
voir  la  grossesse  à  ses  différentes  époques,  les  phénomènes  qui  (  n  sont 
la  suite  ,  les  déviations  de  l'utérus  ,  etc.  L'anatomie  comparée  ,  la  méde- 
cine vétérinaire  ,  doivent  aussi  en  attendre  de  précieux  résultats.  Enfin, 
ce  qui  ne  sera  pas  le  moindre  service  rendu  à  la  science  anatomique 
par  M.  Auzoux ,  son  procédé  la  met  à  la  portée  des  gens  du  monde  et  des 
différentes  personnes  que  le  dégoût  éloigne  des  amphithéâtres  où  elle  est 
cnsei^;née.  A.  J. 

Chimie  appliquée.  —  Moyen  de  rétailir  les  vins  tournés.  Les  vins 
sont  sujets  à  une  décomposition  à  laquelle  les  cultivateurs  donnent  le 
nom  de  tour'uurc  ,  quand  elle  est  encore  peu  avancée.  Leur  matière  co- 
lorante devient  violette  ou  presque  noire  ;  le  vin  prend  alors  une  saveur 
et  une  odeur  désagréables,  et  cesse  d'être  transparent;  l'écume  qu'il 


458  EUROPF. 

forme  en  l'agilant  n'est  ])liis  rouge.  L'analyse  démontre  qu'il  s'est  formé 
du  sousearboiiale  de  potasse  aux  dépens  de  la  crème  de  tartre  et  de  la 
matière  colorante  contenues  nalurelieinent  dans  le  vin.  Si  Ton  ajoute  un 
peu  d'acide  tartrique  à  ce  liquide  décomposé,  cet  acide  s'empare  de  la 
potasse;  il  se  dépose  de  la  crème  de  tartre  au  fond  du  vase,  et  le  via  re- 
prend sa  saveur  et  son  odeur  naturelles.  L'e.tpérien'e  faite  sur  plusieurs 
centaines  d'hectolitres  de  vin  tourné  ,  a  démontré  qu'il  fallait  une  demi- 
ouee  d'acide  tartrique  pour  chaque  hectolitre  de  vin  ,  quantité  qu'il  faut 
un  peu  augmenter  quand  la  décomposition  e«t  plus  avancée.  Ce  moyen, 
qu'on  doit  à  M.  Breton,  profes!>eur  de  chimie,  à  Paris  ,  ne  convient  qu'à 
des  vins  tournés  depuis  un  an. 

Théâtres.  —  Second  Théâtre- Français. — Le  Tribunal  secret  on  ies 
Francs- juges  y  tragédie  en  cinq  actes  et  en  vers,  par  M.  Leon-Thiessé. 
(i  1  novembre.)  — Celle  tragédie,  qui  n'avait  obtenu  d'abord  qu'un  suc- 
cès vivement  contesté,  a  depuis  été  accueillie  beaucoup  plus  favorable- 
ment, dans  plu>ieurs  lepréser.tations  successives,  parce  que  l'auteur,  do- 
cile aux  con-eils  d'une  critique  sévère,  et  lui-même  excellent  critique  ,  a 
su  retoucher  son  ouvrage  et  l'améliorer  par  des  coupures  et  par  des  chan- 
geraens  importans.  Le  sujet  parait  appartenir  au  mélodrame,  qui  s'en 
était  déjà  emparé,  plutôt  qu'a  la  muse  tragique.  Un  tribunal  de  sang  qui 
jugeait  dans  l'oinbre,  qui  imposait  à  une  corporation  secrète  d'initiés 
fanatiques,  véritables  séides  ,  le  devoir  de  fouler  aus  pieds  tous  les  sen- 
timens  de  la  nature,  la  piété  filiale,  l'amitié,  l'amour,  la  reconnaissance, 
d'immoler  au  besoin  les  objets  de  leurs  plus  chères  affections,  parais- 
sait devoir  exciter  au  plus  haut  degré  les  impressions  de  la  terreur.  Un 
prince  d'Allemagne,  Conrad,  a  résolu  d'anéantir  les  francs-juges;  ceux- 
ci,  inforniés  de  ses  desseins,  ont  lancé  contre  lui  un  arrêt  de  mort.  Le 
prince  sait  qu'il  est  voué  aux  poignards  par  ses  puissans  ennemis.  11 
conSe  sa  position,  ses  chagrins  et  son  danger  à  son  fière,  qui  vient  le 
rejoindre  ,  après  une  longue  absence;  et  ce  frère  lui  promet  son  appui 
et  cchii  de  son  fils  Rodolphe,  revenu  avec  lui  d'une  guerre  lointaine,  et 
qui  doit  arriver  incessamment  dans  le  château,  où  se  posse  le  premier 
acte.  Au  second  acte,  la  scène  est  dans  une  sombre  forêt.  Rodolphe,  ac- 
compagné de  deux  guerriers,  se  félitiie  de  revoir  les  lieux  qui  furent  témoins 
des  jeux  de  son  enTance  ,  et  la  fille  de  Conrad  ,  Evnestine  ,  qu'il  aime  et 
qu'ildoitépouscr.  llentend  pron  ncer  son  nom  parunevoix  mystérieuse. 
Un  inconnu  se  présente  it  lui  demande  un  entretien  particulier  :  ses 
compagnons  se  retirent  à  l'écart.  L'inconnu  est  un  franc-juge  qui  lui  fait 
connaître  que  le  tribunal  secret  le  charge,  lui  Rodolphe,  d'exécuter  l'ar- 
rêt de  mort  prononcé  contre  Conrad.  Il  lui  rappelle  ses  sermens ,  et  lui 


prouve  que  Couiad  a  conspiré  la  ruine  df  l'associ.ilioti  dont  il  est  mem- 
bre. Le  jeune  Rodolphe  se  trouve  livré  à  l'affreux  combat  des  senlimens 
de  la  nature  et  du  cruel  devoir  qu'on  lui  impose.  Au  troisième  acte,  on 
rentre  dans  le  chàleau  de  Conrad.  Rodolphe  ne  peut  ni  dissimuler  ni 
expliquer  l'agitation  de  fon  âme,  cl  il  ne  répond  point  à  l'accueil  em- 
pressé que  lui  l'ait  Erncsline.  Elh;  se  retire  ,  et  Conrad  par:iît.  Toujours 
plus  irrésolu  que  jamais,  Rodoliilie  ne  peut  cependant  consommer  le 
crime  f;ui  lui  est  ordonne.  Il  fait  connaît  ■  à  son  oncle  l'Iiorrible  mission 
qu  il  a  reçue,  et  jette  au  loin  son  poignard,  en  renonçant  à  la  remplir. 
La  fille  de  Conrad,  agitée  par  de  vives  alarmes ,  revient  auprès  de  son 
père  qu'elle  trouve  seul,  un  poignard  à  ses  pieds;  elle  ramasse  le  poignard 
sur  lequel  sont  écrits  ces  mots  :  Tribunal  secret.  Elle  devine  ce  qui  s'est 
passé,  et  ce  que  Conrad  ne  veut  point  lui  révéler.  Ici,  la  première  action 
p.'irait  terminée.  On  s'intéresse  peu  à  l'incertain  Rodolphe  qui  ne  peut 
se  résoudre  ni  à  tuer  son  oncle,  ni  à  se  prononcer  contre  la  sanglante 
société  dont  il  est  membre.  II  n'est  ni  entièrement  fanatique,  ni  ver- 
tueux. L'inconnu  de  la  forêt,  qui  a  pénétré  dans  le  château,  se  présente 
à  Rodolphe,  lui  reproche  d'avoir  trahi  ses  sermens,  et  lui  annonce  qu'il 
va  !u;-m  ème  exécuter  l'arrêt  du  tribunal.  En  effet,  il  entre  précitamment 
dans  l'appartement  du  prince,  où  Rodolphe  le  suit.  Au  cinquième  acte, 
dans  les  premières  représenlntions  ,  on  voyait  reparaître  tour  à-tour  le 
prince  ,  qui ,  défendu  par  son  neveu  ,  n'a  été  bles-é  que  légèrement  par 
son  assassin,  et  Rodolphe  lui-même,  qui  a  été  blessé  mortellement, com- 
me proscrit  par  les  francs-juges,  pour  avoir  enfreint  leurs  ordres.  Main- 
tenant, Conrad  seul  revient  sur  la  scène,  et  la  mort  de  Rodolphe  est 
annoncée  par  un  officier  qui  apporte  en  mêftic  tems  la  nouvelle  que  l'a- 
bolition du  tribunal  secret  vient  d'être  prononcée  par  la  diète  germani- 
que. Telle  est,  en  peu  de  mots,  la  marche  de  cet  ouvrage  ,  où  l'on  a  re- 
marqué des  situations  qui  ont  produit  de  l'effet ,  et  plusieurs  vers  qui 
ont  obtenu  de  vifs  applaudissemens. 

Beacx-arts.  —  Exposition  des  ohjefs  d'art  envoyés  par  l'école  de  Borne. 
—  Cette  exposition,  dont  le  retour  est  annuel,  a  été,  celte  fois,  beau- 
coup plus  complète  que  les  précédentes.  On  a  paru  attribuer  ce  chan- 
gement au  zèle  du  peintre  distingué  qui  a  été  récemment  nommé  direc- 
teur de  cette  école,  et  je  le  cruis  volontiers.  Le  public  a  mis  de  l'em- 
pressement à  venir  examiner  les  tiavaux  de  cette  jeune  légion  d  artistes 
que  la  France  entretient  a  Rome,  et  qui  sont  aujourd'hui  l'espérance, 
comme  ils  seront  un  jour  l'ornement  de  leur  patrie.  La  promicrc  salle 
de  cette  exposition  était  occupée  par  les  architectes  et  les  sculpteurs. 
Les  travaux  des  premiers  8C  composent  d'études  générales  ou  partielles, 


4"o  EUROPE. 

faites  d'après  les  monumens  cxistans  de  TancieDDe  Rome,  telles  qu'élé- 
vations, plans,  chapiteaux,  corniches,  etc.,  et  enfin  de  restaurations. 
Ce  dernier  ^enre  de  productions  est  la  partie  romanesque  de  l'architec- 
ture, si  je  puis  ra'exprimer  ainsi  ;  car  elle  consiste  à  rétablir,  dans  leur 
entier,  et  tels  qu'ils  sont  supposés  avoir  existé,  des  édifices  dont  il  ne 
subsiste  plus  que  des  ruines  ou  même  de  simples  vestiges.  Ce  sont,, 
toutefois,  d'excellentes  études  qui  exigent  de  la  perspicacité,  et  au  moyen 
desquelles  on  a  relevé,  à  peu  de  frais,  le  temple  de  la  Concorde,  celui 
dédié  à  Jupiter-Tonnant,  le  panthéon  d'Agrippa,  le  théâtre  de  Marcel- 
lus,  etc.  En  quelques  aunées,  Rome,  toute  eniière,  sortirait  de  aea 
rumes;  et,  si  l'on  pouvait  également  rendre  à  la  vie  ses  anciens  habi- 
tans ,  ils  seraient ,  sans  doute  ,  très-étonnés  de  l'as^pect  nouveau  de  leurs 
édifices.  Il  y  avait ,  en  général ,  une  précision  remarquable  dans  toutes 
ces  études  d'architecture;  peut-être  même  est-elle  poussée  trop  loin,  et 
va-t-e!le,  chez  quelques-uns,  jusqu'à  la  dureté;  mais  je  m'accommode 
mieux  de  ce  défaut  que  du  défaut  contraire,  la  mollesse,  dont  on  ne 
fait  jamais  rien.  Les  sculpteurs  doivent  envoyer,  selon  le  tems  qu'ils 
ont  déjà  passé  à  Rome,  des  figures  en  plâtre  ou  en  marbre.  Parmi  ces 
dernières,  qui  annoncent  la  fin  des  études  ,  j'ai  principalement  remar- 
qué plusieurs  belles  copies  d'apics  l'antique,  de  MM.  Vatinelle,  Dimier 
et  Jacquot;  un  End)  mion  couché  et  endormi,  de  M.  Brun;  enfin  une  figure 
représentant  Eurydice  blessée ,  de  M.  Nanteuil.  Il  y  a  bien  un  peu  d'af- 
féterie dans  la  pose  de  cette  figure,  mais  le  travail  est  d'un  ciseau  déli- 
cat ,  le  dessin  est  correct  et  élevé  ;  c'est  donc  une  production  qui  honore 
sou  auteur  et  qui  lui  assigne  déjà  un  rang.  Les  peintres  faisaient  seuls 
les  honneurs  de  la  seconde  salle  ;  car  les  gravures  au  burin  et  en  pierres 
fines,  qui  y  éiaieut  également  exposées  ,  occupaient  fort  peu  le  public, 
dont  les  regards  ne  sont  attirés  que  par  les  masses  :  les  travaux  fins  et 
délicats  sont  du  ressort  exclusif  des  artistes  cl  des  connaisseurs.  M.  Ré- 
mond,  qui  paraît  vouloir  nous  consoler  de  la  perte  de  Michallon,  avait 
envoyé  deux  paysages ,  dont  l'un  ,  Fue  prise  d'Almafi,  était  un  fort  bel 
ouvrage.  M.  Dubois  avait  recueilli  des  éloges  les  années  précédentes  ; 
mais  il  est  resté,  cette  fois,  au-de^snus  de  lui-même.  IM.  Hesse ,  dont 
le  tableau  était  également  médiocre,  avait  envoyé,  en  outre,  une 
très-belle  copie  de  Polydore  de  Caravas;ge,  qui  a  attiré  tous  les  regards. 
Mais,  ce  qui  a  surtout  fixé  l'attention ,  c'est  une  scène  du  déluge  de 
M.  Court.  Les  uns  ont  exalté  la  beauté  de  l'exécution  ;  les  autres  ont 
tout  condamné  ,  à  cause  du  peu  d'élévation  qui  régnait  dans  cet  ouvrage. 
Quant  à  moi ,  je  me  range  avec  les  premiers.  Lorsqu'un  jeune  homme  a 
une  force  d'exécution  comme  celle  que  M.  Court  a  développée,  je  le 


FX'ROPE.  4<5i 

tiens  pour  un  véritable  artiste.  L'élude,  la  mt-fii(ation ,  l'examen  des 
grands  maîtres  pourront  lui  donner  ce  qui  lui  manque  ;  mais  rien  ne  ra- 
chète la  faiblesse  d'exécution.  L'ensemble  de  celte  exposition  ,  sans  rien 
oEFrir  d'extraoïdinaire ,  est  cependant  assez  satisfaisant.  11  est  à  crain- 
dre, toutefois,  et  celte  tendance  se  décèle  surtout  chez  les  peintres, 
que  la  génération  actuelle  ne  veuille  s'écarter  de  la  marche  suivie  par 
les  maîtres  qui  ont  si  glorieusement  relevé  l'école  française.  A  cela  je 
ne  connais  point  de  remède;  les  idées  ont  quelquefois  une  marche  ré- 
trograde qu'il  serait  impossible  d'arrêter,  et  les  avi'i  du  maître  habile 
qui  dirige  l'école  de  Rome,  l'auteur  de  Phèdre,  de  iMarcus  Sextus  et 
de  Didon  ,  feront  plus  que  tous  les  critiques  réunis. 

— Peinture. — L'exposition  au  Louvre,  qui  dérange  tant  decombinai- 
sons,  renverse  tant  d'espérances,  détruit  tant  de  réputations,  est  aussi 
l'époque  oîi  l'artiste  qui  présente  au  public  une  production  digne  de 
ses  suffrages  ,  reçoit  la  récompense  la  plus  chère  à  son  coeur.  Quel  doux 
concert  de  louanges  1  son  âme  en  est  émue,  sa  vanilé  flattée  ;  déjà,  il  re- 
garde SCS  confrères  avec  un  air  de  protection.  Mais,  à  l'exposition  suivan- 
te, un  rival  plus  heureux  captive  l'attention  des  connaisseurs.  Soudain, 
le  désespoir  le  transporte  ,  il  veut  effacer  cette  gloire  nouvelle;  il  prend 
ses  pinceaux,  se  remet  à  l'ouvrage;  son  imagination  est  en  délire,  il  va 
créer  un  chef-d'œuvre;  et  jusqu'au  nouveau  salon  l'espérance  le  berce 
de  ses  douces  et  décevantes  illusions.  Voilà  la  vie  d'un  artiste.  Le  grand 
salon  du  Louvre  est  son  Parnasse,  son  temple  de  mémoire;  c'est  l'arène 
où  se  livrent  les  combats  dans  lesquels  il  brûle  de  vaincre.  Maintenant 
que  l'on  comprenne,  s'il  est  possible,  le  désespoir  d'un  peintre  que  de 
justes  succès  ont  accoutumé  aux  louanges  du  public,  lorsqu'une  circons- 
tance invincible  vient  lui  ravir  les  éloges  auxquels  il  croyait  pouvoir  as- 
pirer. Écoutez  -  le  s'écrier  dans  son  atelier  :  ce  dernier  ouvraî^c  qu'on 
lui  enlève  avant  d'avoir  pu  le  montrer,  était  justement  celui  dans  lequel 
il  s'était  élevé  au  plus  haut  degré.  Quels  beaux  nus!  quelle  savante  dis- 
position !  quelle  harmonie  de  couleurs!  avec  quel  art  les  draperies  sont 
jetées!  Cette  situation,  de  laquelle  il  faut  retrancher  lout  ce  qui  est  de 
pure  imagination  ,  est  justement  celle  où  se  trouve  ^L  Ch.  Taudiko. 
Chargé  par  le  ministère  de  la  maison  du  roi  d'exécuter  plusieurs  tableaux 
importans,  destinés  à  être  reproduits  en  tapisseries  des  Gobelins,  il  a 
eu  la  douleur  d'être  obligé  de  les  remettre  aux  maîns  qui  vont  les  tra- 
duire aussitôt  qu'ils  ont  été  achevés,  et  lorsque  le  salon  s'ouvrira,  hélas  I 
ses  tableaux  n'y  paraîtront  pas.  Pour  se  dédommager,  autant  que  pos- 
sible, il  a  invité  ses  confrères  et  les  connaisseurs  à  venir  voir  les  trois 
productions  qu'il  vient  d'achever.   Lis  sujets  sont  pris  dani  la  vie  d« 


463  HUROPE. 

l'un  de  nos  plus  grands  rois,  saint  Louis.  «Sa  piété  ,  qui  était  celle  d'un 
anachorète,  dit  Voliairc,  ne  lui  ôta  aucune  vcrlu  de  roi.  Une  sage  éco- 
nomie ne  déroba  rien  à  sa  libéralité.  Il  sut  acc-order  une  politique  pro- 
fonde avec  une  justice  exacte.  Prudent  il  ferme  dans  le  conseil,  intré- 
pide dans  les  combats,  sans  être  emporté  ,  il  fut  compatissant,  comme 
s'il  n'avait  jamais  été  que  mathcurevur.  t  Quel  louchant  éloge  renfer- 
xnent  ces  dernières  paroles!  Considérons  maintenant  k-s  tableaux  de  M. 
Ch.  Tardieu  ,  tt  nous  allons  retrouver  ce  grand  roi  sous  chacun  ds  ces 
caractères  :  guerrier  intrépide,  monai  que  ami  de  la  justice  ,  prince  émi- 
nemment religieux  et  coaipatissanl.  Ici,  le  peintre  nous  le  montre  s'é- 
lançantle  premier  sur  le  livagc  égyptien  ,  suivi  de  l'élite  de  ses  troupes  : 
rennemi  luit  de  toutes  parts,  laissant  sur  le  champ  de  bataille  des  morts 
et  des  blessés.  Là  ,  le  guerrier  fait  place  au  Chrétien  qui  s'bumilic  :  le  roi 
de  Fran'-e  lave  les  pieds  d<'s  pauvres  et  leur  fait  distribuer  des  aumônes. 
Enfin,  nous  le  voyous,  assis  à  l'ombre  d'un  chêne,  rcodaut  la  justice 
dans  la  forêt  de  Vincennes.  Dans  tous  ces  tableaux,  on  retrouve  un 
peintre  nourri  de  bonnes  études  et  Gdéle  aux  piincipes  des  maîtres  qui 
ont  regénéré  l'école  française.  Habile  à  bien  disposer  ses  masses,  M. 
Ch.  Tardieu  en  rend  tous  les  détails  avec  talent.  Je  lui  donnerai  i^urtout 
des  éloges  pourl^  manière  dont  il  a  su  éviter  l'écueil  qu'ulPrait  la  scène 
qu'il  a  choisie ,  pour  nous  montrer  saint  Louis  administrant  la  justice 
par  lui-même.  Un  chevalier,  au  prinlems  de  son  âge,  a  rencontré  dans 
1(;  bois  une  jeune  et  belle  paysanne.  Il  a  ravi  ce  qu'il  n'avait  pu  ob- 
tenir par  ses  prières;  mais  on  accourt  aux  cris  de  la  victime,  et  le 
ITicLe  qui  a  abusé  de  sa  force  est  conduit  devant  le  roi.  Le  peintre  a 
supposé  que  la  jeune  fille  était  belle  et  bien  faite  ;  il  a  eu  raison 
il  (allait  justifier,  eu  quelque  sorte,  Tincontinence  du  jeune  hrim- 
me,  afin  de  ne  pas  trop  l'avilir.  Enfin,  il  a  su  répandre  sur  toute  cette 
scène  une  teinte  de  pudeur  qui  lui  donne  de  l'intérêt  et  du  charme  ,  et  il 
a  prouvé  en  cela  du  goût  et  de  l'habileté.  La  jeune  fille,  couchée  sur  les 
genoux  de  sa  mère,  cache  sa  figure  dans  Tune  de  ses  mains  qu'elle  arrose 
de  ses  larmes;  sa  mère  lève  l'autre  bras  pour  montrer  au  roi  les  traces 
de  la  corde  dont  le  chevalier  s'est  servi  pour  lui  faire  violence;  le  père 
montre  cette  même  corde.  Le  jugement  est  prononcé,  et  l'on  dégrade 
le  coupable,  en  lui  enlevant  ses  éperons.  Le  reste  se  devine  et  n'est 
plus  du  ressort  du  peintre,   qui  a  fort  bien  écrit  sa  scène. 

— Giavure. —  Lorsque  j'ai  reqdu  compte  de  l'exposition  particulière 
que  M.  H.  Vernet  a  laite  de  ses  ouvrages,  en  1S22,  j'ai  tâché  de  faire 
passer  dans  l'âme  de  uics  lecteurs  l'impression  ^  ive  et  profonde  que 
j'avais  ressentie,^  à  la  vue  du  tablvau  repiéscnlunt  l'une  des  scènes  de  la 


EUROPE.  4G5 

défense  de  ParL-;,  en  i8i|.  Ce  tableau  vient  d'étrp  gravé,  dans  une  très- 
grande  dimension,  par  M.  Jazet.  Cette  gravure  est  l'une  des  plus  par- 
faites qui  soient  sorties  des  mains  de  cet  habile  artiste.  Pour  ceux  qui 
n'ont  pas  vu  le  lable;iu,  il  leur  semblera  qu'il  ne  leur  reste  rien  à  dési- 
rer; mais,  mui  qui  l'ai  vu,  considéré,  admiré,  je  ne  puis  m'empêcticr 
de  me  rappeler  Esrhjine  s'écri.jnt,  à  l'occasion  des  applaudissemens  ex- 
cités |);ir  les  discuurs  de  Déinosthènes  qu'il  récitait  à  ses  élèves  :  Que 
serait-ce  donc,  si  vous  faisiez  entendit,  lui  vicnic?  P.  A. 

—  Gravureiilhograpliii-e,  représentant  le  monument  consacré  à  la  mé- 
moire de  M.  Rolland,  membre  de  la  chambre  des  députés,  mort  e« 
1822.  Paris,  1820;  au  Dépôt  central  de  la  lithographie,  quai  Voltaire  , 
et  chez  tous  les  marchands  de  nouveautés.  In-fol.  ;  prix,  1  fr.  25  c. 
Cette  lithogiaphie,  très-biwi  exécutée ,  offre,  sur  le  premier  pian  ,  la 
tombe  de  M.  Jlulland  ;  un  voit  au  l'und  la  ville  de  Metz,  prés  de  laquelle 
la  reconnaissance  publique  a  élevé  ce  simple  monument  à  l'un  des  plus 
fidèles  défenseurs  de  nos  libertés. 

Jeux  divers. — Jeu  de  la  guerre.  — Les  Cris  de  Paris. — Jeu  de  Quilles. 
—  Ecran  (tes  Mctamorjffioses,  etc. — C'est  un  spectacle  intéressant  que 
celui  de  notre  industrie,  à  l'approche  du  jour  de  l'an.  Peu  de  personnes 
sont  à  portée  d'.ipprécier  le  nombre  d'artistes  et  d'ouvriers  occupé^  à 
exciter  l'attention  des  donneurs  d'étrennes.  Plus  de  i5,ooo  personnes  a 
Paris  travaillent  à  flatter  les  différens  goûts,  à  tenter  les  différentes  for- 
tunes, au  moyen  de  la  branche  d'industrie  connue  sous  le  nom  de  car- 
tonnage. Le  carton  ,  dans  leurs  mains  ,  prend  les  formes  les  plus  élégan- 
tes et  les  plus  gracieuses.  Ici  se  présentent  ces  écrans  qui  amusent  nos 
yeux  en  même  tems  qu'ils  les  préservent  de  l'action  trop  vive  du  feu  du 
foyer.  Là,  toutes  sortes  de  boîîes  présentent  des  surprises  agréables, 
tandis  que  des  jeux  variés  se  préparent  pour  égayer  les  longues  soirées 
d'hiver,  en  offrant  les  chances  d'une  fortune  sans  périls.  Parmi  tous  ces 
objets,  si  séduisans  pour  les  enPans  ,  pour  la  jeunesse,  et  quelquefois 
pour  Tâge  mûr,  il  en  est  quelques-uns  qui  nous  ont  frappés  par  leur  élé- 
gance comme  par  leur  iovenrion.  Le  Jeu  de  (a  guerre  tah  passer  sous 
les  yeux  du  spectateur,  d  tns  un  cadre  étrcit ,  mille  scènes  diverses  de 
combattans,  qui,  comme  de  raison,  moii'rent  toujours  l'avantage  du  côle 
du  peuple  auquel  le  jeu  est  destiné.  Dans  une  boile  élégante,  nous  trou- 
vons des  cartes  représentant  les  divers  marchands  et  marchandes  dont 
les  cris  font  retentir  chaque  jour  les  rues  de  Paris.  Au  moyen  de  ces  fi- 
gures, on  fait  un  jeu  djns  lequel  chaque  personne  répète  les  différens 
cris  des  marchands  que  les  cartes  lui  présenlenl.  Ce  jeu,  intitulé /es 
Cris  de  Paris,  amène  d.ias  les  salons  la  g:ûté  broyant^?.  Des  vers  ptquan» 


4'»4  EUROPE. 

sont  relatifs  aux  fonctions  de  chacun  des  personnages.  Parmi  ces  petites 
pièces ,  nous  avons  remarqué  celle  du  Marchand  de  vieux  Uabils,  Un 
.nuire  jeu,  non  moins  ingénieux,  est  le  Jeu  de  Quilles,  qui  offre  les 
quilles  et  la  boule  dessinées  sur  des  cartes,  tandis  qu'un  chien  malen- 
contreux vient  se  mêler  de  la  partie,  où  il  est  reçu  comme  l'annonce  le 
proverbe.  Plus  loin  ,  le  carton,  par  un  art  délicat ,  prend  la  forme  d'une 
pendule.  Chaque  heure  se  montre  dans  le  calice  d'une  fleur,  et  Zéphyre, 
le  bras  tendu,  remplaçant  l'aiguille  du  cadran,  les  indique  tour-à-tour. 
Un  papillon,  placé  sur  le  stylobafe,  est  l'emblème  du  tems  qui  passe 
parmi  les  fleurs.  Un  écran  de  main  nous  présente  une  jeune  femme  qui 
se  montre  tour  à-tour  sous  mille  costumes  divers,  et  pique  sans  cesse  la 
curiosité  par  la  variété  de  ses  ajuslemens.  C'est  l'écran  des  Métamorpho- 
ses. Un  autre  écran  ,  non  moins  agréable ,  reUace  assez  exactement  l'effer 
magique  du  Diorama.  Les  tableaux  sont  transparens,  et  les  jeux  de  la 
lumière  d'un  foyer  suffisent  pour  imiter  les  effets  de  la  lumière  du  jour 
dans  le  beausj)ectacle  de  MM.  Bouton  et  Daguerre.  Cette  partie  du  com- 
merce, qu'on  pourrait  appeler  ta  petite  industrie  j  est  plus  importante 
qu'on  ne  le  croit  ordinairement,  et  sa  prospérité  prouve  qu'en  France 
on  n'a  pas  moins  de  plaisir  à  faire  d'agréables  cadeaux  qu'à  les  recevoir. 

Bbès. 
Nbceologik. —  Carnot.  —  Voici  un  homme  que  ses  contemporains 
ont  vu  tel  que  la  postérité  le  jugera  ,  et  dont  la  vie  entière  est  connue  de 
toute  l'Europe;  cependant,  il  n'est  pas  encore  tems  d'écrire  son  his- 
toire. Son  nom  et  sa  mémoire  tiennent  si  essentiellement  à  une  grande 
série  de  faits,  qu'il  n'est  pas  possible  de  l'isoler  dans  une  biographie. 
Pour  en  parler  convenablement,  il  faudrait  écrire  l'histoire  de  la  révo- 
lution ;  mais  quoique  nous  po-sédions  une  immense  collection  d'écrits 
sur  cette  partie  de  nos  annales  ,  aucun  de  ceux  qui  portent  le  nom  A'his- 
toire  n'est  exempt  d'erreurs,  et  loin  que  l'on,  cherche  à  les  recliGer,  les 
témoins  occulaires  qui  restent  encore  laissent  croître  de  jour  en  jour  le 
nombre  des  mensonges  historiques,  et  ne  s'opposent  point  à  l'altération 
des  faits  les  plus  imporlans.  Lorsque  la  génération  contemporaine  de  la 
révolution  aura  disparu  ,  les  récits  de  ce  grand  événement  demeureront 
tels  qu'on  les  aura  faits  dans  des  tems  postérieurs,  et  la  postérité  ne 
saura  que  ce  qu'on  aura  voulu  luilaisser  apprendre.  Toutefois,  la  vérité  ne 
sera  pas  tout-à-fait  sans  asile  :  quelques  mémoires  échapperont  à  la  vi- 
gilance de  ses  ennemis,  et  recomposeront  une  histoire  incomplète,  mu- 
tilée, mais  sincère.  A  cette  époque,  très-reculée  et  même  problémati- 
que, il  sera  possible  de  considérer  Carnot  comme  homme  public  ,  et  ce 
.sera   dans  l'histoire  même,  dans    le  grand  tableau  des  faits  auxquels  il 


EUROPE.  ,  465 

pnt  pari,  qu'il   faudra  chercher  les  traits  qui  le  caractérisent.  Aiijour- 
iVhui,  nous  devons  nous  borner  à  peindre  le  savant  et  le  citoyen,   ^om 
ne  pouvons  cependant  nous  dispenser  d'appeler   l'attention    sur   l'une 
de  ses   qualiiés  morales  qui  régla  dans  tous  les  tems  sa  vie  politique  ; 
c'est  une  modéiatlon,  un  calme  de  l'âme,  qui  ne  laissait  aucun  accès  à 
1  ambition.  Cette  belle  qualité  ne  fut  p;is  toujours  aussi  utile  que    digne 
d'estime  :  elle   empêcha  plus   d'une  fois  que  les  talens  et  les  grandes 
vues  de  Carnot  ne  tournassent  au  profit  de  la  cause  qu'il  avait  embras- 
sée.  Ou  ne    peut   le   connaître  et  l'apprécier  ,   que  lorsqu'il  agit   seul. 
Dans  le  peu  de    tems    qu'il  lut   (hargé  du  ministère  de  la    guerre,  il 
ne   parut  presque  point  agir,  il  ne  fa'igua  ni  ses  bureaux  ni  la  presse; 
et  cependant,    une  forte   impulsion  fut  donnée  à  l'immense  dévelop- 
pement  des    forces   militaires   de  la   France    à    celle  époque.    Aucun 
liomme  ne  connut  mieux  que  lui  l'art  du  faire  beaucoup  avec  très-peu 
de  moyens  apparens,   sorte  d'iulelligence  et  d'adresse    qui  ne  sera  ja- 
mais devinée  ni  recherchée  par   un   ambitieux.    Dans  une  république 
bien  réglée,  il  serait  arrivé,   suivant  l'ordre  naturel  des   choses,  aux 
premières  fonctions   de   l'état  ;   il  eût    présidé    à   ses  destinées.    Aussi 
désintéressé,  aussi  dévoué  à  sa  patrie  que  Washington  le  fut  à  la  sien- 
ne ,   et    possédant    de    plus    grands   talens  militaires,    il   n'aurait   pas 
moins  bien  défendu  la  cause  de  la  liberté  ,  que  ne  le  fit  l'illustre  Amé- 
ricain. Mais  ses  connaissances  et  ses  qualités  précieuses  devinrent  inu- 
tiles, parce  qu'il  fut  associé  à  des  collègues  moins  habiles  et  plus  ambi- 
tieux; il  n'influa  point  sur  les  délibération-!  les  plus  importantes;  i!  ne 
put  empêcher  que  la  direction  des  affaires  ne  tombât  entre  les  mains  de 
l'ignorance  audacieuse  et   de  l'opiniâlre  médiocrité.   S'il  eût  eu  assez 
d'ambition  pour  dominer  le  directoire,  et  se  mettre  à  la  place  que  ses 
talens  lui  assignaient,  Bonaparte  n'aurait  point  soumis  la  France,  et  la 
face  de  l'Europe   ne  serait  pas  aujourd'hui  telle  que  nous  la  voyons. 
Ajoutons  encore  un  très-léger  linéament  à  cette  esquisse  de  l'homme 
public.  Lorsque  Cainot  fut  chargé  du  gouvernement  d'Anvers,  les  cais- 
ses de  cette  place  étaient  vides,  et  il  fallut  recourir  à   une  monnaie  ob- 
ridionale.  Eu  pareil  cas,  on  donne  presque  toujours  une  valeur  fictive 
aux  pièces  que  l'on  fabrique;  celles  que  Carnot  fit  frapper  n'avaient 
que  leur  valeur  intrinsèque  ,   en  sorte  que  leur  circulation  ne  pouvait 
causer  aucune  perte,  quels  que  fussent  les  événemeus  de  la  guerre  et 
les  conditions  de  la  paix. 

Carnot  naquit,  en    1-55,  à  Noiay ,  petite  ville   du  département  de  la 
tôte-d'Or.   Son   père  était   un   jurisconsulte   très-estimé  ;  il  entra  fort 

E.  XX. — Novembre  i8i3.  3o 


466  EUROPE. 

jeune  dans  le  corps  du  génie;  el  avantl'âge  de  vingt  ans,  le  jeune  offi- 
cier avait  composé  V  Eloge  ds  Vatiban^  couronné  par  l'Académie  de  Dijon. 
Quelques  poésies  furent  aussi  pour  Iqi  un  dèhassement  de  travaux  plus 
sérieux.  Porté  par  le  sentiment  de  ses  devoirs  aux  études  de  l'ingénieur, 
el  par  ses  goûts,  aux  mathématiques  et  aux  lettres  ,  il  réussit  également 
dans  la  culture  de  ces  diverses  branches  de  connaissances.  En  ijSiî,  il  fit 
paraître  un  Essai  sur  les  machines  ;  ^t  vingt  ans  plus  tard ,  après  le? 
tourmentes  révolutionnaires  ,  son  ouvrage  intitulé  :  Principes  fondamen- 
taux de  l'équilibre  et  du,  mouvement.  Ces  principes  sont  plus  métaphy- 
siques qu'analytiques,  plus  propres  à  satisfaire  les  esprits  accoutumés  a 
HOC  extrême  sévérité  de  raisonnement  qu'à  fournir  des  moyens  d'appli- 
cation. En  1802,  il  publia  sou  Traité  de  géométrie  de  "position,  le  plus 
remarquable  et  le  plus  utile  de  ses  ouvrages  mathématiques.  Quatre 
aus  après,  on  vit  paraître  ses  Réflexions  sur  la  mélaphysique  du  calcul 
infinitésimal,  dont  on  a  fait  dernièrement  une  nouvelle  édition.  Toute  s 
ces  recherches  annoncent  un  esprit  exact,  patient,  mais  peu  jaloux  de 
suivre  les  roules  battues^  et  se  plaisant  à  lutter  contre  les  diOScultés.  On 
Toit  assez  que  l'institut  de  France  n'avait  pas  de  membre  plus  actif  et 
plus  laborieux.  Lorsqu  il  n'était  pas  encore  totalement  éloigné  des  af- 
faires publiques,  c'était  par  des  occupations  de  cabinet  qu'il  se  repo- 
sait des  soins  et  des  travaux  qui  lui  étaient  imposés  par  ses  fonctions. 
Outre  les  ouvrages  que  nous  avons  cités,  il  a  fait  plusieurs  mémoires 
insères  dans  le  recueil  de  ceux  de  l'institut.  Mais,  aucun  de  ces  écrit» 
ne  fit  autant  de  bruit  que  son  Traité  de  la  défense  des  places.  Aujour- 
d'hui même,  plusieurs  militaires  ne  le  lui  ont  point  pardonné,  et  quel- 
ques-uns l'ont  attaqué  avec  un  acharnement  qu'ils  n'auraient  point  mon- 
tré contre  de  simples  erreurs.  [<es  sciences  même,  et  à  plus  forte  raison 
i<es  arts  ne  sont  pas  toujours  préservés  de  l'esprit  de  parti, 

Carnot  eut  pour  ennemis  tous  ceus  qui  s'enrichirent  et  s'élevèrent  par 
la  révolution  ;  sa  vie  entière  était ,  pour  ainsi  dire,  leur  acte  d'accusation. 
Fouché  ,  devenu  ministre  eu  i8i5,  ne  balança  point  à  le  proscrire.  Il 
eut  pu  trouver  hors  de  sa  patrie  ce  qu'il  n'avait  jamais  demandé  à  se» 
concitoyens  ;  mais  son  âme  généreuse  ne  pouvait  accepter  les  dons  de 
rélranger.  Content  d'un  patrimoine  très-modique,  il  ne  l'accrut  par  au- 
cune spéculation  d'intérêt,  et  termina  sa  carrière  dans  la  plus  bonorabla 
pauvreté.  Vénéré  dts  étrangers  au  milieu  desquels  il  avait  trouvé  un 
asile,  chéri  d'un  grand  nombre  d'amis  dévoués,  admiré  de  tous  ceux 
qui  ont  quelque  élévation  dans  l'âme,  sa  retraite  ne  fut  pi-s  sans  dou- 
ceur, el  «a  fin  sans  consolations,   f.es  habitans  de  Magdcbourg,  litu  d* 


EUROPE.  407 

sa  dernière  habitation  ,  conserveront  long  temps  le  souvenir  d'un  Iiùlc 
si  digne  de  l'eslime  qu'ils  lui  témoignaient.  11  leur  fut  cnlové,  à  l'âge 
de  70  ans  ,  au  commencement  du  mois  d'août  de  celle  année.  F. 

—  Agier.  —  La  magistrature  française  vient  de  faire  une  perte  bien 
censibic  dans  la  personne  de  M.  Pierre-Jean  Agieb,  doyen  des  prcsi- 
dens  de  la  cour  royale  de  Paris,  mort  le  35  septembre  iSaô.  à  soixante- 
seize  ans.  Malgré  son  graud  âge, ce  respectable  magistrat  apport  ait  un  zèie 
pieu»  et  une  sagacité  rare  dans  l'accomplissement  de  ses  importantes 
fonctions.  M.  Agier  avait  exercé  la  profession  d'avocat-coosiiltant  .i  l'an- 
cien parlement  de  Paris.  Ses  études  eurent  pour  but  principal  d'appro- 
fondir les  dispositions  du  droit  canonique,  sur  lesquelles  sa  science  et 
son  esprit  vraiment  religieux  le  portaient  de  préférence,  A  cette  épo- 
que ,  M.  Agier  a  travaillé  ,  avec  Bayard  et  Camus,  à  Ja  Collection  de  dé- 
cisions nouvelles ,  connue  sous  le  nom  de  Nouveau  Denisarl.  Il  publia, 
en  1789,  le  Jurisconsulte  national ,  ou  Principes  sur  les  droits  les  plus 
importans  de  la  nalion,  et  en  1790,  des  vues  sur  la  réforme  des  lois  ci- 
viles. M.  Agier,  à  la  mémorable  époque  de  la  révolution,  conçut  toutes 
les  espérances  qu'elle  donnait  aux  hommes  généreux  et  amis  de  leur 
pays.  Il  fut  nommé,  en  1789,  député  suppléant  de  Paris  aux  états  géné- 
raux, et  membre  de  la  commune  au  i4  juillet.  Ses  connaissances  aussi 
variées  que  profondes  et  la  fermeté  de  ses  principes  et  de  son  caractère 
le  firent  mettre  au  nombre  des  candidats  pour  la  place  de  gouverneur 
du  dauphin,  désigné  alors  sous  le  nom  de  prince-royal.  La  première  année 
du  gouvernement  consulaire,  M.  Agier  fui  nommé  juge  du  tribunal 
d'appel,  et  quelque  temps  après  il  devint  l'un  des  présidens  de  ce  tri- 
bunal, place  qu'il  a  occupée  jusqu'à  sa  rr.ort.  Parmi  les  divers  ouïr;iges 
de  M.  le  président  Agier ,  on  doit  distinguer  celui  qui  a  pour  tilrc  :  du 
Mariage,  dans  ses  rapports  avec  la  religion  et  avec  les  lois  nouvelles  da 
France.  (Paris,  1801  ,  2  vol.  in-S».)  Il  renferme  les  meilleurs  principes 
sur  le  mariage,  considéré  commt:  contratcivilt  et  ou  y  reconnaît  la  science 
profonde  et  l'esprit  judicieux  de  celui  qui  l'a  écrit.  M.  le  président  Agier 
avait  consacré,  pendant  beaucoup  d'anoéi-s,  le  tems  que  lui  laissaient  ses 
importantes  fonctions  àdenombreux  travaux  sur  les  prophéties  de  la  bible 
qu'il  a  recueillies  et  traduites  sur  les  testes  hébraïques  ,  avec  des  notes 
critiques  et  des  commentaires.  Ua  juge  éclairé  sur  ces  matières,  M.  Lan- 
juinais,  a  souvent  entretenu  les  lecteurs  de  la  Revue  Encyclopédique  des 
ouvrages  de  ce  genre  successivement  publiés  par  son  savant  ami.  (^oy. 
Tom.  X,  pag.  17g;  Tora.  XI,  pag.  Sgo;  Tom.  XVI,  pag.  i5i.)  C'est 
après  l'achèvement  de  ces  estimables  et  utiles  travaux  que  la  mort  est 


%iOS  El  R OPE. 

vniue  frapper  M.  le  président  Açicr.  Janraîs  aucun  tribunal  n'eut  an 
juge  plus  équitable;  jamais  la  science  du  droit  n'eut  un  plus  habile  in- 
terprète. A.  Tk\llaiioip.r,  avocat. 

— Bi'uguièrc  deSorsum. — Le»  lettres  viennent  de  perdre  un  homme 
qui  les  aimait  avec  passion,  et  qui,  long-tems  forcé  de  les  négliger  pour 
d'autres  occupations  était  constamment  revenu  vers  elles,  et  recommen- 
çait, depuis  son  loisir,  à  les  cultiver  avec  ce  goût  décidé  qui  est  à  la  fois 
l'indice  et  le  gage  du  succès.  M.  Antoine-  André  Rbugdièbe,  iaron  de 
Sorsnm,  né  à  Marseille,  en  juillet  1770,  d'un  négociant  de  cetle  ville, 
embrassa,  très-jeune  encore,  la  carrière  du  commerce,  et  fit  un  voyage 
à  la  Guadeloupe,  où  l'appelaient  les  affaires  de  son  père,  et  où  il  passa 
quelques  années  ;  il  parcourut  à  celle  époque  les  îles  voisines,  et  se  rendit 
ensuite  à  Cajcnne,  chargé  d'une  mission  importante,  relative  à  la  cul- 
ture du  poivre  et  du  girofle ,  dont  ou  voulait  alors  enrichir  nos  Antilles» 
Il  parcourut  l'intérieur  delà  Guyane  française,  et  s'y  occupa,  durant  un 
an,  de  l'histoire  naturelle  du  pays.  11  revint  ensuite  à  la  Guadeloupe.  Les 
circonstasces  malheureuses  où  se  trouvaient  alors  nos  colonies,  n'étaient 
rien  moins  que  favorables  aux  spéculations  commerciales;  le  goût  du 
jeune  Bruguière  ne  le  portait  point  d'ailleurs  vers  ce  genre  d'occupation. 
et  il  revint  en  France,  après  une  absence  plus  fructueuse  pour  son  esprit 
que  pour  «a  forlune.  Ce  besoin  d'une  imagination  jeune  et  vive,  ce  dé- 
sir avide  de  voir  et  d'apprendre,  lui  firent  trouver,  dans  le  grand  specta- 
cle que  déroulaient  à  ses  yeux  ces  contrées  lointaines,  une  source  de  sen- 
.«ations  délicieuses  qui  développèrent  en  lui  le  sentiment  poétique,  et  où 
il  puisa  un  goût  très-prononcé  pour  les  voyages  et  les  connaissances  va- 
riées qu'ils  procurent. — A  son  retour  d'Amérique,  M.  Bruguière,  se  trou- 
vant à  l'armée  d'Italie,  fut  parliculièiemcnt  attaché  au  général  Dessol- 
les,  avec  lequel  il  forma  dès- lors  une  liaison  qui  lui  l'ut  toujouis  chère; 
vers  celte  époque,  et  dansTintimité  du  général,  il  contracta  d'honorables 
amitiés,  qui  l'ont  suivi  jusqu'à  sa  mort,  et  qui  garderont  un  long  souve- 
nir à  sa  cendre.  Lorsque  le  général  Desselles  devint  chef  d'étal -ma- 
jor de  Morcau  ,  M.  Bruguièie  l'accompagna  à  l'armée  du  Rhin.  La 
pais.  d'Amiens  lui  ayant  apporté  quelque  loisir,  il  en  profita  pour  pu- 
hlier,  en  i8o5,  Sacontala,  drame  samskril,  qu'il  avait  traduit  de  l'an- 
glais, sur  la  version  de  William  Jones,  et  auquel  il  ajouta  des  noies  in- 
téressantes. 11  suivit ,  quelque  tems  après  ,  le  général  Desselles  à  l'armée 
des  côtes  ,  et  revint  à  Paris  avec  lui ,  lorsqu'il  y  fut  rappelé.  Veis  ce  tems». 
ties  études  et  son  goût  pour  la  littérature  lui  firent  rechercher  la  société 
des  homme»  les  plus  distingués  dans  les  lettre»,  et  il  se  lia  intimcmcnl 


FUR  OPE.  46r> 

avec  Fi)n(;ines.  Ses  amis  crtnnai>saienî  alors  de  lui  quelques  essais,  où 
brillait  déjà  un  talent  remarquable,  et  qu'il  révéla  au  public  dans  le 
concours  de  poésie  proposé  pir  l'Instilul ,  en  1807,  concours  où  il  obtint 
le  premier  accessit  pour  un  poème  inlilulé:  Le  J^oyagcur,  placé  par  les 
critiques  du  lems  au-dessus  du  poème  de  Millevoie,  qui  avait  remporté 
la  couronne.  Lorsqu'après  la  guerre  de  Prusse  le  royaume  de  Westphalie 
fut  créé,  les  amis  de  M.  Briiguière  l'y  appelèrent.  Il  y  fut  successive- 
ment secrétaire-généial  du  ministère  de  la  guerre,  secrétaire  du  cabinet 
et  maître  des  requêtes  au  coDseil-d'étaf.  Le  prince  qui  gouvernait  alors 
ce  pays  sut  apprécier  son  beau  talent  et  ses  excellentes  qualités;  il  le 
nomma  baron,  en  attachaot  à  ce  titre  honorifique  la  terre  de  Sorsutn. 
Au  milieu  des  dexAjirs  de  sa  place,  qui  lui  imposait  plus  d'assujettisse- 
ment que  de  travail,  M.  Brui,'uièro  pouvait  encore  consacrer  quelques 
instans  au  culte  des  muses  et  à  l'élude  de  la  littérature  orientale.  Il  com- 
posa, pendant  son  séjour  à  Cassel,  un  drame  en  vers  et  en  musique,  in- 
titulé :  les  Captifs  d'Alger;  €t  il  apprit  le  samskrit,  langue  difficile,  dans 
a  connaissance  de  laquelle  il  fit  des  progrès  assez  rapides.  Rendu  ,  de- 
puis 1814,  à  un  studieux  repos,  M.  Bruguière  ,  retiré  près  de  Tours, 
dans  une  jolie  habitation  clianipêlre,  se  livrait  enfin  tout  entier  à  ses 
goûls,  prés  d'une  épouse  chérie  et  d'un  enfant  qui  faisait  toute  sa  joie. 
Il  avait  entrepris  la  traduction  des  chefs-d'œuvre  de  Shakspcare  ;  mais  , 
pénétré  de  la  nécessité  de  conserver  sa  physionomie  à  un  poète  aus»i 
original  ,  il  essayait  uu  nouveau  genre  de  traduction  :  il  traduisait  en 
prose  la  prose  de  l'auteur  anglais,  en  vers  rimes  ses  vers  rimes,  et  quant 
aux  vers  blancs  ,  il  tûchait  d'en  donner  au  moins  un  équivalent,  ainsi 
que  l'avait  fait  Voltaire,  dans  la  traduction  de  Jutes  César.  Il  avait 
déjà  traduit,  d'après  ce  procédé,  cinq  des  pièces  les  plus  admirées  de 
Shakspcare.  Nous  souhaitons  vivement  que  le  putdic  puisse  jouir  de  ce 
beau  travail,  ainsi  que  de  la  traduction  d'un  drame  allégorique  indien, 
intitulé  :  Le  lever  de  la  Lune  de  l'intciligence,  dont  la  publication  nous 
offrirait  un  double  intérêt,  sous  le  rapport  de  l'histoire  de  l'art  dramati- 
que, et  de  la  connaissance  des  mœurs  et  de  la  métaphysique  de  l'Inde. 
A  l'époque  du  ministère  du  général  Dessniles,  M.  Bruguière  revint  à  Pa- 
ris et  fut  nommé  secrétaire  de  l'ambassade  de  France  en  Angleterre  ; 
mais  il  ne  s'est  jamais  rendu  à  ce  poste,  et  il  resta  auprès  du  ministre 
jusqu'au  moment  où  celui-ci  quitta  si  honorablement  les  affaires.  M. 
Bruguière  publia  dans  ce  tems  (1819)  un  volume  de  littérature  orien- 
tale, contenant  une  comédie  chinoise  {Lao-seng-eul  ou  le  Vieillard  au- 
q%iei  a  naît  un  héritier),  et  un   conte  moral  {San-iu-icou  j  ou  ics  Trois. 


470  EUROPE. 

étages  consacrés),  tiaduils  sur  la  version  anglaise  de  J.  F.  Da^is;  oh 
trouve  dans  ce  volume  un  avant-propos  et  des  noies  qui  annoncent  une 
connaissance  approfondie  de  la  littérature  de  la  Chine.  Ce  fut  aussi  à 
cette  époque  qu'il  prit  paît  à  la  publication  d'un  journal  littéraire,  le  Ly- 
cée fraif.çais ,  parmi  les  rédacteurs  duquel  il  comptait  plusieurs  amis;  il 
l'enrichit  de  quelques  bons  morceaux  de  littérature  étrangère  et  de  poé- 
sie. EnGn,  il  donna,  en  1820,  la  traduction  du  Rodcrick,  de  Soulhey,  en  3 
vol.  in-12;  ouvrage  où  brille  à  un  haut  degré  le  talent  assez  rare  d'im- 
primer à  une  traduction  le  caractère  de  l'original.  Lorsque  le  Lycée  fran- 
çais se  réunit  à  la  Revue  Encijclo'pédique ,  M.  Bruguière,  qui  avait  connu 
particulièrement  aux  armées  et  à  Paris  M.  Jullien,  fondateur  et  directeur 
de  ce  dernier  recueil,  avait  fait  espérer  qu'il  en  deviendrait  un  des  colla- 
borateurs; d'autres  occupations  et  le  mauvais  état  de  sa  santé  l'en  ont  em- 
pêché. Tourmenté  d'une  indisposition  !iss<z  grave,  et  dont  il  était  ve- 
nu chercher  le  soulagement  à  Paris,  il  y  a  élé  enlevé  le  7  octobre ,  à  une 
famille  qui  le  chérissait,  et  à  des  amis  qui  ne  se  consoleront  jamais  de 
sa  perte.  Il  a  conservé,  au  milieu  de  ses  souffrances,  la  tranquillité  d'une 
conscience  pure;  sa  mort  a  été  calme  et  douce,  comme  sa  vie.  Celui 
qui  trace  cette  notice,  son  ami  depuis  i5  ans,  et  qui  a  eu  la  dou- 
loureuse consolation  de  partager  avec  d'autres  amis  les  soins  donnés  à 
ses  derniers  momens,  éprouve  le  besoin  de  rendre  à  cette  belle  âme  à 
cette  heureuse  union  des  qualités  du  cœur  et  de  l'esprit,  un  témoignage 
qui  ne  coulera  licn  à  sa  sincérité.  Homme  de  mœurs  extrêmement  dou- 
ces et  d'un  commerce  très  fariic,  Bruguière  invitait  à  la  confiance,  et  il 
semblait  tout  naturel  de  l'aimer  ;  il  joignait  à  un  esprit  supérieur  cette 
bonhommie  qui  a  be-oin  d'être  en  pays  de  connaissance;  sans  l'efiVayer, 
le  grand  monde  la  rend  quelque  peu  silencieuse,  mais  elle  jette  dans  l'in- 
timité un  charme  inexprimable.  L'aménité  de  son  caractère,  la  bonté  de 
?on  cœur,  la  modestie  de  son  e-prif,  relevaient  encore  son  talent.  Mal- 
heureusement, ce  talent  n'a  pas  porté  tous  ses  fruits  ;  Bruguière  mettait 
jusque  dans  ses  travaux  littéraires  quelque  chose  de  cette  incurie  qui 
étiiit  naturelle  chez  lui  pour  sa  fortune  et  ses  affaires;  fréquemment  tour- 
menté de  la  goutte,  il  s'en  faisait  un  prétexte  pour  mener  va  genre  de 
vie  peu  favorable  à  sa  santé  et  même  au  développement  de  son  beau  ta- 
lent, mais  qui  s'atcordait  avec  ses  goûts  paisibles  et  son  humeur  parcs- 
feuse.  Cependant,  .«^ans  compter  ^ca  ouvrages  imprimés,  il  laisse  en  ma- 
nuscrit des  productions  d'un  mérite  distingué.  Outre  les  traductions  de 
Shakspeare  et  du  drame  indien  dont  nous  avons  parlé,  nous  connais«ons 
dt  lui  des  imitations  à'Ossian^  dont  sa  poé5ie  a  su  conserver  habilement 


EUROPE.  4^1 

le  coloris  original;  un  poème  sur  Marseille,  sa  patrie;  des  fragmeus  d'u- 
ne tragédie  à' Antijori,e,  et  d'un  poème  sur  la  conquête  du  Mexic/ue,  qui, 
malheurcusemcnf ,  n'est  qu'ébaucliû.  Lps  amis  de  liruguière,  et  tous  c(.mix 
qui  aiment  les  beaux  vers  ,  doivent  souhaiter  que  ses  manuscrits  soient 
recueillis  avec  soin,  et  qu'on  publie  ce  qui  sera  en  état  de  paraître.  M. 
Bruguière  était  membre  de  la  SocUté  usiatique  de  France  et  de  VAcadé- 
ime  Tojale  de  Coeitinjue. 

RI.    AviNKL. 


TABLE  DES  ARTICLES 

CONTENUS 

DANS  LE  CINQUANTE -NEUVIÈME  CAHIEU. 

NOVEMBRE   1825. 


I.  MEMOIRES,  NOTICES  ET  MELANGES. 

1.  Sur  les  matériaux  recueillis  en  Egypte  par  M.  Cailliaud.  J*.  p.   267 

2.  Notice  biographique  sur  Ilaiiy  et  sur  Breguct.      F-M.  A. -T.  265 

IL  ANALYSES  D'OUVRAGES. 

5.     Chimie  appliquée  à  l'agriculture  ,  par  le  comte  Chaptal. 

Ferry.   279 

4.  Rapport  sur  le  service  des  aliénés. 

Edouard  Laffun  de  Ladébat.  287 

5.  Collection  des  Mémoires  historiques  des  dames  françaises. 

J.  C.  L,  de  Sismondi,   294 

6.  Parallèle  de  la  puissance  anglaise  et  russe,  par  M.  de  Pradf. 

Second  article. — Rui^sie.  Ch.  Dupin,  de  l'Institut.   5o(j 

7.  Œuvres  de  F.  G.  S.  Andiioux  ,  T.  IV.  St.  A.  BerviUe.  ^27 
S.     Nouvelles  Méditations  poétiques,  par  A.  de  La  Martine. 

Léon  Thiessé.  555 

'      III.  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

AanoDces  de  (^9  ouvrages,  français  et  étrangers.  345 

IV.  NOUVELLES^  SCIENTIFIQUES  ET  LITTÉRAIRES. 

Amébiquk    —  États-Unis.  4 '8 

Europe.  —  Iles  Britanniques.  —  Russie.  —  Pologne.  —  Suède.  —  Da-, 
nemarck.  —  Allemagne.  —  Suisse.  —  Italie.  —  Iles  Ioniennes.  — 
Grèce.  —  Pays-Bas.  -p-  France.  —  Paris.  4*9 


AYÏS  ESSENTIEL  AUX  SOLSCRIPTEURS. 

La  Revie  Ekcyclopédiole  ayant  donné  jusqu'ici, 
chaque  mois,  un  uouiijre  de  feuilles  d'impression  qui 
excédait  toujours  d'un  sixième  ,  ou  d'un  quart ,  et  quel- 
quefois d'un  tiers ,  celui  de  12  feuilles  qui  était  promis 
et  du  à  ses  souscripteurs,  a  éprouvé,  par  celte  circons- 
tance ,  une  augmentation  considérable  de  dépenses,  tant 
pour  les  frais  de  papier  et  d'impression  ,  f|U8  pour  ceux 
d'envoi  par  la  poste,  sans  compter  les  dépenses  de  la 
rédaction. 

Une  expérience  de  cinq  années  nous  ayant  fait  recon- 
naître la  nécessité  d'at|;randir  notre  cadre  poiu'  amélio- 
rer et  compléter  notre  plan  ,  nos  souscripteurs  trouve- 
ront sûrement  juste  et  fondée  la  très-légère  augmenta- 
tion de  4  francs  par  aiotmnxent  d'un  an,  à  Paris  ,  5  fr. 
par  la  poste  ,  da/ts  les  diparlcmcns,  cl  6  fr.  dans  l'étran- 
ger, qiii  aura  lieu  à  compter  de  l'année  iSs/j,  et  au 
moven  de  laquelle  la  licvfie  s'engage  à  donner  régulière- 
mont  i4ft'ui!lcs  d'impression  par  mois,  au  lieu  de  12. 

On  peut  remarquer  que  le  volume  delà  7?t'rf(6  s'ac- 
croît ainsi  d'mi  siocitmc  au  moins  ,  tandis  que  le  prix  de 
la  souscription  n'est  pas  même  augmenté  d'un  dixième. 
Ce  Recueil  n'en  sera  pas  moins  le  plus  économique 
des  ouvrages  périodiques  du  même  genre,  relativement 
h  son  étendue  et  à  l'abondance  des  matières  qu'il  ren- 
ferme. Ainsi ,  à  commencer  du  1"^  janvier  1824  ,  le  prix 
de  la  souscviplion  reste  déiinitive  nent  fixé  de  la  maniera 
suivante  : 

A  Paris 46  Fr.  ];our  un  an  ;   26  fr.  pour  six  mois. 

Dans  IfS  déj>arlemcn.s. .    55.        la.      id.       5o. 
Dans  les  pays  étrangerîi.   Go.        id.      id.        Ô4. 

N.  B.  Les  abonnemens  ne  peuvent  être  faits  que  pour 
une  année  enlière,  ou  pour  six  mois  ,  à  partir  du  i"  jan- 
vier ou  du  1"  juillet  de  chaque  année.  Les  abonnemens 
bornés  h  six  mois  sont  d'un  prLx  plus  élevé,  parce  qu'ils 
déccmplèîent  les  collections. 


REVUE 

ENCYCLOPÉDIQUE, 

ou 
ANALYSES  ET  ANINONCES  RAISONNÉES 

DES  PRODUCTIOAS  LES  PLUS  REMARQUABLES 
DANS  LA  LITTÉRATURE,    LES  SCIENCES  ET  LES  ARTS. 

%#VVVV%/VVt'VVV  WW^  VV\V  W%'V%/W%VVW\aVV  WVW  \'WVVVWV%  WVVVWVW\'V\WV^W%%VV%'WV 

I.  MÉMOIRES,  NOTICES, 

J.ETTRES  ET  MÉLANGES. 


NOTICE 

Sur  divers  travaux  géodésiques  ,  ordonnés  par  le  Gou- 
vernement français,  et  exécutés  en  partie  par  les  in- 
génieurs du  dépôt  général  de  la  guerre. 

Une  des  couceplions  administratives  que  les  hommes  d'état 
estiment  le  plus,  et  dont  les  étrangers  eux-mêmes  reconnais- 
sent Timportance,  est  celle  qui  a  ordonné  la  formation  du 
cadastre  de  la  France.  Cette  opération  ,  qui  a  pour  but  de 
décrire ,  de  figurer  et  de  classer  toutes  les  propriétés  immo- 
bilières ,  selon  leur  étendue  et  leurs  produits,  bannit  l'arbitraire 
et  facilite  la  disposition  des  rôles  d  impositions  directes  :  cba- 
qne  conti'ibuable  peut  lui-même  juger  si  la  portion  d'impôts 
qu'on  exige  de  lui  est,  relativement  à  ses  biens,  dans  la  pro- 
portion fixée  par  la  loi. 

Originairement  (eu  i  797),  l'exécution  du  cadastre  fut  con- 
fiée à  une  administration  particulière ,  dirigée  par  le  savant 
T.  XX. — Décembre  iSaD.  3t 


474  NOTICE 

M.  de  Prouy  ;  dhabiles  ingénieurs  furent  mis  sous  ses  ordres, 
et  des  élèves  géographes,  sortis  de  l'école  Polytechnique ,  leur 
furent  adjoluls  ,  pour  se  former  auprès  d'eux  par  leurs  exem- 
ples et  par  les  soins  de  professeurs  distingués.  Les  travaux 
préparatoires  de  cette  vaste  entreprise  furent  très-longs,  et  deux 
années  s'écoulèrent  sans  quelle  fut  commencée.  Le  chef  de 
l'ancien  gouvernement ,  accoutumé  à  l'exécution  militaire  et 
immédiate  de  ses  ordres,  fut  mécontent  de  ces  lenteurs,  et 
changea  cet  état  de  choses. 

Napoléon  crut  qu'il  sutEsait,  pour  exécuter  le  cadastre  gé- 
néral de  la  France,  d'employer  des  géographes,  moins  ha- 
biles ,  mais  plus  expédilils  que  ceux  qui  en  avaient  été  char- 
gés ;  et ,  considérant  l'opération  sous  le  rapport  financier  ,  il 
en  confia  la  direction  au  ministre  des  finances.  M.  le  duc  de 
•Gaëte ,  dont  la  probité  et  les  talens  administratifs  sont  géné- 
ralement reconnus,  fut  cliargé  de  cette  entreprise.  Pour  met- 
tre pins  de  célérité  dans  l'exécution,  il  crut  devoir  ne  pas  la 
faire  reposer  sur  un  grand  appareil  scientifique. 

I!  se  peut  qu'en  effet,  dans  la  première  organisation,  on 
n'ait  pas  développé  une  assez  grande  activité ,  en  considérant 
l'importance  du  but  qu'on  se  proposait,  et  surtout  le  carac- 
tère de  Bonaparte  ;  mais,  l'expérience  a  montré  qu'aller  vite 
n'était  pas  un  sûr  moyeu  de  faire  promptement.  Plusieurs 
opérations  cadastrales  ,  surtout  celles  des  pays  fortement  ac- 
cidentés ,  furent  manquées ,  pour  avoir  été  confiées  à  des  in- 
génieurs peu  instruits ,  ou  dirigées  par  des  personnes  sans 
talent.  Il  fallut  recommencer.  Cependant,  l'entreprise  s'est 
continuée  avec  des  succès  variés,  elles  grands  avantages  qu'on 
en  retire  dans  les  pavs  cadastrés  montrent  aux  esprits  les  plus 
prévenus  com}>ien  était  belle  et  vaste  l'idée  créatrice  de  cette 
grande  opération. 

Le  dépôt  de  la  guerre  ,  institué  par  Louvois  ,  sons  le  règne 
de  Louis  XrV,  fut  supprimé  dans  les  premitres  annJes  de  la 


SUR  DIVERS  TRAVAUX  GÉODÉSIQUES.      475 

révolution,  en  1791.  On  y  suppléa  en  employanl,  tant  aux 
années  que  dans  rintérleur,  d-.s  ingénieurs  ,  qui  étaient  cl,ar- 
gés  des  mêmes  fonctions ,  mais  ne  (orm^ient  pas  un  corps 
distinct.  Depuis  ,  Napoléon  sentit  la  nécessité  de  rétrd)Iir  cette 
institution  ,  et  ses  i?uorres  d'Italie  et  d'Égvp'e  lui  eu  avaient 
montré  toute  futilité;  c'est  en  1809  qu'il  organisa  ce  bel  éta- 
blissement tel  qu'il  existe  aujourd'hui. 

Les  ing'nieurs-géographes  forment  un  corps  militaire,  com- 
posé d'ofïiciers  de  difFérens  grades ,  et  d'élèves  sortis  de  le- 
cole  Polytcclinique,  qui  en  réparent  les  pertes  :  il  est  destiné 
aux  levers  géographiques,  aux  reconnaissances  en  présence 
de  l'ennemi,  à  la  contèction  des  cartes,  etc.  Souvent,  les  of- 
ficiers de  ce  corps  paient  de  leur  personne  sur  les  champs  de 
bataille  ;  plusieurs  sont  morts  au  lit  d'honneur,  ou  par  suite 
des  fatigues  de  la  guerre  ,  et  les  noms  du  général  Vallongue, 
de  Jacotin  oncle,  des  chefs  d escadron  Chabrier,  Boclel ,  des 
capitaines  Lasseret,  Pierreponl ,  etc.,  peuvent  être  comparés 
à  tout  ce  que  notre  armée  présente  de  plus  brave  et  de  plus 
instruit.  En  général,   on  reconnaît  qu'il  n'est  pas  de  corps 
plus  honoré  et  plus  digne  de  l'être  que  les  ingénieurs  du  dépôt 
de  la  guerre,  à  raison  du  mérite  des  olîlciers  qui  le  composent. 
Ce  dépôt  a  été  dirigé  successivement  par  les  généraux  An- 
dréossy,  Samson,  BacIer-d'Aîbe,  dEcquevilly,  Evain;  il  l'est 
maintenant  par  le  général  Guilleminot,  qui  est  digne,  par  son 
habileté ,  par  les  souvenirs  d'une  vie  militaire  très-honora- 
ble, par  l'esprit  de  sagesse  et  de  modération  dont  il  a  donné 
des  preuves  récentes ,  de  toute  la  confiance  du  personnage 
auguste  qui  a  voulu  lassocier  à  ses  travaux  et  à  sa  gioire. 

En  tems  de  paix  ,  le  dépôt  de  la  guerre  est  chargé  de  tou- 
tes les  opérations  géographiques  de  France  :  il  a  exécuté  plu- 
sieurs grands  travaux  en  Belgique  ,  en  Égjpte,  en  Italie,  en 
Bavière,  etc. ,  et  s'occupe  de  perfectionner  la  connaissance 
de  la  configuration  de  notre  sol ,  avec  le  degré  de  précision 


476  KOTICE 

que  comporieiit  Tétat  de  la  science  et  la  perfection  des  îns- 
truniens.  Il  travaille  maintenant  à  faire  une  carie  de  France, 
conçue  sur  une  grande  échelle ,  et  qui  puisse  suffire  à  Tavcnir 
à  tous  les  besoins  de  radminislration  ou  des  services  publics  j 
en  sorte  qu'on  ne  verra  plus,  comme  par  le  passé,  les  mêmes 
contrées  mesurées  cinq  ou  six  fois  ,  aux  frais  de  léîat.  par  des 
ingénieurs  qui ,  appartenant  à  des  directions  différentes,  ex- 
ploraient les  lieux,  avec  des  buts  divers. 

Si  Ton  eût  continué  lentreprise  du  cadastre  sur  le  plan  pri- 
mitif, dont  M.  de  Pronj  dirigeait  Texécution,  on  ne  serait 
pas  obligé  de  refaire  aujourd  hui  une  grande  partie  des  tra- 
vaux qui  ont  été  exécutés  par  les  ordres  du  ministre  des  fi- 
nances ;  le  gouvernement,  sans  abandonner  les  vues  finan- 
cières qui  ont  dirigé  ce  magistrat,  a  ordonné  des  opérations 
plus  vastes.  La  manière  dont  elles  seront  exécutées  se  trouve 
garantie  d  avance  par  les  résultats  que  le  dépôt  de  la  guerre  a 
obtenus  dans  les  départemens  réunis  du  nord  de  la  France ,  et 
qui  sont  dus  à  M.  Trancbol,  puis  dans  la  Bavière  et  en  Ita- 
lie, et  par  les  résultats  non  moins  satisiaisaus  qu'on  vient  d'ob- 
tenir en  France.  Les  deux  notices  suivantes  sont  relatives  à 
ces  deux  belles  opérations. 

L  Sur  les  travaux  des  ingénieurs  français  en  Italie  , 
depuis  ies  Alpes  jusqu'à  Borne,  de  1801  à  181 4,  et 
les  opérations  géodésiques  que  Con  exécute  actuclU- 
ment  en  France. 

ïRAYArX  EXÉCÏTÉS  EN  ITALIE. 

Les  opératioîis  géodésiques  que  le  corps  des  ingénieurs- 
géographes  militaires  a  exécutées  dans  la  haute  Italie  ,  depuis 
1801  jusqu'en  i8i4^  avaient  pour  objet  spécial  de  dresser  la 
carte  gém'rale  du  rovaume  d'Italie  ,  et  d'offrir  des  bases  aux 


SUR  DIVERS  TRAVAUX  GÉODÉSÎQUES.  477 
travaux  topograpliiqucs  des  diverses  coalrées  adjacentes  sou- 
mises alors  à  la  domination  française  (1). 

Un  réseau  continu  de  triangles  du  premier  ordre  couvre  la 
superficie  entière  d'une  partie  de  l'Italie  supérieure  ,  qui  s'é- 
tend des  Alpes  aux  Apennins  ,  et  des  rives  de  la  Sésia  à  celles 
de  risouzo.  Ce  réseau  porte  des  ramifications  dans  le  Piémont, 
le  canton  du  Tésin  ,  les  états  de  Gènes  ,  de  Parme  et  de  Plai- 
sance ,  en  Istrie  et  dans  le  golfe  de  Quarnero  ;  euOn  ,  des  opé- 
rations trigonomélriques  faites  à  Rome  et  dans  les  environs, 
avec  l'intention  de  mesurer  de  nouveau  les  anciennes  trian- 
gulations de  Lemaire  et  Roscovich  ,  dont  une  partie  avait  été 
reclitiée  précédemment  dans  la  Marche  d'Ancône  :  telle  est 
l'étendue  qu'embrassent ,  en  Italie ,  les  travaux  géodésiques 
des  ingénieurs-géographes  français. 

La  base  de  départ  est  celle  que  MM.  Oriaui,  Cesaris  et 
Reggio,  astronomes  milanais,  ont  mesurée  en  1788,  dans 
une  bruvère  proche  la  rive  gauche  du  Tésin  :  réduite  au  ni- 
veau de  la  mer ,  cette  hase  a  9999,81  mètres.  L'aiguilie  du 
dôme  de  Milan  est  le  point  capàid  de  plusieurs  chaînes  d'en- 
viron cent  triangles,  dont  l'une  va  à  Rimiai ,  une  autre  à  Vé- 
rone et  k  Manloue,  dans  le  sens  de  la  perpendiculaire  h  la 
méridienne  du  domej  une  troisième  arrive  à  Venise,  une 
quatrième  va  de  Rimini  à  Padoue;  une  cinquième  sétend  à 
Rivoli ,  et  une  sixième  à  Turin.  La  concordance  la  plus  re- 


(1)  Ces  travaux  ont  élé  exécutés  sous  les  ordres  du  colonel  Brossiez, 
par  MM.  Moijmt,  Dcnaix,  Rousseau,  Coraiœuf,  Béraïul,  Le  Senne,  etc. 
Les  ingénituis  italiens  y  ont  contribué,  et  leur  zèle  inépite  autant  d'é- 
loges que  leurs  talens.  La  Notice  que  je  présente  est  extraite  d'un  très- 
beau  travail,  rédigé  par  M.  Cobabckcf,  chef  d'escadron  au  dépôt  de  la 
guerre,  qui  a  bien  voulu  me  le  communiquer,  avec  l'approbation  su- 
périeure. Cet  ingénieur  joint  à  une  grande  instruction,  une  modestie 
et  un  attachement  à  ses  devoirs  qui  lui  attirent  la  considération  géné- 
rale. 


478  NOTICE 

marquable  existe  entre  les  mesures  obtenues  par  nos  ingé- 
nieurs et  par  M.  âe  Zacli  à  Passariano  dans  le  Frioul ,  à 
Sc!>uarzaueck  en  Carinlhie  ,  puisque,  à  plus  de44o-ooo  mè- 
tres de  distance,  les  bases  mesurées  par  ce  géographe  ne  dif- 
fèrent pas  de  5  à  G  décimètres  de  celles  que  donnent  les  cal- 
culs :  précision  que  ion  aurait  peine  à  concevoir ,  si  l'on  ne 
connaissait  le  talent  de  nos savans  ingénieurs  et  le  degré  d'exac- 
titude auquel  on  peut  atteindre  dans  l'état  actuel  de  la  science 
et  des  iustrumeus. 

Les  observations,  faites  avec  d'excelleus  cercles  répétiteurs, 
confiésà  desijommeshabilesel  exercés;  lemploi  des  méthodes 
perlectiounées  de  nos  jours  j  Textrème  précision  de  la  base 
de  départ  ;  l'accord  étonnant  des  résultats  avec  ceux  qu'on 
s  est  procurés  dans  les  parties  extrêmes  du  réseau  trigonomé- 
trique  ,  et  avec  les  A'érilications  que  donnent  les  combinaisons 
r(ciproqucs  des  parties  ;  eiA'in ,  le  soin  qu'on  a  mis  dans  les 
observations  astronomiques  pour  les  déterminations  de  lati- 
tude, de  longitude  et  d'azimuts  ,  pour  en  déduire  la  situation 
relative  de  plus  de  quatre  mille  points  ;  tout  concourt  à  mettre 
cette  belle  entreprise  au  rang  de  celles  qui  oflrent  le  plus  de 
garanties  de  leur  exactitude. 

lu  des  avantages  qui  résultent  des  travaux  dont  nous  ren- 
dons compte,  c'est  la  découverte  de  fortes  erreurs  dans  les 
ancieuues  mesures  d"un  arc  du  méridien  terrestre  ,  exécutées, 
il  y  a  5o  ou  60  ans  ,  par  Boscovich  dans  les  états  romains  ,  et 
par  Beccaria  en  Piémont  (i).  La  recherche  et  le  rétablisse- 
ment des  termes  des  deux  buses  mesurées  par  le  premier;  la 
liaison  immédiate  de  l'une  d  elles  et  de  quelques  sommets  de 
ses  triangles  avec  ceux  de  nos  ingénieurs ,  ont  donné  le  moyen 
de  rectiiier  la  mesure  de  l'arc  du  méridien  qui  passe  à  Rome , 

(1)   Cfs  travaux  oot  été  exécutés  aux  frais  du  roi  de  Sarilaigne  et  dd 
pape,  d'après  les  injtances  de  l'Académie  des  Sciences  de  France. 


SLR  DIVERS  TRAVALX  GÉODÉSIOLES.  479 
et  d'eu  déduire  une  A';>leur  plus  exacte  du  degré  terrestre.  Nos 
géographes  ,  en  prolongeant  l'arc  de  Boscovich  depuis  Rimini 
jusqu'au  nord  de  Venise  ,  ont  obleuu  ,  par  leurs  seules  déter- 
minations ,  la  mesure  de  ce  prolongement  et  une  nouvelle 
valeur  du  degré  du  méridien  d'Italie.  Donnons,  par  quelques 
développeniens,  une  idée  de  ces  ti-avaux. 

Les  PP.  Lemaire  et  Boscovich  avaient  mesuré  deux  ])ases 
géodésiques  situées  aux  limites  de  l'arc  de  méridien  qu'ils 
voulaient  connaître.  L'une  de  ces  bases  est  près  de  Rimini , 
sur  le  bord  de  la  mer  ;  elle  a  1 1-60,1  2  mètres  de  longueur  j 
l'autre,  de  1 1964,30  mètres  ,  est  près  de  Rome.  Il  fallait  re- 
trouver ces  deux  bases  sur  le  pol  même,  pour  en  apprécier  le 
degré  d'exactitude,  et  s'en  servir  s'il  j  avait  lieu. 

La  première  ,  terminée  par  deux  pilotis  enfoncés  dans  la 
terre ,  était  d'autant  plus  diilicile  à  retrouver  ,  que  les  erreurs 
de  l'ancienne  opération  s'étendent  jusqu'à  3o  mètres  sur  la 
longueur  de  certaines  distances.  La  mer,  en  se  retirant  con- 
tinuellement, laisse  le  rivage  à  nu,  et  on  volt  maintenant  des 
jardins  aux  lieux  où  il  n'existait,  il  y  a  un  denii-siècle,  que 
des  falaises.  Les  vieillards  même  n'avaient  conservé  au- 
cun souvenir  des  lieux  où  ces  pilotis  avaient  été  enfoncés 
pour  signaler  les  limites  de  la  base  ;  enfin  ,  après  diverses  ten- 
tatives Infructueuses,  on  a  retrouvé  ces  pilotis  à  4  pieds  de 
profondeur.  La  mesure  de  cette  base ,  telle  que  le  P.  Bosco- 
vicb  la  donne  dans  son  ouvrage  (^oj^^e  aslronomique ,Qlc .) . 
s'est  trouvée  forî  exacte. 

La  seconde  base  s'étendait  du  tombeau  de  Métella  ,  au-des- 
sous de  Fratochia  ,  à  trois  mliies  d'Albe,  sur  le  milieu  de  la 
vole  Appia.  La  première  de  ces  extrémit<s  était  fariie  à  re- 
trouver ;  la  seconde  présentait  d'assez  grandes  difficultés  :  un 
cube  de  granit,  enfoui  à  un  pied  sous  terre,  a  été  reconnu 
comme  la  fin  de  cette  base.  Cette  recbeiche,  quoique  bien 
plus  facile  que  la  précédente,  a  présenté  cependant  plus  dcm- 


48o  NOTICE 

barras  ,  à  cause  des  énormes  erreurs  qui  en  étaient  la  consé- 
quence. Sur  la  dislance  de  Rome  à  Rimiui,  tirée  de  cette  base 
et  calculée  selon  tes  règles  trigonométriqucs  ,  on  a  trouvé  108 
mètres  de  trop ,  sans  parler  d'autres  erreurs  moindres  ,  quoi- 
que très-fortes,  sur  diverses  autres  longueurs.  Toutes  ces  in- 
corrections provenaient  des  instrumens  déleclueux  empîovés 
par  Boscoyicb  à  la  mesure  des  angles,  et  aussi  de  fautes  com- 
mises dans  les  observations. 

Il  résulte  de  ces  travaux,  dont  la  précision  peut  être  regar- 
dée comme  extrême,  que  la  valeur  du  degré  du  méridien  ter- 
restre sous  la  latitude  de  45",  conclue  de  lamplitude  de  l'arc  : 
De  Rome  à  Rimlni ,  est  de  1 10954  mètres. 
De  Rome  à  Venise  ,        de  1 1 1212 
De  Rimini  à  Venise,  de  111648. 

Ou  suppose  au  spbéroide  terrestre  un  aplatissement  de  ^fg, 
qui  résulte  de  la  plus  grande  amplitude  (celle  de  Rome  à 
Venise).  Ces  résultats ,  si  diflérens  entre  eux ,  et  si  éloignés 
des  idées  qu'on  s'est  faites  de  !a  figure  du  globe  terrestre,  en 
accusent  lirrégu'iarité.  Comme  il  n'est  possible  d'élever  aucun 
doute  sur  l'exaclitude  des  observations  et  sur  la  précision  des 
calculs  ,  ces  grandes  anomalies  dans  des  déterminations  ré- 
centes signalent  un  fait  déjà  constaté  par  d'auires  mesures 
géodésiques ,  c'est  que  les  méridiens  ne  sont  point  égaux  , 
ni  de  même  figure,  et  que  par  conséquent  la  terre  est  plus 
irrégu'.ièrc  qu'on  ne  l'aurait  imaginé. 

Les  travaux  de  Bcccaria  sont  moins  exacts  encore  que  ceux 
de  Bescovicb  ,  et  ce  savant  paraît  avoir  mis  ,  dans  ses  mesures 
d'angles  et  ses  obsei'vations  astronomiques,  une  n('gligcnce 
funeste  à  son  entreprise.  Sa  base,  qui  a  1 1797,425  mètres  de 
longueur,  s'étend  de  Turin  à  Rivoli,  le  long  de  la  grande 
route.  Les  différences  que  nos  ingénieurs  trouvèrent  pour  des 
distances  entre  ces  points  identiques,  les  portèrent  à  effec- 
tuer la   jonction  de   leurs  triangles  sur  les  termes  mêmes  de 


SUR  DIVERS  TRAVAUX  GÉODÉSIQLES.  481 
cette  base.  Ils  reconRurcut  Tune  tles  cxîréuîités  à  une  pierre 
sortant  un  peu  de  terre ,  et  qu'ils  constatèrent  n"avoir  souf- 
fert aucun  dérangement;  elle  est  près  de  Rivoli.  Le  mar- 
bre cjui  fixait  l'autre  extrémité  était  enfoui  à  2  pieds  sous 
terre  ;  comme  de  l'une  on  ne  pouvait  apercevoir  l'autre ,  à 
cause  de  l'indexion  du  sol  ,  Beccaria  imagina  de  la  prolonger 
aux  deux  bouts  sur  des  tertres  plus  élevés.  On  attribue  à  celte 
idée  malbeureuse  une  partie  des  erreurs  graves  auxquelles  il 
a  été  conduit.  On  trouve  près  de  6  mètres  de  moins  à  sa 
base  ,  et  5  portent  sur  le  prolongement.  Les  erreurs  de  ce  tia- 
vail  sont  telles  ,  que  ,  dans  le  degré  du  méridien  du  Piémont , 
il  a  trouvé  120  mètres  de  moins  qu'il  ne  devait.  Il  y  a  55  mè- 
tres d'erreur  par  déiaul. ,  sur  la  distance  de  la  Superga  à  San- 
fré,  et  26  mètres  sur  celle  de  Sanfré  à  Saluées.  M.  de  Zncli , 
qui  a  fait ,  avec  beaucoup  de  soin  et  un  talent  recommandable, 
diverses  opérations  gcodésiques  sur  les  mêmes  lieux  ,  est  par- 
venu à  des  résultats  qui  présentent  un  accord  très-satisfaisant 
avec  ceux  des  ingénieurs  français.  Il  est  inutile  de  dire  que 
ceux-ci ,  pour  oflrir  à  leurs  successeurs  tous  les  moyens  de 
vérification  ,  ont  marqué  par  des  travaux  en  maLonncrio  iout- 
à-fait  invariables ,  les  extrémités  des  trois  bases  qu  ils  ont 
vérifiées.  Ils  ont  cru  devoir  s'imposer  cette  triple  jonction, 
afin  de  prouver  d'autant  mieux  Texactitude  de  leurs  opéra- 
tions, et  de  ne  laisser  à  la  malignité  aucun  mo^eu  de  les 
attaquer. 

On  volt ,  par  cet  exposé  ,  combien  des  travaux  erronés  s-mt 
préjudiciables  aux  sciences,  surtout  quand  ils  sont  laits  par 
des  bommes  en  possession  de  l'estime  puljlique,  et  lorsqu  lis 
ont  reçu  l'appui  des  gouvcruemens  et  l'assentlmcat  des  socié- 
tés savantes.  Les  ouvrages  de  Beccaria  et  de  Boscovicb  ont 
ét('  regardés  trop  long  -  teins  comme  des  modèles  d'exacti- 
tude; la  discordance  de  leurs  résultats  avec  ceux  de  nos  in- 
génieurs, a  dû  inspirer  à  ces  derniers  une  juste  méfiance  de 


48-2  JNOTICE 

Ifius  propres  travaux  :  des  veHnoatlous  longues  et  coûteuses 
sont  devenues  nécessaires.  Il  eût  été  bien  préférable  que  les 
deux  géographes  itaiieus  n'eussent  rien  lait  du  tout  ;  11  a  ïaliu 
plusieurs  années  pour  démolir  péniblement  rinulile  édifice 
qu'ils  avaient  élevé  :  ce  lems  eût  pu  suffire  à  d'autres  opéra- 
tions aussi  précises  que  celles  que  uous  possédons  actuelle- 
ment ,  et  qui  auraient  fourni  des  données  susceptibles  d'être 
employées  dans  tous  les  tems. 

La  connaissance  de  ces  détails  est  bien  propre  à  faire  res- 
sortir les  avantages  de  la  pratique  actuelle  sur  le  mode  an- 
cennement  en  usage  dans  les  opérations  géodésiques  ,  abs- 
traction faite  du  perfectionnement  de  nos  instrnraens  ;  la 
p'us  grande  partie  des  inexactitudes  reconnues  dans  les  an- 
ciennes opérations  ,  peut  être  imputée  à  la  négligence  des  ob- 
servateurs . 

La  jonction  projetée  du  grand  réseau  Irigonométrique  de 
l'Italie  supérieure  avec  les  chaînes  principales  de  triangles 
formées  en  France,  pour  le  levé  de  la  nouvelle  carte  géné- 
rale de  ce  royaume .  offrira  une  utile  application  des  mesures 
géodésiques  à  la  recherche  de  la  figure  de  îa  terre ,  en  ser- 
vant à  la  détermination  dun  arc  de  parallèle  compris  entre 
Fmme  et  la  tour  de  Co^'douan  ,  arc  d-environ  14  degrés. 

II.  Opérations  géodésiques  exécctÉes  bécbmment  e>-  Fri^ce. 

Parmi  les  immenses  travaux  géodésiques  qui  s'accomplis- 
sent maintenant  eu  Europe ,  sous  les  auspices  de  divers  gou- 
vernemens,  la  nouvelle  Description géomcirique  delà  France, 
fondée  sur  les  meilleures  méUiodes  dobservation  et  de  calcul , 
tiendra  assurément  le  premier  rang ,  parce  que  tout  a  été  prévu 
pour  eu  garantir  l'entier  succès. 

Le  projet  de  cette  grande  opération  ,  qui  fut  médité  au  dépôt 
général  de  la  guerre ,  auquel  est  confié  le  soin  daccroître  nos 


SUR  DIVERS  TRAVAUX  GÉODÉSIQLES.      485 

richesses  géodésiques  et  topograpliiques ,  et  qui  avait  pour 
but  de  coordonner ,  dans  l'int-'rét  des  services  publics ,  tous 
les  plans  du  cadastre,  pour  eu  composer  une  carte  générale 
du  royaume,  fut  d'autant  mieux  accueilli  par  le  gouverne- 
ment ,  que  l'illustre  auteur  de  la  Mccanique  céleste  en  dé- 
veloppa les  avantages  dans  une  séance  de  la  chambre  des 
pairs  ,  pendant  la  session  de  i8i6,  et  en  provoqua  lui-même 
l'adoption. 

Les  bases  et  le  mode  d'exécution  de  celle  nouvelle  carte 
furent  arrêtés  par  une  commission  spéciale ,  créée  par  une 
ordonnance  royale  du  ii  juin  1817,  présidée  par  M.  de  La 
Place,  et  composée  de  membres  appartenant  aux  d('partemens 
de  l'intérieur,  de  la  guerre,  de  la  marine  et  des  finances.  Par 
suite  des  délibérations  de  cette  commission  ,  et  des  instruc- 
tions particulières  rédigées  au  dépôt  de  la  guerre,  le  corps 
royal  des  ingénieurs-géographes  fut  chargé,  dès  1818,  de 
procéder  à  la  mesure  de  plusieurs  chaînes  principales  de 
triangles  ,  formées  dans  le  sens  du  méridien  et  des  perpendi- 
culaires à  celte  direction,  etdVtahlir  ainsi  les  premiers  lini-a- 
mens  de  l'immense  réseau  qui  doit  couvrir  toute  l'étendue  de 
la  France  et  se  rattacher  à  la  méridienne  mesurée  par  De- 
lambre  et  Mécbain. 

Les  triangles  du  premier  ordre,  dont  se  composent  les 
grands  quadrilatères  limités  par  ces  principales  chaînes,  dis- 
tantes de  200;000  mètres  environ  les  unes  des  autres  ,  sont 
observés  avec  une  précision  qui  permet  de  les  considérer 
eux-mêmes  comme  faisant  partie  d'autres  chaînes  primor- 
diales. A  ces  triangles  se  lient  ceux  du  second  ordre  ,  destinés 
à  coordonner  et  à  réunir  les  plans  du  cadastre  ,  ainsi  que  les 
levés  de  détail  des  ingénieurs ,  et  à  procurer  un  nivellement 
trigonométrique  d'une  multilude  de  points  remarquables  du 
terrain,  dont  les  hauleurs  au-dessus  de  la  mer  seront  évaluées, 
et  qui,  pour  la  plupart,  seront  signalés  par  des  bornes.   A 


484  KOTICE 

Taifle  de  CCS  travaux  ,  les  difl^Vons  services  publics,  les  admi- 
Dislralions  d.  partementales  et  les  associations  particulières 
pourront  trouver  en  tout  tems  des  bases  (ixes  pour  la  con- 
fectioa  des  plans  qu'il  serait  nécessaire  de  construire  par  la 
suite. 

D  exceljens  cercles  et  théodolites  répétiteurs,  construit"^  par 
nos  plus  habiles  arlisîes  ,  sont  employés  à  ces  opérations,  dons 
les  circonstances  atmosphériques  les  plus  favorables.  Les  ol>- 
servations  astronomiques  sont  faites  avec  des  instrurnens  de 
plus  grandes  dimensions.  Aucune  administration,  autre  que 
le  dépôt  de  la  guerre,  ne  possédait  une  coliectlou  dinstrumens 
de  géodésie  aussi  complète  que  celle  qui  est  mise  à  la  dis- 
position des  ingénieurs-géographes,  et  ne  pouvait  réunir  un 
aussi  grand  nombre  de  personnes  versées  dans  la  théorie  et 
la  pratique  des  méthodes  d  observation  el  de  calcul. 

La  nouvelle  description  géométrique  du  rovaume,  essen- 
tiellement liée  à  la  méridienne  de  Duakerque ,"  présente  doue 
ce  genre  d  ulilité ,  de  vérifier  et  de  coordonner  les  pians  ca- 
dastraux ,  de  manière  à  procurer  une  nouvelle  carte  topogra- 
phique appropriée  à  tous  les  services  publics,  et  dune  exé- 
cution bleu  supérieure  à  tout  ce  qui  existe  de  meilleur  sous 
ce  rapport.  Celte  description  aura,  en  outre,  le  précieux  avan- 
tage de  fournir  aux  savans  une  nouvelle  occasion  de  consta- 
ter ,  par  i\es  mesures  directes,  la  valeur  de  l'aplatissement 
de  la  terre,  puisqu'elle  se  composera  d'un  grand  nombre 
d  arcs  de  -méridiens  et  de  parallèles  qui  traverseront  toute  l'é- 
tendue du  royaume.  Queiques-uns  de  ces  arcs,  di'jà  mesurés 
géodésiquemeiit  et  astronomiquement ,  s'étendent  même  hien 
au-delà  des  limites  de  la  France,  et  se  lient,  tant  aux  opé- 
rations trigouométriques  que  les  ingénieurs-géographes  fran- 
çais ont  faites  hors  de  nos  frontières  ,  qu'à  celles  que  les  gou- 
vernemens  d'Angleterre,  d'Autriclie,  des  Pays-Bas,  de  Da- 


SUR  DIVERS  TRAVAUX  GLODÉSIQUES.  48"S 
nemarck  ,  deSarclaigne  et  cVltalic  font,  à  rcxemple  du  noire, 
exécuter  sur  leurs  territoires  respectifs. 

La  science  gécdésicjue  est  susceptible  ,  pai-  ses  continuelles 
applications,  d'agrandir  le  domaine  de  nos  connaissances 
géographiques  :  espérons  que  le  goût  de  celle  étude  se  répan- 
dra de  plus  en  plus ,  et  que  les  gouverncmens  qui  s'intéres- 
sent aux  progTcs  des  lumières ,  continueront  de  lui  accorder 
uue  piotection  spéciale.  FrancCeur,  « 


«.VVVVVWV^'VWVVti 


Notice  sur  M'^*  Clairon,  née  à  Salnt-Wanon  de  Condé, 
en  1723,  morte  à  Paris  le  ox  janvier  i8o5  (1). 

De  tous  les  témoins  nécessaires ,  celui  qu'on  est  le  moins 
obligé  de  croire ,  est  sans  contredit  l'enfant  qui  raconte  les 
détails  de  sa  naissance.  Ainsi,  nous  nous  permettrons  de  dou- 
ter, malgré  le  récit  de  M"'=  Clairon,  que,  née  avant  terme 
pendant  le  carnaval,  elle  ait  été  baptisée  à  la  hâte  au  milieu 
d'une  salle  de  bal ,  par  le  curé  et  son  vicaire  ,  déguisés  en  ar- 
lequin et  en  gille.  I!  n'était  pas  besoin  de  cette  fabic  pour  si- 
gnaler la  vocation  qui  ia  tit  comédienne.  INi  la  misère,  ni  les 
coups,  ni  l'ignorance  ne  purent  l  en  détourner,  et  sa  volonté 
eut  à  cet  égard  la  ténacité  de  Tinstinct.  En  général ,  depuis  le 
berceau  jusqu'à  la  tombe ,  M"^  Clairon  n'a  dû  qu'à  elle-mê- 
me tout  ce  qu'elle  a  valu . 

Cependant  ,•  elle  trouva  un  premier  obstacle  dans  Tespèce 
de  contradiction  que  la  nature  avait  mise  entre  ses  disposi- 
tions morales  et  ses  formes  extérieures.  Celte  jeime  liamnnde 
portail  dans  sa  petite  et  déilcale  stature,  un  caractère  énergi- 


(i)  Cette  INoTicE,  lue  par  l'auteur  dans  la  séance  de  l'Académie  fran- 
çaise du  4  novembre  iSîô,  est  destinée  à  faire  partie  de  la  Galerie  fran- 
çaisc.  (Voy.  ci-dessus,  Rev,  Enc,  T.  XIX,  p.  figa.) 


486  NOTICE 

que  et  passionné ,  et  sous  les  {olls  traits  cVune  pliysîouomie 
vénitienne,  cachait  une  grande  cervelle  d'homme,  comme 
on  le  disait  de  !a  reine  Elisabeth.  Elle  subit  d  abord  la  loi 
(les  apparences;  et  née  avec  la  mine  dune  soubrette,  force 
lui  fut  d  en  accepter  les  rôles.  Elle  y  débuta,  dès  Tàge  de  treize 
ans,  à  la  Comédie-Italienne,  et  continua  de  les  remplir  dans 
des  troupes  de  province,  à  Rouen ,  à  Lille,  à  Gand,  à  Dun- 
kerque  ,  en  figurant  aussi ,  selon  l'usage  ,  dans  des  divertisse- 
mens  de  cliant  et  de  danse.  Sa  voix  acquit  une  telle  étendue, 
qu  elle  fut  appelée  à  l'Opéra  pour  doubler  M»e  Lemaure ,  la 
première  cantatrice  du  tcms.  Mais,  sou  inexpérience  en  mu- 
sique la  fit  rentrer,  maigre  ses  succès  ,  dans  la  classe  des  sou- 
brettes. Un  ordre  de  débuter  à  la  Comédie-Française,  sous  le 
tablier  de  Marton ,  fut  donné  à  celle  qui  ne  devait  bientôt 
être  connue  dans  les  coulisses  que  par  le  sobriquet  pompeux 
de  reine  de  Carthoge  ;  elle  payait  pour  sa  jolie  figure,  comme 
Philopœmen  pour  sa  mauvaise  mine.... 

Ses  deTïuls  au  Théâtre -Français  eurent  tout  le  merveilleux 
des  métamorphoses.  Quoique  désignée  pour  doubler  MH^Dan- 
geville  dans  lemploi  des  soubrettes,  elle  devait,  à  la  forme  des 
règlemens,  de  se  montrer  aussi  dans  quelques  personnages  tra- 
giques. Or,  la  néophjtc ,  substituant  l'accessoire  au  principal, 
n'exigea  pas  seulement  que  son  premier  début  se  fît  dans  la 
tragc^die,  mais  choisit  le  rôle  de  Phèdre,  qui  était  le  triomphe 
de  M'ie  Dumesnil.  Son  droit  et  son  opiniâtreté  firent  taire  les 
réclamations  ,  et  l'on  n'attendit  plus  qu'une  issue  burlesque  de 
cet  acte  de  démence,  où  Lisette  devait  soutenir,  aux  yeux 
d'un  public  prévenu  ,  le  poids  de  la  couronne  et  les  feux  de 
l'inceste.  Le  jour  de  l'épreuve  justifia  l'audace  de  l'entreprise. 
Le  succès  fut  complet,  et  ladmlralion  universelle.  Une  autre 
Clairon  sembla  naître.  On  n'avait  connu  que  son  masque  ; 
c'est  son  âme  qui  débuta.  Chacun  fut  frappé  du  grandiose  de 
sa  petite  taille;  et  sa  physionomie  piquante  étonna  par  sa  ma- 


SUR  M"e  CLAIRON'.  487 

Jesté.  Celle  illusion  ôlait  due  à  deux  qualités  de  ractrice  ,  un 
organe  plein  ,  sonore,  le  plus  beau  qui  eut  retenti  sur  la  scène 
française,  et  une  àme  de  feu,  que  dirigeait  une  profonde  intel- 
ligence. I^es  hommes  de  noire  tems  se  feront  une  idée  de  ce 
prestige,  sils  ont  vu  celte  infortunée  Mailiard ,  qui  d('buta  , 
il  V  a  quinze  ans  ,  au  Théàtre-Francais  ,  où  hienlôl  elle  s'élei- 
gnit,  consumée  par  ses  passions  ;  et  s  ils  se  rappellent  com- 
ment cette  jeune  fille,  si  petite  et  si  jolie  ,  s'élevait  par  enchan- 
tement à  la  taille  héroïque  de  Roxane  et  d'TIermione ,  el 
d'une  voix  tonnante, que  je  crois  encore  entendre, envovaitBa- 
jazet  à  la  mort ,  et  foudroyail  l'assassin  de  Pvrrbus.  M"«  Clai- 
ron soutint  par  d'autres  riMos  l'enthousiasme  qu'elle  avait  ex- 
cité dans  P/ièdre.  Sa  r>'ceplion  se  fit  sans  obstacle  et  sans  dé- 
lai. Pendant  vingt -deux  années  qu'elle  occupa  la  scène,  sa 
réputation  alla  toujours  croissant ,  et  le  public  fut  conslam  - 
ment  de  l'avis  de  Voltaire  ,  lorsqu'il  écrivait  :  Je  suis  Clai- 
ronitn. 

La  postérité  reconnaîtra  les  services  que  ]M"«  Clairon  a  ren- 
dus à  l'art  théâtral.  La  première,  elle  en  fil  une  science,  et 
tendit  toujours  à  la  perfection  ,  c'est-a-dire ,  à  l'expression  de 
la  vérité  par  des  movens  nobles  et  de  vives  émotions.  Secon- 
dée par  Lekain,elle  abolit  les  costumes  de  fantaisie,  qui  con- 
fondaient dans  une  commune  mascarade  les  personnages  de 
tous  les  tems  et  de  tous  les  pays.  On  ne  vit  plus  se  mêler,  dans 
la  même  pièce  ,  telle  que  Cinna  ou  Andromaque ,  les  acteurs 
vêtus  en  courtisans  de  Louis  XIV,  aux  actrices  parées  en  maî- 
tresses de  Louis  XV  (i),  et  dès- lors  les  couleurs  locales  plus 

(1)  Voici  quelques  particularités  inconnues  sur  cette  révohitinn  des 
costumes.  La  rcprésenlation  de  VOr'phelin  de  ta  Chine,  au  mois  d'août 
1755,  en  offrit  la  première  idée.  La  iranie  des  productions  chîno'sts  en 
étoffes,  en  meubles,  et  en  quincailleries,  avait  rendu  si  popVilairc  la 
connaissance  des  vêtemens  de  celte  nation,  qu'il  p;irut  également  im- 
possible de  montrer  sur  la  scène  des  CLinois  habilléj  en  fracçais  ou  eu 


488  NOTICE 

respectées  îm-itèrent  les  acteurs  et  les  écrivains  draïuatitiues 
à  moins  s'écarter  du  naturel.  M''^  Clairon  elle-même  chan- 
gea sou  premier  jeu  trop  emporté  ,  et  y  substitua  une  manière 
raisonnée,  où  de  plus  grands  effets  naissaient  de  causes  plus 
simples  ,  comme  ces  liqueurs  généreuses  qui  s'adoucissent  en 
vieillissant,  et  perdent  leur  dpreté  en  gardant  leur  force, Cette 
réforme  était  le  fruit  d'études  opiniâtres  qui  décelaient  du  ju- 
gement, de  la  sagacité,  et  une  contention  d'esprit  peu  com- 
mune. Chacun  de  ses  rôles  fut  confronté  par  elle  à  l'histoire, 
à  la  philosophie  morale,  à  la  connaissance  du  cœur  hu- 
main, et  lui  (it  découvrir  dans  les  pièces  des  effets  et  des 
intentions  dont  les  auteurs  étaient  eux-mêmes  les  plus  éton- 
nés. Une  tête  naturellement  poétique  ,  une  oreille  sensible  à 
l'euphonie,  un  débit  fidèle  aux  moindres  beautés,  la  rendaient 
précieuse  aux  gens  de  lettres.  Le  goût  des  arts  du  dessin  et  de 


magots.  Joseph  Vtrnel  venait  d'exposer  ses  premières  marines,  et  la 
variété  des  costumes  étraugers  qu'il  arait  peints  sur  les  ports  de  Mar- 
seille et  de  Toulon,  était  suitout  admirée.  Les  amis  de  Voltaire,  qui  déjà 
vivait  sur  le  territoire  de  Genève,  engagèrent  ce  peintre  à  dessiner  pour 
la  nouvelle  tragédie  des  costumes  mixtes,  juste  assez  chinois  et  assez 
français  pour  ne  pas  exciter  le  rire.  Vernet  eut  cette  complaisance,  et 
M"»  Clairon  fit,  dans  son  personnage  d'Idatné,  quelque  altération  à 
l'ancienne  routine.  La  décoration  présentait  un  superbe  palais  d'ordre 
corinthien,  dont  chaque  colonne  portait  sur  son  chapiteau  des  feuilles 
d'acanthe,  le  magot  accroupi  d'un  mandarin  occupé  à  lire.  Cette  tenta- 
tive n'eut  point  alors  de  suites  ;  mais  une  autre  épreuve  de  l'année  sui- 
vante fut  décisive.  M"''  Clairon  était  venue  donner  quelques  représen- 
tations à  Marseille,  lorsque  le  maréchal  de  Richelieu  y  débarqua,  tout 
couvert  des  lauriers  de  Malion.  Le  jour  que  le  vainqueur  se  rendit  au 
spectacle,  elle  l'embrassa  et  le  complimenta  au  haut  de  l'escalier,  dans 
le  costume  d'Jtzire,  c'est-à-dire,  en  belle  robe  de  soie  mordorée,  avec 
un  sole.l  appliqué  en  lames  d'or  sur  la  poitrine,  et  un  petit  panier  cir- 
culaire ou  tonnelet  chargé  de  pompons jon^ui/^e.  Le  jour  suivant,  elle 
joua  Zaïre  dans  une  parure  non  moins  ridicule,  et  fut  poignardée  sur  un 
canapé  français,  «t  fort  embarrassée  après  sa  mort  dans  un  énorme  par 


SUR  M""  CLAIRON.  '        489 

la  slatuaire  antique  prr'sidait  h  sa  clémarche  ,  à  ses  attitudes,  à 
l'expression  de  ses  traits.  Elle  poussa  l'amour  de  Icxactitude 
jusqu'à  s'assurer,  par  des  leçons  d'anatoniie,  du  mouvement 
des  muscles  faciaux  et  des  règles  du  jeu  muet  ;  et  telle  fut  son 
ardeur  scieutifique  ,  qu'elle  dédaigna  de  s'.ipercevoir  que  de 
loin  comme  de  près  ,  le  plus  parfait  des  épouvantaiis  doit  être 
une  femme  anatomiste. 

Par  le  soin  ,  la  profondeur  et  la  perfection  de  son  jeu  , 
M"^  Clairon  fut  l'actrice  des  connaisseurs .  des  lettrrs ,  des 
gens  de  goût ,  tandis  que  M"®  Dumesuil  entraînait  la  multitu- 
de par  quelques  éclairs  admirables  qui  jaillissaient  d  un  de'bit 
nu,  prc'cipité,  incorrect  et  sans  couleur.  Cel'e-ci  est,  disait- 
on,  l'interprète  de  la  nature,  et  l'autre  est  l'enfant  de  l'art. 
Mais  il  faut  laisser  à  Dorât  ces  anlillièses  de  rhéteur.  Ce  n'est 
pas  sans  art  que  M"^  Dumesnil  donnait,  par  ses  négligences, 

nier  de  cour  chamarré  d'or  et  d'argent.  Le  soir,  ellcsoupait,  suivant  son 
Usage ,  chez  le  duc  de  Viilars ,  gouverneur  de  la  province  ,  avec  le  maré- 
chal de  Richelieu  et  son  état-major;  el'c  se  trouva  placée  à  table  à  côté 
d'une  dame  grecque,  que  M.  Guys,  riche  négociant,  et  auteur  de  Voya- 
ges en  Italie  et  en  Grèce  ,  avait  épousée  a  Constantinople.  Après  les  élo- 
ges que  méritait  son  jeu  ,  cette  dame  témoijjna  a  M"*'  Ci.iiron  ses  regrets 
de  ne  pas  lui  avoir  proposé  pour  le  rôle  de  Zaïre  un  des  habilli  mens  grecs 
qu'elle  avait  apportés  de  son  pays.  L'actrice  fut  vivement  frappée  de 
celte  idée;  et ,  comme  elle  devait  jouer  la  pièce  une  seconde  fois,  non- 
seulement  M""  Guys  lui  envoya  un  de  ses  costumes  byzantins,  mais  e'ie 
vint  elle-même  l'habiller.  Le  public  applaudit  cette  nouveauté  avec  trans- 
port, et  M""  Guys  en  prit  occasion  de  faire  présent  à  M"*"  Ci.n"ron  d'un 
ajustement  oriental  complet,  dont  une  magni6|ue  pelisse  f.iisait  pa'ti' . 
De  retour  à  Paris  ,  ftl"'  Clairon  s'empressa  de  renouveler  ujie  espérience 
dont  le  bon  sens  et  la  nécessité  furent  si  fortement  sentis,  que  lu  réforme 
devint  générale  pour  les  deux  sexes.  La  poudre,  les  niouchfs,  les  chi- 
gnons, les  paniers,  les  fontanges,  et  mille  autres  fantaisies  modernes,  fu- 
ient bannis  du  costume  tragique;  les  héroïnes  de  la  Grèce  et  de  Rome  , 
les  reines  de  Carthage  et  de  Babylone,  les  sauvages  du  Pérou  et  de  la 
Scandinavie,  n'eurent  plus  rien  à  démêler  avec  l'almanacli  des  modes. 
T.  XX. — Décembre  i825.  ùi 


4oo  INOÏICE 

pins  de  relief  anx  élans  de  son  âme;  et  Fart  n'était,  chez 
M''«  Clairon  ,  que  la  règle  et  Tornement  d'une  nature  non 
moins  riche  qu  énergique.  Aussi  reraarque-t-on  ,  comme  un 
témoignage  de  la  franchise  de  son  jeu,  quelle  excella  sur- 
tout dans  les  rôles  analogues  à  son  propre  caractère ,  vain  , 
enthousiaste,  altier  et  véhément.  Ce  caractère  lui  fît  presque 
autant  d'ennemis  que  ses  talens.  Mais,  si  elle  en  eut  les  torts 
et  les  ridicules  ,  elle  en  recueillit  aussi  les  avantages  :  le  res- 
pect de  soi-même,  l'amour  de  la  gloire,  le  désintéressement, 
la  véracité,  le  goût  du  noble  et  du  beauj  enfin  ,  comme  elle 
l'a  écrit  elle-même,  la  force,  le  courage,  et  le  cœur  d'un 
galant  homme.  On  peut  dire  d'elle ,  et  c'est  un  assez  rare 
éloge,  que,  dans  le  cours  entier  de  sa  vie,  toutes  les  fois 
qu'elle  eu-t  un  parti  à  prendre  ,  elle  choisit  le  plus  généreux. 
he  soyons  donc  point  surpris  si  elle  eut  des  amis  enthousias- 
tes, non-seulement  dans  les  hommes  ,  mais  parmi  les  femmes, 
entre  lesquelles  oa  peut  citer  la  duchesse  de  Villeroi ,  la  fem-  • 
me  de  l'intendant  de  Paris  ,  Berthier  de  Sauvigny,  et  la  prin- 
cesse de  Gallilzin  ,  qui  la  fit  peindre  par  Wanloo  dans  un  ta- 
bleau magnifique,  que  Louis  XY  A^oulut  enrichir  d'une  bor- 
dure de  cinq  mille  francs ,  et  que  le  comte  de  Valbelle  fit  gra- 
ver. Une  médaille  fut  aussi  frtjppée  en  son  honneur.  La  sculp- 
ture modela  ses  traits;  et  deux  cliarmanies  épîtres  de  Voi- 
ture lui  assurèrent  l'immortalité  mieux  que  le  marbre  et  le 
bronze. 

