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HISTORIQUE
Paraissant tous les deux mois.
Nt qyàd fàlti audeat, ne quid vert non audeal kittoria.
Cic^RON, de Orat. II, i5.
QUATRIÉMB ANNÉE.
TOME ONZIÈME
Septembre-Décembre 1879.
PARIS
LIBRAIRIE OERMER BAILLIÈRE et C*
108, BOULEVARD SAINT-OERMAIN
AD COIN DE LA RUE H AUTEFEDILLB
1879
LES ÉTATS PROVINCIAUX
DE LA FRANCE CENTRALE
SOUS CHARLES VII
{Suite et fin.)
IL — Attributions des états provinciaux.
§ 1. — Attributions politiques .
A. — Vote de Vimpât. — Principal. — Frais.
La première attribution des états provinciaux en matière poli-
tique, c'est le vote de l'impôt. Un principe d'origine féodale vou-
lait que le roi, comme les autres seigneurs, en dehors de ses reve-
nus ordinaires, ne pût lever aucun impôt sur ses sujets sans leur
consentement. Depuis le xrvr* siècle, le consentement devait être
donné par les états provinciaux comme représentants du pays.
On pense bien que la royauté chercha de bonne heure à se débar-
rasser de cette obligation ; on peut dire qu'elle y était à peu près
arrivée sous Charles VL Mais en 1418, le principe méconnu
reprit une nouvelle vigueur ; le dauphin Charles, obligé de quit-
ter Paris et cherchant à s'attacher par tous les moyens les pro-
vinces situées sur la rive gauche de la Loire, abolit toutes les
impositions qui avaient cours à ce moment ; c'était reconnaître
qu'elles avaient été perçues illégalement et se condamner pour
longtemps à ne lever d'autre impôt extraordinaire que ceux que
les états généraux ou provinciaux voudraient bien lui accorder.
Il en fut ainsi en effet. Si Charles VU se passa plusieurs fois des
états généraux, s'il y renonça de bonne heure, jamais, de 1418
à 1451, il ne put lever un impôt direct sans l'intervention des
états provinciaux. Ce fait, que l'on avait à peine soupçonné jus-
Rev. Uistor. XL l»' PASC. 1
A. THOMIS.
qu'ici S est mis hors de doute par le catalogue, bien incomplet
pourtant, qui forme la base de notre travail'. Chaque année, et
parfois plus souvent, les états votaient une aide plus ou moins
considérable, et chaque fois sans préjudice pour l'avenir. On peut
dire que, de 1418 à 1451, il n'y a aucune diflerence à ce point
de vue entre l'Auvergne ou la Marche et le Languedoc.
Montrons, par des exemples empruntés à chaque pays, que
fréquenunent les états usèrent de leur droit pour refuser une par-
tie des charges qu'on voulait leur imposer. Au mois de mai 1431,
les états d'Auvergne, assemblés à Montferrand devant Guillaume
le Tur et Girard Blanchet, accordèrent seulement 30,000 francs
au lieu de 45,000 demandés par le roi. Au mois de janvier sui-
vant, ils réduisirent de moitié les demandes de la cour et ne
votèrentquel5,000 francs sur 30,000^. Aumois dedécembrel445,
le roi ayant taxé l'Auvergne à 40,000 francs pour sa part d'une
aide de 200,000 francs levée sur le Languedoïl, les états envoyèrent
auprès de lui à Chinon une députa tion composée de Bertrand,
comte de Boulogne et d'Auvergne, de Jacques de Châtillon, de
Draguinet de Lastic, de Jean Leviste, de Guillemin de Reillac et
de Martin Roux, et les députés obtinrent le rabais de 4,000 fr. ^
En 1423, les états du Limousin obtinrent une diminution de
8,000 fr. sur 37,000 auxquels montait leur part de l'aide d'un
million accordée au roi à Bourges au mois de janvier ^.
En 1438, le Haut-Limousin ayant été imposé par le roi à
12,000 fr. pour sa part d'une aide générale de 200,000 fr., les
états envoyèrent une ambassade auprès de Charles VII, à Bourges,
pour faire valoir leurs privilèges, et le roi dut se contenter de
9,000 francs «.
De même les états de la Marche firent réduire de 12,000 francs
à 9,500 leur part des 450,000 francs octroyés par les états de
Languedoïl, à Poitiers, en octobre 1425^. Au moi de mai 1433,
1. M. Vailet de ViriTille ne cite aucune session poar notre région dans une
liste où il a touIu réunir à la fois les états généraux et les états provinciaux.
Voy. Bibl. de VÉcole des charte$,iSn, p. 27-30.
2. Voyez plus haut.
3. Bibl. nat., Pièces orig., 364, dossier Blanchet, n* 32.
4. Bibl. nat., Fr., 22296, à hi date.
5. Ib., ib., 26274.
6. Ib., ib., 25710, p. 116.
7. Ib., Ib., 20587, p. 36, et Clair., 139, p. 2621.
LES l^TATS PROYINCIAUX. 3
ik n'accordèrent que 3,500 francs au lieu des 5,000 francs que
demandait le roi ^
Le Franc^Alleu lui-même, ce petit pays qui ne s'étendait que
sur une vingtaine de paroisses, sut résister aux exigences royales.
Par lettres du 16 juillet 1437, Charles VII avait chargé Trolbard
de Montvert, Jean du Mas et Guillaume Lemaréchal d'y imposer
7001.; les états remontrèrent aux commissaires qu'ils avaient
« privileiges à eulx donnez par les feuz roys de France pour rai-
son desquelz ilz n'estoient ne sont tenuz de contribuer à quelz-
conques aides, taiUes ou subsides ; ainçoys quant ils passent par
les pays, chargiez de marchandises ou autres choses qui doivent
paier péages, ilz n'y doivent riens payer ; > les commissaires se
virent obligés, malgré leur commission, de réduire la somme
demandée à 5001., aân que les états « octroiassent plus libérale-
ment ledit aide*. >
Malgré ces exemples, il faut reconnaître que si les états pou-
vaient réduire plus ou moins les sommes qu'on exigeait d'eux, ils
étaient pour ainsi dire moralement forcés de voter l'impôt royal.
Mais où leur initiative est beaucoup plus puissante, c'est quand il
s'agit d'impôts nécessités par les besoins de la province. Quel-
quefois (notamment en 1444 pour le Bas-Limousin 3) les états
envoyaient une ambassade au roi lui exposer qu'ils avaient besoin
de faire lever sur eux telle somme pour tel motif; le roi alors, par
lettres patentes, autorisait la levée de la somme et nommait des
conmiissaires pour en faire l'assiette. Mais il en était rarement
ainsi ; voici ce qui se passait le plus souvent et comment les états
de nos provinces ont subvenu aux dépenses locales pendant les
trente premières années du règne de Charles VII.
Lorsqu'une aide était accordée au roi, il était d'usage depuis
longtemps d'imposer avec la somme octroyée une sonmie minime
pour les frais, de façon à ce que, suivant les expressions du temps,
« l'aide peust venir ens franchement. » Les états, ayant nécessai-
rement le contrôle des frais, pouvaient les fixer conune ils l'enten-
daient ; ils usèrent de cette facilité pour imposer avec les frais
toutes les sommes dont les besoins de la province leur parurent
exiger la levée. Ainsi, depuis 1418 jusqu'à 1451, avec chaque
1. Bibl. nat., Fr., 20417, à la date.
2. Voy. Bibl. nat., Fr., 23902, à la date.
3. Voy. Ibid., Portef. Fonlanieu, 119-130.
1. TBOVIS.
impôt accordé au roi, les étals firent lever ce qae noas appelle-
rions ToloDtiers des centimes additionnels, si cettâ expression
toute moderne ne donnait l'idée d'une proportionnalité qui n'était
pas dans les habitudes : on disait alors < les deniers mis sus
oultre le principal. > Examinons dans quelles conditions ce droit
s'exerça pour chaque pays.
En Auvergne, où l'organisation des états était très compliquée* ,
les frais, outre le principal, pouvaient avoir cinq sources difle-
rentes : A. Dans les assemblées générales, qui étaient proprement
les états d'Auvergne et qui votaient l'impôt royal, il j avait k
peu près toujours diverses sommes votées outre l'aide accordée
au roi, soit pour le duc d'Àuvei^ne, soit pour les commissaires,
soit pour diverses aSaires concernant le pays tout entier : ces
firais étaient répartis dans des proportions fixes entre le haut pays
(qui en supportait le 1/4), les bonnes villes (le 1/6) et le plat pays
(te reste, soit 7/12) ; B. Les états de la Basse-Auvergne pouvaient
ùnitoser pour leurs aSaires particulières, et alors les sommes
Ainsi votées n'étaient supportées que par les bonnes villes et le
pUt pays ; C. De leur côté, les états de la Haute-Auvergne pou-
naÎMit ouvrir des crédits dont ils avaient seuls la charge ; D. Au
tnu où les bonnes villes refusaient un crédit, il pouvait être voté
^r lv8 gens d'église et nobles de la Basse- Auvergne (plat pays)
ùt par les états de la haute ; Ë. Enfin les gens d'église et nobles
•î» Ut liasse-Auvergne votaient isolément des frais souvent consi-
■léiuMw répartis sur le plat pays seul. Soit h chaque vole d'aide
pour l» roi le tableau suivant des frais :
A D
Haute-Auvergne ■ i + f' + 7 '
<.iu remarquera que les treize bonnes villes de la Basse-Auvergne
\H levMidut sur elles que les frais votés en commun ; nous n'avons
ptu d'exuuiple du moins qu'elles imposassent collectivement sur
dUw^a dehors du ce cas.
Uii»l-Uf4, uuu» avons la prettv*^^'iie levait ainsi des sommes
h
ItkndM lmpU«,
V
LES éTATS PHOVllfGUnx. 5
plus OU moins considérables destinées à la défense du pays^ Ce
système fut en vigueur jusqu'en 1449, mais non sans encombre.
La royauté, qui tendait de plusen plus à s'attribuer exclusivement
le droit de lever des impôts, dut cependant tolérer longtemps cet
état de choses ; mais bientôt elle intervint et essaya de faire recon-
naître la nécessité d'une autorisation royale pour imposer d'autres
sommes que les fi*ais ordinaires. En 1438 les états, ayant payé
des rançons considérables aux gens de guerre, durent demander
des lettres patentes pour les faire asseoir par-dessus l'aide du roi *.
Mais les prétentions de la cour trouvèrent bientôt de la résistance.
En 1442, lorsque les gens de guerre que Charles VII menait dans
l'expédition de Guyenne passèrent par le pays, il fallut encore
composer avec eux pour éviter le pillage de la province : on leur
donna environ 24,000 francs. Les villes, qui auraient eu évidem-
ment moins à souffrir que le plat pays, refusèrent de participer
au payement de cette somme. Les états ayant accordé 20,000 fr.
au roi à l'assemblée d'Aigueperse (septembre), les gens d'église
et nobles firent asseoir la somme de 24,000 fr. sur le plat pays
et la Haute-Auvergne en sus de l'aide royale, et cela sans aucune
autorisation. Charles VII ne voulut pas laisser passer cette mécon-
naissance de l'autorité royale ; M* Jean Rabateau, président au
parlement, fut chargé d'instruire l'afifaire, et ce n'est qu'au prix
d'une amende de 20,000 fr. que les gens d'église et nobles obtinrent
des lettres de rémission où le roi affirmait hautement ce principe
que personne ne pouvait lever aucun impôt sur le pays sans sa
permission ^ ; en même temps il défendit aux receveurs de la pro-
vince de rien payer à l'avenir par ordre des états sans avoir de
lui une autorisation spéciale *, Il est certain que l'absence de con-
trôle avait dû engendrer beaucoup d'abus. Les « deniers oultre
le principal » étaient presque toujours supérieurs à ce principal
lui-même. Citons-en quelques exemples : en janvier 1432, aide
du roi : 15,000 fr., les frais dépassèrent certainement 16,000 fr. ;
en novembre 1433, aide du roi, 7,000 fr. : un seul crédit supplé-
mentaire voté par les états de la Basse- Auvergne est de 8,000 fr.
Au mois de juillet 1438, les états accordent au roi 24,000 fr. ; la
part du plat pays est donc de 14,000 fr. ; or l'assiette faite par
1. Bibl. Dât., Fr., 26047, n* 241.
2. Voy. InsUruct. de la Basse- Auvergne, Bibl. nat., Fr. 22296, n* 2.
3. Voy. Bibl. nat., Fr., 2403t.
4. Bibl. nat., Portef. Fontaniea, 870, f^ 292.
6 i. THOMAS.
les commissaires monte à près de 48,000 fr., soit près du triple,
et par conséquent 34,000 fr. outre le principal.
Charles VII ne se contenta pas de l'exemple qu'il avait fait en
1442. Dans les commissions pour l'année 1444 , données à Angers le
7 février, il fixa lui-même les sommes à lever outre le principal
« pour tous frais et instruccions > à 44601. dans la basse et 17401.
dans la Haute-Auvergne, lesquelles devaient être distribuées sui-
vant les instructions données aux commissaires ; en outre, par
d'autres lettres données à Tours le 12 mars suivant, à la requête
des états qui, dit-il, « n'oseroient mètre sus sans avoir de nous
congié et licence, » il permet aux copamissaires d'imposer en plus
jusqu'à concurrence de 6000 1. Croit-on que ces mesures aient
été efficaces? Les faits vont nous répondre. D'après ce que nous
venons de dire, les frais autorisés pour la Haute-Auvergne se
montent à 32901. Or, nous avons précisément les « Instructions »
de la Haute-Auvergne pour cette même année 1444 : les frais
s'élèvent à 14,127 1. *. Il semble que le roi ait dû renoncer dès
lors à combattre un droit que les états revendiquaient si énergi-
quement ou que ceux-ci aient dû céder ; il n'en est rien. Par les
lettres de commission du 5 janvier 1446, le roi autorise les com-
missaires à faire imposer outre le capital 6000 1. sur le plat pays
pour tous frais. Et cependant que trouvons-nous? Les frais géné-
raux votés en commun par les états s'élèvent déjà à 13,9041. et
les frais particuliers au plat pays dépassent certainement 2,000 1. ,
ce qui porte à plus de 10,0001. les frais imposés sur le plat pays.
Les choses allèrent ainsi jusqu'en 1449, dernière année où nous
ayons des renseignements certains, et probablement jusqu'en 1451 .
Nous verrons plus loin ce qu'il en advint après.
n y a loin, comme importance, de l'Auvergne au Franc- Alleu ;
aussi y a-t-il peu de chose à dire sur ce dernier pays. Le roi fixe
le principal, mais les frais sont « mis sus du gré et consentement
des gens des trois estatz à ce faire appeliez. » La question ne
devait guère soulever de difficultés, car ces frais étaient insigni-
fiants. Ils sont ordinairement de 901. se décomposant ainsi : 201.
pour chaque commissaire (soit 601.), 201. pour le receveur et 101.
pour les clercs. Toutefois, en février 1443, ils s'élèvent à 1301.
par suite de gratifications faites à quelques personnes.
Les choses se passaient à peu près de même dans la Marche ;
1. Arch. nat., K 68, n* 2.
LES ériTS PROVINCIAUX. 7
le roi laissait les frais à la disposition des commissaires par la
formule « avec telz fraiz que verrez estre à faire ; » dans une
commission du 3 mars 1438 ^ il ajoute « et aussi telle somme que
les gens des Trois Estaz desdiz païs et chastellenie octroieront y
estre imposée pour nostre très chier et amé cousin le conte de la
Marche. > Les commissaires n'imposent d'ailleurs les fi^is que
« du gré et consentement » des états, comme on peut le voir par
plusieurs assiettes*. Ces frais sont relativement assez élevés : en
1440, ils atteignent 3048 1. pour un principal de 4000 1. ; en 1441 ,
21421. ; en 1445, 20501. seulement pour un principal de 80001.
Néanmoins, à partir de 1445, le roi fixe lui-même le montant des
frais, à 5001. pour l'année 1446 ^, à 400 1. pour 1447 * : nous ne
savons si ces prescriptions furent observées, mais il est bien pro-
bable que non.
Pour le Limousin, tant bas que haut, nous avons quelques
faits plus intéressants à constater. Le système des frais outre
le principal nous apparaît dès 1423, où nous voyons imposer
ainsi 1473 1. « par le conseil et octroy des gens des Trois Estaz
du hault païs de Lymosin, » et il ne soulève à l'origine aucune
difiSculté de la part des commissaires. Il en va de même les années
suivantes. En septembre 1435, les états assemblés à La Souter-
raine imposent sur eux pour les frais et les affaires du pays 4800 1. ,
sans compter que le principal (5000 1.), par concession du roi,
devait être également employé dans l'intérêt delà province. Mais
bientôt leaicommissaires semblent concevoir quelques scrupules et
éprouvent le besoin de mettre un peu leur responsabilité à cou-
vert ; de là des phrases comme celles-ci : en 1437 5, « et ce à la
requeste des gens desdiz Trois Estaz qui ont voulu ladicte somme
estre assise et imposée comme dit est, et baillée et paiée aux per-
sonnes et pour les causes dont cy après sera faicte mention , disans
adce avoir povoir et privileiges dont ilz ont acoustumé à user ; »
de même Tannée suivante* : « ... à la requeste des gens desdiz
Trois Estaz qui de ce dient avoir povoir et previleiges et dont ilz
se dient avoir usé en pareilz cas et semblables, quant bon leur a
1. Bibl. nat, Fr., 21420, n* 24.
2. Bibl. nat., Fr., 23901 et 21423.
3. Ib., ib., 21427, n* 10.
4. Arcb. nat, K 68, n* 23.
5. Voy. Bibl. nat., Fr., 23902, à la date.
6. Ibid.
8 i. THOMAS.
semblé et les cas y sont advenuz. » Néanmoins les états jouissent
sans entraves de ce droit jusque vers 1445 ; il est vrai que les
frais, une fois votés par eux, sont régulièrement confirmés par
lettres patentes du roi depuis 1440 ; mais il y a là, non une ques-
tion de droit, mais, comme nous le montrerons ailleurs, une me-
sure purement administrative* . Ces frais son t encore considérables :
40301. en août 1440, 41151. en octobre 1441 pour le Haut-
Limousin; 2884 1. en février 1441, 4004 1. en septembre 1442
pour le Bas-Limousin. Toutefois, en 1444, les états ayant donné
de fortes sommes aux capitaines de retour de Gascogne pour qu'ils
ne passassent pas par le Bas-Limousin, ils n'osèrent les imposer
comme de simples frais. Ils envoyèrent donc auprès du roi pour
obtenir de lui le prêt de 4000 1. et l'autorisation d'imposer cette
somme sur le pays, plus 2682 1. 10 s. t. pour les frais. Le roi
l'accorda ; mais le recouvrement de cet impôt rencontra de grandes
diflBcultés ; plusieurs seigneurs refusèrent de le laisser lever sur
leurs terres, prétendant qu'ils n'avaient pas été appelés aux états,
que les compositions faites avec les capitaines ne se montaient
pas à une aussi forte somme et que les frais étaient exagérés. Il y
eut procès devant la Cour des aides qui ordonna la levée forcée
de l'impôt'. Néanmoins les principaux opposants, Gui de Saint-
Chamand, le s' d'Escorailles et le prieur du Port-Dieu, obtinrent
l'année suivante qu'une enquête fut faite par M®* Noël le Boulan-
ger et Raoul du Refuge sur les abus commis au pays dans la levée
des aides accordées au roi ^. Cette affaire fut évidemment cause
que le roi contrôla dès lors plus sévèrement les frais levés sur le
Bas-Limousin. Aussi les trouvons-nous fixés d'avance à 1400 1.
dans les lettres de commission du 9 janvier 1445, à 675 1. pour
l'année 1447, à 14001. pour 1448, et ces prescriptions semblent
toutes avoir été fidèlement observées.
B. — Traités. — Levées de troupes, etc.
Les états, ayant une existence légale et formant pour ainsi dire
une personne morale, pouvaient accomplir la plupart des actes
qu'un puissant seigneur féodal avait encore à cette époque le droit
de conclure. De ce nombre sont les traités d'alliance. L'exemple
1. Voy. infrà, ch. 2.
2. Voy. sur cette affaire Arch. nat., ZIa 14, à la date du 24 férrier 1445.
3. Ibid., Z 1a 23, f iOb,
LES ÉTATS PHOVINGUUX. 9
le plus curieux que nous en ayons appartient à l'Auvergne. Le
15 juillet 1423, Robert Dauphin, évêque de Chartres, Gilbert de
la Fayette, maréchal de France, Bertrand, s*" de la Tour, Jean,
s' de Langeac, sénéchal d'Auvergne, Jean de Tinière et Dalmas
de Vissac, « à ce commis et ordonnés par les gens des Trois Estaz
dupaïsd'Auvergne, »concluentuntraitéd'alliancedéfensivecontre
les routiers avec les pays de Bourbonnais, Forez, Beaujolais et
Combraille, représentés par le comte de Clermont. Si l'un des pays
confédérés a besoin de secours, il le fera savoir aux autres qui
seront tenus de venir à son aide, suivant leurs facultés respec-
tives *. Cette alliance tenait encore en 1430, où nous voyons fixer
le nombre de gens de guerre que chaque pays devra envoyer au
secours des autres *. Nous trouvons également des alliances con-
clues pour une cause passagère ; ainsi, en 1437, les états de la
Basse-Auvergne envoyèrent « plusieurs chevaliers, écuyers et
autres gens notables » pour « faire certaines aliances avec plu-
seurs seigneurs des païs de Velay et de Givaudan ; » le but de
cette alliance était de forcer le fameux Rodrigue de Villandrando
à évacuer le pays avec ses gens qui mettaient tout au pillage.
A côté des traités d'alliance avec des pays amis, se placent les
traités, soit avec les Anglais, soit avec les nombreux chefs de
routiers qui dévastaient les provinces. Nous en exposerons
ailleurs' l'histoire tout au long ainsi que celle des levées de
troupes faites par les états; bornons-nous ici à constater que
le droit des états de faire des traités dans ces conditions était
absolument reconnu. Dans des lettres-patentes du 8 janvier 1436,
Charles VII trouve très naturel « que iceulx gens des trois estaz
(Bas-Limousin) ou aucuns d'iceulx aient certains traictiez pour
avoir et recouvrer les ville et chastel de Domme occupez par noz
anciens ennemis les Anglois estans oudit bas païs ou marchissans
sur icellui^ » En 1438, les états du Haut-Limousin font « un
appointement » par devant notaire avec Jean de Saintoux, capi-
taine de Courbefy, pour le faire déloger de bonne grâce de cette
place*. En 1443 nous voyons Jean de Langeac et Draguinet de
Lastic, « commisseres ordonnez par mons' le duc et mess" des
1. Arch. nat., P 1358), 550.
2. Ibid., P 1359.
3. Infrà, 3' partie, ch. 3.
4. Arch. nat, K 64, 7.
5. Bibl. nat., Fr., 23902.
40 À, THOMAS.
trois estatz des pays d'Auvergne a faire partie de certaines corn-
posicions et appoinctemens faiz à plusieurs cappitaines et gens de
guerre en alant et venant... à Tartas...*. » Il va sans dire que
l'exercice de ces droits ne s'explique que par la présence des
Anglais aux frontières et les désordres de toute sorte qui signalent
les deux premiers tiers du règne de Charles VII. Quand le roi eut
réussi à peu près en 1445 à mettre un terme « à la pillerie des
gens de guerre, » et quand plus tard la Guyenne fut redevenue
française, les états n'eurent plus à exercer des droits dont les cir-
constances seules les avaient forcés de se servir.
Un droit politique important semble avoir été reconnu quelque-
fois aux états provinciaux dans les pays des grands vassaux :
c'est celui de donner leur avis sur le mariage de leur suzerain.
Par son testament de 1435*, Jacques de Bourbon, comte de la
Marche et de Castres, instituant pour héritière sa fille unique
Éléonore avec son mari Bernard d'Armagnac, la déshérite en
partie « si le cas advenoit que, non appeliez ses principaulx
parens et amis, et les trois estatz des contés de la Marche et
de Castres assemblez en bon nombre, elle voulut parvenir à
secondes noces à homme de moindre estât et hostel qu'elle appar-
tient. » Les états n'eurent pas à se prononcer puisque Eltonore
de Bourbon, quoique devenue veuve, ne songea pas à se rema-
rier; mais le droit que leur suzerain leur attribue n'en était pas
moins intéressant à signaler.
C. — Les états provinciaux nommaient-ils des députés
aiujo états généraux?
Certains auteurs placent parmi les droits politiques des états
de quelques provinces celui de nommer des députés aux états
généraux 3. Nous avons donc à examiner la question.
Il est indispensable avant tout de se rendre compte de la ma-
nière dont étaient convoqués les états généraux sous Charles VII.
En ce qui concerne le tiers état, le roi envoyait des lettres closes
aux principales villes et les invitait à nommer des députés à l'as-
1. Voy. Ibid., Cab. des Titres, dossier Langeac.
2. Bibl. nat., Collect. Brienne, 313, p. 231.
3. Voy. Laferrière, opus laud., p. 368; J. Paquet, ibid., p. 162, et surtout
Picot, Les Élections aux états généraux dans les provinces de 1302 d 1614,
dans les Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques,
année 1875, t. II, p. 11 et sui?.
LES ^TiTS PROVINCIAUX. U
semblée des états généraux*; pour le clergé les principaux
évêques et abbés étaient convoqués directement* ; et il en était évi-
demment de même de la noblesse. Ainsi le tiers état était représenté
au moyen d'une élection directe et il n'y avait pas d'élection du
tout dans les deux autres ordres.
D'après cela il semble que l'on puisse aflSrmer- hautement que
les députés aux états généraux n'étaient pas nommés par les états
provinciaux. Ce serait toutefois se hasarder beaucoup. Bien que
les instructions du roi soient très précises sur ce point, il ne s'en
suit pas qu'elles aient été exactement suivies; et si la question
est obscure pour nous aujourd'hui, il est à croire que les contem-
porains eux-mêmes n'étaient pas très fixés là-dessus. Les archives
de Lyon nous fournissent des faits intéressants à ce sujet. La ville
fut convoquée aux états généraux de Poitiers en octobre 1425;
le texte des lettres closes est précis^ : le roi ordonne d'envoyer
deux ou trois députés à l'assemblée. Néanmoins nous voyons une
assemblée des villes du Lyonnais se tenir à Lyon le 11 septembre
et décider qu'elles députeront collectivement aux états généraux^.
Au contraire, en 1427, quand il s'agit de nommer des députés
aux états généraux qui étaient alors convoqués à Poitiers pour
le 16 novembre, la ville de Lyon décide de députer uniquement
en son nom conformément aux lettres du roi'*.
Il n'y aurait rien d'improbable à ce que des faits analogues se
soient produits dans les pays que nous étudions. Malheureusement
les documents qui nous sont parvenus ne nous permettent guère
d'élucider la question. Le 20 février 1424, Aubert Foucaud, sei-
gneur de Saint-Germain, donne quittance de 60 francs à lui don-
1. Voyez-en de nombreux exemples dans notre Étude sur let était généraux
sous Charles VII, Cab. hist,, 1878, Pièces justificatiTes.
'2. L*abbé de Saint-Jean-d'Angely fut conToqué personnellement aux états géné-
raux de Poitiers en octobre 1425. (Voy. Bibl. nat., Fr., 20906, p. 43.)
3. Voyez ces lettres dans le Cab. historique de 1878, p. 215.
4. c Hz ont concluz d'aler ensemble à rassemblée des Trois Estaz à Poictiers
Ions ensemble et se gouverneront tous pour une manière et tous ensemble, i
(Arch. de Lyon, BB 1, f- 237 y.)
5. c Et quant de soy adjoindre arec le plat pays, ainsi que l'ont requis aucuns
dudit plat pays, ilz ont conclus que, attendu que lesdiz du plat pays se sont
déjà plnseurs fois desjoins d'arec la rille, et aussi que la ?ille puet avoir des
rabais et grâces par pluseurs moyens que n*ont point lesdiz du plat pays, que
la vUle face le mieulx par soy qu'elle pourra, sans soy adjoindre en riens avec
ledit plat pays, excepté Mandront, qui dit que l'on se doit adjoindre avec ledit
plat pays, pour tousjours estre plus fort, se besoing estoit, et pour plusieurs
autres causes. • (Arch. de Lyon, BB 2, f* 50 r.)
42 A. THOMAS.
nés par les états du Limousin pour avoir éta aux états généraux
de Bourges en janvier 1423* ; mais la pièce n'indique pas précisé-
ment qu'il eût mandat des états. Dans la distribution des frais
imposés en Haut-Limousin en septembre 1435 outre l'aide du
roi', nous trouvons une somme votée à l'évêque de Limoges « qui
a esté nommé et requis par les gens dudit pays à aler devers le
roy à l'assemblée tenue à Tours avecques autres en sa compai-
gnie pour les affaires dudit pays. > Là les termes sont bien précis;
l'évêque de Limoges est bien mandataire des états; mais il n'y a
aucune trace d'états généraux tenus à Tours en 1435 et il est à
peu près sûr que cette « assemblée > n'était qu'une députation
des états du Haut-Limousin que le roi avait mandés en sa pré-
sence, comme cela eut lieu d'une façon indubitable en 1438.
En somme, notre conclusion, très peu aflSrmative, sera que
normalement les états provinciaux ne nommaient pas les députés
aux états généraux sous Charles VII, comme cela eut lieu régu-
lièrement en 1484; mais qu'on peut cependant rencontrer dès
xîette époque quelques exemples isolés de cette pratique plus
moderne.
§ 2. — Attributions administratives.
A. — Répartition de V impôt.
Dans tous les pays que nous étudions les états prenaient part
à la répartition de l'impôt, mais dans des conditions propres k
chacun d'eux.
En Auvergne, les états ne participaient pas seulement à la
répartition; on peut dire que cette importante opération était
tout entière entre leurs mains. Depuis la seconde moitié du
xiv* siècle, dans tous les subsides qu'ils accordaient régulièrement
au frère de Charles V, le duc de Berry et d'Auvergne, ils avaient
la jouissance de ce droit qu'ils exerçaient d'après une certaine
organisation. Ils surent conserver cette organisation jusque
vers 1451 .
A chaque impôt voté, il y avait 3 assiettes distinctes : l'une pour
les bonnes villes, l'autre pour le plat pays de la Basse-Auvergne,
la 3® pour la Haute- Auvergne. La proportion contributive de ces
1. Bibl. nat., Cab. des Titres, dossier Foucaad.
2. Ibid., Fr., 23902.
LES ETATS PROYINCUUX. 'IS
diverses régions était fixée depuis longtemps : la Haute-Auvergne
supportait le quart de l'impôt total, les bonnes villes le sixième,
et le plat pays le reste, soit les 7/12^*. Mais à la suite d'une enquête
faiteen 1445 et 1446', il fut décidé que la part des bonnes villes se-
rait diminuée et qu'elles paieraient seulement le septième de la part
de la Basse-Auvergne. La nouvelle proportion fut donc : Haute-
Auvergne : 1/4 ou -1 ; bonnes villes, 3/4 X 1/7 ou — et plat
pays d'Auvergne 3/4 — 1/7 = -^.
La répartition de l'impôt entre les treize villes de la Basse-
Auvergne était faite par les délégués de ces villes réunis à cet
effet, et signée par eux. Nous trouvons cet usage en vigueur dès
1382^ et il subsista jusqu'au delà de 1451. Le seul original d'un
partage entre les bonnes villes que nous ayons pu découvrir est
du 22 février 1449^
L'assiette du plat pays était faite par des commissaires spé-
ciaux nommés par les gens d'église et nobles. Du temps du duc
de Berry, en 1399, nous voyons que ces commissaires étaient :
l'abbé de Mozat et M® Pierre de Perrol, pour les gens d'église, et
les seigneurs de Canilhac, d'Alègre, de Monmaury et de Monrodez
pour les nobles, soit six commissaires dont deux membres du clergé
et quatre delà noblesse^. Cette proportion subit quelques variations
sous Charles VH. En 1436, les commissaires sont : Jean de Lan-
geac, sénéchal d'Auvergne, Jean de Chauvigny, Pierre de Cros,
chevalier, Guiot Coustave, Gonin Roland, écuyers, et Pierre
Boniol, oflBcial de Clermont*; il n'y a donc qu'un membre du
clergé; en 1438, les mêmes moins Gonin Roland^; en 1440, appa-
raît Pierre Voulpilhère, écuyer, qui semble remplacer Gonin Ro-
land*. En 1441, il n'y a que cinq commissaires*. Enfin en 1442*^
nous trouvons six conunissaires dont deux du clergé et quatre de
1. Eo 1382, dans one assemblée des états de la Basse-AaTergne, un subside
ayant été accordé, les gens d'église et nobles s'engagent à payer f>ar leurs sujets
les 5/6 et les Tilles le reste. (Verdière-Latour, p. 39.)
2. Voy. infirà, III, { 2.
3. Verdier-Latour, op. laud., p. 39.
4. Bibl. nat., Fr., 26078, n* 6074.
5. Verdier-Latonr, p. 47-8.
6. Voy. Bibl. nat., Fr., 26062, p. n* 3055.
7. Ib., ib.„ 22296, p. n- 2.
8. Ib., ib., ib., à la date.
9. Ib., ib., 23898.
10. Ib., ib., 222%, à la date.
^14 A. THOHIS.
la noblesse, comme en 1382; la liste reste la même jusque vers
1451 ; elle est ainsi composée : Jean de Langeac, sénéchal d'Au-
vergne, Jean de Chauvigny, s' de Blot, chevaliers, Pierre Voul-
pilhère et Robert Coustave, écuyers, Pierre Boniol, officiai de
Clermont, et Guiot de Riuf, abbé d'Artonne^ De ce fait qu'on
retrouve presque toujours les mêmes noms, il faut évidemment
conclure que ces commissaires avaient un mandat permanent et
qu'on ne procédait au remplacement de l'un d'eux que par suite
de décès ou d'autres empêchements. Certaines fonctions étaient
d'ailleurs de nature à conférer presque forcément le mandat de
commissaire : ainsi le sénéchal d'Auvergne, comme représentant
plus spécialement le duc de Bourbon, l'official de Clermont* conmie
représentant de l'évêque, y figurent toujours. — Ces commissaires
étaient nommés d'une façon permanente par les états, mais ils ne
procédaient au fait de leur office qu'en vertu de lettres-patentes à
eux adressées par le roi à chaque nouvel impôt qu'il s'agissait d'as-
seoir^. Ils répartissaient alors sur toutes les paroisses du plat pays
le montant de l'impôt, tant principal que frais, et signaient l'as-
siette, ordinairement sur papier, qui était donnée au receveur
pour faire sa recette. Leur salaire pour ce travail était fixé par
les gens d'église et nobles et imposé parmi les firais; ils avaient
ordinairement chacun 50 ou 60 fr.
Cette organisation des états de la Basse- Auvergne pour la
répartition des impôts ne pouvait manquer d'exciter la défiance
de la royauté, surtout si l'on considère que dans tous les autres
pays de langue d'oïl l'assiette des deniers royaux était confiée
à des agents exclusivement nommés par le roi (commissaires
temporaires ou élus permanents). Aussi, quand elle se sentit assez
forte, elle engagea la lutte contre les privilèges et les habitudes
du pays. Les commissions pour Tannée 1447, données à Maillé
en Touraine, le 26 novembre 1446, sont remarquables à ce
1. Voy. BiW. nat., Fr., 22296, passim,
2. En 1432, la liste des commissaires est exactement composée comme en 1436,
mais alors l'oflicial est P. Chaudon. (Bibl. nat., Fr. 2S944. p. u* 69.)
3. c Charles, etc., à noz amex et feaulx les seigneurs de Langhac, senescbal
d^ Auvergne, et de Blot, cheraliers, Pierre Boniol, officiai de Clermont, Gniot du
Riuf, abbé d'Arthonne, Pierre Voulpilhere, escuier, et Robert Coustaye, gourer-
neur de Clermont, commisseres ordonnex de par les gens des Trois Estax du bas
paîs d'AuTergne à asseoir et imposer les tailles et inipostx de par nous mis sus
oudit bas païs. 19 décembre 1449. » Bibl. nat., Fr., 25711, n* 166.
LES l^TATS PROVINCIAUX. 45
point de vue. Elles sont adressées conjointement au sénéchal
d'Auvergne et autres commissaires des gens d'église et nobles,
et aux élus sur le fait des aides au diocèse de Clermont, pre-
mière atteinte au droit de la province; bien plus, elles con-
tiennent ordre aux élus, « au cas où les commissaires seroient
refusans ou delayans de ce faire, » d'imposer d'office sur le pays
les sommes contenues dans le mandement du roi^ Pour bien faire
comprendre l'antagonisme qui existait entre les commissaires des
états et les élus, il est nécessaire de nous expliquer sur les ofii-
ciers que l'on désignait par ce dernier nom.
Les états généraux de Languedoïl, dans leurs différentes ses-
sions tenues de 1355 à 1358, avaient nommé des surveillants ou
« superintendants » chargés, avec les pouvoirs les plus étendus,
de l'administration des aides accordées à la royauté; « ces super-
intendants » prirent le nom de « généraux esleuz par les trois
estatz sur le fait des aides ordonnez pour la guerre. » A côté de
ces élus généraux les états nommèrent des élus particuliers dans
chaque diocèse*. Mais on sait combien l'autorité des états géné-
raux fut éphémère; en décembre 1360, le roi Jean, mis en liberté
sous caution, et imposant différents impôts indirects dans le
royaume pour payer sa rançon, reprit pour son compte la créa-
tion des états généraux, et dès lors les élus provinciaux, comme
les généraux sur le fait des aides, devinrent oflSciers royaux^.
Les aides ayant été en fait levées presque sans interruption de
1360 à 1418, les offices d'élus devinrent permanents comme elles.
Les attributions normales de ces officiers royaux ne con-
cernaient que les impôts indirects, et spécialement les aides pour
la guerre (12 d. par livre sur toutes marchandises, etc.). Aux
termes des instructions de Jean le Bon, ils devaient « bailler les
dictes impositions à ferme, prendre caucions, recevoir et faire
recevoir tous les deniers à la fin dechasque mois, establi receveurs
particuliers, etc. » En outre, ils avaient la connaissance de tous
1. Bibl. nat, Fr., 24031.
2. Voy. ùrdonn., III, préface, p. 67 (pièce du 17 mai 1357), et Ib., III, 219
(pièce du 14 mai 1358). Plusieurs auteurs ont cru à tort que les élus diocésains
^eot nommés par les états provinciaux. (Dareste, HisL de Vadm. en France,
II, p. 53; Laferrière, op. laud.j p. 359.)
3. Voy. Ord.y III, p. 436-7 (Inst. du 18 décembre 1360). M. Laferrière {op.
laud., p. 377) croit que c'est Charles VII seulement qui a transformé les élus
eo oflkiers royaux en enlevant leur nomination aux états provinciaux : c'est là
one grave erreur.
^16 A. THOMAS.
les débats qui pouvaient surgir à l'occasion de la perception des
aides. C'est dans ces conditions qu'ils furent établis en Auvei^e
comme dans les autres provinces du domaine. Quelques années
plus tard, il est vrai, surtout sous Charles VI, la royauté leva firé-
quemment des impôts directs ou tailles conjointement avec les aides;
les élus étaient alors chargés par conunission spéciale de faire la
répartition de leur quote-part entre les paroisses de leur élection*.
Ce fait ne semble pas s'être produit en Auvergne à partir du
règne de Charles VI ; cette province appartenait alors au duc de
Berry, qui de l'assentiment même de son neveu y exerçait tous
les droits régaliens. Mais son autorité ne put aller jusqu'à impo-
ser des tailles sans le consentement des états. Or, ceux-ci, conune
nous l'avons vu, se réservèrent le droit, en accordant ces tailles,
de les faire répartir par leurs délégués. Toutefois les élus avaient
la connaissance judiciaire des d^ts soulevés entre parties au
sujet des tailles comme des aides.
Sous Charles VU la maison de Bourbon, à laquelle avait passé
le duché d'Auvergne, n'avait pas hérité de la toute-puissance de
Jean de Berry. C'est le roi qui assemblait périodiquement les états,
et tous les subsides qu'ils accordaient autrefois à leur duc étaient
maintenant accordés au roi. L'Auvei^ne se retrouvant dans les
mêmes conditions que les autres pays obéissant à la royauté,
celle-ci devait chercher à y introduire ce qui se pratiquait ail-
leurs, c'est-à-dire la répartition par les oflSciers royaux ou élus.
Les étals de la Basse-Auvergne, comme on peut s'y attendre,
résistèrent. La lutte ne se déclara ouvertement qu'en 1450. Au
mois de janvier, les états d'Auvergne avaient octroyé au roi une
aide de 35,500 fr. qu'il fallait répartir sur le pays, ainsi que le
paiement des 160 lances qui y étaient logées par ordre du roi. La
commission royale de l'impôt pour la Basse-Auvei^ne ayant été
adressée aux eJus à Clermont, ceux-ci, qui étaient Jean Barré, s**
de Bourresol, Robert Chéron et Barthélémy de Nesson, se mirent
en mesure d'obéir. Ils répartirent la part de la Basse-Auvergne
entre les villes et paroisses de la province. Les états protestèrent
vivement et intentèrent un procès aux élus; ceux-ci se disant
conunissaires du roi, la cause fut portée d'abord au Parlement,
1. Assiette faite dans le diocèse d'Uxès par les élas en rerta d*ane commissioo
royale. 1404. (Bibl. nat., Fr., 23901.) — Commission do roi aux élus d'Érreax.
1415. (Arch. nat., ZU 6, ^ 36.)
LES ÉTATS PROVmCIADX. H
puis renvoyée à la Cour des aides. Les élus ayant fait défaut, la
cour ne voulut pas adjuger aux demandeurs le bénéfice du défaut,
et par arrêt du l®' août 1450 elle ajourna les élus à un autre jour*.
C'est cet arrêt qui nous a fourni les détails qui précèdent ; nous
avons parcouru en vain les registres de la Cour des aides* pour y
trouver la suite de l'affaire. Mais en fait les élus l'emportèrent et,
comme nous le verrons, l'assiette ne se fit plus depuis lors dans
les mêmes conditions.
n n'y avait pas le même antagonisme entre les états de la
Haute-Auvergne et les élus sur le fait des aides à Saint-Flour.
D'ailleurs l'organisation de l'assiette était absolument différente
de celle de la Basse-Âuvergne. Cette organisation offre deux
phases distinctes depuis le commencement du règne de Charles VU
jusque vers 1451, sans que nous puissions saisir la transition et
indiquer les raisons de ce changement.
Dans la première période, l'assiette est faite par des commis-
saires nommés par le roi ^; les états n'y prennent part que par la
présence de quelques-uns de leurs membres qui assistent oflScieuse-
ment les commissaires du roi , mais n'apposent pas leur signature au
bas de l'assiette. Les commissaires sont ordinairement au nombre
de trois : à savoir les deux élus sur le fait des aides à Saint-Flour
et une troisième personne à la disposition du roi. En 1430, par
exemple^, la conunission est ainsi composée : Louis du Breuil, s**
d'Aurouse, bailli des Montagnes, pour le roi, et les élus (Louis de
Montbalat et Tachon de Bar) ; de même en 1432. En 1431, nous
trouvons coname commissaire adjoint aux élus Antoine de Cu-
gnac, chambellan du roi'^; en 1440, Guillaume de Bresons, bailli
de Gévaudan*; en 1441, Draguinet, s' de Lastic''. C'est vers cette
époque qu'il y a un changement. Dès 1444 au plus tard, les com-
missaires sont au nombre de quatre. Ce sont : l'évêque de Saint-
Flour, Draguinet, s' de Lastic, et les deux élus ou leurs lieute-
nants. La situation de ces commissaires parait assez ambiguë :
en 1444, Draguinet de Lastic est qualifié commissaire pour les
1. Arch. comm. de Clermont-Ferrand, original.
2. Arch. nat, ZIa.
3. Ainsi en 1424. (Bibl. nat, Fr., 25710, p. n* 20.)
4. BiU. nat, Fr., 23397.
5.1b., Clair., 156, p. 4211.
6. Ib., Pièees orig., 510, dossier Brezans, n* 3.
7. Qoitt da 22 octobre 1441. (Bibl. nat., Cab. des Titres, dossier Lasiic.)
ReV. HiSTOB. XI. !•' FA8C. 2
If A.
RRâgTiflprg do pajs'; àajm àozx qpjttariofy de 1445* et de 1449,
rérêgne de Stint-FloBr pre&d le titre de « ran des
ordaLttâ pacr les trcnrs eslatz des pars d^Anrangne à mettre
2fiB8c«r et mqiOBer en îoeolx la porrk» de Taide de nf M. fir., elc.>
dans le préanthnle de Tassietle de 1448'. Os se qualifient saiffe-
mesA « onwBinfgaires ordonDez par le iot à mettre sbs, etc. >, et
aiUeRzrs, e& 1444, « oommissaîres ordooDez de par le nnr imtre
sre et measeuroeiirs des trois estaz, €tc.\>ll£ftiit èndemmateB
coiidizre qu'As araîent un pomroîr pennanent de la part des
états, mais qu'ils étaient iuxestis du droit de i^tsx&àer à Tassielle
parus mandement roral à chaque Dourd impôt, comme lesoom-
ffiîmaires des gens d'église et noUes pour la Ba^e-Âureigne.
Les états du Franc-AIleQ. du Limousin et de la Mardie
£i*aTaîent pas les mêmes prrdlèges que ceux de FAuTwgne. Les
oommiasair^ nommés par le roi pour demander aux états roctroî
des subsides étaient cfaar^gés en même temps de répartir les aonmies
Totees entre les paroisses; eux seuls araient le droit de signer
Fassîetle. Mais œs commissaires étaient soumis à un OMitrâle.
Dans le Franc-Alleu tous les membres des états, dont le nombre
ne devait pas être très grand, assistaient à Tassiette £ûte par les
commiwaires^. Dans les autres pars, les états nommaient des
Dès 1423, en Haut-Limousin, Tassiette est £ùte < ad ce prèsens
et appdkz pluâeurs des gens des trois estaz dudit pars. > U T a plus :
dans cette n^ême année, nous trouTons une assiette distincte pour
les finais imposés par les états, outre le prindpal, ei cette assiette,
bien que signée par les commissaires sisiils, est faite « par le con-
seil et octrcH des gens des trois estaz dudit haut pais, en la pré-
sence de nous.. . commissaires, etc*. > Toutefois cette distinction
n*est plus observée dans les années suivantes. En 1437 nous
voyons enccHre plus nettement indiqué le caractère des membres
des états qui assistent les commissaires : « appelle ad ce £»«, disait
les coomiissaires, avecques nous pluseurs des gens desdiz trcHS
estaz de par eulx nommez et esteuz^. > Ces dâéguès des étais
t. iMtr. de b Haole-ABTersM ea 1444. (Ardi. Mt, K 68, ■* ^)
tL Bibl. mL, Fr., 30883, p. 44 H 4S.
3. Voj. Ibid.
4. iBStr. mi smprà.
5. BibL Bat, Fr., 2390^ pmssim.
6. Ibid.
7. KU. Bit, Fr., 23902.
LES l^TÂTS PROVINCIAUX. 49
recevaient une indemnité plus ou moins considérable suivant leur
condition, et cette indemnité figurait parmi les frais outre le prin-
cipal; ce sont précisément les distributions de frais qui nous
apprennent leurs noms. Leur nombre ne semble rien avoir eu de
fixe; il variait à chaque session. On peut en juger par quelques
exemples. En 1435 nous trouvons des sommes votées à dix-huit
membres des états pour avoir assisté à l'assiette; en 1437, à dix
seulement; en 1438, en revanche, à vingt-deux*. Nous n'avons
aucun détail sur la manière dont ils étaient nommés par l'assem-
blée, mais le désordre dans lequel leurs noms se présentent à nous
semble indiquer que l'élection ne se faisait pas par ordre.
Nous trouvons absolument le même usage en Bas-Limousin,
mais les délégués sont moins nombreux. En 1438*, indemnités à
€ Mons' l'abbé d'Userche, messire Jehan de RoflSgnac, chevalier,
s' de Richement, Heliot, s' d'Esmyer, M* Hugues Beynete et
M* Jehan Laval, pour avoir esté commis par les trois estaz en la
compaignie des commisseres pour faire l'assiette dudit aide, » et
à « maistre Pierre Saige et Jehan de Beaufort, pour semblable, »
soit sept délégués. En 1439, il y a quatre délégués seulement qui
sont : Louis de Gimel, Pierre de Royère, Jean de Beaufort, écuyer,
et Jean Laval, juge du s' de Treignac.
Dans la Marche, il était d'usage d'appeler à chaque assiette
d'impôt le procureur général du comte de la Marche et les châte-
lains des diverses châtellenies du comté; en outre, les états nom-
maient des délégués en petit nombre pour y prendre part. En
1440 nous trouvons « Philippe Billon, prieur de Jarnage, Tho-
mas Deaulx, de Guaret, et Jehan de la Rouchete, esleux et orden-
nez par les gens des troys estaz, tant pour ceulx de église comme
pour ceulx des villes à estre presens et veoir faire le taux'. » En
1441 nous ne trouvons de présents à l'assiette que Thomas Deaulx
et Jean de la Rochette, « ordonnez parles gens des villes^ » Pro-
cureur, châtelains et délégués recevaient une indemnité.
B. — Administration des frais outre le principal. —
Vérification des comptes du receveur.
Au XIV* siècle, du moins dans la première partie, lorsque les
1. Voy. des assiettes de ces différentes dates, Fr., 23902.
1 Voy. les assiettes, ibid., ib., 23903.
3. Bibl.iiat.,Fr.,23901.
4. Ibid., ibid., 21423.
tttO»
20 A. THOMAS.
états accordaient une aide au roi, ils nommaient eux-mêmes les
commissaires chargés de la percevoir, et ils choisissaient dans
leur sein des personnes devant qui les receveurs nommés par eux
étaient obligés de compter*. Sous Charles VII la centralisation
royale a fait de singuliers progrès ; c'est le roi qui nomme lui-
même le receveur des subsides qu'on lui accorde ; ce receveur
doit payer le principal de l'aide conformément aux décharges
levées sur lui par les généraux des finances et il ne peut compter
que devant la Chambre des comptes. L'impôt une fois accordé au
roi, les états n'ont donc plus aucune part à son administration. Il
n'en est pas de même des frais levés par leur ordre outre le prin-
cipal. Le droit même de faire lever ces impôts (et nous avons vu
dans quelles conditions les états l'exerçaient) impliquait néces-
sairement le droit d'en régler l'emploi. Ce sont précisément les
procédés administratifs suivis à cet égard que nous nous propo-
sons d'étudier.
Si le roi nommait le receveur du principal, les états pouvaient
en principe choisir le receveur des frais. En 1441 , Charles VII
dit expressément, en parlant des états du Haut-Limousin, qu'ils
ont voulu et ordonné que les sommes imposées par eux outre le
principal fussent cueillies et levées par M® Pierre de Beaucaire *.
Mais en fait nous voyons toujours le receveur du roi chargé de
percevoir les frais aussi bien que le principal. C'est que la créa-
tion d'un receveur distinct aurait, entre autres inconvénients,
nécessité deux assiettes séparées, l'une pour le principal, l'autre
pour les frais, ce qui n'était pas dans la pratique ordinaire '.
Les états du Dauphiné surent faire respecter par Charles VII
leur droit d'obliger les receveurs à compter devant leurs élus,
conjointement avec les élus du gouverneur, des sommes imposées
outre le principal pour les besoins de la province, et d'en interdire
toute connaissance aux Chambres des comptes de Grenoble et de
Paris *. Mais nos états de la France centrale avaient déjà perdu
cette prérogative. Fiais comme principal, tout devait passer sous
les yeux de la Chambre des comptes de Paris ^. Il fallait donc au
1. Voy. entre autres Ord,, \, 692-3 (Aayergne, 1319).
2. Voy. Bibl. nat., Fr., 20594, p. n« 33.
3. Il y a cependant deux assiettes distinctes en 1423 ponr le Haut-Limonsin, mais
néanmoins le receveur est le même. (Bibl. nat, Fr., 23902.)
4. Voy. lettres pat. de Charles vn da 22 JaoTier 1438. {Ord., Xllf, 252.)
5. Si^eant à Bourges de 1418 à 1436.
LBS ÉTATS PROVINCIAUX. 24
receveur un acte qui lui permît de distribuer les frais conformé-
ment à la volonté des états et qui lui servît en même temps de
pièce justificative pour son acquit.
En Franc-Alleu, l'assiette était immédiatement suivie d'un rôle
distributif des frais*, signé également par les commissaires du
roi, et qui faisait partie luttante avec elle. En rapportant ce
rôle avec quittance des personnes auxquelles des sommes étaient
allouées par les états, le receveur devait être tenu quitte par la
Chambre des comptes. Les frais étaient si minimes que ce procédé
ne semble jamais avoir soulevé de difficultés.
Il en était de même dans la Marche ; la distribution des frais
était encore plus étroitement unie à l'assiette, car les commis-
saires du roi n'apposaient leurs signatures qu'à la fin de ces deux
pièces comme si elles n'en avaient formé qu'une *. Cette distribu-
tion est le seul acte que nous voyons invoquer dans les quittances
relatives à ce pays aussi bien en 1451 ^ qu'en 1442*. Signalons
cependant une distribution des frais dans des conditions différentes ;
elle concerne l'année 1 445, est datée de Tours le 24 septembre 1 445 ,
et signée Bar *. Mais elle n'a que la valeur d'une copie ; l'original
nous est parvenu aussi ; il est daté du 27 mars 1445, signé des
commissaires du roi et annexé comme d'habitude à l'assiette^.
Les états du Haut et du Bas-Limousin avaient la même habi-
tude. Tantôt la distribution des frais formait une pièce isolée
signée par les commissaires du roi et appelée « Informacions » ou
« Instruccions "^ ; » tantôt, et le plus souvent, elle était annexée
à l'assiette sans cependant en faire partie intégrante comme dans
la Marche. Les receveurs du Haut et du Ba&-Limousin, comme
ceux de la Marche et du Franc- Alleu, devaient être tenus quittes
par la Chambre des comptes en rapportant un exemplaire de cette
distribution avec les quittances des personnes auxquelles les
sommes étaient allouées. C'est un privilège que les états reven-
diquent avec la plus grande énergie. En 1438, les états du Bas-
Limousin veulent que les sommes par eux imposées outre le prin-
1. Voyez-en plnsiears exemples, Bibl. nat., Fr., 23902.
2. Voyez-en trois exemples, Bibl. nat., Fr., 23901.
3. Bibl. nat, Cab. des Titres, dossier Saint- Avit,
4. Ib., ib., dossier Armagnac, p. n* 119.
5. La signature est de Jean de Bar, général des finances. (Bibl. nat., Fr., 25946,
r467.)
6. n>id.,ibid., 23901.
7. Ib., ib., 23902.
22 A. THOMAS.
cipal soient « receues par ledit Jehan Beaupeilet par lui distribuées
aux personnes ausquelles ilz les ont ordonnées et tauxées, en
prenant de chacune desdictes personnes quittance seulement de
ce qu'ilz en recevront, sans pour ce en vouloir avoir, requérir ne
demander autre mandement ou ordonnance fors ceste présente
assiete et declaracion des parties, disant que ainsi en peuent et
doivent user et l'ont acoustumé par privileiges à eulxpieça attri-
buez par les prédécesseurs d'icelui seigneur (le roi), le vidimus
desquelx privileiges dientestre retenu et demeuré en sa Chambre
des comptes *. > En 1435, à la suite d'une aide de 50001. accordée
au roi au mois de septembre à La Souterraine, les états du Haut-
Limousin sont encore plus énergiques. L'assiette et la distribution
des frais terminées et signées, les commissaires du roi furent
obligés d'écrire au revers : « Et est assavoir que à la requeste
desdictes gens des Trois Estaz ledit receveur a esté chargié de
bailler, distribuer et paier ladicte somme de im™ vm^ 1. 1., dont
cy dessus est faicte mencion, aux personEies à qui il a été ordonné,
en prenant de chascun d'eulx leur quittance seulement, sans en
demander autre mandement, disans que ainsy l'ont acoustumé de
fere par privileiges qui se dient avoir du.roy nostredit s*" et de ses
prédécesseurs, et en ceste condicion ont octroyé et accordé
ledit aide, et non autrement *. >
L'affirmation si énergique d'un droit prouve évidemment que
l'exercice de ce droit rencontrait des obstacles. C'est qu'en effet,
il était de règle dans la comptabilité royale, et au moins depuis
Charles VI, que le receveur d'une aide ne pût rien délivrer ni
payer des deniers imposés outre le principal sans lettres patentes du
roi vérifiées par les généraux des finances. C'est précisément à ce
contrôle que les états voulaient échapper ; mais s'ils y réussirent
pendant les dix-huit premières années du règne de Charles VII,
il n'en fut pas de même après. Dès 1440, à chaque impôt accordé
au roi, les états furent obligés de se pourvoir à la chancellerie
royale pour obtenir des lettres patentes spécifiant la distribution
des frais votés par les états, et donnant ordre aux généraux des
finances de les laisser payer par les receveurs et de les en tenir
quittes sur le vu desdites lettres patentes et des quittances indivi-
1. Bibl. nat., Fr., 23903. Noas n'avons trouvé aucnne trace de ces lettres patentes
qui peut-être n*ont jamais existé.
2. Bibl. nat., Fr., 23902, à la date.
LBS I^TATS PROVINCIAUX. 23
dudles *. Ce n'était là qu'une simple formalité ; à partir de 1444,
il en fallut encore une autre. Aux lettres patentes du roi devait
être annexé un rôle de parchemin reproduisant la distribution
contenue dans les lettres patentes et signé de la main du roi et
d'un de ses secrétaires '.
En Auvergne, la distribution des frais par les receveurs se fai-
sait en vertu de deux actes curieux qui demandent une étude
détaillée. Le premier, relatif à la Basse-Auvergne, était intitulé :
Instrtictions et ordonnances faites, passées et accordées
par les gens d'église et nobles du bas pays cP Auvergne sur
le partage et division d'un aide de, etc. Ces instructions
commençaient par établir la part revenant à la Haute-Auvergne,
puis aux bonnes villes, des sommes votées à l'assemblée générale
des états, tant pour le roi que pour les intérêts communs de la
province, puis la part des bonnes villes des sommes votées parles
états de la Basse-Auvergne, et enfin le rôle distributif du receveur
de la Basse-Auvergne tant au sujet de ces sommes que de celles
dont les gens d'église et nobles ordonnaient en outre la levée sur
le plat pays. Cette immense pancarte (celle de l'année 1446 a au
moins 1 m. carré) était scellée, au nom de tous les gens d'église
et nobles, par l'évêque de Clermont, le comte de Montpensier,
dauphin d'Auvergne, le comte de Boulogne et d'Auvergne, le
s' de Dampierre et de Ravel (J. de ChâtiUon), le s' de Canilhac
(L. de Beaufort) et le s' de Langeac, sénéchal d'Auvergne, ou par
cinq, quatre ou trois d'entre eux. Les gens d'église et nobles
tenaient une assemblée particulière pour rédiger ces Instructions,
quelquefois assez longtemps après la session d'états qui les moti-
vait. Ainsi les Instructions relatives aux sessions de mai et
d'août 1443 sont datées d'Aigueperse en janvier 1444. Mais en
réalité la plupart des crédits, même spéciaux au plat pays, étaient
votés au moment même de la session et le receveur devait en
avoir une minute par devers lui. C'est ce qui explique qu'en
1443, par exemple, nous trouvons déjà au moins huit paiements
sur les frais effectués par le receveur avant le 31 décembre,
bien que les Instructions ne soient datées que du mois de
janvier 1444. Ces Instructions n'étaient pas signées, mais
1. Noos aTODS retrouvé huit de ces lettres patentes, dont cinq pour le Haut et
trois pour le Bas-Limousin.
2. Voyez-en un exemple pour le Bas-Limousin. (Bibl. nat., Fr., 20437, ^ 10.)
24 A. THOMAS.
simplement contresignées sur le revers par un secrétaire*.
Il y avait un acte analogue pour la Haute-Auvergne, avec
quelques différences matérielles. Ainsi il était signé et scellé par
les commissaires chargés de faire Tassiette des impôts dans le haut
pays. En outre, chose curieuse, il portait le titre de « Insinua-
tions faictes et accordées par mes seigneurs les gens d église
et nobles du hault et bas pais d'Auvergne à cattse, etc. »
Cette bizarrerie apparente s'explique par ce fait que les crédits
étaient votés en commun par le haut et le bas pays à la session
générale et que les Instructions de la Haute- Auvergne n'étaient
qu'un extrait particulier des résolutions communes. Une minute
en était rédigée au moment de la session, mais l'expédition authen-
tique et patente n'avait lieu que quelque temps après, à Saint-
Flour généralement, quand le moment était venu de procéder à
l'assiette *.
Les receveurs de la Haute et de la Basse-Auvergne devaient
distribuer les frais conformément à ces instructions, et la Chambre
des comptes devait les en tenir quittes sur le vu des instructions
et des quittances particulières. Comme dans les autres provinces,
la royauté toléra longtemps cette pratique ; mais par lettres du
17 mars 1443, Charles VII défendit aux receveurs de tenir compte
à l'avenir de ces instructions s'ils n'avaient de lui une autorisa-
tion spéciale à chaque fois ^ ; d'aiUeurs, conune pour le Limousin,
la nécessité de cette sanction royale semble n'avoir été qu'une
formalité plus ou moins fidèlement observée.
Bien que toutes les finances provinciales dussent passer sous les
yeux de la Chambre des comptes, les états avaient cependant
le droit, surtout dans la Marche et dans l'Auvergne, de vérifier
certaines parties des comptes du receveur. Dans la Marche, pen-
dant l'intervalle d'une session ordinaire à l'autre, il y avait fré-
quemment des assemblées plus ou moins nombreuses dans l'intérêt
du pays, ce qui occasionnait des dépenses que le receveur soldait
immédiatement ; au moment de la session suivante, celui-ci éta-
1. Il nous est pairena huit originaux de ces Instructions, tons conservés à la
Bibl. nat., savoir : un de 1432 (février), dans le vol. Fr., 25944, n* 69; un de 1436
(décembre), dans le Fr., 26062, n* 3055, et six de 1438 à 1446 dans le Fr. 22296 (anc.
Gaign.).
2. Il ne s'est conservé que deux Instructions originales de la Hante-Auvergne
(1444 et 1448) (Arch. nat., K 68, n* 2, et Bibl. nat., Clair., 119, f> ulthno.)
3. Bibl. nat., Portef. Font., 870, f* 292, copie.
LES éTATS PROVINCIAUX. 25
blissait un compte des sommes qu'il avait ainsi déboursées ; le
compte, avec pièces à l'appui, était examiné de concert par les
commissaires du roi et les états, qui, après l'avoir approuvé, lui
en ordonnançaient le montant parmi les frais dont on ordonnait
alors la levée ; il en était de même pour les dépenses occasionnées
par la session ordinaire : pour ces deux chapitres du budget pro-
vincial, les pièces justificatives ne passaient pas sous les yeux de
la Chambre des comptes qui devait se contenter des déclarations
contenues dans le rôle distributif.
En Auvergne, ce système était pratiqué sur une échelle beau-
coup plus large. Dans la première partie de la période que nous
étudions, jusque vers 1440, il était d'usage que les états de la
Basse- Auvergne imposassent sur eux à chaque session une somme
fixe, destinée à payer les gens de guerre entretenus par le pays
et à subvenir aux dépenses imprévues que pouvaient motiver les
affiaires de la province : cette somme était portée en bloc aux Ins-
tructions ; elle était distribuée au fur et à mesure des besoins par
mandements des personnages qui mettaient leurs sceaux aux Ins-
tructions, ou d'au moins trois d'entre eux. Lorsque le crédit ouvert
était épuisé , le receveur produisait son compte qui était examiné
et vérifié par les commissaires, et ceux-ci lui délivraient une
décharge générale qui devait suflSre à l'acquitter vis-à-vis de la
Chambre des comptes, sans (}ue celle-ci pût l'obliger à produire les
pièces justificatives de l'emploi de cette sommet Dans la seconde
période, il est plus rare que l'on impose ainsi un fonds de réserve,
et il semble qu'il faille une autorisation royale. Toujours estr-il
qu'en 1444, par lettres du 12 mars, Charles VII autorise spécia-
lement la levée d'une somme de 6000 fr. sur toute l'Auvergne,
comme réserve, à condition que la distribution en sera certifiée
par ses commissaires auprès des états d'Auvergne*. Lorsque,
dans l'intervalle de deux sessions, les afiaires du pays exigeaient
le payement immédiat de fortes sommes, comme par exemple
quand il s'agissait de composer avec les routiers pour qu'ils ne
pillassent pas le pays, les états nommaient des commissaires à cet
efiet ; ceux-ci faisaient payer par les receveurs, en leur délivrant
des certificats', les sommes nécessaires; puis des délégués des
1. Voyez deax de ces décharges, Bibl. nat., Clair., 219.
t Voy. les lettres d'aotorisayoD, et la distriboUon certifiée poar la Basse-An-
▼ergne, Bibl. nat., Fr., 20685, ^ 25 et 27.
3. Voy. un de ces certificats da 28 sept. 1443, Cab. des Titres, dossier Langeac.
26 À. TflOMiS.
états examinaient ultérieurement les sommes ainsi déboursées et
les faisaient imposer en bloc parmi les frais. Le roi essaya de
rendre nécessaire son autorisation quand la somme était consi-
dérable ; en 1443 les états durent payer une amende de 20,000 fr.
pour avoir ainsi imposé de leur chef 24,000 fr. et plus en 1442 *.
Nous ne voyons pourtant pas que cela ait produit un effet appré-
ciable. Dans les Instructions de l'année 1443, les états de la
Basse-Auvergne imposent sur eux 12,953 1. 7 s. 6 d. t. pour
partie de 22,953 1. 7 s. 6 d. t. payés par le receveur dans l'inter-
valle de la session de septembre 1442 à celle d'août 1443, et ils
réservent pour l'année suivante l'impôt des 10,000 fr. restants.
Il est dit expressément que les états ou leurs délégués ont vérifié
par le détail le compte du receveur à ce sujet , et qu'il prendra
ladite somme par sa main des deniers de sa recette, sans avoir
besoin d'autre autorisation que le texte même des Instructions*.
Les états de la Haute-Âuvergne agissent avec la même liberté ;
en 1444, « a esté accordé par Mgr le duc et MM. des Trois Estaz
estre mis sus oudit hault pais la somme de v"* vi*^ 1. 1. pour satis-
faire aux parties du compte rendu et baillié par Martin Roux k
mesdiz s", lesquelles parties et sommes d'argent il avoit paiées
par leur ordonnance et mandement.... ainsi que plus à plain est
contenu es parties de sondit compte, lesquelles ont esté par mes-
diz s" bien veues, examinées et gettées ^, et icelles audit Martin
Roux accordées estre allouées en la despense de ses comptes et
rabatues de sa recepte en rapportant ces présentes tant seulement,
et sans pour ce avoir ne demander autres lettres, certifficacions
ou quittances fors cesdictes présentes tant seulement^. » On voit
que, momentanément du moins, la royauté ne semble pas avoir
eu l'avantage dans sa lutte contre ce privilège des états. Si
dans les années suivantes nous ne trouvons pas défaits analogues,
cela tient sans doute à ce que les événements ne les rendirent pas
nécessaires.
§ 3. — Attributions législatives.
Sous Charles YII, comme à toutes les périodes de l'ancienne
1. Voir suprà, § 1 a.
2. Voy. les Instr. faites à Aigoeperse en janyier 1444, Bibl. nat., Fr., 22296, à la
date.
3. Calculées.
4. Voy. Instr. dn 3 mai 1444, Arch. nat., K 68, n* 2.
LBS l^TATS PROVINCIAUX. 27
monarchie, il n'y a qu'un corps qui ait réellement le droit de légi-
férer, c'est le conseil du roi ou Grand Conseil. Mais si les états
n'ont pas par eux-mêmes le droit de prendre aucune mesure légis-
lative, ils ont un moyen de provoquer ces mesures, et c'est à ce
titre que nous avons cru pouvoir consacrer un chapitre à leurs
attributions législatives. Ce moyen, c'est la rédaction et la remise
de cahiers de doléances^ comme on a dit plus tard. Un savant
membre de l'Institut appelle ce droit .le droit de présenter des
cahiers de remontrances^. Le mot remontrance appartient à
un ordre d'idées et d'institutions entièrement différent ; il est abso-
lument impropre. Nous n'avons pas trouvé le mot doléance
dans les textes contemporains, mais il répond beaucoup mieux à
la chose.
Les cahiers de doléances ne sont autre chose en somme que
des suppliques remises au roi et examinées par son Grand Conseil.
Toutes les fois que les états désiraient obtenir une mesure dont
l'autorité royale seule pouvait prendre l'initiative, ils envoyaient
des députésauroi, et ces députés devaient être chargés de mémoires
en forme de doléances *. Les documents les plus connus sous le
nom de cahiers de doléances étaient rédigés dans les assemblées
de bailliages à l'occasion des états généraux depuis 1484 et avaient
une portée générale. Nous avons vu que sous Charles VII les
états provinciaux n'étaient pas appelés à nonmier les députés
aux états généraux ; ils n'avaient donc pas de cahiers à rédiger
à ce sujet. En revanche ils pouvaient, quand ils le jugeaient à
propos, faire présenter au roi des cahiers de doléances portant
sur un ou plusieurs objets. Un heureul hasard nous a conservé ^
un de ces trop rares documents. U fut adressé au roi par les états
d'Auvergne au commencement de l'année 1442, le roi étant à
Bressuire. Notre intention n'est pas d'analyser ce qu'il contient;
nous aurons à en utiliser chaque paragraphe suivant son objet
dans les différents chapitres de notre IIP partie. Mais nous vou-
lons en étudier simplement la forme matérielle. Il est conçu dans
les termes les plus humbles.
1. M. Laferrière, ùp. laud.^ p. 367.
2. c Charles, etc. Receae ayons l'amble supplicacion des gens des Trois Estaz de
nostre bas paîs de limosin contenant que..., etc. > Janvier 1436. (Arch. nat.,
K 54, n- 7.)
3. C'est nne copie contemporaine qui se trouve dans les titres de la maison de
Bourbon, Arch. nat., P 146U, cote 950.
26 A. THOMiS.
états examinaient ultérieurement les sommes ainsi déboursées et
les faisaient imposer en bloc parmi les frais. Le roi essaya de
rendre nécessaire son autorisation quand la somme était consi-
dérable ; en 1443 les états durent payer une amende de 20,000 fr.
pour avoir ainsi imposé de leur chef 24,000 fr. et plus en 1442 *.
Nous ne voyons pourtant pas que cela ait produit un effet appré-
ciable. Dans les Instructions de l'année 1443, les états de la
Basse-Auvergne imposent sur eux 12,953 1. 7 s. 6 d. t. pour
partie de 22,953 1. 7 s. 6 d. t. payés par le receveur dans l'inter-
valle de la session de septembre 1442 à celle d'août 1443, et ils
réservent pour l'année suivante l'impôt des 10,000 fr. restants.
U est dit expressément que les états ou leurs délégués ont vérifié
par le détail le compte du receveur à ce sujet, et qu'il prendra
ladite somme par sa main des deniers de sa recette, sans avoir
besoin d'autre autorisation que le texte même des Instructions*.
Les états de la Haute-Auvergne agissent avec la même liberté ;
en 1444, « a esté accordé par Mgr le duc et MM. des Trois Estaz
estre mis sus oudit hault païs la somme de v"* vi*^ 1. 1. pour satis-
faire aux parties du compte rendu et baillié par Martin Roux à
mesdiz s", lesquelles parties et sommes d'argent il avoit paiées
par leur ordonnance et mandement.... ainsi que plus à plain est
contenu es parties de sondit compte, lesquelles ont esté par mes-
diz s" bien veues, examinées et gettées^, et icelles audit Martin
Roux accordées estre allouées en la despense de ses comptes et
rabatues de sa recepte en rapportant ces présentes tant seulement,
et sans pour ce avoir ne demander autres lettres, certifficacions
ou quittances fors cesdictes présentes tant seulement*. » On voit
que, momentanément du moins, la royauté ne semble pas avoir
eu l'avantage dans sa lutte contre ce privilège des états. Si
dans les années suivantes nous ne trouvons pas défaits analogues,
cela tient sans doute à ce que les événements ne les rendirent pas
nécessaires.
§ 3. — Attributions législatives.
Sous Charles YII, comme k toutes les périodes de l'ancienne
1. Voir suprà, § 1 a.
2. Voy. les Instr. faites à Aigaeperse en janyier 1444, Bibl. nat., Fr., 22296, à la
date.
3. Calculées.
4. Voy. Instr. du 3 mai 1444, Arch. nat., K 68, n* 2.
LBS l^TATS PROVINCIAUX. 27
monarchie, il n'y a qu'un corps qui ait réellement le droit de légi-
férer, c'est le conseil du roi ou Grand Conseil. Mais si les états
n'ont pas par eux-mêmes le droit de prendre aucune mesure légis-
lative, ils ont un moyen de provoquer ces mesures, et c'est à ce
titre que nous avons cru pouvoir consacrer un chapitre à leurs
attributions législatives. Ce moyen, c'est la rédaction et la remise
de cahiers de doléances^ comme on a dit plus tard. Un savant
membre de l'Institut appelle ce droit .le droit de présenter des
cahiers de remontrances^. Le mot remontrance appartient à
un ordre d'idées et d'institutions entièrement différent ; il est abso-
lument impropre. Nous n'avons pas trouvé le mot doléance
dans les textes contemporains, mais il répond beaucoup mieux à
la chose.
Les cahiers de doléances ne sont autre chose en somme que
des suppliques remises au roi et examinées par son Grand Conseil.
Toutes les fois que les états désiraient obtenir une mesure dont
l'autorité royale seule pouvait prendre l'initiative, ils envoyaient
des députésauroi, et ces députés devaient être chargés de mémoires
en forme de doléances *. Les documents les plus connus sous le
nom de cahiers de doléances étaient rédigés dans les assemblées
de bailliages à l'occasion des états généraux depuis 1484 et avaient
une portée générale. Nous avons vu que sous Charles Vil les
états provinciaux n'étaient pas appelés à nommer les députés
aux états généraux ; ils n'avaient donc pas de cahiers à rédiger
à ce sujet. En revanche ils pouvaient, quand ils le jugeaient à
propos, faire présenter au roi des cahiers de doléances portant
sur un ou plusieurs objets. Un heureul hasard nous a conservé ^
un de ces trop rares documents. Il fut adressé au roi par les états
d'Auvergne au commencement de l'année 1442, le roi étant à
Bressuire. Notre intention n'est pas d'analyser ce qu'il contient;
nous aurons à en utiliser chaque paragraphe suivant son objet
dans les différents chapitres de notre IIP partie. Mais nous vou-
lons en étudier simplement la forme matérielle. Il est conçu dans
les termes les plus humbles.
1. M. Laferrière, op, toted., p. 367.
2. c Charles, etc. Receae avons l'umble supplicacion des gens des Trois Estaz de
nostre bas paîs de limosin contenant que..., etc. > Janvier 1436. (Arch. nat.,
K 54, n- 7.)
3. C'est nne copie contemporaine qui se trouve dans les titres de la maison de
Bourbon, Àrcb. nat., P 1461^ cote 9S0.
28 A. THOMAS.
Au roy nostre souverain seigneur,
Supplient très humblement voz très humblez et tousdiz loyaulx ser-
viteurs et subgez les gens des trois estaz de vostre pays d^ Auvergne
qu'il vous plaise de vostre bénigne grâce, tant sur les pouvretez,
afiferes et calamitez dudit pays à vous nostre souverain seigneur diz
et expousez, comme sus les autres cy après contenuz et' déclarez,
leur pourveoir tout par la forme et manière qu'ilz supplient et
requièrent, ou autrement ainsy que vostre bon vouloir sera.
Vient alors l'exposé des doléances des états contenu dans huit
paragraphes ou articles. Chaque article est divisé en deux par-
ties : la première renferme le grief dont les états se plaignent ; la
seconde, la prière au roi d'y remédier sous une forme plus ou
moins précise. Ce qui est surtout remarquable dans ce document,
c'est la partie suivante, intitulée : « Cy s'ensuit Veoopedient
extrait des articles précédents, » Là sont résumées avec une
précision remarquable les mesures que demandent les états pour
remédier aux griefs exposés précédemment ; il y a huit articles,
autant que dans la première partie, et l'on peut dire que chacun
renferme, soigneusement élaboré, un projet d'ordonnance royale.
A la suite de chaque article se trouve la réponse du roi. Enfin la
pièce est donnée à Bressuire le 17 janvier 1442, et l'original était
signé du secrétaire du roi D[reux] Budé.
III. — RÔLE ET INFLUENCE DES ÉTATS PROVINCIAUX.
§ 1 . — Influence politique.
L'influence politique des états provinciaux ne pouvait être
très considérable sous Charles VIL Les questions politiques étaient
soumises au Grand Conseil ; quelquefois le roi eut recours aux
états généraux pour prendre des résolutions avec plus de solen-
nité ; mais nous ne voyons pas qu'il se soit servi aux mêmes fins
des états provinciaux. Cependant si les états provinciaux n'avaient
pas d'action efficace sur la politique, ils n'y demeuraient pas
absolument étrangers. Lorsque Charles VII eut renoncé, en 1440,
à réunir les états généraux pour leur demander des subsides, il
dut lever des impôts de son autorité propre. Voici comment on
procédait à chaque impôt nouveau. Le roi soumettait à son Con-
seil l'état des affaires, les principaux actes accomplis depuis la
LES éTATS PROVINCUUX. 29
dernière levée d'impôts, les desseins qu'il avait pour l'avenir, et
le conseil fixait, d'accord avec le roi, la somme qu'il était néces-
saire d'imposer au Languedoïl. Puis il procédait au répartisse-
ment de cette somme entre les différentes provinces. C'était donc
le Grand Conseil qui avait l'initiative politique en matière d'im-
pôts. A la suite de cette séance du Conseil, on nommait les com-
missaires chargés d'imposer dans chaque province la quote-part
qui lui revenait. Toutes les commissions étaient conçues de la
même façon : le préambule, rédigé sans doute par le conseil, était
l'exposé politique de la situation que les commissaires devaient
mettre sous les yeux des états provinciaux de chaque pays. Ce
document était donc une sorte de message politique ; mais il est
évident que les états n'étaient pas admis à délibérer sur son con-
tenu. Us ne pouvaient que le sanctionner en votant leur part de
l'impôt demandé, et d'ailleurs il leur aurait été bien difScile de se
soustraire à la nécessité de ce vote.
On peut croire que les états provinciaux n'étaient pas satisfaits
de ce système qui leur forçait la main pour le vote de l'impôt et
qu'ils eussent voulu le retour aux états généraux dans lesquels
ils trouvaient une garantie de plus. Les doléances présentées par
les états d'Auvergne au roi, en 1442*, contiennent à ce sujet un
article qui mérite une étude approfondie'. Les états exposent au
roi que, sans compter l'aide de 28,000 liv. qu'ils venaient de
lui accorder au mois de novembre 1441, le pays lui avait payé
depuis quinze ou seize mois près de 100,000 liv.; ils se plaignent
que leur quote-part ait été considérablement augmentée depuis
quelque temps, bien que le pays soit désolé, et ils prient le roi de
les imposer désormais suivant leur quote-part primitive qui était
beaucoup plus faible. L'article est assez bénin, et le roi pouvait
en prendre à son aise. Mais « l'expédient ^ » est autrement précis
et énergique : pour empêcher le retour de faits pareils, les états
demandent € lettres par lesquelles le roi veult que d'ores en avant
les Trois Estaz dudit pays soient appeliez ou convoquez quant il
plaira au roi demander aucune chouse sur les pays de Languedoïl,
pour consentir et prendre leur quotte et loyale porcion de ce qu'ilz
pourroient porter. » Il faut bien comprendre la valeur de cet
1. Voyez des détails snr ces cahiers de doléances, suprà n, | 3.
2. Art. 2.
3. Art. 10.
80 A. THOMAS.
article. Sous forme de réclamation particulière il contient un vœu
général. Les états veulent être appelés « quant il plaira au roy
demander aucune chouse sur les pays de Languedofl ; » c'est-à-
dire qu'ils refusent de reconnaître au Grand Conseil le droit de
fixer seul le montant de l'impôt général et la quote-part de chaque
province ; en un mot ils demandent que le roi convoque les états
généraux de Languedoû toutes les fois qu'il voudra lever une aide
générale. Le vœu des états provinciaux fut bien ainsi compris
par le Grand Conseil qui était directement en cause : la réponse
qu'on y fit est un chef-d'œuvre d'habileté et pousse au plus haut
point l'art de ne pas répondre à ce qu'on demande tout en ayant
l'air de l'accorder. La voici : « Le roy a tousjours eu et aura en
toute bonne recommandation les pays d'Auvergne, et est l'inten-
cion du roy que, toutez et quantes foiz qu'il assemblera les
Troys Estaz de ses pays de Langueddil^ il les mandera et
appellera comme les autres, ainsi que tousjours a acoustumé
de faire. >
Ainsi les états demandent des « lettres, » c'est-à-dire une pro-
messe solennelle scellée du sceau royal : la réponse n'en souffle
mot. Ils demandent à être appelés (comme les autres pays de
Languedoïl) quand le roi voudra lever un impôt général : le roi
répond qu'il les appellera en effet comme les autres, mais quand?
« Toutez et quantes foiz qu'il assemblera les Troys Estaz de
ses pays de Languedoïl. » Les rédacteurs oflSciels n'ont eu
garde d'ajouter ce sous-entendu que l'intention du roi était de ne
plus convoquer les états de Languedoïl. Les états provinciaux
n*obtinrent donc rien ; mais il n'en est pas moins intéressant
aujourd'hui pour nous de constater qu'ils émirent un vœu poli-
tique remarquable en protestant contre la suppression des états
généraux : c'est là un fait à opposer aux paroles du roi qui dans
un document ofiScid afiSrme que « plusieurs notables seigneurs
du pays ont requis qu'on cessât de telle convocation faire ^ »
Si ordinairement les états provinciaux avaient peu d'influence
politique, il pouvait se présenter telles circonstances où cette
influence acquérait cependant de l'importance. Il est curieux à ce
point de vue d'étudier le rôle des états provinciaux de l'Auvergne
dans la Prague^He^, Nous n'avons pas à faire l'histoire de cette
1. Réponse aux gri«l^ des »eigneur« aMemblè» à NQ?«rs en 1441. (Recneil des
anc. lois franc,, t. I\, p. 108.)
2. En 144a
LES ^TÀTS PROVINCIAUX. 34
révolte. On sait que le mouvement, commencé en Poitou au nom
et avec la complicité du dauphin, fut bientôt arrêté dans cette
province. Le dauphin traversa rapidement la Marche, dont le
comte Bernard d'Armagnac, son propre gouverneur, était aux
côtés du roi, et il se retira en Auvergne et en Bourbonnais, où le
duc de Bourbon embrassa hardiment son parti ; le comte de Mont-
pensier, dauphin d'Auvergne et seigneur de Combraille, fit de
même, puisque le roi dut faire assiéger ses châteaux de Chambon
et d'Evaux. Les seigneurs coalisés travaillèrent vivement les
états d'Auvergne pour les attirer dans leur parti, mais sans suc-
cès. Bien que leur duc fût dans le parti rebelle, ceux-ci se con-
duisirent avec la plus grande sagesse et n'abandonnèrent pas la
cause royale. Ils se réunirent à la convocation de Charles VII au
mois de mai dans la ville de Clermont. Il faut citer ici quelques
vers de Martial d'Auvergne. C'est à peu près le seul témoignage
d'un chroniqueur que nous ayons à invoquer dans ce travail sur
les états provinciaux :
Ylà les gens des trois estaz
Luy vindrent faire révérence...
Ce fait après au roy offrirent
Luy aider de corps et chevance
Et leur devoir grandement firent
Luy présentant don de finance*.
Ce don de finance était une aide de 20,000 francs '. Mais après
cette preuve de leur fidélité au roi, ils prirent leurs mesures pour
que le pays eût le moins possible à soufirir des hostilités des deux
partis. Les comtes de Boulogne et d'Auvergne et de Montpensier
et le seigneur de Canillac furent envoyés auprès du duc de Bour-
bon et du dauphin à Riom et à Gannat, pour essayer le rôle de
médiateurs entre eux et le roi, et surtout pour les prier de ne pas
faire de donmiage à la province ; ils prirent les mêmes précau-
tions vis-à-vis du roi et firent don d'un cheval à Robert de
Bloques, dit Floquet, capitaine royaliste, pour le faire partir le
plus vite possible avec ses troupes '. Il faut reconnaître que, dans
1. Martial d'Auvergoe, VigUles de Charles VII, éd. 1724, 1 1, p. 176.
2. Voy. Catalogue, Anyergne, 1440, mal
3. c A MoDS' de Dampierre et de Rerel, en recompensacion d'un cheyal qui fut
donné à Floquet, capitaine de gens d'armes et de trait pour le roy nostre sire, afin
qoe hii et ceulx de sa compaignie Yuidassent et alassent hors dndit paîs d'Auvergne
32 A. THOMAS.
ces circoDstances difSciles, les états firent preuve d'un grand tact
politique.
§ 2. — Influence financière.
Les impôts intéressant au plus haut point les états provinciaux,
puisqu'ils les votaient et les supportaient, on doit s'attendre à
trouver trace de leur influence en matière financière. Examinons
comment cette influence s'est exercée et les résultats qu'elle a
obtenus.
A. — Les états cherchent à rendre plits équitable r assiette
de V impôt direct.
Au xv^ s. la répartition de l'impôt direct ou taille se faisait
entre les difiërentes paroisses suivant le nombre de feux de chaque
paroisse. Les commissaires chargés de l'assiette devaient donc
avoir sous les yeux une sorte de cadastre où figuraient toutes les
paroisses avec le nombre de feux contribuables de chacune. A
l'origine le mot feu avait sa signification propre, c'estrà-dire qu'il
désignait un ménage ou feu vif. Mais bientôt, comme sous l'em-
pire romain le mot capui, il fut synonyme d'unité contributive
et n'eut plus de valeur littérale. H fallut plus ou moins de feux
réels, suivant leur importance, pour faire un feu contributif.
Chaque paroisse était abonnée pour un nombre fixe de feux et
même de firactions de feux qui ne pouvait être changé que par
et n'y feisseot domiiuige, et anssi en recompeosacion de certaine despense qn'fl fist
à aToir esté derers Mgr. le duc de Bourbon à Gannat et Molins et derers le roy
à Clennont et à Saint-Poorsaln par l'ordonnance de messeignenrs dndit paîs poor
besoigner sur aucunes choses touchans le bien dndit paîs, 440 lÎTres tournois.
A Mgr. le comte de BoukHgne et d'Aurergne, pour certaines grans despenses
qn'il a faictes en certains voyages et cbeyauchées qu'il a &is à avoir esté à
Riom et à Gannat devers Mgrs. le Daulphin et de Bourlton , pour adviser quil
estoit expédient de faire sur aucunes requestes qu'ils faisoient au pays et veoir
se on pourroit trouver aucun bon appœntement et appaisement entre le roy et
euli, et affin que ledit pays n*eust dommaige par eulx ne leurs genz, 400 L t.
A Mgr. le conte de Montpensier, dauphin d'Auvergne, pour semblable,
200 1. t.
A Mgr. Loys de Beaufort, conte d'Aleps et s' de Canilhac, pour semblable,
200 1. t. •
(Itutruet. des gens d^é§Use et nobles faites à la Sanvetat, en septembre t440.
— mbl. nat., Fr., 22296, p. n» 3.)
LES ^TITS PROVINCIIUX. 33
mandement royal. Dans ces conditions le travail des commissaires
répartiteurs était bien simple : s'il s'agissait par exemple d'impo-
ser 20,000 francs et que le nombre des feux de la province fût de
2,000, on divisait 20,000 par 2,000 pour avoir la valeur d'un
feu, soit 10 francs ; alors une paroisse de 2 feux était imposée à
20 francs, une de 3 feux 1/2 à 35 francs, etc. Il y avait donc un
grand intérêt d'impartialité à ce que le cadastre fût dressé avec
soin et modifié toutes les fois que besoin était. C'est ce que les
états ne cessèrent de réclamer.
En 1423, les états de Languedoïl ayant accordé au roi une aide
d'un million, le Limousin, tant haut que bas, fut taxé pour sa
part à 37,000 francs. Des commissaires vinrent pour imposer cette
somme et assemblèrent les états à cet effet, au mois de février.
Ceux-ci voulaient qu'avant de faire aucune assiette on procédât
à une 4c réformation de feux, » c'est-à-dire qu'on revisât le
cadastre. Toutefois, comme cette opération exigeait du temps, les
états consentirent à ce qu'on imposât immédiatement le premier
terme de l'aide, renvoyant l'assiette des deux autres après la
« réformation des feux. » Us nommèrent des délégués pour assis-
ter à l'assiette, comme d'habitude ; mais il fut expressément sti-
pulé que si la revision n'était pas faite en temps utile, les états
seraient de nouveau assemblés avant d'asseoir les deux derniers
termes. Y eut-il des commissaires nommés par les états pour pro-
céder à cette opération? Nous l'ignorons. Toujours est-il que la
revision ne put être faite et que les états assemblés de nouveau
consentirent à la dernière assiette moyennant « aucunes correc-
tions et reparacions qui ont esté faictes sur plusieurs des villes et
paroisses tout par le conseil desdictes gens des Trois Estaz*. »
Les états d'Auvergne furent plus heureux que ceux du Limou-
sin. Au mois de janvier 1442, dans leurs cahiers de doléances',
ils représentent au roi « que plusieurs villes estans oudit pays
d'Auvergne sont par lesdictes guerres et divisions très fort dimi-
nuées et les autres augmentées et peuplées, par quoy bonnement
lesdictes villes et villaiges diminués ne puevent porter la charge
qu'ils avoient acoustumé de faire, et les autres ainsy augmentés
plus convenablement pourroient porter plus grant charge que
jadis n'avoient acoustumé. » Ils demandent donc au roi de « leur
1. Voy. sur cette affaire Bibl. nat., Fr., 22902.
2. Art. 6 et 13.
Ret. Histor. XL !•' pasc. 3
S4 A. noMis.
donner certains commissaires à leurs nominacions, lesquelx aient
à SOT informer des diminucions et aogmentacions dessus dictes et
imposer lesdictes Tilles et TiUaiges, le fort portant le fsiible, eu
r^art esdictes diminucions et augmentacions, comme en leurs
armes et consciences ils Tarront que à lEaire sara de raison. » Le
roi répond qu'il « est content de ce faire. » Néanmoins nous ne
TOTons pas qu'il ait été donné suite immèdiatanent k ce proj^.
Au mcÀs de janTier 1445, Martin Roux est enTOjé auprès du roi
à Nancy pour obtenir les lettres de commission depuis longtemps
danandées, et il lui est taxé pour ce TOjage 200 Ut.^ II ne semble
pas aToir nkissi dans sa démarche, car nous Tojons encore au
mois d'août suiTant 4o0 Ut. ordonnées au s*^ de Dampi^re et de
RaTd « pour aToir pourchacè et obtenu du roy les lettres neces-
seivs adreçans aux commis9»^s ordonnei par le roj à Caire la
Tisitacion des feux et beluges desdiz bas et hault palsdWuTergne
et pour les aToir fait TeriâSer ainsi que besoing en estoit*. » Ces
commissaires nommés par le n)i sur la présentation des états
étaient au nombre de douze ; c'étaient : Jacques de Montmorin,
bailli de Saint~Pierr^«le-Moutier, Jean, s' de Langeac, sénéchal
dWuTargne. Jean, s*^ de Chasen>n et de Vi^or^^ Draguinet, s' de
Lastic, Barthélemi île la Farce, prieur île la Voûte, Pierre Bonid,
officiai de Q^rmont, Guiot du Riuf, abbé dWrtonne, Pierre
YoulpUbère. Roii^rt CoustaTe, Hugues Chaumeil, baile de Murât,
Pierrv Mandonier et Martin Roux. Us pnxvdéf^nt au fiiit de leur
commission pen^iant les années 1445 et 1446 : en i440« 1« états
kur ortionnéfvnt cvUectÎTenient jx^ur c^ la somme Je 1135 lir. »;
ils eurent encore dÎTerses allocations en 1447, Le principal résul-
tat de c^te Taste enquête fxit vie changer la pn>iv>nioQ contribo-
tÎTe obserrée depuis longtemps entre le plat pays et ks k>nnes
Tilles, II fut arrêté que o?s ikHniWMrvs> au lieu de payer oxume
auparaTant la sixième partie île leas^MuMe lie rimjvt. ne paie-
raient phis que le s^^ptij^ ^ie la part «ie la Bassi^-AuT^rgne. soit
les 3 ^ de rimf<M total, l^ répartition eut lieu sur cette nouxelle
base dès le mois de jauTier 144T V
^ TtiM|.KM.Mt., ft.,t^^^^l«»lr 4fi!i«i^^ll^Tifrt44^^ÎMiTHrlUT,
LES KTITS PaOVINCUCX. 35
Les états d'Auvergne ne poursuivirent pas avec moins d'énergie
un abus très préjudiciable aux intérêts de la province. Le comte
de la Marche, Bernard d'Armagnac , possédait dans la Haute-
Auvergne les vicomtes de Cariât et de Murât, et le comte d'Arma-
gnac, les baronnies de Pierrefort et de Chaudesaigues. Bien que
ces terres eussent toujours contribué avec l'Auvergne, ces deux
seigneurs, tranchant du souverain chez eux, ne voulaient pas
soufiFrir que leurs sujets payassent rien des sommes imposées sur
l'Auvergne, ce qui jetait un grand trouble dans les finances de
la province et chargeait d'autant les autres contribuables. Les
états s'en plaignirent vivement au roi * et cette fois aussi ils eurent
satisfaction. Le comte de la Marche composa vers 1443, et les
terres de Pierrefort et de Chaudesaigues furent confisquées peu
de temps après sur le comte d'Armagnac.
B. — Préférence des états pour Vimpôt direct , ou taille^
opposé aux autres systèmes de contributions et spéciale-
ment auœ aides. — Conversion des aides en équivalent.
Un fait très curieux à constater, s'il n'est pas très facile à expli-
quer, c'est la préférence accordée par les états de notre région
centrale aux impôts directs, par opposition aux impôts indirects ou
aides. La première preuve en est que jamais, pour ainsi dire, les
états n'ont accordé de subside au roi sous la forme d'impôt indirect.
Un contemporain nous apprend qu'aux états généraux de Poitiers,
en octobre 1 425, il y eut de longues contestations entre les membres
de l'assemblée, parce que pour fournir un subside au roi < les ungs,
c'est assavoir d' Angiers, d'Orliens, Blaiz , Touraine et autres vou-
loient des aides partie, et les autres des pais bas jusques en Lionnois
vouloient que tout se paiast par taille ^ » A ce point de vue l'Au-
vergne, le Limousin et la Marche faisaient partie des pays bas.
Pour le montrer encore mieux, il suflSt d'un exposé historique
des faits. Au mois d'août 1423, les états généraux de Selles
accordent au roi le rétablissement provisoire des aides qui avaient
cours pour la guerre du temps de Charles VP ; en décembre sui-
1. Dans les doléances de 1442, art. 4 et 11 .
2. Lettre de Roulin de Maçon aux conseillers de la ville de Lyon, ap. Cab. hist,
1878, p. 216.
3. Les alie» se composaient de 12 deniers par livre de toules denrées, du 1/4 du
▼in Tendu an détail et de Timposition foraine.
36 A. nOHAS.
Tant, les étals d* AuTargne rpinplacffnt la fetcef&m des aides par
un impôl direct de 20,000 firancs ^ Au mois d'octobre 1125, les
états généraiix araient accordé au roi un subside d'aiHnès leqnd
on derait p^rceroir le onzième de toutes denrées et mancbandîses;
dans une assemblée taïue à Montluçon, au uilms d^avril suirant,
et à laquelle prennent part les états d*AuTefgne, ce subside est
remplacé par une taille de 250«000 firancs*. En décembre 1426,
les états de Montluçon accordent au nx la krée d*une sorte de
capitation d'après laqudle chaque babîtant derait parer de
5 sous à 10 deniars tournois par semaine suirant son état ; au
mois de mai suivant, cet impôt est remplacé, en Auxergne. par
une taille ordinaine^ En 1432« le n^, arec rassentunent des états
généraux, ordonne la levée d'un droit appelé barrage sur toutes
les mardiandises qui entneraient dans les xilks ou en sortiraient ;
au mois de septembre, les états d'Auvergne accordent au r»t une
somme de 20,000 firancs pour remplacer cette imjM^tîon *. Les
états de Tours (sept.-oct. 1433) rétablissent la capitation : au
mc4s de janvier 1434, les états d'Auvergne la r«nplacent par une
taille de 20.000 firancs ^ Au mois de juillet 1435, ils accordent
un impôt dir>?ct au lieu des aides qui venaient d'être rétablies
provisoir>»Mnt '. En£n ks aides sont dièdcitxvement < remises
sus > par le rot avec le consentement des états généraux, en
février 143ï>: les états de la Basse-Auvergne obtiennent encore,
movennant une soomie de S.OOO firancs, qu'elles n'aient pas cours
en Auvergne de toute l'auM^ 1436 '^^ C'esl seokme&t au ukùs de
décembre 1436 que Charles TU, de passage à Ûermont, {«vi-
mulgue a^enneikment le rètahLis^^ement des^ aide> daifcs la {mto-
vince. à partir du cv«nmencefiiefit de Tannée 1437 ^. IVis krs les
états n'ont plus d'autorité sur cees^ imp^x^itiocs qui ^ lèvent sans
leur intervention : îLs ne peuvent que prvle^ter au kasoùi contre
ks vexations des agents qui en sont charge ^
Lâs DEMsnes iaits ont certainement du se passer dans le Lirnoosin
etdaiksla Marche, mab nous ne [vxssedons pas assec de documents
pour en dressser une liste ausssi complète. Sîgr^k'cs touteé?fis les
suivants : l'aide des *tî"r\î^?rtir (ut rvtupiic^ eîi 1433, daas la
1. ^ 3L T«7. W CÉto&Hpar «ul <à«N(k
4. ^ V^. îf Oy^^i^M;! âifeMw
(l AfdL béU »^^ 4« FKi. lu JIM^, t ttâ^
T. T4«. W CKTifciyf à k 4ail».
LES ÉTATS PROYINCUUX. 37
Marche, par une taille de 4,000 fr. * ; cette aide, non plus que la
capitation de 1433, ne fut pas perçue en Bas-Limousin, mais
elles furent changées toutes deux en une taille de 6,000 fr. * ;
en 1435, les états de Poitiers ayant rétabli provisoirement les
aides, les états de la Marche y substituèrent un équivalent'^.
Nous avons dit que le rétablissement définitif des aides fut accordé
au roi par les états de Languedoïl, réunis à Poitiers au mois de
février 1436 ; malgré cela, il semble absolument certain que ces
impositions ne furent levées, ni dans le Limousin, ni dans la
Marche, de 1436 à 1450 environ *. Cela tint sans doute à la
résistance énergique que les états durent opposer à cette mesure.
C'est seulement vers 1450 que le roi résolut d'assimiler ces pro-
vinces au reste des pays de Languedoïl. Il fallut entamer de
longues négociations avec les états provinciaux. C'est probable-
ment à cette affaire que se rattache un voyage fait avant le
25 mars 1451 par Baudot de Haloy, clerc, par ordre des tréso-
riers de France, « de la ville de Tours en la ville de Limoges et
en la conté de la Marche devers les gens des Trois Estaz desdiz
pais pour leur porter certaines instruccions, mémoires et autres
advertissemens, et illec avoir attendu leur responce et retourné
par devers le roy en ladicte ville de Tours ^. » Le résultat de ces
négociations fut que les états de la Marche, du Limousin haut et
bas et du Périgord offrirent collectivement au roi de lui payer
annuellement une somme de 20,000 îr. pour que les aides n'eussent
pas cours dans ces pays. Le roi accepta ce marché pour un cer-
tain nombre d'années, et le nouvel impôt s'appela Véquivalent
auœ aides : il finit par devenir définitif. La quote-part de chaque
pays était ainsi fixée : Marche, 4,500fr. ; Bas-Limousin, 6,750 fr. ;
Haut-Limousin, 6,750 fr. ; et Périgord, 2,000 fr. L'équivalent
dut commencer à se lever à partir du mois d'octobre 1451 . Les
états de ces quatre pays imposèrent en outre sur eux la somme de
6,000 liv. (dont 1,500 liv. sur la Marche) afin de défrayer les
députés qu'ils avaient envoyés à plusieurs reprises auprès du roi
pour obtenir le changement des aides en équivalent. Dans la
1. Voy. le Catalogne, à la date.
%, Lettres de Charles VII da 14 janvier 1434. (Arch. nat., K 63, n* 29.)
3. Voy. le Catalogue, à la date.
4. Un texte de 1444 nous apprend qu'à cette époque il n'y avait c nulz esleuz
<m ptîs de LinuMin. i (Arch. nat., Reg. de la Cour des aides, ZIa 14, f* 105 t*.)
5. Arch. nat., KK 648 (vol. Monteil), p. n* 91.
38 1. THOMAS.
somme de 6,750 1. t. supportée par le Bas-Limousin, la vicomte
de Turenne était comprise pour 536 1. 10 s. t. ; mais les habitants
de cette principauté ayant absolument refusé de rien payer, la
moitié de leur quote-part fut un peu plus tard déversée sur le
Haut-Limousin dontla charge se trouva ainsi portéeàT, 0181. 5s. t.
pendant que celle du Bas-Limousin était réduite à 5,481 1. 15 s. t. *
Cet exemple ne tarda pas à être suivi des pays voisins. La
Combraille, où le roi avait établi les aides en 1451 ', envoya
des députés à la cour et obtint la transformation de cet impôt
indirect en un équivalent de 700 fr. par an, avant le mois de
décembre 1456^. La même question agitait fort les états d'Au-
vergne. Le 21 mars 1454, une somme de 400 liv. est répartie
entre les bonnes villes « pour envoyer certaine ambassade devers
le roy pour fere abatre les guabelles ou fere mettre à l'équivalent^. >
Les états de la Basse-Auvergne se réunissent pour examiner
l'affaire, le 27 juin à Issoire, le 10 et le 12 août à Riom et à Cler-
mont, le 11 septembre à Issoire. Toutefois leurs demandes ne
semblent pas avoir abouti sous Charles VII ; nous trouvons encore
des élus sur le fait des aides en mars 1459 ^. La première men-
tion de l'équivalent que nous ayons est de 1463* : c'était proba-
blement un cadeau de Louis XI à son avènement. Cet équivalent
était de 24,000 fr. pour la Basse-Auvergne''' ; nous n'avons pas
de détails sur la Haute-Auvergne.
C. — Les états suspendent V exercice de divers droits finanr
ciers de la royauté, ou les rachètent par des impâts
directs.
Avec les aides ordonnées pour la guerre et les tailles qu'ils
accordaient périodiquement, les états n'étaient pas encore entiè-
rement à l'abri des exigences de la royauté. Celle-ci possédait
1. Voy. sur cette affaire Arch. nat., K 692b, 11; Bibl. nat., Fr. 5909, ^ 175;
20580, p. 29, et 2886, Rôle des aides pour 1454-5 (très mal publié par fea
P. Clément, de Tlnstitut, dans Jacques Cœur et Charles VII , t. II, p. 419 et s.}.
2. Voy. Arch, nat., ZIa 23. — Les viUes principales de la Combraille étaient
Éyaux et Chambon (Creuse).
3. Rôle des aideSy suprà.
4. Arch. de Clermont, reg. non coté.
5. Bibl. nat., Fr., 23898, à la date.
6. Ib., Pièces orig., 724, D' Chauvigny, n» 8 Hs.
7. Bibl. nat., Fr., 23898, à la date.
LES éTlTS PROYIXCUUX. 39
certains droits dont la revendication, pour être intermittente,
n'en était pas moins vexatoire.
De ce nombre était la convocation de rarrière-ban. Dès l'époque
de Philipppe le Bel, ce n'était plus pour la royauté qu'un moyen
de se procurer de l'argent par les compositions auxquelles les
particuliers étaient obligés de se soumettre. Ce moyen fut rare-
ment employé sous Charles VIL Cependant, en 1441, il chargea
Tandonnet de Fumel et Nicole du Breuil de « faire mettre à exé-
cution l'arrière-ban » dans le Bas-Limousin. Les états s'émurent
aussitôt et offrirent au roi, qui l'accepta, une somme de 4,500 liv.
pour qu'il ne donnât pas suite à ce projet *.
C'était une vieille habitude de la royauté d'envoyer de temps
en temps dans les provinces des commissaires extraordinaires
avec pleins pouvoirs pour réformer et punir tous les abus qui y
avaient été commis depuis une certaine époque : tel était déjà le
caractère des enquêteurs de saint Louis. Charles VII jugea bon
de remettre en vigueur cet usage, moins dans l'intérêt de la jus-
tice assurément, que conune un moyen d'alimenter le trésor par
les amendes et confiscations qui devaient en résulter. En 1445,
une conamission de ce genre fut instituée en Auvergne pour « la
générale reformacion ; » elle était composée de Gilbert de la
Fayette, de Girart Le Boursier, de Pierre de Morvillier et de
Nicole du Breuil. La venue de ces commissaires mit la province
en émoi; on commença par les gagner en leur faisant des pré-
sents : le maréchal de la Fayette reçut 100 livres tournois, Nicole
du Breuil 40 et les deux autres chacun 80 livres tournois ; on
obtint ainsi un sursis momentané. Puis les états envoyèrent à la
cour Gonnot du Riuf pour faire révoquer la commission. Mais
l'on pense bien que la royauté n'allait pas renoncer gratuitement
à l'exercice de cette mesure lucrative et fructueuse. Il fallait une
compensation. Les états, après plusieurs assemblées tenues dans
les mois d'août et de septembre 1446 à Issoire et à Gannat,
offrirent au roi, qui l'accepta, l'octroi d'une taille dont nous igno-
rons le montant pour que les conunissaires fussent révoqués. Il
faut reconnaître que la conduite des états dans cette circonstance
n'était pas inspirée par un sentiment d'équité : si la commission
eût suivi son cours, amendes et confiscations ne seraient tombées
que sur les coupables ; au contraire, la racheter par un impôt,
1. Bibl. nat., Fr., 25711, n* 145.
40 1. THOMAS.
c'était faire payer par tous la rançon de quelques-uns. Mais les
membres des états devaient évidemment tenir à ce que certains
faits restassent dans l'ombre, et il ne faut pas trop s'étonner de
retrouver là le mobile de presque tous les actes politiques, à savoir :
l'intérêt bien entendu *.
Ils furent mieux inspirés en s'opposant à une autre mesure de
la royauté. Au commencement de 1445 environ, Charles VIT, de
sa propre autorité, voulut faire lever en Auvergne de nouveaux
droits sur le sel, tant de Poitou que de Languedoc. Quatre com-
missaires vinrent à cet effet dans la province : Charles de Cas-
tiUon, Pierre des Crosses, Morelet Le Viste et Chariot de Rollot.
Il fallut encore leur donner 200 liv. au mois d'avril 1445 pour
les faire surseoir et attendre qu'on se fût pourvu auprès du conseil
du roi * ; en 1446, nouveau don de 600 liv. pour le même motif.
En même temps, les états envoyèrent auprès du roi une ambas-
sade composée du sénéchal d'Auvergne, du s^ de Chazeron, de
l'abbé d'Artonne et de Jean Le Viste, « pour lui remonstrer que
le païs avoit acoustumé ne rien paier sur le sel. » Quel fut le
résultat de cette démarche ? Nous l'ignorons. Ce qu'il y a de sûr,
c'est qu'elle coûta à la province 1200 livres tournois et plus^.
Enfin, en 1448, Charles VII ayant nommé d'autres commis-
saires chargés de percevoir les droits de francs fiefs et nouveaux
acquêts, les états obtinrent encore du roi que ces commissaires
restassent un an entier sans procéder à leur commission^.
§3. — Rôle des étais au point de vue de la défense terri'-
toriale. — Organisation de l* armée par Charles VIT.
C'est peut-être au point de vue de la défense territoriale que le
rôle des états provinciaux a été le plus important sous Charles VII,
et qu'il est aujourd'hui le plus intéressant à étudier. L'ennemi
contre lequel les provinces avaient à se défendre était double : les
Anglais d'une part et les routiers de l'autre.
1. Pour les noms des commissaires et les sommes qui leur forent données,
Toy. les Instructions de février t446 (Bibl. nat., Fr. 22296), et sur l'aide accordée
au roi, Toy. Catalogue, à la date.
2. Voy. les Instructions, Bibl. nat., Fr., 22296.
3. Voy. les Instructions du mois de février 1446, Bibl. nat., Fr., 22296, à la
date.
4. Voy. Arch. nat., KK 648 (reg. Monteil), p. n* 99.
LES ÉTATS PROYINCIIUX. Ai
A. — Défense contrée les Anglais.
Des pays qui nous occupent, le Limousin seul se trouvait sur la
frontière des Anglais, maîtres de la Guyenne jusqu'en 1451. Dès
1419, la première session des états du Limousin que nous ayons
rencontrée est relative à la défense du pays. Un capitaine anglais
nonmié Beauchamp était alors maître de la forteresse d' Aube-
roche en Périgord, et de là faisait de nombreuses incursions dans
le Limousin; quelques seigneurs, et à leur tête le comte de Venta-
dour et les vicomtes de Comborn et de Limoges, résolurent d'aller
mettre le siège devant cette place. Pour cela il fallait une petite
armée et surtout de l'argent pour l'entretenir. On réunit les états
à Tulle dans les premiers jours de septembre; ceux-ci consen-
tirent à ce qu'on imposât sur le pays une somme de 24,000 fr., à
la condition expresse que cette somme serait uniquement employée
à solder les troupes qui devaient assiéger Auberoche. Deux rece-
veurs furent nommés, l'un pour le bailliage de Limoges, l'autre
pour les bailliages de Brive et d'Userche; quatre commissaires :
Jean, seigneur de Bonneval, Gouffier Hélie, s' de Villac, Jean
Peyssièra et Bertrant Aramit, furent chargés de présider à la dis-
tribution de l'argent et d'entendre les comptes des receveurs*.
Grâce à cette organisation, la place d' Auberoche put être empor-
tée et le pays fut mis pour quelque temps à l'abri des incursions
ennemies'.
En 1435, les Anglais occupaient encore dans le voisinage plus
ou moins direct du Limousin plusieurs places très préjudiciables
au pays, entre autres Aucor^, MareuiP et Doname'^. Les états du
Haut-Limousin s'employèrent énergiquement pour trouver moyen
de les en déloger. A plusieurs reprises, ils envoyèrent l'évêquede
Limoges, Jean d'Asnières, Bertrandon de Lur et Guinot du
Barry auprès de Jean de la Roche, sénéchal de Poitou, pour lui
flaire mettre le siège devant la place d'Aucor<^. De son côté, le
vicomte de Limoges paya comptant audit sénéchal la somme de
1. Bibl. nat., Baloze, 393, n* 634.
2. HarYaud, BisL du Bas- Limousin.
3. Commune de Beaussac (Dordogne).
4. Chef-liea de canton (Dordogne).
5. Ibid.
6. Voy. Bibl. nal., Fr., 23902.
42 1. THOMAS.
750 livres pour l'aider dans ce projet, et la place put être reprise
de vive force aux Anglais*. Le résultat fut moins heureux pour
Mareuil; bien que l'évêque de Limoges eût fait un voyage en
Saintonge pour concerter l'attaque, et que conjointement avec
Jean de La Roche, le vicomte de Limoges eût fourni des troupes
pour tenir une bastille devant la ville, on ne put la reprendre*.
Nous voyons en effet en 1437 les états voter au seigneur de Ma-
reuil un somme de 500 francs « pour lui aidier à délivrer et
recouvrer son chastel de Mareul, à présent occupé et détenu
par les Angloys, ennemis et adversaires du roy nostredit seigneur,
qui ont fait et font de jour en jour guerre et grans maulx et dom-
maiges aux habitans du pays^. » Cependant les états du Limousin,
tant haut que bas, avaient obtenu du conseil du roi que la presque
totalité de l'aide de 10,000 fr. qu'ils avaient accordée au roi en
1435^ fût employée à « la recouvrance de Domme et de Mareul'^. »
L'aide du Bas-Limousin dut être affectée spécialement à la
reprise de Domme : les états exposèrent qu'ils « avoient certains
traictiez pour avoir et recouvrer les ville et chastel de Domme, »
et le roi leur accorda la libre disposition d'une somme de 3650 liv.
pour employer à cet effet. 11 fut stipulé que cet argent serait remis
entre les mains de Pierre de Royère et de Martin de Sorrias,
bourgeois de Tulle, commissaires des états délégués à cette inten-
tion, et que, même par mandement du roi, les commissaires ne
pourraient en détourner un denier pour un autre objet que la déli-
vrance de Domme : ils devaient être tenus quittes par la Chambre
des comptes en rapportant un certificat d'Amaury d'Estissac
constatant que la ville était remise en l'obéissance du roi*. Il
semble d'après cela que les états du Bas-Limousin eussent traité
à l'amiable avec le capitaine anglais de Domme pour lui faire
évacuer cette place; ce résultat fut atteint, et Domme fut remis
entre les mains de son seigneur, partisan de Charles Vil. Mais
en 1438, Charles VII, sans doute peu confiant dans ce person-
nage, chargea Thibaut de Lucé, évêque de Maillezais, Gautier
1. Voy. ibid., Fr., 26060, n- 2775.
2. Ibid., ibid.
3. Bibl. nat, Fr., 23902, à la date.
4. 5,000 I. accordées par le Bas-Limousin à Userche, en août, et 5,000 1. par
le Haut-Limousin à la Souterraine, en septembre.
5. Bibl. nat., Fr., 23902.
6. Arch. nat., K 62, n* 7.
LES iriTS PROYINCIAUX. 43
de Péruce et Jean Barton, de traiter avec lui pour qu'il aban-
donnât la ville aux mains du roi : le Limousin dut encore payer
par un impôt les firais de cette négociation*.
En 1439, grâce à des renforts amenés en Guyenne par le comte
de Hontington, les Anglais reprirent l'offensive en Périgord et
s'emparèrent de Thenon', d'où ils menacèrent à la fois le Limousin
et la Haute-Auvergne'. Charles VII, sur l'initiative des états,
envoya des commissaires au pays pour lever un impôt et aviser
aux moyens de reprendre la place : ces commissaires étaient :
Gautier de Péruce, Jean Barton et Etienne Froment. Les états
du Bas-Limousin accordèrent une aide de 5,000 francs; ceux
du Haut-Limousin octroyèrent probablement la même somme.
L'argent provenant de ces deux octrois fut distribué, conformé-
ment aux ordres du roi, par mandements des comtes de Venta-
dour, vicomtes de Limoges et de Turenne, et d'Etienne Froment,
ou d'au moins deux d'entre eux. La forteresse de Thenon fut
reprise aux Anglais*.
Si le Limousin seul avait directement affaire aux Anglais, les
états de toutes nos provinces apportaient leur concours à la guerre
nationale en votant fréquemment des sommes plus ou moins fortes
pour aider des prisonniers à payer leur rançon. Les sommes ainsi
votées l'étaient dans deux conditions. Si le personnage était de
grande importance, le roi prenait d'ordinaire la cause en main,
lui accordait une certaine somme qu'il répartissait lui-même par
lettres patentes entre différentes provinces, et alors les états ne
faisaient guère que confirmer la décision du roi en votant leur
quote-part : c'est ce qui eut lieu notamment pour le fameux La
Hire (Etienne de VignoUes), pour Charles d'Orléans et quelques
autres. Au contraire, si le personnage était secondaire et n'avait
qu'une notoriété locale, il faisait exposer sa situation aux états
de sa province qui, de leur propre initiative et sans aucune inter-
vention du roi, lui votaient telle somme qu'ils jugeaient à propos.
Voici un tableau chronologique des personnages plus ou moins
t. Bibl. nal., Fr., 20417.
Z Chef-lieu de canton (Dordogne).
3. 8 janvier 1440. Les habitants de Salers (Cantal) requièrent le Parlement de
leur permettre de fortifier leur yille, les Anglais Tenant de s'emparer de Thenon,
i une journée de marche, bien qu'il y ait procès à ce sujet entre eux et leur
seigneur. (Arch. nat., XIa 1482, ^ 131 b.)
4. Voy. Catalogue, Haut et Bas-Umousin, 1439, novembre.
44 1. THOMAS.
importants auxquels les états provinciaux sont ainsi venus en
aide:
1425, novembre, Jean Foucauld, pris par Talbot à Laval :
200 liv. (états du Haut-Limousin). — Id. Jean de Rochechouart,
s* de Mortemar, conseiller et chambellan du roi, pris à la jour-
née de Verneuil : 200 liv. (id.). — 1432, janvier, Robert Cous-
tave, écuyer, prisonnier à Rouen, 300 liv. (Basse- Auvergne). —
Id. Lancelot de Bonneville, 120 liv. (id.). — 1436, décembre,
Gonnin de Blot, 300 liv. (id.). — 1437, août, Etienne de
Vignolles, dit Lahire, 250 liv., restant de 1000 écus à lui assi-
gnés par ordre du roi (Haut-Limousin). — Id. Perrinet Lejeune,
écuyer, 30 liv. (id.). — Id. Jean Pain, écuyer, 20 liv. (id.). —
1438, juillet, Gonnin de Blot (bis), 150 liv. (Basse-Auvergne).
— 1439, février, Bertrand du SaiUant, fait prisonnier par les
Anglais de Limeuil (Dordogne), 120 liv. (Bas-Limousin). —
1441, janvier, Jean de Montbrun, écuyer, 40 liv. (Haut-Limou-
sin). — Id., Guillaume de Saintr-George , écuyer, 30 liv. (id.).
— Id., Giron Bardot, écuyer, 30 liv. (id.). — 1442, Charles
d'Orléans. Par lettres données à Limoges le 24 mai 1442,
Charles VII lui fait don de 168,900 écus sur tout le royaume,
dont 6,000 sur le Limousin haut et bas, 2,000 sur la Marche et
10,000 sur l'Auvergne; cependant à leur session de septembre
1442, les états d'Auvergne ne lui accordent que 5,000 écus
(=6,878 liv.). — 1443, août, Jacques d'Ussel, écuyer, 450 liv.
(Basse-Auvergne). — 1445, août, Raoul, s^ de Gaucourt, 500 écus
(Auvergne). — 1448, janvier, duc d'Angoulême, 500 liv. (Au-
vergne).
B. — Défense contre les routiers.
Nous n'avons pas besoin d'insister sur un fait universellement
connu, c'est que jusque vers 1445 les gens de guerre furent la
plaie de la France. Sous les noms de routiers, estradeurs, écor-
cheurs que leur infligeait le ressentiment public, ils arrivèrent à
se faire redouter des populations plus encore que les Anglais. Les
chroniqueurs contemporains sont unanimes à ce sujet, et nous en
avons des témoignages particuliers. Dès 1419, à la session des
états du Limousin tenue à Tulle au mois de septembre, où il
s'agissait de lever une petite armée pour assiéger Auberoche,
l'abbé d'Userche n'y consent qu'à la condition que les seigneurs,
LES ijATS paoviNcuux. 45
en revenant de cette expédition, aient à ne pas piller, rançonner
et manger le pays comme cela arrivait trop souvent*. Un texte
de 1423 relatif à l'Auvergne parle des < roberies, pilleries,
mordres de personnes, ravisseraens de femme et autres dom-
maiges, excès et inconveniens qui de jour en jour sont euz, faiz
et perpétrez... par pluseurs rotiers, robeurs, pilleurs ou autres
malfaicteurs'. » Voyons par quels moyens les états ont essayé de
remédier à ces désordres.
Dès 1424 les états d'Auvergne avaient levé des troupes à cet
effet; nous voyons qu'il y avait soixante hommes d'armes « à la
garde et deffense du pays » sous les ordres de Bertrand, s' de la
Tour, de Jean, s' de Langeac, sénéchal d'Auvergne, et d'autres;
leurs gages étaient payés sur les fonds provinciaux^. C'était évi-
denmient une conséquence de l'alliance conclue le 11 juillet 1423
entre l'Auvergne, le Bourbonnais, le Forez, le Beaujolais et la
CombraUle, alliance par laquelle chacun de ces pays s'engageait
à secourir les autres en cas de besoin avec des forces proportion-
nées à ses ressources^. Le 27 mai 1430, dans une assemblée
tenue à Issoire, les états organisèrent définitivement cette milice
provinciale par un acte solennel. Cet acte est digne de la plus
grande attention* : on retrouve là par avance les principales me-
sures que devait promulguer plus tard Charles VIT à la requête
des états généraux, dans la pragmatique d'Orléans (2 novembre
1439). Il fut décidé que la province entretiendrait désormais
120 hommes d'armes et 80 hommes de trait, répartis en cinq
compagnies, sous les ordres du sénéchal d'Auvergne, du bailli de
Montpensier, et des seigneurs de La Tour, de Dampierre et de la
Fayette. Chaque capitaine devra choisir lui-même les hommes de
sa compagnie et répondra de leur conduite. Pour qu'ils soient
toujours prêts en cas de besoin, on leur paiera un mois de gages
d'avance. A la première session, on ordonnera la levée d'une
somme sufSsante pour l'entretien de ees troupes ; cette somme sera
mise dans un coffre spécial pourvu de cinq clefs. Il y aura cinq
1. c Non habeant piUiare, nec ransonare nec consiimere patriam. t (Bibl. nat.,
BiL, 393, n* 634.)
2. Arch. nat, P 1358', cote 550.
3. Voy. une quittance de Bertrand de la Tour, Bibl. nat, Fr., 26047, n* 241.
4. Voy. pins haut, II, { 1 b.
5. L'original se trouve 'aux Arch. nat., P 1359; il a déjà été publié par M. A.
Ririère.
46 i. THOMAS.
commissaires qui auront chacun une clef pour présider à la dis-
tribution de cette somme, à savoir : Pierre de Gros, le prieur de
la Voûte, Tofficial de Clermont, Hugues Roland et le gouverneur
de Clermont. Ces commissaires feront le serment d'employer uni-
quement cette somme à la solde des troupes, et ils ne délivreront
de mandats de paiement qu'après s'être assurés par des montres
que l'effectif est au complet. Enfin on décide que, conformément
au traité d'alliance, ces troupes seront envoyées en cas de besoin
au secours du Bourbonnais, du Forez et du Beaujolais, à la con-
dition que vice versa le Bourbonnais devra envoyer au secours
de l'Auvergne 40 hommes d'armes et 20 archers, le Forez 20
hommes d'armes et 15 archers, et le Beaujolais 15 hommes
d'armes et 10 archers.
Cette organisation semble avoir subsisté jusque vers 1438.
Nous trouvons encore cette année-là une somme de 9,000 liv.
imposée pour payer les gens d'armes employés à la défense du
pays, mais la distribution en est confiée à l'évêque de Clermont,
au comte de Boulogne et d'Auvergne, aux seigneurs de Dam-
pierre, de Canilhac et de Langeac, ou à quatre ou deux d'entre
eux*. En 1440 nous ne retrouvons plus cette mesure avec le
même caractère ; nous voyons allouer une indemnité totale de
2,100 liv. à quatre seigneurs « pour et en recompensacion des
fraiz et despenses qu'il leur a convenu faire et soustenir pour
avoir, mettre sus, armer et entretenir par certain temps cer-
tain nombre de gens d'armes et de trait qu'il a convenu tenir
oudit pais pour la garde et défense d'icellui*. » Les termes mêmes
de cette allocation indiquent bien qu'on avait renoncé à l'idée
d'une milice permanente. Nous n'en retrouvons plus aucune trace
postérieurement.
Il n'y eut pas d'organisation analogue dans les provinces voi-
sines; toutefois on sut aussi résister par la force aux invasions
des routiers. En 1435, le fameux Rodrigue de Villandrando^
ayant couru le Bas-Limousin avec ses bandes, plusieurs seigneurs
du pays tinrent garnison contre lui à Meymac et à Ussel, et les
états leur votèrent des indemnités pour ce fait^. Dans la Marche,
1. Voy. les Inslr. de cette anoée, Bibl nat., Fr., 22296, à la date.
2. Voy. les Instr., Bibl. nat., Fr., 22296, à la date.
3. Voy. sur ce fameux capitaine la belle biographie de M. Jules Quicherat,
Paris, Hacbetle, 1879.
4. Voy. Ribl. nat., Fr., 22420, et Catalogue, à la date.
LBS iTÀTS PROTIMCUCX. 47
le comte avait dans quelques villes des capitaines qui n'étaient
pas sans avoir quelques soldats avec eux ; cela suffisait parfois à
efifrayer les routiers. En 1440 et en 1441 nous voyons les états
voter ainsi une somme de 100 fr. aux capitaines de La Chapelle-
TailleferS de Guéret, de Jarnage*, de Rochefort^ et à Jacques
Bézu « pour recompensacion de pluseurs chevauchées, fraiz et des-
penses qu*ilz ont faictes pour aller au-devant de pluseurs cappi-
taines4e gens d'armes affin qu'ilz n'entrassent oudit pays^ »
Mais il faut bien le reconnaître, même la savante organisation
adoptée par les états d'Auvergne était absolument impuissante ;
ces troupes entretenues par les états ne semblent pas avoir rendu
de grands services au pays, ni tenu les routiers en respect. Le
plus souvent, c'était à prix d'argent qu'on barrait la route à ces
hôtes dangereux ou qu'on les faisait déloger. Les sommes que les
gens de guerre ont ainsi tirées de nos provinces du centre pendant
plus de vingt ans sont énormes. Essayons d'en donner quelques
aperçus.
Les documents sont rares sur la Marche; nous voyons cepen-
dant en 1426 les états obligés de composer à la somme de 506 liv.
avec Théode de Valpergue et autres capitaines au service du roi
« pour non logier oudit pays et y donner souffrance de non y
fourrager ne le dommager par certain temps ^. »
Le Limousin eut beaucoup à souffrir : en 1435, un certain Au-
det de Rivière occupait le château de Courbefy et s'y conduisait
conmie en pays ennemi; les états durent traiter avec lui à prix
d'argent pour lui faire évacuer la place avec ses gens^. Il fallut
encore promettre à son successeur 200 liv. pour « garder ses
gens une saison de piller et appa tisser les gens du pays^. » Autre
dépense pour obliger Jean de la Roche , sénéchal de Poitou , à
retirer la garnison qu'il tenait à Saint-Exupéry*; on y réussit par
l'intermédiaire du vicomte de Turenne et cela coûta 3,000 fr. que
durent payer les états du Bas-Limousin^. Ce malheureux château
1. Canton de Goéret (Creuse).
2. Chef-lien de canton (Creuse).
3. Commune et canton de Somac (Corrèze).
4. Voy. Bibl. nat., Fr., 21423 et 23901.
5. Ibid., ib., 20587, p. 36.
6. Ribl. nat., Fr., 23902, à la date.
7. Ibid., ibid.
8. Près d'Ussel (Corrèze).
9. Bibl. nat., Fr., 22420.
48 i. THOMAS.
de Courbefy était un refuge merveilleux pour les routiers qui
pouvaient rançonner à loisir le pays environnant et venir y mettre
leur butin en sûreté; aussi les tentait-il. Après Audet de Rivière,
ce fut Jean de Santoux qui s*en empara. Sa conduite fut si exé-
crable que les états traitèrent avec lui au prix de 1400 réaux d'or
pour le faire déloger et remettre la place aux mains d'Amaury
d'Estissac, lieutenant du gouverneur de Limousin* (1438). Le
gouverneur était alors Charles d'Anjou ; il semble qu'il aurait dû
avoir des troupes assez bien disciplinées pour réprimer ces dé-
sordres. Mais loin de là : le capitaine général de ses gens d'armes
et de trait, Louis de Bueil,* commettait pis que pendre dans le
pays; les états durent encore traiter avec lui par l'intermédiaire
de Poton de Saintrailles, alors bailli de Berry ; ils lui donnèrent
400 réaux d'or pour le faire déloger immédiatement avec ses gens
et lui firent promettre de ne pas remettre les pieds dans le pays
avant la fête de Noël 1438«.
Telle était l'épouvante que causait le passage des gens de
guerre qu'au mois de mai 1442, Charles VII partant pour faire
lever le siège de Tartas, les états du Haut et du Bas-Limousin
lui offrirent spontanément 4,000 francs pour que les troupes qui
l'accompagnaient ne traversassent pas la province^. Ce fut la
même chose au retour : les états du Bas-Limousin furent obligés
de promettre aux capitaines (Chabannes, Floquet et autres) plus
de 4,000 fr. pour éviter le pillage, et malgré cela, dit un docu-
ment contemporain, « iceulx cappitaines et leurs gens et toute
l'armée du roy en retournant dudit voiage ont passé par ledit
pays et logé en icelui, ont bouté feux, prenoient gens et bestail
et mettoient à raençon et ont tout destruit, et encore que pour
eulx desloger d'icelui ont rançonné les villaiges. >
S'il fallait ainsi compter par le menu toutes les rançons payées
par l'Auvergne, cela deviendrait fastidieux; bornons- nous à
quelques chiffres. En 1436, les états de la Basse-Auvergne rem-
boursent au duc de Bourbon 6,000 liv. qu'il a payées à Rodrigue
de Villandrando, alors en Albigeois, pour éviter qu'à son retour
il ne traverse le pays^ En 1438 les rançons payées aux gens
1. Bibl. nat, Fr., 23902, à la date.
2. Ibid., ibid., 23902.
3. Voy. le Catalogue, à la date.
4. Arch. nat., ZU 14.
LBs Mtats provinciaux. 49
d'annes s'élèvent à près de 20,000 fr . rien qu'en Basse-Auvergne ;
en 1442, à 24,000 liv., en 1443, à 23,000 liv. à l'occasion du
retour des gens de guerre de Gascogne. En 1445 encore, l'Au-
vergne est obligée de donner 1300 moutons au bâtard d'Arma-
gnac pour le faire sortir de la province.
Rien ne montre mieux que ce long exposé la nécessité de la
réorganisation de l'armée dont Charles VII et son conseil
prirent l'initiative en 1445; rien, semble-t-il, n'était plus
propre à faire accepter de grand cœur par les états provin-
ciaux le nouvel état de choses créé par les mesures de la royauté.
Nous allons voir quel fut leur rôle dans cet événement capital,
non seulement du règne ^de Charles VU, mais de l'histoire de
France.
C. ^ Nouvelle organisation de V armée par Charles Vil;
Rôle des états.
C'est au mois de mai 1445 que Charles VII, alors à Loupy-le-
Ghftteau, en Barrois, commença la réforme de la cavalerie. Sans
parler de mesures destinées à rendre la discipline plus sévère, la
véritable innovation fut la résolution adoptée par le conseil du
roi de caserner l'armée dans les provinces, et de mettre à la charge
de chacune d'elles la nourriture et l'entretien des soldats qui y
casemeraient. On fixa à 2000 le nombre des lances à loger ainsi
dans tout le royaume* : 500 en Languedoc et 1500 en Languedoïl ;
puis on établit la quote-part de chaque province. L'Auvergne fut
taxée à 160 lances, dont 40 dans la Haute-Auvergne, c'est^-à-
dire le quart du nombre total : les 40 lances de la Haute- Au-
vergne étaient sous le commandement de Robert Compaing* : il y
avait deux capitaines dans la Basse- Auvergne : Amanieud'Albret,
8' d'Orval, avec 100 lances, et Guillaume de Rosinviven avec
20 autres*. Le Haut et Bas-Limousin reçurent chacun 43 lances
sous le commandement de Philippe de Culant, s** de Jalognes,
maréchal de France^. Nous n'avons de détails sur la Marche que
1. Chaque lance comprenait six personnes et six chevaux. (Voy. Bibl, de VÉc.
it» chartes, 11* série, p. 122 et suiv., un bon article de Vallet de Virinlle que
Bootaric n'a fait que répéter dans ses In$iUuiion$ militaires de la France t
p. 309.)
2. Instr. pour 1446, Bibl. nat., Fr., 222%, à la date.
3. Bibl. nat, Fr. 22296 et Fr., 21495, p. 47 et 49 (montres).
4. Bibl. nat, Cab. des Titres, dossier CtUanU
ReV. HiSTOR. XL i»' FA8C. 4
50 A. THOMAS.
pour Tannée 1451 : elle entretenait à ce moment 18 honmies
d*armes, dont 9 sous le maréchal de Jalognes, et les autres 9 sous
Blain Loup, seigneur de Beauvoir et de Mérinchal^; il en était
probablement ainsi dès Torigine. Cependant, en 1449, le maréchal
de Jalognes s'intitule capitaine de 100 lances fournies, logées par
ordre du roi dans le Limousin haut et bas et dans le comté de la
Marche'; d*après notre compte nous ne trouverions que 95 lances
sous ses ordres. — Une pièce de 1454' nous apprend que le Franc-
Âlleu avait reçu 3 lances fournies.
L'idée nouvelle de cette organisation ne se manifeste à nous
que par des lettres patentes du roi données à Loupy-le-Chàteau
le 26 mai 1445^ Mais on peut dire qu'elle était déjà dans l'air
quelque temps auparavant : ainsi nous voyons, au mois d'avril,
les états d'Auvergne envoyer un chevaucheur du roi auprès de
lui « pour enquérir se les gens d'armes vendroient vivre en Au-
vergne*. »
Quoi qu'il en soit, c'est le 26 mai seulement que Charles VU
nonmia les conunissaires chargés d'organiser les casernements
dans chaque province; l'ordonnance royale réglait les contribu-
tions que devaient fournir les habitants; elles étaient toutes en
nature, sauf une somme de 20 sous tournois par lance et par mois
pour les jours maigres : les commissaires devaient choisir les villes
propres à recevoir les garnisons, Caire la répartition sur les habi-
tants des contributions en argent et en nature, et enfin juger les
débats qui s'élèveraient à ce sujet*.
Dans tout cela pas un mot n'est relatif aux états provinciaux;
mais il ne faut pas s'y tromper. Nous avons vu que c'est le carac-
tère de presque tous les documents officiels de taire à dessein ce
nom. En réalité, aussitôt arrivés dans les provinces, les conunis-
saires durent convoquer les états provinciaux pour procéder, de
concert avec eux, à l'exécution des ordres du roi. Il y eut des
commissaires distincts pour la Haute et pour la Basse- Auvec^e;
I. Kbl. Mt, Pr., ^390t, et CaK àt» UtrHs dossier Lù^.
t. QnitUnc» du ^ «ciàl 1449 {do»ifr Culmmt).
X Bibl. Mt, Pr., ^60^, r 664^
4. VoT. VâUet d« ViriTilif, l«c. Hi. - Artà. Mt, C 6S, «* 14.
5. IttMr., Eibl. Mt. Pr., tt?9&
6. L» deux i^i^cM oMMr>^^ aux Artà^ Att {K 6i^ «* 14-14*} «Ml relatives
Tane aa IViilou el Tanti^ aa GéT«iidaa; ell«» jimiI a^MteiMSI ideBUq«e&, el par
mite eeUe» de» aatre» proTince» deraiettl VMre awtM
LES lÎTlTS PROTINCIACX. 54
ces commissaires furent pour le haut paya : Jean d'Aulon, con-
seiller du roi, Amauri du Montai, bailli royal des Montaignes, et
les élus sur le fait des aides*; pour le bas pays : Charles, s' de
Culant, Jean de Bar, général des finances, et Jean de Langeac,
sénéchal d'Auvergne : ce dernier fut spécialement chargé déjuger
les débats entre les gens de guerre et les particuliers. En outre,
pour faire la répartition des vivres entre les paroisses du pays,
cinq personnes furent choisies conjointement par le roi et les états,
à savoir : le sénéchal d'Auvergne, Pierre Boniol, oflScial de Cler-
mont, Pierre Voulpilhère, Robert Coustave et Pierre Mandonier.
Tout se passa conformément aux ordres du roi, et à la session
d'août 1445 les états imposèrent diverses sommes parmi les frais
du second terme de l'aide de 52,000 francs pour rétribuer les
conmiissaires du roi et les personnes chargées de la répartition,
plus 1 , 335 liv . pour délivrer et distribuer aux gens de guerre « pour
avoir leurs vivres necesseres aux jours qu'on ne mengue point de
char*. >
Dans le Haut-Limousin, il en fut autrement. Le roi avait fixé
les contributions en nature. Les états, dès l'origine, préférèrent
contribuer en argent. Dès que les commissaires furent arrivés
dans le pays (nous ignorons malheureusement leurs noms) les
états envoyèrent auprès du roi, à Châlons, une ambassade com-
posée de Gautier de Péruce, s' des Cars, du prieur de Bénévent,
de Pierre de Royère et de maître Chanin. Ces députés étaient très
probablement chargés de demander au roi la transformation en
argent des contributions en nature; toujours est-il que nous
voyons une sonmie de 2,010 liv. imposée sur le pays pour les
mois de mai-juin 1445, « tant pour le fait des vivres de xLiii
hommes d'armes et uii" vi archiers, comme aussi pour le fait de
certaine ambaxade que les gens des trois estaz dudit païs ont
aivoyée devers le roy nostre sire à Chaalons pour certains les
affaires d'icellui païs'. » La contribution financière fut fixée à
16 liv. par mois par lance fournie, probablement avec quelques
suppléments en nature. Pour les trois mois suivants, les états
imposèrent 2,562 liv., y compris sans doute les frais; mais au
mois de juillet, les gens de guerre ayant quitté momentanément
1. Voy. Bibl. nat., Cab. des Titres, dossiers Montai et Clair., 171, p. 5537.
2. Instructions de 1445, Fr., 22296.
3. Bibl. nat., Clair., 126.
32 ▲. THOMAS.
le pays pour une expédition en Périgord, leurs gages de ce mois
leur furent payés à raison de 22 fr. par lance fournie*. Une nou-
velle ambassade, composée de Pierre de Royère, écuyer, et de
Jean de Sandelles, bourgeois de Limoges, fut encore envoyée au-
près de Qiarles VII à Chinon : les frais en furent imposés avec le
paiement des trois derniers mois de Tannée, qui se monta en tout
à 3,010 liv. 4 s. 5 d. t.«.
Il est bien regrettable qu'aucun détail ne nous soit parvenu
sur le but précis de ces ambassades de Châlons et de Chinon ; les
états de la Basse-Auvergne eurent aussi à réclamer auprès du
roi. Malgré le texte des ordonnances, les gens de guerre exigeaient
« les peaulx des bestes, les fustz des vins et autres despoilles de
ce qu'on leur délivroit pour leurs vivres. > Louis d'Aubière fut
envoyé « lui quatriesme à cheval » à la cour pour se pourvoir
contre ces exigences^. Ces réclamations des états ne furent certai-
nement pas étrangères au nouveau règlement élaboré par le con-
seil de Charles VII et publié le 4 décembre 1445^. Le roi laissa
au choix des états provinciaux trois manières de pourvoir à l'en-
tretien des gens de guerre pour l'année 1446 : 1® en fournissant
les vivres conformément à l'ordonnance du 26 mai 1445, mais
en payant en plus 9 liv. par lance fournie par mois ; 2® en payant
21 liv. en argent, plus certains vivres stipulés dans le nouveau
règlement; 3° enfin, en donnant 31 liv. en argent par lance, par
mois, sans aucune fourniture en nature; au cas où les gens
d'armes seraient forcés de quitter le pays pour une expédition, le
dernier mode de payement serait obligatoire pour tout le temps
de leur absence.
Comme on peut s'y attendre, les états du Haut- Limousin adop-
tèrent avec empressement le dernier système; nous les voyons
ordonner pour le premier semestre de 1446 la levée de 9,520 liv.
à cet effet '^, et les années suivantes le payement des gens de guerre
se lève annuellement et dans les mêmes conditions que les autres
t. Voy. une quittance du 5 Juillet 1445 du maréchal de Jalognes. (Bibl. nat.,
Cab. des Titres, dossier Culant.)
2. Ibid., ibid., et lettres de Charles VII du 25 juin 1447.
3. Instr. de 1446. (Bibl. nat., Fr. 22296, à la date.)
4. Cette pièce très importante a été publiée par M. Vallet de ViriyiUe, loc.
cit.f d'après une copie contemporaine conservée au British Muséum. Nous afons
retrouvé Toriginal à la Bibl. nat., Fr., 21427, n* 10 (anc. fonds Gaignières).
5. Quitt. du maréchal de Jalognes, Bibl. nat., dossier Culant.
LB8 ^TATS PROYINCUUX. 53
subsides directs accordés au roi. Il dut en être de même dans le
Frano-Alleu, le Bas-Limousin et la Marche : pour ce dernier
pays nous n'en sommes pas sûrs avant Tannée 1451 *.
Les états d'Auvergne, comme certainement les autres, n'avaient
été rien moins que contents de la nouvelle charge que l'entretien
des gens d'armes imposait au pays. Vers la fin de l'année 1445,
ils envoyèrent une ambassade solennelle au roi, à Chinon, pour
obtenir une diminution sur le nombre des lances logées dans la
province; mais elle n'eut pas de succès. Charles VII leur fit dire
que le moindre rabais de ce côté obligerait à un remaniement des
quotes-parts de toutes les autres provinces, et pour les calmer, il
leur rabattit 4,000 liv. sur les 40,0<X) fr. qu'il voulait en outre
demander aux états*. Il avait chargé l'archevêque de Reims, le
maréchal de la Fayette et Jean de Bar de leur exposer l'ordon-
nance du 4 décembre 1445, pour qu'ils pussent choisir entre les
trois moyens indiqués pour l'entretien des gens de guerre. Une
assemblée générale des états eut lieu à cet efiet à Aigueperse au
mois de février 1446 : il semble cependant que le haut et le bas
pays aient pris des résolutions différentes. En effet, nous trouvons
dans la Haute- Auvergne, en 1446, Martin Roux « commis à
recevoir le payement ou ordonnance de quarante lances fournies»
et mention « d' Instruccions faictes par les gens des trois estaz
sur la distribucion des deniers mis sus en icellui pays pour raison
et à cause dudit payement, tant pour le principal que pour les
firaiz*, » ce qui indique d'une façon à peu près sûre que les états
avaient choisi le mode de payement en argent. Au contraire, pour
la Basse- Auvergne, nous voyons une somme de 200 fr. allouée à
Jean, s'" de Langeac, en 1446, pour « avoir aidé à faire le taux
et impost des vivres ordonnez aux gens de guerre^ », preuve que
les états avaient préféré le paiement en nature; mais dès 1449,
au plus tard, ils avaient adopté le même système que la Haute-
Auvergne^.
Sans doute l'organisation inaugurée par Charles VII en 1445
était préférable aux désordres que commettaient de toutes parts les
1. Bibl. nat., Fr., 23902, à la date.
2. Voy. sur cette ambassade, suprà II, | 1a et Bibl. nat., Fr., 24031. — Les
frais de cette ambassade atteignirent 2,124 I. C'est beaucoup pour 4,000 1. de
rabais.
3. Bibl. nat., Cab. des titres, dossier Montai.
4. IMd., ibid., dossier Langeac.
o4 A. THOMAS.
gens de guerre avant cette époque * : les chroniqueurs contempo-
rains Tont généralement beaucoup vantée*; maisil£aut recon-
naître qu'elle imposait de bien lourdes charges aux provinces.
Prenons par exemple l'Auvergne en 1449 : le roi ayant ordonné
de lever un impôt de 200,000 fr. en Languedoïl, les états lui
accordent pour leur part 35,500 francs; le payement des gens de
guerre, sans compter les frais, s'élève à 59,520 francs; d'autre
part, au moyen des aides ou gabelles, le roi tire encore de la pro-
vince au moins 20,000 francs : soit un ensemble de plus de
115,000 francs d'impôts extraordinaires pesant sur ce pays chaque
année. Il faut ajouter que la conduite des gens de guerre était loin
d'être exemplaire. Nous trouvons à la date du 27 décembre 1448
« un mandement impetré par les trois estats du Haut et Bas-Au-
vergne faisant mention comme plusieurs nobles et autres gens de
guerre faisant leurs monstres prenoient bleds et vins du pauvre
peuple, et chassoient les garennes des gens d'église et nobles, leur
estant mandé sur peine d'estre cassés de leurs ordonnances qu'ils
n'eussent à rien prendre par violence ny autrement sans paier, et
qu'ils rendissent ce qu'ils avoient pris'. »
On comprend que les états aient cherché sans cesse à faire
diminuer le nombre des lances qu'ils entretenaient. Un voyage
fait au mois d'avril 1447 auprès du roi par l'official de Clermont,
Draguinet de Lastic et l'abbé d'Artonne au nom des états d'Au-
vergne^ un autre voyage fait à Tours, en 1448, par Gautier de
Péruce, député du Haut-Limousin^^, n'avaient peut-être pas d'autre
objet. Quoi qu'il en soit, c'est seulement en 1451 qu'ils obtinrent
quelque satisfaction. Le roi, ayant fait venir en sa présence la
plupart des élus de Languedoïl, modifia le tableau de répartition :
l'Auvergne obtint une diminution de 20 lances : il n'y eut plus
que 105 lances dans le bas pays et 35 dans le haut^; le Haut-
Limousin et le Bas-Limousin furent réduits chacun à 35 lances^.
1. Ibid.,Fr., 26078, n- 6074.
2. Sauf cependant Thomas Basin, qui émet des critiques d*un caractère poli-
tique remarquable, et Jean Jouvenel des Ursins qui, dans des opuscules encore
inédits, trouve ce système écrasant pour les populaUons.
3. Arch. de Clermont-Ferrand, Iut. Savaroz, î* 44 a.
4. Voy. les Instruct. de 1448 pour la Haute-Auvergne, Bibl. nat., Clair., 119,
f* 7UUmo.
5. Voy. quittance du 18 sept. 1449, Bibl nat.. Clair., 187, p. 7057.
6. Bibl. nat., Fr., 23897, à la date de 1458.
7. Ibid., Fr , 21427, n- 3.
LES ^ATS PROTlIYCrilIX. 55
La Marche seule parait avoir perdu à cette révision : de 18 lances,
sa part fut portée à 19^
En somme, les états secondèrent utilement Charles VU dans
l'œuvre qu'il avait entreprise; mais ils ne paraissent pas avoir
manifesté Tenthousiasme qu*on serait tenté de leur attribuer, si
Ton s'en rapportait uniquement au témoignage des chroniqueurs.
De l'organisation des francs-archers en 1448 nous n'avons rien
à dire; les états semblent y avoir pris très peu de part, ou du
moins les documents nous font défaut. Signalons seulement les
deux faits suivants : en 1448 les états de la Haute-Auvergne
votent 15 liv. à Jean du Mazel « pour avoir esté à Haulteribe
devers Mons' le mareschal de la Fayette pour savoir se on met-
troit sus le fait des francs^arbalestriers avecques le derrenier
terme dudit aide*. > En 1450, les états du Bas-Limousin votent
à Jean Barton 100 liv. « pour partie de la despense que lui con-
vint faire l'année passée à mettre sus les francs arbalestriers du
dit bas-païs'. »
§ 4. — Allocations diverses. — Travaux publics, etc.
Il est bien peu d'actes des états provinciaux qui sortent du
cadre que nous venons de tracer à leur influence. Ils n'en sont
que plus intéressants à relever.
Il faut signaler en premier lieu le vote par les états de la Basse-
Auvergne, à la session de juillet 1437, d'une somme de 600 liv.
€ pour la convertir et emploier à faire que la rivière d'Alier
peust porter navire. » Malheureusement, la pièce même qui nous
révèle ce fait nous apprend que cette somme dut être détournée
de sa destination dans l'intérêt du pays pour payer des ambassa-
deurs chargés de conclure une alliance avec le Velay et le Gévau-
dan afin de pouvoir repousser les routiers de Rodrigue de Villan-
drando^. Qtons encore, comme rentrant également dans le
chapitre des travaux publics, une allocation de 10 liv., en
novembre 1433, pour convertir à la réparation du pont de Saint-
1. Ibid., Fr., 25712, b\ 266.
2. Voy. leê Instnictions de cette année, Bibl. nat., Clair., 119, ^ ulUmo.
3. BibL nat., Pr., 20594, p. 37.
4. Bibl. nat., Fr., 20392, p. 39. — L'AUier est ao]oiirdliai narigable depuis
Maringiiea.
56 A. THOMAS.
Salve* emporté par les grandes eaux* ; et en septembre 1442,
25 liv. « aux commis à faire faire la reparacion du pont d'Aller
près du Pont du ChasteP, pour employer en ladicte reparacion^.»
Signalons enân, pour terminer, trois allocations intéressantes
à divers points de vue :
^ 432, janvier: « Aux frères mineurs et cordeliiers de Clermont,
qui leur a esté donné en aumosne pour eulx aidier à faire recouvrir
leur église qui par fortune de vent a esté grandement dommaigiée et
descouverte la pluspart, xxx ]. t.
Aux frères Carmes de Clermont, pour semblable, xx 1. 1. *.
4442, septembre. « A maistre Girault Bresson, phisicien, pour
certains services qu'il a faiz de son mestier à pluseurs povres créa-
tures dudit pais et fait chascun jour, et afOn qu'il ait cause de soy y
tenir et y demourer et qu'il soit plus abstrains de fere service aux
habitans d'icellui tant de sondit mestier et sa science comme autre-
ment, cent livres tournois*. »
IV. — Les états provinciaux à la fin du règne de Charles VII
^1451-61). — Causes de leur déclin. — Résultat.
En étudiant les attributions et Tinfluence des états provin-
ciaux sous Charles VII, nous nous sonames arrêtés vers 1451.
C'est qu'en effet la condition de cette institution dans les dernières
années de ce règne est absolument différente de ce qu'elle était
auparavant. La base de l'organisation des états provinciaux,
telle que nous l'avons exposée, c'est le vote annuel et régulier de
l'impôt royal. C'est au moment de ce vote que les états établissent
pour ainsi dire le budget de la province; c'est dans ce vote que
leur influence trouve sa sanction, car ils peuvent le subordonner
à l'exécution de telle ou telle de leurs demandes. C'est là pour
ainsi dire la cheville ouvrière de l'institution : si on Tôte, tout se
détraque. C'est précisément ce qu'a fait Charles VII après 1451.
Il en fut alors pour les états provinciaux de la France centrale
ce qu'il en avait été en 1440 pour les états généraux de Langue-
t. Saiat-Saaye, cant. de Tanyes (P.-de-D.), sur la Dordogne.
2. Qaitt. de la dite somme, Bibl. nat., Gab. des Titres, dossier Gros.
3. A il kil. Est de Clermont.
4. Instr., Bibl. nat., Fr., 22296, à la date.
5. Instr., ibid., Fr., 25944, n* 69.
6. Instr., ibid., Fr., 22296, à la date.
LES ÉTATS PROVIffCIAUX. 57
doïl. Du moment où le roi se crut assez fort pour lever l'impôt
sans leur intervention, il ne les convoqua plus. C'est un fait que
nous devons nous borner à constater. Remarquons que ce fait se
produisit dans des conditions habilement choisies. Depuis 1445
jusqu'en 1451, le roi avait levé simultanément deux impôts
directs dans nos provinces, chaque année : V l'impôt destiné à
l'entretien des gens de guerre logés dans chaque pays; 2** un
impôt ou aide destinée, suivant les expressions du temps, « à la
conduite de sa guerre et autres ses affaires. » Ce second impôt fut
en 1445 de 300,000 francs sur le Languedoïl; en 1446, de
226,000 fr.; en 1447, de 200,000 fr.; en 1448 et 1449, de
200,000 fr. également; en 1450, de 240,000 fr., et enfin en 1451,
de 120,000 fr. Or, à partir de 1451, la guerre étant pour ainsi
dire terminée avec les Anglais, Charles VII renonça à lever des
impôts de ce genre et se contenta des aides et de la taille des gens
de guerre; en outre, après une revision générale faite dans le
courant de cette année 1451 , il diminua le contingent de beaucoup
de provinces, entre autres de l'Auvergne et du Limousin. C'était là
des mesures propres à lui concilier les populations longtemps sur-
chargées, et à leur faire accepter sans trop de regrets la levée de
l'impôt faite désormais en vertu de la seule autorité royale.
En Auvergne, depuis 1445, Charles VII nommait tous les ans
des commissaires chargés de réunir les états du haut et du bas
pays en assemblée plénière, pour leur requérir l'octroi à la fois du
payement des gens de guerre et de l'aide supplémentaire deman-
dée par le roi. Les documents originaux nous montrent qu'il en
fut ainsi jusqu'à l'année 1451 inclusivement. Au commencement
de cette année, les états, réunis devant des commissaires dont
nous ignorons les noms, accordèrent au roi, outre le payement des
gens de guerre, une somme de 18,700 liv. pour leur part des
120,000 liv. imposées en Languedoïl*. En 1452, il ne s'agissait
plus que d'imposer le payement des gens de guerre avec quelques
menues sommes pour les francs-archers ; le roi, au lieu de nom-
mer des commissaires conune d'habitude, se borna à charger
directement les élus de la Haute et de la Basse-Auvergne d'im-
poser, chacun dans leur élection, les sommes nécessaires à cet
effet*. Il n'y eut donc pas convocation des états cette fois-là ; les
i. Verdier-Latour, p. 66.
2. Villedieo de Comble, 9 novembre 145t. Mandement aux élus sur le Tait
58 A. THOMAS.
années suivantes, il en fut de même, et Ton peut dire que dès lors
la taille des gens de guerre devint réellement permanente, puis-
qu'elle ne dépendit plus que de la volonté du roi.
Dans le Limousin et dans la Marche, pendant longtemps il n'y
eut pas d'élus ; du moment où ils furent créés dans ces pays date
la décadence des états provinciaux. C'est également à l'année
1451 qu'il faut rapporter ce fait. Les états de la Marche, du
Limousin haut et bas et du Périgord, ayant accordé au roi un
impôt direct annuel de 20,000 liv. comme équivalent aux aiàes^ y
le roi créa dans ces pays des élus comme il en existait ailleurs :
au lieu de s'appeler élus sur le fait des aides, ils s'appelèrent élus
sur le fait de l'équivalent aux aides. Leurs premières attributions
furent purement judiciaires et se bornèrent à juger des débats
occasionnés par la levée de l'équivalent ; nous voyons en effet
que la répartition en fut d'abord réservée à des commissaires spé-
ciaux nommés par le roi : pour l'année 1452-1453', ces com-
missaires étaient pour les quatre provinces : Gui Bernard,
archidiacre de Tours, et Jean du Ménil-Simon, sénéchal de
Limousin ^. Mais, dès 1454-1455, la répartition était aux mains
des élus^ D'ailleurs, cet impôt ayant été consenti une fois par
les états pour une longue période, ils n'avaient pas à donner leur
consentement annuel. Quant au payement des gens de guerre,
au plus tard pour l'année 1453^, et probablement dès 1452, le
roi, au lieu de nonmier des commissaires coname auparavant,
chargea simplement les élus nouvellement créés d'en faire la
répartition. En apparence, le changement est insignifiant; la
conamission, adressée aux élus, est toujours à peu près conçue
des aides à Saint-Flour d'imposer sur la Haute -Auvergne : 13,020 l. pour le
payement de 35 lances fournies et 660 1. pour les frais; plus 80 1. pour partie
des gages des deux capitaines de francs-archers créés par le roi en Auvergne;
plus 110 1. pour dix brigandines achetées pour les francs-archers. (Bibl. nal.,
Fr., 21426.)
1 . Voy. suprà, IIP partie, 8 2 b.
2. Pour les impôts indirects et les équivalents^ l'année financière commençait
le 1* octobre.
3. Arch. nat., K 692 b, n* 11.
4. Voy. l'assiette de l'équivalent du Bas-Limousin pour 1454-55, Cedte par
les élus Jean de Gremont et Jacques de la Ville, celle de 1458-59 signée de
J. de Gremont et d'Henri Bande, le poète révélé par M. J. Quicherat. (Bibl.
nat., Fr., 23903.)
5. 6 octobre 1452; mandement aux élus de la Marche pour 1453. (Ibid., Fr.,
25712, n» 266.)
LES ÉTATS PROTINCIAUX. 59
dans les mêmes termes; mais au fond, il y a une révolution com-
plète. Les commissaires étaient nommés pour une fois; souvent
ils étaient étrangers au pays où le roi les envoyait : il fallait
donc nécessairement qu'ils convoquassent les états provinciaux
et qu'ils leur fissent connaître la teneur de leur commission avant
de procéder à sa mise à exécution : aussi emportaient-ils avec
eux des lettres closes du roi pour les accréditer auprès des états, et
d'autres lettres closes pour convoquer ces derniers. Au contraire,
en adressant la commission aux élus, qui sont des officiers royaux
permanents dans le pays, le roi renonce par le fait à la convoca-
tion des états que les élus ne peuvent avoir mission de réunir.
Ceux-ci exécutent à la lettre la teneur de leur commission, font
la répartition de l'impôt et la remettent au receveur pour le per-
cevoir. L'intervention des états pour consentir l'impôt n'est donc
plus nécessaire.
Ce changement capital n'atteint pas le principe même de l'exis-
tence des états, mais il modifie du tout au tout les conditions de
leur fonctionnement en leur enlevant ce qui avait été jusqu'alors
leur principale attribution. Examinons rapidement la situation
qui leur est faite à la fin du règne de Charles VIL
L'Auvergne et la Marche n'appartenant pas directement à la
couronne, le duc d'Auvergne et le comte de la Marche peuvent,
quand ils le jugent à propos, convoquer les états de leurs fiefs
pour examiner l'intérêt du pays, ou leur demander des subsides.
En Auvergne, la réunion en une seule assemblée des états du
haut et du bas pays devient très rare; elle n'a guère lieu que
lorsque le duc d'Auvergne veut leur faire requérir une aide. Les
états conservent la faculté de la lui accorder, mais ils ne peuvent
la faire lever de leur propre autorité. En Limousin, il est difficile
de rien affirmer; cependant il semble qu'il peut y avoir quelque-
fois des assemblées plus ou moins nombreuses d'états pour un
objet déterminé, sans convocation du roi, peut-être avec l'auto-
risation du sénéchal.
Le principal de l'impôt échappant à leur compétence, les
états peuvent-ils, comme auparavant, voter certaines sommes
outre le principal? Pour le Limousin et la Marche, les frais sont
strictement fixés par le roi, et de 1452 h 1461, nous ne voyons
pas qu'il ait été rien levé par ordre des états. D'ailleurs, au cas
où les états eussent voulu le faire, il devient indispensable
d'adresser une requête préliminaire au roi, qui seul a autorité sur
60 A. THOMAS.
les élus chargés de la répartition, et d'en obtenir une permission
spéciale. C'est précisément ce qui se passe pour l'Auvergne. Le
duc veut-il obtenir une aide des états, il a le droit de les assem-
bler pour la leur demander sans que le roi intervienne ; mais il
ne peut la faire imposer outre le principal qu'en vertu d'un man-
dement royal * . De même, lorsque les états de la Haute ou de la
Basse-Auvergne veulent faire lever une certaine somme pour
être employée dans l'intérêt de la province, ils doivent obtenir
des lettres patentes du roi adressées aux élus et leur ordonnant
d'imposer la somme demandée*. Que deviennent alors ces actes
si caractéristiques de l'omnipotence des états, appelés instruc-
tions? Ils subsistent, mais singulièrement transformés, soit avec
le même nom, soit avec le nom plus modeste de distribution^.
Ils portent uniquement sur une certaine somme dont le roi a
autorisé la levée supplémentaire à la requête des états; postérieurs
à la perception de cette somme, ils certifient la distribution
détaillée qu'en a faite le receveur par l'ordre des états, et ils se
terminent par une supplication à la chambre des comptes du roi
de vouloir bien acquitter le receveur sur le vu de cette distribu-
tion et des quittances de chaque partie.
La part que les états prenaient auparavant à l'assiette de l'im-
pôt est singulièrement réduite, et dans certains pays complète-
ment annulée. Les états de la Marche et du Franc-Alleu semblent
y demeurer absolument étrangers. La répartition du Franc-Alleu
est confiée aux élus du Haut-Limousin qui la font à Limoges même,
sans se donner la peine d'aller dans le pays^ « Aucuns des plus
notables gens du pays > assistent à des répartitions sur le Haut
1. Voy. une assiette de 1459 où figurent 8,400 1. pour le duc de Bourbonnais
et d'Auvergne, c ordonnez y estre imposez par lettres patentes du roy nostre
sire^ données le trentiesme jour de novembre 1458.» (Bibl. nat., Fr., 23898,
à la date.)
2. c Aultre mandement du mesme roy (Charles VII), du 28 novembre 1555
(lisez 1455), addressant aux esleuz du Roy, par lequel, sur la requeste présentée
par les Trois Estats du bas pays d'Auvergne tendant à ce qu'il pleust à Sa
Majesté leur permettre faire imposer sur ledit pays certaine somme pour leurs
affaires, Sa Majeste leur auroit accordé la somme de six cento livres qui seroit
levée par le receveur commis à recevoir l'ayde des gens de guerre pour par
après estre mise entre les mains du procureur ou receveur desdiz supplians ,
cotté vingt-un. • (Arch. de Clermont, inv. Savaron, f 44 r*.)
3. Voy. une pièce de ce genre du 31 décembre 1459. (Bibl. nat., Fr., 222%,
à la date.)
4. Voyez-en plusieurs exemples, Bibl. nat., Fr., 23902.
LES lÎTiTS PROVII<(CIACX. 64
et sur le Bas-Limousin en 1454, 1455 et 1458, répartitions faites
par les élus ou leurs lieutenants ^ ; si Ton veut en savoir le
nombre, les commissions royales du 15 octobre 1457 ordonnent
aux élus d'appeler avec eux « deux ou trois des plus notables
dudit pais*. » On voit qu'il n'y a plus comme autrefois de délé-
gués des états « ad ce pareulx nommez etesleus. » Dans la Haute-
Auvergne, la répartition de l'impôt est aussi exclusivement aux
mains des élus. Il n'en est pas tout à fait de même dans la Basse-
Auvergne. Avant 1450, les élus de Clermont n'intervenaient ni
dans l'assiette du plat pays faite par les commissaires des gens
d'église et nobles, ni dans celle des bonnes villes. Nous avons vu
qu'il y eut procès à ce sujet devant la Cour des aides ^, les élus
ayant usurpé les droits des états. Mais, forts des ordres du roi,
les élus finirent par conquérir la première place dans la réparti-
tion de l'impôt. Nous avons une assiette de 1459 faite par les
élus de Qermont sur le fait des aides (Jean de Borresol, Barthe-
lemi de Nesson et Robert Chéron), conjointement avec Merlin de
Cordebeuf, comme représentant du duc d'Auvergne, Pierre Boniol,
représentant des gens d'église, et Robert Coustave, représentant
des nobles ^ On voit que les commissaires des gens d'église et
nobles ne sont plus qu'au nombre de trois et qu'ils n'occupent
que le second rang. Quant aux bonnes villes, nous les trouvons
encore en 1455 en possession du droit de répartir elles-mêmes
entre elles la taille des gens de guerre^; mais en 1459, l'assiette
des bonnes villes, faisant suite à celle du plat pays dont nous
venons de parler, est faite par les trois élus du roi et signée d'eux
seuls ; c'est seulement vers la fin du xv® siècle que les bonnes
villes obtinrent le droit de nommer à tour de rôle des délégués
pour assister à cette répartition ^.
Disons enfin qu'il reste aux états le droit inaliénable de pré-
senter des requêtes et des doléances au roi : en 1455, les états du
Limousin demandent au Grand Conseil qu'une enquête soit faite
sur les abus commis dans la province par le receveur des aides''.
1. Ibid., Fr., 23902 et 23903.
2. Commission pour le Haut-Limousin donnée à la Chaucière en Bourbonnais.
(Bibl. nat., Fr., 21427, n- 3.)
3. Voy. suprà, II* partie, § 2 a.
4. Bibl. nat., Fr., 23898, à la date.
5. Arch. de Clermont, reg. non coté.
6. Voy. Bergier, Recherches, etc.
7. Bibl. nat., Baluze, 17.
62 1. THOMAS. — LES ÉTATS PROHNCIAUX.
En 1460, les états de la Basse-Âuvergne envoient Draguinet,
s' de Lastic, à la cour, « remonstrer les très grans affaires, néces-
sités et pouvretés du païs et requérir avoir aucun moderacion et
rabays des lances*. »
On voit que la condition des états provinciaux de notre région
est bien différente aux deux périodes que nous avons successive-
ment étudiées. Avant 1451, il n'y a aucune différence, en prin-
cipe et toute proportion gardée, entre les états de l'Auvergne, du
Limousin, de la Marche, voire du Franc-Alleu, et ceux du Lan-
guedoc : après 1451, au contraire, tandis que le Languedoc
reste pays d'états comme avant, nos provinces deviennent pays
d'élection. C'est donc à Charles VII qu'il faut faire remonter la
cause première de cette distinction : c'est sur lui aussi qu'il faut
en faire peser la responsabilité. Car, si tout n'était pas parfait
dans l'organisation des états provinciaux de 1418 à 1451, si leur
composition trop aristocratique put leur faire négliger parfois
l'intérêt du plus grand nombre, il faut reconnaître que cette ins-
titution était cependant un frein salutaire aux exigences de la
royauté, et la seule sauvegarde possible alors des intérêts provin-
ciaux. Si d'autre part on songe à ce qu'eurent à souffrir certaines
des provinces qui nous occupent de l'injustice et de la tyrannie
des intendants au xvu® et au xvni® siècle ; si l'on tient compte de
ce fait que l'administration des pays d'états à la même époque
était beaucoup meilleure que celle des pays d'élection ; si l'on se
rappelle enfin l'énergie avec laquelle toutes les provinces cen-
trales, à l'approche de la Révolution, demandèrent le rétablisse-
ment de leurs états depuis longtemps abolis, on arrivera à cette
conclusion que l'annihilation des états du centre de la France
par le gouvernement de Charles VII, cause première de tous ces
faits, fut une œuvre funeste dans ses résultats pour les intérêts
du pays.
A. Thomas.
1. Ibid., Clair., 171, p. 5537.
UN
BANQUIER PROTESTANT EN FRANCE
AU XVn® SIÈCLE.
BARTHÉLÉMY HERWARTH
t t
CONTROLEUR GENERAL DES FINANCES
(1607-1676).
[Suite et fin,)
vm.
Éloigné de la vie publique, Barth. Herwarth avait une retraite
toute prête dans le magnifique hôtel qu'il habitait à Paris, rue
Plâ trière (aujourd'hui Jean-Jacques Rousseau).
Cet hôtel *, où réside actuellement l'administration des postes, il
ne l'avait pas, à proprement parler, fait construire à neuf. Ayant
1. Pour cet hôtel, situé sur la paroisse Saint-Bustache, on peut consuHer :
Description nouvelle de ce qu'il y a de plus remarquable dans la ville de
PariSj par H B^^* (Oermain Brice). Paris, Nie. Le Gras, 1685, ia-12, à la
p. 101; et du même, édit. de 1752, ia-12^ I, 471 et suiv.
Le Maire, Paris anc.'et nouv. Paris, M. Vaugon, 1685. 3 vol. ia-12. T. II,
p. 301-302.
PigaDiol de la Force, Descripi. hist. de la ville de Paris. Paris, 1765.
10 Tol. in-12. T. III, p. 215 et suiv.
JaiUot, Recherches critiques, histor. et topograph. sur la ville de Paris.
Paris, 17T2-75. 5 vol. in-8*. T. II, p. 42.
V. aussi Œuvres de Segrais. Paris, 1755. 2 toL in-12. T. II, 135, et Walcke-
DiCr, Hist. de la vie et des ouvrages de La fontaine. 4* édit., oonig. et augm.
d'après les notes posthumes de Tauteur. Paris, F. Didot, 1858. 2 vol. ia-l2.
t. II, p. 110 et s. et 264. Les addiUons faites à cette édition ne dispensent
point de consulter la première et surtout ses notes. (Paris, A. Nepveu, 1820,
64 G. DEPPING.
acheté, moyennant 180,000 liv. (on ne sait en quelle année),
rhôtel d'Epernon, il le fit démolir en partie et reconstruire plus
somptueusement. Cet hôtel avait été bâti par le duc d'Épemon,
Jean-Louis Nogaret de la Valette, duc et pair, amiral de France,
favori de Henri III. Ce fut son fils, Bernard de Nogaret, qui
vendit l'immeuble à Herwarth. On cria, dans Paris, au scandale,
quand le nouveau propriétaire fit jeter par terre les bâtiments de
rhôtel d'Epernon : Voyez, disaient les envieux, ce financier qui
ne se contente pas de l'habitation construite par un duc et pair !
Herwarth ne se borna point à rebâtir cette résidence ; il y fit
des agrandissements et des embellissements. Mignard le portrai-
tiste, que la coupole du Val-de-Grâce et un beau plafond exécuté
dans les appartements du grand-maître de l'artillerie à l'Arsenal
avaient mis également à la mode pour la peinture décorative, fut
appelé par lui et chargé d'orner de peintures à fresque l'ancien
hôtel d'Epernon, devenu l'hôtel Herwarth et connu dès lors
sous ce nom pendant tout le xvn^ siècle et le commencement du
XVIII**.
Sur la voûte du cabinet de Herwarth, Mignard représenta
l'apothéose de Psyché. Sur le plafond du salon il peignit les
aventures d'Apollon, sa vengeance contre Niobé, la punition de
Marsyas, le combat contre le serpent Python, etc. Ce salon était,
en outre, orné de quatre paysages par Ch. Du Fresnoy, élève et
ami de Mignard, et son compagnon dans le voyage que cet
artiste fit en Italie. Des groupes de figures, appropriées au sujet
que Mignard venait de traiter, furent exécutés par le sculpteur
Anguier aux encoignures de cette grande composition.
Mignard avait peint d'autres pièces du même hôtel ; plusieurs
dessus de cheminées étaient ornés, en outre, de tableaux de ce
gracieux coloriste. Herwarth avait payé 10,000 écus toute cette
décoration de Mignard, qui n'avait, disait-on, jamais rien fait
de mieux que les fresques de l'hôtel Herwarth, < morceaux des-
sinés avec beaucoup de hardiesse et de goût dans le jet des figures
volantes » et « où l'on admirait la touche légère et l'originalité
d'invention » de l'artiste.
1. Pour les peintures de Mignard, Toy. Vie de Mignard, premier peintre du
roi, par M. l'abbé Monville. Paris, Boudot et J. Guéria. 1730, in-12, p. 66-67 et
87 et s. Voy. aussi Hi^L des Peintres, par M. Charles Blanc École française, art
P. Mignard, et dans la Gazette des beatuc-arts, ann. 1861, la notice sur Pierre
Mignard, par M. Aug. Huchard.
BlRTHéLBMT HERWIRTH. 65
La chapelle contenait aussi quelques bons tableaux et des des-
sus de portes et de fenêtres appréciés des connaisseurs. La
richesse de l'ameublement répondait à ce luxe de peintures.
Ce fut dans une des pièces de cet hôtel, vendu dans la suite par
les héritiers de Herwarth à Jos. -J.-Bapt. Fleuriaud'Arraenonville,
garde des sceaux, puis revendu, en 1757, à Louis XV, que mou-
rut La Fontaine (13 avril 1695). Un des fils de Bar th. Herwarth,
Anne Herwarth, y recueillit le poète, son ami, quand la mort de
M"* de la Sablière (8 janvier 1693) laissa ce dernier sans appui
et presque sans domicile. Pendant vingt ans le bonhonune, inca-
pable de pourvoir par lui-même aux besoins de chaque jour,
avait vécu chez elle et il était resté dans sa maison même après
que M"® de la Sablière eut renoncé aux plaisirs, aux vanités du
monde et congédié tous ses familiers. « J'ai renvoyé tout mon
monde, disait-elle, je n'ai gardé que mon chat, mon chien et La
Fontaine. » Sa protectrice morte, qu'aDait devenir le poète? Où
logerait-il? Qui s'occuperait pour lui des menus et prosaïques
détails de l'existence ? Il errait dans les rues au hasard quand
Anne Herwarth le rencontre. « Mon cher La Fontaine, lui
dit-il, je vous cherchois pour vous prier de venir loger chez
moi. > La naïve réponse du bonhomme est connue de tous. « J'y
allois, répartit simplement La Fontaine ^ > Anne Herwarth
conserva toute sa vie une tendre vénération pour la mémoire de
son ami. Il se plaisait, dit Montenault, à montrer aux visiteurs
la chambre naguère habitée par le fabuliste '.
Cet hôtel de la rue Plâtrière était du reste le refuge des poètes
dans l'embarras. Déjà Barth. Herwarth avait recueilli sous son
toit un autre poète qui n'a de point commun avec La Fontaine
que d'avoir, comme lui, fini ses jours à l'hôtel d'Herwarth. C'était
un certain Gabriel Gilbert, poète totalement oublié aujourd'hui
et avec juste raison, mais qui eut, en son temps, une certaine
célébrité^. La reine de Suède, Christine, dont il avait été le secré-
taire des conunandements et même le résident en France , Chris-
tine l'appelait < son beau génie. » Richelieu l'avait honoré de
1. Walckenaer, 4* èdit., 11, 263-264.
2. Mootenault. Vie de Lafoniaine, t. I, p. xxviij de rédit^ des Fables in-f*,
dlée par Walckenaer, 4* Mit., II, 264, en note.
3. Dans la France protestante, V, 265, se trouve une notice sar ce poète.
V. encore Hisi. du Théâtre François depuis son origine (par les frères Par-
blet). Paris, Morin, puis Le Mercier, 1734-49. t5 vol. in-12, t. VI, p. 120.
ReV. HiSTOR. XI. i" FA8C. 5
66 G. DBPPING.
son amitié ; il avait même poussé la complaisance jusqu'à se
défaire, en faveur du poète, de quelques-uns de ses vers que Gil-
bert s'était empressé d'enchâsser dans une tragédie qu'il était en
train de composer, la tragédie de Téléphonie^. Cette superféta-
tion n'avait pas rendu la tragédie meilleure, et soi^ auteur, qui
avait joui de la faveur des Richelieu, des Mazarin, des Fouquet
et des De Lyonne, serait mort de faim (triste destinée des poètes
du nom de Gilbert !) si Barthélémy Herwarth, son coreligion-
naire, ne lui avait offert un asile chez Ixii. Gilbert y mourut vers
1675. En tête d'un exemplaire des œuvres imprimées de ce poète,
exemplaire que possède la Bibliothèque de l'Arsenal, nous avons
trouvé cette note manuscrite, brutale mais expressive : « Quoyque
résident de Suède, il estoit gueux et à l'aumosne de M. Dhervart,
controlleur-général des finances*. »
Herwarth ne bornait point sa protection aux ^ens de lettres,
il rétendait aux artistes. Il aimait, comme on vient de le voir, le
talent de Mignard qui fit le portrait de presque tous les membres
de sa famille. Un de ces portraits, celui d'une des filles de Her-
warth, la marquise de Gouvernet, était même si ressemblant que^
dans la Vie de Mignard, par Monville, il est raconté que le
perroquet de la dame s'approchait souvent du tableau pour crier :
« Baisez-moi, maîtresse '. »
Herwarth aimait également à attirer chez lui le chanteur et le
musicien à la mode, Lambert, celui dont il est parlé dans la satire
de Boileau, le Festin ridicule :
Et Lambert, qui plus est, m'a donné sa parole.
C'est tout dire, en un mot, et vous le connaissez.
— Quoi? Lambert! — Oui, Lambert
qui était alors très recherché dans les sociétés et qui allait chanter
en ville avec une demoiselle Hilaire, sa belle-sœur, dont le nom
est généralement associé au sien dans les mémoires du temps. Ces
artistes avaient obtenu, je ne sais par quels moyens, des pensions
et des bénéfices ; passe encore pour des pensions, mais des béné-
fices ! La protection de Herwarth ne leur était pas inutile en cette
1. Téléphonie f tragi-comédie. Paris, 1643, ia-4*. Noos avons consulté Texem-
plaire de la Bibl. nat., coté 4* Y f 570Z.
2. Poésies diverses de M. Gilbert. Paris, Gaillanme de Lnyne, 1661, in- 12.
Bibl de l'Arsenal. Belles-lettres, n* 6856.
3. Monville, Vie de Mignard, p. 70.
BARTH^LBMT HERWARTH. 67
droonstance, car le contrôleur-général leur faisait payer leurs
pensions « soigneusement S » c*est-à-dire exactement, ce qui
semblerait indiquer que ceux qui étaient moins favorisés n'étaient
pas toujours régulièrement payés, de même que les rentiers
n'étaient pas toujours alors régulièrement payés de leurs revenus.
Herwarth était donc sensible aux plaisirs de Tesprit et au
charme des arts, mais il avait une autre passion^ moins délicate,
celle du jeu. C'était au reste la maladie de l'époque. Cette fureur
du y&iy fatal écueil où venaient s'engloutir la fortune et l'honneur
de tant de gentilshommes, était alors poussée si loin qu'on n'at-
tendait pas la soirée pour jouer, on jouait le jour tout autant que
le soir et la nuit. Mazarin était moribond que le jeu continuait
dans sa chambre à coucher '. Enfin , les gens de la cour et du bel
air jouaient partout et toujours. Ils ramassaient, pour reconunen-
cer à jouer, les cartes qui venaient d'être jetées à terre, sans
doute en signe d'une partie finie et parce qu'il était convenu que
les mêmes cartes ne serviraient qu'une fois : on en voyait qui
coupaient ces cartes en morceaux, et chacun de ces morceaux
portait ou plutôt représentait une mise. En effet, il ne paraissait
point d'argent sur table; aussi tout devenait enjeu : selon Gour-
ville, on jouait des bijoux, des points de Venise et jusqu'à des
rabats, cotés 70 à 80 pistoles pièce. Herwarth n'avait pas besoin
de recourir à de tels expédients : il était assez riche pour payer
séance tenante et en espèces ses dettes de jeu. On le vit perdre en
une seule séance jusqu'à 100,000 écus, à ce qu'affirme Voltaire,
qui prétend que ce fut cette passion trop connue du public qui
empêcha Herwarth de parvenir à la surintendance des finances.
€ Le roi eut avec raison plus de confiance en Colbert, » ajoute
l'auteur du Siècle de Louis XIV,
Herwarth était un joueur effréné ; mais il était en même temps
un joueur malheureux, à ce que nous savons par Gourville qui
le rencontrait chez Mazarin, chez Fouquet ou ailleurs et qui était
souvent son partenaire^. « M. D'Herval étoit toujours le premier
prié aux parties de jeu : c'étoit l'homme le plus malheureux au
jeu, > dit-il en ses Mémoires, Il n'y avait qu'un autre financier
t. Hislcrieites de Tallemant des Réaux, 3* édii., par MM. de Monmerqaé et
Ptnlin Pari». Paris, Techener, 1853-60, 9 Tol. ia-8% VI, 202.
2. Mémoires inédits de L,'Renri de Laménie de Brienne, publ. par Fr. Bar-
rière. Paris, Ponlhieu, 1828. 2 vol. in-8% t. II, p. 127.
3. Mém, de G<mrviUe, p. 333, 334-335, 336.
68 G. DEPPING.
aussi peu chanceux que Herwarth à cet égard , c'était la Basi-
nière. On les invitait fréquemment ensemble pour profiter de leur
déveine. Il en résultait que Herwarth était un peu le plastron de
tous ces joueurs. Ainsi, une fois, Gourville avait été fort raillé
pour ne s'être point retiré à temps, ainsi que les règles du jeu le
lui permettaient; il venait de gagner 60,000 liv. à Fouquet,
mais il était resté, et, en bon courtisan, il avait répondu que
« dans son pays, la bienséance étoit que celui qui gagnoit ne
quittoit point le jeu. » On allait partir, quand Herwarth ramasse
les cartes jetées à terre et prie Gourville de tenir. Ce dernier tient
500 pistoles ; on s'anime, le jeu s'échauflFe et le contrôleur en perd
bientôt 5,000. « Pour lors, je jetai les cartes à terre, ajoute le
narrateur, et lui dis que je ne voulois plus jouer à la mode de
mon pays : cela fit rire toute la compagnie et chacun monta en
carrosse pour s'en aller. »
Ces plaisanteries devaient se renouveler souvent dans la société
du surintendant, où le contrôleur général était une véritable proie
pour les joueurs plus heureux, et plus heureux peut-être parce
qu'ils corrigeaient eux-mêmes la fortune.
Fouquet, se trouvant à Vaux, écrit un jour à Gourville de lui
amener Herwarth. Gourville se met en route. Le contrôleur général
était en villégiature chez un financier de ses amis. Avant de partir,
on joue pour tuer le temps. Herwarth connaissait le bonheur inso-
lent de Gourville au jeu, surtout avec les cartes (Gourville avait
gagné plus d'un million de cette manière), aussi lui propose-t-il
les dés. On joue aux dés : Herwarth perd 10 à 12,000 pistoles et
demande à se rattraper tandis qu'on attelle les chevaux au car-
rosse. Gourville consentant, le jeu recommence. Cette fois, c'est
au trente et quarante, Herwarth y perd encore 74,000 liv. « Res-
tons-en là, dit Gourville ; il est temps de partir pour Vaux. »
Mais Herwarth déclare qu'il ne partira qu'après s'être de nou-
veau rattrapé. Rien ne put le faire changer de résolution. Gour-
ville est donc obligé de s'en aller seul. Ce n'était pas le compte
des habitants du château de Vaux, surtout dé Fouquet, qui atten-
dait sa proie avec impatience. Quand on entendit le carrosse,
on se précipita sur le perron pour voir descendre Gourville
escortant Herwarth. Le désappointement fut général. « Ahl
monsieur, s'écria le maréchal de Clérambault en s'adressant à
Fouquet et en désignant Gourville , faites-lui faire son procès,
car assurément il a pillé la voiture. » Furieux de n'avoir pas
BARTHI^LBinr HERWIRTH. 69
Herwarth, le surintendant passa sa mauvaise humeur en jouant.
« n joua, dit Oourville, des poignées de cartes coupées valant 10
à 20 pistoles chaque. »
IX.
C'étaient là les plaish^ de Thiver ; Tété, Herwarth habitait, à
Saint-Cloud, une maison de campagne qui a disparu pour faire
place au château que nous avons tous connu, mais dont il ne reste
plus, hélas ! que les ruines. Et ces ruines ce sont les compatriotes
de Herwarth qui les ont faites ! Barth. Herwarth avait acquis sa
maison de Saint-Cloud vers Tan 1655*. On en a la preuve par
un contrat de vente pour les eaux de la fontaine de Garches, con-
trat passé à cette date entre Herwarth et une dame Dupré et sti-
pulant « ... les droits aux conduites (d'eau) en la maison nouvel-
lement acquise par M. Hervart, vulgairement appelée Maison
de Gondi. »
Tel était en effet le nom que portait cette maison qui avait
appartenu à Jérôme de Gondi et qui, après avoir été le théâtre de
fêtes brillantes données par Catherine de Médicis, avait vu
l'assassinat de Henri HI et l'avènement de Henri IV au trône de
France. Le jardin en était vaste, orné de statues de marbre,
décoré de grottes et de fontaines avec des eaux jaillissantes, Her-
warth ayant trouvé moyen « d'y. avoir un jet d'eau de 90 pieds
alors qu'on n'avait pu élever l'eau qu'à 50 *. »
Ce fut dans cette résidence qu'Herwarth eut l'honneur, le
6 octobre 1658, de recevoir Louis XIV, son frère Monsieur et
toute la cour. Mazarin était au nombre des assistants, ajoutons
et des convives, car le contrôleur général traita ses nobles hôtes
dans un repas magnifique qui lui valut, dit la Gazette (p. 998),
« tous les .témoignages possibles de satisfaction de S. M. »
Cette visite détermina sans doute Louis XIV à faire pour son
fipère l'acquisition de la propriété de Herwarth, à laquelle furent
réunies, semble-t-il, plusieurs habitations, entre autres une
1. Souvenir$ historiquei des résidences royales de France^ par J. Vatout.
Paris, Didot, 1837-1848. 7 vol. in-8*. T. V (consacré aa palais de Saint-Cload),
p. 119 et SUIT. Consulter ansai Phil. de Saint-Albin et Ann. Darantin, le
palais de Saini'Cloud, résidence impériale. Paris, 1865, in-12.
1 Hortaolt et Magny, Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses
environs. Paris, 1779, 4 vol. in-8% II, 361, cité par Dalanre.
70 G. DBPPING.
appartenant à Fouquet et une autre provenant d*un financier
nommé Monerot *. La réunion de ces propriétés forma le premier
noyau du parc de Saint^iloud, dont Monsieur continua l'agran-
dissement par des acquisitions subséquentes, de 1658 à 1701,
époque de sa mort. Mais la première et la plus importante, le
point de départ de toutes les autres, fut l'acquisition de la pro-
priété de Herwarth, qui lui fut achetée sans doute en ce même
mois d'octobre 1658, et au prix de 240,000 liv. *.
Insistons un moment sur cette vente et sur le prix de cette
vente parce que ce sont deux éléments qui vont nous permettre
de réfuter et de détruire une fable ridicule à laquelle se trouvent
mêlés les noms de Herwarth et de Mazarin et qui traîne dans tous
les recueils d'ana ainsi que dans presque toutes les histoires des
environs de Paris à l'article Saint-Cloud. Naguère, quand le
château était encore debout et que venait l'été, l'on ne manquait
jamais de remettre cette légende sur le tapis et les journaux la
servaient religieusement à leurs lecteurs. La voici d'après Dulaure,
qui l'adopte aveuglément, suivant sa méthode ordinaire, dépour-
vue de sens critique.
