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Full text of "Revue historique"

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HISTORIQUE 


Paraissant  tous  les   deux  mois. 


Nt  qyàd  fàlti  audeat,  ne  quid  vert  non  audeal  kittoria. 

Cic^RON,  de  Orat.  II,  i5. 


QUATRIÉMB   ANNÉE. 


TOME  ONZIÈME 


Septembre-Décembre  1879. 


PARIS 
LIBRAIRIE  OERMER  BAILLIÈRE  et  C* 

108,  BOULEVARD  SAINT-OERMAIN 
AD     COIN      DE     LA     RUE     H  AUTEFEDILLB 

1879 


LES  ÉTATS  PROVINCIAUX 


DE  LA  FRANCE  CENTRALE 


SOUS  CHARLES  VII 


{Suite  et  fin.) 


IL  —  Attributions  des  états  provinciaux. 

§  1.  —  Attributions  politiques . 

A.  —  Vote  de  Vimpât.  —  Principal.  —  Frais. 

La  première  attribution  des  états  provinciaux  en  matière  poli- 
tique, c'est  le  vote  de  l'impôt.  Un  principe  d'origine  féodale  vou- 
lait que  le  roi,  comme  les  autres  seigneurs,  en  dehors  de  ses  reve- 
nus ordinaires,  ne  pût  lever  aucun  impôt  sur  ses  sujets  sans  leur 
consentement.  Depuis  le  xrvr*  siècle,  le  consentement  devait  être 
donné  par  les  états  provinciaux  comme  représentants  du  pays. 
On  pense  bien  que  la  royauté  chercha  de  bonne  heure  à  se  débar- 
rasser de  cette  obligation  ;  on  peut  dire  qu'elle  y  était  à  peu  près 
arrivée  sous  Charles  VL  Mais  en  1418,  le  principe  méconnu 
reprit  une  nouvelle  vigueur  ;  le  dauphin  Charles,  obligé  de  quit- 
ter Paris  et  cherchant  à  s'attacher  par  tous  les  moyens  les  pro- 
vinces situées  sur  la  rive  gauche  de  la  Loire,  abolit  toutes  les 
impositions  qui  avaient  cours  à  ce  moment  ;  c'était  reconnaître 
qu'elles  avaient  été  perçues  illégalement  et  se  condamner  pour 
longtemps  à  ne  lever  d'autre  impôt  extraordinaire  que  ceux  que 
les  états  généraux  ou  provinciaux  voudraient  bien  lui  accorder. 
Il  en  fut  ainsi  en  effet.  Si  Charles  VU  se  passa  plusieurs  fois  des 
états  généraux,  s'il  y  renonça  de  bonne  heure,  jamais,  de  1418 
à  1451,  il  ne  put  lever  un  impôt  direct  sans  l'intervention  des 
états  provinciaux.  Ce  fait,  que  l'on  avait  à  peine  soupçonné  jus- 
Rev.  Uistor.  XL  l»'  PASC.  1 


A.    THOMIS. 


qu'ici  S  est  mis  hors  de  doute  par  le  catalogue,  bien  incomplet 
pourtant,  qui  forme  la  base  de  notre  travail'.  Chaque  année,  et 
parfois  plus  souvent,  les  états  votaient  une  aide  plus  ou  moins 
considérable,  et  chaque  fois  sans  préjudice  pour  l'avenir.  On  peut 
dire  que,  de  1418  à  1451,  il  n'y  a  aucune  diflerence  à  ce  point 
de  vue  entre  l'Auvergne  ou  la  Marche  et  le  Languedoc. 

Montrons,  par  des  exemples  empruntés  à  chaque  pays,  que 
fréquenunent  les  états  usèrent  de  leur  droit  pour  refuser  une  par- 
tie des  charges  qu'on  voulait  leur  imposer.  Au  mois  de  mai  1431, 
les  états  d'Auvergne,  assemblés  à  Montferrand  devant  Guillaume 
le  Tur  et  Girard  Blanchet,  accordèrent  seulement  30,000  francs 
au  lieu  de  45,000  demandés  par  le  roi.  Au  mois  de  janvier  sui- 
vant, ils  réduisirent  de  moitié  les  demandes  de  la  cour  et  ne 
votèrentquel5,000  francs  sur  30,000^.  Aumois  dedécembrel445, 
le  roi  ayant  taxé  l'Auvergne  à  40,000  francs  pour  sa  part  d'une 
aide  de  200,000  francs  levée  sur  le  Languedoïl,  les  états  envoyèrent 
auprès  de  lui  à  Chinon  une  députa tion  composée  de  Bertrand, 
comte  de  Boulogne  et  d'Auvergne,  de  Jacques  de  Châtillon,  de 
Draguinet  de  Lastic,  de  Jean  Leviste,  de  Guillemin  de  Reillac  et 
de  Martin  Roux,  et  les  députés  obtinrent  le  rabais  de  4,000  fr.  ^ 

En  1423,  les  états  du  Limousin  obtinrent  une  diminution  de 
8,000  fr.  sur  37,000  auxquels  montait  leur  part  de  l'aide  d'un 
million  accordée  au  roi  à  Bourges  au  mois  de  janvier  ^. 

En  1438,  le  Haut-Limousin  ayant  été  imposé  par  le  roi  à 
12,000  fr.  pour  sa  part  d'une  aide  générale  de  200,000  fr.,  les 
états  envoyèrent  une  ambassade  auprès  de  Charles  VII,  à  Bourges, 
pour  faire  valoir  leurs  privilèges,  et  le  roi  dut  se  contenter  de 
9,000  francs  «. 

De  même  les  états  de  la  Marche  firent  réduire  de  12,000  francs 
à  9,500  leur  part  des  450,000  francs  octroyés  par  les  états  de 
Languedoïl,  à  Poitiers,  en  octobre  1425^.  Au  moi  de  mai  1433, 


1.  M.  Vailet  de  ViriTille  ne  cite  aucune  session  poar  notre  région  dans  une 
liste  où  il  a  touIu  réunir  à  la  fois  les  états  généraux  et  les  états  provinciaux. 
Voy.  Bibl.  de  VÉcole  des  charte$,iSn,  p.  27-30. 

2.  Voyez  plus  haut. 

3.  Bibl.  nat.,  Pièces  orig.,  364,  dossier  Blanchet,  n*  32. 

4.  Bibl.  nat.,  Fr.,  22296,  à  hi  date. 

5.  Ib.,  ib.,  26274. 

6.  Ib.,  ib.,  25710,  p.  116. 

7.  Ib.,  Ib.,  20587,  p.  36,  et  Clair.,  139,  p.  2621. 


LES   l^TATS  PROYINCIAUX.  3 

ik  n'accordèrent  que  3,500  francs  au  lieu  des  5,000  francs  que 
demandait  le  roi  ^ 

Le  Franc^Alleu  lui-même,  ce  petit  pays  qui  ne  s'étendait  que 
sur  une  vingtaine  de  paroisses,  sut  résister  aux  exigences  royales. 
Par  lettres  du  16  juillet  1437,  Charles  VII  avait  chargé  Trolbard 
de  Montvert,  Jean  du  Mas  et  Guillaume  Lemaréchal  d'y  imposer 
7001.;  les  états  remontrèrent  aux  commissaires  qu'ils  avaient 
«  privileiges  à  eulx  donnez  par  les  feuz  roys  de  France  pour  rai- 
son desquelz  ilz  n'estoient  ne  sont  tenuz  de  contribuer  à  quelz- 
conques  aides,  taiUes  ou  subsides  ;  ainçoys  quant  ils  passent  par 
les  pays,  chargiez  de  marchandises  ou  autres  choses  qui  doivent 
paier  péages,  ilz  n'y  doivent  riens  payer  ;  >  les  commissaires  se 
virent  obligés,  malgré  leur  commission,  de  réduire  la  somme 
demandée  à  5001.,  aân  que  les  états  «  octroiassent  plus  libérale- 
ment ledit  aide*.  > 

Malgré  ces  exemples,  il  faut  reconnaître  que  si  les  états  pou- 
vaient réduire  plus  ou  moins  les  sommes  qu'on  exigeait  d'eux,  ils 
étaient  pour  ainsi  dire  moralement  forcés  de  voter  l'impôt  royal. 
Mais  où  leur  initiative  est  beaucoup  plus  puissante,  c'est  quand  il 
s'agit  d'impôts  nécessités  par  les  besoins  de  la  province.  Quel- 
quefois (notamment  en  1444  pour  le  Bas-Limousin  3)  les  états 
envoyaient  une  ambassade  au  roi  lui  exposer  qu'ils  avaient  besoin 
de  faire  lever  sur  eux  telle  somme  pour  tel  motif;  le  roi  alors,  par 
lettres  patentes,  autorisait  la  levée  de  la  somme  et  nommait  des 
conmiissaires  pour  en  faire  l'assiette.  Mais  il  en  était  rarement 
ainsi  ;  voici  ce  qui  se  passait  le  plus  souvent  et  comment  les  états 
de  nos  provinces  ont  subvenu  aux  dépenses  locales  pendant  les 
trente  premières  années  du  règne  de  Charles  VII. 

Lorsqu'une  aide  était  accordée  au  roi,  il  était  d'usage  depuis 
longtemps  d'imposer  avec  la  somme  octroyée  une  sonmie  minime 
pour  les  frais,  de  façon  à  ce  que,  suivant  les  expressions  du  temps, 
«  l'aide  peust  venir  ens  franchement.  »  Les  états,  ayant  nécessai- 
rement le  contrôle  des  frais,  pouvaient  les  fixer  conune  ils  l'enten- 
daient ;  ils  usèrent  de  cette  facilité  pour  imposer  avec  les  frais 
toutes  les  sommes  dont  les  besoins  de  la  province  leur  parurent 
exiger  la  levée.  Ainsi,  depuis  1418  jusqu'à  1451,  avec  chaque 


1.  Bibl.  nat.,  Fr.,  20417,  à  la  date. 

2.  Voy.  Bibl.  nat.,  Fr.,  23902,  à  la  date. 

3.  Voy.  Ibid.,  Portef.  Fonlanieu,  119-130. 


1.   TBOVIS. 


impôt  accordé  au  roi,  les  étals  firent  lever  ce  qae  noas  appelle- 
rions ToloDtiers  des  centimes  additionnels,  si  cettâ  expression 
toute  moderne  ne  donnait  l'idée  d'une  proportionnalité  qui  n'était 
pas  dans  les  habitudes  :  on  disait  alors  <  les  deniers  mis  sus 
oultre  le  principal.  >  Examinons  dans  quelles  conditions  ce  droit 
s'exerça  pour  chaque  pays. 

En  Auvergne,  où  l'organisation  des  états  était  très  compliquée* , 
les  frais,  outre  le  principal,  pouvaient  avoir  cinq  sources  difle- 
rentes  :  A.  Dans  les  assemblées  générales,  qui  étaient  proprement 
les  états  d'Auvergne  et  qui  votaient  l'impôt  royal,  il  j  avait  k 
peu  près  toujours  diverses  sommes  votées  outre  l'aide  accordée 
au  roi,  soit  pour  le  duc  d'Àuvei^ne,  soit  pour  les  commissaires, 
soit  pour  diverses  aSaires  concernant  le  pays  tout  entier  :  ces 
firais  étaient  répartis  dans  des  proportions  fixes  entre  le  haut  pays 
(qui  en  supportait  le  1/4),  les  bonnes  villes  (le  1/6)  et  le  plat  pays 
(te  reste,  soit  7/12)  ;  B.  Les  états  de  la  Basse-Auvergne  pouvaient 
ùnitoser  pour  leurs  aSaires  particulières,  et  alors  les  sommes 
Ainsi  votées  n'étaient  supportées  que  par  les  bonnes  villes  et  le 
pUt  pays  ;  C.  De  leur  côté,  les  états  de  la  Haute-Auvergne  pou- 
naÎMit  ouvrir  des  crédits  dont  ils  avaient  seuls  la  charge  ;  D.  Au 
tnu  où  les  bonnes  villes  refusaient  un  crédit,  il  pouvait  être  voté 
^r  lv8  gens  d'église  et  nobles  de  la  Basse- Auvergne  (plat  pays) 
ùt  par  les  états  de  la  haute  ;  Ë.  Enfin  les  gens  d'église  et  nobles 
•î»  Ut  liasse-Auvergne  votaient  isolément  des  frais  souvent  consi- 
■léiuMw  répartis  sur  le  plat  pays  seul.  Soit  h  chaque  vole  d'aide 
pour  l»  roi  le  tableau  suivant  des  frais  : 
A  D 

Haute-Auvergne  ■  i  +  f'  +  7  ' 


<.iu  remarquera  que  les  treize  bonnes  villes  de  la  Basse-Auvergne 
\H  levMidut  sur  elles  que  les  frais  votés  en  commun  ;  nous  n'avons 
ptu  d'exuuiple  du  moins  qu'elles  imposassent  collectivement  sur 
dUw^a  dehors  du  ce  cas. 

Uii»l-Uf4,  uuu»  avons  la  prettv*^^'iie  levait  ainsi  des  sommes 


h 


ItkndM  lmpU«, 


V 


LES  éTATS  PHOVllfGUnx.  5 

plus  OU  moins  considérables  destinées  à  la  défense  du  pays^  Ce 
système  fut  en  vigueur  jusqu'en  1449,  mais  non  sans  encombre. 
La  royauté,  qui  tendait  de  plusen  plus  à  s'attribuer  exclusivement 
le  droit  de  lever  des  impôts,  dut  cependant  tolérer  longtemps  cet 
état  de  choses  ;  mais  bientôt  elle  intervint  et  essaya  de  faire  recon- 
naître la  nécessité  d'une  autorisation  royale  pour  imposer  d'autres 
sommes  que  les  fi*ais  ordinaires.  En  1438  les  états,  ayant  payé 
des  rançons  considérables  aux  gens  de  guerre,  durent  demander 
des  lettres  patentes  pour  les  faire  asseoir  par-dessus  l'aide  du  roi  *. 
Mais  les  prétentions  de  la  cour  trouvèrent  bientôt  de  la  résistance. 
En  1442,  lorsque  les  gens  de  guerre  que  Charles  VII  menait  dans 
l'expédition  de  Guyenne  passèrent  par  le  pays,  il  fallut  encore 
composer  avec  eux  pour  éviter  le  pillage  de  la  province  :  on  leur 
donna  environ  24,000  francs.  Les  villes,  qui  auraient  eu  évidem- 
ment moins  à  souffrir  que  le  plat  pays,  refusèrent  de  participer 
au  payement  de  cette  somme.  Les  états  ayant  accordé  20,000  fr. 
au  roi  à  l'assemblée  d'Aigueperse  (septembre),  les  gens  d'église 
et  nobles  firent  asseoir  la  somme  de  24,000  fr.  sur  le  plat  pays 
et  la  Haute-Auvergne  en  sus  de  l'aide  royale,  et  cela  sans  aucune 
autorisation.  Charles  VII  ne  voulut  pas  laisser  passer  cette  mécon- 
naissance de  l'autorité  royale  ;  M*  Jean  Rabateau,  président  au 
parlement,  fut  chargé  d'instruire  l'afifaire,  et  ce  n'est  qu'au  prix 
d'une  amende  de  20,000  fr.  que  les  gens  d'église  et  nobles  obtinrent 
des  lettres  de  rémission  où  le  roi  affirmait  hautement  ce  principe 
que  personne  ne  pouvait  lever  aucun  impôt  sur  le  pays  sans  sa 
permission  ^  ;  en  même  temps  il  défendit  aux  receveurs  de  la  pro- 
vince de  rien  payer  à  l'avenir  par  ordre  des  états  sans  avoir  de 
lui  une  autorisation  spéciale  *,  Il  est  certain  que  l'absence  de  con- 
trôle avait  dû  engendrer  beaucoup  d'abus.  Les  «  deniers  oultre 
le  principal  »  étaient  presque  toujours  supérieurs  à  ce  principal 
lui-même.  Citons-en  quelques  exemples  :  en  janvier  1432,  aide 
du  roi  :  15,000  fr.,  les  frais  dépassèrent  certainement  16,000  fr.  ; 
en  novembre  1433,  aide  du  roi,  7,000  fr.  :  un  seul  crédit  supplé- 
mentaire voté  par  les  états  de  la  Basse- Auvergne  est  de  8,000  fr. 
Au  mois  de  juillet  1438,  les  états  accordent  au  roi  24,000  fr.  ;  la 
part  du  plat  pays  est  donc  de  14,000  fr.  ;  or  l'assiette  faite  par 

1.  Bibl.  Dât.,  Fr.,  26047,  n*  241. 

2.  Voy.  InsUruct.  de  la  Basse- Auvergne,  Bibl.  nat.,  Fr.  22296,  n*  2. 

3.  Voy.  Bibl.  nat.,  Fr.,  2403t. 

4.  Bibl.  nat.,  Portef.  Fontaniea,  870,  f^  292. 


6  i.    THOMAS. 

les  commissaires  monte  à  près  de  48,000  fr.,  soit  près  du  triple, 
et  par  conséquent  34,000  fr.  outre  le  principal. 

Charles  VII  ne  se  contenta  pas  de  l'exemple  qu'il  avait  fait  en 
1442.  Dans  les  commissions  pour  l'année  1444 ,  données  à  Angers  le 
7  février,  il  fixa  lui-même  les  sommes  à  lever  outre  le  principal 
«  pour  tous  frais  et  instruccions  >  à  44601.  dans  la  basse  et  17401. 
dans  la  Haute-Auvergne,  lesquelles  devaient  être  distribuées  sui- 
vant les  instructions  données  aux  commissaires  ;  en  outre,  par 
d'autres  lettres  données  à  Tours  le  12  mars  suivant,  à  la  requête 
des  états  qui,  dit-il,  «  n'oseroient  mètre  sus  sans  avoir  de  nous 
congié  et  licence,  »  il  permet  aux  copamissaires  d'imposer  en  plus 
jusqu'à  concurrence  de  6000  1.  Croit-on  que  ces  mesures  aient 
été  efficaces?  Les  faits  vont  nous  répondre.  D'après  ce  que  nous 
venons  de  dire,  les  frais  autorisés  pour  la  Haute-Auvergne  se 
montent  à  32901.  Or,  nous  avons  précisément  les  «  Instructions  » 
de  la  Haute-Auvergne  pour  cette  même  année  1444  :  les  frais 
s'élèvent  à  14,127  1.  *.  Il  semble  que  le  roi  ait  dû  renoncer  dès 
lors  à  combattre  un  droit  que  les  états  revendiquaient  si  énergi- 
quement  ou  que  ceux-ci  aient  dû  céder  ;  il  n'en  est  rien.  Par  les 
lettres  de  commission  du  5  janvier  1446,  le  roi  autorise  les  com- 
missaires à  faire  imposer  outre  le  capital  6000 1.  sur  le  plat  pays 
pour  tous  frais.  Et  cependant  que  trouvons-nous?  Les  frais  géné- 
raux votés  en  commun  par  les  états  s'élèvent  déjà  à  13,9041.  et 
les  frais  particuliers  au  plat  pays  dépassent  certainement  2,000 1. , 
ce  qui  porte  à  plus  de  10,0001.  les  frais  imposés  sur  le  plat  pays. 
Les  choses  allèrent  ainsi  jusqu'en  1449,  dernière  année  où  nous 
ayons  des  renseignements  certains,  et  probablement  jusqu'en  1451 . 
Nous  verrons  plus  loin  ce  qu'il  en  advint  après. 

n  y  a  loin,  comme  importance,  de  l'Auvergne  au  Franc- Alleu  ; 
aussi  y  a-t-il  peu  de  chose  à  dire  sur  ce  dernier  pays.  Le  roi  fixe 
le  principal,  mais  les  frais  sont  «  mis  sus  du  gré  et  consentement 
des  gens  des  trois  estatz  à  ce  faire  appeliez.  »  La  question  ne 
devait  guère  soulever  de  difficultés,  car  ces  frais  étaient  insigni- 
fiants. Ils  sont  ordinairement  de  901.  se  décomposant  ainsi  :  201. 
pour  chaque  commissaire  (soit  601.),  201.  pour  le  receveur  et  101. 
pour  les  clercs.  Toutefois,  en  février  1443,  ils  s'élèvent  à  1301. 
par  suite  de  gratifications  faites  à  quelques  personnes. 

Les  choses  se  passaient  à  peu  près  de  même  dans  la  Marche  ; 

1.  Arch.  nat.,  K  68,  n*  2. 


LES   ériTS  PROVINCIAUX.  7 

le  roi  laissait  les  frais  à  la  disposition  des  commissaires  par  la 
formule  «  avec  telz  fraiz  que  verrez  estre  à  faire  ;  »  dans  une 
commission  du  3  mars  1438  ^  il  ajoute  «  et  aussi  telle  somme  que 
les  gens  des  Trois  Estaz  desdiz  païs  et  chastellenie  octroieront  y 
estre  imposée  pour  nostre  très  chier  et  amé  cousin  le  conte  de  la 
Marche.  >  Les  commissaires  n'imposent  d'ailleurs  les  fi^is  que 
«  du  gré  et  consentement  »  des  états,  comme  on  peut  le  voir  par 
plusieurs  assiettes*.  Ces  frais  sont  relativement  assez  élevés  :  en 
1440,  ils  atteignent  3048 1.  pour  un  principal  de  4000  1.  ;  en  1441 , 
21421.  ;  en  1445,  20501.  seulement  pour  un  principal  de  80001. 
Néanmoins,  à  partir  de  1445,  le  roi  fixe  lui-même  le  montant  des 
frais,  à  5001.  pour  l'année  1446  ^,  à  400  1.  pour  1447  *  :  nous  ne 
savons  si  ces  prescriptions  furent  observées,  mais  il  est  bien  pro- 
bable que  non. 

Pour  le  Limousin,  tant  bas  que  haut,  nous  avons  quelques 
faits  plus  intéressants  à  constater.  Le  système  des  frais  outre 
le  principal  nous  apparaît  dès  1423,  où  nous  voyons  imposer 
ainsi  1473 1.  «  par  le  conseil  et  octroy  des  gens  des  Trois  Estaz 
du  hault  païs  de  Lymosin,  »  et  il  ne  soulève  à  l'origine  aucune 
difiSculté  de  la  part  des  commissaires.  Il  en  va  de  même  les  années 
suivantes.  En  septembre  1435,  les  états  assemblés  à  La  Souter- 
raine imposent  sur  eux  pour  les  frais  et  les  affaires  du  pays  4800 1. , 
sans  compter  que  le  principal  (5000  1.),  par  concession  du  roi, 
devait  être  également  employé  dans  l'intérêt  delà  province.  Mais 
bientôt  leaicommissaires  semblent  concevoir  quelques  scrupules  et 
éprouvent  le  besoin  de  mettre  un  peu  leur  responsabilité  à  cou- 
vert ;  de  là  des  phrases  comme  celles-ci  :  en  1437  5,  «  et  ce  à  la 
requeste  des  gens  desdiz  Trois  Estaz  qui  ont  voulu  ladicte  somme 
estre  assise  et  imposée  comme  dit  est,  et  baillée  et  paiée  aux  per- 
sonnes et  pour  les  causes  dont  cy  après  sera  faicte  mention ,  disans 
adce  avoir  povoir  et  privileiges  dont  ilz  ont  acoustumé  à  user  ;  » 
de  même  Tannée  suivante*  :  «  ...  à  la  requeste  des  gens  desdiz 
Trois  Estaz  qui  de  ce  dient  avoir  povoir  et  previleiges  et  dont  ilz 
se  dient  avoir  usé  en  pareilz  cas  et  semblables,  quant  bon  leur  a 


1.  Bibl.  nat,  Fr.,  21420,  n*  24. 

2.  Bibl.  nat.,  Fr.,  23901  et  21423. 

3.  Ib.,  ib.,  21427,  n*  10. 

4.  Arcb.  nat,  K  68,  n*  23. 

5.  Voy.  Bibl.  nat.,  Fr.,  23902,  à  la  date. 

6.  Ibid. 


8  i.   THOMAS. 

semblé  et  les  cas  y  sont  advenuz.  »  Néanmoins  les  états  jouissent 
sans  entraves  de  ce  droit  jusque  vers  1445  ;  il  est  vrai  que  les 
frais,  une  fois  votés  par  eux,  sont  régulièrement  confirmés  par 
lettres  patentes  du  roi  depuis  1440  ;  mais  il  y  a  là,  non  une  ques- 
tion de  droit,  mais,  comme  nous  le  montrerons  ailleurs,  une  me- 
sure purement  administrative* .  Ces  frais  son  t  encore  considérables  : 
40301.  en  août  1440,  41151.  en  octobre  1441  pour  le  Haut- 
Limousin;  2884  1.  en  février  1441,  4004  1.  en  septembre  1442 
pour  le  Bas-Limousin.  Toutefois,  en  1444,  les  états  ayant  donné 
de  fortes  sommes  aux  capitaines  de  retour  de  Gascogne  pour  qu'ils 
ne  passassent  pas  par  le  Bas-Limousin,  ils  n'osèrent  les  imposer 
comme  de  simples  frais.  Ils  envoyèrent  donc  auprès  du  roi  pour 
obtenir  de  lui  le  prêt  de  4000 1.  et  l'autorisation  d'imposer  cette 
somme  sur  le  pays,  plus  2682  1.  10  s.  t.  pour  les  frais.  Le  roi 
l'accorda  ;  mais  le  recouvrement  de  cet  impôt  rencontra  de  grandes 
diflBcultés  ;  plusieurs  seigneurs  refusèrent  de  le  laisser  lever  sur 
leurs  terres,  prétendant  qu'ils  n'avaient  pas  été  appelés  aux  états, 
que  les  compositions  faites  avec  les  capitaines  ne  se  montaient 
pas  à  une  aussi  forte  somme  et  que  les  frais  étaient  exagérés.  Il  y 
eut  procès  devant  la  Cour  des  aides  qui  ordonna  la  levée  forcée 
de  l'impôt'.  Néanmoins  les  principaux  opposants,  Gui  de  Saint- 
Chamand,  le  s'  d'Escorailles  et  le  prieur  du  Port-Dieu,  obtinrent 
l'année  suivante  qu'une  enquête  fut  faite  par  M®*  Noël  le  Boulan- 
ger et  Raoul  du  Refuge  sur  les  abus  commis  au  pays  dans  la  levée 
des  aides  accordées  au  roi  ^.  Cette  affaire  fut  évidemment  cause 
que  le  roi  contrôla  dès  lors  plus  sévèrement  les  frais  levés  sur  le 
Bas-Limousin.  Aussi  les  trouvons-nous  fixés  d'avance  à  1400 1. 
dans  les  lettres  de  commission  du  9  janvier  1445,  à  675  1.  pour 
l'année  1447,  à  14001.  pour  1448,  et  ces  prescriptions  semblent 
toutes  avoir  été  fidèlement  observées. 

B.  —  Traités.  —  Levées  de  troupes,  etc. 

Les  états,  ayant  une  existence  légale  et  formant  pour  ainsi  dire 
une  personne  morale,  pouvaient  accomplir  la  plupart  des  actes 
qu'un  puissant  seigneur  féodal  avait  encore  à  cette  époque  le  droit 
de  conclure.  De  ce  nombre  sont  les  traités  d'alliance.  L'exemple 

1.  Voy.  infrà,  ch.  2. 

2.  Voy.  sur  cette  affaire  Arch.  nat.,  ZIa  14,  à  la  date  du  24  férrier  1445. 

3.  Ibid.,  Z  1a  23,  f  iOb, 


LES  ÉTATS  PHOVINGUUX.  9 

le  plus  curieux  que  nous  en  ayons  appartient  à  l'Auvergne.  Le 
15  juillet  1423,  Robert  Dauphin,  évêque  de  Chartres,  Gilbert  de 
la  Fayette,  maréchal  de  France,  Bertrand,  s*"  de  la  Tour,  Jean, 
s' de  Langeac,  sénéchal  d'Auvergne,  Jean  de  Tinière  et  Dalmas 
de  Vissac,  «  à  ce  commis  et  ordonnés  par  les  gens  des  Trois  Estaz 
dupaïsd'Auvergne,  »concluentuntraitéd'alliancedéfensivecontre 
les  routiers  avec  les  pays  de  Bourbonnais,  Forez,  Beaujolais  et 
Combraille,  représentés  par  le  comte  de  Clermont.  Si  l'un  des  pays 
confédérés  a  besoin  de  secours,  il  le  fera  savoir  aux  autres  qui 
seront  tenus  de  venir  à  son  aide,  suivant  leurs  facultés  respec- 
tives *.  Cette  alliance  tenait  encore  en  1430,  où  nous  voyons  fixer 
le  nombre  de  gens  de  guerre  que  chaque  pays  devra  envoyer  au 
secours  des  autres  *.  Nous  trouvons  également  des  alliances  con- 
clues pour  une  cause  passagère  ;  ainsi,  en  1437,  les  états  de  la 
Basse-Auvergne  envoyèrent  «  plusieurs  chevaliers,  écuyers  et 
autres  gens  notables  »  pour  «  faire  certaines  aliances  avec  plu- 
seurs  seigneurs  des  païs  de  Velay  et  de  Givaudan  ;  »  le  but  de 
cette  alliance  était  de  forcer  le  fameux  Rodrigue  de  Villandrando 
à  évacuer  le  pays  avec  ses  gens  qui  mettaient  tout  au  pillage. 

A  côté  des  traités  d'alliance  avec  des  pays  amis,  se  placent  les 
traités,  soit  avec  les  Anglais,  soit  avec  les  nombreux  chefs  de 
routiers  qui  dévastaient  les  provinces.  Nous  en  exposerons 
ailleurs'  l'histoire  tout  au  long  ainsi  que  celle  des  levées  de 
troupes  faites  par  les  états;  bornons-nous  ici  à  constater  que 
le  droit  des  états  de  faire  des  traités  dans  ces  conditions  était 
absolument  reconnu.  Dans  des  lettres-patentes  du  8  janvier  1436, 
Charles  VII  trouve  très  naturel  «  que  iceulx  gens  des  trois  estaz 
(Bas-Limousin)  ou  aucuns  d'iceulx  aient  certains  traictiez  pour 
avoir  et  recouvrer  les  ville  et  chastel  de  Domme  occupez  par  noz 
anciens  ennemis  les  Anglois  estans  oudit  bas  païs  ou  marchissans 
sur  icellui^  »  En  1438,  les  états  du  Haut-Limousin  font  «  un 
appointement  »  par  devant  notaire  avec  Jean  de  Saintoux,  capi- 
taine de  Courbefy,  pour  le  faire  déloger  de  bonne  grâce  de  cette 
place*.  En  1443  nous  voyons  Jean  de  Langeac  et  Draguinet  de 
Lastic,  «  commisseres  ordonnez  par  mons'  le  duc  et  mess"  des 

1.  Arch.  nat.,  P  1358),  550. 

2.  Ibid.,  P  1359. 

3.  Infrà,  3'  partie,  ch.  3. 

4.  Arch.  nat,  K  64,  7. 

5.  Bibl.  nat.,  Fr.,  23902. 


40  À,   THOMAS. 

trois  estatz  des  pays  d'Auvergne  a  faire  partie  de  certaines  corn- 
posicions  et  appoinctemens  faiz  à  plusieurs  cappitaines  et  gens  de 
guerre  en  alant  et  venant...  à  Tartas...*.  »  Il  va  sans  dire  que 
l'exercice  de  ces  droits  ne  s'explique  que  par  la  présence  des 
Anglais  aux  frontières  et  les  désordres  de  toute  sorte  qui  signalent 
les  deux  premiers  tiers  du  règne  de  Charles  VII.  Quand  le  roi  eut 
réussi  à  peu  près  en  1445  à  mettre  un  terme  «  à  la  pillerie  des 
gens  de  guerre,  »  et  quand  plus  tard  la  Guyenne  fut  redevenue 
française,  les  états  n'eurent  plus  à  exercer  des  droits  dont  les  cir- 
constances seules  les  avaient  forcés  de  se  servir. 

Un  droit  politique  important  semble  avoir  été  reconnu  quelque- 
fois aux  états  provinciaux  dans  les  pays  des  grands  vassaux  : 
c'est  celui  de  donner  leur  avis  sur  le  mariage  de  leur  suzerain. 
Par  son  testament  de  1435*,  Jacques  de  Bourbon,  comte  de  la 
Marche  et  de  Castres,  instituant  pour  héritière  sa  fille  unique 
Éléonore  avec  son  mari  Bernard  d'Armagnac,  la  déshérite  en 
partie  «  si  le  cas  advenoit  que,  non  appeliez  ses  principaulx 
parens  et  amis,  et  les  trois  estatz  des  contés  de  la  Marche  et 
de  Castres  assemblez  en  bon  nombre,  elle  voulut  parvenir  à 
secondes  noces  à  homme  de  moindre  estât  et  hostel  qu'elle  appar- 
tient. »  Les  états  n'eurent  pas  à  se  prononcer  puisque  Eltonore 
de  Bourbon,  quoique  devenue  veuve,  ne  songea  pas  à  se  rema- 
rier; mais  le  droit  que  leur  suzerain  leur  attribue  n'en  était  pas 
moins  intéressant  à  signaler. 

C.  —  Les  états  provinciaux  nommaient-ils  des  députés 

aiujo  états  généraux? 

Certains  auteurs  placent  parmi  les  droits  politiques  des  états 
de  quelques  provinces  celui  de  nommer  des  députés  aux  états 
généraux 3.  Nous  avons  donc  à  examiner  la  question. 

Il  est  indispensable  avant  tout  de  se  rendre  compte  de  la  ma- 
nière dont  étaient  convoqués  les  états  généraux  sous  Charles  VII. 
En  ce  qui  concerne  le  tiers  état,  le  roi  envoyait  des  lettres  closes 
aux  principales  villes  et  les  invitait  à  nommer  des  députés  à  l'as- 

1.  Voy.  Ibid.,  Cab.  des  Titres,  dossier  Langeac. 

2.  Bibl.  nat.,  Collect.  Brienne,  313,  p.  231. 

3.  Voy.  Laferrière,  opus  laud.,  p.  368;  J.  Paquet,  ibid.,  p.  162,  et  surtout 
Picot,  Les  Élections  aux  états  généraux  dans  les  provinces  de  1302  d  1614, 
dans  les  Séances  et  travaux  de  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques, 
année  1875,  t.  II,  p.  11  et  sui?. 


LES  ^TiTS   PROVINCIAUX.  U 

semblée  des  états  généraux*;  pour  le  clergé  les  principaux 
évêques  et  abbés  étaient  convoqués  directement*  ;  et  il  en  était  évi- 
demment de  même  de  la  noblesse.  Ainsi  le  tiers  état  était  représenté 
au  moyen  d'une  élection  directe  et  il  n'y  avait  pas  d'élection  du 
tout  dans  les  deux  autres  ordres. 

D'après  cela  il  semble  que  l'on  puisse  aflSrmer- hautement  que 
les  députés  aux  états  généraux  n'étaient  pas  nommés  par  les  états 
provinciaux.  Ce  serait  toutefois  se  hasarder  beaucoup.  Bien  que 
les  instructions  du  roi  soient  très  précises  sur  ce  point,  il  ne  s'en 
suit  pas  qu'elles  aient  été  exactement  suivies;  et  si  la  question 
est  obscure  pour  nous  aujourd'hui,  il  est  à  croire  que  les  contem- 
porains eux-mêmes  n'étaient  pas  très  fixés  là-dessus.  Les  archives 
de  Lyon  nous  fournissent  des  faits  intéressants  à  ce  sujet.  La  ville 
fut  convoquée  aux  états  généraux  de  Poitiers  en  octobre  1425; 
le  texte  des  lettres  closes  est  précis^  :  le  roi  ordonne  d'envoyer 
deux  ou  trois  députés  à  l'assemblée.  Néanmoins  nous  voyons  une 
assemblée  des  villes  du  Lyonnais  se  tenir  à  Lyon  le  11  septembre 
et  décider  qu'elles  députeront  collectivement  aux  états  généraux^. 
Au  contraire,  en  1427,  quand  il  s'agit  de  nommer  des  députés 
aux  états  généraux  qui  étaient  alors  convoqués  à  Poitiers  pour 
le  16  novembre,  la  ville  de  Lyon  décide  de  députer  uniquement 
en  son  nom  conformément  aux  lettres  du  roi'*. 

Il  n'y  aurait  rien  d'improbable  à  ce  que  des  faits  analogues  se 
soient  produits  dans  les  pays  que  nous  étudions.  Malheureusement 
les  documents  qui  nous  sont  parvenus  ne  nous  permettent  guère 
d'élucider  la  question.  Le  20  février  1424,  Aubert  Foucaud,  sei- 
gneur de  Saint-Germain,  donne  quittance  de  60  francs  à  lui  don- 

1.  Voyez-en  de  nombreux  exemples  dans  notre  Étude  sur  let  était  généraux 
sous  Charles  VII,  Cab.  hist,,  1878,  Pièces  justificatiTes. 

'2.  L*abbé  de  Saint-Jean-d'Angely  fut  conToqué  personnellement  aux  états  géné- 
raux de  Poitiers  en  octobre  1425.  (Voy.  Bibl.  nat.,  Fr.,  20906,  p.  43.) 

3.  Voyez  ces  lettres  dans  le  Cab.  historique  de  1878,  p.  215. 

4.  c  Hz  ont  concluz  d'aler  ensemble  à  rassemblée  des  Trois  Estaz  à  Poictiers 
Ions  ensemble  et  se  gouverneront  tous  pour  une  manière  et  tous  ensemble,  i 
(Arch.  de  Lyon,  BB  1,  f-  237  y.) 

5.  c  Et  quant  de  soy  adjoindre  arec  le  plat  pays,  ainsi  que  l'ont  requis  aucuns 
dudit  plat  pays,  ilz  ont  conclus  que,  attendu  que  lesdiz  du  plat  pays  se  sont 
déjà  plnseurs  fois  desjoins  d'arec  la  rille,  et  aussi  que  la  ?ille  puet  avoir  des 
rabais  et  grâces  par  pluseurs  moyens  que  n*ont  point  lesdiz  du  plat  pays,  que 
la  vUle  face  le  mieulx  par  soy  qu'elle  pourra,  sans  soy  adjoindre  en  riens  avec 
ledit  plat  pays,  excepté  Mandront,  qui  dit  que  l'on  se  doit  adjoindre  avec  ledit 
plat  pays,  pour  tousjours  estre  plus  fort,  se  besoing  estoit,  et  pour  plusieurs 
autres  causes.  •  (Arch.  de  Lyon,  BB  2,  f*  50  r.) 


42  A.   THOMAS. 

nés  par  les  états  du  Limousin  pour  avoir  éta  aux  états  généraux 
de  Bourges  en  janvier  1423*  ;  mais  la  pièce  n'indique  pas  précisé- 
ment qu'il  eût  mandat  des  états.  Dans  la  distribution  des  frais 
imposés  en  Haut-Limousin  en  septembre  1435  outre  l'aide  du 
roi',  nous  trouvons  une  somme  votée  à  l'évêque  de  Limoges  «  qui 
a  esté  nommé  et  requis  par  les  gens  dudit  pays  à  aler  devers  le 
roy  à  l'assemblée  tenue  à  Tours  avecques  autres  en  sa  compai- 
gnie  pour  les  affaires  dudit  pays.  >  Là  les  termes  sont  bien  précis; 
l'évêque  de  Limoges  est  bien  mandataire  des  états;  mais  il  n'y  a 
aucune  trace  d'états  généraux  tenus  à  Tours  en  1435  et  il  est  à 
peu  près  sûr  que  cette  «  assemblée  >  n'était  qu'une  députation 
des  états  du  Haut-Limousin  que  le  roi  avait  mandés  en  sa  pré- 
sence, comme  cela  eut  lieu  d'une  façon  indubitable  en  1438. 

En  somme,  notre  conclusion,  très  peu  aflSrmative,  sera  que 
normalement  les  états  provinciaux  ne  nommaient  pas  les  députés 
aux  états  généraux  sous  Charles  VII,  comme  cela  eut  lieu  régu- 
lièrement en  1484;  mais  qu'on  peut  cependant  rencontrer  dès 
xîette  époque  quelques  exemples  isolés  de  cette  pratique  plus 
moderne. 

§  2.  —  Attributions  administratives. 

A.  —  Répartition  de  V impôt. 

Dans  tous  les  pays  que  nous  étudions  les  états  prenaient  part 
à  la  répartition  de  l'impôt,  mais  dans  des  conditions  propres  k 
chacun  d'eux. 

En  Auvergne,  les  états  ne  participaient  pas  seulement  à  la 
répartition;  on  peut  dire  que  cette  importante  opération  était 
tout  entière  entre  leurs  mains.  Depuis  la  seconde  moitié  du 
xiv*  siècle,  dans  tous  les  subsides  qu'ils  accordaient  régulièrement 
au  frère  de  Charles  V,  le  duc  de  Berry  et  d'Auvergne,  ils  avaient 
la  jouissance  de  ce  droit  qu'ils  exerçaient  d'après  une  certaine 
organisation.  Ils  surent  conserver  cette  organisation  jusque 
vers  1451 . 

A  chaque  impôt  voté,  il  y  avait  3  assiettes  distinctes  :  l'une  pour 
les  bonnes  villes,  l'autre  pour  le  plat  pays  de  la  Basse-Auvergne, 
la  3®  pour  la  Haute- Auvergne.  La  proportion  contributive  de  ces 

1.  Bibl.  nat.,  Cab.  des  Titres,  dossier  Foucaad. 

2.  Ibid.,  Fr.,  23902. 


LES  ETATS  PROYINCUUX.  'IS 

diverses  régions  était  fixée  depuis  longtemps  :  la  Haute-Auvergne 
supportait  le  quart  de  l'impôt  total,  les  bonnes  villes  le  sixième, 
et  le  plat  pays  le  reste,  soit  les  7/12^*.  Mais  à  la  suite  d'une  enquête 
faiteen  1445  et  1446',  il  fut  décidé  que  la  part  des  bonnes  villes  se- 
rait diminuée  et  qu'elles  paieraient  seulement  le  septième  de  la  part 
de  la  Basse-Auvergne.  La  nouvelle  proportion  fut  donc  :  Haute- 
Auvergne  :  1/4  ou  -1  ;  bonnes  villes,  3/4  X  1/7  ou  —  et  plat 
pays  d'Auvergne  3/4  —  1/7  =  -^. 

La  répartition  de  l'impôt  entre  les  treize  villes  de  la  Basse- 
Auvergne  était  faite  par  les  délégués  de  ces  villes  réunis  à  cet 
effet,  et  signée  par  eux.  Nous  trouvons  cet  usage  en  vigueur  dès 
1382^  et  il  subsista  jusqu'au  delà  de  1451.  Le  seul  original  d'un 
partage  entre  les  bonnes  villes  que  nous  ayons  pu  découvrir  est 
du  22  février  1449^ 

L'assiette  du  plat  pays  était  faite  par  des  commissaires  spé- 
ciaux nommés  par  les  gens  d'église  et  nobles.  Du  temps  du  duc 
de  Berry,  en  1399,  nous  voyons  que  ces  commissaires  étaient  : 
l'abbé  de  Mozat  et  M®  Pierre  de  Perrol,  pour  les  gens  d'église,  et 
les  seigneurs  de  Canilhac,  d'Alègre,  de  Monmaury  et  de  Monrodez 
pour  les  nobles,  soit  six  commissaires  dont  deux  membres  du  clergé 
et  quatre  delà  noblesse^.  Cette  proportion  subit  quelques  variations 
sous  Charles  VH.  En  1436,  les  commissaires  sont  :  Jean  de  Lan- 
geac,  sénéchal  d'Auvergne,  Jean  de  Chauvigny,  Pierre  de  Cros, 
chevalier,  Guiot  Coustave,  Gonin  Roland,  écuyers,  et  Pierre 
Boniol,  oflBcial  de  Clermont*;  il  n'y  a  donc  qu'un  membre  du 
clergé;  en  1438,  les  mêmes  moins  Gonin  Roland^;  en  1440,  appa- 
raît Pierre  Voulpilhère,  écuyer,  qui  semble  remplacer  Gonin  Ro- 
land*. En  1441,  il  n'y  a  que  cinq  commissaires*.  Enfin  en  1442*^ 
nous  trouvons  six  conunissaires  dont  deux  du  clergé  et  quatre  de 

1.  Eo  1382,  dans  one  assemblée  des  états  de  la  Basse-AaTergne,  un  subside 
ayant  été  accordé,  les  gens  d'église  et  nobles  s'engagent  à  payer  f>ar  leurs  sujets 
les  5/6  et  les  Tilles  le  reste.  (Verdière-Latour,  p.  39.) 

2.  Voy.  infirà,  III,  {  2. 

3.  Verdier-Latour,  op.  laud.,  p.  39. 

4.  Bibl.  nat.,  Fr.,  26078,  n*  6074. 

5.  Verdier-Latonr,  p.  47-8. 

6.  Voy.  Bibl.  nat.,  Fr.,  26062,  p.  n*  3055. 

7.  Ib.,  ib.„  22296,  p.  n-  2. 

8.  Ib.,  ib.,  ib.,  à  la  date. 

9.  Ib.,  ib.,  23898. 

10.  Ib.,  ib.,  222%,  à  la  date. 


^14  A.    THOHIS. 

la  noblesse,  comme  en  1382;  la  liste  reste  la  même  jusque  vers 
1451  ;  elle  est  ainsi  composée  :  Jean  de  Langeac,  sénéchal  d'Au- 
vergne, Jean  de  Chauvigny,  s'  de  Blot,  chevaliers,  Pierre  Voul- 
pilhère  et  Robert  Coustave,  écuyers,  Pierre  Boniol,  officiai  de 
Clermont,  et  Guiot  de  Riuf,  abbé  d'Artonne^  De  ce  fait  qu'on 
retrouve  presque  toujours  les  mêmes  noms,  il  faut  évidemment 
conclure  que  ces  commissaires  avaient  un  mandat  permanent  et 
qu'on  ne  procédait  au  remplacement  de  l'un  d'eux  que  par  suite 
de  décès  ou  d'autres  empêchements.  Certaines  fonctions  étaient 
d'ailleurs  de  nature  à  conférer  presque  forcément  le  mandat  de 
commissaire  :  ainsi  le  sénéchal  d'Auvergne,  comme  représentant 
plus  spécialement  le  duc  de  Bourbon,  l'official  de  Clermont* conmie 
représentant  de  l'évêque,  y  figurent  toujours. —  Ces  commissaires 
étaient  nommés  d'une  façon  permanente  par  les  états,  mais  ils  ne 
procédaient  au  fait  de  leur  office  qu'en  vertu  de  lettres-patentes  à 
eux  adressées  par  le  roi  à  chaque  nouvel  impôt  qu'il  s'agissait  d'as- 
seoir^. Ils  répartissaient  alors  sur  toutes  les  paroisses  du  plat  pays 
le  montant  de  l'impôt,  tant  principal  que  frais,  et  signaient  l'as- 
siette, ordinairement  sur  papier,  qui  était  donnée  au  receveur 
pour  faire  sa  recette.  Leur  salaire  pour  ce  travail  était  fixé  par 
les  gens  d'église  et  nobles  et  imposé  parmi  les  firais;  ils  avaient 
ordinairement  chacun  50  ou  60  fr. 

Cette  organisation  des  états  de  la  Basse- Auvergne  pour  la 
répartition  des  impôts  ne  pouvait  manquer  d'exciter  la  défiance 
de  la  royauté,  surtout  si  l'on  considère  que  dans  tous  les  autres 
pays  de  langue  d'oïl  l'assiette  des  deniers  royaux  était  confiée 
à  des  agents  exclusivement  nommés  par  le  roi  (commissaires 
temporaires  ou  élus  permanents).  Aussi,  quand  elle  se  sentit  assez 
forte,  elle  engagea  la  lutte  contre  les  privilèges  et  les  habitudes 
du  pays.  Les  commissions  pour  Tannée  1447,  données  à  Maillé 
en  Touraine,  le  26  novembre  1446,  sont  remarquables  à  ce 


1.  Voy.  BiW.  nat.,  Fr.,  22296,  passim, 

2.  En  1432,  la  liste  des  commissaires  est  exactement  composée  comme  en  1436, 
mais  alors  l'oflicial  est  P.  Chaudon.  (Bibl.  nat.,  Fr.  2S944.  p.  u*  69.) 

3.  c  Charles,  etc.,  à  noz  amex  et  feaulx  les  seigneurs  de  Langhac,  senescbal 
d^ Auvergne,  et  de  Blot,  cheraliers,  Pierre  Boniol,  officiai  de  Clermont,  Gniot  du 
Riuf,  abbé  d'Arthonne,  Pierre  Voulpilhere,  escuier,  et  Robert  Coustaye,  gourer- 
neur  de  Clermont,  commisseres  ordonnex  de  par  les  gens  des  Trois  Estax  du  bas 
paîs  d'AuTergne  à  asseoir  et  imposer  les  tailles  et  inipostx  de  par  nous  mis  sus 
oudit  bas  païs.  19  décembre  1449.  »  Bibl.  nat.,  Fr.,  25711,  n*  166. 


LES  l^TATS  PROVINCIAUX.  45 

point  de  vue.  Elles  sont  adressées  conjointement  au  sénéchal 
d'Auvergne  et  autres  commissaires  des  gens  d'église  et  nobles, 
et  aux  élus  sur  le  fait  des  aides  au  diocèse  de  Clermont,  pre- 
mière atteinte  au  droit  de  la  province;  bien  plus,  elles  con- 
tiennent ordre  aux  élus,  «  au  cas  où  les  commissaires  seroient 
refusans  ou  delayans  de  ce  faire,  »  d'imposer  d'office  sur  le  pays 
les  sommes  contenues  dans  le  mandement  du  roi^  Pour  bien  faire 
comprendre  l'antagonisme  qui  existait  entre  les  commissaires  des 
états  et  les  élus,  il  est  nécessaire  de  nous  expliquer  sur  les  ofii- 
ciers  que  l'on  désignait  par  ce  dernier  nom. 

Les  états  généraux  de  Languedoïl,  dans  leurs  différentes  ses- 
sions tenues  de  1355  à  1358,  avaient  nommé  des  surveillants  ou 
«  superintendants  »  chargés,  avec  les  pouvoirs  les  plus  étendus, 
de  l'administration  des  aides  accordées  à  la  royauté;  «  ces  super- 
intendants »  prirent  le  nom  de  «  généraux  esleuz  par  les  trois 
estatz  sur  le  fait  des  aides  ordonnez  pour  la  guerre.  »  A  côté  de 
ces  élus  généraux  les  états  nommèrent  des  élus  particuliers  dans 
chaque  diocèse*.  Mais  on  sait  combien  l'autorité  des  états  géné- 
raux fut  éphémère;  en  décembre  1360,  le  roi  Jean,  mis  en  liberté 
sous  caution,  et  imposant  différents  impôts  indirects  dans  le 
royaume  pour  payer  sa  rançon,  reprit  pour  son  compte  la  créa- 
tion des  états  généraux,  et  dès  lors  les  élus  provinciaux,  comme 
les  généraux  sur  le  fait  des  aides,  devinrent  oflSciers  royaux^. 
Les  aides  ayant  été  en  fait  levées  presque  sans  interruption  de 
1360  à  1418,  les  offices  d'élus  devinrent  permanents  comme  elles. 

Les  attributions  normales  de  ces  officiers  royaux  ne  con- 
cernaient que  les  impôts  indirects,  et  spécialement  les  aides  pour 
la  guerre  (12  d.  par  livre  sur  toutes  marchandises,  etc.).  Aux 
termes  des  instructions  de  Jean  le  Bon,  ils  devaient  «  bailler  les 
dictes  impositions  à  ferme,  prendre  caucions,  recevoir  et  faire 
recevoir  tous  les  deniers  à  la  fin  dechasque  mois,  establi  receveurs 
particuliers,  etc.  »  En  outre,  ils  avaient  la  connaissance  de  tous 

1.  Bibl.  nat,  Fr.,  24031. 

2.  Voy.  ùrdonn.,  III,  préface,  p.  67  (pièce  du  17  mai  1357),  et  Ib.,  III,  219 
(pièce  du  14  mai  1358).  Plusieurs  auteurs  ont  cru  à  tort  que  les  élus  diocésains 
^eot  nommés  par  les  états  provinciaux.  (Dareste,  HisL  de  Vadm.  en  France, 
II,  p.  53;  Laferrière,  op.  laud.j  p.  359.) 

3.  Voy.  Ord.y  III,  p.  436-7  (Inst.  du  18  décembre  1360).  M.  Laferrière  {op. 
laud.,  p.  377)  croit  que  c'est  Charles  VII  seulement  qui  a  transformé  les  élus 
eo  oflkiers  royaux  en  enlevant  leur  nomination  aux  états  provinciaux  :  c'est  là 
one  grave  erreur. 


^16  A.    THOMAS. 

les  débats  qui  pouvaient  surgir  à  l'occasion  de  la  perception  des 
aides.  C'est  dans  ces  conditions  qu'ils  furent  établis  en  Auvei^e 
comme  dans  les  autres  provinces  du  domaine.  Quelques  années 
plus  tard,  il  est  vrai,  surtout  sous  Charles  VI,  la  royauté  leva  firé- 
quemment  des  impôts  directs  ou  tailles  conjointement  avec  les  aides; 
les  élus  étaient  alors  chargés  par  conunission  spéciale  de  faire  la 
répartition  de  leur  quote-part  entre  les  paroisses  de  leur  élection*. 
Ce  fait  ne  semble  pas  s'être  produit  en  Auvergne  à  partir  du 
règne  de  Charles  VI  ;  cette  province  appartenait  alors  au  duc  de 
Berry,  qui  de  l'assentiment  même  de  son  neveu  y  exerçait  tous 
les  droits  régaliens.  Mais  son  autorité  ne  put  aller  jusqu'à  impo- 
ser des  tailles  sans  le  consentement  des  états.  Or,  ceux-ci,  conune 
nous  l'avons  vu,  se  réservèrent  le  droit,  en  accordant  ces  tailles, 
de  les  faire  répartir  par  leurs  délégués.  Toutefois  les  élus  avaient 
la  connaissance  judiciaire  des  d^ts  soulevés  entre  parties  au 
sujet  des  tailles  comme  des  aides. 

Sous  Charles  VU  la  maison  de  Bourbon,  à  laquelle  avait  passé 
le  duché  d'Auvergne,  n'avait  pas  hérité  de  la  toute-puissance  de 
Jean  de  Berry.  C'est  le  roi  qui  assemblait  périodiquement  les  états, 
et  tous  les  subsides  qu'ils  accordaient  autrefois  à  leur  duc  étaient 
maintenant  accordés  au  roi.  L'Auvei^ne  se  retrouvant  dans  les 
mêmes  conditions  que  les  autres  pays  obéissant  à  la  royauté, 
celle-ci  devait  chercher  à  y  introduire  ce  qui  se  pratiquait  ail- 
leurs, c'est-à-dire  la  répartition  par  les  oflSciers  royaux  ou  élus. 
Les  étals  de  la  Basse-Auvergne,  comme  on  peut  s'y  attendre, 
résistèrent.  La  lutte  ne  se  déclara  ouvertement  qu'en  1450.  Au 
mois  de  janvier,  les  états  d'Auvergne  avaient  octroyé  au  roi  une 
aide  de  35,500  fr.  qu'il  fallait  répartir  sur  le  pays,  ainsi  que  le 
paiement  des  160  lances  qui  y  étaient  logées  par  ordre  du  roi.  La 
commission  royale  de  l'impôt  pour  la  Basse-Auvei^ne  ayant  été 
adressée  aux  eJus  à  Clermont,  ceux-ci,  qui  étaient  Jean  Barré,  s** 
de  Bourresol,  Robert  Chéron  et  Barthélémy  de  Nesson,  se  mirent 
en  mesure  d'obéir.  Ils  répartirent  la  part  de  la  Basse-Auvergne 
entre  les  villes  et  paroisses  de  la  province.  Les  états  protestèrent 
vivement  et  intentèrent  un  procès  aux  élus;  ceux-ci  se  disant 
conunissaires  du  roi,  la  cause  fut  portée  d'abord  au  Parlement, 


1.  Assiette  faite  dans  le  diocèse  d'Uxès  par  les  élas  en  rerta  d*ane  commissioo 
royale.  1404.  (Bibl.  nat.,  Fr.,  23901.)  —  Commission  do  roi  aux  élus  d'Érreax. 
1415.  (Arch.  nat.,  ZU  6,  ^  36.) 


LES   ÉTATS   PROVmCIADX.  H 

puis  renvoyée  à  la  Cour  des  aides.  Les  élus  ayant  fait  défaut,  la 
cour  ne  voulut  pas  adjuger  aux  demandeurs  le  bénéfice  du  défaut, 
et  par  arrêt  du  l®'  août  1450  elle  ajourna  les  élus  à  un  autre  jour*. 
C'est  cet  arrêt  qui  nous  a  fourni  les  détails  qui  précèdent  ;  nous 
avons  parcouru  en  vain  les  registres  de  la  Cour  des  aides*  pour  y 
trouver  la  suite  de  l'affaire.  Mais  en  fait  les  élus  l'emportèrent  et, 
comme  nous  le  verrons,  l'assiette  ne  se  fit  plus  depuis  lors  dans 
les  mêmes  conditions. 

n  n'y  avait  pas  le  même  antagonisme  entre  les  états  de  la 
Haute-Auvergne  et  les  élus  sur  le  fait  des  aides  à  Saint-Flour. 
D'ailleurs  l'organisation  de  l'assiette  était  absolument  différente 
de  celle  de  la  Basse-Âuvergne.  Cette  organisation  offre  deux 
phases  distinctes  depuis  le  commencement  du  règne  de  Charles  VU 
jusque  vers  1451,  sans  que  nous  puissions  saisir  la  transition  et 
indiquer  les  raisons  de  ce  changement. 

Dans  la  première  période,  l'assiette  est  faite  par  des  commis- 
saires nommés  par  le  roi ^;  les  états  n'y  prennent  part  que  par  la 
présence  de  quelques-uns  de  leurs  membres  qui  assistent  oflScieuse- 
ment  les  commissaires  du  roi ,  mais  n'apposent  pas  leur  signature  au 
bas  de  l'assiette.  Les  commissaires  sont  ordinairement  au  nombre 
de  trois  :  à  savoir  les  deux  élus  sur  le  fait  des  aides  à  Saint-Flour 
et  une  troisième  personne  à  la  disposition  du  roi.  En  1430,  par 
exemple^,  la  conunission  est  ainsi  composée  :  Louis  du  Breuil,  s** 
d'Aurouse,  bailli  des  Montagnes,  pour  le  roi,  et  les  élus  (Louis  de 
Montbalat  et  Tachon  de  Bar)  ;  de  même  en  1432.  En  1431,  nous 
trouvons  coname  commissaire  adjoint  aux  élus  Antoine  de  Cu- 
gnac,  chambellan  du  roi'^;  en  1440,  Guillaume  de  Bresons,  bailli 
de  Gévaudan*;  en  1441,  Draguinet,  s' de  Lastic''.  C'est  vers  cette 
époque  qu'il  y  a  un  changement.  Dès  1444  au  plus  tard,  les  com- 
missaires sont  au  nombre  de  quatre.  Ce  sont  :  l'évêque  de  Saint- 
Flour,  Draguinet,  s'  de  Lastic,  et  les  deux  élus  ou  leurs  lieute- 
nants. La  situation  de  ces  commissaires  parait  assez  ambiguë  : 
en  1444,  Draguinet  de  Lastic  est  qualifié  commissaire  pour  les 


1.  Arch.  comm.  de  Clermont-Ferrand,  original. 

2.  Arch.  nat,  ZIa. 

3.  Ainsi  en  1424.  (Bibl.  nat,  Fr.,  25710,  p.  n*  20.) 

4.  BiU.  nat,  Fr.,  23397. 
5.1b.,  Clair.,  156,  p.  4211. 

6.  Ib.,  Pièees  orig.,  510,  dossier  Brezans,  n*  3. 

7.  Qoitt  da  22  octobre  1441.  (Bibl.  nat.,  Cab.  des  Titres,  dossier  Lasiic.) 

ReV.    HiSTOB.    XI.    !•'  FA8C.  2 


If  A. 

RRâgTiflprg  do  pajs';  àajm  àozx  qpjttariofy  de  1445* et  de  1449, 
rérêgne  de  Stint-FloBr  pre&d  le  titre  de  «  ran  des 
ordaLttâ  pacr  les  trcnrs  eslatz  des  pars  d^Anrangne  à  mettre 
2fiB8c«r  et  mqiOBer  en  îoeolx  la  porrk»  de  Taide  de  nf  M.  fir.,  elc.> 
dans  le  préanthnle  de  Tassietle  de  1448'.  Os  se  qualifient  saiffe- 
mesA  «  onwBinfgaires  ordonDez  par  le  iot  à  mettre  sbs,  etc.  >,  et 
aiUeRzrs,  e&  1444,  «  oommissaîres  ordooDez  de  par  le  nnr  imtre 
sre  et  measeuroeiirs  des  trois  estaz,  €tc.\>ll£ftiit  èndemmateB 
coiidizre  qu'As  araîent  un  pomroîr  pennanent  de  la  part  des 
états,  mais  qu'ils  étaient  iuxestis  du  droit  de  i^tsx&àer  à  Tassielle 
parus  mandement  roral  à  chaque  Dourd  impôt,  comme lesoom- 
ffiîmaires  des  gens  d'église  et  noUes  pour  la  Ba^e-Âureigne. 

Les  états  du  Franc-AIleQ.  du  Limousin  et  de  la  Mardie 
£i*aTaîent  pas  les  mêmes  prrdlèges  que  ceux  de  FAuTwgne.  Les 
oommiasair^  nommés  par  le  roi  pour  demander  aux  états  roctroî 
des  subsides  étaient  cfaar^gés  en  même  temps  de  répartir  les  aonmies 
Totees  entre  les  paroisses;  eux  seuls  araient  le  droit  de  signer 
Fassîetle.  Mais  œs  commissaires  étaient  soumis  à  un  OMitrâle. 
Dans  le  Franc-Alleu  tous  les  membres  des  états,  dont  le  nombre 
ne  devait  pas  être  très  grand,  assistaient  à  Tassiette  £ûte  par  les 
commiwaires^.  Dans  les  autres  pars,  les  états  nommaient  des 


Dès  1423,  en  Haut-Limousin,  Tassiette  est  £ùte  <  ad  ce  prèsens 
et  appdkz  pluâeurs  des  gens  des  trois  estaz  dudit  pars.  >  U  T  a  plus  : 
dans  cette  n^ême  année,  nous  trouTons  une  assiette  distincte  pour 
les  finais  imposés  par  les  états,  outre  le  prindpal,  ei  cette  assiette, 
bien  que  signée  par  les  commissaires  sisiils,  est  faite  «  par  le  con- 
seil et  octrcH  des  gens  des  trois  estaz  dudit  haut  pais,  en  la  pré- 
sence de  nous.. .  commissaires,  etc*.  >  Toutefois  cette  distinction 
n*est  plus  observée  dans  les  années  suivantes.  En  1437  nous 
voyons  enccHre  plus  nettement  indiqué  le  caractère  des  membres 
des  états  qui  assistent  les  commissaires  :  «  appelle  ad  ce  £»«,  disait 
les  coomiissaires,  avecques  nous  pluseurs  des  gens  desdiz  trcHS 
estaz  de  par  eulx  nommez  et  esteuz^.  >  Ces  dâéguès  des  étais 

t.  iMtr.  de  b  Haole-ABTersM  ea  1444.  (Ardi.  Mt,  K  68,  ■*  ^) 
tL  Bibl.  mL,  Fr.,  30883,  p.  44  H  4S. 

3.  Voj.  Ibid. 

4.  iBStr.  mi  smprà. 

5.  BibL  Bat,  Fr.,  2390^  pmssim. 

6.  Ibid. 

7.  KU.  Bit,  Fr.,  23902. 


LES   l^TÂTS   PROVINCIAUX.  49 

recevaient  une  indemnité  plus  ou  moins  considérable  suivant  leur 
condition,  et  cette  indemnité  figurait  parmi  les  frais  outre  le  prin- 
cipal; ce  sont  précisément  les  distributions  de  frais  qui  nous 
apprennent  leurs  noms.  Leur  nombre  ne  semble  rien  avoir  eu  de 
fixe;  il  variait  à  chaque  session.  On  peut  en  juger  par  quelques 
exemples.  En  1435  nous  trouvons  des  sommes  votées  à  dix-huit 
membres  des  états  pour  avoir  assisté  à  l'assiette;  en  1437,  à  dix 
seulement;  en  1438,  en  revanche,  à  vingt-deux*.  Nous  n'avons 
aucun  détail  sur  la  manière  dont  ils  étaient  nommés  par  l'assem- 
blée, mais  le  désordre  dans  lequel  leurs  noms  se  présentent  à  nous 
semble  indiquer  que  l'élection  ne  se  faisait  pas  par  ordre. 

Nous  trouvons  absolument  le  même  usage  en  Bas-Limousin, 
mais  les  délégués  sont  moins  nombreux.  En  1438*,  indemnités  à 
€  Mons' l'abbé  d'Userche,  messire  Jehan  de  RoflSgnac,  chevalier, 
s'  de  Richement,  Heliot,  s'  d'Esmyer,  M*  Hugues  Beynete  et 
M*  Jehan  Laval,  pour  avoir  esté  commis  par  les  trois  estaz  en  la 
compaignie  des  commisseres  pour  faire  l'assiette  dudit  aide,  »  et 
à  «  maistre  Pierre  Saige  et  Jehan  de  Beaufort,  pour  semblable,  » 
soit  sept  délégués.  En  1439,  il  y  a  quatre  délégués  seulement  qui 
sont  :  Louis  de  Gimel,  Pierre  de  Royère,  Jean  de  Beaufort,  écuyer, 
et  Jean  Laval,  juge  du  s' de  Treignac. 

Dans  la  Marche,  il  était  d'usage  d'appeler  à  chaque  assiette 
d'impôt  le  procureur  général  du  comte  de  la  Marche  et  les  châte- 
lains des  diverses  châtellenies  du  comté;  en  outre,  les  états  nom- 
maient des  délégués  en  petit  nombre  pour  y  prendre  part.  En 

1440  nous  trouvons  «  Philippe  Billon,  prieur  de  Jarnage,  Tho- 
mas Deaulx,  de  Guaret,  et  Jehan  de  la  Rouchete,  esleux  et  orden- 
nez  par  les  gens  des  troys  estaz,  tant  pour  ceulx  de  église  comme 
pour  ceulx  des  villes  à  estre  presens  et  veoir  faire  le  taux'.  »  En 

1441  nous  ne  trouvons  de  présents  à  l'assiette  que  Thomas  Deaulx 
et  Jean  de  la  Rochette,  «  ordonnez  parles  gens  des  villes^  »  Pro- 
cureur, châtelains  et  délégués  recevaient  une  indemnité. 

B.  —  Administration  des  frais  outre  le  principal.  — 
Vérification  des  comptes  du  receveur. 

Au  XIV*  siècle,  du  moins  dans  la  première  partie,  lorsque  les 

1.  Voy.  des  assiettes  de  ces  différentes  dates,  Fr.,  23902. 
1  Voy.  les  assiettes,  ibid.,  ib.,  23903. 

3.  Bibl.iiat.,Fr.,23901. 

4.  Ibid.,  ibid.,  21423. 


tttO» 


20  A.    THOMAS. 

états  accordaient  une  aide  au  roi,  ils  nommaient  eux-mêmes  les 
commissaires  chargés  de  la  percevoir,  et  ils  choisissaient  dans 
leur  sein  des  personnes  devant  qui  les  receveurs  nommés  par  eux 
étaient  obligés  de  compter*.  Sous  Charles  VII  la  centralisation 
royale  a  fait  de  singuliers  progrès  ;  c'est  le  roi  qui  nomme  lui- 
même  le  receveur  des  subsides  qu'on  lui  accorde  ;  ce  receveur 
doit  payer  le  principal  de  l'aide  conformément  aux  décharges 
levées  sur  lui  par  les  généraux  des  finances  et  il  ne  peut  compter 
que  devant  la  Chambre  des  comptes.  L'impôt  une  fois  accordé  au 
roi,  les  états  n'ont  donc  plus  aucune  part  à  son  administration.  Il 
n'en  est  pas  de  même  des  frais  levés  par  leur  ordre  outre  le  prin- 
cipal. Le  droit  même  de  faire  lever  ces  impôts  (et  nous  avons  vu 
dans  quelles  conditions  les  états  l'exerçaient)  impliquait  néces- 
sairement le  droit  d'en  régler  l'emploi.  Ce  sont  précisément  les 
procédés  administratifs  suivis  à  cet  égard  que  nous  nous  propo- 
sons d'étudier. 

Si  le  roi  nommait  le  receveur  du  principal,  les  états  pouvaient 
en  principe  choisir  le  receveur  des  frais.  En  1441 ,  Charles  VII 
dit  expressément,  en  parlant  des  états  du  Haut-Limousin,  qu'ils 
ont  voulu  et  ordonné  que  les  sommes  imposées  par  eux  outre  le 
principal  fussent  cueillies  et  levées  par  M®  Pierre  de  Beaucaire  *. 
Mais  en  fait  nous  voyons  toujours  le  receveur  du  roi  chargé  de 
percevoir  les  frais  aussi  bien  que  le  principal.  C'est  que  la  créa- 
tion d'un  receveur  distinct  aurait,  entre  autres  inconvénients, 
nécessité  deux  assiettes  séparées,  l'une  pour  le  principal,  l'autre 
pour  les  frais,  ce  qui  n'était  pas  dans  la  pratique  ordinaire  '. 

Les  états  du  Dauphiné  surent  faire  respecter  par  Charles  VII 
leur  droit  d'obliger  les  receveurs  à  compter  devant  leurs  élus, 
conjointement  avec  les  élus  du  gouverneur,  des  sommes  imposées 
outre  le  principal  pour  les  besoins  de  la  province,  et  d'en  interdire 
toute  connaissance  aux  Chambres  des  comptes  de  Grenoble  et  de 
Paris  *.  Mais  nos  états  de  la  France  centrale  avaient  déjà  perdu 
cette  prérogative.  Fiais  comme  principal,  tout  devait  passer  sous 
les  yeux  de  la  Chambre  des  comptes  de  Paris  ^.  Il  fallait  donc  au 


1.  Voy.  entre  autres  Ord,,  \,  692-3  (Aayergne,  1319). 

2.  Voy.  Bibl.  nat.,  Fr.,  20594,  p.  n«  33. 

3.  Il  y  a  cependant  deux  assiettes  distinctes  en  1423  ponr  le  Haut-Limonsin,  mais 
néanmoins  le  receveur  est  le  même.  (Bibl.  nat,  Fr.,  23902.) 

4.  Voy.  lettres  pat.  de  Charles  vn  da  22  JaoTier  1438.  {Ord.,  Xllf,  252.) 

5.  Si^eant  à  Bourges  de  1418  à  1436. 


LBS  ÉTATS  PROVINCIAUX.  24 

receveur  un  acte  qui  lui  permît  de  distribuer  les  frais  conformé- 
ment à  la  volonté  des  états  et  qui  lui  servît  en  même  temps  de 
pièce  justificative  pour  son  acquit. 

En  Franc-Alleu,  l'assiette  était  immédiatement  suivie  d'un  rôle 
distributif  des  frais*,  signé  également  par  les  commissaires  du 
roi,  et  qui  faisait  partie  luttante  avec  elle.  En  rapportant  ce 
rôle  avec  quittance  des  personnes  auxquelles  des  sommes  étaient 
allouées  par  les  états,  le  receveur  devait  être  tenu  quitte  par  la 
Chambre  des  comptes.  Les  frais  étaient  si  minimes  que  ce  procédé 
ne  semble  jamais  avoir  soulevé  de  difficultés. 

Il  en  était  de  même  dans  la  Marche  ;  la  distribution  des  frais 
était  encore  plus  étroitement  unie  à  l'assiette,  car  les  commis- 
saires du  roi  n'apposaient  leurs  signatures  qu'à  la  fin  de  ces  deux 
pièces  comme  si  elles  n'en  avaient  formé  qu'une  *.  Cette  distribu- 
tion est  le  seul  acte  que  nous  voyons  invoquer  dans  les  quittances 
relatives  à  ce  pays  aussi  bien  en  1451  ^  qu'en  1442*.  Signalons 
cependant  une  distribution  des  frais  dans  des  conditions  différentes  ; 
elle  concerne  l'année  1 445,  est  datée  de  Tours  le  24  septembre  1 445 , 
et  signée  Bar  *.  Mais  elle  n'a  que  la  valeur  d'une  copie  ;  l'original 
nous  est  parvenu  aussi  ;  il  est  daté  du  27  mars  1445,  signé  des 
commissaires  du  roi  et  annexé  comme  d'habitude  à  l'assiette^. 

Les  états  du  Haut  et  du  Bas-Limousin  avaient  la  même  habi- 
tude. Tantôt  la  distribution  des  frais  formait  une  pièce  isolée 
signée  par  les  commissaires  du  roi  et  appelée  «  Informacions  »  ou 
«  Instruccions "^  ;  »  tantôt,  et  le  plus  souvent,  elle  était  annexée 
à  l'assiette  sans  cependant  en  faire  partie  intégrante  comme  dans 
la  Marche.  Les  receveurs  du  Haut  et  du  Ba&-Limousin,  comme 
ceux  de  la  Marche  et  du  Franc- Alleu,  devaient  être  tenus  quittes 
par  la  Chambre  des  comptes  en  rapportant  un  exemplaire  de  cette 
distribution  avec  les  quittances  des  personnes  auxquelles  les 
sommes  étaient  allouées.  C'est  un  privilège  que  les  états  reven- 
diquent avec  la  plus  grande  énergie.  En  1438,  les  états  du  Bas- 
Limousin  veulent  que  les  sommes  par  eux  imposées  outre  le  prin- 

1.  Voyez-en  plnsiears  exemples,  Bibl.  nat.,  Fr.,  23902. 

2.  Voyez-en  trois  exemples,  Bibl.  nat.,  Fr.,  23901. 

3.  Bibl.  nat,  Cab.  des  Titres,  dossier  Saint- Avit, 

4.  Ib.,  ib.,  dossier  Armagnac,  p.  n*  119. 

5.  La  signature  est  de  Jean  de  Bar,  général  des  finances.  (Bibl.  nat.,  Fr.,  25946, 
r467.) 

6.  n>id.,ibid.,  23901. 

7.  Ib.,  ib.,  23902. 


22  A.    THOMAS. 

cipal  soient  «  receues  par  ledit  Jehan  Beaupeilet  par  lui  distribuées 
aux  personnes  ausquelles  ilz  les  ont  ordonnées  et  tauxées,  en 
prenant  de  chacune  desdictes  personnes  quittance  seulement  de 
ce  qu'ilz  en  recevront,  sans  pour  ce  en  vouloir  avoir,  requérir  ne 
demander  autre  mandement  ou  ordonnance  fors  ceste  présente 
assiete  et  declaracion  des  parties,  disant  que  ainsi  en  peuent  et 
doivent  user  et  l'ont  acoustumé  par  privileiges  à  eulxpieça  attri- 
buez par  les  prédécesseurs  d'icelui  seigneur  (le  roi),  le  vidimus 
desquelx  privileiges  dientestre  retenu  et  demeuré  en  sa  Chambre 
des  comptes  *.  >  En  1435,  à  la  suite  d'une  aide  de  50001.  accordée 
au  roi  au  mois  de  septembre  à  La  Souterraine,  les  états  du  Haut- 
Limousin  sont  encore  plus  énergiques.  L'assiette  et  la  distribution 
des  frais  terminées  et  signées,  les  commissaires  du  roi  furent 
obligés  d'écrire  au  revers  :  «  Et  est  assavoir  que  à  la  requeste 
desdictes  gens  des  Trois  Estaz  ledit  receveur  a  esté  chargié  de 
bailler,  distribuer  et  paier  ladicte  somme  de  im™  vm^  1. 1.,  dont 
cy  dessus  est  faicte  mencion,  aux  personEies  à  qui  il  a  été  ordonné, 
en  prenant  de  chascun  d'eulx  leur  quittance  seulement,  sans  en 
demander  autre  mandement,  disans  que  ainsy  l'ont  acoustumé  de 
fere  par  privileiges  qui  se  dient  avoir  du.roy  nostredit  s*"  et  de  ses 
prédécesseurs,  et  en  ceste  condicion  ont  octroyé  et  accordé 
ledit  aide,  et  non  autrement  *.  > 

L'affirmation  si  énergique  d'un  droit  prouve  évidemment  que 
l'exercice  de  ce  droit  rencontrait  des  obstacles.  C'est  qu'en  effet, 
il  était  de  règle  dans  la  comptabilité  royale,  et  au  moins  depuis 
Charles  VI,  que  le  receveur  d'une  aide  ne  pût  rien  délivrer  ni 
payer  des  deniers  imposés  outre  le  principal  sans  lettres  patentes  du 
roi  vérifiées  par  les  généraux  des  finances.  C'est  précisément  à  ce 
contrôle  que  les  états  voulaient  échapper  ;  mais  s'ils  y  réussirent 
pendant  les  dix-huit  premières  années  du  règne  de  Charles  VII, 
il  n'en  fut  pas  de  même  après.  Dès  1440,  à  chaque  impôt  accordé 
au  roi,  les  états  furent  obligés  de  se  pourvoir  à  la  chancellerie 
royale  pour  obtenir  des  lettres  patentes  spécifiant  la  distribution 
des  frais  votés  par  les  états,  et  donnant  ordre  aux  généraux  des 
finances  de  les  laisser  payer  par  les  receveurs  et  de  les  en  tenir 
quittes  sur  le  vu  desdites  lettres  patentes  et  des  quittances  indivi- 

1.  Bibl.  nat.,  Fr.,  23903.  Noas  n'avons  trouvé  aucnne  trace  de  ces  lettres  patentes 
qui  peut-être  n*ont  jamais  existé. 

2.  Bibl.  nat.,  Fr.,  23902,  à  la  date. 


LBS  I^TATS   PROVINCIAUX.  23 

dudles  *.  Ce  n'était  là  qu'une  simple  formalité  ;  à  partir  de  1444, 
il  en  fallut  encore  une  autre.  Aux  lettres  patentes  du  roi  devait 
être  annexé  un  rôle  de  parchemin  reproduisant  la  distribution 
contenue  dans  les  lettres  patentes  et  signé  de  la  main  du  roi  et 
d'un  de  ses  secrétaires '. 

En  Auvergne,  la  distribution  des  frais  par  les  receveurs  se  fai- 
sait en  vertu  de  deux  actes  curieux  qui  demandent  une  étude 
détaillée.  Le  premier,  relatif  à  la  Basse-Auvergne,  était  intitulé  : 
Instrtictions  et  ordonnances  faites,  passées  et  accordées 
par  les  gens  d'église  et  nobles  du  bas  pays  cP Auvergne  sur 
le  partage  et  division  d'un  aide  de,  etc.  Ces  instructions 
commençaient  par  établir  la  part  revenant  à  la  Haute-Auvergne, 
puis  aux  bonnes  villes,  des  sommes  votées  à  l'assemblée  générale 
des  états,  tant  pour  le  roi  que  pour  les  intérêts  communs  de  la 
province,  puis  la  part  des  bonnes  villes  des  sommes  votées  parles 
états  de  la  Basse-Auvergne,  et  enfin  le  rôle  distributif  du  receveur 
de  la  Basse-Auvergne  tant  au  sujet  de  ces  sommes  que  de  celles 
dont  les  gens  d'église  et  nobles  ordonnaient  en  outre  la  levée  sur 
le  plat  pays.  Cette  immense  pancarte  (celle  de  l'année  1446  a  au 
moins  1  m.  carré)  était  scellée,  au  nom  de  tous  les  gens  d'église 
et  nobles,  par  l'évêque  de  Clermont,  le  comte  de  Montpensier, 
dauphin  d'Auvergne,  le  comte  de  Boulogne  et  d'Auvergne,  le 
s' de  Dampierre  et  de  Ravel  (J.  de  ChâtiUon),  le  s'  de  Canilhac 
(L.  de  Beaufort)  et  le  s' de  Langeac,  sénéchal  d'Auvergne,  ou  par 
cinq,  quatre  ou  trois  d'entre  eux.  Les  gens  d'église  et  nobles 
tenaient  une  assemblée  particulière  pour  rédiger  ces  Instructions, 
quelquefois  assez  longtemps  après  la  session  d'états  qui  les  moti- 
vait. Ainsi  les  Instructions  relatives  aux  sessions  de  mai  et 
d'août  1443  sont  datées  d'Aigueperse  en  janvier  1444.  Mais  en 
réalité  la  plupart  des  crédits,  même  spéciaux  au  plat  pays,  étaient 
votés  au  moment  même  de  la  session  et  le  receveur  devait  en 
avoir  une  minute  par  devers  lui.  C'est  ce  qui  explique  qu'en 
1443,  par  exemple,  nous  trouvons  déjà  au  moins  huit  paiements 
sur  les  frais  effectués  par  le  receveur  avant  le  31  décembre, 
bien  que  les  Instructions  ne  soient  datées  que  du  mois  de 
janvier   1444.   Ces  Instructions  n'étaient   pas   signées,  mais 

1.  Noos  aTODS  retrouvé  huit  de  ces  lettres  patentes,  dont  cinq  pour  le  Haut  et 
trois  pour  le  Bas-Limousin. 

2.  Voyez-en  un  exemple  pour  le  Bas-Limousin.  (Bibl.  nat.,  Fr.,  20437,  ^  10.) 


24  A.    THOMAS. 

simplement  contresignées   sur  le  revers  par  un  secrétaire*. 

Il  y  avait  un  acte  analogue  pour  la  Haute-Auvergne,  avec 
quelques  différences  matérielles.  Ainsi  il  était  signé  et  scellé  par 
les  commissaires  chargés  de  faire  Tassiette  des  impôts  dans  le  haut 
pays.  En  outre,  chose  curieuse,  il  portait  le  titre  de  «  Insinua- 
tions faictes  et  accordées  par  mes  seigneurs  les  gens  d  église 
et  nobles  du  hault  et  bas  pais  d'Auvergne  à  cattse,  etc.  » 
Cette  bizarrerie  apparente  s'explique  par  ce  fait  que  les  crédits 
étaient  votés  en  commun  par  le  haut  et  le  bas  pays  à  la  session 
générale  et  que  les  Instructions  de  la  Haute- Auvergne  n'étaient 
qu'un  extrait  particulier  des  résolutions  communes.  Une  minute 
en  était  rédigée  au  moment  de  la  session,  mais  l'expédition  authen- 
tique et  patente  n'avait  lieu  que  quelque  temps  après,  à  Saint- 
Flour  généralement,  quand  le  moment  était  venu  de  procéder  à 
l'assiette  *. 

Les  receveurs  de  la  Haute  et  de  la  Basse-Auvergne  devaient 
distribuer  les  frais  conformément  à  ces  instructions,  et  la  Chambre 
des  comptes  devait  les  en  tenir  quittes  sur  le  vu  des  instructions 
et  des  quittances  particulières.  Comme  dans  les  autres  provinces, 
la  royauté  toléra  longtemps  cette  pratique  ;  mais  par  lettres  du 
17  mars  1443,  Charles  VII  défendit  aux  receveurs  de  tenir  compte 
à  l'avenir  de  ces  instructions  s'ils  n'avaient  de  lui  une  autorisa- 
tion spéciale  à  chaque  fois  ^  ;  d'aiUeurs,  conune  pour  le  Limousin, 
la  nécessité  de  cette  sanction  royale  semble  n'avoir  été  qu'une 
formalité  plus  ou  moins  fidèlement  observée. 

Bien  que  toutes  les  finances  provinciales  dussent  passer  sous  les 
yeux  de  la  Chambre  des  comptes,  les  états  avaient  cependant 
le  droit,  surtout  dans  la  Marche  et  dans  l'Auvergne,  de  vérifier 
certaines  parties  des  comptes  du  receveur.  Dans  la  Marche,  pen- 
dant l'intervalle  d'une  session  ordinaire  à  l'autre,  il  y  avait  fré- 
quemment des  assemblées  plus  ou  moins  nombreuses  dans  l'intérêt 
du  pays,  ce  qui  occasionnait  des  dépenses  que  le  receveur  soldait 
immédiatement  ;  au  moment  de  la  session  suivante,  celui-ci  éta- 


1.  Il  nous  est  pairena  huit  originaux  de  ces  Instructions,  tons  conservés  à  la 
Bibl.  nat.,  savoir  :  un  de  1432  (février),  dans  le  vol.  Fr.,  25944,  n*  69;  un  de  1436 
(décembre),  dans  le  Fr.,  26062,  n*  3055,  et  six  de  1438  à  1446  dans  le  Fr.  22296  (anc. 
Gaign.). 

2.  Il  ne  s'est  conservé  que  deux  Instructions  originales  de  la  Hante-Auvergne 
(1444  et  1448)  (Arch.  nat.,  K  68,  n*  2,  et  Bibl.  nat.,  Clair.,  119,  f>  ulthno.) 

3.  Bibl.  nat.,  Portef.  Font.,  870,  f*  292,  copie. 


LES  éTATS   PROVINCIAUX.  25 

blissait  un  compte  des  sommes  qu'il  avait  ainsi  déboursées  ;  le 
compte,  avec  pièces  à  l'appui,  était  examiné  de  concert  par  les 
commissaires  du  roi  et  les  états,  qui,  après  l'avoir  approuvé,  lui 
en  ordonnançaient  le  montant  parmi  les  frais  dont  on  ordonnait 
alors  la  levée  ;  il  en  était  de  même  pour  les  dépenses  occasionnées 
par  la  session  ordinaire  :  pour  ces  deux  chapitres  du  budget  pro- 
vincial, les  pièces  justificatives  ne  passaient  pas  sous  les  yeux  de 
la  Chambre  des  comptes  qui  devait  se  contenter  des  déclarations 
contenues  dans  le  rôle  distributif. 

En  Auvergne,  ce  système  était  pratiqué  sur  une  échelle  beau- 
coup plus  large.  Dans  la  première  partie  de  la  période  que  nous 
étudions,  jusque  vers  1440,  il  était  d'usage  que  les  états  de  la 
Basse- Auvergne  imposassent  sur  eux  à  chaque  session  une  somme 
fixe,  destinée  à  payer  les  gens  de  guerre  entretenus  par  le  pays 
et  à  subvenir  aux  dépenses  imprévues  que  pouvaient  motiver  les 
affiaires  de  la  province  :  cette  somme  était  portée  en  bloc  aux  Ins- 
tructions ;  elle  était  distribuée  au  fur  et  à  mesure  des  besoins  par 
mandements  des  personnages  qui  mettaient  leurs  sceaux  aux  Ins- 
tructions, ou  d'au  moins  trois  d'entre  eux.  Lorsque  le  crédit  ouvert 
était  épuisé ,  le  receveur  produisait  son  compte  qui  était  examiné 
et  vérifié  par  les  commissaires,  et  ceux-ci  lui  délivraient  une 
décharge  générale  qui  devait  suflSre  à  l'acquitter  vis-à-vis  de  la 
Chambre  des  comptes,  sans  (}ue  celle-ci  pût  l'obliger  à  produire  les 
pièces  justificatives  de  l'emploi  de  cette  sommet  Dans  la  seconde 
période,  il  est  plus  rare  que  l'on  impose  ainsi  un  fonds  de  réserve, 
et  il  semble  qu'il  faille  une  autorisation  royale.  Toujours  estr-il 
qu'en  1444,  par  lettres  du  12  mars,  Charles  VII  autorise  spécia- 
lement la  levée  d'une  somme  de  6000  fr.  sur  toute  l'Auvergne, 
comme  réserve,  à  condition  que  la  distribution  en  sera  certifiée 
par  ses  commissaires  auprès  des  états  d'Auvergne*.  Lorsque, 
dans  l'intervalle  de  deux  sessions,  les  afiaires  du  pays  exigeaient 
le  payement  immédiat  de  fortes  sommes,  comme  par  exemple 
quand  il  s'agissait  de  composer  avec  les  routiers  pour  qu'ils  ne 
pillassent  pas  le  pays,  les  états  nommaient  des  commissaires  à  cet 
efiet  ;  ceux-ci  faisaient  payer  par  les  receveurs,  en  leur  délivrant 
des  certificats',  les  sommes  nécessaires;  puis  des  délégués  des 


1.  Voyez  deax  de  ces  décharges,  Bibl.  nat.,  Clair.,  219. 
t  Voy.  les  lettres  d'aotorisayoD,  et  la  distriboUon  certifiée  poar  la  Basse-An- 
▼ergne,  Bibl.  nat.,  Fr.,  20685,  ^  25  et  27. 
3.  Voy.  un  de  ces  certificats  da  28  sept.  1443,  Cab.  des  Titres,  dossier  Langeac. 


26  À.    TflOMiS. 

états  examinaient  ultérieurement  les  sommes  ainsi  déboursées  et 
les  faisaient  imposer  en  bloc  parmi  les  frais.  Le  roi  essaya  de 
rendre  nécessaire  son  autorisation  quand  la  somme  était  consi- 
dérable ;  en  1443  les  états  durent  payer  une  amende  de  20,000  fr. 
pour  avoir  ainsi  imposé  de  leur  chef  24,000  fr.  et  plus  en  1442  *. 
Nous  ne  voyons  pourtant  pas  que  cela  ait  produit  un  effet  appré- 
ciable. Dans  les  Instructions  de  l'année  1443,  les  états  de  la 
Basse-Auvergne  imposent  sur  eux  12,953  1.  7  s.  6  d.  t.  pour 
partie  de  22,953 1.  7  s.  6  d.  t.  payés  par  le  receveur  dans  l'inter- 
valle de  la  session  de  septembre  1442  à  celle  d'août  1443,  et  ils 
réservent  pour  l'année  suivante  l'impôt  des  10,000  fr.  restants. 
Il  est  dit  expressément  que  les  états  ou  leurs  délégués  ont  vérifié 
par  le  détail  le  compte  du  receveur  à  ce  sujet ,  et  qu'il  prendra 
ladite  somme  par  sa  main  des  deniers  de  sa  recette,  sans  avoir 
besoin  d'autre  autorisation  que  le  texte  même  des  Instructions*. 
Les  états  de  la  Haute-Âuvergne  agissent  avec  la  même  liberté  ; 
en  1444,  «  a  esté  accordé  par  Mgr  le  duc  et  MM.  des  Trois  Estaz 
estre  mis  sus  oudit  hault  pais  la  somme  de  v"*  vi*^  1. 1.  pour  satis- 
faire aux  parties  du  compte  rendu  et  baillié  par  Martin  Roux  k 
mesdiz  s",  lesquelles  parties  et  sommes  d'argent  il  avoit  paiées 
par  leur  ordonnance  et  mandement....  ainsi  que  plus  à  plain  est 
contenu  es  parties  de  sondit  compte,  lesquelles  ont  esté  par  mes- 
diz s"  bien  veues,  examinées  et  gettées  ^,  et  icelles  audit  Martin 
Roux  accordées  estre  allouées  en  la  despense  de  ses  comptes  et 
rabatues  de  sa  recepte  en  rapportant  ces  présentes  tant  seulement, 
et  sans  pour  ce  avoir  ne  demander  autres  lettres,  certifficacions 
ou  quittances  fors  cesdictes  présentes  tant  seulement^.  »  On  voit 
que,  momentanément  du  moins,  la  royauté  ne  semble  pas  avoir 
eu  l'avantage  dans  sa  lutte  contre  ce  privilège  des  états.  Si 
dans  les  années  suivantes  nous  ne  trouvons  pas  défaits  analogues, 
cela  tient  sans  doute  à  ce  que  les  événements  ne  les  rendirent  pas 
nécessaires. 

§  3.  —  Attributions  législatives. 
Sous  Charles  YII,  comme  à  toutes  les  périodes  de  l'ancienne 

1.  Voir  suprà,  §  1  a. 

2.  Voy.  les  Instr.  faites  à  Aigoeperse  en  janyier  1444,  Bibl.  nat.,  Fr.,  22296,  à  la 
date. 

3.  Calculées. 

4.  Voy.  Instr.  dn  3  mai  1444,  Arch.  nat.,  K  68,  n*  2. 


LBS   l^TATS   PROVINCIAUX.  27 

monarchie,  il  n'y  a  qu'un  corps  qui  ait  réellement  le  droit  de  légi- 
férer, c'est  le  conseil  du  roi  ou  Grand  Conseil.  Mais  si  les  états 
n'ont  pas  par  eux-mêmes  le  droit  de  prendre  aucune  mesure  légis- 
lative, ils  ont  un  moyen  de  provoquer  ces  mesures,  et  c'est  à  ce 
titre  que  nous  avons  cru  pouvoir  consacrer  un  chapitre  à  leurs 
attributions  législatives.  Ce  moyen,  c'est  la  rédaction  et  la  remise 
de  cahiers  de  doléances^  comme  on  a  dit  plus  tard.  Un  savant 
membre  de  l'Institut  appelle  ce  droit  .le  droit  de  présenter  des 
cahiers  de  remontrances^.  Le  mot  remontrance  appartient  à 
un  ordre  d'idées  et  d'institutions  entièrement  différent  ;  il  est  abso- 
lument impropre.  Nous  n'avons  pas  trouvé  le  mot  doléance 
dans  les  textes  contemporains,  mais  il  répond  beaucoup  mieux  à 
la  chose. 

Les  cahiers  de  doléances  ne  sont  autre  chose  en  somme  que 
des  suppliques  remises  au  roi  et  examinées  par  son  Grand  Conseil. 
Toutes  les  fois  que  les  états  désiraient  obtenir  une  mesure  dont 
l'autorité  royale  seule  pouvait  prendre  l'initiative,  ils  envoyaient 
des  députésauroi,  et  ces  députés  devaient  être  chargés  de  mémoires 
en  forme  de  doléances  *.  Les  documents  les  plus  connus  sous  le 
nom  de  cahiers  de  doléances  étaient  rédigés  dans  les  assemblées 
de  bailliages  à  l'occasion  des  états  généraux  depuis  1484  et  avaient 
une  portée  générale.  Nous  avons  vu  que  sous  Charles  VII  les 
états  provinciaux  n'étaient  pas  appelés  à  nonmier  les  députés 
aux  états  généraux  ;  ils  n'avaient  donc  pas  de  cahiers  à  rédiger 
à  ce  sujet.  En  revanche  ils  pouvaient,  quand  ils  le  jugeaient  à 
propos,  faire  présenter  au  roi  des  cahiers  de  doléances  portant 
sur  un  ou  plusieurs  objets.  Un  heureul  hasard  nous  a  conservé  ^ 
un  de  ces  trop  rares  documents.  U  fut  adressé  au  roi  par  les  états 
d'Auvergne  au  commencement  de  l'année  1442,  le  roi  étant  à 
Bressuire.  Notre  intention  n'est  pas  d'analyser  ce  qu'il  contient; 
nous  aurons  à  en  utiliser  chaque  paragraphe  suivant  son  objet 
dans  les  différents  chapitres  de  notre  IIP  partie.  Mais  nous  vou- 
lons en  étudier  simplement  la  forme  matérielle.  Il  est  conçu  dans 
les  termes  les  plus  humbles. 

1.  M.  Laferrière,  ùp.  laud.^  p.  367. 

2.  c  Charles,  etc.  Receae  ayons  l'amble  supplicacion  des  gens  des  Trois  Estaz  de 
nostre  bas  paîs  de  limosin  contenant  que...,  etc.  >  Janvier  1436.  (Arch.  nat., 
K  54,  n-  7.) 

3.  C'est  nne  copie  contemporaine  qui  se  trouve  dans  les  titres  de  la  maison  de 
Bourbon,  Arch.  nat.,  P  146U,  cote  950. 


26  A.    THOMiS. 

états  examinaient  ultérieurement  les  sommes  ainsi  déboursées  et 
les  faisaient  imposer  en  bloc  parmi  les  frais.  Le  roi  essaya  de 
rendre  nécessaire  son  autorisation  quand  la  somme  était  consi- 
dérable ;  en  1443  les  états  durent  payer  une  amende  de  20,000  fr. 
pour  avoir  ainsi  imposé  de  leur  chef  24,000  fr.  et  plus  en  1442  *. 
Nous  ne  voyons  pourtant  pas  que  cela  ait  produit  un  effet  appré- 
ciable. Dans  les  Instructions  de  l'année  1443,  les  états  de  la 
Basse-Auvergne  imposent  sur  eux  12,953  1.  7  s.  6  d.  t.  pour 
partie  de  22,953 1.  7  s.  6  d.  t.  payés  par  le  receveur  dans  l'inter- 
valle de  la  session  de  septembre  1442  à  celle  d'août  1443,  et  ils 
réservent  pour  l'année  suivante  l'impôt  des  10,000  fr.  restants. 
U  est  dit  expressément  que  les  états  ou  leurs  délégués  ont  vérifié 
par  le  détail  le  compte  du  receveur  à  ce  sujet,  et  qu'il  prendra 
ladite  somme  par  sa  main  des  deniers  de  sa  recette,  sans  avoir 
besoin  d'autre  autorisation  que  le  texte  même  des  Instructions*. 
Les  états  de  la  Haute-Auvergne  agissent  avec  la  même  liberté  ; 
en  1444,  «  a  esté  accordé  par  Mgr  le  duc  et  MM.  des  Trois  Estaz 
estre  mis  sus  oudit  hault  païs  la  somme  de  v"*  vi*^  1. 1.  pour  satis- 
faire aux  parties  du  compte  rendu  et  baillié  par  Martin  Roux  à 
mesdiz  s",  lesquelles  parties  et  sommes  d'argent  il  avoit  paiées 
par  leur  ordonnance  et  mandement....  ainsi  que  plus  à  plain  est 
contenu  es  parties  de  sondit  compte,  lesquelles  ont  esté  par  mes- 
diz s"  bien  veues,  examinées  et  gettées^,  et  icelles  audit  Martin 
Roux  accordées  estre  allouées  en  la  despense  de  ses  comptes  et 
rabatues  de  sa  recepte  en  rapportant  ces  présentes  tant  seulement, 
et  sans  pour  ce  avoir  ne  demander  autres  lettres,  certifficacions 
ou  quittances  fors  cesdictes  présentes  tant  seulement*.  »  On  voit 
que,  momentanément  du  moins,  la  royauté  ne  semble  pas  avoir 
eu  l'avantage  dans  sa  lutte  contre  ce  privilège  des  états.  Si 
dans  les  années  suivantes  nous  ne  trouvons  pas  défaits  analogues, 
cela  tient  sans  doute  à  ce  que  les  événements  ne  les  rendirent  pas 
nécessaires. 

§  3.  —  Attributions  législatives. 
Sous  Charles  YII,  comme  k  toutes  les  périodes  de  l'ancienne 

1.  Voir  suprà,  §  1  a. 

2.  Voy.  les  Instr.  faites  à  Aigaeperse  en  janyier  1444,  Bibl.  nat.,  Fr.,  22296,  à  la 
date. 

3.  Calculées. 

4.  Voy.  Instr.  du  3  mai  1444,  Arch.  nat.,  K  68,  n*  2. 


LBS   l^TATS   PROVINCIAUX.  27 

monarchie,  il  n'y  a  qu'un  corps  qui  ait  réellement  le  droit  de  légi- 
férer, c'est  le  conseil  du  roi  ou  Grand  Conseil.  Mais  si  les  états 
n'ont  pas  par  eux-mêmes  le  droit  de  prendre  aucune  mesure  légis- 
lative, ils  ont  un  moyen  de  provoquer  ces  mesures,  et  c'est  à  ce 
titre  que  nous  avons  cru  pouvoir  consacrer  un  chapitre  à  leurs 
attributions  législatives.  Ce  moyen,  c'est  la  rédaction  et  la  remise 
de  cahiers  de  doléances^  comme  on  a  dit  plus  tard.  Un  savant 
membre  de  l'Institut  appelle  ce  droit  .le  droit  de  présenter  des 
cahiers  de  remontrances^.  Le  mot  remontrance  appartient  à 
un  ordre  d'idées  et  d'institutions  entièrement  différent  ;  il  est  abso- 
lument impropre.  Nous  n'avons  pas  trouvé  le  mot  doléance 
dans  les  textes  contemporains,  mais  il  répond  beaucoup  mieux  à 
la  chose. 

Les  cahiers  de  doléances  ne  sont  autre  chose  en  somme  que 
des  suppliques  remises  au  roi  et  examinées  par  son  Grand  Conseil. 
Toutes  les  fois  que  les  états  désiraient  obtenir  une  mesure  dont 
l'autorité  royale  seule  pouvait  prendre  l'initiative,  ils  envoyaient 
des  députésauroi,  et  ces  députés  devaient  être  chargés  de  mémoires 
en  forme  de  doléances  *.  Les  documents  les  plus  connus  sous  le 
nom  de  cahiers  de  doléances  étaient  rédigés  dans  les  assemblées 
de  bailliages  à  l'occasion  des  états  généraux  depuis  1484  et  avaient 
une  portée  générale.  Nous  avons  vu  que  sous  Charles  Vil  les 
états  provinciaux  n'étaient  pas  appelés  à  nommer  les  députés 
aux  états  généraux  ;  ils  n'avaient  donc  pas  de  cahiers  à  rédiger 
à  ce  sujet.  En  revanche  ils  pouvaient,  quand  ils  le  jugeaient  à 
propos,  faire  présenter  au  roi  des  cahiers  de  doléances  portant 
sur  un  ou  plusieurs  objets.  Un  heureul  hasard  nous  a  conservé  ^ 
un  de  ces  trop  rares  documents.  Il  fut  adressé  au  roi  par  les  états 
d'Auvergne  au  commencement  de  l'année  1442,  le  roi  étant  à 
Bressuire.  Notre  intention  n'est  pas  d'analyser  ce  qu'il  contient; 
nous  aurons  à  en  utiliser  chaque  paragraphe  suivant  son  objet 
dans  les  différents  chapitres  de  notre  IIP  partie.  Mais  nous  vou- 
lons en  étudier  simplement  la  forme  matérielle.  Il  est  conçu  dans 
les  termes  les  plus  humbles. 

1.  M.  Laferrière,  op,  toted.,  p.  367. 

2.  c  Charles,  etc.  Receae  avons  l'umble  supplicacion  des  gens  des  Trois  Estaz  de 
nostre  bas  paîs  de  limosin  contenant  que...,  etc.  >  Janvier  1436.  (Arch.  nat., 
K  54,  n-  7.) 

3.  C'est  nne  copie  contemporaine  qui  se  trouve  dans  les  titres  de  la  maison  de 
Bourbon,  Àrcb.  nat.,  P  1461^  cote  9S0. 


28  A.   THOMAS. 

Au  roy  nostre  souverain  seigneur, 

Supplient  très  humblement  voz  très  humblez  et  tousdiz  loyaulx  ser- 
viteurs et  subgez  les  gens  des  trois  estaz  de  vostre  pays  d^ Auvergne 
qu'il  vous  plaise  de  vostre  bénigne  grâce,  tant  sur  les  pouvretez, 
afiferes  et  calamitez  dudit  pays  à  vous  nostre  souverain  seigneur  diz 
et  expousez,  comme  sus  les  autres  cy  après  contenuz  et' déclarez, 
leur  pourveoir  tout  par  la  forme  et  manière  qu'ilz  supplient  et 
requièrent,  ou  autrement  ainsy  que  vostre  bon  vouloir  sera. 

Vient  alors  l'exposé  des  doléances  des  états  contenu  dans  huit 
paragraphes  ou  articles.  Chaque  article  est  divisé  en  deux  par- 
ties :  la  première  renferme  le  grief  dont  les  états  se  plaignent  ;  la 
seconde,  la  prière  au  roi  d'y  remédier  sous  une  forme  plus  ou 
moins  précise.  Ce  qui  est  surtout  remarquable  dans  ce  document, 
c'est  la  partie  suivante,  intitulée  :  «  Cy  s'ensuit  Veoopedient 
extrait  des  articles  précédents,  »  Là  sont  résumées  avec  une 
précision  remarquable  les  mesures  que  demandent  les  états  pour 
remédier  aux  griefs  exposés  précédemment  ;  il  y  a  huit  articles, 
autant  que  dans  la  première  partie,  et  l'on  peut  dire  que  chacun 
renferme,  soigneusement  élaboré,  un  projet  d'ordonnance  royale. 
A  la  suite  de  chaque  article  se  trouve  la  réponse  du  roi.  Enfin  la 
pièce  est  donnée  à  Bressuire  le  17  janvier  1442,  et  l'original  était 
signé  du  secrétaire  du  roi  D[reux]  Budé. 

III.  —  RÔLE  ET  INFLUENCE  DES  ÉTATS  PROVINCIAUX. 

§  1 .  —  Influence  politique. 

L'influence  politique  des  états  provinciaux  ne  pouvait  être 
très  considérable  sous  Charles  VIL  Les  questions  politiques  étaient 
soumises  au  Grand  Conseil  ;  quelquefois  le  roi  eut  recours  aux 
états  généraux  pour  prendre  des  résolutions  avec  plus  de  solen- 
nité ;  mais  nous  ne  voyons  pas  qu'il  se  soit  servi  aux  mêmes  fins 
des  états  provinciaux.  Cependant  si  les  états  provinciaux  n'avaient 
pas  d'action  efficace  sur  la  politique,  ils  n'y  demeuraient  pas 
absolument  étrangers.  Lorsque  Charles  VII  eut  renoncé,  en  1440, 
à  réunir  les  états  généraux  pour  leur  demander  des  subsides,  il 
dut  lever  des  impôts  de  son  autorité  propre.  Voici  comment  on 
procédait  à  chaque  impôt  nouveau.  Le  roi  soumettait  à  son  Con- 
seil l'état  des  affaires,  les  principaux  actes  accomplis  depuis  la 


LES  éTATS  PROVINCUUX.  29 

dernière  levée  d'impôts,  les  desseins  qu'il  avait  pour  l'avenir,  et 
le  conseil  fixait,  d'accord  avec  le  roi,  la  somme  qu'il  était  néces- 
saire d'imposer  au  Languedoïl.  Puis  il  procédait  au  répartisse- 
ment  de  cette  somme  entre  les  différentes  provinces.  C'était  donc 
le  Grand  Conseil  qui  avait  l'initiative  politique  en  matière  d'im- 
pôts. A  la  suite  de  cette  séance  du  Conseil,  on  nommait  les  com- 
missaires chargés  d'imposer  dans  chaque  province  la  quote-part 
qui  lui  revenait.  Toutes  les  commissions  étaient  conçues  de  la 
même  façon  :  le  préambule,  rédigé  sans  doute  par  le  conseil,  était 
l'exposé  politique  de  la  situation  que  les  commissaires  devaient 
mettre  sous  les  yeux  des  états  provinciaux  de  chaque  pays.  Ce 
document  était  donc  une  sorte  de  message  politique  ;  mais  il  est 
évident  que  les  états  n'étaient  pas  admis  à  délibérer  sur  son  con- 
tenu. Us  ne  pouvaient  que  le  sanctionner  en  votant  leur  part  de 
l'impôt  demandé,  et  d'ailleurs  il  leur  aurait  été  bien  difScile  de  se 
soustraire  à  la  nécessité  de  ce  vote. 

On  peut  croire  que  les  états  provinciaux  n'étaient  pas  satisfaits 
de  ce  système  qui  leur  forçait  la  main  pour  le  vote  de  l'impôt  et 
qu'ils  eussent  voulu  le  retour  aux  états  généraux  dans  lesquels 
ils  trouvaient  une  garantie  de  plus.  Les  doléances  présentées  par 
les  états  d'Auvergne  au  roi,  en  1442*,  contiennent  à  ce  sujet  un 
article  qui  mérite  une  étude  approfondie'.  Les  états  exposent  au 
roi  que,  sans  compter  l'aide  de  28,000  liv.  qu'ils  venaient  de 
lui  accorder  au  mois  de  novembre  1441,  le  pays  lui  avait  payé 
depuis  quinze  ou  seize  mois  près  de  100,000  liv.;  ils  se  plaignent 
que  leur  quote-part  ait  été  considérablement  augmentée  depuis 
quelque  temps,  bien  que  le  pays  soit  désolé,  et  ils  prient  le  roi  de 
les  imposer  désormais  suivant  leur  quote-part  primitive  qui  était 
beaucoup  plus  faible.  L'article  est  assez  bénin,  et  le  roi  pouvait 
en  prendre  à  son  aise.  Mais  «  l'expédient  ^  »  est  autrement  précis 
et  énergique  :  pour  empêcher  le  retour  de  faits  pareils,  les  états 
demandent  €  lettres  par  lesquelles  le  roi  veult  que  d'ores  en  avant 
les  Trois  Estaz  dudit  pays  soient  appeliez  ou  convoquez  quant  il 
plaira  au  roi  demander  aucune  chouse  sur  les  pays  de  Languedoïl, 
pour  consentir  et  prendre  leur  quotte  et  loyale  porcion  de  ce  qu'ilz 
pourroient  porter.  »  Il  faut  bien  comprendre  la  valeur  de  cet 


1.  Voyez  des  détails  snr  ces  cahiers  de  doléances,  suprà  n,  |  3. 

2.  Art.  2. 

3.  Art.  10. 


80  A.    THOMAS. 

article.  Sous  forme  de  réclamation  particulière  il  contient  un  vœu 
général.  Les  états  veulent  être  appelés  «  quant  il  plaira  au  roy 
demander  aucune  chouse  sur  les  pays  de  Languedofl  ;  »  c'est-à- 
dire  qu'ils  refusent  de  reconnaître  au  Grand  Conseil  le  droit  de 
fixer  seul  le  montant  de  l'impôt  général  et  la  quote-part  de  chaque 
province  ;  en  un  mot  ils  demandent  que  le  roi  convoque  les  états 
généraux  de  Languedoû  toutes  les  fois  qu'il  voudra  lever  une  aide 
générale.  Le  vœu  des  états  provinciaux  fut  bien  ainsi  compris 
par  le  Grand  Conseil  qui  était  directement  en  cause  :  la  réponse 
qu'on  y  fit  est  un  chef-d'œuvre  d'habileté  et  pousse  au  plus  haut 
point  l'art  de  ne  pas  répondre  à  ce  qu'on  demande  tout  en  ayant 
l'air  de  l'accorder.  La  voici  :  «  Le  roy  a  tousjours  eu  et  aura  en 
toute  bonne  recommandation  les  pays  d'Auvergne,  et  est  l'inten- 
cion  du  roy  que,  toutez  et  quantes  foiz  qu'il  assemblera  les 
Troys  Estaz  de  ses  pays  de  Langueddil^  il  les  mandera  et 
appellera  comme  les  autres,  ainsi  que  tousjours  a  acoustumé 
de  faire.  > 

Ainsi  les  états  demandent  des  «  lettres,  »  c'est-à-dire  une  pro- 
messe solennelle  scellée  du  sceau  royal  :  la  réponse  n'en  souffle 
mot.  Ils  demandent  à  être  appelés  (comme  les  autres  pays  de 
Languedoïl)  quand  le  roi  voudra  lever  un  impôt  général  :  le  roi 
répond  qu'il  les  appellera  en  effet  comme  les  autres,  mais  quand? 
«  Toutez  et  quantes  foiz  qu'il  assemblera  les  Troys  Estaz  de 
ses  pays  de  Languedoïl.  »  Les  rédacteurs  oflSciels  n'ont  eu 
garde  d'ajouter  ce  sous-entendu  que  l'intention  du  roi  était  de  ne 
plus  convoquer  les  états  de  Languedoïl.  Les  états  provinciaux 
n*obtinrent  donc  rien  ;  mais  il  n'en  est  pas  moins  intéressant 
aujourd'hui  pour  nous  de  constater  qu'ils  émirent  un  vœu  poli- 
tique remarquable  en  protestant  contre  la  suppression  des  états 
généraux  :  c'est  là  un  fait  à  opposer  aux  paroles  du  roi  qui  dans 
un  document  ofiScid  afiSrme  que  «  plusieurs  notables  seigneurs 
du  pays  ont  requis  qu'on  cessât  de  telle  convocation  faire  ^  » 

Si  ordinairement  les  états  provinciaux  avaient  peu  d'influence 
politique,  il  pouvait  se  présenter  telles  circonstances  où  cette 
influence  acquérait  cependant  de  l'importance.  Il  est  curieux  à  ce 
point  de  vue  d'étudier  le  rôle  des  états  provinciaux  de  l'Auvergne 
dans  la  Prague^He^,  Nous  n'avons  pas  à  faire  l'histoire  de  cette 

1.  Réponse  aux  gri«l^  des  »eigneur«  aMemblè»  à  NQ?«rs  en  1441.  (Recneil  des 
anc.  lois  franc,,  t.  I\,  p.  108.) 

2.  En  144a 


LES  ^TÀTS  PROVINCIAUX.  34 

révolte.  On  sait  que  le  mouvement,  commencé  en  Poitou  au  nom 
et  avec  la  complicité  du  dauphin,  fut  bientôt  arrêté  dans  cette 
province.  Le  dauphin  traversa  rapidement  la  Marche,  dont  le 
comte  Bernard  d'Armagnac,  son  propre  gouverneur,  était  aux 
côtés  du  roi,  et  il  se  retira  en  Auvergne  et  en  Bourbonnais,  où  le 
duc  de  Bourbon  embrassa  hardiment  son  parti  ;  le  comte  de  Mont- 
pensier,  dauphin  d'Auvergne  et  seigneur  de  Combraille,  fit  de 
même,  puisque  le  roi  dut  faire  assiéger  ses  châteaux  de  Chambon 
et  d'Evaux.  Les  seigneurs  coalisés  travaillèrent  vivement  les 
états  d'Auvergne  pour  les  attirer  dans  leur  parti,  mais  sans  suc- 
cès. Bien  que  leur  duc  fût  dans  le  parti  rebelle,  ceux-ci  se  con- 
duisirent avec  la  plus  grande  sagesse  et  n'abandonnèrent  pas  la 
cause  royale.  Ils  se  réunirent  à  la  convocation  de  Charles  VII  au 
mois  de  mai  dans  la  ville  de  Clermont.  Il  faut  citer  ici  quelques 
vers  de  Martial  d'Auvergne.  C'est  à  peu  près  le  seul  témoignage 
d'un  chroniqueur  que  nous  ayons  à  invoquer  dans  ce  travail  sur 
les  états  provinciaux  : 

Ylà  les  gens  des  trois  estaz 
Luy  vindrent  faire  révérence... 
Ce  fait  après  au  roy  offrirent 
Luy  aider  de  corps  et  chevance 
Et  leur  devoir  grandement  firent 
Luy  présentant  don  de  finance*. 

Ce  don  de  finance  était  une  aide  de  20,000  francs  '.  Mais  après 
cette  preuve  de  leur  fidélité  au  roi,  ils  prirent  leurs  mesures  pour 
que  le  pays  eût  le  moins  possible  à  soufirir  des  hostilités  des  deux 
partis.  Les  comtes  de  Boulogne  et  d'Auvergne  et  de  Montpensier 
et  le  seigneur  de  Canillac  furent  envoyés  auprès  du  duc  de  Bour- 
bon et  du  dauphin  à  Riom  et  à  Gannat,  pour  essayer  le  rôle  de 
médiateurs  entre  eux  et  le  roi,  et  surtout  pour  les  prier  de  ne  pas 
faire  de  donmiage  à  la  province  ;  ils  prirent  les  mêmes  précau- 
tions vis-à-vis  du  roi  et  firent  don  d'un  cheval  à  Robert  de 
Bloques,  dit  Floquet,  capitaine  royaliste,  pour  le  faire  partir  le 
plus  vite  possible  avec  ses  troupes  '.  Il  faut  reconnaître  que,  dans 

1.  Martial  d'Auvergoe,  VigUles  de  Charles  VII,  éd.  1724, 1 1,  p.  176. 

2.  Voy.  Catalogue,  Anyergne,  1440,  mal 

3.  c  A  MoDS'  de  Dampierre  et  de  Rerel,  en  recompensacion  d'un  cheyal  qui  fut 
donné  à  Floquet,  capitaine  de  gens  d'armes  et  de  trait  pour  le  roy  nostre  sire,  afin 
qoe  hii  et  ceulx  de  sa  compaignie  Yuidassent  et  alassent  hors  dndit  paîs  d'Auvergne 


32  A.    THOMAS. 

ces  circoDstances  difSciles,  les  états  firent  preuve  d'un  grand  tact 
politique. 

§  2.  —  Influence  financière. 

Les  impôts  intéressant  au  plus  haut  point  les  états  provinciaux, 
puisqu'ils  les  votaient  et  les  supportaient,  on  doit  s'attendre  à 
trouver  trace  de  leur  influence  en  matière  financière.  Examinons 
comment  cette  influence  s'est  exercée  et  les  résultats  qu'elle  a 
obtenus. 

A.  —  Les  états  cherchent  à  rendre  plits  équitable  r assiette 

de  V impôt  direct. 

Au  xv^  s.  la  répartition  de  l'impôt  direct  ou  taille  se  faisait 
entre  les  difiërentes  paroisses  suivant  le  nombre  de  feux  de  chaque 
paroisse.  Les  commissaires  chargés  de  l'assiette  devaient  donc 
avoir  sous  les  yeux  une  sorte  de  cadastre  où  figuraient  toutes  les 
paroisses  avec  le  nombre  de  feux  contribuables  de  chacune.  A 
l'origine  le  mot  feu  avait  sa  signification  propre,  c'estrà-dire  qu'il 
désignait  un  ménage  ou  feu  vif.  Mais  bientôt,  comme  sous  l'em- 
pire romain  le  mot  capui,  il  fut  synonyme  d'unité  contributive 
et  n'eut  plus  de  valeur  littérale.  H  fallut  plus  ou  moins  de  feux 
réels,  suivant  leur  importance,  pour  faire  un  feu  contributif. 
Chaque  paroisse  était  abonnée  pour  un  nombre  fixe  de  feux  et 
même  de  firactions  de  feux  qui  ne  pouvait  être  changé  que  par 


et  n'y  feisseot  domiiuige,  et  anssi  en  recompeosacion  de  certaine  despense  qn'fl  fist 
à  aToir  esté  derers  Mgr.  le  duc  de  Bourbon  à  Gannat  et  Molins  et  derers  le  roy 
à  Clennont  et  à  Saint-Poorsaln  par  l'ordonnance  de  messeignenrs  dndit  paîs  poor 
besoigner  sur  aucunes  choses  touchans  le  bien  dndit  paîs,  440  lÎTres  tournois. 

A  Mgr.  le  comte  de  BoukHgne  et  d'Aurergne,  pour  certaines  grans  despenses 
qn'il  a  faictes  en  certains  voyages  et  cbeyauchées  qu'il  a  &is  à  avoir  esté  à 
Riom  et  à  Gannat  devers  Mgrs.  le  Daulphin  et  de  Bourlton ,  pour  adviser  quil 
estoit  expédient  de  faire  sur  aucunes  requestes  qu'ils  faisoient  au  pays  et  veoir 
se  on  pourroit  trouver  aucun  bon  appœntement  et  appaisement  entre  le  roy  et 
euli,  et  affin  que  ledit  pays  n*eust  dommaige  par  eulx  ne  leurs  genz,  400  L  t. 

A  Mgr.  le  conte  de  Montpensier,  dauphin  d'Auvergne,  pour  semblable, 
200  1.  t. 

A  Mgr.  Loys  de  Beaufort,  conte  d'Aleps  et  s'  de  Canilhac,  pour  semblable, 
200  1.  t.  • 

(Itutruet.  des  gens  d^é§Use  et  nobles  faites  à  la  Sanvetat,  en  septembre  t440. 
—  mbl.  nat.,  Fr.,  22296,  p.  n»  3.) 


LES   ^TITS   PROVINCIIUX.  33 

mandement  royal.  Dans  ces  conditions  le  travail  des  commissaires 
répartiteurs  était  bien  simple  :  s'il  s'agissait  par  exemple  d'impo- 
ser 20,000  francs  et  que  le  nombre  des  feux  de  la  province  fût  de 
2,000,  on  divisait  20,000  par  2,000  pour  avoir  la  valeur  d'un 
feu,  soit  10  francs  ;  alors  une  paroisse  de  2  feux  était  imposée  à 
20  francs,  une  de  3  feux  1/2  à  35  francs,  etc.  Il  y  avait  donc  un 
grand  intérêt  d'impartialité  à  ce  que  le  cadastre  fût  dressé  avec 
soin  et  modifié  toutes  les  fois  que  besoin  était.  C'est  ce  que  les 
états  ne  cessèrent  de  réclamer. 

En  1423,  les  états  de  Languedoïl  ayant  accordé  au  roi  une  aide 
d'un  million,  le  Limousin,  tant  haut  que  bas,  fut  taxé  pour  sa 
part  à  37,000  francs.  Des  commissaires  vinrent  pour  imposer  cette 
somme  et  assemblèrent  les  états  à  cet  effet,  au  mois  de  février. 
Ceux-ci  voulaient  qu'avant  de  faire  aucune  assiette  on  procédât 
à  une  4c  réformation  de  feux,  »  c'est-à-dire  qu'on  revisât  le 
cadastre.  Toutefois,  comme  cette  opération  exigeait  du  temps,  les 
états  consentirent  à  ce  qu'on  imposât  immédiatement  le  premier 
terme  de  l'aide,  renvoyant  l'assiette  des  deux  autres  après  la 
«  réformation  des  feux.  »  Us  nommèrent  des  délégués  pour  assis- 
ter à  l'assiette,  comme  d'habitude  ;  mais  il  fut  expressément  sti- 
pulé que  si  la  revision  n'était  pas  faite  en  temps  utile,  les  états 
seraient  de  nouveau  assemblés  avant  d'asseoir  les  deux  derniers 
termes.  Y  eut-il  des  commissaires  nommés  par  les  états  pour  pro- 
céder à  cette  opération?  Nous  l'ignorons.  Toujours  est-il  que  la 
revision  ne  put  être  faite  et  que  les  états  assemblés  de  nouveau 
consentirent  à  la  dernière  assiette  moyennant  «  aucunes  correc- 
tions et  reparacions  qui  ont  esté  faictes  sur  plusieurs  des  villes  et 
paroisses  tout  par  le  conseil  desdictes  gens  des  Trois  Estaz*.  » 

Les  états  d'Auvergne  furent  plus  heureux  que  ceux  du  Limou- 
sin. Au  mois  de  janvier  1442,  dans  leurs  cahiers  de  doléances', 
ils  représentent  au  roi  «  que  plusieurs  villes  estans  oudit  pays 
d'Auvergne  sont  par  lesdictes  guerres  et  divisions  très  fort  dimi- 
nuées et  les  autres  augmentées  et  peuplées,  par  quoy  bonnement 
lesdictes  villes  et  villaiges  diminués  ne  puevent  porter  la  charge 
qu'ils  avoient  acoustumé  de  faire,  et  les  autres  ainsy  augmentés 
plus  convenablement  pourroient  porter  plus  grant  charge  que 
jadis  n'avoient  acoustumé.  »  Ils  demandent  donc  au  roi  de  «  leur 


1.  Voy.  sur  cette  affaire  Bibl.  nat.,  Fr.,  22902. 

2.  Art.  6  et  13. 

Ret.  Histor.  XL  !•'  pasc.  3 


S4  A.  noMis. 

donner  certains  commissaires  à  leurs  nominacions,  lesquelx  aient 
à  SOT  informer  des  diminucions  et  aogmentacions  dessus  dictes  et 
imposer  lesdictes  Tilles  et  TiUaiges,  le  fort  portant  le  fsiible,  eu 
r^art  esdictes  diminucions  et  augmentacions,  comme  en  leurs 
armes  et  consciences  ils  Tarront  que  à  lEaire  sara  de  raison.  »  Le 
roi  répond  qu'il  «  est  content  de  ce  faire.  »  Néanmoins  nous  ne 
TOTons  pas  qu'il  ait  été  donné  suite  immèdiatanent  k  ce  proj^. 
Au  mcÀs  de  janTier  1445,  Martin  Roux  est  enTOjé  auprès  du  roi 
à  Nancy  pour  obtenir  les  lettres  de  commission  depuis  longtemps 
danandées,  et  il  lui  est  taxé  pour  ce  TOjage  200  Ut.^  II  ne  semble 
pas  aToir  nkissi  dans  sa  démarche,  car  nous  Tojons  encore  au 
mois  d'août  suiTant  4o0  Ut.  ordonnées  au  s*^  de  Dampi^re  et  de 
RaTd  «  pour  aToir  pourchacè  et  obtenu  du  roy  les  lettres  neces- 
seivs  adreçans  aux  commis9»^s  ordonnei  par  le  roj  à  Caire  la 
Tisitacion  des  feux  et  beluges  desdiz  bas  et  hault  palsdWuTergne 
et  pour  les  aToir  fait  TeriâSer  ainsi  que  besoing  en  estoit*.  »  Ces 
commissaires  nommés  par  le  n)i  sur  la  présentation  des  états 
étaient  au  nombre  de  douze  ;  c'étaient  :  Jacques  de  Montmorin, 
bailli  de  Saint~Pierr^«le-Moutier,  Jean,  s' de  Langeac,  sénéchal 
dWuTargne.  Jean,  s*^  de  Chasen>n  et  de  Vi^or^^  Draguinet,  s' de 
Lastic,  Barthélemi  île  la  Farce,  prieur  île  la  Voûte,  Pierre  Bonid, 
officiai  de  Q^rmont,  Guiot  du  Riuf,  abbé  dWrtonne,  Pierre 
YoulpUbère.  Roii^rt  CoustaTe,  Hugues  Chaumeil,  baile  de  Murât, 
Pierrv  Mandonier  et  Martin  Roux.  Us  pnxvdéf^nt  au  fiiit  de  leur 
commission  pen^iant  les  années  1445  et  1446  :  en  i440«  1«  états 
kur  ortionnéfvnt  cvUectÎTenient  jx^ur  c^  la  somme  Je  1135  lir.  »; 
ils  eurent  encore  dÎTerses  allocations  en  1447,  Le  principal  résul- 
tat de  c^te  Taste  enquête  fxit  vie  changer  la  pn>iv>nioQ  contribo- 
tÎTe  obserrée  depuis  longtemps  entre  le  plat  pays  et  ks  k>nnes 
Tilles,  II  fut  arrêté  que  o?s  ikHniWMrvs>  au  lieu  de  payer  oxume 
auparaTant  la  sixième  partie  île  leas^MuMe  lie  rimjvt.  ne  paie- 
raient phis  que  le  s^^ptij^  ^ie  la  part  «ie  la  Bassi^-AuT^rgne.  soit 
les  3  ^  de  rimf<M  total,  l^  répartition  eut  lieu  sur  cette  nouxelle 
base  dès  le  mois  de  jauTier  144T  V 


^  TtiM|.KM.Mt.,  ft.,t^^^^l«»lr  4fi!i«i^^ll^Tifrt44^^ÎMiTHrlUT, 


LES  KTITS   PaOVINCUCX.  35 

Les  états  d'Auvergne  ne  poursuivirent  pas  avec  moins  d'énergie 
un  abus  très  préjudiciable  aux  intérêts  de  la  province.  Le  comte 
de  la  Marche,  Bernard  d'Armagnac ,  possédait  dans  la  Haute- 
Auvergne  les  vicomtes  de  Cariât  et  de  Murât,  et  le  comte  d'Arma- 
gnac, les  baronnies  de  Pierrefort  et  de  Chaudesaigues.  Bien  que 
ces  terres  eussent  toujours  contribué  avec  l'Auvergne,  ces  deux 
seigneurs,  tranchant  du  souverain  chez  eux,  ne  voulaient  pas 
soufiFrir  que  leurs  sujets  payassent  rien  des  sommes  imposées  sur 
l'Auvergne,  ce  qui  jetait  un  grand  trouble  dans  les  finances  de 
la  province  et  chargeait  d'autant  les  autres  contribuables.  Les 
états  s'en  plaignirent  vivement  au  roi  *  et  cette  fois  aussi  ils  eurent 
satisfaction.  Le  comte  de  la  Marche  composa  vers  1443,  et  les 
terres  de  Pierrefort  et  de  Chaudesaigues  furent  confisquées  peu 
de  temps  après  sur  le  comte  d'Armagnac. 

B.  —  Préférence  des  états  pour  Vimpôt  direct ,  ou  taille^ 
opposé  aux  autres  systèmes  de  contributions  et  spéciale- 
ment auœ  aides.  —  Conversion  des  aides  en  équivalent. 

Un  fait  très  curieux  à  constater,  s'il  n'est  pas  très  facile  à  expli- 
quer, c'est  la  préférence  accordée  par  les  états  de  notre  région 
centrale  aux  impôts  directs,  par  opposition  aux  impôts  indirects  ou 
aides.  La  première  preuve  en  est  que  jamais,  pour  ainsi  dire,  les 
états  n'ont  accordé  de  subside  au  roi  sous  la  forme  d'impôt  indirect. 
Un  contemporain  nous  apprend  qu'aux  états  généraux  de  Poitiers, 
en  octobre  1 425,  il  y  eut  de  longues  contestations  entre  les  membres 
de  l'assemblée,  parce  que  pour  fournir  un  subside  au  roi  <  les  ungs, 
c'est  assavoir  d' Angiers,  d'Orliens,  Blaiz ,  Touraine  et  autres  vou- 
loient  des  aides  partie,  et  les  autres  des  pais  bas  jusques  en  Lionnois 
vouloient  que  tout  se  paiast  par  taille  ^  »  A  ce  point  de  vue  l'Au- 
vergne, le  Limousin  et  la  Marche  faisaient  partie  des  pays  bas. 
Pour  le  montrer  encore  mieux,  il  suflSt  d'un  exposé  historique 
des  faits.  Au  mois  d'août  1423,  les  états  généraux  de  Selles 
accordent  au  roi  le  rétablissement  provisoire  des  aides  qui  avaient 
cours  pour  la  guerre  du  temps  de  Charles  VP  ;  en  décembre  sui- 


1.  Dans  les  doléances  de  1442,  art.  4  et  11 . 

2.  Lettre  de  Roulin  de  Maçon  aux  conseillers  de  la  ville  de  Lyon,  ap.  Cab.  hist, 
1878,  p.  216. 

3.  Les  alie»  se  composaient  de  12  deniers  par  livre  de  toules  denrées,  du  1/4  du 
▼in  Tendu  an  détail  et  de  Timposition  foraine. 


36  A.    nOHAS. 

Tant,  les  étals  d*  AuTargne  rpinplacffnt  la  fetcef&m  des  aides  par 
un  impôl  direct  de  20,000  firancs  ^  Au  mois  d'octobre  1125,  les 
états  généraiix  araient  accordé  au  roi  un  subside  d'aiHnès  leqnd 
on  derait  p^rceroir  le  onzième  de  toutes  denrées  et  mancbandîses; 
dans  une  assemblée  taïue  à  Montluçon,  au  uilms  d^avril  suirant, 
et  à  laquelle  prennent  part  les  états  d*AuTefgne,  ce  subside  est 
remplacé  par  une  taille  de  250«000  firancs*.  En  décembre  1426, 
les  états  de  Montluçon  accordent  au  nx  la  krée  d*une  sorte  de 
capitation  d'après  laqudle  chaque  babîtant  derait  parer  de 
5  sous  à  10  deniars  tournois  par  semaine  suirant  son  état  ;  au 
mois  de  mai  suivant,  cet  impôt  est  remplacé,  en  Auxergne.  par 
une  taille  ordinaine^  En  1432«  le  n^,  arec  rassentunent  des  états 
généraux,  ordonne  la  levée  d'un  droit  appelé  barrage  sur  toutes 
les  mardiandises  qui  entneraient  dans  les  xilks  ou  en  sortiraient  ; 
au  mois  de  septembre,  les  états  d'Auvergne  accordent  au  r»t  une 
somme  de  20,000  firancs  pour  remplacer  cette  imjM^tîon  *.  Les 
états  de  Tours  (sept.-oct.  1433)  rétablissent  la  capitation  :  au 
mc4s  de  janvier  1434,  les  états  d'Auvergne  la  r«nplacent  par  une 
taille  de  20.000  firancs  ^  Au  mois  de  juillet  1435,  ils  accordent 
un  impôt  dir>?ct  au  lieu  des  aides  qui  venaient  d'être  rétablies 
provisoir>»Mnt '.  En£n  ks  aides  sont  dièdcitxvement  <  remises 
sus  >  par  le  rot  avec  le  consentement  des  états  généraux,  en 
février  143ï>:  les  états  de  la  Basse-Auvergne  obtiennent  encore, 
movennant  une  soomie  de  S.OOO  firancs,  qu'elles  n'aient  pas  cours 
en  Auvergne  de  toute  l'auM^  1436 '^^  C'esl  seokme&t  au  ukùs  de 
décembre  1436  que  Charles  TU,  de  passage  à  Ûermont,  {«vi- 
mulgue  a^enneikment  le  rètahLis^^ement  des^  aide>  daifcs  la  {mto- 
vince.  à  partir  du  cv«nmencefiiefit  de  Tannée  1437  ^.  IVis  krs  les 
états  n'ont  plus  d'autorité  sur  cees^  imp^x^itiocs  qui  ^  lèvent  sans 
leur  intervention  :  îLs  ne  peuvent  que  prvle^ter  au  kasoùi  contre 
ks  vexations  des  agents  qui  en  sont  charge  ^ 

Lâs  DEMsnes  iaits  ont  certainement  du  se  passer  dans  le  Lirnoosin 
etdaiksla  Marche,  mab  nous  ne  [vxssedons  pas  assec  de  documents 
pour  en  dressser  une  liste  ausssi  complète.  Sîgr^k'cs  touteé?fis  les 
suivants  :  l'aide  des  *tî"r\î^?rtir  (ut  rvtupiic^  eîi  1433,  daas  la 

1.  ^  3L  T«7.  W  CÉto&Hpar  «ul  <à«N(k 

4.  ^  V^.  îf  Oy^^i^M;!  âifeMw 

(l  AfdL  béU  »^^  4«  FKi.  lu  JIM^,  t  ttâ^ 

T.  T4«.  W  CKTifciyf  à  k  4ail». 


LES  ÉTATS  PROYINCUUX.  37 

Marche,  par  une  taille  de  4,000  fr.  *  ;  cette  aide,  non  plus  que  la 
capitation  de  1433,  ne  fut  pas  perçue  en  Bas-Limousin,  mais 
elles  furent  changées  toutes  deux  en  une  taille  de  6,000  fr.  *  ; 
en  1435,  les  états  de  Poitiers  ayant  rétabli  provisoirement  les 
aides,  les  états  de  la  Marche  y  substituèrent  un  équivalent'^. 
Nous  avons  dit  que  le  rétablissement  définitif  des  aides  fut  accordé 
au  roi  par  les  états  de  Languedoïl,  réunis  à  Poitiers  au  mois  de 
février  1436  ;  malgré  cela,  il  semble  absolument  certain  que  ces 
impositions  ne  furent  levées,  ni  dans  le  Limousin,  ni  dans  la 
Marche,  de  1436  à  1450  environ  *.  Cela  tint  sans  doute  à  la 
résistance  énergique  que  les  états  durent  opposer  à  cette  mesure. 
C'est  seulement  vers  1450  que  le  roi  résolut  d'assimiler  ces  pro- 
vinces au  reste  des  pays  de  Languedoïl.  Il  fallut  entamer  de 
longues  négociations  avec  les  états  provinciaux.  C'est  probable- 
ment à  cette  affaire  que  se  rattache  un  voyage  fait  avant  le 
25  mars  1451  par  Baudot  de  Haloy,  clerc,  par  ordre  des  tréso- 
riers de  France,  «  de  la  ville  de  Tours  en  la  ville  de  Limoges  et 
en  la  conté  de  la  Marche  devers  les  gens  des  Trois  Estaz  desdiz 
pais  pour  leur  porter  certaines  instruccions,  mémoires  et  autres 
advertissemens,  et  illec  avoir  attendu  leur  responce  et  retourné 
par  devers  le  roy  en  ladicte  ville  de  Tours  ^.  »  Le  résultat  de  ces 
négociations  fut  que  les  états  de  la  Marche,  du  Limousin  haut  et 
bas  et  du  Périgord  offrirent  collectivement  au  roi  de  lui  payer 
annuellement  une  somme  de  20,000  îr.  pour  que  les  aides  n'eussent 
pas  cours  dans  ces  pays.  Le  roi  accepta  ce  marché  pour  un  cer- 
tain nombre  d'années,  et  le  nouvel  impôt  s'appela  Véquivalent 
auœ  aides  :  il  finit  par  devenir  définitif.  La  quote-part  de  chaque 
pays  était  ainsi  fixée  :  Marche,  4,500fr.  ;  Bas-Limousin,  6,750  fr.  ; 
Haut-Limousin,  6,750  fr.  ;  et  Périgord,  2,000  fr.  L'équivalent 
dut  commencer  à  se  lever  à  partir  du  mois  d'octobre  1451 .  Les 
états  de  ces  quatre  pays  imposèrent  en  outre  sur  eux  la  somme  de 
6,000  liv.  (dont  1,500  liv.  sur  la  Marche)  afin  de  défrayer  les 
députés  qu'ils  avaient  envoyés  à  plusieurs  reprises  auprès  du  roi 
pour  obtenir  le  changement  des  aides  en  équivalent.  Dans  la 


1.  Voy.  le  Catalogne,  à  la  date. 

%,  Lettres  de  Charles  VII  da  14  janvier  1434.  (Arch.  nat.,  K  63,  n*  29.) 

3.  Voy.  le  Catalogue,  à  la  date. 

4.  Un  texte  de  1444  nous  apprend  qu'à  cette  époque  il  n'y  avait  c  nulz  esleuz 
<m  ptîs  de  LinuMin.  i  (Arch.  nat.,  Reg.  de  la  Cour  des  aides,  ZIa  14,  f*  105  t*.) 

5.  Arch.  nat.,  KK  648  (vol.  Monteil),  p.  n*  91. 


38  1.   THOMAS. 

somme  de  6,750 1.  t.  supportée  par  le  Bas-Limousin,  la  vicomte 
de  Turenne  était  comprise  pour  536 1. 10  s.  t.  ;  mais  les  habitants 
de  cette  principauté  ayant  absolument  refusé  de  rien  payer,  la 
moitié  de  leur  quote-part  fut  un  peu  plus  tard  déversée  sur  le 
Haut-Limousin  dontla  charge  se  trouva  ainsi  portéeàT, 0181. 5s.  t. 
pendant  que  celle  du  Bas-Limousin  était  réduite  à  5,481 1. 15  s.  t.  * 
Cet  exemple  ne  tarda  pas  à  être  suivi  des  pays  voisins.  La 
Combraille,  où  le  roi  avait  établi  les  aides  en  1451  ',  envoya 
des  députés  à  la  cour  et  obtint  la  transformation  de  cet  impôt 
indirect  en  un  équivalent  de  700  fr.  par  an,  avant  le  mois  de 
décembre  1456^.  La  même  question  agitait  fort  les  états  d'Au- 
vergne. Le  21  mars  1454,  une  somme  de  400  liv.  est  répartie 
entre  les  bonnes  villes  «  pour  envoyer  certaine  ambassade  devers 
le roy  pour  fere  abatre  les  guabelles  ou  fere  mettre  à  l'équivalent^. > 
Les  états  de  la  Basse-Auvergne  se  réunissent  pour  examiner 
l'affaire,  le  27  juin  à  Issoire,  le  10  et  le  12  août  à  Riom  et  à  Cler- 
mont,  le  11  septembre  à  Issoire.  Toutefois  leurs  demandes  ne 
semblent  pas  avoir  abouti  sous  Charles  VII  ;  nous  trouvons  encore 
des  élus  sur  le  fait  des  aides  en  mars  1459  ^.  La  première  men- 
tion de  l'équivalent  que  nous  ayons  est  de  1463*  :  c'était  proba- 
blement un  cadeau  de  Louis  XI  à  son  avènement.  Cet  équivalent 
était  de  24,000  fr.  pour  la  Basse-Auvergne'''  ;  nous  n'avons  pas 
de  détails  sur  la  Haute-Auvergne. 

C.  —  Les  états  suspendent  V exercice  de  divers  droits  finanr 
ciers  de  la  royauté,  ou  les  rachètent  par  des  impâts 
directs. 

Avec  les  aides  ordonnées  pour  la  guerre  et  les  tailles  qu'ils 
accordaient  périodiquement,  les  états  n'étaient  pas  encore  entiè- 
rement à  l'abri  des  exigences  de  la  royauté.  Celle-ci  possédait 

1.  Voy.  sur  cette  affaire  Arch.  nat.,  K  692b,  11;  Bibl.  nat.,  Fr.  5909,  ^  175; 
20580,  p.  29,  et  2886,  Rôle  des  aides  pour  1454-5  (très  mal  publié  par  fea 
P.  Clément,  de  Tlnstitut,  dans  Jacques  Cœur  et  Charles  VII ,  t.  II,  p.  419  et  s.}. 

2.  Voy.  Arch,  nat.,  ZIa  23.  —  Les  viUes  principales  de  la  Combraille  étaient 
Éyaux  et  Chambon  (Creuse). 

3.  Rôle  des  aideSy  suprà. 

4.  Arch.  de  Clermont,  reg.  non  coté. 

5.  Bibl.  nat.,  Fr.,  23898,  à  la  date. 

6.  Ib.,  Pièces  orig.,  724,  D'  Chauvigny,  n»  8  Hs. 

7.  Bibl.  nat.,  Fr.,  23898,  à  la  date. 


LES   éTlTS   PROYIXCUUX.  39 

certains  droits  dont  la  revendication,  pour  être  intermittente, 
n'en  était  pas  moins  vexatoire. 

De  ce  nombre  était  la  convocation  de  rarrière-ban.  Dès  l'époque 
de  Philipppe  le  Bel,  ce  n'était  plus  pour  la  royauté  qu'un  moyen 
de  se  procurer  de  l'argent  par  les  compositions  auxquelles  les 
particuliers  étaient  obligés  de  se  soumettre.  Ce  moyen  fut  rare- 
ment employé  sous  Charles  VIL  Cependant,  en  1441,  il  chargea 
Tandonnet  de  Fumel  et  Nicole  du  Breuil  de  «  faire  mettre  à  exé- 
cution l'arrière-ban  »  dans  le  Bas-Limousin.  Les  états  s'émurent 
aussitôt  et  offrirent  au  roi,  qui  l'accepta,  une  somme  de  4,500 liv. 
pour  qu'il  ne  donnât  pas  suite  à  ce  projet  *. 