M^'^  Clairon ,  enivrée  de  ces  hommages,  s'indigna  du  con- 
traste de  sa  gloire  avec  l'abaissement  de  sa  profession  ,  et  ré- 
solut d'abord  de  soustraire  les  gens  de  théâtre  à  l'excommuni- 
cation religieuse.  Il  est  vrai  que  cette  rigueur  n'a  pas  lieu  dans 
les  autres  pays  catholiques,  et  l'on  remarque  que  les  mœurs 
des  comédiens  y  sont  infiniment  meilleures  qu'en  France,  ré- 
sultat qui  prouve,  d'un  côté,  l'avantage  des  pratiques  du  culte, 
et  de  l'autre,  le  danger  de  la  sévérité  gallicane.  Notre  église 


SUR  Mi'-^  CLAIRON.  49, 

avait  (]es  pn'lats  (riiii  esprit  a<.scz  élevé  pour  apprécier  cette 
considération  ,  si  elle  lenr  eût  été  soumise.  Il  parait  que 
Mlle  Clairon  voulut  l'emporter  par  d'autres  voies.  Elle  ins- 
pira si  mal  uu  jurisconsulte  inhabile,  appel»'  tlutvnt  de  La 
Motte ,  cpie  son  Mémoire  fut  lacéré  par  la  main  du  bourreau, 
et  l'auteur  rave  du  tableau  des  avocats.  Un  siècle  indliTérent 
ne  vit,  dans  la  démarche  de  l'aclrice  ,  qu'une  boufioe  d'or- 
gueil ;  et  ses  camarades  se  rirent  d'un  zèle  qui  les  touchait 
peu.  Je  crois  cependant  qu'au  milieu  de  sa  v;inité,  M"<=  Clai- 
ron écoutait  aussi  que'i<jues  pieux  scrupules,  dont  les  (èuimes, 
d'un  cœur  droit  et  d'une  imagination  vive  ,  ne  s'afTranchissent 
jamais  entièrement.  Âujourdbni ,  les  gens  de  tlu'àtre ,  mus 
de  senllmens  religieux ,  trouvent  un  refuge  dans  les  commu- 
nions évangéllques ,  qui  n'étaient  pas  alors  autorisées  par  les 
lois  de  l'état ,  comme  elles  le  sont  maintenant. 

M"^  Clairon  éc^iappa  aux  censures  ecclésiastiques  autre- 
ment qu'elle  ne  l'avait  prévu.  Un  acteur  du  Théàlre-Francais 
s'étant  donné  en  spectacle  par  un  procès  scandaleux  contre 
son  chirurgien,  ses  camaradts  payèrent  sa  dette,  et  arrêtè- 
rent de  ne  plus  communiquer  avec  lui.  Cette  résolution  fit 
manquer  une  représentation  de  la  tragédie  du  Siège  de  Ca- 
lais, et  causa  un  assez  grand  tumulte,  à  la  suite  duquel  les 
principaux  acteurs  lurent  emprisonnés  au  For  -  L' E\>ënue. 
Mi'«  Clairon  y  resta  durant  cinq  jours .  et  tint  pendant  vin^t- 
un  les  arrêts  chez  elle.  Révoltée  de  ce  traitement ,  elle  donna 
sa  démission,  et  l'autorité,  alarmée  de  sa  perte,  vint  ni'gocler 
avec  elle.  Mais  l'héroïne  ,  plus  inflexible  dans  son  repos  qu'A- 
chille  sous  sa  tente,  ne  se  laissa  point  apaiser,  et  la  levée  de 
l'excommunication  des  ccmédieus,  qu'elle  avait  bien  voulu 
mettre  pour  condition  à  sa  rentrée,  n'avant  pu  s  accomplir, 
elle  quitta  le  tbéatre  à  1  âge  de  quarante-deux  ans,  dans  le 
plus  grand  éclat  de  son  talent,  et  laissant  un  vide  qui  ne  fut 
pas  rempli  j  car  les  inspirations  de  M"«  Dumesnil  se  bornaient 


492  NOTICE 

à  peu  tlo  rôles  ,  et  lai  étaient  trop  personnelles  poar  servir  de 
modèle.  M"'^  Clairon,  devenue  indépendante,  fit  le  pèlerinage 
de  Fernev  ;  et  le  petit  thcàîrc  du  patriarche  fut  ébranlé  de  ses 
acccns.  Elle  consentit  à  reparnîlre  deux  (ois  sur  le  théâtre  de 
la  cour,  à  roccaslon  du  funeste  mariage  de  Louis  XVI.  On  la 
vit  aussi ,  dans  une  nombreuse  assemblée  réunie  chez  elle, 
se  montrer  sous  le  vêtement  d'une  prétresse  d'Apollon,  et  cou- 
ronner le  buste  de  Voltaire  ,  en  récitant  un  hjmne  de  Mar- 
montel.  Le  public  se  fût  probabli^mcnt  moins  moqué  de  cette 
fête  prétentieuse,  si  Iode  eut  été  meilleure.  Le  soin  que  prit 
M"^  Clairon  de  former  peur  la  scène  Larive  et  M''«  Raucour, 
fut  le  deruier  service  de  sa  carrière  théâtrale.  Elle  donna  aussi 
quelques  leçons  à  Tavocat-général  Hérault  de  Sechelles,  mais 
sans  pouvoir  animer  l  idole  ;  car  je  ne  me  souviens  pas  d'a- 
voir connu  de  plus  bel  homme  ,  ni  de  plus  mol  oi'ateur. 

La  vie  privée  d'une  actrice  touche  par  trop  de  points  aux 
actes  de  sa  profession  ,  pour  qu'elle  n'en  partage  pas  souvent 
la  publicité.  On  sait  déjà  quels  tributs  la  jeunesse  de  M^'^  Clai- 
rou  paya  dans  les  provinces  aux  séductions  de  son  métier,  et 
peut-être  aux  causes  premières  de  son  talent.  Des  indiscrets 
ont  trahi  les  faiblesses  moins  excusables  qui  la  suivirent  dans 
une  situation  plus  indépendante.  On  croirait  qu'ils  nous  par- 
lent ,  dans  leurs  confidences  ,  de  cette  Ninon  de  l'Enclos,  qui 
charma  ses  infimités  par  tant  de  passion,  de  volupté,  d'en- 
jouement ,  de  franchise  ,  de  désintéressement ,  par  tout  ce  qui 
enchaîne  les  hommes,  hormis  la  constance.  Marmonlel,  Guy- 
mond  de  la  Touche,  Du  Belloy,  rectu'ent  la  part  qu'elle  tit 
aux  muscs  dans  les  affections  de  son  cœur.  Son  amour  pour 
le  comte  de  Valbelle,  qui  se  prolongea  pendant  dix-neuf  an- 
nées ,  et  son  attachement  au  margrave  d'Anspach ,  qui  ou 
dura  dix-sept ,  eurent  une  célébrité,  pour  ainsi  dire  ,  histo- 
rique. 

Le  comte  de  Valbelle ,  plus  jeune  qu'elle  de  sept  à  huit  ans, 


SUR  M"«'  CLAIRON.  4o3 

en  fut  si  éperdument  épris  ,  qu'il  la  sollicita  pendant  treize  ans 
«raccepler  sa  main,  et  obtint  nu-me  le  consentement  de  la 
marquise  de  Valbelle  ,  sa  mère.  Mais  M"^  Clairon,  qui  Tai- 
mait  avec  lenJi-esse  et  sincéritr^,  se  refusa  constamment  à  celle 
haute  fortune  par  des  motifs  qui  honorent  la  fierté  et  la  déli- 
catesse de  son  caractère.  Ce  j'-une  officier,  d\m  grand  non»  et 
d'une  rare  beauté ,  mêlait  aux  grâces  brillantes  d'un  courti- 
san français,  une  àme  efféminée,  un  esprit  frivole,  et  les  goûts 
magnifiques  d'un  grand  seigneur.  Dans  un  moment  de  gène, 
où  ses  dissipations  le  compromettaient ,  M""  Clairon  vendit 
ses  eflets  les  plus  pn-cicux ,  et  lui  prêta  pour  dix  années  une 
somme  de  90,000  fr.  Devenu  ,  par  la  mort  de  son  frère  aiaé, 
le  che(  de  sa  famille  et  possesseur  d'une  immense  fortune ,  il 
retourna  eii  Provence,  oi!i ,  dégagé  des  conseils  de  son  amie, 
Il  afficha  une  dissolution  eirrénée.  Son  superbe  château  de 
Tourves  fut  un  théâtre  si  fameux  de  faste ,  de  corruption  et 
de  galanterie,  que  les  bourgeois  de  la  contrée  n'en  pronon- 
çaient le  nom  qu'en  rougissant.  Mais,  à  Paris,  oà  tout  se 
peint  cil  beau,  on  publiait  que  ces  orgies  et  ces  fêtes,  si  mor- 
l''lles  aux  bonnes  mœurs,  n'étaient  que  les  simples  jeux  d  un 
t'oubadour  opulent  et  spirituel ,  jaloux  de  restituer  à  la  terre 
galante  des  Provençaux  Tancieune  institution  des  cours  iVa- 
inour.  Je  ne  tairai  pas  que,  du  sein  de  ce  désordre,  M.  de 
Valbelle  fit  à  l'Académie  française  le  fonds  d'un  prix  annuel 
pour  l'encouragement  des  gens  de  lettres  ,  et  qu  à  ce  noble 
réveil  on  reconnut  l'ancien  ami  de  M"^  Clairon,  et  tout  ce 
qu'elle  avait  pu  semer  de  litlériiirc  daïis  un  cœur  aussi  lé- 
ger (1). 

(1)  IVI.  de  Valbelle  avait  été  uommû  commandnol  de  la  Provence.  Ce 
tjne  j'ai  dit  de  sa  magnificence  et  de  la  dépravation  de  ses  mœurs,  est 
confirmé  par  le  témoignage  des  liubjtans  du  pays.  Voici  d'ailleurs  re 
que  lui  écrivait  M"«  Claiion  ,  dans  une  lettre  datée  d'Anspach ,  le  20  fé- 
tiier  1774  :  Pourquoi  rester  dan»  des  lieuv  où  vous  avez  ie  faste  le  plu» 


494  NOTICE 

Plusieurs  traits  de  la  conduite  de  cette  actrice,  rentrée  dans 
la  vie  commune  ,'  avaieat  tralii  ce  besoin  d'occuper  le  public, 
dont  ne  se  guérisseut  jamais  les  âmes  qui  ont  une  l'ois  goùlé 
Tivresse  des  applaudissemeus.  Depuis  la  désertion  du  beau 
commandant  de  la  Provence,  elle  cultivait  quelques  bran- 
ches de  riiistoire  naturelle ,  lorsque  la  conquête  d'un  prince 
souverain  vint  la  distraire  de  ce  loisir  philosophique,  plus 
convenable  h  la  maturité  de  son  âge.  Le  margrave  d'Ans- 
pach  ,  de  retour  dans  ses  étals  ,  ne  put  supporter  l'absence  de 
son  amie  ,  et  la  ccnjura  de  venir  habiter  sa  cour,  M^'^  Clairon 
se  rendit  à  ses  prières  réitérées  ,  et  lui  sacrifia  toutes  les  ha- 
bitudes de  sou  existence.  Elle  avait  cinquante  ans  ,  lorsqu'elle 
partit,  et  soixante-sept,  lorsqu'elle  revint  en  France,  d'où 

ruineux,  où  tout  le  inonde  vous  hait  au  fond  de  l'âme?  A  trois  femmes 
■prés,  vous  m'avez  dit  les  avoir  lues  toutes.  Espérez-vous  qu'elles  vous 
pardonnent  tant  de  légèreté?  Espérez-vous  que  des  maris  outragés  ,  des 
atnans  ■négligés  pour  vous,  puissent  jamais  être  vos  amis  J...,  Renoncez 
à  dis  chimères  d'ostentation  qui  dégradeiU  votre  grandeur  réelle;  ayez 
dans  vos  affaires  l'ordre  dont  votre  âge,  voire  esprit,  voire  hoimeur  vo^is 
font  un  devoir  ;  quittez  des  lieux  où  vous  ne  pouvez  faire  que  des  fautes 
funestes  au  repos  de  vos  vieux  jours  et  à  la  gloire  de  tous  vos  momens. 
Prenez  une  compagne  qui  vous  honore,  etc.  Une  triste  fatalité  détruisit 
tout  cet  enchanltmenl.  Le  romte  de  Valbelle  mourut,  à  46  an»,  usé 
par  les  plaisirs;  son  corps  fut  entreposé  dans  une  écurie;  son  beau  châ- 
teau de  Tourves  a  été  rasé;  la  révolution  a  confisqué  la  somme  de 
a4,ooo  fr.  qu'il  avait  léguée  à  l'Académie  française,  par  son  testament 
du  6  février  1779,  pour  que  le  revenu  en  fût,  chaque  année,  assigné  par 
elle  à  un  homme  de  lettres  qui  aurait  fait  ses  preuves,  ou  qui  donnerait 
seulement  des  espérances.  II  n'était  resté  du  nom  de  Valbclle  qu'un  fils 
naturel  du  frère  aîné,  dont  la  naissance  avait  été  voilée  par  son  intro- 
duction dans  v.ne  famille  étrangère.  A  la  suite  d'un  procès  célèbre  au 
parlement  d'Aix,  il  fut  mis  en  possession  de  la  plupart  des  grands  biens 
que  les  Valbelle  lui  avaient  légués;  mais  ce  jeune  homme, d'une  extrême 
beauU  ,  d'un  caractère  facile,  d'un  esprit  médiocre,  et  qui  avait  quitte- 
son  nom  de  Cossigny  pour  celui  de  ses  bieufaiteurs,  fui  eruellemenl  im- 
molé soua  le  règne  de  la  terreur. 


SUR  M"*  CLAIRON.  49^ 

l'on  peut  raisonnablement  conclure  que  si  leur  union  avait 
admis  dans  son  berceau  quelque  chose  de  terrestre  ,  le  lems 
avait  du  Télever  à  la  dignitc^  platoni(juo. 

Cbrislian-Frédéric-Cbarles-A-lexandre  ,  margrave  d'Ans- 
pach  et  de  Bayreulb,  qui  possédait  quatre  noms  et  deux  prin- 
cipautés, n  avait  pas  un  seul  enfant  pour  en  hériter.  L'aigle 
prussien  dévorait  de  ses  regards  celte  proie  qui  devait  lui 
écheoir.  Le  margrave  découragé  ,  faible  ,  mélancolique ,  tâ- 
chait de  s'étourdir  par  les  plaisirs,  et  menaçait  de  s'éteindre, 
comme  le  dernier  des  Médicis,  dans  une  honteuse  apathie. 
M"^  Clairon  osa  rajeunir  ce  régne  expirant ,  et  rendre  an 
prince  abattu  le  sentiment  de  ses  nobles  devoirs.  Il  voyait  en 
elle  sa  maîtresse ,  son  philosophe  et  son  premier  ministre.  Née 
treize  ans  avant  lui ,  elle  eût  presque  été  sa  mère ,  et  il  lui  en 
donnait  le  nom;  ce  qui  n  empêcha  pas  M"''  Clairon  ,  tant  que 
la  margrave  vécut,  d'en  essuyer  des  accès  de  jalousie.  Des 
tracasseries  et  des  noirceurs  de  cour  ne  purent  l'arrêter  dans 
le  plan  qu'elle  suivit  avec  courage,  lumières,  et  persévérance. 
Les  dettes  anciennes  et  nouvelles  turent  acquittées,  les  im- 
pots adoucis  ,  l'agriculture  utilement  protégée  ;  la  ville  d'Ans- 
pach   s'embellit  d'une  fontaine  monumentale,   et  ï hospice 
Clairon  éternisa  le  nom  de  sa  fondatrice.  Jamais  une  telle 
sollicitude  de  l'avenir  et  du  bonheur  des  peuples  n'avait  illus- 
tré les  adieux  d'une  dynastie  mourante.  Mais ,  le  cabinet  de 
Berlin,  qui  avait  d'autres  vues  ,  ne  songea  quà  terminer  ce 
drame  de  dix -sept  ans,  où  l'actrice  française  l'importunait, 
<iepuis  surtout  que  le  margrave  ,  devenu  veuf,  pouvait  se  re- 
ni;>rler  convenablement  à  sa  dignité,  ainsi  que  M"«=  Clairon 
le  lui  conseillait ,  et  se  donner  des  héritiers  directs.  Des  iem- 
mes  séduisantes  eurent  la  mission  d'atlaquer  par  les  voluptés 
ie  cœur  du  prince ,  et  n'y  réussirent  que  trop  bien.  L'Egéne , 
aux  cheveux  gris  ,  fut  rassasiée  de  dégoûts,  et  céda  la  place 
aux  coquettes  diplomatiques  j  elle  rendit  tièrementau  margrave 


496  *  NOTICE 

le  peu  qu'elle  avait  consenti  à  en  rerevoir  ,  et  rentra  clans  sa 
patr'e ,  moins  riche  qu'elle  n'en  était  sortie.  Cependant,  au 
bruit  de  la  prochaine  abdication  du  prince,  M"^  Clairon,  qui 
ne  pouvait  soulïi'ir  le  désbonneur  de  ceux  qu'elle  avait  aimés , 
lui  écrivit,  pour  l'en  détourner,  une  lettre  toute  romaine,  et 
telle  que  le  vieux  Corneille  l'aurait  dictée.  Ce  fut  en  vain  ;  le 
margrave  ,  privé  de  Pamip  sincère  ,  qui  seule  faisait  son  àme 
et  sa  force  ,  vendit  ses  états  pour  une  pension  ,  et,  devenu  l'é- 
poux de  lady  Craven  ,  cacha  dans  Londres  un  front  d(''pouillé 
d'honneur  et  de  couronne.  Ce  làclie  dénoùmcnttutle  plus  bel 
éloge  de  M"®  Clairon.  Sou  souvenir  est  resté  cher  aux  pays 
qu  elle  gouverna  ;  car  le  peuple  de  Franconie  ne  s'est  pas  cru 
obligéde  payer  par  des  épigramines  les  bienfaits  d  une  lavorite, 
et  ces  bonnes  gens  n'ont  pas  eu  l'esprit  d'être  ingrats. 

M"^  Clairon  revit  Paris  aux  appioches  dune  révolution 
qui  commençait  à  en  bouleverser  les  habitudes;  elle  cbcrcba 
dans  la  tourmente  ù  s'entourer  de  quelques-uns  de  ces  débris 
d'anciennes  amitiés,  si  précieux  à  la  vieillesse.  Plus  lard  elle 
publia  un  livre,  qu'elle  appelle  improprement  ses  Mcmoires. 
Ce  qu'on  y  remarque  le  plus ,  c'est  un  style  plein  dame  , 
de  mouvement  ,  de  conscience ,  un  style  qui  est  bien  à 
elle,  et  honore  singulièrement  une  femme  à  qui  la  première 
éducation  avait  manqué.  Ce  qu'elle  y  d't  de  son  art,  quoique 
bien  incomplet,  sera  lu  avec  fruit ,  et  annonce  du  sens ,  de 
la  sagacité,  de  la  précision.  Elle  juge  autrui  sévèrement, 
mais  avec  bonne  foi  ;  elle  a  une  grande  idée  de  ses  talens  et 
de  ses  succès  ;  mais ,  comme  elle  s'en  forme  une  bleu  plus 
grande  encore  de  l'étendue  et  des  difficultés  de  son  art,  il  y  a 
dans  sa  vanité  même  une  sorte  de  modestie  ([ui  fait  qu'elle  in- 
téresse et  ne  choque  pas.  Quant  aux  événemens  personnels 
à  l'auteur ,  la  curiosité  publique  n'a  pas  été  satisfaite  :  un 
petit  nombre  de  faits  tronqués  et  dt'cousus  ne  sont  pas  le  récit 
piquant  et  varié  qu'où  attendait  d'une  vie  si  pleine  et  si  agitée  , 


SUR  M"*  CLAIRON.  497 

d'un  caractère  si  sip<ri(ur  à  ceux  qui  Venlouraient,  d'une 
observatrice  doure  d'un  csjril  si  vif  et  si  indcpcudant  ;  mais 
on  y  trouve  en  rcvtnrlie  ce  quon  n'attendait  pas,  des  ré- 
flexions nobles  et  iciucbanles  ;  une  morale  pure,  raisonnable, 
religieuse;  des  conseils  sur  l'éducation  des  femmes ,  qui  sou- 
tiendraient le  parallèle  avec  les  meilleurs  rcrits  de  la  marquise 
de  Lambert  ;  et  comme  la  précbeuse  fait  en  même  tems 
d'assez  borne  grâce  l'aveu  de  ses  forts  ,  le  langage  de  la  vertu 
n'est  dans  sa  boucbe  ni  sans  attrait,  ni  sans  naturel. 

Cependant ,  je  dois  le  dire,  ce  qui  fil  le  plus  de  bruit  dans 
son  livre,  fut  l'histoire  de  son  revenant;  elle  v  raconte  les 
tours  malicieux  que  lui  a  joués,  durant  quelques  années,  l'om- 
bre d'un  jeune  Breton  qu'elle  avait  sans  pitié  laissé  mourir  d'a- 
mour. On  reconnut,  dans  ce  récit,  fa  il  sérieusement  et  de  bonne 
foi,  l'effet  naturel  de  ces  visions  que  la  physiologie  a  si  bien  ex- 
pliquées de  nos  jours;  cl,  comme  en  même  teras  elle  citail  des 
témoins, on  ne  douta  pas  que  ses  amis,  s'amusaiit  de  sa  laiblesse, 
n'eussent  été  bien  aises  de  lui  persuader  que  le  décès  d'un  pa  u  vre 
amoureux  ne  suffit  pas  pour  en  débarrasser  une  cruelle.  Elle 
écrivait  d'ailleurs  cinquante  ans  après  l'événement,  et  ne  pou- 
vait que  traduire  les  impressions  d'une  jeunesse  irréfléchie. 
Je  crois  enfin  qu'elle  n'eût  poinv  mis  au  jour  celte  billevesée  , 
si,  à  l'époque  où  parut  son  écrit ,  les  contes  de  voleurs  et  de 
revenans  n'eussent  été  le  passe-tems  favori  des  sociétés  de  la 
capitale.  Un  salon  presque  obscur,  ou  uu  pavillon  de  jardin 
éclairé  par  la  lune  ,  contenait  lauditoire;  alors  ,  tour-à-tonr 
et  avec  l'accent  de  la  conviction,  quelques  personnes  racon- 
taient les  aventures  les  plus  étranges  et  les  plus  terribles.  Au 
milieu  de  ces  douteuses  lénèbres  ,  j'ai  entendu  des  hommes 
et  des  femmes  à  la  mode  exceller  dans  ces  narrations  fantas- 
tiques ;  et  un  cercle  de  jolies  têtes,  tout  récemment  échappées 
au  glaive  de  l'anarchie  ,  goûtail  le  plaisir  nouveau  d  avoir  peur 
sans  danger. 


4:j8  notice 

Outre  ses  Mémoires ,  M^^^  Clairon  a  écrit  une  énorme  quan- 
tité de  lettres  ;  le  comle  de  Valbeile  en  avait  pour  sa  part  reçu 
quinze  ceuls.  La  perte  de  ces  lettres  est  fort  regrettable,  si 
Ton  en  jage  par  le  petit  nombre  de  celles  qui  nous  restent,  où 
la  critique  la  plus  difficile  ne  saurait  méconnaître  la  pureté 
de  la  diction  ,  la  hauteur  des  scnliniens ,  et  surtout  une  verve 
entraînante. 

I/épreuve  du  malheur  confirma  la  sincérité  de  la  morale 
que  M"e  Clairon  tenait  de  Texpérience  et  de  la  réflexion.  Dé- 
pouillée de  sa  fortune  par  les  violences  révolutionnaires  ,  sa 
vieillesse  soutint  avec  dignité  un  état  voisin  de  l'indigence,  et 
y  conserva  ces  formes  théâtrales  qui  étaient  devenues  pour 
elle  une  seconde  nature  (i).  On  sait  que  ,  dans  la  vie  privée  , 
elle  resta  en  effet  toujours  reine  et  actrice  ,  et  que  ,  dans  son 
livre  y  elle  recommande  aux  comédiens  cette  bizarre  illusion , 
comme  une  précaution  essentielle  de  1  art ,  imitant  par-lk 
beaucoup  de  beaux  esprits  qui  ont  composé  des  poétiques  à 
l  usage  de  leurs  défauts.  Je  me  souviens  d'avoir  fait,  avec 
quelques  personnes ,  une  visite  à  M"<=  Clairon  dans  Tannée  qui 
précéda  sa  mort  ;  je  trouvai  une  très-petite  vieille  ,  sèche,  ri- 
dée et  maladive  ;  sa  personne  offrait  tous  les  signes  de  la  ca- 
ducité ,  à  l'exception  de  sa  voix  grave  ,  ferme  et  sonore  ,  sans 
aigreur  et  sans  dureté.  Elle  s'exprima  avec  lenteur  et  ma)esté, 
en  termes  purs  et  bien  choisis,  sur  les  détails  domestiques 
dont  nous  aA'ions  à  lui  parier.  Ayant  aperçu  un  enfant  qui 
('tait  venu  avec  nous,  elle  prononça  ces  paroles  avec  solen- 
nité :  Faites  approcher  cet  enj'ant;  il  sera  bien  aise  un  jour 
de  dire  qu'il  a  vu  M"^  Clairon  ,  et  quelle  lui  a  parlé.  J'avais 


(i)  I,es  Labitudes  de  M"*  Dumesnil  étaient,  au  contraire,  prodigieu- 
jement  bourgeoises.  M"'  Clairon  aimait  dans  ses  propos  railleurs  à  dé- 
peindre sa  rivait"  quittant  le  sceptre  de  CIcopâtre  four  donner  à  man- 
fjer  à  set  fo%tlcs. 


SUR  M"«  CLAIRON.  409 

peine  à  caclier  le  sourire  que  provocjuail  le  contraste  eutre  le 
ton  et  la  matière  de  ses  discours  ;  mais  comme  tout  ce  qui  est 
'extraordinaire,  sans  être  aflecté  ,  finit  par  intéresser  ,  l'accent 
iiigéiiumenl  dramatique  de  la  petite  vieil'e  m'assaillit  de  mille 
souvenirs,  et  me  reporta  malgré  moi  au  icnis  de  sa  gloire. 
Enfin  ,  mon  imagination  se  mit  à  retirer  M"«  Clairon  de  ses 
ruines;  alors  (favouemon  illusion),  dans  celle  petite  ma- 
chine décrépite  et  octogénaire,  je  ne  crus  pas  voir,  je  vis  la 
sublime  actrice  telle  que  W-mloo  la  peinte  sur  le  cliar  de 
Médée  ,  et  je  Tenteudis  telle  que  Paris  l'admirait ,  proclamant 
Tamouj-  d'Améuaïde  pour  ïaucrcde,  ou  prophétisant  les  mal- 
heurs de  Troie  par  la  bouche  de  Cassandre  (i).  J'avais  fait 
précisément  comme  les  peintres  vovageurs  qui  ,  à  l'aspect  de 
quelques  pans  de  murailles  grecques  ou  romaines ,  rebâtissent 
des  temples  et  des  palais. 

LÉMONTEY,  de  l'insliiui. 


(i)  DaDs  la  tragédie  des  Troyennes ,  par  M.  de  Ghâtcaubrun. 


vvv\»*^^vvvvvvv%*vv*l*v^vvv^^vvvvvv^^vvvtvl^vvv\vvl/vv^^^.^*^»lvv»v■vv\vvv\vvvx» 

n.  ANALYSES  D'OUVRAGES. 


SCIENCES  PHYSIQUES. 

Traité  complet  de  l'art  de  la  distillation  ,  conte- 
nant, dans  un  ordre  méthodique ,  les  instructions 
théoriques  et  pratiques  les  plus  exactes  et  les  plus  nou- 
velles sur  la  préparation  des  liqueurs  alcoholiques 
avec  les  raisins,  les  crains,  les  pommes  de  terre  et 
les  fécules  de  tous  les  végétaux  sucrés  ou  farineux; 
par  M.  DuBRUNFAUT,  membre  de  la  Société  d'.encou- 
ragement  pour  l'industrie  nationale,  et  auteur  d'un 
Mémoire  sur  la  sacchariflcation  (conversion  en  su- 
cre) des  fécules,  couronné  en  1S20  par  la  Société 
royale  et  centrale  d'agriculture  (1). 

Le  titre  de  Traité  complel  de  l'art  de.  la  distiUalion ,  coa- 
Tiendrait  à  uu  ouvrage  plus  étendu  que  ceiui-ci  ;  car,  au  lieu 
de  se  bornera  la  distillation  des  liqueurs  alcoholiques ,  l'au- 
teur eût  pu  comprendre  dans  son  sujet  toutes  les  opérations 
<lc  cette  naturr  employées  dans  les  arts  chimiques.  D"iui  au- 
tre coté,  si  les  connaissances  tlu-oriques  étaient  aussi  répan- 
dues qu  elles  devraient  1  être  ,  si  elles  avaient  pénétré  dans  les 
ateliers ,  la  description  d'un  art  se  réduirait  à  celle  de  ses 
procédés  et  de  ses  iustrumens.  L'ouvrage  de  M.  Dubrun- 
FAUT,  et  plusieurs  autres  où  ia  théorie  est  enseignée  en  même 
tenis  que  la  pratique ,  nous  avertissent  que  nous  sommes  en- 


(1)  Paris,  1.S25,  Deux  vol.  in-8<>avec  huit  planches  gravées.  Ba^liclier, 
quai  (les  .\ugustiQs,  ii"  55;  \n\x  lofr.,  et  i)ar  I;i  poste  i3  h. 


SCIENCES  PHYSIQUES.  5oi 

core  loin  de  l'époque  où  les  travaux  des  manufaclurcs  seront 
éclairés  par  toutes  les  lumières  dont  ils  ont  besoin  pour  arri- 
ver à  la  perfection.  Un  livre  ne  peut  être  à  la  fois  suffisam- 
ment instructif  sur  la  théorie  et  sur  les  applications  ;  et  d'ail- 
leurs ,  les  méthodes  d'exposition  qui  conviennent  à  ces  doux 
divisions  des  connaissances,  sont  très-rarement  rendues  pins 
faciles  par  leur  rapprochement;  elles  ne  saident  point  Tune 
Tautre,  quelquefois  même  elles  se  nuisent.  Ue  peintre    qui 
voudra  étudier  la  théorie  de  la  perspective  fera  très-bien ,  tant 
qu'il  s'occupera  de  cette  étude,  d'oublier  qu'il  veut  marcher 
sur  les  traces  de  Raphaël.  On  a  constamment  observé  que 
renseignement  des  applications  réussit  mal  dans  les  écoles  de 
sciences  ,  parce  que  les  esprits  y  sont  disposés  pour  les  véri- 
tés générales  ,  ce  qui  les  éloigne  des  détails  dont  les  applica- 
tions se  composent.  Et,  comme  la  méthode  d'un  livre  bien 
fait  est  celle  d'une  Instruction  bien  dirigée,  on  en  conclura 
que,  dans  les  livres  comme  dans  les  écoles ,  la  théorie  et  la 
pratique  ne  doivent  point ,  pour  ainsi  dire  ,  habiter  ensemhle, 
et  qu'il  leur  faut  des  traités  séparés.  D'ailleurs,  un  ouvrage 
tel  que  celui  de  M.  Dubrunlaut  exigerait  plus  qu'une  con- 
naissance superficielle  des  propriétés  du  calorique  et  des  lois 
de  sa  propagation ,  du  thermomètre  et  de  l'aréomètre  :  le  lec- 
teur qui  voudra  mettre  à  profit  l'excellente  instruction  conte- 
nue dans  ce  traité ,  devra  se  munir  de  connaissances  physi- 
ques et  chimiques,  applicables  non-seulement  à  l'art  du  dis- 
tillateur, mais  à  presque  tous  les  arts  chimiques  ;  et  par  con- 
séquent, il  aura  commencé  par  l'étude  de  cette  parlie  des 
mal'>ématiques  sans  laquelle  la  physique  serait  inaccessible. 
Le  manufacturier  dont  l'instruction  n'a  pas  été  confinée  dans 
les  ateliers,  qui  a  fréquenté  les  collèges,  et  qui  n'y  a  pas 
perdu  son  lerns  ,  qui  a  suivi  des  cours  de  physique  et  de  chi- 
mie, se  trouve  précisément  tel  que  doivent  être  les  lecteurs 
d'un  livre  d'application  des  sciences  physiques  et  chimiques. 


5oi  SCIENCES  PHYSIQUES. 

L'auteur  cle  ce  livre  peut  donc  se  dispenser  de  traiter,  même 
sommairement,  de  tout  ce  qui  est  censé  connu  de  ses  lec- 
teurs ,  et  commencer  imiucdiateiuenl  par  Tobjet  spécial  dont 
il  veut  les  occuper. 

Malgré  ces  observations  ,  on  doit  savoir  gré  à  notre  auteur 
du  travail  qu'il  s'est  imposé  pour  rendre  son  ouvrage  com- 
plet ,  quand  même  les  fabricans  pour  lesquels  il  a  écrit  ne  re- 
cueilleraient aucun  fruit  des  notions  théoriques  qu'il  s'efforce 
de  leur  donner.  On  regrettera  seulement  qu'uu  excellent  cha- 
pitre ,  jeté  à  la  tin  du  second  volume  ,  soit  perdu  pour  tout  le 
monde  :  l'auteur  de  cette  Théorie  de  la  dislillntion  a  fait  une 
application  de  l'analyse  algébrique  aux-  phénomènes  de  cette 
opération  chimique ,  en  introduisant  dans  le  calcul  toutes  les 
lois  connues  auxquelles  les  liquides  et  les  fluides  élastiques 
sont  soumis.  Quand  même  cet  essai  d'analyse  ne  contiendrait 
pas  encore  tout  ce  qui  doit  entrer  dans  le  calcul ,  il  ne  serait 
cependant  pas  sans  mérite  ,  au  jugement  des  géomètres.  Mais, 
à  la  place  qu'il  occupe,  ce  n'est  que  par  hasard  qu'il  peut  trou- 
ver des  lecteurs. 

L'ouvrage  de  M.  Dubrunfaut  réunit  tout  ce  que  l'on  a  écrit 
de  plus  utile  sur  la  préparation  des  liqueurs  alcoholiques  et 
sur  leur  distillation  :  il  tient  lieu  d'une  multitude  de  mémoires 
épars ,  et  l'instruction  qu  il  va  répandre  est  rigoureusement 
au  niveau  des  connaissances  acquises.  Le  premier  volume,  qui 
traite  de  la  pr.'paration  des  liqueurs  alcoholiques,  est  celui 
qui  excitera  le  plus  fortement  la  curiosité ,  par  le  grand  nom- 
bre de  faits  peu  connus  que  fauteur  y  expose.  On  lira  sur- 
tout avec  intérêt  l'hiStoire  d'un  véritable  miracle  chimique,  la 
conversion  des  fécules  en  matière  suer  e .  par  faction  de  l'a- 
cide sulfurique  affaibli,  et  un  prodige  d  industrie,  lapplica- 
tion  de  ce  procédé  de  laboratoire  aux  travaux  des  distilleries. 
C'est  ainsi  que  les  arts  de  l'homme  ont  su  imiter  et  ourpasse- 
ront  peut-être  un  jour  l'un  des  procédés  de  la  nature  vivante  , 


SCIEISCES  PIIYSIQLES.  5o:S 

ei  feront  trouver  dans  les  substances  inorganiques  ce  que  l'on 
n'avait  tiré  jusqu'à  présent  que  de  la  matière  organisée. 

L'auteur  ne  pouvait  se  dispenser  d'une  discussion  appro- 
fondiesur  les  appareils  vinificateurs,  et  particulièrement  sur  ce- 
lai de  M"^  Gervais.  Quelle  que  soit  la  destinée  de  cet  appareil, 
on  ne  peut  lui  contester  une  sorte  d'utilité  ,  c'est  d'avoir  pro- 
voqué des  recherches ,  des  expériences  et  des  écrits  dont  les 
sciences  et  les  arts  ont  profité.  Nous  ne  sommes  pas  éloignés 
du  tems  où  Ton  ne  parlera  plus  de  cette  prétendue  découverte; 
si  l'histoire  n'en  conservait  point  le  souvenir,  elle  serait  peut- 
être  reproduite  encore  comme  nouveile,  après  quelques  an- 
nées d'oubli.  Ne  pas  conserver  les  noms  des  Invefiteurs  de 
procédés  utiles,  c'est  ingratitude;  laisser  perdre  la  mémoire 
des  tentatives  infructueuses  ,  des  méthodes  abandonnées  ,  des 
erreurs  reconnues,  c'est  imprudence.  L'histoire  des  arts  ne 
contribue  pas  moins  aux  progrès  de  l'industrie,  que  la  science 
des  faits  politiques  et  moraux  ne  sert  an  perfectionnement  de 
l'art  social. 

Bien  convaincu  de  cette  utilité  de  l'histoire,  notre  auteur 
n'a  pas  négligé  celle  de  l'art  qu'il  décrit.  Il  a  pu  retrouver  ii 
des  époques  très-reculées  des  faits  relatifs  aux  liqueurs  vi- 
neuses ,  et  rechercher  l'origine  de  leur  préparation  avec  le 
flambeau  de  l'histoire ,  à  travers  les  fables  mythologiques  et 
les  fictions  des  poètes;  mais  la  distillation,  quoique  moins 
ancienne ,  a  été  beaucoup  moins  observée ,  et  t'époque  de  sa 
découverte  est  tout-à-fait  ignorée.  M.  Dubrunfaut  pense  que 
l'alambic  nous  vient  des  Arabes ,  et  qu'il  fut  transporté  dans 
l'Europe,  à  la  suite  des  croisades.  Mais,  si  les  Arabes  prati- 
quaient effectivement  la  distillation,  il  est  probable  que  ce 
n'était  pas  celle  des  liqueurs  spirltueuses  ;  d'ailleurs ,  ils 
avaient  sans  doute  introduit  cet  appareil  en  Espagne ,  et  par 
conséquent,  l'Europe  a  pu  le  recevoir  des  Maures  espagnols. 
Quoi  qu'il  en  soit,  l'art  de  la  distillation  fut  long-tems  dan* 


5o4  SCIENCES  PHYSIQUES, 

l'enfance ,  et  c'est  des  ino  lerncs  qu'il  a  reçu  les  nombreux 
perfectioonemens  qui  le  metlea!  au  niveau  fies  autre.*  arts 
chimiques.  L'auteur  di'crll  el  compare  les  dilférens  appareils 
employés  aujourd'hui ,  ou  proj)os's  comme  préférables  à  tous 
les  autres.  Après  un  examea  tiès-atlentif  et  des  calculs  aussi 
rigoureux  que  la  matière  le  permet,  c'est  à  la  distillation 
continue  et  aux  divers  moyens  de  l'obtenir,  q'iil  reconnaît 
le  plus  d'avantages  ;  et  en  dernière  auaivse  ,  i'appareil  de  M. 
Deroxnc  est  celui  dont  il  conseille  de  faire  usage. 

Quelques  chapitres  de  cet  ouvrage  ne  sont  pis  consacrés 
spécialement  aux  descriptions  techniques  :  le  treizième,  qui 
contient  une  discussion  très-instructive  sur  les  causes  des  dif- 
Jérais  goûts  qui  caraclcrisent  les  liqueurs  alcoholiques ,  se- 
rait bien  placé  dans  un  traité  de  cijimie  destiné  à  cette  partie 
de  la  société  que  l'on  désigne  par  la  bizarre  dénomination  de 
gens  du  monde.  Telle  est  encore  une  grande  partie  du  cha- 
pitre ly,  où  l'on  trouve  des  détails  sur  les  fruits  et  autres 
substances  végétales  sucrées  qui  fournissent  des  liqueurs  spi- 
ritueuses.  M.  Dubrnnfaut  a  trouvé  plus  d'un  moyen  d'être 
utile  :  son  livre  deviendra  le  guide  des  distillateurs  ;  et  dans 
les  bibliothèques  ,  il  sera  consulté  par  les  amis  des  arts ,  et 
nième  par  les  simples  curieux.  Ferry. 


V  W»  WV\WV\  VWtl 


Traité  de  mécanique  industrielle,  ou  Exposé  de  la 
SCIENCE  DE  LA  MÉCANIQUE,  déduite  de  l'expérience  et 
de  L' observation t  principalement  à  l'usaj^e  des  manu- 
facturiers et  des  artistes;  par  M.  Christian,  directeur 
du  Conservatoire  des  x\rts  et  iMéliers.  Tom.  II  (i). 

Nous  avons  donné ,  dans  le  T.  XV  de  la  Revue,  p.4  7^> 

(i)  Paris,   1823.  Trois  vol.  in-4°,  et  atlas  de  60  planches  doubles. 
Pris,  75  fr.  Cet  ouvrage  parait  en  trois  livraisons,  composée:^  cliacuue 


SCIENCES  PHYSIQUES.  5o5 

uue  analyse  assez  détaillée  du  premier  volume  tle  cet  ouvrage, 
pour  faire  connaître  le  plan  de  Fauteur,  et  la  manière  dont 
il  a  rempli  le  cadre  qu'il  s'était  tracé.  Le  second  volume  était 
attendu  avec  impatience,  à  cause  de  1  importance  des  matiè- 
res qu'il  devait  contenir  ^  le  nombre  des  souscripteurs  s'était 
considérablement  accru,  et  il  a  été  reçu  avec  autant  d  empres- 
sement que  le  premier. 

Les  vingt-deux  premiers  cba pitres  du  second  volume  ter- 
minent le  livre  premier,  et  traitent  de  faction  mécanique  de 
lair,  et  de  la  vapetw  consid-.'rée  comme  force  motrice. 

L'auteur,  après  avoir  reconnu  que  l'air  peut  agir  ou  par 
pression,  ou  par  impulsion ,  et  avoir  défini  ces  deux  modes 
d'action  i  s'altacbe  plus  particulièrement  à  examiner  les  lois 
d'après  lesquelles  il  agit- par  impulsion.  Il  recberthe  quelle 
est  l'action  du  vent  comme  force  motrice  ,  et  étudie  avec 
Mariette,  Borda ,  Roiise  et  Sméaton,  les  règles  qu'il  suit 
lorsqu'il  agit  contre  des  surfaces  en  repos,  exposées  perpen- 
diculairement à  cette  action.  Il  considère  sous  tous  les  aspects 
les  moulins  à  vent  à  ailes  verticales,  et  résout  les  diverses  dif- 
ficultés que  présente  celte  étude  ,  à  l'aide  des  travaux  de 
Borda,  de  Smcatou,  de  Coulomb,  et  de  Maclaurin.  II  passe 
ensuite  à  l'examen  des  moul-ns  à  vent  horizontaux,  et  s'ap- 
puvant  sur  l'opinion  de  Snivaion ,  il  montre  le  désavantage 
de  ces  moulins  sur  les  moulins  verticaux. 

On  n'avait  pas  encore  réuni  dan?  un  même  carlre  toutes  les 
observations  éparses  des  savans,  sur  la  vapeur  considérée 
comme  force  motrice,  et  c'était  une  belle  entreprise  que  de 
donner  un  traité  complet  sur  une  pareille  matière,  qui  inté- 

d'un  volume  et  d'un  cahier  de  planches  eo  forme  d'atlas.  —  Le  second 
volume  est  en  vente;  il  est  livré  avec  un  hon  pour  le  troisième ,  qui  sera 
délivré  gratis.  Bachelier,  libraire,  iuccesseur  de  M™«  veuve  Courcier, 
quai  des  Auguslins,  n"  55. 

T.  XX. — Déctrabre  j8a3.  53 


5o6  SCIENCES  PHYSIQUES. 

resse  si  vivement  Tindustrie  maaufacturière.  Voyons  coin- 
meut  Tauleur  a  rempli  la  tâche  difficile  qu'il  s'était  im- 
posée. 

M.  Christian  suppose  d"abord  que  son  lecteur  n'a  aucune 
connaissance  des  effets  de  la  vapeur,  et  d'expérience  en  ex- 
périence il  le  conduit  au  point  de  lui  faire  employer  ce  puis- 
sant agent  comme  moteur.  Nous  pensons  qu'il  aurait  pu  sup- 
poser au  lecteur  un  peu  plus  d'intelligence  et  de  connaissan- 
ces acquises  ,  sans  lesquelles  ii  ue  pourrait  pas  même  lire  son 
livre  avec  fruit ,  ce  qui  lui  aurait  fait  supprimer  la  plus  grande 
partie  des  soixante  pages  qu'il  a  consacrées  à  ces  détails  mi- 
nutieux. Quoi  qu'il  eu  soit,  il  arrive  à  l'emploi  des  machines 
à  vapeur  ;  mais  avant  de  les  décrire,  il  cherche  non-seule- 
ment à  établir  la  théorie  des  divers  modes  d'action  de  la  va- 
peur comme  puissance  mécanique  ,  mais  encore  à  se  diriger 
dans  le  choix  des  combinaisons  mécaniques  les  plus  propres 
à  obtenir  de  cette  puissance  le  plus  d'effet  possible  ,  dans  l'é- 
tat actuel  de  nos  connaissances. 

Pour  parvenir  à  ces  résultats  ,  il  se  propose  une  série  de 
dix-sept  problèmes ,  qu'il  énonce  en  ces  termes  : 

i".  Comment  produit-on  la  chaleur,  et  comment  agit-elle 
en  général? — 2°  Quelle  est  1  action  de  la  chaleur  sur  les  corps 
solides  ;  quels  sont  les  phénomènes  qu'ils  présentent ,  lors- 
qu  ils  sont  pénilrés  dune  chaleur  extraordinaire?  Se  pénè- 
trent-ils tous  indistinctement  de  la  même  quantité  de  chaleur, 
et  quand  ils  en  sont  pénétrés ,  peuvenl-ils  la  conserver  ou  la 
perdre  ,  et  comment  la  conservent-ils  où  la  perdent-ds?  — 
3"  Quelle  est  l'action  de  la  chaleur  sur  les  liquides ,  et  princi- 
palement quels  sont  les  phénomènes  que  présente  l'eau  dans 
ses  relations  avec  la  chaleur? — 4"  Qu<--!le  est  l'action  du  calo- 
rique sur  les  lluides  aériformes,  et  principalement  sur  la  va- 
peur et  sur  l'air?  —  5°  Quelles  sont  les  propriétés  mécaniques 
de  la  vapeur,  et  les  circonstances  qui  influent  sur  sa  force  7 


SCIENCES  PHYSIQUES.  Soj 

— 6°  Quelle  quantité  de  vapeur ,  à  tel  degré  de  tension ,  peat-oa 
produire  avec  une  certaine  quantité  de  divers  combustibles? — 
7"  Quels  sont  les  phénomènes  que  présente,  ou  auxquels  donne 
lieu  la  vapeur,  lorsqu'elle  sort  d  une  chaudière  par  divers  orifi- 
ces, et  à  divers  degrés  de  tension? — 8"  Une  chaudière  étant  don- 
née avec  la  quantité  d'eau  requise,  combien  sorlirait-il  de  va- 
peur en  un  certain  tcms  par  divers  orifices,  et  à  quels  degrés  de 
tension? — g°  Dans  quel  rapport  doit  être  la  grandeur  de  l'ori- 
fice  de  sortie  avec  la  capacité  de  la  chaudière,  pour  obtenir 
toujours  une  vapeur  au  même  degré  de  tension? — lo"  Quelle 
influence  peuvent  exercer  les  tuyaux  de  conduite  sur  les  dé- 
penses de  vapeur,  et  sur  l'intensité  de  sa  force? — 1 1°  Quelles 
sont  en  général  les  dispositions  les  plus  convenables  à  donner 
aux  fourneaux  et  aux  chaudières  pour  produire  do  la  vapeur? 
—  12°  Quelles  sont  les  précautions  à  prendre  pour  se  mettre  à 
l'abri  de  l'explosion  de  la  vapeur? — 1 5°  Quels  sontles  appareils 
destinés  à  alimenter  d'eau  les  chaudières  à  vapeur? — 1 4°Que's 
sont  les  moyens  les  plus  propres  à  diriger  et  à  régler  l'action 
de  la  vapeur? — 1 5"  Quels  sont  les  moyens  de  modérer  l'action 
de  la  vapeur  lorsqu'elle  acquiert  un  excédant  de  force  ?  — 
16°  Quelles  sont  les  dispositions  du  piston ,  du  dylindre  et  de 
la  boîte  à  étoupes  dans  laquelle  glisse  la  lige?  —  n°  Enfin  , 
quels  sont  les  meilleurs  moyens  de  condensation  et  de  pro- 
duction de  vide? 

On  voit,  par  le  simple  énoncé  de  ces  problèmes,  que  la 
solution  des  dix  premiers  renferme  toute  la  théorie  des  ma- 
chines à  vapeur,  et  que  celle  des  sept  autres  est  absolument 
relative  à  la  pratique. 

Pour  résoudre  les  problèmes  sur  la  théorie,  l'auteur  met  à 
contribution  non-seulement  les  travaux  de  tous  les  savans  qui 
ont  écrit  avant  lui ,  et  ont  répandu  beaucoup  de  lumière  sur 
celte  matière  ;  mais  il  y  a  ajouté  quelques  expériences  qui  lui 
sont  propres  ,  soit  pour  éclaircir  quelques  faits  qui  paraissaient 


5o8  scie:\ces  physiques. 

ejîcore  douteux  ,  soit  pour  répandre  uu  nouveau  jour  sur  une 
élude  qui  présente  un  grand  nombre  de  difficultés.  Celte  par- 
tie de  sou  IraA'ail  est  très-  importante  ,  et  les  praticiens  lui  sau- 
ront gré  de  l'avoir  enrichie  dun  grand  nombre  de  tables  qui 
leur  seront  Ibrî  uliies.  Il  a  rapproché  tout  ce  que  les  savans 
les  plus  distingués  ont  écrit  sur  cette  matière,  et  qui  se  trou- 
vait épars  dans  beaucoup  de  volumes. 

La  seconde  série  des  problèmes  qu'il  a  cherché  à  résoudre, 
présenlait  une  solution  plus  facile,  et  l'auteur  l'aurait  rendue 
bien  plus  claire  et  inlînimeut  pins  utile,  s'il  avait  accompagné 
ses  raisonnemcns  de  la  description  des  ligures  qui  se  rappor- 
tent nalurellement  à  chacun  d  eux.  Nous  avions  fait  celle  mê- 
me remarque  en  analysant  îc  premier  volume  ,  et  nous  étions 
fondés  à  croire  que  M.  Christian  aurait  été  convaincu  de  la  vé- 
rité de  notre  assertion.  Les  figures  sont  nue  espèce  de  lan- 
gage qu'on  ne  peut  pas  négliger  d'employer  dans  les  arts  in- 
dustriels ;  elles  parlent  aux  yeux ,  et  elles  abrègent  toujours 
un  discours  qu'elles  rendent  très-clair,  tandis  qu'en  suivant 
une  marche  contraire ,  l'on  est  obligé  d'avoir  recours  à  des 
dissertations  qui  n'éclalrcissent  rien  ,  et  le  discours  en  devient 
le  plus  souvent  très-obscur.  Des  légendes  que  l'on  renvoie  à 
la  fin  de  l'ouvrage,  ne  peuvent  pas  suppléer  à  ces  descriptions 
placées  à  propos  à  côté  des  mots  dont  elles  éclaircissent  le 
sens,  et  donnent  ainsi  une  parfaite  connaissance  des  macbi- 
nes  que  l'on  présente  comme  modèles. 

Lorsqu'on  rédige  les  légendes  que  Ton  croit  suffisantes  jiour 
expliquer  une  planche,  la  partie  du  discours  à  laquelle  elle 
s'applique  est  déjà  loin  de  l'auteur;  son  imagination  n  est 
plus  frappée  de  ce  qu'il  devrait  dire,  cl  11  oublie  la  trts- 
grande  partie  des  objets  sur  lesquels  il  aurait  du  plus  forte- 
ment appuyer. 

L'atlas  qui  accompagne  ce  volume  se  compose  de  27 
planches  Irès-blen  gravées  par  M.   Leblanc.   Les  diverst« 


SCIFKCES  PHYSIOLES^.  So^ 

macliines  qu'elles  renferment  sont  dessinées  et  ijravoes  avec 
grand  soin  ;  mais  les  légendes  qu'on  y  lit  pour  les  expliquer, 
sont  toutes  incomplètes  et  ne  peuvent  pas  donner,  à  celui  qui 
ne  connaît  pas  ces  diverses  machines,  une  connaissance  suf- 
fisante de  leurs  fonctions.  Si  l'auteur,  nous  le  répétons,  avait 
donné  1  explication  de  ces  ligures  dans  le  cours  de  sa  disserta- 
tion, il  se  serait  aperçu  de  l'exactitude  de  notre  observation. 
C'est  un  nuage  qu'il  a  jeté  sur  son  traité  de  mécanique,  et 
nous  sommes  convaincus  qu'il  aurait  été  infiniment  plus  utile 
s  il  avait  suivi  notre  premier  conseil. 

Le  livre  second  traite  des  mécanismes  ajant  pour  objet 
de  transmeure ,  de  transformer  et  de  modifier  le  mouvement 
primitif  des  moteurs.  D'après  ce  titre,  le  lecteur  devait  s'at- 
tendre à  trouver  réunis  tous  les  moyens  de  transmission  ,  de 
tran-sformation  et  de  modification  connus  jusqu'à  ce  jour. 
L'auteur  écrivait  après  Lanz  et  Bettancourt,  après  Ilaelulte, 
après  Borgnis,  et  il  ne  lui  était  pas  difficile  de  ue  rien  omet- 
tre de  ce  que  ces  sa  vans  avaient  consigné  dans  leurs  ()uvr'a:;es 
imporlaus.  Placé  à  la  tète  du  Conservatoire  des  Arts  et  "Slc- 
hQii,  il  aurait  pu  euricliir  son  truite  de  plusieurs  machine* 
dans  ce  genre  que  les  savaus  que  nous  venons  de  citer  n'ont 
pu  qu  indiquer,  et  l'on  ne  conçoit  pas  comment ,  sur  une  ma- 
tière aussi  importante  ,  et  dont  l'artiste  a  besoin  de  counaîue 
toutes  les  ressoui-ces,  M.  C//r^^m/i  s'est  borné  à  consacrer  un 
petit  nombre  de  pages  pour  un  sujet  qui  eu  aui-ait  exigé  beau- 
coup plus.  Il  aurait  pu ,  sans  allonger  son  volume ,  supprimer 
la  description  du  tliermomctre  et  du  baromètre,  qu'il  a  copiée 
du  Traité  élémentaire  de  physique  de  Ilaùy,  comme  il  l'an- 
nonce lui-même,  que  toul  le  monde  connaît,  et  remplacer 
ces  seize  pages  et  une  très-grande  partie  des  soixante  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut,  par  la  description  de  plusieurs  movens 
nouveaux  relatifs  aux  objets  dont  il  traite  dans  ce  livre. 

A  ces  défauts  près ,  et  quel  est  l'ouvrage  qui  en  est  exempt? 


5io  SCIENCES  PHYSIQUES. 

le  Traité  de  mécanique  industrielle  peut  être  très-utile,  sur- 
tout si  les  tables ,  dont  il  est  rempli ,  sont  exactes,  ce  que  nous 
avons  lieu  de  présumer. 

Quant  à  Texécution  typngrapliique  ,  nous  ne  pouvons  que 
répéter  ce  que  nous  avons  dit  dans  l'analyse  du  premier  vo- 
lume. M.  Bachelier,  libraire-éditeur,  est  trop  jaloux  de  la 
confiance  du  public  ,  pour  ne  pas  faire  tous  les  sacrifices  que 
nécessite  la  perfection  des  ouvrages  qu  il  entreprend. 

Si  Ton  peut  juger  de  la  bonté  et  de  futilité  d  un  ouvrage 
par  le  nombre  de  lecteurs  qui  s'empressent  de  se  le  procurer, 
on  peut  dire  que  celui-ci  occupe  un  des  premiers  i-angs.  An 
moment  où  le  second  volume  a  été  mis  en  vente  ,  le  nombre 
des  souscripteurs  était  plus  que  doublé^  et  il  était  déjà  consi- 
dérable, à  l'époque  de  la  publication  du  premier  volume. 

L.  SÉB.  Le  Normand,  professeur  de  technologu. 


SCIENCES  MORALES  ET  POLITIQUES. 


Voyage  dans  la  CnkcE,  comprenant  la  description  an- 
cienne et  moderne  de  l'Epire,  de  l'IUyrie  fjrecqtie  , 
de  la  Macédoine  Cisaxienne,  d'une  partie  de  la  Tri- 
balliej  de  la  Thessalie,  de  l' Acarnanie ,  de  l'JÙolie 
ancienne ,  de  la  Locride  kcspérienne ,  de  la  Doride, 
et  du  Pcloponcsc,  avec  la  Vie  d'Ali  Pacua,  les  évé- 
ncmens  de  sa  unerre  en  1820,  et  des  considérations 
sur  l'archéolos^icj  la  numismatique,  les  mœurs ,  les 
arts,  l'itidustrie  et  le  commerce  des  habitons  de  ces 
provinces  ;  par  F.  C.  H.  L.  Poloueville,  ancion  con- 
sul général  de  France  près  d'Ali  Pacha  de  Janina  , 
correspondanl  de  l'Académie  des  inscriptions  et  bel- 
les-lettres, etc.  (1) 

Depuis  long-tems  ,  la  puissance  des  souvenirs  attire  sur  le 
sol  de  la  Grèce  de  nombreux  voyageurs ,  empressés  de  par- 
courir le  lliéàti'e  des  évéuemeus  racontés  par  Tbucjdide  et 
Plutarque  ,  ou  de  visiter  les  montagnes  et  les  forêts,  asiles  des 
dieux  de  l'antique  mythologie.  Une  suite  non  interrompue 
de  curieux  se  succèdent  sur  la  terre  classique  ;  des  savans  sont 
allés  reconnaître  les  emplacemens  où  fleurirent  tant  de  villes 
célèbres  ;  les  artistes  vont  iuterroger  les  sites  pittoresques  et 
les  ruines  poétiques  qu'élaleut  les  vallées  de  Tempe  ,  les  bois 
de  rOlympe  ,  les  cotes  de  TAttlque  et  du  Péloponèse  ,  et  re- 


(1)  Tom.  V.  Paris,  1S21;  Firmin  Didot,  rue  Jacob,  n"  24.  Piix  , 
gfr.Voy.  ci-dessus,  Bev.  Ene. ,  T.  XI,  pag.  35i-34o,  le  compte  rendu 
des  quatre  premiers  voluaies. 


5i2  SCIENCES  MORALES 

cueillir  les  précieux  débris  des  monumeus  des  arts  ;  de  célè- 
bres écrivains  même  ont  été  y  cbercber  des  images  et  des 
couleurs  pour  leurs  poétiques  tableaux.  Mais  la  plupart ,  dans 
leur  curiosité  exclusive  pour  uue  nature  morte ,  et  pour  les 
vestiges  de  l'antiquité,  semblaient  avoir  oublié  l'homme  ha- 
bitant de  ces  ruines  .  la  population  moderne  ,  qui ,  pour  em- 
ployer ua  mot  consacré ,  est  elle-même  uue  ruine  vivante  (  i  ) . 
Préoccupés  de  l'idée  formée  d'avance  d'une  dégradation  to- 
tale produite  par  la  conquête  étrangère,  les  voyageurs,  aa 
lieu  de  compatir  aux  souffrances  des  pauvres  Grecs  ,  les  ju- 
geaient iiuligues  darréler  un  instant  les  regards  de  l'observa- 
teur ;  ou  bien  ils  sétonuaienl  qu'une  nation  soumise  depuis 
quelques  siècles  à  un  joug  ilétrissaut ,  endurât  sans  résistance 
les  avanies  d  un  maître  slupide  et  barbare  :  encore  se  trom- 
paient-ils ,  eu  confondant  l'habitant  désarme  de  la  plaine  et  le 
Grec  avili  du  Fanar,  avec  la  sauvage  mais  énergique  popula- 
tion des  montagnes  ,  et  les  intrépides  marins  des  îles  de  l'Ar- 
chipel. 

M.  Pouqueviile,  du  moins,  n'est  pas  tombé  dans  ces  mé- 
prises dune  observation  superficielle;  il  n'a  pas  montré  cet 
injuste  dédain  pour  le  caractère  des  Grecs  modernes  :  il  suHit 
de  liie  ce  que  ,  dès  1819 ,  il  écrivait  sur  les  Albanais  ou  Schy- 
pctars,  peuple,  disait-i!  ,  dont  le  courage,  l'industrie  et  l'ac- 
tivité semblent  devoir  changer  un  jour  la  face  de  la  Grèce  ; 
et  comme  dans  les  ruines  de  ieuis  villes,  il  avait  habilement 
distingué  les  différons  âges  d'architecture  ,  démêlant  quelque- 
fois dans  un  même  lieu,  sous  le  plâtrage  des  Turcs  ,  ou  sous 
les  répaiations  romaines",  les  constructions  de  fabrique  grec- 
que ,  ou  même  les  acropoles  d'architecture  pélasgique  ou 
cycîopéenne  :  avec  une  égale  sagacité  ,  ii  découvre,  dans  les 
mœurs  actuelles  des  Hellènes  ,  le  mélange  de  divers  tàges  ,  et 

(1)  Byron;  Fiilcmain. 


ET  POLITIQUES.  5i3 

dans  leur  geure  de  vie,  leurs  coutumes  et  leurs  idées,  Il  re- 
trouve parlois  les  traces  des  mœurs  antiques,  des  traditions 
m\  tIioloi;iques  ,  et  des  scènes  de  la  vie  domestique  de  leurs 
aieus.. 

Cette  ressemblance  ineffaçable  reste  empreinte  dans  la  lan- 
gue qui  est  encore  anjourd  liui  si  peu  altércej  l'esprit  poétique 
des  Hellènes  vit  encore  dans  les  croyances,  les  superstitions, 
les  chants  nationaux  de  la  Grèce  moderne  j  l'esprit  de  liberté 
même  n'a  jamais  entièrement  péri  sous  le  sabre  musulman  : 
c'est  ce  qu'attestent  liaulement  les  eflbrls  des  Giecs  pour  bri- 
ser un  joug  dc'testabie.  Depuis  les  premiers  jours  de  leur  in- 
surrection ,  ou  ne  peut  voir  sans  admiration  les  traits  d'bé- 
roisme  et  de  dévouement  national  ([ui  ont  honoré  leur  cause. 
La  cendre  des  héros  semble  s'être  ranimée,  et  rEurope  les 
voit  renaître  avec  toute  la  vigueur  d'un  peuple  rajeuni  :  leurs 
évéques  se  sont  moiitrc-s  ,  comme  aux  siècles  de  l'église  pri- 
mitive, défenseurs  de  la  patrie,  houinies  d'état  et  maityrs, 
La  nation  tout  entière  s'est  levée  contre  les  harbares ,  en- 
flammée de  vengeance  pour  leurs  cruaut('S  ,  et  eu  même  lems 
pleine  de  mépris  pour  leur  stupide  ignorance. 

Et  il  faut  le  dire  à  l'honneur  de  la  civilisation  ,  si  ce  mou- 
vement sidjlinie  lut  déterminé  parle  sentiment  doue  oppres- 
sion intolérable ,  il  avait  été  préparé  dès  long-tems  par  le  pro- 
grès des  lumières,  qui  commençaient  à  pénétrer  uu  sein  de 
cettepopulation,  abrutie  par  un  long  esclavage.  Les  nombreux 
lycées  qui ,  depuis  aS  ans ,  s'étaient  formés  sur  les  cotes  de 
l'Asie -Mineure  cl  dans  les  îles,  ont  Tourni  des  officiers  aux 
valeureuses  milices  de  la  Morée  :  dans  ces  gymnases ,  que  la 
plupart  des  villes  durent  à  la  muuitlceace  des  citoyens  enri- 
chis par  le  commerce,  la  jeunesse  était  initiée  à  l'ancienne 
langue  et  aux  traditions  historiques  de  la  patiie,  Nos  sciences 
modernes  ne  sont  pas  devenues  moins  familières  aux  (irecs, 
et  elles  oui  concouru  à  leur  glorieuse  entreprise ,  en  leur  don- 


5i4  SCIENCES  MORALES 

uant,  dans  la  marlae  et  dans  rarlillerie,  une  supériorité  re- 
lative qui  les  a  mis  en  état  de  lutter  sans  dcsavaiitage  contre 
des  maîtres  forts  d'une  longue  possession. 

Il  y  a  donc ,  chez  ces  hommes  ,  naguère  si  opprimés  ,  tous 
les  élémens  d'une  société  forte  et  éclairée.  Le  sentiment  de  la 
patrie  surtout  les  domine  au  plus  haut  degré;  il  s'est  conservé 
dans  leur  esclavage;  il  s'est  nourri  de  leurs  malheurs  :  c'est 
lui  qui  a  fait  leur  force  ,  et  les  a  soutenus  dans  une  lutte  qui 
semblait  d'abord  si  inégale  ;  c'est  lui,  entin  ,  qui  les  a  régé- 
nérés ,  et  qui  a  enfanté  les  Bozzaris ,  les  Odysseus  ,  les  Colo- 
cotroni,  les  Mauroeordato. 

Les  gouvernemens  européens  ,  tranquilles  spectateurs  ,  ont 
vu  ces  intrépides  insurgés  conquérir  pied  à  pied  leur  terri- 
toire, et  puiser  dans  les  cruautés  de  leurs  farouches  ennemis 
de  nouveaux  motifs  de  résistance.  Abandonnée  de  l'Europe 
entière,  cette  héroïque  nation  ne  s'est  pas  manqué  à  elle- 
même  ;  et  pendant  que  les  cabinets  se  traînaient  sur  les  téné- 
breuses combinaisons  de  la  diplomatie,  les  brûiols  d'Hydra  et 
la  vaillante  épée  des  KUpliLes  moniagnards  se  sont  chargés  de 
trancher  la  question.  Puisse-t-elle  donc  ,  celte  nation,  si  long- 
tems  opprimée ,  être  enfin  rendue  à  la  civilisation  ;  et  pour 
prii  de  ses  glorieux  travaux  ,  libre  ,  indépendante  ,  jouir  du 
loisir  nécessaire  pour  cultiver  tous  les  arts  où  l'appel.e  son 
heureux  génie!  Au  milieu  de  cette  imprévoyance  de  nos  po- 
litiques ,  qui  sait  ce  que  peut  être  un  jour  pour  la  liberté  de 
1  Europe  cette  nation  si  indignement  délaissée? 

Un  des  morceaux  les  glus  remarquables  de  l'ouvrage  de 
M,  Pouqueville,  était  sans  contredit  la  biographie  d'Ali ,  pa- 
cha de  Janina.  L'auteur  l'a  complétée  par  une  Notice  détail- 
lée sur  les  principaux  événemens  de  la  guerre  que  ce  pacha 
redouté  soutint,  en  1820  ,  contre  le  grand-seigneur.  Le  récit 
de  la  révolte  d'Ali  doit  servir  d'introduction  naturelle  à  l'his- 


ET  POLITIQtES.  5i5 

toire  de  riiisurrecùon  qui ,  en  mars  1821 ,  a  donné  le  signal 
de  raffrancl)issement  de  la  Grèce. 

e  Ce  cinquième  volume  contient  encore ,  parmi  plusieurs 
morceaux  intércssaus,  des  Iragmens  pour  servir  à  Vhistoire 
de  Souli ,  depuis  la  prise  de  ce  canton  par  Ali  Pacha,  en  i8o5, 
jusqu'à  l'année  1820  ;  et  d'autres  fragmens  grecs  sur  l'histoire 
de  rÉpire  ,  publiés  d'après  des  manuscrits  inédits. 

C'est  dans  le  142"  chapitre  du  Voyage ,  que  se  trouve  l'é- 
pisode du  jeune  Diacre ,  qui  a  Inspiré  à  notre  poêle  Casim.r 
Delavigne  sa  touchante  élégie  sur  les  malheurs  de  la  Grèce. 
Je  ne  crois  pas  avoir  besoin  d'excuse  pour  retracer  ici  l'une 
de  ces  scènes  gracieuses  dont  le  voyageur  entremêle  parfois 
ses  savantes  investigations  (i  ) . 

«  J'étais  placé  près  d'une  galerie  donnant  sur  le  golfe  de 
Messénie,  que  la  lune  éclairait,  lorsqu'une  barque,  glissant  a 
la  surface  de  la  mer,  s'arrêta  devant  moi.  J'y  faisais  peu  d'at- 
tention, quand  les  sons  d'un  télracorde,  pareil  à  celui  de 
Terpandre,  m'arrachèrent  aux  réflexions  que  je  faisais  sur  le 
proscrit  qui  venait  de  se  retirer.  Mais  ,  quel  fut  mou  élonne- 
menl ,  lorsqu'aux  accords  du  nautonuier  succéda  celte  mes- 
sénienne  antique!  Je  crus  entendre  la  voix  d'Aristomène  ou 
celle  de  Comon ,  pleurant  sur  les  malheurs  de  leur  patrie.. .. 
»  La  barque  que  j'avais  entrevue ,  le  soir  de  mou  arrivée 
à  Coron  ,  ne  reparut  plus  ;  mais  un  chantre  plus  sublime  que 
le  batelier  raessénien ,  qui  mêlait  des  idées  de  domination  aux 
souvenirs  des  calamités  de  la  Grèce  ,  vint  à  son  tour  charmer 
mes  ennuis.  Lorsque  tout  le  monde  était  couché,  je  m  as- 
seyais à  une  fenêtre  voisine  de  l'humble  métropole  de  Colo- 
nis  ,  afin  d'entendre  l'orphée  sacré  de  la  Messénie.  C'était  un 
jeune  di:icre  ,  qui  répétait  les  lamentations  du  fils  d  Helcias  , 


(i)  T.  V,  p.  uo  et  suiv. 


5i6  SCIENCES  MORALES 

prophète  que  rÉternel  avait  béni  dès  le  sein  de  sa  mère   S. 
VO.X  pure  et  béleste  nètait  soutenue  que  par  le  hruit  mono- 
toue  des  vagues  de  la  n,er,  qui  renvoyaient  en  gémissant  aux 
échos,  le  no,n  de  rEternel  quil  invoquait.   «  Vovez ,  Sei- 
gneur, secriait-d  dun  accent  plaint.!';   Roi  tout-puissant, 
vo,e.n  ,,  opprobre  e,  nos  ,naux.  ^héritage  de  nos  a.eu. 
est  tombe  aux  n,an.  de  leVangerl  LVpouse  est  veuve  î  Nous 
sonan.es  orphelins,  et  nous  ne  buvons  leau  de  nos  sources 
qu  a  P.-.X  d  argent.  Les  femmes  et  les  filles  de  Sion  sont  livrées 
auxafîroat..  L adolescent  est  lobjet  de  la  luxure  de  nos  op- 
presseurs,  et  la  jeunesse  expire  sous  leur  bâton  ensanglanté 
Tout  pia.u-  est  banni  de  nos  lètes.  Dieu  paternel,  Adonai ^ 

entends  nos  cris  (i)  ), 

»  Et  mes  yeux  se  remplissaient  de  larmes,  en  comparant 
les  tourmens  de  Sion  avec  ceux  des  enfans  de  la  nouvelle  Jé- 
rusalem. Le  diacre,  moins  beu.eux  que  Jérémie,  qui  avait 
conserve  le  droit  de  pleurer  au  milieu  des  Israélites  captifs 
deva.t„,eme  user  de  circonspection  pour  exhaler  se.  pla in-' 
es.  Quelquefois,  des  coups  de  pistolet,  tirés  par  des  janissaires 
^"•utaux ,  qu.  vomissaient  en  passant  des  mjures  contre  le  saint 
des  samls  ,  mterrompaient  ses  éh-gies.  La  voix  du  lévite  «ar- 
rêtait alors,  comme  celle  du  rossignol  lorsqu'un  bruit  cxtraor^ 
dmaue  trouble  subiîement  le  silence  des  bois.  Il  semblait  es- 
suyer ses  larmes,  et  ses  cliants  se  ranimaient  pour  soupirer 
ue  n„u^ebes  douleurs,   des  que  les  infidèles  sétaient  1.- 
gnes.  » 

Artaud. 
(i)  Lamenlat,  Jerevu,  c.  5. 


ET  poi,nmris.  5,r 

Barreau  Français;  Collection  des  chefs-d'œuvre  de 
l'éloquence  judiciaire  en  France,  recueillis  par  MM. 
Clair  et  Clapieb  ,  avocats  (i). 

Voici  le  plus  beau  monument  qui  ait  été  élevé  en  France 
à  la  gloire  de  l'éloquence  judiciaire.  Rassembler  des  plai- 
doyers qui  auraient  fini  par  se  perdre,  les  présenter  au  pu- 
blic pour  dissiper  les  préventions  littéraires  qui  entourent  trop 
souvent  les  discussions  du  Palais ,  telle  a  été  sans  doute  la 
pensée  des  éditeurs.  Nous  devons  examiner  quel  est  le  mé- 
rite d'exécution  de  ce  grand  ouvrage  ,  et  si  son  cadre  est  aussi 
heureux  qu'il  le  paraît  au  premiei-  aperçu. 

Nous  navons  d'autre  moyen  de  rendre  compte  de  cette 
collection,  que  de  suivre  les  progrès  du  barreau,  depuis  l'é- 
poque oîi  vivaient  les  avocats  dont  les  plaidoyers  ouvrent 
:ette  longue  galerie,  jusqu'à  ceux  de  nos  contemporains  qui 
doivent  la  fermer.  Nous  ferons  nos  efforts  pour  caractériser 
eurs  divers  genres  de  talens  oratoires.  Nous  espérons  par-là 
iiettre  les  lecteurs  qui  n'ont  pas  fait  une  étude  spéciale  de 
.'éloquence  judiciaire ,  à  portée  de  connaître  cette  braucbe 
:1e  notre  littérature. 

D  abord  ,  nous  devons  dire  qu'on  a  une  idée  fausse  de  l'an- 
îien  barreau,  lorsqu'on  pense  qu'il  n'avait  à  sa  disposition  au- 
;nn  moyen  d'obtenir  des  sujets  propres  h  faire  naître  l'élo- 
juence.  Les  procédures  criminelles  se  passaient,  il  est  vrai , 
lans  le  silence  le  plus  absolu.  L'accusé  n'avait  pas  de  conseil 
jui  put  émouvoir  ses  juges  et  présenter  sa  défense  sous  un 
our  plus  ou  moins  avantageux.  Les  formes  du  gouvernement 
lemblaient  aussi  interdire  ces  grandes  affaires  d'état  qui  of- 


(i)  Paris,  1S22  et  iSîj.  Seize  vol.  111-8°,  Tanckoucke,  éditeur.  (Treize 
rpl.  ont  paru.)  Prix  ,  6  l'r.  le  vokirue. 


5i8  SCIENCES  MORALES 

freQt  tant  d'occisions  de  fai^-e  Lriîler  le  talent  d'un  oratear.  La 
liberté  de  la  presse  n'existait  pas  ;  les  lettres  de  cachet  étaient 
ordinairement  le  seul  genre  de  procédure  employé  contre  les 
auteurs  dont  le  pouvoir  croyait  avoir  à  se  plaindre.  Mais,  en 
revanche,  quelques  grandes  questions  politiques  se  sont  agi- 
-  tées  devant  les  parlemens,  et  ont  laissé  les  avocats  maîtres  d( 
sujets  vraiment  dignes  de  les  échauffer  et  de  leur  fournir  de; 
inspirations  oratoires.  Quelle  cause  plus  vaste  que  celle  qui  ; 
été  plaidée ,  en  1 594  ,  par  Antoine  Arnaud,  portant  la  paroi 
au  nom  de  TUniverslté  de  Paris  contre  les  jésuites  7  II  faut  lir 
ce  singulier  plaidoyer,  pour  avoir  une  idée  de  ce  que  peut  1 
conviction  la  plus  intime,  au  milieu  du  mauvais  goût  et  de 
bizarreries  de  l'époque.  Des  éclairs  d'éloquence  apparaisser 
de  tems  en  tems  ,  et  laissent  deviner  le  germe  d'un  orateur  dij 
lingue,  dans  l'avocat  qui  a  pu  quelquefois  abandonner  la  mau 
vaise  route  où  il  s'était  engagé  eu  suivant  des  exemples  con 
tagieux. 

Le  premier  reproche  que  nous  adressons  aux  éditeurs  d 
Barre  au  français,  est  de  ne  pas  comprendre  ce  plaidoyer  a 
nombre  de  ceux  qui  composent  leur  collection.  Il  doit  êti 
considéré  comme  un  monument  historique  et  littéraire;  c: 
il  est  curieux  de  comparer  la  manière  des  avocats  du  XV 
siècle  à  celle  des  siècles  snivans. 

Pour  apprécier  ce  morceau  d'éloquence  judiciaire  ,  11  fa 
se  reporter  au  tems  où  il  a  été  pi*ononcé.  Rappelez-vous 
France  divisée  en  deux  partis  qui  l'ont  déchirée  pendant 
long-tems.  D'un  côté,  les  restes  des  vieux  ligueurs  ,  unis  < 
seutimens  et  d'intentions  aux  jésuites  et  aux  Espagnols  j  i 
l'autre ,  les  nombreux  partisans  de  Henri  IV  et  ces  homm 
religieux ,  précurseuis  de  Port-Royal ,  que  leur  austère  ver 
avait  rendus  ennemis  irréconciliables  d'un  ordre  qui  sut  fai 
de  la  religion  un  instrument  d'intrigue  et  un  moyen  d  a< 
croître  sa  funeste  influence.C'estdans  un  tel  état  de  choses  q 


ET   POLITIQUES.  619 

l'Université  de  Paris  prend  la  résolution  d'abattre  la  puissance 
jésuitique.  Elle  s'adresse  à  l'avocat  le  plus  célèbre  qu'elle  puisse 
rencontrer,  à  Antoine  Arnaud,  dont  le  courage  inilexible  doit 
être  pour  eUe  un  puissant  auxiliaire.  Le  parlements'assemble; 
il  est  composé  presque  entièrement  de  vieillards  qui  ont  vu  les 
troubles  civils,  et  qui  apportent  une  scrupuleuse  attention  à 
écouler  celui  qui  parle  ,  au  nom  de  1  un  (\c!>  corps  les  plus  res- 
pectables de  la  France,  au  nom  de  cette  Université  que  nos 
rois  se  sont  plu  à  nommer  leur  fille  aînée,  attaquant  un  or- 
dre puissant  qui  a  en  sa  faveur  de  noml>reux  partisans,  et  con- 
tre lui  de  plus  nombreux,  ennemis.  Toute  la  France ,  toute 
l'Europe  s'intéresse  à  une  cause  d'une  aussi  baute  importance. 
Arnaud  se  lève  et  prononce  la  barangue  dont  on  va  lire  la 
dernière  partie. 

«  Le  Roi  désire  le  bien  :  peut-on  croire  qu'il  aime  ceux  qui 
attentent  cbacun  jour  sur  sa  vie,  et  qui  ont  causé  toutes  les 
misères  qu'endure  son  pauvre  peuple?  Quand  vous  aurez 
donné  voslrearrest,  il  faudra  cent  mille  bommes  pour  en  re- 
tarder l'exécution  :  Sa  Majesté  veut  que  vous  participiez  en 
quelque  chose  à  ses  triomphes  , 

Veterum  que  cwemfla  secutus  , 

Dijerit  iniperii  sub  Judice  facta  senatu, 

))II  a  cbassé  de  Paris  la  garnison  espagnole  armée  et  ouverte  : 
cbassez,  messieurs,  !a  couverte  et  secrette,  cbassez  celle  qui  a 
fait  entrer  l'autre,  qui  Fa  fait  demeurer  si  long-tems  et  qui 
Fallait  faire  redoubler,  s'ils  eussent  encore  eu  un  passage  sur 
l'Oise,  lorsqu'ils  vindrent  jusqu'à  Beauvais.  p^tnit  teniptis,  sé- 
rias onininoquani  dignumnomine Francico  fuit ,  sed  tamen 
ila  matnruni ,  iit  dijf'erri  jam  non  possit.  Considérez  ,  s'il 
vous  plaist ,  Messieurs ,  où  vous  en  êtes  venus.  Vous  aurez 
déclaré  le  duc  de  Mayenne  criminel  de  Leze-Majesté  :  et  le 
tyran  d'Espagne  et  ceux  qui  le  soustiennent,  joignans  leurs  ar- 


550  SClExNCES  MORALES 

mées  aux  siennes  ,  ennemis  communs  de  la  chrestienté  :  c  eSÏ 
un  beau  mot  Citrate  ut  viri  skis  et  cogitale  qnem  in  locunt 
sitis progressi.  Vous  leur  avez  arraché  la  ville  de  Paris,  qu'ils 
pensaient  avoir  assujettie  pour  jamais  à  leur  domination.  Ils 
n'ont  regret  de  rien  tant  au  monde  ,  que  de  ce  qu'ils  ne  vous 
ont  oslé  la  vie  h  tous,  nunc  onines  itiio  ordine  kabenl.  Une 
autre  fois  il  ne  vous  faudrait  point  de  Bastille,  le  tombeau  se- 
rait votre  bastille;  encores  ne  scai-je  s'ils  vous  l  accorderaient. 
Dieu  a  misanjourd  liuv  en  votre  puissance  d  achever,  de  rora» 
pre  pour  jamais  toutes  leurs  pratiques  et  toutes  leurs  intelli- 
gences :  ils  penseront  avoir  perdu  deux  batailles,  lorsqu'ils 
sauront  que  tous  leurs  jésuites  seront  chassés  hors  de  France. 
Ne  laissez  pas  ,  Messieurs,  escouler  ceste  belle  ,  ceste  prompte 
occasion  de  vous  délivrer  de  ceux  ausquels  les  leltt'es  ne  ser- 
vent (non  plus  qu'à  Caracalia)  ojue  d  instrumens  propres  à 
mal  faire.  Chassez  ces  gens  icy  ,  qui  n'ont  point  de  pareils  en 
toutes  sortes  de  mé'chancclez  ,  tam  acres ,  tam  paratos ,  tam 
audaces,  tam  callidos ,  tam  in  scelere  vigilantes,  tam  in 
perditis  rébus  diligentes ,  contre  lesquels  quand  vous  vous 
lèverez  ,  Messieurs ,  pour  opiner,  souvenez-vous ,  je  vous  sup- 
plie, combien  sera  douce  la  peine  de  l'exil  à  ceux  qui  ont  tant 
de  richesses  en  Espagne  ,  en  Italie  et  aux  Indes  ,  au  lieu  qu'en 
l'an  1 53o  ils  n'avaient  qu'une  petite  pension  qui  leur  estait  en- 
voyée dEspagne  ,  ainsi  qu'eux-mêmes  le  tesmoignent.  Souve- 
nez-vous aussi ,  s'il  vous  plaisl ,  de  la  perte  de  vos  parens  , 
de  vos  amis  et  de  vos  biens  j  de  la  désolation  de  tant  de  pays , 
de  la  mort  de  tant  de  grands  capitaines  ,  de  tant  de  g<*néreuse 
noblesse,  de  tant  de  braves  soldats  emportez  par  la  (ureur  de 
nos  guerres,  qu'ils  ont  toujours  échauffées,  comme  ils  font  en- 
core aujourd  huy.  Et  ne  doutez  nullement  que ,  purgeant  la 
France  de  ce  poison  ,  il  ne  lui  advienne  ,  comme  aux  corps 
qui  se  remettent  en  meilleur  estât  par  longues  et  grièves  ma- 
ladies ,  qui  leur  donnent  une  santé  plus  entière  et  plus  nette 


ET  POLITIQUES.  52 1 

que  celle  qu'elle  leur  avait  oslée.  Et  quand  leur  advocat  vous 
viendra  louer  la  magnanimité  et  la  clémence  du  Roy,  souve- 
nez-vous, Messieurs,  que  c'est  de  ce  Roy  du  quel  ilsont  lésant; 
chacun  jour  en  leurs  vœux  ,  la  mort  en  leurs  prières ,  l'assas- 
sinat en  leurs  détestables  et  exécrables  conseils.  Souvenez- 
vous  que  c'est  de  ^-e  Roy  ,  au  quel  ils  ont  aidé  dès  leur  fonda- 
teur Ignace,  d'arracher  partie  de  la  couronne  de  INavarre  :  et 
n'ontaulre  travail  aujourd'huy  que  de  s'efforcer  à  luv  o&ter  celle 
de  France,  qu'ils  désirent  assujettir  et  unir  à  l'Espagne ,  comme 
ils  ont  fait  le  Portugal.  » 

Si ,  comme  nous  l'avons  dit ,  Ton  se  reporte  au  lems  oîi  ce 
plaidoyer  a  été  prononcé  ,  on  se  (igureia  facilemeutquelle  im- 
pression il  dut  faire.  J.es  gens  du  Roi ,  à  la  requête  des  défen- 
seurs des  jésuites  ,  avaient  eu  la  précaution  de  demander  que 
l'audience  eût  lieu  à  huis-clos  ,  ce  qui  leur  avait  été  accordé. 
Mais  ,  l'effet  qu'Arnaud  avait  produit  sur  les  membres  du  par- 
lement ,  ne  tarda  pas  à  transpirer  j  l'énergie  de  ses  accusations  , 
la  gravité  des  faits  allégués  contre  les  jésuites  ,  ses  accens  pro- 
phétiques qui  osaient  annoncer  l'assassinat  du  roi  Henri  IV, 
si  cet  ordre  célèbre  n'était  pas  exftlu  delà  France  ,  un  langage 
qui  alors  ne  manquait  pas  de  pureté  et  d'élégance  ,  tout  con- 
courait h  donner  à  la  cause  une  solennité  qui  doit  la  faire  re- 
garder comme  l'une  des  plus  importantes  dont  nos  tribunaux 
aient  retenti.  La  haine  janséniste  d'Arnaud  lui  a  fait  poursui- 
vre les  jésuites  avec  un  acharnement  qui  a  quelque  chose  de 
cette  àcreté  que  respirent  plusieurs  des  harangues  de  l'anli- 
quité. 

Près  d'un  demi-siècle  s'est  écovdé  entre  Antoine  Arnaud  et 
les  deux  avocats  auxquels  on  a  coutume  de  faire  remonter 
l'origine  dun  barreau  moins  barbare  que  celui  qui  existait 
auparavant.  On  voit  que  nous  voulons  parler  de  Lemaistre  et 
de  Palru.  Malgré  les  grands  progrès  que  faisait  alors  la  lanc;ue 
française ,  nous  n'apercevons  pas  une  amélioration  sensible 
T.  XX. — Décembre  \^-2~).  54 


5'i2  SCIENCES  MORALES 

daus  les  travaux  judiciaires  de  ces  trois  orateurs.  Même  ejoiit 
pour  les  citations  ,  mêmes  comparaisons  ridicules  tirées  de  !a 
Bible  et  de  la  Mythologie,  même  envie  d'introduite  dans  l'en- 
ceinte étroite  de  nos  tribunaux,  les  formes  bien  aatremenl 
majestueuses  de  L'éloquence  populaire  grecque  et  romaine. 
Patru.  plaidant  pour  les  R.  P.  Mathurius,  s'évertue  à  cber- 
cbcr  une  origine  miraculeuse  à  Tordre  dont  ils  font  partie.  11 
laisse  de  coté  les  argumens  de  droit  qu'il  peut  faire  valoir  en 
leur  faveur,  et  transporte  son  auditoire  à  Rome,  pour  le  faiie 
assister  le  jour  de  Sainte-Agnès  à  1  office,  pendant  lequel  un  an- 
ge parut  en  Tair  au-dessus  de  l'autel.  «  Sa  robe  estait  toute 
blanche  ,  et  sur  le  devant  on  lui  voyait  une  croix  moitié  rouge 
et  moitié  bleue.  II  avait  les  bras  croisez  et  de  chaque  main 
tenant  au  bout  d'une  longue  ebaisne  un  esclave ,  l'un  maure  , 
l'autre  chrestien,  il  semblait  comme  escbanger  ces  malheureux, 
et  donner  le  mescréan  pour  racheter  le  fidèle.  »  Telle  est,  se- 
lon lui  ,  l'origine  des  Mathurins. 

Nous  sommes  en  droit  de  nous  étonner  que  le  goût  exquis 
de  Boileau  et  de  Racine  ,  dans  l'intimité  desquels  Patru  vivait , 
ne  se  soit  pas  révolté  des  cBoses  ridicules  qui  se  rencontrent 
en  foule  dans  les  œuvres  de  cet  avocat.  Patru  ,  si  sévère  pour 
les  autres,  Patru  dont  Boileau,  écrivant  à  Brossette,  disait  :  a  II 
me  souvient  que ,  lorsque  M.  Racine  me  faisait  sur  des  en- 
droits de  mes  ouvrages  quelque  observation  un  peu  trop  sub- 
tile ,  comme  cela  lui  arrivait  quelquefois ,  au  lieu  de  lui  dire 
le  proverbe  latin  :  Ne  sis  Patruus  milii,  n'ayez  pas  pour  mol 
la  sévérité  d'un  oncle ,  je  lui  disais  :  Ne  sis  Patru  mihi , 
n'avez  pas  pour  moi  la  sévérité  de  Patru  (i).  »  Patru  n'au- 
rait-il pas  eu  besoin  d'exercer  cette  sévérité  sur  ses  propres 
ouvrages;  et  alors,  ils  pourraient  être  lus  aujourd'hui ,  comme 

(i)  Lcltro  XXX  de  Boileau  à  Brossette,  T.  III ,  p.  25o  de  l'édition 
de  1812. 


ET  POLITIQUES.  5 2"^ 

les  œuvres  de  ses  illustres  amis.  Cependant ,  il  est  juste  de  dire 
que  ,  si  nous  comparons  les  plaidoyers  dePalru  à  ceux,  de  ses 
contemporains  ,  nous  apercevrons  entre  eus.  uue  distance 
considérable  à  laquelle  il  a  dû,  sans  aucun  doute,  son  im- 
mense réputation. 

En  lisant  les  œuvres  de  Lemaistre,  on  trouve  toujours  un 
déclamateur  habile  ,  mais  rarement  un  véritable  orateur. 
Néanmoins,  sa  renommée  a  été  aussi  brillante  que  celle  de 
Patru.  On  rapporte  que,  les  jours  où  Lemaistre  devait  plai- 
der, les  prédicateurs  s'abstenaient  de  monter  en  chaire  pour 
aller  prendre  des  leçons  de  ce  jeune  homme,  qui  devait  bien- 
tôt abandonner  le  théâtre  où  il  cueillait  des  palmes  qu'on  ne 
cherchait  pas  à  lui  disputer,  pour  aller  s'ensevelir  dans  l'illus- 
tre retraite  de  Port-Royal ,  dont  il  a  été  l'un  des  membres  les 
plus  zélés. 

Cependant,  le  siècle  véritablement  littéraire  auquel  Louis 
XIV  a  donné  son  nom,  s'écoule,  et  les  cours  de  justice  n'offrent 
pas  à  la  France  un  seul  orateur  dont  la  gloire  puisse  ,  non  pas 
égaler  celle  qui  environne  les  voix  éloquentes  qui  retentissent 
du  haut  de  la  tribune  sacrée,  mais  du  moins  eu  approcher. 
Ln  seul  homme  semble  aspirer  au  désir  de  léguer  à  sa  patrie 
un  monument  digue  d'être  comparé  à  ce  que  les  anciens  ont 
de  plus  parfait  eu  ce  genre.  Cet  homme  n'est  pas  un  avocat; 
un  seul  sentiment  l'anime  ,  mais  c'est  le  plus  puissant  de  tous  , 
celui  de  l'amitié.  Combien  Fouquet ,  dans  sa  disgrâce  ,  dut 
éprouver  de  consolation ,  en  voyant  la  littérature  française 
s'enrichir  des  travaux  de  deux  liommes  de  génie  qui  se  réu- 
nissent pour  obtenir  son  pardoii  du  plus  puissant  des  monar- 
ques! La  Fontaine  laisse  échapper  de  sa  veine  facile  des  vers 
admirables  en  faveur  de  son  ami ,  et  Pélisson  trace  des  mé- 
moires dans  lesquels  la  noblesse  du  style  s  unit  à  la  grandeur 
des  idées  et  des  sentimens.  Les  avocats,  au  contraire  ,  persis- 
tent à  s'écarter  du  goût  antique  ,  par  cela  même  qu'ils  veulent 


524  SCIENCES  MORALES 

rimiter.  Ils  ne  savent  pas  apercevoir  conabiea  Us  sont  loin 
de  la  vérité  ,  et  dans  quels  malheureux  écarts  ils  se  précipi- 
tent ,  lorsqu'ils  invoquent  les  dieux  d'Homère  ou  les  person- 
nages vénérés  du  christianisme ,  à  propos  d'un  mur  mitoyen 
ou  d'une  violation  quelconque  de  la  coutume  de  Paris.  La 
Bruvère  les  avertit  en  vain  de  la  fausse  voie  dans  laquelle  ils  se 
sont  jeu's.  Ses  sarcasmes  piquaus  n'épargnent  pas  le  ridicule 
des  avocats  qui  ont  la  manie  des  citatious  inutiles  et  des  rap- 
proclieniens  bizarres  dont  ils  inondent  leurs  plaidoyers,  «  dans 
lesquels  Ovide  et  Catulle  ,  dit- il ,  achèvent  de  décider  des  ma- 
riages et  des  testamens  ,  et  viennent,  avec  les  Pandectes  ,  au 
secours  de  la  veuve  et  de  l'orphelin  ;  où  le  sacré  et  le  profane 
ne  se  quittent  jamais  ,  où  les  poètes  sont  de  l'avis  de  saint  Au- 
gustin et  de  tous  les  Pères.  » 

Laissant  de  côté  quelques  avocats  qui  illustrèrent  le  bar- 
reau à  la  fm  du  xvii^  siècle ,  nous  arrivons  à  Cochin  et  à 
d'Âguesseau.  C'est  sur  ces  deux  noms  que  semble  reposer  la 
preuve  que  les  Français  ont  aussi  une  véritable  éloquence  Ju- 
diciaire. Cochin ,  dans  un  style  pur,  mais  peu  élevé  et  pres- 
que entièrement  dénué  d'ornemens  oratoires, a  traité  des  ques- 
tions de  droit  en  habile  jurisconsulte.  Pour  dire  ici  toute  no- 
tre pensée,  nous  croyons  qu'il  est  loin  de  mériter  la  grande 
répuliilion  dont  il  jouit.  Quanta  d'Aguesseau,  le  caractère 
dont  il  était  revètvi  et  sa  haute  sagesse  ont  dû  étendre  sa  re- 
nommée bien  au-delà  de  l'enceinte  du  parlement.  Ses  Mer- 
curiales, ou  discours  prononcés  aux  jours  de  rentrée,  con- 
tiennent une  excellente  morale,  présentée  avec  le  charme  d'un 
style  élégant  et  correct ,  mais  un  peu  froid  et  par  trop  apprêté' 
peut-être.  Les  éditeurs  du  Barreau  Français  ont  mis  un  pelil 
nombre  des  plaidoyers  de  ces  deux  hommes  célèbres, et  ils  ont 
pensé  avec  raison  que  leurs  œuvres  complettes  se  trouvant 
dans  toutes  les  bibliothèques  des  jurisconsultes,  c'eût  été  faire 
un  double  emploi  que  d'en  multiplier  les  extraits.  Mais ,  puis- 


ET  POLITIQUES.  5a5 

que  nous  veuous  d'avoir  Toccasioa  de  nommer  d'Agucsseau  , 
nous  adresserons  dès  à  présent  un  reproche  aux.  éditeurs  sur  le 
peu  de  justesse  du  titre  de  leur  collection.  Le  mot  barreau , 
d'après  sa  véritaLle  signification  ,  ne  peut  s'appliquer  qu'au 
corps  des  avocats  ,  qu'aux  hommes  parlant  à  la  barre  d'un  tri- 
bunal. Les  magistrats  du  parquet ,  les  officiers  du  ministère 
public,  ne  peuvent,  pas  plus  que  leurs  ouvrages,  être  con- 
fondus avec  le  barreau. 

Au  surplus,  cette  critique  est  de  fort  peu  d'importance  ,  et 
nous  continuons  Texamen  des  principaux  monumens  de 
notre  éloquence  judiciaire  ,  contenus  dans  le  Barreau  Fran- 
çais. 

A  quelques  plaidoyers  et  discours  de  Cochin  et  de  d'Agues- 
seau  succèdent  un  plaidoyer  de  Mannory ,  et  un  Mémoire  de 
Barbier  d' Aucourt ;  mais,  il  faut  avouer  qu'ils  étaient  peu 
dignes  de  figurer  dans  un  recueil  de  chej's-d  œuvre  de  félo- 
quence  judiciaire. 

Ici ,  nous  arrivons  au  xvill^  siècle.  Voyons  s'il  nous  offrira 
de  plus  dignes  modèles  que  l'époque  que  nous  venons  de  par- 
courir, pendant  laquelle  ,  cependant,  la  littérature  française 
est  parvenue  au  plus  haut  degré  de  perfection. 

Montesquieu  se  présente  le  premier;  et,  quoique  ce  grand 
homme  n'ait  jamais  été  avocat ,  les  éditeurs  ne  font  pas  moms 
fait  entrer  dans  leur  barreau.  C'est  un  discouis  prononcé  en 
sa  qualité  de  président  à  mortier  au  parlement  de  Bordeaux , 
qui  lui  a  fait  trouver  sa  place  dans  celte  collection.  Ce  discours 
est  fort  peu  important  5  et  sans  le  nom  à  jamais  célèbre  de  ce- 
lui qui  en  est  l'auteur,  il  n'aurait  sans  doute  pas  été  inséré 
dans  un  recueil  du  genre  de  ceiul-ci. 

Le  barreau  ,  ou  plutôt  tous  les  membres  àc^?,  corps  judi- 
ciaires, magistrats  et  avocats,  ne  restèrent  point  étrangers  aux 
querelles  qui  s'élevèrent  entre  la  philosophie  et  les  anciens  pré- 
jugés, et  c'est  à  dater  de  ce  temsque  s'élevèrent  dans  le  seia 


536  SCIEISCES  MORALES 

des  tribunaux  des  plaintes  énergiques  contre  les  abus  qui  en- 
vironnaient Fadministration  de  la  justice.  Le  système  barbare 
de  pénalité  existant  alors  ,  trouva  de  rudes  adversaires  ,  et  To- 
pinion  publique  ,  éclairée  par  les  attaques  des  magistrats  eux- 
mêmes  ,  finit  par  obtenir  la  grande  réformation  qui  a  cai'ac- 
térisé  la  fin  duxviii*'  siècle. 

Les  pbilosophes  faisaient  des  livres  ;  les  avocats-généraux 
les  poursuivaient  par  de  fulmiuans réquisitoires.  Séguier  sur- 
tout s'est  acquis  une  juste  célébrité  en  ce  genre ,  et  nous  regret- 
tons de  ne  trouver,  dans  le  Barreau  Français ,  qu'un  seul 
des  réquisitoires  de  cet  avocat- général.  Il  est  vrai  que  ce  ré- 
quisitoire mérite  d'être  conservé  ,  et  par  l'importance  de  la 
cause  dans  laquelle  il  fut  prononcé,  et  par  une  argumenta- 
tion qui  n'est  pas  sans  babileté  ;  c'est  contre  un  magistrat  que 
Séguier  avait  à  exercer  les  rigueurs  de  son  nvinistère.  Diipaty , 
président  à  mortier  au  parlement  de  Bordeaux,  avait  fait  un 
Mémoire  en  faveur  de  trois  bommes  condamnés  à  la  roue  , 
et  c'est  contre  ce  Mémoire  qui  honore  son  auteur,  que  Séguier 
lança  les  foudres  de  son  éloquence.  Nous  ne  doutons  pas  qu'on 
ne  lise  avec  beaucoup  d'intérêt  et  le  mémoire  de  Dupatv, 
et  le  réquisitoire  de  Séguier,  quoique  ces  affaires  soient  au- 
jourd'hui bien  moins  importantes  qu'elles  ne  l'étaient  dans  un 
tems  où  les  rigueurs  excessives  de  la  justice  criminelle  étaient 
censurées  par  tous  les  cœurs  généreux  qui  i;i 'avaient  pas  en- 
core obtenu  une  réformalion  si  indispensable  pour  l'honneur 
de  l'humanité. 

Les  jésuites  ont  souvent  fourni  aux  magistrats  et  aux  avo- 
cats français,  l'occasion  de  se  livrer  à  de  beaux  mouvemens 
oratoires. Cet  ordre,  adroit  et  astucieux,  a  toujours  su  résister 
aux  coups  qui  semblaient  devoir  l'accabler.  îSous  l'avons  vu 
attaqué  par  Arnaud ,  au  xvi*  siècle  ;  nous  le  trouvons  en- 
core, au  xviii^,  poursuivi  par  La  Chatolais ,  avec  un  zèle 
non  moins  ardent  et  dans  lequel  on  pourrait  sans  injustice 


Eï  POLITIQUES.  537 

trouver  une  sorte  de  fanatisme.  Séguicr  lui-même,  qui  avait 
été  leur  élève  ,  prouonça  contre  eux ,  selon  Tauteur  ilo  la  no- 
tice placée  en  tète  de  la  partie  tlu  Barreau  Français  qui  lui 
est  réservée  ,  v  un  très-beau  réquisitoire  ,  où  ,  tout  en  recon- 
naissant que  cette  société  avait  bien  mérité  des  sciences  et  des 
lettres ,  il  signale  de  nouveau  les  dangers  de  son  institution  , 
et  la  nécessité  de  réprimer  ses  intrigues  secrètes.  » 

Les  éditeurs  n'ont  pas  fait  entrer  dans  leur  collection  les 
fameux  réquisitoires  de  La  Clialotais  conU'C  les  jésuites  ;  mais 
ils  y  ont  inséré  les  Mémoires  que  ce  magistrat  fut ,  bientôt 
après,  obligé  de  publier  pour  sa  propre  défense.  Il  a  su  ,  par 
expérience,  que  Ion  n'a  jamais  pu  attaquer  les  disciples  de 
Loyola  impunément.  Ces  Mémoires  sont  t-crits  avec  une  cha- 
leur profonde  et  naturelle.  On  remarquera  surtout  celui  qui 
a  été  tracé  par  La  Clialotais  au  fond  de  son  cachot,  avec  ce 
cure-dent  dont  Voltaire  a  dit  qu  il  gravait  pour  l'immortalilé. 

A  la  même  époque,  Z/Oj^e^u  de  Ma«/eow  apportait  un  goût 
romanesque  dans  la  composition  de  travaux  judiciaires.  Mer- 
veilleusement servi  par  la  plupart  des  causes  qui  lui  ont  été 
conQées,  cet  avocat  a  rédigé  des  Mémoires  qui  ont  obtenu  de 
très-grands  succès.  INIalgré  le  mérite  que  l'on  ne  saurait  re- 
fuser à  l'art  avec  lequel  il  a  su  présenter  les  faits  et  leur  don- 
ner uue  teinte  d'aventures  imaginaires ,  nous  croyons  qu'on 
l'a  trop  exalté,  et  nous  oserons  ne  pas  adopter  l'avis  de  J.  J. 
Rousseau  écrivant,  dans  ses  Cortfessions ,  que  la  défense  de 
M.  de  Portes  lui  paraissait  digne  de  Démosthèues.  Le  style  de 
Loyseau  de  Mauiéou  est  prétentieux  ,  et  nous  ne  trouvons  pas 
sans  justesse  l^expression  d'un  homme  d'esprit  qui  le  surnom- 
mait le  Dorât  des  avocats. 

Dans  cette  esquisse  rapide  de  nos  orateurs  judiciaires,  nous 
ne  devons  point  oublier  l'avocat-général  Servan,  qui  piaida 
la  cause  de  la  philosophie  et  de  l'humanité  au  parlement  de 
Grenoble.  Il  doit  être  placé  au  piemier  rang  du  petit  nombre 


5a8  SCIE^Ct:S  MORALES 

de  magistrats  qui  se  sont  servis  de  rinfluence  que  leur  don- 
naient leurs  hautes  fonctions  pour  décrt'diter  des  a])us  et  de- 
mander des  réformes  salutaires  et  indispensables. 

Elie  de  Beauinont,  Target^  Lingiict,  et  surtout  Gerbier, 
ont  servi  encore  à  l'illustration  du  barreau  français  ,  à  la  fin  du 
XVIII*  siècle.  Il  est  à  regretter  que  fart  de  la  sténographie  n'ait 
pas  conservé  quelques-unes  des  harangues  de  Gerbier.  Tous 
ceux  qui  Tont  entendu,  ont  encore  présens  à  la  mémoire  la 
force  de  sa  dialectique  ,  ses  gestes  nobles  et  touclians  ,  ses  ac- 
cens  mâles  et  solennels.  Enfin ,  ce  grand  avocat  paraissait  doué 
de  l'action  oratoire  la  plus  riche  que  l'imagination  puisse  se 
représenter. 

Les  Mémoires  imprimés  de  Gerbier  sont  peu  propres  à  don- 
ner une  haute  idée  de  son  talent ,  et  peut-être  les  éditeurs  du 
Barreau  Français  devaient-ils  s'abstenir  de  mettre  dans  leur 
collection  celui  qu'ils  ont  cru  devoir  y  insérer. 

Si  les  avocats  que  nous  venons  de  mentionner  faisaient  re- 
tentir les  voûtes  du  Palais  de  leurs  voix  éloquentes  ,  la  plume  de 
Beauinarrliais  traçait  des  pages  auxquelles  une  ironie  amère  , 
une  discussion  pleine  de  verve  et  de  sel  obtinrent  un  succès 
qui  n'est  pas  encore  oublié.  Dans  un  genre  beaucoup  plus  éle- 
vé ,  Î\L  de  Lally-ToUendal .  animé  du  plus  pieux  de  tous  les 
sentimens  ,  apportait  dans  des  discussions  judiciaires  ,  les  vues 
de  l'homme  d'état,  et  un  style  noble  et  digne  du  sujet  qu'il  avait 
entrepris  de  traiter. 

Enfin  ,  Bergasse  s'est  attiré  une  gi^ande  et  juste  réputation 
par  1  affaire  du  banquier  Rornman.  Son  argumentation  est 
adroite  ,  et  les  expressions  dont  il  a  fait  usage,  pleines  de  vie 
et  même  d'uue  certaine  impétuosité  qui  n'était  pas  déplacée  dans 
le  sujet  qu'il  avait  à  traiter. 

Ici,  se  ferme  l'ancien  Barreau  Français,  et  commence 
une  ère  nouvelle. 

De  grands  changemens  politiques  s'introduisent  dans  les 


ET  POLITIQUES.  609 

formes  de  notre  gouvernement.  Les  antiques  cours  de  justice 
s'écroulent  et  font  place  à  des  tribunaux  qui  d'abord  ne  nous 
offrent  aucun  monument  oratoire  susceptible  d'être  conserve. 
Cependant,  au  fort  de  la  tempête,  le  plus  mémorable  procès 
dont  nos  annales  puissent  faire  mention  ,  donne  à  un  avocat 
roccasion  de  développer  un  beau  talent,  et,  ce  qui  vaut  beau- 
coup mieux  ,  un  grand  courage. 

La  république  consulaire  vit  aussi  quelques  procès  impor- 
tans  déiéndus  dignement  par  de  jeunes  oratcuis  qui  eurent  à 
leur  disposition  des  causes  dont  les  tribunaux  français  na- 
valent  pas  encore  fourni  d'exemple.  M.  Betlart  fait  proclamer 
l'innocence  de  M''^  de  Cicé  par  un  plaidoyer  dans  lequel  on 
remarque  une  rare  adresse.  M.  Bonnet  défend  IMoreau  .  et  les 
éditeurs  de  la  collection  que  nous  annonçons  nous  appren- 
nent que  ce  plaidoyer  est  lun  des  plus  beaux  titres  de  la  gloire 
de  l'orateur.  Nous  regrettons  que  ces  éditeurs  n'aient  pas  joint 
à  la  défense  de  Moreau,  par  M.  Bonnet,  le  discours  éloquent 
que  le  général  prononça  lui-même ,  et  qui  est  attribué  à  IVL 
Garât. 

Pendant  la  domination  impériale,  le  barreau  n'a  pas  été  ap- 
pelé à  la  défense  de  causes  politiques.  Ces  sortes  d'aAaires  se 
jugeaient  alors  dans  l'enceinte  d'un  tribunal  militaire  ,  et  Ton 
sait  que  ces  juridictions  sont  peu  propres  à  fournir  des  ins- 
pirations oratoires.  Mais  de  grandes  causes  civiles  eurent  lieu  , 
et  les  cbangemens  intervenus  dans  le  droit  amenèrent  des 
questions  importantes  qui  furent  débattues  avec  talent.  Cette 
fois  ,  les  éditeurs  doivent  être  loués  de  nous  avoir  fait  connaî- 
tre quelques-uns  des  plaidoyers  du  barreau  de  Bordeaux.  Nous 
en  trouvons  dans  leur  recueil  de  fort  remarquables,  de  MM. 
Laine  e\.  /?«v'es,  et  surtout  de  M.  Fererre ,  qui  nous  parait 
doué  du  véritable  génie  de  l'éloquence.  Son  style  est  plein  d'i- 
mages et  de  mouvemens  dramatiques  d'un  grand  efiet.  Si  Fe- 
rerre eût  été  appelé  à  jouer  un  rôle  sur  un  plus  vaste  tliéâtre , 


55o  SCIENCES  MORALES 

nons  ne  cloutons  pas  qu'il  ne  se  fût  placé  à  côté  des  hommes 

les  plus  célèbres  dont  la  Gironde  a  fait  présent  à  la  patrie. 