« Le cardinal Mazarin, ayant envie d'acheter une maison de
plaisance pour Monsieur, frère de Louis XIV, jeta les yeux sur
celle d'un gros partisan (comme si Mazarin ne connaissait pas
depuis longtemps Herwarth!) située à Saint-Cloud, qui était
d'une étendue immense et d'ime grande beauté : aussi revenait^
elle à plus d'un million à celui qui en était possesseur. Le car-
dinal alla un jour l'y voir, et admirant la magnificence de cette
maison, il dit au partisan : « Cela doit vous coûter au moins
douze cent mille livres? » Le partisan, qui ne voulait point qu'on
connût ses richesses, répondit au cardinal « qu'il n'était pas assez
opulent pour employer une somme si considérable à ses plaisirs.»
1. Piganiol de la Force, IX, 351. Sur Monerot ou Monnerot, Toy. Lettres de
Colberij par P. Clément, II, 1, cctj, note.
2. D'après M. Vatout, qui a travaillé sur des documents originaux, mais qui
a le tort de ne pas les citer, et surtout de ne pas les reproduire comme pièces
jusUficatives, le contrat fut passé chez MM«* MouiQe et Lefoin, notaires à Paris.
L'auteur dit dans un endroit que ce fut le 25 février, et dans un antre
le 25 octobre. Évidemment cette dernière date est la véritable. Les recher-
ches que nous avons faites dans les anciennes minutes de l'étude de M* Mouille
(avec la permission de M* Bourget, titulaire actuel de la charge), pour retrouver
ce contrat et par suite quelques renseignements sur Herwarth et sur Saint-
Gloud, ont été infructueuses.
litnrfunT HERWÀITH. 74
« Gombmi donc, » reprit le cardinal, « cela peut-il tous coûter?
Je parierais que c'est au moins deux cent miUe ècus ? — Non,
monaeigneur, » dit le financier, « je ne suis pas en état de £aire
une si grosse dépense. — Apparemment, » dit le cardinal, « que
cela ne tous coûte que cent mille écus ?» Le partisan crut deToir
se borner à ce prix et couTint que cela lui coûtait cette sonmie.
< Le lendemain, le cardinal lui euToya trois cent mille liTres, et
lui écriTÎt que le roi désirait aToir cette maison pour Monsieur.
Celui qui ^it porteur de la lettre et de Targent était un notaire ;
il aTait en main un contrat de Tente tout dressé, que le partisan
fut obligé de signer. »
Et la chronique ajoute : « Ainsi, par la finesse (ne serait-ce
pas plutôt la fourberie ?) du cardinal, le roi eujb pour cent mille
écus ce qui coûtait près d*un million au financier, qui fit, sans y
penser, la restitution d'une partie de ce qu'il aTait Tolé à Sa
Majesté^. > De ce qu'il avait volé! Le mot est dur, même pour
un financier. Il est injuste, appliqué k Herwarth. Rien, dans les
documents du temps, n'autorise à l'accuser de bien mal acquis :
c'était dans la banque, ne l'oublions pas, non dans les fermes,
ou dans des afiaires équiToques, qu'il aTait gagné sa fortune.
D'ailleurs, il était déjà riche lorsqu'il entra dans l'adminis-
tration des finances. A la Térité, quand son fils rechercha la
charge de conseiller au Parlement, on lui reprocha d'être le
fils d'un partisan ; mais il est probable que s'il y eut hésita-
tion à lui accorder sa demande, la difficulté Tenait moins
de cette accusation Tague que de sa qualité de huguenot.
D'ailleurs le père se défendit de ce qu'il regardait comme une
calomnie, et soutint qu'on ne pouTait articuler contre lui aucune
preuTe qu'il eût trempé dans un marché quelconque. Mais les
médisants ne se tinrent pas pour battus. Ils allaient répétant
1. Dnlanre, BitUHre physique, civile et morale des environs de Paris, Paris,
6. Ponthien, 1825-28. 7 vol. in-8*, I, p. 118-119. Cette anecdote est da reste
plus ancienne que l'ouvrage de Dulaure ; cet écrivain Ta empruntée au jnciion-
noire des anecdotes, qui ext sans doute YEncyclopediana ou IHct. encyclopéd.
des Ana (Paris, Pandioucke, 1791, in-4*), où elle se trouve en effet A l'art.
Matarin, p. 666, 2* col. Mais la remarque c ce qu'il avait volé, i ne s'y trouve
pis; c'est un jugement personnel de Dnlanre.
Voy. aussi les réflexions de l'auteur de la notice Die Brader (p. 196 en note),
à propos d'un article paru pendant la guerre franco-allemande, et après la des-
trôctioa de Saint-Cloud, dans la Vossische Zeitung de Berlin (20 nov. 1870), et
iaUtulé : Vergangenheit und Ende eines kaiserl, Schlosses,
72 G. DEPPING.
partout que le père avait trop de bien pour n'avoir pas fait le
métier qu'on lui reprochait, tant à cette époque de malversations
et de rapines les sources de la fortune étaient toujours suspectes
au plus grand nombre !
Une circonstance assez plaisante, qui se rattache à cette mai-
son de SainW^loud, prouve que Herwarth, quoique riche, ne
manquait pas d'esprit. Il était allé voir le surintendant Servien,
qui avait une maison de campagne à Meudon. La très belle vue
dont on jouit de ce point fournit matière à la conversation, puis
on en vint aux comparaisons. « A Saint-Cloud, ma vue est fort
belle, » dit Herwarth, qui naturellement vantait les mérites de sa
propriété. <r Meudon étant plus élevé que Saint-Cloud, » répartit
Servien, celle d'ici est incomparablement plus belle. — Vantez
tant qu'il vous plaira votre vue, » répondit Herwarth, «je ne
donnerais pas la mienne pour la vôtre. » Or, il faut savoir que
Servien était borgne : le Menagiana, d'où nous avons tiré cette
historiette, ajoute : « Hervart avoitles yeux petits, mais bons*. »
menu détail, mais que doit recueillir le biographe qui tient à tra-
cer un portrait fidèle ôt aussi complet que possible.
Que si maintenant on nous demande quels sont les rapports de
proportion entre l'habitation de Herwarth à Saint Qoud et le châ-
teau princier, puis royal, qui lui a succédé, voici la réponse
qu'un homme du métier a faite à cette question : « Il serait diffi-
cile, dit Fontaine, architecte du roi Louis-Philippe, d'indiquer
aujourd'hui d'une manière précise ce que pouvait être la maison
du contrôleur Hervard, lorsque Monsieur, frère unique de
Louis XIV, en fit sa résidence de campagne ; car, à l'exception
d'une vue gravée par Israël Sylvestre, aucuns plans n'ont
pu être retrouvés pour donner une juste idée des choses de cette
époque. Cependant, d'après les tracés de plusieurs constructions
anciennes conservées dans les souterrains et quelques vieilles
murailles découvertes en dififérents endroits du château, il y a lieu
d'assurer que le prince, sans avoir jamais voulu élever un palais
nouveau, a fait construire sur les fondements déjà existants et
presque dans les limites de la maison d'Hervard la résidence qu'il
habita jusqu'à la fin de ses jours*. »
1. Menagiana. Paris, Florin-Delaulne, 1715, 4 vol. in-12, III, 351-352. — Sur
cette infirmité de Seryien, voir aos&i Tallemant des Réaox, IV, 405, note; 40&-
407.
2. Fontaine, cité par Vatout, Résidences royales, t. V, 1. c.
■ârth^lbmt herwarth. 73
Outre Saint-Cloud, qui n'était pas, comme on le voit, une
simple maison des champs, Herwarth possédait, à 5 ou 6 lieues
de Paris, un superbe château, appelé Bois-le-Vicomte. Bâti au
ccMnmencement du xyn' siècle par un intendant de Marie de Mé-
dids, ce château avait appartenu à Richelieu, qui le céda,
moyennant échange, à Gaston d'Orléans * ; de la grande Made-
moiselle, allé de ce prince ', il passa entre les mains du duc de la
Meilleraye, de qui l'acheta Barth. Herwarth'.
Bois-le-Vicomte a depuis longtemps disparu, et nul aujour-
dliai ne s'intéresserait à ce monument du passé, si La Fontaine
n'avait vécu en ces lieux et si ses œuvres n'en avaient conservé
et consacré le souvenir. Le fabuliste venait là dans la belle sai-
son ; plusieurs de ses poésies y ont été composées ; quelques-unes
de ses lettres sont datées de cette riante retraite, riante par les
beautés de la nature autant que par la société de femmes jeunes,
aimables, enjouées, au milieu desquelles La Fontaine aimait à
folâtrer, et qu'il a célébrées dans ses vers.
Toute la cour d'Amathonte
Étant à Bois-le-Vicomte,
Muses, j'ai besoin de vous.
Venez donc de compagnie
Par vos channes les plus doux
Ressusciter mon génie,
Je sens qu'il va décliner.
C'est à vous de lui donner
Des forces toutes nouvelles,
Car je veux louer trois belles.
Je veux chanter haut et net
Virville, Hervart, Gouvemet*.
C'est donc le souvenir de La Fontaine, plutôt que celui de la
1. La cession dat avoir llea en 1635. Dans une lettre dn 20 mars de cette
année, Richelien dit : c J'y ay quelque interest par le moyen de rechange
qoe j'ay fait avec lay (Monsieur) de la maison du Bois-le-Vicomte. i Avenel,
UUru de Richelieu^ W, p. 793.
2. En octobre 1652, le roi exila Mademoiselle dans cette terre; mais elle
refusa, parait-il, de s'y rendre. Mém, de la duchesse de Nemours, dans la
CoUection Petitot, 2* série, t. 34 (Paris, 1834, ln-8*), p. 539.
3. Essais historiques et statistiques sur le département de Seine-et-Marne,
par L. Michelin. Melon, 1841. 6 vol. in-8% t. II, p. 608.
4. Œuvres complètes de La Fontaine, noav. édit, par L. Moland. Paris,
Gamier frères, 1872-76. 7 vol. in-8% t. VII, p. 429 et sq. (Lettre A M— d'Her-
vart, de ViriviUe et de Gonvemet.)
74 G. DEPPIIfG.
famille Herwarth, qui peut prêter de l'intérêt aux quelques
détails inédits sur Bois-le- Vicomte * que nous donnons ci-dessous,
nous estimant heureux d'avoir trouvé quelque chose encore à
glaner sur ce terrain, après le savant et consciencieux biographe
de La Fontaine, M. Walckenaër.
De la terre de Bois-le-Vicomte dépendaient celles de Mitry •,
Mory, et autres lieux. Un parc, d'une contenance de 250 à
300 arpents, traversé par un grand canal, entourait le château.
On y voyait des arbres magnifiques, « des bois les plus beaux de
France, > dit d' Argenville '. Quant au château, c'était une très
belle construction en briques et en pierres, bordée de fossés, les-
quels, à l'époque où Richelieu possédait cette résidence, étaient
armés de quelques pièces de canon, tandis que d'autres garnis-
saient la grande cour d'honneur. Cet appareil militaire n'existait
plus et n'eût pas d'ailleurs été de mise du temps des Herwarth.
A l'entrée se trouvaient deux pavillons qui se voyaient encore
en 1768, et dans l'un desquels était pratiquée une chapelle, tout
ornée et dorée, différente de la chapelle intérieure.
Tandis que du côté du jardin les onze fenêtres de face du châ-
teau, donnant sur de grandes pelouses arrosées par un second
canal, faisaient un fort bel effet , du côté de l'entrée, la vue
s'étendait jusqu'à Dammartin, situé à deux lieues delà, et qui
s'apercevait admirablement du haut de la double terrasse du châ-
teau. Une avenue, formant le prolongement de la route de Dam-
martin, et bordée, l'espace d'une lieue, de quatre grandes allées
d'ormes, dont plusieurs avaient été plantés par Richelieu, faisait
au château la plus magnifique entrée, quand on arrivait de Paris.
La description que nous avons sous les yeux entre dans quel-
ques détails intéressants sur la route qu'on suivait, en venant de
t. DescripUan du chasteau de Bois-U^Vieomtef reveu les festes de la Pente'
caste (28 may 1635), en ms. Cette relation n'est antérieure que de quelques
années à Tépoque à laquelle B. Herwarth était propriétaire du domaine.
% Dans un document inédit (mss. Dupuy, à la Bibl. nat., vol. 631), concer-
nant un changement de mouvance de la terre de Bois-le- Vicomte, en 1643, nous
avons trouvé mention du c contrat de vente par le feu duc de Montmorency de
Ud. terre de Mitry à M' le cardinal de Richelieu, passé devant M** Pierre Parque
et Laurens Hault de Sens, notaires au Chastelet de Paris, 28 décembre 1629. i
3. Voyage pittoresque des environs de Paris, ou Description des châteaux
et autres lieux de plaisance situés à 15 lieues aux environs de cette ville, par
M. D('Argenville). 3* édit. Paris, Debure, 1768. 1 vol. in-12, à l'art. Bots-te-
Vicomte,
nmâJOiT ntWAETH. 75
la capitale. Ainsi, le Parisien qui se rendait à Bois-le-Y ioomte
traTflrsait le faubourg Saint-Martin, à un quart de lieue duquel
se trouTait le hameau de La Yillette, et à partir de là jusqu'à
Bois-le-y ioomte, on ne rencontrait plus à Tépoque où la relation
a été écrite, c'est-à-dire dans la première moitié du xvn* siècle,
aucun village sur sa route. Qu'on juge, par ce détail, de l'état et
de l'aspect des abords de la capitale ! Ce chemin était pourtant
assez finéquenté. Par là passaient les coches allant à Meaux, à
Château-Thierry, à Metz, jusqu'à Nancy et même plus loin. La
nmte eût été plus directe par Pantin, Lirry, Vaujours et ViUe-
parisis ; mais on l'évitait, afin de n'avoir pas à traverser une
forêt dont l'auteur anonyme ne prononce pas le nom, mais qu'il
déclare dangereuse en de certaines saisons, et dans laqueUe il
n'est pas difficile de reconnaître la forêt de Bondy, de sinistre
mémoire.
Que de fois La Fontaine dut suivre cette route pour aller visi-
ter ses bons amis les Herwarth ! C'est là que lui arriva une de
ces aventures auxquelles son esprit distrait l'exposait fréquem-
ment ^
Après avoir fait quelque séjour à Bois-le- Vicomte, le bon-
homme venait justement d'en partir pour rentrer à Paris. Il était
à cheval, tout entier à une pensée qui l'absorbait. Ce qui causait
sa préoccupation, c'était le souvenir d'une jeune fiUe qu'il avait
vue la vdlle pour la première fois, et dont les grâces et la beauté
l'avaient captivé. Poussée sans doute par les maîtres de la mai-
son qui, connaissant le faible de leur hôte, voulaient se divertir,
cette jeune fille avait provoqué le poète par mille agaceries. Le
vieillard (La Fontaine était alors âgé de 68 ans) s'était laissé
prendre au piège. Il s'en allait donc rêveur, ayant lâché la bride
à la folle du logis et à son cheval, et voilà qu'il se trompe de
route, prend à droite au lieu d'incliner à gauche, et chevauche
en tournant de plus en plus le dos à la capitale. Heureusement,
on domestique du château le rencontre et le remet dans le droit
chemin. Plus loin, un orage survient qui force notre voyageur à
s'arrêter : trempé, « morfondu » comme le Pigeon de sa fable,
il est contraint de coucher, non pas précisément à la belle étoile,
mais en un fort mauvais gîte.
1. Wakkenaer, 4* édit., II, 188 et sq.
76 G. DEPPING.
Or, « Que faire en un gîte, à moins que l'on ne songe ? » C'est
La Fontaine lui-même qui Ta dit. Il songea donc à l'aventure
qui venait de lui arriver, et la tournant en plaisanterie, suivant
son ordinaire, il en écrivit en ce sens à son ami, Tabbé Verger,
ou Vergier, un des hôtes de Bois-le-Vicomte*. Sa lettre (4 juin
1688)* commence par des reproches : « Qu'avait à faire M.
d'Hervart (il s'agit d'Herwarth le fils) de s'attirer la visite qu'il
eut dimanche ? Que ne m'avertissoit-il ? Je lui aurois représenté
la foiblesse du personnage. . . » Et Verger de lui répondre sur le
même ton une épître moitié en prose, moitié en vers, dont les
suivants seraient dignes d'être signés La Fontaine :
Hé, qui pourrait être surpris
Lorsque La Fontaine s'égare?
Tout le cours de ses ans n*est qu'un tissu d'erreurs,
Mais d'erreurs pleines de sagesse.
Les plaisirs l'y guident sans cesse,
Par des chemins semés de fleurs.
Les soins de sa famille ou ceux de sa fortune
Ne causent jamais son réveil ;
Il laisse à son gré le soleil
Quitter l'empire de Neptune,
Et dort, tant qu'il piait au sommeil.
Il se lève au matin, sans savoir pourquoi faire,
Il se promène, il va, sans dessein, sans sujet.
Et se couche le soir, sans savoir d'ordinaire
Ce que dans le jour il a fait.
1. Ce poète, né en 1655 ou 1657, à Lyon, mort assassiné à Paris, le 20 août
1720, a laissé des contes en vers dans le genre de ceux de La Fontaine, et
d'autres poésies qu'on a publiés en 1750, à Lausanne, en 2 vol. in-i8, en y com-
prenant ses lettres. On regarde cette édition comme la meilleure, mais elle est
à peu près semblable aux autres, qui ne valent rien. La Bibliothèque nationale
I>ossède, déparlement des Mss., un exemplaire des Œuvres de Verger (Suppl. fr.,
n* 4771^^, 2 vol. dont le premier a disparu, on du moins dont le second existe
seul). Nous l'avons consulté* espérant y trouver un texte plus correct que celui
des éditions imprimées, mais nous avons été déçu dans notre attente. Le texte
ne diffère point de celui qui a été publié. Pour l'histoire des Herwarth et aussi
pour celle de La Fontaine, il n'est pas inutile de consulter les Œuvres de Ver-
ger. — Sur ce poète, v. le dictionnaire de Jal, 2* édit., p. 1252, 2* colonne. 11
existe aux Archives de la Marine, à Paris, un certain nombre de lettres inédites
de Verger (Reg, des Lettres de Maurepas, 1694) ; mais cette correspondance n'a
trait qu'aux choses de la marine, administration à laquelle il appartint,
vers i68a
2. La FonUine, édit. L. Moland, t. VII, p. 389, pour la lettre de La Fontaine,
et p. 395 pour la réponse.
BARTHiLEHT HERWARTH. 77
Puis, comparant la promenade de La Fontaine aux courses
d'Ulysse, il découvre cette différence entre eux :
Ce héros s'exposa mille fois au trépas.
U parcourut les mers presque d'un bout à l'autre
Pour chercher son épouse et revoir ses appas.
Quel péril ne courriez-vous pas,
Pour vous éloigner de la vôtre ?
X.
Telles étaient les plaisanteries et les allusions inoffensives qu'on
se permettait envers La Fontaine. Ce n^était pourtant point Bar-
thélémy Herwarth — il ne faut pas l'oublier, — mais son fils,
Anne Herwarth, qui recevait ainsi le fabuliste au château de
Bois-le-Vicomte.
Il est probable que le père avait, lui aussi, connu La Fontaine :
sans doute il l'avait rencontré dans la société de M. et M™* de la
Sablière, tous deux protestants, comme l'était la famille Herwarth.
Peut-être l'avait-il aussi reçu chez lui, soit à ce même château
dont nous venons de parler, soit à l'hôtel de la rue Plâtrière, où
La Fontaine devait venir plus tard se réfugier et mourir ; mais
ces relations, à supposer qu'elles aient existé, ne durent être que
passagères, et en tout cas elles n'eurent point le caractère d'inti-
mité qui régna dans la suite entre Herwarth le fils et La Fon-
taine.
Cet Anne Herwarth était le cadet des fils du contrôleur géné-
ral; Barthélémy Herwarth s'était marié fort jeune à Lyon. Dans
une généalogie manuscrite des Herwarth qui existe à la Biblio-
thèque nationale, le nom de celle qu'il épousa est écrit d'une
façon défectueuse : cette orthographe fautive a sans doute causé
la méprise dans laquelle est tombé le généalogiste qui en fait une
fille naturelle de Bernard de Saxe-Weimar, auprès duquel avait
servi B. Herwarth, comme nous lavons raconté plus haut. Elle
s'appelait en effet Vimar, dont le généalogiste a fait Wymar,
presque Weymar.
De ce mariage de Barth. Herwarth avec Esther Vimar naqui-
rent plusieurs enfants, deux fils, peut-être même trois, et une ou
deux filles. Parmi les fils, le plus connu, celui qui, par sa tendre
amitié pour La Fontaine, a fait surnager dans Thistoire le nom
78 G. DEPPIlfG.
d*Herwarth, est cet Anne Herwarth que nous avons déjà plus
d*une fois mentionné dans le cours de ce travail. Sa femme, qui
était fille de Bénigne Le Ragois, sieur de Bretonvilliers, prési-
dent à la chambre des comptes, se ât gloire de s'associer à ce
dévouement, et elle fut pour le poète sur son déclin une seconde
M°*® de la Sablière.
Une des filles de Barth. Herwarth devint marquise de Gouver-
net, par son mariage avec Charles de La TouiMiu-Pin, marquis
de Gouvemet, seigneur de Mures, sénéchal du Valentinois et du
Diois^ Zélée protestante, comme sa mère, elle passa en Angle-
terre avec celle-ci lors de la révocation de l'édit de Nantes, et
sur la terre d*exil, ces deux femmes én^giques continuèrent le
bien qu'elles faisaient à leurs coreligionnaires. Elles se montrè-
rent ainsi dignes de Barthélémy Herwarth qui demeura inébran-
lable dans son attachement à sa foi religieuse, tandis que son fils
abjura le protestantisme pour être maintenu dans sa charge de
conseiller au Parlement de Paris, peut-être aussi pour conserver
aux siens la fortune considérable amassée par le chef de la famille,
fortune qui aurait pu être atteinte par la confiscation, si tous les
membres de cette famille étaient restés protestants.
Ce fut ainsi que M™*' Herwarth la mère et sa fille, la marquise
de Gouvernet, purent emporter avec elles en Angleterre beaucoup
d'objets précieux qui avaient orné l'hôtel de la rue Plâtrière.
Dans le nombre se trouvaient une certaine quantité de portraits
de famille, peints par Mignard. Ces tableaux, qui ne sont point
mentionnés dans les catalogues de l'œuvre de Mignard, que sont-
ils devenus? On en a perdu la trace; mais il reste un document
qui permet de constater leur existence. C*est une liste dressée par
la marquise de Gouvernet des objets d'art, surtout des tableaux
et des porcelaines, qu'elle lègue à son petit-fils.
Dans le document dont nous parlons, un article est de nature
1. Tableaux généalogiques et raisonnes de la maison de la Tour du
Pin, dressés en 1788 par M. J.-B, Moulinet, secrétaire-archiviste de la
Chambre des comptes du Dauphiné, en complément de ses Mémoires^ ei
continués jusqu'à nos jours. (Paris) Charpealier, 1870, in-f*. Voy. tableau III. A.
Cette publication n'a pas été mise dans le commerce : nous en devons la ooih
naissance à Tobligeance de M. le baron Ch. Gabriel de La Tour du Pin-Cham-
bly qui, sachant que nous nous occupions d'un trarail sur Herwarth et sur sa
famille, a eu la bonté de nous en faire parvenir un exemplaire.
BlRTfliLBMT BERWARTH. 79
à fixer rattention, parce qu'il doit se rapporter & La Fontaine.
Cet article est indiqué de la façon que voici ; mais avant de le
citer, il faut prévenir le lecteur que la pièce dont il s'agit, écrite
primitivement en français, n'existe plus que dans une traduction
anglaise qiii en fut faite à l'époque de la mort de la marquise de
Gouvernet, c'est-à-dire en 1722.
« Art. 45. A small picture, representing the Fountain in the
little garden of the Hostel d'Hervart *. »
Ce qui, traduit en français, signifie : « Art. 45 (du catalogue).
Petit tableau représentant la fontaine (une fontaine d'eau claire)
dans le petit jardin de l'hôtel Hervart. »
Y avait-il en efiiet une fontaine dans le jardin de cet hôtel où,
conune nous l'avons raconté, notre grand fabuliste fut recueilli
par le frère de la marquise et dans lequel il rendit le dernier
soupir? La chose est possible. Mais je crois plutôt qu'il y a eu
erreur de traduction . Le traducteur était sans doute quelque honune
de loi, quelque greffier qui n'avait jamais entendu parler de notre
La Fontaine, et qui, prenant, non le Pirée pour un homme, mais
un homme pour le Pirée, aura cru qu'il s'agissait d'une fontaine
véritable, et non du poète ainsi nommé. Cette image de La Fon-
taine dans sa vieillesse, dont l'auteur nous est inconnu, où se
cache-t-elle? Nous la signalons aux amateurs d'objets d'art,
ainsi qu'aux admirateurs du talent de La Fontaine. Celui-ci,
habitant l'hôtel de la rue Plàtrière, devait descendre quelquefois
dans le jardin de l'hôtel. Ce jardin n'était pas grand, il est vrai ;
mais du moins, jusqu'à ses derniers jours, le poète a pu reposer
ses yeux mourants sur un gazon, sur quelques fleurs et admirer
jusqu'à la fin cette nature qui avait été le charme de sa vie et
l'inspiratrice de ses vers.
Les mémoires du temps sont muets sur le compte de Barthélémy
Herwarth, à partir du jour où il se retire des afiaires publiques ;
il n'y est question de lui qu'en une seule circonstance, à l'occa-
sion de la mort d'Anne d'Autriche. Il se trouvait au lit de mort
de la reine, à ce que nous apprend M"** de Motteville. « Voyant
1 . A mémorandum of my paintings, pkiures^ and china dans l'ouTrage da
R«Ter. D. Agnew, Tke huguenot refugees^ afid their descendants in Great
BrUain and Ireland, V édit. Loodoo. 1874. 3 toI. 4v Tom. III (Index- Volume),
p. 202-203.
78 G. DEPPIlfG.
d'Herwarth, est cet Anne Herwarth que nous avons déjà plus
d'une fois mentionné dans le cours de ce travail. Sa femnae, qui
était fille de Bénigne Le Ragois, sieur de Bretonvilliers, prési-
dent à la chambre des comptes, se fit gloire de s'associer à ce
dévouement, et elle fut pour le poète sur son déclin une seconde
M""® de la Sablière.
Une des flUes de Barth. Herwarth devint marquise de Gouver-
net, par son mariage avec Charles de La Tour-du-Pin, marquis
de Gouvemet, seigneur de Mures, sénéchal du Valentinois et du
Diois^ Zélée protestante, comme sa mère, elle passa en Angle-
terre avec celle-ci lors de la révocation de Fédit de Nantes, et
sur la terre d'exil, ces deux fenmoes én^giques continuèrent le
bien qu'elles faisaient à leurs coreligionnaires. Elles se montrè-
rent ainsi dignes de Barthélémy Herwarth qui demeura inébran-
lable dans son attachement à sa foi religieuse, tandis que son fils
abjura le protestantisme pour être maintenu dans sa charge de
conseiller au Parlement de Paris, peut-être aussi pour conserver
aux siens la fortune considérable amassée par le chef de la famille,
fortune qui aurait pu être atteinte par la confiscation, si tous les
membres de cette famille étaient restés protestants.
Ce fut ainsi que M°*' Herwarth la mère et sa fille, la marquise
de Gouvernet, purent emporter avec elles en Angleterre beaucoup
d'objets précieux qui avaient orné l'hôtel de la rue Plàtrière.
Dans le nombre se trouvaient une certaine quantité de portraits
de famille, peints par Mignard. Ces tableaux, qui ne sont point
mentionnés dans les catalogues de l'œuvre de Mignard, que sont-
ils devenus? On en a perdu la trace; mais il reste un document
qui permet de constater leur existence. C*est une liste dressée par
la marquise de Gouvernet des objets d'art, surtout des tableaux
et des porcelaines, qu'elle lègue à son petit-fils.
Dans le document dont nous parlons, un article est de nature
1. Tableaux généalogiques et raisonnes de la maison de la Tour du
Pin, dressés en 1788 par M. J.-B. Moulinet, secrétaire-archiviste de la
Chambre des comptes du Dauphiné, en complément de ses Mémoires, et
continués jusqu'à nos jours. (Paris) Charpeatier, 1870, in-^. Voy. tableau III. A.
Cette publication n'a pas été mise dans le commerce : nous en devons la con-
naissance à Tobligeance de M. le baron Ch. Gabriel de La Tour du Pin-Cham-
bly qui, sachant que nous nous occupions d'un trarail sur Herwarth et sur sa
famille, a eu la bonté de nous en faire parrenir un exemplaire.
BllTHiLBMT BERWARTH. 79
k bar rattention, parce qu'il doit se rapporter & La Fontaine.
Cet article est indiqué de la façon que voici ; mais avant de le
citer, il faut prévenir le lecteur que la pièce dont il s'agit, écrite
primitivement en français, n'existe plus que dans une traduction
anglaise qiii en fut faite à l'époque de la mort de la marquise de
Gofuvemet, c'est-à-dire en 1722.
€ Art. 45. A small picture, representing the Fountain in the
little garden of the Hostel d'Hervart * . »
Ce qui, traduit en français, signifie : « Art. 45 (du catalogue).
Petit tableau représentant la fontaine (une fontaine d'eau claire)
dans le petit jardin de l'hôtel Hervart. »
Y avait-il en effet une fontaine dans le jardin de cet hôtel où,
comme nous l'avons raconté, notre grand fabuliste fut recueilli
par le frère de la marquise et dans lequel il rendit le dernier
soupir? La chose est possible. Mais je crois plutôt qu'il y a eu
erreur de traduction . Le traducteur était sans doute quelque homme
de loi, quelque greffier qui n'avait jamais entendu parler de notre
La Fontaine, et qui, prenant, non le Pirée pour un homme, mais
un homme pour le Pirée, aura cru qu'il s'agissait d'une fontaine
véritable, et non du poète ainsi nommé. Cette image de La Fon-
taine dans sa vieillesse, dont l'auteur nous est inconnu, où se
cacbe-t-elle? Nous la signalons aux amateurs d'objets d'art,
ainsi qu'aux admirateurs du talent de La Fontaine. Celui-ci,
habitant l'hôtel de la rue Plâ trière, devait descendre quelquefois
dans le jardin de l'hôtel. Ce jardin n'était pas grand, il est vrai;
mais du moins, jusqu'à ses derniers jours, le poète a pu reposer
ses yeux mourants sur un gazon, sur quelques fleurs et admirer
jusqu'à la fin cette nature qui avait été le charme de sa vie et
l'inspiratrice de ses vers.
Les mémoires du temps sont muets sur le compte de Barthélémy
Herwarth, à partir du jour où il se retire des affaires publiques ;
il n'y est question de lui qu'en une seule circonstance, à l'occa-
sion de la mort d'Anne d'Autriche. Il se trouvait au lit de mort
delà reine, à ce que nous apprend M™* de Motteville. < Voyant
1 . A mémorandum of my paintings, pictures^ and china dans TouTrage da
Rerer. D. Agnew, The huguenot refugees, and their descendante in Great
Britain and Irdand, V édit. Loodon. 1874. 3 toI. 4*. Tom. III (Index- Volame),
p. 202-203.
80 G. DBPPING. — BlRTHéLEMT HBRWIRTH.
d'Herval derrière les autres qui étoit huguenot, et qui, sous Tad-
ministration du cardinal Mazarin, avoit servi le roi dans les
finances, elle souhaita en s'adressant à lui que Dieu lui fît la
grâce de le convertir *. » Mais Herwarth mourut conune il avait
vécu, en fidèle protestant. On ignore la date et même le lieu de
sa mort. On a dit, en s'appuyant sur nous ne savons quelles
données, qu'il s'éteignit à Tours le 22 octobre 1676 *.
Guillaume Depping.
1. Mémoires de itf- de MoilevUle, IV, 398.
2. Die BrUder, p. 195.
MELANGES ET DOCUMENTS
DOCUMENTS INÉDITS RELATIFS AU PREMIER EMPIRE.
NAPOLÉON ET LE ROI JOSEPH.
{Suite,)
Joseph n'était pas encore arrivé au port où il espérait se reposer
des tracas de la vie publique. Le sort lui réservait une autre période
de tourments.
Revenu des eaux de Bagnères, où sa santé Tavait obligé à un court
séjour, en août 4843, et installé à Mortefontaine près Paris, le firère
aîné de Tempereur apprit, dans un entretien qu'il eut avec Napoléon,
que ce dernier était sur le point de replacer Ferdinand VII sur le
trône d'Espagne. Après une longue discussion avec l'Empereur, il
crut devoir lui écrire le 30 novembre 4 84 3 :
Sire,
La réflexion n'a fait que fortifier ma première pensée. Le rétablisse-
ment des Bourbons en Espagne aura les plus funestes conséquences et
pour TEspagne et pour la France. Le prince Ferdinand, en arrivant en
Espagne, ne peut rien en faveur de la France; il pourra tout contre
elle, son apparition excitera d'abord quelques troubles, mais les Anglais
8*en empareront bientôt et dès qu'ils lui auront fait tourner les armes
contre la France, il aura avec lui, et les partisans des Anglais et les
partisans de la France que nous aurons abandonnés et ceux qui tien-
nent au système de voir leur pays gouverné par une branche de la
maison de France, système si heureusement professé à Bayonne et qui,
depuis un siècle, a fait la tranquillité de l'Espagne. Tout homme de
bien et de sens qui connaît le caractère de la nation espagnole et la
situation des hommes et des choses dans la Péninsule ne peut pas douter
de ces vérités. Je prie V. M. de faire consulter quelques Espagnols
éclairés qui sont en France, entr'autrcs MM. Aranza, O'Farell, qui
étaient ministres, nommés par le prince Ferdinand.
Rev. Histor. XL 1" FASc. 6
82 HiLANGES ET DOCUMEIfTS.
Quant à moi, Sire, que Y. M. daigne un moment se supposer à ma
place. Elle sentira facilement quelle doit ôtre ma conduite. Appelé il y
a dix ans au trône de Lombard ie, ayant occupé celui de Naples avec
quelque bonheur, celui d'Espagne au milieu de traverses de tous les
genres, et malgré cela ayant su me concilier Testime de la nation,
persuadé comme je le suis que tant que la dynastie de Y. M. régnera
en France, l'Espagne ne peut ôtre heureuse que par moi ou par un
prince de son sang, je ne saurais m'ôter à moi-môme les seuls biens
qui me restent, les témoignages d'une conscience sans reproches et le
sentiment de ma propre dignité. Je ne puis donc que présenter ces
réflexions à Y. M. I. et R., et, dérobant au grand jour un front dépouillé,
attendre dans le sein de ma famille les coups dont il plaira au destin
de frapper encore et l'Espagne et moi, et les bienfaits qu'il nous est
permis d'espérer de la puissance de votre génie et de la grandeur du
peuple français.
L'empereur ne répondit pas à cette lettre. Un mois plus tard, le
29 décembre 48^3, Joseph, voyant le territoire suisse violé et la
France prête à être envahie, écrivit de nouveau à son frère pour se
mettre à sa disposition. Napoléon lui répondit durement, tout en
acceptant sa participation à la défense de TÉtat^ Â son départ pour
l'armée, il le nomma son lieutenant-général à Paris.
L'ex-roi de Naples et d'Espagne eut avec son frère, tandis que ce
dernier était à Tarmée, une correspondance longue, suivie, des plus
importantes, publiée d'abord dans les Mémoires du roi Joseph, repro-
duite plus tard dans le grand ouvrage de la correspondance de Napo-
léon 1" (du moins quant aux lettres écrites par l'Empereur à son
frère).
On a omis cependant dans ces deux ouvrages quelques fragments
de lettres; nous les ferons connaître au fur et à mesure, à leur date.
Joseph , ayant appris que , suivant son exemple et oubliant les
différends qu'il avait eus avec TErapereur, Louis venait de se mettre
à la disposition de Napoléon, écrivit à l'ex-roi de Hollande la lettre ci-
dessous, datée de Mortefontaine le 2 janvier \S\Â :
Mon cher frère, tu sais comment je suis ici depuis dix mois. Quinze
jours seulement après mon arrivée, l'Empereur me dit qu'il voulait
rétablir les Bourbons en Espagne. Il me demanda mon avis réfléchi. Il
est contenu dans la pièce n* 1 que je lui ai adressée deux jours après
notre entrevue. Il y a huit jours, maman m'a dit que l'Empereur
1. Lettre de Napoléon à Joseph, en date du 2 janvier 1814 {Mëmoires du roi
Joseph, vol. 10*, p. 3). On a supprimé dans cette lettre la phrase suivante : c Vous
n'êtes plus roi d'Espagne, je n'ai pas besoin de votre renonciation^ puisque je ne
veux pas de l'Espagne. »
NiPOLifON ET LE ROI JOSEPH. 83
désirait me voir. J'étais alors retenu dans ma chambre par le rhume
violent qui m^y retient encore. J^appris en même temps que TEmpe-
reur avait dit aux sénateurs qu'il avait reconnu Ferdinand et accrédité
auprès de lui l'ambassadeur Laforest qui était accrédité auprès de moi.
J'écrivis alors à l'Empereur la lettre dont ci-joint la copie sous
len* 2^
Ma femme la lui remit et il lui dit : Je suis forcé à ceci. Les événe-
ments me paraissant de plus en plus graves, je lui ai écrit de nouveau
hier'. Le porteur a reçu la môme réponse. Le fait est que je puis tout
sacrifier à l'Empereur, à la France et à l'Europe, tout, hormis l'honneur.
L'honneur ne me permet pas de me montrer autrement que comme
roi d'Espagne, tant que je n'aurai pas abdiqué, ce que je ne puis et ce
que je ne veux faire que pour la paix générale et après avoir assuré ce
que je dois aux Espagnols par un traité dans les mêmes formes que
celui qui me donna la couronne d'Espagne, traité dont a été négociateur
à Bayonne M. le duc de Gadore.
Qu'on me traite en roi, ou qu^on me laisse dans l'obscurité.
Maman qui ne sait rien de tout cela, n'est mue que par un sentiment,
celui de la réunion. Je suis très peiné, mon cher Louis, que ces circons-
tances retardent le plaisir que j'aurai à t'embrasser après tant de
désastres.
Le roi Joseph était rentré en grâce près de Napoléon, soit que
FEmpereur le préférât à ses autres frères, soit qu'il eût en lui plus
de confiance qu'en Louis et en Jérôme. L'empereur continua à traiter
ces derniers avec rigueur, ne voulant les voir ni l'un ni l'autre et
écrivant même le 2 février 4844 à l'Impératrice pour lui défendre de
recevoir le roi et la reine de Westphalie. Ce fait résulte de la lettre
suivante :
Marie-Louise a Joseph.
Paris, 3 février 1814.
Je reçois à l'instant une lettre de l'Empereur du 2 février qui me
défend, comme réponse à la mienne, de recevoir sous aucun prétexte
le roi et la reine de Westphalie, ni en public, ni incognito.
Je vous prierai donc, mon cher frère, de leur peindre tous les regrets
que j'ai de ne pouvoir les voir demain et de croire à la sincère amitié
avec laquelle je suis, mon cher frère.
Votre affectionnée sœur.
Louise.
A la fin de février 1814, seulement, Napoléon voulut bien se
1. Voyez la lettre à l'Empereur du 30 Dovembre 1813.
2. Cette lettre est aux Mémoires de Joseph, à sa date (29 décembre 1813).
84 idUNGES ET DOCUHBIfTS.
rapprocher de ses frères Louis et Jérôme. Il écrivit à Joseph, de
Nogent-sur-Seine, le 24 février, cette curieuse lettre^ :
Mon frèi-e, voici mes intentions sur le roi de Westphalie : je Tauto-
rise à prendre l'habit de grenadier de ma garde, autorisation que je
donne à tous les princes français (vous le ferez connaitre au roi Louis.
Il est ridicule qu'il porte encore un uniforme hollandais). Le roi donnera
des congés à toute sa maison westphalienne. Ils seront maîtres de
retourner chez eux ou de rester en France. Le roi présentera sur-le-
champ à ma nomination trois ou quatre aides de camp, un ou deux
écuyers et un ou deux chambellans, tous Français, et pour la reine,
deux ou trois dames françaises pour raccompagner. Elle se réservera
de nommer dans d'autres temps sa dame d'honneur. Tous les pages de
Westphalie seront mis dans des lycées et porteront l'uniforme des
lycées. Il y seront à mes frais. Un tiers sera mis au lycée de Versailles,
un tiers au lycée de Rouen et Tautre tiers au lycée de Paris. Immé-
diatement après, le roi et la reine seront présentés à l'Impératrice et
j'autorise le roi à habiter la maison du cardinal Fesch, puisqu'il parait
qu'elle lui appartient, et à y établir sa maison. Le roi et la reine conti-
nueront à porter le titre de roi et reine de Westphalie, mais ils n'auront
aucun Westphalien à leur suite. Gela fait, le roi se rendra à mon quar-
tier-général d'où mon intention est de l'envoyer à Lyon prendre le
commandement de la ville, du département et de l'armée; si toutefois
il veut me promettre d'être toujours aux avant-postes, de n'avoir aucun
train royal, de n'avoir aucun luxe, pas plus de 15 chevaux, de bivoua-
quer avec sa troupe, et qu'on ne tire pas un coup de fusil qu'il n'y soit
le premier exposé. J'écris au Ministre de la Guerre et je lui ferai donner
des ordres. Il pourrait, pour ne pas perdre de temps, faire partir pour
Lyon sa maison, c'est-à-dire une légère voiture pour lui, une voiture
de cuisine, quatre mulets de cantine et deux brigades de six chevaux
de selle, un seul cuisinier, un seul valet de chambre avec deux ou trois
domestiques, et tout cela composé uniquement de Français. Il faut qu'il
fasse de bons choix d'aides de camp, que ce soit des officiers qui
aient fait la guerre, qui puissent commander des troupes, et non des
hommes sans expérience comme les Verdrun, les Brongnard et autres
de cette espèce. Il faut aussi qu'il les ait tout de suite sous la main.
Enfin il faudrait voir le Ministre de la Guerre et se consulter pour lui
choisir un bon état-major.
Votre afifectionné frère.
Dans une autre lettre à Joseph du 7 février, on lit :
Faites donc cesser ces prières de 40 heures et ces Miserere; si l'on
nous faisait tant de singeries, nous aurions tous peur de la mort. Il y
1. Cette lettre, fort écourlée aux Mémoires de Joseph, yolurae 10*, page 139,
a été complètement supprimée à la correspondabce de l'Empereur.
HàJfÙiâOJi rt LE 101 JOSEPI. $5
5 que Fûh dit que les prêtres et les medtvins ni'udeni la mwt
L'Empereur tennine celk du 9 février par ces mots :
Priei U Mméona des années qu elle soit pour dous^ Loui$ qui est un
aine peut s enga^r à lui donner un cierge allumé.
Ces deux passages ont été supprimés dans les Mémoêres et à la ci^r-
La veilk, le 8 février. Napoléon avait envoyé à son ft^re aîné ui>e
très longue lettre, des plus importantes, qui explique, avec une autre
du 45 mars, et justifie pleinement la conduite de Joseph au SI mars.
Plosieurs passages de la lettre du 8 février, relatif^ au roi Louis, ont
été su[^rimés dans les ouvrages qui ont paru ; nous croyons devoir
rétablir cette lettre in-extenso :
Nogent, le 8 février 1814, 4 heures du matin.
Mon frère, j'ai reçu votre lettre du 7 à 11 heures du soir; elle
m*étonne beaucoup, j'ai lu la lettre du roi Louis qui n\>st qu'une rap-
sodie; cet homme a le jugement faux et met toujours à côté do la
question.
Je vous ai répondu sur l'événement de Paris pour que vous no mot-
tiei plus en question la fin, qui touche à plus do gens qu'à moi. Quand
cela arrivera je ne serai plus; par conséquent co n'ost pas pour moi que
je parle. Je vous ai dit pour l'Impératrice et lo roi do Romo et notre
famille ce que les circonstances indiquent et vous n*avoz pas compris
ce que j*ai dit. Soyez bien certain que si le cas arrivait, co que jo vous
ai prédit arrivera infailliblement, je suis persuadé qu'ollo-m(>mo a co
pressentiment ^
Le roi Louis parle de la paix, c'est donner des conseils bien mal à
propos. Du reste je ne comprends rien à votre lettre. Je croyais m'ôtro
expliqué avec vous, mais vous ne vous souvenez jamais dos choses ot
vous êtes de l'opinion du premier homme qui parle ot qui vous roflèto
cette opinion.
Je vous répète donc en deux mots que Paris ne sera jamais occupé
de mon vivant, j'ai droit à être cru par ceux qui m'entendent.
Âpres cela, si, par des circonstances que jo no puis prévoir, jo mo
portais sur la Loire, je ne laisserai pas l'Impératrice et mon fils loin do
moi, parce que, dans tous les cas, il arriverait que l'un ot l'autre seraient
enlevés et conduits à Vienne, que cola arriverait bien davantage si jo
n'existais plus. Je ne comprends pas comment, pondant ces monéos
auprès de votre personne, vous couvrez d'éloges si imprudents la pro-
position de traîtres si dignes de ne conseiller rien dlionorablo; no les
employez jamais dans un cas, même le plus favorable'. C'est la pro-*
1. Que Marie-Louise pensait que Napoléon se ferait tuer.
2. Il TOoUit parler de Talleyrand, Fouché et autres.
86 idLANGES ET DOCUMEfTrS.
mière fois depuis que le monde existe, que j'entends dire qu'en France
une population de (illisible) âmes assiégée ne pouvait pas vivre trois
mois. D'ailleurs nul n'est tenu à l'impossible, je ne peux plus payer
aucun officier et je n'ai plus rien.
J'avoue que votre lettre du 7 (février) à quatre heures du soir m'a
fait mal, parce que je ne vois aucune tenue dans vos idées et que vous
vous laissez aller aux bavardages d'un tas de personnes qui ne réflé-
chissent pas. Oui, je vous parlerai franchement : si Talleyrand est pour
quelque chose dans cette opinion de laisser l'Impératrice à Paris dans
le cas où l'ennemi se rapprocherait, c'est trahir; je vous le répète,
méfiez-vous de cet homme ; je le pratique depuis seize ans, j'ai môme
eu de la faveur pour lui, mais c'est sûrement le plus grand ennemi de
notre maison, à présent que la fortune l'a abandonnée depuis quelque
temps. Tenez-vous aux conseils que j'ai donnés, j'en sais plus que ces
gens-là.
S'il arrivait bataille perdue et nouvelle de ma mort, vous en seriez
instruit avant ma maison : faites partir l'Impératrice et le roi de Rome
pour Rambouillet; ordonnez au Sénat, au Conseil d'État et à toutes les
troupes de se réunir sur la Loire. Laissez à Paris un préfet et une com-
mission impériale, ou des maires. — Je vous ai fait connaître que je
pensais que Madame et la reine de Westphalie pourraient bien rester à
Paris logées chez Madame. Si le vice-roi est revenu à Paris, vous
pourrez aussi l'y laisser, maw ne laissez jamais tomber l'Impératrice et U
roi de Rome entre les mains de l'ennemi. Soyez certain que dès ce
moment l'Autriche, étant désintéressée, l'emmènerait à Vienne avec un
bel apanage, et sous le prétexte de voir l'Impératrice heureuse on ferait
adopter aux Français tout ce que le régent d'Angleterre et la Russie
pourraient leur suggérer. Tout parti se trouverait par là détruit.
Au lieu que, dans le cas opposé, l'esprit national du grand nombre
d'intéressés à la révolte rendrait tout résultat incalculable.
Au reste, il est possible que l'ennemi, s'approchant de Paris, je le
battrai, et cela n'aura pas lieu. Il est possible aussi que je fasse la paix
sous peu de jours : mais il en résulte toujours par cette lettre du 7 à
4 heures du soir que vous n'avez pas de moyens de défense Pour
comprendre ces choses je trouve toujours votre jugement faux; c'est
enfin une fausse doctrine. L'intérêt môme de Paris est que l'Impéra-
trice et le roi de Rome n'y restent pas, parce que l'intérôt ne peut pas
être séparé de leur personne et que depuis que le monde est monde je
n'ai jamais vu qu'un souverain se laissât prendre dans des villes
ouvertes. Ce serait la première fois.
Ce malheureux roi de Saxe arrive en France, il perd ses belles illu-
sions! (Deux lignes indèchifPrables.) Dans les circonstances bien difficiles
de la crise des événements, on fait ce qu'on doit et on laisse aller le
reste. Or, si je vis on doit m'obéir, et je ne doute pas qu'on s'y conforme.
Si je meurs, mon fils régnant et l'Impératrice régente doivent, pour
NAPOLEON ET LE ROI JOSEPH. 87
rbooneur des Français, ne pas se laisser prendre et se retirer au der-
nier village
Souvenez-vous de ce que disait la femme de Philippe Y. Que dirait-
on en effet de l'Impératrice? Qu'elle a abandonné le trône de son fils
et le nôtre ; et les alliés aimeraient mieux de tout finir en les condui-
sant prisonniers à Vienne. Je suis surpris que vous ne conceviez pas cela !
Je vois que la peur fait tourner les têtes à Paris.
L'Impératrice et le roi de Rome à Vienne ou entre les mains des
ennemis, vous et ceux qui voudraient se défendre seraient rebelles!...
Quant à mon opinion, je préférerais qu'on égorgeât mon fils plutôt que
de le voir jamais élevé à Vienne comme un prince autrichien, et j'ai assez
bonne opinion de l'Impératrice pour être aussi persuadé qu'elle est de
cet avis, autant qu'une femme et une mère peuvent en être.
Je n'ai jamais vu représenter Andromaque que je n'aie plaint le sort
d'Astyanax survivant à sa maison et que je n'aie regardé comme un
bonheur pour lui de ne pas survivre à son père.
Vous ne connaissez pas la nation française. Le résultat de ce qui se
passerait dans ces grands événements est incalculable.
Quant à Louis, je crois qu'il doit vous suivre (sa dernière lettre me
prouve toujours qu'il a la tête trop faible et vous ferait beaucoup de
mal).
Voici maintenant la lettre du roi Joseph, en date du 7 février 48M
(44 heures du soir), à laquelle répond la lettre précédente. Elle a été
supprimée aux Mémoires,
Paris, le 7 février 1814, à 11 heures du soir.
Sire,
J'ai reçu les deux lettres de V. M. d'hier. J'ai vu et écrit au duc de
Valmy. Il part ce soir pour Meaux. Il m'a communiqué une lettre du
duc de Tarente datée du 6. Il était encore à Epernay et n'avait aucune
nouvelle de V. M. depuis 4 jours. 11 avait abandonné Châlons après s'y
être défendu quelque temps. L'artillerie avait été dirigée sur Meaux.
L'ennemi était entré à Sézanne. L'intendant et les caisses avaient
échappé à l'ennemi.
Voici l'itinéraire exact de la 9« division d'infanterie de l'armée
d'Espagne ^
J'ai envoyé un aide de camp sur la route de Châlons par Vitry.
J'ai chargé le Ministre de la Guerre d'en envoyer un autre sur la route
de (illisible).
Le Ministre de la Guerre me mande qu'il avait fait envoyer ce matin
2,000 fusils à Montereau.
Je lui ai écrit de {deux mots illisibles) ce soir.
J'ai parlé à Louis du projet de le laisser ici. Il me répond par une
1. Pièce annexée.
88 MIÎUNGES ET DOCUMEiTTS.
longue lettre que je prends le parti d'envoyer à V. M. Il me semble que
V. M. m'a dit que les princesses devaient suivre l'Impératrice; s'il en
était autrement, il faudrait qu'elle l'écrive d'une manière positive. Je
fais des vœux pour que le départ de l'Impératrice puisse n'avoir pas
lieu. Nous ne pouvons nous dissimuler que la consternation et le déses-
poir du peuple pourront avoir de terribles et funestes résultats. Je
pense avec toutes les personnes qui peuvent apprécier l'opinion, qu'il
faudrait supporter bien des sacrifices avant d'en venir à cette extrémité.
Les hommes attachés au gouvernement de V. M. craignent que le
départ de l'Impératrice ne livre le peuple de la capitale au désespoir et
ne donne une capitale et un empire aux Bourbons. Tout en manifestant
ces craintes que je vois sur tous les visages, V. M. peut être assurée
que ses ordres seront exécutés pour ma part très fidèlement, dès qu'ils
me seront arrivés.
J'ai parié au général GafTarelli^ pour Fontainebleau, ainsi qu'à M. La
Bouillerie^ pour le million de la guerre et les autres objets.
Je ne sais pas jusqu'à quel point ce que j'ai cru remarquer peut
paraître convenable à V. M. ; mais je puis l'assurer qu'il importe de
faire payer un mois d'appointements aux grands dignitaires, ministres,
conseillers d'État, sénateurs. On m'en a cité plusieurs dans un véri-
table besoin et plusieurs seront bien embarrassés pour partir, si le cas se
présente, et l'on prévoit qu'ils resteront à Paris.
J'ai eu la visite de M. le maréchal Brune que je n'ai pu voir; je ne
doute pas qu'il ne soit venu offrir ses services, je serais bien aise de
connaître les intentions de V. M.
Jérôme est contrarié que V. M. ne se soit pas encore expliquée sur
la demande que j'ai faite pour lui dans deux de mes précédentes lettres.
On m*assure que M. de Lafayette a été un des premiers grenadiers
de la garde nationale qui ait été en faction à l'Hôtel-de- Ville.
Les barrières seront entièrement fortifiées demain et l'on commencera
à y transporter de l'artillerie. Le général Gafifarelli a répondu au duc
de Gonegliano qu'il n'avait pas encore l'autorisation du Maréchal du
Palais à qui il avait écrit {mots illisibles) la garde impériale fournit un
poste de 25 hommes.
P. S. —Je reçois la lettre de V. M. en date d'aujourd'hui de Nogent.
Les dispositions qu'elle prescrit ont déjà été ordonnées et je tiendrai
Y. M. au courant, à mesure de leur exécution.
Après la chute de l'Empire, quelques auteurs de mémoires, des
historiens mêmes, comme M. de Norvins, ont reproché au roi Joseph
son départ de Paris et celui derimpératrice-, ces écrivains ne connais-
saient pas évidenunent la lettre de FËrapereur, du 8 février, et ses
ordres formels. Joseph, pendant son exil, crut devoir réfuter ces
1. Général employé à Paris.
2. Intendant de la liste civile.
^TAPOLfoll ET LE ROI JOSEPH. 89
assertions. Voici une note à cet égard, écrite tout entière de sa
main *.
Il est faux que nul autre que Joseph eût la copie de la lettre de
TËmpereur qui prescrivait le départ (celle du 16 mars 1814). Joseph
resta à Paris d'après la proposition qu'il en fit au Conseil, ainsi que les
Ministres de la Guerre, de la Marine, le premier inspecteur du génie,
afin d'atténuer le mauvais effet que devait produire le départ de l'Im-
pératrice, et pour reconnaître, par eux-mêmes, les forces ennemies qui
marchaient sur Paris et ne quitter la ville, pour rejoindre la régente
sur la Loire, qu'après s'être assurés de l'incontestable supériorité de
l'ennemi. Il est faux que Joseph se soit établi aux Tuileries comme
lieutenant de l'Empereur, il se rendit avec les Ministres qui étaient
restés avec lui en reconnaissance sur la route de Meaux, passa la nuit
au Luxembourg, et le lendemain s'étabUt hors des barrières de Paris
pour être à portée de recevoir les rapports des officiers (jui étaient en
reconnaissance et prévenir l'exaltation qui pouvait être excitée parmi
le peuple par l'arrivée des courriers qui se succédaient à chaque moment.
Lorsqu'il fut bien reconnu et bien évident pour tous que l'empereur de
Russie, le roi de Prusse et le prince de Schwartzemberg étaient à
quelques milles de la ville ; que le maréchal de Marmont commandant
en chef eut déclaré qu'il ne pouvait pas tenir davantage contre des forces
sans nulle proportion avec celles qu'il commandait; que si la nuit
arrivait sans qu'on eût pris un parti, il ne répondait pas de pouvoir
empêcher les ennemis de s'introduire dans la ville , le roi Joseph, de
l'avis des ministres qui se trouvaient avec lui, et pour sauver la capitale
des désastres qui la menaçaient de la part de l'ennemi, approuva la
proposition de capitulation qui lui était faite par le maréchal Marmont
el ne partit que lorsqu'il vit les forces ennemies dans Saint-Denis, et
ses partis prêts à s'emparer des ponts sur la Seine, qu'ils occupèrent
effectivement peu de temps après son passage et celui des membres du
Conseil qui, ayant satisfait à leur mandat, allaient rejoindre la régente
sur la Loire où elle devait se rendre en exécution des ordres de
TEmpereur.
En 48U se termine le rôle politique de Joseph. Retiré à Frangins,
en Suisse, sur les bords du lac de Genève, pendant le séjour de Napo-
léon à Tile d'Elbe, il ftit assez heureux pour pouvoir le faire prévenir
que deux misérables avaient juré de Tassassiner. L'un de ces hommes
fUt arrêté, en effet, à son débarquement dans l'Ile.
Lorsque TEmpereur revint en France, en mars 48^5, son frère,
prévenu, accourut et put le rejoindre à Paris. Après Waterloo, il
raccompagna à Rochefort, essaya vainement d'obtenir de lui de
prendre sa place à Tile d'Aix pendant que lui-même. Napoléon, passe-
rait en Amérique. L'Empereur refusa et voulut se confier aux Anglais,
les considérant comme de nobles et loyaux ennemis. Joseph, plus sage
90 MELANGES ET DOCUMENTS.
et plus heureux, putgagner New- York etse fixa, l'hiver à Philadelphie,
rété sur les bords de la Delaware dans une belle propriété noramée
Pointe-Breeze qu'il acheta.
On a vu quelles étaient les intentions de Joseph en quittant l'Es-
pagne (lettre du <" juillet < 8< 3 à la reine Julie) relativement à Targen-
terie et aux quelques valeurs que son trésorier, M. Thibault, avait
pu sauver, et qui étaient parvenues à Bayonne. Cependant, par la
suite, des ministres espagnols ne craignirent pas d'accuser le Roi
d'avoir détourné à son profit les diamants de la couronne.
Voici la vérité sur ce fait :
Joseph avait, comme roi d'Espagne, une liste civile d'un million
par mois. Il devait toucher 500,000 fr. de l'Empereur et 500,000 fr.
du trésor espagnol. La plupart du temps, Napoléon ne payait pas son
frère ; en outre, le trésor d'Espagne étant obéré n'avait pas d'argent
pour payer les 500,000 fr. mensuels. Dans ce cas, le ministre des
Finances faisait estimer, par des experts du pays, des diamants pour
la dite somme, et les remettait aux mains de Joseph. Ces diamants
lui appartenaient donc bien légitimement, et l'on a vu par sa corres-
pondance avec sa femme dans quel état de dénuement le malheureux
prince était revenu en France. On a vu qu'il n'avait pas hésité à
emprunter à son beau-frère. Marins Clary, pour pouvoir donner de
l'argent aux serviteurs qui Pavaient accompagné sur la terre de
France et leur permettre de se rapatrier ; on a vu même qu'il n'avait
pas voulu détourner, à son profit, une obole de l'argent provenant
de la vente de l'argenterie de la couronne, ce qu'il eût pu faire au
lieu d'emprunter pour les Espagnols qui l'avaient suivi. L'accusation
portée contre lui tombe donc d'elle-même. D'ailleurs une partie de
ces diamants, en vertu de l'article XI du traité de Bayonne, avait été
emportée par Ferdinand, ainsi que nous l'avons dit plus haut.
L'Empereur Napoléon P% pendant les années prospères de son
règne, alors qu'il était l'arbitre des destinées de l'Europe, avait reçu
des souverains des lettres auxquelles il attachait une grande impor-
tance. Il fit faire, dans son cabinet, deux copies de ces 250 à 300 docu-
ments précieux et déposa les originaux aux mains du duc de Bassano,
secrétaire d'État au département des Affaires étrangères.
En <8^5, après Waterloo, avant de quitter l'Elysée pour se rendre
à la Malmaison, il dit à son frère Joseph, lequel demeurait alors rue
du Faubourg-Sain t-Honoré, 33 (aujourd'hui ambassade d'Angleterre),
qu'il venait d'envoyer à son hôtel une copie authentique des lettres
que les divers souverains lui avaient adressées pendant le temps de
sa prospérité, qu'il le priait de la conserver précieusement. Joseph lui
ayant fait observer qu'il aimerait mieux avoir les originaux : « Non,
NlP0li05 ET LE ROI JOSEPH. 94
r^lXMidit Napoléon, cela ne vous regarde pas, c'est Tailkire de Maret
(duc de Bassauo), c'est son droit, il sait ce qu'il doit en foire. »
Dé retour à son bôtd, le roi Joseph trouva en effet les copies dans
son cabinet. Le Prince, se rendant à la Malmaison pour faire ses
adieux à son frère, chargea son secrétaire, M. de Presle, de diviser
ses propres papiers, de les mettre avec ces copies de lettres des sou-
verains dans des malles au milieu d'effets, et de les envoyer chez des
personnes où ces documents seraient en sûreté et pourraient échapper
aux recherches de la police.
Joseph se rendit à Cherbourg, vit son frère à l'Ile d'Aix, partit
pour New- York, se flxa sur les bords delà Delaware, et ne s'occupa
plus de ces papiers. En 4848, Napoléon lui fit dire de Sainte-Hélène,
par le docteur (ySiéara, de publier sa correspondance avec les souve-
rains, comme étant la meilleure réponse aux calomnies que l'on
répandait sur lui et le meilleur moyen d'établir, à l'aide de documents
historiques incontestables, le parallèle entre sa conduite et celle des
souverains alliés.
Joseph écrivit à son secrétaire, M. de Presle, alors en Europe, de
lui expédier les dix caisses dans lesquelles ses papiers avaient été
placés. Les caisses arrivèrent en Amérique, mais le Hoi y chercha
vainement la copie des lettres des souverains. M. de Presle déclara
qu'il n'avait plus retrouvé ces copies dans la boite où il les avait
cachées, bien que la clef ne Teût pas quitté. Joseph écrivit en Europe,
Ot démarches sur démarches, aucune n'aboutit.
Slaintenant, essayons de suivre la route qu'ont prise les originaux
et les copies de ces lettres des souverains :
4^ Les originaux f laissés aux mains du duc de Bassano.
Le duc de Bassano partant pour l'exil, en 4 84 5, fit enfermer ces
papiers (a-t-il déclaré) dans des caisses en fer-blanc qu'il fit cacher
dans un château vendu depuis. De retour de l'exil, le duc ne retrouva
plus l'endroit où les boites avaient été enfouies par son jardinier. Ce
jardinier lui-même était mort.
U n'en est pas moins positif que ces documents furent en tout ou
en partie vendus en Angleterre en 4 822, à Londres, chez le libraire
Murray. Les lettres de l'empereur de Russie furent cédées à l'ambas-
sadeur, M. de Liéven, pour la somme de 250,000 fr. Ces lettres
avaient été offertes d'abord au gouvernement anglais qui avait refusé
d'en Eure l'acquisition. On trouvera jointes ici plusieurs lettres et
notes relatives à ces originaux.
2* Celle des deux copies qui fût emportée par l'empereur Napo-
léon I*' lui fut volée à Cherbourg avec une caisse d'argenterie, sans
que Ton ait Jamais pu découvrir l'auteur du vol.
92 MELANGES ET DOCUMENTS.
3" La seconde copie, celle qui fut envoyée au roi Joseph, placée au
milieu de bardes et effets, dans une des dix caisses où H. de Presle
avait caché les papiers du roi, subit le sort suivant :
Les dix caisses furent envoyées d*abord de Phôtel Joseph, les unes
chez le nommé Legendre, valet de chambre dévoué, alors à Villiers-
sur-Marne -, d'autres, chez M. Madaud, buraliste de loterie, rue Saint>-
André-des-Arts, et beau-frère de M. Bouchard, un des secrétaires du
roi Joseph ; d'autres encore chez différentes personnes, parmi lesquelles
la comtesse de Magnitaut. Les dépositaires de ces papiers ne tardèrent
pas, craignant de se compromettre, à demander qu'on les leur retirât;
on les fit porter à Thôtel de la reine de Suède, rue d'Anjou-Sainl>-
Honoré, 28. C'est de là que M. de Presle les expédia à Joseph, en
Amérique.
Les caisses des papiers du roi, parmi lesquelles se trouvait celle
renfermant la copie des lettres des souverains, ont donc été trans-
portées de l'hôtel Joseph chez divers, de chez ces diverses personnes
à r hôtel de la reine de Suède. C'est évidemment dans Tun de ces
deux transbordements que ces copies précieuses pour l'histoire auront
été soustraites.
On avait perdu en quelque sorte le souvenir de cette affaire qui
avait fait un certain bruit dans le principe, lorsqu'on 4855, un des
principaux libraires-éditeurs de Paris proposa à un auteur qui s'oc-
cupait de l'histoire du premier Empire de demander au gouverne-
ment de Napoléon III d'acquérir, moyennant une somme assez
forte, la copie authentique de 4 50 lettres écrites par des souverains
à Napoléon I«f.
L'éditeur dit à la personne qu'il avait choisie comme intermédiaire
dans cette affaire qu'il ne connaissait pas le possesseur de ces lettres,
qu'on en voulait 500,000 francs, qu'elles étaient cachées en France.
La personne à qui l'éditeur s'adressa, craignant qu'on crût qu'elle
avait un intérêt dans cette spéculation, ne voulut faire aucune
démarche.
Toutefois on peut conclure de ce qui précède :
r Que les originaux ont été vendus et probablement détruits par
les intéressés.
2** Que des deux copies volées, l'une existe encore.
Après avoir reçu la lettre par laquelle O'Méara lui faisait connaître
le désir de l'Empereur qu'on publiât les lettres des souverains, le roi
Joseph- répondit au docteur :
Philadelphie, le !•' mai 1820.
Monsieur,
J'ai reçu la lettre que vous avez bien voulu m'écrire le !•' mars. Je
XlPOlio?! BT LB 101 JOSKPH. 93
Toas prie de vouloir bien faire vos efforts pour faire parvenir les deux
incluses, dont Tune pour TEmpereur, et Tautre pour madame de Mon-
tholon, je suis bien fâché des retards qu>Ue éprouve à ^tro payée, je
lui écris à ce sujet ainsi qu'à r£mpereur.
Je n*ai pas reçu à Rochefort les lettres dont vous me i^arlez et dont
le comte de Las Cases a aussi parlé à ma femme, j'écris à ce sujet pour
savoir à qui ces lettres ont été remises et par qui, malheureusement, je
ne les ai pas reçues, je regretterais vivement leur perte. L'ouvrage que
vous avez publié a ici un succès prodigieux. J ai perdu aussi, par Tin-
cendie de ma maison, arrivé le 4 janvier, beaucoup de papiers. Ia^»
lettres dont vous me parlez eussent aussi été perdues, mais heurtni-
sement elles ne m'avaient pas été remises, j'ai fait, dans cette circons-
tance, d'autres pertes bien sensibles qui me forcent à me ra))))eler que
j'en ai faites de plus grandes pous n'en avoir pas trop de regrets.
Veuillez agréer. Monsieur, mon sincère attachement et ma reconnais-
sance.
Votre affectionné,
Joseph de Survillieks.
P. S. — N'ayant aucun rapport personnel avec la reine d'Angleterre,
une lettre de moi me paraîtrait moins convenable que de la part do
mon frère Lucien ou de la reine de Naples qui ont eu occasion de la
connaître personnellement.
Voici maintenant quelques documents relatifs aux lettres des sou-
verains, et d*abord une note tout entière de la main du roi Joseph
envoyée à M. Francis Lieber, littérateur et professeur à Boston :
Pointe-Breeze, le 28 mai 1822.
Je recois votre lettre du 24 mai. Je la trouve ici à mon retour d'un
petit voyage. Je n'ai pas le temps de retrouver ces lettres qui constatent
les dates précises, mais vous pouvez être certain du souvenir que ma
mémoire me fournit, encore très présent.
En 1815, avant son départ do Paris, Napoléon avait anntmcé à son
frère Joseph que, parmi quelques papiers, renfermés dans une caisse
qu'il lui enverrait, se trouverait une copie des lettres qui lui avaient
été adressées par les divers souverains. Il avait fait faire cette copie par
précaution, l'original restant aux archives. Quelques années après, le
docteur O'Méara, de retour de Sainte-Hélène, lui lit dire que le désir
de l'Empereur était que celte correspondance fût publiée, comme étant
la meilleure réponse à toutes les calomnies dont il éUiit l'objot. Mais
elle ne fut trouvée dans aucune des dix caisses arrivées aux I^Uats-Unis,
dans lesquelles on avait réparti les papiers contenus dans la première
caisse, en les cachant parmi des livres et des bardes, afin de les sous-
traire aux investigations de la police de Paris. A la même époque, la
maison do Joseph, aux États-Unis, fut la proie des flammes. L'original
94 MELANGES ET DOCUMBIH'S.
de la correspondance fut vendu pour trente mille livres sterling i
Londres. Elle avait été déposée chez un libraire de cette ville, M. Murray.
Ceux qui ont dit que Napoléon avait remis cette correspondance à
Joseph, à Rochefort, sont dans l'erreur. Joseph n'a rien reçu de Napo-
léon à Rochefort, ni à l'ile d'Aix où il fut le trouver.
Il ne reste d'espérance que dans la double infidélité de ceux qui, ayant
livré Toriginal à des gens intéressés à les détruire, auraient pu en
garder copie, ou bien dans la découverte de la copie annoncée par
Napoléon à Joseph avant son départ de Paris, en 1815. S'il en arrive
autrement, ce sera une perte de plus que les écrivains consciencieux
auront à déplorer.
Voici maintenant une autre note extraite du Journal du roi Joseph :
Extrait des notes d'un Américain sur le Commentaire de I^apoléon^
par M. le comte de Bonacosci, qu'il avait adressées à celui-ci lorsque
cet ouvrage parut, et qu'il a depuis adressées à H. le major Lee,
auteur de Thistoire de Napoléon (en décembre \ 834) :
L'auteur, Bonacosci, est dans la même erreur que M. de Norvins.
Les originaux autographes des lettres des souverains à Napoléon n'ont
pas été remis au roi Joseph. L'empereur Napoléon dit au prince
peu de jours avant son départ : a Par précaution, j'ai fait faire une
copie des lettres des souverains de l'Europe, qui seules peuvent répondre
à toutes les calomnies dont ils se servent aujourd'hui contre moi.
Maret conserve les originaux, et c'est son droit, conservez ces copies à
tout événement. » C'est à Paris et non à Rochefort que cette conversa-
tion et la remise de ces titres ont eu lieu. Joseph, en recevant en Amé-
rique la caisse dans laquelle devait se trouver cette copie, l'a cherchée
inutilement. Napoléon lui a fait dire par O'Méara, au retour de celui-ci
en Europe, de faire publier ces lettres, comme seule et unique réponse
à ce débordement d'injures dont on assiégeait alors le captif de Sainte-
Hélène. Toutes les recherches ont été infructueuses; les lettres ont-elles
été dérobées par les dépositaires ou les détenteurs momentanés de la
caisse où elles étaient ? Je l'ignore, mais toujours est-il constant que ce
ne sont pas celles qui ont été vendues à Londres, puisque ce n'étaient
que des copies et que l'on assure que ce furent les lettres autographes
qui furent vendues à Londres trente mille livres sterling ; elles ont été
offertes, par un inconnu venant de Suisse, à M. Murray, imprimeur
des plus célèbres de Londres, demeurant Albermale Street, pour trente
mille livres sterling. Le gouvernement anglais n'en voulut pas. Ce fut
le ministre de Russie qui acheta celles qui pouvaient intéresser la
Russie.
Joseph, en quittant son frère à l'ile d'Aix pour aller attendre à Royan
la nouvelle du passage sans obstacle de Napoléon à travers l'armée
anglaise, avant de s'embarquer pour les États-Unis, où ils devaient se
retrouver, ne reçut ni lettres, ni paquets d'aucune sorte ; des quatre
!IAPOliO!l ET LB 101 JOSKPH. 95
personnes qui l'accompagnaient dans la chaloupe dans laquelle il fît le
timjet jnsqn a Rochefort, trois vivent encore et leur mémoire est d'accord
avBC celle de Joseph sur cette circonstance importante. Si Napoléon a
eu l'intention de confier à son frère Joseph des objets dont d'autres se
seraient emparés au moment de son départ de Vile d*Aix, Joseph ne
peut ni rassurer, ni le nier, mais ce qui est bien certain, c'est que mal-
heureusement les originaux en question ne lui furent pas remis, pas
plus que nulle autre chose, dans cette circonstance.
En 4837, le roi Joseph se trouvant en Angleterre, à Londres, et
ayant eu connaissance par le docteur O'Méara de la vente à la Russie
d'une partie de la correspondance des souverains, par le libraire
Murray, fît des démarches pour s'assurer du foit. Il écrivit à un
H. Charles Philipps très lié avec Téditeur Ridgway. L'éditeur vit
IL Murray et répondit la lettre ci-dessous à M. Philipps.
Piccadilly, 4 mars 1837.
Mon cher Monsieur,
D'après votre désir j'ai été voir M. Murray, Téminent éditeur, dans
Albermale Street, relativement à la correspondance originale de plusieurs
souverains d'Europe avec l'empereur Napoléon pendant son règne. Il
me dit que vers Tannée 1822, les lettres originales des différents souve-
rains de l'Europe adressées à Napoléon pendant Tempire lui furent
offertes pour vendre; il refusa l'offre parce que quelques-uns de ses
conseillers et amis doutaient de leur authenticité (le duc de Wellington
fut un de ceux qui mettaient en question leur originalité), doutes qui à
présent ne paraissent pas avoir de fondation, et M. Murray regrette
amèrement son refus fondé sur ces doutes.
M. Murray dit encore que les lettres lui furent présentées comme
ayant été gardées par les soins d'un maréchal de France, mais dont il
avait oublié le nom, et en lui nommant le duc de Bassano, il dit : « c'est
cela! »
Les lettres écrites par l'empereur de Russie ont été, à la suggestion
de M. Murray, offertes pour vendre au prince de Lieven qui a payé dix
mille livres sterling pour cette portion de la correspondance.
A vous bien sincèrement.
Signé : J. L. Ridqway.
M. Philipps écrivit alors à un serviteur dévoué du roi Joseph,
Louis HaiUard :
49, Glanvery Lane, Samedi.
Mon cher Monsieur,
J'ai été si occupé durant cette semaine depuis mon retour, que je
n'ai pas eu le temps de faire mes respects à M. le Comte < comme
I. Joseph, comte de Survilllers.
96 M^LiffCBS ET DOCOMBIfTS.
je le désirais beaucoup. M. Ridgway, comme vous le verrez par
l'incluse, a fait quelque chose pour nous pendant mon absence.
M. Murray est un homme impraticable, il a refusé de donner par écrit
ce que cependant, heureusement pour nous, il avait dit verbalement
avant que ne s'élèvent ses scrupules.
M. Ridg^ay est un homme fort respectable, il est prêt à tout moment
d'avouer ce que M, Murray lui a dit et ce que je vous envoie écrit de
sa main. M. Ridgway se trouve donc dans cette affaire dans la môme
position qu'aurait été notre pauvre O'Méara s'il vivait encore.
Je tâcherai par le moyen d'un ami de savoir ce que le duc de Wel-
lington sait sur ce sujet, et je ne doute pas que s'il peut donner des
informations, je puisse les obtenir.
Il paraît assez clair que le comte avait raison dans ses conjectures et
que le maréchal Maret était la personne qui autorisait la vente de la
correspondance.
Avec mes compliments respectueux à M. le Comte.
A vous sincèrement.
C. PmLipps.
Enfin, en 4850, M. Louis Maillard, Texécuteur testamentaire de
Joseph, consulté par M. Ingerstoll, ami du roi, sur la question de la
correspondance des souverains, lui répondit le 29 avril, de Doyles-
town (Amérique), où il se trouvait encore pour la liquidation de la
succession de l'ancien roi.
J'ai votre lettre du 25, je ne puis mieux y répondre qu'en vous réci-
tant ce que j'ai entendu dire à M. le comte de Survilliers (Joseph) lui-
môme à diverses fois.
En 1815, la veille de quitter le palais de l'Elysée pour aller à la
Malmaison, l'Empereur me dit qu'il avait envoyé chez moi, rue du
Faubourg-Saint-Honoré, où je demeurais alors, les copies des lettres
des souverains alliés pour que je les conserve de mon mieux; que les
originaux seraient gardés et soignés par le secrétaire d'État, duc de
Bassano; je trouvai effectivement ces copies dans mon cabinet de tra-
vail et les y laissai avec mes papiers; quelques jours après, lorsque je
fus forcé de quitter Paris pour suivre l'Empereur à Rochefort, je recom-
mandai à ma femme et à mon secrétaire, M. de Presle, de ramasser
tous mes papiers, de les fermer dans des malles et de les envoyer chez
diverses personnes sûres, de connaissance, afin de les sauver des mains
de nos ennemis qui allaient entrer dans Paris; mes ordres furent
exécutés; mais, peu de temps après mon départ, les amis chez lesquels
étaient déposées les malles , craignant les recherches chez eux par la
police des Bourbons, prièrent ma femme de faire reprendre ces malles*
elles furent portées alors à l'hôtel de la Princesse royale de Suède où
elles étaient plus en sûreté. Plus tard, lorsque mon frère, l'Empereur,
irrité du cruel traitement qu'il éprouvait à Sainte-Hélène, me fit écrire
!flP0li05 ET LK ROI lOSBPH. 97
de publier les lettres des souverains, j'écrivis à M. de Presle, à Paris,
de mVnvoyer, aux États-Unis, par diverses voies, les malles d'effets et
papiers m'appartenant, ce qu'il lit de son mieux, mais je ne trouvai
point dans les malles envoyées les copies que je désirais! Depuis je fis
faire des recherches, toutes furent inutiles, on m'a dit que TEmpereur
avait confié à une autre personne une seconde copie des lettres, mais je
ne puis l'affirmer ; quant aux lettres originales, si ce que j ai appris à
Londres est vrai, elles ont été vendues; la Russie aurait payé les
siennes dix mille livres sterling par son ambassadeur Lieven, et c'est
M. le' libraire Murray d'Albermale Street qui était chargé de cette
négociation dont il a parlé à diverses personnes qui me l'ont rapporté
fidèlement.
Voici, Monsieur, ce que je puis vous dire de plus positif sur cette
affaire. M. Menne>'al se trompe, car M. de Presle, que j*ai vu souvent à
Londres, Paris et Florence, m'a toujours dit qu'il n'avait trouvé ni
envoyé les copies des lettres des souverains, que plusieurs malles
avaient été ouvertes, ainsi qu'il croyait, etc.
Pour terminer cette notice relative aux lettres des souverains étran-
gers, nous dirons en deux mots que l'éditeur chargé de fhire vendre
la copie dont il est ici question, étant parvenu à en foire parler à
Napoléon III, ce dernier voulut le recevoir ainsi qu'un membre de la
oonunission de Touvrage intitulé La correspondance de Napoléon f*^
Néanmoins ce souverain ne put causer avec ces deux personnes qui,
venues à trois reprises différentes, furent éconduites chaque fois sans
être admises, tant l'Empereur était tenu en chartre privée par son
entourage. Il y a plus, Sa Majesté ayant prescrit que le membre de
la commission fût prévenu qu'il était libre de s'arranger comme bon
lui semblerait pour l'acquisition des lettres, Jamais cette autorisation
de Napoléon III ne lui fut connue et il ne sut à quoi s'en tenir
qu'après la mise en vente de l'ouvrage : La Correspondance , lorsqu'il
vit l'Empereur à cette occasion.
n ne nous reste plus qu'à fkire connaître encore quelques lettres
du roi Joseph se rattachant à divers sujets.
Nous avons dit que l'ex-roi de Naples et d'Espagne avait été assez
heureux, à la suite des événements de 4845, pour trouver un
reftige en Amérique. Les autres frères de Napoléon I" étaient exilés
hors de France, dans les États de l'Europe, poursuivis partout par la
haine des souverains alliés. Jérôme, rejeté tantôt dans les États
autrichiens, tantôt en Italie, resta plusieurs années sans donner
signe de vie à l'ainé de ses frères. En 4848, Joseph lui écrivit des
États-Unis d'Amérique, le 40 Juillet :
Mon cher Jérôme, je n'ai jamais eu de tes lettres depuis notre sépa-
RbV. UiSTOR. XI. [•' FASC. 7
98 M<L1N6B8 BT OOGOMBIITS.
ration, j'ai fini par penser que tu avais vu dans ma conduite quelque
chose qui avait dû te déplaire. Je l'ai mandé à Julie qui m'assure du
contraire. Peut-être as-tu été gôné dans ta correspondance avec moi.
Quelles que soient les raisons de ton silence, je t'écris pour Rengager à
le rompre, bien convaincu, comme je le suis, que tu ne peux pas douter
de la tendresse de mon amitié pour toi. Je n'ai pas vu ici ton ancienne
amie et son fils, je n'ai pas cru devoir aller à leur rencontre dans la
position étrange où je me suis trouvé. J'ai pensé que, dans l'adversité,
il vaut mieux manquer par trop de susceptibilité que par trop d'aban-
don. Mande-moi ce que tu aurais désiré que j'eusse fait, ce que tu
désires que je fasse. Je pense que l'arrivé de Zénaïde changera ma
position si dans l'abandon où Julie va se trouver après le départ de sa
fille ai née, elle suit le conseil que je lui donne de se rapprodier de
Vienne, je te la recommande, mon cher frère, ainsi qu'à ta femme,
dont elle ne cesse de m'écrire tout le bien que l'on en dit. Les litres à
son père ont été répétées dans tous les journaux. Elles sont dans la
mémoire de toutes les mères et de toutes les épouses. Je le prie de lui
dire combien, en mon particulier, je serais heureux d'apprendre qu'elle
trouve quelque bonheur dans l'approbation d'elle-même. Mille caresses
à ton enfant, ne doutez jamais de ma tendre amitié.
En 4 822, le 2 mars, 4 0 mars et 24 avril, Joseph écrivit à la reine
Julie, de Pointe-Breeze, sa résidence d'été :
Ma chère Julie, je t'ai écrit il y a quelques jours en te témoignant
mes inquiétudes sur le silence de Lucien* et le vôtre au sujet du
mariage de Zénaïde.
Écris à Désirée^ qu'elle se déshonore à jamais si elle reste plus
longtemps à Paris, sa place est auprès de son mari; a-t-elle oublié
qu'elle est reine de Suède? C'est aussi ton devoir de lui écrire ce qui
est. C'est dur, mais c'est la vérité.
Ma chère Julie, l'occasion étant retardée, j'ai le temps de fécrire
encore deux mots : j'ai reçu une lettre du cardinal du 29 octobre. H me
dit que lui et Maman pensent que le mariage du fils de Louis serait
possible si nous voulions que celle de nos filles qui l'épouserait reste
avec mon frère Louis.
{• Si Zénaïde épouse Charles, il faut marier Lolotte avec le fils de
1. Locîai iTait plusieurs enfuis. L'itné, Charles, prmce de Caaiao, détail
épooser Zénaïde, fiUe du roi Joseph. Le mariage eut lien en effet D enl on fis,
le prince Joseph de Mnsîgnano, mort sons le second empire et de qui rantenr
des Mémoires du roi Joseph tieni les documents i Takle dcsiiaels fl a fidi son
onvrage. Le prince de Canino rendu la princetse léniidf sa feàsHe lért MalM»-
rense. Osl loi qui a joué on triste r6le sons la ConsUlaante wiif, lors dt
Fassassinal du comte Rosai. Il est mort en 1857.
2. Désirée, femme de Bemadolte, était la scenr de la reine Jnlie.
NlPOLion ET LB EOI lOSBPH.
Loais, par procnration, si on ne peut autrement. Dans ce cas je vous
|ittends bientôt.
V 8i le mariage de Charles manque, il fkot que Zénaïd^ épouse le
fils de Louis ^ et que, si cela est indispensable, elle reste avec eux quelque
temps; dans ce cas, Lolotte épouserait celui des deux fils de Murât
que tu choisirais pour son caractère.
Ma chère amie, le général Lallemand te remettra cette lettre. Je te le
recommande. Il a passé ici quelques jours avec le fils de Jérôme'. Pau-
line n'a pas conservé les mêmes dispositions bienveillantes pour lui.
Maman me le recommande et compte faire quelque chose pour lui. Je
compte toujours sur le mariage du fils de Louis pour Charlotte et sur
celui du fils de Lucien pour Zénaïde.
Le prince Charles de Ganino et sa femme vinrent, après leur
mariage, voir le roi Joseph en Amérique et restèrent quelque temps
auprès de lui. La santé délicate de la reine Julie ne lui permit pas de
suivre ses enfants. En 4826, des démarches furent ikites auprès du
roi de France pour le retour en Europe de Joseph, par le général
Belliard, auquel le baron de Damas écrivit le U août :
Le baron do Damas a Thonneur de prévenir M. le comte Belliard que,
diaprés la demande qu'il lui a adressée dans sa lettre du 3 de ce mois,
il vient, après avoir pris les ordres du roi, d'autoriser le Ministre de Sa
Majesté à Washington à comprendre M. et M™« Charles de Canino sur
le passeport de M. Je comte de Survilliers, qui pourra débarquer à
Anvers ou à Ostende.
Le baron de Damas saisit avec empressement cette occasion de faire
agréer à M. le comte Belliard les assurances de sa haute considération.
En apprenant en Amérique que le gouvernement des Bourbons ne
mettait pas d'obstacle à son retour en Europe, Joseph écrivit le
29 septembre 4826 à Madame de Villeneuve^ :
Ma chère belle-sœur.
Je reçois votre lettre du 5 août; je n'ai jamais eu Tintention d'aller à
Bruxelles; si l'on m'avait accordé de bonne grâce le séjour de la Tos-
cane, j'aurais été volontiers y faire une visite à ma mère, avec l'espoir
de ramener ma femme en Amérique où je suis trop bien pour ne pas
désirer d'en faire partager le séjour à Julie.
Je suis toujours bien reconnaissant, ma chère belle-sœur, des preuves
sans cesse renaissantes de votre tendre amitié; Désirée et son mari
1. Le firère aîné de Napoléon 111, mort dans l' insurrection des Romaines,
«11831.
2. M. Paterson, qui ?int en France, sous le second Empire, avec son fils, aujoor-
dlioi officier dans l'armée française.
3. Une demoiselle Clary.
400 M<LÂIf6BS ET DOCUMKTTS.
sont aussi très excellents pour moi ; les bons consolent ainsi des indif-
férents.
Pendant son exil en Amérique, le roi Joseph avait pris Thabitude
de mettre en note, dans une sorte de journal quotidien, tout ce qui
se passait autour de lui, et lui était personnel. Nous trouvons dans
ce journal quelques mots relatifs à un honune, M. de Persigny, qui,
ministre et créé duc par Napoléon III, a marqué sous le second
Empire. Voici les notes de Joseph, que M. Fialin de Persigny était
venu trouver à Londres, en avril 4835, pour le déterminer à entrer
dans une sorte de complot bonapartiste :
M. le vicomte de Persigny, me d'Artois, n® 48, à Paris, et à Londres
à Grillion, hôtel Albennale Street, arrive avec un billet de M. Presle à
M. Maillard; il est l'auteur du u» 1 de VOccident français, il est &gé de
26 ans et parait plus jeune encore; il montra un excessif enthousiasme
pour la mémoire de l'Empereur et même pour le nom de sa famille,
dans l'entretien d'une demi-heure que j'ai eu avec lui avant le diner.
Je me retirai de bonne heure ; il causa jusqu'à deux heures du matin
avec MM. Sari, Thibaud, etc.
5 Avril dimanche. Je descends à déjeuner, j'ai un long entretien avec
M. de Persigny, il parait plein d'ardeur, il est partisan le plus absolu
du caractère et des desseins de l'Empereur, il a pleuré comme un
enfant en voyant son écriture ; il s'exprime facilement et avec talent,
cependant il ne m'est adressé par personne que je connaisse, il se dit
de Roanne sur la Loire, sa famille tient aux Bourbons dont il a
entièrement abandonné la cause.
6 Avril. Je vais à Londres, j'y mène M. de Persigny, je descends avec
Maillard chez le docteur O'Méara.
19 Avril, jour de Pâques. M. le vicomte de Persigny me parle encore
de ses projets, je lui en fais sentir l'inopportunité actuelle ; il me remet
un écrit que je ne lis qu'à ma rentrée dans ma chambre. Je promène
avec lui. Sari et Maillard.
20. Je fais prendre copie de l'écrit sans signature, je rends l'original
à M. de Persigny en lui répétant les mômes choses, je conviens de
l'avantage national du but, mais je ne partage pas ses opinions sur
l'efficacité des moyens, ainsi je l'engage à ne pas se compromettre sans
espérance raisonnable ; ses projets ne m'en présentent aucune.
28. M. le vicomte de Persigny est à la maison, je refuse de recevoir
l'ami qui lui est arrivé de Paris, je lui déclare que je n*entends pas me
prêter à l'exécution de ses projets, à laquelle je répugne invinciblement;
tout pour le devoir, rien pour mon ambition, je n'en ai pas d'autre que
celle de contribuer au bonheur de la France, si elle m'offre une chance
de la servir, mais jamais rien par une minorité factieuse ; il dine et
couche à la maison.
29. M. de Persigny part après déjeuner, je lui répète longuement les
mômes choses.
• • •
NiPOLfoN ET LE ROI JOSEPH. 404
Joseph était encore à Londres, en 4833, lorsque son neveu Louis-
Napoléon, le futur empereur Napoléon III, lui envoya un petit
ouvrage qu'il venait de faire paraître ^ Tex-roi lui écrivit à ce sujet,
le 20 septembre :
Mon cher neveu, j'ai reçu avec ta lettre tes Considérations sur la
Suisse. Je les ai lues avec un double intérêt. Je regrette que tu ne
puisses pas honorablement employer tes talents et ton application à
l'étude, au service de la patrie. Charlotte est beaucoup mieux depuis
notre séjour à la campagne. Je me trouve par accident en ville aujour-
d'hui.
Je te prie de me rappeler au bon souvenir de ta maman et de me
croire bien tendrement
Ton afifectionné oncle,
Joseph.
Enfln, dans les premiers mois de 4 844 , Joseph put quitter Londres
pour habiter la Toscane. Il écrivit à ce sujet au général duc de Padoue,
son cousin, le 8 mars :
Mon cher Ck)usin,
Je vous confirme ma lettre du 3 de ce mois. Je pense que vous avez
vu la duchesse de Grès, à laquelle j'écris aussi dans le même sens. Le
jeune Maillard vous dira de ma part que ma demande se borne à ce que
l'on ne mette pas d'obstacle à mon séjour en Toscane ou en Sardaigne
et qu'on légalise le passeport autrichien que vous avez obtenu pour moi
Tannée passée, avec lequel je pourrai me rendre en Italie par le Rhin
et la Suisse.
Renvoyez-moi donc Adolphe^ avec le passeport en règle aussitôt que
vous le pourrez, il vous donnera des nouvelles plus en détail.
Agréez ma vieille et constante amitié.
Votre affectionné cousin.
M. Guizot, alors ministre des affaires étrangères, auquel la nièce
du roi Joseph par sa fenune, la maréchale Suchet, duchesse d'AIbu-
fera, s*était adressée pour que le roi Louis-Philippe fût sollicité afln
de permettre au comte de SurviUiers (Joseph) de se rendre en Italie,
écrivit le 9 avril 4844 :
Madame la Maréchale,
Le Roi ne fait pas la moindre objection à ce que M. le comte de Sur-
villiers vienne vivre à Gênes ou I^Florence; vous en êtes probablement
déjà informée, mais je me donne le plaisir de vous le dire moi-même.
1. RU de Loois Maillard.
402 MiUNGBS ET DOdUnilTS.
A cette lettre était jointe la note d-dessous :
Note :
Le gouvernement non-seulement donne son adhésion à ce que M. le
comte de Survilliers vienne s'établir à Gônes, mais encore il exprime le
désir que toute facilité lui soit donnée dans cette circonstance. Cest
dans ce sens qu'il a répondu à M. Tambassadeur de Sardaigne et qu'il
a expédié, il y a trois jours, ses instructions à son propre ambassadeur
prés de 8a Majesté sarde.
£n octobre dernier, le gouvernement français a fkit exprimer au gou-
vernement du grand-duc de Toscane les mêmes dispositions de sa part
à regard du comte de Survilliers, qui demandait à résider à Florence ;
ces dispositions, il les maintient et les renouvellera même au besoin si
le gouvernement toscan l'exigeait. Il est vrai que le gouvernement
napolitain, s'appuyant sur des dispositions des traités de 1815, prétend
que lorsqu'il s'agit de la famille Bonaparte, il faut le concours simul-
tané des quatre puissances ; qu'aucune d'elles ne peut agir isolément ;
mais la France se regarde, depuis 1830, affranchie de l'obligation de
cet accord commun ; elle croit pouvoir agir seule, librement'et comme
il lui plaît, et elle l'a constamment fait depuis cette époque.
On croit que M. le comte de Survilliers, établi à Gônes, pourra faci-
lement négocier pour venir ensuite à Florence; que l'Autriche prêtera
aisément son intervention pour aplanir les difficultés que Naples oppose
encore.
Nous terminons id ce qui a trait au frère aine de l'Empereur, dont
la vie politique avait cessé depuis 1846. L'ex-roi mourut à Florence,
en 1843, après avoir fkit honunage à la France, pour être placés sur
le tombeau de Napoléon I*, des insignes et des armes du grand
homme qui lui étaient échus en partage. Il avait nommé pour un de
ses exécuteurs testamentaires M. Maillard (Louis) qui méritait toute
sa conflanoe et qui ne Tavait pas quitté depuis 1808.
Le roi Joseph avait 76 ans lorsqu'il s'éteignit, entouré de sa bmille
et de qudques serviteurs fidèles et dévoués.
Deux années avant sa mort, le roi Joseph éprouva un vif chagrin.
U avait pour son neveu, le prince Louis Napoléon, fils de Tex-roi de
Hollande, une grande affection. Lorsqu'il apprit à Florence que oe
jeune homme avait fait la tentative de Strasbourg, il le désapprouva
hautement. Son père agit de même. La première chose que fit le futur
empereur Napoléon lU, en arrivant en Amérique, Ait d'écrire une
longue lettre à son oncle Joseph pour lequel il avait une grande véné-
ration. Cette lettre étant venue aux mains de l'auteur des Mémoire$
du roi Joseph^ avec les autres papiers, cet auteur se trouva assez
embarrassé, ne sachant s'il devait ou non publier cette pièoe impor-
HAPOliO!! BT LK 101 106m. 4t3
Iule pour rhîsUHre. On était alors en 1 855, Louis Ni^Iéon était
sur k trône. D se décida à la montrer i rSmpereur, mais à lui seul.
Ae;a un matin dans le cabinet de S. M.,auxTuileriesJllalui donna.
L'Smpereur, après en avoir pris connaissance pendant un quart
d'beore, la lui rendit en disant : c Je ne puis pas la nier, elle est toute
de ma main. Je la trouve bien cette lettre. — Moi également. Sire, se
hâta de dire l'auteur des Mémoires, mais ne sachant pas s^il pouvait
CQOvenir à TEmperau* sur le tr5ne que le public eût connaissance
d'une lettre écrite par le proscrit de New- York , j'ai cru devoir la
soumettre à Votre Majesté. — Bah, reprit en riant l'Empereur,
rien n'empêchera que je n'aie ftût la tentative de Strasbourg et de
Boulogne, ce qui est histoire est histoire, je ne m'oppose pas à ce que
vous l'insériez dans votre curieux ouvrage. » Elle se trouve au
It* volume des Mémoires du roi Joseph^ page 370.
Baron du Gissb.
LA PROPAGANDE REVOLUTIONNAIRE
BN 4793 BT 4794.
Dans le dernier numéro de cette Revue, M. Albert Sorel a consacré
un article à mon Histoire de l'Europe pendant la Révolution^ et je
ne puis que lui exprimer ma sincère reconnaissance pour cet honneur
lut à un livre qui lui est antipathique sous plus d'un rappcHrt. il
discute ensuite, dans un article spécial, la Diplomatie secrète du
CowUié de Salut public avant le 9 thermidor ^ un point particulier,
sur lequel je désire présenter ici quelques éclaircissements histo-
riques.
D ne veut pas admettre avec moi que les membres du grand Comité
de Salut public, notamment Hérault de Séchelles et Barrère, aient été
inœssamment occupés, par Tentremise de leurs agents, soit à attirer
les Etats neutres dans le parti de la France, soit à provoquer des
explosions révolutionnaires dans le pays soumis aux puissances bel-
ligérantes. D déclare que ces assertions ne s'aocordent pas avec les
documents qui se trouvent aux archives des Affaires étrangères, et
me reproche de ne les appuyer d'aucune preuve; il examine surtout
d^une manière particulière la conduite de Barthélémy à B&le et de
Soolavie à Genève, que j'ai accusés d'avoir dépensé inutilement
40 minions en vue de décider les cantons suisses à ftdre alliance
404 M^LIXGES ET DOCUMENTS.
avec la France. Il prouve par la correspondance de ces deux agents
ayec le ministre Deforgues que Barthélémy, de même que plusieurs
de ses collègues, était toujours à court d'argent, qu'il considérait la
neutralité de la Suisse comme plus utile que son alliance, qu'il a?ait
plusieurs fois exposé cette pensée au ministre, que Deforgues et
Hérault de Séchelles n'avaient voulu envoyer des agents à Berlin et
à La Haye que pour y recueillir des informations, et il conclut ainsi :
Au résumé, Barthélémy n'a point joué en Suisse avant le 9 thermi-
dor le rôle que lui prête l'historien allemand, et la diplomatie secrète
du gouvernement de Robespierre n'a eu ni l'organisation, ni l'impor-
tance, ni le caractère que lui attribuent M. de Sybel et M. 6. Avenel.
Ici déjà je pourrais poser quelques questions. De ce que Barthé-
lémy a plusieurs fois représenté au ministre qu'une alliance avec la
Suisse serait moins avantageuse pour la France que la neutralité des
cantons, ne ressort-il pas précisément qu'il a reçu de Paris la mis-
sion de provoquer l'alliance? En octobre ^93, lorsque Deforgues
déclare qu'il est décidé à envoyer des agents dans les pays ennemis,
ce dont Barthélémy n'espère que peu de résultat, il ne s'agit nulle-
ment cette fois de propagande révolutionnaire, mais d^une tentative
pour se mettre en rapport avec un ou plusieurs gouvernements enne-
mis et pour rompre par là la coalition. Ceci donc n'avait pas encore
eu lieu, mais en résulte-t-il qu'on n'eût pas déjà tenté de provoquer
des explosions révolutionnaires? Aurait-on précisément négligé, sous
le règne du plus ardent fanatisme révolutionnaire, ce qui depuis le
premier jour de la Révolution était poursuivi dans la moitié de
l'Europe avec un zèle organisé, ce qui devait, sous le Directoire,
arriver au plus complet développement? Et enfln, si Barthélémy,
dans sa modération et sa prudence, ne s'est pas, en effet, occupé de
propagande, les tentatives faites ailleurs et que j^ai rapportées,
l'action révolutionnaire exercée à Gênes et à Florence par les agents
français, les conjurations de Turin et de Naples, les négociations
diplomatiques avec la Turquie et la Suède, l'appui toujours prêté
aux insurgés polonais, en subsisteraient-ils moins pour cela?
M. Sorel appuie son opinion sur les documents des archives étran-
gères, qui ne m'avaient pas encore été ouvertes lorsque je travaillai
à la partie de mon ouvrage actuellement en question ; je reconnais
donc sans difficulté qu'elles modifieraient quelques nuances de mon
récit. Mais je ferai remarquer à M. Sorel que les matériaux de ce
dépôt, pour ce qui a trait à l'époque révolutionnaire, sont bien peu
complets. Beaucoup ont disparu dans les orages du temps; mais
surtout, par suite du désordre et de la confusion qui régnaient dans
l'administration du Comité de Salut public, une foule de papiers
LA PROPiGilfDE RiSvOLUTiaNXAIRB EN 4793 ET 4794. 405
importants ne sont jamais arrives jusqu'au dépôt ministériel dont ils
devaient fkire partie. Lorsque, en 4851 et en 4854, j'étudiai les
actes du Comité, je les trouvai dans un incroyable désordre. Le plus
grand nombre était groupé sommairement, sous des titres généraux
qui comprenaient pour la plupart des délibérations incomplètes, et
souvent une note détachée indiquait seule des choses importantes.
Sous le Directoire, une division des papiers selon les divers minis-
tères avait dû avoir lieu; mais à peine ce travail était-il commencé,
qu'il s'arrêta. Un seul fait suffira à prouver d'ailleurs comment on
avait procédé : pour les négociations relatives à la paix de Bâle, les
rapports de Barthélémy se trouvaient au dépôt des Affaires étran-
gères, et les réponses du Comité aux Archives nationales. Pour avoir
un tableau complet de l'époque, il aurait fallu pouvoir exploiter ces
archives dans leur ensemble.
Je vais indiquer brièvement ici une suite de notes que j'ai trouvées
aux Archives nationales, et qui confirment ce que j'ai dit de la pro-
pagande révolutionnaire. Ce sont pour la plupart des extraits (non
des copies textuelles, pour lesquelles le temps me manquait] des
procès-verbaux des séances du Conseil exécutif ou du Comité de
Salut public. Je ferai remarquer à cette occasion que ces procès-ver-
baux eux-mêmes ne sont pas tous conservés, et que ceux qui existent
sont loin d'offrir la reproduction complète des discussions qui ont eu
lieu et des décisions qui ont été prises. J y joins d'autres pièces,
empruntées aux archives prussiennes et hollandaises. Ce sont des
rapports d'agents des différentes puissances à Paris et à Constanti-
nople, qui ont obtenu leurs renseignements en corrompant des em-
ployés français. Ainsi, un secrétaire de l'agent français à Constanti-
nople livrait à M. de Chalgrin, chargé d'affaires du comte de
Provence en cette ville, des copies des rapports adressés à Paris, et
un secrétaire du reis-effendi faisait pour l'ambassadeur prussien,
H. de Knobelsdorf , des copies des notes et des mémoires remis
par la France. Les gouvernements russe, prussien, hollandais rece-
vaient également de Paris des rapports exacts et détaillés sur les
délîbérations des séances du Comité de Salut public lui-même. Il est
évident que des communications de cette nature ne doivent être
accueillies qu'avec circonspection ; mais dans le cas présent, la véra-
cité de celles-ci me semble difficile à révoquer en doute : d'une part,
comme on le verra, elles ne sont que le développement plus détaillé
de ce qui a déjà été annoncé par les protocoles des gouvernants pari-
siens; d'autre part, quoique tout à fait indépendantes Tune de
l'autre et écrites en divers lieux par des agents de puissances diffé-
406 irfLlNGBS BT DOCUVBUTS.
rentes, elles s'accordent complètement entre eUes, ce qui serait inad*
missible si eUes avaient été composées à plaisir. Je reconnais cependant
qu'un plus ample examen est encore possible et désirable, et c'est
précisément pour y inviter M. Sord que je fais imprimer ces docu-
ments. J'ai déjà dit que je n'avais pu profiter, pour cette partie de
mon livre, du dépôt des Affaires étrangères, et que je n'avais trouvé
aux Archives nationales qu'une ikible partie des procès-verbaux du
Comité de Salut public. Peut-être existe-t-il encore à Paris d^autres
matériaux qui permettent de porter un jugement tout à foit concluant?
Personne plus que moi ne sera reconnaissant envers M. Sorel pour
tous les renseignements positife ou négatifs qu'il pourra en tirer.
Archives nationales. Comité de salut public. Section législa^
tive. Affaires étrangères^ ; 4793. Rapports du Ministère au Comité,
A ventôse. L'agent secret à Amsterdam a reçu plusieurs ouvertures
de patriotes hollandais.
8 ventôse. Plusieurs rapports d'un Écossais, nommé Hamilton,
sur la marine anglaise et sur les moyens de fkire une descente en
Angleterre sont remis au Ministère de la marine.
4 3 ventôse. Alarme en Suisse : on croit que la France veut occuper
Grenève et le Valais. Tout cela est dénué de fondement.
9 germinal. L'agent de Dresde annonce le départ pour l'année de
5969 Hanovriens, le refus de subsides fkit à la Prusse par Bade et
le Wurtemberg, la très grande différence d'opinion qui existe entre
les troupes prussiennes et les autres troupes allemandes.
3 germinal. Barthélémy a autorisé le payement d'une année de la
pension que la France fait au gouvernement du Valais, à la condi-
tion que celui-ci s'opposera au passage des Piémontais sur son
territoire.
4 germinal. Le ministre ordonnance de nouvelles sommes pour le
service politique en Suisse. Un agent à Vevay reçoit 406 firancs par
mois.
40 germinal. La Hollande touche à une révolution. Nos agents y
poussent. La correspondance avec la Hollande et l'Angleterre est
rendue très difficile par la vigilance des gouvernements ; plusieurs
lettres ont été interceptées.
Archives nationales. Comité de salut public. Relations exté-
rieures : Procès-verbal du Conseil exécutif provisoire , 27 mai :
1. Si je ne me trompe, les papiers du Comité de salut public ont été réoem-
meat remis en ordre. Jignore donc si les indications relevées par moi en 1851
sont encore exactes.
U PEOPiGi!fDB UffOLUTIOHIUlllB Rf 4793 ET 4794. 407
Le CSonaeil exécutif ayant, le 4 7 mai dernier, autorisé le ministre des
Afibires étrangères à se procurer, par le ministre de la trésorerie, des
lettres de change pour la valeur de 400,000 écus, destinés à l'acquit-
tement de quelques engagements secrets relatifs aux alliances à for-
mer avec la Suède et la Porte ottomane, lequel emploi avait été
approuvé par le Comité de Salut public, arrête que mention sera
bite de cette ordonnance.
40 juin. Nomination de dix chargés d'affaires et agents, en Suède,
Danemark, Saxe, Bavière, Wurtemberg^ Venise, Naples, Florence,
Genève et le Valais, Gonstantinople.
Proeès-verbaux de$ séances du Comité de salut publie : 28 juin.
Les ministres de Tintérieur et de Textérieur reçoivent 4 millions
de fonds secrets.
29 et 34 août. 4 ,300,000 francs en argent sont attribués à l'achat
de chevaux et de bœufe en Suisse.
24 septembre. Dans la situation actuelle de la république, il ne
doit plus y avoir d'ambassadeurs qu'en Suisse et en Turquie. Par-
tout ailleurs, la république n'aura plus que des agents et des secré-
taires.
20 vendémiaire. Une somme de 4 millicms est ordonnancée pour
décider la Porte à feire alliance avec la République et à déclarer la
guerre aux cours impériales * .
ComeU exécutif provisoire. Carton n^ 34. 7 octobre. La Porte
désire prendre à son service 44 officiers français et un maître char-
pentier de la marine'. Accordé.
Lorsque, dans les premiers mois de 4794, Robespierre se* brouilla
avec le parti de Danton, une brouille personnelle eut lieu également
entre Saint-Just et Hérault de Sécbelles. Gela décida Saint-Just à
écrire l'exposé suivant. J'en rapporte l'introduction mot à mot, mais
je ne fsds que des extraits du reste :
A mes concitoyens. Puisque des traîtres ont osé violer les secrets du
Comité de Salut public pour calomnier mes sentiments, puisque Hérault
de Séchelles m'a accusé sourdement, c*est publiquement que je me jus-
tifie. Voilà l'opinion que j'ai manifestée au Comité. Mes concitoyens
jugeront si mes sentiments appartiennent au modérantisme, aux ultra-
révolutionnaires, et si je me suis écarté en rien du plus pur patrio-
tisme.
L L'anbflssadenr pmssieo à Gonstantinople en informe sa cour le 31 mars 1794.
La roi loi fait répondre, le 8 «rril, qn'il en a déjà connaissance.
1 T. phift bat la dépèche de décembre.
408 MlÎLlIfGBS BT DOCUMENTS.
Opinion de Saint-Just énoncée dans le Comité de Salut public le
21 ventôse.
Le ministre demande de plus grandes facilités pour les transactions
commerciales avec les États neutres. Je ne m'y oppose pas; mais
Barère, de même que Deforgues, a toujours induit le Comité en erreur
au sujet des puissances neutres. Jamais pire prodigalité et plus scan-
daleuses dilapidations ne furent exercées. Hénin et Descorches, des
traîtres qui méritent la guillotine, ont dépensé inutilement 40 millions,
à Constantinople, et même 70, si l'on évalue les diamants d'après la
taxe des joailliers. Tantôt c'était le reis-effendi , tantôt le capitan-
pacha que Ton ne pouvait gagner; le résultat final fut une neutralité
qui se comprenait d'elle-même. Pour ce qui concerne la Suède, exa-
minez les papiers; vous arriverez, j'espère, à cette conclusion qu'on ne
doit payer que des alliés, mais non des neutres. En Danemark on a
donné des sommes énormes à des hommes et à des femmes, pour du
blé que l'on portait faussement à un prix exorbitant, et pour un maté-
riel de guerre qui n'est jamais arrivé. En Suisse, Barthélémy, dont
l'habileté est célèbre, prétend avoir employé 40 millions pour conserver
la neutralité des cantons, qui jamais n'auraient osé risquer une guerre.
A Gênes, le fripon Tilly a dépensé 74 millions, dont une petite part en
achats de blé; le reste a été consacré à la formation d'un parti démo-
cratique avec le fantôme duquel nous avons été constamment bernés.
A Venise, Noël, un ancien dominicain et abbé, a gaspillé 100,000 écus.
Garnot nous rendra compte des friponneries exercées en Toscane, où
on nous a vendu une influence mensongère. Monarchie ou république,
il n'est pas un État dans toute l'Europe qui ait les mêmes principes
que nous, et dont le gouvernement puisse nous être favorable. Je pro-
pose donc la suppression de toutes les dépenses secrètes, et la publica-
tion de toutes les correspondances, à l'exception de celle qui a eu lieu
avec la Turquie. A l'avenir, le gouvernement traitera directement avec
les agents, dans les pays ou les cours ennemis ou neutres.
Je ne sais si cet exposé a été imprimé à Paris, comme semJble
l'indiquer l'introduction^ je le connais par une copie envoyée au
gouvernement prussien, qui a été publiée alors à Berlin, et qui
jamais, que je sache, n'a été démentie. Il concorde parlkitement avec
la lutte qui existait alors entre les partis, et avec les récriminations
bien connues de Saint-Just contre le désordre immense qui régnait
dans l'administration. Il se peut que quelques-uns des chif!^ don-
nés par lui n'aient pas été tout à fait exacts, que les dépenses de
Barthélémy, par exemple, ne se soient pas élevées jusqu'à la somme
de 40 millions; mais en général, il me semble que les notes citées
plus haut, d'après les procès-verbaux du Conseil exécutif et du
Comité de salut public, ne permettent pas de douter que le tableau
LA PEOPiGiNDB RÉYOLUTrOXIfAIRB EN 4793 ET 4794. 409
tracé par Saint-Just ne soit conforme à la vérité. Les corruptions
exercées en Suisse sont encore confirmées par Mallet du Pan, et les
menées d'Italie par les rapports de Tambassade. L'énormité des
sommes parait d'ailleurs moins surprenante chez un gouvernement
qui ne vivait que d'un papier monnaie dont la masse pouvait être
arbitrairement augmentée, qui avait pour sa police intérieure un bud-
get presque égal à celui de toute l'administration sous Tancien
régime, et qui dépensait chaque année 4,440 millions pour une
armée d'un million de soldats, c'est-à-dire 50 pour 400 au moins
de plus que toute autre puissance. Si l'on ne peut dire que Robes-
pierre et ses confidents intimes aient désiré un adoucissement au terro-
risme, il est certain que depuis l'automne de 4793, ils visaient avec
ardeur au rétablissement de l'ordre, de l'économie et de la subordi-
nation dans le gouvernement révolutionnaire. C'est sans doute à
cette fin qu'en décembre 4793, comme le rapporte M. Sorel, un des
amis les plus intimes de Robespierre, Payan, fut envoyé à Genève,
où il fit des découvertes à la suite desquelles il demanda la révocation
de Soulavie. Mais la majorité du Comité de salut public n'adopta pas
plus cette proposition qu'elle n'avait adopté celle de Saint Just le
24 ventôse.
Extrait du rapport d'un agent russe à Paris. Ce rapport fut
communiqué au roi de Prusse le 27 mai 4794 par l'impératrice
Catherine, avec une lettre autographe du 27 avril, par laquelle
Catherine fait remarquer l'importance du rapport et en garantit
l'authenticité et les sources.
Jeudi, 6 mars, un confident de Kosciusko est parti des environs de
Cracovie pour Paris, où il est arrivé le 19 au soir. En Allemagne, il a
voyagé sous Funiforme d'un officier prussien et le nom de Noscowen,
avec un faux passe-port signé Mœllendorf ; en France, sous le nom de
Piramo^ûtz, un Polonais, avec un passe-port des commissaires de la
Convention. Sa dépêche est tout entière de la main de Kosciusko. Le
général y informe le gouvernement français que le licenciement de
Tannée polonaise Ta forcé à hâter l'explosion, et qu'il ne peut, par
conséquent, rester fidèle aux plans arrêtés avec Hénin, Oescorcbes et
les ministres turcs ^ Il dit que tous les chefs lui ont exprimé la même
opinion, et qull a, en conséquence, donné connaissance de ce change-
ment à la Porte, ainsi que do l'impossibilité d'un massacre simultané
des Russes et des Prussiens, qui devait signaler le début du soulève-
ment... U demande des subsides français, déclare qu'il n'a reçu que
1. V. plus bas la dépêche de Descorches.
440 tf^LlIVGKS ET DOCVinifTS.
1,300,000 francs, au lieu des 5 millions promis, et réclame iO millions
pour le mots d'atril. On peut, dit-il, lui en envoyer la moitié par
Gonstantinople ; l'autre moitié, en petites sommes, par B^hmann, de
Francfort. Il demande des officiers d'artillerie et du génie. Il a appris
que l'Angleterre négocie la mise en liberté de Lafayette et de ses amis,
et il est prêt à les recevoir dans son armée. Il explique que, dans
l'intérêt commun, la Convention nationale doit admettre qu'il ne se
pose pas ouvertement en pur démocrate et en allié de la France. II ne
doit pas le faire, quand ce ne serait que par égard pour le clergé, qui
est très influent et qui est actuellement avec lui contre la Russie et la
Prusse. Plus tard, le temps viendra où on se débarrassera de toute cette
écume. Il est sûr de provoquer en Grimée des soulèvements qui proba-
blement décideront la Turquie à s'expliquer.
Le Comité de salut public a approuvé tous ses projets, môme l'emploi
de Lafayette ; il a nommé Lafitte et Angèle ^ ses commissaires près de
Kosciusko (Lafitte ayant refusé, Hivier, neveu de l'abbé Raynal, fut
plus tard nommé à sa place), et chargé Robespierre, Saint-Just et
Prieur de l'administration exclusive des affaires de Pologne.
Les agents français à Stockholm et à Copenhague ont présenté aux
deux cours les propositions de leur gouvernement et sont satisfaits de
l'accueil qui leur a été fait. Les deux États, assurent-ils, n'entreront
jamais dans la coalition. Si la France peut tenir sûrement ses engage-
ments, le gouvernement danois ne considère pas comme impossible une
quadruple alliance contre la Russie (du Danemark, de la France, de la
Suède et de la Turquie), dans laquelle on ferait plus tard entrer la
Pologne. Les ministres suédois ont parlé dans le môme sens ; ils ont
exprimé de l'inquiétude au sujet de l'anarchie qui règne en France et
ont déclaré pour certaine une prompte rupture entre la Turquie et la
Russie, attendu que la Russie y poussait tout aussi activement que les
agents français à Constantinople. Mais, dans les circonstances actuelles,
cette guerre serait désastreuse pour la Porte, et la France ne devait pas
engager cette dernière dans un tel conflit sans l'avoir auparavant forti-
fiée par des alliances efficaces. Toutes les dépêches suédoises de Saint-
Pétersbourg dépeignent l'impératrice comme ardente pour la guerre
turque, tandis qu'elle ne songe pas à faire marcher un seul homme
contre la France ; la maison d'Anhalt déteste la maison de Bourbon '.
Le 3 de ce mois (mars ou avril, le rapport lui-même n'est pas
daté) on lut au Comité de salut public des rapports de Hénin et de
Descorches, du 30 janvier. Descorches garantit la rupture de la
Porte avec la Russie, si on lui permet de feire encore un paiement
1 . V. plus bas la dépêche de Knobelsdorf, 18 janvier 1794.
2. On sait que Catherine était une princesse d'Anhatt-Zerbst.
LA PIOPiGAIfOB E^VOLOnOllIfillB B!l 4793 BT 4794. 444
aa caiHtan-pacha. Hénin écrit dans le même sens *, H lyoute qu'il a
pris à rinsu de son eollègue toutes les mesures nécessaires pour
exciter on grand soulèvement populaire à Gonstantinople, dans le cas
où le divan ne voudrait pas déclarer la guerre à la Russie; que d'ail-
leors Descorches est un traître, vendu aux royalistes i, car il pousse
trop vite la Porte à la guerre, sans attendre qu'elle soit suffisamment
armée.
Rapport d'un agent hallandais à Paru le 4% juMet 4794.
Ce rapport commence par un long extrait d'un plan d'expédition
contre Cadix, avec cette conclusion : « Voilà Tabrégé de ce grand
projet, dont j'ai eu le brouillon entre les mains pendant quatre ou
cinq heures. Il est chargé de notes et d'observations de différents
membres. J'ai reconnu l'écriture de Camot et de Couthon. » Puis
suit ceci :
On a lu au Comité de salut public une dépêche de Tiliy, du 23 juin,
où après avoir parlé du projet toujours constant de révolutionner Gênes,
il dit qu'au cas où ce projet ne réussirait pas, il faudrait que le restant
de la flotte qui est à Toulon et tous les bâtiments de transport vinssent
mouiller au golfe de la Spezzia ; mais que, pour ce second projet, il
&adrait attendre les gros temps de Pautomne pour que les escadres
ennemies fussent obligées de quitter la mer ; qu'alors, en s'entendant
avec l'armée de Nice, on réussirait certainement à révolutionner Grênes,
ou tout au moins on la ferait contribuer ; qu'on pénétrerait en Toscane
par Sarzane, Massa et Lucques, et qu'on* pourrait y lever des contribu-
tions qui pourraient monter à la somme de 20 millions. On a répondu
i Tilly qu'on avait mandé à Paris Robespierre le jeune, qu'il y était
arrivé, qu'on adoptait tous ses plans, qu'on les exécuterait aussitôt que
la troisième réquisition aurait complété l'armée d'Italie, qu'on envoyait
Tordre au général Dugommier de se porter à l'armée de Nice avec
19,000 hommes de ses troupes, à moins que, vu l'état des choses en
BqMgne, l'avis unanime des trois représentants du peuple à Perpignan
ne l'obligeât à rester dans cette armée.
Le 9, on lut au Comité des lettres de Hénin à Constantinople, du
44 juin. Il dit que la Porte est décidée à la guerre contre la Russie ',
qu'on doit les plus grandes récompenses au citoyen Muradgea ', que
la Turquie a trente vaisseaux de ligne, etc. . . , que le capitan-pacha est
1. V. plus bis la dépêche de Ghtlgrin.
2. Ko ce moment précisément c'était une erreur. Pins têt, et pins tard, le pirU
de la guerre l'emporta au Divan, jusqu'à ce que les rictoires de Souvarof sur les
Menais eussent décidé définitivement en faveur de la paix.
S. Drogman de l'ambassadeur de Suède à Constantinople. V. plus bas les
dipéehts de cette Tille.
442 MlÎLlIfGBS ET BOCUMBIfTS.
très content des derniers présents qu'il a reçus, que Muradgea a
pensé qu'il faudrait lui envoyer quelques nouveaux présents en dia-
mants, que la Porte vient de donner Tautorisation d'acheter et
d'équiper à Smyrne des bâtiments en course dans tous les ports de
Tempire, que Ton obtiendra à cet égard toutes les facilités que l'on
désirera, en accordant, suivant la promesse faite par Muradgea, la
moitié de toutes les prises au capi tan-pacha, qu'il y a des articles
secrets signés avec la Pologne et des secours d'argent.
On lut dans le même Comité une lettre d'Ignace Potocky, en date
du 20 juin. Il dit que les traités avec la Turquie sont très avancés,
que la Suède et le Danemark exigent, avant de reconnaître la nou-
velle république et de se montrer en sa faveur, qu'elle s'empare de
quelque port sur la Baltique, qu'ils ont des intelligences à Dantzig
et en Courlande à cet effet qu'ils vont mettre à profit, qu'ils deman-
dent des secours d'argent avec les plus vives instances, et assurent
que chaque jour la révolution polonaise adopte les principes de la
révolution française.
Extraits de dépêches de Constantinople. L'ambassadeur de Prusse
suit avec une grande inquiétude les oscillations du Divan. Il se
plaint sans cesse du mal que font les corruptions de Descorches, et
se réjouit ensuite de ce que la Porte n'a pas le courage de déclarer
la guerre et rejette les propositions de l'agent français.
Le 6 septembre 4793, Knobelsdorf rapporte que Muradgea a
déclaré au reis-effendi que la Suède et le Danemark sont décidés à
soutenir la France de toutes leurs forces, si la Porte, par des subsides,
les met en état d'attaquer la Russie; que ceci est évidemment dans
l'intérêt des Turcs ; que là-dessus Descorches a eu une audience du
reis-efTendi, auquel il a dépeint les malheurs qui menaceraient la
Porte si la France était vaincue par la coalition ; que, en conséquence,
il insiste sur deux mesures : il demande que la Porte s'efforce de
décider l'Angleterre à conclure la paix avec la France, puis qu'au
printemps suivant elle déclare la guerre à la Russie. Le 29 août, un
grand conseil présidé par le sultan décide qu'il sera répondu à Des-
corches que la Porte est prête à engager l'Angleterre à la neutralité
et, en cas de succès, à entreprendre la guerre contre la Russie; mais
qu'alors la France devrait promettre de lui envoyer 42 vaisseaux de
ligne, 4 2 frégates et 50 vaisseaux de transport avec des troupes, et de
lui rembourser les frais de la guerre, ainsi que les subsides payés à
la Suède.
Knobelsdorf écrit le 24 septembre, très inquiet des tristes effets
des menées de Muradgea et des corruptions de Descorches. La majo-
rité du Divan est pour la guerre. En novembre, la chute de Toulon
LA PROPIGANDB R^TOLCTIOUNIIRE Elf 4793 ET 4794. 443
a considérablement affaibli cette ardeur belliqueuse, mais la reprise
de cette ville fortifie de nouveau l'influence du parti de la guerre.
Le 48 janvier 4794, Knobelsdorf annonce au roi que Hénin et
Cbénier ont dénoncé Descorches comme traître. Il ajoute qu'il doit
encore y avoir à Constantinople un autre agent français, un ancien
ofDcier russe, du nom d'Angeli, qui accompagnait l'ambassadeur
Sémonville lors de son voyage à Constantinople, et qui s'était enfui
dans les Grisons, par un heureux hasard, lorsque Sémonville avait
été foît prisonnier.
3 mars 4794. Chalgrin envoie au baron Flachslanden un extrait
détaillé des documents à l'aide desquels Descorches se défend à la
Convention contre les accusations de Hénin et de Cbénier. C'est
d'abord un long mémoire justificatif, du 26 janvier. Il y discute
quatre points d'accusation : 4" Celui d'être en relations avec les
ambassadeurs des puissances ennemies, et en particulier de l'Autriche.
2* Celui d'avoir laissé s'accroître à Constantinople, par une impar-
donnable négligence, l'influence des royalistes français. 3^ Celui de
s'être opposé à la formation d'un club jacobin à Constantinople.
40 Celui d'avoir fait un mauvais usage des sommes et des effets qui
lui avaient été confiés. Descorches nie le premier fait; pour le
deuxième et le troisième, il déclare que, s'il avait tenu une autre
conduite, il aurait excité la colère des ministres turcs et perdu toute
influence sur le Divan; pour le quatrième, il renvoie au compte qu'il
a rendu à la Convention nationale, ainsi qu'à celui qu'il joint à sa
lettre (non communiqué par Chalgrin) . Descorches accompagne cet
exposé d'une lettre officielle, dans laquelle il se glorifie de l'amitié
du capitan-pacha et de Sald-Ali-Bey. Il y dit qu'aussitôt qu'une flotte
française paraîtra dans ces eaux, les Turcs commenceront la guerre
contre les Russes et les Autrichiens; que les frégates françaises à
Smyme font un tort considérable au commerce des Russes et des
Autrichiens ; que son ami l'ambassadeur de Suède, dont il fait le
plus grand éloge, lui a déclaré tenir de l'ambassadeur anglais que
l'Angleterre n'enverrait pas de vaisseaux de guerre dans le Levant.
A tout cela, Descorches ajoute encore une lettre personnelle adressée
à Robespierre, pour solliciter sa faveur et demander à être nommé
ambassadeur à la place de Sémonville.
24 décembre 4794. Knobelsdorf envoie au roi de Prusse une
dépèche de Descorches, écrite quelque temps auparavant, comme
preuve de l'activité de cet agent. Descorches y dit :
L'iosurrection polonaise, que j'ai su provoquer à temps ^, me sert par-
1. V. ci-deMos le rapport de l'agent russe.
Bvr. H18TOR. XI. i** FA8G. 8
444 iriuLfroBs it docuhkiits.
faitement, et le parti que j'en ai tiré pour faire concevoir ici des avantages
sûrs est infini et se trouve heureusement appuyé par les hauts (alts
d'armes de la République. Ce concours imposant de circonstances ne
me laisse plus de difficultés à surmonter pour armer les Turcs contre
les Russes et les Autrichiens, ce qui est le but de la Convention. J'ose
même lui annoncer que mes conseils à cet égard sont écoutés et suivis,
mes plans agréés et exécutés, que rien ne se fait sans que je sois con-
sulté. S'il est quelques membres dans le ministère ottoman fluctuants
ou d'un avis contraire au mien, j'ai pour moi leurs entours, et par eux
j'en dispose ; j'influe dans tous les départements, parce que dans tous
j'ai des gens qui me sont entièrement dévoués et qui m'informent de
tout ce qui s'y passe. Celui de l'arsenal est en quelque sorte à mes
ordres.... Le citoyen Lebrun construit à force et veille infatigablement
à tout, etc., etc.
Rnobelsdorf confirme l'habileté de cet ingénieur firançais. Voyez
plus haut le procès-verbal du Conseil exécutif, n octobre 4793.
J'ajouterai encore la note suivante, qui, en admettant même qu'une
partie seulement en soit fondée, confirme le jugement de Saint-Just
et explique la prétendue pénurie pécuniaire des agents.
Knobelsdorf fait un rapport au roi de Prusse, le 47 août 4798, sur
une conférence avec le reis-effendi. C'est l'époque du débarquement
de Bonaparte en Egypte, et Ton conçoit que le ministre turc ne
s'exprime pas en des termes précisément flatteurs pour les Français,
n est d'autant plus irrité que, comme il le dit, la Porte, dans sa
neutralité, a cependant toujours favorisé les Français. Entre autres
marques d'amitié que la Porte a données à la France, dit Knobelsdorf,
le reis-effendi cite un trait qui m'a beaucoup surpris; c'est que,
depuis le sieur Descorches jusqu'au chargé d'affaires actuel, tous
les agents français, vu que la grande pénurie de la République
empêchait celle-ci de payer ses employés, ont eu recours à la Porte,
et qu'à l'heure qu'il est, la mission française doit 500,000 piastres
au trésor ottoman.
S'il en a réellement été ainsi, ces messieurs ont employé l'argent
de la France à corrompre les fonctionnaires turcs, et se sont à leur
tour fkit payer par le trésor turc.
Henri de Stbbl.
REPONSE DE M. Albert SOREL.
La communication de M. de Sybel est fort intéressante, mais elle
ne se rattache qu'indirectement au sujet que j'avais traité dans la
u PROPiGiRDB RifvoLirrionmiiRB BR 4793 BT 4794. 445
Bevuê du 4*' juillet. Ce sujet était très précis et très limité : « La
diplomatie secrète dm Comité de salut public avant le 9 thermidor. »
M. de Sybel s'étend sur les faits et gestes du ministre de la Répu-
blique à Constantinople; les rapports du ministre prussien Rnobels-
dorf Bur les manœuvres de Descorches et de Muradgea sont des
documents qui méritent Tattention, mais qui appellent la critique;
ils étaient connus dans leur ensemble et leurs conclusions principales :
ils forment en effet le fond du récit de Zinkeisen : Geschichte des
asmanischen Reiches, livre VIII, ch. m. Mais ce sujet de la diplo-
matie révolutionnaire en Orient nécessite une étude à part, une
étude approfondie. J'espère la présenter aux lecteurs de la Kevue
historique ; je ne voudrais pas Taborder incidemment et par un très
petit côté; je me promets, quand je traiterai cette question, de
profiter des documents que M. de Sybel nous a fournis.
Je reviens au sujet de ma notice du 4*' juillet. Je n'ai pas nié qu'il
y ait eu de la propagande, « des émissaires en nombre considérable »,
mais je contestais que ce fameux Comité de la Terreur eût fait en
matière de diplomatie, comme Pavait dit M. de Sybel, a ce que
Camot faisait pour les affaires militaires, d Je concluais qu'il n'y
avait eu sous ce rapport que « des velléités et des essais incohé-
rents, D et je citais des témoignages péremptoires, ceux des agents
eux-mêmes, avouant après le 9 thermidor que pendant la période de
la Terreur ils n'avaient pas reçu d'instructions et n'avaient pu rien
6dre.
Les notes que cite M. de Sybel ne contredisent en rien les docu-
ments que j'ai produits; si toute l'activité du Comité se réduit aux
faits qu'il allègue, sUl n'a pas d'autres données, ni d'autres preuves,
c'est bien le cas de conclure qu'il n'y a eu que « des velléités et des
essais incohérents. » J'ai contesté les 40 millions qu'aurait dépensés
Barthélémy. J'ai eu entre les mains la correspondance de cet agent
qui est très abondante, très complète, et dans un ordre parfait. Je
n'y ai trouvé aucune trace de ces millions et des corruptions aux-
quelles ils auraient été employés. M. de Sybel ne cite à l'appui de sa
thèse que cette phrase d'une diatribe de Saint-Just : « En Suisse,
Barthélémy , dont l'habileté est célèbre , prétend avoir employé
40 millions pour conserver la neutralité des cantons, qui jamais
n'auraient osé risquer la guerre. » Est-ce donc sur cette simple asser-
tion que M. de Sybel s'est fondé quand il a écrit que Barthélémy
avait employé « la plus grande partie de cet argent à provoquer une
alliance dont la conclusion se faisait toujours attendre »? L'interpré-
tation serait bien large ; mais la source est plus que douteuse. Si l'on
en était réduit aux allégations des terroristes dans leurs discours, on
446 lléUNGES ET DOCUMENTS.
ferait Phistoire avec des figures de rhétorique. U fout des preuves et
non des amplifications oratoires. D'ailleurs M. de Sybel, qui prend à
la lettre les déclarations de Saint-Just, ne peut nous dire s^il s'agis-
sait de millions en espèces ou de millions en assignats, ce qui modi-
fierait singulièrement et dans tous les cas les termes du problème.
Je me félicite fort d'avoir provoqué M. de Sybel à adresser à la
Revite historique la note que Ton vient de lire, et me réservant de
traiter à part et avec le détail nécessaire, de la diplomatie offlcieUe
de l'an II, particulièrement en Turquie, je me crois autorisé à main-
tenir mes conclusions *. « Barthélémy n'a point joué en Suisse, avant
le 9 thermidor, le rôle que lui prête l'historien allemand, et la
diplomatie secrète du gouvernement de Robespierre n'a eu ni l'orga-
nisation, ni l'importance, ni le caractère que lui attribuent M. de
Sybel et M. G. Avenel. »
Albert Sorel.
BULLETIN HISTORIQUE
FRANCE.
Publications nouvelles : intiquitiî. — L'Histoire d'Jsrœl de
M. E. liCdrain comptera parmi les meilleurs manuels historiques de
la collection publiée par M. Lemerre. Si condensée qu*elle soit, cette
histoire se lit avec plaisir non moins qu'avec profit. C'est que Fauteur
a su y faire passer le charme des récits bibliques en même temps
qu'interpréter, à Taide des découvertes de Tassyriologie et de Tégypto-
logie, les traditions recueillies dans la Bible. Nous signalerons parti-
culièrement le chapitre sur la civilisation hébraïque après rétablisse-
ment des Hébreux dans le pays de Chanaan. L'auteur y a réuni des
notions précises sur les principaux éléments de cette civilisation :
religion, culte, famille, propriété, etc., Forganisation politique seule
reste un peu dans le vague. La supériorité de la législation mosaïque
au point de vue de la condition de la femme y apparaît nettement,
dnsi que le caractère riant d'une religion qui passe généralement
pour être nue et sombre. Nous ferons le meilleur éloge qu'on puisse
adresser à un pareil livre en disant qu'il nous parait propre à éveiller
chez les jeunes gens le goût des études sémitiques.
Le livre de M. Paul Guiraud^ mérite aussi un éloge sans réserve.
Dans ce travail, qui lui a valu le titre de docteur et les félicitations
chaleureuses de ses juges, notre collaborateur a repris, après
Mommsen, la question de savoir de quel côté était la légalité dans la
lutte entre César et le Sénat et il lui a donné une solution contraire
à celle de Mommsen, en se prononçant pour le Sénat. Pour démon-
trer sa thèse, pour faire connaître les armes que la constitution met-
tait à la disposition des deux adversaires, M. Guiraud a dû expliquer
le caractère et le rôle de ces institutions, de ces magistratures, qui,
en se faisant réciproquement équilibre, avaient assuré à l'origine la
liberté des citoyens, et il a éclairé d'une vive lumière certaines
t. Le Différend entre Cétar et le Sénat (69-49 avant J.-C.). I vol. in-8*,
Hachette.
us BULLETIN HISTOEIQUB.
parties du droit public romain. Tout en envisageant le débat entre
César et les conservateurs surtout au point de vue de la légalité,
l'auteur ne se fait aucune illusion sur la vertu et Tavenir des insti-
tutions que César met en péril -, il les montre sans cesse faussées ou
même ouvertement violées et vouées à une ruine fatale et prochaine.
Il a aussi rapidement, mais flnement, indiqué le rôle des personnages
influents de la République et l'attitude des partis, introduisant ainsi
une certaine variété, une certaine vie dans un travail qui reste cepen-
dant avant tout une discussion juridique. Le sentiment juste et péné-
trant de la vie publique romaine et la netteté de rargumentaiion font
de ce travail un modèle.
La thèse de M. Paul Allard^ est loin d'entraîner la conviction
comme celle de M. Guiraud. M. Allard a entrepris de démontrer que
le christianisme n'a pas porté atteinte aux œuvres de Fart antique.
Il a traité cette question d'une façon ingénieuse, mais sans une indé*
pendance d'esprit suffisante. Tout ce qui résulte de son argumenta-
tion, c'est que la conservation des produits de l'art païen Ait le vœu
de quelques esprits élevés appartenant au christianisme, que les
premiers empereurs chrétiens durent garder certains ménagements
envers un culte qui comptait encore beaucoup d'adeptes et qu^ils
trouvèrent plus utile de convertir les temples en églises que de les
détruire. Mais il y a loin de là à tolérer l'exercice du paganisme et
à respecter Part païen. Il n'est pas besoin de chercher ailleurs que
dans le livre de M. Allard les preuves du vandalisme chrétien. C'est
lui-même qui nous apprend que le sénat de Césarée Qt détruire des
temples de Jupiter, d'Apollon et de la Fortune (p. 53), c'est lui qui
reproduit le principe posé par saint Augustin que les idoles doivent
être détruites lorsque les propriétaires des terrains où elles se trou-
vent sont devenus chrétiens (224), c'est lui qui nous dit comment les
chrétiens traitaient les sarcophages décorés de scènes idolatriques
(248), lui qui rapporte, en laqualiûant d'intelligente transformation,
la façon violente et assurément peu respectueuse pour l'art dont saint
Colomban et saint Gall consacrèrent le temple d'Arbon au dieu des
chrétiens (270-274), lui enfin qui nous montre le concile de Garthage
sollicitant l'autorisation d'abattre des temples (279) -, il ne nous
cache ni la destruction des temples de Gaza, de Cypre, de la Phénicie,
du Liban, ni celle du Serapeum d'Alexandrie ^, ni Tédit d'Honorius
1. VArt païen sous les empereurs chrétiens, 1 toI. iii-12, Didier.
2. L'auteur ajoute foi à la tradition qui attribue la destractioa de la bibliothèque
d'Alexandrie au calife Omar. S'il avait lu TarUcle de M. Ghastel pubUé ici même
(I, 484 et Buiv.), il saurait que le fondement aur lequel repose cette tradition est
fort peu solide et que la bibliothèque fut enveloppée dans la destmctioo du
et d*Arcadius ordonnant la destruction des temples des campagnes,
ni la règle tracée par Grégoire le Grand, suivie dès le \y et le y« siècle
et qui, en épargnant les temples, condamne les idoles à la destruc-
tion, n est vrai que tous ces &ils s'expliquent pour M. Allard par
des circonstances particulières, tantôt par des soulèvements spon-
tanés des populations, tantôt par l'immoralité scandaleuse des cultes
célébrés dans les sanctuaires païens. Les lecteurs de M. Allard juge-
ront si les faits qu'il nous présente comme des exceptions ne consti-
tuent pas au contraire la règle; ils s'étonneront aussi, croyons-nous,
que Fauteur ait méconnu le sens profond du paganisme et qu'il n^y
ait vu qu'un fétichisme grossier.
MoTB5 A6B. — M. le comte Riant a donné, diaprés quatre-vingts
manuscrits, une édition nouvelle de la lettre apocryphe d'Alexis
Gomnène au comte de Flandre Robert le Frison ^ U a fait suivre le
texte original de deux versions allemandes, de quatre lettres latines
authentiques destinées à servir de comparaison avec celle qui est
ftoisaement attribuée à l'empereur, enfin d^un canevas de sermon de
croisade dont la composition est antérieure à la seconde des guerres
saintes. Dans une introduction qui se distingue, comme tous les tra-
vaux du même auteur, par l'abondance des informations bibliogra-
phiques et par la netteté, le comte Riant a discuté l'authenticité,
l'origine et la date de la lettre. 11 n'a pas eu de peine à en démontrer
la &usseté à rencontre de Sybel et de Hagenmeyer; argumentant
principalement du silence de ce document sur la sainte lance de
Constantinople, il a fixé la date de sa composition entre 4 098 et 4 099 ;
enfin il pense que la lettre a pour auteur un clerc rémois, peut-être
Robert le Moine.
M. Jules Quicherat s'est délassé de travaux plus austères et de
plus haute portée en refondant et en complétant le mémoire qu'il
avait inséré il y a plus de trente ans dans la Bibliothèque de V École
de$ chartes sur Rodrigue de Villandrando^. Les chroniqueurs offrent
peu de ressources pour écrire la biographie de ce condottiere du
xf* siècle, et la première difHculté du sujet était de reconstituer sa
vie errante en cherchant dans les histoires et les archives locales la
trace de son passage. M. Quicherat est parvenu à le suivre dans la
(riupart de ses campagnes ; depuis 4409 jusqu'à la veille de sa mort,
flarapeuB, qui ent pour antears, au ly* siècle, Théophile et les chréUens
d'Alexandrie.
1. ÀlexH I Comneni Romanorum imperatoris ad Robertum I Flandrix
eomikm epUiola spuria. 1 vol. Leroux. Tiré à 351 exemplaires.
2. Rodrigue de VillandrandOy l'un des combattants pour l'indépendance
prançaùe au XV siècU. 1 vol. ia-8*. Hachette.
420 BULLETIN H18T0RIQDB.
il ne Ta complètement perdu de vue que pendant les trois années qui
suivent la bataille de Verneuil. On sent combien cette vie aventu-
reuse offrait un sujet favorable au talent de Fauteur ; un récit qui
aurait, sous la plume d'un autre, difficilement échappé à la mono-
tonie, devient, grâce au style franc, original et savoureux de M. Qui-
cherat, attrayant comme un roman d'aventures. Mais son livre n'est
pas seulement un modèle de narration; il nous met sous les yeux
l'indiscipline des bandes qui faisaient alors la plus grande force des
armées et les alarmes continuelles qu'elles causaient aux campagnes
et même aux villes. Nous ne ferons à M. Quicherat qu'un reproche :
c'est de nous avoir présenté Rodrigue comme l'un des défenseurs de
l'indépendance française au xv* siècle. S'il a servi la cause royale à
Anthon et ailleurs, ce n'est assurément pas par dévouement pour
cette cause, mais parce qu'il y était rattaché par ses intérêts et ses
alliances de fomille.
Le livre que nous venons d'apprécier nous montre un auteur supé-
rieur à son siyet; c'est le contraire qui est vrai pour M. Paquier et
son ouvrage, VHistoire de Vunité teniloriale et politique de la
France^. Cet ouvrage est le recueil de conférences fkites à l'hôtel de
ville de Versailles devant un public nécessairement composite et iné-
galement préparé. Cette origine n'excuse ni la banalité des vues de
l'auteur ni les erreurs et les lacunes de son œuvre. L'exposition de
M. Paquier est claire, intéressante, ses leçons ont dû réussir auprès
du public qui vouait s'y distraire et s'y instruire, mais la nouvelle
forme qu'il leur a donnée en foit apparaître Tinsuffisance. Les
crnnirs y sont assez nombreuses : les unes montrent que M. Paquier
n'est i^as au courant do la science, qu'il ignore les résultats auxquels
ollo est arrivi'e depuis longtemps déjà sur des questions d'une réelle
importance, les autres ne s\^xpliquent que |>ar mie singulière légè-
reté, d'autres enlln proviennent do ce qu'il a niai compris certains
èvénomenls. C'est Ihult^ do s'être tenu au courant des progrès de la
science que M. I^quior considère la Pragmatique sanction et les
établissements qui portent le nom de saint Louis comme des œuvres
de ce prince, et qu'il attribue à un seul auteur la chanson de la croi-
siide contre les Albigovùs. Ciunniont ne (vis taxer M. Paquier de
UVgèrotè quand on lit ses dètlnilions du villain, du surcens ip. 126),
de la taille il 27, du maire du [Kilais ^ 140-14 r, quand on le voit
r«l\i9or aux ci>mtos mérovingiens le (XHivoir militaire ^98i, compter
le duché de Hn'tagne (virmi les a^vtnages de la couronne (H 2),
nuHlnî Philippe-Auguste auniessvms do Richard Ciwr-de-Lion pour
FBINCE. 424
Fesprit politique (462), attribuer au premier la flxation du nombre
des pairs (467), faire deux recueils différents du Digeste et des Pan-
dectes (226), etc. Enfm, avons-nous dit, M. Paquier s'est trompé sur
le caractère de certains événements. G^est à tort, par exemple, qu'il
a vu dans la révolution de 987 la revanche de Testry, le triomphe de
la Neustrie sur FAustrasie. A cette date, la lutte de l'élément germa-
nique était terminée, et Tavènement de Hugues-Gapet consacrait non
la prépondérance d'une race, mais rétablissement définitif d'un
régime social et politique, du régime féodal. Du reste, les vues fausses
de ce genre, les abus de l'esprit de système sont rares dans Touvrage
que nous annonçons, parce que cet ouvrage manque de vues,
parce que tout essai de systématisation y fait défaut. 11 semble avoir
été écrit, non d'après les travaux spéciaux de Térudition contempo-
raine, mais d'après des notes de collège. Il est, nous le répétons,
clair et intéressant, mais dépourvu de sûreté, d'originalité et de pro-
fondeur.
Temps modernbs. — M. Gasteinau compare quelque part son livre ^
à une fresque, mais une fresque n'échappe pas aux lois de l'unité,
de la composition, de la proportion. Si nous voulions emprunter à la
peinture un terme de comparaison propre à donner une idée du
livre dont il s'agit, nous dirions qu'il fait penser à ces toiles où
Tartiste, tout en cherchant l'inspiration et la forme qu'il doit donner
à sa pensée, jette toutes les fantaisies qui se présentent à son imagi-
nation. Les Médicis ne forment nullement le centre du tableau de
M. Gasteinau, et, à vrai dire, ce centre n'est nulle part. Les rappro-
chements inattendus, les copieuses analyses, les citations multipliées
déconcertent ou fatiguent l'esprit. La trame est si lâche que tous les
souvenirs des lectures de l'auteur viennent s'y insérer et lui donnent
l'air d'une bigarrure. Aussi l'impression que laisse le livre est des
plus confuses et l'auteur reste bien loin du but qu'il s'était fixé et
qui consistait à mettre en lumière certains types de la renaissance
et à &ire ressortir les liens trop méconnus qui la rattachent au
moyen âge (Avertissement), Il est regrettable qu'il n'ait pas su s'as-
treindre à un plan et se renfermer dans son sujet, car son livre
abonde en aperçus ingénieux et témoigne d'un esprit très libre et
très ouvert, du sentiment vif et délicat de la renaissance italienne s.
1. Les Médicis. 2 vol. in 8*. Calmann-Lévy.
2. Ce seDUment ne s'associe pas toujours à la connaissance des plus récentes
et des meilleures autorités : ainsi sur Laurent le Magnifique M. Gasteinau ne ren-
Toie qu'à l'ouTrage TÎeilIi de Roscoe, bien dépassé par celui de Reumont, et il
ne cite nulle part Tourrage de Villari sur SaTonaroIe.
422 BULLBTin HISTORIQUE.
Quand M. Gaslelnau saura farre on livre, U a tout ce qu'il faut pour
en faiire d'excellents.
On trouve moins de largeur d'esprit, mais beaucoup plus de
méthode dans le livre du vicomte de Meaux : Les luttes religieuses
en France au X VP siècle * . Ce n'est pas une histoire des guerres de
religion que M. de Meaux a voulu écrire; il s'est proposé seulement
de rechercher comment ces guerres ont assuré au catholicisme la
prépondérance et au protestantisme la tolérance. A vrai dire, ce n'est
pas la tolérance dans le vrai sens du mot que les protestants obtin-
rent à la fin de ces longues luttes-, l'édit de Nantes leur accordait à
la fois plus et moins que cela, puisque, en même temps qu il limitait
le libre exercice de leur culte, il leur assurait des privilèges et une
organisation indépendante. Mais si les protestants durent attendre
jusqu'à la Révolution pour connaître une tolérance véritable, l'édit
de Nantes n'en consacra pas moins pour eux la liberté du culte sous
la seule forme alors possible. Des deux questions que M. de Meaux
s'est posées : comment la France est-elle restée catholique, comment
le principe d'une tolérance restreinte estril parvenu à se fâiire accepter,
l'auteur n'a répondu qu'à la seconde. Il n'a pas dit pourquoi le pro-
testantisme, si bien approprié au génie français par la forme logique
que lui avait donnée Calvin, si bien accueilli d'abord par les classes
lettrées, avait cessé de fsùre des progrès, avait décliné et Gnalement
était resté la religion d'une inflme minorité. Quant aux circonstances
qui ont amené la paix religieuse et qui ont fondé sur le privilège la
liberté restreinte du culte réformé, le vicomte de Meaux n'en connaît
pas d'autres que celles qui sont connues de tous : la las^tude des
guerres civiles, l'impossibilité reconnue de déraciner l'hérésie par le
îér et le feu, et surtout le taâl que l'héritier du trône se trouva être
un protestant. Nous en avons dit assez pour montrer que le livre de
M. de Meaux, peu nou\'eau par les fkits, ne l'est guère plus par les
idées, mais nous sommes loin cependant de le considérer comme un
livre sans utilité et sans valeur. Catholique convaincu, le vicomte de
Meaux a parlé du protestantisme avec une louable impartialité-, il a
consciencieusement étudié les principaux documents contemporains,
comme les principaux ouvrages de seconde main publiés de nos
jours; un souffle élevé circule dans son œu\Te, qui est composée
et écrite avec talent et qui peut être recommandée conune une
synthèse attacluinte et exacte d'une des périodes les plus émouvantes
de notre histoire.
On aurait, au contraire, le droit d'être sévère pour le livre de
ntiifCB. 4 23
M. Guadet% si on y cherchait, comme sa préfoce nous invite à le
bire, le fruit de quinze ans d'études et d'un commerce familier et
constant avec Henri lY. On peut être plus indulgent si on ne le con-
sidère que comme un aperçu groupant, à Tusage de ceux qui abor-
dent pour la première fois l'histoire de Henri IV, les principaux
résultats auxquels peut conduire Tétude des Lettres missives. Toute-
fois, même en le jugeant à ce point de vue, le livre de M. Guadet,
qui se compose en partie d'un choix de lettres et de discours du chef
de kt dynastie des Bourbons et qui n*est pour une bonne part que la
reproduction du travail inséré par lui au tome IX des Lettres mis-
iiveSf même à ce point de vue le livre de M. Guadet laisse à désirer.
G*est que, pour tirer parti des Lettres missives, il faut connaître
autre choee que ce recueil et les Économies royales^ c'est qu'il faut
en réalité connaître toutes les sources historiques de cette époque et
les principaux travaux de la critique moderne. Que M. Guadet ne
remplisse pas ces conditions, c^est ce que prouvent notamment et
Fusage sans réserve qu'il fait des Économies de Sully et sa foi dans
la réalité du grand dessein.
L'ouvrage de M. Berthold Zeller^ a sur celui de M. Guadet Tavan-
tage d'être puisé à des documents inédits. M. Zeller y reprend la
tentative de réhabilitation commencée par M. Cousin eu faveur du
due de Luynes. Si nous nous servons du mot de réhabilitation, c'est
parce qu'il caractérise l'intention avouée de l'auteur, ce n'est pas
qu'il soit à sa place en un pareil sujet. Le connétable de Luynes n'a
pas besoin d'être réhabilité, par la bonne raison que l'histoire lui a
rendu justice bien avant M. Cousin et M. Zeller. Il n'est pas néces-
saire d'aller bien loin pour trouver un jugement équitable sur ce
personnage-, il suffit de le chercher chez le judicieux et naïf Griffet.
Mais la vérité historique n'affrianderait pas un certain public si on
ne lui donnait l'air du paradoxe. Il faut reconnaître du reste que
M. Zeller, qui s'est peut-être cru original et hardi en affirmant le
mérite du duc de Luynes, n'a pas surfait ce mérite. En louant le
connétable d'avoir attaqué l'organisation politique du parti protestant
et d'avoir tenu tête à la maison d'Autriche, dans la question de la
Valteline, il s'est bien gardé de le mettre sur le même rang que son
successeur. H a essayé de montrer le cas qu'il faut faire du duc de
Luynes par l'exposé des événements qui ont rempli la dernière année
de sa vie, celle à laquelle M. Cousin s'était arrêté. Il ne fout pas
1. Henri FV, sa vie, son ceuvre, ses écrits, l toI. Picard.
% Le connétable de Luynes. Montauban et la Valteline, d'après le» archiTe»
d-ItaUi. 1 Tol. in-S*. Didier.
424 BDLLBTIIf HISTORIQUE.
chercher dans le livre de M. Zeller une étude complète de la cam-
pagne de Poitou et de Languedoc ni des négociations relatives à
raffaire de la Valteline. Ceux qui connaissent son précédent ouvrage
(Henri IV et Marie de Médicis] reconnaîtront ici le même procédé de
composition. Ce procédé consiste à donner pour base au récit une
certaine classe de documents inédits, à les faire entrer par analyse
ou par extraits dans la trame de ce récit, à ne pas tenir compte des
autres documents ou à n'emprunter qu'aux plus connus d'entre eux
quelques traits indispensables pour compléter les données fournies
par les premiers. Dans ce système, plus de critique des sources,
puisqu'on donne la première place non aux plus importantes, mais à
celles qu'on a découvertes-, plus de proportions dans le travail,
puisque les parties les plus développées ne sont pas celles qui le
méritent le plus, mais celles pour lesquelles les documents de prédi-
lection offrent le plus de ressources. C'est ainsi que M. Zeller a
presque constamment suivi, analysé, reproduit les correspondances
diplomatiques qu'il a recueillies pendant sa mission en Italie, et dès
lors, pour apprécier son livre, il suffit presque d'examiner la valeur
des dépêches qui en forment la substance. Un assez grand nombre
de ces dépêches, émanées du secrétaire d'État du saint-siège, du
nonce, des ambassadeurs vénitien et toscan, sont insignifiantes,
mais la plupart sont intéressantes et quelques-unes instructives. Les
variations de la curie romaine dans l'affaire de la Valteline s'y pei-
gnent d'une façon curieuse. On y trouve un récit intéressant de
l'émeute provoquée à Paris par la mort du duc du Maine. On ne con-
naissait jusqu'ici ni Pattitude résolue du roi au siège de Montauban,
ni le dessein de la reine-mère et du comte de Soissons de profiter de
la longueur du siège pour former un parti. On trouve un exemple
frappant de l'indiscipline de l'armée et du peu de sécurité dont jouis-
sait, en temps de guerre, la population civile, dans une dépêche où
l'ambassadeur vénitien raconte Tattaque dont il a été victime. En
somme, la publication de M. Zeller doit être accueillie avec reconnais-
sance pour les documents inédits dont elle nous apporte le texte ou
l'analyse.
On ne peut se défendre d'une certaine mauvaise humeur quand on
voit à quelles proportions mesquines M. Ernest Berlin a réduit le
beau sujet qu'il a choisi comme thèse de doctorat ès-lettres '. Nous
comprenons à la rigueur qu'il en ait négligé le côté juridique, qu'il
n'ait rien dit, par exemple, du régime de communauté et du régime
dotal, bien que celte différence de régime ait exercé une grande
1. Le$ Mariages dans l'ancienne société française» 1 vol. in^*. Hachette.
FRiNCB. 425
influence sur les rapports entre époux; pour traiter la question à ce
point de vue, il faut être jurisconsulte. Mais quelle source d^intérêt
M. Bertin a négligée en se renfermant dans la cour, au lieu de péné*
trer dans quelques-uns de ces intérieurs bourgeois qui représentent,
à bien plus juste titre que les familles de courtisans, les mœurs
domestiques des Français des deux derniers siècles!... Du moment
où M. Bertin, faisant œuvre de littérateur plutôt que d'historien,
traitait son sujet d'une façon tout anecdotique, du moment où il ne
s'occupait que des classes supérieures et ne puisait que dans des
mémoires connus de tout le monde, son étude ne comportait pas
autant de développements, et, malgré le talent de Tauteur, on ne peut
s'empêcher de la trouver singulièrement prolixe. Les anecdotes ne
peuvent plaire qu'aux lecteurs frivoles, lorsqu'elles ne servent pas à
caractériser l'esprit et les mœurs d'une société. Or, il n'y a pas
d'autre enseignement à tirer du récit de ces unions uniquement
formées par l'intérêt et presque toujours malheureuses, sinon que
l'orgueil nobiliaire, les convenances d'âge et de sentiment étaient
habituellement sacrifiées à l'ambition et à la cupidité. Mais ne le
savions-nous pas, et fallait-il plus de 600 pages pour nous le rappeler ?
D y a une véritable monotonie dans des anecdotes qui prêtent tou-
jours aux mêmes réflexions, et ce n'est pas sans fatigue qu'on achève
un livre qui vise surtout à être piquant.
C'est aussi une étude sur les mœurs de nos ancêtres que M. le
marquis de Belleval vient d'écrire S mais sans se placer, comme
M. Bertin, à un point de vue unique, ni se renfermer dans une seule
époque. Son livre est une série de tableaux de la vie privée du xiv^
au xvni^ siècle. M. de Belleval n'a pas su éviter les deux écueils
opposés où ont échoué presque tous ceux qui avant lui ont fait la
mkne tentative : la diffusion et l'a peu près. 11 n'a pas su non plus
résister à la tentation de présenter le fruit de ses recherches sous
une forme artiflcielle, de faire parler nos ancêtres du x?» ou du
xfii* siècle. Son ouvrage, avec tous les documents inédits que l'auteur
a &ûi passer dans sa trame et qu'il a tirés pour la plupart de ses
archives de fsimille, n'en est pas moins une œuvre de vulgarisation
très instructive, écrite avec bonhomie et franchise.
La maison Charpentier a entrepris une édition complète des œuvres
de Lanfirey. Cette édition s'ouvre par VÊglise et les philosophes au
XVIII* siècle (\ vol. in-42), livre qui ftit le premier ouvrage de Lan-
Irey. Nous ne laisserons pas passer cette occasion de rendre un
Qoavel hommage à ce noble esprit en qui le parti qu'il honorait a
1. Nos pères, mœurs et ecutumes du temps passé, 1 vol. in-S*. Didier.
426 BULLBTI!! HISTOKlQUt.
perdu un modérateur si nécessaire et l'histoire un justicier si imin-
toyable et si éloquent. Nous ne trouvons pas de mot qui caractérise
mieux la fiiron dont LanfVey comprenait Thistoire; il y voyait une
sorte de magistrature morale ayant mission de réhabiliter^ de récom-
penser, de punir, de dégager des leçons d'une application directe ;
par là il se rapproche des historiens anciens qui cherchaient à la ikire
servir à Féducation morale ou politique de leurs concitoyens. Cette
préoccupation devait l'attirer presque exclusivement vers les périodes
les plus récentes et donner à ses livres un accent personnel et pas-
sionné qui va au cœur, non sans inquiéter un peu Tesprit. Ce carac-
tère subjectif qui distingue son dernier ouvrage, V Histoire ds Napo^
léon, est encore plus prononcé dans l'ouvrage par lequel il débuta à
vingt-sept ans et que Ton réimprime aujourd'hui. Jeune par la verve,
le ton absolu et ca\'alier des jugements, ce livre témoigne en même
temps d'une maturité remarquable par rindépendanee de Tauteur à
r^rd des idées reçues, la finesse de certains aperçus, la sûreté et
la vigueur du style. Écrit en quinze mois', le livre de Lanfiney n*est
pas un tableau complet de la lutte de TÉglise et des philosophes au
xviii* siècle, il n'en retrace que certains épisodes et, en ce qui touche
les doctrines de ces philosophes, il est bien inférieur aux ouvrages
de Bersot^ et de Taine'. Mais, en revanche, avec quelle finesse et
quelle puissance il nous foit connaître le caractère et le rôle du jésiiî*
tisme au xtiii* siècle!
Si attachants et si utiles que soient les efforts des historiens pour
fkire comprendre le mouN-eniont et le conflit des Idées dans le passé,
rien ne nous (kit coimaitre la vie morale des générations qui nous
ont précédées conmie les souvenirs des contemporains, lorsque ces con*
temporains n'ont pas écrit en vue de la postérité, qu'ils n'ont pas un
nMo à justifier ou à arranger, qu'ils n'ont été mél^ aux grands évé-
nements que pour en être les jouets passif^ les obscures victimes.
C est a' qui ituid rautobîographie de M'^ Alexandrine dee Echerolles^
si précieuse et si captivante. M^** des Echert)Ues raconte ce que la
Révolution a dit soiiflVir à elle et aux siens, sans ftùre le procès à la
Révolution, sans déplorer la ruine de rancien régime, sans sortir du
cercle des sentiments privés pour se placer à un point de vue général
et politique. Ses souvenirs, d'une précision étonnante, nous fimt
vivre de la vie des suspects, partager leurs émotions^ éprouver la
I. Vo5«i VHxtà^ bk^«phiqw, à la foi» chtiMreBtr H nesarée, qM M. ée
5. I.A nrigines ée to From^ C(»n1êmf»rmme^ i<mt I** : /'incini ft^iM«.
PRA!fCB. i 27
terreur qu*ib éprouvaient. Il est impossible de signaler tous les traits
curieux que Phistoire peut tirer de ce livre; contentons-nous d'appeler
l'attention du lecteur sur le massacre de Pierre-Cize, le siège de
Lyon, la situation de la ville après l'entrée de l'armée républicaine,
la vie des prisonniers aux Recluses et à Saint-Joseph. Nous devons
de vife remerciements à M. René de Lespinasse pour avoir donné une
publicité véritable à un livre qui méritait si bien de sortir du petit
cercle de lecteurs en vue duquel il avait été publié dès 4843.
Le troisième volume de M. Henri Martin^ ne nous impose pas les
réserves que nous avons dû ikire pour les deux premiers. L'impar-
tialité est complète, les jugements sont fermes et élevés, le récit est
dair et rapide, le style simple et sain. 11 n'y a qu'une chose à repro-
cher à M. Martin : c'est l'absence complète de notes et de renvois aux
sources.
M. Victor du Bled nous parait aussi en progrès-, son second
volume^, où il a resserré les treize dernières années d'un règne
aux cinq premières duquel il avait consacré presque autant déplace,
se rapproche plus que le premier du ton historique. En attendant sur
le gouvernement de Juillet une histoire définitive, digne d'être mise
à côté de VUisiaire de la Restauration de M. de Viel-Gastel, on peut
lire avec confiance l'abrégé de M. du Bled. Il n'y a qu'un point sur
lequel le lecteur devra être en garde : prévenu contre M. Thiers par
le rôle qu'il a joué dans la dernière partie de sa carrière, l'auteur ne
lui a pas assez rendu justice, il n'a pas montré combien sa politique
s'inspirait du sentiment national, tandis que celle de M. Guizot se
renfermait à l'excès dans les fictions constitutionnelles.
Entre le livre de M. du Bled et le volume par lequel M. C. Dareste
vient de terminer sa belle Histoire de France, il y a la diflerence
qui sépare un homme encore jeune, abordant l'histoire pour la pre-
mière fois et y portant l'ardeur de ses convictions politiques, d'un
historien éprouvé, maître du ton et des convenances du genre.
M. Dareste ne s'est pas dérobé à l'obligation de juger les hommes et
les événements qu'il avait à passer en revue de 48U à 4870, et ses
jugements sont modérés et justes, mais il s'est donné surtout pour
l&che d'exposer. Les lecteurs de son histoire savent combien son
exposition est nette, précise, ferme. Elle parait seulement un peu
deose, on y souhaiterait plus de légèreté, plus d'air. Cette impression
tient en partie, sans doute, à l'absence de sommaires, tant en haut
t. Histoire de France depuis 1789 jusqu'à nos jours. Tome UI : du tnité de
Gimpo-Formio à la retraite de Russie. 1 vol. iii-8*. Fume.
2. Histoire de la monarchie de Juillet, Deatu.
428
BOLLBTIIV HISTORIQUE.
des pages qu'ea marge et en tête des chapitres. La subdivision des
livres par de simples chiffres qui ne s'expliquent que par la table des
matières, n'accuse pas assez les différentes parties du récit et ne
soutient pas assez l'attention. Du reste, à partir du règne de Louis-
Philippe, le livre devient un simple sommaire des événements.
Le livre de M. Zeller* est intéressant, mais cet intérêt il le doit
exclusivement à l'importance des événements qu'il retrace, aux émo-
tions qu'il réveille. L'auteur n'est pas au niveau de son sujet. De ce
sujet, aussi fécond en leçons politiques que captivant pour l'imagi-
nation, il n'a tiré qu'un précis historique terne et superficiel. Ce
précis garde le silence sur une foule de questions qui se lient étroi-
tement à la fondation de l'unité italienne. Ainsi M. Zeller ne carac-
térise nulle part la politique de la France envers l'Italie, il n'essaye
pas de déterminer d'une façon précise les chances du fédéralisme,
les sentiments que l'unité inspirait aux différents peuples de la
Péninsule et aux différentes classes de la population, etc. Xon-seule-
ment il se borne à raconter des événements présents à toutes les
mémoires, mais ces événements eux-mêmes, il ne les juge pas avec
décision et netteté, il n en précise pas le caractère et la portée; c*est
habituellement sous forme interrogative qu*il présente ses appré-
ciations. Le style se ressent naturellement de ce qu'il y a de flottant
dans la pensée : il est mou et traînant.
G. FlGMEZ.
ORIENT.
RBAXB DES PRINCIFArX OUAIUGES ET ARTICLES RELATIFS
A L"ORIK2rr ANCIEN.
1,
En Êùt dourra^ embrassant 1 histoire enlim de rancîeii Orient
classique, j^ ne vois £uèr^ pour 1 AUema^ne que deux edîUons nou-
\Wles de Max Duncier^. e: la lrmiiicUv>D alkmande du livre de
iê rnMhe. 1S4»-
oRiKirr. 429
M. Maspero avec des additions de Tauleur et du traducteur, M. Richard
Piestchmann ^ Il n'y a plus à faire Téloge de Thistoire ancienne de
Duncker. Les deux dernières éditions ont été mises au courant de la
science et complétées avec soin. Peut-être serait-on tenté d'observer
que M. Duncker connaît ce qui a rapport à T Assyrie mieux qu'il ne con-
naît ce qui a rapport à l'Egypte : du moins il semble ne pas avoir mis
à profit tous les petits mémoires que les égyptologues ont publiés en
Allemagne, en Angleterre, en France, en Italie, même en Norwège,
sur des points d'histoire et d'archéologie. Son ouvrage, malgré quel-
ques lacunes, n'en reste pas moins le meilleur des grands ouvrages
qu'on ait publiés jusqu'à présent sur l'Orient ancien.
11 est fâcheux que M. Louis Schiaparelli n'ait pas encore trouvé le
temps d'achever sa Storia Orientale Antica^, Le premier volume de
la sixième édition, paru en 4874, donnait un résumé, très exact et
très complet pour l'époque, de tous les renseignements que nous four-
nissent les auteurs anciens et les savants modernes sur l'Egypte, la
Ghaldée et l'Assyrie. Un abrégé du même auteur, publié à l'usage
des écoles', n'a de parallèle en France que la Petite Histoire ancienne
des peuples de FOrient de M. Van den Berg*. Ce petit livre, fait avec
le plus grand soin, renferme en quelques pages plus de matière que
bien des ouvrages plus ambitieux, V Histoire ancienne^ de M. GatTarel
par exemple, et mériterait d'être introduit ofOciellement dans nos
lycées. Je ne puis cependant m'empêcher de regretter que l'auteur
1875, ix-485 p.; 3ter B., 1875, viii-426 p.; 4ter B, t877, xii-593 p.; — Vte
Anflage, lier. Band, 1878, xyi-493; 2ter Band, 1878. xiii-606 p. *
1. G. Maspero s Geschichte der Morgenlxndischen VtBlker im Àlterthum,
nadi der 2/en Au/lage des Originales und unter Mitwirkung des Verf asters
lUfersetti von D* Richard Pietschmann , mit einem Vorworte von Prof essor
D* Georg Ebers, vollstandigeni Regisier und einer lithographirten Karie, —
^pzigt W. Eogelmann, 1877, in-8*, ix-644 p. — La 3* édition française de
l'original a paru en 1878. Paris, Hachette.
2. Storia Orientale Aniica di L. ScMapardliy Prof essor Ordinario nella R,
Vniversità* di Torino, Vlta Edizion, Vol. 1; conUene l'Introduzione, i tempi
primitÎTi, e la storia degli Egiziani, dei Caldei, degli Assiri, e dei Babilonesi.
1874, Torino, Tommaso Vaccarino. In-12, xxiv-472 p.
3. Sommario delta Storia Orientale di L. Schiaparelli, fatto dall' autore.
1874. Torino, T. Vaccarino. In-12, 150 p.
4. Petite Histoire ancienne des peuples de VOrieni, Égyptiens^ Assyriens et
Babyloniens, Mèdts et Perses, Phéniciens, par Van den Berg, ancien élèTe de
l'Ecole normale supérieure, professeur d'histoire et de géographie. Ouvrage rédigé
d'après les découvertes les plus récentes et avec l'indication des sources, et
conteoant 4 cartes et 24 vignettes. Paris, Hachette, 1878. In-16, 224 p.
5. Histoire ancienne des peuples de l'Orient jusqu'au premier siècle avant
notre ère, par Paul Gaffarel, professeur à la Faculté des lettres de Dijon. Paris,
A. Lmerre, 1876. In-16, 450 p.
ReV. HiSTOR. XI. U' FA8C. 9
430 BULLETIN HISTORIQUE.
ait cru devoir préférer à l'ordre synchronique des Cdts accomplis
dans les difTérents états orientaux, Tordre successif, racontant d*abord
rhistoire de TËgypte, puis celle de TAssyrie et de la Babylonie, puis
celle de la Médie et de la Perse , et terminant par la Pbénide. De
toutes les autres Histoires de TOrient dont on se sert dans les lycées
et collèges, une seule a été jusqu'à présent mise à peu près au cou-
rant des connaissances actuelles, celle de Dottain *. Le reste en est
encore à Hérodote et à Diodore.
Je n'indiquerai que pour mémoire une brochure écrite en finnois
de M. E. A. Strandman sur les derniers résultats des recherches faites
en Eg^-pte et en Chaldée^. M. Valdemar Schmidt, dans son Histoire
ancienne de VAssffrie et de tÉgypte\ a fort habilement résumé le
résultat de ses propres recherches et des travaux de ses prédéces-
seurs. Son livre n'est pas tout-à-foit un livre de science ; il n'est pas
non plus tout<^-fait un livre de vulgarisation, car il renferme une
forte proportion de caractères cunéiformes et d'hiéroglyphes. Il
n'est pas non plus fort bien composé et se trouve alourdi par lln-
sertion presque littérale d'un autre ouvrage 4u même auteur sur la
Syrie ^. Enfin, le second volume, paru six ans après le premier, a si
longtemps attendu Timpression qu^une partie des matériaux qu'il
renferme était déjà insuffisante au moment de la publication. Telle
qu'elle est, Ihistoire de M. Waldemar Schmidt est très estimable et
aurait rendu un véritable service à la science, si elle avait été écrite
dans une langue plus répandue que le danois.
M. Valdemar Schmidt est à la fois ass}Tiolagiie et égypUriogoe :
M. Tabbé Vigouroux n*est ni Tun ni Tautre^ oomme on s'en aperçoit
bien vile en lisant ses tnns volumes sur Lm BMe et les découvertes
wuKtemes^, Les monuments n'y ont pas été éiudiês directement.
t. Prvctt é'kiamre mncéemMe^ rtttàfé eÊmftnmhmemS a ^r«ffit«»< de 1874,
è fttjafr ée U eUsap 4e tucieme, fiw K. DôtUàk frofessKmr é^isloirt m lyeèt
4t TtrsttUes.. ^ fditîoi. rrrw et «^^Matoe. Fim, DdftUàk 1S7T. Im-lt, \9t p.
t. ICwsJraNMDi sitjr jMlktsis «sidWmjrjr, fêiU ^ifc,%uwl Itrma^irm kirféBê-
stmétSM nteM».iS«a Tt^htMi .ut Bat -toM Moufen frmsf AufmM
Hc. H<««àicfor<k y C. PraKàfiln >& IV9M hNM. t$?^ 1»4\ ^ f.
^ ViM(«Mr $cà»»AU j|«qprm i»f .ë:pfffens p7mie BàsUne^ erter éem
i«t<KY H V oMir«» if 1 «^^T^. — \iiAm p«L tsrr. stx Joe p.. p*» ^ pu bob
— ttilif àt xMfS' fymfkiNmÀqmts^
JS^TW 9t$itm 9 Cêâttétm ,mtÀ % K^«t .. le 1 at «t («Crr W imr fan seil
^. Là 9lMf te k$ ât^^tmm''ifs i»A«tf*^«^ r» tpfit'» f eit Âssfrêi, par F Tîpoe-
ORIENT. i 34
l'auteur a dû se borner à reproduire l'interprétation qu'en ont donnée
les savants spéciaux. C'est là toujours une opération dangereuse : on
est exposé à passer à côté du vrai et à ne prendre que le faux ou le
douteux. M. l'abbé Vigouroux s'est acquitté fort habilement de sa
tâche et a su faire le choix de ses autorités avec beaucoup de discer-
nement. Son livre aurait peut-être plus d'autorité si le ton apologé-
tique n'y dominait pas trop ouvertement. La plupart des articles
qu'il renferme avaient déjà paru dans la Revue des questions histo-
riques^ et l'auteur a déjà inséré dans la même revue de quoi ajou-
ter un volume nouveau aux volumes précédents ^ Le dictionnaire
archaïque de M. Cooper donne sous une forme brève un grand
nombre de notices sur les différents noms d'hommes, de peuples et de
dieux qu'on a déchifilrés sur les monuments hiéroglyphiques et cunéi-
formes*; il est fâcheux qu'on y trouve, au milieu de beaucoup de
bonnes choses, un certain nombre d'erreurs assez graves.
n.
L'activité a été grande depuis deux ans dans le camp des égypto-
logues. En Angleterre, les Records of the Past^ et les Transactions
of the Society of Biblical Archœology *, en France les Mélanges
roax, prêtre de Saint-Sulpice, avec des illustrations d'après les monuments par
M. l'abbé DouiUard, architecte; précédé d'une lettre de Mgr l'éyéque de Rodez.
Paris, Perche et Tralin, 1877. In-J2, t. I, 396 p.; t. II, 476 p.; t. III, 1879.
1. Cfr. Revue des Questions historiques, ayril 1879.
2. An Archaic Diciionary : Biographical, historicalf and mythological ;
from the Egyptian, Assyrien and Etruscan Monuments and PapyH, by W. R.
Cooper. London, Bagster, 1876. In-8% xvi-668 p.
3. Records of the Past, being English translations of the Assyrian and
Egyptian monuments. Publisbed under the sanction of the Society of Biblical
Archaology. — Egyptian Texts : Vol. VIII, nov. 1876, ii- 168 p., plus 2p.de table
ao commencement du volume; vol. X, 1878, ii-172 p., plus les 2 p. de table.
I11-I2. London, Samuel Bagster et Sons.
4. Transactions of the Society of the Biblical Archxology. T. IV, 2d part,
Dccember, 1875, 203-415 p.; t. V, Ist part, June 1876, 317 p., avec 15 pl. et un
spécimen d'étoffe de momie, plus 3 p. non numérotées de membres nouveaux et
le Catalogue of the Library of the Society of the Biblical Archxology, Lon-
don, Harrison et Sons, 1876, xv-109 p.; t. V, 2d part, June 1877, avec six pl.,
nr-3t9-597 p., i-xxiv p. de listes et catalogue, et 2 p. de nouveaux membres
Doo numérotées: t. VI, Ist part, January 1878, iy-304 p. London, in-8*. Publié
jasqa'en 1877 chez Longmans, Green, Reader et Dyer; depuis 1878, à l'office de
U Société, 33, Bloomsbury Square. Depuis 1878 les comptes-rendus des séances,
publiés d'abord à la fin des volumes, ont été publiés séparément jusqu'en juillet
1878 eo s^ps, mal commodes pour la reliure, depuis le 5 novembre 1878 en
bulletins mensuels de même format que les Transactions, sous le titre Procee-
432 BULLETIN HISTORIQUE.
(T archéologie Egyptienne et Assyrienne^ et le Recueil de travaux
relatifs à l'Egypte et à P Assyrie^, la Bévue archéologique et le Jour»
nal asiatique^ en AUemagae, la Zeitschrifï fUr jEgyptische Sprache
und AUerthumskunde^ el la Zeitschrifï derD. Morgenl. Gesellschafftf
ont publié un grand nombre de mémoires relatifs à Tantiquité égyp-
tienne. Chaque partie de l'histoire d'Egypte a été étudiée tour à tour
et a fourni la matière de diverses monographies qui ne sont pas
toutes intéressantes au même degré.
L'ancien et le moyen empire ont peu fourni relativement. Cepen-
dant le double calendrier du papyrus médical Ebers a servi de texte
à plusieurs auteurs. Il s'agissait de déchiffrer le nom d'un roi de
l'ancien empire dont ce calendrier donne une double date de l'an IX :
M. Lepsius avait proposé la lecture Kerpherês^ à laquelle M. Edouard
Naville arrivait aussi par des moyens différents^, M. Dûmichen la
lecture Bicheris^. M. Chabas a montré sans réplique qu'il fallait lire
Menkeri, soit le nom du Mykérinos d'Hérodote, du roi qui construisit
la troisième des grandes pyramides^. II n'a pas été aussi heureux
quand il a placé la double date qui s'attache à ce roi dans la troisième
dings of ihe Society of BiUical Archxology. Ont paru jusqu'à présent huit
bulletins formant 46 p. numérotées au bas des pages, avec 4 pages non numé-
rotées de titre et de table, et le Secretary's Report for ihe year, 1878, 6 p.
t. Mélanges d'archéologie égyptienne et assyrienne* Paris, Franck, 1877-
1878, t. III, t-160 p. et 12 pi.
2. Recueil de travaux relatifs à la philologie et à l'archéologie égyptiennes
et assyriennes. Paris, Franck, in-4*. Vol. I, Ut. 2, 1877, p. 47-88 et 7 planches;
liv. 3, 1879, p. 89-132.
3. Zeitschrifï fUr jEgyptische Sprache und Alterthumskunde, herausgegdben
Ton C. R. Lepsius zu Berlin , unter Mitwirkung von H. Brugsch. Leipzig, J.-C.
Hinrichs, 1876, in-4^ T. XIV, 148 p. et 2 pi.; t. XV, 1877 (à partir de ce moment
en cahiers trimestriels munis chacun d'un titre et d'une table), 159 p. et 2 pi.;
t. XVI, 1878, 116 p. et 8 pi.; t. XVlI, 1879, deux fascicules parus.
4. U^>er den Kalender des Papyrus Ebers und die GeschichiUehkeit der
xltesten Nachrichten, Zbits. i£., 1875, p. 145-157.
5. Le cartouche du Papyrus Ebers, Zeits. M., 1876, p. 111-114.
6. Die erste bisjetzt aufgefwidene sichere Angabe ueber die Regierungsiêit
eines xgyptischen Kcenigs aus dem alten Reich, welche uns durch den medi-
cinischen Papyrus Ebers ueberliefert wird. Ton J. Diimichen, Professor der
^yptologie an der Universitœt Strassburg. Mit dem Ton Prof. Ebers herges-
tellten genauen Facsimile der kalendarischen Notiz au f dem Ruecken des Papyrus
Ebers. Leipzig, Engelraann, 1874, in-8«, 32 p. et 1 pi.
7. Détermination d'une date certaine dans le règne d'un roi de Vanden
empire en Egypte, par Fr. Chabas. Extrait des Mémoires présentés par diTert
saTants à l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Paris, Imprimerie Nationale,
1877, m-4*; cfr. Comptes-rendus de l'Académie des inscriptions, 1877»
p. 140-141.
ORIENT. 4 33
période sothiaque avant noire ère, vers Tan 3040-3007. Le chiffre des
années de règne et le nombre des rois connus des dynasties qui sépa-
rent la quatrième dynastie de la dix-huitième nous forcent à reporter
Hykérinos à une période sothiaque entière plus haut, soit vers
Tan 4470-4467. Cette date, qu'on peut considérer comme exacte à une
dizaine d'années près, est la première date fixe qu'on connaisse
jusqu'à présent pendant toute la durée du haut empire égyptien.
M. Krall, étudiant les documents relatifs à la vi* dynastie,
conclut avec Mariette, que l'intervalle entre celte dynastie et
la xii^ a été rempli par l'invasion d'un peuple barbare venu
d'Asie, comme plus tard les Hyksos ^ : je ne vois rien dans les
documents jusqu'à présent publiés qui justifie cette hypothèse.
M. Maspero, dans la première partie d'un mémoire sur les inscrip-
tions de Hammamât, a traduit les proscynèmes et les grafSti
tracés sur les rochers de celte vallée par les ingénieurs que les rois
de la V*, de la ti* et de la xi* dynastie y avaient envoyés chercher les
Mocs de granit nécessaires à la construction de leur tombeau^; il
a donné également la traduction de différentes stèles de la xii* dynas-
tie', montré que le désert libyen était probablement dès lors habité
par des tribus de langue berbère^, et indiqué le profit que les artistes
gréco-romains avaient pu tirer des peintures des plus vieux tom-
beaux égyptiens'. M. Ledrain a raconté, d'après ses propres tra-
vaux et les notes prises au cours d'Égyptien du collège de France,
ce qu'était la vie d'un grand seigneur féodal au temps des premières
dynasties thébames^ Joignez à cela différentes traductions sans
commentaire, celle de l'inscription de Beka par Ghabas^, celle de
1. Die Yorlxufer des Hyksos, tod J. Kral], Zbit. JE., \S79, p. 34-36.
2. Les monuments égyptiens de la vallée de Hammamât, par G. Maspero.
I. Anden et moyen empire. Extrait de la Revue orientale, 1877, p. 327-341, in*8*.
3. The stèle C 14 ofthe Louvre by G. Maspero, dans les Transactions, toI. V,
part 2, 1877, p. 555-562; reprinted from the Transactions, etc., in- 12, 8 p.—
Sur une stèle du mvisée de Boulaq, dans le compte-rendu du quatrième congés
des orientalistes de Florence (sous presse).
4. On the name of an Egyptian dog, by G. Maspero, dans les Transactions,
Toi. V, part 1, 1876, p. 127-128.
5. Les peintures des tombeaux égyptiens et la mosaïque de Palestrine, par
M. G. Maspero. Extrait des Mélanges publiés par l'École des hautes éludes.
Paris, Imprimerie Nationale, 1878, in-8% p. 45-50. Reproduit ayec figures dans la
GazeUe archéologique, 1879, p. 77-84.
6. Un grand seigneur féodal dans la Moyenne-Egypte dix siècles environ
avani Moïse, par E. Ledrain, prêtre de l'Oratoire. Paris, Maisonneuve, 1876,
ii-S', 24 p. Extrait du Contemporain du 1*' avril 1876.
7. Naliee sur une stèle égyptienne du Musée de Turin, par Fr. Cbabas, dans
les Trantaetiions, toI. V, part 2; p. 459-474.
434 BULLETIN HISTORIQUE.
rinscription de Tan 50 du roi Montouhotpou par Fr. Rossi\ et
rinterprétation ingénieuse qu'a donnée M. Ed. NaviUe de deux
monuments du musée de Marseille, Tun consacré à célébrer les
mérites d^un fonctionnaire de la xiii* dynastie qui vivait dans le
Fayoum^, Tautre à perpétuer sous la xx* dynastie le culte du roi
Teta de la vi*3. Sur la période obscure qui sépare la xiii* de la
xYin"" dynastie, je ne vois guère à signaler que la note de M. Fr.
Lenormant relative à un firagment de statue conservé à Rome, dont
le type rappelle de fort près le type des rois Pasteurs, découverts à
Sân^, et rheureuse observation de M. Erman qui montre dans le car-
touche du Pap. Sallier I, 4/7 un titre et non le nom d'un roi pas-
teur^.
La grande époque thébaine a été, comme toujours, Tobjet d*un
bon nombre de travaux. H convient de citer en première ligne This-
toire des six premiers souverains de la x?iii« dynastie par M. Alfred
Wiedemann, un débutant en égyptologie^. C'est un ouvrage dont la
forme n^a rien d'attrayant, mais dont le fonds est d'une incontestable
utilité. M. Wiedemann a dressé l'inventaire de tous* les monuments
des six premiers souverains de la xviii^ dynastie qui sont connus
jusqu'à présent soit en Europe, soit en Egypte, et la bibliographie
des mémoires qu'a suggérés l'étude de ces monuments. U n'y a guère
que quelques légères erreurs à signaler çà et là : l'ouvrage est indis-
pensable à tout historien de l'antiquité. Des deux premiers rois de la
xviii* dynastie, Ahmos I et Amenhotpou l*', on n'a trouvé rien à dire
1. Illtutrazione di una stela funeraria delV XI DinasUa M Museo di
TorinOj Memoria di Fr. Rossi. Estratto degli AiH delta ReaU Accademia deUe
Scienze di Torino, toI. Xill. Stamperia Reale di Torino, 1878, in-8% 22 p. et
2 tay. Le même monument ayait déjà été publié et traduit par Orcurti : DU-
corso suUa Stotia ddV Ermeneutica Egizia accompagnato da una irUerpreUir
zione ragionaia di alcuni Monnmenti del professore Pier Camillo OrcurtL
Estratto dalle Memorie délia Reale Accademia deUe Scienze di Torino, classe
di Scienze mor. stor. e filolog., série 2, tom. XX. Stamperia Reale di Torioo,
1860, in^*, 43 p. e 3 Ut.
2. Dans le Recueil^ t. 1, 3* fasc
3. Le roi Teta Merenphiah, par Ed. Narille, aTec 1 planche, dans la Zbits.
2E0., 1878, p. 69-72
4. Frammento di statua di uno dei pastori di Egitlo. Memoria di Fr. Lenor-
mant (con tayola in fototipia). Estratto del BuUelino ddla ComnUssione ardi.
communale di Roma, anno V, série II, Gennajo-Giugno. Roma, coi tipi del
Salriucci, 1877, 15 p.
5. Dans un article intitulé : Varia, de la Zbitsghr. iEo., 1877, p. 27.
6. Geschichle der acMzehnten jEgjptischen Dynastie (fis zum Tode Tuâmes IIl,
Ton Alfred Wiedemann. Leipzig, G. Kreysing , s. d., 76 p. in-8*. — Separatib-
druck aus der Zeitschrift der Deutschen Morgenlœndischeo Gesellschafl,
Bd. ixxi.