C'était  une  vieille  habitude  de  la  royauté  d'envoyer  de  temps 
en  temps  dans  les  provinces  des  commissaires  extraordinaires 
avec  pleins  pouvoirs  pour  réformer  et  punir  tous  les  abus  qui  y 
avaient  été  commis  depuis  une  certaine  époque  :  tel  était  déjà  le 
caractère  des  enquêteurs  de  saint  Louis.  Charles  VII  jugea  bon 
de  remettre  en  vigueur  cet  usage,  moins  dans  l'intérêt  de  la  jus- 
tice assurément,  que  conune  un  moyen  d'alimenter  le  trésor  par 
les  amendes  et  confiscations  qui  devaient  en  résulter.  En  1445, 
une  conamission  de  ce  genre  fut  instituée  en  Auvergne  pour  «  la 
générale  reformacion  ;  »  elle  était  composée  de  Gilbert  de  la 
Fayette,  de  Girart  Le  Boursier,  de  Pierre  de  Morvillier  et  de 
Nicole  du  Breuil.  La  venue  de  ces  commissaires  mit  la  province 
en  émoi;  on  commença  par  les  gagner  en  leur  faisant  des  pré- 
sents :  le  maréchal  de  la  Fayette  reçut  100  livres  tournois,  Nicole 
du  Breuil  40  et  les  deux  autres  chacun  80  livres  tournois  ;  on 
obtint  ainsi  un  sursis  momentané.  Puis  les  états  envoyèrent  à  la 
cour  Gonnot  du  Riuf  pour  faire  révoquer  la  commission.  Mais 
l'on  pense  bien  que  la  royauté  n'allait  pas  renoncer  gratuitement 
à  l'exercice  de  cette  mesure  lucrative  et  fructueuse.  Il  fallait  une 
compensation.  Les  états,  après  plusieurs  assemblées  tenues  dans 
les  mois  d'août  et  de  septembre  1446  à  Issoire  et  à  Gannat, 
offrirent  au  roi,  qui  l'accepta,  l'octroi  d'une  taille  dont  nous  igno- 
rons le  montant  pour  que  les  conunissaires  fussent  révoqués.  Il 
faut  reconnaître  que  la  conduite  des  états  dans  cette  circonstance 
n'était  pas  inspirée  par  un  sentiment  d'équité  :  si  la  commission 
eût  suivi  son  cours,  amendes  et  confiscations  ne  seraient  tombées 
que  sur  les  coupables  ;  au  contraire,  la  racheter  par  un  impôt, 

1.  Bibl.  nat.,  Fr.,  25711,  n*  145. 


40  1.    THOMAS. 

c'était  faire  payer  par  tous  la  rançon  de  quelques-uns.  Mais  les 
membres  des  états  devaient  évidemment  tenir  à  ce  que  certains 
faits  restassent  dans  l'ombre,  et  il  ne  faut  pas  trop  s'étonner  de 
retrouver  là  le  mobile  de  presque  tous  les  actes  politiques,  à  savoir  : 
l'intérêt  bien  entendu  *. 

Ils  furent  mieux  inspirés  en  s'opposant  à  une  autre  mesure  de 
la  royauté.  Au  commencement  de  1445  environ,  Charles  VIT,  de 
sa  propre  autorité,  voulut  faire  lever  en  Auvergne  de  nouveaux 
droits  sur  le  sel,  tant  de  Poitou  que  de  Languedoc.  Quatre  com- 
missaires vinrent  à  cet  effet  dans  la  province  :  Charles  de  Cas- 
tiUon,  Pierre  des  Crosses,  Morelet  Le  Viste  et  Chariot  de  Rollot. 
Il  fallut  encore  leur  donner  200  liv.  au  mois  d'avril  1445  pour 
les  faire  surseoir  et  attendre  qu'on  se  fût  pourvu  auprès  du  conseil 
du  roi  *  ;  en  1446,  nouveau  don  de  600  liv.  pour  le  même  motif. 
En  même  temps,  les  états  envoyèrent  auprès  du  roi  une  ambas- 
sade composée  du  sénéchal  d'Auvergne,  du  s^  de  Chazeron,  de 
l'abbé  d'Artonne  et  de  Jean  Le  Viste,  «  pour  lui  remonstrer  que 
le  païs  avoit  acoustumé  ne  rien  paier  sur  le  sel.  »  Quel  fut  le 
résultat  de  cette  démarche  ?  Nous  l'ignorons.  Ce  qu'il  y  a  de  sûr, 
c'est  qu'elle  coûta  à  la  province  1200  livres  tournois  et  plus^. 

Enfin,  en  1448,  Charles  VII  ayant  nommé  d'autres  commis- 
saires chargés  de  percevoir  les  droits  de  francs  fiefs  et  nouveaux 
acquêts,  les  états  obtinrent  encore  du  roi  que  ces  commissaires 
restassent  un  an  entier  sans  procéder  à  leur  commission^. 

§3.  —  Rôle  des  étais  au  point  de  vue  de  la  défense  terri'- 
toriale.  —  Organisation  de  l* armée  par  Charles  VIT. 

C'est  peut-être  au  point  de  vue  de  la  défense  territoriale  que  le 
rôle  des  états  provinciaux  a  été  le  plus  important  sous  Charles  VII, 
et  qu'il  est  aujourd'hui  le  plus  intéressant  à  étudier.  L'ennemi 
contre  lequel  les  provinces  avaient  à  se  défendre  était  double  :  les 
Anglais  d'une  part  et  les  routiers  de  l'autre. 

1.  Pour  les  noms  des  commissaires  et  les  sommes  qui  leur  forent  données, 
Toy.  les  Instructions  de  février  t446  (Bibl.  nat.,  Fr.  22296),  et  sur  l'aide  accordée 
au  roi,  Toy.  Catalogue,  à  la  date. 

2.  Voy.  les  Instructions,  Bibl.  nat.,  Fr.,  22296. 

3.  Voy.  les  Instructions  du  mois  de  février  1446,  Bibl.  nat.,  Fr.,  22296,  à  la 
date. 

4.  Voy.  Arch.  nat.,  KK  648  (reg.  Monteil),  p.  n*  99. 


LES   ÉTATS   PROYINCIIUX.  Ai 

A.  —  Défense  contrée  les  Anglais. 

Des  pays  qui  nous  occupent,  le  Limousin  seul  se  trouvait  sur  la 
frontière  des  Anglais,  maîtres  de  la  Guyenne  jusqu'en  1451.  Dès 
1419,  la  première  session  des  états  du  Limousin  que  nous  ayons 
rencontrée  est  relative  à  la  défense  du  pays.  Un  capitaine  anglais 
nonmié  Beauchamp  était  alors  maître  de  la  forteresse  d' Aube- 
roche  en  Périgord,  et  de  là  faisait  de  nombreuses  incursions  dans 
le  Limousin;  quelques  seigneurs,  et  à  leur  tête  le  comte  de  Venta- 
dour  et  les  vicomtes  de  Comborn  et  de  Limoges,  résolurent  d'aller 
mettre  le  siège  devant  cette  place.  Pour  cela  il  fallait  une  petite 
armée  et  surtout  de  l'argent  pour  l'entretenir.  On  réunit  les  états 
à  Tulle  dans  les  premiers  jours  de  septembre;  ceux-ci  consen- 
tirent à  ce  qu'on  imposât  sur  le  pays  une  somme  de  24,000  fr.,  à 
la  condition  expresse  que  cette  somme  serait  uniquement  employée 
à  solder  les  troupes  qui  devaient  assiéger  Auberoche.  Deux  rece- 
veurs furent  nommés,  l'un  pour  le  bailliage  de  Limoges,  l'autre 
pour  les  bailliages  de  Brive  et  d'Userche;  quatre  commissaires  : 
Jean,  seigneur  de  Bonneval,  Gouffier  Hélie,  s'  de  Villac,  Jean 
Peyssièra  et  Bertrant  Aramit,  furent  chargés  de  présider  à  la  dis- 
tribution de  l'argent  et  d'entendre  les  comptes  des  receveurs*. 
Grâce  à  cette  organisation,  la  place  d' Auberoche  put  être  empor- 
tée et  le  pays  fut  mis  pour  quelque  temps  à  l'abri  des  incursions 
ennemies'. 

En  1435,  les  Anglais  occupaient  encore  dans  le  voisinage  plus 
ou  moins  direct  du  Limousin  plusieurs  places  très  préjudiciables 
au  pays,  entre  autres  Aucor^,  MareuiP  et  Doname'^.  Les  états  du 
Haut-Limousin  s'employèrent  énergiquement  pour  trouver  moyen 
de  les  en  déloger.  A  plusieurs  reprises,  ils  envoyèrent  l'évêquede 
Limoges,  Jean  d'Asnières,  Bertrandon  de  Lur  et  Guinot  du 
Barry  auprès  de  Jean  de  la  Roche,  sénéchal  de  Poitou,  pour  lui 
flaire  mettre  le  siège  devant  la  place  d'Aucor<^.  De  son  côté,  le 
vicomte  de  Limoges  paya  comptant  audit  sénéchal  la  somme  de 

1.  Bibl.  nat.,  Baloze,  393,  n*  634. 

2.  HarYaud,  BisL  du  Bas- Limousin. 

3.  Commune  de  Beaussac  (Dordogne). 

4.  Chef-liea  de  canton  (Dordogne). 

5.  Ibid. 

6.  Voy.  Bibl.  nal.,  Fr.,  23902. 


42  1.    THOMAS. 

750  livres  pour  l'aider  dans  ce  projet,  et  la  place  put  être  reprise 
de  vive  force  aux  Anglais*.  Le  résultat  fut  moins  heureux  pour 
Mareuil;  bien  que  l'évêque  de  Limoges  eût  fait  un  voyage  en 
Saintonge  pour  concerter  l'attaque,  et  que  conjointement  avec 
Jean  de  La  Roche,  le  vicomte  de  Limoges  eût  fourni  des  troupes 
pour  tenir  une  bastille  devant  la  ville,  on  ne  put  la  reprendre*. 
Nous  voyons  en  effet  en  1437  les  états  voter  au  seigneur  de  Ma- 
reuil un  somme  de  500  francs  «  pour  lui  aidier  à  délivrer  et 
recouvrer  son  chastel  de  Mareul,  à  présent  occupé  et  détenu 
par  les  Angloys,  ennemis  et  adversaires  du  roy  nostredit  seigneur, 
qui  ont  fait  et  font  de  jour  en  jour  guerre  et  grans  maulx  et  dom- 
maiges  aux  habitans  du  pays^.  »  Cependant  les  états  du  Limousin, 
tant  haut  que  bas,  avaient  obtenu  du  conseil  du  roi  que  la  presque 
totalité  de  l'aide  de  10,000  fr.  qu'ils  avaient  accordée  au  roi  en 
1435^  fût  employée  à  «  la  recouvrance  de  Domme  et  de  Mareul'^.  » 
L'aide  du  Bas-Limousin  dut  être  affectée  spécialement  à  la 
reprise  de  Domme  :  les  états  exposèrent  qu'ils  «  avoient  certains 
traictiez  pour  avoir  et  recouvrer  les  ville  et  chastel  de  Domme,  » 
et  le  roi  leur  accorda  la  libre  disposition  d'une  somme  de  3650  liv. 
pour  employer  à  cet  effet.  11  fut  stipulé  que  cet  argent  serait  remis 
entre  les  mains  de  Pierre  de  Royère  et  de  Martin  de  Sorrias, 
bourgeois  de  Tulle,  commissaires  des  états  délégués  à  cette  inten- 
tion, et  que,  même  par  mandement  du  roi,  les  commissaires  ne 
pourraient  en  détourner  un  denier  pour  un  autre  objet  que  la  déli- 
vrance de  Domme  :  ils  devaient  être  tenus  quittes  par  la  Chambre 
des  comptes  en  rapportant  un  certificat  d'Amaury  d'Estissac 
constatant  que  la  ville  était  remise  en  l'obéissance  du  roi*.  Il 
semble  d'après  cela  que  les  états  du  Bas-Limousin  eussent  traité 
à  l'amiable  avec  le  capitaine  anglais  de  Domme  pour  lui  faire 
évacuer  cette  place;  ce  résultat  fut  atteint,  et  Domme  fut  remis 
entre  les  mains  de  son  seigneur,  partisan  de  Charles  Vil.  Mais 
en  1438,  Charles  VII,  sans  doute  peu  confiant  dans  ce  person- 
nage, chargea  Thibaut  de  Lucé,  évêque  de  Maillezais,  Gautier 


1.  Voy.  ibid.,  Fr.,  26060,  n-  2775. 

2.  Ibid.,  ibid. 

3.  Bibl.  nat,  Fr.,  23902,  à  la  date. 

4.  5,000  I.  accordées  par  le  Bas-Limousin  à  Userche,  en  août,  et  5,000  1.  par 
le  Haut-Limousin  à  la  Souterraine,  en  septembre. 

5.  Bibl.  nat.,  Fr.,  23902. 

6.  Arch.  nat.,  K  62,  n*  7. 


LES  iriTS  PROYINCIAUX.  43 

de  Péruce  et  Jean  Barton,  de  traiter  avec  lui  pour  qu'il  aban- 
donnât la  ville  aux  mains  du  roi  :  le  Limousin  dut  encore  payer 
par  un  impôt  les  firais  de  cette  négociation*. 

En  1439,  grâce  à  des  renforts  amenés  en  Guyenne  par  le  comte 
de  Hontington,  les  Anglais  reprirent  l'offensive  en  Périgord  et 
s'emparèrent  de  Thenon',  d'où  ils  menacèrent  à  la  fois  le  Limousin 
et  la  Haute-Auvergne'.  Charles  VII,  sur  l'initiative  des  états, 
envoya  des  commissaires  au  pays  pour  lever  un  impôt  et  aviser 
aux  moyens  de  reprendre  la  place  :  ces  commissaires  étaient  : 
Gautier  de  Péruce,  Jean  Barton  et  Etienne  Froment.  Les  états 
du  Bas-Limousin  accordèrent  une  aide  de  5,000  francs;  ceux 
du  Haut-Limousin  octroyèrent  probablement  la  même  somme. 
L'argent  provenant  de  ces  deux  octrois  fut  distribué,  conformé- 
ment aux  ordres  du  roi,  par  mandements  des  comtes  de  Venta- 
dour,  vicomtes  de  Limoges  et  de  Turenne,  et  d'Etienne  Froment, 
ou  d'au  moins  deux  d'entre  eux.  La  forteresse  de  Thenon  fut 
reprise  aux  Anglais*. 

Si  le  Limousin  seul  avait  directement  affaire  aux  Anglais,  les 
états  de  toutes  nos  provinces  apportaient  leur  concours  à  la  guerre 
nationale  en  votant  fréquemment  des  sommes  plus  ou  moins  fortes 
pour  aider  des  prisonniers  à  payer  leur  rançon.  Les  sommes  ainsi 
votées  l'étaient  dans  deux  conditions.  Si  le  personnage  était  de 
grande  importance,  le  roi  prenait  d'ordinaire  la  cause  en  main, 
lui  accordait  une  certaine  somme  qu'il  répartissait  lui-même  par 
lettres  patentes  entre  différentes  provinces,  et  alors  les  états  ne 
faisaient  guère  que  confirmer  la  décision  du  roi  en  votant  leur 
quote-part  :  c'est  ce  qui  eut  lieu  notamment  pour  le  fameux  La 
Hire  (Etienne  de  VignoUes),  pour  Charles  d'Orléans  et  quelques 
autres.  Au  contraire,  si  le  personnage  était  secondaire  et  n'avait 
qu'une  notoriété  locale,  il  faisait  exposer  sa  situation  aux  états 
de  sa  province  qui,  de  leur  propre  initiative  et  sans  aucune  inter- 
vention du  roi,  lui  votaient  telle  somme  qu'ils  jugeaient  à  propos. 
Voici  un  tableau  chronologique  des  personnages  plus  ou  moins 


t.  Bibl.  nal.,  Fr.,  20417. 

Z  Chef-lieu  de  canton  (Dordogne). 

3.  8  janvier  1440.  Les  habitants  de  Salers  (Cantal)  requièrent  le  Parlement  de 
leur  permettre  de  fortifier  leur  yille,  les  Anglais  Tenant  de  s'emparer  de  Thenon, 
i  une  journée  de  marche,  bien  qu'il  y  ait  procès  à  ce  sujet  entre  eux  et  leur 
seigneur.  (Arch.  nat.,  XIa  1482,  ^  131  b.) 

4.  Voy.  Catalogue,  Haut  et  Bas-Umousin,  1439,  novembre. 


44  1.    THOMAS. 

importants  auxquels  les  états  provinciaux  sont  ainsi  venus  en 
aide: 

1425,  novembre,  Jean  Foucauld,  pris  par  Talbot  à  Laval  : 
200  liv.  (états  du  Haut-Limousin).  —  Id.  Jean  de  Rochechouart, 
s*  de  Mortemar,  conseiller  et  chambellan  du  roi,  pris  à  la  jour- 
née de  Verneuil  :  200  liv.  (id.).  — 1432,  janvier,  Robert  Cous- 
tave,  écuyer,  prisonnier  à  Rouen,  300  liv.  (Basse- Auvergne). — 
Id.  Lancelot  de  Bonneville,  120  liv.  (id.).  —  1436,  décembre, 
Gonnin  de  Blot,  300  liv.  (id.).  —  1437,  août,  Etienne  de 
Vignolles,  dit  Lahire,  250  liv.,  restant  de  1000  écus  à  lui  assi- 
gnés par  ordre  du  roi  (Haut-Limousin).  —  Id.  Perrinet  Lejeune, 
écuyer,  30  liv.  (id.).  —  Id.  Jean  Pain,  écuyer,  20  liv.  (id.).  — 
1438,  juillet,  Gonnin  de  Blot  (bis),  150  liv.  (Basse-Auvergne). 
— 1439,  février,  Bertrand  du  SaiUant,  fait  prisonnier  par  les 
Anglais  de  Limeuil  (Dordogne),   120  liv.  (Bas-Limousin).  — 

1441,  janvier,  Jean  de  Montbrun,  écuyer,  40  liv.  (Haut-Limou- 
sin). —  Id.,  Guillaume  de  Saintr-George ,  écuyer,  30  liv.  (id.). 

—  Id.,  Giron  Bardot,  écuyer,  30  liv.  (id.).  —  1442,  Charles 
d'Orléans.  Par  lettres  données  à  Limoges  le  24  mai  1442, 
Charles  VII  lui  fait  don  de  168,900  écus  sur  tout  le  royaume, 
dont  6,000  sur  le  Limousin  haut  et  bas,  2,000  sur  la  Marche  et 
10,000  sur  l'Auvergne;  cependant  à  leur  session  de  septembre 

1442,  les  états  d'Auvergne  ne  lui  accordent  que  5,000  écus 
(=6,878 liv.).  —  1443,  août,  Jacques  d'Ussel,  écuyer,  450  liv. 
(Basse-Auvergne). — 1445,  août,  Raoul,  s^  de Gaucourt,  500 écus 
(Auvergne).  —  1448,  janvier,  duc  d'Angoulême,  500  liv.  (Au- 
vergne). 

B.  —  Défense  contre  les  routiers. 

Nous  n'avons  pas  besoin  d'insister  sur  un  fait  universellement 
connu,  c'est  que  jusque  vers  1445  les  gens  de  guerre  furent  la 
plaie  de  la  France.  Sous  les  noms  de  routiers,  estradeurs,  écor- 
cheurs  que  leur  infligeait  le  ressentiment  public,  ils  arrivèrent  à 
se  faire  redouter  des  populations  plus  encore  que  les  Anglais.  Les 
chroniqueurs  contemporains  sont  unanimes  à  ce  sujet,  et  nous  en 
avons  des  témoignages  particuliers.  Dès  1419,  à  la  session  des 
états  du  Limousin  tenue  à  Tulle  au  mois  de  septembre,  où  il 
s'agissait  de  lever  une  petite  armée  pour  assiéger  Auberoche, 
l'abbé  d'Userche  n'y  consent  qu'à  la  condition  que  les  seigneurs, 


LES  ijATS  paoviNcuux.  45 

en  revenant  de  cette  expédition,  aient  à  ne  pas  piller,  rançonner 
et  manger  le  pays  comme  cela  arrivait  trop  souvent*.  Un  texte 
de  1423  relatif  à  l'Auvergne  parle  des  <  roberies,  pilleries, 
mordres  de  personnes,  ravisseraens  de  femme  et  autres  dom- 
maiges,  excès  et  inconveniens  qui  de  jour  en  jour  sont  euz,  faiz 
et  perpétrez...  par  pluseurs  rotiers,  robeurs,  pilleurs  ou  autres 
malfaicteurs'.  »  Voyons  par  quels  moyens  les  états  ont  essayé  de 
remédier  à  ces  désordres. 

Dès  1424  les  états  d'Auvergne  avaient  levé  des  troupes  à  cet 
effet;  nous  voyons  qu'il  y  avait  soixante  hommes  d'armes  «  à  la 
garde  et  deffense  du  pays  »  sous  les  ordres  de  Bertrand,  s' de  la 
Tour,  de  Jean,  s'  de  Langeac,  sénéchal  d'Auvergne,  et  d'autres; 
leurs  gages  étaient  payés  sur  les  fonds  provinciaux^.  C'était  évi- 
denmient  une  conséquence  de  l'alliance  conclue  le  11  juillet  1423 
entre  l'Auvergne,  le  Bourbonnais,  le  Forez,  le  Beaujolais  et  la 
CombraUle,  alliance  par  laquelle  chacun  de  ces  pays  s'engageait 
à  secourir  les  autres  en  cas  de  besoin  avec  des  forces  proportion- 
nées à  ses  ressources^.  Le  27  mai  1430,  dans  une  assemblée 
tenue  à  Issoire,  les  états  organisèrent  définitivement  cette  milice 
provinciale  par  un  acte  solennel.  Cet  acte  est  digne  de  la  plus 
grande  attention*  :  on  retrouve  là  par  avance  les  principales  me- 
sures que  devait  promulguer  plus  tard  Charles  VIT  à  la  requête 
des  états  généraux,  dans  la  pragmatique  d'Orléans  (2  novembre 
1439).  Il  fut  décidé  que  la  province  entretiendrait  désormais 
120  hommes  d'armes  et  80  hommes  de  trait,  répartis  en  cinq 
compagnies,  sous  les  ordres  du  sénéchal  d'Auvergne,  du  bailli  de 
Montpensier,  et  des  seigneurs  de  La  Tour,  de  Dampierre  et  de  la 
Fayette.  Chaque  capitaine  devra  choisir  lui-même  les  hommes  de 
sa  compagnie  et  répondra  de  leur  conduite.  Pour  qu'ils  soient 
toujours  prêts  en  cas  de  besoin,  on  leur  paiera  un  mois  de  gages 
d'avance.  A  la  première  session,  on  ordonnera  la  levée  d'une 
somme  sufSsante  pour  l'entretien  de  ees  troupes  ;  cette  somme  sera 
mise  dans  un  coffre  spécial  pourvu  de  cinq  clefs.  Il  y  aura  cinq 


1.  c  Non  habeant  piUiare,  nec  ransonare  nec  consiimere  patriam.  t  (Bibl.  nat., 
BiL,  393,  n*  634.) 

2.  Arch.  nat,  P  1358',  cote  550. 

3.  Voy.  une  quittance  de  Bertrand  de  la  Tour,  Bibl.  nat,  Fr.,  26047,  n*  241. 

4.  Voy.  pins  haut,  II,  {  1  b. 

5.  L'original  se  trouve  'aux  Arch.  nat.,  P  1359;  il  a  déjà  été  publié  par  M.  A. 
Ririère. 


46  i.    THOMAS. 

commissaires  qui  auront  chacun  une  clef  pour  présider  à  la  dis- 
tribution de  cette  somme,  à  savoir  :  Pierre  de  Gros,  le  prieur  de 
la  Voûte,  Tofficial  de  Clermont,  Hugues  Roland  et  le  gouverneur 
de  Clermont.  Ces  commissaires  feront  le  serment  d'employer  uni- 
quement cette  somme  à  la  solde  des  troupes,  et  ils  ne  délivreront 
de  mandats  de  paiement  qu'après  s'être  assurés  par  des  montres 
que  l'effectif  est  au  complet.  Enfin  on  décide  que,  conformément 
au  traité  d'alliance,  ces  troupes  seront  envoyées  en  cas  de  besoin 
au  secours  du  Bourbonnais,  du  Forez  et  du  Beaujolais,  à  la  con- 
dition que  vice  versa  le  Bourbonnais  devra  envoyer  au  secours 
de  l'Auvergne  40  hommes  d'armes  et  20  archers,  le  Forez  20 
hommes  d'armes  et  15  archers,  et  le  Beaujolais  15  hommes 
d'armes  et  10  archers. 

Cette  organisation  semble  avoir  subsisté  jusque  vers  1438. 
Nous  trouvons  encore  cette  année-là  une  somme  de  9,000  liv. 
imposée  pour  payer  les  gens  d'armes  employés  à  la  défense  du 
pays,  mais  la  distribution  en  est  confiée  à  l'évêque  de  Clermont, 
au  comte  de  Boulogne  et  d'Auvergne,  aux  seigneurs  de  Dam- 
pierre,  de  Canilhac  et  de  Langeac,  ou  à  quatre  ou  deux  d'entre 
eux*.  En  1440  nous  ne  retrouvons  plus  cette  mesure  avec  le 
même  caractère  ;  nous  voyons  allouer  une  indemnité  totale  de 
2,100  liv.  à  quatre  seigneurs  «  pour  et  en  recompensacion  des 
fraiz  et  despenses  qu'il  leur  a  convenu  faire  et  soustenir  pour 
avoir,  mettre  sus,  armer  et  entretenir  par  certain  temps  cer- 
tain nombre  de  gens  d'armes  et  de  trait  qu'il  a  convenu  tenir 
oudit  pais  pour  la  garde  et  défense  d'icellui*.  »  Les  termes  mêmes 
de  cette  allocation  indiquent  bien  qu'on  avait  renoncé  à  l'idée 
d'une  milice  permanente.  Nous  n'en  retrouvons  plus  aucune  trace 
postérieurement. 

Il  n'y  eut  pas  d'organisation  analogue  dans  les  provinces  voi- 
sines; toutefois  on  sut  aussi  résister  par  la  force  aux  invasions 
des  routiers.  En  1435,  le  fameux  Rodrigue  de  Villandrando^ 
ayant  couru  le  Bas-Limousin  avec  ses  bandes,  plusieurs  seigneurs 
du  pays  tinrent  garnison  contre  lui  à  Meymac  et  à  Ussel,  et  les 
états  leur  votèrent  des  indemnités  pour  ce  fait^.  Dans  la  Marche, 

1.  Voy.  les  Inslr.  de  cette  anoée,  Bibl  nat.,  Fr.,  22296,  à  la  date. 

2.  Voy.  les  Instr.,  Bibl.  nat.,  Fr.,  22296,  à  la  date. 

3.  Voy.  sur  ce  fameux  capitaine  la  belle  biographie  de  M.  Jules  Quicherat, 
Paris,  Hacbetle,  1879. 

4.  Voy.  Ribl.  nat.,  Fr.,  22420,  et  Catalogue,  à  la  date. 


LBS  iTÀTS  PROTIMCUCX.  47 

le  comte  avait  dans  quelques  villes  des  capitaines  qui  n'étaient 
pas  sans  avoir  quelques  soldats  avec  eux  ;  cela  suffisait  parfois  à 
efifrayer  les  routiers.  En  1440  et  en  1441  nous  voyons  les  états 
voter  ainsi  une  somme  de  100  fr.  aux  capitaines  de  La  Chapelle- 
TailleferS  de  Guéret,  de  Jarnage*,  de  Rochefort^  et  à  Jacques 
Bézu  «  pour  recompensacion  de  pluseurs  chevauchées,  fraiz  et  des- 
penses qu*ilz  ont  faictes  pour  aller  au-devant  de  pluseurs  cappi- 
taines4e  gens  d'armes  affin  qu'ilz  n'entrassent  oudit  pays^  » 

Mais  il  faut  bien  le  reconnaître,  même  la  savante  organisation 
adoptée  par  les  états  d'Auvergne  était  absolument  impuissante  ; 
ces  troupes  entretenues  par  les  états  ne  semblent  pas  avoir  rendu 
de  grands  services  au  pays,  ni  tenu  les  routiers  en  respect.  Le 
plus  souvent,  c'était  à  prix  d'argent  qu'on  barrait  la  route  à  ces 
hôtes  dangereux  ou  qu'on  les  faisait  déloger.  Les  sommes  que  les 
gens  de  guerre  ont  ainsi  tirées  de  nos  provinces  du  centre  pendant 
plus  de  vingt  ans  sont  énormes.  Essayons  d'en  donner  quelques 
aperçus. 

Les  documents  sont  rares  sur  la  Marche;  nous  voyons  cepen- 
dant en  1426  les  états  obligés  de  composer  à  la  somme  de  506  liv. 
avec  Théode  de  Valpergue  et  autres  capitaines  au  service  du  roi 
«  pour  non  logier  oudit  pays  et  y  donner  souffrance  de  non  y 
fourrager  ne  le  dommager  par  certain  temps ^.  » 

Le  Limousin  eut  beaucoup  à  souffrir  :  en  1435,  un  certain  Au- 
det  de  Rivière  occupait  le  château  de  Courbefy  et  s'y  conduisait 
conmie  en  pays  ennemi;  les  états  durent  traiter  avec  lui  à  prix 
d'argent  pour  lui  faire  évacuer  la  place  avec  ses  gens^.  Il  fallut 
encore  promettre  à  son  successeur  200  liv.  pour  «  garder  ses 
gens  une  saison  de  piller  et  appa tisser  les  gens  du  pays^.  »  Autre 
dépense  pour  obliger  Jean  de  la  Roche ,  sénéchal  de  Poitou ,  à 
retirer  la  garnison  qu'il  tenait  à  Saint-Exupéry*;  on  y  réussit  par 
l'intermédiaire  du  vicomte  de  Turenne  et  cela  coûta  3,000  fr.  que 
durent  payer  les  états  du  Bas-Limousin^.  Ce  malheureux  château 

1.  Canton  de  Goéret  (Creuse). 

2.  Chef-lien  de  canton  (Creuse). 

3.  Commune  et  canton  de  Somac  (Corrèze). 

4.  Voy.  Bibl.  nat.,  Fr.,  21423  et  23901. 

5.  Ibid.,  ib.,  20587,  p.  36. 

6.  Ribl.  nat.,  Fr.,  23902,  à  la  date. 

7.  Ibid.,  ibid. 

8.  Près  d'Ussel  (Corrèze). 

9.  Bibl.  nat.,  Fr.,  22420. 


48  i.    THOMAS. 

de  Courbefy  était  un  refuge  merveilleux  pour  les  routiers  qui 
pouvaient  rançonner  à  loisir  le  pays  environnant  et  venir  y  mettre 
leur  butin  en  sûreté;  aussi  les  tentait-il.  Après  Audet  de  Rivière, 
ce  fut  Jean  de  Santoux  qui  s*en  empara.  Sa  conduite  fut  si  exé- 
crable que  les  états  traitèrent  avec  lui  au  prix  de  1400  réaux  d'or 
pour  le  faire  déloger  et  remettre  la  place  aux  mains  d'Amaury 
d'Estissac,  lieutenant  du  gouverneur  de  Limousin*  (1438).  Le 
gouverneur  était  alors  Charles  d'Anjou  ;  il  semble  qu'il  aurait  dû 
avoir  des  troupes  assez  bien  disciplinées  pour  réprimer  ces  dé- 
sordres. Mais  loin  de  là  :  le  capitaine  général  de  ses  gens  d'armes 
et  de  trait,  Louis  de  Bueil,*  commettait  pis  que  pendre  dans  le 
pays;  les  états  durent  encore  traiter  avec  lui  par  l'intermédiaire 
de  Poton  de  Saintrailles,  alors  bailli  de  Berry  ;  ils  lui  donnèrent 
400  réaux  d'or  pour  le  faire  déloger  immédiatement  avec  ses  gens 
et  lui  firent  promettre  de  ne  pas  remettre  les  pieds  dans  le  pays 
avant  la  fête  de  Noël  1438«. 

Telle  était  l'épouvante  que  causait  le  passage  des  gens  de 
guerre  qu'au  mois  de  mai  1442,  Charles  VII  partant  pour  faire 
lever  le  siège  de  Tartas,  les  états  du  Haut  et  du  Bas-Limousin 
lui  offrirent  spontanément  4,000  francs  pour  que  les  troupes  qui 
l'accompagnaient  ne  traversassent  pas  la  province^.  Ce  fut  la 
même  chose  au  retour  :  les  états  du  Bas-Limousin  furent  obligés 
de  promettre  aux  capitaines  (Chabannes,  Floquet  et  autres)  plus 
de  4,000  fr.  pour  éviter  le  pillage,  et  malgré  cela,  dit  un  docu- 
ment contemporain,  «  iceulx  cappitaines  et  leurs  gens  et  toute 
l'armée  du  roy  en  retournant  dudit  voiage  ont  passé  par  ledit 
pays  et  logé  en  icelui,  ont  bouté  feux,  prenoient  gens  et  bestail 
et  mettoient  à  raençon  et  ont  tout  destruit,  et  encore  que  pour 
eulx  desloger  d'icelui  ont  rançonné  les  villaiges.  > 

S'il  fallait  ainsi  compter  par  le  menu  toutes  les  rançons  payées 
par  l'Auvergne,  cela  deviendrait  fastidieux;  bornons- nous  à 
quelques  chiffres.  En  1436,  les  états  de  la  Basse-Auvergne  rem- 
boursent au  duc  de  Bourbon  6,000  liv.  qu'il  a  payées  à  Rodrigue 
de  Villandrando,  alors  en  Albigeois,  pour  éviter  qu'à  son  retour 
il  ne  traverse  le  pays^  En  1438  les  rançons  payées  aux  gens 


1.  Bibl.  nat,  Fr.,  23902,  à  la  date. 

2.  Ibid.,  ibid.,  23902. 

3.  Voy.  le  Catalogue,  à  la  date. 

4.  Arch.  nat.,  ZU  14. 


LBs  Mtats  provinciaux.  49 

d'annes  s'élèvent  à  près  de  20,000  fr .  rien  qu'en  Basse-Auvergne  ; 
en  1442,  à  24,000  liv.,  en  1443,  à  23,000  liv.  à  l'occasion  du 
retour  des  gens  de  guerre  de  Gascogne.  En  1445  encore,  l'Au- 
vergne est  obligée  de  donner  1300  moutons  au  bâtard  d'Arma- 
gnac pour  le  faire  sortir  de  la  province. 

Rien  ne  montre  mieux  que  ce  long  exposé  la  nécessité  de  la 
réorganisation  de  l'armée  dont  Charles  VII  et  son  conseil 
prirent  l'initiative  en  1445;  rien,  semble-t-il,  n'était  plus 
propre  à  faire  accepter  de  grand  cœur  par  les  états  provin- 
ciaux le  nouvel  état  de  choses  créé  par  les  mesures  de  la  royauté. 
Nous  allons  voir  quel  fut  leur  rôle  dans  cet  événement  capital, 
non  seulement  du  règne  ^de  Charles  VU,  mais  de  l'histoire  de 
France. 

C.  ^  Nouvelle  organisation  de  V armée  par  Charles  Vil; 

Rôle  des  états. 

C'est  au  mois  de  mai  1445  que  Charles  VII,  alors  à  Loupy-le- 
Ghftteau,  en  Barrois,  commença  la  réforme  de  la  cavalerie.  Sans 
parler  de  mesures  destinées  à  rendre  la  discipline  plus  sévère,  la 
véritable  innovation  fut  la  résolution  adoptée  par  le  conseil  du 
roi  de  caserner  l'armée  dans  les  provinces,  et  de  mettre  à  la  charge 
de  chacune  d'elles  la  nourriture  et  l'entretien  des  soldats  qui  y 
casemeraient.  On  fixa  à  2000  le  nombre  des  lances  à  loger  ainsi 
dans  tout  le  royaume*  :  500  en  Languedoc  et  1500  en  Languedoïl  ; 
puis  on  établit  la  quote-part  de  chaque  province.  L'Auvergne  fut 
taxée  à  160  lances,  dont  40  dans  la  Haute-Auvergne,  c'est^-à- 
dire  le  quart  du  nombre  total  :  les  40  lances  de  la  Haute- Au- 
vergne étaient  sous  le  commandement  de  Robert  Compaing*  :  il  y 
avait  deux  capitaines  dans  la  Basse- Auvergne  :  Amanieud'Albret, 
8'  d'Orval,  avec  100  lances,  et  Guillaume  de  Rosinviven  avec 
20  autres*.  Le  Haut  et  Bas-Limousin  reçurent  chacun  43  lances 
sous  le  commandement  de  Philippe  de  Culant,  s**  de  Jalognes, 
maréchal  de  France^.  Nous  n'avons  de  détails  sur  la  Marche  que 

1.  Chaque  lance  comprenait  six  personnes  et  six  chevaux.  (Voy.  Bibl,  de  VÉc. 
it»  chartes,  11*  série,  p.  122  et  suiv.,  un  bon  article  de  Vallet  de  Virinlle  que 
Bootaric  n'a  fait  que  répéter  dans  ses  In$iUuiion$  militaires  de  la  France  t 
p.  309.) 

2.  Instr.  pour  1446,  Bibl.  nat.,  Fr.,  222%,  à  la  date. 

3.  Bibl.  nat,  Fr.  22296  et  Fr.,  21495,  p.  47  et  49  (montres). 

4.  Bibl.  nat,  Cab.  des  Titres,  dossier  CtUanU 

ReV.   HiSTOR.   XL   i»'  FA8C.  4 


50  A.   THOMAS. 

pour  Tannée  1451  :  elle  entretenait  à  ce  moment  18  honmies 
d*armes,  dont  9  sous  le  maréchal  de  Jalognes,  et  les  autres  9  sous 
Blain  Loup,  seigneur  de  Beauvoir  et  de  Mérinchal^;  il  en  était 
probablement  ainsi  dès  Torigine.  Cependant,  en  1449,  le  maréchal 
de  Jalognes  s'intitule  capitaine  de  100  lances  fournies,  logées  par 
ordre  du  roi  dans  le  Limousin  haut  et  bas  et  dans  le  comté  de  la 
Marche';  d*après  notre  compte  nous  ne  trouverions  que  95  lances 
sous  ses  ordres.  —  Une  pièce  de  1454'  nous  apprend  que  le  Franc- 
Âlleu  avait  reçu  3  lances  fournies. 

L'idée  nouvelle  de  cette  organisation  ne  se  manifeste  à  nous 
que  par  des  lettres  patentes  du  roi  données  à  Loupy-le-Chàteau 
le  26  mai  1445^  Mais  on  peut  dire  qu'elle  était  déjà  dans  l'air 
quelque  temps  auparavant  :  ainsi  nous  voyons,  au  mois  d'avril, 
les  états  d'Auvergne  envoyer  un  chevaucheur  du  roi  auprès  de 
lui  «  pour  enquérir  se  les  gens  d'armes  vendroient  vivre  en  Au- 
vergne*. » 

Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  le  26  mai  seulement  que  Charles  VU 
nonmia  les  conunissaires  chargés  d'organiser  les  casernements 
dans  chaque  province;  l'ordonnance  royale  réglait  les  contribu- 
tions que  devaient  fournir  les  habitants;  elles  étaient  toutes  en 
nature,  sauf  une  somme  de  20  sous  tournois  par  lance  et  par  mois 
pour  les  jours  maigres  :  les  commissaires  devaient  choisir  les  villes 
propres  à  recevoir  les  garnisons,  Caire  la  répartition  sur  les  habi- 
tants des  contributions  en  argent  et  en  nature,  et  enfin  juger  les 
débats  qui  s'élèveraient  à  ce  sujet*. 

Dans  tout  cela  pas  un  mot  n'est  relatif  aux  états  provinciaux; 
mais  il  ne  faut  pas  s'y  tromper.  Nous  avons  vu  que  c'est  le  carac- 
tère de  presque  tous  les  documents  officiels  de  taire  à  dessein  ce 
nom.  En  réalité,  aussitôt  arrivés  dans  les  provinces,  les  conunis- 
saires durent  convoquer  les  états  provinciaux  pour  procéder,  de 
concert  avec  eux,  à  l'exécution  des  ordres  du  roi.  Il  y  eut  des 
commissaires  distincts  pour  la  Haute  et  pour  la  Basse- Auvec^e; 


I.  Kbl.  Mt,  Pr.,  ^390t,  et  CaK  àt»  UtrHs  dossier  Lù^. 
t.  QnitUnc»  du  ^  «ciàl  1449  {do»ifr  Culmmt). 
X  Bibl.  Mt,  Pr.,  ^60^,  r  664^ 

4.  VoT.  VâUet  d«  ViriTilif,  l«c.  Hi.  -  Artà.  Mt,  C  6S,  «*  14. 

5.  IttMr.,  Eibl.  Mt.  Pr.,  tt?9& 

6.  L»  deux  i^i^cM  oMMr>^^  aux  Artà^  Att  {K  6i^  «*  14-14*}  «Ml  relatives 
Tane  aa  IViilou  el  Tanti^  aa  GéT«iidaa;  ell«»  jimiI  a^MteiMSI  ideBUq«e&,  el  par 
mite  eeUe»  de»  aatre»  proTince»  deraiettl  VMre  awtM 


LES   lÎTlTS   PROTINCIACX.  54 

ces  commissaires  furent  pour  le  haut  paya  :  Jean  d'Aulon,  con- 
seiller du  roi,  Amauri  du  Montai,  bailli  royal  des  Montaignes,  et 
les  élus  sur  le  fait  des  aides*;  pour  le  bas  pays  :  Charles,  s'  de 
Culant,  Jean  de  Bar,  général  des  finances,  et  Jean  de  Langeac, 
sénéchal  d'Auvergne  :  ce  dernier  fut  spécialement  chargé  déjuger 
les  débats  entre  les  gens  de  guerre  et  les  particuliers.  En  outre, 
pour  faire  la  répartition  des  vivres  entre  les  paroisses  du  pays, 
cinq  personnes  furent  choisies  conjointement  par  le  roi  et  les  états, 
à  savoir  :  le  sénéchal  d'Auvergne,  Pierre  Boniol,  oflScial  de  Cler- 
mont,  Pierre  Voulpilhère,  Robert  Coustave  et  Pierre  Mandonier. 
Tout  se  passa  conformément  aux  ordres  du  roi,  et  à  la  session 
d'août  1445  les  états  imposèrent  diverses  sommes  parmi  les  frais 
du  second  terme  de  l'aide  de  52,000  francs  pour  rétribuer  les 
conmiissaires  du  roi  et  les  personnes  chargées  de  la  répartition, 
plus  1 ,  335  liv .  pour  délivrer  et  distribuer  aux  gens  de  guerre  «  pour 
avoir  leurs  vivres  necesseres  aux  jours  qu'on  ne  mengue  point  de 
char*.  > 

Dans  le  Haut-Limousin,  il  en  fut  autrement.  Le  roi  avait  fixé 
les  contributions  en  nature.  Les  états,  dès  l'origine,  préférèrent 
contribuer  en  argent.  Dès  que  les  commissaires  furent  arrivés 
dans  le  pays  (nous  ignorons  malheureusement  leurs  noms)  les 
états  envoyèrent  auprès  du  roi,  à  Châlons,  une  ambassade  com- 
posée de  Gautier  de  Péruce,  s'  des  Cars,  du  prieur  de  Bénévent, 
de  Pierre  de  Royère  et  de  maître  Chanin.  Ces  députés  étaient  très 
probablement  chargés  de  demander  au  roi  la  transformation  en 
argent  des  contributions  en  nature;  toujours  est-il  que  nous 
voyons  une  sonmie  de  2,010  liv.  imposée  sur  le  pays  pour  les 
mois  de  mai-juin  1445,  «  tant  pour  le  fait  des  vivres  de  xLiii 
hommes  d'armes  et  uii"  vi  archiers,  comme  aussi  pour  le  fait  de 
certaine  ambaxade  que  les  gens  des  trois  estaz  dudit  païs  ont 
aivoyée  devers  le  roy  nostre  sire  à  Chaalons  pour  certains  les 
affaires  d'icellui  païs'.  »  La  contribution  financière  fut  fixée  à 
16  liv.  par  mois  par  lance  fournie,  probablement  avec  quelques 
suppléments  en  nature.  Pour  les  trois  mois  suivants,  les  états 
imposèrent  2,562  liv.,  y  compris  sans  doute  les  frais;  mais  au 
mois  de  juillet,  les  gens  de  guerre  ayant  quitté  momentanément 


1.  Voy.  Bibl.  nat.,  Cab.  des  Titres,  dossiers  Montai  et  Clair.,  171,  p.  5537. 

2.  Instructions  de  1445,  Fr.,  22296. 

3.  Bibl.  nat.,  Clair.,  126. 


32  ▲.    THOMAS. 

le  pays  pour  une  expédition  en  Périgord,  leurs  gages  de  ce  mois 
leur  furent  payés  à  raison  de  22  fr.  par  lance  fournie*.  Une  nou- 
velle ambassade,  composée  de  Pierre  de  Royère,  écuyer,  et  de 
Jean  de  Sandelles,  bourgeois  de  Limoges,  fut  encore  envoyée  au- 
près de  Qiarles  VII  à  Chinon  :  les  frais  en  furent  imposés  avec  le 
paiement  des  trois  derniers  mois  de  Tannée,  qui  se  monta  en  tout 
à  3,010  liv.  4  s.  5  d.  t.«. 

Il  est  bien  regrettable  qu'aucun  détail  ne  nous  soit  parvenu 
sur  le  but  précis  de  ces  ambassades  de  Châlons  et  de  Chinon  ;  les 
états  de  la  Basse-Auvergne  eurent  aussi  à  réclamer  auprès  du 
roi.  Malgré  le  texte  des  ordonnances,  les  gens  de  guerre  exigeaient 
«  les  peaulx  des  bestes,  les  fustz  des  vins  et  autres  despoilles  de 
ce  qu'on  leur  délivroit  pour  leurs  vivres.  >  Louis  d'Aubière  fut 
envoyé  «  lui  quatriesme  à  cheval  »  à  la  cour  pour  se  pourvoir 
contre  ces  exigences^.  Ces  réclamations  des  états  ne  furent  certai- 
nement pas  étrangères  au  nouveau  règlement  élaboré  par  le  con- 
seil de  Charles  VII  et  publié  le  4  décembre  1445^.  Le  roi  laissa 
au  choix  des  états  provinciaux  trois  manières  de  pourvoir  à  l'en- 
tretien des  gens  de  guerre  pour  l'année  1446  :  1®  en  fournissant 
les  vivres  conformément  à  l'ordonnance  du  26  mai  1445,  mais 
en  payant  en  plus  9  liv.  par  lance  fournie  par  mois  ;  2®  en  payant 
21  liv.  en  argent,  plus  certains  vivres  stipulés  dans  le  nouveau 
règlement;  3°  enfin,  en  donnant  31  liv.  en  argent  par  lance,  par 
mois,  sans  aucune  fourniture  en  nature;  au  cas  où  les  gens 
d'armes  seraient  forcés  de  quitter  le  pays  pour  une  expédition,  le 
dernier  mode  de  payement  serait  obligatoire  pour  tout  le  temps 
de  leur  absence. 

Comme  on  peut  s'y  attendre,  les  états  du  Haut- Limousin  adop- 
tèrent avec  empressement  le  dernier  système;  nous  les  voyons 
ordonner  pour  le  premier  semestre  de  1446  la  levée  de  9,520 liv. 
à  cet  effet '^,  et  les  années  suivantes  le  payement  des  gens  de  guerre 
se  lève  annuellement  et  dans  les  mêmes  conditions  que  les  autres 


t.  Voy.  une  quittance  du  5  Juillet  1445  du  maréchal  de  Jalognes.  (Bibl.  nat., 
Cab.  des  Titres,  dossier  Culant.) 

2.  Ibid.,  ibid.,  et  lettres  de  Charles  VII  du  25  juin  1447. 

3.  Instr.  de  1446.  (Bibl.  nat.,  Fr.  22296,  à  la  date.) 

4.  Cette  pièce  très  importante  a  été  publiée  par  M.  Vallet  de  ViriyiUe,  loc. 
cit.f  d'après  une  copie  contemporaine  conservée  au  British  Muséum.  Nous  afons 
retrouvé  Toriginal  à  la  Bibl.  nat.,  Fr.,  21427,  n*  10  (anc.  fonds  Gaignières). 

5.  Quitt.  du  maréchal  de  Jalognes,  Bibl.  nat.,  dossier  Culant. 


LB8   ^TATS   PROYINCUUX.  53 

subsides  directs  accordés  au  roi.  Il  dut  en  être  de  même  dans  le 
Frano-Alleu,  le  Bas-Limousin  et  la  Marche  :  pour  ce  dernier 
pays  nous  n'en  sommes  pas  sûrs  avant  Tannée  1451  *. 

Les  états  d'Auvergne,  comme  certainement  les  autres,  n'avaient 
été  rien  moins  que  contents  de  la  nouvelle  charge  que  l'entretien 
des  gens  d'armes  imposait  au  pays.  Vers  la  fin  de  l'année  1445, 
ils  envoyèrent  une  ambassade  solennelle  au  roi,  à  Chinon,  pour 
obtenir  une  diminution  sur  le  nombre  des  lances  logées  dans  la 
province;  mais  elle  n'eut  pas  de  succès.  Charles  VII  leur  fit  dire 
que  le  moindre  rabais  de  ce  côté  obligerait  à  un  remaniement  des 
quotes-parts  de  toutes  les  autres  provinces,  et  pour  les  calmer,  il 
leur  rabattit  4,000  liv.  sur  les  40,0<X)  fr.  qu'il  voulait  en  outre 
demander  aux  états*.  Il  avait  chargé  l'archevêque  de  Reims,  le 
maréchal  de  la  Fayette  et  Jean  de  Bar  de  leur  exposer  l'ordon- 
nance du  4  décembre  1445,  pour  qu'ils  pussent  choisir  entre  les 
trois  moyens  indiqués  pour  l'entretien  des  gens  de  guerre.  Une 
assemblée  générale  des  états  eut  lieu  à  cet  efiet  à  Aigueperse  au 
mois  de  février  1446  :  il  semble  cependant  que  le  haut  et  le  bas 
pays  aient  pris  des  résolutions  différentes.  En  effet,  nous  trouvons 
dans  la  Haute- Auvergne,  en  1446,  Martin  Roux  «  commis  à 
recevoir  le  payement  ou  ordonnance  de  quarante  lances  fournies» 
et  mention  «  d' Instruccions  faictes  par  les  gens  des  trois  estaz 
sur  la  distribucion  des  deniers  mis  sus  en  icellui  pays  pour  raison 
et  à  cause  dudit  payement,  tant  pour  le  principal  que  pour  les 
firaiz*,  »  ce  qui  indique  d'une  façon  à  peu  près  sûre  que  les  états 
avaient  choisi  le  mode  de  payement  en  argent.  Au  contraire,  pour 
la  Basse- Auvergne,  nous  voyons  une  somme  de  200  fr.  allouée  à 
Jean,  s'"  de  Langeac,  en  1446,  pour  «  avoir  aidé  à  faire  le  taux 
et  impost  des  vivres  ordonnez  aux  gens  de  guerre^  »,  preuve  que 
les  états  avaient  préféré  le  paiement  en  nature;  mais  dès  1449, 
au  plus  tard,  ils  avaient  adopté  le  même  système  que  la  Haute- 
Auvergne^. 

Sans  doute  l'organisation  inaugurée  par  Charles  VII  en  1445 
était  préférable  aux  désordres  que  commettaient  de  toutes  parts  les 

1.  Bibl.  nat.,  Fr.,  23902,  à  la  date. 

2.  Voy.  sur  cette  ambassade,  suprà  II,  |  1a  et  Bibl.  nat.,  Fr.,  24031.  —  Les 
frais  de  cette  ambassade  atteignirent  2,124  I.  C'est  beaucoup  pour  4,000  1.  de 
rabais. 

3.  Bibl.  nat.,  Cab.  des  titres,  dossier  Montai. 

4.  IMd.,  ibid.,  dossier  Langeac. 


o4  A.    THOMAS. 

gens  de  guerre  avant  cette  époque  *  :  les  chroniqueurs  contempo- 
rains Tont  généralement  beaucoup  vantée*;  maisil£aut  recon- 
naître qu'elle  imposait  de  bien  lourdes  charges  aux  provinces. 
Prenons  par  exemple  l'Auvergne  en  1449  :  le  roi  ayant  ordonné 
de  lever  un  impôt  de  200,000  fr.  en  Languedoïl,  les  états  lui 
accordent  pour  leur  part  35,500  francs;  le  payement  des  gens  de 
guerre,  sans  compter  les  frais,  s'élève  à  59,520  francs;  d'autre 
part,  au  moyen  des  aides  ou  gabelles,  le  roi  tire  encore  de  la  pro- 
vince au  moins  20,000  francs  :  soit  un  ensemble  de  plus  de 
115,000  francs  d'impôts  extraordinaires  pesant  sur  ce  pays  chaque 
année.  Il  faut  ajouter  que  la  conduite  des  gens  de  guerre  était  loin 
d'être  exemplaire.  Nous  trouvons  à  la  date  du  27  décembre  1448 
«  un  mandement  impetré  par  les  trois  estats  du  Haut  et  Bas-Au- 
vergne faisant  mention  comme  plusieurs  nobles  et  autres  gens  de 
guerre  faisant  leurs  monstres  prenoient  bleds  et  vins  du  pauvre 
peuple,  et  chassoient  les  garennes  des  gens  d'église  et  nobles,  leur 
estant  mandé  sur  peine  d'estre  cassés  de  leurs  ordonnances  qu'ils 
n'eussent  à  rien  prendre  par  violence  ny  autrement  sans  paier,  et 
qu'ils  rendissent  ce  qu'ils  avoient  pris'.  » 

On  comprend  que  les  états  aient  cherché  sans  cesse  à  faire 
diminuer  le  nombre  des  lances  qu'ils  entretenaient.  Un  voyage 
fait  au  mois  d'avril  1447  auprès  du  roi  par  l'official  de  Clermont, 
Draguinet  de  Lastic  et  l'abbé  d'Artonne  au  nom  des  états  d'Au- 
vergne^  un  autre  voyage  fait  à  Tours,  en  1448,  par  Gautier  de 
Péruce,  député  du  Haut-Limousin^^,  n'avaient  peut-être  pas  d'autre 
objet.  Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  seulement  en  1451  qu'ils  obtinrent 
quelque  satisfaction.  Le  roi,  ayant  fait  venir  en  sa  présence  la 
plupart  des  élus  de  Languedoïl,  modifia  le  tableau  de  répartition  : 
l'Auvergne  obtint  une  diminution  de  20  lances  :  il  n'y  eut  plus 
que  105  lances  dans  le  bas  pays  et  35  dans  le  haut^;  le  Haut- 
Limousin  et  le  Bas-Limousin  furent  réduits  chacun  à  35  lances^. 


1.  Ibid.,Fr.,  26078,  n- 6074. 

2.  Sauf  cependant  Thomas  Basin,  qui  émet  des  critiques  d*un  caractère  poli- 
tique remarquable,  et  Jean  Jouvenel  des  Ursins  qui,  dans  des  opuscules  encore 
inédits,  trouve  ce  système  écrasant  pour  les  populaUons. 

3.  Arch.  de  Clermont-Ferrand,  Iut.  Savaroz,  î*  44  a. 

4.  Voy.  les  Instruct.  de  1448  pour  la  Haute-Auvergne,  Bibl.  nat.,  Clair.,  119, 
f*  7UUmo. 

5.  Voy.  quittance  du  18  sept.  1449,  Bibl  nat..  Clair.,  187,  p.  7057. 

6.  Bibl.  nat.,  Fr.,  23897,  à  la  date  de  1458. 

7.  Ibid.,  Fr ,  21427,  n-  3. 


LES   ^ATS   PROTlIYCrilIX.  55 

La  Marche  seule  parait  avoir  perdu  à  cette  révision  :  de  18  lances, 
sa  part  fut  portée  à  19^ 

En  somme,  les  états  secondèrent  utilement  Charles  VU  dans 
l'œuvre  qu'il  avait  entreprise;  mais  ils  ne  paraissent  pas  avoir 
manifesté  Tenthousiasme  qu*on  serait  tenté  de  leur  attribuer,  si 
Ton  s'en  rapportait  uniquement  au  témoignage  des  chroniqueurs. 

De  l'organisation  des  francs-archers  en  1448  nous  n'avons  rien 
à  dire;  les  états  semblent  y  avoir  pris  très  peu  de  part,  ou  du 
moins  les  documents  nous  font  défaut.  Signalons  seulement  les 
deux  faits  suivants  :  en  1448  les  états  de  la  Haute-Auvergne 
votent  15  liv.  à  Jean  du  Mazel  «  pour  avoir  esté  à  Haulteribe 
devers  Mons'  le  mareschal  de  la  Fayette  pour  savoir  se  on  met- 
troit  sus  le  fait  des  francs^arbalestriers  avecques  le  derrenier 
terme  dudit  aide*.  >  En  1450,  les  états  du  Bas-Limousin  votent 
à  Jean  Barton  100  liv.  «  pour  partie  de  la  despense  que  lui  con- 
vint faire  l'année  passée  à  mettre  sus  les  francs  arbalestriers  du 
dit  bas-païs'.  » 

§  4.  —  Allocations  diverses.  —  Travaux  publics,  etc. 

Il  est  bien  peu  d'actes  des  états  provinciaux  qui  sortent  du 
cadre  que  nous  venons  de  tracer  à  leur  influence.  Ils  n'en  sont 
que  plus  intéressants  à  relever. 

Il  faut  signaler  en  premier  lieu  le  vote  par  les  états  de  la  Basse- 
Auvergne,  à  la  session  de  juillet  1437,  d'une  somme  de  600  liv. 
€  pour  la  convertir  et  emploier  à  faire  que  la  rivière  d'Alier 
peust  porter  navire.  »  Malheureusement,  la  pièce  même  qui  nous 
révèle  ce  fait  nous  apprend  que  cette  somme  dut  être  détournée 
de  sa  destination  dans  l'intérêt  du  pays  pour  payer  des  ambassa- 
deurs chargés  de  conclure  une  alliance  avec  le  Velay  et  le  Gévau- 
dan  afin  de  pouvoir  repousser  les  routiers  de  Rodrigue  de  Villan- 
drando^.  Qtons  encore,  comme  rentrant  également  dans  le 
chapitre  des  travaux  publics,  une  allocation  de  10  liv.,  en 
novembre  1433,  pour  convertir  à  la  réparation  du  pont  de  Saint- 


1.  Ibid.,  Fr.,  25712,  b\  266. 

2.  Voy.  leê  Instnictions  de  cette  année,  Bibl.  nat.,  Clair.,  119,  ^  ulUmo. 

3.  BibL  nat.,  Pr.,  20594,  p.  37. 

4.  Bibl.  nat.,  Fr.,  20392,  p.  39.  —  L'AUier  est  ao]oiirdliai  narigable  depuis 
Maringiiea. 


56  A.    THOMAS. 

Salve*  emporté  par  les  grandes  eaux*  ;  et  en  septembre  1442, 
25  liv.  «  aux  commis  à  faire  faire  la  reparacion  du  pont  d'Aller 
près  du  Pont  du  ChasteP,  pour  employer  en  ladicte  reparacion^.» 
Signalons  enân,  pour  terminer,  trois  allocations  intéressantes 
à  divers  points  de  vue  : 

^ 432,  janvier:  «  Aux  frères  mineurs  et  cordeliiers  de  Clermont, 
qui  leur  a  esté  donné  en  aumosne  pour  eulx  aidier  à  faire  recouvrir 
leur  église  qui  par  fortune  de  vent  a  esté  grandement  dommaigiée  et 
descouverte  la  pluspart,  xxx  ].  t. 

Aux  frères  Carmes  de  Clermont,  pour  semblable,  xx  1. 1.  *. 

4442,  septembre.  «  A  maistre  Girault  Bresson,  phisicien,  pour 
certains  services  qu'il  a  faiz  de  son  mestier  à  pluseurs  povres  créa- 
tures dudit  pais  et  fait  chascun  jour,  et  afOn  qu'il  ait  cause  de  soy  y 
tenir  et  y  demourer  et  qu'il  soit  plus  abstrains  de  fere  service  aux 
habitans  d'icellui  tant  de  sondit  mestier  et  sa  science  comme  autre- 
ment, cent  livres  tournois*.  » 

IV. — Les  états  provinciaux  à  la  fin  du  règne  de  Charles  VII 
^1451-61).  —  Causes  de  leur  déclin.  —  Résultat. 

En  étudiant  les  attributions  et  Tinfluence  des  états  provin- 
ciaux sous  Charles  VII,  nous  nous  sonames  arrêtés  vers  1451. 
C'est  qu'en  effet  la  condition  de  cette  institution  dans  les  dernières 
années  de  ce  règne  est  absolument  différente  de  ce  qu'elle  était 
auparavant.  La  base  de  l'organisation  des  états  provinciaux, 
telle  que  nous  l'avons  exposée,  c'est  le  vote  annuel  et  régulier  de 
l'impôt  royal.  C'est  au  moment  de  ce  vote  que  les  états  établissent 
pour  ainsi  dire  le  budget  de  la  province;  c'est  dans  ce  vote  que 
leur  influence  trouve  sa  sanction,  car  ils  peuvent  le  subordonner 
à  l'exécution  de  telle  ou  telle  de  leurs  demandes.  C'est  là  pour 
ainsi  dire  la  cheville  ouvrière  de  l'institution  :  si  on  Tôte,  tout  se 
détraque.  C'est  précisément  ce  qu'a  fait  Charles  VII  après  1451. 
Il  en  fut  alors  pour  les  états  provinciaux  de  la  France  centrale 
ce  qu'il  en  avait  été  en  1440  pour  les  états  généraux  de  Langue- 

t.  Saiat-Saaye,  cant.  de  Tanyes  (P.-de-D.),  sur  la  Dordogne. 

2.  Qaitt.  de  la  dite  somme,  Bibl.  nat.,  Gab.  des  Titres,  dossier  Gros. 

3.  A  il  kil.  Est  de  Clermont. 

4.  Instr.,  Bibl.  nat.,  Fr.,  22296,  à  la  date. 

5.  Instr.,  ibid.,  Fr.,  25944,  n*  69. 

6.  Instr.,  ibid.,  Fr.,  22296,  à  la  date. 


LES   ÉTATS   PROVIffCIAUX.  57 

doïl.  Du  moment  où  le  roi  se  crut  assez  fort  pour  lever  l'impôt 
sans  leur  intervention,  il  ne  les  convoqua  plus.  C'est  un  fait  que 
nous  devons  nous  borner  à  constater.  Remarquons  que  ce  fait  se 
produisit  dans  des  conditions  habilement  choisies.  Depuis  1445 
jusqu'en  1451,  le  roi  avait  levé  simultanément  deux  impôts 
directs  dans  nos  provinces,  chaque  année  :  V  l'impôt  destiné  à 
l'entretien  des  gens  de  guerre  logés  dans  chaque  pays;  2**  un 
impôt  ou  aide  destinée,  suivant  les  expressions  du  temps,  «  à  la 
conduite  de  sa  guerre  et  autres  ses  affaires.  »  Ce  second  impôt  fut 
en  1445  de  300,000  francs  sur  le  Languedoïl;  en  1446,  de 
226,000  fr.;  en  1447,  de  200,000  fr.;  en  1448  et  1449,  de 
200,000  fr.  également;  en  1450,  de  240,000  fr.,  et  enfin  en  1451, 
de  120,000  fr.  Or,  à  partir  de  1451,  la  guerre  étant  pour  ainsi 
dire  terminée  avec  les  Anglais,  Charles  VII  renonça  à  lever  des 
impôts  de  ce  genre  et  se  contenta  des  aides  et  de  la  taille  des  gens 
de  guerre;  en  outre,  après  une  revision  générale  faite  dans  le 
courant  de  cette  année  1451 ,  il  diminua  le  contingent  de  beaucoup 
de  provinces,  entre  autres  de  l'Auvergne  et  du  Limousin.  C'était  là 
des  mesures  propres  à  lui  concilier  les  populations  longtemps  sur- 
chargées, et  à  leur  faire  accepter  sans  trop  de  regrets  la  levée  de 
l'impôt  faite  désormais  en  vertu  de  la  seule  autorité  royale. 

En  Auvergne,  depuis  1445,  Charles  VII  nommait  tous  les  ans 
des  commissaires  chargés  de  réunir  les  états  du  haut  et  du  bas 
pays  en  assemblée  plénière,  pour  leur  requérir  l'octroi  à  la  fois  du 
payement  des  gens  de  guerre  et  de  l'aide  supplémentaire  deman- 
dée par  le  roi.  Les  documents  originaux  nous  montrent  qu'il  en 
fut  ainsi  jusqu'à  l'année  1451  inclusivement.  Au  commencement 
de  cette  année,  les  états,  réunis  devant  des  commissaires  dont 
nous  ignorons  les  noms,  accordèrent  au  roi,  outre  le  payement  des 
gens  de  guerre,  une  somme  de  18,700  liv.  pour  leur  part  des 
120,000  liv.  imposées  en  Languedoïl*.  En  1452,  il  ne  s'agissait 
plus  que  d'imposer  le  payement  des  gens  de  guerre  avec  quelques 
menues  sommes  pour  les  francs-archers  ;  le  roi,  au  lieu  de  nom- 
mer des  commissaires  conune  d'habitude,  se  borna  à  charger 
directement  les  élus  de  la  Haute  et  de  la  Basse-Auvergne  d'im- 
poser, chacun  dans  leur  élection,  les  sommes  nécessaires  à  cet 
effet*.  Il  n'y  eut  donc  pas  convocation  des  états  cette  fois-là  ;  les 


i.  Verdier-Latour,  p.  66. 

2.  Villedieo  de  Comble,  9  novembre  145t.  Mandement  aux  élus  sur  le  Tait 


58  A.   THOMAS. 

années  suivantes,  il  en  fut  de  même,  et  Ton  peut  dire  que  dès  lors 
la  taille  des  gens  de  guerre  devint  réellement  permanente,  puis- 
qu'elle ne  dépendit  plus  que  de  la  volonté  du  roi. 

Dans  le  Limousin  et  dans  la  Marche,  pendant  longtemps  il  n'y 
eut  pas  d'élus  ;  du  moment  où  ils  furent  créés  dans  ces  pays  date 
la  décadence  des  états  provinciaux.  C'est  également  à  l'année 
1451  qu'il  faut  rapporter  ce  fait.  Les  états  de  la  Marche,  du 
Limousin  haut  et  bas  et  du  Périgord,  ayant  accordé  au  roi  un 
impôt  direct  annuel  de  20,000  liv.  comme  équivalent  aux  aiàes^  y 
le  roi  créa  dans  ces  pays  des  élus  comme  il  en  existait  ailleurs  : 
au  lieu  de  s'appeler  élus  sur  le  fait  des  aides,  ils  s'appelèrent  élus 
sur  le  fait  de  l'équivalent  aux  aides.  Leurs  premières  attributions 
furent  purement  judiciaires  et  se  bornèrent  à  juger  des  débats 
occasionnés  par  la  levée  de  l'équivalent  ;  nous  voyons  en  effet 
que  la  répartition  en  fut  d'abord  réservée  à  des  commissaires  spé- 
ciaux nommés  par  le  roi  :  pour  l'année  1452-1453',  ces  com- 
missaires étaient  pour  les  quatre  provinces  :  Gui  Bernard, 
archidiacre  de  Tours,  et  Jean  du  Ménil-Simon,  sénéchal  de 
Limousin  ^.  Mais,  dès  1454-1455,  la  répartition  était  aux  mains 
des  élus^  D'ailleurs,  cet  impôt  ayant  été  consenti  une  fois  par 
les  états  pour  une  longue  période,  ils  n'avaient  pas  à  donner  leur 
consentement  annuel.  Quant  au  payement  des  gens  de  guerre, 
au  plus  tard  pour  l'année  1453^,  et  probablement  dès  1452,  le 
roi,  au  lieu  de  nonmier  des  commissaires  coname  auparavant, 
chargea  simplement  les  élus  nouvellement  créés  d'en  faire  la 
répartition.  En  apparence,  le  changement  est  insignifiant;  la 
conamission,  adressée  aux  élus,  est  toujours  à  peu  près  conçue 


des  aides  à  Saint-Flour  d'imposer  sur  la  Haute -Auvergne  :  13,020  l.  pour  le 
payement  de  35  lances  fournies  et  660  1.  pour  les  frais;  plus  80  1.  pour  partie 
des  gages  des  deux  capitaines  de  francs-archers  créés  par  le  roi  en  Auvergne; 
plus  110  1.  pour  dix  brigandines  achetées  pour  les  francs-archers.  (Bibl.  nal., 
Fr.,  21426.) 

1 .  Voy.  suprà,  IIP  partie,  8  2  b. 

2.  Pour  les  impôts  indirects  et  les  équivalents^  l'année  financière  commençait 
le  1*  octobre. 

3.  Arch.  nat.,  K  692  b,  n*  11. 

4.  Voy.  l'assiette  de  l'équivalent  du  Bas-Limousin  pour  1454-55,  Cedte  par 
les  élus  Jean  de  Gremont  et  Jacques  de  la  Ville,  celle  de  1458-59  signée  de 
J.  de  Gremont  et  d'Henri  Bande,  le  poète  révélé  par  M.  J.  Quicherat.  (Bibl. 
nat.,  Fr.,  23903.) 

5.  6  octobre  1452;  mandement  aux  élus  de  la  Marche  pour  1453.  (Ibid.,  Fr., 
25712,  n»  266.) 


LES   ÉTATS   PROTINCIAUX.  59 

dans  les  mêmes  termes;  mais  au  fond,  il  y  a  une  révolution  com- 
plète. Les  commissaires  étaient  nommés  pour  une  fois;  souvent 
ils  étaient  étrangers  au  pays  où  le  roi  les  envoyait  :  il  fallait 
donc  nécessairement  qu'ils  convoquassent  les  états  provinciaux 
et  qu'ils  leur  fissent  connaître  la  teneur  de  leur  commission  avant 
de  procéder  à  sa  mise  à  exécution  :  aussi  emportaient-ils  avec 
eux  des  lettres  closes  du  roi  pour  les  accréditer  auprès  des  états,  et 
d'autres  lettres  closes  pour  convoquer  ces  derniers.  Au  contraire, 
en  adressant  la  commission  aux  élus,  qui  sont  des  officiers  royaux 
permanents  dans  le  pays,  le  roi  renonce  par  le  fait  à  la  convoca- 
tion des  états  que  les  élus  ne  peuvent  avoir  mission  de  réunir. 
Ceux-ci  exécutent  à  la  lettre  la  teneur  de  leur  commission,  font 
la  répartition  de  l'impôt  et  la  remettent  au  receveur  pour  le  per- 
cevoir. L'intervention  des  états  pour  consentir  l'impôt  n'est  donc 
plus  nécessaire. 

Ce  changement  capital  n'atteint  pas  le  principe  même  de  l'exis- 
tence des  états,  mais  il  modifie  du  tout  au  tout  les  conditions  de 
leur  fonctionnement  en  leur  enlevant  ce  qui  avait  été  jusqu'alors 
leur  principale  attribution.  Examinons  rapidement  la  situation 
qui  leur  est  faite  à  la  fin  du  règne  de  Charles  VIL 

L'Auvergne  et  la  Marche  n'appartenant  pas  directement  à  la 
couronne,  le  duc  d'Auvergne  et  le  comte  de  la  Marche  peuvent, 
quand  ils  le  jugent  à  propos,  convoquer  les  états  de  leurs  fiefs 
pour  examiner  l'intérêt  du  pays,  ou  leur  demander  des  subsides. 
En  Auvergne,  la  réunion  en  une  seule  assemblée  des  états  du 
haut  et  du  bas  pays  devient  très  rare;  elle  n'a  guère  lieu  que 
lorsque  le  duc  d'Auvergne  veut  leur  faire  requérir  une  aide.  Les 
états  conservent  la  faculté  de  la  lui  accorder,  mais  ils  ne  peuvent 
la  faire  lever  de  leur  propre  autorité.  En  Limousin,  il  est  difficile 
de  rien  affirmer;  cependant  il  semble  qu'il  peut  y  avoir  quelque- 
fois des  assemblées  plus  ou  moins  nombreuses  d'états  pour  un 
objet  déterminé,  sans  convocation  du  roi,  peut-être  avec  l'auto- 
risation du  sénéchal. 

Le  principal  de  l'impôt  échappant  à  leur  compétence,  les 
états  peuvent-ils,  comme  auparavant,  voter  certaines  sommes 
outre  le  principal?  Pour  le  Limousin  et  la  Marche,  les  frais  sont 
strictement  fixés  par  le  roi,  et  de  1452  h  1461,  nous  ne  voyons 
pas  qu'il  ait  été  rien  levé  par  ordre  des  états.  D'ailleurs,  au  cas 
où  les  états  eussent  voulu  le  faire,  il  devient  indispensable 
d'adresser  une  requête  préliminaire  au  roi,  qui  seul  a  autorité  sur 


60  A.    THOMAS. 

les  élus  chargés  de  la  répartition,  et  d'en  obtenir  une  permission 
spéciale.  C'est  précisément  ce  qui  se  passe  pour  l'Auvergne.  Le 
duc  veut-il  obtenir  une  aide  des  états,  il  a  le  droit  de  les  assem- 
bler pour  la  leur  demander  sans  que  le  roi  intervienne  ;  mais  il 
ne  peut  la  faire  imposer  outre  le  principal  qu'en  vertu  d'un  man- 
dement royal  * .  De  même,  lorsque  les  états  de  la  Haute  ou  de  la 
Basse-Auvergne  veulent  faire  lever  une  certaine  somme  pour 
être  employée  dans  l'intérêt  de  la  province,  ils  doivent  obtenir 
des  lettres  patentes  du  roi  adressées  aux  élus  et  leur  ordonnant 
d'imposer  la  somme  demandée*.  Que  deviennent  alors  ces  actes 
si  caractéristiques  de  l'omnipotence  des  états,  appelés  instruc- 
tions? Ils  subsistent,  mais  singulièrement  transformés,  soit  avec 
le  même  nom,  soit  avec  le  nom  plus  modeste  de  distribution^. 
Ils  portent  uniquement  sur  une  certaine  somme  dont  le  roi  a 
autorisé  la  levée  supplémentaire  à  la  requête  des  états;  postérieurs 
à  la  perception  de  cette  somme,  ils  certifient  la  distribution 
détaillée  qu'en  a  faite  le  receveur  par  l'ordre  des  états,  et  ils  se 
terminent  par  une  supplication  à  la  chambre  des  comptes  du  roi 
de  vouloir  bien  acquitter  le  receveur  sur  le  vu  de  cette  distribu- 
tion et  des  quittances  de  chaque  partie. 

La  part  que  les  états  prenaient  auparavant  à  l'assiette  de  l'im- 
pôt est  singulièrement  réduite,  et  dans  certains  pays  complète- 
ment annulée.  Les  états  de  la  Marche  et  du  Franc-Alleu  semblent 
y  demeurer  absolument  étrangers.  La  répartition  du  Franc-Alleu 
est  confiée  aux  élus  du  Haut-Limousin  qui  la  font  à  Limoges  même, 
sans  se  donner  la  peine  d'aller  dans  le  pays^  «  Aucuns  des  plus 
notables  gens  du  pays  >  assistent  à  des  répartitions  sur  le  Haut 


1.  Voy.  une  assiette  de  1459  où  figurent  8,400  1.  pour  le  duc  de  Bourbonnais 
et  d'Auvergne,  c  ordonnez  y  estre  imposez  par  lettres  patentes  du  roy  nostre 
sire^  données  le  trentiesme  jour  de  novembre  1458.»  (Bibl.  nat.,  Fr.,  23898, 
à  la  date.) 

2.  c  Aultre  mandement  du  mesme  roy  (Charles  VII),  du  28  novembre  1555 
(lisez  1455),  addressant  aux  esleuz  du  Roy,  par  lequel,  sur  la  requeste  présentée 
par  les  Trois  Estats  du  bas  pays  d'Auvergne  tendant  à  ce  qu'il  pleust  à  Sa 
Majesté  leur  permettre  faire  imposer  sur  ledit  pays  certaine  somme  pour  leurs 
affaires,  Sa  Majeste  leur  auroit  accordé  la  somme  de  six  cento  livres  qui  seroit 
levée  par  le  receveur  commis  à  recevoir  l'ayde  des  gens  de  guerre  pour  par 
après  estre  mise  entre  les  mains  du  procureur  ou  receveur  desdiz  supplians , 
cotté  vingt-un.  •  (Arch.  de  Clermont,  inv.  Savaron,  f  44  r*.) 

3.  Voy.  une  pièce  de  ce  genre  du  31  décembre  1459.  (Bibl.  nat.,  Fr.,  222%, 
à  la  date.) 

4.  Voyez-en  plusieurs  exemples,  Bibl.  nat.,  Fr.,  23902. 


LES  lÎTiTS  PROVII<(CIACX.  64 

et  sur  le  Bas-Limousin  en  1454, 1455  et  1458,  répartitions  faites 
par  les  élus  ou  leurs  lieutenants  ^  ;  si  Ton  veut  en  savoir  le 
nombre,  les  commissions  royales  du  15  octobre  1457  ordonnent 
aux  élus  d'appeler  avec  eux  «  deux  ou  trois  des  plus  notables 
dudit  pais*.  »  On  voit  qu'il  n'y  a  plus  comme  autrefois  de  délé- 
gués des  états  «  ad  ce  pareulx  nommez  etesleus.  »  Dans  la  Haute- 
Auvergne,  la  répartition  de  l'impôt  est  aussi  exclusivement  aux 
mains  des  élus.  Il  n'en  est  pas  tout  à  fait  de  même  dans  la  Basse- 
Auvergne.  Avant  1450,  les  élus  de  Clermont  n'intervenaient  ni 
dans  l'assiette  du  plat  pays  faite  par  les  commissaires  des  gens 
d'église  et  nobles,  ni  dans  celle  des  bonnes  villes.  Nous  avons  vu 
qu'il  y  eut  procès  à  ce  sujet  devant  la  Cour  des  aides  ^,  les  élus 
ayant  usurpé  les  droits  des  états.  Mais,  forts  des  ordres  du  roi, 
les  élus  finirent  par  conquérir  la  première  place  dans  la  réparti- 
tion de  l'impôt.  Nous  avons  une  assiette  de  1459  faite  par  les 
élus  de  Qermont  sur  le  fait  des  aides  (Jean  de  Borresol,  Barthe- 
lemi  de  Nesson  et  Robert  Chéron),  conjointement  avec  Merlin  de 
Cordebeuf,  comme  représentant  du  duc  d'Auvergne,  Pierre  Boniol, 
représentant  des  gens  d'église,  et  Robert  Coustave,  représentant 
des  nobles  ^  On  voit  que  les  commissaires  des  gens  d'église  et 
nobles  ne  sont  plus  qu'au  nombre  de  trois  et  qu'ils  n'occupent 
que  le  second  rang.  Quant  aux  bonnes  villes,  nous  les  trouvons 
encore  en  1455  en  possession  du  droit  de  répartir  elles-mêmes 
entre  elles  la  taille  des  gens  de  guerre^;  mais  en  1459,  l'assiette 
des  bonnes  villes,  faisant  suite  à  celle  du  plat  pays  dont  nous 
venons  de  parler,  est  faite  par  les  trois  élus  du  roi  et  signée  d'eux 
seuls  ;  c'est  seulement  vers  la  fin  du  xv®  siècle  que  les  bonnes 
villes  obtinrent  le  droit  de  nommer  à  tour  de  rôle  des  délégués 
pour  assister  à  cette  répartition  ^. 

Disons  enfin  qu'il  reste  aux  états  le  droit  inaliénable  de  pré- 
senter des  requêtes  et  des  doléances  au  roi  :  en  1455,  les  états  du 
Limousin  demandent  au  Grand  Conseil  qu'une  enquête  soit  faite 
sur  les  abus  commis  dans  la  province  par  le  receveur  des  aides''. 

1.  Ibid.,  Fr.,  23902  et  23903. 

2.  Commission  pour  le  Haut-Limousin  donnée  à  la  Chaucière  en  Bourbonnais. 
(Bibl.  nat.,  Fr.,  21427,  n-  3.) 

3.  Voy.  suprà,  II*  partie,  §  2  a. 

4.  Bibl.  nat.,  Fr.,  23898,  à  la  date. 

5.  Arch.  de  Clermont,  reg.  non  coté. 

6.  Voy.  Bergier,  Recherches,  etc. 

7.  Bibl.  nat.,  Baluze,  17. 


62  1.    THOMAS.    —    LES   ÉTATS  PROHNCIAUX. 

En  1460,  les  états  de  la  Basse-Âuvergne  envoient  Draguinet, 
s'  de  Lastic,  à  la  cour,  «  remonstrer  les  très  grans  affaires,  néces- 
sités et  pouvretés  du  païs  et  requérir  avoir  aucun  moderacion  et 
rabays  des  lances*.  » 

On  voit  que  la  condition  des  états  provinciaux  de  notre  région 
est  bien  différente  aux  deux  périodes  que  nous  avons  successive- 
ment étudiées.  Avant  1451,  il  n'y  a  aucune  différence,  en  prin- 
cipe et  toute  proportion  gardée,  entre  les  états  de  l'Auvergne,  du 
Limousin,  de  la  Marche,  voire  du  Franc-Alleu,  et  ceux  du  Lan- 
guedoc :  après  1451,  au  contraire,  tandis  que  le  Languedoc 
reste  pays  d'états  comme  avant,  nos  provinces  deviennent  pays 
d'élection.  C'est  donc  à  Charles  VII  qu'il  faut  faire  remonter  la 
cause  première  de  cette  distinction  :  c'est  sur  lui  aussi  qu'il  faut 
en  faire  peser  la  responsabilité.  Car,  si  tout  n'était  pas  parfait 
dans  l'organisation  des  états  provinciaux  de  1418  à  1451,  si  leur 
composition  trop  aristocratique  put  leur  faire  négliger  parfois 
l'intérêt  du  plus  grand  nombre,  il  faut  reconnaître  que  cette  ins- 
titution était  cependant  un  frein  salutaire  aux  exigences  de  la 
royauté,  et  la  seule  sauvegarde  possible  alors  des  intérêts  provin- 
ciaux. Si  d'autre  part  on  songe  à  ce  qu'eurent  à  souffrir  certaines 
des  provinces  qui  nous  occupent  de  l'injustice  et  de  la  tyrannie 
des  intendants  au  xvu®  et  au  xvni®  siècle  ;  si  l'on  tient  compte  de 
ce  fait  que  l'administration  des  pays  d'états  à  la  même  époque 
était  beaucoup  meilleure  que  celle  des  pays  d'élection  ;  si  l'on  se 
rappelle  enfin  l'énergie  avec  laquelle  toutes  les  provinces  cen- 
trales, à  l'approche  de  la  Révolution,  demandèrent  le  rétablisse- 
ment de  leurs  états  depuis  longtemps  abolis,  on  arrivera  à  cette 
conclusion  que  l'annihilation  des  états  du  centre  de  la  France 
par  le  gouvernement  de  Charles  VII,  cause  première  de  tous  ces 
faits,  fut  une  œuvre  funeste  dans  ses  résultats  pour  les  intérêts 
du  pays. 

A.  Thomas. 

1.  Ibid.,  Clair.,  171,  p.  5537. 


UN 


BANQUIER  PROTESTANT  EN  FRANCE 


AU  XVn®   SIÈCLE. 


BARTHÉLÉMY    HERWARTH 


t      t 


CONTROLEUR  GENERAL  DES  FINANCES 

(1607-1676). 

[Suite  et  fin,) 


vm. 

Éloigné  de  la  vie  publique,  Barth.  Herwarth  avait  une  retraite 
toute  prête  dans  le  magnifique  hôtel  qu'il  habitait  à  Paris,  rue 
Plâ trière  (aujourd'hui  Jean-Jacques  Rousseau). 

Cet  hôtel  *,  où  réside  actuellement  l'administration  des  postes,  il 
ne  l'avait  pas,  à  proprement  parler,  fait  construire  à  neuf.  Ayant 

1.  Pour  cet  hôtel,  situé  sur  la  paroisse  Saint-Bustache,  on  peut  consuHer  : 

Description  nouvelle  de  ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  dans  la  ville  de 
PariSj  par  H  B^^*  (Oermain  Brice).  Paris,  Nie.  Le  Gras,  1685,  ia-12,  à  la 
p.  101;  et  du  même,  édit.  de  1752,  ia-12^  I,  471  et  suiv. 

Le  Maire,  Paris  anc.'et  nouv.  Paris,  M.  Vaugon,  1685.  3  vol.  ia-12.  T.  II, 
p.  301-302. 

PigaDiol  de  la  Force,  Descripi.  hist.  de  la  ville  de  Paris.  Paris,  1765. 
10  Tol.  in-12.  T.  III,  p.  215  et  suiv. 

JaiUot,  Recherches  critiques,  histor.  et  topograph.  sur  la  ville  de  Paris. 
Paris,  17T2-75.  5  vol.  in-8*.  T.  II,  p.  42. 

V.  aussi  Œuvres  de  Segrais.  Paris,  1755.  2  toL  in-12.  T.  II,  135,  et  Walcke- 
DiCr,  Hist.  de  la  vie  et  des  ouvrages  de  La  fontaine.  4*  édit.,  oonig.  et  augm. 
d'après  les  notes  posthumes  de  Tauteur.  Paris,  F.  Didot,  1858.  2  vol.  ia-l2. 
t.  II,  p.  110  et  s.  et  264.  Les  addiUons  faites  à  cette  édition  ne  dispensent 
point  de  consulter  la  première  et  surtout  ses  notes.  (Paris,  A.  Nepveu,  1820, 


64  G.    DEPPING. 

acheté,  moyennant  180,000  liv.  (on  ne  sait  en  quelle  année), 
rhôtel  d'Epernon,  il  le  fit  démolir  en  partie  et  reconstruire  plus 
somptueusement.  Cet  hôtel  avait  été  bâti  par  le  duc  d'Épemon, 
Jean-Louis  Nogaret  de  la  Valette,  duc  et  pair,  amiral  de  France, 
favori  de  Henri  III.  Ce  fut  son  fils,  Bernard  de  Nogaret,  qui 
vendit  l'immeuble  à  Herwarth.  On  cria,  dans  Paris,  au  scandale, 
quand  le  nouveau  propriétaire  fit  jeter  par  terre  les  bâtiments  de 
rhôtel  d'Epernon  :  Voyez,  disaient  les  envieux,  ce  financier  qui 
ne  se  contente  pas  de  l'habitation  construite  par  un  duc  et  pair  ! 
Herwarth  ne  se  borna  point  à  rebâtir  cette  résidence  ;  il  y  fit 
des  agrandissements  et  des  embellissements.  Mignard  le  portrai- 
tiste, que  la  coupole  du  Val-de-Grâce  et  un  beau  plafond  exécuté 
dans  les  appartements  du  grand-maître  de  l'artillerie  à  l'Arsenal 
avaient  mis  également  à  la  mode  pour  la  peinture  décorative,  fut 
appelé  par  lui  et  chargé  d'orner  de  peintures  à  fresque  l'ancien 
hôtel  d'Epernon,  devenu  l'hôtel  Herwarth  et  connu  dès  lors 
sous  ce  nom  pendant  tout  le  xvn^  siècle  et  le  commencement  du 

XVIII**. 

Sur  la  voûte  du  cabinet  de  Herwarth,  Mignard  représenta 
l'apothéose  de  Psyché.  Sur  le  plafond  du  salon  il  peignit  les 
aventures  d'Apollon,  sa  vengeance  contre  Niobé,  la  punition  de 
Marsyas,  le  combat  contre  le  serpent  Python,  etc.  Ce  salon  était, 
en  outre,  orné  de  quatre  paysages  par  Ch.  Du  Fresnoy,  élève  et 
ami  de  Mignard,  et  son  compagnon  dans  le  voyage  que  cet 
artiste  fit  en  Italie.  Des  groupes  de  figures,  appropriées  au  sujet 
que  Mignard  venait  de  traiter,  furent  exécutés  par  le  sculpteur 
Anguier  aux  encoignures  de  cette  grande  composition. 

Mignard  avait  peint  d'autres  pièces  du  même  hôtel  ;  plusieurs 
dessus  de  cheminées  étaient  ornés,  en  outre,  de  tableaux  de  ce 
gracieux  coloriste.  Herwarth  avait  payé  10,000  écus  toute  cette 
décoration  de  Mignard,  qui  n'avait,  disait-on,  jamais  rien  fait 
de  mieux  que  les  fresques  de  l'hôtel  Herwarth,  <  morceaux  des- 
sinés avec  beaucoup  de  hardiesse  et  de  goût  dans  le  jet  des  figures 
volantes  »  et  «  où  l'on  admirait  la  touche  légère  et  l'originalité 
d'invention  »  de  l'artiste. 


1.  Pour  les  peintures  de  Mignard,  Toy.  Vie  de  Mignard,  premier  peintre  du 
roi,  par  M.  l'abbé  Monville.  Paris,  Boudot  et  J.  Guéria.  1730,  in-12,  p.  66-67  et 
87  et  s.  Voy.  aussi  Hi^L  des  Peintres,  par  M.  Charles  Blanc  École  française,  art 
P.  Mignard,  et  dans  la  Gazette  des  beatuc-arts,  ann.  1861,  la  notice  sur  Pierre 
Mignard,  par  M.  Aug.  Huchard. 


BlRTHéLBMT   HERWIRTH.  65 

La  chapelle  contenait  aussi  quelques  bons  tableaux  et  des  des- 
sus de  portes  et  de  fenêtres  appréciés  des  connaisseurs.  La 
richesse  de  l'ameublement  répondait  à  ce  luxe  de  peintures. 

Ce  fut  dans  une  des  pièces  de  cet  hôtel,  vendu  dans  la  suite  par 
les  héritiers  de  Herwarth  à  Jos. -J.-Bapt.  Fleuriaud'Arraenonville, 
garde  des  sceaux,  puis  revendu,  en  1757,  à  Louis  XV,  que  mou- 
rut La  Fontaine  (13  avril  1695).  Un  des  fils  de  Bar  th.  Herwarth, 
Anne  Herwarth,  y  recueillit  le  poète,  son  ami,  quand  la  mort  de 
M"*  de  la  Sablière  (8  janvier  1693)  laissa  ce  dernier  sans  appui 
et  presque  sans  domicile.  Pendant  vingt  ans  le  bonhonune,  inca- 
pable de  pourvoir  par  lui-même  aux  besoins  de  chaque  jour, 
avait  vécu  chez  elle  et  il  était  resté  dans  sa  maison  même  après 
que  M"®  de  la  Sablière  eut  renoncé  aux  plaisirs,  aux  vanités  du 
monde  et  congédié  tous  ses  familiers.  «  J'ai  renvoyé  tout  mon 
monde,  disait-elle,  je  n'ai  gardé  que  mon  chat,  mon  chien  et  La 
Fontaine.  »  Sa  protectrice  morte,  qu'aDait  devenir  le  poète?  Où 
logerait-il?  Qui  s'occuperait  pour  lui  des  menus  et  prosaïques 
détails  de  l'existence  ?  Il  errait  dans  les  rues  au  hasard  quand 
Anne  Herwarth  le  rencontre.  «  Mon  cher  La  Fontaine,  lui 
dit-il,  je  vous  cherchois  pour  vous  prier  de  venir  loger  chez 
moi.  >  La  naïve  réponse  du  bonhomme  est  connue  de  tous.  «  J'y 
allois,  répartit  simplement  La  Fontaine  ^  >  Anne  Herwarth 
conserva  toute  sa  vie  une  tendre  vénération  pour  la  mémoire  de 
son  ami.  Il  se  plaisait,  dit  Montenault,  à  montrer  aux  visiteurs 
la  chambre  naguère  habitée  par  le  fabuliste  '. 

Cet  hôtel  de  la  rue  Plâtrière  était  du  reste  le  refuge  des  poètes 
dans  l'embarras.  Déjà  Barth.  Herwarth  avait  recueilli  sous  son 
toit  un  autre  poète  qui  n'a  de  point  commun  avec  La  Fontaine 
que  d'avoir,  comme  lui,  fini  ses  jours  à  l'hôtel  d'Herwarth.  C'était 
un  certain  Gabriel  Gilbert,  poète  totalement  oublié  aujourd'hui 
et  avec  juste  raison,  mais  qui  eut,  en  son  temps,  une  certaine 
célébrité^.  La  reine  de  Suède,  Christine,  dont  il  avait  été  le  secré- 
taire des  conunandements  et  même  le  résident  en  France ,  Chris- 
tine l'appelait  <  son  beau  génie.  »  Richelieu  l'avait  honoré  de 


1.  Walckenaer,  4*  èdit.,  11,  263-264. 

2.  Mootenault.  Vie  de  Lafoniaine,  t.  I,  p.  xxviij  de  rédit^  des  Fables  in-f*, 
dlée  par  Walckenaer,  4*  Mit.,  II,  264,  en  note. 

3.  Dans  la  France  protestante,  V,  265,  se  trouve  une  notice  sar  ce  poète. 
V.  encore  Hisi.  du  Théâtre  François  depuis  son  origine  (par  les  frères  Par- 
blet).  Paris,  Morin,  puis  Le  Mercier,  1734-49.   t5  vol.  in-12,  t.  VI,  p.  120. 

ReV.    HiSTOR.    XI.    i"  FA8C.  5 


66  G.    DBPPING. 

son  amitié  ;  il  avait  même  poussé  la  complaisance  jusqu'à  se 
défaire,  en  faveur  du  poète,  de  quelques-uns  de  ses  vers  que  Gil- 
bert s'était  empressé  d'enchâsser  dans  une  tragédie  qu'il  était  en 
train  de  composer,  la  tragédie  de  Téléphonie^.  Cette  superféta- 
tion  n'avait  pas  rendu  la  tragédie  meilleure,  et  soi^  auteur,  qui 
avait  joui  de  la  faveur  des  Richelieu,  des  Mazarin,  des  Fouquet 
et  des  De  Lyonne,  serait  mort  de  faim  (triste  destinée  des  poètes 
du  nom  de  Gilbert  !)  si  Barthélémy  Herwarth,  son  coreligion- 
naire, ne  lui  avait  offert  un  asile  chez  Ixii.  Gilbert  y  mourut  vers 
1675.  En  tête  d'un  exemplaire  des  œuvres  imprimées  de  ce  poète, 
exemplaire  que  possède  la  Bibliothèque  de  l'Arsenal,  nous  avons 
trouvé  cette  note  manuscrite,  brutale  mais  expressive  :  «  Quoyque 
résident  de  Suède,  il  estoit  gueux  et  à  l'aumosne  de  M.  Dhervart, 
controlleur-général  des  finances*.  » 

Herwarth  ne  bornait  point  sa  protection  aux  ^ens  de  lettres, 
il  rétendait  aux  artistes.  Il  aimait,  comme  on  vient  de  le  voir,  le 
talent  de  Mignard  qui  fit  le  portrait  de  presque  tous  les  membres 
de  sa  famille.  Un  de  ces  portraits,  celui  d'une  des  filles  de  Her- 
warth, la  marquise  de  Gouvernet,  était  même  si  ressemblant  que^ 
dans  la  Vie  de  Mignard,  par  Monville,  il  est  raconté  que  le 
perroquet  de  la  dame  s'approchait  souvent  du  tableau  pour  crier  : 
«  Baisez-moi,  maîtresse  '.  » 

Herwarth  aimait  également  à  attirer  chez  lui  le  chanteur  et  le 
musicien  à  la  mode,  Lambert,  celui  dont  il  est  parlé  dans  la  satire 
de  Boileau,  le  Festin  ridicule  : 

Et  Lambert,  qui  plus  est,  m'a  donné  sa  parole. 
C'est  tout  dire,  en  un  mot,  et  vous  le  connaissez. 
—  Quoi?  Lambert!  —  Oui,  Lambert 

qui  était  alors  très  recherché  dans  les  sociétés  et  qui  allait  chanter 
en  ville  avec  une  demoiselle  Hilaire,  sa  belle-sœur,  dont  le  nom 
est  généralement  associé  au  sien  dans  les  mémoires  du  temps.  Ces 
artistes  avaient  obtenu,  je  ne  sais  par  quels  moyens,  des  pensions 
et  des  bénéfices  ;  passe  encore  pour  des  pensions,  mais  des  béné- 
fices !  La  protection  de  Herwarth  ne  leur  était  pas  inutile  en  cette 

1.  Téléphonie f  tragi-comédie.  Paris,  1643,  ia-4*.  Noos  avons  consulté  Texem- 
plaire  de  la  Bibl.  nat.,  coté  4*  Y  f  570Z. 

2.  Poésies  diverses  de  M.  Gilbert.  Paris,  Gaillanme  de  Lnyne,  1661,  in- 12. 
Bibl  de  l'Arsenal.  Belles-lettres,  n*  6856. 

3.  Monville,  Vie  de  Mignard,  p.  70. 


BARTH^LBMT   HERWARTH.  67 

droonstance,  car  le  contrôleur-général  leur  faisait  payer  leurs 
pensions  «  soigneusement  S  »  c*est-à-dire  exactement,  ce  qui 
semblerait  indiquer  que  ceux  qui  étaient  moins  favorisés  n'étaient 
pas  toujours  régulièrement  payés,  de  même  que  les  rentiers 
n'étaient  pas  toujours  alors  régulièrement  payés  de  leurs  revenus. 

Herwarth  était  donc  sensible  aux  plaisirs  de  Tesprit  et  au 
charme  des  arts,  mais  il  avait  une  autre  passion^  moins  délicate, 
celle  du  jeu.  C'était  au  reste  la  maladie  de  l'époque.  Cette  fureur 
du  y&iy  fatal  écueil  où  venaient  s'engloutir  la  fortune  et  l'honneur 
de  tant  de  gentilshommes,  était  alors  poussée  si  loin  qu'on  n'at- 
tendait pas  la  soirée  pour  jouer,  on  jouait  le  jour  tout  autant  que 
le  soir  et  la  nuit.  Mazarin  était  moribond  que  le  jeu  continuait 
dans  sa  chambre  à  coucher  '.  Enfin ,  les  gens  de  la  cour  et  du  bel 
air  jouaient  partout  et  toujours.  Ils  ramassaient,  pour  reconunen- 
cer  à  jouer,  les  cartes  qui  venaient  d'être  jetées  à  terre,  sans 
doute  en  signe  d'une  partie  finie  et  parce  qu'il  était  convenu  que 
les  mêmes  cartes  ne  serviraient  qu'une  fois  :  on  en  voyait  qui 
coupaient  ces  cartes  en  morceaux,  et  chacun  de  ces  morceaux 
portait  ou  plutôt  représentait  une  mise.  En  effet,  il  ne  paraissait 
point  d'argent  sur  table;  aussi  tout  devenait  enjeu  :  selon  Gour- 
ville,  on  jouait  des  bijoux,  des  points  de  Venise  et  jusqu'à  des 
rabats,  cotés  70  à  80  pistoles  pièce.  Herwarth  n'avait  pas  besoin 
de  recourir  à  de  tels  expédients  :  il  était  assez  riche  pour  payer 
séance  tenante  et  en  espèces  ses  dettes  de  jeu.  On  le  vit  perdre  en 
une  seule  séance  jusqu'à  100,000  écus,  à  ce  qu'affirme  Voltaire, 
qui  prétend  que  ce  fut  cette  passion  trop  connue  du  public  qui 
empêcha  Herwarth  de  parvenir  à  la  surintendance  des  finances. 
€  Le  roi  eut  avec  raison  plus  de  confiance  en  Colbert,  »  ajoute 
l'auteur  du  Siècle  de  Louis  XIV, 

Herwarth  était  un  joueur  effréné  ;  mais  il  était  en  même  temps 
un  joueur  malheureux,  à  ce  que  nous  savons  par  Gourville  qui 
le  rencontrait  chez  Mazarin,  chez  Fouquet  ou  ailleurs  et  qui  était 
souvent  son  partenaire^.  «  M.  D'Herval  étoit  toujours  le  premier 
prié  aux  parties  de  jeu  :  c'étoit  l'homme  le  plus  malheureux  au 
jeu,  >  dit-il  en  ses  Mémoires,  Il  n'y  avait  qu'un  autre  financier 

t.  Hislcrieites  de  Tallemant  des  Réaux,  3*  édii.,  par  MM.  de  Monmerqaé  et 
Ptnlin  Pari».  Paris,  Techener,  1853-60,  9  Tol.  ia-8%  VI,  202. 

2.  Mémoires  inédits  de  L,'Renri  de  Laménie  de  Brienne,  publ.  par  Fr.  Bar- 
rière. Paris,  Ponlhieu,  1828.  2  vol.  in-8%  t.  II,  p.  127. 

3.  Mém,  de  G<mrviUe,  p.  333,  334-335,  336. 


68  G.    DEPPING. 

aussi  peu  chanceux  que  Herwarth  à  cet  égard ,  c'était  la  Basi- 
nière.  On  les  invitait  fréquemment  ensemble  pour  profiter  de  leur 
déveine.  Il  en  résultait  que  Herwarth  était  un  peu  le  plastron  de 
tous  ces  joueurs.  Ainsi,  une  fois,  Gourville  avait  été  fort  raillé 
pour  ne  s'être  point  retiré  à  temps,  ainsi  que  les  règles  du  jeu  le 
lui  permettaient;  il  venait  de  gagner  60,000  liv.  à  Fouquet, 
mais  il  était  resté,  et,  en  bon  courtisan,  il  avait  répondu  que 
«  dans  son  pays,  la  bienséance  étoit  que  celui  qui  gagnoit  ne 
quittoit  point  le  jeu.  »  On  allait  partir,  quand  Herwarth  ramasse 
les  cartes  jetées  à  terre  et  prie  Gourville  de  tenir.  Ce  dernier  tient 
500  pistoles  ;  on  s'anime,  le  jeu  s'échauflFe  et  le  contrôleur  en  perd 
bientôt  5,000.  «  Pour  lors,  je  jetai  les  cartes  à  terre,  ajoute  le 
narrateur,  et  lui  dis  que  je  ne  voulois  plus  jouer  à  la  mode  de 
mon  pays  :  cela  fit  rire  toute  la  compagnie  et  chacun  monta  en 
carrosse  pour  s'en  aller.  » 

Ces  plaisanteries  devaient  se  renouveler  souvent  dans  la  société 
du  surintendant,  où  le  contrôleur  général  était  une  véritable  proie 
pour  les  joueurs  plus  heureux,  et  plus  heureux  peut-être  parce 
qu'ils  corrigeaient  eux-mêmes  la  fortune. 

Fouquet,  se  trouvant  à  Vaux,  écrit  un  jour  à  Gourville  de  lui 
amener  Herwarth.  Gourville  se  met  en  route.  Le  contrôleur  général 
était  en  villégiature  chez  un  financier  de  ses  amis.  Avant  de  partir, 
on  joue  pour  tuer  le  temps.  Herwarth  connaissait  le  bonheur  inso- 
lent de  Gourville  au  jeu,  surtout  avec  les  cartes  (Gourville  avait 
gagné  plus  d'un  million  de  cette  manière),  aussi  lui  propose-t-il 
les  dés.  On  joue  aux  dés  :  Herwarth  perd  10  à  12,000  pistoles  et 
demande  à  se  rattraper  tandis  qu'on  attelle  les  chevaux  au  car- 
rosse. Gourville  consentant,  le  jeu  recommence.  Cette  fois,  c'est 
au  trente  et  quarante,  Herwarth  y  perd  encore  74,000  liv.  «  Res- 
tons-en là,  dit  Gourville  ;  il  est  temps  de  partir  pour  Vaux.  » 
Mais  Herwarth  déclare  qu'il  ne  partira  qu'après  s'être  de  nou- 
veau rattrapé.  Rien  ne  put  le  faire  changer  de  résolution.  Gour- 
ville est  donc  obligé  de  s'en  aller  seul.  Ce  n'était  pas  le  compte 
des  habitants  du  château  de  Vaux,  surtout  dé  Fouquet,  qui  atten- 
dait sa  proie  avec  impatience.  Quand  on  entendit  le  carrosse, 
on  se  précipita  sur  le  perron  pour  voir  descendre  Gourville 
escortant  Herwarth.  Le  désappointement  fut  général.  «  Ahl 
monsieur,  s'écria  le  maréchal  de  Clérambault  en  s'adressant  à 
Fouquet  et  en  désignant  Gourville ,  faites-lui  faire  son  procès, 
car  assurément  il  a  pillé  la  voiture.  »  Furieux  de  n'avoir  pas 


BARTHI^LBinr    HERWIRTH.  69 

Herwarth,  le  surintendant  passa  sa  mauvaise  humeur  en  jouant. 
«  n  joua,  dit  Oourville,  des  poignées  de  cartes  coupées  valant  10 
à  20  pistoles  chaque.  » 

IX. 

C'étaient  là  les  plaish^  de  Thiver  ;  Tété,  Herwarth  habitait,  à 
Saint-Cloud,  une  maison  de  campagne  qui  a  disparu  pour  faire 
place  au  château  que  nous  avons  tous  connu,  mais  dont  il  ne  reste 
plus,  hélas  !  que  les  ruines.  Et  ces  ruines  ce  sont  les  compatriotes 
de  Herwarth  qui  les  ont  faites  !  Barth.  Herwarth  avait  acquis  sa 
maison  de  Saint-Cloud  vers  Tan  1655*.  On  en  a  la  preuve  par 
un  contrat  de  vente  pour  les  eaux  de  la  fontaine  de  Garches,  con- 
trat passé  à  cette  date  entre  Herwarth  et  une  dame  Dupré  et  sti- 
pulant «  ...  les  droits  aux  conduites  (d'eau)  en  la  maison  nouvel- 
lement acquise  par  M.  Hervart,  vulgairement  appelée  Maison 
de  Gondi.  » 

Tel  était  en  effet  le  nom  que  portait  cette  maison  qui  avait 
appartenu  à  Jérôme  de  Gondi  et  qui,  après  avoir  été  le  théâtre  de 
fêtes  brillantes  données  par  Catherine  de  Médicis,  avait  vu 
l'assassinat  de  Henri  HI  et  l'avènement  de  Henri  IV  au  trône  de 
France.  Le  jardin  en  était  vaste,  orné  de  statues  de  marbre, 
décoré  de  grottes  et  de  fontaines  avec  des  eaux  jaillissantes,  Her- 
warth ayant  trouvé  moyen  «  d'y.  avoir  un  jet  d'eau  de  90  pieds 
alors  qu'on  n'avait  pu  élever  l'eau  qu'à  50  *.  » 

Ce  fut  dans  cette  résidence  qu'Herwarth  eut  l'honneur,  le 
6  octobre  1658,  de  recevoir  Louis  XIV,  son  frère  Monsieur  et 
toute  la  cour.  Mazarin  était  au  nombre  des  assistants,  ajoutons 
et  des  convives,  car  le  contrôleur  général  traita  ses  nobles  hôtes 
dans  un  repas  magnifique  qui  lui  valut,  dit  la  Gazette  (p.  998), 
«  tous  les  .témoignages  possibles  de  satisfaction  de  S.  M.  » 

Cette  visite  détermina  sans  doute  Louis  XIV  à  faire  pour  son 
fipère  l'acquisition  de  la  propriété  de  Herwarth,  à  laquelle  furent 
réunies,  semble-t-il,  plusieurs  habitations,  entre  autres  une 


1.  Souvenir$  historiquei  des  résidences  royales  de  France^  par  J.  Vatout. 
Paris,  Didot,  1837-1848.  7  vol.  in-8*.  T.  V  (consacré  aa  palais  de  Saint-Cload), 
p.  119  et  SUIT.  Consulter  ansai  Phil.  de  Saint-Albin  et  Ann.  Darantin,  le 
palais  de  Saini'Cloud,  résidence  impériale.  Paris,  1865,  in-12. 

1  Hortaolt  et  Magny,  Dictionnaire  historique  de  la  ville  de  Paris  et  de  ses 
environs.  Paris,  1779,  4  vol.  in-8%  II,  361,  cité  par  Dalanre. 


70  G.    DBPPING. 

appartenant  à  Fouquet  et  une  autre  provenant  d*un  financier 
nommé  Monerot  *.  La  réunion  de  ces  propriétés  forma  le  premier 
noyau  du  parc  de  Saint^iloud,  dont  Monsieur  continua  l'agran- 
dissement par  des  acquisitions  subséquentes,  de  1658  à  1701, 
époque  de  sa  mort.  Mais  la  première  et  la  plus  importante,  le 
point  de  départ  de  toutes  les  autres,  fut  l'acquisition  de  la  pro- 
priété de  Herwarth,  qui  lui  fut  achetée  sans  doute  en  ce  même 
mois  d'octobre  1658,  et  au  prix  de 240,000  liv.  *. 

Insistons  un  moment  sur  cette  vente  et  sur  le  prix  de  cette 
vente  parce  que  ce  sont  deux  éléments  qui  vont  nous  permettre 
de  réfuter  et  de  détruire  une  fable  ridicule  à  laquelle  se  trouvent 
mêlés  les  noms  de  Herwarth  et  de  Mazarin  et  qui  traîne  dans  tous 
les  recueils  d'ana  ainsi  que  dans  presque  toutes  les  histoires  des 
environs  de  Paris  à  l'article  Saint-Cloud.  Naguère,  quand  le 
château  était  encore  debout  et  que  venait  l'été,  l'on  ne  manquait 
jamais  de  remettre  cette  légende  sur  le  tapis  et  les  journaux  la 
servaient  religieusement  à  leurs  lecteurs.  La  voici  d'après  Dulaure, 
qui  l'adopte  aveuglément,  suivant  sa  méthode  ordinaire,  dépour- 
vue de  sens  critique. 

«  Le  cardinal  Mazarin,  ayant  envie  d'acheter  une  maison  de 
plaisance  pour  Monsieur,  frère  de  Louis  XIV,  jeta  les  yeux  sur 
celle  d'un  gros  partisan  (comme  si  Mazarin  ne  connaissait  pas 
depuis  longtemps  Herwarth!)  située  à  Saint-Cloud,  qui  était 
d'une  étendue  immense  et  d'ime  grande  beauté  :  aussi  revenait^ 
elle  à  plus  d'un  million  à  celui  qui  en  était  possesseur.  Le  car- 
dinal alla  un  jour  l'y  voir,  et  admirant  la  magnificence  de  cette 
maison,  il  dit  au  partisan  :  «  Cela  doit  vous  coûter  au  moins 
douze  cent  mille  livres?  »  Le  partisan,  qui  ne  voulait  point  qu'on 
connût  ses  richesses,  répondit  au  cardinal  «  qu'il  n'était  pas  assez 
opulent  pour  employer  une  somme  si  considérable  à  ses  plaisirs.» 

1.  Piganiol  de  la  Force,  IX,  351.  Sur  Monerot  ou  Monnerot,  Toy.  Lettres  de 
Colberij  par  P.  Clément,  II,  1,  cctj,  note. 

2.  D'après  M.  Vatout,  qui  a  travaillé  sur  des  documents  originaux,  mais  qui 
a  le  tort  de  ne  pas  les  citer,  et  surtout  de  ne  pas  les  reproduire  comme  pièces 
jusUficatives,  le  contrat  fut  passé  chez  MM«*  MouiQe  et  Lefoin,  notaires  à  Paris. 
L'auteur  dit  dans  un  endroit  que  ce  fut  le  25  février,  et  dans  un  antre 
le  25  octobre.  Évidemment  cette  dernière  date  est  la  véritable.  Les  recher- 
ches que  nous  avons  faites  dans  les  anciennes  minutes  de  l'étude  de  M*  Mouille 
(avec  la  permission  de  M*  Bourget,  titulaire  actuel  de  la  charge),  pour  retrouver 
ce  contrat  et  par  suite  quelques  renseignements  sur  Herwarth  et  sur  Saint- 
Gloud,  ont  été  infructueuses. 


litnrfunT  HERWÀITH.  74 

«  Gombmi  donc,  »  reprit  le  cardinal,  «  cela  peut-il  tous  coûter? 
Je  parierais  que  c'est  au  moins  deux  cent  miUe  ècus  ?  —  Non, 
monaeigneur,  »  dit  le  financier,  «  je  ne  suis  pas  en  état  de  £aire 
une  si  grosse  dépense.  —  Apparemment,  »  dit  le  cardinal,  «  que 
cela  ne  tous  coûte  que  cent  mille  écus  ?»  Le  partisan  crut  deToir 
se  borner  à  ce  prix  et  couTint  que  cela  lui  coûtait  cette  sonmie. 

<  Le  lendemain,  le  cardinal  lui  euToya  trois  cent  mille  liTres,  et 
lui  écriTÎt  que  le  roi  désirait  aToir  cette  maison  pour  Monsieur. 
Celui  qui  ^it  porteur  de  la  lettre  et  de  Targent  était  un  notaire  ; 
il  aTait  en  main  un  contrat  de  Tente  tout  dressé,  que  le  partisan 
fut  obligé  de  signer.  » 

Et  la  chronique  ajoute  :  «  Ainsi,  par  la  finesse  (ne  serait-ce 
pas  plutôt  la  fourberie  ?)  du  cardinal,  le  roi  eujb  pour  cent  mille 
écus  ce  qui  coûtait  près  d*un  million  au  financier,  qui  fit,  sans  y 
penser,  la  restitution  d'une  partie  de  ce  qu'il  aTait  Tolé  à  Sa 
Majesté^.  >  De  ce  qu'il  avait  volé!  Le  mot  est  dur,  même  pour 
un  financier.  Il  est  injuste,  appliqué  k  Herwarth.  Rien,  dans  les 
documents  du  temps,  n'autorise  à  l'accuser  de  bien  mal  acquis  : 
c'était  dans  la  banque,  ne  l'oublions  pas,  non  dans  les  fermes, 
ou  dans  des  afiaires  équiToques,  qu'il  aTait  gagné  sa  fortune. 
D'ailleurs,  il  était  déjà  riche  lorsqu'il  entra  dans  l'adminis- 
tration des  finances.  A  la  Térité,  quand  son  fils  rechercha  la 
charge  de  conseiller  au  Parlement,  on  lui  reprocha  d'être  le 
fils  d'un  partisan  ;  mais  il  est  probable  que  s'il  y  eut  hésita- 
tion à  lui  accorder  sa  demande,  la  difficulté  Tenait  moins 
de  cette  accusation  Tague  que  de  sa  qualité  de  huguenot. 
D'ailleurs  le  père  se  défendit  de  ce  qu'il  regardait  comme  une 
calomnie,  et  soutint  qu'on  ne  pouTait  articuler  contre  lui  aucune 
preuTe  qu'il  eût  trempé  dans  un  marché  quelconque.  Mais  les 
médisants  ne  se  tinrent  pas  pour  battus.  Ils  allaient  répétant 


1.  Dnlanre,  BitUHre  physique,  civile  et  morale  des  environs  de  Paris,  Paris, 
6.  Ponthien,  1825-28.  7  vol.  in-8*,  I,  p.  118-119.  Cette  anecdote  est  da  reste 
plus  ancienne  que  l'ouvrage  de  Dulaure  ;  cet  écrivain  Ta  empruntée  au  jnciion- 
noire  des  anecdotes,  qui  ext  sans  doute  YEncyclopediana  ou  IHct.  encyclopéd. 
des  Ana  (Paris,  Pandioucke,  1791,  in-4*),  où  elle  se  trouve  en  effet  A  l'art. 
Matarin,  p.  666,  2*  col.  Mais  la  remarque  c  ce  qu'il  avait  volé,  i  ne  s'y  trouve 
pis;  c'est  un  jugement  personnel  de  Dnlanre. 

Voy.  aussi  les  réflexions  de  l'auteur  de  la  notice  Die  Brader  (p.  196  en  note), 
à  propos  d'un  article  paru  pendant  la  guerre  franco-allemande,  et  après  la  des- 
trôctioa  de  Saint-Cloud,  dans  la  Vossische  Zeitung  de  Berlin  (20  nov.  1870),  et 
iaUtulé  :  Vergangenheit  und  Ende  eines  kaiserl,  Schlosses, 


72  G.    DEPPING. 

partout  que  le  père  avait  trop  de  bien  pour  n'avoir  pas  fait  le 
métier  qu'on  lui  reprochait,  tant  à  cette  époque  de  malversations 
et  de  rapines  les  sources  de  la  fortune  étaient  toujours  suspectes 
au  plus  grand  nombre  ! 

Une  circonstance  assez  plaisante,  qui  se  rattache  à  cette  mai- 
son de  SainW^loud,  prouve  que  Herwarth,  quoique  riche,  ne 
manquait  pas  d'esprit.  Il  était  allé  voir  le  surintendant  Servien, 
qui  avait  une  maison  de  campagne  à  Meudon.  La  très  belle  vue 
dont  on  jouit  de  ce  point  fournit  matière  à  la  conversation,  puis 
on  en  vint  aux  comparaisons.  «  A  Saint-Cloud,  ma  vue  est  fort 
belle,  »  dit  Herwarth,  qui  naturellement  vantait  les  mérites  de  sa 
propriété.  <r  Meudon  étant  plus  élevé  que  Saint-Cloud,  »  répartit 
Servien,  celle  d'ici  est  incomparablement  plus  belle.  —  Vantez 
tant  qu'il  vous  plaira  votre  vue,  »  répondit  Herwarth,  «je  ne 
donnerais  pas  la  mienne  pour  la  vôtre.  »  Or,  il  faut  savoir  que 
Servien  était  borgne  :  le  Menagiana,  d'où  nous  avons  tiré  cette 
historiette,  ajoute  :  «  Hervart  avoitles  yeux  petits,  mais  bons*.  » 
menu  détail,  mais  que  doit  recueillir  le  biographe  qui  tient  à  tra- 
cer un  portrait  fidèle  ôt  aussi  complet  que  possible. 

Que  si  maintenant  on  nous  demande  quels  sont  les  rapports  de 
proportion  entre  l'habitation  de  Herwarth  à  Saint  Qoud  et  le  châ- 
teau princier,  puis  royal,  qui  lui  a  succédé,  voici  la  réponse 
qu'un  homme  du  métier  a  faite  à  cette  question  :  «  Il  serait  diffi- 
cile, dit  Fontaine,  architecte  du  roi  Louis-Philippe,  d'indiquer 
aujourd'hui  d'une  manière  précise  ce  que  pouvait  être  la  maison 
du  contrôleur  Hervard,  lorsque  Monsieur,  frère  unique  de 
Louis  XIV,  en  fit  sa  résidence  de  campagne  ;  car,  à  l'exception 

d'une  vue  gravée  par  Israël  Sylvestre, aucuns  plans  n'ont 

pu  être  retrouvés  pour  donner  une  juste  idée  des  choses  de  cette 
époque.  Cependant,  d'après  les  tracés  de  plusieurs  constructions 
anciennes  conservées  dans  les  souterrains  et  quelques  vieilles 
murailles  découvertes  en  dififérents  endroits  du  château,  il  y  a  lieu 
d'assurer  que  le  prince,  sans  avoir  jamais  voulu  élever  un  palais 
nouveau,  a  fait  construire  sur  les  fondements  déjà  existants  et 
presque  dans  les  limites  de  la  maison  d'Hervard  la  résidence  qu'il 
habita  jusqu'à  la  fin  de  ses  jours*.  » 

1.  Menagiana.  Paris,  Florin-Delaulne,  1715,  4  vol.  in-12,  III,  351-352.  — Sur 
cette  infirmité  de  Seryien,  voir  aos&i  Tallemant  des  Réaox,  IV,  405,  note;  40&- 
407. 

2.  Fontaine,  cité  par  Vatout,  Résidences  royales,  t.  V,  1.  c. 


■ârth^lbmt  herwarth.  73 

Outre  Saint-Cloud,  qui  n'était  pas,  comme  on  le  voit,  une 
simple  maison  des  champs,  Herwarth  possédait,  à  5  ou  6  lieues 
de  Paris,  un  superbe  château,  appelé  Bois-le-Vicomte.  Bâti  au 
ccMnmencement  du  xyn'  siècle  par  un  intendant  de  Marie  de  Mé- 
dids,  ce  château  avait  appartenu  à  Richelieu,  qui  le  céda, 
moyennant  échange,  à  Gaston  d'Orléans  *  ;  de  la  grande  Made- 
moiselle, allé  de  ce  prince  ',  il  passa  entre  les  mains  du  duc  de  la 
Meilleraye,  de  qui  l'acheta  Barth.  Herwarth'. 

Bois-le-Vicomte  a  depuis  longtemps  disparu,  et  nul  aujour- 
dliai  ne  s'intéresserait  à  ce  monument  du  passé,  si  La  Fontaine 
n'avait  vécu  en  ces  lieux  et  si  ses  œuvres  n'en  avaient  conservé 
et  consacré  le  souvenir.  Le  fabuliste  venait  là  dans  la  belle  sai- 
son ;  plusieurs  de  ses  poésies  y  ont  été  composées  ;  quelques-unes 
de  ses  lettres  sont  datées  de  cette  riante  retraite,  riante  par  les 
beautés  de  la  nature  autant  que  par  la  société  de  femmes  jeunes, 
aimables,  enjouées,  au  milieu  desquelles  La  Fontaine  aimait  à 
folâtrer,  et  qu'il  a  célébrées  dans  ses  vers. 

Toute  la  cour  d'Amathonte 
Étant  à  Bois-le-Vicomte, 
Muses,  j'ai  besoin  de  vous. 
Venez  donc  de  compagnie 
Par  vos  channes  les  plus  doux 
Ressusciter  mon  génie, 
Je  sens  qu'il  va  décliner. 
C'est  à  vous  de  lui  donner 
Des  forces  toutes  nouvelles, 
Car  je  veux  louer  trois  belles. 
Je  veux  chanter  haut  et  net 
Virville,  Hervart,  Gouvemet*. 

C'est  donc  le  souvenir  de  La  Fontaine,  plutôt  que  celui  de  la 

1.  La  cession  dat  avoir  llea  en  1635.  Dans  une  lettre  dn  20  mars  de  cette 

année,  Richelien  dit  :  c  J'y  ay  quelque  interest  par  le  moyen  de  rechange 

qoe  j'ay  fait  avec  lay  (Monsieur)  de  la  maison  du  Bois-le-Vicomte.  i  Avenel, 
UUru  de  Richelieu^  W,  p.  793. 

2.  En  octobre  1652,  le  roi  exila  Mademoiselle  dans  cette  terre;  mais  elle 
refusa,  parait-il,  de  s'y  rendre.  Mém,  de  la  duchesse  de  Nemours,  dans  la 
CoUection  Petitot,  2*  série,  t.  34  (Paris,  1834,  ln-8*),  p.  539. 

3.  Essais  historiques  et  statistiques  sur  le  département  de  Seine-et-Marne, 
par  L.  Michelin.  Melon,  1841.  6  vol.  in-8%  t.  II,  p.  608. 

4.  Œuvres  complètes  de  La  Fontaine,  noav.  édit,  par  L.  Moland.  Paris, 
Gamier  frères,  1872-76.  7  vol.  in-8%  t.  VII,  p.  429  et  sq.  (Lettre  A  M—  d'Her- 
vart,  de  ViriviUe  et  de  Gonvemet.) 


74  G.    DEPPIIfG. 

famille  Herwarth,  qui  peut  prêter  de  l'intérêt  aux  quelques 
détails  inédits  sur  Bois-le- Vicomte  *  que  nous  donnons  ci-dessous, 
nous  estimant  heureux  d'avoir  trouvé  quelque  chose  encore  à 
glaner  sur  ce  terrain,  après  le  savant  et  consciencieux  biographe 
de  La  Fontaine,  M.  Walckenaër. 

De  la  terre  de  Bois-le-Vicomte  dépendaient  celles  de  Mitry  •, 
Mory,  et  autres  lieux.  Un  parc,  d'une  contenance  de  250  à 
300  arpents,  traversé  par  un  grand  canal,  entourait  le  château. 
On  y  voyait  des  arbres  magnifiques,  «  des  bois  les  plus  beaux  de 
France,  >  dit  d' Argenville '.  Quant  au  château,  c'était  une  très 
belle  construction  en  briques  et  en  pierres,  bordée  de  fossés,  les- 
quels, à  l'époque  où  Richelieu  possédait  cette  résidence,  étaient 
armés  de  quelques  pièces  de  canon,  tandis  que  d'autres  garnis- 
saient la  grande  cour  d'honneur.  Cet  appareil  militaire  n'existait 
plus  et  n'eût  pas  d'ailleurs  été  de  mise  du  temps  des  Herwarth. 
A  l'entrée  se  trouvaient  deux  pavillons  qui  se  voyaient  encore 
en  1768,  et  dans  l'un  desquels  était  pratiquée  une  chapelle,  tout 
ornée  et  dorée,  différente  de  la  chapelle  intérieure. 

Tandis  que  du  côté  du  jardin  les  onze  fenêtres  de  face  du  châ- 
teau, donnant  sur  de  grandes  pelouses  arrosées  par  un  second 
canal,  faisaient  un  fort  bel  effet ,  du  côté  de  l'entrée,  la  vue 
s'étendait  jusqu'à  Dammartin,  situé  à  deux  lieues  delà,  et  qui 
s'apercevait  admirablement  du  haut  de  la  double  terrasse  du  châ- 
teau. Une  avenue,  formant  le  prolongement  de  la  route  de  Dam- 
martin, et  bordée,  l'espace  d'une  lieue,  de  quatre  grandes  allées 
d'ormes,  dont  plusieurs  avaient  été  plantés  par  Richelieu,  faisait 
au  château  la  plus  magnifique  entrée,  quand  on  arrivait  de  Paris. 

La  description  que  nous  avons  sous  les  yeux  entre  dans  quel- 
ques détails  intéressants  sur  la  route  qu'on  suivait,  en  venant  de 


t.  DescripUan  du  chasteau  de  Bois-U^Vieomtef  reveu  les  festes de  la  Pente' 
caste  (28  may  1635),  en  ms.  Cette  relation  n'est  antérieure  que  de  quelques 
années  à  Tépoque  à  laquelle  B.  Herwarth  était  propriétaire  du  domaine. 

%  Dans  un  document  inédit  (mss.  Dupuy,  à  la  Bibl.  nat.,  vol.  631),  concer- 
nant un  changement  de  mouvance  de  la  terre  de  Bois-le- Vicomte,  en  1643,  nous 
avons  trouvé  mention  du  c  contrat  de  vente  par  le  feu  duc  de  Montmorency  de 
Ud.  terre  de  Mitry  à  M' le  cardinal  de  Richelieu,  passé  devant  M**  Pierre  Parque 
et  Laurens  Hault  de  Sens,  notaires  au  Chastelet  de  Paris,  28  décembre  1629.  i 

3.  Voyage  pittoresque  des  environs  de  Paris,  ou  Description  des  châteaux 
et  autres  lieux  de  plaisance  situés  à  15  lieues  aux  environs  de  cette  ville,  par 
M.  D('Argenville).  3*  édit.  Paris,  Debure,  1768.  1  vol.  in-12,  à  l'art.  Bots-te- 
Vicomte, 


nmâJOiT  ntWAETH.  75 

la  capitale.  Ainsi,  le  Parisien  qui  se  rendait  à  Bois-le-Y ioomte 
traTflrsait  le  faubourg  Saint-Martin,  à  un  quart  de  lieue  duquel 
se  trouTait  le  hameau  de  La  Yillette,  et  à  partir  de  là  jusqu'à 
Bois-le-y  ioomte,  on  ne  rencontrait  plus  à  Tépoque  où  la  relation 
a  été  écrite,  c'est-à-dire  dans  la  première  moitié  du  xvn*  siècle, 
aucun  village  sur  sa  route.  Qu'on  juge,  par  ce  détail,  de  l'état  et 
de  l'aspect  des  abords  de  la  capitale  !  Ce  chemin  était  pourtant 
assez  finéquenté.  Par  là  passaient  les  coches  allant  à  Meaux,  à 
Château-Thierry,  à  Metz,  jusqu'à  Nancy  et  même  plus  loin.  La 
nmte  eût  été  plus  directe  par  Pantin,  Lirry,  Vaujours  et  ViUe- 
parisis  ;  mais  on  l'évitait,  afin  de  n'avoir  pas  à  traverser  une 
forêt  dont  l'auteur  anonyme  ne  prononce  pas  le  nom,  mais  qu'il 
déclare  dangereuse  en  de  certaines  saisons,  et  dans  laqueUe  il 
n'est  pas  difficile  de  reconnaître  la  forêt  de  Bondy,  de  sinistre 
mémoire. 

Que  de  fois  La  Fontaine  dut  suivre  cette  route  pour  aller  visi- 
ter ses  bons  amis  les  Herwarth  !  C'est  là  que  lui  arriva  une  de 
ces  aventures  auxquelles  son  esprit  distrait  l'exposait  fréquem- 
ment ^ 

Après  avoir  fait  quelque  séjour  à  Bois-le- Vicomte,  le  bon- 
homme venait  justement  d'en  partir  pour  rentrer  à  Paris.  Il  était 
à  cheval,  tout  entier  à  une  pensée  qui  l'absorbait.  Ce  qui  causait 
sa  préoccupation,  c'était  le  souvenir  d'une  jeune  fiUe  qu'il  avait 
vue  la  vdlle  pour  la  première  fois,  et  dont  les  grâces  et  la  beauté 
l'avaient  captivé.  Poussée  sans  doute  par  les  maîtres  de  la  mai- 
son qui,  connaissant  le  faible  de  leur  hôte,  voulaient  se  divertir, 
cette  jeune  fille  avait  provoqué  le  poète  par  mille  agaceries.  Le 
vieillard  (La  Fontaine  était  alors  âgé  de  68  ans)  s'était  laissé 
prendre  au  piège.  Il  s'en  allait  donc  rêveur,  ayant  lâché  la  bride 
à  la  folle  du  logis  et  à  son  cheval,  et  voilà  qu'il  se  trompe  de 
route,  prend  à  droite  au  lieu  d'incliner  à  gauche,  et  chevauche 
en  tournant  de  plus  en  plus  le  dos  à  la  capitale.  Heureusement, 
on  domestique  du  château  le  rencontre  et  le  remet  dans  le  droit 
chemin.  Plus  loin,  un  orage  survient  qui  force  notre  voyageur  à 
s'arrêter  :  trempé,  «  morfondu  »  comme  le  Pigeon  de  sa  fable, 
il  est  contraint  de  coucher,  non  pas  précisément  à  la  belle  étoile, 
mais  en  un  fort  mauvais  gîte. 

1.  Wakkenaer,  4*  édit.,  II,  188  et  sq. 


76  G.    DEPPING. 

Or,  «  Que  faire  en  un  gîte,  à  moins  que  l'on  ne  songe  ?  »  C'est 
La  Fontaine  lui-même  qui  Ta  dit.  Il  songea  donc  à  l'aventure 
qui  venait  de  lui  arriver,  et  la  tournant  en  plaisanterie,  suivant 
son  ordinaire,  il  en  écrivit  en  ce  sens  à  son  ami,  Tabbé  Verger, 
ou  Vergier,  un  des  hôtes  de  Bois-le-Vicomte*.  Sa  lettre  (4  juin 
1688)*  commence  par  des  reproches  :  «  Qu'avait  à  faire  M. 
d'Hervart  (il  s'agit  d'Herwarth  le  fils)  de  s'attirer  la  visite  qu'il 
eut  dimanche  ?  Que  ne  m'avertissoit-il  ?  Je  lui  aurois  représenté 
la  foiblesse  du  personnage. . .  »  Et  Verger  de  lui  répondre  sur  le 
même  ton  une  épître  moitié  en  prose,  moitié  en  vers,  dont  les 
suivants  seraient  dignes  d'être  signés  La  Fontaine  : 

Hé,  qui  pourrait  être  surpris 

Lorsque  La  Fontaine  s'égare? 
Tout  le  cours  de  ses  ans  n*est  qu'un  tissu  d'erreurs, 

Mais  d'erreurs  pleines  de  sagesse. 

Les  plaisirs  l'y  guident  sans  cesse, 

Par  des  chemins  semés  de  fleurs. 
Les  soins  de  sa  famille  ou  ceux  de  sa  fortune 

Ne  causent  jamais  son  réveil  ; 

Il  laisse  à  son  gré  le  soleil 

Quitter  l'empire  de  Neptune, 

Et  dort,  tant  qu'il  piait  au  sommeil. 
Il  se  lève  au  matin,  sans  savoir  pourquoi  faire, 
Il  se  promène,  il  va,  sans  dessein,  sans  sujet. 
Et  se  couche  le  soir,  sans  savoir  d'ordinaire 

Ce  que  dans  le  jour  il  a  fait. 

1.  Ce  poète,  né  en  1655  ou  1657,  à  Lyon,  mort  assassiné  à  Paris,  le  20  août 
1720,  a  laissé  des  contes  en  vers  dans  le  genre  de  ceux  de  La  Fontaine,  et 
d'autres  poésies  qu'on  a  publiés  en  1750,  à  Lausanne,  en  2  vol.  in-i8,  en  y  com- 
prenant ses  lettres.  On  regarde  cette  édition  comme  la  meilleure,  mais  elle  est 
à  peu  près  semblable  aux  autres,  qui  ne  valent  rien.  La  Bibliothèque  nationale 
I>ossède,  déparlement  des  Mss.,  un  exemplaire  des  Œuvres  de  Verger  (Suppl.  fr., 
n*  4771^^,  2  vol.  dont  le  premier  a  disparu,  on  du  moins  dont  le  second  existe 
seul).  Nous  l'avons  consulté*  espérant  y  trouver  un  texte  plus  correct  que  celui 
des  éditions  imprimées,  mais  nous  avons  été  déçu  dans  notre  attente.  Le  texte 
ne  diffère  point  de  celui  qui  a  été  publié.  Pour  l'histoire  des  Herwarth  et  aussi 
pour  celle  de  La  Fontaine,  il  n'est  pas  inutile  de  consulter  les  Œuvres  de  Ver- 
ger. —  Sur  ce  poète,  v.  le  dictionnaire  de  Jal,  2*  édit.,  p.  1252,  2*  colonne.  11 
existe  aux  Archives  de  la  Marine,  à  Paris,  un  certain  nombre  de  lettres  inédites 
de  Verger  (Reg,  des  Lettres  de  Maurepas,  1694)  ;  mais  cette  correspondance  n'a 
trait  qu'aux  choses  de  la  marine,  administration  à  laquelle  il  appartint, 
vers  i68a 

2.  La  FonUine,  édit.  L.  Moland,  t.  VII,  p.  389,  pour  la  lettre  de  La  Fontaine, 
et  p.  395  pour  la  réponse. 


BARTHiLEHT   HERWARTH.  77 

Puis,  comparant  la  promenade  de  La  Fontaine  aux  courses 
d'Ulysse,  il  découvre  cette  différence  entre  eux  : 

Ce  héros  s'exposa  mille  fois  au  trépas. 

U  parcourut  les  mers  presque  d'un  bout  à  l'autre 

Pour  chercher  son  épouse  et  revoir  ses  appas. 

Quel  péril  ne  courriez-vous  pas, 

Pour  vous  éloigner  de  la  vôtre  ? 


X. 


Telles  étaient  les  plaisanteries  et  les  allusions  inoffensives  qu'on 
se  permettait  envers  La  Fontaine.  Ce  n^était  pourtant  point  Bar- 
thélémy Herwarth  —  il  ne  faut  pas  l'oublier,  —  mais  son  fils, 
Anne  Herwarth,  qui  recevait  ainsi  le  fabuliste  au  château  de 
Bois-le-Vicomte. 

Il  est  probable  que  le  père  avait,  lui  aussi,  connu  La  Fontaine  : 
sans  doute  il  l'avait  rencontré  dans  la  société  de  M.  et  M™*  de  la 
Sablière,  tous  deux  protestants,  comme  l'était  la  famille  Herwarth. 
Peut-être  l'avait-il  aussi  reçu  chez  lui,  soit  à  ce  même  château 
dont  nous  venons  de  parler,  soit  à  l'hôtel  de  la  rue  Plâtrière,  où 
La  Fontaine  devait  venir  plus  tard  se  réfugier  et  mourir  ;  mais 
ces  relations,  à  supposer  qu'elles  aient  existé,  ne  durent  être  que 
passagères,  et  en  tout  cas  elles  n'eurent  point  le  caractère  d'inti- 
mité qui  régna  dans  la  suite  entre  Herwarth  le  fils  et  La  Fon- 
taine. 

Cet  Anne  Herwarth  était  le  cadet  des  fils  du  contrôleur  géné- 
ral; Barthélémy  Herwarth  s'était  marié  fort  jeune  à  Lyon.  Dans 
une  généalogie  manuscrite  des  Herwarth  qui  existe  à  la  Biblio- 
thèque nationale,  le  nom  de  celle  qu'il  épousa  est  écrit  d'une 
façon  défectueuse  :  cette  orthographe  fautive  a  sans  doute  causé 
la  méprise  dans  laquelle  est  tombé  le  généalogiste  qui  en  fait  une 
fille  naturelle  de  Bernard  de  Saxe-Weimar,  auprès  duquel  avait 
servi  B.  Herwarth,  comme  nous  lavons  raconté  plus  haut.  Elle 
s'appelait  en  effet  Vimar,  dont  le  généalogiste  a  fait  Wymar, 
presque  Weymar. 

De  ce  mariage  de  Barth.  Herwarth  avec  Esther  Vimar  naqui- 
rent plusieurs  enfants,  deux  fils,  peut-être  même  trois,  et  une  ou 
deux  filles.  Parmi  les  fils,  le  plus  connu,  celui  qui,  par  sa  tendre 
amitié  pour  La  Fontaine,  a  fait  surnager  dans  Thistoire  le  nom 


78  G.    DEPPIlfG. 

d*Herwarth,  est  cet  Anne  Herwarth  que  nous  avons  déjà  plus 
d*une  fois  mentionné  dans  le  cours  de  ce  travail.  Sa  femme,  qui 
était  fille  de  Bénigne  Le  Ragois,  sieur  de  Bretonvilliers,  prési- 
dent à  la  chambre  des  comptes,  se  ât  gloire  de  s'associer  à  ce 
dévouement,  et  elle  fut  pour  le  poète  sur  son  déclin  une  seconde 
M°*®  de  la  Sablière. 

Une  des  filles  de  Barth.  Herwarth  devint  marquise  de  Gouver- 
net,  par  son  mariage  avec  Charles  de  La  TouiMiu-Pin,  marquis 
de  Gouvemet,  seigneur  de  Mures,  sénéchal  du  Valentinois  et  du 
Diois^  Zélée  protestante,  comme  sa  mère,  elle  passa  en  Angle- 
terre avec  celle-ci  lors  de  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes,  et 
sur  la  terre  d*exil,  ces  deux  femmes  én^giques  continuèrent  le 
bien  qu'elles  faisaient  à  leurs  coreligionnaires.  Elles  se  montrè- 
rent ainsi  dignes  de  Barthélémy  Herwarth  qui  demeura  inébran- 
lable dans  son  attachement  à  sa  foi  religieuse,  tandis  que  son  fils 
abjura  le  protestantisme  pour  être  maintenu  dans  sa  charge  de 
conseiller  au  Parlement  de  Paris,  peut-être  aussi  pour  conserver 
aux  siens  la  fortune  considérable  amassée  par  le  chef  de  la  famille, 
fortune  qui  aurait  pu  être  atteinte  par  la  confiscation,  si  tous  les 
membres  de  cette  famille  étaient  restés  protestants. 

Ce  fut  ainsi  que  M™*'  Herwarth  la  mère  et  sa  fille,  la  marquise 
de  Gouvernet,  purent  emporter  avec  elles  en  Angleterre  beaucoup 
d'objets  précieux  qui  avaient  orné  l'hôtel  de  la  rue  Plâtrière. 
Dans  le  nombre  se  trouvaient  une  certaine  quantité  de  portraits 
de  famille,  peints  par  Mignard.  Ces  tableaux,  qui  ne  sont  point 
mentionnés  dans  les  catalogues  de  l'œuvre  de  Mignard,  que  sont- 
ils  devenus?  On  en  a  perdu  la  trace;  mais  il  reste  un  document 
qui  permet  de  constater  leur  existence.  C*est  une  liste  dressée  par 
la  marquise  de  Gouvernet  des  objets  d'art,  surtout  des  tableaux 
et  des  porcelaines,  qu'elle  lègue  à  son  petit-fils. 

Dans  le  document  dont  nous  parlons,  un  article  est  de  nature 


1.  Tableaux  généalogiques  et  raisonnes  de  la  maison  de  la  Tour  du 
Pin,  dressés  en  1788  par  M.  J.-B,  Moulinet,  secrétaire-archiviste  de  la 
Chambre  des  comptes  du  Dauphiné,  en  complément  de  ses  Mémoires^  ei 
continués  jusqu'à  nos  jours.  (Paris)  Charpealier,  1870,  in-f*.  Voy.  tableau  III.  A. 
Cette  publication  n'a  pas  été  mise  dans  le  commerce  :  nous  en  devons  la  ooih 
naissance  à  Tobligeance  de  M.  le  baron  Ch.  Gabriel  de  La  Tour  du  Pin-Cham- 
bly  qui,  sachant  que  nous  nous  occupions  d'un  trarail  sur  Herwarth  et  sur  sa 
famille,  a  eu  la  bonté  de  nous  en  faire  parvenir  un  exemplaire. 