La  Charte  ,  en  nous  donnant  des  institutions  constitution- 
nelles, a  ouvert  une  immense  carrière  au  barreau.  Nous  nous 
abstiendrons  de  caractériser  le  i^enre  d"élo(]uence  qui  est  pro- 
pre aux  avocats  qui  honorent  notre  époque.  Nous  dirons  seu- 
lement que  la  multitude  de  procès  politiques  ,  qui  ont  eu  lieu 
depuis  dix  ans  ,  sont  devenus  une  source  in' puisabie  à  laquelle 
les  éditeurs  du  Bairtau  Français  ont  eu  recours  avec  dis- 
cernement. On  trouve  dans  leur  ouvrage  le  plaidover  remar- 
quable de  M.  Dupiii  dans  l'affaire  des  Anglais  accusés  d'avoir 
favorisé  Tévasion  de  Lavaiette.  L'éloquente  défense  de  M.  Fié- 
vée  par  M.  Hennequin ;  les  procès  de  la  Souscription  natio- 
nale ,  de  la  Société  des  amis  de  la  presse  ,  de  la  Bibiiotiieque 
historique,  de  M.  de  Pradt,  etc.  ,  et  sous  ce  rapport  le  Bar- 
reau Français  ne  sera  pas  seulement  consulté  par  les  person- 
nes qui  voudront  étudier  les  monumens  de  notre  éloquence 
judiciaire  ,  mais  encore  par  tous  ceux  qui  désireront  connaî- 
tre unepartie  importante  de  l'histoire  contemporaine.  Les  An- 
glais possèdent,  sous  le  titre  de  State  Trials ,  une  collection 
beaucoup  plus  complète  et  plus  méthodique  des  procès  politi- 
ques ;  mais  le  Barreau  Français  ^eul  jusqu  à  un  certain  point 
en  tenir  lieu  parmi  nons. 

Le  reproche  le  plus  grave  que  nous  adresserons  aux  édi- 
teurs,  est  relatifà  leur  deuxième  section  ou  Barreau  moderne, 
dans  laquelle  ils  ont  jeté  péle-mèle  les  différens  plaidoyers.  A 
l'exception  de  cette  gi-ande  division  du  Barreau  ancien  et  du 
Barreau  moderne  ,  division  qui  ne  nous  paraît  pas  heureuse, 
nous  n'apercevons  aucune  méthode  dans  la  marche  qu'ils 
ont  suivie.  En  effet ,  le  troisième  volume  du  Barreau  moderne 
contient  des  plaidoyers  prononcés  long-tems  avant  la  plupart 
de  ceux  qui  sont  contenus  dans  les  deux  premiers  de  la  même 
série.  Les  éditeurs  ne  se  justifieront  pas,  quanta  cette  deuxième 


ET  POLITIQUES.  55 1 

scclion  ,  d'avoir  nc'gligc  Tordre  clironologiqne,  le  plus  rigou- 
reux de  tous ,  en  alléguant  que  leur  intention  a  été  de  réunir 
les  travaux  d'un  même  orateur,  car  cette  partie  est  encore  plus 
négligée  que  la  première.  Le  lecteur  ,  s  il  neùt  pu  avoir  Ta- 
vantage  de  suivre  clironologiquement  Tordre  ou  la  nature  des 
affaires,  aurait  au  moins  désiré  devoir  réunis  les  différens 
plaidoyers  et  les  discours  d'un  même  orateur. 

Pour  terminer  la  partie  critique  de  cet  article,  nous  croyons 
que  les  éditeurs  ont  beaucoup  trop  multiplié  les  chefs-d^aui- 
i're  de  Téloquonce  judiciaire  en  France.  ISous  avons  eu  plus 
haut  occasion  de  prouver  le  peu  de  justesse  du  titre  qu  ils 
ont  donné  à  leur  collection,  et  nous  y  revenons  parce  que 
nous  croyons  qu'elle  est  propre  à  jeter  de  la  défaveur  sur 
leur  entreprise,  aux  yeux  de  ceux  qui  auront  lu  la  plu- 
part de  ces  prétendus  chefs -d  œuvre.  Assurément,  per- 
sonne ne  contestera  que  la  chaire  française  n'ait  de  beaucoup 
surpassé  le  barreau  en  richesse  et  en  gloire.  La  cause  tient 
sans  doute  à  des  considérations  morales  et  littéraires  que 
nous  ne  pouvons  examiner  en  ce  moment.  Toutefois  ,  nous 
doutons  fort  que  Ton  puisse  réunir  seize  volumes  de  chefs- 
d'œuvre  dus  à  Tinspiration  évangélique.  Cependant,  nos  pré- 
dicateurs n'ont  pas  été  plus  avares  de  paroles  que  nos  avo- 
cats. 

Il  y  aurait  de  1  injustice  à  ne  pas  reconnaître  l'utilité  de  ce 
recueil.  Il  renferme  beaucoup  de  morceaux  qui  étaient  deve- 
nus extrêmement  rares  ,  et  qui  auraient  fini  par  se  perdre  en- 
tièrement. Si  nous  avons  adressé  aux  éditeurs  plusieurs  repro- 
ches que  nous  croyons  tondes,  Timpartialité  veut  que  nous 
ajoutions  qu'ayant  les  premiers  entrepris  de  donner  une  col- 
lection de  ce  genre,  il  n'est  pas  étonnant  que  quelque  désor- 
dre se  soit  glissé  dans  un  recueil  aussi  volumineux,  pour  la 
composition  duquel  ils  n'avalent  pas  de  modèle  ,  et  que ,  s'ils 
ont  trouvé  des  imitateurs ,  ceux-ci  n'ont  pas  eu  un  grand  mé- 


^03  SCIENCES  MORALES 

rite  à  perfectionner  un  plan  dont  l'expérience  leur  avait  dévoi- 
lé les  défauts, 

A.  Taillandier,  avocat  aux  conseils  du  Roi. 


aWtWVMWX^/Wt 


Mémoires  srn  la  Révolution  française  ,  par  Buzot,  dé- 
puté à  la  Coiivenlion  nationale  ,  précédés  d'un  Précis 
de  sa  vie,  et  de  Recherches  historiques  sur  les  Giron- 
dins,  par  M.  GiADET  (i). 

La  révolution  française  semble  chaque  jour  acquérir  un 
noTiveau  degré  d'intérêt,  à  mesure  que  nos  regards  peuvent 
la  considérer  dun  peu  plus  loin.  Tout  ce  qu  elle  offre  à  la  fois 
de  généreux  et  d'atroce,  de  brillant  et  d'abject,  devait  d'abord 
en  quelque  sorte  éblouir  et  fasciner  notre  vue  ;  et  il  était  natu- 
rel que  nos  jugemenssur  ses  phases  mémorables  ne  fussent  au 
commencement  que  le  résultat  d'impressions  trop  vives  pour 
être  tout-à-fait  d'accord  avec  la  froide  raison.  Aujourd'hui , 
celle-ci  peut  faire  entendre  sa  voix  sévère  ;  après  avoir  cédé 
long-tems  aux  illusions  de  l'imagination  ,  on  voudrait  ne  plus 
admettre  que  la  vérité ,  ei  l'on  recherche  avidement  les  écrits 
qui  peuvent  contribuer  à  l'établir. 

Le  nouveau  volume  de  Mémoires  sur  la  révolution,  que 
vient  de  publier  M.  Guadel ,  doit  à  juste  titre  être  placé  dans 
ce  nombre.  Il  nous  présente  cette  grande  époque  d?'  nos  an- 
nales sous  une  face  nouvelle  j  il  s'empare ,  pour  ainsi  dii-e  , 
d'un  côté  de  ce  vaste  tableau  pour  le  présenter  de  nouveau  à 
nos  regards  avec  d  utiles  dévcloppemens,  et  en  faire  ressortir 
de  vives  lumières  qui  rejaillissent  sur  l'ousemble.  Il  vient 
remplir  une  lacune  que  l'on  pouvait  remarquer  dans  l'impor- 

(0  Paris,  iSaS,  Un  vuJ.  in  S»  de  5oo  pages.  Prix,  6  fr.  Be'cliet  aîné. 


ET  POLITIQLES.  533 

(anlc  colleclioa  publiée  par  MM.  Barrière  et  Bcrvil'ic,  et  il 
en  est ,  sous  ce  rapport ,  uu  complément  indispensable. 

Eu  eOét ,  le  parti  qui ,  dans  le  cours  de  la  révolution ,  a  sans 
contredit  compté  le  plus  d  bommes  célèbres  ,  qui  a  le  plus 
déployé  de  vues  généreuses  et  vraiment  patriotiques ,  n'avait 
eu  jusqu'ici  que  deux  organes.  Louvel  et  Barbaroux  (ainsi  que 
]\Ime  Rolland)  sont  les  seuls  Girondins  qui  aient  laissé  ou  du 
moins  dont  on  ait  publié  des  mémoires  ;  mais  le  premier  s'est 
beaucoup  plus  occupé  de  lui  et  des  particularités  qui  le  con- 
cernaient immédiatement ,  que  du  parti  dont  il  avait  suivi  la 
bannière,  et  de  l'influence  exercée  par  ce  parti  sur  les  affaires 
générales  :  il  a  écrit  eu  romancier  et  en  bonime  de  parti ,  do- 
miné par  ses  préventions  et  ses  passions,  beaucoup  plus  qu'en 
homme  d'état  et  en  patriote  éclairé  ,  juste  et  impartial.  Ce 
que  nous  connaissons  du  second,  n'offre  guère  d'impor- 
tant que  des  éclaircissemens  sur  la  journée  du  lo  août.  Il 
était  donc  utile  de  livrer  à  la  curiosité  publique  des  mémoi- 
res oii  fût  spécialement  considérée ,  dans  son  ensemble ,  la 
conduite  du  parti  de  la  Gironde;  où  l'on  pût  suivre  la  lutte 
glorieuse  qu'il  eut  à  soutenir  contre  un  déplorable  esprit  d'a- 
narchie et  de  dévastation  dont  la  France  éprouva  trop  long- 
tems  l'induence  ,  et  dont  l  histoire  devra  rechercher  et  indi- 
quer l'origine  et  les  causes.  C'est  là  précisément  ce  qui  dis- 
tingue les  Mémoires  de  Bitzot.  Lhomnie  y  disparaît  pour 
faire  place  au  défenseur  ardent  et  généreux  de  ceux  dont  il 
avait  embrassé  les  opinions  politiques.  Il  examine  successive- 
ment et  réfute  avec  énergie  les  reproches  adressés  aux  Giron- 
dins par  ceux  qui  parvinrent ,  à  la  faveur  des  dangers  publics 
et  de  l'borreur  qu  Inspirait  l'invasion  étrangère  ,  à  dominer 
la  Convention  nationale  et  la  nation  elle-même,  en  soulevant 
les  passions  de  la  populace  des  cités.  Il  fait  voir  quel  était  le 
but  de  ses  amis  ,  et  comment ,  défenseurs  des  vrais  principes 
sur  lesquels  la  B'rance  révolutionnaire  s'était  assise,  ils  durent 


554  SCIENCES  MORALES 

succomber  ,  quaud  ces  principes  mêmes  eurent  été  renversés 

par  la  rage  insensée  de  quelques  hommes. 

M.  Guadet  a  accompagné  les  Mémoires  de  Buzot  de  mor- 
ceaux dun  haut  intérêt.  Sa  position  particulière  le  mettait  à 
même  de  recueillir  une  foule  de  renseignemens  précieux , 
épars  dans  la  mémoire  des  contemporains  ,  et  son  nom  même 
était  une  espèce  de  titre  à  en  devenir  Thahile  commentateur. 
Au  nombre  de  ces  morceaux  sont ,  la  Relation  des  événemens 
d'Evreux  après  le  5i  mai,  et  celle  du  séjour  de  quelques-uns 
des  proscrits  à  Saint-Emilion ,  chez  ce  généreux  Jean-Bap- 
tiste ïrocquarl ,  qui  leur  offrit ,  au  péril  de  ses  jours  ,  Vasile 
tt  le  pain  du  pauvre ,  pour  me  servir  d\me  expression  de 
Buzot.  M.  Guadet,  sur  le  compte  duquel,  an  surplus,  je  serai 
sobie  d'éloges,  par  dos  motifs  de  convenance  que  nos  lecteurs 
sauront  apprécier  (i),  a  fait  précéder  Touvrage  d'une  Notice 
biographique  sur  l'auteur  des  Mémoires.  Buzot  y  est  peint 
comme  un  homme  dans  la  cariière  duquel  on  ne  peut  trouver 
d'autres  taches  que  celles  qui  appartiennent  à  ses  opinions  po- 
litiques j  comme  un  homme  dont  toutes  les   actions  furent 
empreintes  d'un  amour  pur,  ardent  et  vraiment  antique,  pour 
la  vertu  et  la  liberté,  et  qui ,  à  la  fin  du  xvin^  siècle,  a  pu 
dire  de  lui-même  :  Jusquà  un  âge  avancé ,  jamais  un  pro- 
pos licencieux  n'a^'ait  souillé  mes  lèvres. 

J'arrive  à  un  écrit  plus  important ,  et  qui  fixera  sans  doute 
l'attention  publique  ;  je  veux  parler  des  Recherches  histo- 
riques sur  les  Girondins.  M.  Guadet  s'est  borné  sagement , 
dans  ce  précis ,  à  l'objet  même  de  ses  investigations  ;  il  n'a 
point  voulu  Imiter  les  écrivains  qui,  pour  s'épargner  la  peine 
de  réfléchir,  se  livrent  sans  cesse  à  des  considérations  qu'ils 
appellent  générales  ,  mais  qui  ne  sont  fréquemment  que  su- 
perficielles. Il  s'est  contenté  d'évaluer  rigoureusement  la  part 


(i)  M.  Guadet  est  un  des  collaboralcnrs  de  la  Revue  Encyclofcdiqiie. 


ET  POLITIQUES.  555 

qu'ont  prise  les  hommes  dont  11  scst  conslitaé  l'historien  ,  aux 
év;  nemcns  (jui  ont  eu  de  riufiuence  sur  les  destinées  de  la 
pairie. 

On  a  demandé  si  Taccusation  dejedéralisme,  alléguco  par 
la  Montagne  contre  les  Girondins  ,  était  fondée;  M.  Guadet  ne 
croit  pas  pouvoir  en  douter ,  et  il  se  regarde  c<jmme  suffisam- 
ment autorisé  à  avancer  que  la  pens  -e  secrète  des  membres  in- 
Huens  du  parti  était  de  créer  un  gouvernement  fédératit'  dont 
Louis  XVI  eût  été  le  chef,  assertion  hardie  et  qui  trouvera  sans 
douîe  des  contradicteurs ,  mais  qui  sera  certainement  spé- 
cieuse pouî"  ceux,  qui  auront  lu  attentivement  les  Recherches 
historiques  et  les  Mémoires ,  bien  que  Buzot  j  repousse  avec 
force  cette  accusation,  et  qu'il  ait  dit  simplement  (p.  195  )  : 
((  Notre  but  était  d'avoir  le  meilleur  gouvernement  républi- 
cain qui  fût  possible  en  France  ;  quant  aux  moyens  et  aux 
idées  que  chacun  se  formait  de  ce  mieux  possible  ,  il  pouvait 
garder  à  cet  égard  la  plus  parfaite  indépendance;  »  passage 
qui  n'indiquerait  pas  un  plan  arrêté. 

Il  n'est  plus  permis  maintenant  de  révoquer  en  doute  les 
relations  des  Girondins  avec  la  Cour,  à  une  époque  assez  rap- 
prochée de  celte  terrible  journée  du  dix  août ,  qui  renversa  le 
trône.  M.  Guadet  a  fait  voir  clairement  que  ,  par  suite  de  ces 
relations  ,  peu  s'en  fallut  alors  qu'une  réaction  dans  un  autre 
sens  ne  vînt  changer  tout-à-fait  le  cours  des  choses  :  si  les 
conseillers  du  malheureux  monarque  eussent  été  de  bonne 
foi ,  si  les  prétentions  aristocratiques  lui  eussent  permis  d'ac- 
cepter les  propositions  des  Girondins,  la  crise,  devenue  né- 
cessaire ,  eût  été  dirigée  contre  le  jacobinisme  ,  et  d'immenses 
malheurs ,  des  crimes  commis  au  nom  de  la  liberté ,  qui  les 
désavoue  avec  horreur,  eussent  été  prévenus.  Les  Girondins 
n'ayant  pu  s'allier  avec  la  Cour,  se  réunirent  à  la  Montagne, 
et  lirent  le  dix  août ,  alliance  fatale  dont  ils  comprirent  plus 
tard  l'imprudence  et  tous  les  dangers,  et  qui  causa  la  ruine 


553  SCIENCES  MORALES  ET  POLITIQUES, 
de  leur  parti  el  la  mort  tragique  de  ses  plus  illustres  chefs. 
Ce  volume  ,  qui  rappelle  à  notre  souvenir  des  hommes  cé- 
lèbres par  leurs  taleus ,  et  dour  les  erreurs  furent  souvcul 
associées  aux.  sentimens  les  plus  généreux ,  renferme  des  pages 
qu  ou  ne  peut  lire  sans  attendrissement.  Telles  sont  celles  oii 
se  trouvent  les  lettres  écrites  par  les  malheureux  députés ,  la 
veille  même  du  jour  où  ,  après  avoir  quitté  l'asile  qui  les  ca- 
chait à  leurs  prescripteurs  ,  ils  furent  trouvés  à  moitié  dévorés 
dans  un  champ.  Le  passage  suivant ,  qui  offre  les  derniers 
momens  de  ceux  des  proscrits  qui  terminèrent  leurs  jours  à 
Bordeaux ,  servira  en  même  tems  à  faire  connaître  la  manière 
de  lauieur  :  u  Les  députés,  dit-il  (p.  io4),  marchèrent  à  la 
mort  comme  on  court  à  la  gloire.  Le  dernier  souvenir  de 
Salles  fut  pour  sa  femme.  Nous  avons  la  lettre  sublime  qu  il 
lui  écrivait  quelques  momens  avant  l'heure  fatale.  Guadet 
conservait  encore  plus  de  calme  et  de  présence  d'esprit  :  Foila., 
disait-il  à  son  compagnon  d'infortune,  lorsqu'on  marchant  au 
supplice  ils  arrivèrent  vis-à-vis  de  la  maison  de  Grange- 
neuve,  voilà  la  demeure  de  notre  malheureux  collègue/ 
Arrivé  à  l'échafaud ,  il  s'offre  à  la  multitude  avec  un  visage 
serein  :  il  veut  haranguer  le  peuple,  mais  on  craint  encore 
l'effet  de  sa  bouche  éloquente  ;  un  roulement  de  tambour 
couvre  sa  voix ,  et  l'on  ne  peut  entendre  que  ces  mots  :  Ci- 
toyens !  voila  les  derniers  de  vos  rcprésentans  fidèles.  » 

P.  A.  D. 


LITTÉRATURE. 

(Œuvres  coMPLkTES  de  M.  T.  Cicéron,  publiées  en  fran- 
çais, avec  le  texte  en  regard,  par  M.  Jos.  Fict.  Le 
Clerc  ,  professeur  de  rhétorique  au  Collège  royal  de 
Charlemagne.  Trente  vol.  in -8°  (i).  Même  ouvrage, 
seconde  édition,  36  vol.  in-i8  (2). 

Je  n'examinerai  cet  impr.-tant  ouvrage  que  sons  le  rapport 
bibliographique,  plus  conforme  au  genre  de  mes  études.  Ces 
recherches  ,  quand  elles  sont  faites  avec  soin  ,  tiennent  aussi 
quelque  place  dans  lecercle  des  connaissances  humaines,  et  un 
recueil  tel  que  le  nôtre  ,  chargé,  pour  ainsi  dire,  d'enregistrer 
tous  les  progrès  des  arts ,  des  sciences  et  des  lettres  ,  est  l'al- 
lié naturel  de  la  bibliographie  ,  qui  a  pour  but  d'en  con«tater 
riilstoire.  Le  nouvel  éditeur  de  Cicéron  n'a  pas  besoin  d'ail- 
leurs que  nous  parlions  longuement  de  ses  travaux  :  la  répu- 
tation de  son  ouvrage  est  déjà  faite,  et  une  seconde  édition  , 
publiée  par  lui  avant  que  la  première  ne  soit  achevée,  parle 
plus  haut  que  tous  nos  éloges. 

On  se  souvient  à  peine  qu'il  parut ,  vers  la  fin  du  xvil*  siè- 
cle, une  prétendue  collection  des  œuvres  de  Cicéron,  tradui- 
tes en  français  par  Pierre  Du  Rjer,  en  12  vol.  in- 12.  D'a- 
bord cette  U'aduction  était  fort  incomplète  ,  puisqu'on  n'y 
trouve  ni  le  Traité  des  Lois,  ni  les  Lettres  à  Quintus ,  ni  les 
ferais  bieiis  et  les  vrais  maux,  ni  la  Divination,  ni  les  Let- 
tres à  Atticus,  cette  partie  des  ouvrages  de  Cicéron  regardée 
comme  un  précieux  monument  d  histoire,  de  morale  et  de 
politique ,  ni  d'autres  ouvrages  plus  ou  moins  dignes  d'être 

(1)  Paris,  1321-1025.  Sept  fr.  le  volume.  Chez  Lefèvre  ,  rue  de  TÉ- 
peroD  ,  n"  6. 

(2)  Paris,  1823.  Trois  fr.  76  c.  le  volume.  Chez  le  même  libraire. 
T.  XX. -^Décembre  iSiô.  35 


558  LITTERATURE. 

connus.  Mais  ensuite  ,  c'est  par  une  ruse  de  libraire  qu'on  lit 
sur  le  frontispice  le  nom  du  seul  Du  Ryer,  le  plus  fécond  et 
le  moins  mauvais  des  traducteurs  de  cette  époque  ;  car  beau- 
coup d'ouvrages  inséras  dans  cette  collection  ont  été  traduits 
par  des  hommes  d'un  talent  très-inférieur  à  celui  de  Du  Ryer. 
Paul  Jacob,  avocat ,  est  auteur  de  la  traduction  de  la  Rliéto^ 
rique  (à  Herennius);  le  professeur  Godouin,  de  celle  des  Let- 
tres familières  ;  l'avocat  Soreau  ,  de  celle  des  Lettres  à  Bru- 
tas.  Un  anonyme  E.  B.  a  ti'aduit  le  traité  apocryphe  de  la 
Consolation. 

Il  n  existait  alors  en  français  que  deux  choix  des  Lettres  à 
yîtticus,  et  ils  eussent  pu  figurer  honorablement  dans  la  col- 
lection de  Du  Ryer.  Qu'on  me  permette  de  donner  ici  quel- 
ques détails  sur  ces  petits  volumes,  et  sur  d'autres  traductions 
de  Cicéron  par  le  même  auteur,  Thomas  Guyot,  plus  connu 
de  son  tems  sous  le  nom  de  Lé  Bachelier.  On  a  de  lui  :  i" 
Lettres  morales  et  politiques  de  Cicéron  à  son  amy  Jttiqut 
sur  le  parti  qu'il  devait  prendre  entre  César  et  Pompée 
(avec  un  avis  sur  les  principes  de  morale  et  de  politique  qui 
font  la  base  de  ces  lettres),  Paris,  i665,  in- 12; — 2°  Nouvelle 
traduction  d\m  nouveau  recueil  des  plus  belles  lettres  que 
Cicéron  écrit  à  ses  amis  (avec  un  avis  sur  l'utilité  et  Texccl- 
lence  de  ces  lettres),  Paris,  1666,  in- 12; — 5°  Les  billets  que 
Cicéron  a  écrits,  tant  à  ses  amis  communs  qu'à  Attique,  son 
amy  particulier  (avec  une  méthode  en  forme  de  préface, 
pour  conduire  un  écolier  dans  les  lettres  humaines),  Paris, 
1666,  in-i2  :  cet  ouvrage  a  été  classique  en  France,  pendant 
cent  ans,  et  dès-lors  très -souvent  réimprimé  ;  la  préface  ne 
se  trouve  que  dans  la  première  édition. — 4**  Lettre  politique  de 
Cicéron  à  son  frère  Quintus  ,  touchant  le  gouvernement  de 
l'Asie,  et  le  Songe  de  Scipion,  du  même  auteur,  avec  divers 
avis  touchant  la  conduite  des  eufans,  en  forme  de  préface, 
Paris,  1670,  in- 12.  On  doit  encore  à  cet  estimable  écrivnin 


LITTÉRATURE.  539 

les  iraductions  des  Captifs  ele  Piaule,  des  Bucoliques  et  des 
Géorgiques  de  Virgile  ,  enfin,  les  Fleurs  moralts  et  épigram- 
matiques  tant  des  anciens  que  des  nouveaux  auteurs,  Paris, 
16G9,  in-12  ;  c'est  la  traduction  des  plus  belles  pensées  des 
auteurs  latins  ,  anciens  et  modernes  ;  on  y  trouve  la  traduc- 
tion du  poëme  latin  de  Nie.  Mercier,  de  Officiis  scholasti- 


corum. 


Les  grands  talens  et  les  grandes  qualités  de  l'orateur  ro- 
main sont  très-bien  appréciés  dans  les  préfaces  dont  Tliomas 
Guyot  a  enricbi  ses  quatre  traductions  de  Cicéron.  Ou  v  voit 
aussi  qu  il  avait  encore  plus  à  cœur  de  former  le  jugement 
des  enfans  et  de  régler  leurs  mœurs,  que  de  leur  apprendre 
les  élémcns  des  langues.  Considéré  comme  traducteur,  il  a  le 
défaut  de  parapbraser  les  auteurs  quil  traduit;  mais  il  suffit  ù 
son  éloge  de  dire  qu'il  a  été  l'un  des  maîtres  des  petites  éco- 
les de  Port -Royal ,  dont  le  souvenir  ne  périra  point,  parce 
qu'au  bonheur  d'avoir  été  dirigées  par  les  Lancelot,  les  Ni- 
cole, les  Coustel,  les  Floriot,  les  Fontaine,  les  Lcmaître-de- 
Sacy,  elles  ont  joint  le  mérite  de  former  des  élèves  tels  aue 
les  Bignon  ,  les  Dufossé,  les  Perrier,  neveux  de  Pascal,  Bois- 
gnilbert  et  l'immortel  Racine. 

L'abbé  Goujet  a  dit  beaucoup  de  bien  de  plusieurs  ouvra- 
ges de  Thomas  Guyot,  sans  savoir  au  juste  à  quoi  s'en  tenir 
sur  leur  auteur.  Pour  moi,  je  dois  à  mou  goût  pour  les  le- 
cherches  bibliographiques  la  connaissance  positive  des  huit 
volumes  qu'il  a  publiés,  en  partie  sous  le  voile  de  l'anonvme. 
Je  ne  fais  donc  ici  que  rendre  une  justice  trop  tardive  à  un 
savant  qu'une  modestie  rare  avait  condamné  à  l'oubli. 

C'était  le  xviii*'  siècle  qui  devait  produire,  le  premier,  quel- 
ques traductions  moins  indignes  de  nous  représenter  Çice'ron 
dans  les  diverses  parties  de  ses  œuvres;  il  a  été  donné  aussi  à 
ce  siècle,  si  célèbre  sous  d'autres  rapports  ,  de  produire  deux 
belles  éditions  de  ces  chefs-d'œuvre  de  l'antiquité  :  l'une,  en 


54o  LITTERATURE. 

9  Toluiues  10-4",  avec  des  notes  choisies,  a  été  imprimée  par 
Gat'rla  et  de  la  Tour  ;  elle  a  été  dirigée  par  Tabbé  d'Olivet, 
et  jouit  encore  de  l'estime  des  savans  ;  l'autre,  revue  par  le 
professeur  Lallemand,  fait  partie  de  la  collection  des  ouvra- 
ges classiques  ,  imprimés  très-élégamment  par  Barbou.  Mais 
il  était  réservé  au  xix^  siècle  d'élever,  en  l'honnear  de  Cicé- 
ron  et  de  la  France,  un  monument  d'un  intérêt  plus  général, 
et  dont  l'exécution  était  désirée  depuis  long-tems  :  je  veux 
parler  d'une  bonne  édition  latine  et  française  de  l'orateur  ro- 
main. Dès  1816,  le  libraire  Fournier  annonça  une  entrepri- 
se de  ce  genre;  nombre  de  souscripteurs  secondèrent  son  zèle, 
mais  l'exécution  ne  répondit  point  à  l'attente  du  public.  Des 
fautes  nombreuses  furent  remarquées  dans  le  texte  des  ou- 
vrages, et  les  traductions  ne  furent  ni  choisies  avec  assez  de 
discernement,  ni  revues  avec  assez  de  soin. 

On  désirait  donc  généralement  qu'une  nouvelle  entreprise 
pût  Inspirer  une  entière  confiance  aux  amateurs  de  la  lan- 
gue latine.  M.  Lefèvre,  libraire,  très  -  avantageusement  con- 
nu par  des  éditions  aussi  exactes  qu'élégantes  de  plusieurs 
classiques  français,  fit  paraîti-e,  en  1820,  le  prospectus  d'une 
nouvelle  édition  de  Cicéron  ,  latine  et  française ,  publiée  par 
M.  Jos.  Victor  Le  Clerc  ,  professeur  de  rhétorique  au  collège 
de  Cbarlemague.  Le  nom  de  ce  savant  éditeur  ne  contribua 
pas  peu  au  succès  de  lentreprise  ;  d'un  autre  côté ,  les  détails 
contenus  dans  le  prospectus  sur  les  traductions  qui  devaient 
accompagner  les  ouvrages  de  Çicéron  ,  furent  lus  avec  un  vif 
intérêt.  La  nouvelle  édition  fut  donc  bientôt  mise  sous  presse, 
et  les  livraisons  ,  qui  en  ont  été  publiées  avec  une  rare  et 
louable  exactitude ,  depuis  le  mois  de  février  1821 ,  furent  re- 
çues avec  une  satisfaction  générale.  On  remarqua ,  en  etfet , 
oue  l'éditeur  donnait  les  soins  les  plus  scrupuleux  à  l'impres- 
sion du  texte  latin  ,  accompagné  partout  de  ses  notes  criii- 


LITTÉRATURE.  54» 

(jues ,  aux  introductions  historiques  et  littéraires  qui  précè- 
dent chaque  ouvrage,  au  choix  des  traductions,  et  à  la  ré- 
vision de  celles  ,  qui ,  malgré  leurs  imperfections ,  jouissaient 
de  lestime  publique.  \J  Eloge  de  Montaigne,  eiXes  Pensée» 
de  Platon,  publiés  précédemment  par  M.  Le  Clerc,  lui 
avaient  déjà  acquis  l'estime  des  savans  ;  mais  le  travail  qii  il 
exécute  depuis  trois  ans  sur  le  plus  parlait  des  orateurs  an- 
ciens, mettra  le  comble  à  sa  réputation.  Jamais  peut-être  uu 
éditeur  n'a  été  si  pénétré  de  Timpoi'tance  de  ses  devoirs ,  et 
ne  les  a  remplis  avec  plus  de  zèle  et  de  succès.  M.  Le  Clerc 
a  mis  à  contribution  les  recherches  des  éditeurs  étrangers 
poor  améliorer  le  texte  de  Cicéron ,  sans  cependant  adopter 
toutes  leui's  conjectures.  vSon  édition  sera  même  la  première 
où  l'on  aura  profité  ,  pour  le  texte  et  pour  le  sens  de  plusieurs 
discours  (J^oy.  entre  autres  le  Tome  XI),  des  Scholies  pu- 
bliées à  Milan,  en  i8i4  et  en  1817,  par  Angelo  Mai;  des  tra- 
vaux de  Garatonlo  et  de  Lagomarsiui ,  et  de  plusieurs  com- 
mentaires importans  ,  qui  ont  paru  récemment  en  Allema- 
gne. Ou  a  justement  reproché  à  nos  anciens  éditeurs  de  n'a- 
voir pas  assez  profité  des  secours  que  leur  oflraieut  les  savans 
étrangers.  Quant  aux  traducteurs  français,  leurs  noms  suf- 
fisent pour  inspirer  de  la  confiance ,  et  la  plupart  seront  nom- 
més dans  la  suite  de  cet  article.  Combien  il  est  honorable  pour 
l'Université  de  France  de  compter  plusieurs  de  ses  membres 
parmi  les  plus  habiles  de  ces  traducteurs! 

La  nouvelle  édition  de  Gicéron  doit  être  composée  de  3o 
volumes,  dont  27  ont  déjà  paru;  les  volumes  I ,  XXIX  et 
XXX  restent  à  publier.  Le  tome  premier  contiemlra  une  His- 
toire de  la  vie  de  Cicéron,  par  M.  Le  Clerc.  Les  anciens 
fragmens,  ceux  quon  a  nouvellement  découverts  à  Milan  et 
à  Rome,  notamment  les  nombreux  fragmens  de  la  Répu- 
blique, accompagnés  d'une  traduction  de  M.  Le  Clerc,  Cor- 


542  LITTERATURE, 

meront  le  29"  volume  (i).  Les  tables  d'Eniesli,  revues  et 
augmeulées  d  après  ces  nouvelles  découvertes,  composeront 
le  trentième  et  dernier.  Voici  le  détail  de  ce  qui  se  trouve 
dans  les  2^  volumes  qui  ont  paru.  Je  suivrai ,  comme  l'édi- 
teur, la  grande  division  des  œuvres  de  Cicéron  en  écrits  sur 
la  rhétorique ,  Discours,  Lettres,  et  Traités  de  philosophie. 
Les  tomes  II— "V  renferment  les  ouvrages  de  rhétorique , 
traduits  presque  tous  par  Ihabile  éditeur.  On  lui  doit  spécia- 
lement la  traduction  de  la  Rhétorique  à  Herennius ,  qu'il  a  fait 
précéder  d"uue  préface  judicieuse ,  où  il  prouve ,  contre  le 
sentiment  de  quelques  érudils ,  que  cet  ouvrage  élémentaire 
est  plutôt  de  Cicéron  que  de  tout  autre  écrivain  contempo- 
rain j  je  partage  entièrement  son  opinion.  M.  Le  Clerc  a  tra- 
duit aussi  rOr^fet/r.  Le  mérite  de  ceux  qui  Tavaient  précédé 
dans  ce  travail ,  fera  ressortir  encore  davantage  la  supériorité 
qu'on  ne  peut  lui  refuser.  Le  Bruius ,  ou  Dialogue  sur  les 
orateurs  illustres ,  a  été  traduit  par  M.  Buraoul",  professeur 
d'éloquence  latine  au  collège  de  France.  Nommer  ce  traduc- 
teur, c'est.aunoncer  un  excellent  ouvrage.  M.  Gaillard  ,  pro- 
fesseur de  rhétorique  au  collège  de  Henri  IV,  a  donné  une 
traduction  nouvelle  des  trois  Dialogues  de  l'Orateur.  L'an- 
cienne traduction  de  l'abbé  Cassagne  était  tombée  dans  uu 
juste  oubli.  Tous  ces  ouvrages  sont  accompagnés  ici  d'Iutro- 
ductions  qui  ne  laissent  rien  à  désirer  pour  Ihlstoire  litté- 
raire ,  et  de  notes  pleines  de  goût  et  d'instruction. 

Dans  les  Discours  (Tom.  VI — XIV),  nous  retrouvons 
MM.  Le  Clerc  et  Buruouf,  qui  ont  su  répandre  beaucoup  d'in- 
térêt sur  celles  des  compositions  oratoires  dont  ils  se  sont  oc- 
cupés. Il  faut  joindre  à  ces  deux  professeurs  ,  feu  M.  Gueroult 
l'aîné  ,  qui ,  de  son  vivant  même ,  a  été  proclamé  le  premier 
des  traducteurs  français .  On  lui  doit  les  deux  principales  f^er- 

(1)  Ce  volume  paraît  en  c«  moment. 


LITTERATURE.  543 

rCnes ,  les  Discours  pour  Célius  ,  pour  Marcellus  ,  pour  Liga- 
rius,  pour  Mllon  ,  etc.  ,  et  plusieurs  Pliilippiques.  Les  autres 
sont  de  M.  Goubaux  ,  qui  a  suivi  dignement  les  traces  d'un  si 
grand  maître.  M.  Naudet ,  membre  de  TAcaderaie  des  In- 
scriptions,  a  traduit  les  plaidoyers  pour  Rabirius,  accusé  do 
baute  trahison  ,  et  pour  Déjotarus.  Quelques  traductions  des 
discours  portent  les  noms  de  Tabbé  Auger  et  de  René  RInet , 
ancien  recteur  de  rUniversIlé  ;  mais  l'éditeur  les  a  tellement 
corrigées,  qu'elles  peuvent  passer  pour  nouvelles.  M.  Le 
Clerc  commence  à  donner,  au  tome  neuvième,  de  nouveaux 
fragmens  de  Cicéron,  découverts  à  Rome,  en  1820  ,  dans  la 
bibliothèque  du  Vatican,  par  M.  Niebuhr.  Une  excellente  in- 
troduction contient  l'histoire  de  ces  manuscrits,  qu'on  appelle 
palimpsestes  ou  récrits ,  et  nous  apprend  l'origine  de  ces  ac- 
quisitions récentes  ,  dont  s'enrichissent  ici  pour  la  première 
fois  les  œuvres  de  Cicéron. 

IjCS  Lettres  (Tom .  XV — XXI)  avaient  été  depuis  long-tems 
l'objet  de  quelques  travaux  estimables.  Oiî  connaît  la  traduc- 
tion des  Lettres  familières ,  par  l'alîbé  Prévost,  I/éditeur  de- 
vait craindre  que  la  réputation  dont  jouit  cet  abbé  ,  comme 
écrivain  et  comme  traducteur,  ne  fit  juger  défavorablement 
la  révision  de  son  ouvrage  ;  mais ,  dans  un  Avis  ajouté  à  l'an- 
eienne  préface,  M.  Le  Clerc  cite  nombre  de  fautes  graves 
échappées  à  l'abbé  Prévost,  homme  d'un  esprit  léger,  accou- 
tumé à  travailler  fort  vite ,  et  livré ,  comme  on  sait ,  à  des  ha- 
bitudes vagabondes,  puisqu'il  a  passé  la  plus  grande  partie 
d'une  vie  assez  orageuse  ,  soit  eu  Hollande ,  soit  en  Angleterre. 
Nous  devons  donc  savoir  beaucoup  de  gré  à  l'éditeur  d'avoir 
fait  dispai'aître  d'une  traduction  ,  que  l'on  consulte  sans  cesse  , 
les  taches  qui  l'ont  trop  long-lems  défigurée. On  peut  dire  à  peu 
près  la  même  chose  de  la  traduction  des  Lettres  à  Atticus , 
par  l'abbé  Mougault,  quoiqu'elle  soit  plus  exacte  et  plus  soi- 
gnée que  la  première.  Les  détails  que  présente  M,  Le  Clerc, 


544  LITTERATURE. 

à  la  fia  de  son  Avertissement  sur  ces  lettres,  justifient  parfal- 
temenl  le  courage  qu'il  a  eu  de  revoir  et  de  refaire  quelque- 
fois cette  traduction .  dont  le  slv!e  manquait  très-souvent  de 
précision  et  d'élégance.  Il  a  donné  lui-même  une  traduction 
entièrement  nouvelle  des  Lettres  à  Quintus  et  de  la  corres- 
pondance entre  Brutus  et  Cicéron.  La  lettre  seizième  de  Brutiis 
a  été  traduite  par  M.  de  Saint-Aulaire,  membre  de  la  Cliam- 
bre  des  Députés.  Dans  tous  ces  recueils  épistolaires,on  trouve, 
pom'  la  première  fois,  la  date  en  tète  de  chaque  lettre,  travail 
difficile,  et  qui  a  demandé  de  longs  calculs  chronologiques. 
Une  Table  générale  des  Lettres,  à  la  fin  du  T.  XXI,  nous  les 
ofifre  rangées  dans  l'ordre  des  lems,  depuis  l'an  de  Rome  685 
jusqu'à  l'an  710  ,  époque  de  la  mort  de  Cicéron.  11  est  impos- 
sible de  ne  pas  convenir  avec  l'éditeur  que,  si  l'on  avait  eu 
autrefois  les  mêmes  secours  ,  on  aurait  écrit  avec  plus  d'exac- 
titude les  annales  du  siècle  de  Cicéron  et  de  César. 

La  série  des  ouvrages  philosophiques ,  comprise  dans  les 
Tomes  XXII — XXVIII ,  est  une  de  celles  où  l'éditeur  a  rendu 
le  plus  de  services  à  la  littérature  ancienne.  Il  a  traduit  la  plus 
grande  partie  de  ces  ouvrages,  et  il  a  éclairci  les  autres  par 
des  introductions  savantes  et  d'utiles  commentaires.  Ainsi, à  la 
tète  des  Académiques ,  dont  il  a  revu  la  traduction,  par  Jean 
Salvemini  de  Castillon ,  de  l'Académie  de  Berlin  ,  il  a  retracé, 
avec  autant  de  rapidité  que  d'éclat,  une  histoire  abrégée  duPla- 
tonlsme.  Il  a  donné  les  mêmes  soins  aux  dialogues  sur  la  f^ieil- 
lesse,  sur  l'Amitié,  aux  Tusculancs,  à  la  Nature  des  Dieux, 
au  Traité  des  Devoirs.  Ce  dernier  ouvrage  ,  le  plus  généra- 
lement admiré  des  écrits  philosophiques  de  Cicéron,  a  eu 
d'innombrables  traducteurs.  Le  plus  ancien  est  un  auonjmc, 
qui  a  publié  son  travail  sous  ce  titre  :  Trois  volumes  parlant 
de  justice  et  injustice,  et  des  quatre  vertus  cardinales  ;  Lvon, 
\^ç)3  ,  in-Jol.  On  l'a  réimprimé  dans  la  même  ville  en  i496- 
L  abbé  de  Saint-Léger,  qui  a  examiné  tant  de  livres  de  cette 


LlTTÉRATLTxE.  545 

espèce,  attribuait  celui-ci  à  Laurent  de  Premierfalct ,  mort 
en  i4i8.  La  traduction  que  le  même  auteur  avait  faite  de 
ï Amitié  et  de  la  Fieilksse,  est  restée  manuscrite.  Il  y  a  en- 
core une  traduction  anonyme  de  ces  ouvrages ,  imprunée  a 
Paris  en  i  583,  in-i8.0n  en  trouve  une  édition  ainsi  intitulée  : 
Les  Offices  de  Cicéron,  avec  le  livre  de  l' Amitié,  celui  de 
l'Etat  de  Fieillesse,  les  Paradoxes,  le  Songe  de  Scipion  , 
avec  la  demande  du  Consulat.  Ces  deux  derniers  morceaux 
sont  traduits  par  G.  C.  ;  les  autres  par  C.  D.  V.  ;  le  tout  revu 
par  Fédéric  Morel ,  professeur  royal  en  grec  ;  Morlaix , 
imprimerie  de  George  Allienne ,  162S  ,  2  vol.  in-18. 

A  la  suite  des  œuvres  de  Cicéron,  M.  Le  Clerc  a  conservé 
et  traduit  le  recueil  des  ouvrages  apocryphes  ,  dont  quelques- 
uns  sont  aujourd'hui  très -rares,  et  que  plusieurs  éditeurs 
avaient  eu  tort  de  supprimer. 

Je  n'ai  pu  donner,  dans  une  an:dyse  si  rapide ,  qu'une  idée 
très-incomplète  des  nombreuses  qualités  et  des  additions  ab- 
solument nouvelles  qui  distinguent  cette  édition  de  Cicéron  , 
latine  et  française  j  mais  je  ne  crois  pas  me  tromper,  en  affir- 
mant que  tous  les  amateurs  s'empresseront  de  la  placer  dans 
leur  bibliothèque.  L'estime  publique  accompagnera  sans 
doute  les  noms  du  libraire  qui  s'est  chargé  de  mettre  au  jour 
une  si  Importante  collection  ,  des  savans  qui  y  ont  coopéré  , 
et  surtout  de  l'habile  éditeur  qui ,  non  content  de  la  diriger 
avec  tant  de  succès  ,  l'a  enrichie  de  ses  précieux  travaux. 

Ant.-Alex.  Barbtf.r  ,  ancien  bibliothécaire. 


54(3  LITTERATURE. 

West-œstlicher  Divan.  —  Divan  occidento-oeiental^ 
ou  Anthologie  Arabe  et  Persane^  par  Goethe  (i). 

En  1782,  à  rappariliou  de  rouvrage  de  Herder  sur  la 
poésie  des  Ilibrenx,  dans  lequel,  intlépcndamnient  de  Téru- 
ditiou  la  plus  solide,  il  déploya  ua  taleut  de  traducteur,  rare 
même  pour  rAllemagne  où  cette  sorte  de  talent  l'est  biea 
moins  que  partout  ailleurs,  les   yeux  se  fixèrent  sur  lui.  IL 
ne  lut  bruit  pendant  long-lems  que  des  diliicultés  qu'il  avait 
vaincues  ,  des  tours  de  force  presque  incroyables  qu  elles  lui 
avaient  coûté  ,   du  génie   qu'il   fallait  avoir  eu  pour  s'en  être 
tiré  avec  autant  de  bonheur.  Enfin,  sa  renommée  de  poète 
grandit   excessivement;  et  elle  parla  si  haut,  que  d'autres, 
plus  vieilles  et  mieux  gagnées  encore,  se  turent  devant  elle. 
Goet'ie  lui-même,  qui  depuis  tant  d'années  absorbait  seul,  à 
juste  titre,  toute  Tattention  de  ses  compatriotes  ,  la  vit  se  dé- 
tourner de  lui  un  moment;  el  cet  oubli,  «pioique  passager^ 
ne  laissa  pas  de  lui  causer  quelque  peine.  Non  que  je  veuille 
insinuer  par-là  ,  qu'il  en  ait  conçu  contre  Herder  la  moindre 
jalousie;  un  homme  comme  lui  ne  s'ignore  pas  assez  lui- 
même  ,  pour   attribuer   à   qui  que  ce    soit  le  droit  de  lui 
en  inspirer.  Et  d'ailleurs  ,  ce  sentiment  répugne  trop  à  son 
caractère,  pour  qu'on  puisse  raisonnablement  l'en  supposer 
atteint,  surtout  à  l'égard  d'un  ami.  Mcàs,   accoutumé  qu'il 
était  à  régner  sur  tous  les  genres  de  poésies ,   et  cette  publi- 
cation lui  en  ayant  découvert  un  nouveau  dans  lequel  Her- 
der semblait  vouloir  tenir  le  sceptre,  il  n'est  pas  improbable 
que  l'envie  lui  soit  venue  de  le  reconquérir  sur  lui ,  en  tra- 
duisant à  son  tour  quelques  poésies  orientales,  ainsi  qu'il  le 
fit  plus  tard  sur  l'auteur  àe.  Louise^  en  composant  llermann 


(1)  Slullgard,  1819;  Colla.  Un  vol.  ia-8"'  de  556  paj 


LITTERATURE.  547 

et  Z?oro//i(.'e. Quoi  qu'il  en  puisse  être,  au  reste,  de  la  circons- 
tance positive  qui  tourna  ses  regards  de  ce  côté,  toujours  est- 
il  vrai  qu'il  commença,  dès  cette  époque,  à  s'occuper  de  l'A- 
sie. Mais,  soit  que  le  peu  de  connaissance  qu  il  avait  alors 
des  langues  originales  ne  lui  eût  pas  permis  de  travailler  assez 
vile  pour  saisir  là  propos  ,  soit  qu'il  ne  fût  pas  assez  coulent 
du  résultat  de  ses  eflbrls  pour  oser  descendre  dans  l'arène  et 
s'attaquer  d'abord  à  un  aussi  rude  adversaire  que  Herder,  ou 
bien  par  toute  autre  raison  que  j'ignore,  il  différa  sa  publica- 
tion. Pendant  ce  tems,  Herder  mourut,  et  GoeUie  laissa  là 
l'Orient,  attendant  une  nouvelle  occasion;  elle  fut  lente  à 
s'offrir;  mais  enfin,  il  la  trouva  dans  ces  dernières  années,  où 
l'étude  de  la  littérature  asiatique  fut  reprise  avec  une  ardeur 
jusqu'alors  inconnue,  et  où  tant  d'bommes,  philosophes,  my- 
thologues ou  simples  humanistes,  consacrèrent  leurs  veilles  à 
exploiter  cette  mine  féconde,  chacun  dans  la  sphère  qui  lui 
était  propre.  Celle  de  Goedie  n'était  pas  douteuse  ;  la  poésie 
devait  l'intéresser  avant  tout.  Il  se  remit  donc  sérieusement 
au  travail;  et,  malgré  sou  âge  avancé,  apprit  assez  bien 
deux  de  ces  belles  langues  pour  achever  ce  qu'il  avail  entre- 
pris tant  d'années  auparavant.  En  1819,  parut  ce  travail , 
sous  le  titre  de  Divan  oc cidento- orienta l ;  ce  qui  veut  dire 
qu'il  s'y  occupe  de  la  Perse  et  de  l'Arabie,  exclusivement  à 
ce  qui  constitue  plus  essentiellement  l'Orient,  à  toute  l'Asie 
antérieure. 

Le  Divan  se  compose  de  deux  parties  que  j'examinerai  sé- 
parément :  l'une  en  vers,  forme  le  texte  ;  l'autre  ,  en  prose  , 
est  le  commentaire.  Ce  que  j'appelle  le  texte,  consiste  en  plus 
d'une  centaine  de  pièces  de  vers,  non  traduites,  mais  imitées 
de  divers  poètes  arabes  et  persans,  lesquelles  sont  réparties  en 
douze  livres, donlchacun  porte  un  titre  analogue  au  sujet  qui  s'y 
trouve  traité.  Ces  sujets  sont  la  plupart  fort  simples  :  le  vin  , 
l'amour,  la  religion,  voilà  sur  quoi  roulent  presque  tous  les 


548  LITTÉRATURE. 

poèmes  ;  mais,  en  revanc'je,  ils  vaiienl  beaucoup  de  dimen- 
sions et  de  1  ormes.  Ainsi,  le  livre  des  proverbes  ne  contient 
guère  que  des  distiques  ou  de  petits  quatrains  tout  au  plus  ; 
tandis  que  d  autres,  tels  que  celui  des  paroles ,  s'étendent  jus- 
qu'à l'octave  et  au  dizain  ;  et  que  d'autres  encore,  ceux,  par 
exemple ,  des  méditations ,  du  paradis ,  de  l'hégire,  sont 
remplis  d'odes  véritables  et  de  longues  ballades  ,  dialoguées, 
ou  eu  récit.  Le  caractère  de  tous  ces  poèmes  est  à  peu  près  le 
même  ;  et ,  quoiqu'il  y  ait ,  entre  le  genre  de  vie  des  Persans 
et  celui  des  Arabes,  une  opposition  très-marquée  ,  dont  on 
s  aperçoit  même  jusqu'à  un  certain  point  par  celle  des  sujets 
qu'ils  traitent  de  préférence ,  on  reste  pourtant  plus  frappé 
encore  de  l'extrême  analogie  qui  existe  entre  eux  dans  leurs 
manières  de  sentir  et  de  s'exprimer.  C'est  le  même  style , 
figuré  ,  quoique  simple  ;  naïf,  quoique  spirituel  :  c'est  le  mê- 
me bon  sens  et  la  même  grâce.  On  retrouve  ,  à  un  égal  de- 
gré ,  cbez  les  deux  peuples,  ce  contentement  d'esprit  habituel 
à  des  hommes  vivant  au  sein  d'une  nature  qui  leur  sourit 
toujours  ,  et  va ,  pour  ainsi  dire ,  au  -  devant  de  leurs  be- 
soins j  aassi-bien  que  cette  insouciance  qui  en  est  la  suite 
inévitable,  et  sur  laquelle,  plus  que  sur  tel  ou  tel  passage  du 
Roran,  se  fonJe  le  dogme  de  la  fatalité,  répandu  dans  toute 
cette  partie  de  l'Asie.  C'estencore  Tinaltérabie  beauté  du  climat 
qui  atFaiblit  et  rend  presque  nulle  l'opposition  dont  je  parlais 
tout  à  l'heure  ,  entre  le  Persan  casanier  et  l'Arabe  nomade. 
Ce  dernier  a  sa  maison,  comn^e  l'autre;  seulement,  elle  est 
plus  vaste.  Il  n'est  pas  douteux  néanmoins  que  cette  manière 
de  demeurer  sans  jamais  rester  en  place ,  ne  doive  modifier 
prodigieusement  les  goûts  et  les  mœurs ,  lors  même  que  le 
naturel  ne  changerait  point ,  et  c'est  bien  aussi  ce  qui  arrive. 
L'amour  de  l'indépendance,  ce  trait  essentiel  du  caractère  de 
1  Arabe ,  on  le  chercherait  en  vain  dans  les  poètes  persans  : 
d'ailleurs,  ceux-ci  ont  vécu  la  plupart  à  la  cour  de  despotes  ca- 


LITTÉRATURE.  549 

pricieux  ,  dont  Ils  ont  eu  le  malheur  d'être  protégés  et  encou- 
ragés. Pour  en  venir  à  ce  qui  appartient  à  Goethe  dans  ces 
poèmes,  ils  sont  tous  pleins  d'harmonie,  de  grâce  et  de  sim- 
plicité dans  rexpressiou,  dignes,  en  un  mot,  delà  plume  de  ce 
grand  poète  ;  et  pour  le  fond  ,  il  est  impossible ,  au  dire  des 
hommes  les  plus  versés  dans  la  connaissance  des  originaux  . 
d'avoir  mieux  saisi  ,  et  reproduit  avec  une  fidélité  plus  sé- 
vère, le  coloris  des  poètes  qu'il  a  pris  pour  modèle.  Après 
ces  éloges  ,  j'ai  peur,  en  offrant  quelque  citation,  de  paraître 
me  contredire  ;  car  la  naïveté,  en  français,  ressemble  fort  par- 
fois à  de  la  niaiserie  ;  et ,  quand  le  fond  est  léger,  une  traduc- 
tion enlève  d'ordinaire  tout  ce  qui  fait  le  mérite  de  l'original. 
Je  me  bornerai  donc  à  trois  stances  qui  m'ont  paru  réunir  les 
principaux  caractères  que  j'ai  attribués  tout-à-l'heure  à  la  poé- 
sie arabe  :  elles  sont  rendues  vers  pour  vers. 

L'INÉVITABLE. 

Qui  peut  commander  aux  oiseaux 
De  se  fixer  sur  l'herbe  tendre? 
A  la  brebis  qui  peut  défendre 
De  trépigner  sous  les  ciseaux  f 

Quand  ma  lèvre  de  poils  s'ombrage,  * 

M'entend-on  me  plaindre  et  crier? 
Non!  c'est  quand  la  main  du  barbier 
Me  les  arrache  du  visage. 

Qui  m'interdit,  dans  le  bocage. 
De  chanter  tout  le  long  du  jour, 
Et  de  confier  au  nuage 
Ce  qu'elle  accorde  à  mon  amour? 

A  travers  cette  ver>ion,  qui  est  du  moins  très-fidèle,  on 
sentira  peut-être  quelque  chose  de  cette  simplicité  presque 
nue  qui  fait  le  charme  et  l'un  des  mérites  de  l'allemand.  jSe 
croit-on  pas,  en  ell'et,  lire  une  véritable  pièce  arabe,  traduite 


55o  LITTÉRATURE. 

mot  pour  mot?  C'est  le  sealimeut  qu  ou  éprouve  en  lisant  tou- 
tes les  autres  poésies  contenues  dans  le  Divan,  ho'in  donc  d'af- 
faiblir l'éclat  de  la  gloire  de  Goethe,  cet  ouvrage  de  sa  vieil- 
lesse y  ajoute,  s'il  se  peut,  un  rayon  de  plus  :  c'est  une  nou- 
velle preuve,  après  tant  d'autres,  de  cette  pénétration  surpre- 
nante qui  lui  fait  saisir,  si  l'on  peut  ainsi  parler,  tout  ce  qu'il 
y  a  de  poétique  eu  tout;  de  cette  souplesse  d'imagination  qui 
lui  permet  de  s'entourer  des  images  les  plus  étrangères  à  nos 
mœurs  et  à  nos  goûts,  et  de  s'en  servir,  comme  s'il  n'en  avait 
jamais  connu  d'autres.  Sa  muse  est  un  véritable  Protée  :  nous 
l'avions  vue  tour-à-tour  sous  le  costume  grec,  sous  celui  du 
moyen  âge,  sous  le  notre;  la  voici  maintenant  qui  s'est  faite 
arabe  et  persane.  Encore  quelques  essais  semblables,  et  il  ne 
lui  en  restera  plus  à  tenter. 

La  seconde  partie  du  Divan  consiste  en  notes,  ainsi  que  je 
l'ai  remarqué  plus  haut.  Elles  traitent  différens  sujets,  tous 
relatifs  aux  lettres  orientales.  On  y  voit,  d'abord,  une  histoire 
abrégée  de  la  Perse  et  de  l'Arabie,  particulièrement  sous  le 
rapport  littéraire,  et  l'indication  des,  plus  illuslres  poètes  de  celte 
première  nation;  puis,  quelques  morceaux  d'un  haut  intérêt, 
tels  qu'une  dissertation  sur  la  route  des  Israélites  dans  le  désert, 
seul  passage  du  Divan  où  il  soit  question  d'eux, mais  que  Goethe 
demande  la  permission  d'offrir  ici,  comme  un  échantillon  des 
premiers  travaux  de  sa  jeunesse,  qu'il  ne  saurait  trop  où  rat- 
tacher plus  naturellement;  et  une  autre  dissertation  sur  les  di- 
vers systèmes  de  traduction,  et  sur  le  mérite  comparatif  de 
chacun  d'eux.  Ensuite  viennent  des  remercîmens,  adressés 
eu  particulier  à  chacun  des  savans  et  des  voyageurs  auxquels 
il  doit  de  précieux  matériaux  et  des  secours  pour  en  profiter. 
Il  y  trouve  l'occasion  de  passer  en  revue  ce  qu'il  y  a  eu,  ce 
qu'il  y  a  encore  d'hommes  célèbres  en  ce  genre.  Chardin  , 
John,  Eichhorn,  Diez,  Hammer  et  d'autres  sont  cités,  et  leurs 
services  appréciésj  tant  ceux  qu'ils  ont  rendus  aux  lettres  eo 


LITTÉRATURE.  55 1 

géoéral,  que  ceux,  dont  fauteur  lui-même  leur  est  redevable. 
Mais,  celui  de  tous  qui  paraît  l'avoir  aidé  avec  le  plus  de 
suite  et  d'efficacilé,  c'est  Rosengarten,  jeune  professeur  da- 
rabe  à  l'université  de  Halle  :  il  lui  en  exprime  très-vivement 
sa  reconnaissance ,  et  lui  demande  de  vouloir  continuer  à 
l'assister,  pour  la  compositiou  d'un  second  divan  qu'il  prépa- 
re. Enfin,  le  volume  est  terminé  par  un  hommage,  en  forme 
de  quatrain,  offert  à  Torientalisle  par  excellence,  M.  Silvestie 
de  Sacy  :  il  l'appelle  son  raaîlre,  et  lui  envoie  son  petit  livre, 
tout  plein  de  joie  et  en  même  tems  de  crainte;  ce  quatrain 
est  traduit  au -dessous  en  arabe,  non  par  Goethe,  j  ima- 
gine. 

Parmi  ces  notes ,  on  trouve  plusieurs  traductions  fidèles , 
dont  quelques-unes  rivalisent  avec  ce  qu'il  y  a  de  mieux 
dans  le  texte  :  nommément  une  ballade  arabe,  espèce  de 
chant  guerrier  d'uue  grande  beauté,  mais  dont  il  serait  inutile 
de  vouloir  donner  une  idée,  le  mérite  consistant  surtout  dans 
l'expression ,  toujours  énergique  et  pittoresque.  Quant  aux 
notes  elles-mêmes  ,  qui  ont  été  composées  plus  récemment 
que  tout  le  reste,  elles  méritent  bien  aussi  d'être  lues  et  mé- 
ditées. Ce  n'est  pas  qu'on  y  remarque  rien  d'absolument  neuf 
dans  les  recherches,  d'autres  y  auraient  pu  mettre  plus  de  ce 
qu'on  nomme  érudition;  mais  elles  abondent  en  aperçus  m- 
génieux  et  vrais,  en  rapprochemens  justes  et  frappans;  ce  qui 
vaut  mieux  que  toutes  les  citations  du  monde,  et  instruit  da- 
vantage, dans  le  véritable  sens  du  mot.  L'article  iï/a/iowrt 
est  remarquable,  sous  ce  rapport;  en  le  parcourant,  on  regret- 
te, plus  que  jamais,  queGoethe  ait  renoncé  à  écrire  une  pièce 
de  théâtre  sur  la  vie  de  ce  grand  homme,  ainsi  qu'il  en  avait 
conçu  le  projet  :  il  l'eut  réhabilité  aux  yeux  de  ceux  qui  ne  le 
connaissent  que  parla  tragédie  de  Voltaire;  et  c'eût  été  de  sa 
part  une  belle  amende  honorable,  pour  avoir  traduit  précisé- 
ment celle  tiagédie.  L'article  dont  je  parle  commence  par  une 


55a  LITTERATURE. 

dictinction  entre  le  poète  et  le  prophète  :  je  ne  puis  me  refu- 
ser au  plaisir  de  la  citer.  «  L'un  et  l'autre,  dit-il,  est  saisi  d'un 
dieu  qui  l'excite  et  l'entlamme  :  mais  le  poète  prodigue  eu 
Jouissances  les  dons  que  la  nature  lui  a  départis,  afin  de  pro- 
curer des  jouissances  aux  autres,  et  d'obtenir  ainsi  pour  lui- 
même  quelque  gloire  et  une  vie  tranquille.  Tout  autre  but,  il 
le  dédaigne  ;  il  cherche  à  être  varié  ,  à  se  montrer  illimité 
dans  ses  sentimens  et  dans  ses  productions.  Le  prophète,  aa 
contraire,  ne  voit  qu'un  but,  unique  et  déterminé;  et  pour  l'at- 
teindre, il  se  sert  des  moyens  les  plus  simples.  Il  va  prêcher 
une  doctrine;  et  l'arborant  comme  un  étendard,  par  elle  et 
autour  d  elle  il  va  rassembler  les  peuples.  Ayant  en  vue  cela 
seul,  que  le  monde  le  croie,  il  doit  être  et  demeurer  monotone; 
car,  ce  qui  est  varié,  divers,  on  ne  le  croit  pas,  on  le  recon- 
naît. » 

Cette  citation  suffira  pour  donner  l'idée  de  sa  manière  lar- 
ge, concise  et  spirituelle.  Je  ne  tenterai  point  de  taire  une  plus 
ample  analyse  de  cette  dernière  partie  de  l'ouvrage  :  elle  n'en 
paraît  point  susceptible  ;  car  elle  se  divise  en  uue  multitude 
de  chapitres,  rangés  sans  ordre  systématique,  et  qui  excèdent 
rarement  eux-mêmes  les  bornes  d'un  article  de  journal.  J'ai 
indiqué  plus  haut  quels  sont  les  principaux  sujets  que  l'auteur 
a  effleurés;  pour  en  dire  davantage,  il  faudrait  traduire. 

En  résumé,  cette  publication  est  sans  contredit  l'une  des 
plus  remarquables  qu'on  ait  faites  en  Allemagne,  dans  ces 
derniers  tems.  Véritable  Antliologie  orientale,  si  elle  n'a  pas 
jeté  un  nouveau  jour  sur  cette  belle  partie  du  monde,  qu'on 
exploite  maintenant  si  curieusement  et  avec  tant  de  zèle,  elle 
a  du  moins  associé  les  ignorans  aux  jouissances  que  de  plus 
liablles  peuvent  aller  puiser  à  la  source  même;  et  c'est  assu- 
rément beaucoup.  Elle  a,  de  plus,  offert  l'intéressant  specta- 
cle d'un  vieillard  de  -jS  ans,  qui,  après  avoir  donné  dès  sa  pre- 
mière jeunesse  de  si  grandes  impulsions  à  son  siècle,  participe 


LITTERATURE.  553 

encore,  au  déclin  de  sa  vie,  à  celle  qui  Temporte  vers  des  con- 
trées lointaines,  et  se  livre  pour  cela  à  des  études  longues  et 
laborieuses,  qui  rebuteraient  plus  d'un  homme  dans  la  vi- 
gueur de  Tàge.  Albert  St***. 


«wwwwwwvvvwvt 


L'École  des  Vieillards,  comédie  en  cinq  actes;  par 
M.  Casimir  J)ela.\igise  (i). 

te  Le  jeune  Casimir  Delavigne  a-t-il  vraiment  d'heureuses 
dispositions,  me  disait,  il  y  a  douze  ans,  un  homme  dont  la 
protection,  déguisée  sous  les  formes  de  l'égalité  (M.  Français 
de  Nantes,  ancien  directeur  des  droils-rcunis),  a  été  si  utile 
aux  lettres,  aux  sciences  et  aux  arts? — Oui ,  monsieur,  ré- 
pondis-je  sans  balancer.  —  Mais  promet-il  un  talent  vérila- 
ble?  —  Je  n en  lais  nul  doute.  —  Eh  bien,  chargez- vous  de 
sq  fortune  littéraire  ;  je  me  charge  de  sa  fortune  pécuniaire.  » 
M.  Delavigne  a  perdu  le  protecteur  de  sa  jeune  muse,  et  lui 
conserve  à  jamais  un  souvenir  du  cœur  :  le  poète  avait  un  au- 
tre moyeu  d'acquitter  la  dette  de  la  reconnaissance,  c'était  de 
justifier  les  espérances  que  j'avais  conçues  ,  et  il  l'a  tait  de  la 
manière  la  plus  brillante,  A  peine  âgé  de  trente  ans,  il  a  donné 
quatre  grands  ouvrages  eu  cinq  actes,  qui  sont  en  possession 
de  la  scène. 

Les  Fepres  siciliennes  furent  son  début.  On  remarqua  , 
dans  cette  tragédie,  de  la  force  ,  de  la  chaleur  ,  de  l'intérêt, 
des  situations  dramatiques  ;  deux  rôles,  parfaitement  tracés, 
celui  du  cocspirateur  Procida  et  celui  de  Lorédan,  son  fils. 
Le  jeune  écrivain  avait  habilement  mis  en  action  ce  qui  n'é- 
tait qu'en  récit  dans  le  Brutits  de  Voltaire.  Aussi ,  le  serment 
des  conjurés  inspira-t-il  toujours  cette  terreur  qui  donne  des 
angoisses  comme  la  douleur.  On  aperçut  bien  quelques  dé- 


(i)   Paris,  1823.  Barba,  Palais-Rojal.  In-S";  prix,  5  fr.,  et  5  fr.  60  c. 
T.  XX. — Décembre  i825,  56 


554  LITTÉRATURE. 

fauts  daus  la  conlexture  de  l'ouvrage;  la  siesta  du  gouver- 
ueur,  qui  semble  aller  se  reposer  pour  laisser  à  la  conspira- 
tion le  moyen  de  s'établir  trauquilleraent  dans  le  palais,  ne 
fut  jamais  regardée  comme  un  niojen  susceptible  de  justifi- 
cation; mais  la  critique  judicieuse  ne  pouvait  s'empêcher  de 
remarquer  aussi  avec  quelle  habileté  l'auteur ,  qui  était  en- 
core dans  la  première  jeunesse  au  moment  de  la  conception 
de  sa  tragédie ,  avait  su  éviter  les  écueils  d'un  sujet  pareil  an 
sien  sur  une  scène  française.  Il  fallait  pour  cela  beaucoup 
d'art;  et  si  l'art  fait  partie  des  heureuses  inspirations  du  talent. 
il  est  plus  encore  le  fruit  du  tems  et  de  la  maturité.  Quatre- 
vingts  représentations  de  suite  ont  confirmé  le  succès  des 
Vêpres  siciliennes. 

Dans  les  Comédiens,  le  poète  s'était  mis  lui-même  en  scène  j 
et ,  par  ce  moyeu ,  il  avait  créé  une  situation  neuve  et  vraie 
au  théâtre ,  celle  des  rebuts  et  des  dégoûts  qu'un  jeune  au- 
teur éprouve ,  quand  il  lui  faut  lutter  avec  les  dédains ,  les 
rivalités  ,  les  prétentions  et  les  caprices  des  acteurs.  Voltaire 
l'avait  esquissée,  dans  ces  vers  du  Pauvre  Diable  : 

Tout  ranimé  par  ce  ton  didactique, 
Je  cours  en  hâte  au  parlement  comique. 
Bureau  de  vers ,  où  maint  auteur  pelé 
Vend  mainte  scène  à  m»i»t  acteur  siÉQé. 
J'entre,  je  lis  d'une  voix  faible  et  grêle 
Le  triste  drame  écrit  pour  la  Denèle. 
Dieu  paternel  I  quels  dédains,  quel  accueil! 
De  quelle  œillade  altlère  ,  impérieuse  , 
La  Dumesnil  rabattait  mon  orgueil! 
La  Dangeville  est  plaisante  et  moqueuse. 
Elle  riait;  Granval  me  regardait 
D'un  air  de  prince,  et  Sarrazin  dormait; 
Et  renvoyé  penaud  par  la  cohue. 
J'allai  gronder  et  pleurer  dans  la  rue.  » 

Le  public  ,  épousant  la  cause  de  son  jeune  favori ,  adopta 
*a  comédie  ,  écrite  d'ailleurs  avec  une  rare  élégance ,  semée 


LITTÉRATURE.  555 

de  traits  heureux,  éliuoelante  de  verve,  et  ne  manquant  pas 
de  gaieté.  Sans  attirer  ia  foule,  comme  les  Ft^pres  siciliennes, 
cette  pièce  fut  constamment  suivie  :  on  la  revoit  toujours  avec 
plaisir.  On  y  désira  généralement  plus  de  force  comique, 
une  peinture  plus  vive  des  ridicules,  surtout  dans  la  délibé- 
ration du  parlement  dramatique.  Mais  les  connaisseurs ,  frap- 
pés d'abord  de  la  souplesse  du  talent  de  Fauteur,  crurent  re- 
connaître en  lui ,  à  certains  signes,  une  vocation  plus  grande 
encore  pour  la  comédie  que  pour  la  tragédie  ;  ils  prévirent 
qvi'il  n'en  resterait  pas  à  son  début  dans  le  premier  de  ces 
deux  genres. 

Casimir  Delà  vigne,  se  délassant  de  ses  grandes  composi- 
tions par  d'autres  travaux ,  a  publié  successivement  plusieurs 
chants  lyriques  ,  sous  le  nom  de  Messéniennes.  On  admira  , 
dans  les  premières,  une  poésie  riche,  élevée,  harmonieuse  ' 
et  parfois  des  traits  sublimes  ;  mais  on  vit  avec  peine  quelques 
ornemens  brillantes  que  l'auteur  paraissait  affectionner,  et 
semblables  à  une  parure  moderne  sur  la  tête  d'une  vierge  de 
Raphaël.  Ce  défaut  parut  bien  plus  sensible  encore  dans  les 
Secondes  3Iesscniennes.  Entraîné  par  les  souvenirs  de  la  fa- 
ble ,  et  par  les  riantes  images  que  la  Grèce  attacha  aux  divi- 
nités représentées  par  le  ciseau  de  ses  Phidias  ,  le  jeune  poète 
perdit  de  vue  la  majestueuse  douleur  qui  devait  régner  dans 
les  plaintes  d'un  Français,  indigné  de  l'enlèvement  des  chefs- 
d'œuvre  conquis  par  la  victoire  et  rassemblés  dans  un  temple 
où  leur  réunion  ajoutait  à  l'idée  de  la  puissance  du  génie  de 
l'homme  dans  les  créations  des  arts.  Les  vers  de  Casimir  sur 
Mars,  Apollon  et  Vénus  étaient  les  plus  beaux  du  monde j 
DeliUe  ,  à  l'école  duquel  ils  appartenaient,  n'en  eût  désavoué 
aucun  ;  mais  la  raison  ne  pouvait  approuver  que  ceux  qui 
exprimaient  avec  vérité  les  mouvemens  excités  par  la  situa- 
tion. Il  ne  faut  jamais  oublier  que  toutes  les  compositions  doi- 
vent offrir  un  caractère  plus  ou  moins   dramatique,   pour 


556  LITTÉRATURE. 

plaire  à  des  Français.  La  conviction  de  cette  vérité  aurait 
ajouté  beaucoup  de  prix  aux.  poèmes  lyriques  de  J.-B.  Rous- 
seau. L'ode  était  dramatique  chez  les  anciens  ;  je  n'en  veux 
pour  preuve  que  l'effet  des  chants  de  Pindare  aux  jeux  olym- 
piques, et  les  chœurs  des  tragédies  de  Sophocle  ,  d'Euripide, 
mais  surtout  d'Eschyle.  Je  ne  connais  rien  de  plus  propre  à 
émouvoir  que  la  peinture  du  départ  d'Hélène  ,  qui  laisse  après 
elle  le  deuil  à  son  époux,  la  désolation  à  la  Grèce  ,  et  porte 
à  Troie  la  guerre  et  la  ruine.  Au  reste,  Delavigne  n'a  be- 
soin ,  pour  sentir  la  justesse  de  ce  conseil ,  que  de  se  rappeler 
la  cause  du  succès  de  sa  belle  Messênienne  sur  Parthénope. 
Cette  ode  ressemble  à  une  grande  scène;  aussi  a-t-elîe  em- 
porté tous  les  suffrages.  Puisque  j'ai  entrepris  d'avertir  l'au- 
teur je  lui  recommanderai  une  attention  sévère  sur  le  choix 
des  rimes  dans  la  poésie  lyrique.  L'ode  du  Jeune  Grec,  mal- 
heureuse excursion  dans  le  genre  romantique,  qui  ne  con- 
vient pas  à  son  genre  d'esprit  franc,  naturel,  manquait  entiè- 
rement d'harmonie,  par  la  répétition  de  rimes  qui  laissaient 
tomber  le  vers  ,  sans  que  le  son  pût  en  rester  dans  les  oreil- 
les comme  les  traits  d'une  agréable  musique.  Les  autres  piè-<- 
ces  qui  accompagnaient  celle  de  Parthénope,  méritaient  sou- 
vent de  leur  être  comparées. 

La  tragédie  du  Paria  n'avait  aucune  vérité  de  mœurs  et 
de  caractère  ;  trompé  par  l'éloquent  rêveur  qui  nous  a  donné 
la  Chaumière  Indienne,  et  par  quelques  autres  déclamations 
prétendues  philosophiques  ,  l'auteur  ne  connaissait  pas  le  fond 
du  sujet  qu'il  avait  à  traiter.  Jeune ,  aventureux ,  plein  de 
fou"ue  et  d'audace  ,  il  a  donné  carrière  à  son  imagination  ; 
et'  au  lieu  d'une  tragédie  fondc'e  sur  l'observation  des  mœurs, 
il  nous  a  présenté,  comme  Voltaire  la  fait  tant  de  fois,  un 
roman  tout  entier  de  sa  composition.  Même  dans  l'ordre 
d'idées  où  Delavigne  s'était  placé  ,  le  rôle  du  père  de  son 
héros  péchait  contre  toute  vraisemblance  ;  ce  rôle ,  profou- 


LITTÉRATURE.  557 

d(''tnent  médilé  ,  pouvait  à  lui  seul  racheter  ou  du  moins 
evcuser,  par  des  beautés  d'un  ordre  supérieur,  le  vice  des 
(ondemens  de  la  pièce  ;  conçu  avec  trop  de  légèreté,  énervé 
par  de  molles  descriptions,  dénué  d"<'nergie,  sans  aucune 
clialeur  dramatique  ,  il  a  toujours  ralenti  l'iutérètet  rei'rcidi 
la  scène  ;  pour  comble  de  malheur  ,  c'est  dans  le  même  rôle 
que  l'auteur  avait  laissé  voir  ces  moyens  factices  qui  amènent 
de  l'orce  une  situation,  parce  que  Ton  a  manqué  de  ressources 
pour  la  produire  naturellement.  Jamais  Casimir  n'a  autant 
oublié  la  raison  que  dans  cet  ouvrage  ;  cependant  ses  efforts 
ont  été  couronnés  d'un  succès  que  l'envie  elle-même  ne 
pourrait  nier.  Doù  vient  ce  prodige,  au  milieu  d'uu  peuple 
qui  porte  une  si  grande  sévérité  jusque  dans  le  plus  vif 
de  ses  plaisirs?  Voici  l'explication  de  l'énigme  :  il  y  avait 
de  la  profondeur  dans  le  grand-prclre ,  bridé  intérieure- 
ment d'une  ambition  irritée  par  les  rigueurs  d'un  long  si- 
lence. Sa  fille  Néala  offrait  plus  d'une  ressemblance  avec 
Esther ,  et  des  grâces  nouvelles  que  l'auteur  avait  empruntées 
à  làge  ,  aux.  mœurs  ,  aux  habitudes,  au  ministère  de  la  jeune 
vierge  prête  à  quitler  le  culte  du  soleil  pour  les  délices  d'un 
amour  innocent.  Le  caractère  du  fils  du  Paria  ne  manquait 
point  de  force  dramatique  :  la  passion  de  la  gloire,  l'ivresse 
du  triomphe  accrue  par  l'espérance  d'être  sorti  de  l'hutnilia- 
tion  d'un,  opprobre  injuste,  sa  passion  pour  Néala,  l'aveu 
terrible  qu'il  est  obligé  de  lui  faire  avant  de  s'unir  à  elle  pour 
jamais ,  ses  combats  avec  un  père  obstiné  à  condamner  un 
hymen  dont  il  redoute  les  fatales  conséquences ,  la  catastrophe 
oui  le  fait  tomber  de  la  plus  haute  fortune  dans  un  abîme  dont 
!a  mort  est  le  terme  ,  produisirent  de  profondes  émotions  j 
mais  ,  il  faut  l'avouer,  la  cause  du  trionjphe  fut  presque  tout 
entière  dans  les  séductions  du  talent.  Soit  que  le  public  eût 
auendu  beaucoup  de  luxe  dans  un  sujet  oriental ,  soit  que  nous 
nous  rapprochions  du  goût  des  Grecs,  et  que  la  poésie  ait  pour 


558  LITTERATURE. 

nous  un  nomel  attrait ,  tout  le  monde  fut  ébloui  de  Téclat , 
de  la  magnificence  de  cette  jeune  muse ,  tantôt  inspirée  par 
lÂpollon  Pytljlen,  tantôt  par  cet  amour  naïf  qui  a  la  persua- 
sion sur  les  lèvres  ;  ici,  par  le  génie  de  l'épopée  j  là,  par  Mel- 
pomène.  Il  est  vrai  que,  grâces  à  une  heureuse  exception  au 
vice  du  genre,  les  nombreuses  descriptions  de  l'auteur  étaient 
animées  d'une  certaine  tlamme  qui  vient  de  la  verve ,  et  les 
spectateurs  cédaient  volontiers  à  leur  entraînement,  parce 
qu'ils  n'éprouvaient  point  de  fatigue.  Delavigne  seul  peut- 
être,  de  nos  jours,  avait  les  moyens  d'exercer  une  telle  puis- 
sance ;  mais,  il  faut  le  lui  dire  avec  franchise,  encore  un  succès 
pareil ,  et  il  était  perdu  pour  le  théâtre  ,  et  même  pour  la  poé- 
sie lyrique.  Ambitieux  d'effets  dus  à  la  magie  des  vers ,  il  eût 
désappris  son  art  et  reculé  dans  la  carrière  où  il  vient  de  ren- 
trer par  un  triomphe. 

Sans  doute  il  aura  tait  en  silence  de  profondes  réflexions ,  et 
reconnu  les  vices  de  sa  manière  dans  le  Paria;  sans  doute  il 
aura  pratiqué  le  conseil  qu'on  lui  a  donné ,  de  beaucoup  mé- 
diter et  d'écrire  peu  :  en  effet,  sa  nouvelle  composition  u'olire 
aucun  des  défauts  de  ses  autres  ouvrages.  Mieux  conduite  que 
les  Vêpres  Siciliennes^  plus  dramatique  et  plus  animée  par  l'in- 
térêt que  la  pièce  des  Comédiens ,  purgée  de  tous  les  vices  du 
Paria ,  plus  élégante  et  plus  vraie  dans  le  style  ,  lEcoLE  des 
Vieillards  atteste  un  progrès  réel ,  et  un  progrès  d'autant 
plus  précieux  qu'il  promet  d'autres  ouvrages  marqués  du 
même  caractère.  L'auteur  est  rentré  lout-à-fait  dans  la  bonne 
route  ;  il  n'a  plus  besoin  que  de  marcher  devant  lui ,  en  con- 
tinuant à  soumettre  son  talent  au  frein  de  la  raison.  Créer , 
c  est  céder  au  génie  en  le  domptant. 

Essayons  maintenant  de  justifier  nos  éloges  et  nos  prédic- 
tions par  une  analyse  rapide  et  succincte  de  l'ouvrage. 

Veuf  et  possesseur  d'une  fortune  immense  ,  Danviile  ,  an- 
cien armateur  du  Havre  ,  âgé  de  soixante  ans,  a  épousé  uue 


LITTÉRATURE.  SSg 

jeune  personne,  qui  lui  a  apporté  pour  dot  l'esprit ,  la  beauté, 
un  cœur  sensible,  et  les  grâces  d'un  heureux,  caractère.  Dan- 
ville  est  au  comble  de  la  félicité;  mais  il  a  retenu  dans  sa  mai- 
son raïeule  d'Hortense,  madame  Saint-Clair,  femme  à  pré- 
tention. Amie  du  grand  monde,  quelle  ne  connaît  pas,  idolâ- 
tre des  plaisirs  bruyans ,  elle  presse  chaque  jour  sa  petite-fille 
de  venir  les  chercher  dans  la  capitale,  leur  véritable  théâtre. 
Danville,  aveuglé  par  sa  passion,  se  rend  aux  désirs  de  sa 
jeune  femme,  et  l'envoie  à  Paris,  sous  la  garde  d'un  Mentor 
peu  fait  pour  inspirer  la  confiance.  Il  va  plus  loin  encore ,  il 
remet  cinquante  mille  francs  à  Hortense ,  devenue  sa  tréso- 
rière.  A  la  vérité,  il  devait  la  suivre  de  près  ;  mais  des  affaires 
le  retiennent  encore  pendant  deux  mois  au  Havre.  Il  arrive 
enfin ,  et  reçoit  en  même  tems  plusieurs  leçons  des  impru- 
dences qu'il  a  commises. 

Son  fils  ,  abandonné  à  lui-même,  a  fait  de  mauvaises  affai- 
res; c'est  ce  qu'on  apprend  par  un  vieux  camarade  de  Dan- 
ville, receveur-particulier,  comptable  rigide,  mais  ami  vrai, 
qui  tait  le  nom  du  coupable  par  un  reste  de  ménagement. 
Il  faut  vingt  mille  francs  pour  sauver  le  jeune  homme  : 
le  père  ne  les  a  pas  ,  mais  il  va  les  demander  à  sa  femme. 
Quelle  surprise  I  le  trésor  conjugal  est  vide.  Danville  se  fâche 
du  train  qu'on  a  pris ,  de  l'excès  des  dépenses  qu'on  a  faites. 
Hortense  entreprend  de  se  justifier,  et  le  fait  avec  d'autant 
plus  de  succès,  que  le  juge  est  gagné  d'avance.  La  raison  de 
Danville  ne  se  rend  pas,  mais  son  cœur  cède.  La  discussion 
entre  le  mari  et  la  femme  est  pleine  de  traits  comiques  qui 
sortent  de  la  situation  ;  l'auteur  y  a  Riis  très-habilement  en 
scène  l'ascendant  irrésistible  d'une  jeune  tèmme  sur  un  vieil- 
lard, dont  l'àme  encore  ardente  ressemble  au  feu  caché  sous 
une  cendre  trompeuse.  Persuadé,  mais  non  pas  convaincu, 
Danville  sort  pour  aller  demandera  son  banquier  les  ao,ooo  f. 
promis  à  l'excellent  Bonnard. 


56a  LITTÉRATURE. 

Au  second  acte,  Danvllle  rentre  furieux  ;  ses  deux  ban- 
quiers et  son  notaire  sont  à  la  campagne  jusqu'au  lundi  sui- 
vant. Pour  soulager  sou  chagrin  ,  il  s'est  rendu  aux  Tuileries, 
où  il  n'a  pu  voir  sa  femme  qu'en  perspective,  à  travers  des 
flots  d'admirateurs,  parmi  lesquels  il  a  reconnu  et  remarqué 
im  jeune  homnie  plus  attentif  que  tous  les  autres.  M""  Saint- 
Clair  lui  apprend  que  c'est  le  duc  Delmar,  parent  du  ministre 
des  finances.  Ce  duc,  qui  a  eu  l'occasion  de  voir  Hortense  au 
Havre,  demeure  dans  l'Iioteloù  l\I'°e  Saint-Clair  a  eu  l'impru- 
dence de  cherclier  un  logement  pour  elle  et  sa  petite-fille.  Au 
nom  du  duc  Delmar,  la  jalousie  de  l'époux  commence  à  poin- 
dre. Bonnard  accourt,  impatient  de  loucher  les  20,000  francs 
promis,  Danville,  qui  n'a  pu  les  avoir,  élude  la  question ,  et  c'est 
alors  qu'il  apprend  le  nom  de  celui  auquel  Bonnard  s'inté- 
resse si  vivement.  Banville,  frappé  d'un  coup  de  foudre  ,  a 
recours  à  son  ami,  et  triomphé  enfin  de  sa  résistance.  La  le- 
çon donnée  au  vieillard  amoureux  est  bien  forte  ;  mais  elle  ne 
produit  pas  un  assez  grand  eflét  sur  lui ,  ou  plutôt  cet  effet  no 
se  prolonge  pas  assez  ;  le  père  ne  reparaît  plus  dans  le  reste 
de  la  pièce  :  un  souvenir  de  sa  faute  et  des  conséquences 
qu'elle  a  failli  avoir,  était  au  moins  nécessaire;  et,  parexem- 
ple ,  au  dénoùment,  le  faible  mais  sensible  Danville  devait 
dire  à  Hortense  :  Tu  te  raccommoderas  avecmon  fils,  tu  pro- 
mettras de  toujours  l'aimer  ;  et  Hortense  devait  jurer  avec 
honne  foi ,  sauf  à  tenir  sa  promesse  si  la  nature  humaine  le 
permet. 

Dans  ce  moment,  le  duc  se  pr('sente  chez  Hortense  pour 
l'inviter  à  un  bal  donné  par  le  ministre,  son  parent.  Danville, 
auquel  il  fait  d'abord  la  proposition,  la  reçoit  très-sèchement. 
Hortense ,  restée  seule  avec  son  mari ,  s'efforce  de  le  persua- 
der. Il  est  impossible  de  déployer  plus  d'innocentes  séduc- 
tions que  ne  le  fait  la  jeune  femme.  La  beauté  qui  connaît 
son  empire,  consciajbvniœ,  l'amour  qui  prie,  l'esprit  quiioim 


LITTERATURE.  56 1 

avec  le  sentiment  pour  plaire  encore  plus  sûrement,  la  fami- 
liarité tendre,  qui  prête  de  la  ijràce  aux  moindres  paroles,  tout 
se  réunit  pour  subjuguer  Danville;  cependant  il  résiste,  et 
l'acte  finit  par  une  querelle  assez  vive. 

Au  troisième  acte,  Ilortense  ,  rebelle  au  joug  de  Tliymen, 
qu'elle  a  senti  pour  la  première  fois,  a  mis  son  habit  de  bal  ; 
Banville  reparaît.  Vaincu  par  des  réflexions  qui  viennent  de 
son  cœur,  entraîné  par  vme  passion  impérieuse  à  tout  âge  et 
surtout  au  sien  ,  alarmé  du  premier  chagrin  qu'il  ait  causé  à 
sa  jeune  épouse,  il  vient  donner  la  permission  tant  désirée. 
Hortense,  toute  disposée  à  la  mutinerie,  est  émue  de  ce  retour , 
et  renonce,  quoique  avec  un  peu  de  peine,  au  plaisir  qu'elle  se 
promettait.  Mais,  en  l'absence  de  Danville,  le  duc  revient  ;  il 
presse,  il  prie  ,  il  conjure  j  M™^  Saint-Clair  unit  ses  instances 
à  celles  du  séduisant  orateur  :  il  ne  s'agit  que  d'écrire  un  mol 
à  Danville.  Hortense  oublie  toutes  ses  promesses  j  elle  part. 
Danville  de  retour,  et  plein  des  espérances  du  bonheur  qu'il 
se  promet  pour  la  soirée  ,  reçoit  la  lettre  de  sa  femme  ;  il  se 
croit  joué  :  il  est  furieux,  et  part  pour  rejoindre  Hortense  au 
bal  du  ministre. 

A  peine  Hortense  a  mis  le  pied  dans  la  salle  du  bal,  qu'elle 
sent  toute  l'étendue  de  sa  faute  ;  elle  a  entrevu  son  mari ,  qui 
ne  lui  a  point  parlé.  Déchirée  de  remords ,  elle  est  rentrée 
chez  elle  5  une  voiture  arrive  :  sans  doute  c'est  celle  de  Dan- 
ville. La  porte  s'ouvre ,  le  duc  paraît  :  il  apporte  la  nomina- 
tion de  Danville  à  une  place  de  receveur  -  général  ;  voilà  un 
prétexte  pour  cacher  ses  desseins  ,  et  le  moyen  de  transition 
pour  arriver  à  la  déclaration  de  son  coupable  amour.  Il  tombe 
aux  genoux  de  la  jeune  épouse.  Hortense,  éperdue,  hors 
d'elle-même,  lui  répond  avec  horreur  :  «  Je  vous  dis  que 
TOUS  m'épouvantez!  »  et  le  pousse,  par  ses  gestes,  par  ses 
paroles  désordonnées,  dans  un  cabinet  dont  elle  referme  la 
porte.  Danville  entre  ;  une  scène  tragique  par  sa  nature  mé- 


562  LITTÉRATURE. 

me ,  mais  sans  sortir  des  bornes  qne  la  comédie  peut  attein- 
dre ,  a  lieu  entre  Hortense  et  son  époux.  Elle  sort;  Danville 
appelle  !e  duc  ;  les  voilà  en  présence.  Ici  commence  une  au- 
tre scène  ,  tracée  avec  un  talent  supérieur,  une  énergie  inex- 
primable ,  et  une  égale  élévation  de  sentimens  de  ia  part  des 
deux  personnages. Un  duel  est  inévitable.  Le  duc  laisse  échap- 
per les  mots  de  cheveux  blancs  : 

Vous  auriez  dû  les  voir  avant  de  m'outrager! 

s'écrie  DanviUe  ;  réponse  vraiment  sublime  ,  et  telle  que  le 
grand  Corneille  en  a  semées  plus  d'une  fois  ,  même  dans  la 
comédie.  Voilà  de  quelle  manière  finit  le  quatrième  acte. 

Au  cinquième ,  le  duel  a  eu  lieu  ;  Delmar  a  désarme  son 
adversaire  ,  et  pleinement  justifié  Hortense.  Cependant,  ni  les 
procédés  ,  ni  les  paroles  du  duc  qui  a  reconnu  sa  faute,  n'ont 
dissipé  les  soupçons  de  Danville  ;  une  lettre  quHortense  écri- 
vait an  séducteur,  plus  étourdi  que  corrompu ,  les  détruit  en- 
tièrement, et  produit  une  réconciliation  parfaite.  Mais  la  jeune 
lèmme  ,  frappée  des  dangers  qu  elle  a  courus,  craignant  elle- 
même  les  séductions  du  monde  et  les  illusions  de  son  âge,  dé- 
cide facilement  Danville  à  la  ramener  dans  sa  province ,  où 
Bonnard  ,  qui  a  sauvé  l'honneur  du  fils  ,  viendra  quelquefois 
embellir  le  bonheur  des  deux  époux. 

Cette  pièce  fait  le  plus  grand  honneur  an  talent  de  Casimir 
Delavigne  ,  sous  plus  d'un  rapport.  Vue  du  côté  moral ,  elle 
oflre  une  leçon  utile  à  la  vieillesse  ,  sans  l'immoler  à  la  risée 
publique,  sans  acheter  les  applaudisseniens  aux  dépens  d'un 
âge  qu'on  ne  saurait  trop  respecter.  Comme  observation  de 
mœurs  ,  elle  est  vraie  et  prise  dans  la  nature  même.  Le  rece- 
veur Bonnard  sent  tout-à-fait  la  bonne  et  franche  comédie  , 
qui  fait  rire  par  la  vérité  de  la  peinture.  Le  caractère  de  Dan- 
ville me  paraît  tracé  de  main  de  maître;  ce  mélange  de  pas- 
sion, de  faiblesse,  de  courage,  de  vieil  honneur,  compose  un 


LITTÉRATURE.  563 

rôle  neuf  au  théâtre.  Quant  à  la  jeune  femme,  on  ne  saurait 
trop  s'étonner  qu'un  écrivain  si  jeune  encore  ait  pu  lire  ainsi 
dans  le  cœur  des  femmes ,  et  former  de  cent  traits  épars  un 
tout  si  vrai ,  si  charmant ,  si  propre  à  séduire.  Hortense  réu- 
nit tout  ce  qu'on  peut  désirer,  la  candeur,  l'esprit,  la-sensi- 
bilité ,  la  grâce  ,  l'aimable  enjouement ,  un  cœur  pur,  une  vo- 
lonté pleine  dlnnocence  ;  mais  elle  est  jeune  et  belle ,  son 
épousL  a  soixante  ans  ;  le  jour  où  elle  fera  la  comparaison  d'un 
homme  de  son  âge  avec  cet  époux  ,  les  dangers  sont  certains. 
Que  dis-je?  c'est  parce  que  la  comparaison  est  faite,  qu  Hor- 
tense elle-même  veut  fuir  Paris.  Aussi ,  est-ce  un  trait  de 
génie  que  sa  prière  à  Banville  pour  retourner  au  Hàvre. 

Je  voudrais  pouvoir  dissimuler  que  M^i^deSainte-Clair,  rôle 
mal  conçu  et  plus  mal  exécuté  ,  gâte  un  si  bel  ouvrage  ;  heu- 
reusement, l'auteur  en  a  fait  disparaître  les  défauts  les  plus 
choquans  -,  il  lui  serait  facile  de  les  efiacer  tous  avec  un  peu  de 
travail.  Mais  comment  ne  pas  pardonner  quelques  fautes  dans 
un  ouvrage  étincelant  de  beautés  du  premier  ordre?  Comme 
l'exposition  est  facile  et  claire  I  que  d'esprit  et  de  gaité  dans  le 
premier  acte!  que  de  grâce  et  d'élégance  dans   le  second, 
quelle  chaleur  entraînante!  quelle  puissance  dramatique  dans 
le  quatrième  !  avec  quelle  adresse  le  poète  est  encore  parvenu 
à  fournir  le  reste  de  sa  carrière ,  en  soutenant  l'intérêt  par 
d'autres  moyens  ,  après  des  explosions  si  vives,  qui  n'avaient 
pas  laissé  aux  auditeurs  le  tems  de  respirer! 

Je  n'ai  point  assez  d'éloges  pour  le  style.  Brillant  et  naturel, 
plein  de  traits  comiques,  toujours  conforme  au  caractère  du 
personnage ,  image  fidèle  de  la  conversation  animée ,  il  s  é- 
lève  parfois  k  la  plus  grande  hauteur.  La  pièce  des  Comédiens, 
que  le  public  avait  trouvée  bien  écrite ,  est  à  une  distance  im- 
mense de  ï Ecole  des  Fieillards.  Cet  ouvrage  restera  certai- 
nement au  théâtre  j  mais  il  pourrait  perdre  beaucoup  à  n'être 
plus  représenté  par  les  deux  acteurs  inimitables  qui  jouent  les 


564  LiTTERATLRE. 

deux  premiers  rôles.  Jamais  M''^  Mars  ne  fut  si  parfaite;  et 
quant  à  Talma  ,  il  a  fait  un  prodige ,  eu  débutaut  avec  une  si 
étonnante  supériorité  dans  la  comédie,  à  Tàge  de  soixante  ans. 
Aucun  autre  n'aurait  saisi  comme  lui  le  caractère  de  Dan- 
ville. Cependant,  privée  de  la  séduction  de  deux  grands  talens, 
la  pièce  de  Casimir  aura  toujours  du  succès  à  la  scène  ,  et  la 
lecture  ne  lui  sera  pas  moins  favorable  que  la  repré-sentation. 
Voilà  UQ  beau  et  légitime  triomplie;  11  doit  produire  des 
cliefs-d  œuvre  :  pour  se  surpasser  lui-même ,  il  faut  que  Tau- 
leur  fortifie  chaque  jour  son  bon  sens  par  le  commerce  des 
écrivains  chez  qui  celte  faculté  abonde;  il  faut  qu'il  élève  à 
côté  de  ses  dieux  pénates  un  autel  à  la  raison  ;  qu'il  se  sou- 
melte  à  elle,  comme  à  une  divinité  supérieure;  il  faut  qu'il 
lise  sans  cesse  dans  le  cœur  humain,  dans  le  premier  et  le  plus 
utile  des  livres  ,  et  qu'il  nourrisse  dans  son  cœur  cet  amour  de 
la  véritable  gloire,  qui  veut  surtout  des  triomphes  dans  l'a- 
venir. 

P.  F.  TissoT. 


BEAUX-ARTS. 

Voyage  pittoresque  et  historique  a  Lyon  ,  aux  envi- 
rons et  sur  les  rives  de  la  Saône  et  du  Rhône;  par 
M.  E.  M.  FoRTis,  ancien  avocat-général,  membre  de 
plusieurs  académies,  etc.  (i) 

A  rinspcclîoti  du  tllre  de  cet  ou\Tage  ,  le  lectetir  pourrait 
s'attemire  à  Tune  de  ces  compilalions  volumineuses  ,  où  de 
laborieux,  érudits  ont  renferme-  tout  ce  qu'il  est  possible  de  sa- 
voir et  de  dire  sur  un  petit  canton ,  sur  une  seule  ville.  Mais  , 
M.  Fortis  a  vu  son  sujet  avec  plus  de  disceruemenl  ;  il  a  com- 
paré ce  quil  voulait  peindre  ou  raconter,  à  limmensilé  de 
la  nature  et  de  l'bistoire  ;  et  loin  d'aspirer  aux  bonceurs  de 
Tin-folio  ,  il  s'est  réduit  à  deux  volumes  in -8°  ,  d  une  gros- 
seur très-ordinaire,  accompagnés  d'un  atlas  exécuté  avec 
beaucoup  de  soin  et  de  succès.  Après  avoir  fixé  la  grandeur 
du  cadre  ,  il  s'agissait  de  le  remplir  avec  goût ,  de  faire  un  bon 
cboix  entre  les  innombrables  objets  qui  avaient ,  en  quelque 
sorte  ,  le  droit  d'v  elre  placés  :  en  ceci ,  le  travail  de  M.  Fortis 
aura  l'approbation  de  tous  ses  lecteurs. 

L'auteur  expose  ,  dans  un  discours  préliminaire  ,  le  but ,  le 
plan  et  les  principales  divisions  de  son  ouvrage.  C'est  sa  ville 
natale  qu'il  veut  dccrirc  :  on  pense  qu'il  ne  parlera  pas  sans 
quelque  entbousiasme  de  ses  monumens  ,  des  beaux  sites  qui 
l'environnent,  des  bommes  célèbres  dont  elle  fut  le  berceau, 
des  grands  souvenirs  qu'elle  a  transmis  à  l'histoire.  Il  préfère  , 
sans  hésiter,  le  paysage  des  rives  de  la  Saône  aux  plus  beaux 
sites  de  toute  la  France  :  avant  d'approuver  cette  décision  ,  les 
spectateurs  impartiaux  voudront  comparer.  Ils  suivront  le 


(i)  Paris,  1821  et  1823.  Deux  vol.  ia-S»  avec  un  atlas.  Bossange  frè- 
res,  rue  de  Seine,  n°  12. 


566  BEALX-ARTS. 

cours  de  la  Loire  ,  desceudront  avec  la  Garonne  du  haut  des 
Pyrénées  ,  et  obseiveront  jusqu'à  reraboucluire  de  ces  fleuves 
les  formes  du  terrain  ,  la  végétation ,  les  villes  ,  l'état  des  arts 
et  de  la  population.  Des  attraits  de  plusieurs  sortes  les  ramè- 
neront aux  bords  de  la  Seine  ,  et  ils  ne  les  quitteront  point  sans 
regret.  Si  la  curiosité  peut  les  arracher  aux  délices  de  la  ca- 
pitale, ce  sera  peut-être  pour  visiter  le  magnifique  bassin  du 
Rhin  ,  les  deux  chaînes  de  montagnes  qui  dirigent  le  cours  du 
fleuve  à  travers  des  plaines  chargées  des  plus  riches  cultures. 
Là ,  aussi ,  le  peintre  trouvera  des  objets  dignes  de  ses  pin- 
ceaux ;  le  poète  ,  des  inspirations  ;  l'homme  de  lettres  et  le  pu- 
bliciste,  des  sujets  d'études,  des  matériaux  pour  des  ouvrages 
d'un  grand  intérêt.  D'autres  parties  de  notre  belle  France  van- 
teront aussi  les  agrémens  de  leurs  paysages  ,  et  l'illustration  de 
lears  cités.  Si  l'on  voulait  indiquer,  dans  nos  différentes  pro- 
vinces ,  les  lieux  les  plus  dignes  d'être  visités ,  et  surtout  ha- 
bités, et  les  classer  suivant  un  ordre  de  choix,  ce  sont  les 
étrangers  quil  faudrait  consulter.  Quant  à  nous,  ne  craignons 
point  de  nous  livrer  au  sentiment  de  prédilection  pour  les  lieux 
de  notre  naissance ,  pourvu  qu'il  ne  soit  point  confondu  avec  le 
sentiment  de  la  patrie  ,  et  qu'il  ne  l'affaiblisse  jamais. 

M.  Fortis  a  écrit  sou  livre  en  hon  et  franc  Lyonnais  ,  mais 
avec  goût,  et  même  avec  une  sévérité  de  jugement  dont  il  ne 
se  relâche  guère  qu'en  faveur  des  poètes  de  son  pays.  En  toute 
autre  chose ,  ses  éloges  seront  confirmés  par  les  lecteurs.  Afin 
de  donner  une  idée  de  son  style,  citons  ce  quil  dit,  après  avoir 
développé,  dans  son  discours  préliminaire,  les  moufs  qui  l'ont 
décidé  à  choisir  la  gravure  à  Vaquatinta,  et  les  succès  de  M. 
Piringer  dans  ce  genre  de  gravure,  succès  qui  seraient  attes- 
tés par  l'atlas  de  cet  ouvrage  ,  si  les  amateurs  d'estampes  colo- 
riées n'en  avaient  beaucoup  d'autres  preuves. 

«  Le  Lyonnais  ,  que  son  industrie ,  létendue  de  son  com- 
merce, sou  goût  pour  les  voyages,  portent  à  s'établir  dans  tou- 


BEAUX-ARTS.  567 

tes  les  contrées  de  TEurope  ,  et  au-delà  des  mers  ,  sent  tres- 
saillir son  cœnr,  lorsqu'il  y  trouve  des  souvenirs  de  sa  patrie. 
Avec  quel  inlérél  ne  reconnaîtra-t-il  pas  ,  dans  ces  gravures, 
les  lieux,  qui  Vont  vu  naître  ,  les  places  ,  les  monumeus  ,  les 
costumes  des  habitans  de  la  campagne,  les  jenx  de  son  en- 
fance, les  objets  de  sa  vt-iiération?  Lorsqu'il  aura  ce  tableau 
sous  les  yeux  ,  ce  n'est  pas  sans  émotion  qu'il  entendra  le  récit 
des  traits  de  bienfaisance  ,  de  pieté  ,  de  bravoure  et  de  gloire 
qui  forme  son  antique  et  noble  béritage.  Dans  quelle  circons- 
tance et  à  quelle  époque  un  ouvrage  à  la  fois  descriptif  et  bis- 
torique  ,  pouvait-il  être  plus  nécessaire  qu'à  la  suite  d'événe- 
mens  sur  lesquels  il  faut  tirer  un  voile,  après  avoir  recueilli 
les  leçons  qu  ils  nous  donnent ,  et  le  tableau  des  mouumens 
détruits?  L'artiste  ,  Ibomme  qui  étudie  les  progrès  des  scien- 
ces et  des  arts  ,  le  pbilosophe  qui  médite  sur  l'histoire  ,  ver- 
ront ,  à  côté  des  ricliesses  qu'ils  ont  perdues  ,  celles  qui  leur 
restent ,  celles  que  les  beaux-arts  ont  produites,  et  enfin  celles 
qu'ils  préparent  à  la  génération  future  ;  les  uns  et  les  autres  , 
placés  entre  les  regrets  du  passé  et  les  espérances  de  l'avenir, 
en  trouveront  les  douces  illusions  dans  la  religion  consolante 
des  souvenirs  dont  cet  ouvrage  sera  un  des  monuraens  pour 
la  ville  de  Lyon,  n 

Notre  auteur  met  quelquefois  un  peu  trop  de  poésie  dans 
ses  descriptions.  Ou  remarque  ces  prestiges  de  son  imagina- 
tion ,  à  la  page  166  du  second  volume  ,  où  il  nous  représente 
les  fonderies  de  MM.  Frère-Jean ,  à  Vienne,  comme  un  vol- 
can non  moins  redoutable  que  le  Vésuve.  Quelques  gouttes 
d'eau  ne  suffisent  pas  ,  comme  il  le  dit ,  «  pour  produire  une 
explosion  capable  de  faire  sauter  dans  les  airs ,  à  plus  de  trois 
ou  quatre  cents  pieds  de  bauteur,  la  fonte  ,  les  hommes  ,  les 
édifices  ,  et  pour  enflammer  l'horizon  sur  un  espace  de  plu- 
sieurs lieues.  » 

La  liste  des  édifices  que  la  révolution  a  fait  détruire  à  Lyon, 


5(38  BE\UX-ARTS. 

celle  des  constructions  nouvelles  et  des  établissemens  qui  se 
sont  élevés  depuis  i^go  jusquà  la  restauration,  et  enfin  celle 
des  fondations  les  plus  récentes,  présentent  un  résultat  dii^ne 
d'être  connu  et  médité.  Le  marteau  destructeur  a  frappé  deux 
tours  ,  dont  Tune  portait  une  inscription  en  mémoire  de 
Henri  IV,  les  ruines  de  l'ancien  clpîlre  d'une  abbaye ,  deux 
façades  de  la  place  Bellecour,  la  statue  de  Louis  XIV,  et  ses 
décorations  accessoires  ,  une  pyramide  érigée  en  mémoire  de 
Henri  IV,  94  édifices  religieux,  églises,  chapelles  ou  couvens. 
Pendant  la  révolution  ,  et  sous  le  règne  de  Bonaparte,  la  ville 
a  été  embellie  de  trois  cours  plantés  d'arbres,  d'une  pépinièi'e, 
d'un  jardin  des  plantes,  d'un  marché  aux  fleurs;  une  école  vé- 
térinaire et  un  musée  des  tableaux  et  d'antiqu(  s,  ont  été  ajoutés 
aux  autres  établissemens  d'instruction;  quatre  nouveaux  ponts 
ont  été  construits  ;  le  palais  de  justice  a  été  considérablement 
agi-andi  ;  l'hôtel  de  la  préfecture,  uue  caserne,  un  nouveau 
théâtre ,  un  hospice  sont  aussi  des  acquisitions  nouvelles  ;  une 
place  nouvelle,  des  ports  et  des  quais  achèvent  de  décorer  les 
bords  du  Rhône  et  de  la  Saône ,  et  de  pourvoir  aux  besoins 
du  commerce  :  sous  l'empire ,  les  églises  paroissiales  ont  été 
restaurées;  depuis  i8i4,  notre  auteur  se  borne  à  citer  la 
création  de  trois  monastères  de  religieuses,  le  rétablissement 
d'un  ancien  couvent,  et  la  fondation  d'une  maison  centrale 
pour  les  frères  de  la  doctrine  chrétienne. 

Plusieurs  chapitres  de  cet  ouvrage  sont  suivis  de  notes  in- 
téressantes et  instructives,  A  la  page  96  du  second  volume,  on 
eu  trouve  une,  dans  laquelle  l'auteur  expose  les  conjectures 
de  plusieurs  écrivains  sur  l'origine  des  étoffes  de  soie ,  ou  plu- 
tôt ,  sur  le  lieu  d'oii  la  connaissance  et  l'usage  de  ces  étoffes 
ont  passé  dans  l'Europe.  Il  a  omis  l'opinion  la  plus  ^Taisem- 
blable  ,  si  même  on  doit  la  regarder  comme  une  opinion  ,  et 
non  comme  un  fait  historique  :  c'est  que  les  Romains  commen- 
cèrent à  connaître  la  soie  et  les  étoffes  de  celle  matière,  à  l'é- 


BEAUX-ARTS.  569 

|)oqtie  où  ils  portèrent  leurs  armes  dans  le  pays  clés  Sériques , 
contrée  de  la  Booikarie ,  où  cette  fabrication  s'est  maintenue 
jusqu'à  nos  jours,  et  d'où  elle  répand  ses  produits  dans  l'in- 
térieur de  l'Asie  ,  et  jusque  dans  la  Russie  orientale. 