ORIENT. 435
de nouveau \ Thoutmos P' a élé étudié par M. Mariette en ce qui
concerne la part quMl prit à la construction des monuments de
Karnak et les liens de famille qui le rattachent à ses successeurs *, et
par M. Maspero en ce qui concerne la part qu'il prit à la reconstruc-
tion du temple d'Osiris à Abydos^. Les tableaux du temple de Déir-
el-Bahar! ont fourni à M. Mariette la matière d'un bel ouvrage où
il a avancé que le nom de Pount appliqué exclusivement à T Arabie
devait être reporté sur la côte d'Afrique au pays des SomâP. M. Mas-
pero, reprenant la discussion et rétendant à toutes les expéditions
maritimes des Égyptiens connues jusqu'à présent, a montré que les
peintures du temple représentent non pas une guerre navale, mais
un voyage de découvertes entrepris par cinq vaisseaux*. Un monu-
ment trouvé par M. Ascherson au désert, près d'El-Eyoun, dans
la petite Oasis, et portant le nom de Thoutmos U, prouve que cette
Oasis était dès lors sous la domination égyptienne^. Le règne de
Thoutmos m a inspiré plus d'un mémoire intéressant, à M. Birch,
sur l'inscription de Nibouaiou, grand-prêtre d'Osiris à Abydos®, et
sur les estampages du tombeau de Rokhmirl acquis par le British
Muséum à la vente de M. Hay^-, à M. Brugsch sur le grand-prêtre
Amenhotpou qui joua un grand rôle en Egypte du temps de Thout-
mos III et d'Amenhotpou III®; à MM. Chabas et G. Ebers sur le
monument biographique de cet Amonemhib qui fit toutes les cam-
pagnes de Thoutmos III et une partie de celle d'Amenhotpou 11^; à
M. Maspero sur le conte où il est question de la prise de Joppé par un
officier égyptien ^^. Les grandes fouilles de Karnak et surtout la décou-
1. Dans le texte de son ouvrage sur Déir-^-Bahari, p. 35 sqq.
2. Revue crUiquey 1877, t. I, p. 362-363.
3. Detr-el-Baharf, Documents topographiques, historiques et ethnographiques
recueillis dans ce temple pendant tes fouilles , par A. Mariette Bey. Leipzig,
J. C. Hinrichs, 1877. Planches in-folio, 16 pi. Texte in-4*, 40 p.
4. De quelques navigations des Égyptiens sur les côtes de la mer Erythrée,
par G. Maspero. Paris, 1878, in-8*, 32 p. Extrait de la Revue historique, 1879,
D* de janvier.
5. NoUt, dans la Zaïrs. JEo,, 1876, p. 120.
6. Tablet ofthe reign of Thotmes JII, by Sam. Birch, dans la Zbits. Mq.,
1876, p. 4-7.
7. Dans TarUcle intitulé : Varia, Zbits. i£o., 1877, p. 31-34.
8. Noch einmal Amenhotep, der Sohn des Hapu dans la Zbits. iEo., 1876,
^ 96-101.
9. Dos Grab und die Biographie des Feldhauptman Amen-em-heb, Ton
Georg Ebers (mit 3 Taf) dans la Z. D. D. M. G., Ed. xzx, p. 391-416, Ed. xxxi,
439-470, et Comptes^endus de l'Académie des inscriptions ei bétles-leUres,
1873, p. 155-169, reproduit a^ec quelques modifications dans Mélanges égypto-
logiques, III* série, t II, p. 279-306.
10. Comment ThoutU prit la ville de Joppé^ dans le Journal asiatique, 1878,
et dans Études égyptiennes, t. I, p. 49-72.
436 BULLETIN HISTORIQUE.
verte des listes géographiques ont permis à M. Mariette d'essayer
de reconstruire la carte géographique du monde ancien vers le (Ûx-
huitième siècle avant notre ère^ Je ne parlerai pas des hypothèses
aventureuses que M. Daniel Haigh a cru devoir émettre sur le même
sujet^ ; dans mon opinion, les résultats auxquels M. Mariette était
arrivé n'ont guère été modifiés que sur des points de détail, par
M. Nœideke, au sujet de l'emplacement de la ville de Tounipi',
par M. Lieblein , dans son mémoire sur les Rhitti ^, par M. Mas-
pero, pour le groupe de villes cananéennes qui environnent le
KarmeP. Pour les rois suivants, après la traduction donnée par
M. Maspero de la stèle mutilée de Karnak où Amenhotpou II racon-
tait ses guerres en Syrie ^, et celle donnée par M. Brugsch de la
stèle où Thoutmos IV racontait l'apparition qu'il eut du grand
Sphinx, pendant son sommeiF, je citerai sur Amenhotpou m le
scarabée historique, publié par M. LudwigStem^, et celui qu'a com-
menté M. Kminek-Szedlo^, et sur Harmhabi, qu'on s^obstîne à vou-
loir appeler Horus tout court, les études de Birch^®, de Brugsch'*, et
d'Edouard MeyeH*.
La xix^ dynastie a été relativement négligée par les égyptologues.
1 . Les lûtes géographiques des Pylônes de Karnak comprenant la Palestine,
l'Eihiopiey le pays des Somâl, par Auguste Mariette-Bey. Ouvrage publié sous
les auspices de Son Altesse Ismaîl, khédive d'Egypte. 1875. Leipzig, J.-G. Hein-
richs. Texte in-4*, 66 p. et une table ; atlas in-folio de 6 cartes.
2. On the Shasurpeopte, by Daniel Hy. Haigh, dans la Zktts. M., 1876,
p. 52-57.
3. Tunip und Charbu, Yon Th. Nœldeke, 1876, p. 10-11.
4. Étude sur les Xétas, par J. Lieblein, dans les Travaux de la troisième
session du Congrès international des orientalistes, Saint-Pétersbourg, t. U,
p. 345-364.
5. Pioles sur différents points de grammaire et d'histoire, dans la Zbits. M.,
1879, p. 54-55.
6. Id,, Wid., p. 55-58.
7. Der Traum von Kœnigs Thutmes IV bei der Sphinx, von H. Brugsch,
dans la Zetts. JE., 1876, p. 89-95.
8. Dans une note du très remarquable mémoire intitulé : Hieroglyphiseh'
Koptisches, Zbitsch. ^Eo., 1877, p. 87, note 2.
9. Prolusione al Corso libero di Egiitologia nella R. Università di Bologna
[letta il 22 novembre 1878) e Lezione sopra gli scarabei di Amenofi III e di
Ramesse III del Museo civico di Bologna, letta il 28 febbraio 1879, da Gio-
Tanni Kminek-Szedlo, docente libero di Egittologia nella Regia Università di
Bologna. Bologna, Monte, 1879, 32 p. et 1 pi. Les scarabées de Ramsès III du
musée de Bologne sont faux.
10. Inscription of Horemhebi on a statue at Turin, by S. Birch, LL. D., etc.,
dans les Transactions, t. III, 486-495.
11. Dans un article intitulé : Die Gruppe mdn, Zxits. iEo., 1877, p. 122, 123.
12. Die stèle des Hor em héb, von D' Ed. Meyer, dans la Zjuts. iEo., 1877,
p. 148-157.
ORiBirr. 437
M. Pleyte a écrit en hollandais sur la campagne de Ramsès II contre
les Kliitti un mémoire que peu de personnes connaissent, et qui est
fort intéressant quand on a le courage d'en affronter la lecture dans
la langue originale *. M. Lincke a fait connaître les correspondances
de scribes du papyrus de Bologne^, et M. Widemann celles du papyrus
Kœller^. M. Erman a traduit et commenté; après M. Ghabas, le
curieux fragment où sont conservés les noms moitié sémitiques,
moitié égyptiens, d'une partie des ofTiciers en garnison à Gaza, au
début du règne de Ménephtah^. La controverse classique au sujet du
séjour des Hébreux et de leur sortie d'Egypte continué sans grande
variété. M. Lauth, reprenant une thèse déjà posée par lui douze ans
auparavant, s'est efforcé de découvrir Moïse et sa famille sur une
stèle du Sérapéum conservée à Paris '. M. Naville ^ a résumé
la question en se plaçant dans l'hypothèse de Ghabas, non acceptée
par MM. Brugsch^ et Maspero^, que les Aperou des monuments
seraient les Hébreux \ M. Maspero a contesté l'identifîcation proposée
par M. Brugsch de la Ramsès biblique avec Tanis^ et M. Brugsch a
défendu cette identification sans apporter aucun argument nouveau*^.
1. De Veldtlag van Ramsès den Groote tegen de Cheta^ iii-8*, 24 p. et une
carie, s. I. n. d. Je crois, sans en être certain, que c'est l'extrait d'un journal.
2. Conespondenzen atu der Zeit der Bamessideny Zwei Oieraiische Papyri
des Mtuseo civieo zu Bologna, herausgegeben von Arthur Lincke. Leipzig,
Gietecke und Décrient, 1878/ in-folio, 5 p. et 15 taf. — Beitrage zur Kenntr-
mtu der Altxgypiischen Briefliieratur, Yon Arthur Lincke. Leipzig, Breitkopf
niid Hœrtel, 1879, in-8*, 44 p.
3. Dans VouTrage intitulé : ilieratische Texte aus den Museen zu Berlin und
Paris, in Facsimile mit Uebersetzung und sacklichem Commeniar, herausge-
geben von IV Alfred Wiedemann. Leipzig, Barth, 1879, in-4% 23 p. et xv pi.
4. Tagebuch eines Grenzbeamtenf von A. Erman dans la Zbits. Mo,, 1879,
p. 29-32. M. Erman parait ne pas aToir connu la publication de M. Chabas :
Bêeherches pour servir à Vhistoire de la XIX' dyncutie, 1872, où le même
docoroent est commenté tout au long.
5. Moses-'HosarsyphosSali^hus, Lévites- A' haron, flrater, Ziphorah-Deba"
Tiah, Conjux, Mériam-Belletf soror^ Elisheba^EHzebatf fratria, Ex monumento
iaferioris iEgypti per ipAum Mosen abhinc annos mmmgd dedicato nunc primum
in luoem protraxit Franc.-Jos. -Lauth, D' prof. Acad. Conserrator, cum tabulis
doibof et ano pbotograromate. Argentorati, apud G. J. Truebner, mdgoglxxix.
Id-4*, 248 p. autographiées.
6. Les Israélites en Egypte, dans la Revue chrétienne. Paris, 1878, nouTcUe
série, t. IV, p. 61-82.
7. Dans Tarticle déjà cité, Die gruppe mân, Zirra. iEo., 1877, p. t30-i31 et
dans son Histoire.
8. Dans on mémoire lu à l'Institut en 1873 et resté inédit.
9. Sur deux monuments nouveaux du règne de Ramsès IL Extrait de la
ànuê archéologique (1877, I), in-8% 7 p.
10. Dans son Dictionnaire géographique, s. v. ZAL, p. 992-997.
138 BULLETIN HISTOEIQUK.
La publication par le British Muséum du grand papyrus Harris n^a
pas produit pour Tétude tout ce qu'on était en droit d'en attendre.
Sauf la traduction, sans commentaire, de MM. Birchet Eisenlob^^
rien n'a paru sur ce document important du règne de Ramsès m.
La XX' dynastie n'a du reste été étudiée que sur quelques points de
détails. La traduction du papyrus judiciaire de Turin par M. Lepage-
Renouf ^ n'est guère que la reproduction sans commentaire de la
traduction de Devéria. M. Brugsch a découvert à Vienne un papyrus
de l'an vi de Ramsès X ou XI qui est un catalogue de pièces officielles
dont quelques-unes sont conservées dans nos musées^, M. Maspero
a montré dans le Papyrus Mallet un document du règne de Ramsès IV^.
Le passage si obscur de la xx* à la xxn« dynastie a reçu quelques
lumières de la découverte de quelques figurines du roi Pinôtm I*'^
par M. Birch, et d'un autel du temps de Shishonq P% par M. Brugsch *.
M. Naville a proposé un classement nouveau des princes et princesses
de la famille de Hirhor^. La plupart des auteurs qui ont traité la ques-
tion mêlent à la xxi* dynastie Tanite de Manétbon, les rois grands-
prêtres de Thèbes. Sans doute quelques-uns de ces rois-prêtres ont
été contemporains des rois Tanites et se sont alliés avec eux : mais
ils formaient deux pouvoirs distincts dont l'un, le Tanite, finit par
écraser l'autre, le Thébain. Les enchevêtrer de manière à en former
une seule lignée est une hardiesse que rien ne me parait autoriser
dans les monuments jusqu'à présent connus.
M. Daniel Henry Haigh a voulu établir, avec plus d'audace que de
bonheur, l'origine chaldéenne de la xxii* dynastie®, et a ouvert la voie
aux hypothèses d'une conquête assyrienne de TÉgypte vers le temps
de David, que M. Brugsch a soutenue sans preuve admissible dans
son histoire. L'époque qui s'étend entre Shishonq et l'avènement de
Psamitik est encore un champ ouvert à toutes les controverses : nous
ne devons donc pas nous étonner de voir M. Pleyte essayer d'en
1. Dans les Records of the Past, vol. VI, p. 21-70, et vol. Vin, p. 5-52.
2. Dans les Records of the Past^ vol. VIII, p. 53-66.
3. Hieratischer Papyrus zu Wien (mit einer lithog. Tafd), von H. Brngich,
dans la Zbits. Ma., 1876, p. 1-4.
4. Dans le Recueil de travaux ^ t I, p. 47-59.
5. Dans rarticle Viiria, de la Zbits. Ma., 1877, p. 34.
6. Ein îDichtiges Denkmal aus den Zeiten Kcenigs S'es^onq /, von H. Brogich,
dans la Zeits. iEo., 1878, p. 37-43.
7. Trois reines de la XXI* dynastie (ayec pi.), par Ed. Naville, dans ia Zetts.
iEo., 1878, p. 29-32.
8. Origin of the XXIIth dynasty, by Daniel Hy. Haigh, dans la Zbits. Ao,,
1877, p. 38-40, 64-71.
ORIENT. 439
reconstruire l'histoire sur un plan nouveau *. Pour Tépoque éthio-
pienne, les traductions de M. Maspero' et de M. Brugsch^, l'étude
qu*a foite M. Maspero de certaines parties de la stèle du roi Nasto-
senen^y Tadmirable mémoire posthume de M. E. de Bougé sur la
stèle du roi Piânkhi-Meriamen^, enfin le petit résumé de l'histoire
du royaume égyptien d'Ethiopie que M. Maspero a inséré dans TEncy-
dopédie des sciences religieuses, ont fait connaître avec plus de
détails qu'on n'en avait jusqu'à présent les vicissitudes de l'empire
de Napata. M. Lepsius a montré avec une grande sagacité le motif
pour lequel la divinité principale de cette colonie, et en général de
toutes les colonies thébaines, était TAmmon à tète de bélier^. Les
derniers temps de l'Egypte indépendante ont été négligés : M"' Ger-
trude Austin a fait connaître un fragment insigniflant du règne
de Psamitik III 7, et M. Wiedemann a traité avec des documents
nouveaux la question si controversée de l'expédition de Naboukodo-
rossor en Egypte*. La découverte par M. Lepsius d'une stèle aramso-
égyptienne de l'an IV de Xerxès P% plus importante pour l'histoire
des langues sémitiques que pour l'histoire d'Egypte 9, une tentative
de M. Krall pour reporter au règne d^Okhos le texte de la stèle de
Naples où l'on reconnaît d'ordinaire un document contemporain
1. Ueber zwei Darstellungen des GoUes fforw-Selh, von W. Pleyte, dans la
1bt8. Mq., 1876, p. 49-52.
2. Dans le» Records of the Pasi, l. VI, p. 71-78, 85-96, et t. X, p. 55-66.
3. Side wm Dongola. Yon H. Brugsch, dans la Zeits. iEo., 1S77, p. 23-27.
^DieSiegesinKhrifl Kœnigs Pianchi von ^Ethiopien, voUstœndig uebertrageny
▼on H. Brngsch-Bey. Separatabdnick aus den c Nachrichten Ton der Kosnigl.
Geaeilflchafln der Wissenschaflen zu Gœttingen » (Nr. 19, 1876, 11 october).
GcBUingen, 1876, in-8% 31 p.
4. Dans les TransaciionSj IV, p. 203-225 ; tirage à part sous le titre : Inscrip^
fkmof King Nastosenen, transïated by G. Maspero, in-8*, 23 p.; publiée en
partie avec texte et commentaire dans les Mélanges d'archéologie, t. II, p. 293-
296, et t. m, p. 125-132.
5. Chrestomathie égyptienne , par M. le vicomte de Rougé. 4* fascicule. La
sMê du roi éthiopien Piankhi-Meriamen. Paris, Vieweg, 1876, in-8*, ul03 p.
6. Veber die widderkœpfigen Gœtter-Ammon und Chnumis in Beziehung auf
die Ammon-Oase und die gehomten Kœpfe auf griechischen MUmen, von
R. Lepsius, dans la Zsrrs. JEc, 1877, p. 8-22.
7. On a fragmentary Inscription of Psametik /, m the Muséum at Palermo,
by Miss Gertrude Austin (with 1 plate), dans les Transactions, toI. VI,
p. 287-288.
8. Nelmeadneiar und j€gypten, Yon A. Wiedemann, dans la Zsrrs. iEo., 1878,
p. 87-89, et Der Zug Sébucadnezars gegen jEgypten, von A. Wiedemann, dans
la Zens. Ma., 1878, p. 2-6.
9. EU^ jEgyptisch'Aramaeische Stèle {mit 1 Tafel), von R. Lepsius, dans la
Zirrs. Mo,, 1877, p. 127-132.
440 BULLffriIf HISTOEIQITS.
d'Alexandre le Grand*, l'analyse par M. Révîllout d'un fragment
démoUque où sont mentionnés plusieurs des rois des quatre dernières
dynasties indigènes ^ et de deux contrats ptolémaïques datés dans le
règne de princes égjpliens révoltés contre les Ptolémées*, enfin des
extraits d'un commentaire sur Hérodote où M. Maspero s'efforce de
rétablir la physionomie de rÉg}'pte telle qu'elle était au y siècle
avant notre ère^, voilà tout ce que j'ai à signaler sur les époques
persanes et grecques.
La chronologie tient, comme toujours, une grande place dans les
travaux des ég^ptologues. M. Lieblein, dans un mémoire fort remar-
quable, a étudié les différents récits que nous possédons des guerres
des rois égyptiens, afin de déterminer pour chaque siècle l'époque
des entrées en campagne et par conséquent la position des mois de
printemps de l'année vague dans les mois de Tannée fixe'. U a éga-
lement répondu* à quelques critiques que M. Ernest de Saulcy avait
dirigées contre un des ouvrages chronologiques qu'il avait publiés
antérieurement^. M. Lauth a donné, dans un fort volume autogra-
phié, le résultat de ses dernières recherches*. Gomme toujours son
travail est rempli d obsen^ations ingénieuses et vraies : comme tou-
jours aussi il s'est laissé emporter au désir de retrouver dans les
notions grecques sur l'Egypte la reproduction de données réellement
égik pUennes, et a corrigé avec une hardiesse périUeuse, soil les textes
classiques pour les faire concorder avec les textes hiéroglyphiques,
I. Die SieU ron .Veapef, von J. KndI, dans U Zetts. .€o., 1978, p. S-9.
^. rne chrofUqve égyptienne contemporaime de Manelkon {Mémoire 1» à
r Académie des inscripfimis et beUesAHùrts en décembre 1S76). Extrait de U
Berne archéofoçiqme (1877, t. 1% iii-8* H l pi,
3. Étude histcnque H phiiotofique smr les décrets de Rosette ef de Canope,
par M. Lugènf Rèrillout Extrait àt la Rerue arckéoloçique ^ noTcmbre 1877,
in -8*, ?4 p. ~ Y joindre unf ooortf not^, Hisloriscke Sotii, too H. Bmgsch,
dan« la Ebits. .€o., ISTS, p. 43-48.
4. Dan» r.(lNiiiitf îff de l\issockUion pour Centoumçement des études çreeqmes
en France^ de» ann««» 1876, 1877, 1S78.
5. :(icr MU fMMifW offitM^ii^ c^ronolofi^e^ tiré des récits datés des çuerrm
pharaoniques en Syrie H cfoiis 1rs pays raisins^ par J. lieUein, dans le ReemeU
de trarauTy t. K p. 6^-^.
6. Lettre à M, trnesl de Saulcy (Extrait d<«!i Vid,'Seisk, ForlL, 1878), iB-8*.
7. Rapport sur une tfrtKikure de M. 7. iÀeHein ayant pour titre : tteckerckes
sur ta ckronMoçie éfy ptéenne d'après tes listes feméaiofiquesy par M. Ernest de
Saulcy, membre de T Académie, de Melc. Extrait àes^ Mémoires de tAcadéwiie de
MH^ année» 187.VIS76. Nancy, E. R*au, 1877, in-^, 43 p.
8. .¥:fyptische Chronologie hasirt auf die roUsUrndiçe Reiàe der Epoeken
seU Byf^' Menés tns Badrian-Ânlomin durck dreé roUe Sothis-Rfriodem »
43S0 Jakre, twi Prv^. D' Jos. Unth. StFMtstarK, Eari TViteer, 1877, in-8*.
^40 p., pins 3 planclM». Antofn^hie.
ORISNT. 444
soit les textes hiéroglyphiques pour les faire concorder avec les textes
classiques. Aucun ouvrage ne sera plus utile à lire pour Tégyptologue
qui saura y faire la part du vrai, aucun plus dangereux pour le
lecteur ordinaire qui croirait y trouver le résultat positif des dernières
recherches égyptiennes. C'est en partie le résumé, en partie le com-
plément de mémoires ou de lettres insérés à diverses reprises dans
la Gazette d'Augsbourg ou dans les Actes de l'académie de Munich ^
L'astronomie, préliminaire indispensable de toute chronologie, a
surtout attiré l'attention de MM. Riel, Robiou et Brugsch, le premier
dans ses études sur le double calendrier du papyrus Ëbers^ et sur le
Zodiaque de Dendérah^, le second dans ses observations sur une
date astronomique du haut empire égyptien^ et ses recherches sur
le calendrier macédonien en Egypte et sur la chronologie des Lagides ',
le dernier dans sa publication des trois calendriers d'Ëdfou^. Je ne
parlerai ici que pour mémoire des travaux de seconde main comme
ceux de MM. Danzas^ et Emile Guimet®, où l'auteur n'a pu vérifier
par lui-même la valeur des textes et a dû se contenter de les prendre
tout traduits dans l'œuvre d'un égyptologue de profession. Comme
toujours, les tentatives faites pour reconstituer la chronologie de
Manéthon ou en concilier les données avec les chiffres de la chrono-
1 . Voici 11 liste de tous les articles de M. Lauth parus dans la Gazelle éCAugs-
bourg dont j'ai connaissance : Papyrus Ebers noch einmaly 1877 (Beilage,
p. 343-349); dUe ZeUfrage {BeilagCy mai, p. 3-4); Die Labyrinth (id., p. 294-
307); Sesostris {BeiL, zu n** 30 und 31). Ajouter dans les Sitzungsberichte d.
MUnch, Akademie d. Wiss, Philos. PhiL Kl. : Àugustus-HarmalSy 1877, II;
sans compter d'autres mémoires dont l'indication est donnée ailleurs.
2. Der Doppelkalender des Papyrus-Ebers verglichen mil dem PesU und
Siemkalender von Dendera^ Ton Cari RieL Mit einen lithographirten Tafel.
Leipzig, Brockhaus, 1876, in-4*, 36 p.
3. Der Thierkreis und das Pesle Jahr von Dendera, Ton Cari Riel. Mit einer
lithographirten Tafel. Leipzig, Brockhaus, 1878, in-4% 100 p.
4. Analysé dans les Comples-rendus de l'Académie des inscriplions et belles-
lettres, 1876, p. 257-261.
5. Recherches sur le calendrier macédonien en Egypte et sur la chronologie
des Lagides, par M. F. Robiou. Extrait des Mémoires présentés par divers
savants à TAcadémie des inscriptions et belles-lettres. Paris, Imprimerie Natio-
Dile, 1876, iii-4% 64 p.
6. Drei Fesi-Kalender des Tempels von Apollinopolis Magna in Ober-
Mç^plen %um ersten Maie veroeffentlicht und sammt den Kalendem von
Dendera und Esne vollstxndÀg uebersetzt, von H. Brugsch-Bey, mit 10 Tafein
hischriflen. Leipzig, J.-C. Hinrichs, 1877, in- 4% x-29 p.
7. Chronologie égyptienne et hébraiguCy dans le Précis des travaux de
t Académie des sciences de Rouen, 1875-1876.
8. Travaux de M. Chabas sur le temps de VExode, dans les Mémoires de
V Académie des sciences de Lyon, classe des lettres, t. XVIl.
442 BULLETIN HISTOIIQUB.
logie biblique ont abondé. Le meilleur essai en ce genre a été bien
certainement celui de M. von PessP. On me permettra de ne pas
insister sur l'ouvrage de M. Johan Raska : La Chronologie de la bible
mise d'accord avec les comprit s égyptiens et assyriens*.
La géographie de TÉgypte et des régions voisines a Saiit de grands
progrès. M. Robiou, dans son ouvrage sur l'économie politique au
temps des Lagides, avait publié une carte du Delta où Tarrangement
des nomes différait sensiblement de la classification généralement
adoptée jusqu'à ce jour ^ : dans un mémoire dont la première partie
seule est connue^, il a commencé avec succès à donner les preuves
des modifications introduites par lui* L'exploration récente du désert
libyen a permis de mieux étudier le régime des Oasis : MM. Duemi-
chen' et Brugsch^, dans deux mémoires presque simultanés, ont
identifié d^une manière certaine les noms pharaoniques de ces Oasis
avec les noms modernes. Tandis que M. Birch éditait, d'après une
copie ancienne de M. Hay, l'hymne à Ammon-Râ, gravé par Darius
dans le temple d'El-Rhargèh^, M. Brugsch copiait ce même hymne
et en donnait la traduction s, puis le texte et le commentaire^. Dans
le même temps M. Tœnnies analysait et discutait les passages classi-
1. Dos chronologische System Maneihd's, Yon H. ▼. Pessl. Leipzig, J.-€.
Heiarichs, 1878, ia-8% x-268 p.
2. Die Chronologie der Bibel im EinUange mit der Zeitrechnung der
jEgypter und Assyrier^ Yon Johann Raska, Professor an der Theologischen Diœ-
cesan-Lehranstalt in Budweis. Wien, Braomuiler, 1878, in-8% xiy-355 p.
3. Mémoire sur l'économie politiquey V administration et la législation de
l'Egypte au temps des Lagides, avec carte, par Félix Robiou. Paris, à Tlmpri-
merie Nationale, 1876, in-8*, xvi-248 p. Cfr. p. ix.
4. Dans les Mémoires d archéologie, t. III, p. 101-121.
5. Die Oasen der Libyschen Wueste, ihre alten Namen und ihre Loge, ihre
vorzueglichsten Erzeugnisse und die in ihren Tempeln verehrten Gottheiten,
nach den Berichten der Altxgyptischen Denkmstler, von D' Johannes Duemi-
chen, mit 19 Tafeln hieroglyphischer Inschriften und bildlicher Darstellungen
in Autographie Tom Verfasser. Strassburg, Karl J. Tmebner, 1877, in-4*,
vi-34 p.
6. Beise nach der grossen Oase El-Khargeh in der Libyschen Wueste, Bes-
ckreibung ihrer Denkmader und wissenschaftlichen Untersuchungen ueber dos
Vorkommen der Oasen in den Altaegyptischen Inschriften auf Stein und
PapyruSy Ton Ileinrich Brugsch-Bey, nebst 27 Tafeln mit Karlen, Plasnen,
Ansichten und Inschriften. Leipzig, J.-C. Hinrichs, 1878, in-4*, yi-93 p.
7. The Inscription of Darius at the Temple of El-Khargeh. By S. Birch
(2 plates), dans les Transactions, toI. V, p. 293-302, et, sans les planches, dans
les Records of the Past, t. VIII, p. 135-144.
8. Komigs Darius' Lobgesang im Tempel der grossen Oase von EUKhargeh,
dans les Gœtiinger Nachrichlen, 1876, n* 46.
9. Dans l'ourrage cité ci-dessus. Reise nach der Grossen Oase, p. 25-48 et
pi. XXY-XXYII.
ORIBIO'. 443
ques relatifs à Toracle de Jupiter Ammon^ Mais Touvrage capital
sur la géographie est le grand dictionnaire publié par M. Brugscb et
dont la dernière livraison manque encore^. Là, M. Brugscb a con-
densé, sous la forme alphabétique qui convient le mieux à son esprit,
le résultat de trente années de recherches. Sans doute il y aurait déjà
à modifier bien des assertions, à corriger bien des détails, à ajouter
surtout nombre d'indications bibliographiques : M. Brugscb n'avoue
pas toujours ce quMl doit aux autres et n'a pas toujours fait connaître
d'une manière sufOsamment claire les monuments ou les parties de
monuments qui lui ont fourni ses informations. L'œuvre n'en est
pas moins une œuvre admirable, contre laquelle je soulèverai une
seule objection, le prix vraiment exagéré auquel la vend l'éditeur.
Je ne puis faire à l'histoire d'Egypte du même auteur^ l'éloge que
j'ai fait du dictionnaire géographique. G^est un amas de matériaux
1. De Jove Antmone QuestUmum spécimen, scripsit Ferdinandas Julias
Tœnnies. Tubingue, Frid. Fuesl, 1877, in-8% 44 p.
2. Dictionnaire géographique de Vandenne Egypte, contenant par ordre
alphabétique la nomenclature comparée des noms propres géographiques qui se
rencontrent sur les monuments et dans les papyrus, notamment les noms des
préfectures et de leurs chefs-lieux, des temples et des sanctuaires, des Tilles,
bourgs et nécropoles, des bras du Nil et de ses embouchures, des lacs, marais,
canaux, bassins et ports, des vallées, grottes, montagnes, des ties et tlots, etc.,
etc., composé par Henri Brugsch-Rey. Leipzig, J.-C. Hinrichs, 1876-1879,
13 livraisons parues, renfermant 1051 p. in- folio autographiées, plus \Z p. de pré-
face et 6 p. de tableaux non numérotées. La dernière livraison, comprenant les
Additions et V Index général^ doit paraître en novembre 1879. — Ajouter à cet
ouvrage : La géographie des nomes ou division administrative de la Haute et
de la Basse^Égypte aux époques des Pharaons et des Ptolémées et des empe-
reurs romains, par Henri Brugsch-Bey, spécimen du Dictionnaire de l'ancienne
Egypte. Leipzig, J.-C. Hinrichs, 1876, in-folio, 10 p. de texte imprimé et 20 p.
autographiées, non numérotées.
3. Geschichte Algyptens unter den Pharaonen, Nach den DenkmaBlern bear-
beitet von Dr. H. Brugsch-Bey, Iste Deutsche Ausgabe, mit 2 Karten von
Unter-und Ober-iGgypten und 4 genealogischen Tafein, Leipzig, J.-C. Hinrichs,
1877. in-8*, ziii-SiSp.; à joindre : Zuzœtzeund Verbesserungen zur Geschichte
j£gyptens unter den Pharaonen Nach den Denkmœler bearbeitet von Dr. H.
Brugsch-Bey. Leipzig, J.-C. Hinrichs, 1878, 819-837 p. — Traduction anglaise :
A History of Egypt under the Pharaohs derived enUrely from the Monuments
by Henry Brugsch-Bey, translated from the Gennan by the late Henry Danby
Seymour, F. R. G. S., completed and edited by Philip Smith, B. A. aulhor of
c The student's ancien t History of the East », to which is added a Memoir on
the Exodus of the Israélites and the Egyptian Monuments. In two volumes, with
ooloured plates and maps. London, John Murray, 1879, in-8*, vol. I, XLiv-486p.,
2 plates, 1 map; vol. II, xix-365 p., 5 plates, 1 map. Cfr. l'article de M. Ebers,
dans ia Deutsche Rundîschau , 1878, Die Geschichte des allen jEgyptens und
ihre neueste Bdiandiung durch Maspero und Brugsch-Bey.
444 BULLETIN HISTORIQUE.
mal assemblés que M. Brugsch ne s'est pas donné la peine d'assimiler
les uns aux autres ni de classer méthodiquement. Dans certains
endroits sont intercalées des descriptions en style emphatique où Ton
reconnaît sous le déguisement de la prose des tirades entières de
vers*, dans d'autres, les documents sont entassés sans rien qui les
relie. Vers la fin de l'ouvrage, le désordre est tel que deux rois, l'un
fort important, de la xxy* dynastie, Shabako, le contemporain de
Sargon, et son fils Shebitko, ne sont nommés qu'après Taharqou leur
successeur, et sans allusion aux faits connus de leur régnée Je ne
parle pas de certaines théories relatives aux peuples de la mer, et
dont M. Brugsch nous promet une démonstration prochaine^, ni
d'une conquête de l'Egypte par les Assyriens au temps où David et
Salomon régnaient en Judée, qu'il faudrait admettre sans autre preuve
qu'un titre égyptien mal compris et un passage mutilé d^une inscrip-
tion d'Abydos où les copies de M. Devéria donnent une lecture
différente de celle qu'a suivie M. Brugsch ^ : ce sont là des points
qui appellent une discussion approfondie. Ce qui enlève de sa valeur
à l'histoire de M. Brugsch, c'est l'absence complète de sources, le
manque de renvois aux textes dont il donne les traductions. Les édi-
teurs anglais ont essayé de suppléer à cette lacune en quelques
endroits, mais les connaissances spéciales qu'exige la bibliographie
égyptienne ont fait défaut à leur bonne volonté. Je souhaite vivement
que M. Brugsch, dans une prochaine édition , daigne prendre la
peine de mettre au bas des pages Tappareil critique que nous sommes
en droit d'attendre de son érudition.
L'histoire d'Egypte de M. Duemicben n'en est encore qu'à son
premier fascicule^. Elle renferme une description du sol et une
étude géographique peut-être un peu longue pour le plan de Touvrage,
mais soigneusement écrite et faite avec conscience. Le discours
de M. Birch sur Thistoire monumentale de l'Egypte est un résumé
t. Cfr. dans THistoire, p. 676-730.
2. M. Brugsch annonce sur ce sujet un ouvrage spécial.
3. Où M. Brugsch a lu c une stèle en écriture de Ba[bel\ », le texte de
HM. Devéria et Mariette donne c une stèle en pierre », probablement
c en pierre de Trouwou », c'est-à-dire en calcaire de Tourah.
4. Geschichte des alten jEgyptens von D' Johannes Duemichen, mit lUus-
trationen und Karten. Berlin. G. Grote, 1879, 1* fascicule, in-8% ÔO p., plus
5 planches et 2 cartes. Fait partie de VAUgemeine Geschichte in Einzeldarstel-
lungen, unier Miiwirkung van A, BrueckneTf Félix Dahn, Jok. Duemichen,
Bernlz Erdmannsdœr/fer^ Theod. Flathe, Ludw. Geger, R, Ga$che, Gust.
Hertzberg, Ferd, Justi, Fried. Kayp, B, Kugler^ 5. Lefmann, M. Philippumj
Eberh, Sckrader, B, Stade, A. Stem, OUo WaitZy Ed. Winkelmanny heraus-
g Oncken, qui parait depuis 1878 à la même librairie.
OEIBIfT. 445
fort complet ^ de même que Tarlicle iEgypten, publié par M. Ebers,
dans le Manuel d'antiquité biblique de Riehm^. MM. Lepsius,
Poole et Maspero ont inséré des notices analogues, le premier dans
la Real Encyklop. de Herzog^, le second dans TEncyclopédie britan-
nique, le dernier dans TEncyclopédie des sciences religieuses de
Lichtenberger, et dans le Dictionnaire de Pédagogie de Buisson.
Les deux brochures de M. Lieblein sur TÉgypte ancienne et
son écriture^, sur TÉgypte, ses monuments, ses rapports avec
la Palestine et la Grèce 5, ont pour nous Tinconvénient d'être
écrites en suédois : ce sont des œuvres de vulgarisation qui rendront
régyptologîe populaire chez les peuples du Nord, comme Tabrégé
chronologique de M. Arthur Bhoné a fait connaître Tensembie de
rhistoire d'Egypte chez nous*. La réimpression du grand ouvrage
de Wilkinson sur les mœurs égyptiennes ^ rend un véritable service
à la science. Sans doute il est incomplet en maint endroit; la
classification que l'auteur avait adoptée, bonne il y a quarante
ans, est aujourd'hui défectueuse. La masse des documents assem-
blés, l'ingéniosité dont Wilkinson fkit preuve à chaque instant,
rétendue et la variété de ses connaissances rachètent amplement les
débuts. M. Birch, à qui nous devons l'édition actuelle, a ajouté
1. The monumental Hisiory of Egypt. Rede Lecture, delivered in the Senate
House of the UniTersity of Cambridge by S. Birch, on the 26 th mai 1876. Lon-
don, Bagster et Sons, in-16, 48 p.
2. Handwcerterlmch des Biblischen Alterthums fuer gebUdete Bibelleser,
heraasgegeben Yon D' Ed. C. Aog. Riehm, 1875, in-4*, p. 309-335, avec
gravures et cartes.
3. Dot alte JBçypten, dans Herzog's Real-Encyk, 3.
4. Del gamla Egypten i dess Skrift, af Prof. J. Lieblein. Stockholm, Klem-
ming, 1877, in-8% 87 p. et de nombreuses gravures.
5. Egypten i dess Minnesmaerken ock i dess Farhdnllande till PcUesUna och
Grektand, af Prof. J. Lieblein. Stockholm, Klemming, 1877, in-8*, 120 p. et de
nombreuses gravures. Cfr. sur Lieblein, un article de Karl Piehl, Egypioloçif
Slockolm, nov. 1877, in-8*, 18 p., extrait d'une revue dont je ne connais pas le
titre. Les deux ouvrages de Lieblein sont extraits de la coUecUon populaire Ur
Vâr Tids Forskding Populaera Skiladringar utgifna af Prof. Axel Kei och
GusL Belziju, publiée à Stockholm, chez Klemming.
6. Résumé chronologique de l'histoire d'Egypte, depuis les premières dynas-
ties jusqu'à nos jourst in-8*, avec cartes et illustrations insérées dans le texte.
Paris, Leroux, 1876, in-8*. Extrait de \ Egypte à petites journées^ du même
auteur.
7. The Manners and Ctutoms of the Ancient Egyptians, by sir J. Gardner
Wilkinson. A new édition, revised and corrected by Sam. Birch, in three vol.,
in-8*. VoL I, xxx-510 p.; vol. II, zu-515 p.; vol. III, xi-528 p., wiUi iUnstra-
Uont. London, John Murray, 1878.
RbV. HiSTOR. XI. !•' PA8C. 10
446 BULLETIN HISTORIQUE.
nombre de notes qui donnent Tétat de la science sur certains points
mal traités par Wilkinson.
Le transport en Angleterre de Tobélisque appelé improprement
Vaiguille de Cléapâtre a ramené l'attention, sinon des savants, au
moins du public, sur les obélisques. Le petit livre de M. Gooper, qui
renferme à côté d'erreurs bizarres^ des détails intéressants, est
arrivé promptement à sa deuxième édition^. U avait été précédé
d'une intéressante notice de Birch dans TAthensum^ et accompa-
gné des essais de MM. Wilson^, DémétriosMosconas', etc. L'histoire
des sciences en Egypte s'est enrichie de quelques remarquables dis-
sertations de MM. Lieblein^ sur la connaissance qu'avaient les
Égyptiens du mouvement de la terre, Roblfs et Scbwimmer sur la
médecine^, Pott sur l'origine du mot de chimie s, Lepsius sur les
mesures de superficie 9, Ghabas sur les poids, mesures et monnaies ^^.
L'ouvrage le plus important dans cet ordre de recherche a été celui
1. Ainsi le récit des négociations da gouvernement français avec Mohammed-
Ali au sujet de l'obélisque de Louxor, récit duquel il semble résulter que Cham-
poUion le jeune aurait fait en 1831 un voyage en Egypte pour aller examiner
tous les obélisques de ce pays. Le voyage de ChampoUion est antérieur de trois
ans (1828-1830).
2. A short History of the Egyptian Obelislu, by W. R. Cooper, with transla-
tions of many of the hieroglyphic inscriptions, chiefly by M. François Chabas.
London, S. Bagster, 1877, in-12, ym-iSO p. 2* édition, 1878.
3. Cleopaùra's Needle (Atheoiram, 1877, oct. 27, noY. 3).
4. Cleopalra's Needle, by Erasmus Wilson. With brief notes on Egypt aid
Egyptian Obelisk. London, Brain, 1877, in-8*, 228 p.
5. Deux mots sur les obélisques d'Egypte et traduction de Vobélisque dit de
Cléopdtre, qui doit être transporté en Angleterre, et de la stèle de Pktamosis
le MempfUte, par Démétrios Kosconas. Alexandrie, 1877, in-8*, 16 p. et 3 pi.
6. JSgyptemes ForestUUng om Jordens Bevœgelse afJ. Lieblein, Christiania,
in-8*, il p. — Extrait des Chrùtiania Vidensk.^elsk, Forhandl., 1878, n« 2.
7. RohUs, Der Papgros Ebers in culturhistoriseher und tnedicinescher Be-
ziehung, dans VAugsb. AUgemeine Zeit., 1877, p. 249-255, et Die ersten
Anfange der Heilkunde und die Medizin im alten jSgypten, Ton Dr. Ernst
Schwiramer. Berlin Habel, 1876, in-8*, 46 p., dans la Sammlung gemeinvers-
titndUch wissenschafUischer Vortrxge, herausgegeben von R. Virchow und Fr.
von HoltxendoriT, XJ Série,
8. Chemie oder Chymie? von A. F. Pott, dans la Zsrrs. D. D. H. 6., 1876,
p. 6-20.
9. Dos Stadium und die Gradmessung der Eratosthenes auf Grundlage der
JEgyptischen Maasse, von R. Lepsius, dans Zim. Mo., 1877.
10. Recherches sur les poids, mesures et monnaies des anciens Égyptiens, par
Fr. Chabas. Extrait des H^Boires présentés par divers savants à F Académie
4 iptions et beUes-lettres. Paris, Imprimerie Nationale, 1876, in-4*, 46 p.
Uir. le même sqjet les observatloDS de Fr. Leiormant, La wionnaie dans
l'ani ^. tl, p. 93-110.
ORiBirr. 447
de M. Eisenlohr sur le papyrus mathématique du British Muséum ^
Pour la première fois, grâce au texte publié et traduit par M. Eisen-
lohr, on sait comment les Égyptiens maniaient les firactions, posaient
et résolvaient certains théorèmes d'arithmétique, de géométrie et de
mécanique. Bien des points restent encore obscurs : mais le plus
fort du travail est fait et bien fait.
La religion a peut-être été un peu moins étudiée que pendant les
années précédentes. Dans une thèse soutenue devant la faculté des
lettres de Turin, M. Ernest Schiaparelli a réuni les passages d'auteurs
égyptiens propres à illustrer les manifestations du sentiment religieux
en Egypte '. Je signalerai ensuite, comme pouvant fournir des indi-
cations utiles, le petit dictionnaire de noms divins que M. Pierret a
joint à l'exposition de la religion égyptienne dans son abrégé de
mythologie', les dissertations qu'il a insérées dans plusieurs pas-
sages de son recueil d'inscriptions inédites du Louvre^, et l'essai où
il s'efforce de prouver que le monothéisme est primitif en Egypte '.
Le travail de M. Grébaut sur les deux yeux d'Horus n'a que le
dé&ut d'être resté inachevé*. M. Guieysse a exposé les idées mo-
rales et la vie future dans l'ancienne Egypte^*, la conférence de
M. Maspero sur l'histoire des âmes d'après les monuments du
Louvre* a feiit connaître pour la première fois au grand public
les résultats de longues études sur la personnalité égyptienne et
1. Ein maihemathisches Handbuchf der alten jEgypter {Papynu Rhind der
BriUth Muêeum), ueberselzt and erklaBrt too D*^ Aagust Eisenlobr. Leipsig,
J.-C. Himichft, 1877. Deux éditions de cet important ouvrage ont été publiées à
la fois. L'une, qualifiée l'* édition, a^ outre le texte, un aUas in-folio de
24 planches. L'autre, qualifiée Zweite Atugabe (Ohm Tafdn), n'a point d*atlas.
Le texte est in-4*, ii-278 et 2 pi.
2. Del terUimento rdigioso degU antichi Egiiiani ucondo i MonumenU.
Disiertazîone di laurea in lettere di Emesto SchiappareUi. Torino, Bocca, 1877,
in-8*, 112 p., dont 52 imprimées, le reste autographié.
3. Petit manuel de mythologie comprenant les mythologies sdmiUh'euro»
péennês et sémitiques (hindouey itende, gauloise, Scandinave, assyrienne, phé-
nicienne, arabe, égyptienne), et suivi d'un Index alphabétique, par Paul Pierret.
Paris, Didier, 1878, in-16, xi-178 p.
4. Recueil ^inscriptions inédites du musée égyptien du Louvre, traduites et
eommeotées par Paul Pierret, 2* partie, arec table et glossaire. Paris, Yieweg,
1878, in-4% ix-162 p. Autograpbié.
5. Essai sur la Mythologie égyptienne, par Paul Pierret. Paris, Vieweg, 1879,
iB-8*, 83 p. autographiées.
6. Les deux yeux du disque solaire, dans le Recueil, t. I, p. 71-87, 103-125.
7. Publiée dans la Revue politique et littéraire, 1878, p. 1079-1086.
8. Publiée dans U Revue scientifique, 1879, n* 35, p. 816-820, et dans le
Bulletin hebdomadaire de l'Association scientifique de France, n* 594, p. 373-384.
448 BULLBTIlf HISTORIQUE.
ses divisions foites pendant les quatre années précédentes au
collège de France. M. Golénischeff a publié et commenté de &çon
magistrale le texte connu sous le nom de stèle Metternich : c'est
un recueil de formules magiques aussi curieuses que difficiles à
saisira Les observations de M. Naville sur le nom du dieu Tbot^
ont le grand mérite d'indiquer aux égyptologues un moyen gram-
matical d'arriver à Tétymologie et, par suite, au sens premier du
nom des dieux. M. Scbiaparelli a découvert et analysé le Rituel de
l'enterrement^. MM. Lefébure et Guieysse, dans la publication qu'ils
ont faite du papyrus de Soutimès, ont mis des notes et des traduc-
tions précieuses pour l'intelligence de certains mythes^, et M. Stem,
après M. Garl AbeP, a étudié, un peu subtilement, mais avec
beaucoup de bonheur et une grande abondance de documents, le
concept des mots qui désignent en égyptien la vérité*. On ne peut
que donner les plus grands éloges au mémoire dans lequel M. Pietr
schmann, réagissant contre la tendance abstraite d'une partie de
l'école actuelle, a montré les origines fétichistes des cultes égyptiens^.
La leçon de M. Reinisch sur l'organisation du sacerdoce égyptien et
sur ses doctrines®, l'article de M. Brugsch sur les mystères égyp-
tiens^, un peu trop absolu dans la forme, renferment quelques consi-
t. Die Metiemichstele in der Originalgrœssef zum eraten Ifale herausgegeben
▼on W. Golenischeif, mit neun Tafeliu Leipzig, Engelmamiy 1877, in-folio,
n-i9 p.
2. Le dieu Thoih et les points cardhiafix, par Ed. NaviUe, dans la Z. Ma.,
1877, p. 28-31.
3. H libro dei Funerali, RelazUme fatta alla l Sezione del JV Congresso
degU OrientalisUy da Eraesto Scbiaparelli. Torino, Paravia, 1879, in-8*, 16 p.
4. Le Papyrus funéraire de SouUmé, publié d'après on exemplaire biérogly-
pbiqne da Livre des Morts, appartenant à la BiblioUièque naUonale, traduit et
ocMoamenié par MM. P. Guieysse et E. Lefébure. Paris, 1877, E. Leroux, in-foUo,
23 pi.
5. Kqpiische Uniersuchungen , von Cari Abel. Berlin, Fr. Dnemmler, 1876,
in-8*, n-842 p.
6. Hieroglyphisch'Koptisches, de la Z. iEo., 1877, p. 72-88, 113-124.
7. Der JBgypUsche Fetischdienst und Gœiterglaube {Prolegomena zur xgyp-
Uschen Mythologie). Nacb etnem in der c Schlesiscben Gesellschafl fuer Valer-
Ittndiscbe Gultur i gebaltenen Vortrage, Yon Ricb. Pietscbmann, in-8*. Separa-
tausdruck aus c ZeUschrift fuer Ethnologie i. 1878, p. 153-182.
8. Vrsprung und Entwickelungsgeschichie des JSgypUschen Prieslerthums
und AusbUdung der Lehre von der Einheii Gottes, Vortrag gebalten zu Gnns-
ten des Lesevereines der Deutscben Studenten Wiens an 26 Marz 1878 im
OEsterr. Ingénieur- und Arcliitecten¥erein»-Saale Ton Léo Reinisch. Wioi, 1878.
Im Selbstverlage des Yorstandes des LeseTereînes der Deutscben Studenten
Wiens. ln-8*, 30 p.
9. Die Mysiehen der alien jEgypien, Ton H. Bmgscb-Bey ia Gairo, dans la
Deutsche Revue, U, 7, p. 28-43.
ORIBIO'. 4 49
dérations neuves el un fonds considérable d'informations sûres.
Enfin M. Ed. Meyer a réuni aussi complètement que possible ce que
nous savons du culte des dieux sémitiques en Egypte ^
On voit quelle prodigieuse activité Técole égyptologique a déployée
dans ces trois dernières années. Encore ai-je laissé de côté tout ce
qui a rapport à la philologie, à la littérature et à Tart. Je n*ai parlé
ni des livres comme ceux de Miss Amelia B. Edwards^, d^ Arthur
Rhoné^, et surtout de Ebers^ et Mariette &, où Thistoire se dissimule
parmi les notes de voyage, ni du grand ouvrage de Prisse sur l'art
égyptien, qui vient d'être terminé après vingt ans, au moment
même de la mort de Tauteur*. Le lecteur pourra être rebuté souvent
par la sécheresse et Taspect étrange de beaucoup des mémoires dont
j'ai classé et énuméré les titres : il sera obligé de rendre justice à
lardeur de recherche et à la solidité de science qu'on remarque dans
presque tous.
m.
L'histoire générale des pays d'écriture cunéiforme n'a pas encore
été bite : les histoires spéciales d'Assyrie et de Chaldée ne manquent
pas. Le regretté Georges Smith avait commencé, dans les Transac"
tions de la société d'archéologie biblique^ et dans les Records ofthe
1. DaDS rarticle Ueher einige Semiiische GcBtier, von Ed. Heyer, Z.D.D.M.G.
I8n, p. 716-741.
2. A Tkousand Miles up the Nile, by Amelia B. Edwards, wiUi apwards of
seTenty Ulastrationn engraved on wood by G. Pearson, aft«r finished drawings
execoted on Uie spot by the Author. London, Longmans, Green et C*, 1877, in-4*.
xxT-732 p. et 2 caries. Une seconde édition dans la coll. Tauchnitz, 1878.
3. V Egypte à petites journées. Études et souvenirs. Le Kaire et ses environs,
Paris, Leroux^ 1877, un vol. in-8* ayec figures, cartes et plans.
4. JEgypten in Bild und Wort, Dargestellt von unseren ersten Kuenstlem,
beschrieben Yon Georg Ebers. Erster Band. Stuttgart und Leipzig, Ed. Hallber-
ger, 1879, in-folio, iii-387 p., avec 4 p. de table non numérotées. Douze livraisons
du second volume ont déjà paru.
5. Monuments of Upper Egypt, A translation of the Itinéraire de la Haute»
Égrpte of Aug. Hariette-Bey, by his brother Alphonse Mariette. Gr. in-8*, 280 p.
1 map and 3 pi. London, Truebner, 1877.
6. Histoire de l'art égyptien daprès les monuments, depuis les temps les
plus reculés jusqu'à la domination romaine. Ouvrage publié sous les auspices
du ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts. Paris, Arthus Bertrand,
1860-1878. Planches in-folio. Tome I, architecture; t. Il, dessin, sculpture,
peinture, art industriel. Texte in-4*. L'auteur a eu la bizarre idée de ne pas
numéroter les planches, ce qui rend son œuvre presque enUèrement inutile.
7. Vol. I, p. 28-93, sous le titre Early History of Babylonia.
4W BTLurci nsTOUQn.
Pasi\ la poblîeatkm d'une histoire de la Babylonie, demi rensemble
a élé lirré au publie après sa mort par M. Sajce^ Cest, eomme les
autres ouvrages de Smith« un amas de matériaux phiiôC qu'un ioui iNen
composé : les vues ingénieuses y abondent ainsi que les butes de
critique et d'interprétation. Dans sa leçon sur la littérature babylo-
nienne, M. Sayce a très babikmait exposé les principaux ^ts acquis
à rhistoire par le déchiffrement des inscriptions'. On sait quelle
méfiance certains savants fort estimables entretiennent à Tégard des
études assyriologiques. Une attaque» vicrfente dans la forme, juste sur
certains points de détails, de M. Gutschmid^, nous a valu de
M. Schrader un des livres les plus instructife qu*on ait écrits depuis
longtemps sur rhistoire et la géographie de TAsie antérieure^.
Répondant aux principales objections de M. Gutschmid d^un ton
qu'on souhaiterait parfois plus modéré, M. Schrader les a réAitées
victorieusement, et a dté à Fappui de ses réfutations une abondance
de matériaux telle que son ouvrage peut passer à bon droit pour une
petite encyclopédie des dernières découvertes de l'assyriologie.
La discussion qui s'est engagée entre MM. Halévy et Fr. Lenor-
mant, au sujet des textes inscrits sur certaines tablettes assyriomes,
a beaucoup attiré l'attention sur les premiers temps de la Chaldée.
M. Halévy* soutient que ces tablettes renferment des textes sémitiques
écrits en une sorte de systàne secret; M. Lenormant, d'aooord en
1. Vol. m, p. I-ÎO: Tol. T, p. 53-110. Sou le Mtee titre.
2. Aneient Bittûry from tke mommwkentu Tke Bistory of ffntjiêméa, kj tke
Ule Georfse SniUi, caq. cditH br tke Rer. A. H. Sa3roe. rnWiihfi nder Ibe
directioa oC tbe CoouBÎUee of geaenl Utentnre aad edncatkMi appoiated kj tke
Society for pronotiBg Cbristian knowlcdi^ Loadoa/ Society for pcoontiic
CkiistiaB koowleflge, s. d., m-é"^ \9t p., âTec des |j«ru«s (1878).
3. nabyiimimn IMenUmre, Lectures delivered ât tke lU>y«l lastitatioB, ky tke
Rer. A. H. Sayœ. LûmIoo, Bagsier, 1877, i»^. — Maèyiomùeke Liieratmr. Vor-
tne^ ^ekaltea inder Royil lAstitatioB. Loadoa, tos Ker. A. B. Saycc, Mit
Cff hwignag der Verfasiert ia's Deotscke ■eknbe^m fxM Karl Friederid.
Leipzig, Otto Sckulie, 1878, ift-8% 56 p.
4. .Tne Beiirasge smr Gesekiekie 4a Attem ùrieni» : Dm liijuieiejii m
DeuiteUamd, wom Alfred tqo G«tsckmid. Lnpds^ B. G. Tnèser. 1876,
zxvi-158 p.
5. KeUinackritten umd Gtaeki€ht/àr9ckmm§^ cm BeUrm§ zmr MOMuaaiIflte»
Geofrapkêe, Getekickie mmd Ckromolo§ie étt djsyrvr, ¥oa Ekerkard Sckreder,
Bit eioer Karte rom Kiepcrt. Giessea, Rickcr, 1878, i»-8*. Tiihô56 p. Cfr. rartide
d'Oppcrt dau les Gœtiim§éiek€ feUktU Amiàftm^ 1879, p. 769-808.
6. Use partie des études de M. Halêry a été poklièe du» le Jovma/ «Mlif«e.
1874-1876, et tirée à part soos le titre : ÈÊtkmtkeê critifmet mt rortytM ^ U
ààlUaUtm katjiomienme, par J. Hakry. Paris, haprÎMeffie XatioMle, 1876,
% ^68 p Le reste, la à llastitat (1877-1879}, est CBOore
OIIENT. 'fS^
cela avec M. Oppert et tout le reste de Técole, démontre qu'ils repré-
sentent une langue différente de Tassyrien, parlée par les plus
anciens peuples civilisés de la Ghaldée, morte près de deux mille
ans avant notre ère, et conservée seulement comme langue sacrée
par les prêtres de Babylone et de Ninive. La plupart des hymnes et
des légendes de Tancien empire chaldéen ont été rédigés d'abord
dans cette langue, puis traduits en assyrien. M. Lenormant dans
ses Études accadiennes* et dans ses Études cunéiformes^^ M. Oppert
dans le petit volume d'Études sumériennes^ où il a réuni des arti-
cles publiés à diJQTérentes époques dans le Journal Asiatique, ont
soumis à une analyse détaillée les principaux textes de cette langue.
Leurs conclusions ne diffèrent guère que sur un point important : le
nom qu'il convient de donner à Tidiome étudié. Selon M. Lenor-
mant et récole anglaise, le nom d'accadien est préférable ^ M. Oppert,
suivi en cela par MM. Delitzsch et HommeH, a adopté le nom de
soumérien ou sumérien^,
La période mythique de Tbistoire de Ghaldée nous est connue par
de nombreux documents dont les uns confirment, les autres infir-
ment l'autorité de Bérose. Les dernières fouilles du regretté Smith
et de son successeur Hormuzd Rassam ont fait retrouver de nou-
veaux fragments qui complètent les tablettes déjà conservées au
British Muséum et permettent de reconstituer en partie certains des
livres qu'elles contenaient. La légende de la création découverte et
traduite pour la première fois par G. Smith*, bientôt corrigée par
1. Lettres assyriologiqueSy seconde série. — Études accadienneSf par Fr. Lenor-
mant. PariSj MaisonneuTe, in-4*, t. I, l'* partie, 1873, 207 p.; 2* partie, 1873,
143 p.; 3* parUe, 1873, 151 p. T. II, 1** partie, 1874, 381 p. (la fin da aecond
volame ne paraîtra pas). T. III, 1'* partie, 1879, iu-200 p. in-4*. Les deux
premiers Tolames autographlés ; ce qui a paru du troisième, imprimé.
2. Études cunéiformes, par Fr. Lenormant. Premier rascicule (extrait du
Journal asiatique). Paris, Imprimerie Nationale, 1878, in-8*, 64 p. — Deuxième
fascicule (extrait des Transactions of the Society of Biblical Àrchaeoloçy),
London, Harrison et Sons. 1878, in-8*, 56 p. — Troisième et quatrième fasci-
coles (extraits du Journal asiatique), 1879, in-8*, 150 p.
3. Études sumérienneSy par J. Oppert (Extrait du Journal asiatique). Paris,
Imprimerie Nationale, 1877, in-8*.
4. Die neueren RestUtate der Sumefischen Forschung, tod Fritz Hommel,
Z. D. D. M. G., 1877, p. 177-186.
5. Sumérien ou Àccadien? par Jules Oppert. Paris, E. Leroux, 1876,
in-8*, 8 p.
6. The Chaldaean account of Genesis, containing iKe description ofthe
création, the fall ofman, the déluge, the tower of Babel, the times of the
patrkarchs and Nimrod; Babylonian fables, and legends of the Gods; frem
the cuneiform inscriptions, by George Smith. With illastrations. London, Samp-
aon Low, etc., 1876, in-S*, xti'319 p. et 27 Ulustrations.
132 BULum nsTouoTB
Fr. Delitzsch% par Oppert^ par Savoe% par Fax TalboiS a
montré queUe était l'origine de Fane des traditions hébraïques
de la création. Les fragments où Smith a^ait cni recoonaitre une
allusion au péché origind ont été mieux interprétés depuis; mais les
luttes des dieux contre ks maurais génies et contre les hommes
ont été étudiées de fiMrt près, par M. Fox Talbot dans ses mé-
moires sur une RévoUe dans le ciel^, sur le CowÊbai entre Bel et
le Dragon*^ par M. Sajce dans sa Desiruciiùn de Sodome ei de
Gùmorrhe'*^ par M. Boscawen qui a publié après Smith ks textes relatif
à la tour de Babel^ par M. Fr. Lenormant dans son traTail sur le
dieu Lune délicré de V attaque des wuiurais esprits^, La légende du
roi mythique Izdhubar, de ses exploits, de sa renccmtre avec Khasis-
adra, k Xisouthros de la tradition bérosienne, de ses amours aTec la
déesse Ishtar se complète de plus en f^us : aux traTaux dcmt dk
aTait été Tobjet antérieurement Tiennent se joindre ks études de
MM. Talbot^*, Lenormant^ ^ et Boscawen^^ Un mémoire de M. Mansdl
I. Dam la tndoctiaii aUemaBde de l'oaTrafe précédait par toa frère H. De-
litzMà : George SmUtk'$ Ckatdaeisdie Gemesn, KeUhud^iflen Beriekte
Sektgpfum§, SmemdenfaUy Sêut/tmtMjTkmnnèau nmdyfiwuvdy meàst Heleu
rem Fra§meuten aettestem BmkylmtHck'Astyriadiem SekrifÛJmwu^ wêM n JM0-
éuugem. ABloriiirie UebeneUnag jom HenMaa DelHxsek, Mhst EriaalenvgeB
ud tarif/BÊttaim Fonchn^a ¥qb D' Friedrich Ddiliach. Leipag, J.-a ESm-
ïkhÈ, 1876, is-S*, xti-331 p.
t Em appeadkse de YHisUnre €Iwaél, par E. Ledraia, t. L P»«, A. Lumit,
1S79, ia-12, p. 411-4M. Tir^e à part, nlMe fonaat, 33 pi
3. Ameiemt Babglomian legend oftke crmtkm (/înMi Cuttak)^ tmslated bj
aer. A. H. Sayce, dans les Êeeords of tke Fmsi, t XI, p. 107-114. Cert umt
rtrûom différente des Tersioas jasqa'à présent cobwms.
i. Ckaidjeau aeenuUs of tàe CreatHm, tmslated by H. Fox Talbot, du» les
Meeords of tàe Past. U IX. p. llS-llft.
5. Tke neroli te Beavem, from a CkaUxmm taUei, br H. Fox Talbot, dMs
les TrautaetÉoms^ t I¥, p. 349-362, et dau les Jtaoords of tke Pmsiy t. VO,
p. 123-128.
6. Tke Pigkt between Bei and tke DrofO», amd tke fawùm§ mreri wkieà
tmrmed enerf ««7, dans les JWratoffirwu, t. ¥, p. 1-21, et dans les leoBrdt,
t IX. p. 135-140.
7. Tke Ooertknm- of Soiom amd Gowumrmk {Accmiùm mcmniI). TVaasIated
bj Ber. A. H. Sayœ, dans Êeeords oftke PmM^ t. XI, p. 11>118.
S. Legeod of tke tower of Babd, dans les TrmtiMeiàomK U T, p. 303^12, et
dMs les Beeordt, t. VII, p. 129-132.
9. Dans la Gazette arckéologijuey 1878, p. 20-3».
10./sAlar antf isdmkar : beimg tke Mstk tmklet of tke isémkar œriei, Tnm^
lated inm tbe coneifor», by H. F. Talbot, dans les TysmancticMU, t V, p. 97-
121, et dans les Beeorés, t EX, p. 119-128.
II. Jtieir-Semirawûs (ngpettes), par Fr. Laonsant, éÊm la Gazette anàéoU
fêqme^ 1878, p. 87-89.
12. JVMes on tke MOipom, amd J^tJMeflF •/ <*« Asnrmn^ by W. St. Ghad
ORIENT. 'ISS
sur les premiers êtres à flgure humaine qui aient peuplé la terre ^
achève de prouver que Bérose avait puisé à bonne source ce qu'il dit
de la cosmogonie chaldéenne.
Sur la religion proprement dite, on consultera avec profit Farticle
où M. Lenormant a résumé ce qu'on sait de plus certain sur les dieux
de TAssyrie et de la Ghaldée ^. Les sciences magiques, les formules
de prières, les incantations qui jouaient un si grand rôle dans la vie
religieuse des anciens Babyloniens, ont été étudiées soit d'ensemble,
comme dans l'ouvrage de M. Lenormant sur les sciences occultes,
dont il vient de paraître une version allemande, dans les Études
accadiennes et les Études cunéiformes^ soit par le détail, dans les
traductions que M. Sayce a données du poème des sept mauvais
esprits ^^ d'une prière assyrienne destinée à écarter les suites d'un
mauvais rêve^, et M. Budge d'incantations à prononcer sur le feu et
sur Teau'. L'influence qu^exerça la magie chaldéenne sur TÉgypte
pharaonique d'abord, puis sur la Grèce et sur le monde romain,
donne un vif intérêt à ces études. On a déjà retrouvé dans certaines
formules du moyen âge les débris corrompus d'incantations acca-
diennes : et il semble qu'une partie du galimatias de mots inintelli-
gibles usité encore aujourd'hui par les adeptes de la magie remonte
jusqu'à l'antique Ghaldée.
L'histoire de la Ghaldée commence à se débrouiller peu à peu.
Tandis que Boscawen publiait des traductions d'inscriptions remon-
tant jusqu'à d'anciens rois«, M. Fox Talbot^, M. Oppert®, Rodwell^,
Boscawen, dans les Transactions, t. IV, p. 267-301; The twelfth Izdubar legend,
Translated by W. St. Chad Boscawen, dans les Records, t. IX, p. 129-134.
t. Les premiers êtres vivants diaprés la tradition chaldéo-babylonienne
(▼ignettes), par C. W. Mansell, dans -la Gazette archéologique, 1878, p. 131->1[41.
2. Les dieux de Babylone et de V Assyrie, par Fr. Lenormant (extrait de la
Revue de France). Paris, Maisonneuye, 1877, in-8% 27 p.
3. Accadian Poem on the seven evil Spirits, Translated by Rev. A.-H. Sayce,
dans les Records, t. IX, p. 141-148.
4. Fragment of an Assyrian Frayer after a bad dream, Translated by A.-H.
Sayce, dans les Records, t. IX, p. 149-152.
5. Assyrian Incantations to Fire and Water. Translated by Ernest A. Budge,
dans les Records, t. XI, p. 133-138.
6. On iome early Babylonian or Akkadian Inscriptions, Part. I, by W. St.
Cbad Boscawen, dans les Transactions, t. VI, p. 275-283, et Inscription of
AgU'kahrTimi, dans les Records, t. VIII, p. 1-8.
7. Senkereh inscription of Nebuchadnezzar. Translated by H. Fox Talbot, et
The Birs-Nimrud Inscriptions of Nefmchadnezzar, Translated by H. Fox Tal-
bot, dans les Records, t. VII, p. 69-78.
8. Babylonian legends found at Khorsabad. Translated by prof. Dr. Jalias
Oppert, dans les Records, t. XI, p. 41-44.
9. Inscription of Merodach-Baladan IIL Translated by Rey. J.-M. Rodwell,
dans les Records, t IX, p. 29-36.
4 54 BULLETIN HISTORIQUE.
et Schrader^ celles de quelques inscriptions de Nabukodorossor,
de Merodach-Baladan ni et lY, la découverte d'une série de contrats
datés, appartenant à une même famille et couvrant une étendue de
plus de deux cents ans, a permis à MM. Boscawen^ et Oppert' de
reconstituer la chronologie du second empire chaldéen et des pre-
miers rois Perses. Un de ces contrats porte une date de la onzième
année de Cambryse dont la découverte a jeté Témoi parmi les histo-
riens de Fancien Orient. M. Pinches Ta publiée le premier* et elle
vient d'être discutée de nouveau par M. Schracher^^. L'histoire
de TAssyrie s'est enrichie de nombreux documents : inscription
de Touklat-habalasar I, traduite par Houston* : inscriptions d'As-
sour-nazir-habal , traduites par M. Talbot^ et Finlay^ : inscrip-
tion de Salmanasar, traduite par M. Fr. Lenormand' : inscription
de Binnirari P', traduite par M. Sayce^®, inscriptions de Sargon,
traduites par M. Oppert^^ inscriptions de Sennachérib, traduites par
l. Weitere Bemerkungen zu der neugefundenen babylonischen Nebuead-
neior-Inschrift, von £. Schrader, dans la Zsrrs. Ma,, 1879, p. 45-47.
I. Babylonian dated tabiets, and ihe canon of Ptolemy, By W. St. Ghad
Boscawen (8 plates), dans les Transactions, t. VI, p. 1-133; M. Th. GoMridge
Pinches a publié la notice et la traduction de qudques-uns de ces textes dans
les Records, t. XI, p. 85-98, sous le titre : The Egibi tableU. TnnsUted by
Theophilus Goldridge Pinches.
3. Revised Ckronology of ihe latest Babylonian Kings, by Dr. J. Oppert,
dans les Transactions, t. VI, p. 260-274. Tirage à part, in-8* 15 p.
4. Dans les Proceedings of the Society of Biblical Archxology, slip daté da
2 juin 1878.
5. Ueber die Datirung einer babylonischen ThontafH aus dem Slften Jahre
des Cambyses. Extrait du Monatsberickt de l'Académie des sciences de Berlin,
férrier 1879, 2 p.; et dans la Zbits. JEo,, 1879, p. 39-45.
6. Record of a hunting expédition of Tiglath-Pileser I {Cire, B. C. 1120-
1100). Translated by Rev. W. Houghton, Records, t. XI, p. 7-10.
7. The Standard Inscription of Assur-akh-bal, Translated by H. Fox Tftlbot,
et MonolUh of Àssur-akh-baL Translated by H. Fox Talbot, dans les Record»,
t. VIII, p. 9-20.
8. Inscription of Assur-izir-pal^), Translated by W. Booth Finlay, Records,
t. XI, p. 11-12.
9. Bas-reliefs de bronze assyriens, dans la Gazette archéologique, 1878,
p. 119-129, et pi. 22-24. Des fragments datés du règne d'Assour-nasir-habal ont
été découverts par M. Rassam à Balawat et ont fourni à M. Ernest A. Budge la
matière d'un mémoire lu à la Société d'archéologie biblique {Proceedingt oftke
Society of Biblical Archaology. Session 1878-9. 5th meeting, 4th march 1879,
p. 27-29), mais non encore publié.
10. Inscription ofRimmon-Nirari /, king of Assyria (B. C. 1320). Translated
by Rey. A. H. Sayce, dans les Records^ t. XI, p. 1-6.
II. The Annals of Sargon. Translated by Dr. J. Oppert, dans les Records,
t. VII, p. 21-56; Great Inscription in the Palace ofKhorsabad. Translatad by
Dr. J. Oppert, Records, t. IX, p. 1-20 ; Bull Inscription of Khorsabad, —
ORIENT. 455
M. Budget, inscriptions d*Esarhaddon, traduites par M. Pinches',
inscriptions d'Assour-ban-habal, traduites par M. Fox Talbot^, sans
parler de la réimpression des annales d'Assour-ban-habal de Smith^,
ni de Timportante découverte faite par M. Sayce de textes se rappor-
tant à la chute de Ninive et aux dernières guerres de son dernier
roi contre Cyaxare^. Le plus considérable de tous les ouvrages histo-
riques parus récemment est sans contredit Touvrage posthume de
Smith sur Sennakhérib*. Il est malheureusement déparé par de nom-
breuses fautes que Smith, surpris par la mort, n'a pas eu le temps de
corriger, et que Téditeur M. Sayce a respectées. C'est un recueil où
les inscriptions données en texte, en transcription latine et en tra-
duction, sont accompagnées de préfaces fort courtes et de notes plus
brèves encore.
La collaboration de MM. Menant et Oppert, toujours si féconde en
heureux résultats, a produit Tan dernier un des livres les plus inté-
ressants qu'on ait eus depuis longtemps, le recueil de lois, de con-
trats et d'actes juridiques de l'Assyrie et de la Chaldée^. 11 est regret-
table que les difficultés de l'impression aient empêché MM. Menant
et Oppert de donner le texte même de ces documents : ils ont eu du
moins la précaution de mettre à côté de leur traduction une trans-
cription en lettres latines. C'est un choix parmi les tablettes juridi-
ques les mieux conservées ou les plus importantes : elles sont classées
par ordre chronologique et vont jusqu'au milieu de l'époque grecque.
M. Menant a entrepris seul l'étude des cylindres et cachets dont ces
actes portent l'empreinte ou dont nos musées ont les originaux. A
intcripiions of the Harem of KhcT$ahad, — Texis of the Foundation stone
ofKhorsabad. Translated by Pr. Dr. J. Oppert, RecordSy t. XI, p. 15-40.
1. Nebbi Yunus Inscription of SennacMrib {from a mémorial slab found
at Nineveh). Translated by Ernest A. Budge, Records, t. XI, p. 45-58.
2. The Oracle of Ishtar of Arbela. Translated by Theophilus Goldridge
Pinches. Records^ t. XI, p. 59-72.
3. A Frayer and a Vision, from the Annals of Asmrbanipal King ofAssyria.
Translated by H. Fox Talbot. Records ofthe Past, t. VII, p. 65-68.
4. Cette réimpression, commencée dans les Records, t. I, p. 55-106, n'a été
reprise et terminée que dans le t. IX, p. 37-64.
5. Texts relating to the fall of the Asspian Empire, Translated by Rey.
A.-H. Sayce. Records, t. XI, p. 79-84.
6. Hittory of Sennacherib, translated from the euneiform inêcriptions. By
George SmiUi. Edited by the Rey. A. -H. Sayce. London, Williams and Norgate,
1878, in-4*, it-182 p. Cfr. dans U Revue critique, 1878, t. II, l'article de M. Sta-
nislas Gnyard sur ce livre, et la réponse de M. Sayce.
7. Documents juridiques de l'Assyrie et de la Chaldée, par MM. J. Oppert
et J. Menant. Paris, Maisonneuve, 1877, in-8*, 367 p.; Babylonian public Docu-
menta conceming private persons, Edited by MM. Oppert and Menant, Records,
t. IX, p. 89-108.
456 BULLBTI5 HISTOEIQUE.
Paris, à Londres, dans les Pays-Bas, en Allemagne, en Suisse, en
Italie, il a recueilli les copies de œs cylindres, et a pu par la compa-
raison en déterminer le sens, remploi, la date^ Je ne vois guère à
citer comme complément à Tétude qu'il a entreprise que les observa-
tions de M. Sayœ sur les cylindres assyriens du trésor de Gurium',
la note de M. Schrader sur le cachet du roi Ourzana, sur un ancien
cylindre babylonien et sur quelques gemmes du musée de Berlin ',
celle de M. Lenormant sur quelques monuments chaldéens des col-
lections romaines^, enfin les mémoires de MM. Mansell et Ledrain'
sur différentes intailles asiatiques.
Outre des textes historiques et religieux, on a retrouvé aux bords
du Tigre des proverbes, des chansons, des hymnes : M. Sayoe en a
traduit quelques-uns *, ainsi que M. Halévy ^. On a également des
fragments de listes géographiques, traduits par M. Sayce^, et des
1. Pfqtiee swr ÇMelqun cjUndres orientaux, par M. Joichim Menint. Paris,
Imprimerie Nationale, 1878, iii-8*, 16 p. 1 pi. Extrait des oomples-rendos de
l'Académie des inscriptions et belles-lettres ; NoUee tur quelques empreintes de
cylindres du dernier empire de Chaldéey par M. Joachim Menant Paris, Impr.
Nat., 1879, in-8*, 24 p. et 5 pi. Extrait des comptes-rendus de l'Académie des
inscriptions et belle»-lettres; Les cylindres orientaux du Cabinet des Médailles
de La Haye, par M. Joachim Menant. Paris, Impr. Nat., 1879, in-8*> 74 p., avec
vignettes intercalées dans le texte. Extrait des Archives des Missions scienti-
fiques, 3* Sér., t. V ; Catalogue des cylindres orientaux du cabinet royal des
médailles de La Haye, La Haye, imprimerie de l*État, 1879, in-4*, 84 p. et tui pi.
2. The Babylonian Cylinders found bj gênerai di Cesnola in the Treasury
ofthe Temple at Kurium, by Rey. A. -H. Sayce, dans les Transactions, t. V,
p. 441-444.
3. Ueber einen altbabglonischen KœnigseyUnder des Kœnigl-Museum und
einige andere Cglinder und Gemmen, von Mb. Schrader, mit 1 Taf.; Anszug
ans dem Monatsberich der Kœnigl. Akademie der WissenschaAen zn Berlin,
1879, p. 288-298.
4. Tre Monumenli Caldei ed Assiri di Collesioni Romane dichiarati da Fr.
Lenormant (con 1 tay. Lit.). Roma, 1879, in-8% 19 p.
5. Observations sur les intaHles talismaniques phéniciennes (rignettes), par
C. W. Mansell, dans la Gazette archéologique, 1878, p. 38-40; Pierres gravées
phéniciennes avec la représentation du sanglier ailé (rignettes) , par C. W.
Mansell, ibid,, p. 50-54. Les monuments égyptiens connus sous le nomdeCippes
d^Horus et les intailles talismaniques des Phéniciens (vignettes), par E. Ledrain,
dans la Gazette archéologique, 1878, p. 35-38.
6. Two Àccadian Hymns. Translated by Rev. A.-H. Sayce, Records, t. XI,
p. 129 ; Accadian Penitential Salm. Translated by ReT. A.-H. Sayce, et Baby-
lonian Saints' Calendar, dans les Records, t. VIII, p. 15M70; Ancient Baby-
lonian Moral and Political Precepts, Records, t MI, p. 117-122; Accadian
Proverbs and Songs, Records, t. XI, p. 131-156.
7. Assyrian fragments. Translated by J. HaléTy, Records, t. XI, p. 157-162.
8. An Assyrian Fragment on Geography, Translated by Rer. A.-U. Sayce,
Records, t. XI, p. 145-150.
ORIBIfT. 'tST
documents malhématiques. L'un d'eux, découvert à Senkereh,
est devenu entre MM. Lepsius*, Oppert^ Schrader* et Delitzsch^
Fobjet d'une discussion fort vive qui dure depuis plus de deux ans,
et n'est pas près de finir, non plus que la controverse que M. Oppert
soutient à lui seul contre tout le reste de Técole depuis plus de dix ans,
au sujet des listes d'éponymes. Dans son mémoire sur Salomon et
ses successeurs, M. Oppert a soutenu énergiquement son opinion et
tenté une fois de plus de démontrer qu'il faut établir non pas la
chronologie biblique d'après la chronologie assyrienne, mais la chro-
nologie assyrienne d'après la chronologie biblique. Une série d'in-
ductions et de calculs fort ingénieux a conduit le même auteur à
déclarer que les chiffres donnés dans la bible aux temps antérieurs
à Joseph dérivent des chiffres assignés par les Ghaldéens aux temps
antéhistoriques'. D'autres, comme M. Sillem, ont, sans entrer dans
une discussion de nombres, recherché sommairement ce que les
livres de la Genèse hébraïque doivent aux traditions assyriennes^,
ou, comme MM. Nowack^ et Tiele*, montré d'une manière générale
l'utilité que l'exégèse biblique peut trouver dans l'étude de l'assyrio-
logie. Un Anglais, M. H. G. Tomkins, a publié, sur l'état du monde
asiatique au temps où la légende place la vie d'Abraham, un
mémoire dont les monuments assyriens et quelques textes égyptiens
ont fourni les matériaux ^. M. Guyard a interprété par plusieurs pas-
1. DU Babylonisck-Assyrischen Langenmasse naeh der Tafel von Senk&éh,
Ton R. Lepsius. Aus den Abhaodlungen der Kœnigl. Akademie der Wissenschaf-
ten zu Berlin, 1877. Mit 2 Tafeln. Berlin, G. Vogt, 1877, in-4*, p. 105^144.
2. Les réponses et contre- réponses de MM. Oppert et Lepsius ont été publiées
dans les Monaisberickte der Kcmiglich, Pretissischen Akademie der Wistemchaf-
ien %u Berlin. December 1877, p. 741 sqq., et Febniar 1878.
3. Ueber Theilgewichte der babyloniscken Mine und deren Bezeiehnung,
fon Eb. Schrader. Z.i£o., 1878, p. 110113.
4. Soss, Ner, Sar, von Fr. Delilzscb. Z. Ma., 1878, p. 56-70.
5. Die Daten der Genesis, Ton J. Oppert, dans les Ntichrichten von der
Kœnigl. Gesellschafl der Wissenschaften und der G. À, UniversiUet zu
GiEttingen, 1877, n« 10, p. 201-223.
6. Dos Àlte Testament im Lichie der Àssyrischen Forsdiungen und ihrer
ErgelnUsse, Ton Dr. C.-H.-W. Sillem, /. Die Genesis. Hamburg, 1877, Th. G.
Meissner, in-4*, ii-39 p.
7. Die Astyrisch'Babylonischen KeU-Inschriften und dos AUe Testament, Ton
Nowack. Berlin, Meyer und Mueller, 1878, in-8*, 28 p.
8. Die Assyriologie und ihre Ergebnitse fuer die vergleichende ReUgions-
geschickie. Rede bel Eimahme des Lehrstuhles der allgeroeinen Religions-
geschichte an der UniTersitœt Leyden, gehalten Ton Prof. C. P. Tiele. Aus dem
Hœllendischen von K. Friederici. Leipzig, Otto Schulze, 1878, in-8% 24 p.
9. StudUs on tke Times of Abraiiam, by the ReT. Henry George Tomkins.
London, Bagsler, 1878, ia-4% Part I, xtui-228 p. et 14 pi.
158 mxRn nsfouoei.
sages d*iiiscriptioiis améîtbnnes le sens d'un passage obscur de la
bible^ Malgré «s exemples, il semUe que les héhmsants et les
ezégètes biUîqaes continueDt à tenir pour sospeeles les infbriDations
des monuments assyriens el refusent d'en tirer un parti suffisant.
Les inscriptions en langues autres que Tassjrrîen et le chaldmi
ancien ont été peul-étre un peu plus étudiées qu'dies ne Favaient
été ju^iu a présent. A M. Mordtmann, qui. seul jusqu'à présent, avait
abordé d'une manière suivie le déchifflrèment des inscriptiens annè-
niaques', est venu se joindre M. de Robert'. L'ouvrage oonsidé-
raUe que ce savant, nouveau dans ce cbamp d'études, a publié,
parait être oonsdencteusement exécuté : je n'oserais affirmer que
les résuluts auxquels il est arrivé soient bien établis. M. Sajœ^ et,
à deux reprises, M. Oppert\ se sont appliqués à l'interprétation des
inscriptions susiennes. Ils ne sont pas encore parvenus à tout lire,
mais ce qu'ils ont lu renferme des renseignements coricnx sur le
peuple important et peu connu qui habitait l'Elam. La laïque médique
avait été presque entièraneot néctigée depuis les beaux travaux de
Norrisw M. Oppert, après avoir exposé quelques ^ts nooreanx* et
traduit la partie médique de nnscripUon de Bebistoup s vient de
publier en détail ce que vingt années de labeur lui ont appris sur
la langue et le peuple des Mèdes*. (Vnr le persan, je n al à indiquer
id, outre une théorie nouvelle de M. Deecke, sur la fermalion de
l'alphabet cunèifenne, que la traduction nouvelle qu'a donnée
M. Oppert des inscriptions des rois Achéménides^.
Ce n est pas que I» travaux sur la INnrse anemne ftssent âHàJoL
1. DaK le JmÊnmi msmt^me. \ST$^
t. f'«iwr Ar Knimsrànfim rm Armtmim. \m A.-Ik
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ir^ i»-^. i2^>f r
ORIENT. 4 59
Loin de là; mais, sauf M. Spiegel, la plupart des savants qui les
font ne s'inquiètent guère des inscriptions cunéiformes. Ils com-
mentent les textes zends et leur demandent presque exclusivement
les renseignements dont ils ont besoin. M. James Darmesteter dans
son beau volume sur Ormazd et Âhrimân a montré quel lien étroit
rattachait au début les mythes ariens de Tlnde et de llran, puis les
modiflcations qu'avalent amenées le temps et certaines circonstances
historiques dans les dogmes de la religion persane*. M. de Harlez
dans une série de mémoires spéciaux a élucidé certains passages de
TAvesta, non sans attaquer au passage plusieurs des idées favorites
de M. Darmesteter^. M. Justi a écrit fort brièvement l'histoire de la
Perse jusqu'à la conquête musulmane'. Enfin, M. Spiegel, parla
publication d'un troisième volume, vient de compléter ses Antiquités
Éraniennes^, On n'aura jamais assez d'éloges pour la patience avec
laquelle il a su assembler ses matériaux, ni pour la sagacité avec
laquelle il les a traités. Quelques-uns de ses collègues lui reprochent
de manquer parfois de critique : je ne suis pas compétent pour juger
jusqu'à quel point ce reproche est fondé.
J'ai entrepris cette bibliographie des ouvrages relatifs à l'Orient
ancien qui ont paru depuis 4876 en toute sécurité et confiance pour
l'Egypte. La bibliographie des livres assyriens est déjà moins com-
plète; car j'ai tenu à n'y mettre que les livres que j'avais lus moi-
même : pour les autres peuples de l'Asie orientale, elle serait moins
complète encore. Je me bornerai à signaler, pour la Syrie, la tenta-
tive de déchifi'rement, par M. Sayœ^ des hiéroglyphes de Hamath';
pour la Phénicie, les mémoires à la fois si ingénieux et si solides où
M. Glermont-Ganneau montre comment les objets de commerce,
coupes en métal, vases, bijoux fabriqués par les Phéniciens sur des
modèles égyptiens, ont transporté en Grèce et dans le monde occi-
dental les idées religieuses du monde sémitique et les arts de
1. Ormasd et Ahriman, Uun origines et leur histoire ^ par James Dannes-
teter. Paris, Vieweg, 1877, in-8% 360 p., forme le ringt-neuvième fascicule de
la Bibliothèque de l École des hautes études,
2. Dans le Journal asiatique, 1876-1879.
3. Geschichle des alten Persiens, yod D' Ferdinand Justi, mit lllustrationen
und Karten. Berlin, Grote, 1879, 1 vol. in-8*, yui-250 p., 44 gravures et 2 caries.
Forme la quatrième partie de la première section de l'Histoire universeUe de
Oncken.
4. Eranische AUerthumskundef von Fr. Spiegel. Dritter Band. Leipzig, Engel-
mann, 1878, in-8*.
5. The Hamathite Inscriptions. By Rev. A.-H. Sayce, Transactions, t. V,
p. 22-32, with plate.
460 BULLETIN HISTORIQUE.
rÉgypte^', pour le pays de Canaan, les études de H. Baudissin sur
les religions sémites^. Chypre promet de fournir plus tard une litté-
rature considérable : pour le moment, je ne signalerai que Touvrage
où le général de Cesnola a raconté ses fouilles', le mémoire où
M. Bréal a résumé avec lucidité Thistoire du déchiffrement de l'al-
phabet chypriote^, et celui de M. Deecke sur Forigine assyrienne de
cet alphabet^. Pour TAsie-Mineure, les fouilles de M. Schliemann
ont encore été exploitées par M. Fr. Lenormant dans ses Antiquités
de la Troade^j et par M. Ed. Meyer dans son Histoire de la Troade'.
On me permettra de m'arréter ici et de ne pas m'engager plus avant
sur un terrain qui m'est peu connu.
G. MiSPBKO.
BELGIQUE.
Dans mon dernier bulletin, j'ai passé en revue les publications
belges de Tannée 4876 [Revue historique^ t. YI, p. 455-465). Le
présent article sera consacré au mouvement historique en Belgique
pendant les années 4877 et 4878.
1. Voir surtout : Horus et Saint Georges d'après un bas^relief iiMii du
Louvre, Notes d'archéologie orientale et de myUiologie sémitique, par Gh. Gler^
mont-Ganneau, avec gravure et planche (extrait de la Revue archéologique).
Paris, Didier, 1867, in-8% 51 p.; Mythologie iconographique (extrait de la
Revue critique). Paris, £. Leroux, 1878, in-8*, 20 p.; Le dieu Satrape et les
Phéniciens dans le Péloponnèse. Notes d*archéologie orientale (extrait du
Journal asiatique). Paris, Iinpr. Nat., 1878, in-8*, 80 p.
2. Studien zur Semitischen Religionsgeschichte, Ton Wilhelm Grafen Bau-
dissin. Leipzig, Gninow, in-8*, Heft I, 1876, yu-336 p.; Heft II, 1878, ▼in-286p.
3. Cyprus : its ancient Cities, Tombs and Temples. A Narrative of Resear^
ches and Excavations during ten years* résidence as American consul in
that island. By gênerai Louis Palma di Gesnola. With maps and illustrations.
London, John Murray, 1877, in-8*, xix-448 p.
4. Michel Bréal. Sur le déchiffrement des inscriptions chypriotes. Extrait du
Journal des Savants, août et septembre 1877, in-4*, 26 p.
5. Der Ursprung der Kyprischen Sylbenschrifl, eine palxographisehe Unter*
suchung^ Yon D' W. Deecke, mil rier Schrifttafeln. Strassburg, Karl J. Trudmer,
1877, in-8*, 39 p.
6. Les Antiquités de la Troade et l'histoire primitive des contrées grecques,
par Fr. Lenormant, l'* partie. Paris, MaisonneuYe, 1876, in-4*, 87 p. Une por-
tion de ce trayait est extraite de la Gazette des Beaux-Arts, 1875-1876.
7. Geschichte von TroaSy von Eduard Meyer, mit einer Karte. Leipzig, Bngel-
manu, 1877, in-8% viii-112 p.
BBLGIQUK. 464
Durant ces deux années la mort nous a enlevé le chanoine De
Sraet, Altmeyer, le général Guillaume, Roulez et Camille Van Dessel.
— Le chanoine de Smet était un des vétérans de l'histoire nationale.
En 4824 il publiait déjà une Histoire de Belgique. Il a édité pour
TAcadémie royale, dont il faisait partie, la précieuse collection inti-
tulée : Corpus chronicorum Flandriae. — J.-J. Altmeyer était un
historien et un professeur savant, alliant à une véritable largeur de
vues une forme bizarre et souvent rude à force de franchise. Ses
principaux ouvrages se rapportent à la philosophie de Phistoire et à
rhistoire de Belgique. — Le général baron G. Guillaume était notre
principal historien militaire. Couronné en 4846 par TAcadémie
royale pour une bonne Histoire de V organisation, militaire sous les
ducs de Bourgogne, il n'avait cessé jusqu'à sa mort de produire des
monographies analogues sur les régiments belges pendant la guerre
de Sept Ans et les guerres de la Révolution française, les gardes
wallonnes au service de l'Espagne, les quatre régiments wallons au
service de Naples, les bandes d'ordonnance des Pays-Bas, etc. Il
édita aussi, pour la défunte Société de Phistoire de Belgique, les
Commentaires de Bernardino de Mendoça (4567-4577), écrivain
élégant, guerrier et diplomate distingué, qui admirait le duc d'Albe,
mais qui se montre exact et impartial. — J.-E. -G. Roulez étaitprofes-
seur émérite de l'Université de Gand. Ses travaux sur Tarchéologie,
la paléologie et l'épigraphie l'avaient fait connaître à l'étranger plus
qu'en Belgique, où ces sciences sont fort peu cultivées. Il s'était
aussi beaucoup occupé des époques reculées de l'histoire de Belgique,
et son Mémoire sur les légats, propréteurs et procurateurs des pro-
vinces de Belgique et de la Germanie inférieure (2** édition de 4 875)
est un ouvrage classique. — Enfln Camille Van Dessel était un jeune
érudit, qui s'était surtout signalé par sa remarquable Carte archéo-
logique de la Belgique (période anté-historique, romaine et flanque)
et par la préparation d'une nouvelle édition du grand ouvrage de
Schayes, La Belgique et les Pays-Bas avant et pendant la domina-
tion romaine, dont il sera question plus loin. M. Van Dessel n'avait
que vingt-six ans. Le chanoine de Smet, Altmeyer, le général Guil-
laume et Roulez avaient au contraire atteint la vieillesse et donné
complètement la mesure de leur science et de leur talent.
Les Mémoires et les Bulletins de l'Académie royale de Belgique
fournissent tous les ans une moisson abondante, sinon toujours
riche, à l'histoire, surtout à l'histoire nationale. Dans les Mémoires
in-quarto, nous citerons un travail consciencieux, qui par beaucoup
de côtés se rattache à l'histoire proprement dite et contient beaucoup
de choses neuves : La sculpture aux Pays-Bas pendant les XV fp et
ReV. HiSTOR. XI. i«' FASC. ii
462 BULLETIN HISTORIQUE.
XVIII^ siècles^ par M. le chevalier Edm. Marchai. L'auteur débute
par un résumé où il expose toute Thistoire de la sculpture en Bel-
gique depuis les temps les plus reculés (périodes ^o-romaine,
romano-byzantine^ gothique et de la renaissance). Il passe ensuite en
revue les divers styles : hispano-italien, italo-flamand, borrominien,
Rubens, rocaille et néo-classique. Pour le xvii* et le xviii* siècle,
Pauteur a classé les sculpteurs en huit régions, correspondant à
autant d'écoles distinctes (Bruxelles, Malines, Anvers, Gand, Bruges,
la Flandre fhmçaise, Hainaut-Namurois et Liège). Ce livre d'histoire
de l'art jette un jour tout nouveau sur un côté de la vie nationale aux
Pays-Bas pendant deux siècles.
Dans la collection des Mémoires in-octavo, il y a abondance. La
dissertation flamande (couronnée) de M. Max Rooses, Plantijn en
de Plantijnsche drukkerij (Plantin et l'imprimerie Plantinienne) * , se
présente la première et est une des meilleures. L'histoire du célèbre
imprimeur anversois et de ses continuateurs est menée jusqu'à la fin
du siècle dernier. C'est une esquisse très intéressante et très sûre
d'un très vaste sujet. On sait que Christophe Plantin, français d'ori-
gine, était devenu imprimeur de Philippe n dans les Pays-Bas, et
que son nom est sans cesse mêlé à l'histoire politique, religieuse et
littéraire du temps. La maison, les ateliers et la riche bibliothèque
de Plantin et de ses successeurs ont été conservés religieusement
comme par miracle à Anvers, et de nos jours ce trésor a été trans-
formé en un musée public dont M. Max Rooses est conservateur. —
Dans un mémoire intitulé : Histoire du droit de chasse, M. Amédée
Faider fait l'historique de ce droit aux temps mérovingiens et carlo-
vingiens, à l'époque de la féodalité, sous les ducs de Bourgogne et
sous les maisons d'Espagne et d'Autriche, dans les diverses parties
dç la Belgique actuelle (Pays-Bas méridionaux, principauté épiscopale
de Liège, duché de Bouillon et principauté abbatiale de Stavelot). —
Le Mémoire historique sur la persistance du caractère national des
Belges^ par M. Th. Quoidbach, est un long morceau, superficiel,
indigeste et singulièrement paradoxal, dans lequel l'auteur s'eJQTorce
de prouver que le caractère national des Belges s'afQrme depuis les
temps les plus reculés, non seulement dans leur amour de la liberté,
mais aussi dans leur attachement à l'église catholique. Pour y arri-
ver, il remonte jusqu'à la conquête romaine et même au-delà ; il perd
complètement de vue que, pendant les belles époques de leur histoire,
c'est-à-dire jusqu'au xvii' siècle, les Pays-Bas méridionaux se dis-
1. Sous ce titre, M. Edm. Mertens a publié une traduction française de cette
consciencieuse monographie.
BELGIQUE. 403
tinguÀrent par de nombreuses hérésies et par une grande indépen-
dance à l*égard de TÉglise -, il excuse les rigueurs cruelles de Phi-
lippe II et rend les calvinistes du xyp siècle responsables de tous les
maux causés par les guerres religieuses; il malmène aussi Joseph II.
Le monde savant sera étonné en apprenant que ce mémoire, qui déve-
loppe maladroitement une thèse aussi fausse, a été couronné par
FAcadémie royale.
Dans les Bulletins de l'Académie royale nous signalerons d'abord
un remarquable discours de M. Emile de Laveleye, professeur à
rUniversité de Liège, sur La démocratie et l'économie politique^ et
un discours de M. Alph. Wauters, sur Les travaux historiques de
jadis et ceux d* aujourd'hui. Il y caractérise rapidement la valeur
des chroniques et des historiens des Pays-Bas jusqu'à la fln du
xyi« siècle, spécialement Jean le Bel, Froissart, Hemricourt, Jean
d'Outremeuse, Jacques Du Clercq, Olivier de la Marche, Philippe de
Gommines et Jacques de Meyer. Ce dernier, quoique appartenant au
clergé, vit mutiler ses Annales Flandriae par la censure ombrageuse
de Charles-Quint et de Philippe II. Après les guerres religieuses,
l'histoire se réfugie sur le sol libre des Provinces-Unies et y produit
Bor, Hooft, van Meteren et d'autres moins connus. Van Meteren
était d'Anvers et avait fui en Hollande pour échapper à la tyrannie
religieuse qui pesait sur le Sud depuis le triomphe des armes
d'Alexandre Farnèse. Jusqu'à la fin du xyiii« siècle la Belgique ne
produisit plus une seule œuvre historique importante. Les deux réno-
vateurs de l'histoire furent alors le chevalier Diericx, auteur de
savants Mémoires sur les lois^ les coutumes et les privilèges des Gan^
tais, travail puisé aux sources mêmes, et Ernst, auteur d'une
Histoire du Limbourg, Au xix* siècle, on eut de Gerlache, Gachard
et leurs nombreux continuateurs. — M. J.-J. Thonissen, professeur
à l'Université catholique de Louvain, dans ses Études sur l'histoire
du droit criminel en France, s'occupe des peines capitales sous les
Mérovingiens. — M. P. Willems, professeur à la même Univer-
sité^ étudie la Compétence du sénat de la république romaine en
matière d'affaires étrangères. Il traite d'abord des déclaratfons de
guerre et prend pour exemple celles de la deuxième et de la troisième
guerre punique *, puis des négociations avec l'ennemi pour la conclu-
sion d'un armistice ou d'une paix, et il examine les traités qui suivent
la deuxième guerre punique et le traité conclu avec Philippe de Macé-
doine, n étudie ensuite les traités d'alliance, d'amitié et d'hospitalité
publique, les rapports généraux du sénat avec les alliés et les
peuples étrangers, les audiences accordées par le sénat aux députa-
tîons étrangères, les ambassades romaines à l'étranger et la politique
4 64 BULLBTIIf HISTORIQUE.
générale du sénat au second siècle avant J.-G. — Dans une autre
notice, intitulée : La rédaction et la garde des sénatus-consultes
pendant la républiqiLe romaine, le même auteur fait aussi preuve
d'une érudition sûre et pleine de sagacité. Ces deux travaux sont
faits sur les sources et d'après les résultats de la philologie moderne.
— Dans une curieuse dissertation, intitulée : Edouard III dans nos
deux littératures^ M. J. Stecher, professeur à TUniversité de Liège,
étudie les jugements portés sur le héros anglais de la première partie
de la guerre de Cent Ans par ses contemporains wallons et flamands :
le chanoine liégeois Jean le Bel, auteur des Vrayes Chroniques^ que
Froissart inséra presque intégralement dans sa grande narration ; le
poète flamand Jean van Boendale, qui était clerc des échevins d^ An-
vers et qui écrivit un poème consacré au roi anglais, intitulé : Van
den derden Edowaert (du troisième Edouard) \ Tauteur inconnu des
Récits d*un bourgeois de Valenciennes et enfin Jean Froissart lui-
même, dont les ravissants récits sont pleins de la grande personna-
lité d'Edouard III. — M. Gachard a consacré quelques pages intéres-
santes au Voyage de Pierre le Grand dans les Pays-Bas autrichiens
en \7\7. Le fameux tsar de Russie avait visité la Hollande, l'Angle-
terre, TAllemagne et FAutriche à la fin du xtii* siècle, et ce premier
voyage avait été un voyage d'instruction. Le second qu'il fit en
Occident eut un but politique. Il s'occupa surtout de pénétrer les
secrets des cours, et à cette époque La Haye était considérée comme
le centre des négociations de l'Europe. Il se rendit donc en Hollande
et séjourna assez longuement dans plusieurs villes des Provinces-
Unies. De là il se rendit dans les Pays-Bas autrichiens qu'il traversa
rapidement en passant par Anvers, Bruxelles^ Gand, Bruges, Ostende
et Nieuport. Les provinces belges étaient alors gouvernées par le
marquis de Prié, gentilhomme piémontais, au service de l'empereur
Charles VI. Pierre le Grand visita ensuite la France et retraversa la
Belgique à son retour. U descendit la Meuse de Charleville à Liège,
s^arrêtant avec complaisance à Namur, où on lui donna le spectacle
d'un combat d'échasses, d'une joute nautique et du saut de Tanguille
sur la Meuse. Il s'amusa énormément de ces jeux locaux fort origi-
naux. Puis il alla résider quelque temps à Spa. Pour cette partie,
M. Gachard renvoie au livre de M. Albin Body, Pierre le Grand aux
eaux de Spa. Ce voyage, peu important du reste, puisque le tsar
voyageait incognito et en amateur, avait passé à peu près inaperçu.
M. Gachard l'a raconté en détail d'après des documents tirés des
archives du royaume et de quelques villes et des gazettes du temps.
Notons en passant qu'à Bruxelles Pierre le Grand refusa les apparte-
ments qu'on lui avait préparés au Palais, et alla s'installer dans la
BELGIQUE. 465
petite maison où Charles-Quint habita quelque temps après son abdi-
cation * . Pendant son séjour en Belgique, le tsar songea très sérieu-
sement à établir des relations maritimes directes avec la Russie,
nomma un agent spécial et ouvrit des négociations à ce sujet avec le
marquis de Prié.
La Commission royale d'histoire a publié quelques nouveaux
volumes in-4**. M. Gachard, archiviste général du royaume, a fait
paraître le tome II de La Bibliothèque nationale à Paris, Notices et
extraits des manuscrits concernant l'histoire de Belgique, Ce volume
contient surtout la correspondance de trois ambassadeurs de France
à la cour de Charles-Quint, de cinq autres à la cour de Philippe II,
et de trois diplomates français envoyés à Bruxelles par Charles IX
pendant l'administration tyrannique du duc d'Albe dans les Pays-
Bas. — M. Alph. Wauters, archiviste de la ville de Bruxelles, a
publié le tome V de sa Table chronologique des chartes et diplômes
imprimés concernant l'histoire de Belgique. Il va de 4254 à 4279.
C'est l'époque de la querelle sanglante des maisons d'Avesnes et de
Dampierre en Hainaut et en Flandre, et tous les états belges du
temps y ont été plus ou moins mêlés. Ce volume contient l'analyse
d'un nombre considérable de documents se rapportant à la comtesse de
Flandre Marguerite de Constantinople, au duc de Brabant Henri II(, au
prince-évèque de Liège Henri de Gueldre, au comte Gui de Dampierre,
etc. , ou aux seigneurs, aux prélats, aux lettrés et aux communes belges
delà seconde moitié du xni* siècle. — M. Stan. Bormans, archiviste
de l'État à Namur, a édité le t. IV de la Chronique de Liège de Jean
des Preis, dit d'Outremeuse, dont feu le professeur Ad. Borgnet avait
dirigé la publication avant lui. — Enfin M. Edm. Poullet, professeur
à l'Université catholique de Louvain, a publié le premier volume de
la Correspondance du cardinal Granvelle (4565-4586). Cette publi-
cation ne manquera pas d^attirer l'attention de tous ceux qui, en
Belgique et à l'étranger, s'occupent de Thistoire du xvi* siècle, dans
laquelle le fameux cardinal a tenu une place si importante. Ce pre-
mier volume contient 424 lettres (du 20 oct. 4565 jusqu'au 29 sept.
4566), et dans un appendice l'éditeur a réuni 29 lettres des années
4564-4565, concernant surtout le Concile de Trente. Une table
chronologique des matières et des personnages cités complète cette
importante publication.
Dans les Bulletins de la même Conmiission il y a à citer quelques
notices. M. Ch. Piot y a inséré un rapport au ministre de l'intérieur
1. Cette maison était située au fond du parc, sur l'emplacement actuel du
Palais de la Nation, où les deux chambres belges tiennent leurs séances.
«ir m maxsnsarja ïoniïmiiiii: le» .mniiiiQies aisûafs «il ^Bmeat ifi»-
juttufe. •oiosenu!» .i >& BtMiidieifB!: ni^iii*^ & La Uapf •& & îta
lBhiii;rjutfgu^ 'Winmiiiia^ fe Bkr!iui% — Lt nuoiff .h fpnmiif nm
•r3ir«ix ;nrx'uL JiCiCiiJfr I^ »pmigm/g79£i en ùtt piîaihtffm emmm^
f^* ^m tkiajmyw. f«nr 4f£ ^ «à JT|//* Afff£f~ E sum 'Ak
tfiî$. «dkt lift Eff^tËci^iK t iJOi lBi!çi3b^f iK- îsThm^LSt. «Aai ain: -îpitlkK «fom»»
^ ««^^«iiaBii rahkfiji^ ssr k Rfiîa. ^ «ff ûtficKtnBBL:; -^ làiv fortâ «dn
9;w <^ 3m>jC lac, Eapoï A qHfte&qoes lonres M^eors pAoK 4tecayrs île
b rqinlâioD ofiAiiniK: qiK Sfjuk^ k oùoficrpôiw mffîtiife. oa
M. Ajos. Orté :& ntune» llû^0if«. M. P>X Êûi saîrre sod înteressuA
vk S'Awt ef ^xiroMis dus pofnen df fo C&a»j»i«iii^« «imkSie é JVm*,
<r f^MPtasion di In tmryrue e4 é^ fomipaiûm de erttr riiU pmr le
oom/if ^/va lif SoAmm 1^72-1573 . nÉmotiP ks prooes fl ks pa»
euliocts qui 5Uf %înefDl k défjftrt 4e ce prince, qui. aitJe de calvinistes
ÎTTknmi, ait^^iuait k doc d'Albe par k Sud. tandis que son firm^
i'suiïiHsiam d Oran^. arrivait d'AUemaene par k Nord et mandiaîi
mr Bruxelks. La Saint-Bartbékmj mina ce projel hardi, qui repo-
lît sur la récoriciliaUcMi des protestants de France aver Charks K;
ceiupci aurait <ktiaré la guerre a Philippe II et aurait envove Coticnj
au secours des cal% inistes flamands et vallons. — M. L. Galeslool a
attiré Patt/i'ntion sur ks Mémoires tecreis d'Adrien Foppens sur k
gouvernement et les aflaires des Pays-Bas pendant les années l6St
a 1682. Foppens avait été nomme en 1667 rédacteur du seul journal
imprimé alors à Bruxelles et qui faisait l'office de journal officiel.
C'était le Courrier véritable des Pa^s-Bas, dont tous les artîcks
étaient publiés sous les } eux de la censure et dont les épreuves étaient
parfois corrigées par les hauts dignitaires espagnols du gouverne-
ment de Bruxelles. Néanmoins Foppens était en secret très hostik à
BELGIQUE. 467
ces hommes d'État qu'il servait, et pendant dix-sept ans il rédigea
contre eux des mémoires secrets, dont on n'a retrouvé qu'un frag-
ment, n'embrassant que trois années. Ils contiennent une foule de
petits détails curieux qu'on ignorait jusqu'à ce jour. Ces Mémoires
sont imprimés à la suite de la notice de M. Galesloot. — M. Gode-
froid Kurth, professeur à l'Université de Liège, a publié La charte
d'affranchissement de Saint-Léger (2 mars 4368). On croyait jusqu'à
présent que les communes de l'ancienne prévôté d'Arlon n'avaient
jamais reçu de chartes d'affranchissement. La découverte de plusieurs
copies authentiques dans les archives de cette petite commune du
Luxembourg belge établit le contraire. — M. Reatz, avocat alle-
mand, qui est l'auteur d'une histoire du droit maritime en Europe
[Geschichte des Europœischen Seeversicherungsgerecht y 4870), a
publié une curieuse notice sur les ordonnances du duc d'Albe con-
cernant les assurances maritimes. U s^appuie surtout sur les magni-
fiques travaux de M. Gilliodts-van Severen relatifs aux archives de
Bruges. Il examine d'abord le droit coutumier de cette opulente
métropole maritime au moyen âge-, il passe ensuite à l'ordonnance
du duc Philippe le Bon en 4458, à celles de Charles-Quint en 4537,
4549 et 4554, et à celle de Philippe II en 4563; enfin il commente et
publie celles du duc d'Albe en 4569, 4570 et 4574 .
En Belgique, où l'histoire nationale absorbe presque toute l'atten-
tion, on s'occupe de tout côté de la publication des documents impor-
tants conservés dans les dépôts publics. A ce point de vue, M. Gachard
a donné l'exemple et ses travaux lui ont valu une réputation euro-
péenne. D'autres archivistes marchent sur ses traces et en première
ligne il flsiut citer M. L. Gilliodts-van Severen, archiviste de la ville
de Bruges. En 4 874 il a commencé la publication de l'Inventaire des
archives de la ville de BrtigeSy qui se composera de trois sections.
La première, comprenant les chartes politiques du xiii* au xvi« siècle,
est complète déjà. La seconde comprendra les chartes qui se rappor-
tent à Torganisation des gildes et des corporations des métiers
durant la même période. La troisième et dernière section comprendra
toutes les chartes, politiques et autres, du xvi* au xix* siècle. Le
savant éditeur a pris le mot charte dans son acception la plus
étendue, comme s'appliquant à toutes les pièces détachées, originaux
ou copies vidimées, dont l'authenticité peut être établie suivant les
principes de la diplomatique. Les archives de Bruges présentent un
intérêt très considérable, parce que cette fière commune a été au
moyen âge le grand port et l'entrepôt central du commerce de la mer
du Nord en même temps que la métropole des arts, surtout au
xv« siècle, lorsque les frères van Eyck et leurs élèves y florissaient.
468 BULLETIN HISTORIQUE.
Les six premiers volumes de V Inventaire de M. Gilliodts-van Severen
embrassent la période comprise entre 4228 et 4500. Chaque volume
est un in-4* de plus de 500 pages, contenant des analyses faites avec
beaucoup de soin et de méthode et judicieusement proportionnées à
l'importance des pièces. Chaque charte est précédée du texte entier
des suscriptions et suivie d'annotations et de la description des sceaux
qui sont ou étaient attachés à Foriginal. Quelques pièces, d'une valeur
plus grande, sont reproduites en entier. Outre ces six volumes,
M. Gilliodts-van Severen en a donné un septième (in-4<' de 520 pages),
consacré tout entier à V Introduction. L'auteur s'occupe d'abord des
archives de Bruges et donne un aperçu de leur richesse; puis il flsiit
l'histoire sommaire de ce précieux dépôt, qui commence à l'incendie
de la tour des Halles en 4280. Vient ensuite une digression sur le
calendrier du moyen âge et les fêtes de l'année, digression remplie
de détails précieux sur les usages anciens de la Flandre. Une autre
partie est consacrée à l'étude de l'écriture, des registres, du papier,
des sceaux, des idiomes employés dans les actes et des noms de per-
sonnes et de localités. C'est un véritable traité des connaissances
indispensables à celui qui veut faire des recherches dans des archives
flamandes. Ce qui manque complètement à cette œuvre admirable,
ce sont les tables. Espérons que nous ne devrons pas les attendre
jusqu'au moment où les deux autres sections, promises par M. Gil-
liodts-van Severen, auront paru en entier.
V Inventaire des chartes des Archives d'Ypres a déjà été publié.
Cette vieille commune flamande, qui jusqu'à la fin du xiv^ siècle fut
la rivale de Gand et de Bruges, possède aussi un dépôt extrêmement
riche. M. J. L. A. Diegerick, l'excellent archiviste de la ville d'Ypres,
s'occupe depuis 4874 de la publication de Documents du XVP siècle
relatifs aux troubles religieux. Quatre volumes ont paru. Les deux
premiers contiennent le Mémoire justiflcatif du magistrat d'Ypres
sur les troubles de 4566 et 4567 avec une série de pièces à Tappui.
On sait que les excès des iconoclastes, en août 4 566, inaugurèrent
une période d'agitations et de troubles continuels durant plusieurs
mois, pendant lesquels les calvinistes furent tout-puissants. Puis
vint une réaction violente, lorsque le duc d'Albe prit en mains les
rênes du pouvoir au nom du roi Philippe II; tous les magistrats des
villes infectées d'hérésie durent se justifier auprès du gouvernement.
Les deux autres volumes contiennent des documents divers, ayant
tous trait aux affaires de religion et allant de 4533 à 4573. On y
trouve des pièces importantes; beaucoup portent la signature des
hommes les plus célèbres du temps. Toutes sont données in-extenso
et sans notes. Le tome IV, paru en 4 877, se termme par une table
BELGIQUE. 169
des noms de personnes cités dans ces quatre volumes. — M. Léopold
Devillers, archiviste à Mons, a fait paraître le t. VIll de la Descrip-
tion analytique de carttUaires et de chartriers accompagnés du texte
des documents utiles à ^histoire du Hainaut, On y trouve une
notice sur les archives des établissements de charité de la ville de
Mons. — M. Stanislas Bormans a publié un volume de Documents
inédits concernant V histoire de la province de Namur, contenant
des analyses de cartulaires des petites communes. Le même a égale-
ment édité le 1. 1 du Cartulaire de la commune de Namur. — Enfin
M. Diegerick a publié un Inventaire analytique et chronologique
des chartes et documents appartenant aux archives de l* ancienne
abbaye de Messines^ en Flandre.
M. Kervyn de Lettenhove a publié pour la première fois, d'après
un manuscrit de la bibliothèque de TArsenal à Paris, une chronique
du xiv« siècle, qu'il a intitulée Récits d'un bourgeois de Valenciennes.
Cette chronique anonyme n'était connue que par les extraits que
Buchon en a donnés en 4838 et par les citations de M. Kervyn dans
les notes de son édition de Proissart. M. Kervyn n'a pas cru devoir
publier tout le manuscrit de Paris. Il a omis la partie de la chronique
qui va de la création du monde jusqu'au règne de Philippe de Valois
et un autre fragment qui n'est qu'une sorte de reproduction du
Livre de Beaudouin d*Avesnes, Les récits du bourgeois de Valen-
ciennes s'arrêtent à l'année \ 366 ; ils sont empreints d'une grande sin-
cérité et contiennent beaucoup de détails nouveaux sur les événements
du xiv« siècle. — M. Ch. Potvin a publié les Œuvres de Ghillebert
de Lannoy, voyageur, diplomate et moraliste, qui faisait partie de
l'entourage des ducs de Bourgogne Philippe le Bon et Charles le
Téméraire. Il mourut en 4 462, âgé de 76 ans. 11 visita toute l'Europe
méridionale, sauf la péninsule ibérique, toute PEurope centrale et les
îles britanniques, la Crimée, la Pologne, la Hongrie, l'Egypte, la Pales-
tine, l'Ile de Chypre, la Scandinavie, la Livonie et poussa jusqu'à la
fameuse Novgorod. Ghillebert de Lannoy raconte tous ses voyages, et
cette partie de ses œuvres sera consultée avec fruit par les géogra-
phes qui s'occupent de l'Europe et de l'Orient au xv« siècle. M. Potvin
publie ensuite Y Instruction d*un jeune prince, attribuée jusqu'ici à
Chastellain. Ghillebert de Lannoy a donné d'excellents conseils sur la
manière de gouverner ses pays au duc Philippe le Bon. 11 lui suggéra
même d'établir une sorte de conseil des ministres responsable, gou-
vernant de concert avec les états généraux. — fi. Heremans, profes-
seur à Tuniversité de Gand, a publié pour la société des bibliophiles
gantois les Refereynen ou pièces versifiées d'un concours de poésie
470 BULLETIN HISTORIQUE.
dramatique qui eut lieu à Gand en 4539; ces poèmes respirent un
esprit très hostile à Rome. Ce recueil avait paru, en cette même
année 4 539, mais il avait été supprimé et brûlé par la main du bour-
reau-, on n'en connaît plus que quatre exemplaires, dont un est con-
servé à la bibliothèque de TUniversité de Gand. C'est cet exemplaire
qui a été suivi par M. Heremans pour la réimpression de ce curieux
document de Thistoire religieuse des Pays-Bas, qui se rattache indi-
rectement à la révolte des Gantois contre Charles-Quint en 4589. —
M. le comte de Limminghe a publié la première partie, allant jusqu'à
Tannée 4242, de la Cronicque contenant F estai ancien et modems
du pays et conté de Namur^ la vie et gestes des seigneurs^ contes et
marquis d'icelluy. L'auteur, Paul de Croonendael, était greffier des
finances du roi dans le Pays-Bas et mourut en 4624 . Son œuvre est
une sorte de compilation d'anciennes chroniques, rédigée en un style
coulant et naïf et reproduisant de nombreux documents (chartes,
épitaphes, etc.). — Une société de bibliophiles flamands vient de se
constituer à Anvers à l'exemple de celle qui existe depuis de longues
années à Gand et a déjà publié tant de volumes précieux pour l'his-
toire nationale et l'histoire littéraire. M. Max Rooses ouvre la série
des publications anversoises en éditant le journal tenu par Jean
Moretus II en qualité de doyen de la gilde de Saint-Lucas, pendant
les années 4646 et 4647. Cette gilde comprenait dans son sein tous
les artistes anversois.
Il existe en Belgique une commission royale pour la publication
des anciennes ordonnances, composée de magistrats et d'érudits.
Tous les ans elle publie un certain nombres de volumes in-quarto
aux frais de TÉtat. M. L. Crahay a édité les Coutumes de la ville
de Maestricht et il a reconstitué dans sa préface toute l'organisation
des corps judiciaires de cette ville sous l'ancien régime. — M. de
Longé a publié, dans la série des Coutumes du pays et du duché de
Brahant^ celles de Turnhout, Santhoven, etc., et, dans la série des
Coutumes du quartier d'Anvers^ celles de Herenthals, Hoogstraeten,
Gheel, etc. — M. le comte Th. de Limburg-Stirum a édité de même
les Coutumes des deux villes et du pays d'Alostj telles qu'elles ont
été décrétées le 42 mai 4648 par les archiducs Albert et Isabelle.
Pour en élucider les origines, il y a joint 89 pièces des années 4474
à 4627; et pour en expliquer les développements, il a foi t suivre
20 pièces des années 4647 à 4788. Dans sa préfoce, M. de Limburg-
Stirum étudie savamment diverses questions historiques concernant
les deux villes et le pays d'Alost. Tous ces textes flamands des cou-
tumes sont accompagnés d'une traduction firançaise. — M. Leclercq
BBLGIQUB. 474
a publié un Supplément aux Coutumes du Luxembourg, contenant
entre autres celle de Bastogne. — Enfin M. Stan. Bormans a publié
le t. I des Ordonnances de la principauté de Liège, contenant
300 documents. Le plus ancien est un diplôme de Tempereur Otton,
daté de 974 ; le plus récent, un diplôme de l'empereur Maxi milieu I
du46nov. 4502. Dans sa préface, le savant éditeur s'occupe des
divers peuples qui ont habité le territoire liégeois et des institutions
romaines et franques, qui furent les sources de la constitution
liégeoise; il recherche ensuite les origines de l'église, de la ville et
de la principauté de Liège, il définit le pouvoir temporel du prince-
évêque et l'exercice du pouvoir législatif au pays de Liège. Enfin il
passe en revue les différentes paix ou chartes constitutionnelles de
la principauté, à partir de la paix de Bierset en 4255. Cette préface
est une dissertation de grande valeur. — Parmi les documents
utiles à l'histoire nationale, il faut citer aussi ['Histoire parlement
taire de la Belgique de 4834 à 4880, par Louis Hymans. C'est un
résumé succinct et très exact des débats des deux chambres belges,
séance par séance, avec des citations caractéristiques des discours
les plus importants. Cet excellent résumé des trop volumineuses
Annales parlementaires sera d'une grande utilité aux futurs histo-
riens du royaume de Belgique.
Les livres nouveaux consacrés à l'histoire nationale sont assez
nombreux. Nous les passerons en revue en suivant l'ordre chrono-
logique des sujets traités. Feu M. Cam. Van Dessel s'était chargé de
remanier le grand ouvrage de Schayes, La Belgique et les Pays-
Bas avant et pendant la domination romaine y dont M. Piot a
publié le t. m en 4859, après la mort de Schayes. Il s'agissait de
remettre cet excellent ouvrage au courant des nouvelles découvertes
et des travaux les plus récents. M. Van Dessel commença par publier
en 4877 un volume de 2G0 pages contenant une statistique archéo-
logique et une vaste bibliographie de notre histoire primitive. Il y
joignit une carte ancienne de la Belgique tout à fait remarquable. La
mort le surprit au milieu de cet utile travail de révision-, espérons
qu'il se trouvera quelqu'un pour le mener à bonne fin. — M. Ferdi-
nand Henaux, auteur d'une remarquable Histoire du pays de Liège,
a publié la 6* édition de son livre sur Charlemagne d'après les tra-
ditions liégeoises. Il y suit pas à pas Eginhard et les rares documents
du temps-, malgré cela, il se montre parfois fantaisiste, par exemple,
quand il parle de franchises obtenues de Charlemagne par les habi-
tants de Liège. Il accumule des preuves nombreuses pour établir que
son héros est né le 2 avril 742 au manoir de Jupille, situé sur la
472 BULLETIN HISTORIQUE.
colline qui s*élève à Textrémité du faubourg d*Amercœur à Liège.
MM. Jehotte et Van Hasselt ont publié aussi un volume sur Charle-
magne. — M. Théod. Juste, qui est un historien extrêmement fécond,
a produit toute une série de livres et d'opuscules. Dans Les Vonc'
kistes il caractérise les partis qui firent la révolution brabançonne
contre Joseph II en 4789 et il expose les rapports de Vonck, le chef
des libéraux du temps, avec les Girondins. Dans La Révolution lié-
geoise de 4789 il utilise les travaux antérieurs de MM. Ad. Borgnet
et Ferd. Henaux. M. Juste a retracé aussi la biographie d'Eugène
Defacqz, de Joseph Forgeur et du baron Liedts, qui furent membres du
congrès national après la révolution de 4830 et qui prirent une part
importante aux discussions de la Constitution belge de 4834 et à la
politique dans les premières années du royaume de Belgique. Dans
un autre livre, intitulé Léopold I et Léopold Ily rois des Belges^
M. Juste a réimprimé le volume qu'il avait déjà publié sur Léopold I
et dans lequel il avait coordonné les révélations contenues 4ans les
Mémoires du baron de Stockmar et dans la récente histoire du
prince Albert, publiée en Angleterre (The life of His Royal Highness
the prince Consort par M. Th. Martin). L'auteur y a ajouté l'histoire
des premières années du règne de Léopold IL — La polémique sou-
levée par le livre du général Eenens {Les conspirations militaires
de 4834) n'est pas encore terminée; mais le public ne s'y intéresse
plus du tout. Signalons seulement une brochure gr.in-8<> de 94 pages,
intitulée Procès Gohlet-Eenens et publiée par M. le comte Goblet
d'Alviella, qui dans sa préface déclare qu'il a tenu à publier toutes
les pièces de son procès avec le général Eenens en présence de la
lettre que celui-ci a adressée, en mars 4878, à la Revue historique
(cf. t. VI, p. 497) . Les avocats plaidants étaient MM. Van Humbeeck et
Graux, qui depuis sont devenus respectivement ministre de l'instruc^
tion publique et ministre des flnances dans le cabinet libéral issu des
élections législatives de juin 4878. La brochure publiée par M. Goblet
contient le préambule du plaidoyer de M. Van Humbeeck, le texte de
la requête présentée par lui au tribunal civil de Bruxelles, un long
parallèle entre les conclusions présentées au nom des deux parties
en cause, le texte du jugement rendu, dont les considérants sont
très intéressants, et deux annexes : une note inédite du lieutenant-
général baron Prisse sur la journée du 42 août 4834 et un extrait
d'une brochure sur la campagne du mois d'août 4 834 , par le général
Van Coeckelberghe et parue en 4832. — Dans un opuscule intéres-
sant, intitulé Adelson CastiaUy M. Ern. Discailles a étudié la carrière
parlementaire et les écrits de cet éloquent orateur de la Chambre des
BELGIQUE. 473
représentants, qui était républicain et donna sa démission en 4848,
lorsque la monarchie fut maintenue en Belgique malgré les événe-
ments survenus en France. — M. Louis Hymans a publié deux
volumes pleins de menus détails d'histoire contemporaine belge sous
le titre de Notes et souvenirs et Types et silhouettes.
Gomme d'habitude, Thistoire locale a fourni une ample moisson.
U faut citer en première ligne l'excellente Histoire d*Oudenbourg de
MM. E. Feys et D. Van de Casteele (2 vol. in-4» de 724 et 549 pages).
Oudenbourg est une ancienne commune du Franc, située sur la route
de Bruges à Calais. Elle fût jadis un des boulevards de la cote fla-
mande et fût mêlée à tous les grands événements de l'histoire de
Flandre. Les consciencieux auteurs de cette grande monographie
s'occupent successivement des premiers seigneurs et châtelains d'Où-
denbourg, de l'histoire de la commune depuis les comtes de Flandre
jusqu'à la fm du siècle passé, de l'histoire de l'abbaye d'Oudenbourg,
de l'administration de la justice, des flnances, des travaux publics,
de la guerre, de l'hygiène et de l'assistance publique, de l'instruction,
des gildes de tir et des giides dramatiques, des fêtes^ des réceptions
et courtoisies, de l'industrie, du commerce et de l'église paroissiale.
Le second voiume contient les pièces justificatives : le cartulaire
d'Oudenbourg (4254-4469), une série d'autres pièces (4449-4650),
des extraits nombreux des comptes communaux (4382-4496), un
curieux formulaire de serments et d'actes anciens, des listes d'abbés,
de baillis, de bourgmestres, d'échevins, de doyens, de curés, etc.
Depuis longtemps aucune monographie aussi complète ni aussi
remarquable n'avait paru en Belgique. — M. Alph. Vandenpeereboom,
ministre d'État^ étudie depuis de longues années l'histoire de sa ville
natale, Ypres. Déjà connu par son Conseil de Flandre à YpreSy
l'auteur a fait paraitre en 4 877 un Essai de numismatique yproise.
Avant de décrire les jetons de l'échevinage communal et ceux des
échevins de la châtellenie d'Ypres, il entre dans des détails intéres-
sants sur l'organisation judiciaire et administrative de cette vieille
cité et de sa châtellenie. Parmi ces jetons, il y en a qui furent frappés
à Paris au nom de Louis XIV, qui occupa Ypres pendant et après
la guerre de Hollande. Une autre partie de cette monographie est
consacrée aux médailles, jetons, décorations et méreaux des gildes,
des corporations des métiers, etc. M. Vandenpeereboom donne beau-
coup de renseignements nouveaux sur l'histoire d' Ypres, de ses
monuments, de la bienfaisance publique, etc. En 4 878 il a commencé
une nouvelle série de publications relatives à sa ville natale et inti-
tulées Ypriana, Dans le premier volume (in-8', 402 p.), il fait l'his-
174 BULLRrni msrouQUB.
ioire des Halles d'Ypres; ce magniOque moDimMot gothique est le
plus vaste de tous les anciens édlOoes communaux de la Belgique et
son histoire se confond intimement avec celle de la ville elle-même.
Le tome second, qui Tient de paraître, traite de la Ckambre des
échevins. Tous deux sont accompagnés d*caux>fortes remarquables
d*un magistrat d Arras, M. Boutry, reproduisant des dessins anciens
ainsi que Tétat actuel des monuments décrits par M. Vandenpeere-
boom. Ces deux volumes fourmillent de documents nouveaux, tirés
des archives d'Ypres ^ — M. Tabbé J. Daris a publié une Histoire du
diocèse el de la principauté de Liège pendant le XYII* siècle et le
t. XIU de ses Notices historiques sur les églises du diocèse de lÀège,
Citons encore X Histoire de la ville d'Enghien |2* partie) par M. Ein.
Mathieu, le t. Il à' Aldenardiana en Flandriana (en flamand),
notices sur Thistoire d*Audenarde, par M. Edm. Vanderstraeten^ Ijb
pays de Uaes préhistorique par M. J. Van RaemdMick et qudqœs
fiiibles monographies sur des communes flamandes par MÏf . F. de
Potter et Broeckaert. — M. le chevalier L. de Buii)ure a publié, pour
les Bibliophiles anversois, une curieuse étude sur les processions et
cortèges à Anvers au xiv* et au xt* siècle [Jk Àntwerpsehe Omme-
gangen ran de XH'* en XV* eeuw]^ diaprés un vieux maniiscrit,
dont la première partie date de 4398. — Sous le titre de Conspira»
iion d'Audenarde sous Jacques ran Arterelde (1342s M. Nap.
De Pauw nous raconte « diaprés des documents inédits tirés des
archives de Bruges et d'Ypres« un complot avorté des Leliaerts à
Audenarde contre le parti national dont Artevelde était le chef. Le
comte Louis de Xevers n était plus souverain que de nom et on voit
par les détails de cet épisode que les partis étaient pleins d'une ani-
mosité extrême et dune défiance anxieuse Tun à regard de Fautre.
M. De Pauw a joint à son travail toutes les pièces justificatives ainsi
que la liste des éche\ins dWudenarde et celle des principaux patri-
ciens 'poortfrs d Wudenarde, de Gand et de Bruges. Sur la couver-
ture de ce livre Fauteur annonce une Généalogie et Archives de lu
famille dArta^lde, contenant enrinm 3,000 chartes inédites du
Xt V siècle. Nous savons que M. De Pauw expion? nos dépôts publics
et privés depuis près de vingt ans; depuis longtemps on attend avec
impatience le résultat de ses necherthes et on espère en voir sortir
une histoire définitive de la Flandn? à 1 époque des deux Artevelde ;
mais M. De Pauw ne cesse de proutettn^ et remet toujours au lende-
t. M. A. Dicferkà fils a publia um Uste 4e$ mmnêf». «rnoàrvs H nettCcs
eometrmnU Ikàaoirt de la ntU d Yj^rts jmMm dtpms tS)0
BELGIQUE. 475
main la publication des trésors qu'il a accumulés. — M. L. Vander-
kjndere, professeur à Tuniversité libre de Bruxelles, a publié, dans
la Revue de Belgique^ un article intitulé La question sociale au
XIV* siècle parmi les artisans flamands. Cet article a été remarqué
à juste titre; c'est un fragment détaché d'un travail d'ensemble sur
le XI v« siècle dans les Pays-Bas, qui paraîtra prochainement ^ —
M. Gh. Rahlenbeck, auteur d'un livre sur V Inquisition et la réforme
en Belgique, a publié une curieuse monographie : Les protestants
de Bruxelles, dans laquelle il étudie leur histoire, depuis les pre-
mières exécutions en 4523 jusqu'à l'enterrement du roi Léopold I,
qui était protestant {i 865) . Ses obsèques donnèrent lieu à un incident
qui fit scandale : le clergé catholique reftisa au cercueil du premier
roi des Belges l'entrée de l'église de Laeken, monument national ser-
vant de lieu de sépulture aux souverains du pays. U fallut, en pré-
sence des princes d'Allemagne, d'Angleterre, de Portugal et d'Orléans,
accourus à Bruxelles, trouer un mur afin d'introduire le cercueil
par cette brèche dans le caveau royal. — Dans sa notice V Université
calviniste de Gand (4 578-4584), l'auteur de ce Bulletin a publié le
résultat de ses recherches aux archives communales de Gand, sur
cette institution éphémère, créée à l'époque où le protestantisme
était triomphant et très intolérant dans la grande commune flamande.
Dans Les tapisseries bruxelloises, M. Alph. Wauters nous donne un
essai historique sur les tapisseries de haute et de basse lisse de
Bruxelles. On sait que, pendant quatre siècles, Bruxelles a été un des
centres les plus importants de cette industrie en Europe. L'auteur
passe d'abord en revue les autres centres : Arras, Tournai, Valen-
ciennes, Enghien, Gand, Bruges, Lille, Audenarde et Anvers. En
4448 les tapissiers de Bruxelles furent érigés en corps de métier indé-
pendant et c'est des fabriques de Bruxelles que sont sorties beaucoup
des tapisseries qu'on admire à l'étranger, par exemple celle de Berne,
provenant du butin fait sur Charles le Téméraire, celles de Reims,
du musée de Gluny, de Madrid, de Vienne, de Rome, etc. — MM. Max
Rooses et J. Vanden Branden ont commencé chacun la publication
d'une histoire de l'école de peinture d'Anvers (Geschiedenis der Ant-
werpsche Schilderschool). Tous deux furent couronnés dans un
grand concours ouvert en 4877 par la ville d'Anvers lors des fêtes
1. Le lirre de M. Vanderkindere a paru pendant l'impression de ce bulletin.
11 est intitulé : Le siècle des Artevelde, Études sur la ciyilisation morale et
politique de la Flandre et du Brabant (gr. in-8* de 445 p. Bruxelles, office de
publicité, Lebègue et C*).
476 BULLETIN HISTOHIQUE.
du 300« anniversaire de la naissance de Rubens^ Ces mémoires
couronnés formeront deux gros livres de la plus grande valeur.
M. Rooses a parcouru tous les musées d*Europe, pour étudier son
vaste sujet-, il se préoccupe surtout du côté esthétique de la question.
M. Vanden Branden n'a pas quitté Anvers, mais depuis de longues
années il travaille aux archives communales qu'il a explorées en
tous sens. Ces deux grands ouvrages se compléteront Tun l'autre. —
M. Frédéric Faber a publié le premier volume de son Histoire du
théâtre français en Belgique^ depuis son origine jusqu'à nos jours.
C'est une œuvre des plus intéressantes. — Le savant bibliothécaire
de l'université de Gand, M. Ferd. Vanderhaeghen, a rendu un véri-
table service à tous ceux qui étudient l'histoire des Pays-Bas, par la
publication de son Dictionnaire des devises des hommes de lettres,
imprimeurs^ libraires^ bibliophiles^ chambres de rhétorique^ sociétés
littéraires et dramatiques de Belgique et de Hollande (in-8®, 404 p.).
Au XVI* et au xvii" siècle, tout homme de lettres a une devise spéciale.
Des pamphlets et des pièces en vers, des livres même et un grand
nombre de documents de tout genre, publiés à cette époque, ne por-
tent pour toute marque d'auteur qu'une simple devise. C'est assez
dire que la traduction de ces formules énigmatiques exige parfois de
nombreuses et fatigantes recherches. M. Vanderhaeghen donne la
clef de plus de 3,000 de ces devises*.
Autant rhistoire nationale est cultivée en Belgique, autant l'his-
toire des autres pays l'est peu. Nous n'avons presque rien à citer
pour les années 4877 et 4878. M. Alph. Rivier, professeur à l'univer-
1. Dans mon dernier bulletin {Revtie historique, t. VI, p. 164 et 165), j'ai
signalé les Hyres parus à cette époque et relatifs à la rie et aux œuvres du
prince de la peinture flamande.
2. M. Vanderhaeghen prépare en ce moment une yaste publication, qui parattn
par liTraisons sous le titre de BiUiotheca Belgica^ et sera une bibliographie
générale des Pays-Bas, conçue sur un plan tout nouveau. Elle comprendra : 1* U
description minutieuse de tous les livres imprimés dans les Pays-Bas aa xv*
et au XVI* siècle et des principaux livres depuis 1600; 2* la description de tous
les livres écrits par des Belges ou des Hollandais, ainsi que les ouvrages con-
cernant les Pays-Bas, imprimés à l'étranger; 3* la bibliographie des imprimeurs
néerlandais établis à l'étranger. — Chaque ouvrage sera décrit sur un feuillet
séparé et le plus souvent suivi de notes bibliographiques et historiques. Oe
feuillet portera aussi l'indication de la bibliothèque ou des bibliothèques publiques
ou privées de Belgique et de Hollande où l'ouvrage indiqué est déposé. ~ Tous
ceux qui s'occupent de l'histoire des Pays-Bas accueilleront avec reconnaissance
ce travail gigantesque, fruit d'une longue vie d'études et de recherches. M. Van-
derhaeghen a fait ses preuves déjà dans sa Bibliographie gantoise (7 vol. in-8*»
1858-1869), qui est une mine de renseignements historiques de tout genre.
BELGIQUE. \ 77
site libre de Bruxelles, a consacré une curieuse monographie à Claude
Chansonnette^ jurisconsulte messin du xvi^ siècle, qui était lié avec
les personnages les plus connus de son temps, tels que Erasme,
François P*" et la duchesse d'Angoulême. M. Rivier a surtout utilisé
une série de 70 lettres de Chansonnette, conservées à la bibliothèque
de Baie, où il fut recteur de Tuniversité jusqu'au triomphe de la
réforme dans cette ville. — De M. Théod. Juste nous avons deux
opuscules, Pierre le Grande son règne et son testament^ et La rivalité
de la France et de ^Allemagne d'après les nouveaux documents
(4757-4874). Il retrace rapidement cette sanglante histoire qui com-
mence à Rossbach et aboutit à Sedan ^ il donne des détails circons-
tanciés sur les intrigues diplomatiques, d'après les révélations les
plus récentes.
La nouvelle édition (la 5*) du livre de M. H. Le Hon, publié par
M. E. Dupont, Lhomme fossile en Europe^ présente le tableau de
rindustrie, des mœurs et des œuvres d'art des hommes de l'époque
dite préhistorique. — M. Reusens, professeur à l'université catho-
lique de Louvain, continue la publication de ses Éléments d'archéo-
logie chrétienne, — MM. Th. J. Lamy et J. B. Abbeloos, professeurs
à la même université, ont édité le t. III de leur Gregorii Barhehraei
Chronicon ecclesiasticum (textes syriaque et latin). Grégoire Barhe-
braeus ou Aboulfarage est né en 4227. U fût évêque d'Alep et primat
d'Orient-, il mourut en Perse en 4 286. Il a écrit sur la théologie,
l'exégèse, la philosophie, la grammaire, la chronologie et l'histoire.
Son Chronicon ecclesiasticum est publié d'après un manuscrit du
British Muséum et deux manuscrits des bibliothèques d'Oxford et de
Cambridge. On y trouve, outre la liste des pontifes de l'ancienne loi
depuis Aaron, celle des papes et des prélats d'Orient avec de courtes
mentions des événements principaux.
Dans le domaine de l'histoire ancienne, nous avons à signaler
deux livres importants. M. 0. de Meulenaere a publié les tomes III
et IV de sa belle traduction de V Esprit du droit romain dans les
diverses phases de son développement par le professeur R. von
Jhering de Gœttingue. — M. P. Willems, professeur à l'université
catholique de Louvain, a fait paraître le premier volume de son livre
sur Le Sénat de la république romaine. Venant après Hoffmann,
Rein, Becker, Lange, Mommsen et bien d^autres, M. Willems a
néanmoins produit une œuvre originale et de la plus haute valeur.
C'est un recueil complet de tous les matériaux que la littérature
ancienne, l'épigraphie et les scholiastes des bas siècles ont pu fournir
à une longue et patiente recherche. Ce livre contient surtout une
Rev. Histor. XI. !•' PA8C. 12
478 BULLETH HISTOBIQUB.
partie étonnante : c'est la composition complète du sénat ronuûn en
478 et en 55 av. J.-C, à deux époques séparées par un siècle d'inter-
valle et dont Tune coïncide avec Tapogée de cette institution, tandis
que Tautre nous la présente à la veille de sa chute. La masse d'infor-
mations que Fauteur a recueillies sur ces deux années lui a permis
de nous donner Thistoire de chaque sénateur, son curxus honorum;
et si Ton y joint d autres renseignements de ce genre fournis à
propos des principes senatuSy des lectiones senaius^ etc., on arrivera
à un total d'un millier de petites biographies sénatoriales, dont plus
de la moitié ont été esquissées pour la première fois. Le livre de
M. Willems contient bien d'autres parties également neuves et qui
touchent aux problèmes les plus intéressants des antiquités et du
droit public romain. Il a déjà été apprécié à l'étranger.
Paul Fbedbiicq.
G. DUM : BIfTSTBHUNG U. BIfTWICKLUNG D. SPABTAN. EPHOBATS. 479
COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
Georg. DuM. Bntstehang and Bntwicklang des spartanischen
Bphorats bis zur Beseitigung desselben darch Kœnig Kleo-
meneslll. (4 vol. in-8**, 486 p. Inspruck, Wagner, libraire de
rUniversité, 4878.)
Dans les temps historiques de la Grèce, particulièrement à l'époque
de la guerre du Péloponèse, il est facile de constater l'importance
qu'avait prise la magistrature des éphores et l'influence prépondérante
qu'elle exerçait dans toutes les affaires de Sparte. C'est un éphore, Sté-
nélaîdas, qui entraine les Spartiates à se déclarer contre les Athéniens,
alors que la prudence et la modération du roi Archidamos hésitaient
devant une pareille décision ^ En 404, au lendemain de la prise
d'Athènes, les desseins de Lysandre sont confondus et toute sa puissance
est renversée par ce seul fait que le collège des éphores est renouvelé
et que les magistrats qui entrent en fonctions n'ont plus pour le général
victorieux la même complaisance que leurs devanciers K Xénophon le
dit nettement, si le roi Pausanias réussit à tenir Lysandre en échec et
i contrarier sa politique, c'est grâce à l'appui que lui prêtent les
éphores.
Ce que l'on connaît moins bien, c'est l'origine de cette magistrature
et l'histoire de ses progrès. Nous la voyons agir dans la plénitude de
ses pouvoirs, et nous ne savons pas comment elle les a acquis. M. G.
Dum a entrepris de traiter cette question. Avant lui, elle avait été exa-
minée par Otf. MûUer dans ses Doriens, par Duncker, dans son Histoire
de l'Antiquité, par M. Gurtius dans son Histoire grecque, et par divers
auteurs dans un assez grand nombre de dissertations particulières '.
M. D., en revenant à son tour sur ce problème, ne s'est pas borné à
résumer les opinions qui avaient été émises par ses prédécesseurs. En
soumettant à une critique attentive et minutieuse les renseignements
que les auteurs anciens nous ont laissés sur l'institution et les dévelop-
pements successifs de la magistrature des éphores, en s'appliquant à
déterminer exactement la valeur des sources et le degré de confiance
1. Thucyd., I, 86.
2. Xén. Helly II, 4, 29.
3. V. notamment Am. Schœfer, de Ephoris LacedxmonUs; Gilbert, Studien
zur alUpartanischen Geschichte; Stein, Dos Spartanische Ephorat bis Cheilon;
Frick, De Ephoris Spartanis.
480 COMPTES-BE.NDUS CRITIQUES.
qu'elles méritent, il a fait un travail vraiment personnel et dont on ne
saurait contester Tutilité.
Son ouvrage se divise en cinq parties. M. D. passe d'abord en revue
quelques-unes des hypothèses par lesquelles on a cherché à expliquer
l'origine et les progrès de l'éphorat; puis, il critique les sources
anciennes. Après ces deux parties, toutes de discussion, vient Texposi-
tion des idées personnelles de l'auteur : i* principes sur lesquels repose
l'histoire de la magistrature des éphores ; 2<> formation et progrès de
l'éphorat jusqu'au moment où est rendue la loi qui confère aux éphores
le droit de tenir la place des rois lorsque ceux-ci sont en désaccord ;
3<> développement de l'éphorat depuis la loi qui lui confère cette puis-
sance jusqu'à la révolution opérée par Gléomène III (226 a. J.-G.).
Il suffira, pour donner une idée de la valeur de l'ouvrage et de la
méthode que l'auteur a suivie, de revenir avec quelques détails sur les
deux premiers chapitres et de transcrire les conclusions par lesquelles
se termine le troisième. Ce sont les parties, sinon les plus intéressantes,
du moins les plus neuves du travail de M. D. Par Platon, par Aristote,
par Gicéron ^ nous connaissons suffisamment l'opinion que se faisaient
les anciens du pouvoir des éphores et de la nature de leurs attribu-
tions ; mais tout ce qui touche à l'institution de leur magistrature et
à son caractère primitif a besoin d'être éclairci.
Au début de son livre, M. D. examine successivement trois hypo-
thèses. D'après Otf. Millier et quelques autres auteurs, les éphores
auraient été tout d'abord de simples surveiftants des marchés. M. D.
écarte cette opinion qui ne repose sur aucun témoignage certain et à
laquelle aurait donné cours, suivant lui, une confusion produite par la
ressemblance des mots &pop{a (marché) et ëçopoc (surveillant). Une autre
assertion, qui a pour elle l'autorité de M. Gurtius, mérite d'être discutée
plus longuement. Le meurtre du roi Polydore, au temps de la première
guerre de Messénie, devrait être regardé comme une date capitale dans
l'histoire de l'éphorat. Polydore aurait été assassiné par Polémarque,
un noble Spartiate, et l'autre roi. Théopompe, n'aurait pu sauver sa
personne et l'autorité royale qu'en augmentant le pouvoir des éphores.
Mais il n'est nullement prouvé que Polydore ait été le favori du peuple,
ainsi que le dit M. Gurtius, et que son meurtrier doive être considéré
comme le gardien et le défenseur des privilèges de l'aristocratie, qu'il
aurait sauvegardés en frappant un roi dont la popularité risquait de
devenir un danger pour les institutions de la cité. Gette opinion n'a
d'autre fondement que l'autorité de Pausanias 2, qui vivait bien long-
temps après l'événement et dont le témoignage, par ce seul fait, n'a pas
1. De RepuU.y II, 33; de Leg., lU, 7; dans ces deax passages, GicéroD com-
pare les éphores aux tribuns du peuple. Les premiers auraient été institoès pour
surveiller et contenir le pouvoir des rois, comme les seconds pour modéra le
pouvoir des consuls.
2. III, 3, 2 et 3; îWd., 11, 10.
G. DUM : ETTSTEHUNG U. EiNTWICKLCNG D. SPARTAN. EPHORATS. \S\
beaucoup de valeur. M. D. aurait pu ajouter que non-seulement Tou-
vrage de Pausanias est d'une date relativement très récente, mais encore
que les sources dont il s'est servi ne peuvent inspirer aucune confiance.
Tout ce qu'il raconte des guerres de Messénie est emprunté, il le dit
lui-même *, à Myron de Priène et au poète épique Rhianos, et il est le
premier à reconnaître que ces deux auteurs ne doivent pas être crus sur
parole. Il y a enfin une troisième opinion, qui a été adoptée par Duncker,
en vertu de laquelle la constitution véritable de la magistrature des
éphores daterait des réformes de Chilon et d'Épiménide. L'introduction
seule du nom d'Ëpiménide, de ce personnage qui appartient à la légende
plutôt qu'à l'histoire, met M. D. en défiance contre cette hypothèse, et
il semble assez difficile de ne pas lui donner raison.
Reprenant ensuite la question pour son compte afin de l'instruire à
nouveau, M. D. passe à l'examen des témoignages que les auteurs
anciens nous ont laissés sur les commencements de l'éphorat. Il les
range en trois classes : i* Hérodote et Xénophon ; 2* Platon, Aristote
et Plutarque dans la vie de Lycurgue; 3<> Plutarque dans la vie de
Gléomène III.
Hérodote ^ et Xénophon ' font remonter tous les deux à Lycurgue
lui-même l'institution des éphores. M. D. remarque que l'un et l'autre
paraissent sur ce point, non pas donner leur opinion personnelle, mais
simplement enregistrer une tradition qui avait cours parmi les Grecs.
A ses yeux, il n'y a là qu'une sorte de légende. En désignant Lycurgue
comme le créateur de la magistrature des éphores, les Grecs auraient
obéi à ce besoin qu'éprouvent tous les peuples primitifs de rattacher à
une personnalité déterminée les institutions et les progrès qui, dans la
réalité, ont été bien souvent le travail de plusieurs générations ou
môme de plusieurs siècles. Il se refuse donc à accepter comme vraie
cette explication, dans laquelle il ne veut voir qu'une erreur de l'ima-
gination populaire.
Il accorde une attention plus sérieuse aux témoignages de Platon * et
d' Aristote ' qui reportent à une date plus récente la création de l'épho-
rat. Gette magistrature aurait été introduite bien après Lycurgue dans
la constitution de Sparte pour restreindre le pouvoir des rois. Aristote
nous a même transmis une conversation qu'aurait tenue à ce propos le
roi Théopompe. Gomme sa femme lui reprochait d'avoir porté préjudice
à la royauté en établissant les éphores et lui demandait s'il n'avait pas
honte de transmettre à ses fils une autorité moindre que celle qu'il
avait reçue ? « Nullement, répondit-il, car je la leur transmettrai plus
durable. » Alors même qu'on n'admettrait pas l'authenticité de ce dia-
I.IV, 6.
t I, 65.
3. De rep, tAieed.y 8, 3.
4. Lois, 111, p. 692.
5. PolU.,\, 9, 1.
482 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
logue, il reste toujours ce fait, dont on doit tenir compte : pour Aristote,
Tliéopompe était le véritable fondateur de Téphorat. A-t-il réellement
institué cette magistrature ou bien n'a-t-il fait que donner un dévelop-
pement considérable à une magistrature déjà existante? M. D. ne juge
pas que la question soit tranchée par le passage d'Aristote.
Il adopte cependant la première opinion sur la foi de Plutarque, dans
la vie de Gléomène III ^ Le discours que le biographe met dans la
bouche de Gléomène lui paraît le texte le plus important de tous, celui
dont l'autorité est la plus sûre, Plutarque ne faisant que répéter ici le
témoignage de Phylarque, un contemporain de Gléomène UI. On trou-
vera sans doute que, sûr ce point, l'argumentation de M. D. n*est pas
entièrement satisfaisante. Tout en admettant avec lui que Théopompe
a établi la magistrature des éphores, il est permis de s'étonner qu'il ait
accordé une préférence si marquée au récit de Plutarque. Sa critique,
qui est si défiante quand il s'agit d'Aristote, montre ici beaucoup plus
de complaisance. Phylarque était un partisan déclaré de Gléomène —
Polybe lui en fait un reproche ^ — et son autorité est fort suspecte. Il
y a donc des raisons très graves qui nous engagent à croire qu'il ne
faut pas chercher la vérité dans ce discours de Gléomène dont Plutarque
aurait emprunté le texte à Phylarque. M. D. ne se dissimule pas ces
difficultés ; mais, après les avoir examinées, il n'en maintient pas moins
que le 10* chapitre de la vie de Gléomène est la meilleure source dont
on puisse faire usage.
Ayant ainsi établi sa méthode et choisi les autorités sur lesquelles il
s'appuiera, l'auteur expose les résultats auxquels il est arrivé. Voici les
conclusions de son troisième chapitre :
io Les éphores ont été institués par le roi Théopompe, au temps de
la guerre de Messénie, pour être les suppléants des rois.
2* Théopompe leur a confié la juridiction en matière civile.
3* Selon toute vraisemblance, ils ont été investis en môme temps
d'un droit de surveillance.
4* Les Spartiates ont porté dans les temps anciens une loi pour
ordonner que les rois devraient toujours marcher d'accord dans rexercice
de toutes les prérogatives gouvernementales qui leur appartenaient.
b^ Les Spartiates ont porté dans les temps anciens une loi pour enle-
ver aux rois le droit de choisir les éphores et transporter ce droit au
peuple.
6<» Les Spartiates ont porté dans les temps anciens une loi en vertu
1. Ch. 10. — Plutarque {Vie de LycurguCy eh. 7) dit expressément que les
éphores auraient été institués, environ 130 ans après Lycurgue, par le roi Théo-
pompe ; mais M. D. semble renoncer à faire aucun usage de ce texte. 11 y vdt,
non pas un renseignement de quelque valeur, mais une tentative puérile pour
dresser une liste complète des éphores, alors que tous les documents font
défaut.
2. Il, 56.
G. BOISSIÈRE : LES aOMii:fS EN NUMIDIB. 483
de laquelle les éphores devaient provisoirement tenir la place des rois,
tant que ceux-ci, contrairement à la loi, ne seraient pas d'accord entre
eux.
7* Les rois, dans les temps anciens, étaient déjà considérés comme
responsables.
S^ Les Spartiates ont porté en 505 la loi qui ordonnait que désormais
un seul des deux rois ferait campagne avec Tarmée Spartiate.
Dans son introduction, M. D. croit devoir prévenir ses lecteurs qu'il
ne donne pas toujours comme certaines les conclusions auxquelles il
est arrivé. Il lui suffit, dans un pareil sujet, de s'être approché de la
vérité ; il n'a pas la prétention d'avoir éclairci et résolu toutes les diffi-
cultés (p. 9). Il serait peu charitable et peu juste de le prendre au mot
et de dire que cette réserve de bon goût et cette modestie ne sont pas
des précautions inutiles. On peut refuser de souscrire à quelques-unes
des opinions de l'auteur — et j'ai indiqué, en particulier, les raisons
qui m'empêcheraient d'accepter avec autant de confiance qu'il le fait
l'autorité de Phylarque — il ne lui en reste pas moins le mérite d'avoir
traité avec beaucoup de conscience et une méthode vraiment scientifique
une des questions les plus obscures de l'histoire de Lacédémone.
R. Lallibr.
Esquisse d^une histoire de la conquête et de Tadministration
romaine dans le Nord de TAfHque et particulièrement dans
la province de Numidie, par G. Boissière. — Paris, Hachette,
^878. In-80 de 438 p. — Pr. : 7 fr. 50.
M. Boissière est parti d'une idée juste; il a pensé que dans tous les
pays qui avec le temps ont peu changé, la vue du présent aide à com-
prendre le passé, et il a voulu appliquer ce principe à l'Algérie. Il a
comparé cette contrée, telle qu'elle est aujourd'hui, avec la description
que nous en fait Salluste, et il a démontré ainsi que cet historien, pour
être sobre de détails, est plein d'exactitude et de précision. Il a rapproché
ce que nous savons des Kabyles actuels des témoignages que l'antiquité
nous a transmis sur les Numides, et il a prouvé par là, d'une part que
le peuple Berbère s'est peu modifié depuis tant de siècles, de l'autre
qu'un bon moyen d'éclairer l'histoire de Syphax, de Massinissa, de
Jugurtha est de connaître les mœurs, le caractère et les pratiques des
indigènes de l'Algérie.
Cette méthode n'est pas neuve assurément ; mais elle a fourni à M. B.
quelques aperçus originaux, et on ne peut que le féliciter de l'avoir
employée. Le malheur est qu'il s'est parfois laissé entraîner trop loin
par l'esprit do système. Une des institutions les plus singulières de la
Kabylie est celle des Çof. M. B. en parle longuement d'après un article
de M. Renan sur le livre de MM. Hanoteau et Letoumeux, et il prétend
expliquer par là la plupart des événements militaires et politiques qui
484 GOMPTES-BBNOUS CRITIQUES.
se sont accomplis dans T Afrique carthaginoise et romaine. Qu'il y ait
eu des Gof chez les Numides comme chez nos Kabyles, cela est fort
possible ; mais cela n'est nullement certain. Môme il semble, au pre-
mier abord, que le contraire soit vrai. Le propre de ces sortes de ligues
est d'être hostiles au principe de l'hérédité du pouvoir. Or, de l'aveu de
M. B., ceux qu'il appelle des « chefs de Gof antiques » ont fondé de
véritables dynasties. Il aurait donc fallu, pour établir que Syphax, Mas-
sinissa, Jugurtha étaient des a chefs de Gof attachés tour à tour à la fortune
de Rome ou deGarthage, » placer sous les yeux du lecteur des preuves posi-
tives. M. B. n'en donne pas une seule ; il ne cite aucun texte à Tappui de
cette conjecture ; d'où l'on est en droit de conclure, ou bien qu'il n'a
pas dirigé dans ce sens ses recherches, ou bien que son hypothèse est
erronée. On objectera peut-être que l'institution des Çof a pu exister
jadis, sans que les auteurs anciens la mentionnent ; mais pour cela il
serait nécessaire de supposer que les Romains ne se sont pas rendu
compte de ce trait de l'organisation sociale des Numides, et une pareille
ignorance, en un point si essentiel , ne s'accorderait guère avec leur
prudence et leur sagacité habituelles. Que si l'on admet qu'à cet égard
leurs renseignements valaient les nôtres, on se demandera pourquoi
leurs historiens n'en ont tiré nul profit. Les factions qui divisaient la
Gaule, la Grèce, l'Italie nous sont à peu près connues par Gésar, Polybe,
Tite-Live. Si les Numides avaient eu des Gof semblables à ceux d'au-
jourd'hui, nous en serions probablement informés de la même
manière.
J'adresserai encore à cette partie du travail de M. B. une autre
critique. Il a eu le dessein très légitime d^illustrer^ comme il dit, plu-
sieurs passages des écrivains classiques en s'aidant des nombreux docu-
ments que nous possédons sur l'Algérie actuelle. Mais, outre qu'il a
fait cette espèce de commentaire plutôt en littérateur qu'en historien,
trop souvent le désir de trouver des analogies entre Te passé et le
présent Ta porté à de fâcheuses exagérations. J'en donnerai pour preuve
son analyse du discours d'Adherbal au Sénat (p. 117 et sq.). Dans cette
harangue, M. B. croit remarquer presque à chaque pas des arguments,
des tournures, des expressions qui, d'après lui, sont c des plus indi-
gènes. » Si Adherbal, par un procédé familier alors aux rois en quête
de secours, se déclare dès le début « le procurateur du peuple romain,»
M. B. voit là c des notes d'humilité tout algériennes. » Gette phrase :
a (nobis) hostis nullus erat nisi forte quem vos jussissetis » lui parait
avoir • une allure tout indigène. » Que le roi numide appelle Jugurtha
f le plus scélérat des hommes, » il y a là, écrit M. B., « bien de la vie
et de la vérité, bien de la passion barbare ; » on dirait « un bond de
bête fauve. > Mais voici qui est plus fort : en regard de ce discours il
place une lettre d'un caïd dépossédé qui récemment demandait une
place et de l'argent. La requête est habile, conçue en bons termes;
j'accorderai même, si l'on veut, qu'elle contient un ou deux traits de
couleur locale. Mais M. B. y découvre quelque chose de plus. Comparant
G. BOISSiiRK : LBS ROMAINS EN NUMIDIB. 485
le discours et la lettre, il dit : « N'est-il pas vrai que les deux plaintes
se ressemblent, qu'il y a là deux peintures semblables du môme milieu,
des mêmes hommes, de la même société et d'une situation analogue,
et deux tableaux qui se font pendant à tant de siècles de distance ? Le
pauvre caïd inconnu n'écrit-il pas un peu comme parlait Âdherbal, et
par endroits, en le lisant, ne croyons-nous pas traduire Salluste? •
(p. 123). On conçoit tout ce qu'une pareille méthode a de factice et de
dangereux.
Les pages les plus instructives de V Esquisse de M. B. sont celles qu'il
consacre à l'organisation administrative de l'Afrique sous l'empire. Il
y a rassemblé beaucoup de faits curieux et exacts, qui à eux seuls suffi-
raient pour donner une grande valeur à son ouvrage. Mais il avoue
lui-même que dans tout cela rien ne lui appartient en propre. Ces faits
si intéressants, qu'il a eu seulement le mérite d'exposer avec clarté,
sont presque entièrement empruntés aux cours et aux mémoires de
M. Renier. Il est vrai qu'il ne pouvait choisir un meilleur guide, et
qu'en le suivant pas à pas, comme il a fait, il était sûr de ne point
s'égarer. Mais si, sur tous les points étudiés par M. Renier, il a eu
raison de s'en rapporter à son autorité, il a eu tort d'accorder la môme
confiance à d'autres que lui, et de ne consulter en général que des
livres de seconde main. A cet égard tout lui est bon. Il ne craint pas
par exemple d'invoquer des documents tels que l'Essai sur l'histoire
universelle de Prévost Paradol, le Discours sur l'histoire universelle de
Bossuet, un résumé officiel et anonyme de l'histoire ancienne de
l'Algérie publié en 1864. Il va môme, pour parler rf^ la moralité romaine
sous /Vmptrc, jusqu'à reproduire un article de M. Sarcey sur le cinquième
volume de M. Duruy. Encore s'il avait eu soin de marquer avec
précision la provenance des passages qu'il tire de droite et de gauche ;
mais le plus fréquemment il ne fournit que de très vagues indications,
et il n'est pas rare de rencontrer chez lui des citations du genre de
celles-ci . Revue archéologique ; O. Reclus ; Mommsen , Histoire
romaine; d' A veîMic, Afrique ancienne; Salammbô; Mac-Garthy; Fro-
mentin, etc. Quant à vérifier par lui-môme les assertions des auteurs
dont il s'est servi, il parait y avoir trop peu songé, môme quand la chose
était facile, et cette négligence l'a plus d'une fois induit en erreur.
Le livre de M. B. répond mal, comme on voit, aux exigences de la
méthode historique. D se lit pourtant avec plaisir et profit. Il est écrit
d'un style vif, alerte, peu châtié sans doute, mais en somme fort
agréable. On dirait une série d'articles de journaux ou encore de
causeries destinées au grand public. Sans être original, il a le précieux
avantage d'offrir, sous une forme attrayante, le résumé de plusieurs
travaux qu'il n'est pas toujours aisé d'avoir sous la main. Enfin c'est
l'œuvre d'un homme d'esprit, et je suis certain que cet éloge,
parfaitement justifié du reste, est celui que M. B. tenait le plus à
mériter.
Paul GUIRAUD.
4M6 coMPfM'Mnpq» csmara».
'Tim êLtiîéwimmfUiwif wiHnlmiii et mandm dmm
0» et TO^ wÊéeiem, par E. db Pussbub^. Pam^ Sondoz et Fischtaft-
cher. 4STT.
O volume est le gJTiènie et dernier de Phistoire des trais premier»
.siècles de l'Égliae entreprise par >£. de E^'essenâe, il y a vingt-cinq an»
environ. Nou8 avons anjourd'liui ce grand ouvrage complet et nous
pouvons en saisir les grandes parties et l'ordonnance générale.
Fidèle à sa conviction, l'anteur. qui voit dans le sècle des apùtres
une epoi[ue exceptionnelle, un àse d'inspiration et de création divines^
propre à servir de modèle et de loi à toutes les périoiies joivantes, l'a
mis à part et exposé d'une ^on indépendante dans Les deux premiers
volumes. Pour les deux siècles sui-vanta, il a procédé d'une autre ôiçon.
et suivi un autre plan. 0 a tracé dans La riche matière de cette hisiuir«
trois grandes divisions à la fois simples et lumineuses. La premiè»
partie, remplissant deux volumes couronnes par L'Académie française,
expose la lutte du christianisme et du monde paien, lutte extérieure
soutenue dans les persécutions par Les martyrs, lutte spirituelle soute*
nue par les apologistes contre les philosophes et les détracteurs. La
seconde partie raconte l'histoire de la théologie ou du dogme. La
troisième enfin, formée par le dernier volume i^ue nous annonçons.,
peint la vie intérieure. Le cuite et la constitution «ie L'Église.
Non seulement M. de Pressensé a mené à bonne an cette tache langue
et laborieuse, mais on doit dire qu'il a gagné des forces et des moites
en avançant, oir« a*ujwnt eundo. Des premiers aux derniers volumesy
il y a progrès bien marqué, progrès dans Tinvestigatioa toujours phis
complète et plus sûre des documents, dans la discussion et Tapprecisb»
tion des témoignages, dans La simplicité et La sobriété de L'expositifja.
M. de Presseni^ n'a pas renoncé à l'éloipience, ce •pi Lui serait diM-
cile ; mais son style a fini par acquérir, sans rien penlre de sa (±al0zr
et de son éclat, les qualités plus solides qu'exige rhL«toire. A tous ces
pointi» de vue, son dernier volume est de tous le meilleur. VestH» pas
la juste recompense d'un travail opiniâtre et d'une persévérance que Les
difficultés aiguillonnent au lien de décoorager ?
Il est vrai que La partie qu'avait à traiter l'historien était peut-^cre la
plus neuve et la plus intéressante. Il s^agissait de raconter les transfor-
mations successives i^i ont si rapLdanent mené l'Eglise du premier
âge, si libre, si démocratique et si austère, à la forme catholique qui
triomphe avec Constantin, La logique intérieure qui pousse le christia-
nisme sur cette pente du catholicisme se âût sentir partout à La fois et
transforme simultanément l'organisation ecclésiastique, le culte^ La
morale. M. de Pressensé Ta bien signalée : nous regrettons seulement
qu'il ne l ait pas plus nettement dégagée et qu'U ait paru souTent aixor-
der à des influences du dehors, à des circonstances accidentelles ce qui est
siirement l'effet d'une puissance intime résultant de la conception que les
premiers cfarétieDs se firent d'abord de TEglise. Nous sommes convainco.
E. DE PRESSENS^ : LA VIE DBS CHRIÎTIENS AUX IP ET III® SIÈCLES. 4 87
pour notre part, que le catholicisme devait être la première réalisation
historique du christianisme ; que parler ici de déviations, d'altérations,
n'est pas suffisant, et que juger les choses et les hommes du second et
du troisième siècle du point de vue de la réforme protestante et du spi-
ritualisme chrétien de notre temps, c'est s'exposer à ne pas bien les
comprendre, à les trop exalter quand ils s'accordent avec notre manière
de voir, à trop les rabaisser quand ils s'en écartent. Le fait est qu'ils
étaient bien loin de ressembler, au moins pour les mœurs, les idées et
les apparences, aux chrétiens de nos jours, soit protestants, soit catho-
liques. Il nous faut sortir de nous-mêmes pour les comprendre et il est
peut-être un peu téméraire de vouloir toujours marquer le point précis,
comme le fait M. de Pressensé, où finissent leurs idées justes et où
commencent leurs erreurs. Erreurs et vérités, qualités et défauts, pré-
jugés, superstitions et vie morale, tout cela se tenait, s'unissait, se
fondait dans un mélange singulièrement original, qui est la marque
propre de ces générations placées encore entre le paganisme dont ils
sortaient et la foi chrétienne qu'ils n'avaient comprise qu'à travers leur
éducation et leurs habitudes premières.
Rien n'est plus intéressant que d'entrer avec un guide comme M. de
Pressensé dans les détails de la constitution et de la vie intime de
l'Église chrétienne aux second et troisième siècles. On y fait à chaque
pas des observations, j'ai presque dit des découvertes qui provoquent la
réflexion et révèlent mieux que les grandes controverses et les martyres
héroïques le caractère singulier de cet âge de transition. L'historien
traite en premier lieu de la constitution et de l'organisation de l'Eglise.
Il les étudie d'abord au second siècle et puis au troisième pour en bien
faire sentir la transformation progressive. Il décrit avec maints détails
pittoresques et vivants puisés aux sources le catéchuménat et le rite du
baptême par lesquels l'Eglise se recrutait ; puis les charges ecclésias-
tiques diverses, le rôle toujours grandissant de l'évêque qui, sorti
d'abord par l'élection populaire de la communauté, s'élève non seule-
ment au-dessus d'elle, mais encore au-dessus du presbytérat et devient
l'incarnation de l'idée catholique de l'Église. Les résistances que ren-
contra jusqu'au milieu du troisième siècle cette usurpation progressive
devaient surtout intéresser l'esprit libéral et démocratique de M. de
Pressensé ; aussi les a-t-il racontées avec une précision de renseigne-
ments, une suite naturelle et logique qui font de cette partie le chapitre
le meilleur et le plus nouveau de son livre. Polycrate d'Éphèse et Victor
de Rome, Origène et Démétrius d'Alexandrie, Novatus et Gyprien à
Garthage, Hippolyte et Galixte à Rome, sont les champions opposés du
principe de la liberté et du principe de l'autorité dans une lutte partout
la même et qui a toujours le même dénouement, la défaite du premier
au profit du second. Avec Gyprien Tépiscopat triomphe définitivement.
L'évêque concentre dans sa personne toutes les grâces et tous les pou-
voirs de l'Église et désormais la formule catholique est vraie : m epis^
oopo est ecclesia.
488 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
Le second chapitre est consacré à la description du culte dont l'his-
torien passe en revue successivement les diverses parties. Tout ce que
l'antiquité chrétienne, dans ses livres ou dans ses monuments, nous a
laissé sur les édifices du culte, leur disposition intérieure, l'attitude des
fidèles, la célébration de TËucharistie, les formules de prière, la prédi-
cation, le chant religieux, a été soigneusement recueilli^ et l'auteur s'en
est servi ensuite pour tracer dans un tableau d'ensemble le récit d'une
assemblée de culte à Alexandrie à laquelle le lecteur croit assister.
C'est un des morceaux les plus brillants et les plus intéressants du
livre. Nous aurions aimé pourtant trouver ici quelques renseignements
de plus, au moins au point de vue bibliographique, sur les diverses
liturgies en usage à cette époque. A Rome ou à Garthage le culte était-
il le même qu'à Alexandrie ? A côté de la liturgie de saint Marc n'y
avait-il pas celle de saint Jacques ou de saint Pierre ? Ne peut-on savoir
en quoi elles se ressemblaient et en quoi elles différaient ? En outre,
nous n'avons pas absolument reçu des descriptions de M. de Pressensé
tout à fait la même impression que celle que nous ont laissée les textes
des Pères de l'Église. L'historien a certainement spiritualisé ou idéa-
lisé le culte du troisième siècle. Q avait avec le culte juif et les mys-
tères païens des ressemblances et une parenté qui peuvent choquer
l'esprit protestant et sévère de notre âge, mais qui prouvent précisé-
ment que les chrétiens du temps d'Origène ou de Gyprien n'étaient
point des protestants.
Nous aurions une observation analogue à faire sur le troisième et
dernier chapitre, qui a trait à la vie morale des chrétiens et à l'action
régénératrice de l'Église au milieu de l'ancien monde périssant de vieil-
lesse et de corruption. Tout ce que M. de Pressensé raconte de la famille
chrétienne, des vertus simples et fortes qu'elle abritait, de radoucisse-
ment du sort des esclaves, des institutions de charité, ce qu'il dit sur-
tout de la réhabilitation du travail libre est admirablement vrai. Mais
est-ce toute la vérité ? N'y avait-il point d'ombres un peu plus noires
à ajouter à cette peinture ? I^a morale catholique — car la morale catho-
lique existe à partir de Tertullien — n'avait-elle pas subi de graves
atteintes et de profondes altérations de la part de l'ascétisme païen ou
de la légalité juive venant se superposer à la spiritualité évangélique?
N'y avait-il pas à mettre plus en lumière cette morale artificielle qui
aboutira inévitablement à la casuistique et qui classe déjà les péchés
et les vertus, non d'après le sentiment intime de la conscience, mais
d'après les décisions extérieures de l'Église? Que M. de Pressensé,
dont le talent, la science et la chevaleresque impartialité nous inspirent
tant de sympathie et d'admiration, nous pardonne ces observations
d'une critique trop scrupuleuse ou trop difficile peut-être. Elles lui
prouveront qu'à nos yeux du moins son livre est de ceux qui comptent
. et avec lesquels il faut compter. Le premier, en France, il a vaillamment
abordé ce sujet des origines de l'Église chrétienne que tant d'autres ont
parcouru après lui et en a tracé, dans les six volumes qui composent
LEBIOIV : LA DBENIÈRB LUTTB DES SLAVES DE l'eLBE. 4 89
son ouvrage, une histoire que les écrivains futurs ne pourront dépasser
qu'en en profitant.
Auguste Sabatieb.
J. A. Lbbeoev. IjB, dernière lutte des Slaves de TBlbe contre la
germanisation, 2 vol. in-S». Moscou, 4876.
Plusieurs souverains de TEurope septentrionale portent encore aujour-
d'hui des titres qui rappellent la domination que leurs prédécesseurs
ont exercée naguère sur certains peuples slaves depuis longtemps dis-
parus. Le roi de Prusse est duc des Wendes, le grand-duc de Mecklem-
bourg-Schwerin est prince de la terre wende (Fùrst zu Wenden), le roi
de Danemarck est roi des Wendes, etc. Sur les frontières de la Saxe
et de la Prusse, dans les deux Lusaces, vivent encore 140,000 Wendes
qui s'appellent eux-mêmes Serbes (Serbi = Sorabes), misérable ilôt slave
noyé par locéan germanique qui menace sans cesse de l'engloutir.
Ce sont les derniers débris des Slaves de l'Elbe et de la Baltique qui,
sous les noms divers de Polabes (Slaves vivant po Labie^ le long de
l'Elbe), Lutices (les farouches?), Vagres ou Vagriens, Obotrites (Bodrci,
les vaillants?), Luziczane (les Lusaciens), etc., jouent du huitième au qua-
torzième siècle un rôle considérable dans l'histoire de l'Europe septentrio-
nale. A partir du treizième siècle ils perdent leur indépendance; ils sont
absorbés peu à peu par la germanisation ; depuis plus d'un siècle leur lan-
gue a complètement disparu ; elle n'a laissé de traces que dans des noms
géographiques, mutilés pour la plupart par les Allemands {Poméraniey
pays situé le long de la mer, Stargard = Starigrad, la vieille ville, etc.). Il
ne subsiste de leur civilisation aucun monument figuré : restés fidèles aux
traditions du paganisme slave à une époque où toute l'Europe était
déjà devenue chrétienne, ils ont eu à soutenir des luttes incessantes
contre leurs voisins les Saxons, les Danois ou les Polonais, et ont fini
par succomber. Leurs villes ont été détruites ou transformées; leurs
temples et leurs idoles anéantis. C'est sur un sol foncièrement slave
que s'est élevée cette monarchie prussienne qui mène aujourd'hui les
destinées de l'Allemagne.
Dans le grand mouvement historique qui a entrepris de reconstituer
le passé de la race slave, ces ancêtres trop longtemps oubliés ne pou-
vaient être négligés. Un slaviste russe distingué, feu Helferding (mort
en 1872), avait entrepris d'écrire une histoire générale des Slaves bal-
tiques qui est malheureusement restée inachevée (Moscou, 1855); il
n'en a publié que le premier volume. M. Kotliarevsky, aujourd'hui pro-
fesseur de philologie slave à l'université de Kiev, a donné une étude
sur la vie de l'évoque Otto de Baraberg, apôtre des Poméraniens
(Prague, 1874). Notre collaborateur M. Pawinski a également consacré
aux Slaves de l'Elbe une dissertation (Saint-Pétersbourg, 187i) que
malheureusement nous n'avons pas sous les yeux. Aucun de ces tra-
490 COMPTBS-EBXDUS CRITIQIIBS.
vaux n'a épuisé la matière et un travail définitif est encore à ùdre.
M. Lebedev s*est borné à étudier un épisode isolé de l'histoire des
Slaves Bahiques; la lutte des Obotrites et des Lutices contre Henri le
Lion et Valdemar !«■ de Danemarck. Son récit se renferme rigoureu-
sement entre les années 1130 et 1190. Il neût pas été inutile de le faire
précéder d'un tableau sommaire de la situation des Slaves baltiques au
début du douzième siècle. L'auteur entre un peu brusquement en
matière; de là une certaine obscurité qui pèse sur Tensemble de son
récit : il est pénible à lire et les faits historiques réussissent d'autant
moins à fixer l'attention , que les divisions très vagues des chapitres —
indiquées par une ligue à peine — ne fournissent au lecteur aucun
jalon, aucun point de repère. On regrette également Tabsence d'an
index alphabétique ou d'une carte qui facilite Tétude des divers épisodes
religieux ou militaires. M. Lebedev ne redoute pas évidemment le tra-
vail (il a consacré tout un volume à l'examen des sources), mais il ne
sait pas ordonner un livre ; on ne peut le lire avec fruit que la plume
à la main, en dressant pour son propre compte les sommaires ou les
index qu'il a dédaignés. Comme il néglige de donner en note les formes
latines des noms qu'il rencontre dans les textes originaux et qu'il rus-
sifie parfois, on est fort embarrassé pour les identifier. Un appendice
sur les noms propres, leur déformation et leur restitution probable eût
ete nécessaire. M. L. ne parait pas se douter un instant des services
que la philologie peut et doit rendre à Thistoire.
Dans ces conditions l'ouvrage en question nous paraît fort difficile à
analyser. C'est une série d'épisodes historiques dont quelques-uns, pris
à part, offrent un certain intérêt : tels sont par exemple les récits de Im
or\)isade entreprise en lUS contre Niklot, prince des Obotrites; le
tableau des migrations allemandes ou hollandaises qui viennent colo-
niser les bords de l'Elbe, les luttes navales où les marins slaves jouent
un rvMe hardi et glorieux, la c^mquèie de l'île de Hugen par les Alle-
mands et la destraction du fameux sanctuaire de Svantovit. Dans on
ouvrage mieux cv^nou et mieux rvdige, ces épisodes auraient fourni
matièrv^ à un grand nombre de (v&ges excellentes. Sous sa forme actuelle,
le travail de M. L. ne peut t^tre cx^nsidere que comme un recueil de
matériaux plus ou moius degT\>ssis pour l'écrivain qui entreprendra
l'histoire définitive des Slaves baltiques.
L. Lsiiift.
UplaMmtmriwBi s«édols» depvis et y compris l'kMBée 1401, édité
aux firais des Arthives natioiiak^ par Charles SurrnsTOLn*.
T. L livr. 3. p. 4SI*70«, Suxàbotiu. I$n. P, A. XorstedI ei Gb,
^BMCtt Car) Sàttv^rrariOiv. •
SILFTBRSTOLPB ET HaDBBRAND : OIPLOMÀTÀRniM SUEDOIS. 194
in-4«. Prix 9 fr. ^1 0. — Diplomatariom snèdois, édité aux firais, etc.,
par Emile Hildebrand^ T. VI, liv. 1, p. >l-424. Ibid., 1878, in-4«.
Prix 9 fr. 80.
Le troisième fascicule (t. I, seconde série de ce recueil) s'étend du
7 septembre 1405 au 29 décembre 1407, et, pour cette courte période, il
y a 281 documents, savoir 49 pour la fin de 1405, 118 pour 1406 et 114
pour 1407 ; on voit qu'en avançant dans le siècle les documents ne
deviennent pas plus abondants ; au reste on pouvait bien s'y attendre :
on est encore trop près du point de départ pour que la physionomie des
temps ait sensiblement changé. Il serait donc superflu d'entreprendre
de caractériser de nouveau cette section du Diplomatarium ; ce que nous
avons dit des deux premiers fascicules ^ est encore vrai du troisième et
celui-ci mérite les mômes éloges que les précédents.
Le t. VI, dont le premier fascicule a paru, n'est pas dû au môme
éditeur et, bien qu'il soit également publié avec les fonds légués par le
comte Fosse et sous la direction du conservateur des Archives natio-
nales, M. Bovallius, il ne l'est pourtant pas d'après le plan adopté pour
la seconde série : les notes explicatives y sont un peu plus nombreuses
et le texte n'est pas reproduit avec la môme précision diplomatique,
aucune différence de caractère ne distinguant les lettres ajoutées (pour
compléter les mots abrégés) de celles qui se trouvent dans l'original. Si
réditeur de cette livraison, M. E. Hildebrand, ne s'est pas astreint,
comme M. Silfverstolpe, à une exactitude minutieuse, c'est sans doute
pour que sa continuation ne fit pas disparate avec les premiers volumes
de cette série, commencée par Liljegren (t. I-II, 1829-1837) et poursuivie
par Bror-Émile Hildebrand (t. III-V, 1842-1865) ; il n'a pas voulu que
le t. VI jurât avec les précédents; au reste, il promet de rendre compte
des règles qu'il a suivies et des sources qu'il a eues à sa disposition,
mais seulement lorsque le volume sera terminé.
Cette livraison contient 389 documents (4275-4663) pour les années
1348, 1349 et 1350, c'est-à-dire autant et môme plus que pour chacune
des périodes triennales du commencement du xv« siècle. Mais, si de ce
c6té on ne remarque pas grande différence entre les deux siècles, il y
en a une très sensible quant à la langue : vers 1400, les quatre cin-
quièmes des documents sont en langue vulgaire, tandis que vers 1350,
le latin est employé le plus souvent, non seulement pour les affaires
ecclésiastiques, ce qui est naturel, mais aussi pour les actes purement
civils. Cette circonstance fait que la 1" série du Diplomatarium est à la
portée de tous les lettrés du monde civilisé. Qu'ils prennent la peine de
la parcourir, ils y trouveront des renseignements qu'ils ne songent peut-
être guère à aller chercher en Suède. Notons par exemple, pour nous
en tenir à la France, qu'il est question de Paris et de sa célèbre uni-
1. Svemkl Diplomatarium, utgifvet... genom Emil Hildebrand.
2. Revue histor., t. III, livr. 2, p. 440-442.
492 COMPTES-RENDUS CEiriQUES.
vornitô dans los pages lOi, 181, 211. Les documents émanés delà chan-
collorio pontificale sont datés de deux localités françaises, Avignon et
Villonouvo, ot, bien qu'ils concernent surtout les affaires ecclésiastiques
do la Suède, ils fournissent pourtant quelques notions à utiliser dans
les futun>s histoires universelles de TËglise.
£. Bbjluvois.
I. Goi.i.. Qoellaii und Untarsnoliiingen sur Geaohiolite der Bœh-
mUohtm Brûder. I. Prague, Otto, 4878.
Le lU^iuo. Yypsani o mistra Jeronymovi m Prahy. Kronika o
Jonu ZiBkovi. Prague, Otto, 4 878.
\a> non) do M. Goll est déjà bien connu des lecteurs de la R0mu Aû-
uHifue. 8o$ doux nouveaux ouvrages s'occupent des traditions relatÎYes
aux luttos roligiousos et aux bouleversements par lesquels la Bohème
oui à i^ssor avant ot (K'ndant la Réforme. Le l^^ volume des Quellen
unti Cnltrsuchuni^rn \$ourcos ot études^ étudie, dans rhistoire des ori-
gint^ dos fr\^i\^$ Ivhomions, plus généralement connus en France sons
lo non) do frt>r\^$ monivos« doux points restes jusqu'ici sans solution :
1*^ los rap|H^rts di\^ frt^n^ avoc los Vaudois; :?• le choix et Im consécrm-
liou d(^ prtnuior^ prx^tn^. L autour passe snccessÎTement en reTue
touti^ lo$ s\>urot^ du xv« ot du xvi« s., et donne en appendice les textef
los plus iu)|vrtauts. l.ess ro:>ultats« qu'il réunit dans son « Aperça > de
U plus anoionuo tradition \p. oO ot suiv.^ sont tzè$-intêressants ; mais
U UAturx'^ dos d\vumout:5i ittVv\îuo:s uo permet pas de résoudre complè-
tomo:\t toutos los ditV.ouUos lu; vu; cas les vwations surrennes dans
U"* \ôi\>s *U>s froT\>s sur U pntMhs*? o; lepiscopai à Toccasion de U pie-
uïu\v OTvi\r,4iio:\ vlo *.o;:rs v^^^troïîs prvxiuise::: une incertitude qui
o\|m\>;;ïo »os tx^U'uous vvr.;raô.;cuv.Kss q*jLi sos:? ont ete transmises.
M v^ . u a ^^« \\^;;;or ;;:; r.u'^; *;<vis:: 4;:x ^virwss du xtî* s.
l4^ >*\\n;Xx:o ô»ï>s ',\;M\oa:;o:;s A::r.v;*.'C>^» jV.:s ha;i; cv>cùent trob doGo*
wor,îs «o>a\;;^«\i *;« w» s u;: riv;î Ci* ;:::«i:ue Jer^cse ce Prague « une
^î1^x;,;o;^^r. >•> U ^;';;ro vV-o'.^^." i::; tV«£^ s;ir ^ ïDOrt ce Jes>Nme« et une
« «rvV IvV,,^ x^^rv ;v.;,;<* ^io J ;M;'. v ;sk4i » * Iji ;r*i*v:!;kc ie a ienreda IVgge
^^s; *^ '/.\;>A,.,:,\',v i.-^.v^,';;/", ;*,: *Jiuur*îf ;^ibÀ;:^^ Ç'se loe cvrASÙsse, et
t ^>fe »'„VA AViA'ts x':i^>«i ji\;ji:,'v.: i^;^' iîf'4 :3trc.nee(5s sa» «4ù»s restées
,;S- '^''^'^ v*^>>s;,v "rxvc. ; ,^*^s. * c tïvv* itf •Yc;cDf i«tv? >K:î-tee de »
î Vvv ,x ^ >i ^.v-r^x^^ ,'0 ^;: , * .vcv '««i ,5^rr>*!:r5^ ^T!Kï»st^:s 3» «a vie de
U«.v< ;v.*-->i».v\v'5K*', t^ ;x..?. r."*;^ ^:>,vc*^ secs rrs*
A. BACHMANN : BOBHMEN UlfD SBIIfB IfACBBARLiENDEE. 193
l'on croyait jusqu'ici fabriquée au xyi« s., remonte, d'après le ms. de
Munich, au xv«. Les renseignements que nous avons sur le général
aveugle sont si maigres, qu'il faut se réjouir de posséder cette chro-
nique, si laconique et si incomplète qu'elle soit d'ailleurs. Ses rapports
avec les c anciennes annales tchèques » ne peuvent se prouver que par
une étude critique très minutieuse; mais dans l'ensemble, l'existence
de ces rapports est indéniable. L'auteur est un partisan de Ziska; il
écrit, il est vrai, après la fin des grandes luttes (1434) ; mais il parle
avec une vive émotion de l'époque célèbre des combats livrés par les
Taborites et de leur héros.
Von Bezold.
A. Baghmann. Bœhmen and seine Nadibarleander unter Georg
von Podiebrad 1458-1461, und des Kœnigs Bewerbung um die
deutsche Rrone. Ein Beitrag zur Geschichte der Yersuche einer
Reichsreform im XY Jahrhunderte (La Bohême et les pays voisins
sous g. Podiebrad; intrigues du roi pour se fkire nommer roi de
Germanie. Contribution à l'histoire des efforts tentés pour réfor-
mer TEmpire au xv* s.). Prague, Calve, 4878, in-8^ xii-S'IO p.
n y a deux ans, M. B. avait pris pour sujet d'une monographie très
soignée Thistoire des débuts de Georges Podiebrad : son nouvel ouvrage
est consacré aux premières années du règne de l'habile prince bohé-
mien; pour avoir la clé de sa conduite à cette époque, il faut suivre
ses efforts pour s'assurer la couronne impériale. Le travail de M. B. est
en général un résumé de tous les ouvrages allemands sur le sujet ; il
n'y ajoute presque rien de nouveau, sauf sur certains points de détail,
où ses recherches dans les archives lui ont permis d'apporter des recti-
fications et de combler de petites lacunes. Ainsi par exemple quand
Podiebrad essaya d'intimider les Hohenzollem, en les menaçant d'une
alliance entre la Bohème et les villes de l'Allemagne du Nord, et par
là de les gagner à sa cause (p. 16) ; ainsi encore les écrits dans lesquels
Rokyzana, le chef des Utraquistes, assure le pape et son confesseur de
son plus profond attachement (p. 247). L'impossibilité morale pour
Podiebrad de réaliser son plan favori , la situation difficile du roi
hussite qui avait secrètement abjuré sa foi et s'était engagé avec Rome,
la politique dépravée et sans conscience du margrave Albrecht de
Brandebourg sont décrits par M. B. avec clarté et de manière à empor-
ter la conviction. Certaines conjectures me paraissent au contraire bien
hasardées : ainsi ce que dit l'auteur sur la première apparition du
Dr. Mavis à Eger (au printemps de 1459), ou de la double démarche
faite pour obtenir le consentement de l'empereur. Le style de l'au-
teur laisse cette fois encore quelque chose à désirer.