BlRTfliLBMT   BERWARTH.  79 

à  fixer  rattention,  parce  qu'il  doit  se  rapporter  &  La  Fontaine. 
Cet  article  est  indiqué  de  la  façon  que  voici  ;  mais  avant  de  le 
citer,  il  faut  prévenir  le  lecteur  que  la  pièce  dont  il  s'agit,  écrite 
primitivement  en  français,  n'existe  plus  que  dans  une  traduction 
anglaise  qiii  en  fut  faite  à  l'époque  de  la  mort  de  la  marquise  de 
Gouvernet,  c'est-à-dire  en  1722. 

«  Art.  45.  A  small  picture,  representing  the  Fountain  in  the 
little  garden  of  the  Hostel  d'Hervart  *.  » 

Ce  qui,  traduit  en  français,  signifie  :  «  Art.  45  (du  catalogue). 
Petit  tableau  représentant  la  fontaine  (une  fontaine  d'eau  claire) 
dans  le  petit  jardin  de  l'hôtel  Hervart.  » 

Y  avait-il  en  efiiet  une  fontaine  dans  le  jardin  de  cet  hôtel  où, 
conune  nous  l'avons  raconté,  notre  grand  fabuliste  fut  recueilli 
par  le  frère  de  la  marquise  et  dans  lequel  il  rendit  le  dernier 
soupir?  La  chose  est  possible.  Mais  je  crois  plutôt  qu'il  y  a  eu 
erreur  de  traduction .  Le  traducteur  était  sans  doute  quelque  honune 
de  loi,  quelque  greffier  qui  n'avait  jamais  entendu  parler  de  notre 
La  Fontaine,  et  qui,  prenant,  non  le  Pirée  pour  un  homme,  mais 
un  homme  pour  le  Pirée,  aura  cru  qu'il  s'agissait  d'une  fontaine 
véritable,  et  non  du  poète  ainsi  nommé.  Cette  image  de  La  Fon- 
taine dans  sa  vieillesse,  dont  l'auteur  nous  est  inconnu,  où  se 
cache-t-elle?  Nous  la  signalons  aux  amateurs  d'objets  d'art, 
ainsi  qu'aux  admirateurs  du  talent  de  La  Fontaine.  Celui-ci, 
habitant  l'hôtel  de  la  rue  Plàtrière,  devait  descendre  quelquefois 
dans  le  jardin  de  l'hôtel.  Ce  jardin  n'était  pas  grand,  il  est  vrai  ; 
mais  du  moins,  jusqu'à  ses  derniers  jours,  le  poète  a  pu  reposer 
ses  yeux  mourants  sur  un  gazon,  sur  quelques  fleurs  et  admirer 
jusqu'à  la  fin  cette  nature  qui  avait  été  le  charme  de  sa  vie  et 
l'inspiratrice  de  ses  vers. 

Les  mémoires  du  temps  sont  muets  sur  le  compte  de  Barthélémy 
Herwarth,  à  partir  du  jour  où  il  se  retire  des  afiaires  publiques  ; 
il  n'y  est  question  de  lui  qu'en  une  seule  circonstance,  à  l'occa- 
sion de  la  mort  d'Anne  d'Autriche.  Il  se  trouvait  au  lit  de  mort 
de  la  reine,  à  ce  que  nous  apprend  M"**  de  Motteville.  «  Voyant 


1 .  A  mémorandum  of  my  paintings,  pkiures^  and  china  dans  l'ouTrage  da 
R«Ter.  D.  Agnew,  Tke  huguenot  refugees^  afid  their  descendants  in  Great 
BrUain  and  Ireland,  V  édit.  Loodoo.  1874.  3  toI.  4v  Tom.  III  (Index- Volume), 
p.  202-203. 


78  G.    DEPPIlfG. 

d'Herwarth,  est  cet  Anne  Herwarth  que  nous  avons  déjà  plus 
d'une  fois  mentionné  dans  le  cours  de  ce  travail.  Sa  femnae,  qui 
était  fille  de  Bénigne  Le  Ragois,  sieur  de  Bretonvilliers,  prési- 
dent à  la  chambre  des  comptes,  se  fit  gloire  de  s'associer  à  ce 
dévouement,  et  elle  fut  pour  le  poète  sur  son  déclin  une  seconde 
M""®  de  la  Sablière. 

Une  des  flUes  de  Barth.  Herwarth  devint  marquise  de  Gouver- 
net,  par  son  mariage  avec  Charles  de  La  Tour-du-Pin,  marquis 
de  Gouvemet,  seigneur  de  Mures,  sénéchal  du  Valentinois  et  du 
Diois^  Zélée  protestante,  comme  sa  mère,  elle  passa  en  Angle- 
terre avec  celle-ci  lors  de  la  révocation  de  Fédit  de  Nantes,  et 
sur  la  terre  d'exil,  ces  deux  fenmoes  én^giques  continuèrent  le 
bien  qu'elles  faisaient  à  leurs  coreligionnaires.  Elles  se  montrè- 
rent ainsi  dignes  de  Barthélémy  Herwarth  qui  demeura  inébran- 
lable dans  son  attachement  à  sa  foi  religieuse,  tandis  que  son  fils 
abjura  le  protestantisme  pour  être  maintenu  dans  sa  charge  de 
conseiller  au  Parlement  de  Paris,  peut-être  aussi  pour  conserver 
aux  siens  la  fortune  considérable  amassée  par  le  chef  de  la  famille, 
fortune  qui  aurait  pu  être  atteinte  par  la  confiscation,  si  tous  les 
membres  de  cette  famille  étaient  restés  protestants. 

Ce  fut  ainsi  que  M°*'  Herwarth  la  mère  et  sa  fille,  la  marquise 
de  Gouvernet,  purent  emporter  avec  elles  en  Angleterre  beaucoup 
d'objets  précieux  qui  avaient  orné  l'hôtel  de  la  rue  Plàtrière. 
Dans  le  nombre  se  trouvaient  une  certaine  quantité  de  portraits 
de  famille,  peints  par  Mignard.  Ces  tableaux,  qui  ne  sont  point 
mentionnés  dans  les  catalogues  de  l'œuvre  de  Mignard,  que  sont- 
ils  devenus?  On  en  a  perdu  la  trace;  mais  il  reste  un  document 
qui  permet  de  constater  leur  existence.  C*est  une  liste  dressée  par 
la  marquise  de  Gouvernet  des  objets  d'art,  surtout  des  tableaux 
et  des  porcelaines,  qu'elle  lègue  à  son  petit-fils. 

Dans  le  document  dont  nous  parlons,  un  article  est  de  nature 


1.  Tableaux  généalogiques  et  raisonnes  de  la  maison  de  la  Tour  du 
Pin,  dressés  en  1788  par  M.  J.-B.  Moulinet,  secrétaire-archiviste  de  la 
Chambre  des  comptes  du  Dauphiné,  en  complément  de  ses  Mémoires,  et 
continués  jusqu'à  nos  jours.  (Paris)  Charpeatier,  1870,  in-^.  Voy.  tableau  III.  A. 
Cette  publication  n'a  pas  été  mise  dans  le  commerce  :  nous  en  devons  la  con- 
naissance à  Tobligeance  de  M.  le  baron  Ch.  Gabriel  de  La  Tour  du  Pin-Cham- 
bly  qui,  sachant  que  nous  nous  occupions  d'un  trarail  sur  Herwarth  et  sur  sa 
famille,  a  eu  la  bonté  de  nous  en  faire  parrenir  un  exemplaire. 


BllTHiLBMT   BERWARTH.  79 

k  bar  rattention,  parce  qu'il  doit  se  rapporter  &  La  Fontaine. 
Cet  article  est  indiqué  de  la  façon  que  voici  ;  mais  avant  de  le 
citer,  il  faut  prévenir  le  lecteur  que  la  pièce  dont  il  s'agit,  écrite 
primitivement  en  français,  n'existe  plus  que  dans  une  traduction 
anglaise  qiii  en  fut  faite  à  l'époque  de  la  mort  de  la  marquise  de 
Gofuvemet,  c'est-à-dire  en  1722. 

€  Art.  45.  A  small  picture,  representing  the  Fountain  in  the 
little  garden  of  the  Hostel  d'Hervart  * .  » 

Ce  qui,  traduit  en  français,  signifie  :  «  Art.  45  (du  catalogue). 
Petit  tableau  représentant  la  fontaine  (une  fontaine  d'eau  claire) 
dans  le  petit  jardin  de  l'hôtel  Hervart.  » 

Y  avait-il  en  effet  une  fontaine  dans  le  jardin  de  cet  hôtel  où, 
comme  nous  l'avons  raconté,  notre  grand  fabuliste  fut  recueilli 
par  le  frère  de  la  marquise  et  dans  lequel  il  rendit  le  dernier 
soupir?  La  chose  est  possible.  Mais  je  crois  plutôt  qu'il  y  a  eu 
erreur  de  traduction .  Le  traducteur  était  sans  doute  quelque  homme 
de  loi,  quelque  greffier  qui  n'avait  jamais  entendu  parler  de  notre 
La  Fontaine,  et  qui,  prenant,  non  le  Pirée  pour  un  homme,  mais 
un  homme  pour  le  Pirée,  aura  cru  qu'il  s'agissait  d'une  fontaine 
véritable,  et  non  du  poète  ainsi  nommé.  Cette  image  de  La  Fon- 
taine dans  sa  vieillesse,  dont  l'auteur  nous  est  inconnu,  où  se 
cacbe-t-elle?  Nous  la  signalons  aux  amateurs  d'objets  d'art, 
ainsi  qu'aux  admirateurs  du  talent  de  La  Fontaine.  Celui-ci, 
habitant  l'hôtel  de  la  rue  Plâ trière,  devait  descendre  quelquefois 
dans  le  jardin  de  l'hôtel.  Ce  jardin  n'était  pas  grand,  il  est  vrai; 
mais  du  moins,  jusqu'à  ses  derniers  jours,  le  poète  a  pu  reposer 
ses  yeux  mourants  sur  un  gazon,  sur  quelques  fleurs  et  admirer 
jusqu'à  la  fin  cette  nature  qui  avait  été  le  charme  de  sa  vie  et 
l'inspiratrice  de  ses  vers. 

Les  mémoires  du  temps  sont  muets  sur  le  compte  de  Barthélémy 
Herwarth,  à  partir  du  jour  où  il  se  retire  des  affaires  publiques  ; 
il  n'y  est  question  de  lui  qu'en  une  seule  circonstance,  à  l'occa- 
sion de  la  mort  d'Anne  d'Autriche.  Il  se  trouvait  au  lit  de  mort 
delà  reine,  à  ce  que  nous  apprend  M™*  de  Motteville.  <  Voyant 


1 .  A  mémorandum  of  my  paintings,  pictures^  and  china  dans  TouTrage  da 
Rerer.  D.  Agnew,  The  huguenot  refugees,  and  their  descendante  in  Great 
Britain  and  Irdand,  V  édit.  Loodon.  1874.  3  toI.  4*.  Tom.  III  (Index- Volame), 
p.  202-203. 


80  G.    DBPPING.  —  BlRTHéLEMT  HBRWIRTH. 

d'Herval  derrière  les  autres  qui  étoit  huguenot,  et  qui,  sous  Tad- 
ministration  du  cardinal  Mazarin,  avoit  servi  le  roi  dans  les 
finances,  elle  souhaita  en  s'adressant  à  lui  que  Dieu  lui  fît  la 
grâce  de  le  convertir  *.  »  Mais  Herwarth  mourut  conune  il  avait 
vécu,  en  fidèle  protestant.  On  ignore  la  date  et  même  le  lieu  de 
sa  mort.  On  a  dit,  en  s'appuyant  sur  nous  ne  savons  quelles 
données,  qu'il  s'éteignit  à  Tours  le  22  octobre  1676  *. 

Guillaume  Depping. 


1.  Mémoires  de  itf-  de  MoilevUle,  IV,  398. 

2.  Die  BrUder,  p.  195. 


MELANGES  ET  DOCUMENTS 


DOCUMENTS  INÉDITS  RELATIFS  AU  PREMIER  EMPIRE. 


NAPOLÉON  ET  LE  ROI  JOSEPH. 

{Suite,) 

Joseph  n'était  pas  encore  arrivé  au  port  où  il  espérait  se  reposer 
des  tracas  de  la  vie  publique.  Le  sort  lui  réservait  une  autre  période 
de  tourments. 

Revenu  des  eaux  de  Bagnères,  où  sa  santé  Tavait  obligé  à  un  court 
séjour,  en  août  4843,  et  installé  à  Mortefontaine  près  Paris,  le  firère 
aîné  de  Tempereur  apprit,  dans  un  entretien  qu'il  eut  avec  Napoléon, 
que  ce  dernier  était  sur  le  point  de  replacer  Ferdinand  VII  sur  le 
trône  d'Espagne.  Après  une  longue  discussion  avec  l'Empereur,  il 
crut  devoir  lui  écrire  le  30  novembre  4  84  3  : 

Sire, 

La  réflexion  n'a  fait  que  fortifier  ma  première  pensée.  Le  rétablisse- 
ment des  Bourbons  en  Espagne  aura  les  plus  funestes  conséquences  et 
pour  TEspagne  et  pour  la  France.  Le  prince  Ferdinand,  en  arrivant  en 
Espagne,  ne  peut  rien  en  faveur  de  la  France;  il  pourra  tout  contre 
elle,  son  apparition  excitera  d'abord  quelques  troubles,  mais  les  Anglais 
8*en  empareront  bientôt  et  dès  qu'ils  lui  auront  fait  tourner  les  armes 
contre  la  France,  il  aura  avec  lui,  et  les  partisans  des  Anglais  et  les 
partisans  de  la  France  que  nous  aurons  abandonnés  et  ceux  qui  tien- 
nent au  système  de  voir  leur  pays  gouverné  par  une  branche  de  la 
maison  de  France,  système  si  heureusement  professé  à  Bayonne  et  qui, 
depuis  un  siècle,  a  fait  la  tranquillité  de  l'Espagne.  Tout  homme  de 
bien  et  de  sens  qui  connaît  le  caractère  de  la  nation  espagnole  et  la 
situation  des  hommes  et  des  choses  dans  la  Péninsule  ne  peut  pas  douter 
de  ces  vérités.  Je  prie  V.  M.  de  faire  consulter  quelques  Espagnols 
éclairés  qui  sont  en  France,  entr'autrcs  MM.  Aranza,  O'Farell,  qui 
étaient  ministres,  nommés  par  le  prince  Ferdinand. 

Rev.  Histor.  XL  1"  FASc.  6 


82  HiLANGES  ET  DOCUMEIfTS. 

Quant  à  moi,  Sire,  que  Y.  M.  daigne  un  moment  se  supposer  à  ma 
place.  Elle  sentira  facilement  quelle  doit  ôtre  ma  conduite.  Appelé  il  y 
a  dix  ans  au  trône  de  Lombard ie,  ayant  occupé  celui  de  Naples  avec 
quelque  bonheur,  celui  d'Espagne  au  milieu  de  traverses  de  tous  les 
genres,  et  malgré  cela  ayant  su  me  concilier  Testime  de  la  nation, 
persuadé  comme  je  le  suis  que  tant  que  la  dynastie  de  Y.  M.  régnera 
en  France,  l'Espagne  ne  peut  ôtre  heureuse  que  par  moi  ou  par  un 
prince  de  son  sang,  je  ne  saurais  m'ôter  à  moi-môme  les  seuls  biens 
qui  me  restent,  les  témoignages  d'une  conscience  sans  reproches  et  le 
sentiment  de  ma  propre  dignité.  Je  ne  puis  donc  que  présenter  ces 
réflexions  à  Y.  M.  I.  et  R.,  et,  dérobant  au  grand  jour  un  front  dépouillé, 
attendre  dans  le  sein  de  ma  famille  les  coups  dont  il  plaira  au  destin 
de  frapper  encore  et  l'Espagne  et  moi,  et  les  bienfaits  qu'il  nous  est 
permis  d'espérer  de  la  puissance  de  votre  génie  et  de  la  grandeur  du 
peuple  français. 

L'empereur  ne  répondit  pas  à  cette  lettre.  Un  mois  plus  tard,  le 
29  décembre  48^3,  Joseph,  voyant  le  territoire  suisse  violé  et  la 
France  prête  à  être  envahie,  écrivit  de  nouveau  à  son  frère  pour  se 
mettre  à  sa  disposition.  Napoléon  lui  répondit  durement,  tout  en 
acceptant  sa  participation  à  la  défense  de  TÉtat^  Â  son  départ  pour 
l'armée,  il  le  nomma  son  lieutenant-général  à  Paris. 

L'ex-roi  de  Naples  et  d'Espagne  eut  avec  son  frère,  tandis  que  ce 
dernier  était  à  Tarmée,  une  correspondance  longue,  suivie,  des  plus 
importantes,  publiée  d'abord  dans  les  Mémoires  du  roi  Joseph,  repro- 
duite plus  tard  dans  le  grand  ouvrage  de  la  correspondance  de  Napo- 
léon 1"  (du  moins  quant  aux  lettres  écrites  par  l'Empereur  à  son 
frère). 

On  a  omis  cependant  dans  ces  deux  ouvrages  quelques  fragments 
de  lettres;  nous  les  ferons  connaître  au  fur  et  à  mesure,  à  leur  date. 

Joseph ,  ayant  appris  que ,  suivant  son  exemple  et  oubliant  les 
différends  qu'il  avait  eus  avec  TErapereur,  Louis  venait  de  se  mettre 
à  la  disposition  de  Napoléon,  écrivit  à  l'ex-roi  de  Hollande  la  lettre  ci- 
dessous,  datée  de  Mortefontaine  le  2  janvier  \S\Â  : 

Mon  cher  frère,  tu  sais  comment  je  suis  ici  depuis  dix  mois.  Quinze 
jours  seulement  après  mon  arrivée,  l'Empereur  me  dit  qu'il  voulait 
rétablir  les  Bourbons  en  Espagne.  Il  me  demanda  mon  avis  réfléchi.  Il 
est  contenu  dans  la  pièce  n*  1  que  je  lui  ai  adressée  deux  jours  après 
notre  entrevue.  Il  y  a  huit  jours,  maman  m'a  dit  que  l'Empereur 

1.  Lettre  de  Napoléon  à  Joseph,  en  date  du  2  janvier  1814  {Mëmoires  du  roi 
Joseph,  vol.  10*,  p.  3).  On  a  supprimé  dans  cette  lettre  la  phrase  suivante  :  c  Vous 
n'êtes  plus  roi  d'Espagne,  je  n'ai  pas  besoin  de  votre  renonciation^  puisque  je  ne 
veux  pas  de  l'Espagne.  » 


NiPOLifON  ET  LE   ROI  JOSEPH.  83 

désirait  me  voir.  J'étais  alors  retenu  dans  ma  chambre  par  le  rhume 
violent  qui  m^y  retient  encore.  J^appris  en  même  temps  que  TEmpe- 
reur  avait  dit  aux  sénateurs  qu'il  avait  reconnu  Ferdinand  et  accrédité 
auprès  de  lui  l'ambassadeur  Laforest  qui  était  accrédité  auprès  de  moi. 
J'écrivis  alors  à  l'Empereur  la  lettre  dont  ci-joint  la  copie  sous 
len*  2^ 

Ma  femme  la  lui  remit  et  il  lui  dit  :  Je  suis  forcé  à  ceci.  Les  événe- 
ments me  paraissant  de  plus  en  plus  graves,  je  lui  ai  écrit  de  nouveau 
hier'.  Le  porteur  a  reçu  la  môme  réponse.  Le  fait  est  que  je  puis  tout 
sacrifier  à  l'Empereur,  à  la  France  et  à  l'Europe,  tout,  hormis  l'honneur. 
L'honneur  ne  me  permet  pas  de  me  montrer  autrement  que  comme 
roi  d'Espagne,  tant  que  je  n'aurai  pas  abdiqué,  ce  que  je  ne  puis  et  ce 
que  je  ne  veux  faire  que  pour  la  paix  générale  et  après  avoir  assuré  ce 
que  je  dois  aux  Espagnols  par  un  traité  dans  les  mêmes  formes  que 
celui  qui  me  donna  la  couronne  d'Espagne,  traité  dont  a  été  négociateur 
à  Bayonne  M.  le  duc  de  Gadore. 

Qu'on  me  traite  en  roi,  ou  qu^on  me  laisse  dans  l'obscurité. 

Maman  qui  ne  sait  rien  de  tout  cela,  n'est  mue  que  par  un  sentiment, 
celui  de  la  réunion.  Je  suis  très  peiné,  mon  cher  Louis,  que  ces  circons- 
tances retardent  le  plaisir  que  j'aurai  à  t'embrasser  après  tant  de 
désastres. 

Le  roi  Joseph  était  rentré  en  grâce  près  de  Napoléon,  soit  que 
FEmpereur  le  préférât  à  ses  autres  frères,  soit  qu'il  eût  en  lui  plus 
de  confiance  qu'en  Louis  et  en  Jérôme.  L'empereur  continua  à  traiter 
ces  derniers  avec  rigueur,  ne  voulant  les  voir  ni  l'un  ni  l'autre  et 
écrivant  même  le  2  février  4844  à  l'Impératrice  pour  lui  défendre  de 
recevoir  le  roi  et  la  reine  de  Westphalie.  Ce  fait  résulte  de  la  lettre 
suivante  : 

Marie-Louise  a  Joseph. 

Paris,  3  février  1814. 

Je  reçois  à  l'instant  une  lettre  de  l'Empereur  du  2  février  qui  me 
défend,  comme  réponse  à  la  mienne,  de  recevoir  sous  aucun  prétexte 
le  roi  et  la  reine  de  Westphalie,  ni  en  public,  ni  incognito. 

Je  vous  prierai  donc,  mon  cher  frère,  de  leur  peindre  tous  les  regrets 
que  j'ai  de  ne  pouvoir  les  voir  demain  et  de  croire  à  la  sincère  amitié 
avec  laquelle  je  suis,  mon  cher  frère. 

Votre  affectionnée  sœur. 
Louise. 

A  la  fin  de  février  1814,  seulement,  Napoléon  voulut  bien  se 

1.  Voyez  la  lettre  à  l'Empereur  du  30  Dovembre  1813. 

2.  Cette  lettre  est  aux  Mémoires  de  Joseph,  à  sa  date  (29  décembre  1813). 


84  idUNGES  ET  DOCUHBIfTS. 

rapprocher  de  ses  frères  Louis  et  Jérôme.  Il  écrivit  à  Joseph,  de 
Nogent-sur-Seine,  le  24  février,  cette  curieuse  lettre^  : 

Mon  frèi-e,  voici  mes  intentions  sur  le  roi  de  Westphalie  :  je  Tauto- 
rise  à  prendre  l'habit  de  grenadier  de  ma  garde,  autorisation  que  je 
donne  à  tous  les  princes  français  (vous  le  ferez  connaitre  au  roi  Louis. 
Il  est  ridicule  qu'il  porte  encore  un  uniforme  hollandais).  Le  roi  donnera 
des  congés  à  toute  sa  maison  westphalienne.  Ils  seront  maîtres  de 
retourner  chez  eux  ou  de  rester  en  France.  Le  roi  présentera  sur-le- 
champ  à  ma  nomination  trois  ou  quatre  aides  de  camp,  un  ou  deux 
écuyers  et  un  ou  deux  chambellans,  tous  Français,  et  pour  la  reine, 
deux  ou  trois  dames  françaises  pour  raccompagner.  Elle  se  réservera 
de  nommer  dans  d'autres  temps  sa  dame  d'honneur.  Tous  les  pages  de 
Westphalie  seront  mis  dans  des  lycées  et  porteront  l'uniforme  des 
lycées.  Il  y  seront  à  mes  frais.  Un  tiers  sera  mis  au  lycée  de  Versailles, 
un  tiers  au  lycée  de  Rouen  et  Tautre  tiers  au  lycée  de  Paris.  Immé- 
diatement après,  le  roi  et  la  reine  seront  présentés  à  l'Impératrice  et 
j'autorise  le  roi  à  habiter  la  maison  du  cardinal  Fesch,  puisqu'il  parait 
qu'elle  lui  appartient,  et  à  y  établir  sa  maison.  Le  roi  et  la  reine  conti- 
nueront à  porter  le  titre  de  roi  et  reine  de  Westphalie,  mais  ils  n'auront 
aucun  Westphalien  à  leur  suite.  Gela  fait,  le  roi  se  rendra  à  mon  quar- 
tier-général d'où  mon  intention  est  de  l'envoyer  à  Lyon  prendre  le 
commandement  de  la  ville,  du  département  et  de  l'armée;  si  toutefois 
il  veut  me  promettre  d'être  toujours  aux  avant-postes,  de  n'avoir  aucun 
train  royal,  de  n'avoir  aucun  luxe,  pas  plus  de  15  chevaux,  de  bivoua- 
quer avec  sa  troupe,  et  qu'on  ne  tire  pas  un  coup  de  fusil  qu'il  n'y  soit 
le  premier  exposé.  J'écris  au  Ministre  de  la  Guerre  et  je  lui  ferai  donner 
des  ordres.  Il  pourrait,  pour  ne  pas  perdre  de  temps,  faire  partir  pour 
Lyon  sa  maison,  c'est-à-dire  une  légère  voiture  pour  lui,  une  voiture 
de  cuisine,  quatre  mulets  de  cantine  et  deux  brigades  de  six  chevaux 
de  selle,  un  seul  cuisinier,  un  seul  valet  de  chambre  avec  deux  ou  trois 
domestiques,  et  tout  cela  composé  uniquement  de  Français.  Il  faut  qu'il 
fasse  de  bons  choix  d'aides  de  camp,  que  ce  soit  des  officiers  qui 
aient  fait  la  guerre,  qui  puissent  commander  des  troupes,  et  non  des 
hommes  sans  expérience  comme  les  Verdrun,  les  Brongnard  et  autres 
de  cette  espèce.  Il  faut  aussi  qu'il  les  ait  tout  de  suite  sous  la  main. 
Enfin  il  faudrait  voir  le  Ministre  de  la  Guerre  et  se  consulter  pour  lui 

choisir  un  bon  état-major. 

Votre  afifectionné  frère. 

Dans  une  autre  lettre  à  Joseph  du  7  février,  on  lit  : 

Faites  donc  cesser  ces  prières  de  40  heures  et  ces  Miserere;  si  l'on 
nous  faisait  tant  de  singeries,  nous  aurions  tous  peur  de  la  mort.  Il  y 

1.  Cette  lettre,  fort  écourlée  aux  Mémoires  de  Joseph,  yolurae  10*,  page  139, 
a  été  complètement  supprimée  à  la  correspondabce  de  l'Empereur. 


HàJfÙiâOJi  rt  LE  101  JOSEPI.  $5 

5  que  Fûh  dit  que  les  prêtres  et  les  medtvins  ni'udeni  la  mwt 


L'Empereur  tennine  celk  du  9  février  par  ces  mots  : 

Priei  U  Mméona  des  années  qu  elle  soit  pour  dous^  Loui$  qui  est  un 
aine  peut  s  enga^r  à  lui  donner  un  cierge  allumé. 

Ces  deux  passages  ont  été  supprimés  dans  les  Mémoêres  et  à  la  ci^r- 


La  veilk,  le  8  février.  Napoléon  avait  envoyé  à  son  ft^re  aîné  ui>e 
très  longue  lettre,  des  plus  importantes,  qui  explique,  avec  une  autre 
du  45  mars,  et  justifie  pleinement  la  conduite  de  Joseph  au  SI  mars. 
Plosieurs  passages  de  la  lettre  du  8  février,  relatif^  au  roi  Louis,  ont 
été  su[^rimés  dans  les  ouvrages  qui  ont  paru  ;  nous  croyons  devoir 
rétablir  cette  lettre  in-extenso  : 

Nogent,  le  8  février  1814,  4  heures  du  matin. 

Mon  frère,  j'ai  reçu  votre  lettre  du  7  à  11  heures  du  soir;  elle 
m*étonne  beaucoup,  j'ai  lu  la  lettre  du  roi  Louis  qui  n\>st  qu'une  rap- 
sodie;  cet  homme  a  le  jugement  faux  et  met  toujours  à  côté  do  la 
question. 

Je  vous  ai  répondu  sur  l'événement  de  Paris  pour  que  vous  no  mot- 
tiei  plus  en  question  la  fin,  qui  touche  à  plus  do  gens  qu'à  moi.  Quand 
cela  arrivera  je  ne  serai  plus;  par  conséquent  co  n'ost  pas  pour  moi  que 
je  parle.  Je  vous  ai  dit  pour  l'Impératrice  et  lo  roi  do  Romo  et  notre 
famille  ce  que  les  circonstances  indiquent  et  vous  n*avoz  pas  compris 
ce  que  j*ai  dit.  Soyez  bien  certain  que  si  le  cas  arrivait,  co  que  jo  vous 
ai  prédit  arrivera  infailliblement,  je  suis  persuadé  qu'ollo-m(>mo  a  co 
pressentiment  ^ 

Le  roi  Louis  parle  de  la  paix,  c'est  donner  des  conseils  bien  mal  à 
propos.  Du  reste  je  ne  comprends  rien  à  votre  lettre.  Je  croyais  m'ôtro 
expliqué  avec  vous,  mais  vous  ne  vous  souvenez  jamais  dos  choses  ot 
vous  êtes  de  l'opinion  du  premier  homme  qui  parle  ot  qui  vous  roflèto 
cette  opinion. 

Je  vous  répète  donc  en  deux  mots  que  Paris  ne  sera  jamais  occupé 
de  mon  vivant,  j'ai  droit  à  être  cru  par  ceux  qui  m'entendent. 

Âpres  cela,  si,  par  des  circonstances  que  jo  no  puis  prévoir,  jo  mo 
portais  sur  la  Loire,  je  ne  laisserai  pas  l'Impératrice  et  mon  fils  loin  do 
moi,  parce  que,  dans  tous  les  cas,  il  arriverait  que  l'un  ot  l'autre  seraient 
enlevés  et  conduits  à  Vienne,  que  cola  arriverait  bien  davantage  si  jo 
n'existais  plus.  Je  ne  comprends  pas  comment,  pondant  ces  monéos 
auprès  de  votre  personne,  vous  couvrez  d'éloges  si  imprudents  la  pro- 
position de  traîtres  si  dignes  de  ne  conseiller  rien  dlionorablo;  no  les 
employez  jamais  dans  un  cas,  même  le  plus  favorable'.  C'est  la  pro-* 

1.  Que  Marie-Louise  pensait  que  Napoléon  se  ferait  tuer. 

2.  Il  TOoUit  parler  de  Talleyrand,  Fouché  et  autres. 


86  idLANGES   ET  DOCUMEfTrS. 

mière  fois  depuis  que  le  monde  existe,  que  j'entends  dire  qu'en  France 
une  population  de  (illisible)  âmes  assiégée  ne  pouvait  pas  vivre  trois 
mois.  D'ailleurs  nul  n'est  tenu  à  l'impossible,  je  ne  peux  plus  payer 
aucun  officier  et  je  n'ai  plus  rien. 

J'avoue  que  votre  lettre  du  7  (février)  à  quatre  heures  du  soir  m'a 
fait  mal,  parce  que  je  ne  vois  aucune  tenue  dans  vos  idées  et  que  vous 
vous  laissez  aller  aux  bavardages  d'un  tas  de  personnes  qui  ne  réflé- 
chissent pas.  Oui,  je  vous  parlerai  franchement  :  si  Talleyrand  est  pour 
quelque  chose  dans  cette  opinion  de  laisser  l'Impératrice  à  Paris  dans 
le  cas  où  l'ennemi  se  rapprocherait,  c'est  trahir;  je  vous  le  répète, 
méfiez-vous  de  cet  homme  ;  je  le  pratique  depuis  seize  ans,  j'ai  môme 
eu  de  la  faveur  pour  lui,  mais  c'est  sûrement  le  plus  grand  ennemi  de 
notre  maison,  à  présent  que  la  fortune  l'a  abandonnée  depuis  quelque 
temps.  Tenez-vous  aux  conseils  que  j'ai  donnés,  j'en  sais  plus  que  ces 
gens-là. 

S'il  arrivait  bataille  perdue  et  nouvelle  de  ma  mort,  vous  en  seriez 
instruit  avant  ma  maison  :  faites  partir  l'Impératrice  et  le  roi  de  Rome 
pour  Rambouillet;  ordonnez  au  Sénat,  au  Conseil  d'État  et  à  toutes  les 
troupes  de  se  réunir  sur  la  Loire.  Laissez  à  Paris  un  préfet  et  une  com- 
mission impériale,  ou  des  maires.  —  Je  vous  ai  fait  connaître  que  je 
pensais  que  Madame  et  la  reine  de  Westphalie  pourraient  bien  rester  à 
Paris  logées  chez  Madame.  Si  le  vice-roi  est  revenu  à  Paris,  vous 
pourrez  aussi  l'y  laisser,  maw  ne  laissez  jamais  tomber  l'Impératrice  et  U 
roi  de  Rome  entre  les  mains  de  l'ennemi.  Soyez  certain  que  dès  ce 
moment  l'Autriche,  étant  désintéressée,  l'emmènerait  à  Vienne  avec  un 
bel  apanage,  et  sous  le  prétexte  de  voir  l'Impératrice  heureuse  on  ferait 
adopter  aux  Français  tout  ce  que  le  régent  d'Angleterre  et  la  Russie 
pourraient  leur  suggérer.  Tout  parti  se  trouverait  par  là  détruit. 

Au  lieu  que,  dans  le  cas  opposé,  l'esprit  national  du  grand  nombre 
d'intéressés  à  la  révolte  rendrait  tout  résultat  incalculable. 

Au  reste,  il  est  possible  que  l'ennemi,  s'approchant  de  Paris,  je  le 
battrai,  et  cela  n'aura  pas  lieu.  Il  est  possible  aussi  que  je  fasse  la  paix 
sous  peu  de  jours  :  mais  il  en  résulte  toujours  par  cette  lettre  du  7  à 

4  heures  du  soir  que  vous  n'avez  pas  de  moyens  de  défense Pour 

comprendre  ces  choses  je  trouve  toujours  votre  jugement  faux;  c'est 
enfin  une  fausse  doctrine.  L'intérêt  môme  de  Paris  est  que  l'Impéra- 
trice et  le  roi  de  Rome  n'y  restent  pas,  parce  que  l'intérôt  ne  peut  pas 
être  séparé  de  leur  personne  et  que  depuis  que  le  monde  est  monde  je 
n'ai  jamais  vu  qu'un  souverain  se  laissât  prendre  dans  des  villes 
ouvertes.  Ce  serait  la  première  fois. 

Ce  malheureux  roi  de  Saxe  arrive  en  France,  il  perd  ses  belles  illu- 
sions! (Deux  lignes  indèchifPrables.)  Dans  les  circonstances  bien  difficiles 
de  la  crise  des  événements,  on  fait  ce  qu'on  doit  et  on  laisse  aller  le 
reste.  Or,  si  je  vis  on  doit  m'obéir,  et  je  ne  doute  pas  qu'on  s'y  conforme. 
Si  je  meurs,  mon  fils  régnant  et  l'Impératrice  régente  doivent,  pour 


NAPOLEON  ET  LE  ROI  JOSEPH.  87 

rbooneur  des  Français,  ne  pas  se  laisser  prendre  et  se  retirer  au  der- 
nier village 

Souvenez-vous  de  ce  que  disait  la  femme  de  Philippe  Y.  Que  dirait- 
on  en  effet  de  l'Impératrice?  Qu'elle  a  abandonné  le  trône  de  son  fils 
et  le  nôtre  ;  et  les  alliés  aimeraient  mieux  de  tout  finir  en  les  condui- 
sant prisonniers  à  Vienne.  Je  suis  surpris  que  vous  ne  conceviez  pas  cela  ! 
Je  vois  que  la  peur  fait  tourner  les  têtes  à  Paris. 

L'Impératrice  et  le  roi  de  Rome  à  Vienne  ou  entre  les  mains  des 
ennemis,  vous  et  ceux  qui  voudraient  se  défendre  seraient  rebelles!... 

Quant  à  mon  opinion,  je  préférerais  qu'on  égorgeât  mon  fils  plutôt  que 
de  le  voir  jamais  élevé  à  Vienne  comme  un  prince  autrichien,  et  j'ai  assez 
bonne  opinion  de  l'Impératrice  pour  être  aussi  persuadé  qu'elle  est  de 
cet  avis,  autant  qu'une  femme  et  une  mère  peuvent  en  être. 

Je  n'ai  jamais  vu  représenter  Andromaque  que  je  n'aie  plaint  le  sort 
d'Astyanax  survivant  à  sa  maison  et  que  je  n'aie  regardé  comme  un 
bonheur  pour  lui  de  ne  pas  survivre  à  son  père. 

Vous  ne  connaissez  pas  la  nation  française.  Le  résultat  de  ce  qui  se 
passerait  dans  ces  grands  événements  est  incalculable. 

Quant  à  Louis,  je  crois  qu'il  doit  vous  suivre  (sa  dernière  lettre  me 
prouve  toujours  qu'il  a  la  tête  trop  faible  et  vous  ferait  beaucoup  de 
mal). 

Voici  maintenant  la  lettre  du  roi  Joseph,  en  date  du  7  février  48M 
(44  heures  du  soir),  à  laquelle  répond  la  lettre  précédente.  Elle  a  été 
supprimée  aux  Mémoires, 

Paris,  le  7  février  1814,  à  11  heures  du  soir. 
Sire, 

J'ai  reçu  les  deux  lettres  de  V.  M.  d'hier.  J'ai  vu  et  écrit  au  duc  de 
Valmy.  Il  part  ce  soir  pour  Meaux.  Il  m'a  communiqué  une  lettre  du 
duc  de  Tarente  datée  du  6.  Il  était  encore  à  Epernay  et  n'avait  aucune 
nouvelle  de  V.  M.  depuis  4  jours.  11  avait  abandonné  Châlons  après  s'y 
être  défendu  quelque  temps.  L'artillerie  avait  été  dirigée  sur  Meaux. 
L'ennemi  était  entré  à  Sézanne.  L'intendant  et  les  caisses  avaient 
échappé  à  l'ennemi. 

Voici  l'itinéraire  exact  de  la  9«  division  d'infanterie  de  l'armée 
d'Espagne  ^ 

J'ai  envoyé  un  aide  de  camp  sur  la  route  de  Châlons  par  Vitry. 
J'ai  chargé  le  Ministre  de  la  Guerre  d'en  envoyer  un  autre  sur  la  route 
de  (illisible). 

Le  Ministre  de  la  Guerre  me  mande  qu'il  avait  fait  envoyer  ce  matin 
2,000  fusils  à  Montereau. 

Je  lui  ai  écrit  de  {deux  mots  illisibles)  ce  soir. 

J'ai  parlé  à  Louis  du  projet  de  le  laisser  ici.  Il  me  répond  par  une 

1.  Pièce  annexée. 


88  MIÎUNGES  ET  DOCUMEiTTS. 

longue  lettre  que  je  prends  le  parti  d'envoyer  à  V.  M.  Il  me  semble  que 
V.  M.  m'a  dit  que  les  princesses  devaient  suivre  l'Impératrice;  s'il  en 
était  autrement,  il  faudrait  qu'elle  l'écrive  d'une  manière  positive.  Je 
fais  des  vœux  pour  que  le  départ  de  l'Impératrice  puisse  n'avoir  pas 
lieu.  Nous  ne  pouvons  nous  dissimuler  que  la  consternation  et  le  déses- 
poir du  peuple  pourront  avoir  de  terribles  et  funestes  résultats.  Je 
pense  avec  toutes  les  personnes  qui  peuvent  apprécier  l'opinion,  qu'il 
faudrait  supporter  bien  des  sacrifices  avant  d'en  venir  à  cette  extrémité. 
Les  hommes  attachés  au  gouvernement  de  V.  M.  craignent  que  le 
départ  de  l'Impératrice  ne  livre  le  peuple  de  la  capitale  au  désespoir  et 
ne  donne  une  capitale  et  un  empire  aux  Bourbons.  Tout  en  manifestant 
ces  craintes  que  je  vois  sur  tous  les  visages,  V.  M.  peut  être  assurée 
que  ses  ordres  seront  exécutés  pour  ma  part  très  fidèlement,  dès  qu'ils 
me  seront  arrivés. 

J'ai  parié  au  général  GafTarelli^  pour  Fontainebleau,  ainsi  qu'à  M.  La 
Bouillerie^  pour  le  million  de  la  guerre  et  les  autres  objets. 

Je  ne  sais  pas  jusqu'à  quel  point  ce  que  j'ai  cru  remarquer  peut 
paraître  convenable  à  V.  M.  ;  mais  je  puis  l'assurer  qu'il  importe  de 
faire  payer  un  mois  d'appointements  aux  grands  dignitaires,  ministres, 
conseillers  d'État,  sénateurs.  On  m'en  a  cité  plusieurs  dans  un  véri- 
table besoin  et  plusieurs  seront  bien  embarrassés  pour  partir,  si  le  cas  se 
présente,  et  l'on  prévoit  qu'ils  resteront  à  Paris. 

J'ai  eu  la  visite  de  M.  le  maréchal  Brune  que  je  n'ai  pu  voir;  je  ne 
doute  pas  qu'il  ne  soit  venu  offrir  ses  services,  je  serais  bien  aise  de 
connaître  les  intentions  de  V.  M. 

Jérôme  est  contrarié  que  V.  M.  ne  se  soit  pas  encore  expliquée  sur 
la  demande  que  j'ai  faite  pour  lui  dans  deux  de  mes  précédentes  lettres. 

On  m*assure  que  M.  de  Lafayette  a  été  un  des  premiers  grenadiers 
de  la  garde  nationale  qui  ait  été  en  faction  à  l'Hôtel-de- Ville. 

Les  barrières  seront  entièrement  fortifiées  demain  et  l'on  commencera 
à  y  transporter  de  l'artillerie.  Le  général  Gafifarelli  a  répondu  au  duc 
de  Gonegliano  qu'il  n'avait  pas  encore  l'autorisation  du  Maréchal  du 
Palais  à  qui  il  avait  écrit  {mots  illisibles)  la  garde  impériale  fournit  un 
poste  de  25  hommes. 

P.  S.  —Je  reçois  la  lettre  de  V.  M.  en  date  d'aujourd'hui  de  Nogent. 
Les  dispositions  qu'elle  prescrit  ont  déjà  été  ordonnées  et  je  tiendrai 
Y.  M.  au  courant,  à  mesure  de  leur  exécution. 

Après  la  chute  de  l'Empire,  quelques  auteurs  de  mémoires,  des 
historiens  mêmes,  comme  M.  de  Norvins,  ont  reproché  au  roi  Joseph 
son  départ  de  Paris  et  celui  derimpératrice-,  ces  écrivains  ne  connais- 
saient pas  évidenunent  la  lettre  de  FËrapereur,  du  8  février,  et  ses 
ordres  formels.  Joseph,  pendant  son  exil,  crut  devoir  réfuter  ces 

1.  Général  employé  à  Paris. 

2.  Intendant  de  la  liste  civile. 


^TAPOLfoll   ET  LE   ROI   JOSEPH.  89 

assertions.  Voici  une  note  à  cet  égard,  écrite  tout  entière  de  sa 
main  *. 

Il  est  faux  que  nul  autre  que  Joseph  eût  la  copie  de  la  lettre  de 
TËmpereur  qui  prescrivait  le  départ  (celle  du  16  mars  1814).  Joseph 
resta  à  Paris  d'après  la  proposition  qu'il  en  fit  au  Conseil,  ainsi  que  les 
Ministres  de  la  Guerre,  de  la  Marine,  le  premier  inspecteur  du  génie, 
afin  d'atténuer  le  mauvais  effet  que  devait  produire  le  départ  de  l'Im- 
pératrice, et  pour  reconnaître,  par  eux-mêmes,  les  forces  ennemies  qui 
marchaient  sur  Paris  et  ne  quitter  la  ville,  pour  rejoindre  la  régente 
sur  la  Loire,  qu'après  s'être  assurés  de  l'incontestable  supériorité  de 
l'ennemi.  Il  est  faux  que  Joseph  se  soit  établi  aux  Tuileries  comme 
lieutenant  de  l'Empereur,  il  se  rendit  avec  les  Ministres  qui  étaient 
restés  avec  lui  en  reconnaissance  sur  la  route  de  Meaux,  passa  la  nuit 
au  Luxembourg,  et  le  lendemain  s'étabUt  hors  des  barrières  de  Paris 
pour  être  à  portée  de  recevoir  les  rapports  des  officiers  (jui  étaient  en 
reconnaissance  et  prévenir  l'exaltation  qui  pouvait  être  excitée  parmi 
le  peuple  par  l'arrivée  des  courriers  qui  se  succédaient  à  chaque  moment. 
Lorsqu'il  fut  bien  reconnu  et  bien  évident  pour  tous  que  l'empereur  de 
Russie,  le  roi  de  Prusse  et  le  prince  de  Schwartzemberg  étaient  à 
quelques  milles  de  la  ville  ;  que  le  maréchal  de  Marmont  commandant 
en  chef  eut  déclaré  qu'il  ne  pouvait  pas  tenir  davantage  contre  des  forces 
sans  nulle  proportion  avec  celles  qu'il  commandait;  que  si  la  nuit 
arrivait  sans  qu'on  eût  pris  un  parti,  il  ne  répondait  pas  de  pouvoir 
empêcher  les  ennemis  de  s'introduire  dans  la  ville ,  le  roi  Joseph,  de 
l'avis  des  ministres  qui  se  trouvaient  avec  lui,  et  pour  sauver  la  capitale 
des  désastres  qui  la  menaçaient  de  la  part  de  l'ennemi,  approuva  la 
proposition  de  capitulation  qui  lui  était  faite  par  le  maréchal  Marmont 
el  ne  partit  que  lorsqu'il  vit  les  forces  ennemies  dans  Saint-Denis,  et 
ses  partis  prêts  à  s'emparer  des  ponts  sur  la  Seine,  qu'ils  occupèrent 
effectivement  peu  de  temps  après  son  passage  et  celui  des  membres  du 
Conseil  qui,  ayant  satisfait  à  leur  mandat,  allaient  rejoindre  la  régente 
sur  la  Loire  où  elle  devait  se  rendre  en  exécution  des  ordres  de 
TEmpereur. 

En  48U  se  termine  le  rôle  politique  de  Joseph.  Retiré  à  Frangins, 
en  Suisse,  sur  les  bords  du  lac  de  Genève,  pendant  le  séjour  de  Napo- 
léon à  Tile  d'Elbe,  il  ftit  assez  heureux  pour  pouvoir  le  faire  prévenir 
que  deux  misérables  avaient  juré  de  Tassassiner.  L'un  de  ces  hommes 
fUt  arrêté,  en  effet,  à  son  débarquement  dans  l'Ile. 

Lorsque  TEmpereur  revint  en  France,  en  mars  48^5,  son  frère, 
prévenu,  accourut  et  put  le  rejoindre  à  Paris.  Après  Waterloo,  il 
raccompagna  à  Rochefort,  essaya  vainement  d'obtenir  de  lui  de 
prendre  sa  place  à  Tile  d'Aix  pendant  que  lui-même.  Napoléon,  passe- 
rait en  Amérique.  L'Empereur  refusa  et  voulut  se  confier  aux  Anglais, 
les  considérant  comme  de  nobles  et  loyaux  ennemis.  Joseph,  plus  sage 


90  MELANGES  ET  DOCUMENTS. 

et  plus  heureux,  putgagner  New- York  etse  fixa,  l'hiver  à  Philadelphie, 
rété  sur  les  bords  de  la  Delaware  dans  une  belle  propriété  noramée 
Pointe-Breeze  qu'il  acheta. 

On  a  vu  quelles  étaient  les  intentions  de  Joseph  en  quittant  l'Es- 
pagne (lettre  du  <"  juillet  <  8<  3  à  la  reine  Julie)  relativement  à  Targen- 
terie  et  aux  quelques  valeurs  que  son  trésorier,  M.  Thibault,  avait 
pu  sauver,  et  qui  étaient  parvenues  à  Bayonne.  Cependant,  par  la 
suite,  des  ministres  espagnols  ne  craignirent  pas  d'accuser  le  Roi 
d'avoir  détourné  à  son  profit  les  diamants  de  la  couronne. 

Voici  la  vérité  sur  ce  fait  : 

Joseph  avait,  comme  roi  d'Espagne,  une  liste  civile  d'un  million 
par  mois.  Il  devait  toucher  500,000  fr.  de  l'Empereur  et  500,000  fr. 
du  trésor  espagnol.  La  plupart  du  temps,  Napoléon  ne  payait  pas  son 
frère  ;  en  outre,  le  trésor  d'Espagne  étant  obéré  n'avait  pas  d'argent 
pour  payer  les  500,000  fr.  mensuels.  Dans  ce  cas,  le  ministre  des 
Finances  faisait  estimer,  par  des  experts  du  pays,  des  diamants  pour 
la  dite  somme,  et  les  remettait  aux  mains  de  Joseph.  Ces  diamants 
lui  appartenaient  donc  bien  légitimement,  et  l'on  a  vu  par  sa  corres- 
pondance avec  sa  femme  dans  quel  état  de  dénuement  le  malheureux 
prince  était  revenu  en  France.  On  a  vu  qu'il  n'avait  pas  hésité  à 
emprunter  à  son  beau-frère.  Marins  Clary,  pour  pouvoir  donner  de 
l'argent  aux  serviteurs  qui  Pavaient  accompagné  sur  la  terre  de 
France  et  leur  permettre  de  se  rapatrier  ;  on  a  vu  même  qu'il  n'avait 
pas  voulu  détourner,  à  son  profit,  une  obole  de  l'argent  provenant 
de  la  vente  de  l'argenterie  de  la  couronne,  ce  qu'il  eût  pu  faire  au 
lieu  d'emprunter  pour  les  Espagnols  qui  l'avaient  suivi.  L'accusation 
portée  contre  lui  tombe  donc  d'elle-même.  D'ailleurs  une  partie  de 
ces  diamants,  en  vertu  de  l'article  XI  du  traité  de  Bayonne,  avait  été 
emportée  par  Ferdinand,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut. 

L'Empereur  Napoléon  P%  pendant  les  années  prospères  de  son 
règne,  alors  qu'il  était  l'arbitre  des  destinées  de  l'Europe,  avait  reçu 
des  souverains  des  lettres  auxquelles  il  attachait  une  grande  impor- 
tance. Il  fit  faire,  dans  son  cabinet,  deux  copies  de  ces  250  à  300  docu- 
ments précieux  et  déposa  les  originaux  aux  mains  du  duc  de  Bassano, 
secrétaire  d'État  au  département  des  Affaires  étrangères. 

En  <8^5,  après  Waterloo,  avant  de  quitter  l'Elysée  pour  se  rendre 
à  la  Malmaison,  il  dit  à  son  frère  Joseph,  lequel  demeurait  alors  rue 
du  Faubourg-Sain t-Honoré,  33  (aujourd'hui  ambassade  d'Angleterre), 
qu'il  venait  d'envoyer  à  son  hôtel  une  copie  authentique  des  lettres 
que  les  divers  souverains  lui  avaient  adressées  pendant  le  temps  de 
sa  prospérité,  qu'il  le  priait  de  la  conserver  précieusement.  Joseph  lui 
ayant  fait  observer  qu'il  aimerait  mieux  avoir  les  originaux  :  «  Non, 


NlP0li05  ET  LE  ROI  JOSEPH.  94 

r^lXMidit  Napoléon,  cela  ne  vous  regarde  pas,  c'est  Tailkire  de  Maret 
(duc  de  Bassauo),  c'est  son  droit,  il  sait  ce  qu'il  doit  en  foire.  » 

Dé  retour  à  son  bôtd,  le  roi  Joseph  trouva  en  effet  les  copies  dans 
son  cabinet.  Le  Prince,  se  rendant  à  la  Malmaison  pour  faire  ses 
adieux  à  son  frère,  chargea  son  secrétaire,  M.  de  Presle,  de  diviser 
ses  propres  papiers,  de  les  mettre  avec  ces  copies  de  lettres  des  sou- 
verains dans  des  malles  au  milieu  d'effets,  et  de  les  envoyer  chez  des 
personnes  où  ces  documents  seraient  en  sûreté  et  pourraient  échapper 
aux  recherches  de  la  police. 

Joseph  se  rendit  à  Cherbourg,  vit  son  frère  à  l'Ile  d'Aix,  partit 
pour  New- York,  se  flxa  sur  les  bords  delà  Delaware,  et  ne  s'occupa 
plus  de  ces  papiers.  En  4848,  Napoléon  lui  fit  dire  de  Sainte-Hélène, 
par  le  docteur  (ySiéara,  de  publier  sa  correspondance  avec  les  souve- 
rains, comme  étant  la  meilleure  réponse  aux  calomnies  que  l'on 
répandait  sur  lui  et  le  meilleur  moyen  d'établir,  à  l'aide  de  documents 
historiques  incontestables,  le  parallèle  entre  sa  conduite  et  celle  des 
souverains  alliés. 

Joseph  écrivit  à  son  secrétaire,  M.  de  Presle,  alors  en  Europe,  de 
lui  expédier  les  dix  caisses  dans  lesquelles  ses  papiers  avaient  été 
placés.  Les  caisses  arrivèrent  en  Amérique,  mais  le  Hoi  y  chercha 
vainement  la  copie  des  lettres  des  souverains.  M.  de  Presle  déclara 
qu'il  n'avait  plus  retrouvé  ces  copies  dans  la  boite  où  il  les  avait 
cachées,  bien  que  la  clef  ne  Teût  pas  quitté.  Joseph  écrivit  en  Europe, 
Ot  démarches  sur  démarches,  aucune  n'aboutit. 

Slaintenant,  essayons  de  suivre  la  route  qu'ont  prise  les  originaux 
et  les  copies  de  ces  lettres  des  souverains  : 

4^  Les  originaux f  laissés  aux  mains  du  duc  de  Bassano. 

Le  duc  de  Bassano  partant  pour  l'exil,  en  4  84  5,  fit  enfermer  ces 
papiers  (a-t-il  déclaré)  dans  des  caisses  en  fer-blanc  qu'il  fit  cacher 
dans  un  château  vendu  depuis.  De  retour  de  l'exil,  le  duc  ne  retrouva 
plus  l'endroit  où  les  boites  avaient  été  enfouies  par  son  jardinier.  Ce 
jardinier  lui-même  était  mort. 

U  n'en  est  pas  moins  positif  que  ces  documents  furent  en  tout  ou 
en  partie  vendus  en  Angleterre  en  4  822,  à  Londres,  chez  le  libraire 
Murray.  Les  lettres  de  l'empereur  de  Russie  furent  cédées  à  l'ambas- 
sadeur, M.  de  Liéven,  pour  la  somme  de  250,000  fr.  Ces  lettres 
avaient  été  offertes  d'abord  au  gouvernement  anglais  qui  avait  refusé 
d'en  Eure  l'acquisition.  On  trouvera  jointes  ici  plusieurs  lettres  et 
notes  relatives  à  ces  originaux. 

2*  Celle  des  deux  copies  qui  fût  emportée  par  l'empereur  Napo- 
léon I*'  lui  fut  volée  à  Cherbourg  avec  une  caisse  d'argenterie,  sans 
que  Ton  ait  Jamais  pu  découvrir  l'auteur  du  vol. 


92  MELANGES  ET   DOCUMENTS. 

3"  La  seconde  copie,  celle  qui  fut  envoyée  au  roi  Joseph,  placée  au 
milieu  de  bardes  et  effets,  dans  une  des  dix  caisses  où  H.  de  Presle 
avait  caché  les  papiers  du  roi,  subit  le  sort  suivant  : 

Les  dix  caisses  furent  envoyées  d*abord  de  Phôtel  Joseph,  les  unes 
chez  le  nommé  Legendre,  valet  de  chambre  dévoué,  alors  à  Villiers- 
sur-Marne  -,  d'autres,  chez  M.  Madaud,  buraliste  de  loterie,  rue  Saint>- 
André-des-Arts,  et  beau-frère  de  M.  Bouchard,  un  des  secrétaires  du 
roi  Joseph  ;  d'autres  encore  chez  différentes  personnes,  parmi  lesquelles 
la  comtesse  de  Magnitaut.  Les  dépositaires  de  ces  papiers  ne  tardèrent 
pas,  craignant  de  se  compromettre,  à  demander  qu'on  les  leur  retirât; 
on  les  fit  porter  à  Thôtel  de  la  reine  de  Suède,  rue  d'Anjou-Sainl>- 
Honoré,  28.  C'est  de  là  que  M.  de  Presle  les  expédia  à  Joseph,  en 
Amérique. 

Les  caisses  des  papiers  du  roi,  parmi  lesquelles  se  trouvait  celle 
renfermant  la  copie  des  lettres  des  souverains,  ont  donc  été  trans- 
portées de  l'hôtel  Joseph  chez  divers,  de  chez  ces  diverses  personnes 
à  r hôtel  de  la  reine  de  Suède.  C'est  évidemment  dans  Tun  de  ces 
deux  transbordements  que  ces  copies  précieuses  pour  l'histoire  auront 
été  soustraites. 

On  avait  perdu  en  quelque  sorte  le  souvenir  de  cette  affaire  qui 
avait  fait  un  certain  bruit  dans  le  principe,  lorsqu'on  4855,  un  des 
principaux  libraires-éditeurs  de  Paris  proposa  à  un  auteur  qui  s'oc- 
cupait de  l'histoire  du  premier  Empire  de  demander  au  gouverne- 
ment de  Napoléon  III  d'acquérir,  moyennant  une  somme  assez 
forte,  la  copie  authentique  de  4  50  lettres  écrites  par  des  souverains 
à  Napoléon  I«f. 

L'éditeur  dit  à  la  personne  qu'il  avait  choisie  comme  intermédiaire 
dans  cette  affaire  qu'il  ne  connaissait  pas  le  possesseur  de  ces  lettres, 
qu'on  en  voulait  500,000  francs,  qu'elles  étaient  cachées  en  France. 
La  personne  à  qui  l'éditeur  s'adressa,  craignant  qu'on  crût  qu'elle 
avait  un  intérêt  dans  cette  spéculation,  ne  voulut  faire  aucune 
démarche. 

Toutefois  on  peut  conclure  de  ce  qui  précède  : 

r  Que  les  originaux  ont  été  vendus  et  probablement  détruits  par 
les  intéressés. 

2**  Que  des  deux  copies  volées,  l'une  existe  encore. 

Après  avoir  reçu  la  lettre  par  laquelle  O'Méara  lui  faisait  connaître 
le  désir  de  l'Empereur  qu'on  publiât  les  lettres  des  souverains,  le  roi 
Joseph- répondit  au  docteur  : 

Philadelphie,  le  !•'  mai  1820. 
Monsieur, 
J'ai  reçu  la  lettre  que  vous  avez  bien  voulu  m'écrire  le  !•'  mars.  Je 


XlPOlio?!  BT  LB  101  JOSKPH.  93 

Toas  prie  de  vouloir  bien  faire  vos  efforts  pour  faire  parvenir  les  deux 
incluses,  dont  Tune  pour  TEmpereur,  et  Tautre  pour  madame  de  Mon- 
tholon,  je  suis  bien  fâché  des  retards  qu>Ue  éprouve  à  ^tro  payée,  je 
lui  écris  à  ce  sujet  ainsi  qu'à  r£mpereur. 

Je  n*ai  pas  reçu  à  Rochefort  les  lettres  dont  vous  me  i^arlez  et  dont 
le  comte  de  Las  Cases  a  aussi  parlé  à  ma  femme,  j'écris  à  ce  sujet  pour 
savoir  à  qui  ces  lettres  ont  été  remises  et  par  qui,  malheureusement,  je 
ne  les  ai  pas  reçues,  je  regretterais  vivement  leur  perte.  L'ouvrage  que 
vous  avez  publié  a  ici  un  succès  prodigieux.  J  ai  perdu  aussi,  par  Tin- 
cendie  de  ma  maison,  arrivé  le  4  janvier,  beaucoup  de  papiers.  Ia^» 
lettres  dont  vous  me  parlez  eussent  aussi  été  perdues,  mais  heurtni- 
sement  elles  ne  m'avaient  pas  été  remises,  j'ai  fait,  dans  cette  circons- 
tance, d'autres  pertes  bien  sensibles  qui  me  forcent  à  me  ra))))eler  que 
j'en  ai  faites  de  plus  grandes  pous  n'en  avoir  pas  trop  de  regrets. 

Veuillez  agréer.  Monsieur,  mon  sincère  attachement  et  ma  reconnais- 
sance. 

Votre  affectionné, 

Joseph  de  Survillieks. 

P.  S.  —  N'ayant  aucun  rapport  personnel  avec  la  reine  d'Angleterre, 
une  lettre  de  moi  me  paraîtrait  moins  convenable  que  de  la  part  do 
mon  frère  Lucien  ou  de  la  reine  de  Naples  qui  ont  eu  occasion  de  la 
connaître  personnellement. 

Voici  maintenant  quelques  documents  relatifs  aux  lettres  des  sou- 
verains, et  d*abord  une  note  tout  entière  de  la  main  du  roi  Joseph 
envoyée  à  M.  Francis  Lieber,  littérateur  et  professeur  à  Boston  : 

Pointe-Breeze,  le  28  mai  1822. 

Je  recois  votre  lettre  du  24  mai.  Je  la  trouve  ici  à  mon  retour  d'un 
petit  voyage.  Je  n'ai  pas  le  temps  de  retrouver  ces  lettres  qui  constatent 
les  dates  précises,  mais  vous  pouvez  être  certain  du  souvenir  que  ma 
mémoire  me  fournit,  encore  très  présent. 

En  1815,  avant  son  départ  do  Paris,  Napoléon  avait  anntmcé  à  son 
frère  Joseph  que,  parmi  quelques  papiers,  renfermés  dans  une  caisse 
qu'il  lui  enverrait,  se  trouverait  une  copie  des  lettres  qui  lui  avaient 
été  adressées  par  les  divers  souverains.  Il  avait  fait  faire  cette  copie  par 
précaution,  l'original  restant  aux  archives.  Quelques  années  après,  le 
docteur  O'Méara,  de  retour  de  Sainte-Hélène,  lui  lit  dire  que  le  désir 
de  l'Empereur  était  que  celte  correspondance  fût  publiée,  comme  étant 
la  meilleure  réponse  à  toutes  les  calomnies  dont  il  éUiit  l'objot.  Mais 
elle  ne  fut  trouvée  dans  aucune  des  dix  caisses  arrivées  aux  I^Uats-Unis, 
dans  lesquelles  on  avait  réparti  les  papiers  contenus  dans  la  première 
caisse,  en  les  cachant  parmi  des  livres  et  des  bardes,  afin  de  les  sous- 
traire aux  investigations  de  la  police  de  Paris.  A  la  même  époque,  la 
maison  do  Joseph,  aux  États-Unis,  fut  la  proie  des  flammes.  L'original 


94  MELANGES  ET  DOCUMBIH'S. 

de  la  correspondance  fut  vendu  pour  trente  mille  livres  sterling  i 
Londres.  Elle  avait  été  déposée  chez  un  libraire  de  cette  ville,  M.  Murray. 

Ceux  qui  ont  dit  que  Napoléon  avait  remis  cette  correspondance  à 
Joseph,  à  Rochefort,  sont  dans  l'erreur.  Joseph  n'a  rien  reçu  de  Napo- 
léon à  Rochefort,  ni  à  l'ile  d'Aix  où  il  fut  le  trouver. 

Il  ne  reste  d'espérance  que  dans  la  double  infidélité  de  ceux  qui,  ayant 
livré  Toriginal  à  des  gens  intéressés  à  les  détruire,  auraient  pu  en 
garder  copie,  ou  bien  dans  la  découverte  de  la  copie  annoncée  par 
Napoléon  à  Joseph  avant  son  départ  de  Paris,  en  1815.  S'il  en  arrive 
autrement,  ce  sera  une  perte  de  plus  que  les  écrivains  consciencieux 
auront  à  déplorer. 

Voici  maintenant  une  autre  note  extraite  du  Journal  du  roi  Joseph  : 

Extrait  des  notes  d'un  Américain  sur  le  Commentaire  de  I^apoléon^ 

par  M.  le  comte  de  Bonacosci,  qu'il  avait  adressées  à  celui-ci  lorsque 

cet  ouvrage  parut,  et  qu'il  a  depuis  adressées  à  H.  le  major  Lee, 

auteur  de  Thistoire  de  Napoléon  (en  décembre  \  834)  : 

L'auteur,  Bonacosci,  est  dans  la  même  erreur  que  M.  de  Norvins. 
Les  originaux  autographes  des  lettres  des  souverains  à  Napoléon  n'ont 
pas  été  remis  au  roi  Joseph.  L'empereur  Napoléon  dit  au  prince 
peu  de  jours  avant  son  départ  :  a  Par  précaution,  j'ai  fait  faire  une 
copie  des  lettres  des  souverains  de  l'Europe,  qui  seules  peuvent  répondre 
à  toutes  les  calomnies  dont  ils  se  servent  aujourd'hui  contre  moi. 
Maret  conserve  les  originaux,  et  c'est  son  droit,  conservez  ces  copies  à 
tout  événement.  »  C'est  à  Paris  et  non  à  Rochefort  que  cette  conversa- 
tion et  la  remise  de  ces  titres  ont  eu  lieu.  Joseph,  en  recevant  en  Amé- 
rique la  caisse  dans  laquelle  devait  se  trouver  cette  copie,  l'a  cherchée 
inutilement.  Napoléon  lui  a  fait  dire  par  O'Méara,  au  retour  de  celui-ci 
en  Europe,  de  faire  publier  ces  lettres,  comme  seule  et  unique  réponse 
à  ce  débordement  d'injures  dont  on  assiégeait  alors  le  captif  de  Sainte- 
Hélène.  Toutes  les  recherches  ont  été  infructueuses;  les  lettres  ont-elles 
été  dérobées  par  les  dépositaires  ou  les  détenteurs  momentanés  de  la 
caisse  où  elles  étaient  ?  Je  l'ignore,  mais  toujours  est-il  constant  que  ce 
ne  sont  pas  celles  qui  ont  été  vendues  à  Londres,  puisque  ce  n'étaient 
que  des  copies  et  que  l'on  assure  que  ce  furent  les  lettres  autographes 
qui  furent  vendues  à  Londres  trente  mille  livres  sterling  ;  elles  ont  été 
offertes,  par  un  inconnu  venant  de  Suisse,  à  M.  Murray,  imprimeur 
des  plus  célèbres  de  Londres,  demeurant  Albermale  Street,  pour  trente 
mille  livres  sterling.  Le  gouvernement  anglais  n'en  voulut  pas.  Ce  fut 
le  ministre  de  Russie  qui  acheta  celles  qui  pouvaient  intéresser  la 
Russie. 

Joseph,  en  quittant  son  frère  à  l'ile  d'Aix  pour  aller  attendre  à  Royan 
la  nouvelle  du  passage  sans  obstacle  de  Napoléon  à  travers  l'armée 
anglaise,  avant  de  s'embarquer  pour  les  États-Unis,  où  ils  devaient  se 
retrouver,  ne  reçut  ni  lettres,  ni  paquets  d'aucune  sorte  ;  des  quatre 


!IAPOliO!l   ET  LB   101   JOSKPH.  95 

personnes  qui  l'accompagnaient  dans  la  chaloupe  dans  laquelle  il  fît  le 
timjet  jnsqn  a  Rochefort,  trois  vivent  encore  et  leur  mémoire  est  d'accord 
avBC  celle  de  Joseph  sur  cette  circonstance  importante.  Si  Napoléon  a 
eu  l'intention  de  confier  à  son  frère  Joseph  des  objets  dont  d'autres  se 
seraient  emparés  au  moment  de  son  départ  de  Vile  d*Aix,  Joseph  ne 
peut  ni  rassurer,  ni  le  nier,  mais  ce  qui  est  bien  certain,  c'est  que  mal- 
heureusement les  originaux  en  question  ne  lui  furent  pas  remis,  pas 
plus  que  nulle  autre  chose,  dans  cette  circonstance. 

En  4837,  le  roi  Joseph  se  trouvant  en  Angleterre,  à  Londres,  et 
ayant  eu  connaissance  par  le  docteur  O'Méara  de  la  vente  à  la  Russie 
d'une  partie  de  la  correspondance  des  souverains,  par  le  libraire 
Murray,  fît  des  démarches  pour  s'assurer  du  foit.  Il  écrivit  à  un 
H.  Charles  Philipps  très  lié  avec  Téditeur  Ridgway.  L'éditeur  vit 
IL  Murray  et  répondit  la  lettre  ci-dessous  à  M.  Philipps. 

Piccadilly,  4  mars  1837. 
Mon  cher  Monsieur, 

D'après  votre  désir  j'ai  été  voir  M.  Murray,  Téminent  éditeur,  dans 
Albermale  Street,  relativement  à  la  correspondance  originale  de  plusieurs 
souverains  d'Europe  avec  l'empereur  Napoléon  pendant  son  règne.  Il 
me  dit  que  vers  Tannée  1822,  les  lettres  originales  des  différents  souve- 
rains de  l'Europe  adressées  à  Napoléon  pendant  Tempire  lui  furent 
offertes  pour  vendre;  il  refusa  l'offre  parce  que  quelques-uns  de  ses 
conseillers  et  amis  doutaient  de  leur  authenticité  (le  duc  de  Wellington 
fut  un  de  ceux  qui  mettaient  en  question  leur  originalité),  doutes  qui  à 
présent  ne  paraissent  pas  avoir  de  fondation,  et  M.  Murray  regrette 
amèrement  son  refus  fondé  sur  ces  doutes. 

M.  Murray  dit  encore  que  les  lettres  lui  furent  présentées  comme 
ayant  été  gardées  par  les  soins  d'un  maréchal  de  France,  mais  dont  il 
avait  oublié  le  nom,  et  en  lui  nommant  le  duc  de  Bassano,  il  dit  :  «  c'est 
cela!  » 

Les  lettres  écrites  par  l'empereur  de  Russie  ont  été,  à  la  suggestion 
de  M.  Murray,  offertes  pour  vendre  au  prince  de  Lieven  qui  a  payé  dix 
mille  livres  sterling  pour  cette  portion  de  la  correspondance. 

A  vous  bien  sincèrement. 

Signé  :  J.  L.  Ridqway. 

M.  Philipps  écrivit  alors  à  un  serviteur  dévoué  du  roi  Joseph, 
Louis  HaiUard  : 

49,  Glanvery  Lane,  Samedi. 
Mon  cher  Monsieur, 
J'ai  été  si  occupé  durant  cette  semaine  depuis  mon  retour,  que  je 
n'ai  pas  eu  le  temps  de  faire  mes  respects  à  M.  le  Comte <  comme 

I.  Joseph,  comte  de  Survilllers. 


96  M^LiffCBS   ET  DOCOMBIfTS. 

je  le  désirais  beaucoup.  M.  Ridgway,  comme  vous  le  verrez  par 
l'incluse,  a  fait  quelque  chose  pour  nous  pendant  mon  absence. 
M.  Murray  est  un  homme  impraticable,  il  a  refusé  de  donner  par  écrit 
ce  que  cependant,  heureusement  pour  nous,  il  avait  dit  verbalement 
avant  que  ne  s'élèvent  ses  scrupules. 

M.  Ridg^ay  est  un  homme  fort  respectable,  il  est  prêt  à  tout  moment 
d'avouer  ce  que  M,  Murray  lui  a  dit  et  ce  que  je  vous  envoie  écrit  de 
sa  main.  M.  Ridgway  se  trouve  donc  dans  cette  affaire  dans  la  môme 
position  qu'aurait  été  notre  pauvre  O'Méara  s'il  vivait  encore. 

Je  tâcherai  par  le  moyen  d'un  ami  de  savoir  ce  que  le  duc  de  Wel- 
lington sait  sur  ce  sujet,  et  je  ne  doute  pas  que  s'il  peut  donner  des 
informations,  je  puisse  les  obtenir. 

Il  paraît  assez  clair  que  le  comte  avait  raison  dans  ses  conjectures  et 
que  le  maréchal  Maret  était  la  personne  qui  autorisait  la  vente  de  la 
correspondance. 

Avec  mes  compliments  respectueux  à  M.  le  Comte. 

A  vous  sincèrement. 

C.  PmLipps. 

Enfin,  en  4850,  M.  Louis  Maillard,  Texécuteur  testamentaire  de 
Joseph,  consulté  par  M.  Ingerstoll,  ami  du  roi,  sur  la  question  de  la 
correspondance  des  souverains,  lui  répondit  le  29  avril,  de  Doyles- 
town  (Amérique),  où  il  se  trouvait  encore  pour  la  liquidation  de  la 
succession  de  l'ancien  roi. 

J'ai  votre  lettre  du  25,  je  ne  puis  mieux  y  répondre  qu'en  vous  réci- 
tant ce  que  j'ai  entendu  dire  à  M.  le  comte  de  Survilliers  (Joseph)  lui- 
môme  à  diverses  fois. 

En  1815,  la  veille  de  quitter  le  palais  de  l'Elysée  pour  aller  à  la 
Malmaison,  l'Empereur  me  dit  qu'il  avait  envoyé  chez  moi,  rue  du 
Faubourg-Saint-Honoré,  où  je  demeurais  alors,  les  copies  des  lettres 
des  souverains  alliés  pour  que  je  les  conserve  de  mon  mieux;  que  les 
originaux  seraient  gardés  et  soignés  par  le  secrétaire  d'État,  duc  de 
Bassano;  je  trouvai  effectivement  ces  copies  dans  mon  cabinet  de  tra- 
vail et  les  y  laissai  avec  mes  papiers;  quelques  jours  après,  lorsque  je 
fus  forcé  de  quitter  Paris  pour  suivre  l'Empereur  à  Rochefort,  je  recom- 
mandai à  ma  femme  et  à  mon  secrétaire,  M.  de  Presle,  de  ramasser 
tous  mes  papiers,  de  les  fermer  dans  des  malles  et  de  les  envoyer  chez 
diverses  personnes  sûres,  de  connaissance,  afin  de  les  sauver  des  mains 
de  nos  ennemis  qui  allaient  entrer  dans  Paris;  mes  ordres  furent 
exécutés;  mais,  peu  de  temps  après  mon  départ,  les  amis  chez  lesquels 
étaient  déposées  les  malles ,  craignant  les  recherches  chez  eux  par  la 
police  des  Bourbons,  prièrent  ma  femme  de  faire  reprendre  ces  malles* 
elles  furent  portées  alors  à  l'hôtel  de  la  Princesse  royale  de  Suède  où 
elles  étaient  plus  en  sûreté.  Plus  tard,  lorsque  mon  frère,  l'Empereur, 
irrité  du  cruel  traitement  qu'il  éprouvait  à  Sainte-Hélène,  me  fit  écrire 


!flP0li05  ET   LK   ROI  lOSBPH.  97 

de  publier  les  lettres  des  souverains,  j'écrivis  à  M.  de  Presle,  à  Paris, 
de  mVnvoyer,  aux  États-Unis,  par  diverses  voies,  les  malles  d'effets  et 
papiers  m'appartenant,  ce  qu'il  lit  de  son  mieux,  mais  je  ne  trouvai 
point  dans  les  malles  envoyées  les  copies  que  je  désirais!  Depuis  je  fis 
faire  des  recherches,  toutes  furent  inutiles,  on  m'a  dit  que  TEmpereur 
avait  confié  à  une  autre  personne  une  seconde  copie  des  lettres,  mais  je 
ne  puis  l'affirmer  ;  quant  aux  lettres  originales,  si  ce  que  j  ai  appris  à 
Londres  est  vrai,  elles  ont  été  vendues;  la  Russie  aurait  payé  les 
siennes  dix  mille  livres  sterling  par  son  ambassadeur  Lieven,  et  c'est 
M.  le'  libraire  Murray  d'Albermale  Street  qui  était  chargé  de  cette 
négociation  dont  il  a  parlé  à  diverses  personnes  qui  me  l'ont  rapporté 
fidèlement. 

Voici,  Monsieur,  ce  que  je  puis  vous  dire  de  plus  positif  sur  cette 
affaire.  M.  Menne>'al  se  trompe,  car  M.  de  Presle,  que  j*ai  vu  souvent  à 
Londres,  Paris  et  Florence,  m'a  toujours  dit  qu'il  n'avait  trouvé  ni 
envoyé  les  copies  des  lettres  des  souverains,  que  plusieurs  malles 
avaient  été  ouvertes,  ainsi  qu'il  croyait,  etc. 

Pour  terminer  cette  notice  relative  aux  lettres  des  souverains  étran- 
gers, nous  dirons  en  deux  mots  que  l'éditeur  chargé  de  fhire  vendre 
la  copie  dont  il  est  ici  question,  étant  parvenu  à  en  foire  parler  à 
Napoléon  III,  ce  dernier  voulut  le  recevoir  ainsi  qu'un  membre  de  la 
oonunission  de  Touvrage  intitulé  La  correspondance  de  Napoléon  f*^ 
Néanmoins  ce  souverain  ne  put  causer  avec  ces  deux  personnes  qui, 
venues  à  trois  reprises  différentes,  furent  éconduites  chaque  fois  sans 
être  admises,  tant  l'Empereur  était  tenu  en  chartre  privée  par  son 
entourage.  Il  y  a  plus,  Sa  Majesté  ayant  prescrit  que  le  membre  de 
la  commission  fût  prévenu  qu'il  était  libre  de  s'arranger  comme  bon 
lui  semblerait  pour  l'acquisition  des  lettres,  Jamais  cette  autorisation 
de  Napoléon  III  ne  lui  fut  connue  et  il  ne  sut  à  quoi  s'en  tenir 
qu'après  la  mise  en  vente  de  l'ouvrage  :  La  Correspondance ,  lorsqu'il 
vit  l'Empereur  à  cette  occasion. 

n  ne  nous  reste  plus  qu'à  fkire  connaître  encore  quelques  lettres 
du  roi  Joseph  se  rattachant  à  divers  sujets. 

Nous  avons  dit  que  l'ex-roi  de  Naples  et  d'Espagne  avait  été  assez 
heureux,  à  la  suite  des  événements  de  4845,  pour  trouver  un 
reftige  en  Amérique.  Les  autres  frères  de  Napoléon  I"  étaient  exilés 
hors  de  France,  dans  les  États  de  l'Europe,  poursuivis  partout  par  la 
haine  des  souverains  alliés.  Jérôme,  rejeté  tantôt  dans  les  États 
autrichiens,  tantôt  en  Italie,  resta  plusieurs  années  sans  donner 
signe  de  vie  à  l'ainé  de  ses  frères.  En  4848,  Joseph  lui  écrivit  des 
États-Unis  d'Amérique,  le  40  Juillet  : 

Mon  cher  Jérôme,  je  n'ai  jamais  eu  de  tes  lettres  depuis  notre  sépa- 

RbV.    UiSTOR.    XI.    [•'   FASC.  7 


98  M<L1N6B8  BT  OOGOMBIITS. 

ration,  j'ai  fini  par  penser  que  tu  avais  vu  dans  ma  conduite  quelque 
chose  qui  avait  dû  te  déplaire.  Je  l'ai  mandé  à  Julie  qui  m'assure  du 
contraire.  Peut-être  as-tu  été  gôné  dans  ta  correspondance  avec  moi. 
Quelles  que  soient  les  raisons  de  ton  silence,  je  t'écris  pour  Rengager  à 
le  rompre,  bien  convaincu,  comme  je  le  suis,  que  tu  ne  peux  pas  douter 
de  la  tendresse  de  mon  amitié  pour  toi.  Je  n'ai  pas  vu  ici  ton  ancienne 
amie  et  son  fils,  je  n'ai  pas  cru  devoir  aller  à  leur  rencontre  dans  la 
position  étrange  où  je  me  suis  trouvé.  J'ai  pensé  que,  dans  l'adversité, 
il  vaut  mieux  manquer  par  trop  de  susceptibilité  que  par  trop  d'aban- 
don. Mande-moi  ce  que  tu  aurais  désiré  que  j'eusse  fait,  ce  que  tu 
désires  que  je  fasse.  Je  pense  que  l'arrivé  de  Zénaïde  changera  ma 
position  si  dans  l'abandon  où  Julie  va  se  trouver  après  le  départ  de  sa 
fille  ai  née,  elle  suit  le  conseil  que  je  lui  donne  de  se  rapprodier  de 
Vienne,  je  te  la  recommande,  mon  cher  frère,  ainsi  qu'à  ta  femme, 
dont  elle  ne  cesse  de  m'écrire  tout  le  bien  que  l'on  en  dit.  Les  litres  à 
son  père  ont  été  répétées  dans  tous  les  journaux.  Elles  sont  dans  la 
mémoire  de  toutes  les  mères  et  de  toutes  les  épouses.  Je  le  prie  de  lui 
dire  combien,  en  mon  particulier,  je  serais  heureux  d'apprendre  qu'elle 
trouve  quelque  bonheur  dans  l'approbation  d'elle-même.  Mille  caresses 
à  ton  enfant,  ne  doutez  jamais  de  ma  tendre  amitié. 

En  4  822,  le  2  mars,  4  0  mars  et  24  avril,  Joseph  écrivit  à  la  reine 
Julie,  de  Pointe-Breeze,  sa  résidence  d'été  : 

Ma  chère  Julie,  je  t'ai  écrit  il  y  a  quelques  jours  en  te  témoignant 
mes  inquiétudes  sur  le  silence  de  Lucien*  et  le  vôtre  au  sujet  du 
mariage  de  Zénaïde. 

Écris  à  Désirée^  qu'elle  se  déshonore  à  jamais  si  elle  reste  plus 
longtemps  à  Paris,  sa  place  est  auprès  de  son  mari;  a-t-elle  oublié 
qu'elle  est  reine  de  Suède?  C'est  aussi  ton  devoir  de  lui  écrire  ce  qui 
est.  C'est  dur,  mais  c'est  la  vérité. 

Ma  chère  Julie,  l'occasion  étant  retardée,  j'ai  le  temps  de  fécrire 
encore  deux  mots  :  j'ai  reçu  une  lettre  du  cardinal  du  29  octobre.  H  me 
dit  que  lui  et  Maman  pensent  que  le  mariage  du  fils  de  Louis  serait 
possible  si  nous  voulions  que  celle  de  nos  filles  qui  l'épouserait  reste 
avec  mon  frère  Louis. 

{•  Si  Zénaïde  épouse  Charles,  il  faut  marier  Lolotte  avec  le  fils  de 


1.  Locîai  iTait  plusieurs  enfuis.  L'itné,  Charles,  prmce  de  Caaiao,  détail 
épooser  Zénaïde,  fiUe  du  roi  Joseph.  Le  mariage  eut  lien  en  effet  D  enl  on  fis, 
le  prince  Joseph  de  Mnsîgnano,  mort  sons  le  second  empire  et  de  qui  rantenr 
des  Mémoires  du  roi  Joseph  tieni  les  documents  i  Takle  dcsiiaels  fl  a  fidi  son 
onvrage.  Le  prince  de  Canino  rendu  la  princetse  léniidf  sa  feàsHe  lért  MalM»- 
rense.  Osl  loi  qui  a  joué  on  triste  r6le  sons  la  ConsUlaante  wiif,  lors  dt 
Fassassinal  du  comte  Rosai.  Il  est  mort  en  1857. 

2.  Désirée,  femme  de  Bemadolte,  était  la  scenr  de  la  reine  Jnlie. 


NlPOLion  ET  LB  EOI  lOSBPH. 

Loais,  par  procnration,  si  on  ne  peut  autrement.  Dans  ce  cas  je  vous 
|ittends  bientôt. 

V  8i  le  mariage  de  Charles  manque,  il  fkot  que  Zénaïd^  épouse  le 
fils  de  Louis  ^  et  que,  si  cela  est  indispensable,  elle  reste  avec  eux  quelque 
temps;  dans  ce  cas,  Lolotte  épouserait  celui  des  deux  fils  de  Murât 
que  tu  choisirais  pour  son  caractère. 

Ma  chère  amie,  le  général  Lallemand  te  remettra  cette  lettre.  Je  te  le 
recommande.  Il  a  passé  ici  quelques  jours  avec  le  fils  de  Jérôme'.  Pau- 
line n'a  pas  conservé  les  mêmes  dispositions  bienveillantes  pour  lui. 
Maman  me  le  recommande  et  compte  faire  quelque  chose  pour  lui.  Je 
compte  toujours  sur  le  mariage  du  fils  de  Louis  pour  Charlotte  et  sur 
celui  du  fils  de  Lucien  pour  Zénaïde. 

Le  prince  Charles  de  Ganino  et  sa  femme  vinrent,  après  leur 
mariage,  voir  le  roi  Joseph  en  Amérique  et  restèrent  quelque  temps 
auprès  de  lui.  La  santé  délicate  de  la  reine  Julie  ne  lui  permit  pas  de 
suivre  ses  enfants.  En  4826,  des  démarches  furent  ikites  auprès  du 
roi  de  France  pour  le  retour  en  Europe  de  Joseph,  par  le  général 
Belliard,  auquel  le  baron  de  Damas  écrivit  le  U  août  : 

Le  baron  do  Damas  a  Thonneur  de  prévenir  M.  le  comte  Belliard  que, 
diaprés  la  demande  qu'il  lui  a  adressée  dans  sa  lettre  du  3  de  ce  mois, 
il  vient,  après  avoir  pris  les  ordres  du  roi,  d'autoriser  le  Ministre  de  Sa 
Majesté  à  Washington  à  comprendre  M.  et  M™«  Charles  de  Canino  sur 
le  passeport  de  M.  Je  comte  de  Survilliers,  qui  pourra  débarquer  à 
Anvers  ou  à  Ostende. 

Le  baron  de  Damas  saisit  avec  empressement  cette  occasion  de  faire 
agréer  à  M.  le  comte  Belliard  les  assurances  de  sa  haute  considération. 

En  apprenant  en  Amérique  que  le  gouvernement  des  Bourbons  ne 
mettait  pas  d'obstacle  à  son  retour  en  Europe,  Joseph  écrivit  le 
29  septembre  4826  à  Madame  de  Villeneuve^  : 

Ma  chère  belle-sœur. 

Je  reçois  votre  lettre  du  5  août;  je  n'ai  jamais  eu  Tintention  d'aller  à 
Bruxelles;  si  l'on  m'avait  accordé  de  bonne  grâce  le  séjour  de  la  Tos- 
cane, j'aurais  été  volontiers  y  faire  une  visite  à  ma  mère,  avec  l'espoir 
de  ramener  ma  femme  en  Amérique  où  je  suis  trop  bien  pour  ne  pas 
désirer  d'en  faire  partager  le  séjour  à  Julie. 

Je  suis  toujours  bien  reconnaissant,  ma  chère  belle-sœur,  des  preuves 
sans  cesse  renaissantes  de  votre  tendre  amitié;  Désirée  et  son  mari 

1.  Le  firère  aîné  de  Napoléon  111,  mort  dans  l' insurrection  des  Romaines, 
«11831. 

2.  M.  Paterson,  qui  ?int  en  France,  sous  le  second  Empire,  avec  son  fils,  aujoor- 
dlioi  officier  dans  l'armée  française. 

3.  Une  demoiselle  Clary. 


400  M<LÂIf6BS  ET  DOCUMKTTS. 

sont  aussi  très  excellents  pour  moi  ;  les  bons  consolent  ainsi  des  indif- 
férents. 

Pendant  son  exil  en  Amérique,  le  roi  Joseph  avait  pris  Thabitude 
de  mettre  en  note,  dans  une  sorte  de  journal  quotidien,  tout  ce  qui 
se  passait  autour  de  lui,  et  lui  était  personnel.  Nous  trouvons  dans 
ce  journal  quelques  mots  relatifs  à  un  honune,  M.  de  Persigny,  qui, 
ministre  et  créé  duc  par  Napoléon  III,  a  marqué  sous  le  second 
Empire.  Voici  les  notes  de  Joseph,  que  M.  Fialin  de  Persigny  était 
venu  trouver  à  Londres,  en  avril  4835,  pour  le  déterminer  à  entrer 
dans  une  sorte  de  complot  bonapartiste  : 

M.  le  vicomte  de  Persigny,  me  d'Artois,  n®  48,  à  Paris,  et  à  Londres 
à  Grillion,  hôtel  Albennale  Street,  arrive  avec  un  billet  de  M.  Presle  à 
M.  Maillard;  il  est  l'auteur  du  u»  1  de  VOccident  français,  il  est  &gé  de 
26  ans  et  parait  plus  jeune  encore;  il  montra  un  excessif  enthousiasme 
pour  la  mémoire  de  l'Empereur  et  même  pour  le  nom  de  sa  famille, 
dans  l'entretien  d'une  demi-heure  que  j'ai  eu  avec  lui  avant  le  diner. 
Je  me  retirai  de  bonne  heure  ;  il  causa  jusqu'à  deux  heures  du  matin 
avec  MM.  Sari,  Thibaud,  etc. 

5  Avril  dimanche.  Je  descends  à  déjeuner,  j'ai  un  long  entretien  avec 
M.  de  Persigny,  il  parait  plein  d'ardeur,  il  est  partisan  le  plus  absolu 
du  caractère  et  des  desseins  de  l'Empereur,  il  a  pleuré  comme  un 
enfant  en  voyant  son  écriture  ;  il  s'exprime  facilement  et  avec  talent, 
cependant  il  ne  m'est  adressé  par  personne  que  je  connaisse,  il  se  dit 
de  Roanne  sur  la  Loire,  sa  famille  tient  aux  Bourbons  dont  il  a 
entièrement  abandonné  la  cause. 

6  Avril.  Je  vais  à  Londres,  j'y  mène  M.  de  Persigny,  je  descends  avec 
Maillard  chez  le  docteur  O'Méara. 

19  Avril,  jour  de  Pâques.  M.  le  vicomte  de  Persigny  me  parle  encore 
de  ses  projets,  je  lui  en  fais  sentir  l'inopportunité  actuelle  ;  il  me  remet 
un  écrit  que  je  ne  lis  qu'à  ma  rentrée  dans  ma  chambre.  Je  promène 
avec  lui.  Sari  et  Maillard. 

20.  Je  fais  prendre  copie  de  l'écrit  sans  signature,  je  rends  l'original 
à  M.  de  Persigny  en  lui  répétant  les  mômes  choses,  je  conviens  de 
l'avantage  national  du  but,  mais  je  ne  partage  pas  ses  opinions  sur 
l'efficacité  des  moyens,  ainsi  je  l'engage  à  ne  pas  se  compromettre  sans 
espérance  raisonnable  ;  ses  projets  ne  m'en  présentent  aucune. 

28.  M.  le  vicomte  de  Persigny  est  à  la  maison,  je  refuse  de  recevoir 
l'ami  qui  lui  est  arrivé  de  Paris,  je  lui  déclare  que  je  n*entends  pas  me 
prêter  à  l'exécution  de  ses  projets,  à  laquelle  je  répugne  invinciblement; 
tout  pour  le  devoir,  rien  pour  mon  ambition,  je  n'en  ai  pas  d'autre  que 
celle  de  contribuer  au  bonheur  de  la  France,  si  elle  m'offre  une  chance 
de  la  servir,  mais  jamais  rien  par  une  minorité  factieuse  ;  il  dine  et 
couche  à  la  maison. 

29.  M.  de  Persigny  part  après  déjeuner,  je  lui  répète  longuement  les 
mômes  choses. 


•  •  • 


NiPOLfoN  ET  LE   ROI  JOSEPH.  404 

Joseph  était  encore  à  Londres,  en  4833,  lorsque  son  neveu  Louis- 
Napoléon,  le  futur  empereur  Napoléon  III,  lui  envoya  un  petit 
ouvrage  qu'il  venait  de  faire  paraître  ^  Tex-roi  lui  écrivit  à  ce  sujet, 
le  20  septembre  : 

Mon  cher  neveu,  j'ai  reçu  avec  ta  lettre  tes  Considérations  sur  la 
Suisse.  Je  les  ai  lues  avec  un  double  intérêt.  Je  regrette  que  tu  ne 
puisses  pas  honorablement  employer  tes  talents  et  ton  application  à 
l'étude,  au  service  de  la  patrie.  Charlotte  est  beaucoup  mieux  depuis 
notre  séjour  à  la  campagne.  Je  me  trouve  par  accident  en  ville  aujour- 
d'hui. 

Je  te  prie  de  me  rappeler  au  bon  souvenir  de  ta  maman  et  de  me 
croire  bien  tendrement 

Ton  afifectionné  oncle, 

Joseph. 

Enfln,  dans  les  premiers  mois  de  4  844 ,  Joseph  put  quitter  Londres 
pour  habiter  la  Toscane.  Il  écrivit  à  ce  sujet  au  général  duc  de  Padoue, 
son  cousin,  le  8  mars  : 

Mon  cher  Ck)usin, 

Je  vous  confirme  ma  lettre  du  3  de  ce  mois.  Je  pense  que  vous  avez 
vu  la  duchesse  de  Grès,  à  laquelle  j'écris  aussi  dans  le  même  sens.  Le 
jeune  Maillard  vous  dira  de  ma  part  que  ma  demande  se  borne  à  ce  que 
l'on  ne  mette  pas  d'obstacle  à  mon  séjour  en  Toscane  ou  en  Sardaigne 
et  qu'on  légalise  le  passeport  autrichien  que  vous  avez  obtenu  pour  moi 
Tannée  passée,  avec  lequel  je  pourrai  me  rendre  en  Italie  par  le  Rhin 
et  la  Suisse. 

Renvoyez-moi  donc  Adolphe^  avec  le  passeport  en  règle  aussitôt  que 
vous  le  pourrez,  il  vous  donnera  des  nouvelles  plus  en  détail. 

Agréez  ma  vieille  et  constante  amitié. 

Votre  affectionné  cousin. 

M.  Guizot,  alors  ministre  des  affaires  étrangères,  auquel  la  nièce 
du  roi  Joseph  par  sa  fenune,  la  maréchale  Suchet,  duchesse  d'AIbu- 
fera,  s*était  adressée  pour  que  le  roi  Louis-Philippe  fût  sollicité  afln 
de  permettre  au  comte  de  SurviUiers  (Joseph)  de  se  rendre  en  Italie, 
écrivit  le  9  avril  4844  : 

Madame  la  Maréchale, 

Le  Roi  ne  fait  pas  la  moindre  objection  à  ce  que  M.  le  comte  de  Sur- 
villiers  vienne  vivre  à  Gênes  ou  I^Florence;  vous  en  êtes  probablement 
déjà  informée,  mais  je  me  donne  le  plaisir  de  vous  le  dire  moi-même. 

1.  RU  de  Loois  Maillard. 


402  MiUNGBS  ET  DOdUnilTS. 

A  cette  lettre  était  jointe  la  note  d-dessous  : 

Note  : 

Le  gouvernement  non-seulement  donne  son  adhésion  à  ce  que  M.  le 
comte  de  Survilliers  vienne  s'établir  à  Gônes,  mais  encore  il  exprime  le 
désir  que  toute  facilité  lui  soit  donnée  dans  cette  circonstance.  Cest 
dans  ce  sens  qu'il  a  répondu  à  M.  Tambassadeur  de  Sardaigne  et  qu'il 
a  expédié,  il  y  a  trois  jours,  ses  instructions  à  son  propre  ambassadeur 
prés  de  8a  Majesté  sarde. 

£n  octobre  dernier,  le  gouvernement  français  a  fkit  exprimer  au  gou- 
vernement du  grand-duc  de  Toscane  les  mêmes  dispositions  de  sa  part 
à  regard  du  comte  de  Survilliers,  qui  demandait  à  résider  à  Florence  ; 
ces  dispositions,  il  les  maintient  et  les  renouvellera  même  au  besoin  si 
le  gouvernement  toscan  l'exigeait.  Il  est  vrai  que  le  gouvernement 
napolitain,  s'appuyant  sur  des  dispositions  des  traités  de  1815,  prétend 
que  lorsqu'il  s'agit  de  la  famille  Bonaparte,  il  faut  le  concours  simul- 
tané des  quatre  puissances  ;  qu'aucune  d'elles  ne  peut  agir  isolément  ; 
mais  la  France  se  regarde,  depuis  1830,  affranchie  de  l'obligation  de 
cet  accord  commun  ;  elle  croit  pouvoir  agir  seule,  librement'et  comme 
il  lui  plaît,  et  elle  l'a  constamment  fait  depuis  cette  époque. 

On  croit  que  M.  le  comte  de  Survilliers,  établi  à  Gônes,  pourra  faci- 
lement négocier  pour  venir  ensuite  à  Florence;  que  l'Autriche  prêtera 
aisément  son  intervention  pour  aplanir  les  difficultés  que  Naples  oppose 
encore. 

Nous  terminons  id  ce  qui  a  trait  au  frère  aine  de  l'Empereur,  dont 
la  vie  politique  avait  cessé  depuis  1846.  L'ex-roi  mourut  à  Florence, 
en  1843,  après  avoir  fkit  honunage  à  la  France,  pour  être  placés  sur 
le  tombeau  de  Napoléon  I*,  des  insignes  et  des  armes  du  grand 
homme  qui  lui  étaient  échus  en  partage.  Il  avait  nommé  pour  un  de 
ses  exécuteurs  testamentaires  M.  Maillard  (Louis)  qui  méritait  toute 
sa  conflanoe  et  qui  ne  Tavait  pas  quitté  depuis  1808. 

Le  roi  Joseph  avait  76  ans  lorsqu'il  s'éteignit,  entouré  de  sa  bmille 
et  de  qudques  serviteurs  fidèles  et  dévoués. 

Deux  années  avant  sa  mort,  le  roi  Joseph  éprouva  un  vif  chagrin. 
U  avait  pour  son  neveu,  le  prince  Louis  Napoléon,  fils  de  Tex-roi  de 
Hollande,  une  grande  affection.  Lorsqu'il  apprit  à  Florence  que  oe 
jeune  homme  avait  fait  la  tentative  de  Strasbourg,  il  le  désapprouva 
hautement.  Son  père  agit  de  même.  La  première  chose  que  fit  le  futur 
empereur  Napoléon  lU,  en  arrivant  en  Amérique,  Ait  d'écrire  une 
longue  lettre  à  son  oncle  Joseph  pour  lequel  il  avait  une  grande  véné- 
ration. Cette  lettre  étant  venue  aux  mains  de  l'auteur  des  Mémoire$ 
du  roi  Joseph^  avec  les  autres  papiers,  cet  auteur  se  trouva  assez 
embarrassé,  ne  sachant  s'il  devait  ou  non  publier  cette  pièoe  impor- 


HAPOliO!!  BT  LK  101  106m.  4t3 

Iule  pour  rhîsUHre.  On  était  alors  en  1 855,  Louis  Ni^Iéon  était 
sur  k  trône.  D  se  décida  à  la  montrer  i  rSmpereur,  mais  à  lui  seul. 
Ae;a  un  matin  dans  le  cabinet  de  S.  M.,auxTuileriesJllalui  donna. 
L'Smpereur,  après  en  avoir  pris  connaissance  pendant  un  quart 
d'beore,  la  lui  rendit  en  disant  :  c  Je  ne  puis  pas  la  nier,  elle  est  toute 
de  ma  main.  Je  la  trouve  bien  cette  lettre.  —  Moi  également.  Sire,  se 
hâta  de  dire  l'auteur  des  Mémoires,  mais  ne  sachant  pas  s^il  pouvait 
CQOvenir  à  TEmperau*  sur  le  tr5ne  que  le  public  eût  connaissance 
d'une  lettre  écrite  par  le  proscrit  de  New- York ,  j'ai  cru  devoir  la 
soumettre  à  Votre  Majesté.  —  Bah,  reprit  en  riant  l'Empereur, 
rien  n'empêchera  que  je  n'aie  ftût  la  tentative  de  Strasbourg  et  de 
Boulogne,  ce  qui  est  histoire  est  histoire,  je  ne  m'oppose  pas  à  ce  que 
vous  l'insériez  dans  votre  curieux  ouvrage.  »  Elle  se  trouve  au 
It*  volume  des  Mémoires  du  roi  Joseph^  page  370. 

Baron  du  Gissb. 


LA  PROPAGANDE  REVOLUTIONNAIRE 

BN  4793  BT  4794. 

Dans  le  dernier  numéro  de  cette  Revue,  M.  Albert  Sorel  a  consacré 
un  article  à  mon  Histoire  de  l'Europe  pendant  la  Révolution^  et  je 
ne  puis  que  lui  exprimer  ma  sincère  reconnaissance  pour  cet  honneur 
lut  à  un  livre  qui  lui  est  antipathique  sous  plus  d'un  rappcHrt.  il 
discute  ensuite,  dans  un  article  spécial,  la  Diplomatie  secrète  du 
CowUié  de  Salut  public  avant  le  9  thermidor ^  un  point  particulier, 
sur  lequel  je  désire  présenter  ici  quelques  éclaircissements  histo- 
riques. 

D  ne  veut  pas  admettre  avec  moi  que  les  membres  du  grand  Comité 
de  Salut  public,  notamment  Hérault  de  Séchelles  et  Barrère,  aient  été 
inœssamment  occupés,  par  Tentremise  de  leurs  agents,  soit  à  attirer 
les  Etats  neutres  dans  le  parti  de  la  France,  soit  à  provoquer  des 
explosions  révolutionnaires  dans  le  pays  soumis  aux  puissances  bel- 
ligérantes. D  déclare  que  ces  assertions  ne  s'aocordent  pas  avec  les 
documents  qui  se  trouvent  aux  archives  des  Affaires  étrangères,  et 
me  reproche  de  ne  les  appuyer  d'aucune  preuve;  il  examine  surtout 
d^une  manière  particulière  la  conduite  de  Barthélémy  à  B&le  et  de 
Soolavie  à  Genève,  que  j'ai  accusés  d'avoir  dépensé  inutilement 
40  minions  en  vue  de  décider  les  cantons  suisses  à  ftdre  alliance 


404  M^LIXGES   ET   DOCUMENTS. 

avec  la  France.  Il  prouve  par  la  correspondance  de  ces  deux  agents 
ayec  le  ministre  Deforgues  que  Barthélémy,  de  même  que  plusieurs 
de  ses  collègues,  était  toujours  à  court  d'argent,  qu'il  considérait  la 
neutralité  de  la  Suisse  comme  plus  utile  que  son  alliance,  qu'il  a?ait 
plusieurs  fois  exposé  cette  pensée  au  ministre,  que  Deforgues  et 
Hérault  de  Séchelles  n'avaient  voulu  envoyer  des  agents  à  Berlin  et 
à  La  Haye  que  pour  y  recueillir  des  informations,  et  il  conclut  ainsi  : 
Au  résumé,  Barthélémy  n'a  point  joué  en  Suisse  avant  le  9  thermi- 
dor le  rôle  que  lui  prête  l'historien  allemand,  et  la  diplomatie  secrète 
du  gouvernement  de  Robespierre  n'a  eu  ni  l'organisation,  ni  l'impor- 
tance, ni  le  caractère  que  lui  attribuent  M.  de  Sybel  et  M.  6.  Avenel. 

Ici  déjà  je  pourrais  poser  quelques  questions.  De  ce  que  Barthé- 
lémy a  plusieurs  fois  représenté  au  ministre  qu'une  alliance  avec  la 
Suisse  serait  moins  avantageuse  pour  la  France  que  la  neutralité  des 
cantons,  ne  ressort-il  pas  précisément  qu'il  a  reçu  de  Paris  la  mis- 
sion de  provoquer  l'alliance?  En  octobre  ^93,  lorsque  Deforgues 
déclare  qu'il  est  décidé  à  envoyer  des  agents  dans  les  pays  ennemis, 
ce  dont  Barthélémy  n'espère  que  peu  de  résultat,  il  ne  s'agit  nulle- 
ment cette  fois  de  propagande  révolutionnaire,  mais  d^une  tentative 
pour  se  mettre  en  rapport  avec  un  ou  plusieurs  gouvernements  enne- 
mis et  pour  rompre  par  là  la  coalition.  Ceci  donc  n'avait  pas  encore 
eu  lieu,  mais  en  résulte-t-il  qu'on  n'eût  pas  déjà  tenté  de  provoquer 
des  explosions  révolutionnaires?  Aurait-on  précisément  négligé,  sous 
le  règne  du  plus  ardent  fanatisme  révolutionnaire,  ce  qui  depuis  le 
premier  jour  de  la  Révolution  était  poursuivi  dans  la  moitié  de 
l'Europe  avec  un  zèle  organisé,  ce  qui  devait,  sous  le  Directoire, 
arriver  au  plus  complet  développement?  Et  enfln,  si  Barthélémy, 
dans  sa  modération  et  sa  prudence,  ne  s'est  pas,  en  effet,  occupé  de 
propagande,  les  tentatives  faites  ailleurs  et  que  j^ai  rapportées, 
l'action  révolutionnaire  exercée  à  Gênes  et  à  Florence  par  les  agents 
français,  les  conjurations  de  Turin  et  de  Naples,  les  négociations 
diplomatiques  avec  la  Turquie  et  la  Suède,  l'appui  toujours  prêté 
aux  insurgés  polonais,  en  subsisteraient-ils  moins  pour  cela? 

M.  Sorel  appuie  son  opinion  sur  les  documents  des  archives  étran- 
gères, qui  ne  m'avaient  pas  encore  été  ouvertes  lorsque  je  travaillai 
à  la  partie  de  mon  ouvrage  actuellement  en  question  ;  je  reconnais 
donc  sans  difficulté  qu'elles  modifieraient  quelques  nuances  de  mon 
récit.  Mais  je  ferai  remarquer  à  M.  Sorel  que  les  matériaux  de  ce 
dépôt,  pour  ce  qui  a  trait  à  l'époque  révolutionnaire,  sont  bien  peu 
complets.  Beaucoup  ont  disparu  dans  les  orages  du  temps;  mais 
surtout,  par  suite  du  désordre  et  de  la  confusion  qui  régnaient  dans 
l'administration  du  Comité  de  Salut  public,  une  foule  de  papiers 


LA   PROPiGilfDE   RiSvOLUTiaNXAIRB  EN   4793  ET   4794.  405 

importants  ne  sont  jamais  arrives  jusqu'au  dépôt  ministériel  dont  ils 
devaient  fkire  partie.  Lorsque,  en  4851  et  en  4854,  j'étudiai  les 
actes  du  Comité,  je  les  trouvai  dans  un  incroyable  désordre.  Le  plus 
grand  nombre  était  groupé  sommairement,  sous  des  titres  généraux 
qui  comprenaient  pour  la  plupart  des  délibérations  incomplètes,  et 
souvent  une  note  détachée  indiquait  seule  des  choses  importantes. 
Sous  le  Directoire,  une  division  des  papiers  selon  les  divers  minis- 
tères avait  dû  avoir  lieu;  mais  à  peine  ce  travail  était-il  commencé, 
qu'il  s'arrêta.  Un  seul  fait  suffira  à  prouver  d'ailleurs  comment  on 
avait  procédé  :  pour  les  négociations  relatives  à  la  paix  de  Bâle,  les 
rapports  de  Barthélémy  se  trouvaient  au  dépôt  des  Affaires  étran- 
gères, et  les  réponses  du  Comité  aux  Archives  nationales.  Pour  avoir 
un  tableau  complet  de  l'époque,  il  aurait  fallu  pouvoir  exploiter  ces 
archives  dans  leur  ensemble. 

Je  vais  indiquer  brièvement  ici  une  suite  de  notes  que  j'ai  trouvées 
aux  Archives  nationales,  et  qui  confirment  ce  que  j'ai  dit  de  la  pro- 
pagande révolutionnaire.  Ce  sont  pour  la  plupart  des  extraits  (non 
des  copies  textuelles,  pour  lesquelles  le  temps  me  manquait]  des 
procès-verbaux  des  séances  du  Conseil  exécutif  ou  du  Comité  de 
Salut  public.  Je  ferai  remarquer  à  cette  occasion  que  ces  procès-ver- 
baux eux-mêmes  ne  sont  pas  tous  conservés,  et  que  ceux  qui  existent 
sont  loin  d'offrir  la  reproduction  complète  des  discussions  qui  ont  eu 
lieu  et  des  décisions  qui  ont  été  prises.  J  y  joins  d'autres  pièces, 
empruntées  aux  archives  prussiennes  et  hollandaises.  Ce  sont  des 
rapports  d'agents  des  différentes  puissances  à  Paris  et  à  Constanti- 
nople,  qui  ont  obtenu  leurs  renseignements  en  corrompant  des  em- 
ployés français.  Ainsi,  un  secrétaire  de  l'agent  français  à  Constanti- 
nople  livrait  à  M.  de  Chalgrin,  chargé  d'affaires  du  comte  de 
Provence  en  cette  ville,  des  copies  des  rapports  adressés  à  Paris,  et 
un  secrétaire  du  reis-effendi  faisait  pour  l'ambassadeur  prussien, 
H.  de  Knobelsdorf ,  des  copies  des  notes  et  des  mémoires  remis 
par  la  France.  Les  gouvernements  russe,  prussien,  hollandais  rece- 
vaient également  de  Paris  des  rapports  exacts  et  détaillés  sur  les 
délîbérations  des  séances  du  Comité  de  Salut  public  lui-même.  Il  est 
évident  que  des  communications  de  cette  nature  ne  doivent  être 
accueillies  qu'avec  circonspection  ;  mais  dans  le  cas  présent,  la  véra- 
cité de  celles-ci  me  semble  difficile  à  révoquer  en  doute  :  d'une  part, 
comme  on  le  verra,  elles  ne  sont  que  le  développement  plus  détaillé 
de  ce  qui  a  déjà  été  annoncé  par  les  protocoles  des  gouvernants  pari- 
siens; d'autre  part,  quoique  tout  à  fait  indépendantes  Tune  de 
l'autre  et  écrites  en  divers  lieux  par  des  agents  de  puissances  diffé- 


406  irfLlNGBS  BT  DOCUVBUTS. 

rentes,  elles  s'accordent  complètement  entre  eUes,  ce  qui  serait  inad* 
missible  si  eUes  avaient  été  composées  à  plaisir.  Je  reconnais  cependant 
qu'un  plus  ample  examen  est  encore  possible  et  désirable,  et  c'est 
précisément  pour  y  inviter  M.  Sord  que  je  fais  imprimer  ces  docu- 
ments. J'ai  déjà  dit  que  je  n'avais  pu  profiter,  pour  cette  partie  de 
mon  livre,  du  dépôt  des  Affaires  étrangères,  et  que  je  n'avais  trouvé 
aux  Archives  nationales  qu'une  ikible  partie  des  procès-verbaux  du 
Comité  de  Salut  public.  Peut-être  existe-t-il  encore  à  Paris  d^autres 
matériaux  qui  permettent  de  porter  un  jugement  tout  à  foit  concluant? 
Personne  plus  que  moi  ne  sera  reconnaissant  envers  M.  Sorel  pour 
tous  les  renseignements  positife  ou  négatifs  qu'il  pourra  en  tirer. 

Archives  nationales.  Comité  de  salut  public.  Section  législa^ 
tive.  Affaires  étrangères^  ;  4793.  Rapports  du  Ministère  au  Comité, 
A  ventôse.  L'agent  secret  à  Amsterdam  a  reçu  plusieurs  ouvertures 
de  patriotes  hollandais. 

8  ventôse.  Plusieurs  rapports  d'un  Écossais,  nommé  Hamilton, 
sur  la  marine  anglaise  et  sur  les  moyens  de  fkire  une  descente  en 
Angleterre  sont  remis  au  Ministère  de  la  marine. 

4  3  ventôse.  Alarme  en  Suisse  :  on  croit  que  la  France  veut  occuper 
Grenève  et  le  Valais.  Tout  cela  est  dénué  de  fondement. 

9  germinal.  L'agent  de  Dresde  annonce  le  départ  pour  l'année  de 
5969  Hanovriens,  le  refus  de  subsides  fkit  à  la  Prusse  par  Bade  et 
le  Wurtemberg,  la  très  grande  différence  d'opinion  qui  existe  entre 
les  troupes  prussiennes  et  les  autres  troupes  allemandes. 

3  germinal.  Barthélémy  a  autorisé  le  payement  d'une  année  de  la 
pension  que  la  France  fait  au  gouvernement  du  Valais,  à  la  condi- 
tion  que  celui-ci  s'opposera  au  passage  des  Piémontais  sur  son 
territoire. 

4  germinal.  Le  ministre  ordonnance  de  nouvelles  sommes  pour  le 
service  politique  en  Suisse.  Un  agent  à  Vevay  reçoit  406  firancs  par 
mois. 

40  germinal.  La  Hollande  touche  à  une  révolution.  Nos  agents  y 
poussent.  La  correspondance  avec  la  Hollande  et  l'Angleterre  est 
rendue  très  difficile  par  la  vigilance  des  gouvernements  ;  plusieurs 
lettres  ont  été  interceptées. 

Archives  nationales.  Comité  de  salut  public.  Relations  exté- 
rieures :  Procès-verbal  du  Conseil  exécutif  provisoire ,  27  mai  : 

1.  Si  je  ne  me  trompe,  les  papiers  du  Comité  de  salut  public  ont  été  réoem- 
meat  remis  en  ordre.  Jignore  donc  si  les  indications  relevées  par  moi  en  1851 
sont  encore  exactes. 


U  PEOPiGi!fDB  UffOLUTIOHIUlllB  Rf  4793  ET  4794.  407 

Le  CSonaeil  exécutif  ayant,  le  4  7  mai  dernier,  autorisé  le  ministre  des 
Afibires  étrangères  à  se  procurer,  par  le  ministre  de  la  trésorerie,  des 
lettres  de  change  pour  la  valeur  de  400,000  écus,  destinés  à  l'acquit- 
tement de  quelques  engagements  secrets  relatifs  aux  alliances  à  for- 
mer avec  la  Suède  et  la  Porte  ottomane,  lequel  emploi  avait  été 
approuvé  par  le  Comité  de  Salut  public,  arrête  que  mention  sera 
bite  de  cette  ordonnance. 

40  juin.  Nomination  de  dix  chargés  d'affaires  et  agents,  en  Suède, 
Danemark,  Saxe,  Bavière,  Wurtemberg^  Venise,  Naples,  Florence, 
Genève  et  le  Valais,  Gonstantinople. 

Proeès-verbaux  de$  séances  du  Comité  de  salut  publie  :  28  juin. 
Les  ministres  de  Tintérieur  et  de  Textérieur  reçoivent  4  millions 
de  fonds  secrets. 

29  et  34  août.  4 ,300,000  francs  en  argent  sont  attribués  à  l'achat 
de  chevaux  et  de  bœufe  en  Suisse. 

24  septembre.  Dans  la  situation  actuelle  de  la  république,  il  ne 
doit  plus  y  avoir  d'ambassadeurs  qu'en  Suisse  et  en  Turquie.  Par- 
tout ailleurs,  la  république  n'aura  plus  que  des  agents  et  des  secré- 
taires. 

20  vendémiaire.  Une  somme  de  4  millicms  est  ordonnancée  pour 
décider  la  Porte  à  feire  alliance  avec  la  République  et  à  déclarer  la 
guerre  aux  cours  impériales  * . 

ComeU  exécutif  provisoire.  Carton  n^  34.  7  octobre.  La  Porte 
désire  prendre  à  son  service  44  officiers  français  et  un  maître  char- 
pentier de  la  marine'.  Accordé. 

Lorsque,  dans  les  premiers  mois  de  4794,  Robespierre  se*  brouilla 
avec  le  parti  de  Danton,  une  brouille  personnelle  eut  lieu  également 
entre  Saint-Just  et  Hérault  de  Sécbelles.  Gela  décida  Saint-Just  à 
écrire  l'exposé  suivant.  J'en  rapporte  l'introduction  mot  à  mot,  mais 
je  ne  fsds  que  des  extraits  du  reste  : 


A  mes  concitoyens.  Puisque  des  traîtres  ont  osé  violer  les  secrets  du 
Comité  de  Salut  public  pour  calomnier  mes  sentiments,  puisque  Hérault 
de  Séchelles  m'a  accusé  sourdement,  c*est  publiquement  que  je  me  jus- 
tifie. Voilà  l'opinion  que  j'ai  manifestée  au  Comité.  Mes  concitoyens 
jugeront  si  mes  sentiments  appartiennent  au  modérantisme,  aux  ultra- 
révolutionnaires,  et  si  je  me  suis  écarté  en  rien  du  plus  pur  patrio- 
tisme. 


L  L'anbflssadenr  pmssieo  à  Gonstantinople  en  informe  sa  cour  le  31  mars  1794. 
La  roi  loi  fait  répondre,  le  8  «rril,  qn'il  en  a  déjà  connaissance. 
1  T.  phift  bat  la  dépèche  de  décembre. 


408  MlÎLlIfGBS  BT  DOCUMENTS. 

Opinion  de  Saint-Just  énoncée  dans  le  Comité  de  Salut  public  le 
21  ventôse. 

Le  ministre  demande  de  plus  grandes  facilités  pour  les  transactions 
commerciales  avec  les  États  neutres.  Je  ne  m'y  oppose  pas;  mais 
Barère,  de  même  que  Deforgues,  a  toujours  induit  le  Comité  en  erreur 
au  sujet  des  puissances  neutres.  Jamais  pire  prodigalité  et  plus  scan- 
daleuses dilapidations  ne  furent  exercées.  Hénin  et  Descorches,  des 
traîtres  qui  méritent  la  guillotine,  ont  dépensé  inutilement  40  millions, 
à  Constantinople,  et  même  70,  si  l'on  évalue  les  diamants  d'après  la 
taxe  des  joailliers.  Tantôt  c'était  le  reis-effendi ,  tantôt  le  capitan- 
pacha  que  Ton  ne  pouvait  gagner;  le  résultat  final  fut  une  neutralité 
qui  se  comprenait  d'elle-même.  Pour  ce  qui  concerne  la  Suède,  exa- 
minez les  papiers;  vous  arriverez,  j'espère,  à  cette  conclusion  qu'on  ne 
doit  payer  que  des  alliés,  mais  non  des  neutres.  En  Danemark  on  a 
donné  des  sommes  énormes  à  des  hommes  et  à  des  femmes,  pour  du 
blé  que  l'on  portait  faussement  à  un  prix  exorbitant,  et  pour  un  maté- 
riel de  guerre  qui  n'est  jamais  arrivé.  En  Suisse,  Barthélémy,  dont 
l'habileté  est  célèbre,  prétend  avoir  employé  40  millions  pour  conserver 
la  neutralité  des  cantons,  qui  jamais  n'auraient  osé  risquer  une  guerre. 
A  Gênes,  le  fripon  Tilly  a  dépensé  74  millions,  dont  une  petite  part  en 
achats  de  blé;  le  reste  a  été  consacré  à  la  formation  d'un  parti  démo- 
cratique avec  le  fantôme  duquel  nous  avons  été  constamment  bernés. 
A  Venise,  Noël,  un  ancien  dominicain  et  abbé,  a  gaspillé  100,000  écus. 
Garnot  nous  rendra  compte  des  friponneries  exercées  en  Toscane,  où 
on  nous  a  vendu  une  influence  mensongère.  Monarchie  ou  république, 
il  n'est  pas  un  État  dans  toute  l'Europe  qui  ait  les  mêmes  principes 
que  nous,  et  dont  le  gouvernement  puisse  nous  être  favorable.  Je  pro- 
pose donc  la  suppression  de  toutes  les  dépenses  secrètes,  et  la  publica- 
tion de  toutes  les  correspondances,  à  l'exception  de  celle  qui  a  eu  lieu 
avec  la  Turquie.  A  l'avenir,  le  gouvernement  traitera  directement  avec 
les  agents,  dans  les  pays  ou  les  cours  ennemis  ou  neutres. 

Je  ne  sais  si  cet  exposé  a  été  imprimé  à  Paris,  comme  semJble 
l'indiquer  l'introduction^  je  le  connais  par  une  copie  envoyée  au 
gouvernement  prussien,  qui  a  été  publiée  alors  à  Berlin,  et  qui 
jamais,  que  je  sache,  n'a  été  démentie.  Il  concorde  parlkitement  avec 
la  lutte  qui  existait  alors  entre  les  partis,  et  avec  les  récriminations 
bien  connues  de  Saint-Just  contre  le  désordre  immense  qui  régnait 
dans  l'administration.  Il  se  peut  que  quelques-uns  des  chif!^  don- 
nés par  lui  n'aient  pas  été  tout  à  fait  exacts,  que  les  dépenses  de 
Barthélémy,  par  exemple,  ne  se  soient  pas  élevées  jusqu'à  la  somme 
de  40  millions;  mais  en  général,  il  me  semble  que  les  notes  citées 
plus  haut,  d'après  les  procès-verbaux  du  Conseil  exécutif  et  du 
Comité  de  salut  public,  ne  permettent  pas  de  douter  que  le  tableau 


LA  PEOPiGiNDB  RÉYOLUTrOXIfAIRB  EN  4793  ET  4794.  409 

tracé  par  Saint-Just  ne  soit  conforme  à  la  vérité.  Les  corruptions 
exercées  en  Suisse  sont  encore  confirmées  par  Mallet  du  Pan,  et  les 
menées  d'Italie  par  les  rapports  de  Tambassade.  L'énormité  des 
sommes  parait  d'ailleurs  moins  surprenante  chez  un  gouvernement 
qui  ne  vivait  que  d'un  papier  monnaie  dont  la  masse  pouvait  être 
arbitrairement  augmentée,  qui  avait  pour  sa  police  intérieure  un  bud- 
get presque  égal  à  celui  de  toute  l'administration  sous  Tancien 
régime,  et  qui  dépensait  chaque  année  4,440  millions  pour  une 
armée  d'un  million  de  soldats,  c'est-à-dire  50  pour  400  au  moins 
de  plus  que  toute  autre  puissance.  Si  l'on  ne  peut  dire  que  Robes- 
pierre et  ses  confidents  intimes  aient  désiré  un  adoucissement  au  terro- 
risme, il  est  certain  que  depuis  l'automne  de  4793,  ils  visaient  avec 
ardeur  au  rétablissement  de  l'ordre,  de  l'économie  et  de  la  subordi- 
nation dans  le  gouvernement  révolutionnaire.  C'est  sans  doute  à 
cette  fin  qu'en  décembre  4793,  comme  le  rapporte  M.  Sorel,  un  des 
amis  les  plus  intimes  de  Robespierre,  Payan,  fut  envoyé  à  Genève, 
où  il  fit  des  découvertes  à  la  suite  desquelles  il  demanda  la  révocation 
de  Soulavie.  Mais  la  majorité  du  Comité  de  salut  public  n'adopta  pas 
plus  cette  proposition  qu'elle  n'avait  adopté  celle  de  Saint Just  le 
24  ventôse. 

Extrait  du  rapport  d'un  agent  russe  à  Paris.  Ce  rapport  fut 
communiqué  au  roi  de  Prusse  le  27  mai  4794  par  l'impératrice 
Catherine,  avec  une  lettre  autographe  du  27  avril,  par  laquelle 
Catherine  fait  remarquer  l'importance  du  rapport  et  en  garantit 
l'authenticité  et  les  sources. 

Jeudi,  6  mars,  un  confident  de  Kosciusko  est  parti  des  environs  de 
Cracovie  pour  Paris,  où  il  est  arrivé  le  19  au  soir.  En  Allemagne,  il  a 
voyagé  sous  Funiforme  d'un  officier  prussien  et  le  nom  de  Noscowen, 
avec  un  faux  passe-port  signé  Mœllendorf  ;  en  France,  sous  le  nom  de 
Piramo^ûtz,  un  Polonais,  avec  un  passe-port  des  commissaires  de  la 
Convention.  Sa  dépêche  est  tout  entière  de  la  main  de  Kosciusko.  Le 
général  y  informe  le  gouvernement  français  que  le  licenciement  de 
Tannée  polonaise  Ta  forcé  à  hâter  l'explosion,  et  qu'il  ne  peut,  par 
conséquent,  rester  fidèle  aux  plans  arrêtés  avec  Hénin,  Oescorcbes  et 
les  ministres  turcs  ^  Il  dit  que  tous  les  chefs  lui  ont  exprimé  la  même 
opinion,  et  qull  a,  en  conséquence,  donné  connaissance  de  ce  change- 
ment à  la  Porte,  ainsi  que  do  l'impossibilité  d'un  massacre  simultané 
des  Russes  et  des  Prussiens,  qui  devait  signaler  le  début  du  soulève- 
ment... U  demande  des  subsides  français,  déclare  qu'il  n'a  reçu  que 


1.  V.  plus  bas  la  dépêche  de  Descorches. 


440  tf^LlIVGKS  ET  DOCVinifTS. 

1,300,000  francs,  au  lieu  des  5  millions  promis,  et  réclame  iO  millions 
pour  le  mots  d'atril.  On  peut,  dit-il,  lui  en  envoyer  la  moitié  par 
Gonstantinople  ;  l'autre  moitié,  en  petites  sommes,  par  B^hmann,  de 
Francfort.  Il  demande  des  officiers  d'artillerie  et  du  génie.  Il  a  appris 
que  l'Angleterre  négocie  la  mise  en  liberté  de  Lafayette  et  de  ses  amis, 
et  il  est  prêt  à  les  recevoir  dans  son  armée.  Il  explique  que,  dans 
l'intérêt  commun,  la  Convention  nationale  doit  admettre  qu'il  ne  se 
pose  pas  ouvertement  en  pur  démocrate  et  en  allié  de  la  France.  II  ne 
doit  pas  le  faire,  quand  ce  ne  serait  que  par  égard  pour  le  clergé,  qui 
est  très  influent  et  qui  est  actuellement  avec  lui  contre  la  Russie  et  la 
Prusse.  Plus  tard,  le  temps  viendra  où  on  se  débarrassera  de  toute  cette 
écume.  Il  est  sûr  de  provoquer  en  Grimée  des  soulèvements  qui  proba- 
blement décideront  la  Turquie  à  s'expliquer. 

Le  Comité  de  salut  public  a  approuvé  tous  ses  projets,  môme  l'emploi 
de  Lafayette  ;  il  a  nommé  Lafitte  et  Angèle  ^  ses  commissaires  près  de 
Kosciusko  (Lafitte  ayant  refusé,  Hivier,  neveu  de  l'abbé  Raynal,  fut 
plus  tard  nommé  à  sa  place),  et  chargé  Robespierre,  Saint-Just  et 
Prieur  de  l'administration  exclusive  des  affaires  de  Pologne. 

Les  agents  français  à  Stockholm  et  à  Copenhague  ont  présenté  aux 
deux  cours  les  propositions  de  leur  gouvernement  et  sont  satisfaits  de 
l'accueil  qui  leur  a  été  fait.  Les  deux  États,  assurent-ils,  n'entreront 
jamais  dans  la  coalition.  Si  la  France  peut  tenir  sûrement  ses  engage- 
ments, le  gouvernement  danois  ne  considère  pas  comme  impossible  une 
quadruple  alliance  contre  la  Russie  (du  Danemark,  de  la  France,  de  la 
Suède  et  de  la  Turquie),  dans  laquelle  on  ferait  plus  tard  entrer  la 
Pologne.  Les  ministres  suédois  ont  parlé  dans  le  môme  sens  ;  ils  ont 
exprimé  de  l'inquiétude  au  sujet  de  l'anarchie  qui  règne  en  France  et 
ont  déclaré  pour  certaine  une  prompte  rupture  entre  la  Turquie  et  la 
Russie,  attendu  que  la  Russie  y  poussait  tout  aussi  activement  que  les 
agents  français  à  Constantinople.  Mais,  dans  les  circonstances  actuelles, 
cette  guerre  serait  désastreuse  pour  la  Porte,  et  la  France  ne  devait  pas 
engager  cette  dernière  dans  un  tel  conflit  sans  l'avoir  auparavant  forti- 
fiée par  des  alliances  efficaces.  Toutes  les  dépêches  suédoises  de  Saint- 
Pétersbourg  dépeignent  l'impératrice  comme  ardente  pour  la  guerre 
turque,  tandis  qu'elle  ne  songe  pas  à  faire  marcher  un  seul  homme 
contre  la  France  ;  la  maison  d'Anhalt  déteste  la  maison  de  Bourbon  '. 

Le  3  de  ce  mois  (mars  ou  avril,  le  rapport  lui-même  n'est  pas 
daté)  on  lut  au  Comité  de  salut  public  des  rapports  de  Hénin  et  de 
Descorches,  du  30  janvier.  Descorches  garantit  la  rupture  de  la 
Porte  avec  la  Russie,  si  on  lui  permet  de  feire  encore  un  paiement 


1 .  V.  plus  bas  la  dépêche  de  Knobelsdorf,  18  janvier  1794. 

2.  On  sait  que  Catherine  était  une  princesse  d'Anhatt-Zerbst. 


LA  PIOPiGAIfOB  E^VOLOnOllIfillB  B!l  4793  BT  4794.  444 

aa  caiHtan-pacha.  Hénin  écrit  dans  le  même  sens  *,  H  lyoute  qu'il  a 
pris  à  rinsu  de  son  eollègue  toutes  les  mesures  nécessaires  pour 
exciter  on  grand  soulèvement  populaire  à  Gonstantinople,  dans  le  cas 
où  le  divan  ne  voudrait  pas  déclarer  la  guerre  à  la  Russie;  que  d'ail- 
leors  Descorches  est  un  traître,  vendu  aux  royalistes  i,  car  il  pousse 
trop  vite  la  Porte  à  la  guerre,  sans  attendre  qu'elle  soit  suffisamment 
armée. 

Rapport  d'un  agent  hallandais  à  Paru  le  4%  juMet  4794. 
Ce  rapport  commence  par  un  long  extrait  d'un  plan  d'expédition 
contre  Cadix,  avec  cette  conclusion  :  «  Voilà  Tabrégé  de  ce  grand 
projet,  dont  j'ai  eu  le  brouillon  entre  les  mains  pendant  quatre  ou 
cinq  heures.  Il  est  chargé  de  notes  et  d'observations  de  différents 
membres.  J'ai  reconnu  l'écriture  de  Camot  et  de  Couthon.  »  Puis 
suit  ceci  : 

On  a  lu  au  Comité  de  salut  public  une  dépêche  de  Tiliy,  du  23  juin, 
où  après  avoir  parlé  du  projet  toujours  constant  de  révolutionner  Gênes, 
il  dit  qu'au  cas  où  ce  projet  ne  réussirait  pas,  il  faudrait  que  le  restant 
de  la  flotte  qui  est  à  Toulon  et  tous  les  bâtiments  de  transport  vinssent 
mouiller  au  golfe  de  la  Spezzia  ;  mais  que,  pour  ce  second  projet,  il 
&adrait  attendre  les  gros  temps  de  Pautomne  pour  que  les  escadres 
ennemies  fussent  obligées  de  quitter  la  mer  ;  qu'alors,  en  s'entendant 
avec  l'armée  de  Nice,  on  réussirait  certainement  à  révolutionner  Grênes, 
ou  tout  au  moins  on  la  ferait  contribuer  ;  qu'on  pénétrerait  en  Toscane 
par  Sarzane,  Massa  et  Lucques,  et  qu'on*  pourrait  y  lever  des  contribu- 
tions qui  pourraient  monter  à  la  somme  de  20  millions.  On  a  répondu 
i  Tilly  qu'on  avait  mandé  à  Paris  Robespierre  le  jeune,  qu'il  y  était 
arrivé,  qu'on  adoptait  tous  ses  plans,  qu'on  les  exécuterait  aussitôt  que 
la  troisième  réquisition  aurait  complété  l'armée  d'Italie,  qu'on  envoyait 
Tordre  au  général  Dugommier  de  se  porter  à  l'armée  de  Nice  avec 
19,000  hommes  de  ses  troupes,  à  moins  que,  vu  l'état  des  choses  en 
BqMgne,  l'avis  unanime  des  trois  représentants  du  peuple  à  Perpignan 
ne  l'obligeât  à  rester  dans  cette  armée. 

Le  9,  on  lut  au  Comité  des  lettres  de  Hénin  à  Constantinople,  du 
44  juin.  Il  dit  que  la  Porte  est  décidée  à  la  guerre  contre  la  Russie  ', 
qu'on  doit  les  plus  grandes  récompenses  au  citoyen  Muradgea  ',  que 
la  Turquie  a  trente  vaisseaux  de  ligne,  etc. . . ,  que  le  capitan-pacha  est 


1.  V.  plus  bis  la  dépêche  de  Ghtlgrin. 

2.  Ko  ce  moment  précisément  c'était  une  erreur.  Pins  têt,  et  pins  tard,  le  pirU 
de  la  guerre  l'emporta  au  Divan,  jusqu'à  ce  que  les  rictoires  de  Souvarof  sur  les 
Menais  eussent  décidé  définitivement  en  faveur  de  la  paix. 

S.  Drogman  de  l'ambassadeur  de  Suède  à  Constantinople.  V.  plus  bas  les 
dipéehts  de  cette  Tille. 


442  MlÎLlIfGBS   ET  BOCUMBIfTS. 

très  content  des  derniers  présents  qu'il  a  reçus,  que  Muradgea  a 
pensé  qu'il  faudrait  lui  envoyer  quelques  nouveaux  présents  en  dia- 
mants, que  la  Porte  vient  de  donner  Tautorisation  d'acheter  et 
d'équiper  à  Smyrne  des  bâtiments  en  course  dans  tous  les  ports  de 
Tempire,  que  Ton  obtiendra  à  cet  égard  toutes  les  facilités  que  l'on 
désirera,  en  accordant,  suivant  la  promesse  faite  par  Muradgea,  la 
moitié  de  toutes  les  prises  au  capi tan-pacha,  qu'il  y  a  des  articles 
secrets  signés  avec  la  Pologne  et  des  secours  d'argent. 

On  lut  dans  le  même  Comité  une  lettre  d'Ignace  Potocky,  en  date 
du  20  juin.  Il  dit  que  les  traités  avec  la  Turquie  sont  très  avancés, 
que  la  Suède  et  le  Danemark  exigent,  avant  de  reconnaître  la  nou- 
velle république  et  de  se  montrer  en  sa  faveur,  qu'elle  s'empare  de 
quelque  port  sur  la  Baltique,  qu'ils  ont  des  intelligences  à  Dantzig 
et  en  Courlande  à  cet  effet  qu'ils  vont  mettre  à  profit,  qu'ils  deman- 
dent des  secours  d'argent  avec  les  plus  vives  instances,  et  assurent 
que  chaque  jour  la  révolution  polonaise  adopte  les  principes  de  la 
révolution  française. 

Extraits  de  dépêches  de  Constantinople.  L'ambassadeur  de  Prusse 
suit  avec  une  grande  inquiétude  les  oscillations  du  Divan.  Il  se 
plaint  sans  cesse  du  mal  que  font  les  corruptions  de  Descorches,  et 
se  réjouit  ensuite  de  ce  que  la  Porte  n'a  pas  le  courage  de  déclarer 
la  guerre  et  rejette  les  propositions  de  l'agent  français. 

Le  6  septembre  4793,  Knobelsdorf  rapporte  que  Muradgea  a 
déclaré  au  reis-effendi  que  la  Suède  et  le  Danemark  sont  décidés  à 
soutenir  la  France  de  toutes  leurs  forces,  si  la  Porte,  par  des  subsides, 
les  met  en  état  d'attaquer  la  Russie;  que  ceci  est  évidemment  dans 
l'intérêt  des  Turcs  ;  que  là-dessus  Descorches  a  eu  une  audience  du 
reis-efTendi,  auquel  il  a  dépeint  les  malheurs  qui  menaceraient  la 
Porte  si  la  France  était  vaincue  par  la  coalition  ;  que,  en  conséquence, 
il  insiste  sur  deux  mesures  :  il  demande  que  la  Porte  s'efforce  de 
décider  l'Angleterre  à  conclure  la  paix  avec  la  France,  puis  qu'au 
printemps  suivant  elle  déclare  la  guerre  à  la  Russie.  Le  29  août,  un 
grand  conseil  présidé  par  le  sultan  décide  qu'il  sera  répondu  à  Des- 
corches que  la  Porte  est  prête  à  engager  l'Angleterre  à  la  neutralité 
et,  en  cas  de  succès,  à  entreprendre  la  guerre  contre  la  Russie;  mais 
qu'alors  la  France  devrait  promettre  de  lui  envoyer  42  vaisseaux  de 
ligne,  4  2  frégates  et  50  vaisseaux  de  transport  avec  des  troupes,  et  de 
lui  rembourser  les  frais  de  la  guerre,  ainsi  que  les  subsides  payés  à 
la  Suède. 

Knobelsdorf  écrit  le  24  septembre,  très  inquiet  des  tristes  effets 
des  menées  de  Muradgea  et  des  corruptions  de  Descorches.  La  majo- 
rité du  Divan  est  pour  la  guerre.  En  novembre,  la  chute  de  Toulon 


LA  PROPIGANDB  R^TOLCTIOUNIIRE  Elf  4793  ET  4794.  443 

a  considérablement  affaibli  cette  ardeur  belliqueuse,  mais  la  reprise 
de  cette  ville  fortifie  de  nouveau  l'influence  du  parti  de  la  guerre. 

Le  48  janvier  4794,  Knobelsdorf  annonce  au  roi  que  Hénin  et 
Cbénier  ont  dénoncé  Descorches  comme  traître.  Il  ajoute  qu'il  doit 
encore  y  avoir  à  Constantinople  un  autre  agent  français,  un  ancien 
ofDcier  russe,  du  nom  d'Angeli,  qui  accompagnait  l'ambassadeur 
Sémonville  lors  de  son  voyage  à  Constantinople,  et  qui  s'était  enfui 
dans  les  Grisons,  par  un  heureux  hasard,  lorsque  Sémonville  avait 
été  foît  prisonnier. 

3  mars  4794.  Chalgrin  envoie  au  baron  Flachslanden  un  extrait 
détaillé  des  documents  à  l'aide  desquels  Descorches  se  défend  à  la 
Convention  contre  les  accusations  de  Hénin  et  de  Cbénier.  C'est 
d'abord  un  long  mémoire  justificatif,  du  26  janvier.  Il  y  discute 
quatre  points  d'accusation  :  4"  Celui  d'être  en  relations  avec  les 
ambassadeurs  des  puissances  ennemies,  et  en  particulier  de  l'Autriche. 
2*  Celui  d'avoir  laissé  s'accroître  à  Constantinople,  par  une  impar- 
donnable négligence,  l'influence  des  royalistes  français.  3^  Celui  de 
s'être  opposé  à  la  formation  d'un  club  jacobin  à  Constantinople. 
40  Celui  d'avoir  fait  un  mauvais  usage  des  sommes  et  des  effets  qui 
lui  avaient  été  confiés.   Descorches  nie  le  premier  fait;  pour  le 
deuxième  et  le  troisième,  il  déclare  que,  s'il  avait  tenu  une  autre 
conduite,  il  aurait  excité  la  colère  des  ministres  turcs  et  perdu  toute 
influence  sur  le  Divan;  pour  le  quatrième,  il  renvoie  au  compte  qu'il 
a  rendu  à  la  Convention  nationale,  ainsi  qu'à  celui  qu'il  joint  à  sa 
lettre  (non  communiqué  par  Chalgrin) .  Descorches  accompagne  cet 
exposé  d'une  lettre  officielle,  dans  laquelle  il  se  glorifie  de  l'amitié 
du  capitan-pacha  et  de  Sald-Ali-Bey.  Il  y  dit  qu'aussitôt  qu'une  flotte 
française  paraîtra  dans  ces  eaux,  les  Turcs  commenceront  la  guerre 
contre  les  Russes  et  les  Autrichiens;  que  les  frégates  françaises  à 
Smyme  font  un  tort  considérable  au  commerce  des  Russes  et  des 
Autrichiens  ;  que  son  ami  l'ambassadeur  de  Suède,  dont  il  fait  le 
plus  grand  éloge,  lui  a  déclaré  tenir  de  l'ambassadeur  anglais  que 
l'Angleterre  n'enverrait  pas  de  vaisseaux  de  guerre  dans  le  Levant. 
A  tout  cela,  Descorches  ajoute  encore  une  lettre  personnelle  adressée 
à  Robespierre,  pour  solliciter  sa  faveur  et  demander  à  être  nommé 
ambassadeur  à  la  place  de  Sémonville. 

24  décembre  4794.  Knobelsdorf  envoie  au  roi  de  Prusse  une 
dépèche  de  Descorches,  écrite  quelque  temps  auparavant,  comme 
preuve  de  l'activité  de  cet  agent.  Descorches  y  dit  : 

L'iosurrection  polonaise,  que  j'ai  su  provoquer  à  temps  ^,  me  sert  par- 

1.  V.  ci-deMos  le  rapport  de  l'agent  russe. 

Bvr.  H18TOR.  XI.  i**  FA8G.  8 


444  iriuLfroBs  it  docuhkiits. 

faitement,  et  le  parti  que  j'en  ai  tiré  pour  faire  concevoir  ici  des  avantages 
sûrs  est  infini  et  se  trouve  heureusement  appuyé  par  les  hauts  (alts 
d'armes  de  la  République.  Ce  concours  imposant  de  circonstances  ne 
me  laisse  plus  de  difficultés  à  surmonter  pour  armer  les  Turcs  contre 
les  Russes  et  les  Autrichiens,  ce  qui  est  le  but  de  la  Convention.  J'ose 
même  lui  annoncer  que  mes  conseils  à  cet  égard  sont  écoutés  et  suivis, 
mes  plans  agréés  et  exécutés,  que  rien  ne  se  fait  sans  que  je  sois  con- 
sulté. S'il  est  quelques  membres  dans  le  ministère  ottoman  fluctuants 
ou  d'un  avis  contraire  au  mien,  j'ai  pour  moi  leurs  entours,  et  par  eux 
j'en  dispose  ;  j'influe  dans  tous  les  départements,  parce  que  dans  tous 
j'ai  des  gens  qui  me  sont  entièrement  dévoués  et  qui  m'informent  de 
tout  ce  qui  s'y  passe.  Celui  de  l'arsenal  est  en  quelque  sorte  à  mes 
ordres....  Le  citoyen  Lebrun  construit  à  force  et  veille  infatigablement 
à  tout,  etc.,  etc. 

Rnobelsdorf  confirme  l'habileté  de  cet  ingénieur  firançais.  Voyez 
plus  haut  le  procès-verbal  du  Conseil  exécutif,  n  octobre  4793. 