Lyon  est,  sans  contredit,  celle  de  toutes  les  villes  *le  France 
que  la  révolution  a  le  plus  maltraitée  :  cependant,  ses  liabi- 
tans  surent  apprécier  et  reconnaître  les  biens  durables  opérés 
par  ce  grand  événement  politique.  Cette  justesse  d'esprit  et 
cette  droiture  d  intention  caractérisent  aussi  l'ouvrage  de  M. 
Fortis.  C'est  en  historien  qu'il  parle  du  siège  de  sa  ville  natale, 
et  des  épouvantables  massacres  qui  en  furent  la  suite.  A  quel- 
que opinion,  à  quelque  parti  politique  que  ses  lecteurs  soient 
attachés  ,  tons  approuveront  la  sagesse  de  l'auteur  :  il  serait  à 
désirer  que  ce  bon  exemple  fut  plus  souvent  imité. 

Ainsi,  indépendamment  de  la  beauté  des  gravures,  M,  For- 
tis nous  a  fait  présent  d'un  livre  que  l'on  ne  se  contentera  pas 
de  lire  une  seule  fois  :  on  y  reviendra  de  tems  en  tems  par  cu- 
riosité j  on  le  consultera  pour  s'instruire;  on  y  cherchera  les 
agrémens  d'une  lecture  intéressante,  et  qui  n'est  jamais  sans 
profit.  Plus  on  sentira  le  mérite  réel  de  l'ouvrage,  plus  on 
regrettera  que  l'auteur  l'ait  terminé  par  un  extrait  du  Jour- 
nal des  Débats,  où  des  éloges  excessifs  lui  sont  prodigués, 
en  échange  de  ceux  dont  il  a  gratifié  l'auteur  de  cet  article  de 
journal.  L'encens  que  les  auteurs  se  distribuent  de  la  sorte , 
leurs  démêlés  et  leurs  combats  peuvent  égayer  la  malignité, 
mais  ils  affligent  toujours  les  lecteurs  judicieux. 

V, 


T.  XX. — Décembre  i825.  67 


VVV'VVVVV»*'VVVVV*\VVVVVV*VVV*»iVVVVVV*VVVVVVV»VV\VVVV\VVVVVVV»\'VVVVVV\-VVV*»'VV>(VVU 

IIL  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE, 
LIVRES  ÉTRANGERS  (i). 


AMERIQUE. 

ÉTATS-UNIS. 

199.  — A  Year  in  Europe.  — Une  année  en  Europe.  —  Journal  des 
observations  recueillies  pendant  les  années  1818  et  1819,  dans  un  vojage 
en  Angleterre,  en  Ecosse,  en  Irlande,  en  France,  en  Suisse,  en  Italie 
et  en  Hollande:  par  John  Gbiscom.  JNew-York,  1820,  Collins  et  comp. 
Deux  vol.  in-S"  de  320  et  562  pages. 

Une  année  en  Europe  ne  suflBt  pas  sans  doute  pour  bien  connaître  et 
pour  apprécier  l'état  actuel  de  notre  civilisation  et  de  nos  institutions. 
Dans  cet  espace  de  tems ,  un  voyageur  visitera  beaucoup  de  lieux ,  beau- 
coup d'élablissemcns  ,  et,  s'il  est  Instruit,  il  pourra  les  décrire  et  en 
rendre  un  compte  satisfaisant  ;  mais  s'il  veut  s'élever  à  des  observations 
sur  les  mœurs,  sur  les  caractères  distiuctifs  des  peuples,  s'il  veut  tracer 
un  tableau  complet  des  contrées  qu'il  a  parcourues ,  il  doit  consacrer  a 
ces  contrées  un  espace  de  tems  bien  plus  étendu ,  il  doit  en  quelquii 
sorte  s'y  naturaliser,  M.  Griscom  a  vu  beaucoup  de  pays  dans  une  seule 
année  ;  mais  il  ks  a  parcourus  rapidement,  et  la  vitesse  de  sa  course  ne 
lui  a  pas  permis  de  mûrir  ses  observations.  Aussi  s'est-il  contenté  de 
dire  ce  qu'il  avait  vu,  et  d'en  donner  des  descriptions  plus  ou  moins 
détaillées.  Je  ne  sais  s'il  a  écrit  les  lettres  dont  se  compose  son  ouvrage 
aus  époques  et  dans  les  lieux  dont  elles  portent  les  dates  ;  mais,  en  les 
adressant  à  un  de  ses  compatriotes  à  qui  l'Europe  est  encore  inconnue, 
il  semble  convenir  qu'elles  ne  sont  écrites  que  pour  les  Américains,  et 
seulement  pour  ceux  qui  ne  connaissent  l'Europe  ni  par  leur  propre 
expérience,  ni  par  d'autres  ouvrages.  Ces  lettres,  d'ailleurs,  semblent 
bien  propres  à  intéresser  ceux  à  qui  elles  sont  destinées.  L'auteur, 
homme  instruit  et  éclairé  ,  et  surtout  véritable  ami  des  hommes  ,  a  visité 


(1)  Nous  inJiquei-oDS  par  nn  astérisque  (*}  placé  à  côté  du  tilie  <Ie  chaque  ou- 
•vrage,  ceux  «les  livres  étrangers  ou  français  qui  paraitrout  dignes  d'une  atteuti-jit 
(111  ticulière,  et  dout  nous  readrons  quer^ucfois  compte  dans  la  seclioa  des  Analyse. 


î/iVRES  ETRANGERS.  571- 

les  principales  villes  de  l'Europe,  Paris,  Londres,  Gènes,  Milan,  Ams- 
terdam, Bruxelles,  Lyon,  Llverpool,  Edimbourg,  et  partout  il  s'est 
attaché  à  voir  les  établissemens  utiles  ,  qu'il  signale  avec  soin  à  ses  com- 
patriotes. Un  autre  genre  d'intérêt  se  trouve  dans  son  livre  :  comme  il 
a  eu  l'occasion  de  rencontrer  les  savans,  les  littérateurs,  les  philan- 
tropes  ,  dont  l'Europe  s'honore,  il  saisit  cette  occasion  de  leur  rendre 
un  hommage  public  et  de  les  faire  connaître. 

200.  —  Tho  national  Caiendar,  etc.  —  Almanach  national  et  An- 
nuaire des  Etals-Unis  pour  l'année  1823  ;  par  P.  Fobce,  Tome  IV. 
Washington  ,  1823  ;  Davis  et  Eorcc.  Un  vol.  io-12  de  2S6  pages  ,  avec 
des  planches  et  des  tableaux  de  la  population. 

Cet  Almanach  est  plus  intéressant  que  la  plupart  de  ceux  que  l'on 
publie  en  Europe  :  c'est  un  manuel  statistique,  sans  doute  incomplet, 
mais  dont  l'utilité  est  incontestable.  Nous  y  trouvons  des  documens  pré- 
cieux sur  les  Etats-Unis,  des  notices  sur  les  dépenses  et  les  recettes,  sur 
l'administralion,  sur  les  trailemens  des  différens  fonctionnaires,  etc. 
Le  gouvernement  y  expose  à  l'attention  et  à  la  censure  publique  tous  ces 
détails  de  finances  que,  dans  d'autres  pays,  on  s'eËForce  de  soustraire  à 
la  connaissance  des  administrés.  Les  tableaux  de  population ,  dressés 
sur  un  excellent  modèle  ,  donnent  le  nombre  des  habilnns  de  chaque 
province,  présentent  leur  division  en  hommes  blancs  et  hommes  de 
couleur,  en  hommes  libres  et  esclaves,  indiquent  les  proportions  entre 
les  homiHes  et  les  femmes,  et  apprennent  combien  de  personnes  s'oc- 
cupent d'agriculture,  combien  se  livrent  au  commerce  ou  à  l'industrie 
manufacturière.  Nous  trouvons  que  les  Étals-Unis  comptent  9,654»4i5 
habitans,  dont  1,543,688  esclaves.  L'agriculture  y  occupe  2, i-5,o65  in- 
dividus, tandis  que  le  comnierce  n'en  occupe  que  72,558,  et  les  manu- 
factures que  349,665  (Voy.  Rev.  Enc,  T.  XVlII,  p.  202-204,  des  détails 
sur  la  population  des  Etats-Unis.  )  Il  manque  à  ces  tableaux,  pour  être 
complets,  des  données  sur  la  population  des  villes,  sur  le  nombre  des 
morts  ,  des  naissances ,  et  sur  quelques  autres  faits  nécessaires  à  la  science 
de  la  statistique.  En  revanche,  nous  signalerons  un  paragraphe  curieux 
sur  les  émigrations.  Les  différens  navires  arrivés  aux  Etats-Unis  pendant 
les  années  1821  et  1822^  y  amenèrent  20,201  passagers,  dont  5,96g  ci- 
toyens des  États-Unis.  Sur  les  i6,?52  émigrans  étrangers,  on  compte 
8,284  sujets  européens  de  l'Angleterre,  685  Français,  486  Allemands, 
4oo  E>p.ignols  ,112  Hollandais.  Ce  n'est  pas  une  question  de  peu  d'im- 
poi tance  que  de  reconnaître  quels  avantages  les  États-Unis  retirent  de 
ces  émigrations,  et  jusqu'à  quel  point  ils  en  profitent.  L'auteur  de 
l'Annuaire  cherche  à  résoudre  cette  question  ,    ou   du  moins  il  rap- 


573  LIVRKS  ETR  AIN  GERS. 

porte  des  faits  qui  peuvent  en  rendre  la  solution  plus  facile.  Il  divise 
les  émigrans  en  quatre  classes  :  la  première  est  appelée  classe  produc~ 
iive-utite,  et  comprend  4î946  individus,  tous  occupés  d'un  métier  quel- 
conque. D'après  M.  Force,  les  États-Unis  ont  actuellement  autant  de 
tailleurs,  de  maçons,  de  laboureurs,  de  boulangers,  etc.  ,  que  leur» 
besoins  en  réclament;  mais  ils  manquent  d'ouvriers  pour  leurs  manu- 
factures ,  dont  la  situation  est  bien  moins  satisfaisante  que  celle  de» 
autres  branches  de  l'industrie.  On  compte  dans  les  trois  dernières  classes 
5,069  individus  improduclifs-ittitci,  459  improductifs,  et  9,721  impro- 
ductifs divers  ,  enire  autres  les  femmes  et  les  enfans.  Parmi  les  pièces 
les  plus  remarquables  contenues  dans  l'Annuaire  ,  nous  citerons  encore 
la  liste  des  hrevels  délivrés  en  i8'22.  Ils  sont  au  nombre  de  194,  dont  11 
pour  des  charrues  perfectionnées,  22  environ  pour  des  procédés  ou  des 
in^lruiuens  nouveaux  en  agriculture,  1 5  pour  des  fourneaux  ou  foyers 
économiques,  gquisont  relatifs  à  la  construction  des  navires,  etc.  ;  nous  en 
remarquons  encore  5  accordes  à  l'inventeur  du  télégraphe  domestique^ 
à  celui  d'un  levier  pour  .soulever  les  objets  perpendiculairement;  enfin, 
à  l'iaventeur  d'un  procédé  pour  transmettre  une  empreinte  quelconque 
du  papier  sur  le  bois.  Une  autre  liste  non  moins  intéressante,  est  celle 
des  divers  ouvrages  qui  ont  élé  déposés  au  secrétariat  de  l'intérieur  pen- 
dant la  même  année.  Elle  en  comprend  g5  :  ao  sont  des  dictionnaires  , 
des  grammaires  ou  des  livre.»  élémentaires  et  d'éducation  ;  9  appartien- 
nent à  la  théologie  et  à  la  morale;  1/}  aux  sciences  physiques  et  mathé- 
matiques ;  8  au  droit  et  à  la  jurisprudence  ;  n  à  la  statistique  et  à  la  géo- 
graphie. Nous  y  remarquons  encore  2  ouvrages  sur  la  marine  ;  2  sur  l'art 
militaire;  4  de  biographie  et  d'histoire  ;  2  sur  la  politique  spéciale  et 
l'administration  ;  5  recueils  de  poésies;  un  ouvrage  grec,  un  espagnol; 
5  recueils  ou  traités  de  musique  ;  9  cartes  et  un  portrait  gravé.  On  publie, 
aux  Etats-Unis,  jô  journaux  quotidiens.  — Ces  détails  ne  sont  pas  les 
seuls  que  contient  l'Annuaire;  mais  nous  les  avons  choisis  comme  étant 
à  la  fois  les  plus  intéressans  pour  nos  lecteurs,  et  les  plus  propres  à  faire 
apprécier  cet  utile  recueil.  A.  J. 

ASIE. 

201.  — Dictionnary  ofthe  Persian  and  Arabie  language,  —  Diction- 
naire des  langues  Arabe  et  Persane;  par  Jos.  Bibbetto.  Calcutta,  1823. 
Deux  vol.  in-8°;  prix  ,  4  livres  sterling  4  schellings. 

202.  — Amara  Kosa,  tricanda  Sesha ,  haravali  Kosa  et  Mcdini  Kosa. 
—  Quatre  vocabulaires  de  mots  samskrits.  Calcutta.  Un  vol.  in-S»  ;  prix, 
2  livres  sterl.  2  schell. 


LIVRKS  ETRANC^ERS.  5-!^ 

îo3.  —  The  Cootislan  of  the  celehrated  Musleh  udDeen  qf  Shiram. 
—  Le  Gulislan  du  célèbre  Mii^LEn-uD-DKES  de  SuiBtNZ,  siirnoaimé 
Shbikb  Sadi,  avec  une  traduction  anglaise  et  des  notes;  par  James 
DuMOCLiN.  Calcutta.  Grand  in-4";  prix ,  3  livres  slerlin;^s  i3  schellingâ 
6  pences. 

204.  —  Soofirai,  a  foem  éy  Firdcnirsec,  etc..  —  Souhrab,  poème  par 
FiRDocBzi,  relisant  partie  i\\x  Shali- IS ahma  lie  ce  pnète  célèbre  ;  avec 
une  Iradurtioii  libre,  en  anglais,  par  7.  Alkinson.  Calcutta.  Un  vol. 
in-8»;   prix,  i5  scliellings. 

205.  —  MecliaDvta. —  Le  Messager  des  Nues,  poème,  parCADiDASA; 
avec  une  traduction  en  vers  anglais,  des  notes  et  des  éclaircissemens, 
pari,.  H.  WiLsoM.  Calcutta.  Un  voL  in-^";  prix,  a  livres  sterling  » 
icbellinps. 

EUROPE. 
GRANDE-BRETAGNE. 

ao6  (').  —  The philosophy  of  zoologtf.  —  Zoologie  philosophique,  ou 
Description  générale  de  la  structure,  des  fonctions  et  de  la  classifîration 
des  animaux  ;  par  John  Fleukng  ,  membre  de  la  Société  royale  d'Edim- 
bourg. Londres,  1822;  Hurst.  Deux  vol.  in-8"  avec  gravures. 

L'auteur  de  cet  ouvrage  a  entrepris  la  tâche  difficile  de  donner  les 
caractères  zoologiques  naturels  de  tous  les  animaux,  aux  divers  di  grés 
de  l'échelle  de  l'organisation.  Il  rejette  presque  entièrement  la  méthode 
linnéennc,  à  laquelle,  en  Angleterre,  on  est  resté  si  fidèle.  11  tâche  d'as- 
signer la  différence  entre  la  matière  organisée  et  non  organisée.  Voici 
les  conditions  qu'il  établit  comme  nécessaires  au  développement  de  la 
■vie,  des  parcns,  de  i'humiditc,  de  ta  chaleur,  de  l'air,  de  la  nourriture. 
Remarquons  que  ces  conditions  expérimentales  du  développement  de 
la  vie  ne  ji  Itent  aucun  jour  nouveau  sur  la  définition  de  ce  mode  parti- 
culier de  l'être.  On  voit  que  le  docteur  Fleming  nie  absolument  les  gé- 
nérations spontanées.  Sous  ce  rapport,  comme  sous  plusieurs  autres, 
ses  opinions  diffèrent  de  celles  de  notre  célèbre  naturaliste,  M.  De  la 
Marck.  — Cet  ouvrage  renferme  une  discussion  fort  intéressante  des  faits 
principaux  de  la  zoologie  fossile.  L'auteur  admet  que,  plus  les  restes  d'a- 
nimaux et  les  empreintes  de  plantes  se  trouvent  dans  des  roches  reculées 
suivant  l'ordre  des  tems,  plus  elles  diffèrent  de  celles  que  l'un  observe 
aujourd'hui  sur  le  globe.  De  plus,  les  vestige?  fossiles  qui  se  rencontrent 
dans  les  roches  primitives,  sont  toujours  celles  des  animaux  les  moins 
parfaits.  Il  en  est  de  même  des  plantes.  Les  roches  superposées  au.gra- 


574  LIVRES  ÉTRANGERS. 

nit  ne  renfeiinent  gupre  que  des  impressions  de  fougères  et  dautrcs  ia- 
railles  cryptogames,  avec  des  zoophytes  corallins.  Les  roches  moder- 
nes,  au  contraire,  abondent  en  débris  d'animaux  fort  rapproché::!  de 
ceux  qui  vivent  aujourd'hui,  sont  quelquefois  identiques  avec  eux,  et 
renferment  en  même  lenis  beaucoup  de  restes  de  végétaux  dicolylé- 
dons.  Après  ces  considérations  générales,  qui  se  lient  à  la  manière  sui- 
vant laquelle  l'auteur  conçoit  le  développement  de  la  vie  organique,  il 
présente  une  nouvelle  classification  zoologique.  Sa  méthode,  qui  sem- 
ble très-philosophique  quand  on  l'envisage  en  général  dans  ses  rapports 
avec  les  familles ,  serait-elle  bien  applicable  aux  détails  du  règne  animal  ? 
En  effet,  il  faut  absolument  finir  par  donner  une  bonne  classification 
naturelle  des  poissons  ou  des  insectes  ;  et  ce  n'est  que  lorsqu'on  fait  su- 
bir aux  systèmes  l'épreuve  sévère  de  les  appliquer  à  ces  groupes  où  des 
nuances  seulement  sépauenl  les  classes,  qu'on  peut  prononcer  sur  leur 
mérite,  et  sur  leur  aptitude  à  représenter  fidèlement  les  lois  de  la  vie. 
L'ouvrage  de  M.  Fleming  nous  parait  moins  utile,  sous  ce  dernier  rap- 
port ,  que  sous  le  point  de  vue  des  considérations  générales.  L'auteur 
est  ecclésiastique  ;  le  sentiment  religieux  perce  en  plusieurs  endroits  dans 
son  livre.  Il  nous  semble  qu'un  simple  naturaliste  serait  arrivé  aux  mê- 
mes conclusions.  Il  n'y  a  pas  deux  systèmes  de  philosophie  :  l'un  à  l'u- 
sage des  gens  d'église;  l'autre  à  l'usage  des  savans.  11  n'y  a  qu'une  phi- 
losophie pour  tout  le  monde,  celle  qui  s'occupe  de  la  nature,  de  Dieu 
et  de  l'imniorlalité. 

207.  —  A  Treatisc  on  nervous  diseuses ,  Vol.  I,  induding  apoplexia 
■hsdro-cefhalica.  —  Traité  des  maladies  nerveuses;  Tom.  I,  renfermant 
l'apoplexie  hydro-céphale^  avec  un  tableau  des  opinions  des  physiolo- 
gistes anciens  et  modernes,  concernant  la  nature  et  les  fonctions  du 
système  nerveux;  par  Jo/in  Coo&e.  Londres,  jSaô;  Longman.  In-8» 
de  669  pages;  prix,    i5  fr. 

20S.  — History  and  tneibod  of  cure  of  the  varions  species  ofpalsy.  — 
Description  et  traitement  des  diverses  espèces  de  paralysie  ,  par  le  mê- 
me. Londres,  iSaj;  Longman.  In-S"  de  21 5  pages. 

L'auteur  de  l'important  Traité  des  matadies  nerveuses  commence  pat 
émettre  le  vœu,  que  des  médecins  se  chargent  spécialement  de  faire 
l'histoire  particulière  et  appronfondie  d'un  seul  genre  d'affection.  C'esi 
un  travail  de  cette  espèce  qu'il  a  entrepris.  Il  est  incontestable  qu'un 
ouvrage  de  pathologie  générale  ne  peut  guère  renfermer  que  les  faits  les 
plus  importa ns;  et  cependant,  il  importe  de  détailler  jusqu'aux  moin- 
dres circonstances  des  maladies.  Le  docteur  Gookc  présente,  dans  la 
première  partie   de  son  livre ,  l'histoire  des  opinions  sur  les  fooctions 


LIVRES  ETRA^'GERS.  5  7  S 

des  nerfs ,  depuis  les  tems  les  plus  anciens  jusqu'à  nos  jours ,  depuis  le 
père  de  la  médecine,  Platon,  l'école  d'Alexandrie,  jusqu'à  MM.  Gallet 
Spurzlieim.  Il  traite,  en  passant,  des  opinions  du  docteur  Reid  ,  phi- 
losophe écossais ,  et  aborde  un  peu  légèrement  la  grande  question  du 
matérialisme.  Sa  dissertation  sur  l'apoplexie  hydro-cépbale  est  divisée 
en  chapitres,  qui  permettent  de  saisir  plus  facilement  les  vues  de  l'au- 
teur. Il  admet  que  répanthement  sanguin  dans  le  cerveau  n'entraîne  pas 
toujours  des  accidcns  graves,  et  il  se  prononce  pour  la  saignée  copieuse- 
et  instantanée.  On  voit  que  ses  opérations  ne  présentent  rien  de  bien 
nouveau.  Dans  le  second  ouvrage,  qui  n'es^  pour  mieux  dire  que  la 
deuxième  partie  du  premier,  il  combat  fortement  les  opinions  de  M.  le 
<locteur  Serres,  sur  quelques  circonst;inces  des  maladies  cérébrales.  Ce 
qu'il  y  a  de  plus  curieux  dans  ces  deux  ouvrages,  ce  sont  les  nombres 
qu'ils  conlicnneot  sur  la  proportion  numérique  des  maladies  nerveuses 
que  l'auteur  décrit ,  et  qui  lui  ont  été  fournies  par  le  docteur  Gordon. 
Ce  dernier  les  a  obtenus  par  le  recensement  des  registres  des  hôpitaux 
militaires  de  l'armée  anglaise  de  terre.  Pendant  six  mois  de  l'année 
1819,  sur  5,999  hommes  de  cavalerie,  il  y  eut  5  cas  d'apoplexie  et  4 
d'hémiplégie;  sur  ii,865  hommes  d'infanterie,  une  apoplexie  et  5 
hémiplégies.  Dans  le  nombre  total  de  6,190  vétérans,  on  n'observa 
qu'une  apoplexie  et  4  hémiplégies.  Dans  l'Inde  anglaise,  pendant  huit 
mois,  il  y  eut ,  sur  12,800  hommes  ,  i5  apoplectiques  et  18  paralytiques. 
Ces  nombres  sont  fort  importons.  Oo  semble  y  reconnaître  l'influence 
du  service  à  cheval  comparé  au  service  à  pied,  et  surtout  on  y  voit  l'in- 
fluence de  la  chaleur  du  climat  sur  le  développement  de  ces  affection^s. 
Ces  ouvrages  du  d'-cteur  Cooke  peuvent  Être  très-utiles,  surtout  s'il  les 
continue  de  manière  à  embrasser  la  pathologie  complète.  On  peut  les 
regarder  comme  un  essai  de  monograpltic  médicale  des  deux  maladies 
qu'il  a  spécialement  décrites. 

209  {*).  —  A  Memoir  of  central  India,  including  Maîwa  ,  and  adjoi- 
ning  provinces,  with  the  history  and  copious  iliustrations  of  tlie  past 
and  présent  condition  of  that  counlry.  —  Tableau  de  l'Inde  centrale . 
comprenant  la  province  de  Malwa  et  les  districts  environnans,  avec  de 
nombreux  détails  sur  l'état  passé  et  présent  de  ces  contrées;  parsir/oftK. 
Malcolm.  Londres ,  iSaô;  Kingsbury,  Leaden-Hall  Street.  Deux  vol. 
in-8'',  58o  et  547  P^g*^^»  ^^^^  des  cartes. 

On  connaît  à  peine  de  nom  le  territoire  de  l'Inde  centrale,  qui  se 
trouve  à  peu  près  au  milieu  de  la  péninsule  de  l'Indostan.  Depuis  trente 
ans,  cette  contrée  n'a  cessé  d'être  en  proie  à  l'anarchie  et  aux  ravage^; 
;!es  chefs  indiens,  dont  les  jalousies  mutuelles  furent  trop  souvent  exci: 


576  LIVRES  ÉTRANGERS, 

tées  ou  entretenues  par  le  cabinet  anglais.  Eufin,  les  armées  LritanDÎ- 
ques,  pour  mettre  les  combattans  d'accord,  se  sont  emparées  déCniti- 
vement  de  ce  fertile  pays.  En  Asie  comme  en  Europe,  il  faut  s'enten- 
dre, afin  de  pouvoir  repousser  l'étranger.  L'auteur  a  été  ciiargé  du  gou- 
vernement de  la  province  de  Malwa  pendant  quatre  ans,  de  181S  à  1822  ; 
il  a  donc  été  à  même  de  réunir  un  grand  nombre  de  documens  officiels', 
dont  il  publie  aujourd  hui  la  collection,  sous  la  garantie  du  directeur  de 
la  compagnie  des  Indes.  11  faut  s'empresser  de  remarquer  un  fait  tout 
à  l'honneur  de  sir  John  Malcolm  ;  c'est  que  son  administration  ne  pa- 
raît avoir  été  marquée  par  aucun  de  ces  actes  arbitraires,  dictés  par  la 
cupidité,  qui  signalèrent  la  conduite  de  ses  prédécesseurs,  et  qui  don- 
nèrent lieu  à  la  mise  en  jugement  du  lord  Haslings,  devant  la  chambre- 
haute.  Sans  avoir  exercé  de  rigueurs,  il  parait  avoir  complètement  pa- 
cifié les  pays  qu'il  a  gouvernés.  Il  commence  par  des  observations  géo- 
graphiques sur  le  climat  et  l'es  productions  de  l'Inde  centrale;  il  arrive 
ensuite  à  l'histoire  de  cette  contrée,  et  il  décrit  d'une  manière  très-in- 
téressante l'invasion  barbare  des  Mahrattes,  dont  l'innombrable  cavale- 
rie fut  dispersée  par  la  tactique  européenne:  les  exploits  des  familles 
royales  de  Dhar  et  de  Sindia,  et  les  aventures  souvent  dramatiques  de 
la  vie   toute  guerrière  de  Hokar  et  d'Ameerkan.   On  remarque,  dans 
cet  ouvrage,  un  chapitre  important  sur  l'origine,  les  progrès  et  l'anéan- 
tissement des  Pindaris,   tribu  errante  et  belliqueuse  de  partisans   in- 
diens,  dont  les  légers  bataillons  harcelaient  sans  cesse  les  troupes  de 
la  compagnie.  (Voy.  Rev.  £nc. ,  Tom.  I ,  pag.   295.)  Aventuriers  par 
goût  et  voleurs  par  profession  ,  ces  barbares  pouvaient  lancer  sur  les  éla- 
tablissemeDS  florissaos  de  l'intérieur,  et  surtout  des  côtes,  3o,ooo  hom- 
mes de  cavalerie  armés  à  la  légère,   et  qui  dévastaient  tout  sur  leur  ra- 
pide passage.  Le  plus  hardi  des  chefs  Pindaris ,  Cheetoo ,  fut  forcé  de 
fuir,  en  1817,  dans  les  forêts  inaccessibles  de  Eirwass,  où  les  tigris  le 
dévorèrent,  sans  toucher  à  sa  tête,  qui  fut  rapportée  dans  le  camp  an- 
glais. La  nation  des  Pindaris  n'existe  plus.  Leur  dernier  chef,  Kurreen, 
fut  fait  prisonnier,  en  iSiS  ,  par  sir  John  Malcolm  ,  et  mourut  miséra- 
blement. Celte  horde  a  été  absorbée  par  une  compagnie  de  marchands, 
commet' aigle  d'Autriche  a  dévoré  Venise— Le  deuxième  volume  de  cet 
ouvrage  est  spécialement  consacré  aux  recherches  statistiques  et  de  po- 
pulation, aux  systèmes  législatifs,  aux  cours  de  justice.  On  y  recueillera 
surtout  des  ren.seignemens  curieux  relatifs  à  la  levée  des  impôts  ,  et  des 
conseils  sur  l'administration,  que  l'auteur  adresse  à  son  gouvernement, 
avec  une  franchise  peu  ordinaire  dans  les  hommes  en   place.  Un  volu- 
mineux appendice,  et  une  liste  explicative  de  noms  propres  indiens, 


LIVRES  ÉTBAISGERS.  577 

Icrmint-nl  l'ouvrage.  M.  Dangcrfitld  a  enrichi  ce  second  volume  d'un 
morceau  neuf  et  important,  la  description  géologique  et  physique  de 
la  province  de  Mahva.  C'est  peut-être  le  seul  travail  un  peu  complet 
de  ce  genre  qui  ait  été  entrepris  dans  l'Inde  anglaise.  Nos  lecteurs  ap- 
prendront avec  plaisir  qu'une  traduction  française  de  l'ouvrage  de  sir 
John  Malcolm  est  sur  le  point  de  paraître.  Ce  livre,  indépendamment 
des  faits  qu'il  renferme,  a  un  côté  fort  instructif  :  comme  tous  les  au- 
tres ouvrages  sur  l'Inde,  il  prouve  la  toute-puissance  de  l'industrieet du 
commerce.  La  compagnie  commande  à  vingt  royaumes;  elle  nourrit 
leurs  princes  détrônés,  et  ces  marchands  paient  exactement  des  pcn- 
«ions  aux  familles  des  rois.  Charles  Coqueriîl. 

210.  —  Sketch  ofthe  hislory  and  influence  ofthe  fress  in  hrilish  In- 
dia,  —  Esquisse  de  l'histoire  et  de  l'influence  de  la  presse  dans  l'Inde 
britannique;  par  Lkicesteb  Stawhope.  Londres,  182Ô  ;  Chapple.  In-8* 
de  194  pages. 

La  liberté  de  la  presse  est  une  idée  dont  on  ne  s'occupait  guère ,  il  y 
a  un  demi  siècle,  en  Asie.  Mais  des  états  y  naissent  et  se  développent  ; 
ce  sont  des  Européens  qui  les  forment;  il  est  tout  simple  qu'ils  y  trans- 
portent les  institutions  qu'ils  ont  chez  eux  ,  en  Europe  :  Us  Portugais 
transplantèrent  à  Goa  leur  inquisition;  les  Anglais  introduisent  à  Cal- 
cutta la  liberté  de  la  presse.  Cependant,  ce  n'est  pas  sans  peine  que 
l'on  est  parvenu  à  obtenir  dans  l'Inde  anglaise  les  avantages  dont  jouit 
la  métropole.  La  presse  a  déjà  eu  ses  vicissitudes  sur  les  bords  du  Gange; 
c'est  ce  que  nous  apprend  l'esquisse  du  colonel  Stanhope,  qui  a  servi 
dans  ce  pays ,  et  qui ,  par  conséquent ,  a  été  à  même  de  se  procurer  les 
documens  nécessaires.  L'auteur  prend  son  sujet  bien  haut;  il  part  des 
tcms  de  Timur  et  d'Akbar,  et  il  nous  assure  que  ,  sous  ces  sultans,  les 
Indiens  avaient  pleine  liberté  d'écrire.  Je  voudrais  bien  savoir  quels 
écrits  prouvent  l'existence  de  la  liberté  de  la  presse,  sous  ces  monarques 
musulmans.  ]\L  Stanhope  assure  encore  que  ,  pendant  que  Warren-Has- 
lings,  lord  Cornwallis  et  sir  John  Shore  étaient  gouverneurs  de  l'Inde, 
on  écrivait  dans  ce  pays  tout  ce  que  l'on  voulait.  L'auteur  aurait  dû  ci- 
ter quelques  faits  à  l'appui  de  son  assertion.  Lord  Wellesley  vint  enfin 
introduire  la  censure,  après  l'affaire  d'un  M.  Allan  INIaclean,  le  même 
qui,  dans  la  suite,  a  observé  avec  tant  d'intrépidité  les  symptômes  et 
la  marche  de  la  peste  en  Turquie.  M.  Maclean  s'était  plaint  dans  les 
journaux  de  quelques  abus  de  l'administration  de  la  justice  :  on  avait 
voulu  le  contraindre  à  demander  pardon  aux  juges;  il  s'y  était  refusé. 
Le  gouverneur  l'avait  fait  arrêter,  et  l'avait  renvoyé  ensuite  en  Europe. 
Quand  lord  Moira  ,  maintenant  marquis  d'Hastings,  parvint  au  gouver- 


578  LIVRES  ÉTRANGERS. 

nement  de  l'Inde,  il  abolit  la  censure  de  son  prédécesseur,  du  moins 
dans  la  présidence  de  Calcutta  ;  il  rendit  la  presse  libre,  mais  sous  les 
restrictions  suivantes  :  €  i»  Les  auteurs  ne  pourront  point  blâmer  les 
mesures  et  les  démarches  de  l'honorable  cour  des  directeurs  (ie  la  Com- 
pagnie des  Inde^) ,  ni  d'autres  autorités  anglai-es  chargées  de  l'adminis- 
tration publique  dans  l'Inde;  ils  ne  pourront  point  discuter  les  actes 
publics  des  administations  locales  de  l'Inde,  ni  censurer  la  conduite 
publique  des  membres  du  conseil,  des  juges  de  la  cour  suprême,  et  du 
lord-évêquc  de  Calcutta.  2°  lis  doivent  éviter  toutes  les  discussions  ten- 
dant à  répandre  des  alarmes  ou  dessoupçons  parmi  les  indigèaesj  rela- 
tivement à  quelque  intervention  européenne  dans  leur  culte  et  religion. 
5°  Ils  ne  pourront  réimprimer  des  passages  de  journaus.  anglais  qui  ap- 
partiendraient aux  deux  catégories  précédentes,  et  qui  nuiraient  au 
pouvoir  britannique  dans  l'Inde.  4°  l's  doivent  éviter  le  scandale  privé, 
et  des  remarques  personnelles  sur  les  individus,  si  ces  remarques  sont 
de  nature  à  ciciter  des  dissensions  dans  la  !<ociété.  •  Le  marquis  d'Has- 
tings  reçoit  du  colonel  Stanhope  de  grands  éloges,  et  il  se  peut  qu'il  les 
mérite;  je  ne  connais  pas  assez  l'histoire  de  son  administration  pour 
prononcer  sur  ce  point.  Accordons  aussi  au  colonel  Stanhope,  que  c'est 
dans  des  intentions  très-louables  que  le  gouverneur  a  imposé  ces  restric- 
tions à  la  presse.  L'auteur  en  cite  une  preuve.  D'imprudens  mission- 
naires, après  s'être  familiarisés  avec  les  langues  des  indigènes,  se  ser- 
vaient de  ces  idiomes  pour  prouver,  dans  des  termes  virulens,  aux  Hin- 
dous, l'absurdité  de  leur  culte  et  de  leurs  préjugés  religieux.  Les  indi- 
gènes, loin  de  se  convertir  au  christianisme  à  la  suite  de  ces  prédica- 
tions, s'irritaient  contre  les  Européens,  et  les  haïssaient  un  peu  plus 
qu'auparavant.  On  pense  bien  que  la  Compagnie  des  Indes  n'a  pu  voir 
d'un  œil  tranquille  ce  zèle  intempestif,  qui  pouvait  disposer  les  Hindous 
à  se  révolter  contre  l'ordre  de  choses  actuel;  il  a  donc  fallu  mettre  un 
frein  au  prosélytisme  :  c'est  ce  qui  a  donné  lieu  a  la  seconde  des  restric- 
tions imposées  a  la  presse  par  le  marquis  d'Hastings.  Mai»  cette  part 
faite  par  la  prudence  est  si  considérable,  que  la  presse  perd  à  peu 
près  ce  qu'elle  peut  avoir  de  salutaire  dans  l'Inde.  En  effet,  si  elle  ne 
peut  éclairer  la  conduite  publique  des  autorités,  signaler  les  abus, 
avertir  des  démarches  mal  réfléchies,  l'écrivain  se  trouve  privé  de  sa 
plus  belle  mission,  et  il  ne  lui  reste  d'autre  rôle  que  celui  d'amuser  les 
lecteurs,  au  lieu  d'instruire  la  nation.  Comme  chaque  gouverneur  de 
rinde  britannique  arrive  à  son  poste  avec  un  système  particulier,  11  se- 
rait passible  que  le  succesoeur  du  marquis  d'Hastings  n'eût  pas  main- 
tenu les  dispositions  de  son  prédécesseur.  Dans  tous  les  cas ,  il  serait  à 


LIVRES  ÉTRAiSGERS.  579 

lésirer  que  le  priucipe  de  la  liberté  de  la  presse  fût  reconnu  comme  loi 
ondamentale,  et  que  Ton  ne  put  varier  que  sur  la  manière  de  prévenir 
ïs  abus.  D — G. 

^11.  —  ^n  Essay  on  criminal  laws.  —  Essai  sur  les  lois  criminelles; 
ar  Andrew  GtLV,t.-s.  Londres,  1825  ;  Longman.   Brochure  in-8». 

L'auteur  de  cette  brochure  discute  avec  beaucoup  d'habileté  sur  la 
lature,  le  but  et  l'application  des  lois  criminelles.  Selon  lui,  les  ofiense.s 
ontre  les  individus  et  contre  la  société  doivent  seules  être  punies.  11 
e  voudrait  pas  qu'on  imposât  de  peines  légales  aux  personnes  accusées 
'cireuses  envers  la  Divinité,  genre  de  délit ,  dit-il,  qu'il  est  fort  difE- 
ile,  sinon  impossible,  de  déterminer  d'une  manière  précise.  Ce  raison- 
lenient  semble  faux,  car  tout  scandale  réafjit  sur  la  société,  qui  doit 
tre  protégée  par  les  lois.  Du  reste,  au  milieu  de  beaucoup  de  sopbis- 
nes ,  il  y  a  dans  ce  petit  ouvrage  des  aperçus  lumineux  et  quelques 
Jées  saines. 

212. — Tite  triais  ofMarijared  Lyndsay. — Les  épreuves  de  Marguerite 
/Vndsay,  par  lauleur  des  Ombres  et  des  clairs  de  ta  vie  Ecossaise,  d'yi- 
lam  Blaie  ,  etc.  Edimbourg,  1823.  Londres,  William  Blackwood  et  T. 
ladell.  Un  vol,  in-12,  de  4o5  pages. 

Il  y  a  un  talent  très-remarquable  dans  ce  roman,  dont  néanmoins, 
.'S  incideus  sont  souvent  fort  cxtravagans.  On  y  voit  figurer  des  person- 
lagcs  d'autant  plus  ignobles,  qu'ils  sont  peints  avec  vérité.  L'auteur 
st  doué  du  talent  d'observateur  et  de  beaucoup  d'énergie;  mais  il  abu- 
e  parfois  de  cette  dernière  qualité.  11  semble,  du  reste,  avoir  écrit  sous 
influence  d'une  secte  religieuse,  et  l'on  pourrait  le  croire  méthodiste. 
I  promène  son  héroïne  de  malheurs  en  malheurs,  qui  sont,  comme 
annonce  le  tilie,  autant  d'épreuves  dont  elle  sort  victorieuse.  Les  gens 
icieux  qui  l'entourent,  servent  à  faire  ressortir  son  innocence.  Les  ca- 
astroplies  terribles  se  succèdent  avec  une  effrayante  rapidité;  les  scènes 
le  désolation  remplissent  la  moitié  du  volume.  Dans  cet  ouvrage,  la  ré- 
gion a  des  formes  austères,  qui  éveillent  plutôt  la  crainte  que  l'atten- 
Irissement.  Le  talent  de  l'auteur  a  une  teinte  sombre  et  parfois  fanati- 
[ue  ;  il  finit  pourtant  par  <lonner  la  palme  à  la  vertu.  Après  bien  des 
ribulations,  Marguerite  devient  enfin  heureuse;  mais  on  ne  comprend 
las  qu'elle  puisse  le  devenir;  on  sent  qu'à  sa  place  on  ne  saurHit  plus 
être.  Elle  a  vu  son  père  livré  au  vice  et  à  la  misère,  condamné  à  des 
leines  infamantes.  Elle  a  vu  mourir  ses  sœurs,  ses  amis  ;  une  jeune  fille 
[u'clle  aimait  s'est  corrompue.  L'époux  qu'elle  avait  choisi  a  une  pre- 
uière  femme  et  un  enfant  qui  viennent  l'arracher  des  bras  de  Margue- 
ile;  il  s'enfuit,  sa  femme  meurt,  et  après  une  longue  absence,  il  vient 


58o  LIVRES  KTRANGEES. 

retrouver  celle  dont  il  avait  trompé  la  coofiancc.  Voilà  le  bonheur  qui  a 
coûté  tant  d'épreuves  et  de  chagrins  à  la  pauvre  fille.  Il  semble  quel» 
plume  de  l'auteur  se  prête  à  rcgrvt  à  lui  accorder  cette  compensation 
de  SCS  pi  ini's;  et  quelle  compensation!  On  voit  combien  le  plan  est  dé- 
raisi>nnabIo  ;  mais  les  déldils  sont  quelquefois  étouuans  de  vérité.  Il  se- 
rait à  désirerquePauteur  de  iN'aiguerite  Lindsay  pût  étudier  une  nature 
plus  riante  ,  ou  que  du  moins  il  ne  rembrunît  pas  autant  ses  ta- 
bleaux. 

210.  — Transactions  oflhe  Society  oftfie  Antiquaries  of  ScoUand. — 
Transaction  de  la  Société  des  antiquaires  de  l'Ecosse.  Tome  II ,  se- 
cor)de  partie.  Edimbourg,  iJ<25;  W.  el  C.  Tait.  Un  vol.  in-4°5  de  544 
pages. 

Les  antiquités  de  l'Erosse  étaient  négligées ,  lorsqu'une  association 
s'est  formée,   dans  le  but  de  sauver  de  l'oubli  les  monumens  anciens. 
Mais,  déjà,  elle  semble  disposée  àse  livrer  aux  commentaires,  aux  con- 
jectures savantes;  déjà  elle  abandonne  les  faits  pour  les  suppositions.  Il 
serait  à  désirer  qu'une  pareille  société  s'occupât  surtout  à  recueillir  les 
traditions  qui  ont  rapport  aux  édifices  gothiques,  qu'elle  embrassât  l'en- 
semble des  sitcles  passes,    qu'elle  fût  la  dépositaire  de  tout  ce  qui  se 
rattache  à  l'histoire  locale  d'un  pays,  qu'elle  ne  se  bornât  pas  aux  des- 
sins fidèles  des  vieux  châteaux,  des  couvens  ,  des  abbayes;  mais  qu'elle 
nous  donnât  l'historique  de  ses  babitans,  leurs  traits  caractéristiques.  De 
quel  prix  seraient  ces  annales  pour  les  historiens,  les  romanciers  et  les 
poètes!   Que  de  recherches  elles   éviteraient!   Combien  de  genres  de 
gloire  elles  serviraient!    Quel   charme  ne  prètcraient-elles  pas  à  l'his- 
toire d'un  pays!  Mais  une  fidélité  sciupulcuse  devrait  être  leur  première 
règle.  Ces  registres  n'auraient  de  valeur,  que  pour  leur  exactitude.  L'his- 
toire des  tems  les  plus  reculés  prendrait  une  couleur  vraie;   les  délaiU 
ajouteraient  un  nouvel  intérêt  a  l'ensemble.  —  Mais,  laissant  ce  qui  de- 
vrait être  pour  ce  qui  est,  revenons  au  volume  que   nous  annonçons,  il 
se  compose  de  dix-sept  articles  :  l'un  a  rapport  à  l'Angleterre;  un  autre 
a  la  Grèce  ;  un  troisième  à  l'ile  de  Man  ;  tout  le  reste  traite  de  l'Ecosse. 
Le   premier  de   ces  articles,  consacré  à  rechercher  le  lieu  où  se  passa 
l'action  entre  Galgacus  et   l'armée  romaine,  est  intéressant;  mais  il  est 
singulier  que  ce  sujet  soit  encore  discuté.  L'auteur  prouve  assez  victo- 
rieusement que  c'est  à  St  ne-Havcn  qu'eut  lieu  ce  combat,  et  non  à 
Ardoch  ou  à  Comrie ,  comme  on  l'a  dit.  — Une  description  de  quelques 
colonnes  sculptées  dans  le  nord  de  l'Ecosse  est  accompagnée  de  des- 
sins. —  Le  catalogue  des  livres  appartenant  à  la  cathédrale  de  Glasgow, 
par  ÎM.  DilioD,  cet  un  document  plein  d'intérêt  el  suivi  de  remarques  ju- 


LIVRES  ETRANGERS.  5Si 

dicieuses.  Ce  catalogue  confirme  cette  opinion,  que  les  anciennes  bi- 
bliothèques ecclésiastiques  de  l'Ecosse  avaient  peu  de  valeur  et  ne  ren- 
fermaient aticun  des  auteurs  clas-iquos.  —  L'article  qui  vient  ensuite  est 
le  plus  long,  le  pius  savant,  et  le  plus  important  du  recueil.  C'est  uu 
Essai  historique  sur  un  des  événeniens  les  plus  remarquables  de  l'an- 
cienne histoire  écossaise ,  sur  lequel  les  historiens  écossais  ont  formé  des 
conjectures  très  inexactes,  la  célèbre  expédition  de  Ilaco,  roi  de  Nor- 
vège, et  la  bataille  de  Largs,  qu'il  livra  aux  Écossais.  —  Le  docteur  Boog 
décrit  la  tombe  «le  la  reine  Bleary,  dans  l'église  abbatiale  de  Paisley.  — 
On  mémoire  sur  les  inscriptions  runiques,  termine  les  articles  de  l'K- 
cosse ,  dont  nous  n'avons  cité  que  les  principaux.  En  général ,  ce  volu- 
me est  riche  en  matériaux  ;  mais ,  comme  nous  l'avons  dit ,  on  y  remar- 
que plutôt  une  tendance  aux  discussions  sur  les  divers  points  d'archéo- 
logie, qu'une  direction  philosophique  vers  un  but  réfl  d'utilité. 

2i4. — Scvcntecnth  report  ofthe  direclors  ofthe  African  fnsfilution. 
—  Dix-septième  rapport  des  directeurs  de  l'Institution  africaine,  lu  à 
l'assemblée  générale  qui  s'est  tenue  le  16  mal.  Londres,  iSiô;  Colburn. 
Un  vol.  in-S";  prix  4  scheilings. 

Il  est  affreux  de  voir  échouer  les  efforts  de  tous  les  phi'antropes  éclai- 
rés qui  se  sont  réunis  pour  abolir  enfin  l'odieuse  traite  des  noirs.  Le» 
gouvernemens  opposent  leur  apathique  insouciance  aux  appels  répété» 
des  hommes  humains  ,  et  aux  cr:s  des  victimes.  On  trouve,  dans  ce  rap- 
port, le  récit  détaillé  des  importantes  négociations  de  Vérone  à  ce  su- 
jet; mais  ni  représentations,  ni  prières  n'ont  pu  vaincre  l'inertie  des 
gouvernemens.  Cette  brochure  contient  aussi  des  informntions  intéres- 
santes sur  les  tentatives  laites,  dans  différentes  parties  du  monde,  pour 
abolir  la  traite  des  noirs.  On  y  fait  mention  du  comité  pour  l'abolition 
de  la  traite  ,  établi  dans  le  sein  de  la  Société  de  la  morale  chrétienne , 
fondée  à  Paris  depuis  deux  ans.  Vient  ensuite  une  notice  sur  les  Socié- 
tés qui  ont  été  formées  et  qui  se  forment  encore  dans  différentes  parties 
de  l'Angleterre,  et  dont  le  but  est  de  faire  dispaïaître  l'esclavage  dan» 
les  colonies  anglaises.  Il  est  probable  que  ces  Sociétés  publitrout  les 
documens  les  plus  précis  sur  cette  question ,  et  qu'à  la  prochaine  séan- 
ce du  parlement,  elles  renouvelleront  leurs  demandes  en  faveur  d'un 
nouvel  ordre  de  choses.  Les  maux  occasionés  par  l'esclavage  en  Amé- 
rique ne  semblent  pas  être  du  domaine  de  l'Institution  Africaine  ,  puis- 
qu'il n'en  est  point  parlé  dans  ce  rapport.  iVlais  ces  maux  s'aggravent 
rapidement;  et  si  les  amis  de  la  justice  et  de  rhumanité  ne  redoublent 
pas  de  zèle  et  d'énergie,  un  système  infâme  de  tyrannie  et  de  souffrance, 
ieiublable  à  celui  de  Saint-Domingue >   i'organisera  aux  £tats-Unii. 


58a  LIVRES  ETRANGERS. 

On  assure  qu'on  s'occupe  du  moyen  d'inlroduire  l'esclavage  dans  ceux 
des  états  où  il  n'existe  pas  encore.  Si  cela  était  possible  dans  le  pays  de 
la  libellé  et  de  la  tolérance  religieuse,  où  donc  la  justice  et  Thuinanité 
auraient-elles  désormais  un  asile?  L.  Sw.-Belloc. 

2i5.  —  Brilish  and  foreign  pinlantroptc  Society,  for  ihe  fermement 
relief of  the  laboiiring  classes.  —  Société  philantropique  et  étrangère, 
pour  le  soulagement  des  classes  laborieuses.  —  Prospectus.  —  Londres, 
iSaô;  Applegath.  lu-fol. 

On  vient  de  fonder  à  Londres  une  Société  dont  le  but  est  d'offrir  aux 
classes  inférieures  des  secours  permanens,  en  établissant  des  commu- 
nautés, dans  le  sein  desquelles  la  coopération  active  de  chaque  membre 
contribuera  à  l'ai.sance  générale  ,  et  qui,  au  moyen  de  l'éducation  ,  des 
bons  exemples  et  du  travail ,  doivent  réussir  à  extirper  les  maux  enfan- 
tés par  l'ignorance,  les  habitudes  vicieuses  ,  la  misère  et  l'oisiveté.  Cette 
Société,  véritablement  philantropique,  ne  restreint  pas  sa  sphère  d'ac- 
tion à  la  seule  Angleterre;  elle  veut  l'étendre  sur  toute  la  surface  du 
globe  ;  et ,  à  cet  effet,  elle  a  pris  des  mesures  pour  faire  connaître  aux 
classes  élevées  de  tous  les  pays,  comment  elles  peuvent ,  sans  sacriGcc 
pécnniaire,  et  peut-être  même  avec  des  avantages  réels,  concourir  à 
cette  œuvre  de  bienfaisance.  Le  prospectus  publié  dans  ce  but  est  sous 
nos  yeux.  Il  expose  d'abord  l'organisation  de  la  Société;  puis,  il  offre 
les  règlemens  qui  doivent  servir  de  base  à  la  formation  des  communau- 
tés projetées.  IS'ous  ne  pouvons  que  reconnaître  l'utilité  dont  seraient 
de  semblables  établissemens,  et  approuver  les  règlemens  que  l'on  con- 
seille de  leur  appliquer.  Ce  sont  des  vues  analogues  à  celles  que  la  Revue 
a  eu  déjà  occasion  de  signaler,  dans  une  notice  sur  la  colcoie  de  New- 
Lanark,  en  Ecosse,  et  sur  les  travaux  de  Robert  Owen.  [^oy.  T.  XVIII, 
pag.  5.)  Il  s'agit  de  réunir  les  communautés  dans  un  village,  où  l'on 
affecterait  une  étendue  de  terrain  suËfisanle  pour  subvenir  aux  besoins 
de  tous.  Les  travaux  des  membres  seraient  répartis  en  7  départemens  , 
ceux  de  l'agriculture  ,  des  manufaclurcs  et  métiers  ,  du  commerce,  de 
l'économie  domestique  ou  police  intérieure  des  habitations,  de  la  police 
extérieure,  de  l'hygiène  et  de  la  médecine,  enfin  ,  de  l'éducation.  Les 
talens ,  les  forces  de  chaque  individu  se  trouveraient  ainsi  convenable- 
ment employés  pour  le  bien  de  tous.  Nous  abrégeons  beaucoup  les  dé- 
tails assez  longs  que  contient  ce  prospectus,  pour  en  extraire  quelques- 
uns  des  articles  les  plus  remarquables.  — Article  i^.  Coinme,  d  après 
les  arrangeruens  proposés,  chaque  invention  pour  abréger  et  simplifier 
le  travail  des  hommes  sera  la  cause  d'une  augmentation  du  bien-être  gé- 
néral, un  des  premii.rs  soins  sera  d'inlroduire,  autant  que  possible ,  dans 


LIVRES  ETRA^^GERS.  583 

la  communauté,  tous  les  perfectionncmens  modernes  dus  aux  sciences, 
et  dont  le  lésullat  sera  de  l'.iire,  du  travail  manuel ,  un  exercice  salutaire 
et  agréable.  —  /article  i8.  Pour  éviter  les  maux  inséparables  d'un  sys- 
tème de  crédit,  toutes  les  transactions  commerciales  auront  lieu  en  ar- 
gent comptant.  —  Articto  21.  Les  occupations  des  femmes  seront  la 
préparation  des  alimens,  le  soin  des  vêtemens  et  des  maisons,  l'éduca- 
tion première  et  partielle  des  enl'ans.  —  Les  articles  22  et  23  ont  pour 
objet  les  règlemens  relatifs  à  la  propreté  ,  à  l'bygiène  et  aux  secours  dus 
aux  malades. —  L'article  24  traite  de  l'éducation.  Ellcser.i  la  même  pour 
tous  les  enfans.  Elevés  ensemble,  habitués  à  ne  former  qu'une  seule  fa- 
mille, ils  s'accoutumeront  aussi  de  bonne  heure  à  l'égalité  de  droits,  qui 
est  une  des  bases  de  la  communauté.  Ils  apprendront  à  lire ,  à  écrire ,  à 
compter  couramment.  On  leur  enseignera  les  élémens  des  sciences  uti- 
les, entre  autres,  de  la  géographie  et  de  l'iiisloire  naturelle.  On  leur  don- 
nera des  notions  d'agriculture  et  d'économie  domestique;  lisseront, 
de  plus,  exercés  à  un  art  mécanique,  ou  à  quelque  autre  occupation  uti- 
le. Pour  former  leur  intelligence,  pour  les  rendre  charitables  et  bien- 
veillans,  on  s'attachera  surtout  à  leur  donner  une  connaissance  exacte 
d'eux-mêmes  et  de  la  nature  humaine.  Les  exercices  gymnastiques  n'ont 
pas  été  oubliés.  A  seize  ans,  les  jeunes  gens  auront  le  droit,  soit  de  de- 
venir membres  de  la  communauté ,  soit  de  rentier  dans  la  société  géné- 
rale, avec  tous  les  avantages  qu'il  sera  possible  de  leur  procurer.  Du 
reste,  tout  membre  de  la  communauté  a  la  libcité  de  la  quitter,  et  il  re- 
çoit alors  tous  les  secours  que  les  circonstances  permettent  de  lui  accor- 
der. Des  matrones  sont  choisies  poui  diriger  les  jeunes  mères  dans  les 
soins  qu'elles  doivent  à  leurs  nourrissons.  Nous  ajouterons  encore  queP 
ques-uns  des  passages  les  plus  curieux.  —  Article  27.  En  hiver,  ou  dans 
les  mauvais  tems,  il  y  aura  des  amuscmens  et  des  délai^semens  intérieurs, 
propres  à  soulager  des  fatigues  et  des  occupalious  ordinaires. — Art.  28. 
Chaque  membre  aura  une  liberté  entière  de  conscience.  —  Article  3i. 
Un  membre  nouveau  ne  sera  admis  qu'après  le  consentement  des  trois 
quarts  des  membres.  —  Article  53.  Tout  individu  dont  la  conduite  sera 
jugée  nuisible  au  repos  ou  au  bien  être  général,  quittera  la  communauté  , 
sur  la  décision  des  trois  quarts  des  membres.  —  Article  38.  Comme  ce 
système  est  directement  opposé  à  toute  espèce  d'exclusion  ou  de  mys- 
tère, les  étrangers  auront  une  entière  facilité  d'étudier  les  lois  et  la  situa- 
tion de  la  communauté.  —  A'ous  n'avons  pas  encore  parlé  Ce  la  manière 
dont  cette  communauté,  ou  plutôt  dont  toutes  les  communautés,  éta- 
blies sur  ce  plan,  seront  dirigées  et  gouvernées.  Comme  la  Société  phi- 
lantropiquc  fera  tous  les  frais  nécessaires  à  leur  établissement ,  elle  se 


584  LIVRES  ETRANGERS. 

réserve  de  nommer  annuellement,  à  cet  effet,  un  comité  de  douze  mem^ 
bres.  Mais,  aussitôt  que  la  communauté  aura  remboursû  les  avances, 
elle  aura  seule  le  droit  de  nommer  les  membres  de  son  conseil  d'admi- 
nistration,  subdivisé,  comme  nous  l'avons  vu ,  en  sept  conseils,  dont 
chacun  aura  son  département  distinct.  Le  conseil  d'administration  sera 
chargé  de  communiquer  au  gouvernement  du  pays,  toutes  les  fois  que 
cela  sera  nécessaire,  les  détails  et  les  explications  qui  pourraient  être 
demandés  sur  l'état  et  les  affaires  de  la  communauté.  —  Nous  avous  saisi 
avec  empressement  cette  occasion  de  participer  à  une  belle  entreprise, 
en  contribuant  à  la  faire  connaître.  Sans  doute,  l'exécution  de  ces  pro- 
jets d'une  pbilantrople  éclairée  est  difBcile,  mais  il  n'est  point  d'obs< 
tacle  que  le  véritable  zèle  ne  puisse  surmonter.  Ce  que  des  hommes 
gans  volonté  forte  auront  appelé  de  beaux  rêves,  des  hommes  actifs  et 
énergiques  parviendront  à  le  réaliser.  Il  faut  faire  des  vœux  pour  que 
l'énergie  nécessaire  soit  unie  ,  chez  les  membres  de  la  Société  philan- 
tropique ,  aux  lamiéres  dont  ils  ont  donné  des  preuves ,  en  publiant  leur 
plan.  A.  J. 

2 16.  —  La  Bibliotheca  americana.  —  Bibliothèque  américaine,  T.  I*' 
(juillet,  août  et  septembre  1825).  Londres,  i825;  imprimerie  de  doo 
G.  Marchant.  —  Bossange,  Great-Mariborough-Stieet ,  n°  i4.  Prix,  18 
schellings  les  trois  cahiers,  qui  composent  le  premier  volume. 

Lorsque  nous  avons  publié  le  prospectus  de  cet  ouvrage,  nous  nous 
«ommes  bornés  à  exposer  le  but  et  le  plan  des  éditeurs,  et  les  moyens 
dont  ils  s'étaient  environnés  pour  le  succès  de  leur  entreprise.  Les 
trois  premiers  numéros  qui  viennent  de  paraître  donnent  lieu  à  quel- 
ques observations,  par  lesquelles  nous  allons  commencer,  avant  de 
rendre  un  compte  sommaire  des  objets  traités  dans  ce  premier  vo- 
lume de  la  BiUiothèque  américaine.  —  Cet  ouvrage  est  rédigé  pour 
les  nouveaux  états  de  l'Amérique,  formés  par  l'émancipation  des  co- 
lonies espagnoles.  Les  rédacteurs  sont  citoyens  de  l'une  de  ces  répu- 
bliques; ils  viennent  recueillir  en  Europe  les  connaissances  qui  leur 
paraissent  les  plus  utiles  à  leur  patrie.  Ils  sont  actuellement  en  An- 
gleterre, où  la  liberté  de  la  presse  éprouve  le  moins  d'entraves;  et, 
s'ils  avaient  connu  sur  le  continent  une  station  aussi  sûre,  aussi  com- 
mode ,  aussi  bien  pourvue  de  ce  qu'ils  veulent  importer  dans  leur  pa- 
trie, ils  l'auraient  peut-être  préférée  à  celle  de  Londres  :  ils  imi- 
tent le  navigateur  qui  choisit  les  ports  les  plus  sûrs,  sans  tenir  compte 
des  droits  d'ancrage.  On  doit  dune  considérer  leur  travail  comme  ap- 
partenant aux  lettres  américaines  ,  quoiqu'il  sorte  des  presses  anglaises, 
de  même  que  les  enfans ,  nés  dans  le  cours  d'un  voyage,  sont  étranger* 


LIVRES  ETRANGERS.  585 

au  lieu  de  leur  naissance,  et  adoptés  parla  patrie  de  leurs  parcns.  La 
Bihliollièqtic  américaine  est  réellement  une  production  des  nouvelles 
répubiiquis  du  Woiiveau-Moade ,  et  c'est  en  cette  qualité  qu'on  doit 
s'e^n|l^<■s^er  de  l'accuciliir  dans  toute  la  lépublique  des  lettres. —  Les  ré- 
daclcnra  de  cet  ouvrage  admettent  les  trois  divisions  suivantes:  \°  Hu- 
maniti's  et  arts  libcraux;  2°  sciences  niathf.ina tiques  et  physiques,  et 
leurs  a;ipiicationâ  ;  Ti"  id^^oiogie ,  morale  ci  histoire.  Chacune  de  ces 
divi-.ions  forme  un  cahier  séparé,  et  les  éditeurs  ne  s'attachent  point  à 
donner  a  tous  les  cahiers  à  peu  près  la  môme  grosseur  :  ils  se  règlent  sur 
l'abond.ince  des  matières,  ou  d'après  les  besoins  de  leurs  compatriotes. 
Peur  nous  autres  Euiopéens,  la  première  et  la  troisième  divisions  nous 
offriront  long-tems  plus  d'objets  nouveaux  que  la  seconde,  sur  laquelle 
l'Amérique  n'est  pas  eucore  en  état  àc  suivre  les  travaux  des  savans  eu- 
ropéens. Eu  iiltératiire,  les  productions  des  pays  éloignés,  où  les  mœurs 
ne  sont  pas  tout-à-fait  les  nôtres  ,  et  où  les  objets  de  la  nature  sont  très- 
dilférens,  ont  nécessairement  un  caractère  d'^étranjeté  qui  excite  la  cu- 
riosité ;  en  histoire  et  en  morale ,  tous  les  peuples  contribuent  également 
à  l'instruction  de  tous,  en  rai?on  des  événemens  et  des  faits  observés. 
Dans  la  partie  liilcraire  de  ce  premier  volume ,  on  lira  avec  intérêt  une 
dissertation  .-.ur  les  teuvres  poétiques  de  Cicnfucgos,  poète  espagnol  peu 
connu  hors  de  sa  patrie,  quoique  très-estimé  de  ses  compatriotes.  Mais, 
ce  qui  sera  lu  avec  plus  d'intérêt  encore ,  c'est  une  exposition  sommaire 
des  antiquités  du  Pérou,  des  observations  sur  les  lois  coloniales  de 
riDspagne,  et  sur  l'indépendance  de  ses  plus  importantes  colonies;  un 
ordre  au  vice-roi  du  Pérou,  portant  la  suppression  d'un  collège  fondé  à 
Lima  pour  l'instruction  des  enfans  des  anciens  Caciques,  à  cause  du 
danger  de  répandre  l'iustruction  parmi  ces  hommes;  le  récit  de  plu- 
sieurs traits  de  courage  des  femmes  américaines;  l'histoire  de  la  répres- 
sion des  premiers  troubles  de  la  ville  de  Lapaz,  en  1809;  le  siège  de 
Carthagène  par  Morillo  ,  la  conduite  atroce  de  ce  chef  envers  les  mal- 
heureux liahitaos  de  cette  ville,  et  elle  du  brigadier  Calleja  envers  les 
babitans  de  Guaiiaxuato  ,  qui  avaient  osé  défendre  leur  ville  :  «  Demain 
et  les  jours  suivans,  écrivait-il  au  vice-roi  du  Pérou,  je  ferai  passer  par 
les  armes  une  partie  des  plus  coupables,  pris  dans  tous  les  rangs;  et, 
si  CG\.X*t  déutonstration  n'est  pas  suCQsante ,  que  votre  grâce  veuille  bien 
me  mauder  ce  que  je  dois  faire,  d  Et  c'est  dans  un  pays  ,  témoin  de  tous 
ces  crimes  ,  que  l'on  ose  proposer  une  amnistie  aux  victimes,  pourvu 
qu'elles  rentrent  sous  la  domination  di*  leurs  bourreaux  ; — Aous  ne  per- 
drons pas  de  vue  cet  intéressant  recueil,  et  nous  oonsacerons  un  article 
plus  étendu  aux  livraisons  qui  ne  tarderont  point  à  paraître  ;  car  les  ré- 
T.  XX.. — Décembre  ibaâ.  58 


586  LITRES  ETRAISGERS. 

dacteurs  annoncent  la  résolution  de  surmonter  toutes  les  difiîcuîlés,  et 
de  continuer  leur  louable  entreprise  avec  autant  de  zèle  qu'ils  l'ont 
commencée.  F. 

21'j.  —  The  asiatic  journal ,  etc.  —  Journal  asiatique.  Cahier  d'oc- 
tobre 1820,  n»  XCIV,  Vol.  XVI.  Londres,  1823 ;  Kingsbury,  Parbury. 
Cent  pages  iu-S";  prix  ,  2  schellings  6  pences. 

Ce  journal,  auquel  nous  empruntons  quelquefois  des  nouvelles  de 
l'Asie,  est  plus  spécialement  destiné  à  faire  connaître  la  nature  des  pos- 
sessions anglaises  dans  l'Inde,  le  climat,  les  productions  du  pays,  les 
ressources  qu'il  offre,  les  mœurs  des  habitans  ,  etc.  Comme  nous  avons 
déjà  eu  l'occasion  d'en  parler,  nous  renvoyons  le  lecteur  au  XVI*"  volu- 
me de  la  Revue,  page  52j,  où  il  trouvera  des  délails  sur  son  plan,  son 
but,  et  sur  les  principaux  articles  de  la  8'  livraison.  Celle  que  nous  an- 
nonçons contient,  entre  autres  choses  curieuses  :  1»  Un  aperçu  du  sys- 
tème religieux  des  Hindous.  L'auteur  s'appuie  du  témoignage  et  des  ob- 
servations de  M.  Lanjuinais,  développées  dans  son  analyse  de  l'Oup- 
nek'hat,  traduit  en  latin  par  Anquelil  Duperron  ;  analyse  insérée  dans 
le  Magasin  Encyelopùdîque  i-'iViin<j,  pour  combattre  les  opinions  de 
M.  Alill,  dans  son  Histoire  des  Indes  britanniques.  2°  Une  description 
abrégée  du  ilalwah.  3"  La  suite  de  l'édit  sacré  de  l'empereur  Kang-he  , 
avec  les  caractères  chinois  et  leur  signification.  4°  Le  récit  d'un  AnglaL», 
qui  est  parvenu  à  empêcher  une  veuve ,  de  la  caste  Kunaït,  de  se  brûler 
vivante  sur  le  bûcher  de  son  mari.  5°  L'analyse  d'une  petite  brochure  in- 
dienne, par  un  naturel  du  pays,  présentatit  des  notions  sur  la  religion  des 
Hindous.  6°  Des  palenles  du  roi  de  Cocbinchine,  traduites  du  français  de 
Bissachère.  7°  Une  visite  aux  cbréliens  de  la  Syrie,  tirée  du  Journal  d'un 
voyage  dans  l'Inde  mcridîonale,  en  1821  et  1822,  par  un  officier  de  ca- 
valerie anglaise.  8°  Nouveau  système  de  législation  en  Polynésie,  Otahili. 
(Voy.  Rev.  Enc,  T.  XIX ,  p.  210).  9°  Les  règlemens  du  nouveau  port 
de  Singapour.  (Voy.  Rev.  Enc.,Tota.  XIX,  pag.  463,  les  délails  que 
nous  avons  donnés  sur  cet  établissement,  traduits  de  l'anglais  du  Jour- 
nal asiatique],  10°  Lettre  sur  la  civilisation  de  l'Inde,  adressée  à  l'édi- 
teur. 1 1*  Examen  de  caractères  arabes  gravés  à  Paris  ,  par  Mole,  sous  la 
direction  de  ^L  Langlès,  et  d'un  spécimen  de  l'imprimerie  d'Everat. 
12»  Extrait  d'une  lettre  de  Java,  en  date  du  6  janvier,  annonçant  l'ir- 
ruption de  plusieurs  volcans  dans  différentes  parties  de  l'île.  i3°  Revue 
d'ouvrages  concernant  les  Indes,  entre  autres,  des  lettres  sur  l'état  du 
christianisme  dans  l'Inde,  par  l'abbé  Dubois  ,  missionnaire  dans  le  Mis- 
sour.  14°  Nouvelles  philosophiques  et  littéraires,  tic.  L.  Sw.  B. 


LIVRES  ETRANGERS.  587 

RUSSIE. 

218.  —  Grammaire  russe,  à  l'usage  des  étrangers  qui  désirent  con- 
naître à  fond  les  principes  de  celte  langue ,  précédée  d'une  Introduction 
sur  la  laiipie  slavonnc;  par  Ch.  Ph.  Beiff  (en  français!.  Saint  Pëters- 
bouffç,  18/1;  impiiiiierie  de  N.  Gret,ch.  Paris,  Dulart,  quai  Voltaire. 
In-8"  lie  xvi  et  296  pascs. 

Les  derniers  événeuien*  arrivés  en  Europe,  et  dans  lesquels  la  Russie 
a  joué  un  rôle  si  important,  ont  attiré  tous  les  regards  sur  cette  vaste 
contrée,  si  neuve  encore  pour  les  étrangers.  La  curiosité  une  fois  exci- 
tée,  on  a  commencé  à  examiner  attenliveraenl  la  Russie  sous  divers 
rapports;  on  s'est  occupé  de  la  langue  du  pays,  de  sa  littérature  ,  et  l'on 
a  remiirqué  ,  avec  un  plaisir  mêlé  d'élonnemcnt ,  que  l'empire  des  tzars, 
dans  tous  les  genres  de  gloire,  n'él^iit  pas  resté  lonj,'-teins  en  arrière  de 
l'Europe.  L' Anthologie  russe ,  publiée  en  anglais  par  M.  Bowring  (voy. 
Rev.  Enc,  Tom.  X,  j.ag.  55j-56y),  a  éveillé  l'attention  et  mérité  les 
éloges  des  critiques  anglais  et  français.  M.  Von  dor  Borg,  dans  une 
traduction  élégante  et  fidèle,  a  fait  connaître  aux  Allemands  un  choix 
de  poésies  russes.  M.  Dupré  de  Saint- Maure,  à  son  tour,  à  publié  ré- 
cemment à  Paris  une  Anthologie  russe,  où  les  Français  ont  pu  prendre 
une  idée  favorable  des  poètes  dont  il  a  essayé  de  reproduire  les  chefs- 
d'œuvre.  (  Voy.  Rcv.  Enc. ,  Tom.  XIX,  p.  .85.  )  II  faut  espérer  que  les 
littérateurs  de  tous  les  pays  se  rapprocheront  de  plus  en  plus  des  littéra- 
teurs russes,  auxquels  ils  aimeront  quelquefois  à  faire  des  emprunts.— Un 
grand  obstacle  pour  les  étrangers  s'était  opposé  jusqu'ici  à  ces  commu- 
nications, si  utiles  à  la  fois  pour  ceux  qui  donnent  et  pour  ceux  qui  re- 
çoivent; c'étaient  les  difEcullés  que  présentait  l'étude  de  la  langue 
russe,  de  cette  langue  qui  diff-re  entièrement  des  autres  langues  de 
l'Europe.  Plusieurs  de  ceux  qui  ont  entrepris  de  faire  connaître  des 
productions  russes,  hors  du  pays  et  de  la  langue  où  elles  avaient  été 
écrites  ,  se  sont  vus  obligés  de  se  servir  de  traductions  littérales,  qu'ils 
se  bornaient  à  revêtir  des  formes  de  style  propres  à  la  nation  dont  ils 
voulaient  enrichir  la  littérature.  Mais,  dans  un  pareil  travail,  comment 
se  flatter  d'avoir  atteint  celte  exactitude,  cette  fi^Jélité  si  indispensable 
dans  ies  ouvrages  d'imagination  comme  dans  les  ouvrages  de  science.' 
Déjà.  M.  Tappe  avait  rendu  un  grand  se  rvice  aux  Alltmands,  en  publiant 
sa  Grammaire  r-.ssc,  accompagnée  d'exercices  pratiques;  mais,  pour 
étendre  lu  connaissance  de  cette  langue  dans  toutes  les  contrées  de  l'Eu- 
rope, il  fallait  emprunter  un  idiome  généralement  connu:  il  fallait  une 
grammaire  écrite  en  français.    Les  essais  de  MM.  Charpentier,  Maudru 


588  LIVRES  ETRANGERS. 

et  Hamonîère,  malgré  le  mérite  de  leurs  auteurs,  laissaient  beaucoup 
à  désirer,  sous  le  rapport  de  la  concision  et  de  la  clarté.  L'ouvrage  de 
M.  Reiff  nous  semble  avoir  rempli  d'une  man'ère  beureuse  une  lacune 
imporlante.  Composée  d"après  les  meilleurs  modèles,  sa  Grammaire  mé- 
rite l'attention  ,  non-seulement  dfs  étrangers,  mais  encore  des  Russes 
eux  -  mêmes ,  qui  doivent  voir  avec  satisfaction  la  conpaissance  de 
leur  langue  et  de  leur  littérature  se  répandre  de  plus  en  plus  en 
Europe.  —  M.  Reiff,  dans  une  Introduction  sur  la  langue  stavonne, 
pense  qu'il  est  vraisemblable  que  cette  langue  s'est  formée,  ainsi  que 
le  grec,  le  laiin  et  l'allemand,  du  samskrit,  ancienne  langue  des  Hin- 
dous. Il  a  divisé  sa  grammaire  en  quatre  parties  :  Etymologie  des 
mots,  lexicologie,  syntaxe  et  orthographe.  Cette  dernière  n'occupe 
que  sept  pages  ;  encore ,  deux  de  ces  pages  sont-elles  consacrées  à  une 
table  d'homonymes.  Ceci  ne  paraîtra  pas  étonnant,  quand  on  saura  que 
les  mots  russes  s'écrivent  comme  ils  se  prononcent ,  et  que  la  seule  dif- 
ficulté qu'ils  présentent  est  dans  l'emploi  des  lettres  dont  la  prononcia- 
tion est  à  peu  près  semblable.  Une  cinquième  partie  contient  les  règles 
de  la  versification  russe  ;  enfin,  un  supplément  traite  de  l'alphabet  slavon, 
des  rangs  et  des  titres  parmi  les  Russes;  puis,  des  poids,  mesures  t't 
monnaies  du  pays.  L'utilité  générale  de  ces  derniers  renseignemens  pour 
les  étrangers,  doit  les  faire  juger  très-convenables  à  la  suite  de  cet  ou- 
vrage ,  où  chacun  aimera  à  les  retrouver  nu  besoin.  —  L'Académie  russe 
a  accueilli  la  Grammaire  de  iM.  Reiff,  et  lui  en  a  témoigné  toute  sa  sa- 
tisfaction dans  une  lettre  de  remercîment ,  où  elle  lui  dit  que  son  livre 
mérite,  à  juste  titre,  des  éloges  particuliers.  L'auteur,  à  la  fin  de  l'Intro- 
duction dont  nous  avons  parlé  plus  haut ,  se  loue  beaucoup  (ies  conseils 
et  des  secours  qu'il  a  trouvés  dans  la  bienveillance  éclairée  de  M.  Gretscb, 
littérateur  distingué  ,  dont  nous  avons  déjà  eu  plusieurs  fois  l'occasion 
d'entretenir  nos  lecteurs,  et  auquel  les  étrangers  devront  une  Histoire 
de  la  littérature  russe ,  dont  la  traduction  française  paraîtra  incessam- 
ment à  Saint-Pétersbourg.  E.  H. 
POLOGNE. 

2ig. — Ch.  Ph.  Reiffa,  Grammatyka  rossyyska  dla  uzytku  cudzo- 
ziemcow  napisana,  przetozona  z  francuzhiego  içzyka  i  potreseèncmi 
dodathami  do  uzytku  Polakoxv  zastosowana  przez  A.  B,  Klebovvicza  , 
handydata  fitozofii.  Wilno,  iSaT);  drukowat  Jàzef  Zawadzki,  In-S"  , 
XVI— 189  str. 

C'est  la  traduction,  en  polonais  ,  de  la  Grammaire  russe  de  M.  Reiff, 
annoncée  ci-dessus  ;  a"  21S. 


LIVRES  ETRANGERS.  58c, 

SUÈDE. 

320.  — Sanilinqar  i  ailmcin  physih,  forstadelen,  fragmenter  af  na- 
tur-fliiluso'phiens  och  natur-târan  liistoria.  —  Collection  de  inalériaux 
relalil's  à  la  physique  générale.  —  Première  partie.  —  Fragmens  de  l'his- 
loire  de  la  pLilusophie,  et  de  la  physiqv.e  naturelle. 

La  première  suhdivision  de  ce  livre  contient  un  compte  rendu  de 
tout  ce  que  les  observateurs  et  les  penseurs  les  plus  célèbres,  depuis  les 
tcms  les  plus  reculés  jusqu'à  nos  jours,  ont  imaginé  et  proposé  comme 
rnison  suffisante  de  l'origine  de  la  nature,  des  lois  de  ses  phénomènes, 
de  leurs  rapports  réciproques,  des  rapports  de  l'homme  avec  eux  ,  et  de 
ses  Mpporls  avec  un  autre  monde,  auquel  l'homme  sert  probablement  de 
chaînon  avec  celui-ci,  etc.  L'auteur  n'a  pas  fait  uniquement,  comme 
tant  d'autres  ,  des  extraits  d'anciens  livres,  pour  en  former  un  nouveau. 
Ce  n'est  pas  seulement  d'après  les  autres  qu'il  décrit  les  parties  les  plus 
élevées  de  la  pliilosophie  naturelle.  L'on  voit  qu'il  se  trouve  placé  sur 
un  des  sommets  d'où  sa  vue  s'étend  sur  les  régions  inférieures.  Son  ou- 
vrage annonce  à  la  fois  de  profondes  méditations  ,  et  une  érudition  im- 
mense. La  seconde  Suhdivision  cnnl'icnt  l'histoire  de  la  météorologie,  de- 
puis son  origine  jusqu'à  nos  jours.  Partout  cet  ouvrage  ofiTre,  dans  le  style 
et  dans  les  pensées,  une  élévation  qui  commande  l'attention,  et  nourrit 
l'esprit  du  lecteur.  L'auteur  en  promet  la  continuation. 

22  1. — FâHniarskathen  grefve  Dahlhercjs  egenhândigs  fôrfatta  de 
dagtock.  —  Journal  manuel  du  sénateur,  gouverneur-général  et  feld- 
maréchal  comte  de  Dahlbebg. 

Peu  de  grands  hommes  se  sont  distingués,  en  Suéde  ,  par  une  activité 
aussi  constante  que  celle  de  feule  comte  de  Dahibcrg.  Connu  pour  avoir 
partagé  la  gloire  militaire  des  rois  Charles  X,  Charles  XI  et  Charles  XII, 
pour  avoir  donné  les  plans  dts  passages  des  Belts  et  du  Diina ,  et  s'être 
montré  au  rang  des  premiers  ingénieurs  de  son  tems,  il  est  encore  auteur 
et  dessinateur  de  l'ouvrage  intitulé  :  De  Sueeiaantiquaet  /lodiema,  et  a  de 
plus  fourni  les  dessins  des  batailles  de  Charles  X,  qui  ornent  l'histoire  de  ce 
roi,  par  Puffendorf.  Les  notes  journalières  qu'il  a  recueillies  ne  sauraient 
donc  manquer  d'être  d'un  grand  intérêt  pour  l'historien,  ainsi  que  pour  les 
amis  des  arts  et  des  sciences.  Ce  que  l'on  doit  surtout  aimer  en  lui,  c'est 
une  simplicité  de  style  qui  inspire  la  conûance;  il  parle  toujours  avec 
modestie  de  lui-même;  avec  franchise ,  mais  sans  haine,  de  ses  enne- 
mis. Quiconque  aura  commencé  la  lecture  de  ce  livre,  l'achèvera  sans 
doute  ,  et  se  seutira  élcctrisé  par  ces  sentirnens  de  civisme ,  de  fermeté, 


590  LIVRES  ÉTRANGERS. 

d'héroïsme,  de  religiosité  qui  distinguent  son  auteur.  Les  lettres  doivent 
de  la  reconnaissance  au  descendant  du  comte  de  Dahlberg  qui,  posses- 
seur du  manuscrit  original,  a  bien  voulu  permettre  qu'on  s'en  servit 
pour  la  confection  du  journal  que  nous  reconimandons  à  nos  lecteurs. 

G  — G. 

NORVÈGE. 

222. — Politishe  Apfwrismer ,  etc.  —  Apliorismes  politiques  ,  ou  Con- 
sid'irations  sur  les  gouvernemens  en  général  et  la  constitutioD  du  royau- 
me de  Norvège  en  particulier,  ainsi  que  sur  les  propositions  royales  et 
autres,  qui  seront  dirsculées  à  la  diète  ordiuaire  de  iSaj.  Gbristiansand  , 
août,  182J.  In-S",  de  210  page». 

Ce  petit  ouvrage  est  très-remarquable.  L'auteur,  avec  la  prudence  et 
le  ton  de  modération  que  lui  impose  sa  situation  individuelle,  y  exanii- 
ne  tous  les  projets  de  changemens  à  la  constitution  de  son  pays,  pré- 
sentés pour  être  discutés  à  la  diète  prochaine  ,  qui  doit  s'ouvrir  le  1"  fé- 
vrier 1824.  II  se  montre  peu  favorable  à  ces  innovations,  qu'il  combat 
au  moyen  d'argumens  que  nous  croyons  très-diCBciles  à  réfuter.  Malgré 
le  slyle  un  peu  négligé  de  cet  écrit,  les  argumens  qu'il  renferme  sont 
présentés  avec  une  lucidilé  extrême,  et  il  nous  semble  que  l'auteur  est 
parvenu  à  les  mettre  à  la  portée  de  tout  le  monde.  Il  ne  se  nomme  pas  ; 
mais  il  dit,  à  la  fla  de  son  avant-propos,  qu'il  ne  cherche  nullement  à 
garder  l'incognito,  et  qu'au  contraire  il  se  nommera  à  quiconque  dési- 
rera le  conûaître.  Nous  ne  blesserons  donc  pas  les  convenances  ,  en  ap- 
prenant à  nos  lecteurs  que  l'auteur  des  Afhorismes  politiques  ti,X  INL  le 
capitaine  Broch,  homme  instruit,  qui  jouit  de  l'estime  de  tous  ceux  qui 
le  connaissent.  Nous  sommes  très-persuadés  que  le  roi  Charles-Jean  a 
dû  apprendre,  avec  plaisir,  qu'il  a,  dans  son  armée  norvégienne,  des 
hommes  qui  manient  également  bien  la  plume  et  l'épée.  Puisse  cet  ou- 
vrage de  M.  Broch  tourner  à  l'avantage  de  sa  patrie;  l'auteur  aura  eu 
la  douce  satisfaction  de  sccpnder  les  vues  de  sou  gouvernement ,  qui 
tendent  sans  doute  au  même  but,  la   prospérité   du  pays. 

liEiBEac. 

DANEMARCK. 

■223.  — iS'arratio  (fc  Lucio  primo  episcopo  Roviano,  etc.  —  Histoire  de 
révêque  de  Rome  ,  L'.icius  premier.  Dissertation  de  M.  le  docteur /''rt'rf. 
MuKTBE,  évêque  de  Roskild,  par  laquelle  il  convoque  son  synode  dio- 
césain ,  pour  le  2  juillet  1823.   Copenhague,   1820.  In-/|,°,  de  22  pages. 


LIVRES  ETRANGERS.  591 

Le  pape  Saint  Lucien,  dont  on  ne  sait  rien  ou  presque  rien  que  sa 
promotion  en  262  et  sa  mort  en  253,  a  été  long-tems  honoré,  comme 
martyr,  dans  l'église  danoise,  et  particulièrement  dans  celle  de  Ros- 
kild  ,  anciennement  la  capitale  du  royaume.  Voilà  ce  qui  est  fort  sa\am- 
ment  prouvé  dans  celle  dissertation  ,  écrite  par  un  évêque  luthérien.  Ce 
qu'elle  apprend  de  plus  remarquable  à  nous  autres  méridionaux,  c'est 
que  le  pouvoir  ahsofu  du  Danemarck  est  resté  compatible  avec  la  disci- 
pline de  tous  les  lemt^sur  la  tenue  des  conciles  diocésains  ,  pendant  que, 
de  fait,  les  lilrertés  réelles  ou  nominales  du  gouvernement  repré.-ientatir 
paraissent  tendre  à  concentrer  exclnsivemenl  dans  la  personne  de  l'évê- 
que  ,  et  dans  celle  du  pape,  toute  l'autorité  ecclésiastique,  générale  et 
particulière.  Autre  observation  :  dans  les  gouverneraesis  absolus  de  droit 
et  de  lait,  comme  en  Danemarck,  en  Italie,  en  Allemagne,  on  est  inondé 
de  livres  de  pure  érudition ,  la  plus  minutieuse.  Les  écrivains  semblent 
toujours  penser  davantage,  dans  les  gouvernemens  qu'on  appelle  re- 
présentatifs. La.-vjlinais,  de  l' Institut. 

2?.4-  —  Bemœrkningcr,  etc.  —  Observations  sur  les  romances  nationa- 
les danoises  du  moyen  âge;  par  M.  Christian  Molbrch.  Copenhague, 
i8i3;  Seideiin.  In-8°  de  126  pag. 

Le  Danemarck  possède  un  grand  nombre  de  romances  nationales, 
qui  jettent  beaucoup  de  lumière  sur  l'histoire,  les  mœurs  et  les  usages 
du  pays,  dans  le  moyen  âge.  Pour  se  faire  une  idée  de  l'abondance  de 
ces  poésies,  il  suffit  de  dire  qu'en  1812  et  i8i5,  iMM.  Nycrup  et  Ralttck 
en  ont  publié  un  recueil  en  cinq  volumes  in-S°;  et  cependant,  dans 
l'ouvrage  que  nous  annonçons,  M.  Molbech  nous  assure  (page  1  iû)  que, 
par  les  soins  de  M.  Thiéle,  employé  à  la  bibliothèque  royale  de  Copen- 
hague, il  a  été  découvert  plus  de  200  romances  qui  n'ont  jamais  été 
publiées,  et  dont  ce  littérateur  prépare  une  édition  ,  qui  ajoutera  des 
richesses  considérables  à  la  littérature  de  son  pays.  Quant  à  l'ouvrage  de 
M.  Molbech,  inséré  d'abord  dans  les  Mémoires  de  la  Société  Scandinave, 
il  est  rempli  d'observations  judicieuses,  et  ne  peut  qu'augmenter  la 
réputation  littéraire  d'un  auteur  dont  plusieurs  écrits  sont  déjà  connus 
des  lecteurs  de  la  Revue  Encyclofédiquc.  iS'ous  profilons  de  cette  cir- 
constance, pour  leur  faire  savoir  que  M.  Molbech  prépare  trois  au- 
tres ouvrages  fort  importans,  savoir  :  i°  un  Dictionnaire  de  la  langue 
danoise,  sur  un  plan  diflerent  de  celui  adopté  pour  l'Académie  des 
sciences  ;  2°  Matériaux  pour  servir  à  un  vacahulaire  du  lavgagc  du 
peuple  et  des  provinciaiismcs  ;  5°  une  Histoire  de  la  langue  danoise  et 
de  la  littérature  du  pays.  Heureusement,  l'auleur,  dans  la  force  de  son 
âge ,  est  entouré  de  toutes  les  ressources  qui ,  exploitées  par  une  main 


592  LIVRES  ÉTRANGERS. 

si  habile,  promettent  au  Danemarck  une  source  inépuisable  de  richesses 
littéraires.  Hebehg. 

ALLEMAGNE. 

223.  —  Die  Anihr(ypoiogic  als  H'issensclioft.  — L'Anthropologie  con- 
sidérée comme  science  ;  par  Joseph  IIii.lebband  ,  docteur  et  professeur 
de  philosophie  à  l'université  d'Heidelberg.  Mayence,  1822  et  1825  ; 
Kupferbcrg.  Trois  parties  inS». 

Depuis  quelque  tcnis,  la  science  de  l'homme  est  devenue,  en  Alle- 
magne, comme  en  France,  l'objet  des  recherches  de  beaucoup  d'hom- 
mes éclairés.  En  effet,  comme  le  dit  M.  Hillebrand  :  «  Parmi  tous  les 
objets  qui  s'offrent  aux  recherches  et  à  l'investigation  de  l'bomnie ,  il  est 
lui-même  le  plus  iîsiporl.mt,  et  en  quelque  sorte  le  premier  et  le  dernier. 
De  quelque  côté  et  aussi  loin  que  les  regards  p'.nétrans  de  sa  pensée 
peuvent  se  porter  dans  la  nature,  il  est  toujours  obligé  de  revenir  au 
point  d'où  il  est  parti,  à  l'homme.  »  Plus  loin,  il  ajoute  :  cSans  doute, 
aucune  branche  des  sciences  ne  demande  autant  d'applications  répétées 
des  autres  sciences,  que  la  science  de  l'homme.  Chaque  progrès  qu'a- 
mène letems  fournit  de  nouvelles  expériences  à  l'appui  de  cette  assertion. 
Chaque  résultat  nouveau,  obtenu  par  l'étude  de  la  philosopiiie  morale 
et  nalurrlle,  par  celle  de  l'histoire,  introduit  dans  cette  science  une 
nouvelle  lumière.  Ce  motif  seul  devrait  nous  disposer  à  en  faire  l'objet 
d'une  attention  s^érieuse.  »  Après  ces  observations  préliminaires,  dont 
la  justesse  ne  sera  point  contestée,  l'auteur  passe  à  l'exposition  de  son 
système.  —  Il  divise  son  traité  en  trois  parties.  Dans  la  première,  il  s'oc- 
cupe de  la  connaissance  de  l'homme  en  général,  ou  de  la  situation  de 
l'homme  dans  l'ensemble  des  êtres  ou  dans  la  nature.  D'abord,  il  traite 
de  la  nature  en  général  ;  il  la  définit  ;  il  parle  de  ses  grands  phénomènes, 
de  ses  forces  et  de  ses  lois.  Il  prend  pour  objet  de  ses  recherches  la  na- 
ture terrestre,  ses  bases,  sa  formation,  et  jette  un  coup-d'œil  sur  les 
créatures  qui  en  dépendent;  de  degré  en  degré,  il  arrive  à  l'homme, 
qu'il  considèresous  un  point  de  vue  général. —  La  seconde  partie  en?  brasse 
l'antltropoioqie  proprement  dite  ,  la  science  de  l'homme  en  p;irliculier. 
Elle  c,-.t  divisée  en  deux  sections  :  la  première,  intitulée  somutologie; 
la  seconde,  -psychologie.  Trois  livres  composent  la  pr  mière  seiMion, 
dans  laquelle  l'auteur  examine,  d'après  les  résultats  les  plus  cirtuins  de 
l'anatomie,  delà  physiologie,  et  de  l'histoire  naturelle  de  l'homme,  tout 
ce  qu'offre  de  plus  important  l'existence  animale.  Dans  la  section  con- 
sacrée à  la  psychologie,  il  s'occupe  d'abord  de  la  partie  analytique  de 
cette  science;  il  présente  le  développement  de  la  vie  de  l'ame  dans  ses 


LIVRES  ÉTRANGERS.  Sç^) 

différentes  sphères  d'action,  isolées  et  distinctes;  puis,  il  arrive  à  la 
partie  synibétique,  vi  montre  comment  elles  se  rapportt^nt  l'une  à  l'pu- 
tre,  comment  elles  contribuent  à  l'ensemble.  Cette  dernière  partie  est 
traitée  dans  Us  cbai.il rcs  iuiilulés  :  Thconc  de  i'âme.  Théorie  de  la 
sensibilité,  Th  oric  du  cœur.  Théorie  de  V  esprit ,  et  en  dernier  lieu, 
Théorie  des  rapyorls  entre  i'dme  et  te  corps.  De  là ,  il  passe  à  ce  qu'il 
ai>pc\k- phénoménologie,  ou  sciencedts  principaux pbénomènesderàmc, 
qui  comprend  les  songes,  le  somnambulisme,  les  maladies  mentales,  il 
termine  cette  seconde  partie  par  un  aperçu  sur  les  différences  des  âmes, 
sur  les  divers  carac'.ères  qui  distinguent  les  individus,  les  sexes,  les 
âges,  les  peuples.  —  Dans  la  troisième  partie  est  vx\>osèe  la  théorie  de 
la  culture  de  l'homme,  ou  i'anthropologe  pragmatique.  L'auteur  a  par- 
tagé cette  partie  de  son  tiavail  en  deux  sub  avisions.  Dans  la  première, 
où  il  s'occupe  de  la  théorie  en  général ,  il  examine  ce  que  doit  être  celte 
culture;  quelles  sont  les  différentes  destinations  de  Ihomme;  enfin, 
quels  obstacles  ou  quels  moyens  auxiliaires  s'oÛ'rent  pour  fariliter  celte 
culture,  et  quels  sont  ses  print  ipaux  objets.  Dans  la  seconde  subdivision, 
spécialement  consacrée  à  la  partie  historique,  et  qui  termine  l'ouvrage, 
il  retrace  les  diverses  périodes  et  les  époques  parlicuiièjes  de  cette  cul- 
ture. L'origine  et  la  source  de  toute  culture;  l'histoire  de  ia  société  hu- 
maine, d'après  celle  des  principaux  peuples;  l.i  civilisation  des  pays  de 
rOrienI;  celle  de  l'E  irope,  chez  les  peuples  anciens  et  modernes;  la 
civilisation  des  pays  situés  hors  de  l'Asie  et  de  l'Europe;  enfin,  les  ré- 
sultats généraux  que  procurent,  pour  la  science  de  l'humanité,  1  his- 
toire et  la  philosophie.  Telles  sont  les  matières  de  la  dernière  portion  du 
vaste  et  intéressant  travail  dont  nous  tâchons  ici  de  donner  un  rapide 
apeiçu.  A.  J. 

226.  —  Die  Insel  Nordcrncy  und  ihr  Seebad.—h'ile  de  Nord,  rney  et 
ses  bains  de  mer;  par  le  docteur  F.  /r.  deHalku.  Hanovre,  1S22.  Id-S". 

Le  cunllnent  de  la  Frise  orientale  est  entouré  d'une  ceinture  d'îles, 
qui  présentent,  à  la  vue  de  celui  qui  les  aperçoit  de  la  digue,  nomme 
une  vaste  mui  aille  de  sable  biane.  Deux  ou  tiois  liiues  de  mer  sép:.rent 
ces  îles  de  la  Terre  lirme;  et  souvent  le  refiux,  mettant  à  sec  cette  vaste 
plage,  permet  à  l'homme  de  laire  le  trajet  à  pied.  Mais  ,  malheur  à  qui 
s'égarerait!  il  se  trouverait  surpris  dans  sa  route  par  l'arrivée  des  eaux;  et 
plus  d  unt-  luis  des  prisonniers  que  des  vaisseaux  anglais  faisaient  déoar- 
quer  loin  du  rivage,  ont  trouvé  la  mort,  au  moment  même  où  ds 
cnyaieot  rentrer  dans  leur  patrie.  Parmi  ces  îles,  au-delà  (lesquelles 
l'imagination  ne  voit  plus  q  e  l'immensité,  se  truuve  celle  de  j\  .rder- 
ney.  C'est  l'une  des  jjIus  considérables;  tependani,  elle  n'a  guère  que  700 


594  LI\RES  ÉTRANGERS. 

habitans.  La  pêche  et  les  établissemcns  do  bains  sont  leur  seule  res- 
source; nulle  terre  à  cultiver,  nulle  industrie  manufacturière  n'aident 
à  leur  entretien.  Le  sol  est  un  sable  éblouissant,  d'où  l'on  voit  sortir  cà 
et  là  quelque  peu  de  verdure;  aussi ,  les  bestiaux  n'y  sont-ils  qu'en  très- 
petit  nombre.  Mais  la  nature  n'y  apparaît  pas  moins  dans  toute  sa  ma- 
jesté :  elle  semble  vouloir  compenser,  par  le  spectacle  imposant  de  la 
mer,  la  sécbercsse  de  cette  île  et  sa  pauvreté.  Ou  dirait  qu'elle  a  voulu 
seulement  accorder  à  l'homme  un  lieu  où  il  pût  se  placer,  pour  admirer 
les  sévères  beautés  de  la  création.  Nulle  part  ailleurs,  on  n'apprécie 
mieux  le  grand  génie  d'Homère  ;  et  ses  descriptions  maritimes  y  sont 
d'un  effet  que  je  n'avais  point  soupçonné  avant  de  les  avoir  lues  dans 
ces  iles,  qui  sont  réellement  les  conQns  de  l'immensité.  —Mais  il  est  tums 
de  parler  de  M.  Halem  ;  cet  habile  médecin,  qui  habite  modestement 
une  très-petite  ville  de  la  Frise  orientale ,  donne  aujourd'hui  son  troi- 
sième ouvrage  sur  les  bains  de  Norderney  :  déjà  ,  en  i8oi  et  en  181 5  ,  il 
avait  fait  connaître  cet  établissement ,  qui  lui  doit  une  partie  de  sa  pros- 
périté. Outre  le  corps-dc-!ogis  voisin  des  bains,  les  1 55  maisons  isolées 
de  l'île  ont  été  disposées,  par  les  habiiaus,  de  manière  à  ce  que  les 
«étrangers  y  trouvent  543  chambres  à  louer.  Le  gouvernement  d'Hanovre 
a  pris  des  mesures  pour  qu'aucun  des  objets  utiles  aux  baigneurs  n'y 
manquât.  La  saison  s'ouvre  au  i"''  juillet,  et  ne  dure  que  jusqu'au  i'-'"' 
septembre.  J\ous  ne  pouvons  suivre  l'auteur  dans  tous  les  détails  ;  qu'il 
nous  suffise  do  dire  qu'il  n'omet  rien  d'essentiel.  C'est  ainsi  qu'il  traite 
de  l'île  de  JVorderney  ,  sous  les  rapports  physiques  et  topographiques  ; 
puis,  des  bains  froids  et  chauds;  enfin,  des  différentes  maladies  qu'ils 
peuvent  guérir,  et  qui  sont  principalement  les  maladies  scrophuleuses , 
celles  des  nerfs ,  celles  de  la  peau ,  les  rhumatismes ,  etc.  M.  de  Halem  a_ 
fait  à  la  fois  un  livre  utile  et  agréable. 

2^7-  —  AscvxpQOu  Apsrtvcv  Trspi  tî?;  tSîv  4>:.op£VTtvùj-j  tto'itsixç. — Traité 
de  Léonard  Arétin  ,  sur  h  constitution  politique  des  Florentin»,  d'après 
un  manuscrit  de  la  bibliothèque  royale  de  Munich  ,  publié  ,  traduit  et 
pourvu  d'un  index,  par  C.  F.  NEnuAKK.  Francfort,  1S22.  In-S"  de 
95  pages. 

En  apercevant  un  titre  grec,  le  lecteur  peut-être  s'est  reporte  à  la 
philologie,  pensant  qu'il  s'agissait  encore  d'un  des  grands  débris  échap- 
pés à  la  ruine  de  la  Grèce.  Il  n'en  est  rien  ;  l'auteur  de  l'ouvrage  que 
nous  annonçons  s'occupe  de  la  politique  du  moyen  âge ,  pour  une  cité  à 
laquelle  les  lettres  modernes  doivent  tant  d'éclat.  L'Arétio  traite  de  la 
constitution  de  Florence  ,  telle  qu'elle  était  au  xv<:  siècle.  Il  ne  faut  pas 
croire   que  tout  le  livre  soit  absorbé  par  le  sujet  annoncé  sur  le  litre; 


LIVRES  ÉTRAT\GERS.  595 

riiistoirc  a  aussi  sa  part ,  et  ce  n'est  pas  sans  le  plus  vif  intérêt  qu'on  lit, 
dans  l'inlrocluition  ,  la  relation  des  secousses  politiques  de  Florence, 
pendant  tout  le  moyen  âge,  jusqu'à  l'élévation  d'Alexandre  de  Médicis 
au  rang  suprême  de  grand-duc,  arrivée  le  6  juillet  i5ôi.  A  la  vérité  ,  le 
choc  des  pasisions,  les  querelles  perpétuelles  de  la  noblesse  et  du  peu- 
ple, jettent  un  peu  de  monotonie  sur  le  récit.  Au  tems  de  l'Arélin,  le 
gouvernement  de  Florence  était  une  aristocratie  mitigée  ;  les  magistrats, 
appelés  jjriores ,  avaient  l'antorité  ;  mais  deux  seulement  appartenaient 
au  peuple  et  étaient  choisis  dans  les  corporations  ;  les  autres  étaient  pris 
parmi  les  nobles  et  les  riches.  Le  plus  élevé  en  dignité  prenait  le  titre 
de  Gonfaloniere  de  la  giusiizia.  Deux  conseils^  l'un  de  tri)is  cents  mem- 
bres ,  l'autre  de  deux  cents,  représentaient,  le  premier,  le  peuple,  le 
second  ,  la  noblesse.  Ces  conseils  ne  pouvaient  néanmoins  conn.'dtre 
d'aucune  affaire  qui  n'eût  précédemment  été  l'objet  d'une  délibération 
des  neuT  priorcs,  assistés  de  leurs  vingt  collègues  consultans;  et  ce  n'é- 
tait qu'après  la  décision  d;i  conseil  du  peuple,  celle  dis  trois  cents,  et  le 
consentement  du  conseil  ù'.s  deux  cents,  que  la  loiétait  parfaite.  Là,  il 
n'y  avait  point  d'amendemeus  à  proposer;  il  fallait,  comme  dans  l'une 
des  dernières  constitutions  françaises ,  adopter  ou  rejeter  en  entier  les 
projets  présentés-  Le  manuscrit  qui  nous  a  fourni  ce  traité,  se  trouve  dé- 
crit dans  le  catalogue  de  Ilard  ,  T.  I  ,  p.  246;  on  lit  aussi  une  notice  sur 
ce  manuscrit  dans  le  livre  intituié  :  Moreili  tibliolfi.  ie<).  div,  Marc. 
manuscrit  grec  et  lalin   (T.  i,  p.  2y/\). 

228. —  Regesta  sivc  rcrum  Boirarum  auto/jrapha  ad  annutn  vsque 
MCCC  6  regni  seriniis  fldcliter  in  sumnas  contracta  jaxtaque  genui- 
nam  Icrrœ  slispisque  diversitaton  in  Bavarica,  Alnnanica  et  Franco- 
nica  syncliroitisiice  disposUa  cura,  C.  II.  de  La>'G.  Vol.  I.  Munich, 
1822.  In  4°  de  48  iei'ille*. 

Connu  par  beaucoup  d'utiles  travaux  sur  l'histoire  nationale ,  M.  le 
chevalier  de  Laug  fut  chargé  par  le  ministre  ,  M.  de  Monlgélas,  de  com- 
poser ce  recueil  de  documcns  bavarois.  A  cet  eH'et ,  toutes  les  archives 
du  royaume  lui  furent  ouvertes  ,  et  les  titres  ignorés,  qui  dormaient  en 
Franconie  ,  malgré  les  rétlimatious  de  Luo'wig  et  d'Ussermann,  devin- 
rent accessibles  à  rinvesliî^aieur,  devant  lequel  se  brisèrent  les  serrures 
et  les  verroux.  Le  titre  seul  de  ce  premier  volume  pmuve  l'immense  tra- 
vail auquel  s'est  livré  l'juteur,  durant  plusieurs  années;  il  a  lu  et  véri- 
fié plusieurs  milliers  de  litres,  depuis  le  \iii«  siècle  jusqu'à  la  fin  du 
xvie;  il  les  a  1  anges  par  ordre  chronologique,  et  en  a  extrait  la  substance. 
M.  de  Lang  ne  s'attachait  qu'aux  originaux,  négligeant  les  copies,  qui 
sont,  ainsi  qu'il  le  dit,  l'ouvrage  de  scribes  ignorans,  dont  les  suppres- 


596  LIVRES  ÉTRAINGERS. 

sions  e!  les  additions  allèrent  souvent  la  vérité.  On  ne  saurait  imaginer 
un  ordre  plus  lucide  que  celui  qu'a  suivi  l'auteur  :  il  a  divisé  ses  docu- 
mens  en  trois  classes,  savoir  :  les  Bavarois,  les  Allemanniques  et  les 
Franconique*.  La  première  classe  comprend  les  renseignemens  relatifs 
à  l'ancien  cercle  de  Bavière  et  au  duché  de  Keubourg;  la  seconde,  ceux 
qui  concernent  les  pays  cédés  au  roi  de  Bavière,  dans  le  cerc'e  de 
Souabe;  par  exemple,  Dillingen,  Hochstett,  Lauingen,  Burgau ,  Œt- 
tingcn,  la  ville  de  Werdet  l'abbaye  de  Kayscisluim.  La  troisième  classe 
comprend  les  évêchés  de  Bamberg,  de  Wurzbourg  et  d'Eichstcdt,  les 
principautés  d'Anspach  et  de  B.-.yrenlh,  avec  les  villes  impériales  de 
Franconie  et  le  district  d'Ascliaifenburg.  Une  paj;e,  sur  chaque  feuillet, 
est  cousaciée  aux  titres  bavarois;  ceux  de  Souabe  et  de  Franconie  par- 
tagent en  deux  colonnes  la  page  qui  est  en  regard.  Les  dates  sont  sur 
la  première  de  ces  pages,  et  se  rapportent  aux  titres  qu'on  lit  sur  l'au- 
tre. Lorsqu'ils  sont  de  la  même  année,  au  moyen  d'une  série  de  points, 
le  soin  avec  lequel  sont  faits  les  extraits,  répond  à  cette  bonne  dispn- 
silion;  ils  ont  plus  ou  moins  d'étendue,  selon  l'importance  de  la  pièce 
dont  ils  font  connaître  le  contenu.  M.  de  Lang  a  eu  soin  d'indiquer  les 
changemens  opérés  par  le  tems  dans  les  noms  des  lieux  ,  et  de  détermi- 
ner la  position  de  ceux  qui  ont  cessé  d'être  habités.  Après  les  extraits  ; 
il  est  fait  mention  des  témoins,  surtout  lorsqu'ils  sont  princes,  évoques, 
ou  comtes.  On  pourra,  par  ce  moyen,  remplir  beaucoup  de  lacunes 
dans  les  généalogies  et  dans  les  nomenclatures  dévÊques  et  d'abbés,  qui 
sont  très-souvent  défectueuses.  Les  dates  sont  données  par  indictious 
et  par  années  de  règne.  Al.  de  Lang  ayant  dû  adraett.e  quelques  pièces 
dont  l'authenticité  est  suspecte  ,  en  avertissant  toutefois  ses  lecteurs,  on 
désirerait  beaucoup  que  des  hommes  versés  dans  ces  matières,  voulus- 
sent en  faire  un  examen  critique  ,  dont  le  résultat  serait  un  rejet  formel 
ou  une  réhabilitation  honorable.  Ce  premier  volume  commence  avec 
l'année  770,  et  s'étend  jusqu'en  1200;  le  second  renfermera  les  cin- 
quante années  suivantes;  enfin  ,  l'autre  moitié  du  xiii-^  siècle  remplira 
seule  deux  volumes. 

22y.  — De  Eficharmo  scrifsit  Ilcrmannus  Harless Traité  sur  Epi- 
charme,  Leipsig,  1822. 

Cet  Epicharme,  qui,  selon  quelques  personnes  ,  a  été  l'inventeur  de 
la  comédie  ,  est  aujourd'hui  presque  ignoré.  M.  Harless  vient  de  rappe- 
ler son  nom,  en  produisant  une  dissertation  qu'il  avait  écrite  à  Halle 
pour  obtenir  le  grade  de  docteur  ;  mais  il  l'a  reproduite  considérablement 
augmentée ,  et  digne  de  figurer  à  côté  des  nombreuses  recherches  que 
l'Allemagne  consacre  tous  les  jours  à  ces  auteurs  dont  les  siècles  ont  dé- 


LIVRES  ETRANGERS.  r^97 

truit  les  ouvrages.  M.  Harless  pense,  avec  raison  ,  que  ceux  qui  jusqu'à 
ce  jour  ont  traîlé  d'Epicharme,  n'ont  pas  fort  avancé  ses  affaires;  il  se 
propose  de  réunir  et  de  publier  bientôt  tous  ses  fragmens,  comme  l'a 
fait  M.  Meintke  pour  Philémon  et  Ménandre.  Quelques  critiques,  par- 
nji  lesquels  se  trouve  le  grand-père  de  l'auteur  (dans  son  édition  de  la 
Bibtiothècjue grecque  de  Fabricius),  onl  soutenu  qu'il  y  avait  eu  deux 
Epicharme,  le  philosophe  et  le  comique.  M.  Harless  pense  que  les  mo- 
tifs de  ces  critiques  ne  sont  pas  suEBsans.  On  a  beaucoup  discuté  sur  la 
patrie  d'Epicharme,  qui,  selon  son  nouvel  historien,  serait  né  en  Sicile: 
il  florissait,  dit-il,  non  dans  l'olympiade  77  ou  84  ,  mais  dans  la  73'"  ou 
dans  la  74*.  C'est  du  tems  duGélonque  ses  comédies  furent  représentées 
à  Syracuse.  D'après  cela,  la  naissance-  d'Epicharme  est  lixéo entre  la  60' 
et  la  62"  olympiade,  et  l'école  de  Pythagore  le  reçut  vers  la  68*.  C'est 
d'après  les  témoignages  des  anciens  que  son  mérite  est  apprécié  dans  la 
nouvelle  dissertation.  En  cxamin.mt  la  question  de  savoir  si  effective- 
ment Epicharme  est  l'inventeur  de  la  comédie  ,  l'auteur  reconnaît  que 
l'on  trouve  des  indications  d'auteurs  comiques  plus  anciens;  et  ces  re- 
cherches le  conduisent  à  traiter  habilement  de  rapports  de  la  comédie 
dorienne  avec  la  comédie  atlique.  Epicharme  a  perfectionné  ce  qui  exis- 
tait avant  lui  et  en  a  changé  entièrement  la  forme.  M.  Harless  chc-'clic 
des  preuves  do  celte  assertion  dans  le  peu  que  nous  savons  de  ce  poêle, 
et  jusque  dans  le  titre  de  ses  pièces  ;  il  va  jusqu'à  discuter  la  nature  du 
métré  employé  par  lui.  Le  catalogue  des  pièces  d'Epicharme  est  plus 
complet  et  plus  étendu  que  celui  de  Fahricius,  et  vaut  mieux  aussi  que 
ce  qu'a  fait  iMcursius.  Encore  quelques  écrits  de  ce  genre,  et  nous  pour- 
rons réunir  tous  les  débris  du  grand  naufrage.  Mais,  que  sont  quelques 
vers  isolés,  quelques  sentences  sèches  et  sans  attrait,  en  comparaison 
des  pertes  immenses  qu'a  faites  la  liltérature  ancienne?  Nous  sommes 
réduits  à  glaner  aujourd'hui  dans  un  champ  ,  sur  lequel  malheurement 
il  ne  s'élèvera  plus  de  moisson.  Ph.  Golbkhy. 