Von Bezold.
HbV. HlSTOR. XL l«f FASC. 13
^194 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
Fridolin Hoffmann. Geschichte der Inquisitioii. Bonn^ N^isser,
4878, t. U, 466 pages.
L'impression sous laquelle nous avons rendu compte du premier
volume de ce livre (Revue hist.^ 1878, t. VIII, p. 433) n*a guère été
modifiée par la lecture du second. Encore cette fois-ci l'auteur ne nous
donne qu'une série de chapitres qui se suivent sans ordre, et qui ne
sont que des extraits ou des résumés d'ouvrages récents. Il nous fait
faire, à travers les temps et les espaces, le voyage en zigzag le plus
singulier; pour commencer, il nous conduit dans les Pays-Bas espagnols
sous Charles-Quint et Philippe II ; puis il s'embarque pour rAmérique
espagnole, revient de là en Portugal, franchit de nouveau les mers pour
aborder aux Indes occidentales, nous transporte ensuite en Italie, où il
nous fait assister aux procès de quelques protestants et à celui de
Galilée, pour s'échouer finalement en Allemagne. La forme du livre est
négligée ; l'auteur intercale dans son récit, qui s'adresse au grand public,
des traductions de documents et môme des pièces latines, choses que le
grand public a l'habitude de sauter. A chaque moment, en outre, que
Ton soit en Europe ou en Asie, on est ramené à la polémique contem-
poraine. On se demande aussi si c'est de la dignité d'un historien de
choisir pour ses chapitres des titres comme ceux-ci : Ecce quam bonum
et jucundum^ habitare fratres in unum (les frères sont l'inquisition et
la compagnie de Jésus), ou : der Inquisitions Michel als Papst; il s*agit
de Michel Ghisleri, devenu pape sous le nom de Pie Y; Michel est
en Allemagne un terme de mépris pour désigner un sot; Pie V a
été un pape terrible, mais on ne l'a jamais qualifié de sot. M. H. n'ayant
pas eu la prétention d'écrire un livre scientifique, il nous semble inu-
tile de relever en détail les erreurs qui lui ont échappé. Gomme plu-
sieurs de ces erreurs appartiennent aux auteurs qu'il a suivis, on ne
doit lui reprocher qu'un excès de confiance, peu conforme aux principes
de la critique historique. Au fond, il n'a fourni qu'un pamphlet, mais
un pamphlet trop gros et trop peu spirituel pour remplir son but.
G. 8.
L^ancienne Alsace à table, étude historique et archéologique sur
Talimentation, les mœurs et les usages épulaires de ranciome
province d'Alsace, par Gh. G^bard, avocat à la Cour d^appel de
Nancy. 2" édition. Paris, Berger-Levrault, -1877, vi, 362 p. în-««.
Prix : 8 fr.
L'auteur do ce charmant volume n'est plus; à peine avait-il eu le
temps de revoir les épreuves de son travail que la nostalgie de l'exil
l'arrachait à Nancy, sa patrie adoptive, à ses études et à ses amis.
G'est une grande perte pour les sciences historiques en Alsace.
M. Gérard était assurément l'un des érudits les plus zélés et les plof
C. GiBlBD : L*lIfCIBIfIfB ALSiCB A TiBLB. 495
sérieux qu'ait produits cette province, si riche pourtant en explorateurs
de son passé. La publication des Annales des Dominicains de Colmar,
faite de concert avec M. Liblin, ses monographies sur les batailles
d'Enzheim et de Tûrckheim, au xvii* siècle, sa Faune historique des
mammifères sauvages de l'Alsace, ses deux volumes sur les Artistes de
V Alsace au moyen âge, sont des travaux consciencieux, riches en détails
nouveaux et qui garderont toujours leur valeur. Mais aucun peut^tre
ne présente cet intérêt particulier que nous trouvons à parcourir
V ancienne Alsace à table, devenu bientôt et resté le plus populaire de
ses écrits. Il le publia pour la première fois dans la Revue d'Alsace^ à de
longs intervalles, de 1853 à 1862, puis il en fit faire un tirage à part,
rapidement épuisé. En 1877 il songea, pour charmer ses loisirs, à repu-
blier cet alsatique si rare ; il reparaît après la mort de Gérard, « tel
qu'il s'est présenté pour la première fois. » Cette dernière décision de
Fauteur est assurément regrettable. Il aurait dû tenir compte des
sources nouvelles qui se sont produites, des renseignements divers qu41
lui aurait été facile de recueillir à vingt-cinq ans d'intervalle. Il aurait
dû surtout effacer des indications exactes en 1860, fausses aujourd'hui,
et des dénominations auxquelles la guerre de 1870 a enlevé toute raison
d'être ^ Nous n'avons certainement pas le courage de les lui reprocher
pour notre part, après avoir lu, pleins d'une émotion profonde, la belle
et touchante préface qui renferme les adieux de Tauteur à tout ce qu'il
aimait au-delà des Vosges. Mais ce qui nous touche, d'autres en riront
peut-être, et certes il eût mieux valu ne point s'exposer à cette insulte
posthume.
Le livre de M. Gérard est composé de causeries; c'est ce qu'il ne faut
pas perdre de vue pour le juger avec impartialité. Quelquefois on serait
tenté d'oublier, sous ce babil en apparence léger, la profonde érudition
de Fauteur. En le pratiquant, en vérifiant ses données sur quelque point
spécial, on se rend compte seulement de tout le labeur qu'il a su dissi-
muler sous une enveloppe souriante et si peu rébarbative. Si dans cer-
taines occurrences (p. 70, p. 92, etc.) t le coup de rabot • dont M. Gérard
parle dans sa préface a été oublié; si Fon peut signaler à de très rares
intervalles quelque petit lapsus de Fauteur 3, ce sont des taches vrai-
ment imperceptibles. Ce n'est pas seulement d'ailleurs un chapitre de
1. C'est ainsi qu'il parle sans cesse des Archives départementales du Haut-
Bhin, d'un préfet du Haut- Rhin, d'un chef de division à la préfecture de
Coimar, qu'il renvoie maintes fois à des mannscrits de la bibliothèque de Stras-
bourg, détroits par le bombardement de 1870. C'est ainsi, encore, qu'il parle,
p. 127, du professeur Kirschleger, mort en 1869, comme s*il était vivant, et
qu'il appelle, p. 133, M. Alfred Schweighaeuser, mort en 1876, archiviste de la
ville, alors qu'il ne l'était plus depuis 1866.
2. Lire : p. 74, Vélecteur de Hesse-Cassel pour le prince de H. C; p. 130,
Porrenirujff pour Porentruy; p. 141, JAmmat pour Umath; Oberehnhein
00 Obemai pour Obernaeh; p. 204, 1836 pour 1856; p. 237, Mathieu pour
Mathias, etc.
496 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
l'histoire culinaire universelle que cette Ancienne Alsace à table; on y
parle de maints autres sujets se rattachant à Thistoire des mœurs et de
la civilisation du pays; aussi nous ne pouvons que recommander
chaudement ce charmant volume, édité avec un luxe de bon goût par
la maison Berger-Levrault, à tous les amateurs de curiosités histo-
riques. C'est l'œuvre d'un érudit véritable, doublé d'un homme d'esprit,
et, ce qui ne gAte rien à la chose, — rehaussé d'un gourmand émérite.
R.
Raimondo Monteoaccoll, la sua fkmiglîa e i suoi tempi, dal Mar-
chese Commendatore Gesare Cimpori. Firenze, Barbera, 4876,
4 vol. in-8*.
ftmulo do Turenue et des autres grands généraux du xvn» siècle,
Montocuccoli a Tune des réputations militaires les mieux établies,
gn\co à rôclat do ses dernières campagnes et à Tautorité de ses ouvrages.
Mais riiistoin^ avait été jusqu'ici à son égard plus favorable qu'em-
prossôo, ot ilo tous los capitaines de premier ordre il est peut-être celui
dont la vio est relativoniont la moins connue, quoique son génie soit
un dos moins contostos. C'est quo sa biographie ne présente pas les
pôripôtios dramatiques quo Ton trouve dans celle de ses rivaux. Le
caraotén^ do son esprit ossontioUoment méthodique ne séduit pas les
obsi^rvatours suporficiols, qui seront toujours les plus nombreux : il
s*impos<^ plutiNt aux militaires do profession qu a l'ensemble des histo-
riens ot du public lottro. En outre, lo vainqueur de Saint-Gottard a
doux nationalités. Tuno duo à la naissance, l'autre conquise par le
dovouomont ot |vir d'éclatants services. Si cotte complication de devoirs
envers l'italio ot envers T Allemagne a rendu la vie de Montecuccoli
plus diflioilo ot plus moritoiro, elle a laissé Théritage de sa gloire en
quoique si^rto indi\is outre s<^s doux }Kitnes« et les nations n*aiment pas
ce î^M\^^> do ivartagiv II no faut donc pas s'elonner que l'héritage en ait
soulTort,
Toutefois la pn^mioro |\ttrie de Montocuccoli, celle-là même qui lui
devait lo moins, a oio la moins ingrato des deux envers lui. Si loog-
tonnvî priviv dos grands capitaines qu'elle a produits sans avoir de
dra^vau à ooutior à leur vaiiîanco, Tltalio, retrouvant aujourd'hui et
une anuiv ot un drapeau, va chercher pieusement les plus illustres de
s^^s or.fants mort^ dans les rar.cs otrancer? ot elle puise dans Tétude de
leurs faits d'armes vii'' foi\v,"i.is ouivuracoments et de salutaires exem-
ples. Toi est, sans nul ô.i'Uto, lo sentiment patriotique qui a inspiré
M. lo mar^juis l'ianv^v^^i r.ar.s li^ saxant^ recherches auxquelles nous
devons la fiiôc'^aphu tù .V.'>;.vniAv*;t. iV^ît*"» préoccupation de rauleoreit
Uyiiimo; ot, hier, qu'a;: 'jX'^int de vue de l'impariialiie historique elle
no soit J^As sar.s *îaî;c»v. oiîi^ Va servi puissamment, en le mettant sur
la \oio de do.'r.me.r.ts nouveaux ou trop lonciemps négligés, et en
CIHPORI : BilHONDO MOTTECUCCOLI. 197
ramenant à des rectifications importantes qui intéressent non seule-
ment son héros, mais l'histoire générale du siècle.
Les Mémoires et les principaux ouvrages de Montecuccoli ont été
publiés pour la première fois par Huisscn, à Cologne, en 1704, mais
avec beaucoup d'incorrections et de lacunes. Dans notre siècle deux
Italiens, Ugo Foscolo et Grassi, en ont donné deux éditions, où le texte,
revu sur les originaux, est allé sans cesse en s'améliorant, si bien que
la dernière peut être considérée comme exacte, sinon comme absolu-
ment complète. M. Polidori en 1847, M. Guasti en 1860 ont publié
l'un et l'autre dans VArchivio storico italiano ou dans le Giornale storico
degli Archivi toscani des documents importants sur le même personnage.
M. Gampori, à son tour, nous donne le résultat de ses fouilles dans les
archives publiques et privées : Archives de Modène, renfermant la Cor-
respondance inédite des ministres de la maison d'Esté^ notamment celle
d'Ottavio Bolognesi^ ambassadeur à Vienne pendant les deux plus impor-
tantes périodes de la guerre de Trente- Ans ; — Archives et Bibliothèque
nationale de Florence, renfermant la Correspondance inédite de R. Monte"
cuccoli avec le prince Mattia de' Medici; — Archives de la famille Monte-
cuccoli;— Archives du marquis Gino Capponi^ de Florence; — Collection
du comte Georges Ferrari-Modeni^ de Modène. L'ouvrage de M. Gampori,
très italien par l'idée première et par les sentiments, ne l'est pas moins
par l'origine des documents inédits qu'il a publiés ou mis en œuvre.
L'auteur a voulu être, avant tout, un biographe. Ce n'est pas seule-
ment Raimondo Montecuccoli,- mais aussi sa famille qu'il s'est proposé
de faire connaître. Les Montecuccoli formaient un véritable clan, essen-
tiellement guerrier, dont il n'est pas indifférent de connaître les mem-
bres et les traditions, si l'on veut comprendre le développement du
grand homme qui l'a immortalisé. De tous ces rejetons d'une vaillante
race, le plus célèbre, avant Raimondo, est Ernesto Montecuccoli de
Sassostomo, qui, malgré son rôle considérable dans les premières
périodes de la guerre de Trente-Ans, a été passé sous silence par
Schiller et par d'autres historiens. Il a été l'instituteur militaire de
l'illustre cousin qui devait le faire oublier, mais qui lui doit la rapidité
de ses premiers pas dans la carrière et une série de leçons fécondées
par de glorieux exemples. Général à 37 ans (1621) après avoir sauvé la
capitale des États héréditaires, Ernesto Montecuccoli conserva jusqu'à
sa mort la faveur de Ferdinand II. Audacieux, plein d'élan, victime
quelquefois de sa témérité, souvent de la négligence des ministres impé-
riaux, il forme avec son élève un vivant contraste, mais il était digne
de lui servir de maître. Avant de mettre au jour, dans la personne de
Raimondo, un véritable émule de Turenne, la famille Montecuccoli
avait en quelque sorte produit, avec Ernesto, une ébauche imparfaite de
Condé.
A partir de l'année 1625, la vie des deux cousins se passe sur les
mème^ champs de bataille. C'est le général Ernest qui fit alors entrer
498 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
Raimondo^ dans Tarmée impériale, en décidant qu*il servirait comme
simple soldat, tantôt dans Tinfanterie, tantôt dans la cavalerie et
dans Tartillerie. On les retrouve l'un et l'autre aux Pays-Bas, où le
premier, commandant du corps auxiliaire envoyé par Fenïpereur aax
Espagnols, se couvrit de gloire 3; en Silésie, et devant Magdebourg.
Raimondo se distingua à la prise de Neubrandebourg et de Kalbe et le
jeune capitaine eut l'honneur de présenter les clefs de ces deux forte-
resses à Tilly. Fait prisonnier à la bataille de Leipzig, il passa les six
mois de cette première captivité à Halle, pendant que le général
Ernest, rappelé à Vienne, présidait aux mesures jugées nécessaires
pour la défense de la capitale. A Lutzen, Raimondo, lieutenant-
colonel, se comporta vaillamment : il y reçut une légère blessure. Les
reproches qu'il adresse à Wallenstein dans son opuscule Des Batailles
empruntent une autorité nouvelle au rôle honorable qu'il joua dans
cette sanglante journée. Son admiration pour le héros suédois, enseveli
dans la victoire, s'est exprimée dans une ode dont on doit la publica-
tion à M. Gampori^. Cette curiosité littéraire et historique n'est pas
dépourvue d'intérêt ; mais, malgré quelques strophes animées d'un cer-
tain mouvement poétique et quelques beaux vers, on reconnaît que
Montecuccoli était encore plus capable d'imiter Gustave-Adolphe que
de le chanter. Les deux campagnes d'Ernest Montecuccoli en Alsace,
surtout la dernière (1633), où il ravitailla Brisach et fut blessé mortel-
lement dans une sortie, offrent un intérêt particulier : car elles se ratta-
chent de près aux événements qui devaient donner cette province à la
France.
Privé de son vaillant protecteur, Raimondo Montecuccoli continua à
faire son chemin tout seul. De 1634 à 1648, il ne quitta pas les armes
si ce n'est pendant sa seconde captivité. Sa biographie est étroitement
liée aux principaux faits de cette période de la guerre de Trente-Ans.
Les extraits de ses lettres inédites complètent les renseignements et les
appréciations contenues dans ses ouvrages didactiques sur l'art mili-
taire, notamment en ce qui concerne les batailles de Nordlingen (1634),
de Wittstock et les suivantes. Fait prisonnier à la bataille de Brandais
(1639), Montecuccoli, alors colonel, subit une captivité de trois ans,
qui arrêta momentanément son avancement militaire, mais qui exerça
la plus heureuse influence sur ses destinées ultérieures. Ce fait capital
est un de ceux que M. Gampori a le mieux éclaircis et qui méritait le
plus de l'être. La correspondance de Bolognesi et du duc de Modène
raconte les circonstances dans lesquelles Montecuccoli, victime d'un
1. Né le 21 février 1609, et non en 1608 comme on le croyait avant les
recherches de M. Campori.
2. Numguam res Ordinum pejori loco visx quam cum Ernestus Montecuc-
culus Batavéam premeret (Hug. Grotius).
3. Voy. Appendice, n* 3.
GAHPORI : RAIMONDO MOTTECCCCOLI. 499
général en chef incapable et de l'incurie du gouvernement vien-
nois, tomba au pouvoir des Suédois, et les longs efforts qui furent
faits par sa famille, par son souverain naturel et par l'empereur pour
obtenir sa mise en liberté. Ces tentatives aussi bien que le refus per-
sistant des Suédois attestent Testime singulière que ce colonel de 30 ans
inspirait déjà à ses deux patries et à l'ennemi. Les lettres de Monte-
cuccoli à Bolognesi nous le montrent prenant en patience le séjour de
Stettin, où il était interné, et cherchant dans la bibliothèque du palais
des ducs de Poméranie un refuge contre les ennuis de la captivité.
C'est alors qu'il revint, avec la maturité de l'expérience, aux études
militaires de sa première jeunesse, études interrompues par la vie des
camps, et qu'il se livra aux méditations fécondes qui devaient faire de
lui le premier tacticien de l'Allemagne. On a de lui la liste de 45 écri-
vains d'histoire et d'art militaires, latins, italiens, allemands, français
étudiés pendant sa captivité. A peine rendu à la liberté, il présenta à
Piccolomini, qui lui en avait fait la demande, un traité, aujourd'hui
perdu, où il exposait la tactique des Suédois dans les guerres précé-
dentes. C'est aussi pendant cette laborieuse retraite qu'il composa ou
prépara une partie des ouvrages qui sont arrivés jusqu'à nous et qui
ont fait sa réputation d'écrivain militaire.
Au sortir de captivité, Montecuccoli retourna en Italie et prit le com-
mandement des troupes du duc de Modène allié à d'autres princes
contre les Barberins. Le chapitre que M. Campori a consacré à cette
guerre de Nornantola, épisode de la guerre de Castro (1642-1643), ne
laisse rien à désirer sous le rapport de l'érudition. Il a donné
dans l'appendice (p. 552-556) un plan de campagne soumis au duc de
Modène : Sunto di proposte di R. Montecuccoli sut modo di trattar la
guerra de coUegati contro i Pontificii. Montecuccoli s'exerçait alors au
commandement en chef sur un théâtre secondaire, mais les opérations
dirigées par lui, malgré les tâtonnements des autres généraux italiens
confédérés, et la rédaction de ce document militaire témoignent d'une
précision et d'une prévoyance remarquables.
Les cinq dernières campagnes de Montecuccoli (1644-1648) pendant
la guerre de Trente-Ans sont peut-être celles qui avaient le plus grand
besoin d'études et de recherches nouvelles. Grâce aux extraits de la
correspondance de Montecuccoli et de Bolognesi avec le duc François I*»'
d'Esté, M. Campori aura, du moins, fourni de nouveaux matériaux sur
les faits suivants : passage frayé par Montecuccoli à travers l'ennemi,
après le désastre de Gallas sur les bords de l'Elbe et avant la destruc-
tion du reste de l'armée à Jùtierboch (25 novembre 1644); mission
auprès de l'électeur de Bavière; — marche à la tête des troupes
bavaroises dans la direction de Magdebourg, pour secourir Gallas
qu'il ne parvient pas à dégager; — circonstances qui atténuent la res*-
ponsabilité de ce général, si maltraité par Schiller, sans diminuer la
gloire de l'immortel paralytique; première campagne de Montecuccoli
en Silésie et en Hongrie, pendant laquelle il inquiète Torstensson vie-
200 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
torieux et contient les Transylvains rebelles ; marche contre Turenne
qu'il a la satisfaction de voir battre en retraite après Nordlingen et
auquel il enlève, de concert avec Gallas, hommes, canons et forteresses ;
— seconde campagne de Silésie contre Wittemberg savamment refoulé
par d'habiles marches (1646-1647); — résistance victorieuse à Wrangel
qui vient de surprendre le quartier impérial à une lieue d'Egra; — vic-
toire de TriebeP en Bohême (22 août 1647) attribuée au nouveau
général en chef Milander, mais due en réalité à la vaillance de Monte-
cuccoli et de Jean de Werth, deux lieutenants supérieurs à leur chef;
— pian stratégique proposé par Montecuccoli après la jonction des
Impériaux et des Bavarois et dont l'inexécution entraine la retraite de
Milander sur le Danube 3; — part importante prise à la bataille de
Susmarshausen (17 mai 1648), la dernière de la guerre^; résistance
énergique opposée aux Franco-Suédois après la mort de Milander;
exercice du commandement en chef au lendemain d'une défaite que
Montecuccoli avait empêchée de se convertir en désastre; — conduite
admirable de la retraite qui fut si vivement louée par Turenne et qui
sauva les États héréditaires.
Les rapports de Montecuccoli avec la reine Christine de Suède mon-
trent les talents diplomatiques, déjà éprouvés, de ce grand homme de
guerre. M. Gampori a consacré à ces relations un chapitre intéressant^
qui fait mieux connaître une des années les plus curieuses d'une vie
célèbre et plusieurs circonstances d'une abdication qui a tant occupé
l'histoire'. Montecuccoli quitta la Suède quelques jours avant la solen-
nelle renonciation de Christine à la couronne, mais il retrouva cette
princesse à Anvers ^ et plus tard il l'accompagna à Rome, en qualité
d'ambassadeur impérial. L'estime affectueuse dont Christine lui donna
tant de marques extraordinaires semble avoir été la réponse à l'admira-
tion sympathique que Montecuccoli avait vouée à Gustave Adolphe. Deux
Mémoires insérés par Arkholtz dans son ouvrage sur la reine de Suède
ont été attribués, non sans quelque vraisemblance, à Montecuccoli,
dont l'esprit curieux et investigateur s'est exercé sur toutes les grandes
nations que l'empire eut pour voisines et pour rivales.
Dans la guerre de Pologne et de Poméranie (1657-1660), Montecuccoli
devint général en chef de l'armée impériale; mais il fut obligé de se
soumettre au commandement suprême de l'électeur de Brandebourg
allié de l'empereur et généralissime des deux armées alliées. C'est par
1. Voy. sur cette bataille les détails tirés de la correspondance inédite de
Torresini avec le duc de Modène (p. 261).
2. Voy. p. 265.
3. Voy. la lettre de Montecuccoli an prince Mattia de' Medici, 20 mai 1648
(j). 268 à 269).
4. Seconde partie, chapitre i*% p. 277-322.
5. Voy. les lettres de Montecuccoli au prince Mattia de' Medici. Upsal, 27 février
et 13 mars 1654.
6. Voy. lettre au même. Anvers, 22 septembre 1654.
CIMPORI : RilMOIfDO HONTECUCCOLI. 204
suite de cette subordination des Impériaux au grand électeur que Fré-
déric II attribue à ce prince des entreprises et des succès qui appar-
tiennent en propre au général de l'Empire et à ses lieutenants. Les
lettres au prince Mattia de' Medici permettent de rectifier en partie ces
erreurs et donnent de nouveaux détails sur les campagnes de Monte-
cuccoli dans le Holstein, en Danemark, en Poméranie, où l'insubordi-
nation du général de Souches lui créa de nouveaux obstacles, sans
l'empêcher de conquérir une partie de cette province.
La guerre contre les Turcs (1661-1666) et les campagnes contre
Turenne (1672, 1673 et 1675) sont connues de tout le monde. Les
ouvrages de Montecuccoli sont d'ailleurs, avec les Mémoires de Turenne
lui-même, la meilleure autorité sur cette matière. Toutefois M. Gampori
a pu encore ajouter ou préciser bien des détails, grâce aux correspon-
dances de Montecuccoli, de Federici, du président Arese et du père
Carlo Antonio Montecuccoli*, aux Avvisi de Blanchi et à un écrit intitulé :
Riposta del cavalière Borgognone alla replica fattagli da un' amico sopra
la Uttera di Basilea^. Il donne de la dernière et de la plus fameuse cam-
pagne de son héros une idée plus favorable encore que les historiens qui
l'ont précédé. Les témoignages contemporains montrent l'injustice dont
la profonde stratégie de Montecuccoli est l'objet à Vienne, l'insuffisance
des moyens mis à sa disposition, le mauvais vouloir et les trahisons
dont il triomphe à force de prévoyance et de génie, la généreuse impa-
tience qu'il éprouve de se mesurer avec Turenne, dont il a mis en
défaut la perspicacité et la tactique dans une campagne précédente, les
manœuvres savantes et les ruses qu'il emploie pour l'entraîner à une
attaque périlleuse. Du récit de notre auteur il semble résulter que Mon-
tecuccoli aurait eu l'avantage sur Turenne dans cette campagtie.
M. Gampori se donne, il est vrai, la satisfaction trop facile de réfuter
les assertions oratoires de Fléchier et du jésuite Tournemine, qui pré-
tendent que Turenne, au moment où il fut frappé à mort, allait rem-
porter une victoire éclatante. Mais, ce qu'il démontre, c'est que son
héros avait l'opinion contraire et plusieurs faits paraissent le justifier.
Non seulement Montecuccoli avait arrêté l'invasion de Turenne en
Allemagne après la campagne de 1674, désastreuse pour les Impériaux,
mais c'est lui qui avait choisi la position de Salsbach et forcé Turenne
à l'y suivre. La mort même de Turenne, qui fut en réalité le plus
grand avantage remporté par les Impériaux, serait due en partie à la
position difficile où Montecuccoli aurait amené l'armée française, à l'em-
placement choisi par lui-même pour ses batteries, peut-être à des
ordres précis donnés au moment même avec un coup d'oeil redoutable.
Enfin la retraite précipitée des Français après la mort de Turenne et la
1. Le P. Carlo Antonio Montecuccoli accompagna son illustre parent dans la
campagne de 1675.
2. Voy. le récit inédit du combat d'Altenbeim par Borgognone «t par Blanchi
{Avoisi) et deux rapports de Montecuccoli sur le même sujet.
202 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
suite de la campagne sont autant d'arguments en faveur de Montecuc-
coli. Toutefois M. Gampori ne répond pas d'une manière satisfaisante
à la critique stratégique formulée par Feuquières, qui reproche à Mon-
tecuccoli de s'être borné à poursuivre les Français, au lieu de les
couper de l'Alsace et de la Franche-Comté, en passant le Rhin rapide-
ment sur leurs derrières ou sur leur flanc. L'avantage qu'il croit tirer
de la bataille ofiferte à Cîondé et refusée par celui-ci est plus apparent
que réel. Les extraits mêmes des documents qu'il a compulsés attestent
que si, à Vienne, on se faisait illusion sur la force de Tarmée impé-
riale, Montecuccoli appréciait celle-ci à sa véritable valeur, en démon-
trant à son souverain la nécessité de la retraite. Le triste état des Impé-
riaux lorsqu'ils eurent repassé le Rhin, les pertes énormes qu'ils
subirent par les maladies et les privations, toutes les circonstances
désolantes que M. G. nous révèle d'après les originaux, justifient plei-
nement la résolution finale du généralissime, mais prouvent aussi que
les avantages obtenus dans cette campagne n'étaient nullement décisifs.
La sage temporisation de Gondé avait été plus fatale à ses adversaires
que l'acceptation d'un défi dont le vainqueur de Rocroy et de Nordlingen
pouvait assurément dédaigner la bravade sans s'exposer au soupçon de
timidité.
Si M. Gampori n'admire pas trop son héros, il néglige parfois ceux
qui, pour avoir été les heureux émules de Montecuccoli, n'en sont que
plus admirables à leur tour. Le sentiment patriotique qui l'anime et
auquel nous avons rendu un légitime hommage, l'entraîne à des appré-
ciations partiales ou exclusives, à des omissions regrettables, à des
réhabilitations douteuses. Assurément le rôle des généraux italiens
dans la guerre de Trente- Ans est considérable, la malveillance dont ils
ont été l'objet de la part d'une partie des conseillers des empereurs
Ferdinand II, Ferdinand m et Léopold est prouvée par de nombreux
témoignages, notamment par ceux que M. Gampori a eu le mérite de
mettre au jour. Mais tous les généraux italiens ne sont pas des Monte-
cuccoli ou des Piccolomini. M. Gampori est bien indulgent pour Gonti,
Golloredo, GoUalto, dont il ne parle qu'incidemment, mais toujours
avec éloges. Quant à Gallas, qu'il appelle Galasso, non sans raison,
nous ne lui contesterons pas le droit de le revendiquer pour l'Italie, bien
que ce général, né sur un territoire soumis depuis longtemps à la
maison d'Autriche et sur les frontières des pays de langue italienne,
nous paraisse d'une nationalité assez indécise pour qu'on puisse lui
laisser sans inconvénient l'autrichienne. Mais ses talents militaires ne
permettent pas de le placer au rang élevé que M. G. lui assigne trop
souvent, et les désastres qui ont signalé la fin de sa carrière effacent en
grande partie l'éclat de ses premiers succès. Quant à Piccolomini lui-
même, M. Gampori pousse trop loin la confraternité italienne lorsqu'il
prétend justifier entièrement le rôle peu honorable que joua ce général
dans la catastrophe de Wallenstein; d'autres historiens, appartenant
à la même nationalité que notre auteur, ont été moins indulgents.
CIHPORI : BIIMOTCDO MONTECUCCOLI. 203
L'emploi exclusif des témoignages italiens n*est pas sans inconvénient :
les contemporains n'ont pas toujours été justes et impartiaux. Bolo-
gnesi, si sévère pour la cour de Vienne, si prompt à dénoncer toutes
les injustices et tous les mauvais vouloirs dont ses compatriotes sont
victimes, a parfois attribué à une seule cause bien des faits qui provien-
nent de plusieurs. L'incurie de la cour de Vienne n'a pas toujours été
volontaire et l'abandon dans lequel elle a laissé trop souvent ses armées
et ses généraux s'explique autant par l'absence d'institutions militaires
permanentes, raffaiblissement de l'autorité impériale, la pénurie des
finances, la légèreté des souverains et des ministres, que par la mal-
veillance systématique des courtisans allemands vis-à-vis des généraux
italiens. Tilly, Hazfeld, Milander, Jean de Werth n'ont pas été mieux
traités par elle que Piccolomini, Montecuccoli et Gallas; et si Wallens-
tein a été constamment muni de ressources plus régulières, c'est que
ce général, comme chacun sait, pourvoyait de lui-môme au recrute-
ment et à l'entretien de son armée, dont il était le maître exclusif.
En dehors des sources italiennes, M. Campori parait avoir consulté
de préférence, parmi les ouvrages de seconde main, ceux de langue et
d'origine allemandes : de là peut-être sa sévérité pour la France et les
généraux français. Les guerres qui ont fait la gloire de Montecuccoli
sont des guerres européennes, et la France y a pris une part assez
grande pour mériter d'être, à son tour, entendue. En Allemagne même,
les auteurs cités par lui ne sont ni très nombreux, ni toujours très
compétents sur la matière.
L'auteur, il est vrai, n'a pas voulu faire autre chose qu'une biogra-
phie, et il faut lui tenir compte du but qu'il s'est proposé et qu'il a su,
à tant d'égards, heureusement atteindre. Toutefois, quand il s'agit
d'un des plus grands généraux des temps modernes, il est bien difficile
de ne pas exiger du biographe une certaine compétence militaire. Il ne
suffit pas d'indiquer ou de raconter les opérations des armées, il faut
encore les expliquer et les rendre, autant que possible, intelligibles au
lecteur. En dehors de tout caractère didactique ou technique, la biogra-
phie d'un général doit nous mettre à même de le suivre sans trop de
fatigue, et surtout sans obscurité, sur tous les théâtres où l'auteur nous
transporte après lui. Avec Montecuccoli, cette obligation est d'autant
plus impérieuse que le nombre des campagnes est plus considérable,
le champ de bataille plus étendu, et les opérations plus compliquées.
Si l'on songe que Montecuccoli a été pendant 50 ans au service, qu'il a
porté ses armes depuis les confins de la Transylvanie jusqu'aux fron-
tières occidentales des Pays-Bas et de l'Alsace, depuis le duché de
Modène jusqu'aux rivages de Fionie, de la Poméranie et de la Basse-
Vistule; qu'il a de plus, surtout dans la première période de sa vie,
été déplacé constamment par les ordres d'un gouvernement indécis,
inquiet, presque toujours malheureux, et jeté dans les complications
inextricables d'une des guerres les plus longues et les plus confuses qui
aient jamais été, on s'étonnera à bon droit que son historien n'ait pas
204 COMPTES-BBNDUS CRITIQUES.
cru devoir éclairer le récit par des cartes géographiques et topogra-
phiques; on regrettera qu'il n'ait pas mis plus de précision dans
la description des champs de bataille et môme dans l'exposé des
marches stratégiques. Ce défaut rend la lecture de certains chapitres
difficile et enlève à beaucoup d'assertions une grande partie de leur
force. Les armées dont parle notre auteur, à commencer par celle de
Montecuccoli, restent dans des positions vagues et incertaines, dans
des provinces fort étendues, près d'une ville, d'un fleuve^ rarement sur un
emplacement bien déterminé. Nous les voyons se transporter brusque-
ment à de grandes distances, sans nous rendre compte des obstacles qui
ont entravé ou relardé leurs mouvements. Bien des problèmes restent
sans solution, surtout dans les premières campagnes de Montecuccoli ;
et, si l'on doit féliciter M. Gampori de la franchise avec laquelle il en
fait l'aveu, on peut regretter que des études plus patientes sur le terrain
même ne l'aient pas mis à même d'en diminuer le nombre. La compo-
sition du livre et surtout des chapitres est aussi parfois défectueuse :
l'attention, dispersée sur trop de faits secondaires, languit ou se partage
entre le récit militaire et des détails biographiques qui n'intéressent
pas toujours l'histoire de Montecuccoli, mais seulement plusieurs mem-
bres assez obscurs de sa famille. Enfin bien des documents restent
encore à explorer ou à rechercher. Dans le nombre il en est dont
M. Gampori connaît ou nous révèle l'existence. Ainsi il signale une
vie de Montecuccoli publiée à Vienne en 1792 ou 1802 et qu'il n'a pas
eue à sa disposition. Quoiqu'il soit assez probable que cet ouvrage n'ait
pas une grande valeur, il est fâcheux que le nouveau biographe de
Montecuccoli n'ait pu en faire l'examen. Il parle à plusieurs reprises
des Archives militaires de Vienne , mais ne paraît pas avoir étendu
jusque-là ses savantes recherches. D'une manière générale, on peut
dire qu'il s'est trop exclusivement limité à l'étude des documents italiens
pour que son livre ne présente pas d'inévitables lacunes.
Tel qu'il est, l'ouvrage, avec les renseignements nouveaux qu'il
fournit sur une foule de faits de l'histoire militaire, contient d'impor-
tantes révélations sur la mauvaise administration de la cour de Vienne,
sur la jalousie et les petites conspirations auxquelles Montecuccoli fut
exposé môme lorsqu'il était arrivé au comble de la gloire. La corres-
pondance de Bolognesi, de Torresini et des autres agents de la maison
d'Esté nous dépeint sous des traits énergiques et parfois nouveaux les
empereurs d'Allemagne Ferdinand H, Ferdinand in, Léopold et leurs
ministres, notamment Auersperg, Lobkowitz et Sinzendorf. Si les rela-
tions des ambassadeurs piémontais d'une autre époque font descendre
Philippe II de son piédestal, celles de Bolognesi ramènent à de plus
modestes proportions la figure de Ferdinand U, ce Philippe II de
l'Allemagne. On voit dans ces dépêches quotidiennes à quel point le
fanatisme s'alliait chez ce prince à la légèreté, à la frivolité, à l'insou-
ciance des plus graves affaires. Sa constance tant célébrée dans les
crises périlleuses que la monarchie autrichienne traversa pendant son
VON OLLECH : GBSCHICHTB DBS FELDZUGBS VON 4845. 205
règne semble n'être plus qu'une illusion des historiens, qui de loin ont
confondu Tindifférence avec le sang-froid et Tapathie avec la grandeur
d'âme. Le mirage de l'éloignement, qui prête tant de prestige à cer-
taines majestés silencieuses, se dissipe encore une fois devant les obser-
vations précises et toujours clairvoyantes de la diplomatie italienne.
En outre, l'ouvrage de M. Campori, malgré ses imperfections
littéraires, laisse de son héros une assez forte impression. Si notre
auteur n'a pas étudié avec assez de persévérance le génie militaire de
Montecuccoli, il nous donne une idée très nette de son caractère.
L'unité admirable de la vie de ce grand homme, sa fidélité inaltérable
à ses devoirs militaires et politiques, sa patience à toute épreuve
devant les courtisans comme devant l'ennemi, son désintéressement, sa
vertu rélèvent au-dessus des égaux qu'il a trouvés sur le champ de
bataille. Le dualisme, que nous avons signalé au début dans le patrio-
tisme de Montecuccoli, loin de Tamoindrir, n'a fait que lui créer une
plus haute situation morale. Ayant ajouté au devoir que lui imposait
sa naissance vis-à-vis des ducs de Modène un devoir nouveau >is-à-
vis de l'empereur, il a été assez honnête pour se proposer toujours
l'accomplissement de l'un et de l'autre et assez habile pour y réussir,
malgré l'antagonisme résultant des circonstances et de l'opposition des
intérêts. Non seulement il n'a trahi aucune de ces deux causes, mais
il a su encore échapper à la pénible obligation de choisir entre deux
patries qui lui étaient également chères. Les ducs de Modène s'effor-
cèrent à plusieurs reprises de le détacher de l'empire : malgré les passe-
droits dont Montecuccoli eut plus d'une fois à se plaindre, ils n'y réus-
sirent pas. Mais lorsque le duc de Modène fut entré dans l'alliance
française et que les Espagnols proposèrent de le dépouiller de sa cou-
ronne pour la donner à Montecuccoli, ce projet échoua devant la loyauté
du général. En Allemagne, Montecuccoli n'eut jamais de visée.s parti-
culières et ambitieuses, il pratiqua dans toute sa rigueur l'obéissance
militaire; et, s'il se montra sévère dans le maintien de la discipline, il
en donna lui-môme le plus haut exemple. C'est par son dévouement
inaltérable à un prince qui n'était pas son souverain naturel et qu'il
eût pu abandonner sans félonie que le vainqueur de Saint-Gottard
l'emporte incontestablement sur Gondé et sur iSirenne lui-même.
J. Arminqaud.
Oeschichte des Feldzages von 1815, von General der Infanterie
VON Ollech. Berlin, Mittler. In-8®, 407 p.
Ce précis de la campagne des Prussiens de 1815 est extrait d'une
œuvre plus considérable, — la biographie du général de Reyher. L'au-
teur a consulté des documents inédits et on trouve dans son travail,
tout technique, les qualités de précision et de critique minutieuse du
détail qui distinguent les écrivains militaires prussiens. Un très grand
nombre de pièces sont insérées à leurs dates dans le corps du récit.
206 RECUEILS PJaiODIQUBS.
RECUEILS PÉRIODIQUES ET SOCIÉTÉS SAVANTES.
I. — Revue des Questions historiques, l**^ juillet. — Gh. Gêrin.
La mission de M. de Lionne à Rome en 1655 ; conclave d'Alexandre VU ;
procès du cardinal de Retz (montre, contrairement à M. Yalfrey, que
Lionne dans cette circonstance ne montra aucun talent; c il rapporta
d'Italie des préventions et des haines injustes qui contribuèrent, lorsqu'il
devint ministre, à éloigner Louis XIV du saint siège »). — L'abbé P.
MuRY. La bulle Unam Sanctam (cherche à établir qu'elle est f nulle
sous le rapport canonique, nulle sous le rapport dogmatique, et cela
par la raison péremptoire qu'elle est apocryphe»). — Gust. A. Prévost.
Les invasions barbares en Gaule au v« s., et la condition des Gallo-
Romains (adopte sur ce dernier point les vues exposées ici même par
notre collaborateur M. J. Havet, en opposition à la doctrine de M. Fus-
tel de Goulanges). — L. de Mas-Latrie. Les comtes de Jafifa et d'Asca-
lon du xii« au xiv« s. — H. de L'Epinois. Un singulier exemple de
critique historique : M. Wohlwill et les mss. de Galilée. — Comptes^
rendus : Hervieu, Recherches sur les premiers états généraux et les
assemblées représentatives pendant la première moitié du xiv« s. (bon).
— Drouyn. Variétés girondines (décrit l'ancien diocèse de Bazas, pour
faire suite aux Variétés bordelaises de l'abbé Beaurein). — Lasserre.
Recherches historiques sur Alet et son ancien diocèse (estimable).
II. — Revue des Documents liistoriques. Avril 1879. — Voyage
du prince de Dombes; suite. — Ck)ndamnation d'un soldat pour blas-
phème, en 1631. = Mai. Lettre du cardinal de Bourbon, petit-neveu du
cardinal que les Ligueurs choisirent pour roi en 1589, et son successeur
sur le siège archiépiscopal de Rouen ; il parle des démarches qu'il a dû
faire auprès de Henri IV pour faire transporter le corps du cardinal défunt
à la chartreuse de Gaillon. — Lettre du prince Jules de Polignaç à son
père, le 2 avril 1815, sur la chute de la première restauration. — Quittance
par Bénigne de Saint-Mars, gouverneur de Pignerol, c de la somme de
cent livres, pour le bois et chandelle pour chambres de monsieur Fou-
quet et cors de garde pour le mois de juin de la présente année 1666 ».
— Lettre de Frédéric-Guillaume El, roi de Prusse, à Charles X, à
propos de son couronnement, 7 mai 1825 (t Le couronnement de V. M.
met le dernier sceau à la Restauration, que le besoin et les vœux de
l'Europe et de la France appelaient également... »). — Lettre de félici-
tation d'Alberoni au Régent, au nom de Philippe V, 16 sept. 1715. —
Lettre du maréchal Brune à Davoust, ministre de la guerre, sur l'état
des esprits à Marseille, en 1815.
ITT. — Bibliothèque de TÉcoledes chartes. — E. Berqbr. Annales
REGOEILS PERIODIQUES. 207
de Saint-Denis, généralement connues sous le titre de Chronicon Sancti
Dionysii ad cyclos paschales (publie intégralement, d*après le ms. 309 du
fonds de la reine Christine, deux séries de notes bien distinctes dont le
texte a été imprimé en partie dans le Spicilegium de Dachery et les
Miscellanea ms, bibliothecae S. Germani Pahsiensis de Durand). — Fodr-
nier. Étude diplomatique sur les actes passés devant les ofBcialités au
xni* s. (cette étude, présentée comme thèse de FËcole des chartes, a été
très remarquée par les juges chargés de l'examiner). — R. de Mauldb.
De lorigine des Dindons (publie un doc. antérieur à 1491, où il est
question de volatiles de ce nom : « deux poules d'Ynde qu'estoient à
Marseille •). — Bibliographie : Menéndez Pelayo. Arnaldo de Vilanova;
ensayo histôrico (bon). — L'imprimerie en Bretagne au xv« s. ; étude
sur les incunables bretons. — Mûhlbacher. Die Datirung d. Urkunden
Lothars I (conclusions en général acceptables). — Duhamel. Charte et
statuts de Châteauneuf de Gadagne. — Fournel. Les rues du vieux
Paris (livre très érudit pour le fond, très attrayant pour la forme et les
illustrations). — Livres nouveaux.
IV. — Revue critique. N® 24. — Favre. La confédération des huit
cantons (bon). = N* 26. Donneau- Avenant. La duchesse d'Aiguillon
(estimable, malgré des taches nombreuses). — Variétés : Gazier. Les
ancêtres de Colbert (nie la prétendue noblesse du grand ministre). =
N* 27. Duruy. Mémoire sur les Tribuni militum a populo. Mémoire sur
la formation historique des deux classes de citoyens romains désignés
sous le nom d'honestiores et d'humiliores (excellentes monographies) . ^
N® 28. Hirschfeld. Lyon in d. Rœmerzeit (incomplet). — Hegel. Ueber
d. histor. Werth d. œlteren Dante-Gommentare (important pour l'étude
du texte de Dino Clompagni). = N" 29. Fustel de Coulanges. Recherches
sur le tirage au sort appliqué à la nomination des archontes athéniens
(excellent). — WUrz. De mercede ecclesiastica Atheniensium (fort
estimable). — C. Schxffer. De scribis senatus populique Atheniensium
(bon). — Variétés : La société pour l'étude des questions d'enseignement
supérieur (art. important). =N«30. Wiiche. Les Albigeois devant l'his-
toire (sans valeur). — Douais. Les Albigeois, leur origine, l'action de
l'Église au xii* s. (médiocre, malgré un grand étalage d'érudition qui
n'est pas toujours de bon aloi).
V. — Revue archéologique. Janv. 1879. — Prost. Le monument
de Merten (fin en fév.). — Héron de Villefosse. Sur un nouveau
fragment des Acia triumphorum capitolina (ce fr., découvert à Rome en
oct. 1878, fournit la série des triomphes qui eurent lieu de 644 à 650).
— MiîNTz. Collections italiennes d'antiquités depuis les débuts de la
Renaissance jusqu'à la mort de Paul II (fin en fév.). ^ Mars. Bompois.
Diobole inédit du tyran Satyros (prouve que Satyros fut un des dynastes
d'Heraclea en Phrygie; importantes remarques sur le droit de frapper
monnaie dans l'antiquité). — Aube. Le Christianisme de Marcia, favorite
de Commode (résout la question par l'affirmative). — Mazard. L'âge
208 RECUEILS PERIODIQUES.
du bronze en Gaule (suite en mai). = Avril. Mordtuamm. Inscriptions
byzantines de Thessalonique. — Lebèoub. Remarques nouvelles sur
Toracle d'Apollon cynthien à Délos. = Mai. Mordtmann. Monuments
relatifs au culte dlsis à Cyzique. — Héron de Yillefosse. Deux nou-
velles bornes milliaires de l'empereur Postume (la première, trouvée à
Prégilbert dans l'Yonne, paraît à l'auteur dater de 258 ou 259; la
deuxième a été découverte à Entrain dans la Nièvre). — Barry. Le
culte des génies dans la Narbonnaise, à propos d'un autel votif récem-
ment découvert à Narbonne. — Miller. 6 inscriptions grecques de
Thasos.
VI. — NoaTelle Revue historique de droit. N« 3. — Booisic.
Aperçu des travaux sur le droit coutumier en Russie. — Klipffel.
Etude sur le régime municipal gallo-romain (suite).
Vn. — Revue générale du droit. 3« livr. — Sumner-Maine. De Tor-
ganisation juridique de la famille chez, les Slaves du Sud et chez les
Raijpoutes; suite. — Labatut. L'édit des Ediles : la vente des esclaves.
— GuTZARD. Michel de l'Hospital; fin.
YIII. — Journal des Savants. Juillet. — Hanotaux. Étude sur des
maximes d*Etat et des fragments politiques inédits du cardinal de
Richelieu. Authenticité de son testament politique (l*'art., où l'auteur
établit Tauthenticité de ces maximes d'État, et prouve qu'il faut les
attribuer à Richelieu). — F. de Goulamqes. La question de droit entre
César et le Sénat (à propos de la thèse de M. Guiraud, sur le différend
entre César et le Sénat ; il conclut que nous ne pouvons affirmer si
la légalité, c'est-à-dire la lettre de la loi, était pour César ou contre lui;
rend d'ailleurs justice au travail de M. G., qui a au moins le grand
mérite d'avoir démontré l'inexactitude des théories de Mommsen et de
Zumpt).
IX. — Revue des Deux-Mondes. 15 juin. — Mémoires de Madame
de Rémusat, 1802-1808 ; suite dans les n^* suivants (Madame de Rému-
sat, née Gravier de Vergennes, fut dès 1802 attachée à Joséphine,
femme du premier Consul, comme « dame pour accompagner Madame
Bonaparte ». Ces fonctions lui permirent de voir de près la nouvelle
cour, surtout de connaître, jusque dans l'intimité, le futur maître de
la France. De bonne heure, elle prit l'habitude de noter sur le papier
ce qu'elle voyait ou entendait dire d'intéressant; malheureusement elle
crut devoir brûler ces notes en 1814. Aussitôt après, à la prière de son
fils, elle commença la rédaction de ses mémoires. Publiés aujourd'hui
pour la première fois, par son petit-fils, ces mémoires sont du plus haut
intérêt. La physionomie de Bonaparte y est retracée avec une grande
sincérité de pinceau. L'épisode de la mort du duc d'Enghien, raconté
dans le n* du l"* août, est très pathétique; le témoignage de Madame
de Rémusat est accablant pour Bonaparte. Elle affirme ses relations
incestueuses avec ses sœurs). — Max. du Camp. La commune à l'Hôtel-
de Ville. III : les administrateurs. IV (!«' juillet) : les libres-penseurs.
RBCUBILS P1ÎRI0DIQUB8. 209
V. (15 juillet) : les soldats. VI. (!«' août) : la revendication (fin de
cette importante étude). — Jurien de la Gravière. La marine de
Tavenir et la marine des anciens; suite. Vil : Aegos potamos. =
15 juill. Eug. Melchior db Vogué. La révolte de Pougatchef, d'après
Pouchkine. — Louandre. Les origines de la magistrature française. :=
1«' août, Janet. Le Globe de la Restauration et P. Fr. Dubois.
X. — Le Correspondant. 10 juin. — Thureau-Danqin. L'Église et
rÉtat sous la monarchie de Juillet : II, avant la lutte, 1830-1841 ; suite,
voy. 10 juillet : III, les commencements de la lutte pour la liberté de
renseignement. — Léo Quesnel. Le prince Albert (d'après le 4« vol. de
M. Théod. Martin). — L'abbé Sigard. La question de l'enseignement
et les congrégations religieuses au dernier siècle. — Pautrier. Les
Mirabeau et leur historien. = 25 juin. Gh. de Lagomre. Le comte de
Serre; suite, voy. 10 juill. — Duc d'Almazan. La guerre d'Italie (1859) ;
suite : Magenta (rejette sur l'empereur seul tout le décousu de cette
journée qui, en face d'un ennemi mieux dirigé, aurait sans doute été
désastreuse pour les Français). = 10 juillet. Fournier. Le patriote
Palloy et les vainqueurs de la Bastille; suite. = 25 juillet. Bouillet.
Le rétablissement du culte en 1797.
XL — Revue de France. 15 juin. — Ch. Nisard. Guillaume du
Tillot, ministre des infants, ducs de Parme, don Philippe et don Fer-
dinand. Sa disgrâce, sa chute et sa mort (1749-1771); fin le 15 août.
= l*»" juillet. Les tribulations de l'alliance anglo-française sous Napo-
léon III, 1857-1860 (montre d'après les documents contenus dans le
4« vol. de la vie du Prince Albert, par M. Th. Martin, que la guerre
de 1870 était en germe dans les rêveries dont l'Empereur entretenait
déjà l'Angleterre en 1857). — L. de Bouille. L'avancement dans l'armée
avant 1789. = 15 juillet. Ferd. Delaunay. Le grand secret dans l'Église
chrétienne au l»' siècle; suite le 1" août. — Imdert de Saint- Amant.
Les Tuileries depuis 1815; suite. — G. d'Orcet. Les Albanais et leur
rôle dans l'histoire. := i^^ août. Les alliances politiques de Frédéric le
Grand.
Xn. — Le Spectateur militaire. 15 juillet 1879. — Souvenirs
d'un officier du 5« corps, armée d'Italie, 1859. — Histoire de la guerre
d'Orient (1875-78); suite. — A. de Lort-Sériqnan. Guillaume III,
suite; avec cartes.
XIII. — Revue du Danphiné et du Vivarais. N* 3. — D' Ul.
Chevalier. Comptes de la maison d'Henri lU, roi de France (dépenses
du 15 janv. 1575 à Romans). — Le chanoine Ul. Chevalier. Notice
chronologico-his torique sur les archevêques de Vienne.
XIV. — Revue du Lyonnais. Mai-juill. — Du Puitspelu. Le tes-
tament d'un Lyonnais au xvii* s. ; suite.
XV. — Revue de Gascogne. Mai. — L*abbé Ducruc. Gabarret; le
prieuré et la ville ; vicaires et curés. — T. de L. Une lettre de la
ReV. HlSTOR. XI. l" FASC. 14
240 ISGUBILS PERIODIQUES.
duchesse d*Étampes sur Tévêché de Gondom. — De Ga&saladb du Pont.
Maintenues de noblesse; suite. =s Juill. T. de L. Bertrand d'Ëchaos,
évêque de Bayonne. ~ Pueux. Emm. de Gugnac, dernier évoque de
Lectoure (1772-1800); fin.
XYl. — Chroniques da Langaedoc. Mai et juin. -^ Le maréchal
de Richelieu à Montpellier (suite de Tinventaire; pièces relatives au
transport du mobilier, au paiement des dettes du maréchal). — Corres-
pondance de d. Bourotte avec Joubert, syndic général de la province^
relative à la continuation de Thistoire du Languedoc (1762-1773). —
Procès-verbal de la visite du cardinal d'Auvergne, archevêque de
Vienne, dans la ville d'Annonai, en 1741. = Juill. Démolition des
églises dans le Pkis-Languedoc, en 1621, par les réfugiés. — Les hôte-
liers après la révocation de 1 edit de Nantes. — TnéNARD. Les petites
écoles au xviii* s. — Les frais funéraires au xvn* s. — État financier du
Languedoc en 1715, avec un état des charges qui ont été imposées à
cette province depuis 1644, et des emprunts faits pour fournir au roi
les sommes qui n'ont pu être imposées. — Gabié. Relation originale
sur la conférence de Yerfeil (1595 ; cette conférence mit fin à la ligue
dans le Languedoc, en préparant les conditions auxquelles Joyeuse fit
sa soumission à Henri lY). — FALOAiROLLE.'Le château et la baronnie
de Vauvert; fin. — Origines littéraires de Florian; lettres inédites du
conseiller de Florian, son grand-père, en 1740. — D. de Thézan. Olar-
gues dans le passé. — A part : Voyage de Charles IX en France, par
Abel Jouan ; notes.
XVII. — Bulletin de la Société de l'Histoire de France.
1878. — Comptes d'une dame parisienne sous Louis XI (1463-1467),
d'après un ms. des archives du M** de Nicolay, p. p. M. de Boislislb.
— Translation des reliques du doge Orseolo I, de France à Venise,
document p. p. M. de Mas-Latbie. — Quittances de Pierre de Bayard,
p. p. M. RoBiAN. — Etienne de Vesc, sénéchal de Beaucaire, notice par
M. DE BoisLisLE. = 1879. Rapport du secrétaire de la société. L'exercice
1879 comprend le t. II de la Chanson de la Croisade œntre les Albigeois,
p. p. M. P. Meyer; le t. II des Extraits des Auteurs grecs^ p. p. M. Cou-
gny; le t. I des Mémoires de Nicolas Goulas, gentilhomme ordinaire de
Gaston d'Orléans; le t. Ude la Chronique de Jean Lefèvre de Saint-Remy,
p. p. M. Morand. — Compte-rendu : Margry, Mémoires et découvertes
pour servir à l'histoire des origines françaises des pays d'outremer.
Découvertes et établissements des Français dans TO. et le S. de TAmé-
rique septentrionale (1614-1698). 2 vol. (publication importante).
XVIII. — - BuUetin de la Société de l'histoire da protestan-
tisme français. 15 juil. — Duval. Les écoles protestantes d'Alençon.
— Reuss. Catalogue des Franç^ais qui sont bourgeois de la ville de
Strasbourg (1553). —Lettre deThéod. de Bèze à Marguerite de France,
duchesse de Savoie (1573). — Mémoire sur les religionnaires (1752). —
F. de ScmcKLSR. Servet et son récent historien (publie une lettre où
EBCÏÏEILS PERIODIQUES. 2H
M. Tollin donne la bibliographie détaillée des livres et articles qu'il a
consacrés à M. Servet).
XIX. — Bulletin archéologique et historique de Tam-et-
Garonne. T. VII, 1« trim. — Abbé Galâbert. Chronique manuscrite
du XVII* s. (prise de Caylus par les huguenots, en 1562). — Les armoiries
de la ville et du château royal de Caylus. — Mgr. Barbier de Montault.
Inventaire du pape Paul IV en 1559 (traduction de l'original italien
retrouvé par M. Bertoiotti, dans les papiers du fisc; montre le goût
particulier du pape pour les pierres précieuses et les objets de luxe). —
PoTTiER. Les armes de la ville de Grenade-sur-^jaronne.
XX. — Bulletin de la Société archéologique, scientifique et
littéraire de Béziers. 2« sér., t. IX (2* livr.). — Maffre. Étude sur
le poème roman de la croisade contre les hérétiques albigeois (résumé
du travail de M. Meyer et discussion de celui du P. de Smedt). — Id.
Notices biographiques sur les principaux chefs de la croisade contre
les hérétiques albigeois (travail de seconde main). — Louis Noouibr.
Inscription juive de Béziers (inscription de l'an 1121, avec une repro-
duction photolithographique). — Séance publique pour la distribution
des prix du concours de l'année 1878; rapport sur le concours des
mémoires historiques et monographies locales (histoire de Tabbaye de
Guxa^ par M. l'abbé Font). — Chronique archéologique (sépultures
mérovingiennes près de Béziers; inscription romaine; note sur l'église
de Sérignan et sur celle de Gapestang; planches). — Arrêts de règle-
ment du consulat de Béziers, en 1633 et 1658.
XXI. — Revue des Sociétés savantes des départements.
T. VIII. Juin. -août 1878. — Finot. Affranchissement des habitants de
Rupt, par Jehan, seigneur du dit lieu et d'Otricourt (20 juin 1443). —
QuANTiN. Approbation par Thibaud de Champagne, d'un échange d'hé-
ritages fait entre Gilles de Yillenauxe et Tabbesse de la Pommeraie
(1247; en langue vulgaire). — Soucaille. Contrat pour l'établissement
d'une fontaine à Béziers, en 1247. — Alart. Certificats de conversion
et de bonne conduite de divers juifs (1371-1377). — Dupré. Règlement
des indemnités dues aux sujets du comte de Blois pour les réquisitions
de guerre qu'ils avaient supportées à Toccasion de la bataille de Poitiers
(12 janv. 1357). — Fondation de l'abbaye de Loc Maria (xi« s.). — Ché-
ruel. Lettre de Henri II de Bourbon à son fils, Louis II, le grand
Condé, 11 sept. 1644.
XXII. — Académie des Sciences morales et politiques. Compte-
rendu, 5« et 6* livr. — VurrRV. Les monnaies sous Philippe le Bel et
ses trois fils; suite dans la 7« livr. (réagit contre la doctrine de M. de
Baulcy qui se refuse à croire que Philippe le Bel ait fabriqué de fausse
monnaie, et montre qu'en réalité le roi, sans rogner les pièces, leur
attribua arbitrairement une valeur de compte plus ou moins grande
suivant ses besoins). — A du Chatellier. L'église pendant la Révolu-
tion ; suite dans la 7* livr. — Bouillier. De l'Institut et des Académies
242 lECTEÎLS pfftlODlQCIS.
de province (parle des lettres patentes et des privilèges des anciennes
académies). — Levasseur. De la valeur des monnaies romaines ; suite
(de la puissance de Targent en Egypte et en Grèce, avec deux listes de
prix, indiquant le rapport probable de la valeur actuelle avec la valeur
paKftéc* des marchandises). = 7« liyr. Giraud. Notice historique sur les
travaux de M. le comte Sclopis de Salerano.
XXIII. — Académie des Inscriptions et Belles-lettres. Séance
du 6 juin. — M. d'Hervey de Saint-Denis lit un mémoire d*un jeune
érudit suédois, M. Btrindtner, sur les relations de la Suède avec la
Chine et les pays tartares, depuis le milieu du xvi* s. jusqu'à nos jours.
= 11 juillet. M. Le Blant lit un important mémoire sur les Acta mar"
tyrum, et leurs sources; il montre que ces Actes ont pu être rédigés
d'après les notes prises à Taudience par les notarii, qu'il existait des
archivesjudiciaire6,quele8 chrétiens purent les consulter librement après
lo triomphe officiel de leur religion ; on ne doit donc pas à priori con*
damner ces Actes comme apocryphes. = 18 juillet. M. L. Renier lit
une note sur une inscription latine récemment trouvée à Grenoble;
c'est une dédicace en l'honneur de l'empereur Claude le Gothique, de
l'an 208. — M. Mowat termine la lecture de ses recherches sur l'em-
pereur Martinien (323).
XXIV. — Annales de la Faculté des Lettres de Bordeaux.
N* 2. — Fr. Comhes. 3 lettres de Henri de Guise pour enlever à
Henri III l'alliance des cantons catholiques, en 1585; deux lettres de
Catherine deMédicis et de Henri de Navarre, pour les engager à persister
dans l'alliancf^ royale; une autre de Catherine, pour leur recommander
do vivre on bonne intelligence avec les cantons protestants, déc. 1562
(M. (3. publie ce» lettres sans conserver l'orthographe de l'original;
quoi qu'il on diso, nous pensons qu'il a tort). — T. de L. Une lettre
latine inédiU^ de (tooiTroy do Malvin au président de Thou.
XXV. — Messager des Sciences historiques de Belgique. 1879,
2» liv. — Kknbnh. Dissertation sur la participation des troupes des Pays-
lias i\ la canipuguo do 1815 on Belgique; suite. — Notice sur Adrien
Havonuans (jurisconsulte, greflior de Bréda; f 1653; auteur d'une
histoin^ «lo Broda rostôo inédite) . — Notes touchant des archives con-
sorvtVs au dôpAt do T Imitât à G and : États de Flandre.
XXVI. — Revue de Belgique. 15 Juin =; Rahlenbeck. La mission
du couHoillor Boisot à Moty., on 1543 (pour arrêter les progrès du pro-
ti^st^intisnio dans la villo inipôrialo. Fragment d'un volume annoncé
sous lo tiln^ : Mot« ol Thionvillo sous Charles-Quint).
XX Vil. <— The Aoademy. 7 juin. — Cunningham. Corpus inscrip-
tionuin indioarum; vol. 1 (donne la oolloclion complète des fac-similés
dos plus anoiouuos inscriptions do l'Indo, ot fournit ainsi d'excellents
matériaux pour une «Slition critique destnlits du lH)uddhi$te Açoka). =
RECUEILS PERIODIQUES. 243
14 juin. Sir H, Durand, The flrst Afghan war and its causes (sérieuse-
ment fait; critiques souvent contestables. — Morel^FaU'o. L'Espagne
au XV* et au xvi« s. (art. important de M. P. de Gayangos). = 28 juin.
Le GofT. The life of L.-Ad. Thiers (sans valeur). = 5 juill. Davidson, On
some ancient documents relating to Grediton minster (important pour
rhistoire des institutions, mais surtout au point de vue philologique).^
19 juill. Gardiner. Notes on the debates in tho House of Lords (notes
prises par Henri Elsing, clerc des Parlements de 1624 et 1626; intéres-
santes, quoique d'une lecture fastidieuse). — Perry. The life of Hugh
of Avalon, bishof of Lincoln, 1186-1200 (d'après la Magna vita de
Hugues d' Avalon, écrite par Adam, abbé d'Evesham, peu après la
mort de Tévéque; bonne publication). — Cussans, History of Hertford-
shire; liv. 13 et 14 (bon).
XXVUI. — The Athenœnm. 28 juin. — Eyton. A key to Domesday
(recherches importantes sur la valeur des mesures agraires employées
dans le domesday book, en ce qui concerne le comté de Dorset). =
5 juillet. Lefroy. Memorials of the discovery and early settlements of
tbe Bermudas or Somers Islands ; vol. II, 1650-1687 (intéressant et
instructif). = 12 juillet. Analytical index to the séries of records known
as the Remcmbrancia preserved among the archives of the city of
London (1579-1664). Index of municipal offices, avec une introduction
par L. Gomme (important pour l'histoire municipale d'Angleterre). =
19 juillet. Bigelow. The life of Benjamin Franklin, written by himself
(reproduit pour la première fois le texte exact des Mémoires du célèbre
homme d'état américain, d'après le ms. autographe; Tédition de 1817,
donnée par le petit-fils de l'auteur, contient de nombreuses altérations).
— Walcott. Ghurch work and life in english minster; 2 vol. (inutile).
— Bigelow. Placita anglo-normannica : law cases from William I to
Richard I (bon). = 2 août. Davidson, Inverurie and the earldom of the
Garioch (une des meilleures histoires locales qui aient paru en Ecosse,
malgré de graves défauts. Le Garioch est un district du comté d'Aber-
deen). — Arnold. The roman system of provincial administration
(estimable). — Gorrespondance intéressante au sujet d'une sorte de
juges que l'on trouve encore aujourd'hui dans certains villages d'Angle-
terre et qui semble un vestige des institutions de l'antique communauté
de village, les t Burleymen ».
XXIX. — The fortnightly Review. — Senior. Gonversations avec
le prince Napoléon en 1859-61, 1862-63 (curieux en particulier sur les
affaires italiennes en 1859).
XXX. — The V^estminster Review. Juill. — Les papiers d'état
pour le règne de Gharlcs I", analysés d'après les originaux du public
record office, par J, liruel et W. D, Hamilton. 14 vol. 1626-1640;
suite. — Boultbec. A history of the church of Ëngland; Prerefor-
mation period (« livre exceptionnellement raisonnable, parmi les
2i RECUEILS PéRTODIQUES.
histoires ecclésiastiques »). — Hare, The life and letters of Frances,
baroness Bunsen (intéressant).
XXXI. — The ne^w qnarterly Magazine. Juill. — La frontière
grecque, 1829-1879. Comment elle fut conquise en 1829.
XXXn. — Historische Zeitschrift. Nouv. série, vol. VI, fasc. 1.
— ScHiEFBR. Sur l'histoire de France à l'époque de Louis XV (à propos
des Mémoires de Bemis et du Secret du Rot). — J. Jung. La question
agraire dans l'empire romain (à propos du livre de Heisterbergk, die
Entstehung des Colonats; l'auteur examine la condition différente des
campagnes dans deux provinces, l'Afrique, province agricole, et la Gaule,
province frontière, et il estime que la question ne peut être résolue par
les formules d'une théorie absolue, générale à tout l'empire; il faut
avant tout Tétudier daos chaque province). — Alf. Stern. Étude sur le
Sonderbund (très intéressants détails ; montre que M. Guizot dans ses
Mémoires a de propos délibéré altéré les faits). — Comptes-rendus criti-
ques, Mommsen. Rœmisches Straatsrecht, 2« édit., vol. I et II : les
magistrats (excellent). — Gerdes, Die Bischofswahlen in Deustchl. unter
Otto I, 953-957 (bon). — Weizsscker. Das rheinische Bund, 1254 (bon).
— Baumann. Quellen zur Geschichte d. Bauernkriegs aus Rotenburg a. d.
Tauber (publie 2 chroniques de Rotenburg, ville impériale qui joua un
grand rôle au début de la guerre des paysans). — Kaltenbrunner. Die
Vorgeschichted. gregorianischen Kalenderreform, Die Polemick ùber d.
gregorian. Kalenderreform (art. important). — GUnther, Die Politik d.
Kurfùrsten v. Sachsen u. Brandenburg nach d. Tode Gustav AdolFs u. d.
Heilbronner Bund. Kiisel. Der Heilbronner Bund (bon). — Strippel-
tnann. Beitrœge zur Gesch. Hessen-Cîassels, 1791-1814 (bon ; publie d'utiles
documents sur les rapports de la France et de la Prusse, en 1806). — Baader.
Die Reichsstadt Nûrnberg, 1801-1806 (intéressant; im'primé avec peu
de soin). — Fridericia, Danmarks ydre politiske Historié, 1629-1660,
vol. I (bon). = Fasc. 2. Reimer. Frédéric le Grand et Kaunitz, en 1768.
— R. Pauli. Marie Stuart et les lettres de la cassette (tient, avec
Gaedeke, ces lettres pour authentiques). — Ovbrbeck. La correspon-
dance de saint Augustin avec saint Jérôme. — H. de Sybel. Les
annales carolingiennes (c'est à tort qu'on attribue à Charlemagne
quelque influence sur les écrits annalistiques de son temps; il ne s'occupa
jamais en aucune façon de l'histoire; il n'a pas eu d'historiographe et
il n'y a aucun récit officiel de son règne). — Comptes-rendus. Virk. Die
Quellen d. Livius und Dionysios f. d. aelteste Geschichte d. rœm. Repu-
blik (réfute avec succès l'hypothèse de Nitzsch ; l'étude proprement dite
des sources de Titc Live est judicieuse, mais n'offre rien de nouveau).
— Friedrich II und d. neuere Geschichtsforschung (prétend justifier le
landgrave Frédéric II et les princes hessois du reproche d'avoir fait
avec l'Angleterre un honteux trafic de soldats au moment de la guerre
d'Amérique. Le critique, pris à partie par l'auteur anonyme, réfute
UCTEILS rteoMocx». IIS
en dunt des chiffres, des lenre^ des ikîtjs (mit k photpart
inédits, et puisés lox archiT» de La sraern? de U HesiS^K ~ 3*m£]v^
Bergen Ira de sldste Tider indtil Naùden (important pour rhistoiiv de
kHansei.
XXXni. — Jeamer Literatnrmeitiuis. N* ?ô. Soripton^s remm
danicaram. T. IX «très utile publication: la rédaction des tables laiise
à désiren. — Gœrçens. Arabische Quellenbeitrapge xur geschichte der
Kretuzûge fvol. I: contenant les principaux pas^^ages d'Abou Cbama
relatifs à l'histoire de Saladin: excellente édition). — H. ton Trritschkf,,
Deutsche Geschichte im XIX Jahrfa. \i^ vol., qui contient seulement
un résumé de Thistoire de Prusse depuis le xvn* s. jusqu'en 1815; écrit
avec passion et dans un sentiment tout prussien). — Duncker. Beitnege
zur Erforschung und Geschichte des Pfahigrafens im unteren Mainge-
biet und. d. Wetterau ^contestable). = N« ^7. Hucktrt. Die Politik der
8tadt Mainz 1397-1419 (bonne histoire locale). — Qurmer. Die Piemon-
tesische Herrschafl auf Sicilien 1713-1718 (bon). = N« Î8. Winlrr,
Geschichte des Rathes in Strassburg, von seinen ersten Spuren bis
zum Statut von 1263 (bon». — Jastrow. Zur strafrechtlichen Stellung
d. Sklaven bei Deutschen u. Angelsachsen (bon). = N' Î9, Hesse.
Geschichte d. Stadt Bonn waehrend d. franzoes. Herrschaft (bon). =
N«31. Riezier. Fûrstenbergisches Urkuudenbuch, vol. III, 1400-1479
(important). ^ N» 32. Publications sur Michel Sorvet, de Pùnjer,
Toliin, Ceradini, Roget, Wiliis.
XXXIV. — GcBtiingische gelehrte Anxeisen. N* 22. Werunsky,
Der {• Rœmerzug K. Karls IV, 1354-1355 (consciencieux ; appréciations
souvent contestables). = N* 24. Friedljender. Ostfriesisches Urkunden-
buch; 2« et 3' fasc, 1400-1470 (bonne publication; discute certains
passages de la préface). — Gaffarel. Histoire du Brésil français (très
intéressant; cf. Bev. hist. X, 191). =: N* 29. Maurenbrecher, Donkwùr-
digkeiten aus d. Leben d. (ren. d. Infanterie von Hûser (important
pour rhistoiro militaire de la Prusse, de 1806 à 1815). — Leding, Dio
Freiheit d. Friesen im Mittelalter (intéressant).
XXXV. — Deatsche Rundscham Août. — Paul Bailleu. Haug-
witz et Hardenberg (d'après les mémoires de ce dernier récemment
publiés par L. von Ranke).
XXXVI. — Rhelnisches Museom mr Phlloloirie. Vol. 34, 1879;
fasc. II. — Wachsmuth. Le salaire des juges à Athènes (entre les
olymp. %-100, le salaire des juges fut, sur la proposition de Kallikrates,
porté à 4 oboles). — lo. La division des Hellenika de Xénophon (les
œuvres de Xénophon avaient déjà reçu dans l'antiquité plusieurs divi-
sions différentes, comme on le voit dans Diogène Laerte, II, 57).
XXXVII. — Nene Jahrbficher f. Philologie n. Paedagogik,
pub. p. Flecketsen et Masius. Vol. 119, fasc. III, 1879. — Rceul. Une
ancienne inscription do Sparte non datée (elle se rapporte à Téphore
Hagesistratos, que Xénophon, HelL II, 3, 10, place en 427-4^6). —
246 RECUEILS PÉRIODIQUES.
Mùller-Strûbinq. Sur Thucydide et Xénophon (traite de rinsurrection
de Ghios en 412; étudie le dernier chapitre de Thucydide, et les rapports
d'Alcibiade avec Tissapherne et Phamabase). — Bachop. Timée consi-
déré comme source de Diodore (c'est à Timée, non à Ephoros, que
Diodore a emprunté les chap. 54-78 du liv. 14). — Wirz. Le procès de
concussion de G. Rabirius. — Vollbrecht. Sur l'Anabase de Xéno-
phon (parle d*Anab, V. 2, et des ouvrages do fortification construits
dans le voisinage de Trébizonde dont il est question dans ce passage).
XXXVIU. — Nene Jahrbficher f. Philologie n. Pedagogik.
(Leipzig), vol. 119, 1879, fasc. IV. — Gilbert. 1" et 2« lecture dans
l'assemblée du peuple à Athènes (expose en détail la façon dont étaient
dressés les documents d'état athéniens; montre que les scribes commet-
taient de fréquentes erreurs de rédaction en copiant les décisions du
peuple, avec les formules des arrêts du conseil; réfute Thypothèse de
Hartel que dans certaines circonstances le conseil aurait eu besoin de
l'autorisation préalable de l'assemblée populaire pour présenter à celle-
ci un arrêt sur ces objets déterminés). — Schutz. La Germanie de
Tacite (remarques historiques et ethnographiques).
XXXIX. — Hermès. (Berlin), vol. 14, fasc. 2, 1879. — Von Wila-
MOwiTz-McELLENDORF. Damou (Damou le premier eut l'idée de faire
donner aux juges athéniens une indemnité en argent. Périclès, qui
n'était pas un homme d'état créateur, a repris ce projet après le bannis-
sement de Damon). — H. Haupt. D'où sont tirés les extraits de Pla-
nude, attribués à Dion Gassius. III (ils ont en partie pour origine la
chronique en vers de l'historien byzantin Gonstantin Manassès. Un
ms. des extraits de Dion a été connu de Saumaise qui, très probable-
ment, a aussi emprunté à Planude ses fragments de Jean d'Antioche).
XL. — Zeltschrlft d. D. morgenlœnd. Gesellschaft (Leipzig).
Vol. 33. fasc. 1 et 2. 1879. — Mordtmann. Les monnaies pehlvies
(commentaires sur 113 monnaies de gouverneurs arabes en Perse). —
NcELDEKE. Noms de lieu iraniens en kert et autres désinences. — Id.
Deux peuples de l'Asie antérieure (1° les Kadichéens de Mésopotamie,
identiques aux Katis des historiens arméniens, et avec les KadowaToi
d'Agathias ; 2* les Ortéens au sud de l'Arménie).-— Spitta. Abrégé de la
géographie de Ptolémée par Huwarazmi. — Gompte-rendu critique :
Schrader. Keilinschriften u. Geschichtsforschung (art. important).
XLI. — Theologische Stadien and Kritlken p. p. Riehm et Kges-
TLiN (Gotha). 1879. Fasc. 1 et 2. — Zeller. Jean de Staupitz (sa vie,
ses doctrines, ses rapports avec Martin Luther). — Tollin. Gontribution
à la théologie de Servet (traite de l'idée de Dieu chez Servet). — Bud-
DENSiEQ. Le séjour de Luther à Rome (dans l'hiver de 1511 à 1512; il
faut renoncer à savoir positivement dans quel monastère de Rome
Luther fut alors reçu). = Fasc. 3. Seidemann. Le discours de Luther
pour la promotion au doctorat d'Hieronymus Welier (pub. pour la
i^ fois d'après le Thésaurus theologiae d'Obenander).
KBCUEILS PEftlOOIQOBS. 247
XLn. — ^t^mtknnî».^ p. p. BiRLiNGEB. 7« aonéc ; fasc. 1 (Bonn),
1879. — Wkinkauff. Sebastien Frank de Donauwerth (important pour
l'histoire de Thumanisme en Allemagne).
XLIU. — Monatsbericht d. k. Preuss. Akademie d. Wlssens-
chalten (Berlin), 1878. Juin. — Sghrader. Les noms qui désignent la
Syrie dans les inscriptions assyriennes. — Curtius. Plans des fouilles
d'Olympie. = Juillet. Mommsen. La bataille de l'Allia. = Sept.-ocl.
Droysen. L' « Anti-Saint- Pierre » et son auteur (ouvrage, aujourd'hui
très rare, qui fut composé en 1742, d'après les idées et avec la collabo-
ration de Frédéric II, par Jean-Henri Formey, secrétaire de TAcadémie
de Berlin, pour réfuter le projet de la paix universelle imaginé dès
1708 par l'abbé de Saint-Pierre, et proposé par lui à Frédéric en 1740).
— DuNCKER. Négociations de Brunn en nov. 1805. = Nov. FRiEDLiEN-
DER. Sur une monnaie d'Aineia en Macédoine (cette monnaie porte la plus
ancienne représentation connue de la fuite d*Énée quittant Troie; elle est
d autant plus importante qu'elle a été frappée au moins un siècle avant
Hellanikos, l'historien de Lesbos. Histoire politique et monétaire d'Ai-
neia). = 1879. Janv. Nitzsch. Les associations dans la Basse-.AUe-
niagne aux xii« et xiii* s. (recherches juridico-historiques sur les asso-
ciations allemandes dites c Bruderschaften », « Aemter », a Gilden »
et «Innungen »). = Fév. Schrader. D'une tablette d'argile de Babylone
datée de la 11' année de (kmbyse (Cambyse était déjà vice-roi de Baby-
lone du vivant de Cyrus). — Z. v. Linoenthal. Les Formae publiées
par l'empereur Anastase pour la Libye Pentapole. — Id. Un édit du
préfet du prétoire Dioscorus de l'an 472 ou 475. =: Mars. Schrader.
Sur un cylindre royal de Babylone conservé au musée royal, et sur
d'autres cylindres et gemmes (recherches sur l'authenticité du camée
noir de Nebudcadnezar du musée de Berlin, qui, en tout cas, est anté-
rieur à Père chrétienne). — Hirschfeld. Rapport sur un voyage archéolo-
gique dans le S.-O. de l' Asie-Mineure, IH (avec 1 carte ; remarques
sur l'emplacement, l'histoire et les antiquités des villes anciennes de
Kremna, Sagalassos, Baris, Seleukeia, Agrae, Konane, Apollonia,
Kebrene, Aphrodisias, Stratonikeia, Lagina). — F'riedl.«nder. Remar-
ques sur quelques monnaies grecques rapportées par Hirschfeld.
XLIV. — Abdhandlnngen d. k. Akademie d. VT^issenschaften,
1877 (Berlin, 1878). — Lepsius. Les mesures de longueur assyro-baby-
loniennes (explique les inscriptions trouvées en 1854 à Senkereh par
L. Loftus. On peut distinguer aujourd'hui le système des mesures
employées par les Assyriens, les Babyloniens et les Perses, et tenues
jusqu'ici pour identiques). — Schrader. Les noms de la mer dans les
inscriptions assyriennes.
XLV. — Mserkische Forschongen, pub. p. la Société pour l'his-
toire de la Marche de Brandebourg, vol. 14 (Berlin, Gropius), 1878. —
Ggetze. Fragmenta marchica (1® études sur la famille de Bismarck; elle
appartenait déjà à la classe des chevaliers en 1345. 2' Notes sur l'his-
■
248 RECUBnS P1ÎRI0DIQUE8.
toire de la ville de Stendal, d'après les documents inédits). — Kmothe.
Documents relatifs à la Marche (important pour l'histoire des Asca-
niens en Brandebourg, et surtout pour Tépoque 4285-1483). — Von
Lebedur. Contribution aux régestes de rélecteur Jean-Georges de Bran-
debourg (d'après des chartes inédites des années 1549-1596). — 6oET2aB.
Documents relatifs à la Marche (publie 38 chartes de 1151 à 1578). •*-
BuDGziES. Sur la dot promise par le roi Christophe de Danemark au
margrave Louis T Ancien de Brandebourg, époux de sa fille Margue-
rite. (Par un acte du 6 oct. 1333, TEsthonie est cédée comme dot de
Marguerite à Louis qui, de son côté, promet d'aider son beau-frère
Otton à reconquérir le trône de Danemark. Lorsqu'en 1343 les Ëstho-
niens opprimés se révoltent. Tordre teutonique comprime l'insurrec-
tion, et acquiert du roi de Danemark Waldemar, pour une somme de
19,000 marcs d'argent, la possession de TËsthonie. Louis de Brande-
bourg renonce alors à ses droits moyennant 6,000 marcs). — Gqbtze.
Les étudiants de la Marche à TUniversité de Wittenberg (1502-1560).
XL VI. — Jahrbftcher n. Jahresberlcht d. Vereins f. Mecklen-
burg. GescMchtea. Alterthumskonde (Schwerin), 43* année, 1878.
— LiscH. L'ancien registre municipal deNeukaten, 1399-1448. — Rap-
ports des Jésuites de l'Allemagne du Nord en 1762 (relatifs aux col-
lèges des Missions de Gliickstadt et de Schwerin). — Sass. Généalogie
des comtes de Dannenberg. — Crull. La chronique de Heinrich de
Balsee, greffier de Wismar (l'original est aujourd'hui perdu ; mais il
était encore utilisé en 1726 par l'historien mecklembourgeois Schrœ-
der, en partie dans son Papistisches Mecklenburg^ en partie dans son AuS"
filrhliche Beschreibung , Heinrich de Balsee vivait vers 1370 ; sa chro-
nique embrasse les années 1323-1385). — Lisch. Chronique latine de
Rostock, 1484-1487. — Rapport sur Jes découvertes récentes d'objets
antiques ou préhistoriques en Mecklembourg.
XL VU. — Geschichts-Blœtter fOr Stadt nnd Land Magde-
burg, pub. p. la Société pour l'histoire et les antiquités du duché et
de l'archevêché de Magdebourg, 13« année, 1878. — Winter. La guerre
de Trente-Ans dans le pays au S.-O. de Magdebourg (d'après de nom-
breux doc. ecclésiastiques : registres de baptêmes, comptas de paroisses,
etc.). — Wernicke. Les possessions du monastère de l^hnin au pays
do Magdebourg d'après des documents d'archives. — Comptes-rendus
critiques : Wendt. Die nationalitœt d. Bevœikerung d. d. Ostmarken
von dem Beginne d. Germanisirung (estimable, malgré des erreurs de
détail). — Witttch, Magdeburg, Gustav-Adolf und Tilly (très impor-
tant). := 14« année, 1879. 1" fasc. Wboener. Coutumes observées dans
les mariages au pays de Magdebourg. — Uertel: Extraits tirés des
chartes du monastère de N. D. à Magdebourg (intéressant pour l'his-
toire de la lutte entre Prémontré et ses filles allemandes au xm« s.). —
Revue critique des plus récentes publications relatives à l'histoire de
Magdebourg.
RECUEILS PERIODIQUES. 247
XLn. — Alemannia, p. p. Birlinger. T*» année ; fasc. 1 (Bonn),
1879. — Weinkauff. Sebastien Frank de Donauwerth (important pour
rhistoire de Thumanisme en Allemagne).
XLIII. — Monatsbericht d. k. Preass. Akademle d. V^issens-
chalten (Berlin), 1878. Juin. — Schrader. Les noms qui désignent la
Syrie dans les inscriptions assyriennes. — Curtius. Plans des fouilles
d'Olympie. := Juillet. Mommsen. La bataille de l'Allia. = Sept.-oct.
Droysen. L' « Anti-Saint-Pierre » et son auteur (ouvrage, aujourd'hui
très rare, qui fut composé en 1742, d'après les idées et avec la collabo-
ration de Frédéric II, par Jean-Henri Formey, secrétaire de l'Académie
de Berlin, pour réfuter le projet de la paix universelle imaginé dès
4708 par l'abbé de Saint-Pierre, et proposé par lui à Frédéric en 1740).
— DuNCKER. Négociations de Brunn en nov. 1805. = Nov. FRiEDLiEN-
DER. Sur une monnaie d'Aineia en Macédoine (cette monnaie porte la plus
ancienne représentation connue de la fuite d'Énée quittant Troie ; elle est
d'autant plus importante qu'elle a été frappée au moins un siècle avant
Heilanikos, l'historien de Lesbos. Histoire politique et monétaire d'Ai-
neia). = 1879. Janv. Nitzsch. Les associations dans la Basse-Alle-
magne aux xu« et xiii* s. (recherches juridico-historifjues sur les asso-
ciations allemandes dites c Bruderschaften », « Aemter », o Gilden »
et « Innungen u). = Fév. Schrader. D'une tablette d'argile de Babylone
datée de la 11* année de (kmbyse (C^ambyse était déjà vice-roi de Baby-
lone du vivant de Gyrus). — Z. v. Linoentual. Les Formae publiées
par l'empereur Anastase pour la Libye Pentapole. — Id. Un édit du
préfet du prétoire Dioscorus de Tan 472 ou 475. = Mars. Schrader.
Sur un cylindre royal de Babylone conservé au musée royal, et sur
d'autres cylindres et gemmes (recherches sur l'authenticité du camée
noir de Nebudcadnezar du musée de Berlin, qui, en tout cas, est anté-
rieur à Tère chrétienne). — Hirsghfeld. Rapport sur un voyage archéolo-
gique dans le S.-O. de l'Asie-Mineure, UI (avec 1 carte ; remarques
sur l'emplacement, l'histoire et les antiquités des villes anciennes de
Kremna, Sagalassos, Baris, Seleukeia, Agrae, Konane, Apollonia,
Kebrene, Aphrodisias, Stratonikeia, Lagina). — Friedl^nder. Remar-
ques sur quelques monnaies grecques rapportées par Hirschfeld.
XLIV. — Abdhandlmigen d. k. Akademle d. VT^issenschaften,
1877 (Berlin, 1878). — Lepsius. Les mesures de longueur assyro-baby-
loniennes (explique les inscriptions trouvées en 1854 à Senkereh par
L. Loftus. On peut distinguer aujourd'hui le système des mesures
employées par les Assyriens, les Babyloniens et les Perses, et tenues
jusqu'ici pour identiques). — Schrader. Les noms de la mer dans les
inscriptions assyriennes.
XLY. — Mserkische Forschongen, pub. p. la Société pour l'his-
toire de la Marche de Brandebourg, vol. 14 (Berlin, Gropius), 1878. —
Ggetze. Fragmenta marchica (i® études sur la famille de Bismarck; elle
appartenait déjà à la classe des chevaliers en 1345. 2* Notes sur l'his-
220 RECUEILS P^RIODÎQDBS.
L. — Archiv. f. d. SaBchsische Geschichte, pub. p. G. von Weber
(Leipzig). Vol. 6; fasc. 1, 1879. — Kaemmel. La Saxe électorale et la
Révolution hongroise, 1604-1606 (rélecteur Christian voulait à la fois
rester en bons termes avec Tempereur et l'empire, et protéger ses core-
ligionnaires évangèliques contre Toppression. Les efforts du comte
palatin pour faire une ligue évangélique séparée et. pour intervenir
en Hongrie échouèrent devant l'opposition de la Saxe). — ô Byrn.
Christian, duc de Saxe-Weissenfels (mort en 1689 en défendant
Mayence assiégée par les Français ; détails intéressants sur le rôle
de la Saxe électorale dans les guerres de la fin du xvii* s., et sur la
vie à la cour de Dresde à la même époque).
LI. — Neaes Lausltzisches Magazin (Gœrlitz), 1878, vol. 54,
fasc. 2. — KoRSCHELT. Les souffrances de la Haute-Lusace pendant la
guerre de Sept-Ans (d'après les journaux du comte de Reuss XXXI,
du baron de Ranzau, de Jean Nitschmann, et d'après les actes des
archives de la guerre à Vienne). — ScHCENWiELDER. Les limites du dis-
trict de Zagost (on désignait sous ce nom la partie de l'ancienne Bohème
située à l'O. des monts de Lusace ; remarques sur la germanisation de
la population slave de Lusace et do Bohême). = Vol. 55, fasc. 1.
Grosse. Développement des institutions et du droit public de la
Basse-Lusace (mémoire couronné; il traite en grand détail de la
période 1635-1868).
LU. — Mitthelliingen d. k. Sœchslschen Alterthuinsvereins
(Dresde), fasc. 29, 1879. — Von Eve. Le musée de la Société des anti-
quités de la Saxe (très important pour l'histoire de Part ; énumère les
documents les plus importants (jue possède la Société). — Revue cri-
tique des plus récentes publications relatives à l'histoire de Saxe.
LIIL — Mittheilungen v. d. Freiberger Alterthiimsvereins.
Fasc. 15, 1878. — C*« von Holtzendorff. La bataille de Freiberg du
29 oct. 1762 (d'après les notes prises par.Klotzsch, greffier de Freiberg,
sur les événements militaires des années 1759-1762; publie intégrale-
ment CCS notes dont l'original est conservé dans la bibliothèque de la
Société). — Gautsch. Les anciens châteaux et demeures seigneuriales
autour de Freiberg (recherches sur l'emplacement du monastère d'Al-
ten-Zelle, et sur la suppression des biens ecclésiastiques à l'époque de
la Réforme). — GuRLrrr. Anciennes fortifications de Freiberg.
LIV. — Schriften d. Vereins f. d. Geschichte Leipzigs. II,
1878. — KiRCHHOFP. Johann Herrgott de Nuremberg (libraire qui, à par-
tir de 1524, s'employa très activement à répandre les doctrines de Tho-
mas Mûnzer, et imprima de nombreux écrits socialistes. Après l'appa-
rition d'un nouveau livre communiste à la librairie de Herrgott,
celui-ci fut arrêté par l'ordre du duc Georges de Saxe et mis à mort
en 1527. Détails intéressants sur la censure des livres au commence-
ment du XVI* s.). — WusTMANN. Le journal d'une famille bourgeoise
de Leipzig au xvi« et au xvii* s.
LY. — AniMilw d. hiator. Vereias fttr dctt WU»d#rrkela> hW.
32. 1878. — NAGELScmnBT. Sur rhiscoire du mou^stère do Uovou ^inté-
ressant pour l'histoire des restes de Tep^^ue n^maiue sur lo Hhiu, «l
pour rhistoire privée des ducs de Juliers ; publie eu appendice G chartes
origiDales). — Schwgebbel. Antiquités juridiques de IKnitz (publie den
notes du bourgmestre de Deutz, Peter Joohiu), eu U»^:^; ce» note* ont
été prises par l'auteur pendant trois magistratures successives, et \\o\xv
guider ses successeurs dans l'exercice de leur charge). — Uknnks. Le
monastère de Marieuforst à Godesl»erg. — Liste des iHturguuwtrt^M
d'Aix-la-Ghapeile de 1056 à 1789. — Giccke. Trois chartt^s êniuuaut
des archives de Saint-Séverin à Cologne, de 12t*»9, i\'M et 1137. —
LoERSGH. Un recueil perdu des privilèges d'Aix-la-Chapollo (luuteur
avait en 1871 publié des fragments de droit municipal ; un document
de 1580, qu*on vient de découvrir, en mentionne un arlicle, avec cetto
remarque qu'il est emprunté au a Kemponbuch i. Ces frugnionts sont
donc des extraits de cet important manuel du dntit municipal d'Aix-
la-Ghapelle). — Merlo. Le couvent de femmes do SchillingK-Ca|Htl[(Hn.
LYI. — Zeitschrift d. Hars-Vereins f. Oesch. a. Alterthuma-
kande, il* année, 1878 (Wernigerode). — Jacohs et Mùulhacihku. Loh
diplômes du roi Louis III de Franconie orientai» pour lo monusUSrn d»
Drûbeck en 877 (tiennent pour authentiques ces documentH dont la
sincérité a été souvent mise en doute). — Lanuërfklot. Ilolting sur lu
Timmerlah (notes sur les anciennes associations allemandes do la Mark,
et sur les juridictions forestières, 1459-1681). — Grcksslek. Los déHert»
du Friesenfeld et du Hassegau (énumère, d'après dos documents d'ar-
chives, de nombreuses localités de la province prussi(*nne di; Haxt*, qui
sont maintenant disparues). — Bode. Notes sur les archives des petiu*ii
villes du Harz. — Kindsgher. Lettres de proscription du roi Wtînwslas
contre Halberstadt, Quedlinburg et Ascherslebon, 1389. — Hi'Mnwr.
Chronologie des évoques de Halberstadt (publie 6 chartes de iWh à
1400).
LVn. — Freibnrger Diœcesan-Archiv (organe de la HfKiéUt pour
rhistoire du diocèse de Fribourg eu Brisgau), 12* année, 1878. —
LiCBTScHLAG. Chartes du monastère de I3euron. — Hafnkr. Ojntribii-
tîons à rhistoire de lancien monastère de Wald. — K'jkmo. AUuuin^
nische GeschidiU de Heinrich Bullinger (pubiiéf; ici jxjur la pn'jjjjfVni
fois: elle a été composée en 1571 à Zurich, <'t compn^nd rhi^tr^ire de
rAlémaoie des temps les plus reculés jusqu'à Charlc.»s-Qujjjl). — Wal-
TEX6PÛL. Catalogue reiigiosorum monasterii Hhr^uaugienHis.
LVm. — ZeltMhrift d. GeMllMhaft f. GeMh. n. Alterthonuik.
▼. FreUmiVf ^ Bretagmii a. d. ani^renzenden LaxMUcluLrteo.
Vol. 4, fasc. 3, 1878. — Daume^i. Fribc^urg w^uk Jjéopold i jum^u a la
prife de la ville par les Français eu 1677 i décrit le»- qu*.'nflleb luvahûnt-t
entre les bourgeois de la viJle et a Jexurieur Wh Iuiu^k qu'ili- «-um'LîI a
soutenir coxLlre la noblesse appuyée par T Autriche. I^ur»- cll'^flh pour
222 RECUEILS P1SRI0DIQUE8.
maintenir intacte leur juridiction indépendante). — Hartfelder.
Annales de Fribourg, 1449-1724 (d'après une chronique ms. d*un mo-
nastère de la ville).
IIX. -< Monats-Schrift f. d. Oeschichte 'West-Dentschlands,
pub. p. PicK. 3» année, 1879. Fasc. 1 et 2. — Schneider. Les routes
iliilitaires des Romains entre la Lahn et la Ruhr, avec carte. — Christ.
Noms de peuples allemands Ge nom Teutones ne désignait pas à l'ori-
gine an seul peuple germanique; il signifiait seulement c membres du
peuple ». Les Treveri étaient un peuple de race germanique, et habi-
taient la vallée de la Trave). — Sghmitz. Une lettre relative à l'his-
toire de la duchesse Jacobe de Juliers, du 20 juillet 1591 (détails curieux
sur les partis clérico-politiques à la cour de Dûsseldorf). — Philippi.
Les signes incendiaires des Anabaptistes (parmi les actes des archives
de l'état à Munster, relatifs au mouvement anabaptiste, se trouvent de
nombreuses enquêtes contre les incendiaires qui annonçaient à l'avance
leurs projets par certaines marques peintes ou gravées sur les portes
des maisons ou sur les arbres). — Strigker. L'attentat de Francfort
du 3 avril 1833 (d'après le témoignage de gens qui y prirent part).
LX. — Zeitschrlft f. d. Geschlchte d. Oberrheins (Carlsruhe).
Vol. 31, fasc. 3, 1879. — Von Weech. Les archives du monastère de
Herrenalb ; fin. 1313-1648. — Id. Mélanges sur l'histoire de la civilisa-
tion. — Roth von Schregkenstein. Extraits de la collection des chartes
anciennes (complète les Regesta hadensia en publiant intégralement
9 chartes des archives de Carlsruhe, de 1136 à 1179). — Ruppert.
Contributions à l'histoire du monastère de Gengenbach (querelle entre
l'abbé et les moines en 1506, qui se termina par l'emprisonnement de
l'abbé). — Gmelin. Le combat de Wimpfen en 1622 (recherches biblio-
graphiques sur des brochures peu connues de cette époque ; publie des
détails inédits sur cette bataille).
LXI. — Mittheilongen d. Vereins f. Oeschichte d. StadtNûm-
berg (Nuremberg), 1«' fasc. 1879. — Mummenhofp. Nuremberg en lutte
avec la Vehme (histoire du tribunal de la Vehme depuis ses origines
jusqu'à sa disparition. Un bourgeois de Nuremberg, Heinz Imhof, fut
poursuivi en 1440 par un bourgeois de Cologne, W. von Krebs, par-
devant le tribunal vehmique pour affaires d'intérêt. La bourgeoisie de
Nuremberg contesta la compétence du tribunal ; et contre ces empiéte-
ments, elle en appela maintes fois à l'empereur Frédéric III ; les juges
vehmiques furent condamnés par la cour aulique dont ils avaient sans
doute accepté d'avance la décision). — Frhr. G. vouKress. Huit lettres
de Wilibald Pirkheimer 1499-1503 (intéressant pour les relations poli-
tiques des divers états italiens entre eux, la situation des partis à
Nuremberg et leurs guerres avec les margraves de Brandebourg). —
Mummenhofp. Revue des ouvrages relatifs à l'histoire de Nuremberg.
LXn. — Nene ICittheiluiigen d. arohsBOl. Vereins (Rottweil en
LXm. — ArcUr. d. kistm
A.,i,M 1 ,^ W:L^3il:^:^x . V:L i5, iwo. f . f S?>. — Rxiscipssb. Le
chd&eo;! î=:^»rr'-L i* SLib«:^rr zr>î :> X-ris'-idi-f^r-LircSaaie finae»-
nîw7"i» 'KCLj^r:^:: az_* ::■-"-? zar Cburl-r* Mat:*!; «e rai l^ppî:: a'y fui
pef ec >!i*- feuJ^ «^r '_■* «r]«::^ f-?:? fizpemus «ar.Liz^::* « saxons
dans ce «hÂi=a^. Ez. ."iz. =^1, i-guiyftgi-r «>^.;ci Kl ^q £î preseas à
FeTtSçie i-» Winiii-rz ^ je A:-cza ?c i«îf a La âr-.iï.e des e Voite »
de Sàlû-.wTz : iiiSo^Te tiê cec:^ fa=^> ce 11^} à KTnJ;. — Zixmeuulxs.
La jœdi.-iiûc. do poc: d* W:inbo:irs.
LXIV. -. ZeitMkfift d. kistor. Tcrctes f. SekwmlWB «. He«-
kovy. > ar-.'ge, Iv ?. îk*«:- 3. — Schitt. Gi-aibucoiLS à L riisuvire du
occT-si: ira car=.'*iivs *c de I ^li«^ de Saizce-Anze à AafiçbourK.
— Mmx. Cozîrli-ù.z* à rsif:*;.!.-? d- dr:-:: e: des i!i5Û:uùvQ.< muni-
dpaLês d A::a5ic-rz — Bintjjï. X€cr»:l';«ia C>:i?:iuraza d'après
4 nus. de L'az-iiruir- ahiavr hi?-to::ine d"0::c:ibeure:i, ni*, da in* et
de ir:* s. .
LX V. — Jabresbericht d. GewUscbmft f. nfltxileke FonekvB-
gen TrêTesr. Iv^. — L»zi?Œi. Ca"-al;ç"-e des in:r.naies romaines frap-
pées à Tr»Tes, q-i f-:z: i -; ;-::rd'h:ii partie de la ccliecîion de la société.
— Rappi^ru *:;r de n-izibrecâes decc^venes d'objets antiques : mon-
naies, armes, etc. — Sctitaiih. Description de la ^/rta niçra de
Trêves.
LXVI. — Annaleii d. Vereliis f. VmMaaadach» Alterthi
kwMle m. GeschichtsformchBBg .Wiesbaden.. tûI. 14, ^ faso. —
Miiz. Ar^îhêzies e: ixprecaûviLS szr les monuments chrétiens pri-
miu:« • r^uii: :ouîe« les inscriptions qui se rappc-rtent à ce sujet ; elles
?>ip.; rue^: par la croyance des chrétiens primitifs que la résurrection
d^ corps au ; arment dernier était rendue impossible par la destruc-
tion des restes morteLs. I>e là les malédictions cc-cire ceux qui profa-
naient les sépultures . — Dieffcxbach. Recueil des inscriptions
roziairi-ES injuvees jusqu'ici â Friedberg. — Bcckeb. Les archives de
Liz:'>:urz-sur-Lahn contiennent entre autres 3! diplOmes impériaux
ce fc4{ a 16o3. e: de nombreuses chartes émanées des comtes de Lim-
Sv-re et des ar»:hevê«îues de Trêves. — G)}ntADY. Les inscriptions
Mniaines de Milienberg-sur-îe-Mein recherches minutieuses sur les
châteaux et vestiçes d'oocufiation romaine dans i'Odenwald. et sur les
dn-iiions d^ tr^jupes romaines qui étaient campées dans cette contrée).
— V.n G.HJIUSE3C. Le mur des Païens à W'ieshaden linteressant pour
Ihiiroi.-e de la domination romaine dans le Taunusi. — Id. Tombeaux
rozialn^ à Mayence ; tombes à Nauheim dans la WetteraTie.
LWIL — Hettlmrcer GoUectaaeenblaU. \i* année, iSTS. ~
Cbrjni^ue rimee du Palatinat de Georg Schwartxerdt, 1536-1561, pub.
224 RECUEILS PERIODIQUES.
p. Jos. WûRDiNOER (l'auteur était frère de Mélanchthon, né en 1500 ; à
partir de 1548, il fut employé dans Tadmiiiistration des finances du
Palatinat. La chronique ne s'occupe pas seulement du Palatinat, mais
aussi des grands événements européens qui sont arrivés à la connais-
sance de l'auteur). — Rapport authentique sur le bombardement et
la prise de Neubourg sur le Danube par les Bavarois en 1703, pub. p.
Corn. WiLL (d'après les notes d'un franciscain de Neubourg, le
P. Nicolas). — Gleichauf. Le 7« régiment d'infanterie bavaroise (pen-
dant les années 1785-1826 ; détails intéressants sur la campagne de
Napoléon !•' en Russie).
LXVIII. — Jahresberlcht d. histor. Vereines von Oberbayern
(Munich), années 39 et 40, 1878-79. — Nécrologie détaillée : Jos.
Stumpf, archiviste du Landtag bavarois, 1807-1877; auteur estimé d'un
ouvrage intitulé Denkwûrdige Bayern, — Matthias Koch. 1798-1877,
secrétaire du cabinet du grand-duc Maximilien d'Autriche-Este ; son
meilleur ouvrage est une Geschichte d. D. Reiches unter Kaiser Ferdi"
nand III, dont le 3« vol., ms., est en possession de la Société d'histoire
de la Haute-Bavière.
LXIX. — Sitzungsberichte d. k. bayer. Akademie d. "Wis-
senschaften (Munich), 1878, t. II, fasc. 2. — Bursian. Les résultats
scientifiques des fouilles exécutées à Dodone. — Rottmanner. L'ins-
truction de l'électeur Maximilien I pour le précepteur de Ferdinand-
Marie en 1646 (publie le texte italien de cette instruction d'après un
ms. de la Bibliothèque d'État de Munich). — Unoer. L'Eridanos dans
le territoire de Venise (les anciens ont presque exclusivement désigné
sous ce nom un fleuve de la Haute-Italie qui avait son embouchure
dans le delta du Pô, et qui s'appelait autrefois Eretenos ou Reteno. On
en a fait le fleuve de l'ambre, parce que ce minéral se trouvait à l'état
sporadique sur la côte vénitienne ; mais le vrai pays de l'ambre pour
les anciens, c'était la côte de la mer du Nord). «= Fasc. 3. Lauth. La
Tetraéteris égyptienne (cherche à prouver que les Égyptiens ont connu
la période chronologique de 4 années. A Anu-Heliopolis, l'ancienne
capitale de l'Egypte avant Thèbes et Memphis, se trouvait depuis une
antiquité très reculée une tour astronomique dont l'existence, prouvée
par l'auteur, montre que les anciens Égyptiens connaissaient la tetraé-
teris). — Friedrich. Les comptes-rendus des évoques d'Augsbourg à
propos de la t Visitatio liminum apostolorum ». (A partir de Sixte V
(1585), les évêques d'Augsbourg prirent l'habitude de faire à des
époques déterminées un rapport écrit sur l'état de leurs diocèses. Celles
que publie ici Fr. d'après un ms. de Munich se rapportent aux années
1639-1690. La première atteste les misères de la guerre de Trente-Ans;
les trois suivantes sont remplies de plaintes sur les conséquences
désastreuses pour l'église catholique de la paix de Westphalie. Les
deux dernières témoignent d'un nouvel essor du catholicisme dans le
diocèse d'Augsbourg, et racontent la lutte des évêques avec les abbés de
UOTEILS P^AIODIQUES. 225
Tabbaye bénédictine placée sous leur juridiction). = 1879, l*' fasc.
BiAnan. Les f Ârmenn » de Tancien droit norwégien (étude juridique
très minutieuse sur les ofBciers des rois, des évéques et des villes dans
la primitive Norvège; insiste surtout sur l'ancien droit criminel de
la Norvège. Dans les premiers tempsz, la fonction capitale de TArmenn
était d'administrer les cours du roi; plus tard, cette fonction perdit de
son importance, et FArmenn ne fut plus qu'un simple juge).
LXX. — ArchiT. f. cBsterreichische Geschichte. Vol. 57;
2* part., 1879. — J. von Zah^i. Études sur le Frioul ^description topo-
graphique du pays ; son histoire ancienne. Origine du patriarchat
d'Âquilée, comme principauté d'empire indépendante; acquisitions
territoriales des patriarches dans les pays autrichipun, et ac/juisitions
des princes et seigneurs allemands en Frioul ; relations commerciales
du Frioul avec les pays voisins ; plus l'importance du pays était grande
pour le transit entre l'Autriche, la mer et l'Italie, moins les patriarches
furent capables d'assurer la police des routes et de garantir la sécuriU'i
du commerce. Venzone, ville qui se trouvait sur la plus importante?
route commerciale du Frioul, fut, à partir de 1250, l'objet de contesta-
tions sans fin entre le patriarche, \(* comte de Gœrz et les Autrichiens;
ces derniers s'emparèrent de la ville en 1351, et euront ainsi la clé du
Frioul). — Grossman.n. Raimond Montecur:coli (expose en détail les
campagnes de 1672 et 1673; et ses efforts pour décid^T son gouverne-
ment à agir énergiquement ci^intre la P*rance ; publie fh*H pi^cl•M imfior-
tantes de la main de Montecuccoli, tiréi's d(*s archivi^s dit la guern^ i\
Vienne). — Loserth. Fragments d'un livre de foririules d» Wimiwh-
las II roi de Bohème (publie 14 charti*8 et lettres inti*n*HHant4*H pour
l'hist. de l'avènement au trône de Wenc<58las et do. son couronnement).
LXXI. — Sitzangabericlite d. k. bœhmischen OeselIsoliAft d.
'Wissenschaften (Prague), 1878. — Re^ek. La vit* et lf*H (imvreH de
J.-Fr. Beckovsky (vivait de 1658 à 1725 ; connu surtout par sa chro-
nique intitulée Poselkyne^ dont la !■« partie est un remaniement de la
chronique tchèque de Wenzel Hàjek; la deuxième partie, qui va jus-
qu'en 1657, est importante parce que l'auteur y a utilisé de nombreuM's
sources historiques, mémoires, lettres, chartes, perdus aujourd'hui
pour la plupart. M. R. promet une biographie détaillée de l'auteur dans
un ouvrage spécial sur les anciens historiens tchèques). — Gelakovsky.
Origine de la juridiction patrimoniale sur les biens du clergé (remonte
au temps d'Otti^kur 1, VVll : elle fut tout à fait en vigueur sous Wen-
ceslas I, son suiTt»HHo\ir). — Kmler. Nécrologe du couvent de Sainte-
Anne à Praguo (tlu \W h., avtn: des additions postérieures). — Goll.
Pamphlet de Voit ViUi Krapa contre les frères bohémiens (xv« s.).— In.
Qn*>lques ilocunients sur les tnnibles do Prague 1483-1484. — Tomek.
Actes d'un syninlo utraquisto de 1426, inconnu jusqu'ici. — Goll.
Extrait d'un tnirit de maître Pribram. — Emler. Nécrologe d'Ostrow
♦important pour la ohri>noli>gie des xi», xn« et xni» s.)
ReV. HiSTOR. XI. l*» FA8C. ih
226 RBCUBILS PÏaiOOIQUBS.
LXXn. — Gompte-renda de la commission impériale archéo-
logique pour Tannée 1875 (Saint-Pétersbourg, 1878). — Rapport
sur les objets d'archéologie et de numismatique découverts dans diffé-
rentes parties de l'empire. — Stephani. Explication de quelques objets
d'art découverts en 1874 dans la Russie méridionale (intéressant pour
l'histoire des colonies grecques du Pont à Tépoque de la domination des
Diadochi).
LXXIII. — Archivio storico itaUano. 1879, 3» liv. — Passerini. Le
premier procès pour la réforme luthérienne à Florence en 1531 (juge-
ment et condamnation au feu de c leronimus de Bonagratia, phisicus »).
— Bozzo. Documents relatifs aux règnes de Ferdinand IV, roi bourbon
de Napies (lettres de Mognino, ministre de Charles III d'Espagne, de
Ferdinand IV et de Marie Caroline d'Autriche au marquis délia Sam-
buca, ministre et secrétaire d'état de Ferdinand IV, 1778-1785). —
Vassallo. Asti sous la domination étrangère, 1379-1531, suite : le
diocèse d'Asti. — Carutti. D'un point d'histoire secrète (discute la
question de savoir si la régente de Savoie, Marie Christine, fit proposer à
Richelieu de lui livrer le P. Monod, en 1641, pour acheter la liberté
du comte Phihppe d'Agliè, et penche vers l'affirmative). — Ambrosi.
Histoire de Trente au moyen âge. — (Homptes-rendus : Ciampi, Inno-
cenzo X Pamtili e la sua corte ; storia di Roma dal 1644 à 1655 (utile,
mais incomplet et mal composé). — Buser, Die Beziehungen d. Medi-
ceer zu Frankreich (important). — Norton. List of the principal
books relating to the life and works of Michelangiolo (bonne publica-
tion, qui forme le 3* fasc. des Bibliographical œntributions^ publiées
par A^insor, libraire à Cambridge de Massachussets).
LXXrV. — Archivio storico lombarde. 30 juin 1879. — C. Cantù.
Le couvent et l'église dominicaine délie Grazie, et le saint office. —
Lettres de Galeazzo-Maria Sforza, duc de Milan; suite et fin. — Intra.
La Reggia de Mantoue (résume l'histoire de cet ensemble de construc-
tions sans cesse agrandies qui formèrent le palais des Gonzague). —
Mémoire inédit du comte Pietro Verri sur l'économie politique. —
PoRRO. Traité entre le duc Filippo-Maria Visconti et Alphonse de
Napies (Alphonse le Magnanime promet 6 galères catalanes au duc
Visconti pour l'aider à prendre Gènes; Visconti en retour lui assure le
château de Bonifacio et la Corse, 10 sept. 1421). — Chronique du
marquis de Mantoue ; suite. — Curiosités d'archives (3 pièces relatives
aux brodeurs de Milan et à la cour de Visconti, en 1473). — Ghiron.
Bibliografia lombarda; catalogue des mss. relatifs à l'histoire lombarde,
qui sont conservés dans la bibliothèque nationale de Brera; suite. —
Benvenuti. Banquet donné à Crème en 1526, par Malatcsta Baglione,
capitaine général de l'infanterie vénitienne. — Galli. Deux inscriptions
inédites du château de Milan. — Observations critiques sur la guerre
italienne de 1174-1175. — Comptes-rendus : Claretta. Sui. principali
storici piemontesi (utile). — Ronchini. Giovanni III di Portogallo, il
RBCUBILS PERIODIQUES. 227
card. Silva e llnquisizione (bonne page d'histoire ecclésiastique). —
Revue archéologique de la province de dôme.
LXXV. — Archivio veneto. T. XVII, 2« part. — Portioli. La
fuite de Felice Orsini du château de Mantoue, en 1856. — Giuliari.
Histoire monumentale, littéraire et paléographique de la bibliothèque
capitulaire de Vérone; suite. — Giomo. Transcriptions des rubriques
des livres dits misti du sénat, aujourd'hui perdus. — Tassini. Inscrip-
tions de l'église et du monastère du Saint-Sépulcre à Venise. — Joppi.
Chronique vénitienne de 1402 à 1415 (ce sont les notes journalières
prises par un Vénitien, dont le nom reste d'ailleurs inconnu, et qui
enregistrait avec sincérité tout ce qui parvenait à sa connaissance ; le texte
est en langue vulgaire). — Gipolla. Un habitant de Vérone à la solde
de Venise au xiv* s. — Giomo. Les froids de 1513 et la haute marée de
1686. — BuLLo. La ville de Vigilia. — Yule. Marco Polo et sa famille.
— FuLiN. A propos d'une publication du Giornale ligustico (réfute cer-
taines assertions dont cette revue a fait accompagner la traduction de
l'art, du comte Riant sur le changement de direction de la 4* croisade).
— Bailo. De quelques sources pour l'histoire de Trévise. — Comptes-
rendus. Repertorio diplomatico cremonese, vol. I (publication très
défectueuse). — P. Garzotti, Appunti storici sopra Isola délia Scala
(bon). — A part, la suite de l'expédition de Charles VIII en Italie, par
Marin Sanudo.
LXXVI. — La Rassei^A •ettimanale. 13 av. — Correspondance
relative à l'art, de M. AdemoUo sur Louis XII et Tommasine Spinola,
maîtresse du roi en 1502. = 20 av. Masi. Histoire de dix ans (à propos
de la Storia d'italia dopo 1789, par A. Franchetti). — Cirid, Statuti
Volterrani 1463-1466, pub. d'après les originaux conservés dans les
archives de Volterra. = 1 1 mai. Riœtti. Osservazioni critiche sopra la
guerra ilaliana dell* anno 1174-75 (mémoire important). = 25 mai.
Bertolotti. L'esclavage dans les États pontificaux durant tout le
xvn« s. (suite de cette étude très curieuse et très neuve). — De Castro.
La guerre de la succession d'Espagne et la poésie populaire milanaise.
= 15 juin. D'Ancona. La cour de Rome au xvii« s., d'après les relations
des ambassadeurs vénitiens. = 22 juin. Morpurqo. Le doge de Venise
et sa liste civile (fragment d'un ouvrage en préparation sur la vie à
Venise au xvm' s.). = 13 juillet. Ademollo. Les travaux publics sous
Sixte V.
LXXVII. — Revista enropea. 16 av. — Garollo. Théodoric, roi
des Goths et des Italiens; fin. — Coppi. Les universités italiennes au
moyen âge; fin le l*' juin. = 1»' mai. Falletti-Fossati. Silvio Pelhco
et la marquise de Bardo (publie des lettres intéressantes de la marquise
et du poète, son secrétaire). — Della Miraqlia. Rome et la cour
romaine au xvi« s.
LXXVIII. — R. Depntasione di storia patria (Bologne).
13 avril. — Giosuè Carducci. Les trouvères à la cour de Montferrat
228 RBCUBILS PERIODIQUES.
(i»' chapitre ; parle de Tinfluence exercée par la France au xu« et au
xni« s. sur la civilisation et la littérature européennes, et surtout par la
poésie lyrique de la France méridionale sur la poésie italienne nais-
sante). =27 avril. G. Malagola. Histoire du pont sur le Reno, près de
Bologne, depuis le xiii* s. jusqu'à nos jours. = li mai. N. Malvezzi de'
Medigi. La compagnie des Lombards; suite (la compagnie au xviii* s.;
détails sur le cardinal Ul. Gozzadini et sur le pape Benoit XIV, en
tant que membres et intendants de la dite compagnie).
LXXIX. — R. Depatasione di storia patria (Modène). 19 avril
et 10 mai. Geretti. Francesca Trivulzio, femme de Ludovic I, comte
de la Mirandole, 1501-1560.
LXXX. — R. Depatazione di storia patria (Venise). — Séance
générale du 4 mai tenue à Trévise. — G. Berchet, secrétaire de la
Société, parle, dans son discours annuel, des ouvrages en cours de
publication, et de ceux qui sont déjà prêts pour l'impression. Parmi
les premiers, notons les Diarii de Marin Sanudo, le Regesto dei libri
commemoriali di Venezia, le Codice diploinatico padovano, le Dispacci da
Roma de Paolo Paruta, et parmi les autres , les Cronache veronesi et le
DiplomaUirio veneto orientale, — Bailo. Des sources de l'histoire de
Trévise.
LXXXI. — R. Istitnto Teneto di scienze , lettere ed arti.
6 et 20 avril. — B. Morsolin. L'académie des Sociniens à Vicence
(réfute, preuves en mains, la tradition suivant laquelle Lelio Socin
aurait fondé à Vicence une académie; mais on sait qu'un certain
nombre de bourgeois de Vicence embrassèrent à une époque postérieure
les doctrines sociniennes et furent poursuivis comme hérétiques). —
J. Bernardi. Victor Amédée II et l'organisation de l'Assistance publique
dans ses états piémontais.
LXXXU. — Naova antologia. 15 mai. — La Lumia. Antonio
Veneziano, ou un homme du xvi« s. en Sicile (A. Veneziano naquit à
Monreale en 1543 ; il composa d'abord des poésies latines, puis il écri-
vit dans sa langue maternelle; sa vie fut malheureuse : il fut mis
plusieurs fois en prison pour des satires contre les gouverneurs espa-
gnols de Sicile. Il mourut au château de Palerme en 1593 de l'explosion
d'une poudrière). — A. Brunialti. L'esclavage et la traite des nègres à
notre époque (art. important, avec des renseignements historiques sur
les temps antérieurs). = 1«' juin. Boolietti. La diplomatie secrète de
Louis XV (à propos du Secret du Rot), = 15 juin. Papa. Vittorio Bar-
zoni et l'époque de Napoléon I*' en Italie (Barzoni était un publiciste,
né à Lonato, 1767-1843; il haïssait la domination française. Son nom
est presque oublié aujourd'hui). — JESSŒ-WHrrE. La lutte électorale et
le droit de vote en Angleterre (contient d'intéressants détails histo-
riques.
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 229
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
France. — L'Académie française a décerné le l»' prix Gobert
(9,000 fr.) à M. R. de Ghantelauze pour son ouvrage : le Cardinal de
Retz et ses missions diplomatiques à Rome; le second prix (1,000 fr.)
à M. Tabbé Mathieu pour son livre VAncien régime dans la province
de Lorraine et Barrois. — Le prix Thérouanne a été partagé par moitié
entre M. E. Denis pour son livre intitulé Huss et la guerre des Hussites,
et M. RocQUAiN, pour son ouvrage : VEsprit révolutionnaire avant la
Révolution, — Un prix Montyon de 2,000 fr. a été décerné à M. G.
Michel pour son Histoire de Vauban.
— L'Académie des inscriptions et belles-lettres a, dans sa séance du
13 juin dernier, décerné le {•' prix Gobert à M. Paul Meyer pour son
édition de la Chanson de la croisade contre les Albigeois^ et maintenu
le second prix à M. A. Giry pour son Histoire de Saint- Orner.
La commission de l'Académie pour le concours des antiquités
nationales n'a pas décerné de médailles cette année. 6 mentions
honorables ont été distribuées : M. Delpegh. La bataille de Muret
et la tactique de la cavalerie au xni* siècle. — M. de Lens. Facul-
tés, collèges et professeurs de l'université d'Angers, du xv« s. à la
Révolution. — M. Hucher. Monuments de la famille de Beuil ; l'émail
de Geoffrin Plantagenet. — M. Paul de Fleury. Notes additionnelles
et rectificatives au Gallia Christiana. — M. Guillouard. Recherches
sur les colliberti, — M. Tabbé' Arbellot. La vérité sur la mort de
Richard Cœur de Lion.
— Le prix Bordin n'a pas été, cette année, décerné par l'Académie
des sciences morales et politiques ; mais une récompense de 2,000 fr. a
été accordée à M. Daniel Touzaud. Le sujet mis au concours était de
€ rechercher quelles ont été en France les relations des pouvoirs judi-
ciaires avec le régime politique ». — Le prix de législation (Delà sépa-
ration des pouvoirs dans l'ancien droit français) a été décerné à
M. Saint-Girons. — L'Académie a mis au concours les sujets suivants:
« De l'institution du jury en France et en Angleterre » (terme utile,
31 octobre 1880, prix, 5,000 fr.). — De l'indigence, depuis le xvi« s.
inclusivement jusqu'en 1789 (31 oct. 1882, prix, 5,000 fr.). — Histoire
des établissements de charité en France avant et depuis 1789 (31 oct.
1881, prix, 5,000 fr.). — Les grandes compagnies de commerce depuis
le moyen âge jusqu'à nos jours (15 oct. 1880, prix, 2,500 fr.). — Cf.
Rev. hist. X, 504.
— La Société des sciences, des arts et de l'agriculture de Lille vient
228 RBCUBILS PERIODIQUES.
(l»' chapitre ; parle de Tinfluence exercée par la France au xu« et au
xni* s. sur la civilisation et la littérature européennes, et surtout par la
poésie lyrique de la France méridionale sur la poésie italienne nais-
sante). =27 avril. C. Malagola. Histoire du pont sur le Reno, près de
Bologne, depuis le xiii« s. jusqu'à nos jours. = li mai. N. Malvezzi de'
Medigi. La compagnie des Lombards; suite (la compagnie au xviii* s.;
détails sur le cardinal Ul. Gozzadini et sur le pape Benoit XIV, en
tant que membres et intendants de la dite compagnie).
LXXIX. — R. Depatasione di storia patria (Modène). 19 avril
et 10 mai. Geretti. Francesca Trivulzio, femme de Ludovic I, comte
de la Mirandole, 1501-1560.
LXXX. — R. Depntazione di storia patria (Venise). — Séance
générale du 4 mai tenue à Trévise. — G. Berghet, secrétaire de la
Société, parle, dans son discours annuel, des ouvrages en cours de
publication, et de ceux qui sont déjà prêts pour l'impression. Parmi
les premiers, notons les Diarii de Marin Sanudo, le Regesto dei libri
commemoriali di Venezia, le Codice diploinatico padovano, le Dispacci da
Roma de Paolo Paruta, et parmi les autres, les Cronache veronesi et le
DiplomaUirio veneto orientale, — Bailo. Des sources de l'histoire de
Trévise.
LXXXL — R. Istitnto veneto di sdenze, lettere ed arti.
6 et 20 avril. — B. Morsolin. L'académie des Sociniens à Vicence
(réfute, preuves en mains, la tradition suivant laquelle Lelio Socin
aurait fondé à Vicence une académie; mais on sait qu'un certain
nombre de bourgeois de Vicence embrassèrent à une époque postérieure
les doctrines sociniennes et furent poursuivis comme hérétiques). —
J. Bernardi. Victor Amédée II et Torganisation de l'Assistance publique
dans ses états piémontais.
LXXXU. — Naova antologia. 15 mai. — La Lumia. Antonio
Veneziano, ou un homme du xvi» s. en Sicile (A. Veneziano naquit à
Monreale en 1543; il composa d'abord des poésies latines, puis il écri-
vit dans sa langue maternelle; sa vie fut malheureuse : il fut mis
plusieurs fois en prison pour des satires contre les gouverneurs espa-
gnols de Sicile. Il mourut au château de Palermeen 1593 de l'explosion
d'une poudrière). — A. Brunialti. L'esclavage et la traite des nègres à
notre époque (art. important, avec des renseignements historiques sur
les temps antérieurs). = i^' juin. Boolœtti. La diplomatie secrète de
Louis XV (à propos du Secret du Rot). = 15 juin. Papa. Vittorio Bar-
zoni et l'époque de Napoléon I*' en Italie (Barzoni était un publiciste,
né à Lonato, 1767-1843; il haïssait la domination française. Son nom
est presque oublié aujourd'hui). — JESSŒ-WHrrE. La lutte électorale et
le droit de vote en Angleterre (contient d'intéressants détails histo-
riques.
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPflIB. 229
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
FraAce. — L'Académie française a décerné le l»' prix Gobert
(9,000 fr.) à M. R. DE Ghantelauze pour son ouvrage : le Cardinal de
Retz et ses missions diplomatiques à Roms; le second prix (1,000 fr.)
à M. Tabbé Mathieu pour son livre V Ancien régime dans la province
de Lorraine et Barrois. — Le prix Thérouanne a été partagé par moitié
entre M. E. Denis pour son livre intitulé Huss et la guerre des Hussites,
et M. RoGQUAiN, pour son ouvrage : V Esprit révolutionnaire avant la
Révolution, — Un prix Montyon de 2,000 fr. a été décerné à M. G.
Michel pour son Histoire de Vauban.
— L'Académie des inscriptions et belles-lettres a, dans sa séance du
13 juin dernier, décerné le l»' prix Gobert à M. Paul Meybr pour son
édition de la Chanson de la croisade contre les Albigeois^ et maintenu
le second prix à M. A. Giry pour son Histoire de Saint -Orner.
La commission de l'Académie pour le concours des antiquités
nationales n'a pas décerné de médailles cette année. 6 mentions
honorables ont été distribuées : M. Delpech. La bataille de Muret
et la tactique de la cavalerie au xni* siècle. — M. de Lens. Facul-
tés, collèges et professeurs de l'université d'Angers, du xv* s. à la
Révolution. — M. Hucher. Monuments de la famille de Beuil ; l'émail
de Geoffrin Plantagenet. — M. Paul de Fleury. Notes additionnelles
et rectificatives au Gallia Ghristiana. — M. Guillouard. Recherches
sur les colliberti, — M. l'abbé' A rbellot. La vérité sur la mort de
Richard Gœur de Lion.
— Le prix Bordin n'a pas été, cette année, décerné par l'Académie
des sciences morales et politiques ; mais une récompense de 2,000 fr. a
été accordée à M. Daniel Touzaud. Le sujet mis au concours était de
€ rechercher quelles ont été en France les relations des pouvoirs judi-
ciaires avec le régime politique ». — Le prix de législation (Delà sépa-
ration des pouvoirs dans l'ancien droit français) a été décerné à
M. Saint-Girons. — L'Académie a mis au concours les sujets suivants:
« De l'institution du jury en France et en Angleterre » (terme utile,
31 octobre 1880, prix, 5,000 fr.). — De l'indigence, depuis le xvi» s.
inclusivement jusqu'en 1789 (31 oct. 1882, prix, 5,000 fr.). — Histoire
des établissements de charité en France avant et depuis 1789 (31 oct.
1881, prix, 5,000 fr.). — Les grandes compagnies de commerce depuis
le moyen âge jusqu'à nos jours (15 oct. 1880, prix, 2,500 fr.). — Cf.
Rev. hist. X, 504.
— La Société des sciences, des arts et de l'agriculture de Lille vient
230 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
de fonder un prix annuel de 1,000 fr., qui portera la dénomination de
prix Wicar. Elle a mis au concours, pour 1880, une étude littéraire
sur Philippe de Gomines ou sur un des écrivains célèbres du nord de
la France, et pour 1879 (terme utile, le 15 oct.), les sujets historiques
suivants : histoire d'un ou de plusieurs établissements civils ou reli-
gieux ; d'une institution judiciaire, d'une ou plusieurs institutions
charitables ou hospitalières; d'une commune rurale du département
du Nord ; biographie d'un ou de plusieurs personnages célèbres du
même département.
— La Bibliothèque nationale s'est récemment enrichie du ms. d'une
chronique de Cambrai, récemment retrouvée par les PP. de Backer et
DE Smedt, bollandistes.
— M. Ul. Robert, employé à la Bibliothèque nationale, et dont nous
avons déjà plusieurs fois annoncé les utiles travaux bibliographiques,
va publier chez Picard un Inventaire sommaire des mss. des bibliothèques
de France dont les catalogues n'ont pas été imprimés. Le l*»" fasc. de
10 feuilles grand in-8* à deux colonnes et en petit texte contiendra une
bibliographie des catalogues imprimés des mss. des bibliothèques de
France et l'inventaire des mss. d'Agen, Aire, Aix, Ajaccio, Alençon,
Alger, Arbois, Argentan, Arles, et le commencement de l'inventaire
des mss. de la bibliothèque de l'Arsenal. Indépendamment de l'incon-
testable utilité d'une pareille publication, nous croyons savoir que cet
inventaire permettra de constater un certain nombre de soustractions
commises dans les bibliothèques et archives de province. C'est un
double service que M. Robert rendra à la science.
— Notre collaborateur M. Tamise y de Larroque vient de publier
(Paris, Champion ; Bordeaux , Lefebvre) le n* 4 de ses Plaquettes Gon--
taudaises intitulé : Mazarinades inconnues ; ces mazarinades sont
extraites d'un recueil fort rare, conservé dans la bibliothèque du grand-
séminaire de Bordeaux. Elles sont au nombre de 6 : t la querelle de la
ville de Bourdeaux avec le duc d'Espemon, en forme de dialogue,
faicte par une damoiselle de Gascoigne. > — c L'histoire poétique des
exploits admirables du duc Bernard d'Espemon, avec l'arrivée de
madame la princesse en Guienne. > — c Gazette crostilleuse et facé-
tieuse contenant la rencontre et entretien de Mazarin, carnaval et
caresme sur la frontière de France. » — c L'amour des Bourdelois
envers messieurs les princes. » — f Récit et véritables sentimens sur
les affaires du temps. » — « Oraison funèbre sur la mort du duc d'Es-
pemon. » Le recueil du grand-séminaire de Bordeaux contient 95 pièces ;
M. T. de L. en donne la liste détaillée en appendice.
— Notre collaborateur M. Pingaud vient de publier une curieuse
relation des voyages de l'abbé Sanderet de Valonne, curé de Poligny,
en Westphalie et en Hollande (1794) qu'il parcoumten qualité de frèro
quêteur, afin de solliciter des secours pour les prêtres français exilés.
(Poligny, impr. Mareschal, 24 p.)
CHRONIQUB ET BIBLIOGRAPHIE. 234
— Notre collaborateur, M. R. Darbste, après avoir traduit les plaidoyers
civils de Démosthèues, vient de publier la traduction des plaidoyers
politiques (2 vol. in-12. Pion). Il a fait précéder cette traduction d'expli-
cations sommaires très précises sur la procédure et la juridiction cri-
minelle à Athènes.
— M. Hippolyte Mazb vient de publier (Versailles, Cerf) la confé-
rence qu'il fit à Versailles le 24 juin dernier sur le général Hoche.
— Nous avons rappelé ici même autrefois le passage d'un discours
où M. DouGET, secrétaire perpétuel de l'Académie française, promettait
une prochaine publication des écrits encore inédits de Montesquieu.
M. Tahisey de Larroque nous affirme aujourd'hui (Revue critique, 1879,
n* 30, p. 84, note 2) que MM. de Montesquieu c lesquels, dit-il, je le
sais, entourent du culte le plus fervent la mémoire de leur grand
ancêtre, » hâtent cette publication. Nous le souhaitons vivement.
— M. Emile Labroue, professeur au lycée de Bordeaux, a publié
(Sauveterre, ChoUet), sous le titre Bergerac sous les Anglais, un intéres-
sant essai historique sur cette ville pendant la guerre de Gent-Ans, de
1322 à 1450 ; il a mis à profit dans cette brochure les chartes de la ville,
les jurades, recueil encore ms. des actes les plus importants des jurats
et consuls de Bergerac, enfin lo libre de vita, ms. récemment retrouvé
où sont consignés de 1378 à 1382 les méfaits accomplis par les seigneurs
à Bergerac et dans la contrée voisine. M. Labroue annonce qu'il conti-
nuera l'histoire de Bergerac jusqu'à la Révolution.
— Le t. rv du recueil des Inscriptions de la France est très avancé ;
il contiendra la fin du prieuré de Paris, et se terminera par le diocèse
de Lagny. Le t. V contiendra le prieuré de Ghampeaux et la table.
M. R. de Lasteyrie a éto chargé de terminer ce vaste recueil commencé
par M. DE Guilhermy.
— M. Georges-Glaudius Laverone vient de commencer la publica-
tion des Archives des corporations des arts et métiers (Gharavay). Le
l» fasc. contient un mémoire à consulter, de l'avocat Delacroix, en
1776, sur l'existence des 6 corps de métiers parisiens et la conservation
de leurs privilèges; le second, diverses pièces concernant la suppression,
par Turgot, des jurandes et communautés. Ges Archives paraîtront par
fascicules paginés à part (1,50 et 2,50 chaque).
— Notre collaborateur M. J. Flam>iermont termine une étude histo-
rique sur le parlement Maupeou.
— La librairie Firmin DrooT vient de publier le l** vol. du texte
français de Guillaume de Tyr et de ses continuateurs, dans le format
du Villehardouin et du Join ville antérieurement publiés par M. de
Wailly. Le texte a été revu sur les ms. et annoté par M. Paulin Paris.
Notre collaborateur M. Longnon a dressé les cartes nécessaires à l'in-
telligence des itinéraires et des faits militaires. I^ second vol. doit
paraître très prochainement.
232 GHBOinQUB BT BIBLIOGRAPHIE.
— M. le marquis de Galard publie par souscription une Monogra-
phie du château de Wideville^ accompagnée de 12 eaux-fortes.
Allemagne. — M. von Weber, directeur de VArchiv fur Sschsùche
Geschichte, est mort dernièrement. U avait publié de nombreux docu-
ments dans le recueil qu'il dirigeait, et plusieurs ouvrages historiques,
entre autres Vier Jahrhunderte deutscher Geschichte,
— Le 13 juillet 1878, est mort H. Blochmann, né à Dresde en 1838.
Il alla étudier les langues orientales à Leipzig, Paris et Londres. En
1858, il s'engagea dans l'armée anglaise de l'Inde, et deux ans après,
à la mort du recteur de l'Université de Calcutta, il y enseigna Tarabe
et le persan. Le déchiffrement des anciennes inscriptions des temples
de l'Inde, sa collection de monnaies indiennes et ses études sur plu-
sieurs points importants de l'histoire du pays lui ont assuré une place
distinguée dans l'Hindoustan, devenu sa seconde patrie. Parmi ses
ouvrages historiques, citons : Contributions to the geography and history
ofBengal (1203-1538), 1873, — The Hindu Rajas and the Mughal govern-
ment, — The death ofJahangir and the accession of Shat\jahan.
— Le 8 juin est mort à Lubeck le prof. Mantels, connu comme his-
torien et comme fondateur de la Société de l'histoire hanséatique.
— Le 1*' juillet 1879 est mort à Bromberg le numismate Jul. Kos-
SARSKi à Tâge de 67 ans.
— M. le prof. Klugkhohn et M. Rogkinqer, archiviste de l'état à
Munich, ont été nommés membres ordinaires de la commission d'his-
toire de l'académie des sciences de Bavière.
— La Société des sciences de Leipzig a décerné cette année le prix
Jablonowski à M. Alex. Brûckner, privat-docent à Lemberg, pour
une étude sur les établissements des Slaves dans la Vieille Marche, et
a mis au concours pour 1881 le sujet suivant : les Régestes des rois
polonais de 1295 à 1506.
— L'Académie des sciences de Bavière (section historique) a mis au
concours pour 1883 une Histoire de l'enseignement en Allemagne
depuis les plus anciens temps jusqu'au milieu du xni's. (prix : 5000 m.).
Pour le prix Zographos, elle a mis au concours les deux sujets suivants :
1» Étudier les recueils d'extraits faits sous la direction de l'empereur
Constantin Porphyrogénète. 2« Étude critique sur la chronographie de
Theophanes, et recherches sur les sources et les continuations de cet
ouvrage (terme, 31 déc. 1880. — Valeur des prix : 1,500 m. pour le
l*' sujet ; 2,000 pour le second).
— La société des sciences de la Haute-Lusace a mis au concours le
sujet suivant : Gœrlitz et la Vehme westphalienne au xv* s. (prix :
150 m.)
— l'i' du Hand'Atlas fur die Geschichte
des (Gotha, Perthes). Les livrai-
CHRONIQUE BT BIBLIOGRAPHIE. 238
sons 21-23, par lesquelles se terminera cet important ouvrage, paraî-
tront dans le courant de la présente année.
— VArchiv fur die Sxchsische Geschichte^ publié jusqu'ici sous la direc-
tion de feu le D^ von Wbber, cessera de paraître à partir de Pâques 1880.
Il sera remplacé par une revue nouvelle intitulée : Neues Archiv fur
Sschsische Geschichte und Alterthum, dans laquelle viendront se fondre
les Mittheilungen d. Kœnigl. Sachsischen Alterthumsvereins ; de cette
dernière publication, il ne reste plus qu'un n* à paraître.
— La 4* partie des Studien zur altesten Geschichte der Rheinlande
par Mehlis vient de paraître. (Leipzig, Duncker et Humblot.)
— M. HuDEMANN vient de publier (Galvary, à Berlin) une deuxième
édition, revue et augmentée, de sa Geschichte d. rœmischen Postwesens
wmhrend d. Kaiserzeit; voy. sur la l^* édition la Rev. histor.^ VI, 455.
— La 4* partie du Codex diplomaticus Anhaltinus^ publié par M. 0.
von Heidemann, vient de paraître ; elle comprend les années 1351-1380.
— Les Mittelrtieinische Regesten^ publiés par la direction des archives
de rÉtat de Prusse, contiennent des pièces, rangées par ordre chrono-
logique, pour rhistoire des districts de Cologne et de Trêves. Le 2* vol.
récemment publié par M. Goerz fournit les régestes des années 1152-
1237.
— Les vol. VII et VIII de l'ouvrage d'Onno Klopp, Der Fait des
Hauses Stuart und die Succession des Hauses Hannover, viennent de
paraître (Vienne, Braumûller; sur les 4 premiers, voy. Rev. hist., VI,
469).
— MM. KoHN et Mehlis publient chez Gostenoble à léna des Mate^
rialen zur Vorgeschichte d, Menschen im cestl. Europa. Le 2* vol. com-
posé d'après les sources polonaises et russes a paru dans le courant de
juin dernier.
— Dissertations inaugurales de TUniversité de Berlin (1878) : Geppert.
Beitrsege zur Lehre v. d. Gerichts-Verfassung d. Lex Salica. — Hoff-
mann. De Taciti annalibus historiisque capita duo. — Schneider. Quaes-
tiones Ammianeae. — E. Zellkr. Ueber den wissenschaftlichen Unter-
richt bei den Griechen.
— Dissertations universitaires (1878) : Bonn. Heimbach. Quaeritur,
quid et quantum Cassius Dio in historia conscribenda inde a 1. 40
usque ad 1. 47 e Livio desumpserit. — Schmitz. Die Geschichte der
Lothringischen Pfalzgrafen bis auf Konrad von Staufen. = Genève.
Vallat. De l'origine de l'église évangélique des vallées vaudoises.
= Kiel, LuEBBERT, Dissertatio de gentis Claudiae commentariis do-
mesticis. (Fest-Schrift). — Hoefpler. De nomothcsia Attica. —
ScHWARTz. Ad Atheniensium rem militarem studia Thucydidea. —
Kessler. Secundum quos auctores Livius res a Scipione maioro in
Africa ge«tas narraverit. — Vooblbr. Quae ab a. u. c. 710 post
mortem C. Julii Gaesaris acta sint in senatu Romano. = Berlin.
234 CHRONIQUE ET BIBLI06RAPHIB.
WuERz. Merces ecclesîastica Athenis, quîbus de causis, quoque tem-
pore instituta et qua ratione dispensari solita sit. — Marhurg, Lange.
De Aeneae commentario poliorcetico. Part. I. = Leipzig. Arnold.
Beitraege zur Kritik Karolingischer Annalen. — Fraenkel. De condi-
cione, jure, jurisdictione sociorum Atheniensium. — Baerwinkel. De
lite Gtesiphontea commentatio. — Detmer. Otto U bis zum Tode seines
Vaters. — Wilsdorf. Fasti Hispaniarum provinciarum. — Lobbgk.
Markgraf Konrad von Meissen. — Wahnschaffe. Das Herzogtlium
Kaernten und seine Marken im 11. Jahrhundert. — Hoernino. Dassechs-
seitige Prisma des Sanherib nebst Beitrœgen zu seiner Erklaerung. —
Bernhardt. Der Einfluss des Cardinals-Collegs auf die Verhandlungen
des Constanzer Concils. = Halle. Struvb. De compositi operis Thucy-
didei temporibus. — Ifiand. Die Kaempfe Theodosius des Grossen mit
den Gothen. — Giildenfennino. Die Quellen zur Geschichte des Kai-
sers Theodosius des Grossen. — Gesghwandtner. Quibus fontibus Tro-
gus Pompejus in rébus successorum Alexandri M. enarrandis usus sit.
— Wetzel. Die Chroniken des Baeda Venerabilis. — Hilqer. Das Ver-
haBltniss des Hugo Folcandus zu Romuald von Salerno. = Strassburg.
De Boor. Beitraege zur Geschichte des Reichstages zu Speier vom
Jahre 1544. — Heidbnheimer. Machiavelli's erste rœmische Légation.
— Programmes des gymnases, Realschulen, etc., pour 1879 :
Prietzel. Boethius u. seine Stellung zum Christenthume. Loebau.
— Thum. Anmerkungen zu Macaulays History of England. Reichen-
hach. — TiMPE. Philippe de Gommines, sa vie et ses mémoires.
Lubeck. — Schaefer. Die Schlacht an der Elster 1080. Weissenfels. —
LiNDEGKB. Die Stellung des Bisthums Halberstadt zu der Grundung
des Erzbisthumes Magdeburg. Halberstadt. — Grcessler. Die Ausrot-
tung des Adoptianismus im Reiche Karls des Grossen. Eisleben. —
Rambeau. Charakteristik der historischen Darstellung des Sallust.
Burg. — Wesemann. Gaesarfabeln des Mittelalters. Lœwenberg. —
Neumann, Hugo I, Abt von Cluny. Frankfurt am Main. — 8u-
CHiER. Statuta, leges et privilégia universitatis Rinteliensis. Rinteln.
— Die Grabmonumente der fiirstlichen Hausser von Hanau und
Hessen zu Hanau. Hanau. — Walter. Erasmus und Melanchthon.
Bernburg. — Kasten. Der historische Werth des 2. Bûches der Mak-
kabaeer. Stolp. — Zmzow. Bischof Otto von Bamberg als Apostel der
Pommern. Pyritz. — Lehmann. Bausteine zur Geschichte von Neus-
tettin. Neustettin. — Petbrsdorpf. C. Julius Gaesar num in bello Gal-
lico enarrando nonnulia e fontibus transcripserit. Belgard. — Behrbndt.
Franzœsische Finanz-u. Voikszustœnde unter Ludwig XIV. Perleberg.
— Floeck. Vindiciae Thucydideae. Bonn. — Voss. De Tyche Thucy-
didea. Dùsseldorf. — Henrich. Bems Stellung zur Genfer Reformation
1535-1538. Emmerich. — Roitsahl. Die Expédition der Athener nach
Sicilien 415-413 v. Chr. Langensalza. — Sterz. Richard I, Fûrst von
Gapua und die Normannen in Unteritalien. Ploen. — Sghweder. Die
Go««'*Ardaiiz der C^'^ hieen des Pomponius Mêla u. des Plinius
CHRONIQUE ET BIBLIOGIUPHIE. 235
(Nat. hist. III-VI). Kiel. — Klopsch. Der dilectus in Rom bis zum
Beginn der burgerlichen Unruhen. Itzehoe. — Krause. Appian als
Quelle fur die Tteii von der Verschwœrung gegen Gaesar bis zum Tode
des Decimus Brutus. I. Rastenburg. — Stbinwender. Ueberdas nume-
rische Verhœltniss zwischen cives und socii im rœmischen Heere.
Marienburg. — Holtz. Friedrichs des Grossen Darstellung der Ursa-
chen des œsterrcichischen Erbfolgekriegs und des schlesischen Kriegs.
Graudenz. — Pohler. Oesterreichs Turkenkrieg 1663-1664. Frankfurt
an der Oder. — Haupt. Die Einfiihning der Hiérarchie im Franken-
reiche. Ohlau. — Zorn. Ueber die Niederlassungen der Phokœer an
der Siidkûste von Gallien. Kattowitz. — Hockenbeck. Beitraege zur
Geschichte des Klosters und der Stadt Wongrowitz. Wongrowitz. —
Jaeger. Urkundenbuch des Klosters Teistungenburg im Ëichsfelde.
Duderstadt. — Fokke. Alcibiades u. die Sicilische Expédition. Emden.
Alsace. — M. Dagobcrt Fischer, érudit alsacien, et collaborateur
assidu de la Revue d'Alsace, est mort le 20 fév. dernier ; il a publié de
nombreuses monographies sur l'histoire de TAlsace.
Antriohe-Hongrie. — Dans les premiers jours de Juillet 1879 est
mort M. Fr. Somhegyi, professeur d'histoire à Budapest.
— L'édition des écrivains de Téglise latine entreprise par l'Académie
d'Autriche comprendra bientôt les œuvres d'Orose, pub. par Zanoe-
meister, actuellement sous presse ; pour Paulin et autres auteurs,
M. Zechmeister a collationné do nombreux mss. dans les bibliothèques
de France, d'Angleterre et de Belgique ; pour Eugippius, M. Kncell a
eu la bonne fortune de trouver dans les bibliothèques italiennes d'im-
portants matériaux non encore exploités jusqu'ici.
— Une revue nouvelle, analogue à notre Bibliothèque de l'École des
chartes, vient de se créer en Autriche sous la direction de M. Foltz ;
elle aura pour titre : Mittheilungen des Instituts fiïr œsterreichische GeS"
chichtsforschung in Wien^ et paraîtra tous les trois mois (Innsbruck,
Wagner).
— Le 41» vol. des Diplomata et Acta austriaca, qui vient de paraître,
contient : l» le livre des morts de l'abbaye cistercienne de Lilienfeld
en Autriche, pub. par M. von Zeissbero. Dans sa première rédaction,
cet important document va jusqu'au xiii« s. 2* Les lettres do Albrecht
von Waldstein à Karl von Harrach, publiées par Ferd. Tadra , d'après
les lettres originales conservées dans les archives des comtes de Har-
rach à Vienne, et précédées d'une intéressante introduction sur la vie
d'A. V. Waldstein depuis la bataille de la Montagne blanche jusqu'à
son élévation au grade de généralissime.
— La 38« partie du Dictionnaire biographique d'Autriche par
WuazBACH contient les articles Stehlik à Stietka.
— M. Vincent Bramdl vient de faire paraître les 8' et 9« vol. du
Codex diplomaticus et epistolaris Moraviae qui comprennent les années
1350 à 1366.
236 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
Angleterre. — Le 7* vol. des Transactions of the royal hisiorical
Society (1878) contient les mémoires historiques suivants : G. Walford.
Tables anciennes de mortalité, publiées à Londres à partir de 1562. —
Le Rév. Pearson. Les anciens comptes de la fabrique (churchwarden
accounts) de Saint-Michel de Bath, qui commencent en 1341. — Baron
BoGOusHEvsKY. Les Anglais en Moscovitie au xvi« s. (publie plusieurs
documents tirés du British muséum et du Public record Office sur le
projet imaginé par Ivan le Terrible de former une alliance avec Eliza-
beth et d'épouser une femme anglaise). — Allan. Notice sur la famille
de Marguerite de Logy, seconde femme du roi David II d'Ecosse. —
Le Rév. Wratislaw. Jean de Jerstein, archev. de Prague, 1378-1397.
— HowoRTH. Le clergé de Saint-Colomban dans la Grande-Bretagne
du Nord.
— Le 11« rapport du Deputy-keeper des Public records d'Irlande
contient le catalogue des Fiants d'Elisabeth, 1558-1570, qui occupe plus
de 200 p. ; ces actes ou mandements (fiant) consistent en concessions
de certains offices importants, ou de terres de la couronne, ou de char-
tes d'incorporation, en rémissions, en ordres pour l'exécution de la loi
martiale, etc. Ces documents donnent des détails fort curieux et fort
tristes sur la situation sociale de l'Irlande pendant le règne d'Elisabeth.
— Un nouveau vol. des Monumenta Britannicae historica (Rolls séries)
vient de paraître ; c'est le Register of Malmesbury abbey , publié par
M. Brewer.
— Le Rév. Gameron, de Brodick, vient de fonder une Celtic review
pour l'étude de la langue, la littérature et l'archéologie des Highlands.
— M. F. LiEBERMANN, de Berlin, vient de publier un important vol.
sous le titre Ungedriickte anglo-normannische Geschichtsquellen.
— M. JowET, professeur à Oxford, va publier une traduction de
Thucydide en 4 vol. : le l** sera un vol. d'introduction ; la traduction
remplira les vol. 2 et 3 ; le 4* sera réservé pour le commentaire et les
notes.
— M. Laurence Gomme, qui vient de publier un Index of municipal
offices d'après les appendices du l**" rapport des commissaires chargés
de faire une enquête sur les corporations municipales de l'Angleterre
et du pays de Galles (voy. Attisnaeum, 12 juillet 79), prépare un nou-
veau vol. intitulé Open^air primitive assemblies in Britain.
— M. le Rév. Dunn Macray prépare une série de plaquettes sous le
titre Anecdota Bodleiana; gleanings from bodleian mss, La l'*, qui est
sous presse, contient « A short yiew of the state of Ireland », écrit en
1605 par sir J. Harington.
— M. Alex. Gardner va publier un vol. préparé par M. Henry Gough
pour le marquis de Bute ; ce sont des documents relatifs à la campagne
du roi Ed^ d I en Ecosse en 1298, et en particulier à la bataille de
Falkirk ^ i ai ^ ire d'Edward I dans une expédition
enË
CHRONIQUE BT BIBLIOGRAPHIE. 237
— L'éditeur du catalogue des chartes conservées à la Bodléienne,
M. TuRNSR, prépare une édition d'extraits tirés des chartes de la cité
d'Oxford, et autres documents relatifs à Thistoire municipale de cette
ville de 1209 à 1603 (par souscription, chez Parker et G^*). Ce volume
contiendra le fac-similé, d'après la charte originale, du mandement
adressé en 1258 par Henri III à tous les comtés, pour prescrire Tohéis-
sance aux commissaires nommés par le Parlement d'Oxford ; c*est le
seul exemplaire original qu'on ait conservé de cet acte ; c'est aussi le
plus ancien monument de la prose anglaise.
— Le Rév. W. Jones, chanoine de Salisbury, est sur le point de
publier un ouvrage intitulé Fasti ecclesiae Sarisberiensis, suivi d'une
liste des évoques, archidiacres et chanoines du chapitre de Salisbury
depuis les plus anciens temps jusqu'à nos jours.
— M. Vivian vient de publier la l'» partie des Visitations of Cornwall
for 1530, 1573 and 1620, qui donne de nombreux renseignements bio-
graphiques sur d'anciennes fouilles de C!ournouailles (chez Golding et
Lawrence).
— On annonce la prochaine mise en vente de la carte de la Palestine
occidentale, dressée d'après les recherches entreprises par l'Exploration
Fund. Le l**" tirage, sur grand papier, sera limité à 250 ex. vendus au
prix de 12 guinées. La carte de la Palestine orientale, qui aura pour
base les travaux de l'expédition américaine, paraîtra plus tard.
— Le 6« vol. (index) de la History of the Norman œnquest par
M. Freeman vient de paraître (Clarendon Press), ainsi que le second
vol. de la History of the indian meeting par le col. Malleson.
— MM. Peace et fils, de Kirkwall, annoncent la réimpression d'une
description des Orcades et des Shetlands, écrite en 1633 par un seigneur
du pays, Robert Monteith, et publiée en 1711, et d'une description des
Shetlands rédigée par Thomas GifTord en 1733, avec l'appendice et la
préface dont Nichols, l'archéologue bien connu, l'accompagna en la
publiant en 1786 au vol. V de sa Bibliotheca topographica Britannica,
— Les chanoines réguliers de l'ordre de Saint-Hubert, ou les cha-
noines blancs, viennent de publier une esquisse de l'ordre de Prémon-
tré et de leurs maisons en Grande-Bretagne et en Irlande (Burns et
Oates). Cest un livre de vulgarisation, non un travail érudit.
— M. W. Nevins termine son History of Ireland and the holy see ;
la dernière partie paraîtra l'année prochaine.
— Parmi les mss. récemment acquis par le British Muséum, nous
citerons une histoire de la Grande-Bretagne avant la conquête nor-
mande, écrite au commencement du siècle dernier; des papiers de
Samuel Desborough, chancelier d'Ecosse pendant la République, avec
plusieurs lettres du général Monk, 1651-1660 ; la correspondance de
l'amiral Haddock, qui commandait dans la Méditerranée en 1739-1742 ;
des collections de documents relatifs à la famille de Waterhouse ; des
238 CHEO^riQUE bt bibliogriphib.
enquêtes de coroners dans le comté de Lincoln, 1669-1701 ; des lettres
écrites par divers membres de la famille de Byron, lettres adressées
pour la plupart à M»« Aagusta Leigh, 1744-1755 ; un ms. des Moralia
du pape Grégoire, en caractères mérovingiens, acheté à la vente
Didot, etc.
— Une nouvelle Société de publication vient de se fonder à Manches-
ter sous le titre : « The Record Society for the publication of original
documents relating to Lancashire and Gheshire i ; son premier vol. a
déjà paru. Il contient le cadastre des églises des comtés de Lancastre
et de Ghester. Le second vol. contiendra des inquisitiones post mortem,
des inventaires et des testaments, des archives des tribunaux et des
guildes, des registres de paroisses, etc.
— La librairie Waterlow et fils (Londres) vieilt de mettre en vente
un gros vol. sur les institutions municipales de TAngleterre; il contient
une centaine de tableaux statistiques qui permettent de suivre le déve-
loppement de ses institutions jusqu'en juin 1879, et l'analyse des divers
actes du Parlement relatifs aux municipalités.
Italie. — La librairie Guasti de Prato a publié un essai de bibliogra-
phie géographique, historique et ethnographique de San Francisco, par
le P. Marcellino de Givezza M. 0. C'est un gros vol. de 698 p. gr. in-8,
qui contient, outre les notices bibliographiques, de nombreux docu-
ments qui peuvent être d'un grand intérêt pour Tétude de la géo-
graphie historique.
— M. Adamo Rossi, conservateur de la bibliothèque municipale de
Pérouse, a publié (Pérouse, Boncompagni, 1879) un Quaderno délia
cronaca perugina del Graziani jusqu'ici inédit et inconnu, qui fait suite
à la chronique incomplète du même compilateur publiée dans VÀrch.
stor. tto/., t. XVL Ge cahier, qui parait avoir été enlevé du ms. même
dont se sont servis les précédents éditeurs, a été, il n'y a pas long-
temps, découvert chez un marchand de salaisons par M. Rossi. Il con-
tient le récit des faits qui se sont produits du 16 juill. 1491 au 2 sept.
1493. L'éditeur nous avertit que, malgré ce supplément, la chronique
n'est pas encore complète, et il conclut f d'un fragment en forme de
brouillon, trouvé avec le cahier, que l'auteur avait songé à la continuer
au moins jusqu'en 1541 t.
— On a publié un fasc. des Atti de l'Académie de la Grusca (Flo-
rence^ Galileiana) ; il contient les discours lus à la séance du 16 sept.
1878 (voy. Rev. histor. IX, 263). A la lecture du prof. D. Berti sur t les
Piémontais et la Grusca », ont été ajoutées en appendice des lettres de
Garlo Botta, G. B. Nicolini et G. Leopardi à G. Grassi.
— La surinten( ce des Archives vénitiennes (école de paléographie)
a fait oublier le $ délia Rep. veneta, dal sec, ix al xviii, pour aider
à r* fît anciennes. Les notices sommaires ont été
r 7aD,qui donne ain«i une réédition revue
CHROinQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 239
et augmentée d'un travail paru en 1866. La description des monnaies
est divisée en 4 catégories: monnaies primitives (814-1106), ducales
(1156-1797), anonymes, enfin monnaies des possessions italiennes
d'outre-mer et de terre ferme. Le texte est accompagné d'une courte
préface par M. B. Gecchetti, surintendant des archives, de notes histo-
riques et d'un index alphabétique très détaillé (Venise, Visentini,
1879, in-16). — Voy. du même Padovan la Nummografla veneziana^ et
les Documents pour servir à l'histoire de la monnaie vénitienne qu'il
publie depuis 1876 dans VArchivio veneto,
— Le 5® vol. du Codex diplomaticus cavensis (Naples, Hoepli 1879)
contient 162 documents (no* 708 à 869), dont 2 de 1018 et 1034 ; presque
tous sont des cartae pagenses et ecclesiasticae. Dans l'appendice, on
décrit le ms. n® 3 de la bibliothèque de la Gava (Beda, de Temporibus)
et l'on réédite les Annales cavernes^ écrites en marge du ms. susdit,
annales déjà publiées par Muratori et Pertz. Pour les vol. antérieurs,
voy. Rev. hisi. III, 361, et VII, 237.
— Le 13* fasc. des Curiosità e ricerche di storia subalpina contient
les articles suivants : l'ambassade sarde à la cour de Naples , 1759-
1768 (à propos de la succession éventuelle du duché de Plaisance pro-
mise au roi de Sardaigne par le traité d'Aix-la-Chapelle). — Vayra.
Le musée historique de la maison de Savoie ; suite. — Perrero. La
première expédition des chevaliers de la sainte religion et milice des
saints Maurice et Lazare ; documents inédits pour servir à l'histoire
des armements et faits maritimes de la maison de Savoie en 1573. —
Promis. Les 13 vol. de blason de Charles-Emmanuel I, duc de Gênes.
— L'historien de Rome au moyen âge, M. Grboorovius, prépare une
biographie du pape Innocent VIII; il a réuni de nombreux documents
sur la politique de ce pontife pendant la guerre de Trente-Ans.
— Le 17* vol. des Diarii de Palerme vient de paraître; il contient la
suite du Diario palemiitano de Francesco-Maria Emanuele et Gaetani,
de janv. 1776 et déc. 1779.
— On annonce deux biographies du célèbre patriote et historien
Gino Capponi par le baron Alfred Reumont (Gotha, Perthes), et par le
sénateur M. Tabarrini (Florence, Barbera).
Suisse. — M. K. Deschwanden vient de publier le 4* vol. des Eid-
genœssische Abschiede (1533-1540) dans le recueil officiel que dirige
M. Jac. Kaiser.
LISTE DES LIVRES DÉPOSÉS AU BUREAU DE LA REVUE.
[Nota n'indiquons pas ceux qui ont été jugés dans les Bulletins
et la Chronique,)
BxRSNOER-FéRAUD. Lbs pcuplades de la Sénégambie; histoire, ethnographie,
mœurs et coutumes, légendes, etc. Leroux. — Comte Jules Dblabordb. Gaspard
240 LIST9 DBS LIVRES DlÎPOSés AU BUREAU DE Ll REVUE.
de Goligny, amiral de France. Vol. I. Fischbacher. — Dournbl. Histoire géné-
rale de Péronne. Péronne, Quentin, imprimeur; Paris, Dumoulin. — Halpbbn.
Harangues et lettres inédites du roi Henri IV, suivies de lettres inédites du
poète Nicolas Rapin et de son fils. Lille, impr. Danel. — Layissb. Études sur
l'histoire de Prusse. Hachette. Pr. : 7 fr. 50. — Wallon. Histoire de TEsclavage
dans l'Antiquité. 2' édit. 2 vol. Hachette. Pr. : 7 fr. 50 chaque.
Bblogh. Campanien; Topographie, Geschichte und Leben der Umgebung
Neapels im Alterthum , aTec un atlas de 17 caries en couleurs. Berlin, Calvary.
— Comte Siegmar Dohna. Les comtes Dona à Orange de 1630 à 1660; traduit
de l'allemand par L. Bourgeois. Berlin, Grunert ; Paris, Picard, Pr. : 5 fr. —
Gabdeke. Maria Stuart. Heidelberg, Winter. Pr. : 10 m. — Hagbn. 4 Abhand-
lungen zur Geschichte d. Philologie und zur roemischen Literatur. Berlin, Cal-
vary. — Hallwich. Wallenstein's Ende; ungedriickte Briefe und Acten. 2 toI.
Leipzig, Duncker et Humblot. — Huhn. Geschichte Lothringens, toI. II. Berlin,
Grieben. Pr. : 6 m. — Koldb. Die deutsche Augustiner Congrégation, und
Johann von Staupitz. Gotha, Perthes. — Nbmeo. Papst Alexander VI; eine
Rechtfertigung. Linz, H. Korb. — Oncken. GEsterreich und Preussen im
Befreiungskriege, vol. 11. Berlin, Grote. Pr. : 13 m. 50. — L. Ton Rankb.
Serbien und die Tiirkei im XIX Jabrh. Leipzig, Duncker et Humblot — Schbf-
FBR-BoicHoasT. Dlc Neuordnung der Papstwahl durch Nikolaus II. Strasbourg,
Trûbner. — Wittich. Struensee, Leipzig, Veit et C*. Pr. : 5 m. — Wbizsackbr.
Der Rhemische Bund 1254. Tubingue, Laupp. — Wuttkb. Zur Vorgeschichle
der Bartholomsusnacht, pub. d'après les papiers de Wuttke par Dr. G. Miiller-
Frauenstein. Leipzig, Weigel.
Chiala. L'alleanza di Crimea. Rome, Voghera Carlo. — Palumbo. Giulio
Cesare Vanini e i suoi tempi. Naples, impr. Jovene.
Erratum du précédent numéro.
P. 361, L 12, au lieu de
: Moijan,
lisez
; Montjeu.
- 402, — 20,
—
tombe,
—
nécropole.
— 402, - 25,
—
Brocchi,
-^
Bocchi.
- 404, - 7,
—-
coussins de cendres, —
urnes cinéraires.
- 404, - 38,
—
stadeum.
—
stadium.
— 405, — 32,
—
et dans,
—
dans.
— 406, — 35,
—
Dikaiarachia,
—
Dikaiarchia.
- 407, — 22,
—
Pentilleria,
—
Pantilleria.
- 410, — 39,
—
storichi,
—
storid.
-411,- 4,
—
délie.
—
délia.
— 412, - 28,
—
Arcardi,
—
Arcadi.
— 412, — 33,
—
Flechio,
—
Flechia.
-445,- 4,
—
Texte,
—
Sexte.
— 445. Donner à la note 2 le n* 3 et réciproquement
— 506, — 28,
L'un des
Larose,
"^
Delagrave.
propriétaires-gérants,
G. MONOD.
Nogent-le-Rolrou, Imprimerie Daupeley-Gouvemeur.
UÉGLISE D'AFRIQUE
ET SES PREMIÈRES ÉPREUVES
sous LE RÈGNE DE SEPTIME SÉVÈRE.
A quelle époque et par qui la foi chrétienne fut-elle portée dans
l'Afrique romaine ? On ne le sait pas précisément. On n'a nulle
raison de faire remonter la prédication de la foi nouvelle à l'âge
apostolique proprement dit. Le témoignage de Métaphraste, qui
fait venir saint Pierre à Carthage après qu'il eut organisé l'église
de Rome, est sans aucune valeur historique*. Eusèbe ne sait rien
non plus des traditions plus que suspectes qui attribuent à Simon
Zélote ou à Simon le Cyrénéen, ou à saint Marc, disciple de
Pierre, la fondation de l'église d'Afrique*. Le patriotisme, l'or-
gueil local trouve mal son compte dans les origines anonymes :
l'histoire véridique doit s'en accommoder en l'absence de rensei-
gnements sérieux et précis. Le christianisme à la première heure
compta autant d'apôtres que de fidèles. La prédication se fit toute
seule presque partout, par des inconnus, sans mission instituée,
sans attribution de mandat par un pouvoir central longtemps
ignoré. Les germes de la foi se répandirent par les libres mou-
vements de bonnes volontés individuelles. Les passages de
Tertullien et de Cyprien que l'on cite 3, pour rattacher l'origine
1. Metaphr. ad 29 jun. Cf. Baronius, AnncU, Ecd. ad annam Christ. 44, { 39.
2. Mûnler, Primordia Eccl. Africanae, ch. 3, p. 6, 7.
3. TertuU., de praescript., 36. Id. c. 20. Cypriaous, Epist, 48, Ad Comelium,
Ed. Hartet, p. 607. A propos du passage de Tertullien : perçu rre Ecclesias, etc.,
Miinter écrit : Lubens quidem Basnagio contra Baroniam disputanti dabo ex
bisce Terbis haud elici posse luculentum TertulUani testimonium de Romana
Ec^lesia fonte Ecclesiae Africanae, quia ^erbum c conlesserare > a Tertulliano ad-
hibitum conspiralionero tanlum doctrinae et conjunctionem familiariorem indi-
cat, quae quasi per tesseram, signum hospitale, fiebat : at intimuro taroen
utriusque Ecclesiae nexum ista verba déclarant Neque negabo auctoritatero in
antecedentibus, haud ipsam indicare originem. Fred. Mûnter, Primordia Eccl.
AfricanaCy p. tO, ti.
Rev. Histor. XI. 2« FASc. 16
232 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
— M. le marquis de Galard publie par souscription une Monogra-
phie du chéUeau de Wideville, accompagnée de 12 eaux-fortes.
Allemagne. — M. von Weber, directeur de VArchiv fur Sxchsische
Geschichte, est mort dernièrement. 11 avait publié de nombreux docu-
ments dans le recueil qu'il dirigeait, et plusieurs ouvrages historiques,
entre autres Vier Jahrhunderte deutscher Geschichte,
— Le 13 juillet 1878, est mort H. Blochmann, né à Dresde en 1838.
Il alla étudier les langues orientales à Leipzig, Paris et Londres. En
1858, il s'engagea dans l'armée anglaise de l'Inde, et deux ans après,
à la mort du recteur de l'Université de Calcutta, il y enseigna Tarabe
et le persan. Le déchiffrement des anciennes inscriptions des temples
de l'Inde, sa collection de monnaies indiennes et ses études sur plu-
sieurs points importants de l'histoire du pays lui ont assuré une place
distinguée dans l'Hindoustan, devenu sa seconde patrie. Parmi ses
ouvrages historiques, citons : Contributions to the geography and history
ofBengal (1203-1538), 1873, — The Hindu R(yas and the Mughal govern-
ment, — The death ofJahangir and the accession of Shahjahan,
— Le 8 juin est mort à Lubeck le prof. Mantels, connu comme his-
torien et comme fondateur de la Société de l'histoire hanséatique.
— Le l»' juillet 1879 est mort à Bromberg le numismate Jul. Kos-
8AR8RI à Tàge de 67 ans.
— M. le prof. Klugkhohn et M. Rogkinqer, archiviste de l'état à
Munich, ont été nommés membres ordinaires de la commission d'his-
toire de l'académie des sciences de Bavière.
— La Société des sciences de Leipzig a décerné cette année le prix
Jablonowski à M. Alex. Brûgkner, privat-docent à Lemberg, pour
une étude sur les établissements des Slaves dans la Vieille Marche, et
a mis au concours pour 1881 le sujet suivant : les Régestes des rois
polonais de 1295 à 1506.
— L'Académie des sciences de Bavière (section historique) a mis au
concours pour 1883 une Histoire de l'enseignement en Allemagne
depuis les plus anciens temps jusqu'au milieu du xni's. (prix : 5000 m.).
Pour le prix Zographos, elle a mis au concours les deux sujets suivants :
1» Étudier les recueils d'extraits faits sous la direction de l'empereur
Constantin Porphyrogénète. 2* Étude critique sur la chronographie do
Theophanes, et recherches sur les sources et les continuations de cet
ouvrage (terme, 31 déc. 1880. — Valeur des prix : 1,500 m. pour le
l*' sujet ; 2,000 pour le second).
— La société des sciences de la Haute-Lusace a mis au concours le
sujet suivant : Gœrlitz et la Vehme westphalienne au xv« s. (prix :
150 m.)
— n a paru jusqu'ici 20 livraisons du Hand^Atlas fur die Geschichte
des Mittelalters, p. p. Sprunner et Menkb (Gotha, Perthes). Les livrai-
CnROFCIQUB ET BIBLIOGRAPHIE. 238
sons 21-23, par lesquelles se terminera cet important ouvrage, paraî-
tront dans le courant de la présente année.
— VArchiv fur die Sxchsische Geschichte^ publié jusqu'ici sous la direc-
tion de feu le D^^ von Wbber, cessera de paraître à partir de Pâques 1880.
Il sera remplacé par une revue nouvelle intitulée : Neues Archiv fUr
Sxchsische Geschichte und Alterthum, dans laquelle viendront se fondre
les Mittheilungen d. Kœnigl. SxchsUchen Alterthumsvereins ; de cette
dernière publication, il ne reste plus qu'un n* à paraître.
— La 4« partie des Studien zur altesten Geschichte der Rheinlande
par Mehlis vient de paraître. (Leipzig, Duncker et Humblot.)
— M. HuDEMANN vient de publier (Calvary, à Berlin) une deuxième
édition, revue et augmentée, de sa Geschichte d. rtemischen Postwesens
wxhrend d. Kaiser zeit; voy. sur la l'* édition la Rev. histor.^ VI, 455.
— La 4« partie du Codex diplomaticus AnhaltinuSy publié par M. 0.
von HEmEMANN, vient de paraître ; elle comprend les années 1351-1380.
— Les Mittelrheinische Regesten^ publiés par la direction des archives
de rÉtat de Prusse, contiennent des pièces, rangées par ordre chrono-
logique, pour Phistoire des districts de Cologne et de Trêves. Le 2« vol.
récemment publié par M. Gcerz fournit les régestes des années 1152-
1237.
— Les vol. VII et VTII de l'ouvrage d'Onno Klopp, Der Fall des
Hanses Stuart und die Succession des Hauses Hannover, viennent de
paraître (Vienne, Braumûller; sur les 4 premiers, voy. Rev, hist,^ VI,
469).
— MM. KoHN et Mehlis publient chez Gostenoble à léna des Mate--
rialen zur Vorgeschichte d. Menschen ïm OMtl. Europa. Le 2* vol. com-
posé d'après les sources polonaises et russes a paru dans le courant de
juin dernier.
— Dissertations inaugurales de FUniversité de Berlin (1878) : Geppert.
Beitraege zur Lehre v. d. Gerichts-Verfassung d. Lex Salica. — Hoff-
mann. De Taciti annalibus historiisque capita duo. — Schneider. Quaes-
tiones Ammianeae. — E. Zellkr. Ueber den wissenschaftlichen Untcr-
richt bei den Griechen.
— Dissertations universitaires (1878) : Bonn. Heimbach. Quaeritur,
quid et quantum Cassius Dio in historia conscribenda inde a l. 40
usquc ad l. 47 e Livio desumpserit. — Schmitz. Die Geschichte der
Lothringischen Pfalzgrafeu bis auf Konrad von Staufen. = Genève.
Vallat. De Torigine de l'église évangélique des vallées vaudoises.
=r KieL LuEBBBRT, Dîsscrtatio de gentis Claudiae commentariis do-
mcsticis. (Fest-Schrift). — Hoefpler. De nomothcsia Attica. —
ScHWARTZ. Ad Atheniensium rem militarem studia Thucydidea. —
Kbssler. Secundum quos auctores Livius res a Scipione maioro in
Africa gestas narraverit. -~ Voobler. Quae ab a. u. c. 710 post
mortem C. Julii Caesaris acta siut in senatu Romano. = Berlin.
pariait f»- cartzaziacci. E sie^ T-::QLLiis m 2i( pc^rrxii za:5
dépoeer. sst-îl Ikot^ fiiéiçaâs 5j~Zaies". M'fi.^ ^sijtxrr si 3g
2.
1 cse;aT9 aiac^Ciss i
n €St a crcicre ^'«c Afriq^^. ccciaae garvc:: l'^rTZ^, c'esc ia^s
ks floasKs prGijGiiss da petit pei^ ôes TïLes ^ ie» ca^za^ziss.
de saiig pQ^iqK oo !atî:i« farsii Les ""^TrS'r*^, jâ& Vyrirtaes Â
mûcide et ks i^-raîiPft ihres a:ix <wpâRC:D:c< les plrss
et des ûares arrceée» dT.gr<=-, ese la dr^crizie-ix 5
à se recmier. Ses prijerès fxpa^t rapàiâs. à oe ^'il 5
ÂTa^t la fin du seaxd sêcfe eik coffnTrt^*;a:i à =f:-Cdcr i la s:ir-
Êiee de la s>dêté. Le mêiaik^e «iss races* la cc^^^jc rC la Tiràetè
des croraiio» et des pratiques reiîg»s3es bd ^<r=]ectiifiit ie se
cacher aiàéiDe&l. L'athéisme et la loag^e, «iecx £râ£^ «pi pesèrent
aflkors sur ks cfarêtiecâ. rrraiect oûte à ec<e ec Afrique, sar^s
que le {Koroir s'en ixîqaiêtât. Apolee sans dxLte l'cÙ; p^is ai à
réff^Ae à oûe aocQsatiû& de majéâce, ^ des qT^estkc^ riz.usrècs
neoseeai pas été e& jeu, et daiïs sa ncpoc^e il pccvait jLCw:::i^fr sca
aocusateor de mèpTiser txxs Les diecx. sar^ ipe ce ^«ri tira: à
ooiiâéqiKXLce derai^t le triboiial et attirât à sc-l aiT^ersiire iTioi::
ennui. Qy<yr conéGàe! Il sembkcrait p^Lrir-cs i^'A;^:ilr^ rsc uii
chrétien traduit derant le proconsul : on Taorrise d«e i.';circ>=cxet
maritfrat^ makâoes, — plvrvHontm maleficioru . *v rksm-
festissimarum. — D a prononcé das £:<TQ;iIes bùiaiT\!s« s*e$t
procorè on pc^ââon poor interroger s^ entraille?. — Nocrrs le
poisson, sTinbole sacré des fidèles. — U a ^t ÙJbrlqu-er e^ a cccr
sacré une étrange image de bois, on hidecx sqoeLctte^ di:-<r. on
ne sait qnd démon bizarre. — Il a fût Tenir on edEir; epJep-
tique — dans la secte on disait poisédè — et Ta olî: :w<ciber
fè/tHk» âBle. ffvà wfxs!
douU. A|Nriêe. Afoleç , p. 5^. Ei. Ut.-lr. et BHdàaJ.
L*<6L1SE D'AFRIQUE SOUS SBPTTME S^viEE. 245
devant lui*. — Et d'un autre côté, Apulée paraît dépeindre en
Emilianus ce qu'on appelait l'athéisme chrétien. « Pour cet Emi-
lianus, c'est un jeu d'esprit que de tourner en dérision les choses
saintes. Si j'en crois une bonne partie des habitants d'Œa qui le
connaissent, à l'âge où il est, il n'a encore prié aucun Dieu, il
n'a mis le pied dans aucun temple. Passe-t-il devant quelque lieu
saint, il croirait faire un crime de porter la main à ses lèvres en
signe d'adoration*. Aux dieux des champs mêmes qui le nourris-
sent et l'habillent, il n'offre jamais les prémices de ses moissons,
de ses vignes, de ses troupeaux : dans sa ferme il n'y a pas une
seule chapelle, pas une seule enceinte, un seul bosquet consacré.
Et que parlé-je bosquet ou chapelle ? De ceux qui sont allés chez
lui, nul ne se rappelle y avoir vu même sur les limites une seule
pierre arrosée d'huile, un seul rameau couronné^. > Et le proconsul
Claudius Maximus renvoyait dos à dos le prétendu magicien et le
prétendu contempteur des dieux, ces deux moitiés de chrétien,
selon l'opinion commune.
Nous n'entendons pas qu'Apulée ou Emilianus aient incliné l'un
ou l'autre au christianisme. Apulée est philosophe et dévot à sa
manière. Il a été revêtu d'un sacerdoce à Carthage^ C'est un
sectateur fervent du polythéisme et un adorateur d'Isis. Il connaît
les chrétiens et a laissé voir par quelques traits la haine fanatique
que lui inspire la dépravation de ceux qui rejettent tous les dieux
sous prétexte d'en introduire un seul ignoré des antiques tradi-
tions*. Si son adversaire eût donné dans ces nouveautés sacri-
lèges à ses yeux et eût pu être accusé d'être affilié à la secte,
l'habile avocat n'eût pas fait scrupule de le charger sur ce point
et d'en tirer parti pour sa cause. Nous n'avons pu cependant
1. s. Cyprien attestait les réTélations des enfants extatiques. Dans une de ses
lettres il écrit : Praeter nocturnas enim visiones per dies quoque inipletar apad
nos Spiritu sancto pueroram innocens aetas quae in ecstasi Tidet ocalis, et
audit et loquitur ea quibus nos Dominus monere et instruere dignatur. EpUt,
IX. Cf. Ed. Le Blant, Recherches sur Vaccusation de magie dirigée conire les
premiers chrétiens. Extrait du XXXI« vol. des Mém, de la Soc, des Aniiq. de
FrancCy p. 10 et suiv.
2. Cf. le commencement de VOctavitis.
3. Apulée, Apolog.j p. 401.
4. Apul., Florid.y III. Docuit argumente susoepti sacerdotii summum mihi
honorem Carthaginis adesse.
5. Tum spretis atque calcatis divinis numinibus, in vicem certae religionis,
menti ta sacrilega praesumptione Dei, quem praedicaret unicnm, confictis obser-
Tationibus yacuis fallens omnes homines... Apul., Mé(amorph,y IX, t. I, p. 288.
246 B. Austf.
nous empêcher de noter en passant ces analogies. L'afEiaire
d'Apulée nous apprend aussi que l'accusation de magie était alors
de la dernière grayité et pouvait entraîner la peine capitale^
Frédéric Munter dans ses Primordia Ecclesiœ Afyncanœ
écrit qu'au temps de Tertullien, et plus précisément au moment
où le docteur de Carthage publiait son Apologétique ^ c'est-à-dire
à la limite extrême du second et du troisième siècle, les trois pro-
vinces de TAfirique romaine comptaient plus de cent mille chré-
tiens'. Les données sûres et précises font défaut pour établir ou
vérifier cette évaluation. Elle n'est présentée et ne peut l'être que
comme un à peu près, et à ce titre est facilement contestable.
Elle nous parait cependant assez vraisemblable, quoique peut-
être un peu grossie.
S'il fallait prendre à la lettre les textes de Tertullien, elle
serait au contraire fort au-dessous du vrai, et on devrait parier
non de cent mille, mais de plusieurs millions. On sait le fameux
passage où il marque que les chrétiens remplissent l'empire et
que le monde romain deviendrait un désert s'ils se retiraient;
dans un autre il dit que la multitude des chrétiens est bien plus
nombreuse que les ennemis de Rome'. De TAfirique en particulier
il écrit que les chrétiens dans chaque cité forment presque la
majorité de la population^. Dans ce cas ils eussent été plus de deux
cent mille dans la seule ville de Carthage. Dans la même lettre à
Scapula, il oppose aux menaces du proconsul la multitude des
chrétiens : « Que feras-tu, dit-il, de tant de milliers de chrétiens,
hommes et femmes, de toute classe et de tout rang, qui se présen-
teront devant toi ? Quels feux, quels glaives pourront suflBre à les
immoler? Faudra-t-il décimer Carthage? Chacun découvrira
parmi les victimes ses proches, ses amis, ses familiers*. >
S'il serait puéril d'accepter passivement l'arithmétique hyper-
bolique de Tertullien, il serait absurde d'autre part de ne tenir
nul compte de ces témoignages. Il faut croire certainement qu'au
1. Qui maritam toam, quem elcgeras, qneni at ipse objicielNit, efflictîm ama-
bas, capitis aeeusavU, Apulée, Âpol,, p. 526.
2. Neque facile a Tero aberrabimas si cbristianomm in A£ricaiiis provinciis
nomemm ante Agrippinom oltra centom millia crcTisse sUtoamos. Op. cit.,
c 5, p. 24.
3. Nane enim paociores bostes babeUs prae maltiliidiiie ebriâUaiionim paene
omniuin ciTitatam. Apolog., 37.
4. Partem paene roajorem dTitatis cojusque. Ad. Seap^,, 2.
5. Ad Scapul,, cap. nlU
l'MgLISB D'AFRIQUE SOUS SBPTIMB SlîviRB. 247
moment où TertuUien tenait la plume et écrivait les passages
cités plus haut, la foi chrétienne comptait en Afrique un nombre
très considérable d'adeptes et de clients dans toutes les classes de
la société, les uns chrétiens achevés, les autres chrétiens en tra-
vail; qu'ils étaient plus denses dans les centres populeux de la
province proconsulaire que dans la Numidie et dans la Mauri-
tanie, dans les villes que dans les campagnes; qu'à Carthage ils
se comptaient par milliers. Étaient-ils dix mille, vingt mille ou
trente mille à Carthage? Nul ne le sait, et l'hypothèse est libre.
On rapporte que l'évêque Agrippinus réunit en Numidie un
synode où se trouvaient soixante-dix évêques. On dispute sur
l'époque où se tint cette assemblée. MorceUi la place en 198,
Miinter, avec plus de raison ce semble, vers 215. Une réunion de
soixante-dix évêques, au moment même où la persécution com-
mençait à sévir, n'est guère vraisemblable. L'autorité Taurait-
elle soufferte? c'eût été pousser loin la complaisance. L'aurait-
elle ignorée ? c'eût été pousser loin l'aveuglement. Le fait est déjà
surprenant dans un temps où la persécution violente avait cessé.
Admettons-le cependant. Qu'est-ce que ce chiffre de soixante-dix
évêques ? Est-il donné comme un nombre rond ? A-t-il une valeur
mystique ? S'il doit être pris littéralement, il faudra reconnaître
que la Numidie seule, vers 215, comptait soixante-dix églises
constituées et organisées avec diacres, prêtres et évêques. On en
doutera peut-être, si l'on veut réfléchir qu'au concile de Carthage,
tenu en 256 par Cyprien, on ne trouve pour la Numidie que
trente-deux sièges épiscopaux, et quatre-vingt-dix pour l'en-
semble des trois provinces d'Afrique. D'un autre côté, on se gar-
dera sans doute de rien inférer de ce nombre de soixante-dix
évêques, si l'on veut considérer que dans les conciles postérieurs
tous les assistants ne sont pas évêques, et que primitivement et à
l'origine de l'organisation hiérarchique, — laquelle ne se fit pas
tout d'un coup et par décret, mais fut l'œuvre du temps et des
besoins nouveaux qu'il amena et auxquels on satisfit successive-
ment, — lorsque l'évêque fut nettement distingué du prêtre avec
lequel il se confondait d'abord et obtint, au lieu de cette primauté
d'honneur que son âge, ses services, l'ancienneté de sa foi, son
expérience et son zèle lui méritaient, un droit effectif de gouver-
nement et de juridiction, c'est-à-dire devint un chef élu, reconnu
et respecté comme Varchxereus de la communauté civile de
l'Asie, de la Bithynie ou du Pont, il y eut une période de transi-
248 B. ADBé.
tion d'une durée indéterminée et variable où le nombre des
évêques fut très considérable, correspondit à chaque groupe de
fidèles, et qu'il y en eut probablement plusieurs à la fois dans
quelques villes importantes. Au temps de saint Augustin, on
comptait environ quatre cent quarante-six sièges épiscopaux en
Afrique, dont beaucoup, comme on l'imagine aisément, avaient
de fort étroites circonscriptions*.
Or, ce qui tendrait à prouver qu'à la limite du second et du
troisième siècle l'organisation de l'épiscopat était fort récente,
c'est l'ignorance absolue où l'on est des noms des évêques
d'AJfrique pendant les deux premiers siècles. Le premier que l'on
connaisse est cet Opta tus dont il est fait mention avec une nuance
de dédain dans les Actes des saintes Perpétue et Félicité , et
qui fut sans doute évêque de Carthage dans les dernières années
du second siècle ; évêque d'autorité contestée, semble-t-il, car
dans cette même pièce on nous le montre disputant avec un
prêtre du nom d'Aspasius et peu capable de mettre l'union parpai
les fidèles dont il avait la garde. En fait, avant Cyprien on ne
connaît que quelques noms d'évêques ou de prêtres de l'Afinque
romaine.
Quoi qu'il en soit de son origine, et bien qu'il comptât proba-
blement moins d'un siècle d'existence, le christianisme dès l'avè-
nement de Sévère était très florissant dans les provinces d'Afrique.