J'ajouterai  encore  la  note  suivante,  qui,  en  admettant  même  qu'une 
partie  seulement  en  soit  fondée,  confirme  le  jugement  de  Saint-Just 
et  explique  la  prétendue  pénurie  pécuniaire  des  agents. 

Knobelsdorf  fait  un  rapport  au  roi  de  Prusse,  le  47  août  4798,  sur 
une  conférence  avec  le  reis-effendi.  C'est  l'époque  du  débarquement 
de  Bonaparte  en  Egypte,  et  Ton  conçoit  que  le  ministre  turc  ne 
s'exprime  pas  en  des  termes  précisément  flatteurs  pour  les  Français, 
n  est  d'autant  plus  irrité  que,  comme  il  le  dit,  la  Porte,  dans  sa 
neutralité,  a  cependant  toujours  favorisé  les  Français.  Entre  autres 
marques  d'amitié  que  la  Porte  a  données  à  la  France,  dit  Knobelsdorf, 
le  reis-effendi  cite  un  trait  qui  m'a  beaucoup  surpris;  c'est  que, 
depuis  le  sieur  Descorches  jusqu'au  chargé  d'affaires  actuel,  tous 
les  agents  français,  vu  que  la  grande  pénurie  de  la  République 
empêchait  celle-ci  de  payer  ses  employés,  ont  eu  recours  à  la  Porte, 
et  qu'à  l'heure  qu'il  est,  la  mission  française  doit  500,000  piastres 
au  trésor  ottoman. 

S'il  en  a  réellement  été  ainsi,  ces  messieurs  ont  employé  l'argent 

de  la  France  à  corrompre  les  fonctionnaires  turcs,  et  se  sont  à  leur 

tour  fkit  payer  par  le  trésor  turc. 

Henri  de  Stbbl. 


REPONSE  DE  M.  Albert  SOREL. 

La  communication  de  M.  de  Sybel  est  fort  intéressante,  mais  elle 
ne  se  rattache  qu'indirectement  au  sujet  que  j'avais  traité  dans  la 


u  PROPiGiRDB  RifvoLirrionmiiRB  BR  4793  BT  4794.  445 

Bevuê  du  4*'  juillet.  Ce  sujet  était  très  précis  et  très  limité  :  «  La 
diplomatie  secrète  dm  Comité  de  salut  public  avant  le  9  thermidor.  » 
M.  de  Sybel  s'étend  sur  les  faits  et  gestes  du  ministre  de  la  Répu- 
blique à  Constantinople;  les  rapports  du  ministre  prussien  Rnobels- 
dorf  Bur  les  manœuvres  de  Descorches  et  de  Muradgea  sont  des 
documents  qui  méritent  Tattention,  mais  qui  appellent  la  critique; 
ils  étaient  connus  dans  leur  ensemble  et  leurs  conclusions  principales  : 
ils  forment  en  effet  le  fond  du  récit  de  Zinkeisen  :  Geschichte  des 
asmanischen  Reiches,  livre  VIII,  ch.  m.  Mais  ce  sujet  de  la  diplo- 
matie révolutionnaire  en  Orient  nécessite  une  étude  à  part,  une 
étude  approfondie.  J'espère  la  présenter  aux  lecteurs  de  la  Kevue 
historique  ;  je  ne  voudrais  pas  Taborder  incidemment  et  par  un  très 
petit  côté;  je  me  promets,  quand  je  traiterai  cette  question,  de 
profiter  des  documents  que  M.  de  Sybel  nous  a  fournis. 

Je  reviens  au  sujet  de  ma  notice  du  4*'  juillet.  Je  n'ai  pas  nié  qu'il 
y  ait  eu  de  la  propagande,  «  des  émissaires  en  nombre  considérable  », 
mais  je  contestais  que  ce  fameux  Comité  de  la  Terreur  eût  fait  en 
matière  de  diplomatie,  comme  Pavait  dit  M.  de  Sybel,  a  ce  que 
Camot  faisait  pour  les  affaires  militaires,  d  Je  concluais  qu'il  n'y 
avait  eu  sous  ce  rapport  que  «  des  velléités  et  des  essais  incohé- 
rents, D  et  je  citais  des  témoignages  péremptoires,  ceux  des  agents 
eux-mêmes,  avouant  après  le  9  thermidor  que  pendant  la  période  de 
la  Terreur  ils  n'avaient  pas  reçu  d'instructions  et  n'avaient  pu  rien 
6dre. 

Les  notes  que  cite  M.  de  Sybel  ne  contredisent  en  rien  les  docu- 
ments que  j'ai  produits;  si  toute  l'activité  du  Comité  se  réduit  aux 
faits  qu'il  allègue,  sUl  n'a  pas  d'autres  données,  ni  d'autres  preuves, 
c'est  bien  le  cas  de  conclure  qu'il  n'y  a  eu  que  «  des  velléités  et  des 
essais  incohérents.  »  J'ai  contesté  les  40  millions  qu'aurait  dépensés 
Barthélémy.  J'ai  eu  entre  les  mains  la  correspondance  de  cet  agent 
qui  est  très  abondante,  très  complète,  et  dans  un  ordre  parfait.  Je 
n'y  ai  trouvé  aucune  trace  de  ces  millions  et  des  corruptions  aux- 
quelles ils  auraient  été  employés.  M.  de  Sybel  ne  cite  à  l'appui  de  sa 
thèse  que  cette  phrase  d'une  diatribe  de  Saint-Just  :  «  En  Suisse, 
Barthélémy ,  dont  l'habileté  est  célèbre ,  prétend  avoir  employé 
40  millions  pour  conserver  la  neutralité  des  cantons,  qui  jamais 
n'auraient  osé  risquer  la  guerre.  »  Est-ce  donc  sur  cette  simple  asser- 
tion que  M.  de  Sybel  s'est  fondé  quand  il  a  écrit  que  Barthélémy 
avait  employé  «  la  plus  grande  partie  de  cet  argent  à  provoquer  une 
alliance  dont  la  conclusion  se  faisait  toujours  attendre  »?  L'interpré- 
tation serait  bien  large  ;  mais  la  source  est  plus  que  douteuse.  Si  l'on 
en  était  réduit  aux  allégations  des  terroristes  dans  leurs  discours,  on 


446  lléUNGES  ET  DOCUMENTS. 

ferait  Phistoire  avec  des  figures  de  rhétorique.  U  fout  des  preuves  et 
non  des  amplifications  oratoires.  D'ailleurs  M.  de  Sybel,  qui  prend  à 
la  lettre  les  déclarations  de  Saint-Just,  ne  peut  nous  dire  s^il  s'agis- 
sait de  millions  en  espèces  ou  de  millions  en  assignats,  ce  qui  modi- 
fierait singulièrement  et  dans  tous  les  cas  les  termes  du  problème. 

Je  me  félicite  fort  d'avoir  provoqué  M.  de  Sybel  à  adresser  à  la 
Revite  historique  la  note  que  Ton  vient  de  lire,  et  me  réservant  de 
traiter  à  part  et  avec  le  détail  nécessaire,  de  la  diplomatie  offlcieUe 
de  l'an  II,  particulièrement  en  Turquie,  je  me  crois  autorisé  à  main- 
tenir mes  conclusions  *.  «  Barthélémy  n'a  point  joué  en  Suisse,  avant 
le  9  thermidor,  le  rôle  que  lui  prête  l'historien  allemand,  et  la 
diplomatie  secrète  du  gouvernement  de  Robespierre  n'a  eu  ni  l'orga- 
nisation, ni  l'importance,  ni  le  caractère  que  lui  attribuent  M.  de 
Sybel  et  M.  G.  Avenel.  » 

Albert  Sorel. 


BULLETIN   HISTORIQUE 


FRANCE. 

Publications  nouvelles  :  intiquitiî.  —  L'Histoire  d'Jsrœl  de 
M.  E.  liCdrain  comptera  parmi  les  meilleurs  manuels  historiques  de 
la  collection  publiée  par  M.  Lemerre.  Si  condensée  qu*elle  soit,  cette 
histoire  se  lit  avec  plaisir  non  moins  qu'avec  profit.  C'est  que  Fauteur 
a  su  y  faire  passer  le  charme  des  récits  bibliques  en  même  temps 
qu'interpréter,  à  Taide  des  découvertes  de  Tassyriologie  et  de  Tégypto- 
logie,  les  traditions  recueillies  dans  la  Bible.  Nous  signalerons  parti- 
culièrement le  chapitre  sur  la  civilisation  hébraïque  après  rétablisse- 
ment des  Hébreux  dans  le  pays  de  Chanaan.  L'auteur  y  a  réuni  des 
notions  précises  sur  les  principaux  éléments  de  cette  civilisation  : 
religion,  culte,  famille,  propriété,  etc.,  Forganisation  politique  seule 
reste  un  peu  dans  le  vague.  La  supériorité  de  la  législation  mosaïque 
au  point  de  vue  de  la  condition  de  la  femme  y  apparaît  nettement, 
dnsi  que  le  caractère  riant  d'une  religion  qui  passe  généralement 
pour  être  nue  et  sombre.  Nous  ferons  le  meilleur  éloge  qu'on  puisse 
adresser  à  un  pareil  livre  en  disant  qu'il  nous  parait  propre  à  éveiller 
chez  les  jeunes  gens  le  goût  des  études  sémitiques. 

Le  livre  de  M.  Paul  Guiraud^  mérite  aussi  un  éloge  sans  réserve. 
Dans  ce  travail,  qui  lui  a  valu  le  titre  de  docteur  et  les  félicitations 
chaleureuses  de  ses  juges,  notre  collaborateur  a  repris,  après 
Mommsen,  la  question  de  savoir  de  quel  côté  était  la  légalité  dans  la 
lutte  entre  César  et  le  Sénat  et  il  lui  a  donné  une  solution  contraire 
à  celle  de  Mommsen,  en  se  prononçant  pour  le  Sénat.  Pour  démon- 
trer sa  thèse,  pour  faire  connaître  les  armes  que  la  constitution  met- 
tait à  la  disposition  des  deux  adversaires,  M.  Guiraud  a  dû  expliquer 
le  caractère  et  le  rôle  de  ces  institutions,  de  ces  magistratures,  qui, 
en  se  faisant  réciproquement  équilibre,  avaient  assuré  à  l'origine  la 
liberté  des  citoyens,  et  il  a  éclairé  d'une  vive  lumière  certaines 

t.  Le  Différend  entre  Cétar  et  le  Sénat  (69-49  avant  J.-C.).  I  vol.  in-8*, 
Hachette. 


us  BULLETIN  HISTOEIQUB. 

parties  du  droit  public  romain.  Tout  en  envisageant  le  débat  entre 
César  et  les  conservateurs  surtout  au  point  de  vue  de  la  légalité, 
l'auteur  ne  se  fait  aucune  illusion  sur  la  vertu  et  Tavenir  des  insti- 
tutions que  César  met  en  péril  -,  il  les  montre  sans  cesse  faussées  ou 
même  ouvertement  violées  et  vouées  à  une  ruine  fatale  et  prochaine. 
Il  a  aussi  rapidement,  mais  flnement,  indiqué  le  rôle  des  personnages 
influents  de  la  République  et  l'attitude  des  partis,  introduisant  ainsi 
une  certaine  variété,  une  certaine  vie  dans  un  travail  qui  reste  cepen- 
dant avant  tout  une  discussion  juridique.  Le  sentiment  juste  et  péné- 
trant de  la  vie  publique  romaine  et  la  netteté  de  rargumentaiion  font 
de  ce  travail  un  modèle. 

La  thèse  de  M.  Paul  Allard^  est  loin  d'entraîner  la  conviction 
comme  celle  de  M.  Guiraud.  M.  Allard  a  entrepris  de  démontrer  que 
le  christianisme  n'a  pas  porté  atteinte  aux  œuvres  de  Fart  antique. 
Il  a  traité  cette  question  d'une  façon  ingénieuse,  mais  sans  une  indé* 
pendance  d'esprit  suffisante.  Tout  ce  qui  résulte  de  son  argumenta- 
tion, c'est  que  la  conservation  des  produits  de  l'art  païen  Ait  le  vœu 
de  quelques  esprits  élevés  appartenant  au  christianisme,  que  les 
premiers  empereurs  chrétiens  durent  garder  certains  ménagements 
envers  un  culte  qui  comptait  encore  beaucoup  d'adeptes  et  qu^ils 
trouvèrent  plus  utile  de  convertir  les  temples  en  églises  que  de  les 
détruire.  Mais  il  y  a  loin  de  là  à  tolérer  l'exercice  du  paganisme  et 
à  respecter  Part  païen.  Il  n'est  pas  besoin  de  chercher  ailleurs  que 
dans  le  livre  de  M.  Allard  les  preuves  du  vandalisme  chrétien.  C'est 
lui-même  qui  nous  apprend  que  le  sénat  de  Césarée  Qt  détruire  des 
temples  de  Jupiter,  d'Apollon  et  de  la  Fortune  (p.  53),  c'est  lui  qui 
reproduit  le  principe  posé  par  saint  Augustin  que  les  idoles  doivent 
être  détruites  lorsque  les  propriétaires  des  terrains  où  elles  se  trou- 
vent sont  devenus  chrétiens  (224),  c'est  lui  qui  nous  dit  comment  les 
chrétiens  traitaient  les  sarcophages  décorés  de  scènes  idolatriques 
(248),  lui  qui  rapporte,  en  laqualiûant  d'intelligente  transformation, 
la  façon  violente  et  assurément  peu  respectueuse  pour  l'art  dont  saint 
Colomban  et  saint  Gall  consacrèrent  le  temple  d'Arbon  au  dieu  des 
chrétiens  (270-274),  lui  enfin  qui  nous  montre  le  concile  de  Garthage 
sollicitant  l'autorisation  d'abattre  des  temples  (279)  -,  il  ne  nous 
cache  ni  la  destruction  des  temples  de  Gaza,  de  Cypre,  de  la  Phénicie, 
du  Liban,  ni  celle  du  Serapeum  d'Alexandrie  ^,  ni  Tédit  d'Honorius 

1.  VArt  païen  sous  les  empereurs  chrétiens,  1  toI.  iii-12,  Didier. 

2.  L'auteur  ajoute  foi  à  la  tradition  qui  attribue  la  destractioa  de  la  bibliothèque 
d'Alexandrie  au  calife  Omar.  S'il  avait  lu  TarUcle  de  M.  Ghastel  pubUé  ici  même 
(I,  484  et  Buiv.),  il  saurait  que  le  fondement  aur  lequel  repose  cette  tradition  est 
fort  peu  solide  et  que  la  bibliothèque  fut  enveloppée  dans  la  destmctioo  du 


et  d*Arcadius  ordonnant  la  destruction  des  temples  des  campagnes, 
ni  la  règle  tracée  par  Grégoire  le  Grand,  suivie  dès  le  \y  et  le  y«  siècle 
et  qui,  en  épargnant  les  temples,  condamne  les  idoles  à  la  destruc- 
tion, n  est  vrai  que  tous  ces  &ils  s'expliquent  pour  M.  Allard  par 
des  circonstances  particulières,  tantôt  par  des  soulèvements  spon- 
tanés des  populations,  tantôt  par  l'immoralité  scandaleuse  des  cultes 
célébrés  dans  les  sanctuaires  païens.  Les  lecteurs  de  M.  Allard  juge- 
ront si  les  faits  qu'il  nous  présente  comme  des  exceptions  ne  consti- 
tuent pas  au  contraire  la  règle;  ils  s'étonneront  aussi,  croyons-nous, 
que  Fauteur  ait  méconnu  le  sens  profond  du  paganisme  et  qu'il  n^y 
ait  vu  qu'un  fétichisme  grossier. 

MoTB5  A6B.  —  M.  le  comte  Riant  a  donné,  diaprés  quatre-vingts 
manuscrits,  une  édition  nouvelle  de  la  lettre  apocryphe  d'Alexis 
Gomnène  au  comte  de  Flandre  Robert  le  Frison  ^  U  a  fait  suivre  le 
texte  original  de  deux  versions  allemandes,  de  quatre  lettres  latines 
authentiques  destinées  à  servir  de  comparaison  avec  celle  qui  est 
ftoisaement  attribuée  à  l'empereur,  enfin  d^un  canevas  de  sermon  de 
croisade  dont  la  composition  est  antérieure  à  la  seconde  des  guerres 
saintes.  Dans  une  introduction  qui  se  distingue,  comme  tous  les  tra- 
vaux du  même  auteur,  par  l'abondance  des  informations  bibliogra- 
phiques et  par  la  netteté,  le  comte  Riant  a  discuté  l'authenticité, 
l'origine  et  la  date  de  la  lettre.  11  n'a  pas  eu  de  peine  à  en  démontrer 
la  &usseté  à  rencontre  de  Sybel  et  de  Hagenmeyer;  argumentant 
principalement  du  silence  de  ce  document  sur  la  sainte  lance  de 
Constantinople,  il  a  fixé  la  date  de  sa  composition  entre  4  098  et  4  099  ; 
enfin  il  pense  que  la  lettre  a  pour  auteur  un  clerc  rémois,  peut-être 
Robert  le  Moine. 

M.  Jules  Quicherat  s'est  délassé  de  travaux  plus  austères  et  de 
plus  haute  portée  en  refondant  et  en  complétant  le  mémoire  qu'il 
avait  inséré  il  y  a  plus  de  trente  ans  dans  la  Bibliothèque  de  V École 
de$  chartes  sur  Rodrigue  de  Villandrando^.  Les  chroniqueurs  offrent 
peu  de  ressources  pour  écrire  la  biographie  de  ce  condottiere  du 
xf*  siècle,  et  la  première  difHculté  du  sujet  était  de  reconstituer  sa 
vie  errante  en  cherchant  dans  les  histoires  et  les  archives  locales  la 
trace  de  son  passage.  M.  Quicherat  est  parvenu  à  le  suivre  dans  la 
(riupart  de  ses  campagnes  ;  depuis  4409  jusqu'à  la  veille  de  sa  mort, 

flarapeuB,  qui  ent  pour  antears,  au  ly*  siècle,  Théophile  et  les  chréUens 
d'Alexandrie. 

1.  ÀlexH  I  Comneni  Romanorum  imperatoris  ad  Robertum  I  Flandrix 
eomikm  epUiola  spuria.  1  vol.  Leroux.  Tiré  à  351  exemplaires. 

2.  Rodrigue  de  VillandrandOy  l'un  des  combattants  pour  l'indépendance 
prançaùe  au  XV  siècU.  1  vol.  ia-8*.  Hachette. 


420  BULLETIN  H18T0RIQDB. 

il  ne  Ta  complètement  perdu  de  vue  que  pendant  les  trois  années  qui 
suivent  la  bataille  de  Verneuil.  On  sent  combien  cette  vie  aventu- 
reuse offrait  un  sujet  favorable  au  talent  de  Fauteur  ;  un  récit  qui 
aurait,  sous  la  plume  d'un  autre,  difficilement  échappé  à  la  mono- 
tonie, devient,  grâce  au  style  franc,  original  et  savoureux  de  M.  Qui- 
cherat,  attrayant  comme  un  roman  d'aventures.  Mais  son  livre  n'est 
pas  seulement  un  modèle  de  narration;  il  nous  met  sous  les  yeux 
l'indiscipline  des  bandes  qui  faisaient  alors  la  plus  grande  force  des 
armées  et  les  alarmes  continuelles  qu'elles  causaient  aux  campagnes 
et  même  aux  villes.  Nous  ne  ferons  à  M.  Quicherat  qu'un  reproche  : 
c'est  de  nous  avoir  présenté  Rodrigue  comme  l'un  des  défenseurs  de 
l'indépendance  française  au  xv*  siècle.  S'il  a  servi  la  cause  royale  à 
Anthon  et  ailleurs,  ce  n'est  assurément  pas  par  dévouement  pour 
cette  cause,  mais  parce  qu'il  y  était  rattaché  par  ses  intérêts  et  ses 
alliances  de  fomille. 

Le  livre  que  nous  venons  d'apprécier  nous  montre  un  auteur  supé- 
rieur à  son  siyet;  c'est  le  contraire  qui  est  vrai  pour  M.  Paquier  et 
son  ouvrage,  VHistoire  de  Vunité  teniloriale  et  politique  de  la 
France^.  Cet  ouvrage  est  le  recueil  de  conférences  fkites  à  l'hôtel  de 
ville  de  Versailles  devant  un  public  nécessairement  composite  et  iné- 
galement préparé.  Cette  origine  n'excuse  ni  la  banalité  des  vues  de 
l'auteur  ni  les  erreurs  et  les  lacunes  de  son  œuvre.  L'exposition  de 
M.  Paquier  est  claire,  intéressante,  ses  leçons  ont  dû  réussir  auprès 
du  public  qui  vouait  s'y  distraire  et  s'y  instruire,  mais  la  nouvelle 
forme  qu'il  leur  a  donnée  en  foit  apparaître  Tinsuffisance.  Les 
crnnirs  y  sont  assez  nombreuses  :  les  unes  montrent  que  M.  Paquier 
n'est  i^as  au  courant  do  la  science,  qu'il  ignore  les  résultats  auxquels 
ollo  est  arrivi'e  depuis  longtemps  déjà  sur  des  questions  d'une  réelle 
importance,  les  autres  ne  s\^xpliquent  que  |>ar  mie  singulière  légè- 
reté, d'autres  enlln  proviennent  do  ce  qu'il  a  niai  compris  certains 
èvénomenls.  C'est  Ihult^  do  s'être  tenu  au  courant  des  progrès  de  la 
science  que  M.  I^quior  considère  la  Pragmatique  sanction  et  les 
établissements  qui  portent  le  nom  de  saint  Louis  comme  des  œuvres 
de  ce  prince,  et  qu'il  attribue  à  un  seul  auteur  la  chanson  de  la  croi- 
siide  contre  les  Albigovùs.  Ciunniont  ne  (vis  taxer  M.  Paquier  de 
UVgèrotè  quand  on  lit  ses  dètlnilions  du  villain,  du  surcens  ip.  126), 
de  la  taille  il  27,  du  maire  du  [Kilais  ^  140-14  r,  quand  on  le  voit 
r«l\i9or  aux  ci>mtos  mérovingiens  le  (XHivoir  militaire  ^98i,  compter 
le  duché  de  Hn'tagne  (virmi  les  a^vtnages  de  la  couronne  (H 2), 
nuHlnî  Philippe-Auguste  auniessvms  do  Richard  Ciwr-de-Lion  pour 


FBINCE.  424 

Fesprit  politique  (462),  attribuer  au  premier  la  flxation  du  nombre 
des  pairs  (467),  faire  deux  recueils  différents  du  Digeste  et  des  Pan- 
dectes  (226),  etc.  Enfm,  avons-nous  dit,  M.  Paquier  s'est  trompé  sur 
le  caractère  de  certains  événements.  G^est  à  tort,  par  exemple,  qu'il 
a  vu  dans  la  révolution  de  987  la  revanche  de  Testry,  le  triomphe  de 
la  Neustrie  sur  FAustrasie.  A  cette  date,  la  lutte  de  l'élément  germa- 
nique était  terminée,  et  Tavènement  de  Hugues-Gapet  consacrait  non 
la  prépondérance  d'une  race,  mais  rétablissement  définitif  d'un 
régime  social  et  politique,  du  régime  féodal.  Du  reste,  les  vues  fausses 
de  ce  genre,  les  abus  de  l'esprit  de  système  sont  rares  dans  Touvrage 
que  nous  annonçons,  parce  que  cet  ouvrage  manque  de  vues, 
parce  que  tout  essai  de  systématisation  y  fait  défaut.  11  semble  avoir 
été  écrit,  non  d'après  les  travaux  spéciaux  de  Térudition  contempo- 
raine, mais  d'après  des  notes  de  collège.  Il  est,  nous  le  répétons, 
clair  et  intéressant,  mais  dépourvu  de  sûreté,  d'originalité  et  de  pro- 
fondeur. 

Temps  modernbs.  —  M.  Gasteinau  compare  quelque  part  son  livre  ^ 
à  une  fresque,  mais  une  fresque  n'échappe  pas  aux  lois  de  l'unité, 
de  la  composition,  de  la  proportion.  Si  nous  voulions  emprunter  à  la 
peinture  un  terme  de  comparaison  propre  à  donner  une  idée  du 
livre  dont  il  s'agit,  nous  dirions  qu'il  fait  penser  à  ces  toiles  où 
Tartiste,  tout  en  cherchant  l'inspiration  et  la  forme  qu'il  doit  donner 
à  sa  pensée,  jette  toutes  les  fantaisies  qui  se  présentent  à  son  imagi- 
nation. Les  Médicis  ne  forment  nullement  le  centre  du  tableau  de 
M.  Gasteinau,  et,  à  vrai  dire,  ce  centre  n'est  nulle  part.  Les  rappro- 
chements inattendus,  les  copieuses  analyses,  les  citations  multipliées 
déconcertent  ou  fatiguent  l'esprit.  La  trame  est  si  lâche  que  tous  les 
souvenirs  des  lectures  de  l'auteur  viennent  s'y  insérer  et  lui  donnent 
l'air  d'une  bigarrure.  Aussi  l'impression  que  laisse  le  livre  est  des 
plus  confuses  et  l'auteur  reste  bien  loin  du  but  qu'il  s'était  fixé  et 
qui  consistait  à  mettre  en  lumière  certains  types  de  la  renaissance 
et  à  &ire  ressortir  les  liens  trop  méconnus  qui  la  rattachent  au 
moyen  âge  (Avertissement),  Il  est  regrettable  qu'il  n'ait  pas  su  s'as- 
treindre à  un  plan  et  se  renfermer  dans  son  sujet,  car  son  livre 
abonde  en  aperçus  ingénieux  et  témoigne  d'un  esprit  très  libre  et 
très  ouvert,  du  sentiment  vif  et  délicat  de  la  renaissance  italienne  s. 


1.  Les  Médicis.  2  vol.  in  8*.  Calmann-Lévy. 

2.  Ce  seDUment  ne  s'associe  pas  toujours  à  la  connaissance  des  plus  récentes 
et  des  meilleures  autorités  :  ainsi  sur  Laurent  le  Magnifique  M.  Gasteinau  ne  ren- 
Toie  qu'à  l'ouTrage  TÎeilIi  de  Roscoe,  bien  dépassé  par  celui  de  Reumont,  et  il 
ne  cite  nulle  part  Tourrage  de  Villari  sur  SaTonaroIe. 


422  BULLBTin  HISTORIQUE. 

Quand  M.  Gaslelnau  saura  farre  on  livre,  U  a  tout  ce  qu'il  faut  pour 
en  faiire  d'excellents. 

On  trouve  moins  de  largeur  d'esprit,  mais  beaucoup  plus  de 
méthode  dans  le  livre  du  vicomte  de  Meaux  :  Les  luttes  religieuses 
en  France  au  X  VP  siècle  * .  Ce  n'est  pas  une  histoire  des  guerres  de 
religion  que  M.  de  Meaux  a  voulu  écrire;  il  s'est  proposé  seulement 
de  rechercher  comment  ces  guerres  ont  assuré  au  catholicisme  la 
prépondérance  et  au  protestantisme  la  tolérance.  A  vrai  dire,  ce  n'est 
pas  la  tolérance  dans  le  vrai  sens  du  mot  que  les  protestants  obtin- 
rent à  la  fin  de  ces  longues  luttes-,  l'édit  de  Nantes  leur  accordait  à 
la  fois  plus  et  moins  que  cela,  puisque,  en  même  temps  qu  il  limitait 
le  libre  exercice  de  leur  culte,  il  leur  assurait  des  privilèges  et  une 
organisation  indépendante.  Mais  si  les  protestants  durent  attendre 
jusqu'à  la  Révolution  pour  connaître  une  tolérance  véritable,  l'édit 
de  Nantes  n'en  consacra  pas  moins  pour  eux  la  liberté  du  culte  sous 
la  seule  forme  alors  possible.  Des  deux  questions  que  M.  de  Meaux 
s'est  posées  :  comment  la  France  est-elle  restée  catholique,  comment 
le  principe  d'une  tolérance  restreinte  estril  parvenu  à  se  fâiire  accepter, 
l'auteur  n'a  répondu  qu'à  la  seconde.  Il  n'a  pas  dit  pourquoi  le  pro- 
testantisme, si  bien  approprié  au  génie  français  par  la  forme  logique 
que  lui  avait  donnée  Calvin,  si  bien  accueilli  d'abord  par  les  classes 
lettrées,  avait  cessé  de  fsùre  des  progrès,  avait  décliné  et  Gnalement 
était  resté  la  religion  d'une  inflme  minorité.  Quant  aux  circonstances 
qui  ont  amené  la  paix  religieuse  et  qui  ont  fondé  sur  le  privilège  la 
liberté  restreinte  du  culte  réformé,  le  vicomte  de  Meaux  n'en  connaît 
pas  d'autres  que  celles  qui  sont  connues  de  tous  :  la  las^tude  des 
guerres  civiles,  l'impossibilité  reconnue  de  déraciner  l'hérésie  par  le 
îér  et  le  feu,  et  surtout  le  taâl  que  l'héritier  du  trône  se  trouva  être 
un  protestant.  Nous  en  avons  dit  assez  pour  montrer  que  le  livre  de 
M.  de  Meaux,  peu  nou\'eau  par  les  fkits,  ne  l'est  guère  plus  par  les 
idées,  mais  nous  sommes  loin  cependant  de  le  considérer  comme  un 
livre  sans  utilité  et  sans  valeur.  Catholique  convaincu,  le  vicomte  de 
Meaux  a  parlé  du  protestantisme  avec  une  louable  impartialité-,  il  a 
consciencieusement  étudié  les  principaux  documents  contemporains, 
comme  les  principaux  ouvrages  de  seconde  main  publiés  de  nos 
jours;  un  souffle  élevé  circule  dans  son  œu\Te,  qui  est  composée 
et  écrite  avec  talent  et  qui  peut  être  recommandée  conune  une 
synthèse  attacluinte  et  exacte  d'une  des  périodes  les  plus  émouvantes 
de  notre  histoire. 

On  aurait,  au  contraire,  le  droit  d'être  sévère  pour  le  livre  de 


ntiifCB.  4  23 

M.  Guadet%  si  on  y  cherchait,  comme  sa  préfoce  nous  invite  à  le 
bire,  le  fruit  de  quinze  ans  d'études  et  d'un  commerce  familier  et 
constant  avec  Henri  lY.  On  peut  être  plus  indulgent  si  on  ne  le  con- 
sidère que  comme  un  aperçu  groupant,  à  Tusage  de  ceux  qui  abor- 
dent pour  la  première  fois  l'histoire  de  Henri  IV,  les  principaux 
résultats  auxquels  peut  conduire  Tétude  des  Lettres  missives.  Toute- 
fois, même  en  le  jugeant  à  ce  point  de  vue,  le  livre  de  M.  Guadet, 
qui  se  compose  en  partie  d'un  choix  de  lettres  et  de  discours  du  chef 
de  kt  dynastie  des  Bourbons  et  qui  n*est  pour  une  bonne  part  que  la 
reproduction  du  travail  inséré  par  lui  au  tome  IX  des  Lettres  mis- 
iiveSf  même  à  ce  point  de  vue  le  livre  de  M.  Guadet  laisse  à  désirer. 
G*est  que,  pour  tirer  parti  des  Lettres  missives,  il  faut  connaître 
autre  choee  que  ce  recueil  et  les  Économies  royales^  c'est  qu'il  faut 
en  réalité  connaître  toutes  les  sources  historiques  de  cette  époque  et 
les  principaux  travaux  de  la  critique  moderne.  Que  M.  Guadet  ne 
remplisse  pas  ces  conditions,  c^est  ce  que  prouvent  notamment  et 
Fusage  sans  réserve  qu'il  fait  des  Économies  de  Sully  et  sa  foi  dans 
la  réalité  du  grand  dessein. 

L'ouvrage  de  M.  Berthold  Zeller^  a  sur  celui  de  M.  Guadet  Tavan- 
tage  d'être  puisé  à  des  documents  inédits.  M.  Zeller  y  reprend  la 
tentative  de  réhabilitation  commencée  par  M.  Cousin  eu  faveur  du 
due  de  Luynes.  Si  nous  nous  servons  du  mot  de  réhabilitation,  c'est 
parce  qu'il  caractérise  l'intention  avouée  de  l'auteur,  ce  n'est  pas 
qu'il  soit  à  sa  place  en  un  pareil  sujet.  Le  connétable  de  Luynes  n'a 
pas  besoin  d'être  réhabilité,  par  la  bonne  raison  que  l'histoire  lui  a 
rendu  justice  bien  avant  M.  Cousin  et  M.  Zeller.  Il  n'est  pas  néces- 
saire d'aller  bien  loin  pour  trouver  un  jugement  équitable  sur  ce 
personnage-,  il  suffit  de  le  chercher  chez  le  judicieux  et  naïf  Griffet. 
Mais  la  vérité  historique  n'affrianderait  pas  un  certain  public  si  on 
ne  lui  donnait  l'air  du  paradoxe.  Il  faut  reconnaître  du  reste  que 
M.  Zeller,  qui  s'est  peut-être  cru  original  et  hardi  en  affirmant  le 
mérite  du  duc  de  Luynes,  n'a  pas  surfait  ce  mérite.  En  louant  le 
connétable  d'avoir  attaqué  l'organisation  politique  du  parti  protestant 
et  d'avoir  tenu  tête  à  la  maison  d'Autriche,  dans  la  question  de  la 
Valteline,  il  s'est  bien  gardé  de  le  mettre  sur  le  même  rang  que  son 
successeur.  H  a  essayé  de  montrer  le  cas  qu'il  faut  faire  du  duc  de 
Luynes  par  l'exposé  des  événements  qui  ont  rempli  la  dernière  année 
de  sa  vie,  celle  à  laquelle  M.  Cousin  s'était  arrêté.  Il  ne  fout  pas 


1.  Henri  FV,  sa  vie,  son  ceuvre,  ses  écrits,  l  toI.  Picard. 
%  Le  connétable  de  Luynes.  Montauban  et  la  Valteline,  d'après  le»  archiTe» 
d-ItaUi.  1  Tol.  in-S*.  Didier. 


424  BDLLBTIIf  HISTORIQUE. 

chercher  dans  le  livre  de  M.  Zeller  une  étude  complète  de  la  cam- 
pagne de  Poitou  et  de  Languedoc  ni  des  négociations  relatives  à 
raffaire  de  la  Valteline.  Ceux  qui  connaissent  son  précédent  ouvrage 
(Henri  IV  et  Marie  de  Médicis]  reconnaîtront  ici  le  même  procédé  de 
composition.  Ce  procédé  consiste  à  donner  pour  base  au  récit  une 
certaine  classe  de  documents  inédits,  à  les  faire  entrer  par  analyse 
ou  par  extraits  dans  la  trame  de  ce  récit,  à  ne  pas  tenir  compte  des 
autres  documents  ou  à  n'emprunter  qu'aux  plus  connus  d'entre  eux 
quelques  traits  indispensables  pour  compléter  les  données  fournies 
par  les  premiers.  Dans  ce  système,  plus  de  critique  des  sources, 
puisqu'on  donne  la  première  place  non  aux  plus  importantes,  mais  à 
celles  qu'on  a  découvertes-,  plus  de  proportions  dans  le  travail, 
puisque  les  parties  les  plus  développées  ne  sont  pas  celles  qui  le 
méritent  le  plus,  mais  celles  pour  lesquelles  les  documents  de  prédi- 
lection offrent  le  plus  de  ressources.  C'est  ainsi  que  M.  Zeller  a 
presque  constamment  suivi,  analysé,  reproduit  les  correspondances 
diplomatiques  qu'il  a  recueillies  pendant  sa  mission  en  Italie,  et  dès 
lors,  pour  apprécier  son  livre,  il  suffit  presque  d'examiner  la  valeur 
des  dépêches  qui  en  forment  la  substance.  Un  assez  grand  nombre 
de  ces  dépêches,  émanées  du  secrétaire  d'État  du  saint-siège,  du 
nonce,  des  ambassadeurs  vénitien  et  toscan,  sont  insignifiantes, 
mais  la  plupart  sont  intéressantes  et  quelques-unes  instructives.  Les 
variations  de  la  curie  romaine  dans  l'affaire  de  la  Valteline  s'y  pei- 
gnent d'une  façon  curieuse.  On  y  trouve  un  récit  intéressant  de 
l'émeute  provoquée  à  Paris  par  la  mort  du  duc  du  Maine.  On  ne  con- 
naissait jusqu'ici  ni  Pattitude  résolue  du  roi  au  siège  de  Montauban, 
ni  le  dessein  de  la  reine-mère  et  du  comte  de  Soissons  de  profiter  de 
la  longueur  du  siège  pour  former  un  parti.  On  trouve  un  exemple 
frappant  de  l'indiscipline  de  l'armée  et  du  peu  de  sécurité  dont  jouis- 
sait, en  temps  de  guerre,  la  population  civile,  dans  une  dépêche  où 
l'ambassadeur  vénitien  raconte  Tattaque  dont  il  a  été  victime.  En 
somme,  la  publication  de  M.  Zeller  doit  être  accueillie  avec  reconnais- 
sance pour  les  documents  inédits  dont  elle  nous  apporte  le  texte  ou 
l'analyse. 

On  ne  peut  se  défendre  d'une  certaine  mauvaise  humeur  quand  on 
voit  à  quelles  proportions  mesquines  M.  Ernest  Berlin  a  réduit  le 
beau  sujet  qu'il  a  choisi  comme  thèse  de  doctorat  ès-lettres  '.  Nous 
comprenons  à  la  rigueur  qu'il  en  ait  négligé  le  côté  juridique,  qu'il 
n'ait  rien  dit,  par  exemple,  du  régime  de  communauté  et  du  régime 
dotal,  bien  que  celte  différence  de  régime  ait  exercé  une  grande 

1.  Le$  Mariages  dans  l'ancienne  société  française»  1  vol.  in^*.  Hachette. 


FRiNCB.  425 

influence  sur  les  rapports  entre  époux;  pour  traiter  la  question  à  ce 
point  de  vue,  il  faut  être  jurisconsulte.  Mais  quelle  source  d^intérêt 
M.  Bertin  a  négligée  en  se  renfermant  dans  la  cour,  au  lieu  de  péné* 
trer  dans  quelques-uns  de  ces  intérieurs  bourgeois  qui  représentent, 
à  bien  plus  juste  titre  que  les  familles  de  courtisans,  les  mœurs 
domestiques  des  Français  des  deux  derniers  siècles!...  Du  moment 
où  M.  Bertin,  faisant  œuvre  de  littérateur  plutôt  que  d'historien, 
traitait  son  sujet  d'une  façon  tout  anecdotique,  du  moment  où  il  ne 
s'occupait  que  des  classes  supérieures  et  ne  puisait  que  dans  des 
mémoires  connus  de  tout  le  monde,  son  étude  ne  comportait  pas 
autant  de  développements,  et,  malgré  le  talent  de  Tauteur,  on  ne  peut 
s'empêcher  de  la  trouver  singulièrement  prolixe.  Les  anecdotes  ne 
peuvent  plaire  qu'aux  lecteurs  frivoles,  lorsqu'elles  ne  servent  pas  à 
caractériser  l'esprit  et  les  mœurs  d'une  société.  Or,  il  n'y  a  pas 
d'autre  enseignement  à  tirer  du  récit  de  ces  unions  uniquement 
formées  par  l'intérêt  et  presque  toujours  malheureuses,  sinon  que 
l'orgueil  nobiliaire,  les  convenances  d'âge  et  de  sentiment  étaient 
habituellement  sacrifiées  à  l'ambition  et  à  la  cupidité.  Mais  ne  le 
savions-nous  pas,  et  fallait-il  plus  de  600  pages  pour  nous  le  rappeler  ? 
D  y  a  une  véritable  monotonie  dans  des  anecdotes  qui  prêtent  tou- 
jours aux  mêmes  réflexions,  et  ce  n'est  pas  sans  fatigue  qu'on  achève 
un  livre  qui  vise  surtout  à  être  piquant. 

C'est  aussi  une  étude  sur  les  mœurs  de  nos  ancêtres  que  M.  le 
marquis  de  Belleval  vient  d'écrire  S  mais  sans  se  placer,  comme 
M.  Bertin,  à  un  point  de  vue  unique,  ni  se  renfermer  dans  une  seule 
époque.  Son  livre  est  une  série  de  tableaux  de  la  vie  privée  du  xiv^ 
au  xvni^  siècle.  M.  de  Belleval  n'a  pas  su  éviter  les  deux  écueils 
opposés  où  ont  échoué  presque  tous  ceux  qui  avant  lui  ont  fait  la 
mkne  tentative  :  la  diffusion  et  l'a  peu  près.  11  n'a  pas  su  non  plus 
résister  à  la  tentation  de  présenter  le  fruit  de  ses  recherches  sous 
une  forme  artiflcielle,  de  faire  parler  nos  ancêtres  du  x?»  ou  du 
xfii*  siècle.  Son  ouvrage,  avec  tous  les  documents  inédits  que  l'auteur 
a  &ûi  passer  dans  sa  trame  et  qu'il  a  tirés  pour  la  plupart  de  ses 
archives  de  fsimille,  n'en  est  pas  moins  une  œuvre  de  vulgarisation 
très  instructive,  écrite  avec  bonhomie  et  franchise. 

La  maison  Charpentier  a  entrepris  une  édition  complète  des  œuvres 
de  Lanfirey.  Cette  édition  s'ouvre  par  VÊglise  et  les  philosophes  au 
XVIII*  siècle  (\  vol.  in-42),  livre  qui  ftit  le  premier  ouvrage  de  Lan- 
Irey.  Nous  ne  laisserons  pas  passer  cette  occasion  de  rendre  un 
Qoavel  hommage  à  ce  noble  esprit  en  qui  le  parti  qu'il  honorait  a 

1.  Nos  pères,  mœurs  et  ecutumes  du  temps  passé,  1  vol.  in-S*.  Didier. 


426  BULLBTI!!  HISTOKlQUt. 

perdu  un  modérateur  si  nécessaire  et  l'histoire  un  justicier  si  imin- 
toyable  et  si  éloquent.  Nous  ne  trouvons  pas  de  mot  qui  caractérise 
mieux  la  fiiron  dont  LanfVey  comprenait  Thistoire;  il  y  voyait  une 
sorte  de  magistrature  morale  ayant  mission  de  réhabiliter^  de  récom- 
penser, de  punir,  de  dégager  des  leçons  d'une  application  directe  ; 
par  là  il  se  rapproche  des  historiens  anciens  qui  cherchaient  à  la  ikire 
servir  à  Féducation  morale  ou  politique  de  leurs  concitoyens.  Cette 
préoccupation  devait  l'attirer  presque  exclusivement  vers  les  périodes 
les  plus  récentes  et  donner  à  ses  livres  un  accent  personnel  et  pas- 
sionné qui  va  au  cœur,  non  sans  inquiéter  un  peu  Tesprit.  Ce  carac- 
tère subjectif  qui  distingue  son  dernier  ouvrage,  V Histoire  ds  Napo^ 
léon,  est  encore  plus  prononcé  dans  l'ouvrage  par  lequel  il  débuta  à 
vingt-sept  ans  et  que  Ton  réimprime  aujourd'hui.  Jeune  par  la  verve, 
le  ton  absolu  et  ca\'alier  des  jugements,  ce  livre  témoigne  en  même 
temps  d'une  maturité  remarquable  par  rindépendanee  de  Tauteur  à 
r^rd  des  idées  reçues,  la  finesse  de  certains  aperçus,  la  sûreté  et 
la  vigueur  du  style.  Écrit  en  quinze  mois',  le  livre  de  Lanfiney  n*est 
pas  un  tableau  complet  de  la  lutte  de  TÉglise  et  des  philosophes  au 
xviii*  siècle,  il  n'en  retrace  que  certains  épisodes  et,  en  ce  qui  touche 
les  doctrines  de  ces  philosophes,  il  est  bien  inférieur  aux  ouvrages 
de  Bersot^  et  de  Taine'.  Mais,  en  revanche,  avec  quelle  finesse  et 
quelle  puissance  il  nous  foit  connaître  le  caractère  et  le  rôle  du  jésiiî* 
tisme  au  xtiii*  siècle! 

Si  attachants  et  si  utiles  que  soient  les  efforts  des  historiens  pour 
fkire  comprendre  le  mouN-eniont  et  le  conflit  des  Idées  dans  le  passé, 
rien  ne  nous  (kit  coimaitre  la  vie  morale  des  générations  qui  nous 
ont  précédées  conmie  les  souvenirs  des  contemporains,  lorsque  ces  con* 
temporains  n'ont  pas  écrit  en  vue  de  la  postérité,  qu'ils  n'ont  pas  un 
nMo  à  justifier  ou  à  arranger,  qu'ils  n'ont  été  mél^  aux  grands  évé- 
nements que  pour  en  être  les  jouets  passif^  les  obscures  victimes. 
C  est  a'  qui  ituid  rautobîographie  de  M'^  Alexandrine  dee  Echerolles^ 
si  précieuse  et  si  captivante.  M^**  des  Echert)Ues  raconte  ce  que  la 
Révolution  a  dit  soiiflVir  à  elle  et  aux  siens,  sans  ftùre  le  procès  à  la 
Révolution,  sans  déplorer  la  ruine  de  rancien  régime,  sans  sortir  du 
cercle  des  sentiments  privés  pour  se  placer  à  un  point  de  vue  général 
et  politique.  Ses  souvenirs,  d'une  précision  étonnante,  nous  fimt 
vivre  de  la  vie  des  suspects,  partager  leurs  émotions^  éprouver  la 

I.  Vo5«i  VHxtà^  bk^«phiqw,  à  la  foi»  chtiMreBtr  H  nesarée,  qM  M.  ée 
5.  I.A  nrigines  ée  to  From^  C(»n1êmf»rmme^  i<mt  I**  :  /'incini  ft^iM«. 


PRA!fCB.  i  27 

terreur  qu*ib  éprouvaient.  Il  est  impossible  de  signaler  tous  les  traits 
curieux  que  Phistoire  peut  tirer  de  ce  livre;  contentons-nous  d'appeler 
l'attention  du  lecteur  sur  le  massacre  de  Pierre-Cize,  le  siège  de 
Lyon,  la  situation  de  la  ville  après  l'entrée  de  l'armée  républicaine, 
la  vie  des  prisonniers  aux  Recluses  et  à  Saint-Joseph.  Nous  devons 
de  vife  remerciements  à  M.  René  de  Lespinasse  pour  avoir  donné  une 
publicité  véritable  à  un  livre  qui  méritait  si  bien  de  sortir  du  petit 
cercle  de  lecteurs  en  vue  duquel  il  avait  été  publié  dès  4843. 

Le  troisième  volume  de  M.  Henri  Martin^  ne  nous  impose  pas  les 
réserves  que  nous  avons  dû  ikire  pour  les  deux  premiers.  L'impar- 
tialité est  complète,  les  jugements  sont  fermes  et  élevés,  le  récit  est 
dair  et  rapide,  le  style  simple  et  sain.  11  n'y  a  qu'une  chose  à  repro- 
cher à  M.  Martin  :  c'est  l'absence  complète  de  notes  et  de  renvois  aux 
sources. 

M.  Victor  du  Bled  nous  parait  aussi  en  progrès-,  son  second 
volume^,  où  il  a  resserré  les  treize  dernières  années  d'un  règne 
aux  cinq  premières  duquel  il  avait  consacré  presque  autant  déplace, 
se  rapproche  plus  que  le  premier  du  ton  historique.  En  attendant  sur 
le  gouvernement  de  Juillet  une  histoire  définitive,  digne  d'être  mise 
à  côté  de  VUisiaire  de  la  Restauration  de  M.  de  Viel-Gastel,  on  peut 
lire  avec  confiance  l'abrégé  de  M.  du  Bled.  Il  n'y  a  qu'un  point  sur 
lequel  le  lecteur  devra  être  en  garde  :  prévenu  contre  M.  Thiers  par 
le  rôle  qu'il  a  joué  dans  la  dernière  partie  de  sa  carrière,  l'auteur  ne 
lui  a  pas  assez  rendu  justice,  il  n'a  pas  montré  combien  sa  politique 
s'inspirait  du  sentiment  national,  tandis  que  celle  de  M.  Guizot  se 
renfermait  à  l'excès  dans  les  fictions  constitutionnelles. 

Entre  le  livre  de  M.  du  Bled  et  le  volume  par  lequel  M.  C.  Dareste 
vient  de  terminer  sa  belle  Histoire  de  France,  il  y  a  la  diflerence 
qui  sépare  un  homme  encore  jeune,  abordant  l'histoire  pour  la  pre- 
mière fois  et  y  portant  l'ardeur  de  ses  convictions  politiques,  d'un 
historien  éprouvé,  maître  du  ton  et  des  convenances  du  genre. 
M.  Dareste  ne  s'est  pas  dérobé  à  l'obligation  de  juger  les  hommes  et 
les  événements  qu'il  avait  à  passer  en  revue  de  48U  à  4870,  et  ses 
jugements  sont  modérés  et  justes,  mais  il  s'est  donné  surtout  pour 
l&che  d'exposer.  Les  lecteurs  de  son  histoire  savent  combien  son 
exposition  est  nette,  précise,  ferme.  Elle  parait  seulement  un  peu 
deose,  on  y  souhaiterait  plus  de  légèreté,  plus  d'air.  Cette  impression 
tient  en  partie,  sans  doute,  à  l'absence  de  sommaires,  tant  en  haut 


t.  Histoire  de  France  depuis  1789  jusqu'à  nos  jours.  Tome  UI  :  du  tnité  de 
Gimpo-Formio  à  la  retraite  de  Russie.  1  vol.  iii-8*.  Fume. 
2.  Histoire  de  la  monarchie  de  Juillet,  Deatu. 


428 


BOLLBTIIV  HISTORIQUE. 


des  pages  qu'ea  marge  et  en  tête  des  chapitres.  La  subdivision  des 
livres  par  de  simples  chiffres  qui  ne  s'expliquent  que  par  la  table  des 
matières,  n'accuse  pas  assez  les  différentes  parties  du  récit  et  ne 
soutient  pas  assez  l'attention.  Du  reste,  à  partir  du  règne  de  Louis- 
Philippe,  le  livre  devient  un  simple  sommaire  des  événements. 

Le  livre  de  M.  Zeller*  est  intéressant,  mais  cet  intérêt  il  le  doit 
exclusivement  à  l'importance  des  événements  qu'il  retrace,  aux  émo- 
tions qu'il  réveille.  L'auteur  n'est  pas  au  niveau  de  son  sujet.  De  ce 
sujet,  aussi  fécond  en  leçons  politiques  que  captivant  pour  l'imagi- 
nation, il  n'a  tiré  qu'un  précis  historique  terne  et  superficiel.  Ce 
précis  garde  le  silence  sur  une  foule  de  questions  qui  se  lient  étroi- 
tement à  la  fondation  de  l'unité  italienne.  Ainsi  M.  Zeller  ne  carac- 
térise nulle  part  la  politique  de  la  France  envers  l'Italie,  il  n'essaye 
pas  de  déterminer  d'une  façon  précise  les  chances  du  fédéralisme, 
les  sentiments  que  l'unité  inspirait  aux  différents  peuples  de  la 
Péninsule  et  aux  différentes  classes  de  la  population,  etc.  Xon-seule- 
ment  il  se  borne  à  raconter  des  événements  présents  à  toutes  les 
mémoires,  mais  ces  événements  eux-mêmes,  il  ne  les  juge  pas  avec 
décision  et  netteté,  il  n  en  précise  pas  le  caractère  et  la  portée;  c*est 
habituellement  sous  forme  interrogative  qu*il  présente  ses  appré- 
ciations. Le  style  se  ressent  naturellement  de  ce  qu'il  y  a  de  flottant 
dans  la  pensée  :  il  est  mou  et  traînant. 

G.  FlGMEZ. 


ORIENT. 

RBAXB   DES   PRINCIFArX  OUAIUGES  ET  ARTICLES   RELATIFS 

A   L"ORIK2rr   ANCIEN. 

1, 

En  Êùt  dourra^  embrassant  1  histoire  enlim  de  rancîeii  Orient 
classique,  j^  ne  vois  £uèr^  pour  1  AUema^ne  que  deux  edîUons  nou- 
\Wles  de  Max  Duncier^.  e:  la  lrmiiicUv>D  alkmande  du  livre  de 


iê  rnMhe.  1S4»- 


oRiKirr.  429 

M.  Maspero  avec  des  additions  de  Tauleur  et  du  traducteur,  M.  Richard 
Piestchmann  ^  Il  n'y  a  plus  à  faire  Téloge  de  Thistoire  ancienne  de 
Duncker.  Les  deux  dernières  éditions  ont  été  mises  au  courant  de  la 
science  et  complétées  avec  soin.  Peut-être  serait-on  tenté  d'observer 
que  M.  Duncker  connaît  ce  qui  a  rapport  à  T  Assyrie  mieux  qu'il  ne  con- 
naît ce  qui  a  rapport  à  l'Egypte  :  du  moins  il  semble  ne  pas  avoir  mis 
à  profit  tous  les  petits  mémoires  que  les  égyptologues  ont  publiés  en 
Allemagne,  en  Angleterre,  en  France,  en  Italie,  même  en  Norwège, 
sur  des  points  d'histoire  et  d'archéologie.  Son  ouvrage,  malgré  quel- 
ques lacunes,  n'en  reste  pas  moins  le  meilleur  des  grands  ouvrages 
qu'on  ait  publiés  jusqu'à  présent  sur  l'Orient  ancien. 

11  est  fâcheux  que  M.  Louis  Schiaparelli  n'ait  pas  encore  trouvé  le 
temps  d'achever  sa  Storia  Orientale  Antica^,  Le  premier  volume  de 
la  sixième  édition,  paru  en  4874,  donnait  un  résumé,  très  exact  et 
très  complet  pour  l'époque,  de  tous  les  renseignements  que  nous  four- 
nissent les  auteurs  anciens  et  les  savants  modernes  sur  l'Egypte,  la 
Ghaldée  et  l'Assyrie.  Un  abrégé  du  même  auteur,  publié  à  l'usage 
des  écoles',  n'a  de  parallèle  en  France  que  la  Petite  Histoire  ancienne 
des  peuples  de  FOrient  de  M.  Van  den  Berg*.  Ce  petit  livre,  fait  avec 
le  plus  grand  soin,  renferme  en  quelques  pages  plus  de  matière  que 
bien  des  ouvrages  plus  ambitieux,  V Histoire  ancienne^  de  M.  GatTarel 
par  exemple,  et  mériterait  d'être  introduit  ofOciellement  dans  nos 
lycées.  Je  ne  puis  cependant  m'empêcher  de  regretter  que  l'auteur 

1875,  ix-485  p.;  3ter  B.,  1875,  viii-426  p.;  4ter  B,  t877,  xii-593  p.;  —  Vte 
Anflage,  lier.  Band,  1878,  xyi-493;  2ter  Band,  1878.  xiii-606  p.  * 

1.  G.  Maspero  s  Geschichte  der  Morgenlxndischen  VtBlker  im  Àlterthum, 
nadi  der  2/en  Au/lage  des  Originales  und  unter  Mitwirkung  des  Verf asters 
lUfersetti  von  D*  Richard  Pietschmann ,  mit  einem  Vorworte  von  Prof  essor 
D*  Georg  Ebers,  vollstandigeni  Regisier  und  einer  lithographirten  Karie,  — 
^pzigt  W.  Eogelmann,  1877,  in-8*,  ix-644  p.  —  La  3*  édition  française  de 
l'original  a  paru  en  1878.  Paris,  Hachette. 

2.  Storia  Orientale  Aniica  di  L.  ScMapardliy  Prof  essor  Ordinario  nella  R, 
Vniversità* di  Torino,  Vlta  Edizion,  Vol.  1;  conUene  l'Introduzione,  i  tempi 
primitÎTi,  e  la  storia  degli  Egiziani,  dei  Caldei,  degli  Assiri,  e  dei  Babilonesi. 
1874,  Torino,  Tommaso  Vaccarino.  In-12,  xxiv-472  p. 

3.  Sommario  delta  Storia  Orientale  di  L.  Schiaparelli,  fatto  dall'  autore. 
1874.  Torino,  T.  Vaccarino.  In-12,  150  p. 

4.  Petite  Histoire  ancienne  des  peuples  de  VOrieni,  Égyptiens^  Assyriens  et 
Babyloniens,  Mèdts  et  Perses,  Phéniciens,  par  Van  den  Berg,  ancien  élèTe  de 
l'Ecole  normale  supérieure,  professeur  d'histoire  et  de  géographie.  Ouvrage  rédigé 
d'après  les  découvertes  les  plus  récentes  et  avec  l'indication  des  sources,  et 
conteoant  4  cartes  et  24  vignettes.  Paris,  Hachette,  1878.  In-16,  224  p. 

5.  Histoire  ancienne  des  peuples  de  l'Orient  jusqu'au  premier  siècle  avant 
notre  ère,  par  Paul  Gaffarel,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Dijon.  Paris, 
A.  Lmerre,  1876.  In-16,  450  p. 

ReV.    HiSTOR.    XI.    U'  FA8C.  9 


430  BULLETIN  HISTORIQUE. 

ait  cru  devoir  préférer  à  l'ordre  synchronique  des  Cdts  accomplis 
dans  les  difTérents  états  orientaux,  Tordre  successif,  racontant  d*abord 
rhistoire  de  TËgypte,  puis  celle  de  TAssyrie  et  de  la  Babylonie,  puis 
celle  de  la  Médie  et  de  la  Perse ,  et  terminant  par  la  Pbénide.  De 
toutes  les  autres  Histoires  de  TOrient  dont  on  se  sert  dans  les  lycées 
et  collèges,  une  seule  a  été  jusqu'à  présent  mise  à  peu  près  au  cou- 
rant des  connaissances  actuelles,  celle  de  Dottain  *.  Le  reste  en  est 
encore  à  Hérodote  et  à  Diodore. 

Je  n'indiquerai  que  pour  mémoire  une  brochure  écrite  en  finnois 
de  M.  E.  A.  Strandman  sur  les  derniers  résultats  des  recherches  faites 
en  Eg^-pte  et  en  Chaldée^.  M.  Valdemar  Schmidt,  dans  son  Histoire 
ancienne  de  VAssffrie  et  de  tÉgypte\  a  fort  habilement  résumé  le 
résultat  de  ses  propres  recherches  et  des  travaux  de  ses  prédéces- 
seurs. Son  livre  n'est  pas  tout-à-foit  un  livre  de  science  ;  il  n'est  pas 
non  plus  tout<^-fait  un  livre  de  vulgarisation,  car  il  renferme  une 
forte  proportion  de  caractères  cunéiformes  et  d'hiéroglyphes.  Il 
n'est  pas  non  plus  fort  bien  composé  et  se  trouve  alourdi  par  lln- 
sertion  presque  littérale  d'un  autre  ouvrage  4u  même  auteur  sur  la 
Syrie  ^.  Enfin,  le  second  volume,  paru  six  ans  après  le  premier,  a  si 
longtemps  attendu  Timpression  qu^une  partie  des  matériaux  qu'il 
renferme  était  déjà  insuffisante  au  moment  de  la  publication.  Telle 
qu'elle  est,  Ihistoire  de  M.  Waldemar  Schmidt  est  très  estimable  et 
aurait  rendu  un  véritable  service  à  la  science,  si  elle  avait  été  écrite 
dans  une  langue  plus  répandue  que  le  danois. 

M.  Valdemar  Schmidt  est  à  la  fois  ass}Tiolagiie  et  égypUriogoe  : 
M.  Tabbé  Vigouroux  n*est  ni  Tun  ni  Tautre^  oomme  on  s'en  aperçoit 
bien  vile  en  lisant  ses  tnns  volumes  sur  Lm  BMe  et  les  découvertes 
wuKtemes^,  Les  monuments  n'y  ont  pas  été  éiudiês  directement. 


t.  Prvctt  é'kiamre  mncéemMe^  rtttàfé  eÊmftnmhmemS  a  ^r«ffit«»<  de  1874, 
è  fttjafr  ée  U  eUsap  4e  tucieme,  fiw  K.  DôtUàk  frofessKmr  é^isloirt  m  lyeèt 
4t  TtrsttUes..  ^  fditîoi.  rrrw  et  «^^Matoe.  Fim,  DdftUàk  1S7T.  Im-lt,  \9t  p. 

t.  ICwsJraNMDi  sitjr  jMlktsis  «sidWmjrjr,  fêiU  ^ifc,%uwl  Itrma^irm  kirféBê- 
stmétSM  nteM».iS«a  Tt^htMi  .ut  Bat  -toM  Moufen  frmsf  AufmM 
Hc.  H<««àicfor<k  y  C.  PraKàfiln  >&  IV9M  hNM.  t$?^  1»4\  ^  f. 

^  ViM(«Mr  $cà»»AU  j|«qprm  i»f  .ë:pfffens  p7mie  BàsUne^  erter  éem 

i«t<KY  H  V  oMir«»  if  1  «^^T^.  —  \iiAm  p«L  tsrr.  stx Joe  p..  p*»  ^  pu  bob 

— ttilif  àt  xMfS'  fymfkiNmÀqmts^ 

JS^TW  9t$itm  9  Cêâttétm  ,mtÀ  %  K^«t ..  le  1  at  «t  («Crr  W  imr  fan  seil 
^.  Là  9lMf  te  k$  ât^^tmm''ifs  i»A«tf*^«^  r»  tpfit'»  f  eit  Âssfrêi,  par  F  Tîpoe- 


ORIENT.  i  34 

l'auteur  a  dû  se  borner  à  reproduire  l'interprétation  qu'en  ont  donnée 
les  savants  spéciaux.  C'est  là  toujours  une  opération  dangereuse  :  on 
est  exposé  à  passer  à  côté  du  vrai  et  à  ne  prendre  que  le  faux  ou  le 
douteux.  M.  l'abbé  Vigouroux  s'est  acquitté  fort  habilement  de  sa 
tâche  et  a  su  faire  le  choix  de  ses  autorités  avec  beaucoup  de  discer- 
nement. Son  livre  aurait  peut-être  plus  d'autorité  si  le  ton  apologé- 
tique n'y  dominait  pas  trop  ouvertement.  La  plupart  des  articles 
qu'il  renferme  avaient  déjà  paru  dans  la  Revue  des  questions  histo- 
riques^ et  l'auteur  a  déjà  inséré  dans  la  même  revue  de  quoi  ajou- 
ter un  volume  nouveau  aux  volumes  précédents  ^  Le  dictionnaire 
archaïque  de  M.  Cooper  donne  sous  une  forme  brève  un  grand 
nombre  de  notices  sur  les  différents  noms  d'hommes,  de  peuples  et  de 
dieux  qu'on  a  déchifilrés  sur  les  monuments  hiéroglyphiques  et  cunéi- 
formes*; il  est  fâcheux  qu'on  y  trouve,  au  milieu  de  beaucoup  de 
bonnes  choses,  un  certain  nombre  d'erreurs  assez  graves. 

n. 

L'activité  a  été  grande  depuis  deux  ans  dans  le  camp  des  égypto- 
logues.  En  Angleterre,  les  Records  of  the  Past^  et  les  Transactions 
of  the  Society  of  Biblical  Archœology  *,  en  France  les  Mélanges 

roax,  prêtre  de  Saint-Sulpice,  avec  des  illustrations  d'après  les  monuments  par 
M.  l'abbé  DouiUard,  architecte;  précédé  d'une  lettre  de  Mgr  l'éyéque  de  Rodez. 
Paris,  Perche  et  Tralin,  1877.  In-J2,  t.  I,  396  p.;  t.  II,  476  p.;  t.  III,  1879. 

1.  Cfr.  Revue  des  Questions  historiques,  ayril  1879. 

2.  An  Archaic  Diciionary  :  Biographical,  historicalf  and  mythological ; 
from  the  Egyptian,  Assyrien  and  Etruscan  Monuments  and  PapyH,  by  W.  R. 
Cooper.  London,  Bagster,  1876.  In-8%  xvi-668  p. 

3.  Records  of  the  Past,  being  English  translations  of  the  Assyrian  and 
Egyptian  monuments.  Publisbed  under  the  sanction  of  the  Society  of  Biblical 
Archaology.  —  Egyptian  Texts  :  Vol.  VIII,  nov.  1876,  ii- 168  p.,  plus  2p.de  table 
ao  commencement  du  volume;  vol.  X,  1878,  ii-172  p.,  plus  les  2  p.  de  table. 
I11-I2.  London,  Samuel  Bagster  et  Sons. 

4.  Transactions  of  the  Society  of  the  Biblical  Archxology.  T.  IV,  2d  part, 
Dccember,  1875,  203-415  p.;  t.  V,  Ist  part,  June  1876,  317  p.,  avec  15  pl.  et  un 
spécimen  d'étoffe  de  momie,  plus  3  p.  non  numérotées  de  membres  nouveaux  et 
le  Catalogue  of  the  Library  of  the  Society  of  the  Biblical  Archxology,  Lon- 
don, Harrison  et  Sons,  1876,  xv-109  p.;  t.  V,  2d  part,  June  1877,  avec  six  pl., 
nr-3t9-597  p.,  i-xxiv  p.  de  listes  et  catalogue,  et  2  p.  de  nouveaux  membres 
Doo  numérotées:  t.  VI,  Ist  part,  January  1878,  iy-304  p.  London,  in-8*.  Publié 
jasqa'en  1877  chez  Longmans,  Green,  Reader  et  Dyer;  depuis  1878,  à  l'office  de 
U  Société,  33,  Bloomsbury  Square.  Depuis  1878  les  comptes-rendus  des  séances, 
publiés  d'abord  à  la  fin  des  volumes,  ont  été  publiés  séparément  jusqu'en  juillet 
1878  eo  s^ps,  mal  commodes  pour  la  reliure,  depuis  le  5  novembre  1878  en 
bulletins  mensuels  de  même  format  que  les  Transactions,  sous  le  titre  Procee- 


432  BULLETIN  HISTORIQUE. 

(T archéologie  Egyptienne  et  Assyrienne^  et  le  Recueil  de  travaux 
relatifs  à  l'Egypte  et  à  P Assyrie^,  la  Bévue  archéologique  et  le  Jour» 
nal  asiatique^  en  AUemagae,  la  Zeitschrifï  fUr  jEgyptische  Sprache 
und  AUerthumskunde^  el  la  Zeitschrifï  derD.  Morgenl.  Gesellschafftf 
ont  publié  un  grand  nombre  de  mémoires  relatifs  à  Tantiquité  égyp- 
tienne. Chaque  partie  de  l'histoire  d'Egypte  a  été  étudiée  tour  à  tour 
et  a  fourni  la  matière  de  diverses  monographies  qui  ne  sont  pas 
toutes  intéressantes  au  même  degré. 

L'ancien  et  le  moyen  empire  ont  peu  fourni  relativement.  Cepen- 
dant le  double  calendrier  du  papyrus  médical  Ebers  a  servi  de  texte 
à  plusieurs  auteurs.  Il  s'agissait  de  déchiffrer  le  nom  d'un  roi  de 
l'ancien  empire  dont  ce  calendrier  donne  une  double  date  de  l'an  IX  : 
M.  Lepsius  avait  proposé  la  lecture  Kerpherês^  à  laquelle  M.  Edouard 
Naville  arrivait  aussi  par  des  moyens  différents^,  M.  Dûmichen  la 
lecture  Bicheris^.  M.  Chabas  a  montré  sans  réplique  qu'il  fallait  lire 
Menkeri,  soit  le  nom  du  Mykérinos  d'Hérodote,  du  roi  qui  construisit 
la  troisième  des  grandes  pyramides^.  II  n'a  pas  été  aussi  heureux 
quand  il  a  placé  la  double  date  qui  s'attache  à  ce  roi  dans  la  troisième 


dings  of  ihe  Society  of  BiUical  Archxology.  Ont  paru  jusqu'à  présent  huit 
bulletins  formant  46  p.  numérotées  au  bas  des  pages,  avec  4  pages  non  numé- 
rotées de  titre  et  de  table,  et  le  Secretary's  Report  for  ihe  year,  1878,  6  p. 

t.  Mélanges  d'archéologie  égyptienne  et  assyrienne*  Paris,  Franck,  1877- 
1878,  t.  III,  t-160  p.  et  12  pi. 

2.  Recueil  de  travaux  relatifs  à  la  philologie  et  à  l'archéologie  égyptiennes 
et  assyriennes.  Paris,  Franck,  in-4*.  Vol.  I,  Ut.  2,  1877,  p.  47-88  et  7  planches; 
liv.  3,  1879,  p.  89-132. 

3.  Zeitschrifï  fUr  jEgyptische  Sprache  und  Alterthumskunde,  herausgegdben 
Ton  C.  R.  Lepsius  zu  Berlin ,  unter  Mitwirkung  von  H.  Brugsch.  Leipzig,  J.-C. 
Hinrichs,  1876,  in-4^  T.  XIV,  148  p.  et  2  pi.;  t.  XV,  1877  (à  partir  de  ce  moment 
en  cahiers  trimestriels  munis  chacun  d'un  titre  et  d'une  table),  159  p.  et  2  pi.; 
t.  XVI,  1878,  116  p.  et  8  pi.;  t.  XVlI,  1879,  deux  fascicules  parus. 

4.  U^>er  den  Kalender  des  Papyrus  Ebers  und  die  GeschichiUehkeit  der 
xltesten  Nachrichten,  Zbits.  i£.,  1875,  p.  145-157. 

5.  Le  cartouche  du  Papyrus  Ebers,  Zeits.  M.,  1876,  p.  111-114. 

6.  Die  erste  bisjetzt  aufgefwidene  sichere  Angabe  ueber  die  Regierungsiêit 
eines  xgyptischen  Kcenigs  aus  dem  alten  Reich,  welche  uns  durch  den  medi- 
cinischen  Papyrus  Ebers  ueberliefert  wird.  Ton  J.  Diimichen,  Professor  der 
^yptologie  an  der  Universitœt  Strassburg.  Mit  dem  Ton  Prof.  Ebers  herges- 
tellten  genauen  Facsimile  der  kalendarischen  Notiz  au  f  dem  Ruecken  des  Papyrus 
Ebers.  Leipzig,  Engelraann,  1874,  in-8«,  32  p.  et  1  pi. 

7.  Détermination  d'une  date  certaine  dans  le  règne  d'un  roi  de  Vanden 
empire  en  Egypte,  par  Fr.  Chabas.  Extrait  des  Mémoires  présentés  par  diTert 
saTants  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  Paris,  Imprimerie  Nationale, 
1877,  m-4*;  cfr.  Comptes-rendus  de  l'Académie  des  inscriptions,  1877» 
p.  140-141. 


ORIENT.  4  33 

période  sothiaque  avant  noire  ère,  vers  Tan  3040-3007.  Le  chiffre  des 
années  de  règne  et  le  nombre  des  rois  connus  des  dynasties  qui  sépa- 
rent la  quatrième  dynastie  de  la  dix-huitième  nous  forcent  à  reporter 
Hykérinos  à  une  période  sothiaque  entière  plus  haut,  soit  vers 
Tan  4470-4467.  Cette  date,  qu'on  peut  considérer  comme  exacte  à  une 
dizaine  d'années  près,  est  la  première  date  fixe  qu'on  connaisse 
jusqu'à  présent  pendant  toute  la  durée  du  haut  empire  égyptien. 
M.  Krall,  étudiant  les  documents  relatifs  à  la  vi*  dynastie, 
conclut  avec  Mariette,  que  l'intervalle  entre  celte  dynastie  et 
la  xii^  a  été  rempli  par  l'invasion  d'un  peuple  barbare  venu 
d'Asie,  comme  plus  tard  les  Hyksos  ^  :  je  ne  vois  rien  dans  les 
documents  jusqu'à  présent  publiés  qui  justifie  cette  hypothèse. 
M.  Maspero,  dans  la  première  partie  d'un  mémoire  sur  les  inscrip- 
tions de  Hammamât,  a  traduit  les  proscynèmes  et  les  grafSti 
tracés  sur  les  rochers  de  celte  vallée  par  les  ingénieurs  que  les  rois 
de  la  V*,  de  la  ti*  et  de  la  xi*  dynastie  y  avaient  envoyés  chercher  les 
Mocs  de  granit  nécessaires  à  la  construction  de  leur  tombeau^;  il 
a  donné  également  la  traduction  de  différentes  stèles  de  la  xii*  dynas- 
tie', montré  que  le  désert  libyen  était  probablement  dès  lors  habité 
par  des  tribus  de  langue  berbère^,  et  indiqué  le  profit  que  les  artistes 
gréco-romains  avaient  pu  tirer  des  peintures  des  plus  vieux  tom- 
beaux égyptiens'.  M.  Ledrain  a  raconté,  d'après  ses  propres  tra- 
vaux et  les  notes  prises  au  cours  d'Égyptien  du  collège  de  France, 
ce  qu'était  la  vie  d'un  grand  seigneur  féodal  au  temps  des  premières 
dynasties  thébames^  Joignez  à  cela  différentes  traductions  sans 
commentaire,  celle  de  l'inscription  de  Beka  par  Ghabas^,  celle  de 

1.  Die  Yorlxufer  des  Hyksos,  tod  J.  Kral],  Zbit.  JE.,  \S79,  p.  34-36. 

2.  Les  monuments  égyptiens  de  la  vallée  de  Hammamât,  par  G.  Maspero. 
I.  Anden  et  moyen  empire.  Extrait  de  la  Revue  orientale,  1877,  p.  327-341,  in*8*. 

3.  The  stèle  C  14  ofthe  Louvre  by  G.  Maspero,  dans  les  Transactions,  toI.  V, 
part  2,  1877,  p.  555-562;  reprinted  from  the  Transactions,  etc.,  in- 12,  8  p.— 
Sur  une  stèle  du  mvisée  de  Boulaq,  dans  le  compte-rendu  du  quatrième  congés 
des  orientalistes  de  Florence  (sous  presse). 

4.  On  the  name  of  an  Egyptian  dog,  by  G.  Maspero,  dans  les  Transactions, 
Toi.  V,  part  1,  1876,  p.  127-128. 

5.  Les  peintures  des  tombeaux  égyptiens  et  la  mosaïque  de  Palestrine,  par 
M.  G.  Maspero.  Extrait  des  Mélanges  publiés  par  l'École  des  hautes  éludes. 
Paris,  Imprimerie  Nationale,  1878,  in-8%  p.  45-50.  Reproduit  ayec  figures  dans  la 
GazeUe  archéologique,  1879,  p.  77-84. 

6.  Un  grand  seigneur  féodal  dans  la  Moyenne-Egypte  dix  siècles  environ 
avani  Moïse,  par  E.  Ledrain,  prêtre  de  l'Oratoire.  Paris,  Maisonneuve,  1876, 
ii-S',  24  p.  Extrait  du  Contemporain  du  1*'  avril  1876. 

7.  Naliee  sur  une  stèle  égyptienne  du  Musée  de  Turin,  par  Fr.  Cbabas,  dans 
les  Trantaetiions,  toI.  V,  part  2;  p.  459-474. 


434  BULLETIN  HISTORIQUE. 

rinscription  de  Tan  50  du  roi  Montouhotpou  par  Fr.  Rossi\  et 
rinterprétation  ingénieuse  qu'a  donnée  M.  Ed.  NaviUe  de  deux 
monuments  du  musée  de  Marseille,  Tun  consacré  à  célébrer  les 
mérites  d^un  fonctionnaire  de  la  xiii*  dynastie  qui  vivait  dans  le 
Fayoum^,  Tautre  à  perpétuer  sous  la  xx*  dynastie  le  culte  du  roi 
Teta  de  la  vi*3.  Sur  la  période  obscure  qui  sépare  la  xiii*  de  la 
xYin""  dynastie,  je  ne  vois  guère  à  signaler  que  la  note  de  M.  Fr. 
Lenormant  relative  à  un  firagment  de  statue  conservé  à  Rome,  dont 
le  type  rappelle  de  fort  près  le  type  des  rois  Pasteurs,  découverts  à 
Sân^,  et  rheureuse  observation  de  M.  Erman  qui  montre  dans  le  car- 
touche du  Pap.  Sallier  I,  4/7  un  titre  et  non  le  nom  d'un  roi  pas- 
teur^. 

La  grande  époque  thébaine  a  été,  comme  toujours,  Tobjet  d*un 
bon  nombre  de  travaux.  H  convient  de  citer  en  première  ligne  This- 
toire  des  six  premiers  souverains  de  la  x?iii«  dynastie  par  M.  Alfred 
Wiedemann,  un  débutant  en  égyptologie^.  C'est  un  ouvrage  dont  la 
forme  n^a  rien  d'attrayant,  mais  dont  le  fonds  est  d'une  incontestable 
utilité.  M.  Wiedemann  a  dressé  l'inventaire  de  tous* les  monuments 
des  six  premiers  souverains  de  la  xviii^  dynastie  qui  sont  connus 
jusqu'à  présent  soit  en  Europe,  soit  en  Egypte,  et  la  bibliographie 
des  mémoires  qu'a  suggérés  l'étude  de  ces  monuments.  U  n'y  a  guère 
que  quelques  légères  erreurs  à  signaler  çà  et  là  :  l'ouvrage  est  indis- 
pensable à  tout  historien  de  l'antiquité.  Des  deux  premiers  rois  de  la 
xviii*  dynastie,  Ahmos  I  et  Amenhotpou  l*',  on  n'a  trouvé  rien  à  dire 

1.  Illtutrazione  di  una  stela  funeraria  delV  XI  DinasUa  M  Museo  di 
TorinOj  Memoria  di  Fr.  Rossi.  Estratto  degli  AiH  delta  ReaU  Accademia  deUe 
Scienze  di  Torino,  toI.  Xill.  Stamperia  Reale  di  Torino,  1878,  in-8%  22  p.  et 
2  tay.  Le  même  monument  ayait  déjà  été  publié  et  traduit  par  Orcurti  :  DU- 
corso  suUa  Stotia  ddV  Ermeneutica  Egizia  accompagnato  da  una  irUerpreUir 
zione  ragionaia  di  alcuni  Monnmenti  del  professore  Pier  Camillo  OrcurtL 
Estratto  dalle  Memorie  délia  Reale  Accademia  deUe  Scienze  di  Torino,  classe 
di  Scienze  mor.  stor.  e  filolog.,  série  2,  tom.  XX.  Stamperia  Reale  di  Torioo, 
1860,  in^*,  43  p.  e  3  Ut. 

2.  Dans  le  Recueil^  t.  1,  3*  fasc 

3.  Le  roi  Teta  Merenphiah,  par  Ed.  Narille,  aTec  1  planche,  dans  la  Zbits. 
2E0.,  1878,  p.  69-72 

4.  Frammento  di  statua  di  uno  dei  pastori  di  Egitlo.  Memoria  di  Fr.  Lenor- 
mant (con  tayola  in  fototipia).  Estratto  del  BuUelino  ddla  ComnUssione  ardi. 
communale  di  Roma,  anno  V,  série  II,  Gennajo-Giugno.  Roma,  coi  tipi  del 
Salriucci,  1877,  15  p. 

5.  Dans  un  article  intitulé  :  Varia,  de  la  Zbitsghr.  iEo.,  1877,  p.  27. 

6.  Geschichle  der  acMzehnten  jEgjptischen  Dynastie  (fis  zum  Tode  Tuâmes  IIl, 
Ton  Alfred  Wiedemann.  Leipzig,  G.  Kreysing ,  s.  d.,  76  p.  in-8*.  —  Separatib- 
druck  aus  der  Zeitschrift  der  Deutschen  Morgenlœndischeo  Gesellschafl, 
Bd.  ixxi. 


ORIENT.  435 

de  nouveau  \  Thoutmos  P'  a  élé  étudié  par  M.  Mariette  en  ce  qui 
concerne  la  part  quMl  prit  à  la  construction  des  monuments  de 
Karnak  et  les  liens  de  famille  qui  le  rattachent  à  ses  successeurs  *,  et 
par  M.  Maspero  en  ce  qui  concerne  la  part  qu'il  prit  à  la  reconstruc- 
tion du  temple  d'Osiris  à  Abydos^.  Les  tableaux  du  temple  de  Déir- 
el-Bahar!  ont  fourni  à  M.  Mariette  la  matière  d'un  bel  ouvrage  où 
il  a  avancé  que  le  nom  de  Pount  appliqué  exclusivement  à  T Arabie 
devait  être  reporté  sur  la  côte  d'Afrique  au  pays  des  SomâP.  M.  Mas- 
pero, reprenant  la  discussion  et  rétendant  à  toutes  les  expéditions 
maritimes  des  Égyptiens  connues  jusqu'à  présent,  a  montré  que  les 
peintures  du  temple  représentent  non  pas  une  guerre  navale,  mais 
un  voyage  de  découvertes  entrepris  par  cinq  vaisseaux*.  Un  monu- 
ment trouvé  par  M.  Ascherson  au  désert,  près  d'El-Eyoun,  dans 
la  petite  Oasis,  et  portant  le  nom  de  Thoutmos  U,  prouve  que  cette 
Oasis  était  dès  lors  sous  la  domination  égyptienne^.  Le  règne  de 
Thoutmos  m  a  inspiré  plus  d'un  mémoire  intéressant,  à  M.  Birch, 
sur  l'inscription  de  Nibouaiou,  grand-prêtre  d'Osiris  à  Abydos®,  et 
sur  les  estampages  du  tombeau  de  Rokhmirl  acquis  par  le  British 
Muséum  à  la  vente  de  M.  Hay^-,  à  M.  Brugsch  sur  le  grand-prêtre 
Amenhotpou  qui  joua  un  grand  rôle  en  Egypte  du  temps  de  Thout- 
mos III  et  d'Amenhotpou  III®;  à  MM.  Chabas  et  G.  Ebers  sur  le 
monument  biographique  de  cet  Amonemhib  qui  fit  toutes  les  cam- 
pagnes de  Thoutmos  III  et  une  partie  de  celle  d'Amenhotpou  11^;  à 
M.  Maspero  sur  le  conte  où  il  est  question  de  la  prise  de  Joppé  par  un 
officier  égyptien  ^^.  Les  grandes  fouilles  de  Karnak  et  surtout  la  décou- 

1.  Dans  le  texte  de  son  ouvrage  sur  Déir-^-Bahari,  p.  35  sqq. 

2.  Revue  crUiquey  1877,  t.  I,  p.  362-363. 

3.  Detr-el-Baharf,  Documents  topographiques,  historiques  et  ethnographiques 
recueillis  dans  ce  temple  pendant  tes  fouilles ,  par  A.  Mariette  Bey.  Leipzig, 
J.  C.  Hinrichs,  1877.  Planches  in-folio,  16  pi.  Texte  in-4*,  40  p. 

4.  De  quelques  navigations  des  Égyptiens  sur  les  côtes  de  la  mer  Erythrée, 
par  G.  Maspero.  Paris,  1878,  in-8*,  32  p.  Extrait  de  la  Revue  historique,  1879, 
D*  de  janvier. 

5.  NoUt,  dans  la  Zaïrs.  JEo,,  1876,  p.  120. 

6.  Tablet  ofthe  reign  of  Thotmes  JII,  by  Sam.  Birch,  dans  la  Zbits.  Mq., 
1876,  p.  4-7. 

7.  Dans  TarUcle  intitulé  :  Varia,  Zbits.  i£o.,  1877,  p.  31-34. 

8.  Noch  einmal  Amenhotep,  der  Sohn  des  Hapu  dans  la  Zbits.  iEo.,  1876, 
^  96-101. 

9.  Dos  Grab  und  die  Biographie  des  Feldhauptman  Amen-em-heb,  Ton 
Georg  Ebers  (mit  3  Taf)  dans  la  Z.  D.  D.  M.  G.,  Ed.  xzx,  p.  391-416,  Ed.  xxxi, 
439-470,  et  Comptes^endus  de  l'Académie  des  inscriptions  ei  bétles-leUres, 
1873,  p.  155-169,  reproduit  a^ec  quelques  modifications  dans  Mélanges  égypto- 
logiques,  III*  série,  t  II,  p.  279-306. 

10.  Comment  ThoutU  prit  la  ville  de  Joppé^  dans  le  Journal  asiatique,  1878, 
et  dans  Études  égyptiennes,  t.  I,  p.  49-72. 


436  BULLETIN   HISTORIQUE. 

verte  des  listes  géographiques  ont  permis  à  M.  Mariette  d'essayer 
de  reconstruire  la  carte  géographique  du  monde  ancien  vers  le  (Ûx- 
huitième  siècle  avant  notre  ère^  Je  ne  parlerai  pas  des  hypothèses 
aventureuses  que  M.  Daniel  Haigh  a  cru  devoir  émettre  sur  le  même 
sujet^  ;  dans  mon  opinion,  les  résultats  auxquels  M.  Mariette  était 
arrivé  n'ont  guère  été  modifiés  que  sur  des  points  de  détail,  par 
M.  Nœideke,  au  sujet  de  l'emplacement  de  la  ville  de  Tounipi', 
par  M.  Lieblein ,  dans  son  mémoire  sur  les  Rhitti  ^,  par  M.  Mas- 
pero,  pour  le  groupe  de  villes  cananéennes  qui  environnent  le 
KarmeP.  Pour  les  rois  suivants,  après  la  traduction  donnée  par 
M.  Maspero  de  la  stèle  mutilée  de  Karnak  où  Amenhotpou  II  racon- 
tait  ses  guerres  en  Syrie  ^,  et  celle  donnée  par  M.  Brugsch  de  la 
stèle  où  Thoutmos  IV  racontait  l'apparition  qu'il  eut  du  grand 
Sphinx,  pendant  son  sommeiF,  je  citerai  sur  Amenhotpou  m  le 
scarabée  historique,  publié  par  M.  LudwigStem^,  et  celui  qu'a  com- 
menté M.  Kminek-Szedlo^,  et  sur  Harmhabi,  qu'on  s^obstîne  à  vou- 
loir appeler  Horus  tout  court,  les  études  de  Birch^®,  de  Brugsch'*,  et 
d'Edouard  MeyeH*. 
La  xix^  dynastie  a  été  relativement  négligée  par  les  égyptologues. 

1 .  Les  lûtes  géographiques  des  Pylônes  de  Karnak  comprenant  la  Palestine, 
l'Eihiopiey  le  pays  des  Somâl,  par  Auguste  Mariette-Bey.  Ouvrage  publié  sous 
les  auspices  de  Son  Altesse  Ismaîl,  khédive  d'Egypte.  1875.  Leipzig,  J.-G.  Hein- 
richs.  Texte  in-4*,  66  p.  et  une  table  ;  atlas  in-folio  de  6  cartes. 

2.  On  the  Shasurpeopte,  by  Daniel  Hy.  Haigh,  dans  la  Zktts.  M.,  1876, 
p.  52-57. 

3.  Tunip  und  Charbu,  Yon  Th.  Nœldeke,  1876,  p.  10-11. 

4.  Étude  sur  les  Xétas,  par  J.  Lieblein,  dans  les  Travaux  de  la  troisième 
session  du  Congrès  international  des  orientalistes,  Saint-Pétersbourg,  t.  U, 
p.  345-364. 

5.  Pioles  sur  différents  points  de  grammaire  et  d'histoire,  dans  la  Zbits.  M., 
1879,  p.  54-55. 

6.  Id,,  Wid.,  p.  55-58. 

7.  Der  Traum  von  Kœnigs  Thutmes  IV  bei  der  Sphinx,  von  H.  Brugsch, 
dans  la  Zetts.  JE.,  1876,  p.  89-95. 

8.  Dans  une  note  du  très  remarquable  mémoire  intitulé  :  Hieroglyphiseh' 
Koptisches,  Zbitsch.  ^Eo.,  1877,  p.  87,  note  2. 

9.  Prolusione  al  Corso  libero  di  Egiitologia  nella  R.  Università  di  Bologna 
[letta  il  22  novembre  1878)  e  Lezione  sopra  gli  scarabei  di  Amenofi  III  e  di 
Ramesse  III  del  Museo  civico  di  Bologna,  letta  il  28  febbraio  1879,  da  Gio- 
Tanni  Kminek-Szedlo,  docente  libero  di  Egittologia  nella  Regia  Università  di 
Bologna.  Bologna,  Monte,  1879,  32  p.  et  1  pi.  Les  scarabées  de  Ramsès  III  du 
musée  de  Bologne  sont  faux. 

10.  Inscription  of  Horemhebi  on  a  statue  at  Turin,  by  S.  Birch,  LL.  D.,  etc., 
dans  les  Transactions,  t.  III,  486-495. 

11.  Dans  un  article  intitulé  :  Die  Gruppe  mdn,  Zxits.  iEo.,  1877,  p.  122,  123. 

12.  Die  stèle  des  Hor  em  héb,  von  D'  Ed.  Meyer,  dans  la  Zjuts.  iEo.,  1877, 
p.  148-157. 


ORiBirr.  437 

M.  Pleyte  a  écrit  en  hollandais  sur  la  campagne  de  Ramsès  II  contre 
les  Kliitti  un  mémoire  que  peu  de  personnes  connaissent,  et  qui  est 
fort  intéressant  quand  on  a  le  courage  d'en  affronter  la  lecture  dans 
la  langue  originale  *.  M.  Lincke  a  fait  connaître  les  correspondances 
de  scribes  du  papyrus  de  Bologne^,  et  M.  Widemann  celles  du  papyrus 
Kœller^.  M.  Erman  a  traduit  et  commenté;  après  M.  Ghabas,  le 
curieux  fragment  où  sont  conservés  les  noms  moitié  sémitiques, 
moitié  égyptiens,  d'une  partie  des  ofTiciers  en  garnison  à  Gaza,  au 
début  du  règne  de  Ménephtah^.  La  controverse  classique  au  sujet  du 
séjour  des  Hébreux  et  de  leur  sortie  d'Egypte  continué  sans  grande 
variété.  M.  Lauth,  reprenant  une  thèse  déjà  posée  par  lui  douze  ans 
auparavant,  s'est  efforcé  de  découvrir  Moïse  et  sa  famille  sur  une 
stèle  du  Sérapéum  conservée  à  Paris  '.  M.  Naville  ^  a  résumé 
la  question  en  se  plaçant  dans  l'hypothèse  de  Ghabas,  non  acceptée 
par  MM.  Brugsch^  et  Maspero^,  que  les  Aperou  des  monuments 
seraient  les  Hébreux  \  M.  Maspero  a  contesté  l'identifîcation  proposée 
par  M.  Brugsch  de  la  Ramsès  biblique  avec  Tanis^  et  M.  Brugsch  a 
défendu  cette  identification  sans  apporter  aucun  argument  nouveau*^. 

1.  De  Veldtlag  van  Ramsès  den  Groote  tegen  de  Cheta^  iii-8*,  24  p.  et  une 
carie,  s.  I.  n.  d.  Je  crois,  sans  en  être  certain,  que  c'est  l'extrait  d'un  journal. 

2.  Conespondenzen  atu  der  Zeit  der  Bamessideny  Zwei  Oieraiische  Papyri 
des  Mtuseo  civieo  zu  Bologna,  herausgegeben  von  Arthur  Lincke.  Leipzig, 
Gietecke  und  Décrient,  1878/  in-folio,  5  p.  et  15  taf.  —  Beitrage  zur  Kenntr- 
mtu  der  Altxgypiischen  Briefliieratur,  Yon  Arthur  Lincke.  Leipzig,  Breitkopf 
niid  Hœrtel,  1879,  in-8*,  44  p. 

3.  Dans  VouTrage  intitulé  :  ilieratische  Texte  aus  den  Museen  zu  Berlin  und 
Paris,  in  Facsimile  mit  Uebersetzung  und  sacklichem  Commeniar,  herausge- 
geben  von  IV  Alfred  Wiedemann.  Leipzig,  Barth,  1879,  in-4%  23  p.  et  xv  pi. 

4.  Tagebuch  eines  Grenzbeamtenf  von  A.  Erman  dans  la  Zbits.  Mo,,  1879, 
p.  29-32.  M.  Erman  parait  ne  pas  aToir  connu  la  publication  de  M.  Chabas  : 
Bêeherches  pour  servir  à  Vhistoire  de  la  XIX'  dyncutie,  1872,  où  le  même 
docoroent  est  commenté  tout  au  long. 

5.  Moses-'HosarsyphosSali^hus,  Lévites- A' haron,  flrater,  Ziphorah-Deba" 
Tiah,  Conjux,  Mériam-Belletf  soror^  Elisheba^EHzebatf  fratria,  Ex  monumento 
iaferioris  iEgypti  per  ipAum  Mosen  abhinc  annos  mmmgd  dedicato  nunc  primum 
in  luoem  protraxit  Franc.-Jos. -Lauth,  D'  prof.  Acad.  Conserrator,  cum  tabulis 
doibof  et  ano  pbotograromate.  Argentorati,  apud  G.  J.  Truebner,  mdgoglxxix. 
Id-4*,  248  p.  autographiées. 

6.  Les  Israélites  en  Egypte,  dans  la  Revue  chrétienne.  Paris,  1878,  nouTcUe 
série,  t.  IV,  p.  61-82. 

7.  Dans  Tarticle  déjà  cité,  Die  gruppe  mân,  Zirra.  iEo.,  1877,  p.  t30-i31  et 
dans  son  Histoire. 

8.  Dans  on  mémoire  lu  à  l'Institut  en  1873  et  resté  inédit. 

9.  Sur  deux  monuments  nouveaux  du  règne  de  Ramsès  IL  Extrait  de  la 
ànuê  archéologique  (1877,  I),  in-8%  7  p. 

10.  Dans  son  Dictionnaire  géographique,  s.  v.  ZAL,  p.  992-997. 


138  BULLETIN  HISTOEIQUK. 

La  publication  par  le  British  Muséum  du  grand  papyrus  Harris  n^a 
pas  produit  pour  Tétude  tout  ce  qu'on  était  en  droit  d'en  attendre. 
Sauf  la  traduction,  sans  commentaire,  de  MM.  Birchet  Eisenlob^^ 
rien  n'a  paru  sur  ce  document  important  du  règne  de  Ramsès  m. 
La  XX'  dynastie  n'a  du  reste  été  étudiée  que  sur  quelques  points  de 
détails.  La  traduction  du  papyrus  judiciaire  de  Turin  par  M.  Lepage- 
Renouf  ^  n'est  guère  que  la  reproduction  sans  commentaire  de  la 
traduction  de  Devéria.  M.  Brugsch  a  découvert  à  Vienne  un  papyrus 
de  l'an  vi  de  Ramsès  X  ou  XI  qui  est  un  catalogue  de  pièces  officielles 
dont  quelques-unes  sont  conservées  dans  nos  musées^,  M.  Maspero 
a  montré  dans  le  Papyrus  Mallet  un  document  du  règne  de  Ramsès  IV^. 
Le  passage  si  obscur  de  la  xx*  à  la  xxn«  dynastie  a  reçu  quelques 
lumières  de  la  découverte  de  quelques  figurines  du  roi  Pinôtm  I*'^ 
par  M.  Birch,  et  d'un  autel  du  temps  de  Shishonq  P%  par  M.  Brugsch  *. 
M.  Naville  a  proposé  un  classement  nouveau  des  princes  et  princesses 
de  la  famille  de  Hirhor^.  La  plupart  des  auteurs  qui  ont  traité  la  ques- 
tion mêlent  à  la  xxi*  dynastie  Tanite  de  Manétbon,  les  rois  grands- 
prêtres  de  Thèbes.  Sans  doute  quelques-uns  de  ces  rois-prêtres  ont 
été  contemporains  des  rois  Tanites  et  se  sont  alliés  avec  eux  :  mais 
ils  formaient  deux  pouvoirs  distincts  dont  l'un,  le  Tanite,  finit  par 
écraser  l'autre,  le  Thébain.  Les  enchevêtrer  de  manière  à  en  former 
une  seule  lignée  est  une  hardiesse  que  rien  ne  me  parait  autoriser 
dans  les  monuments  jusqu'à  présent  connus. 

M.  Daniel  Henry  Haigh  a  voulu  établir,  avec  plus  d'audace  que  de 
bonheur,  l'origine  chaldéenne  de  la  xxii*  dynastie®,  et  a  ouvert  la  voie 
aux  hypothèses  d'une  conquête  assyrienne  de  TÉgypte  vers  le  temps 
de  David,  que  M.  Brugsch  a  soutenue  sans  preuve  admissible  dans 
son  histoire.  L'époque  qui  s'étend  entre  Shishonq  et  l'avènement  de 
Psamitik  est  encore  un  champ  ouvert  à  toutes  les  controverses  :  nous 
ne  devons  donc  pas  nous  étonner  de  voir  M.  Pleyte  essayer  d'en 


1.  Dans  les  Records  of  the  Past,  vol.  VI,  p.  21-70,  et  vol.  Vin,  p.  5-52. 

2.  Dans  les  Records  of  the  Past^  vol.  VIII,  p.  53-66. 

3.  Hieratischer  Papyrus  zu  Wien  (mit  einer  lithog.  Tafd),  von  H.  Brngich, 
dans  la  Zbits.  Ma.,  1876,  p.  1-4. 

4.  Dans  le  Recueil  de  travaux  ^  t  I,  p.  47-59. 

5.  Dans  rarticle  Viiria,  de  la  Zbits.  Ma.,  1877,  p.  34. 

6.  Ein  îDichtiges  Denkmal  aus  den  Zeiten  Kcenigs  S'es^onq  /,  von  H.  Brogich, 
dans  la  Zeits.  iEo.,  1878,  p.  37-43. 

7.  Trois  reines  de  la  XXI*  dynastie  (ayec  pi.),  par  Ed.  Naville,  dans  ia  Zetts. 
iEo.,  1878,  p.  29-32. 

8.  Origin  of  the  XXIIth  dynasty,  by  Daniel  Hy.  Haigh,  dans  la  Zbits.  Ao,, 
1877,  p.  38-40,  64-71. 


ORIENT.  439 

reconstruire  l'histoire  sur  un  plan  nouveau  *.  Pour  Tépoque  éthio- 
pienne, les  traductions  de  M.  Maspero'  et  de  M.  Brugsch^,  l'étude 
qu*a  foite  M.  Maspero  de  certaines  parties  de  la  stèle  du  roi  Nasto- 
senen^y  Tadmirable  mémoire  posthume  de  M.  E.  de  Bougé  sur  la 
stèle  du  roi  Piânkhi-Meriamen^,  enfin  le  petit  résumé  de  l'histoire 
du  royaume  égyptien  d'Ethiopie  que  M.  Maspero  a  inséré  dans  TEncy- 
dopédie  des  sciences  religieuses,  ont  fait  connaître  avec  plus  de 
détails  qu'on  n'en  avait  jusqu'à  présent  les  vicissitudes  de  l'empire 
de  Napata.  M.  Lepsius  a  montré  avec  une  grande  sagacité  le  motif 
pour  lequel  la  divinité  principale  de  cette  colonie,  et  en  général  de 
toutes  les  colonies  thébaines,  était  TAmmon  à  tète  de  bélier^.  Les 
derniers  temps  de  l'Egypte  indépendante  ont  été  négligés  :  M"'  Ger- 
trude  Austin  a  fait  connaître  un  fragment  insigniflant  du  règne 
de  Psamitik  III 7,  et  M.  Wiedemann  a  traité  avec  des  documents 
nouveaux  la  question  si  controversée  de  l'expédition  de  Naboukodo- 
rossor  en  Egypte*.  La  découverte  par  M.  Lepsius  d'une  stèle  aramso- 
égyptienne  de  l'an  IV  de  Xerxès  P%  plus  importante  pour  l'histoire 
des  langues  sémitiques  que  pour  l'histoire  d'Egypte 9,  une  tentative 
de  M.  Krall  pour  reporter  au  règne  d^Okhos  le  texte  de  la  stèle  de 
Naples  où  l'on  reconnaît  d'ordinaire  un  document  contemporain 


1.  Ueber  zwei  Darstellungen  des  GoUes  fforw-Selh,  von  W.  Pleyte,  dans  la 
1bt8.  Mq.,  1876,  p.  49-52. 

2.  Dans  le»  Records  of  the  Pasi,  l.  VI,  p.  71-78,  85-96,  et  t.  X,  p.  55-66. 

3.  Side  wm  Dongola.  Yon  H.  Brugsch,  dans  la  Zeits.  iEo.,  1S77,  p.  23-27. 
^DieSiegesinKhrifl  Kœnigs  Pianchi  von  ^Ethiopien,  voUstœndig  uebertrageny 
▼on  H.  Brngsch-Bey.  Separatabdnick  aus  den  c  Nachrichten  Ton  der  Kosnigl. 
Geaeilflchafln  der  Wissenschaflen  zu  Gœttingen  »  (Nr.  19,  1876,  11  october). 
GcBUingen,  1876,  in-8%  31  p. 

4.  Dans  les  TransaciionSj  IV,  p.  203-225  ;  tirage  à  part  sous  le  titre  :  Inscrip^ 
fkmof  King  Nastosenen,  transïated  by  G.  Maspero,  in-8*,  23  p.;  publiée  en 
partie  avec  texte  et  commentaire  dans  les  Mélanges  d'archéologie,  t.  II,  p.  293- 
296,  et  t.  m,  p.  125-132. 

5.  Chrestomathie  égyptienne ,  par  M.  le  vicomte  de  Rougé.  4*  fascicule.  La 
sMê  du  roi  éthiopien  Piankhi-Meriamen.  Paris,  Vieweg,  1876,  in-8*,  ul03  p. 

6.  Veber  die  widderkœpfigen  Gœtter-Ammon  und  Chnumis  in  Beziehung  auf 
die  Ammon-Oase  und  die  gehomten  Kœpfe  auf  griechischen  MUmen,  von 
R.  Lepsius,  dans  la  Zsrrs.  JEc,  1877,  p.  8-22. 

7.  On  a  fragmentary  Inscription  of  Psametik  /,  m  the  Muséum  at  Palermo, 
by  Miss  Gertrude  Austin  (with  1  plate),  dans  les  Transactions,  toI.  VI, 
p.  287-288. 

8.  Nelmeadneiar  und  j€gypten,  Yon  A.  Wiedemann,  dans  la  Zsrrs.  iEo.,  1878, 
p.  87-89,  et  Der  Zug  Sébucadnezars  gegen  jEgypten,  von  A.  Wiedemann,  dans 
la  Zens.  Ma.,  1878,  p.  2-6. 

9.  EU^  jEgyptisch'Aramaeische  Stèle  {mit  1  Tafel),  von  R.  Lepsius,  dans  la 
Zirrs.  Mo,,  1877,  p.  127-132. 


440  BULLffriIf  HISTOEIQITS. 

d'Alexandre  le  Grand*,  l'analyse  par  M.  Révîllout  d'un  fragment 
démoUque  où  sont  mentionnés  plusieurs  des  rois  des  quatre  dernières 
dynasties  indigènes  ^  et  de  deux  contrats  ptolémaïques  datés  dans  le 
règne  de  princes  égjpliens  révoltés  contre  les  Ptolémées*,  enfin  des 
extraits  d'un  commentaire  sur  Hérodote  où  M.  Maspero  s'efforce  de 
rétablir  la  physionomie  de  rÉg}'pte  telle  qu'elle  était  au  y  siècle 
avant  notre  ère^,  voilà  tout  ce  que  j'ai  à  signaler  sur  les  époques 
persanes  et  grecques. 

La  chronologie  tient,  comme  toujours,  une  grande  place  dans  les 
travaux  des  ég^ptologues.  M.  Lieblein,  dans  un  mémoire  fort  remar- 
quable, a  étudié  les  différents  récits  que  nous  possédons  des  guerres 
des  rois  égyptiens,  afin  de  déterminer  pour  chaque  siècle  l'époque 
des  entrées  en  campagne  et  par  conséquent  la  position  des  mois  de 
printemps  de  l'année  vague  dans  les  mois  de  Tannée  fixe'.  U  a  éga- 
lement répondu*  à  quelques  critiques  que  M.  Ernest  de  Saulcy  avait 
dirigées  contre  un  des  ouvrages  chronologiques  qu'il  avait  publiés 
antérieurement^.  M.  Lauth  a  donné,  dans  un  fort  volume  autogra- 
phié,  le  résultat  de  ses  dernières  recherches*.  Gomme  toujours  son 
travail  est  rempli  d  obsen^ations  ingénieuses  et  vraies  :  comme  tou- 
jours aussi  il  s'est  laissé  emporter  au  désir  de  retrouver  dans  les 
notions  grecques  sur  l'Egypte  la  reproduction  de  données  réellement 
égik  pUennes,  et  a  corrigé  avec  une  hardiesse  périUeuse,  soil  les  textes 
classiques  pour  les  faire  concorder  avec  les  textes  hiéroglyphiques, 

I.  Die  SieU  ron  .Veapef,  von  J.  KndI,  dans  U  Zetts.  .€o.,  1978,  p.  S-9. 

^.  rne  chrofUqve  égyptienne  contemporaime  de  Manelkon  {Mémoire  1»  à 
r Académie  des  inscripfimis  et  beUesAHùrts  en  décembre  1S76).  Extrait  de  U 
Berne  archéofoçiqme  (1877,  t.  1%  iii-8*  H  l  pi, 

3.  Étude  histcnque  H  phiiotofique  smr  les  décrets  de  Rosette  ef  de  Canope, 
par  M.  Lugènf  Rèrillout  Extrait  àt  la  Rerue  arckéoloçique  ^  noTcmbre  1877, 
in -8*,  ?4  p.  ~  Y  joindre  unf  ooortf  not^,  Hisloriscke  Sotii,  too  H.  Bmgsch, 
dan«  la  Ebits.  .€o.,  ISTS,  p.  43-48. 

4.  Dan»  r.(lNiiiitf îff  de  l\issockUion  pour  Centoumçement  des  études  çreeqmes 
en  France^  de»  ann««»  1876,  1877,  1S78. 

5.  :(icr  MU  fMMifW  offitM^ii^  c^ronolofi^e^  tiré  des  récits  datés  des  çuerrm 
pharaoniques  en  Syrie  H  cfoiis  1rs  pays  raisins^  par  J.  lieUein,  dans  le  ReemeU 
de  trarauTy  t.  K  p.  6^-^. 

6.  Lettre  à  M,  trnesl  de  Saulcy  (Extrait  d<«!i  Vid,'Seisk,  ForlL,  1878),  iB-8*. 

7.  Rapport  sur  une  tfrtKikure  de  M.  7.  iÀeHein  ayant  pour  titre  :  tteckerckes 
sur  ta  ckronMoçie  éfy ptéenne  d'après  tes  listes  feméaiofiquesy  par  M.  Ernest  de 
Saulcy,  membre  de  T Académie,  de  Melc.  Extrait  àes^  Mémoires  de  tAcadéwiie  de 
MH^  année»  187.VIS76.  Nancy,  E.  R*au,  1877,  in-^,  43  p. 

8.  .¥:fyptische  Chronologie  hasirt  auf  die  roUsUrndiçe  Reiàe  der  Epoeken 
seU  Byf^' Menés  tns  Badrian-Ânlomin  durck  dreé  roUe  Sothis-Rfriodem  » 
43S0  Jakre,  twi  Prv^.  D'  Jos.  Unth.  StFMtstarK,  Eari  TViteer,  1877,  in-8*. 
^40  p.,  pins  3  planclM».  Antofn^hie. 


ORISNT.  444 

soit  les  textes  hiéroglyphiques  pour  les  faire  concorder  avec  les  textes 
classiques.  Aucun  ouvrage  ne  sera  plus  utile  à  lire  pour  Tégyptologue 
qui  saura  y  faire  la  part  du  vrai,  aucun  plus  dangereux  pour  le 
lecteur  ordinaire  qui  croirait  y  trouver  le  résultat  positif  des  dernières 
recherches  égyptiennes.  C'est  en  partie  le  résumé,  en  partie  le  com- 
plément de  mémoires  ou  de  lettres  insérés  à  diverses  reprises  dans 
la  Gazette  d'Augsbourg  ou  dans  les  Actes  de  l'académie  de  Munich  ^ 
L'astronomie,  préliminaire  indispensable  de  toute  chronologie,  a 
surtout  attiré  l'attention  de  MM.  Riel,  Robiou  et  Brugsch,  le  premier 
dans  ses  études  sur  le  double  calendrier  du  papyrus  Ëbers^  et  sur  le 
Zodiaque  de  Dendérah^,  le  second  dans  ses  observations  sur  une 
date  astronomique  du  haut  empire  égyptien^  et  ses  recherches  sur 
le  calendrier  macédonien  en  Egypte  et  sur  la  chronologie  des  Lagides  ', 
le  dernier  dans  sa  publication  des  trois  calendriers  d'Ëdfou^.  Je  ne 
parlerai  ici  que  pour  mémoire  des  travaux  de  seconde  main  comme 
ceux  de  MM.  Danzas^  et  Emile  Guimet®,  où  l'auteur  n'a  pu  vérifier 
par  lui-même  la  valeur  des  textes  et  a  dû  se  contenter  de  les  prendre 
tout  traduits  dans  l'œuvre  d'un  égyptologue  de  profession.  Comme 
toujours,  les  tentatives  faites  pour  reconstituer  la  chronologie  de 
Manéthon  ou  en  concilier  les  données  avec  les  chiffres  de  la  chrono- 


1 .  Voici  11  liste  de  tous  les  articles  de  M.  Lauth  parus  dans  la  Gazelle  éCAugs- 
bourg  dont  j'ai  connaissance  :  Papyrus  Ebers  noch  einmaly  1877  (Beilage, 
p.  343-349);  dUe  ZeUfrage  {BeilagCy  mai,  p.  3-4);  Die  Labyrinth  (id.,  p.  294- 
307);  Sesostris  {BeiL,  zu  n**  30  und  31).  Ajouter  dans  les  Sitzungsberichte  d. 
MUnch,  Akademie  d.  Wiss,  Philos.  PhiL  Kl.  :  Àugustus-HarmalSy  1877,  II; 
sans  compter  d'autres  mémoires  dont  l'indication  est  donnée  ailleurs. 

2.  Der  Doppelkalender  des  Papyrus-Ebers  verglichen  mil  dem  PesU  und 
Siemkalender  von  Dendera^  Ton  Cari  RieL  Mit  einen  lithographirten  Tafel. 
Leipzig,  Brockhaus,  1876,  in-4*,  36  p. 

3.  Der  Thierkreis  und  das  Pesle  Jahr  von  Dendera,  Ton  Cari  Riel.  Mit  einer 
lithographirten  Tafel.  Leipzig,  Brockhaus,  1878,  in-4%  100  p. 

4.  Analysé  dans  les  Comples-rendus  de  l'Académie  des  inscriplions  et  belles- 
lettres,  1876,  p.  257-261. 

5.  Recherches  sur  le  calendrier  macédonien  en  Egypte  et  sur  la  chronologie 
des  Lagides,  par  M.  F.  Robiou.  Extrait  des  Mémoires  présentés  par  divers 
savants  à  TAcadémie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  Paris,  Imprimerie  Natio- 
Dile,  1876,  iii-4%  64  p. 

6.  Drei  Fesi-Kalender  des  Tempels  von  Apollinopolis  Magna  in  Ober- 
Mç^plen  %um  ersten  Maie  veroeffentlicht  und  sammt  den  Kalendem  von 
Dendera  und  Esne  vollstxndÀg  uebersetzt,  von  H.  Brugsch-Bey,  mit  10  Tafein 
hischriflen.  Leipzig,  J.-C.  Hinrichs,  1877,  in- 4%  x-29  p. 

7.  Chronologie  égyptienne  et  hébraiguCy  dans  le  Précis  des  travaux  de 
t Académie  des  sciences  de  Rouen,  1875-1876. 

8.  Travaux  de  M.  Chabas  sur  le  temps  de  VExode,  dans  les  Mémoires  de 
V Académie  des  sciences  de  Lyon,  classe  des  lettres,  t.  XVIl. 


442  BULLETIN  HISTOIIQUB. 

logie  biblique  ont  abondé.  Le  meilleur  essai  en  ce  genre  a  été  bien 
certainement  celui  de  M.  von  PessP.  On  me  permettra  de  ne  pas 
insister  sur  l'ouvrage  de  M.  Johan  Raska  :  La  Chronologie  de  la  bible 
mise  d'accord  avec  les  comprit  s  égyptiens  et  assyriens*. 

La  géographie  de  TÉgypte  et  des  régions  voisines  a  Saiit  de  grands 
progrès.  M.  Robiou,  dans  son  ouvrage  sur  l'économie  politique  au 
temps  des  Lagides,  avait  publié  une  carte  du  Delta  où  Tarrangement 
des  nomes  différait  sensiblement  de  la  classification  généralement 
adoptée  jusqu'à  ce  jour  ^  :  dans  un  mémoire  dont  la  première  partie 
seule  est  connue^,  il  a  commencé  avec  succès  à  donner  les  preuves 
des  modifications  introduites  par  lui*  L'exploration  récente  du  désert 
libyen  a  permis  de  mieux  étudier  le  régime  des  Oasis  :  MM.  Duemi- 
chen'  et  Brugsch^,  dans  deux  mémoires  presque  simultanés,  ont 
identifié  d^une  manière  certaine  les  noms  pharaoniques  de  ces  Oasis 
avec  les  noms  modernes.  Tandis  que  M.  Birch  éditait,  d'après  une 
copie  ancienne  de  M.  Hay,  l'hymne  à  Ammon-Râ,  gravé  par  Darius 
dans  le  temple  d'El-Rhargèh^,  M.  Brugsch  copiait  ce  même  hymne 
et  en  donnait  la  traduction  s,  puis  le  texte  et  le  commentaire^.  Dans 
le  même  temps  M.  Tœnnies  analysait  et  discutait  les  passages  classi- 

1.  Dos  chronologische  System  Maneihd's,  Yon  H.  ▼.  Pessl.  Leipzig,  J.-€. 
Heiarichs,  1878,  ia-8%  x-268  p. 

2.  Die  Chronologie  der  Bibel  im  EinUange  mit  der  Zeitrechnung  der 
jEgypter  und  Assyrier^  Yon  Johann  Raska,  Professor  an  der  Theologischen  Diœ- 
cesan-Lehranstalt  in  Budweis.  Wien,  Braomuiler,  1878,  in-8%  xiy-355  p. 

3.  Mémoire  sur  l'économie  politiquey  V administration  et  la  législation  de 
l'Egypte  au  temps  des  Lagides,  avec  carte,  par  Félix  Robiou.  Paris,  à  Tlmpri- 
merie  Nationale,  1876,  in-8*,  xvi-248  p.  Cfr.  p.  ix. 

4.  Dans  les  Mémoires  d  archéologie,  t.  III,  p.  101-121. 

5.  Die  Oasen  der  Libyschen  Wueste,  ihre  alten  Namen  und  ihre  Loge,  ihre 
vorzueglichsten  Erzeugnisse  und  die  in  ihren  Tempeln  verehrten  Gottheiten, 
nach  den  Berichten  der  Altxgyptischen  Denkmstler,  von  D'  Johannes  Duemi- 
chen,  mit  19  Tafeln  hieroglyphischer  Inschriften  und  bildlicher  Darstellungen 
in  Autographie  Tom  Verfasser.  Strassburg,  Karl  J.  Tmebner,  1877,  in-4*, 
vi-34  p. 

6.  Beise  nach  der  grossen  Oase  El-Khargeh  in  der  Libyschen  Wueste,  Bes- 
ckreibung  ihrer  Denkmader  und  wissenschaftlichen  Untersuchungen  ueber  dos 
Vorkommen  der  Oasen  in  den  Altaegyptischen  Inschriften  auf  Stein  und 
PapyruSy  Ton  Ileinrich  Brugsch-Bey,  nebst  27  Tafeln  mit  Karlen,  Plasnen, 
Ansichten  und  Inschriften.  Leipzig,  J.-C.  Hinrichs,  1878,  in-4*,  yi-93  p. 

7.  The  Inscription  of  Darius  at  the  Temple  of  El-Khargeh.  By  S.  Birch 
(2  plates),  dans  les  Transactions,  toI.  V,  p.  293-302,  et,  sans  les  planches,  dans 
les  Records  of  the  Past,  t.  VIII,  p.  135-144. 

8.  Komigs  Darius'  Lobgesang  im  Tempel  der  grossen  Oase  von  EUKhargeh, 
dans  les  Gœtiinger  Nachrichlen,  1876,  n*  46. 

9.  Dans  l'ourrage  cité  ci-dessus.  Reise  nach  der  Grossen  Oase,  p.  25-48  et 

pi.  XXY-XXYII. 


ORIBIO'.  443 

ques  relatifs  à  Toracle  de  Jupiter  Ammon^  Mais  Touvrage  capital 
sur  la  géographie  est  le  grand  dictionnaire  publié  par  M.  Brugscb  et 
dont  la  dernière  livraison  manque  encore^.  Là,  M.  Brugscb  a  con- 
densé, sous  la  forme  alphabétique  qui  convient  le  mieux  à  son  esprit, 
le  résultat  de  trente  années  de  recherches.  Sans  doute  il  y  aurait  déjà 
à  modifier  bien  des  assertions,  à  corriger  bien  des  détails,  à  ajouter 
surtout  nombre  d'indications  bibliographiques  :  M.  Brugscb  n'avoue 
pas  toujours  ce  quMl  doit  aux  autres  et  n'a  pas  toujours  fait  connaître 
d'une  manière  sufOsamment  claire  les  monuments  ou  les  parties  de 
monuments  qui  lui  ont  fourni  ses  informations.  L'œuvre  n'en  est 
pas  moins  une  œuvre  admirable,  contre  laquelle  je  soulèverai  une 
seule  objection,  le  prix  vraiment  exagéré  auquel  la  vend  l'éditeur. 

Je  ne  puis  faire  à  l'histoire  d'Egypte  du  même  auteur^  l'éloge  que 
j'ai  fait  du  dictionnaire  géographique.  G^est  un  amas  de  matériaux 


1.  De  Jove  Antmone  QuestUmum  spécimen,  scripsit  Ferdinandas  Julias 
Tœnnies.  Tubingue,  Frid.  Fuesl,  1877,  in-8%  44  p. 

2.  Dictionnaire  géographique  de  Vandenne  Egypte,  contenant  par  ordre 
alphabétique  la  nomenclature  comparée  des  noms  propres  géographiques  qui  se 
rencontrent  sur  les  monuments  et  dans  les  papyrus,  notamment  les  noms  des 
préfectures  et  de  leurs  chefs-lieux,  des  temples  et  des  sanctuaires,  des  Tilles, 
bourgs  et  nécropoles,  des  bras  du  Nil  et  de  ses  embouchures,  des  lacs,  marais, 
canaux,  bassins  et  ports,  des  vallées,  grottes,  montagnes,  des  ties  et  tlots,  etc., 
etc.,  composé  par  Henri  Brugsch-Rey.  Leipzig,  J.-C.  Hinrichs,  1876-1879, 
13  livraisons  parues,  renfermant  1051  p.  in- folio  autographiées,  plus  \Z  p.  de  pré- 
face et  6  p.  de  tableaux  non  numérotées.  La  dernière  livraison,  comprenant  les 
Additions  et  V Index  général^  doit  paraître  en  novembre  1879.  —  Ajouter  à  cet 
ouvrage  :  La  géographie  des  nomes  ou  division  administrative  de  la  Haute  et 
de  la  Basse^Égypte  aux  époques  des  Pharaons  et  des  Ptolémées  et  des  empe- 
reurs romains,  par  Henri  Brugsch-Bey,  spécimen  du  Dictionnaire  de  l'ancienne 
Egypte.  Leipzig,  J.-C.  Hinrichs,  1876,  in-folio,  10  p.  de  texte  imprimé  et  20  p. 
autographiées,  non  numérotées. 

3.  Geschichte  Algyptens  unter  den  Pharaonen,  Nach  den  DenkmaBlern  bear- 
beitet  von  Dr.  H.  Brugsch-Bey,  Iste  Deutsche  Ausgabe,  mit  2  Karten  von 
Unter-und  Ober-iGgypten  und  4  genealogischen  Tafein,  Leipzig,  J.-C.  Hinrichs, 
1877.  in-8*,  ziii-SiSp.;  à  joindre  :  Zuzœtzeund  Verbesserungen  zur  Geschichte 
j£gyptens  unter  den  Pharaonen  Nach  den  Denkmœler  bearbeitet  von  Dr.  H. 
Brugsch-Bey.  Leipzig,  J.-C.  Hinrichs,  1878,  819-837  p.  —  Traduction  anglaise  : 
A  History  of  Egypt  under  the  Pharaohs  derived  enUrely  from  the  Monuments 
by  Henry  Brugsch-Bey,  translated  from  the  Gennan  by  the  late  Henry  Danby 
Seymour,  F.  R.  G.  S.,  completed  and  edited  by  Philip  Smith,  B.  A.  aulhor  of 
c  The  student's  ancien t  History  of  the  East  »,  to  which  is  added  a  Memoir  on 
the  Exodus  of  the  Israélites  and  the  Egyptian  Monuments.  In  two  volumes,  with 
ooloured  plates  and  maps.  London,  John  Murray,  1879,  in-8*,  vol.  I,  XLiv-486p., 
2  plates,  1  map;  vol.  II,  xix-365  p.,  5  plates,  1  map.  Cfr.  l'article  de  M.  Ebers, 
dans  ia  Deutsche  Rundîschau ,  1878,  Die  Geschichte  des  allen  jEgyptens  und 
ihre  neueste  Bdiandiung  durch  Maspero  und  Brugsch-Bey. 


444  BULLETIN   HISTORIQUE. 

mal  assemblés  que  M.  Brugsch  ne  s'est  pas  donné  la  peine  d'assimiler 
les  uns  aux  autres  ni  de  classer  méthodiquement.  Dans  certains 
endroits  sont  intercalées  des  descriptions  en  style  emphatique  où  Ton 
reconnaît  sous  le  déguisement  de  la  prose  des  tirades  entières  de 
vers*,  dans  d'autres,  les  documents  sont  entassés  sans  rien  qui  les 
relie.  Vers  la  fin  de  l'ouvrage,  le  désordre  est  tel  que  deux  rois,  l'un 
fort  important,  de  la  xxy*  dynastie,  Shabako,  le  contemporain  de 
Sargon,  et  son  fils  Shebitko,  ne  sont  nommés  qu'après  Taharqou  leur 
successeur,  et  sans  allusion  aux  faits  connus  de  leur  régnée  Je  ne 
parle  pas  de  certaines  théories  relatives  aux  peuples  de  la  mer,  et 
dont  M.  Brugsch  nous  promet  une  démonstration  prochaine^,  ni 
d'une  conquête  de  l'Egypte  par  les  Assyriens  au  temps  où  David  et 
Salomon  régnaient  en  Judée,  qu'il  faudrait  admettre  sans  autre  preuve 
qu'un  titre  égyptien  mal  compris  et  un  passage  mutilé  d^une  inscrip- 
tion d'Abydos  où  les  copies  de  M.  Devéria  donnent  une  lecture 
différente  de  celle  qu'a  suivie  M.  Brugsch  ^  :  ce  sont  là  des  points 
qui  appellent  une  discussion  approfondie.  Ce  qui  enlève  de  sa  valeur 
à  l'histoire  de  M.  Brugsch,  c'est  l'absence  complète  de  sources,  le 
manque  de  renvois  aux  textes  dont  il  donne  les  traductions.  Les  édi- 
teurs anglais  ont  essayé  de  suppléer  à  cette  lacune  en  quelques 
endroits,  mais  les  connaissances  spéciales  qu'exige  la  bibliographie 
égyptienne  ont  fait  défaut  à  leur  bonne  volonté.  Je  souhaite  vivement 
que  M.  Brugsch,  dans  une  prochaine  édition ,  daigne  prendre  la 
peine  de  mettre  au  bas  des  pages  Tappareil  critique  que  nous  sommes 
en  droit  d'attendre  de  son  érudition. 

L'histoire  d'Egypte  de  M.  Duemicben  n'en  est  encore  qu'à  son 
premier  fascicule^.  Elle  renferme  une  description  du  sol  et  une 
étude  géographique  peut-être  un  peu  longue  pour  le  plan  de  Touvrage, 
mais  soigneusement  écrite  et  faite  avec  conscience.  Le  discours 
de  M.  Birch  sur  Thistoire  monumentale  de  l'Egypte  est  un  résumé 

t.  Cfr.  dans  THistoire,  p.  676-730. 

2.  M.  Brugsch  annonce  sur  ce  sujet  un  ouvrage  spécial. 

3.  Où  M.  Brugsch  a  lu  c  une  stèle  en  écriture  de  Ba[bel\  »,  le  texte  de 

HM.  Devéria  et  Mariette  donne  c  une  stèle  en  pierre »,  probablement 

c  en  pierre  de  Trouwou  »,  c'est-à-dire  en  calcaire  de  Tourah. 

4.  Geschichte  des  alten  jEgyptens  von  D'  Johannes  Duemichen,  mit  lUus- 
trationen  und  Karten.  Berlin.  G.  Grote,  1879,  1*  fascicule,  in-8%  ÔO  p.,  plus 
5  planches  et  2  cartes.  Fait  partie  de  VAUgemeine  Geschichte  in  Einzeldarstel- 
lungen,  unier  Miiwirkung  van  A,  BrueckneTf  Félix  Dahn,  Jok.  Duemichen, 
Bernlz  Erdmannsdœr/fer^  Theod.  Flathe,  Ludw.  Geger,  R,  Ga$che,  Gust. 
Hertzberg,  Ferd,  Justi,  Fried.  Kayp,  B,  Kugler^  5.  Lefmann,  M.  Philippumj 
Eberh,  Sckrader,  B,  Stade,  A.  Stem,  OUo  WaitZy  Ed.  Winkelmanny  heraus- 
g  Oncken,  qui  parait  depuis  1878  à  la  même  librairie. 


OEIBIfT.  445 

fort  complet  ^  de  même  que  Tarlicle  iEgypten,  publié  par  M.  Ebers, 
dans  le  Manuel  d'antiquité  biblique  de  Riehm^.  MM.  Lepsius, 
Poole  et  Maspero  ont  inséré  des  notices  analogues,  le  premier  dans 
la  Real  Encyklop.  de  Herzog^,  le  second  dans  TEncyclopédie  britan- 
nique, le  dernier  dans  TEncyclopédie  des  sciences  religieuses  de 
Lichtenberger,  et  dans  le  Dictionnaire  de  Pédagogie  de  Buisson. 
Les  deux  brochures  de  M.  Lieblein  sur  TÉgypte  ancienne  et 
son  écriture^,  sur  TÉgypte,  ses  monuments,  ses  rapports  avec 
la  Palestine  et  la  Grèce  5,  ont  pour  nous  Tinconvénient  d'être 
écrites  en  suédois  :  ce  sont  des  œuvres  de  vulgarisation  qui  rendront 
régyptologîe  populaire  chez  les  peuples  du  Nord,  comme  Tabrégé 
chronologique  de  M.  Arthur  Bhoné  a  fait  connaître  Tensembie  de 
rhistoire  d'Egypte  chez  nous*.  La  réimpression  du  grand  ouvrage 
de  Wilkinson  sur  les  mœurs  égyptiennes  ^  rend  un  véritable  service 
à  la  science.  Sans  doute  il  est  incomplet  en  maint  endroit;  la 
classification  que  l'auteur  avait  adoptée,  bonne  il  y  a  quarante 
ans,  est  aujourd'hui  défectueuse.  La  masse  des  documents  assem- 
blés, l'ingéniosité  dont  Wilkinson  fkit  preuve  à  chaque  instant, 
rétendue  et  la  variété  de  ses  connaissances  rachètent  amplement  les 
débuts.  M.  Birch,  à  qui  nous  devons  l'édition  actuelle,  a  ajouté 


1.  The  monumental  Hisiory  of  Egypt.  Rede  Lecture,  delivered  in  the  Senate 
House  of  the  UniTersity  of  Cambridge  by  S.  Birch,  on  the  26  th  mai  1876.  Lon- 
don,  Bagster  et  Sons,  in-16,  48  p. 

2.  Handwcerterlmch  des  Biblischen  Alterthums  fuer  gebUdete  Bibelleser, 

heraasgegeben Yon  D'  Ed.  C.  Aog.  Riehm,  1875,  in-4*,  p.  309-335,  avec 

gravures  et  cartes. 

3.  Dot  alte  JBçypten,  dans  Herzog's  Real-Encyk,  3. 

4.  Del  gamla  Egypten  i  dess  Skrift,  af  Prof.  J.  Lieblein.  Stockholm,  Klem- 
ming,  1877,  in-8%  87  p.  et  de  nombreuses  gravures. 

5.  Egypten  i  dess  Minnesmaerken  ock  i  dess  Farhdnllande  till  PcUesUna  och 
Grektand,  af  Prof.  J.  Lieblein.  Stockholm,  Klemming,  1877,  in-8*,  120  p.  et  de 
nombreuses  gravures.  Cfr.  sur  Lieblein,  un  article  de  Karl  Piehl,  Egypioloçif 
Slockolm,  nov.  1877,  in-8*,  18  p.,  extrait  d'une  revue  dont  je  ne  connais  pas  le 
titre.  Les  deux  ouvrages  de  Lieblein  sont  extraits  de  la  coUecUon  populaire  Ur 
Vâr  Tids  Forskding  Populaera  Skiladringar  utgifna  af  Prof.  Axel  Kei  och 
GusL  Belziju,  publiée  à  Stockholm,  chez  Klemming. 

6.  Résumé  chronologique  de  l'histoire  d'Egypte,  depuis  les  premières  dynas- 
ties jusqu'à  nos  jourst  in-8*,  avec  cartes  et  illustrations  insérées  dans  le  texte. 
Paris,  Leroux,  1876,  in-8*.  Extrait  de  \ Egypte  à  petites  journées^  du  même 
auteur. 

7.  The  Manners  and  Ctutoms  of  the  Ancient  Egyptians,  by  sir  J.  Gardner 
Wilkinson.  A  new  édition,  revised  and  corrected  by  Sam.  Birch,  in  three  vol., 
in-8*.  VoL  I,  xxx-510  p.;  vol.  II,  zu-515  p.;  vol.  III,  xi-528  p.,  wiUi  iUnstra- 
Uont.  London,  John  Murray,  1878. 

RbV.   HiSTOR.   XI.    !•'  PA8C.  10 


446  BULLETIN  HISTORIQUE. 

nombre  de  notes  qui  donnent  Tétat  de  la  science  sur  certains  points 
mal  traités  par  Wilkinson. 

Le  transport  en  Angleterre  de  Tobélisque  appelé  improprement 
Vaiguille  de  Cléapâtre  a  ramené  l'attention,  sinon  des  savants,  au 
moins  du  public,  sur  les  obélisques.  Le  petit  livre  de  M.  Gooper,  qui 
renferme  à  côté  d'erreurs  bizarres^  des  détails  intéressants,  est 
arrivé  promptement  à  sa  deuxième  édition^.  U  avait  été  précédé 
d'une  intéressante  notice  de  Birch  dans  TAthensum^  et  accompa- 
gné des  essais  de  MM.  Wilson^,  DémétriosMosconas',  etc.  L'histoire 
des  sciences  en  Egypte  s'est  enrichie  de  quelques  remarquables  dis- 
sertations de  MM.  Lieblein^  sur  la  connaissance  qu'avaient  les 
Égyptiens  du  mouvement  de  la  terre,  Roblfs  et  Scbwimmer  sur  la 
médecine^,  Pott  sur  l'origine  du  mot  de  chimie  s,  Lepsius  sur  les 
mesures  de  superficie 9,  Ghabas  sur  les  poids,  mesures  et  monnaies  ^^. 
L'ouvrage  le  plus  important  dans  cet  ordre  de  recherche  a  été  celui 

1.  Ainsi  le  récit  des  négociations  da  gouvernement  français  avec  Mohammed- 
Ali  au  sujet  de  l'obélisque  de  Louxor,  récit  duquel  il  semble  résulter  que  Cham- 
poUion  le  jeune  aurait  fait  en  1831  un  voyage  en  Egypte  pour  aller  examiner 
tous  les  obélisques  de  ce  pays.  Le  voyage  de  ChampoUion  est  antérieur  de  trois 
ans  (1828-1830). 

2.  A  short  History  of  the  Egyptian  Obelislu,  by  W.  R.  Cooper,  with  transla- 
tions of  many  of  the  hieroglyphic  inscriptions,  chiefly  by  M.  François  Chabas. 
London,  S.  Bagster,  1877,  in-12,  ym-iSO  p.  2*  édition,  1878. 

3.  Cleopaùra's  Needle  (Atheoiram,  1877,  oct.  27,  noY.  3). 

4.  Cleopalra's  Needle,  by  Erasmus  Wilson.  With  brief  notes  on  Egypt  aid 
Egyptian  Obelisk.  London,  Brain,  1877,  in-8*,  228  p. 

5.  Deux  mots  sur  les  obélisques  d'Egypte  et  traduction  de  Vobélisque  dit  de 
Cléopdtre,  qui  doit  être  transporté  en  Angleterre,  et  de  la  stèle  de  Pktamosis 
le  MempfUte,  par  Démétrios  Kosconas.  Alexandrie,  1877,  in-8*,  16  p.  et  3  pi. 

6.  JSgyptemes  ForestUUng  om  Jordens  Bevœgelse  afJ.  Lieblein,  Christiania, 
in-8*,  il  p.  —  Extrait  des  Chrùtiania  Vidensk.^elsk,  Forhandl.,  1878,  n«  2. 

7.  RohUs,  Der  Papgros  Ebers  in  culturhistoriseher  und  tnedicinescher  Be- 
ziehung,  dans  VAugsb.  AUgemeine  Zeit.,  1877,  p.  249-255,  et  Die  ersten 
Anfange  der  Heilkunde  und  die  Medizin  im  alten  jSgypten,  Ton  Dr.  Ernst 
Schwiramer.  Berlin  Habel,  1876,  in-8*,  46  p.,  dans  la  Sammlung  gemeinvers- 
titndUch  wissenschafUischer  Vortrxge,  herausgegeben  von  R.  Virchow  und  Fr. 
von  HoltxendoriT,  XJ  Série, 

8.  Chemie  oder  Chymie?  von  A.  F.  Pott,  dans  la  Zsrrs.  D.  D.  H.  6.,  1876, 
p.  6-20. 

9.  Dos  Stadium  und  die  Gradmessung  der  Eratosthenes  auf  Grundlage  der 
JEgyptischen  Maasse,  von  R.  Lepsius,  dans  Zim.  Mo.,  1877. 

10.  Recherches  sur  les  poids,  mesures  et  monnaies  des  anciens  Égyptiens,  par 
Fr.  Chabas.  Extrait  des  H^Boires  présentés  par  divers  savants  à  F  Académie 

4  iptions  et  beUes-lettres.  Paris,  Imprimerie  Nationale,  1876,  in-4*,  46  p. 

Uir.         le  même  sqjet  les  observatloDS  de  Fr.  Leiormant,  La  wionnaie  dans 
l'ani       ^.  tl,  p.  93-110. 


ORiBirr.  447 

de  M.  Eisenlohr  sur  le  papyrus  mathématique  du  British  Muséum  ^ 
Pour  la  première  fois,  grâce  au  texte  publié  et  traduit  par  M.  Eisen- 
lohr, on  sait  comment  les  Égyptiens  maniaient  les  firactions,  posaient 
et  résolvaient  certains  théorèmes  d'arithmétique,  de  géométrie  et  de 
mécanique.  Bien  des  points  restent  encore  obscurs  :  mais  le  plus 
fort  du  travail  est  fait  et  bien  fait. 

La  religion  a  peut-être  été  un  peu  moins  étudiée  que  pendant  les 
années  précédentes.  Dans  une  thèse  soutenue  devant  la  faculté  des 
lettres  de  Turin,  M.  Ernest  Schiaparelli  a  réuni  les  passages  d'auteurs 
égyptiens  propres  à  illustrer  les  manifestations  du  sentiment  religieux 
en  Egypte '.  Je  signalerai  ensuite,  comme  pouvant  fournir  des  indi- 
cations utiles,  le  petit  dictionnaire  de  noms  divins  que  M.  Pierret  a 
joint  à  l'exposition  de  la  religion  égyptienne  dans  son  abrégé  de 
mythologie',  les  dissertations  qu'il  a  insérées  dans  plusieurs  pas- 
sages de  son  recueil  d'inscriptions  inédites  du  Louvre^,  et  l'essai  où 
il  s'efforce  de  prouver  que  le  monothéisme  est  primitif  en  Egypte '. 
Le  travail  de  M.  Grébaut  sur  les  deux  yeux  d'Horus  n'a  que  le 
dé&ut  d'être  resté  inachevé*.  M.  Guieysse  a  exposé  les  idées  mo- 
rales et  la  vie  future  dans  l'ancienne  Egypte^*,  la  conférence  de 
M.  Maspero  sur  l'histoire  des  âmes  d'après  les  monuments  du 
Louvre*  a  feiit  connaître  pour  la  première  fois  au  grand  public 
les  résultats  de  longues  études  sur  la  personnalité  égyptienne  et 


1.  Ein  maihemathisches  Handbuchf  der  alten  jEgypter  {Papynu  Rhind  der 
BriUth  Muêeum),  ueberselzt  and  erklaBrt  too  D*^  Aagust  Eisenlobr.  Leipsig, 
J.-C.  Himichft,  1877.  Deux  éditions  de  cet  important  ouvrage  ont  été  publiées  à 
la  fois.  L'une,  qualifiée  l'*  édition,  a^  outre  le  texte,  un  aUas  in-folio  de 
24  planches.  L'autre,  qualifiée  Zweite  Atugabe  (Ohm  Tafdn),  n'a  point  d*atlas. 
Le  texte  est  in-4*,  ii-278  et  2  pi. 

2.  Del  terUimento  rdigioso  degU  antichi  Egiiiani  ucondo  i  MonumenU. 
Disiertazîone  di  laurea  in  lettere  di  Emesto  SchiappareUi.  Torino,  Bocca,  1877, 
in-8*,  112  p.,  dont  52  imprimées,  le  reste  autographié. 

3.  Petit  manuel  de  mythologie  comprenant  les  mythologies  sdmiUh'euro» 
péennês  et  sémitiques  (hindouey  itende,  gauloise,  Scandinave,  assyrienne,  phé- 
nicienne, arabe,  égyptienne),  et  suivi  d'un  Index  alphabétique,  par  Paul  Pierret. 
Paris,  Didier,  1878,  in-16,  xi-178  p. 

4.  Recueil  ^inscriptions  inédites  du  musée  égyptien  du  Louvre,  traduites  et 
eommeotées  par  Paul  Pierret,  2*  partie,  arec  table  et  glossaire.  Paris,  Yieweg, 
1878,  in-4%  ix-162  p.  Autograpbié. 

5.  Essai  sur  la  Mythologie  égyptienne,  par  Paul  Pierret.  Paris,  Vieweg,  1879, 
iB-8*,  83  p.  autographiées. 

6.  Les  deux  yeux  du  disque  solaire,  dans  le  Recueil,  t.  I,  p.  71-87,  103-125. 

7.  Publiée  dans  la  Revue  politique  et  littéraire,  1878,  p.  1079-1086. 

8.  Publiée  dans  U  Revue  scientifique,  1879,  n*  35,  p.  816-820,  et  dans  le 
Bulletin  hebdomadaire  de  l'Association  scientifique  de  France,  n*  594,  p.  373-384. 


448  BULLBTIlf  HISTORIQUE. 

ses  divisions  foites  pendant  les  quatre  années  précédentes  au 
collège  de  France.  M.  Golénischeff  a  publié  et  commenté  de  &çon 
magistrale  le  texte  connu  sous  le  nom  de  stèle  Metternich  :  c'est 
un  recueil  de  formules  magiques  aussi  curieuses  que  difficiles  à 
saisira  Les  observations  de  M.  Naville  sur  le  nom  du  dieu  Tbot^ 
ont  le  grand  mérite  d'indiquer  aux  égyptologues  un  moyen  gram- 
matical d'arriver  à  Tétymologie  et,  par  suite,  au  sens  premier  du 
nom  des  dieux.  M.  Scbiaparelli  a  découvert  et  analysé  le  Rituel  de 
l'enterrement^.  MM.  Lefébure  et  Guieysse,  dans  la  publication  qu'ils 
ont  faite  du  papyrus  de  Soutimès,  ont  mis  des  notes  et  des  traduc- 
tions précieuses  pour  l'intelligence  de  certains  mythes^,  et  M.  Stem, 
après  M.  Garl  AbeP,  a  étudié,  un  peu  subtilement,  mais  avec 
beaucoup  de  bonheur  et  une  grande  abondance  de  documents,  le 
concept  des  mots  qui  désignent  en  égyptien  la  vérité*.  On  ne  peut 
que  donner  les  plus  grands  éloges  au  mémoire  dans  lequel  M.  Pietr 
schmann,  réagissant  contre  la  tendance  abstraite  d'une  partie  de 
l'école  actuelle,  a  montré  les  origines  fétichistes  des  cultes  égyptiens^. 
La  leçon  de  M.  Reinisch  sur  l'organisation  du  sacerdoce  égyptien  et 
sur  ses  doctrines®,  l'article  de  M.  Brugsch  sur  les  mystères  égyp- 
tiens^, un  peu  trop  absolu  dans  la  forme,  renferment  quelques  consi- 

t.  Die  Metiemichstele  in  der  Originalgrœssef  zum  eraten  Ifale  herausgegeben 
▼on  W.  Golenischeif,  mit  neun  Tafeliu  Leipzig,  Engelmamiy  1877,  in-folio, 
n-i9  p. 

2.  Le  dieu  Thoih  et  les  points  cardhiafix,  par  Ed.  NaviUe,  dans  la  Z.  Ma., 
1877,  p.  28-31. 

3.  H  libro  dei  Funerali,  RelazUme  fatta  alla  l  Sezione  del  JV  Congresso 
degU  OrientalisUy  da  Eraesto  Scbiaparelli.  Torino,  Paravia,  1879,  in-8*,  16  p. 