23o.  —  Lehensabriss  fVerners. —  Abrégé  de  la  vie  de  F.  L.Zacoharie 
Webnee,  par  l'éditeur  de  la  Vie d' Hoffmann.  Berlin,  iSzô.  In-8°. 

V/ernera  été  successivement  un  fameux  poète  protestant  et  un  iamcux 
prédicateur  catholique.  Celait  un  de  ses  hommes  qui  passent  d'une 
extrémité  à  l'autre,  presque  sans  paraître  inconséquens,  parce  que  c'est 
toujours  le  même  mobile  qui  les  guide.  Il  naquit  le  18  novembre  1768  , 
à  Kœnigsberg,  en  Prusse,  d'un  père  qui  était  professeur  d'histoire  et 
d'éloquence  à  l'université  de  cette  ville ,  et  censeur  du  théâtre;  ce  qui 
mit  de  bonne  heure  le  fils  à  même  de  connaître  la  scène;  sa  mère, 
nièce  d'un  poète,  tenait  de  sa  famille  une  imagination  si  ardente,  qu'à 


598  LIVRES  ETRANGERS. 

la  fin  de  sa  v;e  la  ièfe  lui  tourna ,  et  qu'elle  crut  être  la  Sainte-Vierge  et 
avoir  enfanié  le  Sauveur.  Cellt  exaltation  du  cerveau  paraît  s'être  un 
peu  comnauniquée  à  ZoCcbaricWcrner.  Sesétudes  furent  très-régulières  : 
il  étudia  la  philosophie  sous  Kant,  suivit  des  cours  de  droit,  et  déhuta 
en  1789  par  des  poésie?  où  il  annonça  des  opinions  fort  libérales.  En 
1-93  il  obtint  un  emploi  dans  l'a  ^ministratioa  prussienne  , 'et  fut  en- 
voyé en  divers  chefs-lieux,  surtout  à  Varsovie,  où  il  demeura  jusqu'en 
i8o">.  C'est  là  que  son  biograplu; ,  M.  Hitzig  ,  eut  de  fréquciles  relations 
avec  lui,  et  vécut  dans  son  intimité.  Il  le  vit  compo^er  son  meilleur 
poème  :  Les  fils  de  la  vallée.  A  quelque  distance  de  Varsovie,  dans  une 
épaisse  forêt,  arrosée  par  la  Vistule,  est  située  une  abbaye  de  camaldules, 
appelée  Bielang.  En  été  ,  les  deux  amis  parlaient  de  la  capitale,  le  sa- 
medi soir,  dès  que  les  buri-aux  étaient  fermés,  et  se  rendaient  dans  la 
forêt,  auprès  de  ce  monastère  romantique;  ils  s'établissaient  dans  une 
aubeige  ou  sous  les  arbres  de  la  forêt,  emiiloyaient  le  dimanche  à  par- 
rouiir  les  beaux  sites  de  la  contrée,  cl  dans  ces  promenades  solitaires  , 
Werner  lisait  h  son  ami  les  vers  qu'il  avait  composés  dans  la  semaine. 
A  cette  époque,  le  jeune  poète  protestant  avaii  déjà  enfanté  une  idée 
bizarre  :  trouvant  le  protestantisme  trop  prosaïque,  il  prétendait  qu'il 
fallait  le  rendre  à  la  poésie  ,  en  le  remplaçant  par  le  catholicisme,  mais 
par  un  catholicisme  épuré  à  l'aide  de  la  franc-maçonnerie.  Il  avait  une 
singulièremanièred'exprimer  ses  idées  sublimes.  «  Au  diable  ,  écrivait-il, 
Is  génie  des  arts  en  Europe ,  si  nous  ne  retournons  pas  au  catholicisme 
épuré  d'où  nous  sommes  partis,  n  On  voit  qu'à  celte  époque  Werner 
était  déjà  à  moitié  catholique.  On  sera  peut  -  être  surpris  d'appren- 
dre que  cet  homme  ,  si  religieux  ,  avait  répudié  deux  femmes  et  qu'il 
venait  d'épouser  la  troisième,  qui  n'eut  pas  un  meilleur  sort.  Les  que- 
relles de  ménage  ne  pouvaient  pourtant  pas  les  désunir,  car  Werner  ne 
parlait  qu'allemand,  et  sa  femme  ne  savait  que  le  polonais.  Quand  il  se 
fut  séparé  de  sa  troisième  épouse,  il  écrivit  fort  naïvcinent  :  «  En  cons- 
cience, je  n'ai  pu  exiger  de  ma  femme  qu'elle  fût  heureuse  avec  moi; 
je  ne  suis  pas  méchant,  il  est  vrai ,  mais  je  suis  minutieux,  capricieux  , 
avare  et  sans  ordre  ,  toujours  distrait ,  toujours  préoccupé,  répandu  dans 
les  sociétés  et  les  spectacles  :  est-ce  ma  faute  si  je  suis  ainsi?»  Après 
avoir  fait  divorce  avec  trois  femmes  légitimes,  Werner  poursuivit,  plus 
que  jamais,  ses  idées  religieuses  et  poétiques.  Son  fameux  drame,  Vln- 
auguration  de  la  Force  { Die  Weihc  der  Kraft,  qui  a  été  récemment 
traduit  en  français,  par  M.  Michel  Berr,  sous  le  titre  de  Luther) ,  parut 
d'abord  un  monument  élevé  au  plus  célèbre  des  réformateurs  ;  cepen- 
dant les  protestaus   clairvojans  y  aperçurent  une  prédilection  marquée 


LIVRES  ETRANGERS.  Sgn 

ponr  les  prestiges,  la  pompe  et  les  croyances  du  culte  catholique  ;  il  leur 
sembla  que  le  poète  protestant  avait  plus  d'imagination  que  de  raison. 
Wcrner  écrivait  alors  dans  une  de  ses  lettres:  a  Je  regrette  infiniment 
devoir  dissiper  l'énergie  des  hommes  nouveaux,  des  Schlegel,  des 
Tieck  ,  des  Schiciermachcr  ;  l'un  fait  une  comédie,  l'autre  un  journal, 
un  troisième  des  poésies  romantiques,  des  sonnets  .  et  Dieu  sait  quoi; 
je  souffre  de  les  entendre  se  vanter  de  grandes  entreprises  ,  comme  les 
Français  parlent  toujours  de  la  descente  en  Angleterre  ;  cependant,  ils 
n'ont  aucun  grand  but ,  ils  ne  fondent  aucune  association  pour  un  noble 
projet,  et  ne  songent  point  à  réaliser  l'idée  divine  d'une  réunion  d'amis 
pour  la  plus  haute  des  entreprises....  Il  nous  faut  des  apôtres  qui  ne  tra- 
vaillent que  pour  un  seul  but,  ainsi  que  drs  prosélytes,  etc.  «De  la  part  d'un 
homme  très-mondain,  et  divorcé  pour  la  troisième  fois,  ces  idées  étaient 
assez  singulières  ;  aussi  n'eurenteiies  point  de  suite,  si  ce  n'est  que  Wer- 
ner  composa  la  Croix  de  ta  mer  Baltique,  et  reçut  une  pension  du  prince 
Primat.  Ayant  perdu  son  emploi  par  l'invasion  des  Français  en  Prusse, 
il  vint  à  Paris,  où  il  n'édifia  personne,  et  partit  pour  Rome,  où  il  em- 
brassa en  secret  la  religion  catholique.  Revenu  en  Allemagne,  il  se  fit 
prêtre  à  Aschaffenbourg  ,  et,  en  i8i4,  le  congrès  eut  la  satisfaction  de 
l'entendre  prêcher  à  Vienne;  en  récompense  de  ses  bons  seotimens,  il 
obtint  de  l'Autriche  un  canonicaf.  Eucore  plein  de  ferveur,  Werner 
entra  dans  l'ordre  des  rédemptoiistes  ;  mais  bientôt  après  il  jeta  le  froc 
aux  orties,  et  se  contenta  de  prêcher.  Il  y  avait  dans  ses  sermons  des 
éclairs  de  génie,  et  des  passages  où  l'on  reconnaissait  l'ancien  poète; 
mais  souvent  aussi  il  tombait  d.nns  les  lieux  communs  et  devenait  tri- 
vial. Il  mourut  le  17  janvier  iSaJ,  après  avoir  fait  un  long  testament , 
par  lequel  il  légua,  entre  autres ,  sa  plume  d'argent  à  une  image  de  la 
Vierge,  Irès-vénérce  en  Autriche  ,  et  après  avoir  composé  son  épitaphe, 
qu'il  termine  par  un  verset  de  l'évangile  de  Saint-Luc  ,  suivi  d'un  point 
d'interrogation  et  d'un  point  d'exclamation  ,  que  chacun  pourra  inter- 
préter comme  il  voudra.  Son  biographe  a  inséré  dans  sa  notice  une  es- 
pèce de  Confessions  que  Werner  a  rédigées,  mais  qui  ne  sont  pas  lout- 
à-fait  yussi  sincères  ni  aussi  atimyaDtes  que  celles  d'un  autre  converti 
célèbre,  qui,  à  la  différence  de  Werner  ,  rentra  dans  le  sein  de  sa  reli- 
gion paternelle.  D — g. 

201.  —  Phalaridis  Epistolœ.  —  Lettres  de  Phalaris.  Edition  de  G.  H . 
ScHAEFER.  Leipsig,  183  .  In-S°. 

Le  tyran  d'Agrigente  ,  celui  qui  enfermait  ses  victimes  dans  un  tau- 
reau d'airaiu  ,  ne  peut  laisser  à  la  postérité  que  des  souvenirs  d'horreur, 
et  l'on  frémirait  sans  doute  à  la  vue  de  ses  lettres ,    si  elles  étaient  in- 


Goo  LIVRES  î:TR ANGERS. 

contcstablcmenl  son  ouvrage.  Mais,  outre  qu'aucun  auteur  sncicn  ne 
cite  ce  recueil,  le  dialecte  dnricn ,  employé  par  les  Siciliens  f..it  ici 
place  au  dialecte  attique.  Aussi,  Pliotius ,  Anj^elus  Polilianus,  V"S.sîus, 
Vaikeuaer  et  d'autres  savaiis  critiques,  n'out  ils  p.is  hésité  à  refuser  à 
cet  odieux  Pbalaiis  les  i48  lettres  qui  portent  son  nom.  Ces  lettres, 
d'ailleurs,  seraient  en  oppo.-ition  manifeste  avec  son  caractère;  elles 
respirent  la  Laine  du  pouvoir  absolu,  et  sent  pleine?  de  sentiiucns  gé- 
néreux ,  tels  que  le  pardon  des  oflt.m>e.s  et  la  juste  appréciation  du  mé- 
rile.  Enfin,  la  io6«^  lettre  fait  mention  de  vases  qui  n'ont  été  intentés 
que  par  Phintias,  long-ttms  après  Phalaris.  Quelques  crl!iques,  parmi 
lesquels  on  remarque  le  célèbre  Fabricius,  attribuent  ce  recueil  à  un 
rhéteur  du  tems  de  Marc-Aurèle.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  vaut  la  peine 
d'être  lu  ,  tant  à  cause  du  mérite  du  style  que  pour  la  bonté  des  pensées 
en  elles-mêmes.  En  1777,  Valkenacr  en  donna  une  édition  qu'avait 
commencée  Leunep;  elle  était  accompagnée  d'une  traduction  et  enii- 
chie  des  noies  de  Boyie.  C'est  cette  édition  que  reproduit  aujourd'hui 
iti.  Srhaefcr,  avec  quelques  reclificalions  de  texte  et  plusieurs  notes 
nouvelles.  La  préface  de  Valkenaer  commence  le  volume;  M.  Schaefer 
n'y  a  rien  ajouté  :  il  a  eu  soin,  pour  la  commodité  des  citations ,  de  re- 
porter en  marge  la  pagin;ition  de  l'ancienne  édition;  les  index  ont  été 
aussi  disposés  de  manière  à  pouvoir  servir  à  l'une  et  à  l'autre.  C'est  tou- 
jours un  service  rendu  a  la  liilerature  que  de  reproduire  un  livre  devenu 
rare.  Les  lettres  de  Phalaris  ont  été  traduites  en  fiançais  ;  il  en  a  paru 
une  version  en  1797,  et  une  autre  en  i8o5  :  la  première  avait  été  faite 
d'après  une  traduction  de  l'Arétin.  Ph.  Golbkbv. 

SUISSE. 

202.  —  Leiensbeschreiiiung  dcr  fVîtlwe  des  Oherst  Florian  Engcl, 
etc.  — Vie  de  la  veuve  du  colonel  Engcl  at.  Langvyies,  dans  les  Grisons, 
écrite  par  elle-même,  et  revue  par  un  de  ses  parens.  Zurich,  1821. 
In-S». 

Il  y  a  des  romans  qui  sont  plus  intércssans ,  mais  où  il  n'y  a  pas  autant 
d'aventures  que  dans  ce  récit  véridique,  écrit  par  la  veuve  d'un  soldat 
de  fortune,  qui  commença  sa  carrière  romm'.'  sergent-major  dans  les 
gardes-suisses  de  Louis  XVI ,  et  la  finit  à  Waterloo  commç  colonel  au- 
près de  Kapoléon.  Il  est  à  regretter  que  cette  histoire  ne  soit  pas  écrite 
d'une  manière  plus  piquante.  D — c- 

20.).  —  Aeschinis  Oratoris  opéra  Grcece.  Ad  fidetn  codicum  manus- 
criptoruin   recogncvit    animadvcrsîoni'busque    illustravit    Jo.     Hcnr. 


LIVRES  ETRANGERS.  fioi 

Bbemics,    Ilelveio-Turicensis.Wùl.   I.  Impensi»  Zicgieri  et  Gliorum. 
Turic,  iSaô.  Tiois  cent  cinquanle-deux  pages  in-8". 

M.  le  chanoine  Brerai,  profcsseuraugymna.se  de  Zurich  ,  est  connu 
depuis  long-tems  en  Allemagne  et  en  Suisse,  par  des  travaux  philolo- 
giques aussi  utiles  à  la  science  que  nombiLux.  L'amour  de  l'antiquité 
classique,  une  connaissance  profonde  des  langues  anciennes,  le  désir 
d'en  propager  l'élude,  en  la  facilitant  et  en  la  faisant  reposer  sur  les  ba- 
ses les  plus  soliJes,  voilà  quelques-uns  des  titres  de  M.  Bremi,  et  des 
mérites  que  l'on  retrouve  dans  ses  ouvrages.  Son  édition  de  Corné- 
lius Nepos,  surtout,  est  l'une  des  meilleures  que  1' )n  puisse  mettre 
entre  les  mains  des  jeunes  gens,  pour  la  connaissance  approfondie 
du  lalin,  des  finesses  de  la  langue  et  des  nuances  de  l'expression,  Si»n 
Escliinc ,  dont  il  vient  de  publier  le  premier  volume,  est  un  nouveau 
service  rendu  aux  études  classiques.  Pour  faciliter  a  la  jeunesse  studieuse 
la  lecture  de  cet  orateur,  le  nouvel  éditeur  a  joint,  à  un  sage  choix  de 
variantes,  des  notes  qui  expliquent  brièvement  et  clairement  les  diffi- 
cultés de  l»  langue,  les  allusions  historiques  et  divers  points  des  anti- 
quités. Un  index  alphabétique  du  contenu  des  notes  termine  ce  premier 
volume,  également  recoramandable  par  les  recherches  qui  appartien- 
nent au  nouvel  édileurj  et  parie  choix  qu'il  a  su  faire  parmi  les  remar- 
ques des  éditeurs  précédens.  C.  Monnakd. 

ITALIE. 

234-  —  Geogmfia  moderna  univcrsale,  etc.  —  Géographie  moderne 
universelle,   etc.;  par  P.  U.  Pagnozzi.  Florence,  iSjiî.  In-8°. 

Cet  ouvrage,  dont  on  a  publié  jusqu'ici  quatre  volumes  ,  se  fait  de 
mieux  en  mieux  accueillir  par  les  Italiens.  Les  connaissances  de  M. 
Paguozzi  semblent  être  au  niveau  de  la  science  qu'il  a  entrepris  d'expo- 
ser. Il  répand  dans  son  ouvrage  toutes  les  lumières  qu'il  a  su  tirer  de 
l'histoire  des  derniers  voyages,  cl  de  toutes  les  découvertes  les  plus  cu- 
rieuses et  les  plus  intéressantes  que  l'on  a  faites  jusqu'à  nos  jour».  JNous 
attendrons  que  son  entreprise  soit  terminée,  pour  en  rendre  compte 
avec  plus  de  détails. 

235.  —  Nuovo  dizicnario  gcografîco  ■,  etc.  — Nouveau  dictionnaire 
géographique  de  Vosgien.  Nouvelle  édition ,  entièrement  refondue,  re- 
vue et  corrigée  le  plus  soigueiisemetit ,  et  enrichie  de  beaucoup  d'addi- 
tions ;  par  M.  Luiçji  NiRoi.  Livourne ,  iSaô.  In-S". 

On  sait  que  le  dictionnaire  de  Vosgien,  outre  uu  nomïjre  assez  con- 
sidérable de  fautes  que  l'on  retrouve  dans  ses  éditions  successives,  ne 
présente  pas  l"état  de  la  géographie  telle  qu'elle  se  trouve  aujourd'hui. 
T.  XX. — Di.'ce!iihrc  \^'1J  59 


6;ti  LIVRES  ÉTRANGERS. 

11  serait  utile  et  même  urgent  de  lui  substituer  un  nouveau  dictionnaire, 
où  l'on  mettrait  à  proCt  les  progrès  qu'a  faits  la  science.  Mais  l'éditeur 
deLivourne,  loin  de  remplir  ce  vœu  des  savans  ,  non  -  seulement  n'a 
pas  corrigé  les  erreurs  les  plus  grossières  de  son  texte  :  il  y  a  encore 
ajouté  les  siennes.  Ce  travail  est  entièrement  difTérent  de  celui  de  M. 
Pugnozzi,  que  nous  venons  d'annoncer. 

2^6.  —  E saine  analilico  defic  facoltà  di  sentir  e  de'  fenomeni  délia  re- 
mîniscenza ,  del  soyno ,  del  sonniloquio ,  del  delirio  e  delta  pazzia ,  etc. 
—  Examen  analytique  des  facultés  de  la  sensibilité  et  des  phénomènes  de 
la  réminiscence,  du  songe,  du  somniloque,  du  délire  et  de  la  folie,  avec 
un  Essai  sur  l'analyse  logique,  appliquée  aux  problèmes  indéterminés 
d'algèbre;  par  G,  M.  Scabami;zza.  Milan,  iS23. 

L'auteur  de  cet  ouvrage  semble,  au  premier  aperçu  ,  se  ranger  parmi 
les  matérialistes,  en  répétant,  après  eux,  que  la  pensée  se  transforme 
en  seusalion ,  en  rémitii-cence ,  en  raisonnement,  etc.  Mais,  sans  lui 
adresser  le  même  reproche  qu'on  a  fait  à  tant  d'autres,  qui  ne  le  méri- 
taient pas  plus  que  lui,  nous  le  blâmerons  seulement  de  s'être  proposé 
d'examiner  tant  de  phénomènes  idéologiques  ou  physiologiques  dans  un 
opuscule  de  5i  pages.  Est-ce  là  un  ouvrage?  ou  n'en  est-ce  pas  plutôt 
le  prospectus?  Aurait-il  voulu  nous  faire  comprendre  qu'il  est  inutile  de 
s'occuper  encore  delà  recherche  de  ces  problèmes?  Mais,  dans  ce  cas, 
pourquoi  les  muhiplier  par  des  hj'pothèses  et  par  des  idées  bizarres? 
r^ous  ne  croyons  pas  que  l'auteur  puisse  satisfaire  la  curiosité  de  ses  lec- 
teurs, en  traitant  ce  sujet  avec  une  concision  qui  dégénère  en  séche- 
resse. Il  eût  mieux  valu  suivre,  autant  que  possible,  l'histoire  la  plus 
précise  de  ces  phénomènes,  en  remarquer  toutes  les  circonstances,  les 
principes,  les  développemens  ,  les  progrès,  et  s'arrêter  au  point  oîi  la 
nature  semble  nous  abandonner  et  se  dérober  à  nos  yeux. 

238.  —  Cronica  di  Giovanni  ï'illani,  a  miglior  lezionc  ridolla  coW 
ajuio  de'  texti  apenna.  —  Chronique  de  JeanVillani,  réduite  et  éclair- 
cie  au  moyen  de  plusieurs  manuscrits.   Florence,  i825.  In-8°. 

On  a  publié  jusqu'à  présent  quatre  volumes  de  cette  histoire,  et  l'on 
assure  que  l'édition  est  beaucoup  plus  correcte  que  celle  de  Muratori, 
renouvelée  à  Milan,  en  1802.  Les  nouveaux  éditeurs  de  Florence  ont 
piis  pour  guide  surtout  le  célèbre  texte  Davavzati,  qui  se  conserve  dans 
la  lliccardiana ,  et  que  fit  transcrire  Matteo  Viilani  lui-mêuie,  fils  de 
Jeun.  Ils  en  démontrent  l'authenticité  et  la  supérioiité  en  fait  de  cor- 
rection, et  détruisent  les  doutes  et  les  accusations  que  les  éditeurs  de 
Milan  avaient  dirigées  contre  cet  ancien  manuscrit.  F.  S. 

208.  —  Cesta  Caioli  Mui;ni  ad  Cdrciissonnfn  it  Narhonum ,  tt  de 


I.IVRI.S   ETRAI\GERS.  ().-, 

œdificationc  monastcrii  Crassensis ,  édita  ex  codice  Laurentiano  cl  ab- 
servatt.  criticis-pliiiolotficis  illuslrata,  a  Sehasliano  Ciahpi. — Aclions 
de  Charlemagnc  à  Caicat.sonno  et  à  Narbonne,  et  de  la  fondation  du 
monastère  de  la  Grasso,  etc.;  par  S.  Ciampi.  Florence,  iSaô.  Impri- 
merie Magheri.  Pans,  Bossange  père.   In-S"  de  xxii  et  i55  pao-es. 

L'esirtence  de  cet'e  liistoiro  romaut'sque  était  connue  des  savans  par 
l'Histoire  du  Lanijucdoc  de  D.  Vaisselle,  par  l'ouvrage  intitulé  Gadia 
christiana ,  par  la  Bibliotlicqxie  historique  de  la  France,  et  par  plu- 
sieurs autres  coinpilatinns  érudites  oii  elle  est  citée;  mais  on  la  publie 
aujourd'hui  pour  la  première  ibis.  C'est  ainsi  que  M.  Ciampî  se  délasse 
de  SCS  travaux  sur  la  littérature  ancienne,  en  élaguant  quelques  brous- 
sailles dans  le  champ  trop  négligé  de  la  laliniié  du  moyen  âge.  L'auteur 
de  ce  récit  est  un  moine ,  nommé  Guillaume  Paduanus  (ou  dePadoue), 
qui  prétend  l'avoir  traduit  en  latin,  de  la  Inngue  rustique  ou  romane, 
dans  laquelle  il  aurait  été  primitivement  écrit ,  par  un  prétendu  Filo- 
mène,  historiographe  de  Charlemagne.  Le  sujet  principal  est  la  fon- 
dation de  l'abbaye  de  la  Grasse,  au  diocèse  de  Carcassonnc,  dans  les 
Corbières  ,  montagnes  situées  entre  le  bassin  du  Languedoc  et  le  Tlous- 
sillon.  La  révolution  a  fait  supprimer  l'abbaye,  mais  le  bourg  qui  s'était 
formé  autour  d'elle  existe  encore  aujourd'hui,  et  il  est  un  des  chefs- 
lieux  de  canton  du  déparleaiept  de  l'Aude.  Le  but  de  iU.  Ciampi,  en 
publiant  ce  livre,  est  de  nous  faire  jouir  d'un  monument  des  traditions 
et  de  la  latinité  du  moyen  âge.  Le  style,  en  effet,  mêlé  de  barbarismes 
et  d'idiotismes  importés  de  la  langue  romane,  est  reproduit  avec  exac- 
titude j  conformément  au  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Florence, 
qui  a  servi  pour  ceite  édition.  La  fable  ,  évidemment  romanesque ,  ren- 
ferme pourtant  dis  détails  de  mœurs,  de  géographie  et  de  topographie, 
qui  doivent  intéresser  vivement  les  ainis  éclairés  de  l'histoire ,  qui  no 
se  contentent  point  de  notions  superficielles.  C'est  en  étudiant  les  vieilles 
compositions  manuscrites  et  imprimées  de  ce  genre,  qu'un  des  plus 
grands  génies  de  l'Angleterre,  VValter  Scott ,  a  fait  revivre,  avec  leurs 
mœurs  singulières  et  leur  physionomie  propre,  les  âges  perdus  de  l'his- 
toire nationale  de  nos  voisins.  Rendons  grâce  au  savant  Italien,  qui 
prépare  pour  les  littérateurs  français  des  matériaux  avec  lesquels  il  peut 
4eur  être  permis  d'atteindre  à  une  gloire  rivale.  L'éditeur,  dans  sa  pré- 
face ,  explique,  avec  sou  érudition  et  sa  sagacité  ordinaire ,  les  circons- 
tauces  relatives  à  l'auteur  présumé  de  l'ouvrage,  à  l'époque  de  sa  com- 
position, qui  parait  devoir  être  fixée  vers  le  commencement  du  m« 
siècle,  et  enfin  au  fond  même  du  sujet.  Des  notes,  également  ingé- 
liieusesel  savantes,  sont  placées  après  le  texte,  dont  elles  éclaircissent 


6o4  LlVr.LS  ETRAjNGERS. 

les  dlITiculiéj.  Il  y  a  lieu  de  présumer  que  ce  livre  sera  favorablement 
acciuilli  en  France,  et  parliculièremenl  par  les  habitans  du  pays  dont 
il  raconte  les  tradilions.  —  Ce  volume  est  dédié  à  M.  Alphonse  Mahul, 
l'un  des  collaborateurs  de  la  Revue  Encyclopédique.  M.  le  chevalier 
Ciampi ,  instruit  qu'une  des  villes  dont  on  lit  le  nom  dans  le  titre  de  son 
livre,  est  la  pairie  de  notre  collaborateur,  a  voulu  saisir  celle  occasion 
de  lui  donner  un  témoignage  éclatant  de  sa  bienveillance.  X. 

2ôg.  —  Fr<igmcnto  d'un'  ELegia  ,  elc— Frap;menl  d'une  élégie  d'Her- 
mcsianax,  traduit  et  éclaire!  \>m  Framesco  jSegbi.  Milan,  i8a2.  In-S". 

Hermesianax,  disciple  et  ami  de  Tbilète,  poète  élégiaque,  comme 
lui,  florissait  >ioas  les  règnes  de  Ph  lippe  et  d'Alexandre-Ie-Grand.  Il 
écrivit,  dit-on,  trois  livres  d'élégies,  adressées  àLéontium,  sa  maî- 
tresse; mais  il  ne  nous  en  est  parvenu  que  près  de  cent  vers,  qu'Athé- 
née lira  de  son  troisième  livre.  Ce  fragment,  qui  fait  regretter  la  perte 
de  ses  poébies,  a  excité  la  critique  de  plusieurs  savans  commentateurs  , 
qui  ont  tous  cru  l'avoir  assez  éclairci.  M.  Negri  vient  d'ajouter  encore  â 
leurs  édaircissemens,  et  il  l'a  fait  véritablement  avec  tant  de  savoir, 
qu'il  sut  passe  tous  ses  devanciers.  Hcrmesianax ,  dans  son  élégie  ,  s'é- 
tait plu  à  passer  en  revue  les  victimes  les  plus  illustres  de  l'amour  :  ce 
qu'a  fait  Pétrarque,  dans  un  des  chapitres  du  Triomphe  d'Amour.  Au 
nombre  des  poètes  et  des  autres  savans  célèbres  qu'il  représente  comme 
des  amans  malheureux,  il  fait  paraître  Homère  lui-même,  qu'il  suppose 
avoir  été  amoureux  do  Pénélope,  ce  qui  semble,  avec  juste  raison,  à 
M.  Negri  un  peu  trop  bizarre.  Les  notes  grammaticales  et  historiques 
que  le  traducteur  a  ajoutées  à  son  texte,  ne  manquent  pas  d'intérêt  ; 
elles  font  preuve  de  son  savoir  comme  helléniste  et  comme  critique. 

240. — Sonctli  di  Angioio  AUori,  dclto  il  Bronzinn,  cd  altre  rime  iné- 
dite di  piùinsigni  poeli. — Sonnets  û' Angioio  Allori,  surnommé  le 
Eronzino,  et  autres  vers  inédits  de  plusieurs  poètes  célèbres.  Florence, 
1825. 

jVI.  le  chanoine  Moreni,  ne  se  lasse  point  d'offrir  de  riches  tributs 
à  la  république  des  lettres,  et  surtout  à  l'Italie;  c'est  à  lui  qu'elles  doi- 
vent encore  cette  publication.  Quoique  ce  genre  de  littérature  ait  déjà 
été  souvent  exploité  par  des  mains  habiles,  la  curiosité  des  Italiens  pa- 
rait toujours  avide  de  ces  nouvelles  publications.  Ce  n'est  pas  tant  l'inté- 
rêt qu'ils  portent  a  cette  sorte  de  compositions,  que  la  vénération  qu'ils 
conservent  pour  des  noms  célèbres  qui  leur  fait  rassembler  ces  pièces 
oubliées  ou  dispersées.  Les  noms  de  Caro,  de  Molza,  de  SannazarOjde 
Rcdi,  Menzini,  etc. ,  suffisent  pour  justifier  les  intentions  de  M.  More- 
ni et  de  ceux  qui,  comme  lui,  s'occupent  à  recueillir  tout  ce  qui  a  jelé 
p  j    ut  jelcr   encore  quelque  éclat  sur  leur  littérature  nationale. 


rJVRES  ETRANGERS.  r,o" 

1^1. — 11  fiorc  delV  artc  clcW  intuqtio  niUc  slampe  con  singotare  stu- 
dio raccollc ,  etc.  —  La  perltciion  de  l'art  de  la  £;r:ivure  dans  les  esliioa- 
jjc's  recueillies  avec  beaucoup  de  soin  par  M.  Luicji  Ginoio.  Padouc , 
1825.  In^'- 

M.  Antoine  Marsan,  professeur  à  l'univer.*ilé  de  Padoue ,  à  qui  nous 
devons  la  plus  bel'e  édition  des  poésies  de  Pctrarque ,  a  voulu  décrire 
et  illustrer  une  collection  d'estampes  plus  précieuse  que  riche,  possédée 
par  Louis-Gaudio,  Paduuan.  11  expose, dans  une  introduction,  les  diver- 
ses méthodes  de  fdire  ces  collections  d'estanipirs  ;  et  à  cette  occasion,  il 
rappelle  plusieurs  collections  de  ce  genre  formées  à  Padoue  ,  et  nomme 
le»  particuliers  qui  les  possèdent,  tels  que  M.M.  Jean  de  Lazara,  An- 
dré Majer,  l'abbé  Daniel,  M.  Francesconi,  le  marquis  Frédéric 
Manfredini ,  etc.  Le  petit,  mais  excelle. :t  ouvrage  de  M.  Gaudio ,  se 
borne  aux  chefs-d'œuvre  des  meilleurs  artistes,  et  plutôt  des  anciens  que 
des  modernes,  dont  les  sujets  appartiennent  au  genre  le  plus  sublime  , 
au  genre  historique.  Les  descriptions  qu'en  fait  l'éditeur,  ont  beaucoup 
de  clarté  et  de  précision,  il  emploie  toutes  les  lumières  de  l'art  et  de 
riiisloire  pour  instruire  et  inléresfer  ses  lecteurs.  F.  Salfi. 

242. — Mcmoric  delta  R.  acadeinia  Ercolanese  di  arclioolocjic.  — Mé- 
n^oires  de  l'académie  royale  d'archéologie.  Kaples ,  iSaS    To:n.  I. 

De  toutes  les  Sociétés  savantes  et  littéraires  de  l'Italie,  celles  qui  se 
rendent  les  plus  utiles  dans  les  circonstances  actuelles,  ce  sont  celles 
qui  s'occupent  des  antiquités  de  leur  pays.  On  leur  laisse  une  entière 
liberté  d'explorer,  de  rechercher,  d'écrire;  aussi  les  auteurs,  gênés  sur 
tant  d'autres  points,  se  dédommagent  dans  l'archéologie.  A  l'exemple 
de  Rome,  la  ville  de  Waples  a  récemment  reçu  une  Société  ou  Acadé- 
mie avchcoioqique.  Cette  nouvelle  institution  s'est  hâtée  de  faire  con- 
naître son  existence  par  un  premier  volume  de  mémoires.  Les  maté- 
riaux ne  pouvaient  manquer  dans  un  pays  où  l'on  tire  des  villes  entières 
de  dessous  les  cendres.  On  y  trouve  une  dissertation  de  Fr.  Rossi,  sur 
une  médaille  de  Crispus-César ,  fils  de  Constantin,  trouvée  à  Capoue 
avec  la  légende  "i^r^ws  cxercit;  une  autre  dissertation  du  même  savant 
sur  une  inscription  de  P.  Œlius  Mucien ,  ainsi  connue  :  P.  /Etio  Mu- 
ciano  sfcc.  leg.  II.  aajut.  P.  OElio  Muclano  Sfccululori  te-glonis  sccun- 
dœ  adjutrices.  L'auteur  s'attache  surtout  à  bien  définir  la  signification 
du  mot  specutalor  chez  les  anciens.  M.  Andrés  a  inséré  un  mémoire  au 
sujet  du  commentaire  d'Ëustate,  sur  Ilomèie,  et  il  a  fait  connaître  une 
carte  géographique  de  i455,  dans  laquelle  il  trou  vemarquée  la  positiondes 
Antilles;  il  faudra  que  M.  Andrés  ne  laisse  aucundoute  sur  la  date  de  cette 
carte.  M.  Avellinoa  écrit  sur  une  couronne  d'or,  qu'on  a  trouvée  en  i8i5, 


6o6  LIVRES   ÉTRANGERS. 

dans  un  tombeau  antique,  auprès  d'Armetilo,  dans  ia  Basilicato  ;   celte 
couronne  c.«J   tressée  de  feuilles  de  rhêne,  entrelacées  de  petites  bran- 
ches et  de  fleurs;    on  croit  y  reconnaître  des  roses,    des  narcisses,  du 
lierre,  etc.  Sur  les  fleurs  et  les  feuilles  le  ciseleur  a  représenlé  des  abeil- 
les ;  on  y  voit  six  (icji'res  ,   dont  quatre  de  femmes  et   deux    d'hommes. 
Cette  couronne   fournit   à   M.    Avellino   l'occasion    de  discuter  sur  les 
couronnes  des  anciens,   et  parfieulièremeut  sur  la  manière  de  les  com- 
poser pour  les  divers  usages.  C'éfai.  nt  des  couronnes  du  genre  de  cel- 
le-ci qu'on  oITrit  au  nombre  de  2,000,  pendant  les  funérailles  de  Sylla  , 
et  que  toutes  les  villes  de  Tbessalie,  selon  Plutarque,  consacrèrent  aux 
mânes  de  Péiopidas.  L'auteur  a  répandu  beaucoup  d'érudition  dans  ce 
mémoire.  M.  Careani  n  éclairei  une  inscription  découverte  en  ij6ri ,  >ur 
la  porte  du  temple  d'I.-is  à  Pompéi,   et  concernant  un  Numerius  Popi- 
d:us  adinis  au  nombre  des  décurions  pour  avoir  rétabli  ce  temple  ;  dans 
l'antiquité  comme  aujourd'hui ,  les  libéralités  faites  au  temple  portaient 
de  hauts  intéiêls;  voici  cette  inscription  :  N.    Pofidius  n.  f.  cetsinus 
œ4cm   Isidis  lerrœ   motu  contapsam  a  fundamcnto   P.  S.    resti'tuU 
hune  oh  (ibiralitatem  cnm  esstt  anvorum  scxs   ordini  suo  ffralis  adte- 
gerunt  :  hvsixs.  est  douteux;  l'auteur  énonce  la  conjecture  peu  heu- 
reuse que  ce  dévot  Popidius   était  peut  être  un  enfant  de  6  ans,   à  qui 
son  père  transférait  Ihonncur  d'avoir  rebâti  une  chapelle.  On  assure  que 
le  deuxième  volume  des  mémoires  de  la  Sociélé  contiendra  les  dessins 
de  ce  temple  d'isis.    Dans  le  premier  volume,  on   trouve  encore  une 
notice  sur  le  fragment  d'une  inscription  grecque,  consacrée    à  l'empe- 
reur Adrien,  par  la  ville  de  Cibyra  en  Phrygie,  et  trouvée  à  Pouzzoles 
en    1818  :  l'auteur  est  M.  Castaldi;  une   autre  notice  sur  un  diplôme 
grec  des  archives  de  ]\aples,  adressé  en  io55 ,  à  l'abbé  de  San-Nicolo  à 
Monopolis;  enHn  ,  une  troisième  notice  de  M.  Garguilo,  sur  les  noms 
grecs  encore  subsistans  des  lieux  situés  entre  le  Sarno  et  le  cap  de  Mi- 
nerve. Il  serait  à  désirer  que  celte  Société  publiât  aussi  la  suite  des  an- 
tiquités d'Herculanum;  mais  il  faudrait  que  le  gouvernement  fournît 
des  fonds  :  or,  les  fonds  sont  rares  dans  un   pays  soumis  à  l'occupation 
étrangère.  Toutefois,   il  est  récemment  sorti  de  l'imprimerie  royale  de 
Kaplcs,  un  volume  in  folio  ,   avec  107  planches,  sous  ce  titre  :  G/t  or- 
nati  délie  pcreti  e  di  pavimenti  dette  slanze  dclV  antica  Pompei  ;  c'est-à- 
dire,  décoration&  des  murs  et  pavés  des  chambres  dans  l'ancienne  Pom- 
péi; c'est  la  représentation  des  arabesques,  mosaïques  et  autres  orne- 
mens  trouvés  dans  1rs  mais  ms  antiques  de  celle  ville.   On  y  remarque 
plusieurs  groupes  et   compositions  inléiessantes  pour  l'artiste  et  l'anti- 
quaire ,  entre  autres  six  dessins  des  arènes   de  l'amphitéâlre,  mainte- 


LIYRKS  ÉTRANGERS.  (k.7 

iianl'détruitc's.  Il  faut  ajouter  que  l'imprimerie  royale  vient  de  Lire 
aussi  les  frais  d'ime  nouvelle  édilion  df.s  monumens  inédils  de  Winkel- 
mann.  Plusieurs  savons  se  sont  réunis  pour  publiur,  par  livraisons  et  <'n 
peut  format,  les  chefs-d'œuvre  antiques  du  musée  de  Waples.  L'Acadé- 
mie s'est  cbargée  de  la  moitié  des  dépeases.  D  —  g, 

PAYS -15  A  S. 

243.  —  Mémoires  sur  qxtelques  svjets  intcressans  d'anatomie  et  de 
physiologie,  par  M.  Vbolir,  traduits  du  hollandais,  par  M.  Fallût. 
Amsterdam  ,  «822 ,  de  l'imprimerie  de  L.  Van  Es.  Un  vol.  in-4°  de  loi 
p;ig.,  avec  i3  planches. 

Ces  Mémoires  se  trouvaient  épars  dans  la  collection  des  Mémoires  de 
la  première  classe  de  l'Institut  des  Pays-Bas,  dont  M.  Vrolik  est  secré- 
taire perpétuel.  M.  Fallot  les  a  réunis  dans  un  volume,  et  les  a  publiés 
en  français,  afin  de  les  mettre  à  la  portée  d'un  plus  grand  nombre  de 
lecteurs.  On  lui  doit  des  éloges  pour  avoir  traduit  ces  Mémoires  curieux  , 
qui  étaient  en  quelque  sorte  ensevelis   dans  les  actes  de  l'Institut  des 
Pays-Bas. — Dans  U-  premier  de  ces  Mémoires,  il  est  question  d'un  cas 
singulier  de  retard  dans  le  développement  et  de  ramollissemeut  partiel 
du   tissu  osseux,  acrompagnés  d'atrophie  des  deux   neifs  optiques  par 
suite  de  cécité,  chez  un  garçon  de  quatorze  ans. — Dans  le  sccund  Mé- 
moire,  M.  Vrolik  expo-ie    un  cas  qu'il  a  observé,    d'un   fœtus  mons- 
trueux, né  au  bout  du  huitième  mois  de  la  grossesse,  en  mè'ne  tems  qu'un 
enfant  bien  conformé.  Les  raisonncmens  anatonsiques  et  physiologiques 
dans  lesquels  l'auteur  entre  à  ce  sujet  sont  remarquabks  :  il  donne  des 
détails  très-lumineux  sur  ces  vices  de  conformation,  désignés  sous  le 
nom  de  monstruosités,  dont  il  possède  une  quantité  d'exemples. — Le  troi- 
sième Mémoire  a  pout  objet  un  cas  d'extrnversion  de  la  vessie ,  accom- 
pagné d'un  prolapsus  d'une  portion  retournée  Je  l'intestin  grèle,  qui  a 
perforé  la  paroi  postérieure  de  In  vessie. — Le  sujet  du  quatrième  et  der- 
nier Mémoire  est  un  vice  de  conformation  ,  accompagné  de  la  dénuda- 
tion  de  la  moitié  antérieure  de  la  vessie,  et  de  la  division  partielle  du 
pénis.  —  On   reconnaît  dans  ces  Mémoires  l'exactitude  de  l'anatomiste 
consommé,  et  les.  profondes  connaissances  physiologiques   qui  distin- 
guent le  savant  docteur  "Vrolik.  K. 

244-  —  Essai  de  philosoptiie  physique,  par  L.  R.Ghdyer,  ancien  ins- 
pecteur des  douanes  françaises.  Biuxelles,  1823  ;  Delemer,  fières;  Pa- 
ris, Ferra  jeune.  Un  vol.  in-S". 

Cet  ouvrage  avait  déjà  paru  sous  U- li[te  de  Notions  prciiminaires  sur  tes 


0^8  LIVRES  ÉTRANGERS. 

propriétés  /jéncraics  des  corps,  et  sans  nom  d'nuteur.  En  publiant  cette 
nouvcUe  cdilion,  el  en  cl.an-eai.l  sou  titre,  M.  Gruyer  a  cru  devoir  se 
nommer,  cl  il  a  bic ,.  fait.  Il  n'a  j.oiDl  de  motif  pour  désavouer  le  fruit  de 
son  travail;  ses  vues,  si  elles  ne  sont  point  adoj.tées,  auront  néanmoins 
le  meule  d'avoir  provoqué  des  discus*ions  utiles,  et  d'avoir  appelé  l'at- 
teniioD  sur  des  principes  qu'on  admet  trop  souvent  sans  examen  ,  sur 
des  h.vpoll.èses  dont  on   néglige   plusieurs  eonséquences  qui  semblent 
contredites  par  les  f.iis.  En  un  mot,  si  l'on  ne  suit  pas  tout-à-fait  sa  ma- 
n-er<.  de  philosopher  en  pbysi.jue,  on  s'attachera  du  moins  à  raisonner 
avec  plus  de  rigueur,  à  ne  pas  se  contenter  d'une  demi-certitude,  à  sen- 
tir et  à  exiger  l'évidence.  Quant  au  nouveau  titre  de  cet  ouvrage,  il  ne 
sera  p;,s  hors  de  propos  de  nous  y  arrêter  un  moment. -Vers  la  fin  du 
dernier  siècle,  Fourcroy  publia  une  Phitosophie  chimique.  Cette  tenta- 
ti^e  ne  fut  pas  heureuse,   parce  qne   la  cl.imie  n'éiait  pas  encore  assez 
avancée  pour  qu'il  fût  possible  de  la  présenter  cous  la  forme  dite  pUilo- 
Sophie.  Cependant ,  Fourcroy  eut  des  imiiateurs,  et  quelques  traités  de 
science*  prirent  le  titre  de  philosophiques.  Cette  innovation  dans  le  li- 
tre fi-  penser  que  la  science  allait  s'oBrir  dans  ces  ouvrages  sous  un  as- 
pect nouveau;  mais  celte  attente  lut  trompée.  Le  dépit  des  lecteurs  se 
tourna  contre  le  mot  phitosophie;  on   en  vint  à  penser  qu'il  désignait 
une   vaine  métaphysique  désavouée  par  les  sciences  qui  se  composent 
uniquement  de  laits  ci  de  lois,  et  que,  si  l'on  veut  avancer  dans  la  car- 
rière, il  faut  éviter  de  perdre  son  tems  à  de  pareilles  subtilités.  On 
craignit  qu'après  avoir  f.iit  la  philosophie  de  chaque  science,  on  n'entre- 
prît de  rédiger  aussi  la  philosophie  doia  philosophie,  et  laissant  faire 
ceux  qui  se  plaisent  à  ces  sortes  de  considérations,  on  marcha  droit  à  la 
recherche  de  vérités  nouvelles.  Il   ne  sera   pas  facile  de  réhabiliter  ce 
ETiOt  de  philosophie  dans  l'opinion  de  ceux  qui  estiment  les  connaissan- 
ces en  raison  de  leur  utilité.  — Laissons  maintenant  le  titre  de  l'ouvrage, 
et  parlons  des  doctrines  nouvelles  de  M.  Gruyer.  Ce  phy.Nicien  a  cher- 
ché à  débarrasser  !..  science  de  V.ua  de  ses  mystères  contre  lequel  notre 
imagination  ne  cessera  jamais  d'être  rebelle,   la  porosité  des  corps  que 
l'on  est  forcé  de  regarder  comme  infinie,  en  comparaison  du   volume 
réel   de   toutes  les  molécules  dont  ces  corps  sont  formés  ;  ce  qui  n'em- 
pêche pas  l'action  mutuelle  de  ces  molécules  les  unes  sur  les  autres;  et 
par  conséquent,  cette  action  peut  avoir  lieu  sans  contact.  Afin  de  dissi- 
per au  moins  la  moitié  de  ces  ténèbres,  notre  auteur  introduit  la  porosité 
dans  les  molécules  mêmes  ,  ce  qui  lui  permet  de  les  mettre  en  contact. 
Jusqu'à  présent,  les  physiciens  ont  construit  l'édifice  des  corpsavecdes 
matériaux  solides,  mais  suivant  un  procédé  fort  étrange  :  des  atomes 


LIVRES  ÉTRAÎSGERS.  609 

d'une  densité  ab!:oluc  «Uaie'Dt  tenus  écailt's  les  uns  des  autres,  non  par 
un  ciment  solide,  mais  au  contraire  parla  cause  générale  de  toute  flui- 
dité. M.  Gruycr  imite  le  procédé  des  architectes.  Pour  construire  un 
vaste  édifice  en  n'employant  que  peu  de  matière,  il  creuse  ses  maté- 
riaux jusqu'à  te  qu'il  leur  ait  donné  la  légèreté  requise  ;  puis  il  les  as- 
semble à  la  manière  ordin;iire.  Cette  idée  est  séduisante  ,  mais  l'auteur 
ne  l'a  pas  rom))létée.  En  essayant  de  construire  ses  molécules  poreuses, 
au  moyen  de  petits  cylindies  dont  deux  dimensions  sont  infiniment  pe- 
tites, par  rapport  à  la  troisième,  il  n'a  [)as  iudii;ué  par  quelle  loi  d'at- 
traction ces  cylindres  élémentaires  devraient  être  fixés  à  la  place  qu'il 
leur  assigne,  et  cette  loi  ne  peut  être  aucune  de  celles  que  l'on  connaît. 
Il  est  donc  à  craindre  que  son  liypollièse  ne  puisse  jamais  être  mise  hors 
de  doute,  car,  pour  établir  la  loi  qui  manque,  il  ne  suffirait  pas  de 
rimajjinei;  il  faudrait  la  déduire  d'une  série  de  laits  ;  et  comme  les  molé- 
(ules  une  fois  formées  seraient  indestructibles,  il  nou»  serait  impossible 
«l'observer  le  mode  de  leur  formation.  —  Suivant  notre  auteur,  on  don- 
ne le  nom  d'inertie  à  l'indilTérence  parfaite  que  la  matière  affecte  pour 
le  mouvement  ou  pour  le  repos  :  cette  définition  ne  peut  être  juste.  La 
notion  d'inertie  dont  on  se  passerait  très-bien  en  physique,  dérive  des 
lois  de  la  communication  du  mouvement,  et  la  propriété  de  la  ma- 
tière que  ce  mot  désigne  ne  peut  être  que  la  niasse.  Il  y  a  donc  dan»  la 
science  deux  mots  pour  une  seule  idée,  ce  qui  n'est  jamais  sans  incon- 
vénient.— Ce  que  nous  venons  de  dire,  suffit  pour  faire  voir  que  le  livre 
de  M.  GruyiT  doit  être  lu  et  médite,  et  que,  sans  admettre  les  opinions 
de  l'auteur,  les  physiciens  n'auront  pas  à  regretter  le  terns  consacré  à 
cette  lecture.  Fkbhï. 

245.  —  De  Jvsti  Lipsii  vita  et  scriptis  Commeniarius,  etc. — Mémoire 
sur  la  vie  et  les  écrits  de  Juste  Lipse,  par  Fr.  Aug.  baroa  de  Rkiffen- 
BEBG,  ouvrage  couronné  par  l'Académie  royale  de  Bruxelles,  Bruxelles, 
ï823;  P.  .1.  de  Mal.  Un  vol.  in-4°  de  258  pag. ,  orné  du  portrait  de  Juste 
Lipscet  d'une  yuo  de  sa  maison. 

Il  e^t  bon  de  montrer  de  tems  en  tems  à  la  frivolité  de  notre  siècle 
quelqu'une  de  ces  graves  et  imposantes  figures  des  siècles  passés,  ne  fût- 
ce  que  pour  rappeler  un  moment  à  notre  amour-propre  qu'il  y  eut  une 
époque  où  le  titre  d'homme  instruit  ne  s'obtenait  pas  aussi  facilement 
qu'aujourd'hui ,  où  il  fallait  avoir  consacré  de  longut's  veilles  aux  lettres 
grecques  et  romaines  pour  oser  parler  d'un  ancien,  où  l'on  ne  jugeait 
passons  rien  savoir,  cù  l'ignorance  ne  pouvait  être  long-tems  en  crédit, 
parce  qu'on  s'imaginait  encore  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  honteux  pour  une 
nation  que  ces  mensonges  publics  dont  elle  semble  complice,  où  l'é'.u- 


r.io  '  LIVRES  ÉTRANGEkS. 

ilit  le  plus  profond  croyait  n'avoir  acquis  ,  par  se»  médilations  et  ses  tr»-    il 
vaux,  que  le  droit  de  proposer  ses  conjectures  et  ses  doutes.  La  plupart    ^i 
de  ces  hommes  laborieux  sont  oubliés.  C'est  cependant  par  leurs  recher-   ilj 
ches  fécondes  que  se  sont  formées  peu  à  peu  les  seules  notions   qu'on   | 
puisse  rassembler  aujourd'hui  sur  la  chronologie ,  l'histoire,  le  gouverne-  li 
ment ,  les  mœurs  de  la  Grèce  tt  de  Rome  ;  et  nous  recueillons  ,  presq>ie 
sans  y  songer,  les  fruits  que  nous  ont  h  gués  ces  tenis  de  persévérance  et 
de  bonne  foi,  si  mal  appréciés  par  quelques  beaux  esprits.  On  prétend 
que  c'était  le  règne  du  pédanlisme,  et  il  est  naturel  qu'on  le  prétende; 
car,  trop  souvent,  nous  accusons  de  pédantisme  ceux  qui  ont  été  nos 
instituteurs  et  nos  m;iîtres.  Quand  nous  avons  jeté  un  coup-d'reil  super- 
ficiel et  dédaigneux  sur  toutes  ces  connaissances  qu'ils  nous  ont  révélées, 
quand  nous  croyons  avoir  embrassé  en  quelques  jours  re  qu'ils  n'ont  ap- 
pris que  par  de  longues  études,  nous  les  jugeons,  et  notre  orgueilleuse 
confiance  se  croit  supérieure  à  leur  antique  simpllrité.  On  trouve,  il  faut 
l'avouer,  cette  injustice  et  cette  ingratitude  dans  la  plupart  de  ceux  que 
l'on  entend  parler  des  Saumaise,   des  Muret ,  des  C^saubon,  des  Juste 
Lipse;  ils  les  appellent  des  commentateurs ,  et  croient  avoir  tout  dit. — 
Mais,  pour  ne  nous  orcuper  ici  que  de  Juste  Lipse,  qui  a  donné  lieu  à  ces 
réflexions  ,  et  pour  ne  l'envisager  même  que  comme  interprète  des  an- 
ciens,  comme  auteur  de  commentaires,  croit  -  on  que  ce  soit  peu  de 
chose  que  d'avoir,  le  premier,   fait  connaître  aux  modernes  le  génie  de 
Tacite,  de  leur  avoir  expliqué  le  caractère  de  son  style  ,  d'avoir  épuré 
son  texte,  que  tant  de  siècles  et  d'ignorans  copistes  avaient  alléré;  d'a- 
Toir  en  quelque  sorte   recréé  cet  immortel  monument  d'énergie  et  de 
vertu?  Voilà  ce  que  l'on  doit  a  Juste  Lipse;  il  est  encore,  à  proprement 
parler,  le  seul  éditeur  de  ce  grand  historien;  car,  en  France,  en  Angle- 
terre   en  Allemagne  ,  on  s'est  à  peu  près  contenté  de  reproduire  ses  Ira- 
vaux.  Je  ne  connais  point  non  plus  d'interprète  de  Sénèque  qui  ait  ef- 
facé le  premier  commentateur  de  ses  œuvres  complètes.  Si  l'on  songe 
que  Juste  Lipse ,  outre  ces  deux  grands  ouvrages ,  a  publié  des  notes  pré- 
cieuses sur  Valère-Maxirae,  Sénèque  le  tragique,  Pline  le  jeune,  Vclléius, 
Suétone,  etc.;  qu'il  a  donné  plusieurs  recueils  de  lettres  sur  divers  points 
d'antiquité,  et  des  dissertations  spéciales  sur  la  milice  romaine,    la  po- 
iiorcétique,  les  gladiateurs,  l'amphithéâtre,  les  vestales,  les  bibliothè- 
ques, la  philosophie  stoïcienne,  et  que  la  plupart  de  ses  décisions  font 
encore  autorité  ;  qu'enfin^  au  milieu  de  toutes  ses  recherches  d'érudition, 
il  a  eu  la  gloire  d'apprécier  un  des  premiers  le  génie  de  noire  Montaigne, 
quoiquedansune  langue  qui  n'était  pas  la  sienne,  et  dans  un  genre  si  peu 
conforme  à  celui  de  ses  éludes,  on  conviendra  peut-être  qu'un  lel  homme 


LIVRFS  ÉTRANGERS.  Tiit 

mérilait  l'honneur  que  lui  a  dérerné  l'Académie  du  Bruxelles,  en  finsaiit 
de  pon  éloge  li-  sujet  d'un  conrours  public  ;  et  que,  si  celle  dette  de  la 
reconnaissance  a  dû  èlre  surtout  acquittée  par  les  compalrio'es  de  Juste 
Lipse,  toute  l'Europe  savante  doit  applaudir  au  panégyriste  qu'ils  ont 
couronné.  —  M.  de  RciQenberg,  qui  a  pris  pour  devise,  Moribus  anti- 
quis,  et  dont  nous  avons  annoncé  les  travaux  sur  les  anciennes  annales 
de  sa  pairie  (Vov.  ci-dessus,  pag.  Jjj),  n'a  rien  négligé  de  ce  qui  pou- 
vait contribuer  à  la  gloire  de  son  héros  ,  un  des  plus  illustres  professeurs 
de  l'université  de  Louvain.  Il  paraît  avoir  In,  avec  une  patience  vraiment 
honorable,  la  longue  biographie  écrite  par  Auberl  Le  Mire  ;  après  une 
analyse  claire  et  succincte  de  ces  mémoires,  il  rend  un  compte  iriélho- 
dique  de  tous  les  ouvrages  de  Juste  Lipse;  il  rappelle  les  jugemens  qu'on 
en  a  portés,  les  éditions  qu'on  en  a  laites,  et  ne  se  montre  pas  inférieur 
en  sagacité,  en  exactitude,  à  celui  qu'il  s'est  chargé  de  célébrer,  frut- 
être  lui  ressemble  t-il  aussi  par  quelques  négligences  de  style.  Scioppius 
en  reprochait  un  assez  grand  nombre  à  Juste  Lipse  :  sans  vouloir  imiter 
cet  impitoyable  censeur,  j'indiquerai  seulement ,  pag.  i5,  ruris  agerc; 
pag.  19  ,  in  homine  contrariis  consuto;  pag.  94 ,  quando  quidcm,  pour 
velquum,  etc.  Mais  ces  légères  taches ,  fort  rares  dans  un  ouvrage  si 
étendu  ,  et  qui  a  demandé  un  travail  si  pénible,  sont  aisément  efiTacée» 
par  la  variété  des  recherches,  l'intérêt  des  récits,  la  clarté  des  analyses, 
Id  ^olidilé  de  la  critique ,  et  ce  goût  facile  et  pur,  qui  suffirait  pour  prou- 
ver, quand  d'autre»  ouvrages  de  M.  de  Rciffeuberg  ne  l'attesteraient  pas, 
que,  fidèle  à  l'exemple  que  lui  donnait  Juste  Lip.e  lui-même,  il  a  étu- 
dié et  quelquefois  imité  nos  bons  auteurs  français  avec  le  même  soin  et 
le  même  succès  qu'il  écrit  en  latin  l'éloge  des  savans  de  «■«  nation. 

J.  V.  Lk  Clekc. 

2^6.  — p,  J.  L.  HcET,  De  Grœcorum  et  Vondciii  tragedià.  Trajecti 
ad  r.henum,  apud  Van  Paddenburg,  et  Van  Schoonhoven ,  Academiae 
typographos,  1821.  Un  vol.  in-d"  de  iSiî  pages. 

L'Académie  d'Ulrecht  avait  proposé,  pour  sujet  de  prix,  cette  ques- 
tion littéraire  :  «  Disquiratur,  quœnam  universe  fucrit  tragediœ  grœcœ 
ratio,  ad  enmque  exigatur  nobilissima  Fondelii  fabula,  Gyshrcvht 
van  Amstct.  »  Deux  concurrcns  ont  partagé  le  prix,  à  luéiite  égal. 
Nous  avons  déjà  parlé  du  travail  de  M.  Parreau  ;  nous  allons  examiner 
aujourd'hui  celui  de  son  compétiteur,  M.  Huet.  Les  deux  concur- 
rens  ont  très-bien  senti  que  celte  expression  un  peu  vague,  grœcœ 
iragediœ  ratio,  les  obligeait  à  donner  une  idée  générale  mais  com- 
plète du  théâtre  grec,  et  à  le  rapprocher  ensuite,  sous  ses  rapports 
divers,  des  compositions  nationales  de  Voadel,   et  surtout  de  sa  pièce 


^J'*^  LIVRES  ÉTRANGERS. 

luliliilée  GysbreclU  d'Amsterdam.    Le  Mémoire  de  M.  Hi.et  me  paraît 
siipériiiir  à  celui  de   M.   Parieau,  sous  les  rapports  de  la  méthode ,    la 
di-position  et  les  vues;    mais  il  lui  est  inférieur  peut-être  par  le  style  et 
la  manière  d  exposer  les  recherches,  résultat  de  l'érudition.  Cependant, 
je  remarquerai  à  ce  sujet  que  la  forme  dialoguée  que  M.  Parreau  a  don- 
née à  son  Mémoire,  et  dont  les  savans  se  sont  tant  de  fois  servis  au  xvi» 
et  xvne  siècles,  est  en  général  peu  favorable  à  des  matières  très-graves 
et  sérieuses  de  leur  nature.   J'aime  mieux,  dans  les  questions  de  phihi- 
logie  ,  un  ordre  purement  didactique    II  faut  craindre  de  donner  à  qui-1- 
que  genre  de  composition  que  ce  soit  un  ton  qui  lui  convient  peu.   Ré- 
servons le  badinage  d'une  conversation  familière  pour  les  sujets  légers; 
dans  les  sciences  et  dans  les  objets  de  pure  érudition  ,  on  doit  renoncer 
a  taire  de  l'esprit.  —  M.  Huet  a  divisé  sa  dissertation  eu  deux  parties. 
Dans  la  seconde,  il  rapproche  Vondel  des  tragiques  grecs  ;   dans  la  pre- 
mière, il  se  contente  de  donner  un  tableau  général  du  système  de  cette 
belle  tragédie,   où  les   chœurs  majolueux  de  Sophocle,   et  la  brillante 
poésie  d'fcuripidc  ,  venaient  délasser  les  Grecs  au  milieu  de  leurs  graves 
devoirs  de  citoyens.  Celte  partie  de  l'ouvrage  est  du  plus  grand  intérêt. 
S'appnyant  d'abord  de  la  conn;«i9sancc  approfondie  du  texte  antique ,  et 
de  Tautoritë  des  plus  célèbres  commentateurs,  le  père  lirumoy,   Bar- 
thélémy, Blaire,  Heyne  ,  Schlegel  el  Bilderdyk,   l'auteur    présente  le 
.«système  général  que  les  Grecs  ont  adopté  pour  leur  ihéâlre.  Dans  des 
prolégomènes  a.>,scz  étendus,  il  indique  l'origine  et  les  progrès  du  théâtre 
des  Grecs,   et  donne  quelques  détails  sur  la  forme  de  l'orchestre,   du 
iogcum,  du  proscenium  et  du  thyméic,  celte  espèce  d'autel  autour  duquel 
le  chœur  se  groupait.   11  traite  successivement  du  sujet  des  tragédies 
{argumenta),  des  unités,  de  la  division  el  de  la  marche  de  l'action   dis- 
jiosifione,  ■partitione),  (\\i^'\\  ^at{a^ç  civfrotogue,  è-pisode  et  exorde,   et 
du  caractère  des  personnages,  et  enfln  des  chœurs  et  du  but  [fine)  des 
tidgédics  grecques.    La  seconde  parlie  est   d'un  intérêt  plus  restreint, 
parce  qu'elle  est  uniquement  consacrée  à  la  comparaison  détaillée  de  la 
pièce  de  Vondel  et  du  genre  des  tragédies  grecques.   La  dissertation  d& 
CItoro  est  surtout  remarquable.  On  peut  y  suivre  la  marche  successive 
de  Titction  drumatique  depuis  ces  tems  primitifs,  où  le  chœur  compo- 
sait presque  toute  la  pièce,  jusqu'au  point  de  perfectionnement  où  Eu- 
ripide porta  le  théâtre  de  sa  patrie.   Alors  le  chœiir,  relégué  dans  l'or- 
chestre, était  chargé  de  soutenir  l'action  pendant  que  la  scène  était  vide  ; 
entourant   le  thyméic,  ou  s'élevant  parle  cliarontium,  il  commentait 
en  quelque  sorte  l'ation  dramatique.    C'est  ainsi  qu'an  dénouement  de 


LIVRES  FRANÇAIS.  Giô 

VOEdipe  roi,   de  Sopliocle,  il  excile  le  peuple  à  braver  les  coups  du 
sort,  et  à  opposer  un  front  intrépide  à  la  colère  même  des  dieux. 

C.  GOQOEREL. 

LIVRES  FRANÇ4IS. 

247. — Le i)on  Jardinier,  Almanoch  pour  l'année  iSaf ,  contenant  des 
préceptes  f;enéraux  de  culture,  l'indication,  mois  par  mois,  des  travaux 
à  faire  dans  les  jardins  ,  la  description  ,  l'histoire  et  la  culture  particu- 
lière de  toutes  les  plantes  potaj^ères,  économiques,  ou  employées  dans 
les  arts  ou  pour  fourrages  ;  des  arbres  fruitiers ,  de  la  manière  de  les  bien 
conduire,  et  l'indicalioa  des  meilleurs  fruits  ,  des  oignons  et  plantes  à 
fleurs  d'ornement,  etc.;  et  une  table  française  tiès-complète  de  tous  ies 
noms  de  cbaque  plante,  avec  un  noca^w/ft/re  explicatif  des  termes  de 
jardinage  et  de  botanique;  par  M  VI.  Vii.morfn  ,  memhre  de  la  Società 
royale  d'agriculture,  de  la  Société  liorticuiturale  de  Londres,  etc.  ;  et 
Noisette  ,  membre  des  Socittés  horliculluratcs  de  Londres  et  de  Berlin, 
etc.  Paris,  1S24,  Audot;  Bruxelles,  Tailicr.  In-12  de  1084  pages,  avec 
figures  gravées;  prix  8  fr. ,  et  10  fr.  10  c.  par  la  poste. 

L'historique  de  cet  almanach  suffira  pour  lui  attirer  !a  conGance  des 
cnitivaleurs.  Conçu  en  1754,  accru  et  amélioré  successivement  entre 
les  mains  de  rédacteurs  habiles,  il  est  parvi'uu  au  point  de  contenir, 
dans  un  seul  volume,  toutes  nos  connais>ances  en  jardinage.  L'art  ne 
fait  pas  une  découverte,  la  culture  ne  s'enrichit  pas  d'une  plante  nou- 
velle, sans  que  l'almanach  s'empare  sur-le-champ  de  ces  deux  sortes 
d'acquisitions.  Ainsi,  pourvu  qu'il  ait  été  complet  une  seule  fois  dans  le 
cours  de  sa  longue  existence,  il  n'a  pu  cesser  de  l'être,  puisque  les  ré- 
dacteurs le  tiennent  scrupuleusement  au  courant  de  tout  ce  que  l'on 
apprend.  Quoiqu'il  ait  été  rédigé  spécialement  pour  le  climat  de  Paris, 
ses  préceptes  seront  facilement  adaptés  à  ce  qu'exigent  les  localités  plus 
chaudes  ou  plus  froides.  F. 

248. — Anatomicdc  l'homme,  ou  Descriptioft  et  Ggures  lithographiées 
de  toutes  les  parties  du  corps  humain  ;  par  Jules  Cloqcet,  D.  M. ,  pu- 
bliée par  C.  DE  Lasteykie.  Seizième  et  dix-septième  livraisons.  P;iris, 
1825-,  imprimerie  de  l'éditeur,  rue  du  Bac,  n°  58.  Deux  cahiers  iu-fol., 
avec  planches;  prix,  9  fr.  chaque  livraison. 

Le  naturaliste  qui  veut  étudier  ou  faire  connaître  des  êtres  organisés, 
areconnu  ,  depuis  long-tems,  que  de  simples  descriptions  étaient  sou- 
vent insuffisantes  pour  déterminer  leurs  espèces  avec  certitude,  parce 


6i4  LIVRES  FRANÇAIS. 

que  tous  leurs  caractères  ne  peuvent  être  décrits  à  la  fois,  et  qu'il  y  a  de 
ces  caractères  qui  se  rtfiisent  en  quelque  sorte  aux  descriptions.  Le  se- 
cours du  dessin  lui  a  fourni  le  moyen  d'abréger  en  même  lems  celles-ci, 
et  de  donner uDe  connaissance  bien  plus  complète,  et  souvent  absolue, 
des  êtres  naturels.  Aussi ,  ne  regarde-t-on  plus  actuellement,  en  histoire 
naturelle,  que  comme  très-mal  connus  les  ctres  dont  on  ne  possède  que 
des  descriptions  sans  figures.  La  science  rendue  plus  précise  par  leurs 
secours  ,  et  son  étude  plus  facile  et  moins  fastidieuse ,  comptent  un  plus 
grand  nombre  de  disciples  qui  concourent  à  ses  progrès.  Mais,  de  tou- 
tes ses  parties,  l'anatomie  humaine,  la  plus  difficile  dans  son  objet,  la 
])lus  importante  dans  sa  connaissance,  réclamait  plus  impérieusement 
l'assistance  d'un  art  qui,  associé  au  langage  descriptif,  fait  connaître  la 
nature  avec  tant  de  précision.  Déjà,  il  est  vrai,  de  magnifiques  mono- 
graphies anatomiques  avaient  été  publiées  par  d'illustres  auteurs,  et 
enrichies  de  ce  que  le  dessin  et  la  gravure  ont  de  plus  parfait  (i);  mais, 
relativement  à  l'ensemble  de  ia  science ,  ces  travaux  étaient  incomplets, 
comme  des  monographies;  et  en  outre,  le  prix  excessif  de  la  gravure 
ne  permettait  qu'à  un  petit  nombre  d'en  profiter. — M.  Jules  Cloquet, 
fn  appliquant  à  la  représentation  de  toutes  les  parties  du  corps  humain 
le  procédé  lilliographique  ,  si  fidèle  et  si  peu  dispendieux  ,  a  donc  rendu 
un  service  qui  ne  sera  pas  moins  senti  par  ceux  qui  veulent  apprendre, 
que  par  ceux  qui  veulent  se  ressouvenir  ;  il  a  élevé  à  l'anatomie  un  mo- 
nument qui  facilite  beaucoup  son  étude  aux  jeunes  médecins  ,  jaloux 
d'en  acquérir  une  connaissance  profonde,  et  qui  permet  aux  gens  du 
monde,  éloignés  des  amphithéâtres  par  un  juste  dégoût,  de  ne  pas  res- 
ter étrangers  aux  notions  les  plus  générales  de  l'organisation  humaine. 
Les  vastes  connaissances  anatomiques  de  l'auteur  ne  lui  eussent  point 
suffi  pour  donner  à  cet  ouvrage  tout  ce  mérite,  sans  une  sagacité  non 
moins  grande  et  dont  chaque  livraison  nouvelle  offre  de  nouveaux  té- 
moignages. Il  est  juste  lie  dire  que  le  travail  des  artistes  qu'il  dirige ,  et 
qui,  dans  les  commencemcns  ,  n'a  pas  été  toujours  également  heureux, 
semble  maintenant  avoir  atteint  la  perfection.         Rochoux  ,  D.  M. 

249.  —  Vade-mecum  du  jeune  Médecin,  contenant  un  Abrège  de  mè- 
decine-fratique ,  dans  lequel  les  maladies  se  trouvent  rangées  par  ordre 
alphabétique;  —  Ln  Précis  de  pharmacologie ,  renfermant  les  médica- 
mens  simples  et  composés,  les  formules  officinales  et  magistrales  les 
plus  usitées;   et  une  liste  alphabétique  des  propriétés  médicinales  des 


(l)    Ànatomie  (lu  cerviaii ,  de  G.*t,i,;  V(Sil  humain  ^  par  Si>iMiiERiNr.  ;   le  Sys- 
tème lymphatique  de  M.isiCAfi.si  ,  etc.,  etc. 


M  VUES  FRANÇAIS.  GiS 

médicamen»;  par  F.  T.  M-  Bocrgeoisb,  D.  M.  de  la  Faculté  de  Paris, 
etc.  Seconde  édition.  Paris,  1823  ;  Méquigiion-Marvis.  Ia-12  de  65o  p.; 
prix  ,   5  fr. ,  et  par  la  poste ,  (i  fr. 

On  est  bien  malheurcus  ,  quand  on  annonce  un  ouvrage,  de  ne  pas 
trouver  le  moyen  de  lui  donner  quelques  éloges  ;  mais  j'en  demande  p^i- 
don  à  l'auteur  du  T'ade-mccum  :  plus  j'ai  rais  d'attention  à  parcourir 
son  livre,  pour  en  dire  un  peu  de  bien,  plus  je  me  suis  convaincu  que 
les  jeunes  médecins,  pour  lesquels  il  a  été  fait,  n'y  puiseront  que  des 
idées  contraires  à  la  bonne  médecine-pratique.  M.  Bourgeoise  n'est  pas 
de  force  à  combattre  en  faveur  des  Gèvres;  depuis  long-tems,  leur  exis- 
tence n'est  plus  défendue  que  par  l'ignorance  ou  la  mauvaise  foi;  et  déjà, 
les  médecins,  je  ne  dis  p:is,  les  partisans  de  la  médecine  physiologique, 
mais  ses  plusacbarnés  adversaires  ,  ne  parlent  de  fièvres  adynamique?, 
ataxiques,  etc.,  qu'avec  la  plus  grande  retenue.  Cette  concession  qu'ils 
font  au  nouveau  langage  et  aux  nouvelles  doctrines  médicales,  est  déjà 
d'un  grand  avantage  pour  les  malades,  puisque,  dans  ces  Gèvres,  qui 
ne  sont  que  des  êtres  imaginaires  ,  on  ne  base  plus  le  traitement  sur  le 
quinquina  et  les  toniques  de  toute  espèce. —  Un  Vade-mecum,  pour  avoir 
quelque  valeur,  devrait  être  l'ouvrage  d'un  vieux  praticien,  qui,  s'é- 
tant  toujours  tenu  au  courant  des  nouvelles  découvertes,  les  apprécierait 
et  les  jugerait  avec  impartialité.  C'est  ce  que  je  crois  au-dessus  des  for-  , 
ces  de  tous  ceux  qui  nous  ont  donné  jusqu'à  présent  des  livres  dans  le 
genre  de  celui  que  nous  annonçons.  D. 

25o.  —  Annuaire  du  département  des  Fosgcs,  pour  l'an  1  825.  Epiual, 
i833.In-i2. 

Ceux  qui  se  livrent  à  l'étude  de  la  statistique,  ceux  qui  aiment  les 
ob^ervations  météorologiques,  les  questions  relatives  à  l'agricuUure  ,  ou 
enfin  l'bistoire  naturelle,  seront  pleinement  satisfaits  par  la  lecture  de 
cet  Annuaire,  l'un  des  meilleurs  ouvrages  qu«  l'on  connaisse  en  ce  genre. 
Très-peu  de  pages  sont  absorbées  par  les  nomenclatures  communes  or- 
dinairement aux  almanacbset  aux  annuaires.  Après  avoir  p.:yé  cet  inévi- 
table tribut  à  la  nature  de  leur  ouvrage,  les  auteurs  offrent  d  abord  une 
notice  détaillée  sur  Epinal,  et  promettent  d'en  donner  chaque  année 
sur  les  principales  communes  des  Vosges.  L'état  dts  forcis  du  déparle' 
ment ,  et  leur  influence  sur  le  dérangement  des  saisons,  est  un  morceau 
fort  savant  et  fort  curieux.  Nous  citerons  aussi  celui  sur  l'aérolilhe  tom- 
bé dans  la  commune  de  la  Baffe,  le  i5  septembre  1822. — Mais  ce  qui  est 
surtout  digne  d'attention,  ce  qui  déjà  avait  distingué  l'Annuaire  de  l'an- 
née précédente,  c'est  l'excellent  précis  des  travaux  de  la  Commission 
des  antiquités  du  département  des  Vosges.  Cette  Commission  a  perdu, 


6i6  LIVRES  FRANÇAIS. 

diins  M.  Jollois ,  Tiin  des  plus  savons  antiquaires  de  France;  elle  jm-^ 
prime  ici ,  par  extraits  ,  son  raémoire  sur  les  antiquités  de  Gran.  La  mé- 
daille qui  a,  cette  année,  couronné  les  efforts  de  M.  Jollois,  nous  dis- 
pense de  tout  éloge ,  et  le  détail  des  objets  qu'il  décrit  ne  pourrait  être 
même  indiqué,  dan<  un  aussi  couri  espace  que  celui  dont  nous  pouvons 
disposer.  JS'ous  allons  entretenir  nos  lecteurs  de  quelques  autres  notices; 
l'une  est  de  M.  Parisot,  secrétaire  de  la  Commission,  et  concerne  les 
antiquités  de  Bouzemont.  11  nomme  d'abord  toutes  les  chartes  où  il  est 
question  de  ce  village,  qui  n'a  aujourd'hui  que  262  habitans;  puis  il 
décrit  quelques-unes  des  constructions  que  l'on  y  remarque.  JVon  loin 
de  là  sont  des  tumuli  ,  que  l'auteur  croit  être  celtiques.  Ce  n'est  point 
15  mon  avis;  et  peut-être  les  raisons  qu'il  donne  ne  sont-elles  pas  suffi- 
santes, licite  les  tombelles  ,  découvertes  en  Alsace  par  le  savant  M. 
Schweighœuser  :  j'en  ai  tout  autant  à  lui  montrer  dans  le  département 
du  Haut-Rhin.  Mais,  ni  ceux  de  la  Basse-Aisjce  ni  les  miens,  ni  même 
les  tumuli  de  Bouzemont,  ne  prouveraient  pour  lui  ;  et  le  passage  de 
César,  dont  il  s'appuie,  n'est  pas,  à  mon  gré,  très-concluant.  Il  faut  bien 
que  deux  antiquaires  se  disputent  :  je  n'en  ai  pas  moins  apprécié  toute 
l'érudition  qui  est  déployée  par  M.  Parisot  ea  cet  endroit  ;  et  j'attends 
avec  impatience  le  réstiUat  des  fouilles  qu'il  doit  faire  dans  le  lieu  appelé 
le  Couvent,  où  déjà  l'on  a  trouvé  des  médailles  grecques  et  romaines. 
L'Annuaire  de  iS2'|.  doit  nous  en  apprendre  le  résultat,  et  je  suis  bien 
aise  d'avoir  ainsi  par  arance  la  certitude  de  lire  bientôt  encore  un  travail 
de  M.  Parisot.  Les  antiquités  de  Plombières  ont  occupé  ]\L  fe  docteur 
Jaquot ,  qui  examine  la  question  de  savoir  si  une  étuve  antique ,  décou- 
verte en  septembre  182a,  sous  la  route  de  Luxcuil,  était  chauffée  arti- 
ficiellement. M.  Goury,  ancien  ingénieur  en  chef,  a  décrit  aussi  ua 
\aste  banc  de  ciment  ,  au  milieu  duquel  était  un  puits,  où  l'on  a  trou- 
vé des  médailles  romaines.  Le  village  de  Champs,  près  Bruyères,  a 
été  la  résidence  de  Charlemagne  .  et  M.  le  docteur  Mougeot  a  qu.lque 
espoir  de  déterminer  par  des  fouilles  l'emplacement  de  son  palais.  Eulin, 
les  voies  romaines  ont  été  suivies  par  les  soins  de  la  Commission,  et  les 
endroits  qu'elles  traversent  £ont  tous  indiqué-;.  C'est  avec  le  plus  grand 
plaisir  que  nous  lisons  dans  l'Annuaire  des  Vosges,  la  promesse  d'une 
prochaine  publication  de  l'histoire  de  la  ville  et  du  val  de  Saint-Dié,  par 
M.  Gr.'vier.  Ce  qu'on  a  donné  de  lui  en  1823,  permet  de  concevoir  les 
plus  grandes  espérances  de  son  travail.  N'oublions  pas  déparier  de  M. 
Dideiot ,  curé  de  Pouxeux,  qui  emploie  ses  loisir^  à  exhumer  des  ar- 
chives de  Remireiiiont  et  d'Epioal  ,  des  chartes  et  des  manuscrits  pré- 
cieux. Il  est  peu  dedépartemens  aussi  riches  en  hommes  de  mérite,  et 


'  LIVRES  FRANÇAIS.  617 

l'élude  de  l'antiquilé  ne  compte  poiat  partout  des  zélateurs  aussi  éclai- 
rés. Ph.  GOLBÉBY. 

25 1. — Atlas  français  ou  Nouvel  atlas  de  France,  divisé  par  déparle- 
mcns,  dressé  à  l'échelle  d'j—^  ,  composé  de  90  ftuilles,  dont  86  repré- 
sentent les  86  départemens,  et  dont  les  4  autres  sont  destinées  aux  cartes 
générales  physique  et  politique,  au  litre  de  l'atlas  et  au  tableau  des  signes 
conventionnels.  Première  et  seconde  livraisons,  composées,  l'une  du 
titre  de  l'ouvrage,  du  département  de  la  Seine  et  de  Seine-et  Oise,  et 
de  celui  des  Basses-Pyrénées  ;  l'autre  des  départemens  des  Hautes-Py- 
rénées et  des  Pyrénées-Orientales,  et  du  tableau  des  signes  conven- 
tionnels.—  L'Atlas  français  parait  par  livraisons  de  trois  feuilles,  qui  sont 
publiées  de  tiois  mois  en  trois  mois.  Le  prix  de  chaque  livraison  est, 
j^our  (es  souscripteurs  ,  de  12  fr.  papier  ordinaire ,  enluminé,  et  de  i5 
Ir.  papier  vélin  satiné  et  enluminé.  Chaque  carie  se  vend  séparément: 
papier  ordinaire,  5  Tr.  ;  papier  vélin,  6  fr.  On  ne  paie  qu'en  recevaut 
les  livraisons.  Les  demandes,  lettres,  argent,  etc.  ,  doivent  être  adres- 
sées, franc  de  port,  à  Paris,  chez  les  auteurs,  MM.  Eugènedc  Bbanville, 
rue  de  Grenelle,  n"  5,  au  (îros-Caillou  ;  L.  A.  Pailuieb,  rue  de  Vaugi- 
rard ,  n°  90. 

Ces  deux  livraisons  garantissent  à  cette  belle  entreprise  le  succès  le  plus 
grand  et  le  mieux  mérité.  Leurs  auteurs  rendent  un  service  véritable  à 
la  science,  au  commerce  et  à  tous  ceux  qui  sont  curieux  d'acquérir  une 
des  cotiDais>ances  les  plus  indispensables  à  l'homme  en  société.        Z. 

252(').  —  Dictionnaire  chronologt(jU6  et  raisonné  de^  découvertes  en 
France ,  de  1789  à  la  Un  de  18.0 ,  Tom.  XI  (MAC-MOU).  Paris,  1820  ; 
Colas,  rue  Dauphine,  n°  02.  In-S",  de  Gi4  pages;  prix  j  fr, ,  et  8  fr. 
80  c.  {f^oy.  ci-dessus  ,  pag.  170). 

Ce  volume  renferme  deux  articles  de  zoologie  d'une  haute  importance. 
Le  premier  fait  connaître  par  quelle  suite  de  raisounemens  M.  de  Lace- 
pède  a  été  conduit  à  former  sa  table  mè.lliodique  des  manimifères.  Après 
les  avoir  divisés  en  trois  classes,  dont  la  première  est  celle  des  quadru- 
pèdes vivipares  ',  la  seconde  celle  des  mammifères  ailés,  et  la  troisième 
celle  des  tnam.mifères  marins ,  l'auteur  a  subdivisé  chacune  de  ce^  classes 
d'après  les  organes  extérieures  de  leurs  mouvemcns;  enfin,  c'est  dans  la 
nature  et  dans  l'absence  des  dents  qu'il  a  cherché  les  signes  distinctifs 
des  ordres  dont  devait  se  composer  chaque  sous-division. — Le  deuxième 
article  est  extrait  de  deux  beaux  mémoires  de  RL  Frédéric  Guvier,  dont 
ce  savant  a  l'ait  un  ouvrage  publié  récemment.  Ce  naturaliste,  dont  la 
modestie  surpasse  encore  le  mérite,  est  le  premier  qui  ait  employé  les 
T.  XX. — Décembre  i825.  ^<j 


6.8  LIVRES   FRANÇAIS. 

dents  comme  caractère  général  pour  la  formation  des  genres  de  mammi- 
fères, en  prenant  pour  caractères  secondaires  ceux  que  l'on  trouve  dans 
les  organes  des  sens,  du  mouvement,  de  la  génération  ;  et  en  réservant 
les  légurae'ns  pour  distinguer  les  espèces.  Nous  avons  encore  remarqué 
les  observations  de  MM.  Beudant  et  de  Lamarck  sur  les  mollusques  ^  et 
plusieurs  articles  de  M.  G.  Guvier.  —  Nous  avons  distingué ,  parmi  les 
articles  de  botanique  :  i"  celui  où  M.  Du  Petit-Thounrs  a  fait  connaître 
qu'il  avait  trouvé  deux  embryons  dans  un  grain  de  maïs  ;  2'  des  oAiCi'- 
vations  de  M,  Ramond  relatives  à  ta  végétation  des  montagnex,  et  pu- 
bliées à  une  époque  où  MM.  de  Humboldt  et  Decandolle  n'avaient  pas 
encore  enrichi  la  géographie  totaniqiie  de  leurs  découvertes  et  de  leurs 
travaux;  5°  des  articles  de  MM.  Ventenat  et  Palissot  de  Bcauvois  sur 
la  fructification  et  les  organes  sexuels  des  trwusses  et  des  lycopodes.  — 
Si  l'on  passe  à  l'agriculture  et  à  l'économie  rurale,  on  s'arrélera  sur  les 
observations  de  MM.  Boncerf,  Carbon  de  Fontaine,  de  Perthins  et  Her- 
\\in,sur  le  dasccUcment  des  marais.  On  lira  aussi  avec  intérêt  l'exposé 
des  expériences  de  MM.  Ch.  Pictet ,  Cadet  et  Lapanouze,  sur  la  quan- 
tité de  sucre  qu'on  peut  retirer  du  maïs;  et  l'article  sur  la  naturalisa- 
tion des  mérinos  en  France,  par  MM.  Billard,  Mac-Malion  ,  de  Lastey- 
rie  ,  Pojféré  de  Cère,  Teissier,  Ternaux,  etc.  —  Le  résumé  des  expé- 
riences de  Coulomb  et  de  M.  Trémery  sir  le  magnétisme ,  et  les  ob- 
servations de  MM.  Biot  et  de  Humboldt  sur  les  variations  de  l'aiguille 
magnétique  à  différentes  latitudes,  forn^ent  des  articles  intéressons  pour 
les  physiciens.  Il  en  est  de  même  des  expériences  de  M.  Péron  sur  la 
température  de  (a  mer  à  différentes  profondeurs  ;  de  la  théorie  physi- 
co-mathématique des  mondes,  par  M.  Lancelin  ,  où  l'auteur  cherche  à 
démonirer,  par  les  faits  (  t  par  le  calcul,  que  les  planètes,  les  satellites 
et  les  comètes  sont  formées  par  des  explosions  spontanées  du  .-olei!,  de 
Jupiter,  etc.,  lesquelles,  combinées  avec  le  mouvement  de  rotation  de 
ces  grandes  masses  avec  l'attraction  mutuelle  des  corps  lancés,  et  les  autres 
causes  développées  dans  l'ouvrage,  ont  suffi  pour  déterminer  un  syslèine 
d'orbites  peu  excentriques.  —  L'article  météorologie,  dont  les  matériaux 
sont  dus  à  Mooge ,  mérite  aussi  une  attention  jiarticulière. —  Celle  des 
chimistes  s'arrêtera  sur  V analyse  du  marron-d' inde ,  par  M.  Vauquelin; 
sur  les  travaux  de  Berlhoilet,  Guibourt,  Vogel  Vitalis,  relatifs]au  mer- 
cure; sur  la  purification  du  miel,  par  M.  Thénard,  sur  la  fabrication  en 
grand  du  minium,,  par  MM.  Olivier,  d'Artigues.  La  morphine,  cette  subs- 
tance qui  vient  d'occuper  le  public  d'une  manière  si  afiligeante,  a  fourni 
deux  articles  dus  à  MM.  Orfila  et  Magendie. — Les  physiologistes remar- 
«jucront  les  observations  de  M.LegaUois  sur  le  sicg»  et  le  principe  du  sen  - 


LIVRES  FRANÇAIS.  619 

rnent  et  du  mouvement,  qu'ils  aimeront  à  rapprocher  des  belles  expérien- 
ces de  MM.  Magendie,  Flourens  el  Serres.  Les  maiadies  héréditaires , 
ta  manie,  la  luaniérede  rendre  tes  médicanuns  moins  disatjréablcs,  la 
mèdeeine  des  Chinois,  ont  fourni  à  MM.  Portai,  lisquirol,  Vireyet  Le- 
page  des  articles  curieux.  Les  auteurs  du  Diciionnaiie  n'ont  pas  né^li-'é 
le»  arts  industriels,  ainsi  que  le  témoignent  l'invention  dis  macitines  d 
scier  le  mari/re,  par  M.  Barbier;  la  teinture  et  l'inipression  du  maro- 
quin par  M.  Dolfus  ;  le  mastic  de  hitumc  minerai,  par  M.  Garroz  ;  ce~ 
lui  de  Dibl  ;  les  différentes  espèces  de  n*ec/ie$;  les  motUins  d  farine ,  le 
moulin  à  drajuer,  de  M.  Hubert,  etc.  —  La  mer  Bouge  est  le  sujet  de 
plusieurs  dissertations  fféographiques ,  parmi  lesquelles  on  doit  citer 
celle  de  M.  Rozièrc;  c'est  aussi  à  la  description  de  la  terre  que  se  rap- 
porte la  méthode  de  M.  Puissant  poui  tracer  ritjourc.uscvient  tes  méri- 
diens et  les  'parallèles.  —  f>  ux  -diùcle^iXe  mathématiques  se  font  sur- 
tout remarquer  :  le  premier  est  une  analyse  de  l'ingénieux  travail  de  M. 
Poinsot  sur  des  polyfjoncs  el  des  polyèdres,  dont  personne  ne  s'était  oc- 
cupé avant  lui.  Le  second  est  dû  a  M.  Lcgendre,  et  fait  connaître  la  nic- 
tiiode  des  moindres  carres  employée  par  ce  géomètre  quand  il  s'agit  de 
tirer  de  mesures  doimées  par  l'observation  des  résultais  les  plus  exacts 
qu'elles  puissent  fournir.  — Le  mélodrame ,  dont  l'invention  est  attri- 
buée à  MM.  Cuvelier  et  de  Pixérécourt ,  est  le  sujet  d'un  morceau  éten- 
du, où  l'auteur  fait  des  observations  trés-judicieusts  relativement  a  la 
supériorité  des  mélodrames  de  MM.  Mélesville,  Ducange,  Daub'gnj, 
etc. ,  sur  ceux  qu'on  a  joués  au  commencement  de  la  révolution.  Cet 
écrivain  pose  d'une  manière  assez  précise  et  assez  juste  les  règles  de  ce 
genre  de  pièces,  et  défend  avec  esprit  la  cause  des  jeunes  auteurs  qui 
essaient  leurs  forces  dans  des  composiiion»  où  Ils  peuvent  se  livrer  avec 
plus  de  liberïé  à  leurs  inspirations. — IVous  citerons,  en  terminant,  la 
description  des  ruines  de  Med-a-Moud ,  et  des  édifices  de  Mcd\  net- 
Abou,  par  MM.  Jollois  et  de  Villiers;  ces  deux  articles,  fort  étendus  el 
extraits  du  grand  ouvrage  sur  l'Egypte  ,  sont  précieux  pour  les  person- 
nes qui  ne  peuvent  se  procurer  ce  bel  ouvrage. 

255  (').  ■ —  Collection  de  machines  ,  d'instrumens ,  ustensiles  ,  etc.  ; 
par  le  comte  de  Lasteyrik.  ^',  5*  et  6'  livraisons.  Paris,  iXaô  ;  Arthus 
Bertrand,  rue  Haiitefeuille  ,  n°  aô.  Prix  de  chaque  livraison  ,  ^[t.Toi/. 
Tom.  XIX  ,  p.Tg.  420.) 

La  4'  livraison  contient  la  fin  des  haies  et  clôtures,  dont  nous  avons 
déjà  parlé  dans  notre  précédent  article.  Les  20  planches  des  deux  au- 
tres livrai^ons  sont  toutes  consacrées  aux  macfiines  de  transport.  Dans  la 
planche  première,  nous  avons  remarqué  labrouette  à  caisson  horizontal. 


620  LIVRES  FRANÇAIS. 

donl  la  roue  est  placée  au  ccnîre,  et  qui  sert  à  transporter  les  grains, 
etc.  ;  le  cliarriot  à  quatre  roues  ,  avec  lequel  les  Hollandais  transportent 
leurs  denrées  au  marché  ,  et  qui  est  assez  léger  pour  être  traîné  par  deux 
ou  trois  chiens.  Dans  la  planche  quatrième,  notre  attention  s'est  portée 
sur  la  hrouetle  à  iaquet,  qui  peut  être  fort  utile  pour  les  irrigations  ,  le 
transport  du  vin,  etc.  Parmi  les  machines  de  la  planche  huitième  (que 
le  dessinateur  a  numérotée  g  ,  tandis  qu'il  a  donné  le  n"  8  à  la  planch.  9), 
nous  citerons  le  fétiche  du  département  de  la  Gironde,  qui  sert  à  trans- 
porter des  fardeaux  ,  et  qui  s'appuie  à  la  fois  sur  la  trte  et  sur  les  deux 
épaules.  La  planche  treizième  représente  ,  entre  autres  objets  ,  nue  iar- 
rique  tournante,  assujettie  à  des  brancards,  et  en  usage  dans  les  Etats- 
Unis  ,  pour  charrier  le  tabac  et  autres  denrées  ,  dans  les  cantons  où  l'on 
manque  do  chemins;  xmt  charrette  dont  on  se  sert  dans  la  Vieille-Cas- 
lille,  et  remarquable  non-seulement  par  sou  essieu  tournant,  raais  en- 
core par  la  construction  économique  de  ses  roues.  La  charrette  à  treuil 
de  la  planche  quinzième,  employée  en  Suède,  est  commode  pour  le 
chargement  des  corps  pesans.  Dans  la  planche  seizième,  on  remarque 
la  charrette  belge,  qui  est  garnie  en  dessous  d'un  grand  panier  soutenu 
par  des  chaînes,  et  d'un  usage  avantageux  sur  les  bonnes  roules.  La 
charrette  romaine  de  la  planche  dix-huitième  mérite  d'être  citée,  parce 
qu'elle  est  d'une  construction  facile,  et  qu'elle  a  été,  dit-on,  construite 
d'après  un  dessin  donné  par  Michel-Ange.  La  même  planche  repré.^ente 
aussi  une  charrette  de  montagnis,  employée  en  Espagne;  les  roues  en 
sont  très-solides,  et  fixées  à  un  essiiu  tournant  qui  porte  le  corps  de  la 
charrette.  Ou  remarque  ,  dans  la  planche  dix-neuvième,  \g  traîneau  à 
roues  du  Bolonais.  Il  a  l'avantage  d'avoir  un  avant-train,  qui  permet  de 
le  faire  tourner  facilement  au  coin  des  rues.  La  planche  vingtième  ren- 
ferme les  dessin.-,  des  charrettes  et  tumbereaux  l<s  plus  usités  à  Paris. 

A.  M— T. 

254  —  Purgatoire  de  feu  M.  ie  Comte  Joseph  de  Maislre ,  ex-ministre 
du  roi  de  Sardaigne  ,  etc.  ;  par  M.  Sekli  ,  prêtre  étranger  .  aumônier  du 
i5=  régiment  d'infiinterie  de  ligne.    Paris,  ibzS.  In-S"  de  iv-ga  pages. 

M.  de  Maislre  nous  a  laissé  trois  ouvrages,  qui  ont  fait  quelque  bruit 
par  le  talent  et  l'audace,  unis  aux  plus  absurdes  et  aux  plus  ridicules  er- 
reurs. L'un  est  intitulé,  DuPafc,  Louvain  ,  1821  ;  l'autre  ,  De  i'Lglise 
gallicane,  dans  son  rapfart  avec  le  souverain  Pontife,  Anvers,  182a  ; 
et  le  troisième.  Lettre  à  un  Gentilhomme  russe,  sur  l'Inquisition  , 
Paris,  1822.  L'auteur  y  prêche  rinfaillibililé  des  bulles  et  des  brefs  des 
papes,  sans  songera  concilier  leurs  contradictions  si  connues,  ni  même 
à  justifier  leur  opposition  trop  peu  rare  avec  l'Evangile  et  avec  l'ordre 


LIVRES  FRANÇAIS.  Gai 

public.  Ce  n'est  pas  tout ,  il  fait  l'apologie  de  la  sainte  Inquisition  d'Es- 
pagne ,  et  des  grands  services  que  cet  horrible  tribunal  a  rendus  et  peut 
rendre  aux  gouverncinens.  Le  Purgatoire  est  une  censure  religieuse  et 
badine  de  ces  trois  écrits  ,  plus  clignes  de  pilié  que  de  réfutation.  (Voy. 
V Abrégé  de  l'Histoire  de  l'Inquisition  d'Espagne ,  par  M.  Gallois  ,  a"" 
édition,  1  vol.-in-i«.  Paris,  iSaj.  —  Rev.  Ennjclojy.,  Tom.  XIX,  pag. 

690.)  ^• 

255  (•),  —  La  morale  et  la  politique  d'Aristote,  traduites,  du  grec 
par  M.  TncaOT,  professeur  au  collège  de  France  et  à  la  faculté  des  let- 
tres de  Paris.  Tom.  I"  {Morale).  Paris,  1825 ;  Firmin  Didot.  Un  vol. 
in-S'-  prix,  10  fr.  papier  fin  ;  20  fr.  papier  vélin. 

Si  ce  n'est  pas  absolument  la  première  fois  que  la  morale  d'Aristole 
paraît  en  français,  il  n'en  existait  du  moins  qu'une  traduction  à  peu  près 
inconnue  aujourd'hui ,  et  fort  imparfaite,  publiée  en  i6i4,  parC.Calel, 
conseiller  au  parlement  de  Toulouse.  La  traduction  que  donne  M.  Thu- 
rot  a  été  faite  sur  l'édition  grecque  que  M.  Coray  fit  imprimer  à  Paris 
l'année  dernière;  cl  les  lumières  réunies  de  ces  deux  savans  hellénistes 
ont  dû  donner  à  ce  travail  toute  la  perfection  dont  il  est  susceptible. 
M.  Tburot,  qui  est  également  versé  dans  l'histoire  et  la  théorie  des  opi- 
nions philosophiques,  a  mis  en  tèle  de  sa  traduction  un  discours  préli- 
minaire ,  où  il  retrace ,  dans  une  esquisse  rapide,  l'histoire  de  la  science 
morale  chez  les  Grecs.  Afin  de  mettre  le  lecteur  à  même  d'apprécier  la 
doctrine  d'Aristote,  il  expose  d'abord  l'état  de  la  science  avant  ce  phi- 
losophe, puis  ce  qu'elle  a  dû  aux  méditations  de  ses  successears.  Il  a 
caractérisé  avec  précision  l'influence  de  Socrate  sur  son  épo  jue,  et  les 
diverses  écoles  nées  après  lui,  les  sysièmcs  de  Platon  et  d'Aristote,  de 
Zenon  et  d'Épicure.  —  Cet  ouvrage  se  vend  au  profit  des  malheureux 
Grecs  échappés  aux  massacres  de  Scio.  Il  n'e.sl  pas  besoin  de  rappeler 
que,  dans  cette  île,  sur  une  population  d'environ  120,000  personnes, 
en  peu  de  jours,  4o,ooo  ont  été  massacrées  ;  5o,ooo,  emmené<  s  eu  escla- 
vage, se  verront  peut-être  la  plupart  forcés  d'embrasser  l'islamisme ,  et 
le  reste,  luttant  contre  la  misère  et  le  désespoir,  s'est  trouvé  dispersé 
dans  toutes  les  parties  de  l'Europe.  Un  gymnase  ,  où  se  trouvaient  réu- 
nis Soo  étudians,  a  été  détruit;  une  bibliothèque  de  60,000  volumes 
est  devenue  la  proie  des  flammes.  En  secondant  les  vues  désintéressées 
du  traducteur,  les  souscripteurs  auront  donc  aussi  la  satisfaction  de  pro- 
curer quelques  secours  aux  infortunés  qui ,  après  avoir  échappé  à  ce  dé- 
sastre, se  voient  aujourd'hui  réduits  à  une  existence  précaire  et  misé- 
rable. —  Nous  rendrons  prochainement  un  compte  plus  détaillé  de  cet 
important  ouvrage.  **■* 


6i2  LIVRES  FRANÇAIS. 

256. —  Eechcrchesiurlemécanisme  social  de  la  France;  par  M.  Mazet. 
Mciitpellier,  1822;  Ricard.  In-4°de52  pa'^es. 

aSj.  —  Thioric  du  mouvement  social;  par  le  n:ême.  Paris,  iSaS; 
Lecaudcy.   Tientc-dciix  pages  in-S". 

Ces  fieux  ouvrages  .sont  dignes  de  fixer  i'allenlion  des  personnes  qui 
aiment  a  s'instruire  et  à  méditer  sur  l'orgdni.^ation  sociale.  Voici  l'ana- 
lyse exacte  d'une  idée  principale  qui  s'y  trouve  développée  :— La  vie  de 
tous  les  corps  consiste  dans  leur  mouvement;  —  la  vie  du  corps  social 
consiste  dans  la  plus  grande  activité  de  son  mouvement  créateur,  qui  est 
celui  des  cchanijes.  —  La  cause,  le  moteur  du  mouvement  est  le  mieux 

être,  l'intérêt  du  corps  social  qui  se  meut Le  moyen  et  le  signe  du 

mouvement  social  est  le  numéraire.  —  Le  numeiaire  était  insuÉGsant 
au  besoin  du  mouvement:  —  le  crédit  a  suppléé  à  cette  insuffisance.  — 
Outre  que  le  premier  signe,  le  numéraire,  est  insuffisant ,  il  est  vicieux 
autant  qu'utile,  car  il  est  naturellement  propre  à  favoiiser  tout  genre 
de  désordre  ;  ce  n'est  donc  pas  le  meilleur  moyen  de  procurer  le  mieux 
être  social.  —  Le  second  signe  ,  le  crédit ,  est  souvent  imaginaire  ,  con- 
séquemment  dépourvu  de  réalité,  de  garantie.  —  Le  crédit  est  néan- 
moins le  grand  principe  du  mouvement  social ,  mais  il  faut  le  constituer 
sur  une  ba,e  indestructible,  qui  ne  peut  être  que  le  territoire,  puis- 
qu'il faut  aux  hommes,  avertis  par  l'expérience,  des  garanties  vraiment 

certaines  de  l'utilité  du  mouvement Mais,  le  IcrritoTe  ne  peut  de- 

■venir  le  signe  garant  de  l'utilité  du  mouvement  que  par  sa  monétiya- 
tioa.  —Cette  nouvelle  monnaie ,  morale  de  sa  nature  ,  conduit  à  sa  per- 
fection tout  corps  social  chez  lequel  elle  sera  instituée;  elle  jette  tout-à- 
coup  le  fondement  de  la  société  universelle.  —  Le  seul  f.iit  de  l'institu- 
tion de  celte  monnaie,  loin  de  blesser  aucun  intérêt  bien  entendu  , 
assure  tout  à  la  fois  et  décuple  proportionnellement  le  iien-éire  de  cha- 
que existence  individuelle. 

258.  —  TaKeau  de  l'intérieur  des  prisons  de  France,  ou  Études  sur 
Ja  situation  et  les  souffrances  morales  et  physiques  de  toutes  le>  classes 
de  prisonniers  ou  détenus,  par  J.  F.  T.  Gihocvikb  :  Punis  (e  criminel, 
mais  n'outrage  foint  Viiommc.  Paris,  182.");  Baudouin  fières.  Un  vol. 
in -8"  de  276  pag;  prix,  4  fr.  Soc. 

Sans  doute,  il  ne  faut  outrager  personne,  pas  même  les  criminels. 
Mais  allons  plus  loin  :  il  faut,  s'il  est  possible,  empêcher  qu'on  n'oppri- 
me ni  par  les  lois,  ni  de  fait,  les  détenus  innoceus  ou  coupables,  et  par- 
ticulièrement ceux  qui  ne  sont  pas  condamnés.  Voilà  ce  que  ne  dit  pas 
l'épigraphe  de  l'auteur,  et  ce  qui  est  pourtant  l'objet  principal  de  tout 
son  livre.  — JNous  avons  annoncé,  il  y  a  peu  de  mois,  un  bon  ouvrage  sur 


IJVRF.S  FRANÇAIS.  G^^ 

les  abus  des  ijagncs  ,  et  le  livre  des  prisons,  telles  qu'eUes  sont  et  telles 
qu' elles  devraient  être ,  par  M.  le  D.  £oMi5-/?e7M;  Villebmk.  (Pdris,  1820. 
Un  vol.  in-8°de  kji  pag.  Méijuignon-Marvis.)  Celui-ci  est  tl'une  plus  gran- 
de iraporlanee,  puisqu'il  traite  des  abus  qui  se  ioul  remarquer  générale- 
ment dans  toutes  les  prisons  du  royaunie.  Ce  n'est  pas  sansraison  que  l'on 
reproelie  à  notre  liberté  actuelle,  toujours  demeurant  façonnée  par  les  loia 
de  Napoléon  ou  par  ses  décrets,  et  par  quel^jucs  mesure*  non  moins  sé- 
vères, d'être,  même  légalement,  l)caucoup  plus  dure  et  plus  emprison- 
nante qu'elle  ne  l'était  dans  l'ancien  régime.  JNous  comptons,  par  exem- 
ple, bien  des  ciimes  devant  la  loi  qui  ne  devraient  être  que  des  délits  cor- 
rectionnels; on  punit  arbitrairement  de  la  prison,  beaucoup  trop  prolon- 
gée par  la  faute  des  juges  et  de  la  loi,  une  foule  de  délits  de  simple  police, 
ou  qu'il  suffirait  de  punir  d'amendes  pour  la  première  ou  la  seconde  fois, 
et  d'amendes  qui  ne  fussent  pas  en  effet  de  véritables  confiscations, 
comme  elles  le  sont  trop  souvent.  La  création  immorale  et  toujours  sub- 
sistante du  prétendu  crime  de  non  révélation,  multiplie  aussi  les  délLO- 
lions,  et  pour  cinq  ans.  Dans  le  tems  dts  plus  longues  détentions  n'est 
point  compté  celui  qui  précéda  la  condamnation  ,  et  qui  a  duré  plusieurs 
mois,  quelquefois  plus  d'un  an.  Pour  l'amende  ou  les  frais,  le  condamné 
peut  être  retenu  encore  cinq  ans,  à  cause  de  son  insolvabilité.  Les  em- 
prisonnemens  légaux  provisoires  sout  ordonnés  plus  fréquemment,  plus 
légèrement  qu'autrefois,  parce  qu'on  a  prodigué  le  droit  d'arre?laliun 
à  toutes  sortes  de  foDclionnaires ;  et  lorsque  les  juges  doivent  délibérer 
de  l'accusation  qui  entraîne  d'ordinaire  l'emprisonnement,  la  voix  ac- 
cusatrice d'un  sçul  juge  est  plus  forte  que  celle  des  autres  juges  qui  com- 
posent le  tribunal.  Il  n'v  a  point  de  responsabilité  directe  et  régulière 
contre  les  agens  emprisonoans  du  pouvoir  ministériel;  et  les  juges,  dans 
nos  circonstances,  ne  manquent  point  de  raisons  ni  de  piétixlcs  pour 
les  votes  de  la  plus  grande  rigueur;  de  là  encore  il  arrive  que  les  déten- 
tions sont  multipliées  et  prolongées.  Ce  qu'il  y  a  de  très-laclicus ,  c'est 
que,  dans  l'état  des  clioses  ,  outre  que  le  pouvoir  législatif  n'est  guère 
occupé  que  du  budget,  on  craindrait  que,  s'il  travaillait  maintenant  a 
d'autres  lois,  ce  ne  fût  pas  dans  la  vue  de  diminuer  Us  rigueurs.  Quant 
à  présent ,  les  remèdes  sont  dans  le  courage  et  le  zèle  des  bons  écrivains 
pour  signaler  les  désordres;  dans  l'inlerventiou  des  sociétés  pour  le  sou- 
lagement des  prisonniers;  enfin,  dans  le  domaine  des  ordonn.Tnccs  et 
des  règiemens;  dans  la  bonne  volonté  des  ministres,  des  préfets  et  sous- 
préfets,  et  de  leurs  délégués,  qu'on  appelle  maires  et  officiers  munici- 
paux; dans  l'absence  entière  du  vrai  gouvernement  municipal;  enfin, 
dans  la  sagesse  cl  la  charité  des  aumôniers  et  autres  ecclésiastiques» 


624  LIVRES  ITxAN'ÇAIS. 

Mais,  à  tons  égards,  un  grand  intérêt  est  dû  aux  ouvrages,  tels  que  ce- 
lui de  M.  Ginouvicr.  Il  y  traite,  en  douze  chapitres,  dont  la  labié 
manque,  de  l'acte  d'incarcération ,  des  différens  établissemens  de  dé- 
tention ,  des  concierges  ou  gardiens ,  des  directeurs  ou  économes ,  et  des 
guichetiers  ;  dt  la  détention  ,  yar  voie  de  police  de  sûreté  ;  des  lourmens 
qui  suivent  la  mise  au  secret,  et  de  l'espionnage  dans  les  prisons;  des 
secours  et  des  soins  de  bienveillance  accordés  aux  prisonniers;  de  ce 
qui  s'observe  ou  doit  s'observer  dans  les  prisons,  en  vue  de  la  morale  et 
de  la  religion;  du  départ  pour  le  tribunal,  des  menottes  et  de  l;i  ren- 
trée en  prison  après  la  condamnation  ;  de  la  justice  et  de  la  législation 
criminelle  par  rapport  aux  détentions.  C'est  là  par  où  il  fallait  commen- 
cer, et  sur  quoi  l'auteur  n'a  peut-être  pas  assez  insisté,  quoiqu'il  fasse 
plusieurs  observations  justes  et  hardies;  enfin,  viennent  des  réflexions 
sur  ce  qui  précède  et  suit  l'exécution  des  jugemcns  criminels ,  et  sur  la 
sortie  après  l'acquiltemenl.  Il  y  a  beaucoup  à  profiter  dans  ce  livre,  pour 
toutf'S  sortes  de  per.^onnes,  et  spécialement  pourxielles  qui  participent 
au  régime  des  prisons  et  des  autres  maisons  de  détention. 