Il était muni de tous les organes qui constituent une société
organisée. Il avait ses magistrats, diacres, prêtres et évêques ;
son budget largement alimenté par des dons volontaires et des
cotisations mensuelles ; ses lieux de réunion plus ou moins fixes,
et ses lieux de sépulture pour les frères défunts ; ses apôtres et
ses initiateurs dans chacun des fidèles ; ses docteurs et ses polé-
mistes dans la personne des Minucius Félix, des TertuUien et
des autres lettrés convertis ; il avait ce qui n'est pas moins néces-
saire peut-être à une doctrine, et ce qui marque sa vitalité, des
opposants et des dissidents. Les débats, on peut le croire, étaient
vifs sous cet ardent climat. C'est une plume chrétienne qui écrit
des fidèles d'Afrique de ce temps, qu'ils avaient toujours l'air de
sortir du cirque, tant ils semblaient animés et échaufies les uns
contre les autres*. Les sectes diverses qui en Orient avaient çà et
1. Bingham, Origines eccl.^ III, p. 416.
2. Pasi. SS. Perpeluae, FelicUatis et socior. 13. Rainart, Act. sine, et
selecta.
l'iîglisb d'afriqub sous septimb sévÈRE. 249
là poussé autour de l'église et dans son sein s'étaient répandues
dans l'Occident. En écrivant contre Praxéas, Marcion, Hernoio-
gène, les Valentiniens et les autres Gnostiques, Tertullien assu-
rément ne prétendait pas faire de l'histoire ou de la polémique en
l'air. Il visait des opinions qui troublaient l'église de Carthageet
combattait un péril présent. Lui-même, bien qu'il travaillât d'or-
dinaire pour la grande église et se portât le zélé défenseur de la
tradition, inclinait à ce parti des austères, des détachés du monde
et des illuminés qui, né depuis trente ou quarante ans en Phrygie,
s'était étendu partout et avait gagné les âmes les plus sincères et
les plus pures.
Lentement donc, mais sûrement, grâce à une prédication
familière et domestique dont chaque fidèle était l'agent incons-
cient, grâce aussi à la liberté religieuse et à la tolérance com-
mune en fait d'idées et de croyances, l'église se fonda, grandit et
se constitua dans l'Afrique romaine. Le dédain suprême et som-
maire en haut, en bas des haines plus vives s'exhalant en insultes
et, à l'occasion, en voies de fait, saluèrent sans doute son apparition
et suivirent ses progrès. Cependant l'autorité n'intervint pas
pour y mettre obstacle au nom des lois. Lorsque l'infernale fan-
taisie de Néron fit à Rome une hécatombe de chrétiens en 64, il
n'y avait probablement pas un seul fidèle en Afrique qui pût
craindre d'en subir le contre-coup. Et de même, lorsque le glaive
de Domitien s'abattit dans la même ville de Rome sur quelques
têtes suspectes de superstitions judaïques, la matière manquait
encore en Afrique à qui eût songé à imiter le maître dans ses
violences et ses proscriptions. Quand Tertullien écrit que ni
Hadrien, ni Antonin le Pieux, ni Verus (évidemment Marc
Aurèle) ne publièrent d'édit contre les chrétiens, qu'aucun prince,
à l'exception de Néron et de Domitien, jusqu'à celui qui règne
aujourd'hui (évidemment Septime Sévère), n'a persécuté l'église,
ce témoignage peut être reçu avec pleine assurance pour ce qui
regarde l'Afrique. Il n'y a pas, du moins que nous sachions, un
seul document ni un seul fait considérable qui l'infirme.
Cependant, dès avant Sévère, la renommée avait dû faire con-
naître en Afrique que les chrétiens étaient au ban de l'opinion et
théoriquement hors la loi, qu'en Bithynie jadis un légat impérial
en avait fait exécuter plusieurs, que Trajan avait déclaré illégale
la secte chrétienne, que sous Antonin un groupe de fidèles et le
chef de l'église d'Asie avaient été suppliciés à Sm3nme, que sous
250 B. AUBli.
Marc Âurèle les chrétiens avaient été maintes fois maltraités ou
judiciairement condamnés, soit par la foule qu'on laissait faire,
soit par les autorités locales, soit, comme à Lyon, par les ordres du
représentant du pouvoir central. On ajoutait peutrêtre, il est vrai,
que la loi au sujet de la répression des chrétiens était ambiguë,
hésitante et comme peu sûre d'elle-même; que le pouvoir, tout en
condamnant les chrétiens, ne souhaitait pas qu'on les recherchât,
inclinait aux voies de douceur, et penchait à les couvrir et à les
défendre contre les entreprises et les violences populaires.
Le sentiment public dans toutes les classes de la société
païenne était évidemment plus hostile en général aux chrétiens
que l'autorité. Il semble que ce soit un paradoxe de parler ici de
la mansuétude de la loi romaine, si cruelle et si inhumaine, et
qu'on représente toujours acharnée contre les fidèles. Cependant
les Antonins depuis un siècle paraissaient travailler à désarmer
la loi qui les condamnait. Trajan, qui le premier avait fixé la
jurisprudence en cette matière, n'avait-t-il pas interdit de rece-
voir les dénonciations anonymes et défendu les poursuites d'oflSce ?
Hadrien, Antonin, Marc Aurèle n'étaient-ils pas intervenus
également ? On ne sait précisément en quels termes, caries pièces
qu'on leur attribue ne paraissent guère authentiques, mais dans
un esprit d'équité et de douceur, on a toute raison de le supposer;
c'est-à-dire pour défendre à ceux qui avaient le droit du glaive
d'obtempérer aux clameurs et aux sommations tumultuaires des
foules, pour leur recommander de respecter les formes légales,
d'attendre les accusations et de ne pas les accueillir au hasard ni
de toutes mains. L'humanité et le souci de la paix publique, en
face d'un mal, que dès le temps de Trajan on ne pouvait vaincre
par la force vive sans verser des fleuves de sang , décréter et
exécuter une sorte de dépopulation de l'empire, avaient produit
ces compromis, amené diverses interventions du pouvoir où il
semblait que la parole du prince contredît la loi écrite et la
réduisît à une lettre morte, défendît l'excès de zèle, recommandât
le tact, la prudence et au besoin l'art de savoir fermer les yeux.
Les chrétiens croissaient cependant. Les quelques condamna-
tions prononcées çà et là contre eux les servaient grandement,
réveillaient le zèle, maintenaient l'union dans la secte, enflam-
maient la foi. Ils se glissaient partout. L'Afrique était assez
voisine de Rome pour qu'on sût à Carthage et autour de
Carthage, dans l'église et hors de l'église, qu'auprès du fils de
l'MgLISB d'aFRIQUB sous SEPTIMB SJTiRB. 254
Marc Aurèle la chrétienne Marcia était toute puissante; que dans
la domesticité du prince, parmi les Césariens, devant lesquels se
courbaient chevaliers et sénateurs, il y avait nombre de chré-
tiens; que l'un d'eux, plus dévoué sans doute au chef de sa secte
qu'au chef de l'Etat, avait été envoyé avec une lettre impériale
arrachée par Marcia à Commode, pour délivrer les chrétiens
condamnés aux mines de Sardaigne. Ces vents d'humanité ou de
faveur qui soufflaient à la cour devaient causer quelque embarras
aux magistrats éloignés de Rome et (aire singulièrement vaciller
leur justice. La profession chrétienne était-elle un crime? La loi et
la tradition disaient oui, mais la conduite et les rescrits du prince
disaient non. L'opinion populaire paraissait d'accord avec la loi:
cependant les chrétiens allaient partout tête levée : on en trouvait
dans les antichambres de la demeure impériale. Us avaient assez de
crédit pour faire annuler les arrêts des préfets de Rome. Les pro-
consuls et les présidents les plus conservateurs et les plus fermes,
craignant d'être désavoués, blâmés, ou seulement de déplaire,
hésitaient, frappaient mollement, ou se dérobaient et prenaient
des biais quand ils étaient mis en demeure d'agir.
D'autre part cependant, au sein des masses païennes, parmi les
dévots de la Dea Cœlestis, les esprits étaient fort échauffés. Au
zèle chrétien répondait le fanatisme des superstitions locales. Les
passions des plus nombreux poussaient aux violences contre une
minorité chaque jour croissante de réfractaires et de transfuges
obstinés. On accusait la mollesse et l'apathie du gouvernement
qui n'osait user de ses armes contre des factieux qui assiégeaient
la ville et les campagnes ^ On nous raconte que Pertinax, pen-
dant son proconsulat d'Afrique (188-189), eut à subir plus d'une
émeute religieuse. Les prêtresses de la déesse Céleste par leurs
prédications enflammées remuaient aisément ces âmes ardentes,
dociles à leurs excitations, et les précipitaient dans tous les
excès'. Dans quels excès et de quelle nature? on l'ignore. On ne
sait quel était l'objet de ces vaticinations qui troublaient les
esprits au point de compromettre la paix publique. La politique
sans doute n'avait rien à y voir. On peut supposer que les cons-
ciences populaires, là comme ailleurs et plus vivement qu'ailleurs,
1. Obsessam Yociferantiir eiviutem; io agris, io castellis, in insalis Christii-
nos. Àpolog,, 1.
2. In quo proconsulalu (Africae) nmltas aeditiones perpeaaos dicitnr, Taticioa-
tionibas earum quae de templo CaeiesUa emergnnt. Jul. Capitol. Ptrtlmax^ 4*
252 B. AUBé.
étaient émues des brèches que la secte chrétienne faisait chaque
jour dans la religion du pays, sans que l'autorité intervînt effica-
cement pour la protéger.
De là des mécontentements, des murmures, des soulèvements,
des cris de mort poussés contre les chrétiens dans les grandes
réunions populaires, des sommations violentes et tumultueuses
adressées aux agents de Tautorité. De là des actes de violence
foraine, des coups de main, des scènes de banditisme, des attaques
et assauts de maisons chrétiennes avec des pierres et des torches,
les assemblées des chrétiens bloquées ou dispersées par la foule
ameutée, leurs cimetières violés, profanés, les cadavres indigne-
ment tirés des sépultures et mis en pièces, les derniers outrages
infligés aux fidèles ou aux morts qu'ils honoraient. Dans ces
violences populacières exercées contre les chrétiens, les juifs se
liguaient avec les païens*. On connaît la caricature du crucifié
à tête d'âne dessinée sur les murailles d'une salle basse du Palatin.
On la renouvela à Carthage vers la fin du second siècle. Un
méchant juif apostat, valet d'amphithéâtre, s'avisa de promener
par les rues en guise de parodie, au milieu des rires et des huées
de la foule, une grande enluminure burlesque qui représentait
un personnage vêtu de la toge, un livre à la main, avec des
oreilles d'âne et un pied fourchu, et au-dessous cette légende :
C'est le Dieu des chrétiens, il couche avec les ânes 2.
Remarquons la toge : elle manquait au graffito du Palatin.
La caricature du juif carthaginois touche à la fois Rome et les
chrétiens. L'auteur ne semble-t-il pas dire que le Dieu des chré-
tiens est devenu romain par la tolérance du pouvoir, qu'il en
porte l'habit, qu'il se donne des airs de citoyen ? Quelle dérision !
Quel renversement du sens commun et des vieilles traditions !
1. Toi hosles quot extranei, et quidem proprià ex aemulatione Judaei, ex con-
cussione milites, ex natura ipsi domestici nostri. Quotidie obsidemur, quotidie
prodimur; in ipsis plarimum coetibus et congregationibus nostris opprimimur.
Apotogetic. VII. Cf. Ad Nation., I, 7. De die redundamas; quod piures, hoc
pluribus odiosi. Magis increscit odium incresceate materia.
2. Tertall.y Ad. Nai., I, 14 : nec adeo nuper quidam perditissimas in ista
cÎYitate, etiam suae reUgionis desertor, solo detrimento catis Jndaeus, utique
magis post besliarum morsus, ut ad quas se locando quotidie toto jam cor-
pore decutiendus incedit, picturam in nos proposuit sub ista proscriptione Ono^
coeies. Is erat auribus canterioram et in toga, cum libro, altero pede ungulato.
Cf. Apologet, 16.
L*^6LISB D'AFRIQUE SOUS SBPTIIIB 8<yiR£. 253
A défaut de la voie publique où ils n'étaient pas si libres, et
des répliques figurées qu'il eût été imprudent d'essayer, si faciles
qu'elles fussent, les hommes d'esprit de la secte nouvelle avaient
la langue et la plume. On peut croire qu'ils en usaient. On exhi-
bait comme leur Dieu un monstre à tête d'àne ; ils répondaient
qu*ils ne connaissaient pas ce personnage, et que si quelqu'un
l'adorait, ils en riaient les premiers, comme ils se permettaient de
rire de tant d'autres dieux informes ou difformes, aux têtes de
chien, de bouc, d'épervier, de chacal, d'oiseau, aux jambes
velues et aux pieds de corne, communément adorés; que ceux qui
leur prêtaient un âne avaient dans leurs sanctuaires toute une
ménagerie; que ce n'était pas le Dieu des chrétiens, mais la
déesse Epona qui couchait à l'écurie, dans le parfum du fumier et
des bêtes de somme.
Il n'y avait là qu'un échange de plaisanteries, de finesse et de
justesse contestables, inoffensives en somme. Les railleurs n'ont
jamais troublé la foi des vrais croyants : ils ne mordent que sur
les esprits que le doute a déjà entamés. Plus meurtrières étaient
les rumeurs usées ailleurs, mais qui couraient alors l'Afrique, sur
les initiations nocturnes des chrétiens, leurs infanticides, leurs
communions sanglantes, et les scènes de promiscuité qui suivaient
ces rites de conjurés. Sur cette terre où fleurissaient les arts
magiques, au milieu de ces imaginations ardentes, crédules, de
curiosité et de mœurs dépravées, ces bruits odieux étaient avide-
ment écoutés et reçus. Peu, dit Tertullien, savaient se défendre
d y croire. Les négations indignées et les mordantes ripostes du
polémiste chrétien ne pénétraient pas dans les masses illettrées.
On imagine quelles sombres fureurs ces récits allumaient contre
les incestueux, les mangeurs d'enfants, cette troisième espèce
d'hommes* qui, par ses allures, ses mystérieuses croyances et ses
infâmes pratiques, se mettaient en dehors, non seulement des
gentils et des juifs, mais de l'humanité. Cela ne criait-il pas ven-
geance? N'était-ce pas pour la punition de ces ignominies que
les dieux irrités frappaient si souvent la terre ? Et si l'on disait
que les dieux étaient bien aveugles alors et bien injustes de ne
pas distinguer, de punir les innocents pour les fautes de quelques
hommes perdus, plusieurs répondaient que les adorateurs des
dieux, en laissant vivre les chrétiens au lieu de les exterminer
t. Plane terlium geous dicimur. Àd, NaU, l, S, cf. 1, 20.
254 B. AUBJ.
jusqu'au dernier, en se montrant si peu zélés à défendre les dieux
contre ceux qui les blasphémaient, se faisaient leurs complices, et
méritaient les colères du ciel ^
Ceci visait l'autorité. En Afrique l'opinion populaire accusait
sa tiédeur et presque sa connivence. Les grands mots cependant
résonnaient, ceux qui font le plus aisément dresser l'oreille aux
agents du pouvoir et réveillent d'ordinaire les plus endormis. On
disait communément en Afrique ce qui se disait ailleurs cinquante
ans auparavant, que les chrétiens étaient des contempteurs des
lois, des hommes dangereux, des ennemis de l'Etat et de la société.
Ces rumeurs, ces accusations usées partout, et produisant
alors dans l'Afrique romaine une sorte d'agitation émeutière,
laissaient, ce semble, le proconsul Pertinax froid et maître de lui-
même. Il avait vieilli dans les grands commandements. Il avait
fait tête à des soulèvements plus sérieux. D'un autre côté, il avait
vu d'assez près en divers pays les hommes et les choses de son
temps pour savoir à quoi s'en tenir sur les chrétiens. Bien des
fois il avait entendu parler déjà de ces prétendus ennemis publics.
Il était assurément de ceux qui souriaient de ces sottes et ridicules
histoires qui, après avoir fait le tour de l'empire, venaient échouer
en Afrique et défrayer les conversations de la plèbe fanatique. On
peut croire qu'il trouva sage de ne pas s'engager dans la querelle
des dieux et de s'abstenir d'empiéter sur leurs droits, digne de
son rang de ne pas déférer aux préjugés et aux clameurs de la
foule, humain et politique de ne pas tirer l'épée contre une secte
qui, quoi que valussent au fond ses croyances et ses pratiques, et
quoi que le vulgaire en pensât, était en somme paisible et docile
aux lois et qu'il savait peut-être fortement et eflScacement pro-
tégée auprès de Commode.
On croira aisément que cette politique de neutralité et de
sourde oreille en face des injonctions populaires fut aussi celle de
Didius Julianus, qui succéda immédiatement à Pertinax en qualité
de proconsul d'Afrique, 189-190. L'achat de l'empire romain
aux enchères a déshonoré la mémoire de Didius Julianus. Au
rapport de Spartien, c'était un honnête homme et qui avait bien
porté un nom illustre. Il était plein d'humanité et de douceur. Il
t. Propter contemptores etiam coltores suos laedant unas atqne alius
▼anissimus ait idcirco vobis qaoque irascuntor (dii) quoniam de nostra eradica-
Uone neglegitis. Ad, Nation., I, 9.
L^fcLISB D'AFRIQUE SOUS SBPTIME S^vIeB. 255
dut apprendre en Afirique l'amnistie accordée aux chrétiens con-
damnés aux mines de Sardaigne, et n*était pas homme à aller
contre les vues du prince. On rapporte qu'en 193, lorsqu'il sut
que Septime Sévère marchait sur Rome à la tête de son armée,
dans le désarroi de ses espérances, il eut recours à des rites
étrangers et à des opérations magiques. C'est dire assez que sa
foi dans la vertu des cérémonies officielles n'était pas très ferme.
Les procès faits aux chrétiens en Afirique commencent cepen-
dant à ce moment, sous les deux proconsuls qui succèdent à
Didius Julianus, dès avant la mort de Commode, Cincius Severus
et Vespronius Candidus (190-192). Tertullien raconte que Cin-
cius Severus, à Thysdrus, fournit lui-même à des chrétiens le
moyen de répondre de façon à être renvoyés absous, et que
Vespronuis Candidus fit mettre en liberté un chrétien, sous pré-
texte que l'ordre public aurait plus de risque à courir de sa con-
damnation ^ C'est dire précisément que ni l'un ni l'autre des
deux proconsuls n'avait pris l'initiative des poursuites, et que
tous deux au contraire étaient également embarrassés de l'accu-
sation. Ils ne pouvaient la repousser directement et y opposer
une fin de non-recevoir préalable. C'eût été trahir leurs devoirs
et refuser de rendre la justice. Evidemment l'accusateur n'était
pas un de leurs agents, mais quelque citoyen de Thysdrus ou de
Carthage qu'il fallait écouter. Cincius Severus n'aimait guère
Commode*, mais il n'estimait pas prudent de condamner ceux
que le prince graciait solennellement : il trouva l'art d'interroger
les prévenus, de leur insinuer des réponses qui eussent l'air d'une
satisfaction suffisante, et prononça qu'il n'y avait pas lieu de
condamner. De même Vespronius Candidus, après avoir entendu
l'accusateur, refusa de sévir, sous prétexte que, dans l'espèce, la
condamnation serait pire que le mal et plus fâcheuse pour la paix
de la cité; ou que les chrétiens n'étant après tout que des brouil-
lons et des esprits remuants, ils n'avaient qu'à faire amende
honorable et à s'entendre avec leurs concitoyens, sans que la loi
intervînt dans ces débats'. Vespronius Candidus était dur et
1. Tertull., Àd ScapuL, IV. Cincius Serenis qui Thjsdri ipM dédit reme-
diom, quo modo responderent christiani, ut diniilU posaent.
2. Cincius Severus dixit : injuste sepultus est. Lamprid., Commod., 20.
3. Vespronius Candidus qui duisUanum quasi tumultoosum ciribus sois
saUsfacere dimisit. Àd Seapul,, IV. Rigault, dans soo édition, écrit sur ce pas-
sage : Vespronius iUe Candidus cires saos christianom qoeoidaiii ad mortem
256 B. Ami.
cruel*. S'il ne voulut pas punir les chrétiens déférés à son
tribunal, ce fut vraisemblablement moins par scrupule d'humanité
que par crainte de blesser la toute puissante favorite de Commode,
Marcia leur protectrice.
Sous les proconsuls qui suivirent, jusqu'à Saturninus, qui le
premier, dit TertuUien, usa de l'épée contre l'église en AMque*,
la situation des chrétiens fut tolérable. Ils étaient mêlés aux
païens dans les villes et dans les campagnes pour toutes les rela-
tions de la vie commune. « Avec vous nous cultivons la terre,
dit l'orateur africain, avec vous nous naviguons, nous portons les
armes, nous faisons le commerce^. » La guerre civile, qui sévit
depuis la seconde moitié de l'an 193 jusqu'au commencement de
197, absorbait toutes les préoccupations. Les grands fonction-
naires, qui attendaient la fortune et suivaient non sans anxiété la
lutte pour l'empire engagée en Syrie et plus tard en Gaule,
n'avaient guère le loisir de s'inquiéter d'obscurs sectaires mal
notés et généralement suspects, il est vrai, mais paisibles en
somme, et qui savaient ne pas se compromettre dans les brûlantes
aventures de la politique. La population honnête était indiffé-
rente à leur égard, quoique dédaigneuse. La foule inculte criait
de temps en temps contre eux, sans trop savoir pourquoi, les
huait et les maltraitait à l'occasion. Les chefs de maison, les
riches propriétaires, quand ils découvraient à leur foyer des faits
de propagande clandestine exercée par leurs esclaves et s' adres-
sant à leur femme ou à leurs enfants, usaient et abusaient de
leurs droits pour les punir cruellement, les enchaînaient et les
torturaient dans leurs ergastules, ou s'il s'agissait de jeunes filles
esclaves, les faisaient vendre au leno. Cela ne tirait pas à consé-
quence. L'autorité laissait faire; les chrétiens ne se plaignaient
pas, n'invoquaient pas la protection des lois, courbaient le dos
sous l'orage, ou se dérobaient dans l'obscurité.
deposcentes admonuit se quidem libenter eoram toUs satisfactarum sed rem
civitaU tumuUuosam providere. C'est un sens ingénieux. Le sens généralement
adopté est différent : Considérant qu'un chrétien qui lui était déféré n'était rien
qu'un écervelé et un brouillon, il le renvoya s'entendre avec ses concitoyens.
Ainsi Gallion, à l'âge apostolique, avait décidé au sujet de saint Paul.
1. Inter caeteros Icgatns est Vespronius Candidus vêtus consularis olim mili-
tibus invisus ob durum et sordidum imperium. Spartien, JtUiantis.
2. Vigellius Saturninus qui primus hic gladium in nos egit. Àd, Scap., 3.
3. Navigamus et nos vobiscum et militamus et rusticamur et mercatus proinde
miscemus, artes, opéra nostra publicamus usui vestro. Apol., 42.
l'église d'Afrique sous septimb s^yèee. 257
Après la paix conquise par l'épée et les impitoyables repré-
sailles exercées par Sévère vainqueur contre les complices
avoués ou secrets de ses compétiteurs abattus, la condition des
chrétiens changea-t-elle ? En fait et légalement, non, dans la
plus grande partie de l'empire. En Italie, en Gaule et dans les
provinces asiatiques, à part deux ou trois faits à demi obscurs,
on ne peut, croyons-nous, trouver aucune trace sérieuse de per-
sécution.
En Afrique cependant, comme en Egypte, il y eut des procès
faits aux chrétiens, des condamnations capitales prononcées et
exécutées. Mais on ne sait pas bien, et il est malaisé de déter-
miner exactement quelle fut au juste dans ces affaires la conduite
des représentants du pouvoir central. Assurément la persécution
ne fut pas continue en Afrique, sous le règne de Sévère; la poli-
tique des proconsuls ne fut pas uniforme ; et on ne saurait dire
jusqu'à quel point ils prirent l'initiative des poursuites.
Plusieurs traités de Tertullien, composés en Afrique depuis
l'an 197 ou 198 jusqu'à la première ou seconde année du règne
de Caracalla, attestent évidemment la persécution et ne s'expli-
quent que par elle. On y sent le feu de la bataille qui les a inspi-
rés. Dans aucun de ces traités pourtant, depuis la courte Lettre
auœ Martyrs jusqu'à VÈpître à Scapula, qui forment les deux
limites extrêmes des écrits apologétiques et polémiques se rappor-
tant à la lutte que nous étudions, on ne trouve un seul témoignage
qui incrimine directement Sévère, et d'où l'on puisse inférer
qu'aucun édit nouveau eût été promulgué par lui contre les chré-
tiens. Dams ï Apologétique il n'y a pas un texte d'où l'on puisse
induire que Sévère ait ordonné de poursuivre les chrétiens. Bien
plus, dans la lettre à Scapula, écrite après la mort de Septime
Sévère, Tertullien parle de cet empereur, non comme d'un persé-
cuteur et d'un ennemi des chrétiens, mais conune d'un prince bien
disposé à leur égard et qui les protégea personnellement contre
les fureurs d'une multitude déchaînée. De même, dans l'écrit sur
la Couronne du soldat, qu'avec Noesselt on peut placer
vers 202, il est question de la bonne et douce paix dont jouit, non
seulement l'empire, mais encore l'église. De même encore, dans le
jeu d'esprit à la manière des sophistes qu'on appelle le 2)e Pallia
et qui fut publié au plus tôt dans la seconde moitié de l'année 208,
il est parlé de la paix féconde qui règne partout et de la
ReV. HiSTOR. XI. 2* FA8C. 17
258 B. iUBi^.
protection que Dieu accorde au triple pouvoir des Augustes*-
Dans cette même lettre kScapula, Tertullien, faisant mention
des gouverneurs romains qui avaient montré quelque bienveil-
lance pour les chrétiens, cite Asper et Pudens, évidemment pré-
décesseurs de Scapula dans le gouvernement de la province
d'Afrique. Du premier, Caius Julius Asper, consul pour la seconde
fois avec son ûls en 212, et proconsul d'Afrique avec son même
fils pour questeur vers 205, Tertullien rapporte qu'il avait com-
mencé à soumettre un chrétien à la question, et que le voyant
faiblir dès le début, il ne le força pas à sacrifier, mais le renvoya
aussitôt. Auparavant il avait exprimé aux avocats et à ses
assesseurs son ennui d'être tombé sur une pareille affaire*. De
Servilius Pudens, il dit que, parcourant l'acte d'accusation d'un
chrétien qu'on avait amené à son tribunal, il feignit de com-
prendre qu'il s'agissait du crime de concussion, et comme per-
sonne ne se présentait pour soutenir l'accusation, il le renvoya
après avoir déchiré le libelle, ajoutant qu'il ne pouvait, selon la
loi, entendre l'homme en l'absence d'un accusateur 3. Dans les
deux cas mentionnés, il paraît bien que les proconsuls ne poursui-
vaient pas d'oflBce. Les expressions de Tertullien l'attestent:
Julius Asper déplore d'être tombé sur une pareille cause ; c'est
donc en premier lieu que ces causes étaient rares, en second lieu
que celle-là s'imposait à sa juridiction sans qu'il l'eût ni cherchée
ni provoquée. De Pudens, il est dit que le chrétien lui avait été
amené avec un acte d'accusation. Ce fait prouve bien aussi
l'absence d'initiative du magistrat en cette affaire. Et le fait d'in-
troduire subrepticement un grief nouveau et non spécifié, de
déchirer l'acte parce que nul ne se présente pour soutenir l'accu-
sation, marque clairement le désir de se soustraire à une obliga-
tion pénible et ingrate. L'allégation qu'il ne peut, selon la loi —
secundum mandatum — entamer le débat sans accusateur, se
rapporte si bien à l'édit de Trajan qu'il y a quelque raison, sur ce
texte, de douter de la promulgation d'une loi nouvelle, à moins
1. De PcUlio, It.
2. ut Asper qui modice vexatam homioem et statim dejecluin, nec sacrificium
compuUt facere, ante professus inter advocatos et adsessores dolere se incidisse
ia hanc causam. Àd. ScapuL, 4.
3. Pudens etiam missum ad se christiaoum in elogio concussione ejos intel-
lecta dimisit, scisso eodem elegio, sine accusatore negans se audilurum hoini-
nem secundum mandatum. Ad. Scapul., 4.
l'église D'iFRiQUE SOUS SEPTIMB S^vàEE. 259
d'admettre qu'elle fut la répétition et comme le rappel de l'an-
cienne loi de Trajan.
A n'en pas douter, tous les proconsuls d'Afrique n'éprouvaient
pas à juger et à condamner les chrétiens la même répugnance que
Julius Asper et Servilius Pudens. La plupart, serviteurs d'une
opinion manifestement hostile, n'ayant d'autre religion que la
crainte du maître et le respect des lois écrites, appliquaient en
cette matière la loi avec impassibilité. D'autres mettaient à pour-
suivre et à condamner les chrétiens un zèle que son impuissance
même tournait en rage, et avaient recours contre eux aux plus
effroyables supplices, dépassant, semble-t-il, en cela les limites
posées parle législateur. TertuUien proteste auprès de Scapula,
qui dans la répression ne gardait aucune mesure. « Les chrétiens,
diWl, innocents adorateurs du Dieu vivant, sont brûlés vifs,
supplice épargné aux sacrilèges, aux vrais ennemis publics et
aux coupables de lèse-majesté*. » L'orateur africain rappelle que
le gouverneur de Numidie et celui de la Mauritanie ne vont pas
au delà du glaive, «comme il a été ordonné dès le principe*». Ces
derniers mots, pour le dire en passant, se rapportent aussi à l'édit
de Trajan, ou témoignent qu'une loi nouvelle, si elle avait été
promulguée, ce que TertuUien ne marque ni n'insinue nulle part,
n'était rien de plus que la réédition de cet édit.
Au reste, tout était surprenant dans ces procès criminels.
Tandis que les accusés ordinaires se montraient humbles et sup-
pliants, les chrétiens pour la plupart étaient devant le tribunal
fiers, hautains, arrogants. Ils prétendaient faire la leçon à
leurs juges, ils se targuaient du crime sur lequel ils étaient inter-
rogés et le proclamaient à pleine voix. D'ordinaire on usait de la
question pour arracher un aveu aux criminels. Ici on employait
la torture pour faire nier aux chrétiens leur profession de foi. Les
chrétiens étaient persuadés que la guerre qu'on leur faisait était
faite à Dieu même 3. Ne doutant pas qu'après leur mort ils rece-
vraient d'immédiates et délicieuses compensations, ils s'offraient
au juge le front haut et Tàme pleine d'allégresse, bravaient leurs
bourreaux, répondaient avec hauteur aux proconsuls. Les rôles
t. Pro Deo tîvo cremamur, quod nec sacrilegi, nec hostes public! veri, nec tôt
majestatis rei pati soient. Ad. Scapul,, 4.
2. Sed gladio tenus, sicut et a primordio mandatum est animadTerli in hujas-
modi. Ad. ScapuL, 4.
3. Non te terremuft, qui nec timemas, sed yelim, ot omnes mItos facere pos-
simus monendo (ii^ Oeofia^tlv. Ad Scapul,^ 4.
260 B. ADBJ.
étaient changés : ceux-ci semblaient sur la sellette. Les chrétiens
prenaient en pitié leur ignorance ou leur aveuglement, les mena-
çaient de représailles prochaines. On écrivait que dès ici4>as
Dieu les punirait en attendant l'inévitable et suprême jugements
Les interrogatoires étaient de vrais duels dans lesquels les chré-
tiens, préparés comme à une palestre nouvelle, ayant par avance
£ait le sacrifice de leur vie, étaient presque toujours les plus
forts. Comment vaincre des hommes qui se sont persuadés que le
martyre leurvaudra un bonheur sans fin, qui considèrent les juges
et les bourreaux comme des médecins qui font soufifrir pour assu-
rer la vie et la santé, et la mort comme la suprême libératrice*?
Bien qu'il eût le dernier mot en apparence, puisqu'il avait la
force, le proconsul était vaincu par l'indomptable ténacité du
chrétien maître de soi et triomphant jusqu'à son dernier souffle.
Dans nulle autre cause criminelle on ne voyait le juge user de la
sorte de prières et de menaces, conjurer les accusés d'avoir pitié
d'eux-mêmes, témoigner plus souvent du désir de faire grâce et
de renvoyer libres ces égarés, comme il pensait. Devant ceux
qu'on appelle les martys Scillitains, le proconsul Saturninus se
montre bienveillant. Il leur demande de réfléchir, il se contente-
rait d'une ombre de soiunission. On dirait que ce tiède serviteur
de la loi doute de la loi. Il est visiblement embarrassé de la fer-
meté altière des accusés. Il semble chercher un biais pour se tirer
d'un pas difficile. Il offre un délai. « Ne voulez-vous donc, dit-il,
ni grâce, ni répit^? > C'est à la fin seulement, en face de refus
répétés et d'une obstination que rien ne peut briser, qu'il pro-
nonce la condamnation. D'autres magistrats, dans des cas analo-
gues, étaient sans doute plus durs et moins traitables. Se voyant,
eux, les Augustes et les dieux de l'empire, ouvertement outragés
ou bravés, ils ne se contentaient pas de la mort simple, comme
Saturninus, mais après la question impuissante, condamnaient
les coupables endurcis à être brûlés vifs ou à périr dans l'amphi-
théâtre sous la dent des bêtes féroces.
Dans ces causes criminelles la conduite des gouverneurs
romains n'était donc pas uniforme. La sentence dépendait du
caractère du juge, et aussi sans doute des incidents de l'audience
1. Ad Scapulj 2.
2. Tertull. Ad martyr., passim.
3. Salurainas proconsal dixit ; Nec liberationem nec remissioaem vultis?
Acta proconsul, martyr, scyllit, Ruinart, Act. sine, et sélect.
l'<GLISE D'AFRIQUE SOUS SEPTIMB siviEE. 264
et de l'attitude des prévenus. On peut dire qu'en général les pro-
consuls ne cherchaient guère ces affaires. Mais il est malaisé de
fermer l'oreille aux cris de la foule. L'accusation partait en
général de la multitude anonyme*, plus excitée qu'ailleurs en
Afrique, et dont les passions s'échappaient en cris de mort, ou,
pendant les exécutions, en cruelles railleries*. Aux prédictions
menaçantes d'un chrétien qui fait appel au dernier jugement, on
répond en criant : Les verges aux chrétiens ^î II fallait aux ma-
gistrats romains une rare énergie pour résister à ces courants
d'opinion et à ces clameurs hostiles. N'était-ce point risquer leur
popularité, se donner la réputation d'être indifférents au bon
ordre et plus que tièdes pour le salut du prince et la grandeur de
l'État?
D'un autre côté, on se tromperait grandement en imaginant
chez tous les membres de la société chrétienne le même appétit de
la mort. Un enthousiasme si farouche et qui rompt à tel point
avec la nature ne peut être que le fait d'une infime minorité. Le
plus grand nombre admirait peut-être moins qu'il ne blâmait
ces excès de zèle indiscret et cette exaltation qu'il ne partageait
point. « L'église, disait la majorité des chrétiens, avait besoin de la
paix pour croître et s'affermir. Le Christ, qui est mort pour les
hommes, n'exige point qu'on souffre et qu'on meure pour lui. Il
ne se plait point à cette offrande de leur sang que lui font les
âmes inquiètes et intempérantes^. > Partant de ces principes, la plu-
part des chrétiens, non seulement ne s'offraient point aux persé-
cuteurs, mais s'effaçaient, se dissimulaient ^. Les jours de solen-
nité, ils ne croyaient pas faiblir, ni faire acte d'apostasie en
attachant des rameaux verts, ou en allumant des lampes à la
1. Apolog.y c. IX. Ut valgus, tamen Romani, nec alli magis depostulatores
christianoram quam vulgus. Àpolog., 35. Cf. ibid., 37.
2. Et statim in fine spectacali leopardo ejecto, de nno morea tanto perfnsos
est sanguine at populus revertenti illi aecundi baptismaUs testimoniom recU-
maverit : SaWum lotom, salvum lotum. Passio SS. Perpétuât et FelieUatit
cum iociis eorum, i 21. ~ Rainart, Aei. sine, et seleet,
3. To nos, inqaiant, te aatem Deus jadicabit. Ad hoc popolos exasperatns
flagellis eos vexari pro ordine venatonim postalaTit. Ibtd., ( 18.
4. Exinde sententiae super illo, nescio an christianoram, non enim aliae eth-
nicorum, ut de abrupto et praecipiti et mori cupido qui de habitu interrogatns
nomini negotium fecerit... Hussitant denique tam bonam et longam sibi pacem
periclitari... Decoronaf 1. Cf. Scorpiaee, 1 et 2.
5. De corona, 1. — i)e fuga in peneeutione, paiaim.
262 B. iDfié.
porte de leurs maisons ^ Beaucoup sans doute étaient mêlés à la
foule dans les théâtres et les cirques. Nous ne parlons pas de
ceux qui faiblissaient devant les supplices et, pour s'exempter de
souffrir, juraient de bouche ce qu'on voulait, brûlaient de Ten-
cens et mangeaient des chairs sacrifiées. Mais beaucoup, quand la
persécution sévissait, se cachaient, fuyaient, donnaient de l'ar-
gent aux agents subalternes et aux soldats chargés des arresta-
tions *. Deux traités de Tertullien écrits entre 202 et 205, le Scor-
piaque et le livre de la Fuite dans la persécution^ sont dirigés
contre ces maximes et ces pratiques, et prouvent en même temps
les violences auxquelles la société chrétienne était alors en butte
et l'ardeur du plus grand nombre à s'y soustraire, soit par la
fuite, soit par une rançon. Il semble même, à lire l'orateur afri-
cain, que ce fait de donner de l'argent pour sauver sa vie et sa
foi n'étaient pas des actes individuels, mais des actes collectifs, et
que certaines églises, par l'intermédiaire de leurs chefs hiérar-
chiques, négociaient le paiement d'une sorte de contribution
amiable, tirée très probablement de la caisse conmiune ou de
sommes exceptionneUement versées, pour s'assurer contre toute
poursuite, se mettre à l'abri des arrestations et acheter la sûreté
de fait. Sûreté toujours fort précaire, car elle reposaitsur la dou-
teuse bonne foi d'agents qui trahissaient leurs devoirs profes-
sionnels^; parfois danger nouveau et accru, car l'espérance du
gain pouvait susciter d'autres dénonciateurs, et à défaut de ceux
dont on avait acheté l'inaction, provoquer de nouvelles et plus
âpres recherches. On ne pouvait en effet satisfaire toutes les
avidités. Rutilius avait fui d'abord, puis il avait payé rançon. Il
ne laissa pas d'être pris. Peut-être était-il à sec et ne pouvait-il
plus payer, peut-être rougit-il de ce trafic ? Il fut déféré en jus-
tice, tourmenté et brûlé vif ^ Quoi qu'il en soit, ce moyen depré-
1. Plares jam invenies ethnicorum fores sine lucernis et laareis qaam chris-
tianoram. Tertull. De idololat, c. 15.
'L Miles me vel delator vel inimicus conculit, nihil Caesari exigeas, immo
coatra faciens, cam christianum humanis legibus reum mercede dimittit. TerluU.,
De fug. 12.
3. Contra faciens Caesari, passage cité à la note précédente.
4. Rutilius suDctissimus martyr cum toliens fugisset persecuttonem de loco in
locum, etiam periculum, ut putabat, nummis redemisset, post totam securitatem
quam sibi prospexerat ex inopinato apprehensas et praesidi oblatas tormentis
dissipalus... I>ehinc ignibus datus, passionem quam vitarat, misericordiae Dei
retulit. Tertull. De fuga, 5.
l'église d'ifeique sous SEPTIME sé?ERB. 263
server sa foi se pratiquait. Ce marchandage même scandalisait
singulièrement les austères et les fougueux de la secte. « Ce serait
peu de chose, disaient-ils, qu'un ou deux fidèles se fussent
rachetés de la sorte. Mais que collectivement les églises fissent de
pareils marchés, cela ne se pouvait supporter. Faut-il rougir ou
gémir, ajoutaient-ils, de voir des églises inscrites sur les carnets
des soldats bénéficiaires et des agents de police parmi ceux qui
leur payent secrètement pension pour exercer paisiblement leurs
métiers inavouables ou leurs coquineries illicites* ! > On a quelque
peine en effet à voir de semblables transactions, et on incline à
croire que plus d'un, parmi ceux qui achetaient ainsi la liberté de
leur foi, en eût fait bon marché s'il n'avait pas eu d'argent. Cette
méthode aussi exposait étrangement ceux qui étaient trop pau-
vres pour rien donner. C'est un sûr indice cependant que l'église
avait monté des derniers rangs de la société jusqu'aux classes
aisées et riches.
L'argent, qui servait à acheter une sécurité fragile, assurait
aussi de précieux soulagements à ceux qui avaient été arrêtés et
mis en prison en attendant leur jugement. Nous voyons par la
Lettre aux Martyrs de TertuUien, que grâce à une tolérance
certainement payée, les fidèles libres visitaient leurs frères prison-
niers et leur apportaient des aliments*. Des diacres même s'entre-
mettaient auprès des geôliers et à prix d'argent obtenaient pour
leurs amis un régime plus tolérable ou de notables adoucissements
à la rigueur commune '. Une question se pose ici. Pourquoi Vibia
Perpétue et Félicité, la première, nous dit-on, jeune femme d'une
Camille distinguée de Carthage, la seconde esclave, et quelques
1. Parum denique est, si anus aut alius ita eruilar. Massaliter totae Ecclesiae
tributum sibi irrogareraot. Nescio dolenduin an erubescendum sit, euro in ma-
tricibus beneficiarioruin et cariosorom inter tabernarios et ianeos, et fures bal-
neanim et aleones et lenones chrisliani qaoque vectigales continentar. Hanc
episcopalui formam apostoli providentius condidenint, ut regno suo securi frai
possint, sub obtentu procurandi? Scilicet enim talem pacem Cbristus ad patrem
regrediens mandavit a miiitibus per satnrnalia redimendam? TertuU. De fuga^
13 in fin.
2. Inter carnis aUmenta... quae Tobis et domina mater Ecclesia de uberibus
suis, et singuli fratres de opibus suis propriis in carcerem subministrant Tertull.,
Ad. Marty.f Init. Imo et quae justa sunt caro non amitUt per curam ecclesiae
et agapem fratrum. Ibid., ch. 2. Cf. Àct. SS. Perpétuât et FelicUatis, 1 16.
3. Ibi tune Terlius et Pomponius benedicti diacones qui nobis roinistrabant,
oonsUtuerunt pretio ut paucis boris émisai in meliorem locum carceris refrige-
raremus. Act. SS. Perpet, et Felieit., 3.
• • «•« •••
• • - , •.
• • • • :
• • • •
264 B. ADB^.
autres avec elles, soii1>elles incarcérées, entassées avec les voleurs
et les assassins, tandis que Tertius et Pomponius, tous deux dia-
cres de l'église, sont en liberté, viennent à la prison en visiteurs
charitables, négocient librement avec les soldats ou les geôliers,
sans qu'on les inquiète et qu'on les emprisonne avec les autres?
Nulle autre réponse à cette question, si ce n'est qu'on ne prenait
pas tous les chrétiens et que l'autorité n'agissait que contre ceux
qu'une accusation expresse lui désignait. Vibia Perpétue avait
peut-être été accusée par son mari, dont il n'est pas fait mention
dans les Actes. Nul au contraire ne s'était porté l'accusateur des
deux diacres Tertius et Pomponius et de tant d'autres que le pou-
voir eût facilement trouvés à Carthage, s'il avait voulu prendre
la peine de les chercher, qu'il n'avait pas même besoin de cher-
cher puisqu'ils ne se cachaient pas. Cette même difficulté est
infiniment plus embarrassante pour ce qui regarde TertuUien.
C'était un chrétien nouveau, né païen et récemment converti. Il
avait dû compter naguère parmi les plus chauds adversaires et les
plus amers railleurs des croyances chrétiennes*. Caractère tout
d'une pièce, mal pliant, porté aux extrêmes en toutes choses,
allant facilement au bout de ses idées, quand il se donna à la foi
nouvelle, il s'y donna tout entier et sans réserve. Il ne fut pas un
de ces chrétiens en l'air dont il se moque, chrétiens si l'on veut*,
amis de tout le monde, ayant un pied dans l'église et un dans le
siècle, complaisants et composant avec toutes les puissances. Il
ne garda du vieil homme que ce fond de nature qu'on ne peut
dépouiller, et porta dans le nouveau camp sa fougue intolérante,
sa raideur native et son esprit agressif. Dès le lendemain de sa
conversion, il se jeta dans la lutte avec sa rhétorique souvent bar-
bare, parfois subtile et raffinée, toujours ardente et batailleuse,
sonnant la charge, frappant d'une main les docteurs et les théori-
ciens chrétiens de l'opportunisme, de l'autre s'escrimant contre
le paganisme, ses pompes et ses œuvres, avec une vigueur et une
audace extraordinaires. Dans la plupart de ses traités polémiques,
!si l'on se place au point de vue de la société constituée et de l'ordre
établi, il est incontestable que TertuUien est le pire des ennemis
de l'Etat et le plus détestable des révolutionnaires ; il est certain
qu'il prête le flanc à l'accusation de diviser les citoyens, de semer
1. Haec et nos risimas aliquando : de Testris fuimns. Apolog., 18.
2. lo ventum, et, si placaerit, christianos. Tert., Scorp., 1.
l'église D'AFRIQUE SOUS SEPTIME S^?ÈRB. 265
entre eux des germes de mépris et de haine irréconciliable, de
nourrir les passions les plus subversives, d'outrager la religion
de la majorité, de saper les bases mêmes de TÉtat. Nous n'avons
pas besoin de recueillir ici les divers passages de ses écrits où, sans
ménagement et sans mesure, il verse l'invective sur les mœurs,
les coutumes et les pratiques régnantes. Le plus novice représentant
du ministère public dans une cause semblable ne serait embarrassé
que du choix. Sans parler de ses attaques passionnées contre la
religion*, il prêche ouvertement aux chrétiens l'abstention des
charges et des services publics et comme la sécession à l'intérieur.
Il glorifie l'indiscipline militaire*. Ne va-t^il pas jusqu'à insinuer
quelque part qu'avec quelques torches, en une seule nuit, les chré-
tiens pourraient se venger de ceux qui les oppriment, s'il leur était
permis de rendre le mal pour le mal '. Fallait-il beaucoup d'ima-
gination pour voir ici une menace voilée, et le. souvenir du ter-
rible incendie de l'an 64 que Néron avait imputé aux chrétiens,
ne revenait^il pas à la mémoire en lisant ces mots?
Nous nous demandions plus haut pourquoi, tandis que des
femmes faibles et inoffensives sont en prison et tout à l'heure dans
l'arène, condamnées aux plus cruels supplices, deux diacres vont
et viennent librement jusque dans leur prison, s'entremettent
auprès des geôliers et des soldats. Ici la diflSculté est plus forte.
La persécution frappe les chrétiens en Afrique d'une façon inter-
mittente pendant presque toute la durée du règne de Sévère. Or
Tertullien, le coryphée du christianisme militant, l'excitateur le
plus passionné des fidèles, l'ennemi le plus irréconciliable du paga-
nisme, non seulement vit librement en pleine lumière à Carthage,
mais se porte ouvertement l'avocat des chrétiens, les encourage
et les affermit dans leur résistance aux lois, attaque audacieuse-
ment toutes les institutions de l'Etat. 11 ne se cache point. Au
contraire, il a jeté bas la toge, le costume romain, pour prendre
le pallium, c'est-à-dire l'habit sacerdotal des chrétiens, conmie
pour mieux narguer le pouvoir. Ses écrits, où les païens peuvent
voir des pamphlets et des défis à l'autorité, tombent comme grêle
pendant la persécution même : ce sont sa Lettre aux martyrs^
son traité des Spectacles, son livre de V Idolâtrie, ses deux
1. Voir particulièrement le traité de V Idolâtrie et le traité de$ Speetaeles,
2. Voir le traité de la Couronne du soldat.
3. Quando Tel ana nox paoculis faculis largiter uUionis poaset operari, si
maluin malo dispnngi pênes nos Uoeret. Apdog., 37.
266 B. iUBé.
livres aux Nations^ son Apologétique, ses livres sur la Cou-
ronne du soldat et sur la fuite dans la Persécution^ son
Scorpiaque et son Épître à Scapula. Tous ces traités sont
composés entre les années 197 et 211 ou 212. Encore une fois
n'est-il pas étrange de voir dans le même temps des honmies obs-
curs et sans nom recherchés, poursuivis, condamnés et exécutés
pour cause de christianisme, et Tertullien, le porte-parole de la
secte et le boute-feu des esprits, demeurer à Carthage libre et non
inquiété ? Le pouvoir se fit-il scrupule de répondre à des argu-
ments par la force, de briser brutalement une plume qui honorait
la cité? Ou, comme il arrive, la police locale ramassait-elle plus
volontiers ses victimes en bas qu'en haut, parmi la foule anonyme
qui suit, que parmi les chefs qui la mènent et l'inspirent ? En fait,
le cas de Tertullien épargné à Carthage prouve que la fortune
fut, suivant le proverbe, plus clémente pour ceux qui avaient le
plus d'audace ; et mieux encore, que le fougueux docteur de Car-
thage, qui déconseillait la fuite aux autres et écrivait que c'était
une joie de mourir pour sa foi, eut la sagesse de ne pas s'offrir
aux juges, le bonheur — ou le malheur — de n'être accusé par
personne. Ce fait prouve encore indirectement l'absence ou la
mollesse des poursuites, et enfin que la persécution parmi les
fidèles de Carthage ne frappa que les humbles et les petits.
Les noms des martyrs d'Afrique que nous connaissons au temps
de Sévère confirment en général ces inductions.
On ne sait pas quels sont ces «martyrs désignés * auxquels Ter-
tullien adressa son exhortation vers 197*. Ils étaient en prison,
on ignore en quel nombre, hommes et femmes', visités et nourris
par les frères libres ^ ; ce qui prouve à la fois le zèle charitable de
l'église et la facilité des agents du pouvoir. Une absolue concorde
ne régnait pas parmi ces prisonniers, car Tertullien leur recom-
mande l'union ^, ni une égale insouciance de la vie terrestre et de
1. Les derniers mots de cet écrit : c Ad hoc qiiidem vel praesentia nobis
tempora documenta sunt, quantae qualesque personae inopinatos nataiibus et
dignitatibus et corporibus et aetatibus suis exitus referont bominis causa, aut
ab ipso, si contra eum fecerint, aut ab adrersariis ejus, si pro eo steterint »,
assignent bien à cet ouvrage la date que nous marquons. I) y a là en effet une
manifeste allusion aux représailles exercées par Sévère contre les partisans de
Pesccnnius et d'Albinus, dont le dernier avait été défait et tué au commencement
de 197. Voir Noesselt, ch. 13, dans le 3« vol. du Tertullien d'Œlher, p. 556-557.
1. Ad Martyros, IV.
3. Ad Martyr, y iniUo,
4. Non ergo dicat : (diabolus) in meosunt; tamptabo illos vilibus odiis, defec-
l'église o'afeique sons sbptimb s^vèee. 267
ses biens, car dans une suite d'antithèses, qu'on ose trouver
froides, artificielles et sentant la rhétorique d'école, il leur prêche
le détachement et s'efforce de leur rendre moins amer le pas dou-
loureux qu'ils auront à franchir.
Prendre soin de ceux de ses membres appelés à rendre témoi-
gnage de leur foi n'était pas seulement de la part de l'église un
acte de charité. Son capital intérêt l'y engageait. Les confesseurs
en effet étaient les champions de la foi commune. Il importait à la
société chrétienne tout entière que ces témoins choisis, forcés ou
volontaires, déférés devant les juges, ou s'y précipitant de leur
plein gré, ne défaillissent pas dans les tourments, ne trahissent
pas sa cause et ne fussent pas vaincus dans la lutte. Leurs vic-
toires étaient les triomphes de l'église, assuraient son honneur,
étendaient sa puissance, augmentaient son prestige et sa force en
suscitant des prosélytes parmi les païens étonnés. Aussi avait-on
grand soin de les préparer au combat*. L'église employait pour
cet office ses voix les plus persuasives. Chacun s'y dévouait de
tout son cœur. On armait les âmes des lutteurs futurs contre
l'amour de la vie et la peur des souffrances. On leur versait
l'ivresse de la mort, on transportait leurs imaginations en leur
ouvrant de capiteuses perspectives sur l'infini, on les exaltait par
la peinture des compensations prochaines et des délices du ciel
qui les attendait. Mourir de sang-froid pour la vérité scientifique-
ment démontrée, peu d'hommes parmi les plus fermes en sont
capables; mais échanger une vie d'un jour et généralement misé-
rable pour un bonheur sans mélange et sans fin, donner peu pour
gagner tout, souffrir un instant pour jouir toujours, quel marché
tentant' ! Il suffit, pour consentir et accepter avec enthousiasme
l'apparent sacrifice, que l'âme soit persuadée, captivée, possédée.
La foi brûlante a fait de tout temps de pareils miracles. Ils étaient
communs aux premiers âges de l'église, au temps des persécu-
tions. L'exaltation commune renforçait l'exaltation individuelle.
Le martyr combattait pour Dieu, pour l'église et pour lui-même.
Il savait qu'il était le tenant de toute la communauté. Il ne dou-
tionibus aut inter se dissensionibus... vos ioTenial monitos et concordia
armatos... Et ideo eam (pacem) in vobis habere, et fo?ere et cusiodire debetis.
Ad Martyr., 1.
1. Voir le curieux mémoire de H. Edm. Le Blant sur la préparation a%
martyre,
2. Le mot est de Tertullien : Negotiatio est aUqotd amittere ut majora lucre-
ris Nihil crus seoUt in nervo, cum animus io ooelo est. iid JfaWyr., 2.
268 B. ADBtf.
tait pâs que le Christ ne dût le soutenir et le réconforter dans la
lutte, et, après le triomphe, le recevoir dans son royaume*.
Dans les visions étranges qui remplissent les Actes des saintes
Perpétue et Félicité, on voit l'effet de cette sorte de possession
spirituelle que pouvaient produire sur des âmes simples cette idée
fixe, cette préparation assidue et l'espèce de retraite mystique à
laquelle elles étaient soumises avant le combat.
Parallèlement à l'entraînement intérieur et pour l'aider eflSca-
cement, l'église astreignait les martyrs à un régime de jeûnes
prolongés favorable à la surexcitation nerveuse et à l'exaltation
extatique. EUe échauffait l'âme et exténuait le corps afin qu'a-
maigri, il présentât, si l'on peut dire, moins de surface à la dou-
leur physique et que les ongles de fer et les tenailles des bourreaux
y eussent moins de prise*. Parfoisaussi, — Tertullien s'élève contre
cetteméthodeoucetusage, — elle faisait festoyer les futurs lutteurs,
ne les laissait manquer de rien ^, et au dernier moment leur faisait
boire des liqueurs narcotiques et stupéfiantes pour émousser ou
paralyser en eux la sensibilité. « L'un des vôtres naguère, écrit
TertuUien, à l'heure qui précéda sa comparution, fut tellement
frappé d'hébétement par le vin préparé que vous lui fîtes boire,
qu'il fut incapable de répondre SLuprœses qui l'interrogeait. Sur
le chevalet, à peine touché par les ongles de fer dont il sentait
comme un chatouillement, il n'eut que de confus balbutiements
d'ivrogne et, la torture continuant, mourut dans une abjuration
entrecoupée de hoquets^. >
Il n'y a pas de raison d'aflSrmer que ces dernières pratiques
1. Et coin pro naturali difficultate ocUyî mensis in parto laborans doleret,
(Félicitas) ait illi quidam ex mioistris cataractarionim : c quae sic modo doles,
quid faciès objecta bestiis, quas cootempsisti cum sacrificare noluistL > Et iUa
respondit : c Modo ego patior, quod patior, iUic aatem alius erit in me qui
patietur pro me, quia et ego pro illo passura sum. > AcL SS. Perpet, etFelicU,, 15.
2. Non paenam illic (in carcere) passuras^ sed disciplinam, nec saeculi tor-
menta, sed sua officia, eoque fidentior processurus ad certamen e custodia
abusus nihil habens carnis, sic ut nec habeant tormenta materiam, cum sola
et arida sit eu te loricatus et contra ungulas comeus, praemisso jam sanguinis
succo. Tertull., Dejejunio, 12.
3. In carceribas popinas exhibere martyribus incertis, etc. Tert., Id., ibid.
Cf. Lucien, Peregrinus, ch. 12.
4. Ipso tribunalift die luce summa condito roero tanquam antidoto praeme-
dicatum ita enerrastis, ut paucis ungulis tilillatus (hoc enim ebrietas sentiebat)
quem dominum confileretur interroganti praesidi respondere non potuerit
amplius , atque ita de hoc jam extortus, cum singultus et ructas solos haberet,
in ipsa negatione discessit. Tert., Dej^unio, 12.
l'iîglisb d'afriqc^ sous sbptime siîterb. 269
fassent générales. TertuUien, qui les reproche aux Psychiques,
comme il les appelle, c'est-à-dire à ceux de la grande église,
marque lui-même qu'elles n'étaient employées qu'avec les confes-
seurs douteux ou de foi chancelante (martyres incerti, De jeju-
nio, 12) dont on pouvait craindre la défaite ou la chute, au milieu
des supplices par lesquels on cherchait à vaincre la fermeté chré-
tienne.
Quel fut le sort du groupe de fidèles auxquels TertuUien adressa
les encouragements qu'on lit dans son écrit aux Martyrs?
Furent-ils renvoyés, comme tant d'autres, après une courte déten-
tion et un sommaire interrogatoire, ou condamnés et exécutés ?
Nous l'ignorons. Si l'on pouvait affirmer que cette afiaire fut
jugée par le proconsul Servilius Pudens, il serait permis de sup-
poser qu'il ne les condamna pas, mais qu'il sut se soustraire,
comme il le fit dans la circonstance rapportée par TertuUien S à
une obligation légère après tout pour un magistrat tout puissant.
Mais la date du proconsulat de Pudens n'est pas précisément fixée.
On peut dire seulement avec une grande vraisemblance que
Pudens gouverna la province proconsulaire d'Afrique entre
P. Cornélius AnuUinus, proconsul en 193, et VigeUius Saturni-
nus, proconsul au plus tôt en 198 *.
1. Ad Scapulam, IV. Ed. OElher, p. 547.
2. Les Fastes mentionnent un personnage du nom de Podens (Quintus Servi-
lias), consul deux années de suite sous le règne de Marc-Aurèle et de Lucius
Verus, en 165 et en 166. 11 ne peut pas se faire que ce soit de ce personnage
que parle TertuUien dans sa lettre à Scapula, écrite en 211 ou 212. En effet,
rintervalle ordinaire qui séparait le consulat et le tirage au sort des provinces
sénatoriales d'Asie et d'Afrique était au commencement du règne de Marc
Aurèle de douze à quatorze ans. S'il s'agissait dans la lettre à Scapula du
Pudens consul en 165, il eût obtenu le proconsulat d'Afrique en 177 ou en
179. Or, en premier lieu, il est très inyraisemblable que TertuUien allègue un
souvenir aussi lointain. Les autres proconsuls qu'il nomme dans le même cha-
pitre appartiennent tous à sa génération, tandis que le consul de 165 apparte-
nait à la génération précédente. En second lieu, le détail très particulier qu'il
rapporte sur Pudens marque, ce semble, un fait qui ne pouvait remonter
à trente ans. Enfin, s'il s'agissait de Pudens, consul en 165 et proconsul
d'Afrique en 177 ou 179, il suivrait de là que sous Marc-Aurèle l'Église
d'Afrique a été persécutée. Or, cela n'est point, et TertuUien le nie dans deux
textes formels : l'un de son Apologétique , évidemment écrite sous Sévère, où il
déclare que jusqu'à ce prince, nul de ceux qui ont eu quelque souci des lois
divines et humaines n'a fait la guerre à l'église — De tôt exinde principilms ad
hodiemum divinum humanumque sapientibus édite aliquem debellatorem
christianorum. 5— texte qui en Afrique au moins exclut toute persécnlion anté-
rieure au règne de Sévère; l'autre, de la lettre à Scapula y où il écrit que
270 I. AUBI^.
On ne s*accorde pas, il est vrai, sur l'année du proconsulat de
Vigellius Saturninus. Les opinions sur ce point varient entre 198
et 205 ^ Si nous avions la date du consulat de Saturninus, nous
aurions un élément précieux pour la solution très approximative
de ctHto question, car le tirage au sort des provinces proconso-
laires d*Asic et d* Afrique suivait très généralement le consulat à
un intervalle do treize à quinze ans. Ainsi Pertinax et Didius
Julianus, anisuls tous deux Tan 175, furent proconsuls d*Afirique,
Tun on 18S-189, Tautne Tannée suivante, 189-190. De même
Apuloius RuAnus, consul on 189, Valerius Bradua Mauricus en
191, ,\si>tT jx>ur la première foison 192, Scapula Tertullus en
196, gi>uvornèront TAfriquo proconsulaire, le premier en 203, le
second en 2(H^ le ti\>isiénH^ on 205, le quatrième en 211. Mais
nous ignorions Tannée du consulat do Vigellius Saturninus. Fré-
déric Mïnitor suppi^»». sans y insister*, que le Saturninus men-
tionné dans 1(^ fastes a'uisalaires on 198 put être proconsul
dWfriquo doux ou tr^>is ans après. Mais cela est inadmi^ihlo pour
doux raiÀM)s : d'aK>nl }^rc(^ que les noms des deux personnages
no ci^nvionnoiit point *, ot oiïsuito parce qu^un intervalle de deux
Vi|!rilîn$ Sjitammiij^ fut k rrnnicr qui tirt I e^fte «vwtiY k» HvilMBi — qui
primas ku fM^ium in int^ <ipt. Ai Sce^mi., X IVuk- ^rès Barpbeâ oa peat
«tirr <)u'U nS « pas (racr «k ]irrï^(«ciiti<« m ikfriiTiif avant Saptinr SéwtgfL — -
VVnMA 3arw|iir tV^^iirn-Muvif chc iKvn si ba ftlmn indizio cbr U pen^nizioiie
sia r^JM^^JlU m^ll \tri«"4( prJTMi Ai S^^Uinio St^^ta. iTur. rm/i^.. vm. p. €15.
— tVnc k Sf'ntliny rnArtns mnntwuinf p»r Tf^rtuDiMi n es: pas ie rossol de 165.
On pont snpjvMor qur c rljitt ;«aii iî)s, cl 4pif rfi^oh-ri |*oiivenui U prorinoe
«) ^fh^uf «^cnv «>« tTVkts «Ax a^jiii) X*ico1)iii> SittnmiBiis. & one ttpoqat an Vhosr-
ti)îlr pL^pnUirr «vintrr Vs rhrr4>cii^ îV^mmMK'AJt a s'iMVYJitQer. rai des^ accmatiaBS
Mf prvMliiDuiionl «v«trf miv. vmiis. Vaiiî 4 i^lrtr raK^Maruf^MS. coaimT anroeilties avfc
TiY^nfriMimT M ciknui. rt «v. )rs ftdoH^ rUirni jiffun'^akgiwn; ïraîtots iver doDoear
pfti IffN nM^;rvtniN iNimainx \>r iin«4*nf4ira: mmainr :?«:*'«' 1* \friqof f* oi
d^il w v9^pf>Artor « luVrr prAiN'Uksir «^iimTits Sor%ihnv HAra'.iBs Podeo^. fiks dn
^>niiihix >^m1ii«v ri»d««ns }f %\Mtsi»\ (^ *^\
4S' Vnn V^^ ViviiiiMtMv. Aiiix iiAr BAtr *Vim», i'. fti»; sir^-^ unr îBsrrii^iciii où
\ft>,*jir ir. 'M'. |^vivh4>^t «U*^ nm^ U^ I?** * \ '. Haiiv % X'ii; p r'r».. fàmrt
C H»Kwi l.i 'Aiwi: ^\vt^«tU^'x* Vih^'Siin-. H»l^iim S»?irniinQir on: raostû
pyvv><4tHt( «miv' i»j4v 4wn«i <^ iw; «"h *èsiui»- '^b^ Vs wW ^u-t». Ii.'wn: sutnis^.
^^MHit*; Tw>mm> ntncum: fM^c*,. Si>»l »^mix ^m>^ni* 'it«S!«r i^\fcrs; f>«tar*« Vin-
Klit, /U^IM^'MIM' f;>^#«Mk ^^»)«uts i^ -S».
L'ér.LisB d'afriqub sous septime sévère. 274
on trois ans entre le consulat et Télection sénatoriale au procon-
sulat d'Afrique est, que nous sachions, sans exemple certain à cette
époque.
Si le Saturninus des Actes des martjnrs scillitains est, ainsi
qu*on en convient très généralement, le proconsul d'Afrique dont
nous parlons et que cite Tartullien dans sa lettre à Scapula,
comme on trouve dans l'interrogatoire qu'il dirige la mention
nominative des empereurs Sévère et Antonin (Caracalla)*, et que
ce dernier n'a été élevé à la dignité d'auguste qu'au commence-
ment de juin 198, il suit que cet interrogatoire est au plus tôt de
la seconde moitié de cette même année, et par exemple du 17 juil-
let 198, ainsi que le marquent les Actes; et par conséquent que
Vigellius Saturninus n'a pu être proconsul de la province d'Afri-
que avant 198, à moins que, comme il arrivait parfois, ses pou-
voirs n'aient été prorogés et que son proconsulat, ayant com-
mencé au printemps de 197, puis fini au printemps suivant, n'ait
été continué pour un an.
Mais si l'affaire des Scillitains, présidée et jugée par Saturni-
nus, ne peut être antérieure au mois de juin 198, elle peut être
postérieure à cette date d'un an ou deux en supposant que Satur-
ninus, entré en charge au printemps de 198, ait par un ou deux
renouvellements successifs de son pouvoir gardé un an ou deux
ans encore le gouvernement de la province. Cette possibilité,
remarquons-le, repose sur une exception, car suivant les règles
ordinaires, les proconsuls d'Asie et d'Afrique ne restaient qu'une
seule année en fonction.
Or, dans l'espèce, cette prorogation paraît avoir eu lieu. Les
Act^ proconsulaires nous apprennent en effet que les martyrs
scillitains furent jugés sous le consulat d'un personnage désigné
sous le nom de Claudius ou de Claudianus, et l'un des deux
thèque nationale, nous apprend que ce Saturninus avait été légat impérial de
la Mésie inférieure et nous donne ses noms divers : Publius, Vigellius, Rains,
Plarius, Saturninus, Atilius, Braduanus, Gains, Aucidius, Tertullus. Il ne parait
pas qu'à cette multitude de noms il y ait lieu d'ajouter les deux que porte le
consul Saturninus de Tan 198 : Tiberius llaterins.
1. Et adstantibus eis Saturninus proconsul dixit : Potestis reniam a dominis
nostris Severo et Antono promereri si bono animo conversi fueritis ad Deos
nostros. Act. proconsularia Martyr. ScUlitanarumf init. Il est superflu de noter
que Antono doit être lu Antonino et qu'Antonin est le nom sous lequel Caracalla
est toujours officiellement désigné.
272 B. Ami.
consuls de Taiinée 200 porte précisément le nom de Claudius ^ .
De plus, sans craindre d'être accusé de démontrer Tobscur par
le plus obscur, comme on dit dans l'école, nous alléguerons la
date de l'Apologétique de TertuUien pour confirmer ces données
et nous attesterons ces mêmes données, pour confirmer les autres
raisons qui nous permettent de rapporter ï Apologétique à l'an-
née 198 ou à la suivante.
Nous savons en efiet que les Scillitains ont été exécutés sur la
sentence de Saturninus, Sévère et Garacalla étant Augustes, c'est-
à-dire qu'ils n'ont pu souffrir avant 198 : nous savons d'autre
part que, dans Y Apologétique, il est plusieurs fois question de
fidèles frappés du dernier supplice, et, par un autre témoignage
exprès et formel, que Saturninus fut le premier en Afrique qui
ait prononcé contre les chrétiens des condamnations capitales.
Il en résulte clairement que l'Apologétique ne fut pas composée
avant la fin de l'année 198. Or les martyrs scillitains périrent
l'an 200, Tiberius Qaudius Severus étant consul, et avant eux
déjà le sang chrétien avait coulé dans la personne de Namphamo
et de ses compagnons, dits les martyrs de Madaure. Donc l'Apo-
logétique a été écrite avant l'an 200, et, pour préciser, selon
l'opinion de Mosheim et de Noesselt *, vers la fin de l'année 198
ou dans le courant de l'année suivante.
Nous apporterons en preuve deux textes de l'Apologétique où
TertuUien, si avare d*ordinaire de claires allusions aux personnes
et aux choses de son temps , note en traits suflSsamment précis
des faits de la plus brûlante actualité. Dans l'un de ces deux pas-
sages l'orateur africain écrit que les représailles si cruellement
exercées contre les partis vaincus duraient encore : « Les com-
plices et amis secrets de ces factions scélérates sont encore main-
tenant dénoncés cliaque jour. Après la moisson coupée des chefs
[>amcides, on glane encore les restes'. > On sait quelles impi-
t. Cf. Àct, procons., init. L*un des consuls de l'an 200 est Hberius Claudius
Severus.
2. Jo.Laur. Mosheim, Disquisilio chronologictharUica de tara aeiate Apologe-
tki a TfrtuUiano conscripti iMtioque persecutionts Severi. Leyde, 1720, in-8*,
à la ttu do IWlition de VApohgètique dUauerramp. Voir la dissertation de
Noesselt dans 1 Mitiou de TertuUien d'OElher, tom. 111, p. 562.
3. Sed et qui nunc seeles^tarum partium socii aut plausores quotîdie revelan-
tur, |HV(t vindemiam |Kirricidarum raceniatio superstes. Apologet., 35. Ed.
OGlher, p. 217. 11 faut rvniartiuer les expressions i^ut^c et quotidiè. Cf. ce pas-
sage de Spartien : t Multos inter haec causis Tel Teris vel simulatis occidit.
VieusE d'afriqub sous sbptihb s^yèrb. 273
toyables vengeances, à Rome et ailleurs, suivirent les défaites de
Niger et d'Albinus. L'écho s'en prolongea longuement. Cepen-
dant la destruction d'Albinus est de février 197. Dès la fin de
cette même année, l'actif et infatigable Sévère était déjà en
Orient. Au commencement de 198 il avait pris Ctésiphon. A la
grande rigueur on peut dire que çà et là, à ce moment, des
dénonciations se produisaient encore. Mais ce « grapillage après
les grandes fauchées », comme parle Tertullien, ne peut guère
nous mener au-delà des années 198 et 199.
L'autre texte de Y Apologétique est une peinture des réjouis-
sances publiques célébrées à Carthage comme à Rome, et peut-
être même d'une façon plus démonstrative, Sévère étant africain,
soit pour les fêtes de la cinquième année {quinquennalia), soit
pour la victoire sur Albinus*. Cette peinture faite, ce semble,
d'après nature, nous reporte aussi à Tannée 197. Un an ou dix-
huit mois après, quand Tertullien tenait la plume pour écrire son
Apologétique, le souvenir en était encore vivant dans son esprit *.
Damnabantur autem plerique cur jocati essent; alii cor tacaissent, alii car ple-
raque figurata dixisseot ; ut esset imperator yere nominis sui, vere pertinax et
sererus. Sparl., Sever., 14. ... Maltos etiam, quasi Chaldaeos aut vales de sua
salute consuluissent, interemit, praecipue suspectos unamquemque idoneum im-
perio... Spart., Sever,y 15.
1. TertuU., Apolog.y 35.
2. M. Victor Duniy, au tome VI de sa belle Histoire des Romains (page 56,
note 2), reconnaît que Tertullien a montré Rome pendant ces fêtes, mais d'une
manière un peu banale. D'abord, pourquoi Rome et non Cartbage? C'est à Car-
tbage, croyons-nous, que Tertullien a vécu et écrit son Apologétique^ et il n*est
pas absolument sûr qu'il ait jamais tu Rome. Le P. Tbeiner, dans les savants
commentaires dont il a enrichi la dernière et récente édition des Annales ecde-
siastici de Baronius, dit fort bien à ce sujet : Nullus Teterum Tertullianum
Romae Tersatum esse scripsit. Nec refert quod Uieronymus in libro de scripto-
rihM$ ecclesiasticis dicat : f invidia et contnmeliis clericorum Romanae ecclesiae
ad Montani dogma t delapcum ëlse, cum Clenis Romanus eumdem absentem
injuria lacessere potuerit, ut rectè obseryavit eruditissimus abbas Ludovicus du
Four in TertuUiani lectione Tersatissirous. Annal, ecdes., in-4*. Bar-le-Duc et
Paris, 1864 (t. 11, p. 476, l 3 in fine). Mais passons sur ce point. M. Duniy
admet que Tertullien, au ch. 35 de l'Apologétique, a décrit les fêtes popu-
laires qui ont suivi la victoire de Sévère près de Lyon, en février 197. C'est,
semble-t-îl admettre implicitement, que la composition de X Apologétique est de
fort peu postérieure à l'année 197. Cependant dans le même volume, à propos
de X Apologétique de Tertullien, M. Duruy écrit : c On en met la rédaction en
199 ou 200, même en 201 ; mais si X Apologétique n'a été, comme il est probable,
qu'une refonte des deux livres Ad Nationes, il faudrait faire descendre cette
date beaucoup plus bas, car il est parlé dans le premier de ces deux discours
« des deux Syries qui exhalent encore l'odeur des empereurs égorgés, t Celte
Rev. HisTon. XI. 2« FASc. 18
274 B. aubI
Nous considérons donc très décidément TApologétique de Ter^
tullien comme écrite à la fin de Tannée 198 ou dans le courant de
Tannée 199. C'est à notre avis mal raisonner que de la recula
jusqu'en 203, sous prétexte que Tédit de persécution de Sévère est
de 202. Nous l'avons montré déjà, la persécution n'attendit pas
cet édit pour se produire à Alexandrie et dans la province de
phrase he peut s'appliquer qu'à CaracaUa, tué en 217, entre Edesse et Carrhes,
et à Diadumène, tué en 218, comme il fuyait d'Antioche yers les Parthes,
page 183, note 2. — Le texte de Tertuliien auquel M. Duruy se réfère se trouve
au chap. xvii du 1*' livre Ad Naiiones. Le voici : Adhuc Syriae cadaremm odo-
ribus spirant. 11 n'y est pas question, comme on voit, d'empereurs égorgés, et
la fin de cette phrase en éclaircit et en précise le sens : adhuc Galliae Rbodano
suo non lavant. De ces deux membres de phrase parallèles, le second est une
évidente allusion à la bataille de Trévoux, et au grand choc des deux armées
romaines qui se termina par la défaite d'Albinus sur les rives du Rhône. Le
premier n'est pas une allusion moins claire aux sanglantes batailles qui con-
sommèrent la défaite de Pescennius Niger dans les provinces syriennes. Tertul-
iien ne sépare pas ces deux faits et les cite dans leur ordre chronologique. Or
les expressions employées par Tertuliien : Les Syries sont encore infectées de
l'odeur des cadavres; les Gaules n'ont pas encore lavé dans leur Rhône le sang
dont ses rives ont été couvertes, marquent très positivement que Tertuliien
écrit/ses livres Ad Nationes au lendemain, si Ton peut dire, de ces luttes san-
glantes. Il est assez remarquable que le texte cité par M. Duruy pour reculer
les livres Ad Naiiones, et par suite V Apologétique, au delà de 217 et de 218,
soit justement le même qu'invoque Noesselt (TerluU. d'QElher, t 3, p. 565)
pour affirmer que ces deux ouvrages, dont le premier parait en effet comme le
canevas et Tédilion populaire du second, ont suivi de très près l'an 197.
Dans ce même premier livre Ad Nationes, au chap. xvi, Tertuliien évoque un
souvenir plus lointain. 11 raconte une scandaleuse histoire qui s'était passée à
Rome, dans laquelle le préfet de la ville, Fuscianus, avait dû intervenir comme
juge civil. Il s'agit de Seius Fuscianus, qui tint la préfecture de Rome
de 186 à 189, et eut au printemps de celte année Pertinax pour successeur.
Tertuliien avait évidemment entendu raconter ceUe aventure à Carthage, et il
en tirait un argument, en homme qui sait en prendre partout et dont la mémoire
est fidèle. Recueillir un fait de cette nature, dix ou douze ans après qu'il avait
eu lieu, c'était risquer beaucoup de faire trouver l'anecdote un peu vieille. Est-
il admissible que Tertuliien l'eût ramassée après trente ans ?
Enfin les livres aux Nations et V Apologétique sont inexplicables et dénués de
sens si, au moment où l'auteur écrit, les chrétiens ne sont pas populairement
insultés et juridiquement persécutés. Ces deux œuvres supposent un certain
milieu, se produisent dans certaines conditions déterminées, qui se rencontrent
en 198 et dans les années qui suivent immédiatement, mais nullement en 217,
218 et dans les années suivantes. Elagabal, comme on sait, ne songea pas à
persécuter les chrétiens, et Alexandre Sévère, le fils de la sérieuse Mammée,
leur fut sympathique et bienveillant. L'anachronisme serait moins fort de placer
la Saiire Ménippée à la fin du règne de Henri IV que les livres aux Nations et
l'Apologétique de Tertuliien sous le règne d'Elagabal ou sous celui d'Alexandre
Sévère.
l'église d'aFRIQUE sous SBPTIMB sév^RB. 275
TAfinque romaine, et il n'est fait nulle allusion à cet édit nou-
veau ni dans les écrits de TertuUien, ni dans les Actes des mar-
tyrs qu'on rapporte au règne de Sévère.
Des détails chronologiques dans lesquels nous venons d'entrer,
nous pouvons induire maintenant que si la lettre aiujo martyrs de
Tertullien est, comme nous l'admettons, antérieure à l'année 198,
année où, avec le proconsul Vigellius Saturninus, commença
effectivement la persécution violente et les condamnations capi-
tales, les fidèles incarcérés auxquels s'adressait Tertullien n'eurent
pas lieu de mettre à profit les conseils de ferme courage que leur
prodiguait du dehors l'orateur de Carthage, mais qu'ils furent
rendus à la liberté ou frappés seulement de peines légères. C'est
un peu plus tard, dans la seconde moitié de 198, que s'ouvre le
martyrologe de l'église d'Afrique. Les premiers noms qu'il y
jEaut inscrire sont des noms barbares, des noms puniques. Ceux
et celles qui les portaient étaient apparemment de basse naissance
et de condition servile. On pouvait puiser au hasard, pensait-on,
et frapper sans scrupule dans ce milieu. L'autorité y trouva facile
matière d'exemple et d'avertissement pour les autres. Namphamo
est cité comme le premier fidèle dont le sang ait coulé. Sa mé-
moire resta longtemps chère à l'église d'Afrique et fut honorée
d'une sorte de culte sous le nom de « prince des martyrs, > archi-
martyr. Au commencement du m* siècle, le grammairien Maxime
de Madaure, resté païen, s'indignait de cette espèce d'adoration
rendue par les fidèles à ce barbare inconnu et à ses compagnons
aussi barbares que lui, MigginS Lucitas, Samaé et les autres de
la même engeance « dont les noms sont exécrés des dieux et des
hommes. > « Qui pourrait supporter, disait-il, que l'archimartyr
Namphamo prenne le pas sur tous les dieux immortels*? >
Et saint Augustin répondait qu'il convenait mal à un Africain,
écrivant à un Africain, de tourner en ridicule des noms emprun-
tés à la langue punique et bien supérieurs par leur signification
à tous ceux de la mythologie. « Si nous cherchons en effet ce qu'ils
veulent dire, Namphamo signifie homme d'heureux présage,
c'est-à-dire qui apporte le bonheur partout où il porte le pied ^. »
1. Le Martyrologe romain, au 4 juillet, donne Mygdon an lieu de Miggin.
2. Quis ferat cunctis praeferri diis immortalibus archiroartyrem Namphamo-
nem. S. Augustini opéra. Ed. Gauine, tom. II, Epist. ci, n. 16.
3. Nam si ea vocabula interpretemur Namphamo quid aliud aigniûcat qoam
boni pedis hominem, id est cujus advenlus afferat aliquid felicitatis, sicut sole-
276 B. AUBlf.
Ce nom de Namphamo, avec quelques Itères variantes d'ortho-
graphe, était fort usité en Afrique S aussi bien que le nom de
Félix ou de Fortunatus, qui en est la traduction latine ; mais
nous ne savons rien sur le premier martyr d'Afrique qui Ta
porté, non plus que sur ses compagnons, non plus que sur les
circonstances de leur condamnation. Dans le martyrologe romain
ils forment le groupe des martyrs de Madaure, bien qu'ils parais-
sent avoir été jugés et condamnés par le proconsul, et par consé-
quent exécutés à Carthage.
L'effet de ce premier sang fut terrible. La populace païenne,
déjà fort excitée, s'en grisa. Les accusations, mal reçues jusqu'a-
lors, se croyant encouragées, se multiplièrent. Ce fut une terreur
parmi la plupart des chrétiens amis de la paix ; chez d'autres,
plus guerroyants ou plus enthousiastes, un redoublement d'exal-
tation. Sans que les frumentarii se missent en chasse *, les pri-
sons se remplirent. De cruels supplices furent ordonnés. Jucun-
dus, Saturninus, Artaxius furent brûlés vifs, d'autres encore 3;
une vierge fut livrée au leno ^ ; Quintus, après un interroga-
toire où la torture avait sans doute été employée, mourut
en prison^. Vainement la communauté prit des précautions,
cacha ses mystères. On la surprenait la nuit, on assiégeait, on
dispersait ses assemblées, on faisait main basse sur ceux qui se
laissaient prendre ®. liC secret cherché dans les ombres de la nuit
avivait les rumeurs , et nulle cachette n'était si sûre que l'œil
mas dicere secundo pede introisse, cujus introitum prosperitas aliqua consecuta
sit. Id., ibid. Cf. Léon Renier, Mélang. (Fépigr., p. 279.
1. Voir L. Renier, InscripU d'Algérie. Namphamo, n. 1030, 1761, 3777, 3954,
985. Nampamo, n. 245, 2689. Namepliamo, n. 3601, 3632. Namefamo, n. 3608,
3609.
2. Les frumentarii étaient un corps d'élite dont les fonctions et le service
étaient analogues à ceux de notre gendarmerie. V. Henzen, Bull, de VInsi, arch.
de Rome, 1853, p. 113 et suiy. Cf. Derenbourg, Quelques mots sur la guerre de
Bar Kôzéba et ses siUtes. Paris, 1878, p. 168 et 169. Les poursuites officielles ne
paraissent pas avoir eu lieu à ce moment. Tertullien, en effet, écrit dans son
Apologétique, ch. 2 : Solum christianum inquiri non licet, offerri licet, quasi
aliud esset actura inquisitio quam oblatio.
3. Act. SS, Perpet, et Felicit Et quaerebamns de illis ubi essent céleri,
il. _ El caepimus illic multos fratres cognoscere sed et martyres. Ibid., 13.
4. Apologet., dernier ch. in fin. Voir la note de Tédit. d'OÊlher, I, p. 301.
5. Aci, SS. Perpet. et Felicit,, 11.
6. Quotidie ob.Hidemur, quotidie prodimur, in ipsis plnrimum coetibus et con-
gregationibus noslris opprimimur. ApoL, 8.
l'église d'afrique sous sbptimb sévère. 277
d'un traître ou d'un curieux mal intentionné n'y pût pénétrer*.
Il arrivait aussi y ce qui se comprend aisément dans une société
dont tous les membres ne sont pas des héros, que beaucoup de chré-
tiens faiblissaient devant le tribunal et, dès le début de la ques-
tion à laquelle on les soumettait, juraient par le génie de
l'empereur et sacrifiaient : il s'en trouvait parmi ceux-ci qui,
devenus libres et rougissant d'eux-mêmes, se voyant montrés du
doigt par les païens qui leur reprochaient de n'avoir pas eu le
courage de leurs idées, et rejetés des frères, revenaient s'offrir
d'eux-mêmes aux juges et rachetaient leur honneur et leur cons-
cience au prix de leur vie. D'autres devant le proconsul usaient
de subterfuges et de restrictions mentales, juraient par le génie
du seigneur, en sous-entendant en eux-mêmes le seigneur Dieu,
seigneur des seigneurs.
Coup sur coup, de 198 à 199, Tertullien répondait à la persé-
cution en écrivant son Apologétique, son Traité des spec-
tacles et son Livre de rtdo/ô^rte,.protestant dansle premier
de ces trois ouvrages contre les procédures iniques et revendi-
quant hautement les droits de la conscience, attaquant dans les
autres les mœurs, les coutumes et les institutions religieuses des
païens, rétorquant et retournant vivement contre ses adversaires
tous les griefs et toutes les accusations dont on accablait ses
amis.
Le proconsul Publius Vigellius Saturninus n'était pas pour-
tant un méchant homme. Il gémissait sans doute de se voir enlacé
dans ces causes inextricables que les haines publiques et les
nécessités de sa charge lui imposaient, et dans lesquelles les accu-
sés se chargeaient eux-mêmes, semblaient prendre plaisir à se
perdre et à ôter à leurs juges tout moyen de les sauver.
Cet embarras est manifeste dans la seule affaire sur laquelle
nous ayons des détails et où il figure en qualité déjuge. Nous
voulons parler du procès des martyrs scillitains, où douze fidèles,
huit hommes et quatre femmes, plusieurs évidemment de sang
et de nom punique, étaient impliqués'.
1. Ad Nation., l, 7.
2. Left Actes nous apprennent qne ce procès eut lieu sous le consulat d'un
personnage nommé Claudius ou CUudianus. Trois manuscrits portent Claudius;
un quatrième, cité par Mabillon, donne Praesidente bis ClatuUano consuU,
Borghesi, s'attachant à cette dernière leçon, la transforme et la complète d'une
manière à la fois ingénieuse et vraisemblable, encore qu'un peu libre, en preii-
dtAtibus Claudio Severo et Aufidio Victorino cou. Claudius Sererus et Aufi-
278 B. aueL
Saturninus n'entame pas rinterrogatoire d'un ton rogue et
menaçant. Ses premières paroles sont pleines de douceur : Vous
pouvez être assurés, leur dit-il, de trouver grâce auprès de nos
seigneurs Sévère et Antonin si vous revenez à de meilleurs senti-
ments. Et Spératus, au nom de ses compagnons et au sien, pro-
testant qu'ils n'ont rien fait de mal et obéissent aux lois et
adorent seulement Dieu dans la simplicité de leur cœur, le pro-
consul répond : Et nous également nous sommes religieux, et notre
religion est pleine de douceur, et nous jurons par le génie de
notre seigneur l'empereur et nous prions pour sa conservation,
ce que vous devez faire, vous aussi. Et Spératus à propos de la
foi chrétienne ayant prononcé le mot de mystère et proposant de
s'en expliquer, si le juge veut l'entendre : « Je t'entendrai volon-
tiers là-dessus, dit Saturninus, sans que tu aies rien à craindre,
mais jure seulement par le génie du prince. » Ne dirait-on pas que
le proconsul ouvre ici aux accusés une porte de salut, et que, sans
s'inquiéter beaucoup du fond des choses, il leur demande seule-
dius Victorinus sont les deux consuls de l'an 200. En admettant qu'un person-
nage du nom de Claudius fût en effet consnl lorsqu*eut lieu le procès, ainsi que
trois manuscrits des Actes le marquent, comme il n'y a à cette époque dans les
fastes aucun consul de ce nom, si ce n'est Tiberius Claudius Severus, consul en
l'an 200, il est légitime de rapporter cette affaire à cette date, sans qu'il soit
nécessaire peut-être de supposer que les Actes portassent fort exactement la
mention entière des deux consuls, outre que le praesidentibusy pour être moins
étrange qu' existente, praesente ou praestante, placé devant Claudio dans les
trois manuscrits, ne parait pas moins inusité. Donc, on peut considérer que
l'affaire des Martyrs dits scillitains eut lieu en 200. Mûnter la recule de deux
ans. c 11 est probable, écrit-il en note, que Spératus et ses compagnons souf-
frirent en 202. » On ne Yoit pas la raison de cette probabilité, et Miïnter n'en
donne aucune. En 202, l'empereur Sévère, consul pour la troisième fois, parta-
geait les faisceaux avec son fils atné, Ântonin Caracalla. 11 faut alors faire
abstraction du Claudio Consule qu'on trouve à la première ligne des Actes. A
quel titre effacer cette indication, ou n'en tenir nul compte? Si Miinter a
choisi l'année 201 parce que c'est la date de Tédit que Sévère promulgua en
Palestine contre les chrétiens, la raison ne vaut rien, vu que dans les Actes il
n*est fait nulle allusion à cet édit, et d'un autre côté, parce qu'on ne l'a pas
attendu pour juger et condamner les chrétiens, comme cela résulte de tant de
passages de V Apologétique, composé plusieurs années auparavant; enfin parce
que Saturuinus, le premier qui ait prononcé contre les chrétiens des peines
capitales et par conséquent proconsul lorsque Tertullien écrivit son Apologë-
tiquey ne s'était pas vraisemblablement perpétué quatre ans dans sa charge.
C'est asseï de supposer que son proconsulat eût été prorogé deux ou trois
ans, comme il le faut admettre, si on veut se souvenir que son proconsulat et
les condamnations capitales contre les chrétiens qui le signalèrent, avaient com-
mencé quand Tertullien écrivit son éloquent plaidoyer.
l'église d*afrique sous septime sévère. 279
ment de céder sur une formalité d'étiquette. Mais l'autre répon-
dant toujours qu'ils n*ont fait aucun mal, commis aucun délit,
qu'ils paient exactement les impôts, mais ne veulent adorer que
leur Dieu, le roi des rois, le proconsul à qui la patience échappe
s'écrie : « Au surplus, c'en est assez de votre bavardage, appro-
chez et sacrifiez aux dieux. » Spératus refuse. Saturninus s'adresse
aux autres, les prie de ne pas s'associer à la folie de celui-ci,
mais de craindre le prince et de se montrer dociles à ses ordres.
Et Cittin ayant répondu pour tous : « Nous ne savons craindre
personne autre que Dieu notre seigneur qui est dans le ciel, > le
proconsul lève la séance et les fait reconduire en prison.
Le lendemain il s'adresse aux femmes, et, les trouvant inflexi-
bles, revient encore aux hommes. Ceux-ci s'animent d'autant
plus que le juge est plus conciliant ; ils crient à pleine voix qu'ils
sont chrétiens, comme s'ils craignaient sa bienveillance et vou-
laient par le scandale en empêcher les effets : « Vous ne voulez
donc, leur dit le juge, ni grâce ni délai? » Et il leur ofire de les
ajourner à quelques jours ^ Ils répondent que pour eux tout est
vu et décidé, mais que ce temps leur suffirait pour l'arracher
au culte honteux des idoles, l'initier à la foi et la lui faire aimer,
s'il en était digne.
Poussé à bout, le proconsul prononce la sentence capitale. En
vérité, on demande de quel côté est la douceur, de quel côté la
patience et la longanimité, et de quel côté aussi l'insolence et la
bravade ?
Cette affaire des martyrs scillitains jugés et exécutés à Car-
thage est de Tan 200 et, suivant les Actes, du 16 juillet.
Après de pareilles exécutions, le pouvoir, conune s'il avait
payé sa dette aux clameurs populaires, fermait les yeux; les
haines publiques rassasiées s'apaisaient. Les chrétiens, décimés
mais non entamés dans leur foi, rejoignaient leurs rangs
dispersés, reprenaient leurs réunions et leurs habitudes. La paix
renaissait dans les cités, une sorte de tolérance tacite s'établis-
sait, non sans de sourds grondements parmi les païens les plus
fanatiques, rêvant une extermination générale, et parmi les plus
fougueux de la secte, brûlés du désir de la vie éternelle que le
martyre assurait à leurs yeux. Cette tolérance du reste était à
la merci du moindre éclat de zèle. Vers 201 ou 202 un scandale
1. Un texte dit trois jours, un autre trente.
280 B. AUBli.
se produisit, également blâmé sans doute par les païens et par la
majorité des chrétiens. Voici comme Tertullien le raconte :
« L'histoire, dit-il, est d'hier. Par ordre des très puissants empe-
reurs, on faisait largesse aux troupes. Les soldats, couronnés de
laurier, venaient à tour de rôle recevoir le donativum. L*un d'eux,
plus soldat de Dieu et plus ferme que les autres frères qui s'étaient
flattés de pouvoir servir deux maîtres, seul, tête nue, son inutile
couronne à la main, montrant par son attitude qu'il était chré-
tien, se faisait remarquer entre tous. Chacun le désigne du doigt :
de loin on le raille, on gronde autour de lui. Les murmures
arrivent au tribun, et l'homme hors des rangs se présentait.
Aussitôt le tribun : Pourquoi es-tu si difierent des autres? Il
répondit qu'il ne lui était pas permis de faire comme eux. — Et
la raison? — Je suis chrétien, dit-il. 0 soldat glorieux dans le
Seigneur! on tient conseil. L'affaire est remise à plus ample
informé et le soldat traduit devant les préfets. A l'heure même il
dépouille son lourd manteau, prêt à recevoir un joug plus léger,
dénoue et laisse sa chaussure incommode pour marcher librement
enfin sur la terre sainte, rend son épée qui n'avait pas été jugée
nécessaire à la défense du Seigneur, laisse tomber la couronne
de sa main ; et maintenant, vêtu de la pourpre du martyre qu'il
espère, chaussé du brodequin de l'évangile, armé du glaive mieux
trempé de la parole de Dieu, ceint tout entier de l'armure de
l'apôtre et couronné en espérance de la blanche couronne des
martyrs, il attend dans la prison le donativum du Christ. Cepen-
dant sur son compte courent divers jugements, — de chrétiens, —
je ne sais; les païens n'en disent pas plus. C'est le fait, dit-on, d'un
étourdi, d'un cerveau brûlé, d'un homme avide de mourir. Inter-
rogé sur sa tenue, il compromet la société chrétienne tout
entière, comme s'il n'y avait que lui qui eût du cœur et que
parmi tant de frères qui servent comme lui il fût seul chrétien...
Ils grognent enfin de ce qu'on vient sans raison mettre en péril
cette bonne et longue paix. Plusieurs sans doute songent déjà à
se mettre à l'abri du martyre, font leurs paquets et s'apprêtent à
fuir de ville en ville. Car ils n'ont retenu que ce texte de l'Écri-
ture : Je connais leurs pasteurs, lions en paix et cerfs en guerre*. »
Il n'est guère dans Tertullien de plus curieux morceau. Il est
écrit à Carthage, et il est présumable que le fait qu'il relate s'est
1. TertoU., De Corona militis, Jnit,
l'iÎGLISB D'AFRIQUE SOUS SEPTIMB SI^YiEB. 281
passé en Âfirique. Les largesses n'étaient pas faites seulement
aux années en campagne. Tous les soldats y participaient. Les
détails dans lesquels Tertullien est entré semblent viser un fait
qui vient de se passer près de lui et à sa portée, en Numidie
peut-être, où campait la troisième légion Augusta^ peut-être
dans le détachement de service à Carthage. De même le mouve-
ment d'opinions qu'il relève, les dires des chrétiens qu'il recueille,
paraissent devoir se rapporter à un fait local. Au reste, dans le
récit, nul indice de temps ni de lieu. Il n'y a qu'un embarras :
l'expression de longue paix employée par les chrétiens qui blâ-
ment l'excès de zèle du soldat convient mal à la courte trêve qui
suivit, comme nous l'imaginons, les exécutions ordonnées par
Vigellius Saturninus. Mais après une crise, une tranquillité d'un
an ou deux peut bien à la rigueur s'appeler une longue paix.
L'acte du soldat pris en lui-même était un acte d'indiscipline
flagrante et comme un défi. Les chrétiens raisonnables le taxaient
eux-mêmes d'absurde témérité. Nous noterons que l'autorité
militaire, habituellement sonmiaire en ses procédures, ne sévit
pas sur l'heure. Nous remarquerons aussi que le parti des'exagérés
et des puritains parmi les chrétiens approuvait le légionnaire.
Tertullien, qui récemment dans son traité de V Idolâtrie n'avait
pas craint de déconseiller à ses amis de participer aux travaux
et aux charges de la vie civile, ne se cachait nullement pour
applaudir ce qui lui semblait l'héroïsme du soldat et de le pro-
poser en exemple à tous les chrétiens. Il déclarait que le service
militaire était incompatible avec la vie chrétienne, comme il avait
déclaré que les devoirs du citoyen ne convenaient pas à la pro-
fession chrétienne. Il n'avait pas, il est vrai, mandat de l'église
pour parler de la sorte. Mais il est certain que l'opinion qu'il
exprimait spontanément et qu'il défendait avec énergie était
l'opinion d'un groupe de chrétiens, de ceux qui prétendaient
tenir la tête du mouvement; et il n'est pas moins certain que
cette opinion était subversive de tout ordre social. Par ces ensei-
gnements, que les païens pouvaient croire émanés non d'une
minorité d'opposition et d'un parti d'intransigeants, mais de
toute la secte, en dépit de prot^tations timides ou non avenues,
le christianisme à son tour déclarait la guerre à la société et
rompait avec elle : religion, devoirs civils, obligations militaires,
il répudiait tout en face et directement. Que devaient penser de
pareilles idées, nous ne dirons pas l'autorité civile et militaire.
282 I. àtïïi.
mais les pins sages et les plus tolérants des païens? N^avaieni-ils
pas le droit de déclarer à leur tour que les chrétiens, bien qu'ils
s'en défendissent devant les tribunaux, étaient en effet des hommes
dangereux, des Êiuteurs de sédition et des ennemis publics? Les
fous, disaient-ils, on peut les plaindre, les prendre en pitié, les
éclairer et peut-être les guérir. Mais des forcenés qui prêchent la
désobéissance aux lois, l'indiscipline, le mépris de la cité et des
devoirs civiques, opposent on ne sait quel drapeau à Tétendard
de Rome, il faut en finir avec eux et les étouffer par tous les
moyens.
La persécution recommença donc avec plus de violence. Mini-
cius Timinianus avait succédé à Yigellius Saturninus en qualité
de proconsul, 201-202. Il mourut pendant sa magistrature, et le
procurateur Flavianus Hilarianus le remplaça dans ses fonctions.
La persécution continua sous ses successeurs Âpuleius Rufinus,
203-204, Marcus Valerius Bradua Mauricus, 204-205, et Gains
Julius Asper, 205-206*.
Le gouvernement d'Hilarianus fut signalé par des émeutes
populaires contre les chrétiens. L'église d'Afrique, comme celle
de Rome, avait ses quartiers de sépulture qu'elle possédait à titre
de société, et dont la loi assurait l'inviolabilité, non conmie
propriété chrétienne sans doute , mais à titre de lieu de sépul-
ture. La populace de Carthage s'éleva contre ce partage des
prérogatives communes. La haine publique demandait que les
clirétieiis fussent hors la loi, morts ou vivants. On cria : Pas de
lieu de sépulture pour les chrétiens : Arese non sint christia-
norum * !
C'eût été merveille que ces furieux appels aux rigueurs légales
ne fusmmt pas accompagnés d'insultes et de violences contre les
propri6t<'iH (ît contre les personnes. TertuUien dans son Apologé-
tique parle do tombes chrétiennes indignement violées, et de
pierres lanciM^s aux fidèles ^ On peut croire que la foule
1 . L'^poquo oîi rot iwrftonnages furent proconsals d'Afrique est assez précisé-
ment établie. Apulelun Ruflnua fiit consul en 189, Marcus Valerius Bradua en
191. 11 est possible qu'il y ait eu un autre proconsul entre les deux, mais on
rignoro. Knfln Oalus Julius As|>er fut consul pour la première fois en 192.
V. WaddlnRlon, Fattft dfs prwincés asiatiques de l'empire romain, p. 248
et 258.
2. Hub llllarlano pracsido cum de arels sepuUurarum nostrarum adclamas-
scnt : Areao non sint 1 aroae Ipaorum non f^erunt. Tertull. Ad. Scap., 3.
3. Tertull.. Apoiog,, 9-37.
L'éGLISB D'AFRIQUE SOUS SBPTIME SÉVÈRE. 283
n'épargna pas plus les unes que les autres dans la période dont
nous parlons. La licence pouvait se donner pleine carrière. Les
outragés ne réclamaient pas, crainte de pis, et l'autorité ne son-
geait pas à les couvrir. Elle ne garda pas même la neutralité. Un
édit de Sévère, promulgué en Palestine, venait d'intervenir, qui
interdisait la propagande chrétienne. Si équivoque que fût cette
ordonnance prise à la lettre, elle était une indication des senti-
ments du prince. Il ne voulait pas que la semence chrétienne
s'étendît et fructifiât. Le meilleur moyen de couper court aux
progrès inquiétants du christianisme et à l'extension de la secte,
n'étaitK» pas de supprimer les convertisseurs, et pour que l'arbre
n'eût pas de rejetons et de pousses nouvelles, de brûler ou d'am-
puter ses racines? Il voulait que le christianisme s'éteignît. On
servait donc son intention et son dessein final en frappant les
chrétiens*.
La police fut lancée et dut aider les dénonciateurs volontaires
et les accusateurs ofiicieux. Nous n'avons, il est vrai, ni dans les
Actes qai se rapportent aux martyrs de ce temps, ni dans aucune
des œuvres de Tertullien, la moindre mention del'édit de Sévère,
mais le traité de la fuite dans la persécution et le Scorpiaque,
écrits l'un et l'autre entre 202 et 205, nous paraissent attester
et manifester une aggravation dans la situation légale des chré-
tiens. Ils étaient suspects, ils sont proscrits : on attendait des
accusateurs pour les punir ; on les recherche, et on les poursuit.
En dépit de mauvaises rumeurs et parfois d'avanies, ils allaient
et venaient mêlés à la population et se réunissaient entre eux
avec une suffisante liberté : maintenant ils se cachent, se voient
et s'assemblent de nuit, ou suspendent leurs réunions et s'en-
fuient. Tertullien, qui s'enfonçait chaque jour davantage dans les
exagérations montanistes, reproche aux chrétiens de n'avoir
gardé mémoire que du passage de l'évangile qui semble autoriser
la fuite*. C'est alors aussi que s'établit la pratique dont nous
1. Il est remarquable que nuUe part Tertullien n'incrimine la bonne Tolonté
de Sévère. Dans sa Lettre à Scapula il ne cite de sa part que des traits de
bienveillance à l'égard des chrétiens. Ou il ne connaît pas Tédit de 202, ou
il feint de ne pas le connaître. Avec ses seuls ouvrages on ne saurait évidem-
ment le deviner.
2. Ifnssitant scripturas emigrare, sarcinas expedire, fugae accingi de civitale
in dvitatem; nuUam enim aliam Evangelii (S. Matth., X, 23) memoriam curant.
Le corona^ \, C(, De fuga in persectU,, passim.
284 B. aubM.
avons parlé déjà : le rachat de rarrestation. On se sauve à prix
d'argent. Les chrétiens riches payent pour eux et pour leurs
amis : des groupes se cotisent, les évêques mêmes s'entremettent
auprès des soldats ou des agents de la police romaine. Ce ne
sont pas encore les libellatici^. Ces affaires se traitent clandes-
tinement. Les agents supérieurs les ignorent ou ferment les yeux
sur un trafic qui leur allège une odieuse besogne. Ce sont les
fruraentaires, ou les soldats, ou les dénonciateurs officieux, les
limiers de la haute et basse pohce, dont on soudoie la bonne
volonté et dont on achète le silence par des sommes données de
la main à la main et sans doute renouvelées et constituant une
sorte de loyer convenu.
En ce temps cependant (202-206), plusieurs chrétiens furent
livrés aux tribunaux, soit par suite de la mauvaise foi d'agents
deux fois traîtres, soit par l'impossibilité où ils étaient de satis-
faire la rapacité des persécuteurs, soit par l'effet d'inimitiés
privées que l'argent ne pouvait étouffer, soit encore et plutôt
parce qu'ils se refusaient à de pareils marchés et aimaient mieux
payer de leur sang. On peut signaler, avec Rutilius que nous
avons mentionné déjà et que Tertullien appelle très saint martyr*,
Castus et ^Emilius, qui, après avoir renié leur foi, rentrés en eux-
mêmes, s'offrirent de nouveau aux juges et l'attestèrent dans les
supplices^; Celerina, Laurentius et Ignatius, la première aïeule,
les deux autres oncles d'un Celerinus ordonné prêtre et lecteur
par saint Cyprien, au milieu du troisième siècle*. C'est par
simple conjecture que nous plaçons ces trois derniers martyres
dans la période qui s'étend de 202 à 205 ou 206. Saint Cyprien-
1 . Les libellatici n'apparaissent guère qu'an temps de Cyprien. C'étaient des
chrétiens qui, à prix d'argent ou autrement, obtenaient des autorités des certi-
ficats attestant quils avaient sacrifié et satisfait aux édits, c'est-à-dire de véri-
tables billets de confession païenne, qui Ie§ dispensaient de comparaître et d*étre
interrogés en personne. En règle de la sorte arec le pouToir, ils n'en gardaient
pas moins leurs sentiments intimes. Or, ces billets étant lus en public consti-
tuaient en somme des certificats d'apostasie, s'ils étaient Trais; d'hypocrisie et
de lâcheté, s'ils étaient faux. Il n'y a, que nous sachions, trace de rien de sem-
blable sous SéTère, et les faits dont parle Tertullien dans le De faga sont d'nn
autre ordre.
2. De fuga in persec., 5.
3. S. Cjpriàmde lapsis. Corp, scr^L eccL lot. Ed. Hartel. Vienne 1871, t I,
p. 40. L'ancien calendrier de Garth. marque leurs martyres à l'an 2Q4. V. Miinter,
op. cit., p. 252, note 10.
4. S. Gyr. Ep. 38, p. 586 de l'édit. citée.
l'^glisb d'afkiqub sous sbptimb sévère. 285
en parle comme d'anciens martyres*; et puisqu*en remontant dans
le passé à partir du temps de saint Cyprien, nous ne trouvons en
Afrique de persécution notable que sous Septime Sévère, qu'il
n'y en a point eu dans ce pays avant son règne, et que, d'autre
part, la persécution de Maximin est trop insignifiante et surtout
trop voisine du temps de Cyprien pour que les termes dont il se
sert puissent s'y rai)porter, il suit que les personnages qu'il
mentionne ont soufiert sous Sévère. Mais à quelle date précise?
nous ne le savons pas certainement. Nous supposons qu'ils ont
été exécutés entre 202 et 206, parce que à partir de 202 la persé-
cution fut plus violente, et prit si Ton peut dire alors un carac-
tère officiel. Mais il est possible que ces martyres appartiennent
à la fin du règne et aient eu lieu sous le proconsulat de Scapula
Tertullus.
Les deux faits les plus mémorables de la période qui nous
occupe sont le martyre du groupe de fidèles dont Félicité et
Perpétue faisaient partie, lequel eut lieu en 202 sous le gouver-
nement intérimaire du procurateur Flavianus Hilarianus, et
l'exécution d'une vierge chrétienne nommée Guddene, Tannée
suivante 203, sous le proconsulat d'Apuleius Rufinus.
De ce dernier événement nous savons peu de chose. Les Actes
de sainte Guddene ont péri, s'ils furent écrits. Son nom paraît
révéler une origine punique et fait penser à cette Namgedde dont
M. Léon Renier a si heureusement expliqué l'inscription*, pieuse
et tendre mère qui avait suivi jusque sur les côtes de l'Armorique
son fils Caius Flavius Januarius, officier de la flotte de Bretagne,
et y mourut si loin de son beau ciel d'Afrique^.
Cette Guddene était vraisemblablement de condition servile. Il
est difficile en effet de supposer que le proconsul eût agi avec un
1. Sic ^ic Casto el ilijnilio aliquando Dcus ignovit, sic in prima congrcssione
deTictos victores in secundo praclio reddidit Cyprien, De laps., p. 246,
6dit. citée.
2. Léon Renier, Mélanges d'épigraphie. XII. Sur une inscription latine con-
servée dans Véglise du bourg de Corseult, dép. des Cùles-du-Nord. XIII. Sur
quelques noms puniques à Voccasion de l'inscription de Corseult.
3. 11 faut pour cela supposer que la première syllabe du nom de Guddene a
été mal écrite et qu*on a mis un u au lieu d'un a, d'un e ou d*un i, II semble
qu'avec la correction Gaddene, Geddene ou Giddene, le nom de la mère de
Januarius de Tinscription de Corseult, et celui de la jeune martyre de 203,
loleiit identiques. Assurément Geddene ressemble fort à Geddeneme, qui revient
à Namgedde, et qui est le nom d'une nourrice carthaginoise dans le Poenulus
de Plante.
286 B. 1CJB<.
pareil sans-gêne de barbarie envers une personne de naissance
et de condition libre. On nous dit en effet qu'elle fut à quatre
reprises étendue et tirée sur le cheyalet, et horriblement déchirée
par les ongles de £er avant d'être décapitée ^
Nous avons plus de détails sur le mart3nre de Félicité, de Per^
pétue et de leurs compagnons. On trouve «ces détails dans un
très antique récit que Perpétue et Sature, deux des plus illustres
victimes, auraient écrit eux-mêmes. L'exécution eut lieu à
Carthage pendant les jeux célébrés pour fêter l'anniversaire de
la nomination de Geta, second fils de Sévère, à la dignité de
César».
On avait arrêté plusieurs catéchumènes, Révocatus esclave,
Satuminus et Secundulus, Félicitas, jeune esclave alors grosse
de huit mois, et avec eux une jeune femme de naissance libre et
de bonne famille, Vibia Perpétua, libéralement mariée et ayant
un enfant qu'elle nourrissait encore. Ils avaient été saisis
ensemble d'un seul coup de filet. Saturus, autre néophjrte,
absent lors de l'arrestation, voulut s'associer à leur sort et se
livra lui-même, lorsqu'il apprit que ses amis étaient dans les
mains de la justice. La capture de Vibia Perpétue, trouvée
dans ce milieu de petites gens, cache-tp-elle un drame de famille?
On peut le supposer. Dans les Actes il n'est pas soufflé mot de son
mari, ce qui permet de croire qu'il était païen. Le père de Per-
pétua rétait évidemment. Pour sa mère et ses frères, la chose est
incertaine ^ Or la foi chrétienne clandestinement entrée au foyer
1. On lit dan» lo Martyrologe d'Adon, au v kal. de juiUet (27 juin) : Apnd
OartbaKlnom Natal Ia Sanctao Guddones yirginis, quae Plutiano et Zêta (PÏao-
tiann et (lOta) conAulibuH, JuhsI RuHni proconsulis, guater diversis temporibus
equulol oxtiMiAlono vexata, H ungularum borrenda laceratione cruciala, carceris
otiam Hqualoro diuliaaiino afllicta, novissime gladio caesa est. CL BoU., t 18,
Jul., p. a.VJ.
'2. Ia^ tcxlo dcA Actes doa SS. Perpétue et Félicité porte : Natale tune Getae
Caenarift. X 7, in fine, W faut entendre par là le Jour anniyersaire de la nomina-
tion de (lOta ronune (^>^Mr, qui eut lieu au printemps de l'an 198. Les quin-
quennalia du Ci^Kar iWUk loiulMnt bien en ^0^ C*est à cette date que Morcelli
(Afi\ (-/t., tome II, p. 58 et nuir.) place le martyre dont nous parlons; plusieurs
cependant le metlent en *203.
;). httiio SS, /Vt7H*^ H Fel, Cf. deux passages desquels on peut tirer les
deux at1irin;i(ionA rontradirtoirc» : t* Ces nmts du père : aspice fratres tuos,
aspire lutUivui tuaui et umterterAiu, | I. — 2* Le passage du même paragraphe
où IVr|MMue dit : Kt e|t«) dtUebam quod solus (pater) passione mea gavisurus non
essot de toto génère meo. - t> dernier passage est en contradiction sTec un
L'feUSB d'AFUQUB socs SKPTIHB S8?iRK. 287
domestique, quand le père ou le mari ne la partageait pas, était
une source de querelles, de divisions et de déchirements qu*ou
devine aisément. La fenmie chrétienne unie à un mari demeuré
païen avait quantité de secrets qui devaient exciter les soupçons
et la colère de son mari. Nous ne parlons pas seulement des
secrets du for intérieur, mais des pratiques personnelles. Elle se
levait la nuit pendant le sonuneil de son mari, elle avait des
sorties avant le jour, dont il lui fallait cacher les vraies et inno-
centes raisons; elle avait des accointances qu'il lui fallait dissi-
muler avec des inconnus, et, selon son mari, avec des gens sans
aveu, avec ceux mêmes, s'il savait quelque chose, qui lui avaient
ravi le cœur de sa femme et continuaient à égarer sa raison, à
troubler son esprit, à l'écarter de ses devoirs quotidiens d'épouse,
de mère et de maîtresse de maison. On comprend les jalousies et
les défiances chez ceux qui ne savaient rien ; les mouvements de
rage chez ceux qui soupçonnaient la vérité, l'enfer domestique
qui devait résulter d'un pareil ménage, où l'àme de l'épouse
faisait tant de réserves et était si souvent loin du foyer*. Vibia
Perpétue était hors du domicile conjugal , en conversation avec
ses amis secrets, lorsqu'elle fut prise avec eux. S'il répugne de
croire que son mari l'eût dénoncée, peut-être avait-il dénoncé
ceux qu'elle fréquentait. Peut-être voulait-il la sauver de leur
contagion funeste? Par hasard, quand on les arrêta au lieu
indiqué, elle se trouvait avec eux et fut enunenée.
Ce qui est plus certain, c'est que Vibia Perpétue et ses amis
appartenaient au parti des chrétiens exaltés et inhabiles aux
transactions, qui faisaient peu de cas de toutes les attaches ter-
restres, et, dès ici-bas, professaient qu'il faut apprendre à les
briser ; qui considéraient la fuite comme une apostasie, et toutes
les précautions comme des lâchetés, et loin de craindre de mourir
pour leurs croyances, le désiraient ardemment. Si c'est une
preuve de montanisme de blâmer ceux qui se cachent ou
s'enfuient pendant la persécution, que dire de Saturus qui se
dénonce et se livre lui-même*? Enfin l'atmosphère de visions où
Perpétue se meut, sa naïve prétention de converser familièrement
Mtre da { 3 : tabeiccbam ideo qaod illos (matrero et fratrem) tabescere yide-
nm mei beneficio.
1. Tertoll., Apolog., 3. Ad uxorem, II, 4. Cr. Miinter, op. cit,, p. 1S4-185.
2. Ascendit autem Satarus prior qai posiea se propter nos uUro tradiderat.
Poss. SS. Perp. et Felicit, { 5.
288 B. AUB^.
avec Dieu, et la croyance où l'on est dans son entourage qu'elle
communique directement avec lui S Tétat extatique qui est à tel
point son état naturel et celui de Félicité, qu'il dure jusque dans
l'arène*, tout cela permet d'affirmer que le groupe de catéchu-
mènes dont nous parlons avait embrassé pleinement les idées des
montanisants.
Les Actes de Perpétue et de Félicité sont plus intéressants peut-
être pour le psychologue que pour l'historien. Celui-ci cepen-
dant peut y relever plus d'un trait digne d'être relevé et retenu,
d'un caractère général ou local. Nous noterons l'entassement des
chrétiens arrêtés dans une prison sans air ni lumière^, l'inter-
vention spontanée et sans risque des diacres, obtenant à prix
d'argent des gardiens, pour leurs frères captifs, la permission de
respirer quelques heures par jour dans une enceinte plus vaste et
plus saine, dans l'intérieur de la prison *. Nous noterons encore, à
titre de détail anecdotique et typique à la fois, les diverses entre-
vues du père païen et de la fille chrétienne. Des opinions reli-
gieuses du père, il n'y a pas trace. L'auteur des Actes n'a mis en
jeu que la tendresse paternelle et les sentiments d'honneur mon-
dain et de dignité civile d'un Romain bien posé redoutant la
flétrissure qu'une condamnation judiciaire va imprimer à son
nom et à sa famille^. Il ne se déchaîne pas contre les idées nou-
velles dont sa fille s'est engouée. Il est de ceux qui craignent
l'opinion et suivent docilement la loi.
Il va donc trouver sa fille qui vient d'être arrêtée, et la trou-
vant obstinée, et jusqu'au manque de respect, si l'on ose dire, il
la maltraite d'abord ; puis discute avec elle sans rien gagner. Il
revient quelques jours plus tard dans la prison, l'âme navrée,
essaie de la fléchir, fait appel à sa tendresse : « Aie pitié de mes
1. Tune dixit mihi frater meus : Domina soror, jam tu in magna dignatione es ;
et tanta ut popules visionem Et ego quae sciebam fabulari cum domino
Id., § 4 init
2. Et quasi a somno expergita (adeo in spiritu et in extasi fuerat) circumspi-
cere caepit Id., g 20.
3. Excipimur in carcerem ; et expavi quia nunquam experta eraro taies tene-
bras. Odiem asperum, aestus Yalidus turbarum beneficio, concussurae milituml
Id., 8 3.
4. Ibi Tertius et Pomponius benedicti diaconi qui nobis ministrabant consti-
tuerunt praemio ut paucis bons emissi in meliorem locum carceris refrigerare-
mus. Id., § 3.
5. Ne me dederis in dedecus hominum ne uniyersos nos extermines;
nemo enim nostnim libère loquetur si tu aliquid fueris passa. Id., ! 5.
L^feLISE D'aFHIQUE SOUS SBPTIMB S^viEB. 289
cheveux blancs, dit-il, aie pitié de ton père. S'il est vrai que de
ces mains que tu vois, je t'ai élevée jusqu'à cette fleur de ton âge,
si je t'ai préférée à tous mes autres enfants, ne me livre pas à la
honte et à l'opprobre. Songe à tes firères, à ta mère, à la mère
de ton mari, songe à ton fils qui ne pourra pas vivre si tu n'es
plus là, adoucis tes fiers sentiments, ne nous perds pas tous avec
toi. Qui de nous osera se montrer et ouvrir la bouche, après que
le bourreau t'aura touchée? » En parlant ainsi, dans l'efiusion de
sa pieuse tendresse, il me baisait les mains, se roulait à mes
pieds, et tout en larmes, il m'appelait, non « ma fille », mais
« madame ». Et moi j'étais pénétrée de douleur à la vue de ses
cheveux blancs, et j'essayais de relever son cœur en disant : « Il
arrivera devant le tribunal ce que Dieu aura voulu. Sache bien
en effet que nous ne dépendons pas de nous, mais de lui seul^ »
Le père fait un suprême effort au moment de l'interrogatoire.
Cet interrogatoire est sommaire à l'excès. « Nous étions en
train de manger, dit l'auteur des Actes, lorsqu'on vint nous
prendre pour nous mener à l'audience. Et la nouvelle s'étant
répandue que nous allions comparaître, un peuple immense
accourut autour du tribunal. Nous montâmes sur l'estrade.
Interrogés, tous les autres avouèrent. Mon tour arriva, et tout à
coup mon père apparut avec mon enfant. Il me tira à part, et
d'un accent suppliant : « Aie pitié de ton enfant, » me dit-il. Et
Hilarianus, qui alors, à la place du proconsul MiniciusTiminianus
mort en charge, avait reçu le droit du glaive : « Épargne, dit-il,
la vieillesse de ton père, épargne l'enfance de ton fils, sacrifie
pour le salut des empereurs. » — Et moi je répondis : « Non je ne
sacrifie pas. — Et Hilarianus : Tu es donc chrétienne? dit-U. —
Et je répondis : Oui, je suis chrétienne. » Et comme mon père était
là debout près de moi, tâchant encore de vaincre ma résolution,
Hilarianus ordonna de l'écarter, et on le frappa d'une verge. Et
je sentis le coup qu'il reçut comme si je l'avais reçu moi-même;
et je plaignais sa malheureuse vieillesse. Alors le juge prononce
sur nous tous en une seule sentence et nous condamne aux bêtes.
Et pleins d'allégresse nous redescendîmes à la prison *. »
Il est encore question deux fois du père de Perpétue. Celle-ci,
après l'arrêt prononcé, ramenée à la prison, se souvient qu'elle est
1. Id., I 5.
2. Id., 1 6.
Rev. Histor. XL 2« pasc. 19
2M t. aqbI
mère et nourrice, et fait redemanda aon enfimt par le diacre
Pomponitis. On imagine que ce dénier fat malaccoâllL L'auteur
des Adeê^ Perpétoe eUennneme dit-on, écrit id : « Mon père ne
consentit pas à me rendre mon enfant et Diea, par bonhear, Toofait
qn^il ne demandât pas le sein et qœ je ne foaae pas incommodée
de mon lait. Ainsi j'eos Tesprit libre de ce côte et je ne soaffirîs
pas'. »
Cependant les condamnés ont été transfisrés dans la prison
militaire près de l'amphithéâtre où ils deraient combattre, et
rigourensement attachés. On avait fait croire au tribun préposé à
la prison qu*i]s pourraient bien être délivrés par le moyen de
la magie dans laquelle, disait-on, les chrétiens étaient passés
maîtres*. Cependant, sur les aères réclamations de Perp^e, le
tribun les traite plus humainement, et accorde libre accès auprès
d*6ux aux parents et aux frères qui viennent les voir, leur
porter de la nourriture, et échanger avec eux des paroles d'espé-
rance et de consolation. En même temps, le geôlier Pudens, que
la grAco avait touché, leur rendait toute sorte de bons offices.
C*est là, pou de jours avant le tragique dénouement, que le père
do Perpétue fait à sa fille la suprême visite. « Conmie approchait
le jour dos spectacles, voici que je vois mon père venir à moi
dans la prison. Il était profondément accablé. Je le vis alors
8*arrncher la barbe, se jeter contre terre, la face sur le sol; il
nmudiRsait Ma vio qui avait trop duré et disait mille choses
oapablos do nnnuor jusqu'aux entrailles toute créature humaine.
Kit j*ôtaiB bien émue de douleur et de pitié pour sa vieillesse infor-
tunée^'. »
PurnU les vivions qui remplissent les Actes^ et dont la plupart
roulont sur les imagos de la béatitude céleste qui ravissent ces
A\\\^H^ oxRlt(H>s, ct>llo do Saturus fait allusion aux divisions des
tUUMi^ ot a\ix disputes qui déchiraient alors Téglise d'Afirique.
Salunis ot si>s a>m|>agnons, après leur passion, se sont vu
tmnvHiH)rtor dans un janlin de délices et revêtir de blanches
n>lHHi \^v {\k^ angles. Us trouvent à la porte, des deux côtés,
rtWoquo (>ptatus ot lo pivtn^ di>cteur Aspasius, le visage triste,
ot m^ivanV» Tuu do Tautro, qui se jettent à leurs pieds dès qu^ils
t. la., 1 6.
). QttU <^i adnhHiitkHiitm^ honkinam vaaissiMonni ^erAatw m •■^trabih
3. Kl., I ^
k.
l'église d'Afrique sous septimb s^yère. 291
les aperçoivent, et les supplient de mettre entre eux la paix. Les
bienheureux s'entretenaient avec eux lorsque des anges s'appro-
chent et les rudoient : « Laissez ces saints se réjouir librement,
leur disent-ils ; si vous avez ensemble quelque différend, tâchez
de vous céder l'un à l'autre. » Et ils dirent à Optât : « Corrige les
fidèles dont tu as la garde, car ils sont toujours avec toi comme
s'ils sortaient du cirque et se querellaient pour les tactions
auxquelles ils se sont donnés. » Et il nous parut que les anges
voulaient leur fermer la porte du divin séjour*.
Au repas qui eut lieu le soir du jour qui précédait les jeux,
repas servi d'habitude aux condamnés, une foule curieuse se
pressait autour des confesseurs, foule sympathique et que la
fureur devait animer le lendemain. Les martyrs la gourmandent
et la menacent des vengeances divines.
n importe de recueillir quelques traits qui suivent. Les confes-
seurs extraits de la prison sont conduits à l'amphithéâtre. Là on
veut les forcer à changer de vêtement pour revêtir, les hommes
l'habit des prêtres de Saturne, les femmes le costume des prêtresses
de Cérès ; ils s'y refusent vivement. Ils disaient en effet : « Nous
sonmies venus de nous-mêmes ici justement pour que notre liberté
ne fut pas violée. Si nous avons sacrifié nos vies, c'est pour n'avoir
rien de pareil à souffrir. Nous sommes convenus de tout cela avec
vous*. » L'injustice reconnut le bon droit et le tribun consentit à ce
qu'ils parussent dans l'arène simplement tels qu'ils étaient. De ce
texte il paraît résulter que les fidèles dont nous parlons s'étaient
livrés eux-mêmes. Or ceci est en contradiction avec ce qui est dit
plus haut dans les mêmes Actes y qu'ils avaient été arrêtés et que
Saturus, par amour pour ses amis, s'était offert. Il semble du
reste extraordinaire que des hommes traités en ennemis publics et
plus cruellement suppliciés que les criminels mêmes de lèse-ma-
1. Et dum loquimur cum eis, dixerunt illis angeli : sinite illos^ réfrigèrent :
et si qnas habetis inler vos dissensiones dimittlte vobis inyicem, et conturbare-
rnnt eos. £1 dixerunl Oplato : « corrige plebem tuam, quia sic ad te conTeoiant
quasi de circo redeuntes, et de factionibus certantes. • Et sic nobis visum est
quasi Tellent clauderc portas. Id., § 13.
2. Et cura delati essent in portam et cogerentur habitas induere, riri qni-
dem sacerdotum Saturni, feminae vero sacratanim Cereri, generosa illa in finem
nsqoe constantia repugnavit. Dicebant enim : c Ideoad hoc sponte pervenimus,
M libellas nostra obduceretur. Ideo animas nostras adduximus, ne taie aliqnid
fceeremns : hoc Tobiscum pacli suinus. » Id., g iS. Ruinart donne : abdnceretor,
M plus toin : addiximus. Nous ayons suivi le texte de Miinter.
1 1
m t. Ani.
jesté* aient pa &îi« ainsi knn (x>iMiitk)Ds à lean ji^^es, a^
euasent été arrèbés et défiêrés aux tribunaux par d'antres, aoit
qu'ils se fus&sni présentés Tc^ntairemenL
Cependant ils entrent dans rarène. Perpétne chantaiL Bevo-
catos, Satnrninos et Satoros menaçaient le peuple dn geste et de la
TcÂx. Sec^aûdulus était mort dans la prison. En défilant devant la
loge d'Hilarianus, ils lui crièrent : « Tu nous juges id-^ias, maïs
Ueu aussi te jugera. » Et le peuple, irrité de cette inacdence,
demauda qu'on les fit passer par les fouets, œ qui fut fidt, œ
semble*. Les bêtes furent lâchées ensuite : Satuminus et Bero-
catus furent déchirés par un léopard et un ours, Satums ne fut
déchiré qu'à la seconde reprise, et la foule le voyant tout oouTert
de sang s'écria par deux fois : « Bonne baignade'! » Perpétue et
Félicité furent exposées aux atteintes d'une vache furieuse. Les
martyrs n'étaient que blessés, l'épée des gladiateurs les acbeva
sur la demande du peuple.
Trois ou quatre ans après, la persécution s'était lassée et parais-
sait éteinte en Afrique. Sous main, peut-être, la police reçut
l'ordre de modérer son zèle et de cesser les poursuites. Les procès
criminels faits aux chrétiens devinrent rares et les interrogatcHres
ne furent plus poussés jusqu'à la dernière rigueur. Julius Asper,
proconsul en 205 ou 206, jugeant un chrétien, ne voulut pas le
1. TertuU., Ad Scapul.
t Et atiqae illi gratulati suai qaod aliqaid et de dominicis pasaûmibiis esseot
consecoti. Pau. SS. Perp,^ ! 18.
3. L'aolenr des Actes des SS, Perpétue et FûicUé toU dans cette acdamatk»
populaire c Salvum lotum^ Salvum lotum » one allusion ironique an baptême
chrétien. Il est possible que nul n'y pensât, ou bien peu, parmi la foule des
spectateurs.
L'acclamation Salvum lotum ou lutum est une sorte de salutation adressée à
celui qui vient de prendre un bain, et reyient à l'expression : Loto féliciter —
que le bain te soit propice! On récrivait parfois sur le seuil des salles de bain.
A Brescia, sur un dallage antique en mosaïque disposée en trois cadres, on a pu
lire sur un compartiment BENE LAVA, et sur un autre nos deux mots SALVUM
LOTUM. Voir Corp. Inscript. Lat., t. V, n' 4500. Au tome XXIII, p. 3î2 des
Notices et extraits des manuscrits, on lit l'expression grecque équivalente :
KaX£)c êXoudov Kupie. Salvum lotum domine, et en note : f Le sens de cette
exclamation est donc celui-ci : c Quel bon bain tu as pris, 6 mon maître, rien
n'y manque. »
Ce cri arraché au peuple, à la vue de Saturus inondé de sang des pieds à la
télé, est une ironie cruelle sans doute, mais n'est pas nécessairement une allu-
sion moqueuse au premier baptême. Il veut dire : Te voilà bien baigné, ou :
Que ce bain te soit doux, que ce bain te porte bonheur!
l'église d*afrique sous septime sMke. 293
contraindre à sacrifier, et, dans son entourage officiel, ne cacha
pas son ennui d'avoir à prononcer en pareilles afiaires *. Au temps
où TertuUien écrivit l'agréable et un peu long badinage intitulé
Depallio, c'est-à-dire à la fin de l'année 208, l'église était tran-
quille. L'orateur impatient de repos tournait sa verv^e vers les enne-
mis intérieurs et s'amusait à réfuter Marcion, qui, mort depuis long-
temps, ne pouvait répliquer. En face des païens il avait désarmé.
Il célébrait la paix qui règne partout et la prospérité de l'empire
sous le sceptre uni et aimé de Dieu des trois Augustes, libres de
toute guerre et débarrassés des intrigues d'amis équivoques *.
Cet état dura jusqu'à la fin du règne. On ne sait pour quel
motif la trêve tacite fut rompue la dernière année de Sévère. En
fait, en 211, la guerre recommença contre les chrétiens dans les
provinces d'Afrique. Les poursuites suspendues reprirent et en
même temps les actes de délation et d'exaction'. Les vieilles
accusations se réveillèrent : le sacrilège, c'est-à-dire l'impiété
effective et militante allant jusqu'à la profanation et au pillage des
objets sacrés* ; le crime de lèse-majesté, c'est-à-dire le refus obs-
tiné de s'associer aux prières et aux sacrifices ofierts pour la santé
et la conservation des empereurs ; le crime de faction, de commun
mauvais vouloir et d'hostilité envers l'état *. En Numidie et en Mau-
ritanie, on se contenta de punir les chrétiens par le glaive*. Dans
la province proconsulaire que gouvernait alors Scapula TertuUus,
la mort simple ne suffit pas ; les chrétiens furent torturés, jetés
aux bêtes et brûlés vifs''. L'ardeur de la foi fut égale aux vio-
lences. On vit encore des fidèles se présenter d'eux-mêmes aux
bourreaux pour soutenir le saint combat et accueillir avec plus
de joie leur condamnation que leur mise en liberté^.
1. Loc. cit. Ad. Scapul,y 5.
2. Pacis et annonae otio... Ab imperio et a coelo bene est De jHiUio, 1...
praeseotis imperii triplex Tîrtus, Deo tôt Aagustis in unuin fa vente. Id., ch. 2.
3. Provinciae quae visa inteotione tuÀ obnoxia facta est concuuifmibus et
militnm et inimicorom suorum cujusque. Ad Scap., V.
4. Nos quos sacrilegos existiroatis nec in furto unquam deprehenditis. Omnes
aotem qui templa despoliant. Ad. Se, 2. Ce texte explique bien le sens précis
do crime de sacrilège.
5. Singuli forte noti raagis quam omnes, nec aliunde noacibiles quam de
emendatione viUorum pristinorum. Ad. 5c., 2.
6. Et nunc a praeside legionis et a praeside Mauritaniae vezatur hoc nomen,
ied gladio tenus, sicut et a primordio mandatnm est. Id., IV.
7. Pro ianta innocentia, pro tanta probitate, pro JusUtia, pro pudicitia, pro
ftde, pro reritale, pro Deo vivo cremarour. Id. 4.
a. In bai pngnas accedamus, ea quie Deus repromittit oonsequi optantes. Id., 1 .
294 B. AUBé.
Tertullien ne manqua pas à la défense des chrétiens persécutés.
La lettre qu'il adressa en 211 à Scapula est remarquable. On y
trouve au commencement une ferme revendication des droits de la
conscience et la proclamation des éternels principes en cette
matière*. L'auteur, en son écrit, garde constamment le ton d'un
homme qui ne doute ni des droits de ceux qu'il défend ni du
triomphe définitif de sa cause. Ce n'est pas la pitié qu'il demande,
mais la justice. On dirait qu'il supplie, non pour les opprimés, qui
ne souhaitent que la mort et la reçoivent avec allégresse, mais
pour les cités sur lesquelles Dieu vengera ses fidèles*. Sa colère
déjà s'est manifestée par des phénomènes qui ont efira jé Carthage
et Utique. Scapula lui-même n'a-t-il pas payé sa cruauté ? Après
le supplice de Mavilus d'Adrumète, livré aux bêtes, il a été atteint
de soufl5reinces qui sont un premier avertissement d'en haut. A la
fin, Tertullien usait d'un argument plus à la portée d'un honame
politique et d'un homme d'état : les chrétiens sont beaucoup plus
nombreux qu'il ne pense. 11 ne s'agit pas de quelques enfants
perdus de la cité, ils sont partout, dans toutes les classes et à tous
les degrés de l'échelle sociale. Veut-il mettre Carthage à feu et à
sang, décimer la curie, jeter le deuil dans toutes les familles,
répandre le sang de ses amis et de ses proches ^ ?
La persécution de l'an 211, qui suscita la lettre à Scapula, fut
sans doute très violente et très courte. A l'exception de Mavilus
d'Adrumète, nous ne connaissons par son nom aucun martjnr de
ce temps. Dans la persécution d'Afrique, comme dans les autres,
il faut réserver une page aux martyrs inconnus *.
Ad hoc solam yideamur enimpere, ut hoc ipsiun probemus, nos haec non
timere sed oUro vocare. Id., 5. Absit ut indigne feramus ea nos pati quae opta-
mus. Ib., 2. Cum omni sacvitia yeslra concertaraus, etiam oltro erumpentes,
magisque damnati quam absolaii gaudemus. Id., i.
i. Tamen hamani jnris et naturalis potestatis est nnicuique qnod putaverit
colère, nec aUi obest ant prodest alterius religio. Sed nec religionis est cogère
religionem, quae sponte suscipi debeat, non tI, cum et hostiae ab animo libenti
expos tulentur. Id., 2.
2. Doleamus necesse est quod nulla ciyitas impune latura sit sanguinis nostri
effusionem. Id., 3. Parce tibi; si non nobis; parce Carthagini, si non tibi. Parce
proTinciae. Id., 5.
3. Quod faciès de tantis millibus hominum... Quantis ignibus, quantis gladiis
opus erit? Quid ipsa Carthago passura est, decimanda a te, cum propinquos, cum
contubemales suos illic unusquisque cognoyerit, cum yiderit illic fortasse et toi
ordinis yiros et malronas et principales quasque personas et amicorum tuonun
yel propinquos ycl amicos? Id., 5.
4. Au 6 janyier, dans le Martyrologe ronu^^ on lit : In Afrïca commemo-
l'église D'iFRIQUB SOUS SEPTIME stfviRE. 295
Nous avons présenté le tableau des premières épreuves que
subirent les chrétiens de l'Afrique romaine à la an du n* siècle et
au commencement du m", en essayant d'en déterminer la suite et
Tordre chronologique ; les affirmations tranchantes et absolues
sur ce dernier point seraient téméraires et hasardées. Il n'est per-
mis d'arriver qu'à une approximation plus ou moins probable et
fondée. Nous avons cependant quelques points de repère. Tout
d'abord, il est incontestable que les faits de persécutiom racontés
dans ce chapitre appartiennent au temps de Septime Sévère, car
ils sont les actes de proconsuls que nous savons certainement
avoir gouverné la province sous le règne de ce prince, et c'est
dans des traités de Tertullien, qui ont vu le jour entre 197 et 211 ,
qu'on en peut presque uniquement puiser le détail. Ces traités,
depuis l'exhortation atix Martyrs jusqu'à la lettre à Scapula,
bien qu'assez pauvres en noms propres et en indications capables
de nous renseigner sur les temps, les lieux et les personnes, sont
des documents historiques de premier ordre ; ils ont été écrits sous
la pression des faits contemporains, dans le feu de la lutte, et res-
pirent, si l'on peut dire, YactiuUité. C'est la persécution qui les
a suscités, c'est la persécution qui les explique. Us n'ont pas de
sens si on la nie, et, pour la nier, il faut les effacer, ce qui n'est
pas possible. Donc, s'il y a lieu de contredire la tradition au sujet
de la persécution chrétienne en Italie ou en Gaule, on est forcé de
l'admettre dans l'Afrique romaine.
Or il nous a paru que la comparaison des textes de Tertullien
avec les autres monuments littéraires ou épigraphiques pouvait
nous permettre d'introduire quelque ordre dans la confusion des
faits et de les étager, si nous pouvons parler ainsi, dans les qua-
torze ans qui les enferment. La persécution, pendant cet inter-
valle de temps, ne fut pas universelle, car nombre de chrétiens
connus pour tels y échappèrent. Elle n'eut pas constamment le
même d^^ de rigueur : nombre de faits en témoignent ; enân
elle ne fut pas continue, mais intermittente, coupée d'années de
paix ou de trêve. Il n'y a pas de terreur qui ait duré ni qui puisse
durer quatorze ans. Les situations violentes dans l'histoire sont
ratio plDrimoram Sanctorum Ifartynira qui in peraecotione SeTeri ad palmn
ligati igné coosumpti sont. On Ignore à quei temps ils appartiennent, ni qoeU
ils sont. Tertullien, dans son Apologétique^ parle anssi de ceax qne les païens
appelaient Sarmentidos et Senuuciot pour indiquer le genre de leur supplice,
liais de ces deux indications on ne peat rien tirer de prteis.
296 B. liJBB.
courtes, et d'autant plus courtes qu'elles sont plus violentes. La
foreur des oppresseurs ou la patience des opprimés s'use et se lasse
forcément avec le temps. Et si l'on dit qu'il ne s'agit pas ici de
foreur, mais de politique, celle-ci change nécessairement avec ceux
qui l'appliquent. Or dans les provinces proconsulaires les gouver-
neurs se succédaient d'ordinaire tous les ans. Tous n'avaient pas
même caractère et mêmes visées. Le nouveau venu n'était pas
obligé d'épouser les antipathies ou les maximes de gouvernement
de son prédécesseur. Beaucoup préféraient sans doute le maintien
de la paix et de la tranquillité présente au vague fantôme d'un
ordre à venir et douteux à assurer par des mesures qui produi-
saient un désordre et un trouble réel, certain et présent.
Dans l'histoire de la persécution de l'église d'Afrique sous
Sévère, nous croyons donc pouvoir distinguer diverses périodes
qui sont les trois suivantes :
La première s'étend de l'an 197 à l'an 200. Elle comprend les
violences populaires, huées, voies de fait, dispersion tumultuaire
des assemblées, attaques des maisons et quelques condamnations
légales prononcées sur des dénonciations et accusations privées ;
faits amplement attestés par l'écrit de Tertullien attx Martyrs,
les deux livres aux Nations et Y Apologétique. Sous les coups
de la force brutale, la majorité des chrétiens courbe le dos ; les
plus avancés et les plus ardents, parla plume de TertuUien,
rendent guerre pour guerre et répondent aux violences par de
virulents écrits qui ressemblent à des provocations ou à des bra-
vades : le traité des Spectacles et le traité de V Idolâtrie. Les
condamnations capitales ne commencent que sous le proconsulat
de Saturninus (198). Dans cette première période se place l'exé-
cution de Namphamo et de ses compagnons et celle des fidèles
appelés martjrrs scillitains.
La seconde période va de 202 à 205 ou 206.
Après une trêve de près de deux ans, la persécution renaît sous
le vice-proconsulat de Flavianus Hilarianus et s'aggrave lorsque
redit promulgué par Sévère en Palestine est officiellement connu
en Afrique. Les poursuites d'office commencent. La violence de
cette persécution et l'exaltation des chrétiens puritains sont
attestées par les traités de Tertullien intitulés De corona militis,
De fuga in persecutione et Scorpiace. Beaucoup de chrétiens
se cachent, prennent la foite, ou achètent la liberté de leur cons-
cience. C'est au commencement de cette période que se doit placer
l'<6lisb d^afkiqub sous sbptimb séviRE. 297
Texécution de Félicité, de Perpétue et de leurs compagnons. Sous
le proconsulat de Julius Âsper, la persécution languit et s'éteint
insensiblement.
La troisième période commence et s'achève dans Tannée 211.
La paix qui durait depuis cinq ans a été rompue sous le pro-
consulat de Scapula Tertullus. Les chrétiens sont frappés du
glaive en Numidie et en Mauritanie et plus cruellement encore
dans la province proconsulaire. Cette persécution est attestée par
la courte et vive lettre de Tertullien à Scapula. On ne connaît
certainement dans cette période que le nom du martyr Mavilus
d'Adrumète. Avec la tradition, on peut croire que l'église retrouva
la paix dès 212. Les mauvais règnes et les époques troublées ont
été heureux pour le christianisme dans l'empire romain.
B. Aube.
LA DIPLOMATIE FRANÇAISE
ET rESPÀ&NE
DE 1792 A 1796.
I. — LA GUERRE ET LES NÉGOCIATIONS
ENTRE LA FRANGE ET L'ESPAGNE
EN 1793 ET 1794.
I.
Relations de la France et de V Espagne sous l'ancien
régime. — Idée que l'on s'en faisait en France. —
Affaire de Nootka-Sun. — Rupture entre la Répu-
blique française et V Espagne.
1789-1793.
Avant 1789, la France et l'Espagne étaient liées par le traité
dit Pacte de famille qui unissait les deux branches de la mai-
son de Bourbon. C'était un traité d'alliance générale, offensive
et défensive, de garantie et de commerce. Il avait été signé
le 15 août 1761, au plus fort de la guerre de sept ans; la
France, épuisée, avait dû à cette diversion de ne pas suc-
comber entièrement. Lorsque, vingt ans après, la France cher-
chait à prendre sa revanche contre l'Angleterre et soutenait
l'indépendance des États-Unis, l'Espagne fit cause commune
avec son alliée, malgré les craintes très légitimes que l'émanci-
pation des colonies anglaises lui faisait concevoir pour ses propres
colonies. Enfin, en 1787, quand la guerre menaça de nouveau
entre la France et l'Angleterre à propos des affaires de Hollande,
LA DIPLOHinB F&A:<(ÇiISE ET L Bn'ACm.
TEspagne anna et se montra prête à exécuter les couâitioi^ ôl
traite. Cette constance à remplir les engagements retai: pu
méconnue en France ; tandis que le système de FalliBiioe antr^
chienne était l'objet de critiques si vives et si générales, le Pacze
de famille était, au moins en son principe, universeUement aj»-
prouvé. Cest que la nature des choses, les conditions mêmes de la
géographie, semblaient unir les deux Etats, a>mme la commit-
nauté du sang unissait les deux dynasties. La France et l'Espagne
n^avaient point d'intérêts opposés sur le continent, et elles avaient
sur les mers et dans les colonies un intérêt commun et principal pour
chacune d'elles, qui était de lutter contre leur rivale et leur enne-
mie acharnée, l'Angleterre. Si l'on faisait au traité des critiques,
c'étaient des critiques de détail, et elles procédaient des idées,
d'ailleurs assez justes , que l'on avait de l'Espagne et de la
nation espagnole.
Malgré les efforts qu'avaient faits Charles III et ses ministres
pour relever l'état intérieur de l'Espagne, rétablir ses forces, la
remettre au ton de l'Europe du xvm*" siècle, et, comme on disait
alors, pour la tirer de sa léthargie, l'Espagne était en décadence
et nul ne pouvait se faire à cet égard aucune illusion. Charles III
avait porté la marine de guerre espagnole à l'apogée de sa puis-
sance : en 1778 elle comptait 67 vaisseaux de ligne et 32 fré-
gates^ ; cette flotte était une nécessité pour l'Espagne, car, tirant
toutes ses ressources des colonies, elle avait à la fois à en défendre
les côtes contre l'ennemi en temps de guerre, à en protéger le
commerce contre la guerre ruineuse que lui faisait en temps de
paix la contrebande anglaise et hollandaise, et à transporter en
Europe l'or des mines américaines. Mais la marine de guerre, qui
assurait ainsi le principal revenu de l'État, en absorbait la plus
grande part. Il n'y avait point de marine de commerce. L'Es-
pagne, ne travaillant pas, importait des lingots de ses colonies
et y exportait de moins en moins de denrées et de produits fabri-
qués. Dans la Méditerranée, son cabotage se faisait sous ])avillon
étranger : le fret, la commission et le change eu nlusorbaient tous
les bénéfices. A l'intérieur, faute do canaux et do routes, il n'y
avait pas d'échanges; on ne pouvait aller chen^lior le blé Ih où
il était, de sorte que l'agriculture se ruinait fnutt> do dèkmohés,
et que sur les côtes on était forcé d'importt^r des blé» êtrangt^rsi.
t. Rosseuw Saint'Uilaire, BUioirê dUMimgi^, Xlll, |i. 1IN
300 ALBERT SOaEL.
D'ailleurs l'esprit d'indépendance des différentes provinces et
leur autonomie relative maintenaient entre elles les douanes inté-
rieures. On reprochait aux Espagnols de ne point cultiver leurs
terres: ayant peu de besoins et jugeant le travail d'ordre subal-
terne, ils perdaient beaucoup de richesses naturelles; mais il ne
fallait point exagérer ces richesses. « Un tiers de ce pays est
cultivé, écrivait Favier en 1773; un autre tiers pourrait à la
rigueur l'être avec du temps, des soins et de grandes dépenses;
le reste est et sera toujours incultivable*. » Favier estimait au
contraire que les ^ matières premières » existaient en abondance
et étaient de la première qualité; mais les Espagnols étaient
« moralement et physiquement incapables de les mettre en
œuvre. » Les causes qui faisaient languir l'agriculture empê-
chaient l'industrie de se développer. Le pays se dépeuplait par
l'effet des mœurs et de l'amollissement général, par l'abus des
majorats et l'excès du développement des ordres monastiques.
Favier définissait les Espagnols une nation « romanesque, peu
prévoyante, » haïssant les étrangers, gouvernée par les moines,
indolente et arrogante, « de deux cents ans en arrière des autres
nations policées. » Une administration « incorrigible, » multipliant
les impôts et, à mesure que les charges augmentaient, multipliant
les agents, par suite les vexations, percevait d'autant plus mal
qu'elle voulait percevoir davantage. Tous les efforts de Charles III
avaient amené en 1788 la population à 11 millions d'habitants
et la recette totale à 200 millions de francs. La ressource prin-
cipale, c'était le trésor formé des lingots d'Amérique et accu-
mulé en vue de la guerre : ressource précaire, car elle ne
produisait pas, et la guerre maritime pouvait, en coupant la
route des colonies, en empêcher le renouvellement. D'ailleurs
les revenus de l'Amérique diminuaient à mesure que se fai-
saient plus sentir les effets du détestable régime d'exploitation
auquel les colonies étaient soumises et les conséquences de
l'affaiblissement de la métropole. Déchirées sourdement par les
luttes de race, travaillées par l'esprit de révolte qui commençait
à souffler des Etats-Unis, opprimées et épuisées, sans commerce
entre elles et avec les étrangers, elles participaient à toutes les
causes de la décadence de l'Espagne, sans avoir en elles-mêmes
1. Conjectures raisonnées; article xn : de l'Espagne. Édition de M. Boutaric,
dans la Correspondance secrète de Louis XV, Paris, 1866.
LA DIPLOMATIS PRilfÇAISE ET L'eSPAGHB. 304
la force de résistance passive que l'Espagne puisait dans son
passé et dans ses traditions. Ainsi l'Espagne, qui vivait aux
dépens de ses colonies, les ruinait et se ruinait elle-même en les
exploitant. Enfin, faute d'hommes et faute d'argent, l'armée
espagnole, beaucoup trop négligée d'ailleurs par l'Etat, n'avait
repris sous Charles III qu'une consistance apparente et à coup
sûr très insuffisante.
Telles étaient les données qui s'offraient aux hommes d'Etat et
aux publicistes qui étudiaient, au début de la Révolution, les
relations de la France et de l'Espagne. On considérait comme
probable une révolte des colonies*, mais on ne croyait point im-
possible de prévenir l'événement et même, en réformant les rela-
tions des colonies et de la métropole, de le faire tourner à l'avan-
tage de l'Espagne. On s'exagérait les ressources de ce pays et
par suite la facilité d'y rétablir le commerce, l'agriculture,
l'industrie et les finances. En dehors même de ces illusions et de
ces espérances, on concluait de l'expérience des dernières guerres
et de la situation générale des deux pays, que si le secours des
flottes espagnoles était infiniment utile à la France contre l'An-
gleterre, le secours de la France était indispensable à l'Espagne
pour défendre ses colonies. « Ce sont, écrivait Favier en 1773,
des liaisons naturelles, nécessaires et indissolubles, fondées sur
l'intérêt commun et invariable des deux puissances, d'où dépend
réciproquement leur sûreté extérieure et maritime, ou sûreté de
conunerce. » Peyssonel, ancien consul de France et publiciste
distingué de l'école de Favier, déclarait en 1789 que le Pacte
de famille serait regardé toujours « conune l'instrument sacré
de la félicité publique *. » Ségur le proclamait indispensable, en
1790. C'était donc un principe de la politique extérieure, mais
on entendait que dans cette alliance la France eût le premier
rôle. C'est ainsi que Charles III, plus Bourbon qu'Espagnol],
l'avait conçue et appliquée. Il en devait être ainsi et l'Espagne
devait rester vassale de la France. « La mode, » disait Favier,
que je cite avec intention, car il fut le grand théoricien et le pré-
cepteur de toute la diplomatie de la Révolution, « la mode doit
1. Voir Raynal, Histoire philosophique et politique dês deux Indes, Ut. VIII,
ch. xxzv : c La domination espagnole a-t-eUe une base solide dans le Nou-
veau-Monde f »
2. Situation politique de la France : vues et développements des avantages
que le Pacte de famille peut donner à la France, NenfchAtel, 1789.
302 ILBBRT SOaEL.
être passée de laisser influer TEspagne sur la France ; le besoin
et Tinfériorité réelle de puissance font une loi à la branche cadette
de se remettre à sa place. C'est à l'autre à diriger en lui donnant
l'exemple et à reprendre en quelque sorte son droit d'aînesse. » On
s'accordait à réclamer certains développements et certaines modi-
fications dans les articles relatifs au commerce. L'Espagne devait
traiter le commerce français avec plus de douceur et se départira son
égard « de l'esprit jaloux et prohibitif » auquel elle s'était livrée,
et qui avait en quelque sorte annulé l'exécution des articles 24,
25 et 26 du Pacte de famille. C'était là un objet de la plus
haute importance pour l'industrie française. On estimait en 1790
que « sur 200 millions de denrées de toute espèce que les colonies
espagnoles demandent à leur métropole, elle ne peut leur en
fournir en somme que 70 environ ^ » La contrebande anglaise
comblait en partie la lacune, au grand détriment des revenus de
l'Espagne ; la France avait intérêt à obtenir des conditions et des
tarifs qui permissent à ses armateurs et à ses négociants de s'as-
surer le monopole de ce trafic.
Cependant, malgré tant de motifs de rester fidèle à l'alliance
espagnole et de reconnaître les services rendus par l'Espagne, il
y avait dans les relations des deux nations un point extrêmement
sensible et douloureux, c'était la Louisiane, qu'on avait cru devoir
céder à l'Espagne à titre de dédommagement en 1763. C'avait
été un déchirement pour la colonie et pour la métropole. Les
Français ne l'avaient pas oublié. « Il a fallu sauver la gloire
de l'Espagne et l'honneur de son ministère en lui abandonnant
ce débris de notre naufrage, écrivait Favier. Elle avait perdu la
Floride, nous avions tout perdu nous-mêmes Elle a cent fois
plus de terrain en Amérique qu'elle n'en saurait cultiver ni
défendre. Cependant on a dû non-seulement lui céder, mais lui
livrer de force la Nouvelle-Orléans. Ces fidèles Français ont
subi le joug espagnol ; tirons le rideau sur cette tragédie : les
nouveaux maîtres y ont gagné à leur ordinaire un désert de
plus •. » Et le rhéteur par excellence des passions et des utopies
de son temps, Raynal s'écriait^ : « De quelque manière que la
1. Projet de discours de Mirabeau sur les meDices de l'Aiigleterre contre
l'Espagne. Mémoires de Mirabeau, VII, p. 422.
2. Bouteric, II, p. 218.
3. Livre XVI, ch. vu. Il y a une proftopopée des habitants de la Louisiane
protestant contre la cession.
U DIPLOMATIE FElIfÇilSB BT L'ESPAGUB. 308
politique veuille envisager cet événement, ce sera toujours au
tribunal de la morale un crime d'avoir vendu ou donné des
citoyens à une puissance étrangère. De quel droit, en effet, un
prince dispose-t-il d'un peuple qui ne consent pas à changer de
maître ?. . . Que signifie le droit des gens ? N'est-il que le droit des
princes? » etc.
Ces détails rétrospectifs étaient nécessaires pour l'intelligence
de la négociation que je me propose d'exposer ici. La direction
qui y fut imprimée par le Comité de salut public semblerait sur-
prenante si l'on ne se rendait pas compte de l'opinion que, d'après
les publicistes les plus lus et les plus considérés du temps, les
honmies éclairés se faisaient des relations de la France et de
l'Espagne.
Cette opinion eut, dès la seconde année de la Révolution,
l'occasion de se manifester. En 1790, la guerre étant sur le point
d'éclater entre l'Espagne et l'Angleterre à propos de la posses-
sion de la baie de Nootka-Sun, le gouvernement espagnol requit
de la France le secours stipulé par le Pacte de famille. Pour
faire exécuter ces armements, le roi demanda un subside, et
rAssemt)lée nationale se trouva saisie de la question. Elle com-
mença par discuter, en principe, le droit de paix et de guerre;
au cours même de cette discussion (mai 1790), on vit se déclarer
la volonté de secourir les Espagnols s'ils étaient attaqués par les
Anglais. Mirabeau avait même préparé un discours dans le sens
de la guerre ^ . Toutefois, le Pacte de famille^ en tant qu'œuvre
dynastique et monarchique, fut vivement attaqué dans la presse.
L'opinion publique était entraînée et aveuglée par la haine du
passé et la manie de détruire; l'Assemblée nationale était sous le
coup des illusions qui lui faisaient croire que l'avènement de la
liberté en France mettrait à jamais fin, au moins pour les
Français, aux guerres européennes. Les passions anarchiques et
les illusions les plus généreuses conspiraient ainsi à détruire une
œuvre que les esprits les plus sages et les plus portés vers les
idées nouvelles considéraient naguère encore conmie indispen-
sable à la défense de notre marine et de nos colonies. Mirabeau
s'en émut ; il conféra sur ce sujet avec le comte de Ségur . Tous
deux tombèrent d'accord que le seul moyen de sauver cette
alliance et de couper court à Topposition irréfléchie qui n'en
1. Frcjetf cité ciniastiif.
304 ÀLBsaT soaKL.
considérait que la forme et en méconnaissait le fond, c'était de
réviser le traité et de le mettre d'accord avec la nouvelle consti-
tution. « Ce traité dicté par le ministre d'un roi absolu, écrivait
Ségur, doit-il rester tel qu'il est lorsque la nation est devenue
libre, lorsque cette nation a abjuré tous les principes d'une poli-
tique ambitieuse, lorsque les Français ont déclaré à tout l'uni-
vers qu'ils n'attenteraient à la liberté, à la propriété d'aucun
peuple?.. . Non sans doute. . . il doit être modifié pour la forme et
pour le fond. Le Pacte de famille doit disparaître. Un Pacte
national doit le remplacer. Les articles qui renferment quelques
stipulations offensives doivent être effacés; mais tous ceux qui
stipulent l'engagement d'une défense réciproque doivent être en
même temps renouvelés, resserrés, consacrés par le vœu natio-
nal...^ » Mirabeau conseilla à Louis XYI de négocier dans ce
sens-là ' ; c'est dans cet esprit qu'il parla dans le Comité diplo-
matique. Sur son rapport, l'Assemblée nationale décréta, le
25 août 1790, l'exécution des engagements défensifs du traité et
l'armement de 45 vaisseaux. Elle invita le roi à négocier avec le
gouvernement espagnol la révision du Pacte en supprimant les
clauses offensives, en développant les stipulations défensives et
les arrangements commerciaux. L'accord se rétablit entre l'Es-
pagne et l'Angleterre ; il y eut transaction et la guerre n'éclata
pas. Il n'en était pas moins utile de poser nettement les idées des
hommes de 1789 sur cette question de l'alliance espagnole. Ces
idées subirent bientôt une révolution complète, et c'est par une
voie détournée et après des épreuves sanglantes que la France et
l'Espagne devaient quelques années après reprendre cette négo-
ciation.
Charles III était mort en 1788, Charles IV régnait, sa femme,
Marie-Louise de Parme, gouvernait, et don Manuel Godoy, son
amant, dirigeait, en secret d'abord, puis bientôt publiquement,
le roi, la reine et toute l'Espagne. En 1790-1791, le comte de
Florida-Blanca occupait le ministère. Bien que parvenu et de
souche bourgeoise, — il était fils d'un notaire et avait commencé
par être avocat, — Florida-Blanca était un adversaire déclaré
1. Examen par le comte de Ségur d'un ouvrage intitulé : Extrait du Pacte de
famiUe, 1790, réimprimé dans la Politique des cabinets de l'Europe, édition
de 1825, tome II, p. 306.
2. Troisième note pour la cour^ 23 Juin 1790. Correspondance de Mirabeau
et La Marck, II, p. 45.
Li DIPLOMATIE FRiRÇAISB ET L'bSPAGNE. 305
de la Révolution. Il entra dans toutes les combinaisons qui se
nouèrent, en 1791, avant et après Varennes, pour intervenir en
faveur de Louis XVI . Il s'ensuivit un refroidissement très marqué
entre l'Espagne et la France. En février 1792, au moment où la
crise européenne semblait sur le point d'éclater, le parti de la
prudence l'emporta en Espagne; Florida-Blanca fut remplacé
par Aranda. Ancien ministre de Charles III, ancien ambassa-
deur à Paris, Aranda était un « ministre éclairé » ; il avait essayé
de réformer le gouvernement et les universités; enfin il avait
expulsé les Jésuites. Aussi le nommait-on le vertueux Aranda,
vertueux comme on était honnête homme sous Louis XIV, c'est-
à-dire dans le ton du siècle, ainsi que le « vertueux » Mœllendorf
en Prusse, « le philosophe » Bernstorf en Danemark , Pombal à
Lisbonne et Manfiredini à Florence. Il essaya de rétablir sinon la
confiance, au moins la bonne entente entre les deux Etats. La
révolution du 10 août déconcerta tous ses efforts. lie ministre
de France Bourgoing le mit en demeure d'opter entre la guerre
et la reconnaissance de la République. Charles IV était resté
très Bourbon; il ne voulait ni reconnaître la République, ni
abandonner Louis XVI. Aranda se retira et fut remplacé le
15 novembre 1792 par Godoy, devenu duc de la Alcudia. Le
nouveau ministre contint le parti qui demandait la guerre, espé-
rant, parla neutralité, sauver la vie de Louis XVI. Le chargé
d'affaires d'Espagne à Paris, Ocaritz, fit le 26 décembre, auprès
du ministre des affaires étrangères Lebrun, une démarche oflS-
cielle; la Convention en fut saisie le 27. Ocaritz revint à la
charge le 17 janvier 1793. Ces démarches ne firent qu'irriter
la Convention. Bourgoing fut chargé de notifier à l'Espagne
que « si elle ne désarmait pas sur-le-champ, la guerre serait
déclarée. > L'Espagne était effrayée par la propagande révo-
lutionnaire : elle refusa. Le 23 février 1793, Bourgoing
quitta Madrid *, et le 7 mars 1793, sur le rapport de Barrère, la
Convention déclara la guerre à l'Espagne. « Il faut, disait le
rapport, que les Bourbons disparaissent d'un trône qu'ils ont
usurpé avec les bras et les trésors de nos pères, et que le plus
beau climat, le peuple le plus magnanime de l'Europe, reçoive la
liberté qui semble faite pour lui. >
1. Voir les pièces de ces négociations et le récit du dernier entretien entre
Godoy et Boargoing, dans les Mémoire$ du prince de la Paix, traduction fran-
çaise. Paris, 1836, tome I, ch. ▼ à yui.
ReV. UlSTOR. Xi. 2« FA8G. W
806 ALBERT SORBL.
II.
Caractère de la guerre entre la France et V Espagne, —
Alliance de V Espagne et de V Angleterre. — Tentative
de négociation secrète à Copenhague.
Mars 1793-février 1794.
L'Espagne n'avait aucun désir de recevoir le prétendu bien-
fait que la Convention lui imposait les armes à la main, et les
déclarations de Barrère n'eurent d'autre effet que de réveiller
dans la nation espagnole les passions haineuses que les moines y
entretenaient et qui n'étaient qu'endormies au temps de l'union
intime des deux dynasties*. Il y eut alors comme un premier
épisode de la guerre nationale de 1808-1809. Les moines offrirent
de lever des troupes et apportèrent de l'argent. Les paysans
s'armèrent'; mais cet élan populaire, qui aurait pu suflSre à
arrêter le premier effort des émissaires jacobins et de cohortes
indisciplinées, ne pouvait suflSre longtemps contre une révolution
qui allait si promptement prendre à l'égard des étrangers le
caractère d'une puissance militaire, formidable à la fois par son
organisation et par l'ardeur dont elle était animée. La flotte
espagnole était redoutable, mais n'ayant guère les moyens de se
mesurer avec elle, la France la craignait moins qu'elle ne l'aurait
fait au temps des grandes guerres maritimes. L'armée espagnole
était presque nulle. Ce pays, qui armait 80 vaisseaux de ligne,
put mettre à peine 35,000 hommes sous les armes. Si insuffisante
que fût cette force, elle dépassa d'abord celle que la France fut
en mesure d'y opposer ; mais au bout de peu de temps les propor-
tions, les conditions surtout se modifièrent, et Ton vit paraître les
causes qui devaient finalement assurer le succès de l'une des
deux armées et la défaite de l'autre. Ces causes ont été étudiées
avec une rare pénétration par l'historien de la campagne des
PjTénées, le colonel Fervel ^. L'armée espagnole était restée ce
1. Conjectures raisonnées de Fayier, Observations cuiditionnelles sur l'ar-
ticle XII : de l'Espagne. I. De la haine nationale. Boataric, II, p. 38.
2. Rosseaw Saint-Hilairef t. XIII, p. 249.
3. Campagnes de la Révolution française dans les Pyrénées-Orientales, par
J. N. Fervel. 2* édit. Paris, 1861, tome I. Introduction, p. 3.
LA DIPLOMITIB PRiRÇAISB BT L'bSPAGUB. 807
qu'elle était au temps de la guerre de trente ans, disciplinée, dure
aux fatigues, ferme au combat, mais lente en ses mouvements,
n'avançant qu'avec tous ses bagages et ne combattant que der-
rière des retranchements. Cette tactique et cette méthode lui
avaient assuré un siècle auparavant la supériorité contre les
attaques fougueuses de troupes sans ordre et sans organisation ;
elles la rendaient fort inférieure aux troupes du xviii* siècle,
mieux formées et plus mobiles. Charles III avait essayé de rajeu-
nir cet instrument suranné; ses réformes avortèrent en grande
partie. « Aussi, conclut Fervel, allons-nous retrouver en 1793
les Espagnols du xvf siècle. Rapprochement singulier! Les
bataillons de volontaires de la République auront aussi plus d'une
ressemblance avec leurs ancêtres, ces bandes indisciplinées et
pleines de fougue qui allaient à Pavie se briser contre les lourdes
phalanges péninsulaires. Mais une campagne malheureuse sufSra
à nos jeunes soldats révolutionnaires pour éclairer leur rapide
intelligence, pour discipliner leurs tumultueux élans; et alors on
verra tomber, comme par enchantement, devant les légers
essaims de nos mobiles tirailleurs, ces lourdes masses espagnoles,
ces immobiles machines de guerre, qui n'auront rien changé à
leur antique pesanteur*. »
Prêts avant la France, les Espagnols prirent l'offensive le
17 avril 1793, et leur général, Ricardo, se porta sur Perpignan.
Il battit les Français le 20 mai, et le 23 juin s'empara de Belle-
garde. La fin de la campagne fut désastreuse pour la France. Mais
tandis que les armements étaient poussés en France avec une
véritable fi^nésie, l'Espagne, épuisée par son succès même, sen-
tait les ressources lui manquer; le découragement s'empara de
ses officiers et de ses hommes d'Etat. C'est que les conditions de
Tentreprise dans laquelle l'Espagne était engagée étaient telles,
que des esprits éclairés se demandaient si la victoire finale de la
coalition ne serait pas plus ruineuse pour la monarchie espa-
1. Cette petite armée de la frontière espagnole eut u large part d'honneur
dans les grandes luttes du temps. Je renvoie le lecteur qui désirerait connaître
ces faits trop ignorés au livre de Fervel; il y trouvera, au milieu de détails
techniques savamment groupés, plus d'une page héroïque. Voir aussi les Saute-
nirs du général de Pelleport^ Paris, 1857, et les études de Sainte-Beuve :
Causeries du Lundi, tome XIII, Nouveaux Lundis, tome II. Je dois me bor-
ner ici A résumer les causes générales, et je m'en tiens à ce qui est indispensable
pour l'intelligence des négociations.
308 ALBERT SOaEL.
gnole que la dé&ite de ses armées et le triomphe de la Répu-
}>lique. L'Espagne avait été par la force des choses entraînée à
traiter avec l'Angleterre et à se lier^avec cette ennemie naturelle
de sa marine et de ses colonies. Une alliance offensive et défensive
avait été signée le 25 mai 1793, et Ton vit aussitôt l'Angleterre
élever la prétention de ne secourir énergiquement l'Espagne que
si elle consentait à conclure un traité de commerce. Ce traité,
qui aurait livré aux Anglais les colonies espagnoles, était la
terreur du cabinet de Madrid. Ce cabinet comprenait d'ailleurs
que les défaites maritimes de la France nuiraient autant à
l'Espagne qu'à la France même. Aucun État plus que l'Espagne
n'avait à redouter la prépotence de l'Angleterre. Il en résulta
beaucoup de froideur dans les négociations et fort peu d'en-
tente dans les opérations. La seule qui fut tentée en com-
mun, la prise de Toulon, mit le comble à la mésintelligence des
deux gouvernements : l'Espagne aurait voulu proclamer la
régence de Monsieur, le comte de Provence, et occuper Toulon
au nom de Louis XVII; l'Angleterre voulait le garder et en faire
un Gibraltar provençal. La reprise de la place par les Français
(17 décembre 1793) laissa les deux alliés divisés et irrités l'un
contre l'autre : il n'était plus question de traité de commerce;
l'alliance du 25 mai périclitait, et de part et d'autre on ne mon-
trait nul désir d'en exécuter les conditions.
La coalition maritime de l'Angleterre et de l'Espagne se dis-
solvait à peine formée, par les mêmes conflits d'intérêts et de
traditions qui paralysaient au même moment la coalition conti-
nentale de l'Autriche et de la Prusse. Les divisions des puissances
allemandes, la fragilité de leur union, les causes qui préparaient
et les symptômes qui annonçaient déjà la défection de la Prusse,
n'étaient un secret pour aucune des chancelleries de l'Europe.
On s'en rendait compte à Madrid, et dès le mois d'août 1793
Godoy avait parlé de paix ; l'analogie de la situation de l'Espagne
avec celle de la Prusse l'avait frappé, il cherchait à se rappro-
cher de cette puissance *. A l'automne de 1793, au moment où à
Toulon les rapports s'aigrissaient de plus en plus entre les Espa-
gnols et les Anglais, une occasion se présenta pour Godoy de
sonder le gouvernement français ; il y consentit d'autant plus
1. R G Ue Spaniens iur Zeit der Franzœsischen Révolution^
p. 4ttD. j m.
LA DIPLOMATIE FEANÇAISB BT L*BSPA6!fB. 309
aisément, que Touverture venait du Danemark, et que si une
négociation s'en suivait, on pouvait croire que la Prusse y serait
associée : c'était là pour Godoy une considération importante,
car il ne se sentait point le courage et le crédit nécessaires pour
prendre l'initiative d'une négociation isolée et porter seul la res-
ponsabilité d*une défection à la cause des monarchies.
Un envoyé de France, Grouvelle, était arrivé en Danemark au
mois d'août 1793. Il y était incognito : le Danemark avait à
ménager sa neutralité et, tout en recevant fréquemment l'agent
français, le ministre des affaires étrangères, le comte de Berns-
torf, avait cru devoir attendre, pour lui reconnaître un caractère
oflSciel, qu'une des grandes puissances en guerre avec la Répu-
blique eût reconnu le nouveau gouvernement français*. Ily avait
alors à Ck)penhague un ministre d'Espagne, M. de Muzquiz, qui,
sans avoir noué des relations avec l'envoyé de la République, —
les représentants des États en guerre avec la France ne le pou-
vaient ni ne l'osaient, — s'était cependant fait remarquer par la
« décence et la modération » avec lesquelles il s'exprimait sur la
Révolution. C'était, dit Grouvelle, un homme probe, € pourvu
des lumières de la philosophie, > élevé en Angleterre, « né
presque plébéien ; » bref un disciple d'Aranda, un ami de Berns-
torf, et l'homme qu'il fallait pour inspirer confiance à un envoyé
de la République*. Grouvelle avait été averti que Muzquiz mon-
trait discrètement des dispositions à un rapprochement. Au com-
mencement de décembre 1793, le secrétaire de la légation de
France, Framery, fut invité à se rendre dans une maison tierce
où, lui disait-on, il recevrait une communication importante. Il
y trouva Muzquiz, qui lui demanda de ménager une entrevue
secrète entre lui et Grouvelle. L'entrevue eut lieu, avec un appa-
reil romantique et dans un décor bien fait pour cette scène
étrange qui rapprochait ainsi, pour la première fois, un représen-
tant des Bourbons d'Espagne et un envoyé de la Convention. Ils
se rencontrèrent « la nuit, dans un lieu très écarté, » où,
« malgré un vent très violent, » la conversation dura deux
heures. Grouvelle avait pris la précaution de se faire accompa-
gner par « l'honnête Framer}' ». Sous ce régime de terreur, de
1 . Sur Grouvelle, Bernslorf et l'intervention du Danemarli dans les premières
négociations avec la Prusse, voir la Revue historique^ tome V, ii, p. 270 et suiv.
2. Ces détails et le récit qui suit d'après le rapport de GrooTelle, du 20 fri-
maire an II (tO décembre 1793). ArcMve$ dês A/fairêt étrangères.
348 ALRIT SOUL.
suspicion et de dénonciation générales» la précaution n'était pas
superflue. Muzquiz dit qu'après TarriTée de GrouYelle, il avait eu
ridée de demander à Madrid Tautorisation de se rencontrer avec
lui, ajoutant que si l'Espagne voulait négocier, il proposait de
faire passer ces négociations par M. de Bemstorf. Le ministère
espagnol n'avait répondu que par un simple accusé de réception.
Muzquiz l'avait considéré comme un consentement tacite, « parce
que, disait-il, si cette proposition avait déplu, on n'eût pas man-
qué de lui défendre textuellement de voir Grouvelle, ainsi que
l'avait fait la cour de La Haye au chargé d'affaires de Hollande,
et la Suède à son agent. » Muzquiz manifesta de l'admiration
pour la République : il ne doutait pas du succès final de la France ;
la guerre, selon lui, était impolitique et désastreuse pour
l'Espagne, et si au début, ajoutaitr-il, on n'avait pas précipite les
choses, on aurait pu obtenir la neutralité du cabinet de Madrid,
n conclut en demandant à Grouvelle quelles étaient à cet égard
les intentions de la République. Grouvelle était fort embarrassé ;
il n'avait pas d'instructions, et déjà, le 8 octobre, il avait écrit
à Paris pour se plaindre de ne recevoir aucune direction ^ « Mes
présomptions, même sur les plans de la République, étaient fort
bornées, » rapporte-t-il. Il fit une réponse dilatoire, insinuant
que la République avait en général et à priori peu de goût pour
les médiations; il tâcha de savoir à son tour si l'Espagne désirait
négocier une paix séparée et la négocier directement. Il rendit, le
10 décembre 1793, compte de cette conversation à Deforgues,
alors ministre des affaires étrangères. La réponse qu'il reçut
quelque temps après à sa dépêche du 8 octobre n'était pas faite
pour l'éclairer. Deforgues lui écrivait de Paris le 10 fiimaire
an II (30 novembre 1793) :
« En attendant que notre gouvernement révolutionnaire soit orga-
nisé dans toutes ses branches et qu'un plan général pour les négocia-
tions à suivre pendant Thiver soit définitivement arrêté, je ne puis
que me référer à la lettre que je t'ai écrite le 22 brumaire. >
Cette lettre du 22 brumaire traitait du Danemark et de la
Suède, du désir que Ton avait de les engager à faire une diver-
sion, et ne contenait aucune indication sur les négociations
générales. Grouvelle crut donc devoir s'entourer de la plus
t. GroaTelle à Deforgues, 8 octobre 1793. Affaires étrangères.
LA DIPLOMATIE FIANÇAISB BT L*B8PAGIIB. SU
grande réserve lorsqu'à la fin de décembre il eut avec Muzquiz
une nouvelle entrevue, au même lieu, à la même heure et dans le
même mystère. Muzquiz laissa entendre qu'il ne s'agissait dans
sa pensée que de la paix générale, mais qu'en ce cas il désirerait
connaître les intentions de la République envers l'Espagne.
Grouvelle, après avoir eu soin de déclarer que ses paroles devaient
être considérées comme un discours sans atUorité et sans con-
séquence^ répondit que, selon son opinion personnelle, la paix
générale était impossible, mais qu'une paix séparée lui semble-
rait facile. — Une paix séparée, répartit Muzquiz, présenterait
deux difficultés : l'Espagne répugnerait à reconnaître la pre-
mière la République; de plus, si elle faisait la paix, elle désirerait
conclure en même temps une alliance, et elle se demandait si une
alliance serait compatible avec la nouvelle politique de la France.
— « Je n'avais pas, écrit Grouvelle, la moindre idée de la
manière dont le gouvernement républicain pourrait envisager
ces deux objections. » — La République, dit-il, sera bientôt
reconnue par plusieurs puissances, l'Espagne et la France ont
les mêmes ennemis. — Il se renferma dans ces assertions vagues.
Muzquiz laissa paraître le désir que Grouvelle fût autorisé à rece-
voir des ouvertures. Grouvelle répondit à cette insinuation qu'il
désirerait savoir auparavant si Muzquiz était autorisé à en faire*.
Ce fut Bernstorf qui se chargea, quelques jours après, de l'édai-
rer sur ce point. Grouvelle écrivait à Deforguesle 11 nivôse an II
(31 décembre 1793) :
« On ne peut plus douter, citoyen, que les premières démarches
dont j'ai rendu compte, n'aient un but réel et ne donnent lieu d'espérer
des suites heureuses. M. de Bernstorf entama lui-même la matière
en me disant que M. de Muzquiz, ministre d'Espagne, lui avait fiait
part de ses entrevues avec moi et de l'objet qui nous avait rapprochés.
— Je dois et je puis vous dire, poursuivit-il, que vous pouvez lyouter
une foi entière à tout ce qu'il vous a dit. Je connais ses instructions,
il me les a montrées. Comme il ne peut convenablement vous les
communiquer et que néanmoins il est important que vous sachiez
jusqu'à quel point il est autorisé, il fidiait qu'il y eût un témoin qui
vous servit de garantie. Je me suis chargé d'être ce témoin pour
authentiquer vis-à-vis de vous ses oufertures. Je suis pleinement
autorisé à le faire. >
1 . GroQTeUe A Deiorgnes. 4 nifAM ta II (?4 déoonbre 1793). Àlfaàrm éirtmgère$.
342 ALBERT SOISL.
Toutefois Bernstorf ne voulait pas s^avancer dayantage; il
entendait écarter tout ce qui donnerait à ces pourparlers le
caractère d'une médiation ou même d'une entremise officielle. Il
craignait d'ailleurs que Muzquiz ne pût suivre l'afiaire, car on
l'avait nommé au poste de Stockholm et son successeur à Copen-
hague venait d'arriver. Grouvelle demanda à être autorisé à
profiter des bons offices de Bernstorf, ajoutant avec raison que si
la Prusse donnait l'exemple, on détacherait facUement l'Espagne
de la coalition. Il croyait ne pas pouvoir se refuser plus long-
temps à entrer publiquement en relations avec l'envoyé
d'Espagne^ ; mais ne recevant pas d'instructions, il fut pris de
scrupules ou de craintes, et il cessa de voir M. de Muzquiz, jus-
qu'à ce qu'il y fût autorisé*. Bien lui en prit, car le 13 pluviôse
an II (l*' février 1794), Deforgues lui écrivait que l'on tenait à
Paris les ouvertures de l'Espagne pour insignifiantes, que le
cabinet de Madrid s'était réservé le moyen de désavouer son
agent et qu'on avait peu de confiance dans ce que disait Muzquiz.
On approuvait la réserve de Grouvelle. Le gouvernement était
disposé à écouter les propositions de paix, mais il se méfiait;
c'était à l'Espagne de s'expliquer. Le Comité de salut public
trouvait le ministre danois trop optimiste et trop porté à attri-
buer aux coalisés une modération qu'ils n'avaient pas. Il impor-
tait de savoir si les ouvertures de M. de Bemstorf étaient
spontanées ou si elles lui avaient été suggérées par l'Espagne.
« Le Comité de salut public, disait Deforgues, est très sensible à
la délicatesse avec laquelle M. de Bemstorf s'est conduit dans
cette circonstance. Le Comité est persuadé que toutes les fois
qu'il s'agit de stipuler les intérêts de l'humanité et de la philoso-
phie, M. de Bernstorf est l'homme sur lequel la République
firançaise peut compter comme confident et comme auxiliaire. »
Deforgues ajoutait qu'en ce moment d'ailleurs le Comité de salut
public ne pensait qu'à la guerre.
Ceux des coalisés qui avaient eu des velléités de paix en arri-
vaient à la même conclusion. C'est ce que Bemstorf déclarait à
Grouvelle dans les derniers jours de février 1794. Muzquiz était
parti ; son successeur. Normandes, était en mesure de suivre les
conversations commencées par Muzquiz; Bernstorf croyait, et le
1. Groayelle à Deforgaes, 11 nivôse an II. Affairei étrangères,
2. Id., id., 25 ni?dse an II (14 janvier 17d4). Id.
LA DIPLOMATIE FRANÇAISE ET l'bSPAGXB. 343
langage de Normandes dans ses entretiens avec Grouvelle confir-
mait cette conjecture, que l'Espagne était désireuse de la paix et
fatiguée de l'alliance anglaise. Quant à la paix générale, Bems-
torf en avait eu la première idée, il avait sondé les cabinets, il
avait rencontré des dispositions et il ne s'en était ouvert à Grou-
velle que quand cette pensée « était devenue non une simple
hypothèse, mais une mesure susceptible de quelque effet, du
moment qu'elle paraîtrait ne devoir point être repoussée par
nous. > Mais depuis lors, ajoutait le ministre danois, les circons-
tances ont changé : on ne parait plus songer qu'à la guerre ^ La
guerre en effet reprenait partout avec acharnement et il ne fut
plus question des ouvertures de M. de Muzquiz.
m.
Campagne de 1794. — Politique de Godoy, — Ouvertures
de paix à V armée des Pyrénées orientales.
Février-novembre 1794.
La prise de Toulon avait rendu la confiance et l'élan aux
troupes de la République. Sur la frontière espagnole, la campagne
de 1794 fut une lutte corps à corps au pied des montagnes.
« L'illustre et vertueux Dugommier » arriva de Toulon avec
10,000 hommes aguerris et prit le commandement de l'armée
qu'avant lui Dagobert dirigeait avec plus d'héroïsme que de cir-
conspection. La réorganisation de l'armée des Pyrénées, jointe
à la nouvelle des succès des armées du Nord, fit réfléchir les
Espagnols. Le 28 février, le 3 et le 14 mars 1794, des délibérations
orageuses eurent lieu à Madrid. Il se formait un parti de la paix
à la tête duquel se trouvait naturellement Aranda. Cet ancien
ministre représentait à ses amis les forces croissantes des Fran-
çais, leur élan, l'épuisement financier et militaire de l'Espagne.
On ne l'écouta point, on l'exila même, et le parti de la guerre,
représenté par Godoy, l'emporta encore une fois. Mais ce n'était
qu'une victoire factice : au fond, Godoy comprenait que la conti-
nuation de la guerre était impossible; il la soutenait parce
qu'elle était encore populaire, et qu'il voulait asseoir son autorité
1. Grouvelle A Deforgaes, 4 ?entÔM an II (22 fév. 1794). Affaires étrangireê.
344 ILBBET 80KBL.
par la guerre, en attendant le moment opportun pour l'affermir
davantage en rendant la paix au pays ^ En effet, les finances de
l'Espagne étaient épuisées ; les impôts, multipliés, ne rendaient
plus, et les emprunts, qui étaient ruineux, devenaient de plus en
plus difficiles. L'Espagne n'avait ni l'énergie, ni le fanatisme,
ni les ressources extraordinaires qui permirent à la France de
suppléer à la perte de son crédit et à la banqueroute de ses
finances. Les armées se balançaient au début de la campagne de
1794; mais c'était une infériorité pour l'Espagne, qui s'affai-
blissait à mesure que l'armée française se renforçait*. Dugom-
mier parvint à tourner les Espagnols, les battit le 1^ mai 1794
et les força de repasser la frontière. Le 26 mai (7 prairial an II),
Navarro capitula dans CoUioure avec 7,000 hommes. La capi-
tulation accordait à la garnison les honneurs de la guerre et le
droit de se rendre en Espagne sous la réserve de ne plus servir
contre la France ; l'Espagne devait rendre un nombre égal de
prisonniers français et livrer les émigrés qui avaient soutenu la
cause espagnole. Cette stipulation parut déshonorante au général
en chef espagnol, et comme Dugonunier n'avait pas eu la pré-
caution de f&ire ratifier par lui la capitulation signée par son
lieutenant, il refusa de l'exécuter. Cependant Navarro et sa
division étaient rentrés en Espagne; aucun prisonnier français
ne fut restitué, et il en résulta entre les généraux en chef des
deux armées un débat très aigre qui donna à la suite de la cam-
pagne un caractère d'animosité et de violence que la guerre
n'avait pas eu jusque-là. Le 23 thermidor (10 août 1794) , la Con-
vention décréta la guerre à mort avec l'Espagne ; elle décida que
tant que la capitulation de CoUioure ne serait pas exécutée, « il
ne serait plus fait de prisonniers espagnols » et qu'il ne pourrait
être question de paix avec l'Espagne. Dugonmiier notifia en
conséquence au général espagnol La Union qu'il ne correspon-
drait plus avec lui qu'à coups de canon, et poussa les mouvements
de son armée. Il avançait, lentement à la vérité, mais chaque
jour refoulait les Espagnols vers leur frontière '. Cette frontière
était entamée à l'ouest par l'armée des Pyrénées occidentales.
1. Voir les Mémoires du prince de la Paix, I, ch. xvii-xxi, et sortoot
BiQmgarten, Geichiehte Spaniens xur Zeit der firanMœiUchen RevoluUon,
p. 504 et %mi.
2. Baamgarten, 519. — Fenrel, H, p. 16-17.
3. Fenrel, ch. xvu et xyiii.
LÀ DIPLOMITIB FRANÇAISE ET L^ESPIGNE. 345
Fontarabie avait capitulé le 1*' août; Saint-Sébastien ouvrit ses
portes peu de jours après : les Français étaient maîtres du
Guipuscoa.
Ces nouvelles jetèrent la perturbation dans Madrid. Le peuple
des provinces, surtout en Biscaye, fanatisé par les moines, se
soulevait et se préparait à la guerre de guérillas ; mais le peuple
des villes était las de la guerre et, voyant l'Espagne menacée,
reprochait violemment au gouvernement l'impuissance de la
flotte, l'incapacité des généraux et la ruine du pays. Une agita-
tion révolutionnaire se mêlait à ces ressentiments. Les émissaires
français, les brochures surtout, appelaient les Espagnob à la
paix, déclarant que le peuple français, ne désirant point de con-
quêtes, ne voulait que rendre la liberté à l'Espagne. Il fallut
prendre des mesures militaires à Madrid et dans les grandes
villes pour y maintenir l'ordre. Toute la fureur populaire se
tournait contre Godoy. Ce ministre qui, au mois de mars, avait
soutenu le parti de la guerre à outrance parce qu'il y voyait le
moyen de se maintenir dans la faveur du peuple, jugea que
désormais le rétablissement de la paix était la condition de la
durée de son pouvoir. C'était pour la reine une considération
décisive * . Les événements qui se passaient en Europe contribuaient
d'ailleurs à décourager l'Espagne de la guerre. La France était
victorieuse partout, le bruit courait que des négociations étaient
entamées avec la Prusse, et c'était un argument nouveau en
faveur de la capitulation de conscience vers laquelle les souve-
rains espagnols se sentaient entraînés. Les victoires des armées
françaises du Nord et de l'Est permettaient à la République de ren-
forcer ses armées des Pyrénées. Ainsi au moment où la propagande
révolutionnaire commençait à agir en Espagne, l'armée d'inva-
sion aUait recevoir de nouveaux renforts. L'Espagne se sentait
incapable d'y opposer une résistance sérieuse. Enfin la révolution
qui s'était opérée à Paris le 9 thermidor permettait d'espérer
l'établissement en France d'un gouvernement régulier avec
lequel il serait possible de traiter. La vie des enfants de
Louis XVI détenus au Temple ne sembla plus menacée ; non
seulement on crut pouvoir les sauver, mais on conçut même
l'espérance illusoire d'une restauration de la royauté. — La
nouvelle de la chute de Robespierre, écrivait l'envoyé de Prusse,
1. Baningirten, 529-S32.
346 ALBERT SOREL.
a causé à la cour autant de joie qu'une bataille gagnée. « Main-
tenant, s'écria la reine, le bourreau de la République est mort. »
On se décida donc à négocier; mais connue il fallait à la fois
imposer du respect à l'ennemi, parer à une reprise des hostilités,
éviter d'éveiller la colère des Anglais et ménager la partie du
peuple des montagnes qui se soulevait à l'appel des moines pour
résister aux étrangers, Godoy prit ostensiblement des mesures
de défense, lança une proclamation de guerre à outrance et ne
risqua les premières ouvertures de paix que dans le plus grand
secret et avec toutes les précautions possibles*.
n n'était point aisé d'entamer ces négociations. La principale
ressource, les parlementaires et les communications verbales entre
les généraux, faisait défaut : toute correspondance avait cessé
entre les armées depuis la notification, par Dugonnnier, du décret
du 23 thermidor. Godoy dut donc chercher une voie détournée.