4.  Le  Papyrus  funéraire  de  SouUmé,  publié  d'après  on  exemplaire  biérogly- 
pbiqne  da  Livre  des  Morts,  appartenant  à  la  BiblioUièque  naUonale,  traduit  et 
ocMoamenié  par  MM.  P.  Guieysse  et  E.  Lefébure.  Paris,  1877,  E.  Leroux,  in-foUo, 
23  pi. 

5.  Kqpiische  Uniersuchungen ,  von  Cari  Abel.  Berlin,  Fr.  Dnemmler,  1876, 
in-8*,  n-842  p. 

6.  Hieroglyphisch'Koptisches,  de  la  Z.  iEo.,  1877,  p.  72-88,  113-124. 

7.  Der  JBgypUsche  Fetischdienst  und  Gœiterglaube  {Prolegomena  zur  xgyp- 
Uschen  Mythologie).  Nacb  etnem  in  der  c  Schlesiscben  Gesellschafl  fuer  Valer- 
Ittndiscbe  Gultur  i  gebaltenen  Vortrage,  Yon  Ricb.  Pietscbmann,  in-8*.  Separa- 
tausdruck  aus  c  ZeUschrift  fuer  Ethnologie  i.  1878,  p.  153-182. 

8.  Vrsprung  und  Entwickelungsgeschichie  des  JSgypUschen  Prieslerthums 
und  AusbUdung  der  Lehre  von  der  Einheii  Gottes,  Vortrag  gebalten  zu  Gnns- 
ten  des  Lesevereines  der  Deutscben  Studenten  Wiens  an  26  Marz  1878  im 
OEsterr.  Ingénieur- und  Arcliitecten¥erein»-Saale  Ton  Léo  Reinisch.  Wioi,  1878. 
Im  Selbstverlage  des  Yorstandes  des  LeseTereînes  der  Deutscben  Studenten 
Wiens.  ln-8*,  30  p. 

9.  Die  Mysiehen  der  alien  jEgypien,  Ton  H.  Bmgscb-Bey  ia  Gairo,  dans  la 
Deutsche  Revue,  U,  7,  p.  28-43. 


ORIBIO'.  4  49 

dérations  neuves  el  un  fonds  considérable  d'informations  sûres. 
Enfin  M.  Ed.  Meyer  a  réuni  aussi  complètement  que  possible  ce  que 
nous  savons  du  culte  des  dieux  sémitiques  en  Egypte  ^ 

On  voit  quelle  prodigieuse  activité  Técole  égyptologique  a  déployée 
dans  ces  trois  dernières  années.  Encore  ai-je  laissé  de  côté  tout  ce 
qui  a  rapport  à  la  philologie,  à  la  littérature  et  à  Tart.  Je  n*ai  parlé 
ni  des  livres  comme  ceux  de  Miss  Amelia  B.  Edwards^,  d^ Arthur 
Rhoné^,  et  surtout  de  Ebers^  et  Mariette  &,  où  Thistoire  se  dissimule 
parmi  les  notes  de  voyage,  ni  du  grand  ouvrage  de  Prisse  sur  l'art 
égyptien,  qui  vient  d'être  terminé  après  vingt  ans,  au  moment 
même  de  la  mort  de  Tauteur*.  Le  lecteur  pourra  être  rebuté  souvent 
par  la  sécheresse  et  Taspect  étrange  de  beaucoup  des  mémoires  dont 
j'ai  classé  et  énuméré  les  titres  :  il  sera  obligé  de  rendre  justice  à 
lardeur  de  recherche  et  à  la  solidité  de  science  qu'on  remarque  dans 
presque  tous. 

m. 

L'histoire  générale  des  pays  d'écriture  cunéiforme  n'a  pas  encore 
été  bite  :  les  histoires  spéciales  d'Assyrie  et  de  Chaldée  ne  manquent 
pas.  Le  regretté  Georges  Smith  avait  commencé,  dans  les  Transac" 
tions  de  la  société  d'archéologie  biblique^  et  dans  les  Records  ofthe 


1.  DaDS  rarticle  Ueher  einige  Semiiische  GcBtier,  von  Ed.  Heyer,  Z.D.D.M.G. 
I8n,  p.  716-741. 

2.  A  Tkousand  Miles  up  the  Nile,  by  Amelia  B.  Edwards,  wiUi  apwards  of 
seTenty  Ulastrationn  engraved  on  wood  by  G.  Pearson,  aft«r  finished  drawings 
execoted  on  Uie  spot  by  the  Author.  London,  Longmans,  Green  et  C*,  1877,  in-4*. 
xxT-732  p.  et  2  caries.  Une  seconde  édition  dans  la  coll.  Tauchnitz,  1878. 

3.  V Egypte  à  petites  journées.  Études  et  souvenirs.  Le  Kaire  et  ses  environs, 
Paris,  Leroux^  1877,  un  vol.  in-8*  ayec  figures,  cartes  et  plans. 

4.  JEgypten  in  Bild  und  Wort,  Dargestellt  von  unseren  ersten  Kuenstlem, 
beschrieben  Yon  Georg  Ebers.  Erster  Band.  Stuttgart  und  Leipzig,  Ed.  Hallber- 
ger,  1879,  in-folio,  iii-387  p.,  avec  4  p.  de  table  non  numérotées.  Douze  livraisons 
du  second  volume  ont  déjà  paru. 

5.  Monuments  of  Upper  Egypt,  A  translation  of  the  Itinéraire  de  la  Haute» 
Égrpte  of  Aug.  Hariette-Bey,  by  his  brother  Alphonse  Mariette.  Gr.  in-8*,  280  p. 
1  map  and  3  pi.  London,  Truebner,  1877. 

6.  Histoire  de  l'art  égyptien  daprès  les  monuments,  depuis  les  temps  les 
plus  reculés  jusqu'à  la  domination  romaine.  Ouvrage  publié  sous  les  auspices 
du  ministre  de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux-Arts.  Paris,  Arthus  Bertrand, 
1860-1878.  Planches  in-folio.  Tome  I,  architecture;  t.  Il,  dessin,  sculpture, 
peinture,  art  industriel.  Texte  in-4*.  L'auteur  a  eu  la  bizarre  idée  de  ne  pas 
numéroter  les  planches,  ce  qui  rend  son  œuvre  presque  enUèrement  inutile. 

7.  Vol.  I,  p.  28-93,  sous  le  titre  Early  History  of  Babylonia. 


4W  BTLurci  nsTOUQn. 

Pasi\  la  poblîeatkm  d'une  histoire  de  la  Babylonie,  demi  rensemble 
a  élé  lirré  au  publie  après  sa  mort  par  M.  Sajce^  Cest,  eomme  les 
autres  ouvrages  de  Smith«  un  amas  de  matériaux  phiiôC  qu'un  ioui  iNen 
composé  :  les  vues  ingénieuses  y  abondent  ainsi  que  les  butes  de 
critique  et  d'interprétation.  Dans  sa  leçon  sur  la  littérature  babylo- 
nienne, M.  Sayce  a  très  babikmait  exposé  les  principaux  ^ts  acquis 
à  rhistoire  par  le  déchiffrement  des  inscriptions'.  On  sait  quelle 
méfiance  certains  savants  fort  estimables  entretiennent  à  Tégard  des 
études  assyriologiques.  Une  attaque»  vicrfente  dans  la  forme,  juste  sur 
certains  points  de  détails,  de  M.  Gutschmid^,  nous  a  valu  de 
M.  Schrader  un  des  livres  les  plus  instructife  qu*on  ait  écrits  depuis 
longtemps  sur  rhistoire  et  la  géographie  de  TAsie  antérieure^. 
Répondant  aux  principales  objections  de  M.  Gutschmid  d^un  ton 
qu'on  souhaiterait  parfois  plus  modéré,  M.  Schrader  les  a  réAitées 
victorieusement,  et  a  dté  à  Fappui  de  ses  réfutations  une  abondance 
de  matériaux  telle  que  son  ouvrage  peut  passer  à  bon  droit  pour  une 
petite  encyclopédie  des  dernières  découvertes  de  l'assyriologie. 

La  discussion  qui  s'est  engagée  entre  MM.  Halévy  et  Fr.  Lenor- 
mant,  au  sujet  des  textes  inscrits  sur  certaines  tablettes  assyriomes, 
a  beaucoup  attiré  l'attention  sur  les  premiers  temps  de  la  Chaldée. 
M.  Halévy*  soutient  que  ces  tablettes  renferment  des  textes  sémitiques 
écrits  en  une  sorte  de  systàne  secret;  M.  Lenormant,  d'aooord  en 


1.  Vol.  m,  p.  I-ÎO:  Tol.  T,  p.  53-110.  Sou  le  Mtee  titre. 

2.  Aneient  Bittûry  from  tke  mommwkentu  Tke  Bistory  of  ffntjiêméa,  kj  tke 
Ule  Georfse  SniUi,  caq.  cditH  br  tke  Rer.  A.  H.  Sa3roe.  rnWiihfi  nder  Ibe 
directioa  oC  tbe  CoouBÎUee  of  geaenl  Utentnre  aad  edncatkMi  appoiated  kj  tke 
Society  for  pronotiBg  Cbristian  knowlcdi^  Loadoa/  Society  for  pcoontiic 
CkiistiaB  koowleflge,  s.  d.,  m-é"^  \9t  p.,  âTec  des  |j«ru«s  (1878). 

3.  nabyiimimn  IMenUmre,  Lectures  delivered  ât  tke  lU>y«l  lastitatioB,  ky  tke 
Rer.  A.  H.  Sayœ.  LûmIoo,  Bagsier,  1877,  i»^.  —  Maèyiomùeke  Liieratmr.  Vor- 
tne^  ^ekaltea  inder  Royil  lAstitatioB.  Loadoa,  tos  Ker.  A.  B.  Saycc,  Mit 
Cff  hwignag  der  Verfasiert  ia's  Deotscke  ■eknbe^m  fxM  Karl  Friederid. 
Leipzig,  Otto  Sckulie,  1878,  ift-8%  56  p. 

4.  .Tne  Beiirasge  smr  Gesekiekie  4a  Attem  ùrieni»  :  Dm  liijuieiejii  m 
DeuiteUamd,  wom  Alfred  tqo  G«tsckmid.  Lnpds^  B.  G.  Tnèser.  1876, 
zxvi-158  p. 

5.  KeUinackritten  umd  Gtaeki€ht/àr9ckmm§^  cm  BeUrm§  zmr  MOMuaaiIflte» 
Geofrapkêe,  Getekickie  mmd  Ckromolo§ie  étt  djsyrvr,  ¥oa  Ekerkard  Sckreder, 
Bit  eioer  Karte  rom  Kiepcrt.  Giessea,  Rickcr,  1878,  i»-8*.  Tiihô56  p.  Cfr.  rartide 
d'Oppcrt  dau  les  Gœtiim§éiek€  feUktU  Amiàftm^  1879,  p.  769-808. 

6.  Use  partie  des  études  de  M.  Halêry  a  été  poklièe  du»  le  Jovma/ «Mlif«e. 
1874-1876,  et  tirée  à  part  soos  le  titre  :  ÈÊtkmtkeê  critifmet  mt  rortytM  ^  U 
ààlUaUtm  katjiomienme,  par  J.  Hakry.  Paris,   haprÎMeffie  XatioMle,  1876, 

%  ^68  p  Le  reste,  la  à  llastitat  (1877-1879},  est  CBOore 


OIIENT.  'fS^ 

cela  avec  M.  Oppert  et  tout  le  reste  de  Técole,  démontre  qu'ils  repré- 
sentent une  langue  différente  de  Tassyrien,  parlée  par  les  plus 
anciens  peuples  civilisés  de  la  Ghaldée,  morte  près  de  deux  mille 
ans  avant  notre  ère,  et  conservée  seulement  comme  langue  sacrée 
par  les  prêtres  de  Babylone  et  de  Ninive.  La  plupart  des  hymnes  et 
des  légendes  de  Tancien  empire  chaldéen  ont  été  rédigés  d'abord 
dans  cette  langue,  puis  traduits  en  assyrien.  M.  Lenormant  dans 
ses  Études  accadiennes*  et  dans  ses  Études  cunéiformes^^  M.  Oppert 
dans  le  petit  volume  d'Études  sumériennes^  où  il  a  réuni  des  arti- 
cles publiés  à  diJQTérentes  époques  dans  le  Journal  Asiatique,  ont 
soumis  à  une  analyse  détaillée  les  principaux  textes  de  cette  langue. 
Leurs  conclusions  ne  diffèrent  guère  que  sur  un  point  important  :  le 
nom  qu'il  convient  de  donner  à  Tidiome  étudié.  Selon  M.  Lenor- 
mant et  récole  anglaise,  le  nom  d'accadien  est  préférable  ^  M.  Oppert, 
suivi  en  cela  par  MM.  Delitzsch  et  HommeH,  a  adopté  le  nom  de 
soumérien  ou  sumérien^, 

La  période  mythique  de  Tbistoire  de  Ghaldée  nous  est  connue  par 
de  nombreux  documents  dont  les  uns  confirment,  les  autres  infir- 
ment l'autorité  de  Bérose.  Les  dernières  fouilles  du  regretté  Smith 
et  de  son  successeur  Hormuzd  Rassam  ont  fait  retrouver  de  nou- 
veaux fragments  qui  complètent  les  tablettes  déjà  conservées  au 
British  Muséum  et  permettent  de  reconstituer  en  partie  certains  des 
livres  qu'elles  contenaient.  La  légende  de  la  création  découverte  et 
traduite  pour  la  première  fois  par  G.  Smith*,  bientôt  corrigée  par 

1.  Lettres  assyriologiqueSy  seconde  série.  —  Études  accadienneSf  par  Fr.  Lenor- 
mant. PariSj  MaisonneuTe,  in-4*,  t.  I,  l'*  partie,  1873,  207  p.;  2*  partie,  1873, 
143  p.;  3*  parUe,  1873,  151  p.  T.  II,  1**  partie,  1874,  381  p.  (la  fin  da  aecond 
volame  ne  paraîtra  pas).  T.  III,  1'*  partie,  1879,  iu-200  p.  in-4*.  Les  deux 
premiers  Tolames  autographlés  ;  ce  qui  a  paru  du  troisième,  imprimé. 

2.  Études  cunéiformes,  par  Fr.  Lenormant.  Premier  rascicule  (extrait  du 
Journal  asiatique).  Paris,  Imprimerie  Nationale,  1878,  in-8*,  64  p.  —  Deuxième 
fascicule  (extrait  des  Transactions  of  the  Society  of  Biblical  Àrchaeoloçy), 
London,  Harrison  et  Sons.  1878,  in-8*,  56  p.  —  Troisième  et  quatrième  fasci- 
coles  (extraits  du  Journal  asiatique),  1879,  in-8*,  150  p. 

3.  Études  sumérienneSy  par  J.  Oppert  (Extrait  du  Journal  asiatique).  Paris, 
Imprimerie  Nationale,  1877,  in-8*. 

4.  Die  neueren  RestUtate  der  Sumefischen  Forschung,  tod  Fritz  Hommel, 
Z.  D.  D.  M.  G.,  1877,  p.  177-186. 

5.  Sumérien  ou  Àccadien?  par  Jules  Oppert.  Paris,  E.  Leroux,  1876, 
in-8*,  8  p. 

6.  The  Chaldaean  account  of  Genesis,  containing  iKe  description  ofthe 
création,  the  fall  ofman,  the  déluge,  the  tower  of  Babel,  the  times  of  the 
patrkarchs  and  Nimrod;  Babylonian  fables,  and  legends  of  the  Gods;  frem 
the  cuneiform  inscriptions,  by  George  Smith.  With  illastrations.  London,  Samp- 
aon  Low,  etc.,  1876,  in-S*,  xti'319  p.  et  27  Ulustrations. 


132  BULum  nsTouoTB 


Fr.  Delitzsch%  par  Oppert^  par  Savoe%  par  Fax  TalboiS  a 
montré  queUe  était  l'origine  de  Fane  des  traditions  hébraïques 
de  la  création.  Les  fragments  où  Smith  a^ait  cni  recoonaitre  une 
allusion  au  péché  origind  ont  été  mieux  interprétés  depuis;  mais  les 
luttes  des  dieux  contre  ks  maurais  génies  et  contre  les  hommes 
ont  été  étudiées  de  fiMrt  près,  par  M.  Fox  Talbot  dans  ses  mé- 
moires sur  une  RévoUe  dans  le  ciel^,  sur  le  CowÊbai  entre  Bel  et 
le  Dragon*^  par  M.  Sajce  dans  sa  Desiruciiùn  de  Sodome  ei  de 
Gùmorrhe'*^  par  M.  Boscawen  qui  a  publié  après  Smith  ks  textes  relatif 
à  la  tour  de  Babel^  par  M.  Fr.  Lenormant  dans  son  traTail  sur  le 
dieu  Lune  délicré  de  V attaque  des  wuiurais  esprits^,  La  légende  du 
roi  mythique  Izdhubar,  de  ses  exploits,  de  sa  renccmtre  avec  Khasis- 
adra,  k  Xisouthros  de  la  tradition  bérosienne,  de  ses  amours  aTec  la 
déesse  Ishtar  se  complète  de  plus  en  f^us  :  aux  traTaux  dcmt  dk 
aTait  été  Tobjet  antérieurement  Tiennent  se  joindre  ks  études  de 
MM.  Talbot^*,  Lenormant^  ^  et  Boscawen^^  Un  mémoire  de  M.  Mansdl 

I.  Dam  la  tndoctiaii  aUemaBde  de  l'oaTrafe  précédait  par  toa  frère  H.  De- 
litzMà  :  George  SmUtk'$  Ckatdaeisdie  Gemesn,  KeUhud^iflen  Beriekte 
Sektgpfum§,  SmemdenfaUy  Sêut/tmtMjTkmnnèau  nmdyfiwuvdy  meàst  Heleu 
rem  Fra§meuten  aettestem  BmkylmtHck'Astyriadiem  SekrifÛJmwu^  wêM  n  JM0- 
éuugem.  ABloriiirie  UebeneUnag  jom  HenMaa  DelHxsek,  Mhst  EriaalenvgeB 
ud  tarif/BÊttaim  Fonchn^a  ¥qb  D'  Friedrich  Ddiliach.  Leipag,  J.-a  ESm- 
ïkhÈ,  1876,  is-S*,  xti-331  p. 

t  Em  appeadkse  de  YHisUnre  €Iwaél,  par  E.  Ledraia,  t.  L  P»«,  A.  Lumit, 
1S79,  ia-12,  p.  411-4M.  Tir^e  à  part,  nlMe  fonaat,  33  pi 

3.  Ameiemt  Babglomian  legend  oftke  crmtkm  (/înMi  Cuttak)^  tmslated  bj 
aer.  A.  H.  Sayce,  dans  les  Êeeords  of  tke  Fmsi,  t  XI,  p.  107-114.  Cert  umt 
rtrûom  différente  des  Tersioas  jasqa'à  présent  cobwms. 

i.  Ckaidjeau  aeenuUs  of  tàe  CreatHm,  tmslated  by  H.  Fox  Talbot,  du»  les 
Meeords  of  tàe  Past.  U  IX.  p.  llS-llft. 

5.  Tke  neroli  te  Beavem,  from  a  CkaUxmm  taUei,  br  H.  Fox  Talbot,  dMs 
les  TrautaetÉoms^  t  I¥,  p.  349-362,  et  dau  les  Jtaoords  of  tke  Pmsiy  t.  VO, 
p.  123-128. 

6.  Tke  Pigkt  between  Bei  and  tke  DrofO»,  amd  tke  fawùm§  mreri  wkieà 
tmrmed  enerf  ««7,  dans  les  JWratoffirwu,  t.  ¥,  p.  1-21,  et  dans  les  leoBrdt, 
t  IX.  p.  135-140. 

7.  Tke  Ooertknm-  of  Soiom  amd  Gowumrmk  {Accmiùm  mcmniI).  TVaasIated 
bj  Ber.  A.  H.  Sayœ,  dans  Êeeords  oftke  PmM^  t.  XI,  p.  11>118. 

S.  Legeod  of  tke  tower  of  Babd,  dans  les  TrmtiMeiàomK  U  T,  p.  303^12,  et 
dMs  les  Beeordt,  t.  VII,  p.  129-132. 

9.  Dans  la  Gazette  arckéologijuey  1878,  p.  20-3». 

10./sAlar  antf  isdmkar  :  beimg  tke  Mstk  tmklet  of  tke  isémkar  œriei,  Tnm^ 
lated  inm  tbe  coneifor»,  by  H.  F.  Talbot,  dans  les  TysmancticMU,  t  V,  p.  97- 
121,  et  dans  les  Beeorés,  t  EX,  p.  119-128. 

II.  Jtieir-Semirawûs  (ngpettes),  par  Fr.  Laonsant,  éÊm  la  Gazette  anàéoU 
fêqme^  1878,  p.  87-89. 

12.  JVMes  on  tke  MOipom,  amd  J^tJMeflF  •/  <*«  Asnrmn^  by  W.  St.  Ghad 


ORIENT.  'ISS 

sur  les  premiers  êtres  à  flgure  humaine  qui  aient  peuplé  la  terre  ^ 
achève  de  prouver  que  Bérose  avait  puisé  à  bonne  source  ce  qu'il  dit 
de  la  cosmogonie  chaldéenne. 

Sur  la  religion  proprement  dite,  on  consultera  avec  profit  Farticle 
où  M.  Lenormant  a  résumé  ce  qu'on  sait  de  plus  certain  sur  les  dieux 
de  TAssyrie  et  de  la  Ghaldée  ^.  Les  sciences  magiques,  les  formules 
de  prières,  les  incantations  qui  jouaient  un  si  grand  rôle  dans  la  vie 
religieuse  des  anciens  Babyloniens,  ont  été  étudiées  soit  d'ensemble, 
comme  dans  l'ouvrage  de  M.  Lenormant  sur  les  sciences  occultes, 
dont  il  vient  de  paraître  une  version  allemande,  dans  les  Études 
accadiennes  et  les  Études  cunéiformes^  soit  par  le  détail,  dans  les 
traductions  que  M.  Sayce  a  données  du  poème  des  sept  mauvais 
esprits  ^^  d'une  prière  assyrienne  destinée  à  écarter  les  suites  d'un 
mauvais  rêve^,  et  M.  Budge  d'incantations  à  prononcer  sur  le  feu  et 
sur  Teau'.  L'influence  qu^exerça  la  magie  chaldéenne  sur  TÉgypte 
pharaonique  d'abord,  puis  sur  la  Grèce  et  sur  le  monde  romain, 
donne  un  vif  intérêt  à  ces  études.  On  a  déjà  retrouvé  dans  certaines 
formules  du  moyen  âge  les  débris  corrompus  d'incantations  acca- 
diennes :  et  il  semble  qu'une  partie  du  galimatias  de  mots  inintelli- 
gibles usité  encore  aujourd'hui  par  les  adeptes  de  la  magie  remonte 
jusqu'à  l'antique  Ghaldée. 

L'histoire  de  la  Ghaldée  commence  à  se  débrouiller  peu  à  peu. 
Tandis  que  Boscawen  publiait  des  traductions  d'inscriptions  remon- 
tant jusqu'à  d'anciens  rois«,  M.  Fox  Talbot^,  M.  Oppert®,  Rodwell^, 

Boscawen,  dans  les  Transactions,  t.  IV,  p.  267-301;  The  twelfth  Izdubar  legend, 
Translated  by  W.  St.  Chad  Boscawen,  dans  les  Records,  t.  IX,  p.  129-134. 

t.  Les  premiers  êtres  vivants  diaprés  la  tradition  chaldéo-babylonienne 
(▼ignettes),  par  C.  W.  Mansell,  dans -la  Gazette  archéologique,  1878,  p.  131->1[41. 

2.  Les  dieux  de  Babylone  et  de  V Assyrie,  par  Fr.  Lenormant  (extrait  de  la 
Revue  de  France).  Paris,  Maisonneuye,  1877,  in-8%  27  p. 

3.  Accadian  Poem  on  the  seven  evil  Spirits,  Translated  by  Rev.  A.-H.  Sayce, 
dans  les  Records,  t.  IX,  p.  141-148. 

4.  Fragment  of  an  Assyrian  Frayer  after  a  bad  dream,  Translated  by  A.-H. 
Sayce,  dans  les  Records,  t.  IX,  p.  149-152. 

5.  Assyrian  Incantations  to  Fire  and  Water.  Translated  by  Ernest  A.  Budge, 
dans  les  Records,  t.  XI,  p.  133-138. 

6.  On  iome  early  Babylonian  or  Akkadian  Inscriptions,  Part.  I,  by  W.  St. 
Cbad  Boscawen,  dans  les  Transactions,  t.  VI,  p.  275-283,  et  Inscription  of 
AgU'kahrTimi,  dans  les  Records,  t.  VIII,  p.  1-8. 

7.  Senkereh  inscription  of  Nebuchadnezzar.  Translated  by  H.  Fox  Talbot,  et 
The  Birs-Nimrud  Inscriptions  of  Nefmchadnezzar,  Translated  by  H.  Fox  Tal- 
bot, dans  les  Records,  t.  VII,  p.  69-78. 

8.  Babylonian  legends  found  at  Khorsabad.  Translated  by  prof.  Dr.  Jalias 
Oppert,  dans  les  Records,  t.  XI,  p.  41-44. 

9.  Inscription  of  Merodach-Baladan  IIL  Translated  by  Rey.  J.-M.  Rodwell, 
dans  les  Records,  t  IX,  p.  29-36. 


4  54  BULLETIN  HISTORIQUE. 

et  Schrader^  celles  de  quelques  inscriptions  de  Nabukodorossor, 
de  Merodach-Baladan  ni  et  lY,  la  découverte  d'une  série  de  contrats 
datés,  appartenant  à  une  même  famille  et  couvrant  une  étendue  de 
plus  de  deux  cents  ans,  a  permis  à  MM.  Boscawen^  et  Oppert'  de 
reconstituer  la  chronologie  du  second  empire  chaldéen  et  des  pre- 
miers rois  Perses.  Un  de  ces  contrats  porte  une  date  de  la  onzième 
année  de  Cambryse  dont  la  découverte  a  jeté  Témoi  parmi  les  histo- 
riens de  Fancien  Orient.  M.  Pinches  Ta  publiée  le  premier*  et  elle 
vient  d'être  discutée  de  nouveau  par  M.  Schracher^^.  L'histoire 
de  TAssyrie  s'est  enrichie  de  nombreux  documents  :  inscription 
de  Touklat-habalasar  I,  traduite  par  Houston*  :  inscriptions  d'As- 
sour-nazir-habal ,  traduites  par  M.  Talbot^  et  Finlay^  :  inscrip- 
tion de  Salmanasar,  traduite  par  M.  Fr.  Lenormand'  :  inscription 
de  Binnirari  P',  traduite  par  M.  Sayce^®,  inscriptions  de  Sargon, 
traduites  par  M.  Oppert^^  inscriptions  de  Sennachérib,  traduites  par 


l.  Weitere  Bemerkungen  zu  der  neugefundenen  babylonischen  Nebuead- 
neior-Inschrift,  von  £.  Schrader,  dans  la  Zsrrs.  Ma,,  1879,  p.  45-47. 

I.  Babylonian  dated  tabiets,  and  ihe  canon  of  Ptolemy,  By  W.  St.  Ghad 
Boscawen  (8  plates),  dans  les  Transactions,  t.  VI,  p.  1-133;  M.  Th.  GoMridge 
Pinches  a  publié  la  notice  et  la  traduction  de  qudques-uns  de  ces  textes  dans 
les  Records,  t.  XI,  p.  85-98,  sous  le  titre  :  The  Egibi  tableU.  TnnsUted  by 
Theophilus  Goldridge  Pinches. 

3.  Revised  Ckronology  of  ihe  latest  Babylonian  Kings,  by  Dr.  J.  Oppert, 
dans  les  Transactions,  t.  VI,  p.  260-274.  Tirage  à  part,  in-8*  15  p. 

4.  Dans  les  Proceedings  of  the  Society  of  Biblical  Archxology,  slip  daté  da 
2  juin  1878. 

5.  Ueber  die  Datirung  einer  babylonischen  ThontafH  aus  dem  Slften  Jahre 
des  Cambyses.  Extrait  du  Monatsberickt  de  l'Académie  des  sciences  de  Berlin, 
férrier  1879,  2  p.;  et  dans  la  Zbits.  JEo,,  1879,  p.  39-45. 

6.  Record  of  a  hunting  expédition  of  Tiglath-Pileser  I  {Cire,  B.  C.  1120- 
1100).  Translated  by  Rev.  W.  Houghton,  Records,  t.  XI,  p.  7-10. 

7.  The  Standard  Inscription  of  Assur-akh-bal,  Translated  by  H.  Fox  Tftlbot, 
et  MonolUh  of  Àssur-akh-baL  Translated  by  H.  Fox  Talbot,  dans  les  Record», 
t.  VIII,  p.  9-20. 

8.  Inscription  of  Assur-izir-pal^),  Translated  by  W.  Booth  Finlay,  Records, 
t.  XI,  p.  11-12. 

9.  Bas-reliefs  de  bronze  assyriens,  dans  la  Gazette  archéologique,  1878, 
p.  119-129,  et  pi.  22-24.  Des  fragments  datés  du  règne  d'Assour-nasir-habal  ont 
été  découverts  par  M.  Rassam  à  Balawat  et  ont  fourni  à  M.  Ernest  A.  Budge  la 
matière  d'un  mémoire  lu  à  la  Société  d'archéologie  biblique  {Proceedingt  oftke 
Society  of  Biblical  Archaology.  Session  1878-9.  5th  meeting,  4th  march  1879, 
p.  27-29),  mais  non  encore  publié. 

10.  Inscription  ofRimmon-Nirari  /,  king  of  Assyria  (B.  C.  1320).  Translated 
by  Rey.  A.  H.  Sayce,  dans  les  Records^  t.  XI,  p.  1-6. 

II.  The  Annals  of  Sargon.  Translated  by  Dr.  J.  Oppert,  dans  les  Records, 
t.  VII,  p.  21-56;  Great  Inscription  in  the  Palace  ofKhorsabad.  Translatad  by 
Dr.  J.  Oppert,  Records,  t.  IX,  p.  1-20  ;  Bull  Inscription  of  Khorsabad,  — 


ORIENT.  455 

M.  Budget,  inscriptions  d*Esarhaddon,  traduites  par  M.  Pinches', 
inscriptions  d'Assour-ban-habal,  traduites  par  M.  Fox  Talbot^,  sans 
parler  de  la  réimpression  des  annales  d'Assour-ban-habal  de  Smith^, 
ni  de  Timportante  découverte  faite  par  M.  Sayce  de  textes  se  rappor- 
tant à  la  chute  de  Ninive  et  aux  dernières  guerres  de  son  dernier 
roi  contre  Cyaxare^.  Le  plus  considérable  de  tous  les  ouvrages  histo- 
riques parus  récemment  est  sans  contredit  Touvrage  posthume  de 
Smith  sur  Sennakhérib*.  Il  est  malheureusement  déparé  par  de  nom- 
breuses fautes  que  Smith,  surpris  par  la  mort,  n'a  pas  eu  le  temps  de 
corriger,  et  que  Téditeur  M.  Sayce  a  respectées.  C'est  un  recueil  où 
les  inscriptions  données  en  texte,  en  transcription  latine  et  en  tra- 
duction, sont  accompagnées  de  préfaces  fort  courtes  et  de  notes  plus 
brèves  encore. 

La  collaboration  de  MM.  Menant  et  Oppert,  toujours  si  féconde  en 
heureux  résultats,  a  produit  Tan  dernier  un  des  livres  les  plus  inté- 
ressants qu'on  ait  eus  depuis  longtemps,  le  recueil  de  lois,  de  con- 
trats et  d'actes  juridiques  de  l'Assyrie  et  de  la  Chaldée^.  11  est  regret- 
table que  les  difficultés  de  l'impression  aient  empêché  MM.  Menant 
et  Oppert  de  donner  le  texte  même  de  ces  documents  :  ils  ont  eu  du 
moins  la  précaution  de  mettre  à  côté  de  leur  traduction  une  trans- 
cription en  lettres  latines.  C'est  un  choix  parmi  les  tablettes  juridi- 
ques les  mieux  conservées  ou  les  plus  importantes  :  elles  sont  classées 
par  ordre  chronologique  et  vont  jusqu'au  milieu  de  l'époque  grecque. 
M.  Menant  a  entrepris  seul  l'étude  des  cylindres  et  cachets  dont  ces 
actes  portent  l'empreinte  ou  dont  nos  musées  ont  les  originaux.  A 

intcripiions  of  the  Harem  of  KhcT$ahad,  —  Texis  of  the  Foundation  stone 
ofKhorsabad.  Translated  by  Pr.  Dr.  J.  Oppert,  RecordSy  t.  XI,  p.  15-40. 

1.  Nebbi  Yunus  Inscription  of  SennacMrib  {from  a  mémorial  slab  found 
at  Nineveh).  Translated  by  Ernest  A.  Budge,  Records,  t.  XI,  p.  45-58. 

2.  The  Oracle  of  Ishtar  of  Arbela.  Translated  by  Theophilus  Goldridge 
Pinches.  Records^  t.  XI,  p.  59-72. 

3.  A  Frayer  and  a  Vision,  from  the  Annals  of  Asmrbanipal  King  ofAssyria. 
Translated  by  H.  Fox  Talbot.  Records  ofthe  Past,  t.  VII,  p.  65-68. 

4.  Cette  réimpression,  commencée  dans  les  Records,  t.  I,  p.  55-106,  n'a  été 
reprise  et  terminée  que  dans  le  t.  IX,  p.  37-64. 

5.  Texts  relating  to  the  fall  of  the  Asspian  Empire,  Translated  by  Rey. 
A.-H.  Sayce.  Records,  t.  XI,  p.  79-84. 

6.  Hittory  of  Sennacherib,  translated  from  the  euneiform  inêcriptions.  By 
George  SmiUi.  Edited  by  the  Rey.  A. -H.  Sayce.  London,  Williams  and  Norgate, 
1878,  in-4*,  it-182  p.  Cfr.  dans  U  Revue  critique,  1878,  t.  II,  l'article  de  M.  Sta- 
nislas Gnyard  sur  ce  livre,  et  la  réponse  de  M.  Sayce. 

7.  Documents  juridiques  de  l'Assyrie  et  de  la  Chaldée,  par  MM.  J.  Oppert 
et  J.  Menant.  Paris,  Maisonneuve,  1877,  in-8*,  367  p.;  Babylonian  public  Docu- 
menta conceming  private  persons,  Edited  by  MM.  Oppert  and  Menant,  Records, 
t.  IX,  p.  89-108. 


456  BULLBTI5  HISTOEIQUE. 

Paris,  à  Londres,  dans  les  Pays-Bas,  en  Allemagne,  en  Suisse,  en 
Italie,  il  a  recueilli  les  copies  de  œs  cylindres,  et  a  pu  par  la  compa- 
raison en  déterminer  le  sens,  remploi,  la  date^  Je  ne  vois  guère  à 
citer  comme  complément  à  Tétude  qu'il  a  entreprise  que  les  observa- 
tions de  M.  Sayœ  sur  les  cylindres  assyriens  du  trésor  de  Gurium', 
la  note  de  M.  Schrader  sur  le  cachet  du  roi  Ourzana,  sur  un  ancien 
cylindre  babylonien  et  sur  quelques  gemmes  du  musée  de  Berlin  ', 
celle  de  M.  Lenormant  sur  quelques  monuments  chaldéens  des  col- 
lections romaines^,  enfin  les  mémoires  de  MM.  Mansell  et  Ledrain' 
sur  différentes  intailles  asiatiques. 

Outre  des  textes  historiques  et  religieux,  on  a  retrouvé  aux  bords 
du  Tigre  des  proverbes,  des  chansons,  des  hymnes  :  M.  Sayoe  en  a 
traduit  quelques-uns  *,  ainsi  que  M.  Halévy  ^.  On  a  également  des 
fragments  de  listes  géographiques,  traduits  par  M.  Sayce^,  et  des 

1.  Pfqtiee  swr  ÇMelqun  cjUndres  orientaux,  par  M.  Joichim  Menint.  Paris, 
Imprimerie  Nationale,  1878,  iii-8*,  16  p.  1  pi.  Extrait  des  oomples-rendos  de 
l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  ;  NoUee  tur  quelques  empreintes  de 
cylindres  du  dernier  empire  de  Chaldéey  par  M.  Joachim  Menant  Paris,  Impr. 
Nat.,  1879,  in-8*,  24  p.  et  5  pi.  Extrait  des  comptes-rendus  de  l'Académie  des 
inscriptions  et  belle»-lettres;  Les  cylindres  orientaux  du  Cabinet  des  Médailles 
de  La  Haye,  par  M.  Joachim  Menant.  Paris,  Impr.  Nat.,  1879,  in-8*>  74  p.,  avec 
vignettes  intercalées  dans  le  texte.  Extrait  des  Archives  des  Missions  scienti- 
fiques, 3*  Sér.,  t.  V  ;  Catalogue  des  cylindres  orientaux  du  cabinet  royal  des 
médailles  de  La  Haye,  La  Haye,  imprimerie  de  l*État,  1879,  in-4*,  84  p.  et  tui  pi. 

2.  The  Babylonian  Cylinders  found  bj  gênerai  di  Cesnola  in  the  Treasury 
ofthe  Temple  at  Kurium,  by  Rey.  A. -H.  Sayce,  dans  les  Transactions,  t.  V, 
p.  441-444. 

3.  Ueber  einen  altbabglonischen  KœnigseyUnder  des  Kœnigl-Museum  und 
einige  andere  Cglinder  und  Gemmen,  von  Mb.  Schrader,  mit  1  Taf.;  Anszug 
ans  dem  Monatsberich  der  Kœnigl.  Akademie  der  WissenschaAen  zn  Berlin, 
1879,  p.  288-298. 

4.  Tre  Monumenli  Caldei  ed  Assiri  di  Collesioni  Romane  dichiarati  da  Fr. 
Lenormant  (con  1  tay.  Lit.).  Roma,  1879,  in-8%  19  p. 

5.  Observations  sur  les  intaHles  talismaniques  phéniciennes  (rignettes),  par 
C.  W.  Mansell,  dans  la  Gazette  archéologique,  1878,  p.  38-40;  Pierres  gravées 
phéniciennes  avec  la  représentation  du  sanglier  ailé  (rignettes) ,  par  C.  W. 
Mansell,  ibid,,  p.  50-54.  Les  monuments  égyptiens  connus  sous  le  nomdeCippes 
d^Horus  et  les  intailles  talismaniques  des  Phéniciens  (vignettes),  par  E.  Ledrain, 
dans  la  Gazette  archéologique,  1878,  p.  35-38. 

6.  Two  Àccadian  Hymns.  Translated  by  Rev.  A.-H.  Sayce,  Records,  t.  XI, 
p.  129  ;  Accadian  Penitential  Salm.  Translated  by  ReT.  A.-H.  Sayce,  et  Baby- 
lonian Saints'  Calendar,  dans  les  Records,  t.  VIII,  p.  15M70;  Ancient  Baby- 
lonian Moral  and  Political  Precepts,  Records,  t  MI,  p.  117-122;  Accadian 
Proverbs  and  Songs,  Records,  t.  XI,  p.  131-156. 

7.  Assyrian  fragments.  Translated  by  J.  HaléTy,  Records,  t.  XI,  p.  157-162. 

8.  An  Assyrian  Fragment  on  Geography,  Translated  by  Rer.  A.-U.  Sayce, 
Records,  t.  XI,  p.  145-150. 


ORIBIfT.  'tST 

documents  malhématiques.  L'un  d'eux,  découvert  à  Senkereh, 
est  devenu  entre  MM.  Lepsius*,  Oppert^  Schrader*  et  Delitzsch^ 
Fobjet  d'une  discussion  fort  vive  qui  dure  depuis  plus  de  deux  ans, 
et  n'est  pas  près  de  finir,  non  plus  que  la  controverse  que  M.  Oppert 
soutient  à  lui  seul  contre  tout  le  reste  de  Técole  depuis  plus  de  dix  ans, 
au  sujet  des  listes  d'éponymes.  Dans  son  mémoire  sur  Salomon  et 
ses  successeurs,  M.  Oppert  a  soutenu  énergiquement  son  opinion  et 
tenté  une  fois  de  plus  de  démontrer  qu'il  faut  établir  non  pas  la 
chronologie  biblique  d'après  la  chronologie  assyrienne,  mais  la  chro- 
nologie assyrienne  d'après  la  chronologie  biblique.  Une  série  d'in- 
ductions et  de  calculs  fort  ingénieux  a  conduit  le  même  auteur  à 
déclarer  que  les  chiffres  donnés  dans  la  bible  aux  temps  antérieurs 
à  Joseph  dérivent  des  chiffres  assignés  par  les  Ghaldéens  aux  temps 
antéhistoriques'.  D'autres,  comme  M.  Sillem,  ont,  sans  entrer  dans 
une  discussion  de  nombres,  recherché  sommairement  ce  que  les 
livres  de  la  Genèse  hébraïque  doivent  aux  traditions  assyriennes^, 
ou,  comme  MM.  Nowack^  et  Tiele*,  montré  d'une  manière  générale 
l'utilité  que  l'exégèse  biblique  peut  trouver  dans  l'étude  de  l'assyrio- 
logie.  Un  Anglais,  M.  H.  G.  Tomkins,  a  publié,  sur  l'état  du  monde 
asiatique  au  temps  où  la  légende  place  la  vie  d'Abraham,  un 
mémoire  dont  les  monuments  assyriens  et  quelques  textes  égyptiens 
ont  fourni  les  matériaux  ^.  M.  Guyard  a  interprété  par  plusieurs  pas- 


1.  DU  Babylonisck-Assyrischen  Langenmasse  naeh  der  Tafel  von  Senk&éh, 
Ton  R.  Lepsius.  Aus  den  Abhaodlungen  der  Kœnigl.  Akademie  der  Wissenschaf- 
ten  zu  Berlin,  1877.  Mit  2  Tafeln.  Berlin,  G.  Vogt,  1877,  in-4*,  p.  105^144. 

2.  Les  réponses  et  contre- réponses  de  MM.  Oppert  et  Lepsius  ont  été  publiées 
dans  les  Monaisberickte  der  Kcmiglich,  Pretissischen  Akademie  der  Wistemchaf- 
ien  %u  Berlin.  December  1877,  p.  741  sqq.,  et  Febniar  1878. 

3.  Ueber  Theilgewichte  der  babyloniscken  Mine  und  deren  Bezeiehnung, 
fon  Eb.  Schrader.  Z.i£o.,  1878,  p.  110113. 

4.  Soss,  Ner,  Sar,  von  Fr.  Delilzscb.  Z.  Ma.,  1878,  p.  56-70. 

5.  Die  Daten  der  Genesis,  Ton  J.  Oppert,  dans  les  Ntichrichten  von  der 
Kœnigl.  Gesellschafl  der  Wissenschaften  und  der  G.  À,  UniversiUet  zu 
GiEttingen,  1877,  n«  10,  p.  201-223. 

6.  Dos  Àlte  Testament  im  Lichie  der  Àssyrischen  Forsdiungen  und  ihrer 
ErgelnUsse,  Ton  Dr.  C.-H.-W.  Sillem,  /.  Die  Genesis.  Hamburg,  1877,  Th.  G. 
Meissner,  in-4*,  ii-39  p. 

7.  Die  Astyrisch'Babylonischen  KeU-Inschriften  und  dos  AUe  Testament,  Ton 
Nowack.  Berlin,  Meyer  und  Mueller,  1878,  in-8*,  28  p. 

8.  Die  Assyriologie  und  ihre  Ergebnitse  fuer  die  vergleichende  ReUgions- 
geschickie.  Rede  bel  Eimahme  des  Lehrstuhles  der  allgeroeinen  Religions- 
geschichte  an  der  UniTersitœt  Leyden,  gehalten  Ton  Prof.  C.  P.  Tiele.  Aus  dem 
Hœllendischen  von  K.  Friederici.  Leipzig,  Otto  Schulze,  1878,  in-8%  24  p. 

9.  StudUs  on  tke  Times  of  Abraiiam,  by  the  ReT.  Henry  George  Tomkins. 
London,  Bagsler,  1878,  ia-4%  Part  I,  xtui-228  p.  et  14  pi. 


158  mxRn  nsfouoei. 

sages  d*iiiscriptioiis  améîtbnnes  le  sens  d'un  passage  obscur  de  la 


bible^  Malgré  «s  exemples,  il  semUe  que  les  héhmsants  et  les 
ezégètes  biUîqaes  continueDt  à  tenir  pour  sospeeles  les  infbriDations 
des  monuments  assyriens  el  refusent  d'en  tirer  un  parti  suffisant. 

Les  inscriptions  en  langues  autres  que  Tassjrrîen  et  le  chaldmi 
ancien  ont  été  peul-étre  un  peu  plus  étudiées  qu'dies  ne  Favaient 
été  ju^iu  a  présent.  A  M.  Mordtmann,  qui.  seul  jusqu'à  présent,  avait 
abordé  d'une  manière  suivie  le  déchifflrèment  des  inscriptiens  annè- 
niaques',  est  venu  se  joindre  M.  de  Robert'.  L'ouvrage  oonsidé- 
raUe  que  ce  savant,  nouveau  dans  ce  cbamp  d'études,  a  publié, 
parait  être  oonsdencteusement  exécuté  :  je  n'oserais  affirmer  que 
les  résuluts  auxquels  il  est  arrivé  soient  bien  établis.  M.  Sajœ^  et, 
à  deux  reprises,  M.  Oppert\  se  sont  appliqués  à  l'interprétation  des 
inscriptions  susiennes.  Ils  ne  sont  pas  encore  parvenus  à  tout  lire, 
mais  ce  qu'ils  ont  lu  renferme  des  renseignements  coricnx  sur  le 
peuple  important  et  peu  connu  qui  habitait  l'Elam.  La  laïque  médique 
avait  été  presque  entièraneot  néctigée  depuis  les  beaux  travaux  de 
Norrisw  M.  Oppert,  après  avoir  exposé  quelques  ^ts  nooreanx*  et 
traduit  la  partie  médique  de  nnscripUon  de  Bebistoup  s  vient  de 
publier  en  détail  ce  que  vingt  années  de  labeur  lui  ont  appris  sur 
la  langue  et  le  peuple  des  Mèdes*.  (Vnr  le  persan,  je  n  al  à  indiquer 
id,  outre  une  théorie  nouvelle  de  M.  Deecke,  sur  la  fermalion  de 
l'alphabet  cunèifenne,  que  la  traduction  nouvelle  qu'a  donnée 
M.  Oppert  des  inscriptions  des  rois  Achéménides^. 

Ce  n  est  pas  que  I»  travaux  sur  la  INnrse  anemne  ftssent  âHàJoL 


1.  DaK  le  JmÊnmi  msmt^me.  \ST$^ 

t.  f'«iwr  Ar  Knimsrànfim  rm  Armtmim.  \m  A.-Ik 

>a«rulcB  l^Tî. 
^  J^hi^  f  fcil<rf»j>{*»  smr  im  MJC.yttiMM  fWNV*nw<tt  et 

Uie  AfT.  A.-a.  S«50f.  4i»  II»  rntMKfNM».  t  UK  f  l!^>-4S^ 

X  Us  ImscrtfCMfms  tm  i»«!fiif  >«jmim#.  C«hI  «JTMirftHilMa  fiM-  J.  Ofifcrt. 
èa»  le  OMii^«^^«sAi  èe  U  fiirtrt   jipjj»mi  4»  Owy^j^  écs  i>îf  trfiHfi . 

<L  VÊÊmr  éÊi  Sfrmdkt  étf^  ébm  JMtfr.  vw  Jk  i>f«rt.  E.  K  H.  ■.  G.,  tS96^ 

TiMiiilrfl  I?  J.  ^>pf«tt.  aïK  W»  JÙKw^  U  VU.  |w  :$S^;^V 
ir^  i»-^.  i2^>f  r 


ORIENT.  4  59 

Loin  de  là;  mais,  sauf  M.  Spiegel,  la  plupart  des  savants  qui  les 
font  ne  s'inquiètent  guère  des  inscriptions  cunéiformes.  Ils  com- 
mentent les  textes  zends  et  leur  demandent  presque  exclusivement 
les  renseignements  dont  ils  ont  besoin.  M.  James  Darmesteter  dans 
son  beau  volume  sur  Ormazd  et  Âhrimân  a  montré  quel  lien  étroit 
rattachait  au  début  les  mythes  ariens  de  Tlnde  et  de  llran,  puis  les 
modiflcations  qu'avalent  amenées  le  temps  et  certaines  circonstances 
historiques  dans  les  dogmes  de  la  religion  persane*.  M.  de  Harlez 
dans  une  série  de  mémoires  spéciaux  a  élucidé  certains  passages  de 
TAvesta,  non  sans  attaquer  au  passage  plusieurs  des  idées  favorites 
de  M.  Darmesteter^.  M.  Justi  a  écrit  fort  brièvement  l'histoire  de  la 
Perse  jusqu'à  la  conquête  musulmane'.  Enfin,  M.  Spiegel,  parla 
publication  d'un  troisième  volume,  vient  de  compléter  ses  Antiquités 
Éraniennes^,  On  n'aura  jamais  assez  d'éloges  pour  la  patience  avec 
laquelle  il  a  su  assembler  ses  matériaux,  ni  pour  la  sagacité  avec 
laquelle  il  les  a  traités.  Quelques-uns  de  ses  collègues  lui  reprochent 
de  manquer  parfois  de  critique  :  je  ne  suis  pas  compétent  pour  juger 
jusqu'à  quel  point  ce  reproche  est  fondé. 

J'ai  entrepris  cette  bibliographie  des  ouvrages  relatifs  à  l'Orient 
ancien  qui  ont  paru  depuis  4876  en  toute  sécurité  et  confiance  pour 
l'Egypte.  La  bibliographie  des  livres  assyriens  est  déjà  moins  com- 
plète; car  j'ai  tenu  à  n'y  mettre  que  les  livres  que  j'avais  lus  moi- 
même  :  pour  les  autres  peuples  de  l'Asie  orientale,  elle  serait  moins 
complète  encore.  Je  me  bornerai  à  signaler,  pour  la  Syrie,  la  tenta- 
tive de  déchifi'rement,  par  M.  Sayœ^  des  hiéroglyphes  de  Hamath'; 
pour  la  Phénicie,  les  mémoires  à  la  fois  si  ingénieux  et  si  solides  où 
M.  Glermont-Ganneau  montre  comment  les  objets  de  commerce, 
coupes  en  métal,  vases,  bijoux  fabriqués  par  les  Phéniciens  sur  des 
modèles  égyptiens,  ont  transporté  en  Grèce  et  dans  le  monde  occi- 
dental les  idées  religieuses  du  monde  sémitique  et  les  arts  de 

1.  Ormasd  et  Ahriman,  Uun  origines  et  leur  histoire ^  par  James  Dannes- 
teter.  Paris,  Vieweg,  1877,  in-8%  360  p.,  forme  le  ringt-neuvième  fascicule  de 
la  Bibliothèque  de  l École  des  hautes  études, 

2.  Dans  le  Journal  asiatique,  1876-1879. 

3.  Geschichle  des  alten  Persiens,  yod  D'  Ferdinand  Justi,  mit  lllustrationen 
und  Karten.  Berlin,  Grote,  1879,  1  vol.  in-8*,  yui-250  p.,  44  gravures  et  2  caries. 
Forme  la  quatrième  partie  de  la  première  section  de  l'Histoire  universeUe  de 
Oncken. 

4.  Eranische  AUerthumskundef  von  Fr.  Spiegel.  Dritter  Band.  Leipzig,  Engel- 
mann,  1878,  in-8*. 

5.  The  Hamathite  Inscriptions.  By  Rev.  A.-H.  Sayce,  Transactions,  t.  V, 
p.  22-32,  with  plate. 


460  BULLETIN  HISTORIQUE. 

rÉgypte^',  pour  le  pays  de  Canaan,  les  études  de  H.  Baudissin  sur 
les  religions  sémites^.  Chypre  promet  de  fournir  plus  tard  une  litté- 
rature considérable  :  pour  le  moment,  je  ne  signalerai  que  Touvrage 
où  le  général  de  Cesnola  a  raconté  ses  fouilles',  le  mémoire  où 
M.  Bréal  a  résumé  avec  lucidité  Thistoire  du  déchiffrement  de  l'al- 
phabet chypriote^,  et  celui  de  M.  Deecke  sur  Forigine  assyrienne  de 
cet  alphabet^.  Pour  TAsie-Mineure,  les  fouilles  de  M.  Schliemann 
ont  encore  été  exploitées  par  M.  Fr.  Lenormant  dans  ses  Antiquités 
de  la  Troade^j  et  par  M.  Ed.  Meyer  dans  son  Histoire  de  la  Troade'. 
On  me  permettra  de  m'arréter  ici  et  de  ne  pas  m'engager  plus  avant 
sur  un  terrain  qui  m'est  peu  connu. 

G.    MiSPBKO. 


BELGIQUE. 


Dans  mon  dernier  bulletin,  j'ai  passé  en  revue  les  publications 
belges  de  Tannée  4876  [Revue  historique^  t.  YI,  p.  455-465).  Le 
présent  article  sera  consacré  au  mouvement  historique  en  Belgique 
pendant  les  années  4877  et  4878. 

1.  Voir  surtout  :  Horus  et  Saint  Georges  d'après  un  bas^relief  iiMii  du 
Louvre,  Notes  d'archéologie  orientale  et  de  myUiologie  sémitique,  par  Gh.  Gler^ 
mont-Ganneau,  avec  gravure  et  planche  (extrait  de  la  Revue  archéologique). 
Paris,  Didier,  1867,  in-8%  51  p.;  Mythologie  iconographique  (extrait  de  la 
Revue  critique).  Paris,  £.  Leroux,  1878,  in-8*,  20  p.;  Le  dieu  Satrape  et  les 
Phéniciens  dans  le  Péloponnèse.  Notes  d*archéologie  orientale  (extrait  du 
Journal  asiatique).  Paris,  Iinpr.  Nat.,  1878,  in-8*,  80  p. 

2.  Studien  zur  Semitischen  Religionsgeschichte,  Ton  Wilhelm  Grafen  Bau- 
dissin. Leipzig,  Gninow,  in-8*,  Heft  I,  1876,  yu-336  p.;  Heft  II,  1878,  ▼in-286p. 

3.  Cyprus  :  its  ancient  Cities,  Tombs  and  Temples.  A  Narrative  of  Resear^ 
ches  and  Excavations  during  ten  years*  résidence  as  American  consul  in 
that  island.  By  gênerai  Louis  Palma  di  Gesnola.  With  maps  and  illustrations. 
London,  John  Murray,  1877,  in-8*,  xix-448  p. 

4.  Michel  Bréal.  Sur  le  déchiffrement  des  inscriptions  chypriotes.  Extrait  du 
Journal  des  Savants,  août  et  septembre  1877,  in-4*,  26  p. 

5.  Der  Ursprung  der  Kyprischen  Sylbenschrifl,  eine  palxographisehe  Unter* 
suchung^  Yon  D'  W.  Deecke,  mil  rier  Schrifttafeln.  Strassburg,  Karl  J.  Trudmer, 
1877,  in-8*,  39  p. 

6.  Les  Antiquités  de  la  Troade  et  l'histoire  primitive  des  contrées  grecques, 
par  Fr.  Lenormant,  l'*  partie.  Paris,  MaisonneuYe,  1876,  in-4*,  87  p.  Une  por- 
tion de  ce  trayait  est  extraite  de  la  Gazette  des  Beaux-Arts,  1875-1876. 

7.  Geschichte  von  TroaSy  von  Eduard  Meyer,  mit  einer  Karte.  Leipzig,  Bngel- 
manu,  1877,  in-8%  viii-112  p. 


BBLGIQUK.  464 

Durant  ces  deux  années  la  mort  nous  a  enlevé  le  chanoine  De 
Sraet,  Altmeyer,  le  général  Guillaume,  Roulez  et  Camille  Van  Dessel. 
—  Le  chanoine  de  Smet  était  un  des  vétérans  de  l'histoire  nationale. 
En  4824  il  publiait  déjà  une  Histoire  de  Belgique.  Il  a  édité  pour 
TAcadémie  royale,  dont  il  faisait  partie,  la  précieuse  collection  inti- 
tulée :  Corpus  chronicorum  Flandriae.  —  J.-J.  Altmeyer  était  un 
historien  et  un  professeur  savant,  alliant  à  une  véritable  largeur  de 
vues  une  forme  bizarre  et  souvent  rude  à  force  de  franchise.  Ses 
principaux  ouvrages  se  rapportent  à  la  philosophie  de  Phistoire  et  à 
rhistoire  de  Belgique.  —  Le  général  baron  G.  Guillaume  était  notre 
principal  historien  militaire.  Couronné  en  4846  par  TAcadémie 
royale  pour  une  bonne  Histoire  de  V organisation,  militaire  sous  les 
ducs  de  Bourgogne,  il  n'avait  cessé  jusqu'à  sa  mort  de  produire  des 
monographies  analogues  sur  les  régiments  belges  pendant  la  guerre 
de  Sept  Ans  et  les  guerres  de  la  Révolution  française,  les  gardes 
wallonnes  au  service  de  l'Espagne,  les  quatre  régiments  wallons  au 
service  de  Naples,  les  bandes  d'ordonnance  des  Pays-Bas,  etc.  Il 
édita  aussi,  pour  la  défunte  Société  de  Phistoire  de  Belgique,  les 
Commentaires  de  Bernardino  de  Mendoça  (4567-4577),  écrivain 
élégant,  guerrier  et  diplomate  distingué,  qui  admirait  le  duc  d'Albe, 
mais  qui  se  montre  exact  et  impartial.  — J.-E. -G.  Roulez  étaitprofes- 
seur  émérite  de  l'Université  de  Gand.  Ses  travaux  sur  Tarchéologie, 
la  paléologie  et  l'épigraphie  l'avaient  fait  connaître  à  l'étranger  plus 
qu'en  Belgique,  où  ces  sciences  sont  fort  peu  cultivées.  Il  s'était 
aussi  beaucoup  occupé  des  époques  reculées  de  l'histoire  de  Belgique, 
et  son  Mémoire  sur  les  légats,  propréteurs  et  procurateurs  des  pro- 
vinces de  Belgique  et  de  la  Germanie  inférieure  (2**  édition  de  4  875) 
est  un  ouvrage  classique.  —  Enfln  Camille  Van  Dessel  était  un  jeune 
érudit,  qui  s'était  surtout  signalé  par  sa  remarquable  Carte  archéo- 
logique  de  la  Belgique  (période  anté-historique,  romaine  et  flanque) 
et  par  la  préparation  d'une  nouvelle  édition  du  grand  ouvrage  de 
Schayes,  La  Belgique  et  les  Pays-Bas  avant  et  pendant  la  domina- 
tion  romaine,  dont  il  sera  question  plus  loin.  M.  Van  Dessel  n'avait 
que  vingt-six  ans.  Le  chanoine  de  Smet,  Altmeyer,  le  général  Guil- 
laume et  Roulez  avaient  au  contraire  atteint  la  vieillesse  et  donné 
complètement  la  mesure  de  leur  science  et  de  leur  talent. 

Les  Mémoires  et  les  Bulletins  de  l'Académie  royale  de  Belgique 
fournissent  tous  les  ans  une  moisson  abondante,  sinon  toujours 
riche,  à  l'histoire,  surtout  à  l'histoire  nationale.  Dans  les  Mémoires 
in-quarto,  nous  citerons  un  travail  consciencieux,  qui  par  beaucoup 
de  côtés  se  rattache  à  l'histoire  proprement  dite  et  contient  beaucoup 
de  choses  neuves  :  La  sculpture  aux  Pays-Bas  pendant  les  XV fp  et 

ReV.   HiSTOR.    XI.    i«'  FASC.  ii 


462  BULLETIN  HISTORIQUE. 

XVIII^  siècles^  par  M.  le  chevalier  Edm.  Marchai.  L'auteur  débute 
par  un  résumé  où  il  expose  toute  Thistoire  de  la  sculpture  en  Bel- 
gique depuis  les  temps  les  plus  reculés  (périodes  ^o-romaine, 
romano-byzantine^  gothique  et  de  la  renaissance).  Il  passe  ensuite  en 
revue  les  divers  styles  :  hispano-italien,  italo-flamand,  borrominien, 
Rubens,  rocaille  et  néo-classique.  Pour  le  xvii*  et  le  xviii*  siècle, 
Pauteur  a  classé  les  sculpteurs  en  huit  régions,  correspondant  à 
autant  d'écoles  distinctes  (Bruxelles,  Malines,  Anvers,  Gand,  Bruges, 
la  Flandre  fhmçaise,  Hainaut-Namurois  et  Liège).  Ce  livre  d'histoire 
de  l'art  jette  un  jour  tout  nouveau  sur  un  côté  de  la  vie  nationale  aux 
Pays-Bas  pendant  deux  siècles. 

Dans  la  collection  des  Mémoires  in-octavo,  il  y  a  abondance.  La 
dissertation  flamande  (couronnée)  de  M.  Max  Rooses,  Plantijn  en 
de  Plantijnsche  drukkerij  (Plantin  et  l'imprimerie  Plantinienne)  * ,  se 
présente  la  première  et  est  une  des  meilleures.  L'histoire  du  célèbre 
imprimeur  anversois  et  de  ses  continuateurs  est  menée  jusqu'à  la  fin 
du  siècle  dernier.  C'est  une  esquisse  très  intéressante  et  très  sûre 
d'un  très  vaste  sujet.  On  sait  que  Christophe  Plantin,  français  d'ori- 
gine, était  devenu  imprimeur  de  Philippe  n  dans  les  Pays-Bas,  et 
que  son  nom  est  sans  cesse  mêlé  à  l'histoire  politique,  religieuse  et 
littéraire  du  temps.  La  maison,  les  ateliers  et  la  riche  bibliothèque 
de  Plantin  et  de  ses  successeurs  ont  été  conservés  religieusement 
comme  par  miracle  à  Anvers,  et  de  nos  jours  ce  trésor  a  été  trans- 
formé en  un  musée  public  dont  M.  Max  Rooses  est  conservateur.  — 
Dans  un  mémoire  intitulé  :  Histoire  du  droit  de  chasse,  M.  Amédée 
Faider  fait  l'historique  de  ce  droit  aux  temps  mérovingiens  et  carlo- 
vingiens,  à  l'époque  de  la  féodalité,  sous  les  ducs  de  Bourgogne  et 
sous  les  maisons  d'Espagne  et  d'Autriche,  dans  les  diverses  parties 
dç  la  Belgique  actuelle  (Pays-Bas  méridionaux,  principauté  épiscopale 
de  Liège,  duché  de  Bouillon  et  principauté  abbatiale  de  Stavelot).  — 
Le  Mémoire  historique  sur  la  persistance  du  caractère  national  des 
Belges^  par  M.  Th.  Quoidbach,  est  un  long  morceau,  superficiel, 
indigeste  et  singulièrement  paradoxal,  dans  lequel  l'auteur  s'eJQTorce 
de  prouver  que  le  caractère  national  des  Belges  s'afQrme  depuis  les 
temps  les  plus  reculés,  non  seulement  dans  leur  amour  de  la  liberté, 
mais  aussi  dans  leur  attachement  à  l'église  catholique.  Pour  y  arri- 
ver, il  remonte  jusqu'à  la  conquête  romaine  et  même  au-delà  ;  il  perd 
complètement  de  vue  que,  pendant  les  belles  époques  de  leur  histoire, 
c'est-à-dire  jusqu'au  xvii'  siècle,  les  Pays-Bas  méridionaux  se  dis- 

1.  Sous  ce  titre,  M.  Edm.  Mertens  a  publié  une  traduction  française  de  cette 
consciencieuse  monographie. 


BELGIQUE.  403 

tinguÀrent  par  de  nombreuses  hérésies  et  par  une  grande  indépen- 
dance à  l*égard  de  TÉglise  -,  il  excuse  les  rigueurs  cruelles  de  Phi- 
lippe II  et  rend  les  calvinistes  du  xyp  siècle  responsables  de  tous  les 
maux  causés  par  les  guerres  religieuses;  il  malmène  aussi  Joseph  II. 
Le  monde  savant  sera  étonné  en  apprenant  que  ce  mémoire,  qui  déve- 
loppe maladroitement  une  thèse  aussi  fausse,  a  été  couronné  par 
FAcadémie  royale. 

Dans  les  Bulletins  de  l'Académie  royale  nous  signalerons  d'abord 
un  remarquable  discours  de  M.  Emile  de  Laveleye,  professeur  à 
rUniversité  de  Liège,  sur  La  démocratie  et  l'économie  politique^  et 
un  discours  de  M.  Alph.  Wauters,  sur  Les  travaux  historiques  de 
jadis  et  ceux  d* aujourd'hui.  Il  y  caractérise  rapidement  la  valeur 
des  chroniques  et  des  historiens  des  Pays-Bas  jusqu'à  la  fln  du 
xyi«  siècle,  spécialement  Jean  le  Bel,  Froissart,  Hemricourt,  Jean 
d'Outremeuse,  Jacques  Du  Clercq,  Olivier  de  la  Marche,  Philippe  de 
Gommines  et  Jacques  de  Meyer.  Ce  dernier,  quoique  appartenant  au 
clergé,  vit  mutiler  ses  Annales  Flandriae  par  la  censure  ombrageuse 
de  Charles-Quint  et  de  Philippe  II.  Après  les  guerres  religieuses, 
l'histoire  se  réfugie  sur  le  sol  libre  des  Provinces-Unies  et  y  produit 
Bor,  Hooft,  van  Meteren  et  d'autres  moins  connus.  Van  Meteren 
était  d'Anvers  et  avait  fui  en  Hollande  pour  échapper  à  la  tyrannie 
religieuse  qui  pesait  sur  le  Sud  depuis  le  triomphe  des  armes 
d'Alexandre  Farnèse.  Jusqu'à  la  fin  du  xyiii«  siècle  la  Belgique  ne 
produisit  plus  une  seule  œuvre  historique  importante.  Les  deux  réno- 
vateurs de  l'histoire  furent  alors  le  chevalier  Diericx,  auteur  de 
savants  Mémoires  sur  les  lois^  les  coutumes  et  les  privilèges  des  Gan^ 
tais,  travail  puisé  aux  sources  mêmes,  et  Ernst,  auteur  d'une 
Histoire  du  Limbourg,  Au  xix*  siècle,  on  eut  de  Gerlache,  Gachard 
et  leurs  nombreux  continuateurs.  —  M.  J.-J.  Thonissen,  professeur 
à  l'Université  catholique  de  Louvain,  dans  ses  Études  sur  l'histoire 
du  droit  criminel  en  France,  s'occupe  des  peines  capitales  sous  les 
Mérovingiens.  —  M.  P.  Willems,  professeur  à  la  même  Univer- 
sité^ étudie  la  Compétence  du  sénat  de  la  république  romaine  en 
matière  d'affaires  étrangères.  Il  traite  d'abord  des  déclaratfons  de 
guerre  et  prend  pour  exemple  celles  de  la  deuxième  et  de  la  troisième 
guerre  punique  *,  puis  des  négociations  avec  l'ennemi  pour  la  conclu- 
sion d'un  armistice  ou  d'une  paix,  et  il  examine  les  traités  qui  suivent 
la  deuxième  guerre  punique  et  le  traité  conclu  avec  Philippe  de  Macé- 
doine, n  étudie  ensuite  les  traités  d'alliance,  d'amitié  et  d'hospitalité 
publique,  les  rapports  généraux  du  sénat  avec  les  alliés  et  les 
peuples  étrangers,  les  audiences  accordées  par  le  sénat  aux  députa- 
tîons  étrangères,  les  ambassades  romaines  à  l'étranger  et  la  politique 


4  64  BULLBTIIf  HISTORIQUE. 

générale  du  sénat  au  second  siècle  avant  J.-G.  —  Dans  une  autre 
notice,  intitulée  :  La  rédaction  et  la  garde  des  sénatus-consultes 
pendant  la  républiqiLe  romaine,  le  même  auteur  fait  aussi  preuve 
d'une  érudition  sûre  et  pleine  de  sagacité.  Ces  deux  travaux  sont 
faits  sur  les  sources  et  d'après  les  résultats  de  la  philologie  moderne. 
—  Dans  une  curieuse  dissertation,  intitulée  :  Edouard  III  dans  nos 
deux  littératures^  M.  J.  Stecher,  professeur  à  TUniversité  de  Liège, 
étudie  les  jugements  portés  sur  le  héros  anglais  de  la  première  partie 
de  la  guerre  de  Cent  Ans  par  ses  contemporains  wallons  et  flamands  : 
le  chanoine  liégeois  Jean  le  Bel,  auteur  des  Vrayes  Chroniques^  que 
Froissart  inséra  presque  intégralement  dans  sa  grande  narration  ;  le 
poète  flamand  Jean  van  Boendale,  qui  était  clerc  des  échevins  d^ An- 
vers et  qui  écrivit  un  poème  consacré  au  roi  anglais,  intitulé  :  Van 
den  derden  Edowaert  (du  troisième  Edouard)  \  Tauteur  inconnu  des 
Récits  d*un  bourgeois  de  Valenciennes  et  enfin  Jean  Froissart  lui- 
même,  dont  les  ravissants  récits  sont  pleins  de  la  grande  personna- 
lité d'Edouard  III.  —  M.  Gachard  a  consacré  quelques  pages  intéres- 
santes au  Voyage  de  Pierre  le  Grand  dans  les  Pays-Bas  autrichiens 
en  \7\7.  Le  fameux  tsar  de  Russie  avait  visité  la  Hollande,  l'Angle- 
terre, TAllemagne  et  FAutriche  à  la  fin  du  xtii*  siècle,  et  ce  premier 
voyage  avait  été  un  voyage  d'instruction.  Le  second  qu'il  fit  en 
Occident  eut  un  but  politique.  Il  s'occupa  surtout  de  pénétrer  les 
secrets  des  cours,  et  à  cette  époque  La  Haye  était  considérée  comme 
le  centre  des  négociations  de  l'Europe.  Il  se  rendit  donc  en  Hollande 
et  séjourna  assez  longuement  dans  plusieurs  villes  des  Provinces- 
Unies.  De  là  il  se  rendit  dans  les  Pays-Bas  autrichiens  qu'il  traversa 
rapidement  en  passant  par  Anvers,  Bruxelles^  Gand,  Bruges,  Ostende 
et  Nieuport.  Les  provinces  belges  étaient  alors  gouvernées  par  le 
marquis  de  Prié,  gentilhomme  piémontais,  au  service  de  l'empereur 
Charles  VI.  Pierre  le  Grand  visita  ensuite  la  France  et  retraversa  la 
Belgique  à  son  retour.  U  descendit  la  Meuse  de  Charleville  à  Liège, 
s^arrêtant  avec  complaisance  à  Namur,  où  on  lui  donna  le  spectacle 
d'un  combat  d'échasses,  d'une  joute  nautique  et  du  saut  de  Tanguille 
sur  la  Meuse.  Il  s'amusa  énormément  de  ces  jeux  locaux  fort  origi- 
naux. Puis  il  alla  résider  quelque  temps  à  Spa.  Pour  cette  partie, 
M.  Gachard  renvoie  au  livre  de  M.  Albin  Body,  Pierre  le  Grand  aux 
eaux  de  Spa.  Ce  voyage,  peu  important  du  reste,  puisque  le  tsar 
voyageait  incognito  et  en  amateur,  avait  passé  à  peu  près  inaperçu. 
M.  Gachard  l'a  raconté  en  détail  d'après  des  documents  tirés  des 
archives  du  royaume  et  de  quelques  villes  et  des  gazettes  du  temps. 
Notons  en  passant  qu'à  Bruxelles  Pierre  le  Grand  refusa  les  apparte- 
ments qu'on  lui  avait  préparés  au  Palais,  et  alla  s'installer  dans  la 


BELGIQUE.  465 

petite  maison  où  Charles-Quint  habita  quelque  temps  après  son  abdi- 
cation * .  Pendant  son  séjour  en  Belgique,  le  tsar  songea  très  sérieu- 
sement à  établir  des  relations  maritimes  directes  avec  la  Russie, 
nomma  un  agent  spécial  et  ouvrit  des  négociations  à  ce  sujet  avec  le 
marquis  de  Prié. 

La  Commission  royale  d'histoire  a  publié  quelques  nouveaux 
volumes  in-4**.  M.  Gachard,  archiviste  général  du  royaume,  a  fait 
paraître  le  tome  II  de  La  Bibliothèque  nationale  à  Paris,  Notices  et 
extraits  des  manuscrits  concernant  l'histoire  de  Belgique,  Ce  volume 
contient  surtout  la  correspondance  de  trois  ambassadeurs  de  France 
à  la  cour  de  Charles-Quint,  de  cinq  autres  à  la  cour  de  Philippe  II, 
et  de  trois  diplomates  français  envoyés  à  Bruxelles  par  Charles  IX 
pendant  l'administration  tyrannique  du  duc  d'Albe  dans  les  Pays- 
Bas.  —  M.  Alph.  Wauters,  archiviste  de  la  ville  de  Bruxelles,  a 
publié  le  tome  V  de  sa  Table  chronologique  des  chartes  et  diplômes 
imprimés  concernant  l'histoire  de  Belgique.  Il  va  de  4254  à  4279. 
C'est  l'époque  de  la  querelle  sanglante  des  maisons  d'Avesnes  et  de 
Dampierre  en  Hainaut  et  en  Flandre,  et  tous  les  états  belges  du 
temps  y  ont  été  plus  ou  moins  mêlés.  Ce  volume  contient  l'analyse 
d'un  nombre  considérable  de  documents  se  rapportant  à  la  comtesse  de 
Flandre  Marguerite  de  Constantinople,  au  duc  de  Brabant  Henri  II(,  au 
prince-évèque  de  Liège  Henri  de  Gueldre,  au  comte  Gui  de  Dampierre, 
etc. ,  ou  aux  seigneurs,  aux  prélats,  aux  lettrés  et  aux  communes  belges 
delà  seconde  moitié  du  xni*  siècle.  —  M.  Stan.  Bormans,  archiviste 
de  l'État  à  Namur,  a  édité  le  t.  IV  de  la  Chronique  de  Liège  de  Jean 
des  Preis,  dit  d'Outremeuse,  dont  feu  le  professeur  Ad.  Borgnet  avait 
dirigé  la  publication  avant  lui.  —  Enfin  M.  Edm.  Poullet,  professeur 
à  l'Université  catholique  de  Louvain,  a  publié  le  premier  volume  de 
la  Correspondance  du  cardinal  Granvelle  (4565-4586).  Cette  publi- 
cation ne  manquera  pas  d^attirer  l'attention  de  tous  ceux  qui,  en 
Belgique  et  à  l'étranger,  s'occupent  de  Thistoire  du  xvi*  siècle,  dans 
laquelle  le  fameux  cardinal  a  tenu  une  place  si  importante.  Ce  pre- 
mier volume  contient  424  lettres  (du  20  oct.  4565  jusqu'au  29  sept. 
4566),  et  dans  un  appendice  l'éditeur  a  réuni  29  lettres  des  années 
4564-4565,  concernant  surtout  le  Concile  de  Trente.  Une  table 
chronologique  des  matières  et  des  personnages  cités  complète  cette 
importante  publication. 

Dans  les  Bulletins  de  la  même  Conmiission  il  y  a  à  citer  quelques 
notices.  M.  Ch.  Piot  y  a  inséré  un  rapport  au  ministre  de  l'intérieur 

1.  Cette  maison  était  située  au  fond  du  parc,  sur  l'emplacement  actuel  du 
Palais  de  la  Nation,  où  les  deux  chambres  belges  tiennent  leurs  séances. 


«ir  m  maxsnsarja  ïoniïmiiiii:  le»  .mniiiiQies  aisûafs  «il  ^Bmeat  ifi»- 
juttufe.  •oiosenu!»  .i  >&  BtMiidieifB!:  ni^iii*^  &  La  Uapf  •&  &  îta 
lBhiii;rjutfgu^  'Winmiiiia^  fe  Bkr!iui%  —  Lt  nuoiff  .h  fpnmiif  nm 
•r3ir«ix  ;nrx'uL  JiCiCiiJfr  I^  »pmigm/g79£i  en  ùtt  piîaihtffm  emmm^ 
f^*    ^m    tkiajmyw.    f«nr  4f£    ^   «à  JT|//*    Afff£f~    E  sum  'Ak 

tfiî$.  «dkt  lift  Eff^tËci^iK  t  iJOi  lBi!çi3b^f iK-  îsThm^LSt.  «Aai  ain:  -îpitlkK  «fom»» 

^  ««^^«iiaBii  rahkfiji^  ssr  k  Rfiîa.  ^  «ff ûtficKtnBBL:;  -^  làiv  fortâ  «dn 

9;w  <^  3m>jC  lac,  Eapoï  A  qHfte&qoes  lonres  M^eors  pAoK  4tecayrs  île 

b   rqinlâioD    ofiAiiniK:  qiK  Sfjuk^  k  oùoficrpôiw  mffîtiife.  oa 

M.  Ajos.  Orté  :&  ntune»  llû^0if«.  M.  P>X  Êûi  saîrre  sod  înteressuA 

vk  S'Awt  ef  ^xiroMis  dus  pofnen  df  fo  C&a»j»i«iii^«  «imkSie  é  JVm*, 
<r  f^MPtasion  di  In  tmryrue  e4  é^  fomipaiûm  de  erttr  riiU  pmr  le 
oom/if  ^/va  lif  SoAmm  1^72-1573  .  nÉmotiP  ks  prooes  fl  ks  pa» 
euliocts  qui  5Uf %înefDl  k  défjftrt  4e  ce  prince,  qui.  aitJe  de  calvinistes 
ÎTTknmi,  ait^^iuait  k  doc  d'Albe  par  k  Sud.  tandis  que  son  firm^ 
i'suiïiHsiam  d  Oran^.  arrivait  d'AUemaene  par  k  Nord  et  mandiaîi 
mr  Bruxelks.  La  Saint-Bartbékmj  mina  ce  projel  hardi,  qui  repo- 
lît sur  la  récoriciliaUcMi  des  protestants  de  France  aver  Charks  K; 
ceiupci  aurait  <ktiaré  la  guerre  a  Philippe  II  et  aurait  envove  Coticnj 
au  secours  des  cal%  inistes  flamands  et  vallons.  —  M.  L.  Galeslool  a 
attiré  Patt/i'ntion  sur  ks  Mémoires  tecreis  d'Adrien  Foppens  sur  k 
gouvernement  et  les  aflaires  des  Pays-Bas  pendant  les  années  l6St 
a  1682.  Foppens  avait  été  nomme  en  1667  rédacteur  du  seul  journal 
imprimé  alors  à  Bruxelles  et  qui  faisait  l'office  de  journal  officiel. 
C'était  le  Courrier  véritable  des  Pa^s-Bas,  dont  tous  les  artîcks 
étaient  publiés  sous  les  } eux  de  la  censure  et  dont  les  épreuves  étaient 
parfois  corrigées  par  les  hauts  dignitaires  espagnols  du  gouverne- 
ment de  Bruxelles.  Néanmoins  Foppens  était  en  secret  très  hostik  à 


BELGIQUE.  467 

ces  hommes  d'État  qu'il  servait,  et  pendant  dix-sept  ans  il  rédigea 
contre  eux  des  mémoires  secrets,  dont  on  n'a  retrouvé  qu'un  frag- 
ment, n'embrassant  que  trois  années.  Ils  contiennent  une  foule  de 
petits  détails  curieux  qu'on  ignorait  jusqu'à  ce  jour.  Ces  Mémoires 
sont  imprimés  à  la  suite  de  la  notice  de  M.  Galesloot.  —  M.  Gode- 
froid  Kurth,  professeur  à  l'Université  de  Liège,  a  publié  La  charte 
d'affranchissement  de  Saint-Léger  (2  mars  4368).  On  croyait  jusqu'à 
présent  que  les  communes  de  l'ancienne  prévôté  d'Arlon  n'avaient 
jamais  reçu  de  chartes  d'affranchissement.  La  découverte  de  plusieurs 
copies  authentiques  dans  les  archives  de  cette  petite  commune  du 
Luxembourg  belge  établit  le  contraire.  —  M.  Reatz,  avocat  alle- 
mand, qui  est  l'auteur  d'une  histoire  du  droit  maritime  en  Europe 
[Geschichte  des  Europœischen  Seeversicherungsgerecht  y  4870),  a 
publié  une  curieuse  notice  sur  les  ordonnances  du  duc  d'Albe  con- 
cernant les  assurances  maritimes.  U  s^appuie  surtout  sur  les  magni- 
fiques travaux  de  M.  Gilliodts-van  Severen  relatifs  aux  archives  de 
Bruges.  Il  examine  d'abord  le  droit  coutumier  de  cette  opulente 
métropole  maritime  au  moyen  âge-,  il  passe  ensuite  à  l'ordonnance 
du  duc  Philippe  le  Bon  en  4458,  à  celles  de  Charles-Quint  en  4537, 
4549  et  4554,  et  à  celle  de  Philippe  II  en  4563;  enfin  il  commente  et 
publie  celles  du  duc  d'Albe  en  4569,  4570  et  4574 . 

En  Belgique,  où  l'histoire  nationale  absorbe  presque  toute  l'atten- 
tion, on  s'occupe  de  tout  côté  de  la  publication  des  documents  impor- 
tants conservés  dans  les  dépôts  publics.  A  ce  point  de  vue,  M.  Gachard 
a  donné  l'exemple  et  ses  travaux  lui  ont  valu  une  réputation  euro- 
péenne. D'autres  archivistes  marchent  sur  ses  traces  et  en  première 
ligne  il  flsiut  citer  M.  L.  Gilliodts-van  Severen,  archiviste  de  la  ville 
de  Bruges.  En  4  874  il  a  commencé  la  publication  de  l'Inventaire  des 
archives  de  la  ville  de  BrtigeSy  qui  se  composera  de  trois  sections. 
La  première,  comprenant  les  chartes  politiques  du  xiii*  au  xvi«  siècle, 
est  complète  déjà.  La  seconde  comprendra  les  chartes  qui  se  rappor- 
tent à  Torganisation  des  gildes  et  des  corporations  des  métiers 
durant  la  même  période.  La  troisième  et  dernière  section  comprendra 
toutes  les  chartes,  politiques  et  autres,  du  xvi*  au  xix*  siècle.  Le 
savant  éditeur  a  pris  le  mot  charte  dans  son  acception  la  plus 
étendue,  comme  s'appliquant  à  toutes  les  pièces  détachées,  originaux 
ou  copies  vidimées,  dont  l'authenticité  peut  être  établie  suivant  les 
principes  de  la  diplomatique.  Les  archives  de  Bruges  présentent  un 
intérêt  très  considérable,  parce  que  cette  fière  commune  a  été  au 
moyen  âge  le  grand  port  et  l'entrepôt  central  du  commerce  de  la  mer 
du  Nord  en  même  temps  que  la  métropole  des  arts,  surtout  au 
xv«  siècle,  lorsque  les  frères  van  Eyck  et  leurs  élèves  y  florissaient. 


468  BULLETIN  HISTORIQUE. 

Les  six  premiers  volumes  de  V Inventaire  de  M.  Gilliodts-van  Severen 
embrassent  la  période  comprise  entre  4228  et  4500.  Chaque  volume 
est  un  in-4*  de  plus  de  500  pages,  contenant  des  analyses  faites  avec 
beaucoup  de  soin  et  de  méthode  et  judicieusement  proportionnées  à 
l'importance  des  pièces.  Chaque  charte  est  précédée  du  texte  entier 
des  suscriptions  et  suivie  d'annotations  et  de  la  description  des  sceaux 
qui  sont  ou  étaient  attachés  à  Foriginal.  Quelques  pièces,  d'une  valeur 
plus  grande,  sont  reproduites  en  entier.  Outre  ces  six  volumes, 
M.  Gilliodts-van  Severen  en  a  donné  un  septième  (in-4<'  de  520  pages), 
consacré  tout  entier  à  V Introduction.  L'auteur  s'occupe  d'abord  des 
archives  de  Bruges  et  donne  un  aperçu  de  leur  richesse;  puis  il  flsiit 
l'histoire  sommaire  de  ce  précieux  dépôt,  qui  commence  à  l'incendie 
de  la  tour  des  Halles  en  4280.  Vient  ensuite  une  digression  sur  le 
calendrier  du  moyen  âge  et  les  fêtes  de  l'année,  digression  remplie 
de  détails  précieux  sur  les  usages  anciens  de  la  Flandre.  Une  autre 
partie  est  consacrée  à  l'étude  de  l'écriture,  des  registres,  du  papier, 
des  sceaux,  des  idiomes  employés  dans  les  actes  et  des  noms  de  per- 
sonnes et  de  localités.  C'est  un  véritable  traité  des  connaissances 
indispensables  à  celui  qui  veut  faire  des  recherches  dans  des  archives 
flamandes.  Ce  qui  manque  complètement  à  cette  œuvre  admirable, 
ce  sont  les  tables.  Espérons  que  nous  ne  devrons  pas  les  attendre 
jusqu'au  moment  où  les  deux  autres  sections,  promises  par  M.  Gil- 
liodts-van Severen,  auront  paru  en  entier. 

V Inventaire  des  chartes  des  Archives  d'Ypres  a  déjà  été  publié. 
Cette  vieille  commune  flamande,  qui  jusqu'à  la  fin  du  xiv^  siècle  fut 
la  rivale  de  Gand  et  de  Bruges,  possède  aussi  un  dépôt  extrêmement 
riche.  M.  J.  L.  A.  Diegerick,  l'excellent  archiviste  de  la  ville  d'Ypres, 
s'occupe  depuis  4874  de  la  publication  de  Documents  du  XVP  siècle 
relatifs  aux  troubles  religieux.  Quatre  volumes  ont  paru.  Les  deux 
premiers  contiennent  le  Mémoire  justiflcatif  du  magistrat  d'Ypres 
sur  les  troubles  de  4566  et  4567  avec  une  série  de  pièces  à  Tappui. 
On  sait  que  les  excès  des  iconoclastes,  en  août  4  566,  inaugurèrent 
une  période  d'agitations  et  de  troubles  continuels  durant  plusieurs 
mois,  pendant  lesquels  les  calvinistes  furent  tout-puissants.  Puis 
vint  une  réaction  violente,  lorsque  le  duc  d'Albe  prit  en  mains  les 
rênes  du  pouvoir  au  nom  du  roi  Philippe  II;  tous  les  magistrats  des 
villes  infectées  d'hérésie  durent  se  justifier  auprès  du  gouvernement. 
Les  deux  autres  volumes  contiennent  des  documents  divers,  ayant 
tous  trait  aux  affaires  de  religion  et  allant  de  4533  à  4573.  On  y 
trouve  des  pièces  importantes;  beaucoup  portent  la  signature  des 
hommes  les  plus  célèbres  du  temps.  Toutes  sont  données  in-extenso 
et  sans  notes.  Le  tome  IV,  paru  en  4  877,  se  termme  par  une  table 


BELGIQUE.  169 

des  noms  de  personnes  cités  dans  ces  quatre  volumes.  —  M.  Léopold 
Devillers,  archiviste  à  Mons,  a  fait  paraître  le  t.  VIll  de  la  Descrip- 
tion  analytique  de  carttUaires  et  de  chartriers  accompagnés  du  texte 
des  documents  utiles  à  ^histoire  du  Hainaut,  On  y  trouve  une 
notice  sur  les  archives  des  établissements  de  charité  de  la  ville  de 
Mons.  —  M.  Stanislas  Bormans  a  publié  un  volume  de  Documents 
inédits  concernant  V histoire  de  la  province  de  Namur,  contenant 
des  analyses  de  cartulaires  des  petites  communes.  Le  même  a  égale- 
ment édité  le  1. 1  du  Cartulaire  de  la  commune  de  Namur.  —  Enfin 
M.  Diegerick  a  publié  un  Inventaire  analytique  et  chronologique 
des  chartes  et  documents  appartenant  aux  archives  de  l* ancienne 
abbaye  de  Messines^  en  Flandre. 

M.  Kervyn  de  Lettenhove  a  publié  pour  la  première  fois,  d'après 
un  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  TArsenal  à  Paris,  une  chronique 
du  xiv«  siècle,  qu'il  a  intitulée  Récits  d'un  bourgeois  de  Valenciennes. 
Cette  chronique  anonyme  n'était  connue  que  par  les  extraits  que 
Buchon  en  a  donnés  en  4838  et  par  les  citations  de  M.  Kervyn  dans 
les  notes  de  son  édition  de  Proissart.  M.  Kervyn  n'a  pas  cru  devoir 
publier  tout  le  manuscrit  de  Paris.  Il  a  omis  la  partie  de  la  chronique 
qui  va  de  la  création  du  monde  jusqu'au  règne  de  Philippe  de  Valois 
et  un  autre  fragment  qui  n'est  qu'une  sorte  de  reproduction  du 
Livre  de  Beaudouin  d*Avesnes,  Les  récits  du  bourgeois  de  Valen- 
ciennes s'arrêtent  à  l'année  \  366  ;  ils  sont  empreints  d'une  grande  sin- 
cérité et  contiennent  beaucoup  de  détails  nouveaux  sur  les  événements 
du  xiv«  siècle.  —  M.  Ch.  Potvin  a  publié  les  Œuvres  de  Ghillebert 
de  Lannoy,  voyageur,  diplomate  et  moraliste,  qui  faisait  partie  de 
l'entourage  des  ducs  de  Bourgogne  Philippe  le  Bon  et  Charles  le 
Téméraire.  Il  mourut  en  4  462,  âgé  de  76  ans.  11  visita  toute  l'Europe 
méridionale,  sauf  la  péninsule  ibérique,  toute  PEurope  centrale  et  les 
îles  britanniques,  la  Crimée,  la  Pologne,  la  Hongrie,  l'Egypte,  la  Pales- 
tine, l'Ile  de  Chypre,  la  Scandinavie,  la  Livonie  et  poussa  jusqu'à  la 
fameuse  Novgorod.  Ghillebert  de  Lannoy  raconte  tous  ses  voyages,  et 
cette  partie  de  ses  œuvres  sera  consultée  avec  fruit  par  les  géogra- 
phes qui  s'occupent  de  l'Europe  et  de  l'Orient  au  xv«  siècle.  M.  Potvin 
publie  ensuite  Y  Instruction  d*un  jeune  prince,  attribuée  jusqu'ici  à 
Chastellain.  Ghillebert  de  Lannoy  a  donné  d'excellents  conseils  sur  la 
manière  de  gouverner  ses  pays  au  duc  Philippe  le  Bon.  11  lui  suggéra 
même  d'établir  une  sorte  de  conseil  des  ministres  responsable,  gou- 
vernant de  concert  avec  les  états  généraux.  —  fi.  Heremans,  profes- 
seur à  Tuniversité  de  Gand,  a  publié  pour  la  société  des  bibliophiles 
gantois  les  Refereynen  ou  pièces  versifiées  d'un  concours  de  poésie 


470  BULLETIN  HISTORIQUE. 

dramatique  qui  eut  lieu  à  Gand  en  4539;  ces  poèmes  respirent  un 
esprit  très  hostile  à  Rome.  Ce  recueil  avait  paru,  en  cette  même 
année  4  539,  mais  il  avait  été  supprimé  et  brûlé  par  la  main  du  bour- 
reau-, on  n'en  connaît  plus  que  quatre  exemplaires,  dont  un  est  con- 
servé à  la  bibliothèque  de  TUniversité  de  Gand.  C'est  cet  exemplaire 
qui  a  été  suivi  par  M.  Heremans  pour  la  réimpression  de  ce  curieux 
document  de  Thistoire  religieuse  des  Pays-Bas,  qui  se  rattache  indi- 
rectement à  la  révolte  des  Gantois  contre  Charles-Quint  en  4589.  — 
M.  le  comte  de  Limminghe  a  publié  la  première  partie,  allant  jusqu'à 
Tannée  4242,  de  la  Cronicque  contenant  F  estai  ancien  et  modems 
du  pays  et  conté  de  Namur^  la  vie  et  gestes  des  seigneurs^  contes  et 
marquis  d'icelluy.  L'auteur,  Paul  de  Croonendael,  était  greffier  des 
finances  du  roi  dans  le  Pays-Bas  et  mourut  en  4624 .  Son  œuvre  est 
une  sorte  de  compilation  d'anciennes  chroniques,  rédigée  en  un  style 
coulant  et  naïf  et  reproduisant  de  nombreux  documents  (chartes, 
épitaphes,  etc.).  —  Une  société  de  bibliophiles  flamands  vient  de  se 
constituer  à  Anvers  à  l'exemple  de  celle  qui  existe  depuis  de  longues 
années  à  Gand  et  a  déjà  publié  tant  de  volumes  précieux  pour  l'his- 
toire nationale  et  l'histoire  littéraire.  M.  Max  Rooses  ouvre  la  série 
des  publications  anversoises  en  éditant  le  journal  tenu  par  Jean 
Moretus  II  en  qualité  de  doyen  de  la  gilde  de  Saint-Lucas,  pendant 
les  années  4646  et  4647.  Cette  gilde  comprenait  dans  son  sein  tous 
les  artistes  anversois. 

Il  existe  en  Belgique  une  commission  royale  pour  la  publication 
des  anciennes  ordonnances,  composée  de  magistrats  et  d'érudits. 
Tous  les  ans  elle  publie  un  certain  nombres  de  volumes  in-quarto 
aux  frais  de  TÉtat.  M.  L.  Crahay  a  édité  les  Coutumes  de  la  ville 
de  Maestricht  et  il  a  reconstitué  dans  sa  préface  toute  l'organisation 
des  corps  judiciaires  de  cette  ville  sous  l'ancien  régime.  —  M.  de 
Longé  a  publié,  dans  la  série  des  Coutumes  du  pays  et  du  duché  de 
Brahant^  celles  de  Turnhout,  Santhoven,  etc.,  et,  dans  la  série  des 
Coutumes  du  quartier  d'Anvers^  celles  de  Herenthals,  Hoogstraeten, 
Gheel,  etc.  —  M.  le  comte  Th.  de  Limburg-Stirum  a  édité  de  même 
les  Coutumes  des  deux  villes  et  du  pays  d'Alostj  telles  qu'elles  ont 
été  décrétées  le  42  mai  4648  par  les  archiducs  Albert  et  Isabelle. 
Pour  en  élucider  les  origines,  il  y  a  joint  89  pièces  des  années  4474 
à  4627;  et  pour  en  expliquer  les  développements,  il  a  foi  t  suivre 
20  pièces  des  années  4647  à  4788.  Dans  sa  préfoce,  M.  de  Limburg- 
Stirum  étudie  savamment  diverses  questions  historiques  concernant 
les  deux  villes  et  le  pays  d'Alost.  Tous  ces  textes  flamands  des  cou- 
tumes sont  accompagnés  d'une  traduction  firançaise.  —  M.  Leclercq 


BBLGIQUB.  474 

a  publié  un  Supplément  aux  Coutumes  du  Luxembourg,  contenant 
entre  autres  celle  de  Bastogne.  —  Enfin  M.  Stan.  Bormans  a  publié 
le  t.  I  des  Ordonnances  de  la  principauté  de  Liège,  contenant 
300  documents.  Le  plus  ancien  est  un  diplôme  de  Tempereur  Otton, 
daté  de  974  ;  le  plus  récent,  un  diplôme  de  l'empereur  Maxi milieu  I 
du46nov.  4502.  Dans  sa  préface,  le  savant  éditeur  s'occupe  des 
divers  peuples  qui  ont  habité  le  territoire  liégeois  et  des  institutions 
romaines  et  franques,  qui  furent  les  sources  de  la  constitution 
liégeoise;  il  recherche  ensuite  les  origines  de  l'église,  de  la  ville  et 
de  la  principauté  de  Liège,  il  définit  le  pouvoir  temporel  du  prince- 
évêque  et  l'exercice  du  pouvoir  législatif  au  pays  de  Liège.  Enfin  il 
passe  en  revue  les  différentes  paix  ou  chartes  constitutionnelles  de 
la  principauté,  à  partir  de  la  paix  de  Bierset  en  4255.  Cette  préface 
est  une  dissertation  de  grande  valeur.  —  Parmi  les  documents 
utiles  à  l'histoire  nationale,  il  faut  citer  aussi  ['Histoire  parlement 
taire  de  la  Belgique  de  4834  à  4880,  par  Louis  Hymans.  C'est  un 
résumé  succinct  et  très  exact  des  débats  des  deux  chambres  belges, 
séance  par  séance,  avec  des  citations  caractéristiques  des  discours 
les  plus  importants.  Cet  excellent  résumé  des  trop  volumineuses 
Annales  parlementaires  sera  d'une  grande  utilité  aux  futurs  histo- 
riens du  royaume  de  Belgique. 

Les  livres  nouveaux  consacrés  à  l'histoire  nationale  sont  assez 
nombreux.  Nous  les  passerons  en  revue  en  suivant  l'ordre  chrono- 
logique des  sujets  traités.  Feu  M.  Cam.  Van  Dessel  s'était  chargé  de 
remanier  le  grand  ouvrage  de  Schayes,  La  Belgique  et  les  Pays- 
Bas  avant  et  pendant  la  domination  romaine  y  dont  M.  Piot  a 
publié  le  t.  m  en  4859,  après  la  mort  de  Schayes.  Il  s'agissait  de 
remettre  cet  excellent  ouvrage  au  courant  des  nouvelles  découvertes 
et  des  travaux  les  plus  récents.  M.  Van  Dessel  commença  par  publier 
en  4877  un  volume  de  2G0  pages  contenant  une  statistique  archéo- 
logique et  une  vaste  bibliographie  de  notre  histoire  primitive.  Il  y 
joignit  une  carte  ancienne  de  la  Belgique  tout  à  fait  remarquable.  La 
mort  le  surprit  au  milieu  de  cet  utile  travail  de  révision-,  espérons 
qu'il  se  trouvera  quelqu'un  pour  le  mener  à  bonne  fin.  —  M.  Ferdi- 
nand Henaux,  auteur  d'une  remarquable  Histoire  du  pays  de  Liège, 
a  publié  la  6*  édition  de  son  livre  sur  Charlemagne  d'après  les  tra- 
ditions liégeoises.  Il  y  suit  pas  à  pas  Eginhard  et  les  rares  documents 
du  temps-,  malgré  cela,  il  se  montre  parfois  fantaisiste,  par  exemple, 
quand  il  parle  de  franchises  obtenues  de  Charlemagne  par  les  habi- 
tants de  Liège.  Il  accumule  des  preuves  nombreuses  pour  établir  que 
son  héros  est  né  le  2  avril  742  au  manoir  de  Jupille,  situé  sur  la 


472  BULLETIN  HISTORIQUE. 

colline  qui  s*élève  à  Textrémité  du  faubourg  d*Amercœur  à  Liège. 
MM.  Jehotte  et  Van  Hasselt  ont  publié  aussi  un  volume  sur  Charle- 
magne.  — M.  Théod.  Juste,  qui  est  un  historien  extrêmement  fécond, 
a  produit  toute  une  série  de  livres  et  d'opuscules.  Dans  Les  Vonc' 
kistes  il  caractérise  les  partis  qui  firent  la  révolution  brabançonne 
contre  Joseph  II  en  4789  et  il  expose  les  rapports  de  Vonck,  le  chef 
des  libéraux  du  temps,  avec  les  Girondins.  Dans  La  Révolution  lié- 
geoise de  4789  il  utilise  les  travaux  antérieurs  de  MM.  Ad.  Borgnet 
et  Ferd.  Henaux.  M.  Juste  a  retracé  aussi  la  biographie  d'Eugène 
Defacqz,  de  Joseph  Forgeur  et  du  baron  Liedts,  qui  furent  membres  du 
congrès  national  après  la  révolution  de  4830  et  qui  prirent  une  part 
importante  aux  discussions  de  la  Constitution  belge  de  4834  et  à  la 
politique  dans  les  premières  années  du  royaume  de  Belgique.  Dans 
un  autre  livre,  intitulé  Léopold  I  et  Léopold  Ily  rois  des  Belges^ 
M.  Juste  a  réimprimé  le  volume  qu'il  avait  déjà  publié  sur  Léopold  I 
et  dans  lequel  il  avait  coordonné  les  révélations  contenues  4ans  les 
Mémoires  du  baron  de  Stockmar  et  dans  la  récente  histoire  du 
prince  Albert,  publiée  en  Angleterre  (The  life  of  His  Royal  Highness 
the  prince  Consort  par  M.  Th.  Martin).  L'auteur  y  a  ajouté  l'histoire 
des  premières  années  du  règne  de  Léopold  IL  —  La  polémique  sou- 
levée par  le  livre  du  général  Eenens  {Les  conspirations  militaires 
de  4834)  n'est  pas  encore  terminée;  mais  le  public  ne  s'y  intéresse 
plus  du  tout.  Signalons  seulement  une  brochure  gr.in-8<>  de  94  pages, 
intitulée  Procès  Gohlet-Eenens  et  publiée  par  M.  le  comte  Goblet 
d'Alviella,  qui  dans  sa  préface  déclare  qu'il  a  tenu  à  publier  toutes 
les  pièces  de  son  procès  avec  le  général  Eenens  en  présence  de  la 
lettre  que  celui-ci  a  adressée,  en  mars  4878,  à  la  Revue  historique 
(cf.  t.  VI,  p.  497) .  Les  avocats  plaidants  étaient  MM.  Van  Humbeeck  et 
Graux,  qui  depuis  sont  devenus  respectivement  ministre  de  l'instruc^ 
tion  publique  et  ministre  des  flnances  dans  le  cabinet  libéral  issu  des 
élections  législatives  de  juin  4878.  La  brochure  publiée  par  M.  Goblet 
contient  le  préambule  du  plaidoyer  de  M.  Van  Humbeeck,  le  texte  de 
la  requête  présentée  par  lui  au  tribunal  civil  de  Bruxelles,  un  long 
parallèle  entre  les  conclusions  présentées  au  nom  des  deux  parties 
en  cause,  le  texte  du  jugement  rendu,  dont  les  considérants  sont 
très  intéressants,  et  deux  annexes  :  une  note  inédite  du  lieutenant- 
général  baron  Prisse  sur  la  journée  du  42  août  4834  et  un  extrait 
d'une  brochure  sur  la  campagne  du  mois  d'août  4  834 ,  par  le  général 
Van  Coeckelberghe  et  parue  en  4832.  —  Dans  un  opuscule  intéres- 
sant, intitulé  Adelson  CastiaUy  M.  Ern.  Discailles  a  étudié  la  carrière 
parlementaire  et  les  écrits  de  cet  éloquent  orateur  de  la  Chambre  des 


BELGIQUE.  473 

représentants,  qui  était  républicain  et  donna  sa  démission  en  4848, 
lorsque  la  monarchie  fut  maintenue  en  Belgique  malgré  les  événe- 
ments survenus  en  France.  —  M.  Louis  Hymans  a  publié  deux 
volumes  pleins  de  menus  détails  d'histoire  contemporaine  belge  sous 
le  titre  de  Notes  et  souvenirs  et  Types  et  silhouettes. 

Gomme  d'habitude,  Thistoire  locale  a  fourni  une  ample  moisson. 
U  faut  citer  en  première  ligne  l'excellente  Histoire  d*Oudenbourg  de 
MM.  E.  Feys  et  D.  Van  de  Casteele  (2  vol.  in-4»  de  724  et  549  pages). 
Oudenbourg  est  une  ancienne  commune  du  Franc,  située  sur  la  route 
de  Bruges  à  Calais.  Elle  fût  jadis  un  des  boulevards  de  la  cote  fla- 
mande et  fût  mêlée  à  tous  les  grands  événements  de  l'histoire  de 
Flandre.  Les  consciencieux  auteurs  de  cette  grande  monographie 
s'occupent  successivement  des  premiers  seigneurs  et  châtelains  d'Où- 
denbourg,  de  l'histoire  de  la  commune  depuis  les  comtes  de  Flandre 
jusqu'à  la  fm  du  siècle  passé,  de  l'histoire  de  l'abbaye  d'Oudenbourg, 
de  l'administration  de  la  justice,  des  flnances,  des  travaux  publics, 
de  la  guerre,  de  l'hygiène  et  de  l'assistance  publique,  de  l'instruction, 
des  gildes  de  tir  et  des  giides  dramatiques,  des  fêtes^  des  réceptions 
et  courtoisies,  de  l'industrie,  du  commerce  et  de  l'église  paroissiale. 
Le  second  voiume  contient  les  pièces  justificatives  :  le  cartulaire 
d'Oudenbourg  (4254-4469),  une  série  d'autres  pièces  (4449-4650), 
des  extraits  nombreux  des  comptes  communaux  (4382-4496),  un 
curieux  formulaire  de  serments  et  d'actes  anciens,  des  listes  d'abbés, 
de  baillis,  de  bourgmestres,  d'échevins,  de  doyens,  de  curés,  etc. 
Depuis  longtemps  aucune  monographie  aussi  complète  ni  aussi 
remarquable  n'avait  paru  en  Belgique.  —  M.  Alph.  Vandenpeereboom, 
ministre  d'État^  étudie  depuis  de  longues  années  l'histoire  de  sa  ville 
natale,  Ypres.  Déjà  connu  par  son  Conseil  de  Flandre  à  YpreSy 
l'auteur  a  fait  paraitre  en  4  877  un  Essai  de  numismatique  yproise. 
Avant  de  décrire  les  jetons  de  l'échevinage  communal  et  ceux  des 
échevins  de  la  châtellenie  d'Ypres,  il  entre  dans  des  détails  intéres- 
sants sur  l'organisation  judiciaire  et  administrative  de  cette  vieille 
cité  et  de  sa  châtellenie.  Parmi  ces  jetons,  il  y  en  a  qui  furent  frappés 
à  Paris  au  nom  de  Louis  XIV,  qui  occupa  Ypres  pendant  et  après 
la  guerre  de  Hollande.  Une  autre  partie  de  cette  monographie  est 
consacrée  aux  médailles,  jetons,  décorations  et  méreaux  des  gildes, 
des  corporations  des  métiers,  etc.  M.  Vandenpeereboom  donne  beau- 
coup de  renseignements  nouveaux  sur  l'histoire  d' Ypres,  de  ses 
monuments,  de  la  bienfaisance  publique,  etc.  En  4  878  il  a  commencé 
une  nouvelle  série  de  publications  relatives  à  sa  ville  natale  et  inti- 
tulées Ypriana,  Dans  le  premier  volume  (in-8',  402  p.),  il  fait  l'his- 


174  BULLRrni  msrouQUB. 

ioire  des  Halles  d'Ypres;  ce  magniOque  moDimMot  gothique  est  le 
plus  vaste  de  tous  les  anciens  édlOoes  communaux  de  la  Belgique  et 
son  histoire  se  confond  intimement  avec  celle  de  la  ville  elle-même. 
Le  tome  second,  qui  Tient  de  paraître,  traite  de  la  Ckambre  des 
échevins.  Tous  deux  sont  accompagnés  d*caux>fortes  remarquables 
d*un  magistrat  d  Arras,  M.  Boutry,  reproduisant  des  dessins  anciens 
ainsi  que  Tétat  actuel  des  monuments  décrits  par  M.  Vandenpeere- 
boom.  Ces  deux  volumes  fourmillent  de  documents  nouveaux,  tirés 
des  archives  d'Ypres  ^  — M.  Tabbé  J.  Daris  a  publié  une  Histoire  du 
diocèse  el  de  la  principauté  de  Liège  pendant  le  XYII*  siècle  et  le 
t.  XIU  de  ses  Notices  historiques  sur  les  églises  du  diocèse  de  lÀège, 
Citons  encore  X Histoire  de  la  ville  d'Enghien  |2*  partie)  par  M.  Ein. 
Mathieu,  le  t.  Il  à' Aldenardiana  en  Flandriana  (en  flamand), 
notices  sur  Thistoire  d*Audenarde,  par  M.  Edm.  Vanderstraeten^  Ijb 
pays  de  Uaes  préhistorique  par  M.  J.  Van  RaemdMick  et  qudqœs 
fiiibles  monographies  sur  des  communes  flamandes  par  MÏf .  F.  de 
Potter  et  Broeckaert.  —  M.  le  chevalier  L.  de  Buii)ure  a  publié,  pour 
les  Bibliophiles  anversois,  une  curieuse  étude  sur  les  processions  et 
cortèges  à  Anvers  au  xiv*  et  au  xt*  siècle  [Jk  Àntwerpsehe  Omme- 
gangen  ran  de  XH'*  en  XV*  eeuw]^  diaprés  un  vieux  maniiscrit, 
dont  la  première  partie  date  de  4398.  —  Sous  le  titre  de  Conspira» 
iion  d'Audenarde  sous  Jacques  ran  Arterelde  (1342s  M.  Nap. 
De  Pauw  nous  raconte  «  diaprés  des  documents  inédits  tirés  des 
archives  de  Bruges  et  d'Ypres«  un  complot  avorté  des  Leliaerts  à 
Audenarde  contre  le  parti  national  dont  Artevelde  était  le  chef.  Le 
comte  Louis  de  Xevers  n  était  plus  souverain  que  de  nom  et  on  voit 
par  les  détails  de  cet  épisode  que  les  partis  étaient  pleins  d'une  ani- 
mosité  extrême  et  dune  défiance  anxieuse  Tun  à  regard  de  Fautre. 
M.  De  Pauw  a  joint  à  son  travail  toutes  les  pièces  justificatives  ainsi 
que  la  liste  des  éche\ins  dWudenarde  et  celle  des  principaux  patri- 
ciens 'poortfrs  d Wudenarde,  de  Gand  et  de  Bruges.  Sur  la  couver- 
ture de  ce  livre  Fauteur  annonce  une  Généalogie  et  Archives  de  lu 
famille  dArta^lde,  contenant  enrinm  3,000  chartes  inédites  du 
Xt  V  siècle.  Nous  savons  que  M.  De  Pauw  expion?  nos  dépôts  publics 
et  privés  depuis  près  de  vingt  ans;  depuis  longtemps  on  attend  avec 
impatience  le  résultat  de  ses  necherthes  et  on  espère  en  voir  sortir 
une  histoire  définitive  de  la  Flandn?  à  1  époque  des  deux  Artevelde  ; 
mais  M.  De  Pauw  ne  cesse  de  proutettn^  et  remet  toujours  au  lende- 


t.  M.  A.  Dicferkà  fils  a  publia  um  Uste  4e$  mmnêf».  «rnoàrvs  H  nettCcs 
eometrmnU  Ikàaoirt  de  la  ntU  d  Yj^rts  jmMm  dtpms  tS)0 


BELGIQUE.  475 

main  la  publication  des  trésors  qu'il  a  accumulés.  —  M.  L.  Vander- 
kjndere,  professeur  à  Tuniversité  libre  de  Bruxelles,  a  publié,  dans 
la  Revue  de  Belgique^  un  article  intitulé  La  question  sociale  au 
XIV*  siècle  parmi  les  artisans  flamands.  Cet  article  a  été  remarqué 
à  juste  titre;  c'est  un  fragment  détaché  d'un  travail  d'ensemble  sur 
le  XI v«  siècle  dans  les  Pays-Bas,  qui  paraîtra  prochainement  ^  — 
M.  Gh.  Rahlenbeck,  auteur  d'un  livre  sur  V Inquisition  et  la  réforme 
en  Belgique,  a  publié  une  curieuse  monographie  :  Les  protestants 
de  Bruxelles,  dans  laquelle  il  étudie  leur  histoire,  depuis  les  pre- 
mières exécutions  en  4523  jusqu'à  l'enterrement  du  roi  Léopold  I, 
qui  était  protestant  {i  865) .  Ses  obsèques  donnèrent  lieu  à  un  incident 
qui  fit  scandale  :  le  clergé  catholique  reftisa  au  cercueil  du  premier 
roi  des  Belges  l'entrée  de  l'église  de  Laeken,  monument  national  ser- 
vant de  lieu  de  sépulture  aux  souverains  du  pays.  U  fallut,  en  pré- 
sence des  princes  d'Allemagne,  d'Angleterre,  de  Portugal  et  d'Orléans, 
accourus  à  Bruxelles,  trouer  un  mur  afin  d'introduire  le  cercueil 
par  cette  brèche  dans  le  caveau  royal.  —  Dans  sa  notice  V  Université 
calviniste  de  Gand  (4  578-4584),  l'auteur  de  ce  Bulletin  a  publié  le 
résultat  de  ses  recherches  aux  archives  communales  de  Gand,  sur 
cette  institution  éphémère,  créée  à  l'époque  où  le  protestantisme 
était  triomphant  et  très  intolérant  dans  la  grande  commune  flamande. 
Dans  Les  tapisseries  bruxelloises,  M.  Alph.  Wauters  nous  donne  un 
essai  historique  sur  les  tapisseries  de  haute  et  de  basse  lisse  de 
Bruxelles.  On  sait  que,  pendant  quatre  siècles,  Bruxelles  a  été  un  des 
centres  les  plus  importants  de  cette  industrie  en  Europe.  L'auteur 
passe  d'abord  en  revue  les  autres  centres  :  Arras,  Tournai,  Valen- 
ciennes,  Enghien,  Gand,  Bruges,  Lille,  Audenarde  et  Anvers.  En 
4448  les  tapissiers  de  Bruxelles  furent  érigés  en  corps  de  métier  indé- 
pendant et  c'est  des  fabriques  de  Bruxelles  que  sont  sorties  beaucoup 
des  tapisseries  qu'on  admire  à  l'étranger,  par  exemple  celle  de  Berne, 
provenant  du  butin  fait  sur  Charles  le  Téméraire,  celles  de  Reims, 
du  musée  de  Gluny,  de  Madrid,  de  Vienne,  de  Rome,  etc.  —  MM.  Max 
Rooses  et  J.  Vanden  Branden  ont  commencé  chacun  la  publication 
d'une  histoire  de  l'école  de  peinture  d'Anvers  (Geschiedenis  der  Ant- 
werpsche  Schilderschool).  Tous  deux  furent  couronnés  dans  un 
grand  concours  ouvert  en  4877  par  la  ville  d'Anvers  lors  des  fêtes 


1.  Le  lirre  de  M.  Vanderkindere  a  paru  pendant  l'impression  de  ce  bulletin. 
11  est  intitulé  :  Le  siècle  des  Artevelde,  Études  sur  la  ciyilisation  morale  et 
politique  de  la  Flandre  et  du  Brabant  (gr.  in-8*  de  445  p.  Bruxelles,  office  de 
publicité,  Lebègue  et  C*). 


476  BULLETIN  HISTOHIQUE. 

du  300«  anniversaire  de  la  naissance  de  Rubens^  Ces  mémoires 
couronnés  formeront  deux  gros  livres  de  la  plus  grande  valeur. 
M.  Rooses  a  parcouru  tous  les  musées  d*Europe,  pour  étudier  son 
vaste  sujet-,  il  se  préoccupe  surtout  du  côté  esthétique  de  la  question. 
M.  Vanden  Branden  n'a  pas  quitté  Anvers,  mais  depuis  de  longues 
années  il  travaille  aux  archives  communales  qu'il  a  explorées  en 
tous  sens.  Ces  deux  grands  ouvrages  se  compléteront  Tun  l'autre.  — 
M.  Frédéric  Faber  a  publié  le  premier  volume  de  son  Histoire  du 
théâtre  français  en  Belgique^  depuis  son  origine  jusqu'à  nos  jours. 
C'est  une  œuvre  des  plus  intéressantes.  —  Le  savant  bibliothécaire 
de  l'université  de  Gand,  M.  Ferd.  Vanderhaeghen,  a  rendu  un  véri- 
table service  à  tous  ceux  qui  étudient  l'histoire  des  Pays-Bas,  par  la 
publication  de  son  Dictionnaire  des  devises  des  hommes  de  lettres, 
imprimeurs^  libraires^  bibliophiles^  chambres  de  rhétorique^  sociétés 
littéraires  et  dramatiques  de  Belgique  et  de  Hollande  (in-8®,  404  p.). 
Au  XVI*  et  au  xvii"  siècle,  tout  homme  de  lettres  a  une  devise  spéciale. 
Des  pamphlets  et  des  pièces  en  vers,  des  livres  même  et  un  grand 
nombre  de  documents  de  tout  genre,  publiés  à  cette  époque,  ne  por- 
tent pour  toute  marque  d'auteur  qu'une  simple  devise.  C'est  assez 
dire  que  la  traduction  de  ces  formules  énigmatiques  exige  parfois  de 
nombreuses  et  fatigantes  recherches.  M.  Vanderhaeghen  donne  la 
clef  de  plus  de  3,000  de  ces  devises*. 

Autant  rhistoire  nationale  est  cultivée  en  Belgique,  autant  l'his- 
toire des  autres  pays  l'est  peu.  Nous  n'avons  presque  rien  à  citer 
pour  les  années  4877  et  4878.  M.  Alph.  Rivier,  professeur  à  l'univer- 

1.  Dans  mon  dernier  bulletin  {Revtie  historique,  t.  VI,  p.  164  et  165),  j'ai 
signalé  les  Hyres  parus  à  cette  époque  et  relatifs  à  la  rie  et  aux  œuvres  du 
prince  de  la  peinture  flamande. 

2.  M.  Vanderhaeghen  prépare  en  ce  moment  une  yaste  publication,  qui  parattn 
par  liTraisons  sous  le  titre  de  BiUiotheca  Belgica^  et  sera  une  bibliographie 
générale  des  Pays-Bas,  conçue  sur  un  plan  tout  nouveau.  Elle  comprendra  :  1*  U 
description  minutieuse  de  tous  les  livres  imprimés  dans  les  Pays-Bas  aa  xv* 
et  au  XVI*  siècle  et  des  principaux  livres  depuis  1600;  2*  la  description  de  tous 
les  livres  écrits  par  des  Belges  ou  des  Hollandais,  ainsi  que  les  ouvrages  con- 
cernant les  Pays-Bas,  imprimés  à  l'étranger;  3*  la  bibliographie  des  imprimeurs 
néerlandais  établis  à  l'étranger.  —  Chaque  ouvrage  sera  décrit  sur  un  feuillet 
séparé  et  le  plus  souvent  suivi  de  notes  bibliographiques  et  historiques.  Oe 
feuillet  portera  aussi  l'indication  de  la  bibliothèque  ou  des  bibliothèques  publiques 
ou  privées  de  Belgique  et  de  Hollande  où  l'ouvrage  indiqué  est  déposé.  ~  Tous 
ceux  qui  s'occupent  de  l'histoire  des  Pays-Bas  accueilleront  avec  reconnaissance 
ce  travail  gigantesque,  fruit  d'une  longue  vie  d'études  et  de  recherches.  M.  Van- 
derhaeghen a  fait  ses  preuves  déjà  dans  sa  Bibliographie  gantoise  (7  vol.  in-8*» 
1858-1869),  qui  est  une  mine  de  renseignements  historiques  de  tout  genre. 


BELGIQUE.  \  77 

site  libre  de  Bruxelles,  a  consacré  une  curieuse  monographie  à  Claude 
Chansonnette^  jurisconsulte  messin  du  xvi^  siècle,  qui  était  lié  avec 
les  personnages  les  plus  connus  de  son  temps,  tels  que  Erasme, 
François  P*"  et  la  duchesse  d'Angoulême.  M.  Rivier  a  surtout  utilisé 
une  série  de  70  lettres  de  Chansonnette,  conservées  à  la  bibliothèque 
de  Baie,  où  il  fut  recteur  de  Tuniversité  jusqu'au  triomphe  de  la 
réforme  dans  cette  ville.  —  De  M.  Théod.  Juste  nous  avons  deux 
opuscules,  Pierre  le  Grande  son  règne  et  son  testament^  et  La  rivalité 
de  la  France  et  de  ^Allemagne  d'après  les  nouveaux  documents 
(4757-4874).  Il  retrace  rapidement  cette  sanglante  histoire  qui  com- 
mence à  Rossbach  et  aboutit  à  Sedan  ^  il  donne  des  détails  circons- 
tanciés sur  les  intrigues  diplomatiques,  d'après  les  révélations  les 
plus  récentes. 

La  nouvelle  édition  (la  5*)  du  livre  de  M.  H.  Le  Hon,  publié  par 
M.  E.  Dupont,  Lhomme  fossile  en  Europe^  présente  le  tableau  de 
rindustrie,  des  mœurs  et  des  œuvres  d'art  des  hommes  de  l'époque 
dite  préhistorique.  —  M.  Reusens,  professeur  à  l'université  catho- 
lique de  Louvain,  continue  la  publication  de  ses  Éléments  d'archéo- 
logie chrétienne,  —  MM.  Th.  J.  Lamy  et  J.  B.  Abbeloos,  professeurs 
à  la  même  université,  ont  édité  le  t.  III  de  leur  Gregorii  Barhehraei 
Chronicon  ecclesiasticum  (textes  syriaque  et  latin).  Grégoire  Barhe- 
braeus  ou  Aboulfarage  est  né  en  4227.  U  fût  évêque  d'Alep  et  primat 
d'Orient-,  il  mourut  en  Perse  en  4  286.  Il  a  écrit  sur  la  théologie, 
l'exégèse,  la  philosophie,  la  grammaire,  la  chronologie  et  l'histoire. 
Son  Chronicon  ecclesiasticum  est  publié  d'après  un  manuscrit  du 
British  Muséum  et  deux  manuscrits  des  bibliothèques  d'Oxford  et  de 
Cambridge.  On  y  trouve,  outre  la  liste  des  pontifes  de  l'ancienne  loi 
depuis  Aaron,  celle  des  papes  et  des  prélats  d'Orient  avec  de  courtes 
mentions  des  événements  principaux. 

Dans  le  domaine  de  l'histoire  ancienne,  nous  avons  à  signaler 
deux  livres  importants.  M.  0.  de  Meulenaere  a  publié  les  tomes  III 
et  IV  de  sa  belle  traduction  de  V  Esprit  du  droit  romain  dans  les 
diverses  phases  de  son  développement  par  le  professeur  R.  von 
Jhering  de  Gœttingue.  —  M.  P.  Willems,  professeur  à  l'université 
catholique  de  Louvain,  a  fait  paraître  le  premier  volume  de  son  livre 
sur  Le  Sénat  de  la  république  romaine.  Venant  après  Hoffmann, 
Rein,  Becker,  Lange,  Mommsen  et  bien  d^autres,  M.  Willems  a 
néanmoins  produit  une  œuvre  originale  et  de  la  plus  haute  valeur. 
C'est  un  recueil  complet  de  tous  les  matériaux  que  la  littérature 
ancienne,  l'épigraphie  et  les  scholiastes  des  bas  siècles  ont  pu  fournir 
à  une  longue  et  patiente  recherche.  Ce  livre  contient  surtout  une 
Rev.  Histor.  XI.  !•'  PA8C.  12 


478  BULLETH  HISTOBIQUB. 

partie  étonnante  :  c'est  la  composition  complète  du  sénat  ronuûn  en 
478  et  en  55  av.  J.-C,  à  deux  époques  séparées  par  un  siècle  d'inter- 
valle et  dont  Tune  coïncide  avec  Tapogée  de  cette  institution,  tandis 
que  Tautre  nous  la  présente  à  la  veille  de  sa  chute.  La  masse  d'infor- 
mations que  Fauteur  a  recueillies  sur  ces  deux  années  lui  a  permis 
de  nous  donner  Thistoire  de  chaque  sénateur,  son  curxus  honorum; 
et  si  Ton  y  joint  d  autres  renseignements  de  ce  genre  fournis  à 
propos  des  principes  senatuSy  des  lectiones  senaius^  etc.,  on  arrivera 
à  un  total  d'un  millier  de  petites  biographies  sénatoriales,  dont  plus 
de  la  moitié  ont  été  esquissées  pour  la  première  fois.  Le  livre  de 
M.  Willems  contient  bien  d'autres  parties  également  neuves  et  qui 
touchent  aux  problèmes  les  plus  intéressants  des  antiquités  et  du 
droit  public  romain.  Il  a  déjà  été  apprécié  à  l'étranger. 

Paul  Fbedbiicq. 


G.  DUM  :  BIfTSTBHUNG  U.  BIfTWICKLUNG  D.  SPABTAN.  EPHOBATS.         479 


COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 


Georg.  DuM.  Bntstehang  and  Bntwicklang  des  spartanischen 
Bphorats  bis  zur  Beseitigung  desselben  darch  Kœnig  Kleo- 
meneslll.  (4  vol.  in-8**,  486  p.  Inspruck,  Wagner,  libraire  de 
rUniversité,  4878.) 

Dans  les  temps  historiques  de  la  Grèce,  particulièrement  à  l'époque 
de  la  guerre  du  Péloponèse,  il  est  facile  de  constater  l'importance 
qu'avait  prise  la  magistrature  des  éphores  et  l'influence  prépondérante 
qu'elle  exerçait  dans  toutes  les  affaires  de  Sparte.  C'est  un  éphore,  Sté- 
nélaîdas,  qui  entraine  les  Spartiates  à  se  déclarer  contre  les  Athéniens, 
alors  que  la  prudence  et  la  modération  du  roi  Archidamos  hésitaient 
devant  une  pareille  décision  ^  En  404,  au  lendemain  de  la  prise 
d'Athènes,  les  desseins  de  Lysandre  sont  confondus  et  toute  sa  puissance 
est  renversée  par  ce  seul  fait  que  le  collège  des  éphores  est  renouvelé 
et  que  les  magistrats  qui  entrent  en  fonctions  n'ont  plus  pour  le  général 
victorieux  la  même  complaisance  que  leurs  devanciers  K  Xénophon  le 
dit  nettement,  si  le  roi  Pausanias  réussit  à  tenir  Lysandre  en  échec  et 
i  contrarier  sa  politique,  c'est  grâce  à  l'appui  que  lui  prêtent  les 
éphores. 

Ce  que  l'on  connaît  moins  bien,  c'est  l'origine  de  cette  magistrature 
et  l'histoire  de  ses  progrès.  Nous  la  voyons  agir  dans  la  plénitude  de 
ses  pouvoirs,  et  nous  ne  savons  pas  comment  elle  les  a  acquis.  M.  G. 
Dum  a  entrepris  de  traiter  cette  question.  Avant  lui,  elle  avait  été  exa- 
minée par  Otf.  MûUer  dans  ses  Doriens,  par  Duncker,  dans  son  Histoire 
de  l'Antiquité,  par  M.  Gurtius  dans  son  Histoire  grecque,  et  par  divers 
auteurs  dans  un  assez  grand  nombre  de  dissertations  particulières  '. 
M.  D.,  en  revenant  à  son  tour  sur  ce  problème,  ne  s'est  pas  borné  à 
résumer  les  opinions  qui  avaient  été  émises  par  ses  prédécesseurs.  En 
soumettant  à  une  critique  attentive  et  minutieuse  les  renseignements 
que  les  auteurs  anciens  nous  ont  laissés  sur  l'institution  et  les  dévelop- 
pements successifs  de  la  magistrature  des  éphores,  en  s'appliquant  à 
déterminer  exactement  la  valeur  des  sources  et  le  degré  de  confiance 

1.  Thucyd.,  I,  86. 

2.  Xén.  Helly  II,  4,  29. 

3.  V.  notamment  Am.  Schœfer,  de  Ephoris  LacedxmonUs;  Gilbert,  Studien 
zur  alUpartanischen  Geschichte;  Stein,  Dos  Spartanische  Ephorat  bis  Cheilon; 
Frick,  De  Ephoris  Spartanis. 


480  COMPTES-BE.NDUS  CRITIQUES. 

qu'elles  méritent,  il  a  fait  un  travail  vraiment  personnel  et  dont  on  ne 
saurait  contester  Tutilité. 

Son  ouvrage  se  divise  en  cinq  parties.  M.  D.  passe  d'abord  en  revue 
quelques-unes  des  hypothèses  par  lesquelles  on  a  cherché  à  expliquer 
l'origine  et  les  progrès  de  l'éphorat;  puis,  il  critique  les  sources 
anciennes.  Après  ces  deux  parties,  toutes  de  discussion,  vient  Texposi- 
tion  des  idées  personnelles  de  l'auteur  :  i*  principes  sur  lesquels  repose 
l'histoire  de  la  magistrature  des  éphores  ;  2<>  formation  et  progrès  de 
l'éphorat  jusqu'au  moment  où  est  rendue  la  loi  qui  confère  aux  éphores 
le  droit  de  tenir  la  place  des  rois  lorsque  ceux-ci  sont  en  désaccord  ; 
3<>  développement  de  l'éphorat  depuis  la  loi  qui  lui  confère  cette  puis- 
sance jusqu'à  la  révolution  opérée  par  Gléomène  III  (226  a.  J.-G.). 

Il  suffira,  pour  donner  une  idée  de  la  valeur  de  l'ouvrage  et  de  la 
méthode  que  l'auteur  a  suivie,  de  revenir  avec  quelques  détails  sur  les 
deux  premiers  chapitres  et  de  transcrire  les  conclusions  par  lesquelles 
se  termine  le  troisième.  Ce  sont  les  parties,  sinon  les  plus  intéressantes, 
du  moins  les  plus  neuves  du  travail  de  M.  D.  Par  Platon,  par  Aristote, 
par  Gicéron  ^  nous  connaissons  suffisamment  l'opinion  que  se  faisaient 
les  anciens  du  pouvoir  des  éphores  et  de  la  nature  de  leurs  attribu- 
tions ;  mais  tout  ce  qui  touche  à  l'institution  de  leur  magistrature  et 
à  son  caractère  primitif  a  besoin  d'être  éclairci. 

Au  début  de  son  livre,  M.  D.  examine  successivement  trois  hypo- 
thèses. D'après  Otf.  Millier  et  quelques  autres  auteurs,  les  éphores 
auraient  été  tout  d'abord  de  simples  surveiftants  des  marchés.  M.  D. 
écarte  cette  opinion  qui  ne  repose  sur  aucun  témoignage  certain  et  à 
laquelle  aurait  donné  cours,  suivant  lui,  une  confusion  produite  par  la 
ressemblance  des  mots  &pop{a  (marché)  et  ëçopoc  (surveillant).  Une  autre 
assertion,  qui  a  pour  elle  l'autorité  de  M.  Gurtius,  mérite  d'être  discutée 
plus  longuement.  Le  meurtre  du  roi  Polydore,  au  temps  de  la  première 
guerre  de  Messénie,  devrait  être  regardé  comme  une  date  capitale  dans 
l'histoire  de  l'éphorat.  Polydore  aurait  été  assassiné  par  Polémarque, 
un  noble  Spartiate,  et  l'autre  roi.  Théopompe,  n'aurait  pu  sauver  sa 
personne  et  l'autorité  royale  qu'en  augmentant  le  pouvoir  des  éphores. 
Mais  il  n'est  nullement  prouvé  que  Polydore  ait  été  le  favori  du  peuple, 
ainsi  que  le  dit  M.  Gurtius,  et  que  son  meurtrier  doive  être  considéré 
comme  le  gardien  et  le  défenseur  des  privilèges  de  l'aristocratie,  qu'il 
aurait  sauvegardés  en  frappant  un  roi  dont  la  popularité  risquait  de 
devenir  un  danger  pour  les  institutions  de  la  cité.  Gette  opinion  n'a 
d'autre  fondement  que  l'autorité  de  Pausanias  2,  qui  vivait  bien  long- 
temps après  l'événement  et  dont  le  témoignage,  par  ce  seul  fait,  n'a  pas 

1.  De  RepuU.y  II,  33;  de  Leg.,  lU,  7;  dans  ces  deax  passages,  GicéroD  com- 
pare les  éphores  aux  tribuns  du  peuple.  Les  premiers  auraient  été  institoès  pour 
surveiller  et  contenir  le  pouvoir  des  rois,  comme  les  seconds  pour  modéra  le 
pouvoir  des  consuls. 

2.  III,  3,  2  et  3;  îWd.,  11,  10. 


G.  DUM  :  ETTSTEHUNG  U.  EiNTWICKLCNG  D.  SPARTAN.  EPHORATS.      \S\ 

beaucoup  de  valeur.  M.  D.  aurait  pu  ajouter  que  non-seulement  Tou- 
vrage  de  Pausanias  est  d'une  date  relativement  très  récente,  mais  encore 
que  les  sources  dont  il  s'est  servi  ne  peuvent  inspirer  aucune  confiance. 
Tout  ce  qu'il  raconte  des  guerres  de  Messénie  est  emprunté,  il  le  dit 
lui-même  *,  à  Myron  de  Priène  et  au  poète  épique  Rhianos,  et  il  est  le 
premier  à  reconnaître  que  ces  deux  auteurs  ne  doivent  pas  être  crus  sur 
parole.  Il  y  a  enfin  une  troisième  opinion,  qui  a  été  adoptée  par  Duncker, 
en  vertu  de  laquelle  la  constitution  véritable  de  la  magistrature  des 
éphores  daterait  des  réformes  de  Chilon  et  d'Épiménide.  L'introduction 
seule  du  nom  d'Ëpiménide,  de  ce  personnage  qui  appartient  à  la  légende 
plutôt  qu'à  l'histoire,  met  M.  D.  en  défiance  contre  cette  hypothèse,  et 
il  semble  assez  difficile  de  ne  pas  lui  donner  raison. 

Reprenant  ensuite  la  question  pour  son  compte  afin  de  l'instruire  à 
nouveau,  M.  D.  passe  à  l'examen  des  témoignages  que  les  auteurs 
anciens  nous  ont  laissés  sur  les  commencements  de  l'éphorat.  Il  les 
range  en  trois  classes  :  i*  Hérodote  et  Xénophon  ;  2*  Platon,  Aristote 
et  Plutarque  dans  la  vie  de  Lycurgue;  3<>  Plutarque  dans  la  vie  de 
Gléomène  III. 

Hérodote  ^  et  Xénophon  '  font  remonter  tous  les  deux  à  Lycurgue 
lui-même  l'institution  des  éphores.  M.  D.  remarque  que  l'un  et  l'autre 
paraissent  sur  ce  point,  non  pas  donner  leur  opinion  personnelle,  mais 
simplement  enregistrer  une  tradition  qui  avait  cours  parmi  les  Grecs. 
A  ses  yeux,  il  n'y  a  là  qu'une  sorte  de  légende.  En  désignant  Lycurgue 
comme  le  créateur  de  la  magistrature  des  éphores,  les  Grecs  auraient 
obéi  à  ce  besoin  qu'éprouvent  tous  les  peuples  primitifs  de  rattacher  à 
une  personnalité  déterminée  les  institutions  et  les  progrès  qui,  dans  la 
réalité,  ont  été  bien  souvent  le  travail  de  plusieurs  générations  ou 
môme  de  plusieurs  siècles.  Il  se  refuse  donc  à  accepter  comme  vraie 
cette  explication,  dans  laquelle  il  ne  veut  voir  qu'une  erreur  de  l'ima- 
gination populaire. 

Il  accorde  une  attention  plus  sérieuse  aux  témoignages  de  Platon  *  et 
d' Aristote  '  qui  reportent  à  une  date  plus  récente  la  création  de  l'épho- 
rat. Gette  magistrature  aurait  été  introduite  bien  après  Lycurgue  dans 
la  constitution  de  Sparte  pour  restreindre  le  pouvoir  des  rois.  Aristote 
nous  a  même  transmis  une  conversation  qu'aurait  tenue  à  ce  propos  le 
roi  Théopompe.  Gomme  sa  femme  lui  reprochait  d'avoir  porté  préjudice 
à  la  royauté  en  établissant  les  éphores  et  lui  demandait  s'il  n'avait  pas 
honte  de  transmettre  à  ses  fils  une  autorité  moindre  que  celle  qu'il 
avait  reçue  ?  «  Nullement,  répondit-il,  car  je  la  leur  transmettrai  plus 
durable.  »  Alors  même  qu'on  n'admettrait  pas  l'authenticité  de  ce  dia- 


I.IV,  6. 
t  I,  65. 

3.  De  rep,  tAieed.y  8,  3. 

4.  Lois,  111,  p.  692. 

5.  PolU.,\,  9,  1. 


482  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

logue,  il  reste  toujours  ce  fait,  dont  on  doit  tenir  compte  :  pour  Aristote, 
Tliéopompe  était  le  véritable  fondateur  de  Téphorat.  A-t-il  réellement 
institué  cette  magistrature  ou  bien  n'a-t-il  fait  que  donner  un  dévelop- 
pement considérable  à  une  magistrature  déjà  existante?  M.  D.  ne  juge 
pas  que  la  question  soit  tranchée  par  le  passage  d'Aristote. 

Il  adopte  cependant  la  première  opinion  sur  la  foi  de  Plutarque,  dans 
la  vie  de  Gléomène  III  ^  Le  discours  que  le  biographe  met  dans  la 
bouche  de  Gléomène  lui  paraît  le  texte  le  plus  important  de  tous,  celui 
dont  l'autorité  est  la  plus  sûre,  Plutarque  ne  faisant  que  répéter  ici  le 
témoignage  de  Phylarque,  un  contemporain  de  Gléomène  UI.  On  trou- 
vera sans  doute  que,  sûr  ce  point,  l'argumentation  de  M.  D.  n*est  pas 
entièrement  satisfaisante.  Tout  en  admettant  avec  lui  que  Théopompe 
a  établi  la  magistrature  des  éphores,  il  est  permis  de  s'étonner  qu'il  ait 
accordé  une  préférence  si  marquée  au  récit  de  Plutarque.  Sa  critique, 
qui  est  si  défiante  quand  il  s'agit  d'Aristote,  montre  ici  beaucoup  plus 
de  complaisance.  Phylarque  était  un  partisan  déclaré  de  Gléomène  — 
Polybe  lui  en  fait  un  reproche  ^  —  et  son  autorité  est  fort  suspecte.  Il 
y  a  donc  des  raisons  très  graves  qui  nous  engagent  à  croire  qu'il  ne 
faut  pas  chercher  la  vérité  dans  ce  discours  de  Gléomène  dont  Plutarque 
aurait  emprunté  le  texte  à  Phylarque.  M.  D.  ne  se  dissimule  pas  ces 
difficultés  ;  mais,  après  les  avoir  examinées,  il  n'en  maintient  pas  moins 
que  le  10*  chapitre  de  la  vie  de  Gléomène  est  la  meilleure  source  dont 
on  puisse  faire  usage. 

Ayant  ainsi  établi  sa  méthode  et  choisi  les  autorités  sur  lesquelles  il 
s'appuiera,  l'auteur  expose  les  résultats  auxquels  il  est  arrivé.  Voici  les 
conclusions  de  son  troisième  chapitre  : 

io  Les  éphores  ont  été  institués  par  le  roi  Théopompe,  au  temps  de 
la  guerre  de  Messénie,  pour  être  les  suppléants  des  rois. 

2*  Théopompe  leur  a  confié  la  juridiction  en  matière  civile. 

3*  Selon  toute  vraisemblance,  ils  ont  été  investis  en  môme  temps 
d'un  droit  de  surveillance. 

4*  Les  Spartiates  ont  porté  dans  les  temps  anciens  une  loi  pour 
ordonner  que  les  rois  devraient  toujours  marcher  d'accord  dans  rexercice 
de  toutes  les  prérogatives  gouvernementales  qui  leur  appartenaient. 

b^  Les  Spartiates  ont  porté  dans  les  temps  anciens  une  loi  pour  enle- 
ver aux  rois  le  droit  de  choisir  les  éphores  et  transporter  ce  droit  au 
peuple. 

6<»  Les  Spartiates  ont  porté  dans  les  temps  anciens  une  loi  en  vertu 


1.  Ch.  10.  —  Plutarque  {Vie  de  LycurguCy  eh.  7)  dit  expressément  que  les 
éphores  auraient  été  institués,  environ  130  ans  après  Lycurgue,  par  le  roi  Théo- 
pompe  ;  mais  M.  D.  semble  renoncer  à  faire  aucun  usage  de  ce  texte.  11  y  vdt, 
non  pas  un  renseignement  de  quelque  valeur,  mais  une  tentative  puérile  pour 
dresser  une  liste  complète  des  éphores,  alors  que  tous  les  documents  font 
défaut. 

2.  Il,  56. 


G.    BOISSIÈRE    :    LES   aOMii:fS   EN    NUMIDIB.  483 

de  laquelle  les  éphores  devaient  provisoirement  tenir  la  place  des  rois, 
tant  que  ceux-ci,  contrairement  à  la  loi,  ne  seraient  pas  d'accord  entre 
eux. 

7*  Les  rois,  dans  les  temps  anciens,  étaient  déjà  considérés  comme 
responsables. 

S^  Les  Spartiates  ont  porté  en  505  la  loi  qui  ordonnait  que  désormais 
un  seul  des  deux  rois  ferait  campagne  avec  Tarmée  Spartiate. 

Dans  son  introduction,  M.  D.  croit  devoir  prévenir  ses  lecteurs  qu'il 
ne  donne  pas  toujours  comme  certaines  les  conclusions  auxquelles  il 
est  arrivé.  Il  lui  suffit,  dans  un  pareil  sujet,  de  s'être  approché  de  la 
vérité  ;  il  n'a  pas  la  prétention  d'avoir  éclairci  et  résolu  toutes  les  diffi- 
cultés (p.  9).  Il  serait  peu  charitable  et  peu  juste  de  le  prendre  au  mot 
et  de  dire  que  cette  réserve  de  bon  goût  et  cette  modestie  ne  sont  pas 
des  précautions  inutiles.  On  peut  refuser  de  souscrire  à  quelques-unes 
des  opinions  de  l'auteur  —  et  j'ai  indiqué,  en  particulier,  les  raisons 
qui  m'empêcheraient  d'accepter  avec  autant  de  confiance  qu'il  le  fait 
l'autorité  de  Phylarque  —  il  ne  lui  en  reste  pas  moins  le  mérite  d'avoir 
traité  avec  beaucoup  de  conscience  et  une  méthode  vraiment  scientifique 
une  des  questions  les  plus  obscures  de  l'histoire  de  Lacédémone. 

R.  Lallibr. 


Esquisse  d^une  histoire  de  la  conquête  et  de  Tadministration 
romaine  dans  le  Nord  de  TAfHque  et  particulièrement  dans 
la  province  de  Numidie,  par  G.  Boissière.  —  Paris,  Hachette, 
^878.  In-80  de  438  p.  —  Pr.  :  7  fr.  50. 