,  LAVi}vif>\ts  ,  de  l'Irtstitut, 

2  59.  —  Rapport  sur  les  opérations  du  Comité  des  Grecs ,  lu  à  la  Socicté 
de  la  Morale  chrélienne ,  dans  la  séance  du  10  novembre  182J,  par  M. 
Mahpl,  l'un  des  membres  du  comité;  imprimé  par  ordre  du  conseil. 
Crapeiet.  Brochure  in-8°  de  5o  pages.  (Ne  se  vend  pas.) 

Au  premier  rang  des  Sociétés  philanlropiques  dont  s'honore  la  Fran- 
ce ,  nous  devons  sans  doute  placer  la  Société  de  la  Morale  chrétienne, 
dont  nous  avons  fait  plusieurs  mentions  dans  ce  recueil.  (Voy.  liev.Enc, 
Tom.  XIII,  pag.  245;  T.  XVI,  p.  419,616,61;;  T.  XVII,  p.  675; 
T.  XVIII,  p.  2.56,  et  T.  XIX  ,  p.  245.)  Ses  comités  pour  l'abolition  de 
la  lia:tedesKoirs,  pour  l'abolition  des  maisons  de  jeux  et  des  loteries, 
pour  les  Grecs,  ont  déjà  fait  part  au  public  de  plusieurs  travaux  impor- 
tans;  et,  sans  avoir  à  leur  disposition  des  moyens  pécuniaires  considé- 
rables, ils  ont  cependant  réussi  à  remplir  en  partie  leur  utile  destina- 
tion. On  trouve,  dans  le  rapport  de  M.  Malml,  les  détails  de  ce  que  le  co- 
mité a  pu  faire  en  faveur  des  Grecs  qui  se  trouvaient  en  France,  et  qui 
désiraient  retourner  dans  les  rangs  de  leurs  frères.  Mais  la  partie  inté- 
ressante de  cette  brochure  consiste  surtout  dans  les  pièces  justificati- 
ves, parmi  lesquelles  on  trouve  des  documens  curieux,  relatifs  à  l'insur- 
reclion  grecque  et  aux  dispositions  de  l,i  diplomatie  européenne  à  l'é- 
gard des  infortunés  Hellènes.  {F  oyez  ci-dessus,  pag.  lôo,  des  détails 
»ur  l'insurrection  grecque.)  A.  J. 

a6o  (*).  —  De  l'Économie  puMitfue  et  rurale  des  Égyptiens  et  des  Car- 


LIVRES  FRANÇAIS.  62'') 

thnrfînots;  par  L.  Rf.ynier.   Paris,  182J;  J.  J.  Paschoud ;  Genève,  ie 
même.  Un  vol.  in-S"  ;  prix,  7  fr. ,  et  par  la  poste,  9  fr. 

261.  — Fragtncns  d'un  nouvel  écrit  sur  les  finances,  relatifs  à  l'amé- 
liorationdu  taux  vénal  des  propiiélés  particulières  dites  nationales  ;  par 
yi  rmand  SÉGviî).  Paris,  i823;  Guiraudet  et  Gallay,  rue  Saint-Honoré, 
n"  5i5.  In^"  de  Si  pages.  (Ne  se  vend  pas.) 

Le  sîyle  apocalyptique  de  M.  Séguin  nous  a  toul-à-fail  dérobé  la  con- 
naissance de  ses  vues  financières.  A  l'cxceplion  de  quelques  vérités  in- 
contestables, mais  si  évidentes  qu'il  était  superflu  de  le»  élayer  de  preu- 
ves, ces  fragmens  auraient  besoin  d'être  traduits  en  langage  vulgaire  ,  et 
mis  à  lapoitée  des  intelligences  médiocres.  L'un  des  collaborateurs  d'un 
journal  quotidien  a  été  plus  pénétrant  que  nous  :  il  a  compris  ,  ou  a  cru 
comprendre  M.  Séguin ,  mais  il  ne  l'a  point  interprété;  en  sorte  que 
nous  n'en  sommes  pas  mieux  instruits  sur  ces  grands  moyens  qui ,  sui- 
vant l'auteur,  opéreraient  des  prodiges.  Pour  donner  une  haute  idée  de" 
l'entreprise  de  M.  Séguin,  il  nous  suflira  decitirson  é|)igraphe.  «Dé- 
montrer la  possibilité,  revi-iue  d'immenses  avantages  pour  l'état,  de 
la  réalisation  d'un  sentiment  intime  de  justice,  c'est  satisfaire  touslts 
intérêts,  et  détruire  un  cercle  d'illusions,  de  tergivi-rsalions  et  d'ajour- 
nemens,  qui  ne  pourraient  être  présentés  comme  alimens  qu'à  des  âmes 
débiles  qui  n'auiaient  pas  été  retrempées  par  trente  années  de  tour- 
mentes. » 

26a. — Aperçu  de  la  situation  financière  de  V Espagne;  par  M.  Alexan- 
dre DB  Laeurdk^  membre  de  l'Institut,  etc.  Paris,  1823  ;  l'éditeur  des 
Taitctlcs  universelles,  rue  Raine-.u  ,  n"  6.  In -8°  de  trois  feuilles; 
prix  ,  i  fr.  5o  c. 

Cette  brochure  de  circonstance  n'est-elle  pas  hors  des  attributions  de 
la  Revue  Encyclo'pédique?  Nous  avons  commencé  parle  craindre,  à  l'ins- 
pection du  titre;  mais  la  lecture  de  l'écrit  nous  a  rassurés.  M.  de  Laborde 
ne  limite  point  ses  considérations  à  la  crise  que  l'Espagne  subit  en  ce 
moment  ;  il  porte  ses  regard*  plus  loin  et  plus  haut  :  il  interroge  l'his- 
toire de  plusieurs  règnes,  et  fonde  ses  raisonneincns  sur  des  principes, 
des  maximes  et  des  données  statistiques  qui  appartiennent  à  des  scien- 
ces que  l'on  peut  considérer  en  elles-mêmes,  et  indépendamment  de 
toute  applicalii)n.  L'auteur  s'étonne  que  l'on  s'occupe  autant  qu'on  le 
fait  de  savoir  0  si  le  gouvernement  espagnol  doit  oa  ne  doit  pas  remplir 
les  engagetneus  qu'il  a  contractés  à  diffcreutes  époques,  sans  chercher 
à  connaître  s'il  est  véritablement  en  état  de  le  faire.  »  Ce  n'est  peut-être 
pas  sous  ce  point  de  vue  que  la  sollicitude  générale  sur  le  sort  d.-s  em- 
prunts faits  par  le»  Cortès  espagnoles  a  été  le  plus  remarquable.  Durant 


f^2G  LIVRES  FRANÇAIS. 

plus  de  quatre  mois,  les  événemens  de  la  guerre  de  la  péninsule  n'ont 
excite  que  de  la  curiosité;   tant  que  les  décrets  du  port  Sainte-Marie  se 
sont  boinés  à  des  arrestations,   à  des  cxiU ,  à  des  proscriptions,  on  ne 
s'en  est  occupé  que  faiblement;  tant  de  sang  et  de  larmes,  ces  longues 
infortunes  d'un  si  grand  nombre  de  familles,   n'ont  presque  pas  fait  de 
sensation;   mais,  dès  qu'il  a  été   question   de  quelques  éciis,    l'Europe 
tout  entière  s'est  émue.   Il  serait  trop  long  d'assiginr  les  causes  de  ce 
pLénoinènc  moral,  aussi  ancien  que  l'exislence  des  nations  ;  m.us  il  fal- 
hiit  au  moins  le  remarquer.  Quant  à  la  manière  dont  la  question  de  droit 
a  été  discutée,  soit  dans  riiilérôt  des  créanciers  du  gouvernement  es- 
pagnol, soi!  en  faveur  des  déclarations  du  port  Sainte-Marie,  on  s'est 
appuyé  de  part  et  d'autre  sur  des  principe»  qui  s'excluent  mutuellement, 
en  sorte  que,   pour  arriver  à  des  conclusions  confradidoires,  il  suffisait 
«juc  chaque  parti  raisonnât  également  bien.  Les  créanciers,  se  fondant 
tur  la  morale  universelle  et  sur  les  notions  vulgaires  d'équité,  croyaient 
avoir  contracté  avec  le  gouvernement  espagnol  comme  représentant  de 
la  nation  ,  et  l'autorité  royale  leur  a  répondu  :  l'étal,  c'est  moi.  —  Cette 
manière  de  raisonner  n'est  pas  nouvelle  en  Espagne.  Ce  fut  ainsi ,  dit  M. 
de  Laborde,  que  le  bucce>seur  de  Philippe  V  refusa  de  reconnaître  les 
dettes  du  règne  précédent;  mais  Charles  lll  ,  prince  qui  avait  les  ver- 
tus d'un  particulier,  crut  que  l'équité  lui  imposait  le  devoir  d'acquitter 
les  charges  de  la  couronne  qu'il  tenait  de  son  aïeul,   et  il  le  fit,  autant 
que  les  événemens  de  son  règne  le  lui  permirent.  Et  de  quelle  nature 
étaient  ces  créances  que  Ferdinand  désavouait?  Il  est  pénible  de  le  dire, 
même  d'après  l'histoire  :  c'étaient  les  plus  sacrées  de  tontes  ,  des  nan- 
tissemens,  des  fonds  de  banque,  des  em()runls  sans  intérêts,   etc.  — 
La  dette  de  l'Espagne  est  de  plus  de  trois  milliards  cinq  cent  uiillious 
de  francs.  Elle  se  compose  de  deux  parties,  dont  la  première  est  sans 
intérêt,   et  l'autre,  constituée  au  taux  de  5  pour  loo  :  cette  seconde 
partie  est  à  peu  près  les  dix-sept  trente-sixièmes  du  tout  ;  en  sorte  que 
le  payement  manuel  des  intérêts  est  une  dépense  de  près  de  85  millions 
de  francs.  M.  de  Laborde  estime  que,  dans  la  supposition  la  plus  l'avo- 
rable,  la  recette  pourrait  s'élever  cjcore  à  loo  millions;  mais  il  faudrait 
que  les  traces  de  la  guerre  eussent  disparu,  que  la  culture  et  l'industrie 
revinssent  au  moins  à  leur  ancien  étal.    Le  budget  des  dépenses,   en 
mais  1822,  excédait  le   double  de  cette  recette,  tout  exagérée  qu'elle 
est;  car  le  ministre  Canga-  Aryutllès  la  réduisait  de  plus  de  moiîié. 
Voilà  l'étal  présent  et  réel  :  les  espérances  que  M.  de  Laborde  fait  en- 
trevoir dans  l'avenir,   ne  reposent  que  sur  ce  que  l'on  pourrait  faire. 
Tiolre  auteur  connaît  lièn-bien  l'Espagne;  a-l-il  une  idée  aussi  juste  des 


LIVRES  FRATSOÂIS.  60.7 

Espagnols  d'aujonid'hui?  et  d'ailleurs,  qu'importent  1rs  q'jalités,  bonnes 
ou  mauvaises,  d'une  nation  qui  a  perdu  son  indépendance  ? — La  conclu- 
sion de  M.  de  Laborde  est  désespérante  pour  l'Espagne:  il  ne  trouve  qu'un 
moyen  de  salut  pour  ce  pays,  c'est  d'y  faire  précisément  ce  que  les  Corlès 
avaient  préparé  et  commencé.  Nous  n'avons  pu  donner  qu'une  idée  très- 
imparfaite  d'un  écrit  aussi  plein  de  faits,  aussi  fort  de  raisonnemens,  et 
si  court,  qu'il  semble  plutôt  aroir  besoin  de  commenlaire  que  se  prê- 
ter à  l'analyse.  L'auteur  de  V Itinéraire  en  Espagne ,  nous  le  répétons, 
connaît  très-bien  le  pays  dont  il  nous  parle;  une  foule  de  témoins  ocu- 
laires ont  pu  véiiGer  l'exactitude  de  ses  récits.  11  essaie,  page  16,  d'a- 
doucir les  trai's  sévères  du  tableau  qu'il  a  tracé  ;  mais  il  ne  s'est  occupé 
que  des  finances,  de  leur  élat  présent  et  des  moyens  de  les  restaurer  : 
il  n'a  considéré  les  autres  maux  dont  l'Espagne  est  accablée  qu'en  raison 
de  leur  influence  sur  les  ressources  et  les  revenus  de  l'état.  11  reste  donc 
encore  à  tirer  des  désastres  de  la  péninsule  la  plus  précieuse  de  toutes 
les  instructions,  celle  qui  tend  à  perfectionner  la  morale  des  peuples. 
Que  des  écrivains  courageux  transmettent  à  la  postérité  le  résultat  dr.-. 
longues  et  cruelles  expériences  de  nntre  âge;  qu'ils  s'atlacbent  smiont 
à  faire  connaître  les  causes  de  l'altération  du  caractère  moral  des  peuples 
par  l'ilTet  des  guerres  civiles  ,  et  à  démêler  pourquoi  cette  altéiation  fut 
salutaire  en  France,  et  si  funeste  en  Espagne.  F. 

265.  —  Le  droit  civil  français,  suivant  l'ordre  du  Code;  par  M. 
Toii.LiEB.  professeur,  bâtonnier  de  l'ordre  des  avocats  de  Rennes. 
Tom.  XI.  Paris,  iSaj;  Warée.  In-S"  de  667  pages;  prix,  10  fr.,  et  11 
ù.  25  e.  (Voy.  Rev.Enc,  Tom.  XVI,  pag.  35 J.) 

Le  Tom.  XI  de  cet  excellent  ou\ragc,  où  la  théorie  du  droit  civil  est 
plus  approfondie  que  dans  tous  les  livres  de  ce  genre,  termine  l'exposé 
des  principes  généraux,  tant  sur  les  obligations  conventionnelles  que 
sur  les  eng^gcmens  qui  se  forment  sans  convention.  On  y  trouve  des 
tables  générales,  étendues,  cl  complètes  des  malièies  expliquées,  et  des 
articles  des  cinq  Codes  interprétés  dans  les  onze  volumes.  Le  douzième 
est  bOus  presse;  il  commence  l'important  traite  du  contrat  de  mariage 
ei  des  droits  respectifs  des  époux. 

264.  —  Jurisprudence  et  style  du  Notaire,  etc.;  par  MM.  Massé, 
ancien  notaire,  et  L'Heebette,  ancien  magistrat.  T.  III.  Paris  ,  1825  ; 
Warée.  ln-S°  de  65a  pages;  prix,  6  fr. ,  et  7  fr.  73  c. 

Cet  ouvrage  est  un  cours  général  théorique  et  pratique  sur  toutes  les 
parties  de  notre  droit  civil,  qu'on  peut  rapporter  à  la  science  du  nota- 
riat, c'est-a-dire  sur  presque  toutes  ses  parties.  Les  auteurs  approfon- 
dissent les  questions  les  plus  abstruses;  ils  expostint  les  autres  avec  au- 


628  LIVRES  FRANÇAIS. 

tant  de  clarté  que  de  précision.  Leur  Iravail  sera  uliJe  à  tous  ceux  qui 
sont  destinés  aux  occupations  du  notariat  ,  aux  exercices  du  barreau, 
aux  fonction;  de  la  mag'slrature.  L. 

265.  — Formutaire  alphabétique,  ou  Manuel-pratique  des  gardes- 
champêtres,  des  i}ardcs-forcstiers  et  des  gardes -pèche;  par  J.  M.  Dc- 
FOLE,  avocat,  ancien  jufjc  au  tribunal  du  département  de  la  Seine.  Paris, 
iSaS;  A.  Bavoux  ,  rue  Gil-le-Cœur.  Un  vol.  in-12;  prix,  1  f'r, 

2^)6.  —  Législation  et  jurisprudence  des  successions,  suivant  le  droit 
ancien,  le  droit  intermédiaire  ,  cl  le  droit  nouveau  ;  par  Paillet,  avo- 
cat à  la  cour  royale  d'Orléans.  Edition  augmentée.  Paris,  iSaô;  le  mê- 
me. Trois  vol.  in-8°  ;    prix  ,  18  Ir. ,  et  24  Ir.  par  la  poste. 

Il  faut  do  la  science  pour  toutes  les  classes  de  lecteurs,  comme  il  faut 
des  alimens  pour  tous  les  estomacs;  et  l'on  doit  quelque  reconnaissance 
à  ceux  qui  veulent  bien  etjiployer  leurs  loisirs  à  essayer  de  la  mettre  à 
la  portée  des  espiits  même  les  plus  ordinaires.  — Les  agons  subalternes, 
préposés  à  la  police  des  champs,  des  forêts  et  des  rivières,  apprendront 
ce  qu'il  leur  est  rigoureusement  nécessaire  de  savoir  dans  l'exercice  de 
leurs  fonctions  ,  à  l'aide  du  Manuel-pratique  de  M.  Dufour  (f). — L'ou- 
vrage de  M.  Paillet  est  plus  important  ;  mais  c'est  moins  un  traité  qu'une 
compilation.  11  contient  une  analyse  rapide  de  l'ancienne  législation 
sur  les  successions,  selon  le  droit  romain  et  selon  le  droit  français;  un 
utile  aperçu  des  lois  intermédiaires  ,  des  lois  nouvelles,  et  des  monu- 
mens  de  la  jurisprudence  générale  sur  cette  matière  et  sur  celles  qui  s'y 
rattachent.  Il  est  propre  à  abréger  et  à  ftciliter  les  recherclies.  On  ne 
lira  pas  sans  fruit  l'introduction  dont  il  est  précédé  :  elle  offre  une  no- 
tice iiistorique  et  substantielle  de  cette  partie  du  droit  romain,  et  de 
notre  droit  fiançais. 

267.  —  Mémorial  de  Jurisprudence  des  Cours  royales  de  France , 
avec  une  notice  des  décisions  ministérielles  ou  administratives  les  plus 
remarquables;  par  M.  Tajan,  avocat.  Tom.  VI  et  VII.  Toulouse,  5820  ; 
au  bureau  du  Mémorial,  rue  Peyrolières ,  a°  4-^.  Deux  vol.  in-iS»;  prix, 
i5  francs. 

La  jurisprudence  forme  le  complément  de  la  législation;  elle  est  le 
flambeau  qui  porte  la  lumière  sur  les  dispositions  des  lois  qui  présentent 
un  sens  obscur;  et  un  bon  choix  d'arrêts  notables  ,  fait  par  d'Iiabiles  ju- 
risconsultes,  est  sans  contredit  le  meilleur  commentaire  qui  puisse  en 


(i)  Ce  jurisconsulte  avait  déjà  fait  paraître,  en  1822,  ua  ouvrage  éléuienlaire  , 
en  2  vol.  in-12  ,  chez  le  même  libraire  ,  qui  a  aussi  son  degré  d'utilité,  sur  la  Ja- 
risjiriideiîce  du  Code  civil.  Prix,  8  Ir. 


LIVRES  FRANÇAIS.  629 

èlre  donné.    Celui  que  conlinue  de  publier  M.  Tajan  mérite  li'ctre  dis- 
tingué par  les  soins  particuliers  qu'il  y  apporte,  et  par  l'importance  des 
questions  dont  il  offre  la  jiolulion  légale.  Nous  exprimerons,  néanmoins, 
un  vœu  qui  est  conforme  au  plan  que  M.  Tajan  s'était  tracé  lui-même, 
et  qu'il  a  suivi  pendant  les  trois  premières  années  de  l'existence  de  son 
recueil.  Il  eût  mieux  faii,  à  notre  avis,  de  se  bornera  y  l'aire  connaître  la 
jurisprudence  des  cours  royales  du  Midi,  de  ce  pays  autrefois  régi  par  le 
droit  écrit.   L'observateur  eût  aimé  a  y  trouver,  sans  mélange,  un  objet 
de  comparaison  avec  la  jurisprudence  des  cours  des  ci-dcvant  pays  de 
coutume  ;  et  les  résultats  de  celle  comparaison  eussent  pu  présenter  des 
nuances,   dans  l'application  des  lois  ,   dignes  de  fixer  l'attention  du  lé- 
gislateur. En  travaillant  sur  un  plan  plus  raste  ,  M.  Tajan  travaille  moins 
dans  l'intérêt  de  la  science;  il  prive  ses  lecteurs  <l'un  plus  grand  nom- 
bre d'arrêts  des  cours  du  Midi  ,  que  son  recueil  ét.iit  destiné  à  contenir 
dans  l'origine  ;  et  ce  recueil  perd  cet  intérêt  de  localité  qu'il  offrait  d'a- 
bord.Tel  qu'il  est ,  néanrnoiijs,  il  figure  avec  distinction  à  côté  du  Jour- 
nal du  Palais  ,  et  du  Journal  de  M.  Sirey.  Il  est  essentiellement  riche 
des  arrêts  de  la  cour  royale  de  Toulouse,  dont  les  sages  décisions  se  font 
remarquer  parmi  celles  des  autres  cours  royales  du  Midi;  et  la  discus- 
sion en  droit  dont  ils  sont  précédés  y  est  rédigée  avec  autant  de  clarté 
et  de  méthode  que  de  précision.   On  y  lit  aussi  avec  intérêt  plusieurs 
dissertations  savantes  ,  ^ur  des  points  controversés  de  notre  droit ,  par 
des  jurisconsultes  dont  s'honorent  le  barreau  de  Toulouse ,  celui  de  Gre- 
noble et  quelques  autres.  Crivelli  ,  avocat. 

268.  —  Guide  delà  •politique,  ouvrage  indispensable  pour  suivre  les 
discussions  des  chambres  et  connaître  la  forme  du  gouvernement  ac- 
tuel.—  Paris,  184;  Ponlhieu.  In-i2  de  loô  pages;  prix,  i  franc  5o 
cent. 

Ce  petit  ouvrage  explique,  avec  beaucoup  de  clarté  et  assez  d'exacti- 
tuile,  les  ressorts  de  notre  gouvernement,  tel  qu'il  a  été  établi  par  la 
Charte  constituliounelle  de  i8i4,  et  lis  lois  org.iniques  qui  ont  été  ren- 
dues depuis.  Il  serait  à  désirer  que  des  ouvrages  de  ce  genre  fussent 
rendus  très- populaires,  pour  qu'au  moins  chaque  citoyen  connût  en 
substance  quels  sont  ses  droits  et  ses  devoirs,  et  possédât  les  premières 
notions  du  gouvernement  sous  lequel  il  vit.  Le  pouvoir  absolu  seul  est 
ténébreux  par  sa  nature;  mais  un  ordre  constitutionnel  appelle  la  lu- 
mière et  ne  craint  pas  que  ses  ressorts  soient  exposés  au  grand  jour.  Les 
Anglais  ont  beaucoup  de  livies  de  ce  genre,  et  nous  devons  expértrque 
des  publicistes  iusiruits  ne  dédaigneront  pas,  eu  France,  d'écrire  aus^i 
pour  le  peuple.  '■• 


63  LIVRES  FRANÇAIS. 

269.  —  Sut-  la  calasfropfie  de  Mgr.  le  duc  d'Enghien  ,  extrait  des  Mé- 
moires de  M.  le  duc  de  Rovico.  Paris,  1823  ;  Gosselin  el  Puntliieu. 
Brocb.  in-S°;  prix,  2  fr.  5o. 

^•yO.—Sur  la  catastrophe  de  Joncliîm  Murnt,  extrait  des  Mémoires  du 
(/énérai  Cotetla i  lr:^du\l  [nxr  Léonard  Gallois.  Paris,  iS25;  Ponthicu. 
Brorh.  in- S". 

27'-  —  Explications  offertes  aux  hommes  impartiaux!  au  sujet  de  la 
commission  militaire  instituée  en  Van  xii  pour  juger  le  due  d'Enghien, 
par  37.  le  comte  Hdllix.  Paris,  iSi^;  Baudouin.  Broch.  in-S";  prix,  i  fr. 

272.  —  Pièces  judiciaires  et  historiques  relatives  au  procès  du  duc 
d'Enghien,  précédées  de  la  discussion  des  actes  de  la  commission  mi- 
litaire, par  I'auteub  de  l'opuscule  intitulé  :  De  la  lihre  défense  des  ac- 
cusés. Paris,  iSaô;  Baudouin.  Broch.  in-S";  prix,  2  fr. 

273.  —  Extrait  des  Mémoires  inédits  sur  ia  Révolution  française  ; 
par  M.  Mehke  de  la  ToicnE.  Paris,  iSaô;  Plancher.   Brochure  in-S". 

27I.  —  Réfutation  de  l'ccrit  puilie  par  M.  le  duc  de  Rovigo,  suivie 
de  l'Eloge  de  Mgr.  L  duc  d'Enghien,  par  Macquaeï.  Paris,  1823.  Broch. 
in-{^". 

^7^-  —  Conduite  de  Bonaparte,  relativement  au.v  assassinats  du  duo 
d'Enghien  et  du  marquis  de  Frotté,  par  M.  Gaitibb,  du  Far.  Paris, 
1820;  Ponfliieu.  Broch.  in-S". 

276.  -  Réponse  à  M.  le  due  de  Rovigo,  ou  Opinion  d'un  ex-commis- 
saire de  police,  etc.,  par  Chavard.  Paris,  1823.  Broch.  in-S». 

277.  —  Recherche  de  la  vérité ,  ou  Coup-d'œil  sur  la  hrochure  de  M. 
le  duc  de  Rovigo ,  par  de  L"'.  Paris,  1825.   Broch.  in-8°. 

278.  —  Lettre  sur  le  document  publié  par  M.  le  duc  de  Rovigo.  Pa- 
ris, 1820;  Petit,  Ponlliieu,  et  Delaunay.  Rroth.  in-«". 

279.  —  Un  Français  sur  l'extrait  des  mémoires  de  M.  le  duc  de  Ro- 
vigo. Paris,  1825  ;  Ponihieu.    Hroch.  in-.S". 

280.  —  Quelques  observations  iùn  françaises  sur  la  hrochure  inti- 
tulée: Un  Français,  etc.,  par  M.  le  comte  de  Maleyssic.  Paris,  1825  ; 
Ej,'ron.  Broch.  in-S". 

281.  —  Z?e  MM.  le  duc  de  Rovigo  et  le  prince  Tatlcgrand ,  par  M. 
Achille  Roche.  Paris,  1825  ;   Plancher.  Broch.  in-8°. 

28^.  —  C'est  lui,  ce  n'est  pas  lui,  eh!  mais  qui  donc?  ou  le  Lavabo 
politique.  Paris,  1823 ;  Ponthieu,  Lccoirite  et  Durey.  Broch.  in-8». 

280.  —  Le  duc  de  Rovigo  juge  par  lui-même  et  par  ses  contemporains. 
Paris,  1825.  P!i,ce  de  l'Odéon,  n°  3.  Broch.  in-8». 

?84.  —  Mémoire,  lettres  et  pièces  enUhentiquçs  touchant  la  vie  et  la 


LIVRES  FRANÇAIS.  63 1 

mort  du  duc  d'Engiiicn,  par  M.  Bovdabd,  de  l'Hérault.   Paris,  182")  ; 
Audin.  Un  vol.  in-S°. 

Pri'ssé  de  jouir  du  jugi-ment  que  la  postérité  doit  porter  sur  sa  con- 
duite dans  la  déplorable  affaire  du  duc  d'Eugliicn  ,  M.  le  duc  de  Rovigo 
vient  de  détacher  et  de  livrer  au  public  quelques  feuillets  de  ses  curieux 

lémoires.  Il  provoque  sur  son  compte  les  arrêts  de  la  génération  pré- 
sente, cl  se  liâtc  de  recueillir  et  de  goûter  ainsi  par  avance  celte  der- 
nière portion  des  fruits  de  son  obéissance  passive.  Sa  brochure  a  donné 
naissance  à  une  finile  d'autres  que  nous  allons  inventorier  ici,  et  dont 
quelques-unes  renferment  des  matérianx  historiques,  dignes  d'être  con- 
servés. La  plus  importante,  ?ous  ce  rapport,  est  le  recueil  des  pièces 
même  du  procès,  publiées  par  les  frères  Baudouin.  Elles  sont  précé- 
dées d'une  discussion  sévère  et  précise  due  à  l'un  de  nos  plus  célèbres 
jurisconsultes,  et  qui  établit  d'une  manière  inconleslable  le  carjc- 
tère  illégal  de  cet  acte,  sur  la  moralilé  duquel  il  n'y  a  dès  long-tems 
d'ailleurs  qu'une  seule  voix.  Parmi  les  personnes  dont  le  nom  figure 
dans  le  récit  de  ce  triste  drame  politique,  se  trouve  l'ex  -  roi  de  Na- 
ples ,  Joachim,  Murât  :  un  rapprochement  assurément  fort  remarqua- 
ble nous  le  montre  expiant,  par  une  fin  semblable,  la  part  qu'il  a 
pu  prendre,  et  qu'il  dciiie  toutefois  avec  force  au  moment  même  de 
sa  mort,  à  la  fin  tragique  du  duc  d'Enghien.  On  lit  avec  intérêt  ,  dans 
le  fragment  des  mémoires  du  général  Coletta  Iradiiil  et  publié  par  M. 
Léonard  Gallois,  le  récit  des  dernières  circonstances  de  la  vie,  si  rem- 
pliede  vicissitudes, dece  monarquesoldat. — Un  autreacleur  de  ce  même 
drame  apparaît  ensuite,  tenant  à  la  main  ses  expiications ,  c'est  M.  le 
comte  liullin.  Vieux  aujouid'hui,  frappé  de  cécité,  retiré  du  monde,  il 

lontre  au  moins,  dans  ses  révélations,  qu'on  ne  saurait  d'ailleurs  taxer 
d'imprudence,  une  vertu  qui  paraît  étrangère  à  ÎM.  de  Rovigu,  je  veux 
parlerdu  repentir.  Mais,  ce  n'est  point  contre  le  général  Hullm  que  celui- 
ci  dirige,  en  se  disculpant  à  sa  manière,  ses  accusations;  ce  n'est  point 
non  plus  contre  Bonaparte,  avec  lequel  M.  de  Rovigo  fait  au  contraire 
cause  commune,  mais  à  qui  M.  Gautier  du  Var ,  veut  rendre  la  part  qui 
ers  effet  semble  lui  appartenir  dans  cet  odieux  attentat,  en  lui  en  repro- 
chant même,  en  passant,  un  autre  antérieur  et  de  même  nature,  l'assas- 
ssinat  de  M.  de  Frotté.  Les  imputations  de  M.  de  Rovigo  ne  s'adressent 
li  à  des  individus  morts  ,  ni  absens ,  ni  même  ,  il  faut  le  dire,  à  des  in- 
dividus obscurs;  {lies  portent  toutes,  en  effet  ,  i,»r  un  grand  fcrson-^ 
nage,  pair  de  France,  grand  am'bassadcur  de  S.  il/.,  son  ex -am- 
bassadeur, son  ex-ministre  des  relations  extérieures,  ex-président  du 
gouvernement  provisoire  en  1814,  ex-ministre  de  ia  ri'puhliijuc,  de  Bonn- 


65i  LIVRES  FRANÇAIS. 

farte  ex-empereur  et  de  Bonaparte  consul,  et  enfin  ancien  èvêque  tV Au- 
tuHy  ayant  officié ponlificaletnent  au  Champ-de-M ars,  le  i^  juillet  1790.» 
C'est  ainsi  que  ce  personnage  est  ilésigné  dans  une  brochure,  intitulée  : 
Rcclierclie  dclavcrité,  où  M.  de  L***  rassemble  et  résume,  pour  ainsi 
diie,  coni;ne  l'a  fait  aus.-.i  M.  Benoît  Jolicœur,  dans  sa  Lettre  sur  le  do- 
cument puhiié  par  M.  le  duc,  toutes  les  charges  et  les  insinuations  épar- 
ses  dans  Vextrait  de  M.  de  Rovigo,  contre  M.  le  prince  de  Bénévent; 
charges  et  insinuations  qui  se  trouvent  combattues  et  repoussées  dans 
une  autre  brochure  qui  a  pour  titre  :  Un  français ,  itc, ,  laquelle ,  à  son 
tour,  a  donné  lieu,  de  la  part  de  M.  le  comte  de  Maleyssie,  à  quelques 
observations  qui  m'ont  paru  êîre  trop  vagues  et  trop  étrangères  à  la  ques- 
tion. Mais,  malheurcusemenl  pour  M.  le  duc,  pour  sa  jusliQcation  et  pour 
SCS  accusations,  il  se  trouve  démenti  sur  plusieurs  faits  piincipaux  par  M. 
le  comte  HuUin  ;  par  M.  Macquart  ;  par  MM.  Marguerit  et  Laporte-La- 
lanne,  dont  les  lettres  ont  été  insérées  dans  les  journaux  ,  celles  du  pre- 
mier dans  le  Journal  des  Déhats  du  5  novembre,  et  dans  le  Drapeau 
Blanc,  du  27;  (celle  du  second  est  reproduite  à  la  suite  de  la  bro- 
chure de  M.  Gautier  du  Var);  et  enfin,  par  M.  Méhée  de  la  Touche,  dont 
les  mémoires  contiennent  aussi,  outre  les  détails  relatifs  à  l'affaire  du  duc 
d'Engliien  ,  de  scandaleuses  révélations  sur  d'autres  affaires  qui  lui  sont 
plus  personnelles.  Au  reste  ,  la  personne  qui  semble  avoir  le  mieux  jugé 
le  débat  suscité  par  M.  le  duc  de  Rovigo,  soit  en  ce  qui  touche  M.  de 
T*'*,  soit  en  ce  qui  regarde  la  coaduite  de  M.  de  Rovigo  lui-même  , 
est  M.  Achille  Roche.  Non-seulement,  ce  jeune  écrivain  démontre  l'ab- 
surdité de  plusieurs  des  alléf^ations  de  M.  de  Rovigo,  mais  il  s'élève  aussi 
avec  force,  et  selon  nous,  avec  beaucoup  de  raison  et  de  succès,  contre 
le  danger  et  l'absurdilé  des  doctrines  sur  lesquelles  celui-ci  veut  fonder  sa 
prétendue  justification.  Enfin,  le  résultat  de  toutes  cesopinions  et  des  dis- 
cussions particulières  que  nous  venons  de  mentionner,  se  trouve  exposé 
avec  netteté  et  évidence  dans  la  dernière  brochure  qui  vient  de  paraî- 
tre ,  sous  ce  titre  :  le  duc  de  Rovigo  jugé  par  lui-même  et  par  ses  conteiih- 
porains.—  Fatiguée  de  cette  affligeante  polémique,  l'àmese  repose  ensuite 
avec  quelque  satisfaction,  sur  les  mémoires,  lettres  et  pièces  authenti- 
ques exploitées  avec  talent  par  M.  Boudard,  de  l'Hérault,  et  offrant  des 
détails  historiques  intéressans  sur  les  campagnes  des  Français  réfugiés,  à 
l'époque  de  nos  troubles  civils,  sous  les  drapeaux  du  prince  de  Condé  ; 
et  l'on  puise  encore  quelques  émotions  douces  dans  la  lecture  de  l'éloge, 
ou  plutôt  de  l'oraison  funèbre  de  Mgr  le  duc  d'Enghien,  couronnée  en 
181-,  par  l'Académie  de  Dijon,  et  que  son  auleur,  M.  Macquart,  a  repro- 
duite, à  la  suite  de  sa  réfutation  de  M.  le  duc  de  Rovigo  ;  oraison  funè- 


LTVRE'^  FRANÇAIS.  653 

bro  empreinte  i\'a"C  sensif)il  té  vr.iic  et  profonde,  et  où  se  renmnlrent 
plu-!cui-   traiis  n'um-  véiilalili    éloquence.  R.  L.  ,  arorat. 

P.  S.  L  s  personnes  jwlo  ises  de  een:  aîtie  la  jns'ifieallon  «l'un  per- 
sonnase  di.nl  le  nom  a  aussi  fié  inipllrju;'  dans  IMPaire  du  due  d  En- 
ghi<-n.  du  géuér:d  Caiilaineourt,  peuvent  recourir  aux  journaux  de  Paris 
d  s  26  et  7  avril  1814.  Il  y  a  déjà  eu,  à  celle  époque,  plusieurs  bro- 
chures publiées  sur  le  même  événeinenl. 

235  (•), — Mémoires  des  Conlcmporaivs. — fl ist.iire  ètrantjère.  —  Mù- 
moitcs  du  eolonil  Voctier  .sur  (a  fjucrve  nctnillu  des  Grecs.  Paiis,  dé- 
cembre 189Ô;  Bossante  frèr.  s.  Un  vol  in-S",  fig;  prix,  7  fr. 

Si  le  réveil  de  la  nation  grecqu»-  est  un  des  plus  grands  évéoemens  de 
noire  époque,  on  eonçuil  l'inléiêt  qui  s'altatlie  au»  récits  qui  nous  re- 
tracent les  causes  et  les  détails  de  celle  héroïque  révolution.  Plu.sieurs 
de  nos  eompat.ioles,  lorsque  la  guerre  des  (Jrers  éclata,  sont  allés, 
pleins  d'cnlhoiisiasine,  combattre  pour  une  si  belle  CjU-c,  el  contribuer 
par  leur  valeur  à  l'affranchis  eineiit  de  la  lerre  cla-s  que.  Déjà,  quelques- 
uns  d'entre  eux  nous  ont  l'ait  connaître  les  événeiners  qu'ils  oni  vus 
par  eux-mêmes,  el  auxquels  ils  ont  pris  part.  De  ce  nombre  «si  M.  le 
colonel  Voutier.  La  simplicité  naïve,  et  l'air  d.  viracilé  empreint  dans 
les  ré<  its  de  ce  témoin  oculaire,  ne  (Oniribuent  pas  moins  qu'un  intérêt 
bien  naturel  pour  la  cause  disGre.s,  à  l'avidiié  avec  laquelle  on  lit 
ses  Mémoires.  11  ne  prétend  ()as  donner  une  histoire  coni|>icle  de  l'io- 
surreclion  des  Hellènes;  il  ne  ratonle  que  les  laits  auxquels  il  aas-islé, 
et  son  livre  est  plein  de  détails  instructifs  et  piquans  sur  les  mœurs  des» 
deux  peuples  qui  luttent  à  présent ,  l'un  pour  sa  liberté  et  son  existence, 
l'autre  pour  recouvrer  une  horrible  lyrannie.  Nous  n'en  citerons  qu'un 
exemple  relatif  aux  Klephtes  montagnards,  qui  ont  le  plus  puissam- 
ment résisté  à  l'oppression.  •  Le  nom  de  Kleplitti  (brigand)  doimé  par 
les  Turcs  à  ces  braves,  scia  un  nom  à  jamais  g'orieux  :  dans  les  rangs 
des  Hellènes,  il  est  un  juste  sujet  d'orgueil  el  d'en\ie.  0  Iiplonz  la  dé- 
mence de  \oire  maître  suprême,  écrivait  Ali,  jahi  de  Janina.  au  fa- 
meux Liaeos,  retiré  dans  les  montagnes  de  l'Flpire;  venez  vous  proster- 
ner aux  pieds  de  vore  visir,el  il  vous  pardonnera.  »  —  «Ji-  n'ai  p'  ur  maî- 
tre suprême  que  le  Uieu  des  chrétiens,  répond  le  capiiaine;  pour  pa- 
cha, mou  fiisil ,  et  mon  sabre,  pour  grand-vi-ir.  »  —  Ceito  r  pense  est 
conservée  dans  un  chaul  populaire.  —  Lis  Mémoires  du  colonel  Vuutier 
renferment  une  foule  de  détails  trè-  curieux  sur  les  sièges  de  Tiipoliiza, 
de  Coiinthe,  d'Alhènes,  de  Missniutighi ,  d'\n..pli,  etc.,  ainsi  que 
sur  Jes  per-onnages  marquans  de  la  révolution,  Ypsilanli,  Maurocordato, 
T.  XX. — Décembre  iSiJ.  4* 


634  LIVRES  FRAISÇAIS. 

ColocotroDÎs  ,  Odysseus,  Bozzaris  ,  etc.  On  y  trouve  aussi  l'acle  d'indé- 
pendance de  la  nation  grecque,  et  sa  constitution  provisoire.       A. 

^§g  1*-,^  —  Galerie  française ,  ou  Collection  de  Portraits  des  hommes 
et  des  femmes  célèbres  qui  07it  illustré  la  France,  dans  les  i6«,  17° 
et  18'  siècles;  par  une  société  d'homn;ics  de  lettres  et  d'artistes.  T.  III, 
sixième  livraison.  Paris,  i8a5;  au  Bureau  de  la  Galerie  française ,  rue 
de  l'Arbre-Sec,  n"  22.  Un  cahier  in-fol.  de  Sj  pages  (loi  à  167);  pris, 
10  fr.  par  livraison  pour  Paris,  et  10  fr.  5o  c.  pour  les  départemens. 
(Voy.  Rev.  Enc,  Tom.  XIX,  pag.  692.) 

Cette  livraison  contient  les  portraits  de  Piron,  Roltin,  J.  B.  Rous- 
seau et  Fontenelle.  Les  notices  qui  les  accompagnent  sont  dues  à  MM. 
AucER,  Andbieux,   Patin  et  Boissy-d'Ahglas. 

jg-  (♦\  — Annuaire  nécrologique,  ou  Complément  annuel  et  Continua- 
tion de  toutes  les  Biographies  ou  Dictionnaires  historiques,  contenant  la 
vie  de  tous  les  hommes  remarquables  par  leurs  actes  ou  par  leurs  pro- 
ductions, morts  dans  le  cours  de  cbaque  année,  â  commencer  de  1820  , 
orné  de  portraits;  rédigé  par  A.  Mahdl.  Troisième  année  (1822).  Paris, 
1825  ;  Ponthieu,  au  Palais-Royal.  In-S"  de  x-552  pages,  avec  4  portraits 
(ceux  du  général  Berton,  du  duc  de  Richelieu ,  de  l'abbé  Sicard  et  de 
Caroline,  reine  d'Angleterre].  Pris,  7  fr. 

La  réputation  de  ce  livre  est  assurée;  il  doit  nalurellemeut  trouver 
place  dans  toutes  les  bibliothèques.  M.  ÎMahul  étant  au  nombre  des  plus 
anciens  collaborateurs  de  la  Revue  Encyclopédique ,  nous  avons  été  les 
premiers  à  portée  d'apprécier  et  de  faire  apprécier  son  travail  à  nos  lec- 
teurs, {foy.  T.  XII ,  p.  543-353  ,  et  T.  XVI ,  p.  16S-171.)  Depuis,  nous 
avons  eu  la  satisfaction  de  voir  les  critiques  de  tous  les  partis  adopter  no- 
tre opinion  sur  le  mérite  de  [' A nnuaire  nécrologique.  Tous  ont  reconnu 
avec  nous  «que  l'auteur  repousse  avec  une  attention  religieuse  tout  ce 
qui  pourrait  blesser  la  vérité,  ou  porter  le  caractère  de  la  passion;  qu'il 
considère  d'un  point  de  vue  élevé  ,  avec  une  rare  impartialité  ,  les  hom- 
mes ,  les  gouvernemens ,  les  partis;  que  son  objet  enfin  n'est  point  de 
Catter  aucun  personnage  puissant,  de  caresser  aucune  opinion  exclusive, 
mais  de  se  moatrer  l'homme  de  la  France  ,  de  la  vérité  et  de  l'avenir.  • 
M.  iMabul,  dans  les  deux  volumes  publiés  depuis  celui  de  l'année  1820, 
qui  avait  été  l'occasion  de  cet  éloge,  a  continué  de  le  justifier,  en  con- 
servant cette  noble  franchise  et  cette  impartialité  qui  le  distinguent  ;  il  <'n 
a  donné  des  preuves  réitérées  dans  plusieurs  articles  très-délicats  à  trai- 
ter :  tel  est  celui  sur  Napoléon  Bonaparte  {voy.  année  1821).  Une  seule 
amélioration  était  encore  à  désirer,  c'était  devoir  l'auteur  donner  plus 
de  dévelappcraeal  à  la  partie  étrangère  de  son  Annuaire;   mais  lai- 


LIVRES  FRA>;ÇAIS.  035 

même  en  .-vait  senll  la  nécessité  ,  et  déjà  l'on  n'a  plus  qu'a  lui  adiesser 
les  mêmes  éloges  pour  cette  partie  et  pour  la  nécrologie  française.  La 
première  année  (1820),  où  il  n'avait  rien  accordé  à  la  nécrologie  étran- 
gère, lui  avait  présenté  90  personnages  dignes  de  son  attention,  dont 
5  femmes.  Le  volume  de  la  deuxième  année  (1S21)  renferme  des 
articles  sur  98  personnages  distingués  morts  en  France,  dont  9  lérames, 
et  sur  40  étrangers.  On  trouve  ,  dans  le  volume  consacré  à  la  troisième 
année  (1822),  et  que  nous  annonçons  ajourd'liui ,  99  articles  pour  la  par- 
tie française  ,  et  60  pour  la  partie  étrangère.  Onze  iémmes  figurent  dans 
la  première,  et  5  dans  la  dernière,  parmi  lesquelles  Caboi.ine  de  Bkuns- 
wiCR,  reine  d'Angleterre,  si  célèbre  par  le  procès  scandaleux  qni  a  oc- 
cupé toute  l'Europe  en  1S20.  RI.  Maliul  rapporte,  avec  une  fidélité  et 
une  concision  admirables,  toutes  les  pièces  de  ce  procès;  et  cependant, 
la  matière  était  telleincnt  abondante,  qu'il  a  dû  consacrer  à  ce  seul  ar- 
ticle près  de  3o  pages,  sur  deux  coloimes.  Sans  vouloir  porter  ici  un 
jugement  sur  la  vie  et  les  actions  de  la  reine  d'Angleterre,  remarquons 
seulement  combien  on  préfère  lire  les  détails  pleins  d'un  plus  doux  in- 
térêt que  nous  donne  l'auteur  sur  des  femmes  nées  dans  un  rang  moins 
élevé,  mais  qu'elles  ont  Lonoré  par  des  vertus,  des  talens  ou  des  qua- 
lités aimables.  Telles  sont  les  notices  sur  M™""*  dk  Condorcet  et  ue  Vu.- 
LBTiE  ,  que  nous  avons  nous-mêmes  placées  dans  nos  tablettes  nécro- 
logiques {voy.  Tom,  XVI,  pag.  227  et  669)  ;  sur  M"«  Campai,  lectrice 
de  la  reine,  directrice  de  la  maison  d'Écouen,  sous  Bonaparte^  et  dont 
les  Mémoires ,  si  attacbans  et  si  curieux  ,  ont  déjà  eu  plusieuis  éditions  ; 
sur  M™"^' Celliez  et  de  Rernrville,  honorablement  connues  par  des  ou- 
vrages d'éducation  ,  ou  destinés  à  l'amusement  de  l'enfance;  M^'^  Ba- 
LABD  ,  poète,  couronnée  aux  Jeux  floraux  ;  enfin,  sur  M"»=  la  dcchesse  de 
BooBBON,  cet  ange  de  bonté  dont  tous  leshommes  d'état  devraient  appren- 
dre par  cœur  ce  qu'elle  appelait  sa  o  chimère  en  fait  de  gouvernement,» 
idées  sublimes  par  leur  simplicité  et  la  pureté  des  sentimens  qui  les  a 
fait  naître,  consignées  par  elle  dans  la  Lettre  XI  de  sa  correspondance, 
et  que  M.  Mahul  a  précieusement  recueillies  (pag.  ^1-^2).  — Parmi  les 
notices  consacrées  aux  hommes,  nous  avons  principalement  remarqué 
celles  sur  le  général  Beeton  et  sur  le  lieutenant-colonel  Caho.v,  dont  les 
procès  ont  obtenu  une  si  triste  célébrilé  dans  nos  annales  poliliaues  ; 
sur  le  duc  de  Kicheliec,  «homme  d'état  dont  la  haute  moralité  et  la  par- 
faite loyauté,  dit  l'historien,  ont  réuni  les  suflVages  de  tous  les  partis, 
mais  qui,  long-tems  absent  de  .-a  patrie,  connaissait  peu  la  France  et 
n'eut  pas  le  talent  de  la  deviner  »  ;  sur  le  brave  général  Lefebvae-Des- 
nodettes  ;  l'évêque  de  Chartres,  M.  de  Lcbebsac;  les  savans  Bïbtholet, 


6"j6  LIVRES  FRANÇAIS. 

chimiste;  Delamehe,  astronome;  Uallé,  médecin;  Hauv,  minéralogiste; 
les  abbés  Sicard  et  Girabd  ,    qui  ont  écrit  tous  deux  sur  la  grammaire  et 
la  rhétorique  ;  sur  Bérenger  ,  de  Lyon  ,  auteur  de  la  Morate  en  action, 
ouvrage  répandu  dans  tous  les  collèges  et  qui  a  eu  un  si  grand  nombre 
d'éditions;  Galin,  savant  modeste,  profond  mathématicien  ,  mais  dont 
le  plus  beau  titre  à  notre  reconnaissance  est  Tinvention  du  Miioplaste, 
méthode  singulièrement  propre  à  répandre  promptement  la  connais- 
sance des   premiers  élémens  de  la  musique  ,    dont  elle  doit  rendre  la 
lecture  aussi  facile  et  aussi  vulgaire  que  celle  des  livres  ;   sur  Vanspa\- 
DONCK,   habile   peintre   de   fleurs;    Michallon,  autre  peintre,  mort   si 
malheureusement  à  la  fleur  de  l'âge ,   et  qui  avait  déjà  fait  preuve  d'un 
talent  capable  de  le  placer  bientôt  au  rang  de  nos  premiers  maîtres  ;  sur 
AwDBiEn  et  Bbrvic,  graveurs   estimés;   Flbuby,  comédien ,  qui  semble 
avoir  emporté  avec  lui  dans  la  tombe  cette  grâce,  celle  élégance,  cette 
finesse  si  essentielles  dans  les  rôles  de  la  haute  comédie  ,  et  dont  la  tra- 
dition se  perd  tous  les  jours  au  théâtre;  Lainez,  acteur  lyrique  distingué; 
enfin,  sur Glelon-xMarc  ,  qui  s'offrit ,  en  1792,  à  la  Convention  ,  com- 
me otage  de  Louis  XVI ,  et  sur  le  baron  db  Batz,  et  le  comte  de  Valory, 
connus  par  leur  dévouement  a  la  famille  royale.  —  Nous  regrettons  de 
ne  pouvoir  no:is  étendre  davantage  sur  tant  de  personnages  si  intéressons, . 
à  la  plupart  desquels,  du  reste,  la  Revue  a  déjà  consacré  des  notices  né- 
crologiques.  Plus  consciencieux  que  tant  d'autres  écrivains  ,   M.  Mahul 
renvoie  lui-même  à  ces  articles,  comme  il  le  fait  souvent ,  pour  la  partie 
bibliographique,  au  Journal  de  la  Librairie ,   rédigé  par  M.  Beuchot 
avec  un  talent  si  remarquable  et  un  zèle  si  digne  d'éloges.  —  Citons  en- 
core, pour  compléter  le  tableau  des  noms  les  plus  célèbres  inscrit*  eu 
i«22  dans  les  tablettes  nécrologiques  de  M.  Mahul ,  l'abbé  Bondi,  litié- 
rateur  italien  ;    le  général  Dumo^ceao;   le  docteur  Frank  ;   le  patriarche 
de  Constantinople,  Grégoire;   If  baron  d'Hebmeun,  minéralogiste  sué- 
dois ;   M»«  LvcHBALD  ,  a  la  lois  actrice  et  auteur  dramatique  ;  K^•ox  ,  lit- 
térateur et    moraliste  anglais;   Mabche.-ïa,   littérateur  espagnol;   Mor- 
CELLi,  savant  archéologue  italien  ;   Ochs,  qui  fut  directeur  de  la  repu- 
blique  Helvétique;  Popham,  célèbre  amiral  anglais;  Rennie  ,  ingénieur, 
«on  compatriote;  les  comtes  de  Sheffikld  et  de  Stolbebg  ;  enfin,  Wyt- 
lENBAGH,  littérateur  allemand;   et  souhaitons  que  l'auteur,  qui,  jeune 
encore,  figure  déjà  parmi  nos  publicistes  ,  conserve  dans  son  caractère 
et  dans  ses  écrits  cette  noble  indépendance  qui  ajoute  tant  de  prix  au 

talent.  p   „  - 

£.  Uebead. 

aSS  (').  —  Esquisses  historiques  et  politiques  sur  te  Pape  Pie  ril , 


LIVRES  fra:sçais.  r,j- 

Bvec  une  Notice  sur  Léon  XII;  par  M.  Gcadet.   Paris,  tSaô;    Béchet 
aîné.  In-S";  prix,  3  fr.,  et  5  fr.  y 5  c. 

Plusieurs  des  journaux  quotidiens  ont  parlé  avec  les  plus  grands  éloges 
des  Esquisses  de  M.  Guadet.  Comme  il  est  un  de  nos  collaborateurs, 
ce  titre  nous  impose  l'obligation  de  laisser  à  d'autres  le  soin  de  payer 
à  son  ouvrage  le  tribut  de  louanges  qu'il  mérite.  Nous  en  indiquerons 
seulement  l'esprit  et  le  plan.  —  Le  récit  des  faits  et  l'exposé  des  juge- 
mens  auxquels  ils  donnent  lieu,  portent  ce  caractère  d'indépendance 
et  d'impartialité  que  l'on  cherche  trop  souvent  en  vain  dans  les  écrits 
des  contemporains;  l'auteur  n'affaiblit  point  les  qualités  de  son  héros; 
il  ne  dissimule  point  ses  fautes.  La  politique  de  la  cour  de  Rome  n'est 
point  pour  lui  l'objet  de  satire.''  continuelles;  mais  aussi ,  il  met  dans 
tout  son  jour  cet  esprit  d'envahissement ,  cet  alliage  impur  de  la  puis- 
sance spirituelle  et  temporelle  qui  la  caractérise.  C'est  dire  assez,  et  le 
titre  de  l'ouvrage  l'anniinçait  suffisamment,  que  M.  Guadet  n'a  pas  voulu 
écrire  une  notice  biographique  sur  Pie  VII  (il  en  existait  déjà  un 
grand  nombre);  mais  qu'il  a  voulu  présenter  le  pontife  prenant  part  aux 
jirincipalcs  transactions  politiques  de  notre  époque,  déterminer  la  part 
qu'on  doit  lui  assigner,  ou  plutôt,  quelle  fut,  sous  son  règne,  l'in- 
fluence de  la  cour  de  Rome  dans  les  affaires  de  l'Europe.  Le  plan  était 
vaste,  et  l'auteur  l'a  embrassé  tout  entier  dans  un  livre  d'un  petit  nom- 
bre de  pages  ,  destiné  à  tigurer  dans  la  bibliothèque  de  tous  les  hommes 
qui  ne  sont  pas  étrangers  aux  matières  politiques.  —  L'ouvrage  de  M. 
Guadet  renferme  des  détails  curieux  sur  le  couronnement  de  JVapoléon, 
sur  l'enlèvement  de  Pie  VII,  sur  ses  relations  avec  l'empereur,  sur  le 
rétablissement  des  jésuites  en  Europe;  enfin,  sur  les  trois  concordats 
conclus  entre  Rome  et  la  France  ,  sous  le  pontificat  du  dernier  pape. 

Z. 

2^9  ('). — Histoire physique,civiie  et  morale  de  Paris,  depuis  les  pre- 
miers tenis  historiques  jusqu'à  nos  jours;  par  3.  A.  DrLAiBE,  de  la  So- 
ciété des  antiquaires  de  France.  Seconde  édition,  considérablement  aug- 
mentée. Tom.  III,  5<-  et  4'  livraisons;  Tom.  IV,  4^4  P-^gcs;  Tom.  V, 
première  partie,  224  pages.  Paris,  1820;  Guillaume,  Quatre  vol.  inb°; 
prix  ,  3  fr.  55  cent,  par  livraison. 

Cet  important  ouvrage,  dont  nous  avons  annoncé  les  premiers  volu- 
mes (Voy.  ci-dessus,  pag.  i8f>),  continue  à  nous  offrir  un  tableau  fidèle 
et  complet  de  Paris,  aux  différentes  époques  de  son  histoire. — Après  avoir 
vu  cette  capitale  à  son  berceau  ,  nous  avons  pu  suivre  ,  avec  M.  Dulaure, 
les  progrès  des  agrandissemens  et  des  embtllissemens  qui  oat  amené  sa 


G38  LIVRES  FRANÇAIS. 

splendeur  actuelle.  Grâce  à  l'érudition  et  aux  recherches  savantes  de  son 
historien  ,  nous  apprenons  ce  que  chaque  règne  ,  chaque  période  a  don- 
né à  Paris  d'édifices  et  d'établissemcns  publics.  Dans  les  premiers  siè- 
cles de  la  monarchie  française  ,  la  dévotion ,  qui  tient  alors  lieu  de  tou- 
tes les  verius,  qui  sert  d'excuse  à  tous  les  crimes,  consiste  pour  les  rois 
à  élever  des  temples  ,  à  doter  des  couveiis  et  des  monastères  ,  à  enrichir 
le  clergé.  Paris  ,  à  cette  époque,  n'a  d'autres  monumens  que  de  vastes 
abbayes,  et  di.«»  églises  gothiques.  Mais  1rs  rois  deviennent  bientôt 
moins  généreux  envers  le  clergé;  ils  consacrent  une  partie  de  leurs  re- 
venus à  l'embellissement  de  leurs  propres  demeures.  Nous  venons  de 
lire  l'histoire  de  Paris  depuis  Charles  V  jusqu'à  Henri  IV.  Pendant  cette 
période,  le  premier  de  ces  rois  fait  agrandir  le  château  de  Vincennes  , 
construire  celui  de  Beauté-sur-Marne,  réparer  presque  entièrement  le 
Louvre,  et  réunir  en  une  seule  enceinte  plusieurs  bâtiuiens  qui  formè- 
rent l'hôtel  royal  de  Saint -Paul.  Sous  Henri  II,  le  vieux  Louvre  déjà 
commencé  fut  achevé;  on  bâtit  le  château  de«  Tuileries  et  l'hôtel  de 
Soissons.  On  rapporte  à  la  même  époque,  la  construction  de  l'église 
Saint-Gervais.  Plus  tard  ,  nous  verrons  les  rois  employer  les  richesses  de 
l'état  à  des  fondations  plus  utiles.  Ces  divers  détails  sont  compris  dans  la 
partie  de  l'ouvrage  qui  traite  de  VEtat  physique. — Quant  au  Taitrau 
moral,  les  volumes  que  nous  annonçons  ne  le  cèdent  point  à  ceux  qui 
ont  précédé.  M.  Dubure  a  dépouillé  le  1)071  vieux  tems  de  ces  prestiges 
de  chevalerie  et  de  pureté  de  mœurs  dont  on  s'est  plu  souvent  à  le  pa- 
rer. Il  nous  le  montre  dans  toute  sa  difformité.  Qui  serait  tenté  de  le  re- 
gretter, après  avoir  soulevé  avec  lui  le  voile  dont  l'avaient  couvert  les 
mensonges  officieux  des  historiens?  Certes,  on  aurait  mauvaise  grâce 
à  accuser  notre  siècle  de  corruption,  quand  on  lit  l'effrayante  descrip- 
tion des  siècles  antérieurs.  Non-seulement  M.  Dulaure  s'attache  à  signa- 
ler la  dépravation  des  cours  et  les  crimes  des  grands;  il  montre  encore 
quelle  a  été  leur  funeste  inQuence  sur  les  mœurs  des  peuples,  et  à  quel 
point  l'ignorance  était  favorable  aux  désordres  de  tout  genre  dont  se 
compose  l'histoire  de  ces  tems  barbares. — Cet  ouvrage  est  plein  de  faits, 
dont  l'appliratlon  est  du  plus  haut  intérêt.  Ainsi,  M.  Dulaure,  en  par- 
lant de  l'introduction  de  l'imprimerie  à  Paris,  sous  Louis  XI,  observe 
que  six  mille  personnes  occupées  jusqu'alors  à  copier  des  manuscrits,  se 
trouvèrent  tout-à  coup  sans  travail  et  presque  sans  pain.  Cette  invention 
nouvelle,  en  froissant  quelques  intérêts  privés,  excita  le  mécontentement 
public.  Cependant,  quel  a  été  son  résultat?  I/a  propagation  du  goût  des 
lettres,  et  l'emploi  d'un  nombre  d'hommes  bien  plus  considérable  pour 
les  travaux  que  ce  goût  nécessite.  Aujourd'hui,  il  y  a  dans  Paris  peut- 


LIVRES  FRANÇAIS.  6^9 

ùhe  dix  fois  plus  d'imprimeurs  de  tout  genre  qu'il  n'y  avait  alors  de  co- 
pistes. Tel  est  le  sort^  et  tels  sont  les  avantages  de  toutes  les  découver- 
tes. A.  J. 

■2Ç0  (*). — De  V Emploi  du  tcms  ;  par  M™<^  la  comtesse  dk  Genlis.  Paris, 
1824  ;  Arthus  Bertrand  ,  rue  Ilautefeuille,  n°  24.  Un  vol.  grand  in-8°  de 
260  pages  ;  prix,  6  fr.  et  7  fr. 

Un  bon  emploi  du  tems  est,  sans  contredit,  un  des  premiers  élémens  du 
bonheur.  Mais  il  ne  suffît  pas  de  savoir  mettre  chaque  instant  à  profit.  Il 
faut  tendre  sans  cesse  au  perfectionnement  moral.  Il  faut  élever  l'âme  à 
tout  ce  qui  est  noble  et  grand.  On  ne  saurait  trop  cultiver  l'amour  du  bien  , 
du  beau  ,  du  vrai.  Comme  tout  est  progressif,  cette  éducaliim  doit  com- 
mencer de  bonne  heure.  INous  sommes  des  voyageurs  qui  marchons,  dès 
notre  naissance ,  vers  un  but  glorieux.  La  route  est  pénible ,  mais  malheur 
à  celui  qui  s'arrête!  Ce  but  est,  selon  moi,  le  développement  de  toutes 
nos  facultés,  appliquées  à  des  actions  vertueuses.  Dès  qu'il  pourra  vous 
comprendre,  votre  élève  vous  secondera  ;  mais,  d'abord,  aplanissez-lui 
le  chemin  par  des  moyens  simples,  par  des  méthodes  sûres.  Son  esprit 
une  fois  en  mouvement ,  vous  le  dirigez  avec  facilité.  Vous  seconderez 
ses  bons  penchans,  vous  étoufferez  les  mauvais.  Ne  craignez  pas  d'exal- 
ter son  âme  pour  la  vertu  :  l'enthousiasme ,  quoique  participant  de  la  pas- 
sion ,  ne  m'ef'raie  pas,  autant  qu'il  effraie  M""^  de  Genlis.  Je  le  regarde 
<-omme  une  de  nos  plus  nobles  facultés,  et  comme  un  puissant  mobile 
pour  le  bien.  Peut-on  s'élever  aux  actions  vraiment  sublimes,  sans  en- 
thousiasme! Les  passions  elles -mêmes  nous  prêtent  des  ailes  pour  monter 
aux  cieux.  Il  est  vrai  que  parfois  elles  nous  dégradent,  et  nous  rendent 
criminels.  Mais  ,  doit-on  rejeter  le  fer,  parce  que  les  hommes  en  ont  fait 
des  armes  meurtrières?  Le  soc  de  la  charrue,  la  faux  du  moissonneur, 
ne  sont-elles  pas  aussi  du  même  métal?  L'amour  passionné  de  la  vertu  , 
de  la  religion ,  ne  conduit-il  pas  au  dévoûment  sublime,  aux  plus  éton- 
nans  sacrifices?  M"*'  de  Genlis  combat  cette  opinion;  elle  veut  que  le 
devoir  soit  l'unique  loi.  Je  craindrais  qu'une  pareille  doctrine  ne  refroi- 
dît des  cœurs  brûlans,  ne  leur  ôtat  l'énergie  et  la  grandeur  imposante 
que  Dieu  leur  a  données.  Je  conviens,  avec  M™'  de  Genlis,  que  l'exal- 
tation d'une  âme  passionnée  peut  conduire  à  l'admiration  de  la  lorce , 
et  en  général  de  tout  ce  qui  caractérise  une  grande  puissance  morale  ; 
mais  c'est  un  abus  contre  lequel  on  doit  se  mettre  en  garde.  Les  exem- 
ples du  danger  des  passions  poussées  à  l'excès,  ne  sont  que  trop  com- 
muns ;  là  ,  comme  partout ,  le  bien  est  dans  un  juste  milieu.  La  religion 
est  aussi  un  puissant  secours  pour  les  âmes  passionnées  :  elle  nourrit  leur 
enthousiasme  de  vérités  grandes  et  sublimes.  Elle  emploie  leur  énergie 


G4o  LIVRES  FRANÇAIS. 

au  profit  do  l'bumanilc;  elle  les  encourage  par  la  promesse  des  seules 
ré'oinpensts  qui  soitnt  en  harmonie  avec  leurs  .sentin.eD-  el  leui8s..cn- 
fic>  s  ;  <ll<-  léchd'  fl"<  lont  ce  4ui  serait  l'ioid  sans  eiie.  La  (.l.ilantiopie  ié- 
sis.te  difB<il<  nient  à  la  teirible  épieuve  de  l'in-iratilude  de»  hainmes.  La 
relipion,  au  contraire,  n'en  est  pas  même  jlléiée.  L'ouLli  at  s  biei.lails  ne 
la  blisse  pas,  mais  le  moindre  rtmeiciminl  la  louclu.  Klle  n'a  |>oiiit  les 
luimmes  i  n  haine  ou  en  pitié  ;  elle  sait  que  notre  natiirt  esi  un  élimiiant 
mélange  de  bien  tt  île  mal;  elle  arctple  no»  f;.iblesses,  et  se  léjouil  de 
nos  ver  us.  La  religi  n  e>t  telle  |  our  le-^  âmes  qui  en  compienneiit  la 
grandeur  et  la  beai^té;  mais  elle  est  loin  dètre  toujours  pialiquée  dans 
son  subliuie  csp-ii.  Vouloir  souttiiir  qu'il  ne  s'esi  pas  glis-é  d  abus  dans 
ses  préceptes,  dej>i'is  que  D'eu  la  <  oi  fia  aux  hommes,  c'est,  je  ci  ois  , 
fi'égaier.  Il  n"  m'appai  lient  pas  (l'«  lainiiier  ces  abus,  leur  nature  el  leur 
iniluenre;  mas  il  mesimble  qu'il  doit  en  exi-ter,  pat  ce  qu'on  peut 
tout  dénatur*  r  el  tout  c-.rrompre.  M"«  lie  C.enlis  vt  ul  laire  déc  ul<  r  de 
la  r.  li^ion  la  liltéralure.  la  musique,  la  peinlme.  J'aiuie  mirux  ne  lui 
devoir  que  1'.  xei<icc  de  la  chaiiîé,  du  paidon  d<  s  injuies,  du  déviû- 
meiil  con'iuuel  de  soi-même  |  our  soulai^er  ceux  qui  soi  ËFient  Tout  sys- 
tème exclu-if  d«  vil  ni  erroné.  Ji  rep  ocber.i  aussi  a  M""»  de  (ieulis  l'hu- 
meur cluiurine  qui  lui  f.jt  déshériter  notie  siècle  pour  eniicb.i  et  lui  de 
L.  uis  XIV.  Par  suite  du  u.êm<-  p.éjugé,  eile  s'écrie  :  «  De»  inventions 
ne  sont  pas  innéuicuses  quaud  elles  n'ollieut  que  ce  qu'en  a  déjà,  et 
que  c'est  ave(  beaucoup  moins  de  bouté  et  de  S'.lidilé  :  «  n  ne  l'ait  alors 
que  Iroii'pei  de  ji  ux  peu  rl.iirvoyans  ,  cl  l'on  gâte  le  goût  général.  (;'•  st 
aios  qu  on  a  iiiveniè  la  iilhoyra'pUic  :  on  y  exi  elle  ,  nous  l'avouons  ;  mais 
la  gravure  au  butin  est  t.  u  -a-iail  négligée  (page  12.).  »  M"'*  de  Genlis 
semble  ne  pas  connaîire  l'inwnliou  qu'tde  (Ondaume.  S.ius  cela,coin- 
miut  ne  seotirail-eile  pas  l'immense  avanlage  de  posséder  el  de  mulli- 
pliei  à  l'infini,  sans  aucune  altérât  on,  le  dtssln  du  mailie,  tel  qu'il  l'a 
coi.ç.i  ,  ixeculé  da  s  toute  la  bucc  de  sa  pensée,  sans  rintermédiairc 
d'un  graveur,  qui,  lûl-il  habile,  n'est  jamais  qu'un  tiers  fiiiid  ,  cl  .sou- 
vint mala  .roil  ,  entre  le  peintre  et  le  spectateur.  L'imprcssit.n  stéréo- 
type, dont  la  oetli  té  et  le  bon  marché  pro;'agent  les  miilleurs  écrits,  el 
le-,  mettent  a  portée  ne  toutes  K s  classes,  excite  également  i'mdigualioa 
de  M«ne  de  G  idis.  lînfin,  elle  reproche  aux  orfèvres  de  descendre  jus- 
qu'à la  l'ahricalion  de  le  r  faux  et  de>  pierreries  factices  ,  comme  s'il  u'é- 
tail  pas  |)lus  seusé  d'«  m  ployer  pour  tles  parures  un  métal  sans  v.deur  et 
qui  plaît  aux  yeux,  que  d'enlever  à  la  circulation  des  .somme»  énormes, 
remises  a  peu  pie»  iuutiics.  Le  passage  suivant  est  lio|>cinitux  pour  ne 
pas  le  citer  :  0  Oq  a  iait  de  grauds  progrès  dan»  la  luécanique;  on  a  iu- 


LIVRES  FRANÇAIS.  f)4» 

venté  une  prodigicimo  quanlllé  de  machines  afin  de  rendre  inutile  l'a- 
drr.s-e  lu.maine;  c'est  un  lii>le  projfl,  et  qui  ne  peut  s'exéeuter  qu'aux 
dépens  d.   la  peifeeli.n  des  <.uvrag.->;   Us  toile>  et  les   perkales,  faites 
par  des  madiine»,    soit    <  x(  essivemenl  inférieures    à    tout   ce   que    les 
iloi^lh  d'nne  main  l>abii«;  fabriquaient  auir.foisen  ce  genre.  D'ailleurs, 
toules  ee,-  ma  li^ne*.  en  rmdaiit  heaticoup  de  bras  inutiles,  réduisent  à 
la  mendicité  une  iuBniie  d'.ndividus;  on  nous  annonce  une  machine  à 
iciUtr,  ee  qui  met  lia  à  i'auniôue  toules  les  vieilles  femme*  et  les  jeunes 
filU-sdedlx  a  douze  an.-.,  etc.  (pagc>  12Ô124.)  .  M»' de  Genlls  veut  en- 
suite prouvir  que,  us  purai..niieries  exig<rnt  une  extrême  surveillance: 
ils'.iail  plus  prudent  de  n  en  poinl  ivoir,  el  elle  ajoute  que   •  des  ap- 
parlemens  teminb  de  soie   sans  anrun    mélange  de   inétal,  préservaient 
jadis  toul  au~si  ^ûlemeul  el  n'»vai-nl  pas  les  mêmes  iuconvéniens.  »  En- 
lin,  les  boleaux  0  \apeur,  le  gaz  hyit<  gène,  juisemblenl  autant  d'inven- 
tions fui. este.-..  Qudiii  a  la  v..cnne,  \oiri  comment  elle  en  parle  :  «C'est 
au   tims   à    pro  oueer   .si   le  \enin  o'un  quadrupède ,  introduit  dans  le 
.van;;  huii.ain,  vaut  mieux  qui  l'inOiuLtiou.  .Citer  de  pareilles  opinions, 
c'est  as.sez  lis  euniba  tr  ■.    Lu  houii'  lets,  ces  coiffures  lourdes  qui,  en- 
ticlei.anl  une  clialeur  dccablanie  a  la  lèle  des  ciifans,  y  appellent  le  sang, 
provoquent  les  convulsion»,  oeea.sn  neni  des  rhumes  affreux  par  des  rc- 
froidi.ss.  mens,    el   enhii  euièvenl  a  I  cufanl   tjut  moyen  d'exercer  son 
adre-Ne  et  1  vxpéii.nei-  qu  il  .  cquiii  t  d'heure  en  heure  ,  semblent  très- 
renrellabls  a  M""  de  G.  nlis.   Elle  .-e  plaint  que  l'usage  en  soit  moins 
univ.rsil     L'.  au  épurée,   les  speclacles,  les  cabriolets ,   sont  autant  de 
sujets  qui  .xe.teut  son  mécnteni.  m.  ni.  Partout  elle  se  montre  ennemie 
dts  :Uu«vblioii.-  et  du  lems  présent.  Elle  accorde  pourtant  quelques  per- 
fei  lu.uncmcns  a  notre  epo  ,ue,  m^isen  si  petit  nombre  qu'ils  sont  loin 
de  o.iiM.en.>er  1«  s  i.ieUiulus  abus   qu'elle  signale.— Tout  l'ouvrage  est 
in.pr-im  de    p.evn.ti.'n^    prunoi.rées  euntreia  génération  actuelle  :  j'a- 
vuiit  qi.e  je  le  les  en  i>  pos  loiic.éis.  1!  me  semble,  au  contraire,  que  les 
ide  s  -aine-  -'accie.iiient  de  jour  en  jour,  que  l'esprit  est  plus  cultivé  , 
If  guut  plnssiir  ;   quf  les  ats  t-t  Us  sciences   ont  fait  d'admirables  pro- 
grei-,el  que,   loin  d'appio' hei  di  la  décrépitude,   nous  avons  l'ardeur 
iuipatienle  el  ^'encreux-  de  la  jeunesse.    Peulêlre  la  différence   de  nos 
ûgts  eu   élabiii-clle   dans   notre   u.ai.ière  de  voir;   mais,    sur  cela,  du 
m..iiis,   je  ne  pnis  partager  l'a vi,  de  IM»^  de  Genlis.  Des  réflexions  très- 
sag  s,  Ir.ut  d'une  longue  i-x;  érienee.  quelques  préceptes  utiles,  peu  de 
meihoiie,  cl  beaucoup  de  inéjugés,  forment  l'ensemble  de  ce  livre,  qui 
eût  élé  plus  tompl  l   el   meilieir  si,  ne  s'écartant  pas  continuellement 
du  sujet ,  l'aulcui  eût  écrit  avec  plus  d'impartialité  et  moins  de  passion; 


6f2  LIVRES  FRANÇAIS. 

car  il  y  a  de  la  passion  jusque  dans  la  manière  dont  M"»  de  Gculis  la 
condamne.  i.  Sw.-B. 

29'  (*j- — Essai  sur  l'emploi  du  tems,  ou  Méthode  qui  a  pour  &bjet 
de  itien  régler  sa  vie,  premier  moyoi  d'être  heureux;  destinée  spéciale- 
ment à  l'usage  des  jeunes  gens;  par  Marc-Antoine  Jullie?i  ,  de  Paris, 
clievalicr  de  la  légion-d'honncur ,  membre  de  plusieurs  Sociétés  savan- 
tes ,  françaises  et  étrangères.  Troisième  édition,  entièrement  retondue 
et  trèsaugraenlée,  ornée  d'une  gravure  :  l'économie  recueille  les  résul- 
tats du  tems;  et  d'une  plancbe  lilhographiée  :  Courbe  de  la  vie;  ainsi 
que  du  modèle  des  tablettes  du  Biomètre,  sorte  d'instrument  pour  m< - 
surer  la  vie.  Paris,  1824  ;  Dondey-Dupré  père  et  liis,  rue  Saint- Louis, 
n°  'jG,  au  Marais,  et  rue  Richelieu,  u"  67;  et  au  bureau  de  la  Revue 
Encyclopédique,  rue  d'Enfer  Saint-Michel ,  a°  iS.  Prix,  7  fr. 

Cet  ouvrage,  qui  parait  aujourd'hui  pour  la  troisième  fois  en  français, 
et  dont  il  a  été  publié  plusieurs  traductions  en  anglais  et  en  allemand, 
traite  à  fond  le  sujet,  qui  n'est  guère  qu'indiqué  par  le  titre  et  dans  les 
premiers  chapitres  de  l'ouvrage  précédent.  Régler  sa  vie  de  manière  à 
pouvoir  se  rendre  compte  de  chaque  journée ,  apprécier  les  résultais 
bons  ou  mauvais  de  ses  actions,  encourager  et  nourrir  les  inclinations 
vertueuses,  étouffer  les  dispositions  qui  nous  portent  au  mal,  fixer  par 
écrit  et  conser.ver  pour  son  usage  un  résumé  fidèle  de  ses  observations, 
de  ses  projets ,  de  ses  lectures  :  tels  sont  les  principaux  avantages  que 
l'auteur  attribue  à  la  méthode  qu'il  propose.  Un  examen  réfléchi  de  son 
travail  nous  fait  partager  sa  conviction.  —Déjà,  dans  son  Essai  générai 
d'éducation ,  il  avait  offert  au  public  une  partie  des  vérités  qu'il  repro- 
duit ici  avec  de  nouveaux  développemens.  Guidé  par  le  même  esprit  de 
philanlropie  et  dîanalyse ,  il  établit  des  principes  qui  assurent  sa  mar- 
che, et  il  en  déduit  des  conséquences  rigoureuses.  Il  prouve  d'abord 
l'importance  et  la  nécessité  de  tirer  le  meilleur  parti  possible  du  tems, 
cette  étoffe  dont  la  vie  est  faite,  a  Nous  nous  plaignons,  dit-il,  de  la 
courte  durée  de  l'existence,  et  nous  contribuons  nous-mêmes  à  l'abré- 
ger et  à  la  perdre  par  une  dilapidation  déplorable  de  nos  înstans.  Com- 
bien peu  de  personnes  savent  apprécier  la  valeur  des  heures,  et  en  régler 
les  divers  emploi»  avec  une  sage  et  sévère  économie!  On  parle  souvent 
du  prix  du  tems;  et  tuer  le  tems  j  est  la  grande  occupation  d'un  grand 
nombre  d'hommes.  »  (Pag.  3o.  )  M.  Jullien  divise  son  travail  en  deux 
parties,  dont  l'une  contient  ["exposition,  et  l'autre  l'application  prati- 
que de  sa  méthode.  Il  serait  trop  long  de  présenter  ici  les  considérations 
générales,  les  raisonnemens  et  les  faits  sur  lesquels  il  s'appuie.  On  doit 
les  chercîif  r  dans  l'ouvrage  Eiême ,  a'nsi  que  les  modèles  de  ses  trots 


LIVRES  FRANÇAIS.  6'i5 

livrcls-fratiqves  d'emploi  du  tcms,  Icjournai  des  faiUet  ohservationf  , 
V agenda  général,  qui  comprend  six  comptes  ouverts  distincts  pour  six 
divisions  principales  de  la  vie,  et  le  iiomitre  ou  mémorial  horaire, 
qui  permet  de  recueillir,  en  une  minute,   et  sur  une  seule  ligne,    le 
souvenir  des  divers  emplois  de  cl.aque  intcrviille  de  vingt-quatre  heu- 
res. Il  suffit  de  dire  que  l'on  peut  à  volonlé   tenir  un  seul,  ou  deux  de 
ces  livrtls,  ou  tous  les  tiois  à  la  fois,  sans  qu'ils  fassent  double  emploi, 
puisque  chacun  d'eux  a  sa  destination  spéciale  bien  raarcinée,  et  que  la 
pratique  de  celte  méthode  n'exige  pas  plus  d'un  quart  d'heure  par  jour. 
Elle  convient  svrtout  aux  jeunes  gens  qui  sont  jaloux  de  se  perfectionner 
et  de  s'instruire,  et  ne  serait  pas  moins  utile  aux  personnes  même  d'un 
âge  mûr  qui  auraient  assez  de  courage  et  de  persévérance  pour  l'appli- 
quer.  M.  .lullien  a  voulu  donner  l'exemple  avec  le  précepte.   Quelques 
extraits  de  ses  différens  journaux  mettent  le  lectenr  à  même  d'apprécier 
le  but ,  la  marche  et  les  résultats  de  sa  méthode  :  cet  exemple-pratique 
nous  semble  préférable  à  tous  les  commentaires.   Un  aperçu  sur  l'ordre 
à  établir  dans  ses  lectures,  et  dans  l'éluik  des  ouvrages  scientifiques  el 
historiques,  qui  fait  le  sujet  du  huitième  chapitre  de  la  seconde  partie, 
est  terminé  par  un  chois  de  pensées  de  Bacon  sur  les  obstacles  à  la 
prospérité  publique  et  à  l'avancement  des  sciences.  Dans  le  dernier  cha- 
pitre, l'auteur  récapitule  les  principes  de   sa  méthode,   comparée  aux 
dillerentes  méthodes  religieuse   el    philosophique,    commerciale,    ad- 
ministrative, militaire,   qui  ont  le  plus  contribué  à  l'amélioration  mo- 
rale des  hommes  et  aux  progrès  de  la  civilisation.  —  Quatre  appendices, 
placés  à  la  suite  de  V Essai  sur  Vemptoi  du  tcms,  dont  ils  sont  le  com- 
plément naturel  et  presque  nécessaire,  renferment  :  1°  un  exposé  de 
douze  principes  généraux,  pouvant  fournir  des  bases  pour  toute  espèce 
de  méthodes,   et  susceptibles  d'un  nombre  infini  d'applications  prati- 
ques dans  les  sciences,  dans  les  arts  et  dans  la  conduite  de  la  vie;  2°  un 
exposé  de  la  méthode  de  Locke,  pour  recueillir  des  extraits  de  ses  lec- 
tures et  un  modèle  du  journal  qu'il  propose  d'établir  ;  5°  un  précis  ana- 
lytique de  la  méthode  morale  ou  règle  de  conduite  suivie  et  conseillée 
par  Franklin,  la  forme  des  pages  de  son  livre,    et  l'explication  d'une 
planche  lithographiée  représentant  unecourbede  la  vie,  qui  accompa- 
gne cet  appendice;  4"  enfin,  quelques  pensées  détachées  de  différens 
auteurs  anciens  et  modernes,  Sénèqua .    Bacon,  Montaigne  et  M.  le 
comte  de  Ségur,  sur  le  prix  et  l'emploi  du  tems  (1).  B. 


(1)  Ces  deux  ouvrages,  sur  l'Emploi  du  tems,  auraient  dû  ,  d'après  la  division 
méthodique  suivie  jusqu'ici  dans  ce  bulletin,  et  analogue  à  celle  que  nous  avons 


^^4  LIVRES  FRANÇAIS. 

292  n.~Étndcs  morales,  foUliques  et  titléraires,  ou  Recherche  des 
vcruesj,aries  faits;  parM.VA.BBV,  conservateur  des  bibliothèques 
parucul.eres  du  Roi.  Paris,  ,8.5;  Ladvoca,.  Un  vol.  i„-8"  de,,  et  302 
pages  d  .nipression  ,  avec  cette  épigraphe  :  Qutd  verum  atc,ue  decens.  - 
DuBAT.  Prix  ,  6  fr. 

Sous  ce  titre,  un  peu  vague  peut-être,  M.  Valéry  a  traité  un  grand 
nombre  de  sujets  de  morale,  de  poIiti<iuc  et  de  littérature.   Chacun  de 
ses  chapitres  est  une  petite  dissertation,   où  l'auteur  fait  connaître  sa 
manière  d'env,sager  les  plus  hautes  questions.    On  pourra  souvent  ne 
point  partager  ses  opinions,  maison  lira  son  livre  avec  plaisir.  En  effet, 
Il  c.l  facile  de  concevoir  que  ,  lorsqu'on  entreprend  d'écrire  sur  des  ma- 
tières qui,  prises  séparément,  ont  occasioné    d'innombrables  contro- 
verses. Il  serait  impossible  de  satisfaire  tous  Jes  esprits.   Les  moralistes 
qui  se  sont  fa.ls  peintres,  si   nous  pouvons  nous  exprimer  ainsi  ;   ceux 
qui,  comme  La  Bruyère,  esquissent  uu  portrait,  tracent  un  caractère, 
censurent  un  ridicule,   ont  choisi  une  tâche  plus  aisée  à  remplir  que 
celle  des  ecnvams  qui  veulent  aborder  des  .ujcts  de  philosophie.  Ainsi, 
par  exemple,  je  prends  dans  l'ouvrage  de  M.  Valéry  le  chapitre  intitulé 
Gouvernement,  et  je  me  demande  si  l'auteur,  en  l'écrivant,  a  pu  croire 
qu  U  mettrait  d'accord  les  publicistes  divergens ,  malgré  les  milliers  de 
volumes  qui  ont  été  consacrés  à  l'examen  de  tout  ce  qui  a  rapport  aux 
gouvernemens.  Telle  n'a  pas  été  la  pensée  de  M.  Valéry  ;  il  a  voulu  seu- 
ementreun,r  quelques  faits  et  quelques  autorités  ,   afin  de  comparer 
les  divers  modes  employés  jusqu'ici  pour  régir  les  sociétés.    Un  esprit 
aussi  sage  devait  flétrir  le  pouvoir  absolu  ,  et  reconnaître  qu'une  monar- 
chie tempérée  paraît  être,  de  tous  les  gouvernemens,  celui  qui  offre  le 
plus  de  garanties  à  la  paix  publique,  à  la  protection  et  à  la  sûreté  des 
citoyens.  Il  faut  lire  l'ouvrage  même  de  M.  Valéry  pour  se  former  une 
juste  idée  de  sa  manière  :  la  profonde  érudition  de  l'auteur  est  accom- 
pagnée d'un  tact  fin  et  délicat ,  dont  il  fait  preuve  à  chaque  instant,  et 
cachée  sou.  un  style  singulier,  remarquable  surtout  dans  un  livre  de  ce 

adoptée  pour  la  section  des  ana/yses.  trouver  place  parmi  les  livres  de  philosophie 
morale  et  dédncation  ;  mais,  comme  leur  publication  a  été  retardée,  et  comme 
nous  n  avons  pas  voulu  néanmoins  en  différer  l'annonce  iusqu'aprés  le  commence- 
nen.de  la  nouvelle  année,  nous  les  avons  compris  dans  la  classe  des  ouvrages  de 
i^ttérature,  a  laquelle  ils  appartiennent  aussi,  sous  quelques  rapports,  par  la  ma- 
nière don.  les  deux  auteurs  ont  traité  leur  sujet,  en  écrivant  plutôt  pour  les  geu* 
.lu  monde  que  pour  Jes  savans  de  profession  et  pour  les  philosophes. 


LIVRES  FRANÇAIS.  (345 

genre;  car  on  sait  que  les  érudits  n'ont  pas  riiabiludc  d'attacher  beau- 
coup d'importance  à  Texpression  de  leurs  pensées.  A.  T. 

'•i9''(')' — Syliahaire  dactylologique,  ou  Tableau  d'une  langue  manuel- 
le, d  l'usage  des  sourds -muets.  Pari,",  i825;  à  l'Institution  royale  des 
Sourds-Muets,  rue  Saint- Jacques,  et  chez  Verret,  libraire,  rue  des 
Francs-Bourgcois-Saint-Michcl ,  0°  3.  In-4°;  prix,  ^[r.  5o  cent. 

On  avait ,  dès  long  tcms ,  eu  recours  aux  gestes  pour  figurer  les  lettres, 
et  suppléer  à  l'usage  de  la  voix.  Il  n'est  point  d'écolier  qui,  dans  le  si- 
lence de  la  classe,  n'ait  ainsi  échangé  quelques  mots  avec  ses  camara- 
des. Un  des  premiers  essais  de  la  lithographie,  en  Allemagne,  a  été  la 
gravure  d'un  alphabet  manuel  à  l'usage  des  sourds-muets  [Handalplia- 
ijeth  dcr  Taubstummen).  Comme  celui  îles  écoliers  ,  cet  alphabet  a  le 
défaut  d'affecter  un  signe  à  chaque  lettre;  ce  qui  rend  le  langage  des 
doigts  d'une  prolixité  rebutante.  On  a  vu  les  sourds-muets,  à  l'Institu- 
tion royale  de  Paris ,  saisir  sans  peine  une  courte  demande  que  l'on  écii- 
vait  en  l'air  a»-ec  le  doigt.  Ce  moyen  de  communication  sulBt  pour  quel- 
ques mots;  mais  il  exigerait,  dans  l'usage  habituel,  une  attention  trop 
soutenue.  Observons  ^  d'ailleurs,  qu'on  ne  peut  l'employer  qu'après 
avoir  appris  aux  sourds-muets,  et  la  langue  française  et  l'écriture.  L'au- 
teur du  Syliahaire  dactylologique,  partage  tous  lis  mots  français  en 
consonnes  simples,  doubles  et  triples  ,  et  en  portions  de  mots,  commen- 
çant par  une  des  six  voyelles.  Pour  exprimer  les  unes  et  les  autres,  il 
lui  suQit  de  douze  positions  de  la  main  ,  de  sept  positions  du  pouce  ,  et 
de  dix  raouvemcDS  des  doigts.  Le  succès  a  couronné  son  iaventioa.  Ins- 
truit par  lui,  son  fils  écrit  sur-le-champ  ,  avec  une  orthographe  correcte, 
les  mots,  les  phrases,  les  noms  propres  qu'on  lui  dicte.  I.cs  frères  et 
les  parens  de  l'enfant  ont  saisi  sans  peine  la  méthode  inventée  pwr  son 
père  et  conversent  avec  leur  jeune  parent  plus  rapidement  que  l'in- 
venteur lui-même.  Il  a  été  appelé  à  Paris,  pour  faire,  à  l'Instilulir d 
des  sourds-muels  ,  un  essai  de  sa  méthode.  Déjà,  il  obtenait  un  succès 
marqué,  quand  des  devoirs  de  famille  l'ont  rappelé  impérieusement 
dans  ses  foyers.  Alors  l'Institution  royale  a  pris  le  parti  de  faire  imprimer, 
à  ses  frais,  \e  Syliahaire  dactylologique,  persuadée  qu'on  ne  pouvait 
trop  appeler  l'attention  sur  ce  moyen  ingénieux  d'établir  entre  les  sourds- 
muets  et  nous  la  communication  des  idées.  —  Seize  planches  gravées 
indiquent  les  divers  mouvemens  dactylologiques.  JVous  n'essaierons  pas 
ici  d'en  faire  connaitie  les  détails  ;  mais  nous  pouvons  assurer,  d'après 
notre  propre  expérience  ,  qu'en  étudiant  les  planches  et  leur  explication, 
on  reconnaîtra  que  tous  ces  mouvemens  sont  faciles  à  exécuter,  à  ap- 


G46  LIVRES  FRANÇAIS. 

prendre  et  à  relenii'.  Peul-êlre,  cependant,  sera-t-on  tenté  de  reprocher 
au  Xcxle  ex /ilicatif  trop  de  concision;  mais  il  faut  se  souvenir  que  l'au- 
teur a  écrit  pour  des  élèves,  devant  lesquels  il  se  proposait  de  professer 
et  de  iauUi]>iier  les  applications  de  ses  principes.  —  Une  autre  critique 
portera  sur  l'addilioa  d'un  certain  nombre  de  signes  destinés  à  exprimer, 
comme  en  abrégé,  des  lettres  et  des  syllabes  qui  se  répètent  fréquem- 
ment dans  les  divers  mots  de  la  langue.  Sans  doute,  on  évite,  parleur  ii' 
usa;j;e  ,  bien  des  longueurs  ;  nous  en  évitons  aussi,  en  conveisalion  ,  par 
notre  prononciation  t'amilièie,  qui  supprime,  dans  les  mots,  plusieurs 
lettres  et  des  syllabes  entières.  Mais,  ne  risquerail-oa  pas  de  tromper, 
sur  l'ortbograplie,  et  par  suite,  sur  le  sens  des  mots,  un  enfant  à  qui 
on  les  dicterait  comme  nous  les  prononçons  dans  un  eniretien  rapide? 
Les  abréviations  dactylologiques  de  notre  auteur  n'auront-elles  pas  un 
danger  analogue  ?  et  en  multiplant  les  signes  d'une  manière  étrangère 
au  principe  fondamental  de  la  mélbode,  ne  porleront-elles  pas  quelque 
confusion  dans  les  idées  ?  c'est  ce  qu'on  n'a  pas  éprouvé  avec  un  enfant 
très-intelligent,  et  l'unique  objet  des  soins  d'un  père,  inventeur  de  ce 
nouveau  langage.  Mais  s'ensuit-il  que  l'inconvénient  ne  se  fasse  pas  sen- 
tir, au  niili  u  d'une  école  nombreuse,  où  les  facultés  intellectuelles  se- 
ront toujours  inégales,  et  où  un  seul  professeur  devra  enseigner  à  un 
grand  nombre  d'élèves  ce  qu'il  aura  appris  lui-même  et  non  pas  inventé  ? 
—  Une  dernière  difficulté  s'est  déjà  présentée  à  l'esprit  des  lecteurs  :  la 
nouvelle  méthode  nlfie-l-elle  assi-z  d'avantages  pour  qu'on  doive  la  subs- 
tiîuiT  à  la  méthode  du  respectable  abbé  Sicard ,  O'i  seulement  l'ac- 
curilljr  concurremment  avec  elle?  L'auteur  du  Syllii'bairf,  s'est  proposé 
cette  question.  Ses  réponses  sont  plausibles;  jecrois  même  qu'il  est  diffi- 
<:ile  d'y  répliquer.  11  a  suivi  avecson  fils,  sourd-muet,  la  même  marche 
qu'avec  ses  autres  en  l'a  n^,  laroarclieque  l'on  a  toujours  prise  et  qu'il  faudra 
prendre  toujours  :  il  a  commencé  par  lui  apprendre  à  farlcr  et  à  écrire 
■p:ir h abitua'e ,  ou,  ?i  l'on  veut,  par  routine,  réservant,  pour  un  âge  plus 
avancé,  l'étude  logique  et  métaphysique  de  la  grammaire.  La  méthode 
des  .vignes  Tirtfuj'c^s  commence  ,  au  contraire,  p.ir-là  ^  elle  suppose  une 
inlelligencc  déjà  développée.  Elle  conviendrait  a  un  adulte  qui  jouirait 
de  ses  facultés  intellectuelles  dans  toute  leur  énergie,  avant  d'avoir 
l'idée  de  ce  qu'est  une  langue  écrite  ou  parlée.  Mais  l'enfant ,  qu'il  im- 
porte si  fort,  pour  son  bonheur  présent  et  pour  son  bonheur  à  venir,  de 
met  Ire  en  communication  de  scntimens  et  d'idées  avec  nous,  l'enf.int 
n'est  point  cet  homme-là  ;  il  est  doué  de  mémoire,  d'aptitude  à  appren- 
dre et  à  retenir,   long-tems  avant  d'être  capable  de  raisonnement  et  do 


LIVRES  FRAÎSÇAIS.  647 

réflexion.   La  métaphysique  subtile  de  la  langue  des  signes  naturels  es^ 
perdue  pour  lui.    Tout  ce  qu'on  lui  ea  apprend,    il  le  retient  comme  i! 
retiendrait  les  signes  du  Syllabaire  dactylototjique. ,  et  ayee  moins  de 
profit  ;  car,  plus  tard,  on  devra  lui  enseigner  à  comprendre  ce  qu'on  lui 
en  aura  précédemment  appris.  Si  l'on  veut  d'ailleurs  qu'il  connaisse  une 
langue  et  qu'il  la  sache  écrire  ,  ne  faudra-t-il  pas,  comme  dans  l'inven- 
tion du  DOuVisaa  S^ilabaire  ,  établir  une  relation  conventionnelle  entre 
les  signes  naturels  et  les  lettres  ou  syllabes  dont  se  composent  les  mots? 
Cette  relation  sera  de  plus  sujette  à  varier  suivant  les  idiomes  ,  puisque, 
par  exemple,   j/ia/uni  en  latin  ,  ^onime  en  français,    apple  ea  anglais, 
»Mc<a  en  italien  ,  répondront  à  un  même  signe  naturel,  quelque  difTé- 
rens  que  soient  les  caractères  qui  expriment  ces  divers  mots.  Ici,  la  mé- 
thode que  nous  annonçons  présente  un  avantage  incontestable.  Les  con- 
sonnes et  les  portions  de  mots  sont  les  mêmes  dans  toutes  les  langues,  à 
quelques  exceptions  près  ;  et  ces  exceptions  ,  plus  ou  moins  nombieuses 
dans  chaque  langue  étrangère,  seront  facilement  exprimées  par  le  Sylla- 
baire dactylologique.  En  examinant  les  tableaux  de  l'auteur,  on  voit  que  la 
composition  des  mots  français  est  loin  d'épuiser  toutes  les  combinaisons 
de  signes  que  peuvent  fournir  les  élémens  de  sa  méthode.  Cet  avantage 
prend  encore  plus  d'importance,  si,  comme  rien  n'empêche  de  le  faire, 
l'enseignement  de  sa   méthode  devient  une  préparation  à  l'enseigne- 
ment des  signes  naturels.    Ce  ne  seront  plus  des  esprits   sjns  déve- 
loppement €t  sans  culture  que  vous  appliquerez  tout  d'un  coup  à  uni- 
étude  qui  doit  créer  leurs  idées  et  former  leur  raison;   ce  seront  des 
élèves  déjà  habitués  à  apprendre,  et  qui,  à  la  connaissance  des  principes 
généraux  du  langage,  joindront  celle  d'un  ou  de  plusieurs  idio:aes,  et 
l'aptitude  à  écrire  toutes  les  langues  qu'on  voudra  leur  enseigner.    Qui- 
conque a  approfondi  l'influence  qu'exerce  ,   sur  la  formation  et  la  coni- 
position  des  idées  ,  l'usage  de  la  parole  et  de  l'écriture  ,  sentira  le  prix 
d'une  si  heureuse  ))réparation.  —  Une  considération  ne  doit  point  échap- 
per aux  amis  de  l'humanité.  Les  sourds-muets  sont  plus  multipliés,  en 
France  et  en  Europe,  qu'on  ne  le  suppose  communément  ;  et  ce  n'est 
que  sur  le  plus  petit  nombre  qu'on  a  pu  répandre  ,  jusqu'à  présent,   ie> 
bienfaits  de  l'instruction.   La  méthode  des  signes  naturels  demande  des 
professeurs  qui  en  aient  fait  l'objet  de  leurs  longues  méditations.   L'en- 
chaînement logique  qui  lui  assure  sa  supériorité,  larttireen  même  tems 
du  domaine  des  intelligences  ordinaires.  Oa  ne  la  peut  enseigner  avec 
fruit  que  dans  des  écoles  où  sont  réunis  des  hommes  habiles  ,   et  destinés 
d'avance  à  suivre  c<:tte  carrière.  La  nouvelle  méthode  est  à  la  portée  de 


648  LIVRES  FRÂTSÇATS. 

fout  le  monde  ;  l'instiliileur  le  plus  vulgaire,  le  père  ,  la  mère  ,  les  c»- 
marades  d'un  sourd-mu'  t,  tous  peuvent  se  l'approjjrier.  Tons  sans  doulc 
essaieront  de  le  faite.  I!s  y  réussiionl  sans  de  i^ratids  elFuis ,  et  il»  ren- 
dront grâce  à  l'auteur  du  S\U..  baire  ductylotoghfuc  ;  ils  rendront  grâce  à 
r»7i*<i'<M<i'on.  bicnfui-anle  qui  a  décidé  la  publicité  d'une  invenliun  des- 
tinée peut-être ,  sans  .«es  encouragement,  à  rester  ignorée  au  sein  de  la 
famille  dont  elle  est  devenue  la  cunsolation.  Eus.  he  Salverte. 

^gl-  —  Grammaire  françiiise  ruisonnce,  par  J.  J.  F-  Bilc/N  ,  prol'es- 
seur.  Sixième  édilion.  ^iatitiii  ,  1820,  Mdiigin;  Paris,  Lymery.  Un  vol. 
in-12  ,  de  3"o  pa^es. 

Cette  grammaire  toute  pratique,  extraite  de  nos  meill''urs  auteurs, 
est  fort  répandue  dans  une  partie  de  la  ci-devant  liielaguc.  No.is  l'eii.s- 
.'•ions  déjà  l'ait  connaîtie  si  elle  nous  eût  été  plulôl  comuiuniquee.  L'au- 
teur en  a  puiilié,  à  Nantes,  un  abrégé  qui  a  déjà  eu  deux  edii  o  s,  d  a 
donné  aussi  une  Cacoloyie  qui  en  a  eu  trois,  cnliu,  ['Arilhinctii/ue  ■  n- 
cienne  et  décimale  à  l  -usa'je  diS  enfum .  L. 

2q5(').  —  i\ ouvtiile  (jramniairi  française,  sur  im  plan  très-mélhodi- 
quc,  avec  de  nombreux  exercices  d'ortlioqi-iiphc  ,  de  syntixe  et  de  fonc- 
tuntionx  par  MM.  JSi.bl  ,  inspcctfur-t;eiieidi  de  l'uiiiver»ile,  el  I.hap- 
SAL,  professeur  de  grammaire  général.  ;  ouvrage  mis  au  lang  des  livres 
classiques  par  le  conseil  royal  de  l'Université.  P.iris,  i8-!3;  Aum<iit  , 
Veuve  JNyon ,  quai  Conti  ,  11°  lô.  Diux  vol.  iu  1  2  ;  [)rix  Ue  cba'jue  vol., 
I  fr.  5o  c. ,  et  2  fr.  f)ar  la   poste. 

Si  l'auteur  du  Traité  des  éludes  revenait  parmi  nous,  et  qu'il  vît  le 
grand  nombre  de  grammaires  qui  a  paru  depuis  trente  ans,  il  ne  se 
plaindrait  sans  doute  plus  du  peu  d'atlenti  n  que  l'on  a<-cordeà  l'élude 
de  notre  langue.  Il  est  vrai  que  la  plupart  de  ces  ouvrages  n'aitcignent 
pas  le  but  que  leu:s  auteurs  ont  dû  se  propo-ier  :  lis  uns ,  t^op  voluiii- 
neux  cl  trop  abstraits,  ne  conviennent  I  ut  au  plus  qu'.iux  maîtres; 
les  autres,  resserrés  dans  un  cadre  trop  étroit,  sont  plus  p  0|>res, 
par  leur  séclieresse,  à  inspirer  le  dégoû!  de  l'élude  qu'a  g-jidi  r  et 
éclairer  l'e-prit.  Il  manquait  à  l'enseignement  une  bonne  grammaire 
élémentaire.  Deux  hommes  dont  le  nom  fait  autorité  en  matière  d'ins- 
truction, ont  réuni  leurs  lumières  et  leur  cxpérii-nce  pour  remplir  cette 
lacune.  Leur  ouvrage,  remarquable  par  sa  marclie  extrêmement  mé- 
thodique, par  la  justesse  de  ses  définitions  et  par  !<•  grand  nombre  de 
faits  et  de  règles  qu'il  renferme,  a  obtenu  les  suffrages  de  l'Univrrsi'é, 
el  vient  d'être  mis  au  rang  des  livres  classiques.  (A-tte  e\rellfnle  gram- 
maire se  compose  de  deux  parties  distinctes  :  l'une  a  pour  objet  l'élude 


LIVRES  FîlAKÇAIS.  (J49 

des  règles ,  c'c^t  h  grammaire  proprement  dite:  l'autre,  sous  le  titre 
d'exercices  ,  lenfernie  l'application  des  préceptes.  Celte  seconde  partie, 
absolument  divisée  comme  !a  première,  est  une  véritable  giammaire 
pralifjuc,  dans  laquelle  un  grand  nombre  de  pLrases ,  empruntées  à  i,os 
bous  auteurs,  présentent  tout  à  la  fois  un  moyeu  facile  de  se  familiari- 
ser avec  les  règles  du  langage,  et  une  lecture  propre  à  orner  l'esprit  et 
à  former  le  cœur.  C'est  ain.-i  que  MM.  JNoël  et  Cliapsal  ont  su  se  con- 
former au  précepte  d'Horace,  utile  didci ,  dans  un  genre  d'ouvrage  où 
l'on  trouve  ordinairement  plus  d'épines  que  de  fleurs,  et  plus  d'ins- 
truction que  d'agrément.  Z. 

296.  —  La  clef  des  jmrlicipes ,  par  Vamike,  instituteur.  Troisième 
édition.  Paris,  1S24  ;  Vernarcl  et  Tenon,  rue  Hautefeuille,  n»  5o  ; 
prix  ,  1  fr.  5o,  et  'A  fr. 

Toute  la  doctrine  de  l'aiileur  est  renfc-rmée  dans  cette  formule  :  a  Le 
participe  est  ur.e  inflexion  verbale  qui  sert  à  exprimer  soit  l'état,  soit 
l'action  du  sujet.  —  Quand  il    exprime  l'état  ,  il  est  particip  -adjectif, 

et  s'accorde  toujours  avec  son  substantif,    en  genre  et  en   nombre. 

Quand  il  exprime  l'action  ,  il  ef<l  participe-verbe ,  et  demeure  invaria- 
ble, à  moins  qu'il  n'ait  un  régime  direct  formellement  exprimé  avant 
lui.»  Ces  principes  sont  incontestables  et  clairement  énoncés.  L'auteur 
en  a  fait  l'application  à  tous  les  cas  particuliers  qui  peuvent  se  présen- 
ter ,  et  a  mis  à  la  fin  de  son  ouvrage  des  phrases  et  des  exercices  sur  le 
participe  et  sur  le  modiflcalif  d'action  ,  nom  qu'il  a  donné  au  parti- 
cipe présent  invariable,  et  qui  ne  nous  paraît  pas  plus  facile  à  compren- 
dre que  ce  dernier.  On  pourrait  faire  à  M.  Vanier  le  reproche  qu'il 
adresse  à  plusieurs  grammairiens,  celui  d'avoir  attaché  trop  d'impor- 
tance à  la  théorie  des  participes,  et  d'avoir  consacré  190  pages  à  une 
question  qu'il  dit  avoir  réduite  à  la  plus  grande  simplicité.  >oii;\  l'enga- 
geons aussi  c.  retrancher,  dans  une  nouvelle  édition  ,  les  réfutations  des 
doctrines  opposées  à  la  sienne,  et  surtout  quelques  déclamations  sur  la 
dénomination  àa  participe  présent ,  où  l'auteur  montre  presque  do  Ja 
colère  contre  ceux  qui  l'emploient.  Néanmoins,  l'ouvrage,  tel  qu'il  ejt  , 
mérite  d'être   consulté   par  les  priifesseurs  et  par  les  gens  du  monde. 

A.  M— T. 

2e,-.  —  Lettres  Bourr}ui()noncs ,  ou  Correspondance  sur  divers  points 
d'Iiistoirc  littéraire  ,  de  biographie  ,,de  iibiiograpliic,  etc. ,  par  C.  A'. 
Ama.nton  ,  conseiller  de  préfecture  du  déparieiuent  de  laCôte-d'Or, 
etc.  Dijon,  iSaS;  Paris,  A.  A.  Renouard.  In-S-' ,  de  fô  pag.  :  prix, 
2  fr, ,  et  2  IV.  5o  e. 

Ces  lettres  se  composent  de  dissertations  curieuses  ,  sur  divers  points 

T.  x\. — Décembre  iS25.  ^2 


g:o  livres  français. 

d'histoire  litlérairc  ,  adressées  à  plusieurs  hommes  de  lettres  ,  dont 
quelques-uns  entre  autres,  SIM.  deLabouisse,  Guillaume  et  Breghdt 
du  Fjut ,  ont  répondu  par  de.*  épîtres  non  moins  précieuses  que  celles  de 
RI.  Arnanlon.  Il  résulte  de  cette  correspondance  ,  que  le  poète  l'ergier^ 
dont  oa  a  un  recueil  de  contes  fort  connus  ,  ne  se  nommait  ni  Verger 
ni  Duvergier,  ainsi  qu'on  l'a  quelquefois  appelé  mal  à  propos,  et  qu'A- 
lexis Piron  n'a  jamais  fait  aucune  démarche  pour  être  de  l'Académie  fran- 
çaise. Ces  résultats,  qui,  au  premier  coup-d'a'ilj  peuvent  paraître  assez 
minces,  sont  obtenus  à  l'aide  d'innombrables  recherches  qui  prouvent 
le  savoir  et  la  sagacité  de  M.  Amanton  ,  et  dont  les  détails  sont  pleins 
de  charmes  pour  les  rérilablcs  ;imateurs  d'histoire  lilléraire.  La  bro- 
chure csl  ornée  de  deux  fac  simiie  de  l'écriture  de  Vergier  et  de  Piron, 
qui  ajoutent  encore  à  son  intérêt.  On  doit  au  même  M.  Arnanlon  ,  une 
Notice  sur  Ci.-Xavier  Girault  {Vans,  l\eaounrd,  i8-23;  in-8"  ,  i6  pag.  ; 
prix,  80  c.),  qui  a  écrit  un  grand  nombre  d'opusculcb  sur  l'histoire  lii- 
téraire  et  les  monumens  de  la  Franche-Comté,  et  que  les  lettres  out 
perdu  ,  dans  le  courant  de  l'année  1825.  M.  Amanton  est  du  petit  nom- 
bre des  savans  qui  cultivent  avec  zèle  et  succès,  dans  nos  provinces,  la  bi- 
bliographie et  l'histoire  locale  ,  souvent  si  curieuse  et  toujours  tiès-utile 
pour  l'éclaircissement  de  l'histoire  nationale.  X. 

2qS.  --  Lettres  sur  l'astronomie,  en  prose  et  en  vers  ,  par  j\I.  Aliicrt 
MoNTÉMONT,  membre  de  plusieurs  Sociétés  savantes.  Paris,  iSaô;  Lt- 
long,  au  Palais-Royal.  Quatre  vol.  in-iS,  d'environ  zSo  pages  chacun,  ac- 
compagnés de  figures  et  vignettes;  prix,  12  fr.,  et  i4  fr. 