Il y avait en Espagne un agent français, Simonin, qui était
chargé de payer aux prisonniers français leur solde de captivité.
C'est à lui que le gouvernement espagnol s'adressa dès le 1®' sep-
tembre 1794, par l'intermédiaire du général en chef, La Union,
qui, à plusieurs reprises, s*était prononcé dans le sens de la paix.
La Union ne voulait point se découvrir; Simonin, connaissant
les terribles décrets de la Convention et la manière expéditive
avec laquelle on jugeait les agents suspects de connivence ou
même de modérantisme dans leurs relations avec l'ennemi,
avait grand'peur de se compromettre. Il se décida à parler par
symboles et il eut recours à un expédient classique qui peint bien
les mœurs du temps. Il inséra, dans la marge d'une lettre qu'il
écrivit à Dugommier, une feuille d'olivier. La lettre, datée de la
Risballle 4® jour des sans-culottidesde l'an n (20 septembre 1794),
était ainsi conçue* :
« Dès Tînstant où il ne m'a plus été possible de secourir nos fîrères
d'armes prisonniers en Espagne, je n'ai aspiré qu'au plaisir de
retourner dans ma patrie. Toutes mes lettres le prouvent ma sollici-
tude à cet égard. Uniquement occupé de ce doux espoir, je ne m'atten-
dais pas à recevoir, dans un pays où je n'ai aucune connaissance, la
visite qu'on m'y a faite le 4 5 fructidor et que Ton a réitérée hier de
1. Baamgarteo, 533-534.
2. Ce docament et tous ceox que je citerai sans en iodiqner la provenance
sont inédits et tirés des Archives nationales. — Directoire exécutif : Espagne.
Ll DIPLOMATIB FRAIfÇâlSB ET l'eSPAGNE. 347
la part d'une personne des plus distinguées. Je m'attendais encore
moins qu'on m'engagerait à te faire des propositions de Je
m'arrête ; un décret que je respecte m'impose le plus profond silence;
le rameau que tu trouveras ci-joint y suppléera. Si rien ne s'oppose
à la réception du symbole qu'il renferme, la personne de la part de
laquelle on est venu me parler se montrera à découvert et aura
distinctement avec moi, ou tel autre citoyen que l'on jugera conve-
nable de nommer, une ouverture franche sur tout ce que cet
emblème peut te faire pressentir, b
Tandis que cette missive s'acheminait vers le quartier général
de Dugoramier, l'armée des Pyrénées orientales obtenait un nou-
veau succès. Le 17 septembre 1794, Bellegarde capitulait. C'était
le dernier point que l'ennemi occupât sur le sol de la France, et
la condition préalable posée par la Convention à tout pourparler
de paix, la libération du territoire, était remplie avec l'Espagne
comme avec tous les autres coalisés. Dugommier et les représen-
tants du peuple Delbrel et Vidal, qui étaient délégués auprès de
son armée, pensèrent que la joie causée à Paris par cette
nouvelle les excuserait d'avoir tempéré dans l'exécution le san-
guinaire décret du 23 thermidor. Bellegarde avait donc été admise
à capituler et les prisonniers n'avaient pas été massacrés. L'état de
l'armée le commandait d'ailleurs; si elle avait obtenu un grand
succès, elle n'était pas en mesure de le soutenir longtemps.
« Notre armée était dans la détresse, écrivait Dugonunier;
70,000 EIspagnols menaçaient de ravitailler Bellegarde, et nos
divisions n'avaient à leur opposer que l'énergie du petit nombre*.
L'ennemi réduit au désespoir eût pu faire sauter ces murs que je
m'étais tant efforcé de rendre intacts'à la République. > Enfin, et
Delbrel le représenta au Comité, ou avait dû craindre d'afireuses
et inévitables représailles envers les prisonniers français*. Tel
était l'état des choses au quartier général français, lorsque le
4 vendémiaire an III (25 septembre 1794) un trompette espagnol
y apporta une dépêche pour le général en chef. L'usage était de
lire à haute voix, en présence de l'état-major rassemblé, les
communications de l'ennemi. Dugommier se préparait à en agir
ainsi, lorsqu'on ouvrant la dépèche il aperçut le rameau d'olivier.
1 . Le chiffre est exagéré ; c'est par homaniié que Dugommier groMit le dan-
ger, très réel d^ailleurs, qae pouvait courir soo armée.
2. Ferrel, U, p. 163.
348 albut sokbl.
n était trop de son siècle et trop versé dans la littérature classique
pour douter un instant du sens de ce symbole ; il lut la lettre
à récart, et, justement préoccupé de l'importance de cette commu-
nication, il s'empressa d'en donner connaissance à Delbrel. Ce
fiit ce conventionnel qui dicta la réponse que Dugommier adressa
le 5 vendémiaire (26 septembre 1794) à Simonin. Cette réponse
était faite pour couper court à toute négociation. Dugonmûer
signifiait de nouveau que « le gouvernement eût à se hâter de
nous donner satisfaction sur toute la capitulation de Collioure,
sinon jamais de paix avec l'Espagne, jamais aucun traité quel-
conque tant que nous aurions sous les yeux l'exemple d'une félo-
nie. » Sous le coup des décrets de la Convention et après l'infrac-
tion que, par prudence et par humanité, ils venaient eux-mêmes
d'y apporter à Bellegarde, Delbrel et Dugonmûer ne pouvaient
pas répondre autrement aux ouvertures espagnoles'. Mais l'un
et l'autre sentaient l'intérêt qu'il y aurait à entamer une négo-
ciation. Leurs forces pouvaient Caire illusion aux Espagnols;
elles ne pouvaient leur faire illusion à eux-mêmes. L'armée
était considérablement afiaiblie par les combats, par la
maladie, par la désertion. La cavalerie, cantonnée trop loin, ne
pouvait seconder utilement l'ofiiensive, et plus près on ne pouvait
la nourrir. Les transports manquaient. Il n'y avait point d'habil-
lements; la poudre faisait défaut « pour accomplir quelque chose
de brillant. » On vivait sur le pays qui était ruiné. Cependant, si
triste que fut cette situation, celle de l'ennemi était pire : les
troupes se fondaient et ne se renforçaient point; les progrès des
Anglais en Amérique efirayaient les Espagnols^. La paix sem-
blait donc utile, et le moment pour la négocier favorable. Dugom-
mier jugea nécessaire d'éclairer entièrement le Comité de salut
public sur cette situation. Sa dépêche est datée du 5 vendémiaire
an m (26 septembre 1794).
c Je reçus hier une dépèche de Simonin, payeur des prisonniers
français en Espagne; je vous en envoie la copie ainsi que celle de ma
réponse. J'ai cru que cette dépèche renfermait un objet d'une assez
haute importance pour vous expédier un courrier extraordinaire,
après en avoir donné connaissance au représentant du peuple Delbrel.
En répondant à Simonin, j'ai parié en général en chef qui soutient
1. Fdn, ManuscrU de Ta» ///, p. 22-23. — Ferrel, U, p. 167.
2. Dugommier ao Comiië, 25 septonbre 1794.
LA DIPLOMATIB nUNÇilSB ET l'BSPAGNE. 349
la cause de l'armée qu'il commande ; mais je vous renvoie la branche
d*olivier. G^est à vous de décider Taccueil ultérieur que je dois lui
faire. Je ne me permettrai aucune réflexion relative : cependant, je
croirais manquer à mon devoir si je ne vous exposais avec vérité la
situation présente de cette armée et des départements qui Tavoisinent.
Ce tableau peut éclairer la marche qu'exige l'intérêt de la patrie dans
une pareille circonstance Si le gouvernement n'a aucune vue sur
la Catalogne, comme il s'en est expliqué dans ses précédentes
dépêches, si l'Espagnol nous laisse la Gerdagne, Fontarabie et le port
(te Passage, ne serait-il pas avantageux d'écouter les propositions de
paix? 9
Lorsque cette dépêche arriva à Paris, le Comité de salut public
n'avait pas encore organisé sa correspondance diplomatique et
s'était fort peu occupé de négociations. La réponse qui fut faite
aux ouvertures de Simonin se ressent encore de l'arrogance des
déclarations de la tribune ; mais sous cette rhétorique, on voit
percer déjà le dessein que le Comité poursuivra dans toute sa
négociation avec l'Espagne. Ce dessein était en quelque sorte
arrêté d'avance. Les membres du Comité en trouvaient les éléments
dans leurs lectures et dans leurs souvenirs. De même que le
gouvernement espagnol, battu et épuisé, était amené à la paix
par la crainte de la prépondérance anglaise, le nouveau gouver-
nement français était par ses succès mêmes conduit à exiger de
l'Espagne non seulement la paix, mais la dépendance politique.
TeUe était la force des circonstances et tant il est vrai que les
relations des États ont aussi leurs lois qui dérivent de la nature
des choses, que l'on voyait à Madrid le roi Bourbon entraîné
malgré lui à se placer à l'égard de la Convention nationale dans
les rapports où il était avec Louis XVI, et à Paris un gouver-
nement formé d'honmies d'Etat improvisés, issus de la bourgeoisie,
tout nouveaux à la diplomatie, portés à parler du cabinet de
Madrid comme aurait pu le faire le ministère de Louis XIV . De
part et d'autre — et après le sanglant intermède d'une guerre de
dix-huit mois — on reprenait les choses au point où les avait
laissées l'ancien régime. La dépêche du Comité, datée du 16 ven-
démiaire an III (7 octobre 1794), était adressée non à Dugom-
mier, mais aux représentants en mission près l'armée des Pyrénées
orientales*.
1. Minate de Merlin de Douai. — Bien qne celte dépêche lit été en partie
S20 ILBBET SOUL.
c Le peuple français ne (kit point la paix avec un ennemi qui
occupe une partie de son territoire*, mais il pèse dans sa sagesse les
propositions d*un ennemi vaincu, obligé de ftiir sur son propre sol.
La nation espagnole possède au suprême degré Tart de cacher ses
desseins. Elle est en possession de proposer et de différer pour profiter
des coi\jonctures. Pour la déjouer, il faut continuer de la battre. La
terreur est dans toutes les armées des despotes coalisés. Chaque jour
les Français se signalent par des victoires de nature à étonner l'uni-
vers. Si l'Espagnol députe près de vous, citoyens collègues, déployez
la dignité, la grandeur et la fermeté qui conviennent à un peuple
vraiment digne de la liberté. La position topographique de TEspagne
lui impose Tobligation de solliciter Tindulgence et le retour de
Famitié de la France. Son intérêt conunercial le veut impérativement.
Un orgueil de fomille lui a fait oublier ses traités et ses calculs. Nos
conquêtes doivent rappeler son gouvernement à un système mieux
entendu. Le souvenir des guerres sanglantes avec rAngieterre, le
plan évident de cette nation de dominer sur la Méditerranée, la crainte
fondée de TEspagne de perdre toute son existence politique si elle
persévère, rendent très vraisemblable ce que contient la lettre de
Simonin à Dugommier. La réponse à cette lettre doit être Êdte par
le général Dugommier et conçue en ces termes : — La France mr/
foui ce qui s'accorde avec son intérêt et sa dignité. Ecoute et trans-
mets ces propositions. Toute démarche doit être faite auprès des
représentants du peuple près de r armée que je commande; ta corres-
pondance ne peut s'engager quarec e%r^ tes principes Fordonnent.
— Instruisez-vous. Observez bien que tout ceci doit se passer, de
votre part, en conférences et que c'est au Comité de salut public à
poser les bases. L^intention de TEspagne ne doit pas être connue,
les dispositions ofE^nsives doivent se foire avec plus d'activité que
jamais. Amis!... sous peu de jours le Rhin sera notre barrière. La
nation n'a jamais été plus grande. »
Ces instructions répondaient parCadtement aux sentiments du
représentant Delbnîl. Ce conventionnel, qui fut un des plus éner-
giques émules de Meriin de Thionville, était avant la Révolutioià
avocat à Moissac. Il s*élait «urôlê en 1792. Nommé député à la
Convention, il vota la mort de Louis X'NT et fut envové à
Tannée du Non! où son activité contribua beaucoup* parait-il. à
la victoire de Hondschoote. Il venait d*arriver à rarmèe des
poUkip par FerrcI ;ll. p. t(SS\ je cm» Mccasaire à'tm rvfwodwre id le» pusaieiK
LA DfPLOMiTIB FEANÇilSB ET L BSPAGIfB. 324
Pyrénées orientales lorsque les négociations commencèrent. Le
24 vendémiaire an III (15 octobre 1794), il répondit au Comité
de salut public :
« J'ai remis au général en chef le projet de lettre qu'il doit écrire
à Simonin. Gomme le général avait déjà fait à cet homme une
réponse dont vous avez reçu copie, lui envoyer une seconde réponse
avant qu'il eût écrit une seconde fois eût été témoigner trop d'em-
pressement. C'eût été une espèce d'avance, et une grande nation
victorieuse n'en doit point (kire à des esclaves vaincus. Nous avons
donc pensé que pour faire usage du projet que vous nous avez
adressé, il fallait attendre que Simonin écrive encore, ce qui ne peut
tarder. Si d'ailleurs le gouvernement espagnol veut traiter et qu'il le
veuille franchement, il commencera par exécuter la capitulation de
Collioure-, ce doit être, selon moi, le préliminaire de toutes les négo-
ciations. B
Delbrel n'attendit pas longtemps la missive de Simonin;
elle arriva le jour même où il adressait cette dépêche au Comité.
La lettre de Simonin, datée du 12 octobre 1794, témoignait de la
déception qu'avait éprouvée son interlocuteur espagnol en appre-
nant que l'exécution de la capitulation de CoUioure était la con-
dition préalable de toute négociation. Simonin rapportait, mot
pour mot, les paroles de la personne qui lui avait fait les premières
ouvertures.
« En exigeant ces préliminaires, ce n'est pas, dit-elle, le moyen de
se rapprocher, ce serait d'ailleurs la compromettre vis-à-vis de sa
cour à rinsu de laquelle elle parait vouloir opérer cette réconciliation.
Cependant, pour ne pas te laisser sans une réponse concluante sur
cette importante affaire, elle m'a foit dire de t'écrire — que les seuls
préliminaires de paix qu'elle pourrait offrir étaient les articles de
celle même paix -, que si tu convenais dans ces principes et que vous
soyez parfaitement d'accord l'un et l'autre sur ces préliminaires,
viendrait naturellement le traité, en grand, de paix. Ensuite vous
les proposerez à vos deux nations respectives pour avoir leur assen-
timent, et ce le plus promptement possible ; ou il faudrait y renoncer,
parce que, dit-elle, tout retard l'exposerait et la mettrait à découvert
vis-à-vis de son souverain, de l'Angleterre et des autres puissances
alliées qui exigeraient, à l'instant, une réparation proportionnée au
mépris fait au traité qui les unit. »
Le négociateur espagnol, ajoutait Simonin, « est persuadé que
l'Angleterre cherche à détruire l'Espagne et la France, et c'est
UeV. IIiSTOR. XI. 2« FA8C. '21
822 ALBERT SOREL.
pour déjouer rambition de cette commune rivale qu'il voulait
hâter le traité de paix. Il s'agissait d'une réconciliation perpé-
tuelle. » Pour tourner la difficulté relative à CoUioure, il propo-
sait un échange général de prisonniers
Delbrd fit répondre par Dugommier conformément aux instruc-
tions du 16 vendémiaire* et l'on poussa vivement la reprise des
hostilités. Les conditions étaient désastreuses; toute l'ardeur du
général en chef et des représentants du peuple n'y pouvait remédier .
Malgré les menaces du conventionnel Vidal, qui parcourait les
départements d'alentour, l'agriculture ruinée et les paysans
abattus par le régime de la Terreur ne pouvaient procurer aux
troupes ni les fournitures ni les vivres dont elles manquaient.
On n'en marcha pas moins : conquérir étant en définitive le seul
moyen de vivre*. A l'autre extrémité des Pyrénées, les Français
avaient, le 16 octobre, rejeté les Espagnols à quelques lieues de
Pampelune.
Ce que l'on sait du gouvernement espagnol à cette époque
ne montre que le désordre, l'incapacité, la confusion. L'irrita-
tion croissait contre Godoy, et Godoy se consumait en efibrts
stériles, en déclarations vaines, en démarches contradictoires ; il
nous apparaît à la fois éperdu et infatué, et cet état d'esprit peut
seul expliquer les oscillations de sa politique. Le 27 octobre 1794
il posait au conseil d'État la terrible alternative d'une paix oné-
reuse ou d'une guerre ruineuse. Il voyait les Français triomphant
partout. « Ils vont, disait-il à un diplomate étranger, conquérir
une grande partie de l'Allemagne et de l'Espagne: l'Afrique
seule et peut-être l'Amérique pourront leur opposer une barrière. >
En même temps et sur la foi de rapports d'espions ou d'agents de
l'émigration, il se représentait le Midi de la France prêt à se sou-
lever pour rétablir les rois, et il négociait avec l'Angleterre la
reconnaissance de Monsieur comme régent de France^. Il redou-
tait assez la République pour juger la paix nécessaire, et il
croyait la France assez divisée pour accepter une paix qui détrui-
rait la République*. C'est ainsi qu'il fut conduit à faire passer à
1. Delbrel aa Comité, 29 vendémiaire (20 octobre 1794).
2. Fervel, II, p. 170-175.
3. Baumgarlen, 535-537.
4. Cf. Mémoires du prince de la Paix, ch. xxv. Je n'ai pas besoin de dire
que Je n'use de cet ouvrage apologétique et rédigé à distance qu'avec les plus
grandes réserves. Tout le récit des négociations, entre autres, y est dénaturé.
Ll DIPLOMATIB FRl!fÇAISE ET l'bSPAGNB. 323
Simonin cet étrange ultimatum que l'agent français transmit
sans commentaire aux représentants Ddbrel et Vidal, par une
lettre datée de Figuières le 4 novembre 1794 :
« <« L'Espagne reconnaîtra le système ou forme de gouvernement
qu'a adopté ou adoptera la France ; — 2* La France mettra de suite
à la disposition de FEspagne les deux enfants de Louis XVI; — 3* La
France rendra au fils de Louis XVI les provinces limitrophes de
l'Espagne, dans lesquelles il régnera souverainement et gouvernera
seul en roi. Cet établissement sera fait d'accord avec les deux puis-
sances. »
Cet ultimatum produisit l'effet qu'en aurait dû attendre l'obser-
vateur le moins pénétrant de la France et de la Convention. 11
raUuma la colère et réveilla le fanatisme des représentants. Vidal,
qui était alors à Montpellier, fut le premier qui en eut connais-
sance. Il transmit à son collègue Delbrel les propositions « dépla-
cées et insolentes » de l'Espagne, puis dans une lettre du
24 brumaire (14 novembre 1794) portant en épigraphe ces mots :
Liberté, égalité, guerre aux tyrans, paix aux peuples, il
écrivit au Comité :
« Dans ma lettre à mon collègue, je lui dis qu'il est temps enfln
"(le faire cesser toute espèce de correspondance, qu'il ne peut y en
avoir d'autre entre des républicains et des esclaves que du canon et
de la bayonnettc, que ce Simonin me parait beaucoup trop oflicieux,
qu'une pareille persévérance sonne très mal et est propre à faire
naître des soupçons, qu'enfin lorsqu'un ennemi battu de tous côtés a
encore rorgucilleuse prétention de vouloir imposer des lois à son
vainqueur, il ne reste qu'à le terrasser encore davantage et le mettre
lui-même sous le joug qu'il prétend imposer aux autres. »
Delbrel ne fut pas moins indigné des propositions espagnoles.
« Mon âme en est trop révoltée pour que je puisse en parler plus
longtemps, écrivait-il au Comité le 26 brumaire (16 novem-
bre 1794). Demain nous répondrons d'une manière digne de la
République, demain nous répondrons à coups de canon et de
bayonnette. > Le Comité partagea ces sentiments et écrivit le
4 frimaire (24 novembre 1794) aux deux représentants* :
Mais on trouve, au début même de ce récit, un passage où les iUusions de Godoy
sont assez TÎTement rclracées, et c'est à ce passage que Je renvoie,
l. Publié par Fcrvcl, II, p. t75.
« LlnfignatioD est an eomlik en fisanl Péorîl ijifi— »^ qpe iws
nous afez transmis. D est diiBdfe de eoneeroir m— nmt on Fraznis
apo traeer des lignes qoi présentent des idées aossi ootraseantes
poor sa nation. (Test à notre artîDene à répondre aiec un fen bien
soutenu. Disposez tont et frappez. Le Français TîetorieQx traite sans
orgueil Feunemî qui se présente arec Fattitode qui fan eonrient: fl
Toue au mépris k ¥aincn qui ose fan proposer des lois. Prenez <fes
mesures pour fiiire refenir, sur-le-«lamp, Sïmnnîn d^Kqpagiy. D
compromet la cfignité du peuple français. »
Cette lettre, dit Fenrd, n'était pas encore sortie du bureau où
die aTait été écrite, que, répondant d^aranœ à rati^uratîiXL du
Comité de salut public, Farmée des Pjrrénées orientales avait
dgà frappé. Poursuirant énergiquement son offendre sur le
territoire ennemi, Dugonmiier avec 36,000 bommes arait atta-
qué les Espagnols fiotls de 46,000 et retiancbés dans des positions
défensives autour de Figuières. Les OMubats oommenoèr»it le
17 noremlR^. La première journée frit crudle pour la France :
Dugcxnmier frit tué sur le cbamp de bataille. Arec lui disparais-
sait l'un des plus nc^iles (HÎginaux de cet âge béroîque des années
firançaises. Le premier mot d'ordre que Bonaparte donna en qualité
de {Hremier consul frit : Frédéric II et Dugonunier; Tune des
demims pensées de Napoléon à Saint-Hélène frit pour < ce
brave éi intriq)ide générale > Pérignon prit le ocxnmandement
en cbef et conduisit vigoureusement les opérations. Le 28 novem-
bre 1794, Figuières capitula. L'armée y trouva des vivres et des
munitions en abondance : « les soldats, que la faim avait pousses
au combat, dit Fervel, ne purent résister à l'ivresse d'un chan-
gement à brusque, ^ ils se livrèrent à des excès dont la plaine
de l'Ampurdan garde encof^ la trace'. » Il Csillut une nouvdle
attaque des Espagnols^de nouvdles misères pour raidre à l'armée
sa dignité et son ressort. Pérignon avait commencéle siège de Rases;
Finvestissement frit achevé le 24 novembre et cette opération
occupa la fin de la campagne. Les Français avaient été moins
heureux aux Pyrénées occidentales, et après une pointe malheu-
reuse sur Pampelune, ils frirent contraints de prendre leurs
quartiers d'hiver dans le Guipuscoa.
t. Qoalrième codkâne ao testamat, 24 afril 18^1. — Voir Ferrel, D, p. 196>
196.
t. Voir les dépêches de Delbrd. Ferrel, D, ch. zzir.
LA DIPLOMATIE FBANÇAISB ET l'B8PAG!(B. 325
IV.
La cour de Madrid. — Nouvelles tentatives de négociations.
Novembre 1794-janvier 1795.
A Madrid , la cour cherchait à s'étourdir ; Godoy se divertissait et
perdait son temps en intrigues aussi vaines que compliquées avec les
émigrés et leurs agents dans le sud de la France, avec la Russie
à laqueUe il demandait Tenvoi d*une flotte dans la Méditerranée,
avec l'Angleterre à laquelle il promettait de continuer la guerre
si on lui faisait espérer seulement des subsides. Cachait-il son
jeu? cherchait-il à dissimuler aux alliés de l'Espagne la défection
qui se préparait ? Il est difficile de le décider, et le plus probable
est qu'il inclinait tantftt vers la guerre, tantôt vers la négo-
ciation, suivant les vicissitudes des opérations militaires, les
revirements de l'opinion, les mouvements des partis à la cour et
les calculs incertains d'une ambition égoïste qui ne cherchait
dans la paix comme dans la guerre qu'un moyen de conserver le
rang de ministre et l'état de favori auxquels la passion de la reine
l'avait si scandaleusement élevé. Après Aranda qui avait payé
de l'exil son opposition à Godoy, Campomanès, survivant dis-
gracié du règne heureux de Charles III, et Valdès, le ministre de
la marine, élevaient hardiment la voix en faveur de la paix.
Cette résistance, qui irritait Marie-Louise et Godoy, les rejetait
vers la guerre; mais les conditions dans lesquelles cette guerre
se présentait, les dangers qu'ils y apercevaient pour leur règne
et pour l'État les ramenaient bientôt au parti de la paix. De là
les continuelles contradictions de leur langage et les variations
de leur politique.
Tandis que des tendances révolutionnaires se manifestaient dans
les villes et provincesenvahiesou menacéesd'invasion, la Navarre,
la Biscaye, la Catalogne surtout, irritées contre le gouvernement,
toujours prêtes à ressaisir leur ancienne indépendance, organi-
saient des juntes secrètes, levaient des milices et se préparaient à
la fois à résister à l'étranger et à s'affranchir du joug de la
royauté, détestant d'une haine égale la république française et la
monarchie espagnole. Il fallait régler ce mouvement. Le géné-
ral I^ Union avait péri comme Dugommier dans les combats
326 ALBERT SOREL.
de Figuières; son successeur, Don José Urrutia, s'efforça de
concentrer l'ardeur des Catalans : la province leva 20,000 mique-
lets et 20,000 hommes de réserve qui renforcèrent l'armée espa-
gnole. Mais cet effort était insuffisant; il aurait fallu de bien
autres ressources pour repousser définitivement et écraser les
Français. Ces ressources manquaient : la guerre avait coûté
déjà 1500 millions; l'Angleterre, avant de parler de subsides,
demandait à voir des soldats. « Les moyens ne sont pas encore
trouvés, disait Godoy au ministre anglais Jakson qui le pressait,
mais je ne m'en tourmente pas : les levées commenceront en
février, nous ferons un plan, et je vous le communiquerai. » En
attendant, Urrutia avait ordre de reprendre les pourparlers tout
en s'efforçant de rétablir l'armée. « Mes rapports doivent vous
faire une impression singulière, écrivait en février 1795 l'agent
prussien Sandoz, j'y passe alternativement du noir au blanc ! La
reine veut la paix, le roi ne veut rien du tout ; Godoy, jeune et
sans expérience, s'imagine qu'on peut faire la paix et la guerre
avec les mêmes moyens et attend je ne sais d'où une décision. »
On recueillait avec une curiosité impatiente les bruits qui com-
mençaient à courir sur les négociations engagées secrètement entre
la France et la Prusse ; on espérait trouver là un prétexte de faire
la paix avec moins d'humiliation et de sortir de la coalition, sinon
avec honneur, au moins en bonne compagnie. Godoy correspon-
dait avec Cabarrus, le père de madame Tallien, et Cabarrus
insinuait d'après ses lettres de Paris que la France traiterait
sans cession de territoire et sous la seule condition que l'Espagne
se séparerait de l'Angleterre. On cherchait à deviner les intentions
de la Prusse, on aurait voulu s'entendre avec elle. Sans s'être
entendu, on employait les mêmes procédés et on agissait, bien
qu'avec moins de suite et de résolution, de la même manière^
L'envoyé de Prusse, Harnier, avait quitté Paris le 9 janvier 1795
après avoir décidé l'ouverture des négociations officielles; le
13 janvier, le général espagnol Urrutia conviait de nouveau la
France à négocier, par une lettre adressée au général français
Pérignon. Cette lettre qui, pour le ton, rappelle celles qu'en
décembre 1794 Meyerinck et Mœllendorf adressaient à Bâcher^,
1. Banmgarten, 543-550. — Voir pour les négociations préliminaires avec la
Pmsse : La paix de Bâle, Revîie historique, tome V, ii, et tome VI, i.
2. Revue, tome VI, i, p. 57. La lettre d'Urrutia a été publiée, en traduction,
par Fain, p. 52.
LÀ DIPLOMATIE FRANÇAISE ET l'eSPAG^TE. 327
commençait par des considérations d'humanité; elle exprimait
le désir que Ton ne combattit que les soldats, « qu'on respectât le
laboureur, qu'on le laissât tranquille dans sa chaumière, » enfin
que la guerre perdît le caractère sauvage qu'elle avait pris,
surtout après la capitulation de Figuières*.
a Plût au ciel, poursuivait Urrutia, que ce conflit cessât et que
deux nations faites naturellement pour être amies revinssent à Tètre ! . . .
Notre rivalité n'a pas encore un but direct, qu'elle s'exerce donc à
des objets plus dignes que celui de répandre le sang ! Le voisinage
de TEspagne et de la France rendra toujours ces deux nations insé-
parables en commerce et en amitié. Pourquoi donc travaillent-elles
avec tant d^eflbrts à se détruire? Pourquoi nos ruines doivent-elles
être le ciment sur lequel une autre puissance, peut-être, élèverait
rédiflce fastueux de sa grandeur?. . . Je te demande que tu me répondes
sur ce point avec la ft*anchlse dont je te donne l'exemple; nous ne
sommes autorisés, toi et moi , qu'à nous fkire la guerre. Faisons-la
sans manquer à nos devoirs, mais cherchons en même temps les
moyens de faire la paix. »
Le parlementaire qui portait cette lettre était chargé d'en
remettre à Pérignon une autre qui, par son caractère noble et
touchant, mérite d'être citée et qui se rattache à l'un des épisodes
les plus singuliers de ces temps héroïques. Il y avait à Madrid
un gentilhomme qui portait l'un des plus beaux noms de France,
M. de CriUon, ancien lieutenant-général fiançais, passé au
service de l'Espagne, en 1761, lors du Pacte de famille, et fait
duc de Mahon à la suite de la prise de Minorque en 1782. Son
fils, Louis de Crillon-Mahon, servait en qualité de brigadier dans
l'armée espagnole ; il fut fait prisonnier dans un des combats autour
de Figuières, et on le prit d'abord pour un émigré ; dès que l'on
connut son nom et sa qualité, on lui rendit son épée. Âugereau,
qui avait servi sous ses ordres dans les gardes wallones, le
reconnut et le fit, sur sa demande, interner à Montpellier. Son
frère, qui était resté Français, avait siégé dans les Assemblées
parmi la noblesse libérale. Arrêté sous la Terreur, il venait
à peine d'être rendu à la liberté. Le vieux CriUon s'adressa
à Pérignon et lui demanda que son fils Louis fût renvoyé à
Madrid sur parole; il priait en même temps le général fran-
I. Cf. Fervel, II, ch. xxnr, le rapport de Delbrel sur le sic de Figoières.
328 ALBERT 80REL.
çais de faire parvenir au prisonnier la lettre suivante , datée du
30 décembre 1794* :
« Nous vous avons cru mort pendant plus de quinze jours, n'ayant
de vos nouvelles que vous étiez prisonnier et en bonne santé que par
des déserteurs auxquels je suis accoutumé à avoir peu de foi ; et dans
cette affreuse incertitude, jugez de l'état de votre bonne maman et de
notre chère Virginie. L'état de convulsion ou d'une morne douleur
dans laquelle je les vois alternativement, redoublait la mienne et
devenait plus amère par les efforts que je faisais pour la cacher et les
rassurer sur de fausses apparences. Mais, vous le dirai-je, mon
cher enfant? je suis moms à plamdre qu'elles *, mon amour pour vous,
aussi tendre que le leur, trouvait, de temps en temps, des moments
de consolation dont elles ne jouissaient pas avec moi, par la justice
que vous a rendue toute l'armée, ainsi qu'aux braves soldats du pre-
mier bataillon d'Espagne à la tète duquel vous avez resté prisonnier. . .
Il me semble que mes forces qui ne m'ont pas encore, comme tu le
sais, tout à fait abandonné, se renouvellent telles que je les avais il y
a soixante ans, à ma première campagne^, lorsque j'ai un reste d'es-
poir de voir finir cette monstrueuse guerre à mes yeux, pour en
recommencer encore une nouvelle où je pourrais encore espérer de
combattre avec les Français unis aux Espagnols contre les vrais
ennemis de nos deux nations, et sur lesquels j'ai toujours eu des
avantages personnels à moi ^ car enfin nous nous ressemblons toi et
moi par la fortune, n'ayant jamais eu, comme toi, que de légères
blessures; mais en quoi nous différons, c'est qu'en soixante et tant
d'actions de guerre où je me suis trouvé, la déroute plutôt que la
bataille de Rosbach est la seule où je me suis vu obligé de tourner le
dos à l'ennemi — soit étant au service de France, soit depuis que je
suis à celui de l'Espagne... Je t'embrasse et je t'adore comme ton
bon papa, ton meilleur ami, quoique ton ri?a] de la gloire que tu
acquiers, tandis que je reste destiné à ne faire des vœux que pour la
paix. »
U y avait un peu de Thidalgo dans cette lettre, dans la forme
surtout, mais il y avait au fond une chaleur d'àme et une géné-
rosité de sang français dont un gentilhomme libéral et un ancien
1. J'en respecte la forme, assez étrange et étrangère, mais j'ai cru devoir
rétablir l'orUiographe qui est absolument fantasque dans l'original.
2. Né en 1718, Grillon éUit entré au serTice en 1731 et avait fait, sous Villars,
la campagne d'Italie en 1733.
Ll DIPLOMATIE FRINÇAISB ET L^ESPAGIfB. 329
officier des années de Louis XVI, comme Tétait Pérignon, devait
être touché. Le vieux Grillon et lui étaient de la même race;
comme de Fiers, comme Dagobert de Fontenille, comme Dugom-
mier, Pérignon était noble et avait conquis ses grades sous l'an-
cien régime. Il semblait en vérité que cette armée des Pyrénées,
destinée à combattre sur la terre classique des épopées chevale-
resques, eût le privilège de rassembler ces Français de grand
cœur et de noble race qui, après avoir applaudi aux premières
espérances de la Révolution, ne s'étaient, lors de la tyrannie et des
proscriptions, souvenus que d'une chose, c'est qu'ils étaient B'ran-
çais et que la France courait le même danger qu'au temps des
invasions anglaises, des factions d'Armagnac et de Bourgogne,
des maillotins et des jacqueries; comprenant, pour l'honneur de
la vieille France et le salut de la France nouvelle, qu'il fallait
agir non pour le siècle, mais pour l'avenir, que le premier devoir
était de maintenir l'intégrité de la France, et qu'on ne pouvait
la maintenir qu'en combattant pour la République; réalisant
enfin, par instinct plutôt que par calcul, l'hypothèse où, selon
l'étrange et pénétrant aveu de Joseph de Maistre, un philosophe
inspiré aurait dicté aux armées françaises la conduite qu'elles
devaient tenir en cette crise suprême de leur patrie*.
La lettre d'Urrutia et la lettre de Grillon furent communiquées
aux représentants du peuple près l'armée des Pyrénées. Ils pen-
sèrent qu'à des titres divers, ces deux lettres témoignaient de
dispositions dont le Gomité de salut public devait être instruit, et
les deux lettres furent envoyées à Paris, le 16 janvier 1795. Mais,
suivant les dernières instructions du Gomité de salut public, con-
vaincus qu'il fallait forcer l'Espagne à « demander ouvertement
la paix » et rêvant de la « dicter dans Barcelone », ils avaient
fait adresser à Urrutia, par Pérignon, le 15 janvier, une lettre
qui ne correspondait en rien ni aux sentiments élevés, ni aux
tendances pacifiques dont le général espagnol s'était inspiré*.
« Je connais comme toi les lois de l'humanité. Je connais celles de
la guerre et je saurai me renfermer dans le cercle qu'elles me pres-
crivent; mais je connais aussi l'amour de mon pays, et partout où
je trouverai des hoounes armés contre sa liberté, mon devoir est de
1. Voir de Maistre, Considérationt tur la France, 1797, ch. u.
2. Pérignon an Comité, les représentants an Comité, 27 vent^ an III (16 jan-
▼ier 1794).
330 ALBERT SOREL. — LA DIPLOMATIE FRANÇAISE ET L'ESPAGNE.
les combattre, même jusque dans les chaumières... Je n'ai pas le
droit dé m'ériger en conciliateur; je ne suis ici que pour me battre.
Si le gouvernement espagnol a des propositions à faire à la Républi-
que, c'est à la Convention nationale ou à son Comité de salut public
qu'il doit s'adresser directement ^ >
Cette lettre péremptoire était loin de répondre aux dispositions
dans lesquelles se trouvait le Comité de salut public lorsqu'il en
eut connaissance.
Albert Sorel.
{Sera continué. )
1. Fain, p. 56. C'est par erreur que Fain donne à cette lettre la date du
26 mars an III.
MELANGES ET DOCUMENTS
DÉPORTATIONS DE PRÊTRES
sons LE PREMIER EMPIRE.
I.
Au début de Tannée 4 84 4 , le conflit engagé entre Napoléon et le
pape était depuis longtemps arrivé à son état le plus aigu. Pie Vil,
après avoir protesté contre Toccupation des États pontificaux, après
avoir lancé l'excommunication contre Napoléon, avait été enlevé de
Rome, conduit à Grenoble, puis à Savone, où il vivait séquestré,
sans conseillers, sans rapports avec quiconque au dehors, sous la
surveillance de M. de Chabrol, préfet de Montenotte, et de Tofflcier
de gendarmerie Lagorse ; on lui avait enlevé jusqu'à ceux de ses
domestiques en qui il paraissait avoir confiance. On avait arrêté et
conduit à la forteresse de Fenestrelles le valet de chambre qui lui
servait de barbier. On avait perquisitionné jusque dans son apparte-
ment de prisonnier -, on avait forcé son secrétaire; on Tavait obligé
à remettre au gendarme Lagorse « l'anneau du pêcheur ». Il avait
obéi, et il avait livré l'anneau, après l'avoir brisé en deux morceaux.
Le sacré-collège avait été amené en poste à Paris. On avait
intimé aux cardinaux Tordre d'habiter la capitale de Tempire-, on
avait fixé leur traitement à 30,000 firancs, et on leur avait (kit com-
prendre qu'il serait imprudent de refuser cet argent Les cardinaux
di Pietro et Gabrielli étaient détenus à Vincennes; des évêques, des
prêtres allaient prochainement passer par la même prison. Un certain
nombre de cardinaux ayant osé s'abstenir d'assister en grand
costume à la messe de mariage de Napoléon et de Marie-Louise, cette
protestation contre le second mariage célébré par l'empereur du
vivant de sa première femme avait été considérée conune une néga-
tion anticipée de la légitimité desenfknts à naître de cette union-, les
cardinaux qui avaient ainsi laissé entendre qu'à leur sens, le futur
roi de Rome serait un bâtard, avaient été conduits chez le ministre
de la police, incarcérés, dégradés de leurs dignités ecclésiastiques,
enfin confinés par groupes de deux ou trois dans différentes villes de
Tempire, avec obligation de se vêtir d'une soutane noire comme de
332 HéLANGES ET DOGUMBUTTS.
simples prêtres, ce qui les fit désigner longtemps sous le nom de
a cardinaux noirs ». D'un bout à Tautre de Timmense empire, ce
n'étaient que prêtres mis en prison, séminaristes envoyés dans les
régiments : cela, malgré la docilité épouvantée avec laquelle dans
presque tous les diocèses le clergé catholique accueillait les ordres du
despote.
Pourtant le pape continuait la lutte : son arme principale était le
refus de l'institution canonique aux évêques nommés par l'empereur,
refus qui allait mettre ce dernier dans la nécessité de convoquer un
concile national, pour arriver à créer un modus vivendi. L'arche-
vêque de Paris, Maury (i'ex-orateur de la Constituante), non institué
par le pape, ne pouvait arriver à se faire reconnaître par son chapitre
métropolitain. L'abbé d'Astros, armé d'un bref papal, menait l'oppo-
sition contre lui ; Maury ne s'était débarrassé de cet adversaire qu'en
le conduisant lui-même dans sa propre voiture chez le ministre de
la police générale, pour le faire mettre en prison.
Malgré la surveillance incessante du duc de Rovigo, les brefs du
pape refusant l'institution aux évêques récemment nommés circu-
laient en France, colportés d'un diocèse à l'autre par des associations
occultes.
La guerre ainsi s'éternisait; elle avait pris un caractère particu-
lièrement violent en Italie; dans la Toscane (alors sous la domination
d'une sœur de Napoléon, la princesse Elisa), où M. d'Osmond, cvêque
non institué, avait affaire à un clergé très soumis aux prescriptions
des récents brefs pontificaux, et dans les territoires enlevés au pape,
où tout l'ancien gouvernement ecclésiastique vivait dans un état de
sourde insurrection, ne touchant pas les appointements offerts par la
nouvelle autorité, vivant de ressources dont l'empereur était furieux de
ne pouvoir découvrir l'origine, et se refusant à prêter serment au « gou-
vernement intrus ». Les documents que l'on va lire, et qui tous
proviennent des archives du ministère de la Marine, font connaître
un important épisode de cette lutte des clergés romain et toscan
contre Napoléon.
De 484^1 à 4844, un grand nombre de prêtres italiens furent, par
l'ordre direct de l'empereur, transportés en Corse et à Caprera, soit
pour avoir protesté contre Pinvasion des États romains, et refusé le
serment aux nouvelles autorités, soit pour s'être rangés du côté du
pape dans sa lutte contre les évêques non institués. M. d'Hausson-
ville dans son important travail, VÊglise romaine et le premier
empire^ a connu le fait de cette déportation; il a retrouvé, on le sait,
un grand nombre de lettres de l'empereur (non insérées dans la
correspondance de Napoléon I*') parmi lesquelles trois, très courtes,
D<PORTATIOIfS DE PRÊTRES SOUS LE PREMIER EMPIRE. 333
sont relatives à renlëvement du clergé romain, toscan et parmesan ^
Les recherches que j'ai pu faire dans la correspondance du ministère
de ]a Marine me permettent d'entrer dans le détail de ce curieux
chapitre de la tyrannie impériale. Les trois lettres citées par
M. d'Haussonville donnaient à penser que la déportation prescrite par
Tempereur avait dû frapper environ deux cents prêtres, et n'avait
sévi que de février à mars 4844. On va voir que la proscription
s'étendit sur un nombre beaucoup plus considérable d'individus, et
qu^elle ne subit aucune interruption, depuis janvier 4844, jusqu'à
l'entrée des alliés à Paris.
Disons d'ailleurs que pendant le consulat et l'empire, la Corse ne
cessa guère d'être un lieu de relégation. La marine fut successivement
chargée d'y transporter « le nommé Jean-Baptiste Ornano, frère du
législateur de ce nom », amené pour cela par la gendarmerie, de
Lyon à Toulon (an IX), puis « les réfugiés malthais », que l'on ne
semble pas avoir consultés bien sérieusement sur la question de savoir
s'il leur convenait d'aller cultiver des concessions en Corse (an X),
puis de nombreux noirs faits prisonniers à Saint-Domingue et dans
d'autres colonies, pour lesquels des bagnes furent créés en Corse et
à Tile d'Elbe^. Napoléon, en ordonnant l'internement des prêtres
italiens dans différentes îles de la Méditerranée, continuait donc sim-
1. Voici le texte des trois pièces citées par M. d'HaassonvilIe (tome III,
Pièces justificatives) :
L'empereur au ministre des cuUes.
3 février 1811.
M. le comte, donnez ordre au préfet du département du Taro de choisir les
SO prêtres les plus mauvais qui sont à Parme et 50 des plus mauvais de Plai-
sance... Ces prêtres doivent être embarqués pour la Corse.
Idem à idem.
17 février 1811.
Quant aux sieurs Boni, Ascensi et Toni, qui n'ont pas prêté serment,
dirigez-les sur Toulon, et là seulement vous leur ferez signifier qu'ils vont en
Corse. Vous donnerez des ordres pour leur embarquement.
Idem à idem.
2 mars 1811.
M. le comte, je désire que 100 autres prêtres des plus mauvais soient dirigés
de Parme et de Plaisance sur la Spezzia^ et de là embarqués pour la Corse.
Faites part de ces mesures au ministre de la police et envoyez en Corse les fonds
nécessaires. Écrivez au général Morand, pour que tous ces prêtres soient débar-
qués à Bastia et réunis tous sur un seul point.
2. Je trouve dans les contrôles de ces bagnes, où les détenus, tous déportés
c administrativement i par les gouverneurs des colonies, étaient employés à des
travaux de terrassement sous les ordres du génie militaire, des noirs qui avaient
été officiers supérieurs dans les armées de la République. J'y trouve le nègre
Annecy, ex-membre du conseil des Anciens, honoré en l'an VII des fonctions de
secrétaire de cette assemblée ; il était accusé (par une lettre du général Leclerc)
d'avoir participé c par ses discours • à l'insurrection de Saint-Domingue.
334 MELANGES ET DOCUMENTS.
plement à donner à ces parties de son empire une affectation qu'elles
avaient reçue depuis longtemps-, on s'explique du reste un pareil
choix quand on songe aux risques de guerre que les déportations
exécutées dans des contrées plus lointaines faisaient courir aux
navires de la marine impériale ^
Les premiers ordres de Tempereur motivèrent entre la police
générale et la marine d'abord, entre le ministère de la marine et ses
divers agents italiens ensuite, un échange de lettres qu'il faut lire.
Elles montrent bien la soumission, l'obéissance en quelque sorte
militaire qui accueillaient, du haut en bas de PécheUe administrative,
les ordres- les moins avouables du gouvernement. Pendant plus de
trois années, des prêtres sont arrêtés par centaines, sans jugement,
jetés sur des navires, déportés uniquement pour avoir laissé percer
des opinions différentes de celles de l'empereur en matière de disci-
pline ecclésiastique, ou tout au plus pour avoir reftisé de prêter
serment aux autorités de l'empire dans des territoires tout récemment
envahis^ une foule de fonctionnaires militaires et civils sont appelés
à prêter les mains à cette exécution sommaire qu'aucune loi n'auto-
risait, et dans la volumineuse correspondance dont on va lire le
résumé on ne trouve pas trace d'un reftis de concours, pas trace de
Tobservation la plus timide, pas trace d'une absence de zèle; tant il
est vrai que dix ans de despotisme césarien avaient abaissé les
caractères.
Je ne serai ici qu'un éditeur de documents. On comprendra que je
m'en tienne à ce rôle : raconter ce qui va suivre, sans appuyer mes
dires sur des textes authentiques, serait m'exposer au soupçon
d'avoir exagéré les faits si peu connus dont je dois parler; et je ne
saurais entourer ces textes des considérations générales et des
réflexions particulières qu'ils sont de nature à suggérer sans dépas-
ser, d'une façon notable, les proportions habituelles d'un article
de revue. D'ailleurs le dossier que j'apporte est si compact, les pièces
qui le composent se lient si étroitement les unes aux autres, elles
suivent si rigoureusement l'ordre chronologique, que par elles-mêmes
elles constituent le récit le plus clair et le plus logiquement conduit-,
la narration parallèle dont je serais tenté de l'accompagner ne pour-
rait qu'en alourdir la marche. L'historien, c'est là l'important, trou-
vera dans ce travail les moyens d'ajouter, à notre histoire générale,
une page intéressante et neuve. Ma tâche se réduit à lui en offrir les
éléments.
i.
sait que les deux i
|ui à transporter aux tles Séchelles
une
de Dro8crits répuoj
^ ni^ e furent pris et coulés par les
Angl
uehist.,t '
in r,)
DEPORTATIONS DB PRETEES SOUS LE PRBIIIBR EMPIEB. 835
Voici les lettres ministérielles qui annoncent la nouvelle dépor-
tation, et qui en organisent Fexécution :
Le ministre de la Police générale au ministre de la Marine.
Cabinet du ministre.
Paris, 4 janvier 1811.
Monsieur le comte, 8a Majesté m'ayant fait connaître que son inten-
tion était d'éloigner du continent les prêtres turbulents et perturbateurs
des départements de Rome et du grand-duché de Toscane, et de les
envoyer en Corse, j'ai invité 8. A. I. M™« la grande-duchesse de Tos-
cane et M. le gouverneur général des États romains à les faire conduire,
pour ce qui regarde la Toscane, à Livourne ou à la 8pezzia, et pour les
départements de Rome, à Civita-Vecchia. Mais le service des bâtiments
destinés au transport de ces individus en Corse dépendant du ministère
de V. £., je la prie de vouloir bien donner des ordres pour qu'il soit
organisé, et elle m'obligera de m'indiquer à quelle époque ces bâtiments
pourront être disponibles.
Le duc DE RoviGo.
En marge, le ministre de la Marine écrit cette note : « A M. Jurien :
voir les bâtiments dont on peut disposer sur les lieux. »
Marine à Police générale.
10 janvier 1811.
Monsieur le duc, j'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur
de m'écrire le 4 de ce mois, par laquelle V. E. me prévient que d'après
des ordres de l'empereur, des prêtres turbulents et perturbateurs des
ci-devant États romains et du grand-duché de Toscane devant être éloi-
gnés du continent seront conduits à la 8pezzia, â Livourne et à Civita-
Vecchia pour être envoyés en Corse.
J'ai prescrit aux commissaires do la marine dans chacun de ces trois
ports de se concerter immédiatement avec les autorités auxquelles ces
prêtres seront remis, jusqu'au moment de leur embarquement, afin
qu'ils règlent les dispositions relatives à leur transport sur le nombre de
personnes qui seront à envoyer en Corse.
Il conviendrait donc que V. E. voulût bien ordonner â ces fonction-
naires de s'entendre à cet égard avec les commissaires do la marine
auxquels ils devront remettre des listes nominatives des individus à
transporter en Corse, ainsi que les dépêches adressées aux autorités de
cette île, sous la surveillance desquelles ces prêtres devront être placés.
Les bâtiments qui pourront être destinés â ce transport seront choisis
parmi ceux qui sont constamment employés â la protection de la côte
et du cabotage ; ainsi leur expédition (en partant de la Spezzia ainsi
que de Livourne) ne devra point éprouver de retard, attendu que s'il ne
s'en trouvait pas dans le port au moment de la réception de mes ordres,
on y rappellerait ceux qui seront jugés convenables pour cette opération.
Mais comme il n'existe à Civita-Vecchia que des canonnières ou de
336 miSlangbs et documents.
très petits avisos, j'ai prescrit au commandant et au commissaire de la
marine de demander immédiatement à Livourne le bâtiment qui pour-
rait être nécessaire, dans le cas où ceux qui sont aujourd'hui à leur
disposition ne seraient point jugés propres à un tel service.
PRÊTRES A FAIRE TRANSPORTER EN CORSE.
Marine à MM. Lebas de Sainte -Croix, commandant militaire de la
marine, et Stamaty, commissaire de marine, à Givita-Vecchia.
Paris, 10 janvier 1811.
Pour vous seuls.
Je vous préviens, Messieurs, que des prêtres turbulents et perturba-
teurs des ci-devant États romains doivent, d'après des ordres de l'em-
pereur, être éloignés du continent et envoyés en Corse : ils seront con-
duits à Civita-Vecchia pour être transportés à leur destination.
Vous devrez en conséquence vous entendre avec les autorités mili-
taires ou civiles auxquelles ces prêtres seront remis, afin de connaître
le nombre de ceux au transport desquels vous aurez à faire pourvoir et
de concerter les mesures convenables pour leur translation à bord du
bâtiment sur lequel ils devront être embarqués.
Vous aurez soin de demander à ces autorités de doubles listes des
prêtres qui seront à transporter en Corse ; ces listes, qui devront indi-
quer les prénoms, nom, âge et qualité de chaque personne, seront
remises par vous au commandant du bâtiment qui en laissera une à
Tofficier militaire ou civil auquel il remettra ces prêtres lors de leur
débarquement en Corse, et il rapportera l'autre liste à la suite de laquelle
sera le récépissé de cet officier; vous m'adresserez une copie de ces listes.
Ces mêmes autorités devront également vous remettre les dépêches
adressées aux fonctionnaires supérieurs en Corse, sous la surveillance
desquels ces prêtres seront placés, et le capitaine du bâtiment sera por-
teur de ces dépêches qu'il remettra sur récépissé au chef militaire ou
civil du port où il abordera.
Comme il ne se trouve à Civita-Vecchia que des chaloupes canon-
nières ou de petits bâtiments qui pourraient ne pas convenir pour ces
transports, je vous autorise à faire la demande au commissaire de
marine chargé du service à Livourne, d'un bâtiment propre pour cette
opération ; vous lui en désignerez l'espèce, d'après les renseignements
que vous aurez obtenus sur le nombre d'individus au transport desquels
vous aurez à faire pourvoir. Je préviens à l'avance le commissaire de
Livourne de la demande que vous pourrez avoir à lui adresser à cet égard.
Dès que vous serez fixé sur le bâtiment qui devra être employé à ce
transport, vous en informerez les autorités locales en leur faisant con-
naître l'époque à laquelle il sera à votre disposition et vous m'en ren-
drez compte.
Une ration sera délivrée par jour à chacun des prêtres passagers aux-
quels je vous autorise à faire payer en outre une somme de 2 fr. par
DlfpORTlTIONS DB PRÊTRES SOUS LB PRBMÎBR EMPIRE. 337
jour à compter de celui où ils seront embarqués jusqu'au jour de leur
débarquement. Je n'ai pas besoin de vous observer que ces individus
ne devront être conduits à bord que lorsque le b&timent sera absolument
prêt à mettre sous voiles.
A moins que les vents ou l'ennemi ne le contrarient dans sa route,
le commandant devra atterrir sur la côte orientale et débarquer les pas-
sagers à Bastia, si toutefois il n'est pas forcé de mouiller entre ce port
et le cap Corse, et aussitôt qu'il les aura remis à la disposition des
autorités locales, il devra revenir à Givita-Vecchia et m'adresser un
compte-rendu de sa mission.
Veuillez apporter, Messieurs, la plus grande célérité dans les dispo-
sitions que vous aurez à prendre d'après celles contenues dans cette
dépêche, afin que les ordres de S. M. n'éprouvent aucun retard dans
leur exécution ; il importe surtout que vous ne perdiez pas un seul
moment dans la demande que vous avez à faire d*un bâtiment à
Livourne, si, comme je le présume, vous n'en avez point de convenable
à votre disposition à Givita-Vecchia.
Je vous renouvelle au surplus la recommandation de me tenir exac-
tement informé de tout ce que vous ferez relativement à ces transports,
afin que je sois en état de rendre à S. M. des comptes prompts et exacts
sur ces opérations.
Marine à M. le commissaire principal de marine à la Spezzia, à M. le
commissaire de marine à Livourne, à M. I^bas de Sainte-Groix, com-
mandant militaire, et à M. Stamaty, commissaire de la marine, à
Givita-Vecchia.
Paris, le 12 janvier 1811.
Je confirme, Messieurs, les ordres que je vous ai adressés le 10 de ce
mois sur les dispositions que vous avez à prendre pour faire transporter
en Corse des prêtres turbulents et perturbateurs que l'intention de S. M.
est d'éloigner du continent.
J'ajoute à ces premiers ordres que des conscrits réfractaires pourront
aussi être mis à vos dispositions pour être également envoyés en Corse,
et 8. M. veut qu'aussitôt que les autorités militaires ou civiles auront
réuni un nombre suffisant, soit de prêtres, soit de conscrits, à trans-
porter en Corse pour composer l'expédition d'un bâtiment (aviso, brick,
ou autre petit bâtiment), vous fassiez embarquer aussitôt les [lassagers
et que vous fassiez partir le bâtiment pour sa destination sans attendre
de nouveaux ordres.
En marge de la minute de cette lettre je trouve ces mots : « Ordre
de l'empereur du 11 janvier 1811. »
A marine.
La Spezzia, le ... janvier 1811.
Monseigneur,
J'ai l'honneur d'accuser réception à V. £. de ses deux dépêches
Hev. IIistor. XL '2« fasc. tl
338 MlÎLiNGES ET DOCUMENTS.
secrettes, et par l'estafette, en date des 10 et 12 de ce mois, concernant
le transport à effectuer en CSorse de prêtres turbulents et perturbateurs
des ci-devant États romains et du grand-duché de Toscane, ainsi que
de conscrits réfractaires qui doivent être remis ici aux autorités mili-
taires et civiles; l'une m'est parvenue le 18 au soir et Tautre seulement
ce matin.
Ces autorités avec lesquelles V. E. m'a ordonné de m'entendre à ce
sujet, n'ont encore aujourd'hui aucune connaissance du nombre à
embarquer, ni même le moindre avis de cette expédition ; néanmoins
j'ai prescrit toutes mesures préparatoires possibles dans la circonstance
pour que les bâtiments de l'État, dont ce port peut disposer, soyent
prêts à recevoir ces passagers dès qu'il y en aura un nombre suffisant
pour l'un d'eux au moins, et qu'il mette aussitôt à la voile pour sa des-
tination.
J'aurai l'honneur de rendre compte à V. £. des résultats au fur et à
mesure qu'il y aura lieu.
Le commissaire principal,
Pernetti.
 marine.
Livoume, le 19 janvier 1811.
Monseigneur,
J'ai l'honneur d'accuser réception à V. E. de ses dépêches secrètes
du 10 du courant.
.... Je ne peux disposer pour le moment que des bâtiments ci-après
(suit rénumération de ces navires).
Un de ces bâtiments sera envoyé à Givita-Vecchia aussitôt que
MM. Lebas Sainte-Croix et Stamaty m'en auront fait la demande....
Je me conformerai, au surplus, à toutes les dispositions prescrites
par ces dépêches, et j'aurai l'honneur de rendre compte à V. E. des
expéditions qui seront faites de Livoume.
Le commissaire-chef maritime,
Bérard.
A marine.
Livourne, le 26 janvier 1811.
Monseigneur,
MM. Lebas Sainte-Croix et Stamaty venant de me faire la demande
de la goélette l'Éclair, j'ai l'honneur de rendre compte à V. E., confor-
mément à sa dépêche du 10 courant, que je donne aujourd'hui l'ordre à
M. Marquis, commandant cette goélette, de faire voile pour Civita-
Yecchia, où il sera à la disposition de MM. Sainte-Croix et Stamaty.
D'après une lettre que j'ai reçue par le courrier de ce jour, cette goé-
lette se trouvait le 15 à San-Stefano.
J'adresse, à l'administrateur de la marine de ce quartier, l'ordre pour
M. Marquis et j'en envoyé une expédition à l'île d'Elbe, parce qu'il est
possible que depuis il se soit rendu à Porto-Ferrajo.
Bérard.
DEPORTATIONS DE PRÊTRES SOUS LE PREMIER EMPIRE. 339
Marine à Lohas Sainle-Croix et Stamaty.
4 février 1811.
.... Vous avez vu par mes dépôches des 10, 12, 30 ot 31 janvier der-
nier, qui toutes sont relatives au transport en Corse de prôtres et de
conscrits réfractaires, que des dépenses do cette nature vont avoir lieu
à Civita-Vecchia.
Vous voudrez bien m'en adresser l'état au l» juillet prochain pour
le [•' semestre de la présente année 1811, et successivement de six mois
en six mois.
Cet état devra être divisé en deux parties : la première comprendra
les dépenses pour affrètement de navires du commerce, et la seconde,
les dépenses pour rations fournies sur des bâtiments de S. M. à des
passagers étrangers à la marine.
Je crois n'avoir pas besoin de vous observer que Tenvoi périodique et
régulier des états dont il s'agit ne doit pas vous dispenser de me rendre
successivement compte des transports de conscrits et de prêtres réfrac-
taires effectués en Corse, et je me réfère à cet égard à mes dépêches
déjà citées des 10, 12, 30 et 31 du mois dernier.
Personnes à transporter de Gênes et de la Spezzia en Corse.
Marine à police.
4 février 1811.
J'ai oublié, mon cher collègue, de vous prévenir qu'il sera convenable
que vous pourvoyez (sic) à ce qu'il soit embarqué des couvertures et des
matclats pour vos 50 voyageurs et qu'on leur fasse aussi embarquer
quelques vivres frais, attendu que quelques mesures (jue je prenne, je
ne pourrais leur procurer que la ration de mer sur d^aussi petits bâti-
ments.
Bureau particulier du ministre.
A marine.
Gênes, le 11 février 1811.
Monseigneur,
J'ai rer.u la dépôclie secrète que vous m'avez fait l'honneur de m'adrcs-
ser le 4 de ce mois ; voici les dispositions que j'ai faites pour assurer
l'exécution des ordres qui en font l'objet.
L'Adomx et le Janus étaient prêts à mettre mer pour transporter des
conscrits en Corse. J'avais affrété un navire particulier qui en aurait
pris 140 et (jui aurait mis à la voile sous l'escorte des deux bricks. J'ai
annulé l'alTrètement de ce navire, qui n'avait fait aucune dépense, et
j'ai changé la destination des deux bricks.
Le Janus va se rendre à la Spezzia ; il sera, ainsi que le brick la
Ligurie et la mouche, employé au transport des passagers qui doivent
être dirigés sur ce port.
Je réserve ici l'Adonis. Le Renard ne doit pas tanler à rentrer. Ils
S4D viLA5GBS ET DOCUMENTS.
seront l'un et Tautre employés au transport des passagers qui doivent
être dirigés sur Gènes. M. le préfet et M. le commissaire général de
police ne sont pas encore fixés sur Tépoque de l'arrivée.
V. E. peut être assurée que je me conformerai exactement à ses ins-
tructions et qu'on aura pour les passagers tous les égards que comporte
leur situation.
Le commissaire principal^
FONTAINB.
SecretU.
A marine.
La Spezzia, le i5 février 1811.
Monseigneur,
Dès la réception de la dépêche dont V. E. m'a honoré le 4 de ce mois
au sujet des 50 passagers à embarquer ici pour la Corse à leur arrivée,
j'ai prévenu, ainsi qu'il m'était ordonné, M. le commissaire général de
police à Gènes, des mesures préparatoires qu'il convenait qu'il voulût
bien prendre, et me suis concerté, pour le bâtiment surtout, avec M. le
commissaire principal de ce chef-lieu, de qui j'apprends que M. Joly
Clerc se rend lui-même à la Spezzia pour y recevoir et me remettre ces
passagers.
Je prie V. E. d'être bien persuadée d'avance que je m'entendrai avec
cette autorité pour le succès de sa mission et que j'exécuterai et ferai
exécuter d'ailleurs, par tous les moyens, toutes autres dispositions y
relatives qui peuvent dépendre plus particulièrement du service que
vous m'avez confié.
Les mêmes 50 passagers, sans doute, viennent de m 'être annoncés
directement par une dépêche du 5 de S. E. M. le ministre des Cultes.
J'aurai l'honneur de rendre compte à V. E., dans le temps, des
résultats.
Pernbtti.
Ainsi, toutes les mesures sont prises pour assurer Texécution des
ordres de l'empereur. Les prêtres amenés, soit à Livourne, soit à la
Spezzia, soit à Civita-Veochia, vont être envoyés au lieu de leur relè*
gation. La lecture des nombreux documents qui constatent les départs
successifs de ces bannis serait fisistidieuse. Je prendrai dans cette
correspondance de quatre années tout ce qui peut servir à indiquer
la nature des moyens employés, tout ce qui peut aider à évaluer [k
peu près exactement) le nombre des personnes frappées; enfînj em-
prunterai à ces lettres les très rares incidents qu'elles relatent de
loin en loin. Pour le reste, une simple analyse sufQra. Quant à
demander à ces dossiers autre chose que des Mis, des chiffres et des
dates, il n'y ikut pas songer. Ils ont la sécheresse administrative que
DiSP0RTATI0!I8 DE PEÊTEBS SO0S LE PRSMIBR EMPIRE. 341
•
l'on doit nécessairement attendre d'une série de procès-verbaux
émanés d'agents secondaires et irresponsables. Ce qui leur donne de
l'intérêt, c'est qu'ils fixent avec précision les contours d'un événement
que l'on ne connaissait jusqu'à présent que par les brèves énonciations
contenues en dix lignes de la correspondance inédite de Napoléon.
La déportation corse entre désormais dans Tbistoire générale de
l'empire, avec l'aspect d'illégalité flagrante et d'inqualifiable bruta-
lité qui est le caractère constant de la conduite tenue par le gouver-
nement impérial envers les membres des divers partis opposants
qu'il a successivement frappés.
Mais lisons les pièces :
A marine.
Livoume, le 9 février 1811.
.... M. le commissaire général de police m'a prévenu que des prêtres
appelés Minucci et BastiancUi sont arrivés et qu'il m*en sera fait remise
lorsque d'autres prêtres qu'il attend de Florence et de Rome seront éga-
lement ici. La goélette la Levrette est prête à les recevoir.
Bérard.
Idem à idem.
17 février 1811.
... Le brick le Renard expédié de Gènes pour porter à BastiaTO cons-
crits, ayant relâché ici, j'ai profité de cette occasion pour faire embar-
quer les trois prêtres Minucci, Bastianelli et Pacini, qui m'ont été
remis par M. le commissaire général de police et dont la liste est ci-
jointe.
Ce brick, parti aujourd'hui avec un vent favorable, devant repasser
à Livourne, M. Daudin, qui le commande, rendra compte de sa mission
à V. E. aussitôt qu'il sera de retour, d'après les instructions qui lui ont
été données conformément à votre dépêche du 10 janvier.
Bérard envoie le rapport du capitaine du Renard, Voici ce
document :
A bord du brick de S. M. le Renard, en rade
de Livourne, le 20 février 1811.
Rapport à S. E. Mgr le ministre de la Marine sur la translation en
Corse de prêtres turbulents.
Monseigneur,
J avais appareillé de Gênes le 5 du courant afin de chasser pour la
deuxième fuis depuis quinze jours un brick ennemi qui avait paru près
de la Spezzia, et j'avais embarqué en même temps un détachement de
70 conscrits réfractaircs destinés pour la Corse. Après avoir croisé pen-
dant cinq jours sans rien rencontrer, je fus contraint par les vents de
342
MELANGES ET DOCUMENTS.
S. 0. de mouiller à Livourne, où je reçus de M. le chef militaire l'ordre
de transporter en Corse les trois prêtres dont les noms sont portés sur
la liste ci-jointe. Les vents contraires ayant retardé mon départ, je ne
pus recevoir ces individus à bord que le 17, à 2 heures après midi, et
le lendemain, à la pointe du jour, je les avais débarqués à Bastia et
remis à la disposition de M. le préfet du département du Golo. Je ne
me suis point arrêté à Bastia, et ayant prolongé ma bordée jusque sous
Pile Januti et le mont Argental, point de croisière ordinaire des cor-
saires ennemis, je suis revenu mouiller aujourd'hui sur la rade de
Livourne, en passant par le canal de Piombino, sans rien rencontrer. Je
continue ma route pour Gênes, où je dois prendre de nouveaux déta-
chements de conscrits réfractaires également destinés pour la Corse.
Gh. Baudin des Ardennes.
Commissariat général de police ^
Livourne, le 15 février 1811.
État nominatif des ecclésiastiques mis à la disposition de M. le commis-
saire-chef maritime pour être transportés à l'île de Corse par ordre
supérieur.
Noms.
Prénoms.
Aqe
30
48
34
Qualités.
Lieu
naissance.
X de
domicile.
MiNUCGI
Ferdinand
chanoine
Florence
Florence
Bastianelli
Jean-Baptiste
curé à Regollo
et secrétaire
du comité
de vaccine
Regello
Regello
(Arno)
Pagiw
Augustin
ex-religieux de
l'ordre de S»-
Augustineten
dernier lieu
curé de l'église
deS*-Augustin
Pistoja
Arrezo
(Arno)
Certifié par le soussigné, auditeur au Conseil d'État, commissaire
général de police à Livourne.
Signé : Delamalle.
Pour copie conforme, le commissaire chef maritime,
Bérard.
Nota. — Ces prêtres ont été embarqués le 17 février sur le brick le
Renard, qui a mis à la voile le même jour pour Bastia.
(Le 22 février, le Renard était de retour à Grênes.)
1. Un mot sur les quelques listes de déportés qui vont suivre- J'ai fait le
possible pour en prendre des copies correctes; il faut cependant noter que j'ai
DEPORTATIONS D£ PEèTRBS SOUS LB PREMIEl EMPIRE. 343
Gènes à Marine.
22 février 1811.
.... Le brick l'Adonis a mis ce matin à la voile ayant à son bord
25 des passagers * annoncés par votre dépêche du 4 de ce mois. 19 d'entre
eux sont arrivés ici avant-hier au soir. Le surplus fait partie d'un
second convoi de 12, arrivé hier au soir. Il en reste ici 6 qui partiront
avec ceux composant un troisième convoi que l'on attend. Ces 25 der-
niers embarqueront sur le Renard aussitôt après son retour à Gènes. Ce
brick, contrarié par les vents, a été obligé de relâcher à Livoume, d'où
il est sorti le 17, ayant pris à son bord 3 passagers de môme espèce
que lui a donnés M. Bérard.
J'ai tout lieu d'espérer, à raison de l'activité du capitaine Baudin,
que ce brick ne tardera pas à faire son retour à Gènes, et que, par con-
séquent, ceux des passagers qui restent à embarquer ne seront pas
retardés ici.
Quoi qu'il en soit, si ce retard avait lieu, il n'aurait pas dépendu de
moi de l'empêcher, puisque je n'ai aucun bâtiment qui puisse en ce
moment 8er\'ir à leur transport.
J'aurais pu en affréter un ; mais, indépendamment de ce qu'un bâti-
ment de commerce n'offrirait pas la sûreté désirable, il aurait fallu y
placer un détachement de troupes et le faire escorter par un bâtiment
armé, c'est-à-dire par V Adonis^ le seul que j'eusse à ma disposition.
Comme la totalité des 50 passagers n'est pas arrivée et qu'on n'est pas
mémo encore fixé sur l'époque à laquelle arriveront les 19 qui se trouvent
en arrière, le départ de l'Adonis eût été nécessairement plus ou moins
retardé, ce que j'ai cru devoir éviter.
.... J'attends la gabarre l'Expéditive,.,. Je ne lui donnerai la môme
mission qu'à l'Adonis que dans le cas où quelque événement me prive-
rait de la ressource du Renard^
Le commissaire principal,
Fontaine.
P. S. Au moment où je ferme cette lettre, le brick le Renard entre
dans le port.
eu parfois affaire à des écritures difficilement déchiffrables; beaucoup de
noms de lieux sont évidemment défigurés; de plus, la plupart des person-
nages étrangers portés sur les listes sont profondément obscurs, et je n'ai pu
contrôler par d'autres documents la véritable orthographe de quelques noms
propres. Cette observation porte particulièrement sur la lettre initiale de ces
noms. Les érudits italiens qui suivent la Revue historique n'auront sans
doute aucune peine à rétablir les incorrections qui ont pu m'échapper; j'accueil-
lerai leurs errata avec reconnaissance; ils me seront précieux à utiliser pour le
travail d'ensemble que je prépare sur les déportations de la Révolution, du
Consulat et de l'Empire.
1 . Je n'ai pas trouvé la liste de ces déportés. '
344 M^UNCfiS ET DOCUMENTS.
Secrette.
La Spezzia à Marine, 23 février 1811.
J'ai l'honneur de rendre compte à V. E., ainsi qu'elle me Ta prescrit
par ses dépêches des 10, 14 janvier et 4 février courant, que 48 prêtres
seulement, au lieu de 50 annoncés et arrivés successivement par convois
de 15 et 18, les 19, 20 et 22 de ce mois, à la Spezzia, transférés de suite
au lazareth de Yarignano, de concert avec M. Joliclerc, commissaire
général de police ici présent, venu exprès pour les recevoir et me les
remettre, m*ont été effectivement remis ce jour par cette autorité. Ils
ont été embarqués en nombre égal sur les bricks de S. M. le Janus,
commandé par M. le lieutenant de vaisseau Sivori, et la Ligurie, com-
mandée par l'enseigne de vaisseau Serra, qui ont mis à la voile en
notre présence, ce matin à 11 heures, par un bon vent de N. E., accom-
pagnés de la mouche n* 22, chargée des malles des passagers qui n'ont
pu être reçues à bord des bricks.
V. E. trouvera ci-joint une liste des passagers mis à bord de chacun
de ces deux bricks, présentant tous les renseignements demandés et
signée de M. Joliclerc.
J'ai donné aux capitaines des instructions particulières et secrettes à
ouvrir en mer, sur la destination et l'objet de leur mission, et leur ai
transmis les recommandations d'avoir pour leurs passagers des égards
et de bons procédés et de défendre toute communication avec les équi-
pages.
En adressant à V. E. le compte que ces bâtiments rendront de leur
mission à leur retour, j'aurai l'honneur de lui faire passer la liste qu'ils
auront rapportée avec le récépissé des autorités en Corse, ainsi que
celui détaillé des papiers et dépêches qui leur ont été confiés.
Quoique ces personnes soient arrivées un peu plus tôt et d'une manière
différente qu'elles n'avaient été annoncées ou que le présumait M. le
commissaire général de police, tout s'est passé dans le plus grand ordre
et la plus grande tranquillité, ainsi que M. Joliclerc le fait sans doute
connaître à 8. E. le ministre de la Police générale.
Ce commissaire général n'ayant pu se procurer que 20 matelats et
aucuns vivres frais, j'ai l'honneur d'informer V. E. que j'ai cru devoir
prescrire aux capitaines de se charger de la nourriture de ces passagers
dès leur arrivée, en leur accordant les 2 francs et la ration par jour,
conformément à lun des paragraphes de la dépêche du 10 janvier, et
faire prêter des magasins de la marine le surplus des effets nécessaires
pour la traversée ; à charge par le ministère de la police de rembourser
les avances faites pour la nourriture et de payer les dégradations d'effets,
s'il y a lieu, sur les états qui en seront formés dans le temps et certifiés
par qui de droit.
Pernetti.
DjfPORTATIOIfS DE PRÂTRBS SOUS LE PREMIER EMPIRE.
343
Le Janus.
État nominatif de 24 prisonniers d'État, remis, d'ordre de 8. E. le duc
de Rovigo, ministre de la police, par moi soussigné, commissaire géné-
ral de police de Gènes, à M. Pernetti, commissaire principal de marine
à la Spezzia, et par lui au s^ Sivori, commandant le brick de S. M.
I. et R. le Janus ; lesdits prisonniers devant ôtre embarqués sur ce bâti-
ment et conduits au lieu qui sera désigné dans une dépêche cachetée
et jointe au présent, laquelle ne sera ouverte par M. le commandant
Sivori qu'en mer et à 5 lieues à l'est de Tile Palmaria.
Noms, Prénoms.
MiGHELiNi (Jacquin)
Urbani (Vincent)
MicHELi (Sauveur)
Ermini (Joseph)
GiORoi (Pierre)
PiTORRi (Franc. -Marie)
MisTicHELLi (André)
ToRTOLiNi (François)
Brooi (Antoine)
CiPRiANi (François)
PiNi (Dominique)
Du A (Christophe)
TiRATERRA (François)
Urbani (Louis)
Parca (Pancrace)
Ranucci (Félix)
Anouillara (Bernardin)
Terbuzi (Marc)
Negretti (Charles)
MoRiANi (Joseph)
Spaonoli (Anastase)
Felli (Fabria)
Drizi (Joseph)
RiscALDATi (Dominique)
Aqe.
50
47
43
47
41
41
41
43
42
38
33
35
44
43
46
34
39
48
50
45
44
44
44
48
Lieu de naissance.
Qualités.
Rome (Tibre)
Soriano (id.)
Roccadipapa (Trasimène)
CoUe-Piccolo (Tibre)
Rome (id.)
Id. (id.)
Id. (id.)
Id. (id.)
Id. (id.)
Norcia (Trasimène)
Rome (Tibre)
Solero (Marengo)
Vallerano (Tibre)
Soriano (id.)
Tigliano (Trasimène) <
Soriano (Tibre)
Canipina (id.)
Terre de Serrono (id.)
Ce va (Stura)
Cauterano (Tibre)
Puganigo (Tibre)
Ricetto (id.)
Ficulle (Trasimène)
Sucano (id.)
cure
chanoine-curé
curé
id.
id.
chanoine
id.
curé
id.
id.
id.
id.
id.
chanoine
curé
id.
chanoine
curé
id.
id.
id.
id.
id.
id.
Le présent état nominatif fait quadruple et clos à la Spezzia le
23 février 1811.
Le commissaire général de police de Gènes,
JOUCLERC.
1. Peai-étre Sigliano.
346
MELANGES ET DOCUMEIITS.
N. B. — On joint à cet état une lettre adressée à Tautorité à laquelle
les prisonniers susnommés doivent être consignés.
JOLIGLERC.
Vu par le commissaire principal de marine, au Varignano, golfe de
la Spezzia, le 23 février 1811.
Peilnetti.
La Ligurie,
État nominatif de 24 prisonniers d'État, remis d*ordre de 8. E. le duc
de Rovigo, ministre de la police, par moi soussigné, commissaire
général de police de Gènes, à M. Pernetti, commissaire principal de
marine à la Spezzia, et par lui au s' Serra, commandant le brick de
8. M. I. et R. /a Ligurie ; lesdits prisonniers devant être embarqués
sur ce bâtiment et conduits au lieu qui sera désigné dans une dépêche
cachetée et jointe au présent, laquelle no sera ouverte par M. le com-
mandant Serra qu'en mer et à 5 lieues à Test de Pile Palmaria.
Noms et Prénoms.
Aqe.
46
Lieu de naissance.
Qualité
ET Profession.
Delsole (Onufre-Marie)
Rome (Tibre)
curé
Valleriani (Ferdinand)
38
Piensano (id.)
archiprêtre-curé
Boni (Louis-Marie)
49
Segni (id.)
curé
Fiorelli (Grégoire)
47
Sellano (Trasimène)
id.
Onelli (Prosper)
36
Calcade (Tibre)
chanoine
Rabu (Joseph)
52
Rome (id.)
curé
Calmet (Michel-Ange)
39
Pianiano (id.)
archiprêtre-curé
Gasconi (Louis)
55
Rome (id.)
curé
Basilici (Anselme)
42
Oanemorto (id.)
id.
Landuzzi (Thomas)
39
Rome (id.)
id.
Pezzi (Thomas)
55
Albano (id.)
chanoine
Loberti (Jean-Baptiste)
45
Id. (id.)
id.
Austini (Vincent)
48
Ganino (id.)
id.
ViTALi (Charles)
24
Aquapendente ( Trasi-
mène)
curé
De Anqelis (Philippe)
53
Ricetto (Tibre)
id.
Sebastiani (Isidore)
36
Azzano (Trasimène)
id.
Gecghi (Charles)
51
Rome (Tibre)
id.
PiLom (Pascal)
39
Patrica (id.)
id.
Battisti (Marc- Antoine)
34
Roiate (id.)
id.
Cicci (Paul)
57
Rome (id.)
id.
Fratelli (Dominique)
43
Gotte-Baccaro (Tibre)
id.
Fazzini (Bernard)
53
Rome (id.)
id.
Graziosi (Arcange)
41
Valle-Pietra (id.)
id.
Testa rPaul)
41
Ricetto (id.)
id.
DÉPORTITIOXS DE PRÊTRES SOUS LE PREMIER EMPIRE. 347
Le présent état 'nominatif fait quadruple et clos à la Spczzia, le
23 février 1811.
Le commissaire général do police de Gènes,
JOLICLBRC.
N. B. — On joint à cet état une lettre adressée à Tautorité à laquelle
les prisonniers susnommés doivent être consignés.
JOLICLERC.
Vu par le commissaire principal de marine.
Golfe de la Spczzia, au Varignano, le 28 février 1811.
Pernetti.
Marine à police générale (à Son Excellence elle-même), 8 mars 1811.
Le ministre fait part à son collègue des envois de prêtres en
Corse, effectués pendant le mois de février :
La Bpezzia à marine.
10 mars 1811.
Cinq jours après le départ de ce port de M. le commissaire général
de police de Gc^nos et celui des bâtiments chargés de transporter en
Corse les 48 prêtres dont j'ai eu Thonneur d'adresser la liste à V. E. le
23 février, deux autres sont encore arrivés ici sans y être attendus,
quoique complétant les 50 qui m'avaient été annoncés. Ils ont été jus-
qu'aujourd'hui à la charge de M. le maire de la ville qui m'en a fait la
remise ce matin pour être embarqués sur la gal>arre l'Expéditive, ayant
même destination et passant devant ce port. Cette opération a eu lieu,
ce bâtiment étant sous voile, ainsi que j'en étais convenu avec M. Fontaine.
V. E. trouvera ci-jointe la liste de ces 2 prêtres.
Etat nominatif de 2 prisonniers remis d'ordre de S. E. le duc de Hovigo,
ministre de la police, par moi soussigné, commissaire général de
police de Gênes, à M. Pernetti, commissaire principal de marine à la
Spozzia. Lesdits prisonniers devant être embarqués et conduits le
plus tôt possible au lieu qui sera désigné dans une dépèche cachetée
ot jointe au présent, laquelle ne sera ouverte par le commandant du
navire qu'en mer et à 5 lieues au 8. E. de l'ile Palmaria.
Noms, Prénoms.
AOB.
Lieux de naissance
Profession.
Testa (Félix)
Testa (Joseph)
10 mai 1782
octobre 1742
Ricetto (Rome)
Id. (id.)
curé de Ricelto
cure de Rigatti
Le présent état nominatif fait quadruple et clos à Gênes le 4 mars 1811.
Le commissaire général de police,
JOUCLERC.
On joint à cet état et dans le pli que le commandant du navire de
trans[)ort ne doit ouvrir qu'en mer, une lettre adressée à l'autorité à
la({uelle les prisonniers susnommés doivent être consignes.
JOLICLERG.
348 MELANGES ET DOCUMENTS.
Reçu les passagers ci-dessus dénommés pour être embarqués sur la
gabarre de S. M. VExpéditive^ à la voile devant le golfe.
La Spezzia, le 10 mars 1811.
Le commissaire principal,
Pernetti.
Je soussigné, lieutenant de vaisseau, commandant la gabarre de S. M.
l'Expéditive^ reconnais avoir reçu à bord les susnommés. En mer, le
10 mars 1811.
GuiLLON, lieutenant de vaisseau.
Gênes à Marine.
11 mars 1811.
... Les bricks le Renard et l'Adonis sont rentrés en ce port, le premier
le 7, et le second le 10 de ce mois, après avoir rempli leur mission en
Corse et y avoir déposé 51 prêtres et 3 domestiques.
Tous ces prêtres ont été nourris à la table des officiers. Je ferai dres-
ser un état de la dépense faite pour leur subsistance...
La gabarre l'Expéditive est partie le 9 de ce mois ayant à son bord
265 conscrits et 34 soldats du 2« bataillon du dépôt colonial... J'ai donné
ordre au capitaine de cette gabarre de recevoir, lors de son passage
devant la Spezzia, 3 prêtres^ que M. Pernetty m'a annoncé y être
arrivés après le départ des autres.
Le préfet du département de Montenotte m'en a annoncé un qua-
trième. Si, jusqu'à l'époque de son arrivée à Gênes, il ne se présente
pas d'occasions pour lui faire suivre sa destination, j'expédierai la
felouque la Gazelle pour le porter en Corse.
Fontaine.
Marine à Cultes (direction du personnel).
11 mars 1811.
Monsieur le comte, j'ai l'honneur de prévenir V. E. en réponse à sa
dépêche du 4 de ce mois, que j'avais donné le même jour au commis-
saire principal de marine à la Spezzia l'ordre de faire pourvoir au trans-
port en Corse de 100 prêtres qui devaient être dirigés de Parme et de
Plaisance sur ce port.
L'empereur, en me faisant connaître ses intentions à cet égard,
n'avait point fixé le point de la Corse sur lequel ces prêtres devaient
être débarqués. Je vois par la dépêche de V. E. que S. M. veut qu'ils
le soient à Bastia et je m'empresse d'en informer le commissaire prin-
cipal de marine à la Spezzia...
J'aurai l'honneur d'annoncer à V. E., dès qu'il m'en aura été rendu
compte, le départ des bâtiments sur lesquels seront embarqués les
100 prêtres dont il s'agit.
1. Elle n*en a embarqué que deux. V. la lettre de M. Pernetty du tO mars.
(Note du ministère de la marine.)
DiPORTlTIOffS DE PRÊTRES SOUS LE PREMIER EMPIRE. 349
Gônes à Marine.
12 mars 1811.
Je reçois à l'instant deux de vos dépêches en date du 4 de ce mois.
Par Tune, V. E. m'annonce que 100 passagers destinés pour la Corse
et dirigés sur la Spezzia doivent arriver incessamment en ce port, et
que, pour me mettre en état de faire effectuer leur transport, vous avez
donné ordre au port de Toulon de m'expédier de suite deux bricks ou
un brick et une felouque...
La gabarre l'Expéditive est arrivée ici le 28 au soir.
.... N'ayant aucune mission pressée à donner au Renard, j'ai profité
de celte circonstance pour lui permettre de réparer son grément, qui
en avait besoin...
Ce brick n'est donc pas en état de mettre à la mer, il le sera sous
8 jours, et je ne présume pas que les passagers attendus à la Spezzia
puissent y arriver pour cette époque. Le Renard sera donc, suivant toutes
les apparences, assez tôt prêt pour être employé à leur transport.
.... L'Adonis sera certainement rendu à la Spezzia avant l'arrivée des
passagers.
J'ai appris que le Janus^ la Ligurie et la mouche n^ 22 sont retenus
à Porto-Ferrajo par la présence de l'ennemi et qu'ils n'avaient pas
encore opéré le débarquement de leurs passagers en Corse. J'ai tout
lieu de supposer qu'ils auront rempli leur mission assez à temps pour
concourir au transport des passagers attendus...
Fontaine.
La Spezzia à Marine.
13 mars 1811.
Je reçois par l'Estafette les deux dépêches en date du 4 courant, dont
V. E. m'a honoré pour me prévenir que 100 prêtres et des conscrits
réfractaires doivent incessamment do nouveau arriver en ce port pour
y être embarqués.
Les trois bâtiments chargés de transporter les 48 prêtres et leurs
effets, partis le 23 février dernier, n'étant pas de retour et ne pouvant
l'être avant plusieurs jours vraisemblablement, étant encore retenus à
Porto- PYrraïo le 8 courant par le temps et l'ennemi ; le brick VEndimyon
n'ayant pu terminer, en ce moment aussi, ses réparations à Gênes, où
il est depuis trois mois à cet effet ; n'ayant conséquemment pas ici une
seule barque propre à cette opération et sachant d'ailleurs combien
M. le chef maritime à Gênes, avec lequel je me concerte, a lui-même
peu de moyens à me fournir en ce genre, j'ai l'honneur d'informer V. E.
que j'ai cru devoir en prévenir M. le préfet du Taro, chargé d'expédier
ces prêtres, d'après l'avis que m'en donne S. E. le ministre des Cultes,
et le prier de vouloir bien, afin d'éviter les inconvénients peut-être
graves qui pourraient résulter du défaut de moyen d'exécution ici, ne
les mettre en route qu'au fur et à mesure que ces moyens me seraient
assurés et que je l'en aurais prévenu.
Pernbtti.
356 siLA^KGEs rr iwmxmi.vis
Prftns me «ir le texte dies mincses».
Marioe à Bjlioe geaterale ta S. £. eile-niéme».
Pln5, il mar? ISll.
.... Taî lllOQnear de preTeoir V. £. que ^ aatres persixiaes oa& été
embaïquées ea œ dernier p'>rt (Géaes. sur & Rtnard et que œ brî^rk a
appareillé p»jar Ea C«>r5e le ?î feTrier d<*»niier.
î\ per«t>aiies »>qc «^ealemeQC été embarquées à Cirita-Veechia sur
VÈKiair, et cette goélette a appareillé poor la Corse Le ^1 du même mois i^.
Pr^treâ *t orucriti à iwyyy'rr en Oyne.
Gènes à Mariae.
{h mars 1^11.
Je a'ai p»>mt ae^etiKé de tous a»Iresser les Listes des pasi«a|eers qae les
bricks fÂdonû et U Renard oat tran5p<3rtes ea G>rse. >tiL» j'ai cm
dev*>ir, avant de tous tes faire pArrenir. attendre Le retour fie ces bdû-
ments afin de pouToir relater sur ces listes le récépissé fourni par M. le
^néral c»m mandant en G>rse.
D'ailtears la mesure relative à ces passa^^ers étant secrète, j ai peue
qu'il convenait asissi d'attendre qu'elle fàt exécutée pour Êiire transcrire
ces listes.
J'ai l'honneur de vous annoncer que le brick iÀ'ityitù est rentre hier
au *oir.-.
Le Janus, ia Lifpàne et la mouche n'ont p«3int eno>re ete sijrcules. Ces
troL* bâtiments, qui marchent fort maL ont appareiiie Le T de œ mois
fie P'jrtû-Ferrajo. Ayant épmuve des iialmes après leur ?»:'rûe, ils étaient
encure en vue de œ p«jrt Le > au matin. Je présume qu'ils ne tarde n: ut
pas à être de retour à la Spexaii. Dans «re «ras Lis prendront, o:njointe-
ment avec l'Ati,}nii. les !•» passagers qui ^ont attendus. I>ins le «:as
cuntraire, 'CAdonii prendra Les ô*) premiers arrives, et U Rfimini, qui
appareillera le l'î au matin, prendra Le reste. Ces deux derniers bâti-
ments feront certainement rendus à Leur poste a vint L'arrivée des pas-
sa^ rs, à moins t|ue les vents ne deviennent contraires. yixi< ilans ce cas
ils ne pourraient pas plus mettre à La voiLe de La Spezzia que de Gènes...
D'après ces disp«3sitions, L'eiei:ution de vos onires, pour ce «^ui con-
cerne Les !•» passa^rs, n'éprouvera aucun retani...
Livourne à Marine.
lô mars l>ll.
M. le ci>mmi:?saire générai de poIi«.*e m ayant écriï 'ju'il mettait à ma
disposition^ pour *?tre trjjisp«.>rtfs eu Cor^se, Les sieurs T«'.)reLLo Gatteschi,
1. Je a JÛ pu n>truav«r JLms le» Jiwsiers ni la comMpuoiiaiice «iitîs oiçenLf ée la
Buriiw refative 4u.\ <iéparts «les prètn>s iodiqnes ici par le miaislnî. ni les list«is
«tes déportés: la leitr^ qui suit setubie indiquer du. r«;>te que le oiiiiistn; <hî serait
pfaint «fuM Bân^ii^efice duos l^avot «ie quelques iKK'UJueDls.
DEPORTATIONS DE PR^T&SS SOUS LE PREMIER EMPIRE. 354
capucin, et Arrezzo, archevêque, et qu'il convenait de les faire partir
le plus tôt possible, surtout à cause du dernier qui se faisait trop remar-
quer du public, je les ai fait embarquer aujourd'hui sur la goélette la
Levrette, qui a pris en même temps 28 militaires destinés pour File
d'Elbe.
M. Taillade, commandant cette goi'lette, a ordre de se rendre à Bastia
aussitôt qu'il aura débarqué ces 28 soldats à Porto-Ferrajo et de faire
sans délai son retour à Livourne. Il est parti ce matin par un vent favo-
rable. Je joins ici copie de la liste de ces prêtres.
Bêrard.
Commissariat général de police,
Livourne, le 15 mars 1811.
État nominatif des ecclésiastiques mis à la disposition de M. le com-
missaire-chef maritime pour être transportés à Bastia (en Corse) et
être mis à la disposition de M. le préfet par ordre supérieur.
Noms.
Prénoms.
AOE.
55
55
QuALfrés.
Ln
DE NAISSANCE.
ÎUX
DE DOMICILE.
ToRBLLO
(Gattcschi)
Angelo
Antonio
Pasquale
ex-capucin
etcoadjuteur
de Torrinieri
Poppi (Amo)
•
Torrinieri
(Ombrono)
Arezzo
Thomas
archevêque
in partions
de Seleucia
en Asie
Orbitello
(état
de Rome)
Florence
(Arno)
L'auditeur au conseil d'État, commissaire général de police,
Signé : Delamallb.
Les deux individus portés dans l'état ci-dessus sont arrivés dans ce
port et ont été débarqués à Bastia, cejourd'hui, 19 mars 1811.
Le préfet du département du Golo,
Signé : Piétri.
Pour copie conforme,
Le capitaine de la goélette de S. M. to Levrette,
Taillade.
Un mol au sujet d' Arezzo dont le nom figure sur l'état que l'on
vient de lire. Ce personnage était depuis plusieurs années connu de
l'empereur. En 4806, Arezzo se trouvait à Dresde lorsque M. de
Thiard, ministre de France en Saxe, lui fit savoir que Napoléon, par
une lettre du 12 novembre, Tinvitait à se rendre immédiatement à
Berlin (c'était après la campagne d'Iéna). Arrivé dans cette ville,
352 MiLANGES BT IKNnJME.TTS.
Arezzo se rendit à la résidence de Napoléon, lequel commença par
lui demander ce qu'il Daisait à Dresde. Le prélat répondit qu'il était
nonce du pape à Saint-Pétersbourg^ qu'un refroidissement dans les
relations était survenu entre Rome et la Russie, à l'occasion
d'un Français, M. de Vernègues, protégé de la Russie, et expulsé de
Rome sur la demande de Napoléon; que la cour de Saint-Pétersbourg
ayant retiré son résident à Rome, la cour pontiflcale avait dû en faire
autant de son côté; qu'il avait donc quitté la capitale russe, et qu'il
habitait Dresde en attendant que les difficultés pendantes fussent
aplanies, et quil pût aller reprendre son poste.
Sur- cette réponse, l'empereur, qui était alors fort mal avec le tsar
et qui ne lui avait pas encore fait signer le traité de Tilsitt, fit à
Arezzo une de ces scènes furibondes qui étaient dans son tempéra-
ment : « Les chiffres diplomatiques de Rome sont connus... Je puis
vous montrer vos dépêches Croyez-vous que je ne sache pas que
vous êtes mon ennemi ? etc., etc. » Puis il ajouta : « Je veux que le
pape accède à la confédération (la confédération de la France et de
ses alliés contre l'Angleterre et à ce moment aussi contre la Russie) -, . . .
vous allez quitter Dresde et vous rendre à Rome » En un mot il
le chargea d'aller faire connaître au pape l'intention où il était de
l'amener de gré ou de force à le suivre dans sa politique extérieure.
Arezzo partit; sa mission auprès du pape ne réussit aucunement;
peut-être Arezzo fùt-il lui-même pour quelque chose dans cet insuccès
d'une démarche au but de laquelle, en tant que prélat romain, il
était personnellement fort opposé. On possède de lui un récit de son
entrevue avec l'empereur {Relazione delmio ahbocamento colV itnpe-
ratore Napoleone^ \ 2 novembre i 806) qui, lors de Tinvasion des États
pontificaux par Napoléon, a été trouvé dans les papiers du pape au
Quirinal. M. d^Haussonville, dans son livre déjà cité au début de cette
étude, a publié une traduction de ce document. Un passage de cette
pièce me permet de rectifler l'état du commissaire de police de
Livourne, en ce qui concerne le lieu de naissance de ce personnage :
l'état publié plus haut indique Arezzo comme étant né à Orbitello, il
y a là une erreur évidente, car dans le récit trouvé au Quirinal,
Arezzo dit expressément de lui-même : « ma famille est sicilienne,
mais je suis né à Naples^ et dès l'âge de huit ans j'ai été élevé et j'ai
vécu à Rome. »
Reprenons l'analyse de la correspondance ministérielle.
La Spezzia à Marine. 18 mars 1811. Pemetti annonce au ministre
l'arrivée à Dastia, le 9 mars, du Janus et de la Ligurie^ avec les
48 prêtres (on en a lu la liste plus haut) que ces navires transpor-
taient. Ils ont été remis entre les mains du général Morand, gouver-
DjfPORTlTIOFVS DE PRÊTRES SOUS LE PREMIER EMPIRE. 353
ncur de l'île. On va s'occuper activement du départ des iOO nouveaux
passagers t qui doivent avoir semblable destination. J*al de suite écrit
et fait toutes dispositions auprès de (jui il appartenait pour que cette
opération fût différée le moins possible. »
Livourne à Marine. "22 mars 1811. — Taillade, capitaine de la Levrette,
annonce que le IS mars il a mis « à la disposition de M. le pn'fet de
liastia deux ecclésiastiques dont un archevé(}ue, ancien gouverneur de
Rome, » qu'il avait embarqués à Livourne. On a lu plus haut les noms
de ces deux prêtres.
Marine à Police (à 8. E. elle-même). 25 mars 18il. — Ije ministre
tient son collègue au courant des envois de prêtres effectués depuis sa
dernière lettre.
Livourne à Marine. 27 mars 1811. — Le chef militaire, G. Delacou-
<lray, déclare qu'il vient de recevoir l'ordre de la grande-duchesse de
Toscane d'envoyer croiser les bâtiments de la flotille qui se trouvent à
Livourne. c Je n'ai pas négligé de faire connaître à S. A. que les bâti-
ments étaient destinés, par ordre de V. E., à transporter des conscrits
et des prêtres en Corse et que S. M. l'empereur voulait qu'ils ne séjour-
nassent pas plus de 24 heures à Livourne. » Cette lettre paraît émouvoir
le ministre, si j'en juge par les annotations suivantes que je trouve en
marge : • Voir les ordres de l'empereur des 4 et 8 avril ; rapport fait à
8. M. le 10 avril ; répondu (à Delacoudray) le 11 avril ; écrit le même
jour à M. le commandant militaire de la marine à Civita-Vecchia. »
Gênes à Marine. 27 mars 1811. Compte-rendu à S. M. le 10 avril.
.... Le préfet du Taro écrit au commissaire principal de la 8pezzia,
sous la date du 20 de ce mois, ({u'on lui a bien transmis l'ordre de S. M.
en vertu duquel 100 prêtres romains doivent être dirigés sur ce port,
mais qu'il n'a encore reçu aucune instruction à ce sujet de la part do
S. E. le ministre de la police générale, et que ces 100 prêtres ne sont
pas encore désignés.
Voilà 15 jours que les quatre bâtiments destinés à les transporter
sont rendus à la Spezzia, et il s'en écoulera peut-être autant avant que
ces passagers y parviennent.
Fontaine.
Marine à Police générale (à 8. E. elle-même). — Par trois lettres des
28 mars, \ et 8 avril, le ministre continue à tenir son collègue au cou-
rant des départs de prêtres pour la Corse.
Gênes à Marine, 8 avril 1811. — Le Renard e^t rentré a Gênes. Il a
été retenu plusieurs jours à Bastia {rnr la présence de l'ennemi qui
paraît avoir établi sa croisière entre la Corse et l'île d*Elbe. On
emploiera désormais de bons voiliers au transport des prêtres, afin de
ne pas compromettre les bâtiments.
Marine à Civita-Vecchia. 15 avril 1811. — Lebas et Stamaty ont
prié le ministre de donner des ordres à Livourne pour leur fournir un
bâtiment afin de faire partir des prêtres et des conscrits pour la Corse.
Le ministre leur rappelle qu'ils doivent s'entendre directement avec
Hev. Histor. XL 2« fasc. 23
354
iriLANGIS ET DOGUHBNTS.
Livourne, c car rintention de Tempereur sur l'embarquement immédiat
de CBB individus ne serait point remplie si, pour être en mesure de
pourvoir à leur transport en Corse, vous deviez attendre Teffet des
ordres que je donnerais sur cet objet. »
Marine à Cultes. 18 avril iSli. — Les Cultes ont communiqué à la
Marine une dépêche de la police générale, en date du il avril, relative
c aux 100 personnes destinées à être envoyées en Corse et qui doivent
être dirigées de Parme sur la Spezzia. » La marine accuse réception.
Des ordres ont déjà été donnés à ce sujet à la Spezzia.
Gènes à Marine. 23 avril 1811. — Le brick l'Adonis est parti pour la
Spezzia, où il sera employé au transport des 100 passagers. « Les
100 passagers attendus depuis si longtemps à la Spezzia vont enfin y
arriver. »
Livourne à Marine, 29 avril 1811. — « J'ai fait embarquer sur VEndy-
mion deux prêtres que M. le commissaire général m'a remis. » En voici
la liste :
Commissariat général de police.
Livourne, le 25 avril 1811.
État nominatif des ecclésiastiques mis à la disposition de M. le com-
missaire de marine, chef du service maritime à Livourne, par M. le
commissaire général de police en cette ville, pour être conduits en
Corse par ordre supérieur et être mis à la disposition de M. le préfet
du département du Grolo à Bastia.
Noms.
Prénoms.
Aqe.
54
Qualités.
Lu
de naissance.
BUX
DE DOMICILE.
Betti
Francesco
curé de
Mungona
Saint- Pierre
Saint- Pierre
(Arno)
à Sieve
59
à Sieve.
Dblbiamgo
Michel-Marie
prévost de
Empoli
Empoli
Saint -André
(Arno)
(Arno)
■
à Empoli
Certifié par nous, auditeur au Conseil d'État,
commissaire général de police soussigné,
Del AM ALLE.
Pour copie conforme.
Le commissaire chef maritime,
Béb
ARD.
Le préfet du département du Grolo certifie que M. Laurent, lieutenant
de vaisseau commandant le brick de S. M. l'Endymion^ a fait débarquer
ce matin à Bastia les sieurs Delbianco (Michel-Marie) et Betti (Fran-
cisco), tous deux ecclésiastiques déportés en Corse par ordre de S. A.
Madame la grande-duchesse.
Bastia, le 4 mai 1811.
Signé : Piétri.
DEPORTATIONS DR PRKTRES SOUS LE PREMIRR EMPIRE.
355
Marine à Cuites.
(Direction du personnel.)
2 mai 1811.
Monsieur le comte, j*ai reçu la dépêche que V. E. m'a fait l'honneur
de m'adresser le 29 avril dernier relativement à MM. Debonis et Toni,
ex-généraux d'anciens ordres monastiques, dont l'empereur a ordonné
l'envoi de Toulon en Corse.
Il ne m^était encore par^'enu aucun avis sur cette translation ; mais
je m'empresse, d'après celui contenu dans la dépêche de V. E., de
donner à M. le préfet maritime de Toulon l'ordre de pourvoir au trans-
port en Corse de ces deux individus.
J'ai toutefois l'honneur de vous prévenir que le passage de ces deux
personnes en Corse pourra éprouver quelques retards, attendu que le
nombre des croiseurs ennemis apporte dans la saison actuelle beaucoup
d'obstacles à la navigation.
La 8pezzia à Marine.
3 mai 1811.
.... I^ brick de 8. M. le Zèbre a mis ce matin à la voile pour la
Corse, ayant à bord 51 prêtres dont ci-joint l'état nominatif.
Avant son départ, le capitaine de ce bâtiment m'a fait des observa-
tions sur le mauvais état de son é<iuipage, sur son beaupré qui, n'étant
pas bien as8un\ ne {lourrait soutenir un coup de vent, enfm sur l'arme-
ment entier du brick qui, disait-il, n'était point fini lorsqu'il est parti
de Toulon. Je n'ai pas cru devoir avoir égard à ces obserNations, d'aa-
tant moins que j'ai supposé que l'on n'avait envoyé ce bâtiment ici que
parce qu'il a été jugé en état de remplir la mission dont il est chargé.
Pernetti.
État nominatif de 51 prisonniers d'État remis, d'ordre de S. E. le duc
de Ilovigo, ministre de la Police, par moi soussigné, commissaire
général de police de (iênes, à M. Pernetti, commissaire principal de
marine à la Bpezzia, et pour lui au sieur Piquet, commandant le brick
de 8. M. I. et R. le Zèbre^ lesdits prisonniers devant être embarqués
sur ce bâtiment et conduits au lieu qui sera désigné dans une dépêche
cachetée et jointe au présent, laquelle ne sera ouverte par M. le com-
mandant IMquet qu'en mer et à 5 lieues au 8. E. de 1 ile Palmaria.
Noms, Prhnoms.
AOE.
29
33
32
31
Lieux de naissance.
Ui'ALrr^:8.
(iioRD.\M (Antoine)
ANNOV.\y-zi (Vinœnl)
BoR\cciATTi (Joseph)
TiLLi (Jean)
Poggio-Bustone (Tibn»)
Civita-Vecchia (id.)
RicU (id.)
Orvieto (Trasimcne)
curé
chanoine
curé
id.
356
miSlaivges bt docdmbnts.
Noms, Prénoms.
Ergole (Léonard)
GiANcoLiNi (Louis)
Pesciaroli (Mariani)
GoNTi fViiicent)
GioLi (Paul)
SiMEONi (Simon)
Gassandri (Sauveur)
Ferrari (François)
RiccARDi (Glément)
LuccHESi (Stanislas)
Marzolini (Vincent)
Fasi (Joseph)
Santori (Barthélémy)
Aloïsi (Pascal)
NoDOLER (Paul)
Fabi (Louis)
Pasquiih (François)
Géra (Jacques)
Traditi (Bernard)
Frattini (Jean-Baptiste)
Mjniugchi (Pierre)
G\puccETTi (Vincent)
Leuci (Jean-Baptiste)
NiscETTi (Jean)
Gasparri (Gabriel)
Parasacchi (Pierre)
Tarenzi (Gaétan)
Tassi (François)
Pagelli (Paul)
ËRGOLB (Jean-Baptiste)
Gavaqlîbri (Joseph)
Monteverde (Joseph)
Gardarelu (Dominique)
Sebastiani (Louis)
Racchetti (Michel)
Rensi (Joseph)
Gatalucci (Vincent)
Zuccm (Jean-Baptiste)
Garborbri (Gas il)
Aoe.
34
34
33
34
34
34
34
40
50
56
48
35
35
37
37
31
36
39
39
41
36
40
36
32
57
38
42
42
56
54
43
39
32
27
56
47
36
60
40
Lieux de naissance.
Sarasinesco (Tibre)
Vitorchiano (id.)
(]!anepino (id.)
Montecalvetto (id.)
Narni (Tibre)
Rieti (id.)
Toffia (id.)
Sanvito (id.)
Rome (id.)
Id. (id.)
Rieti (id.)
Rignano (id.)
Pruceno (Trasimène)
Torre (Tibre)
Toscanetta oo Toscanella (id.
Magliano (id.)
Ami (Tibre)
Trevi (id.)
Penna (Trasimène)
Sambuci (Tibre)
Rocca Sinibalda (id.)
Proceno (Trasimène)
Riccia (Tibre)
Ficulle (Trasimène)
Rome (Tibre)
Olevano (id.)
Bettona (Trasimène)
Assisi (id.)
Vallerano (Tibre)
Id. (id.)
Feminga (Trasimène)
Spetto (id.)
Nocera (id.)
Gave (id.)
Gradoli (Tibre)
Id. (id.)
Id. (id.)
Marino (id.)
Monastero (id.)
QuALrrés.
curé
id.
chanoine
curé
id.
id.
id.
chanoine
curé
id.
chanoine
curé
id.
chanoine
) cure
id.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
chanoine
curé
id.
id.
chanoine
id.
curé
chanoine
id.
id.
curé
id.
chanoine
id.
id.
id.
|id.
DI^PORTATIONS DE PR^^TRES SOrS LE PREMIER EMPIRE.
Noms, Prénoms.
Age.
LlElX DE NAISSANCE.
(JrALITKS.
HoNCALLi (Jean-Martin)
Kolipno (Trasimène)
chanoine
pROspERi (Joan-F'ranr.oip)
U1
Id. (id.)
id.
F'alcini (Joseph)
48
C^ntipliano (Tibre)
id.
Bracgi (Philippe)
46
Vipnarello (id.)
id.
MoRKLLi (Jean)
48
Civitta-Castellana (Tibre)
id.
Mariotti ((iharles)
r»2
Panicale (Trasimène)
id.
Gassetti (Vincent)
52
Gontigliano (Tibre)
id.
SiKFREDi (Jacques)
39
Santo-Stefano (Mont<>nottc)
ex-moi ne
Le présent état fait quadruple et clos à la Spezzia le l**" mai i8!1.
I^e commissaire générai de police de Gènes,
JOLICLERC.
N. B. On joint à cet état une lettre adressée à Tautorité à laquelle
les prisonniers susnommés doivent être consignes.
JoLICLERC.
Bon à embarquer conformément à Tonirc donné le 28 avril.
Varignano, golfe de la Spezzia, le l»' mai i8l!.
Le commissaire principal chef maritime,
Pernetti.
Vu embaniué les 5! passagers ci-dessus dénommés à la présente liste,
à bord du Zrbre, le i*' mai 1811.
Le commissaire de marine chargé des armement**,
NfoUTIER.
Les prêtres désignés dans le préseul état, conduits en Corse par le
brick le Zèbre, ont débanjué à Bastia le î> mai.
Bastia, le 9 mai 1811.
\a* général de division gouverneur de la Corse,
Morand.
Marine à (Îivita-Vecchia.
r> mai 1811.
Vous m'avez rendu compte du retour, le 14, à Civita-Vecchia, de la
guelette VÈclatr^ qui avait transporté en Corse des personnes dont la
liste est jointe à votre lettre *.
Je vous observe qu'on n'y a point porté l'état supplémentaire des
personnes remises à la disposition de la marine par M. le commissaire
général de police à Civita-Vecchia, postérieurement à la formation de
1 . J*ai dit plas haut que je n'avais pas trouvé cette liste.
358
V1LÂ5GIS rr BoariETis.
la première liste, el que, par snite de cette omiasioo qn'il était &cile
de remarquer, M. le général commandant la ^ division militaire a
donné à M. Marqnis, enseigne de vaisseau commandant l'Éclair, Le
récépissé de ?1 personnes an bas d'nne liste qui n'en comprend que 17
dont une même tie s^ Venance Mariotti, porté sous le n* lOf avait été
débarquée à Civita-Veccbia avant le départ de cette goélette.
Vous voudrez bien. Messieurs, faire prendre note de cette erreur qui
a été découverte par le rapprochement de la liste que vous m avez
adressée. le 14 avril, des personnes débarquées de i Éclair . en Corse,
avec celle dont vous m'avex fait lenvoi, le iî février dernier, des mêmes
personnes embarquées sur le même bâtiment à Civita-Vecchia.
Je vois que l'Éclair a dû partir de nouveau pour la Corse dans la nuit
du 18 au 19 avril, et vous m'avez transmis les listes nominatives de
6 personnes et de 16 militaires qui ont été embarqués sur ce bâtiment*.
Marine à Police générale ^à S. E. elle-mémei. 6 mai fSll. — Avise
son collègue des deux transports de prêtres effectués par l'Kdair dont
il vient d'être parlé dans la lettre précédente.
La Spezzia à Marine. 6 mai fSll.
Cinquante déportés viennent d être embarqués sur VAdomis. pour
la Corse. En Toid la liste :
État nominatif de ôO prisonniers d*État remis d'ordre de S. E. le duc
de Rovigo, ministre de la Police, par moi soussigné, commissaire
général de police à Gènes, à M. Pemetti. conmiissaire principal de
marine à la Spezzia, et pour lui au sieur Lebas. commandant le brick
de S. M. I. et R. l'Adonis, lesdits prisonniers devant être embarques
sur ce bâtiment et conduits au lieu qui sera désigne par une dépêche
cachetée et jointe au présent. Laquelle ne sera ouverte par M. le com-
mandant Lebas qu'en mer et à 5 lieues au S. E. de Tile Paimaria.
Noms. Prénoms.
Age.
35
LlEtri DE >"AISSA>CK-
pRCfESSîOKS
Vecchiarelli «Paul»
Orte (Tibre/
cure
ScoBZOM «Michel-Ange»
44
Bevagna (Trasimène)
chanoin»»
Cbucia5i I Félicien»
49
Trevi (id.)
id.
Garigos (François »
56
Cometo (Tibre;
id.
Rossi Julien)
il
Supino (id.)
id.
Depaoli 'Cunstantini
49 |.Marino (id.)
id.
Mancixi I Biaise» *
53
Fenne rid.)
id.
1. Cette liste me manque également.
î. Je pense qa1l s'aeit id de Mancini, chanoine do chapitre de Fk>rrace. qai
fot, avec on de ses confrère», arrête et conduit à la citadelle de Fene>trelle
par ordre de la grande-docbesse Elisa, pour avoir publié le bief concernant
DI^PORTinOIfS DE PRÊTRES 80DS LB PREMIER EMPIRE.
359
Noms, Prénoms.
AOB.
33
Lieux db naissance.
Professions
Teophli (Bernardin)
Gesi (Trasimène)
chanoine
Boni (Camille)
42
Segni (Tibre)
id.
BiNAGO (Vincent)
33
Id. (id.)
id.
SoLiDATi (Philippe)
38
Gontigliano (id.)
id.
Atenni (Dominique)
52
Ariccia (id.)
id.
EoiDDi (Bernardin)
50
Gontigliano (id.)
id.
Galloni (Pierre)
54
Id. (id.)
id.
Fautoroni (8auveur)
41
Nepi (id.)
id.
Paziblli (Julien)
35
Gaprarola (id.)
id.
RusPANTOii (Philippe)
31
Grotte (id.)
id.
GoRDELLi (François)
43
Id. (id.)
id.
Lbonori (Gabriel)
51
Cbrchiano (id.)
id.
Fbatoni (Louis)
30
Valmontone (id.)
id.
Caramaniga (Michel-Ange)
47
Id. (id.)
id.
Magghiogchi (Louis)
49
Id. (id.)
id.
Puzzi (Joseph)
44
Id. (id.)
id.
Orlandi (Jean)
29
Orte (id.)
curé
CiOTTi (Jacquin)
22
Amelia (Trasimène)
chanoine
Fbrrari (Dominique)
32
Id. (id.)
id.
GiAMPE (Gaétan)
53
Assisi (Trasimène)
id.
Manni (Dominique)
40
Gondoli (Tibre)
id.
CoLONNA (Philippe)
52
Rome (id.)
id.
GiANuzzi (Vincent) •
59
Onagni (id.)
id.
Trente (Jean)
30
Fiorentino (id.)
id.
NoLLi (Vincent)
30
Id. (id.)
id.
Pereira (François- Xavier)
52
Rome (id.)
id.
Betti (Paul)
36
Givita-Vecchia (id.)
id.
Nardi (Ange)
41
Toffia (id.)
id.
RuBiNi (Vincent)
38
Grotte (id.)
id.
Trovarelli (Pierre-Louis)
54
Rieti (id.)
id.
(]ioiA ou GisiA (Gésar)
59
Rome (id.)
id.
Grispoltiii (Grispolde)
60
RieU (id.)
id.
8anisi (Philippe)
63
Id. (id.)
id.
Papei (Virgile)
49
Valmentone (id.)
id.
Bonagorsi (Pierre)
57
Rome (id.)
id.
Fallerini (Barthélémy)
38
Rieti (id.)
id.
M. d'Oftinood, archeTèquede Florence, non insUlué par le pape. Voyei la VéêépiS'
eopale de M. d*Osmond, citée par d'HaasioBTiHe, t. III, p. 455.
360
MliLiNGBS ET DOGDIfEF(TS.
Noms, Prénoms.
ÂGE.
57
Lieux de naissangb.
Professions
Rossi (Raphaël)
Pérouse (Trasimène)
chanoine
TiTi (Baltasar)
53
Id. (id.)
id.
Baghega (Flave)
51
Grotte di Castro (Tibre)
id.
Ladi (Joseph)
58
Orvieto (Trasimène)
id.
Leonardi (Jacques)
40
Gannara (id.)
curé
Smeraldi (Louis)
57
Viterbe (Tibre)
id.
Gaesi (François)
40
Id. (id.)
id.
Le présent état nominatif fait quadruple et clos à la Spezzia, le
5 mai 1811.
Le commissaire général de police de Gênes,
JOLIGLERG.
N. B. On joint à cet état une lettre adressée à l'autorité à laquelle
les prisonniers susnommés doivent être consignés.
JOLIGLERC.
Vu bon à embarquer sur le brick de 8. M. VAdonis.
Varignano, le 6 mai 1811.
Le commissaire principal chef maritime,
Pernbtti.
Vu embarquer les 50 passagers dénommés à la présente liste.
A bord du brick de S. M. I. et R. l'Adonis, le 6 mai 1811.
Le commissaire des armements,
MOUTIER.
Reçu une dépêche de M. le commissaire de police de Gênes.
Le général de division gouverneur de la Corse,
Morand.
Reçu les 50 prêtres dénommés au présent état.
Bastia, le 10 mai 1811.
Le général de division gouverneur de la Corse,
Morand.
La Spezzia à Marine. 7 mai \%\\. Confirme le départ qui a eu lieu
le 3 mai sur le Zèhre^ et le 6 mai sur Y Adonis^ de cent prêtres plus
un ex-moine, ce dernier « venant de Gênes ».
Idem à idem. 13 mai 4841. Le Zèbre et V Adonis sont de retour de
leur mission; « malgré la présence continuelle de l'ennemi et le peu
de vent, ils ont eu une traversée heureuse et assez courte. »
Même date. Rapports de A. Picquet, commandant le Zèhre^ et
A. Lebas, conunandantrAdonts, sur leur voyage. Avant de se rendre
DéPORTATIOXS DE PRÊTRES SOCS LE PREMIER EMPIRE. 364
en Corse, les deux capitaines ont mouillé à Porto-Ferrajo, Picquet
i< pour remettre difTérents objets dont il était chargé, Lebas, à cause
de la présence de l'ennemi, et aussi à raison de la fatigue qu'éprou-
vèrent les passagers par une mer assez houleuse, et le vent d'ouest
directement contraire. »
Marine à police générale (à S. E. elle-même), 46 mai 4844, envoi
de renseignements sur les départs de prêtres.
Marine à cultes. Deux lettres des 48 mai et 3 juin 4844. Envoi de
renseignements sur le même objet.
Marine à police (à S. E. elle-même). 3 juin 4844. Autre envoi de
renseignements sur Tétat des déportations.
Marine à Civita-Vecchia. 40 juin 4844. Le ministre accuse récep-
tion de différentes lettres relatives aux départs de prêtres et de cons-
crits réfractaires envoyés en Corse. Des maladies contagieuses se sont
déclarées à bord des navires qui transportaient a de ces individus »,
la source de ces maladies parait devoir être attribuée aux exhalaisons
de leurs habits portés en prison. U faudra donc désormais renouveler
rhabillement des conscrits avant de les embarquer.
Idem à idem. 4 juillet 4844. Le ministre accuse réception d'une
lettre du 47 juin annonçant le départ pour la Corse, sur la goélette
YÈclair^ de conscrits réfractaires et de cinq personnes mises à la
disposition de la marine par le commissaire général de police à Civita-
Vecchia.
Marine à police. Même date, avis de ce même envoi de cinq per-
sonnes en Corse*.
Marine à Police. 12 août 1811.
Une personne, mise à la disposition de la marine par M. le commis-
saire général de police à Livourne, a été embarquée en ce port pour la
Corse, le 25 juillet dernier, à bord du brick le Renard^.
Marine à Civita-Vecchia. 42 août 4844. Accusé de réception d'une
lettre du 4 9 juillet, le ministre a trouvé joint à cette lettre
L'état.... des dépenses faites à Civitta-Vecchia pour le transport en
Corse, pendant le premier semestre de la présente année 1811, de pas-
sagers étrangers à la marine.
Cet état comprend : 31 ecclésiastiques
38 conscrits
Total : 69 individus
1 . Je ne relroo? e ni U lettre de CiTÎU-Vecchia relatif e à ce départ de XÉdair,
ni la liste des cinq déportés.
2. Je ne trouve pas la correspondance relalîTe à ce départ.
362 MELANGES ET DOCOMBIfTS.
Il a été distribué à ces 69 individus 431 rations de journalier et 504
rations de campagne qui, à raison de 0 fr. 90 par ration de journalier
et 1 fr. 10 par ration de campagne, font 942 fr. 30
Le traitement de table alloué à raison de 2 fr. par jour
et pendant toute la durée de l'embarquement aux 31 ecclé-
siastiques envoyés en Corse, s'élève à 1,018 •
Total : 1,960 fr. 30
Marine à Lebas et Stamaty, à Civita-Vecchia.
19 août 1811.
J'ai reçu, Messieurs, votre lettre du 31 juillet dernier. Vous me ren-
dez compte que M. le général commandant à Tîle d'Elbe n'a pas voulu
recevoir les 24 individus dirigés de Rome sur Civita-Vecchia par M. le
directeur de la police en cette ville et qui avaient été embarqués le
17 juillet à bord de la goélette de S. M. l'Éclair,
Je regrette que vous ne m'ayez pas fait connaître les motifs du refus
de cet officier général et que vous ne m'ayez pas transmis la lettre dans
laquelle il a sans doute exprimé ce refus à M. Marquis, commandant
l'Éclair,
Je vois que cette goélette a ramené, le 30 juillet, à Civita-Vecchia,
les 24 individus dont il s'agit et que vous les avez mis à la disposition
de M. le commandant d'armes ^
Dans sa lutte contre le clergé italien, Napoléon devait nécessaire-
ment s*attendre à trouver les habitants des couvents au nombre de
ses adversaires les plus déterminés. L'empereur haïssait les moines,
et ne laissait pas échapper une occasion de leur manifester son anti-
pathie. Si les prêtres romains lui gardaient rancune de Tenlèvement
du pape, de son invasion dans les États de TÉglise, de son intention
de réduire à quatre les nombreux évêchés « suburbicaires » et de sa
tentative d'installation d'évêques non institués canoniquement, les
moines pouvaient ajouter à ces griefs la suppression pure et simple
des ordres religieux. Il avait vidé les couvents; le couvent de la Cer-
vara fit, il faut le croire, une résistance particulièrement désespérée.
1. Je ne trouve aucun autre document sur cet incident. Le fait de l'envoi de
ces 24 déportés à l'Ile d'Elbe au lieu de Ttle de Gqrse semblerait indiquer peut-
être qu'il serait quesUon ici, non de prêtres, mais de c conscrits réfractaires t .
Ces envois de conscrits des États romains à l'Ile d'Elbe et en Corse sont (je le
vois par les dossiers) continuels, et portent sur un nombre très considérable
d'individus. Us ont lieu concurremment avec les envois de prêtres, et souvent
par les mêmes navires. Il est fort probable d'ailleurs que parmi ces c conscrits
réfractaires i des États romains, figurent des ennemis politiques du nouvel ordre
de choses, ennemis dont on s'est débarrassé, en les affublant bon gré mal gré
d'une capote d'uniforme (on sait combien Napoléon employait fréquemment cette
forme particulière de * lettre de cachet i).
DRPORTATIOXS DE PRÊTRES SODS LE PREXIRE EMPIRE. 363
Les lettres qui suivent nous apprennent par quels moyens Tempereur
finit par avoir raison de ces religieux, Tépisode est curieux et vaut
qu'on s'y arrête :
Police générale à Marine.
Paris, le 5 août 1811.
M. le comte, j'ai l'honneur de prévenir V. E. qu'en exécution des
ordres de 8. M. les trapistcs {sic) du couvent de la C^rvara, dont l'arres-
tation a été onionnée par décret du 28 juillet dernier, doivent être
envoyés dans Tile de Caprara, pour y être détenus dans la tour. Je viens
de charger M. le Directeur de la police au delà de^ Alpes, de prendre
les mesures convenables pour faire transférer ces détenus à cette desti-
nation, et de se concerter à cet effet avec les autorités militaires et
maritimes.
Je prie V. E. de vouloir bien donner les ordres et instructions néces-
saires pour leur embarquement et leur transport dans l'île désignée
]ÏSLT 8. M....
Le duc DE RoviQO.
Ordre donn^ sur U transport à Vile de Caprara des trapistes du œuvent
de la Cervara.
Marine à Police.
Paris, 9 août 1811.
M. le duc, j'ai reçu la dépêche du 5 de ce mois par laquelle V. Ë. me
fait rhonneur de me prévenir que les trapistes du couvent de la Gervara
doivent être envoyés dans l'île de Caprara pour y être détenus dans la
tour.
Je regrette que V. E. ne m'ait fait connaître ni le nombre de ces
religieux, ni surtout le point de leur embarquement, mais comme elle
m'annonce qu'elle a donné des instructions à cet égard à M. le Direc-
teur de la police au <lelà des Alpes, j'ai lieu de croire que ces individus
seront dirigés sur Gênes et sur la Spezzia, car s'ils avaient dû l'être
sur Livourne ou sur Civita-Vecchia, V. E. aurait adressé les ordres
<|ui leur sont relatifs à M. le Directeur de police du grand duché de
Toscans» ou à M. le Directeur de la police à Rome.
J'ai en consèjuence chargé MM. les commissaires princi()aux de
nîarin(% à Gênes et à la Spezzia, de pourvoir au transport à Caprara
des trapistes du Couvent de la Gervara, dans le cas où ils seraient, ainsi
que je dois le penser, dirigés sur l'un ou l'autre de ces deux ports.
Police à Marine.
Paris, 21 août 1811.
M. le comte, V. E. m'informe par la lettre qu*elle m'a fait l'honneur
de» m'adresser le 9 du courant, en rt^ponse à ma dépêche du 5 du même
mois, qu'elle a chargé MM. les commissaires principaux de marine à
(lêues et à la 8p<'zzia de pourvoir au transport à Caprara des trapistes
du couvent de la Gervara. Je vous remercie de cette communication.
364 MliLiNGES ET DOGUMBlfTS.
J'avais pensé, ainsi que V. E., que ces individus devaient être en effet
embarqués par Tun ou Tautre de ces ports, comme étant ceux qui se
trouvaient le plus à proximité du lieu où ils étaient détenus. Cependant
M. le Directeur général de la police des départements au delà des Alpes,
en me rendant compte des dispositions qu'il a faites pour le transfère-
ment de ces hommes, m'a annoncé qu'il allait les diriger sur Livoume.
Je lui ai écrit sur le champ pour désapprouver ce parti, et lui ordonner
de les faire embarquer par les côtes de la Ligurie. Cependant comme il
serait possible que cet ordre ne lui parvînt pas assez à temps pour qu'il
pût le faire mettre à exécution, je crois devoir prier V. E. de vouloir
bien donner des ordres à Livoume, pour que rembarquement de ces
trapistes n'éprouve point de difficultés slls y sont conduits.
Le duc DE Rovioo.
Ordres donnés pour le transport à Caprara des trapistes du couvent de la
Cervara.
Marine à Police.
26 août 1811.
M. le duc, j'ai Thonneur de prévenir V. E., en réponse à sa dépêche
du 21 de ce mois, que j'ai chargé le chef militaire et le commissaire de
la marine à Livoume de pourvoir au transport à Caprara des trapistes
du couvent de la Cervara, dans le cas où ils seraient dirigés sur ce
premier port.
La Spezzia à Marine.
22 août 1811.
M. le général commandant d'armes à la Spezzia vient de me commu-
niquer une lettre du préfet du département des Âppenins, par laquelle
il annonce que 27 religieux de la Trappe doivent être transportés de la
Spezzia dans Tisle de Cappraîa. Il m'annonce en même tems que ces
trappistes sont arrivés, et m'invite à donner des ordres pour leur trans-
port. N'en ayant pas reçu de V. E. à cet égard, je n'ai pas cru devoir,
Mgr, accéder à l'invitation de M. le général Saudeur; je m'y suis en
conséquence refusé.
J'espère que V. E. daignera approuver mon refus, auquel je tiendrai
jusqu'à l'arrivée de ses ordres qui probablement se croiseront avec
cette lettre.
N'ayant ici aucun bâtiment propre à remplir cette mission, je viens
d'écrire au port de Gênes pour qu'un de ceux de ce port soit mis à ma
disposition lorsque le cas le requièrera.
Pbrnetti.
Trapistes à embarquer à la Speziia.
Gênes à Marine.
23 août 1811.
J'ai reçu la dépêche secrette que V. E. m*a fait l'honneur de m'adresser
le 9 de ce mois, et en même temps une expédition de cette même
dépêche destinée pour le commissaire principal de marine à la Spezzia.
DÉPOETATIONS DE PR^'RBS SOCS LE PREMIER EVPIRE.
3r>5
Ayant été prévenu hier au soir par M. le commissaire générai do
police que les passagers dont est question dans cette dépêche ont été
dirigés sur la Spezzia, j*ai aussitôt transmis à M. Pcrnetti Texpitlition
qui lui était dostinéo, et j'ai mis à sa disposition un des 3 bricks qui so
trouvent retenus à la Spezzia par la présence du vaisseau ennemi qui
depuis trois jours croise devant le golphe. Ce sont l'Endyniion, l'Adtmis
et le Renard qui reviennent de Corse où ils ont transporté des conscrits.
Le Commissaire principal,
Fontaine.
Varignano à Marine.
25 août 1811.
J'ai reçu hier au soir, par l'entremise de M. le chef de l'arrondisse-
ment, la dépêche du 9 août par laquelle V. E. me prescrit de pourvoir
au transport des trappistes du couvent de la Cervara pour Tisle de
Capraia.
AussitiH après sa réception, j*ai écrit au commandant du 24« e<|uipage
de flottille, pour le prier do m'envoyer ici un hAtiment, n ayant que la
Ligtirie, très impropre à ce genre de service.
Jo suivrai dans cette nouvelle circonstance, Mgr, les dispositions
prescrites par la dépêche du 10 janvier, et j'aurai l'honnour de rendre
compte à V. E. de l'arrivée des trappistes à leur destination.
Pernetti.
Varignano à Marine.
29 août 1811.
... Les vingt-sept trappistes annoncés ont été embarqués aujourd'hui
sur le brick de S. M. le Renard; aussitôt que le temps le permettra, ce
bâtiment fera voile pour l'île de Capraia. Je présume que ce dé{>art aura
lieu domain dans la journée au plus tard.
Je joins ici une liste de ces religieux revêtue du récépissé du cap.
Baudin. Au retour de sa mission, j'aurai l'honneur d'en transmettre à
V. E. une seconde, avec le reçu de l'autorité commandant l'isle de
(^praïa et le compte à rendre de cette mission {>ar le cap. du brick.
Pernetti.
État nominatif de 27 trappistes du couvent de la Cervara détenus à la
Spezzia, tiré de celui de M. Paris, capitaine de gendarmerie im|»ériale
à Chiavari.
Numéro! 1
(Tordre. 1
Noms.
PRKNOMS.
Lieux de
naissance.
Départe-
ments.
AoB.
42
Professions.
i
FlORE
Philil)ert-I)*H)dato
Nonos
Pô
sacerdot profès
2
Maliola
Piern»-Antoine-
Ktienne-Marie
Hielle
8(*sia
56
id.
3
Vise A
Etienne-Colombo
Turin
Pô
41
clerc profès
366
MliLAXGES ET DOCIJlfE7fT8.
Namérodl
d'ordre. |
Noms.
Prénous.
Lieux de
naissance.
Départe-
ments.
Age.
48
Professions.
\
ViET
Augustin-Bonoit-
Gisors
Eure
clerc profès
Joseph
5
ROMGO
Vincent-Hillarione
Trino
Sesia
34
6
BODRATI
François-Benoît
Ovada
Gênes
43
laïque profès
7
Clavanio
Mathieu-Louis-
Placide
Turin
Pô
26
s.-diacre profès
8
PUONANI
Fortuné-Placide
id.
id.
27
laïque profès
9
Reta
Charles
Gônes
44
id.
10
Deblon
Hippolyte-Louis-
Jean
Naples
31
s.-diacre profès
il
Straker
Antoine-Marie
Stropzer
47
sacerdot profès
12
Stanislas
•
François-Charles
Rione
40
convers profès
13
De Gerondci
Jean-Robert
Nice de
la Paille
40
id.
14
8toqlio
Joseph- Antoine-
Bernard-Marie
dlvrée
Piémont
34
15
Bessonb
François
Coni
Sture
49
16
Dole.
Jean-Jacques-
Brunone
Strasbourg
Bas-Rhin
54
17
ZiNO
Jacques
Gônes
28
18
TASSKTrA
Iliaciuto-
Séraphique
Comiana
Pô
43
19
FORCH
Augustin
Moravia
44
20
QUARELLO
Fidèle
Portofino
24
21
Arsënio
Raymonde
Cheracco
Sture
51
22
Gërvais
Louis-Marie
Lyon
33
tertiaire maître
des enfants
23
Masnata
Joseph
Gènes
30
id.
24
Sanine
AndrtVCharles
Narsole
48
novice du chœur
2r>
POLLl
Simon
Trento
27
frère donné
2(;
JOSAS
Joan-Pierre
S.Hiilaire
Ariège
49
prêtre novice
du chœur
27
PURNO
I-Aurcnt
Piverone
Sosia
33
postulant
Certifié Total ci-<lossus par nous sinissignè, commissaire de police de
hi Spozzia, conforme à celui de M. Paris, capitaine de la gendarmerie
impériale à Chiavari.
La Si>ezzia, le 27 aoiU 1811.
Crozza (Ciésar).
DéPOETATIOIfS DE PRÊTRES SOCS LE PREMIER EMPIRE. 367
Bon à embarquer sur le brick le Renard les 27 trappistes cy-dénommés.
Variguano, golfe de la Spezzia, le 29 août 1811.
Le commissaire principal chef maritime,
Pbrnbiti.
Ni M. le commissaire de police, ni autres autorités ne m'a remis de
papiers à faire passer au commandant de Gapraja.
Bàudin.
Le lieutenant de vaisseau commandant le brick le Renard certifie
avoir reçu les 27 trappistes ci-dénommés à son bord.
Varignano, le 29 août 1811.
Charles Baudin.
A embarquer le dit jour, le commissaire aux armemens,
MUUTIER.
Police à Marine.
Paris, le 1-i septembre 1811.
M. le comte, S. M. a ordonne que lo s. Hugues Burdot, ex-supérieur
des trapistes de la Cervara, condamné à 10 ans de bannissement, par
jugement d'une commission militaire, le 17 du mois dernier, serait
conduit en Corse, pour y rester détenu.
Je prie V. E. de vouloir bien donner les ordres pour l'embarquement
et le transport de cet individu, qui est actuellement dans la {irison de
Gènes. Il devra, à son arrivée en Corse, être mis à la disposition de
M. le comte Berthier, commandant de cotte isle, que je préviens de
cette disposition.
M. le Directeur général de la police des départements au delà des
Alpes est chargé de se concerter avec les préposés du ministère de V. E.
pour la remise qui doit leur être faite du détenu.
Le duc de Hovigo.
Ministre de la Marine à Police.
Boulogne, le 21 septembre 1811.
M. le duc, j'ai l'honneur de prévenir V. E. en réponse à sa dépêche
du 14 de ce mois, que je charge M. le Commissaire principal de marine,
à Gênes, de se concerter avec M. le Directeur général de la police des
déiKirtemenU au delà des Alpes, ()Our faire effectuer le trans(»ort en
Corse du s. Hugues Bunlet, ex-supérieur des trapistes de la Cervara,
condamné à 10 ans de bannissement.
J'ai l'honneur, à ce sujet, d'annoncer à V. E. que les 27 autres
trapistes du même couvent de la Cervara, qui sont l'objet de ses dépê-
ches des T) et 21 août dernier, ont été embarqués le 29 du même mois,
à la 8{>ezzia, sur le brick le Renard^ et que le 31 ils ont été remis à la
dis{K)sition du commandant de Pile de Caprara.
ZM mttAja» Et wacnïïm,
Miniitre de la 3fahiie à Police.
Amsterdam, ^ octobre 1811.
M, le duc, j'ai eo Thonnear de préTeoir V. E. le 21 septembre dernier,
en répTifine à mi dépêche da 14, qae j'avais chargé M. Fontaine^ corn-
miuftaire principal de marine, à Gènes, de se concerter avec M. le
directeur général de la police des départements an delà des Alpes, poor
faire effectaer le transport en Corse du s. Hugues Burdet, ex-supérieur
df« trapistes de la Cervara condamné à 10 ans de bannissement.
M, Fontaine me rend compte que le s. H. Burdet a été embarqué le
W du m^e mois pour cette Ile, à bord du brick de 8. M. le Faune,
qui i;st parti le m6me jour pour la Corse.
Hignalement du s. Uugues Burdet, ex-supérieur du couvent supprimé
des trapistes de la Cervara, où il était connu sous le nom de François
de Halle»; embarqué le 26 septembre 1811, sur le brick de 8. M. le
Faune, pour ôtre transporté en Corse, et remis à 8. E. le comte César
lierthier, gouverneur général de la dite ile.
Burdet (flugueH), fils do feu Charles; ex-trapiste du couvent supprimé
do la Cnrvara, natif de Anse, département du Rhône, dernièrement
domicilié dans lo département des Appennins, prêtre, ex-moine, âgé
de 42 ans, taille de 1 mètre et 685 millimètres, cheveux, sourcils et
harhe châtains, front découvert, yeux châtains, visage ovale, nez gros
et long, bouche grande, menton rond, corpulence ordinaire, ayant une
cicAtrir.o au miliou du front; condamné à Gènes, le 17 août 1811, par
la commission militaire extraordinaire, à la peine de 10 ans de bannis-
snnnnit (M. aux frain do la procédure, comme convaincu du crime de
provocation lï la rnhollion.
Lo |)rÔHont Hignahnnout fait quadruple et clos à Gènes, le 26 sep-
tomhro IHII.
Lo Commissaire général de police de Gênes,
JOLICLERG.
N. n. Oit joint À co signalement une lettre adressée à l'autorité à
Inquollo lo dit prisonnier doit être consigné.
Iloyn do M. lo commandant lo brick do S. M. le Faune, le s. Hugues
BunhM, ox-suporiour du couvent de la Cervara.
Ikslia, VM octobre 1811.
L'rtdjudant-gi'»nôral, commandant la première subdivision
do la Corse,
Chorié.
J\ii drt, pour h clarté du nWl, grou|)cr les pièces relatives à cette
affiiin^ du otnnenl do la Cervara. Mais, pendant que s'exécutait la
dé|H>rlalion dos trappistes, d'autres |icrsonnages étaient Tobjet de
mo5Utvs analogues. Je reviens n ces derniers et je reprends, en
remonUinl ^luolque^ semaines en arrière, l'analyse de la correspon-
danoo ntinislèrieUo.
I)JP0RTATI0?f8 DE PRÊTRES BOUS LE PREMIER EMPIRE. 369
Marine à Police.
9 septembre 1811.
... Le s. Louis Muzzi, mis à la disposition de la Marine, par M. le
Commissaire général de police à Livoume, est parti de ce port pour la
Corse, le 18 août dernier, à bord du brick de S. M. l'Abeille, il a été
débarqué à Bastia le 20 du même mois.
Livourne à Marine.
17 septembre 1811.
... J*ai envoyé à Bastia par le chebeck de S. M. la Sirène, parti
aujourd'hui pour retourner en Corse, le prêtre Jean-Michel Majola.
Le Commissaire chef maritime,
Bêrard.
Commissariat général de police. — Livourne.
État nominatif des individus ecclésiastiques mis à la disposition de
M. le chef maritime à Livourne, par M. le Commissaire général de
police en cette ville, pour être conduits en Corse par ordre supérieur.
Qualités
dans la hiérarchie
DE l'Église.
Noms et Prénoms.
Majola
(Jean-Michel)
Age.
56
prêtre
Lieux
de naissance.
Valico ou
GarfagntDO (sic)
états Lucquois
de domicile.
Livourne.
Livourne, le 17 septembre 1811,
Certifié par l'auditeur au conseil d'État commissaire général de police.
Signé : Delamalle.
Marine à Police. 14 octobre 1811. Avis de l'envoi en Corse de Jean
Michel Majola.
Gênes à Marine.
6 novembre 1811.
J'ai l'honneur de vous adresser ci-joint une feuille de signalement
du s. Nervi, procureur général de l'ordre des Théatins, embarqué le
G octobre dernier sur la goélette de S. M. le Goèlan, pour être trans-
porté en Corse...
Fontaine.
Signalement du sieur Nicolas Nervi, ex-procurcur général de l'ordre
des Théatins, embarqué le 6 octobre 1811 sur la goélette de S. M. le
Goèlan, pour être transporté en Corse et remis à 8. E. le comte César
Berthier, gouverneur général de la dite île.
Nervi (Nicolas), fils de feu Eugène; ex-procureur général de l'ordre
des Théatins, prêtre, &gé de 59 ans, né à Gênes, dernièrement domi-
cilié à Gênes, taille d'un mètre 680 millimètres, cheveux blancs,
sourcils gris, barbe id., front découvert, chauve, yeux châtains, nez
Rev. Histor. XI. 2« PASC. 2i
370 MÉLANGES ET DOCUMENTS.
bien fait, bouche moyenne, menton rond, visage ovale, corpulence assez
forte. Marques visibles : un petit signe au dessus du sourcil gauche.
Le présent signalement fait triple, à Gênes, le 6 octobre 1811.
Le Commissaire général de police de Gênes,
JOLICLBRC.
On joint au présent une lettre à l'adresse de Monseigneur le comte
César Berthier, gouverneur général de la Corse.
JOLIGLERG.
Marine à Police.
22 novembre 1811.
... Le s. Nervi, ex-procureur général de Tordre des Théatins, mis à la
disposition de la marine par M. le Commissaire général de police à
Gênes, a été embarqué en ce port, le 6 octobre, à bord de la goélette de
S, M. le Goëlan, et a été débarqué le 11 du même mois à Bastia.
Marine à Police.
9 décembre 1811.
M. le duc, j'ai l'honneur de prévenir V. E. qu'à la réception de sa
dépêche du 29 novembre dernier, j'ai prescrit à M. le Commissaire
principal de marine à Gênes, de se concerter avec M. le Directeur
général de la police à Turin, pour faire effectuer le transport en Corse
du s. Alvi, ancien chanoine de Todi, qui doit être dirigé de Milan sur
Gênes.
Gênes à Marine.
28 décembre 1811.
J'attendais l'arrivée à Gênes de Tex-chanoine Aldi*, qui doit être
transporté en Corse, pour rendre compte à V. E. de l'exécution de ses
ordres du 5 de ce mois ; cet ecclésiastique n'ayant pas encore été con-
duit ici, quoique M. le Directeur de la police des départements au delà
des Alpes m'ait annoncé qu'il y serait bientôt rendu, je crois devoir
prévenir V. E. que les intentions de S. M. n'ont pu, jusqu'à présent,
être remplies...
Je ne sais si j'aurai la facilité de faire promptement transporter le
s. Aldi dans cette île lorsqu'il aura été amené à Gênes...
Fontaine.
Gênes à Marine.
29 janvier 1812.
J'ai l'honneur de vous annoncer la rentrée en ce port, depuis hier
après midi, du brick le Coureur et de la goélette la Biche, qui étaient
allés à Bastia de conserve avec VAdonis.., Un furieux coup de vent a
assailli les deux bricks et la Biche au moment de l'entrée à Bastia ; ils
se sont heureusement tirés de la position dangereuse où ce coup de
vent les jeta, mais les bricks ont fait des avaries. Le Coureur a eu sa
home cassée, un cable rogné et sa yole emportée. L'Adonis a aussi
perdu, dit-on, son canot de l'arrière. Je n'ai pas encore reçu le rapport
du capitaine Lebas.
1. Alviy probablement, dont il vient d'être parlé.
DEPORTATIONS DE PRÊTRES SOCS LE PREMIER EMPIRE.
37<
V. E. recevra ci-joint le récépissé de Tex -chanoine Alvi, transporté
en Corse sur le Coureur,,.
FoirrAiNE.
Le chanoine Alvi avait fait, comme on voit, un assez dangereux
voyage. Ce même accident arriva à d'autres déportés; une lettre du
40 février 4842, du ministre de la Marine, à Civita-Veccbia, nous
apprend que V Éclair et la Fortune (ce dernier était un bâtiment de
commerce frété pour activer les transports), partis le 46 janvier de
Civita-Vecchia, furent, le 23, séparés par un coup de vent. La Fortune
fut obligée de relâcher à Antibes; elle avait à bord, outre 474 cons-
crits réfiractaires et 49 militaires, 34 « individus embarqués par
ordre du ministre de la police générale ». V Éclair^ sans doute, put
arriver à sa destination, puisque le ministre ne s'en préoccupe pas.
Cette dernière goélette transportait à Bastia les individus portés sur
les deux listes suivantes :
Police, — Mairie de Civita- Vecchia.
État nominatif des individus embarqués sur la goélette de 8. M. l'Éclair,
capitaine Marquis, pour être déportés dans Tisle de Corse, en vertu
des décrets de S. M. et des décisons de 8. E. le ministre de la police
général de l'empire.
Noméroi 1
d'ordre. |
Noms et Prénoms.
Age.
54
Lieux de na
(Communes.
I8RA.NCE
I)ÉP«».
Fonctions
qu'ils EXERÇAIENT.
1
Orenoo ou Grenoo
Rome
Rome
curial
0
3
(Joachim)
BoNHOLi (Thomas)
Ceccacci (Louis)
52
52
id.
Guercino
id.
id.
id.
id.
4
DiSSEL ou DiNBL
45
Rome
id.
id.
5
OU DiRBL (Antoine)
Benbdetti
54
Genazzano
id.
id.
6
7
8
(Luc-Antoine)
GioRoi (Philippe)
Defeligi (Antoine)
Salvati (Antoine)
45
34
47
Rome
id.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
ancien employé dans
9
40
<
FoRTi (Cajetan)
Petrelli (Camille)
60
49
id.
id.
id.
id.
le mont de la piété
de Rome
id.
id.
14
BoNAGURi (Louis)
45
CÏTiU-Vtoehia
id.
cx-passionnista
Civita-Vecchia, le 12 janvier 1812.
Ortifié véritable lo présent état.
Le viaire, Capalti.
372 MliLANGES ET DOCUMENTS.
Police, — Mairie de Civita^Vecchia.
Ëtat nominatif supplémentaire des individus embarqués sur la goélette
de S. M. VÉclair, capitaine Marquis, pour être transportés dans
Tîle de Corse, au dépôt des pionniers colonials^ et faire part du
second bataillon des dits pionniers en vertu de la décision de S. E.
le ministre da la police général de l'empire.
Numéros
d'ordre
Noms et Prénoms.
Époque
de la naissance.
Signalements.
1
ToRiNi (Paul)
l'an 1786, à Rome,
départem' de Rome
fils de Laurent
et- de Rose Castelli
2
Tkjei (André)
l'an 1774, à Rome,
départem* de Rome
fils de Pierre
et de Faustine Giunti
3
Albert (Louis)
7 septembre 1780,
à Breda
fils de Antoine
et de Gristine
Civita-Vecchia, le 12 janvier 1812.
Le maire, Gapalti.
Marine à police générale. 24 février 1812. Avis de Tarrivée en
Corse (20 janvier) du chanoine AIvi, « remis à la disposition de M. le
sous-préfet de Bastia ».
Marine à M. Serval, capitaine de frégate, commandant militaire de la
marine à Civita-Vecchia.
23 avril 1812.
Je vous accuse la réception. M., pour Tordre de la correspondance
des lettres que vous m'avez adressées jusqu'au G de ce mois.
Elles sont principalement relatives au transport de prêtres et de cons-
crits de Civita-Vecchia en Corse.
Je vois que le brick de S. M. l'Adonis et le navire affrété l'Espérance,
partis de ce port le 26 mars dernier, ont débarqué le 31 du même mois
à Bastia
9 prêtres;
2 individus déportés par ordre du général Miolis et destinés au
30 bataillon étranger;
i idem idem et destiné au 2« bataillon de pionniers colo-
niaux ;
201 conscrits réfractaires.
213 hommes, et que l'Adonis a effectué le 4 de ce mois son retour à
Civita-Vecchia.
1. Je n'ai pas besoin de faire remarquer que ces c pionniers t sont de purs
DéPORTATlOIfS DE PRÊTRES S0D8 LE PREMIER EMPIRE
373
Vous m'avez également annoncé que le navire affrété la Fortune y
est rentré le 5. Ce bfttiment était parti depuis le 16 janvier de Civita-
Vccchia^ et il a transporté en Corse 20! individus, savoir :
160 conscrits réfractaires;
1i déserteurs pour le 3« bataillon étranger;
30 déportés pour le 2« bataillon colonial.
Total : 201 hommes.
Policé. — Mairie de Civita^Vecchia.
État nominatif des individus embarqués sur le brick de S. M. l'Adonis,
capitaine Le Bas, pour être déportés dans Tîle de Gone^ en vertu
des décisions de 8. E. le ministre de la police général de l'empire
en diverses dates.
Noms et Prénoms.
ÂOE.
36
Lieux de i
Communes.
«lAlSSANCE.
Départ**.
fo.nctions
qu'ils exerçaient.
1
GoLONNA (Philippe)
Rome
Rome
ex-directeur
des catéchumènes
0
Garli (Bernardin)
55
id.
id.
3
Spoletini (Joseph)
53
id.
id.
4
Laurizi (Joseph)
38
diocèse
deSpoleto
Trasimène
curé
5
LïRONi (Jean-Bapt*«)
4i
id.
id.
id.
6
Fblici (Bernardin)
4i
id.
id.
id.
7
GoRTESiNi (Bernard)
53
id.
id.
id.
8
Aroenti (Vincent)
30
id.
id.
id.
9
UimuscHiif I (Riphaêl)
24
Gènes
Gênes
diacre
Civita-Vccchia, 14 mars 1812.
Pour le maire absent :
Vincent Bianghi, adjoint.
Marine à Police.
23 avril 1812.
Le ministre avise son collègue de rarrivée en Corse des neuf prê-
tres transportés sur l'Adonis : « ces neuf individus ont été remis à
la disposition de TofOcier supérieur commandant à Bastia la 2* subdi-
vision de la Corse. »
et simples déportés. Il suffit pour s'en convaincre de remarquer l'âge de deai
de ces prisonniers (32 et 38 ans), âge qui devait régulièremeot les mettre â l'abri
de la conscription.
1 . C'est ce navire (v. pins haut) qui avait dû relâcher â Antibes.
374
MELANGES ET D0CDME!!fT8.
Marine à Police.
il mai 1812.
... Le demi chebeck le Bamberg, parti le 20 avril dernier de Livourne
pour la Corse, avait embarqué en ce port trois ecclésiastiques (les sieurs
Félicien et Nicolas Viena, Joachim Baldi) et leur domestique (le
nommé Louis Ghelardi) ... ces quatre personnes ont été débarquées le
2i du même mois à Bastia.
Marine à Livourne.
16 juillet 1812.
... Vous m*avez rendu compte que la corvette le Mohawck, partie le
10 juin de ce port pour la Corse, avait embarqué 3 ecclésiastiques, les
sieurs Joseph Capua, Mario Lancia et Natale Astolfi.
Vous avez été sans doute informé que le Mohawck est arrivé le 16 du
même mois à Bastia...
Marine à police. 16 juillet 1812. Avis de Tarrivée en Corse du
Mohawck.
Marine à Police.
24 septembre 1812.
Le brick de S. M. V Adonis, parti le 16 août de Gênes pour la Corse,
avait embarqué en ce port trois prisonniers d'état dont la liste nomi-
native est ci-jointe ^.. Ces trois prisonniers ont été le 19 du même
mois remis à la disposition du général commandant à Bastia.
Marine à Civita-Vecchia.
9 novembre 1812.
Accusé de réception d'une lettre à laquelle était joints les contrôles
nominatifs de conscrits réfractaires, de 25 individus destinés au 2« batail-
lon colonial et de 7 déportés partis le 19 octobre de Civita-Vecchia
pour la Corse, à bord de l'Éclair.
Police. — Mairie de Civita-Vecchia.
État nominatif des individus embarqués sur la goélette de S. M.
l'Éclair, capitaine Marquis, pour être déportés en Corse en vertu des
ordres supérieurs.
-■ —
"S -S
3 o
1
Noms et Prénoms.
GiORGi (Philippe-
Marie)
ÂQE.
»))
Lieux de naissance
Communes Départ*».
Velletri
Rome
Observations.
ex-chanoine
par décision de S. E.
le ministre de la police
générale de l'empire.
1. Je n'ai pas retrouvé cette liste.
DJPORTATIOÏTS DE PRÊTÉES SOUS LE PEEMIBB EXPIEE.
375
îé
■§1
Noms et Prénoms.
AOE.
f »
41
41
54
30
Lieux de
Communes
naissance
Départ»».
Fo.NCTlONS
QU*1LS
EXERÇAIENT.
Observations.
0
Martini
Monto-
Fiascone
id.
prtHre
id.
3
(^ASACCO (Joseph)
Graiioli
id.
ex -religieux
id.
4
Vineri (Benoît)
Home
id.
id.
par ordre de S. M.
provoqué par 8. M.
(sic) le ministre des
cultes
5
GiROLAMi (Prospor)
i(l.
id.
id.
id.
6
VlNTURINI
Franrois-Xavier
id.
id.
id.
id.
i
Graziani
uo
Corse
par une décision par-
ticulière de M. le
directeur général de
la police à Rome
Civita-Vecchia, le 19 octobre 1812.
Le Commandant militaire de la marine,
Serval.
Les lettres suivantes laissent entrevoir les obsessions auxquelles
furent en butte les déportés pendant leur séjour en Corse. Exilés
pour un rcAis de serment, ils trouvaient dans le lieu de leur exil un
fonctionnaire qui réclamait d'eux ce même serment. Refusaient-ils?
ce fonctionnaire en référait au ministère de la police et en attendait
« des ordres ».
Le général comte César Berthier*, commandant en chef la Corse, au
ministère de la Marine.
10 septembre 1812.
Le.** prôtrcs déportés sont tous arrêtés (arrivés?), aucun n'est disposé
1 . Le nom de ce personnage, que nous avons déjà rencontré plusieurs fois, a? ait
été précédemment mêlé à un autre incident de la querelle de Napoléon et du |>ape.
Au moment où Pie Vil arrivait à Savone, l'empereur avait Tait une tentative
INNir dissimuler l'état de détenUon dans lequel il comptait tenir son prisonnier.
Il afait organisé auprès de sa personne une sorte de cour dans laquelle figura
un instant le comte César Berthier, avec le titre de maire du palais du pafte.
Mais bientôt les rapports se tendirent de plus en plus entre les deux adversaires.
Cette apparence de maison princière disparut. C'est alors que le comte César
Berthier fut enfoyé en Corse. Il était le frère cadet du prince de Wagrain.
376 MELANGES ET DOGUMEIVTS.
à prêter le serment. J'attends des ordres de S. E. le ministre de la
police générale à leur égard. H serait essentiel que ceux qui ont prêté
serment puissent retourner sur le continent, ce qui ferait bon effet vis-
à-vis des autres.
Marine à M. le baron Lhermitte, contre-amiral, préfet maritime
à Toulon.
19 novembre 1812.
M. le contre-amiral, je suis informé par le ministre des Cultes, que
les ecclésiastiques des départements romains qui avaient été dirigés sur
la Corse par mesure de police, et qui depuis ont prêté serment, doivent
être renvoyés dans ces départements.
Je charge M. le capitaine de vaisseau Donnadieu de faire pourvoir
au transport de ces individus; mais vous ne devrez pas moins lui
donner des ordres à ce sujet.
Marine à Cultes.
19 novembre 1812.
M. le comte, j'ai l'honneur de prévenir V. E., en réponse à sa dépêche
du 13 de ce mois, que j'ai donné des ordres pour le transport de la
Corse à Civita-Vecchia des ecclésiastiques des départements romains
qui avaient été dirigés sur cette île par mesure de police et qui depuis
ont prêté serment.
Ajaccio à Marine.
7 décembre 1812.
J'ai reçu la dépêche que V. Ë. m'a fait l'honneur de m'adresser le
19 novembre dernier.
Conformément à ce qu'elle me prescrit, j'ai pris les ordres de M. le
général comte Berthier pour le transport dans leurs départements des
ecclésiastiques romains qui ont prêté serment. Il m'a informé qu'ils
s'y étaient rendus avec leurs propres moyens.
... La mouche n* 21 était, le 1«' de ce mois, sur le point de transporter
de Bastia à l'île Caprara sept ecclésiastiques condamnés ^..
Le capitaine de vaisseau, commandant la marine en Corse,
Donnadieu.
Ajaccio à Marine.
10 décembre 1812.
J'ai l'honneur de rendre compte à V. E. que M. le général comte
l. Je n'ai pu me procurer les noms de ces prêtres. Il est permis de supposer
qu'il s'agit ici de quelques-uns de ces déportés qui avaient refusé au comte César
Berthier le serment déjà refusé en Italie, et au sujet desquels ce fonctionnaire
demandait (v. plus haut) des ordres au ministre de la police. Il n'est pas impos-
sible que ces ordres aient été d'envoyer ces prêtres rejoindre dans la tour de
Caprara les trappistes du couvent de la Cervara.
DtfPOETATlO!!» DE PEÊTEES SOCS LE PEEXIEE BMPIEE. 377
Borthier, ayant été informé que Thomas d'Arezzo, archovôquo do
Séleucie, qui était détenu à Gorte par mesure de police, n'en était évadé
et qu'il paraissait qu'il devait s'embarquer sur l'un des points de la côte
entre File Rousse et Saint-Florent, j'ai expédié le chebeck la Fortune
pour aller explorer la côte sur ces parages, ainsi que celle comprise
entre Sagone et l'île Rousse.
J*ai en outre donné Tordre à M. l'enseigne de vaisseau Lecamus de
visiter tous les bateaux qu'il rencontrera, afin de pouvoir découvrir
l'individu et dans ce cas de l'arrêter et de le conduire à l'île Rousse,
conformément aux intentions de M. le général comte Rerthier, où il
devrait le remettre au commandant de la gendarmerie du lieu.
Le chebeck ia Fortune appareilla le 7 de ce mois pour cette mission...
DONNADIEU.
Nous arrivons à cette funèbre année 4813. Parti pour la Russie à
la tête de tout ce que TEurope occidentale et centrale a pu lui fournir
de soldats, Napoléon en est revenu traînant après lui un ramas
d'hommes exténués et sans armes, un pële-mêle d'individus encadrés
au hasard des incidents de la déroute. Il s'est dérobé à cette foule
qui n'a plus ni la consistance ni l'aspect d'une armée, et il a ftii en
poste jusqu'à Paris. Derrière la voiture qui l'emporte en France,
l'Europe s'est soulevée. L'empereur vient demander à la France ses
derniers soldats.
Il serait des lors naturel de supposer que le despote vaincu, occupé
d'objets plus pressants que d'assurer sa domination sur quelques
centaines de prêtres italiens, laissera dormir cette question du ser-
ment refUsé par une partie du clergé des États romains.
Une circonstance d'ailleurs va se produire qui devra, semble-t-il,
mettre fin aux mesures violentes prises contre les partisans du pape.
En janvier 4843 en effet, la réconciliation s'opère, ofTlciellement,
entre Pie VII et Napoléon. Un nouveau concordat est signé; par une
clause, l'empereur s'engage « à rendre sa faveur aux cardinaux,
évêques, prêtres et laïques qui avaient encouru sa disgrâce depuis
quelques années ».
Or, rien de tel n'arriva, et Pie VII, que l'espoir de tirer de
prison ses adhérents avait finalement décidé à accepter un con-
cordat dont les bases principales lui répugnaient, en fût pour
sa signature. Deux mois après la conclusion de ce contrat, le
pape écrivit à l'empereur pour lui déclarer solennellement qu'il
retirait l'approbation donnée précédemment au nouveau concordat;
mais ce dernier, tenant la rétractation du pape pour non avenue, se
hâta de publier le concordat du mois de janvier, et de lui donner
force de loi. M. d'Haussonville, qui dans son livre suit pas à pas les
378 M^LA^TGES ET DOCUMEIITS.
incidents de cette longue lutte de l'empire et de la papauté, dit qu*à
répoque du second concordat quelques « cardinaux noirs » virent
alors cesser leur exil, mais que pour la plupart des prêtres détenus,
la clause du concordat qui promettait leur mise en liberté resta
illusoire. L'assertion, sur ce point, de M. d'Haussonvîlle me parait
d'autant plus exacte, que les pièces suivantes la justifîent ample-
ment. Non seulement à partir de 4843 les déportations de prêtres
reprennent avec la même intensité que pendant les années pré-
cédentes, mais encore, on pourrait penser qu'elles n'ont pas été
interrompues, sauf peut-être du 25 janvier au 24 mars 4843, c'est-
à-dire pendant les deux mois qui s'écoulèrent entre la signature du
concordat de Fontainebleau et la rétractation du pape. C'est du moins
ce que Ton sera amené à déduire des lettres suivantes, lettres qui
nous conduisent immédiatement au mois de juin de cette année 4843,
mais qui parlent de la déportation en Corse comme d^un objet en
quelque sorte a courant ». De janvier à juin, des communications
que je ne retrouve pas ont été probablement échangées entre les
différentes autorités administratives sur cette question du transport
des prêtres en Corse, et des transports ont dû avoir lieu ^ s'il n'en
avait pas été ainsi, et s'il y avait eu une interruption de six mois
dans les départs, on aurait peine à s'expliquer, par exemple, que
l'agent de la Marine à Civita-Yecchia annonçât un envoi de déportés
dans les termes que Ton va lire. Évidemment cet agent ne fait que
tenir le ministre au courant des détails d'un service dès longtemps
organisé et en plein fonctionnement.
Givita-Vecchia à Marine.
il juin 1813.
En marge de la lettre, cette noie du ministre : Rendu compte à S. M.
le 30 juin (événements de m£r).
Monsieur le Duc,
J'ai l'honneur d'adresser à V. E. 4 états nominatifs ^
le i»' de 175 conscrits,
le 2« pour les pionniers 18
le 3° pour le bataillon colonial 7
le 4« prêtres ou autres individus déportés 17
garnison 20
Total 237
qui ont été embarqués et partis hier iO du courant à 6 heures du
t. Je ne trouve pas ces états.
DÉPORTATIONS DB PRETRES SOUS LE PREMIER EMPIRE. 379
matin sur le pinqiie du commerce la Sainte-Catherine, capitaine Jean-
François Gianoni, pour l'île de Corse, sous l'escorte de la goiUette do
8. M. la Levrette, qui a embarqué à son bord les 6 premiers déportés
compris dans l'état n* 4. Ce bâtiment a aussi sous sa protection un
convoi do 46 voiles destiné pour les ports de 8. O. J'ai donné au
capitaine Taillade la mouche de S. M. le Petit^Page, pour l'aider à
maintenir l'ordre et à rallier son convoi.
Serval.
Gènes à Marine.
"1 septembre 1813.
... Le 9 août VEndymion et la gabarrc la Ciotat ont mis sous voile, le
premier pour Bastia, ayant à bord 14 prêtres et des conscrits... Le 29,
VEndymion^ l'Adonis et la Biche sont rentrés, les deux premiers venant
de porter en Corse des prêtres, des conscrits et de^ pionniers coloniaux i...
Fontaine.
Civita-Vecchia à Marine.
20 septembre 1813.
En marge, note du ministre : Rendu compte à S. M. (événements de mer).
J'ai Phonneur de rendre compte à V. E. que
Conscrits réfractaires 170
Individus destinés pour les pionniers 8
Garnison 10
Total 197 hommes
ont été embarqués sur la goélette du commerce la Fortune, le 17 de
ce mois, et sont partis, hier 19, pour l'isle de Corse, sous Pescorte do
la goélette de 8. M. la Torché, sur laquelle ont été embarqués 6 prêtres
et deux autres individus déportés dans cette isle par ordre de 8. Ë. le
ministre de la police générale.
Je joins à ma lettre 3 états nominatifs do tous ces individus^.
Serval.
Civita-Vecchia à Marine.
6 octobre 1813.
Les déportés de la Torche ont été débarqués en Corse le 22 sep-
tembre.
Civita-Vecchia à Marine.
22 novembre 1813.
En marge, note du ministre : Rendu compte à S. M. le i2 décembre
lévénements de mer).
... 206 conscrits réfractaires destinés pour Pile de Corse, et une
garnison de 12 hommes, ont été embarqués le 18 de ce mois, sur la
t. Je De trouTe pas U liste de ces prêtres.
2. Je ne trouve pas ces états.
380 MÉLANGES ET DOGUMEIITS.
goélette du commerce la Fortune, et sont, partis le 20, sous l'escorte de
la goélette de S. M. la Levrette, qui avait elle-même à son bord 6 indi-
vidus dont 2 prêtres, déportés dans cette île par ordre du gouvernement.
Gi-joint les états nominatifs ^
Sbbval.
Police à Marine.
3 décembre 1813.
M. le duc, j'ai l'honneur de prévenir V. £. que cent cinquante prêtres
romains, qui sont détenus dans la ville d'Alexandrie, département de
Marengo, doivent d'après les ordres de l'empereur être envoyés dans
l'île de Corse.
Je prie V. Ë. de vouloir bien me faire connaître sur quel port ils
doivent être dirigés, et d'y donner les ordres pour assurer leur prompt
transport à cette destination.
Le duc DE RoviQO.
Marine à Police.
6 décembre 1813.
M. le duc, j'ai l'honneur de prévenir V. Ë. en réponse à sa dépêche
du 3 de ce mois, que le port de Gênes étant le plus voisin d'Alexandrie,
c'est sur ce point qu'il convient de diriger les 150 prêtres romains qui
sont détenus en cette dernière ville et dont l'empereur a ordonné l'envoi
en Corse.
Je charge M. le Commissaire principal de marine à Gênes de faire
pourvoir promptement au transport de ces individus et de se concerter
à ce sujet avec M. le Commissaire général de police en ce port.
Civita-Vecchia à Marine.
6 décembre 1813.
Les déportés de la Levrette ont été débarqués en Corse le 27 novembre.
Civita-Vecchia à Marine.
20 décembre 1813.
J'ai l'honneur de rendre compte à V. E. qu'en suite de l'invitation
qui m'a été faite par M. le colonel commandant d'armes de cette ville,
par l'ordre de S. Ë. le lieutenant du gouverneur général, en date du
8 décembre dernier, de faire transporter de suite en Corse, par la
goélette de S. M. la Torche, les différents prisonniers d'état détenus à
Civita-Vecchia, cette goélette est partie samedi dernier, 18 du courant^
ayant à son bord 9 prisonniers dont 6 prêtres, desquels j'ai l'honneur
de soumettre à V. E. la liste nominative.
Serval.
1 . Je oe trouve pas les états.
D]fP0ETlT10:iS DB PRÈTHES 80DS LE PtBMIBE EMPIEB.
384
Commissariat spécial de police de Civita-Vecchia.
État nominatif de 9 individus qui par décision de 8. E. M. le lieute-
nant du gouverneur général de Rome doivent être relégués en Corse.
Givita-Vecchia, i7 décembre 1813.
Noms et Prénoms.
âqe.
33
Lu
de naissance.
ÎUX
DE DOMICILE.
QUALITKS
ET Professions
MoLAJONi (Joseph)
Rome
prêtre ex-pas-
sionniste
Canali (Joseph)
GiovANNOLi (Jean)
33
46
Gesano(Rome)
Rome
Rome
prêtre
prêtre ex-fran-
ciscain
Maninooni (J.-Bapt*«)
MucciOLi (Pierre)
Gesari (Joseph)
38
29
63
id.
id.
Tivoli (Rome)
prêtre
id.
prêtre ex-do-
minicain
Barthoi.tni (Philippe)
Gentofanti (Barthél.)
Zeroa (François)
36
40
Givita-Vecchia
id.
••
Clivita-Vecchia
id.
id.
marchand
propriétaire
huissier de
justice de paix
Le Gommissaire spécial de police,
Mallbval (?)
Vu débarquer à Bastia, le 23 décembre 1813 au soir.
Le Ghargé du service de la marine,
Butta Fuoco.
Le sous-préfet de l'arrondissement de Bastia certifie que les 9 indi-
vidus dénommés au présent état ont été débarqués en ce port de Bastia,
hier après midi, par la goélette de S. M. la Torche.
Fait à Bastia, le 24 décembre 1813.
(niisible.)
Police à Marine.
20 décembre 1813.
M. le duc, un décret rendu au quartier-général de Vérone, en date
du 21 novembre dernier, porte que tous les prêtres romains relégués
d'après les ordres de S. M. dans la ville de Bologne et autres communes
du département du Reno, seront incessamment dirigés sur Florence et
Livoume pour être embarqués et conduits dans Tile de Gorse.
8. A. L le prince vice-roi d'Italie ayant spécialement chargé le Direc-
teur général de police à Milan de me communiquer cette mesure, j'ai
fait aussitôt les dispositions convenables pour en assurer l'exécution,
toutefois après en avoir prévenu V. £. Je la prie de vouloir bien expé-
dier le plus tôt possible des ordres pour que rembarquement de ces
382 mMlinges et DOcoMEifrs.
prêtres ne souffre pas de retard, attendu qu'il est très vraisemblable que
plusieurs convois sont déjà parvenus à Livoume.
Le duc DE RoviQO.
(En marge de cette lettre, le ministre de la marine écrit :)
€ Prendre les ordres de l'empereur, attendu qu'un décret de Vérone
et un avis de la police ne sont pas des autorités pour moi. »
(Puis plus bas :)
f Voir le rapport ftiit le 22 décembre à S. M. »
Marine à Police.
23 décembre 1813.
M. le duc, j'ai Thonneur de prévenir V. E., en réponse à sa dépêche
du 20 de ce mois, que j'ai chargé les chefs de la marine à Livoume
do faire pourvoir au transport en Corse des prêtres romains qui avaient
été relégués dans le département de Reno et qu'elle m'a annoncé
devoir être dirigés par Florence sur ce port, pour suivre cette desti-
nation.
m.
Maintenant c'est 4844. C'est la fîn. Au commencement de janvier
de cette année, les alliés sont en France. En Italie la situation s'est
profondément modifiée. Murât, à la tête de ses Napolitains, s'est
emparé des États romains, dans l'espoir sans doute de se faire un
titre auprès de la coalition de cet acte d'invasion sur des pays
formant partie intégrante de l'empire de Napoléon, et pour obtenir
des alliés le maintien sur sa tête de la couronne de Naples.
Furieux de voir un de ses lieutenants se joindre à ses ennemis,
Tempereur (20 janvier) a fait écrire au pape qu'il est disposé à traiter
avec lui, sur les bases d'une restitution des États pontificaux. Refus
du pape. Le 22 janvier on a vu les Cosaques rôder dans les environs
de Montereau; Napoléon craint que l'ennemi ne lui enlève son prison-
nier, le pape est mis en voiture, et le commandant Lagorse reçoit
l'ordre, en feignant de le reconduire dans ses États, de le ramener à
Savonc à très petites étapes, et en évitant la route directe. Cependant
les événements se précipitent; le 40 mars, alors qu'il n'est plus en
son pouvoir de foire marcher sur Rome un caporal et quatre hommes,
Napoléon signe un dt'crot rétablissant le pouvoir temporel du pape.
Le 47 mars Pie VII est libre. Le 20 avril, à Fontainebleau, Napoléon
détrA«^ w'-md congé de f^ '*'4|WP8 adhérents.
iw. -^n^t étOQP-- '"'IB^ ^'^ ^^^ ^^ rinvasion, on passe
er- ' - - àd^ ^Sp* U ^^ vrai gue ropération
V
DéPORTATIOIVS DB PEÊTRBS SOUS LE PEBMIBE EMPIEB. 383
prend un nouvel aspect; ce n'est plus, à proprement parler, la dépor-
tation selon le sens donné ordinairement à ce mot dans la langue
politique, c'est plutôt une mesure d'évacuation des prisonniers d'État
des départements envahis sur ceux qui ne le sont pas encore. Napo-
léon est l'homme aux longues rancunes. En 4844, quand une ville
eàt menacée, l'empereur oublie rarement de faire ramener dans
l'intérieur les prisonniers politiques que cette ville peut contenir.
Les routes sont sillonnées par de longues files de ces malheureux.
Voici les dernières lettres adressées au ministre de la Marine de
l'empire par ses agents en Italie, sur ce double objet de la déportation
des prêtres et de l'évacuation des prisonniers politiques.
(Îivita-Vecchia à Marine.
17 janvier 1814.
... 131 conscrits réfractaires et tO individus destinés pour les batail-
lons coloniaux, ont été embarqués le 12 de ce mois, sur le pinque la
Conception, cap. J.-Bapt. Cavarra, et sont partis le même jour pour l'île
de Corse, sous Fescorte de la got*lette de S. M. la Torche, qui avait
elle-même à son bord 3 prisonniers déporU*»8 dans cette île par ordre
de S. Ë. le ministre de la police générale.
Uno grande partie de ces conscrits n'était pas habilb'e; mais vu
l'urgence, M. le lieutenant du gouvomeur général a ordonné qu'ils
fussont embarqués tels quels... Je joins à ma lettre les états nominatifs
soit des conscrits, soit des individus destinés pour los bataillons colo-
niaux, soit de ceux embarqués sur la goélette la Torche*.
Serval.
Géucs à Marine.
17 janvier 181 i.
En marge, note du ministère : Rendu omiptc à S, M. /c 16 février
{événements de mer).
... Los bricks l'Alacrity, l'Endymion et f Adonis, ainsi i\uo la go<*lette
la Biche, ont mis hier en mer, sous le commandement de M. le capitaine
de frégate de Mackau.
Ces quatre bâtiments se rendent à Bastia et y transi>ortent, le premier,
cinquante prêtres, les deux autres brigs 150 soldats illyriens, et la
goélette r>2 hommes destinés puur le bataillon colonial et 7 conscrits
réfractaires.
La Biche ne pouvant prendre un aussi grand nombre de {mssagers
avec son équipage actuel, je lui en ai fait laisser une partie sur le
station naire.
11 y a encore ici vingt-cinq prêtres, et un certain nombre de conscrits.
Voyant que le départ de cette flotille se trouvait retardé par les vents
1. Je n'ai pas ces états.
384 MELANGES ET DOCDHEITTS.
contraires et la grosse mer, j'ai cherché à affréter un navire du com-
merce pour faire partir tous ces passagers dans un même convoi. Je
n'en ai trouvé qu'un d'environ 100 tonneaux qui eût consenti à faire
ce voyage; il m*a demandé 15,000 fr. de fret et il a constamment refusé
de réduire ses prétentions ; dès lors je me suis décidé à ne pas l'affréter.
V. E. trouvera ci-joint les états numératifs et nominatifis de tous les
passagers partis hier^
Fontaine.
Gênes à Marine.
21 janvier 1814.
... Les 3 brigs dont j'ai eu l'honneur de vous annoncer la sortie par
ma lettre du 17 de ce mois, ont été forcés de rentrer le 18.
La grosse mer occasionnant un violent roulis aux bàtimens, même
dans le port, j'ai fait débarquer les prêtres, attendu qu'ils ont été cons-
tamment malades depuis la sortie des bâtiments jusqu'au moment de
leur débarquement.
[Is ne seront embarqués qu'au moment du départ.
Fontaine.
Gênes à Marine.
29 janvier 1814.
En marge, note du ministère : Rendu compte à S. M, le 2 mars
(événements de mer).
J'ai l'honneur d'informer V. E. que les brigs l'Alacrity, l'Endymion
et l'Adonis, ainsi que la goélette la Biche, ayant à leur bord les soldats
illjTiens, les hommes du dépôt colonial, les conscrits et les prêtres,
dont les listes sont jointes à ma lettre du 17 de ce mois, mirent en mer
le 26, pour se rendre en Corse, lieu de leur destination.
M. le capitaine de frégate de Mackau, commandant cette division, se
trouvant le 27 devant le golphe de la Sperzia, reçut par un canot que lui
expédia M. le chef militaire de la Spezzia Tavis que, suivant le rapport
d'un patron arrivant de Livourne, ce port était menacé, et il apprit par
d autres patrons venant de Tile d'Elbe qu'il y avait huit bâtiments
ennemis dans le canal de la Corse, et la présence de ces bâtiments
n'ayant pas permis à un navire chargé de bled pour la Corse et escorté
par la goélette la Torche, de se rendre à sa destination, on avait été
obligé de décharger ce navire à l'île d'Elbe.
Ces avis et un autre portant que quelques jour? auparavant, vingt-
cinq bâtiments de guerre avaient été apperous par le travers de Saint-
Florent, déterminèrent M. de Mackau à virer de bord et à faire route
pour Gênes: il y est entré hier.
Je reçus moi-même hier, de M. le commandant De la Coudrav, une
lettre portant la date du 24, à laquelle était joint copie des dispositions
1. Je ne trooTe pis ces états.
DÏPOKTATIO^S DE PEÊTKBS SOUS LE PKEMIBK EMPIRE. 385
qui lui ont été prescritos le 22 par 8. A. I. M»« la grando-duchesse, et
par laquelle il m'engage à ne pan expédier, quant à présent, de bâti-
ment pour Livourne.
D'après ce, j'ai pris le parti de faire débarquer les prêtres et les mili-
taires passagers sur les trois brigs et la goêlctto.
Fontaine.
Gônes à Marine.
15 février 1814.
En marge, note du ministère : Rendu œmpte à S. M. le 23 février
{événements de mer).
... A la demande de S. A. I. le prince gouverneur, j'ai fait embarquer
aujourd'hui sur l'Adonis 30 prisonniers d'état provenant du château de
Compiano, et dirigés sur le château d'If.
L'Adonis, qui vient de mettre à la voile, les transportera à Toulon, où
il mettra ces prisonniers à la disposition du Commissaire général de
police, qui leur fera suivre leur destination par terre.
... Les instructions à l'Adonis portent qu'il doit éviter tout engagement
dont la faiblesse de son équipage pourrait rendre l'issue douteuse.
V. E. trouvera ci-joint les états numératif et nominatif de ces trente
prisonniers ^
Fontaine.
Gênes à Marine.
2 avril 1814.
... Le !•' (mars) le brig V Adonis, expédié le 15 du mois de février
pour porter des prisonniers d'État â Toulon, est rentré après avoir
rempli sa mission.
Fontaine.
Ici prennent fin les documents que j*ai eus entre les mains sur la
déportation en Corse. Le lecteur a sous les yeux tout ce qu'il m'a été
possible de découvrir dans le riche fonds du ministère de la Marine.
Est-ce à dire que tout soit connu désormais sur ce point? il s'en fout,
très certainement, de beaucoup. D'autres dé}H)ts possèdent proba-
blement des pièces dont la divulgation pourrait compléter celles que
je viens de publier. Pour ma part, j'ai pu me convaincre que des
documents en assez grand nombre m'ont échappé. Il me manque
plusieurs listes de déportés. Je vois en outre par les annotations
portées en marge des minutes de la correspondance, annotations qui
indiquent fort exactement les dates de départ, d'arrivée, les réponses
faites, les recherches prescrites dans les bureaux du ministère, etc.,
que plusieurs lettres ne m'ont point passé sous les yeux, soit que je
t. Je n'ai pas ces états.
Rbv. Histor. XL 2* fasg. 25
386 MELANGES ET DOCUMENTS.
n'aie pas su les découvrir, soit qu'elles n'existent plus dans les
dossiers.
Quoi qu'il en soit, il est fecile de s'assurer, par l'examen des pages
qui précèdent, que la déportation en Corse porte sur plus de cinq
cents personnes, prêtres pour la plupart; si l'on ajoute à ce chiffre,
déjà si considérable, les fort nombreuses arrestations ordonnées par
l'empereur sur les membres du clergé français, arrestations dont tes
plus récents travaux publiés sur l'empire, et particulièremeat le livre
si instructif de M. d'Hausson ville, permettent, du moins en partie, de
faire le dénombrement, on arrive à un total qui contredit singuliè-
rement l'audacieuse allégation produite par Bonaparte dans l'ouvrage
intitulé Mémoires de Napoléon ; « Le fiât est, ne craint-il pas
« d'affirmer, qu'il n'y a jamais eu plus de cinquante-trois prêtres
« retenus par suite des discussions avec Rome. Us l'ont été légitime-
« ment. » Il faut avoir eu une singulière confiance dans les dépêches
« secrètes », dans les lettres « à son excellence elle-même » et dans
les rapports « confidentiels ». Il faut aussi n'avoir pas prévu l'éven-
tualité de recherches sérieuses faites dans les archives, pour s'être
permis d'imprimer cet insoutenable mensonge.
Au reste, pendant tout son règne, Bonaparte seinble avoir caressé
avec prédilection cette idée de déporter des prêtres. Il est vrai
qu'après l'affaire de la machine infernale du 3 nivôse an IX, quelques
conseillers d'État ayant parlé peu favorablement des royalistes et
des prêtres, il avait crié très fort : « On ne me donnera pas le
change!... Veut-on que je déporte des prêtres?... des vieillards! »
Mais il avait besoin alors de l'appui du parti catholique, et
il tenait fort aussi, ce jour-là, à obtenir la déportation de -130 ré-
publicains. Mais un peu plus tard, pendant les négociations du
concordat; Thibaudeau (Mémoires sur le Consulat) lui entendit
exprimer en ces termes sa manière de comprendre le gouvernement
des choses religieuses : a ... le premier consul nomme les évêques,
le pape les institue; il nomme les curés, l'État les salarie. Ils prêtent
serment, on déporte ceux qui ne se soumettent pas... » Plus tard
encore il écrivait au grand juge d'arrêter des prêtres qui avaient fait
mine de résister au concordat : < Dans le diocèse de Liège, il faut
également faire arrêter dix des principaux. Je veux bien encore être
indulgent et consentir à ce que ces prêtres soient déportés à
Rimini... » (Correspondance de Napoléon I", IX, 340.) C'était, on le
voit, un système.
Ce qui était encore un système, c'était de ne jamais se servir des
armes fournies par les lois répressives en matière de politique ou de
religion. On trouverait peu d'exemples, sous l'empire, de gens con-
DéPOKTATIONS DE PRÊTRB8 SOUS LE PEESIIER EXPIRE. 387
damnés pour fkits politiques, par les tribunaux réguliers; quand il y
a jugement, c'est très généralement un jugement rendu par une
commission militaire. Particulièrement en ce qui concerne les dépor-
tations eiïcctuécs à cette époque, on remarquera que les juges mili-
taires eux-mêmes ne sont jamais consultés : en brumaire an VlU,
déportation de républicains, par arrêté des consuls provisoires; en
nivôse an IX, déportations de républicains, par un sénatus-consulte;
en 4804, déportation de républicains, par un ordre de Tempereur;
de 4844 à 4844, déportations de prêtres, par ordre de Tempereur.
En relisant d'un bout à l'autre la longue liste des gens déportés
par ordre de l'empereur pour une cause politique ou religieuse, je ne
trouve qu'un homme qui soit sous le coup d'un jugement : c*est le
père Burdet, supérieur des trappistes de la Cervara, condamné
(voy. plus haut) par une commission militaire; encore la peine qu'on
lui fait subir n'est-elle pas celle qui lui est applicable, car il a été
condamné à 40 ans de bannissement et on le déporte dans une Ile
française.
Les périodes révolutionnaire et républicaine ont eu, elles aussi, leurs
déportations. Des lois prononcèrent successivement omette peine
contre les prêtres réfractaires, lorsque ces prêtres se trouvaient placés
dans certaines conditions prévues et déterminées; puis après le
48 fructidor an V, contre plusieurs catégories de citoyens. Les tri-
bunaux criminels avaient en outre la foculté d'appliquer cette pénalité
aux fauteurs de certains délits. L^homme politique, l'historien peuvent
discuter ces mesures, mais ils seront obligés de reconnaître que ceux
qui en étaient atteints tombaient du moins sous- le coup des pres-
criptions nettes et précises d'articles de lois votés par les représentants
réguliers de la nation. Détail curieux à noter : le consulat et l'empire
ont fhippé de déportation un plus grand nombre d'individus que ne
l'avaient foit les régimes précédents. Les lois de déportation n'ont
jamais reçu d'application pendant la période révolutionnaire propre-
ment dite, si ce n'est, en Tan 111, contre les représentants Billaud-
Varennes et Gollot d'Herbois. L'ordre donné sous la Convention de
déporter les mendiants et vagabonds n'a pas été exécuté; les con-
damnés politiques, particulièrement les prêtres insoumis, ont été
incarcérés en très grand nombre, ils n'ont pas été eflectivement
déportés. Les départs (en exceptant, comme je viens de le dire, l'em-
barquement do Billaud et Collot) ne commencent qu'en l'an VI ^ à la
l. Je n'ignore pas, qu'antérieurement à cette date, et postérieurement auwi,
beaucoup de personnes (principalement des prêtres), furent Jetées sur le terri-
toire étranger, surtout sur les territoires suisse et espagnol. Le nom de dêpor-
388 II<LA56BS ET OOCUMENTS.
suite des événements du 4 8 fructidor. J'ai sous les yeux les listes offi-
cielles et complètes des individus transportés à la Guyane (seule
colonie qui ait reçu des condamnés) jusqu'au \9 brumaire an YIII :
322 noms y figurent; si j'ajoute à ce chiffre une cinquantaine de
condamnés pris en mer par les Anglais, avec le navire qui les trans-
portait, et enfin quatre condamnés à la déportation dans Taifaire de
Babeuf (qui ne furent embarqués d'ailleurs que sous l'empire)^
j'arrive à un total de moins de 400 individus. Ce total comprend
non-seulement les déportés politiques et les prêtres, mais encore
quelques forçats du temps de l'ancien régime, dont la peine avait été
commuée par les tribunaux criminels, sur leur demande en révi-
sion de procès. J'ose afQrmer que de nouvelles recherches dans nos
dépôts publics ne fourniraient pas le moyen de grossir bien sensible-
ment ces chifires. Le consulat et l'empire (en ne tenant compte
que des documents publiés ici même dans un précédent article et
des pièces produites au cours du présent travail) ont déporté effeeti*
vement 650 personnes environ pour des causes uniquement poli-
tiques ou religieuses. Je me contente d'ajouter que ce résultat est
provisoire*.