M.  Boissière  est  parti  d'une  idée  juste;  il  a  pensé  que  dans  tous  les 
pays  qui  avec  le  temps  ont  peu  changé,  la  vue  du  présent  aide  à  com- 
prendre le  passé,  et  il  a  voulu  appliquer  ce  principe  à  l'Algérie.  Il  a 
comparé  cette  contrée,  telle  qu'elle  est  aujourd'hui,  avec  la  description 
que  nous  en  fait  Salluste,  et  il  a  démontré  ainsi  que  cet  historien,  pour 
être  sobre  de  détails,  est  plein  d'exactitude  et  de  précision.  Il  a  rapproché 
ce  que  nous  savons  des  Kabyles  actuels  des  témoignages  que  l'antiquité 
nous  a  transmis  sur  les  Numides,  et  il  a  prouvé  par  là,  d'une  part  que 
le  peuple  Berbère  s'est  peu  modifié  depuis  tant  de  siècles,  de  l'autre 
qu'un  bon  moyen  d'éclairer  l'histoire  de  Syphax,  de  Massinissa,  de 
Jugurtha  est  de  connaître  les  mœurs,  le  caractère  et  les  pratiques  des 
indigènes  de  l'Algérie. 

Cette  méthode  n'est  pas  neuve  assurément  ;  mais  elle  a  fourni  à  M.  B. 
quelques  aperçus  originaux,  et  on  ne  peut  que  le  féliciter  de  l'avoir 
employée.  Le  malheur  est  qu'il  s'est  parfois  laissé  entraîner  trop  loin 
par  l'esprit  do  système.  Une  des  institutions  les  plus  singulières  de  la 
Kabylie  est  celle  des  Çof.  M.  B.  en  parle  longuement  d'après  un  article 
de  M.  Renan  sur  le  livre  de  MM.  Hanoteau  et  Letoumeux,  et  il  prétend 
expliquer  par  là  la  plupart  des  événements  militaires  et  politiques  qui 


484  GOMPTES-BBNOUS  CRITIQUES. 

se  sont  accomplis  dans  T Afrique  carthaginoise  et  romaine.  Qu'il  y  ait 
eu  des  Gof  chez  les  Numides  comme  chez  nos  Kabyles,  cela  est  fort 
possible  ;  mais  cela  n'est  nullement  certain.  Môme  il  semble,  au  pre- 
mier abord,  que  le  contraire  soit  vrai.  Le  propre  de  ces  sortes  de  ligues 
est  d'être  hostiles  au  principe  de  l'hérédité  du  pouvoir.  Or,  de  l'aveu  de 
M.  B.,  ceux  qu'il  appelle  des  «  chefs  de  Gof  antiques  »  ont  fondé  de 
véritables  dynasties.  Il  aurait  donc  fallu,  pour  établir  que  Syphax,  Mas- 
sinissa,  Jugurtha  étaient  des  a  chefs  de  Gof  attachés  tour  à  tour  à  la  fortune 
de  Rome  ou  deGarthage,  »  placer  sous  les  yeux  du  lecteur  des  preuves  posi- 
tives. M.  B.  n'en  donne  pas  une  seule  ;  il  ne  cite  aucun  texte  à  Tappui  de 
cette  conjecture  ;  d'où  l'on  est  en  droit  de  conclure,  ou  bien  qu'il  n'a 
pas  dirigé  dans  ce  sens  ses  recherches,  ou  bien  que  son  hypothèse  est 
erronée.  On  objectera  peut-être  que  l'institution  des  Çof  a  pu  exister 
jadis,  sans  que  les  auteurs  anciens  la  mentionnent  ;  mais  pour  cela  il 
serait  nécessaire  de  supposer  que  les  Romains  ne  se  sont  pas  rendu 
compte  de  ce  trait  de  l'organisation  sociale  des  Numides,  et  une  pareille 
ignorance,  en  un  point  si  essentiel ,  ne  s'accorderait  guère  avec  leur 
prudence  et  leur  sagacité  habituelles.  Que  si  l'on  admet  qu'à  cet  égard 
leurs  renseignements  valaient  les  nôtres,  on  se  demandera  pourquoi 
leurs  historiens  n'en  ont  tiré  nul  profit.  Les  factions  qui  divisaient  la 
Gaule,  la  Grèce,  l'Italie  nous  sont  à  peu  près  connues  par  Gésar,  Polybe, 
Tite-Live.  Si  les  Numides  avaient  eu  des  Gof  semblables  à  ceux  d'au- 
jourd'hui, nous  en  serions  probablement  informés  de  la  même 
manière. 

J'adresserai  encore  à  cette  partie  du  travail  de  M.  B.  une  autre 
critique.  Il  a  eu  le  dessein  très  légitime  d^illustrer^  comme  il  dit,  plu- 
sieurs passages  des  écrivains  classiques  en  s'aidant  des  nombreux  docu- 
ments que  nous  possédons  sur  l'Algérie  actuelle.  Mais,  outre  qu'il  a 
fait  cette  espèce  de  commentaire  plutôt  en  littérateur  qu'en  historien, 
trop  souvent  le  désir  de  trouver  des  analogies  entre  Te  passé  et  le 
présent  Ta  porté  à  de  fâcheuses  exagérations.  J'en  donnerai  pour  preuve 
son  analyse  du  discours  d'Adherbal  au  Sénat  (p.  117  et  sq.).  Dans  cette 
harangue,  M.  B.  croit  remarquer  presque  à  chaque  pas  des  arguments, 
des  tournures,  des  expressions  qui,  d'après  lui,  sont  c  des  plus  indi- 
gènes. »  Si  Adherbal,  par  un  procédé  familier  alors  aux  rois  en  quête 
de  secours,  se  déclare  dès  le  début  «  le  procurateur  du  peuple  romain,» 
M.  B.  voit  là  c  des  notes  d'humilité  tout  algériennes.  »  Gette  phrase  : 
a  (nobis)  hostis  nullus  erat  nisi  forte  quem  vos  jussissetis  »  lui  parait 
avoir  •  une  allure  tout  indigène.  »  Que  le  roi  numide  appelle  Jugurtha 
f  le  plus  scélérat  des  hommes,  »  il  y  a  là,  écrit  M.  B.,  «  bien  de  la  vie 
et  de  la  vérité,  bien  de  la  passion  barbare  ;  »  on  dirait  «  un  bond  de 
bête  fauve.  >  Mais  voici  qui  est  plus  fort  :  en  regard  de  ce  discours  il 
place  une  lettre  d'un  caïd  dépossédé  qui  récemment  demandait  une 
place  et  de  l'argent.  La  requête  est  habile,  conçue  en  bons  termes; 
j'accorderai  même,  si  l'on  veut,  qu'elle  contient  un  ou  deux  traits  de 
couleur  locale.  Mais  M.  B.  y  découvre  quelque  chose  de  plus.  Comparant 


G.    BOISSiiRK   :    LBS   ROMAINS  EN  NUMIDIB.  485 

le  discours  et  la  lettre,  il  dit  :  «  N'est-il  pas  vrai  que  les  deux  plaintes 
se  ressemblent,  qu'il  y  a  là  deux  peintures  semblables  du  môme  milieu, 
des  mêmes  hommes,  de  la  même  société  et  d'une  situation  analogue, 
et  deux  tableaux  qui  se  font  pendant  à  tant  de  siècles  de  distance  ?  Le 
pauvre  caïd  inconnu  n'écrit-il  pas  un  peu  comme  parlait  Âdherbal,  et 
par  endroits,  en  le  lisant,  ne  croyons-nous  pas  traduire  Salluste?  • 
(p.  123).  On  conçoit  tout  ce  qu'une  pareille  méthode  a  de  factice  et  de 
dangereux. 

Les  pages  les  plus  instructives  de  V Esquisse  de  M.  B.  sont  celles  qu'il 
consacre  à  l'organisation  administrative  de  l'Afrique  sous  l'empire.  Il 
y  a  rassemblé  beaucoup  de  faits  curieux  et  exacts,  qui  à  eux  seuls  suffi- 
raient pour  donner  une  grande  valeur  à  son  ouvrage.  Mais  il  avoue 
lui-même  que  dans  tout  cela  rien  ne  lui  appartient  en  propre.  Ces  faits 
si  intéressants,  qu'il  a  eu  seulement  le  mérite  d'exposer  avec  clarté, 
sont  presque  entièrement  empruntés  aux  cours  et  aux  mémoires  de 
M.  Renier.  Il  est  vrai  qu'il  ne  pouvait  choisir  un  meilleur  guide,  et 
qu'en  le  suivant  pas  à  pas,  comme  il  a  fait,  il  était  sûr  de  ne  point 
s'égarer.  Mais  si,  sur  tous  les  points  étudiés  par  M.  Renier,  il  a  eu 
raison  de  s'en  rapporter  à  son  autorité,  il  a  eu  tort  d'accorder  la  môme 
confiance  à  d'autres  que  lui,  et  de  ne  consulter  en  général  que  des 
livres  de  seconde  main.  A  cet  égard  tout  lui  est  bon.  Il  ne  craint  pas 
par  exemple  d'invoquer  des  documents  tels  que  l'Essai  sur  l'histoire 
universelle  de  Prévost  Paradol,  le  Discours  sur  l'histoire  universelle  de 
Bossuet,  un  résumé  officiel  et  anonyme  de  l'histoire  ancienne  de 
l'Algérie  publié  en  1864.  Il  va  môme,  pour  parler  rf^  la  moralité  romaine 
sous  /Vmptrc,  jusqu'à  reproduire  un  article  de  M.  Sarcey  sur  le  cinquième 
volume  de  M.  Duruy.  Encore  s'il  avait  eu  soin  de  marquer  avec 
précision  la  provenance  des  passages  qu'il  tire  de  droite  et  de  gauche  ; 
mais  le  plus  fréquemment  il  ne  fournit  que  de  très  vagues  indications, 
et  il  n'est  pas  rare  de  rencontrer  chez  lui  des  citations  du  genre  de 
celles-ci  .  Revue  archéologique  ;  O.  Reclus  ;  Mommsen ,  Histoire 
romaine;  d' A veîMic,  Afrique  ancienne;  Salammbô;  Mac-Garthy;  Fro- 
mentin, etc.  Quant  à  vérifier  par  lui-môme  les  assertions  des  auteurs 
dont  il  s'est  servi,  il  parait  y  avoir  trop  peu  songé,  môme  quand  la  chose 
était  facile,  et  cette  négligence  l'a  plus  d'une  fois  induit  en  erreur. 

Le  livre  de  M.  B.  répond  mal,  comme  on  voit,  aux  exigences  de  la 
méthode  historique.  D  se  lit  pourtant  avec  plaisir  et  profit.  Il  est  écrit 
d'un  style  vif,  alerte,  peu  châtié  sans  doute,  mais  en  somme  fort 
agréable.  On  dirait  une  série  d'articles  de  journaux  ou  encore  de 
causeries  destinées  au  grand  public.  Sans  être  original,  il  a  le  précieux 
avantage  d'offrir,  sous  une  forme  attrayante,  le  résumé  de  plusieurs 
travaux  qu'il  n'est  pas  toujours  aisé  d'avoir  sous  la  main.  Enfin  c'est 
l'œuvre  d'un  homme  d'esprit,  et  je  suis  certain  que  cet  éloge, 
parfaitement  justifié  du  reste,  est  celui  que  M.  B.  tenait  le  plus  à 
mériter. 

Paul   GUIRAUD. 


4M6  coMPfM'Mnpq»  csmara». 


'Tim  êLtiîéwimmfUiwif  wiHnlmiii  et  mandm  dmm 

0»  et  TO^  wÊéeiem,  par  E.  db  Pussbub^.  Pam^  Sondoz  et  Fischtaft- 
cher.  4STT. 

O  volume  est  le  gJTiènie  et  dernier  de  Phistoire  des  trais  premier» 
.siècles  de  l'Égliae  entreprise  par  >£.  de  E^'essenâe,  il  y  a  vingt-cinq  an» 
environ.  Nou8  avons  anjourd'liui  ce  grand  ouvrage  complet  et  nous 
pouvons  en  saisir  les  grandes  parties  et  l'ordonnance  générale. 

Fidèle  à  sa  conviction,  l'anteur.  qui  voit  dans  le  sècle  des  apùtres 
une  epoi[ue  exceptionnelle,  un  àse  d'inspiration  et  de  création  divines^ 
propre  à  servir  de  modèle  et  de  loi  à  toutes  les  périoiies  joivantes,  l'a 
mis  à  part  et  exposé  d'une  ^on  indépendante  dans  Les  deux  premiers 
volumes.  Pour  les  deux  siècles  sui-vanta,  il  a  procédé  d'une  autre  ôiçon. 
et  suivi  un  autre  plan.  0  a  tracé  dans  La  riche  matière  de  cette  hisiuir« 
trois  grandes  divisions  à  la  fois  simples  et  lumineuses.  La  premiè» 
partie,  remplissant  deux  volumes  couronnes  par  L'Académie  française, 
expose  la  lutte  du  christianisme  et  du  monde  paien,  lutte  extérieure 
soutenue  dans  les  persécutions  par  Les  martyrs,  lutte  spirituelle  soute* 
nue  par  les  apologistes  contre  les  philosophes  et  les  détracteurs.  La 
seconde  partie  raconte  l'histoire  de  la  théologie  ou  du  dogme.  La 
troisième  enfin,  formée  par  le  dernier  volume  i^ue  nous  annonçons., 
peint  la  vie  intérieure.  Le  cuite  et  la  constitution  «ie  L'Église. 

Non  seulement  M.  de  Pressensé  a  mené  à  bonne  an  cette  tache  langue 
et  laborieuse,  mais  on  doit  dire  qu'il  a  gagné  des  forces  et  des  moites 
en  avançant,  oir«  a*ujwnt  eundo.  Des  premiers  aux  derniers  volumesy 
il  y  a  progrès  bien  marqué,  progrès  dans  Tinvestigatioa  toujours  phis 
complète  et  plus  sûre  des  documents,  dans  la  discussion  et  Tapprecisb» 
tion  des  témoignages,  dans  La  simplicité  et  La  sobriété  de  L'expositifja. 
M.  de  Presseni^  n'a  pas  renoncé  à  l'éloipience,  ce  •pi  Lui  serait  diM- 
cile  ;  mais  son  style  a  fini  par  acquérir,  sans  rien  penlre  de  sa  (±al0zr 
et  de  son  éclat,  les  qualités  plus  solides  qu'exige  rhL«toire.  A  tous  ces 
pointi»  de  vue,  son  dernier  volume  est  de  tous  le  meilleur.  VestH»  pas 
la  juste  recompense  d'un  travail  opiniâtre  et  d'une  persévérance  que  Les 
difficultés  aiguillonnent  au  lien  de  décoorager  ? 

Il  est  vrai  que  La  partie  qu'avait  à  traiter  l'historien  était  peut-^cre  la 
plus  neuve  et  la  plus  intéressante.  Il  s^agissait  de  raconter  les  transfor- 
mations successives  i^i  ont  si  rapLdanent  mené  l'Eglise  du  premier 
âge,  si  libre,  si  démocratique  et  si  austère,  à  la  forme  catholique  qui 
triomphe  avec  Constantin,  La  logique  intérieure  qui  pousse  le  christia- 
nisme sur  cette  pente  du  catholicisme  se  âût  sentir  partout  à  La  fois  et 
transforme  simultanément  l'organisation  ecclésiastique,  le  culte^  La 
morale.  M.  de  Pressensé  Ta  bien  signalée  :  nous  regrettons  seulement 
qu'il  ne  l  ait  pas  plus  nettement  dégagée  et  qu'U  ait  paru  souTent  aixor- 
der  à  des  influences  du  dehors,  à  des  circonstances  accidentelles  ce  qui  est 
siirement  l'effet  d'une  puissance  intime  résultant  de  la  conception  que  les 
premiers  cfarétieDs  se  firent  d'abord  de  TEglise.  Nous  sommes  convainco. 


E.  DE  PRESSENS^  :  LA  VIE  DBS  CHRIÎTIENS  AUX  IP  ET  III®  SIÈCLES.      4  87 

pour  notre  part,  que  le  catholicisme  devait  être  la  première  réalisation 
historique  du  christianisme  ;  que  parler  ici  de  déviations,  d'altérations, 
n'est  pas  suffisant,  et  que  juger  les  choses  et  les  hommes  du  second  et 
du  troisième  siècle  du  point  de  vue  de  la  réforme  protestante  et  du  spi- 
ritualisme chrétien  de  notre  temps,  c'est  s'exposer  à  ne  pas  bien  les 
comprendre,  à  les  trop  exalter  quand  ils  s'accordent  avec  notre  manière 
de  voir,  à  trop  les  rabaisser  quand  ils  s'en  écartent.  Le  fait  est  qu'ils 
étaient  bien  loin  de  ressembler,  au  moins  pour  les  mœurs,  les  idées  et 
les  apparences,  aux  chrétiens  de  nos  jours,  soit  protestants,  soit  catho- 
liques. Il  nous  faut  sortir  de  nous-mêmes  pour  les  comprendre  et  il  est 
peut-être  un  peu  téméraire  de  vouloir  toujours  marquer  le  point  précis, 
comme  le  fait  M.  de  Pressensé,  où  finissent  leurs  idées  justes  et  où 
commencent  leurs  erreurs.  Erreurs  et  vérités,  qualités  et  défauts,  pré- 
jugés, superstitions  et  vie  morale,  tout  cela  se  tenait,  s'unissait,  se 
fondait  dans  un  mélange  singulièrement  original,  qui  est  la  marque 
propre  de  ces  générations  placées  encore  entre  le  paganisme  dont  ils 
sortaient  et  la  foi  chrétienne  qu'ils  n'avaient  comprise  qu'à  travers  leur 
éducation  et  leurs  habitudes  premières. 

Rien  n'est  plus  intéressant  que  d'entrer  avec  un  guide  comme  M.  de 
Pressensé  dans  les  détails  de  la  constitution  et  de  la  vie  intime  de 
l'Église  chrétienne  aux  second  et  troisième  siècles.  On  y  fait  à  chaque 
pas  des  observations,  j'ai  presque  dit  des  découvertes  qui  provoquent  la 
réflexion  et  révèlent  mieux  que  les  grandes  controverses  et  les  martyres 
héroïques  le  caractère  singulier  de  cet  âge  de  transition.  L'historien 
traite  en  premier  lieu  de  la  constitution  et  de  l'organisation  de  l'Eglise. 
Il  les  étudie  d'abord  au  second  siècle  et  puis  au  troisième  pour  en  bien 
faire  sentir  la  transformation  progressive.  Il  décrit  avec  maints  détails 
pittoresques  et  vivants  puisés  aux  sources  le  catéchuménat  et  le  rite  du 
baptême  par  lesquels  l'Eglise  se  recrutait  ;  puis  les  charges  ecclésias- 
tiques diverses,  le  rôle  toujours  grandissant  de  l'évêque  qui,  sorti 
d'abord  par  l'élection  populaire  de  la  communauté,  s'élève  non  seule- 
ment au-dessus  d'elle,  mais  encore  au-dessus  du  presbytérat  et  devient 
l'incarnation  de  l'idée  catholique  de  l'Église.  Les  résistances  que  ren- 
contra jusqu'au  milieu  du  troisième  siècle  cette  usurpation  progressive 
devaient  surtout  intéresser  l'esprit  libéral  et  démocratique  de  M.  de 
Pressensé  ;  aussi  les  a-t-il  racontées  avec  une  précision  de  renseigne- 
ments, une  suite  naturelle  et  logique  qui  font  de  cette  partie  le  chapitre 
le  meilleur  et  le  plus  nouveau  de  son  livre.  Polycrate  d'Éphèse  et  Victor 
de  Rome,  Origène  et  Démétrius  d'Alexandrie,  Novatus  et  Gyprien  à 
Garthage,  Hippolyte  et  Galixte  à  Rome,  sont  les  champions  opposés  du 
principe  de  la  liberté  et  du  principe  de  l'autorité  dans  une  lutte  partout 
la  même  et  qui  a  toujours  le  même  dénouement,  la  défaite  du  premier 
au  profit  du  second.  Avec  Gyprien  Tépiscopat  triomphe  définitivement. 
L'évêque  concentre  dans  sa  personne  toutes  les  grâces  et  tous  les  pou- 
voirs de  l'Église  et  désormais  la  formule  catholique  est  vraie  :  m  epis^ 
oopo  est  ecclesia. 


488  COMPTES-RENDUS   CRITIQUES. 

Le  second  chapitre  est  consacré  à  la  description  du  culte  dont  l'his- 
torien passe  en  revue  successivement  les  diverses  parties.  Tout  ce  que 
l'antiquité  chrétienne,  dans  ses  livres  ou  dans  ses  monuments,  nous  a 
laissé  sur  les  édifices  du  culte,  leur  disposition  intérieure,  l'attitude  des 
fidèles,  la  célébration  de  TËucharistie,  les  formules  de  prière,  la  prédi- 
cation, le  chant  religieux,  a  été  soigneusement  recueilli^  et  l'auteur  s'en 
est  servi  ensuite  pour  tracer  dans  un  tableau  d'ensemble  le  récit  d'une 
assemblée  de  culte  à  Alexandrie  à  laquelle  le  lecteur  croit  assister. 
C'est  un  des  morceaux  les  plus  brillants  et  les  plus  intéressants  du 
livre.  Nous  aurions  aimé  pourtant  trouver  ici  quelques  renseignements 
de  plus,  au  moins  au  point  de  vue  bibliographique,  sur  les  diverses 
liturgies  en  usage  à  cette  époque.  A  Rome  ou  à  Garthage  le  culte  était- 
il  le  même  qu'à  Alexandrie  ?  A  côté  de  la  liturgie  de  saint  Marc  n'y 
avait-il  pas  celle  de  saint  Jacques  ou  de  saint  Pierre  ?  Ne  peut-on  savoir 
en  quoi  elles  se  ressemblaient  et  en  quoi  elles  différaient  ?  En  outre, 
nous  n'avons  pas  absolument  reçu  des  descriptions  de  M.  de  Pressensé 
tout  à  fait  la  même  impression  que  celle  que  nous  ont  laissée  les  textes 
des  Pères  de  l'Église.  L'historien  a  certainement  spiritualisé  ou  idéa- 
lisé le  culte  du  troisième  siècle.  Q  avait  avec  le  culte  juif  et  les  mys- 
tères païens  des  ressemblances  et  une  parenté  qui  peuvent  choquer 
l'esprit  protestant  et  sévère  de  notre  âge,  mais  qui  prouvent  précisé- 
ment que  les  chrétiens  du  temps  d'Origène  ou  de  Gyprien  n'étaient 
point  des  protestants. 

Nous  aurions  une  observation  analogue  à  faire  sur  le  troisième  et 
dernier  chapitre,  qui  a  trait  à  la  vie  morale  des  chrétiens  et  à  l'action 
régénératrice  de  l'Église  au  milieu  de  l'ancien  monde  périssant  de  vieil- 
lesse et  de  corruption.  Tout  ce  que  M.  de  Pressensé  raconte  de  la  famille 
chrétienne,  des  vertus  simples  et  fortes  qu'elle  abritait,  de  radoucisse- 
ment du  sort  des  esclaves,  des  institutions  de  charité,  ce  qu'il  dit  sur- 
tout de  la  réhabilitation  du  travail  libre  est  admirablement  vrai.  Mais 
est-ce  toute  la  vérité  ?  N'y  avait-il  point  d'ombres  un  peu  plus  noires 
à  ajouter  à  cette  peinture  ?  I^a  morale  catholique  —  car  la  morale  catho- 
lique existe  à  partir  de  Tertullien  —  n'avait-elle  pas  subi  de  graves 
atteintes  et  de  profondes  altérations  de  la  part  de  l'ascétisme  païen  ou 
de  la  légalité  juive  venant  se  superposer  à  la  spiritualité  évangélique? 
N'y  avait-il  pas  à  mettre  plus  en  lumière  cette  morale  artificielle  qui 
aboutira  inévitablement  à  la  casuistique  et  qui  classe  déjà  les  péchés 
et  les  vertus,  non  d'après  le  sentiment  intime  de  la  conscience,  mais 
d'après  les  décisions  extérieures  de  l'Église?  Que  M.  de  Pressensé, 
dont  le  talent,  la  science  et  la  chevaleresque  impartialité  nous  inspirent 
tant  de  sympathie  et  d'admiration,  nous  pardonne  ces  observations 
d'une  critique  trop  scrupuleuse  ou  trop  difficile  peut-être.  Elles  lui 
prouveront  qu'à  nos  yeux  du  moins  son  livre  est  de  ceux  qui  comptent 
.  et  avec  lesquels  il  faut  compter.  Le  premier,  en  France,  il  a  vaillamment 
abordé  ce  sujet  des  origines  de  l'Église  chrétienne  que  tant  d'autres  ont 
parcouru  après  lui  et  en  a  tracé,  dans  les  six  volumes  qui  composent 


LEBIOIV  :  LA  DBENIÈRB  LUTTB  DES  SLAVES  DE  l'eLBE.     4  89 

son  ouvrage,  une  histoire  que  les  écrivains  futurs  ne  pourront  dépasser 
qu'en  en  profitant. 

Auguste  Sabatieb. 


J.  A.  Lbbeoev.  IjB,  dernière  lutte  des  Slaves  de  TBlbe  contre  la 
germanisation,  2  vol.  in-S».  Moscou,  4876. 

Plusieurs  souverains  de  TEurope  septentrionale  portent  encore  aujour- 
d'hui des  titres  qui  rappellent  la  domination  que  leurs  prédécesseurs 
ont  exercée  naguère  sur  certains  peuples  slaves  depuis  longtemps  dis- 
parus. Le  roi  de  Prusse  est  duc  des  Wendes,  le  grand-duc  de  Mecklem- 
bourg-Schwerin  est  prince  de  la  terre  wende  (Fùrst  zu  Wenden),  le  roi 
de  Danemarck  est  roi  des  Wendes,  etc.  Sur  les  frontières  de  la  Saxe 
et  de  la  Prusse,  dans  les  deux  Lusaces,  vivent  encore  140,000  Wendes 
qui  s'appellent  eux-mêmes  Serbes  (Serbi  =  Sorabes),  misérable  ilôt  slave 
noyé  par  locéan  germanique  qui  menace  sans  cesse  de  l'engloutir. 
Ce  sont  les  derniers  débris  des  Slaves  de  l'Elbe  et  de  la  Baltique  qui, 
sous  les  noms  divers  de  Polabes  (Slaves  vivant  po  Labie^  le  long  de 
l'Elbe),  Lutices  (les  farouches?),  Vagres  ou  Vagriens,  Obotrites  (Bodrci, 
les  vaillants?),  Luziczane  (les  Lusaciens),  etc.,  jouent  du  huitième  au  qua- 
torzième siècle  un  rôle  considérable  dans  l'histoire  de  l'Europe  septentrio- 
nale. A  partir  du  treizième  siècle  ils  perdent  leur  indépendance;  ils  sont 
absorbés  peu  à  peu  par  la  germanisation  ;  depuis  plus  d'un  siècle  leur  lan- 
gue a  complètement  disparu  ;  elle  n'a  laissé  de  traces  que  dans  des  noms 
géographiques,  mutilés  pour  la  plupart  par  les  Allemands  {Poméraniey 
pays  situé  le  long  de  la  mer,  Stargard  =  Starigrad,  la  vieille  ville,  etc.).  Il 
ne  subsiste  de  leur  civilisation  aucun  monument  figuré  :  restés  fidèles  aux 
traditions  du  paganisme  slave  à  une  époque  où  toute  l'Europe  était 
déjà  devenue  chrétienne,  ils  ont  eu  à  soutenir  des  luttes  incessantes 
contre  leurs  voisins  les  Saxons,  les  Danois  ou  les  Polonais,  et  ont  fini 
par  succomber.  Leurs  villes  ont  été  détruites  ou  transformées;  leurs 
temples  et  leurs  idoles  anéantis.  C'est  sur  un  sol  foncièrement  slave 
que  s'est  élevée  cette  monarchie  prussienne  qui  mène  aujourd'hui  les 
destinées  de  l'Allemagne. 

Dans  le  grand  mouvement  historique  qui  a  entrepris  de  reconstituer 
le  passé  de  la  race  slave,  ces  ancêtres  trop  longtemps  oubliés  ne  pou- 
vaient être  négligés.  Un  slaviste  russe  distingué,  feu  Helferding  (mort 
en  1872),  avait  entrepris  d'écrire  une  histoire  générale  des  Slaves  bal- 
tiques  qui  est  malheureusement  restée  inachevée  (Moscou,  1855);  il 
n'en  a  publié  que  le  premier  volume.  M.  Kotliarevsky,  aujourd'hui  pro- 
fesseur de  philologie  slave  à  l'université  de  Kiev,  a  donné  une  étude 
sur  la  vie  de  l'évoque  Otto  de  Baraberg,  apôtre  des  Poméraniens 
(Prague,  1874).  Notre  collaborateur  M.  Pawinski  a  également  consacré 
aux  Slaves  de  l'Elbe  une  dissertation  (Saint-Pétersbourg,  187i)  que 
malheureusement  nous  n'avons  pas  sous  les  yeux.  Aucun  de  ces  tra- 


490  COMPTBS-EBXDUS  CRITIQIIBS. 

vaux  n'a  épuisé  la  matière  et  un  travail  définitif  est  encore  à  ùdre. 
M.  Lebedev  s*est  borné  à  étudier  un  épisode  isolé  de  l'histoire  des 
Slaves  Bahiques;  la  lutte  des  Obotrites  et  des  Lutices  contre  Henri  le 
Lion  et  Valdemar  !«■  de  Danemarck.  Son  récit  se  renferme  rigoureu- 
sement entre  les  années  1130  et  1190.  Il  neût  pas  été  inutile  de  le  faire 
précéder  d'un  tableau  sommaire  de  la  situation  des  Slaves  baltiques  au 
début  du  douzième  siècle.  L'auteur  entre  un  peu  brusquement  en 
matière;  de  là  une  certaine  obscurité  qui  pèse  sur  Tensemble  de  son 
récit  :  il  est  pénible  à  lire  et  les  faits  historiques  réussissent  d'autant 
moins  à  fixer  l'attention ,  que  les  divisions  très  vagues  des  chapitres  — 
indiquées  par  une  ligue  à  peine  —  ne  fournissent  au  lecteur  aucun 
jalon,  aucun  point  de  repère.  On  regrette  également  Tabsence  d'an 
index  alphabétique  ou  d'une  carte  qui  facilite  Tétude  des  divers  épisodes 
religieux  ou  militaires.  M.  Lebedev  ne  redoute  pas  évidemment  le  tra- 
vail (il  a  consacré  tout  un  volume  à  l'examen  des  sources),  mais  il  ne 
sait  pas  ordonner  un  livre  ;  on  ne  peut  le  lire  avec  fruit  que  la  plume 
à  la  main,  en  dressant  pour  son  propre  compte  les  sommaires  ou  les 
index  qu'il  a  dédaignés.  Comme  il  néglige  de  donner  en  note  les  formes 
latines  des  noms  qu'il  rencontre  dans  les  textes  originaux  et  qu'il  rus- 
sifie parfois,  on  est  fort  embarrassé  pour  les  identifier.  Un  appendice 
sur  les  noms  propres,  leur  déformation  et  leur  restitution  probable  eût 
ete  nécessaire.  M.  L.  ne  parait  pas  se  douter  un  instant  des  services 
que  la  philologie  peut  et  doit  rendre  à  Thistoire. 

Dans  ces  conditions  l'ouvrage  en  question  nous  paraît  fort  difficile  à 
analyser.  C'est  une  série  d'épisodes  historiques  dont  quelques-uns,  pris 
à  part,  offrent  un  certain  intérêt  :  tels  sont  par  exemple  les  récits  de  Im 
or\)isade  entreprise  en  lUS  contre  Niklot,  prince  des  Obotrites;  le 
tableau  des  migrations  allemandes  ou  hollandaises  qui  viennent  colo- 
niser les  bords  de  l'Elbe,  les  luttes  navales  où  les  marins  slaves  jouent 
un  rvMe  hardi  et  glorieux,  la  c^mquèie  de  l'île  de  Hugen  par  les  Alle- 
mands et  la  destraction  du  fameux  sanctuaire  de  Svantovit.  Dans  on 
ouvrage  mieux  cv^nou  et  mieux  rvdige,  ces  épisodes  auraient  fourni 
matièrv^  à  un  grand  nombre  de  (v&ges  excellentes.  Sous  sa  forme  actuelle, 
le  travail  de  M.  L.  ne  peut  t^tre  cx^nsidere  que  comme  un  recueil  de 
matériaux  plus  ou  moius  degT\>ssis  pour  l'écrivain  qui  entreprendra 
l'histoire  définitive  des  Slaves  baltiques. 

L.  Lsiiift. 


UplaMmtmriwBi  s«édols»  depvis  et  y  compris  l'kMBée  1401,  édité 

aux  firais  des  Arthives  natioiiak^  par  Charles  SurrnsTOLn*. 
T.  L  livr.  3.  p.  4SI*70«,  Suxàbotiu.  I$n.  P,  A.  XorstedI  ei  Gb, 


^BMCtt  Car)  Sàttv^rrariOiv.  • 


SILFTBRSTOLPB   ET   HaDBBRAND    :    OIPLOMÀTÀRniM  SUEDOIS.         194 

in-4«.  Prix  9  fr.  ^1 0.  —  Diplomatariom  snèdois,  édité  aux  firais,  etc., 
par  Emile  Hildebrand^  T.  VI,  liv.  1,  p.  >l-424.  Ibid.,  1878,  in-4«. 
Prix  9  fr.  80. 

Le  troisième  fascicule  (t.  I,  seconde  série  de  ce  recueil)  s'étend  du 
7  septembre  1405  au  29  décembre  1407,  et,  pour  cette  courte  période,  il 
y  a  281  documents,  savoir  49  pour  la  fin  de  1405,  118  pour  1406  et  114 
pour  1407  ;  on  voit  qu'en  avançant  dans  le  siècle  les  documents  ne 
deviennent  pas  plus  abondants  ;  au  reste  on  pouvait  bien  s'y  attendre  : 
on  est  encore  trop  près  du  point  de  départ  pour  que  la  physionomie  des 
temps  ait  sensiblement  changé.  Il  serait  donc  superflu  d'entreprendre 
de  caractériser  de  nouveau  cette  section  du  Diplomatarium  ;  ce  que  nous 
avons  dit  des  deux  premiers  fascicules  ^  est  encore  vrai  du  troisième  et 
celui-ci  mérite  les  mômes  éloges  que  les  précédents. 

Le  t.  VI,  dont  le  premier  fascicule  a  paru,  n'est  pas  dû  au  môme 
éditeur  et,  bien  qu'il  soit  également  publié  avec  les  fonds  légués  par  le 
comte  Fosse  et  sous  la  direction  du  conservateur  des  Archives  natio- 
nales, M.  Bovallius,  il  ne  l'est  pourtant  pas  d'après  le  plan  adopté  pour 
la  seconde  série  :  les  notes  explicatives  y  sont  un  peu  plus  nombreuses 
et  le  texte  n'est  pas  reproduit  avec  la  môme  précision  diplomatique, 
aucune  différence  de  caractère  ne  distinguant  les  lettres  ajoutées  (pour 
compléter  les  mots  abrégés)  de  celles  qui  se  trouvent  dans  l'original.  Si 
réditeur  de  cette  livraison,  M.  E.  Hildebrand,  ne  s'est  pas  astreint, 
comme  M.  Silfverstolpe,  à  une  exactitude  minutieuse,  c'est  sans  doute 
pour  que  sa  continuation  ne  fit  pas  disparate  avec  les  premiers  volumes 
de  cette  série,  commencée  par  Liljegren  (t.  I-II,  1829-1837)  et  poursuivie 
par  Bror-Émile  Hildebrand  (t.  III-V,  1842-1865)  ;  il  n'a  pas  voulu  que 
le  t.  VI  jurât  avec  les  précédents;  au  reste,  il  promet  de  rendre  compte 
des  règles  qu'il  a  suivies  et  des  sources  qu'il  a  eues  à  sa  disposition, 
mais  seulement  lorsque  le  volume  sera  terminé. 

Cette  livraison  contient  389  documents  (4275-4663)  pour  les  années 
1348,  1349  et  1350,  c'est-à-dire  autant  et  môme  plus  que  pour  chacune 
des  périodes  triennales  du  commencement  du  xv«  siècle.  Mais,  si  de  ce 
c6té  on  ne  remarque  pas  grande  différence  entre  les  deux  siècles,  il  y 
en  a  une  très  sensible  quant  à  la  langue  :  vers  1400,  les  quatre  cin- 
quièmes des  documents  sont  en  langue  vulgaire,  tandis  que  vers  1350, 
le  latin  est  employé  le  plus  souvent,  non  seulement  pour  les  affaires 
ecclésiastiques,  ce  qui  est  naturel,  mais  aussi  pour  les  actes  purement 
civils.  Cette  circonstance  fait  que  la  1"  série  du  Diplomatarium  est  à  la 
portée  de  tous  les  lettrés  du  monde  civilisé.  Qu'ils  prennent  la  peine  de 
la  parcourir,  ils  y  trouveront  des  renseignements  qu'ils  ne  songent  peut- 
être  guère  à  aller  chercher  en  Suède.  Notons  par  exemple,  pour  nous 
en  tenir  à  la  France,  qu'il  est  question  de  Paris  et  de  sa  célèbre  uni- 


1.  Svemkl  Diplomatarium,  utgifvet...  genom  Emil  Hildebrand. 

2.  Revue  histor.,  t.  III,  livr.  2,  p.  440-442. 


492  COMPTES-RENDUS  CEiriQUES. 

vornitô  dans  los  pages  lOi,  181,  211.  Les  documents  émanés  delà  chan- 
collorio  pontificale  sont  datés  de  deux  localités  françaises,  Avignon  et 
Villonouvo,  ot,  bien  qu'ils  concernent  surtout  les  affaires  ecclésiastiques 
do  la  Suède,  ils  fournissent  pourtant  quelques  notions  à  utiliser  dans 
les  futun>s  histoires  universelles  de  TËglise. 

£.  Bbjluvois. 


I.  Goi.i..  Qoellaii  und  Untarsnoliiingen  sur  Geaohiolite  der  Bœh- 

mUohtm  Brûder.  I.  Prague,  Otto,  4878. 
Le  lU^iuo.  Yypsani  o  mistra  Jeronymovi  m  Prahy.  Kronika  o 

Jonu  ZiBkovi.  Prague,  Otto,  4  878. 

\a>  non)  do  M.  Goll  est  déjà  bien  connu  des  lecteurs  de  la  R0mu  Aû- 
uHifue.  8o$  doux  nouveaux  ouvrages  s'occupent  des  traditions  relatÎYes 
aux  luttos  roligiousos  et  aux  bouleversements  par  lesquels  la  Bohème 
oui  à  i^ssor  avant  ot  (K'ndant  la  Réforme.  Le  l^^  volume  des  Quellen 
unti  Cnltrsuchuni^rn  \$ourcos  ot  études^  étudie,  dans  rhistoire  des  ori- 
gint^  dos  fr\^i\^$  Ivhomions,  plus  généralement  connus  en  France  sons 
lo  non)  do  frt>r\^$  monivos«  doux  points  restes  jusqu'ici  sans  solution  : 
1*^  los  rap|H^rts  di\^  frt^n^  avoc  los  Vaudois;  :?•  le  choix  et  Im  consécrm- 
liou  d(^  prtnuior^  prx^tn^.  L  autour  passe  snccessÎTement  en  reTue 
touti^  lo$  s\>urot^  du  xv«  ot  du  xvi«  s.,  et  donne  en  appendice  les  textef 
los  plus  iu)|vrtauts.  l.ess  ro:>ultats«  qu'il  réunit  dans  son  «  Aperça  >  de 
U  plus  anoionuo  tradition  \p.  oO  ot  suiv.^  sont  tzè$-intêressants ;  mais 
U  UAturx'^  dos  d\vumout:5i  ittVv\îuo:s  uo  permet  pas  de  résoudre  complè- 
tomo:\t  toutos  los  ditV.ouUos  lu;  vu;  cas  les  vwations  surrennes  dans 
U"*  \ôi\>s  *U>s  froT\>s  sur  U  pntMhs*?  o;  lepiscopai  à  Toccasion  de  U  pie- 
uïu\v  OTvi\r,4iio:\  vlo  *.o;:rs  v^^^troïîs  prvxiuise:::  une  incertitude  qui 
o\|m\>;;ïo  »os  tx^U'uous  vvr.;raô.;cuv.Kss  q*jLi  sos:?  ont  ete  transmises. 
M   v^ .  u  a  ^^«  \\^;;;or  ;;:;  r.u'^;  *;<vis::  4;:x  ^virwss  du  xtî*  s. 

l4^  >*\\n;Xx:o  ô»ï>s  ',\;M\oa:;o:;s  A::r.v;*.'C>^»  jV.:s  ha;i;  cv>cùent  trob  doGo* 
wor,îs  «o>a\;;^«\i  *;«  w»  s  u;:  riv;î  Ci*  ;:::«i:ue  Jer^cse  ce  Prague  «  une 
^î1^x;,;o;^^r.  >•>  U  ^;';;ro  vV-o'.^^."  i::;  tV«£^  s;ir  ^  ïDOrt  ce  Jes>Nme«  et  une 
«  «rvV  IvV,,^  x^^rv ;v.;,;<*  ^io  J ;M;'.  v ;sk4i  »  *  Iji  ;r*i*v:!;kc  ie  a  ienreda  IVgge 
^^s;  *^  '/.\;>A,.,:,\',v  i.-^.v^,';;/",  ;*,:  *Jiuur*îf  ;^ibÀ;:^^ Ç'se loe cvrASÙsse,  et 

t  ^>fe  »'„VA  AViA'ts  x':i^>«i  ji\;ji:,'v.:  i^;^'  iîf'4  :3trc.nee(5s  sa»  «4ù»s  restées 

,;S-  '^''^'^  v*^>>s;,v   "rxvc.  ;  ,^*^s.   *  c  tïvv*  itf  •Yc;cDf  i«tv?  >K:î-tee  de  » 

î Vvv  ,x  ^  >i  ^.v-r^x^^  ,'0  ^;: ,  *  .vcv  '««i  ,5^rr>*!:r5^  ^T!Kï»st^:s  3»  «a  vie  de 

U«.v<  ;v.*-->i».v\v'5K*',  t^    ;x..?.  r."*;^  ^:>,vc*^  secs  rrs* 


A.    BACHMANN  :    BOBHMEN  UlfD  SBIIfB  IfACBBARLiENDEE.  193 

l'on  croyait  jusqu'ici  fabriquée  au  xyi«  s.,  remonte,  d'après  le  ms.  de 
Munich,  au  xv«.  Les  renseignements  que  nous  avons  sur  le  général 
aveugle  sont  si  maigres,  qu'il  faut  se  réjouir  de  posséder  cette  chro- 
nique, si  laconique  et  si  incomplète  qu'elle  soit  d'ailleurs.  Ses  rapports 
avec  les  c  anciennes  annales  tchèques  »  ne  peuvent  se  prouver  que  par 
une  étude  critique  très  minutieuse;  mais  dans  l'ensemble,  l'existence 
de  ces  rapports  est  indéniable.  L'auteur  est  un  partisan  de  Ziska;  il 
écrit,  il  est  vrai,  après  la  fin  des  grandes  luttes  (1434)  ;  mais  il  parle 
avec  une  vive  émotion  de  l'époque  célèbre  des  combats  livrés  par  les 
Taborites  et  de  leur  héros. 

Von  Bezold. 


A.  Baghmann.  Bœhmen  and  seine  Nadibarleander  unter  Georg 
von  Podiebrad  1458-1461,  und  des  Kœnigs  Bewerbung  um  die 
deutsche  Rrone.  Ein  Beitrag  zur  Geschichte  der  Yersuche  einer 
Reichsreform  im  XY  Jahrhunderte  (La  Bohême  et  les  pays  voisins 
sous  g.  Podiebrad;  intrigues  du  roi  pour  se  fkire  nommer  roi  de 
Germanie.  Contribution  à  l'histoire  des  efforts  tentés  pour  réfor- 
mer TEmpire  au  xv*  s.).  Prague,  Calve,  4878,  in-8^  xii-S'IO  p. 

n  y  a  deux  ans,  M.  B.  avait  pris  pour  sujet  d'une  monographie  très 
soignée  Thistoire  des  débuts  de  Georges  Podiebrad  :  son  nouvel  ouvrage 
est  consacré  aux  premières  années  du  règne  de  l'habile  prince  bohé- 
mien; pour  avoir  la  clé  de  sa  conduite  à  cette  époque,  il  faut  suivre 
ses  efforts  pour  s'assurer  la  couronne  impériale.  Le  travail  de  M.  B.  est 
en  général  un  résumé  de  tous  les  ouvrages  allemands  sur  le  sujet  ;  il 
n'y  ajoute  presque  rien  de  nouveau,  sauf  sur  certains  points  de  détail, 
où  ses  recherches  dans  les  archives  lui  ont  permis  d'apporter  des  recti- 
fications et  de  combler  de  petites  lacunes.  Ainsi  par  exemple  quand 
Podiebrad  essaya  d'intimider  les  Hohenzollem,  en  les  menaçant  d'une 
alliance  entre  la  Bohème  et  les  villes  de  l'Allemagne  du  Nord,  et  par 
là  de  les  gagner  à  sa  cause  (p.  16)  ;  ainsi  encore  les  écrits  dans  lesquels 
Rokyzana,  le  chef  des  Utraquistes,  assure  le  pape  et  son  confesseur  de 
son  plus  profond  attachement  (p.  247).  L'impossibilité  morale  pour 
Podiebrad  de  réaliser  son  plan  favori ,  la  situation  difficile  du  roi 
hussite  qui  avait  secrètement  abjuré  sa  foi  et  s'était  engagé  avec  Rome, 
la  politique  dépravée  et  sans  conscience  du  margrave  Albrecht  de 
Brandebourg  sont  décrits  par  M.  B.  avec  clarté  et  de  manière  à  empor- 
ter la  conviction.  Certaines  conjectures  me  paraissent  au  contraire  bien 
hasardées  :  ainsi  ce  que  dit  l'auteur  sur  la  première  apparition  du 
Dr.  Mavis  à  Eger  (au  printemps  de  1459),  ou  de  la  double  démarche 
faite  pour  obtenir  le  consentement  de  l'empereur.  Le  style  de  l'au- 
teur laisse  cette  fois  encore  quelque  chose  à  désirer. 

Von  Bezold. 


HbV.   HlSTOR.   XL    l«f  FASC.  13 


^194  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

Fridolin  Hoffmann.  Geschichte  der  Inquisitioii.  Bonn^  N^isser, 
4878,  t.  U,  466  pages. 

L'impression  sous  laquelle  nous  avons  rendu  compte  du  premier 
volume  de  ce  livre  (Revue  hist.^  1878,  t.  VIII,  p.  433)  n*a  guère  été 
modifiée  par  la  lecture  du  second.  Encore  cette  fois-ci  l'auteur  ne  nous 
donne  qu'une  série  de  chapitres  qui  se  suivent  sans  ordre,  et  qui  ne 
sont  que  des  extraits  ou  des  résumés  d'ouvrages  récents.  Il  nous  fait 
faire,  à  travers  les  temps  et  les  espaces,  le  voyage  en  zigzag  le  plus 
singulier;  pour  commencer,  il  nous  conduit  dans  les  Pays-Bas  espagnols 
sous  Charles-Quint  et  Philippe  II  ;  puis  il  s'embarque  pour  rAmérique 
espagnole,  revient  de  là  en  Portugal,  franchit  de  nouveau  les  mers  pour 
aborder  aux  Indes  occidentales,  nous  transporte  ensuite  en  Italie,  où  il 
nous  fait  assister  aux  procès  de  quelques  protestants  et  à  celui  de 
Galilée,  pour  s'échouer  finalement  en  Allemagne.  La  forme  du  livre  est 
négligée  ;  l'auteur  intercale  dans  son  récit,  qui  s'adresse  au  grand  public, 
des  traductions  de  documents  et  môme  des  pièces  latines,  choses  que  le 
grand  public  a  l'habitude  de  sauter.  A  chaque  moment,  en  outre,  que 
Ton  soit  en  Europe  ou  en  Asie,  on  est  ramené  à  la  polémique  contem- 
poraine. On  se  demande  aussi  si  c'est  de  la  dignité  d'un  historien  de 
choisir  pour  ses  chapitres  des  titres  comme  ceux-ci  :  Ecce  quam  bonum 
et  jucundum^  habitare  fratres  in  unum  (les  frères  sont  l'inquisition  et 
la  compagnie  de  Jésus),  ou  :  der  Inquisitions  Michel  als  Papst;  il  s*agit 
de  Michel  Ghisleri,  devenu  pape  sous  le  nom  de  Pie  Y;  Michel  est 
en  Allemagne  un  terme  de  mépris  pour  désigner  un  sot;  Pie  V  a 
été  un  pape  terrible,  mais  on  ne  l'a  jamais  qualifié  de  sot.  M.  H.  n'ayant 
pas  eu  la  prétention  d'écrire  un  livre  scientifique,  il  nous  semble  inu- 
tile de  relever  en  détail  les  erreurs  qui  lui  ont  échappé.  Gomme  plu- 
sieurs de  ces  erreurs  appartiennent  aux  auteurs  qu'il  a  suivis,  on  ne 
doit  lui  reprocher  qu'un  excès  de  confiance,  peu  conforme  aux  principes 
de  la  critique  historique.  Au  fond,  il  n'a  fourni  qu'un  pamphlet,  mais 
un  pamphlet  trop  gros  et  trop  peu  spirituel  pour  remplir  son  but. 

G.  8. 


L^ancienne  Alsace  à  table,  étude  historique  et  archéologique  sur 
Talimentation,  les  mœurs  et  les  usages  épulaires  de  ranciome 
province  d'Alsace,  par  Gh.  G^bard,  avocat  à  la  Cour  d^appel  de 
Nancy.  2"  édition.  Paris,  Berger-Levrault,  -1877,  vi,  362  p.  în-««. 
Prix  :  8  fr. 

L'auteur  do  ce  charmant  volume  n'est  plus;  à  peine  avait-il  eu  le 
temps  de  revoir  les  épreuves  de  son  travail  que  la  nostalgie  de  l'exil 
l'arrachait  à  Nancy,  sa  patrie  adoptive,  à  ses  études  et  à  ses  amis. 
G'est  une  grande  perte  pour  les  sciences  historiques  en  Alsace. 
M.  Gérard  était  assurément  l'un  des  érudits  les  plus  zélés  et  les  plof 


C.   GiBlBD   :    L*lIfCIBIfIfB  ALSiCB  A  TiBLB.  495 

sérieux  qu'ait  produits  cette  province,  si  riche  pourtant  en  explorateurs 
de  son  passé.  La  publication  des  Annales  des  Dominicains  de  Colmar, 
faite  de  concert  avec  M.  Liblin,  ses  monographies  sur  les  batailles 
d'Enzheim  et  de  Tûrckheim,  au  xvii*  siècle,  sa  Faune  historique  des 
mammifères  sauvages  de  l'Alsace,  ses  deux  volumes  sur  les  Artistes  de 
V Alsace  au  moyen  âge,  sont  des  travaux  consciencieux,  riches  en  détails 
nouveaux  et  qui  garderont  toujours  leur  valeur.  Mais  aucun  peut^tre 
ne  présente  cet  intérêt  particulier  que  nous  trouvons  à  parcourir 
V ancienne  Alsace  à  table,  devenu  bientôt  et  resté  le  plus  populaire  de 
ses  écrits.  Il  le  publia  pour  la  première  fois  dans  la  Revue  d'Alsace^  à  de 
longs  intervalles,  de  1853  à  1862,  puis  il  en  fit  faire  un  tirage  à  part, 
rapidement  épuisé.  En  1877  il  songea,  pour  charmer  ses  loisirs,  à  repu- 
blier cet  alsatique  si  rare  ;  il  reparaît  après  la  mort  de  Gérard,  «  tel 
qu'il  s'est  présenté  pour  la  première  fois.  »  Cette  dernière  décision  de 
Fauteur  est  assurément  regrettable.  Il  aurait  dû  tenir  compte  des 
sources  nouvelles  qui  se  sont  produites,  des  renseignements  divers  qu41 
lui  aurait  été  facile  de  recueillir  à  vingt-cinq  ans  d'intervalle.  Il  aurait 
dû  surtout  effacer  des  indications  exactes  en  1860,  fausses  aujourd'hui, 
et  des  dénominations  auxquelles  la  guerre  de  1870  a  enlevé  toute  raison 
d'être  ^  Nous  n'avons  certainement  pas  le  courage  de  les  lui  reprocher 
pour  notre  part,  après  avoir  lu,  pleins  d'une  émotion  profonde,  la  belle 
et  touchante  préface  qui  renferme  les  adieux  de  Tauteur  à  tout  ce  qu'il 
aimait  au-delà  des  Vosges.  Mais  ce  qui  nous  touche,  d'autres  en  riront 
peut-être,  et  certes  il  eût  mieux  valu  ne  point  s'exposer  à  cette  insulte 
posthume. 

Le  livre  de  M.  Gérard  est  composé  de  causeries;  c'est  ce  qu'il  ne  faut 
pas  perdre  de  vue  pour  le  juger  avec  impartialité.  Quelquefois  on  serait 
tenté  d'oublier,  sous  ce  babil  en  apparence  léger,  la  profonde  érudition 
de  Fauteur.  En  le  pratiquant,  en  vérifiant  ses  données  sur  quelque  point 
spécial,  on  se  rend  compte  seulement  de  tout  le  labeur  qu'il  a  su  dissi- 
muler sous  une  enveloppe  souriante  et  si  peu  rébarbative.  Si  dans  cer- 
taines occurrences  (p.  70,  p.  92,  etc.)  t  le  coup  de  rabot  •  dont  M.  Gérard 
parle  dans  sa  préface  a  été  oublié;  si  Fon  peut  signaler  à  de  très  rares 
intervalles  quelque  petit  lapsus  de  Fauteur  3,  ce  sont  des  taches  vrai- 
ment imperceptibles.  Ce  n'est  pas  seulement  d'ailleurs  un  chapitre  de 

1.  C'est  ainsi  qu'il  parle  sans  cesse  des  Archives  départementales  du  Haut- 
Bhin,  d'un  préfet  du  Haut- Rhin,  d'un  chef  de  division  à  la  préfecture  de 
Coimar,  qu'il  renvoie  maintes  fois  à  des  mannscrits  de  la  bibliothèque  de  Stras- 
bourg, détroits  par  le  bombardement  de  1870.  C'est  ainsi,  encore,  qu'il  parle, 
p.  127,  du  professeur  Kirschleger,  mort  en  1869,  comme  s*il  était  vivant,  et 
qu'il  appelle,  p.  133,  M.  Alfred  Schweighaeuser,  mort  en  1876,  archiviste  de  la 
ville,  alors  qu'il  ne  l'était  plus  depuis  1866. 

2.  Lire  :  p.  74,  Vélecteur  de  Hesse-Cassel  pour  le  prince  de  H.  C;  p.  130, 
Porrenirujff  pour  Porentruy;  p.  141,  JAmmat  pour  Umath;  Oberehnhein 
00  Obemai  pour  Obernaeh;  p.  204,  1836  pour  1856;  p.  237,  Mathieu  pour 
Mathias,  etc. 


496  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

l'histoire  culinaire  universelle  que  cette  Ancienne  Alsace  à  table;  on  y 
parle  de  maints  autres  sujets  se  rattachant  à  Thistoire  des  mœurs  et  de 
la  civilisation  du  pays;  aussi  nous  ne  pouvons  que  recommander 
chaudement  ce  charmant  volume,  édité  avec  un  luxe  de  bon  goût  par 
la  maison  Berger-Levrault,  à  tous  les  amateurs  de  curiosités  histo- 
riques. C'est  l'œuvre  d'un  érudit  véritable,  doublé  d'un  homme  d'esprit, 
et,  ce  qui  ne  gAte  rien  à  la  chose,  —  rehaussé  d'un  gourmand  émérite. 

R. 


Raimondo  Monteoaccoll,  la  sua  fkmiglîa  e  i  suoi  tempi,  dal  Mar- 
chese  Commendatore  Gesare  Cimpori.  Firenze,  Barbera,  4876, 
4  vol.  in-8*. 

ftmulo  do  Turenue  et  des  autres  grands  généraux  du  xvn»  siècle, 
Montocuccoli  a  Tune  des  réputations  militaires  les  mieux  établies, 
gn\co  à  rôclat  do  ses  dernières  campagnes  et  à  Tautorité  de  ses  ouvrages. 
Mais  riiistoin^  avait  été  jusqu'ici  à  son  égard  plus  favorable  qu'em- 
prossôo,  ot  ilo  tous  los  capitaines  de  premier  ordre  il  est  peut-être  celui 
dont  la  vio  est  relativoniont  la  moins  connue,  quoique  son  génie  soit 
un  dos  moins  contostos.  C'est  quo  sa  biographie  ne  présente  pas  les 
pôripôtios  dramatiques  quo  Ton  trouve  dans  celle  de  ses  rivaux.  Le 
caraotén^  do  son  esprit  ossontioUoment  méthodique  ne  séduit  pas  les 
obsi^rvatours  suporficiols,  qui  seront  toujours  les  plus  nombreux  :  il 
s*impos<^  plutiNt  aux  militaires  do  profession  qu  a  l'ensemble  des  histo- 
riens ot  du  public  lottro.  En  outre,  lo  vainqueur  de  Saint-Gottard  a 
doux  nationalités.  Tuno  duo  à  la  naissance,  l'autre  conquise  par  le 
dovouomont  ot  |vir  d'éclatants  services.  Si  cotte  complication  de  devoirs 
envers  l'italio  ot  envers  T Allemagne  a  rendu  la  vie  de  Montecuccoli 
plus  diflioilo  ot  plus  moritoiro,  elle  a  laissé  Théritage  de  sa  gloire  en 
quoique  si^rto  indi\is  outre  s<^s  doux  }Kitnes«  et  les  nations  n*aiment  pas 
ce  î^M\^^>  do  ivartagiv  II  no  faut  donc  pas  s'elonner  que  l'héritage  en  ait 
soulTort, 

Toutefois  la  pn^mioro  |\ttrie  de  Montocuccoli,  celle-là  même  qui  lui 
devait  lo  moins,  a  oio  la  moins  ingrato  des  deux  envers  lui.  Si  loog- 
tonnvî  priviv  dos  grands  capitaines  qu'elle  a  produits  sans  avoir  de 
dra^vau  à  ooutior  à  leur  vaiiîanco,  Tltalio,  retrouvant  aujourd'hui  et 
une  anuiv  ot  un  drapeau,  va  chercher  pieusement  les  plus  illustres  de 
s^^s  or.fants  mort^  dans  les  rar.cs  otrancer?  ot  elle  puise  dans  Tétude  de 
leurs  faits  d'armes  vii''  foi\v,"i.is  ouivuracoments  et  de  salutaires  exem- 
ples. Toi  est,  sans  nul  ô.i'Uto,  lo  sentiment  patriotique  qui  a  inspiré 
M.  lo  mar^juis  l'ianv^v^^i  r.ar.s  li^  saxant^  recherches  auxquelles  nous 
devons  la  fiiôc'^aphu  tù  .V.'>;.vniAv*;t.  iV^ît*"»  préoccupation  de  rauleoreit 
Uyiiimo;  ot,  hier,  qu'a;:  'jX'^int  de  vue  de  l'impariialiie  historique  elle 
no  soit  J^As  sar.s  *îaî;c»v.  oiîi^  Va  servi  puissamment,  en  le  mettant  sur 
la  \oio  de  do.'r.me.r.ts  nouveaux  ou  trop  lonciemps  négligés,  et  en 


CIHPORI    :    BilHONDO  MOTTECUCCOLI.  197 

ramenant  à  des  rectifications  importantes  qui  intéressent  non  seule- 
ment son  héros,  mais  l'histoire  générale  du  siècle. 

Les  Mémoires  et  les  principaux  ouvrages  de  Montecuccoli  ont  été 
publiés  pour  la  première  fois  par  Huisscn,  à  Cologne,  en  1704,  mais 
avec  beaucoup  d'incorrections  et  de  lacunes.  Dans  notre  siècle  deux 
Italiens,  Ugo  Foscolo  et  Grassi,  en  ont  donné  deux  éditions,  où  le  texte, 
revu  sur  les  originaux,  est  allé  sans  cesse  en  s'améliorant,  si  bien  que 
la  dernière  peut  être  considérée  comme  exacte,  sinon  comme  absolu- 
ment complète.  M.  Polidori  en  1847,  M.  Guasti  en  1860  ont  publié 
l'un  et  l'autre  dans  VArchivio  storico  italiano  ou  dans  le  Giornale  storico 
degli  Archivi  toscani  des  documents  importants  sur  le  même  personnage. 
M.  Gampori,  à  son  tour,  nous  donne  le  résultat  de  ses  fouilles  dans  les 
archives  publiques  et  privées  :  Archives  de  Modène,  renfermant  la  Cor- 
respondance inédite  des  ministres  de  la  maison  d'Esté^  notamment  celle 
d'Ottavio  Bolognesi^  ambassadeur  à  Vienne  pendant  les  deux  plus  impor- 
tantes périodes  de  la  guerre  de  Trente- Ans  ;  —  Archives  et  Bibliothèque 
nationale  de  Florence,  renfermant  la  Correspondance  inédite  de  R.  Monte" 
cuccoli  avec  le  prince  Mattia  de'  Medici;  —  Archives  de  la  famille  Monte- 
cuccoli;—  Archives  du  marquis  Gino  Capponi^  de  Florence;  —  Collection 
du  comte  Georges  Ferrari-Modeni^  de  Modène.  L'ouvrage  de  M.  Gampori, 
très  italien  par  l'idée  première  et  par  les  sentiments,  ne  l'est  pas  moins 
par  l'origine  des  documents  inédits  qu'il  a  publiés  ou  mis  en  œuvre. 

L'auteur  a  voulu  être,  avant  tout,  un  biographe.  Ce  n'est  pas  seule- 
ment Raimondo  Montecuccoli,-  mais  aussi  sa  famille  qu'il  s'est  proposé 
de  faire  connaître.  Les  Montecuccoli  formaient  un  véritable  clan,  essen- 
tiellement guerrier,  dont  il  n'est  pas  indifférent  de  connaître  les  mem- 
bres et  les  traditions,  si  l'on  veut  comprendre  le  développement  du 
grand  homme  qui  l'a  immortalisé.  De  tous  ces  rejetons  d'une  vaillante 
race,  le  plus  célèbre,  avant  Raimondo,  est  Ernesto  Montecuccoli  de 
Sassostomo,  qui,  malgré  son  rôle  considérable  dans  les  premières 
périodes  de  la  guerre  de  Trente-Ans,  a  été  passé  sous  silence  par 
Schiller  et  par  d'autres  historiens.  Il  a  été  l'instituteur  militaire  de 
l'illustre  cousin  qui  devait  le  faire  oublier,  mais  qui  lui  doit  la  rapidité 
de  ses  premiers  pas  dans  la  carrière  et  une  série  de  leçons  fécondées 
par  de  glorieux  exemples.  Général  à  37  ans  (1621)  après  avoir  sauvé  la 
capitale  des  États  héréditaires,  Ernesto  Montecuccoli  conserva  jusqu'à 
sa  mort  la  faveur  de  Ferdinand  II.  Audacieux,  plein  d'élan,  victime 
quelquefois  de  sa  témérité,  souvent  de  la  négligence  des  ministres  impé- 
riaux, il  forme  avec  son  élève  un  vivant  contraste,  mais  il  était  digne 
de  lui  servir  de  maître.  Avant  de  mettre  au  jour,  dans  la  personne  de 
Raimondo,  un  véritable  émule  de  Turenne,  la  famille  Montecuccoli 
avait  en  quelque  sorte  produit,  avec  Ernesto,  une  ébauche  imparfaite  de 
Condé. 

A  partir  de  l'année  1625,  la  vie  des  deux  cousins  se  passe  sur  les 
mème^  champs  de  bataille.  C'est  le  général  Ernest  qui  fit  alors  entrer 


498  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

Raimondo^  dans  Tarmée  impériale,  en  décidant  qu*il  servirait  comme 
simple  soldat,  tantôt  dans  Tinfanterie,  tantôt  dans  la  cavalerie  et 
dans  Tartillerie.  On  les  retrouve  l'un  et  l'autre  aux  Pays-Bas,  où  le 
premier,  commandant  du  corps  auxiliaire  envoyé  par  Fenïpereur  aax 
Espagnols,  se  couvrit  de  gloire  3;  en  Silésie,  et  devant  Magdebourg. 
Raimondo  se  distingua  à  la  prise  de  Neubrandebourg  et  de  Kalbe  et  le 
jeune  capitaine  eut  l'honneur  de  présenter  les  clefs  de  ces  deux  forte- 
resses à  Tilly.  Fait  prisonnier  à  la  bataille  de  Leipzig,  il  passa  les  six 
mois  de  cette  première  captivité  à  Halle,  pendant  que  le  général 
Ernest,  rappelé  à  Vienne,  présidait  aux  mesures  jugées  nécessaires 
pour  la  défense  de  la  capitale.  A  Lutzen,  Raimondo,  lieutenant- 
colonel,  se  comporta  vaillamment  :  il  y  reçut  une  légère  blessure.  Les 
reproches  qu'il  adresse  à  Wallenstein  dans  son  opuscule  Des  Batailles 
empruntent  une  autorité  nouvelle  au  rôle  honorable  qu'il  joua  dans 
cette  sanglante  journée.  Son  admiration  pour  le  héros  suédois,  enseveli 
dans  la  victoire,  s'est  exprimée  dans  une  ode  dont  on  doit  la  publica- 
tion à  M.  Gampori^.  Cette  curiosité  littéraire  et  historique  n'est  pas 
dépourvue  d'intérêt  ;  mais,  malgré  quelques  strophes  animées  d'un  cer- 
tain mouvement  poétique  et  quelques  beaux  vers,  on  reconnaît  que 
Montecuccoli  était  encore  plus  capable  d'imiter  Gustave-Adolphe  que 
de  le  chanter.  Les  deux  campagnes  d'Ernest  Montecuccoli  en  Alsace, 
surtout  la  dernière  (1633),  où  il  ravitailla  Brisach  et  fut  blessé  mortel- 
lement dans  une  sortie,  offrent  un  intérêt  particulier  :  car  elles  se  ratta- 
chent de  près  aux  événements  qui  devaient  donner  cette  province  à  la 
France. 

Privé  de  son  vaillant  protecteur,  Raimondo  Montecuccoli  continua  à 
faire  son  chemin  tout  seul.  De  1634  à  1648,  il  ne  quitta  pas  les  armes 
si  ce  n'est  pendant  sa  seconde  captivité.  Sa  biographie  est  étroitement 
liée  aux  principaux  faits  de  cette  période  de  la  guerre  de  Trente-Ans. 
Les  extraits  de  ses  lettres  inédites  complètent  les  renseignements  et  les 
appréciations  contenues  dans  ses  ouvrages  didactiques  sur  l'art  mili- 
taire, notamment  en  ce  qui  concerne  les  batailles  de  Nordlingen  (1634), 
de  Wittstock  et  les  suivantes.  Fait  prisonnier  à  la  bataille  de  Brandais 
(1639),  Montecuccoli,  alors  colonel,  subit  une  captivité  de  trois  ans, 
qui  arrêta  momentanément  son  avancement  militaire,  mais  qui  exerça 
la  plus  heureuse  influence  sur  ses  destinées  ultérieures.  Ce  fait  capital 
est  un  de  ceux  que  M.  Gampori  a  le  mieux  éclaircis  et  qui  méritait  le 
plus  de  l'être.  La  correspondance  de  Bolognesi  et  du  duc  de  Modène 
raconte  les  circonstances  dans  lesquelles  Montecuccoli,  victime  d'un 

1.  Né  le  21  février  1609,  et  non  en  1608  comme  on  le  croyait  avant  les 
recherches  de  M.  Campori. 

2.  Numguam  res  Ordinum  pejori  loco  visx  quam  cum  Ernestus  Montecuc- 
culus  Batavéam  premeret  (Hug.  Grotius). 

3.  Voy.  Appendice,  n*  3. 


GAHPORI    :    RAIMONDO  MOTTECCCCOLI.  499 

général  en  chef  incapable  et  de  l'incurie  du  gouvernement  vien- 
nois, tomba  au  pouvoir  des  Suédois,  et  les  longs  efforts  qui  furent 
faits  par  sa  famille,  par  son  souverain  naturel  et  par  l'empereur  pour 
obtenir  sa  mise  en  liberté.  Ces  tentatives  aussi  bien  que  le  refus  per- 
sistant des  Suédois  attestent  Testime  singulière  que  ce  colonel  de  30  ans 
inspirait  déjà  à  ses  deux  patries  et  à  l'ennemi.  Les  lettres  de  Monte- 
cuccoli  à  Bolognesi  nous  le  montrent  prenant  en  patience  le  séjour  de 
Stettin,  où  il  était  interné,  et  cherchant  dans  la  bibliothèque  du  palais 
des  ducs  de  Poméranie  un  refuge  contre  les  ennuis  de  la  captivité. 
C'est  alors  qu'il  revint,  avec  la  maturité  de  l'expérience,  aux  études 
militaires  de  sa  première  jeunesse,  études  interrompues  par  la  vie  des 
camps,  et  qu'il  se  livra  aux  méditations  fécondes  qui  devaient  faire  de 
lui  le  premier  tacticien  de  l'Allemagne.  On  a  de  lui  la  liste  de  45  écri- 
vains d'histoire  et  d'art  militaires,  latins,  italiens,  allemands,  français 
étudiés  pendant  sa  captivité.  A  peine  rendu  à  la  liberté,  il  présenta  à 
Piccolomini,  qui  lui  en  avait  fait  la  demande,  un  traité,  aujourd'hui 
perdu,  où  il  exposait  la  tactique  des  Suédois  dans  les  guerres  précé- 
dentes. C'est  aussi  pendant  cette  laborieuse  retraite  qu'il  composa  ou 
prépara  une  partie  des  ouvrages  qui  sont  arrivés  jusqu'à  nous  et  qui 
ont  fait  sa  réputation  d'écrivain  militaire. 

Au  sortir  de  captivité,  Montecuccoli  retourna  en  Italie  et  prit  le  com- 
mandement des  troupes  du  duc  de  Modène  allié  à  d'autres  princes 
contre  les  Barberins.  Le  chapitre  que  M.  Campori  a  consacré  à  cette 
guerre  de  Nornantola,  épisode  de  la  guerre  de  Castro  (1642-1643),  ne 
laisse  rien  à  désirer  sous  le  rapport  de  l'érudition.  Il  a  donné 
dans  l'appendice  (p.  552-556)  un  plan  de  campagne  soumis  au  duc  de 
Modène  :  Sunto  di  proposte  di  R.  Montecuccoli  sut  modo  di  trattar  la 
guerra  de  coUegati  contro  i  Pontificii.  Montecuccoli  s'exerçait  alors  au 
commandement  en  chef  sur  un  théâtre  secondaire,  mais  les  opérations 
dirigées  par  lui,  malgré  les  tâtonnements  des  autres  généraux  italiens 
confédérés,  et  la  rédaction  de  ce  document  militaire  témoignent  d'une 
précision  et  d'une  prévoyance  remarquables. 

Les  cinq  dernières  campagnes  de  Montecuccoli  (1644-1648)  pendant 
la  guerre  de  Trente-Ans  sont  peut-être  celles  qui  avaient  le  plus  grand 
besoin  d'études  et  de  recherches  nouvelles.  Grâce  aux  extraits  de  la 
correspondance  de  Montecuccoli  et  de  Bolognesi  avec  le  duc  François  I*»' 
d'Esté,  M.  Campori  aura,  du  moins,  fourni  de  nouveaux  matériaux  sur 
les  faits  suivants  :  passage  frayé  par  Montecuccoli  à  travers  l'ennemi, 
après  le  désastre  de  Gallas  sur  les  bords  de  l'Elbe  et  avant  la  destruc- 
tion du  reste  de  l'armée  à  Jùtierboch  (25  novembre  1644);  mission 
auprès  de  l'électeur  de  Bavière;  —  marche  à  la  tête  des  troupes 
bavaroises  dans  la  direction  de  Magdebourg,  pour  secourir  Gallas 
qu'il  ne  parvient  pas  à  dégager;  —  circonstances  qui  atténuent  la  res*- 
ponsabilité  de  ce  général,  si  maltraité  par  Schiller,  sans  diminuer  la 
gloire  de  l'immortel  paralytique;  première  campagne  de  Montecuccoli 
en  Silésie  et  en  Hongrie,  pendant  laquelle  il  inquiète  Torstensson  vie- 


200  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

torieux  et  contient  les  Transylvains  rebelles  ;  marche  contre  Turenne 
qu'il  a  la  satisfaction  de  voir  battre  en  retraite  après  Nordlingen  et 
auquel  il  enlève,  de  concert  avec  Gallas,  hommes,  canons  et  forteresses  ; 

—  seconde  campagne  de  Silésie  contre  Wittemberg  savamment  refoulé 
par  d'habiles  marches  (1646-1647);  —  résistance  victorieuse  à  Wrangel 
qui  vient  de  surprendre  le  quartier  impérial  à  une  lieue  d'Egra;  —  vic- 
toire de  TriebeP  en  Bohême  (22  août  1647)  attribuée  au  nouveau 
général  en  chef  Milander,  mais  due  en  réalité  à  la  vaillance  de  Monte- 
cuccoli  et  de  Jean  de  Werth,  deux  lieutenants  supérieurs  à  leur  chef; 

—  pian  stratégique  proposé  par  Montecuccoli  après  la  jonction  des 
Impériaux  et  des  Bavarois  et  dont  l'inexécution  entraine  la  retraite  de 
Milander  sur  le  Danube  3;  —  part  importante  prise  à  la  bataille  de 
Susmarshausen  (17  mai  1648),  la  dernière  de  la  guerre^;  résistance 
énergique  opposée  aux  Franco-Suédois  après  la  mort  de  Milander; 
exercice  du  commandement  en  chef  au  lendemain  d'une  défaite  que 
Montecuccoli  avait  empêchée  de  se  convertir  en  désastre;  —  conduite 
admirable  de  la  retraite  qui  fut  si  vivement  louée  par  Turenne  et  qui 
sauva  les  États  héréditaires. 

Les  rapports  de  Montecuccoli  avec  la  reine  Christine  de  Suède  mon- 
trent les  talents  diplomatiques,  déjà  éprouvés,  de  ce  grand  homme  de 
guerre.  M.  Gampori  a  consacré  à  ces  relations  un  chapitre  intéressant^ 
qui  fait  mieux  connaître  une  des  années  les  plus  curieuses  d'une  vie 
célèbre  et  plusieurs  circonstances  d'une  abdication  qui  a  tant  occupé 
l'histoire'.  Montecuccoli  quitta  la  Suède  quelques  jours  avant  la  solen- 
nelle renonciation  de  Christine  à  la  couronne,  mais  il  retrouva  cette 
princesse  à  Anvers  ^  et  plus  tard  il  l'accompagna  à  Rome,  en  qualité 
d'ambassadeur  impérial.  L'estime  affectueuse  dont  Christine  lui  donna 
tant  de  marques  extraordinaires  semble  avoir  été  la  réponse  à  l'admira- 
tion sympathique  que  Montecuccoli  avait  vouée  à  Gustave  Adolphe.  Deux 
Mémoires  insérés  par  Arkholtz  dans  son  ouvrage  sur  la  reine  de  Suède 
ont  été  attribués,  non  sans  quelque  vraisemblance,  à  Montecuccoli, 
dont  l'esprit  curieux  et  investigateur  s'est  exercé  sur  toutes  les  grandes 
nations  que  l'empire  eut  pour  voisines  et  pour  rivales. 

Dans  la  guerre  de  Pologne  et  de  Poméranie  (1657-1660),  Montecuccoli 
devint  général  en  chef  de  l'armée  impériale;  mais  il  fut  obligé  de  se 
soumettre  au  commandement  suprême  de  l'électeur  de  Brandebourg 
allié  de  l'empereur  et  généralissime  des  deux  armées  alliées.  C'est  par 

1.  Voy.  sur  cette  bataille  les  détails  tirés  de  la  correspondance  inédite  de 
Torresini  avec  le  duc  de  Modène  (p.  261). 

2.  Voy.  p.  265. 

3.  Voy.  la  lettre  de  Montecuccoli  an  prince  Mattia  de'  Medici,  20  mai  1648 
(j).  268  à  269). 

4.  Seconde  partie,  chapitre  i*%  p.  277-322. 

5.  Voy.  les  lettres  de  Montecuccoli  au  prince  Mattia  de'  Medici.  Upsal,  27  février 
et  13  mars  1654. 

6.  Voy.  lettre  au  même.  Anvers,  22  septembre  1654. 


CIMPORI   :    RilMOIfDO  HONTECUCCOLI.  204 

suite  de  cette  subordination  des  Impériaux  au  grand  électeur  que  Fré- 
déric II  attribue  à  ce  prince  des  entreprises  et  des  succès  qui  appar- 
tiennent en  propre  au  général  de  l'Empire  et  à  ses  lieutenants.  Les 
lettres  au  prince  Mattia  de'  Medici  permettent  de  rectifier  en  partie  ces 
erreurs  et  donnent  de  nouveaux  détails  sur  les  campagnes  de  Monte- 
cuccoli  dans  le  Holstein,  en  Danemark,  en  Poméranie,  où  l'insubordi- 
nation du  général  de  Souches  lui  créa  de  nouveaux  obstacles,  sans 
l'empêcher  de  conquérir  une  partie  de  cette  province. 

La  guerre  contre  les  Turcs   (1661-1666)  et  les  campagnes  contre 
Turenne  (1672,   1673  et  1675)  sont  connues  de  tout  le  monde.  Les 
ouvrages  de  Montecuccoli  sont  d'ailleurs,  avec  les  Mémoires  de  Turenne 
lui-même,  la  meilleure  autorité  sur  cette  matière.  Toutefois  M.  Gampori 
a  pu  encore  ajouter  ou  préciser  bien  des  détails,  grâce  aux  correspon- 
dances de  Montecuccoli,  de  Federici,  du  président  Arese  et  du  père 
Carlo  Antonio  Montecuccoli*,  aux  Avvisi  de  Blanchi  et  à  un  écrit  intitulé  : 
Riposta  del  cavalière  Borgognone  alla  replica  fattagli  da  un'  amico  sopra 
la  Uttera  di  Basilea^.  Il  donne  de  la  dernière  et  de  la  plus  fameuse  cam- 
pagne de  son  héros  une  idée  plus  favorable  encore  que  les  historiens  qui 
l'ont  précédé.  Les  témoignages  contemporains  montrent  l'injustice  dont 
la  profonde  stratégie  de  Montecuccoli  est  l'objet  à  Vienne,  l'insuffisance 
des  moyens  mis  à  sa  disposition,  le  mauvais  vouloir  et  les  trahisons 
dont  il  triomphe  à  force  de  prévoyance  et  de  génie,  la  généreuse  impa- 
tience qu'il  éprouve  de  se  mesurer  avec  Turenne,  dont  il  a  mis  en 
défaut  la  perspicacité  et  la  tactique  dans  une  campagne  précédente,  les 
manœuvres  savantes  et  les  ruses  qu'il  emploie  pour  l'entraîner  à  une 
attaque  périlleuse.  Du  récit  de  notre  auteur  il  semble  résulter  que  Mon- 
tecuccoli  aurait  eu   l'avantage   sur   Turenne   dans   cette  campagtie. 
M.  Gampori  se  donne,  il  est  vrai,  la  satisfaction  trop  facile  de  réfuter 
les  assertions  oratoires  de  Fléchier  et  du  jésuite  Tournemine,  qui  pré- 
tendent que  Turenne,  au  moment  où  il  fut  frappé  à  mort,  allait  rem- 
porter une  victoire  éclatante.  Mais,  ce  qu'il  démontre,  c'est  que  son 
héros  avait  l'opinion  contraire  et  plusieurs  faits  paraissent  le  justifier. 
Non  seulement  Montecuccoli  avait  arrêté  l'invasion  de  Turenne  en 
Allemagne  après  la  campagne  de  1674,  désastreuse  pour  les  Impériaux, 
mais  c'est  lui  qui  avait  choisi  la  position  de  Salsbach  et  forcé  Turenne 
à  l'y  suivre.  La  mort  même  de  Turenne,  qui  fut  en  réalité  le  plus 
grand  avantage  remporté  par  les  Impériaux,  serait  due  en  partie  à  la 
position  difficile  où  Montecuccoli  aurait  amené  l'armée  française,  à  l'em- 
placement choisi  par  lui-même  pour  ses  batteries,  peut-être  à  des 
ordres  précis  donnés  au  moment  même  avec  un  coup  d'oeil  redoutable. 
Enfin  la  retraite  précipitée  des  Français  après  la  mort  de  Turenne  et  la 

1.  Le  P.  Carlo  Antonio  Montecuccoli  accompagna  son  illustre  parent  dans  la 
campagne  de  1675. 

2.  Voy.  le  récit  inédit  du  combat  d'Altenbeim  par  Borgognone  «t  par  Blanchi 
{Avoisi)  et  deux  rapports  de  Montecuccoli  sur  le  même  sujet. 


202  COMPTES-RENDUS   CRITIQUES. 

suite  de  la  campagne  sont  autant  d'arguments  en  faveur  de  Montecuc- 
coli.  Toutefois  M.  Gampori  ne  répond  pas  d'une  manière  satisfaisante 
à  la  critique  stratégique  formulée  par  Feuquières,  qui  reproche  à  Mon- 
tecuccoli  de  s'être  borné  à  poursuivre  les  Français,  au  lieu  de  les 
couper  de  l'Alsace  et  de  la  Franche-Comté,  en  passant  le  Rhin  rapide- 
ment sur  leurs  derrières  ou  sur  leur  flanc.  L'avantage  qu'il  croit  tirer 
de  la  bataille  ofiferte  à  Cîondé  et  refusée  par  celui-ci  est  plus  apparent 
que  réel.  Les  extraits  mêmes  des  documents  qu'il  a  compulsés  attestent 
que  si,  à  Vienne,  on  se  faisait  illusion  sur  la  force  de  Tarmée  impé- 
riale, Montecuccoli  appréciait  celle-ci  à  sa  véritable  valeur,  en  démon- 
trant à  son  souverain  la  nécessité  de  la  retraite.  Le  triste  état  des  Impé- 
riaux lorsqu'ils  eurent  repassé  le  Rhin,  les  pertes  énormes  qu'ils 
subirent  par  les  maladies  et  les  privations,  toutes  les  circonstances 
désolantes  que  M.  G.  nous  révèle  d'après  les  originaux,  justifient  plei- 
nement la  résolution  finale  du  généralissime,  mais  prouvent  aussi  que 
les  avantages  obtenus  dans  cette  campagne  n'étaient  nullement  décisifs. 
La  sage  temporisation  de  Gondé  avait  été  plus  fatale  à  ses  adversaires 
que  l'acceptation  d'un  défi  dont  le  vainqueur  de  Rocroy  et  de  Nordlingen 
pouvait  assurément  dédaigner  la  bravade  sans  s'exposer  au  soupçon  de 
timidité. 

Si  M.  Gampori  n'admire  pas  trop  son  héros,  il  néglige  parfois  ceux 
qui,  pour  avoir  été  les  heureux  émules  de  Montecuccoli,  n'en  sont  que 
plus  admirables  à  leur  tour.  Le  sentiment  patriotique  qui  l'anime  et 
auquel  nous  avons  rendu  un  légitime  hommage,  l'entraîne  à  des  appré- 
ciations partiales  ou  exclusives,  à  des  omissions  regrettables,  à  des 
réhabilitations  douteuses.  Assurément  le  rôle  des  généraux  italiens 
dans  la  guerre  de  Trente- Ans  est  considérable,  la  malveillance  dont  ils 
ont  été  l'objet  de  la  part  d'une  partie  des  conseillers  des  empereurs 
Ferdinand  II,  Ferdinand  m  et  Léopold  est  prouvée  par  de  nombreux 
témoignages,  notamment  par  ceux  que  M.  Gampori  a  eu  le  mérite  de 
mettre  au  jour.  Mais  tous  les  généraux  italiens  ne  sont  pas  des  Monte- 
cuccoli ou  des  Piccolomini.  M.  Gampori  est  bien  indulgent  pour  Gonti, 
Golloredo,  GoUalto,  dont  il  ne  parle  qu'incidemment,  mais  toujours 
avec  éloges.  Quant  à  Gallas,  qu'il  appelle  Galasso,  non  sans  raison, 
nous  ne  lui  contesterons  pas  le  droit  de  le  revendiquer  pour  l'Italie,  bien 
que  ce  général,  né  sur  un  territoire  soumis  depuis  longtemps  à  la 
maison  d'Autriche  et  sur  les  frontières  des  pays  de  langue  italienne, 
nous  paraisse  d'une  nationalité  assez  indécise  pour  qu'on  puisse  lui 
laisser  sans  inconvénient  l'autrichienne.  Mais  ses  talents  militaires  ne 
permettent  pas  de  le  placer  au  rang  élevé  que  M.  G.  lui  assigne  trop 
souvent,  et  les  désastres  qui  ont  signalé  la  fin  de  sa  carrière  effacent  en 
grande  partie  l'éclat  de  ses  premiers  succès.  Quant  à  Piccolomini  lui- 
même,  M.  Gampori  pousse  trop  loin  la  confraternité  italienne  lorsqu'il 
prétend  justifier  entièrement  le  rôle  peu  honorable  que  joua  ce  général 
dans  la  catastrophe  de  Wallenstein;  d'autres  historiens,  appartenant 
à  la  même  nationalité  que  notre  auteur,  ont  été  moins  indulgents. 


CIHPORI  :   BIIMOTCDO  MONTECUCCOLI.  203 

L'emploi  exclusif  des  témoignages  italiens  n*est  pas  sans  inconvénient  : 
les  contemporains  n'ont  pas  toujours  été  justes  et  impartiaux.  Bolo- 
gnesi,  si  sévère  pour  la  cour  de  Vienne,  si  prompt  à  dénoncer  toutes 
les  injustices  et  tous  les  mauvais  vouloirs  dont  ses  compatriotes  sont 
victimes,  a  parfois  attribué  à  une  seule  cause  bien  des  faits  qui  provien- 
nent de  plusieurs.  L'incurie  de  la  cour  de  Vienne  n'a  pas  toujours  été 
volontaire  et  l'abandon  dans  lequel  elle  a  laissé  trop  souvent  ses  armées 
et  ses  généraux  s'explique  autant  par  l'absence  d'institutions  militaires 
permanentes,  raffaiblissement  de  l'autorité  impériale,  la  pénurie  des 
finances,  la  légèreté  des  souverains  et  des  ministres,  que  par  la  mal- 
veillance systématique  des  courtisans  allemands  vis-à-vis  des  généraux 
italiens.  Tilly,  Hazfeld,  Milander,  Jean  de  Werth  n'ont  pas  été  mieux 
traités  par  elle  que  Piccolomini,  Montecuccoli  et  Gallas;  et  si  Wallens- 
tein  a  été  constamment  muni  de  ressources  plus  régulières,  c'est  que 
ce  général,  comme  chacun  sait,  pourvoyait  de  lui-môme  au  recrute- 
ment et  à  l'entretien  de  son  armée,  dont  il  était  le  maître  exclusif. 

En  dehors  des  sources  italiennes,  M.  Campori  parait  avoir  consulté 
de  préférence,  parmi  les  ouvrages  de  seconde  main,  ceux  de  langue  et 
d'origine  allemandes  :  de  là  peut-être  sa  sévérité  pour  la  France  et  les 
généraux  français.  Les  guerres  qui  ont  fait  la  gloire  de  Montecuccoli 
sont  des  guerres  européennes,  et  la  France  y  a  pris  une  part  assez 
grande  pour  mériter  d'être,  à  son  tour,  entendue.  En  Allemagne  même, 
les  auteurs  cités  par  lui  ne  sont  ni  très  nombreux,  ni  toujours  très 
compétents  sur  la  matière. 

L'auteur,  il  est  vrai,  n'a  pas  voulu  faire  autre  chose  qu'une  biogra- 
phie, et  il  faut  lui  tenir  compte  du  but  qu'il  s'est  proposé  et  qu'il  a  su, 
à  tant  d'égards,  heureusement  atteindre.  Toutefois,  quand  il  s'agit 
d'un  des  plus  grands  généraux  des  temps  modernes,  il  est  bien  difficile 
de  ne  pas  exiger  du  biographe  une  certaine  compétence  militaire.  Il  ne 
suffit  pas  d'indiquer  ou  de  raconter  les  opérations  des  armées,  il  faut 
encore  les  expliquer  et  les  rendre,  autant  que  possible,  intelligibles  au 
lecteur.  En  dehors  de  tout  caractère  didactique  ou  technique,  la  biogra- 
phie d'un  général  doit  nous  mettre  à  même  de  le  suivre  sans  trop  de 
fatigue,  et  surtout  sans  obscurité,  sur  tous  les  théâtres  où  l'auteur  nous 
transporte  après  lui.  Avec  Montecuccoli,  cette  obligation  est  d'autant 
plus  impérieuse  que  le  nombre  des  campagnes  est  plus  considérable, 
le  champ  de  bataille  plus  étendu,  et  les  opérations  plus  compliquées. 
Si  l'on  songe  que  Montecuccoli  a  été  pendant  50  ans  au  service,  qu'il  a 
porté  ses  armes  depuis  les  confins  de  la  Transylvanie  jusqu'aux  fron- 
tières occidentales  des  Pays-Bas  et  de  l'Alsace,  depuis  le  duché  de 
Modène  jusqu'aux  rivages  de  Fionie,  de  la  Poméranie  et  de  la  Basse- 
Vistule;  qu'il  a  de  plus,  surtout  dans  la  première  période  de  sa  vie, 
été  déplacé  constamment  par  les  ordres  d'un  gouvernement  indécis, 
inquiet,  presque  toujours  malheureux,  et  jeté  dans  les  complications 
inextricables  d'une  des  guerres  les  plus  longues  et  les  plus  confuses  qui 
aient  jamais  été,  on  s'étonnera  à  bon  droit  que  son  historien  n'ait  pas 


204  COMPTES-BBNDUS   CRITIQUES. 

cru  devoir  éclairer  le  récit  par  des  cartes  géographiques  et  topogra- 
phiques; on  regrettera  qu'il  n'ait  pas  mis  plus  de  précision  dans 
la  description  des  champs  de  bataille  et  môme  dans  l'exposé  des 
marches  stratégiques.  Ce  défaut  rend  la  lecture  de  certains  chapitres 
difficile  et  enlève  à  beaucoup  d'assertions  une  grande  partie  de  leur 
force.  Les  armées  dont  parle  notre  auteur,  à  commencer  par  celle  de 
Montecuccoli,  restent  dans  des  positions  vagues  et  incertaines,  dans 
des  provinces  fort  étendues,  près  d'une  ville,  d'un  fleuve^  rarement  sur  un 
emplacement  bien  déterminé.  Nous  les  voyons  se  transporter  brusque- 
ment à  de  grandes  distances,  sans  nous  rendre  compte  des  obstacles  qui 
ont  entravé  ou  relardé  leurs  mouvements.  Bien  des  problèmes  restent 
sans  solution,  surtout  dans  les  premières  campagnes  de  Montecuccoli  ; 
et,  si  l'on  doit  féliciter  M.  Gampori  de  la  franchise  avec  laquelle  il  en 
fait  l'aveu,  on  peut  regretter  que  des  études  plus  patientes  sur  le  terrain 
même  ne  l'aient  pas  mis  à  même  d'en  diminuer  le  nombre.  La  compo- 
sition du  livre  et  surtout  des  chapitres  est  aussi  parfois  défectueuse  : 
l'attention,  dispersée  sur  trop  de  faits  secondaires,  languit  ou  se  partage 
entre  le  récit  militaire  et  des  détails  biographiques  qui  n'intéressent 
pas  toujours  l'histoire  de  Montecuccoli,  mais  seulement  plusieurs  mem- 
bres assez  obscurs  de  sa  famille.  Enfin  bien  des  documents  restent 
encore  à  explorer  ou  à  rechercher.  Dans  le  nombre  il  en  est  dont 
M.  Gampori  connaît  ou  nous  révèle  l'existence.  Ainsi  il  signale  une 
vie  de  Montecuccoli  publiée  à  Vienne  en  1792  ou  1802  et  qu'il  n'a  pas 
eue  à  sa  disposition.  Quoiqu'il  soit  assez  probable  que  cet  ouvrage  n'ait 
pas  une  grande  valeur,  il  est  fâcheux  que  le  nouveau  biographe  de 
Montecuccoli  n'ait  pu  en  faire  l'examen.  Il  parle  à  plusieurs  reprises 
des  Archives  militaires  de  Vienne ,  mais  ne  paraît  pas  avoir  étendu 
jusque-là  ses  savantes  recherches.  D'une  manière  générale,  on  peut 
dire  qu'il  s'est  trop  exclusivement  limité  à  l'étude  des  documents  italiens 
pour  que  son  livre  ne  présente  pas  d'inévitables  lacunes. 

Tel  qu'il  est,  l'ouvrage,  avec  les  renseignements  nouveaux  qu'il 
fournit  sur  une  foule  de  faits  de  l'histoire  militaire,  contient  d'impor- 
tantes révélations  sur  la  mauvaise  administration  de  la  cour  de  Vienne, 
sur  la  jalousie  et  les  petites  conspirations  auxquelles  Montecuccoli  fut 
exposé  môme  lorsqu'il  était  arrivé  au  comble  de  la  gloire.  La  corres- 
pondance de  Bolognesi,  de  Torresini  et  des  autres  agents  de  la  maison 
d'Esté  nous  dépeint  sous  des  traits  énergiques  et  parfois  nouveaux  les 
empereurs  d'Allemagne  Ferdinand  H,  Ferdinand  in,  Léopold  et  leurs 
ministres,  notamment  Auersperg,  Lobkowitz  et  Sinzendorf.  Si  les  rela- 
tions des  ambassadeurs  piémontais  d'une  autre  époque  font  descendre 
Philippe  II  de  son  piédestal,  celles  de  Bolognesi  ramènent  à  de  plus 
modestes  proportions  la  figure  de  Ferdinand  U,  ce  Philippe  II  de 
l'Allemagne.  On  voit  dans  ces  dépêches  quotidiennes  à  quel  point  le 
fanatisme  s'alliait  chez  ce  prince  à  la  légèreté,  à  la  frivolité,  à  l'insou- 
ciance des  plus  graves  affaires.  Sa  constance  tant  célébrée  dans  les 
crises  périlleuses  que  la  monarchie  autrichienne  traversa  pendant  son 


VON   OLLECH    :    GBSCHICHTB   DBS  FELDZUGBS   VON   4845.  205 

règne  semble  n'être  plus  qu'une  illusion  des  historiens,  qui  de  loin  ont 
confondu  Tindifférence  avec  le  sang-froid  et  Tapathie  avec  la  grandeur 
d'âme.  Le  mirage  de  l'éloignement,  qui  prête  tant  de  prestige  à  cer- 
taines majestés  silencieuses,  se  dissipe  encore  une  fois  devant  les  obser- 
vations précises  et  toujours  clairvoyantes  de  la  diplomatie  italienne. 

En  outre,  l'ouvrage  de  M.  Campori,  malgré  ses  imperfections 
littéraires,  laisse  de  son  héros  une  assez  forte  impression.  Si  notre 
auteur  n'a  pas  étudié  avec  assez  de  persévérance  le  génie  militaire  de 
Montecuccoli,  il  nous  donne  une  idée  très  nette  de  son  caractère. 
L'unité  admirable  de  la  vie  de  ce  grand  homme,  sa  fidélité  inaltérable 
à  ses  devoirs  militaires  et  politiques,  sa  patience  à  toute  épreuve 
devant  les  courtisans  comme  devant  l'ennemi,  son  désintéressement,  sa 
vertu  rélèvent  au-dessus  des  égaux  qu'il  a  trouvés  sur  le  champ  de 
bataille.  Le  dualisme,  que  nous  avons  signalé  au  début  dans  le  patrio- 
tisme de  Montecuccoli,  loin  de  Tamoindrir,  n'a  fait  que  lui  créer  une 
plus  haute  situation  morale.  Ayant  ajouté  au  devoir  que  lui  imposait 
sa  naissance  vis-à-vis  des  ducs  de  Modène  un  devoir  nouveau  >is-à- 
vis  de  l'empereur,  il  a  été  assez  honnête  pour  se  proposer  toujours 
l'accomplissement  de  l'un  et  de  l'autre  et  assez  habile  pour  y  réussir, 
malgré  l'antagonisme  résultant  des  circonstances  et  de  l'opposition  des 
intérêts.  Non  seulement  il  n'a  trahi  aucune  de  ces  deux  causes,  mais 
il  a  su  encore  échapper  à  la  pénible  obligation  de  choisir  entre  deux 
patries  qui  lui  étaient  également  chères.  Les  ducs  de  Modène  s'effor- 
cèrent à  plusieurs  reprises  de  le  détacher  de  l'empire  :  malgré  les  passe- 
droits  dont  Montecuccoli  eut  plus  d'une  fois  à  se  plaindre,  ils  n'y  réus- 
sirent pas.  Mais  lorsque  le  duc  de  Modène  fut  entré  dans  l'alliance 
française  et  que  les  Espagnols  proposèrent  de  le  dépouiller  de  sa  cou- 
ronne pour  la  donner  à  Montecuccoli,  ce  projet  échoua  devant  la  loyauté 
du  général.  En  Allemagne,  Montecuccoli  n'eut  jamais  de  visée.s  parti- 
culières et  ambitieuses,  il  pratiqua  dans  toute  sa  rigueur  l'obéissance 
militaire;  et,  s'il  se  montra  sévère  dans  le  maintien  de  la  discipline,  il 
en  donna  lui-môme  le  plus  haut  exemple.  C'est  par  son  dévouement 
inaltérable  à  un  prince  qui  n'était  pas  son  souverain  naturel  et  qu'il 
eût  pu  abandonner  sans  félonie  que  le  vainqueur  de  Saint-Gottard 
l'emporte  incontestablement  sur  Gondé  et  sur  iSirenne  lui-même. 

J.  Arminqaud. 

Oeschichte  des  Feldzages  von  1815,  von  General  der  Infanterie 

VON  Ollech.  Berlin,  Mittler.  In-8®,  407  p. 

Ce  précis  de  la  campagne  des  Prussiens  de  1815  est  extrait  d'une 
œuvre  plus  considérable,  —  la  biographie  du  général  de  Reyher.  L'au- 
teur a  consulté  des  documents  inédits  et  on  trouve  dans  son  travail, 
tout  technique,  les  qualités  de  précision  et  de  critique  minutieuse  du 
détail  qui  distinguent  les  écrivains  militaires  prussiens.  Un  très  grand 
nombre  de  pièces  sont  insérées  à  leurs  dates  dans  le  corps  du  récit. 


206  RECUEILS  PJaiODIQUBS. 


RECUEILS  PÉRIODIQUES  ET  SOCIÉTÉS  SAVANTES. 


I.  —  Revue  des  Questions  historiques,  l**^  juillet.  —  Gh.  Gêrin. 
La  mission  de  M.  de  Lionne  à  Rome  en  1655  ;  conclave  d'Alexandre  VU  ; 
procès  du  cardinal  de  Retz  (montre,  contrairement  à  M.  Yalfrey,  que 
Lionne  dans  cette  circonstance  ne  montra  aucun  talent;  c  il  rapporta 
d'Italie  des  préventions  et  des  haines  injustes  qui  contribuèrent,  lorsqu'il 
devint  ministre,  à  éloigner  Louis  XIV  du  saint  siège  »).  —  L'abbé  P. 
MuRY.  La  bulle  Unam  Sanctam  (cherche  à  établir  qu'elle  est  f  nulle 
sous  le  rapport  canonique,  nulle  sous  le  rapport  dogmatique,  et  cela 
par  la  raison  péremptoire qu'elle  est  apocryphe»).  —  Gust.  A.  Prévost. 
Les  invasions  barbares  en  Gaule  au  v«  s.,  et  la  condition  des  Gallo- 
Romains  (adopte  sur  ce  dernier  point  les  vues  exposées  ici  même  par 
notre  collaborateur  M.  J.  Havet,  en  opposition  à  la  doctrine  de  M.  Fus- 
tel  de  Goulanges).  —  L.  de  Mas-Latrie.  Les  comtes  de  Jafifa  et  d'Asca- 
lon  du  xii«  au  xiv«  s.  —  H.  de  L'Epinois.  Un  singulier  exemple  de 
critique  historique  :  M.  Wohlwill  et  les  mss.  de  Galilée.  —  Comptes^ 
rendus  :  Hervieu,  Recherches  sur  les  premiers  états  généraux  et  les 
assemblées  représentatives  pendant  la  première  moitié  du  xiv«  s.  (bon). 

—  Drouyn.  Variétés  girondines  (décrit  l'ancien  diocèse  de  Bazas,  pour 
faire  suite  aux  Variétés  bordelaises  de  l'abbé  Beaurein).  —  Lasserre. 
Recherches  historiques  sur  Alet  et  son  ancien  diocèse  (estimable). 

II.  —  Revue  des  Documents  liistoriques.  Avril  1879.  —  Voyage 
du  prince  de  Dombes;  suite.  —  Ck)ndamnation  d'un  soldat  pour  blas- 
phème, en  1631.  =  Mai.  Lettre  du  cardinal  de  Bourbon,  petit-neveu  du 
cardinal  que  les  Ligueurs  choisirent  pour  roi  en  1589,  et  son  successeur 
sur  le  siège  archiépiscopal  de  Rouen  ;  il  parle  des  démarches  qu'il  a  dû 
faire  auprès  de  Henri  IV  pour  faire  transporter  le  corps  du  cardinal  défunt 
à  la  chartreuse  de  Gaillon.  —  Lettre  du  prince  Jules  de  Polignaç  à  son 
père,  le  2  avril  1815,  sur  la  chute  de  la  première  restauration. — Quittance 
par  Bénigne  de  Saint-Mars,  gouverneur  de  Pignerol,  c  de  la  somme  de 
cent  livres,  pour  le  bois  et  chandelle  pour  chambres  de  monsieur  Fou- 
quet  et  cors  de  garde  pour  le  mois  de  juin  de  la  présente  année  1666  ». 

—  Lettre  de  Frédéric-Guillaume  El,  roi  de  Prusse,  à  Charles  X,  à 
propos  de  son  couronnement,  7  mai  1825  (t  Le  couronnement  de  V.  M. 
met  le  dernier  sceau  à  la  Restauration,  que  le  besoin  et  les  vœux  de 
l'Europe  et  de  la  France  appelaient  également...  »).  —  Lettre  de  félici- 
tation  d'Alberoni  au  Régent,  au  nom  de  Philippe  V,  16  sept.  1715.  — 
Lettre  du  maréchal  Brune  à  Davoust,  ministre  de  la  guerre,  sur  l'état 
des  esprits  à  Marseille,  en  1815. 

ITT.  —  Bibliothèque  de  TÉcoledes  chartes.  —  E.  Berqbr.  Annales 


REGOEILS   PERIODIQUES.  207 

de  Saint-Denis,  généralement  connues  sous  le  titre  de  Chronicon  Sancti 
Dionysii  ad  cyclos  paschales  (publie  intégralement,  d*après  le  ms.  309  du 
fonds  de  la  reine  Christine,  deux  séries  de  notes  bien  distinctes  dont  le 
texte  a  été  imprimé  en  partie  dans  le  Spicilegium  de  Dachery  et  les 
Miscellanea  ms,  bibliothecae  S.  Germani  Pahsiensis  de  Durand).  —  Fodr- 
nier.  Étude  diplomatique  sur  les  actes  passés  devant  les  ofBcialités  au 
xni*  s.  (cette  étude,  présentée  comme  thèse  de  FËcole  des  chartes,  a  été 
très  remarquée  par  les  juges  chargés  de  l'examiner).  —  R.  de  Mauldb. 
De  lorigine  des  Dindons  (publie  un  doc.  antérieur  à  1491,  où  il  est 
question  de  volatiles  de  ce  nom  :  «  deux  poules  d'Ynde  qu'estoient  à 
Marseille  •).  —  Bibliographie  :  Menéndez  Pelayo.  Arnaldo  de  Vilanova; 
ensayo  histôrico  (bon).  —  L'imprimerie  en  Bretagne  au  xv«  s.  ;  étude 
sur  les  incunables  bretons.  —  Mûhlbacher.  Die  Datirung  d.  Urkunden 
Lothars  I  (conclusions  en  général  acceptables).  —  Duhamel.  Charte  et 
statuts  de  Châteauneuf  de  Gadagne.  —  Fournel.  Les  rues  du  vieux 
Paris  (livre  très  érudit  pour  le  fond,  très  attrayant  pour  la  forme  et  les 
illustrations).  —  Livres  nouveaux. 

IV.  —  Revue  critique.  N®  24.  —  Favre.  La  confédération  des  huit 
cantons  (bon).  =  N*  26.  Donneau- Avenant.  La  duchesse  d'Aiguillon 
(estimable,  malgré  des  taches  nombreuses).  —  Variétés  :  Gazier.  Les 
ancêtres  de  Colbert  (nie  la  prétendue  noblesse  du  grand  ministre).  = 
N*  27.  Duruy.  Mémoire  sur  les  Tribuni  militum  a  populo.  Mémoire  sur 
la  formation  historique  des  deux  classes  de  citoyens  romains  désignés 
sous  le  nom  d'honestiores  et  d'humiliores  (excellentes  monographies) .  ^ 
N®  28.  Hirschfeld.  Lyon  in  d.  Rœmerzeit  (incomplet).  —  Hegel.  Ueber 
d.  histor.  Werth  d.  œlteren  Dante-Gommentare  (important  pour  l'étude 
du  texte  de  Dino  Clompagni).  =  N"  29.  Fustel  de  Coulanges.  Recherches 
sur  le  tirage  au  sort  appliqué  à  la  nomination  des  archontes  athéniens 
(excellent).  —  WUrz.  De  mercede  ecclesiastica  Atheniensium  (fort 
estimable).  —  C.  Schxffer.  De  scribis  senatus  populique  Atheniensium 
(bon).  —  Variétés  :  La  société  pour  l'étude  des  questions  d'enseignement 
supérieur  (art.  important).  =N«30.  Wiiche.  Les  Albigeois  devant  l'his- 
toire (sans  valeur).  —  Douais.  Les  Albigeois,  leur  origine,  l'action  de 
l'Église  au  xii*  s.  (médiocre,  malgré  un  grand  étalage  d'érudition  qui 
n'est  pas  toujours  de  bon  aloi). 

V.  —  Revue  archéologique.  Janv.  1879.  —  Prost.  Le  monument 
de  Merten  (fin  en  fév.).  —  Héron  de  Villefosse.  Sur  un  nouveau 
fragment  des  Acia  triumphorum  capitolina  (ce  fr.,  découvert  à  Rome  en 
oct.  1878,  fournit  la  série  des  triomphes  qui  eurent  lieu  de  644  à  650). 
—  MiîNTz.  Collections  italiennes  d'antiquités  depuis  les  débuts  de  la 
Renaissance  jusqu'à  la  mort  de  Paul  II  (fin  en  fév.).  ^  Mars.  Bompois. 
Diobole  inédit  du  tyran  Satyros  (prouve  que  Satyros  fut  un  des  dynastes 
d'Heraclea  en  Phrygie;  importantes  remarques  sur  le  droit  de  frapper 
monnaie  dans  l'antiquité).  —  Aube.  Le  Christianisme  de  Marcia,  favorite 
de  Commode  (résout  la  question  par  l'affirmative).  —  Mazard.  L'âge 


208  RECUEILS  PERIODIQUES. 

du  bronze  en  Gaule  (suite  en  mai).  =  Avril.  Mordtuamm.  Inscriptions 
byzantines  de  Thessalonique.  —  Lebèoub.  Remarques  nouvelles  sur 
Toracle  d'Apollon  cynthien  à  Délos.  =  Mai.  Mordtmann.  Monuments 
relatifs  au  culte  dlsis  à  Cyzique.  —  Héron  de  Yillefosse.  Deux  nou- 
velles bornes  milliaires  de  l'empereur  Postume  (la  première,  trouvée  à 
Prégilbert  dans  l'Yonne,  paraît  à  l'auteur  dater  de  258  ou  259;  la 
deuxième  a  été  découverte  à  Entrain  dans  la  Nièvre).  —  Barry.  Le 
culte  des  génies  dans  la  Narbonnaise,  à  propos  d'un  autel  votif  récem- 
ment découvert  à  Narbonne.  —  Miller.  6  inscriptions  grecques  de 
Thasos. 

VI.  —  NoaTelle  Revue  historique  de  droit.  N«  3.  —  Booisic. 
Aperçu  des  travaux  sur  le  droit  coutumier  en  Russie.  —  Klipffel. 
Etude  sur  le  régime  municipal  gallo-romain  (suite). 

Vn. —  Revue  générale  du  droit.  3«  livr.  —  Sumner-Maine.  De  Tor- 
ganisation  juridique  de  la  famille  chez,  les  Slaves  du  Sud  et  chez  les 
Raijpoutes;  suite.  —  Labatut.  L'édit  des  Ediles  :  la  vente  des  esclaves. 
—  GuTZARD.  Michel  de  l'Hospital;  fin. 

YIII.  —  Journal  des  Savants.  Juillet.  —  Hanotaux.  Étude  sur  des 
maximes  d*Etat  et  des  fragments  politiques  inédits  du  cardinal  de 
Richelieu.  Authenticité  de  son  testament  politique  (l*'art.,  où  l'auteur 
établit  Tauthenticité  de  ces  maximes  d'État,  et  prouve  qu'il  faut  les 
attribuer  à  Richelieu).  —  F.  de  Goulamqes.  La  question  de  droit  entre 
César  et  le  Sénat  (à  propos  de  la  thèse  de  M.  Guiraud,  sur  le  différend 
entre  César  et  le  Sénat  ;  il  conclut  que  nous  ne  pouvons  affirmer  si 
la  légalité,  c'est-à-dire  la  lettre  de  la  loi,  était  pour  César  ou  contre  lui; 
rend  d'ailleurs  justice  au  travail  de  M.  G.,  qui  a  au  moins  le  grand 
mérite  d'avoir  démontré  l'inexactitude  des  théories  de  Mommsen  et  de 
Zumpt). 

IX.  —  Revue  des  Deux-Mondes.  15  juin.  —  Mémoires  de  Madame 
de  Rémusat,  1802-1808  ;  suite  dans  les  n^*  suivants  (Madame  de  Rému- 
sat,  née  Gravier  de  Vergennes,  fut  dès  1802  attachée  à  Joséphine, 
femme  du  premier  Consul,  comme  «  dame  pour  accompagner  Madame 
Bonaparte  ».  Ces  fonctions  lui  permirent  de  voir  de  près  la  nouvelle 
cour,  surtout  de  connaître,  jusque  dans  l'intimité,  le  futur  maître  de 
la  France.  De  bonne  heure,  elle  prit  l'habitude  de  noter  sur  le  papier 
ce  qu'elle  voyait  ou  entendait  dire  d'intéressant;  malheureusement  elle 
crut  devoir  brûler  ces  notes  en  1814.  Aussitôt  après,  à  la  prière  de  son 
fils,  elle  commença  la  rédaction  de  ses  mémoires.  Publiés  aujourd'hui 
pour  la  première  fois,  par  son  petit-fils,  ces  mémoires  sont  du  plus  haut 
intérêt.  La  physionomie  de  Bonaparte  y  est  retracée  avec  une  grande 
sincérité  de  pinceau.  L'épisode  de  la  mort  du  duc  d'Enghien,  raconté 
dans  le  n*  du  l"*  août,  est  très  pathétique;  le  témoignage  de  Madame 
de  Rémusat  est  accablant  pour  Bonaparte.  Elle  affirme  ses  relations 
incestueuses  avec  ses  sœurs).  — Max.  du  Camp.  La  commune  à  l'Hôtel- 
de  Ville.  III  :  les  administrateurs.  IV  (!«'  juillet)  :  les  libres-penseurs. 


RBCUBILS   P1ÎRI0DIQUB8.  209 

V.  (15  juillet)  :  les  soldats.  VI.  (!«'  août)  :  la  revendication  (fin  de 
cette  importante  étude).  —  Jurien  de  la  Gravière.  La  marine  de 
Tavenir  et  la  marine  des  anciens;  suite.  Vil  :  Aegos  potamos.  = 
15  juill.  Eug.  Melchior  db  Vogué.  La  révolte  de  Pougatchef,  d'après 
Pouchkine.  —  Louandre.  Les  origines  de  la  magistrature  française.  := 
1«'  août,  Janet.  Le  Globe  de  la  Restauration  et  P.  Fr.  Dubois. 

X.  —  Le  Correspondant.  10  juin.  —  Thureau-Danqin.  L'Église  et 
rÉtat  sous  la  monarchie  de  Juillet  :  II,  avant  la  lutte,  1830-1841  ;  suite, 
voy.  10  juillet  :  III,  les  commencements  de  la  lutte  pour  la  liberté  de 
renseignement.  —  Léo  Quesnel.  Le  prince  Albert  (d'après  le  4«  vol.  de 
M.  Théod.  Martin).  —  L'abbé  Sigard.  La  question  de  l'enseignement 
et  les  congrégations  religieuses  au  dernier  siècle.  —  Pautrier.  Les 
Mirabeau  et  leur  historien.  =  25  juin.  Gh.  de  Lagomre.  Le  comte  de 
Serre;  suite,  voy.  10  juill.  —  Duc  d'Almazan.  La  guerre  d'Italie  (1859)  ; 
suite  :  Magenta  (rejette  sur  l'empereur  seul  tout  le  décousu  de  cette 
journée  qui,  en  face  d'un  ennemi  mieux  dirigé,  aurait  sans  doute  été 
désastreuse  pour  les  Français).  =  10  juillet.  Fournier.  Le  patriote 
Palloy  et  les  vainqueurs  de  la  Bastille;  suite.  =  25  juillet.  Bouillet. 
Le  rétablissement  du  culte  en  1797. 

XL  —  Revue  de  France.  15  juin.  —  Ch.  Nisard.  Guillaume  du 
Tillot,  ministre  des  infants,  ducs  de  Parme,  don  Philippe  et  don  Fer- 
dinand. Sa  disgrâce,  sa  chute  et  sa  mort  (1749-1771);  fin  le  15  août. 
=  l*»"  juillet.  Les  tribulations  de  l'alliance  anglo-française  sous  Napo- 
léon III,  1857-1860  (montre  d'après  les  documents  contenus  dans  le 
4«  vol.  de  la  vie  du  Prince  Albert,  par  M.  Th.  Martin,  que  la  guerre 
de  1870  était  en  germe  dans  les  rêveries  dont  l'Empereur  entretenait 
déjà  l'Angleterre  en  1857). — L.  de  Bouille.  L'avancement  dans  l'armée 
avant  1789.  =  15  juillet.  Ferd.  Delaunay.  Le  grand  secret  dans  l'Église 
chrétienne  au  l»'  siècle;  suite  le  1"  août.  —  Imdert  de  Saint- Amant. 
Les  Tuileries  depuis  1815;  suite.  —  G.  d'Orcet.  Les  Albanais  et  leur 
rôle  dans  l'histoire.  :=  i^^  août.  Les  alliances  politiques  de  Frédéric  le 
Grand. 

Xn.  —  Le  Spectateur  militaire.  15  juillet  1879.  —  Souvenirs 
d'un  officier  du  5«  corps,  armée  d'Italie,  1859.  —  Histoire  de  la  guerre 
d'Orient  (1875-78);  suite.  —  A.  de  Lort-Sériqnan.  Guillaume  III, 
suite;  avec  cartes. 

XIII.  —  Revue  du  Danphiné  et  du  Vivarais.  N*  3.  —  D'  Ul. 

Chevalier.  Comptes  de  la  maison  d'Henri  lU,  roi  de  France  (dépenses 
du  15  janv.  1575  à  Romans).  —  Le  chanoine  Ul.  Chevalier.  Notice 
chronologico-his torique  sur  les  archevêques  de  Vienne. 

XIV.  —  Revue  du  Lyonnais.  Mai-juill.  —  Du  Puitspelu.  Le  tes- 
tament d'un  Lyonnais  au  xvii*  s.  ;  suite. 

XV.  —  Revue  de  Gascogne.  Mai.  —  L*abbé  Ducruc.  Gabarret;  le 
prieuré  et  la  ville  ;  vicaires  et  curés.  —  T.  de  L.  Une  lettre  de  la 

ReV.    HlSTOR.    XI.    l"  FASC.  14 


240  ISGUBILS  PERIODIQUES. 

duchesse  d*Étampes  sur  Tévêché  de  Gondom.  —  De  Ga&saladb  du  Pont. 
Maintenues  de  noblesse;  suite.  =s  Juill.  T.  de  L.  Bertrand  d'Ëchaos, 
évêque  de  Bayonne.  ~  Pueux.  Emm.  de  Gugnac,  dernier  évoque  de 
Lectoure  (1772-1800);  fin. 

XYl.  —  Chroniques  da  Langaedoc.  Mai  et  juin.  -^  Le  maréchal 
de  Richelieu  à  Montpellier  (suite  de  Tinventaire;  pièces  relatives  au 
transport  du  mobilier,  au  paiement  des  dettes  du  maréchal).  —  Corres- 
pondance de  d.  Bourotte  avec  Joubert,  syndic  général  de  la  province^ 
relative  à  la  continuation  de  Thistoire  du  Languedoc  (1762-1773).  — 
Procès-verbal  de  la  visite  du  cardinal  d'Auvergne,  archevêque  de 
Vienne,  dans  la  ville  d'Annonai,  en  1741.  =  Juill.  Démolition  des 
églises  dans  le  Pkis-Languedoc,  en  1621,  par  les  réfugiés.  — Les  hôte- 
liers après  la  révocation  de  1  edit  de  Nantes.  —  TnéNARD.  Les  petites 
écoles  au  xviii*  s.  —  Les  frais  funéraires  au  xvn*  s.  —  État  financier  du 
Languedoc  en  1715,  avec  un  état  des  charges  qui  ont  été  imposées  à 
cette  province  depuis  1644,  et  des  emprunts  faits  pour  fournir  au  roi 
les  sommes  qui  n'ont  pu  être  imposées.  —  Gabié.  Relation  originale 
sur  la  conférence  de  Yerfeil  (1595  ;  cette  conférence  mit  fin  à  la  ligue 
dans  le  Languedoc,  en  préparant  les  conditions  auxquelles  Joyeuse  fit 
sa  soumission  à  Henri  lY).  —  FALOAiROLLE.'Le  château  et  la  baronnie 
de  Vauvert;  fin.  —  Origines  littéraires  de  Florian;  lettres  inédites  du 
conseiller  de  Florian,  son  grand-père,  en  1740.  —  D.  de  Thézan.  Olar- 
gues  dans  le  passé.  —  A  part  :  Voyage  de  Charles  IX  en  France,  par 
Abel  Jouan  ;  notes. 

XVII.  —    Bulletin    de  la  Société  de  l'Histoire  de  France. 

1878.  —  Comptes  d'une  dame  parisienne  sous  Louis  XI  (1463-1467), 
d'après  un  ms.  des  archives  du  M**  de  Nicolay,  p.  p.  M.  de  Boislislb. 

—  Translation  des  reliques  du  doge  Orseolo  I,  de  France  à  Venise, 
document  p.  p.  M.  de  Mas-Latbie.  —  Quittances  de  Pierre  de  Bayard, 
p.  p.  M.  RoBiAN.  —  Etienne  de  Vesc,  sénéchal  de  Beaucaire,  notice  par 
M.  DE  BoisLisLE.  =  1879.  Rapport  du  secrétaire  de  la  société.  L'exercice 
1879  comprend  le  t.  II  de  la  Chanson  de  la  Croisade  œntre  les  Albigeois, 
p.  p.  M.  P.  Meyer;  le  t.  II  des  Extraits  des  Auteurs  grecs^  p.  p.  M.  Cou- 
gny;  le  t.  I  des  Mémoires  de  Nicolas  Goulas,  gentilhomme  ordinaire  de 
Gaston  d'Orléans;  le  t.  Ude  la  Chronique  de  Jean  Lefèvre  de  Saint-Remy, 
p.  p.  M.  Morand.  —  Compte-rendu  :  Margry,  Mémoires  et  découvertes 
pour  servir  à  l'histoire  des  origines  françaises  des  pays  d'outremer. 
Découvertes  et  établissements  des  Français  dans  TO.  et  le  S.  de  TAmé- 
rique  septentrionale  (1614-1698).  2  vol.  (publication  importante). 

XVIII.  — -  BuUetin  de  la  Société  de  l'histoire  da  protestan- 
tisme français.  15  juil.  —  Duval.  Les  écoles  protestantes  d'Alençon. 

—  Reuss.  Catalogue  des  Franç^ais  qui  sont  bourgeois  de  la  ville  de 
Strasbourg  (1553).  —Lettre  deThéod.  de  Bèze  à  Marguerite  de  France, 
duchesse  de  Savoie  (1573).  —  Mémoire  sur  les  religionnaires  (1752).  — 
F.  de  ScmcKLSR.  Servet  et  son  récent  historien  (publie  une  lettre  où 


EBCÏÏEILS  PERIODIQUES.  2H 

M.  Tollin  donne  la  bibliographie  détaillée  des  livres  et  articles  qu'il  a 
consacrés  à  M.  Servet). 

XIX.  —  Bulletin  archéologique  et  historique  de  Tam-et- 
Garonne.  T.  VII,  1«  trim.  —  Abbé  Galâbert.  Chronique  manuscrite 
du  XVII*  s.  (prise  de  Caylus  par  les  huguenots,  en  1562).  —  Les  armoiries 
de  la  ville  et  du  château  royal  de  Caylus.  —  Mgr.  Barbier  de  Montault. 
Inventaire  du  pape  Paul  IV  en  1559  (traduction  de  l'original  italien 
retrouvé  par  M.  Bertoiotti,  dans  les  papiers  du  fisc;  montre  le  goût 
particulier  du  pape  pour  les  pierres  précieuses  et  les  objets  de  luxe).  — 
PoTTiER.  Les  armes  de  la  ville  de  Grenade-sur-^jaronne. 

XX.  —  Bulletin  de  la  Société  archéologique,  scientifique  et 
littéraire  de  Béziers.  2«  sér.,  t.  IX  (2*  livr.).  —  Maffre.  Étude  sur 
le  poème  roman  de  la  croisade  contre  les  hérétiques  albigeois  (résumé 
du  travail  de  M.  Meyer  et  discussion  de  celui  du  P.  de  Smedt).  —  Id. 
Notices  biographiques  sur  les  principaux  chefs  de  la  croisade  contre 
les  hérétiques  albigeois  (travail  de  seconde  main).  —  Louis  Noouibr. 
Inscription  juive  de  Béziers  (inscription  de  l'an  1121,  avec  une  repro- 
duction photolithographique).  —  Séance  publique  pour  la  distribution 
des  prix  du  concours  de  l'année  1878;  rapport  sur  le  concours  des 
mémoires  historiques  et  monographies  locales  (histoire  de  Tabbaye  de 
Guxa^  par  M.  l'abbé  Font).  —  Chronique  archéologique  (sépultures 
mérovingiennes  près  de  Béziers;  inscription  romaine;  note  sur  l'église 
de  Sérignan  et  sur  celle  de  Gapestang;  planches).  —  Arrêts  de  règle- 
ment du  consulat  de  Béziers,  en  1633  et  1658. 

XXI.  —  Revue  des  Sociétés  savantes  des  départements. 
T.  VIII.  Juin. -août  1878.  —  Finot.  Affranchissement  des  habitants  de 
Rupt,  par  Jehan,  seigneur  du  dit  lieu  et  d'Otricourt  (20  juin  1443).  — 
QuANTiN.  Approbation  par  Thibaud  de  Champagne,  d'un  échange  d'hé- 
ritages fait  entre  Gilles  de  Yillenauxe  et  Tabbesse  de  la  Pommeraie 
(1247;  en  langue  vulgaire).  —  Soucaille.  Contrat  pour  l'établissement 
d'une  fontaine  à  Béziers,  en  1247.  —  Alart.  Certificats  de  conversion 
et  de  bonne  conduite  de  divers  juifs  (1371-1377).  —  Dupré.  Règlement 
des  indemnités  dues  aux  sujets  du  comte  de  Blois  pour  les  réquisitions 
de  guerre  qu'ils  avaient  supportées  à  Toccasion  de  la  bataille  de  Poitiers 
(12  janv.  1357).  —  Fondation  de  l'abbaye  de  Loc  Maria  (xi«  s.).  —  Ché- 
ruel.  Lettre  de  Henri  II  de  Bourbon  à  son  fils,  Louis  II,  le  grand 
Condé,  11  sept.  1644. 

XXII.  —  Académie  des  Sciences  morales  et  politiques.  Compte- 
rendu,  5«  et  6*  livr.  —  VurrRV.  Les  monnaies  sous  Philippe  le  Bel  et 
ses  trois  fils;  suite  dans  la  7«  livr.  (réagit  contre  la  doctrine  de  M.  de 
Baulcy  qui  se  refuse  à  croire  que  Philippe  le  Bel  ait  fabriqué  de  fausse 
monnaie,  et  montre  qu'en  réalité  le  roi,  sans  rogner  les  pièces,  leur 
attribua  arbitrairement  une  valeur  de  compte  plus  ou  moins  grande 
suivant  ses  besoins).  —  A  du  Chatellier.  L'église  pendant  la  Révolu- 
tion ;  suite  dans  la  7*  livr.  —  Bouillier.  De  l'Institut  et  des  Académies 


242  lECTEÎLS  pfftlODlQCIS. 

de  province  (parle  des  lettres  patentes  et  des  privilèges  des  anciennes 
académies).  —  Levasseur.  De  la  valeur  des  monnaies  romaines  ;  suite 
(de  la  puissance  de  Targent  en  Egypte  et  en  Grèce,  avec  deux  listes  de 
prix,  indiquant  le  rapport  probable  de  la  valeur  actuelle  avec  la  valeur 
paKftéc*  des  marchandises).  =  7«  liyr.  Giraud.  Notice  historique  sur  les 
travaux  de  M.  le  comte  Sclopis  de  Salerano. 

XXIII.  —  Académie  des  Inscriptions  et  Belles-lettres.  Séance 
du  6  juin.  —  M.  d'Hervey  de  Saint-Denis  lit  un  mémoire  d*un  jeune 
érudit  suédois,  M.  Btrindtner,  sur  les  relations  de  la  Suède  avec  la 
Chine  et  les  pays  tartares,  depuis  le  milieu  du  xvi*  s.  jusqu'à  nos  jours. 
=  11  juillet.  M.  Le  Blant  lit  un  important  mémoire  sur  les  Acta  mar" 
tyrum,  et  leurs  sources;  il  montre  que  ces  Actes  ont  pu  être  rédigés 
d'après  les  notes  prises  à  Taudience  par  les  notarii,  qu'il  existait  des 
archivesjudiciaire6,quele8  chrétiens  purent  les  consulter  librement  après 
lo  triomphe  officiel  de  leur  religion  ;  on  ne  doit  donc  pas  à  priori  con* 
damner  ces  Actes  comme  apocryphes.  =  18  juillet.  M.  L.  Renier  lit 
une  note  sur  une  inscription  latine  récemment  trouvée  à  Grenoble; 
c'est  une  dédicace  en  l'honneur  de  l'empereur  Claude  le  Gothique,  de 
l'an  208.  —  M.  Mowat  termine  la  lecture  de  ses  recherches  sur  l'em- 
pereur Martinien  (323). 

XXIV.  —  Annales  de  la  Faculté  des  Lettres  de  Bordeaux. 

N*  2.  —  Fr.  Comhes.  3  lettres  de  Henri  de  Guise  pour  enlever  à 
Henri  III  l'alliance  des  cantons  catholiques,  en  1585;  deux  lettres  de 
Catherine  deMédicis  et  de  Henri  de  Navarre,  pour  les  engager  à  persister 
dans  l'alliancf^  royale;  une  autre  de  Catherine,  pour  leur  recommander 
do  vivre  on  bonne  intelligence  avec  les  cantons  protestants,  déc.  1562 
(M.  (3.  publie  ce»  lettres  sans  conserver  l'orthographe  de  l'original; 
quoi  qu'il  on  diso,  nous  pensons  qu'il  a  tort).  —  T.  de  L.  Une  lettre 
latine  inédiU^  de  (tooiTroy  do  Malvin  au  président  de  Thou. 


XXV.  —  Messager  des  Sciences  historiques  de  Belgique.  1879, 
2»  liv.  —  Kknbnh.  Dissertation  sur  la  participation  des  troupes  des  Pays- 
lias  i\  la  canipuguo  do  1815  on  Belgique;  suite.  —  Notice  sur  Adrien 
Havonuans  (jurisconsulte,  greflior  de  Bréda;  f  1653;  auteur  d'une 
histoin^  «lo  Broda  rostôo  inédite) .  —  Notes  touchant  des  archives  con- 
sorvtVs  au  dôpAt  do  T  Imitât  à  G  and  :  États  de  Flandre. 

XXVI.  —  Revue  de  Belgique.  15  Juin  =;  Rahlenbeck.  La  mission 
du  couHoillor  Boisot  à  Moty.,  on  1543  (pour  arrêter  les  progrès  du  pro- 
ti^st^intisnio  dans  la  villo  inipôrialo.  Fragment  d'un  volume  annoncé 
sous  lo  tiln^  :  Mot«  ol  Thionvillo  sous  Charles-Quint). 


XX  Vil.  <—  The  Aoademy.  7  juin.  — Cunningham.  Corpus  inscrip- 
tionuin  indioarum;  vol.  1  (donne  la  oolloclion  complète  des  fac-similés 
dos  plus  anoiouuos  inscriptions  do  l'Indo,  ot  fournit  ainsi  d'excellents 
matériaux  pour  une  «Slition  critique  destnlits  du  lH)uddhi$te  Açoka).  = 


RECUEILS   PERIODIQUES.  243 

14  juin.  Sir  H,  Durand,  The  flrst  Afghan  war  and  its  causes  (sérieuse- 
ment fait;  critiques  souvent  contestables.  —  Morel^FaU'o.  L'Espagne 
au  XV*  et  au  xvi«  s.  (art.  important  de  M.  P.  de  Gayangos).  =  28  juin. 
Le  GofT.  The  life  of  L.-Ad.  Thiers  (sans  valeur).  =  5  juill.  Davidson,  On 
some  ancient  documents  relating  to  Grediton  minster  (important  pour 
rhistoire  des  institutions,  mais  surtout  au  point  de  vue  philologique).^ 
19  juill.  Gardiner.  Notes  on  the  debates  in  tho  House  of  Lords  (notes 
prises  par  Henri  Elsing,  clerc  des  Parlements  de  1624  et  1626;  intéres- 
santes, quoique  d'une  lecture  fastidieuse).  —  Perry.  The  life  of  Hugh 
of  Avalon,  bishof  of  Lincoln,  1186-1200  (d'après  la  Magna  vita  de 
Hugues  d' Avalon,  écrite  par  Adam,  abbé  d'Evesham,  peu  après  la 
mort  de  Tévéque;  bonne  publication).  —  Cussans,  History  of  Hertford- 
shire;  liv.  13  et  14  (bon). 

XXVUI.  —  The  Athenœnm.  28  juin.  —  Eyton.  A  key  to  Domesday 
(recherches  importantes  sur  la  valeur  des  mesures  agraires  employées 
dans  le  domesday  book,  en  ce  qui  concerne  le  comté  de  Dorset).  = 
5  juillet.  Lefroy.  Memorials  of  the  discovery  and  early  settlements  of 
tbe  Bermudas  or  Somers  Islands  ;  vol.  II,  1650-1687  (intéressant  et 
instructif).  =  12  juillet.  Analytical  index  to  the  séries  of  records  known 
as  the  Remcmbrancia  preserved  among  the  archives  of  the  city  of 
London  (1579-1664).  Index  of  municipal  offices,  avec  une  introduction 
par  L.  Gomme  (important  pour  l'histoire  municipale  d'Angleterre).  = 
19  juillet.  Bigelow.  The  life  of  Benjamin  Franklin,  written  by  himself 
(reproduit  pour  la  première  fois  le  texte  exact  des  Mémoires  du  célèbre 
homme  d'état  américain,  d'après  le  ms.  autographe;  Tédition  de  1817, 
donnée  par  le  petit-fils  de  l'auteur,  contient  de  nombreuses  altérations). 

—  Walcott.  Ghurch  work  and  life  in  english  minster;  2  vol.  (inutile). 

—  Bigelow.  Placita  anglo-normannica  :  law  cases  from  William  I  to 
Richard  I  (bon).  =  2  août.  Davidson,  Inverurie  and  the  earldom  of  the 
Garioch  (une  des  meilleures  histoires  locales  qui  aient  paru  en  Ecosse, 
malgré  de  graves  défauts.  Le  Garioch  est  un  district  du  comté  d'Aber- 
deen).  —  Arnold.  The  roman  system  of  provincial  administration 
(estimable).  —  Gorrespondance  intéressante  au  sujet  d'une  sorte  de 
juges  que  l'on  trouve  encore  aujourd'hui  dans  certains  villages  d'Angle- 
terre et  qui  semble  un  vestige  des  institutions  de  l'antique  communauté 
de  village,  les  t  Burleymen  ». 

XXIX.  — The  fortnightly  Review.  —  Senior.  Gonversations  avec 
le  prince  Napoléon  en  1859-61,  1862-63  (curieux  en  particulier  sur  les 
affaires  italiennes  en  1859). 

XXX.  —  The  V^estminster  Review.  Juill.  —  Les  papiers  d'état 
pour  le  règne  de  Gharlcs  I",  analysés  d'après  les  originaux  du  public 
record  office,  par  J,  liruel  et  W.  D,  Hamilton.  14  vol.  1626-1640; 
suite.  —  Boultbec.  A  history  of  the  church  of  Ëngland;  Prerefor- 
mation   period  («   livre  exceptionnellement  raisonnable,  parmi   les 


2i  RECUEILS  PéRTODIQUES. 

histoires  ecclésiastiques  »).  —  Hare,  The  life  and  letters  of  Frances, 
baroness  Bunsen  (intéressant). 

XXXI.  —  The  ne^w  qnarterly  Magazine.  Juill.  —  La  frontière 
grecque,  1829-1879.  Comment  elle  fut  conquise  en  1829. 


XXXn.  —  Historische  Zeitschrift.  Nouv.  série,  vol.  VI,  fasc.  1. 

—  ScHiEFBR.  Sur  l'histoire  de  France  à  l'époque  de  Louis  XV  (à  propos 
des  Mémoires  de  Bemis  et  du  Secret  du  Rot).  —  J.  Jung.  La  question 
agraire  dans  l'empire  romain  (à  propos  du  livre  de  Heisterbergk,  die 
Entstehung  des  Colonats;  l'auteur  examine  la  condition  différente  des 
campagnes  dans  deux  provinces,  l'Afrique,  province  agricole,  et  la  Gaule, 
province  frontière,  et  il  estime  que  la  question  ne  peut  être  résolue  par 
les  formules  d'une  théorie  absolue,  générale  à  tout  l'empire;  il  faut 
avant  tout  Tétudier  daos  chaque  province).  —  Alf.  Stern.  Étude  sur  le 
Sonderbund  (très  intéressants  détails  ;  montre  que  M.  Guizot  dans  ses 
Mémoires  a  de  propos  délibéré  altéré  les  faits).  —  Comptes-rendus  criti- 
ques, Mommsen.  Rœmisches  Straatsrecht,  2«  édit.,  vol.  I  et  II  :  les 
magistrats  (excellent).  —  Gerdes,  Die  Bischofswahlen  in  Deustchl.  unter 
Otto  I,  953-957  (bon).  —  Weizsscker.  Das  rheinische  Bund,  1254  (bon). 
— Baumann.  Quellen  zur  Geschichte  d.  Bauernkriegs  aus  Rotenburg  a.  d. 
Tauber  (publie  2  chroniques  de  Rotenburg,  ville  impériale  qui  joua  un 
grand  rôle  au  début  de  la  guerre  des  paysans).  —  Kaltenbrunner.  Die 
Vorgeschichted.  gregorianischen  Kalenderreform,  Die  Polemick  ùber  d. 
gregorian.  Kalenderreform  (art.  important).  —  GUnther,  Die  Politik  d. 
Kurfùrsten  v.  Sachsen  u.  Brandenburg  nach  d.  Tode  Gustav  AdolFs  u.  d. 
Heilbronner  Bund.  Kiisel.  Der  Heilbronner  Bund  (bon).  —  Strippel- 
tnann.  Beitrœge  zur  Gesch.  Hessen-Cîassels,  1791-1814  (bon  ;  publie  d'utiles 
documents  sur  les  rapports  de  la  France  et  de  la  Prusse,  en  1806). — Baader. 
Die  Reichsstadt  Nûrnberg,  1801-1806  (intéressant;  im'primé  avec  peu 
de  soin).  —  Fridericia,  Danmarks  ydre  politiske  Historié,  1629-1660, 
vol.  I  (bon).  =  Fasc.  2.  Reimer.  Frédéric  le  Grand  et  Kaunitz,  en  1768. 

—  R.  Pauli.  Marie  Stuart  et  les  lettres  de  la  cassette  (tient,  avec 
Gaedeke,  ces  lettres  pour  authentiques).  —  Ovbrbeck.  La  correspon- 
dance de  saint  Augustin  avec  saint  Jérôme.  —  H.  de  Sybel.  Les 
annales  carolingiennes  (c'est  à  tort  qu'on  attribue  à  Charlemagne 
quelque  influence  sur  les  écrits  annalistiques  de  son  temps;  il  ne  s'occupa 
jamais  en  aucune  façon  de  l'histoire;  il  n'a  pas  eu  d'historiographe  et 
il  n'y  a  aucun  récit  officiel  de  son  règne).  —  Comptes-rendus.  Virk.  Die 
Quellen  d.  Livius  und  Dionysios  f.  d.  aelteste  Geschichte  d.  rœm.  Repu- 
blik  (réfute  avec  succès  l'hypothèse  de  Nitzsch  ;  l'étude  proprement  dite 
des  sources  de  Titc  Live  est  judicieuse,  mais  n'offre  rien  de  nouveau). 

—  Friedrich  II  und  d.  neuere  Geschichtsforschung  (prétend  justifier  le 
landgrave  Frédéric  II  et  les  princes  hessois  du  reproche  d'avoir  fait 
avec  l'Angleterre  un  honteux  trafic  de  soldats  au  moment  de  la  guerre 
d'Amérique.  Le  critique,  pris  à  partie  par  l'auteur  anonyme,  réfute 


UCTEILS  rteoMocx».  IIS 

en  dunt  des  chiffres,  des  lenre^  des  ikîtjs  (mit  k  photpart 
inédits,  et  puisés  lox  archiT»  de  La  sraern?  de  U  HesiS^K  ~  3*m£]v^ 
Bergen  Ira  de  sldste  Tider  indtil  Naùden  (important  pour  rhistoiiv  de 
kHansei. 

XXXni.  —  Jeamer  Literatnrmeitiuis.  N*  ?ô.  Soripton^s  remm 
danicaram.  T.  IX  «très  utile  publication:  la  rédaction  des  tables  laiise 
à  désiren.  —  Gœrçens.  Arabische  Quellenbeitrapge  xur  geschichte  der 
Kretuzûge  fvol.  I:  contenant  les  principaux  pas^^ages  d'Abou  Cbama 
relatifs  à  l'histoire  de  Saladin:  excellente  édition).  —  H.  ton  Trritschkf,, 
Deutsche  Geschichte  im  XIX  Jahrfa.  \i^  vol.,  qui  contient  seulement 
un  résumé  de  Thistoire  de  Prusse  depuis  le  xvn*  s.  jusqu'en  1815;  écrit 
avec  passion  et  dans  un  sentiment  tout  prussien).  —  Duncker.  Beitnege 
zur  Erforschung  und  Geschichte  des  Pfahigrafens  im  unteren  Mainge- 
biet  und.  d.  Wetterau  ^contestable).  =  N«  ^7.  Hucktrt.  Die  Politik  der 
8tadt  Mainz  1397-1419  (bonne  histoire  locale).  —  Qurmer.  Die  Piemon- 
tesische  Herrschafl  auf  Sicilien  1713-1718  (bon).  =  N«  Î8.  Winlrr, 
Geschichte  des  Rathes  in  Strassburg,  von  seinen  ersten  Spuren  bis 
zum  Statut  von  1263  (bon».  — Jastrow.  Zur  strafrechtlichen  Stellung 
d.  Sklaven  bei  Deutschen  u.  Angelsachsen  (bon).  =  N'  Î9,  Hesse. 
Geschichte  d.  Stadt  Bonn  waehrend  d.  franzoes.  Herrschaft  (bon).  = 
N«31.  Riezier.  Fûrstenbergisches  Urkuudenbuch,  vol.  III,  1400-1479 
(important).  ^  N»  32.  Publications  sur  Michel  Sorvet,  de  Pùnjer, 
Toliin,  Ceradini,  Roget,  Wiliis. 

XXXIV.  —  GcBtiingische  gelehrte  Anxeisen.  N*  22.  Werunsky, 
Der  {•  Rœmerzug  K.  Karls  IV,  1354-1355  (consciencieux  ;  appréciations 
souvent  contestables).  =  N*  24.  Friedljender.  Ostfriesisches  Urkunden- 
buch;  2«  et  3'  fasc,  1400-1470  (bonne  publication;  discute  certains 
passages  de  la  préface).  —  Gaffarel.  Histoire  du  Brésil  français  (très 
intéressant;  cf.  Bev.  hist.  X,  191).  =:  N*  29.  Maurenbrecher,  Donkwùr- 
digkeiten  aus  d.  Leben  d.  (ren.  d.  Infanterie  von  Hûser  (important 
pour  rhistoiro  militaire  de  la  Prusse,  de  1806  à  1815).  —  Leding,  Dio 
Freiheit  d.  Friesen  im  Mittelalter  (intéressant). 