1  L'astronomie  ,  par  la  dignité  de  son  objet  et  la  perfection  de  ses 
théories  ,  est  le  pins  beau  monument  de  l'esprit  humain,  le  tilre  le  plus 
noble  de  son  intelligence.  «Cette  épigraphe,  que  l'auteur  a  tirée  de  l'Ex- 
position du  système  du  monde  de  M.  Laplace,  justifie  les  efforts  souvent 
renouvelés  pour  mettre  l'astronomie  à  la  poitée  des  gens  du  monde.  M. 
Albert-Montémont,  en  insérant,  dans  ses  Lettres  sur  V  astronomie,  di- 
verses pièces  de  poésie  ,  tirées  des  bons  auteurs  ,  a  réussi  à  jeter  des 
fleurs  sur  l'étude  de  celte  belle  science  et  à  rendre  moins  pénible  pour 
l'attention  ,  moins  fatigant  pour  l'esprit ,  un  enseignement  qui  em- 
brasse les  plus  beaux  effets  de  la  nature.  Des  notes  qui  accompagnent 
chacune  de  ces  lettres ,  sont  destinées  à  éclaircir  les  difficultés  les  plus 
importantes  qu'on  rencontre  dans  cette  étude.  Plusieurs  de  ces  lettres 
sont  sorties  de  la  plume  d'un  littérateur  dont  les  lecteurs  de  la  Revue  ont 
souvent  distingué  les  écrits  :  M.  Charles  Coquerel  a  réuni  ses  efforl>  à 
ceux  de  m.  A.  Montémont,  pour  répandre  quelques  clartés  sur  des  matiè- 
les  aussi  profondes.  Le  public  accutillcra  sans  doute  avec  intérêt  un  ou- 


T.IVRES  FRANÇAIS.  G5i 

vrage  utile,  cl  dont  la  lecture  est  facile  et  pleine  d'agrém-'ns.  La  seule  cri- 
tique que  je  me  permettrai  d'en  faire,  c'est  que  l'aulcur  y  revient  trop  fré- 
quemment sur  les  mêmes  idées,  et  craignant  sans  doute  que  trop  de  pré- 
cision ne  nuise  à  la  clarlé,  reproduit  dans  les  notes  tout  ce  qu'il  dit  dans 
les  lettres;  ce  qui  rend  l'ensemble  un  peu  prolixe.  Mais  ,  peut  être  y 
a-l-il  un  grand  nombre  de  lecteurs  à  qui  côlte  abondance  sera  agréable; 
et  d'ailleurs,  les  nombreuses  pièces  de  vers  qu'on  y  trouve  éparscs  et 
analogues  à  chaque  sujet,  jettent  dans  cette  leclurc  une  variété  qui 
compense  agréablement  le  défaut  que  je  viens  de  signaler.  M.  A.  Mon- 
témont  fait  preuve  lui-même  de  talent  po<:iique;  et  plusieurs  morceaux 
dus  à  sa  verve  ne  déparent  pas  son  ouvrage.  L'Ode  au  soleil  est  riche 
d'images  poétiques  : 

Arbitre  du  jour  et  du  monde. 
Foyer  de  ceut  globes  diveis, 
O  toi  dont  la  clarté  féconde 
Anime  ce  vaste  univers  . 
Soleil  !  que  j'aime  ta  puissance  , 
Combien  dç  ta  magnificence 
L'éclat  émerveille  mes  yeux  ! 
La  nuit  commandait  à  l'espace; 
Tu  viens,  elle  s'écoule  et  passe. 
Et  ta  gloire  inonde  les  cieux. 

FRAKcœrs. 

299  (*)• — ^e  Guide  de  Carliste  et  de  l'amateur,  contenant  le  Poème  de 
la  -peinture,  de  Dcjfresnoy,  avec  une  traduction  nouveilc,  revue  rar  M. 
KÉRATRY  ;  suivi  de  Réflexions  de  ce  dernier  aiiteur,  et  des  Notes  du 
Revnolds  ;  de  l'Essai  sur  la  feinture  de  DinERuT;  d'une  Lettre  sur  te 
faysage,  par  Gkssker;  de  trois  lettres  tirées  du  Paresseux  (Journal  an- 
glais), sur  l'observation  des  règles,  sur  l'imilatlon  de  la  naïuie  et  sur  la 
beauté  (Lettres  attribuées  à  Reynolds).  Paris,  1823  ;  Grimbert,  rue  de 
Savoie,  n"  i4.  Un  vol.  ic-12;  prix,  3  fr.  75  c,  et  4  fr. 

Le  recueil  que  nous  annonçons  manquait  à  ceux  qui  s'occupent  des 
arts  d'imitation  ,  et  spécialement  de  la  peinture.  11  contient,  dans  un 
-seul  et  même  volume,  les  préceplei  les  plus  sûrs,  les  dissertations  les 
mieux  senties,  les  remarques  les  plus  judicieuses  et  les  plus  originales 
que  l'on  possède  aujourd'hui  sur  ces  arts  Tous  les  mon  eaux  dont  ou 
présente  Ja  réunion  au  public  sont  depuis  long-teras  connus  et  appré- 
ciés ;  mais  l'éditeur  paraît  avoir  été  guidé ,  duus  le  choix  qu'il  en  a  fait, 
moins  encore  par  la  haute  estime  dont  chacun  de  ces  essais  jouit  déjà  , 
que  par  les  avantages  qui  résultent  de  leur  valeur  connnaralive  et  de  leur 


G53  LIVRES  FRANÇAIS. 

niérite  respcclif.  Comme,  en  uni  de  beaux-arts,  tout  aperçu,  quelque 
juste  et  quelque  étendu  qu'il  soit ,  <i  nécessairement,  tant  qu'il  est  isolé, 
le  défaut  d'être  exclusif  et  partiel,  c'est  toujours  une  idée  salutaire,  de 
présenter  en  regrard  l'un  de  l'autre  les  meilleurs  aperçus  qui  aient  été 
produits  sur  un  art.  Rien  ,  d'ailleurs  ,  n'est  plus  funeste  aux  progrés  réels 
des  arts  d'imagination  que  l'u.'sprit  de  système;  et  le  moyen  le  plus  sûr 
d'en  neutraliser  l'effet ,  c'est  d'opposer  et  de  balancer  enire  eux  les  diC- 
férens  systèmes  qui  ont  pour  objet  les  mômes  arts.  Ce  que  cliacune  de 
ces  théories  a  de  plus  vrai  s'appelle  et  s'unit  par  une  sorte  d'alBnité 
inorale;  il  en  résult(i,  pour  nous,  un  nouveau  tout,  un  corps  de  doc- 
trine, qui  cependant  n'est  plus  un  système,  et  qui,  saisi  par  le  génie, 
devient  un  germe  fécond  en  créations  nouvelles. — Tel  est  l'un  des  points 
de  vue  les  plus  importans  de  la  philosophie  des  arts;  tel  est  celui  qu'a 
dû  saifir  M.  Kératry,  en  ajoutant  à  ce  recueil  ses  propres  observations. 
Quacd  nous  avons  dit  que  ce  livre  ne  contenait  rien  qui  ne  fût  déjà 
connu,  nous  n'en  exceptions  pas  même  ce  tribut  nouveau  que  M.  Kéra- 
try vient  de  payer  aux  arts.  Cet  écrivain  sent  ie  beau  avec  tant  de  force 
et  de  vérité,  qu'il  ne  lui  serait  pas  possible  d'en  concevoir  de  fausses 
idées;  cbiz  lui,  les  combinaisons  de  l'esprit  sont  d'autant  plus  justes, 
qu'elles  viennent  toujours  après  les  inspirations  du  cœur.  Heureux  l'é- 
crivain qui  a  su  maintenir  ce  bel  équilibre  entre  ses  facultés  !  Il  lui  est 
donné  d'allier  sans  effort  l'éloquence  avec  la  profondeur,  la  vie  de  l'âme 
avec  la  finesse  de  l'esprit,  la  fraîcheur  de  l'imagination  avec  la  force  du 
raisonnement. — Le  traité,  à  l'insuffisance  duquel  M.  Kératry  s'est  princi-, 
paiement  proposé  de  sup[  léer,  est  le  Poème  de  Dufresnoy,  sur  la  pein- 
ture. Dufresnov,  pour  devenir  peintre,  oublia  tout  le  reste,  et  subit 
même  avec  joie  les  rigueurs  paternelles;  mais  son  exemple  est  une  des 
preuves  les  plus  frappantes  d'une  vérité  souvent  remarquée  au  sujet  des 
artistes  :  c'est  qu'une  inébranlable  vocation  n'annonce  pas  toujours  h 
présence  du  feu  sacré.  Dufresnoy  ne  biisa  les  entraves  qui  s'opposaient 
il  son  goût  favori,  que  pour  se  jeter  aussitôt  dans  toutes  celles  de 
l'art  qui  en  était  l'objet.  Après  avoir  étudié  scrupuleusement  jusqu'.iux 
moindres  détails  des  arts  plastiques,  il  lit  plusieurs  ouvrages  où  parait 
une  belle  et  sévère  rorrection  ,  mais  que  le  génie  n'a  point  animés.  De 
même,  les  préceptes  qu'il  a  donnés  en  vers  latins  ont  une  concision  lu- 
cide et  judicieuse,  excellente  pour  les  progrès  de  l'étude,  nulle  pour 
l'enthousiasme  et  pour  les  nuances  infinies  du  sentiment.  Il  semble 
(pie  la  constance  de  son  culte  en  ait  banni  presque  toute  chaleur.  Sé- 
duit par  l'exemple  d'Horace ,  il  n'a  pas  vu  que  le  poète  de  Tibur,  avant 
de  descendre  aux  règles  didactiques,  s'était  élevé  sur  les  ailes  de  Tins- 


LIVRES  FRANÇAÎS.  r>~.- 

piralîon  lyrique  plus  haut  que  Pindare,  son  maître.   Il  n'a  pas  vu  non 
plus  que,  pour  peindre  en  vers  la  peinture  elle-nnème,  U  faut  appeler 
à  soi  le  génie  poétique  tout  entier;  l'adage  qu'il  se  plaît  à  rappeler,  et 
par  lequel  il  débute,  ut  picluru  J^ocsis■,  nurah  dû  l'en  avertir.  —  fi'illustre 
fondateur  de  l'Aeadémie  de  peinture  de  Londres,  Josué  Reynolds  ,  avait 
déjà  enrichi  ce  traité  des  notes  les  plus  savanie> ,  et  des  préceptes  Ks 
plus  sûrs  que  puisse  fournir  la  pratique  du  pinceau;  et  c'est  le  plus  b<;I 
éloge  de  ce  poème  qu'il  ail  fixé  aussi  particulièrement  l'attention  de 
Reynolds.  iMais.,  ce  grand  peintre  lui-même  est  plutôt  un  Anglais  savant, 
qu'un  interprèle  passionné  de  ces  intimes  secrets  de  l'art,  par  lesquels 
la   nature  et  la  vie  viennent  se  fixer  sur  la  toile.  —  Il  appartenait  à  l'au- 
teur des  Iiiductions   morales  et  fhysiologiques  (Voy.  Rev.  Enc,  T.  I, 
pag.  igS),  à  l'écrivain  qui,  dans  ses  Méditations  sur  ic  hcau,  a  si  bien 
allié  la  haute  pliilosophie  de  Kant  à  l'éloquence  communicative  de  Ber- 
nardin de  Saiut-Pierre,  d'ajouter  aux  ouvrages  de  ces  deux  grands  maî- 
tres les  fleurs  variées  du  sentiment  qui  étaient  échappées  à  leur  savante 
préoccupation. — Si  l'espace  nous  le  permettait,  ['Essai  sur  la  peinture 
de  Diderot  mériterait  bien  aussi  que  nous  en  rappelions  les  divers  genres 
de  mérite  à  nos  lecteurs.  Diderot  se  montre  inégal,  ici  comme  partout 
ailleurs;  mais,   ici,  ses  inégalités  mêmes  tournent  au  profit  de  l'art. 
Sa  fougueuse  critique  met  tout  en  saillie  :  les  vérités  et  les  erreurs  qu'il 
énonce  ont  une  expression  si  frappante  et  si  vive,  que  les  unes  servent 
d'autant  mieux  à  faire  discerner  les  autres  :  il  n'est  pas  d'écrivain  chez 
qui  le  jjaradoxe  et  la  vérité,  l'éloquence  et  la  déclamation  ,  la  nature  et 
sa  fausse  image,  se  louchent  de  plus  j)rès;  c'est  qu'il  est  de  bonne  foi  dans 
le  bon  comme  dans  le  iiwiuvais  ,  et  que  l'un  et  l'autre  lui  échappent  pres- 
que involontairement.  —  Le  recueil  est  terminé  par  une  Lc(/)'edeGe^sncr 
sur  ie  paijsa/jc,  et  par  plusieurs  autres  Lettres  sur  la  peinture  en  gé- 
néral, qui  sont  allribuécs  à  Reynolds.  La  lettre  de  Gessnerse  fait  lire 
avec  tout  l'intérêt  d'une  idylle,  et  nul  n'avait  plus  le  droit  de  diriger 
vers  les  beautés  agrestes  les  pinceaux  de  l'artiste,  que  le  i>oète  ami  des 
champs,  dans  l'âme  et  les  écrits  duquel  ces  beautés  se  réfléchissaient, 
comme  dans  les  eaux  d'un  lac  paisible.  Jules  Macviel. 

5oo(*).  —  Œuvres  complètes  d' Etienne  iovi ,  de  l'Académie  fian- 
çaibC.  Tom.  I  et  XVIIl.  (Le  I"  de  V Essai  sur  Ls  mœurs  et  le  I'"^  du 
Tludlre.)  Paris,  i823;  Jules  Didol,  Bossange  père,  Aimé  Audré ,  et 
l'auteur,  rue  des  Trois-Frères ,  n"  1 1.  Deux  vol.  in-8»;  prix,  8  fr. 

Ce  n'est  pas  Seulement  une  nouvelle  édition  d'ouvrages  connus  que 
publie  M.  Jouy  :  une  partie  de  ces  œuvres  était  inédite.  En  littérature, 
le  passé  càl  presque  toujours  le  garant  de  l'avenir.  Lorsque  l'auteur  tin 


654  LIVRES  FRANÇAIS. 

et  spirituel,  auqnt-I  nous  dorons  tant  d'observations  piquantes  sur  les 
mœurs  francises,  piomef  la  peinture  dis  passions  dans  un  roman,  celle 
des  courtisans  dans  une  comidie  intitulée  :  les  Intrigues  de  cour,  et  celle 
des  intrigues  de  ville,  dans  une  autre  comédie  qui  a  pour  litre  :  les  Mœurs 
dutems,  le  public  est  fondé  à  attendre  des  tableaux  d'un  coloris  aussi  bril- 
lant, d'une  ïérilé  aussi  parfaite  que  ceux  déjà  sortis  de  la  même  main. 
Celte  attente  ne  sera  point  trompée,  si  nous  en  jugeons  par  les  deux 
prenii.Ts  volumes  qui  composent  la  première  livraison  que  nous  annon- 
çons. Comme  nous  donnerons,  dans  la  section  dvs  analyses,  des  déve- 
loppemens  plus  étendus  sur  ces  différens  ouvrages,  nous  nous  bornons 
à  indiquer  ici  ceux  que  renferme  cette  livraison.    Outre  42  chapitres  de 
l'Ermite  de  la  Chausséc-d'Anlin ,  on  trouve,  dans  le  premier  volume, 
un  discours  préliminaire  consacré  aux  répulalions  contemporaines.  L'au- 
teur jette  un  coup-d'œil  rapide  sur  la  plupart  des  hommes  qui,   depuis 
vmgt-c:nq  ans,  se  sont  illustrés  dans  les  sciences ,  les  lettres  et  les  arts. 
On  pourrait  y  remarquer  plusieurs  omissions  et  quelque  partialité.    Le 
second  volume  renferme  4  tragédies;    deux  seulement,   TippôSach  et 
Sytla,   ont  paru  sur  la  scène  :  les  deux  autres  ont  été  arrêtées  par  la 
censure.   Celle  de  Bétisaire  avait  déjà  été  imprimée;  Julien  dans  tes 
Gaules  est  publiée  pour  la  première  fois.   L'auteur  joint,  à  chacune  de 
CCS  pièces,  des  notes  extrêmement  curieuses,   tant  sur  le  sujet  que  sur 
les  intrigues  auxquelles  elles  ont  donné  lieu.  Parmi  ce?  notes  historiques, 
il  CD  esl  plusieurs  d'un  grand  intérêt;  do  ce  nombre  est  celle  où  l'auteur 
rend  compte  d'une  conversation   entre  Talma  et  JVapoléon  ,   sur  la  tia- 
gédie  d(  Tipfû-Sacb.  Cette  note  jette  un  nouveau  jour  sur  le  caractère  et 
l'esprit  de  l'homme  le  plus  extraordinaire  de  notre  époque.  A.... 

Joi  {*).  — Moïse,  poème  en  quatre  chants,  par  Mfomu^^no  Lkmeh- 
ciEB,  de  rinsl.tut  de  France  (Académie  française).  Paris,  iSaS;  Bos- 
sango  frères,  rue  de  Seine,  n"  12.  ln-8°;  prix,  4  fr. 

JNous  n'aimons  pas  beaucoup  Moïse  comme  héros  d'un  poème  :  ce 
grand  législateur,  quelle  que  soit  la  majesté  des  souvenirs  attachés  à 
son  nom  ,  repousse  i'inlérêf  dramatique,  qui  est  l'âme  de  toute  corapo- 
bitiou  inspirée.  Il  y  a,  d'ailleurs,  dans  la  vie  du  prophète  hébreu,  des 
cruautés  qui  répandent  sur  sa  mémoire  une  réprobation  que  rien  ne 
saurait  effacer  aux  yeux  de  l'humanité.  Des  cliâtimens  pareils  a  ceux 
dont  il  usa  envers  les  Israélites,  les  ordres  terribles  de  sa  farouche  in- 
tolérance, ses  lois  de  sang  se  mêlent ,  malgré  nous,  à  la  renommée  de 
sa  haute  sagesse,  à  l'éclat  de  son  génie,  que  Rousseau  a  célébré  avec  la 
pLs  magniiique  éloquence.  Au  lonlraire,  tout  est  pur,  innocent  et  sans 
tache   dans  l'immortel  ^m^Pn■,  et  si,  en  le  célébrant,  M.  Lemercier 


LIVRES  FRAÎSÇÂIS.        ,  6' 5 

h'a  pu  composer  un  drame  d'un  inlérêt  allacliaiit,  II  n'a  du  moins 
causé  de  regret  à  aucun  de  ses  lecteurs  ;  et  lorsque  son  beau  lalcnt  s'est 
montré  digne  de  lui  dans  un  sujet  où  tout  était  à  créer,  la  fable,  les 
personnages ,  les  allégories  ,  les  formes  qui  en  sont  l'expression ,  il  a 
causé  une  vive  satisfaction  aux  connaisseurs  pour  lesquels  l'admiration 
du  beau  est  une  passion  avide  de  jouissances.  —  Le  poème  de  Moi  se  n'est 
pas  véritablement  et  ne  pouvait  être  im  poème  d'action  ;  les  récits  y 
tiennent  une  trop  grande  place  pour  l'étendue  de  l'ouvrage;  on  peut 
lui  reprocher  encore  la  monotonie  des  idées.  Jéhovah  remplit  tous  les 
vers  de  M.  Lcmcrcicr;  on  parle  toujours  de  la  grandeur  de  Jéliovah;  et 
les  divers  interlocuteurs  ne  sont  pas  toujours  aussi  éloqucnslesuusquelcs 
autres.  De  là  vient  que  des  beautés  sublimes  sont  affaiblies  par  des  cho- 
ses qui  ne  les  égalent  point.  M.  Lcmercier  n'a  point  lait  une  attention 
asse?  sérieuse  à  cet  inconvénient.  Des  suppressions  laites  par  sa  main 
habile  ajouteraient  beaucoup  au  prixdeses  inspirations.  Jamais  peutêîn; 
l'auteur  n'en  a  eu  de  plus  hautes,  et  quelquefois  elles  sont  d'une  rare 
énergie,  ou  d'une  simplicité  et  d'une  magnificence  semblables  a  celles  des 
anciens  : 

Ce  terrible  ennemi ,  ce  Moïse  est  un  homme. 
Son  image,  au  travers  3u  Ijainïeau  de  la  peur, 
S'agrandit  à  nos  yeux  d'un  appareil  trompeur. 
Comment  aux  bords  du  Nil  parla-t-il  à  ses  frères? 
<(  Enfans  égaux,  vivez,  libres  comme  vos  pères. 
Le  superbe,  diargcant  nos  fils  d'un  joug  nouveau, 
De  l'équité  première  a  rompu  le  niveau..  .. 

Les  jeunes  bois  ont  dit  sur  les  hautes  collines  : 
Du  cèdre  qui  nous  couvre  arrachez  les  racines; 
Il  ravit ,  en  dressant  un  front  victorieux  , 
Tous  les  sucs  à  la  terre  et  la  rosée  aux  cienx; 
Des  orages  en  vain  ses  bras  nous  garantissent, 
El  séchant  à  nos  pieds ,  nos  rejetons  périssent. 
Tombe,  orgueilleux  géant  !  et  que  nos  fronts  vengés 
D'un  éternel  ennui  ne  soient  plus  ombragés.  » 

Le  discours  du  rebelle  Coré,  qui  veut  soulever  le  peuple  contre  Moïse, 
élinccllc  de  beautés  ;  celui  de  Moïse  aux   révoltés  sur  la  puissance  de 
Dieu  est  d'un  ordre   encore  plus   élevé.  On  y  trouve  une  foule  de  vrrs 
qui  unissent  la  vigueur  de  Corneille  à  la  magnificence  de  Racine. 
Si  j'eusse  fait  mentir  son  saint  nom  profané. 

Moi-même,  avec  mes  fils,  il  m'eût  exterminé. 

Quel  séj  our  si  lointain  où  son  bras  ne  m'atteigne  ? 

Les  enfers?  i!  s'v  vençe  :  et  le*  cieu-x?  il  y  rèç-ne. 


6^6  LIVRES  FRAISÇAIS. 

Ne  murmnre  donc  pins;  ah  i  qu'il  n'entende  pas 
Vos  lèvres,  vos  pensers  le  blasplicjner  lout  bas , 
De  peur  que  d'ans  ces  lieux  la  foudre  toujours  prêle, 
Ne  vous  jette  saus  vie  aux  pieds  de  son  prophète. 

La  naïveté  ynlJque  respire  dans  un  dialogue  entre  la  fils  de  Mone  , 
qui  s(  it  à  nous  déla-ser  de  runiformifc  du  n;rand  et  du  beau.  Des  tein- 
tes encore  plus  douces  sont  habilement  répandues  sur  les  amours  de 
Cosbë,  jeune  Moabite,  avec  le  guerrier  Zumbri;  on  reconnaîtrait  un 
poète  à  ces  seuls  vers  : 

Les  coteaux ,  peints  de  fleurs  aux  rayons  du  soleil , 
Fumaient  des  premiers  feux  dune  humide  lumière. 
Tout-ù-coup  l'astre  pur,  lancé  dans  la  carrière. 
Des  splendeurs  qu'il  versait  tedoubla  le  torrent. 
Et  le  blasphémateur  se  tut  en  aJmirant. 

On  peut  facilement  relever  des  fautes  duos  le  poème  de  M.  Lemercier; 
mai^  il  renferme  des  beautés  si  élevées  que  la  critique  est  retenue  par 
la  crainte  de  méconnaître  un  talent  qui  sort  de  pair  à  tous  moraens, 
et  s'élève  souvent  sans  effort  jusqu'au  sublime,  I. 

ùoi.—Le  rrilunal  Secret,  tragédie  en  cinq  actes,  par  M,  Léon 
Thibssé,  repré.-emée,  pour  la  première  fois,  parles  comédiens  du  roi, 
sur  le  Second-Théâlre  français,  le  mardi  ii  novembre  182.1.  Paris, 
io23;  J.  K.  Barba.  Brochure  in-S",  de  xi  et  68  pages;  prix,  5  Ir. 

Kons  avons  rcniu  compte  de  cette  tragédie,  lors  de  sa  première  le- 
p.ésentation.  (Foy.  ci-dessus,  page  4.'')8.)  L'auteur  la  soumet  aujour- 
d'hui à  l'épreuve  de  la  lecture,  en  y  joignant  une  prélace  dans  laquelle 
il  examine  les  diverses  critiques,  plus  ou  moins  judicieuses,  ou  ,  selon 
lui,  peu  fondées,  dont  son  ouvr;.ge  a  élé  l'objet.  Après  atoir  tracé  un 
aperçu  liistorique  très-rapide  ,  et  néanmoins  fort  interes.sant,  des  prin- 
cipaux faits  relatifs  ai.  tribunal  vl.émique  établi  en  8o5  par  Charlema- 
gne,  il  s'attache  surtout  à  le  distinguer  des  as.sociatIons  d'un  genre  bien 
diffé.ent  que  nous  avons  vues  en  Italie,  il  y  a  si  peu  d'années.  Loin  de 
vouloir  juger,  on  accuser  ces  Sociétés,  désormais  vaincues  et  sans 
puissance,  il  a  cru  trouver  dans  l'horreur  que  font  naître  l'inslitulion 
barbare  des  Francs-juges,  leur  farouche  despotisme,  et  leur  cruauté  fa- 
natique, des  inspirations  dignes  de  la  nuise  tragique,  et  des  leçons  pro- 
pres à  faire  délester  le  fanatisme  et  la  tyrannie.  —On  remarque  dans 
cette  tragédie,  un  but  moral  et  politique  trè.s-louabic  ,  un  talent  di.^- 
tingué,et    la  preuve  quel  auteur,   qui  a  »u  déjà  écouter  et  suivre  les 


LIVRES  FRANÇAIS.  657 

conseils  d'une  critique  éclairée,  promet  beaucoup  plus  qu'il  n'a  donné. 

A.  J. 
ôo5    -  Almanach  des  Muses,  ou  Choix  de  Poésies  fugitives,    r'>^r 
i'ann.e  1S2/,.  (60- année.)  Pan.,  .8.4;  Eymery.  In-i.  de  288  pages  ; 
prix,  2  tV.  5oc.,  et  3  fr.  2S  c. 

Ce  recueil  a  le  désavanlase  de  paraître  trop  lard.  Rédi?e,  comme  la 
plupart  de  ceux  qui  abondent  au  renouvellement  de  chaque  année,  d'a- 
,,rès  un  choix  fait  dnns  divers  ouvrages  périodiques ,  les  meilleures  pièces 
ou'll  renferme,   déjà  connues  par  une  première   publication,  ont  ete 
réunies  par  des  éditeurs  qui  ont  pris  l'avance  auprès  du  pubbc     C  est 
«insi  que  nous  retrouvons  plusieurs  morceaux  que  nous   avons  de,a  eu 
occasion  de  signaler  à  l'atten.ion  de  nos  l  cteurs.  Tels  sont  :  les  ^c« 
rour  l'ouvertu^  de  la  nauvdlc  salie  de  spcetacle  du  Havre ,  par  Cas.rmr 
Dei..v,gnb;  <e.  Sermevs,  du  même;   /e  Dernier  jour  de  Vannée     par 
M-  JmaUc  T  ASTC  ;  Mon  fds  est  là ,  par  M.  Scribe  ;  le  Mar. ,  l  Amant 
et/.ro/cur,conte,parM.MERV.LLK(voy.  ci-dessus,   pag..o+->07, 
l'annonce  de  V Aiman.ch  des  Dames  et  de  VAlmanach  dcdic  au-rDa- 
,nes)  ;  V Abolition  de  ta  traite  des  Noirs ,  poème  ,  par  M .  Chacvkx  {vay. 
Tom.  XIX,   pag.  4.6  et  C99Î  ;    Jnditn  ,  poème  ,   par  M.  B.ca.  (.0^. 
Tom.  XIX ,  pag.  18;)  :  le  Fugitif,  par  M.  Henri  Berthoco  ,  et  1  EfUre 
au  Tluâtre,  de  M.  Justin  Gknso.l,  éditeur  de  VMmanaeh  des  Musc, 
(.oV-Tom.XIX,  pag.7<")-    Après  ces  pièces,  qui  méritent  bien ,   du 
Lie,  l'honneur  de  f.gurer  dans  plusieurs  recueils,   nous  ne  trouvons 
plus  à  citer  que  (a  Messe  du  Mariage  et  les  Derniers  ----'<*;;; 
pièces  charmantes  de  MM.  A.let^  et  Ac.o„b  ;  Commode  et  le  G.ad^ateur, 
Ile  M.  lUtEVV,  t.ès-jeune  poète  qui  a  déjà  pris  un  rang  distingue  partnx 
1  suaductcurs  dllurace  (  ra^.  Tom.  XIX ,   pag.  .8.);    le  Rossrgnol  , 
fable  ,   par  M.  Kaudkt,  et  Chaque  chose  à  son  tour,  conte,    par  M.  Ue- 
VH  LE  (i).-Nous  croyons  avoir  indiqué  tout  ce  que  r^/m«nac/<  rfcs .Ume5 

renferme,  cette  année,  de  pièces  réellement  dignes  d'éloges.  Le  reste 
du  recueil  se  compose  de  fragmens  de  poèmes  beaucoup  trop  longs ,  et 
trop  multipliés,  narement  de  pareils  extraits ,  ainsi  dégagés  du  cad.c 
dont  ils  doivent  faire  partie  ,  présentent  de  l'intérêt ,  et  trop  souvent  ils 
accusent  l'impuissance  des  auteurs  qui  les  livrent  au  jugement  du  pubbc. 
jNous  crnyons  que  M.  Justin  Ge.s.li,,   pour  la  gloire  de  M.llevove  et 


U)  Le  „,éme  autenr  a  fait  pa-Ure.  au  rou.n.encen,eat  de  cette  a.nee  chez 
MarciUy  aîac,  rne  Saint-Jacques ,  n«  ai,  un  recueil  de  poésies  légères,  sous  le  t,- 
l.e  de  Délas.emer,s  poétlques.Va  vol.  iu-i8  de  176  pages,  avec  des  gravures  et 
de  la.  musique,  prix,  3  fr. 


^''^  LIVRES  FRANÇAIS. 

pour  la  sienne,  n'aurait  pas  dû  donner  place  aux  deux  pièces  de  vers 
que  nous  trouvons  à  la  page  .5,  et  qui  étaient  bonnes  seulement  pour 
acrconstancequi  les  a  fait  naî.re  ;  non  plus  qu'à  deux  fables,  dont 
les  sujets  avaient  été  traités  par  l'inimitable  La  Fontaine  ,  et  que  MM 
BE  V,.Lo„o»  et  Félix  NOG.K.T  n'ont  pas  craint  de  parodier.  Pour  ne  pas' 
abuser  d  une  place  que  nous  pouvons  mieux  employer  dans  l'in-érèl  de 
nos  lecteurs ,  nous  renonçons  au  des.ein  que  nous  avions  eu  de  transcrire 
.c.  quelques  p.eces  d'un  très-mauvais  goût  et  presque  ridicules,  telles 
que  celle  qu.  a  pour  litre  :  Vlntérieur  d'une  coquette  (pag.  .9.).  Nous 
ne  saunons  à  quoi  attribuer  l'insertion  de  pareilles  pièces  dans  VAlma- 
nach  des  Muses ,  .i  notre  siècle  n'était  pas  accusé  d'être  peu  favorable  à 
la  poes.e  Ma.s,  dans  un  tel  dénuement  de  richesses  littéraires,  pour- 
quoi I  edaeur  dédaignerait-il  les  vers  que  lui  adressent  des  auteurs  qui 
n  ont  pomt  encore  de  nom  dans  la  république  des  lettres,  et  qui  cher- 
chent a  s'en  faire  un  f  Je  n'insisterai  pas  sur  ce  dernier  reproche  .•  je 
cramdra.s  que  M.  Geusoul  ne  le  regardât  comme  une  récrimination  de 
ma  part.  , 

.    ,  -t.  hlEaEAu. 

^04.  -  Le  chansonnier  des  Grâces,  pour  ,824  (28^  de  la  collection), 
i'ans;  Loms,  éditeur,  rue  Hautefeuille,  n->  ,0.  Un  vol.  in-18,  avec  deux 
gravures  et  56  pages  de  musique  ;  prix,  5  fr.,  et  3  fr.  5o  c. 

Oû5.  -  Le  Nouveau  Caveau,  pour  .824  (6c  de  la  collection).  Paris; 
Ejmery,  rue  Ma^arine.  Un  vol.  in-.8;  prix,  .  fr.,  et  .  fr.  Soc. 

oob.~Les  Soupers  de  Momus  (.  .e  je  la  collection).  Paris;  le  même 
■ln-18;  pnx,  2fr.,  et  2  fr.  5o  c. 

Si  l'on  devait  juger  de  la  gaité  française  par  le  nombre  de  chanson- 
niers que  chaque  jour  voit  éclore,  jamais  elle  n'aurait  été  plus  générale 
que  depuis  quelques  années;  et,  si  le  talent  était  une  condition  indispen- 
sable pour  se  voir  admis  dans  ces  recueils ,  jamais  nous  n'aurions  eu  plus 
de  poètes  qu'aujourd'hui.  Mall.cureusement,  ces  inductions  seraient  éga- 
lement fausses.  Altéré  par  nos  troubles  politiques,  l'esprit  français  a  perdu 
nécessairement  un  peu  deson  aimable  insouciance;  il  lui  faut  aujourd'hui 

autre  chose  que  des  chansons  pour  l'alimenter;  et  d'ailleurs,  les  auteurs  qui 
tenaient  le  sceptre  de  la  chanson  semblent  l'avoir  laissé  tomber  dans  des 

mains  beaucoup  moins  heureuses.Comment  expliquer  alors  l'affluence  des 
recueils  chantans?  par  l'accroissement  des  spéculateurs.  La  masse  de  ri- 
chesses ne  s'e,t  point  accrue  ,  au  contraire  ;  mais  plus  de  personnes  veu- 
lent y  avoir  part.  Aussi,  voyons-nous,  comme  nous  l'avons  déjà  observé, 
au  sujet  de  VAlmanach  des  Muscs  et  des  deux  Almanachs  des  Dames, 
plusieurs  éditeursvivre  de  quelques  auteurs  et  de  quelques  pièces,  qu'ils 
revendique  m  tour-à-lour.  Cependant ,  la  disette  devient  de  jour  en  H>ur 


LIVRES  FRANÇAIS.  CBg 

si  grande,  que  quelques-uns  sont  rëduils ,  pour  avoir  des  matériaux  et 
surtout  des  noms  ,  à  puiser  dans  les  anciens  dépôts  ,  et  à  reproduire  au- 
jourd'hui, comme  nouveau  ,  ce  qui  a  fdit  les  liéiices  de  nos  pères.  C'est 
ainsi  que  nous  reliouvoiis,  dans  \cs  Sowpers  de  Moimts ,  pour  i8i4>  ^* 
Nature  et  la  Lanterne  ma;iiqu6  ,  de  MM.  Jour  et  Armand  Gouffb;  plu- 
sieurs cliansons  de  M.  Amiginac  ,  et  de  quelques  autres  qui  ont  inlt  par- 
tie du  Caveau  moderne,  recueil  qui  paraissait  il  y  a  quinze  ans.  Ajoutez 
à  cela  un  certain  nombre  de  pèces  de  vers,  depl.icées  dans  un  recueil 
chantant,   puisqu'on  ne  peut  y  adaiittr  .iicuii  air,  tels  que  le  Jugement 
de  Salomon,   des  Soupers  de  Momus;    dt«  pièces  que  leur  ton  et  leur 
facture  n'auraient  jamais  dû  permettre  d'imprimer  dans  un  ouvrage  que 
leurs  éditeurs  désirent  voir  dans  toutes  les  mains,  tflles  que  ['Amour 
a'^ent  de  change,  de  M.  Lance  ;  la  Stratégie,  de  M.  Coupé  Saint-Don at, 
(du  Nouveau  Caveau);  et  vous  comprendrez  comment  on  peut  faire  tant 
de  livres  avec  si   peu  de  matériaux.   Nous  n'avons  trouvé  à  citer  que 
quelques  pièces  dans  les  deux  derniers  recueils  que  ncius  annonçons  en 
lêle  de  cet  article;  ce  sont,  dans  le  Nouveau  Caviait.  iedîner  de  Sainte- 
Barbe,  de  M.  Eugène  Scrihb  ;  tes  Deuac  côtés,  de  M.  Simo^nin;  VOrage, 
de  M.  de  Béranger,  it  deux  ou  trois  autres  ;  dans  les  Soupers  de  Momus, 
cinq  ou  six  pièces  dont  la  moitié  appartient  à  M.  J.  LBOLKiiS,  qui  semble 
ambitionner  la  gloire  de  marcher  sur  les  traces  des  pères  de  la  chan- 
son. —  Quant  au   premier,  le  Chansonnier  des  Grâces,  le  plus  ancien 
et   le  plus  répandu   de»  trois,  il  (.onlinue  de  mérite  r  le  succès  que  lui 
ont  assuié  les  soins  donnés  à    sa  rédaclion.    Un    grand  nombre   d'au- 
teurs, qui  ont  ufl  nom,  d'autres,   qui  cherchent  à  s'en  faire  un;  quel- 
ques-uns qui,  comrue  M.  Gijkrin  ont  débuté  enmaHres,  s'empressent, 
chaque  année,  d'enrichir  ce  recueil  de  leurs  meilleures  productions.  De 
charmantes  gravures  ,  et  un  choix  des  plus  jolis  airs  nouveaux,  viennent 
ajouter  leur  prix  à  celui  qu'.l  tire  déjà  du  méiite   de  ses  productions 
littéraires.    Quelques  personnes,    qui  ne  connaîtraient  point  encore  le 
Chansonnier  des  Grâces  ,   peuvent  craindre  que  son  titre  n'éloigne  la 
variété  si  nécessaire  dans  un  recueil  semblable  ,  et  que  l'on  n'y  accorde 
trop  au  genre  sentimental.    Un  coup-d'œil  jeté  sur  le  volume  de  cette 
année  leur  prouvera  que  les  Grâces  ne  sont  point  ennemies  d'une  gaîté 
douce  et  décente,  qu'elles  permettent  même  l'épigramme.  Nous  cite- 
rons, comme  des  modèle»  en  ce  genre,  les  chaneoiis  suivantes  :  ie  Mé- 
nestrel affamé;  Quand  l'chat  n'est  plus  là,  les  rats  dansent ,  et  la  Dame 
du  château,  par  M.  Gcébin  ;  le  liomantique,  par  M.  Pkan;  VlncuraUc^ 
par  M  J.  P.  [Joseph  PainJ;  YAngdus,  par  M.  Jxislin  Gen>oci.;  le  Chevalier 
discret,  p^r  M.  Boucher  DEPEainEs  ;  le  Diable  au  manoir,  par  M.  Dat- 


6<5o  LIVRES  FRANÇAIS. 

TEL  DE  Lctange;  et  une  dizaine  d'autres  aussi  jolies.  Le  genre  gracieux  n'a 
pas  non  plus  elé  négligé;  nous  signalerons,  entre  un  grand  nornbre  de 
pièces  ,  V Aveugle,  par  ]\l»e  a.  T.  (M'"e  AmaMe  Tasiu,  sans  doutej  ;  la 
FUlc  de  Couiançfcs,  par  M.  Glkb.iv  ;  Haroun  et  Rosétide,  par  M.  Thkau- 
lon;  et  l'Attente,  par  M.  Casimir  Delavigke.  Nous  avons  lu  ce  recueil 
avec  le  plus  grand  plaisir,  et  nous  pensons  qu'on  pourrait  difficilement 
faire,  au  commencement  de  l'année,  un  plus  joli  cadeau  aux  dames  et 
à  tous  les  partisans  dune  g.ùté  franche  mais  décente.         E.  Kébeac. 

■'o;  (*).  —  L'Exaité,  ou  Histoire  de  Gabriel  Désodry  ,  sous  l'ancieu 
régime,  pendant  la  révolution  et  sous  l'empire;  par  M.  L.  B.  Picahd, 
de  l'Académie  française.  Paris,  1824;  Baudouin  frères.  Quatre  volum. 
în-i2  ;  prix  ,  12  fr.  . 

Un  roman  dont  les  personnages,   pris  dans  le  siècle  et  dans  le  pays 
où  nous  vivons,  ont  des  mœurs ,   des  caractères  et  des  aventures  qui 
pourraient  être  les   nôtres  propres ,   nous  paraît   un  ouvrage  peut-être 
plus  utile  au  commun  des  hommes  que  l'histoire  elle-même.  En  effet, 
un  simple  bouigeois  peut  chercher  à  imiter  les  personnages  vertueux  du 
roman;  mais  lis  vertus  des  héros  de  l'histoire  sont ,  pour  ainsi  dire, 
hors  de  notre  portée,  et  ne  semblent  faites  que  pour  des  grands,  pour 
des  orateurs,  pour  des  généraux  d'armée  ,  etc.  I!  est  même  dangereux 
de  les  admirer  avec  trop  d'enthousiasme;  car  on  peut  se  perdre"   en 
voulant  pratiquer  ces  hautes  vertus  dans  un  siècle  de  petitesses.   Ainsi, 
les  bons  romans  ,  c'est-à-dire  les  romans  qui  peuvent  rendre  les  hommes 
meilleurs,   en  leur  montrant  ce  qu'il  y  a  de  bon  à  suivre  ,  ou  ce  qu'il  y 
a  de  mauvais  à  fuir  dans  les  mœurs  de  la  société  où  ils  vivent ,  nous  sem- 
blent plus  utiles  à  la  plupart  des  hommes,  comme  nous  l'avons  déjà  dit, 
que  les  annales  des  peuples  :  c'était  l'opinion  du  célèbre  Volney;   et  je 
crois  qu'il  est  peu  de  personnes  qui  ne  la  trouvent  raisonnable.— L'£iCrt//e 
de  M.  Picard  est  un  livre  vrai,  écrit  de  bon  goût  et  avec  facilité;  c'est 
un  ouvrage  qui  sait  instruire  et  plaire,  qui  fait  aimer  le  bien,  en  pré- 
sentant la  conduite  des  hommes  vertueux  de  manière  a  la  faire  aimer, 
et  qui  porte  à  fuir  les  vices  et  les  travers  ,  en  nous  les  montrant  tels  qu'ils 
sont.— On  a  blâmé,  mais  à  tort,  selon  moi,  le  titre  de  ce  roman  :  on  a 
dit  qu'il  ne  saurait  convenir  à  un  ouvrage  dont  le  héros  devient  vers  la 
fin  égoïste.  Et  là-de.^sus,  on  a  cité  Horace  :  Urvetur  ad  imum  gicaiis 
ai  incefto  proccsscrit,  et  sibi  constet.  Sans  faire  attention  que  ce   pré- 
cepte est  seulement  pour  les  poèmes  dramatiques,  et  non  pour  les  ro- 
mans; car,  si  Horace  et  le  bon  sens  disent  qu'un  homme  ne  change 
point  de  caractère  en  vingt-quatre  heures,  ils  ne  peuvent  soutenir  qu'on 
n'en  puisse  changer  dans  tout  le  cours  de  sa  vie.  Mais ,  dira-t  on  encore  , 


LIVRES  FRAISÇAIS.  66 1 

comment  un  exalté  devient-il  ua  égoïste?  L'égoïsme  est  le  contraire  de 
l'exaitalion  !  Oui  ;  mais  l'esprit  humain  ne  va-t-ii  pas  d'une  exJrêrae  à 
l'autre,  et  n'est-il  pas  possible  de   porter  l'exaltation  jusque  dans  l'é- 
goïsme?   Après  avoir  été  froissé  par  les  hommes,  et  avoir  observé  qu'en 
général  chacun  ne  peasu  et  n'agit  que  pour  soi,  Désodry  finit  par  n'agir  et 
ne  penser  que  pour  lui.  Cela  n'est  pas  hors  de  la  vraisemblance;  et  malheu- 
reusement, on  a  vu  beauroup  de  ces  hommes  si  ardens  pour  le  bien  public, 
a  1  époque  de  la  révolution ,  ne  plus  penser  qu'à  eux  ,  dès  que  Bonaparte, 
devenu   maître  absolu,  eut  offert  une  sorte  de  prime  à  l'égoïsme.  Du 
reste,  qu'on  intitule  le  roman  de  M.  Picard  comme  on  voudra ,  il  n'en 
sera  pas  moins  un  bon  ouvrage ,  qui  a  surtout  ce  mérite  :  qu'il  est  im- 
possible de  ne  pas  se  sentir  meilleur  après  l'avoir  lu.  Il  serait  trop  long 
de  suivre  Désodry  depuis  son  enfance  jusqu'à  sa  mort,  de  le  monirer 
tour-à-tour  séminariste  et  dévot  presque  fanatique,  sous  l'ancien  régime; 
patriote  ardent  et  rédacteur  d'un  journal  républicain  ,  pendant  la  révo- 
lution; puis,  persécuté  au  nom  même  delà  cause  de  la  liberté  qu'il  av.it 
embrassée  avec  chaleur,  et  obligé  de  fuir  sa  patrie  pour  échapper  à  la 
proscription;    adepte  philosophe,  dans  une  petite  ville  d'Allemagne; 
enfin  ,  rentré  en  France  et  devenu  courtisan  et  chambellan  sous  l'empe- 
reur, toujours  en  proie  à  des  senlimens  d'exaltation  dans  ses  croyances 
reli.'ieuses,  dans  ses  opinions  politiques  ,  dans  ses  éludes  de  phdosoph.e, 
dans  ses  projets  d'ambition  et  de  fortune  ;  tourmenté  par  sa  faiblesse  et 
par  son  inconstance,  et  trop  heureux  de  revoir  près  de  lui,  autour  de 
Ion  lit  de  mort ,  une  sœur  chérie  et  le  mari  de  cette  sœur  ,  qn  .1  ava.t 
négligés  et  abandonnés  dans  les  jours  de  sa  prospérité.  Son  beau-frèrc, 
Pierre  Vubin  ,  homme  véritablement  bon  et  de  grand  sens  ,  est  1  histo- 
rien de  son  ami ,  et  fait  passer  en  revue  sous  les  yeux  du  lecteur  le  bon 
M     Lecoq  et  sa  femme ,  l'hypocrite  et  patelin  Falcol,  la  coquette  Der- 
blây  ,  une  foule  de  personnages,  les  uns  bons,  lesaulres  mauvais  ,  avec 
le.quels  nous  engageons  nos  lecteurs  à   faire  connaissance  entière  dan. 
l'excellent  roman  de  M.  Picard.  Ils  y  remarqueront  sans  peine  une  pen- 
sée in-^énieuse  et  profonde  ,  qui  met  tourà-tour  en  action  les  dilTerens 
lys.eines  de  philosophie  que  son  ami,  M.  Droz,  auquel  il  s'était  associe 
pour  la  rédaction  des  intéressans  .Mémoires rfc  Jocgues  FauveH^oj.  Rcv. 
fnc  T  XYIlI,p.92),vientd'exposeravecaulantdepréc.s.onquedeclar- 
,1    dans  sou  dernier  ouvrage  :  De  ia  fhilosorlùc  morale  ,  ou  Des  diflc- 
TOUS  systèmes  sur  la  science  de  la  vie  (  voy.  ci-dessus  ,  p.  087  ).    Ainsi, 
les  deux  amis  ont  traité,   chacun  à   sa  manière  ,  le  même  su,et  :  1  un  , 
.ous  une  forme  dramatique  et  animée  ;  l'autre  ,  en  écrivain  didactique  , 
et  sous  la   forme  d'une  instruction  positive.  Leurs  esprits,  comme  leurs 


f>t)2  LIVRES  FRANÇAIS. 

cœurs,  toujours  en  harinonîe,  ontdirlgé  vers  ud  but  rommun  deux  pro- 
duclious  également  distinguées,  par  l'habileté  de  l'un  à  peindre  les 
mœurs  et  les  scènes  de  la  vie  ordioaire,  et  par  la  sagacité  de  l'autre  à  dé- 
mêler et  à  expliquer  les  principes  les  plus  abstraits  de  la  pliilosopbie  et 
de  la  morale. 

5o8.  -  Dudley  et  Claiidy,  ou  l'IL  de  Tenir iffe,  traduit  de  l'anglais  , 
de  M"e  Okeeffk,  par  M™'  de  iMontolfec  (.o'  livraison  des  Œuvres  com- 
plètes. Voy.  Rev.  Enc. ,  T.  XVIII,  p.  ,90).  Paris,  .825  ,  Arthus  Ber- 
trand. Cinq  volumes  in-12  ,  avec  figures  ;  prix,  18  fr.,  et  21  fr. 

a  Cet  ouvrage  ne  présentera  au  lecteur  aucun  de  ces  grands  mouvc- 
mens,  de  ces  crimes,  de  ces  événemens  terribles,  soit  hislcriques ,  soit 
romanesques  ,  qui  remuent  Pâme  et  réveillent  les  passions  :  son  intérêt 
porte  sur  l'éducation  de  deux  aimables  enfans  que  l'auteur  conduit  par 
degrés,  sa.is  obstacles,  sans  traverses,  jusqu'au  moment  de  leur  union 
et  de  leur  bonheur.  Cependant,   l'épisode  de  l'espagaoi  don  Zulvago, 
placé  avec  beaucoup  d'art    par  l'auteur,  et  parfaitement  lié  à  l'action 
pnncipale  ,   offre   des   situations  pleines  de  l'intérêt  le  plus  vif,  et  fait 
naître  tour-à-tour  des  émotions  douces  et  pénibles.   Mais  les  scènes  de 
famille,  le  développement  des  caractères  de  Dudley  et  de  Chnidy    les 
descriptions  locales  d'une  terre  étrangère,  auront  plus  d'attrait  encore 
pour  quelques  lec:eurs.    Le  cadre,   d'ailleurs,  nous  a   paru  assez,  neuf, 
les  situations  variées  et  les  caraclères  bien  soutenu,.  .  J.n  partageant  cette 
opmion,  que  M»^  de  Montolieu  émet  sur  cet  ouvrage  ,  dans  une  dédi- 
cace qu'elle  adresse  à  sa  sœur,  nous  croyons  ponvou-  la  lassurer  sur  la 
crainte  qu'elle  témoigne   d'entendre  les  lecteurs  ac,  user  la  faiblesse  et 
1  âge  du  traducteur.  Dudley  et  Ctaudy  n'est  point  indigne  de  la  réputa- 
tion de  M-  de  Montolieu ,  et  ce.  ouvrage  exigeai.  d'..u.ant  plus  de  soins 
qu'il  est  écrit  sous  la  forme  de  lettres  ,  genre  ingrat  et  très-difficile  .  par 
la  variété  de  tons  et  de  siyle  qu'il  demande.  g.  H. 

5o9(*).—  NouveUe  notation  dts  parties  d'échecs ,  par  M.  Gcyot.  Paris, 
>823;  l'auteur,  rue  du  Faubourg-Poissonnière,  n"  19,  et  Éverat,  rue  du' 
Cadran,  n»  16.  Un  vol.  in-S°,  de  près  de  5oo  pag.  ;  prix  ,  10  fr. 

Ce  n'est  point  un  nouveau  traité  du  jeu  d'échecs  que  Ton  publie  au- 
jourd'hui. L'auteur,  quoique  inité  dans  lou.es  les  ruses  de  cette  petite 
guerre,  n'a  pas  cru  devoir  ajouter  de  n.,nvelles  parties  à  celles  qu'a- 
vaient déjà  publiées  depuis  long-tems  Philidor,  Le  Calabroîs,  Philippe 
btamma  ,  Lolli  ,  etc.  C'est  uniquement  une  nouvelle  manière  d'écrire 
ces  parties,  et  d'en  rendre  la  notation  si  facile  ,  que  les  amateurs  même 
les  moins  exercés  dans  la  pratique  de  ce  jeu,  puissent  p.o.iter  des  le- 
çons et  de  l'exemple  des  grands  maitres.  Sous  ce  rapport ,  son  ouvrage 


LIVRES  FRANÇAIS.  665 

cra  très-utile  à  ceux  qui  font  du  icu  d'échecs  I      r  amusement  favori  ;  la 
■  '  pli 

oélhode  adoptée  par  Tauteur,  a  été  vue  et  juo-ée  par  les  plus  célèbres 
oueurs  de  la  capitale  ;  elle  est  infiniment  plus  simple  que  celle  que  l'on 
suivie  jusqu'à  ce  jour. — Il  faut  observer  que  la  notation  analytique  des 
>arlies  d'échecs  a  beaucoup  varié ,  depuis  qu'on  s'est  décidé  à  la  metirc 
■n  pratique;  Philippe  Stamma  est  le  premier  qui  s'en  soitservi ,  eu  1737. 
>Ia:s  le  Traiti  des  amateurs  ,  publié  en  1775  ,  avait  déjà  introduit  quel* 
jucs  chauuenicns  dans  cette  notation  de  Stamma;  et  les  éditeur*  du 
Craité  de  PUUidor ,  en  ï8o5  ,  en  avaient  également  fait  plusieurs  dans 
elle  du  Traité  des  amateurs;  de  manière  que  les  Ici-leurs  de  ces  diffé- 
■ens  ouvrages  se  trouvaient  quelquefois  embarrassés,  ne  pouvant  se  ser- 
vir d'une  môme  clef  pour  la  soiution  de  tant  de  problèmes,  La  méthode 
employée  par  l'auteur  de  la  nouvelle  notation,  a  non-seulement  l'avan- 
.age  d'être  plus  simple  que  les  autres;  elle  tend,  de  plus,  à  établir  l'u- 
niformité que  les  joueurs  d'échecs  adopteront  sans  doute,  comme  nous 
le  leur  conseillons. — Il  paraît  inutile  du  rappeler  ici  l'impûrtancc  du  jeu 
d'échecs  ,  auquel  plusieurs  hommes  de  lettres  distingués  n'ont  pas  hésilé 
de  donner  le  nom  de  science.  Olails  Magnusdh  que  les  princes  suédois 
avaient  pour  coutume  d'éprouver  les  jeunes  princes  qu'ils  destinaient  à 
épouser  leurs  filles,  en  les  faisant  jouer  aux  échecs;  parce  que  dans  ce 
jeu  on  voit  se  développer  successivement  \a  colère,  V amour-propre ,  la 
générosilc,  Vavarice,  la  vaiHance,  la  {acheté,  et  plusieurs  autres  mou- 
vemens  de  l'âme  ,  qui  peuvent  faire  connaître  le  caractère  des  joueurs  et 
ses  repli*  les  plus  cachés.  Lidotte. 

3,0.  — £,c  Savant  de  société  ,  ou  Petite  encyclopédie  des  jeux  fami- 
liers; ouvrage  dédié  à  la  jeunesse.  Quatrième  édition,  enlièreracnt  re- 
fondue, considérablement  augmentée  et  ornée  de  quatre  jolies  figures 
et  de  planches.  Paris,  1824;  Béchet  aîné.  Deux  vol.  in-12,  ornés  de 
gravures  ;  prix ,  6  fr.,  et  7  fr.  5o  c. 

Cet  ouvrage  est  réellement  aussi  complet,  dans  son  genre,  que  puisse 
l'être  aucun  traité.  Il  est  divisé  en  deux  parties,  contenant,  l'une  l'énu- 
méralion  de  tous  les  plus  jolis  jeux,  l'autre  quelques  proverbes  dramati- 
ques choisis  dans  le  recueil  de  Carmontelle.  Nous  avons  compté  dans  la 
première  dix-neuf  jeux  qui  demandent  de  l'action  ,  douze  qui  peuvent 
servir  à  exercer  la  mémoire  ,  vingt-deux  où  l'esprit  est  intéressé  ,  et  dix 
jeux  d'attrape;  de  plus,  cinquante-quatre  pénitences,  dont  très-peu  sont 
redoutables,  et  quelques  morceaux  de  nos  trois  tragiques.  Corneille  , 
liacine  et  Voltaire  ,  très-propres  à  faire  ressortir  les  deux  qualités  néces- 
saires à  ceux  qui  veulent  briller  dans  ces  petits  jeux  de  société,  la  mé- 
moire et  l'esprit.  La  seconde  partie  nous  offre  huit  proverbes,  une  tra- 


664  LIVRES  FRANÇAIS. 

gédie  burlesque,  et  un  choix  dv  récréations  et  de  tours  de  société,  suivis 
du  langage  des  fleurs.  L'érudition  se  montre  quelquefois  dans  cet  o;:- 
frage  à  côté  des  choses  les  plus  frivoles;  telle  est  une  note  où  l'on  up- 
prend  l'esislcnce  d'un  jeu  connu  chez  les  anciens  ïh races ,  sous  le  nom 
de  jeu  du  Pendu  :  •  Ils  attachaient  une  corde  aux  branches  d'un  arbre; 
ils  plaçaient  perpendiculairement  sous  celte  corde  un  caillou  rond  cl  uni 
On  tirait  au  sort  celui  qui  devait  être  le  principal  acteur.  (;elui-ci,  armé 
d'une  faux  ,  montait  sur  le  caillou,  se  passait  lui-même  le  lac  de  la  corde 
au  cou  ,  pendant  qu'un  autre  ôlait  .subtilement  la  pierre.  Si  celui  qui  de- 
meurait suspendu  n'avait  pas  le  bonheur  ou  l'adresse  de  couper  à  l'ins- 
tant la  corde  avec  la  faux  qu'il  tï.n<iit  à  la  main  ,  il  ëtuit  élrangi,é,  et  pé- 
tissait  ainsi  au  milieu  des  spectateurs,  qui  se  moquaient  de  sa  mala- 
dresse. »  {Histoire  des  Celtes,  liv.  ri,chap.  xiii.)  Il  faut  convenir  que 
les  jeux  que  nous  ont  transmis  nos  aïeux  et  ceux  que  nous  avons  in- 
ventés, sont  moins  dangereux  et  plus  aimables  que  ceux  des  Thraces. 
Si  l'cQ  pouvait  adresser  un  reproche  aux  nôtres ,  ce  seiait ,  non  pas 
d'être  grossiers,  mais  plutôt  de  tomber  trop  souvent  dans  la  fadeur,  dé- 
faut qui  se  retrouve  quelquefois  sous  la  plume  de  l'écrivain  qui  les  a 
rassemblés  ici  dans  une  espèce  de  code.  E.  H. 

3i  1.  — Douze  mclodies  françaises ,  avec  accompagnement  de  piano  ou 
de  harpe,  paroles  imitées  de  Thomas  Moobe  ,  par  le  conate  Aufjuste  de 
Lagabde.  Paris,  iSaô. 

La  partie  musicale  de  ces  mélodies  se  compose  d'un  choix  des  airs  de 
plusieurs  compositeurs  connus;  les  paroles  sont  imitées  des  Mclodies 
irlandaises  de  Moore ,  que  nous  avons  annoncées  (roj/.  Tom.  XIX  , 
p.  io5).  Les  vers  sont  gracieux  et  faciles.  Les  chants,  qui  nous  ont  paru 
se  rapprocher  le  plus  de  l'anglais,  par  le  sentiment  et  par  l'expression  , 
sont  ceux  ci  :  l'adieu  ,  /a  dernière  rose  de  fêté  ,  la  linrpe  de  Cura  ,  que 
l'on  pourra  comparer  à  la  traduction  qu'en  a  donnée  M""  Belloc.     Z. 

Mémoires  et  Rapports  de  Sociétés  savantes  et  d' utilité  publique. 

ôi2.  —  Mémoires  de  la  Société  royale  d' Arras  pour  l'encouragctncnt 
des  sciences,  des  lettres  et  des  arts.  Séance  publique  du  26  août  itaî. 
Arras,  i82j-,  Topino,  rue  Saint-Auberl.  In-S"  de  10  feuilles. 

Dans  le  Rapport  fait  à  la  Société  sur  les  travaux  de  l'unnée  dernière, 
on  remarque  une  observation  très  extraordinaire.  1\1.  le  docteur  Coquin 
annonce  qu'il  a  guéri,  au  bout  de  iJ  jours,  par  un  traitement  très-sim- 
ple et  qu'il  indique,  un  hoquet  qui  avait  duré  18  ans,  et  dont  les 
bruyantes  explosions  pouvaient  être  entendues  la  nuit  à  près  d'un  quar  t 


LIVRES  FRANÇAIS.  0(35 

de  lieue. Une  autre  observation,  moins  sui prenante,  c'est  que  les  con- 
cours ouverts  par  la  Société  aux  recherches  sur  l'agriculture,  le  com- 
merce et  l'industrie  n'ont  obtenu  aucun  résultat,  au  lieu  que  la  cou- 
ronne poétique  a  provoqué  des  joules  brillantes,  suivies  de  l'éclat 
d'un  triomphe  mérité.  Le  règne  exclusif  de  la  poésie  serait-il  arrivé? 
Aurions-nous  perdu  le  goût  des  arts,  des  sciences  et  même  celui  de  la 
prose  consacrée  à  des  sujets  dédaijjnés  par  la  poésie?  L;'s  partisans  du 
langage  vulgaire  seront  un  peu  rassurés  ,  après  avoir  lu  les  pièces  de  vers 
et  de  prose  qui  se  succèdent  l'une  à  l'autre  dans  le  recueil  de  la  Société 
d'Arras  j  d'autant  plus  que  les  vers  n'y  sont  pas  sans  mérite  et  que  les 
sujets  traités  en  prose  n'y  sont  pas  sans  intérêt.  Parmi  ceux-ci,  les  lec- 
teurs ne  manqueront  pas  de  distinguer  un  rapport  sur  la  culture  en  France 
du  riz  sec  ou  riz  de  montagne,  envoyé  autrefois  par  le  vénérable  Poivre 
dans  le  Lyonnais,  perdu  à  l'époque  de  la  révolution,  et  réintroduit  par 
les  soins  d'un  jeune  homme  arrivé  de  la  Cocliinchine,  qui  eut  le  bon- 
heur de  dérober  celte  céréale  précieuse  aux  gardiens  vigilans  dont  le 
gouvernement  cnchiiichinois  l'entoure,  afin  de  s'en  assurer  la  po^^session 
exclusive.  Ce  lut  ainsi  que  Poivre  commit  jadis  aux  Moluques  le  vol 
pbilan tropique  du  giroflier,  en  faveur  des  possessions  africaines  de  la 
France,  et  qu'il  fut  presque  réduit  à  commettre  dans  l'île  Bourbon  un 
nbuveau  larcin  pour  faire  le  même  présent  à  la  colonie  française  de 
Cayenne  :  02  grains  de  riz  sec  envoyés  par  M.  Fodéré,  de  Strasbourg,  fu- 
rent plantés,  en  octobre  182  r  ,  dans  le  jardin  de  Al.  le  préfet;  toutes  les 
plantes  qui  en  provinrent  passèrent  l'hiver  sans  acL-iJent,  el  fleurirent  en 
juin  1822.  La  récolte,  faite  le  26  juillet,  a  donné  629  épis  contenant  le 
nombre  moyen  de  3o  grains  :  3i  grains,  plantés  en  avril  1H12,  ont  égale- 
ment bien  levé;  mais  ils  n'ont  fleuri  qu'au  mois  d'août,  et  la  récolte  n'a 
été  que  de  io5  épis,  moins  pleins  que  ceux  de  la  semaille  d''automne.  La 
culture  prinlanière  de  M.  Foderé  avait  été  plus  heureuse  :  02  grains  lui 
avaient  produit  4-^0  épis.  Au  reste,  cette  plante  n'est  encore  en  France 
qu'à  sa  quatrième  génération,  et  il  reste  à  faire  des  épreuves  en  grand, 
fortement  encouragées  par  le  résultat  des  expériences  en  petit.  La  position 
géographique  du  déparlement  du  Pas-de-Calais  est  une  de  celles  qui  con- 
viennent le  mieux  à  des  recherches  de  cette  nature;  si  le  riz  sec  pros- 
père dans  ses  plaines,  ainsi  que  sur  les  coteaux  des  Pyrénées-Orientales 
et  des  bords  du  Verdon  ou  de  la  Cochinchine,  aucune  plante  ne  paraîtra 
mieux  dcstitiée  par  la  nature  à  servir  de  nourriture  à  l'homme  civilisé. 

3*5. —  liecueil  de  Mémoires  et  autres  pièces  de  piose  et  de  vers  qui 
ont  été  lus  dans  les  séances  de  la  Société  des  amis  dts  sciences,  des  lettres, 
de  l' agriculture  et  des  arts,  à  Aix,  déparleraeut  des  Bouches-du-Rhôoe. 
T.  XX. — Décembre  tbî^.  4^ 


666  LITRES  FRANÇAIS. 

Aix,  1819  — iS:«:i.  Doux  volumes  io-S».  Pontier,  rue  dn  Pont-Moreau. 
Les  deux  volumes  que  la  Société  d'Aix  a  publiés  sont  un  répertoire 
dont  nous  i'crons  usage  pour  en  lirer,  non-seuleinent  des  notions  sur  la 
culture  des  sciences ,  des  lettres  et  des  arts  dans  le  département  des  Bou- 
clus-duKhône,  mais  pour  conlirmer,  rélormer  ou  modifier  des  observa- 
tion» généralessurlesc{uelUs  il  serait  nécessaire  de  consulter  un  grand  nom- 
bre d'opinions,  et  surtout  des  opinions  bien  diverses.  Comme  la  Société 
d'Aix  a  eu  la  sagesse  de  laisser  à   ses  membres  une  entière  libcrlé  de 
penser,   et  de  s'interdire  toute  discussion  sur  les  dogmes  religieux  et 
sur  la  politique,  les  Mémoires  dont  son  recueil  se  composent  expriment 
fidèlement  ce  que  cbaque  auteur  a  voulu  éciire;  en  les  consultant,  on 
sait  à  qui  l'on  s'adresse,  il  n'en  est  pas  ainsi  des  rédactions  laites  ou  seu- 
lement adoptées  en  commun.  On  n'ignore  point  que  ces  expressions  du 
vœu  ou  de  l'opinion  de  tous  ne  sont  presque  jamais  qu'un  terme  moyçn 
entre   des  vœux  ou  des  avis  plus  ou  mois  divergens,  le  résKltat  d'une 
transaction  où  chacun  a  fait  quelque  sacrifice,  c'est-à-dire,  que  l'opi- 
nion de  tous  n'est  strictement  l'opinion  de  personne.  Nous  interroge- 
rons donc  de  tenis  en  tems  MM.  les  membres  de  la  Société  d'Aix;  mais 
quelques  uns  des   Mémoires  contenus  dans  les  deux  volumes  que  nous 
avons  sous  les  yeux  sont  d'un  intérêt  plus  générai  et  plus  pressant,  et 
peuvent  contribuer  eCBcacement  aux  progrès  des  connaissances  :  ce  mo- 
tif nous  détermine  à  les  désigner  plus  spécialement  à  l'attention  de  no.s 
lecteurs.  J\ous  commencerions  par  la  Notice  sur  la  constitution  gcoiogi- 
quc  dwbassin  houiller  du  dcfartcinent  des  Douches-du-Rhône,  et  surle& 
diverses  qualités  de  liouilie  qu'il  renferme,  par  M.  Blavieb,  ingénieur 
en  chef  des  mines,  si  ce  mémoire  n'était  pas  aussi  destiné  à  d'autres 
collections.— M.  PoNTiKn  a  traité  avec  étendue,  en  chimiste,  en  natura- 
liste et  en  cultivateur,  la  question  des  engrais ,  et  son  Mémoire,  un  peu 
réduit,  deviendrait  un  excellent  article  d'un  dictionnaire  d'agriculture. 
L'auteur  a  évité  quelques  reproches  que  l'on  peut  faire  aux  doctrines  de 
chimie  agricole  de  M.  Chaptal  :  il  ne  généralise  point  au-del.î  du  terme 
où  le  va'Tue  et  la  confusion  commenceraient  ,  et  ne  comprend  pas  sous 
iir)è  seule  dénomination  des  fonctions  ou  des  substances  esscnliellem(  nt 
différentes.  On  doit  au  même  savant  une  méthode  de  géologie  ,  dont  il 
fait  l'application  au  département  des  Bouches-du-Rbône ,   en  considé- 
rant particulièrement  le  sol  par  rapport  à  l'agriculture.  Ses  idées  géolo- 
giques sont  peut-être  un  peu  timides  ;  mais  nous  ne  manquons  pas  d'hy- 
p.>thèsis  hardies,  et  il  est  tems  en  effet  de  procéder  avec  précaution  ,  alin 
d'élever  un  édifice  solide.— Un  excellent  Mémoire  de  M.  de  Fouscolombs 
sur  lu  destruction  et  le  rùtablisscmcnt  des  oois  dans  l'ancienne  Provence, 


LIVRES  FRAISÇAIS.  GC^ 

sera  lu  cl  médité  avec  fruit  dans  nos  provinces  plus  ou  moins  allfintcs  du 
mêoïc  mai,  «  t  qui  ont  aussi  besoin  des  mêmes  remèdes, —Deux  Mémoi- 
res de  malhémaliques  appliqués,  l'un  suriejaugeaije,  jiar  M.  Vas.>b  de 
Saint-Ocen  ,  et  l'autre  sur  une  méthode  pour  caicuicr  p/rr  approxima- 
tion la  ^07ifjitiide  cnmer,  par  M.  Debbe,  ancien  officier  d'artillerie,  sont 
dignes  de  l'atlenlion  des  géomètres.  — Nous  ne  passerons  point  sous 
sUencel'Insloire  d'une  plante  de  tlé,  pai  M.  D'Astroz  L'auteur  de  celte 
relation  est  médecin,  cultivateur  et  troubadour.  Sa  narration  est  si  ai- 
mable que  nous  l'aurions  insérée  en  entier,  si  l'espace  nous  l'eût  per- 
mis; mais,  en  l'abrégeanl,  nous  aurions  commis  une  sorte  de  sacrilè- 
ge.— Dans  un  autre  genre,  nous  recommanderons  à  nos  lecteurs  l'Éloge 
funèbre  de  M.  de  Brancas ,  archevêque  d'Aix,  par  M.  Chistine  ,  rec- 
teur de  Saint-Jean  :  l'onction  et  la  sagesse  évangéliqne  sont  le  caractère 
de  ce  discours,  bien  digne  de  la  chaire  chrétienne. — Nous  n'avons  pas 
besoin  de  dire  que  l'on  trouve  aussi  des  vers,  et  de  bons  vers  dans  ce 
recueil.  Quoique  nous  ne  les  ayons  pas  tous  lus,  et  même  que  nous  ne 
soyons  pas  en  état  de  les  lire  tous  (il  y  a  quelques  poésies  provençales), 
nous  ne  craignons  pas  d'affirmer  qu'ils  sont  uue  partie  précieuse  de  ces 
deux  volumes.  Feeby. 

Ouvrages  Périodiques. 

5i4. — Revue  médicale  française  et  étrangère ,  et  journal  de  cliniqu* 
de  l'IIôtel-Dicu  et'de  la  Charité  de  Paris. — Tout  ce  qui  regarde  l,i  rédac- 
tion doit  être  adressé,  franc  de  port,  à  jNI.  le  docteur  Ainédce  Dup  .u,  rue 
du  Ficujc-Colomiier ,  n"  17.  Tous  les  médecins  sont  priés  d'envoyer  à 
cette  adresse  les  observations  et  les  mémoires  qu'ils  voudraient  faire  in- 
sérer. A, partir  du  mois  de  janvier  1824,  la  Revue  médicale  sera  composé 
de  dix  à  onze  feuilles  (176  pages),  cAt^cViitM  philosophie  f:X  petit-romain; 
le  prix  de  l'abonnement  est  de  27  fr.  pour  Paris,  et  de  3o  fr.  pour  les 
déparlemens.  On  s'abonne  chez  Gabon  et  co.i;pagnie,  à  Paris  et  a  Mont- 
pellier; chez  Levrauit,  à  Strasbourg,  et  cLez  les  piincipaux  libraires  de 
ia  France  et  de  l'étranger. 

La  partie  clinique  dont  la  Revue  médicale  est  augmentée,  doit  don- 
net  à  ce  joutnal  un  nouveau  degré  d'importance.  Tous  les  médecins 
connaissent  la  grande  utilité  que  l'on  peut  retirer  de  ces  communica- 
tions pratiques,  d'après  le  succès  obtenu  par  Dessaull,  Corvisart  , 
Poyt-r,  etc....  C'est  aussi  à  des  professeurs  célèbres  que  cet  héritage  est 
conOé  :  MM.  Laennec,  Récamicr ,  Cayo! ,  LacdréBcauvais  ,  Bailly,  Es- 
quirol.  Roux,  etc.,  feront  revivre,  dans  des  publications  régulières,  tout 
te  ({ue   la  pratique   des  hôpitaux  oQ'ie  de  découvertes  et  de  procédés 


G68  LIVRES  FRANÇAIS. 

utiles.  La  Revue  médicale  continuera  toujours  de  publier  des  mémoires 
originaux  cl  d'offrir  des  discussions  rai^onnées  sur  les  points  nouveaux 
et  difBcilcs  de  la  doctrine  médicale.  Au  milieu  de  l'anarchie  des  systè- 
mes, ce  journal  s'est  maintenu  dans  ce  juste  degré  de  modération  qui 
lui  a  permis  d'accueillir  toutes  les  vérités  et  de  repousser  l'exagération 
des  idées  exclusives.  C'est  un  témoignage  que  tous  les  partis  lui  ren- 
dent^x'n  l'adoptant  pour  juge  dans  les  grandes  discussions  qui  s'élèvent. 
Mais  ce  qui  a  le  plus  contrihué  à  donner  à  la  Revue  médicale  ce  carac- 
tère d'impartialité,  c'i'st  l'attention  scrupuleuse  des  rédacteurs- à  ne 
point  juger  les  liommes  ,  mais  les  choses,  et  à  rendre  justice  aux  sa- 
vans  étrangers,  en  dépit  des  passions  locales.  Aussi ,  la  iiltcraiure  mé- 
dicale étrangère  occupe  une  place  très-importante  dans  ce  recueil;  tou- 
tes les  découvertes  faites  en  Europe  y  sont  consignées,  comparées  et 
appréciées.  Les  lectures  de  l'Institut ,  de  l'Académie  royale  de  méde- 
cine et  des  autres  Sociétés  viennent  encore  enrichir  ce  journal  de  nou- 
velles scientifiques  et  de  travaux  iotéressans.  Enfin,  un  'bulletin iMio- 
(jrajjfiifjue  ,  accompagné  de  notes  critiques  sur  les  ouvrages  qui  ne  mé- 
ritent pas  une  analyse  particulière,  termine  et  complète  ce  recueil.     Z. 

3i5. — La  Musc  française,  n"  I — VI.  Juiltct-Déccmi/re. — II  paraît  un 
numéro  composé  de  5  feuilles  le  i""  de  chaque  mois.  On  s'abonne  à 
Paris  ,  chez  l'éditeur,  rue  du  lîatloir-Saint-André-des-Arcs  ,  n"  i  a  ;  prix  , 
franc  de  portj  pour  Paris  elles  déparleraens,  i3fr.  pourômois,  u^fr, 
pour  l'année. 

IVous  avons  voulu  laisser  écouler  quelques  mois,  avant  de  porter  un 
jugement  sur  ce  nouveau  recueil  littéraire.  Nous  ne  pouvions  croire  que 
l'avant  propos  qui  est  en  tête  du  premier  numéro,  et  qui  ne  porte  point 
de  signature,  y  eût  été  inséré  de  l'aveu  des  éditeurs.  En  eflef ,  comment 
penser  que  des  gens  de  lettres  qui  prétendent  au  difficile  emploi  de  ré- 
genter les  écrivains  de  leur  siècle,  aient  laissé  passer  celte  phrase,  la 
première  de  leur  recueil?  ail  existe  encore  en  France,  sans  qu'il  y  pa- 
raisse, un  assez  grand  nombre  de  personnes  qui  aiment  et  sentent  la 

poésie;  mais  elles  l'aiment  en  silence,  et  à  l'écart comme  on  aime 

en/iji;»  et  cette  autre,  qui  termine  si  bien  leur  premier  article?  «  Lors- 
qu'on sort  d'une  époque  où  la  dérision  des  homm,es  s'est  jouée  follement 
deschoses  les  plussainles,  par  un  retour  étrange  et  inévitable,  l'innocente 
hilarité  nous  apparaît  quelquefois  au  milieu  de  dos  souvenirs,  comme 
vne  sorte  de  profanation  ;  les  tristesses  du  passé  ont  déposé  un  reste  d  a- 
■mcrtume  jusque  dans  notre  joie  :  alors,  la  plaiianterie  peut  avoir  sa 
tjvavitc ,  et  la  satire  môme,  sa  mélancolie.  «  JN'est-ce  pas  là  plutôt  le 
»tyK-  des  Précieuses  ridicules  que  celui  de  la  critique? — La  Musa  fran- 


LIVRES  FRANÇAIS.  66g 

çaise  est  divisée  en  trois  parties:  la  première  comprend  la  Poésie;  la  se- 
conde, la  Critique  iittcraire,  et  la  troisième,  des  articles  de  Mœurs.  Les 
deux  premières  sections  du  premier  numéro  pouvaient  nous  réconci- 
lier avec  les  éditeurs  et  donner  quelques  espérances.  Cependant,  nous 
avions  trouvé  déjà  beaucoup  de  néoiogismes  ,  d'expressions  fausses  ou 
hasardées,  dans  les  vers.  Mais  combien  n'avions-nous  pas  été  étonnés  <lc 
voir,  dans  un  article criliqucconsacreaWalterSrott,  son  auteur  qualilier 
laHcnriadc  «d'aride  gazette  en  vers,  où  Vollairea  évité  soigneiJ^ement 
la  poésie,  comme  on  évite  un  ami  avec  nui  l'on  veut  se  brouiller.  »  Quaiit 
à  l'arlicle  Mdurs ,  nous  ne  pouvions  pas  augurer  fiivnrablement  d'un 
jeune  moraliste  qui  débute  par  un  panégy''"!"'-'  f n  faveur  de  Vobscuran- 
tisme,  et  semontre  partisan  exclusiCdes  jésuites,  qu'il  appelle  a  diriger 
seuls  l'instruction  publique.  —  Les  numéros  suivans  n'ont  point  juslilié 
les  faibles  espéraaces  que  nous  avait  données  la  Musf  française;  mais, 
en  revanche  ,  ils  ont  réalisé  nos  craintes.  Quelques  pièces,  telles  que  la 
jeune  mère  mourante,  de  M"""  J rhablc  T astc  ,  le  poème  de  M.  Piciiald, 
adresse  aux  menés  deMazct,  VOdalisquedc  M.  Jules  de  Rbsséguieb,  une 
Éfître  de  M.  Angelot  à  son  ami  Soumet  et  deux  ou  trois  autres  doivent 
être  exceptées  de  cet  amas  de  vers,  où  Ton  trouve  à  chaque  instant  les 
défauts  et  les  bizarreries  du  genre  romantique,  sans  que  rien  puisse  ta 
t  lieter  l'ennui  d'une  pareille  lecture.  Mais  c'est  surtout  la  partie  de  la 
Critique  qui,  dans  les  cinq  derniers  numéros,  nous  a  paru  elle-même  au- 
dessous  de  toute  critique.  Nous  citerons  principalement  un  article  sur  le 
Saûl  de  M.  Soumet  (iV"  lll).  Voie!  comment  on  y  qualiQe  la  poésie  clas- 
sique (pag.  162)  :  »  Cette  fille  de  la  fjonne  société  ,  toujours  préoccupée 
de  la  crainte  de  se  comfromctlre,  qui,  avant  d'aborder  l'idée  ou  le  mot 
énergique  qui  l'exprimerait ,  et  comme  pour  éviter  de  se  froisser  contre 
une  aspérité,  se  fait  précéder  d'autant  d'intermédiaires  que  l'étiquette 
académique  en  permet ,  et  n'arrive  au  but  qu'à  travers  citle  espèce  d'es- 
corte métonymique,  escorte  toujours  prête  à  recommencer  ses  évolutions, 
comme  ^me  file  do  valets  inéiitaUes,  à  chaque  pas  que  fait  cette  muse  en 
cours  de  visite.»  Voilà  maintenant  la  détinilion  du  genre  romantique 
donnée  plus  loin  (pag.  205) ,  dans  un  article  consacré  aux  Méditations  de 
M.  de  La  Martine  :  «  En  général,  la  poésie  de  M.  de  La  Martine  est  pleine 
de  la  plus  délicieuse  rêverie  ;  on  ne  peut  l'entendre  sans  attendrissement 
et  même  sans  larmes.  Wul  poète  n'a  su  mieux  exprimer  cette  étrange  in- 
quiétude, cette  rêveuse  souffiancc  qui  pèse  sur  certains  hommes,  dans 
les  âges  de  décadence  ou  de  transition.  Le  vulgaire  (dors  peut  bien  con- 
tinuer de  vivre  comme  on  a  toujours  vécu,  mais  les  âmes  d'élite  se  dé- 
goûtent de  toutes  choses  matcrieiles,  sitôt  qu'elles  descendent  de  l'idéal  ; 


670  LIVRES  FRANÇAIS. 

je  ne  sais  quelle  prévoyante  terreur  les  saisit,  etc.  »  L'aufenr  de  cel  ar- 
ticle nous  donne  ici  le  précepte  et  l'exemple,  si  toutefois  le  genre  roman- 
tique peut  admettre  des  préceptes,  et  si  ce  n'est  pas,  au  contraire,  un  ou- 
bli continuel  de  toutes  les  règles  et  de  toutes  les  observations  ducs  à  l'ex- 
périence.— Du  reste, Jes  éditeurs  ne  s'arrêtent  gxjère  qu'aux  ouvrage»  des 
écrivains  d'un  parti,  nous  dirions  presque  d'une  coterie,  et  pour  rrmplii 
leurs  feuilles  ,  ils  vont  uième  cbercher  des  ouvrages  publiés  depuis  long- 
tems.  Aucun  d'eux  ne  semble  avoir  adopté  de  genre,  cliacun  se  croit 
appelé  à  juger  de  tout;  aussi ,  vovons-nou'*  le  détracteur  de  Voltaire  len- 
die  compte  tour-à-Iour  des  oeuvres  de  Walfer  Scott  et  de  celles  de  M.  de 
la  Mennais.  —  Quant  au  jeune  moraliste ,  il  poursuit  sa  carrière,  en  nrius 
entretenant  sur  un  sujet  bien  neuf,  l'c^a/i^c,  oîi,  comme  il  ledit  lui-même 
fort  élégamment  en  parlant  des  pbilosojihcs  ,  il  a  tramasse  un  bon  nom- 
bre d'idées  et  d'expre<sions  que,  lancés  dans  les  hautes  régions  de  la 
pensée,  ils  ji'on/  pas  aperçines  oumème  ont  rejctces;  »  puis  il  nous  apprend 
que  toutes  (es  fimvns  sont  eoqu,  tics,  et  il  le  prouve  d'ans  un  article  où 
respire  la  fiiluité  bien  plus  que  l'esprit  ou  le  raisonnement. — Mais  que  di- 
rons-nous d'un  article  qui  a  pour  titre,  Un  Samedi  auLouvre'i  {]V°  IV.) 
Ti'auteur  s'efforce  de  faire  de  l'esprit  sur  l'exposition  des  produits  de  l'in- 
dustrie. Le  tems  n'est  plus,  en  France,  où  l'on  peut  plaisanter  sur  les 
objels  d'utililé  publique;  et  si  quelque  écrivain  pouvait  préférer  à  une 
plus  noSile  mission  celle  d'amuser  ses  lecteurs,  en  traitant  un  pareil  sujet 
avec  une  ioconvenante  légèreté,  du  moins  luudrait-il  qu'il  le  fit  avec 
esprit.  Kous  laisserons  à  juger,  par  Incitation  suivante,  jusqu'à  quel 
point  le  rédacteur  de  la  Muse  y  a  léassi.  <  Ces  objets,  dit-il,  en  parlant 
de  lampes  ,  de  candélabres  et  de  lustres  de  toute  espèce ,  sont  desl'nés 
à  propa;:er  une  fl.imute  de  la  même  nature  que  celle  des  éclairs.  Des 
mains  habiles  ont  doré,  sculpté  le  danger ,  et  dans  un  boudoir,  entre  le 
gaz  allumé  et  une  jeune  femme,  on  ignore  si  l'on  aura  la  tête  eassèc-  ou 
tournée.  »  — Que  conclure  de  nos  observations,  et  qu'espérer  des  rédac- 
teurs de  la  Muse  française?  En  général,  on  doit  les  croire  fort  jeunes, 
et  par  conséquent  susceptibles  d'écouter  de  sages  avis.  Mais,  ils  sont 
entrés  dans  une  route  entièrement  fausse,  et  des  critiques  qui  osent  a- 
vouer  (p'ige  4)  qu'ils  seront  «indolens  à  punir  les  hardiesses  ou  les  né- 
gligences de  langage,»  et  qui  le  prouvent  par  une  foule  d'incorrections 
de  slvle,'de  tournures  bizarres,  par  un  néologisme  enfin  des  plus  bar- 
bares, ne  semblent  pas  appelés  à  faire  écouter  leur  vois,  tant  r|uc  les 
Fraiiçais  conserveront  quelque  respect  pr-ur  les  chefs-d'œuvre  des  lîacine, 
desBoilciu,  des  Voltaire,  etc..  et  pour  la  langue  dans  laquelle  ces  auteurs, 
si  dépréciés  {f  oy.  n"  VI,  l'article  sur  Voltaire)  ou  négligés  par  eux,  out 
écrit.  E.  H. 


«*»VVV*VVVWAr»*VVVVVVV*VVV%\VV*XV^'\VVVVV»^V»/VVVV\\VVVVVVVVVVVVVtV\%'VV\VVV*\.'lV 

IV.  NOUVELLES  SCIENTIFIQUES 

ET  LITTÉRAIRES. 


A  M  É  R I Q  U  E. 

Chili.  —  Baie  de  la  Conception.  —  Voyage  scientifique.  —  Exlr.iit 
d'un  rapfuH  adressé,  le  li  janvier  iS25,  au  Minisire  de  ta  marine, 
far  M.  Dupcrrcy,  lieutenant  de  vaisseau.  —«Arrivé,  le  20  novembre 
1822,  auxiles  Malouines,  j'installai,  le  26,  mon  observatoire  clans  la 
baie  Française  ou  de  la  Salédad;  et  je  commençai  les  observations  de 
tous  genres,  notamment  celles  du  pendule,  demandées  par  l'Institut 
de  France.  —  Malgré  la  rigueur  du  climat  des  Malouines,  nous  avons 
trouvé  sur  ces  iles  d'abondantes  ressources.    Pendant  la  relâche,   quel- 
ques personnes  de  l'équipage  apportaient ,  chaque  jour  ,  assez  de  bœufs, 
de  porcs,  de  lapins  ,  d'oies  ou  de  canards  pour  nourrir  un  équipage  dix 
lois  plus  nombreux  que  celui  de  la  corvette  la  Coquille.  De  plus,  toutes 
les  lois  que  nous  tendions  nos  trémailles  dans  la  rivière  de  Bougainville, 
nous  étions  certains  d'en  retirer  de  cent  à  cent  cinquante  livres  de  pois- 
son. —  Plus  de  120  plantes  en  fleurs  ont  été  le  résultat  des  courses  de 
M.    Durviile,   lieutenant  de  vaisseau.   Curieux  de  connaître  les  produc- 
tions de  l'intérieur  de  l'île,    M.  Durviile  se  transporta  au  sommet  du 
mont  Chatelleux,  point  le  plus  élevé  des  Malouines,  situé  à  19  milles 
du  mouillage,  et  à  35o  toises  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.   La  neige 
dont  cette  montagne  était  en  partie  couverte,  n'a  pu  soustraire  aux  re- 
cherches de  M.  Durviile  quelques  plantes  dont  il  a  garni  son  herbier.— 
M.  Gainot,  chirurgien -major,   pense  avoir  complété  l'ornilhologic  de 
ces  îles,   à  l'exception  du  cygne  à  tête  noire  dont  parient  Bougainville 
et  Peinetiy.  —  La  géologie  a  été  étudiée  avec  soin  par  M.  Lesson ,  se- 
cond chirurgien  ,  qui  s'est  en  outre  attaché  à  la  recherche  des  poissons, 
méduses  et  mollusques.   Tous  ces  objets  sont  dessinés  avec  une  grande 
Nérilé  par  lui  et  M.  Lejeune ,  dessinateur  de  l'expédition.  —  La  conchyo- 
logle  occupe  aussi  un  rang  distingué  dans  nos  collections.  —  Les  seuls 
insectes  qui  ont  pu  échapper  à  M.  Durviile,  appartiennent  a  la  clai,se 
des  lépidoptères.   —  JNous  sommes  arrivés  à  la  Conception  sans  avo^r 
éprouvé  la  plus  petite  avarie,  et  sans  avoir  un  malade  a  bord.   J'attii- 


672  ASIE. 

bue  la  bonne  sanlé  dont  nous  jouissous  tous  à  la  (|ualité  et  à  l'abondance 
de  l'eau  conservée  dans  les  caisses  de  i'er,  au  pain  frais  dont  l'équipage 
n  a  jamais  cessé  d'avoir  un  repas  par  jour,  depuis  noire  départ  de  France, 
et  à  la  bonne  qualité  des  vivres  de  tous  genres  qui  nous  ont  été  fournis 
par  les  magasins  de  la  marine  à  Toulon.  De  la  Conception  ,  je  me  di- 
riijrerai  sur   les  iles  de  la  Société,  et  de  là  sur  les   Muigraves.'» 

A.  M— T. 
Etats-Ums.  —  Kew-Yohk.  —  Industrie  nationale. —  Le  i5  novembre 
dernier  a  eu  lieu  ,  dans  celte  ville,  une  exposition  des  produits  de  l'in- 
dustrie américaine  ,  à  la  suite  de  laquelle  un  grand  nombre  de  prix  ont 
été  décernés  aux  cxposans,  dont  les  produits  ont  été  jugés  d'une  qualité 
supérieure  à  ceux  de  leurs  concurrens.  Cette  exposition  diËPérail  de  celle 
qui  a  eu  lieu,  l'été  dernier,  à  Paris ,  en  ce  que  les  objets  exposés  se  ven- 
riaieot  à  l'instant  môme  comme  dans  une  foire.  Les  prix  décernés  étaient 
d'une  valeur  fort  modique  ,  les  prix  les  plus  élevés  ne  s'élevant  pas  au- 
de  là  de  i5  dollars  {78  fr.  76  c.). 

ASIE. 

PossBssioNs  ANGLAISES. — Kallyghast.  —  Pont  suspcndu  SUT  te  Totttf' S 
Nuttah.  —  Celte  nouvelle  construction  e'^t  faite  d'après  le  rrême  systè- 
me que  les  ponts  suspendus  de  l'Amérique  et  de  l'Angleterre  (système 
qui  a  été  simplifié  en  France,  surtout  par  M.  Navier,  et  mis  à  exécution 
par  MM.  Séguin  ,  du  département  de  l'Ardèche  :  Voy.  Tom.  XVI,  pa^. 
4o8.)  Le  lieutenant  Scbalch  a  seul  dirigé  les  travaux ,  sans  le  secour* 
d'aucun  ouvrier  européen.  Il  lui  a  fallu  autant  d'industrie  que  de  pa- 
tience, pwir  faire  exécuter  des  opérations  aussi  difficiles  par  des  arti- 
san» du  pays,  qui  n'en  avaient  ni  l'babitude  ni  l'expérience. On  a  fait  pas- 
ser su-r  le  pont,  dis  troupes,  des  bestiaux,  des  voitures,  etc.,  sans  qu'il 
y  ait  eu  aucune  vibration  inquiétante.  Le  gouverneur-général  des  Gran- 
des-Indes était  présent  à  ces  épreuves.  {Journal  Asialitfue.) 

Calcctta. — Société  asiatique. — Séance  du  H  mars.  —  M.  J.  H.  Hab- 
BiNGTON  est  élu  vice-président.  On  lit  :  i»  une  lettre  de  M.  de  Hammer, 
annonçant  que  quelques  nouveaux  inonuracns  mithriaques,  encore  plus 
remarquables  que  ceux  qui  étaient  déjà  connus  ,  ont  été  découverts  en 
Transylvanie;  ilofl're  d'en  donner  une  descriptiim.  2°  Une  lettre  du  doc- 
teur Corey  .  dans  laquelle  il  transmet  à  la  Société  quelques  détails  en- 
voyés p;ir  M.  Nisbet,  sur  l'aérolite  qui  tomba  dernièrement  dans  le  zil- 
iah  d'Allahubad.  M.  Kisbet  promet  d'envoyer  au  musée  de  la  Société, 
un  échantillon  de  cette  pierre  météorique.  Il  en  possède  six  fragmens, 
pesant  plus  de  vingt-une  livres.  S"  La  noie  d'un  envoi  de  M.  Moorcroft, 


ASIE,  673 

en  dépulatlon  à  Tourkistan  Oosheck,  dal6e  de  Leh  ,  capitale  du  Lada- 
kiou.  Cette  note    annonce   une   ptau  de   lynx  ,  dis   peau»  de  léopards 
•nâUs  et  femelles,  une  peau  d'ours,  une  peau  de  .enard,  la  peau  d'une 
espèce  d'éfureii  volant;  ces  peaux  différent ,  dit-on  ,  considérablement 
d'aspect  et  de  couleur,  avec  celles  des  mêmes  espèces  d'animaux   dans 
les  autres  pailles  de  l'Asie  où  les  Européens  ont  pénétré.  —  M.  Bayley 
a  présenté  a  la  Société,  pour  le  musée,  an  nom  de  M.  Hodg-on,  .juel- 
qu^fs  écbanlillons  de  tissus  de  laine,  de  cristaux  d'ores  métalliques,  de 
pierres  de  Salagram  ,  dt'slva  lingas,  et  un  cylindre  à  prière  {prayer-cy- 
ihidcr),i\e  Nepaul.  Les  tissus  de  laioe  sont  fabriqués  par  les  femmes  de 
Bboie.  Selon  les  naturels  de  Kutmandoo,  Dhotc  est  ce  vaste  pays  mon- 
tagneux ,  borné  à  l'est  par  l'Indus ,  à  l'ouest  par  le  Burhampouler ,  et  au 
iZii  par  les  monts    Himalaya,  couverts  de  neiges  éternelles.  Au  sud  , 
il  ,u-  semble  pas  y  avoir  de  bornes  naturelles.  Le  mouton  ,  dont  la  toison 
fournil  les  matières  propres  a  la  fabrication    d.s  tissus  dont  nous  avons 
parlé  ,    est  natif  de  Bl.ole  ;   c'e*t  un  animal  grand  et  forl.  C'est  la  seule 
l.ête  de  somme  qui  puisse  traverser  ces  effroyables  régions  ;  il  vaut ,  dans 
la  vallée  de  JNej.aul,  environ  deux  roupies  ou   huit  anas.  Sa  toison  dif- 
fère de  qualité,  suivant  les  climats  variés  de  ce  pays  montagneux  :  elle 
est  commune  dans  la  partie  méridionale,  et  augmente  de  finesse  et  de 
douce«r  en    remontant  vers   le   nord.  Dans  le  voisinage  immédiat  des 
neii;es,  celte  laine  est  peu  inférieure  à  la  toison  des  chèvres  de  Cache- 
mire.—Un  tres-joli  modèle  d'une  voiture  construite  dans  le  pays,  a  été 
offert  à  la  Société  par  des  parens  de  feu   miss  lyttcr,  qui  a   enrichi   le 
musée  d'une  multitude  d'objets  curieux ,  et  qui,  par  se»  connaissances 
étendues  en  sciences  et  en  littérature,  a  contribué  au  progrès  de  la  ci- 
vilisation dans  les  Indes.— Les  deux  premiers  cahiers  du  Journal  Asia- 
tique, publie  par  la  Société  Asiatique  de  Pari.,  ,  ont  été  reçus  et  commu- 
niqués à  la  Société.  Enfin  ,  le  s.  crélaiie  alu  un  mémoire  géographique, 
statistique,    poUlique,    h.slo.iqae   et  archéologique  sur  Orlssa   propre- 
ment d.te,  ou  Culta-k,  par   AndrevT  Slirling.   Ce  travail  se  divise  en 
trois  parties  :  la  p.emière  contient  une  description  générale  de  la  pro- 
vince ,  et  fait  connaître  ses  limites  anciennes  et  modernes,  son  sol ,  ses 
productions,  sa  géologie  ,  se.,  rivières,  ses  villes,  son  commerce,  sa  po- 
pulation ,  ses  revenus ,  .-e*  institutions  politiques  ,  etc.  La  seconde  partie 
traite  de  sa  chronologie  et  de  »on  histoire.  La  troisième  ,  de  sa  religion  , 
de  ses  antiquités  ,  de  srs  temples ,  de  son  architecture  civile. 

SÉnAMPOtR.  -  ColL:<,e.  -  On  se  rappelle  que  le  but  de  cette  louable 
institution  est  de  répandre  les  lumières  dans  l'Inde,  et  de  contribuer  à 
la  prospérité  du  pays ,  en  peifeclionnant  les  facultés  morales  cl  intcllec- 


^74  AFRIQUE. 

tuelles  de  ses  habilans.  Le   troisième  rapport  sur  ce  collège,   pour  l'an- 
née i«22  ,  nous  apprend  que  l'édifice  est  assez  avancé  pour  être  bientôt 
habité.  Les  douze  salles  du  centre  sont  presque  toutes  achevées,  ainsi 
que  la  salle  des  cours  et  la  bibliothèque;  mais  on  ne  peut.terminer  L, 
constructions  qu'après  l'arrivée  des  deux  escaliers  de  fonte  qui  ont  été 
commandés  en  Angleterre.  Des  quatre   suites  d'appartemcns   destinés 
aux  professeurs,  deux  sont  finies  :  chaque  suite  contient  huit  chambres 
de  différentes  grandeurs,  qurvre  en  bas  et  quatre  en  haut.  M.  Johnmack, 
qui  a  fait  récemment  un  cours  de  chimie  dan.  la  salle  appartenant  à  la 
Société  Asiatique ,  a  été  nommé  surveillant  du  département  des  science, 
dans  le  Collège.  Le  nombre  des  élèves,  mentionné  dans  le  dernier  rap- 
port,  était  de  45  ;  il  s'élève  aujourd'hui  à  5o.   Le  comité   a  admis  deux 
jeunes  musulmans  de  Delhi,  dont  l'éducation  sera  payée  sur  les  fonds 
faits  par  le  capitaine  Gowan  ,  pour  cet  objet  :  l'un  étudie  le  persan  ,  l'au  - 
tre  le  samskrit;  un  troisième,   nouvellement  admis,   est  un  brahmane 
mahrotte  ,  d'environ  vingt  ans,  que  le  capitaine  Gowan  a  placé  au  Col- 
lege  ,  à  ses  frais ,   pour  trois  ans.  Il  étudie  l'anglais,  le  samskrit,  la  géo- 
graphie et  ie  système  d':.slronomie  de  JVewton.  Ces  trois  élèves  ,  avec  les 
Six  brahmanes  qui  étudient  l'astronomie ,  reçoivent  une  certaine  somme 
par  mois  pour  leur  nourriture,  attendu  que  les  règles  de  leur  caste  ne 
leur  permettent  pas  de  manger  dans  le  Collège.  Le  quatrième  examen 
des  élèves  ,  qui  se  fait  tous  les  trois  mois  ,  a  eu  lieu  dans  la  grande  salle 
du  Collège,   en  présence  du  gouverneur  de  Sérampour.A  la  suite  de 
cette  cérémonie,  onadècidé  qu'à  l'avenir  on  donnerait  aux  jeunes  gens 
qui  étudient  l'anglais,  quelques  notions  sur  la  chimie.  Le  comité  a  pro- 
posé d'ajouter  a  l'établissement  ua  professeur  de  théologie.    Le  salaire 
de  chaque  professeur  est  fixé  à  aSo  roupies  par  mois.  Le  comité  propose 
au.^si  un  professeur  de  médecine.  La  nécessité   d'avoir  un  observatoi.e 
pour  faciliter  l'étude  de  l'astronomie,  n'a  point  échappé  à  l'.Wlcntion  du 
comité  :  la  hauteur  et  la  solidité  du  centre  de  l'édifice  permettra  d'en 
élever  un  à  peu  de  frais.   Les  missionnaires  de  Sérampour  ont  offert  à  la 
bibliothèque  du  Collège  environ  trois  mille  volumes  ,  qu'ils  eut  rassem- 
blés depuis  vingt  ans.  {Gazeile  de  Caicutla.) 
AFRIQUE. 

Ile  de  Boubbox.  —  Extrait  d'une  (eltrc  en  date  du.  i  bjuin  iS^Ô.  —  Le- 
jardin  ictanique  destiné  à  faciliter  la  naturalisation  dans  la  colonie  des 
plantes  exotiques  les  plus  précieuses,  s'est  enrichi  depuis  peu  d'années 
de  quatre  végétaux,  dont  l'espèce  s'est  ensuite  répandue  dans  l'île;  et  sur 
lesquels  voici  quelques  détails. -rrtmY<»er.  Des  boutures  qui  furent  in- 


AFRIQLE.  675 

troduites  de  Cayonnc,  en  1819,  par  M.  le  capitaine  de  vaisseau  Phili- 
bert, ont  pi-ilailement  riiusà;  aujoiud'liui,  le  jardin  de  naturalisation, 
ainsi  que  plusieurs  habitations  parliculiert  s,  possèdent  des  vanilliers  de 
einq  à  six  pieds  de  hauteur,  et  dans  le  meilleur  état  de  végétation.— £ri- 
tUiinalnilica.  Cet  arbre  est  considéré  comme  éminemment  propre  à 
servir  de  tuteur  au  poivrier  :  il  en  a  été  déposé  à  Bourbon,  en  iS.'O.  plu- 
sieurs plants  qi  i  sont  maintenant  élevés  de  trois  mèlies  et  ont  déjà  mul- 
tiplié —Dolictws  huthoius.  substance  légumineuse  du  genre  haricot.  Sa 
"ousse  est  un  nuls  sain  et  savoureux,  que  les  Malais  et  les  habitans  des 
îles  Philippines  recherchent  beaucoup;  semée  dans  le  jardin  botanique 
de  Bourbon,  le  6  décembre  1822,  elle  montrait,  au  i5  mai  iSaô,  une 
végétation  aussi  active  que  vigoureuse.  Les  bulbes  des  dolichos  existant 
à  Rdurbon  av;.ient  alors  deux  pouces  de  diamètre.  L'introduction  de 
Celle  plante  nourricière  ,  dont  on  s'occupe  de  faire  des  semis  en  grand , 
est  pour  la  colonie  un  véritable  bienfait.  On  est  persuadé  qu'il  serait  fa- 
cile de  la  nalur.diser  en  France,  surtout  dans  les  départemens  méridio- 
na»x.— A  lire  nsinevx  non  encore  décrit.  Le  plant  qui  en  fut  apporté  des 
Philippines  à  Bourbon,  en  1820,  par  M.  Pcrroitet.  jardinier  botaniste, 
et  qui  élait  alors  très  petit,  a  plus  de  deux  mètres  de  hauteur;  il  en  existe 
actuellement  douze  pieds  au  jardin  du  Roi  à  Bourbon.  Il  s'échappe  du 
tronc  de  cet  arb-e,  lorsqu'il  est  fendu  verticalement ,  un  suc  qui  pro- 
duit une  résine  abondante  et  précieuse  pour  divers  usages.  D.  B. 

SoBZ.  —  T'oynge  scientifique. —  Le  docteur  Ehrenberg  et  le  docteur 
I-Iemprich,  natun.iisles  prussiens,  qui  ont  fait  un  voyage  en  Egypte, 
sont  sur  le  point  d'entreprendre  une  nouvelle  expédition  que  la  libéra- 
lité du  roi  de  Prusse  Ir^s  met  à  même  de  l'aire.  Diuis  une  lettre  de  Suez, 
dalée  du  8  juin,  ils  donnent  un  exposé  de  leur  plan.  Ils  comptent  visi- 
ter d'abord  les  cotes  de  la  mer  Rouge,  et  faire  un  assez  long  séjour  à 
Tor  et  à  Akaha.  11^  s'embarqueront  ensuite  pour  Moka,  d'où  ils  feront 
des  excursions  sur  les  côtes  d'Abyssinic  et  les  îles  voisines  de  Bab-cl- 
Mandeb  ;  ils  iront  ensuite  à  Puakem,  et,  si  les  circonstances  le  leur  per- 
mettent,  ils  tenteront  de  pénétrer  en  Wubie  jusqu'à  Sennaar,  afin  de 
mieux  connaître  les  contrées  fertiles  qu'ils  ont  vues  lors  de  leur  pre- 
mier voyage,  et  dont  ils  n'ont  vi^ité  que  les  limites.  Ils  se  proposent  de 
retourner  au  Caire  par  Cosseir  et  Sineh.  Un  riche  convoi  de  trente  gran- 
des caisses,  renfermant  les  résultats  de  leur  expédition  en  Nubie,  est 
arrivé  en  Allemagne  il  y  a  quelques  m  >is.  Ce  sont  des  spécimen  de 
toutes  les  productions  naturelles  de  ce  pays  ,  si  imparfaitement  connu 
en  Europe.  Ce  qu'ils  ont  recueilli  depuis  a  été  embarqué  pour  Trieste,  et 
arrivera  en  Prusse  vers  la  fin  de  l'année.  LezèW  Infatigable  de  ces  deux 


6?^  EUROPE. 

savans  el  l'ùlcndue  de  leurs  connaissances,  rendront  ces  voyages  d'une  ! 
haute  iniportunce  pour  l'histoire  nalureile.  L.  S,  B. 

EUROPE. 
ILES  BRITANNIQUES. 

LoNDBEs.  —  Lampes  au  gaz,  portatives.  —  Une  nouvelle  compagni<.' 
lient  de  s'élablir  à  Londres.  Elle  vend  et  loue  à  domicile  des  Lmpes  porta- 
livcsalimenlécs  par  le  gaz.  Ces  lampes,  dont  l'inventeur  est  M.Gordon, 
renferment  un  magasin  rempli  de  gazbuile  [oilgaz),  de  la  meilleure  qua 
hté,  pouvant  alimenter  la  Qjmme  avec  économie  pendant  une  ou  deus 
nuits.  Les  fondateurs  de  cet  établissement  assurent  que  la  dépense  est 
moitié«ioindre  qu'avec  de  ia  cliandelle.  Ils  envoient,  tous  les  jours,  chez 
leurs  pratiques,  des  hommes  ch;irgés-de  remplacer  les  réservoirs  vides 
par  des  réservoirs  pleins,  et  de  mettre  les  lampes  en  étal  d'être  allumées 
de  suite,  en  tournant  une  vis  et  en  appliqant  la  flamme  à  rouverluie  du 
tupu.  (iW.  le  capitaine  Uauchelt  est  venu  depuis  peu  importer  le  même 
procédé  à  Paris,  où  plusieurs  expériences,  faites  en  présence  de  réu- 
nions nombreuses  et  choisies,  ont  parfaitement  réussi.) 

Staffobdshibe.  —  Walsale.  —  Nouveau  proccdé  de  tannage.  —  M. 
Gjbbon,  de  cette  ville,  a  découvert  un  procédé  trè.,-expéditif  pour  tan- 
ner les  peaux.  Il  emploie  les  mêmes  substances  que  les  autres  tanneurs, 
et  c'est  par  la  pression  qu'il  parvient  à  gagner  les  quatre  cinquièmes  du 
tems  ordinairement  nécessaire.  L.  S.  B. 

f  oyage  scientifique.  —  Le  capitaine  Parry  est  arrivé  a  Londres,  le  :8 
octobre  dernier,  de  retour  de  son  long  et  périlleux  voyage.  Quoique  ses 
tflbrts  n  aient  pas  été  couronnés  d'un  succès  complet ,  et  qu'il  ne  sait 
point  parvenu  à  découvrir  le  passage  si  long-tems  cherché,  cet  intrépide 
marin  a  mérité  l'admiration  et  la  reconnaissance  gtnéralcs. — Partis  en 
1821,  avec  un  tems  favorable ,  les  hardis  navigateurs,  guidés  par  M. 
Parry,  atteignirent  bientôt  le  détroit  de  Hudson,  qu'ils  traversèrent.  La 
plus  grande  partie  de  l'été  se  passa  en  reciierches  dans  la  baie  du  Refus. 
(Repuise  itay.)  Ils  pénétrèrent  dans  plusieurs  petits  golfes ,  croyant  y 
trouver  un  passage  vers  la  mer  Glaciale.  Au  commencement  d'octobre, 
la  mer  gela;  ils  mirent  un  terme  à  leurs  recherches,  et  le  8  du  même 
mois,  ils  établirent  leur  quartier  d'hiver  dans  une  île  à  laquelle  ils  don- 
nèrent pour  cette  raison  le  nom  de  IVinter-Isiand  (île  d'hiver).  Elle  est 
située  par  les  82»  55'  de  longitude  occidentale,  et  les  (îe,°  ii' de  latitu- 
de nord.  Cette  année,  ils  n'ont  pas  dépassé  le  èe--  degré  de  longitude 


EUROPE.  ^77 

jccîdenlalc,  ni  les  69»  48'  de  latitude  septentrionale.— On  obtint,  pen- 
iant  cet  liiver,  les  résultats  les  pins  satisfaisans  du  prorédé  employé 
)Our  chauffer  les  vaisseaux,  au  moyen  de  courans  d'air  chaud  ,  dirigés 
lar  des  tuyaux  de  métal  dans  toutes  les  parties  du  bâtiment.  Telle  fut 
eur  utilité,  que  la  température  la  plus  basse  de  toute  la  saison  fut  de 
iS"  Fahrenheit  au-dessous  de  zéro.  Dans  l'hiver  suivant,  elle  descendit 
usqu'à  45°;  cependant ,  le  froid  ne  fut  pas  aussi  insupportable  que  dans 
e  premier  voyage  du  capitaine  Parry.  Pendant  l'été  1822  ,  les  vaisseaux 
'a  Furie  et  VHccla,  longeant  la  côte  vers  le  nord  ,  ne  parvinrent  pas 
au-delà  des  ba"  5o'  de  longitude,  ni  du  69»  4o*  de  latitude.  Après  avoir 
exploré  dans  leur  courte  croisière  plusieurs  petits  golfes,  ils  amarrèrent 
auprès  d'une  petite  île,  située  par  les  81°  44'  de  longitude  ouest ,  et  69° 
21'  de  latitude  septentrionale.  Ils  restèrent  dans  cette  position  depuis 
le  a4  septembre  1822  jusqu'au  8  août  dernier.  Ils  venaient  de  pénétrer 
dans  un  détroit  qui  «e  dirige  vers  l'ouest.  D'après  les  rapports  d'un  paiti 
d'Esquimaux  et  leurs  propres  observations  ,  ils  étaient  persuadés  que  ce 
détroit  devait  séparer  toutes  les  contrées  septentrionales  du  continent 
de  l'Amérique.  Mais,  arrivés  à  quinze  milles  de  son  ouverture,  ils  fu- 
rent arrêtés  par  la  glace;  cependant,  dans  la  persuasion  ovi  ils  étaient 
d'avoir  enfin  trouvé  le  véritable  canal  qui  pouvait  les  conduire  vers 
l'ouest,  iis  restèrent  là  près  d'un  mois,  espérant  chaque  jour  que  la 
glace  se  romprait.  Ce  n'est  que  le  19  septembre,  et  lorsque  la  mer  com- 
mençait à  se  geler,  qu'ils  laissèrent  ces  parages,  et  Vinrent  s'établir  près 
de  la  petite  île  que  les  Esquimaux  appellent  Itfloolik. 