Jean Dbstbem .
tation que les autorités d'alors donnèrent à ces expulsions est évidemment videux,
et l'on ne saurait considérer comme déportés ceux qui furent l'objet de ces mesures
de bannissement.
1. C'est ainsi que je trouve dans les dossiers de la marine la trace de deux
individus déportés sous le Consulat à Saint-Domingue par mesure de simple
police. Plusieurs autres étaient destinés au même exil; le triomphe de l'insur-
rection des noirs empêcha le départ de ces bannis. Les dossiers parlent également
de deux mameloucks du premier consul dont on semble pressé de se débarrasser
à tout prix, en les envoyant aux colonies sous bonne et sûre garde, etc., etc.
Quant aux projets non suivis d'exécution, ils sont nombreux : projet de coloniser
avec des déportés accom|)agnés de leurs familles les extrêmes limites de nos pos-
sessions en Guyane; projet de déporter dans la Louisiane (un moment française)
cinq ou six cents bohémiens, etc.
BULLETIN HISTORIQUE
FRANCE.
L'époque de Tannée où nous nous trouvons est toujours marquée,
au point de vue historique, par une assez grande stérilité-, mais
jamais les publications qui se rattachent à nos études n'avaient été
aussi rares que depuis notre dernier bulletin. Cette vérité surprendra
peut-être ceux de nos lecteurs qui ne se rendent pas compte des limites
que la Retme est obligée de se tracer, sous peine de compromettre son
autorité, et qui pensent qu'elle doit accorder son attention à tous
les ouvrages qui s'occupent du passé. C'est parce que la He9me ne peut
étendre son domaine jusqu'aux bornes de la science historique aussi
largement comprise, que la pénurie dont nous parlons est réelle et
que le bulletin qu'on va lire est aussi sommaire.
Le tome IV et dernier des Mémoires de Thomas du Fossé * , par
exemple, échappe presque entièrement à notre compétence ; les élé-
ments purement historiques qu'il renferme se réduisent presque à
des détails sur la famine de 4693 et sur les habitudes de maraudage
de l'armée. En même temps que ce volume et l'introduction de l'édi-
teur, M. Bouquet, la Société de l'Histoire de Normandie distribue le
tome premier de V Histoire de Vahbaye de Saint-Michel du Tréport,
par Dom Coquelin'. Nous reviendrons sur ce volume lorsque nous
aurons entre les mains la fin de Touvrage et l'introduction de
M. Lormier, à qui cette publication a été confiée. — C'est également
sous les auspices d'une société savante de province que M. Em. Pilot
de Thorey a publié le Cartulaire de l'abbaye bénédictine de Notre-
Dame et Saint-Jean-Baptiste de Chalais^ au diocèse de Grenoble'.
Les cinquante-cinq chartes que M. Pilot a réunies sous ce titre ne
présentent guère qu'un intérêt local, et la façon dont elles sont éditées
laisse îx désirer. — M. Eug. Halphen n'a pas apporté non plus tous les
soins désirables au recueil de documents inédits qu'il vient de publier
1. 1 Tol. iii-^*, Rouen.
2. 1 vol. in-8% Rouen.
3. 1 Tol. in-8% Grenoble. Extrait du bulletin de la Société de sUtislique de
l'Isère.
390 BULLETIN HISTORIQUE.
sur le règne de Henri IV*. Ce recueil se compose H** de trois projets de
Pallocution que Henri IV devait prononcer au lit de justice du 24 mai
4597, du texte, déjà publié, des paroles que le roi fit en effet entendre
au Parlement et d'un procès-verbal de la séance ; 2® de six lettres de
Henri à Hurault de Maisse, ambassadeur à Venise; 3» de trois autres
lettres du roi. Tune au comte de Brienne, Tautre à M. de Beauvoir,
la troisième à Fabbesse de Soissons ; 4° de lettres de Nicolas Rapin et
de son fils. Ces documents sont intéressants. L'éditeur aurait dû y
introduire une ponctuation meilleure, des apostrophes, mettre de
grandes lettres aux noms propres, multiplier davantage les notes,
déterminer d'une façon certaine l'auteur du procès-verbal et comparer
ce procès- verbal à celui du registre original du Parlement.
Nous signalerons brièvement les Esquisses marchoises^ de M. Louis
Duval, qui, sous une forme décousue et prolixe, dénotent un sens
critique exercé et une connaissance approfondie de l'histoire locale,
et les études de M. Ernest Lavisse sur l'histoire de Prusse^, que nous
avons déjà appréciées à fur et à mesure qu'elles paraissaient dans la
Revue des Deux-Mondes et qui, sans faire étalage d'érudition, avec
leur forme alerte et brillante, nous offrent une véritable philosophie
de l'histoire de Prusse.
Il ne faut demander à M. le comte Jules Delaborde ni la pénétra-
tion, ni le talent qui distinguent le livre de M. Lavisse, mais ses
ouvrages reposent toujours sur des recherches patientes et fécondes.
Dans le premier volume de sa biographie de Coligny ^, les documents
tiennent la première place et cependant l'ouvrage porte une empreinte
très personnelle. Les documents mis au jour par M. Delaborde ont
un prix et un intérêt singuliers. S'ils ne nous révèlent pas un Coligny
inconnu, ils accentuent davantage les traits de cette belle et sereine
figure, ils nous font entendre le simple et fier langage de cette grande
âme, si fortement imbue du sentiment du devoir, si pleine d'abnéga-
tion, si supérieure à son temps. Aux lettres de Coligny s'en ajoutent
d'autres dont on appréciera l'importance quand on saura qu'elles
sont signées de Henri II, d'Anne de Montmorency, de d'Andelot, de
François de Lorraine, etc. M. Delaborde n'a voulu ni analyser, ni
1. Harangues et lettres inédites du roi Henri IV stUvies de lettres inédites du
poète Nicolas Rapin et de son fUs, publiées d'après les ms. de la Bibliothèqoe
nationale. In-4*', Lille.
2. Esquisses marchoiseSy superstitions et légendes, histoire et critique, 1 vol.
in- 18. Champion.
3. 1 vol. in-8°. Hachette.
4. Gaspard de Coligny, amiral de France, 1 vol. gr. in-8". Sandoz et
Fischbacher.
FRANCE. 394
mutiler des documents où un simple mot peut avoir la valeur d'un
trait de caractère. 11 a eu raison. C'est surtout à ce souci et à ce res-
pect des documents que son livre doit son intérêt et son importance.
Quant à Tesprit dans lequel il est écrit, il est un peu étroit, un peu
sectaire. Non que la ferveur protestante de Fauteur ait eu pour
résultat de grandir outre mesure Goligny, mais elle fausse un peu le
ton du récit, elle lui donne quelque chose de sec et de tendu, et elle
entraine parfois l'auteur à méconnaître certains faits et à en affirmer
d'autres sans preuve. C'est ainsi qu'après avoir parlé de la prise
d'armes arrêtée en 4560 entre Gondé et le roi de Navarre, il nous
présente le premier comme innocent du crime de lèse-majesté (476-
502) ; ailleurs, nous ne savons sur la foi de quelle autorité il attribue
au duc de Guise et au cardinal de Lorraine la pensée de se débarras-
ser en 4560 de « tous les réformés français, à quelque rang de la
société qu'ils appartinssent » (480). Plusieurs lettres que M. Dcla-
borde donne pour inédites avaient déjà été publiées par M. Jules
Tessier dans une étude remarquable sur Coligny^ que l'auteur
semble n'avoir pas connue et à laquelle, d'ailleurs, il n'aurait pu
emprunter que peu de chose, car il s'arrête dans ce premier volume
à redit de 4562. La partie la plus neuve de ce volume consiste
peut-être dans l'exposé des négociations avec l'Angleterre, qui se
terminèrent par la restitution de Boulogne, et de celles que Goligny
poursuivit avec Gharles-Quint et Philippe II pour la libération des
prisonniers de guerre.
La Société de l'Histoire de France vient de distribuer le premier
volume des Mémoires de Nicolas GoulaSy c^est-à-dire la partie com-
prise entre 4627 et la régence d'Anne d'Autriche '. Ces mémoires,
on le sait, ont été écrits par un serviteur de Gaston d'Orléans; c'est
donc principalement de ce prince, de ses intrigues stériles, de ses
complots avortés qu'ils nous entretiennent; c'est dire qu'ils ne
peuvent avoir l'intérêt de ceux qui nous initient à la politique de
Richelieu ; toutefois les conspirations dont Gaston fût l'àme se ratta-
chent tellement à l'exécution des grands desseins du ministre par les
obstacles qu'elles ont semés sur sa route, qu'elles forment une partie
considérable de l'histoire de son ministère. Goulas est un narrateur
Adèle et impartial des compétitions qui divisaient la cour de Gaston,
des complots auxquels il prêta l'appui de son nom. Ses mémoires,
publiés pour la première fois d'après le ms. original, contribueront
1. L'anUral OoUçtuf, étude historique. 1 vol. in-S*. Sandoz et Fischbacber.
2. Mémoires de Nie. Goulu, gentilhomme ordinaire de U chambre da dac
d'Orléans, publiés par Charles Constant. 1 toI. in-S*. Renouant.
392 BULLETIN HISTORIQUE.
dans une large mesure à nous fkire connaître le centre de mesquines
intrigues auquel Gaston présidait et qu'il ne faut jamais perdre de
vue quand on étudie le gouvernement du cardinal.
Le titre compliqué et quelque peu bizarre que M. le comte de
Martel a donné à son livre ^ en indique bien le caractère décousu et
discursif. On comprendra à quel point l'auteur s'est affranchi des
règles de la composition, quand on saura que de ces deux volumes
qui se présentent comme une étude sur Fouché, le second s'occupe à
peine de ce personnage et est consacré pour la plus grande partie aux
événements du 9 thermidor, dans lesquels, de Taveu de l'auteur, le
futur duc d'Otrante ne joua qu'un rôle tout à fait secondaire. M. de
Martel est un chercheur patient, passionné, qui se laisse entraîner
hors de son sujet par les documents variés que des recherches entre-
prises d'abord dans un but déterminé font passer sous ses yeux. Ne
nous en plaignons pas : tout ce qui dans cet ouvrage est étranger à
Fouché n'en forme pas la partie la moins intéressante. Ce qu'on y
trouve sur l'administration de Fouché dans ses différentes missions
a moins d'intérêt et de nouveauté, à nos yeux, que le récit circons-
tancié, puisé aux meilleures sources, de la lutte de la Commune
contre la Convention et les Comités. L'organisation de la force armée
à Paris, au moment où s'ouvrait la lutte, n'avait jamais été présentée
d'une &çon aussi claire et aussi complète. Ce livre, qui prête tant à la
critique par ses digressions, ses redites, ses réflexions oiseuses, ne
mérite que des éloges si on le considère comme un recueil de docu-
ments et de faits ^. Immédiatement au-dessous des livres bien faits
il faut placer les livres utiles, et nous croyons qu'aucun de ceux qui
s'occupent de la période révolutionnaire ne contestera ce titre au
livre de M. de Martel.
L'histoire proGtera beaucoup moins de l'ouvrage consacré par
M"* la marquise de Blocqueville à la mémoire de son père, le maré-
chal Davout^, mais il faut reconnaître que le second volume de cet
ouvrage est, comme composition, très supérieur au premier^. Sans
prendre encore décidément parti entre une biographie homogène et
1. Types révolutionnaires, — Etude sur Fauché, l'* partie : Nantes, Nevers,
Lyon, le communisme dans la pratique en 1793. 2* partie : Fouché et Robes-
pierre, le 9 thermidor, les rois révolutionnaires. 2 vol. in- 12. Pion.
2. Un trail particulier à l'auteur, c'est qu'il ne tient aucun compte des traTaax
de ses deranciers; ainsi, l'ouvrage de M. d'HéricauIt sur le 9 thermidor, celui
de M. Mège sur le proconsulat de Couthon en Auvergne, ne sont pas cités.
3. Le maréchal Dawut, prince d^Eckmûhl, racontée par les siens et par M-
même : années de commandement, 1 toI. in- 8*. Didier.
4. Cf. Revue hist., X, 124.
AN6LETBREB. 393
un recueil de documents, M"* de Blocqucville est venue bien plus
rarement que dans le premier interrompre par des réflexions plus
filiales qu'intéressantes la série des lettres beaucoup plus nombreuses
qui forment le fond de sa publication. Ces lettres ont presque toutes
un caractère privé, domestique*, elles sont adressées à la maréchale,
née Leclerc, et n'ajouteront que bien peu de chose à Thistoire roili*
taire qui semblait surtout devoir s'enrichir par la publication de la
correspondance de Davout. Elles ne sont cependant pas dénuées
d'intérêt; sous les détails vulgaires dont elles nous entretiennent,
apparaît une âme simple, tendre, pénétrée du sentiment du devoir,
l'âme d'un héros personnifiant la patrie dans l'empereur, mais ayant,
à défout de sagacité politique, toutes les vertus militaires. C'est par
cet intérêt psychologique que ces lettres se feront pardonner la déce[>-
tion qu'on éprouvera si Ton y cherche des renseignements nouTcaux
sur les opérations militaires ou l'histoire générale du temps.
G. Fag.xiez.
ANGLETERRE.
TEMPS MODERNES.
Peu de livres, publiés dans ces derniers temps, ont excité un intérêt
aussi varié que la vie du prince Albert, dont le 4* vol., relatif aux
années 4857-59, vient de paraître ^ La majorité des lecteurs sera
probablement attirée par la vie privée si pure, par Tintelligcnce si
cultivée que nous révèlent les détails rapjtortés par le biographe, et
surtout les belles lettres du prince à sa fille, lettres qui suffisent, à
elles seules, à jeter un grand charme sur le livre tout entier. D'autres
seront fï*api)és des connaissances variées de Phomme et de l'intérêt
qu'il montrait pour les choses les plus diflerentes. Un jour, il discute
avec une raison supérieure quelque question d'État avec les ministres
de la cfouronne-, un autre, il est absorbé par quelque idée philanthro-
pique et il cherche les moyens d'aider ceux qui, déshérités des avan-
tages de ce monde, ont de la peine à s'aider eux-mêmes. Il peut
causer sur le pied de l'égalif') avec les artistes et les savants; une
fois même un industriel, qui vint pour s'entendre avec lui sur l'ins-
tallation d'un candélabre au palais, quitta le prince en lui avouant
1. The Hfe of B, R, H. ihe Prinee Cantort, bj Théodore MaHin. Vol. IV.
Londres, Smith, Elder et C% t879.
382 MELANGES ET DOCOMEIH'S.
prêtres ne souffre pas de retard, attendu qu'il est très vraisemblable que
plusieurs convois sont déjà parvenus à Livourne.
Le duc DE Rovioo.
(En marge de cette lettre, le ministre de la marine écrit :)
€ Prendre les ordres de l'empereur, attendu qu'un décret de Vérone
et un avis de la police ne sont pas des autorités pour moi. »
(Puis plus bas :)
t Voir le rapport fait le 22 décembre à S. M. »
Marine à Police.
23 décembre 1813.
M. le duc, j'ai Tbonneur de prévenir V. E., en réponse à sa dépêche
du 20 de ce mois, que j'ai chargé les chefs de la marine à Livourne
de faire pourvoir au transport en Corse des prêtres romains qui avaient
été relégués dans le département de Reno et qu'elle m'a annoncé
devoir être dirigés par Florence sur ce port, pour suivre cette desti-
nation.
lU.
Maintenant c'est iSiÂ. C'est la un. Au commencement de janvier
de cette année, les alliés sont en France. En Italie la situation s'est
profondément modifiée. Murât, à la tête de ses Napolitains, s'est
emparé des États romains, dans l'espoir sans doute de se faire un
titre auprès de la coalition de cet acte d'invasion sur des pays
formant partie intégrante de l'empire de Napoléon, et pour obtenir
des alliés le maintien sur sa tête de la couronne de Naples.
Furieux de voir un de ses lieutenants se joindre à ses ennemis,
l'empereur (20 janvier) a fait écrire au pape qu'il est disposé à traiter
avec lui, sur les bases d'une restitution des États pontificaux. Refus
du pape. Le 22 janvier on a vu les Cosaques rôder dans les environs
de Montereau; Napoléon craint que l'ennemi ne lui enlève son prison-
nier, le pape est mis en voiture, et le commandant Lagorse reçoit
l'ordre, en feignant de le reconduire dans ses États, de le ramener à
Savone à très petites étapes, et en évitant la route directe. Cependant
les événements se précipitent ^ le 4 0 mars, alors qu'il n'est plus en
son pouvoir de faire marcher sur Rome un caporal et quatre hommes.
Napoléon signe un décret rétablissant le pouvoir temporel du pape.
Le 4 7 mars Pie VU est libre. Le 20 avril, à Fontainebleau, Napoléon
détrôné prend congé de ses derniers adhérents.
Détail vraiment étonnant : pendant ces mois de l'invasion, on passe
encore le temps à déporter des Italiens. Il est vrai que l'opération
oéPOETATIONS DE PRÊTRES SOUS LE PREMIER EMPIRE. 383
prend un nouvel aspect; ce n'est plus, à proprement parler, la dépor-
tation selon le sens donné ordinairement à ce mot dans la langue
politique, c'est plutôt une mesure d'évacuation des prisonniers d'État
des départements envahis sur ceux qui ne le sont pas encore. Napo-
léon est l'homme aux longues rancunes. En 4844, quand une ville
eàt menacée, l'empereur oublie rarement de f^'re ramener dans
l'intérieur les prisonniers politiques que cette ville peut contenir.
Les routes sont sillonnées par de longues files de ces malheureux.
Voici les dernières lettres adressées au ministre de la Marine de
l'empire par ses agents en Italie, sur ce double objet de la déportation
des prêtres et de l'évacuation des prisonniers politiques.
Civita-Vecchiâ à Marine.
17 janvier 1814.
... 131 conscrits réfractaires et 10 individus destinés pour les batail-
lons coloniaux, ont été embarqués le 12 de ce moi:^, sur le pinque la
Conception, cap. J.-Bapt. Cavarra, et sont partis le môme jour pour l'île
de Corse, sous Tescorte de la goi'lette de S. M. la Torche, qui avait
elle-même à son bord 3 prisonniers déportés dans cette île par ordre
de S. E. le ministre de la police générale.
Une grande partie de ces conscrits n'était pas habillée; mais vu
Turgence, M. le lieutenant du gouverneur général a ordonné qu'ils
fussent embarqués tels quels... Je joins à ma lettre les états nominatifs
soit des conscrits, soit des individus destinés pour les bataillons colo-
niaux, soit de ceux embarqués sur la goélette la Torche*.
Serval.
Gônes à Marine.
17 janvier I81i.
En marge, note du ministère : Rendu amipte à S. M. le \ù février
{événements de mer).
... Les bricks l'Alacrity, l'Endymion et l'Adonis, ainsi que la goélette
la Biche, ont mis hier en mer, sous le commandement de M. le capitaine
de frégate de Mackau.
Os quatre bâtiments se rendent à Bastia et y transportent. If» premier,
cinciuanto prêtres, les doux autres brigs 15G soldats illyriens, et la
gOi'Iette 52 hommes destinés pour le bataillon colonial et 7 conscrits
réfractai res.
La Biche ne pouvant prendre un aussi grand nombre de passagers
avec son équipage actuel, je lui en ai fait laisser une partie sur le
stationiiaire.
Il y a encore ici vingt-cinq prêtres, et un certain nombre de conscrits.
Voyant que le départ de cette flotille se trouvait retardé par les vents
1 . Je n'ai pas ces étals.
384 MELANGES ET OOCOMENTS.
contraires et la grosse mer, j'ai cherché à affréter un navire du com-
merce pour faire partir tous ces passagers dans un môme convoi. Je
n*en ai trouvé qu'un d'environ 100 tonneaux qui eût consenti à faire
ce voyage; il m'a demandé 15,000 fr. de fret et il a constamment refusé
de réduire ses prétentions ; dès lors je me suis décidé à ne pas l'affréter.
V. E. trouvera ci-joint les états numératifs et nominatifs de tous les
passagers partis hier^
Fontaine.
Gênes à Marine.
21 janvier 1814.
... Les 3 brigs dont j'ai eu l'honneur de vous annoncer la sortie par
ma lettre du 17 de ce mois, ont été forcés de rentrer le 18.
La grosse mer occasionnant un violent roulis aux bàtimens, même
dans le port, j'ai fait débarquer les prêtres, attendu qu'ils ont été cons-
tamment malades depuis la sortie des bâtiments jusqu'au moment de
leur débarquement.
[Is ne seront embarqués qu'au moment du départ.
Fontaine.
Gênes à Marine.
29 janvier 1814.
En marge, note du ministère : Rendu compte à S. M. le 2 mars
[événements de mer).
J'ai l'honneur d'informer V. E. que les brigs l'Alacrity, VEndymion
et l'Adonis, ainsi que la goélette la Biche, ayant à leur bord les soldats
illyriens, les hommes du dépôt colonial, les conscrits et les prêtres,
dont les listes sont jointes à ma lettre du 17 de ce mois, mirent en mer
le 26, pour se rendre en Corse, lieu de leur destination.
M. le capitaine de frégate de Mackau, commandant cette division, se
trouvant le 27 devant le golphe de la Spezzia, reçut par un canot que lui
expédia M. le chef militaire de la Spezzia l'avis que, suivant le rapport
d'un patron arrivant de Livourne, ce port était menacé, et il apprit par
d'autres patrons venant de l'île d'Elbe qu'il y avait huit bâtiments
ennemis dans le canal de la Corse, et la présence de ces bâtiments
n'ayant pas permis à un navire chargé de bled pour la Corse et escorté
par la goélette la Torche, de se rendre à sa destination, on avait été
obligé de décharger ce navire à l'île d'Elbe.
Ces avis et un autre portant que quelques jours auparavant, vingt-
cinq bâtiments de guerre avaient été apperçus par le travers de Saint-
Florent, déterminèrent M. de Mackau à virer de bord et à faire route
pour Gênes; il y est entré hier.
Je reçus moi-même hier, de M. le commandant De la Coudray, une
lettre portant la date du 24, à laquelle était joint copie des dispositions
1. Je ne trouve pas ces états.
DiPOlTATIONS DE PEÊT1B8 SOUS LB PIBMIBE BMPIEB. 385
qui lui ont été prescrites le 22 par 8. A. I. M»« la grande-duchesse, et
par laquelle il m'engage à ne pas expédier, quant à présent, de bâti-
ment pour Livoume.
D'après ce, j'ai pris le parti de faire débarquer les prôtres et les mili-
taires passagers sur les trois brigs et la goëletto.
Fontaine.
Gènes à Marine.
15 février 1814.
En marge, note du ministère : Rendu compte à 5. M. le 23 février
(événements de mer).
... A la demande de S. A. I. le prince gouverneur, j'ai fait embarquer
aujourd'hui sur l'Adonis 30 prisonniers d'état provenant du château de
Ck)mpiano, et dirigés sur le château d'If.
L'Adonis, qui vient de mettre à la voile, les transportera à Toulon, où
il mettra ces prisonniers à la disposition du Commissaire général de
police, qui leur fera suivre leur destination par terre.
... Les instructions à l'Adonis portent qu'il doit éviter tout engagement
dont la faiblesse de son équipage pourrait rendre l'issue douteuse.
V. E. trouvera ci-joint les états numératif et nominatif de ces trente
prisonniers ^
Fontaine.
Gènes à Marine.
2 avril 1814.
... Le l*' (mars) le brig V Adonis, expédié le 15 du mois de février
pour porter des prisonniers d'État à Toulon, est rentré après avoir
rempli sa mission.
Fontaine.
Ici prennent fin les documents que j'ai eus entre les mains sur la
déportation en Corse. Le lecteur a sous les yeux tout ce qu'il m'a été
possible de découvrir dans le riche fonds du ministère de la Marine.
Est-ce à dire que tout soit connu désormais sur ce point? il s'en fkut,
très certainement, de beaucoup. D'autres dépôts possèdent proba-
blement des pièces dont la divulgation pourrait compléter celles que
je viens de publier. Pour ma part, j'ai pu me convaincre que des
documents en assez grand nombre m'ont échappé, il me manque
plusieurs listes de déportés. Je vois en outre par les annotations
portées en marge des minutes de la correspondance, annotations qui
indiquent fort exactement les dates de départ, d'arrivée, les ré{)onscs
faites, les recherches prescrites dans les bureaux du ministère, etc.,
que plusieurs lettres ne m'ont point passé sous les yeux, soit que je
1. Je n'ai pas cea états.
Rbv. IIistor. XL 2* fasc. '25
S98 BULLBTI^r HI8T01IQUE.
a doimi au public des extraits de la correspondance des Hatton^
publiés aree aoin par M. E. Maunde Thompson, qui aujourd'hui
occupe dignemeni le poste de conservateur (keeper) des manuscrits
au British Muséum, en remplacement de M. Bond, nommé adminis-
trateur général (principal librarian) ; ce dernier s'était déjà distingué
en augmentant les facilités du travail pour le public sérieux, et en
supprimant des règlements surannés ou vexatoires que les employés
semblaient souvent prendre plaisir à aj^liquer avec rigueur. La
correspondance dont il est ici question est composée en grande partie
de lettres adressées à lord Hatton, et, à Texception de quelques-unes
au commencement du livre, elles sont écrites après la Restauration,
les dernières étant de 4704. Ces lettres sont pleines d'intérêt; elles
font bien connaître au lecteur la cour et la société de Charles II et de
ses successeurs.
L'autre volume publié pour la Société, et par mes soins, n'a
aucune prétention à être amusant^; cependant les notes prises par
un grefOer du parlement sur les débats de la chambre des Lords
en 4624, Tannée où T Angleterre rompit avec TEspagne, et en 4626,
l'année où Buckingham fut mis en accusation, ne laissent pas de
présenter une réelle valeur historique.
Un autre volume du Calendar des papiers d'État de la République,
par Madame Green, nous conduit de déc. 4 652 à la fin de juin 4 653 '.
Il contient pour Thistorien une mine d'informations ; mais, comme
les autres Galendars de cette période, il ne peut rivaliser, pour
l'intérêt dramatique, avec ceux de la Monarchie. 11 y a peu de ces
documents qui n'aient un caractère ofTiciel. Pour la correspondance
privée du temps, qui tient une si grande place dans les papiers d'État
de Charles P% il nous faut chercher ailleurs.
Bien que le volume de M. Hamilton soit encore sous presse, on
sait qu'il contient des matériaux d'un intérêt exceptionnel. Le pro-
blème de la dissolution du Court-Parlement, le 5 mai 4640, est enfln
résolu; Clarendon raconte que cette dissolution eut pour cause la
persistance de Yane à demander douze subsides ; mais il exagère une
cause secondaire pour en faire un motif déterminant. La cause véri-
table fut la résolution prise par le parlement de prendre en main les
intérêts de l'Ecosse et de prier le roi de faire la paix avec ceux qu'il
traitait de rebelles. S'il n'y a pas dans le volume d'autre révélation
1. Correspondence ofthefamUy of Haiton, 1601-1704. 1878.
2. Noies ofthe debates in the House of Lords, publ. par S. Rawson Gardiner
pour la Camden Society, 1879.
3. Calendar of State papers; domestic séries, 1652-1653 (Rolls séries). 1878.
iDssrs. 899
égale en importance à celle-ci, nous y trouvons des détails sur la
désastreuse expédition du roi dans le Nord; nous voyons grandir sous
nos yeux la résistance à ses entreprises; nous lisons jour par jour
les nouvelles de l'armée, qui nous parlent de soldats mutinés, de
bourgeois mécontents, de Timpossibilité de trouver de Targent pour
les troupes, enOn de l'invasion triomphante des Écossais, qui conduit
à la honteuse déroute de Newbury.
S. Rawson Gaadinee.
RUSSIE.
NécioLOGiR. — L'érudition a perdu en 4877 deux travailleurs
infatigables, dont les nombreuses publications ont beaucoup contribué
au progrès des études historiques en Russie, MM. Popov et Bodiansky.
Le premier a fait paraître, à des époques différentes et dans plusieurs
revues, un grand nombre d'études remarquables sur l'histoire
moderne de notre pays. Un de ses meilleurs travaux est l'Histoire des
relations de la cour russe avec le pape Grégoire XVL 11 est aussi
l'auteur d^une monographie, laissée inachevée, sur la guerre de 4842.
M. Bodiansky, mort le 6 septembre 4877, avait été professeur de phi-
lologie slave à l'université de Moscou et secrétaire de la « Société de
l'histoire et antiquités » de Moscou. G^est sous sa direction que
parurent, de 4846 à 4877, cent volumes des publications de cette
société. 11 était né en 4808, dans le gouvernement de Poltava, d'une
famille ecclésiastique. En 4834, à l'âge de 23 ans, il entra à l'univer-
sité de Moscou ; il y entretint des relations intimes avec Stankevitch
et ses amis, et subit fortement l'influence du professeur Katchenovsky,
représentant de l'école sceptique dans l'historiographie russe. En 4 835
il publia sa thèse pour la licence « sur les opinions concernant l'origine
de la Russie » \ avec Katchenovsky, il prétendait que les Varègues
descendent des Slaves baltiques, que Novgorod est une de leurs
colonies et que le nom Roussje appartient à la Russie méridionale,
qui le reçut des Russes de la mer Noire, d'origine turque. En 4 837 il fût
chargé d'une mission scientiOque à l'étranger. De retour à Moscou
en 4842, il fut nommé professeur d'histoire et de littérature slaves,
et occupa la chaire devenue vacante après la mort de Katchenovsky.
En 4845 il Alt élu secrétaire de la « Société de l'histoire et des anti-
quités », annexée à l'université de Moscou , et depuis il consacra
tout son temps à cette société. Sous sa direction, les travaux de cette
société, qui se faisaient souvent attendre, parurent sous la forme
400 BULLETIN HISTORIQUE.
d'une revue périodique, intitulée : « Lectures de la Société de Thistoire
et antiquités ». Vingt-trois livraisons des « Lectures » furent publiées
de 4 845 à 4 848 ; elles contiennent de nombreuses études de Bodiansky,
des documents publiés par lui, avec préfaces, remarques, etc., et
relatifs tant à rhistoire ancienne de la Russie qu'à Thistoire moderne.
Une de ces publications devint la cause d'une catastrophe pour la
Revue, malgré son caractère tout à fait spécial et scientifique : en 4 848
on y imprima la ^ " livraison de l'ouvrage de Fletcher « L'empire russe
au xvi*" siècle ». La vente de la traduction fut à l'instant interdite, la
société reçut une réprimande, son président et son secrétaire furent
obligés de se retirer^ de plus, Bodiansky reçut l'ordre de passer dans
une autre université. Karamzine avait cependant déjà publié par
extraits presque tout l'ouvrage de Fletcher, dans les tomes IX et X de
son Histoire de l'empire russe. Bodiansky refusa de changer de rési-
dence et préféra donner sa démission. Il resta un an sans place, mais
à la fin de l'année 4 849 il fut de nouveau nommé professeur à Moscou
par ordre impérial, et plus tard, en i 858, réélu secrétaire de la société.
Les « Lectures », dont la publication avait été suspendue, reparurent
alors en livraisons trimestrielles. Le caractère n'en fut pas modifié,
mais la partie historique fût encore plus élargie, grâce à une plus
grande liberté laissée à la presse. Cette publication rendit un grand
service, car ^Ue était alors en Russie la seule de son espèce. Les Lec-
tures sont divisées en trois parties *. les Mémoires, les Documents sur
l'histoire russe, slave et étrangère, et les Variétés, qui comprennent
des articles ou documents de peu d'étendue.
Congrès archiîologiques. — Le congrès archéologique de Kazan,
le quatrième des congrès convoqués en Russie, a donné beaucoup à
espérer. 11 était difficile de trouver une place plus propice en fait
d'histoire et d'archéologie. Kazan est le centre de la partie de la
Russie où se rencontrent les nationalités les plus diflîérentes, où
les Tchérémisses, les Mordves, les Tartares et les Slaves vivent
cote à côte, et où les vieilles croyances et les vieilles coutumes se
sont conservées presque intactes. De plus, Kazan est située aux bords
du Volga, et c'est sur les rives de ce fleuve et de ses afQuents que
s'étendit la colonisation slavo-russe, propagée surtout par les habi-
tants de Novgorod. Enfhi, nous trouvons à Kazan des savants sérieux,
voués à l'étude de la vie russe, du système de colonisation et des par-
ticularités ethnographiques de la population. En dépit de ces cir-
constances ftivorables, le congrès a déçu en grande partie les
espérances qu1l a\'ait fkit naître. Il n a été supérieur aux congrès
précédents qu'à deux points de vue : d'abord, il a été précédé par des
travaux préparatoires, d i i connaître la contrée où il se
iDssnt. 404
réunissait, et ensuite les procès-verbaux des séances ont été publiés
sans délai, au cours mérae de la session.
Les travaux préparatoires présentent un grand intérêt. Outre l'édi-
tion publiéeen 4 877parrAcadémieecclésiastiquedeKazandes «Extraits
des terriers de Kazan pour 4556-4558 », le professeur Chpilevsky a
ikit paraître un livre très intéressant, intitulé : « Villes anciennes et
autres monuments bulgaro-tartares dans le gouvernement de Kazan y>,
4877. Cette monographie est dédiée au IV' congrès archéologique et
présente un résumé complet de tout ce qui se rapporte aux monu-
ments bulgaro-tartares. Elle se divise en trois parties. [>a première
contient un aperçu des sources musulmanes sur les villes bulgares ;
la seconde, un résumé de tout ce qui a été écrit sur les Bulgares dans
les chroniques russes *, et la troisième, une nomenclature des fortifi-
cations anciennes, des tumuli et des places où on a fkit des décou-
vertes archéologiques, avec la description des objets trouvés. M. Solo-
viev a publié en 4 877 un répertoire bibliographique des articles qui ont
paru sur les antiquités du gouvernement de Kazan. Il est à regretter
que cet ouvrage ne soit pas complet; M. Soloviev n'a parcouru que
quatorze recueils périodiques, encore ne les a-t-il même pas dépouillés
en entier. L'ouvrage est accompagné de deux cartes : Tune des villes
anciennes, tumuli, etc., du gouvernement de Kazan, et l'autre, des
lignes de défenses établies au-delà de la Kama. La carte archéologique
du gouvernement de Kazan a été présentée au congrès; les erreurs
en ont été signalées dans un mémoire de M. Iznoskov, qui a composé
en collaboration avec M. Zolotnitzky une carte ethnographique du
gouvernement de Kazan. M. Platon Zarinsky a écrit une description
de Kazan au xvi* siècle, avec un plan de la ville, Kazan, 4877.
L'auteur s'est donné pour but de rétablir la topographie de la ville
telle qu'elle était au temps où elle fût prise par le tsar Ivan IV (4 552) ;
il nous donne, de plus, d'après les terriers et autres sources locales,
des renseignements détaillés sur l'administration, la population, les
édiflces, sur le siège et la prise de Kazan. Sur une des questions
proposées par le comité préparatoire du congrès, la question
relative à l'auteur du Slovo ô Polkou Igorevo et le caractère de
cette œuvre poétique, M. Vsevolod Miller, professeur à l'Université
de Moscou, a publié en 4877 une des meilleures monographies
qui ait paru sur ce sujet si controversé. M. Miller soutient que
la chanson d'Igor a été composée non par une sorte de barde,
comme on le croyait jusqu'à présent, mais par un homme de la
cour, assez instruit du reste, qui connaissait la littérature de son
temps, et même les œuvres d'Homère. Il peignit d'un coloris
poétique une époque peu éloignée de la sienne; il se servit seulement
ReV. HlSTOR. XI. 2* FA8C. %
402 BULLBTI?! HI8TOEIQ0B.
des anciennes croyances pour orner son poème ; peut-être même
était-ce un prêtre, un confesseur du prince. Quant au poète russe
Boyan, il n'a jamais existé. Ces conclusions, si différentes de Topinion
reçue et qui était entrée dans les manuels scolaires, ont dû néces-
sairement soulever des contradictions passionnées-, M. Miller y a
répondu avec beaucoup de talent dans un article de la Revue du
ministère de Tinstruction publique. Cette polémique a fait plus
d'honneur au patriotisme des adversaires de M. Miller qu'à leur
méthode scientifique.
Suivant Texempie de la plupart des congrès scientifiques, le congrès
de Kazan s'est divisé en sections; elles étaient au nombre de sept,
dont voici les titres : 4^ Antiquités préhistoriques, 2^ géographie his-
torique et ethnographie, 3^ monuments, 4^ vie domestique et
publique, 5<» vie religieuse, 6^ langue et littérature, et 7° antiquités
orientales. Il y a eu en tout vingt-cinq séances.
La section la plus importante a été celle des antiquités préhistoriques.
Plusieurs communications intéressantes ont été faites sur les tumuli
et les tombes anciennes des gouvernements de Kiev et Poltava, de
Pétersbourg et laroslav, des contrées baltiques et de la Sibérie, et sur
les tombes du Caucase. On a appelé l'attention du congrès sur les
découvertes d'objets de l'âge de la pierre dans le district de Mourome
(gouv. de Vladimir), par le comte Ouvarov et le prince Galitzin;
sur les fouilles faites par M. Samokvassov en 4875 dans les dis-
tricts de Pereiaslav, au gouvernement de Poltava, de Kaniev et de
Tcherkassy , au gouvernement de Kiev ; sur la découverte d'un ancien
cimetière dans la ville de Kiev en 4876, et sur les fouilles de tumuli
de formes différentes, faites par M. Popovsky dans le bassin du fleuve
Ross ; dans un de ces tumuli , on trouva près de cinquante vases
contenant des cendres humaines.
Le professeur Antonovitch a étudié d'après les tumuli de la Russie
méridionale les différents modes d'ensevelissement. 11 établit en tout
cinq types H° le plus ancien : les squelettes sont couchés profondé-
ment sous la terre dans la position horizontale; il n'y a auprès
d'eux aucun objet; quelquefois ils sont enveloppés d'écorce;
2* les tombes avec plusieurs squelettes , de deux à neuf, et des
instruments de pierre, ou à la fois de pierre et de métal; 3** les
tombes de l'âge de bronze ; les morts sont consumés, leur cendres
sont conservées dans des vases; il y a d s tumuli qui ne contiennent
que des objets de bronze ; l'arche 2 3 danois Worsae a donc eu
tort de souten" '"«^ Russie lie n'avait pas connu l'âge
de bronze ^tenant à un peuple d'une
culture h 1 )que où les habi-
V
RD88IK. 403
tants commençaient à entrer dans l'âge de bronze ; on > trouve des
objets de bronze, de fer, des vases de terre cuite, du verre, de Tor,
de la cornaline, du soufre, etc.-, 5° les tombes de Tâge du fer, qui
présentent quatre formes différentes suivant le genre d'ensevelisse-
ment. On trouva dans une de ces tombes un vase en cuivre, avec
l'image des quatre évangélistes.
Un nouveau congrès archéologique doit se réunir àTiflis, dans le Cau-
case, en août 4880. A l'exemple des savants de Kazan, les savants
du Caucase ont à l'avance publié des ouvrages qui ont pour but
de faire connaître à la Russie les antiquités du pays. M. Wyroubov a
imprimé la première livraison des « Objets antiques du musée de la
Société des amateurs d'histoire archéologique, Tiflis, 4877 ». Cette
société n'existe que depuis 4874, mais elle a déjà recueilli près de
600 objets. La livraison actuelle contient la description de 4 39 d'entre
eux, avec l'indication de la place où ils ont été trouvés. En 4873,
M. Bakradze, à la suggestion de l'Académie des Sciences, entreprit
un voyage en Gourie et dans les districts de Tchourouk-Sou et
d' Adtchara, dans le but de recueillir les inscriptions du pays. Ce voyage
a eu pour résultat un livre, publié en 4 878 à Saint-Pétersbourg, et
intitulé : c Voyage archéologique en Gourie et à Adtchara ». Il nous
fkit connaître la population de ces contrées, ses particularités
ethnographiques, etc., et nous décrit les trouvailles archéologiques
faites par l'auteur. Les inscriptions sont traduites en langue russe.
A la fln se trouve un index des noms propres et des noms géogra-
phiques. En outre, l'orientaliste Sakinine prépare une édition
d'actes concernant Thistoire de la Grouzie (Géorgie).
Pour ce qui concerne les congrès précédents, nous ne ferons que
mentionner les « Travaux du II* congrès archéologique à Saint-
Pétersbourg », tome i, qui contient des articles sur l'archéologie en
général et l'archéologie russe en particulier, et 2® les « Travaux du
1II« congrès archéologique en Russie convoqué à Kiev au mois
d'ao&t 4874 », 2 tomes.
Ethnographie. — Ici, peu de travaux, mais ces travaux sont
remarquables. Plusieurs sociétés géographiques et juridiques, surtout
celle de Moscou, et beaucoup de savants isolés, ont publié des pro-
grammes qui ont fourni des matériaux très précieux pour Tétude de
l'ethnographie et du droit coutumier, de la possession communale
des terres, etc. Le tome VII des « Mémoires de la Société géogra-
phique impériale russe », paru en 4877 sous la direction de
M. Maikov, contient trois grands articles. Nous ne nous arrêterons
pas sur le premier : c Les côtes de la mer Glaciale et de la mer
Blanche, avec leurs fleuves i>, parce qu'il sort un peu de notre cadre,
404 BULLETIN HI8T0KIQUB.
mais nous appeDerons Tattention sur les deux autres. L^article de
M. Ralinsky sur le calendrier russe donne des détails minutieux sur
les coutumes et les traditions qui se rattachent aux fêtes religieuses
et populaires. Le mémoire « Sur les costumes et ajustements des Rous-
sines ou Russes dans la Galicie et la Hongrie du nord », a été déjà
imprimé en 4867 dans les « Mémoires de la Patrie »*, il repa-
rait à présent dans une nouvelle édition, revue, corrigée et com-
plétée par l'auteur, et suivie de dessins faits à Vienne et à Prague.
Le tome VIII, paru sous la direction de M. Matveïev, est divisé en
trois parties : coutumes juridiques du peuple russe, coutumes juri-
diques des peuplades étrangères qui habitent la Russie, et remarques
sur le droit coutumier. Dans la première partie nous trouvons les
articles suivants : « Recherches sur le contrat de service des pâtres »,
par M. Efimenko^ c Sur la censure des mœurs chez le peuple », par
M. Ristiakovsky 5 a Mœurs juridiques dans le gouvernement de
Samara », par M. Matveïev, avec Tindication des sources et des
ouvrages relatifs à cette question. La seconde partie contient la
description des « Coutumes juridiques des Lopares, Rorels et
Samoyèdes du gouvernement d'Arkhangel », par M"® Efimenko, qui
étudie avec beaucoup de talent Tethnographie des peuplades étran-
gères de la Russie du nord. Dans le présent ouvrage, M"'*' Efimenko
examine le droit civil, le droit criminel, la vie publique, la justice et
la pénalité de ces peuples. Ces recherches sont suivies de documents
tirés des archives des églises et monastères du gouvernement
d'Arkhangel. Il faut encore signaler Tarticle de M. Ibrahimov : « Re-
marques sur la justice chez les Kirguises » ; celui de M. le prince
Rostrov : « Coutumes juridiques deslakoutes », etc. La 3« partie du
livre contient de petits articles sur différentes questions de droit
coutumier.
On trouvera aussi d'abondantes et précieuses informations dans les
deux tomes IV et V (deux livraisons) des « Travaux de la section
ethnographique de la Société impériale des amateurs de Thistoire
naturelle, anthropologie et ethnographie à TUniversité de Moscou »,
parus en 4877. Dans le tome IV sont publiés les procès- verbaux des
séances de la société, du 44 novembre au 47 avril 4877. Ils con-
tiennent beaucoup de renseignements intéressants sur des documents
ethnographiques etsontsuivis dedouze appendices dont nous indiquons
le titre : 4 ° Croyances et cérémonies chez les habitants du gouvernement
de Mohilev, les Biélorusses, ou Russes blancs, par M. Zenkovitch;
2*^ Pierre le Grand dans les traditio )opi res et les contes du pays du
nord, V ] 3"^ Ob " inographiques faites pendant
un voyage et *' Nefedov ; 4" " * "^niver-
il. ■
1
1US8IB. 405
saire du nouvel an, et le nouvel an dans le district de Mourome, par
M. Dobrinkine, complété par M. Barsov; ^^ Cérémonies célébrées
à la naissance et au baptême des enfants sur TOrel, par M. Barsov,
6^ Aperçu des matériaux ethnographiques donnés dans les huit tomes
du Recueil de Nijni Novgorod, par M. Koudriavtzev \ 7® La vie des
enfants de la campagne dans le gouvernement de Kazan suivant
leurs jeux, petits vers et chansons, par M. Mojarovsky -, 9* Noces
chez les paysans dans le district de Mtzensk , par H. Apos-
tolsky, 40^ Tradition bachkire sur la lune dans ses rapports
avec les traditions des autres peuples, par M. Lossievsky; W Ori-
gine des croyances primitives d'après la théorie de Herbert
Spencer, par M. Apostolsky -, et 42^ Affinité d'un conte russe avec la
littérature populaire de TOrient et de TOccident, par M. V. Miller. Les
deux livraisons du tome Y ont paru sous la direction de H. Popov.
Elles sont composées de matériaux ethnographiques sur la population
russe du gouvernement d'Arkhangel, recueillis par M. Eflmenko avec
Faide de plusieurs habitants de ce gouvernement, et surtout de
M. Ivanov, qui ont travaillé suivant les programmes envoyés par le
comité statistique du gouvernement d'Arkhangel.
Parmi les ouvrages consacrés à l'ethnographie, nous signalerons
encore les « Antiquités >, t. VII, livr. 4 -, les travaux de la Société
archéologique de Moscou, parus en 4878 sous la direction du secré-
taire de la société, M. Roumiantzev, qui contiennent entre autres la
suite d'un travail important de M. le comte Ouvarov, sur les monu-
ments mégalitiques ; la « Russie vagabonde i, par M. Maximov, et
une série d'éditions provinciales, dont nous parlerons plus loin. Le
livre de M. Maximov est écrit avec talent et se lit avec beaucoup
d'intérêt. G^est un tableau vivant de la vie des vagabonds, si
nombreux en Russie, et qui forment un des traits les plus
originaux, les plus caractéristiques de la vie russe. L'auteur
décrit d'une manière artistique les vagabonds qu'il a rencontrés
dans ses nombreux voyages \ il nous raconte leur vie en général,
leur répartition géographique, leur origine, leur position actuelle,
leurs traits distinctifs, etc. Citons enfin la « Civilisation ancienne
des Finnois de l'ouest, suivant les données de leur langue >, recueil
d'articles publiés en 4877, par M. Maikov, dans la « Revue du minis-
tère de l'instruction publique ». Ce sont des extraits de l'ouvrage
du professeur d'Helsingfors Alquist, qui connaît si bien les peu-
plades finnoises; l'auteur a complété ces extraits par des notes ethno*
graphiques.
CiTiLOGUEs ET I^TVBNTiiRES. — Ou s'cst mis daus CCS dcmières
années à publier de nombreuses descriptions de manuscrits. Il con-
406 BULLETIN HISTOaiQDB.
vient de parler en premier lieu des mss. russes et slaves de la
Bibliothèque impériale, décrits par M. Bytchkov, directeur de cette
bibliothèque, et savant éminent. C'est un ouvrage très remar-
quable et très érudit. Il paraîtra sans interruption par livraisons, et
chaque volume contiendra une table des noms de personnes et
matières. La première livraison contient la description de quarante-
trois manuscrits. Cette description est très exacte et très détaillée. Au
même genre de travaux se rapporte l'ouvrage de M. Victorov, direc-
teur des Archives de Moscou (Archives de la Salle d'armes), intitulé :
a Inventaire des carnets et papiers des anciens prikazes (départe-
ments) de la cour en 4584-4725 » (livr. I, Moscou, 4877); mais cet
inventaire a un défaut, il est souvent trop bref. On y trouve l'indica-
tion des documents relatifs aux prikazes de la couronne, à Tatelier du
tsar (masterskala palata) et de la tsarine, celle des livres des recettes et
dépenses du trésor, des marchandises, etc. Plusieurs de ces documents
ont été déjà publiés, soit en entier, soit en partie, dans les ouvrages
de MM. Zabieline, Savaltov, et dans le recueil des documents sur
Pierre le Grand, qu'on préparait pour le jubilé de ce prince, et qui a
disparu on ne sait comment, ni pourquoi.
Deux livraisons d'un a Inventaire des affaires et documents con-
servés dans les archives du Synode » ont été publiées en 4878. Pour
accélérer l'édition, l'ouvrage a été divisé en deux parties, et on a fkit
paraître la seconde partie avant la première. Cet inventaire est un des
meilleurs de ce genre -, il ne laisse rien à désirer pour le détail et la
précision des analyses, ni pour l'importance des extraits. A la fin du
volume sont publiés en entier des documents d'un intérêt biogra-
phique ou historique, et chaque tome est accompagné d'une table des
noms de personnes et des matières. Citons encore le troisième volume
de r« Inventaire des édits (oukases) et ordonnances, conservés dans les
archives du Sénat de Saint-Pétersbourg, pour le xviii« siècle (4740-
4762) », par Baranov. Il renferme les édits et ordonnances publiés
depuis la mort de l'impératrice Anne jusqu'à l'avènement de Cathe-
rine II, en tout 4280 pièces. L'auteur analyse brièvement, en suivant
l'ordre chronologique, chacun des documents ; il indique la page et
le livre où se trouve l'acte authentique, et les numéros des articles
correspondants du Recueil complet des lois ; ses chiffres sont placés
entre j>arenthèses à la fîn de chaque article. De ces 4280 oukases,
3742 ne font pas partie du Recueil, il n'y en a que 538 qui s'y trouvent.
Dans la préface, M. Barano? a donné un aperçu très intéressant de
l'histoire du sénat pondant cette époque, et une liste des sénateurs
depuis son institution. Le volume se termine par une table détaillée
des matières, des noms propres et des noms de lieux. Mentionnons
RUSSIE. 407
enfln V « Inventaire des Archives du ministère de la marine, depuis
le milieu du xvii^ siècle jusqu'au commencement du m* », par
F. Vessélago, auteur d*une histoire de la marine. Depuis leur fonda-
tion en 4748, ces archives ont été le dépôt central de tous les papiers
relatifs à la marine. Ils se trouvaient dans un désordre complet, et
Tabsence d'inventaires méthodiques les rendait impossibles à consul-
ter. Pour remédier à ces inconvénients, on nomma une commission,
chargée d'analyser en détail les pièces contenues dans chaque liasse,
en mettant à part les documents les plus intéressants et en disposant
le texte de l'inventaire de manière à fkciliter les recherches. Le pre*
mier volume de cet inventaire contient l'analyse très détaillée des
pièces qui se rapportent à l'époque antérieure à Pierre le Grand ou
au commencement de son règne, celle des papiers du Trésor général ,
de la prikaznaïa paiata d'Azov, du Tsarskj chaiêr à Voronej, de
4693 à 4708-, de la marine militaire, de 4654 à 4748; de la chancel-
lerie de l'amirauté, de 4697 à 4728 -, du comte Apraxine, de 4742 à
4726. La plupart de ces documents se rapportent au règne de
Pierre le Grand et ont trait à la marine ; mais on en trouve aussi d'un
genre tout à foit différent, par exemple le journal d'un gentilhomme
de l'ambassade russe à Florence, Likhatchev, en 4 659-60, des enquêtes
de toutes sortes à propos de vols, brigandages, etc. Pour faciliter les
recherches, on a placé à la On du livre trois tables : une des matières
et des noms de lieux ; une autre des noms de personnes ; enfln une
table des documents par ordre chronologique ; on y a même joint
neuf foc-simiiés des écritures employées dans les manuscrits que
décrit l'inventaire. M. Petrov, professeur à l'académie ecclésiastique
de Kiev, a de plus commencé, en 4877, la publication d'un in?entaire
descriptif des mss. de la bibliothèque de l'Académie.
A côté de ces inventaires viennent les catalogues analytiques des
livres anciens. On comprendra l'intérêt qu'ils présentent, si l'on se
rappelle à quel point le progrès intellectuel a été lent en Russie, et
combien le goût des livres y était peu répandu. Deux publications
nous arrêteront. C'est en premier lieu un « Catalogue descriptif des
livres slavo- russes, imprimés en caractères cyrilliques, de 4494 à
4730 1, par M. Korataev. Ce volume paraîtra en deux livraisons;
dans la première, M. Korataev décrit 447 livres, de l'an 4494 à 4600.
Parmi tous les livres anciens, ce sont les plus rares, les plus intéres-
sants et les moins connus (non moins de 35 ne se trouvent pas à la
Bibliothèque impériale) ; c'est pourquoi l'auteur les décrit en détail, il
en donne des extraits curieux, pour en fticiliter la comparaison avec
les autres éditions du même texte; de plus, il en publie les prébces
et les conclusions : enfln il indique les dépôts où ils sont conservés.
408 BULLETIN HISTORIQUE.
Dans la seconde livraison, Tauteur promet de décrire près de 4600
livres anciens, de Fan 1 604 à 4 730, mais presque tous déjà connus.
Elle sera suivie de tables alphabétiques des titres de livres, des
noms des villes ou des monastères où ces livres ont été publiés, etc.
Citons en second lieu les « Matériaux pour servir à la biblio-
graphie russe, aperçu chronologique des livres russes rares et
remarquables du lYin^ siècle, publiés en Russie de 4725 à 4800 »,
par A. Guberti. Moscou, 4878. L'auteur ne commence qu'en 4725,
parce que les livres publiés antérieurement ont été déjà décrits par
M. Pekarsky dans son ouvrage intitulé : a La science et la littérature
en Russie sous Pierre P' > (4862). La première livraison, seule
parue jusqu'ici, contient la description de 200 volumes analysés
dans Tordre chronologique -, chaque titre est suivi de Tindica-
tion des sources. Suit une description plus ou moins détaillée du
livre et de sa préface. Si cette dernière offre un intérêt particu-
lier, M. Guberti la donne en entier; si elle ne sert qu'à indiquer
le but et le plan de Touvrage, il se contente de citer les passages
les plus propres à indiquer le contenu du livre ; mais il ne dit pas^ et
c'est là une lacune grave, dans quelle bibliothèque se trouvent les
livres rares qu'il décrit.
Enfin, nous parlerons ici, bien qu'il ne se rattache pas directe-
ment à ce qui précède, de l'ouvrage intitulé : « Aperçu général
des travaux de la Commission de publication des décrets et traités,'
instituée auprès des Archives principales du ministère des affaires
étrangères à Moscou », 4877. Cet Aperçu a été composé par feu
M. Ammonov. Il est suivi d'extraits des comptes-rendus publiés par
les Archives. Ces extraits nous font connaître la composition des
archives, leur but et leur utilité.
PcBLiciTioxs DE TEXTES. — L'histoirc ancienne de la Grande et
de la Petite Russie s'est enrichie de nombreux documents. La Com-
mission archéologique a publié les vol. IV et Y de la « Bibliothèque
historique russe » ; nous avons autrefois parlé des volumes précé-
dents [Rev. hist. II, 246; V, 457). Le quatrième volume contient des
matériaux relatifs aux discussions religieuses dans la Russie occi-
dentale, principalement pendant le xn« et le xvn* siècle. Voici ce
qu'on y trouve : I** Procès- verbaux du concile de Mina ^4509 ; ils ont
été déjà imprimés deux fois, mais seulement en partie : c*est ici qu'ils
sont publiés en entier pour la première fois: 2"' Concile de Kiev A 640),
d'après le récit de l'apostat Sakovitch; c*est le seul renseignement
complet que nous possédions sur ce concile; 3* Journal de Tabbé
Afanasi Filippovitch de Berestei, mis à mort par les Polonais en
4 646 et rangé au nombre des saints ; 4* La défense de TOunia {Union; ,
1US8IE. 409
par rarchimandrile Lev Rrevsa, imprimée en 4647; 5* Palinodia ou
livre de la défense catholique, écrit en 4624-22, par le moine-prêtre
Zacharie Ropystenski, un savant de Kiev; livre assez connu, mais
imprimé ici pour la première fois; 6* Messages du père Artemj, qui
f\it condamné par le concile des Cinq-Cents et enfermé dans le
monastère de Solovetzk, mais qui de là s'enfUit en Lithuanie. A la fin
du volume est placé un index où l'on trouve des explications sur des
noms peu connus, différents renseignements nécessaires pour vcrifler
les citations, et des remarques sur la signification des documents con-
tenus dans le volume. Le tome V contient les décrets du patriarche
Nicon et d'autres prélats, d'après les copies ou les actes authentiques
conservés au monastère d'Iver, ainsi que les lettres des autorités
monastiques adressées aux patriarches et autres personnes, et con-
servées dans les archives du monastère. Ces papiers n'ont pas seule-
ment de l'intérêt pour l'histoire monastique, ils aident aussi à carac-
tériser Factivité du patriarche Nicon après son départ de Moscou
en 4658, lorsqu'il se retira des affaires publiques et ne s'occupa plus
que des monastères. Outre ces documents, on trouve dans le livre un
résumé de l'histoire du monastère d'Iver. On voit que les moines y
avaient une imprimerie, et que quelques-uns d'entre eux étaient
occupés à traduire en langue russe les chroniques polonaises, lithua-
niennes et autres ouvrages.
La Commission archéologique a en outre publié, en 4878, les
tomes IX et X des « Actes relatifs à l'histoire de la Russie méridio-
nale et occidentale ». Le tome X sert de complément au tome III
publié en 4862. Il concerne les négociations pour l'annexion de la
Petite Russie à la Grande Russie. Le gouvernement de Moscou avait
demandé sur la Petite Russie des renseignements détaillés qui lui
furent envoyés. En même temps il reçut des différentes parties de
cette contrée des pétitions pour le maintien de différents droits, etc.
Ce sont ces pièces, conservées aux Archives du ministère des affaires
étrangères, qui forment la matière du t. X. Il contient en outre les
négociations de 4653, la résolution prise par le Zemskj Sobor (états
généraux), à propos de la déclaration de guerre au roi Jean Casimir
et de l'assujettissement à la Mosco?ie de Bogdan Chmelnitzky et de
toute l'armée petite russienne, ainsi que les registres de recensement
de tous les habitants des villes soumises. Le tome IX a été rédigé par
un savant éminent M. Kostomarov, et contient des documents relatifs à
l'histoire de la Petite Russie pendant le gouvernement de l'hclman
Demian Dorochenko jusqu'à l'élection du nouvel hetman Ivan
Samollovitch. L'Oukraine occidentale, rendue à la Pologne par le
traité d'Androussov, élait ravagée par les quenelles continuelles entre
4 \ 0 BULLETIN HISTORIQUE.
les deux helmans Pierre Dorochenko et Mihallo Hanenko, ainsi que par
les excursions des Polonais, desTurcs et des Tartares. Dorochenko vou-
lait à tout prix assurer son autorité sur la rive gauche du Dnieper et
réunir la Petite Russie sous un seul hetman, ce qui souleva Tani*
mosité entre TOukraine de la rive gauche et celle de la droite, et excita
la haine des Polonais contre la Russie. Les documents les plus curieux
sont ceux qui se rapportent à la chute de rhetman Mnogogriechnj et
aux relations des savants de Kiev : Innokenty Guisel, losif Tou-
kalsky, Lazar Baranovitch et Jvanniky Goliatovsky, avec Moscou. En
les lisant, nous voyons d^un coté combien Tartde Timprimerie avait
fait peu de progrès en Moscovie, et de l'autre quels obstacles s'oppo-
saient à la propagation de la science. A la fin du livre se trouve une
table des noms et des matières.
Au même genre de travaux se rapportent : 4® les a Matériaux
historico-juridiques, extraits des registres administratifs des gouver-
nements de Vitebsk et de Mohiiev », conservés aux Archives centrales
de Vitebsk, et publiés par M. Sazonov. Le premier tiers du livre con-
tient les registres des recettes et dépenses de Mohiiev, les deux
autres tiers les actes de la magistrature de cette ville. Pris dans
leur ensemble, ces actes présentent un tableau très intéressant de la
vie municipale pendant le x?i* et le xvn« siècle, avec tous ses côtés
faibles et forts. On y remarque aussi Textrème confusion qui régnait
alors dans les rapports entre les paysans de religion grecque et leurs
maîtres catholiques. Les différentes classes de la société s'efforcent
d'imiter les mœurs des villes allemandes; les ouvriers de toute sorte
envoient des pétitions pour demander d'être organisés en corpora-
tions. Mais le plus grand nombre des documents se rapportent à
la vie de famille et aident à faire connaître la juridiction criminelle
de l'époque. Le lecteur est frappé de la sombre sévérité des arrêts,
qui condamnent également à mort pour vol et pour sacrilège, pour
meurtre et pour adultère. On est étonné aussi de la facilité des
divorces^ la publication de M. Sazonov contient une foule de rensei-
gnements sur ce sujet-, 2° « Chronique d'un témoin oculaire
(Samovidietz), publiée d'après des copies nouvellement découvertes ».
Cette chronique a déjà été publiée en 4846, mais on en a trouvé
depuis deux copies, qui ont permis de rétablir le texte véritable et
de corriger les fautes de la première édition. Après une préface
instructive, M. Levitzky analyse la chronique, indique l'époque^ le
lieu où elle a dû être composée, les différentes copies qui en ont
été faites, son importance pour Thistoire de la Petite Russie, dont
elle dépeint l'époque la plus remarquable. Le volume se termine
par un tableau abrégé de la Petite Russie, qui sert à compléter
HVSSIB. 4 H
la chronique, un mémoire de Loukomsky, qui raconte Thistoire
de la Petite Russie depuis Tépoque de Guédimine jusqu'à la fln du
XVI* siècle, et la chronique de Ghmelnitzky, enfin par un dictionnaire
des mots peu connus et une table des noms de personnes et de lieux.
Les ouvrages suivants se rapportent exclusivement à l'histoire
de Moscou : \^ Liste des terriers de Kazan et de son district,
publiée à Toccasion du congrès archéologique de Kazan, 4877;
2* Lois du grand-duc Ivan Vassilievitch et code de lois du tsar et
grand-duc Ivan Vassilievitch, avec les oukases complémentaires, par
la Commission de publication des édits et traités dont nous avons
parlé plus haut. C'est une nouvelle édition (les lois ont été déjà
publiées en 4 84 9) corrigée d'après les textes originaux. La même Com*
mission a fait aussi paraître une nouvelle édition des « Poésies russes
anciennes, recueillies par Kircha Danilov », des « Monuments litté-
raires russes du xw siècle i , publiés par Kalaidovitch, et elle imprime
un catalogue chronologique des livres de la bibliothèque des Archives
centrales de Moscou de 4547 à 4824; 3* c Matériaux pour servir à
l'histoire du schisme (raskol) à la première époque de son existence »,
par M. Soubotine, t. III, Moscou, 4878. Les deux premiers volumes,
publiés en 4875-76, contenaient les dossiers des personnes jugées par
le concile de 4666-67 et les procès- verbaux de ce concile; le troi-
sième, paru en 4878, contient les documents relatifs à l'émeute
de Solovetzk ; 4o <x Récits apocryphes sur les personnages et les évé-
nements du Vieux-Testament, d'après les mss. du monastère de
Solovetzk », par M. Porfiriev, St-Pét., 4877. Les manuscrits de cette
bibliothèque ne contiennent que des apocryphes déjà connus, et
même les copies qui s'y trouvent ne sont pas très anciennes. Mais les
variantes sur des textes plus anciens, qu'on y rencontre parfois, sont
très intéressantes, et servent à expliquer et à corriger les phrases
incompréhensibles des manuscrits. De plus, les anciens manuscrits
renferment une foule de petits récits, souvent très courts, qui ne sont
que des extraits, des abrégés ou des remaniements des apocrjphes
imprimés, ou d'autres qui n'ont pas été conservés en entier. Tous ces
récits ont été copiés par M. Porfiriev, et publiés dans Tordre des évé-
nements auxquels ils se rapportent. On y trouve des récits sur la
création, la chute des anges, le paradis, l'arbre de la vie, etc. On
aimait à les lire, et les idées qu'ils contenaient se répandaient fiicile-
ment dans le peuple en influant sur ses opinions, son esprit et ses
œuvres poétiques. L'historien, qui cherche à s'expliquer les opinions
po|)ulaires de Tépoque, est obligé de s'arrêter devant ces apocryphes
et de les étudier; aussi doit-il remercier H. Porfiriev de la peine
qu'il a prise de les publier.
4 \ 2 BULLETIN HISTORIQUE.
Pour ce qui concerne Tbistoire du xtiii* et du xix» siècle , il faut
mentionner en premier lieu des publications déjà connues aux lecteurs
de la Revue : celle des archives du prince Vorontzov, par M. Barte-
niev, et celle de la Société historique de Saint-Pétersbourg. En 4 877
ont paru les tomes XI et XII des « Archives », qui contiennent la cor-
respondance du comte Semen Romanovitch Vorontzov avec difiTérentes
personnes, de n97 à 4802-, ainsi avec le comte Nikita Petrovitch
Panine, ambassadeur extraordinaire à Berlin, puis vice-chancelier et
chancelier, avec N. Novosiltzev, qui voyageait alors en Europe
et devint ensuite président du Conseil de l'État, etc.; 2 lettres
du prince Bezborodko au comte Panine ^ 22 rescrits et ordonnances
de Tempereur Paul P' au comte N. Panine ; et en appendice, 6 docu-
ments de \ 802-4 805, concernant différentes affaires, et des remarques
très curieuses de Louis XVI à propos du livre de Rulbière sur l'avè-
nement au trône de Fimpératrice Catherine II, remarques commu-
niquées en copie par Soulavie au comte A. Vorontzov, en 4803, pour
être présentées à l'empereur Alexandre P'. La plus grande partie de
la correspondance a pour objet la coalition que le gouvernement russe
s'efforçait de former pour mettre une digue aux entreprises guer-
rières de la République française^ les intrigues des cours de Berlin et
de Vienne, et le rôle que les ambassadeurs et chanceliers russes
jouaient dans ces intrigues. Dans les lettres du comte Panine, on
trouve des détails très curieux sur la vie de la cour impériale et des
aristocrates russes de l'époque-, de plus elles caractérisent parfaite-
ment les deux correspondants. La première partie du tome XII est
remplie de lettres d'hommes d'état tels que Zavadovsky, Trostchinsky
etc., qui se trouvaient au centre du gouvernement et connaissaient le
côté secret des affaires. Elles se rapportent aux années 4770-4807, à
l'époque où la réaction était à son apogée sous le règne de Paul P', et à
celle du progrès et des nouvelles réformes sous Alexandre P'.
Ces lettres sont très intéressantes, car elles sont pleines de remarques
justes et spirituelles sur les affaires du temps. En parlant des chan-
gements continuels dans les armées, des dépenses formidables, du
manque d'ordre dans le gouvernement, Zavadovsky ajoute : « Mais
cette machine demande une force intellectuelle. Le destin recule
l'époque du pouvoir et de la gloire de la Russie. Tu désires en savoir
les causes ? Tu dois te contenter d'une seule : le malheureux choix des
gens... L'intrigue et la ruse jouent tranquillement leur rôle à la cour.
La trahison est récompensée au même titre que le dévouement... Un
grain d'espritchez le favori est compté pour un soleil resplendissant. »
Ces lettres nous font connaître aussi les opinions et les idées de
cet homme d'état remarquable sur les différentes questions de la
RUSSIE. 448
politique intérieure et extérieure, sur le partage de la Pologne et Tad-
ministration russe dans ce pays, sur la question des laboureurs
libres (projet qu'il est loin d'approuYer), etc. Parmi les autres
documents imprimés dans ce volume et qui se rapportent à
répoque réformatrice d'Alexandre P% le plus intéressant est un
mémoire anonyme sur le sénat. Sous les règnes précédents, le
sénat avait perdu tout son prestige et a?ait été complètement
soumis aux ministres, aux fkvoris, à des gens dépourvus souvent
de toute capacité. « Le sénat rétabli dans sa situation primi*
tive », dit l'auteur du mémoire, c sera non seulement le dépôt des
lois, mais pourra être aussi^ en beaucoup d'occasions, une sorte de
pouvoir intermédiaire entre Tempereur et son peuple; il servira ainsi
souvent à adoucir et à atténuer les rigueurs du gouvernement
ancien, qui, comme je lésais, sont loin déplaire à l'empereur. > Plus
loin Tauteur fait les remarques suivantes : « La sécurité des personnes
et radoucissement des rigueurs administratives, qui souvent n*ont
pas d'autres causes que des abus, peuvent être obtenus sans dimi-
nuer en rien le pouvoir nécessaire au monarque. L'établissement d'un
pouvoir intermédiaire entre l'empereur et ses siyets serait un premier
pas dans cette voie. D'autres lois indispensables au bien-être général
pourraient être empruntées à l'Angleterre, telles que la grande charte
et l'habeas corpus, qui garantissent la sécurité personnelle de chaque
citoyen et qu'on devrait nommer des lois fondamentales. On pourrait
retirer tout de suite beaucoup d'avantages de ces deux lois, en les
mettant en harmonie avec les mœurs de notre pays et la situation
actuelle. Si ces deux fondements nous étaient donnés, notre tran-
quillité commencerait à se consolider. »
Du recueil de la Société historique de Saint-Pétersbourg on a fait
paraître les tomes XX à XXV. Le tome XX contient les rapports
adressés, de 4697 à 4740, par Bonet, Fitzthum, Lors, Linard, Lefort,
Petnold, Zoum et Walter au roi Auguste II et au comte de Bruhl, la
correspondance du baron Manteufel avec le comte Flemming, du baron
Kaiserllng avec Bruhl, et différentes lettres concernant le voyage
de Pierre I" à l'étranger, la guerre du Nord, le tsarévitch Alexis,
les événements qui suivirent la mort de Pierre le Grand, l'aflkire de
Sinklcr, de Golitzin, de Volinsky, etc. Les lettres sur le voyage de
Pierre I" sont parfois très intéressantes. Les rapports de Linard nous
donnent des renseignements curieux sur le caractère de l'adminis-
tration de l'impératrice Anne. « L'argent sert ici de fondement à
toutes les négociations », dit Linard, et il ajoute la liste des cadeaux
offerts lors de la conclusion des traités, par ex. 42,000 roubles à la
femme de Biren, etc. Un autre rapport décrit le mécontentement qui
444 BULLETIN HISTORIQUE.
régnait partout en Russie à la un du règne d'Anne. Ces documents
sont suivis de la correspondance de Catherine U avec Frédéric II, de
4762 à 4784. Ces lettres sont pleines d'amabilités, de témoignages
d'admiration mutuelle, de protestations d^amitié, de complaisances,
mais on voit que les correspondants sont toujours sur leurs gardes
et tout occupés à défendre leurs intérêts. Une grande partie de la
correspondance est relative aux afiaires de Pologne et de Turquie. Les
lettres de Maria Fedorovna et du grand duc Paul à K. J. Saken
traitent pour la plupart d'afTaires privées. Nous trouvons encore dans
ce volume : un projet pour l'organisation des villageois libres *, un
mémoire du secrétaire d'état Olienine sur la séance du conseil d'état qui
suivit la nouvelle de la mort d'Alexandre I*% et l'article de K. Groth
sur les articles publiés par Catherine II dans la Revue de la princesse
DachkoY le Sobiesednik, Le tome XXI a été publié pour le jubilé
d'Alexandre P' et ne contient que des pièces relatives à ce règne,
telles que les rapports adressés de France par A. Tchernychov et le
prince Roural^ine à Alexandre P' et au chancelier comte Roumiantzev
avant la guerre de 4 84 2, le compte-rendu de Speransky à l'empereur,
le 44 février 4844, publié en extraits dans la « Vie du comte Spe-
ransky », par M. Korff. Les rapports de Tchernychov et de Kourakîne
traitent en grande partie des affaires et des malentendus qui ont
amené la rupture de la Russie avec la France ; ils s'occupent aussi
de la question polonaise, des affaires politiques de la Turquie, de la
Suède et de la Prusse, des relations de la France avec les pays voi-
sins, etc. Comme complément à ces matériaux, on peut indiquer les
lettres de l'ambassadeur russe à la cour de Stockholm, le baron Suck-
telen, à l'empereur Alexandre P"", concernant les rapports de la Suède
avec la Russie et la France. Les tomes XXII et XXIII se rapportent
aux premières années du règne de Catherine II. Le t. XXII contient
les rapports du comte Solms à Frédéric II et les réponses du roi, en
4763-66. C'est un complément à la correspondance, citée plus haut,
qu'elle explique et commente. Le tome XXIII est consacré à la corres-
pondance de Catherine II avec Grimm.
Les deux volumes suivants nous transportent à une autre époque
de l'histoire russe. Le tome XXIV est tout entier composé de pièces
tirées des archives hollandaises. Ce sont les rapports des ambassa-
deurs hollandais, envoyés à la cour de Moscou au x?n« s. Une copie
de cette correspondance fut envoyée à Saint-Pétersbourg dès 4 845 ; la
reine Anne de Hollande en fit alors présent à l'empereur Nicolas I®»-.
Mais elle n'a été publiée que 23 ans plus tard. Ces documents jettent
une lumière nouvelle sur l'histoire des relations commerciales de la
Moscovie avec l'Occident au xvii« s. Les relations commerciales avec
ussn. 445
la Hollande n'ont commeDoé qu'à partir de la seconde moitié du
XTi* 8.^ à cette époque, malgré l'opposition la plus vive des Anglais,
une compagnie hollandaise de commerce obtint les privilèges et les
droits d'une nation privilégiée. Dès le xyii^ s. les relations commer-
ciales devinrent régulières, et c'est alors aussi que commencèrent les
relations diplomatiques de la Hollande avec la Russie. La première
ambassade hollandaise f\it envoyée à Moscou sous le règne de Michel
Romanov, le fondateur de la dynastie aujourd'hui régnante. 11 s'agis-
sait d'un emprunt que le tsar cherchait à contracter et d'une interven-
tion entre la Russie et la Suède. L'ambassade, arrivée en 4645 et
composée de Reinhaupt, Brederode, Joachim, etc., reftisa l'emprunt,
mais consentit à jouer le rôle de médiatrice; elle prit ainsi part à une
série de conférences qui se terminèrent par la paix de Stolhovo
(4647). Les rapports sur ces conférences occupent la plus grande
partie du volume dont nous nous occupons. Le reste est consacré à
ceux des ambassades postérieures. Ces documents sont d'une grande
importance pour les nombreux détails qu'ils fournissent sur la vie
économique et les mœurs russes au xvii* s., si singulières alors pour
les étrangers. Le tome XXV contient les papiers relatifs au ministère
du comte Boris Gheremetiev, de 4704 à 4722.
On a publié en 4 878 le tome lU des archives du Conseil d^Ëtat.
L'inventaire méthodique de ces archives a été commencé en 4868,
par MM. Kalatchov et Tchistovitch. En 4 869 a paru le tome I; en 4 874,
le II; le présent tome termine la première série de cette publication.
Il commence par l'oukase (édit) de 4804, qui prescrit la réforme du
Conseil d'Ëtat et la dissolution de l'ancien Conseil, formé en 4708.
Ce nouveau Conseil eut à discuter non seulement les questions d'état,
mais aussi les affaires qui relevaient exclusivement de l'empereur,
et à se prononcer sur l'utilité de telle ou telle institution. C'est ainsi
qu'à ses débuts on lui avait soumis la question de la censure ; les
opinions exprimées à ce sujet sont parfois très intéressantes. Le
Conseil, estimant que la Révolution française avait été la première
cause de l'établissement de la censure, déclare : 4<> que, dans l'état
présent des affaires, cette mesure n'avait pas les mêmes raisons
d'être qu'au moment où elle f\it prise; 2" que lors même que ces
raisons subsisteraient, la mesure n'en serait pas moins inefficace,
parce qu'on peut toiyours, même sous la législation la plus restric-
tive, se procurer les livres défendus ; 3® que les personnes auxquelles
les livres défendus pourraient nuire ne sont pas assez cultivées pour
pouvoir les lire et ne les liront pas; 4® qu'en même temps cette insti-
tution tout à bit inutile coûte annuellement au gouvernement, pour
les seuls frais de service, 33,500 roubles. Le conseil croit donc utile
4 { 6 BULLETIN HISTORIQUE .
de supprimer cette institution, et de donner le droit de censure aux
administrateurs civils pour les imprimeries privées, et, pour les
imprimeries de la couronne, aux administrateurs desquels elles dépen-
dent. Cependant en même temps il trouve nécessaire de former des
agents capables d'examiner les livres, et quatre ans plus tard, en \ 806,
il croit utile de frapper d'amendes les livres et journaux étrangers
non présentés à la censure. Tous ces avis du Conseil d*État sont
publiés intégralement dans les « Archives » *, les procès-verbaux des
séances sont imprimés dans Tordre méthodique, suivant le système
du code de lois. A la fin du volume se trouvent des tables alphabé-
tiques des matières, des noms de personnes et de lieux.
En 4878 également, M. Martens, professeur à TUniversité de Saint-
Pétersbourg, a publié la première partie du tome IV de sa Collection
des traités et conventions conclus avec les pouvoirs étrangers. Il con-
tient les traités avec F Autriche, de 4845 à 4849, en tout 448. A
chaque acte Tauteur ajoute des commentaires rédigés avec beaucoup
de soin, sur les relations diplomatiques et les événements histo-
riques qui s'y rattachent. Les documents sont publiés dans le texte
original, en langues russe et française. La première partie de l'ou-
vrage commence par le traité de la Sainte-Alliance et se termine par
la convention du 29 mai 4849, relative aux approvisionnements de
l'armée russe entrée en Autriche pour réprimer la révolte hongroise.
Notons enfin la publication, dans la Bousskaja Starina, des
Mémoires de Madame Passek ^ ils contiennent beaucoup de rensei-
gnements intéressants sur Hertzen, ses amis et autres pecsonnes, et
sur le mouvement intellectuel et semi-politique qui se produisit à
Moscou sous le règne de Nicolas.
L'histoire provinciale de la Russie s'est enrichie de plusieurs revues
locales où paraissent, non seulement des mémoires sur des questions
historiques, ethnographiques et sociales, mais encore des listes
d'articles du même genre, parus dans les différentes publications
officielles. Il est très difficile de recueillir ces articles dispersés dans
des journaux locaux, qui se distribuent à un petit nombre d'exem-
plaires^ aussi beaucoup restent-ils tout à fait inconnus, et ne sont
pas même nommés dans les listes, malgré tout leur intérêt scienti-
fique. Il en est de même pour des livres publiés par les comités de
statistique et les comités des zemstvos*, souvent personne ne les lit
ou les achète, et l'on ne peut les trouver qu'à grand'peine, et à
titre de rareté bibliographique. En premier lieu nous avons à nommer
le Recueil de Nijni Novgorod, rédigé par M. A. Gatzisky, secrétaire
du comité de statistique, un des érudits provinciaux les plus dili-
gents et les plus habiles. Le tome VI du Recueil, paru en 4877,
RDSSIB. 417
contient : la description historique de Vassilsoursk, ville du gou-
vernement de Nijni Novgorod, par Koudriavtzev, un tableau de
la ville de Kniaguinine et de son district, par A. Rorotkine; des
notices statistiques sur quelques villages^ les cérémonies nuptiales
du pays de Vetlouga dans le district de iMakaricv, par M. Paspietov ;
la fête de saint Jean Baptiste à Novi Likeev, village du district
de Nijni Novgorod, par le prêtre Borissovsky; le commerce des
images dans le district de Loukoianov, par L. Gouliaev ; des ren-
seignements sur Tagriculture et le climat dans quelques endroits du
gouvernement de Nijni Novgorod. En 4878, le comité statistique
de Vladimir a publié le tome I de son Annuaire; les articles les plus
importants se rapportent à l'histoire et Tarchéologie, tels que la
description des images anciennes d'un village du district deSchoula,
par Iakov, évêque de Mourome-, un article sur les gravures popu-
laires imprimées sans autorisation, par M. Golishev, etc. D'anciens
actes tout aussi intéressants sont insérés dans le volume, tels que
rinventaire, dressé en 4660, du monastère de Spasso Evflmiev de
Souzdal. A la fin de l'Annuaire nous trouvons le compte-rendu
annuel du comité de statistique de Vladimir et une liste des articles
publiés dans la partie non officielle du journal du gouvernement de
Vladimir, en 4866-77. — La même année, en 4877, M. Pouparev,
secrétaire du comité de statistique d'Orlov, a fait paraître le tome I
des « Matériaux pour servir à l'histoire et à la statistique du gouverne-
ment d'Orlov »; cet ouvrage, très estimable et très consciencieux,
continue en quelque sorte le « Recueil d'Orlov », publié par le même
auteur et contenant des documents historiques et statistiques sur le
gouvernement d'Orlov au iviii* s. La présente publication se com-
pose des articles suivants : 4*^ La ville d'Orel avant d'être devenue
chef-lieu du gouvernement, avec un plan de ses faubourgs, dressé
en 4744 ; 2© la ville d'Eletz au commencement de ce siècle; 3® les
villes anciennes et les tumuli du gouvernement d'Orlov, liste de
toutes ces villes et tumuli suivant les districts, avec une description
minutieuse de leur position et de leur état actuel; 4" nouveaux maté-
riaux pour l'histoire de l'instruction publique dans le gouvernement
d'Orlov; et S*" table chronologique des documents publiés dans la
partie non ofRciellc du journal du gouvernement d'Orlov, de 4830
à 4875. Cette table est malheureusement incomplète, parce qu'il a
été impossible de retrouver dans les archives d'Orel plusieurs des
numéros du journal. Le volume contient encore quatorze tableaux
statistiques de l'étendue du gouvernement et du mouvement de la
population, en 4872-75; du nombre des habitants suivant les classes
et les religions, en 4875; du nombre des édiflces et des églises dans
Hev. IIistor. xi. 2« ka8c. *27
4*18 BUIXETI!! HISTOIIQUE.
les villes, de leurs recettes et dépenses, du nombre des écoles, des
ouvriers, des fabriques, des incendies, des morts violentes et des
crimes commis dans le gouvernement, en 4875. — Le tome IV des
« Travaux du comité de statistique du gouvernement d'Astrakhan »,
paru en 4875, est divisé en deux parties : 4*^ les mémoires, et 2? les
tableaux de statistique. La première contient une série d'articles, tels
que : « la pêche au gouvernement d'Astrakhan », par le D' Oldkop;
€ aperçu historique de la vinification à Astrakhan », par A. Golo-
vatchenko; « matériaux pour l'histoire de l'instruction publique »,
par Lopatine; « sur les tumuli et les villes anciennes du gouverne-
ment d'Astrakhan », par S. Golovatchenko-, et une liste des articles
publiés dans la partie non officielle du journal du gouvernement
d^Astrakhan, de 4838 à 4873. — En 4876 a paru la fin du tome I
du a Vocabulaire géographique et statistique du gouvernement de
Perm », composé par N. Tchoupine; ce tome I s'achève par la
lettre Y. L'auteur décrit le pays non seulement au point de vue
géographique, mais aussi au point de vue historique, ethnographique,
géologique, etc. , et accompagne toutes ses explications d'indications
bibliographiques. C'est un livre écrit avec grand soin et une connais-
sance profonde du sujet. Il nous fournit des matériaux très riches
et très intéressants et occupe une des meilleures places dans la litté-
rature historique russe. — En 4 878 on a encore publié trois annuaires,
des gouvernements de Vilna, Kovno et Grodno. La plus grande partie
de ces livres est occupée par l'adresse-calendrier du gouvernement,
l'autre nous donne des renseignements statistiques sur le nombre
des sociétés scientifiques, des institutions d'instruction, des biblio-
thèques, etc.
PiîBLicATîONs DIVERSES. — Si, après avoir passé en revue les publi-
cations de textes et les mémoires sur des points d'histoire locale, qui
témoignent d'une très louable activité scientifique, nous passons à
rhistoire générale de la Russie, nous trouvons peu d'ouvrages dignes
d*être signalés. Nous ne parlerons que des deux nouveaux volumes
de « rilistoire de la Russie », par notre infatigable et savant histo-
rien M. Soloviev. La suite des ouvrages de MM. Zabieline et Ilovaïsky,
dont nous avons parlé dans notre précédent Bulletin, se fkit encore
attendre.
Les tomes XXVII et XXVHI de « l'Histoire de la Russie » se rap-
lK)rtont à Tune des époques les plus intéressantes et les plus impor-
tantes do rhistoire russe, au xtiii* s. Ils racontent les premières
années du ri^gne de Catlierine II île L XXVII, — de 4766 à 68, et le
1. XXVIU, — de n6S à 72\ cest-à-dire la période des réformes.
Dans le premier chapitre du t. XXVII, M. Soloviev nous peint
RUSSIE. 410
de très sombres couleurs la siluation de Tempire : dans toutes les
parties de la Russie, le règne de Tarbitraire est absolu. Les paysans
commencent à se soulever en masse contre la tyrannie de leurs
maîtres, contre les abus, qui ne leur donnent pas de relâche et
les font languir dans une misère extrême. Ces soulèvements ftirent
apaisés à Taide des commissions militaires, mais les esprits n*en
restèrent pas moins troublés. Les mauvais traitements que les pro-
priétaires se permettaient envers leurs paysans, les intendants les fai-
saient subir aux forçats et aux déportés en Sibérie, qu'ils tourmentaient
à loisir et auxquels ils volaient leur pain et leur argent. D'autre part
les missionnaires russes baptisaient de force les peuplades finnoises et
barbares converties à la religion orthodoxe par l'eau-de-vie ou les
supplices ', souvent aussi ils se servaient de la religion pour extorquer
des présents. La vénalité était générale dans toutes les parties de
Tadministration. Catherine II se donna la tâche de corriger ces abus ;
il n*y en eut qu'un auquel elle ne voulut pas toucher : ce fut le servage.
Elle resta fidèle à la déclaration qu'elle avait faite de soutenir < l'auto-
rité des propriétaires sur les paysans ». Les fondements de la nou-
velle organisation sociale devaient reposer sur le nakaze, ou
nouveau code de lois, que M. Soloviev examine dans les chapitres 4
et 2 du tome XXYII. Le tome XXVIII présente un intérêt tout à
fkit différent : il est tout entier consacré à l'histoire extérieure de ki
Russie et aux deux événements les plus importants du règne de
Catherine II : la guerre de Turquie et le partage de la Pologne.
La plus grande partie de ce volume ne fait que reproduire Fautre
ouvrage de M. Soloviev sur Thistoire des partages de la Pologne.
Parmi les monographies, la première place appartient de droit aux
œuvres de deux jeunes savants, MM. Sokolovsky et Ditiatine, à
cause de leur mérite scientifique et de l'intérêt des questions dont
ils traitent. Les deux livres de M. Sokolovsky : < Aperçu de This-
toire de la commune agricole au nord de la Russie », Saint-Péters-
bourg, 4877, et la <c Vie économique de la population agricole en
Russie et colonisation des steppes du sud-est avant le serrage », ibid.
4878, se rapportent à Thistoire des classes rurales. Le livre de
M. Ditiatine : a Autonomie des villes en Russie», 1. 1 (jusqu'à 4870),
iaroslav, 4877, concerne Thistoire des populations urbaines. Ces
ouvrages sont écrits avec un grand savoir et beaucoup de talent;
mais ceux de M. Sokolovsky présentent le plus d'intérêt. Le premier
décrit l'histoire de la commune agricole du nord de la Russie; le
second, sa situation économique, sa vie, etc. Ces monographies ne
sont pas les premières de ce genre. MM. Tchitchérine et Pobiedo-
nostzev ont écrit des ouvrages qui ne sont pas dénués d'un certain
420 BULLETIN HISTORIQUE.
mérite sur Thistoire des paysans, et M. Bieliaev a même composé
une histoire complète de la classe des paysans, un des meilleurs
livres sur ce sujet. Mais ces ouvrages ont un défont grave : ils ne
s'occupent guère de la vie économique des paysans, de Torganisation
intérieure de la commune et des changements que le progrès de la
civilisation y a créés. Cette lacune est comblée par les livres de
M. Sokolovsky, rédigés à l'aide de nombreux documents ^ L'intérêt
qu'ils présentent est tel que nous croyons devoir leur accorder un
article spécial, auquel nous renvoyons le lecteur. La question de la
propriété communale est en effet d'une importance capitale pour
l'Europe comme pour la Russie. Ici, nous nous contenterons de
donner un aperçu général des deux ouvrages. Le premier décrit avec
beaucoup de détail la situation économique des paysans du ix^ s.
au xvp, leur position en face de leurs maîtres, leurs impôts et
leurs budgets. Les derniers chapitres sont consacrés spécialement à
la description de la commune. Le chapitre VUl décrit le mode de
possession et l'usage des terres en Russie en général aux ix*, x* et
XI" siècles. Le second ouvrage se rapporte à l'époque la plus impor-
tante dans l'histoire de la Russie et des paysans, aux xv«-x7ii« siècles.
< Cette période, dit l'auteur dans sa préface, se distingue des autres
surtout en ce que c'est l'époque où se posent et se montrent nette-
ment les fondements de notre système politique et social, tel qu'il
s'est conservé jusqu'à nos jours. Le pouvoir absolu du tsar, la cen-
tralisation administrative, la formation des classes, la séparation
entre les villes et les villages, tout cela naît alors et reçoit son
entier développement. C'est alors aussi que le droit coutumier
est remplacé dans toute la Moskovie par le droit écrit. Au point
de vue économique, les xv*-xvii* siècles ont la même signification
et la même importance. A cette époque la pêche et la chasse sont
remplacées par l'agriculture, qui devient l'occupation dominante des
paysans. Les modes de possession et l'usage des terres acquièrent
dans cette période de temps le caractère qu'ils ont conservé dans
leurs traits principaux jusqu'à présent. C'est alors que les terres
furent distribuées en propriétés individuelles et que la situation des
agriculteurs envers leurs propriétaires se précisa, sous forme de
métayage, de redevances en argent et de corvées. Vers la fin de cette
période, la glebae adscriptio des paysans, sanctionnée par la loi dans
les dernières années du xvi* s., se transforma nécessairement en
servage. Ce qui nous intéresse le plus dans ce livre, c'est la descrip-
1. En 1877 et 78 a fiaru, par livraisons, l'ouTrage de M. SeraeTsky sur Thistoire
des paysans; nous allendrons, pour en rendre compte, qu'il ail paru en volume.
lOSsiE. 421
lion minutieuse de toutes les phases par lesquelles a passé la pro-
priété, et de l'aggravation graduelle du sort des paysans. < Avant le
servage, dit Tauteur, la situation économique des paysans dans la
Moskovie s'aggravait de plus en plus. Les causes de cette décadence
résidaient, non dans la nature du sol, qui présente, au contraire, les
conditions les plus favorables au progrès économique, ni dans les
qualités intellectuelles et physiques du peuple, qui avait donné des
preuves de son caractère entreprenant et laborieux en colonisant des
espaces considérables, mais dans les conditions de la vie politique.
La décadence commence dès que le système semi-féodal se développe
et que le paysan est devenu taillable à merci; le paysan est alors
obligé d'abandonner ses anciennes coutumes et 'des usages qui
existaient depuis des siècles-, mais il n'y renonce pas sans luttes, et
en effet, pendant toute cette période il cherche à échapper par tous
les moyens possibles aux exigences toujours croissantes de TÉtat. La
taille tombait principalement sur la terre; et voilà que les paysans
ou renoncent à la terre, ou choisissent le lot le plus petit; ou bien, et
c'est le cas le plus fréquent, ils prennent la fuite et vont chercher un
asile dans les steppes libres. »
Le livre de M. Ditiatine, « l'Autonomie des villes en Russie », est
la suite d'un ouvrage publié en 4874 sous le titre < Organisation et
administration des villes en Russie ». L'auteur expose les différentes
lois concernant l'administration sociale des villes, depuis i 785 jusqu'à
l'ordonnance de 4870*, il examine la façon dont ces lois étaient appli-
quées et l'état intérieur des villes; il étudie tous les essais de réfor-
mes, tentés pendant les vingt dernières années. Ce n'était pas là une
tâche facile; pour la mener n bonne fin, l'auteur a du fouiller les ar-
chives, consulter une masse considérable de documents historiques
et juridiques; c'est ce qu'il a fkit avec beaucoup de succès. Son livre
nous éclaire sur le passé des villes russes. En 4785 Catherine II
donna aux villes une charte où elle élargissait leurs droits. Paul P' la
révoqua et la remplaça par des règlements tout contraires. Alexandre P'
la remit en vigueur. Mais cette charte ne traitait que des principes
généraux de l'administration municipale, laissant de côté plusieurs
des questions les plus importantes; celles, par ex., qui concernaient
les finances municipales, les impots et octrois; ce n'est qu'au
XIX'' s. qu'elles furent successivement résolues par le moyen de
règlements particuliers; mais là le gouvernement se montra très
défavorable à la liberté des villes ; il les maintint sous sa tutelle, et
se réserva l'action prépondérante dans toutes les branches de l'admi-
nistration. On conçoit les résultats d'un pareil système : l'indifférence
complète qui régnait parmi les électeurs et dans les conseils, et le
422 BULLETIN HISTORIQUE.
peu de scrupule qu'on apportait dans le maniement des finances.
M. Ditiatîne décrit tout cela avec beaucoup de talent; son livre est
plein de renseignements très intéressants et même parfois très
piquants.
Après ces monographies, nous n'avons à nommer que très peu
d'ouvrages d'importance réelle, tels que ceux de M. Antonovitch :
a Histoire de la principauté de Lithuanie », dont la première livraison
seule a paru ; « La sorcellerie dans la Russie méridionale, contenant
une série de procès intentés aux sorcières », et son article sur le sou-
lèvement des paysans au xyiii^ siècle, imprimé déjà en i 876, mais qui
ne put être mis en vente, parce qu'on l'avait trouvé dangereux, on ne
sait pourquoi.
Citons encore une « Histoire de l'Académie russe », par M. Sou-
khomlinov, St-Pétersbourg, 3« partie, 4876, et 4« partie, 4878. Cette
histoire est divisée en trois périodes : Tépoque de Catherine II,
celle de Paul I«' et celle d'Alexandre I«'. L'auteur raconte dans
quelle intention tat fondée l'Académie^ et comment elle fut fondée*,
il finit en donnant la biographie des membres et des élèves de
l'Académie. Le tome I, publié en 4874, contient vingt biographies; le
tome I(, paru en 4875, trois; le tome III, cinq; et enfin le tome IV,
trois. L'auteur parle rarement en son propre nom ; aussi ses biogra-
phies sont-elles moins une peinture des personnages et de leur
époque, qu'une collection de matériaux, mais nous possédons si peu
de renseignements sur l'Académie et sur ses membres, que nous
devons savoir gré à M. Soukhomlinov de son livre. — « La vie et les
œuvres de Stroev », par Barsoukov, St-Pétersbourg, 4 878, est un livre
composé avec beaucoup de soin et de talent ; il nous donne une bio-
graphie détaillée d'un des plus ardents promoteurs des recherches
archéologiques en Russie, homme qui a consacré toute sa vie à la
science, et qui n'a reçu pour récompense ni honneurs, ni moyens de
vivre. Le livre contient en outre de nombreux renseignements sur
beaucoup de savants de notre temps et de l'époque précédente, qui ont
été en relations scientifiques ou personnelles avec Stroev. — Les « Cos-
tumes historiques russes du x* au xni* siècle », par Strekalov, avec
préfeee de Kostomarov , 4 877, première livraison, ont pour but de
faire connaître aux peintres historiques, aux littérateurs, aux acteurs,
etc., « les parures et ajustements russes dès Tépoque la plus
reculée ». Le texte est accompagné de dessins d*habits et de difTé-
rentes parties du costume, lithographies chez Lemercier à Paris. C'est
une très riche et très belle publication ; il est seulement regrettable
que le texte n'ait pas été revu avec soin; c'est une compilation
rédigée sans méthode et déparée par des fautes qui auraient pu être
RUSSIE. 423
corrigées. — « Renseignements donnés par al- Békri sur la Russie et les
Slaves » ; première partie. L'œuvre de Tarabe al- Békri est une com-
pilation, fondée principalement sur les livres d'Ibrahim-ibn-Jacoub,
juif du X* siècle, et ensuite sur ceux de Massoudi, d'ibn-Dasti, etc.
Ibrahim a visité, d'après ce qu'il dit, toutes les terres slaves, à Tex-
ception de la Bulgarie; il raconte ce qu'il y a vu, décrit les mœurs, la
condition des femmes, la langue, le commerce, indique le prix des
marchandises, etc. La traduction russe est accompagnée de notes, fkites
par les éditeurs et par l'orientaliste connu, M. Gouet, et des
recherches de l'académicien Kunik sur l'époque où vécut Ibrahim,
sur la parenté des Hagano-Bulgares avec les Tchouvaches, d'après
l'Imenik slavo-bulgare, et sur Tidentité des Russes idolâtres avec les
Normands, d'après le message du pape Nicolas I*^ Le < Recueil de la
section de langue russe et de littérature de l'académie des sciences »,
t. XVII, contient entre autres trois mémoires qui ont été déjà
publiés séparément : les « Récits apocryphes sur les personnes et
é?énements de la Bible d'après les manuscrits du monastère de
Solovetzk », par Porfiriev *, « Jérusalem et la Palestine dans la littéra-
ture russe, la science, la peinture, et les traductions i>, par M. Pono*
marev, et les « Remarques sur le langage et la poésie populaire dans
l'idiome de la Grande-Russie », avec des renseignements sur les gou-
vernements de Novgorod, Olonetzk, Yiatka, Vladimir, Souzdal,
laroslav, Arkhangel^ Vologda et Perm. Le volume renferme ensuite
un extrait des procès-verbaux de la section de l'Académie de no-
vembre 4875 à février 1877, des renseignements bibliographiques,
un rapport sur les ouvrages des membres de cette section pour 4876^
et une notice sur M. Stroev, par M. J. Sreznevsky. — Le « Recueil des
matériaux et articles pour servir à l'histoire des provinces baltiques »,
1. 1, Riga, 4877, est divisé en deux parties : la première consacrée à
l'histoire ancienne des pro?inces, et la seconde à celle du xviii* et du
XIX* siècle. Les articles les plus importants de la première partie
sont : « Les provinces baltiques et leurs populations avant l'arrivée
des Allemands », par Rutter, et la « Chronique livonienne », de
Henrich Latichsky. Cette chronique se rapporte aux années 4 484-
4220, alors que le christianisme commençait à se propager en
Lithuanie, et que la lutte était engagée entre les évéques chrétiens et
le peuple païen. C'est un des documents les plus importants pour
l'histoire ancienne du pays-, il présente un tableau animé des mœurs
et de la vie de l'époque. La seconde partie renferme les lettres,
oukases et ordres de Pierre le Grand et de Catherine II concernant la
Lithuanie, les mémoires de Néiendal et de Roulmering où nous trou-
vons des renseignements sur l'administration des villes, la chronique
424 BULLETIN HISTORIQDB.
de la ville de Riga pour i 783-97 et quelques biographies publiées sous le
ti Ire de « Noms à deml-oubliés ». — La biographie de Samuel Miloslavsky ,
métropolitain de Kiev, parPeodor Rojdestvensky, Kiev, 4877, décrit
fort bien les mœurs ecclésiastiques et monastiques à Tépoque où vivait
ce prélat, l'éducation et l'instruction qu'on recevait alors à TAcadémie
ecclésiastique de Kiev, les rapports des prêtres et des moines avec les
laïques, les recettes et dépenses des monastères, etc. Tous ces détails
sont tirés des manuscrits conservés dans la bibliothèque et le musée
de rAcadémie ecclésiastique de Kiev, la bibliothèque de Lavra, les
archives du consistoire et du monastère de St-Michel. — La « Biogra-
phie du comte Vladimir Orlov-Davydov , composée par son petit-
fils », Saint-Pétersbourg, 4878, nous raconte la vie d'un des
contemporains de Catherine II, directeur de Tacadémie des sciences
de n66 à n94; Fauteur publie beaucoup de lettres d'un grand
intérêt, qui fournissent de curieux détails sur la vie privée des sei-
gneurs russes à cette époque. — « Les curiosités russes », publiées
par M. Martynov, Moscou, 4877, ont paru en deux volumes. C'est
une assez bonne description des curiosités de l'ancienne capitale de
la Russie, Moscou, surtout de celles qui sont d'un intérêt général
pour la Russie^ cet ouvrage est accompagné de planches. — Signalons
enfin de ces livres 1' <f Histoire du droit de la Moscovie », par M. Za-
goskine, t. 1, Kazan, 4877, et 1' « Histoire du droit russe », par
Samokvassov, t. I, Varsovie, 4878. Le premier mérite seul d'attirer
l'attention. C'est le commencement d'un grand ouvrage, qui com-
prendra six volumes, et contiendra l'histoire du droit moscovite de
4462 à n03, et une partie du cours professé par M. Zagoskine à
l'université de Kazan. Le tome I" est consacré à Tétude bibliogra-
phique du sujet et à la méthode qu'il convient de suivre dans ces
études.
Nous terminerons ce bulletin en parlant des œuvres posthumes de
nos historiens. De Stroev, la Commission archéologique a publié
les « Listes des prélats et abbés des monastères de l'Église russe »,
Saint-Pétersbourg, 4877. Ce livre est le fruit de longues et
pénibles recherches, faites par l'auteur dans les différentes archives
de l'empire. Les listes sont continuées jusqu'à notre époque et dis-
posées suivant les quarante-huit diocèses, dans Tordre indiqué par
l'auteur. A la fin se trouvent les listes des prélats et abbés des
diocèses aujourd hui supprimés, et la table alphabétique des noms de
monastères et de personnes, avec des détails chronologiques et bio-
graphiques sur les personnes nommées dans l'ou\Tage. On a égale-
ment publié un recueil des œuvres de Maximovitch, en deux tomes,
Kiev, 4876, et des œuvres de Samarine, Moscou, 4878. Les œuvres
RUSSIE. 425
de Maximovîtch, professeur à Tuniversité de Kiev, contiennent des
études sur des sujets très divers. On y trouve des articles sur l'his-
toire russe, Tethnographie, Tarchéologie, la géographie historique,
des correspondances, des discours, etc. Les principaux articles
insérés dans le premier volume se rapportent à Fhistoire de la Russie
des plus anciens temps jusqu'au xiii* siècle, à Thistoire de la Li-
thuanie russe, et à celle des Cosaques peUts-russiens. Le second
volume est presque entièrement consacré à des recherches sur la ville
de Kiev et ses environs, sur la principauté de Kiev, Pereiaslav,
Volygme, et sur des questions d'archéologie et d'ethnographie.
Jean Loutchiskt.
426 COMPTES-RENDOS CRITIQDE8.
COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
Untersuchungen auf dem Gebiete der rœmischen Verwaltunss-
geschichte Yon Otto Hirschfeld. Erster Band : Die kaîserliehen
Verwaltungsbeamten bis auf Dioclelian. Berlin, Weidmann, 4876.
Le livre qui se présehte sous ce titre modeste est un des plus remar-
quables qui aient paru depuis longtemps sur Thistoire de TËmpire.
Avec celui de M. Mommsen sur le principat, il la fait voir sous un
jour vraiment nouveau. Ce n'est pas sans raison que nous rapprochons
ces deux ouvrages. Ils procèdent de la môme idée, s'inspirent de la
même méthode et aboutissent à des conclusions semblables. Quand on
essaie, d'après la plupart des historiens modernes, de se représenter les
institutions de PËmpire dans la longue période de leur développement,
on retire de cette étude une impression singulière. D'un côté il semble
que le régime établi par Auguste a été une rupture violente, absolue,
avec l'ancien ordre de choses ; de l'autre, on dirait que ce régime,
achevé dès le principe, est resté immuable durant des siècles, que
d'Auguste à Claude, de Claude à Yespasien, de Vespasien à Hadrien,
d'Hadrien aux Sévères, les règles du gouvernement ont toujours été les
mêmes, que l'application seule en a varié suivant le caractère de chaque
empereur. C'est seulement vers la fin du ni« siècle avant J.-C. que l'on
voit surgir un régime nouveau qui ne paraît pas plus sortir du précé-
dent que le précédent n'avait paru sortir du régime républicain. Ainsi
l'histoire politique et administrative de l'Empire, demeurant comme
immobile entre ces deux brusques secousses, se trouve soustraite à cette
double loi de la continuité et du changement qui régit la marche de
toute société.
Il faut convenir que les historiens anciens n'ont pas peu contribué à
répandre ce préjugé. Nous ne parlons pas de Tacite, qui dans les événe-
ments ne s'attache guère qu'à l'élément moral et dramatique, encore
moins de Suétone qui n'y cherche que des anecdotes, mais d'Appien et
surtout de Dion Cassius, les seuls qui aient exposé quelques vues théo-
riques sur la nature du gouvernement impérial. Mais ni Appien, ni
Dion Cassius n'avaient les connaissances nécessaires pour traiter un pareil
sujet. Tous deux de nationalité étrangère, l'un Égyptien, l'autre Asia-
tique, ils étaient trop ignorants de l'ancien droit de Rome, trop imbus
des idées monarchiques gréco-orientales pour saisir ce qu'il y avait de
profondément original dans cette création d'Auguste qui ne formulait
aucun principe nouveau et qui pouvait, par un spécieux mensonge, être
présentée comme un retour à la constitution abolie par César et les
HIESCHFBLD : lOBM. YBIWALTO.IGSGESCHICHTB. 427
triumvirs. En môme temps, cette ininteliigence de l'œuvre du premier
empereur ne leur permettait pas d'en suivre les altérations successives.
Ck)mme ils écrivaient à une époque où l'Empire s'était déjà sensible-
ment écarté de son type primitif pour se rapprocher de la monarchie
pure, ils durent croire qu'il avait eu ce caractère dès l'origine. Aussi le
fameux discours de Mécène à Auguste ressemble-t-il beaucoup plus à
un plan de gouvernement proposé par un conseiller d'Alexandre Sévère
qu'à un programme imaginé au lendemain d'Actium.
Si les documents littéraires sont à ce point insufOsants ou trom-
peurs, il faudra chercher ailleurs Thistoire des transformations qui
ont dénaturé l'œuvre d'Auguste. Cette histoire de l'Empire , plus
vivante et plus vraie, les documents épigraphiques l'ont écrite au
jour le jour et la racontent, pour peu qu'on sache les interroger, avec
autant de précision que de sincérité. Ce sont donc les documents
épigraphiques qui constituent le fond solide et incontestable des livres
de MM. Mommsen et Hirschfeld. Les personnes peu au courant de ces
sortes de travaux seront étonnées de voir tout ce qu'on peut tirer de
l'étude patiente et du rapprochement ingénieux de ces textes, si secs en
apparence. Ce sont d'innombrables faits particuliers qui, établis avec
une méthode rigoureuse et groupés avec art, conduisent aux larges
vues d'ensemble. Quant à ceux ({ui ont l'habitude de se servir de ces
documents, ils trouveront au bas de chaque page des renvois exacts et
multipliés qui leur permettront de contrôler les assertions de l'auteur,
et au boitoin de pousser leurs recherches sur un point déterminé plus
loin que l'auteur lui-même ne l'a fait.
Le livre de M. Mommsen démontre de la manière la plus éclatante
cette loi de filiation qui rattache si étroitement le régime impérial au
régime républicain. Ce livre est, comme on sait, un des volumes du
grand Manuel d'antiquités romaines, commencé à Leipzig, en 1843,
par M. Becker, achevé en 1867, par M. Marquardt et dont M. Momm-
sen, de concert avec ce dernier, a entrepris une rédaction nouvelle
très différente de la première. Ijes deux collaborateurs se sont par-
tagé la ulche. Tandis que M. Man]uardt se chargeait des antiquités
financières, militaires, religieuses et privées, M. Mommsen se réser-
vait tout ce qui touchait au droit public. Un premier volume est
consacré à la théorie générale des magistratures, considérées dans
leur principe et dans les règles qui leur sont communes. Un second
volume traite de chacune des magistratures prise à part. Le tome
relatif au principat forme la deuxième ])artie de ce deuxième
volume. Ainsi la place occupée dans l'ensemble de Pouvrage par
cette dernière étude montre déjà quel en est l'esprit. Dans le prin-
cipat, M. Mommsen ne voit qu'une magistrature extraordinaire, une
expression nouvelle de l'ancien droit public, la dernière conception
enfantée par le génie politique de Home. Après ce suprême etTort, la
force créatrice résidant au sein des vieilles institutions de la cité latine
428 COMPTES-RENDUS GRITIQDES.
est épuisée. Tout ce qui vient ensuite ne porte plus au même degré
Tempreinte exclusive de Tesprit romain.
C'est là ridée dominante exposée dans la préface et suivie avec une
grande force de déduction. Non pas que M. Mommsen n'ait pas vu
aussi l'autre face de la question et ne Tait pas mise en lumière. Les
deux points de vue sont inséparables, et qui a saisi le premier ne peut
pas ne pas saisir le second. Toutefois il est vrai que ce deuxième point
de vue est moins accusé, et cela pour deux raisons : d'abord il faudrait
un exposé historique auquel le caractère didactique du livre se prête
difficilement. Ensuite M. Mommsen traite de la nature du pouvoir
impérial et les altérations de l'œuvre d'Auguste sont plus profondes
dans le domaine administratif que dans le domaine purement politique.
Ce n'est pas la nature du pouvoir impérial qui a changé. Il n'a pas été
beaucoup moins absolu au temps d'Auguste qu'au temps de Septime
Sévère. Mais il s'est étendu au-delà des limites qu'il s'était primitive-
ment fixées. C'est la compétence de ce pouvoir qui s'est élargie et qui
a fini par tout absorber.
Le livre de M. Hirschfeld, paru peu de temps après celui de M. Momm-
sen, mais depuis longtemps entrepris d'après les conseils du maître et,
malgré quelques divergences, tout pénétré de son esprit, démontre, avec
une grande abondance de renseignements, ce que M. Mommsen n'a fait
qu'indiquer. Il se compose d'une série d'articles où l'auteur aborde suc-
cessivement les sujets les plus variés, dans un ordre qui, sans être
rigoureux, n'a cependant rien d'arbitraire. Ses recherches se portent
d'abord sur la distinction qui s'établit entre les deux trésors publics,
Vaerarium et le fisc ou trésor de l'empereur, sur les attributions et la
hiérarchie des fonctionnaires attachés à ce trésor, ou chargés de la per-
ception de certains impôts qui l'alimentent, tels que le vingtième des
héritages, ou préposés à certaines entreprises qui en dépendent, telles
que les exploitations minières. De là, nous passons à l'administration
proprement dite, et spécialement à celle qui concerne Rome et l'Italie,
aux routes, aux travaux publics, à l'annone, aux institutions alimen-
taires, à la police de la ville, aux jeux, aux bibliothèques. Enfin nous
pénétrons dans la chancellerie impériale. On comprend que les limites
qui nous sont imposées ne nous permettent pas de suivre M. Hirschfeld
à travers tant de questions traitées avec une compétence toute particu-
lière '. Il vaut mieux montrer quel est l'intérêt de ces études de détail,
quelle est l'idée générale qui se dégage peu à peu de ces fragments sans
lien apparent et qui en constitue l'unité. EUle est tout entière dans ce
fait : la concentration de tous les pouvoirs administratifs entre les mains
de l'empereur, au moyen de ses agents particuliers, les affranchis et les
procurateurs. Un tableau de Torganisation des fonctions équestres,
1. M. Hirschfeld, qui est qd des collaborateors du Corpus, âoW publier pro-
chainement, le recueil des inscriptions de U Gaule.
HIRSCHFELD : lOEM. yERWALTDffGSOBSCHICHTB. 429
tableau bien incomplet encore, mais le premier qui ait été esgayé, forme
un appendice naturel aux chapitres qui précèdent. Il est lui-m^me
suivi d'une sorte de conclusion où Fauteur résume les résultats acquis,
et qui mérite une rapide analyse.
Ce n'est pas une monarchie qu'Auguste a voulu fonder. C'est, pour
employer l'expression dont se sert M. Mommsen, une dyarchie. Bien
différent de César qui avait prétendu tout faire par lui-môme, Auguste
ne put se résoudre à écarter le sénat de l'administration. Il lui fit sa
part en Tan 27. Il la fit considérable, ne gardant pour lui que les
légions et les provinces où elles étaient stationnées. Dans ce système,
il était le chef do l'armée et le premier magistrat de la République. Il
n'en était pas le souverain et unique administrateur. Mais l'événement
montra qu'il avait trop préjugé, et de l'empereur, et du sénat, en fai-
sant reposer sur l'accord de ces deux pouvoirs tout l'édifice politique.
Le sénat ne sut pas défendre le terrain qui lui était réservé, l'empereur
ne sut pas le respecter, et l'empire constitutionnel se trouva bientôt
transformé en un despotisme militaire. Le sénat d'ailleurs n'était pas
à la hauteur de sa tAche. Auguste lui-même sembla le reconnaître en
créant les grandes curatelles détachées de la censure, en instituant un
préfet des vigiles et un préfet de l'annoue, etc. La retraite de Tibère à
Capréo fut un nouveau coup porté au dualisme qu'avait rêvé le fonda-
teur de l'empire. Entre un empereur inactif et un sénat incapable, l'État
tomba dans une désorganisation qui ne put être arrêtée que par un
changement complet de système. Ce fut l'œuvre de Claude, ou plutôt de
ses affranchis Pallas et Narcisse. Ces deux hommes, à qui l'histoire n'a
pas rendu justice, entreprennent et mènent à bonne fin une grande
réforme. Ils font passer l'administration aux mains des fonctionnaires
impériaux, qui sont, dans les provinces, les procurateurs, à Rome, les
affranchis, ces derniers placés à la tête de toute l'administration cen-
trale, et préposés à un nouveau trésor impérial, distinct de celui du
sénat, et qui devient bientôt le principal trésor de l'Empire. Procura-
teurs et affranchis entrent en possession de la juridiction civile. La
chute de la dynastie des Jules, qui amène au pouvoir un prince, hon-
nête et modéré, ne rond pas au sénat la situation qu'il a perdue. Le
dualisme d'Auguste est bien mort. Le mensonge qui était au fond l'a
tué. Mais une réaction se produit contre le gouvernement des affranchis.
Elle est accompagnée d'une nouvelle organisation administrative, due
au plus grand empereur peut-être que Rome ait jamais eu, à Hadrien.
Instruit des besoins de l'Empire par ses voyages à travers tout le monde
romain, Hadrien a compris qu'une administration qui devenait plus
compliquée de jour en jour exigeait la création d'un personnel de fonc-
tionnaires très nombreux, largement rétribué et soumis à des règles
rigoureuses. Ces fonctionnaires, il ne les cherche ni parmi les sénateurs,
toujours suspects d'opposition, ni parmi les affranchis, que l'on avait
vus associés à toutes les hontes et à tous les excès de la tyrannie tom-
bée. Il les prend dans l'ordre équestre, sûr de trouver là des agents
430 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
intègres, capables et dociles. La présence des affiranchis aux affaires
avait encore un autre inconvénient, elle établissait une confusion
fâcheuse entre le gouvernement de la maison de i'emperenr et celui de
la chose publique. Cette confusion était inévitable à Torigine :.elle avait
favorisé les premiers empiétements du pouvoir impérial. Elle devait
disparaître maintenant que la révolution était accomplie. Les affranchis,
relégués dans la domesticité de cour, cèdent donc la place aux cheva-
liers. Ce sont des chevaliers qui dirigent maintenant les bureaux de
l'administration centrale, et le plus important de tous, celui des finances.
Enfin l'extension des attributions de la préfecture du prétoire, devenue
la plus haute institution civile, la formation d'un conseil d'État, où les
chevaliers tiennent le premier rang, toutes ces mesures montrent clai-
rement que Hadrien veut rendre l'ordre équestre apte aux hautes fonc-
tions que le sénat s'est montré inhabile à remplir. Arrive Septime
Sévère dont le règne est décisif. Cet empereur, né en Afrique, parlant
à peine le latin, porté au pouvoir par les armées des provinces, au
milieu desquelles il a grandi, n'est pour l'Italie et pour Rome qu'un
étranger. Le sénat ne lui inspire que de l'aversion ; il se propose deux
objets, qui sont au fond identiques : supprimer la situation privilégiée
de Rome et de l'Italie et enlever au sénat ce qui lui reste encore de
pouvoir. Déjà Hadrien avait chargé du gouvernement de la péninsule
quatre consulaires à la nomination de l'empereur. Sévère établit une
légion aux portes de Rome et ouvre la garde prétorienne à toutes les
nationalités étrangères. D'un autre côté il attribue les revenus des pro-
vinces sénatoriales au fisc, dont les administrateurs obtiennent, ainsi
que les préfets et les magistri équestres, le titre de Vir perfectissimtu.
Les autres procurateurs, et en général les chevaliers qui se sont distin-
gués dans l'armée ou ailleurs, prennent celui de Vir egregius. En même
temps les intérêts de Tordre équestre et de l'armée sont confondus. Les
officiers qui ont rempli les grades équestres forment dans la vie civile
un ordre privilégié où les centurions mêmes sont admis. Les chevaliers
et les soldats doivent être les deux points d'appui de la nouvelle dynas-
tie. Un tel système amène nécessairement l'unification de toutes les
parties de l'Empire. Aussi Garacalla, qui étend le droit de cité à toutes
les provinces, n'est-il en réalité que le continuateur de l'œuvre pater-
nelle ; mais cette œuvre est menacée par Alexandre Sévère. Cet excel-
lent prince, élevé à Home sous la tutelle d'un conseil de régence tout
composé de sénateurs, rompt d'une manière absolue avec la politique
de sa famille. 11 gouverne avec et par le sénat. Il lui laisse la nomina-
tion du préfet de la ville et des gouverneurs des provinces sénatoriales,
la confirmation des gouverneurs des provinces impériales. Il choisit
dans son sein le préfet du prétoire ; il veut faire rentrer le fisc dans ses
anciennes limites. Ce fut le rêve d'un moment, une tentative généreuse
et chimérique à laquelle coupa court une émeute de caserne. Le m* s.
voit s'accomplir deux grands événements qui portent le dernier coup à
l'ancien dualisme : les sénateurs sont exclus des hautes positions gou-
HIBSCRFSLD : BCBM. VERWILTIJNGSGBSGHICHTE. 431
vernementales, et la séparation des pouvoirs civils et militaires amène
une transformation complète dans Tsulministration des provinces. L'Em-
pire, miné à l'intérieur par des maux sans nombre, assailli au dehors
par les Barbares, a besoin d'une forte organisation du pouvoir impérial.
C'est le but poursuivi par les grands empereurs illyriens : Aurélien
commence cette œuvre achevée par Dioclétien et par Constantin. L'Italie
n'est plus qu'une province, Rome n'est plus qu'une ville comme toutes
les autres. Le centre de gravité de l'Empire est transporté en Orient.
Le système d'Auguste a vécu.
Telle est la théorie de M. Hirschfeld. Vraie dans son ensemble, sin-
gulièrement pénétrante dans beaucoup de ses détails, elle provoquera
sans doute plus d'une objection. Nous nous bornons à la suivante :
M. Hirschfeld émet sur le règne de Vespasien une opinion qui nous
parait manquer à la fois de clarté et de justesse. Tout en reconnaissant
que cet empereur ne revint jamais sur aucune des réformes accomplies
par Claude et ses ministres, qu'il ne fut pas un maître moins absolu
que ses prédécesseurs, que moins que personne il était fait pour com-
prendre et appliquer les combinaisons artificielles d'Auguste, M. Hirsch-
feld admet néanmoins qu'il fit au sénat certaines concessions, qu'il
renonça en sa faveur à quelques-uns des droits usurpés par Claude et
par Néron. Il est difficile de concilier les deux termes de cette proposi-
tion, il ne l'est pas moins de trouver une preuve à l'appui de cette pré-
tendue renonciation. M. Hirschfeld invoque le document fameux connu
sous le nom de Lex regia de imperio Vespasiani, Il y voit un acte sans
précédent, un contrat intervenu à nouveau entre les deux pouvoirs, à
la suite d'une crise qui avait bouleversé toutes les idées et tous les
principes. Il semble au contraire que la Lex regia était un acte parfai-
tement régulier qui se renouvelait à chaque changement de règne. Il
est vrai que nous ne possédons que la loi concernant Vespasien. Il est
vrai aussi qu'il n'y a pas dans les auteurs de texte où il soit question
expressément d'un acte de ce genre, mais en revanche ils disent fré-
quemment que l'empereur était mis en possession de l'Empire par une
loi, et cette loi quelle est-elle, sinon celle que nous fait connaître le
monument du Latran ? Nous dirons plus, une lecture attentive de ce
document fait croire que loin d'avoir restreint les droits de l'empereur
il les a plutôt étendus. M. Mommsen (Str. II, p. 882) fait remarquer que
dans l'article conférant à l'empereur, sans aucune restriction, le droit
de recommander les candidats à toutes les magistratures, la formule
f Ita uti licuit divo Aug. Ti. Julio Cacsari Aug., etc., > est absente,
d'où l'on peut conclure que ce même droit n'avait pas encore reçu une
telle extension. Il y aurait encore bien d'autres observations à faire.
Par exemple, on se demandera si M. Hirschfeld n'a pas exagéré quel-
quefois l'importance des procurateurs et des affranchis, je ne dis pas
aux dépens du sénat, mais aux dépens des sénateurs. Jusqu'au m* s.
l'ordre sénatorial fournissait les commandants des légions et les gou-
verneurs de toutes les provinces. Ce n'était pas une prérogative insigni-
432 COMPTES-REIfDns CRITIQUES.
fiante. Enfin, on se demandera peut-être si cette vaste synthèse n'est
pas prématurée. Malgré les grands progrès accomplis par les recherches
épigraphiques, l'histoire de l'Empire n'est pas faite encore ; elle ne le
sera pas tant qu'on n'aura pas fait celle de chaque empereur. Des mono-
graphies dans le genre de celle du regretté de La Berge sur Trajan sont
la condition préalable de toute étude d'ensemble. Le grand règne d'Ha-
drien, celui d'Alexandre Sévère, dont M. Hirschfeld a saisi le caractère
avec beaucoup de finesse, ne sont pas assez connus. Que dire de la
période postérieure où les sources épigraphiques sont presque aussi
pauvres que les sources littéraires ? Ces réserves n'enlèvent rien à la
haute valeur des pages où M. Hirschfeld a résumé ses conclusions. C'est
un effort qui en appelle d'autres et qui montre la voie où il faut doré-
navant marcher.
G. Blogh.
Études critiques sur Thistoire de la période des Vikinss (I.
Ragnar Lobdrok et RoUon), par le D' Gustave Storm, professeur à
l'Université de Christiania*. Christ., 4878, Société des éditeurs
norvégiens, 2\9 p. in-8**.
Les deux études qui composent ce volume sont précédées d'une intro-
duction (p. 1-33) * où l'auteur expose les principes critiques de P. A.
Munch, Jessen et J. Steenstrup plutôt que les siens propres ; ses vues
sur les premières expéditions des corsaires, dont il place le commence-
ment à la fin du viii' siècle , sur la vraie signification des noms de
Northinanni et Nordmand, qui varia selon les temps et les lieux ; enfin
les causes des courses des Vikings, qu'il attribue, non pas à un excès
de population, mais au désir de s'enrichir, soit en pillant, soit en levant
des contributions sur les vaincus, soit en se mettant à la solde des
princes étrangers.
La première étude sur Ragnar Lodbrok et ses fils (p. 34-129 et appen-
dice, p. 194-210) est une nouvelle édition révisée d'un mémoire publié
d'abord dans la Revue de la Société historique norvégienne •. Le savant
auteur s'est efforcé avec un louable zèle d'améliorer son premier travail,
mais sans le remanier et en ne lui faisant subir que de courtes suppres-
sions ou additions, quelques changements de dates, des retouches de
style. Il n'y a donc pas lieu de revenir sur ce mémoire dont nous avons
déjà parlé * ; réservons la place dont nous pouvons disposer à l'examen
de la seconde étude : Goengu-Hrolf^ et V établissement des Scandinaves en
1. Kritiske Bidrag til Vtkingetidem Historié (I. Ragnar Lodbrok og Gange-
Rolv) af D' G. Slorm.
2. Déjà publiée dans Nyt norsk Tidsskrift, 1. 1, p. 140-160 et 388-401.
3. Historisk Tidsskrift udgivet af den norske historiske Porening, 2* séries
t. I, p. 371-491. Aussi tiré à pari.
4. Revue historique, 3* année, t. VIII, septembre-octobre 1878, p. 188-191.
5. Nous mettons ici la forme islandaise qui est la plus ancienne, de même que
STORM : ETUDES SDR l'hISTOIRE DE Li PISrIODE DES VIKINGS. 433
Normandie (p. 130-191 et append. p. 210-8), sujet qui tient de près à
notre histoire nationale. M. St. passe d'abord en revue les notions rela-
tives à Rollon ; celles que l'on trouve dans les annales latines et les
documents contemporains étant extrêmement maigres et insuffisantes,
il attache une grande importance aux allusions contenues dans le
Planctus super mortem Vilhelmi*, complainte qu'il croit avoir été com-
posée par un ecclésiastique, peu après la mort de Guillaume Longue-
Épée (17 décembre 942), et il en tire un excellent parti pour montrer
que ce prince était né outre-mer et que, lors de sa naissance, son père
était encore payen et sa mère chrétienne. A partir de la fin du x« siècle,
les documents latins deviennent plus nombreux, mais ils ne sont guère
satisfaisants en ce qui concerne Rollon. Richer commet de si graves
erreurs à propos de Charles le Simple que Ton ne peut guère se fier à
lui pour le reste ; Adhémar de Ghabannes, qui donne le nom de Rosus
au chef des Normands, nous a transmis de curieux détails sur ce per-
sonnage ; Dudon de Saint-Quentin est un rhétoricien fort porté à gran-
dir ses héros ; il ne s'inquiète guère de la chronologie, mêle les tradi-
tions, attribue à Rollon les exploits d'autres chefs normands et il est
d'ailleurs mal renseigné. La chronique de Fontenelle donne une courte,
mais importante esquisse de la vie de Rollon. Guillaume de Jumièges
suit Dudon, en l'abrégeant et en omettant certains faits qu'il regardait
sans doute comme erronés. Guillaume de Malmesbury, qui puisait à des
sources anglaises et normandes, doit avoir tiré de ces dernières ce qu'il
dit de Rollon , les premières ne contenant rien sur l'histoire ancienne
des Normands. Voilà un résumé des appréciations de M. St. relative-
ment aux écrivains occidentaux qui ont traité de son sujet. Ce qu'il dit
des chroniques, sagas et généalogies septentrionales est moins connu
chez nous et a droit à l'attention particulière de nos historiens.
Les plus anciens ouvrages danois où il soit question de Rollon et de
la Normandie datent des xn* et xiii* siècles ; ce ne sont guère d'ailleurs
que des échos très affaiblis d'Adam de Brème et d'autres écrivains
latins, comme le prouve le nom de Rollo au lieu de Hrolvus. Leur insi-
gnifiance dénote qu'il n'y avait pas de tradition nationale eu Danemark
à ce sujet. Les sources norvégiennes au contraire, malgré leur concision
à regard d'événements qui s'étaient passés à l'étranger et restaient en
dehors de leur cadre, renferment quelques traits fort caractéristiques.
L'Historia Norvegiae^ écrite vers l'an 1200 en Ecosse ou dans les Orcades,
appelle Rodulf le personnage que ses compagnons nommaient Gongu-
rolfer. M. St., qui admet cette assimilation, n'a pas fait la remarque
lorsqu'il s'agit de rendre eo français un nom latin, nous devons nous attacher à
reproduire, aussi exactement que possible, la forme primitive et non la forme
italienne, à moins que le nom n'ait déjà été francisé. Dans le cas présent nous
n'aurions aucun scrupule d'écrire Rollon, si ce n'était préjuger la question en
admettant l'identification de Gœngu-Urolf avec le premier duc de Normandie,
t. Publié dans la Bibliothèque de V École des chartes, 1870, p. 389-406.
Rev. HisTon. XL '2* pasc. 28
430 COMPTES-RBNDDS CRITIQUES.
intègres, capables et dociles. La présence des affiranchis aux affaires
avait encore un autre inconvénient, elle établissait une confusion
fâcheuse entre le gouvernement de la maison de l'empereur et celui de
la chose publique. Cette confusion était inévitable à Torigine :.elie avait
favorisé les premiers empiétements du pouvoir impérial. Elle devait
disparaître maintenant que la révolution était accomplie. Les affranchis,
relégués dans la domesticité de cour, cèdent donc la place aux cheva-
liers. Ce sont des chevaliers qui dirigent maintenant les bureaux de
Tadministration centrale, et le plus important de tous, celui des finances.
Enfin l'extension des attributions de la préfecture du prétoire, devenue
la plus haute institution civile, la formation d'un conseil d'Ëtat, où les
chevaliers tiennent le premier rang, toutes ces mesures montrent clai-
rement que Hadrien veut rendre Tordre équestre apte aux hautes fonc-
tions que le sénat s'est montré inhabile à remplir. Arrive Septime
Sévère dont le règne est décisif. Cet empereur, né en Afrique, parlant
à peine le latin, porté au pouvoir par les armées des provinces, au
milieu desquelles il a grandi, n'est pour l'Italie et pour Rome qu'un
étranger. Le sénat ne lui inspire que de l'aversion ; il se propose deux
objets, qui sont au fond identiques : supprimer la situation privilégiée
de Rome et de l'Italie et enlever au sénat ce qui lui reste encore de
pouvoir. Déjà Hadrien avait chargé du gouvernement de la péninsule
quatre consulaires à la nomination de l'empereur. Sévère établit une
légion aux portes de Rome et ouvre la garde prétorienne à toutes les
nationalités étrangères. D'un autre côté il attribue les revenus des pro-
vinces sénatoriales au fisc, dont les administrateurs obtiennent, ainsi
que les préfets et les magistri équestres, le titre de Vir perfectissimus.
Les autres procurateurs, et en général les chevaliers qui se sont distin-
gués dans l'armée ou ailleurs, prennent celui de Kir egregius. En même
temps les intérêts de l'ordre équestre et de l'armée sont confondus. Les
officiers qui ont rempli les grades équestres forment dans la vie civile
un onlre privilégié où les centurions mêmes sont admis. Les chevaliers
et les siildats doivent être les deux points d'appui de la nouvelle dynas-
tie. Un tel svstème amène nécessairement l'unification de toutes les
parties de l'Empire. Aussi Caracalla, qui étend le droit de cité à toutes
les provinces, n'est-il eu réalité que le continuateur de Fœuvre pater-
nelle ; mais cette œuvre est menacée par Alexandre Sévère. Cet excel-
lent prince, élevé à Home sous la tutelle d'un conseil de régence tout
comjMjs*^ do stMiateurs, rompt d'une manière absolue avec la politique
de sa famille. Il gouverne avec et \^r le sénat. Il lui laisse la nomina-
tion du préfet do la ville et dos gv^uvernours des provinces sénatoriales,
la confirmation dos gouverneurs dos provinces impériales. Il choisit
dans Si>n s^mu lo pr^*fot du protoiro ; il veut faire rentrer le fisc dans ses
auciennos Unùtos. Ce fut lo rêve d'un momeut^ une toutaiive généreuse
ot chimoriquo à lav|uollo ivujia court une omouto do caserne. Le m* s.
voit s'acvvmpUr doux grands ovènomoats qui portent lo dernier coup à
l'aucioa dualisme . los souaiours s<*ut exclus des hautes p^^itioos gou-
HIISCHFELD : RCBM. VBRWALTfJ!fGS6BSCHICDTB. 434
vernementales, et la séparation des pouvoirs civils et militaires amène
une transformation complète dans Tadministration des provinces. L'Em-
pire, miné k Tintérieur par des maux sans nombre, assailli au dehors
par les Barbares, a besoin d'une forte organisation du pouvoir impérial.
C'est le but poursuivi par les grands empereurs illyriens : Aurélien
commence cette œuvre achevée par Diocléticn et par Constantin. L'Italie
n'est plus qu'une province, Rome n'est plus qu'une ville comme toutes
les autres. Le centre de gravité de l'Empire est transporté en Orient.
Le système d'Auguste a vécu.
Telle est la théorie de M. Hirschfeld. Vraie dans son ensemble, sin-
gulièrement pénétrante dans beaucoup de ses détails, elle provoquera
sans doute plus d'une objection. Nous nous bornons à la suivante :
M. Hirschfeld émet sur le règne de Vespasien une opinion qui nous
parait manquer à la fois de clarté et de justesse. Tout en reconnaissant
que cet empereur ne revint jamais sur aucune des réformes accomplies
par Claude et ses ministres, qu'il ne fut pas un maître moins absolu
que ses prédécesseurs, que moins que personne il était fait pour com-
prendre et appliquer les combinaisons artificielles d'Auguste, M. Hirsch-
feld admet néanmoins qu'il fit au sénat certaines concessions, qu'il
renonça en sa faveur à quelques-uns des droits usurpés par Claude et
par Néron. Il est difficile de concilier les deux termes de cette proposi-
tion, il ne l'est pas moins de trouver une preuve à l'appui de cette pré-
tendue renonciation. M. Hirschfeld invoque le document fameux connu
sous le nom de Lex regia de imperio Vespasiani, Il y voit un acte sans
précèdent, un contrat intervenu à nouveau entre les deux pouvoirs, à
la suite d'une crise qui avait bouleversé toutes les idées et tous les
principes. Il semble au contraire que la Lex regia était un acte parfai-
tement régulier qui se renouvelait à chaque changement de règne. Il
est vrai que nous ne possédons que la loi concernant Vespasien. Il est
vrai aussi qu'il n'y a pas dans les auteurs de texte où il soit question
expressément d'un acte de ce genre, mais en revanche ils disent fré-
quemment que l'empereur était mis en possession de l'Empire ])ar une
loi, et cette loi quelle est-elle, sinon celle que nous fait connaître le
monument du Latran ? Nous dirons plus, une lecture attentive de ce
document fait croire que loin d'avoir restreint les droits de l'empereur
il les a plutôt étendus. M. Mommsen (8tr. II, p. 882) fait remarquer que
dans l'article conférant à l'empereur, sans aucune restriction, le droit
de recommander les candidats à toutes les magistratures, la formule
ff Ita uti licuit divo Aug. Ti. Julio Caesari Aug., etc., t est absente,
d'où l'on peut conclure que ce même droit n'avait pas encore reçu une
telle extension. 11 y aurait encore bien d'autres observations à faire.
Par exemple, on se demandera si M. Hirschfeld n'a pas exagéré quel-
quefois l'importance des procurateurs et des afTranchis, je ne dis pas
aux dépens du sénat, mais aux dépens des sénateurs. Jusqu'au in* s.
l'ordre sénatorial fournissait les commandants des légions et les gou-
verneurs de toutes les provinces. Ce n'était pas une prérogative insigni-
432 COMPTBfi-RBIfDUS CRITIQUES.
Gante. Enfin, on se demandera peut-être si cette vaste synthèse n'est
pas prématurée. Malgré les grands progrès accomplis par les recherches
épigraphiques, l'histoire de TEmpire n'est pas faite encore ; elle ne le
sera pas tant qu'on n'aura pas fait celle de chaque empereur. Des mono-
graphies dans le genre de celle du regretté de La Berge sur Trajan sont
la condition préalable do toute étude d'ensemble. Le grand règne d'Ha-
drien, celui d'Alexandre Sévère, dont M. Hirschfeld a saisi le caractère
avec beaucoup de finesse, ne sont pas assez connus. Que dire de la
période postérieure où les sources épigraphiques sont presque aussi
pauvres que les sources littéraires ? Ces réserves n'enlèvent rien à la
haute valeur des pages où M. Hirschfeld a résumé ses conclusions. C'est
un effort qui en appelle d'autres et qui montre la voie où il faut doré-
navant marcher.
G. Blogh.
Études critiques sur l'histoire de la période des Vildngs (L
Ragnar Lobdrok et Rollon), par le D' Gustave Storm, professeur à
rUniversité de Christiania*. Christ., 4878, Société des éditeurs
norvégiens, 249 p. in-8°.
Les deux études qui composent ce volume sont précédées d'une intro-
duction (p. 1-33) ^ où l'auteur expose les principes critiques de P. A.
Munch, Jessen et J. Steenstrup plutôt que les siens propres ; ses vues
sur les premières expéditions des corsaires, dont il place le commence-
ment à la fin du vm* siècle , sur la vraie signification des noms de
Northmanni et Nordmand. qui varia selon les temps et les lieux ; enfin
les causes des courses des Vikings, qu'il attribue, non pas à un excès
de iH)pulation, mais au désir de s'enrichir, soit en pillant, soit en levant
dos contributions sur les vaincus, soit en se mettant à la solde des
princes étrangers.
Lia première étude sur Bagnar Lodbrok et ses fiis (p. 34-1*29 et appen-
dice, p. 194-210) est une nouvelle édition révisée d'un mémoire publié
d'abord dans la Rev^ue de ia Société historique norvégienne '. Le savant
auteur s est efforcé avec un louable zèle d'améliorer son premier travail,
mais sans le remanier et en ne lui faisant subir que de courtes suppres-
sions ou additions, quelques changements de dates, des retouches de
style. Il n*y a doue pas lieu de revenir sur ce mémoire dont nous avons
déjà parle * ; n»servons la place dont nous pouvons disposer à Texamen
de la seconde étude : Goengu^llrolf^ et Vétablissetnent lies Scandinaves en
1. Kritiske Bidrag tU YiktHgetideiu Historié {h Ragnar Lodbrok og Gange^
RoIt) af D' G. Storm.
2. Déjà publiée dans Syt non* Tidsskrifl, 1. 1, p. 140-160 et 38S401.
3. Historis T^dsskrift udgivet af dti% marske Kistoriske Forenimg, 2* série,
t. 1, p. 371-491. Aussi tiré À part.
4. Rerue hkstohquey 3* année, t. VUl, septembre-octobre 187S. p. ISS- 191.
5. Nous mettons ici la forme islandaise qui est la plus ancienne, de nMteie qu«
STORM : ETUDES SDR l'hISTOIRE DE Li PISrIODE DES VIKINGS. 433
Normandie (p. 130-191 et appond. p. 210-8), sujet qui tient de près à
notre histoire nationale. M. St. passe d*abord en revue les notions rela-
tives à RoUon ; celles que l'on trouve dans les annales latines et les
documents contemporains étant extrêmement maigres et insuffisantes,
il attache une grande importance aux allusions contenues dans le
Planctus super mortem Vilhelmi*, complainte qu'il croit avoir éu'^ com-
posée par un ecclésiastique, peu après la mort de Guillaume l-iongue-
Épée (17 décembre 942), et il en tire un excellent parti pour montrer
que ce prince était né outre-mer et que, lors de sa naissance, son père
était encore payen et sa mère chrétienne. A partir de la fin du x« siècle,
les documents latins deviennent plus nombreux, mais ils ne sont guère
satisfaisants en ce qui concerne Rollon. Richer commet de si graves
erreurs à propos de Charles le Simple que Ton ne peut guère se lier à
lui pour le reste ; Adhémar de Ghabannes, qui donne le nom de Rosus
au chef des Normands, nous a transmis de curieux détails sur ce per-
sonnage ; Dudon de Saint-Quentin est un rhétoricien fort porté à gran-
dir ses héros ; il ne s'inquiète guère de la chronologie, mêle les tradi-
tions, attribue à Rollon les exploits d'autres chefs normands et il est
d'ailleurs mal renseigné. La chronique de Fontenelle donne une courte,
mais importante esquisse de la vie de Rollon. Guillaume de Jumièges
suit Dudon, en l'abrégeant et en omettant certains faits qu'il regardait
sans doute comme erronés. Guillaume de Malmesbury, qui puisait à des
sources anglaises et normandes, doit avoir tire de ces dernières ce qu'il
dit de Rollon, les premières ne contenant rien sur l'histoire ancienne
des Normands. Voilà un résumé des appréciations de M. St. relative-
ment aux écrivains occidentaux qui ont traité de son sujet. Ce qu'il dit
des chroniques, sagas et généalogies septentrionales est moins connu
chez nous et a droit à l'attention particulière de nos historiens.
Les plus anciens ouvrages danois où il soit question de Rollon et de
la Normandie datent des xii* et xni« siècles ; ce ne sont guère d'ailleurs
que des échos très affaiblis d'Adam de Brème et d'autres écrivains
latins, comme le prouve le nom de Rollo au lieu de Hrolvus. Leur insi-
gnifiance dénote qu'il n'y avait pas de tradition nationale en Danemark
à ce sujet. Les sources nor\'égiennes au contraire, malgré leur concision
à l'égard d'événements qui s'étaient passés à l'étranger et restaient en
dehors de leur cadre, renferment quelques traits fort caractéristiques.
Ij Historia Norvegiae^ écrite vers l'an 1200 en l'Ecosse ou dans les Orcades,
appelle Rodulf le personnage que ses compagnons nommaient Gongu-
rolfer. M. St., qui admet cette assimilation, n'a pas fait la remarque
lorsqu'il s'agit de rendre en français on nom latin, nous devons noas attacher à
reproduire, ausfti exactement que possible, la forme primitive et non la forme
italienne, à moins que le nom n'ait déjà été francisé. Dans le cas présent nous
n'aurions aucun scrupule d'écrire Rollon, si ce n'était préjuger la question en
admettant l'identification de Gœngu-Hrolf avec le premier duc de Normandie,
t. Publié dans la Bibliothèque de l'École des chartes, 1870, p. 389-406.
Rev. HisTon. XI. 2« f.\sc. 28
434 COMPTES-REXDDS CaiTlQUBS.
que le nom de Rodulf n^était pas usité en Norvège dans les temps
payens ; Raudulf, qui vivait au temps de saint Olaf, était un Suédois,
et les premiers Hrodolfs cités en Norvège ou en Islande étaient chré-
tiens et même évéques. Le plus ancien d'entre eux fut surnommé en
Islande Budu-^lf ou Loup de Rouen, parce qu'il était de cette ville
(Ruda). Ne serait-ce pas à l'occasion de la prise de la grande cité neus-
trienne que Hrolf aurait reçu le surnom de Rudu-ulf^ différent de celui
de Hrodolf, bien que tous deux se transcrivent de même en latin ? Il
n'était pas rare chez les Norvégiens qu'un nom de lieu, suivi d'un
substantif ou d'un adjectif, devînt un nom ou un surnom d'homme
(Bjœrn Hitdwlakappé, Bjœm Breidvikingakappé, Gudrune Lundasol, Olaf
Geirstada-^lf^ Sigurd Jorsalafaré^ etc., etc.); de même en Danemark,
un corsaire qui avait fait une expédition en Gallicie fut appelé Galliciu-
ulf, en latin Ulvo Gallicianus. Cette digression n'était pas superflue,
puisqu'elle explique pourquoi RoUon porte deux noms dans VHistoria
Norvegiae, sans compter le nom chrétien qu'il reçut au moment de son
baptême (Robert). La même source ajoute qu'il ne pouvait aller à cheval
à cause de sa taille colossale ; qu'il était du nombre des corsaires appar-
tenant à la famille de Ragnvald et établis dans les Orcades, d'où ils
faisaient des courses, tantôt en Angleterre, tantôt en Ecosse ou en
Irlande; qu'il prit Roda (Rouen) par un singulier stratagème; qu'il
épousa la veuve du comte de cette ville et qu'il en eut un fils nommé
Guillaume ; qu'il attaqua plus tard les Frisons et qu'il fut tué en Hol-
lande par son beau-fils. M. St. regarde la plupart de ces traits comme
historiques ; il doute pourtant que Guillaume fût fils de la veuve du
comte de Rouen, puisque, d'après la Complainte, il était né outre-mer,
et il pense que la fin do Rodulf est confondue avec la mort de son fils
Guillaume, qui fut tué par un comte de Flandre. UHùtoria Norvegiae
nous donne la tradition norvégienne qui avait cours chez ceux des
compagnons de Rollon qui étaient restés dans les îles situées au nord
de la Grande-Bretagne ; la tradition norvégienne proprement dite n'a
été conservée que dans le Landnâmabok et quelques sagas islandaises,
notamment la Heiinskringla de Snorré Sturluson.
M. St. qui, dans le premier mémoire du présent volume, attribuait
dos tendances intéressées aux généalogistes islandais et les représentait
comme des faussaires, leur rond mieux justice maintenant qu'il a besoin
de leur secours ; il regarde donc comme vrai ce qu'ils disent de la
famille de Rollon, et il se sert surtout d'eux pour reconstituer l'histoire
de ce personnage ; mais, malgré ses recherches étendues, il fait tenir
dans une seule page tout ce qui lui semble digne do foi. Il termine en
réfutant la théorio do M. Steonstrup*, et il emploie à cette fin plusieurs
des arguments que nous avions fait valoir ; qu'on nous permette de le
1. Expasée dans la Revue historique, 2* année, t. IV, juillet-août 1877,
p. 424-430.
DUPOURMiTTELLS : LA MiRINB FRANÇAISS iU XIY* SiftCLB. 435
constater, car ce n'est pas une médiocre satisfaction pour nous que
d'être, cette fois, d'accord avec un savant si estimable.
E. Beauvois.
Tbrrier dk Loray. Jean de Vienne, amiral de France. Paris,
librairie de la Société bibliographique, 4878.
DuFODRMANTELLE. La marine fk*ançaise an commencement de la
guerre de Cent Ans. (Extrait du Spectateur militaire, 4878, et à
part, aux bureaux de cette Revue.)
Il y a déjà quelque temps, M. Terrier de Loray faisait paraître un
livre sur Jean de Vienne, Amiral de France; et presquen mémo
temps, M. Gh. Du fou rman telle, archiviste de la Corse, publiait dans le
Spectateur militaire un grand article sur la marine française au com-
mencement de la guerre de Cent Ans. Il nous a semblé qu'en réunissant
ces deux ouvrages dans le même compte-rendu, nous arriverions à
mettre mieux en relief les faits nouveaux qu'ils livrent au public. Nous
nous résignons ainsi à négliger une partie du livre de M. de Loray, car
l'amiral Jean de Vienne trouva, dans des expéditions toutes continen-
tales, plus d'une occasion de prouver aux ennemis de la France et do
la chrétienté, que la guerre maritime n'était pas la seule qu'il entendit.
L'article du Spectateur militaire porte un titre très général, et en
effet, un grand nombre de questions intéressantes y sont posées. Mais,
ce qui en fait la valeur principale pour nous, et aussi, croyons-nous,
pour les maîtres éminents qui eurent l'occasion de l'examiner et de le
juger, c'est la découverte d'un document intitulé : Information^^ civita-
tis Massilie. Ce texte précieux était, comme tant d'autres, perdu dans
l'un des fonds de la Bibliothèque nationale. Il a été retrouvé au f^227 v®
du recueil connu sous le nom de Compilation d^ ordonnances et d'actes
relatifs aux finances de l'État, faite à la Chambre des comptes (xiv« s.).
Le commentaire des Informationes Massilie aurait pu fournir à lui
seul la matière d'une étude de 72 pages, comme colle dont nous nous
occupons, et, si nos souvenirs sont fidèles, l'autour n'a pas renoncé à
en reprendre l'explication détaillée. Réduit, par retendue de son plan,
à n'écrire qu'un chapitre sur les bâtiments ^ M. I). a cependant trouvé
l'occasion d'éclaircir bien dos points obscurs de l'archéologie navale. Nous
avons remarqué que le texte des Informationes Massilie conGrme presque
toujours les opinions de Jal ; ainsi, en cette matière tout au moins,
réminent historiographe peut être encore considéré comme une autorité.
Les documents qui ont servi à M. D. pour le reste do son ouvrage ne
me paraissent avoir ni la nouveauté ni l'importance dos informationes
Massilie, quoiqu'il en ait su tirer des conclusion.^ fort intéressantes.
1 . Page te.
436 COMPTBS-aENDDS CaiTIQDBS.
Peut-être seulement s'est-il laissé entraîner à trop préciser et à trop
généraliser.
n est bon de donner des chiffres quand on peut dire au juste ce
qu'ils expriment ; mais lorsqu'ils sont évidemment inexacts et que les
limites extrêmes de l'erreur restent inconnues, ne vaut-il pas mieux se
contenter des formules élastiques du langage et disposer son récit de
manière à laisser le lecteur au degré d'incertitude où Ton est malheu-
reusement soi-même ?
Citons un exemple :
On trouve, pages il et 12 de la brochure que j'ai sous les yeux, une
addition des navires appartenant en propre au roi. L'auteur donne les
chiffres suivants : onze nefs, deux galées, dix barges, soit, en tout,
vingt-trois bâtiments, et pour arriver à ce résultat il a consulté : les
chroniques de Saint-Denis, les actes normands, les Normands au combat
de VÉdttse, de A. Gaix, les titres scellés de Glairambault, où, de son
propre aveu, l'on trouverait bien d'autres mentions de navires royaux
si l'on avait le temps de procéder à un dépouillement complet. M. D.,
qui puise à des sources si variées, est-il sûr de n'avoir pas fait de
doubles emplois? D'autre part, à combien estime-t-il le nombre des
bâtiments dont la collection Glairambault aurait pu lui révéler l'exis-
tence ? Si, comme je le crains, le total 23 n'est ni un minimum ni un
maximum, que nous sert-il de le connaître ?
J'aurais mieux aimé qu'abandonnant les chiffres et se pénétrant de
l'esprit général des textes, l'auteur eût caractérisé en quelques mots
cette marine, ou plutôt ce « navire » du roi, comme on disait alors.
Gela constituait-il une flotte capable d'engager une bataille navale en
pleine mer contre une autre flotte, ou n'étaient-ce, comme le dit M. de
Loray, que « des forces navales » destinées c à protéger le commerce
fort actif qui empruntait la voie de la mer et à garantir les populations
maritimes des incursions auxquelles elles étaient exposées même en
temps de paix ? •
L'intérêt de la question est là, et nous sommes fort tentés de nous
rallier à l'opinion de M. de Loray. Nous recommandons même très
vivement la lecture de l'excellent chapitre où il la développe*.
Gette discussion nous conduit au point principal de l'article du Spec-
tateur militaire : « Nous essayerons de prouver, dit l'auteur,.... qu'il y
avait sous Philippe de Valois une véritable organisation maritime, que
le roi possédait des navires en propre et que, par conséquent, il existait
déjà un commencement d'armée permanente^.... » Et, à la fin de son
travail, après avoir étudié la bataille de l'Écluse, il conclut ainsi :
i Gette défaite porta un coup terrible au développement de notre
marine... aussi se passa-t-il quarante années avant que notre pavillon
reparût dans l'Océan, arboré sur des vaisseaux français. •
1. Chap. III, p. 66.
2. Page 6.
DDFODRMA NIELLE : LA MiRLNB FRANÇAISE AU XIT^ SIÈCLE. -{37
Nous citons les propres termes de M. D., parce que nous ne voulons
pas lui faire un procès de tendance, et nous reconnaissons volontiers
que ses propositions sont exprimées avec une telle réserve de langage,
qu'il est difficile de démontrer rigoureusement la fausseté d'aucune
d'elles. Nous croyons cependant qu'il ne faut pas avoir sur la marine
française en 1340 Tidée que les conclusions de M. D. laissent dans
l'esprit.
Qu'il y eût une « véritable organisation maritime, » cela est vrai, à
la rigueur ; mais à quoi se réduisait cette organisation ? Le roi do
France possédait à Rouen un magasin, un arsenal, plus ou moins abon-
damment pourvu des c abillements, armeures, artillerie et garnisons »
nécessaires pour convertir, lors des grands armements militaires, des
bâtiments de commerce en vaisseaux de guerre.
Voilà le principal caractère du clos des galées sous Philippe VI.
C'était bien encore, si l'on veut, un chantier de construction ; mais,
jusqu'à Charles V, le nombre des navires qui y furent bâtis est insigni-
fiant.
En effet, si l'on néglige les quelques barges ou galères chargées de
poursuivre les corsaires anglais et barbaresques, le roi ne possédait pas
môme une escadre. Quel est son contingent à la bataille de l'Écluse,
où combattirent au moins 197 vaisseaux français ? Trois galères, six
nefs et quatre barges. Encore des six nefs faut-il en retrancher quatre
qui avaient été prises récemment aux Anglais et qui étaient tournées
maintenant contre eux. Quant aux autres bâtiments construits en
France, ils ne sortaient pas tous de l'arsenal de Rouen, le roi s'adres-
sant souvent aux charpentiers de quelques autres ports, comme Leure.
Il est fort à croire que les six nefs, les trois galées et les quatre
barges eurent leur bonne part dans le désastre de l'Écluse. Mais peut-
on sérieusement attribuer à la perte de cette petite division la ruine
de notre marine naissante ? Ce qui nous porta un coup terrible, ce
fut la destruction de ces nombreux bâtiments réquisitionnés dans les
ports de commerce, qui, en réalité, composaient toute la flotte. Quant
au navire royal, il échappa, par son insignifiance même, aux graves
conséquences de la défaite.
L'organisation maritime de la France sous Philippe VI, la seule qui
soit assez sérieuse pour fixer l'attention des historiens, celle qui avait
donné au roi, suivant la vive expn^ssion de Jehan le Bel, c un si grant
povoir sur mer, » c'est l'ensemble des coutumes, des conventions, des
droits qui lui permettaient de disposer du navire de ses sujets. L'auteur
nous en dit bien quelques mots, mais, préoccupé de retrouver au
xiv« siècle quelque chose d'analogue à notre centralisation moderne, il
semble en avoir grandement méconnu l'importance. La défaite de
l'Écluse, c'est en quelque sorte une bataille de Bouvines livrée sur mer,
dont l'issue fut malheureuse, un grand effort national dirigé par le
souverain. Ce n'est pas, comme cm serait tenté de le croire après avoir
lu l'article du Spectatrur militaire, la ruine d'une flotte royale ré^juliè-
438 COMPTES-RENDUS CEITIQUES.
rement constituée, en un mot, un premier désastre de la fiougue.
Je passerai rapidement sur plusieurs points de l'étude de M. D. qui
m'ont paru contestables. Ge qu'il dit de l'Amiral est obscur. Le rap-
prochement qu'il fait, sur la foi d'un seul texte, entre le droit d'arrière-
ban et rinscription maritime n'est guère admissible.
Pour bien comprendre ce qu'était l'office d'Amiral de France, il fau-
drait, je crois, distinguer d'abord nettement les deux acceptions du mot,
l'une générale, car on donnait ce titre à tout commandant d'une division
maritime ; l'autre spéciale, puisque Ton désignait ainsi l'un des officiers
de la couronne. De cette manière, les trois noms d'Ayton Doria, de
Quieret et de Behuchet ne se trouveraient plus sur la môme ligne.
Quant aux prérogatives, nous pensons que la comparaison de cet
office avec les grands offices féodaux mettrait en relief de très curieuses
analogies, et jetterait une vive lumière sur la question.
Pour ce qui est de l'inscription maritime, nous ferons observer que
si l'on prétend en trouver l'origine dans l'arrière-ban carlovingien, on
devra, à bien plus forte raison, rattacher au même droit la loi militaire
de 1873 qui établit le service obligatoire. La lecture d'une brochure sur
les classes, publiée par M. de Grisenoy, modifiera sans doute considéra-
blement l'opinion de M. D., et il arrivera à reconnaître qu'entre l'ins-
cription maritime et l'arrière-ban, il y a autant de différence qu'entre le
recrutement normal de l'armée et la levée en masse.
Reportons-nous maintenant à l'époque spécialement étudiée par
M. de Loray, nous pourrons admettre une partie des conclusions de
M. D. La thèse qu'il soutient pour 1340 n'est vraie que pour 1378, et
la défaite de l'Écluse, à laquelle il attribue la ruine prématurée d'une
marine toute prête à devenir formidable, est peut-être, au contraire, le
point de départ, le principe des progrès dont M. de Loray nous montre
l'accomplissement sous le règne de Charles V.
Si, dans cette journée, la perte personnelle du roi ne fut rien, celle
du commerce français fut au contraire énorme, et la domination des
Anglais sur nos côtes, après leur victoire, empêcha le rétablissement
de notre marine marchande. Il est permis de croire que Charles V ne
se décida à construire une flotte qu'après avoir constaté l'insuffisance
des ressources que ses sujets pouvaient lui offrir.
Quoi qu'il en soit, voici les faits :
Dès 1368, le roi se préoccupa de faire construire des vaisseaux. Mais c'est
surtout depuis le jour où la garde du clos des galées fut confiée à Albert
Staucon qu'une activité inconnue régna dans les chantiers. Staucon
comprit que les circonstances étaient très favorables au développement
du service dont il était chargé ; il sentit qu'il avait quelque chose à
créer, et que s'il laissait échapper l'occasion, elle ne se représenterait
peut-être pas de longtemps, ni pour lui, ni pour ses successeurs. Aussi
le voyons-nous travailler avec ardeur, recrutant partout d'habiles
ouvriers, les payant même de ses propres deniers, t afin d'avancier et
d'apprester de tout son povoir !§ navire du roi, lequel, se très grantpro^
DCFODRMANTELLE : LA MiRHE FRA^ÇilSE AU XIV*^ SIKCLB. 43'J
vidence ne y est mise brièvement, ne pourra être parfaict de ci à très long-
temps * . •
Grâce à ces efforts désintéressés, f le roi de France, dit M. de Loray,
au printemps de 1377, avait sur mer trente-cinq grosses nefs construites
pour la guerre, .... sans compter les navires de plus petites dimensions
empruntés au commerce, etc.... » Nous sommes loin des treize bâti-
ments de Philippe VI, parmi lesquels no se trouvaient que six nefs,
dont quatre prises aux Anglais.
La flotte de Charles V répandit une telle terreur sur les côtes anglaises
qu'après son retour « deux barges armées qui continuaient à parcourir
la Manche • suffirent à maintenir les ports ennemis dans une sorte de
blocus.
Ces succès permirent au roi de rendre son armée navale chaque jour
plus nombreuse et plus redoutable. Voici un second texte de M. de
Loray qui vient si bien à l'appui de notre opinion, que nous le citerons
en entier. Il s'agit de l'évaluation des flottes française et anglaise qui
se sont rencontrées au combat de Cherbourg (1378). t La flotte fran-
çaise paraît avoir été moins nombreuse, même en ayant égard aux
pertes subies par les Anglais devant Honfleur.... car nulle réquisition
ne semble avoir été faite de la marine marchande, et la force dont l'ami-
ral disposait se composait seulement du navire du roi, auquel se joignaient
les huit galées de l'escadre castillane. Mais, inférieure par le nombre,
elle était très supérieure par la force des bâtiments construits sur la
plus grande dimension de cette époque '. »
Nous n'ajouterons rien à cette citation ; nous nous bornerons à recom-
mander très vivement la lecture des quatre ou cinq chapitres que M. de
Loray a consacrés aux expéditions maritimes de Jean de Vienne. Tout
cela est loin d'être inédit, mais la plupart des questions intéressantes
de l'histoire de notre marine sous Charles V y sont incidemment étu-
diées avec beaucoup de prudence et de bon sens. On y voit très nette-
ment ce que nous dûmes alors à l'Espagne, comment notre nouvelle
flotte fut bâtie sur un grand modèle, de manière à se rapprocher des
types adoptés par nos alliés. I^es causes de rinfériorité des Anglais sont
aussi fort bien déduites, et le tableau de la consternation répandue par
nos vaisseaux sur toute la côte ennemie est vivement tracé d'après des
documents étrangers. Enfin, on sent à chaque ligne que l'écrivain pos-
sède et domine son sujet.
La France que Charles V laissa à Charles VI était aussi glorieuse par
ses victoires navales que par .ses récentes conquêtes et sa prospérité
commerciale. Tant de biens périrent entre des mains débiles, et, parmi
les ruines entassées par cette cruelle guerre de Cent Ans, celle de la
marine royale ne fut pas la moins déplorable.
Quel que soit le mérite du livre de M. do Loray et l'intérêt des pièces
1. Jean de Vienne (p. 78). Voir aussi le Clos des Galées, par Beaarepairp.
2. Jean de Vienne (p. 127).
440 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
inédites qu'il y a jointes, il y avait encore matière à un beau travail
sur la marine de Charles V. Nous savons qu'il a été entrepris récem-
ment et nous en attendons impatiemment la publication.
Didier Neuville.
Scriptores remm Danicamm medii »vi, partim hactenusinediti,
partim emendatius editi, quos collegit et adornavit Jacobus Lan-
GEBEK. Ejus vero post mortem recognoverunt, illustrarunt et publici
juris fecerunt primum Pet. Frid. Suhm deinde Laur. Engelstoft
et Er. Ghr. Werlauf. Nunc denique locupletissimis adjectis indi-
cibus opus absolvendum curaveriint legati Hjelmstjerne-Rosencro-
niani curatores. Tomus IX, Hafniae, 4878. Typis officinae Bianci
Luni. Pagg. xii-834. In-folio.
Le tome IX des f Historiens du Danemark » contient la table des
huit volumes précédents, et, dans la préface, le conservateur des
archives royales, G.-F. Wegener, qui en a surveillé la publication,
déclare que ce volume termine l'ouvrage commencé par les savants
danois il y a un siècle. Langebek publia les vol. I-III de 1772 à 1774;
Suhm, surtout d'après les manuscrits de son prédécesseur, les vol. IV-
Vn, de 1776 à 1792; Engelstoft et Werlaufif le vol. Vm, en 1834. Gin-
quante ans après environ, le vol. IX vient s'ajouter à ses aînés et com-
pléter cette grande œuvre. Sans doute il y a quelque danger à terminer
après un temps aussi long un livre qui porte toute l'empreinte d'une
époque éloignée. La méthode pour la publication des sources histo-
riques a fait de grands progrès. On demande aujourd'hui à celui qui
publie une chronique d'en collationner tous les manuscrits et toutes
les variantes; de montrer les rapports des différentes chroniques entre
elles ; on veut que des caractères typographiques viennent indiquer la
date de la composition; enfin les in-folios sont jugés incommodes. Les
Scriptores R. I), étaient pour leur temps un ouvrage hors ligne, mais la
façon dont ils ont été publiés est aujourd'hui condamnée. Aussi plusieurs
de ces mômes textes ont-ils été publiés ailleurs d'une manière plus
satisfaisante. Gependant les auteurs de la table ne pouvaient la dresser
que sur le fond qui existait, en y ajoutant çà et là quelques corrections.
Les savants qui y ont travaillé simultanément ou successivement :
MM. Jon Sigurdson, Olaf Nielsen, Ghr. Plesner, Jul. Fridericiaet sur-
tout M. Fr. Krarup, ont donné, il nous semble, un ouvrage qui satis-
fait aux exigences des lecteurs. Assurément certaines parties semblent
moins bien traitées que d'autres, et il y a des articles qui appellent la
critique : au mot Francia, par exemple, il aurait fallu distinguer entre
les Francs, la Gaule et la Franconie ; le franc-piège (le freo-borh) des
Anglo-Normands, à cette place, n'a rien à faire. En somme, le volume
nous semble d'un usage commode, complet et surtout bien rédigé.
LUCHilRE : ALilN LE GlAND, SUE d'ALBEET. 444
On ne saurait nier rimportance d*un tel ouvrage, qui comble une lacune
dans la littérature danoise. Non seulement les chroniques, mais encore
de grands recueils de chartes, ont été publiés sans la moindre table. Il
n'existe pasde bibliographie générale danoise, et on ne possède aucun do ces
vocabulaires des anciens noms de lieux ou de personnes, qui sont aussi in-
dispensables pour le philologue que pour Thistorien. Le volume que nous
annonçons remédiera en partie à cette indigence; non seulement il
deviendra un guide indispensable pour les recherches purement histo-
riques, mais il servira aussi de supplément aux recueils de mots et
d'expressions de notre ancienne langue. Pour donner une idée de
rétendue du livre, nous ferons remarquer que six colonnes environ sont
consacrées à Valdemar IV ; on y trouve des indications générales, puis
des notices sur chaque année de son règne avec des renvois et des
explications. Sur Hafnia (Copenhague), on trouvera toutes les formes de
son nom, et dans six colonnes dos subdivisions relatives à la topogra-
phie de la ville, à ses différentes rues et foires, aux privilèges, procon-
suls, consuls, châteaux, églises, à l'université, à Thistoire de la ville,
etc. Cet ouvrage fait donc honneur à ses auteurs et à la fondation
lIjolmstjerne-Roscncrone qui en a payé les frais considérables.
Johannos Steenstrup.
Alain le Orand, sire d'Albret, Tadministration royale et la féodalité
du Midi (4440-1522), par Achille Ldchaire, ancien élève de l'École
normale supérieure, agrégé d'histoire, docteur ès-lettres. Paris,
Hachette, in-8o, 4877, 240 pages.
L'étude de M. Luchaire peut passer pour un des meilleurs travaux
dont l'histoire provinciale ait été l'objet depuis quelques années. Le
sujet, intéressant par lui-mémo, a été traité avec soin par Tauteur, qui
a réuni des renseignements d'autant plus nouveaux qu'il n'a guère
employé que de^ documents inédits.
L'histoire de la seigneurie d'Albret, le dernier des grands fiefs qui
ait subsisto on France, est fort curieuse à l'époque d'Alain le Grand.
Les documents abondent sur cette période. La collection Doat à la
Bibliothèque nationale contient une grande partie des anciennes archives
de Nérac, Auch et Rodez; le fonds de Navarre, aux archivos dos
Iksses- Pyrénées, renferme nombre de pièces curieuses; enfin M. L. a
consulté avec fruit la collection Legrand sur Ix)uis XI. £n faisant
un emploi judicieux do toutes ces sources, M. L. a pu recueillir beau-
coup do faits nouveaux et de précieuses indications.
Alain le Grand, grâce à une prudence qui ne se démentit qu'une
fois dans sa longue carrière, grâce aussi à ses rapports amicaux avec
Louis XI, put éviter les périls que tous les grands seigneurs eurent à
courir à la fin du xv« siècle; il ne prit part qu'à une seule révolte, celle
iW i486, et après s'en être tiré sans trop do désavantage, sinon très
442 COMPTES-RBIfDUS CRITIQUBS.
honorablement, il garda dès lors une attitude aussi humble et aussi effa-
cée que possible. Pourtant, malgré sa soumission, il ne laissa pas de
léguer à son petit-fils, après soixante ans de règne, une autorité dimi-
nuée et des états amoindris. En effet, l'autorité royale, dans ses empié-
tements sur les principautés féodales, suit à cette époque un cours
marqué d'avance, presque fatal. La grande machine de centralisation,
inventée par les légistes du xm« et du xrv« siècle, restaurée par
Charles VII et perfectionnée par Louis XI, accomplissait son œuvre
pour ainsi dire mécaniquement. Tout conspire à cette époque à Tagran-
dissement du pouvoir royal; les résistances des grandes seigneuries ne
peuvent que le retarder, il n'est pas de bourgeois, de paysan en France
qui ne veuille devenir homme du roi. L'administration féodale est si
mauvaise, que celle du roi paraît irréprochable.
S'il y eut jamais personnage peu sympathique, ce fut assurément
Alain d'Albret, que l'histoire a, nous ne savons pourquoi, décoré du
surnom de Grand. Il eut à peu près tous les vices de cette race célèbre;
avide, dur, cruel, fourbe, débauché, il est le vrai type du souverain féodal
de l'époque, et ce que M. L. raconte de lui fait comprendre le désir de ses
sujets d'échapper à son autorité; citons seulement sa conduite en 1490,
lors de la reddition de Nantes, sa trahison envers le maréchal de Gié, son
ami intime, dont il trahit honteusement la confiance. Favori de Louis XI,
il jouit de moins de faveur auprès de Charles VIII et de Louis XII;
Anne de Bretagne fut son ennemie personnelle; mais sauf sa révolte
de 1486, il sut toujours éviter la lutte ouverte et se tenir à l'écart, en
attendant un retour de faveur.
Aussi n'est-ce pas avec le roi qu'il eut le plus de démêlés, mais avec les
parlements du roi. Obligé de suivre à la fois jusqu'à 70 procès, d'entretenir
à Bordeaux, à Toulouse, à Paris, des solliciteurs, des hommes d'affaires
pour soigner ses intérêts, presser les magistrats, parler aux gens de la cour,
il voyait ses revenus fondre en frais de procès, ses états diminuer et ses
droits s'amoindrir. Aussi quelle terreur tous ces légistes inspirent-ils
aux derniers princes féodaux ! Il faut lire dans M. L. la lettre d'un
agent d'Alain, qui l'avertit de ne pas laisser un homme de loi acheter
une terre voisine de l'un de ses fiefs; s'il le laisse s'établir près de lui,
il se verra accablé de procès, ses droits seront contestés et les tribunaux
royaux interviendront perpétuellement dans ses affaires. Pour résister
à cette action continuelle et destructive des parlements, Alain ne peut
s'appuyer que sur la faveur royale, chose essentiellement changeante.
Ajoutons qu'un ordre du roi ne suffit pas toujours pour faire lâcher
prise aux gens de loi. L'histoire du comté de Gaure en est un exemple
frappant; donné aux Albret par Charles VII en 1425, ce fief resta
entre leurs mains jusqu'en 1465. A cette date, une révolte, soutenue par
le parlement do Toulouse, éclate à Fleurance, capitale de la seigneurie ;
elle est cruellement réprimée, mais les parlements n'en continuent pas
moins leurs procédures. Le roi Charles VIII confirme le don de 1425
on faveur d'Alain, ce qui n'empêche pas le parlement de Toulouse de
STRICKLBR : ACTENSAMMLUNG Z. SCHWBIZ. RBrOlMlTIOXSGBSCH. 443
réunir le comté au domaine de la couronne (1488). Enfin, après mille
péripéties, profitant d'un moment où Alain est en disgrâce, cette même
cour fait prendre possession du pays (1506). Le procès avait duré qua-
rante ans, mais Tavantage était resté aux gens du roi.
Les quelques faits que nous venons de citer prouvent quel intérêt offre le
livre de M. L. Nous ferons cependant quelques reproches à l'auteur. Son
livre est beaucoup trop court pour le sujet ; le récit est un peu sec, et nous
croyons que M. L. eût pu tirer des pièces qu'il cite en note beaucoup
plus de détails et de renseignements. En outre, pourquoi n'avoir pas
donné quelques pièces justificatives? Les copies des pièces françaises dans
la collection Doat sont, il est vrai, assez défectueuses, mais les archives
des Basses-Pyrénées contiennent nombre d'actes qui auraient mérité
les honneurs de l'impression. En outre la division du livre en chapitres
parait un peu confuse. Ainsi les chapitres III {Les procès d^Albret et la
justice royale) et V (Les gens du roi et les pouvoirs féodaux) auraient dû
être réunis. Presque tout le chapitre IV (Lutte du sire d'Albret contre
les municipalités) aurait encore pu rentrer dans le chapitre V. En outre,
M. L. aurait pu, en donnant plus de développement à l'histoire de
la vie d'Alain le Grand, y faire rentrer beaucoup des faits qu'il place
dans les chapitres suivants, tels que le procès du comté de Castres, son
intervention dans la guerre privée du Languedoc, les aflaires do
Navarre, etc.
Malgré ces réserves, nous ne pouvons que donner des éloges à l'ouvrage
de M. L. et souhaiter qu'il continue ses études sur le sud-ouest de la
France, dont jusqu'ici l'histoire, il faut le reconnaître, a été un peu
négligée par nos érudits.
A. M.
ActansammloDg sur sch'weiflerisohen Reformationsi^clilohta
in den Jahren 1621-1532, im Anschluss an die gleichzeitigen,
zeitgenoessischen Abschiede bearbeitet und herausgegeben von
D' Johann Strickler, Staatsarchivar des Cantons Zurich. Erster
Band. 4524-4 528. Zurich, Meyeru. Zeller, 4878. vu, 724 p. in-8^
Prix : 25 ft-.
M. J. Strickler, l'archiviste en chef du canton de Zurich, vient d'en-
treprendre un travail aussi méritoire qu'il est long et pénible. On con-
naît la collection monumentale des Becès de la Confédération suisse, dont
un assez grand nombre de volumes ont paru dans les vingt dernières
années. Elle ne contient que les pièces officielles des différentes diètes,
marches, etc., des Eidgenossen; mais les archives suisses renferment
naturellement une quantité considérable de documents, intéressant
l'histoire du pays et même l'histoire générale, qui , tout en s'y ratta-
chant à des degrés divers, n'ont pu cependant entrer dans la collection
officielle. C'est donc un complément à ce grand recueil que M. 8tr. a
voulu nous offrir, en réunissant dans les archives des différents cantons
444 comptes-ebudiis critiques.
et les dépôts municipaux du pays, les pièces diplomatiques, correspon-
dances diverses, comptes, etc., qui lui ont paru présenter un intérêt
majeur. C'est pour une partie seulement de Thistoire suisse qu'il a
voulu faire ces longues et fatigantes recherches, car il ne commence
qu'à l'année 1521, avec les débuts de la Réforme helvétique, et son tra-
vail prendra fin avec l'année 1532, date de la mort de Zwingle et de la
défaite de Gappel. L'ouvrage complet comprendra quatre volumes et
l'auteur espère le mettre au jour d'ici à l'été de l'année 1881. Le pre-
mier volume, qui embrasse les années 1521-1528, ne renferme pas
moins de 2232 numéros; ce chiffre seul suffit à donner une idée du
labeur de M. S. La plupart de ces documents sont donnés sous forme
de régestes, les plus importants seuls figurent in extenso. L'orthographe
a été modifiée par l'auteur, qui a ramené de môme toutes les dates
citées au nouveau calendrier. L'historien suisse ne sera pas le seul à
trouver du nouveau dans les huit cents pages de Térudit zurichois ; on
y rencontre des pièces nombreuses relatives à la France, à l'Allemagne
du Sud, au Tyrol, à la Savoie. Mais l'intérêt du volume se concentre
tout naturellement sur les documents ayant rapport à l'histoire inté-
rieure de la Suisse, à l'expansion du protestantisme, à la répression
qu'il rencontre dès ses premiers moments, aux luttes naissantes entre
les confédérés de croyances divergentes, etc. Il manque malheureuse-
ment à ce volume, pour le rendre tout à fait utile, un bon nombre de
notes qui renseigneraient les travailleurs du dehors sur des centaines
de noms inconnus apparaissant dans le cours du recueil. Il lui manque
surtout un registre général et détaillé que l'auteur réserve pour le
dernier volume; nous craignons fort que, jusque-là, le livre de
M. Strickler ne ressemble un peu trop à un trésor caché, aux yeux
de bien des gens, qui, pour y chercher un renseignement incertain,
n'auront jamais le courage de parcourir un dossier de dimensions aussi
respectables.
R.
La discipline ecclésiastique du pajrs de Béam, publiée pour la
première fois par Ch. L. Frossird, pasteur-auxiliaire du consis-
toire d'Orthez, archiviste du synode, etc. Paris, 4877. In-8*,
69 pages.
Le document publié par M. Frossard est en partie l'œuvre du pasteur
J. -Raymond Merlin, ami de Calvin et conseiller de Jeanne d'Albret,
reine de Navarre. Quand celle-ci eut rompu avec l'Église romaine et
substitué le calvinisme au culte catholique, en 1563, elle voulut régler
la discipline de la nouvelle Église et compléter son organisation. Merlin
se chargea de ce soin ; il demanda conseil à Calvin, mit à profit ses
souvenirs et son expérience de Genève, et nul doute, le style du docu-
ment publié par M. Frossard en fait foi, que la majeure partie de celte
compilation ne doive lui être attribuée. Pourtant il est probable que
POULLBT : CORABSPONOANCS OB GEA!fTBLLB. 445
le travail de Merlin ne nous est pas parvenu sans altération. Quand, en
1631 et 1637, TËglise réformée de Béarn eut été unie à celle de France,
certains articles durent être modifiés, d'autres supprimés, et de là deux
rédactions différentes de ce document.
Le travail du nouvel éditeur permet du reste de se rendre un compte
exact de ces modifications. Son texte a été établi sur quatre manuscrits;
Tun, qu'il a suivi constamment et avec raison, est de la fin du
xvi« siècle ; les trois autres se composent d'extraits plus ou moins éten-
dus ; deux au moins de ces derniers sont postérieurs à Tunion des deux
Églises. L'éditeur a pris soin de relever tous les changements que ces
copies ont fait subir au texte primitif, changements au nombre des-
quels il faut mentionner nombre de suppressions qui ne laissent pas
d'être caractéristiques *. Il y a donc lieu de remercier M. F. d'avoir
mis au jour ce petit texte, intéressant tout à la fois pour l'histoire du
Béarn et pour l'étude de la constitution de l'ancienne Église réformée.
X.
itrennes géneToises. Hommes et choses du temps passé. Deuxième
série^ par M. Amédée Rogbt. Genève, Garey, 4878. 484 p. in-42.
Nous avons rendu compte autrefois de la première série de ces
Étrennes genevoises dues à la plume d'un des plus savants connaisseurs
du passé de la petite république. Ce second volume ne le cède point en
intérêt au premier. Nous signalerons surtout l'étude sur les Syndics de
Genève, faite sur les registres du Conseil ; l'épisode si curieux de l'his-
toire ecclésiastique de Genève, au début du xvn« siècle, intitulé le
Gâteau des Rois, et le travail sur Henrt I Y et les Genevois à Sainte-Cathe-
rine, 1600. Nous espérons que l'accueil favorable fait par la population
genevoise aux Étrennes de son érudit compatriote, engagera M. Roget
à continuer par la suite la publication de ses petits mais attrayants
volumes.
R.
Correspondance du cardinal de Granvelle, 4565-4586, publiée
par M. Edmond Poullet, faisant suite aux Papiers d'État du
cardinal de Granvelle publiés dans la Collection de documents
inédits sur l'histoire de France. Bruxelles, F. Hayez, imprimeur
de l'Académie royale de Belgique. Tome I*% 4877, lxxyi et 638 p.
in-4^
Tous les historiens qui ont choisi comme champ de leurs études le
XVI* siècle connaissent, pour les avoir souvent maniés, les neuf volumes
des Papiers d'État du cardinal de Granvelle, publiés sous les auspices du
ministère de l'Instruction publique dans la grande Collection de docu-
1. Voir DotamiiieDt p. 26, «ri. 2.
446 COMPTES-RENDUS CEITIQUES.
tnents inédits sur l'histoire de France. D'où vient qu*une publication
portant un titre tout semblable à celle que nous avons vue s'imprimer
sous nos yeux par une commission d'érudits d'une de nos grandes villes
de province, nous arrive aujourd'hui de Belgique ? Cela demande quel-
ques mots d'explication. Le tome IX des Papiers d'État, dont le contenu
ne dépasse pas le mois de novembre 1565, parut en 1852. Depuis lors
le ministère renonça à livrer à la publicité les documents qui lui avaient
été remis par la commission instituée à Besançon dès Tannée 1834 pour
procéder au triage et à l'impression de ces grandes archives diploma-
tiques. D'après les renseignements que donne l'éditeur belge de la Cor"
respondance de Granvelle^ la brusque suspension d'une entreprise si
importante, qui avait occupé pendant une vingtaine d'années un groupe
d'érudits distingués et coûté à l'État une somme assez ronde, aurait été
motivée par le a peu de rapports avec l'histoire de France » que les
documents préparés par la commission de Besançon semblaient pré-
senter à partir de l'époque où s'arrête le tome IX des Papiers d'État.
On peut se demander, à vrai dire, si d'autres considérations n'ont pas
influé sur la décision que le ministère a cru devoir prendre, car il
semble à première vue assez étrange que pour la période comprise entre
les années 1565 et 1586 (date de la mort de Granvelle) la collection de
Besançon ne fournisse rien qui ait trait à l'histoire de France ainsi qu'à
l'histoire générale de l'Europe, laquelle est, à juste titre, largement
représentée dans les neuf volumes publiés. En tout cas^ et quelque
légitimes qu'aient pu être les motifs de cette interruption, il convenait
au moins de ne pas abandonner cette longue série de documents avant
de l'avoir munie de la c table générale des faits les plus importants et
des noms propres d'hommes et de villes » jadis promise dans la notice
préliminaire de la collection. Privés de ce complément, les neuf volumes
des Papiers d'État ne peuvent pas rendre à l'historien tous les services
qu'il est en droit d'en attendre, d'autant plus que les annotateurs* des
documents ont été très sobres pour tout ce qui sort des limites de la
Franche-Comté et de la France, et qu'un bon nombre de noms propres
étrangers n'ont pas été identifiés dans le texte. Ces imperfections, que
devaient sentir les éditeurs eux-mêmes, auraient pu être corrigées dans
cette table générale, à laquelle le ministère a malheureusement renoncé.
Parmi les historiens particulièrement intéressés à la publication des
papiers politiques de Granvelle, il faut nommer en première ligne les
érudits belges. En effet, pendant une grande partie de sa vie, Antoine
Perrenot s'occupa des affaires des Pays-Bas, soit pour y intervenir
directement, quand il exerça les fonctions de conseiller de Marguerite
d'Autriche, soit pour éclairer Philippe II et ses ministres sur la poli-
tique à suivre dans ces provinces de par de çà, quand il cessa lui-même
d'y résider. Le dernier volume publié des Papiers d'État s'arrête préci-
sément à un moment palpitant de l'histoire des Pays-Bas. La fin de
l'année 1565 est, on le sait, marquée par un événement capital, l'expé-
dition de la fameuse dépêche de Philippe II, datée du bois de Ségovie,
POULLBT : CORRESPONDANCE DE GRANVELLB. 447
le 17 octobre, qui mit le feu aux poudres, en provoquant la signature du
Compromis et par suite le déchaînement de la grande révolte politique
et religieuse. On peut penser si nos voisins, et surtout les membres de
la Commission d'histoire de TAcadémie de Belgique, attendaient avec
impatience Tapparition du volume qui devait renfermer toutes les infor-
mations recueillies par Granvelle sur ces événements décisifs. Ils ont
attendu longtemps. Lassés enfin, ils ont pris le parti de s'adresser à
notre gouvernement pour obtenir que la publication abandonnée pût
être continuée par eux. I^ négociation menée par M. Gachard fut cou-
ronnée d'un plein succès. Notre ministère n'autorisa pas seulement
l'Académie de Belgique à poursuivre la mise au jour des archives de
Granvelle, il remit aussi à ce corps savant toute la copie déjà préparée
de la commission de Besançon, et c'est ainsi que la Correspondance du
cardinal de Granvelle^ dont nous annonçons ici le premier volume, est
venue prendre la suite des anciens Papiers d'État, ce qui doit s'entendre
en ce sens que TAcadémie belge a repris la publication à l'époque où
elle a été arrêtée dans les Papiers d'État et compte la mener jusqu'à la
mort de Granvelle, mais il va de soi que le plan adopté par la commis-
sion de Besançon a dû subir quelques modifications. Ce n'est. plus l'his-
toire de France qui est en jeu, mais celle des Pays-Bas, et en second
lieu l'histoire générale. Tout ce qui sort de ce cadre, tout ce qui est
exclusivement français ou franc-comtois, ou ne touche qu'aux détails
de famille du cardinal, est éliminé. Ce changement de point de vue,
qui se comprend facilement, demandait à être signalé, afin que le public
érudit fût averti dès maintenant que la Correspondance de Granvelle
n'épuisera pas les richesses de la collection de Besançon, qu'on trouvera
encore à y recueillir, après les travaux de nos voisins, bien des détails
précieux sur l'histoire de France et plus spécialement sur l'histoire
politique et religieuse do la Franche-Comté pendant la seconde moitié
du XVI* siècle.
L'éditeur de la Correspondance de Granvelle choisi par la Commission
d'histoire de l'Académie, M. Edmond PouUet, professeur à l'université
de Louvain, a exposé en détail le plan qu'il a fait adopter par ses col-
lègues. Ce plan est fort bien conçu. M. Poullet a vu tout de suite qu'il
importait de combler les lacunes de la collection de Besançon à l'aide
de divers fragments de la correspondance du cardinal conserves dans
d'autres dépôts, et dont une partie seulement a été imprimée dans des
collections généralement peu accessibles. C'est ainsi qu'il s'est décidé
à faire rentrer dans la Correspondance les lettres de Granvelle copiées
par M. Gachard à Simancas, les lettres du même publiées dans les
Bulletins de la Commission d'histoire de Belgique et dans les Mémoires de
la Sodété d'émulation du Jura ; enfin la bibliothèque de Bruxelles, la
Barberine à Rome, les archives de Naples et du Vatican ont encore
fourni au savant éditeur de précieux suppléments K II est facile de voir
1 . La commistioD d'histoire s'est aussi adressée à M. Auguste Caatao, cotiser-
44S GOMPTES-RBNDUS CRITIQUES.
combien la nouvelle publication gagnera en intérêt et en valeur à être
ainsi complétée par tant de documents émanés de Granvelle, qui, pour
une raison ou pour une autre, n'ont pas été réunis aux archives de
Besancon.
Le premier volume édité par M. PouUet comprend cent vingt-quatre
lettres, du 20 novembre 1565 au 29 septembre 1566, plus un appendice
de vingt-neuf lettres comprises entre les dates du 10 juillet 1561 et du
17 octobre 1565. Les lettres écrites par Granvelle sont au nombre de
trente-neuf dans le corps du texte : elles sont adressées soit à Philippe II,
soit au ministre Gonzalo Ferez, soit à divers personnages des Pays-Bas.
L'appendice contient vingt-trois lettres du cardinal, pour la plupart
adressées aux légats du saint-siège près le concile de Trente. Parmi les
correspondants de Granvelle, celui qui occupe ici la place d'honneur,
tant par le nombre de ses lettres que par l'importance des informations
qu'elles renferment, est Maximilien Morillon, prévôt d'Aire, vicaire
général du cardinal pour l'archevêché de Malines.