XXXV.  —  Deatsche  Rundscham  Août.  —  Paul  Bailleu.  Haug- 
witz  et  Hardenberg  (d'après  les  mémoires  de  ce  dernier  récemment 
publiés  par  L.  von  Ranke). 

XXXVI.  —  Rhelnisches  Museom  mr  Phlloloirie.  Vol.  34,  1879; 
fasc.  II.  —  Wachsmuth.  Le  salaire  des  juges  à  Athènes  (entre  les 
olymp.  %-100,  le  salaire  des  juges  fut,  sur  la  proposition  de  Kallikrates, 
porté  à  4  oboles).  —  lo.  La  division  des  Hellenika  de  Xénophon  (les 
œuvres  de  Xénophon  avaient  déjà  reçu  dans  l'antiquité  plusieurs  divi- 
sions différentes,  comme  on  le  voit  dans  Diogène  Laerte,  II,  57). 

XXXVII.  —  Nene  Jahrbficher  f.  Philologie  n.  Paedagogik, 

pub.  p.  Flecketsen  et  Masius.  Vol.  119,  fasc.  III,  1879.  —  Rceul.  Une 
ancienne  inscription  do  Sparte  non  datée  (elle  se  rapporte  à  Téphore 
Hagesistratos,  que  Xénophon,  HelL  II,  3,  10,  place  en  427-4^6).  — 


246  RECUEILS   PÉRIODIQUES. 

Mùller-Strûbinq.  Sur  Thucydide  et  Xénophon  (traite  de  rinsurrection 
de  Ghios  en  412;  étudie  le  dernier  chapitre  de  Thucydide,  et  les  rapports 
d'Alcibiade  avec  Tissapherne  et  Phamabase).  —  Bachop.  Timée  consi- 
déré comme  source  de  Diodore  (c'est  à  Timée,  non  à  Ephoros,  que 
Diodore  a  emprunté  les  chap.  54-78  du  liv.  14).  —  Wirz.  Le  procès  de 
concussion  de  G.  Rabirius.  —  Vollbrecht.  Sur  l'Anabase  de  Xéno- 
phon (parle  d*Anab,  V.  2,  et  des  ouvrages  do  fortification  construits 
dans  le  voisinage  de  Trébizonde  dont  il  est  question  dans  ce  passage). 

XXXVIU.  —  Nene  Jahrbficher  f.  Philologie  n.  Pedagogik. 

(Leipzig),  vol.  119,  1879,  fasc.  IV.  —  Gilbert.  1"  et  2«  lecture  dans 
l'assemblée  du  peuple  à  Athènes  (expose  en  détail  la  façon  dont  étaient 
dressés  les  documents  d'état  athéniens;  montre  que  les  scribes  commet- 
taient de  fréquentes  erreurs  de  rédaction  en  copiant  les  décisions  du 
peuple,  avec  les  formules  des  arrêts  du  conseil;  réfute  Thypothèse  de 
Hartel  que  dans  certaines  circonstances  le  conseil  aurait  eu  besoin  de 
l'autorisation  préalable  de  l'assemblée  populaire  pour  présenter  à  celle- 
ci  un  arrêt  sur  ces  objets  déterminés).  —  Schutz.  La  Germanie  de 
Tacite  (remarques  historiques  et  ethnographiques). 

XXXIX.  —  Hermès.  (Berlin),  vol.  14,  fasc.  2,  1879.  —  Von  Wila- 
MOwiTz-McELLENDORF.  Damou  (Damou  le  premier  eut  l'idée  de  faire 
donner  aux  juges  athéniens  une  indemnité  en  argent.  Périclès,  qui 
n'était  pas  un  homme  d'état  créateur,  a  repris  ce  projet  après  le  bannis- 
sement de  Damon).  —  H.  Haupt.  D'où  sont  tirés  les  extraits  de  Pla- 
nude,  attribués  à  Dion  Gassius.  III  (ils  ont  en  partie  pour  origine  la 
chronique  en  vers  de  l'historien  byzantin  Gonstantin  Manassès.  Un 
ms.  des  extraits  de  Dion  a  été  connu  de  Saumaise  qui,  très  probable- 
ment, a  aussi  emprunté  à  Planude  ses  fragments  de  Jean  d'Antioche). 

XL.  —  Zeltschrlft  d.  D.  morgenlœnd.  Gesellschaft  (Leipzig). 
Vol.  33.  fasc.  1  et  2.  1879.  —  Mordtmann.  Les  monnaies  pehlvies 
(commentaires  sur  113  monnaies  de  gouverneurs  arabes  en  Perse).  — 
NcELDEKE.  Noms  de  lieu  iraniens  en  kert  et  autres  désinences.  —  Id. 
Deux  peuples  de  l'Asie  antérieure  (1°  les  Kadichéens  de  Mésopotamie, 
identiques  aux  Katis  des  historiens  arméniens,  et  avec  les  KadowaToi 
d'Agathias  ;  2*  les  Ortéens  au  sud  de  l'Arménie).-—  Spitta.  Abrégé  de  la 
géographie  de  Ptolémée  par  Huwarazmi.  —  Gompte-rendu  critique  : 
Schrader.  Keilinschriften  u.  Geschichtsforschung  (art.  important). 

XLI.  —  Theologische  Stadien  and  Kritlken  p.  p.  Riehm  et  Kges- 
TLiN  (Gotha).  1879.  Fasc.  1  et  2.  —  Zeller.  Jean  de  Staupitz  (sa  vie, 
ses  doctrines,  ses  rapports  avec  Martin  Luther).  —  Tollin.  Gontribution 
à  la  théologie  de  Servet  (traite  de  l'idée  de  Dieu  chez  Servet).  —  Bud- 
DENSiEQ.  Le  séjour  de  Luther  à  Rome  (dans  l'hiver  de  1511  à  1512;  il 
faut  renoncer  à  savoir  positivement  dans  quel  monastère  de  Rome 
Luther  fut  alors  reçu).  =  Fasc.  3.  Seidemann.  Le  discours  de  Luther 
pour  la  promotion  au  doctorat  d'Hieronymus  Welier  (pub.  pour  la 
i^  fois  d'après  le  Thésaurus  theologiae  d'Obenander). 


KBCUEILS  PEftlOOIQOBS.  247 

XLn.  —  ^t^mtknnî».^  p.  p.  BiRLiNGEB.  7«  aonéc  ;  fasc.  1  (Bonn), 
1879.  —  Wkinkauff.  Sebastien  Frank  de  Donauwerth  (important  pour 
l'histoire  de  Thumanisme  en  Allemagne). 

XLIU.  —  Monatsbericht  d.  k.  Preuss.  Akademie  d.  Wlssens- 
chalten  (Berlin),  1878.  Juin.  —  Sghrader.  Les  noms  qui  désignent  la 
Syrie  dans  les  inscriptions  assyriennes.  —  Curtius.  Plans  des  fouilles 
d'Olympie.  =  Juillet.  Mommsen.  La  bataille  de  l'Allia.  =  Sept.-ocl. 
Droysen.  L'  «  Anti-Saint- Pierre  »  et  son  auteur  (ouvrage,  aujourd'hui 
très  rare,  qui  fut  composé  en  1742,  d'après  les  idées  et  avec  la  collabo- 
ration de  Frédéric  II,  par  Jean-Henri  Formey,  secrétaire  de  TAcadémie 
de  Berlin,  pour  réfuter  le  projet  de  la  paix  universelle  imaginé  dès 
1708  par  l'abbé  de  Saint-Pierre,  et  proposé  par  lui  à  Frédéric  en  1740). 
—  DuNCKER.  Négociations  de  Brunn  en  nov.  1805.  =  Nov.  FRiEDLiEN- 
DER.  Sur  une  monnaie  d'Aineia  en  Macédoine  (cette  monnaie  porte  la  plus 
ancienne  représentation  connue  de  la  fuite  d*Énée  quittant  Troie;  elle  est 
d  autant  plus  importante  qu'elle  a  été  frappée  au  moins  un  siècle  avant 
Hellanikos,  l'historien  de  Lesbos.  Histoire  politique  et  monétaire  d'Ai- 
neia).  =  1879.  Janv.  Nitzsch.  Les  associations  dans  la  Basse-.AUe- 
niagne  aux  xii«  et  xiii*  s.  (recherches  juridico-historiques  sur  les  asso- 
ciations allemandes  dites  c  Bruderschaften  »,  «  Aemter  »,  a  Gilden  » 
et  «Innungen  »).  =  Fév.  Schrader.  D'une  tablette  d'argile  de  Babylone 
datée  de  la  11'  année  de  (kmbyse  (Cambyse  était  déjà  vice-roi  de  Baby- 
lone du  vivant  de  Cyrus).  —  Z.  v.  Linoenthal.  Les  Formae  publiées 
par  l'empereur  Anastase  pour  la  Libye  Pentapole.  —  Id.  Un  édit  du 
préfet  du  prétoire  Dioscorus  de  l'an  472  ou  475.  =:  Mars.  Schrader. 
Sur  un  cylindre  royal  de  Babylone  conservé  au  musée  royal,  et  sur 
d'autres  cylindres  et  gemmes  (recherches  sur  l'authenticité  du  camée 
noir  de  Nebudcadnezar  du  musée  de  Berlin,  qui,  en  tout  cas,  est  anté- 
rieur à  Père  chrétienne). — Hirschfeld.  Rapport  sur  un  voyage  archéolo- 
gique dans  le  S.-O.  de  l' Asie-Mineure,  IH  (avec  1  carte  ;  remarques 
sur  l'emplacement,  l'histoire  et  les  antiquités  des  villes  anciennes  de 
Kremna,  Sagalassos,  Baris,  Seleukeia,  Agrae,  Konane,  Apollonia, 
Kebrene,  Aphrodisias,  Stratonikeia,  Lagina).  —  F'riedl.«nder.  Remar- 
ques sur  quelques  monnaies  grecques  rapportées  par  Hirschfeld. 

XLIV.  —  Abdhandlnngen  d.  k.  Akademie  d.  VT^issenschaften, 

1877  (Berlin,  1878).  —  Lepsius.  Les  mesures  de  longueur  assyro-baby- 
loniennes  (explique  les  inscriptions  trouvées  en  1854  à  Senkereh  par 
L.  Loftus.  On  peut  distinguer  aujourd'hui  le  système  des  mesures 
employées  par  les  Assyriens,  les  Babyloniens  et  les  Perses,  et  tenues 
jusqu'ici  pour  identiques).  —  Schrader.  Les  noms  de  la  mer  dans  les 
inscriptions  assyriennes. 

XLV.  —  Mserkische  Forschongen,  pub.  p.  la  Société  pour  l'his- 
toire de  la  Marche  de  Brandebourg,  vol.  14  (Berlin,  Gropius),  1878.  — 
Ggetze.  Fragmenta  marchica  (1®  études  sur  la  famille  de  Bismarck;  elle 
appartenait  déjà  à  la  classe  des  chevaliers  en  1345.  2'  Notes  sur  l'his- 


■ 

248  RECUBnS  P1ÎRI0DIQUE8. 

toire  de  la  ville  de  Stendal,  d'après  les  documents  inédits).  —  Kmothe. 
Documents  relatifs  à  la  Marche  (important  pour  l'histoire  des  Asca- 
niens  en  Brandebourg,  et  surtout  pour  Tépoque  4285-1483).  —  Von 
Lebedur.  Contribution  aux  régestes  de  rélecteur  Jean-Georges  de  Bran- 
debourg (d'après  des  chartes  inédites  des  années  1549-1596).  —  6oET2aB. 
Documents  relatifs  à  la  Marche  (publie  38  chartes  de  1151  à  1578).  •*- 
BuDGziES.  Sur  la  dot  promise  par  le  roi  Christophe  de  Danemark  au 
margrave  Louis  T Ancien  de  Brandebourg,  époux  de  sa  fille  Margue- 
rite. (Par  un  acte  du  6  oct.  1333,  TEsthonie  est  cédée  comme  dot  de 
Marguerite  à  Louis  qui,  de  son  côté,  promet  d'aider  son  beau-frère 
Otton  à  reconquérir  le  trône  de  Danemark.  Lorsqu'en  1343  les  Ëstho- 
niens  opprimés  se  révoltent.  Tordre  teutonique  comprime  l'insurrec- 
tion, et  acquiert  du  roi  de  Danemark  Waldemar,  pour  une  somme  de 
19,000  marcs  d'argent,  la  possession  de  TËsthonie.  Louis  de  Brande- 
bourg renonce  alors  à  ses  droits  moyennant  6,000  marcs).  —  Gqbtze. 
Les  étudiants  de  la  Marche  à  TUniversité  de  Wittenberg  (1502-1560). 

XL VI.  —  Jahrbftcher  n.  Jahresberlcht  d.  Vereins  f.  Mecklen- 
burg.  GescMchtea.  Alterthumskonde  (Schwerin),  43*  année,  1878. 
—  LiscH.  L'ancien  registre  municipal  deNeukaten,  1399-1448. —  Rap- 
ports des  Jésuites  de  l'Allemagne  du  Nord  en  1762  (relatifs  aux  col- 
lèges des  Missions  de  Gliickstadt  et  de  Schwerin).  —  Sass.  Généalogie 
des  comtes  de  Dannenberg.  —  Crull.  La  chronique  de  Heinrich  de 
Balsee,  greffier  de  Wismar  (l'original  est  aujourd'hui  perdu  ;  mais  il 
était  encore  utilisé  en  1726  par  l'historien  mecklembourgeois  Schrœ- 
der,  en  partie  dans  son  Papistisches  Mecklenburg^  en  partie  dans  son  AuS" 
filrhliche  Beschreibung ,  Heinrich  de  Balsee  vivait  vers  1370  ;  sa  chro- 
nique embrasse  les  années  1323-1385).  —  Lisch.  Chronique  latine  de 
Rostock,  1484-1487.  —  Rapport  sur  Jes  découvertes  récentes  d'objets 
antiques  ou  préhistoriques  en  Mecklembourg. 

XL  VU.  —  Geschichts-Blœtter  fOr  Stadt  nnd  Land  Magde- 
burg,  pub.  p.  la  Société  pour  l'histoire  et  les  antiquités  du  duché  et 
de  l'archevêché  de  Magdebourg,  13«  année,  1878.  —  Winter.  La  guerre 
de  Trente-Ans  dans  le  pays  au  S.-O.  de  Magdebourg  (d'après  de  nom- 
breux doc.  ecclésiastiques  :  registres  de  baptêmes,  comptas  de  paroisses, 
etc.).  —  Wernicke.  Les  possessions  du  monastère  de  l^hnin  au  pays 
do  Magdebourg  d'après  des  documents  d'archives.  —  Comptes-rendus 
critiques  :  Wendt.  Die  nationalitœt  d.  Bevœikerung  d.  d.  Ostmarken 
von  dem  Beginne  d.  Germanisirung  (estimable,  malgré  des  erreurs  de 
détail).  —  Witttch,  Magdeburg,  Gustav-Adolf  und  Tilly  (très  impor- 
tant). :=  14«  année,  1879.  1"  fasc.  Wboener.  Coutumes  observées  dans 
les  mariages  au  pays  de  Magdebourg.  —  Uertel:  Extraits  tirés  des 
chartes  du  monastère  de  N.  D.  à  Magdebourg  (intéressant  pour  l'his- 
toire de  la  lutte  entre  Prémontré  et  ses  filles  allemandes  au  xm«  s.). — 
Revue  critique  des  plus  récentes  publications  relatives  à  l'histoire  de 
Magdebourg. 


RECUEILS  PERIODIQUES.  247 

XLn.  —  Alemannia,  p.  p.  Birlinger.  T*»  année  ;  fasc.  1  (Bonn), 
1879.  —  Weinkauff.  Sebastien  Frank  de  Donauwerth  (important  pour 
rhistoire  de  Thumanisme  en  Allemagne). 

XLIII.  —  Monatsbericht  d.  k.  Preass.  Akademle  d.  V^issens- 
chalten  (Berlin),  1878.  Juin.  —  Schrader.  Les  noms  qui  désignent  la 
Syrie  dans  les  inscriptions  assyriennes.  —  Curtius.  Plans  des  fouilles 
d'Olympie.  :=  Juillet.  Mommsen.  La  bataille  de  l'Allia.  =  Sept.-oct. 
Droysen.  L'  «  Anti-Saint-Pierre  »  et  son  auteur  (ouvrage,  aujourd'hui 
très  rare,  qui  fut  composé  en  1742,  d'après  les  idées  et  avec  la  collabo- 
ration de  Frédéric  II,  par  Jean-Henri  Formey,  secrétaire  de  l'Académie 
de  Berlin,  pour  réfuter  le  projet  de  la  paix  universelle  imaginé  dès 
4708  par  l'abbé  de  Saint-Pierre,  et  proposé  par  lui  à  Frédéric  en  1740). 
—  DuNCKER.  Négociations  de  Brunn  en  nov.  1805.  =  Nov.  FRiEDLiEN- 
DER.  Sur  une  monnaie  d'Aineia  en  Macédoine  (cette  monnaie  porte  la  plus 
ancienne  représentation  connue  de  la  fuite  d'Énée  quittant  Troie  ;  elle  est 
d'autant  plus  importante  qu'elle  a  été  frappée  au  moins  un  siècle  avant 
Heilanikos,  l'historien  de  Lesbos.  Histoire  politique  et  monétaire  d'Ai- 
neia). =  1879.  Janv.  Nitzsch.  Les  associations  dans  la  Basse-Alle- 
magne aux  xu«  et  xiii*  s.  (recherches  juridico-historifjues  sur  les  asso- 
ciations allemandes  dites  c  Bruderschaften  »,  «  Aemter  »,  o  Gilden  » 
et  «  Innungen  u).  =  Fév.  Schrader.  D'une  tablette  d'argile  de  Babylone 
datée  de  la  11*  année  de  (kmbyse  (C^ambyse  était  déjà  vice-roi  de  Baby- 
lone du  vivant  de  Gyrus).  —  Z.  v.  Linoentual.  Les  Formae  publiées 
par  l'empereur  Anastase  pour  la  Libye  Pentapole.  —  Id.  Un  édit  du 
préfet  du  prétoire  Dioscorus  de  Tan  472  ou  475.  =  Mars.  Schrader. 
Sur  un  cylindre  royal  de  Babylone  conservé  au  musée  royal,  et  sur 
d'autres  cylindres  et  gemmes  (recherches  sur  l'authenticité  du  camée 
noir  de  Nebudcadnezar  du  musée  de  Berlin,  qui,  en  tout  cas,  est  anté- 
rieur à  Tère  chrétienne). — Hirsghfeld.  Rapport  sur  un  voyage  archéolo- 
gique dans  le  S.-O.  de  l'Asie-Mineure,  UI  (avec  1  carte  ;  remarques 
sur  l'emplacement,  l'histoire  et  les  antiquités  des  villes  anciennes  de 
Kremna,  Sagalassos,  Baris,  Seleukeia,  Agrae,  Konane,  Apollonia, 
Kebrene,  Aphrodisias,  Stratonikeia,  Lagina).  —  Friedl^nder.  Remar- 
ques sur  quelques  monnaies  grecques  rapportées  par  Hirschfeld. 

XLIV.  —  Abdhandlmigen  d.  k.  Akademle  d.  VT^issenschaften, 

1877  (Berlin,  1878).  —  Lepsius.  Les  mesures  de  longueur  assyro-baby- 
loniennes  (explique  les  inscriptions  trouvées  en  1854  à  Senkereh  par 
L.  Loftus.  On  peut  distinguer  aujourd'hui  le  système  des  mesures 
employées  par  les  Assyriens,  les  Babyloniens  et  les  Perses,  et  tenues 
jusqu'ici  pour  identiques).  —  Schrader.  Les  noms  de  la  mer  dans  les 
inscriptions  assyriennes. 

XLY.  —  Mserkische  Forschongen,  pub.  p.  la  Société  pour  l'his- 
toire de  la  Marche  de  Brandebourg,  vol.  14  (Berlin,  Gropius),  1878.  — 
Ggetze.  Fragmenta  marchica  (i®  études  sur  la  famille  de  Bismarck;  elle 
appartenait  déjà  à  la  classe  des  chevaliers  en  1345.  2*  Notes  sur  l'his- 


220  RECUEILS  P^RIODÎQDBS. 

L.  —  Archiv.  f.  d.  SaBchsische  Geschichte,  pub.  p.  G.  von  Weber 
(Leipzig).  Vol.  6;  fasc.  1,  1879.  —  Kaemmel.  La  Saxe  électorale  et  la 
Révolution  hongroise,  1604-1606  (rélecteur  Christian  voulait  à  la  fois 
rester  en  bons  termes  avec  Tempereur  et  l'empire,  et  protéger  ses  core- 
ligionnaires évangèliques  contre  Toppression.  Les  efforts  du  comte 
palatin  pour  faire  une  ligue  évangélique  séparée  et. pour  intervenir 
en  Hongrie  échouèrent  devant  l'opposition  de  la  Saxe).  —  ô  Byrn. 
Christian,  duc  de  Saxe-Weissenfels  (mort  en  1689  en  défendant 
Mayence  assiégée  par  les  Français  ;  détails  intéressants  sur  le  rôle 
de  la  Saxe  électorale  dans  les  guerres  de  la  fin  du  xvii*  s.,  et  sur  la 
vie  à  la  cour  de  Dresde  à  la  même  époque). 

LI.  —  Neaes  Lausltzisches  Magazin  (Gœrlitz),  1878,  vol.  54, 
fasc.  2.  —  KoRSCHELT.  Les  souffrances  de  la  Haute-Lusace  pendant  la 
guerre  de  Sept-Ans  (d'après  les  journaux  du  comte  de  Reuss  XXXI, 
du  baron  de  Ranzau,  de  Jean  Nitschmann,  et  d'après  les  actes  des 
archives  de  la  guerre  à  Vienne).  —  ScHCENWiELDER.  Les  limites  du  dis- 
trict de  Zagost  (on  désignait  sous  ce  nom  la  partie  de  l'ancienne  Bohème 
située  à  l'O.  des  monts  de  Lusace  ;  remarques  sur  la  germanisation  de 
la  population  slave  de  Lusace  et  do  Bohême).  =  Vol.  55,  fasc.  1. 
Grosse.  Développement  des  institutions  et  du  droit  public  de  la 
Basse-Lusace  (mémoire  couronné;  il  traite  en  grand  détail  de  la 
période  1635-1868). 

LU.  —  Mitthelliingen  d.  k.  Sœchslschen  Alterthuinsvereins 

(Dresde),  fasc.  29,  1879.  —  Von  Eve.  Le  musée  de  la  Société  des  anti- 
quités de  la  Saxe  (très  important  pour  l'histoire  de  Part  ;  énumère  les 
documents  les  plus  importants  (jue  possède  la  Société).  —  Revue  cri- 
tique des  plus  récentes  publications  relatives  à  l'histoire  de  Saxe. 

LIIL  —  Mittheilungen  v.  d.  Freiberger  Alterthiimsvereins. 

Fasc.  15,  1878.  —  C*«  von  Holtzendorff.  La  bataille  de  Freiberg  du 
29  oct.  1762  (d'après  les  notes  prises  par.Klotzsch,  greffier  de  Freiberg, 
sur  les  événements  militaires  des  années  1759-1762;  publie  intégrale- 
ment CCS  notes  dont  l'original  est  conservé  dans  la  bibliothèque  de  la 
Société).  —  Gautsch.  Les  anciens  châteaux  et  demeures  seigneuriales 
autour  de  Freiberg  (recherches  sur  l'emplacement  du  monastère  d'Al- 
ten-Zelle,  et  sur  la  suppression  des  biens  ecclésiastiques  à  l'époque  de 
la  Réforme).  —  GuRLrrr.  Anciennes  fortifications  de  Freiberg. 

LIV.  —  Schriften  d.  Vereins  f.  d.  Geschichte  Leipzigs.  II, 

1878.  —  KiRCHHOFP.  Johann  Herrgott  de  Nuremberg  (libraire  qui,  à  par- 
tir de  1524,  s'employa  très  activement  à  répandre  les  doctrines  de  Tho- 
mas Mûnzer,  et  imprima  de  nombreux  écrits  socialistes.  Après  l'appa- 
rition d'un  nouveau  livre  communiste  à  la  librairie  de  Herrgott, 
celui-ci  fut  arrêté  par  l'ordre  du  duc  Georges  de  Saxe  et  mis  à  mort 
en  1527.  Détails  intéressants  sur  la  censure  des  livres  au  commence- 
ment du  XVI*  s.).  —  WusTMANN.  Le  journal  d'une  famille  bourgeoise 
de  Leipzig  au  xvi«  et  au  xvii*  s. 


LY.  —  AniMilw  d.  hiator.  Vereias  fttr  dctt  WU»d#rrkela>  hW. 

32.  1878.  —  NAGELScmnBT.  Sur  rhiscoire  du  mou^stère  do  Uovou  ^inté- 
ressant pour  l'histoire  des  restes  de  Tep^^ue  n^maiue  sur  lo  Hhiu,  «l 
pour  rhistoire  privée  des  ducs  de  Juliers  ;  publie  eu  appendice  G  chartes 
origiDales).  —  Schwgebbel.  Antiquités  juridiques  de  IKnitz  (publie  den 
notes  du  bourgmestre  de  Deutz,  Peter  Joohiu),  eu  U»^:^;  ce»  note*  ont 
été  prises  par  l'auteur  pendant  trois  magistratures  successives,  et  \\o\xv 
guider  ses  successeurs  dans  l'exercice  de  leur  charge).  —  Uknnks.  Le 
monastère  de  Marieuforst  à  Godesl»erg.  —  Liste  des  iHturguuwtrt^M 
d'Aix-la-Ghapeile  de  1056  à  1789.  —  Giccke.  Trois  chartt^s  êniuuaut 
des  archives  de  Saint-Séverin  à  Cologne,  de  12t*»9,  i\'M  et  1137.  — 
LoERSGH.  Un  recueil  perdu  des  privilèges  d'Aix-la-Chapollo  (luuteur 
avait  en  1871  publié  des  fragments  de  droit  municipal  ;  un  document 
de  1580,  qu*on  vient  de  découvrir,  en  mentionne  un  arlicle,  avec  cetto 
remarque  qu'il  est  emprunté  au  a  Kemponbuch  i.  Ces  frugnionts  sont 
donc  des  extraits  de  cet  important  manuel  du  dntit  municipal  d'Aix- 
la-Ghapelle).  —  Merlo.  Le  couvent  de  femmes  do  SchillingK-Ca|Htl[(Hn. 

LYI.  —  Zeitschrift  d.  Hars-Vereins  f.  Oesch.  a.  Alterthuma- 
kande,  il*  année,  1878  (Wernigerode).  — Jacohs  et  Mùulhacihku.  Loh 
diplômes  du  roi  Louis  III  de  Franconie  orientai»  pour  lo  monusUSrn  d» 
Drûbeck  en  877  (tiennent  pour  authentiques  ces  documentH  dont  la 
sincérité  a  été  souvent  mise  en  doute).  —  Lanuërfklot.  Ilolting  sur  lu 
Timmerlah  (notes  sur  les  anciennes  associations  allemandes  do  la  Mark, 
et  sur  les  juridictions  forestières,  1459-1681).  —  Grcksslek.  Los  déHert» 
du  Friesenfeld  et  du  Hassegau  (énumère,  d'après  dos  documents  d'ar- 
chives, de  nombreuses  localités  de  la  province  prussi(*nne  di;  Haxt*,  qui 
sont  maintenant  disparues).  —  Bode.  Notes  sur  les  archives  des  petiu*ii 
villes  du  Harz.  —  Kindsgher.  Lettres  de  proscription  du  roi  Wtînwslas 
contre  Halberstadt,  Quedlinburg  et  Ascherslebon,  1389.  —  Hi'Mnwr. 
Chronologie  des  évoques  de  Halberstadt  (publie  6  chartes  de  iWh  à 
1400). 

LVn.  —  Freibnrger  Diœcesan-Archiv  (organe  de  la  HfKiéUt  pour 
rhistoire  du  diocèse  de  Fribourg  eu  Brisgau),  12*  année,  1878.  — 
LiCBTScHLAG.  Chartes  du  monastère  de  I3euron.  —  Hafnkr.  Ojntribii- 
tîons  à  rhistoire  de  lancien  monastère  de  Wald.  —  K'jkmo.  AUuuin^ 
nische  GeschidiU  de  Heinrich  Bullinger  (pubiiéf;  ici  jxjur  la  pn'jjjjfVni 
fois:  elle  a  été  composée  en  1571  à  Zurich,  <'t  compn^nd  rhi^tr^ire  de 
rAlémaoie  des  temps  les  plus  reculés  jusqu'à  Charlc.»s-Qujjjl).  —  Wal- 
TEX6PÛL.  Catalogue  reiigiosorum  monasterii  Hhr^uaugienHis. 

LVm.  —  ZeltMhrift  d.  GeMllMhaft  f.  GeMh.  n.  Alterthonuik. 
▼.  FreUmiVf  ^  Bretagmii  a.  d.   ani^renzenden  LaxMUcluLrteo. 

Vol.  4,  fasc.  3,  1878.  —  Daume^i.  Fribc^urg  w^uk  Jjéopold  i  jum^u  a  la 
prife  de  la  ville  par  les  Français  eu  1677  i décrit  le»-  qu*.'nflleb  luvahûnt-t 
entre  les  bourgeois  de  la  viJle  et  a  Jexurieur  Wh  Iuiu^k  qu'ili-  «-um'LîI  a 
soutenir  coxLlre  la  noblesse  appuyée  par  T Autriche.  I^ur»-  cll'^flh  pour 


222  RECUEILS  P1SRI0DIQUE8. 

maintenir  intacte  leur  juridiction  indépendante).  —  Hartfelder. 
Annales  de  Fribourg,  1449-1724  (d'après  une  chronique  ms.  d*un  mo- 
nastère de  la  ville). 

IIX.  -<  Monats-Schrift  f.  d.  Oeschichte  'West-Dentschlands, 
pub.  p.  PicK.  3»  année,  1879.  Fasc.  1  et  2.  —  Schneider.  Les  routes 
iliilitaires  des  Romains  entre  la  Lahn  et  la  Ruhr,  avec  carte.  —  Christ. 
Noms  de  peuples  allemands  Ge  nom  Teutones  ne  désignait  pas  à  l'ori- 
gine an  seul  peuple  germanique;  il  signifiait  seulement  c  membres  du 
peuple  ».  Les  Treveri  étaient  un  peuple  de  race  germanique,  et  habi- 
taient la  vallée  de  la  Trave).  —  Sghmitz.  Une  lettre  relative  à  l'his- 
toire de  la  duchesse  Jacobe  de  Juliers,  du  20  juillet  1591  (détails  curieux 
sur  les  partis  clérico-politiques  à  la  cour  de  Dûsseldorf).  —  Philippi. 
Les  signes  incendiaires  des  Anabaptistes  (parmi  les  actes  des  archives 
de  l'état  à  Munster,  relatifs  au  mouvement  anabaptiste,  se  trouvent  de 
nombreuses  enquêtes  contre  les  incendiaires  qui  annonçaient  à  l'avance 
leurs  projets  par  certaines  marques  peintes  ou  gravées  sur  les  portes 
des  maisons  ou  sur  les  arbres).  —  Strigker.  L'attentat  de  Francfort 
du  3  avril  1833  (d'après  le  témoignage  de  gens  qui  y  prirent  part). 

LX.  —  Zeitschrlft  f.  d.  Geschlchte  d.  Oberrheins  (Carlsruhe). 
Vol.  31,  fasc.  3,  1879.  —  Von  Weech.  Les  archives  du  monastère  de 
Herrenalb  ;  fin.  1313-1648.  —  Id.  Mélanges  sur  l'histoire  de  la  civilisa- 
tion. —  Roth  von  Schregkenstein.  Extraits  de  la  collection  des  chartes 
anciennes  (complète  les  Regesta  hadensia  en  publiant  intégralement 
9  chartes  des  archives  de  Carlsruhe,  de  1136  à  1179).  —  Ruppert. 
Contributions  à  l'histoire  du  monastère  de  Gengenbach  (querelle  entre 
l'abbé  et  les  moines  en  1506,  qui  se  termina  par  l'emprisonnement  de 
l'abbé).  —  Gmelin.  Le  combat  de  Wimpfen  en  1622  (recherches  biblio- 
graphiques sur  des  brochures  peu  connues  de  cette  époque  ;  publie  des 
détails  inédits  sur  cette  bataille). 

LXI.  —  Mittheilongen  d.  Vereins  f.  Oeschichte  d.  StadtNûm- 
berg  (Nuremberg),  1«'  fasc.  1879.  —  Mummenhofp.  Nuremberg  en  lutte 
avec  la  Vehme  (histoire  du  tribunal  de  la  Vehme  depuis  ses  origines 
jusqu'à  sa  disparition.  Un  bourgeois  de  Nuremberg,  Heinz  Imhof,  fut 
poursuivi  en  1440  par  un  bourgeois  de  Cologne,  W.  von  Krebs,  par- 
devant  le  tribunal  vehmique  pour  affaires  d'intérêt.  La  bourgeoisie  de 
Nuremberg  contesta  la  compétence  du  tribunal  ;  et  contre  ces  empiéte- 
ments, elle  en  appela  maintes  fois  à  l'empereur  Frédéric  III  ;  les  juges 
vehmiques  furent  condamnés  par  la  cour  aulique  dont  ils  avaient  sans 
doute  accepté  d'avance  la  décision).  —  Frhr.  G.  vouKress.  Huit  lettres 
de  Wilibald  Pirkheimer  1499-1503  (intéressant  pour  les  relations  poli- 
tiques des  divers  états  italiens  entre  eux,  la  situation  des  partis  à 
Nuremberg  et  leurs  guerres  avec  les  margraves  de  Brandebourg).  — 
Mummenhofp.  Revue  des  ouvrages  relatifs  à  l'histoire  de  Nuremberg. 

LXn.  —  Nene  ICittheiluiigen  d.  arohsBOl.  Vereins  (Rottweil  en 


LXm.  —  ArcUr.  d.  kistm 
A.,i,M  1  ,^  W:L^3il:^:^x  .  V:L  i5,  iwo.  f .  f  S?>.  —  Rxiscipssb.  Le 
chd&eo;!  î=:^»rr'-L  i*  SLib«:^rr  zr>î  :>  X-ris'-idi-f^r-LircSaaie  finae»- 
nîw7"i»  'KCLj^r:^::  az_*  ::■-"-?  zar  Cburl-r*  Mat:*!;  «e  rai  l^ppî::  a'y  fui 
pef  ec  >!i*-  feuJ^  «^r  '_■*  «r]«::^  f-?:?  fizpemus  «ar.Liz^::*  «  saxons 
dans  ce  «hÂi=a^.  Ez.  ."iz.  =^1,  i-guiyftgi-r  «>^.;ci  Kl  ^q  £î  preseas  à 
FeTtSçie  i-»  Winiii-rz  ^  je  A:-cza  ?c  i«îf  a  La  âr-.iï.e  des  e  Voite  » 
de  Sàlû-.wTz  :  iiiSo^Te  tiê  cec:^  fa=^>  ce  11^}  à  KTnJ;.  — Zixmeuulxs. 
La  jœdi.-iiûc.  do  poc:  d*  W:inbo:irs. 

LXIV.  -.  ZeitMkfift  d.  kistor.  Tcrctes  f.  SekwmlWB  «.  He«- 

kovy.  >  ar-.'ge,  Iv  ?.  îk*«:-  3.  —  Schitt.  Gi-aibucoiLS  à  L  riisuvire  du 
occT-si:  ira  car=.'*iivs  *c  de  I  ^li«^  de  Saizce-Anze  à  AafiçbourK. 

—  Mmx.  Cozîrli-ù.z*  à  rsif:*;.!.-?  d-  dr:-::  e:  des  i!i5Û:uùvQ.<  muni- 
dpaLês  d  A::a5ic-rz  —  Bintjjï.  X€cr»:l';«ia  C>:i?:iuraza  d'après 
4  nus.  de  L'az-iiruir-  ahiavr  hi?-to::ine  d"0::c:ibeure:i,  ni*,  da  in*  et 
de  ir:*  s.  . 

LX  V.  —  Jabresbericht  d.  GewUscbmft  f.  nfltxileke  FonekvB- 

gen  TrêTesr.  Iv^.  —  L»zi?Œi.  Ca"-al;ç"-e  des  in:r.naies  romaines  frap- 
pées à  Tr»Tes,  q-i  f-:z:  i -;  ;-::rd'h:ii  partie  de  la  ccliecîion  de  la  société. 

—  Rappi^ru  *:;r  de  n-izibrecâes  decc^venes  d'objets  antiques  :  mon- 
naies, armes,  etc.  —  Sctitaiih.  Description  de  la  ^/rta  niçra  de 
Trêves. 


LXVI.  —  Annaleii  d.  Vereliis  f.  VmMaaadach»  Alterthi 
kwMle  m.  GeschichtsformchBBg  .Wiesbaden..  tûI.  14,  ^  faso.  — 
Miiz.  Ar^îhêzies  e:  ixprecaûviLS  szr  les  monuments  chrétiens  pri- 
miu:«  •  r^uii:  :ouîe«  les  inscriptions  qui  se  rappc-rtent  à  ce  sujet  ;  elles 
?>ip.;  rue^:  par  la  croyance  des  chrétiens  primitifs  que  la  résurrection 
d^  corps  au  ;  arment  dernier  était  rendue  impossible  par  la  destruc- 
tion  des  restes  morteLs.  I>e  là  les  malédictions  cc-cire  ceux  qui  profa- 
naient les  sépultures .  —  Dieffcxbach.  Recueil  des  inscriptions 
roziairi-ES  injuvees  jusqu'ici  â  Friedberg.  —  Bcckeb.  Les  archives  de 
Liz:'>:urz-sur-Lahn  contiennent  entre  autres  3!  diplOmes  impériaux 
ce  fc4{  a  16o3.  e:  de  nombreuses  chartes  émanées  des  comtes  de  Lim- 
Sv-re  et  des  ar»:hevê«îues  de  Trêves.  —  G)}ntADY.  Les  inscriptions 
Mniaines  de  Milienberg-sur-îe-Mein  recherches  minutieuses  sur  les 
châteaux  et  vestiçes  d'oocufiation  romaine  dans  i'Odenwald.  et  sur  les 
dn-iiions  d^  tr^jupes  romaines  qui  étaient  campées  dans  cette  contrée). 
—  V.n  G.HJIUSE3C.  Le  mur  des  Païens  à  W'ieshaden  linteressant  pour 
Ihiiroi.-e  de  la  domination  romaine  dans  le  Taunusi.  —  Id.  Tombeaux 
rozialn^  à  Mayence  ;  tombes  à  Nauheim  dans  la  WetteraTie. 

LWIL  —  Hettlmrcer  GoUectaaeenblaU.  \i*  année,   iSTS.  ~ 
Cbrjni^ue  rimee  du  Palatinat  de  Georg  Schwartxerdt,  1536-1561,  pub. 


224  RECUEILS  PERIODIQUES. 

p.  Jos.  WûRDiNOER  (l'auteur  était  frère  de  Mélanchthon,  né  en  1500  ;  à 
partir  de  1548,  il  fut  employé  dans  Tadmiiiistration  des  finances  du 
Palatinat.  La  chronique  ne  s'occupe  pas  seulement  du  Palatinat,  mais 
aussi  des  grands  événements  européens  qui  sont  arrivés  à  la  connais- 
sance de  l'auteur).  —  Rapport  authentique  sur  le  bombardement  et 
la  prise  de  Neubourg  sur  le  Danube  par  les  Bavarois  en  1703,  pub.  p. 
Corn.  WiLL  (d'après  les  notes  d'un  franciscain  de  Neubourg,  le 
P.  Nicolas).  —  Gleichauf.  Le  7«  régiment  d'infanterie  bavaroise  (pen- 
dant les  années  1785-1826  ;  détails  intéressants  sur  la  campagne  de 
Napoléon  !•'  en  Russie). 

LXVIII.  —  Jahresberlcht  d.  histor.  Vereines  von  Oberbayern 

(Munich),  années  39  et  40,  1878-79.  —  Nécrologie  détaillée  :  Jos. 
Stumpf,  archiviste  du  Landtag  bavarois,  1807-1877;  auteur  estimé  d'un 
ouvrage  intitulé  Denkwûrdige  Bayern,  —  Matthias  Koch.  1798-1877, 
secrétaire  du  cabinet  du  grand-duc  Maximilien  d'Autriche-Este  ;  son 
meilleur  ouvrage  est  une  Geschichte  d.  D.  Reiches  unter  Kaiser  Ferdi" 
nand  III,  dont  le  3«  vol.,  ms.,  est  en  possession  de  la  Société  d'histoire 
de  la  Haute-Bavière. 

LXIX.  —  Sitzungsberichte  d.  k.  bayer.  Akademie  d.  "Wis- 
senschaften  (Munich),  1878,  t.  II,  fasc.  2.  —  Bursian.  Les  résultats 
scientifiques  des  fouilles  exécutées  à  Dodone.  —  Rottmanner.  L'ins- 
truction de  l'électeur  Maximilien  I  pour  le  précepteur  de  Ferdinand- 
Marie  en  1646  (publie  le  texte  italien  de  cette  instruction  d'après  un 
ms.  de  la  Bibliothèque  d'État  de  Munich).  —  Unoer.  L'Eridanos  dans 
le  territoire  de  Venise  (les  anciens  ont  presque  exclusivement  désigné 
sous  ce  nom  un  fleuve  de  la  Haute-Italie  qui  avait  son  embouchure 
dans  le  delta  du  Pô,  et  qui  s'appelait  autrefois  Eretenos  ou  Reteno.  On 
en  a  fait  le  fleuve  de  l'ambre,  parce  que  ce  minéral  se  trouvait  à  l'état 
sporadique  sur  la  côte  vénitienne  ;  mais  le  vrai  pays  de  l'ambre  pour 
les  anciens,  c'était  la  côte  de  la  mer  du  Nord).  «=  Fasc.  3.  Lauth.  La 
Tetraéteris  égyptienne  (cherche  à  prouver  que  les  Égyptiens  ont  connu 
la  période  chronologique  de  4  années.  A  Anu-Heliopolis,  l'ancienne 
capitale  de  l'Egypte  avant  Thèbes  et  Memphis,  se  trouvait  depuis  une 
antiquité  très  reculée  une  tour  astronomique  dont  l'existence,  prouvée 
par  l'auteur,  montre  que  les  anciens  Égyptiens  connaissaient  la  tetraé- 
teris). —  Friedrich.  Les  comptes-rendus  des  évoques  d'Augsbourg  à 
propos  de  la  t  Visitatio  liminum  apostolorum  ».  (A  partir  de  Sixte  V 
(1585),  les  évêques  d'Augsbourg  prirent  l'habitude  de  faire  à  des 
époques  déterminées  un  rapport  écrit  sur  l'état  de  leurs  diocèses.  Celles 
que  publie  ici  Fr.  d'après  un  ms.  de  Munich  se  rapportent  aux  années 
1639-1690.  La  première  atteste  les  misères  de  la  guerre  de  Trente-Ans; 
les  trois  suivantes  sont  remplies  de  plaintes  sur  les  conséquences 
désastreuses  pour  l'église  catholique  de  la  paix  de  Westphalie.  Les 
deux  dernières  témoignent  d'un  nouvel  essor  du  catholicisme  dans  le 
diocèse  d'Augsbourg,  et  racontent  la  lutte  des  évêques  avec  les  abbés  de 


UOTEILS  P^AIODIQUES.  225 

Tabbaye  bénédictine  placée  sous  leur  juridiction).  =  1879,  l*'  fasc. 
BiAnan.  Les  f  Ârmenn  »  de  Tancien  droit  norwégien  (étude  juridique 
très  minutieuse  sur  les  ofBciers  des  rois,  des  évéques  et  des  villes  dans 
la  primitive  Norvège;  insiste  surtout  sur  l'ancien  droit  criminel  de 
la  Norvège.  Dans  les  premiers  tempsz,  la  fonction  capitale  de  TArmenn 
était  d'administrer  les  cours  du  roi;  plus  tard,  cette  fonction  perdit  de 
son  importance,  et  FArmenn  ne  fut  plus  qu'un  simple  juge). 


LXX.  —  ArchiT.  f.  cBsterreichische  Geschichte.  Vol.  57; 
2*  part.,  1879.  —  J.  von  Zah^i.  Études  sur  le  Frioul  ^description  topo- 
graphique du  pays  ;  son  histoire  ancienne.  Origine  du  patriarchat 
d'Âquilée,  comme  principauté  d'empire  indépendante;  acquisitions 
territoriales  des  patriarches  dans  les  pays  autrichipun,  et  ac/juisitions 
des  princes  et  seigneurs  allemands  en  Frioul  ;  relations  commerciales 
du  Frioul  avec  les  pays  voisins  ;  plus  l'importance  du  pays  était  grande 
pour  le  transit  entre  l'Autriche,  la  mer  et  l'Italie,  moins  les  patriarches 
furent  capables  d'assurer  la  police  des  routes  et  de  garantir  la  sécuriU'i 
du  commerce.  Venzone,  ville  qui  se  trouvait  sur  la  plus  importante? 
route  commerciale  du  Frioul,  fut,  à  partir  de  1250,  l'objet  de  contesta- 
tions sans  fin  entre  le  patriarche,  \(*  comte  de  Gœrz  et  les  Autrichiens; 
ces  derniers  s'emparèrent  de  la  ville  en  1351,  et  euront  ainsi  la  clé  du 
Frioul).  —  Grossman.n.  Raimond  Montecur:coli  (expose  en  détail  les 
campagnes  de  1672  et  1673;  et  ses  efforts  pour  décid^T  son  gouverne- 
ment à  agir  énergiquement  ci^intre  la  P*rance  ;  publie  fh*H  pi^cl•M  imfior- 
tantes  de  la  main  de  Montecuccoli,  tiréi's  d(*s  archivi^s  dit  la  guern^  i\ 
Vienne).  —  Loserth.  Fragments  d'un  livre  de  foririules  d»  Wimiwh- 
las  II  roi  de  Bohème  (publie  14  charti*8  et  lettres  inti*n*HHant4*H  pour 
l'hist.  de  l'avènement  au  trône  de  Wenc<58las  et  do.  son  couronnement). 

LXXI.  —  Sitzangabericlite  d.  k.  bœhmischen  OeselIsoliAft  d. 
'Wissenschaften  (Prague),  1878.  —  Re^ek.  La  vit*  et  lf*H  (imvreH  de 
J.-Fr.  Beckovsky  (vivait  de  1658  à  1725  ;  connu  surtout  par  sa  chro- 
nique intitulée  Poselkyne^  dont  la  !■«  partie  est  un  remaniement  de  la 
chronique  tchèque  de  Wenzel  Hàjek;  la  deuxième  partie,  qui  va  jus- 
qu'en 1657,  est  importante  parce  que  l'auteur  y  a  utilisé  de  nombreuM's 
sources  historiques,  mémoires,  lettres,  chartes,  perdus  aujourd'hui 
pour  la  plupart.  M.  R.  promet  une  biographie  détaillée  de  l'auteur  dans 
un  ouvrage  spécial  sur  les  anciens  historiens  tchèques).  — Gelakovsky. 
Origine  de  la  juridiction  patrimoniale  sur  les  biens  du  clergé  (remonte 
au  temps  d'Otti^kur  1,  VVll  :  elle  fut  tout  à  fait  en  vigueur  sous  Wen- 
ceslas  I,  son  suiTt»HHo\ir).  —  Kmler.  Nécrologe  du  couvent  de  Sainte- 
Anne  à  Praguo  (tlu  \W  h.,  avtn:  des  additions  postérieures).  —  Goll. 
Pamphlet  de  Voit  ViUi  Krapa  contre  les  frères  bohémiens  (xv«  s.).— In. 
Qn*>lques  ilocunients  sur  les  tnnibles  do  Prague  1483-1484.  —  Tomek. 
Actes  d'un  syninlo  utraquisto  de  1426,  inconnu  jusqu'ici.  —  Goll. 
Extrait  d'un  tnirit  de  maître  Pribram.  —  Emler.  Nécrologe  d'Ostrow 
♦important  pour  la  ohri>noli>gie  des  xi»,  xn«  et  xni»  s.) 


ReV.   HiSTOR.    XI.    l*»  FA8C.  ih 


226  RBCUBILS   PÏaiOOIQUBS. 

LXXn.  —  Gompte-renda  de  la  commission  impériale  archéo- 
logique pour  Tannée  1875  (Saint-Pétersbourg,  1878).  —  Rapport 
sur  les  objets  d'archéologie  et  de  numismatique  découverts  dans  diffé- 
rentes parties  de  l'empire.  —  Stephani.  Explication  de  quelques  objets 
d'art  découverts  en  1874  dans  la  Russie  méridionale  (intéressant  pour 
l'histoire  des  colonies  grecques  du  Pont  à  Tépoque  de  la  domination  des 
Diadochi). 


LXXIII.  —  Archivio  storico  itaUano.  1879,  3»  liv.  —  Passerini.  Le 
premier  procès  pour  la  réforme  luthérienne  à  Florence  en  1531  (juge- 
ment et  condamnation  au  feu  de  c  leronimus  de  Bonagratia,  phisicus  »). 
—  Bozzo.  Documents  relatifs  aux  règnes  de  Ferdinand  IV,  roi  bourbon 
de  Napies  (lettres  de  Mognino,  ministre  de  Charles  III  d'Espagne,  de 
Ferdinand  IV  et  de  Marie  Caroline  d'Autriche  au  marquis  délia  Sam- 
buca,  ministre  et  secrétaire  d'état  de  Ferdinand  IV,  1778-1785).  — 
Vassallo.  Asti  sous  la  domination  étrangère,  1379-1531,  suite  :  le 
diocèse  d'Asti.  —  Carutti.  D'un  point  d'histoire  secrète  (discute  la 
question  de  savoir  si  la  régente  de  Savoie,  Marie  Christine,  fit  proposer  à 
Richelieu  de  lui  livrer  le  P.  Monod,  en  1641,  pour  acheter  la  liberté 
du  comte  Phihppe  d'Agliè,  et  penche  vers  l'affirmative).  —  Ambrosi. 
Histoire  de  Trente  au  moyen  âge.  —  (Homptes-rendus  :  Ciampi,  Inno- 
cenzo  X  Pamtili  e  la  sua  corte  ;  storia  di  Roma  dal  1644  à  1655  (utile, 
mais  incomplet  et  mal  composé).  —  Buser,  Die  Beziehungen  d.  Medi- 
ceer  zu  Frankreich  (important).  —  Norton.  List  of  the  principal 
books  relating  to  the  life  and  works  of  Michelangiolo  (bonne  publica- 
tion, qui  forme  le  3*  fasc.  des  Bibliographical  œntributions^  publiées 
par  A^insor,  libraire  à  Cambridge  de  Massachussets). 

LXXrV.  —  Archivio  storico  lombarde.  30  juin  1879.  —  C.  Cantù. 
Le  couvent  et  l'église  dominicaine  délie  Grazie,  et  le  saint  office.  — 
Lettres  de  Galeazzo-Maria  Sforza,  duc  de  Milan;  suite  et  fin.  —  Intra. 
La  Reggia  de  Mantoue  (résume  l'histoire  de  cet  ensemble  de  construc- 
tions sans  cesse  agrandies  qui  formèrent  le  palais  des  Gonzague).  — 
Mémoire  inédit  du  comte  Pietro  Verri  sur  l'économie  politique.  — 
PoRRO.  Traité  entre  le  duc  Filippo-Maria  Visconti  et  Alphonse  de 
Napies  (Alphonse  le  Magnanime  promet  6  galères  catalanes  au  duc 
Visconti  pour  l'aider  à  prendre  Gènes;  Visconti  en  retour  lui  assure  le 
château  de  Bonifacio  et  la  Corse,  10  sept.  1421).  —  Chronique  du 
marquis  de  Mantoue  ;  suite.  —  Curiosités  d'archives  (3  pièces  relatives 
aux  brodeurs  de  Milan  et  à  la  cour  de  Visconti,  en  1473).  —  Ghiron. 
Bibliografia  lombarda;  catalogue  des  mss.  relatifs  à  l'histoire  lombarde, 
qui  sont  conservés  dans  la  bibliothèque  nationale  de  Brera;  suite.  — 
Benvenuti.  Banquet  donné  à  Crème  en  1526,  par  Malatcsta  Baglione, 
capitaine  général  de  l'infanterie  vénitienne.  —  Galli.  Deux  inscriptions 
inédites  du  château  de  Milan.  —  Observations  critiques  sur  la  guerre 
italienne  de  1174-1175.  —  Comptes-rendus  :  Claretta.  Sui.  principali 
storici  piemontesi  (utile).  —  Ronchini.  Giovanni  III  di  Portogallo,  il 


RBCUBILS   PERIODIQUES.  227 

card.  Silva  e  llnquisizione  (bonne  page  d'histoire  ecclésiastique).  — 
Revue  archéologique  de  la  province  de  dôme. 

LXXV.  —  Archivio  veneto.  T.  XVII,  2«  part.  —  Portioli.  La 
fuite  de  Felice  Orsini  du  château  de  Mantoue,  en  1856.  —  Giuliari. 
Histoire  monumentale,  littéraire  et  paléographique  de  la  bibliothèque 
capitulaire  de  Vérone;  suite.  —  Giomo.  Transcriptions  des  rubriques 
des  livres  dits  misti  du  sénat,  aujourd'hui  perdus.  —  Tassini.  Inscrip- 
tions de  l'église  et  du  monastère  du  Saint-Sépulcre  à  Venise.  —  Joppi. 
Chronique  vénitienne  de  1402  à  1415  (ce  sont  les  notes  journalières 
prises  par  un  Vénitien,  dont  le  nom  reste  d'ailleurs  inconnu,  et  qui 
enregistrait  avec  sincérité  tout  ce  qui  parvenait  à  sa  connaissance  ;  le  texte 
est  en  langue  vulgaire).  —  Gipolla.  Un  habitant  de  Vérone  à  la  solde 
de  Venise  au  xiv*  s.  —  Giomo.  Les  froids  de  1513  et  la  haute  marée  de 
1686.  —  BuLLo.  La  ville  de  Vigilia.  —  Yule.  Marco  Polo  et  sa  famille. 

—  FuLiN.  A  propos  d'une  publication  du  Giornale  ligustico  (réfute  cer- 
taines assertions  dont  cette  revue  a  fait  accompagner  la  traduction  de 
l'art,  du  comte  Riant  sur  le  changement  de  direction  de  la  4*  croisade). 

—  Bailo.  De  quelques  sources  pour  l'histoire  de  Trévise.  —  Comptes- 
rendus.  Repertorio  diplomatico  cremonese,  vol.  I  (publication  très 
défectueuse).  —  P.  Garzotti,  Appunti  storici  sopra  Isola  délia  Scala 
(bon).  —  A  part,  la  suite  de  l'expédition  de  Charles  VIII  en  Italie,  par 
Marin  Sanudo. 

LXXVI.  —  La  Rassei^A  •ettimanale.  13  av.  —  Correspondance 
relative  à  l'art,  de  M.  AdemoUo  sur  Louis  XII  et  Tommasine  Spinola, 
maîtresse  du  roi  en  1502.  =  20  av.  Masi.  Histoire  de  dix  ans  (à  propos 
de  la  Storia  d'italia  dopo  1789,  par  A.  Franchetti).  —  Cirid,  Statuti 
Volterrani  1463-1466,  pub.  d'après  les  originaux  conservés  dans  les 
archives  de  Volterra.  =  1 1  mai.  Riœtti.  Osservazioni  critiche  sopra  la 
guerra  ilaliana  dell*  anno  1174-75  (mémoire  important).  =  25  mai. 
Bertolotti.  L'esclavage  dans  les  États  pontificaux  durant  tout  le 
xvn«  s.  (suite  de  cette  étude  très  curieuse  et  très  neuve). —  De  Castro. 
La  guerre  de  la  succession  d'Espagne  et  la  poésie  populaire  milanaise. 
=  15  juin.  D'Ancona.  La  cour  de  Rome  au  xvii«  s.,  d'après  les  relations 
des  ambassadeurs  vénitiens.  =  22  juin.  Morpurqo.  Le  doge  de  Venise 
et  sa  liste  civile  (fragment  d'un  ouvrage  en  préparation  sur  la  vie  à 
Venise  au  xvm'  s.).  =  13  juillet.  Ademollo.  Les  travaux  publics  sous 
Sixte  V. 

LXXVII.  —  Revista  enropea.  16  av.  —  Garollo.  Théodoric,  roi 
des  Goths  et  des  Italiens;  fin.  —  Coppi.  Les  universités  italiennes  au 
moyen  âge;  fin  le  l*'  juin.  =  1»'  mai.  Falletti-Fossati.  Silvio  Pelhco 
et  la  marquise  de  Bardo  (publie  des  lettres  intéressantes  de  la  marquise 
et  du  poète,  son  secrétaire).  —  Della  Miraqlia.  Rome  et  la  cour 
romaine  au  xvi«  s. 

LXXVIII.  —  R.  Depntasione  di  storia  patria  (Bologne). 
13  avril.  —  Giosuè  Carducci.  Les  trouvères  à  la  cour  de  Montferrat 


228  RBCUBILS   PERIODIQUES. 

(i»'  chapitre  ;  parle  de  Tinfluence  exercée  par  la  France  au  xu«  et  au 
xni«  s.  sur  la  civilisation  et  la  littérature  européennes,  et  surtout  par  la 
poésie  lyrique  de  la  France  méridionale  sur  la  poésie  italienne  nais- 
sante). =27  avril.  G.  Malagola.  Histoire  du  pont  sur  le  Reno,  près  de 
Bologne,  depuis  le  xiii*  s.  jusqu'à  nos  jours.  =  li  mai.  N.  Malvezzi  de' 
Medigi.  La  compagnie  des  Lombards;  suite  (la  compagnie  au  xviii*  s.; 
détails  sur  le  cardinal  Ul.  Gozzadini  et  sur  le  pape  Benoit  XIV,  en 
tant  que  membres  et  intendants  de  la  dite  compagnie). 

LXXIX.  —  R.  Depatasione  di  storia  patria  (Modène).  19  avril 
et  10  mai.  Geretti.  Francesca  Trivulzio,  femme  de  Ludovic  I,  comte 
de  la  Mirandole,  1501-1560. 

LXXX.  —  R.  Depatazione  di  storia  patria  (Venise).  —  Séance 
générale  du  4  mai  tenue  à  Trévise.  —  G.  Berchet,  secrétaire  de  la 
Société,  parle,  dans  son  discours  annuel,  des  ouvrages  en  cours  de 
publication,  et  de  ceux  qui  sont  déjà  prêts  pour  l'impression.  Parmi 
les  premiers,  notons  les  Diarii  de  Marin  Sanudo,  le  Regesto  dei  libri 
commemoriali  di  Venezia,  le  Codice  diploinatico  padovano,  le  Dispacci  da 
Roma  de  Paolo  Paruta,  et  parmi  les  autres ,  les  Cronache  veronesi  et  le 
DiplomaUirio  veneto  orientale,  —  Bailo.  Des  sources  de  l'histoire  de 
Trévise. 

LXXXI.   —  R.  Istitnto  Teneto  di  scienze ,  lettere  ed  arti. 

6  et  20  avril.  —  B.  Morsolin.  L'académie  des  Sociniens  à  Vicence 
(réfute,  preuves  en  mains,  la  tradition  suivant  laquelle  Lelio  Socin 
aurait  fondé  à  Vicence  une  académie;  mais  on  sait  qu'un  certain 
nombre  de  bourgeois  de  Vicence  embrassèrent  à  une  époque  postérieure 
les  doctrines  sociniennes  et  furent  poursuivis  comme  hérétiques).  — 
J.  Bernardi.  Victor  Amédée  II  et  l'organisation  de  l'Assistance  publique 
dans  ses  états  piémontais. 

LXXXU.  —  Naova  antologia.  15  mai.  —  La  Lumia.  Antonio 
Veneziano,  ou  un  homme  du  xvi«  s.  en  Sicile  (A.  Veneziano  naquit  à 
Monreale  en  1543  ;  il  composa  d'abord  des  poésies  latines,  puis  il  écri- 
vit dans  sa  langue  maternelle;  sa  vie  fut  malheureuse  :  il  fut  mis 
plusieurs  fois  en  prison  pour  des  satires  contre  les  gouverneurs  espa- 
gnols de  Sicile.  Il  mourut  au  château  de  Palerme  en  1593  de  l'explosion 
d'une  poudrière).  —  A.  Brunialti.  L'esclavage  et  la  traite  des  nègres  à 
notre  époque  (art.  important,  avec  des  renseignements  historiques  sur 
les  temps  antérieurs).  =  1«'  juin.  Boolietti.  La  diplomatie  secrète  de 
Louis  XV  (à  propos  du  Secret  du  Rot),  =  15  juin.  Papa.  Vittorio  Bar- 
zoni  et  l'époque  de  Napoléon  I*'  en  Italie  (Barzoni  était  un  publiciste, 
né  à  Lonato,  1767-1843;  il  haïssait  la  domination  française.  Son  nom 
est  presque  oublié  aujourd'hui).  —  JESSŒ-WHrrE.  La  lutte  électorale  et 
le  droit  de  vote  en  Angleterre  (contient  d'intéressants  détails  histo- 
riques. 


CHRONIQUE  ET   BIBLIOGRAPHIE.  229 


CHRONIQUE  ET  BIBLIOGRAPHIE. 


France.  —  L'Académie  française  a  décerné  le  l»'  prix  Gobert 
(9,000  fr.)  à  M.  R.  de  Ghantelauze  pour  son  ouvrage  :  le  Cardinal  de 
Retz  et  ses  missions  diplomatiques  à  Rome;  le  second  prix  (1,000  fr.) 
à  M.  Tabbé  Mathieu  pour  son  livre  VAncien  régime  dans  la  province 
de  Lorraine  et  Barrois.  —  Le  prix  Thérouanne  a  été  partagé  par  moitié 
entre  M.  E.  Denis  pour  son  livre  intitulé  Huss  et  la  guerre  des  Hussites, 
et  M.  RocQUAiN,  pour  son  ouvrage  :  VEsprit  révolutionnaire  avant  la 
Révolution,  —  Un  prix  Montyon  de  2,000  fr.  a  été  décerné  à  M.  G. 
Michel  pour  son  Histoire  de  Vauban. 

—  L'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  a,  dans  sa  séance  du 
13  juin  dernier,  décerné  le  {•'  prix  Gobert  à  M.  Paul  Meyer  pour  son 
édition  de  la  Chanson  de  la  croisade  contre  les  Albigeois^  et  maintenu 
le  second  prix  à  M.  A.  Giry  pour  son  Histoire  de  Saint- Orner. 
La  commission  de  l'Académie  pour  le  concours  des  antiquités 
nationales  n'a  pas  décerné  de  médailles  cette  année.  6  mentions 
honorables  ont  été  distribuées  :  M.  Delpegh.  La  bataille  de  Muret 
et  la  tactique  de  la  cavalerie  au  xni*  siècle.  —  M.  de  Lens.  Facul- 
tés, collèges  et  professeurs  de  l'université  d'Angers,  du  xv«  s.  à  la 
Révolution.  —  M.  Hucher.  Monuments  de  la  famille  de  Beuil  ;  l'émail 
de  Geoffrin  Plantagenet.  —  M.  Paul  de  Fleury.  Notes  additionnelles 
et  rectificatives  au  Gallia  Christiana.  —  M.  Guillouard.  Recherches 
sur  les  colliberti, —  M.  Tabbé' Arbellot.  La  vérité  sur  la  mort  de 
Richard  Cœur  de  Lion. 

—  Le  prix  Bordin  n'a  pas  été,  cette  année,  décerné  par  l'Académie 
des  sciences  morales  et  politiques  ;  mais  une  récompense  de  2,000  fr.  a 
été  accordée  à  M.  Daniel  Touzaud.  Le  sujet  mis  au  concours  était  de 
€  rechercher  quelles  ont  été  en  France  les  relations  des  pouvoirs  judi- 
ciaires avec  le  régime  politique  ».  —  Le  prix  de  législation  (Delà  sépa- 
ration des  pouvoirs  dans  l'ancien  droit  français)  a  été  décerné  à 
M.  Saint-Girons.  —  L'Académie  a  mis  au  concours  les  sujets  suivants: 
«  De  l'institution  du  jury  en  France  et  en  Angleterre  »  (terme  utile, 
31  octobre  1880,  prix,  5,000  fr.).  —  De  l'indigence,  depuis  le  xvi«  s. 
inclusivement  jusqu'en  1789  (31  oct.  1882,  prix,  5,000  fr.).  —  Histoire 
des  établissements  de  charité  en  France  avant  et  depuis  1789  (31  oct. 
1881,  prix,  5,000  fr.).  —  Les  grandes  compagnies  de  commerce  depuis 
le  moyen  âge  jusqu'à  nos  jours  (15  oct.  1880,  prix,  2,500  fr.).  —  Cf. 
Rev.  hist.  X,  504. 

—  La  Société  des  sciences,  des  arts  et  de  l'agriculture  de  Lille  vient 


228  RBCUBILS   PERIODIQUES. 

(l»'  chapitre  ;  parle  de  Tinfluence  exercée  par  la  France  au  xu«  et  au 
xni*  s.  sur  la  civilisation  et  la  littérature  européennes,  et  surtout  par  la 
poésie  lyrique  de  la  France  méridionale  sur  la  poésie  italienne  nais- 
sante). =27  avril.  C.  Malagola.  Histoire  du  pont  sur  le  Reno,  près  de 
Bologne,  depuis  le  xiii«  s.  jusqu'à  nos  jours.  =  li  mai.  N.  Malvezzi  de' 
Medigi.  La  compagnie  des  Lombards;  suite  (la  compagnie  au  xviii*  s.; 
détails  sur  le  cardinal  Ul.  Gozzadini  et  sur  le  pape  Benoit  XIV,  en 
tant  que  membres  et  intendants  de  la  dite  compagnie). 

LXXIX.  —  R.  Depatasione  di  storia  patria  (Modène).  19  avril 
et  10  mai.  Geretti.  Francesca  Trivulzio,  femme  de  Ludovic  I,  comte 
de  la  Mirandole,  1501-1560. 

LXXX.  —  R.  Depntazione  di  storia  patria  (Venise).  —  Séance 
générale  du  4  mai  tenue  à  Trévise.  —  G.  Berghet,  secrétaire  de  la 
Société,  parle,  dans  son  discours  annuel,  des  ouvrages  en  cours  de 
publication,  et  de  ceux  qui  sont  déjà  prêts  pour  l'impression.  Parmi 
les  premiers,  notons  les  Diarii  de  Marin  Sanudo,  le  Regesto  dei  libri 
commemoriali  di  Venezia,  le  Codice  diploinatico  padovano,  le  Dispacci  da 
Roma  de  Paolo  Paruta,  et  parmi  les  autres,  les  Cronache  veronesi  et  le 
DiplomaUirio  veneto  orientale,  —  Bailo.  Des  sources  de  l'histoire  de 
Trévise. 

LXXXL   —  R.  Istitnto  veneto  di  sdenze,  lettere  ed  arti. 

6  et  20  avril.  —  B.  Morsolin.  L'académie  des  Sociniens  à  Vicence 
(réfute,  preuves  en  mains,  la  tradition  suivant  laquelle  Lelio  Socin 
aurait  fondé  à  Vicence  une  académie;  mais  on  sait  qu'un  certain 
nombre  de  bourgeois  de  Vicence  embrassèrent  à  une  époque  postérieure 
les  doctrines  sociniennes  et  furent  poursuivis  comme  hérétiques).  — 
J.  Bernardi.  Victor  Amédée  II  et  Torganisation  de  l'Assistance  publique 
dans  ses  états  piémontais. 

LXXXU.  —  Naova  antologia.  15  mai.  —  La  Lumia.  Antonio 
Veneziano,  ou  un  homme  du  xvi»  s.  en  Sicile  (A.  Veneziano  naquit  à 
Monreale  en  1543;  il  composa  d'abord  des  poésies  latines,  puis  il  écri- 
vit dans  sa  langue  maternelle;  sa  vie  fut  malheureuse  :  il  fut  mis 
plusieurs  fois  en  prison  pour  des  satires  contre  les  gouverneurs  espa- 
gnols de  Sicile.  Il  mourut  au  château  de  Palermeen  1593  de  l'explosion 
d'une  poudrière).  —  A.  Brunialti.  L'esclavage  et  la  traite  des  nègres  à 
notre  époque  (art.  important,  avec  des  renseignements  historiques  sur 
les  temps  antérieurs).  =  i^'  juin.  Boolœtti.  La  diplomatie  secrète  de 
Louis  XV  (à  propos  du  Secret  du  Rot).  =  15  juin.  Papa.  Vittorio  Bar- 
zoni  et  l'époque  de  Napoléon  I*'  en  Italie  (Barzoni  était  un  publiciste, 
né  à  Lonato,  1767-1843;  il  haïssait  la  domination  française.  Son  nom 
est  presque  oublié  aujourd'hui).  —  JESSŒ-WHrrE.  La  lutte  électorale  et 
le  droit  de  vote  en  Angleterre  (contient  d'intéressants  détails  histo- 
riques. 


CHRONIQUE  ET  BIBLIOGRAPflIB.  229 


CHRONIQUE  ET  BIBLIOGRAPHIE. 


FraAce.  —  L'Académie  française  a  décerné  le  l»'  prix  Gobert 
(9,000  fr.)  à  M.  R.  DE  Ghantelauze  pour  son  ouvrage  :  le  Cardinal  de 
Retz  et  ses  missions  diplomatiques  à  Roms;  le  second  prix  (1,000  fr.) 
à  M.  Tabbé  Mathieu  pour  son  livre  V Ancien  régime  dans  la  province 
de  Lorraine  et  Barrois.  —  Le  prix  Thérouanne  a  été  partagé  par  moitié 
entre  M.  E.  Denis  pour  son  livre  intitulé  Huss  et  la  guerre  des  Hussites, 
et  M.  RoGQUAiN,  pour  son  ouvrage  :  V Esprit  révolutionnaire  avant  la 
Révolution,  —  Un  prix  Montyon  de  2,000  fr.  a  été  décerné  à  M.  G. 
Michel  pour  son  Histoire  de  Vauban. 

—  L'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  a,  dans  sa  séance  du 
13  juin  dernier,  décerné  le  l»'  prix  Gobert  à  M.  Paul  Meybr  pour  son 
édition  de  la  Chanson  de  la  croisade  contre  les  Albigeois^  et  maintenu 
le  second  prix  à  M.  A.  Giry  pour  son  Histoire  de  Saint -Orner. 
La  commission  de  l'Académie  pour  le  concours  des  antiquités 
nationales  n'a  pas  décerné  de  médailles  cette  année.  6  mentions 
honorables  ont  été  distribuées  :  M.  Delpech.  La  bataille  de  Muret 
et  la  tactique  de  la  cavalerie  au  xni*  siècle.  —  M.  de  Lens.  Facul- 
tés, collèges  et  professeurs  de  l'université  d'Angers,  du  xv*  s.  à  la 
Révolution.  —  M.  Hucher.  Monuments  de  la  famille  de  Beuil  ;  l'émail 
de  Geoffrin  Plantagenet.  —  M.  Paul  de  Fleury.  Notes  additionnelles 
et  rectificatives  au  Gallia  Ghristiana.  —  M.  Guillouard.  Recherches 
sur  les  colliberti,  —  M.  l'abbé' A rbellot.  La  vérité  sur  la  mort  de 
Richard  Gœur  de  Lion. 

—  Le  prix  Bordin  n'a  pas  été,  cette  année,  décerné  par  l'Académie 
des  sciences  morales  et  politiques  ;  mais  une  récompense  de  2,000  fr.  a 
été  accordée  à  M.  Daniel  Touzaud.  Le  sujet  mis  au  concours  était  de 
€  rechercher  quelles  ont  été  en  France  les  relations  des  pouvoirs  judi- 
ciaires avec  le  régime  politique  ».  —  Le  prix  de  législation  (Delà  sépa- 
ration des  pouvoirs  dans  l'ancien  droit  français)  a  été  décerné  à 
M.  Saint-Girons.  —  L'Académie  a  mis  au  concours  les  sujets  suivants: 
«  De  l'institution  du  jury  en  France  et  en  Angleterre  »  (terme  utile, 
31  octobre  1880,  prix,  5,000  fr.).  —  De  l'indigence,  depuis  le  xvi»  s. 
inclusivement  jusqu'en  1789  (31  oct.  1882,  prix,  5,000  fr.).  —  Histoire 
des  établissements  de  charité  en  France  avant  et  depuis  1789  (31  oct. 
1881,  prix,  5,000  fr.).  —  Les  grandes  compagnies  de  commerce  depuis 
le  moyen  âge  jusqu'à  nos  jours  (15  oct.  1880,  prix,  2,500  fr.).  —  Cf. 
Rev.  hist.  X,  504. 

—  La  Société  des  sciences,  des  arts  et  de  l'agriculture  de  Lille  vient 


230  CHRONIQUE   ET   BIBLIOGRAPHIE. 

de  fonder  un  prix  annuel  de  1,000  fr.,  qui  portera  la  dénomination  de 
prix  Wicar.  Elle  a  mis  au  concours,  pour  1880,  une  étude  littéraire 
sur  Philippe  de  Gomines  ou  sur  un  des  écrivains  célèbres  du  nord  de 
la  France,  et  pour  1879  (terme  utile,  le  15  oct.),  les  sujets  historiques 
suivants  :  histoire  d'un  ou  de  plusieurs  établissements  civils  ou  reli- 
gieux ;  d'une  institution  judiciaire,  d'une  ou  plusieurs  institutions 
charitables  ou  hospitalières;  d'une  commune  rurale  du  département 
du  Nord  ;  biographie  d'un  ou  de  plusieurs  personnages  célèbres  du 
même  département. 

—  La  Bibliothèque  nationale  s'est  récemment  enrichie  du  ms.  d'une 
chronique  de  Cambrai,  récemment  retrouvée  par  les  PP.  de  Backer  et 
DE  Smedt,  bollandistes. 

—  M.  Ul.  Robert,  employé  à  la  Bibliothèque  nationale,  et  dont  nous 
avons  déjà  plusieurs  fois  annoncé  les  utiles  travaux  bibliographiques, 
va  publier  chez  Picard  un  Inventaire  sommaire  des  mss.  des  bibliothèques 
de  France  dont  les  catalogues  n'ont  pas  été  imprimés.  Le  l*»"  fasc.  de 
10  feuilles  grand  in-8*  à  deux  colonnes  et  en  petit  texte  contiendra  une 
bibliographie  des  catalogues  imprimés  des  mss.  des  bibliothèques  de 
France  et  l'inventaire  des  mss.  d'Agen,  Aire,  Aix,  Ajaccio,  Alençon, 
Alger,  Arbois,  Argentan,  Arles,  et  le  commencement  de  l'inventaire 
des  mss.  de  la  bibliothèque  de  l'Arsenal.  Indépendamment  de  l'incon- 
testable utilité  d'une  pareille  publication,  nous  croyons  savoir  que  cet 
inventaire  permettra  de  constater  un  certain  nombre  de  soustractions 
commises  dans  les  bibliothèques  et  archives  de  province.  C'est  un 
double  service  que  M.  Robert  rendra  à  la  science. 

—  Notre  collaborateur  M.  Tamise  y  de  Larroque  vient  de  publier 
(Paris,  Champion  ;  Bordeaux ,  Lefebvre)  le  n*  4  de  ses  Plaquettes  Gon-- 
taudaises  intitulé  :  Mazarinades  inconnues  ;  ces  mazarinades  sont 
extraites  d'un  recueil  fort  rare,  conservé  dans  la  bibliothèque  du  grand- 
séminaire  de  Bordeaux.  Elles  sont  au  nombre  de  6  :  t  la  querelle  de  la 
ville  de  Bourdeaux  avec  le  duc  d'Espemon,  en  forme  de  dialogue, 
faicte  par  une  damoiselle  de  Gascoigne.  >  —  c  L'histoire  poétique  des 
exploits  admirables  du  duc  Bernard  d'Espemon,  avec  l'arrivée  de 
madame  la  princesse  en  Guienne.  >  —  c  Gazette  crostilleuse  et  facé- 
tieuse contenant  la  rencontre  et  entretien  de  Mazarin,  carnaval  et 
caresme  sur  la  frontière  de  France.  »  —  c  L'amour  des  Bourdelois 
envers  messieurs  les  princes.  »  —  f  Récit  et  véritables  sentimens  sur 
les  affaires  du  temps.  »  —  «  Oraison  funèbre  sur  la  mort  du  duc  d'Es- 
pemon. »  Le  recueil  du  grand-séminaire  de  Bordeaux  contient  95  pièces  ; 
M.  T.  de  L.  en  donne  la  liste  détaillée  en  appendice. 

—  Notre  collaborateur  M.  Pingaud  vient  de  publier  une  curieuse 
relation  des  voyages  de  l'abbé  Sanderet  de  Valonne,  curé  de  Poligny, 
en  Westphalie  et  en  Hollande  (1794)  qu'il  parcoumten  qualité  de  frèro 
quêteur,  afin  de  solliciter  des  secours  pour  les  prêtres  français  exilés. 
(Poligny,  impr.  Mareschal,  24  p.) 


CHRONIQUB  ET   BIBLIOGRAPHIE.  234 

— Notre  collaborateur,  M.  R.  Darbste,  après  avoir  traduit  les  plaidoyers 
civils  de  Démosthèues,  vient  de  publier  la  traduction  des  plaidoyers 
politiques  (2  vol.  in-12.  Pion).  Il  a  fait  précéder  cette  traduction  d'expli- 
cations sommaires  très  précises  sur  la  procédure  et  la  juridiction  cri- 
minelle à  Athènes. 

—  M.  Hippolyte  Mazb  vient  de  publier  (Versailles,  Cerf)  la  confé- 
rence qu'il  fit  à  Versailles  le  24  juin  dernier  sur  le  général  Hoche. 

—  Nous  avons  rappelé  ici  même  autrefois  le  passage  d'un  discours 
où  M.  DouGET,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  française,  promettait 
une  prochaine  publication  des  écrits  encore  inédits  de  Montesquieu. 
M.  Tahisey  de  Larroque  nous  affirme  aujourd'hui  (Revue  critique,  1879, 
n*  30,  p.  84,  note  2)  que  MM.  de  Montesquieu  c  lesquels,  dit-il,  je  le 
sais,  entourent  du  culte  le  plus  fervent  la  mémoire  de  leur  grand 
ancêtre,  »  hâtent  cette  publication.  Nous  le  souhaitons  vivement. 

—  M.  Emile  Labroue,  professeur  au  lycée  de  Bordeaux,  a  publié 
(Sauveterre,  ChoUet),  sous  le  titre  Bergerac  sous  les  Anglais,  un  intéres- 
sant essai  historique  sur  cette  ville  pendant  la  guerre  de  Gent-Ans,  de 
1322  à  1450  ;  il  a  mis  à  profit  dans  cette  brochure  les  chartes  de  la  ville, 
les  jurades,  recueil  encore  ms.  des  actes  les  plus  importants  des  jurats 
et  consuls  de  Bergerac,  enfin  lo  libre  de  vita,  ms.  récemment  retrouvé 
où  sont  consignés  de  1378  à  1382  les  méfaits  accomplis  par  les  seigneurs 
à  Bergerac  et  dans  la  contrée  voisine.  M.  Labroue  annonce  qu'il  conti- 
nuera l'histoire  de  Bergerac  jusqu'à  la  Révolution. 

—  Le  t.  rv  du  recueil  des  Inscriptions  de  la  France  est  très  avancé  ; 
il  contiendra  la  fin  du  prieuré  de  Paris,  et  se  terminera  par  le  diocèse 
de  Lagny.  Le  t.  V  contiendra  le  prieuré  de  Ghampeaux  et  la  table. 
M.  R.  de  Lasteyrie  a  éto  chargé  de  terminer  ce  vaste  recueil  commencé 
par  M.  DE  Guilhermy. 

—  M.  Georges-Glaudius  Laverone  vient  de  commencer  la  publica- 
tion des  Archives  des  corporations  des  arts  et  métiers  (Gharavay).  Le 
l»  fasc.  contient  un  mémoire  à  consulter,  de  l'avocat  Delacroix,  en 
1776,  sur  l'existence  des  6  corps  de  métiers  parisiens  et  la  conservation 
de  leurs  privilèges;  le  second,  diverses  pièces  concernant  la  suppression, 
par  Turgot,  des  jurandes  et  communautés.  Ges  Archives  paraîtront  par 
fascicules  paginés  à  part  (1,50  et  2,50  chaque). 

—  Notre  collaborateur  M.  J.  Flam>iermont  termine  une  étude  histo- 
rique sur  le  parlement  Maupeou. 

—  La  librairie  Firmin  DrooT  vient  de  publier  le  l**  vol.  du  texte 
français  de  Guillaume  de  Tyr  et  de  ses  continuateurs,  dans  le  format 
du  Villehardouin  et  du  Join ville  antérieurement  publiés  par  M.  de 
Wailly.  Le  texte  a  été  revu  sur  les  ms.  et  annoté  par  M.  Paulin  Paris. 
Notre  collaborateur  M.  Longnon  a  dressé  les  cartes  nécessaires  à  l'in- 
telligence des  itinéraires  et  des  faits  militaires.  I^  second  vol.  doit 
paraître  très  prochainement. 


232  GHBOinQUB   BT  BIBLIOGRAPHIE. 

—  M.  le  marquis  de  Galard  publie  par  souscription  une  Monogra- 
phie du  château  de  Wideville^  accompagnée  de  12  eaux-fortes. 

Allemagne.  —  M.  von  Weber,  directeur  de  VArchiv  fur  Sschsùche 
Geschichte,  est  mort  dernièrement.  U  avait  publié  de  nombreux  docu- 
ments dans  le  recueil  qu'il  dirigeait,  et  plusieurs  ouvrages  historiques, 
entre  autres  Vier  Jahrhunderte  deutscher  Geschichte, 

—  Le  13  juillet  1878,  est  mort  H.  Blochmann,  né  à  Dresde  en  1838. 
Il  alla  étudier  les  langues  orientales  à  Leipzig,  Paris  et  Londres.  En 
1858,  il  s'engagea  dans  l'armée  anglaise  de  l'Inde,  et  deux  ans  après, 
à  la  mort  du  recteur  de  l'Université  de  Calcutta,  il  y  enseigna  Tarabe 
et  le  persan.  Le  déchiffrement  des  anciennes  inscriptions  des  temples 
de  l'Inde,  sa  collection  de  monnaies  indiennes  et  ses  études  sur  plu- 
sieurs points  importants  de  l'histoire  du  pays  lui  ont  assuré  une  place 
distinguée  dans  l'Hindoustan,  devenu  sa  seconde  patrie.  Parmi  ses 
ouvrages  historiques,  citons  :  Contributions  to  the  geography  and  history 
ofBengal  (1203-1538),  1873,  —  The  Hindu  Rajas  and  the  Mughal govern- 
ment,  —  The  death  ofJahangir  and  the  accession  of  Shat\jahan. 

—  Le  8  juin  est  mort  à  Lubeck  le  prof.  Mantels,  connu  comme  his- 
torien et  comme  fondateur  de  la  Société  de  l'histoire  hanséatique. 

—  Le  1*'  juillet  1879  est  mort  à  Bromberg  le  numismate  Jul.  Kos- 
SARSKi  à  Tâge  de  67  ans. 

—  M.  le  prof.  Klugkhohn  et  M.  Rogkinqer,  archiviste  de  l'état  à 
Munich,  ont  été  nommés  membres  ordinaires  de  la  commission  d'his- 
toire de  l'académie  des  sciences  de  Bavière. 

—  La  Société  des  sciences  de  Leipzig  a  décerné  cette  année  le  prix 
Jablonowski  à  M.  Alex.  Brûckner,  privat-docent  à  Lemberg,  pour 
une  étude  sur  les  établissements  des  Slaves  dans  la  Vieille  Marche,  et 
a  mis  au  concours  pour  1881  le  sujet  suivant  :  les  Régestes  des  rois 
polonais  de  1295  à  1506. 

—  L'Académie  des  sciences  de  Bavière  (section  historique)  a  mis  au 
concours  pour  1883  une  Histoire  de  l'enseignement  en  Allemagne 
depuis  les  plus  anciens  temps  jusqu'au  milieu  du  xni's.  (prix  :  5000  m.). 
Pour  le  prix  Zographos,  elle  a  mis  au  concours  les  deux  sujets  suivants  : 
1»  Étudier  les  recueils  d'extraits  faits  sous  la  direction  de  l'empereur 
Constantin  Porphyrogénète.  2«  Étude  critique  sur  la  chronographie  de 
Theophanes,  et  recherches  sur  les  sources  et  les  continuations  de  cet 
ouvrage  (terme,  31  déc.  1880.  —  Valeur  des  prix  :  1,500  m.  pour  le 
l*'  sujet  ;  2,000  pour  le  second). 

—  La  société  des  sciences  de  la  Haute-Lusace  a  mis  au  concours  le 
sujet  suivant  :  Gœrlitz  et  la  Vehme  westphalienne  au  xv*  s.  (prix  : 
150  m.) 

—  l'i'  du  Hand'Atlas  fur  die  Geschichte 
des  (Gotha,  Perthes).  Les  livrai- 


CHRONIQUE  BT   BIBLIOGRAPHIE.  238 

sons  21-23,  par  lesquelles  se  terminera  cet  important  ouvrage,  paraî- 
tront dans  le  courant  de  la  présente  année. 

—  VArchiv  fur  die  Sxchsische  Geschichte^  publié  jusqu'ici  sous  la  direc- 
tion de  feu  le  D^  von  Wbber,  cessera  de  paraître  à  partir  de  Pâques  1880. 
Il  sera  remplacé  par  une  revue  nouvelle  intitulée  :  Neues  Archiv  fur 
Sschsische  Geschichte  und  Alterthum,  dans  laquelle  viendront  se  fondre 
les  Mittheilungen  d.  Kœnigl.  Sachsischen  Alterthumsvereins  ;  de  cette 
dernière  publication,  il  ne  reste  plus  qu'un  n*  à  paraître. 

—  La  4*  partie  des  Studien  zur  altesten  Geschichte  der  Rheinlande 
par  Mehlis  vient  de  paraître.  (Leipzig,  Duncker  et  Humblot.) 

—  M.  HuDEMANN  vient  de  publier  (Galvary,  à  Berlin)  une  deuxième 
édition,  revue  et  augmentée,  de  sa  Geschichte  d.  rœmischen  Postwesens 
wmhrend  d.  Kaiserzeit;  voy.  sur  la  l^*  édition  la  Rev.  histor.^  VI,  455. 

—  La  4*  partie  du  Codex  diplomaticus  Anhaltinus^  publié  par  M.  0. 
von  Heidemann,  vient  de  paraître  ;  elle  comprend  les  années  1351-1380. 

—  Les  Mittelrtieinische  Regesten^  publiés  par  la  direction  des  archives 
de  rÉtat  de  Prusse,  contiennent  des  pièces,  rangées  par  ordre  chrono- 
logique, pour  rhistoire  des  districts  de  Cologne  et  de  Trêves.  Le  2*  vol. 
récemment  publié  par  M.  Goerz  fournit  les  régestes  des  années  1152- 
1237. 

—  Les  vol.  VII  et  VIII  de  l'ouvrage  d'Onno  Klopp,  Der  Fait  des 
Hauses  Stuart  und  die  Succession  des  Hauses  Hannover,  viennent  de 
paraître  (Vienne,  Braumûller;  sur  les  4  premiers,  voy.  Rev.  hist.,  VI, 
469). 

—  MM.  KoHN  et  Mehlis  publient  chez  Gostenoble  à  léna  des  Mate^ 
rialen  zur  Vorgeschichte  d,  Menschen  im  cestl.  Europa.  Le  2*  vol.  com- 
posé d'après  les  sources  polonaises  et  russes  a  paru  dans  le  courant  de 
juin  dernier. 

—  Dissertations  inaugurales  de  TUniversité  de  Berlin  (1878)  :  Geppert. 
Beitrsege  zur  Lehre  v.  d.  Gerichts-Verfassung  d.  Lex  Salica.  —  Hoff- 
mann. De  Taciti  annalibus  historiisque  capita  duo.  — Schneider. Quaes- 
tiones  Ammianeae.  —  E.  Zellkr.  Ueber  den  wissenschaftlichen  Unter- 
richt  bei  den  Griechen. 

—  Dissertations  universitaires  (1878)  :  Bonn.  Heimbach.  Quaeritur, 
quid  et  quantum  Cassius  Dio  in  historia  conscribenda  inde  a  1.  40 
usque  ad  1.  47  e  Livio  desumpserit.  —  Schmitz.  Die  Geschichte  der 
Lothringischen  Pfalzgrafen  bis  auf  Konrad  von  Staufen.  =  Genève. 
Vallat.  De  l'origine  de  l'église  évangélique  des  vallées  vaudoises. 
=  Kiel,  LuEBBERT,  Dissertatio  de  gentis  Claudiae  commentariis  do- 
mesticis.  (Fest-Schrift).  —  Hoefpler.  De  nomothcsia  Attica.  — 
ScHWARTz.  Ad  Atheniensium  rem  militarem  studia  Thucydidea.  — 
Kessler.  Secundum  quos  auctores  Livius  res  a  Scipione  maioro  in 
Africa  ge«tas  narraverit.  —  Vooblbr.  Quae  ab  a.  u.  c.  710  post 
mortem  C.  Julii  Gaesaris  acta  sint  in   senatu   Romano.   =  Berlin. 


234  CHRONIQUE  ET  BIBLI06RAPHIB. 

WuERz.  Merces  ecclesîastica  Athenis,  quîbus  de  causis,  quoque  tem- 
pore  instituta  et  qua  ratione  dispensari  solita  sit.  —  Marhurg,  Lange. 
De  Aeneae  commentario  poliorcetico.  Part.  I.  =  Leipzig.  Arnold. 
Beitraege  zur  Kritik  Karolingischer  Annalen.  —  Fraenkel.  De  condi- 
cione,  jure,  jurisdictione  sociorum  Atheniensium.  —  Baerwinkel.  De 
lite  Gtesiphontea  commentatio.  —  Detmer.  Otto  U  bis  zum  Tode  seines 
Vaters.  —  Wilsdorf.  Fasti  Hispaniarum  provinciarum.  —  Lobbgk. 
Markgraf  Konrad  von  Meissen.  —  Wahnschaffe.  Das  Herzogtlium 
Kaernten  und  seine  Marken  im  11.  Jahrhundert.  —  Hoernino.  Dassechs- 
seitige  Prisma  des  Sanherib  nebst  Beitrœgen  zu  seiner  Erklaerung.  — 
Bernhardt.  Der  Einfluss  des  Cardinals-Collegs  auf  die  Verhandlungen 
des  Constanzer  Concils.  =  Halle.  Struvb.  De  compositi  operis  Thucy- 
didei  temporibus.  —  Ifiand.  Die  Kaempfe  Theodosius  des  Grossen  mit 
den  Gothen.  —  Giildenfennino.  Die  Quellen  zur  Geschichte  des  Kai- 
sers Theodosius  des  Grossen.  —  Gesghwandtner.  Quibus  fontibus  Tro- 
gus  Pompejus  in  rébus  successorum  Alexandri  M.  enarrandis  usus  sit. 

—  Wetzel.  Die  Chroniken  des  Baeda  Venerabilis.  —  Hilqer.  Das  Ver- 
haBltniss  des  Hugo  Folcandus  zu  Romuald  von  Salerno.  =  Strassburg. 
De  Boor.  Beitraege  zur  Geschichte  des  Reichstages  zu  Speier  vom 
Jahre  1544.  —  Heidbnheimer.  Machiavelli's  erste  rœmische  Légation. 

—  Programmes   des   gymnases,   Realschulen,   etc.,   pour   1879    : 
Prietzel.  Boethius  u.  seine  Stellung   zum  Christenthume.  Loebau. 

—  Thum.  Anmerkungen  zu  Macaulays  History  of  England.  Reichen- 
hach.  —  TiMPE.  Philippe  de  Gommines,  sa  vie  et  ses  mémoires. 
Lubeck.  —  Schaefer.  Die  Schlacht  an  der  Elster  1080.  Weissenfels.  — 
LiNDEGKB.  Die  Stellung  des  Bisthums  Halberstadt  zu  der  Grundung 
des  Erzbisthumes  Magdeburg.  Halberstadt.  —  Grcessler.  Die  Ausrot- 
tung  des  Adoptianismus  im  Reiche  Karls  des  Grossen.  Eisleben.  — 
Rambeau.  Charakteristik  der  historischen  Darstellung  des  Sallust. 
Burg.  —  Wesemann.  Gaesarfabeln  des  Mittelalters.  Lœwenberg.  — 
Neumann,  Hugo  I,  Abt  von  Cluny.  Frankfurt  am  Main.  —  8u- 
CHiER.  Statuta,  leges  et  privilégia  universitatis  Rinteliensis.  Rinteln. 

—  Die  Grabmonumente  der  fiirstlichen  Hausser  von  Hanau  und 
Hessen  zu  Hanau.  Hanau.  —  Walter.  Erasmus  und  Melanchthon. 
Bernburg.  —  Kasten.  Der  historische  Werth  des  2.  Bûches  der  Mak- 
kabaeer.  Stolp.  —  Zmzow.  Bischof  Otto  von  Bamberg  als  Apostel  der 
Pommern.  Pyritz.  —  Lehmann.  Bausteine  zur  Geschichte  von  Neus- 
tettin.  Neustettin.  —  Petbrsdorpf.  C.  Julius  Gaesar  num  in  bello  Gal- 
lico  enarrando  nonnulia  e  fontibus  transcripserit.  Belgard.  — Behrbndt. 
Franzœsische  Finanz-u.  Voikszustœnde  unter  Ludwig  XIV.  Perleberg. 

—  Floeck.  Vindiciae  Thucydideae.  Bonn.  —  Voss.  De  Tyche  Thucy- 
didea.  Dùsseldorf.  —  Henrich.  Bems  Stellung  zur  Genfer  Reformation 
1535-1538.  Emmerich.  —  Roitsahl.  Die  Expédition  der  Athener  nach 
Sicilien  415-413  v.  Chr.  Langensalza.  —  Sterz.  Richard  I,  Fûrst  von 
Gapua  und  die  Normannen  in  Unteritalien.  Ploen.  —  Sghweder.  Die 
Go««'*Ardaiiz  der  C^'^  hieen  des  Pomponius  Mêla  u.  des  Plinius 


CHRONIQUE  ET   BIBLIOGIUPHIE.  235 

(Nat.  hist.  III-VI).  Kiel.  —  Klopsch.  Der  dilectus  in  Rom  bis  zum 
Beginn  der  burgerlichen  Unruhen.  Itzehoe.  —  Krause.  Appian  als 
Quelle  fur  die  Tteii  von  der  Verschwœrung  gegen  Gaesar  bis  zum  Tode 
des  Decimus  Brutus.  I.  Rastenburg.  —  Stbinwender.  Ueberdas  nume- 
rische  Verhœltniss  zwischen  cives  und  socii  im  rœmischen  Heere. 
Marienburg.  —  Holtz.  Friedrichs  des  Grossen  Darstellung  der  Ursa- 
chen  des  œsterrcichischen  Erbfolgekriegs  und  des  schlesischen  Kriegs. 
Graudenz.  —  Pohler.  Oesterreichs  Turkenkrieg  1663-1664.  Frankfurt 
an  der  Oder.  —  Haupt.  Die  Einfiihning  der  Hiérarchie  im  Franken- 
reiche.  Ohlau.  —  Zorn.  Ueber  die  Niederlassungen  der  Phokœer  an 
der  Siidkûste  von  Gallien.  Kattowitz.  —  Hockenbeck.  Beitraege  zur 
Geschichte  des  Klosters  und  der  Stadt  Wongrowitz.  Wongrowitz.  — 
Jaeger.  Urkundenbuch  des  Klosters  Teistungenburg  im  Ëichsfelde. 
Duderstadt.  —  Fokke.  Alcibiades  u.  die  Sicilische  Expédition.  Emden. 

Alsace.  —  M.  Dagobcrt  Fischer,  érudit  alsacien,  et  collaborateur 
assidu  de  la  Revue  d'Alsace,  est  mort  le  20  fév.  dernier  ;  il  a  publié  de 
nombreuses  monographies  sur  l'histoire  de  TAlsace. 

Antriohe-Hongrie.  —  Dans  les  premiers  jours  de  Juillet  1879  est 
mort  M.  Fr.  Somhegyi,  professeur  d'histoire  à  Budapest. 

—  L'édition  des  écrivains  de  Téglise  latine  entreprise  par  l'Académie 
d'Autriche  comprendra  bientôt  les  œuvres  d'Orose,  pub.  par  Zanoe- 
meister,  actuellement  sous  presse  ;  pour  Paulin  et  autres  auteurs, 
M.  Zechmeister  a  collationné  do  nombreux  mss.  dans  les  bibliothèques 
de  France,  d'Angleterre  et  de  Belgique  ;  pour  Eugippius,  M.  Kncell  a 
eu  la  bonne  fortune  de  trouver  dans  les  bibliothèques  italiennes  d'im- 
portants matériaux  non  encore  exploités  jusqu'ici. 

—  Une  revue  nouvelle,  analogue  à  notre  Bibliothèque  de  l'École  des 
chartes,  vient  de  se  créer  en  Autriche  sous  la  direction  de  M.  Foltz  ; 
elle  aura  pour  titre  :  Mittheilungen  des  Instituts  fiïr  œsterreichische  GeS" 
chichtsforschung  in  Wien^  et  paraîtra  tous  les  trois  mois  (Innsbruck, 
Wagner). 

—  Le  41»  vol.  des  Diplomata  et  Acta  austriaca,  qui  vient  de  paraître, 
contient  :  l»  le  livre  des  morts  de  l'abbaye  cistercienne  de  Lilienfeld 
en  Autriche,  pub.  par  M.  von  Zeissbero.  Dans  sa  première  rédaction, 
cet  important  document  va  jusqu'au  xiii«  s.  2*  Les  lettres  do  Albrecht 
von  Waldstein  à  Karl  von  Harrach,  publiées  par  Ferd.  Tadra  ,  d'après 
les  lettres  originales  conservées  dans  les  archives  des  comtes  de  Har- 
rach à  Vienne,  et  précédées  d'une  intéressante  introduction  sur  la  vie 
d'A.  V.  Waldstein  depuis  la  bataille  de  la  Montagne  blanche  jusqu'à 
son  élévation  au  grade  de  généralissime. 

—  La  38«  partie  du  Dictionnaire  biographique  d'Autriche  par 
WuazBACH  contient  les  articles  Stehlik  à  Stietka. 

—  M.  Vincent  Bramdl  vient  de  faire  paraître  les  8'  et  9«  vol.  du 
Codex  diplomaticus  et  epistolaris  Moraviae  qui  comprennent  les  années 
1350  à  1366. 


236  CHRONIQUE   ET   BIBLIOGRAPHIE. 

Angleterre.  —  Le  7*  vol.  des  Transactions  of  the  royal  hisiorical 
Society  (1878)  contient  les  mémoires  historiques  suivants  :  G.  Walford. 
Tables  anciennes  de  mortalité,  publiées  à  Londres  à  partir  de  1562.  — 
Le  Rév.  Pearson.  Les  anciens  comptes  de  la  fabrique  (churchwarden 
accounts)  de  Saint-Michel  de  Bath,  qui  commencent  en  1341.  —  Baron 
BoGOusHEvsKY.  Les  Anglais  en  Moscovitie  au  xvi«  s.  (publie  plusieurs 
documents  tirés  du  British  muséum  et  du  Public  record  Office  sur  le 
projet  imaginé  par  Ivan  le  Terrible  de  former  une  alliance  avec  Eliza- 
beth  et  d'épouser  une  femme  anglaise).  —  Allan.  Notice  sur  la  famille 
de  Marguerite  de  Logy,  seconde  femme  du  roi  David  II  d'Ecosse.  — 
Le  Rév.  Wratislaw.  Jean  de  Jerstein,  archev.  de  Prague,  1378-1397. 
—  HowoRTH.  Le  clergé  de  Saint-Colomban  dans  la  Grande-Bretagne 
du  Nord. 

—  Le  11«  rapport  du  Deputy-keeper  des  Public  records  d'Irlande 
contient  le  catalogue  des  Fiants  d'Elisabeth,  1558-1570,  qui  occupe  plus 
de  200  p.  ;  ces  actes  ou  mandements  (fiant)  consistent  en  concessions 
de  certains  offices  importants,  ou  de  terres  de  la  couronne,  ou  de  char- 
tes d'incorporation,  en  rémissions,  en  ordres  pour  l'exécution  de  la  loi 
martiale,  etc.  Ces  documents  donnent  des  détails  fort  curieux  et  fort 
tristes  sur  la  situation  sociale  de  l'Irlande  pendant  le  règne  d'Elisabeth. 

—  Un  nouveau  vol.  des  Monumenta  Britannicae  historica  (Rolls  séries) 
vient  de  paraître  ;  c'est  le  Register  of  Malmesbury  abbey ,  publié  par 
M.  Brewer. 

—  Le  Rév.  Gameron,  de  Brodick,  vient  de  fonder  une  Celtic  review 
pour  l'étude  de  la  langue,  la  littérature  et  l'archéologie  des  Highlands. 

—  M.  F.  LiEBERMANN,  de  Berlin,  vient  de  publier  un  important  vol. 
sous  le  titre  Ungedriickte  anglo-normannische  Geschichtsquellen. 

—  M.  JowET,  professeur  à  Oxford,  va  publier  une  traduction  de 
Thucydide  en  4  vol.  :  le  l**  sera  un  vol.  d'introduction  ;  la  traduction 
remplira  les  vol.  2  et  3  ;  le  4*  sera  réservé  pour  le  commentaire  et  les 
notes. 

—  M.  Laurence  Gomme,  qui  vient  de  publier  un  Index  of  municipal 
offices  d'après  les  appendices  du  l**"  rapport  des  commissaires  chargés 
de  faire  une  enquête  sur  les  corporations  municipales  de  l'Angleterre 
et  du  pays  de  Galles  (voy.  Attisnaeum,  12  juillet  79),  prépare  un  nou- 
veau vol.  intitulé  Open^air  primitive  assemblies  in  Britain. 

—  M.  le  Rév.  Dunn  Macray  prépare  une  série  de  plaquettes  sous  le 
titre  Anecdota  Bodleiana;  gleanings  from  bodleian  mss,  La  l'*,  qui  est 
sous  presse,  contient  «  A  short  yiew  of  the  state  of  Ireland  »,  écrit  en 
1605  par  sir  J.  Harington. 

—  M.  Alex.  Gardner  va  publier  un  vol.  préparé  par  M.  Henry  Gough 
pour  le  marquis  de  Bute  ;  ce  sont  des  documents  relatifs  à  la  campagne 
du  roi  Ed^  d  I  en  Ecosse  en  1298,  et  en  particulier  à  la  bataille  de 
Falkirk  ^  i  ai  ^  ire  d'Edward  I  dans  une  expédition 
enË 


CHRONIQUE  BT  BIBLIOGRAPHIE.  237 

—  L'éditeur  du  catalogue  des  chartes  conservées  à  la  Bodléienne, 
M.  TuRNSR,  prépare  une  édition  d'extraits  tirés  des  chartes  de  la  cité 
d'Oxford,  et  autres  documents  relatifs  à  Thistoire  municipale  de  cette 
ville  de  1209  à  1603  (par  souscription,  chez  Parker  et  G^*).  Ce  volume 
contiendra  le  fac-similé,  d'après  la  charte  originale,  du  mandement 
adressé  en  1258  par  Henri  III  à  tous  les  comtés,  pour  prescrire  Tohéis- 
sance  aux  commissaires  nommés  par  le  Parlement  d'Oxford  ;  c*est  le 
seul  exemplaire  original  qu'on  ait  conservé  de  cet  acte  ;  c'est  aussi  le 
plus  ancien  monument  de  la  prose  anglaise. 

—  Le  Rév.  W.  Jones,  chanoine  de  Salisbury,  est  sur  le  point  de 
publier  un  ouvrage  intitulé  Fasti  ecclesiae  Sarisberiensis,  suivi  d'une 
liste  des  évoques,  archidiacres  et  chanoines  du  chapitre  de  Salisbury 
depuis  les  plus  anciens  temps  jusqu'à  nos  jours. 

—  M.  Vivian  vient  de  publier  la  l'»  partie  des  Visitations  of  Cornwall 
for  1530,  1573  and  1620,  qui  donne  de  nombreux  renseignements  bio- 
graphiques sur  d'anciennes  fouilles  de  C!ournouailles  (chez  Golding  et 
Lawrence). 

—  On  annonce  la  prochaine  mise  en  vente  de  la  carte  de  la  Palestine 
occidentale,  dressée  d'après  les  recherches  entreprises  par  l'Exploration 
Fund.  Le  l**"  tirage,  sur  grand  papier,  sera  limité  à  250  ex.  vendus  au 
prix  de  12  guinées.  La  carte  de  la  Palestine  orientale,  qui  aura  pour 
base  les  travaux  de  l'expédition  américaine,  paraîtra  plus  tard. 

—  Le  6«  vol.  (index)  de  la  History  of  the  Norman  œnquest  par 
M.  Freeman  vient  de  paraître  (Clarendon  Press),  ainsi  que  le  second 
vol.  de  la  History  of  the  indian  meeting  par  le  col.  Malleson. 

—  MM.  Peace  et  fils,  de  Kirkwall,  annoncent  la  réimpression  d'une 
description  des  Orcades  et  des  Shetlands,  écrite  en  1633  par  un  seigneur 
du  pays,  Robert  Monteith,  et  publiée  en  1711,  et  d'une  description  des 
Shetlands  rédigée  par  Thomas  GifTord  en  1733,  avec  l'appendice  et  la 
préface  dont  Nichols,  l'archéologue  bien  connu,  l'accompagna  en  la 
publiant  en  1786  au  vol.  V  de  sa  Bibliotheca  topographica  Britannica, 

—  Les  chanoines  réguliers  de  l'ordre  de  Saint-Hubert,  ou  les  cha- 
noines blancs,  viennent  de  publier  une  esquisse  de  l'ordre  de  Prémon- 
tré et  de  leurs  maisons  en  Grande-Bretagne  et  en  Irlande  (Burns  et 
Oates).  Cest  un  livre  de  vulgarisation,  non  un  travail  érudit. 

—  M.  W.  Nevins  termine  son  History  of  Ireland  and  the  holy  see  ; 
la  dernière  partie  paraîtra  l'année  prochaine. 

—  Parmi  les  mss.  récemment  acquis  par  le  British  Muséum,  nous 
citerons  une  histoire  de  la  Grande-Bretagne  avant  la  conquête  nor- 
mande, écrite  au  commencement  du  siècle  dernier;  des  papiers  de 
Samuel  Desborough,  chancelier  d'Ecosse  pendant  la  République,  avec 
plusieurs  lettres  du  général  Monk,  1651-1660  ;  la  correspondance  de 
l'amiral  Haddock,  qui  commandait  dans  la  Méditerranée  en  1739-1742  ; 
des  collections  de  documents  relatifs  à  la  famille  de  Waterhouse  ;  des 


238  CHEO^riQUE  bt  bibliogriphib. 

enquêtes  de  coroners  dans  le  comté  de  Lincoln,  1669-1701  ;  des  lettres 
écrites  par  divers  membres  de  la  famille  de  Byron,  lettres  adressées 
pour  la  plupart  à  M»«  Aagusta  Leigh,  1744-1755  ;  un  ms.  des  Moralia 
du  pape  Grégoire,  en  caractères  mérovingiens,  acheté  à  la  vente 
Didot,  etc. 

—  Une  nouvelle  Société  de  publication  vient  de  se  fonder  à  Manches- 
ter sous  le  titre  :  «  The  Record  Society  for  the  publication  of  original 
documents  relating  to  Lancashire  and  Gheshire  i  ;  son  premier  vol.  a 
déjà  paru.  Il  contient  le  cadastre  des  églises  des  comtés  de  Lancastre 
et  de  Ghester.  Le  second  vol.  contiendra  des  inquisitiones  post  mortem, 
des  inventaires  et  des  testaments,  des  archives  des  tribunaux  et  des 
guildes,  des  registres  de  paroisses,  etc. 

—  La  librairie  Waterlow  et  fils  (Londres)  vieilt  de  mettre  en  vente 
un  gros  vol.  sur  les  institutions  municipales  de  TAngleterre;  il  contient 
une  centaine  de  tableaux  statistiques  qui  permettent  de  suivre  le  déve- 
loppement de  ses  institutions  jusqu'en  juin  1879,  et  l'analyse  des  divers 
actes  du  Parlement  relatifs  aux  municipalités. 

Italie.  —  La  librairie  Guasti  de  Prato  a  publié  un  essai  de  bibliogra- 
phie géographique,  historique  et  ethnographique  de  San  Francisco,  par 
le  P.  Marcellino  de  Givezza  M.  0.  C'est  un  gros  vol.  de  698  p.  gr.  in-8, 
qui  contient,  outre  les  notices  bibliographiques,  de  nombreux  docu- 
ments qui  peuvent  être  d'un  grand  intérêt  pour  Tétude  de  la  géo- 
graphie historique. 

—  M.  Adamo  Rossi,  conservateur  de  la  bibliothèque  municipale  de 
Pérouse,  a  publié  (Pérouse,  Boncompagni,  1879)  un  Quaderno  délia 
cronaca  perugina  del  Graziani  jusqu'ici  inédit  et  inconnu,  qui  fait  suite 
à  la  chronique  incomplète  du  même  compilateur  publiée  dans  VÀrch. 
stor.  tto/.,  t.  XVL  Ge  cahier,  qui  parait  avoir  été  enlevé  du  ms.  même 
dont  se  sont  servis  les  précédents  éditeurs,  a  été,  il  n'y  a  pas  long- 
temps, découvert  chez  un  marchand  de  salaisons  par  M.  Rossi.  Il  con- 
tient le  récit  des  faits  qui  se  sont  produits  du  16  juill.  1491  au  2  sept. 
1493.  L'éditeur  nous  avertit  que,  malgré  ce  supplément,  la  chronique 
n'est  pas  encore  complète,  et  il  conclut  f  d'un  fragment  en  forme  de 
brouillon,  trouvé  avec  le  cahier,  que  l'auteur  avait  songé  à  la  continuer 
au  moins  jusqu'en  1541  t. 

—  On  a  publié  un  fasc.  des  Atti  de  l'Académie  de  la  Grusca  (Flo- 
rence^ Galileiana)  ;  il  contient  les  discours  lus  à  la  séance  du  16  sept. 
1878  (voy.  Rev.  histor.  IX,  263).  A  la  lecture  du  prof.  D.  Berti  sur  t  les 
Piémontais  et  la  Grusca  »,  ont  été  ajoutées  en  appendice  des  lettres  de 
Garlo  Botta,  G.  B.  Nicolini  et  G.  Leopardi  à  G.  Grassi. 

—  La  surinten(  ce  des  Archives  vénitiennes  (école  de  paléographie) 
a  fait  oublier  le  $  délia  Rep.  veneta,  dal  sec,  ix  al  xviii,  pour  aider 
à  r*  fît  anciennes.  Les  notices  sommaires  ont  été 
r  7aD,qui  donne  ain«i  une  réédition  revue 


CHROinQUE  ET  BIBLIOGRAPHIE.  239 

et  augmentée  d'un  travail  paru  en  1866.  La  description  des  monnaies 
est  divisée  en  4  catégories:  monnaies  primitives  (814-1106),  ducales 
(1156-1797),  anonymes,  enfin  monnaies  des  possessions  italiennes 
d'outre-mer  et  de  terre  ferme.  Le  texte  est  accompagné  d'une  courte 
préface  par  M.  B.  Gecchetti,  surintendant  des  archives,  de  notes  histo- 
riques et  d'un  index  alphabétique  très  détaillé  (Venise,  Visentini, 
1879,  in-16).  —  Voy.  du  même  Padovan  la  Nummografla  veneziana^  et 
les  Documents  pour  servir  à  l'histoire  de  la  monnaie  vénitienne  qu'il 
publie  depuis  1876  dans  VArchivio  veneto, 

—  Le  5®  vol.  du  Codex  diplomaticus  cavensis  (Naples,  Hoepli  1879) 
contient  162  documents  (no*  708  à  869),  dont  2  de  1018  et  1034  ;  presque 
tous  sont  des  cartae  pagenses  et  ecclesiasticae.  Dans  l'appendice,  on 
décrit  le  ms.  n®  3  de  la  bibliothèque  de  la  Gava  (Beda,  de  Temporibus) 
et  l'on  réédite  les  Annales  cavernes^  écrites  en  marge  du  ms.  susdit, 
annales  déjà  publiées  par  Muratori  et  Pertz.  Pour  les  vol.  antérieurs, 
voy.  Rev.  hisi.  III,  361,  et  VII,  237. 

—  Le  13*  fasc.  des  Curiosità  e  ricerche  di  storia  subalpina  contient 
les  articles  suivants  :  l'ambassade  sarde  à  la  cour  de  Naples ,  1759- 
1768  (à  propos  de  la  succession  éventuelle  du  duché  de  Plaisance  pro- 
mise au  roi  de  Sardaigne  par  le  traité  d'Aix-la-Chapelle).  —  Vayra. 
Le  musée  historique  de  la  maison  de  Savoie  ;  suite.  —  Perrero.  La 
première  expédition  des  chevaliers  de  la  sainte  religion  et  milice  des 
saints  Maurice  et  Lazare  ;  documents  inédits  pour  servir  à  l'histoire 
des  armements  et  faits  maritimes  de  la  maison  de  Savoie  en  1573.  — 
Promis.  Les  13  vol.  de  blason  de  Charles-Emmanuel  I,  duc  de  Gênes. 

—  L'historien  de  Rome  au  moyen  âge,  M.  Grboorovius,  prépare  une 
biographie  du  pape  Innocent  VIII;  il  a  réuni  de  nombreux  documents 
sur  la  politique  de  ce  pontife  pendant  la  guerre  de  Trente-Ans. 

—  Le  17*  vol.  des  Diarii  de  Palerme  vient  de  paraître;  il  contient  la 
suite  du  Diario  palemiitano  de  Francesco-Maria  Emanuele  et  Gaetani, 
de  janv.  1776  et  déc.  1779. 

—  On  annonce  deux  biographies  du  célèbre  patriote  et  historien 
Gino  Capponi  par  le  baron  Alfred  Reumont  (Gotha,  Perthes),  et  par  le 
sénateur  M.  Tabarrini  (Florence,  Barbera). 

Suisse.  —  M.  K.  Deschwanden  vient  de  publier  le  4*  vol.  des  Eid- 
genœssische  Abschiede  (1533-1540)  dans  le  recueil  officiel  que  dirige 
M.  Jac.  Kaiser. 


LISTE  DES  LIVRES  DÉPOSÉS  AU  BUREAU  DE  LA  REVUE. 

[Nota  n'indiquons  pas  ceux  qui  ont  été  jugés  dans  les  Bulletins 

et  la  Chronique,) 

BxRSNOER-FéRAUD.  Lbs  pcuplades  de  la  Sénégambie;  histoire,  ethnographie, 
mœurs  et  coutumes,  légendes,  etc.  Leroux.  —  Comte  Jules  Dblabordb.  Gaspard 


240  LIST9  DBS  LIVRES  DlÎPOSés  AU  BUREAU  DE  Ll  REVUE. 

de  Goligny,  amiral  de  France.  Vol.  I.  Fischbacher.  —  Dournbl.  Histoire  géné- 
rale de  Péronne.  Péronne,  Quentin,  imprimeur;  Paris,  Dumoulin.  —  Halpbbn. 
Harangues  et  lettres  inédites  du  roi  Henri  IV,  suivies  de  lettres  inédites  du 
poète  Nicolas  Rapin  et  de  son  fils.  Lille,  impr.  Danel.  —  Layissb.  Études  sur 
l'histoire  de  Prusse.  Hachette.  Pr.  :  7  fr.  50.  —  Wallon.  Histoire  de  TEsclavage 
dans  l'Antiquité.  2'  édit.  2  vol.  Hachette.  Pr.  :  7  fr.  50  chaque. 

Bblogh.  Campanien;  Topographie,  Geschichte  und  Leben  der  Umgebung 
Neapels  im  Alterthum ,  aTec  un  atlas  de  17  caries  en  couleurs.  Berlin,  Calvary. 
—  Comte  Siegmar  Dohna.  Les  comtes  Dona  à  Orange  de  1630  à  1660;  traduit 
de  l'allemand  par  L.  Bourgeois.  Berlin,  Grunert  ;  Paris,  Picard,  Pr.  :  5  fr.  — 
Gabdeke.  Maria  Stuart.  Heidelberg,  Winter.  Pr.  :  10  m.  —  Hagbn.  4  Abhand- 
lungen  zur  Geschichte  d.  Philologie  und  zur  roemischen  Literatur.  Berlin,  Cal- 
vary. —  Hallwich.  Wallenstein's  Ende;  ungedriickte  Briefe  und  Acten.  2  toI. 
Leipzig,  Duncker  et  Humblot.  —  Huhn.  Geschichte  Lothringens,  toI.  II.  Berlin, 
Grieben.  Pr.  :  6  m.  —  Koldb.  Die  deutsche  Augustiner  Congrégation,  und 
Johann  von  Staupitz.  Gotha,  Perthes.  —  Nbmeo.  Papst  Alexander  VI;  eine 
Rechtfertigung.  Linz,  H.  Korb.  —  Oncken.  GEsterreich  und  Preussen  im 
Befreiungskriege,  vol.  11.  Berlin,  Grote.  Pr.  :  13  m.  50.  —  L.  Ton  Rankb. 
Serbien  und  die  Tiirkei  im  XIX  Jabrh.  Leipzig,  Duncker  et  Humblot  —  Schbf- 
FBR-BoicHoasT.  Dlc  Neuordnung  der  Papstwahl  durch  Nikolaus  II.  Strasbourg, 
Trûbner.  —  Wittich.  Struensee,  Leipzig,  Veit  et  C*.  Pr.  :  5  m.  —  Wbizsackbr. 
Der  Rhemische  Bund  1254.  Tubingue,  Laupp.  —  Wuttkb.  Zur  Vorgeschichle 
der  Bartholomsusnacht,  pub.  d'après  les  papiers  de  Wuttke  par  Dr.  G.  Miiller- 
Frauenstein.  Leipzig,  Weigel. 

Chiala.  L'alleanza  di  Crimea.  Rome,  Voghera  Carlo.  —  Palumbo.  Giulio 
Cesare  Vanini  e  i  suoi  tempi.  Naples,  impr.  Jovene. 


Erratum  du  précédent  numéro. 


P.  361,  L  12,  au  lieu  de 

:  Moijan, 

lisez 

;  Montjeu. 

-  402,  —  20, 

— 

tombe, 

— 

nécropole. 

—  402,  -  25, 

— 

Brocchi, 

-^ 

Bocchi. 

-  404,  -   7, 

—- 

coussins  de  cendres,  — 

urnes  cinéraires. 

-  404,  -  38, 

— 

stadeum. 

— 

stadium. 

—  405,  —  32, 

— 

et  dans, 

— 

dans. 

—  406,  —  35, 

— 

Dikaiarachia, 

— 

Dikaiarchia. 

-  407,  —  22, 

— 

Pentilleria, 

— 

Pantilleria. 

-  410,  —  39, 

— 

storichi, 

— 

storid. 

-411,-   4, 

— 

délie. 

— 

délia. 

—  412,  -  28, 

— 

Arcardi, 

— 

Arcadi. 

—  412,  —  33, 

— 

Flechio, 

— 

Flechia. 

-445,-    4, 

— 

Texte, 

— 

Sexte. 

—  445.  Donner  à  la  note  2  le  n*  3  et  réciproquement 

—  506,  —  28, 

L'un  des 

Larose, 

"^ 

Delagrave. 

propriétaires-gérants, 

G.  MONOD. 

Nogent-le-Rolrou,  Imprimerie  Daupeley-Gouvemeur. 


UÉGLISE  D'AFRIQUE 


ET    SES    PREMIÈRES    ÉPREUVES 


sous  LE  RÈGNE  DE  SEPTIME  SÉVÈRE. 


A  quelle  époque  et  par  qui  la  foi  chrétienne  fut-elle  portée  dans 
l'Afrique  romaine  ?  On  ne  le  sait  pas  précisément.  On  n'a  nulle 
raison  de  faire  remonter  la  prédication  de  la  foi  nouvelle  à  l'âge 
apostolique  proprement  dit.  Le  témoignage  de  Métaphraste,  qui 
fait  venir  saint  Pierre  à  Carthage  après  qu'il  eut  organisé  l'église 
de  Rome,  est  sans  aucune  valeur  historique*.  Eusèbe  ne  sait  rien 
non  plus  des  traditions  plus  que  suspectes  qui  attribuent  à  Simon 
Zélote  ou  à  Simon  le  Cyrénéen,  ou  à  saint  Marc,  disciple  de 
Pierre,  la  fondation  de  l'église  d'Afrique*.  Le  patriotisme,  l'or- 
gueil local  trouve  mal  son  compte  dans  les  origines  anonymes  : 
l'histoire  véridique  doit  s'en  accommoder  en  l'absence  de  rensei- 
gnements sérieux  et  précis.  Le  christianisme  à  la  première  heure 
compta  autant  d'apôtres  que  de  fidèles.  La  prédication  se  fit  toute 
seule  presque  partout,  par  des  inconnus,  sans  mission  instituée, 
sans  attribution  de  mandat  par  un  pouvoir  central  longtemps 
ignoré.  Les  germes  de  la  foi  se  répandirent  par  les  libres  mou- 
vements de  bonnes  volontés  individuelles.  Les  passages  de 
Tertullien  et  de  Cyprien  que  l'on  cite  3,  pour  rattacher  l'origine 

1.  Metaphr.  ad  29  jun.  Cf.  Baronius,  AnncU,  Ecd.  ad  annam  Christ.  44,  {  39. 

2.  Mûnler,  Primordia  Eccl.  Africanae,  ch.  3,  p.  6,  7. 

3.  TertuU.,  de  praescript.,  36.  Id.  c.  20.  Cypriaous,  Epist,  48,  Ad  Comelium, 
Ed.  Hartet,  p.  607.  A  propos  du  passage  de  Tertullien  :  perçu rre  Ecclesias,  etc., 
Miinter  écrit  :  Lubens  quidem  Basnagio  contra  Baroniam  disputanti  dabo  ex 
bisce  Terbis  haud  elici  posse  luculentum  TertulUani  testimonium  de  Romana 
Ec^lesia  fonte  Ecclesiae  Africanae,  quia  ^erbum  c  conlesserare  >  a  Tertulliano  ad- 
hibitum  conspiralionero  tanlum  doctrinae  et  conjunctionem  familiariorem  indi- 
cat,  quae  quasi  per  tesseram,  signum  hospitale,  fiebat  :  at  intimuro  taroen 
utriusque  Ecclesiae  nexum  ista  verba  déclarant  Neque  negabo  auctoritatero  in 
antecedentibus,  haud  ipsam  indicare  originem.  Fred.  Mûnter,  Primordia  Eccl. 
AfricanaCy  p.  tO,  ti. 

Rev.  Histor.  XI.  2«  FASc.  16 


232  CHRONIQUE  ET  BIBLIOGRAPHIE. 

—  M.  le  marquis  de  Galard  publie  par  souscription  une  Monogra- 
phie du  chéUeau  de  Wideville,  accompagnée  de  12  eaux-fortes. 

Allemagne.  —  M.  von  Weber,  directeur  de  VArchiv  fur  Sxchsische 
Geschichte,  est  mort  dernièrement.  11  avait  publié  de  nombreux  docu- 
ments dans  le  recueil  qu'il  dirigeait,  et  plusieurs  ouvrages  historiques, 
entre  autres  Vier  Jahrhunderte  deutscher  Geschichte, 

—  Le  13  juillet  1878,  est  mort  H.  Blochmann,  né  à  Dresde  en  1838. 
Il  alla  étudier  les  langues  orientales  à  Leipzig,  Paris  et  Londres.  En 
1858,  il  s'engagea  dans  l'armée  anglaise  de  l'Inde,  et  deux  ans  après, 
à  la  mort  du  recteur  de  l'Université  de  Calcutta,  il  y  enseigna  Tarabe 
et  le  persan.  Le  déchiffrement  des  anciennes  inscriptions  des  temples 
de  l'Inde,  sa  collection  de  monnaies  indiennes  et  ses  études  sur  plu- 
sieurs points  importants  de  l'histoire  du  pays  lui  ont  assuré  une  place 
distinguée  dans  l'Hindoustan,  devenu  sa  seconde  patrie.  Parmi  ses 
ouvrages  historiques,  citons  :  Contributions  to  the  geography  and  history 
ofBengal  (1203-1538),  1873,  —  The  Hindu  R(yas  and  the  Mughal  govern- 
ment,  —  The  death  ofJahangir  and  the  accession  of  Shahjahan, 

—  Le  8  juin  est  mort  à  Lubeck  le  prof.  Mantels,  connu  comme  his- 
torien et  comme  fondateur  de  la  Société  de  l'histoire  hanséatique. 

—  Le  l»'  juillet  1879  est  mort  à  Bromberg  le  numismate  Jul.  Kos- 
8AR8RI  à  Tàge  de  67  ans. 

—  M.  le  prof.  Klugkhohn  et  M.  Rogkinqer,  archiviste  de  l'état  à 
Munich,  ont  été  nommés  membres  ordinaires  de  la  commission  d'his- 
toire de  l'académie  des  sciences  de  Bavière. 

—  La  Société  des  sciences  de  Leipzig  a  décerné  cette  année  le  prix 
Jablonowski  à  M.  Alex.  Brûgkner,  privat-docent  à  Lemberg,  pour 
une  étude  sur  les  établissements  des  Slaves  dans  la  Vieille  Marche,  et 
a  mis  au  concours  pour  1881  le  sujet  suivant  :  les  Régestes  des  rois 
polonais  de  1295  à  1506. 

—  L'Académie  des  sciences  de  Bavière  (section  historique)  a  mis  au 
concours  pour  1883  une  Histoire  de  l'enseignement  en  Allemagne 
depuis  les  plus  anciens  temps  jusqu'au  milieu  du  xni's.  (prix  :  5000  m.). 
Pour  le  prix  Zographos,  elle  a  mis  au  concours  les  deux  sujets  suivants  : 
1»  Étudier  les  recueils  d'extraits  faits  sous  la  direction  de  l'empereur 
Constantin  Porphyrogénète.  2*  Étude  critique  sur  la  chronographie  do 
Theophanes,  et  recherches  sur  les  sources  et  les  continuations  de  cet 
ouvrage  (terme,  31  déc.  1880.  —  Valeur  des  prix  :  1,500  m.  pour  le 
l*'  sujet  ;  2,000  pour  le  second). 

—  La  société  des  sciences  de  la  Haute-Lusace  a  mis  au  concours  le 
sujet  suivant  :  Gœrlitz  et  la  Vehme  westphalienne  au  xv«  s.  (prix  : 
150  m.) 

—  n  a  paru  jusqu'ici  20  livraisons  du  Hand^Atlas  fur  die  Geschichte 
des  Mittelalters,  p.  p.  Sprunner  et  Menkb  (Gotha,  Perthes).  Les  livrai- 


CnROFCIQUB  ET   BIBLIOGRAPHIE.  238 

sons  21-23,  par  lesquelles  se  terminera  cet  important  ouvrage,  paraî- 
tront dans  le  courant  de  la  présente  année. 

—  VArchiv  fur  die  Sxchsische  Geschichte^  publié  jusqu'ici  sous  la  direc- 
tion de  feu  le  D^^  von  Wbber,  cessera  de  paraître  à  partir  de  Pâques  1880. 
Il  sera  remplacé  par  une  revue  nouvelle  intitulée  :  Neues  Archiv  fUr 
Sxchsische  Geschichte  und  Alterthum,  dans  laquelle  viendront  se  fondre 
les  Mittheilungen  d.  Kœnigl.  SxchsUchen  Alterthumsvereins  ;  de  cette 
dernière  publication,  il  ne  reste  plus  qu'un  n*  à  paraître. 

—  La  4«  partie  des  Studien  zur  altesten  Geschichte  der  Rheinlande 
par  Mehlis  vient  de  paraître.  (Leipzig,  Duncker  et  Humblot.) 

—  M.  HuDEMANN  vient  de  publier  (Calvary,  à  Berlin)  une  deuxième 
édition,  revue  et  augmentée,  de  sa  Geschichte  d.  rtemischen  Postwesens 
wxhrend  d.  Kaiser zeit;  voy.  sur  la  l'*  édition  la  Rev.  histor.^  VI,  455. 

—  La  4«  partie  du  Codex  diplomaticus  AnhaltinuSy  publié  par  M.  0. 
von  HEmEMANN,  vient  de  paraître  ;  elle  comprend  les  années  1351-1380. 

—  Les  Mittelrheinische  Regesten^  publiés  par  la  direction  des  archives 
de  rÉtat  de  Prusse,  contiennent  des  pièces,  rangées  par  ordre  chrono- 
logique, pour  Phistoire  des  districts  de  Cologne  et  de  Trêves.  Le  2«  vol. 
récemment  publié  par  M.  Gcerz  fournit  les  régestes  des  années  1152- 
1237. 

—  Les  vol.  VII  et  VTII  de  l'ouvrage  d'Onno  Klopp,  Der  Fall  des 
Hanses  Stuart  und  die  Succession  des  Hauses  Hannover,  viennent  de 
paraître  (Vienne,  Braumûller;  sur  les  4  premiers,  voy.  Rev,  hist,^  VI, 
469). 

—  MM.  KoHN  et  Mehlis  publient  chez  Gostenoble  à  léna  des  Mate-- 
rialen  zur  Vorgeschichte  d.  Menschen  ïm  OMtl.  Europa.  Le  2*  vol.  com- 
posé d'après  les  sources  polonaises  et  russes  a  paru  dans  le  courant  de 
juin  dernier. 

—  Dissertations  inaugurales  de  FUniversité  de  Berlin  (1878)  :  Geppert. 
Beitraege  zur  Lehre  v.  d.  Gerichts-Verfassung  d.  Lex  Salica.  —  Hoff- 
mann. De  Taciti  annalibus  historiisque  capita  duo.  — Schneider. Quaes- 
tiones  Ammianeae.  —  E.  Zellkr.  Ueber  den  wissenschaftlichen  Untcr- 
richt  bei  den  Griechen. 

—  Dissertations  universitaires  (1878)  :  Bonn.  Heimbach.  Quaeritur, 
quid  et  quantum  Cassius  Dio  in  historia  conscribenda  inde  a  l.  40 
usquc  ad  l.  47  e  Livio  desumpserit.  —  Schmitz.  Die  Geschichte  der 
Lothringischen  Pfalzgrafeu  bis  auf  Konrad  von  Staufen.  =  Genève. 
Vallat.  De  Torigine  de  l'église  évangélique  des  vallées  vaudoises. 
=r  KieL  LuEBBBRT,  Dîsscrtatio  de  gentis  Claudiae  commentariis  do- 
mcsticis.  (Fest-Schrift).  —  Hoefpler.  De  nomothcsia  Attica.  — 
ScHWARTZ.  Ad  Atheniensium  rem  militarem  studia  Thucydidea.  — 
Kbssler.  Secundum  quos  auctores  Livius  res  a  Scipione  maioro  in 
Africa  gestas  narraverit.  -~  Voobler.  Quae  ab  a.  u.  c.  710  post 
mortem   C.  Julii  Caesaris  acta  siut  in   senatu   Romano.    =  Berlin. 


pariait  f»-  cartzaziacci.  E  sie^  T-::QLLiis  m  2i(  pc^rrxii  za:5 
dépoeer.  sst-îl  Ikot^  fiiéiçaâs  5j~Zaies".  M'fi.^  ^sijtxrr  si 3g 

2. 


1  cse;aT9  aiac^Ciss  i 

n  €St  a  crcicre  ^'«c  Afriq^^.  ccciaae  garvc::  l'^rTZ^,  c'esc  ia^s 

ks  floasKs  prGijGiiss  da  petit  pei^  ôes  TïLes  ^  ie»  ca^za^ziss. 

de  saiig  pQ^iqK  oo  !atî:i«  farsii  Les  ""^TrS'r*^,  jâ&  Vyrirtaes  Â 

mûcide  et  ks  i^-raîiPft  ihres  a:ix  <wpâRC:D:c<  les  plrss 

et  des  ûares  arrceée»  dT.gr<=-,  ese  la  dr^crizie-ix  5 


à  se  recmier.  Ses  prijerès  fxpa^t  rapàiâs.  à  oe  ^'il  5 
ÂTa^t  la  fin  du  seaxd  sêcfe  eik  coffnTrt^*;a:i  à  =f:-Cdcr  i  la  s:ir- 
Êiee  de  la  s>dêté.  Le  mêiaik^e  «iss  races*  la  cc^^^jc  rC  la  Tiràetè 
des  croraiio»  et  des  pratiques  reiîg»s3es  bd  ^<r=]ectiifiit  ie  se 
cacher  aiàéiDe&l.  L'athéisme  et  la  loag^e,  «iecx  £râ£^  «pi  pesèrent 
aflkors  sur  ks  cfarêtiecâ.  rrraiect  oûte  à  ec<e  ec  Afrique,  sar^s 
que  le  {Koroir  s'en  ixîqaiêtât.  Apolee  sans  dxLte  l'cÙ;  p^is  ai  à 
réff^Ae  à  oûe  aocQsatiû&  de  majéâce,  ^  des  qT^estkc^  riz.usrècs 
neoseeai  pas  été  e&  jeu,  et  daiïs  sa  ncpoc^e  il  pccvait  jLCw:::i^fr  sca 
aocusateor  de  mèpTiser  txxs  Les  diecx.  sar^  ipe  ce  ^«ri  tira:  à 
ooiiâéqiKXLce  derai^t  le  triboiial  et  attirât  à  sc-l  aiT^ersiire  iTioi:: 
ennui.  Qy<yr  conéGàe!  Il  sembkcrait  p^Lrir-cs  i^'A;^:ilr^  rsc  uii 
chrétien  traduit  derant  le  proconsul  :  on  Taorrise  d«e  i.';circ>=cxet 
maritfrat^  makâoes,  — plvrvHontm  maleficioru  .  *v  rksm- 
festissimarum.  —  D  a  prononcé  das  £:<TQ;iIes  bùiaiT\!s«  s*e$t 
procorè  on  pc^ââon  poor  interroger  s^  entraille?.  —  Nocrrs  le 
poisson,  sTinbole  sacré  des  fidèles.  —  U  a  ^t  ÙJbrlqu-er  e^  a  cccr 
sacré  une  étrange  image  de  bois,  on  hidecx  sqoeLctte^  di:-<r.  on 
ne  sait  qnd  démon  bizarre.  —  Il  a  fût  Tenir  on  edEir;  epJep- 
tique  —  dans  la  secte  on  disait  poisédè  —  et  Ta  olî:  :w<ciber 


fè/tHk»  âBle.  ffvà  wfxs! 
douU.  A|Nriêe.  Afoleç  ,  p.  5^.  Ei.  Ut.-lr.  et  BHdàaJ. 


L*<6L1SE   D'AFRIQUE  SOUS  SBPTTME  S^viEE.  245 

devant  lui*.  —  Et  d'un  autre  côté,  Apulée  paraît  dépeindre  en 
Emilianus  ce  qu'on  appelait  l'athéisme  chrétien.  «  Pour  cet  Emi- 
lianus,  c'est  un  jeu  d'esprit  que  de  tourner  en  dérision  les  choses 
saintes.  Si  j'en  crois  une  bonne  partie  des  habitants  d'Œa  qui  le 
connaissent,  à  l'âge  où  il  est,  il  n'a  encore  prié  aucun  Dieu,  il 
n'a  mis  le  pied  dans  aucun  temple.  Passe-t-il  devant  quelque  lieu 
saint,  il  croirait  faire  un  crime  de  porter  la  main  à  ses  lèvres  en 
signe  d'adoration*.  Aux  dieux  des  champs  mêmes  qui  le  nourris- 
sent et  l'habillent,  il  n'offre  jamais  les  prémices  de  ses  moissons, 
de  ses  vignes,  de  ses  troupeaux  :  dans  sa  ferme  il  n'y  a  pas  une 
seule  chapelle,  pas  une  seule  enceinte,  un  seul  bosquet  consacré. 
Et  que  parlé-je  bosquet  ou  chapelle  ?  De  ceux  qui  sont  allés  chez 
lui,  nul  ne  se  rappelle  y  avoir  vu  même  sur  les  limites  une  seule 
pierre  arrosée  d'huile,  un  seul  rameau  couronné^.  >  Et  le  proconsul 
Claudius  Maximus  renvoyait  dos  à  dos  le  prétendu  magicien  et  le 
prétendu  contempteur  des  dieux,  ces  deux  moitiés  de  chrétien, 
selon  l'opinion  commune. 

Nous  n'entendons  pas  qu'Apulée  ou  Emilianus  aient  incliné  l'un 
ou  l'autre  au  christianisme.  Apulée  est  philosophe  et  dévot  à  sa 
manière.  Il  a  été  revêtu  d'un  sacerdoce  à  Carthage^  C'est  un 
sectateur  fervent  du  polythéisme  et  un  adorateur  d'Isis.  Il  connaît 
les  chrétiens  et  a  laissé  voir  par  quelques  traits  la  haine  fanatique 
que  lui  inspire  la  dépravation  de  ceux  qui  rejettent  tous  les  dieux 
sous  prétexte  d'en  introduire  un  seul  ignoré  des  antiques  tradi- 
tions*. Si  son  adversaire  eût  donné  dans  ces  nouveautés  sacri- 
lèges à  ses  yeux  et  eût  pu  être  accusé  d'être  affilié  à  la  secte, 
l'habile  avocat  n'eût  pas  fait  scrupule  de  le  charger  sur  ce  point 
et  d'en  tirer  parti  pour  sa  cause.  Nous  n'avons  pu  cependant 

1.  s.  Cyprien  attestait  les  réTélations  des  enfants  extatiques.  Dans  une  de  ses 
lettres  il  écrit  :  Praeter  nocturnas  enim  visiones  per  dies  quoque  inipletar  apad 
nos  Spiritu  sancto  pueroram  innocens  aetas  quae  in  ecstasi  Tidet  ocalis,  et 
audit  et  loquitur  ea  quibus  nos  Dominus  monere  et  instruere  dignatur.  EpUt, 
IX.  Cf.  Ed.  Le  Blant,  Recherches  sur  Vaccusation  de  magie  dirigée  conire  les 
premiers  chrétiens.  Extrait  du  XXXI«  vol.  des  Mém,  de  la  Soc,  des  Aniiq.  de 
FrancCy  p.  10  et  suiv. 

2.  Cf.  le  commencement  de  VOctavitis. 

3.  Apulée,  Apolog.j  p.  401. 

4.  Apul.,  Florid.y  III.  Docuit  argumente  susoepti  sacerdotii  summum  mihi 
honorem  Carthaginis  adesse. 

5.  Tum  spretis  atque  calcatis  divinis  numinibus,  in  vicem  certae  religionis, 
menti  ta  sacrilega  praesumptione  Dei,  quem  praedicaret  unicnm,  confictis  obser- 
Tationibus  yacuis  fallens  omnes  homines...  Apul.,  Mé(amorph,y  IX,  t.  I,  p.  288. 


246  B.  Austf. 

nous  empêcher  de  noter  en  passant  ces  analogies.  L'afEiaire 
d'Apulée  nous  apprend  aussi  que  l'accusation  de  magie  était  alors 
de  la  dernière  grayité  et  pouvait  entraîner  la  peine  capitale^ 

Frédéric  Munter  dans  ses  Primordia  Ecclesiœ  Afyncanœ 
écrit  qu'au  temps  de  Tertullien,  et  plus  précisément  au  moment 
où  le  docteur  de  Carthage  publiait  son  Apologétique ^  c'est-à-dire 
à  la  limite  extrême  du  second  et  du  troisième  siècle,  les  trois  pro- 
vinces de  TAfirique  romaine  comptaient  plus  de  cent  mille  chré- 
tiens'. Les  données  sûres  et  précises  font  défaut  pour  établir  ou 
vérifier  cette  évaluation.  Elle  n'est  présentée  et  ne  peut  l'être  que 
comme  un  à  peu  près,  et  à  ce  titre  est  facilement  contestable. 
Elle  nous  parait  cependant  assez  vraisemblable,  quoique  peut- 
être  un  peu  grossie. 

S'il  fallait  prendre  à  la  lettre  les  textes  de  Tertullien,  elle 
serait  au  contraire  fort  au-dessous  du  vrai,  et  on  devrait  parier 
non  de  cent  mille,  mais  de  plusieurs  millions.  On  sait  le  fameux 
passage  où  il  marque  que  les  chrétiens  remplissent  l'empire  et 
que  le  monde  romain  deviendrait  un  désert  s'ils  se  retiraient; 
dans  un  autre  il  dit  que  la  multitude  des  chrétiens  est  bien  plus 
nombreuse  que  les  ennemis  de  Rome'.  De  TAfirique  en  particulier 
il  écrit  que  les  chrétiens  dans  chaque  cité  forment  presque  la 
majorité  de  la  population^.  Dans  ce  cas  ils  eussent  été  plus  de  deux 
cent  mille  dans  la  seule  ville  de  Carthage.  Dans  la  même  lettre  à 
Scapula,  il  oppose  aux  menaces  du  proconsul  la  multitude  des 
chrétiens  :  «  Que  feras-tu,  dit-il,  de  tant  de  milliers  de  chrétiens, 
hommes  et  femmes,  de  toute  classe  et  de  tout  rang,  qui  se  présen- 
teront devant  toi  ?  Quels  feux,  quels  glaives  pourront  suflBre  à  les 
immoler?  Faudra-t-il  décimer  Carthage?  Chacun  découvrira 
parmi  les  victimes  ses  proches,  ses  amis,  ses  familiers*.  > 

S'il  serait  puéril  d'accepter  passivement  l'arithmétique  hyper- 
bolique de  Tertullien,  il  serait  absurde  d'autre  part  de  ne  tenir 
nul  compte  de  ces  témoignages.  Il  faut  croire  certainement  qu'au 

1.  Qui  maritam  toam,  quem  elcgeras,  qneni  at  ipse  objicielNit,  efflictîm  ama- 
bas,  capitis  aeeusavU,  Apulée,  Âpol,,  p.  526. 