{Pliilosophicat  Mag.) 
Londres. — S ocictc s  savantes.  — Société  météorologique.  —  La  réunion 
d'un  grand  nombre  de  correspondans  et  d'observateurs  exacts  étant  né- 
cessaire pour  les  progrès  de  la  météorologie,  on  a  jugé  à  propos  d'ins- 
tituer celle  nouvelle  Société.  Sa  consilulion  est  très-libérale.  Tous  les 
amis  des  arts  et  des  sciences  sont  appelés  à  en  faire  partie,  en  payant 
la  somme  de  deux  guinées  par  an.  Les  fondateur»  se  sont  assemblés  pour 
arrêter  les  règlcmen.^.  Les  séances  régulières  ont  du  commencer  le  12 
novembre. 

A\  U.  Il  est  peu  de  science  qui  ne  soit  représentée  à  Londres  par  des 
Sociétés  riches  et  actives.  Les  principales  sont  :  1°  la  Société  des  arts  ; 
20  la  Société  linncenne  ;  3°  la  Société  horlicuUuraie;  4°  la  Société  mé- 
dicaie;  5°  la  Société  nintliématique;  6"  la  Société  géologique  ;  7°  la  So- 
ciété a  stronomiqw,  S"  la  Société  méléoroiogi(/ve.  On  s'éionne  de  ne 
pas  voir  sur  cette  liste  une  Société  de  chimistes.  Jusqu'à  présent  la 
chimie  a  figuré  au  nombre  des  hautes  sciences  encouragées  par  les  pre- 


678  EUROPE. 

mières  Sociétés  savantes  ;  maïs  elle  mérite  bien  une  distinction  parti- 
culière, surtout  dans  un  siècle  qu'cllu  a  enrichi  de  si  importantes  dé- 
couvertes. 

Caebmarthkk.  —  Distribution  des  prix  décernés  aux  Bardes  du  pays 
de  Ga«e4-.  — L'Eisteddrod  ,  ou  congrès  des  Bardes  du  pays  de  Galles  ,  a 
eu  lieu  dernièrement.  Lord  Dinevor  présidait,  et  à  ses  côté;*  était  assis 
l'évêque  de  Saint-David,  pntron  de  la  Société.  Le  révérend  David  Kv.ns 
a  obtenu  le  prix  pour  des  poèmes  >nt  .  U  CoUége  de  Saint-David ,  <.  et 
sur /es  nouvelles  victoires  ri^nportccs  par  les  Grecs.  Le  rev«>rend  Jubn 
Jones  a  été  ensuite  couronné  poui-  ses  vers  sur  «  sir  Gruffyddah  Ni- 
cholas ,  »  l'un  des  ancêtres  de  lord  Dinevor. 

Pktebbobough,  —Écoles.  —  La  souscription  ouverte  pour  rétablisse- 
ment de  deux  écoles  nationales  dans  cette  ville,  s'élève  déjà  à  plus  de 
65o  livres  sterling.  Le  comte  de  Filzwilliam  a  souscrit  pour  200  livres 
sterling.  Lord  Miilon  et  l'évêque  de  Pcterborougb  ont  donné  chacun 
5o  livres  sterling. 

Kent.  -  Maidstoxe.  —Antiquités.  —  Quelques  ouvri.-rs,  occupés  à 
démolir  un  édifice  en  ruine  près  de  Maidsione  ,  ont  trouvé  dans  le  mur 
un  grand  vase  de  terre  soigneusement  fermé  par  un  couvenle  de  même 
matière,  et  enveloppé  de  toile  et  de  peau.  Il  contenait  une  bible  im- 
primée en  caractères  fort  anciens  ,  frès-bien  conservée,  dans  laquelle 
ou  a  trouvé  des  pages  blanches  ,  chargées  de  notes  manuscrites  a  peine 
lisibles  par  l'effet  de  l'humidité.  Cependant,  il  en  restait  ass<z  de  traces 
pour  distinguer  que  c'était  le  mcmorandum  d'un  voyageur  qui  avait  vi- 
sité le  pays,  vers  le  milieu  du  xv.^  MècJe.  Il  y  avait  aussi  deux  pièces 
de  monnaie  intactes  :  l'une,  d'argent,  paraît  être  romaine;  l'autre,  de 
cuivre,  date  du  règne  de  la  reine  Anne.  Elles  sont  entre  les  mains  de 
M.  Henry  Markham  ,  sur  les  terres  duquel  elles  ont  ont  été  trouvées. 

Irlande.  —  Beaux-arts.— Fondation  d'une  Académie,  royale  de  pein- 
ture. —  Le  gouvernement  anglais  vient  d'accorder  aux  artistes  irlandais 
le  droit  de  former  un  corps,  sous  le  tiire  d'Académie  royale  hibernienne. 
On  augure  bien  de  celle  nouvelle  institution.  L.  S.  B. 

DAKEMARCK. 

CoPENHAGCE.  —  Projet  d  une  Société  pour  U  propagation  dj  la  physi- 
que expérimentale.  —  M.  Ocrsted,  qui  est  de  retour  de  son  voyage,  et 
que  les  rédacteurs  de  la  Revue  Encyclopédique  ont  eu  le  plaisir  de  pos- 
séder, l'année  dernière  ,  au  milieu  d'eux  ,  ne  cesse  de  se  vouer  aux  pro- 
giès  des  sciences  et  à  la  gloire  de  sa  p.,Uie,   auxquelles  il  a  déjà   tant 


EUROPE.  679 

contribué.  Il  vient  de  faire  insérer  dans  les  journaux  une  invitation 
adressée  à  tous  les  habitans  du  royaume,  et  dont  le  but  est  de  former 
une  Société  poiir  la  propagation  de  la  physique  expérimentale.  Il  com- 
mence par  exposer  la  grande  influence  qu'une  pareille  Société  pourrait 
avoir  dans  l'administration  intérieure  d'un  pays.  La  Société  projetée 
établirait  un  comité  central  à  Copenhague,  dans  la  double  vue,  d'abord, 
de  contribuer  à  la  propagation  des  connaissances  physiques  et  à  leur  ap- 
plication dans  toutes  les  branches  de  l'ioJustrie  ;  puis,  de  former  des 
jeunes  gens  qui  fussent  propres  à  être  envoyés  en  province  pour  y  pro- 
fesser la  physique  dans  des  cours  publics.  Partout  où  une  chaire  de  pro- 
fesseur serait  élevée,  on  aurait  soin  d'envoyer  une  collection  portative 
d'instrumens  ,  de  livres  et  de  dessins.  Les  professeurs  devraient  se  trans- 
porter par  semestre  d'une  ville  dans  une  autre  ,  de  sorte  que  dans  peu 
de  tems  tout  le  pays  aurait  joui  du  bienfait  de  cette  instruction  égide- 
ment  utile  à  toutes  les  classes.  Chaque  professeur  serait  obligé  de  se 
rendre  une  fois  par  an  au  comité  central  à  Copenhague  ,  afin  de  prcndee 
connaissance  des  nouvelles  découvertes  dont  la  science  se  serait  enrichie 
dans  rintcrvallc.  Le  comité  s'occuperait  aussi  de  faire  faire,  à  ses  dé- 
pens, des  expériences  nouvelles  pour  hâter  les  progrès  de  la  physique, 
et  de  fonder  un  établissement  à  l'usage  de  ceux  qui  désircr.nent  appren- 
dre à  en  faire  les  applications.  Hkirerg,  /i/s. 

—  NécrtÀoffie.  —  Moldenhawer.  —  La  grande  bibliothèque  royale  de 
Copenhague  a  perdu  son  administrateur  en  chef.  Daniel  GoUhilf  Mol- 
denhawer était  né  Kœnîgsberg  en  Prusse,  le  11  décembre  lySi.  Après 
avoir  étudié  à  Gœltingue  et  dans  d'autres  universités  d'Allemagne,   il 
fut  appelé,  en  1777,  à  celle  de  Kiel,  en  qualité  de  professeur  extraor- 
dinaire de  philosophie.  En  .779,  il  fut  nommé  professeur  de  théologie 
à  la  même  université,  où   il  reçut,  en  17S2,  les  honneurs  du  doctorat 
en  théologie.   Après  avoir  laie  un  voyage  en  Hollande,  en  Angleterre, 
en  Espagne  et  en  Italie ,  il  fut  nommé  ,  en  1783 ,  professeur  de  théologie 
à  l'université  de  Copenhague.   Plus  tard,  il  fit.  avec  le  célèbre  orien- 
taliste Tychsen,  un  second  voyage  en  Espagne ,  d'où  il  rapporta  en  Da- 
nemarck  un  grand  nombre  d'ouvrages  rares,  et  de  manuscrits  précieux 
en  langue  espagnol,  et  autres,  qui  font  aujourd'hui  partie  des  richesses 
delà  bibliothèque  royale  de  Copenhague,  dont  il  fut  nommé  adminis- 
trateur en  chef,  en  J7S8.    Kommé,   en  1809,   chevalier  de  l'ordre  de 
Daunebrog,  il  est  mort  le  21  novembre  iSaô,  âgé  de  72  ans.   Les  prin- 
cipaux ouvrages  de  M.  Moldenhawer  sont  une  Histoire  des  Templiers, 
en  allemand,  et  un  Éloge  de  feu  M.  le  comte  A.  P.  de  Bernstorff,  écrit 
en  latin  presque  classique.  Ses  autres  éciiis  sont  disséminés  dans  une 


68o  EUROPE. 

foule  d'où vrages^  périodiques,    tant    en  Danemarck  qu'en   Allemagne. 

Heibebg. 
ALLEMAGJVE. 

\\K7iHK.— Bateaux d  rayicur.  — Les  feuilles  allemandes  ont  déjà  fait 
mention  à  plusieurs  reprises,  des  expériences  qui  ont  eu  lieu  sur  le  Danube 
pourremonlcrce  fleu\e;iu  moyen  des  bateaux  a  vapeur.  Le  résultat  deces 
expériences  est  Ici,  que  les  actionnaires  n'ont  pas  hésilé  à  fournir,  de 
leur  plein  tiré ,  le  double  de  la  somme  pour  laquelle  ils  s'étaient  primiti- 
vement engagés.  Il  n'y  a  plus  maintenant  à  douter  que  cette  entreprii^e 
ne  fasse  époque  dans  l'histoire  de  noire  commerce  ,  et  ne  soit  delà  plus 
grande  ulilité  pour  l'échange  des  produits  du  royaume  de  Hongrie.  C'est 
encore  à  M.  le  conseiller  intime  Ferdinand  de  Palfy,  généralement  connu 
par  son  zèle  pour  toutes  les  conce^piiQIls-^andes  et  utiles,  que  l'on  est 
redevable  de  cet  impoilant  succès.  Les  premières  diEGcultés  que  l'on  a 
rencontrées  dans  cette  entreprise  avaient  paru  insurmontables,  soit  à 
cause  de  la  rapidité  du  fleuve,  soit  à  cause  des  bas-fonds  qui  s'y  trou- 
vent en  beaucoup  d'endroits;  et  il  fallait  un  homme  du  génie  et  de 
l'aclivilé  de  M.  Palfy,  pour  ne  pas  se  laisser  décourager. 

—  Universités.  —  Nous  avons  donné,  dans  notre  précédent  cahier 
(Voy.  ci-dessus,  p.  429),  le  programme  des  cours  de  l'Université  de  Ber- 
lin ;  nous  croyons  qu'il  sera  intéressant  pour  nos  lecteurs  de  le  comparer 
à  d'autres  programmes  des  principales  Universités  de  l' Allemagne.  — 
L'Université  <^6  Bonn,  qui  est,  comme  celle  de  Berlin,  sous  la  dorai- 
nation  prussienne,  a  i55  cours,  ainsi  disinbués  :  Thcotogie  ,  facultc  ca- 
thoiiquc,  i4;  facutlc  cvangéliquc. ,  16;  droit,  19;  médecine,  55;  -philo- 
sopliin  ,  i4  ;  sciences  naturelles  et  inathimntiqucs ,  18  ;  langues  ancien- 
nes, 1 5  ;  langues  orientales  ,  4  ;  langues  modcrni  s,  5;  rhétorique  et  his- 
toire littéraire,  6;  sciences  historiques,  8;  sciences  adn^inist rat ivc s , 
ou  application  des  sciences  aux  besoins  des  fonctionnaires  publics,  5; 
heaux-arts ,  5  ;  arts  gymnasliqucs ,  5.  —  y4  V Université  de  Fribourg  , 
en  Brisgau,  sont  attachés  43  professeurs,  mais  chacun  d'eux  fait  plu- 
sieurs cours.  Il»  sont  divisés  en  quatre  facultés  :  Théologie,  6  professeurs  ; 
droit,  8;  médecine,  10;  philosophie j  dans  laqueile  on  comprend  les 
lettres  et  les  sciences  naturelles,  -ta  ;  enfin ,  hraux-aris  et  gymnastique, 
4'  —  A.  l'Université  de  W'urzbourg,  nous  comptons  122  cours,  établis 
dans  les  proporliors  suivantes  :  Philosophie,  10;  sciences  mathémati- 
ques et  naturelles ,  8  ;  sciences  historiques  ,  et  histoire  d^s  sciences  et  des 
lettres,  8;  philologie,  7;  théologie,  12,  droit,  19;  sciences  administra- 
«ît'cs  (Canuralviissenschaften),  i5;  médecine,  ùj  ;  heaux-arls,  3;  arts 


FX^ROPP.  68 1 

gyfnnasliqucs  t  2;  langues  modernes,  4-  — L'Université  de  léna  pré- 
senle  162  cours,  qui  sont  répartis  comme  il  suit  :  Des  sciences  en  général, 
de  Icurhut  et  des  études  académiques ,  1;  théologie,  19;  droit,  26  ;  mé- 
decine, 35  j  iiliitosofhic,  9;  matliématiqucs ,  11;  sciences  naturelles, 
i3;  sciences  adniinistrutivcs ,  9;  histoire,  5;  philologie ,  24;  arts  litres 
et  teaujcarts ,  11.  —  L'Université  de  Brcdau  comprend  i6i  cours, 
savoir:  Théologie,  faculté  catholique  ,  20;  faculté  évangélique  ,  20; 
droit,  ï6;  médecine,  ùo;  philosophie,  g  ;  mathématiques ,  9;  sciences 
naturelles,  i4;  sciences  administratives ,  j;  sciences  historiques,  8; 
tangues  orientales,  8;  philologie ,  9;  langues  modernes ,  9;  heaux-arts, 
4  ;  arts gymiiastiques ,  5.  [Gazette  de  lénd). 

HsiDELBEnc. — ]Nous  avonst'Dlielcnu  souvent  nos  lecteurs  de  CLtte  uni- 
versité, qui  continue  à  être  l'une  des  meilleures  de  l'Allemagne.  IVous  avons 
sous  les  yeux  le  programme  de  ses  cours  pour  le  semestre  présent.  Quelle 
branche  de  science»  ne  s'y  trouve  pas  enseignée  par  les  hommes  les  plus 
marquans?  quelle  partie  des  connaissances  humaines  n'y  est  pas  portée 
au  pluj  haut  degré  d'érudition  ?  S'agit-il  de  théologie?  les  noms  de  MM. 
Schwiuls  et  Paulus  présentent  la  garantie  de  leur  juste  réputation  ; —  d'his- 
toire? deux  auteurs  se  présentent  :  l'un,  le  célèbre  M.  Schlosser,  fait  con- 
naître les  annales  du  moyen  âge;  l'autre,  M.  Mone,  qui  vient  de  pu- 
blier la  Mythologie  du  Nord,  donne  une  théorie  des  constitutions  poli- 
tiques de  l'antiquité.  M.  Creutzer  répand  toujours  l'éclat  de  sou  nom 
sur  cette  université,  où  il  traite  maintenant  des  antiquités  romaines,  La 
jurisprudence  s'honore  des  travaux  de  MM.  Thibaut  et  Z.ichariae , 
qui  attirent  par  leur  présence  un  concours  nombreux  d'ëludians.  La 
minéralogie  et  la  géologie  ont  pour  professeur  un  homme  cher  à  la 
science,  M.  Leonhard  ;  et  Vanatomie  est  confiée  à  un  savant  justement 
apprécié,  M.  Tiedmann.Nous  n'avons  point  encore  parlé  de  la  philulo- 
eie.  Un  jeune  professeur,  avantageusement  connu  par  une  édition  de 
V Alcibiadc  de  Plutarque,  M.  Bsebr,  auteur  de  plusieurs  savantes  disser- 
tations annoncées  dans  la  Revue,  explique  Aristophane  aux  jeunes  hel- 
lénistes, et  les  Philippiques  de  Cicéron  aux  amis  de  la  littérature  latine. 
Le  défaut  d'espace  nous  oblige  à  passer  sous  silence  beaucoup  d'autres 
noms,  dont  la  plupart  appartiennent  à  la  littérature  par  des  ouvrages 
reeommandables.  L'université  de  Heideiberg  est  l'une  des  plus  voisines 
de  la  France,  et  nous  croyons  rendre  service  à  nos  lecteurs  en  appelant 
quelquefois  l'attention  sur  ce  foyer  de  lumières.  Assez  long-tenis,  la 
guerre  a  divisé  deux  nations  faites  pour  s'éclairer  mutuellement;  aux 
haines  qu'avait  suscitées  l'esprit  de  conquête  et  de  dévastation  succède 
T.  XX'. — l'éciunbre  i8'>.5.  44 


GBa  EUROPK. 

enfin  une  cslime  réciproque,  qui  f;iit  sentir  que  les  travaux  de  cbacun 
de  CCS  peuples  avancent  la  civiljsaliuu  de  l'autre. 

jjq^j(_ Lo  nombre  des  étudians  s'est  élevé,  dans  le  courant  de  l'an- 
née 1825,  à  528,  dont  106  suivaient  ks  cours  de  lhtoto(/ic  calhoiique; 
ia  ceux  de  iJit'oiogie  protestante..  Le  droit  avait  ijo  élèves;  la  médeci- 
ne, 119;  enfin,  la  philosophie  en  comptait  89.  Il  a  paru,  au  suj;t  de 
l'obtention  des  degrés,  deux  dissertations  que  l'on  cite  comme  très-im- 
portantes pour  la  ^iZfi'raiure  «fafce,  la  première  est  de  M.  Hengsten- 
htt" ,  sous  le  titre  de  Ainrulkeisi  Moalakuh  :  c'est  une  édition  faite 
d'après  un  manuscrit  (!e  ia  Bibliothèque  royale  de  Paris,  et  accompa- 
gnée de  notes  et  de  traductions.  La  seconde,  intitulée  :  Carmen  ahui 
tajih  alitned  Ben  Alhosain  AlmoUnaiibi  quo  iuudat  Alhosainum  Ben 
ishak  Aitanuchitani,  est  de  M.  A.  Horst  ;  e'ie  est  enrichie  de  scholies  , 
d'une  version  et  de  coinmcniaires.  Ces  deux  ouvrages,  dil-on  ,  l'ont  le 
plus  grand  honneur  à  leurs  studieux  auteurs. 

UessE-DAKMSTiDT.  — JtistTuct'on  des  Israélites. — Un  édit  astreint  tous 
ceux  qui  prol'esscnt  la  religion  israélite  à  envoyer  leurs  enfans  aux  éco- 
les publiques.  Ils  peuvent  choisir  celles  de  leur  culte,  ou  profiter  de 
l'instruction  donnée  dans  h  s  écoles  chrétiennes. — .WVeimiir,  les  Juil»  ont 
été  également  Invités  à  prendre  part  à  l'éducation  publique.  L'ensei- 
gnement dans  les  écoles  de  leur  religion  devra  se  faire  en  allemand,  mais 
une  disposition  du  décret  leur  accorde  l'entrée  des  gymnases  et  de  l'u- 
uiversilé,  et  les  déclare  admissibles  aux  pl.ices  entretenues  par  l'état 
pour  les  élèves.  Les  mariages  mêmes  \ieniicnt  d'être  permis  entre  juifs 
et  chiéliens,  sous  la  condition  ntaniiioiiis  que  les  enfans  seront  chré- 
tiens. Ces  mesures  ,  bien  plus  que  les  proscriptions  et  les  lois  d'excep- 
tion ,  ramèneront  à  un  nieiileur  état  cette  portion  de  l'humanité,  que  la 
méfiance  dent  elle  a  été  jusqu'ici  l'objet,  tient  seule  séparée  du  rtsle 
de  la  société. — Koui  avons  déjà  fait  remarquer  que  1rs  états  de  l'Améri- 
que ,  où  lés  Juifs  jouissent  des  mêmes  droits  que  les  autres  citoyens  , 
n'ont  jamais  eu  à  se  plaindre  d'eux. 

IIu^GBlE  — Pest, — Société  tittcrairc.  —  Une  fondation  vraiment  pa- 
triotique a  institué  des  prix  pour  les  meilleurs  ouvrages  publiés  en  lan- 
gue Magyare.  La  distribution  s'en  eit  faite  ,  le  5  du  mois  de  juin  der- 
nier, avec  une  grande  solennité  ;  les  administrateurs  de  la  fondation  se 
suiil  rendus  en  grande  cérémonie  auprès  de  l'archiduc  Joseph  Palatin 
de  Hongrie,  qui  u  bien  voulu  présider  l'assemblée  ,  où  il  est  venu  avec 
l'archiduc  Ferdinand.  M.  Ladislas  de  Szentklràlji ,  ouvrit  la  séance  par 
un  discours  sur  l'importance  de  ia  tiitéralure  nationate,  fOur  le  f  rince 
-f{  fOur  ia  nation.   Un    lut  ensuite  les  titres  des  livre*   impiimés  vu  lau- 


EIROPE.  685 

}Çue  Magyare,  pendant  les  années  1819,  1820,  1821  et  1822.  Plusieurs 
furent  cilés  avec  éloge,  et  l'on  indiqua,  comme  devant  être  couronnés, 
lin  Manuel  iiojraphique ,  par  Benjamin  Mokry,  ancien  professeur 
d'histoire;  un  traité  sur  (es  anciennes  familles  de  Hongrie,  par  E!itn- 
nedeHorvat,  bibliothécaire  du  Musée  de  Pest  ;  V Iliade  traduite  en 
Magyare  par  Valyi-Nagy ,  piofisseur  de  liltérature  grecque,  mort  depuis 
peu  de  tems  ;  un  traité  du  i.roit  civil  hongrois,  par  Alexandre  de  Kœvj, 
professeur  au  collège  de  Saros-Patak.  Après  la  distribution  des  prix,  qui 
étaient  de  deux  cents  florins  chacun,  le  Palatin  de  Hongrie  a  prononcé 
un  discours  latin,  dan.s  lequel  il  a  exhorté  les  Magnats  à  favoriser  la  cul- 
ture des  leUres ,  en  citant  comme  d'honorables  modèles  le  comte  de 
Szécfénys,  fondateur  do  la  biblioliièque  hongroise,  le  comte  de  Fesle- 
lics ,  fondateur  du  Georgicon,  les  comtes  Samuel  et  Ladislas  Tclcki,  la 
comtesse  de  Pongracz ,  enGn  M.  de  Podmaniczky ,  dont  les  Muses  hon- 
groises déplorent  la  perte  récente.  On  proj^osa  ensuite  de  nouveaux  su- 
jets de  prix  pour  l'anuée  qui  s'ouvre,  et  la  séance  fut  terminée  par  un 
discours  de  M.  Miller,  directeur  du  Musée  national,  dont  le  but  était 
de  remercier  les  augustes  personnages  qui,  par  une  piotection  éclairée, 
assurent  la  prospérité  des  lettres.  Ph.  Golbéry. 

Beblin. — Nouveau  journal.  — Il  a  paru  dans  cette  ville,  au  mois  de 
mai  dernier,  le  premier  numéro  d'un  journal  intitulé  :  Paiacphron  et 
Neoicrpc.  On  fait  l'éloge  de  l'imparlialitéet  du  goût  avec  lequel  ce  jour- 
nal, destiné  surtout  à  la  critique  littéraire,  est  rédigé.  M.  Schubart  en 
est  l'éditeur  et  le  principal  rédacteur.  [MorgenbUitt.) 

Nécrologie.  — Joh.  H.  Voigt.  — Ce  professeur,  l'un  des  plus  anciens 
et  des  plus  distingués  de  ceux  dont  s'honore  l'université  de  léaa,  est 
mort  dans  cette  ville,  le  6  septembre  dernier  :  né  à  Gotha,  le  27  juin 
175 1,  il  fut  d'abord  attaché  au  gymnase  de  sa  ville  natale,  d'où  il  vint  à 
léna.  Il  y  exerça,  pendant  54  ans,  avec  un  zèle  infatigable,  les  fonctions 
de  professeur,  et  mérita  par  ses  leçons,  ses  exemples  et  ses  écrits,  l'es- 
time générale.  M.  Voigt  était  conseiller  intime  du  grand-duc  de  Wei- 
mar,  professeur  de  physique  et  de  mathématiques,  et  doyen  de  la  fa- 
culté de  philosophie.  Il  a  laissé  une  riche  collection  d'appareils,  qu'il  a- 
vait  rassemblée  à  ses  frais,  et  que  chaque  année  il  augmentait  afin  de 
rendre  ses  leçons  plus  claires  et  plus  profitables.         {Gazette  de  léna). 

SUISSE. 

Cantoîi  de  LicEBKK.  — Instruction  fuhlique.  —  Le  gouvernement  du 
eanton  vient  d'accepter  la  démission  de  M.  Fu^lislhaler,  professeur  de 


68  i  EUROPE. 

plijsique,  à  qui  l'élat  de  sa  santé  ne  permetiail  plus  d'exercer  ses  fonc- 
tious.  Il  lui  a  été  alloué  ua  logement  et  une  pension,  en  attendant  la 
vacance  d'un  canonicat.  Son  successeur  est  déjà  nommé  :  c'est  M.  Jo- 
sep»»  Ineitben.  Les  talens  de  ce  jeune  professeur  ,  ses  études  prépara- 
toires j  les  cinq  dernières  années  qu'il  a  passées,  soit  h  Gœttingue,sùit  à 
Paris,  et  qu'il  a  consacrées  enlièrcment  à  la  physique  et  aux  sciences 
naturelles  ,  sont  d'un  Leureiix  augure  pour  le  succès  de  son  en^eigne- 
nient.  Le  cabinet  de  pby>ique  attaché  au  lytée  vient  aussi  de  recevoir, 
pour  la  première  l'ois,  un  accroissement  considérable. 

— Instruction  ètémentaire. —  Le  conseil  administratif  de  la  ville  de  Lu- 
cernc  a  porté  son  attention  sur  les  !)e.soins  de»  écoles  destinées  à  former 
les  classes  de  citoyens  qui  ne  désiicnt  pas  recevoir  une  instruction  éten- 
due; ces  écoles  ont  subi  des  cliangemens  importans  et  avantageux.  — 
Sous  la  date  du  âi  octobre  derniî-T,  à  l'ouverture  de  l'année  scolaiie,  le 
conseil  d'éducation  du  canton  de  Lucerne  a  publié  deux  décrets. — Par  le 
premier,  les  écoles  de  la  campagne  ,  et  qui  ont  servi  d'écoles-modèles , 
l'année  dernière,  sont  maintenues  en  celte  qualité.  Tout  aspirant  à  une 
place  «l'instituteur  doit  avoir  fréquenté  l'une  de  ces  écoles  et  aidé  le 
maitre  dans  ses  fonctions ,  avant  de  pouvoir  se  présenter  pour  une  place 
vacanic.  —  Le  second  décret  fixe  la  durée  des  semestres  d'hiver.  •  Les 
préposés  des  communes  ,  y  c»t  il  dit,  sont  tenus  de  fournir,  sans  déîai, 
aux  instituteurs,  la  iisle  des  enfans  obligés  de  fréquenter  les  écoles  ;  ils 
veilleront  à  ce  que  les  écoles  soient  pourvues  de  toutes  les  choses  que 
les  communes  doivent  fournir  ,  et  a  ce  que  "les  eofans  des  pauvres  reçoi- 
vent régulièrement  les  alimens  néces.-aires  ;  les  préposés d..s  communes, 
qui  négligeraient  de  remplir  ces  devoirs,  seront  immédiatement  signa- 
lés par  l'instiluleur  à  l'inspecleur  de  l'école.  Tous  les  quinze  jours,  les 
instituteurs  adiesseiont  un  rapport  sur  l'élat  de  leur  école  à  leur  ins- 
pecteur et  à  leur  pasteur  respeclifs.  Chaque  mois,  les  inspecteurs  dt-s 
diverses  écoles  enverront  à  i'autoiilé  supérieure,  un  rapport  sur  les  pro- 
grès faits  dans  les  écoles  soumises  à  leur  surveillance.  Les  parens  qui  en- 
voient négligemoieut  leurs  enfans  aux  écoles,  sont  soumis  à  des  peines 
légales. 

CAuroN  DE  Beb.ne.  —  Après  plusieurs  règkmens  successivement  aban- 
donnés, on  a  vu  paraître,  celte  année  (18:;  5),  un  nouveau  régicnunt  pour  le 
collège  littéraire  de  la  ville  de  Berne.  Sins  entrer  dans  les  détails  de  tous 
les  objets  de  l'enseignement,  multipliés  à  ce  qu'il  nous  semble,  au  dé- 
triment de  l'instruction  véritable ,  nous  nous  bornerons  à  faire  remar- 
quer une  dispoùlion  du  premier  paragraphe  :  ce  paragraphe  exclut  du 
collège  :  I"  les   GU  de   parens   qui  n'ont   ni  un  revenu   indépendant,  ni 


EUROPE.  G85 

une  profession  déterminée;  2°  les  jeunes  gens  étrangers  au  canton  ,  rjui 
ne  sont  pas  iiourgeois  d'une  ville  ,  ou  que  le  rang  ,  l'état  et  la  fortune  de 
leurs  parens  ne  paraissent  pas  destiner  à  recevoir  tine  éducation  scienti- 
fique. Une  pareille  dispo-ition  existait  déjà  dans  la  ville  essentiellement 
patricienne  de  Berne,  avant  la  révolution  helvétique;  à  cette  époque  , 
l'auteur  du  présent  article  ne  put  obtenir  sou  admission  au  collège  de 
P.erne  ,  en  sa  double  qualité  de  bourgeois  d'un  village  et  de  petit -fils 
d'un  laboureur. 

Ganto>  De  Vavd.  —  Lausanne.  —  Cours  puMics.  —  Outre  les  cours 
académiques,  ouverts  au  public  aussi-bien  qu'aux  étudians,  nous  au- 
rons cet  hiver  deux  cours  publics  :  l'un  d'histoire  do  la  Suisse,  par 
M.  Robert  -  Bergier;  l'autre,  de  liltcrature  grecque,  par  unGrec,  M. 
ScouCTos.  Le  premier  de  ces  cours  remplira  en  partie  une  lacune  impor- 
tante dans  notre  instruction  académique.  Par  je  ne  sais  quelle  bizarre- 
rie, l'histoire  n'est  point  enseignée  dans  l'académie  de  Lausanne.  On 
espère  que  le  cours  de  M.  Scouffos  ne  sera  pas  seulement  le  résultat  de» 
éludes  que  les  jeunes  Grecs  viennent  faire  dans  les  diverses  université-!, 
et  qu'il  aura  de  plus  un  caractère  national.  C.  Monsabd. 

ITALIE. 

Florence.  —  Traduction  du  grec— Oa  trouve  de  tems  en  tems,  dan» 
l'Anthologie  de  Florence,  des  odes  de  Findare ,  Iraduites  en  italien,  par 
le  marquis  César  Lucchesini ,  avantageusement  connu  dans  le  monde  lit- 
téraire. Si,  d'après  ce  qu'on  a  vu  jusqu'à  présent,  il  est  permis  de  juger 
du  reste,  ce  nouveau  traducteur  a  beaucoup  de  vjrve  et  d'exactitude, 
ou,  pour  mieux  dire  ,  une  sorte  d'originalité  par  laquelle  il  devient  pres- 
que l'émule  de  son  modèle.  Kous  espérons  qu'il  pourra  publier  le  plus 
tôt  possible  son  travail,  et  qu'il  justifiera  nos  éloges.  Nous  exprimons 
aussi  le  vœu^iiieie  chevalier  André  MaETei  contioueà  traduire  le  poème 
héroïque  de  Jean-Ladislas  Pirkcr,  intitulé  La  Tunisiade.  La  Bibdotlié- 
que  italienne  a  publié  la  traduction  d'un  éoisode  de  cette  nouvelle  épo- 
pée :  c'est  la  mort  de  Malhilde,  après  avoir  mis  au  monde  un  enfant, 
dans  une  grotte.  En  lisant  ce  morceau  ,  on  ne  sait  décider  si  le  charme 
est  dû  plutôt  au  sentiment  de  l'auteur  qu'au  talent  du  traducteur.  Plu- 
sieurs  Allemands  ont  jugé  les  vers  de  Pirlfer  supérieurs  aux  hexamètres  de 
KIopstok,  de  Goethe  et  de  Voss:  nous  pouvons  assurer  aux  étrangers 
que  les  vers  de  Maffei  ne  le  cèdent  pas  à  ceux  des  plus  grands  versifica- 
teurs italiens. 

Rons.  — Population.  —  Le  journal  intitulé  Le  nollzie  del  Giorno, 
pubhe  un  tableau  de  la  population  de  R.me,  d\iprès  lequel  cette  cap!- 


686  EUROPE. 

taie  du  moude  chrélitn  comptait,  en  1820,  à  Pâques,  106,269  habitan^î 
elle  n'en  avait,  en  i8i45  que  120, 5o5.  Le  nombre  des  décès  continue, 
depuis  iSij,  à  surpasser  celui  des  naissances  :  l'année  dernière,  il  y  a 
eu  5,480  morts,  et  seulement  4)S65  baptêmes.  Les  décès  sont  à  la  pt>- 
pulation  ,  comme  1  à  24  ^  ;  les  naissances  .  comme  i  à  21  -,.  On  compte 
à  Rome  27  évêques,  i^SgS  prêtres,  i,565  moines  tt  religieux ,  1  jJjo 
religieuses,  et  plus  de  4oo  séminari.>-tes. 

—  I\ (■croiogie.  —  Errante.  —  Kous  venons  de  recevoir  une  notice 
nécrologique  sur  le  cLevalier  Giuseppe  Errante,  peintre  ,  mort  à  Rome 
en  1821,  rédigée  par  l'abbé  François Canccllie ri.  Giuseppe  Errante  était 
né  àTrapani  (Sicile)  en  1760.  Ayant  fait  ses  premières  études  dans  son 
pays,  fl  se  rendit  à  Rome  pour  les  perfectionner.  Il  devint  l'ami  de  plu- 
sieurs savans  ,  et  surfout  de  l'abbé  Spedalieri ,  son  compatriote  et  Tun 
des  philosophes  les  plus  distingués  de  son  lems.  Il  profita  beaucoup 
de  leurs  entreliens,  et,  jeune  encore,  ii  se  distingua  dans  le  talent 
d'imiter  les  plus  grands  maîtres,  tels  queRaphaé'l,  Titien,  les  Carraches, 
la  Dominiquin,  et  surtout  le  Corrégc  ,  au  point  que  souvent  on  confon- 
dait la  copie  avec  l'origiral.  Sou  mérite  fut  apprécié  par  le  roi  de^  Deux- 
Sicilcs;  mais  les  circonstances  rempéehèrent  de  profiter  de  sa  protec- 
tion ,  et  il  passa  la  plus  grande  partie  de  sa  vie  à  Aiilan ,  où  il  se  fit  dis- 
tinguer, malgré  l'éclat  que  jetait  le  célèbre  Afipiani,  qui  éclipsait  tous 
les  autres  artistes  ses  contempor.uns.  Il  scroit  trop  long  d'indiquer  ici 
ses  meilleurs  ouvrages.  On  a  remarqué  surtout  son  Artcmisc  fleurant 
sur  les  cendres  de  Mausole,  ia  Mort  du  comte  Ugolin  au  milieu  de  ses 
en  fan  s ,  le  Concours  de  la  éeauté,  i'Endiinion,  les  divers  tableaux  de 
Psychc,  etc.  Plusieurs  de  ces  sujets  ont  été  gravés  avec  succès  par  ses 
élèves.  Il  fil  les  portraits  de  ])Iusicurs  litlérateurs  ses  amis  ,  qui  lui  pro- 
diguèrent leurs  vers  et  lcur>  éloges.  Le  duc  de  Monte-Leone  ,  encore 
plus  généreux,  au  moment  où  il  était,  comnie  lui,  hors  de  sa  patrie, 
lui  affecta  une  pension  de  Co  ducats  pur  m!)is.  Il  a  enseigné  une  nouvelle 
manière  de  re^taurel  les  tableaux.  11  a  publié  aussi  deux  .Mémoires  ,  l'un 
sur  les  couleurs  employées  par  les  plus  célèbres  artistes  italiens  et  fla- 
mands, l'autre,  sous  le  titre  d'Essai  sur  les  ccicleurs.  Très-habile  à  f.iire 
des  armes,  il  croyait  cel  art  aussi  utile  aux  peintres  modernes  que  la 
gymnastique  l'avait  été  aux  anciens.  11  s'était  proposé  d'écrire  un  traité 
sur  l'élude  du  mouvemeut  des  muscles  d'un  corps  vivant  en  action.  Mais, 
surpris  parla  mort,  il  ne  put  achever  plusieurs  ouvrages  dont  sa  fé- 
conde !mi:ginatiou  lui  avj",t  inspiré  l'idée.  On  s'occupe  de  lui  élever  un 
monument,  exécuté  par  le  sculpteur  sicilien  Léonard  Fennino. 

FionKKCE,  —  BcllilLmcs.  —  Les  amateurs  de  la  déclumation  ihéàlrale 


FLROPF.  ^'87 

ont  perdu,  à  Florence,  Paolo  Belliblane^*.  mort  le  1 5  oolohrc  dernier, 
àr3jîede49;.ns,  Malgré  les  détauls  de  sa  voix,  11  déployait  b.-anronp 
de  talent  et  une  piaïule  sensibilité  d^ns  certains  rôles.  Quoique  acteur 
par  profession  ,  il  préférait  a  la  fortune  la  gloire  de  prendre  part  à  la 
réforme  du  théâtre  italien.  1!  élait  l'ami  de  tous  ceus  qui  conûaissaient 
l'art  ,  partageait  leurs  iuienlions  pairioliqnes  ,  et  chérissait  son  pays  au- 
tant que  sa  profession.  t-OALFI. 
PAY  S  -  H  A  S. 

Amsterdam.  —  Socièlô  S cer landaise  four  i'amcliorafion  morale  des 
détenus.  —  Cette  institution  bienfaisante,  dont  le  titre  indique  l'objet , 
s'est  établie,  dans  cette  ville,  le  12  novembre  dernier.  Elle  est  dirigée 
par  dis  hommes  connus  par  leurs  lumières,  leur  sagesse,  et  leurs  senti- 
mens  élevés.  Leur  zèle  pliilantropique  promet  d'honorables  succès.  M. 
Van-Hall  est  président,  et  M.  W.  II.  Warsmck,  secrétaire. 

Bruxelles.  —  Société  de  Uenfaisance  des  provinces  méridionales  drS 
Puys-Iias.  —  La  commission  centrale  s't»t  réunie,  le  6  août  dernier, 
sous  la  présidence  du  prince  Frédéric  des  Pays-Sas.  Elle  s'est  associi^c 
un  grand  nombre  de  membres  dont  les  noms  rappellent  des  services  si- 
gnalés rendus  à  celte  Société  ,  ou  qui,  par  leurs  connaissances  et  leur 
philanlropie ,  chercbent  à  améliorer  le  sort  des  malheurcus  livrés  au 
fléau  de  la  mendicité.  Elle  a  admis,  au  nombre  de  ses  membres  honc- 
raircs,  plusieurs  pliilanlropes  étrangers,  qui  se  sont  acquis  des  titres 
honorables,  en  employant  leurs  talens  pour  soulager  la  classe  indigente  ; 
tels  que  MM.  le  duc  de  la  Roche fourault-Liancourt ,  président  de  plu- 
sieurs élabllssemens  fondés  dans  l'intérêt  des  pauvres,  à  Paris;  le  duc 
de  Bedford,  à  Londres;  le  comte  Batovoshi,  à  Saint-Pétersbourg;  le 
comte  de  Lasteyrie ,  à  Paris  ;  de  FeiUnherg  ,  en  Suisse  ;  le  chevalier  de 
Gruncr,  à  Munich;  le  comte  Alexandre  Delà  Borde,  à  Paris;  Pictel  , 
rédacteur  de  li  bibliothèque  universelle  à  Genève;  Pcstatozzi,  en  Suisse  ; 
Owen,  fondateur  des  élablisscmcns  de  jNevv  -  Lanark,  en  Ecosse;  le 
comte  François  <<e  Neufclulteau,  à  Paris;  Laine,  ministre  d'état  à  Pa- 
ris; Joham  Daniel  Latuaetz,  directeur  de  la  colonie  de  Frédériks  Gabe, 
dans  le  Holstein. 

—  Àthcnée  de  BruxcUts.  —  L'administration  de  cet  établissement 
a  décidé  que  l'ouvrage  de  M.  Marc-Antoine  JcLLiEif ,  de  Paris,  intitulé  : 
Essai  sur  l'emploi  du  teins,  dont  la  troisième  édition  française  vient 
de  paraître.!  Paris,  serait  compris  au  nombre  des  ouvrages  donnés, 
chaque  année,  aux  époques  des  distributions  de  prix. 

Jou»-7.flM.T.  -  Parmi  le  grand  nombre  d-  fevilUs]  quotidiennes  pu- 


f^8S  EUROPE. 

bHees  dans  le  royaume  des  Pays-Bus.  on  remarque  les  suivante*:  i» 
Slaals-courant  (journal  du  gouvernement),  consacré  à  la  politique  cl  à 
la  publiction  des  décrets  royaux;  L.,  Haye.  2"  Haarlcnsche-courant 
(journal  de  Harlem),  ôo  A  mUcmsc  lie  -  courant  (journal  d'Arnheim). 
4°  Advcrtenlic-Uad  (feuille  d'avis);  Amsterdam.  5»  Jmvynal  de  la. 
Bcloiquc;  Bruxelles.  6»  L'Oracle;  Bruxelles,  j»  jSouvel  AHstarque; 
Bruxelles.  8°  Journal  de  Bru.reUcs.  g»  Le  Courrier  des  Pays-Bas; 
Bruxelles,  lo"  L'Ami  du  Bai  et  de  (a  Patrie;  Bruxelles,  ii^' Journal 
d'Anvers,  qui  s'imprime  riiez  Jonan.  12- Journal  de  G  and,  qui  s'im- 
prime chez  Houdin.  Les  deux  dernières  feuilles,  que  nous  n'avons  pas 
encore  annoncées,  sont  consacrées  non-seulemenl  à  la  politique,  mais 
aussi  à  l'industrie  et  à  la  littérature;  elles  sont  rédigées  avec  beaucoup 
de  soin  et  de  sagesse;  elles  n'alimentent  les  passions  d'aucun  parti;  on 
y  remarque  un  iiUralisme  modéré  qui  honore  le  caractère  des  rédacteurs. 
Les  analyses  d'ouvrages  nouveaux  et  les  articles  ihéâtres  sont  écrits  avec 
goût  et  impartialité.  -  Kous  citerons  également  une  feuille  quotidienne, 
publiée  depuis  peu  à  Anvers  ,  sous  le  titre  de  Spectateur,  et  rédigée  par 
M.  Bourcler,  éditeur-propriétaire  et  littérateur  distingué.  Cette  feuille  , 
à  la  fois  politique  et  littéraire,  contient  quelquefois  des  pièces  de  vers 
de  M.  Bourcier,   qui  font  bonneur  à  son  talcht. 

H^Bi.Ey,.  -  Nécrologie.  —  M.  Arntzenius,  associé  d'un  grand  nombre 
de  sociétés  littéraires,  membre  de  la  seconde  chambre  des  états-géné- 
raux ,  vient  de  mou-ir  dans  celte  ville,  le  2Ô  novembre.  Il  cultivait  avec 
succès  les  lettres,  et  il  était  en  même  tcms  homme  détal  b.biie,  b.-n 
citoyen  et  ami  sincère.  „,  K.bcrhoff,  D.  M. 

FRANCE. 

Cot^XR.— Écrit  périodique.  -Depuis  le  mois  d'octobre,  il  parait 
tous  les  dimanches,  à  Colraar,  un  journal  allc-nand  intitulé  Jugend- 
Zeilung,  Gazette  de  la  jeunesse,  et  déjà  l'auteur,  AI.  G orlan,  reçoit 
de  toutes  parts  les  témoignages  d'une  estime  méritée.  C'est  à  1..  jeunJsse 
qu'il  s'adresse,  comme  son  litre  l'indique  ;  mais  il  plaît  à  tous  les  âges  i 
on  sait  que  l'Alsace  dans  les  campagnes  est  encore  allemande  pour  la 
langue.  Kéaomoins  l'absence  de  relation  avec  les  peuples  d'outre-Rhi;., 
l'usage  où  l'on  est  de  traiter  en  français  les  affaires  judiciaires  et  admi- 
nistratives, ont  éloigné  du  pLvsla  connaissance  de  l'allemand  litté- 
raire; celui  que  l'on  parle  communément  n'est  qu'un  langage  corrompu 
que  comprennent  ix  reine  les  étrangers.  D'un  autre  côté,  le  français  n'a 
J  as  encore  jeté  de  racines  assez  piofondes,  pour  que  l'on  ait  au  village  le 
moindre  peuchant  vers  la  Itctcre.  M.  Gorfao  rend  donc  un  service  sfena- 


EUROPE.  TïSg 

lé  h  l'Alsacf,  en  faisant  participer  ses  babilans  à  la  civili.^alion  de  l'Allr- 
niagr.e,  sans  les   empêcher  pour  cela  de  rester  bons  Français.  Il  leur 
prodigue  les  leçons  de  la  morale  la  plus  douce  et  la  plus  pure,  et  cette 
morale  plaît  parce  qu'elle  se  présente  einirunt.ée  du  charme  d'agiéable» 
n:irrations.  Chaque  numéro  en  renferme  une  nouvelle,  aiu-i  que  quel- 
que trait  intéressant,  quelque  utile  leçon  d'histoire  naturelle  ou  d'éco- 
nomie rurale.  M.  Gortan  instruit  en  piquant  la  turiosJté,  et  la  curiosité 
de  ses  lecteurs  se  satisfait  toujours  au  profit  de  ses  connaissances.  Tout 
annonce  un  grand  succès  à  ce  journal  de  la  jeunesse.  C'est  depuis  long- 
tcms  la  seule  entreprise  littéraire  qu'ait  vu  paraître  Colmar.  On  s'y  sou- 
vient encore  d'un  Recueil,  publié  en  1776»  »:77  ^'^  '77^»  P^*"  '*^  P^'^'t-'"»" 
Billing.   Ce  recueil  allemand  ,  qui  aurait  fait  honneur  à  un  plus  graad 
théâtre  ,  s'appelait  l'Alsacien  patriote.  Il  ne  faut  souvent  qu'un  homme 
pour  réveiller  le  goût  du  beau.  Puisse  M.  Gcrlan  rétablir  les  Muses  al- 
lemandes dans  la  patrie  de  Pfeflel  !  P-  GolbÉby. 
Sociétés   savantes  et   Établissevuns   fl'i?istructbn  et  d'utilité 
publique. 
Macok  {Saôneet-Loire).  —  La  Sociclc  d'a;iriculiure,  des  sciences  et 
arts  met  au  concours  la  question  suivante  :  — «  Comparer  les  littéralnres 
française  et  anglaise,  sous  le  rapport  du  roman,  et  déterminer  à  laquelle 
appartient  la  supériorité  dans  ce  genre  de  composition.»  Les  ouvrages 
devront  être  parvenus  au  secrétaire  perpétuel  de  la  Société,  avant  lei" 
août  1824.    Le  prix  (une  médaille  d'or  de  la  valeur  de  5oo  fr.  )  sera  dé- 
cernée le  jour  de  la  Saint- Louis. 

Steasboueg  {Bas-Rhin).  —  FacuUè  de  médecine.  —  Celle  facuhé  a 
tenu,  le  1  i  décembre,  sous  la  présidence  de  M.  le  recteur,  un.-  séance 
publique  et  solennelle  ,  dans  laquelle  ont  été  distribués  les  prix  de  l'an- 
née scolaire  écoulée.  Cette  distribution,  précédée  d'un  discours  >.ur  l'a- 
bus des  systèmes  en  médecine,  a  été  remarquable,  en  ce  que  le  jeune 
Jean-François-Timoléoa  Touzet,  de  Bieux  {HauleGaronne) ,  a  rem- 
porté trois  prix,  savoir  :  le  premier  de  chirurgie,  le  premier  de  méd.e- 
eine,  et  le  second  d'anatomie  et  de  physiologie. 

BoBDEAUx.  —  [Gironde).  —  Société  Unnccnne.— Le  4  de  ce  mois,  la 
Société  a  tenu,  en  mémoire  de  Charles  Lii^kb,  sa  séance  publique 
d'hiver.  Elle  a  été  ouverte  par  M.  Laterrade,  directeur,  qui,  en  l'abscn'- 
te  de  M.  Dargelas,  président,  a  prononcé  un  discours  dans  lequel  il  a 
rappelé  l'origiue  et  le  but  de  la  Sociélé.  M.  Chaigneau,  secrétaire,  a  l.i 
la  notice  des  travaux  annuels.  On  a  vu  par  cette  notice  que  la  So.  iéte 
*"esl  occupée  avec  succès  de  botanique  et  d'agriculture.  Oa  a  entendu  en- 


6oo  EUROPE. 

euilf  des  réflexions  jjjàicieuses  sur  les  avantages  de  la  botanique,  par  M. 
Teulèrc,  U.  xM.;  un  mémoire  sur  les  vers  à  soie  et  la  culture  du  mûrier 
blanc,  pdi  51.  Housset,  culture  qu'il  veut  essayer  dans  la  Ferme  expérimen- 
lale;  un  essai  sur  les  plantes  considérées  dans  leurs  rapports  avec  les  facul- 
té!, nu  raies  de  l'homme  ,  par  M.  Uesaybats  fils  ;  uni'  notice  sur  la  métemp- 
sycose, par  !\I.  Legiand.  LaSocictc  Linnécnne  de  Bordeaux  n'est  qu'une 
brandie,  mais  la  branche  principale  de  l'utile  association  qu'elle  a  for- 
mée pour  répandre  le  goùl  de  la  botanique  ;  cette  Société  a  des  sections 
à  Libourne,  à  Rocbefort,  à  Paris,  à  Montpellier,  à  Narbonne,  dans  les 
Basses- Pyrénées,  à  l'Isle-Mautice  ,  à  la  Guiane  et  au  Sénégal.  M.  Latrr- 
rade  a  présenté  avec  ordre  le  précis  des  travaux  de  ces  diverses  sections, 
et  Ta  terminé  par  le  tableau  qu'elles  offrent  toutes  <  '.semble  le  jour  de  la 
fête  linnéennc,  jour  où  la  Société  se  trouve  réunie  sur  tant  de  points  dif- 
féiens,  à  la  même  heure,  à  la  différence  des  longitudes  près.  M.  Guilhe 
a  terminé  cette  séance  intéressante  par  des  stances  qu'il  a  consacrées  à  la 
mémoire  du  savant  Latapie,  que  la  Société  vient  de  perdre. 

Jardin  des  Plantes.  —  La  séance  -publique  du  4  septembre,  prési- 
dée par  le  professeur,  31.  Dargclas ,  &  été  ouverte  j>iir  un  discours 
qu'il  a  prononcé  sur  l'utilité  des  jardins  iotanif/ucs.  —  M.  Pail- 
loUfD.  M.,  a  pris  ensuite  la  parole,  pour  faire  sentir  la  néressilé  de 
l'élude  de  la  botanique  pour  la  médecine,  et  il  a  terminé  par  des  con- 
seils pleins  de  sagesse,  adressés  à  MM.  les  élèves  en  médecine.  —  M .  Re- 
votât, flis ,  médecin  ,  à  lu  un  mémoire  intéressant  sur  l'influeoce  des 
odeurs  sur  réi'onomie animale.  —  iM.  Laterradc,  naturali-tc,  a  fuit  ob- 
server, dans  un  discours  savant ,  combien  est  grande  l'icflucnce  des  mé- 
téores sur  la  végétation  ,  et  celle  de  la  végétation  sur  les  météores.  —  M. 
Ginlrar,  médecin,  a  fait  sur  l'étude  de  la  nature  quelques  léflexions, 
qu'il  a  su  rendre  agréables  par  son  style.  —  ^J .  de  Saincric ,  D.  M.  ,  a  fixé 
noire  attention  sur  les  zoophites,  en  rappelant  une  foule  de  faits  cu- 
rieux, relatifs  à  ces  animaux-plantes,  —  La  séance  a  été  terminée  par 
la  lecture  du  procès-verbal  des  membres  du  jury,  et  par  la  proclamation 
des  noms  de  ceux  qui  oui  obtenu  des  prix. 

Cours  de  holaniquc.  —  La  distrihufion  annuelle  des  prix  a  eu  lieu 
dans  le  mois  d'aoûi  dernier.  M.  Révolat  a  ouvert  la  séance  par  un  dis- 
cours très-bien  écrit,  quia  été  écoulé  avec  le  plus  vif  intérêt.  D'exccllens 
conseils  ont  été  ensuite  adressés  aux  élèves  par  M.  Lalerrado,  qui  a  ex- 
posé en  peu  de  mots  la  marche  de  son  cours.  M.  Paillou  ,  D.  M. ,  a  pré- 
senté des  considéra  lions  ingénieuses  sur  les  saveurs  et  les  odeurs  des  vé- 
gétaux, et  jM.  Désaybats  fils  a  terminé  la  séance  par  une  description  ra- 
pide des  agrémeiis  de  la  bolarique  ,  et  par  i'clojrc  de  !"auteur  de  la  Fia- 


FUR  OPE.  691 

r«  bordelaise  (M.  Lalprrade\  On  a  distribue  les  prix  dans  l'ordre  suivant  : 
—  Éthnens  de  lotnniqne.  Prix,  M.  Bernard  Cliabrcly,  de  Bordeaux.  — 
Lcscriplion  des  plantes.  Prix  ,  M,  Alphonse  Ruiz,  de  Madrid.  —  Pliy- 
siolofjie  vcgitate.  Prix  e.r  œquo,  MM.  Coui  bin  et  \\mz.— Prix  ohlenus  au 
concours  des  clives  de  l'année.  M.  Pierre  Bouchy.  du  Cantal.  —  Assi- 
duité aux  séances  et  aux  excursions.  Prix ,  MM.  Pierre  Empereur,  d'An- 
dora  ,  et  Alplionse  de  Rossane,  de  la  Gironde. 

—  École  publique  et  gratuite  de  Commerce. —ht-s  cours,  dont  îa  du- 
rée est  de  deux  ans,  continueront  cette  année;  ils  comprennent  les  élu- 
des qui  préparent  à  la  science  du  commerce,  et  la  théorie  du  commerce 
proprement  dite.  Les  études  qui  préparent  à  la  science  du  commerce, 
sont  :  1°  l'art  d'écrire  commercial,  c'est-à-dire,   l'art  de  recueillir,  de 
lier  et  d'exprimer  ses  idées  sur  toutes  les  matières  qui  se  rapportent  au 
commerce:  2»  la  chronologie  commerciale  ,  offrant  les  grandes  époques 
du  commerce,  et  les  détails  relalils  aux  progrès  de  l'agriculture  ,  des 
manufactures,  des  arts,  des  découvertes  maritimes  et  de  la  navigation  ; 
ô°  la  géographie  des  peuples  eommerçans,  comprenant  les  notions  as- 
tronomiques ,  géologiques  et  politiques  dont  a  besoin  la  science  du  com- 
merce; 4°  les  révolutions  historiques  des  nations^ commerçantes  ,  du 
tems  ancien  ,  du  moyen  âge  ,  et  du  lems  dans  lequel  nous  vivons.  —  La 
théorie  commerciale  proprement  dite  ,  comprend  :  i"  Le  tableau  du  sys- 
tème commercial,  dans  cet  ordre  :  iiée  du  commerce  et  de  ses  bran- 
ches. —  Objets  d'échange,   provenus  de  l'agriculture,  des  mines,  des 
pêches  et  chasses,   et  de  l'industrie.  —  Moyens  de  communication  ou 
caravanes,   navigation  et  roules.— Mesure  des  marchandises  ou  système 
des  poids  et  mesures.  —  Prix  des  marchandises,  ou  théorie  des  mon- 
naies et  des  papiers  qui  les  représentent.  —  Relations  commerciales  et 
balance  du  commerce  d'une  nation.— Eflets  produits  par  le  commerce, 
ou  preuve  qu'il  est  la  source  de  Pinduslrie,  de  la  richesse ,  de  b  popu- 
lation et  du  bonheur.   2°  L'élat  commercial  ou  le  degré  de  richesse,  de 
puissance  et  de  force  de  tous  les  peuples  eommerçans,  anciens,  du  mçyen 
âge  et  moderne».  5"  La  législation  du  commerce ,  ou  l'art  de  poser,  chez 
une  nation,   les  bases  d'un  grand  comuvrce;  de  mettre  ces  bases  en 
harmonie;  d'organiser  le  commerce  intérieur  par  des  réglemens  sages  , 
et  d'assurer  la  durée  de  ses  relationr,  cxlérieurcs  sur  la  justice,  la  force 
et  la  modération.  4°    Les  lois  commerciales,  ou  l'analyse  des  lois  du 
commerce  avant  (Jo'.bert,  ;ous  Colbeii  ,  pendant  h  révolution  française, 
et  le  développement  du  nouveau  code  de  commerce.    S"  La  morale  , 
rapportée    aux   devoirs   du  négociant.  6°  Les  élémens  abrégés  du  com- 
merce pratique,  c'est-à-dire,  l'aiilhméliquc,  la  géométrie,  les  mon 


^9'^  EUROPE. 

naies  et  changes,  ef  l'art  do  tenu-  les  livres.  —  Le,  leçons  de  l'an  dcr- 
nier  ayant  eu  pour  obj-t  l-s  éludes  qui  préparent  à  la  science  du  com- 
merce, ia  théorie  tomraercialc  proprement  dite  sera  enseignée  cette 
année.  —Ce  plan,  outre  qu'il  embrasse  la  science  du  commerce  er 
grand,  présente  une  source  variée  d'instructions  qui  se  lient  à  presque 
toutes  les  connaissances  humaines.  L'école  est  absolument  gratuite,  ei 
ouverte  à  tout  le  monde-  les  élèves  n'ont  d'autre  formalité  à  remplir 
que  celle  de  donner  leur  nom  au  professeur. 
il.  C.GiiuiB,  professeur.  Loi-is  V a j>&e,  président.  \.XHHmBB,sccréltnre. 

PA  R  I  S. 

Ir^titct.  —  Àcadcmicdes  sciences.  —  Mois  de  kovbmbbe  i8i.',  — 
Séance  du  5.  —  M.  Ar.ipo  donne  lecture  d'une  note  qui  indique  les  ré- 
sultats les  plus  réceiis  des  reclierchefi  physiologiques  de  M.  Flourens, 
concernant  l'atlion  spéciale  qne  cirlaines  substances  exercent  sur  les 
diverses  parties  du  cerveau.  M.  Magendie  communique  ses  remarques  à 
ce  sujet  ,et  citedes  recherclies  dont  s'occupe  mainsenant  Al.  FofJtra.— 
M.  Delaplace  donne  lecture  de  l'extrait  d'un  mémoire  relatif  à  l'action 
de  la  lune  sur  l'atmosphère  ,  et  aux  observations  météorologiques  dont 
la  comparaison  attentive  rend  cette  action  sensible.  —  M.  Dulong  lit 
au  nom  de  M.  Tbénard  et  au  sien,  une  seconde  note  concernant  la  prc- 
pnélé  qu'ont  certaines  substances  de  favoriser  ia  combinai>on  des  Hui- 
des  élastiques.  —  M.  Ar.igo  lit  un  rapport  sur  un  hUloslal,  un  a-ppn- 
rcil  à  niveau  et  une  ioussole  de  M.  Gainbey.  Après  avoir  fait  connaître 
les  avantages  que  ces  ingénieux  instrumens  ont  sur  ceux  en  U'^age  jusqu'à 
présent,  le  rapporteur  témoigne  ses  regrets  de  ce  que  M.  Gambey  n'ait 
pu  présenter  à  l'Académie  son  magnifique  ifjuaforiafe,  que  tous  les  ar- 
tistes se  sont  empressés  de  proclamer  le  plus  bel  instrument  de  l'expo- 
sition du  Louvre.  D'après  ses  conclusions,  l'Académie  décide  qu-.-  la  des- 
cription des  instrumens  de  .Al.  Gainbey,  accompagnés  des  beaux  des- 
sins qu'il  eu  a  préseutés,  sera  imprimée  dans  le  Recueil  des  savans  étran- 
gers  M.  Mathieu  lit  un  rapport  sur  un  procédé  de  M.  Gambey,  qui  a 

pour  objet  d'opérer  la  division  précise  des  instrumens  d'astronomie  et 
de  géodésie  ,  au  moyen  de  la  plate-  forme,  sans  exiger  la  coïucidence 
exacte  des  centres.  La  machine  d  diviser,  de  M.  Gambey ,  est  approu- 
vée par  l'Académie;  la  description  en  sera  insérée  dans  le  Recueil  des 
savans  étrangers. 

Du  lo.  —  M.  Brun-LafoDt  adresse  des  observations  critiques  con- 
cernauî  l'éclairage  par  le  gaz  hydrogène.— Après  deux  toursde  scrutin, 
sans  majorité  absolue  ,  on  procède  à  un  troisième  four  entre  MM.  N.ivicr 


EUROPE.  69"") 

et  Ilatlutlc.  Cl  dernier  ayant  28  voix  conlie  2a,  esl  jjroelau:é  membre 
de  l'académie.  Lesantns  candidiits  étaienl  MM.  Caigiiiard-Latour,  Gara- 
bcv  ,  Cachin  ,  Lamandé  ,  Gengembre,  Christian.  —  M.  Flourens  donne 
lecture  du  résumé  de  se»  recherches  expérimentales  sur  la  l'onction  de» 
diirérentes  parties  du  cerveau.  —  M.  Fonrier  lit  ûa  mémoire  de  mallié- 
mali  |ues,  intitulé  :  Analyse  indcterminèe ,  calcul  des  conditions  d'iné- 
gadtc.  —  M.  Riincneau,  de  Lille,  correspondant,  professeur  de  botani- 
que à  Montpellier,  lit  un  mémoire  qui  a  pour  titre  :  Examen  de  la  vé- 
gétation de  Visoutes  iaciistris  ,  et  exposition  de  ses  caractères. — M.  Du- 
mas lit,  au  nom  de  l\I.  Prévost  et  au  sien,  la  deuxième  partie  de  son  mé- 
moire sur  la  généralion. 

—  Du  17. —  Le  ministre  de  l'intérieur  envoie  un  rapport  du  Préfet  de 
Seine-et  Marne  ,  sur  la  découverte  qu'on  a  faite  d'un  cavalier  et  d'un 
cheval  i-élrifiés,  entre    Rloiel  et  Monligny,  dans  la  forêt  de  Fontaine- 
bleau. (  MM.  Cuvier,  Cordier  et  Brongniart,  commissaires.)—  Le  mi- 
nistre de  la  marine  transmet  le  r.tpporl  d'une  commission  spéciale  sur  la 
combustion  spontanée  qui  s'esl  manifestée  dans  des  amas  de  charbon 
de  terre ,  formant  l'approvisionnenient  de  l'arsenal  du   port  de  Brest. 
(MM.   Vauqueiin,   Dulong ,   Gay-Lussac,  d'Arcet  et  Fresnel,  commis- 
saires.)— On  lit  une  lettre  du  général   Brisbane,  gouverneur  de  la  nou- 
velle Galles  méridionale,  par  laquelle  il  annonce  que  M.  Rumckerset 
lui  ont  déjà  observé  plus  de  io,ouo  éloiles  du  catalogue  de  Lacaille,   et 
qu'il  en  reste  à  faire,  pour  compléter  l'émisphère  austral,  à  peu  près  un 
égal  nombre,  qui  seront  achevées  en  dix  m.is.  M.  le  général  Brisbane 
envoie  ses  observations,  qui  seront  transmises  au  bureau  des  longitudes. 
M.  Rousseau  lit  un  mémoire  intitulé  :  .\olicesu7'  un  galvanomètre  at- 
mosphérique ,  ayant  pour  moteur  une  pile  sèche  ,  et  sur  des  décomposi- 
tions d'huile  obtenues   parce  même  mode  d'action.   (MM.  Dulong  et 
Ampère,  commissaires.)—  M.  Brisson  ,  ingénieur  en  chef  des  pouls-ei- 
chaussées,    présente  nu  mémoire ,  ayant  pour  tiire  :  5w  {'in/tgmiioîi 
des  é<juati07is  linéaires.    (MM.  Delaplace,  Fourier,  Poisson  elCaucl.y.) 
—  M.  Cauchy  lit  un  mémoire  sur  les  effets  de  l'attraction  moléculaire 
dans  ie  mouvement  des  ondes.  —  M.  Fourier  présente  la  deuxième  par- 
tie de  son  mémoiresur  les  conditions  d'inégalité.  —  MM.  Cuvier,  Vau- 
queiin et  Savigny  sont  nommés  commissaires  pour  l'examen  d'un  mé- 
moire présenté  par  M.  Thomas  Lanth  ,  «  sur  les  momies  égyptiennes, 
et  sur  les  connaissances  qu'Hérodote  et  Diodore   nous  ont   transmises, 
concernant  les  embaumemens..  —  MM.   Bosc  et  Savigny  sont  nommés 
commissaires  pour  l'examen  d'un  mémoire  de  M.  Gaillon ,  qui  a  pour  ti- 
tre :  «  Nouvelles  observations  sur  la  cause  de  la  coloration  des  huîtrei  et 


6()4  FXROPE. 

sur  les  animalcules  qui  servent  à  leur  nuirilion  ;  consitléralîun  et  léfula- 
tion  de 'diverses  objections  sur  ce  sujet.  —  M.  Dumas  lit,  en  aoa  nom 
tt  au  nom  de  M.  Prévost  ,  un  second  mémoire  sur  la  génération  ,  et 
dans  lequel  il  traite  des  rapports  de  l'œuf  avec  la  liqueur  fécondante , 
des  phénomènes  qui  rcsulteut  de  leur  action  mutuelle  et  du  développe- 
ment de  l'œuf  des  batraciens.  —  M.  Becquerel  lit  un  nouveau  mémoire 
sur  les  effets  électromagnétiques  ,  développés  par  les  actions  capillaires, 
et  par  les  actions  chimiques  des  diverses  subtances. 

—  Du  24. —  M.  Ranson,  inspecteur  des  bâiimens  royaux  du  cercle 
du  bas  Danube,  communiquée  l'Académie  diveises  remarques  concer- 
nant la  résolution  de  quelques  équations  numériques.  ^MM.  Cauchy  et 
Ampère,  commissaires. J  —  iVI.  Desfont.iines  lit  un  rapport  sur  un  mé- 
moire de  M.  Poileau,  renfermant  la  description  des  cinq  genres  exoti- 
ques delà  famille  des  myrthes.  Ce  mémoire  sera  imprime  dans  le  Re- 
cueil des  savans  étrangers. —  M.  Girard  lit  un  rapport  sur  un  mémoire 
de  M.  Boze,  peintre,  osur  la  manière  d'ateler  les  chevaux  et  de  les  dé- 
teler.» Sans  prétendre  que  l'usage  ne  puisse  contribuer  à  la  perfection  du 
mécanisme  de  M.  Boze  ,  le  rajjpoiteur  pense  que.tel  qu'il  est,  il  mé- 
rite l'approbation  de  l'Académie.  —  M.  Vauquelin  annonce  qu'il  a  pris 
connaissance,  avec  M.  d'Arcet  des  recherches  de  M°"=  Matliieu,  et  que 
ce^recherches  ne  concernant  pas  l'Académie  ,  il  n'y  a  pas  lieu  à  faire  de 
rapport.  —  M.  Longchamp  lit  un  mémoire  intitulé:  Tlicorie  nouvelle 
delà  nitriflcation.  Pltibieurs  membres  communiquent  leuis  observa- 
tions à  ce  sujet.  (MM.  Chaptal,  Vauquelin  ,  Gay-Lussac  ,  Dulong  et  d'Ar- 
cet ,  romniissaires.)  —  M.  Flourens  lit  un  mémoire  intitulé:  Recherches 
physiques  touchant  l'action  déterminée  ou  spéciliquede  certaines  subs- 
tances sur  certaines  parties  du  cerveau.  (MM.  Cuvier,  Humboldt,  Por- 
tai ,  Duméri!  et  Dulong  ,  commissaires.)  —  M.  Desmoulins  lit  une  note 
sur  la  mesure  du  développement  sphérique  des  rétines  plissées  (MM.  Ma- 
uendie  et  Frtsnel,  commissaires.)  A.  M — t. 

Académie  Française.  —  M.  Auger  lit ,  ]>our  M.  François  de  Keufchâ- 
teau ,  un  discours  en  vc-rs  sur  la  doctrine  des  rapports  du  physique  au 
moral  de  l'homme.  —  M.  le  comte  Ferraud  récite  deux  Eclcs  de  sa  tra- 
gédie de  Philoctètc. 

—  Acadétnic  des  inscriptions  et  belles-lettres.  —  Le  28  novembre , 
l'Académie  a  nommé  deux  correspondans  :  l'un,  régnicole ,  M.  Gaujal, 
auteur  des  Recherches  sur  les  antiquités  du  Quercy,  et  premier  prési- 
dent de  la  cour  royale  de  Limoges  ;  l'autre,  étranger,  M.  Frachn,  savant 
antiquaire  de  Péltrsbourg. 

—  académie  des  heaux-arts,  —  Celte  Académie,  désirant  compléter 


EUROPE.  695 

la  liste  de  ses  associes  éliangers,  a  nommé,  dans  le  courant  du  mois, 
MM.  Alvarés ,  sculpleur;  Luni/lii ,  graveur;  Rossini ,  compo-iiieui  mu- 
sicien ;  Schinchel ,  arcliitccle  ;  'l'horwaldson ,  sculpteur,  et  ZingurcHi, 
f  omposileur  musicien.  Elle  a  piocédé ,  dans  la  séance  suivante ,  à  ia 
noininalion  de  deux  correspondans  :  le  premier  est  M.  Granet ,  peintre 
de  genre,  résidant  à  Rome;  le  second,  M.  Ingrc .  peintre  d'bisloire , 
dcmeuianl  à  Florence. 

Société  midicaie  d'émulation.  — Celle  Société,  déjà  ancienne, 
londée  par  le  célèbre  Bichat  ,  el  dont  les  Mémoires  contiennent  beau- 
coup de  faits  curieux  et  instructifs,  a  nommé,  dans  aa  dernière  séance, 
M.  Lariey  pour  son  président,  M.  Keraudrcn ,  poursun  vice-président, 
cl  iVl.  Hi-ppoL    {^loquet,  pour  secrétaire-générai. 

Athénée  de  Paris.  — Séance  d'ouverture  pour  l'année  11S25 — 1824 
(29  novembre  iSaô).  Cette  séance  avait  réuni  un  auditoire  nombreux  et 
brillant.  On  s.ivait,  par  avance,  qne  M.  Victorin  Fabre  élait  chaigé  du 
discours  d'ouverture,  et  la  réputation  que  cet  écrivain  s'est  si  justement 
acquise,  et  qu'il  a  si  heureusement  soutenue  dans  le  cours  de  l'année 
précédente,  justillait  assez  l'empressement  du  public.  Les  espérances 
de  l'auditoire  n'ont  pas  été  déçues.  M.  Fabre,  après  avoir  esquissé  ra- 
pidcmenl  les  titres  qui  font  de  l'histoire  de  l'Athénée  une  belle  |)age 
de  notie  histoire  littéraire  ,  s'est  trouvé  naturellement  amené  à  s'occuper 
des  hautes  questinus  que  présentent  les  lettres  considérées  sous  leur  vé- 
ritable point  de  vue,  c'est-à-dire,  bien  plutôt  comme  un  vaste  moyen 
de  civilisation  que  comme  un  harmonieux  arrangement  de  mots.  L'o- 
rateur lésa  traitées  avec  cette  supériorité  que  donnent  de  longues  ic- 
flexions  el  des  études  approfondies.  Après  avoir  manifesté,  dans  plu- 
sieurs pa-sages  vivement  applaudis,  ces  senliraens  généreux  professés 
par  tous  les  esprits  élevés  de  notre  époque,  notamment  en  faveur  de 
ces  héroïques  chrétiens  abandonnés  de  TEurope  civilisée,  et  qui  refont 
Vantiquité.  M.  Fabre  a  terminé  son  discours  par  uue  péroraison  bril- 
lante qui  a  produit  beaucoup  d'effet. — Ce  discours  a  été  suivi  de  lectu- 
res intéressantes,  entre  lesquelles  on  a  distingué  un  fabliau  versiflé  par 
M.  Merville,  avecl'esprit  et  le  goût  qui  distinguent  cet  écrivain.  —  On  a 
entendu,  dans  la  même  séance,  une  dissertation  sur  le  genre  lyrique  des 
Grecs,  par  Casimir  Bonjour,  qui  a  paru  depuis  imprimée  dans  le  Mer- 
cure, et  diverses  pièces  de  poé-ie ,  par  MM.  Sainiine,  Lemazurier  et 
Famin.  —  Depuis  cette  première  séance,  les  professeurs  des  sciences 
naturelles,  de  litlérature  et  d'histoire  ont  coiaraencé  successivement 
leurs  leçons.  A*. 

—  Le  b  décembre  ,  M.  Par»  nt-Réal ,  à  qui  l'administration  de  l'Athé- 


(kj'j  EUROPE. 

née  a  confié  une  chaire  d'éloquence  et  de  littérature,  a  omcrt  son  cours, 
en  exposant,  avec  d'assez  grands  développemens  ,  le  plan  qu'il  se  pro- 
pose de  suivre.  Il  a  prom:s  de  donner  un  aperçu  sur  l'art  oratoire  en 
France,  considéré  tour-à-tour  dans  ses  différentes  aiiplications,  puis,  de 
signaler  les  caractères  dislinctifsde  la  littérature  dans  les  diverses  phases 
qu'elle  a  parcourues,  et  de  rechercher  à  quelles  influences  elle  a  été 
successivement  soumise.  Il  s'occupera  ensuite  de  tracer  l'origine  des 
tiens  genres  classique  et  roraanti(]ue  ,  et  de  déterminer  leurs  différences. 
Knlin  ,  il  terminera  son  cours  par  un  précis  de  l'Histoire  littéraire  de» 
femmes  en  France.  Le  discours  de  M.  Parent-Réal  a  offert  plusieurs 
vues  neuves,  qui  l'ont  espérer  une  suite  de  leçons  intéressantes. 

Athénée  des  arts.  —  Nous  rappelons  à  nos  lecteurs  que  celte  So- 
ciété, dans  la  séance  publique  du  26  août  1821,  a  proposé  pour  sujet  du 
prix  triennal  fondé  par  M.  ïurrel  la  question  suivante  :  Quels  ont  été 
les  progrès  des  sciences  physitjues  et  chimiques  depuis  le  commence- 
ment du  xviii'  siècle  jusqu'à  ce  jour,  et  qu'elle  a  été  leur  influence  sur 
l'industrie  manufacturière?  Les  Mémoires  devront  être  envoyés,  avant 
Cl"  mars  1824,  à  M.  IVlirault,  secrétaire-général  de  i'Athécée,  rue 
Sainte-ÂpoUinc,  u"  2-  Le  prix  est  de  5oo  fr.  Il  sera  décerné  dans  la 
séance  publique  de  1824.  A.  J. 

Histoire  littéraire. —  Copie  (Vune  lettre  autographe  de  M"'  Clairon. 

—  M.  Berlhevin ,  Conservateur  à  l'Imprimerie  royale,  et  qui  pos- 
tède  une  fort  belle  collection  d'autographes,  a  bien  voulu  nous  com- 
muniquer la  lettre  suivante,  que  nous  regrettons  de  ne  pas  avoir  reçue 
plutôt  pour  la  joindre  à  la  Notice  de  M.  Lémontey,  sur  cette  actrice 
célèbre  {voy.  ci-dessus  ,  pag.  485j.  —  a  Citoyen  ministre  ,  je  cherche  en 
vain  depuis  un  mois  un  protecteur  qui  m'a^roche  de  vous,  mais  s'il  est 
vrai  que  l'huaianité  vous  soit  chère,  c'est  à  vous  seul  que  que  je  dois 
ni'adiesser;  âgée  de  soixante  et  dix  neuf  ans,  accablée  d'infirmités, 
prête  a  mcnquer  du  nécessaire,  célèbre  autre  fois  par  quelque  lak-os  , 
j'atlCTi*  à  votre  porte  que  vous  d'aigoits  m'acorder  un  instant.  Cliibon.  » 

—  En  marge  est,  de  la  main  de  M.  Chaplal  :  «Chez  M""*  de  Vandail, 
rue  Faubourg- Poissonnière,  n"  35,  maison  Titon.  »  Puis:  «Bon  pour 
deux  mille  francs,  à  payer  de  suite.  Chaptal.  u  Et  plus  bas  :  «  Vu  bon  à 
payer,  à  titre  de  secours  remboursable  sur  ie  fonds  spécial  des  encou- 
ragemcns  aux  beaux-arts.  Rosman.  «  —  (La  lettre  est  sans  date.) 

Théâtres.  —  Second  théâtre  français.  (Odéon.)  —  GuiUaum,e  et  Ma- 
rianne ou  ic Frère  el  la  Sœur,  drame  en  un  acte  et  en  prose,  imité  de 
l'allemand;  par  M.  ***.    Cette  petite  pièce  a  été  accueillie  avec  de  vif» 


EUROPE.  G97 

appIaudisBeniens.  Lt;  fond  en  est  emprunté  à  un  acte  de  Goelhc,  que 
la  belle  entreprise  de  la  Collection  des  Thùâlres  étrangers  nous  a  fait 
connaître.  Ce  tableau  pur  et  naïf  d'un  amour  qui  croit  n'être  que  fra- 
ternel, a  beaucoup  de  grâce  dans  l'original,  et  il  ne  l'a  point  perdue  dans 
la  copie.  L'auteur  du  drame  français  a  fort  bien  compris  qu'il  ne  fallait, 
pour  faire  passer  cette  pièce  sur  notre  théâlre,  que  lui  ôlcr  ce  qu'elle 
avait  de  par  trop  germanique,  et  il  l'a  fait  avec  un  discernement  et  un 
goût  dont  les  partisans  modères  de»  deux  écoles  littéraires  doivent  lui 
tenir  compte.  Le  Fière  et  la  Sœur  sont  joués,  avec  beaucoup  de  talent, 
par  Perrier  et  par  M""  Anaïs.  A*. 

—  Petite  Revue  Tfiéâtrnie  de  l'année  1825.  —  Pendant  cette  année, 
on  a  représenté  sur  les  théâtres  de  Paris  217  pièces  nouvelles,  savoir  : 
8  tragédies,  22  comédies,  4  drames,  /f.opéras,  5  opéras  italiens,  i4 
opéras-comiques,  1  >.4  vaudeville»,  u)  mélodrames ,  4  ballets,  lôpièces 
de  diDerens  genres.  Dans  ce  nombre,  112  pièces  ont  réussi,  et  6  au 
plus  paraissent  devoir  prolonger  leur  existence  au-delà  de  quelques  an- 
nées ;  77  n'ont  obtenu  qu'un  succès  d'estime  ou  contesté  :  il  y  a  eu  28 
chutes  complètes. 

Beadx-Abts.  —  Peinture.  —  Jusqu'ici,  les  yuteurs  du  Diorama  avaient 
établi  entre  eux  une  sorte  de  solidarité  de  talent  et  de  succès  :  les  ta- 
bleaux exposés  paraissaient  être  le  résultat  de  leurs  efforts  communs; 
du  moins, rien  n'indiquait  le  contraire.  ^Maintenant,  chacun  d'eux  veut 
obtenir,  séparément ,  la  part  de  louange  et  de  critique  qui  lui  appartient 
en  propre,  et  le  dernier  programme  fait  connaître  que  M.  Bouton  est 
l'auteur  de  la  T'^ue  intérieure  de  la  cattiédrale  de  Chartres  ,  et  que 
celle  de  la  ChafeUe  en  ruines  du  château  d'Hoiy-Rood ,  le  dernier  ta- 
bleau exposé,  est  due  au  pinceau  de  M.  Dacukbbr.  (/^'ov.  ci-dessus,  p.  25o.) 
La  fondation  de  ce  château,  situé  près  d'Edimbourg,  et  du  monas- 
tère qui  y  aliénait ,  remonte  à  une  époque  où  les  miracles,  les  visions, 
les  apparitions  venaient  encore  soutenir  la  foi  chancelante  de  nos  bons 
aïeux.  Dans  le  commenccmeut  du  xii«  siècle,  le  roi  David  I",  grand 
chasseur,  selon  l'usage  de  cet  heureux  tems,  renver.-^é,  ainsi  que  son 
cheval,  paruncerf  d'une  grandeur  et  d'une  force  prodigieuses,  se  voyait, 
disent  les  auteurs  de  la  notice,  en  danger  de  périr,  lorsqu'un  bras  diviu, 
sorti  d'un  nuage  épais,  plaça  ,  entre  le  monarque  et  le  cerf,  une  croix 
de  l'éclat  le  plus  éblouissant.  L'animal  effrayé  s'enfuit,  comme  l'on  peut 
bien  croire,  et  le  roi  revint  chargé  de  la  relique  céleste.  La  nuit  suivante, 
il  entendit,  en  songe,  une  voix  qui  lui  ordonnait  d'élever  une  ahtayc 
au  lieu  même  oîi  il  avait  été  si  miraculeusement  délivré,  et  c'est  pour 
T.  XX. — Déctmbre  i8'25.  ^5 


6ç)8  EUROPE. 

obéir  à  cet  ordre  qu'il  fit  bâtir  le  monastère  d'Holy-Rood  (Sainte-Croix), 
dans  lequel  la  croix  divine  fut,  pendant  des  siècles,  selon  l'annaliste  que 
je  transcris,  une  source  de  prospérité  et  de  consolations  pour  les  âmes 
pieuses.  Si  l'origine  de  ce  monument  a  un  caractère  un  peu  fabuleux, 
1<  s  évènemens  dont  il  a  été  le  théâtre  ont  une  triste  et  douleureuse  au- 
thenticité. C'est  dans  la  chapelle  dont  le  peintre  a  mis  les  ruines  sous 
r;os  yeux,  que  l'infortunée  Marie  Sluartëpousa  successivement,  et  con- 
tre son  gré  ,  son  cousin  Darnley ,  aussi  beau  qu'il  était  féroce  et  slupide, 
et  le  comte  Bothwel,  aussi  stupide  et  féroce  qu'il  était  laid.  C'est  en- 
core dans  le  château  d'Holy-Rood  que  Rizzio  fut  poignardé,  sous  les 
yeux  et  à  côté  même  de  cette  princesse.  Depuis  ce  tems,  le  château, 
le  monastère  et  la  chapelle  étaient  tombés  en  ruine  ;  mais  les  débris  en 
furent  relevés  en  1816.  U  faut  fèliciterles  Anglais  de  ce  que,  non-icule- 
ment  ils  élèvent  et  terminent  de  nouveaux  édifices ,  lorsque  l'utilité  pu- 
blique l'exige,  mais  encore  de  ce  qu'ils  mettent  du  piix  à  conserveries 
monumens  légués  parleurs  ancètres.C'est  avant  cette  restauration  que  M. 
Daguerre  a  visité  les  ruines  d'IIoly-Rood,  et  c'est  dans  leur  état  de  rui- 
nes qu'il  les  a  mUcs  sous  nos  yeux.  Éclairées  par  la  lueur  vague  et  incer- 
taine de  la  lune,  dont  le  disque  est  successivement  recouvert  de  nuages 
légers  qui  viennent  en  diminuer  l'éclat ,  on  éprouvb  ,  au  premier  aspect, 
une  impression  mélancolique  dont  il  est  impossible  de  se  défendre;  les 
souvenirs  que  réveillent  ces  débris,  sont  bien  de  nature  à  entretenir  l'â- 
me dans  une  sorte  de  disposition  rêveuse,  qui  n'est  pas  sans  charmes. 
Indépendamment  du  moyen  employé  pour  varier  l'état  apparent  du  ciel 
et  l'intensité  de  la  lumière  de  la  lune,  l'artiste  a  imaginé  plusieurs  episo- 
des  pour  augmenter,  s'il  est  possible,  l'impression  que  produit  l'aspect 
eénéral  de  son  tableau.  Ainsi ,  d  a  représenté  ,  au  milieu  de  ces  ruines , 
une  femme  vêtue  d'une  robe  blanche  attachée  avec  une  ceinture  noire, 
priant  près  d'un  tombeau  sur  lequel  elle  a  déposé  sa  lumière.  Quel  est 
le  sentiment  qui  l'amène ,  pendant  la  nuit ,  au  milieu  de  cette  solitude . 
Pendant  que  chaque  spectateur  s'interroge  ainsi ,  et  se  dispose  a  repon- 
dre selon  sa  disposition  particulière,  une  flûte,  qui  semble  partir  éga- 
lement des  mêmes  lieux ,  fait  entendre  un  vieux  chant  écossais  et  com- 
plète l'illusion.  U  y  aurait  bien  quelques  observations  à  faire  sur  l  emploi 
de  tous  ces  moyens,  qui  ne  sont  pasavoués  par  l'art,  et  qui  tiennent  un 
peu  delà  fantasmagorie;  mais,  quand  on  a  éprouvé  du  plaisir,  d  serai 
mal  séant  de  critiquer  l'artiste  qui  a  fait  tant  d'efforts  et  développe  tant 
de  talens  pour  vous  le  procurer.  Toutefois  ,  je  ne  puis  m'cmpecher  de 
dire  aux  auteurs  du  Diorama  que  nous  avons  assez  vu  d'intérieurs  et  de 
monumens  gothiques,  et  qu'il  faudrait,  maintenant,  mettre  sous  nos 


EUROPE.  C99 

yeux  des  scènes  de  plein  air  et  des  monuracns  d'un  autre  caractère  :  b 
Grèce,  l'Ilalic,  l'Espagne  sont  des  mines  inépuisables  qu'ils  doivent 
exploiter. 

—LithocUromic. — Tous  les  journaux  ont  beaucoup  vanté  cette  décou- 
verte; pour  moi,  apresavoir  vu  ses  premiers  essais,  j'ai  cru  devoirra'abs- 
lenird'en  parler  :  cet  arl  était  encore  dans  son  enfance;  il  fallait,  avant 
de  le  juger,  altendic  qu'il  eut  atteint  l'âge  viril.  Deux  an.iées  se  sont 
écoulées  depuis  que  RI.  Malapeau,  fondant  sur  sa  découverte  un  espoir 
qui  ne  me  parait  pas  encore  réalisé,  a  demandé  et  obtenu  un   brevet 
d'invention.  On  peut  donc  maintenant  asseoir  son  opinion  sur  une  base 
connue.  Le  procédé  de  l'inventeur  consiste,  dil-11,  à  feindre  à  l'huile 
sur  la  inerrc,  et  à  imprimer  sur  la  toile  également  avec  des  "peintures 
à  t'huile.  Voilà  tout  ce  qui  transpire  du  moyen  qu'il  emploie;  le  reste 
est  son  secret,  et  il  a  raison  de  ne  pas  se   laisser  pénétrer.    Mais,  le  di- 
rai-je?  je  ne  crois  pas  à  la  sincérité  de  cet  aveu.   La  lithochromie  est 
évidemment  une  application  de  la  lithographie;  pour  juger  la  première, 
non  pas  d'une  manière  absolue  ,  sans  doute  ,  mais  tout  au  moins  proba- 
ble, voyons  comment   procède  la  seconde.   L'arlisfe  qui  veut  litbogra- 
pLier  un   sujet,   dessine,  comme  à  l'ordinaire,  avec  un  crayon  ;  seule- 
ment, il  dépose  sa  création  sur  une  pierre  et  non  sur  un  papier,   et  le 
crayon  dout  il  s'est  servi  a  une  propriété  particulière,  qu'il  doit  aux  in- 
grédiens  dont  il  est  composé.  Lorsque  le  dessin  a  été  transporté  chez 
l'imprimeur-lithogtaphc,  celui-ci,  après  plusieurs  opérations  propres  à 
affermir  le  dessin  sans  en  changer  la  nature  ni  l'essence,  It;  revêt  d'une 
encre  qui  s'attache  aux  parties  dessinées  ,  dans  la  proportion  même  que 
l'artiste  a  employée  dans  son  dessin.  Ainsi,  les  parties  vigoureuses  s'em- 
parent d'une  grande  quantité  d'encre,  et  les  parties  légères  n'en  retien- 
nent qu'une  faible  portion.  Ainsi  préparée,  la  planche  passe  à  la  presse, 
et  c'est  par  la  pression  que  la  feuille  de  papier  humide  superposée  s'em- 
pare de  l'encre  qui  s'était  attachée  à  la  pierre.  Cette  opération  repro- 
duit le  dessin  avec  une  entière  fidélité;  et  cependant,  elle  est  toute  méca- 
nique :  il  ne  faut  que  de  l'adresse  pour  la  faire  réussir.  C'est  sympathi- 
(jucment  que  l'encre  d'impression  s'attache  au  dessin  sur  la  pierre;  un 
ouvrier  ordinaire  peut  étendre  cette  encre;  il  n'y  a  point  de  travail  d'art  : 
un  simple  rouleau  passé  sur  la  pierre  sature  toutes  les  parties  du  dessin 
de  la  quantité  d'encre  qu'elles  peuvent  «yw/Jai/iiçu^îmenf  retenir.— La 
lilUochromie  fait  bien  plus  :  on  peint  sur  la  pierre ,  dit-on,  puis,  on  im- 
prime avec  de  la  couleur  sur  une  toile  ;  mais,  comment  celte  couleur  ou 
ces  couleurs  sont-elles  étendues  sur  la  pierre  peinte,  pour  qu'elles  puis- 
sent ensuite  s'attacher  à  la  toile?  Est-il  possible  d'imaginer  un  moyen. 


:oo  EUROPE. 

qui  fasse  que  chaque  couleur  aille,  'l'tUc-même,  s'attacher  sur  la  pierre 
à  la  couleur  semblable  et  que  j'appellerai  volontiers  génératrice,  dans  la 
même  proportion,  avec  les  mêmes  formes  et  les  mêmes  nuances  ?  Ici,  il 
ne  s'agit  plus  d'une  seule  teinte  qui  va,  en  se  dégradant,  du  blanc  pur 
au  noir  entier  et  qui  ne  fait  que  changer  d'intensité;  c'est ,   au  contraire, 
un  mélange  de  couleurs  de  diverses  espèces;  du  blanc,  du  rouge,  du  vert, 
etc.,  et  de  nuances  variées  à  l'inCni  et  formées  de  ces  diverses  couleurs. 
Cette  supposition  est  inadmissible;  et  si  l'ouvrier,  avant  d'imprimer  sur 
la  toile,  place,  sur  la  pierre  peinte,  des  teintes  identiques  avec  celles 
que  l'artiste  y  a  appliquées,  il  est  artiste  lui-même  et  il  a  fait  un  tableau 
par -dessus   un   autre   tableau.  Mais   je   ne   crois    pas  que    l'on  doive 
non    plus  s'arrêter  à   cette    idée.    L'examen    attentif  des   productions 
lithochromiques  exposées  dans   le  salou   de  M.    Malapeau  m'ont   con- 
duit à   faire   uue  autre  conjecture   qui   me   paraît  plus  fondée.  Je  crois 
qu'une  première  impression  au  trait  guide  la   personne  chargée  d'em- 
ployer les  couleurs,  et  que  même  cette  personne  n'applique  que  des 
tons  généraux ,  qu'une  main  plus  savante  fond  et  harmonise   aussitôt 
après  l'impression,    pendant  que  les  couleurs  sont  encore  fraîches,  en 
les  liant  par  les  teintes  intermédiaires  qui  composent  le  modelé,  c'est-à- 
dire  la  forme  même  de  l'objet  représenté.  Voilà  ce  qui  me  paraît  plus 
probable  ,  et  je  suis  d'autant   plus  fondé  à  exprimer  cette  opinion    que 
l'on  avoue   chez  M.  Malapeau    qu'après  l'impression   on  fait  quelques 
retouches.  Il  serait  sans    doute  téméraire    de  prétendre  que  ce  pro- 
cédé n'est  pas   susceptible  de  perfection;  je  n'admets  ici  ni  ne  rejette 
aucune  supposition  à  cet  égard;  seulement ,  je  dirai  que  les  tableaux  ex- 
posés ne  sont  en  général  que  de  très-faibles  copies,  et  que  les  maîtres 
sont  pour  la  plupart  étrangement  défigurés.  A  la  vérité,  ces  tableaux  ne 
coûtent  qu'un   prix  très-médiocre,  et  pour  les  amateurs  peu  éclairés 
c'est  un  moyen  de  se  composer  une  galerie  à  bon  marché.  Je  ne  serais 
donc  pas  étonné  que  l'inventeur,  qui  n'a  encore  rien  fait  que  l'art  puisse 
avouer,  ait  cependant  travaillé  d'une  manière  Irès-profilablc  pour  lui. 
Au  reste,  il  résulte  de  ces  réflc  xions  ,  que  chaque  impression  lithochio- 
mique  est  terminée  par  un  artiste.  Il  ne  serait  donc  pas  difficile,  en  fai- 
sant un  beau  tableau  sur  une  mauvaise   impressicn  ,  d'attribuer  au  pro- 
cédé un  mvrite  qui  lui  serait  bien  étranger,  et  c'est  probablement  par 
celle  petite  supercherie  que  M.  Malapeau  a  obtenu  dans  quelques  jour- 
naux des  éloges  qui  sont  au  moins  prématurés. 

Gravure.  —  La  Suisse,  l'Italie  et  l'Espagne  ,  les  contrées  les  plus  pif- 
toresqurs  de  l'Europe,  n'ont  plus  de  recoin  qui  n'ait  été  visité;  tout  est 
maintenant  ronnu,  et  cependant  il  nous  faut  du  nouveau,  n'en  fût- U 


EUROPE.  701 

•plus  au  monde.  L'Amérique  paraît  devoir  fournir  pendant  lonj;  fcms  en- 
core desalimens  à  notre  cnriosilé.  J'ai  déjà  j^ignalé,  à  l'orcasion  de  l'ex- 
posiiion  de  1822  {Voy.  Rev.  Eikcvc.  ,  ï.  XVI,  pag.  a3),  plusieurs  vues 
du  Brésil  de  M.  Tauuay.  Il  paraît  que  M.  de  Clarac  a  exploré  ce  même 
pays.  Forêt  vierge  au  Brésil,  tel  est  le  titre  qu'il  a  donné  à  un  dessin 
trùs-inléressant  que  M.  Foetiee  vient  de  graver  dans  une  grande  propor- 
tion. L'aspect  de  cette  forêt  a  quelque  chose  de  vraiment  surprenant, 
par  la  variété  et  le  caractère  des  arbres  et  des  plantes  de  toutes  natures 
qu'elle  contient.  Pour  animer  cette  solitude,  l'artiste  y  a  représenté  un 
naturel  du  pays,  armé  d'un  arc  et  d'une  flèche,  avec  laquelle  il  va  percer 
un  animal,  qui,  dans  sa  faite,  éveille  un  serpent  qui  s'élève  en  sifilanf. 
Plus  loin,  un  autre  Brésilien  traverse  un  torrent,  sur  un  pont  formé  d'un 
tronc  d'arbre  renversé  ;  sa  femme  porte  leur  enfant  dans  ses  bras,  et  le 
suit  en  hésitant.  Un  rayon  de  soleil  qui  pénètre  au  milieu  de  cette  redou- 
table forêt,  en  éclaire  les  diverses  parties,  d'une  manière  qui  ajoute  à  l'é- 
trangcté  du  tableau.  Cette  estampe ,  qui  a  beaucoup  excilé  la  curiosité, 
laisse  néanmoins  quelque  chose  à  désirer,  sous  le  rapport  de  l'exécution  : 
les  oppositions  d'effets  ne  sont  pas  assez  senties  ,   il  y  a  trop  d'égalité  de 
ton.  Le  graveur  a  employé  l'eau  forte  et  le  burin,  et  je  crois  qu'il  aurait 
fallu  se  borner  au  preaiier  de  ces  deux  moyens.  C'est,  au  reste,  une 
fort  belle    planche ,  dont  le  prix  est  de  60  fr.   avant  la  lettre  ,   et   de 
3o  fr.  après  la  lettre.  "•  "" 

Kkcrologib.  —  Le  docteur  TViirts.—  Ce  savant  médecin  était  né  à 
Strasbourg,  où  il  Gt  ses  premières  études,  qu'il  termina  dans  les  univer- 
sités allemandes.  Il  a  puhhé  des  écrits  sur  son  art,  sur  la  chimie  et  sur 
des  questions  relatives  à  l'économie  religieuse  et  philantropique.  De  ces 
écrits,  les  uns  sont  en  allemand ,  d'autres  en  latin,  d'autres  en  français; 
trois  langues  que  l'auteur  écrivait  avec  une  égale  correction.  Le  docteur 
Wurtz  n'était  pas  moins  respectable  par  son  caractère  et  par  ses  moeurs, 
que  par  son  savoir.  Il  était  le  frère  de  l'un  des  chefs  de  la  puissante  et 
honorable  maison  de  librairie  française,  connu  sous  le  nom  de  Treuttcl 
et  IVûrts.  Cet  homme  de  bien  est  mort  à  Versailles,  le  9  septembre 
iS23;  M.  le  pasteur  Boissard  a  prononcé  un  discours  à  ses  funérailles; 
cette  pièce  se  trouve  imprimée,  avec  quelques  notes  iiographiques  (Pa- 
ris,   Ilerhan,  i8a3,    in-S»,.S   et  6   p^^^es]  :  Sur  M.  le  docteur  frurl:. 

A.  M. 

—  Jean-Baf  liste  HuBr  de  Coctiisan  ,  naguère  rédacteur  en  chef  du 

Journal  dxi  Commerce,  vient  de  mourir  à  Nantes,  à  l'âge  d'environ 

52  ans.  C'était  un  homme  d'un  vrai  mérite,  et  qui  fut  constamment  tlc- 

voué  à  sa  patrie  et  à  la  liberté;  il  défendit  l'une  et  l'autre,  à  l'armée,  a 


:oî  EUROPE. 

la  tribune  et  par  ses  i^crlls.  Né  à  Nantes,  d'une  famille  distîoguée  dans 
la  magistrature,  il  semblait  devoir  suivre  cette  carrière,  lorsque  la  ré- 
volution changea  ses  destinées ,  et  donna  une  autre  direction  à  ses  talens. 
Fidèle  aux  principes  d'une  sage  liberté,  il  fut  persécuté  et  proscrit,  à 
des  époques  fort  différentes.  Officier  au  i"  bataillon  de  JVantcs  ,  il  se 
trouvait  dans  cette  ville  ,  en  1795  ,  pour  les  aflaires  de  son  corps.  Il  fut 
l'un  des  commissaires  nommés  pour  se  concerter,  dans  le  Calvados,  sur 
les  moyens  de  sauver  la  patrie  des  fureurs  de  cette  époque.  Après  le  3i 
mai,  il  fut  proscrit  comme  fédéraliste,  et  l'on  mit  sa  tête  à  prix.  Il  se 
sauva  à  l'armée  des  Pyrénées,  où  il  servit  avec  distinction  ,  comme  aide- 
de-camp  du  général  Dugomraier  et  ensuite  du  général  Pérignon.  Lors 
de  la  paix  avec  l'Espagne ,  se.  goûts  et  la  confiance  de  ses  cnm^>atriotes 
le  firent  entrer  dans  Padministialion  ;  il  se  donna  tout  entier  à  l'étude  de 

l'économie  politique,  et  publi;.  successivement  plusieurs  ouvrages  relatifs 
à  cette  science.  L'un  d'eux,  intitulé  :  Recherches  économi(,ues  II  statisli- 
qius  sur  le  département  de  la  Loire- Infirieure,  le  fil  connaître  avanta- 
geusement. Il  était  alors  secrétaire-général  de  la  préfecture  de  ce  dépar- 
lement ,  d'où  il  passa  à  la  sous-préfecture  de  Razas  :  c'était  dans  un  teras 
assez  difficile,  eu  1808,  au  commencement  de  la  seconde  guerre  d'Es- 
pagne, et  son  administration  a  laissé,  dans  le  département  de  la  Gi- 
ronde, les  plus  honorables  souvenirs.  Cependant,  il  ne  fut  point  heu- 
reux, sous  le  gouvernement  impérial,  et  ne  le  fut  pas  plus  après  sa 
chute.  Il  avait  étudié  avec  soin  l'histoire  et  la  législation  de  l'Angle- 
terre,  et  voulut,  en  1816,  consacrer  ses  loisirs  à  visiter  ce  pays.  On  lui 
accorda  un  passeport;  mais  il  fut  arrêté  au  premier  relais,  iffut  incar- 
céré, et  resta  dix  mois  en  prison  ,  dont  trois  au  secret,  dans  un  des  ca- 
chots de  la  Conciergerie;  et  pourtant  il  est  mort  sans  avoir  appris  la 
cause  de  cette  détention  aussi  injuste  qu'arbitraire.  Le  ministre  lui-mê- 
me n'en  a  peut-être  jamais  rien  su.  Doué  des  plus  grands  talens  ,  ses 
connaissances  et  l'élévation  de  ses  idées  le  rendaient  capable  des  em- 
plois supérieurs;  roaLs  il  était  modeste,  et  demeura  perdu  dans  la  foule, 
d'où  il  put  voir,  plus  d'une  fois,  la  médiocrité  parvenir  aus  honneurs  et 
à  la  puissance.  t     rv 

—QiUtant  {Antoine-François).— S^è  à  P.,ris  le  4  octobre  1753,- M. 
Quélant  avait  droit  au  titre  de  doyen  des  gens  de  lettres.  Les  premières 
années  de  sa  carrière  littéraire  se  rapportent  à  une  époque  où  l'art  dra- 
matique rencontrait,  comme  tous  les  autres,  des  entraves  que  la  révo- 
lution a  brisées.  La  première  pièce  de  Quélant  [les  Ainours  grenadiers) 
date  de  1766,  et  fut  destinée  au  théâtre  âi^s  grands  danseurs  de  corde 
et  sauteurs  du  Roi,  depuis  théâtre  de  Nicollct,  et  aujourd'hui  théûlre 


EUROPE. 


noJ 


de  la  Gaîté.  Le  Maréchal  ferrant  h  j62)  détermina  la  réunion  des  theâ- 
ircs  de  l'Opéra-Comique  et  des  Italiens.  Cette  pièce  et  (c  Tonnchcr 
(1765)  eurent  beaucoup  de  suecès,  et  peuvent  être  placées  au  rang  de* 
premiers  ouvrages  ,  dans  un  genre  où  la  France  s'est  depuis  assuré  tant 
de  palmes  dramatiques  et  musicales.  L'.a.teur  de  ces  légères  produc- 
tions connaissait  plusieurs  langues  étrangères;  on  lu.  do.t ,  entre  au- 
tres productions,  ia  Science  du  ionhovunc  Richard,  de  Frankhn  II 
laisse  plusieurs  manuscrits  qui  attestent  le  goût  des  reehercbes  prolon- 
des.  M.  Quêtant  ebt  mort  à  Paris,  le  19  août  uS23.  A- 

Lcforli^r  -M.  Jean-François  Lefûetieb,  professeur  de  belles-let- 
tres à  l'École  royale  spéciale  mili.aire  de  Saint-Cyr,  est  mort,  le  21  octo- 
bre dernier,  Agé  de  cinquante-trois  ans.  C'était  un  professeur  d.stmgue, 
et  un  hcmmc  de  beaucoup  d'esprit,  qui  joignait,  à  un  goût  fin  et  debcat , 
des  connaissances  variées  en  littérature.  Après  avoir  brille  dans  les  con- 
cours généraux  de  l'ancienne  université  de  Paris  ,  il  remplissait  les  lonc- 
tions  de  l'enseignement  public,  depuis  près  de  trente  ans  :  il  fut  nomme 
professeur  de  belles-lettres,  à  l'école  centrale  de  Vannes,  en  1798,   pas- 
sa, quelques  années  après,  avec  le  même  titre,  à  celle  de  Fontamebleau , 
et  ensuite  à  l'École  militaire,  originairement  fondée  dans  cette  dern.ere 
ville    Partout ,  il  a  laissé  un  profond  souvenir  de  ses  talens ,  de  la  tour- 
nure vive  et  piquante  de  son  esprit,  de  la  droiture  de  son  cœur  et  de  la 
bonté  de  son  caractère.  11  est  regretté  de  ses  supérieurs,  de  ses  confrè- 
res et  de  .es  élèves,  dans  l'établissement  auquel  il  était  allacbe  depu.s 
si  long-lems.  Il  a  publié,  chez  Le  formant,  en  iSoô  ,  une  traducl.on  du 
rraUé  du  P.  de  J-  .vency,  jésuite  ,  sur  l'art  d'enseigner  et  d'apprendre. 
De  Arte  docendi  et  discendi.  Celle  traduction  est  fort  estimée  ;  et  le  D..- 
cours  préliminaire,  dont  elle  est  ornée  ,  écrit  avec  beaucoup  de  pur-lc, 
de  clarté  et  d'élégance,  présente  une  foule  d'excellenles  vues  sur  la  par- 
tie de  l'éducation  ,  qui  regarde  proprement  l'enseignement  htterarre. 

Swc1,ac1i.  -  Les  arts  viennent  de  faire  une  perte  nouvelle  dans  la  per- 
sonne de  M.  S^vebach  ,  peintre  de  genre,  qui  est  mort  le  10  décembre. 
Une.xrande  facilité,  le  tour  spirituel  qu'il  savait  donnera  ses  compo.- 
tions?  toutes  du  meilleur  goût,  assurent  à  ses  ouvrages  un  rang  d.stm- 
j^ué  ,  il  laisse  un  fils  qui  marche  dignement  sur  ses  traces,  et  qu.  s  est 
déjà  montré  avec  avantage  au  dernier  salon. 


TABLE  DES  ARTICLES 

CONTEKUS 

DANS  LE  SOIXANTIÈME  CAHIER. 

DÉCEMBRE  1823. 


I.  MÉMOIRES,  NOTICES  ET  MÉLANGES. 

1.     Notice  sur  diver*  travaux  géodésiques.  F  rancœur,  •p.  ^fi, 

8,     ÎJotice  sur  M"' Clairon.  -témonfev,  de  l'Institut.  48j 

II.  ANALYSES  D'OUVRAGES. 

5.  Trailé  complet  de  l'art  de  la  dislillation ,  par  xM.  Dabrunfaut. 

Ferry.  5oo 

4.  Traité  de  mécanique,  pjr  M.  Christian.  Le  Normand.  5o\ 

5.  Voyage  dans  la  Grèce,  par  M.  Pouqueville.  Artaud.  5ii 

6.  Barreau  Français.  ^.  TaiWmdier.  617 

7.  Mémoires  de  Biizot.  p_  ^    j)  553 

8.  Œuvres  complètes  de  Cicéron  ,  publiées  par  M.  J.  V,  Lecicrc. 

Barhier.  507 

9.  Anthologie  Arabe  et  Persane,  par  Goethe.  A.  S.  546 

10.  L'Ecole  des  Vieillards  ,  comédie  par  M.  Casimir  Delavigne. 

Tissât.  555 

11.  Voyage  pittoresque  et  historique  à  Lyon,  par  M.  E.  M.  Fortis. 

F.  565 

IIL  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

Annonces  de  116  ouvrages,  français  et  étrangers.  -  Sjo 

IV.  NOUVELLES  SCIENTIFIQUES  ET  LITTÉRAIRES. 

Amksiqoe.  —Chili  —  États-Unis.  g-, 

Asie.  —  Possessions  anglaises.  —  Calcutta.  —  Sérnmpour.  67a 

Afbiqcb.  —  Ile  de  Bourbon.  —  Suez.  C^l 

E.;hopk.  —  Iles  Britanniques.  —  Danemarck.  —  Allemagne.  —  Suisse. 
—  Italie.  —  Pays-Bas.  —  France.  —  Paris.  6-6 

915    4 


DII^L/li^VM   •w'n-'u^ 


AP  Revue  encyclopédique 

20 

R53 
t. 20 


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