Une telle collection, on le conçoit, échappe à l'analyse. Pour donner
à nos lecteurs une légère idée des principales questions politiques et
religieuses traitées dans cette correspondance, il faudrait remplir bien
des pages, et encore ne serait-on pas sûr de ne pas omettre ce qui pour
tel ou tel érudit peut avoir un intérêt majeur. Qu'il nous suffise de dire
que la lecture de ce premier volume de la Correspondance de Granvelle
s'impose à toute personne désireuse de connaître dans ses détails intimes
et par les sources contemporaines le grand soulèvement des Pays-Bas
contre Philippe II. M. PouUet a mis beaucoup de soin à éclairer ces
documents d'une intelligence souvent difficile ; ses notes nombreuses et
nourries satisferont même les plus exigeants, et il n'est pas besoin
d'être particulièrement versé dans l'histoire des Pays-Bas au xvi* siècle
pour pouvoir apprécier le mérite exceptionnel de ce commentaire.
Les lettres en espagnol et les traductions qui en ont été données
laissent çà et là quelque peu à désirer. Nous croyons rendre un service
à l'éditeur en lui signalant plusieurs passages qui ont été ou incorrec-
tement transcrits ou inexactement traduits. P. 83, l. 5 du bas : que se
haria sin razon grande (perjuidoj à V, Mag^ de sembrar taies œsas.
L'addition de perjuicio est inutile, il faut lire en un mot sinrazon, qui
signifie « injustice ». La même faute a été commise p. 153, 1. 10 du
bas. Dans les deux cas la traduction doit être rectifiée. — P. 84, 1. 12
du bas : por no les parecer que V. Mag^ quiera su/prir doit être traduit :
f car ils voient bien que V. M** ne veut pas soufifrir. » — P. 136, l. 2
et 3. Il faut rétablir le texte ainsi : Maravillome que no haya recebido
V. S. 7//°^» mis carias de 20 de hehrero. A Aguilon las di. No creo que se
valeur de la bibliothèque et des archives de la ville de Besançon, pour réviser
et coinpléler la copie de l'ancienne commission. Notre savant collaborateur s'est
acquitté de cette tâche, dit M. PouUet, c avec un zèle, un dévouement el un
tact inteUigent au-dessus de tout éloge >.
HIIILY : FORMATION TBRIITORIILB DES ÏTATS DE L^BUROPB CBlfTRALB. 449
havràn perdido. Les lettres n'ont pas été écrites à Âguilon, mais lui ont
été remises. CSet Âguilon n'était qu'un courrier. — P. 180, 1. il et 10 du
bas. Le texte doit être lu ainsi : quien esta con temor, como de raion,
quien con las orejas attentas para cobrar : pasa la mayor confusion del
mundo. — P. 181, l. 9 du bas. Lire : d Su Alteza, como solian, quando
salia. — P. 213, 1. 2. L'addition de para que est inutile et contraire à
la grammaire. Il faut un point après envié. — P. 216, 1. H du bas
maza ne signifie pas c faction », mais « guenille ». — P. 217, 1. 4
para con n*a jamais eu le sens de a parce que >. — P. 221, 1. 2 du bas
« Qu'il fusse » n'est pas français. — P. 471, 1. 6. Lire : teniendo los
viages de principes grandes en primavera esta opinion ; y el invierno... et
traduire en conséquence. — P. 485, 1. 1 du bas : tuvo de Phelippeville
ne peut pas signifier c il a eu le commandement de Philippeville >. Il
faut rétablir tuvo el gobierno ou quelque chose d'analogue.
Il y a dans ces pièces espagnoles beaucoup d'autres fautes d'impres-
sion et d'accentuation <, surtout dans les lettres de Gastillo, lequel savait
bien mal sa langue et se laissait, en écrivant, influencer par le fran-
çais ^ : nous jugeons inutile de les relever, mais nous demanderons à
M. Poullet d'apporter à l'avenir un peu plus de soin à cette partie de
son travail ainsi qu'aux traductions, qui pourraient être facilement plus
françaises sans cesser d'être littérales. La partie fondamentale de cette
publication est excellente, on voudrait que l'accessoire ne fût pas
négligé.
Alfred Morbl-Fatio.
Histoire de la formation territoriale des itats de I^Borope cen-
trale, par H. Auguste Hiiilt, professeur de géographie à la faculté
des Lettres de Paris. Paris, Hachette, 4876', 2 vol. in-S*", de xvi-
499 et 535 p. Prix : 45 fr.
C'est un embarras pour la critique, mais en même temps une satis-
faction qui lui est rarement donnée, quand elle se trouve en présence
d'un grand livre, fruit d'une longue et patiente méditation, dont le plan
est excellent, dont toutes les parties sont bien pondérées, où tous les
faits sont tirés directement des sources, où l'exposition est nette et
claire, où le style est sobre autant que ferme. Ils sont peu nombreux
aujourd'hui les savants qui, sûrs de leur force et dédaigneux d'une vaine
popularité, prennent le temps pour collaborateur de leur œuvre, et la
laissent vieillir dans leur tiroir, la polissant sans cesse et la repolissant,
plus sévères pour eux-mêmes que ne serait la critique la plus difficile.
1. Pourquoi écrire toujours tuvà, vinà, etc.?
2. 11 va jusqu'à écrire une fois (p. 401} huvren pour ààran.
3. C'est par des circonstances indépendantes de notre volonté que ce compte-
rendu parait si tardivement. — Réd,
ReV. lIlSTOR. XI. 2« PASC. i\i
450 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
Ce livre est le résumé, la quintessence d'une partie du cours que
M. H. professe depuis longues années à la Sorbonne; et ses anciens
auditeurs auront le plaisir d'y retrouver des leçons qu'ils ont entendues.
Un cours est comme la première édition d'un livre ; le professeur voit,
la leçon faite, si un développement était trop étendu, si un fait impor-
tant était laissé dans l'ombre, si l'ensemble était lâche ou trop serré.
Et quand on a eu plusieurs fois l'occasion de traiter le môme sujet,
complétant et améliorant chaque fois, on apporte au public une œuvre
supérieure à celle qui sortirait du silence du cabinet. Mais M. H. s^était
préparé depuis plus longtemps encore à sa tâche, comme l'atteste sa
thèse sur le Saint-Empire romain de nation germanique (Paris, 1849),
dont certains chapitres de son livre sont comme le développement et la
continuation.
V Histoire de la formation territoriale des Étals de l'Europe centrale est
une partie de l'enseignement de M. H., partie que l'auteur nous promet
de compléter plus tard pour le reste de l'Europe. C'est peut-être la
partie la plus intéressante, par l'importance que les récents événe-
ments ont donnée à l'Allemagne, par la résurrection de l'Empire ger-
manique, et par les éventualités que cette résurrection rend possibles.
Si les Français avaient mieux connu l'Allemagne, sa géographie et
son histoire, ils auraient eu la crainte réelle d'une unité que préparaient
les professeurs, les économistes et la politique déjà vieille de la Prusse ;
ils n'auraient pas eu l'espoir chimérique de voir la « nation hano-
vrienne » secouer le joug d'une « conquête étrangère i ou l'Allemagne
du sud s'isoler de l'Allemagne du nord. L'étude de la géographie et de
l'histoire de l'Allemagne leur aurait montré un processus historique et
nécessaire, analogue à celui qui a fait la France depuis le moyen âge
jusqu'au dernier siècle, avec les résistances locales et passagères, sans
contre-coup dans l'avenir, qui sont comme les bouillonnements de la
cuve où fermente un vin généreux. Il n'y a pas par exemple de meil-
leurs Français aujourd'hui que les Lorrains et les Francs-Comtois; et
pourtant tout historien sait quelle résistance les Français trouvèrent
dans ces nouvelles provinces, quelles rigueurs ils y exercèrent (en Lor-
raine tout au moins; voir l'histoire de M. d'Haussonville) et quelles
rancunes accompagnèrent longtemps le nouveau régime ^
Maintenant que l'Allemagne est faite, les Français n'ont pas un
moindre intérêt à étudier aujourd'hui ce qu'ils ignoraient hier. Cette
1. Voici an exemple assez amasant, qui ne parait pas ayolr été relevé par les
historiens, de la haine de la France et des Français qui persistait après l'annexion
de la Franche-Comté : c Un homme de Pohgny recommanda dans son testament,
en dictant ses dernières volontés, qu'on Tenterrât la face contre terre et le der-
rière élevé, pour marquer le mépris qu'il faisait du nouvel ordre de choses. »
Monnier, Notice sur le Jura, Mémoires de la Société des Antiqttaires de France,
t. IV, p. 341. — M. de Montalembert a fait allusion à cette histoire dans l'exorde
de son discours de réception à l'Académie française.
HIMLT : FORMlTIOïV TBRRITORIiLB DSS BTITS DE l'bDROPB CBNTIALB. 154
histoire et les grands souvenirs qu'elle renferme sont un des éléments
et une des forces de la politique allemande. On s'est quelquefois étonné
en France du caractère ambitieux des ouvrages de géographie et d'his-
toire mis entre les mains des enfants dans les écoles et les collèges : on
s'est étonné d'y voir entrer la Suisse, la Uollando, la Belgique comme
€ États extérieurs n de l'Allemagne* ; d'y voir rappeler que c Lybn et
Marseille ont été des villes allemandes i , d'y voir évoquer l'ancien
royaume d'Arles, avec cette preuve à l'appui que les vieux bateliers du
Rhône appellent encore la rive gauche du fleuve c côté de l'empire »,
— ce qui d'ailleurs est vrai. Dans ces vieux souvenirs de l'ancien
empire d'Allemagne qu'on trouve à chaque page des ouvrages scolaires
d'outre-Rhin, on a voulu voir des projets machiavéliques, quand il y
a seulement là une façon différente de sentir l'histoire du passé. Mais
c'est justement cette différence dont les Français doivent se rendre
compte, et ils doivent d'autant plus s'y appliquer qu'il leur faut, pour
V arriver, faire tout à fait abstraction de leurs idées françaises.
Le peuple français, pris dans son ensemble, a perdu la conscience
de son histoire et le souvenir de ses gloires passées : la Révolution et
l'Empire ont été pour lui l'eau du Léthé. Tout lien a été brisé entre
l'ancienne France et la France nouvelle, et ces termes mêmes, —
ancienne France, France nouvelle, — disent assez quel abîme s'est
ouvert dans notre histoire! La société française date de 1789; elle pré-
tend reposer non plus sur la tradition, sur le passé, mais sur des
théories, sur des principes, sur une conception abstraite des droits de
l'homme. Rien de semblable avec les Allemands : ils n'ont pas eu de
crise violente et soudaine qui les ait frappés d'amnésie; ils ont gardé
la conscience de toute leur histoire, la tradition de leur plus vieille
littérature, le culte de leurs grands souverains, et surtout, couronnant
comme un dôme tout leur passé national, le souvenir de l'Empire ger-
manique. Le droit historique est pour eux le droit par excellence. C'est
ainsi que toute discussion au sujet de l'Alsace est parfaitement inutile
entre un pur Français et un pur Allemand : l'un parlera droit naturel,
l'autre droit historique, chacun tenant ses arguments chose indiscu-
table et sacrée. C'est par suite de cotte façx)n do comprendre l'histoire
que beaucoup d'Allemands regarderaient comme un événement tout
ordinaire, comme une sorte de réparation historique, do voiries cantons
suisses rentrer dans l'Empire dont ils étaient sortis à la suite de malen-
tendus avec les baillis des Habsbourgs, ou bien encore de voir les petits
rois de Hollande, de Belgique (et de Danemark même) prendre place
à côté des rois de Saxe, de Bavière et de Wurtemberg parmi les vas-
saux et les caudataires de l'empereur d'Allemagne.
Cette considération nous ramène à l'ouvrage de M. H., qui, tout en
instruisant l'iiistorien, permet au politique, à l'homme curieux de
suivre d'une façx)n intelligente les événements du monde, de se rendre
1. Deuitcke AutMemiaaten ou encore Nebeniitnder.
452 COMPTES-RBIKDUS CRITIQUES.
compte des origines et de Tétat présent de l'Europe centrale, c est-à-
dire des pays où domine la race germanique. M. H. y est tour à tour
géographe et historien. Dans un vaste tableau, où Ton sent planer
l'esprit de Ritter, il décrit la géographie physique de la région, les
barrières qu'y élèvent les montagnes, les chemins que creusent les
fleuves, l'influence de ces faits naturels sur la distribution des races
latine, germanique et slave, dont les Alpes sont comme le carrefour, et
l'antithèse des plaines de la basse Allemagne avec les plateaux du
centre et la région montagneuse du sud, qui a eu de si grandes consé-
quences ethnographiques et historiques. Cette étude, qui est le livre I,
forme près de 200 p. Le livre II est l'histoire de la race germanique
depuis l'origine, en passant par l'invasion des Barbares et la fondation
de la monarchie franque pour continuer par le, Saint-Empire romain de
nation germanique. C'est la première fois, à notre connaissance du
moins, que ce sujet a été traité en français avec cette précision et
cette clarté. Après la disparition de cet empire, au commencement du
siècle, M. H. poursuit jusqu'après la guerre de 1870 l'histoire des états
qui l'avaient formé.
Après cette étude générale, M. H. prend chaque état en particulier,
rattache à l'histoire de sa dynastie et de sa politique les accessions de
territoire dont il s'est agrandi, soit par mariage, soit par héritage, soit
par conquête, soit par élection des états. Le nombre considérable des
petits états de l'Allemagne, le manque d'unité et de centralisation dans
le plus grand de ces états, fondé par les Habsbourgs, rend par endroits
sa marche difficile à suivre pour le lecteur, et exigent toute l'attention
de celui-ci pour suivre l'enchevêtrement et l'entrecroisement de ces
héritages et de ces intrigues qui sont pourtant une histoire nécessaire
à connaître. M. H. a très bien résumé l'esprit de sa méthode : « Expli-
quer l'organisation territoriale de l'Europe contemporaine tant par les
conditions inhérentes à la nature du sol que par les vicissitudes de
l'histoire, mettre en saillie les grands faits géographiques et historiques,
ethnographiques et statistiques qui ont eu pour résultante l'ordre de
choses présent, en un mot, commenter et illustrer la carte actuelle de
notre continent, tel est le but que je m'étais proposé en commençant et
que je me suis efiforcé de ne jamais perdre de vue. Aussi, tout en remon-
tant aux premières origines des états modernes et en étudiant d'âge en
âge la suite complète de leurs transformations territoriales, ai-je cru
devoir insister davantage sur les temps les plus rapprochés de nous et
n'accorder un développement analogue aux événements des siècles plus
reculés que pour autant que leurs conséquences se font sentir jusqu'au-
jourd'hui. 1 C'est ainsi que pour chacun des états aujourd'hui existants
dans la région dont il s'occupe, il raconte son origine, la réunion de
ses groupes fondamentaux, ses agrandissements et ses pertes territo-
riales, enfin sa situation présente au point de vue géographique, ethno-
graphique et politique.
Les deux grands états autrichien et prussien occupent à eux seuls
HIMLT : FORMITIOII TBBRITORIiLE DES ÉTATS DE L'BCROPE CENTRALE. 453
le tiers de l'ouvrage entier et à bon droit, puisqu'eux seuls aujourd'hui
comptent dans TEurope centhile. C'est leur histoire résumée, mais
résumée dans ce qu^elle a d'essentiel et d'important au point de vue de
la politique et de l'histoire générale de l'Europe. Les états secondaires
du nouvel empire forment un livre particulier sous le nom heureuse-
ment trouvé de petite Allemagne, bien petite aujourd'hui en effet! La
Suisse, les Pays-Bas et la Belgique terminent l'ouvrage. M. H. n'y a
pas fait entrer le Danemark. En effet, si ce pays est rattaché physique-
ment à l'Europe centrale et à la basse Allemagne, on ne peut le déta-
cher de la Scandinavie à laquelle il tient par son histoire et par son
caractère ethnographique. On ne saurait non plus blâmer M. H. de
laisser les pays Scandinaves en dehors de son ouvrage; malgré leur
caractère germanique, les nations qui les habitent ont été séparées du
gros de leur race du jour où les Slaves, venant s'établir dans le nord de
l'Allemagne après l'invasion des Barbares, rompirent la continuité et
l'unité du monde germanique/
M. H. a très justement défini sa tâche quand il dit pour terminer
qu'il a voulu familiariser ses lecteurs c avec des pays et des nations
dont l'histoire et la géographie ont toujours passé, non sans raison,
pour offrir par leur étrange complexité des difficultés toutes spéciales ».
(jràce à lui, le lecteur français a un guide dans ce dédale. L'ouvrage
de M. H. ne s'adresse pas seulement aux historiens, mais à quiconque
s'intére-sse aux destinées de l'Europe et aux événements de la politique
étrangère.
Ce n'est qu'au point de vue matériel que nous avons quelques cri-
tiques à adresser à M. H. Il s'est justifié dans sa préface de supprimer
toute note et tout appareil d'érudition, ce qui eût été doubler l'étendue
de son livre et en élever le prix ; il s'est borné à donner la liste des
principaux ouvrages que Tétudiant pourrait consulter pour connaître
plus en détail les questions traitées. Les livres et chapitres ont des
sommaires clairs et détaillés où l'on trouve comme un résumé de l'ou-
vrage. Mais nous regrettons l'absence d'un index et de tableaux histo-
riques; !• index des noms d'hommes et de lieux, qui permette de trouver
à l'instant et d'isoler en quelque sorte un fait, un homme, une pro-
vince; supposons par exemple qu'on veuille voir en un instant l'histoire
et les vicissitudes de la Styrie ou de la Carniole avant son entrée dans
la monarchie autrichienne, on sera forcé de chercher dans les chapitres
relatifs à l'Autriche, lorsque la mention de quelques pages éviterait
cette peine; 2* des tableaux historiques où l'on verrait d'un coup d'œil
s'insérer à leur date les différentes accessions de territoire d'un état.
Des tableaux de ce genre ne sont que des sommaires, mais des som-
maires instructifs par leur disposition même. M. H. nous dira qu'il a
voulu faire un livre d'études, non de références, mais on peut faire
l'un et l'autre sans déroger à la sévérité scientifique, et nous nous per-
mettons de lui demander cet appendice le jour où son livre passera par
une seconde édition. fl. Gaidoz.
454 COMPTES-RENDUS CBITIQUBS.
Voltaire Kaarle XII : nen historian kirjoittajana, esittaenyt Joh.
Rîcb. DifiiELsoN. Helsingissœ, J. G. Frenckeirin ja Pojan kirja-
painossa, 4878, 54 s. in-8*^
Dans cette thèse soumise à la faculté philosophique de T Université
de Helsingfors, Tauteur, après avoir donné une brève notice de l'œuvre
en question, examine les principales sources d'où elle est tirée, la méthode
d'après laquelle elle a été composée, les faits particuliers qui y sont rap-
portés, enfin l'influence qu'elle a exercée sur la tradition. La plus grande
partie de son travail est consacrée à éplucher THistoire de Charles XII.
Il y a relevé un certain nombre d'erreurs : en sa qualité de Finnois, il
était fort bien placé pour connaître les travaux des Scandinaves, des
Allemands et des Russes sur le môme sujet ; il a diligemment comparé
les récits des contemporains avec ceux de Voltaire ; aussi ses remarques
pourront-elles être utilisées dans des commentaires accompagnant une
sérieuse édition du chef-d'œuvre français. Il a montré que le grand
écrivain a puisé à d'autres sources que celles énumérées dans sa réponse
aux critiques de l'abbé Des Roches de Parthenay, savoir : les mémoires
de Fabrice, les rapports de M. de Groissy, ambassadeur de France, les
lettres de MM. de Fierville, de Villelongue et du comte de Poniatowski.
A ces documents manuscrits il faut ajouter, suivant M. Danielson,
plusieurs imprimés, surtout V Histoire de Suède sous le règne de Charles XII,
par de Limiers (Amsterdam, 1721, 6 vol. in-8»), mauvaise compilation
tirée surtout des Lettres historiques publiées périodiquement à La Haye,
et les Voyages en Europe, Asie et Afrique^ par la Motraye (1727, 2 vol.
in-foL). Voltaire a en outre fait quelques emprunts à VÉtat présent de
la grande Russie, traduit de l'anglais de Jean Perry (Paris, 1718, in-S») ;
aux Considérations sur Vétat de la Russie sous Pierre le Grand, qui lui
furent communiquées en 1737, mais qui ne furent publiées qu'en 1791,
à Berlin ; à VÉtat présent de la Suède, traduit de l'anglais de Robinson
(Amsterdam, 1720, in-S*) ; aux Mémoires pour servir à l'histoire de
l* empire russien sous le règne de Pierre le Grand ^ par Weber (La Haye,
1725), et à un pamphlet allemand publié en 1727*, où on lit : a Ein
solches Erb-Mxdchen (serve héréditaire) nun war auch die leibliche
Mutter der (Hzaarin. » Voltaire a traduit ce passage (L. V) par : « Sa
mère était une malheureuse paysanne nommée Erb-Magden (dans
d'autres éditions : Erb-Marden), » sans s'apercevoir qu'il faisait un nom
propre du mot désignant la position sociale de la mère. M. Danielson
n'a pas relevé cette erreur, mais il en reproche beaucoup d'autres à l'his-
torien, et il lui en a même attribué qu'il n'a pas commises. C'est lui au
contraire qui s'est trompé en affirmant, d'après Von Engel (Geschichte der
Ukraine und der Cosaken, Halle, 1796, p. 288), que la célèbre anecdote sur
1. Voltaire considéré comme historien de Charles XII ^ par J.-R. Danielson.
Helsingfors, imprimerie de J.-G. Frenckell et fils, 1878, 51 p. in-8*.
2. Die verUabelste und genaueste Nachricht von,,.. Czaarin Catharina
Àlexieitna, in-4% sans lieu d'impre^ion.
ZUR GES€H1CHTE KOENIGS FRIEDRICHS DBS GROSSBIf. 455
l'intrigue amoureuse de Mazeppa était sans fondement. Il est sans doute
impossible aujourd'hui de savoir au juste si elle est vraie ou non, mais
il suffit, pour justifier notre grand historien, de rappeler qu'elle se
trouve avec de légères différences dans les mémoires fort estimés du
gentilhomme polonais Jean-Chrysostôme Passek * ; or cet écrivain est
d'autant plus digne de foi qu'il connaissait personnellement Mazeppa
et qu'il s'était même querellé avec lui dans l'antichambre du roi Jean-
Casimir. — Si l'on examine les erreurs reprochées à Voltaire, on trou-
vera en général qu'elles portent sur des anecdotes ou sur des faits trop
minimes ou trop intimes pour pouvoir être établis d'une façon positive.
Le grand écrivain a sans doute pris des libertés poétiques dans la tra-
duction des bons mots attribués à ses personnages et dans l'arrangement
des scènes dramatiques ; mais il n'a ni inventé ni altéré les faits essen-
tiels ; il a au contraire soigneusement révisé ses éditions successives, de
sorte que son critique, d'ailleurs équitable et bienveillant, est forcé
d'avouer (p. 49) que c l'Histoire de Charles XII, toute romanesque
qu'elle soit dans la plupart de ses particularités, peint cependant très
bien, vivement et fidèlement, la physionomie de son héros. »
Eug. Beauvois.
Mlscellaneen sur Geschlchte Kœnigs Friedrichs des Grotsan,
herausgegeben auf Veranlassung der K. preussîschen Archiv.
Vcrwaltung. Berlin, 4878. Siegfried Mittler. i vol. in-8«, 490 p.
Co volume, qui est une sorte de complément aux œuvres publiées de
Frédéric II, contient trois ouvrages différents : 1* une bibliographie
des éditions des ouvrages de Frédéric et des différentes traductions qui
en ont été faites (p. 1 à 109). Ce catalogue est suivi d'un index alpha-
bétique qui facilite les recherches. — 2* Le testament militaire de Pré-
déric le Grand, publié ot commenté par M. de Taysen, officier du grand
état-major. C'est la partie militaire du Testament politique, encore iné-
dit, que Frédéric composa en 1768 à Sans-Souci. Le texte de Frédéric
est intitulé : Du militaire, des arrangements militaires et tout ce qui
regarde cette ])artie (p. 119-158). Ce testament militaire osi écrit en fran-
çais. Il résume et complète les écrits spéciaux de Frédéric et notam-
1. Denktrurdigkeiten des /. Chr. Pauekf poloisch henusgegebeo vom Grafen
Eduard Raczyoski, deutsch too D' G. A. Stenzel. Breslau, 1838, p. 249 et s. —
Dès 1841, le profond historien danois, Fr. Schiem, faisait la remarque que cet
ouvrage confirmait ce que dit Voltaire de la jeunesse aventureuse du célèbre
hetman des Cosaques (Voy. Hisiorisk Tidsskrift, udgivet af den danske histo-
riske Forening, redigeret af Chr. Molbecb. T. III, livr. I, p. 294 n). — Puisque
nouK en sommes sur le chapitre des erreurs, relevons-en one autre qu'a commise
M. Danielson : il donne le nom de Rocker de Parthenay à Des Roches de P.,
qui est pourtant bien connu dans le Nord par son histoire de Danemark et sa
traduction fran^se des proverbes danois.
456 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
ment les Principes généraux de la guerre appliqués à la tactique et à la
discipline des troupes prussiennes^ qui ont été publiés dans le t. XXVIII
de la grande édition des Œuvres de Frédéric le Grand, Cet opuscule
môme était le développement d'une Instruction pour les généraux,
écrite en 4746 et qui était également annexée au Testament politique de
1768^ Frédéric avait fait depuis l'expérience de la guerre deSept-Ans.
Le texte publié par M. de Taysen peut donc être considéré comme la
pensée définitive de ce grand capitaine. Le commentaire de M. de T.
est écrit en allemand (p. 159-204).
3* Éclaircissements pour Thistoire des travaux littéraires de Frédéric
par M. Max Posner. Ce travail (p. 208-313) porte sur la composition
des Mémoires de Brandebourg et de VHistoire de mon temps. C'est une
monographie des plus curieuses pour ceux qui veulent savoir comment
travaillait le royal écrivain, à quelles sources il puisait et quels étaient
ses procédés de critique. Le paragraphe il, relatif à la collaboration de
Voltaire aux Mémoires de Brandebourg , mérite particulièrement l'atten-
tion (p. 257-262). Les notes marginales de Voltaire (p. 263-282) nous
le montrent directement à l'œuvre, et on voit par les corrections que
fit Frédéric après avoii lu ces notes, avec quelle attention il écoutait
ces conseils et dans quelle mesure il s'y conformait. Je signalerai aussi
le paragraphe 12, qui est une description du manuscrit des Mémoires
de Brandebourg. M. Posner a fait suivre cette étude critique d'une série
de documents relatifs à la composition des deux ouvrages dont il s'oc-
cupe (p. 313-490) : correspondances, mémoires, notices, projets, correc-
tions et variantes. — Le travail de M. Posner, qui occupe plus de la
moitié du volume, en est pour nous la partie la plus intéressante, non
seulement parce qu'il apporte un complément nouveau à l'histoire de
Voltaire, mais surtout parce qu'il fournit de précieux éléments de cri-
tique à l'étude des œuvres du plus illustre des étrangers qui ont écrit
dans notre langue.
A. 8.
Essai sur le ministère de Turgot, thèse présentée à la Faculté des
lettres de Paris par M. Poncin. Paris, Germer-Baillière, i vol. gr.
in-80 de 622 p., 4877.
M. F. se propose d'étudier Turgot comme MM. Clément et Rousset
ont étudié Colbert et Louvois, mais un pareil travail est impossible avec
« des loisirs bornés et des moyens d'investigation restreints. » Poiir
mener à bien une telle entreprise, il faut plusieurs années et surtout le
séjour de Paris. En attendant, M. F. a voulu prendre possession du
sujet et pour ainsi dire poser ses jalons ; il a mis à contribution tous
les travaux publiés jusqu'à ce jour sur Turgot, il a tiré des archives
municipales ou départementales de Bordeaux et même de nos archives
1. Ayertissement de l'éditeur : Œuvres de Frédéric le Grand, t. XXVIII, p. xi.
FONCm : ESSll SOR LE MIAISTÈRR DB TORGOT. 457
nationales une soixantaine de lettres et autres pièces inédites, et le
résultat de ces études préliminaires est un énorme volume de 620 pages.
Cet Essai sur le ministère de Turgot est remarquable à tous les points
de \ue^ et les juges les plus compétents ont reconnu sa grande valeur ;
M. F. a traité ce sujet difficile d'une façon très heureuse ; il a su rendre
intelligibles les questions toujours si délicates de finances, de législa-
tion et d'économie politique ; en un mot, il a compris et fait comprendre
à ses lecteurs les projets de ce grand ministre, qui ne mérita pas moins
que Vauban le titre glorieux de patriote. Mais puisque cette « ébauche »,
comme rappelle M. F. lui-même, est destinée à devenir plus tard un
tableau de grandes dimensions, il n'est peut-être pas inutile de mêler
aux éloges les observations, les critiques, les chicanes même que sug-
gère une lecture attentive de cet ouvrage.
Et d'abord la méthode qu'a préférée M. F. est-elle la meilleure ? N'y
a-t-il pas de nombreux inconvénients à suivre rigoureusement, comme
il a cru devoir le faire, l'ordre chronologique, mois par mois et pour
ainsi dire jour par jour? Ainsi M. F. consacre un chapitre d'ailleurs
excellent à 1 epizoolie du Midi (p. i3i), puis il s'interrompt pour reve-
nir, trente pages plus loin, à cette malheureuse épizootie que nous
retrouverons à de longs intervalles, p. 316 et p. 483. De même « l'affaire
du pays de Gex », une bien petite affaire après tout, quoique Voltaire
y ait été mêlé, est traitée longuement en deux fois (p. 327 et 471), et
l'on a parfaitement oublié le début quand il s'agit de connaître la con-
clusion. N'eût-il pas mieux valu traiter séparément et en une seule
fois ces différentes questions? Si le ministère de Turgot avait duré
plus de vingt ans, comme ceux de Richelieu ou de Golbert, on pourrait
hésiter ; mais quoi ! Turgot n'a pas été ministre plus de vingt-deux
mois, du 19 juillet 1774 au 13 mai 1776, et il semble que dans ces con-
ditions on trouverait avantage à suivre un par un, sans interruption,
ses divers projets de réforme.
Il est regrettable aussi que M. F., toujours si soigneux, si minutieux
même, ait négligé la partie bibliographique de son travail. Beaucoup
do lecteurs, même instruits, ignorent que les Mémoires de Dachaumont,
cités presque à toutes les pages, ne sont nullement de cet auteur, mort
en 1770, mais bien de Pidanzat de Mairobert, dont \o Journal historique
de la révolution opérée dans la œnstitution de la monarchie française par
M, de Maupeou, chancelier de France (Londres, 7 vol. iu-r2, 2«édit., 1776)
est passé tout entier dans les Mémoires dits de Bachaumont ; et des
personnes très au courant des études historiques ne savent en aucune
façon ce que c'est que la Correspondance de Métra, D'ailleurs tous ces
mémoires secrets et ces correspondances du temps n'ont (|u*une impor-
tance relative, et il vaudrait mieux ne pas les citer quand il s'agit de
documents officiels. Ainsi M. F., suivant en cela l'exemple de M. H.
Martin, cite, d'après Mairobert, un petit discours de Louis XVI au Par-
lement, lors du lit de justice tenu à Versailles le 5 mai 1775, pendant
la guerre des farines, et la phrase principale de ce discours est tout autre
458 COMPTES-RBPTDUS CRITIQUES.
dans le procès-verbal officiel qui fut imprimé alors (14 p. in-4% Impr.
royale). Louis XVI ne dit pas : t Je compte que vous ne mettrez point
d'obstacle ni de retardement aux mesures que j'ai prises, afin qu'il
n'arrive pas de pareil événement pendant le temps de mon règne. » Il dit,
ce qui est fort différent : « Je compte sur votre fidélité et votre soumis-
sion dans un moment où j'ai résolu de prendre des mesures qui m'as-
surent que, pendant tout mon règne, je ne serai plus obligé d'y avoir
recours » (Proc. verb., p. 11). Enfin, pour achever ce qui touche à la
bibliographie, M. F. ne parait pas connaître (p. 110) l'auteur d'un
ouvrage « savant et curieux t , intitulé Considérations sur l'inaliénabilité
du domaine de la couronne; Barbier déclare (I, 116) que cet auteur est
Vergennes en personne. Le nombre des ouvrages que M. F. a cités est
très considérable ; il eût été bon de faire connaître en quelques pages
et la valeur des sources et le mérite plus ou moins grand des travaux
modernes que M. F. a mis à profit. M. Debidour, dans sa remarquable
thèse sur la Fronde angevine, a eu l'heureuse idée de procéder ainsi, et
c'est un exemple à suivre.
Arrivons maintenant aux critiques de fond ; elles seront presque
nulles, tant M. F. a bien pris ses mesures. Il a tout vu, tout vérifié, il
sait au juste ce que Turgot a dit et fait à tel moment précis de sa vie
ministérielle ; il nous dira que tel jour le contrôleur-général était retenu
au lit par un accès de goutte, et nous saurons à quelle heure partaient
les diligences en 1775 ; nous saurons également que celle d'Arras met-
tait quatre jours pleins là où le chemin de fer met 3 h. 35 minutes. Le
moyen de prendre en faute un historien si exact ! Cependant M. F. ne
paraît pas avoir résolu d'une manière tout à fait satisfaisante une des
grosses questions du ministère de Turgot. L'émeute de mai 1775 est
même à ses yeux « un problème sans solution, un procès toujours
ouvert devant l'histoire. » Les deux chapitres que M. F. a consacrés à
la guerre des farines sont excellents, mais peut-être l'auteur s'est-il
montré trop indulgent pour Turgot et trop dur pour des hommes tels
que le prince de Gonti et le ministre Sartines. La question des blés
avait préoccupé très vivement les prédécesseurs de Turgot, et puisque
le peuple français s'était malheureusement habitué à compter sur le
gouvernement pour avoir son pain quotidien, il était nécessaire de le
lui assurer avant de proclamer la liberté absolue du commerce des
grains. Il fallait procéder avec lenteur à une pareille réforme, mais
Turgot ne savait pas attendre, et ce n'est pas lui qui eût trouvé ce mot
si profond dans sa simplicité : « Le temps et moi. » Il voulut aller
trop vite, et ses excellentes lois sur le commerce des grains produisirent
tout naturellement, on 1775, une disette factice et des émeutes. L'arrêt
du Conseil, du 13 septembre 1774, proclame la liberté absolue de ce
commerce ; il permet à toutes personnes de vendre et acheter des grains
et farines en quelques lieux que ce soit, de les garder et voiturer à leur
gré (art. 1) ; il défend d'arrêter les transports, t comme aussi, dit l'art. 2,
de contraindre aucun marchand, fermier, laboureur ou autres, de porter
Fo:<rcix : KS81I sur le Mnisr^BE de tcrgot. 450
des grains ou farines au marché > {Lettres patentes.... du 2 nov. 1774 ;
12 p. in-4% p. 11). Qu'arriva-t-il ? Une sorte de journal ms. du temps,
que j'ai entre les mains et que M. F. ne pouvait pas connaître, va nous
l'apprendre mieux que n'ont fait les relations imprimées : c L*arrét du
conseil du 13 septembre 1774 a eu tous les mauvais effets qu'on en
avait craints ; les abus sont nés à l'instant do cotte liberté indétiuie.
Chacun des avides d'argent a fait dos magasins de blé pour s'enrichir
au premier moment de cherté et pour pmduiro cette cherté afin de
s'enrichir. Les fermiers et les meuniers, sûrs du débit, n'ont plus
apporté que rarement au marché, et chez eux ils ont refusé de vendre
à petite mesure. Par là le peuple s'est vu hors d'état d'avoir du grain,
soit par sa cherté, soit par sa rareté.... On s'est ému de toutes parts;
le peuple a fait violence dans les marchés, sur les routes, chez les fer-
miers et les meuniers, dans les châteaux même, pour s'emparer des
grains et des farines. L'esprit de dégât et de pillage, celui de mutinerie,
de révolte et de menace, dos placards affichés, etc., s'y sont joints.
Pout-élre aussi d'autres intérêts, des rivalités, des mécontentements, des
vindictes, y ont influé... Il y a eu dans ces ravages des nuances diffé-
rentes. Les uns se faisaient donner pour 12 livres la mesure de blé por-
tée aujourd'hui à 32, et payaient encore ce qu'ils prenaient ; d'autres
enlevaient tout sans rien payer. Des gens ont ameuté des villages pour
venir enlever des grains dans les fermes, p>endant qu'ils n'en prenaient
pas pour eux, etc. > (Journal ms. d'Adrien Le Paige, avocat au Parlement
et bailli du Temple.)
Au lieu d'expliquer ainsi par des causes naturelles l'émeute de mai 1775,
M. F. cherche des coupables, et nous avons vu qu'il désigne comme
particulièrement suspects le prince de Gonti et l'ancien lieutenant de
police Sartines. M. F. maltraite fort ces deux personnages, surtout
le premier, parlementaire décidé, qui s'était fait disgracier en 1770 pour
avoir soutenu contre Louis XV l'inamovibilité des cours souveraines ;
mais il semble que Gonti et Sartines, Conti surtout, ne sauraient être
accusés sans injustice. J'ai sous les yeux quelques documents contem-
porains d'une certaine importance, et il on résulte clairement que
l'émeute no doit pas être imputée à Conti. Une lettre adressée le 2 mai
à M. Le Paige, bailli du Temple dont le prince était grand prieur, et
homme de confiance de ce prince, contient ce qui suit : • ... Je crois
nécessaire de vous donner avis sans délai que les révoltés sur l'affaire
des grains, qui sont dos méchants tous, qui no meurent point de faim
puisqu'ils ont montré 400 hmis d'or à Gones.««e, qui n'ont |)as besoin do
pain puisqu'ils ont jeté le blé qu'ils ont pillé sur la rivière d'Oise dans
la rivière, que ces gens-là disent très haut que ces pillages se font par
onire do M. le prince de Conti ; que ce fait incroyable a été dit hier
chez M. de Sauvetorre, ancien conseiller honoraire de l'ancien grand
conseil, et chez la femme Barbier, commissionnaire à la Halle. Vous
savez combien la gloire du prince m'est chère et vous ne pouvez conce-
voir l'indignation qu'a excitée en moi une pareille calomnie. Comme
460 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
ces deux faits me sont venus d'assez bonne part, j'en ai pris note et je
vous en fais part sans délai. L'intrigue est méchante et diabolique. »
A. Le Paige, à qui cette lettre est adressée, dit dans son journal ms.
que ce bruit si déraisonnable s'était répandu jusqu'à Versailles, et qu'il
était bientôt tombé. Aussi ajoute-t-il que l'instruction du roi aux curés
reproche aux auteurs de l'émeute c la profanation des noms les plus
respectables t. Une autre lettre de la même époque, lettre bien curieuse,
car elle émane d'un fermier de la Brie qui dut vendre aux émeutiers
140 « septiers, mesure de roy » à raison de 12 livres l'un, s'étonne qu'il
soit arrivé a un tumulte si étrange dans une des commanderies de S. A. 8.
Mgr le Prince de Conti ». Si les émeutiers avaient été soudoyés par le
prince, se seraient-ils ainsi attaqués à ses propres fermiers ? Ceux de
Paris auraient-ils cherché à forcer l'enclos du Temple pour dévaliser
les deux boulangers qui s'y trouvaient, boulangers que Conti parvint à
protéger et dont l'un fit jusqu'à onze cuissons ce jour-là pour secourir
les Parisiens ? (Journal rns.)
M. F. ajoute que, le 5 mai, pendant le Lit de justice, c Conti, comme
se désignant lui-même aux soupçons, protesta vivement. Un conseiller
fit de même ; on leur imposa silence » (p. 202). Ce détail n'est pas
exact, et la Relation à la suite des mémoires sur Terray , relation qui est
très certainement de Mairobert, car elle fait partie de son Journal hiS"
torique (tome YU, p. 292), ne dit point que les choses se soient passées
de la sorte. « M. de Miromesnil, lisons-nous p. 308, allant aux voix
pour la forme, on remarqua que M. le prince de Conti, seul entre les
grands, et M. Fréteau, seul entre les membres du Parlement, parlèrent
et discutèrent leur avis.... Ces opinions particulières ne firent point
changer le monarque de résolution. » Mais voici qui est plus précis :
A. Le Paige a consigné dans son journal ms. les paroles de Conti :
f En voici, dit-il, les propres termes que ce prince m'a confiés : Je
pense que plus on est dans le cas de faire exécuter la sévérité des lois
avec rigueur, moins c'est celui de dépouiller les juges naturels et légi-
times et de sortir des règles établies. Je pense que le pouvoir donné
aux prévôts a des conséquences qui peuvent plutôt échauffer les esprits
que les calmer, ainsi je n'en suis pas d'avis, i Ce ne sont nullement
les paroles d'un séditieux, d'un homme qui se désigne aux soupçons,
et si Conti fut soupçonné en mai 1775, n'oublions pas qu'il se trouva des
gens pour accuser de la guerre des farines, etTurgot, et même Louis XVI.
Conti d'ailleurs est peu connu des historiens, et l'on pourrait, si de
telles discussions n'étaient ici déplacées, montrer preuves en mains que
sa vie et sa mort ont été on ne peut plus mal jugées ; il n'a pas vécu
en frondeur, il n'est pas mort en philosophe.
Pour revenir à Turgot, M. F. ne paraît pas avoir assez insisté sur les
causes multiples qui ont amené sa chute. La première de toutes c'est
que Turgot, si grand dans son cabinet, n'était nullement un homme
d'État, c'est-à-dire en définitive un homme d'action. Il ne connaissait
l'humanité que par les livres et il n'eut jamais l'art de mener à bien
F0.1T1INB DE RESBBCg : L'iNSTaOCTIO?! PRIMilRB Afin \7^9, 464
des entreprises difficiles. Ses réformes devaient nécessairement lui atti-
rer Tanimosité des privilégiés, de la cour, des financiers, du parlement
et du clergé ; il ne fît pas le moindre effort pour mettre la division
parmi ses ennemis, et sa maladresse eut pour eOet de les réconcilier les
uns avec les autres. L*avocat général Séguier s'écria en plein Parlement,
le 7 septembre 1775 : « Le moment est arrivé où le clergé et la magis-
trature doivent se réunir, et, par un heureux accord, écarter les atteintes
que des mains impics voudraient porter au trône et à Tautel > {Arrêt de
la cour du Parlement.., 4 p. in-4»).
Turgot fit connaître les prodigalités de la cour et les malversations
des fermiers généraux ; il s'opposa de tout son pouvoir au retour du
Parlement et ravit à ce corps, en mai 1775, le droit de rendre la justice
au nom du roi ; il inquiéta vivement le clergé par le radicalisme de ses
projets, séparation de l'Église et de TÈlat (F., p. 562), enseignement
laïque (561), enterrements civils (562), et suppression des formules
gothiques du sacre des rois (251), projets plus ou moins bons, comme
l'avenir la démontré, mais que Turgot avait le tort de présenter tous
ensemble sans se préoccuper de leur opportunité. Le contrôleur-général,
qui voulait aller trop vite, fut considéré comme un brouillon ; tous les
privilégiés se réunirent pour tramer sa perte, et que lui restait-il contre
eux ? Le seul Louis XVL En vérité ce n'était pas assez. La chute de
Turgot a été certainement un malheur pour la France, mais il faut
avouer que ce grand économiste n'était point fait pour être premier
ministre. Le grand ouvrage que prépare M. F. ne saurait, ce me semble,
aboutir à une autre conclusion.
A. Gazibr.
Histoire de nnstmctlon primaire avant 1789 dans les
commones qui ont formé le département da Nord, par le
comte DE FoirriiNE de Resbecq, membre de la conmiission histo-
rique du Nord. 1 vol. in-S^. Paris, Champion; Lille, Quarré,
4878.
M. de Tocqueville est le premier, pensons-nous, qui, avec sa grande
et légitime autorité, ait rattaché la France moderne à la France de
l'ancien régime. Ce que l'illustre historien a fait pour nos institutions
politiques et administratives, d'autres l'ont fait au point de vue écono-
mique, pédagogique, etc.
C'est à ce dernier point de vue que se rattache l'ouvrage de M. de
Resbecq, qui traite de l'instruction primaire, avant 1789, dans la contrée
qui a depuis formé le département du Nord, (^tte tâche devait tenter
M. de Resbecq. D abord il connaissait la matière pour l'avoir pratiquée;
en second lieu, originaire de ce département, membre de la Commission
historique siégeant à Lille, il devait être tenté d'appliquer à son pays
natal ses lumières spéciales. Ajoutons que son livre contient une partie
historique qui appelle directement notre critique. Après avoir rappelé
462 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
brièvement les capitulaires de l'époque carolingienne qui obligent les
prêtres à tenir des écoles dans les bourgs et les villages, les décrets
du concile de Latran, les prescriptions d'Innocent UI et de Gré-
goire IX; après nous avoir montré, à partir du xii» siècle, la con-
currence qui s'établit pour la cause de l'éducation populaire entre le
clergé et les puissantes communes de Flandre, la décadence à la
fin du XV* siècle de renseignement du peuple, Thistorien nous fait
assister à sa renaissance dans les Pays-Bas pendant et surtout après
l'orageuse période de la réforme et des troubles religieux. Cette
renaissance naît de la nécessité pour le catholicisme de se défendre.
Luther et Calvin ayant fait descendre dans la profondeur des couches
populaires la parole de l'évangile, le clergé catholique leur répond en
poussant la foule dans les écoles, où le dogme lui sera enseigné. Les
synodes de Saint-Omer, d'Ypres, d'Arras, de Cambrai, les placards des
souverains, les ordonnances des magistrats des copmunes, tout s'unit
pour relever l'enseignement des a bonnes doctrines et mœurs, de la
f droicte et honneste manière de vivre. » L'obligation est érigéo en
maxime d'état. Les pères et mères, maîtres et maîtresses sont tenus
d'envoyer leurs enfants à l'école dominicale t sur paine de griefve
pugnition arbitraire, t l'amende d'abord, puis la punition corporelle, à
la discrétion des échevins. Gens de loi et baillis de village envoient par
les rues leurs sergents pour « contraindre et mener par force, en les
chastiant au besoin, i les enfants récalcitrants. Les écoles quotidiennes
pour les familles en état de payer la rétribution mensuelle de quatre ou
cinq patars, les écoles dominicales pour les pauvres se multiplient rapi-
dement. Alexandre Farnèse, qui apparaît dans l'histoire du xvi* siècle
comme un Taciturne au rebours, puisqu'il fit rentrer toute la Belgique
actuelle sous le joug espagnol, veut qu'il y en ait t en chascun villaige ».
Les congrégations enseignantes viennent en aide aux maîtres nommés
d'ordinaire par le magistrat, quelquefois aussi par le seigneur ou l'as-
semblée paroissiale du lieu, mais toujours après approbation de Téco-
lâtre. Ces maîtres sont placés sous la double surveillance de l'autorité
religieuse représentée par les curés, les doyens de chrétienté, les
vicaires généraux, et de l'autorité laïque personnifiée dans les échevins
et les t caritables i. Tout d'ailleurs est réglementé, jusqu'au costume du
Magister, habillé de noir, orné de la longue queue pendante et portant
sur son chef vénérable le bicorne galonné d'argent, signe, disent naïve-
ment les ordonnances, de son autorité souveraine (oppergezig).
Le concile de Trente s'étant proposé de faire de renseignement popu-
laire une arme contre l'hérésie, la religion est la base de celui-ci.
Les leçons cependant ne se bornent pas au catéchisme. Après l'A B C,
« l'enfance du chrestien, » les oraisons en latin et en français, et « la
petite civilité puérile et honneste, » l'enfant apprend t à lire, escrire,
cilTrer, compter i. Puis, il apprend la grammaire et en certains cas,
surtout dans les écoles de filles, t quelque mestier ou art pour gaigner
sa vie » ; au xviii® siècle, on arrive de progrès en progrès à des mé-
PONTAIlfB DE RB8BECQ : L'MSTBUCTION PBIlflIRB ITiTT HSO. 463
thodes raisonnées, à des prescriptions bien coordonnées et enchaînées.
A ce point de vue, nous appelons l'attention du lecteur sur le règle-
ment donné, il y a un siècle, par 1 evéque de Saint-Omer à l'école de
chanté de Merville (Nord).
Quels furent les résultats de tant d'efforts poursuivis pendant trois
siècles par l'église, les rois de Franco et d'Espagne, les villes et les
communautés rurales ? En d'autres termes, quelle était vers 1789 la
situation de l'instruction populaire dans les provinces belgiques conquises
par Louis XIV ?
M. de Resbecq termine son livre par une statistique des plus curieu-
ses. C'est le relevé du nombre des conjoints et conjointes qui, dans le
Nord, ont signé leurs actes de mariage de 1750 à 1790. D'après ce tra-
vail qui s'étend à toutes les paroisses du département actuel du Nord,
la moyenne pour les hommes sachant signer serait de TiS, 13 */o et,
pour les femmes, de 37, 28 •/©. A ce compte, l'instruction populaire,
51 on la ramène à ce point de vue étroit de la capacité de signer, aurait
été, vers 1789, plus avancée dans le département actuel du Nord que
pendant les soixante premières années de ce siècle, et ce n'aurait été
que depuis la fin du second empire que la supériorité se serait défini-
tivement prononcée en faveur de l'époque où nous vivons.
Certes, cette conclusion a quelque chose d'inattendu. Nous savons
bien, comme le fait observer l'auteur lui-même, qu'il ne s'agit pas de
la France considérée en son ensemble, mais d'une province placée dans
une situation privilégiée par sa richesse, son organisation et ses tradi-
tions spéciales. Malgré cela, le résultat est de ceux que lieaucoup de
personnes ne peuvent se résoudre à admettre sans résistance. Ne sait-
on pas que, parmi les hommes de la grande n>quisition de 1793, bon
nombre ne savaient ni lire, ni écrire, ni signer *? Cela est si vrai que le
recrutement des sous-officiers fut fort dinicile dans les armées de la
république, du consulat et de l'empire. Qu'étaient-ils, co» grognards^ dont
beaucoup portaient la croix de la Légion d'honneur et qui n'auraient pu
ni déchiffrer ni tracer la première lettre de leur nom? précisément les
débris de la grande réquisition. Victor Hugo qui, dans son roman des
Misérables^ nous les montre à Waterloo marchant, comme à la manœuvre,
sur l'artillerie anglaise, nous dit ou à peu près : « ces hommes de fer
avaient, dans leur première jeunesse, semé le blé des abbayes. » On a
peine dès lors à s'expliquer comment, dans la Flandre française, on
peut arriver vers 1789 à un contingent aussi considérable d'hommes et
de femmes sachant signer.
Habitant presque constamment le département du Nord, nous avons
été témoin des incertitudes de l'opinion en face du livre et des conclu-
sions de M. de Resbecq ; plusieurs de nos amis, par exemple, auraient
voulu que l'on examinât les actes des tabellionages et que l'on s'assur&t
si les signatures y étaient dans la proportion signalée par M. de Hes-
1. Nous ne parlons pas, bien entendu, des folontaires.
464 COMPTES-RBIVDUS CRITIQUES.
becq. Nous leur avons dit et nous répétons ici que ce ne serait pas là un
contrôle sérieux.
Pourquoi, en effet, ces hommes et ces femmes ayant signé leur acte
de mariage n'auraient-ils pas ensuite signé les actes où ils auraient été
parties ? Une autre objection, d une portée différente, a été faite au sein
de l'académie des sciences morales et politiques, au moment où le livre
de M. de Resbecq lui était présenté par Tun de ses membres éminents,
M. Charles Giraud; comme elle émane d'un homme considérable, d'un
ancien ministre de l'instruction publique (M. Jules Simon), nous devons
l'examiner avec l'attention qu'elle mérite *.
M. Jules Simon paraît avoir voulu s'inscrire en faux, non point tant
contre les conclusions elles-mêmes de M. de Resbecq, que contre les
inductions qu'on pourrait en tirer au point de vue de la somme générale
des connaissances que comporte l'instruction populaire, et, par consé-
quent, au point de vue des résultats généraux que cette instruction a dû
donner tant vers 1780 que vers 1850 ou 1860. « Beaucoup de ces gens,
dont parle M. de Resbecq, a dit ou semblé dire M. Jules Simon,
savaient signer sans savoir écrire, i Ou en d'autres termes, lorsque Ton
veut comparer l'état de l'instruction populaire en 1780 à l'état qu'elle
offre 70 ans plus tard, on a tort de prendre pour base ou pour point de
comparaison la signature, c'est-à-dire la plus élémentaire de toutes les
notions ou capacités. Si l'on allait au-delà, on trouverait que les résul-
tats de 1850 sont fort supérieurs à ceux de 1780.
Avant de suivre le savant académicien, remarquons d'abord que le
livre de M. de Resbecq est désormais hors du débat. De quoi y est-il
question? de signatures. Qu'a-t-il voulu démontrer? que les hommes
ou femmes ayant signé leurs actes de mariage vers 1780 égalaient en
nombre ceux ou celles ayant signé les mêmes instruments d'état civil
vers 1850 ? Sur ce terrain étroit, trop étroit peut-être, sa démonstration
a été aussi satisfaisante que possible.
Revenons maintenant à l'objection de M. Jules Simon, ou plutôt à la
pensée qui s'y trouve implicitement contenue.
Nous ferons observer d'abord que, sur ce nouveau terrain, la preuve
est impossible ; beaucoup de personnes penseront que M. Jules Simon
a raison, mais comment le prouveraient-elles ? Oui, assurément, il y a
aujourd'hui, surtout dans la classe des ouvriers de campagne, des gens
qui savent signer sans savoir écrire ; et il en existait déjà avant
1789 ^. Mais là n'est pas la question, il faudrait prouver qu'il y a cent
t. Faisons observer cependant que nous n'avons pu consulter les procès-verbaux
de racadémie. Nous raisonnons d'après les comptes-rendus des journaux le Temps
et les Débals.
2. Le lecteur comprendra la cause de ce fait. Un individu qui ne sait pas signer
ne peut prendre part à aucune convention sous seings privés et doit en toute
occasion recourir au ministère d'un notaire, qui authentique la convention. C'est
pour échapper à ces frais que des illettrés, en nombre assez considérable,
apprennent à signer, sans apprendre à écrire.
FONTAINE DE RESBBCQ : L'iNSTaCCTION PRIMllBE AVANT 4789. 40^
ans, le nombre des individu» sachant seulement signer était plus
considérable qu'il ne l'était en 1850 ou en 1860 ; or, cette preuve nous
parait impossible à fournir. Et cette impossibilité subsistera tant que
la législation n'aura pas été réformée, tant que le législateur n'aura pas
ordonné d'interpeller les citoyens non seulement sur la question de
savoir s'ils savent signer, mais encore sur celle de savoir s'ils savent
écrire. Que si nous restons sous l'empire des lois actuelles, il sera,
dans 60 ans, tout aussi impossible de comparer, au point de vue de la
capacité d'écrire, et en conservant pour base les actes de l'état civil,
l'état de l'instruction primaire en 1880 avec celui où il sera parvenu en
1920, et cependant, si Ton raisonne à priori, on admettra que cet
état a dû progresser.
En résumé, deux éléments spéciaux déterminent l'état de l'instruc-
tion populaire, abstraction faite des circonstances ambiantes : le nombre
et le savoir des maîtres ; de là nous semblent résulter les conséquences
suivantes.
Si l'on s'en tient aux notions élémentaires, telles que la signature,
l'écriture, les premières règles du calcul, on doit penser que l'état de
l'instruction populaire en 1780 était, dans le département actuel du
Nord, à peu près le même qu'en 1850, et cela pour deux raisons : 1* Le
nombre des maîtres était des deux côtés à peu près égal, chaque vil-
lage de cette contrée ayant alors son magister comme il a aujourd'hui
son instituteur (cela résulte du travail de M. de Resbecq) ; 2* pour les
notions élémentaires ci-dessus indiquées, la capacité des magisters
était aussi efficace que l'était en 1850 celle des instituteurs.
Mais si l'on veut s'élever, si Ton prend pour points de comparaison le
style, l'histoire, la géographie, la géométrie, le calcul algébrique, oh !
alors il faut admettre, en dehors de toute preuve, que le niveau de 1850
était supérieur à celui de 1780, par cette raison fort simple que les
instituteurs de la première époque étaient déjà fort supérieurs à leurs
devanciers de l'ancien régime. C'est là, si l'on peut s'exprimer ainsi,
une vérité de bon sens.
Enfin, à ceux qui seraient tentés de combattre cette distinction,
nous rappellerons un phénomène, dont l'histoire et l'économie politique
établissent la réalité avec une force irrésistible, c'est que toute grande
perturbation politique, toute grande commotion sociale est, toujours et
chez tous les peuples, accompagnée d'une non moins grande déperdition
de forces, soit matérielles, soit intellectuelles et morales. 8ous
Charles V, à la fin du règne de Charles VII, sous Louis XI, Louis XII,
François I**, notre sol est^mieux cultive, plus fertile et se vend plus
cher qu'à l'avènement de Henri IV, ou à la fin du règne de Louis XIV,
ou enfin lors de la chute du Directoire *. I^ niveau de l'instruction
t. OU a été péremptoirement démontré, au nnoment où le gouvernement du
«econd empire eot la fâcheaae inspiration de vouloir faire convertir en rentes sur
Hev. IIistor. XI. 2* FASc. ;iO
466 GOMPTBS-aSxXDUS CRITIQUBS.
populaire suit le mouvement ascensiomiel ou descensionnel ; tous
ces phénomènes se tiennent et s'expliquent l'un par l'autre. Gela
aidera à comprendre comment notre pays a été aussi longtemps à
se remettre, au point de vue de l'instruction populaire, de notre révolu-
tion, dont, sur d'autres points, les effets ont été aussi considérables
qu'immédiats ^
Gh. Paillard.
Le comte de Fersen et la cour de France. Extraits des papiers du
grand-maréchal de Suède comte Jean Axel de Fersen, publiés par
son petit-neveu le baron R. M. de Klinckowstroem, colonel suédois.
2 vol. in-80. Paris, Pirmin Didot, 4878.
Petit-neveu du célèbre comte de Fersen et dépositaire de ses papiers,
M. le colonel de K. a eu l'heureuse pensée d'emprunter à ces archives
de famille quelques extraits intéressants pour l'histoire de France. On
ne saurait trop remercier M. de K., d'autant plus qu'il a eu l'attention
délicate de faire cette publication en français et d'en former comme un
complément aux trois volumes de MM. d'Arneth et Geffroy sur Marie-
Antoinette. Dans ces conditions, la critique est nécessairement désar-
mée; à défaut du sentiment des convenances, l'intérêt des études histo-
riques nous empêcherait de traiter comme un éditeur de profession le
gentilhomme si bien inspiré qui consent à ouvrir ses galeries et à faire
lui-même les honneurs de son musée domestique. Aussi ne demande-
rons-nous pas à M. de K. s'il a publié la totalité des lettres et documents
qui concernent la reine de France et s'il n'aurait pas mieux fait d'inti-
tuler son livre : Fersen et Marie^ Antoinette, puisque la cour de France
et Louis XVI occupent si peu de place dans ces deux gros volumes ; en
un mot, nous ne ferons pas à M. de K. la moindre chicane et il nous
suffira de montrer quelle est la valeur historique de cet ouvrage, valeur
très réelle, hâtons-nous de le dire.
On ne doit pas s'attendre à trouver ici beaucoup de faits nouveaux et
de révélations importantes, car les grands travaux de MM. Feuillet de
Gonches et Geffroy, faisant suite à des publications innombrables, ne
permettent plus d'espérer de véritables découvertes sur l'histoire de
Marie-Antoinette. Gependant on verra dans le journal et dans la corres-
pondance de Fersen la confirmation de certains faits ou peu connus ou
éclaircis jusqu'à ce jour d'une manière insuffisante. Ainsi la fuite de
Varennes, que l'on a pu croire amenée par la scène déplorable du
rÉtal le produit de l'aliénation des biens immeubles appartenant aux hospices,
fabriques et autres établissements de bienfaisance.
1. Faut-il aussi rappeler ici quel était l'état de rinstruction primaire avant la
grande loi de 1834 ? Et il ne suffit pas d'édicter une telle loi, il faut encore
l'appliquer.
kLfNCKOWSTROBM : LE COMTE DE FSRSEN BT Là COUR DE PRINCE. 467
18 avril 1791, était irrévocablement décidée au mois de février* : « Tout
ce que j'ai mandé au roi [de Suède] comme des idées à moi sur le
départ du roi de France et de la reine de France... est un plan qui
existe et auquel on travaille; tout le monde l'ignore, et il n'y a que
quatre Français dans la confidence... » (Lettre du 7 mars 1791 ^.) —
« LL. MM. se sont déterminées à faire changer [leur position] par tous
les moyens possibles : ayant en vain employé ceux de la patience, des
sacrifices de tout genre et de la douceur, elles se sont résolues à tenter
ceux de la force ; mais l'Assemblée ayant, par ses opérations, détruit ou
affaibli tous ceux qu'elles auraient pu trouver en France, elles ne les
croient pas suffisants s'ils ne sont pas combinés avec des secours et des
bons offices des puissances étrangères. LL. MM. sont assurées d'un
parti considérable en France et d'un lieu de retraite à portée de la froo*
tière du Nord. C'est M. de Bouille qui dirige tout cela. Elles sont assu-
rées des dispositions favorables et des secours de l'Empereur, de
l'Espagne, de la Sardaigne et de la Suisse, etc. i (Lettre du 1« avril 1791 \)
Beaucoup de passages analogues montrent avec la dernière évidence,
et l'horreur que Marie-Antoinette avait pour les émigrés en général,
mais plus particulièrement pour les princes, et l'entente complète de la
cour de France avec les puissances étrangères, et le caractère antifran-
çais de la reine, qui ne cessa jamais de se considérer comme une Autri-
chienne exilée et qui poussa le roi à feindre de suivre les constitution-
nels pour mieux les réduire. « Pour endormir les factieux sur ses
véritables intentions, dit Fersen dans une lettre au baron de Breteuil,
le roi aura l'air de reconnaître la nécessité de se mettre tout à fait dans
la Révolution, de se rapprocher d'eux ; il ne se dirigera que par leurs
conseils et préviendra sans cesse le vœu de la canaille^ afin de leur ôter
tout moyen et tout prétexte d'insurrection, et afin de maintenir la tran-
quillité et leur inspirer la confiance si nécessaire pour la sortie de
Paris *. > L'année suivante, Fersen écrivait au roi de Suède une lettre
chiffrée où se trouvent ces mots : « Il a fallu avoir l'air de se livrer
entièrement à la marche indiquée par les constitutionnels ; il a fallu,
pour mieux les endormir, adopter les démarches proposées par eux, et,
pour les empêcher de se réunir aux républicains, il a fallu avoir l'air
d'être de bonne foi dans leur parti, d'être dans le sens de la Constitu-
tion et décidé à la soutenir et à marcher uniquement par elle... LL. MM.
ne se sont jamais fiées aux rebelles, ni aux assurances d'attachement
qu'ils n'ont cessé de lui donner... LL. MM. m'ont fait l'honneur de me
dire qu'il n'y avait que l'extrême nécessité qui ait pu les déterminer à
1. Tomel*', p. 84.
2. Boaillé dans ses mémoires dit même que la coar y songeait dès le mois
d'octobre 1790. — Mém., ch. IX.
3. Ibid., p. 89.
4. 1 avril 1791. Tome I, p. 98.
468 coMrrBS-fts^rDiis gutiqucs.
l'avilissement de traiter avec d'aassi grands scélérats *... • (Test en ces
termes que le roi et la reine de France traitaient, devant des étrangers,
les hommes qui avaient le plus à cœur de sauver la monarchie, et leurs
actes, surtout ceux de Marie- Antoinette, étaient en harmonie avec leurs
paroles. La reine écrivait, le 5 juin 1792, à Fersen qui se trouvait alors
à Bruxelles : « Il y a des ordres pour que Lukner attaque incessamment ;
il s'y oppose, mais le ministère le veut. Lts troupes manqttent de tout et
sont dans le plus grand désordre '. > Elle pressait les Autrichiens et les
Prussiens d'envahir la France au plus tôt, et le manifeste de Bmnsvirick.
était en partie Touvrage de Fersen et le sien'. La pauvre femme est
fÎEU^ile à défendre assurément, car la vie qu'elle menait à Paris depuis
trois ans était effroyable, mais ne jugera-t-on pas aussi que la haine du
peuple et de l'assemblée contre Veto et contre l'Autrichienne qui tra-
hissaient la patrie avait quelque raison d'être? Egarés ou non, les
Français de 1792 avaient le droit de ne point se laisser châtier comme
des sujets rebelles par les puissances étrangères, et tout s'explique, le
20 juin comme le 10 août, lorsque l'on voit la cour faire ainsi cause
commune avec les envahisseurs. De cette publication ressortent donc
de nouvelles charges contre Marie-Antoinette et aussi contre Louis XVI
qui a provoqué l'invasion de 1792 et qui a nié, lors de son procès, un
fait d'une si haute gravité. Ce n'est pas assurément pour conduire ses
lecteurs à de pareilles conclusions que M. de K. a publié ces deux
volumes, et peut-être le chevaleresque Fersen, qui avait pour Marie-
Antoinette un dévouement si pariait, disons plus, une affection si
tendre, n'eût-il point consenti à l'impression de ces extraits. Quoi qu'il
en soit, la vérité continue à se faire jour et la mémoire de cette famille
infortunée ne gagne pas à tant de révélations posthumes. On s'aperçoit
que l'esprit de vertige s'était emparé de tout le monde, mais surtout de
Marie-Antoinette : trois mois après la mort du roi, en avril 1793, elle
espérait encore que Dumouriez et les coalisés allaient non seulement
lui sauver la vie et la faire sortir de prison, mais encore placer son fils
sur le trône et la proclamer régente !
Fersen d'ailleurs partageait lui-même la plupart de ces illusions
funestes, et si la publication de ces documents fait honneur à la bonté
de son cœur, elle ne montre pas sous un jour aussi favorable la justesse
de son esprit. Comme Louis XVI, le 14 juillet, Fersen n'a vu dans la
Révolution française qu'une révolte de bourgeois, et ses jugements sur
1. 21 mars 1792. Tome II, p. 212. Hfarie-Antoinette écrivait à Fersen ces propres
paroles : c Je crois que la meilleore manière de dégoûter de tout ceci est d'avoir
l'air d'y être entier; cela fera bientôt voir que rien ne peut aller.... Fias noas
avancerons et plus ces gaenx-ci sentiront lears malhears ; peut-être en vien-
dront-ils à désirer eux-mêmes les étrangers... » I, 192.
2. Tome II, 289.
3. Ilnd., 332, 337, 338.
VICHEROT : FRAGMENTS LITT^RilRES DE P. F. DUBOIS. 469
les hommes et sur les choses sont le plus souvent d*unc inconcevahle
fausseté. Il dit (t. I, p. 79) que Neckor a fait le malheur de la France
et trahi le roi ; il appelle La Fayette un pauvre scélérat qui heureuse-
ment ne sait Tétre qu'à demi, et il Taccusc de trembler aisément (ibid.
p. 80) ; il déchire la réputation de M"»« de Staél avec un véritable
acharnement, etc. ; en un mot, il parle de la Révolution française
comme aurait pu le faire un Galonné ou un comte d*Artois.
Mais il ne serait pas juste d'insister plus longuement, car c'est aux
érudits qui emploient les documents de celte nature à faire la part des
exagérations ou des erreurs et à se mettre en garde contre les écarts où
la passion peut jeter un témoin qui dépose. Il n'en est pas moins vrai
que la publication de ces deux volumes est du plus haut intérêt et que
M. de K. a droit à notre reconnaissance. Il s'est proposé surtout d'éle-
ver un monument impérissable à la mémoire de son grand-oncle, mais
en même temps il a rendu aux études' historiques un service signalé.
Complets ou non, ces extraits sont précieux, et c'est une bonne fortune
pour l'historien de trouver parmi d'autres pièces importantes toute une
correspondance secrète entre la reine Marie-Antoinette et l'homme qui
avait si parfaitement sa confiance, qui payait si généreusement la dette
qu'il avait contractée en se laissant porter sur le fameux Livre roug$.
A. Gazier.
Fragments littéraires de M. P. F. Dubois (de la Loire-Inférieure).
Articles extraits du Globe ^ précédés d'une notice biographique par
E. Vacherot, de l'Institut, et accompagnés d'éclaircissements his-
toriques. Paris, Thorin, 4879. 2 vol. in-8*. 1, cxxtiii et 427 p.,
II, 459 p.
Le journal le Globe tient, comme on sait, une place importante dans
l'histoire de la Restauration. La publication des principaux articles
faits par celui qui a fondé, organisé, dirigé, inspiré le journal, est des
plus intéressantes. Les témoignages d'un contemporain sont toujours
précieux par eux-mômes ; mais iU augmentent singulièrement de valeur
quand le témoin était un esprit aus.si ferme, aussi élevé, aussi péné-
trant que l'était Dubois.
Paul-François Dubois était né à liennes le 2 juin 1793; après avoir
fait ses études au collège de Rennes, il entra à l'École normale on
18l"2, et il resta dans l'enseignement jusqu'en 1821, où Gorbière,
président du Gonseil de l'instruction publique , le mit en congé
de non-activité avec suspension de traitement pendant cinq ans.
Dubois s'afBlia à la Gharbonnerie et fut délégué des ventes cen-
trales de l'Ouest au congrès général de la société*. On sait que le
1. M. Duvergier de Haunime, en parlant de la fondation dn Globe {BisMre
du gouvememetU parlementaire en France^ VIII, 144), rapporte ce fait, d'aprè»
470 GOMPTES-REÏtrOUS CRITIQUES.
succès de la guerre d'Espagne et raffermissement qui en résulta pour
le gouvernement de la Restauration, contribua à détourner la jeunesse
de la voie des conspirations pour l'engager dans la lutte à ciel ouvert
sur le terrain de la légalité. Des gens qui avaient risqué leur tète ne
furent pas empêchés pour résister à l'arbitraire d'un ministre ou d'un
préfet. Dubois fonda, en 1824, le Globe, d*abord comme journal exclu-
sivement philosophique et littéraire, la loi de 1822 exigeant l'autorisa-
tion royale pour la fondation d'un journal politique. Le premier
numéro du Globe parut le 15 septembre 1824. Dubois a exposé ainsi le
plan qu'il avait conçu (II, 24) : « Lorsque le Globe commença de
paraître, le public était habitué à des feuilles légères remplies de mille
petits articles malins et où les discussions sérieuses et un peu étendues
n'étaient pas de mise. Nous avions conçu un tout autre plan : nous
voulions amener à des études sévères et réfléchies; nous voulions
poursuivre le développement du principe de liberté dans les arts, dans
la littérature, dans la philosophie, comme dans la politique; nous vou-
lions offrir aux générations dont nous faisons partie, non pas un
exemple (à Dieu ne plaise que nous ayons cet orgueil I), mais une expres-
sion fidèle de quelques-uns des traits de leur caractère; nous aspirions,
enfin, à mettre sous les yeux de la jeunesse, si vive, si dévouée, de nos
départements, le tableau des travaux patients et de l'énergie modérée
de la jeunesse de la capitale. Pour arriver à ce but, il fallait être ce que
nous étions, c.-à-d. graves, prenant toujours les choses par le c6té utile,
cherchant de toutes parts l'instruction, réunissant des faits, essayant
des théories, combattant avec ardeur les préjugés que nous n'avions
pas. » La loi du 18 juillet 1828 n'imposait plus que le cautionnement et
quelques autres formalités à l'établissement d'un journal politique. Le
16 août 1828, le Globe acquit le droit d'aborder la discussion des ques-
tions politiques et des actes du gouvernement. Le 15 janvier 1830, il
devint grand journal quotidien. La révolution de juillet dispersa la
rédaction, qui entra dans le gouvernement et dans l'administration, et
le Globe passa aux Saint-Simoniens le 14 août 1830 ^ Dubois continua à
soutenir à la Chambre des députés, où il représentait le premier arron-
dissement de Nantes ^, et dans l'Université où il fut d'abord inspecteur
des reoseignemaits fournis par Dubois lui-même. Dubois racootait qu*il avait
mis le général Berton en diligence pour Saumur et lui avait prédit le sort qui
Tattendait. C'est à sa prudence et à sa dainroyance que beaucoup de membres
des ventes de l'Ouest ont dû leur salut.
I. La notice historique sur le Gioàe (I, lxxxi et suiv.) n'indique pas arec
précision quand le Globe est devenu saint-sîmonien. Le numéro du 14 août 1830
est le dernier qui porte la signature : P. Dubois, gérant. Le numéro du lende-
main, 15, est signé : P. Leroox, Kénni, et contient un article intitulé : Caroctères
de la ré^*'*^'^ «nnoette» et **'<*. fwonnan les doctrines et le langage de Técole
saint-«i>- - - Un jr*"^ *iilw d'allusions répandues dans les articles de
Dubi*- -""^ ■■11—.
9 -ifii^ prindpalenenl de petits commerçants.
ViCHE&OT : FBIGMENTS LlTT^EiiaES DB P. F. DUBOIS. 474
général, puis conseiller de l'Université et directeur de TËcole normale,
les principes de liberté sage et réglée qu'il avait toujours défendus. La
révolution de 1848 le retira de la politique, le coup d'état du 2 décembre
l'enleva à l'Université. II est mort le 16 juin 1874. L'âge ne l'avait
rendu ni inerte, ni indifférent, ni peureux; il garda jusqu'à la fin
l'esprit actif, ouvert, courageusement libéral*.
Le Globe ne fut journal politique que dans le dernier tiers de son
existence. C'est de 1824 à 1828 qu'il eut son vrai caractère et qu'il
exerça son action. L'inintelligente législation del822, en ne permettant
qu'aucun journal politique nouveau pût s'établir à côté d'un petit
nombre de journaux anciennement établis, laissait la liberté à la dis-
cussion des questions littéraires, morales et philosophiques; en d'autres
termes, elle laissait libre de discuter la question religieuse, qui était
alors le fond de la politique. « Dés le lendemain de l'ordonnance du
5 septembre, » disait Dubois en 1830 (II, 369), • il s'est formé à côté
du pouvoir une ligue qui se vante d'être appuyée de l'héritier du trône
et oppose son nom au nom du roi. Moitié religieuse et moitié politique,
dirigée par des prélats et des hommes d'Ëtat, parmi lesquels se distingue
un grand génie qui prêche de bonne foi la liberté au milieu d'hypo-
crites qui veulent Tétoufifer, cette ligue publie des journaux, tonne dans
les chaires, organise des bandes. Le clergé, jusque-là acteur secondaire,
parait sur le premier plan. Son esprit d'unité, de hiérarchie, d'associa-
tions jésuitiques, passe dans le parti royaliste, qui reprend ses habi-
tudes de conspiration, ses œuvres et ses cercles de com^spondance,
comme au temps de l'émigration. Des sociétés secrètes à mille titres
divers, mais toutes rattachées à un môme centre, qu'audacieusement
on nomme le pavillon Marsan, Us Bannerets, les Francs régénérés,
enlacent la France comme d'un réseau. > La prédication religieuse
Dubois avait conservé de tes rapports avec ses électeurs un souvenir plein
d'estime pour leur modération, leur sagesse, leur libéralisme, leur esprit politique.
Le cens, qui avait donné dans les petites villes et les campagnes un corps élec-
toral profondément égoïste, insouciant de l'intérêt public, accessible à la corrup-
tion administrative, avait eu Tinfluence la plus heureuse dans les grandes villes.
Malheureusement le gouvernement s'entendait mieux avec les électeurs des
campagnes.
1. La notice biographique de M. Vacberot présente un portrait fidèle et vivant
de Dubois. Les indications de faits ne sont pas toujours assez précises. Ainsi il
ne suffit pas de dire aujourd'hui (p. xlv) qu' « un jour, dans la vivacité de la
lutte, il fut frappé de suspension par un ministre irrité du 1 1 octobre. > Il faut
absolument apprendre aux générations de notre temps que, le 6 mars 1833, le
lendemain d'une séance où Dubois avait réclamé très vivement contre les pen-
sions maintenues à ceux qui avaient servi dans les rangs des émigrés et des
Vendéens, Guizot fit insérer au Moniteur un avis portant que c par arrêté de
M. le ministre de l'instruction publique, M. Dubois (de la Loire-Inférieure) a
r>essé d'exercer les fonctions d'inspecteur général de l'instruction publique. •
Guizot rend compte de cette affaire dans ses Mémoire$, III, 197 et w\w. Il
n'était pas irrité, il céda aux passions de la majorité.
472 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
élait politique. Dubois écrivait le 25 mars 1826, à propos des sermons
du jubilé (I, 155) : « Que nous soyons au pied de la chaire de Saint-
Sulpice ou de Saint-Thomas-d'Aquin, à Notre-Dame ou au château,
dans la chapelle royale... partout nous retrouvons le même langage :
M. Guyon et M. Fayet, M. de Hauzan et M. Mac-Garthy n'ont qu'une
voix : c'est toujours la Révolution et la liberté qu'ils mettent en cause,
nulle part la religion ne vient qu'en seconde ligne, i
Nul n'était mieux préparé que Dubois à la discussion des questions
religieuses par son origine bretonne et provinciale et par les tendances
naturelles de son esprit. Son enfance avait été élevée dans une province
profondément pieuse. Il sentait combien la dévotion de 1826 était loin
de R la religion qui nous fut enseignée par nos mères et par nos pas-
teurs revenus de l'exil. Les prêtres de l'empire*, tout en rendant à
César plus qu'il n'appartenait à César, avaient du moins élevé notre
enfance dans des pensées chrétiennes ; ils ne nous façonnaient pas à
cette piété théâtrale qui meurt aussitôt après la représentation et qui
ne laisse qu'un amer dédain après un fol enthousiasme. Quelque chose
de grave et de sérieux nous est resté dans Tàme; et même émancipés
de sa tutelle, la foi de nos jeunes années est chère à nos souvenirs >
(I, 154). Dubois rendait justice au clergé de la Restauration. Il trouvait
(I, 66) qu'on était « beaucoup trop disposé à accuser les prêtres de
mauvaise foi. Les esprits forts ne peuvent-ils donc concevoir qu'on
croie ce qu'ils ne croient pas ? Il s'en faut cependant qu'ils aient donné
à leurs objections contre le christianisme cette évidence entraînante
qui ne laisse plus de place au doute; et quand même ils y parvien-
draient, il resterait au moins permis de se tromper. Malgré la faveur
que plusieurs circonstances promettent à l'état ecclésiastique, nos
mœurs répugnent tellement à cette profession qu'elle n'est pas commu-
nément embrassée, surtout dans les classes de la société qui ont reçu
de 1 éducation... Ardent sur des intérêts qu'il prend pour des devoirs,
le clei^ est peut-être tiède sur le dogme, mais il est croj-ant; sa con-
duite le prouve, elle est encore régulière ; ses mœurs sont encore pures :
le malheur est qu'il manque de lumières et d'élévation. La littérature
ecclésiastique en fait foi : quelle déplorable absence de talent, d'esprit,
d'instruction! A l'exception de M. l'abbé de La Mennais, dont l'exces-
sive orthodoxie a produit une espèce de schisme, où irouverez-vous
ailleurs des esprits plus communs et plus superficiels? Aucun bon livre
1 . Ce que Dubois dit (I. 145) du recrutefuent du clergé de Fempire est curieux :
t Où se recrute U milice sacerdotale dispersée, détruite par l'orage ? Dans les
derniers rangs de la société. Ce sont des fils de paysans que la peur de la mort
et le défaut d'ambition précipitent dans un état dont ils ne conçoivent ni U
dignité ni la haute mission. Quelles études^ les y prépaient ? une ou deux années
d'instruction kiàtive, la lecture du bréviaire et leur catéchisme à peine expUqfué.
Véritables conscrits armés en courant, ils revéient Tèlote sacrée ; et le premier
peuple du monde reçoit, pour lui enseigner ses deroirs et sa morale^ des komme»
à peine capables de se conduire eui-mémes. »
VACUBROT : FaiGMB.TTS LITTERAIRES DR P. F. DOBOIS. 473
de morale, aucun traité de théologie, aucune recherche philosophique
de quelque mérite n'est sortie depuis bien longtemps des mains d'un
prêtre. On a cité quelques sermons; mais aucun jusqu'ici n'a pu sup-
porter répreuve de l'impression. L'Église de France est tombée dans
une telle pénurie d'écrivains , qu'elle en est venue à saluer comme un
de ses défenseurs, presque comme un père do l'Église, l'illustre auteur
(TAtala et des Martyrs. » Dubois discernait d'ailleurs très bien le
caractère de nouveauté des doctrines de De Maistre, La Mennais et
de leur école; il voyait (I, iOO) que « les de Maistre et les La Mennais
bouleversaient toutes les idées qu'on se faisait jadis en France du
catholicisme... » c C'est un nouveau catholicisme », dit-il ailleurs (I,
102), d qui aspire à gouverner le xix* siècle, ou plutôt c'est le xix* s.
qui se fait voir dans le catholicisme, comme tous les siècles s'y sont
introduits successivement avec leur savoir ou leur ignorance, avec
leurs vertus ou leurs vices et leurs diverses inclinations politiques. »
11 prévoyait l'avenir qui attendait le néo-catholicisme; il écrivait le
12 février 1825 (I, 61) : « La guerre pour nous n'est pas à faire sur le
terrain de la politique et de nos chambres législatives, où deux géné-
rations presque épuisées sont en présence : une milice tout aussi vive
que nous sort des séminaires et des associations mystiques avec les
livres de la Législation primitive, du Pape et de V Indifférence, pour évan-
gile et pour code; elle infecte de ses doctrines nos collèges et nos écoles
élémentaires et cherche à faire germer son fanatisme dans le cœur de
l'enfance. Encore deux ou trois ans, nous posséderons tous dans la
société droits et rang. >
Il appréciait avec exactitude l'état des esprits en ce qui touchait la
religion (I, 102) : • Si le siècle repousse les opinions du siècle dernier,
il n'a point d'affection pour ce qui est plus vieux encore; il doute, et
dans le doute, sa religion est la liberté; parce que c'est le seul dogme
qui permette à chacun de 8ui\Te ce qui lui plaît aujourd'hui, de le
rejeter demain. » Il repré.<;entait combien les conditions de la propaga-
tion des idées étaient changées (I, 165) : c Une arme à l'épreuve des
condamnations et des mesures de la loi est aujourd'hui entre les mains
de toutes les sectes : la presse vient, dans le sanctuaire le plus sacré
des familles, apporter des doutes, des systèmes ; elle fait, elle fera,
quoi qu'on essaie, à toutes les heures de la journée, ce que la prédica-
tion des religieux et des philosophes pouvait à peine faire à de longs
inter>'allcs. Du fond de son cabinet un homme communique avec des
millions d'hommes; et tous voulez une foi commune! vous ne sentez
pas que tout au plus il vous reste la puissance de graduer les transi-
tions de la domination d'une croyance à la liberté de toutes! »
De cet état de choses Dubois tirait hardiment la conséquence, c'est
que (I, 98) c ce qu'il importe d'enseiguér à la France, ce n'est point un
dogme, une forme religieuse quelconque... C'est de lui apprendre le
respect de tous les dogmes et de toutes les formes ; c'est de constater le
droit qu'ont toutes les croyances, négatives ou positives, de vivre
474 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
ensemble et égales sous la protection de la même loi. Réclamer, comme
le font quelques journaux, l'exécution des arrêts parlementaires contre
les Jésuites, c'est se rendre coupable de jésuitisme. » Cette liberté, il
la voulait entière (I, 336) : c la liberté des cultes entraine nécessai-
rement la liberté de ne professer aucun culte. » (II, 144) : c Pourvu
qu'il n'y ait pas provocation directe à la révolte, à la destruction de
Tordre établi, ou atteinte aux mœurs, les doctrines du jésuitisme ne
peuvent pas plus être condamnées que les systèmes d'Helvétius et
de Spinosa, de Cabanis et des physiologistes modernes, du socinien ou
du déiste pur. »
Dubois n'entendait pas d'ailleurs que les jésuites fussent soustraits à
la loi commune. Quand ils se plaignaient des ordonnances de 1828 sur
les petits séminaires et les écoles secondaires ecclésiastiques, et récla-
maient la liberté d'enseignement contre le monopole universitaire,
Dubois leur rappelait (II, 157) les persécutions infligées à TUniversité,
c quatorze ans de dénonciations, d'intrigues tour à tour patelines ou
violentes, de corruption des doctrines et de destruction des méthodes.
D'abord tous les anciens recteurs d'Académie chassés, presque tous
remplacés par des prêtres ; les trois quarts des provisorats de collèges
royaux, toutes les principautés de collèges communaux, occupés par
des prêtres ; tous les professeurs indépendants, ou non, afâhés aux con-
grégations, chassés de leurs chaires; l'École normale détruite; ses
élèves poursuivis dans toutes les directions ; le haut enseignement de
la capitale éteint ; toutes les facultés des lettres et des sciences dans les
provinces, ou fermées ou réduites à des leçons insignifiantes ; les chaires
d'histoire supprimées; l'enseignement de la philosophie ramené à une
théologie en latin barbare; les élections du Collège de France violen-
tées ou foulées aux pieds avec mépris; l'École de médecine désorga-
nisée et recomposée selon le vœu de la faction; enfin l'instruction
primaire partout étouffée, ou livrée aux ignorantins ; ajoutez la dilapi-
dation des fonds universitaires, le scandale de pensions accordées à des
hommes étourdiment placés , et que le désordre de leur administration
forçait à chasser; la demi-solde de deux ou trois professeurs sans
emploi autour d'une chaire; la multiplication des sinécures du Conseil
royal, pour y faire entrer des ecclésiastiques; enfin la dispensation
arbitraire de l'impôt en faveur des établissements des Jésuites, et par
conséquent l'épuisement des ressources des collèges royaux; voilà ce
que nous avons vu pendant quatorze ans. • Dubois n'en combattait pas
moins comme inutile et comme inconstitutionnelle (II, 259) la
mesure qui imposait à tous les membres du corps enseignant, prêtres
et laïques, le serment de non-affiliation à une corporation religieuse
non reconnue.
Les éditeurs, ne pouvant distinguer avec certitude ce qui appartenait
à Dubois dans lo journal devenu quotidien, n'ont extrait que l'article
inséré le 15 février 1830, sous le titre : la France et les Bourbons, qui fit
condamner lautcur par le tribunal de police correctionnelle (6* chambre)
BOBB&T : IXTEHTIIRB DBS BIBLIOTHÈQUES DE PBiFfCE. 475
à quatre mois d'emprisonnement et 2,000 fr. d'amende. Le gouverne-
ment vit une menace plutôt qu'un avertissement loyal dans ce tableau
rapide, où l'histoire de la Restauration est retracée à grands traits et en
traits saisissants de vérité. Toute la polémique de Dubois est déjà de
l'histoire, et montre avec évidence que, s'il faut être contemporain des
faits pour bien les connaître, il n'est pas nécessaire d'appartenir à la
postérité pour les bien juger. Le temps ne donne pas l'impartialité à
qui la nature l'a refusée.
Invaiitaire sommaire des mannscrits des bibliothèqaas de
France dont les eatalogaes n^ont pas été imprimés, publié
par Ulysse Robebt. Premier fascicule : Agen, Aire, Aix, Ajaccio,
Alençon, Alger, Arbois, Argentan, Arles, Arsenal (Paris). A Paris,
chez Picard, libraire. 4879. xxxvi et 428 p. in-8''.
L'utilité de la publication entreprise par M. Ulysse Robert n'a pas
besoin d'être démontrée, elle est, on peut le dire, criante. Donner des
inventaires sommaires, exacts et complets, des richesses manuscrites
dispersées sur le sol de la France et de ses colonies, dont aucun cata-
logue n'a encore signalé l'importance ou même constaté l'existence,
n'est-ce pas le meilleur service que puisse rendre à la science un érudit
voué aux études bibliographiques ? A ceux qui en douteraient nous
n'avons qu'à recommander la lecture des pages préliminaires du livre
que nous annonçons : les faits fort tristes qui y sont révélés leur
démontreront l'urgence d'une telle entreprise; car il faut bien l'a vouer,
il ne s'agit pas ici seulement de mettre à la portée de tous la descrip-
tion de grandes collections de documents historiques et littéraires, il
s'agit, hélas! avant tout de préserver, en les révélant, des trésors
exposés tous les jours à la rapacité ou à Tincurie de beaucoup d'admi-
nistrations municipales.
A plusieurs reprises, et dès l'année 1834, le ministère de l'Instruction
publique s'est occupé d'assurer la bonne conservation des manuscrits
existant dans les villes des départements en réclamant des bibliothé-
caires les inventaires de leurs dépôts, t Sauf quelques exceptions, fort
regrettables, nous dit M. Robert, parce qu'elles portent sur des fonds
très importants, les instructions ministérielles ont été rigoureusement
exécutées ; il a été envoyé au ministère de l'Instruction publique une
collection considérable de catalogues d'imprimés et de manuscrits qui
témoignent du dévouement et du zèle des conservateurs des biblio-
thèques. •
Malheureusement l'administration n'a pas su tirer le parti qu'il fal-
lait des matériaux qui lui avaient été remis, c Pour des raisons diverses
que nous n'avons pas à apprécier, continue M. Robert, les catalogues
de manuscrits n'ont pas été publiés, de sorte que les mesures si intel-
476 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
iigentes qui avaient été prises pour mettre les collections manuscrites
à Tabri de spoliations coupables, sont demeurées tout à fait inefficaces.
Aussi a-t-on pu voir des bibliothèques dilapidées avec autant d'audace
que d'impunité. A Gluny, par exemple, après les prélèvements faits au
moment de la Révolution au profit d'autres bibliothèques, il restait
encore 295 manuscrits, comme on peut en juger par l'inventaire dressé
le l<w fructidor an IX. Lorsque Buchon fut chargé d'inspecter les biblio-
thèques de l'est et du centre, vers 1830, le nombre de ces manuscrits
devait déjà avoir diminué et n'être pas supérieur à 250. La bibliothèque
et les archives de l'ancienne abbaye étaient pillées en détail par les
élèves et les professeurs du collège établi dans les bâtiments conven-
tuels. On cite entre autres un professeur qui faisait en grand le com-
merce de la librairie et qui se créa, en vendant des livres et des manus-
crits, une véritable aisance I Des ventes de livres provenant de la
bibliothèque se faisaient par les soins de l'administration municipale,
et il ne se trouvait personne pour protester contre de pareils abus !
Aussi un état publié dans le Journal de VInstruction publique du
15 novembre 1854 ne donne-t-il plus à Gluny que 132 manuscrits.
c A Castres, il reste deux manuscrits; au commencement de ce siècle,
il y en avait plus de cent. Ce qui est arrivé à Cluny et à Castres a pu
arriver ailleurs, dans des proportions moins vastes sans doute ; mais
ces détournements, qui n'ont même pas été faits au profit d'autres
bibliothèques publiques, eussent pu être facilement évités, s'il eût été
dressé et publié une simple liste sommaire des manuscrits existant
dans chaque bibliothèque dont il n'y a pas de catalogue imprimé. Ce
que l'administration aurait dû faire alors, à défaut des municipalités à
qui incombe réellement cette obligation, nous estimons qu'il est urgent
de l'entreprendre pour empêcher, autant que possible, le retour de
pareilles .déprédations. >
M. Robert, qui a pu disposer des archives du ministère et qui a
obtenu de divers bibliothécaires et érudits d'utiles communications,
nous offre dans ce premier fascicule les inventaires des bibliothèques
suivantes : Agen (21 numéros ; communication de M. Tholin, archi-
viste de Lot-et-Garonne) ; Aire (4 numéros) ; Aix (972 numéros; ; Ajac-
cio (145 numéros; communication de M. Touranjon, bibliothécaire);
Alençon (177 numéros ; beaucoup de manuscrits anciens : communica-
tions de M. Daulne et L. Delisle) ; Alger (1446 numéros, en arabe :
communication de M. Maupas, conservateur-adjoint de la bibliothèque-
musée d'Alger) ; Arbois (35 numéros : communication de M. Jacque-
nod, conservateur de la bibliothèque) ; Argentan (1 numéro) ; Arles
(105 manuscrits : communication de M. Gibert) ; Arsenal de Paris. Ce
dernier inventaire, qui occupe ici les pp. 66 à 128, c'est-à-dire la moi-
tié environ du fascicule, n'est pas encore terminé : nous nous réservons
d'en parler plus tard, mais nous ne pouvons moins faire que de trans-
crire ici une note annexée au présent fascicule et qui vise les mentions
ROBERT : IIYTEIfTAIRB DBS BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE. 477
manque, qu'il a fallu inscrire en regard de bien des numéros de cet
inventaire :
c La bibliothèque de TArsenal tient rigoureusement note des numé-
ros manquant sur les rayons. Pour ce qui regarde les manuscrits, les
dates approximatives de disparition, généralement anciennes, seront
données dans un état spécial publié dans notre second fascicule à la fin
de cet inventaire, i C'est le cas de dire : avis à qui de droit.
Terminons en félicitant le savant directeur du Cabinet historique de
son utile et courageuse entreprise. Puisse-t-il être soutenu, dans le long
travail qu'il a entrepris, à la fois par la faveur du public érudit et par
le zèie de ses collaborateurs, les bibliothécaires des villes des dépar-
tements !
A. M.-F.
478 EBCUEILS PBRIODIQUBS.
RECUEILS PÉRIODIQUES ET SOCIÉTÉS SAVANTES.
I. — Revue des Questione historiques. !•' octobre. — YroouROux.
L'invasion de Sennachérib et les derniers jours du royaume de Juda. —
Gallery. Origines de l'impôt royal, et des États généraux et provin-
ciaux sous Tancienne monarchie (art. important; suivant l'auteur, il
n'y a pas eu, avant la seconde moitié du xiv* s., d'impôts royaux pro-
prement dits. Au XIII' s., commence à s'introduire l'usage de plus en
plus répandu, de substituer un paiement en argent, dit at^lium, sub^
sidium, exercitus, finacio, ayde de Vost, au service militaire personnel
dû par le seigneur à son vassal; cette indemnité, perçue d'abord à
titre d'amende, Test ensuite, et surtout depuis Philippe III, à titre de
redevance régulièrement levée en temps de guerre. La royauté avait
intérêt à cette substitution, qui lui fournissait, de son côté, l'argent
nécessaire à l'entretien de troupes permanentes, au lieu des contingents
féodaux. Philippe le Bel convoque les premiers États généraux pour
leur faire décider si les seigneurs et villes tenus au service militaire
feraient le service en personne, ou s'ils préféraient payer l'aide de l'ost.
Les États accordent l'aide ; le même fait se représente souvent, après
1302, dans les mêmes circonstances, mais la façon de lever l'aide change
constamment, et ceux qui l'ont accordée se réservent de la lever à leur
façon. Peu à peu ces levées deviennent une charge annuelle, et à partir
de 1360, la royauté réussit à s'en réserver la perception, confiée à ses
propres agents. C'est seulement alors que l'impôt royal prend naissance.
Cette étude approfondie semble en plusieurs points plus spécieuse
qu'exacte ; mais elle mérite d'attirer l'attention des érudits. L'auteur
annonce d'autres études sur cette difficile question de notre ancienne
administration financière). — Duchesne. Le Liber Pontificalis (réponse
aux critiques de M. Waitz dans le Neues Archiv). — R. du Casse. Un
épisode de la campagne de 1813; l'affaire de Kulm (rejette sur Napo-
léon I«' la faute du désastre éprouvé par Vandamme, qui n'a fait
qu'exécuter à la lettre les ordres de l'empereur). — Cherbonneau. Cons-
tantine et ses antiquités. — Courriers anglais et romain.
n. — Le Cabinet historique. Mai-juin. — Morel-Fatio. Lettres
écrites de Madrid, en 1666 et 1667^ par Muret, attaché à l'ambassade
de George d'Aubusson, archevêque d'Embrun (très curieux détails sur
les mœurs espagnoles). — P. Margheqay. Documents sur la justice
criminelle, tirés du chartrier de Thouars, 1486-1549. — Ul. Robert.
Inventaire des armoiries des villes, bourgs, etc. contenues dans l'ar-
EBcrBiLs pi{riodiqdes. 479
morial général de d'Uozier; suite : Lyonnais, Normandie, Orléanais,
Paris, Picardie, Poitou.
III. — Revue des Docomenta historiques. Juin. — Acte de
translation du corps de sainte Hélène, mère de Ck)nstantin, le 7 mai 1410 ;
texte et fac-similé. — Lettre de Bernadotte à Kellermann, du 18 pluv.
an V, 8 mars 1797 (Bernadotte vient d'arriver à l'armée d'Italie; il
écrit : a J'épouze la gloire de l'armée d'Italie; je m'attache à celle de
son jeune général. Je désire qu'il ne soit pas ingrat, car son bonheur
me tient fortement au cœur »). — Lettre de Jean sans Peur, relative à
ses vins de Beaune et de Nuits. — Les bals masqués à Paris en 1834.
IV. — Revue historique nobiliaire. Mai et juin. — Les chevaliers
de Tordre de Saint-Michel. — C«« de Marsy. Les décorations militaires
du musée d'artillerie. — Sandrbt. Une opposition à des lettres patentes
d'anoblissement (n'indique ni le nom de Tanobli, sous prétexte que sa
famille existe encore aujourd'hui, ni la date de l'opposition, ni les
collections d'où sont tirées les pièces publiées. C'est trop de scrupules!)
— LouvBT. Anciennes remarques de la noblesse beauvaisine; fin. —
Samdret. Répertoire généalogique et héraldique ; suite.
V. — Revue celtique. Vol. IV, n» 1. — Vallentin. Les dieux de
la cité des Allobroges, d'après les monuments épigraphiques (très esti-
mable monographie). — Fustel de Ck)ULAMaEs. Ck)mment le druidisme
a disparu (art. important ; montre que le druidisme n'a pas été aboli
par les empereurs en tant que religion; les successeurs d'Auguste n'ont
proscrit que certains rites abominables, comme celui des sacrifices
humains, ou certaines prati(]ues de magie; mais si le druidisme persiste
sous l'Empire romain, il a du moins perdu ce qui faisait sa force véri-
table, c.-à-d. son organisation et sa hiérarchie. Ainsi détruit comme
corps, le druidisme disparut lentement et de lui-même pour faire place
au christianisme). — Comptes-rendus : De Valroger. I^es Celtes et la
Gaule celtique (un des meilleurs ouvrages qui aient été écrits sur les
choses celtiques). — Bulliot et Roidot. La cité gauloise selon l'histoire
et selon les traditions (bon). — Pryce, The ancient british church;
(intéressant, mais incomplètement informé). — Nedelec, Cambria sacra
(sans valeur). — Vallentin. Essai sur les divinités indigètes du Vocon-
tium d'après les monuments épigraphiques (bon).
VI. — Revue critique. N* 33. — Barges. Recherches archéologiques
sur les côtes phéniciennes établies sur le littoral de la Celtoligurie (bon).
— Guillouard. Étude sur les Golliberts (n'étaient pas des serfs, mais
d'anciens serfs alTranchis par le même maître, et pouvant être proprié-
taires du sol, analogues aux « buri • du Domesday book; étude ingé-
nieuse, malgré une connaissance insuffisante du bas-latin). « N* 35.
De Grammont. Histoire du massacre des Turcs à Marseille, en 1620;
(réimpression très soignée d'un imprimé fort rare de 1621 ; forme la 3«
des Plaquettes gontaudaises). z= N« 37. Delattre, Les inscriptions histo-
riques de Ninive et de Babylone (bon). — Lecky. A history of England
480 RECUEILS PERIODIQUES.
in the xvinth cent, (écrit avec conscience et avec talent). — ChérueL
Histoire de France pendant la minorité de Louis XIV (remarqués
intéressantes à propos de cet excellent livre). = N« 38. Fœrster. De fide
Flavii Vegetii Renatii (bon; conclusion sévère pour Végèce). — Napp.
De rébus ab imperatore M. Aurelio Antonino gestis (confus et vide).
= N* 39. C!ommunication de M. d^Arbois de Jubainville sur la Ger-
manie de Tacite (établit que chez les Trévirés la classe dominante était
celtique). =r N* 40. Hillebrand. Zeiten, Vœlker und Menschen; vol. IV
(recueil intéressant d'articles de revue).
YII. — Noavelle Revne historiqae de droit. N* 4. — Théventn.
Contributions à l'histoire du droit germanique (nie l'existence de
« l'acte formel », admis par M. Sohm comme base juridique sur laquelle
repose la théorie de la procédure d'exécution ; explique le mot adhra-
mire, dans les textes mérovingiens et carolingiens, non par c promettre
solennellement t , et en employant la festuca, mais seulement : tirer à soi,
reprendre possession (d'une chose), produire (des témoins, etc.), tous
sens qui excluent Tidée d'une procédure personnelle d'exécution, dernier
vestige qu'on a prétendu reconnaître dans le droit primitif des Francs,
d'une époque où régnait le pur droit de la force). — Klipffbl. Étude
sur le régime municipal gallo-romain, 2« et3« période ; suite.
VIII. — Revne générale dn droit. 4« livr. -— Bonserqbnt. La légis-
lation sur la presse en Angleterre. — Labatut. L'édit des édiles; fin. —
Degourteix. La liberté provisoire et la prison préventive depuis les
origines du droit jusqu'à nos jours; suite. — (Ilomptes-rendus : Hervieu.
Recherches sur les premiers États généraux (bon). — Vacher. Essai
historique sur le Conseil privé ou des parties (brochure assez instruc-
tive).
IX. — Revne philosophiqne. Juillet-oct. 1879. — Baudoin. His-
toire critique de Vanini (excellents articles, qui jettent un jour tout
nouveau sur le personnage si intéressant de Vanini, et sur le mouve-
ment des idées au commencement du xvii« s.).
X . — Revne historiqne et archéologiqne dn Haine. — T. YI,
1" livr. — Kerviler. Le Maine à l'Académie française : François de
la Mothe le Vayer; fin. — Aloufs. Le Mans au mois d'oct. 1562 (publie
un f procès- ver bal d'information faite à la requête d'André Guillart du
Mortier » sur des injures et menaces proférées contre ledit seigneur,
membre du conseil privé du roi, et des vols importants dont il fut la
victime). — L'abbé Froger. Fondation du prieuré du Boulay, dépendant
du monastère d'Étival-en-Chamie. — Bibliographie du Maine pour 1878.
XI. — Revne dn Lyonnais. Août. — Du Puitspelu. Le testament
d'un Lyonnais au xvii» s.; fin. = Sept. M. de Boissieu. Un baptême à
Lyon au xvii« s. — P. de Varax. Notice historique sur la seigneurie de
Montcoy. — Condamin. Histoire du couvent des Minimes de Lyon.
XII. — Revue de Gascogne. Aoùt-sept. — Abbé Ducruc. Les
archiprêtres de Gabarret et de Barbotan. — Laverqne. Les chemins de
RECUEILS PERIODIQUES. 484
Saint-Jacques on Gascogne. — Carsalade du Pont. Trois barons do
Poyanne. I, Bertrand de Poyanno; suite. — T. de L. Trois lettres
inédites de B. d'Échaus, évoque de Bayonne. — Une lettre du vicomte
d*Échaus.
XIII. — Bulletin archéologique de Tarn-et-Garonne. T. VII,
n« 2. — Forkstié-Nevku. Étymologio du nom de Montaultan, et origine
de ses armoiries; les sceaux de l'abbaye de Montauriol et des chapitres
de Montauban. — Barbier de Moxtault. Inventaire du pape Paul IV
en 1559; fin. — Skatelli. Compte-rendu des publications de la section
historique de Tlnstitut grand-ducal du Luxembourg.
XIV. — Revne da Daaptainé. Juillet-août. — J. Roman, (iinq
lettres de Chorier à Guichenon. — Compte-rendu de la quarante-
sixième session du congrès archéologique de France, tenue à Vienne,
du 2 au 8 sept. 1879.
XV. — Revue des Deux-Mondes. 15 août. — Lauoel. Un histo-
rien américain : J. Lothrop Motley. =: l*' sept. Geffroy. L'histoire
monumentale de Rome et la première Renaissance ; les ruines de Rome
pendant le moyen âge; suite le 15 sept. : du soin des édifices à Rome
pendant le xv« s. — A. Leroy-Beauliei-. L'empire des tsars et les
Russes; la réforme judiciaire ; suite. = 15 sept. Maury. I^s assemblées
du clergé en France sous l'ancienne monarchie; suite (expose en détail
les rapports de cette assemblée avec Mazarin pendant la Fronde, surtout
pendant la longue session de 1655 à 1657; l'opposition de rassemblée à
la politique du ministre ne fléchit que devant Tordre formel de
Louis XIV). = l»' oct. C^ucheval-Clariony. Ix)rd Beaconsfield et son
temps ; l'Angleterre après le bill de réforme. — Boissier. Promenades
archéoiogiciues ; suite : les peintures d'Herculanum et de Pompéi. —
Janet. Ixî socialisme au xix* s.; suite : Charles Fourier. — Montéout.
Le maréchal Davoul; sa jeunesse, sa vie privée.
XVI. — Le Correspondant. 25 août. — PiNr.Aun. Un ministre de
Louis XVI : Terrier de Monciel (ministre de l'intérieur pendant trois
semaines, du 18 juin au 9 juillet 179*2, Monciel était un do ces consti-
tutionnels dont la reine Marie- Antoinette découragea lo dévouement.
Émigré après le 10 août, il se réfugia en Angleterre, puis en Suisse;
en 1814 il travailla, auprès du comte d'Artois, » la n'stauration des
Bourbons, mais ne put jamais rentrer aux atTaircs. Il mourut ignon*
en 1831 i. — F'ournel. I^ i»atriote Palloy et les vainqueurs de la Bas-
tille; suite, lin le *25 sept. =: 10 sept. Lacomre. Le comte de Serre;
suite : la loi électorale de 18*20. => *25 août et 10 sept. C<« de BAn.LON.
M« de Montmon»ncy.
XVIL — Revne de France. 15 août. — II. Pey. M. de Bismarck
et ses jugements sur Ihs événements et les hommes de 1870-1871. —
Fr. Le.normant. La monnaie anti(|ue et ses types. = 15 sept. Barbier.
Londres, la corporation de la Cité (intéressant). = 1« oct. L'alliance
ReV. lIlSTOR. XI. *2« FASC. 31
482 RECUEILS PéaiODIQUBS.
austro-française au xvui« s. : les traités du 1^ mai 1756 (montre bien
que ce traité fut le résultat de nécessités d'ordre supérieur ; mais n'in-
siste pas assez sur les concessions faites par la France en cette occasion,
par exemple sur l'abandon déguisé de la Turquie, etc.). — G. Duruy.
Une cause célèbre au xvi« s. : les procès des neveux du pape Paul IV.
(très-intéressant).
XYIII. — Journal des Savants. Août et sept. — F. de Saulcy.
Étude sur la géographie comparée de la rive occidentale du lac de
Génézareth. — Hanotaux. Études sur des maximes d'état et des frag-
ments inédits du cardinal de Richelieu (art. important).
XIX. — Revae chrétienne. 5 sept. — De Richemono. La Rochelle
d'Outremer : Jean Jay, 1745-1829 (J. Jay, celui qui rédigea en 1774 la
fameuse adresse des Américains au peuple anglais, descendait d'une
famille rocheloise chassée de France par Tédit de Nantes. Le petit-lils
de l'ami de Washington est actuellement ambassadeur des États-Unis
à Vienne).
XX. — Le Spectateur militaire. 15 août. — Souvenirs d'un
officier du 5« corps, armée d'Italie, 1859. — Lort-Sérignan. Guil-
laume, m ; suite, voy. aussi 15 sept. = 15 sept. Compte-rendu : Choppin,
Histoire générale des dragons, depuis leur origine jusqu'à r£mpire
(bon).
XXI. — Académie des Sciences morales et politiqaes. Compte-
rendu des séances. 8« et 9* livr. — A. du Chatellier. L'Église pendant
la Révolution ; suite : application de la loi du 12 juillet 1790 sur la
nouvelle organisation du clergé constitutionnel.
XXII. — Académie des inscriptions et belles-lettres. Comptes-
rendus officiels des séances. Avril-juin. — N. de Wailly. Sur un livre
d'heures donné par l'impératrice Marie-Louise à la duchesse de Monte-
bello (imprimé vers 1500 par G. Anabat, imprimeur, pour les Hardouyn,
libraires à Paris ; orné de belles miniatures, et conservé, depuis son
apparition jusqu'à Marie-Louise, dans la maison de Lorraine). — Lettre
de MM. Mariette et Ern. Desjardins, sur deux stèles d*Abydos et une
stèle de Saqqarah nouvellement découvertes. — Delisle. Note sur un
livre d'heures appartenant à M. le Bo» d'Ailly (ayant appartenu à Jean
de Berry; on connaît aujourd'hui 85 vol. de la bibliothèque de ce
prince, qui en comptait environ 300). — Guérin. Sur la topographie de
l'ancienne Tyr. — M>8 d'Hervey de Saint -Denis. Sur une notice
d'Aug. Strindberg concernant les relations de la Suède avec la Chine
et les pays tartares, depuis le milieu du ivii® s. jusqu'à nos jours. =
Séances. Lecture de M. Viollet sur le caractère des coutumes de Tou-
raine-Anjou et d'Orléans au xiii* s., et sur les éléments canoniques,
romains et germaniques, qui ont contribué à la formation de ces cou-
tumes (16 août) ; — de M. de Rozière, sur le gouvernement et la légis-
lation de Théodoric le Grand (22, 29 août); — de M. Delisle, sur trois
REGOEILS P^aiODIQDBS. 483
mss. de la bibl. de Leyde (un psautier de saint Louis; i original do
VUistoria de Guill. de Jumiègcs; l'original du ms. de Paris, lat. 14663).
XXIII. — Bulletin de la Société de Thistoire du protestan-
tisme français. 15 sept. — 0. Doukn. Le ministre Mathiou Malzac, dit
Bastide, Molan et de Lisle. — Discours des choses advenues en la vilh»
de Lyon pendant que M. de Soubise y a commandé (1562-1503). —
Extraits de la gazette de llaarlem sur les persécutions dirigées C4)ntre
les protestants fniuçais de 1679 à ir>85. — Acte de consécration à Dieu,
de Paul Ducros, de Ganges (lA déc. 1757). — Compte-rendu : Lesens.
Histoire de la Reformation à Dieppe, par (ruillaume et Jean DuvaK
depuis les origi nés jus(| n'en 1657 (intéressant; pour lesderuièn's années
dont il fait le récit, le livre, écrit par deux contemporains, a la valeur
d'un document original).
XXIV. — Bolletin de la Société des Antiquaires de Norman-
die. T. IX, l*' fasc. — A. Gasté. Daniel Huet et les échevins de Caen.
— Lb Cointe. De la sépulture de Charles de Dourgueville, sieur de
Bras. — Charma et Noël. Rapports sur les fouilles archéologiques
exécutées au Val-ès-Dunes (on a constaté la présence d'un cimetière
mérovingien non loin du lieu où se livra vrais<'mblal)lement la bataille
mémorable de l'an 1047). — E. de Beaurepaire. De quelques antiquités
récemment signalées en Normandie.
XXV. — Revue des Sociétés savantes. (>• fasc. t. VIII. Sept.-
déc. 1878. — M. Lamothe publie six lettres relatives à l'expédition du
duc de Guise à Naples, et h son emprisonnement en Esjwigne; une de
ces lettres, émanée de Louis X[V, à la date du 6 (►et. 1647, est certai-
nement antidatée (dit M. Chéruel), et cela, pour éviter qu'il fût mis à
mort comme rebelle. — In. Liste des protestants de Nîmes émigrés à la
suite de la révocation de l'édit de Nantes. — M. Tartière. Lettre de
Cori.<uinde d'Andouins, la future maîtresse de Henri de B«'arn, aux
jurats de Saint-Sever, i)our les inviter à assister aux obsèques de son
mari, Philibert de Gramont-Uuiche, f 1580. — M. Finot communique
deux chartes du xiv* s. éman»*es de Jean de Vienne. — J. Desnoyers;
rapport sur une communication de M. 13. de Molandon, relative à un
procès fait à des pourceaux, aux assises tenues par le l>ailli d'Orléans,
le 16 oct. 1368 (cf., même fasc. p. '207, un nipport de M. Jounlain sur
des faits analogues). — .M. Prarond. Note émanant d'un témoin ocu-
laire, qui relate re.xécution, à .\bbeville, l*» juill. 176<», du cheva-
lier de la Barre (« on ne vit sur son visage aucune maripie de crainte,
de n»gret, de douleur, de repentance ni de confusion j»I. — Lastevrib.
Note sur Tépitaphc du duc de Saint-Simon communiqués^ (>ar M. Bus-
tin. — Darcel. Notice archéologique sur le baron de Guilhermy.
XXVI. — Le Temps. — M. Seinguerlet publie dans ce journal
d'intéressants nn^its alsaciens : Strasbourg pendant la Révolution
(n« des li, 21, "23 et 31 août, 7, 13, 20 sept.).
484 tECUBILS PBEIODIQOBS.
XXVII. — Rallie d'Alsace. Juill.-sept. — Ch. Grad. Histoire et
statistique de l'industrie de la laine en Alsace. — Dam. Documents
inédits pour servir à l'histoire de Tancienne seigneurie du Ban de la
Roche. — Rbuss. L'Alsace pendant la Révolution française ; suite. —
Fischer. Le comté de la Petite-Pierre soos la domination palatine;
suite. — Babth. Notes biographiques sur les hommes de la Révolution
à Strasbourg et dans ses environs.
XXVIII. — The Academy. 2 août. — Poley. Records of the english
province of the society of Jésus; vol. V. (ce volume termine dignement
une histoire de la société de Jésus en Angleterre, faite d'après de nom-
breux documents inédits). =. 9 août. I diarii di Marino Sanudo. T. I,
{^ part, (la Revue a déjà appelé lattention sur cette importante publi-
cation). — O'Grady, History of Ireland; the heroic period; vol. I
(insuffisant). = 30 août. Seventh report of the royal commission on
historical mss. (non moins de 22 collections sont décrites dans ce
volume, qui intéresse surtout l'histoire de la guerre civile en Angleterre
au xvn' s.) — RendalL The emperor Julian (excellent). — Louise
Creighton, Life of John Churchill, dukeof Marlborough (bon). = 6 sept.
Morley, Burke (les deux premiers tiers sont excellents ; dans le dernier
on peut relever de nombreuses erreurs). — Gayangos. Galendar of
letters, despatches, etc. preserved in the Archives at Simancas ; vol. IV,
i«* partie, 1529-1530 (une des plus importantes publications de la col-
lection du Maître des rôles). = 27 sept. Bigelow. Placita anglo-norma-
uica; law cases from William I to Richard I (intéressant pour
l'histoire de la jurisprudence en Angleterre sous les rois normands). —
Le testament de sir Thomas Gumberworth du 15 fév. 1401 (v. st.),
publié par M. Peacock (curieux au point de vue des sentiments reli-
gieux qui y sont exprimés, et des détails bibliographiques qu'il fournit).
XXIX. — The Athenœam. 9 août. — Lancey, History of New- York
during the revolutionary War, by Th. Jones (l'auteur de cet ouvrage
remarquable était juge à la cour suprême de New- York; il resta dans
cette ville pendant toute la guerre de l'indépendance, et connut la
plupart des personnages célèbres de l'époque ; ses indications sont sou-
vent neuves et instructives). — Guest. Lectures of the history of England
(inutile). =: 23 août. Mac Donnell. The Ulster civil war of 1641 (réagit
contre les jugements passionnés de M. Froude; montre que la révolte
de rUlster, en 1641, a eu pour cause principale les confiscations de terres
décrétées par la royauté, mais sans insister assez sur cette cause qui
est la seule véritable). — Mackensie. History of the clan Mackensie (esti-
mable). — Vine. English municipal institutions 1835-1879 (contient
d'utiles statistiques). = 6 sept. Caulfield. The council book of the cor-
poration of Youghal 1610-1800 (curieux détails sur les événements de
1641). = Hcndcrson. The Annals of Dunfermline 1069-1878 (recherches
consciencieuses). = 20 sept. La chronique anglo-saxonne = 27 sept.
RECUErtS PERIODIQUES. 485
Brown. The annals of Newark-upon-Trent (insuffisant). — DanielL Tho
history ofWarminster (estimable). =4 oct. Schwabe. Richard Cobdon;
notes sur ses voyages; correspondances et souvenirs (intéressant).
XXX. — The fortnightly Review. !•' oct. — White. Le gouver-
nement parlementaire en Amérique. — Dicey. Antonio Scialoja (brève
étude sur ce patriote italien, mort récemment, d'après sa biographie
par 8. de Gesare).
XXXI. — The nineteenth Gentnry. Oct. — Hillbbrand. Lettres
familières sur l'Angleterre contemporaine. — "Wilso.n. Lucrezia Borgia
(refait le procès de Lucrèce, et la condamne énergiquement).
XXXII. — Macmillan's Mafi^asine. Oct. — Seeley. Histoire et
politique (s'élève très justement contre l'immixtion de la politique dans
l'histoire, comme chez Macaulay, par e.xpmple, et s'efforce de faire com-
prendre • comment l'étude sérieuse de l'histoire peut modifier nos
opinions préconçues sur le-s événements et les hommes de notre pays »).
XXXIII. — Forschnngen sur deatschen Gfreschichte. Vol. XIX,
3* fasc. — Krebs. Le comte Georges- Frédéric de Ilohenlohe et la bataille
de la Montagne-Blanche près de Prague. — Miiller. Étude sur quelques
sources du xrv* s. (montre que VAnonytnus Leobiensis, la chronique de
Henri de Hervord , le chronicon Sampetrinum , Werner de Liège et la
Vita VI Benedxcti XII, ont mis à profit une source commune, aujourd*hui
penlue, qui était une histoire des papes jusqu'à Benoît XII. lia chro-
nique de Henri de Hervord et le chron. Sampet. sont les sources de la
Chronographia swnmorum pontificum de Gonrad de Halberstadt, d'où
procèdent à son tour les vies des pa])es de Pierre de Herentals). —
WiNTER. De la part prise par Strasbourg à la lutte entre Adolphe de
Nassau et Albert d'Autriche (montre qu'aussitôt après la mort de
Rodolphe de Habsbourg, Strasbourg entretint avec Albert d'Aulriclie
une alliance secrète, et qu'elle l'aida de tout son pouvoir à conquérir la
couronne impériale). — Hegel. Les comtes de Rieneck et de Ixk>z
comme burgraves de Mayence, aux xn« et xiii* s. — Kr.\use. I^ chroni-
queur Matthias i)œring 1420-1464 (ce Matthias fut immatriculé, honoris
causa, sur les registres de l'Université de Rostock, le 20 oct. 1434). —
Id. Dietrich de Niem, Gonrad de Vechta, Gonrad de Soltau, évé<|ues do
Verden, 1395-1407. — Pannenboro. I-ies vers dans Vllistoria Constantin
nopolilana et le poète du Ligurinus (propose diverses corrections aux
vers de l'Historia, et insiste sur l'identiu'^ du poète du Ligurinus avec
magister Guntherus Elnonensis, identitt' autrefois comlmttue par M. G.
Paris). — Wbiland. Le Pactum de Henri [I avec Benoit VIII, en 1020
(ajoute une preuve de plus à son authenticité). — Jastrow. Les esclaves
considérés comme une propriété et comme capables d'être propriétaires,
d'après les coutumiers germaniques.
XXXIV. — ZeiUchHIt fUr KirehenffeMhlchte. T. HL 3' livr. —
486 RECUEILS PÉRIODIQUES.
Gass. Contribution à la symbolique de rÉglise grecque. — Ad. Hârnack,
Le fragment de Muratori et l'origine d'une collection d'écrits aposto-
liques catholiques. — Th. Zindner. Le pape Urbain VI (!«• article). —
Max Lenz. Zwingli et le landgrave Philippe. — Victor Schultzb. Revue
critique des travaux relatifs à l'archéologie religieuse publiés dans les
années 1875-1878 (dernier article). — Analectes. Druffel. Remarques
nouvelles sur le moine augustin Jean Hoffmeister. — Brieger. Maté-
riaux pour la correspondance de Gontarini pendant sa légation en Alle-
magne d'après les Monumenti de Beccadelli.
XXXV. — Jenaer Literatorzeitung. N* 34. — Fernandez-
Guerra. Arquelogîa cristiana (publie une inscription du v« s. décou-
verte près de Loja). — Id, Nuevos descubrimientos en epigrafîa y anti-
guëdades (bon). = N* 35. Detlefsen, Varro, Agrippa und Augustus, als
Quellen des Plinius (bonne étude sur les sources des données géogra-
phiques qui se trouvent dans Pline). — Schweder. Beitraege zur
Kritikd. Ghronographie d. Augustus, 2« part. (mauvais).=N'» 37. Herzog,
Abriss d. gesammten Kirchengeschichte in 3Theilen, 2« part. (bon). —
MûLLKR. Der Kampf Ludwigs d. Baiern mitd. rœmischen Gurie. Vol. I
(œuvre d'érudition pure; très instructif). = N« 38. Simonsfeld. Vene-
tianische Studien. Vol. I. Das Ghronicon Altinat« (la première et la
plus considérable partie de cette chronique a été rédigée au x* s.; détails
inédits sur le congrèsde Venise en 1177). =N<> 39. Duncker. Geschichte
d. Alterthums. Vol. I et II (5® édition, très augmentée; cet excellent
ouvraige est ainsi tout à fait au courant de la science).
XXXVI. — Gœttingische gelehrte Anzeigen. N* 32.— Hillebrand.
Geschichte Frankreichs. II : 1837-1848 (annonce pour paraître très pro-
chainement le 3® vol., depuis le 24 fév. jusqu'au 2 déc). — Lôher.
Geschichte des Kampfes um Paderborn 1597-1604 (bonne étude sur
l'époque de la contre-réformation). — Kleinschmidt. Jacob III Markgraf
zu Baden und Hochberg, der erste regierende Convertit in Deutschland
(étude consciencieuse, faite d'après les sources; style déclamatoire). —
Wolf. Geschichtliche Bilder aus OEsterreich. I, 1526-1648 (intéressant).
— Sauer. Das Leben des Arnold Greveld, Priors zu Marienkamp, bei
Esens (texte intéressant pour l'histoire de la Frise orientale dans la
première moitié du xv« s.; mais publié d'une façon très incorrecte).
XXXVII. — Nachrichten von d. k. Gesellschaft d. VTissens.
zu Gœttingen. — Pauli. Ecclésiastiques allemands en Angleterre
au x« et au xi« s.
XXXVIU. — Deutsche Rundschaa. Oct. — H. von Sybel. L'an-
cien régime et la Révolution en France (fait un grand éloge des 2 vol.
de M. Taine sur les origines de la France contemporaine; constate avec
satisfaction que plusieurs des conclusions auxquelles il était arrivé
auparavant se retrouvent dans ces vol.). — Contributions à l'histoire de
la dernière insurrection polonaise. — Kapp. Les gazettes publiées à
Berlin au siècle dernier.
RECrEILS Pl^aiODIQUES. 487
XXXIX. — Hermès. Vol. XIX ; fasc. 3. — J. Schmidt. Los Evocati
(expose en détail Thistoire do cette institution militaire. II n'y a pas
de différence essentielle entre les evocati de la république et de l'em-
pire ; les premiers, qui étaient toujours maintenus dans leur corf)s ; les
seconds qui, après avoir obtenu la 7/u'wio, rentraient dans l'armée.
Depuis Auguste, la qualité iVevocatus est un privilège réservé aux pré-
toriens, étendu rarement aux emcriti des légions, et jamais aux
troupes auxiliaires. Sous l'empire, les rvocati ne furent i)as réunis
en sections indépendantes, mais ils furent individuellement mêlés
aux soldats plus jeunes comme vice-centurions). — II. IIaupt. Nou-
velles contributions sur les fragments de Dion Gassius (rejette les
passages apocryphes et indique des fragments nouveaux dans Tzetzès ;
étude des sources de Zonaras). — Hihsciifeld. Les ancêtn»s de Milhri-
datc de Pergame (étaient, ainsi qu'il résulte d'une inscription de Les-
hos, tétrarques du peuple des Trocmi).
XL. — PhUologas. Vol. XXXVIII ; fasc. 3, 1879 (Gœttingue). —
Ahrk.ns. L'inscription d'Olympie n« 111 (explication détaillée». — G.
F. Unukr. Les archontes attiques des ol. 119, A à 1*23, \ (recherches
chronologiques très approfondies sur Tordre dans lequel étaient faites
les intercalations dans le calendrier attique, et sur la détermination de
l'époque où régnèrent les successeurs d'Alexandn» le (irand en Macé-
doine et en Thessalie). — IlERnsT. Revue des livres et mémoires relatifs
à Thucydide (jui ont paru dans ces dix dernières années.
XLL— Neae Jahrbûcher f. Philologie u. Paedagogik. Vol. G\IX,
fasc. 5 et 6, 1879 (Leipzig). — Roscher. Sur l'usage du XMr.jia (le syn-
thema, en latin te.ssera, signum, correspondait assez exactement au
mot d'ordre du moyen âge ; presque toujours on choisissait pour cela
des noms de divinités ; liste des synthemata que l'on connaît). —
JuNOHAHN. Études sur Thucydide (l'auteur montre, en s'appuyant sur
l'étude de la langue, que l'ouvrage de Thucydide a subi un rema-
niement postérieur). — Peter. De ({uelques écrivains du nom de Pol-
lion (l* Asinius Pollio Romanus ; 2« Asinius Pollio Trallianus;
3*» Valerius Pollio Alexandrinus, contemporain d'Adrien ; i* Pollio
grammatirus Latinus, contemporain de Marc-Aurèle ; .V Asinius Pollio,
contemiM)rain de saint Jérôme).
XLII. — Jahresbericbt Ober d. Fortscbritte d. dass. Alter-
tbomswissenschalt. 1G« année (1878), fasc. (^-9, vol. XV. — Lir-
8IUS. Revue des travaux relatifs aux antiquités grecques pour les années
1874-1877 (parle entre autres des ouvrages suivants : Ikloch. Sulla cos-
tituzioue p<.ditica dell' Elide ; l>on travail publié dans la Hivista di iilo-
logia; — divers travaux sur les Ephètes et l'an'mpage, de Philippin
Schamann^ Forchhammer ; — Se^liger et Zurbanj^ der Ostrakismos des
liyperbolos; — Schirll^ de extraonlinariis quibusilam magistratihus
Atheniensium ; bon. — Haf/lrr^ de nomothesia attica ; mémoire d'un
débutant inexpiTi mente. — Thalheim^ Frxnkcl, Snixfer, zur Dokima-
488 RECUEILS PERIODIQUES.
sie der attischen Beamten ; etc.). — Voigt. Revue des travaux relatifs
aux antiquités privées et sacrées des Romains pendant les années 1877
et 1878 (cite avec éloges : Cipolla^ dei prischi Latini e dei loro usi e
costumi. — Labatut. Les funérailles chez les Romains. — Nissen. Pom-
pejanische Studien zur Staedtekunde des Alterthums. — Lord Acton.
Histoire de la liberté dans l'antiquité et le christianisme, etc.). — Jor-
dan. Revue des publications les plus récentes relatives à la topographie
de Rome. — Schiller. Revue des travaux relatifs à l'histoire et à la
chronologie romaine de 1876 à 1878. Un grand nombre des travaux
analysés dans ces revues ont paru sous forme d'articles dans divers
recueils, et il serait souvent difficile d'en connaître l'existence si Ton
n'avait ce guide abondant et bien informé.
XLIU. — Berichte flber d. Verhandlongen d. k. Saachs. Gesell-
schaft d. 'Wissens. (Leipzig). Vol. XXX, 1878. — Hirschfeld.
Étude topographique sur la ville du Pirée. — Zarncke. Sur deux nou-
velles rédactions latines de la lettre du prêtre Jean ; suite (la traduc-
tion anglaise de la lettre a pour fondement le texte du ms. de Hildes-
heim ; publie la version anglaise). — Voiot. De la Clientèle et de la
Libertinilé chez les Romains (à l'origine, les libertini sont deve-
nus des clients; la séparation des deux classes s'est faite plus tard.
Le patronat a son origine dans cette ancienne clientèle, quoique
aussitôt le nom de client, appliqué dans ce sens, ait disparu et que
les devoirs de ces nouveaux patrons ou affranchis aient éprouvé
des modifications essentielles. Sous les nouveaux clients, se cache
le parasitisme des Grecs transplanté à Rome. Pour cette division de
la clientèle en deux institutions juridiques différentes, le moment
décisif arriva où les petits-fils des manumissi et leurs descendants
furent déliés de la clientèle). — Ebert. Petites contributions à l'his-
toire de la littérature carolingienne (1* Théodulf; Î^Théodulf et Raban
Maur; 3<» Walahfrid Strabo).
XLIV. — Monatsschrift f. d. Gesch. 'Westdentschlands ; pub.
p. PicK (Trêves), 1879 ; fasc. 3-5. — Schneider. Routes militaires des
Romains entre l'Yssel et la Ruhr (avec une carte). — K. von VErrH.
Les combats de Labiénus contre les Trévires, 54-53 av. J.-C. (histoire
des Trévires. A la fin de l'automne de 54, Labiénus établit des quar-
tiers d'hiver près de la Semois et, dans les premiers jours de 53,
près d'Arlon ; la même année, en mai, il livra bataille aux Trévires
près de l'Alzette, dans le voisinage immédiat de Luxembourg). —
Christ. Noms de peuples allemands (les Nervii de l'ancienne Gaule
étaient de race germanique, et venaient de la péninsule cimbrique.
Étymologie du nom). — Schneider. La guette de Schwienumshof (les
postes fortifiés par les Romains sur la frontière tout le long du Rhin
furent en partie confiés à des propriétaires germains, dont les maisons
et les enclos se trouvent en grand nombre dans le voisinage de ces for-
tifications). — Hirschfeld. Histoire et topographie du Rhin et de ses
RBCDBILS PERIODIQUES. 489
rives de Mayence juRqu*en Hollande. (A Tépoque romaine et aupara-
vant, le niveau du fleuve était beaucoup plus bas qu'aujourd'hui,
comme le prouvent les vestiges de châteaux, de conduits, de pierres
milliaires, etc., trouvés dans le lit actuel du Rhin. A la même époque,
ce qu'on appelle le Binger Loch, ou tourbillon de Bingen, était infran-
chissable.) — PoHL. Le Rhin en 1697 ; histoire et politique (parle des
négociations qui ont précédé la paix de Ryswick, d'après les relations
originales, jusqu'ici inconnues, de P. Zimmermann, amba.ssadeur de
l'évoque de llildesheim). — Christ. Le Liigenfeld (champ du Mensonge)
en Alsace (ce nom ne vient pas de la défection et de l'apostasie des hls
de Louis le Pieux, mais il dérive d'un ruisseau ((ui coule non loin de
là, le Logelbach). — Sauer. Documents relatifs à l'histoire de l'insur-
rection de Munster en 1534 (extraits des archives d'Idstein). — Rap-
ports sur les fouilles, découvertes de monnaies, etc., dans la forêt de
Teutobourg, près de Dûsseldorf, Cologne et Aix-la-Chapelle.
XLV. — Archiv fur OBstarreichiscbe Geschichta. Vol. LVill,
lr« partie, 1879 (Vienne). — Von Zeissberq. I^ lutte pour la succes-
sion autrichienne après la mort de Ladislas le IV)sthume (l'imiiortance
de cette lutte consistait surtout en ceci que pour la première fois on
brisait l'unité des domaines autrichiens, considérés jusqu'alors, dans
leur intégrité, comme un fief d'empire. Les états obser>'èrent dans
cette circonstance une conduite très prudente, mais dangereuse, et
cherchèrent à empêcher la division du pays. L'auteur a mis largement
à profit le c Copeybuch • de Vienne qu'il signale comme la source la
plus importante pour les événements racontés par lui). — Zwiedimeck-
SuDENHORST. Lcs ambassades d'obédience des empereurs d'Allemagne
à la cour de Rome aux xvi* et xvii* s. |à l'occasion des « legationes
obedientiae d envoyées au pape par Ferdinand I et Maximilion II, les
ambassadeurs impériaux prétendirent avec opiniâtreté que remi)ereur
n'était pas tenu d'accorder au pape une obéissance absolue, et que
l'empereur n'avait pas besoin de la « huila confirmationis v jusque-là
en usage. Léopold I négligea le premier d'envoyer ces ambassadeurs
extraordinaires, et fut imité en cela par ses succt»sseurs, qui donnèrent
leurs instructions en conséquence à leurs aml)a.<isadeurs réguliers à
Rome). — Zeissberq. Fragments d'un nécrologe du monastère de Reun
en Styrie. =: 2' partie. Hblfert. Témoignages relatifs à Marie-Caro-
line, reine de Naples (d'après des sources inédites ; traite de la période
17G8-1790, en insistant sur les rapports de l'Espagne avec la cour napo-
litaine). — STEINWE.NTER. Ctmtributious à l'histoire des lAH)poldins
(traite de l'histoire d'Ernest, le duc de fer, né en 1377; trace les rap-
ports de l'Autriche avec le Frioul, Venise, et l'empereur Sigismond.
En lUl, Ladislas Jagellon ménage une tnWe entre Ernest et Sigis-
mond ; une réconciliation finale s'ensuivit en 1113).
XLVI. — Mlttheilvnipeii d. Vereins f. Gesob. d. Deatocban in
Bohmen. 17» année (1879), n^ 3. — Kaufmax.n. — L'élection de Sigis-
490 RECUEILS PERIODIQUES.
mond de Hongrie comme roi des Romains. II (l'idée de soumettre Sigis-
mond à une seconde élection, en 1411, avait été proposée par les arche-
vêques de Mayence et de Cologne qui cherchèrent à gagner aussi Wen-
ceslas en faveur de son frère. Sigismond s'opposa à ce projet et tint la
première élection pour valable ; il ne consentit qu'avec peine, et à la
dernière extrémité, à faire renouveler Tacte d'élection). — H. von Wiese.
Les juges libres du comté de Glatz (ils descendent des anciens juges
qui, au xiii« s., furent mis en Silésie à la tête des colonies allemandes
nouvellement fondées ; lorsque ces juges se furent dispensés d'exercer
en personne leur office, ce qui arriva bientôt, ils réussirent à conserver
leur liberté contre toutes les attaques, et à se qualifier d'hommes libres
sur leurs « terres de juges ». Recherches approfondies sur la germani-
sation de la Silésie). — Kittel. Eger dans la seconde partie du xvii« s.
— LosERTH. La nationalité de Charles IV (c'était un Allemand par
l'éducation et la langue, non un Tchèque). = N* 4. Goehlert. La
population de la Bohême depuis un siècle (nombreuses tables statis-
tiques). — Hasse. L'émigration des évangéliques de Bohême en Saxe
(d'après des actes de 1666 et 1667). — Bisghoff. Les premiers seigneurs
de Schwanberg. — Stocklobw. Les propriétaires de francs-alleux en
Bohème (ils n'appartenaient à aucune classe, et relevaient directement
du roi. En 1630, Ferdinand II mit sous la surveillance du fisc royal
les propriétaires de francs-alleux contre qui sévissait, depuis 1620, une
persécution générale de la part de la noblesse).
XLVII. — Archivio storico italiano. 1879, 4* fasc. — Minieri-
Riccio. Le règne de Charles d'Anjou ; suite, du l** janv. au 21 oct.
1281. — Saltini. D'une visite que François Ide Médicis, encore enfant,
fit à Gênes à Philippe d'Espagne, fils de Charles-Quint. — Bazzoni.
Correspondance de l'abbé Galiani avec le marquis Tannucci ; suite, du
27 juin au 8 août 1768. — Banchi. Piccinino dans l'état de Sienne et
la ligue italienne, 1455-1456. — Reumont. La bibliothèque de Gorvin
(histoire de la formation, de la dispersion et de la reconstitution par-
tielle de cette célèbre collection de mss.). — Ambrosi. Le moyen âge à
Trente. — Aar. Les études historiques dans la terre d'Otranto. —
Clomptes-rendus : Gebhart. Les origines de la renaissance en Italie
(analyse sympathique). — Helbig, Die Italiker in der Poebene (instruc-
tif). — Livi. Il Guicciardini e Domenico d'Amorotto (bon). — W, Sickel.
Geschichte der deutschen Staatsverfassung (travail soigné, mais aven-
tureux). — Liste des livres relatifs à l'Italie imprimés en Angleterre.
XLYUI. — Archivio storico per le provincie napoletane.
4« année ; fasc. 2. — Volpicella. Notices extraites des archives et des
bibliothèques : rapport adressé au duc de Médina de las Terres, vice-roi
de Naples, par son prédécesseur, le comte de Monterey, sur la situation
dans le royaume de Naples, 30 nov. 1637. — Racioppi. La table et les cou-
tumes d'Amalfi (la partie de cette table qui est en latin a été rédigée
RECUEILS PERIODIQUES. 494
officiellement à Tépoque angevine et même après 1274 ; la partie rédigée
en italien est de la seconde moitié du xiv* s., mais elle n'est pas tout
entière de la môme main, ni de la môme date. Le mot tabula ne veut
pas dire que ces coutumes aient été écrites sur la pierre, le bronze ou
le bois ; elles étaient transcrites sur un parchemin ou sur du papier
tendu sur une plaquette de bois, et exposées ainsi aux yeux du public).
— Del Giudice. La famille du roi Manfred ; suite. — Gorrei^pondance
diplomatique entre le marquis Tanucci et le prince Albertini ; suite. —
MiNiBRi-Riccio. Détails historiques sur les académies qui ont fleuri à
Naples.
XXiIX. — R. Istltato lombarde (Milan). Séance du 5 juin. —
C. Cantù. Le couvent délie Grazie à Milan et le saint-office ; l'* partie
(histoire de ce monument religieux et artistique au xvi« s.).
L. — R. depntazione dl storia patria (Modène). Séance du
17 mai. — Bertolotti. Monographie sur Dart. Marliani, archéologue
de Vcrceil au xvi« s. ; la principale de ses œuvres fut la Topographia
iirbù Romae^ publiée en 1534 et plusieurs fois réimprimée depuis,
piôme à l'étranger. = 31 mai. Ferrato. Mémoire sur Camilla Faa de
Casale, sur son mariage avec l'ex-cardinal Ferdinand Gonzague, et sur
le divorce qui suivit (1616-1662).
LL — Rivista enropea. l*' août. — Gapasso. Fra Paolo Sarpi et
l'interdit de Venise ; suite. — Salvioli. L'instruction publique en
Italie aux viir-x« s. ; suite. = 16 août. Adehollo. Le comte Gorani et
ses récents biographes. — De Jonoh. Les archives de l'état à Florence.
= 16 sept. Les études de M. â. Dertolotti sur la famille Genci (impor-
tant pour l'histoire des mœurs italiennes au xvi« s.).
IjIL — Nnova Aniologia. 15 juill. — Gust. Les plus anciens monu-
ments épigraphiques dans l'Inde septentrionale ; les inscriptions du roi
Açoka. — NovELLi. Sur un ms. de la Bibl. Angelicade Rome (contient
deux lettres autographes du Tasse, déjà publiées par Guasti d'après des
copies ; quelques remarques sur la langue parGuarini, également auto-
graphes, etc. = l*"" août. Do.NGHi. Goriolan (excellente étude sur l'his-
toire et la légende de Goriolan). — Ghiala. Les confidences politiques
de deux hommes de bien (lettres de M. d'Azeglio et d'Alph. La Mar-
niora sur les événements politiques de 1849) ; suite au n* suiv. a
15 août. Tararrini. Les voyages de Gino Gapponi. — Fiorentiso. Vie
et œuvres d'Andréa Gesalpino (quelques documents nouveaux). — Del
Lu.Hoo. Florence guelfe dans les premières années du xiv^ s. (extrait du
livre : Dino Compagnx e la sua Cronica), — Pioorini. La paleoetnographie
véronaise et son fondateur P. Marti nati.
LIIL — Jahrbueli fttr SobweiBergeschichte. Bd. IV, 1879.
— F. RoHRBR. Le prétendu concordat de Waldmann (démontre
que ce concordat, unique en son genre par les concessions que
le saint- siège aurait faites à It ville de Zurich, n'est au fond
492 tECunts pi^uodiquss.
qu'une fable, mais que les magistrats zurichois n'en savaient pas moins
faire très bien valoir vis-à-vis de leur clergé les droits souverains de
rÉtat). — J. L. Aebi. Sur les causes de la guerre de Zurich. — E.
Bloesch. La construction de la viUe de Versoix, 1706-1777 (documents
tirés des archives de Berne, qui témoignent de Tanxiété avec laquelle
le gouvernement bernois suivait les projets réels ou supposés de la
France à Tégard de Genève et du pays de Vaud). — E. ŒmjiANN. Les
passages des Alpes au moyen âge, 2« partie : le Bernardin et le Septi-
mer ; le Brenner ; les Alpes orientales, etc.
LIV. — Der Geschichtsfrennd. Bd. XXXIV, 1879. — ScHiFFiCANif.
Notice sur les travaux d'Aloîs Lùtolf (cf. Rev. hist,^ X, 512. Nous ajoutons
aujourd'hui que M. Lu tolf s'était chargé, avec M. le professeur Busson,
d'Innsbruck, d'achever ï Histoire des alliances fédérales, de J.-E. Kopp.
M. Lûtolf avait pris pour sa part l'histoire des années 1330-1336. Mal-
heureusement, le manuscrit déjà très volumineux qu'il a laissé est
encore loin d'être terminé). — J.-G. Meyer. Notes sur l'histoire du
chapitre rural de Zurich. — A. Keiser. La famille Muos de Zug (épi-
sode de la guerre de Morée au xvii* siècle). — Le R. P. A. Schubiqeiu
Les Antonins et leur maison d'Uznach. — M. Estermann. Le livre des
fiefs du chapitre de Beromûnster (Possessiones et decitne pertinentes ad
feoda prebendalia Ecclesie Beronensis, registre du milieu du xiv* s.). —
B. AjfBKRO. Antiquités romaines et alémaniques de Kottwil (Lucerne).
LV. — Mlttheiloiigen der antiquarischen OesellBChaft in
Zurich. Bd. XX, 1. Theil, Heft 3, 1879. — F. Keller. Établissements
lacustres, 8« rapport.
LVl. -^ Thnrgaoische Beitraege zur vateria.endl8clien Gesch.
Heft XIX, 1879. — H. G. Sulzberoeb. Matériaux pour servir à l'his-
toire politique et religieuse de la Thurgovie au temps de la Réforma-
tioD. — Sghmid. Épreuves d'un pasteur thurgovien pendant les années
de guerre 1798-1800.
LYII. — Jahrbncb des Sch^weizer-Alpenclob. XFV. Jahrgang,
1879. — G. Meyer von Knonau. Un voyaye impérial à travers les
Alpes (résume d'une façon ingénieuse ce qu'on peut savoir de l'appa-
reil dans lequel les monarques allemands franchissaient les Alpes au
xri« siècle pour aller se faire couronner à Rome ou pour défondre en
Italie les droits du saint-empire). — H. Duby. Les Sarasins et les
Hongrois dans les Alpes.
LVIII. — Mémoires et Documents publiés par la Société d'Iiis-
toire de la Suisse romande. T. XXXIY, 2« livraison, 1879.
Mélanges. — G. de Charrière. Notice biographique sur Louis de Ghar-
rièro (auteur de monographies estimées sur les anciennes familles sei-
gneuriales du pays de Vaud). — Gh. Morel. Notice sur le milliaire de
Vich. — A. Morel-Fatio. Fragments d'une histoire monétaire do
RICDBILS PIÎRIODIQOIS. 493
Lausanne (1394-1476). — J. Gremaud. Nécrologe de la chartreuse de la
Lance.
LIX. — Mémoires de rinstitut national genevois. T. XJV,
1879. — H. Fazy. Procès de Valentin Gentilis et de Nicolas Gallo,
1558, public d'après les documents originaux (cf. Rev. hist.^ VII, '238).
— Id. La Saint-Barthélémy et Genève (renseignements abondants et
de première main sur l'impression produite à Genève par la nouvelle
de la Saint-Barthéicmy, les mesures de précaution et de défense que la
ville crut devoir prendre, l'accueil sympathique qu'elle fit aux réfu-
giés, etc.).
LX. — Mémoires et documents publiés par la Société d'his-
toire et d'archéologie de Genève. T. XX, i^ livr., 1879. — Gh.
MoEEL. Genève et la colonie de Vienne sous les Romains, i** partie
(mémoire d'une ordonnance un peu disproportionnée, mais fort inté-
ressant, dans lequel M. Morel s'est proposé d'éclairer les inscriptions
latines trouvées à Genève, soit par l'étude des inscriptions provenant de
tout le pays qui dépendait de la colonie de Vienne, soit par les rensei-
gnements que les auteurs anciens ou les inscriptions d'autres contrées
nous fournissent sur les cités de Tempire romain. 11 a été ainsi amené
à élargir le cadre de son travail, où Genève n occupe plus eu apparence
qu'une place assez restreinte. Les institutions de Vienne, métropole
des AUobrogcs et chef-lieu de l'organisation municipale dont Genève
dépendait, sont devenues l'objet essentiel des recherches de M. M. ;
et comme les institutions municipales des Romains , dans leur
infinie variélé, sont fort peu connues, il a cru devoir donner aussi
une certaine extension aux généralités et aux résumés historiques. Le
mémoire est jusqu'à présent divisé en six chapitres, dont voici les
titres : I. Genève et les ÂUobroges. Esquisse historique de la conquête.
État général de la province Narbonnaise jusqu'à Jules César et Au-
guste, p. 5. IL Différents droits et titres accordés aux villes et aux
diverses localités de l'empire, municipes, colonies, etc. Vici, castella et
pagi ; leur position relativement au chef-heu, p. 19. IIL Origine de la
colonie de Vienne. Examen des sources. Vienne colonie latine, puis
municipe romain. Date probable de sa constitution définitive en colonie
romaine, p. \b. IV. Les magistrats viennois d'après la première cons-
titution. Inscriptions qui les concernent, p. 60. V. I^s magistrats vien-
nois d'après la nouvelle constitution. Inscriptions qui les concernent.
Ordre hiérarchique des magistrats, p. 68. VI. Attributions des magis-
trats de Vienne sous la seconde constitution, p. 79-97). — Gh. Le Fobt.
Une société de Jésus au xv« siècle (lettres adressées, de 1 16i à 1466,
aux syndics et conseil de Genève par Gérard Deschamps, personnage
assez mal famé qui fut le principal instigateur de la société fondée, le
29 juin 1159, par le pape He II, dans le but de faire la guerre aux
Turcs et de propager It foi chrétienne. M. Le Fort a joint aux lettres
de Deschamps une page du secrétaire intime du pape, Gobcllinus, qui
494 RECUEILS PlflIODIQUES.
ne laisse pas d'en affaiblir singulièrement la valeur ; mais on sait si
peu de chose de cette compagnie de Jésus qu'il faut remercier Téditeur
d'avoir ajouté quelques pièces nouvelles aux trois documents publiés
par M. Gastan dans la Revue des sociétés savantes de 4876). — lîi. Du-
FouR. Notes sur le couvent de Sainte-Claire à Genève (acte de 1500 qui
donne les noms de 26 religieuses de Sainte-Glaire; renseignements
nouveaux sur les diverses éditions du Levain du Calvinisme ; fragments
de l'ouvrage du P. Fodéré qui peuvent servir à compléter le nècit de
Jeanne de Jussie, etc.). — Bulletin : Gh. Le Fobt. Louis Sordet, ancien
archiviste. Notice nécrologique. — Id. Huit jours à Genève en 4595
(extrait du journal de voyage de Thomas Flatter le jeune). — Gh. Da.ii-
DiER. Pierre Mouchon et VÉmile de Rousseau. — Th. Dufour. Ouvrages
sur rhistoire de Genève publiés du l'** janvier 4875 au 34 décembre
4878 (renferme, entre autres, p. 199-246, toute la littérature du cente-
naire de Rousseau).
LXL — Hlstorîsk Tldsskrift. 5* série, t. I, fasc. 2. —G. P.
Brick A. t Dies soteriorum. » — Id. Hans Stenvinkel, architecte de
Ghristian lY. — Nellemann. Remarques sur la bénédiction nuptiale
considérée comme condition du mariage légal en Danemark. — Nyrop.
L'industrie de la verrerie en Danemark avant 1750. — Gomptes-rendus :
Barner. La famille de Rosenkrantz (utile). — Daae, Les saints de Nor-
vège. — Id. Le droit de patronage dans Téglise norvégienne (bons). —
Michelsen. Vorchristliche Gultusstaetten (fantaisies sans valeur). — Les
ouvrages parus à l'étranger en 1878 sur l'histoire de Danemark.
LXIL — Klrkehistoriske Samlinger. 3« série, t. II, fasc. 3.
— WuLFF. La légende de saint Glément. — Robrdam. Notices et extraits
de l'almanach de Peder Ghristensen. 1584-95. — Koch. Les piétistesen
Jutland au commencement du xix* s.
LXIU. — Aarbœger for Nordisk Oldkyndighed. 1879, fasc. 1.
— Kornerup. Le monastère d'Esrom et ses rapports avec Clairvaux. —
JoERGENSEN. L'aucien écu armoriai des rois de Danemark. — Henr^-
Petersen. La pierre tombale de Timgaard (non celle de Dyveke, mais
celle de sa mère Sigbrit).
LXIV. — Historisk Archiv. 1879. I, fasc. 5. — Steenstrup.
Notice sur quelques lettres adressées en 1753-57 par M™« Ogier, femme
de l'ambassadeur de France à Copenhague, à M. de Gideville, ami de
Voltaire, à Rouen ; elles sont conservées dans les archives de l'Aca-
démie de Rouen; ses remarques sur la littérature danoise sont inté-
ressantes.
CBROXIQDB ST BIBLIOGRAPHIE. 495
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
France. — Le prix Bordin (3,000 fr.) a été décerné par TAcadémio
des Beaux-Arts à M. Eug. Muntz, pour son ouvrage intitulé Us Arts à
la cour des papes.
— Par arrêté du 15 septembre, une chaire de géographie historique a
été créée à l'École des Hautes-Études pour notre collaborateur M. Aug.
Lo.NUNON. M. Longnon fera deux conférences par semaine : il étudiera
dans Tune Torigine, la signification et les transformations des noms de
lieux, dans l'autre il exposera les divisions territoriales de la Gaule
franque du vi* au x* siècle.
— Voici les sujets des compositions écrites qui ont été donnés, cette
année, aux candidats pour l'agri'gation d*histoire : Histoire ancienne :
donner une analyse raisonnée des Antiales et des Histoires de Tacite;
discuter la question de Tautorité de Tacite comme historien d'après ces
deux ouvrages. — Histoire du moyen âge : exposer les principaux
résultats des Croisades. — Histoire moderne : la Fronde; exposer briève-
ment le récit des faits, en distinguant avec soin les diverses périodes;
énumérer et caractériser les principaux ouvrages qui nous instruisent
à ce sujet ; apprécier les diflerentes opinions qui ont été exprimées sur
le degré de gravité qu a offert cet épisode au point de vue de l'histoire
générale. — Géographie : faire connaître le littoral méditerranéen de la
France. A la suite des épreuves écrites et orales, ont été nommés agrégés
MM. DuHois, Lacour, Labroue, Sgubffer, Gat, Gardon, Grkhamub,
GUYON, WOLTERS, PoiRIER, GaZES.
— M. Aug. HuuuET, sénateur du Pas-de-Calais, vient de fonder un
prix de i.OOO fr., qui sera décerné eu 1881 à l'auteur du meilleur abrégé
de l'histoire de Boulogne-su r-Mer, à l'usage des élèves des écoles pri-
maires. L'ouvrage devra être un choix de lectures sur les principaux
événements de cette histoire, rattachés entre eux et reliés à l'histoire
générale du pays par de courts sommaires; il se composera de récits
détaillés sur les événements importants dont iioulogne et le Boulon-
nais ont été le théâtre jusqu'à la fin de la guerre avec l'Allemagne, en
1871. La Société académique de l'arrondissement de Boulogne a décidé
de créer de son c6té un prix de 400 fr. en faveur de l'ouvrage classé le
second dans le concours.
— La librairie Picard vient de mettre en vente le Cartulaire de
l'abbaye de Conques en Rouerguc, publié par M. Gustave DBSJARoms.
On jugera de l'importance de ce vol. par ce seul fait qu'il contient le
texte de 581 chartes, pour la plupart inédites, dont 9 du ix« s., 125 du
496 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
X*, plus de 350 du xi« et les autres du xii«. Ces documents, publiés avec
soin, sont précédés d'une introduction, où l'éditeur étudie Fhistoire de
Conques, décrit le cartulaire, expose les principaux renseignements
qu'on en peut tirer relativement à l'administration des biens de Tabbaye,
et suivis d'un index chronologique des documents, enfin d'une table
générale des noms de personnes et de lieux. Cette dernière occupe une
centaine de pages. Cet important ouvrage a été entrepris aux frais de
la société de l'École des chartes; il fait partie de la série des Documents
historiques publiés par cette société, et que doit clore la présente publi-
cation. — La société a résolu d'employer autrement ses ressources
disponibles; elle a entrepris de publier par fascicules un recueil de fac-
similés photographiques propres à faciliter Tétude de la paléographie.
Le premier fasc. contiendra 27 pièces accompagnées de leur transcrip-
tion ; la photographie et l'impression sont déjà terminées pour 26 d'entre
elles; ce premier fasc. paraîtra donc bientôt.
— M. Gaston Raynaud vient de publier chez Picard un intéressant
petit volume intitulé : Voyage de Charles- Quint par In France, poème
historique de René Macé. Ce René Macé, originaire de l'Anjou, moine
bénédictin de la Trinité de Vendôme, et prieur de Beaurain (Nord),
fut le chroniqueur et le poète attitré de François I*"" (il dut mourir peu
après 1540). Il a composé plusieurs ouvrages, en latin ou en français,
— car Macé était poète en l'une et l'autre langue, — dont M. Raynaud
nous donne la liste. Le poème sur le célèbre voyage de Charles-Quint
en France, en 1539-1540, s'il n'est pas un chef-d'œuvre de poésie, il
est loin cependant d'être sans valeur. L'auteur en effet décrit ce qu'il
avait sous les yeux et l'histoire pourra faire son profit de maints détails;
il accueillera de plus, comme la très bien venue, une bibliographie,
dressée avec soin et méthode par M. Raynaud, des pièces publiées au
XVI* s. sur cet important événement. Cette bibliographie est divisée en
3 parties : la l" (14 pièces) est relative aux Entrées de Charles-Quint;
la 2« (14 pièces) à un certain nombre de pièces historiques; la 3« (11 p.)
aux chansons, et en général à toutes les productions littéraires qu'a pu
faire naître sur son passage l'empereur d'Allemagne.
— La deuxième livraison du bel et excellent ouvrage de M. Léon
Palustre sur la Renaissance en France (Quantin) est consacrée au
département de l'Oise. On y trouve les plus intéressants détails sur les
sculptures des portes de la cathédrale de Beauvais, sur les châteaux de
Sarcus, de Verneuil et de Chantilly, sur le sculpteur Jean le Pot, sur
l'architecte Jean de Brosse en qui M. Palustre voit, avec beaucoup de
vraisemblance, le père de Salomon de Brosse, l'architecte du Luxem-
bourg. Les belles eaux-fortes de M. Sadoux sont dignes d'illustrer le
texte de M. Palustre, où le goût artistique s'allie à l'érudition archéo-
logique.
— M. Bérenger-Féraud, médecin en chef de la marine, vient de
publier sur les Peuplades de la Sênégambie (Leroux) un livre rempli
CHROXIQDE ET BIBLIOGRiPBIB. 497
d'observations personnelles qui seront utiles aux futurs historiens de
l'Afrique.
— M. Chodzko, chargé de cours au (>)llège de France, vient de tra-
duire en français les Chants historiques de l'Ukraine et les Chansons des
Latijches des bords de la Dvina occidentale (Leroux). Ces chants sont d'un
grand intêr<>t, mais le commentaire qui les accom{)agne n est pas tou-
jours suffisant pour en faire pénétrer le sens et en faire apprécier la
valeur historique.
— M. U.-D. de Grammont commence une série d'études sur leii Relu"
lions entre la France et la Régence d'Alger au XVIh 5. (Alger, Jourdan)
par une très intéressante plaquette (47 p.) sur les deux canons de Simon
Dansa f volés par ce corsaire quand il abandonna le 8er\'ice barbaresque
et qui furent cause d une rupture entre Alger et la France, qui dura de
1610 à 1628. Les nombreux documents inédiu que publie M. de G.
donnent une vive image des conditions d'insécurité dans lesquelles
s'exerçait alors le commerce de la Méditeiranée.
— M. J. Delaville le Roulx vient de dtVcrire et de commenter avec
soin, dans une Notice sur les Chartes originales relatives à la Touraine
antérieures à l'an mil (Tours, imp. Rouillé-Ladovèze), vingt documents
dont la plupart ont un intérêt historique. Nous voudrions voir plus
souvent nos archivistes entreprendre des travaux semblables de paléo-
graphie et de diplomatique qui fournissent un si grand nombre de ren-
seignements utiles sur l'histoire, la géographie, la chronologie, les
institutions, etc. M. D. L. R. a donné un bon exemple qui, nous l'espé*
rons, sera suivi.
— La Société héraldique et généalogique de France fait paraître depuis
le 1*' janvier dernier un bulletin bi-mensuel (s'adresser à M. Woog,
2, place du Danube, à Paris. 5 fr. par an).
— M. G. Henry vient de publier sous le titre de Un érudit, homme du
monde, homme d'église, homme de cour (Hachette), une série de lettres
adressées à Huet par M"»« de Lafayette, M«"« Dacier, Bossuet, Fénèlon.
11 en est de très curieuses, en particulier celles de M°>« de Lafayette et
de Bossuet.
— M. Lanob, professeur au collège Rollin, vient de publier (Fisch-
bacher) une intéressante étude sur un trouvère allemand du xni« s.,
Walther von der Vogelweide. Quoique ce volume sorte en partie du
cadre do la Revue^ nous tenons au moins à l'annoncer, parce qu'il se
rattache par plusieurs points à l'histoire générale ; ainsi le chapitre H
étudie Walther comme homme politique, et le montre dans ses rela-
tions avec Philippe de Soualn*, Othon de Brunswick, Frédéric H ; le
chapitre HI le considère dans ses rapports avec l'Ëglise et les papes
Innocent HI et Grégoire IX. C'est une curieuse histoire qui nous fait
pénétrer dans les sentiments et les passions de l'époque où vécut celui
qui en est le héros.
Rev. HisTOR. XI. 2« PASC. 32
498 CHMO^nouv et iituoftiAPm.
— Trois nonvelles revues vont parai tre chez Leroux, k Paris : une Retue
éffjfpiologique, sous la direction de MM. BauoscH-BEY, Chabas et Revil-
LOGT ; les Archives de l'Orient latin, sous le patronage de la société de
rOrient latin; et une Revue de l'histoire des religions, sous la direction
de M. GcDiET.
— Le même éditexir annonce les ouvrages suivants, déjà parus ou à
paraître dans la collection formée par TÉcole des langues orientales
vivantes : voL XH, Recherdies arehéoloçiques et historiques sur Pékin et
ses environs, par M. Gollo de Pulsci (voy. ranal3rse de ce vol. dans la
Revue critique du 4 oct., n* 40); vol. XIII^ Histoire des reimtUms de la
Chine avec l'Ânnam, du lYI* au III* s.^ par M. DEVÉaui; voL XIV,
Éphtmérides daces, ou histoire au jour le jour de la guerre de quatre ans
(1736-^), entre les Turcs et les Russes, par Constantin Dupontès,
texte grec publié par M. Legeaxd ; la traduction française formera le
¥ol. XV; vol. XVI, Recueil de documents sur l'Asie centrale, par
M. IxBAULT'HuAaT ; vol. XVll et XVIII, Histoire universelle, traduite
de l'arménien, par M. DuLAumisa: voL XIX, Histoire du bureau des
interprètes de Fékin, par M. DsvÉaLk.
— La fin de l'année verra paraître un certain nombre d'ouvrages
historiques^ qui seront des oeuvres de science en même temps que de
beaux livres. Nous citerons chez Didot : Histoire du Mont Saint^Michei,
par Tabbé Bbec, l'evéque de Coutances, et M. G^aRorsa; chez Durnoolin :
Saint Vincent de Paul, par M. Arthur Loth, et le Costume en France
d'après les sceaux, par M. Germain Dexit. Après une introductioa
étendue où sont étudiées toutes les •:îuestions que soulève la sigUlogra-
phie, Tautear de ce dernier ouvrage met sous les yeux, à l'aide de la
plume et du crayon, toutes Les données iconographiques^ si abondantes
et si précises, que fournissent les sceaux. Il reproduit et commente les
types que les sceaux ont successivement donnés aux trois personnes
divines, à La Vierge, aux anges, aux saints, aux rois, aux darnes^ aux
chevaliers, et enfin les types héraldiques.
Angleterre. — La librairie Hors! et Biackett prépare une édition en
• vol. des conversations de feu M. Nassau Sestob avec des personnages
distingues pendant le second empire \ tS60-IS63^ : on en connaît déjà
plusieurs fragments publies dans diverses revues anglaises. Elles sont
publiées par M"» Simpson, filie de M. Senior.
— La collecàon du Mainre des rôles vient de senricnir des violâmes
suivants : le t. U du C^ileruîar of home office paper^ pour le règne de
Geonjes III 17*56-1761}' : le t. m du Calendar of ducurrunts relatin^ Ut
[reland iliS5-li9«'; un nouveau volume des Tntisury paperi, allant de
1708 à 17U-
— M. Arthur J. Jsvkbs prépare une edidon des registres de la paroisse
de Sains<x^tonib~>Li;or» ea CcraouoiUes: ces r?«jnscres commencent en
tôo'J : Lis codîieaueiis de •n."»iiibrvux renseignements sur Les fttmiiles-
Arundell, Vvwan, Carew, Courtenav.
CHRONIQnS ET BIBLIOGRAPHIE. 499
— M. SwEET imprime en ce moment une version en ancien anglais,
par le roi Alfred, de Thistoire universelle d'Orose (pour la société des
anciens textes anglais).
— La librairie Longmans annonce les ouvrages suivants : Corres-
pondance de Gilbert EUiot, premier comte de Minto, gouverneur
général de l'Inde, de 1807 à 181 i, pour faire suite aux lettres de lord
Minto déjà publiées en i87i; 50 ans de la constitution anglaise, par
Shehlon Amos; une bistoire de l'ancienne Egypte par RA>\Lm80N; le
4« vol. de ÏHistory of England de Spencer Walpolb, 183*2-1841.
— La librairie Macmillan annonce le 4» et dernier vol. de VHistory of
the english people, par M. Green ; le 6* et dernier vol. de la vie de Milton,
par M. Masson; une 3« série d7/ii/onoo/ Essays, par M. Frebman; une
tlhiory of the huguenots of the dispersion, i^ar M. Poole; la 4« série des
Cameos from english history, par M**« Yonoe.
— La librairie Trùbner annonce la 2« part, du vol. IV de la History
of India from the earliest âges, consacré au règne d'Aurenzeb, le
I^uis XIV de Tlnde au xvii* s.
Allemagne. — M. VoLQUARnsBN, professeur d*histoire ancienne à
Kiel, vient de passer à l'Université de Gœttingue.
— M. Heioel, sous-arcbiviste de TÉtatà Munich, vient d'ôtre nommé
professeur à l'Université de cette mémo ville.
Autriche-Hongrie. — M. Mathias Pangerl, professeur à l'Univer-
sité de Prague, né en 1834, mort le 10 janv. 1879, s'est fait connaître
par de nombreux travaux sur l'histoire de la 8tyrie et l'édition des
cartulaires de Ilohenfurt et de Goldenkron; son dernier ouvrage est
l'édition du liuch der Malerzeche in Prag,
— M. David Kuh, publiciste, membre du landtag bohémien, né en
1819, mort le 25 janv. 1879, prit part en 1848 à l'insurrection hongroise
et fut condamné à un long emprisonnement; amnistié en 1850, il fonda
la Ihrager Zeitscfinft, Chronik fûr œsterreichische Literatur, Kumt und
Geschichte et le Tagesboten aus Hœhmen. En lutte constante avec le parti
tchèque, et surtout avec Ilanka et Palacky, il fut un des représentants
les plus distingués du mouvement allemand en Bohême. Il attira vive-
ment sur lui l'attention en démontrant, en 1859, la fausseU^ des
prétendus monuments de la littérature tchèque reproduits par Ilanka.
— Programmes de g>'mnases autrichiens : BmMENTRrrr. Der Tratato
anonimo iiber den Aufstand d. Communeros gegen Karl V ; traduction
et commentaire. Leitmeritz 1878. — G. Burohm'Sf.r. Einleitung zu
einer Geschirhte den Baseler Friedens von 1795. Kamotau 1878. —
Pandler. Studien zur nordlnebmischen specialgeschichte. Leipa 1878.
Italie. — Le "28 août dernier est mort à Palerme le comm. Isidoro
I^A LrMiA, surintendant général des archives de Sicile. Il avait publié
sur l'histoire de cette île des travaux remarquables dont plusieurs ont
paru dans VArchivio storico italiano et dans la Suora Antnhjgia. Va des
500 CHROJVIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
plus estimables est le livre intitulé la Sicilia sotto Vittorio Amadeo di
Savoia^ dont il a été question dans la Revue historique^ VI, 420.
— On annonce sérieusement que Ton songe au Vatican à faciliter
aux érudits l'accès des archives pontificales. Puisse ce projet se réaliser
promptement I
— Le travail de M. Isidore del Lungo, Dino Compagni e la sua Cro^
nica, attendu depuis si longtemps, vient enfin de paraître (Florence,
Le Monnier). La 1" partie seule (45 chapitres) du vol. I a paru; la
seconde paraîtra avant la fin de Tannée. Le vol. I contient Thistoire
de la vie de Dino, de son époque et de sa chronique, depuis le 3Lrv« s.
jusqu'à nos jours. Le second vol. contient le texte de la chronique avec
de copieuses annotations et le fac-similé héliographique du ms. Asburn-'
ham du xv« s. signalé par M. Paul Mbyer.
— Une société d'érudits, sous la direction de M. Adolfo Bastoli, a
entrepris de publier une table complète des mss. italiens de la Biblio-
thèque nationale de Florence (sections Magliabecchiana, Palatina, Ric-
cardiana). Cette publication sera divisée en deux grandes parties :
poésie et prose ; on commencera par la poésie. La mise en vente du
1" fasc. est imminente. lia suite paraîtra régulièrement par fascicules
mensuels de 66 p. in-8<>; le prix d'abonnement pour les souscripteurs
est de 48 fr. par an.
— Au mois de sept, dernier, un congrès de plusieurs sociétés ita-
liennes d'histoire s'est tenu à Florence pour donner, si possible, une
direction uniforme aux études et aux publications des diverses sociétés.
On décida de publier, avec la coopération de toutes ces sociétés, un
catalogue exact de toutes les sources de l'histoire de chaque région
italienne.
Suisse. — M. le professeur Louis Vulliemin est mort le 10 août, à
Lausanne, à l'âge de 82 ans.
J'ai eu l'occasion d'indiquer ici même (Revue, V, 393) le mérite de
son dernier livre, V Histoire de la Confédération suisse de/puis les plus
anciens âges jusqu'à notre temps K Mais aujourd'hui que l'auteur n'est
plus, il me semble que, sans manquer à aucune convenance, je puis
ajouter quelques mots qui serviront peut-être à faire mieux connaître
le vénérable historien.
M. Vulliemin était avant tout un narrateur de premier ordre, un
écrivain d'un rare talent, et bien qu'il ait, dans le cours de sa longue
carrière, publié nombre de pièces inédites 2, le métier de Geschichtsfor~
1. Lausanne, Bridel, 1875-77 ; deux volumes in-1^.
2. Voir, par exemple, Le Chroniqueur, recueil historique et journal de
VBdvéUe romande (Lausanne, 1835-36, in-4), dans lequel M. Y. s'était proposé
de retracer, de quinze jours en quinze jours, les incidents trois fois séculaires
de la Réformation de ce pays ; — ou bien encore le mémoire qui a pour titre :
VHisloire suisse étudiée dans les rapports des ambassadeurs de France avec
leur cour. Siècle de Louis XIV. (Archiv fiir schw. Greschichte^ Bd. V-VllI,
Zurich, 1847-51.)
CHROXIQOB ET BIBLIOGRIPHIB. 504
scher n'était pas, à proprement parler, sa vocation spéciale. La critique
était, chez lui, tenue en échec par des goûts d'artiste « que de sévères
études n'avaient pas corrigés • ; la précision du détail lui importait
moins que l'harmonie de l'ensemble. Je sais môme de bons juges qui,
pour ce motif, ont longtemps préféré à ses trois volumes sur l'Histoire
de la Confédération suisse dans le xvi* et le xvii« siècle * son essai plus
populaire sur Ghillon ', ou ses admirables portraits du doyen Bridel '
et du landammann Pidou *. Pourtant, lorsqu'en 1873 il fut tenté do
résumer dans un rapide récit ce qu'on peut savoir de plus certain de
nos antiques annales, il comprit bien vite qu*il fallait bon gré mal gré
se ranger sous la loi des nouvelles méthodes. « L'histoire suisse,
disait-il, ne présente plus les aspects qu'elle offrait aux temps où Jean
de Mùller écrivait ; les recherches ont poursuivi leur cours. La cri-
tique a fait son œuvre. A nous d'en accepter les résultats, persuadés
que toute conquête de la vérité est une force pour la patrie, v Ainsi
fit-il d'un bout à l'autre, sans que jamais l'âge rempèchàt de s'acquit-
ter lestement de mille lectures où une vieillesse moins alerte que la
sienne se fût bientôt épuisée. L'ouvrage publié, M. VuUicmin gardait
cependant un scrupule. Ce livre, préparé avec tant d'amour, était-il
vraiment digne du succès qu'il avait obtenu ? La première partie sur-
tout, qui traite des origines et du développement de la (bn fédération
suisse, ne portait-elle pas trop souvent la trace de son c incompétence v ?
Ce fut dès lors son grand souci, son unique préoccupation de la retou-
cher pendant qu'il était temps encore, et aux amis qui l'assistaient
dans cette t&che il ne cessait de demander qu'on le mit, par une entière
franchise, en mesure de se corriger. Celui qui écrit ces lignes a été
trop activement mêlé à l'entreprise pour entrer dans aucun détail ;
mais il ose affirmer que les personnes qui voudront bien comparer
l'édition nouvelle du tome I * avec la précédente trouveront presque à
chaque page la preuve du soin minutieux avec lequel elle a été revue.
Être succinct sans cesser d'être clair, et rigoureusement exact sans
cesser d'être intéressant : tel est, en face d'un sujet complexe entre
tous, le problème que l'auteur d'un précis d'histoire suisse doit résoudre.
M. Vulliemin l'a résolu autant qu'il est possible d'y n^ussir. On pourra
faire autrement que lui ; on chercherait en vain à mieux concilier les
exigences de l'art et les droits de la science, le respect pour les choses
d'autrefois et l'observation toujours plus stricte des devoirs qu'impose
la poursuite de la vérité.
1. Paris et Genève, 1841-42. (Tomes XI-XIII de V Histoire de la confédération
$%Use, de J. de Mttller, R. Gluti-Blotibeim et J.^. Hottinger, traduite et coo-
tinuée par Ch. Monoard et L. Vulliemin.) — Ces volumes, dépassés et vieillis
pour l'époque de la Réformalloo, o'eo renferment pas moins, sur l'histoire du
zvii* siècle, de très précieux renseignements.
2. Lausanne, 1861 ; 3* édiUon, 1863.
3. 76., 1855.
4. 76., 1860.
5. Lausanne, Bride], 1879 (ne se vend pas séparément).
Rbv. Uibtoii. XL 2* fasc. 32*
502 CBftONIQDE ET BIBLIOGRAPHIE.
D'autres ont dit déjà ^ ce qu'était, aux heures de loisir, cette sereine
et spirituelle physionomie, — ce causeur plein de bonhomie et de
malice, qui, de son mince filet de voix, murmurait à notre oreille
attentive tant de curieuses ou de plaisantes anecdotes, — ce chrétien
si convaincu et néanmoins si libre, qui ne se souvenait pas c d'avoir
jamais abordé les livres saints comme une œuvre étrangère aux lois de
rhistoire », — ce Vaudois vénéré de tous, qui, mieux encore que le
doyen Bridel, unissait aux goûts littéraires d'un autre âge le culte
instinctif de la patrie et de la nature suisses. Pour moi qui, durant
quatre années, ai eu l'honneur d'être le correspondant le plus assidu
de l'illustre octogénaire, je n'ai voulu témoigner aujourd'hui que d'une
chose : c'est qu'après avoir travaillé toute sa vie à entretenir dans nos
cantons romands le flambeau de l'histoire nationale, il n'a pas hésité à
se faire à son tour le disciple d'une génération plus jeune, afin de con-
sacrer le reste de ses forces au service des études qu'il nous avait lui-
môme appris à aimer.
Deux citations encore, et je m'arrête. J'emprunte la première à la
lettre où M. Vulliemin m'annonçait, le 8 mai, la maladie à laquelle il
devait succomber trois mois plus tard : c Ma vie n'est pas prochaine-
ment menacée ; elle peut se prolonger des années, mais jamais plus
sans souffrance. Il faut apprendre à vieillir, apporter des ménagements
dans le travail, dans le parler ; eh ! bien, c'est à quoi je m'essaye.
Venez voir si je suis supportable encore. » La seconde est tirée du dis-
cours prononcé, le 12 août, sur sa tombe par M. le professeur Yiguet, le
successeur de M. Vulliemin dans sa chaire d'histoire ecclésiastique à
l'école libre de théologie de Lausanne : c Le jour de sa mort, il avait
voulu se mettre au travail comme de coutume ; puis, se sentant plus
faible, il s'étendit sur son lit. Quand la mort vint, il ne dit rien, mais
croisa les mains sur sa poitrine et regarda le ciel. » (P. Vaccher.)
— La Société générale d'histoire suisse a tenu à Soleure le 22 sept,
dernier sa réunion annuelle et y a célébré le 25* anniversaire de la
nomination de M. G. de Wyss comme président de la Société. M. de
Wyss a tracé un aperçu vivant et ému de l'histoire de cette société
qui, malgré ses faibles ressources, a déjà fourni tant de travaux et de
publications de documents importants et qui est en Suisse le vrai
centre de l'activité scientifique pour les études historiques. M. de Wyss,
par l'autorité et le charme de son caractère comme par sa grande éru-
dition et la sûreté de sa critique, a contribué plus que personne aux
progrès de la société et à l'excellente direction donnée à ses travaux.
Parmi les mémoires lus cette année à Soleure, nous signalerons celui
de M. Bernoulli sur la valeur historique du témoignage de la chro-
nique de Kœnigshofcn au sujet de la bataille de Sempach, celui de
M. Amiet sur le lieu où l'armée de Théodoric II, roi d'Âustrasie, com-
t . Voir l'article de rc Debrit dans le Joun de t2 août, el
la lettre de M. Marc Ji s le Joumai àe$
LISTE DES LIVBES DÉPOSAS >(] BCEEAr IlE LA REVIE. 503
battit les Âlamans en 610, et celui de notre collaborateur M. Vaucher
sur les débuts de Zwingle.
— M. Gust. ScHBRER prépare le catalogue des incunables de Tabbaye
de Saint-Gall, qui ne possède pas moins de 4650 volumes de ce genre.
LISTE DES LIVRES DÉPOSÉS AU BUREAU DE LA REVUE.
(Nous n'indiquoru pas ceux gui ont été jugés dans les Bulletins
et la Chronique,)
Dambstb. Histoire de la Restauration. 2 toI. PIoo. ^ Massbaas. Un essai
d'empire au Mexique. Charpentier. Pr. : 3,50. — Rbnan. L'Église chrétienne
(6* Tol. de l'Histoire des origines du Christianisme). Calmann LéTy. Pr. : 7,50.
— Wallon. Histoire de l'esclaTage dans l'antiquité, toI. III, 2* édit. Hachette.
Pr. : 7,50.
Baumgartbn. a traTers la France; scènes de mœurs. Cassel, Kay (1880). —
Bresslau et IsAACsoHN. Der Fall zweier preuss. Minister, des Oberpraesidenten
Kberhard von Donl^elmann (1697), u. des Grosskanzlers Fûrst (1799). Berlin,
Wcidroann. Pr. :2 m. ~ Foumnier. Genti und Cobenzl; Geschichte der oester.
Diplomatie 1801-1805. Vienne, Braumuller (1880). — G<kkobns. Arabische
Quellenbeitnege zur Gesch. der Kreuzziige; 1*' toI., zur Geschichte Salah-ah
dtn's. Berlin, Weidroann. — IIryd. Geschichte des Le?antehandeU im Hittelalter ;
2* Toi. Stuttgart, CotU. — Hillbbiund. Geschichte Frankreichs ; 2* toI. 1838-
1848. Gotha, Perthes. ~ Krausb. Ilelius Eobanus Hessus; sein Leben und
seine Werl^e, 2 Tolumes. Gota, Perthes. — Ongkbm. Allgemeine Geschichte in
Einzeldarstellungen : Peter der Grosse, par A. Brugknbi, 2 fasc. Geschichte Ton
Elias und Rom, par Hertcbeio. 3 fasc. Prix :3 m. chaque fasc. Berlin, Grote.
— Plangk. Das deutscbe GerichtsTerfahren im Hittelalter. Vol. I en 2 part, et
II. Brunswick, Schwetschke. — A. Ton Gonzbnbacb. Der General Hans Ludwig
Ton Erlach Ton Castelen ; ein Lebens- und Charakterbild aus den Zeiten des
30 jœhr. Krieges. r* part., avec 1 toI. de documents. Berne, Wyss. ~ Uinii.
Die Bernische Politik in den Kappelerkriegen. 2* édit. Ibid.
Arnold. The roman System of proTincial administration, to the accession of
Conslantine the great. Londres, Macmillan.
BiANCBi. Storia délia monarchia piemontese dal 1773 sino al 1861. Vol. II et III.
Turin, Bocca. — Carutti. Storia délia diplomazia délia oorte di SaToia, toI. III,
1663-1730. Turin, Bocca. — Ciampi. Innocenzo X Pamiili e la sua oorte; storia
di Roma dal 1644 al 1655. Rome, 1878 (tip. dei GaleaU, à ImoU). Pr. : 6 lire.
Erratum du prkgAdent numéro.
P. 228, I. 20, au lieu de : San Francisco, lire : saint François. Le père Har-
oellino de CiTezxa est en effet l'historiographe de l'ordre des Mineurs ; il a fait
le tour de l'Europe il y a deux ou trois ans, pour réunir les documents propres
à dresser une bibliographie franciscaine.
504 TIBLE DBS MATliRES.
TABLE DES MATIÈRES.
ARTICLES DE FOND.
A. Thomas. Les États provinciaux de la France centrale sous
Charles Vn; fin 1
G. DEPPmo. Un banquier protestant en France au xvu* siècle;
Barthélémy Herwarth, contrôleur général des finances ;
fin 63
B. AuBÉ. L'Église d'Afrique et ses premières épreuves sous le
règne de Septime Sévère 241
Albert Sorel. La guerre et les négociations entre la France et
l'Espagne en 1793 et 1794 298
MÉLANGES ET DOCUMENTS.
Baron du Casse. Documents inédits relatifs au premier Em-
pire : Napoléon I«' et le roi Joseph; fin (1814-1841) . 81
H. DE Sybel. La propagande révolutionnaire en 1793 et 1794 . 103
Jean Destrem . Documents sur les déportations de prêtres sous
le I*' Empire 331
BULLETIN HISTORIQUE.
France. — (G. Faqnibz) 117,389
Angleterre. — Temps modernes (S.-R. Gardiner) 393
Belgique. — (Paul Frêdérigq) 160
Orient. — Revue des principaux ouvrages et articles relatifs à
l'Orient ancien (Maspero) 128
Russie. — (J. Lodtchisky) 399
COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
Bachmann. Bœhmen und seine Nachbarlœnder unter Georg
von Podiebrad (Bezold) 193
BoissiÈRE. Esquisse d'une histoire de la conquête et de Tadmi-
nistration romaines dans la province de Numidle
(Guiraud) 183
Campori. Rairaondo Montecuccoli (Arminoaud) 196
Danielson. Voltaire Kaarle XII (Bbauvois) 454
DuFOURMANTELLE. La marine française au commencement de
la guerre de Gent-Ans (Neuville) 435
DuM. Entstehung u. Entwickelung d. spartan. Ephorats
(Lallier) 179
TABLE OIS MITIIaSS. 505
Pmm
FoNCiN. Essai sur le ministère de Turgot (Gazibr) 456
Fontaine de Resbegq. L'instruction primaire avant 89 dans les
pays qui ont formé le département du Nord (Paillabd) 461
Frossard. La discipline ecclésiastique au pays de Béam . . 444
Gérard. L'ancienne Alsace à table 194
GoLL. Untersuchungen z. Gesch. d. bœhmischen Brûder
(Bezold) 192
IIildebrand. Svenskt diplomatarium, t. VI (Beauvois) ... 191
HiMLY. Histoire de la formation territoriale des États de l'Eu-
rope centrale (Gaidoz) 449
Hirsghpeld. Untersuchungen z. rœm. Verwaltungsgeschichte
(Bloch) 426
Hoffmann. Geschichte der Inquisition, t. II 194
Klinckowstroem. Le comte de Fersen et la cour de France
(Gazier) 466
Lbbedev. IjR dernière lutte des Slaves de l'Elbe contre la ger«
manisation (Léger) 189
LucHAiRE. Alain le Grand, sire d'Âlbret 441
Miscellaneen z. Gesch. Kœnigs Friedricbs d. Grossen . . . 455
Von Ollbch. Geschichte des Feldzuges von 1815 205
PouLLET. Correspondance du cardinal de Granvelle (Morel-
Fatio) 445
De Pressensè. La vie des chrétiens aux ii* et iti« s. (Sabatier) 186
Robert. Inventaire des mss. des bibliothèques dont les cata-
logues n'ont pas été imprimés 475
RooET. Ëtrennes genevoises 445
Scriptores rerum danicarum medii acvi, t. IX(Steen8trup). . 440
SiLFN'ERSTOLPB. Sveuskt diplomatarium, t. I (Beauvois) . . . 190
Storm. Ragnar Lodbrok og Gange-Rolv (Id.) 432
Btrigklbr. Âctonsammlung z. Schweiz. Reformationsgesch. . 443
Terrier de Loray. Jean de Vienne, amiral de France (Neu-
ville) 435
Vacuerot. Fragments littéraires de P.-F. Dubois (Gh. Thurot). 469
LISTE ALPHABÉTIQUE DES RECUEILS PÉRIODIQUES
KT DES SOCIÉTÉS SAVANTES.
FRANCE.
1. Académie des Inscriptions et Belles-Lettres .... 212,482
2. Académie des Sciences morales et politiques.
3. Annales de la Faculté des lettres de Bordeaux
4. Bibliothèque de TÉcole des chartes
211,482
212
206
5. Bulletin archéologique et historique de Tam-et-Garonno 211, 481
6. Bulletin de la Société archéologique, etc., de Béziers . 211
7. Bulletin de la Société d'Histoire de France .... 210
8. Bulletin de la Société d'Hist. du Protestantisme franr. 210,483
9. Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie . 483
10. Le Cabinet historique 478
506 TABLE DES MATIBBBS.
11. Les Chroniques du Languedoc 210
12. Le Correspondant 209, 48!
13. Journal des Savants 208,482
14. Nouvelle Revue historique de droit 208,480
15. Revue archéologique 207
16. Revue celtique 479
17. Revue critique 207, 479
18. Revue chrétienne 482
19. Revue de France 209,482
20. Revue de Gascogne 209, 480
21 . Revue des Deux-Mondes 208, 482
22. Revue des Documents historiques 206, 479
23. Revue des Questions historiques 206, 478
24. Revue des Sociétés savantes des départements . . . 211,483
25. Revue du Dauphiné et du Vivarais 209, 482
26. Revue du Lyonnais 209, 480
27. Revue générale de Droit 208,480
28. Revue historique et archéologique du Maine .... 480
29. Revue historique nobiliaire 479
30. Revue philosophique 480
31. Le Spectateur militaire 209,482
32. Le Temps 483
ALLEMAGNE ET AUTRICHE.
1. Akademie der Wissenschaften (Berlin) ; Monatsbericht. 217
2. — — — Abhandlungen 217
3. — — (Munich); Sitzungsber. 224
4. Alemannia 217
5. Annalen d. histor. Vereins fiir den Niederrhein. . . 221
6. Annalen d. Vereins fiir Nassauische Alterthumskunde 223
7. Archiv d. histor. Vereins von Unterfranken .... 223
8. Archiv. f. œsterreische Geschichte 225,489
9. Archiv f. Saechsische Geschichte 220
10. Bœhmische Gesellschaft d. Wissens. Sitzunsgsberichte 225
11. Bœmisches Jahrbuch 219
12. Deutsche Rundschau 215, 486
13. Forschungen zur deutschen Geschichte 485
14. Freiburger diœcesan Archiv 221
15. Geschichtsblaetter f. Magdebourg 218
16. Gœttingische gelehrte Anzeigen 215, 486
17. Hansische Geschichtsblaetter 219
18. Hermès 216,487
19. Historische Zeitschrift 214
20. Jahrbucher d. Vereins f. Mecklenburg. Geschichte . . 218
21. Jahresbericht d. Gesellschaft f. nûtzliche Forschungen 223
22. Jahresb. d. histor. Vereins von Oberbayem .... 224
23. Jahresb. ûber d. Fortschritte d. class. Alterthumswiss. 487
24. lenaer Literaturzeitung 215,486
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