2.  Neque  facile  a  Tero  aberrabimas  si  cbristianomm  in  A£ricaiiis  provinciis 
nomemm  ante  Agrippinom  oltra  centom  millia  crcTisse  sUtoamos.  Op.  cit., 
c  5,  p.  24. 

3.  Nane  enim  paociores  bostes  babeUs  prae  maltiliidiiie  ebriâUaiionim  paene 
omniuin  ciTitatam.  Apolog.,  37. 

4.  Partem  paene  roajorem  dTitatis  cojusque.  Ad.  Seap^,,  2. 

5.  Ad  Scapul,,  cap.  nlU 


l'MgLISB  D'AFRIQUE  SOUS  SBPTIMB  SlîviRB.  247 

moment  où  TertuUien  tenait  la  plume  et  écrivait  les  passages 
cités  plus  haut,  la  foi  chrétienne  comptait  en  Afrique  un  nombre 
très  considérable  d'adeptes  et  de  clients  dans  toutes  les  classes  de 
la  société,  les  uns  chrétiens  achevés,  les  autres  chrétiens  en  tra- 
vail; qu'ils  étaient  plus  denses  dans  les  centres  populeux  de  la 
province  proconsulaire  que  dans  la  Numidie  et  dans  la  Mauri- 
tanie, dans  les  villes  que  dans  les  campagnes;  qu'à  Carthage  ils 
se  comptaient  par  milliers.  Étaient-ils  dix  mille,  vingt  mille  ou 
trente  mille  à  Carthage?  Nul  ne  le  sait,  et  l'hypothèse  est  libre. 
On  rapporte  que  l'évêque  Agrippinus  réunit  en  Numidie  un 
synode  où  se  trouvaient  soixante-dix  évêques.  On  dispute  sur 
l'époque  où  se  tint  cette  assemblée.  MorceUi  la  place  en  198, 
Miinter,  avec  plus  de  raison  ce  semble,  vers  215.  Une  réunion  de 
soixante-dix  évêques,  au  moment  même  où  la  persécution  com- 
mençait à  sévir,  n'est  guère  vraisemblable.  L'autorité  Taurait- 
elle  soufferte?  c'eût  été  pousser  loin  la  complaisance.  L'aurait- 
elle  ignorée  ?  c'eût  été  pousser  loin  l'aveuglement.  Le  fait  est  déjà 
surprenant  dans  un  temps  où  la  persécution  violente  avait  cessé. 
Admettons-le  cependant.  Qu'est-ce  que  ce  chiffre  de  soixante-dix 
évêques  ?  Est-il  donné  comme  un  nombre  rond  ?  A-t-il  une  valeur 
mystique  ?  S'il  doit  être  pris  littéralement,  il  faudra  reconnaître 
que  la  Numidie  seule,  vers  215,  comptait  soixante-dix  églises 
constituées  et  organisées  avec  diacres,  prêtres  et  évêques.  On  en 
doutera  peut-être,  si  l'on  veut  réfléchir  qu'au  concile  de  Carthage, 
tenu  en  256  par  Cyprien,  on  ne  trouve  pour  la  Numidie  que 
trente-deux  sièges  épiscopaux,  et  quatre-vingt-dix  pour  l'en- 
semble des  trois  provinces  d'Afrique.  D'un  autre  côté,  on  se  gar- 
dera sans  doute  de  rien  inférer  de  ce  nombre  de  soixante-dix 
évêques,  si  l'on  veut  considérer  que  dans  les  conciles  postérieurs 
tous  les  assistants  ne  sont  pas  évêques,  et  que  primitivement  et  à 
l'origine  de  l'organisation  hiérarchique,  —  laquelle  ne  se  fit  pas 
tout  d'un  coup  et  par  décret,  mais  fut  l'œuvre  du  temps  et  des 
besoins  nouveaux  qu'il  amena  et  auxquels  on  satisfit  successive- 
ment, —  lorsque  l'évêque  fut  nettement  distingué  du  prêtre  avec 
lequel  il  se  confondait  d'abord  et  obtint,  au  lieu  de  cette  primauté 
d'honneur  que  son  âge,  ses  services,  l'ancienneté  de  sa  foi,  son 
expérience  et  son  zèle  lui  méritaient,  un  droit  effectif  de  gouver- 
nement et  de  juridiction,  c'est-à-dire  devint  un  chef  élu,  reconnu 
et  respecté  comme  Varchxereus  de  la  communauté  civile  de 
l'Asie,  de  la  Bithynie  ou  du  Pont,  il  y  eut  une  période  de  transi- 


248  B.    ADBé. 

tion  d'une  durée  indéterminée  et  variable  où  le  nombre  des 
évêques  fut  très  considérable,  correspondit  à  chaque  groupe  de 
fidèles,  et  qu'il  y  en  eut  probablement  plusieurs  à  la  fois  dans 
quelques  villes  importantes.  Au  temps  de  saint  Augustin,  on 
comptait  environ  quatre  cent  quarante-six  sièges  épiscopaux  en 
Afrique,  dont  beaucoup,  comme  on  l'imagine  aisément,  avaient 
de  fort  étroites  circonscriptions*. 

Or,  ce  qui  tendrait  à  prouver  qu'à  la  limite  du  second  et  du 
troisième  siècle  l'organisation  de  l'épiscopat  était  fort  récente, 
c'est  l'ignorance  absolue  où  l'on  est  des  noms  des  évêques 
d'AJfrique  pendant  les  deux  premiers  siècles.  Le  premier  que  l'on 
connaisse  est  cet  Opta  tus  dont  il  est  fait  mention  avec  une  nuance 
de  dédain  dans  les  Actes  des  saintes  Perpétue  et  Félicité ,  et 
qui  fut  sans  doute  évêque  de  Carthage  dans  les  dernières  années 
du  second  siècle  ;  évêque  d'autorité  contestée,  semble-t-il,  car 
dans  cette  même  pièce  on  nous  le  montre  disputant  avec  un 
prêtre  du  nom  d'Aspasius  et  peu  capable  de  mettre  l'union  parpai 
les  fidèles  dont  il  avait  la  garde.  En  fait,  avant  Cyprien  on  ne 
connaît  que  quelques  noms  d'évêques  ou  de  prêtres  de  l'Afinque 
romaine. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  son  origine,  et  bien  qu'il  comptât  proba- 
blement moins  d'un  siècle  d'existence,  le  christianisme  dès  l'avè- 
nement de  Sévère  était  très  florissant  dans  les  provinces  d'Afrique. 
Il  était  muni  de  tous  les  organes  qui  constituent  une  société 
organisée.  Il  avait  ses  magistrats,  diacres,  prêtres  et  évêques  ; 
son  budget  largement  alimenté  par  des  dons  volontaires  et  des 
cotisations  mensuelles  ;  ses  lieux  de  réunion  plus  ou  moins  fixes, 
et  ses  lieux  de  sépulture  pour  les  frères  défunts  ;  ses  apôtres  et 
ses  initiateurs  dans  chacun  des  fidèles  ;  ses  docteurs  et  ses  polé- 
mistes dans  la  personne  des  Minucius  Félix,  des  TertuUien  et 
des  autres  lettrés  convertis  ;  il  avait  ce  qui  n'est  pas  moins  néces- 
saire peut-être  à  une  doctrine,  et  ce  qui  marque  sa  vitalité,  des 
opposants  et  des  dissidents.  Les  débats,  on  peut  le  croire,  étaient 
vifs  sous  cet  ardent  climat.  C'est  une  plume  chrétienne  qui  écrit 
des  fidèles  d'Afrique  de  ce  temps,  qu'ils  avaient  toujours  l'air  de 
sortir  du  cirque,  tant  ils  semblaient  animés  et  échaufies  les  uns 
contre  les  autres*.  Les  sectes  diverses  qui  en  Orient  avaient  çà  et 

1.  Bingham,  Origines  eccl.^  III,  p.  416. 

2.  Pasi.  SS.  Perpeluae,  FelicUatis  et  socior.  13.  Rainart,  Act.  sine,  et 
selecta. 


l'iîglisb  d'afriqub  sous  septimb  sévÈRE.  249 

là  poussé  autour  de  l'église  et  dans  son  sein  s'étaient  répandues 
dans  l'Occident.  En  écrivant  contre  Praxéas,  Marcion,  Hernoio- 
gène,  les  Valentiniens  et  les  autres  Gnostiques,  Tertullien  assu- 
rément ne  prétendait  pas  faire  de  l'histoire  ou  de  la  polémique  en 
l'air.  Il  visait  des  opinions  qui  troublaient  l'église  de  Carthageet 
combattait  un  péril  présent.  Lui-même,  bien  qu'il  travaillât  d'or- 
dinaire pour  la  grande  église  et  se  portât  le  zélé  défenseur  de  la 
tradition,  inclinait  à  ce  parti  des  austères,  des  détachés  du  monde 
et  des  illuminés  qui,  né  depuis  trente  ou  quarante  ans  en  Phrygie, 
s'était  étendu  partout  et  avait  gagné  les  âmes  les  plus  sincères  et 
les  plus  pures. 

Lentement  donc,  mais  sûrement,  grâce  à  une  prédication 
familière  et  domestique  dont  chaque  fidèle  était  l'agent  incons- 
cient, grâce  aussi  à  la  liberté  religieuse  et  à  la  tolérance  com- 
mune en  fait  d'idées  et  de  croyances,  l'église  se  fonda,  grandit  et 
se  constitua  dans  l'Afrique  romaine.  Le  dédain  suprême  et  som- 
maire en  haut,  en  bas  des  haines  plus  vives  s'exhalant  en  insultes 
et,  à  l'occasion,  en  voies  de  fait,  saluèrent  sans  doute  son  apparition 
et  suivirent  ses  progrès.  Cependant  l'autorité  n'intervint  pas 
pour  y  mettre  obstacle  au  nom  des  lois.  Lorsque  l'infernale  fan- 
taisie de  Néron  fit  à  Rome  une  hécatombe  de  chrétiens  en  64,  il 
n'y  avait  probablement  pas  un  seul  fidèle  en  Afrique  qui  pût 
craindre  d'en  subir  le  contre-coup.  Et  de  même,  lorsque  le  glaive 
de  Domitien  s'abattit  dans  la  même  ville  de  Rome  sur  quelques 
têtes  suspectes  de  superstitions  judaïques,  la  matière  manquait 
encore  en  Afrique  à  qui  eût  songé  à  imiter  le  maître  dans  ses 
violences  et  ses  proscriptions.  Quand  Tertullien  écrit  que  ni 
Hadrien,  ni  Antonin  le  Pieux,  ni  Verus  (évidemment  Marc 
Aurèle)  ne  publièrent  d'édit  contre  les  chrétiens,  qu'aucun  prince, 
à  l'exception  de  Néron  et  de  Domitien,  jusqu'à  celui  qui  règne 
aujourd'hui  (évidemment  Septime  Sévère),  n'a  persécuté  l'église, 
ce  témoignage  peut  être  reçu  avec  pleine  assurance  pour  ce  qui 
regarde  l'Afrique.  Il  n'y  a  pas,  du  moins  que  nous  sachions,  un 
seul  document  ni  un  seul  fait  considérable  qui  l'infirme. 

Cependant,  dès  avant  Sévère,  la  renommée  avait  dû  faire  con- 
naître en  Afrique  que  les  chrétiens  étaient  au  ban  de  l'opinion  et 
théoriquement  hors  la  loi,  qu'en  Bithynie  jadis  un  légat  impérial 
en  avait  fait  exécuter  plusieurs,  que  Trajan  avait  déclaré  illégale 
la  secte  chrétienne,  que  sous  Antonin  un  groupe  de  fidèles  et  le 
chef  de  l'église  d'Asie  avaient  été  suppliciés  à  Sm3nme,  que  sous 


250  B.   AUBli. 

Marc  Âurèle  les  chrétiens  avaient  été  maintes  fois  maltraités  ou 
judiciairement  condamnés,  soit  par  la  foule  qu'on  laissait  faire, 
soit  par  les  autorités  locales,  soit,  comme  à  Lyon,  par  les  ordres  du 
représentant  du  pouvoir  central.  On  ajoutait  peutrêtre,  il  est  vrai, 
que  la  loi  au  sujet  de  la  répression  des  chrétiens  était  ambiguë, 
hésitante  et  comme  peu  sûre  d'elle-même;  que  le  pouvoir,  tout  en 
condamnant  les  chrétiens,  ne  souhaitait  pas  qu'on  les  recherchât, 
inclinait  aux  voies  de  douceur,  et  penchait  à  les  couvrir  et  à  les 
défendre  contre  les  entreprises  et  les  violences  populaires. 

Le  sentiment  public  dans  toutes  les  classes  de  la  société 
païenne  était  évidemment  plus  hostile  en  général  aux  chrétiens 
que  l'autorité.  Il  semble  que  ce  soit  un  paradoxe  de  parler  ici  de 
la  mansuétude  de  la  loi  romaine,  si  cruelle  et  si  inhumaine,  et 
qu'on  représente  toujours  acharnée  contre  les  fidèles.  Cependant 
les  Antonins  depuis  un  siècle  paraissaient  travailler  à  désarmer 
la  loi  qui  les  condamnait.  Trajan,  qui  le  premier  avait  fixé  la 
jurisprudence  en  cette  matière,  n'avait-t-il  pas  interdit  de  rece- 
voir les  dénonciations  anonymes  et  défendu  les  poursuites  d'oflSce  ? 
Hadrien,  Antonin,  Marc  Aurèle  n'étaient-ils  pas  intervenus 
également  ?  On  ne  sait  précisément  en  quels  termes,  caries  pièces 
qu'on  leur  attribue  ne  paraissent  guère  authentiques,  mais  dans 
un  esprit  d'équité  et  de  douceur,  on  a  toute  raison  de  le  supposer; 
c'est-à-dire  pour  défendre  à  ceux  qui  avaient  le  droit  du  glaive 
d'obtempérer  aux  clameurs  et  aux  sommations  tumultuaires  des 
foules,  pour  leur  recommander  de  respecter  les  formes  légales, 
d'attendre  les  accusations  et  de  ne  pas  les  accueillir  au  hasard  ni 
de  toutes  mains.  L'humanité  et  le  souci  de  la  paix  publique,  en 
face  d'un  mal,  que  dès  le  temps  de  Trajan  on  ne  pouvait  vaincre 
par  la  force  vive  sans  verser  des  fleuves  de  sang ,  décréter  et 
exécuter  une  sorte  de  dépopulation  de  l'empire,  avaient  produit 
ces  compromis,  amené  diverses  interventions  du  pouvoir  où  il 
semblait  que  la  parole  du  prince  contredît  la  loi  écrite  et  la 
réduisît  à  une  lettre  morte,  défendît  l'excès  de  zèle,  recommandât 
le  tact,  la  prudence  et  au  besoin  l'art  de  savoir  fermer  les  yeux. 

Les  chrétiens  croissaient  cependant.  Les  quelques  condamna- 
tions prononcées  çà  et  là  contre  eux  les  servaient  grandement, 
réveillaient  le  zèle,  maintenaient  l'union  dans  la  secte,  enflam- 
maient la  foi.  Ils  se  glissaient  partout.  L'Afrique  était  assez 
voisine  de  Rome  pour  qu'on  sût  à  Carthage  et  autour  de 
Carthage,  dans  l'église  et  hors  de  l'église,  qu'auprès  du  fils  de 


l'MgLISB  d'aFRIQUB   sous  SEPTIMB  SJTiRB.  254 

Marc  Aurèle  la  chrétienne  Marcia  était  toute  puissante;  que  dans 
la  domesticité  du  prince,  parmi  les  Césariens,  devant  lesquels  se 
courbaient  chevaliers  et  sénateurs,  il  y  avait  nombre  de  chré- 
tiens; que  l'un  d'eux,  plus  dévoué  sans  doute  au  chef  de  sa  secte 
qu'au  chef  de  l'Etat,  avait  été  envoyé  avec  une  lettre  impériale 
arrachée  par  Marcia  à  Commode,  pour  délivrer  les  chrétiens 
condamnés  aux  mines  de  Sardaigne.  Ces  vents  d'humanité  ou  de 
faveur  qui  soufflaient  à  la  cour  devaient  causer  quelque  embarras 
aux  magistrats  éloignés  de  Rome  et  (aire  singulièrement  vaciller 
leur  justice.  La  profession  chrétienne  était-elle  un  crime?  La  loi  et 
la  tradition  disaient  oui,  mais  la  conduite  et  les  rescrits  du  prince 
disaient  non.  L'opinion  populaire  paraissait  d'accord  avec  la  loi: 
cependant  les  chrétiens  allaient  partout  tête  levée  :  on  en  trouvait 
dans  les  antichambres  de  la  demeure  impériale.  Us  avaient  assez  de 
crédit  pour  faire  annuler  les  arrêts  des  préfets  de  Rome.  Les  pro- 
consuls et  les  présidents  les  plus  conservateurs  et  les  plus  fermes, 
craignant  d'être  désavoués,  blâmés,  ou  seulement  de  déplaire, 
hésitaient,  frappaient  mollement,  ou  se  dérobaient  et  prenaient 
des  biais  quand  ils  étaient  mis  en  demeure  d'agir. 

D'autre  part  cependant,  au  sein  des  masses  païennes,  parmi  les 
dévots  de  la  Dea  Cœlestis,  les  esprits  étaient  fort  échauffés.  Au 
zèle  chrétien  répondait  le  fanatisme  des  superstitions  locales.  Les 
passions  des  plus  nombreux  poussaient  aux  violences  contre  une 
minorité  chaque  jour  croissante  de  réfractaires  et  de  transfuges 
obstinés.  On  accusait  la  mollesse  et  l'apathie  du  gouvernement 
qui  n'osait  user  de  ses  armes  contre  des  factieux  qui  assiégeaient 
la  ville  et  les  campagnes  ^  On  nous  raconte  que  Pertinax,  pen- 
dant son  proconsulat  d'Afrique  (188-189),  eut  à  subir  plus  d'une 
émeute  religieuse.  Les  prêtresses  de  la  déesse  Céleste  par  leurs 
prédications  enflammées  remuaient  aisément  ces  âmes  ardentes, 
dociles  à  leurs  excitations,  et  les  précipitaient  dans  tous  les 
excès'.  Dans  quels  excès  et  de  quelle  nature?  on  l'ignore.  On  ne 
sait  quel  était  l'objet  de  ces  vaticinations  qui  troublaient  les 
esprits  au  point  de  compromettre  la  paix  publique.  La  politique 
sans  doute  n'avait  rien  à  y  voir.  On  peut  supposer  que  les  cons- 
ciences populaires,  là  comme  ailleurs  et  plus  vivement  qu'ailleurs, 

1.  Obsessam  Yociferantiir  eiviutem;  io  agris,  io  castellis,  in  insalis  Christii- 
nos.  Àpolog,,  1. 

2.  In  quo  proconsulalu  (Africae)  nmltas  aeditiones  perpeaaos  dicitnr,  Taticioa- 
tionibas  earum  quae  de  templo  CaeiesUa  emergnnt.  Jul.  Capitol.  Ptrtlmax^  4* 


252  B.   AUBé. 

étaient  émues  des  brèches  que  la  secte  chrétienne  faisait  chaque 
jour  dans  la  religion  du  pays,  sans  que  l'autorité  intervînt  effica- 
cement pour  la  protéger. 

De  là  des  mécontentements,  des  murmures,  des  soulèvements, 
des  cris  de  mort  poussés  contre  les  chrétiens  dans  les  grandes 
réunions  populaires,  des  sommations  violentes  et  tumultueuses 
adressées  aux  agents  de  Tautorité.  De  là  des  actes  de  violence 
foraine,  des  coups  de  main,  des  scènes  de  banditisme,  des  attaques 
et  assauts  de  maisons  chrétiennes  avec  des  pierres  et  des  torches, 
les  assemblées  des  chrétiens  bloquées  ou  dispersées  par  la  foule 
ameutée,  leurs  cimetières  violés,  profanés,  les  cadavres  indigne- 
ment tirés  des  sépultures  et  mis  en  pièces,  les  derniers  outrages 
infligés  aux  fidèles  ou  aux  morts  qu'ils  honoraient.  Dans  ces 
violences  populacières  exercées  contre  les  chrétiens,  les  juifs  se 
liguaient  avec  les  païens*.  On  connaît  la  caricature  du  crucifié 
à  tête  d'âne  dessinée  sur  les  murailles  d'une  salle  basse  du  Palatin. 
On  la  renouvela  à  Carthage  vers  la  fin  du  second  siècle.  Un 
méchant  juif  apostat,  valet  d'amphithéâtre,  s'avisa  de  promener 
par  les  rues  en  guise  de  parodie,  au  milieu  des  rires  et  des  huées 
de  la  foule,  une  grande  enluminure  burlesque  qui  représentait 
un  personnage  vêtu  de  la  toge,  un  livre  à  la  main,  avec  des 
oreilles  d'âne  et  un  pied  fourchu,  et  au-dessous  cette  légende  : 

C'est  le  Dieu  des  chrétiens,  il  couche  avec  les  ânes  2. 

Remarquons  la  toge  :  elle  manquait  au  graffito  du  Palatin. 
La  caricature  du  juif  carthaginois  touche  à  la  fois  Rome  et  les 
chrétiens.  L'auteur  ne  semble-t-il  pas  dire  que  le  Dieu  des  chré- 
tiens est  devenu  romain  par  la  tolérance  du  pouvoir,  qu'il  en 
porte  l'habit,  qu'il  se  donne  des  airs  de  citoyen  ?  Quelle  dérision  ! 
Quel  renversement  du  sens  commun  et  des  vieilles  traditions  ! 


1.  Toi  hosles  quot  extranei,  et  quidem  proprià  ex  aemulatione  Judaei,  ex  con- 
cussione  milites,  ex  natura  ipsi  domestici  nostri.  Quotidie  obsidemur,  quotidie 
prodimur;  in  ipsis  plarimum  coetibus  et  congregationibus  nostris  opprimimur. 
Apotogetic.  VII.  Cf.  Ad  Nation.,  I,  7.  De  die  redundamas;  quod  piures,  hoc 
pluribus  odiosi.  Magis  increscit  odium  incresceate  materia. 

2.  Tertall.y  Ad.  Nai.,  I,  14  :  nec  adeo  nuper  quidam  perditissimas  in  ista 
cÎYitate,  etiam  suae  reUgionis  desertor,  solo  detrimento  catis  Jndaeus,  utique 
magis  post  besliarum  morsus,  ut  ad  quas  se  locando  quotidie  toto  jam  cor- 
pore  decutiendus  incedit,  picturam  in  nos  proposuit  sub  ista  proscriptione  Ono^ 
coeies.  Is  erat  auribus  canterioram  et  in  toga,  cum  libro,  altero  pede  ungulato. 
Cf.  Apologet,  16. 


L*^6LISB  D'AFRIQUE   SOUS  SBPTIIIB  8<yiR£.  253 

A  défaut  de  la  voie  publique  où  ils  n'étaient  pas  si  libres,  et 
des  répliques  figurées  qu'il  eût  été  imprudent  d'essayer,  si  faciles 
qu'elles  fussent,  les  hommes  d'esprit  de  la  secte  nouvelle  avaient 
la  langue  et  la  plume.  On  peut  croire  qu'ils  en  usaient.  On  exhi- 
bait comme  leur  Dieu  un  monstre  à  tête  d'àne  ;  ils  répondaient 
qu*ils  ne  connaissaient  pas  ce  personnage,  et  que  si  quelqu'un 
l'adorait,  ils  en  riaient  les  premiers,  comme  ils  se  permettaient  de 
rire  de  tant  d'autres  dieux  informes  ou  difformes,  aux  têtes  de 
chien,  de  bouc,  d'épervier,  de  chacal,  d'oiseau,  aux  jambes 
velues  et  aux  pieds  de  corne,  communément  adorés;  que  ceux  qui 
leur  prêtaient  un  âne  avaient  dans  leurs  sanctuaires  toute  une 
ménagerie;  que  ce  n'était  pas  le  Dieu  des  chrétiens,  mais  la 
déesse  Epona  qui  couchait  à  l'écurie,  dans  le  parfum  du  fumier  et 
des  bêtes  de  somme. 

Il  n'y  avait  là  qu'un  échange  de  plaisanteries,  de  finesse  et  de 
justesse  contestables,  inoffensives  en  somme.  Les  railleurs  n'ont 
jamais  troublé  la  foi  des  vrais  croyants  :  ils  ne  mordent  que  sur 
les  esprits  que  le  doute  a  déjà  entamés.  Plus  meurtrières  étaient 
les  rumeurs  usées  ailleurs,  mais  qui  couraient  alors  l'Afrique,  sur 
les  initiations  nocturnes  des  chrétiens,  leurs  infanticides,  leurs 
communions  sanglantes,  et  les  scènes  de  promiscuité  qui  suivaient 
ces  rites  de  conjurés.  Sur  cette  terre  où  fleurissaient  les  arts 
magiques,  au  milieu  de  ces  imaginations  ardentes,  crédules,  de 
curiosité  et  de  mœurs  dépravées,  ces  bruits  odieux  étaient  avide- 
ment écoutés  et  reçus.  Peu,  dit  Tertullien,  savaient  se  défendre 
d  y  croire.  Les  négations  indignées  et  les  mordantes  ripostes  du 
polémiste  chrétien  ne  pénétraient  pas  dans  les  masses  illettrées. 
On  imagine  quelles  sombres  fureurs  ces  récits  allumaient  contre 
les  incestueux,  les  mangeurs  d'enfants,  cette  troisième  espèce 
d'hommes*  qui,  par  ses  allures,  ses  mystérieuses  croyances  et  ses 
infâmes  pratiques,  se  mettaient  en  dehors,  non  seulement  des 
gentils  et  des  juifs,  mais  de  l'humanité.  Cela  ne  criait-il  pas  ven- 
geance? N'était-ce  pas  pour  la  punition  de  ces  ignominies  que 
les  dieux  irrités  frappaient  si  souvent  la  terre  ?  Et  si  l'on  disait 
que  les  dieux  étaient  bien  aveugles  alors  et  bien  injustes  de  ne 
pas  distinguer,  de  punir  les  innocents  pour  les  fautes  de  quelques 
hommes  perdus,  plusieurs  répondaient  que  les  adorateurs  des 
dieux,  en  laissant  vivre  les  chrétiens  au  lieu  de  les  exterminer 

t.  Plane  terlium  geous  dicimur.  Àd,  NaU,  l,  S,  cf.  1,  20. 


254  B.    AUBJ. 

jusqu'au  dernier,  en  se  montrant  si  peu  zélés  à  défendre  les  dieux 
contre  ceux  qui  les  blasphémaient,  se  faisaient  leurs  complices,  et 
méritaient  les  colères  du  ciel  ^ 

Ceci  visait  l'autorité.  En  Afrique  l'opinion  populaire  accusait 
sa  tiédeur  et  presque  sa  connivence.  Les  grands  mots  cependant 
résonnaient,  ceux  qui  font  le  plus  aisément  dresser  l'oreille  aux 
agents  du  pouvoir  et  réveillent  d'ordinaire  les  plus  endormis.  On 
disait  communément  en  Afrique  ce  qui  se  disait  ailleurs  cinquante 
ans  auparavant,  que  les  chrétiens  étaient  des  contempteurs  des 
lois,  des  hommes  dangereux,  des  ennemis  de  l'Etat  et  de  la  société. 

Ces  rumeurs,  ces  accusations  usées  partout,  et  produisant 
alors  dans  l'Afrique  romaine  une  sorte  d'agitation  émeutière, 
laissaient,  ce  semble,  le  proconsul  Pertinax  froid  et  maître  de  lui- 
même.  Il  avait  vieilli  dans  les  grands  commandements.  Il  avait 
fait  tête  à  des  soulèvements  plus  sérieux.  D'un  autre  côté,  il  avait 
vu  d'assez  près  en  divers  pays  les  hommes  et  les  choses  de  son 
temps  pour  savoir  à  quoi  s'en  tenir  sur  les  chrétiens.  Bien  des 
fois  il  avait  entendu  parler  déjà  de  ces  prétendus  ennemis  publics. 
Il  était  assurément  de  ceux  qui  souriaient  de  ces  sottes  et  ridicules 
histoires  qui,  après  avoir  fait  le  tour  de  l'empire,  venaient  échouer 
en  Afrique  et  défrayer  les  conversations  de  la  plèbe  fanatique.  On 
peut  croire  qu'il  trouva  sage  de  ne  pas  s'engager  dans  la  querelle 
des  dieux  et  de  s'abstenir  d'empiéter  sur  leurs  droits,  digne  de 
son  rang  de  ne  pas  déférer  aux  préjugés  et  aux  clameurs  de  la 
foule,  humain  et  politique  de  ne  pas  tirer  l'épée  contre  une  secte 
qui,  quoi  que  valussent  au  fond  ses  croyances  et  ses  pratiques,  et 
quoi  que  le  vulgaire  en  pensât,  était  en  somme  paisible  et  docile 
aux  lois  et  qu'il  savait  peut-être  fortement  et  eflScacement  pro- 
tégée auprès  de  Commode. 

On  croira  aisément  que  cette  politique  de  neutralité  et  de 
sourde  oreille  en  face  des  injonctions  populaires  fut  aussi  celle  de 
Didius  Julianus,  qui  succéda  immédiatement  à  Pertinax  en  qualité 
de  proconsul  d'Afrique,  189-190.  L'achat  de  l'empire  romain 
aux  enchères  a  déshonoré  la  mémoire  de  Didius  Julianus.  Au 
rapport  de  Spartien,  c'était  un  honnête  homme  et  qui  avait  bien 
porté  un  nom  illustre.  Il  était  plein  d'humanité  et  de  douceur.  Il 


t.  Propter  contemptores  etiam  coltores  suos  laedant unas  atqne  alius 

▼anissimus  ait  idcirco  vobis  qaoque  irascuntor  (dii)  quoniam  de  nostra  eradica- 
Uone  neglegitis.  Ad,  Nation.,  I,  9. 


L^fcLISB   D'AFRIQUE  SOUS  SBPTIME  S^vIeB.  255 

dut  apprendre  en  Afirique  l'amnistie  accordée  aux  chrétiens  con- 
damnés aux  mines  de  Sardaigne,  et  n*était  pas  homme  à  aller 
contre  les  vues  du  prince.  On  rapporte  qu'en  193,  lorsqu'il  sut 
que  Septime  Sévère  marchait  sur  Rome  à  la  tête  de  son  armée, 
dans  le  désarroi  de  ses  espérances,  il  eut  recours  à  des  rites 
étrangers  et  à  des  opérations  magiques.  C'est  dire  assez  que  sa 
foi  dans  la  vertu  des  cérémonies  officielles  n'était  pas  très  ferme. 
Les  procès  faits  aux  chrétiens  en  Afirique  commencent  cepen- 
dant à  ce  moment,  sous  les  deux  proconsuls  qui  succèdent  à 
Didius  Julianus,  dès  avant  la  mort  de  Commode,  Cincius  Severus 
et  Vespronius  Candidus  (190-192).  Tertullien  raconte  que  Cin- 
cius Severus,  à  Thysdrus,  fournit  lui-même  à  des  chrétiens  le 
moyen  de  répondre  de  façon  à  être  renvoyés  absous,  et  que 
Vespronuis  Candidus  fit  mettre  en  liberté  un  chrétien,  sous  pré- 
texte que  l'ordre  public  aurait  plus  de  risque  à  courir  de  sa  con- 
damnation ^  C'est  dire  précisément  que  ni  l'un  ni  l'autre  des 
deux  proconsuls  n'avait  pris  l'initiative  des  poursuites,  et  que 
tous  deux  au  contraire  étaient  également  embarrassés  de  l'accu- 
sation. Ils  ne  pouvaient  la  repousser  directement  et  y  opposer 
une  fin  de  non-recevoir  préalable.  C'eût  été  trahir  leurs  devoirs 
et  refuser  de  rendre  la  justice.  Evidemment  l'accusateur  n'était 
pas  un  de  leurs  agents,  mais  quelque  citoyen  de  Thysdrus  ou  de 
Carthage  qu'il  fallait  écouter.  Cincius  Severus  n'aimait  guère 
Commode*,  mais  il  n'estimait  pas  prudent  de  condamner  ceux 
que  le  prince  graciait  solennellement  :  il  trouva  l'art  d'interroger 
les  prévenus,  de  leur  insinuer  des  réponses  qui  eussent  l'air  d'une 
satisfaction  suffisante,  et  prononça  qu'il  n'y  avait  pas  lieu  de 
condamner.  De  même  Vespronius  Candidus,  après  avoir  entendu 
l'accusateur,  refusa  de  sévir,  sous  prétexte  que,  dans  l'espèce,  la 
condamnation  serait  pire  que  le  mal  et  plus  fâcheuse  pour  la  paix 
de  la  cité;  ou  que  les  chrétiens  n'étant  après  tout  que  des  brouil- 
lons et  des  esprits  remuants,  ils  n'avaient  qu'à  faire  amende 
honorable  et  à  s'entendre  avec  leurs  concitoyens,  sans  que  la  loi 
intervînt  dans  ces  débats'.  Vespronius  Candidus  était  dur  et 


1.  Tertull.,  Àd  ScapuL,  IV.  Cincius  Serenis  qui  Thjsdri  ipM  dédit  reme- 
diom,  quo  modo  responderent  christiani,  ut  diniilU  posaent. 

2.  Cincius  Severus  dixit  :  injuste  sepultus  est.  Lamprid.,  Commod.,  20. 

3.  Vespronius  Candidus  qui  duisUanum  quasi  tumultoosum  ciribus  sois 
saUsfacere  dimisit.  Àd  Seapul,,  IV.  Rigault,  dans  soo  édition,  écrit  sur  ce  pas- 
sage :  Vespronius  iUe  Candidus  cires  saos  christianom  qoeoidaiii  ad  mortem 


256  B.  Ami. 

cruel*.  S'il  ne  voulut  pas  punir  les  chrétiens  déférés  à  son 
tribunal,  ce  fut  vraisemblablement  moins  par  scrupule  d'humanité 
que  par  crainte  de  blesser  la  toute  puissante  favorite  de  Commode, 
Marcia  leur  protectrice. 

Sous  les  proconsuls  qui  suivirent,  jusqu'à  Saturninus,  qui  le 
premier,  dit  TertuUien,  usa  de  l'épée  contre  l'église  en  AMque*, 
la  situation  des  chrétiens  fut  tolérable.  Ils  étaient  mêlés  aux 
païens  dans  les  villes  et  dans  les  campagnes  pour  toutes  les  rela- 
tions de  la  vie  commune.  «  Avec  vous  nous  cultivons  la  terre, 
dit  l'orateur  africain,  avec  vous  nous  naviguons,  nous  portons  les 
armes,  nous  faisons  le  commerce^.  »  La  guerre  civile,  qui  sévit 
depuis  la  seconde  moitié  de  l'an  193  jusqu'au  commencement  de 
197,  absorbait  toutes  les  préoccupations.  Les  grands  fonction- 
naires, qui  attendaient  la  fortune  et  suivaient  non  sans  anxiété  la 
lutte  pour  l'empire  engagée  en  Syrie  et  plus  tard  en  Gaule, 
n'avaient  guère  le  loisir  de  s'inquiéter  d'obscurs  sectaires  mal 
notés  et  généralement  suspects,  il  est  vrai,  mais  paisibles  en 
somme,  et  qui  savaient  ne  pas  se  compromettre  dans  les  brûlantes 
aventures  de  la  politique.  La  population  honnête  était  indiffé- 
rente à  leur  égard,  quoique  dédaigneuse.  La  foule  inculte  criait 
de  temps  en  temps  contre  eux,  sans  trop  savoir  pourquoi,  les 
huait  et  les  maltraitait  à  l'occasion.  Les  chefs  de  maison,  les 
riches  propriétaires,  quand  ils  découvraient  à  leur  foyer  des  faits 
de  propagande  clandestine  exercée  par  leurs  esclaves  et  s' adres- 
sant à  leur  femme  ou  à  leurs  enfants,  usaient  et  abusaient  de 
leurs  droits  pour  les  punir  cruellement,  les  enchaînaient  et  les 
torturaient  dans  leurs  ergastules,  ou  s'il  s'agissait  de  jeunes  filles 
esclaves,  les  faisaient  vendre  au  leno.  Cela  ne  tirait  pas  à  consé- 
quence. L'autorité  laissait  faire;  les  chrétiens  ne  se  plaignaient 
pas,  n'invoquaient  pas  la  protection  des  lois,  courbaient  le  dos 
sous  l'orage,  ou  se  dérobaient  dans  l'obscurité. 


deposcentes  admonuit  se  quidem  libenter  eoram  toUs  satisfactarum  sed  rem 
civitaU  tumuUuosam  providere.  C'est  un  sens  ingénieux.  Le  sens  généralement 
adopté  est  différent  :  Considérant  qu'un  chrétien  qui  lui  était  déféré  n'était  rien 
qu'un  écervelé  et  un  brouillon,  il  le  renvoya  s'entendre  avec  ses  concitoyens. 
Ainsi  Gallion,  à  l'âge  apostolique,  avait  décidé  au  sujet  de  saint  Paul. 

1.  Inter  caeteros  Icgatns  est  Vespronius  Candidus  vêtus  consularis  olim  mili- 
tibus  invisus  ob  durum  et  sordidum  imperium.  Spartien,  JtUiantis. 

2.  Vigellius  Saturninus  qui  primus  hic  gladium  in  nos  egit.  Àd,  Scap.,  3. 

3.  Navigamus  et  nos  vobiscum  et  militamus  et  rusticamur  et  mercatus  proinde 
miscemus,  artes,  opéra  nostra  publicamus  usui  vestro.  Apol.,  42. 


l'église  d'Afrique  sous  septimb  s^yèee.  257 

Après  la  paix  conquise  par  l'épée  et  les  impitoyables  repré- 
sailles exercées  par  Sévère  vainqueur  contre  les  complices 
avoués  ou  secrets  de  ses  compétiteurs  abattus,  la  condition  des 
chrétiens  changea-t-elle  ?  En  fait  et  légalement,  non,  dans  la 
plus  grande  partie  de  l'empire.  En  Italie,  en  Gaule  et  dans  les 
provinces  asiatiques,  à  part  deux  ou  trois  faits  à  demi  obscurs, 
on  ne  peut,  croyons-nous,  trouver  aucune  trace  sérieuse  de  per- 
sécution. 

En  Afrique  cependant,  comme  en  Egypte,  il  y  eut  des  procès 
faits  aux  chrétiens,  des  condamnations  capitales  prononcées  et 
exécutées.  Mais  on  ne  sait  pas  bien,  et  il  est  malaisé  de  déter- 
miner exactement  quelle  fut  au  juste  dans  ces  affaires  la  conduite 
des  représentants  du  pouvoir  central.  Assurément  la  persécution 
ne  fut  pas  continue  en  Afrique,  sous  le  règne  de  Sévère;  la  poli- 
tique des  proconsuls  ne  fut  pas  uniforme  ;  et  on  ne  saurait  dire 
jusqu'à  quel  point  ils  prirent  l'initiative  des  poursuites. 

Plusieurs  traités  de  Tertullien,  composés  en  Afrique  depuis 
l'an  197  ou  198  jusqu'à  la  première  ou  seconde  année  du  règne 
de  Caracalla,  attestent  évidemment  la  persécution  et  ne  s'expli- 
quent que  par  elle.  On  y  sent  le  feu  de  la  bataille  qui  les  a  inspi- 
rés. Dans  aucun  de  ces  traités  pourtant,  depuis  la  courte  Lettre 
auœ  Martyrs  jusqu'à  VÈpître  à  Scapula,  qui  forment  les  deux 
limites  extrêmes  des  écrits  apologétiques  et  polémiques  se  rappor- 
tant à  la  lutte  que  nous  étudions,  on  ne  trouve  un  seul  témoignage 
qui  incrimine  directement  Sévère,  et  d'où  l'on  puisse  inférer 
qu'aucun  édit  nouveau  eût  été  promulgué  par  lui  contre  les  chré- 
tiens. Dams  ï Apologétique  il  n'y  a  pas  un  texte  d'où  l'on  puisse 
induire  que  Sévère  ait  ordonné  de  poursuivre  les  chrétiens.  Bien 
plus,  dans  la  lettre  à  Scapula,  écrite  après  la  mort  de  Septime 
Sévère,  Tertullien  parle  de  cet  empereur,  non  comme  d'un  persé- 
cuteur et  d'un  ennemi  des  chrétiens,  mais  conune  d'un  prince  bien 
disposé  à  leur  égard  et  qui  les  protégea  personnellement  contre 
les  fureurs  d'une  multitude  déchaînée.  De  même,  dans  l'écrit  sur 
la  Couronne  du  soldat,  qu'avec  Noesselt  on  peut  placer 
vers  202,  il  est  question  de  la  bonne  et  douce  paix  dont  jouit,  non 
seulement  l'empire,  mais  encore  l'église.  De  même  encore,  dans  le 
jeu  d'esprit  à  la  manière  des  sophistes  qu'on  appelle  le  2)e  Pallia 
et  qui  fut  publié  au  plus  tôt  dans  la  seconde  moitié  de  l'année  208, 
il  est  parlé  de  la  paix  féconde  qui  règne  partout  et  de  la 

ReV.    HiSTOR.    XI.    2*   FA8C.  17 


258  B.  iUBi^. 

protection  que  Dieu  accorde  au  triple  pouvoir  des  Augustes*- 
Dans  cette  même  lettre  kScapula,  Tertullien,  faisant  mention 
des  gouverneurs  romains  qui  avaient  montré  quelque  bienveil- 
lance pour  les  chrétiens,  cite  Asper  et  Pudens,  évidemment  pré- 
décesseurs de  Scapula  dans  le  gouvernement  de  la  province 
d'Afrique.  Du  premier,  Caius  Julius  Asper,  consul  pour  la  seconde 
fois  avec  son  ûls  en  212,  et  proconsul  d'Afrique  avec  son  même 
fils  pour  questeur  vers  205,  Tertullien  rapporte  qu'il  avait  com- 
mencé à  soumettre  un  chrétien  à  la  question,  et  que  le  voyant 
faiblir  dès  le  début,  il  ne  le  força  pas  à  sacrifier,  mais  le  renvoya 
aussitôt.  Auparavant  il  avait  exprimé  aux  avocats  et  à  ses 
assesseurs  son  ennui  d'être  tombé  sur  une  pareille  affaire*.  De 
Servilius  Pudens,  il  dit  que,  parcourant  l'acte  d'accusation  d'un 
chrétien  qu'on  avait  amené  à  son  tribunal,  il  feignit  de  com- 
prendre qu'il  s'agissait  du  crime  de  concussion,  et  comme  per- 
sonne ne  se  présentait  pour  soutenir  l'accusation,  il  le  renvoya 
après  avoir  déchiré  le  libelle,  ajoutant  qu'il  ne  pouvait,  selon  la 
loi,  entendre  l'homme  en  l'absence  d'un  accusateur 3.  Dans  les 
deux  cas  mentionnés,  il  paraît  bien  que  les  proconsuls  ne  poursui- 
vaient pas  d'oflBce.  Les  expressions  de  Tertullien  l'attestent: 
Julius  Asper  déplore  d'être  tombé  sur  une  pareille  cause  ;  c'est 
donc  en  premier  lieu  que  ces  causes  étaient  rares,  en  second  lieu 
que  celle-là  s'imposait  à  sa  juridiction  sans  qu'il  l'eût  ni  cherchée 
ni  provoquée.  De  Pudens,  il  est  dit  que  le  chrétien  lui  avait  été 
amené  avec  un  acte  d'accusation.  Ce  fait  prouve  bien  aussi 
l'absence  d'initiative  du  magistrat  en  cette  affaire.  Et  le  fait  d'in- 
troduire subrepticement  un  grief  nouveau  et  non  spécifié,  de 
déchirer  l'acte  parce  que  nul  ne  se  présente  pour  soutenir  l'accu- 
sation, marque  clairement  le  désir  de  se  soustraire  à  une  obliga- 
tion pénible  et  ingrate.  L'allégation  qu'il  ne  peut,  selon  la  loi  — 
secundum  mandatum  —  entamer  le  débat  sans  accusateur,  se 
rapporte  si  bien  à  l'édit  de  Trajan  qu'il  y  a  quelque  raison,  sur  ce 
texte,  de  douter  de  la  promulgation  d'une  loi  nouvelle,  à  moins 

1.  De  PcUlio,  It. 

2.  ut  Asper  qui  modice  vexatam  homioem  et  statim  dejecluin,  nec  sacrificium 
compuUt  facere,  ante  professus  inter  advocatos  et  adsessores  dolere  se  incidisse 
ia  hanc  causam.  Àd.  ScapuL,  4. 

3.  Pudens  etiam  missum  ad  se  christiaoum  in  elogio  concussione  ejos  intel- 
lecta  dimisit,  scisso  eodem  elegio,  sine  accusatore  negans  se  audilurum  hoini- 
nem  secundum  mandatum.  Ad.  Scapul.,  4. 


l'église   D'iFRiQUE   SOUS   SEPTIMB   S^vàEE.  259 

d'admettre  qu'elle  fut  la  répétition  et  comme  le  rappel  de  l'an- 
cienne loi  de  Trajan. 

A  n'en  pas  douter,  tous  les  proconsuls  d'Afrique  n'éprouvaient 
pas  à  juger  et  à  condamner  les  chrétiens  la  même  répugnance  que 
Julius  Asper  et  Servilius  Pudens.  La  plupart,  serviteurs  d'une 
opinion  manifestement  hostile,  n'ayant  d'autre  religion  que  la 
crainte  du  maître  et  le  respect  des  lois  écrites,  appliquaient  en 
cette  matière  la  loi  avec  impassibilité.  D'autres  mettaient  à  pour- 
suivre et  à  condamner  les  chrétiens  un  zèle  que  son  impuissance 
même  tournait  en  rage,  et  avaient  recours  contre  eux  aux  plus 
effroyables  supplices,  dépassant,  semble-t-il,  en  cela  les  limites 
posées  parle  législateur.  TertuUien  proteste  auprès  de  Scapula, 
qui  dans  la  répression  ne  gardait  aucune  mesure.  «  Les  chrétiens, 
diWl,  innocents  adorateurs  du  Dieu  vivant,  sont  brûlés  vifs, 
supplice  épargné  aux  sacrilèges,  aux  vrais  ennemis  publics  et 
aux  coupables  de  lèse-majesté*.  »  L'orateur  africain  rappelle  que 
le  gouverneur  de  Numidie  et  celui  de  la  Mauritanie  ne  vont  pas 
au  delà  du  glaive,  «comme  il  a  été  ordonné  dès  le  principe*».  Ces 
derniers  mots,  pour  le  dire  en  passant,  se  rapportent  aussi  à  l'édit 
de  Trajan,  ou  témoignent  qu'une  loi  nouvelle,  si  elle  avait  été 
promulguée,  ce  que  TertuUien  ne  marque  ni  n'insinue  nulle  part, 
n'était  rien  de  plus  que  la  réédition  de  cet  édit. 

Au  reste,  tout  était  surprenant  dans  ces  procès  criminels. 
Tandis  que  les  accusés  ordinaires  se  montraient  humbles  et  sup- 
pliants, les  chrétiens  pour  la  plupart  étaient  devant  le  tribunal 
fiers,  hautains,  arrogants.  Ils  prétendaient  faire  la  leçon  à 
leurs  juges,  ils  se  targuaient  du  crime  sur  lequel  ils  étaient  inter- 
rogés et  le  proclamaient  à  pleine  voix.  D'ordinaire  on  usait  de  la 
question  pour  arracher  un  aveu  aux  criminels.  Ici  on  employait 
la  torture  pour  faire  nier  aux  chrétiens  leur  profession  de  foi.  Les 
chrétiens  étaient  persuadés  que  la  guerre  qu'on  leur  faisait  était 
faite  à  Dieu  même 3.  Ne  doutant  pas  qu'après  leur  mort  ils  rece- 
vraient d'immédiates  et  délicieuses  compensations,  ils  s'offraient 
au  juge  le  front  haut  et  Tàme  pleine  d'allégresse,  bravaient  leurs 
bourreaux,  répondaient  avec  hauteur  aux  proconsuls.  Les  rôles 

t.  Pro  Deo  tîvo  cremamur,  quod  nec  sacrilegi,  nec  hostes  public!  veri,  nec  tôt 
majestatis  rei  pati  soient.  Ad.  Scapul,,  4. 

2.  Sed  gladio  tenus,  sicut  et  a  primordio  mandatum  est  animadTerli  in  hujas- 
modi.  Ad.  ScapuL,  4. 

3.  Non  te  terremuft,  qui  nec  timemas,  sed  yelim,  ot  omnes  mItos  facere  pos- 
simus  monendo  (ii^  Oeofia^tlv.  Ad  Scapul,^  4. 


260  B.   ADBJ. 

étaient  changés  :  ceux-ci  semblaient  sur  la  sellette.  Les  chrétiens 
prenaient  en  pitié  leur  ignorance  ou  leur  aveuglement,  les  mena- 
çaient de  représailles  prochaines.  On  écrivait  que  dès  ici4>as 
Dieu  les  punirait  en  attendant  l'inévitable  et  suprême  jugements 
Les  interrogatoires  étaient  de  vrais  duels  dans  lesquels  les  chré- 
tiens, préparés  comme  à  une  palestre  nouvelle,  ayant  par  avance 
£ait  le  sacrifice  de  leur  vie,  étaient  presque  toujours  les  plus 
forts.  Comment  vaincre  des  hommes  qui  se  sont  persuadés  que  le 
martyre  leurvaudra  un  bonheur  sans  fin,  qui  considèrent  les  juges 
et  les  bourreaux  comme  des  médecins  qui  font  soufifrir  pour  assu- 
rer la  vie  et  la  santé,  et  la  mort  comme  la  suprême  libératrice*? 
Bien  qu'il  eût  le  dernier  mot  en  apparence,  puisqu'il  avait  la 
force,  le  proconsul  était  vaincu  par  l'indomptable  ténacité  du 
chrétien  maître  de  soi  et  triomphant  jusqu'à  son  dernier  souffle. 
Dans  nulle  autre  cause  criminelle  on  ne  voyait  le  juge  user  de  la 
sorte  de  prières  et  de  menaces,  conjurer  les  accusés  d'avoir  pitié 
d'eux-mêmes,  témoigner  plus  souvent  du  désir  de  faire  grâce  et 
de  renvoyer  libres  ces  égarés,  comme  il  pensait.  Devant  ceux 
qu'on  appelle  les  martys  Scillitains,  le  proconsul  Saturninus  se 
montre  bienveillant.  Il  leur  demande  de  réfléchir,  il  se  contente- 
rait d'une  ombre  de  soiunission.  On  dirait  que  ce  tiède  serviteur 
de  la  loi  doute  de  la  loi.  Il  est  visiblement  embarrassé  de  la  fer- 
meté altière  des  accusés.  Il  semble  chercher  un  biais  pour  se  tirer 
d'un  pas  difficile.  Il  offre  un  délai.  «  Ne  voulez-vous  donc,  dit-il, 
ni  grâce,  ni  répit^?  >  C'est  à  la  fin  seulement,  en  face  de  refus 
répétés  et  d'une  obstination  que  rien  ne  peut  briser,  qu'il  pro- 
nonce la  condamnation.  D'autres  magistrats,  dans  des  cas  analo- 
gues, étaient  sans  doute  plus  durs  et  moins  traitables.  Se  voyant, 
eux,  les  Augustes  et  les  dieux  de  l'empire,  ouvertement  outragés 
ou  bravés,  ils  ne  se  contentaient  pas  de  la  mort  simple,  comme 
Saturninus,  mais  après  la  question  impuissante,  condamnaient 
les  coupables  endurcis  à  être  brûlés  vifs  ou  à  périr  dans  l'amphi- 
théâtre sous  la  dent  des  bêtes  féroces. 

Dans  ces  causes  criminelles  la  conduite  des  gouverneurs 
romains  n'était  donc  pas  uniforme.  La  sentence  dépendait  du 
caractère  du  juge,  et  aussi  sans  doute  des  incidents  de  l'audience 


1.  Ad  Scapulj  2. 

2.  Tertull.  Ad  martyr.,  passim. 

3.  Salurainas  proconsal  dixit  ;  Nec  liberationem  nec  remissioaem  vultis? 
Acta  proconsul,  martyr,  scyllit,  Ruinart,  Act.  sine,  et  sélect. 


l'<GLISE   D'AFRIQUE   SOUS   SEPTIMB   siviEE.  264 

et  de  l'attitude  des  prévenus.  On  peut  dire  qu'en  général  les  pro- 
consuls ne  cherchaient  guère  ces  affaires.  Mais  il  est  malaisé  de 
fermer  l'oreille  aux  cris  de  la  foule.  L'accusation  partait  en 
général  de  la  multitude  anonyme*,  plus  excitée  qu'ailleurs  en 
Afrique,  et  dont  les  passions  s'échappaient  en  cris  de  mort,  ou, 
pendant  les  exécutions,  en  cruelles  railleries*.  Aux  prédictions 
menaçantes  d'un  chrétien  qui  fait  appel  au  dernier  jugement,  on 
répond  en  criant  :  Les  verges  aux  chrétiens  ^î  II  fallait  aux  ma- 
gistrats romains  une  rare  énergie  pour  résister  à  ces  courants 
d'opinion  et  à  ces  clameurs  hostiles.  N'était-ce  point  risquer  leur 
popularité,  se  donner  la  réputation  d'être  indifférents  au  bon 
ordre  et  plus  que  tièdes  pour  le  salut  du  prince  et  la  grandeur  de 
l'État? 

D'un  autre  côté,  on  se  tromperait  grandement  en  imaginant 
chez  tous  les  membres  de  la  société  chrétienne  le  même  appétit  de 
la  mort.  Un  enthousiasme  si  farouche  et  qui  rompt  à  tel  point 
avec  la  nature  ne  peut  être  que  le  fait  d'une  infime  minorité.  Le 
plus  grand  nombre  admirait  peut-être  moins  qu'il  ne  blâmait 
ces  excès  de  zèle  indiscret  et  cette  exaltation  qu'il  ne  partageait 
point.  «  L'église,  disait  la  majorité  des  chrétiens,  avait  besoin  de  la 
paix  pour  croître  et  s'affermir.  Le  Christ,  qui  est  mort  pour  les 
hommes,  n'exige  point  qu'on  souffre  et  qu'on  meure  pour  lui.  Il 
ne  se  plait  point  à  cette  offrande  de  leur  sang  que  lui  font  les 
âmes  inquiètes  et  intempérantes^.  >  Partant  de  ces  principes,  la  plu- 
part des  chrétiens,  non  seulement  ne  s'offraient  point  aux  persé- 
cuteurs, mais  s'effaçaient,  se  dissimulaient  ^.  Les  jours  de  solen- 
nité, ils  ne  croyaient  pas  faiblir,  ni  faire  acte  d'apostasie  en 
attachant  des  rameaux  verts,  ou  en  allumant  des  lampes  à  la 

1.  Apolog.y  c.  IX.  Ut  valgus,  tamen  Romani,  nec  alli  magis  depostulatores 
christianoram  quam  vulgus.  Àpolog.,  35.  Cf.  ibid.,  37. 

2.  Et  statim  in  fine  spectacali  leopardo  ejecto,  de  nno  morea  tanto  perfnsos 
est  sanguine  at  populus  revertenti  illi  aecundi  baptismaUs  testimoniom  recU- 
maverit  :  SaWum  lotom,  salvum  lotum.  Passio  SS.  Perpétuât  et  FelieUatit 
cum  iociis  eorum,  i  21.  ~  Rainart,  Aei.  sine,  et  seleet, 

3.  To  nos,  inqaiant,  te  aatem  Deus  jadicabit.  Ad  hoc  popolos  exasperatns 
flagellis  eos  vexari  pro  ordine  venatonim  postalaTit.  Ibtd.,  (  18. 

4.  Exinde  sententiae  super  illo,  nescio  an  christianoram,  non  enim  aliae  eth- 
nicorum,  ut  de  abrupto  et  praecipiti  et  mori  cupido  qui  de  habitu  interrogatns 
nomini  negotium  fecerit...  Hussitant  denique  tam  bonam  et  longam  sibi  pacem 
periclitari...  Decoronaf  1.  Cf.  Scorpiaee,  1  et  2. 

5.  De  corona,  1.  —  i)e  fuga  in  peneeutione,  paiaim. 


262  B.  iDfié. 

porte  de  leurs  maisons  ^  Beaucoup  sans  doute  étaient  mêlés  à  la 
foule  dans  les  théâtres  et  les  cirques.  Nous  ne  parlons  pas  de 
ceux  qui  faiblissaient  devant  les  supplices  et,  pour  s'exempter  de 
souffrir,  juraient  de  bouche  ce  qu'on  voulait,  brûlaient  de  Ten- 
cens  et  mangeaient  des  chairs  sacrifiées.  Mais  beaucoup,  quand  la 
persécution  sévissait,  se  cachaient,  fuyaient,  donnaient  de  l'ar- 
gent aux  agents  subalternes  et  aux  soldats  chargés  des  arresta- 
tions *.  Deux  traités  de  Tertullien  écrits  entre  202  et  205,  le  Scor- 
piaque  et  le  livre  de  la  Fuite  dans  la  persécution^  sont  dirigés 
contre  ces  maximes  et  ces  pratiques,  et  prouvent  en  même  temps 
les  violences  auxquelles  la  société  chrétienne  était  alors  en  butte 
et  l'ardeur  du  plus  grand  nombre  à  s'y  soustraire,  soit  par  la 
fuite,  soit  par  une  rançon.  Il  semble  même,  à  lire  l'orateur  afri- 
cain, que  ce  fait  de  donner  de  l'argent  pour  sauver  sa  vie  et  sa 
foi  n'étaient  pas  des  actes  individuels,  mais  des  actes  collectifs,  et 
que  certaines  églises,  par  l'intermédiaire  de  leurs  chefs  hiérar- 
chiques, négociaient  le  paiement  d'une  sorte  de  contribution 
amiable,  tirée  très  probablement  de  la  caisse  conmiune  ou  de 
sommes  exceptionneUement  versées,  pour  s'assurer  contre  toute 
poursuite,  se  mettre  à  l'abri  des  arrestations  et  acheter  la  sûreté 
de  fait.  Sûreté  toujours  fort  précaire,  car  elle  reposaitsur  la  dou- 
teuse bonne  foi  d'agents  qui  trahissaient  leurs  devoirs  profes- 
sionnels^; parfois  danger  nouveau  et  accru,  car  l'espérance  du 
gain  pouvait  susciter  d'autres  dénonciateurs,  et  à  défaut  de  ceux 
dont  on  avait  acheté  l'inaction,  provoquer  de  nouvelles  et  plus 
âpres  recherches.  On  ne  pouvait  en  effet  satisfaire  toutes  les 
avidités.  Rutilius  avait  fui  d'abord,  puis  il  avait  payé  rançon.  Il 
ne  laissa  pas  d'être  pris.  Peut-être  était-il  à  sec  et  ne  pouvait-il 
plus  payer,  peut-être  rougit-il  de  ce  trafic  ?  Il  fut  déféré  en  jus- 
tice, tourmenté  et  brûlé  vif  ^  Quoi  qu'il  en  soit,  ce  moyen  depré- 

1.  Plares  jam  invenies  ethnicorum  fores  sine  lucernis  et  laareis  qaam  chris- 
tianoram.  Tertull.  De  idololat,  c.  15. 

'L  Miles  me  vel  delator  vel  inimicus  conculit,  nihil  Caesari  exigeas,  immo 
coatra  faciens,  cam  christianum  humanis  legibus  reum  mercede  dimittit.  TerluU., 
De  fug.  12. 

3.  Contra  faciens  Caesari,  passage  cité  à  la  note  précédente. 

4.  Rutilius  suDctissimus  martyr  cum  toliens  fugisset  persecuttonem  de  loco  in 
locum,  etiam  periculum,  ut  putabat,  nummis  redemisset,  post  totam  securitatem 
quam  sibi  prospexerat  ex  inopinato  apprehensas  et  praesidi  oblatas  tormentis 
dissipalus...  I>ehinc  ignibus  datus,  passionem  quam  vitarat,  misericordiae  Dei 
retulit.  Tertull.  De  fuga,  5. 


l'église  d'ifeique  sous  SEPTIME  sé?ERB.  263 

server  sa  foi  se  pratiquait.  Ce  marchandage  même  scandalisait 
singulièrement  les  austères  et  les  fougueux  de  la  secte.  «  Ce  serait 
peu  de  chose,  disaient-ils,  qu'un  ou  deux  fidèles  se  fussent 
rachetés  de  la  sorte.  Mais  que  collectivement  les  églises  fissent  de 
pareils  marchés,  cela  ne  se  pouvait  supporter.  Faut-il  rougir  ou 
gémir,  ajoutaient-ils,  de  voir  des  églises  inscrites  sur  les  carnets 
des  soldats  bénéficiaires  et  des  agents  de  police  parmi  ceux  qui 
leur  payent  secrètement  pension  pour  exercer  paisiblement  leurs 
métiers  inavouables  ou  leurs  coquineries  illicites*  !  >  On  a  quelque 
peine  en  effet  à  voir  de  semblables  transactions,  et  on  incline  à 
croire  que  plus  d'un,  parmi  ceux  qui  achetaient  ainsi  la  liberté  de 
leur  foi,  en  eût  fait  bon  marché  s'il  n'avait  pas  eu  d'argent.  Cette 
méthode  aussi  exposait  étrangement  ceux  qui  étaient  trop  pau- 
vres pour  rien  donner.  C'est  un  sûr  indice  cependant  que  l'église 
avait  monté  des  derniers  rangs  de  la  société  jusqu'aux  classes 
aisées  et  riches. 

L'argent,  qui  servait  à  acheter  une  sécurité  fragile,  assurait 
aussi  de  précieux  soulagements  à  ceux  qui  avaient  été  arrêtés  et 
mis  en  prison  en  attendant  leur  jugement.  Nous  voyons  par  la 
Lettre  aux  Martyrs  de  TertuUien,  que  grâce  à  une  tolérance 
certainement  payée,  les  fidèles  libres  visitaient  leurs  frères  prison- 
niers et  leur  apportaient  des  aliments*.  Des  diacres  même  s'entre- 
mettaient auprès  des  geôliers  et  à  prix  d'argent  obtenaient  pour 
leurs  amis  un  régime  plus  tolérable  ou  de  notables  adoucissements 
à  la  rigueur  commune  '.  Une  question  se  pose  ici.  Pourquoi  Vibia 
Perpétue  et  Félicité,  la  première,  nous  dit-on,  jeune  femme  d'une 
Camille  distinguée  de  Carthage,  la  seconde  esclave,  et  quelques 


1.  Parum  denique  est,  si  anus  aut  alius  ita  eruilar.  Massaliter  totae  Ecclesiae 
tributum  sibi  irrogareraot.  Nescio  dolenduin  an  erubescendum  sit,  euro  in  ma- 
tricibus  beneficiarioruin  et  cariosorom  inter  tabernarios  et  ianeos,  et  fures  bal- 
neanim  et  aleones  et  lenones  chrisliani  qaoque  vectigales  continentar.  Hanc 
episcopalui  formam  apostoli  providentius  condidenint,  ut  regno  suo  securi  frai 
possint,  sub  obtentu  procurandi?  Scilicet  enim  talem  pacem  Cbristus  ad  patrem 
regrediens  mandavit  a  miiitibus  per  satnrnalia  redimendam?  TertuU.  De  fuga^ 
13  in  fin. 

2.  Inter  carnis  aUmenta...  quae  Tobis  et  domina  mater  Ecclesia  de  uberibus 
suis,  et  singuli  fratres  de  opibus  suis  propriis  in  carcerem  subministrant  Tertull., 
Ad.  Marty.f  Init.  Imo  et  quae  justa  sunt  caro  non  amitUt  per  curam  ecclesiae 
et  agapem  fratrum.  Ibid.,  ch.  2.  Cf.  Àct.  SS.  Perpétuât  et  FelicUatis,  1 16. 

3.  Ibi  tune  Terlius  et  Pomponius  benedicti  diacones  qui  nobis  roinistrabant, 
oonsUtuerunt  pretio  ut  paucis  boris  émisai  in  meliorem  locum  carceris  refrige- 
raremus.  Act.  SS.  Perpet,  et  Felieit.,  3. 


•  •  «•«  ••• 

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•  •     •  • 


264  B.    ADB^. 

autres  avec  elles,  soii1>elles  incarcérées,  entassées  avec  les  voleurs 
et  les  assassins,  tandis  que  Tertius  et  Pomponius,  tous  deux  dia- 
cres de  l'église,  sont  en  liberté,  viennent  à  la  prison  en  visiteurs 
charitables,  négocient  librement  avec  les  soldats  ou  les  geôliers, 
sans  qu'on  les  inquiète  et  qu'on  les  emprisonne  avec  les  autres? 
Nulle  autre  réponse  à  cette  question,  si  ce  n'est  qu'on  ne  prenait 
pas  tous  les  chrétiens  et  que  l'autorité  n'agissait  que  contre  ceux 
qu'une  accusation  expresse  lui  désignait.  Vibia  Perpétue  avait 
peut-être  été  accusée  par  son  mari,  dont  il  n'est  pas  fait  mention 
dans  les  Actes.  Nul  au  contraire  ne  s'était  porté  l'accusateur  des 
deux  diacres  Tertius  et  Pomponius  et  de  tant  d'autres  que  le  pou- 
voir eût  facilement  trouvés  à  Carthage,  s'il  avait  voulu  prendre 
la  peine  de  les  chercher,  qu'il  n'avait  pas  même  besoin  de  cher- 
cher puisqu'ils  ne  se  cachaient  pas.  Cette  même  difficulté  est 
infiniment  plus  embarrassante  pour  ce  qui  regarde  TertuUien. 
C'était  un  chrétien  nouveau,  né  païen  et  récemment  converti.  Il 
avait  dû  compter  naguère  parmi  les  plus  chauds  adversaires  et  les 
plus  amers  railleurs  des  croyances  chrétiennes*.  Caractère  tout 
d'une  pièce,  mal  pliant,  porté  aux  extrêmes  en  toutes  choses, 
allant  facilement  au  bout  de  ses  idées,  quand  il  se  donna  à  la  foi 
nouvelle,  il  s'y  donna  tout  entier  et  sans  réserve.  Il  ne  fut  pas  un 
de  ces  chrétiens  en  l'air  dont  il  se  moque,  chrétiens  si  l'on  veut*, 
amis  de  tout  le  monde,  ayant  un  pied  dans  l'église  et  un  dans  le 
siècle,  complaisants  et  composant  avec  toutes  les  puissances.  Il 
ne  garda  du  vieil  homme  que  ce  fond  de  nature  qu'on  ne  peut 
dépouiller,  et  porta  dans  le  nouveau  camp  sa  fougue  intolérante, 
sa  raideur  native  et  son  esprit  agressif.  Dès  le  lendemain  de  sa 
conversion,  il  se  jeta  dans  la  lutte  avec  sa  rhétorique  souvent  bar- 
bare, parfois  subtile  et  raffinée,  toujours  ardente  et  batailleuse, 
sonnant  la  charge,  frappant  d'une  main  les  docteurs  et  les  théori- 
ciens chrétiens  de  l'opportunisme,  de  l'autre  s'escrimant  contre 
le  paganisme,  ses  pompes  et  ses  œuvres,  avec  une  vigueur  et  une 
audace  extraordinaires.  Dans  la  plupart  de  ses  traités  polémiques, 
!si  l'on  se  place  au  point  de  vue  de  la  société  constituée  et  de  l'ordre 
établi,  il  est  incontestable  que  TertuUien  est  le  pire  des  ennemis 
de  l'Etat  et  le  plus  détestable  des  révolutionnaires  ;  il  est  certain 
qu'il  prête  le  flanc  à  l'accusation  de  diviser  les  citoyens,  de  semer 


1.  Haec  et  nos  risimas  aliquando  :  de  Testris  fuimns.  Apolog.,  18. 

2.  lo  ventum,  et,  si  placaerit,  christianos.  Tert.,  Scorp.,  1. 


l'église   D'AFRIQUE   SOUS   SEPTIME   S^?ÈRB.  265 

entre  eux  des  germes  de  mépris  et  de  haine  irréconciliable,  de 
nourrir  les  passions  les  plus  subversives,  d'outrager  la  religion 
de  la  majorité,  de  saper  les  bases  mêmes  de  TÉtat.  Nous  n'avons 
pas  besoin  de  recueillir  ici  les  divers  passages  de  ses  écrits  où,  sans 
ménagement  et  sans  mesure,  il  verse  l'invective  sur  les  mœurs, 
les  coutumes  et  les  pratiques  régnantes.  Le  plus  novice  représentant 
du  ministère  public  dans  une  cause  semblable  ne  serait  embarrassé 
que  du  choix.  Sans  parler  de  ses  attaques  passionnées  contre  la 
religion*,  il  prêche  ouvertement  aux  chrétiens  l'abstention  des 
charges  et  des  services  publics  et  comme  la  sécession  à  l'intérieur. 
Il  glorifie  l'indiscipline  militaire*.  Ne  va-t^il  pas  jusqu'à  insinuer 
quelque  part  qu'avec  quelques  torches,  en  une  seule  nuit,  les  chré- 
tiens pourraient  se  venger  de  ceux  qui  les  oppriment,  s'il  leur  était 
permis  de  rendre  le  mal  pour  le  mal  '.  Fallait-il  beaucoup  d'ima- 
gination pour  voir  ici  une  menace  voilée,  et  le. souvenir  du  ter- 
rible incendie  de  l'an  64  que  Néron  avait  imputé  aux  chrétiens, 
ne  revenait^il  pas  à  la  mémoire  en  lisant  ces  mots? 

Nous  nous  demandions  plus  haut  pourquoi,  tandis  que  des 
femmes  faibles  et  inoffensives  sont  en  prison  et  tout  à  l'heure  dans 
l'arène,  condamnées  aux  plus  cruels  supplices,  deux  diacres  vont 
et  viennent  librement  jusque  dans  leur  prison,  s'entremettent 
auprès  des  geôliers  et  des  soldats.  Ici  la  diflSculté  est  plus  forte. 
La  persécution  frappe  les  chrétiens  en  Afrique  d'une  façon  inter- 
mittente pendant  presque  toute  la  durée  du  règne  de  Sévère.  Or 
Tertullien,  le  coryphée  du  christianisme  militant,  l'excitateur  le 
plus  passionné  des  fidèles,  l'ennemi  le  plus  irréconciliable  du  paga- 
nisme, non  seulement  vit  librement  en  pleine  lumière  à  Carthage, 
mais  se  porte  ouvertement  l'avocat  des  chrétiens,  les  encourage 
et  les  affermit  dans  leur  résistance  aux  lois,  attaque  audacieuse- 
ment  toutes  les  institutions  de  l'Etat.  11  ne  se  cache  point.  Au 
contraire,  il  a  jeté  bas  la  toge,  le  costume  romain,  pour  prendre 
le  pallium,  c'est-à-dire  l'habit  sacerdotal  des  chrétiens,  conmie 
pour  mieux  narguer  le  pouvoir.  Ses  écrits,  où  les  païens  peuvent 
voir  des  pamphlets  et  des  défis  à  l'autorité,  tombent  comme  grêle 
pendant  la  persécution  même  :  ce  sont  sa  Lettre  aux  martyrs^ 
son  traité  des  Spectacles,  son  livre  de  V Idolâtrie,  ses  deux 


1.  Voir  particulièrement  le  traité  de  V Idolâtrie  et  le  traité  de$  Speetaeles, 

2.  Voir  le  traité  de  la  Couronne  du  soldat. 

3.  Quando  Tel  ana  nox  paoculis  faculis  largiter  uUionis  poaset  operari,  si 
maluin  malo  dispnngi  pênes  nos  Uoeret.  Apdog.,  37. 


266  B.  iUBé. 

livres  aux  Nations^  son  Apologétique,  ses  livres  sur  la  Cou- 
ronne  du  soldat  et  sur  la  fuite  dans  la  Persécution^  son 
Scorpiaque  et  son  Épître  à  Scapula.  Tous  ces  traités  sont 
composés  entre  les  années  197  et  211  ou  212.  Encore  une  fois 
n'est-il  pas  étrange  de  voir  dans  le  même  temps  des  honmies  obs- 
curs et  sans  nom  recherchés,  poursuivis,  condamnés  et  exécutés 
pour  cause  de  christianisme,  et  Tertullien,  le  porte-parole  de  la 
secte  et  le  boute-feu  des  esprits,  demeurer  à  Carthage  libre  et  non 
inquiété  ?  Le  pouvoir  se  fit-il  scrupule  de  répondre  à  des  argu- 
ments par  la  force,  de  briser  brutalement  une  plume  qui  honorait 
la  cité?  Ou,  comme  il  arrive,  la  police  locale  ramassait-elle  plus 
volontiers  ses  victimes  en  bas  qu'en  haut,  parmi  la  foule  anonyme 
qui  suit,  que  parmi  les  chefs  qui  la  mènent  et  l'inspirent  ?  En  fait, 
le  cas  de  Tertullien  épargné  à  Carthage  prouve  que  la  fortune 
fut,  suivant  le  proverbe,  plus  clémente  pour  ceux  qui  avaient  le 
plus  d'audace  ;  et  mieux  encore,  que  le  fougueux  docteur  de  Car- 
thage, qui  déconseillait  la  fuite  aux  autres  et  écrivait  que  c'était 
une  joie  de  mourir  pour  sa  foi,  eut  la  sagesse  de  ne  pas  s'offrir 
aux  juges,  le  bonheur  —  ou  le  malheur  —  de  n'être  accusé  par 
personne.  Ce  fait  prouve  encore  indirectement  l'absence  ou  la 
mollesse  des  poursuites,  et  enfin  que  la  persécution  parmi  les 
fidèles  de  Carthage  ne  frappa  que  les  humbles  et  les  petits. 

Les  noms  des  martyrs  d'Afrique  que  nous  connaissons  au  temps 
de  Sévère  confirment  en  général  ces  inductions. 

On  ne  sait  pas  quels  sont  ces  «martyrs  désignés  *  auxquels  Ter- 
tullien adressa  son  exhortation  vers  197*.  Ils  étaient  en  prison, 
on  ignore  en  quel  nombre,  hommes  et  femmes',  visités  et  nourris 
par  les  frères  libres  ^  ;  ce  qui  prouve  à  la  fois  le  zèle  charitable  de 
l'église  et  la  facilité  des  agents  du  pouvoir.  Une  absolue  concorde 
ne  régnait  pas  parmi  ces  prisonniers,  car  Tertullien  leur  recom- 
mande l'union  ^,  ni  une  égale  insouciance  de  la  vie  terrestre  et  de 

1.  Les  derniers  mots  de  cet  écrit  :  c  Ad  hoc  qiiidem  vel  praesentia  nobis 
tempora  documenta  sunt,  quantae  qualesque  personae  inopinatos  nataiibus  et 
dignitatibus  et  corporibus  et  aetatibus  suis  exitus  referont  bominis  causa,  aut 
ab  ipso,  si  contra  eum  fecerint,  aut  ab  adrersariis  ejus,  si  pro  eo  steterint  », 
assignent  bien  à  cet  ouvrage  la  date  que  nous  marquons.  I)  y  a  là  en  effet  une 
manifeste  allusion  aux  représailles  exercées  par  Sévère  contre  les  partisans  de 
Pesccnnius  et  d'Albinus,  dont  le  dernier  avait  été  défait  et  tué  au  commencement 
de  197.  Voir  Noesselt,  ch.  13,  dans  le  3«  vol.  du  Tertullien  d'Œlher,  p.  556-557. 

1.  Ad  Martyros,  IV. 

3.  Ad  Martyr, y  iniUo, 

4.  Non  ergo  dicat  :  (diabolus)  in  meosunt;  tamptabo  illos  vilibus  odiis,  defec- 


l'église  o'afeique  sons  sbptimb  s^vèee.  267 

ses  biens,  car  dans  une  suite  d'antithèses,  qu'on  ose  trouver 
froides,  artificielles  et  sentant  la  rhétorique  d'école,  il  leur  prêche 
le  détachement  et  s'efforce  de  leur  rendre  moins  amer  le  pas  dou- 
loureux qu'ils  auront  à  franchir. 

Prendre  soin  de  ceux  de  ses  membres  appelés  à  rendre  témoi- 
gnage de  leur  foi  n'était  pas  seulement  de  la  part  de  l'église  un 
acte  de  charité.  Son  capital  intérêt  l'y  engageait.  Les  confesseurs 
en  effet  étaient  les  champions  de  la  foi  commune.  Il  importait  à  la 
société  chrétienne  tout  entière  que  ces  témoins  choisis,  forcés  ou 
volontaires,  déférés  devant  les  juges,  ou  s'y  précipitant  de  leur 
plein  gré,  ne  défaillissent  pas  dans  les  tourments,  ne  trahissent 
pas  sa  cause  et  ne  fussent  pas  vaincus  dans  la  lutte.  Leurs  vic- 
toires étaient  les  triomphes  de  l'église,  assuraient  son  honneur, 
étendaient  sa  puissance,  augmentaient  son  prestige  et  sa  force  en 
suscitant  des  prosélytes  parmi  les  païens  étonnés.  Aussi  avait-on 
grand  soin  de  les  préparer  au  combat*.  L'église  employait  pour 
cet  office  ses  voix  les  plus  persuasives.  Chacun  s'y  dévouait  de 
tout  son  cœur.  On  armait  les  âmes  des  lutteurs  futurs  contre 
l'amour  de  la  vie  et  la  peur  des  souffrances.  On  leur  versait 
l'ivresse  de  la  mort,  on  transportait  leurs  imaginations  en  leur 
ouvrant  de  capiteuses  perspectives  sur  l'infini,  on  les  exaltait  par 
la  peinture  des  compensations  prochaines  et  des  délices  du  ciel 
qui  les  attendait.  Mourir  de  sang-froid  pour  la  vérité  scientifique- 
ment démontrée,  peu  d'hommes  parmi  les  plus  fermes  en  sont 
capables;  mais  échanger  une  vie  d'un  jour  et  généralement  misé- 
rable pour  un  bonheur  sans  mélange  et  sans  fin,  donner  peu  pour 
gagner  tout,  souffrir  un  instant  pour  jouir  toujours,  quel  marché 
tentant'  !  Il  suffit,  pour  consentir  et  accepter  avec  enthousiasme 
l'apparent  sacrifice,  que  l'âme  soit  persuadée,  captivée,  possédée. 
La  foi  brûlante  a  fait  de  tout  temps  de  pareils  miracles.  Ils  étaient 
communs  aux  premiers  âges  de  l'église,  au  temps  des  persécu- 
tions. L'exaltation  commune  renforçait  l'exaltation  individuelle. 
Le  martyr  combattait  pour  Dieu,  pour  l'église  et  pour  lui-même. 
Il  savait  qu'il  était  le  tenant  de  toute  la  communauté.  Il  ne  dou- 

tionibus  aut  inter  se  dissensionibus...  vos  ioTenial  monitos  et  concordia 
armatos...  Et  ideo  eam  (pacem)  in  vobis  habere,  et  fo?ere  et  cusiodire  debetis. 
Ad  Martyr.,  1. 

1.  Voir  le  curieux  mémoire  de  H.  Edm.  Le  Blant  sur  la  préparation  a% 
martyre, 

2.  Le  mot  est  de  Tertullien  :  Negotiatio  est  aUqotd  amittere  ut  majora  lucre- 
ris Nihil  crus  seoUt  in  nervo,  cum  animus  io  ooelo  est.  iid  JfaWyr.,  2. 


268  B.   ADBtf. 

tait  pâs  que  le  Christ  ne  dût  le  soutenir  et  le  réconforter  dans  la 
lutte,  et,  après  le  triomphe,  le  recevoir  dans  son  royaume*. 

Dans  les  visions  étranges  qui  remplissent  les  Actes  des  saintes 
Perpétue  et  Félicité,  on  voit  l'effet  de  cette  sorte  de  possession 
spirituelle  que  pouvaient  produire  sur  des  âmes  simples  cette  idée 
fixe,  cette  préparation  assidue  et  l'espèce  de  retraite  mystique  à 
laquelle  elles  étaient  soumises  avant  le  combat. 

Parallèlement  à  l'entraînement  intérieur  et  pour  l'aider  eflSca- 
cement,  l'église  astreignait  les  martyrs  à  un  régime  de  jeûnes 
prolongés  favorable  à  la  surexcitation  nerveuse  et  à  l'exaltation 
extatique.  EUe  échauffait  l'âme  et  exténuait  le  corps  afin  qu'a- 
maigri, il  présentât,  si  l'on  peut  dire,  moins  de  surface  à  la  dou- 
leur physique  et  que  les  ongles  de  fer  et  les  tenailles  des  bourreaux 
y  eussent  moins  de  prise*.  Parfoisaussi,  — Tertullien  s'élève  contre 
cetteméthodeoucetusage, — elle  faisait  festoyer  les  futurs  lutteurs, 
ne  les  laissait  manquer  de  rien  ^,  et  au  dernier  moment  leur  faisait 
boire  des  liqueurs  narcotiques  et  stupéfiantes  pour  émousser  ou 
paralyser  en  eux  la  sensibilité.  «  L'un  des  vôtres  naguère,  écrit 
TertuUien,  à  l'heure  qui  précéda  sa  comparution,  fut  tellement 
frappé  d'hébétement  par  le  vin  préparé  que  vous  lui  fîtes  boire, 
qu'il  fut  incapable  de  répondre  SLuprœses  qui  l'interrogeait.  Sur 
le  chevalet,  à  peine  touché  par  les  ongles  de  fer  dont  il  sentait 
comme  un  chatouillement,  il  n'eut  que  de  confus  balbutiements 
d'ivrogne  et,  la  torture  continuant,  mourut  dans  une  abjuration 
entrecoupée  de  hoquets^.  > 

Il  n'y  a  pas  de  raison  d'aflSrmer  que  ces  dernières  pratiques 

1.  Et  coin  pro  naturali  difficultate  ocUyî  mensis  in  parto  laborans  doleret, 
(Félicitas)  ait  illi  quidam  ex  mioistris  cataractarionim  :  c  quae  sic  modo  doles, 
quid  faciès  objecta  bestiis,  quas  cootempsisti  cum  sacrificare  noluistL  >  Et  iUa 
respondit  :  c  Modo  ego  patior,  quod  patior,  iUic  aatem  alius  erit  in  me  qui 
patietur  pro  me,  quia  et  ego  pro  illo  passura  sum.  >  AcL  SS.  Perpet,  etFelicU,,  15. 

2.  Non  paenam  illic  (in  carcere)  passuras^  sed  disciplinam,  nec  saeculi  tor- 
menta,  sed  sua  officia,  eoque  fidentior  processurus  ad  certamen  e  custodia 
abusus  nihil  habens  carnis,  sic  ut  nec  habeant  tormenta  materiam,  cum  sola 
et  arida  sit  eu  te  loricatus  et  contra  ungulas  comeus,  praemisso  jam  sanguinis 
succo.  Tertull.,  Dejejunio,  12. 

3.  In  carceribas  popinas  exhibere  martyribus  incertis,  etc.  Tert.,  Id.,  ibid. 
Cf.  Lucien,  Peregrinus,  ch.  12. 

4.  Ipso  tribunalift  die  luce  summa  condito  roero  tanquam  antidoto  praeme- 
dicatum  ita  enerrastis,  ut  paucis  ungulis  tilillatus  (hoc  enim  ebrietas  sentiebat) 
quem  dominum  confileretur  interroganti  praesidi  respondere  non  potuerit 
amplius ,  atque  ita  de  hoc  jam  extortus,  cum  singultus  et  ructas  solos  haberet, 
in  ipsa  negatione  discessit.  Tert.,  Dej^unio,  12. 


l'iîglisb  d'afriqc^  sous  sbptime  siîterb.  269 

fassent  générales.  TertuUien,  qui  les  reproche  aux  Psychiques, 
comme  il  les  appelle,  c'est-à-dire  à  ceux  de  la  grande  église, 
marque  lui-même  qu'elles  n'étaient  employées  qu'avec  les  confes- 
seurs douteux  ou  de  foi  chancelante  (martyres  incerti,  De  jeju- 
nio,  12)  dont  on  pouvait  craindre  la  défaite  ou  la  chute,  au  milieu 
des  supplices  par  lesquels  on  cherchait  à  vaincre  la  fermeté  chré- 
tienne. 

Quel  fut  le  sort  du  groupe  de  fidèles  auxquels  TertuUien  adressa 
les  encouragements  qu'on  lit  dans  son  écrit  aux  Martyrs? 
Furent-ils  renvoyés,  comme  tant  d'autres,  après  une  courte  déten- 
tion et  un  sommaire  interrogatoire,  ou  condamnés  et  exécutés  ? 
Nous  l'ignorons.  Si  l'on  pouvait  affirmer  que  cette  afiaire  fut 
jugée  par  le  proconsul  Servilius  Pudens,  il  serait  permis  de  sup- 
poser qu'il  ne  les  condamna  pas,  mais  qu'il  sut  se  soustraire, 
comme  il  le  fit  dans  la  circonstance  rapportée  par  TertuUien  S  à 
une  obligation  légère  après  tout  pour  un  magistrat  tout  puissant. 
Mais  la  date  du  proconsulat  de  Pudens  n'est  pas  précisément  fixée. 
On  peut  dire  seulement  avec  une  grande  vraisemblance  que 
Pudens  gouverna  la  province  proconsulaire  d'Afrique  entre 
P.  Cornélius  AnuUinus,  proconsul  en  193,  et  VigeUius  Saturni- 
nus,  proconsul  au  plus  tôt  en  198  *. 

1.  Ad  Scapulam,  IV.  Ed.  OElher,  p.  547. 

2.  Les  Fastes  mentionnent  un  personnage  du  nom  de  Podens  (Quintus  Servi- 
lias),  consul  deux  années  de  suite  sous  le  règne  de  Marc-Aurèle  et  de  Lucius 
Verus,  en  165  et  en  166.  11  ne  peut  pas  se  faire  que  ce  soit  de  ce  personnage 
que  parle  TertuUien  dans  sa  lettre  à  Scapula,  écrite  en  211  ou  212.  En  effet, 
rintervalle  ordinaire  qui  séparait  le  consulat  et  le  tirage  au  sort  des  provinces 
sénatoriales  d'Asie  et  d'Afrique  était  au  commencement  du  règne  de  Marc 
Aurèle  de  douze  à  quatorze  ans.  S'il  s'agissait  dans  la  lettre  à  Scapula  du 
Pudens  consul  en  165,  il  eût  obtenu  le  proconsulat  d'Afrique  en  177  ou  en 
179.  Or,  en  premier  lieu,  il  est  très  inyraisemblable  que  TertuUien  allègue  un 
souvenir  aussi  lointain.  Les  autres  proconsuls  qu'il  nomme  dans  le  même  cha- 
pitre appartiennent  tous  à  sa  génération,  tandis  que  le  consul  de  165  apparte- 
nait à  la  génération  précédente.  En  second  lieu,  le  détail  très  particulier  qu'il 
rapporte  sur  Pudens  marque,  ce  semble,  un  fait  qui  ne  pouvait  remonter 
à  trente  ans.  Enfin,  s'il  s'agissait  de  Pudens,  consul  en  165  et  proconsul 
d'Afrique  en  177  ou  179,  il  suivrait  de  là  que  sous  Marc-Aurèle  l'Église 
d'Afrique  a  été  persécutée.  Or,  cela  n'est  point,  et  TertuUien  le  nie  dans  deux 
textes  formels  :  l'un  de  son  Apologétique ,  évidemment  écrite  sous  Sévère,  où  il 
déclare  que  jusqu'à  ce  prince,  nul  de  ceux  qui  ont  eu  quelque  souci  des  lois 
divines  et  humaines  n'a  fait  la  guerre  à  l'église  —  De  tôt  exinde  principilms  ad 
hodiemum  divinum  humanumque  sapientibus  édite  aliquem  debellatorem 
christianorum.  5—  texte  qui  en  Afrique  au  moins  exclut  toute  persécnlion  anté- 
rieure au  règne  de  Sévère;  l'autre,  de  la  lettre  à  Scapula  y  où  il  écrit  que 


270  I.    AUBI^. 

On  ne  s*accorde  pas,  il  est  vrai,  sur  l'année  du  proconsulat  de 
Vigellius  Saturninus.  Les  opinions  sur  ce  point  varient  entre  198 
et  205  ^  Si  nous  avions  la  date  du  consulat  de  Saturninus,  nous 
aurions  un  élément  précieux  pour  la  solution  très  approximative 
de  ctHto  question,  car  le  tirage  au  sort  des  provinces  proconso- 
laires  d*Asic  et  d* Afrique  suivait  très  généralement  le  consulat  à 
un  intervalle  do  treize  à  quinze  ans.  Ainsi  Pertinax  et  Didius 
Julianus,  anisuls  tous  deux  Tan  175,  furent  proconsuls  d*Afirique, 
Tun  on  18S-189,  Tautne  Tannée  suivante,  189-190.  De  même 
Apuloius  RuAnus,  consul  on  189,  Valerius  Bradua  Mauricus  en 
191,  ,\si>tT  jx>ur  la  première  foison  192,  Scapula  Tertullus  en 
196,  gi>uvornèront  TAfriquo  proconsulaire,  le  premier  en  203,  le 
second  en  2(H^  le  ti\>isiénH^  on  205,  le  quatrième  en  211.  Mais 
nous  ignorions  Tannée  du  consulat  do  Vigellius  Saturninus.  Fré- 
déric Mïnitor  suppi^»».  sans  y  insister*,  que  le  Saturninus  men- 
tionné dans  1(^  fastes  a'uisalaires  on  198  put  être  proconsul 
dWfriquo  doux  ou  tr^>is  ans  après.  Mais  cela  est  inadmi^ihlo  pour 
doux  raiÀM)s  :  d'aK>nl  }^rc(^  que  les  noms  des  deux  personnages 
no  ci^nvionnoiit  point  *,  ot  oiïsuito  parce  qu^un  intervalle  de  deux 


Vi|!rilîn$  Sjitammiij^  fut  k  rrnnicr  qui  tirt  I  e^fte  «vwtiY  k»  HvilMBi  —  qui 
primas  ku  fM^ium  in  int^  <ipt.  Ai  Sce^mi.,  X  IVuk-  ^rès  Barpbeâ  oa  peat 
«tirr  <)u'U  nS  «  pas  (racr  «k  ]irrï^(«ciiti<«  m  ikfriiTiif  avant  Saptinr  SéwtgfL  — - 
VVnMA  3arw|iir  tV^^iirn-Muvif  chc  iKvn  si  ba  ftlmn  indizio  cbr  U  pen^nizioiie 
sia  r^JM^^JlU  m^ll  \tri«"4(  prJTMi  Ai  S^^Uinio  St^^ta.  iTur.  rm/i^..  vm.  p.  €15. 
—  tVnc  k  Sf'ntliny  rnArtns  mnntwuinf  p»r  Tf^rtuDiMi  n  es:  pas  ie  rossol  de  165. 
On  pont  snpjvMor  qur  c  rljitt  ;«aii  iî)s,  cl  4pif  rfi^oh-ri  |*oiivenui  U  prorinoe 
«)  ^fh^uf  «^cnv  «>«  tTVkts  «Ax  a^jiii)  X*ico1)iii>  SittnmiBiis.  &  one  ttpoqat  an  Vhosr- 
ti)îlr  pL^pnUirr  «vintrr  Vs  rhrr4>cii^  îV^mmMK'AJt  a  s'iMVYJitQer.  rai  des^  accmatiaBS 
Mf  prvMliiDuiionl  «v«trf  miv.  vmiis.  Vaiiî  4  i^lrtr  raK^Maruf^MS.  coaimT  anroeilties  avfc 
TiY^nfriMimT  M  ciknui.  rt  «v.  )rs  ftdoH^  rUirni  jiffun'^akgiwn;  ïraîtots  iver  doDoear 
pfti  IffN  nM^;rvtniN  iNimainx   \>r  iin«4*nf4ira:  mmainr  :?«:*'«'  1*  \friqof  f*  oi 

d^il  w  v9^pf>Artor  «  luVrr  prAiN'Uksir  «^iimTits  Sor%ihnv  HAra'.iBs  Podeo^.  fiks  dn 
^>niiihix  >^m1ii«v  ri»d««ns  }f  %\Mtsi»\  (^  *^\ 

4S'  Vnn  V^^   ViviiiiMtMv.  Aiiix  iiAr   BAtr  *Vim»,  i'.    fti»;  sir^-^    unr  îBsrrii^iciii  où 

\ft>,*jir  ir.  'M'.   |^vivh4>^t   «U*^  nm^  U^  I?**  *  \    '.     Haiiv   %    X'ii;    p   r'r»..  fàmrt 

C     H»Kwi    l.i  'Aiwi:  ^\vt^«tU^'x*   Vih^'Siin-.  H»l^iim    S»?irniinQir  on:  raostû 
pyvv><4tHt(  «miv'  i»j4v  4wn«i  <^     iw;  «"h  *èsiui»-  '^b^  Vs  wW  ^u-t».  Ii.'wn:  sutnis^. 

^^MHit*;  Tw>mm>  ntncum:  fM^c*,.    Si>»l  »^mix  ^m>^ni*    'it«S!«r  i^\fcrs;    f>«tar*«   Vin- 

Klit,    /U^IM^'MIM'    f;>^#«Mk     ^^»)«uts    i^     -S». 


L'ér.LisB  d'afriqub  sous  septime  sévère.  274 

on  trois  ans  entre  le  consulat  et  Télection  sénatoriale  au  procon- 
sulat d'Afrique  est,  que  nous  sachions,  sans  exemple  certain  à  cette 
époque. 

Si  le  Saturninus  des  Actes  des  martjnrs  scillitains  est,  ainsi 
qu*on  en  convient  très  généralement,  le  proconsul  d'Afrique  dont 
nous  parlons  et  que  cite  Tartullien  dans  sa  lettre  à  Scapula, 
comme  on  trouve  dans  l'interrogatoire  qu'il  dirige  la  mention 
nominative  des  empereurs  Sévère  et  Antonin  (Caracalla)*,  et  que 
ce  dernier  n'a  été  élevé  à  la  dignité  d'auguste  qu'au  commence- 
ment de  juin  198,  il  suit  que  cet  interrogatoire  est  au  plus  tôt  de 
la  seconde  moitié  de  cette  même  année,  et  par  exemple  du  17  juil- 
let 198,  ainsi  que  le  marquent  les  Actes;  et  par  conséquent  que 
Vigellius  Saturninus  n'a  pu  être  proconsul  de  la  province  d'Afri- 
que avant  198,  à  moins  que,  comme  il  arrivait  parfois,  ses  pou- 
voirs n'aient  été  prorogés  et  que  son  proconsulat,  ayant  com- 
mencé au  printemps  de  197,  puis  fini  au  printemps  suivant,  n'ait 
été  continué  pour  un  an. 

Mais  si  l'affaire  des  Scillitains,  présidée  et  jugée  par  Saturni- 
nus, ne  peut  être  antérieure  au  mois  de  juin  198,  elle  peut  être 
postérieure  à  cette  date  d'un  an  ou  deux  en  supposant  que  Satur- 
ninus, entré  en  charge  au  printemps  de  198,  ait  par  un  ou  deux 
renouvellements  successifs  de  son  pouvoir  gardé  un  an  ou  deux 
ans  encore  le  gouvernement  de  la  province.  Cette  possibilité, 
remarquons-le,  repose  sur  une  exception,  car  suivant  les  règles 
ordinaires,  les  proconsuls  d'Asie  et  d'Afrique  ne  restaient  qu'une 
seule  année  en  fonction. 

Or,  dans  l'espèce,  cette  prorogation  paraît  avoir  eu  lieu.  Les 
Act^  proconsulaires  nous  apprennent  en  effet  que  les  martyrs 
scillitains  furent  jugés  sous  le  consulat  d'un  personnage  désigné 
sous  le  nom  de  Claudius  ou  de  Claudianus,  et  l'un  des  deux 


thèque  nationale,  nous  apprend  que  ce  Saturninus  avait  été  légat  impérial  de 
la  Mésie  inférieure  et  nous  donne  ses  noms  divers  :  Publius,  Vigellius,  Rains, 
Plarius,  Saturninus,  Atilius,  Braduanus,  Gains,  Aucidius,  Tertullus.  Il  ne  parait 
pas  qu'à  cette  multitude  de  noms  il  y  ait  lieu  d'ajouter  les  deux  que  porte  le 
consul  Saturninus  de  Tan  198  :  Tiberius  llaterins. 

1.  Et  adstantibus  eis  Saturninus  proconsul  dixit  :  Potestis  reniam  a  dominis 
nostris  Severo  et  Antono  promereri  si  bono  animo  conversi  fueritis  ad  Deos 
nostros.  Act.  proconsularia  Martyr.  ScUlitanarumf  init.  Il  est  superflu  de  noter 
que  Antono  doit  être  lu  Antonino  et  qu'Antonin  est  le  nom  sous  lequel  Caracalla 
est  toujours  officiellement  désigné. 


272  B.  Ami. 

consuls  de  Taiinée  200  porte  précisément  le  nom  de  Claudius  ^ . 

De  plus,  sans  craindre  d'être  accusé  de  démontrer  Tobscur  par 
le  plus  obscur,  comme  on  dit  dans  l'école,  nous  alléguerons  la 
date  de  l'Apologétique  de  TertuUien  pour  confirmer  ces  données 
et  nous  attesterons  ces  mêmes  données,  pour  confirmer  les  autres 
raisons  qui  nous  permettent  de  rapporter  ï  Apologétique  à  l'an- 
née 198  ou  à  la  suivante. 

Nous  savons  en  efiet  que  les  Scillitains  ont  été  exécutés  sur  la 
sentence  de  Saturninus,  Sévère  et  Garacalla  étant  Augustes,  c'est- 
à-dire  qu'ils  n'ont  pu  souffrir  avant  198  :  nous  savons  d'autre 
part  que,  dans  Y  Apologétique,  il  est  plusieurs  fois  question  de 
fidèles  frappés  du  dernier  supplice,  et,  par  un  autre  témoignage 
exprès  et  formel,  que  Saturninus  fut  le  premier  en  Afrique  qui 
ait  prononcé  contre  les  chrétiens  des  condamnations  capitales. 

Il  en  résulte  clairement  que  l'Apologétique  ne  fut  pas  composée 
avant  la  fin  de  l'année  198.  Or  les  martyrs  scillitains  périrent 
l'an  200,  Tiberius  Qaudius  Severus  étant  consul,  et  avant  eux 
déjà  le  sang  chrétien  avait  coulé  dans  la  personne  de  Namphamo 
et  de  ses  compagnons,  dits  les  martyrs  de  Madaure.  Donc  l'Apo- 
logétique a  été  écrite  avant  l'an  200,  et,  pour  préciser,  selon 
l'opinion  de  Mosheim  et  de  Noesselt  *,  vers  la  fin  de  l'année  198 
ou  dans  le  courant  de  l'année  suivante. 

Nous  apporterons  en  preuve  deux  textes  de  l'Apologétique  où 
TertuUien,  si  avare  d*ordinaire  de  claires  allusions  aux  personnes 
et  aux  choses  de  son  temps ,  note  en  traits  suflSsamment  précis 
des  faits  de  la  plus  brûlante  actualité.  Dans  l'un  de  ces  deux  pas- 
sages l'orateur  africain  écrit  que  les  représailles  si  cruellement 
exercées  contre  les  partis  vaincus  duraient  encore  :  «  Les  com- 
plices et  amis  secrets  de  ces  factions  scélérates  sont  encore  main- 
tenant dénoncés  cliaque  jour.  Après  la  moisson  coupée  des  chefs 
[>amcides,  on  glane  encore  les  restes'.  >  On  sait  quelles  impi- 


t.  Cf.  Àct,  procons.,  init.  L*un  des  consuls  de  l'an  200  est  Hberius  Claudius 
Severus. 

2.  Jo.Laur.  Mosheim,  Disquisilio  chronologictharUica  de  tara  aeiate  Apologe- 
tki  a  TfrtuUiano  conscripti  iMtioque  persecutionts  Severi.  Leyde,  1720,  in-8*, 
à  la  ttu  do  IWlition  de  VApohgètique  dUauerramp.  Voir  la  dissertation  de 
Noesselt  dans  1  Mitiou  de  TertuUien  d'OElher,  tom.  111,  p.  562. 

3.  Sed  et  qui  nunc  seeles^tarum  partium  socii  aut  plausores  quotîdie  revelan- 
tur,  |HV(t  vindemiam  |Kirricidarum  raceniatio  superstes.  Apologet.,  35.  Ed. 
OGlher,  p.  217.  11  faut  rvniartiuer  les  expressions  i^ut^c  et  quotidiè.  Cf.  ce  pas- 
sage de  Spartien  :  t  Multos  inter  haec  causis  Tel  Teris  vel  simulatis  occidit. 


VieusE  d'afriqub  sous  sbptihb  s^yèrb.  273 

toyables  vengeances,  à  Rome  et  ailleurs,  suivirent  les  défaites  de 
Niger  et  d'Albinus.  L'écho  s'en  prolongea  longuement.  Cepen- 
dant la  destruction  d'Albinus  est  de  février  197.  Dès  la  fin  de 
cette  même  année,  l'actif  et  infatigable  Sévère  était  déjà  en 
Orient.  Au  commencement  de  198  il  avait  pris  Ctésiphon.  A  la 
grande  rigueur  on  peut  dire  que  çà  et  là,  à  ce  moment,  des 
dénonciations  se  produisaient  encore.  Mais  ce  «  grapillage  après 
les  grandes  fauchées  »,  comme  parle  Tertullien,  ne  peut  guère 
nous  mener  au-delà  des  années  198  et  199. 

L'autre  texte  de  Y  Apologétique  est  une  peinture  des  réjouis- 
sances publiques  célébrées  à  Carthage  comme  à  Rome,  et  peut- 
être  même  d'une  façon  plus  démonstrative,  Sévère  étant  africain, 
soit  pour  les  fêtes  de  la  cinquième  année  {quinquennalia),  soit 
pour  la  victoire  sur  Albinus*.  Cette  peinture  faite,  ce  semble, 
d'après  nature,  nous  reporte  aussi  à  Tannée  197.  Un  an  ou  dix- 
huit  mois  après,  quand  Tertullien  tenait  la  plume  pour  écrire  son 
Apologétique,  le  souvenir  en  était  encore  vivant  dans  son  esprit  *. 

Damnabantur  autem  plerique  cur  jocati  essent;  alii  cor  tacaissent,  alii  car  ple- 
raque  figurata  dixisseot  ;  ut  esset  imperator  yere  nominis  sui,  vere  pertinax  et 
sererus.  Sparl.,  Sever.,  14.  ...  Maltos  etiam,  quasi  Chaldaeos  aut  vales  de  sua 
salute  consuluissent,  interemit,  praecipue  suspectos  unamquemque  idoneum  im- 
perio...  Spart.,  Sever,y  15. 

1.  TertuU.,  Apolog.y  35. 

2.  M.  Victor  Duniy,  au  tome  VI  de  sa  belle  Histoire  des  Romains  (page  56, 
note  2),  reconnaît  que  Tertullien  a  montré  Rome  pendant  ces  fêtes,  mais  d'une 
manière  un  peu  banale.  D'abord,  pourquoi  Rome  et  non  Cartbage?  C'est  à  Car- 
tbage,  croyons-nous,  que  Tertullien  a  vécu  et  écrit  son  Apologétique^  et  il  n*est 
pas  absolument  sûr  qu'il  ait  jamais  tu  Rome.  Le  P.  Tbeiner,  dans  les  savants 
commentaires  dont  il  a  enrichi  la  dernière  et  récente  édition  des  Annales  ecde- 
siastici  de  Baronius,  dit  fort  bien  à  ce  sujet  :  Nullus  Teterum  Tertullianum 
Romae  Tersatum  esse  scripsit.  Nec  refert  quod  Uieronymus  in  libro  de  scripto- 
rihM$  ecclesiasticis  dicat  :  f  invidia  et  contnmeliis  clericorum  Romanae  ecclesiae 
ad  Montani  dogma  t  delapcum  ëlse,  cum  Clenis  Romanus  eumdem  absentem 
injuria  lacessere  potuerit,  ut  rectè  obseryavit  eruditissimus  abbas  Ludovicus  du 
Four  in  TertuUiani  lectione  Tersatissirous.  Annal,  ecdes.,  in-4*.  Bar-le-Duc  et 
Paris,  1864  (t.  11,  p.  476,  l  3  in  fine).  Mais  passons  sur  ce  point.  M.  Duniy 
admet  que  Tertullien,  au  ch.  35  de  l'Apologétique,  a  décrit  les  fêtes  popu- 
laires qui  ont  suivi  la  victoire  de  Sévère  près  de  Lyon,  en  février  197.  C'est, 
semble-t-îl  admettre  implicitement,  que  la  composition  de  X Apologétique  est  de 
fort  peu  postérieure  à  l'année  197.  Cependant  dans  le  même  volume,  à  propos 
de  X Apologétique  de  Tertullien,  M.  Duruy  écrit  :  c  On  en  met  la  rédaction  en 
199  ou  200,  même  en  201  ;  mais  si  X Apologétique  n'a  été,  comme  il  est  probable, 
qu'une  refonte  des  deux  livres  Ad  Nationes,  il  faudrait  faire  descendre  cette 
date  beaucoup  plus  bas,  car  il  est  parlé  dans  le  premier  de  ces  deux  discours 
«  des  deux  Syries  qui  exhalent  encore  l'odeur  des  empereurs  égorgés,  t  Celte 

Rev.  HisTon.  XI.  2«  FASc.  18 


274  B.  aubI 

Nous  considérons  donc  très  décidément  TApologétique  de  Ter^ 
tullien  comme  écrite  à  la  fin  de  Tannée  198  ou  dans  le  courant  de 
Tannée  199.  C'est  à  notre  avis  mal  raisonner  que  de  la  recula 
jusqu'en  203,  sous  prétexte  que  Tédit  de  persécution  de  Sévère  est 
de  202.  Nous  l'avons  montré  déjà,  la  persécution  n'attendit  pas 
cet  édit  pour  se  produire  à  Alexandrie  et  dans  la  province  de 

phrase  he  peut  s'appliquer  qu'à  CaracaUa,  tué  en  217,  entre  Edesse  et  Carrhes, 
et  à  Diadumène,  tué  en  218,  comme  il  fuyait  d'Antioche  yers  les  Parthes, 
page  183,  note  2.  — Le  texte  de  Tertuliien  auquel  M.  Duruy  se  réfère  se  trouve 
au  chap.  xvii  du  1*'  livre  Ad  Naiiones.  Le  voici  :  Adhuc  Syriae  cadaremm  odo- 
ribus  spirant.  11  n'y  est  pas  question,  comme  on  voit,  d'empereurs  égorgés,  et 
la  fin  de  cette  phrase  en  éclaircit  et  en  précise  le  sens  :  adhuc  Galliae  Rbodano 
suo  non  lavant.  De  ces  deux  membres  de  phrase  parallèles,  le  second  est  une 
évidente  allusion  à  la  bataille  de  Trévoux,  et  au  grand  choc  des  deux  armées 
romaines  qui  se  termina  par  la  défaite  d'Albinus  sur  les  rives  du  Rhône.  Le 
premier  n'est  pas  une  allusion  moins  claire  aux  sanglantes  batailles  qui  con- 
sommèrent la  défaite  de  Pescennius  Niger  dans  les  provinces  syriennes.  Tertul- 
iien ne  sépare  pas  ces  deux  faits  et  les  cite  dans  leur  ordre  chronologique.  Or 
les  expressions  employées  par  Tertuliien  :  Les  Syries  sont  encore  infectées  de 
l'odeur  des  cadavres;  les  Gaules  n'ont  pas  encore  lavé  dans  leur  Rhône  le  sang 
dont  ses  rives  ont  été  couvertes,  marquent  très  positivement  que  Tertuliien 
écrit/ses  livres  Ad  Nationes  au  lendemain,  si  Ton  peut  dire,  de  ces  luttes  san- 
glantes. Il  est  assez  remarquable  que  le  texte  cité  par  M.  Duruy  pour  reculer 
les  livres  Ad  Naiiones,  et  par  suite  V Apologétique,  au  delà  de  217  et  de  218, 
soit  justement  le  même  qu'invoque  Noesselt  (TerluU.  d'QElher,  t  3,  p.  565) 
pour  affirmer  que  ces  deux  ouvrages,  dont  le  premier  parait  en  effet  comme  le 
canevas  et  Tédilion  populaire  du  second,  ont  suivi  de  très  près  l'an  197. 

Dans  ce  même  premier  livre  Ad  Nationes,  au  chap.  xvi,  Tertuliien  évoque  un 
souvenir  plus  lointain.  11  raconte  une  scandaleuse  histoire  qui  s'était  passée  à 
Rome,  dans  laquelle  le  préfet  de  la  ville,  Fuscianus,  avait  dû  intervenir  comme 
juge  civil.  Il  s'agit  de  Seius  Fuscianus,  qui  tint  la  préfecture  de  Rome 
de  186  à  189,  et  eut  au  printemps  de  celte  année  Pertinax  pour  successeur. 
Tertuliien  avait  évidemment  entendu  raconter  ceUe  aventure  à  Carthage,  et  il 
en  tirait  un  argument,  en  homme  qui  sait  en  prendre  partout  et  dont  la  mémoire 
est  fidèle.  Recueillir  un  fait  de  cette  nature,  dix  ou  douze  ans  après  qu'il  avait 
eu  lieu,  c'était  risquer  beaucoup  de  faire  trouver  l'anecdote  un  peu  vieille.  Est- 
il  admissible  que  Tertuliien  l'eût  ramassée  après  trente  ans  ? 

Enfin  les  livres  aux  Nations  et  V Apologétique  sont  inexplicables  et  dénués  de 
sens  si,  au  moment  où  l'auteur  écrit,  les  chrétiens  ne  sont  pas  populairement 
insultés  et  juridiquement  persécutés.  Ces  deux  œuvres  supposent  un  certain 
milieu,  se  produisent  dans  certaines  conditions  déterminées,  qui  se  rencontrent 
en  198  et  dans  les  années  qui  suivent  immédiatement,  mais  nullement  en  217, 
218  et  dans  les  années  suivantes.  Elagabal,  comme  on  sait,  ne  songea  pas  à 
persécuter  les  chrétiens,  et  Alexandre  Sévère,  le  fils  de  la  sérieuse  Mammée, 
leur  fut  sympathique  et  bienveillant.  L'anachronisme  serait  moins  fort  de  placer 
la  Saiire  Ménippée  à  la  fin  du  règne  de  Henri  IV  que  les  livres  aux  Nations  et 
l'Apologétique  de  Tertuliien  sous  le  règne  d'Elagabal  ou  sous  celui  d'Alexandre 
Sévère. 


l'église   d'aFRIQUE   sous   SBPTIMB  sév^RB.  275 

TAfinque  romaine,  et  il  n'est  fait  nulle  allusion  à  cet  édit  nou- 
veau ni  dans  les  écrits  de  TertuUien,  ni  dans  les  Actes  des  mar- 
tyrs qu'on  rapporte  au  règne  de  Sévère. 

Des  détails  chronologiques  dans  lesquels  nous  venons  d'entrer, 
nous  pouvons  induire  maintenant  que  si  la  lettre  aiujo  martyrs  de 
Tertullien  est,  comme  nous  l'admettons,  antérieure  à  l'année  198, 
année  où,  avec  le  proconsul  Vigellius  Saturninus,  commença 
effectivement  la  persécution  violente  et  les  condamnations  capi- 
tales, les  fidèles  incarcérés  auxquels  s'adressait  Tertullien  n'eurent 
pas  lieu  de  mettre  à  profit  les  conseils  de  ferme  courage  que  leur 
prodiguait  du  dehors  l'orateur  de  Carthage,  mais  qu'ils  furent 
rendus  à  la  liberté  ou  frappés  seulement  de  peines  légères.  C'est 
un  peu  plus  tard,  dans  la  seconde  moitié  de  198,  que  s'ouvre  le 
martyrologe  de  l'église  d'Afrique.  Les  premiers  noms  qu'il  y 
jEaut  inscrire  sont  des  noms  barbares,  des  noms  puniques.  Ceux 
et  celles  qui  les  portaient  étaient  apparemment  de  basse  naissance 
et  de  condition  servile.  On  pouvait  puiser  au  hasard,  pensait-on, 
et  frapper  sans  scrupule  dans  ce  milieu.  L'autorité  y  trouva  facile 
matière  d'exemple  et  d'avertissement  pour  les  autres.  Namphamo 
est  cité  comme  le  premier  fidèle  dont  le  sang  ait  coulé.  Sa  mé- 
moire resta  longtemps  chère  à  l'église  d'Afrique  et  fut  honorée 
d'une  sorte  de  culte  sous  le  nom  de  «  prince  des  martyrs,  >  archi- 
martyr.  Au  commencement  du  m*  siècle,  le  grammairien  Maxime 
de  Madaure,  resté  païen,  s'indignait  de  cette  espèce  d'adoration 
rendue  par  les  fidèles  à  ce  barbare  inconnu  et  à  ses  compagnons 
aussi  barbares  que  lui,  MigginS  Lucitas,  Samaé  et  les  autres  de 
la  même  engeance  «  dont  les  noms  sont  exécrés  des  dieux  et  des 
hommes.  >  «  Qui  pourrait  supporter,  disait-il,  que  l'archimartyr 
Namphamo  prenne  le  pas  sur  tous  les  dieux  immortels*?  > 
Et  saint  Augustin  répondait  qu'il  convenait  mal  à  un  Africain, 
écrivant  à  un  Africain,  de  tourner  en  ridicule  des  noms  emprun- 
tés à  la  langue  punique  et  bien  supérieurs  par  leur  signification 
à  tous  ceux  de  la  mythologie.  «  Si  nous  cherchons  en  effet  ce  qu'ils 
veulent  dire,  Namphamo  signifie  homme  d'heureux  présage, 
c'est-à-dire  qui  apporte  le  bonheur  partout  où  il  porte  le  pied  ^.  » 

1.  Le  Martyrologe  romain,  au  4  juillet,  donne  Mygdon  an  lieu  de  Miggin. 

2.  Quis  ferat  cunctis  praeferri  diis  immortalibus  archiroartyrem  Namphamo- 
nem.  S.  Augustini  opéra.  Ed.  Gauine,  tom.  II,  Epist.  ci,  n.  16. 

3.  Nam  si  ea  vocabula  interpretemur  Namphamo  quid  aliud  aigniûcat  qoam 
boni  pedis  hominem,  id  est  cujus  advenlus  afferat  aliquid  felicitatis,  sicut  sole- 


276  B.    AUBlf. 

Ce  nom  de  Namphamo,  avec  quelques  Itères  variantes  d'ortho- 
graphe, était  fort  usité  en  Afrique  S  aussi  bien  que  le  nom  de 
Félix  ou  de  Fortunatus,  qui  en  est  la  traduction  latine  ;  mais 
nous  ne  savons  rien  sur  le  premier  martyr  d'Afrique  qui  Ta 
porté,  non  plus  que  sur  ses  compagnons,  non  plus  que  sur  les 
circonstances  de  leur  condamnation.  Dans  le  martyrologe  romain 
ils  forment  le  groupe  des  martyrs  de  Madaure,  bien  qu'ils  parais- 
sent avoir  été  jugés  et  condamnés  par  le  proconsul,  et  par  consé- 
quent exécutés  à  Carthage. 

L'effet  de  ce  premier  sang  fut  terrible.  La  populace  païenne, 
déjà  fort  excitée,  s'en  grisa.  Les  accusations,  mal  reçues  jusqu'a- 
lors, se  croyant  encouragées,  se  multiplièrent.  Ce  fut  une  terreur 
parmi  la  plupart  des  chrétiens  amis  de  la  paix  ;  chez  d'autres, 
plus  guerroyants  ou  plus  enthousiastes,  un  redoublement  d'exal- 
tation. Sans  que  les  frumentarii  se  missent  en  chasse  *,  les  pri- 
sons se  remplirent.  De  cruels  supplices  furent  ordonnés.  Jucun- 
dus,  Saturninus,  Artaxius  furent  brûlés  vifs,  d'autres  encore 3; 
une  vierge  fut  livrée  au  leno  ^  ;  Quintus,  après  un  interroga- 
toire où  la  torture  avait  sans  doute  été  employée,  mourut 
en  prison^.  Vainement  la  communauté  prit  des  précautions, 
cacha  ses  mystères.  On  la  surprenait  la  nuit,  on  assiégeait,  on 
dispersait  ses  assemblées,  on  faisait  main  basse  sur  ceux  qui  se 
laissaient  prendre  ®.  liC  secret  cherché  dans  les  ombres  de  la  nuit 
avivait  les  rumeurs ,  et  nulle  cachette  n'était  si  sûre  que  l'œil 


mas  dicere  secundo  pede  introisse,  cujus  introitum  prosperitas  aliqua  consecuta 
sit.  Id.,  ibid.  Cf.  Léon  Renier,  Mélang.  (Fépigr.,  p.  279. 

1.  Voir  L.  Renier,  InscripU  d'Algérie.  Namphamo,  n.  1030,  1761,  3777,  3954, 
985.  Nampamo,  n.  245,  2689.  Namepliamo,  n.  3601,  3632.  Namefamo,  n.  3608, 
3609. 

2.  Les  frumentarii  étaient  un  corps  d'élite  dont  les  fonctions  et  le  service 
étaient  analogues  à  ceux  de  notre  gendarmerie.  V.  Henzen,  Bull,  de  VInsi,  arch. 
de  Rome,  1853,  p.  113  et  suiy.  Cf.  Derenbourg,  Quelques  mots  sur  la  guerre  de 
Bar  Kôzéba  et  ses  siUtes.  Paris,  1878,  p.  168  et  169.  Les  poursuites  officielles  ne 
paraissent  pas  avoir  eu  lieu  à  ce  moment.  Tertullien,  en  effet,  écrit  dans  son 
Apologétique,  ch.  2  :  Solum  christianum  inquiri  non  licet,  offerri  licet,  quasi 
aliud  esset  actura  inquisitio  quam  oblatio. 

3.  Act.  SS,  Perpet,  et  Felicit Et  quaerebamns  de  illis  ubi  essent  céleri, 

il.  _  El  caepimus  illic  multos  fratres  cognoscere  sed  et  martyres.  Ibid.,  13. 

4.  Apologet.,  dernier  ch.  in  fin.  Voir  la  note  de  Tédit.  d'OÊlher,  I,  p.  301. 

5.  Aci,  SS.  Perpet.  et  Felicit,,  11. 

6.  Quotidie  ob.Hidemur,  quotidie  prodimur,  in  ipsis  plnrimum  coetibus  et  con- 
gregationibus  noslris  opprimimur.  ApoL,  8. 


l'église  d'afrique  sous  sbptimb  sévère.  277 

d'un  traître  ou  d'un  curieux  mal  intentionné  n'y  pût  pénétrer*. 
Il  arrivait  aussi  y  ce  qui  se  comprend  aisément  dans  une  société 
dont  tous  les  membres  ne  sont  pas  des  héros,  que  beaucoup  de  chré- 
tiens faiblissaient  devant  le  tribunal  et,  dès  le  début  de  la  ques- 
tion à  laquelle  on  les  soumettait,  juraient  par  le  génie  de 
l'empereur  et  sacrifiaient  :  il  s'en  trouvait  parmi  ceux-ci  qui, 
devenus  libres  et  rougissant  d'eux-mêmes,  se  voyant  montrés  du 
doigt  par  les  païens  qui  leur  reprochaient  de  n'avoir  pas  eu  le 
courage  de  leurs  idées,  et  rejetés  des  frères,  revenaient  s'offrir 
d'eux-mêmes  aux  juges  et  rachetaient  leur  honneur  et  leur  cons- 
cience au  prix  de  leur  vie.  D'autres  devant  le  proconsul  usaient 
de  subterfuges  et  de  restrictions  mentales,  juraient  par  le  génie 
du  seigneur,  en  sous-entendant  en  eux-mêmes  le  seigneur  Dieu, 
seigneur  des  seigneurs. 

Coup  sur  coup,  de  198  à  199,  Tertullien  répondait  à  la  persé- 
cution en  écrivant  son  Apologétique,  son  Traité  des  spec- 
tacles et  son  Livre  de  rtdo/ô^rte,.protestant  dansle  premier 
de  ces  trois  ouvrages  contre  les  procédures  iniques  et  revendi- 
quant hautement  les  droits  de  la  conscience,  attaquant  dans  les 
autres  les  mœurs,  les  coutumes  et  les  institutions  religieuses  des 
païens,  rétorquant  et  retournant  vivement  contre  ses  adversaires 
tous  les  griefs  et  toutes  les  accusations  dont  on  accablait  ses 
amis. 

Le  proconsul  Publius  Vigellius  Saturninus  n'était  pas  pour- 
tant un  méchant  homme.  Il  gémissait  sans  doute  de  se  voir  enlacé 
dans  ces  causes  inextricables  que  les  haines  publiques  et  les 
nécessités  de  sa  charge  lui  imposaient,  et  dans  lesquelles  les  accu- 
sés se  chargeaient  eux-mêmes,  semblaient  prendre  plaisir  à  se 
perdre  et  à  ôter  à  leurs  juges  tout  moyen  de  les  sauver. 

Cet  embarras  est  manifeste  dans  la  seule  affaire  sur  laquelle 
nous  ayons  des  détails  et  où  il  figure  en  qualité  déjuge.  Nous 
voulons  parler  du  procès  des  martyrs  scillitains,  où  douze  fidèles, 
huit  hommes  et  quatre  femmes,  plusieurs  évidemment  de  sang 
et  de  nom  punique,  étaient  impliqués'. 

1.  Ad  Nation.,  l,  7. 

2.  Left  Actes  nous  apprennent  qne  ce  procès  eut  lieu  sous  le  consulat  d'un 
personnage  nommé  Claudius  ou  CUudianus.  Trois  manuscrits  portent  Claudius; 
un  quatrième,  cité  par  Mabillon,  donne  Praesidente  bis  ClatuUano  consuU, 
Borghesi,  s'attachant  à  cette  dernière  leçon,  la  transforme  et  la  complète  d'une 
manière  à  la  fois  ingénieuse  et  vraisemblable,  encore  qu'un  peu  libre,  en  preii- 
dtAtibus  Claudio  Severo  et  Aufidio  Victorino  cou.  Claudius  Sererus  et  Aufi- 


278  B.  aueL 

Saturninus  n'entame  pas  rinterrogatoire  d'un  ton  rogue  et 
menaçant.  Ses  premières  paroles  sont  pleines  de  douceur  :  Vous 
pouvez  être  assurés,  leur  dit-il,  de  trouver  grâce  auprès  de  nos 
seigneurs  Sévère  et  Antonin  si  vous  revenez  à  de  meilleurs  senti- 
ments. Et  Spératus,  au  nom  de  ses  compagnons  et  au  sien,  pro- 
testant qu'ils  n'ont  rien  fait  de  mal  et  obéissent  aux  lois  et 
adorent  seulement  Dieu  dans  la  simplicité  de  leur  cœur,  le  pro- 
consul répond  :  Et  nous  également  nous  sommes  religieux,  et  notre 
religion  est  pleine  de  douceur,  et  nous  jurons  par  le  génie  de 
notre  seigneur  l'empereur  et  nous  prions  pour  sa  conservation, 
ce  que  vous  devez  faire,  vous  aussi.  Et  Spératus  à  propos  de  la 
foi  chrétienne  ayant  prononcé  le  mot  de  mystère  et  proposant  de 
s'en  expliquer,  si  le  juge  veut  l'entendre  :  «  Je  t'entendrai  volon- 
tiers là-dessus,  dit  Saturninus,  sans  que  tu  aies  rien  à  craindre, 
mais  jure  seulement  par  le  génie  du  prince.  »  Ne  dirait-on  pas  que 
le  proconsul  ouvre  ici  aux  accusés  une  porte  de  salut,  et  que,  sans 
s'inquiéter  beaucoup  du  fond  des  choses,  il  leur  demande  seule- 


dius  Victorinus  sont  les  deux  consuls  de  l'an  200.  En  admettant  qu'un  person- 
nage du  nom  de  Claudius  fût  en  effet  consnl  lorsqu*eut  lieu  le  procès,  ainsi  que 
trois  manuscrits  des  Actes  le  marquent,  comme  il  n'y  a  à  cette  époque  dans  les 
fastes  aucun  consul  de  ce  nom,  si  ce  n'est  Tiberius  Claudius  Severus,  consul  en 
l'an  200,  il  est  légitime  de  rapporter  cette  affaire  à  cette  date,  sans  qu'il  soit 
nécessaire  peut-être  de  supposer  que  les  Actes  portassent  fort  exactement  la 
mention  entière  des  deux  consuls,  outre  que  le  praesidentibusy  pour  être  moins 
étrange  qu' existente,  praesente  ou  praestante,  placé  devant  Claudio  dans  les 
trois  manuscrits,  ne  parait  pas  moins  inusité.  Donc,  on  peut  considérer  que 
l'affaire  des  Martyrs  dits  scillitains  eut  lieu  en  200.  Mûnter  la  recule  de  deux 
ans.  c  11  est  probable,  écrit-il  en  note,  que  Spératus  et  ses  compagnons  souf- 
frirent en  202.  »  On  ne  Yoit  pas  la  raison  de  cette  probabilité,  et  Miïnter  n'en 
donne  aucune.  En  202,  l'empereur  Sévère,  consul  pour  la  troisième  fois,  parta- 
geait les  faisceaux  avec  son  fils  atné,  Ântonin  Caracalla.  11  faut  alors  faire 
abstraction  du  Claudio  Consule  qu'on  trouve  à  la  première  ligne  des  Actes.  A 
quel  titre  effacer  cette  indication,  ou  n'en  tenir  nul  compte?  Si  Miinter  a 
choisi  l'année  201  parce  que  c'est  la  date  de  Tédit  que  Sévère  promulgua  en 
Palestine  contre  les  chrétiens,  la  raison  ne  vaut  rien,  vu  que  dans  les  Actes  il 
n*est  fait  nulle  allusion  à  cet  édit,  et  d'un  autre  côté,  parce  qu'on  ne  l'a  pas 
attendu  pour  juger  et  condamner  les  chrétiens,  comme  cela  résulte  de  tant  de 
passages  de  V Apologétique,  composé  plusieurs  années  auparavant;  enfin  parce 
que  Saturuinus,  le  premier  qui  ait  prononcé  contre  les  chrétiens  des  peines 
capitales  et  par  conséquent  proconsul  lorsque  Tertullien  écrivit  son  Apologë- 
tiquey  ne  s'était  pas  vraisemblablement  perpétué  quatre  ans  dans  sa  charge. 

C'est  asseï  de  supposer  que  son  proconsulat  eût  été  prorogé  deux  ou  trois 
ans,  comme  il  le  faut  admettre,  si  on  veut  se  souvenir  que  son  proconsulat  et 
les  condamnations  capitales  contre  les  chrétiens  qui  le  signalèrent,  avaient  com- 
mencé quand  Tertullien  écrivit  son  éloquent  plaidoyer. 


l'église  d*afrique  sous  septime  sévère.  279 

ment  de  céder  sur  une  formalité  d'étiquette.  Mais  l'autre  répon- 
dant toujours  qu'ils  n*ont  fait  aucun  mal,  commis  aucun  délit, 
qu'ils  paient  exactement  les  impôts,  mais  ne  veulent  adorer  que 
leur  Dieu,  le  roi  des  rois,  le  proconsul  à  qui  la  patience  échappe 
s'écrie  :  «  Au  surplus,  c'en  est  assez  de  votre  bavardage,  appro- 
chez et  sacrifiez  aux  dieux.  »  Spératus  refuse.  Saturninus  s'adresse 
aux  autres,  les  prie  de  ne  pas  s'associer  à  la  folie  de  celui-ci, 
mais  de  craindre  le  prince  et  de  se  montrer  dociles  à  ses  ordres. 
Et  Cittin  ayant  répondu  pour  tous  :  «  Nous  ne  savons  craindre 
personne  autre  que  Dieu  notre  seigneur  qui  est  dans  le  ciel,  >  le 
proconsul  lève  la  séance  et  les  fait  reconduire  en  prison. 

Le  lendemain  il  s'adresse  aux  femmes,  et,  les  trouvant  inflexi- 
bles, revient  encore  aux  hommes.  Ceux-ci  s'animent  d'autant 
plus  que  le  juge  est  plus  conciliant  ;  ils  crient  à  pleine  voix  qu'ils 
sont  chrétiens,  comme  s'ils  craignaient  sa  bienveillance  et  vou- 
laient par  le  scandale  en  empêcher  les  effets  :  «  Vous  ne  voulez 
donc,  leur  dit  le  juge,  ni  grâce  ni  délai?  »  Et  il  leur  ofire  de  les 
ajourner  à  quelques  jours  ^  Ils  répondent  que  pour  eux  tout  est 
vu  et  décidé,  mais  que  ce  temps  leur  suffirait  pour  l'arracher 
au  culte  honteux  des  idoles,  l'initier  à  la  foi  et  la  lui  faire  aimer, 
s'il  en  était  digne. 

Poussé  à  bout,  le  proconsul  prononce  la  sentence  capitale.  En 
vérité,  on  demande  de  quel  côté  est  la  douceur,  de  quel  côté  la 
patience  et  la  longanimité,  et  de  quel  côté  aussi  l'insolence  et  la 
bravade  ? 

Cette  affaire  des  martyrs  scillitains  jugés  et  exécutés  à  Car- 
thage  est  de  Tan  200  et,  suivant  les  Actes,  du  16  juillet. 

Après  de  pareilles  exécutions,  le  pouvoir,  conune  s'il  avait 
payé  sa  dette  aux  clameurs  populaires,  fermait  les  yeux;  les 
haines  publiques  rassasiées  s'apaisaient.  Les  chrétiens,  décimés 
mais  non  entamés  dans  leur  foi,  rejoignaient  leurs  rangs 
dispersés,  reprenaient  leurs  réunions  et  leurs  habitudes.  La  paix 
renaissait  dans  les  cités,  une  sorte  de  tolérance  tacite  s'établis- 
sait, non  sans  de  sourds  grondements  parmi  les  païens  les  plus 
fanatiques,  rêvant  une  extermination  générale,  et  parmi  les  plus 
fougueux  de  la  secte,  brûlés  du  désir  de  la  vie  éternelle  que  le 
martyre  assurait  à  leurs  yeux.  Cette  tolérance  du  reste  était  à 
la  merci  du  moindre  éclat  de  zèle.  Vers  201  ou  202  un  scandale 

1.  Un  texte  dit  trois  jours,  un  autre  trente. 


280  B.    AUBli. 

se  produisit,  également  blâmé  sans  doute  par  les  païens  et  par  la 
majorité  des  chrétiens.  Voici  comme  Tertullien  le  raconte  : 
«  L'histoire,  dit-il,  est  d'hier.  Par  ordre  des  très  puissants  empe- 
reurs, on  faisait  largesse  aux  troupes.  Les  soldats,  couronnés  de 
laurier,  venaient  à  tour  de  rôle  recevoir  le  donativum.  L*un  d'eux, 
plus  soldat  de  Dieu  et  plus  ferme  que  les  autres  frères  qui  s'étaient 
flattés  de  pouvoir  servir  deux  maîtres,  seul,  tête  nue,  son  inutile 
couronne  à  la  main,  montrant  par  son  attitude  qu'il  était  chré- 
tien, se  faisait  remarquer  entre  tous.  Chacun  le  désigne  du  doigt  : 
de  loin  on  le  raille,  on  gronde  autour  de  lui.  Les  murmures 
arrivent  au  tribun,  et  l'homme  hors  des  rangs  se  présentait. 
Aussitôt  le  tribun  :  Pourquoi  es-tu  si  difierent  des  autres?  Il 
répondit  qu'il  ne  lui  était  pas  permis  de  faire  comme  eux.  —  Et 
la  raison?  —  Je  suis  chrétien,  dit-il.  0  soldat  glorieux  dans  le 
Seigneur!  on  tient  conseil.  L'affaire  est  remise  à  plus  ample 
informé  et  le  soldat  traduit  devant  les  préfets.  A  l'heure  même  il 
dépouille  son  lourd  manteau,  prêt  à  recevoir  un  joug  plus  léger, 
dénoue  et  laisse  sa  chaussure  incommode  pour  marcher  librement 
enfin  sur  la  terre  sainte,  rend  son  épée  qui  n'avait  pas  été  jugée 
nécessaire  à  la  défense  du  Seigneur,  laisse  tomber  la  couronne 
de  sa  main  ;  et  maintenant,  vêtu  de  la  pourpre  du  martyre  qu'il 
espère,  chaussé  du  brodequin  de  l'évangile,  armé  du  glaive  mieux 
trempé  de  la  parole  de  Dieu,  ceint  tout  entier  de  l'armure  de 
l'apôtre  et  couronné  en  espérance  de  la  blanche  couronne  des 
martyrs,  il  attend  dans  la  prison  le  donativum  du  Christ.  Cepen- 
dant sur  son  compte  courent  divers  jugements,  —  de  chrétiens,  — 
je  ne  sais;  les  païens  n'en  disent  pas  plus.  C'est  le  fait,  dit-on,  d'un 
étourdi,  d'un  cerveau  brûlé,  d'un  homme  avide  de  mourir.  Inter- 
rogé sur  sa  tenue,  il  compromet  la  société  chrétienne  tout 
entière,  comme  s'il  n'y  avait  que  lui  qui  eût  du  cœur  et  que 
parmi  tant  de  frères  qui  servent  comme  lui  il  fût  seul  chrétien... 
Ils  grognent  enfin  de  ce  qu'on  vient  sans  raison  mettre  en  péril 
cette  bonne  et  longue  paix.  Plusieurs  sans  doute  songent  déjà  à 
se  mettre  à  l'abri  du  martyre,  font  leurs  paquets  et  s'apprêtent  à 
fuir  de  ville  en  ville.  Car  ils  n'ont  retenu  que  ce  texte  de  l'Écri- 
ture :  Je  connais  leurs  pasteurs,  lions  en  paix  et  cerfs  en  guerre*.  » 
Il  n'est  guère  dans  Tertullien  de  plus  curieux  morceau.  Il  est 
écrit  à  Carthage,  et  il  est  présumable  que  le  fait  qu'il  relate  s'est 

1.  TertoU.,  De  Corona  militis,  Jnit, 


l'iÎGLISB  D'AFRIQUE  SOUS  SEPTIMB  SI^YiEB.  281 

passé  en  Âfirique.  Les  largesses  n'étaient  pas  faites  seulement 
aux  années  en  campagne.  Tous  les  soldats  y  participaient.  Les 
détails  dans  lesquels  Tertullien  est  entré  semblent  viser  un  fait 
qui  vient  de  se  passer  près  de  lui  et  à  sa  portée,  en  Numidie 
peut-être,  où  campait  la  troisième  légion  Augusta^  peut-être 
dans  le  détachement  de  service  à  Carthage.  De  même  le  mouve- 
ment d'opinions  qu'il  relève,  les  dires  des  chrétiens  qu'il  recueille, 
paraissent  devoir  se  rapporter  à  un  fait  local.  Au  reste,  dans  le 
récit,  nul  indice  de  temps  ni  de  lieu.  Il  n'y  a  qu'un  embarras  : 
l'expression  de  longue  paix  employée  par  les  chrétiens  qui  blâ- 
ment l'excès  de  zèle  du  soldat  convient  mal  à  la  courte  trêve  qui 
suivit,  comme  nous  l'imaginons,  les  exécutions  ordonnées  par 
Vigellius  Saturninus.  Mais  après  une  crise,  une  tranquillité  d'un 
an  ou  deux  peut  bien  à  la  rigueur  s'appeler  une  longue  paix. 
L'acte  du  soldat  pris  en  lui-même  était  un  acte  d'indiscipline 
flagrante  et  comme  un  défi.  Les  chrétiens  raisonnables  le  taxaient 
eux-mêmes  d'absurde  témérité.  Nous  noterons  que  l'autorité 
militaire,  habituellement  sonmiaire  en  ses  procédures,  ne  sévit 
pas  sur  l'heure.  Nous  remarquerons  aussi  que  le  parti  des'exagérés 
et  des  puritains  parmi  les  chrétiens  approuvait  le  légionnaire. 
Tertullien,  qui  récemment  dans  son  traité  de  V Idolâtrie  n'avait 
pas  craint  de  déconseiller  à  ses  amis  de  participer  aux  travaux 
et  aux  charges  de  la  vie  civile,  ne  se  cachait  nullement  pour 
applaudir  ce  qui  lui  semblait  l'héroïsme  du  soldat  et  de  le  pro- 
poser en  exemple  à  tous  les  chrétiens.  Il  déclarait  que  le  service 
militaire  était  incompatible  avec  la  vie  chrétienne,  comme  il  avait 
déclaré  que  les  devoirs  du  citoyen  ne  convenaient  pas  à  la  pro- 
fession chrétienne.  Il  n'avait  pas,  il  est  vrai,  mandat  de  l'église 
pour  parler  de  la  sorte.  Mais  il  est  certain  que  l'opinion  qu'il 
exprimait  spontanément  et  qu'il  défendait  avec  énergie  était 
l'opinion  d'un  groupe  de  chrétiens,  de  ceux  qui  prétendaient 
tenir  la  tête  du  mouvement;  et  il  n'est  pas  moins  certain  que 
cette  opinion  était  subversive  de  tout  ordre  social.  Par  ces  ensei- 
gnements, que  les  païens  pouvaient  croire  émanés  non  d'une 
minorité  d'opposition  et  d'un  parti  d'intransigeants,  mais  de 
toute  la  secte,  en  dépit  de  prot^tations  timides  ou  non  avenues, 
le  christianisme  à  son  tour  déclarait  la  guerre  à  la  société  et 
rompait  avec  elle  :  religion,  devoirs  civils,  obligations  militaires, 
il  répudiait  tout  en  face  et  directement.  Que  devaient  penser  de 
pareilles  idées,  nous  ne  dirons  pas  l'autorité  civile  et  militaire. 


282  I.  àtïïi. 

mais  les  pins  sages  et  les  plus  tolérants  des  païens?  N^avaieni-ils 
pas  le  droit  de  déclarer  à  leur  tour  que  les  chrétiens,  bien  qu'ils 
s'en  défendissent  devant  les  tribunaux,  étaient  en  effet  des  hommes 
dangereux,  des  Êiuteurs  de  sédition  et  des  ennemis  publics?  Les 
fous,  disaient-ils,  on  peut  les  plaindre,  les  prendre  en  pitié,  les 
éclairer  et  peut-être  les  guérir.  Mais  des  forcenés  qui  prêchent  la 
désobéissance  aux  lois,  l'indiscipline,  le  mépris  de  la  cité  et  des 
devoirs  civiques,  opposent  on  ne  sait  quel  drapeau  à  Tétendard 
de  Rome,  il  faut  en  finir  avec  eux  et  les  étouffer  par  tous  les 
moyens. 

La  persécution  recommença  donc  avec  plus  de  violence.  Mini- 
cius  Timinianus  avait  succédé  à  Yigellius  Saturninus  en  qualité 
de  proconsul,  201-202.  Il  mourut  pendant  sa  magistrature,  et  le 
procurateur  Flavianus  Hilarianus  le  remplaça  dans  ses  fonctions. 
La  persécution  continua  sous  ses  successeurs  Âpuleius  Rufinus, 
203-204,  Marcus  Valerius  Bradua  Mauricus,  204-205,  et  Gains 
Julius  Asper,  205-206*. 

Le  gouvernement  d'Hilarianus  fut  signalé  par  des  émeutes 
populaires  contre  les  chrétiens.  L'église  d'Afrique,  comme  celle 
de  Rome,  avait  ses  quartiers  de  sépulture  qu'elle  possédait  à  titre 
de  société,  et  dont  la  loi  assurait  l'inviolabilité,  non  conmie 
propriété  chrétienne  sans  doute ,  mais  à  titre  de  lieu  de  sépul- 
ture. La  populace  de  Carthage  s'éleva  contre  ce  partage  des 
prérogatives  communes.  La  haine  publique  demandait  que  les 
clirétieiis  fussent  hors  la  loi,  morts  ou  vivants.  On  cria  :  Pas  de 
lieu  de  sépulture  pour  les  chrétiens  :  Arese  non  sint  christia- 
norum  *  ! 

C'eût  été  merveille  que  ces  furieux  appels  aux  rigueurs  légales 
ne  fusmmt  pas  accompagnés  d'insultes  et  de  violences  contre  les 
propri6t<'iH  (ît  contre  les  personnes.  TertuUien  dans  son  Apologé- 
tique parle  do  tombes  chrétiennes  indignement  violées,  et  de 
pierres   lanciM^s   aux  fidèles  ^  On   peut   croire  que  la  foule 

1 .  L'^poquo  oîi  rot  iwrftonnages  furent  proconsals  d'Afrique  est  assez  précisé- 
ment établie.  Apulelun  Ruflnua  fiit  consul  en  189,  Marcus  Valerius  Bradua  en 
191.  11  est  possible  qu'il  y  ait  eu  un  autre  proconsul  entre  les  deux,  mais  on 
rignoro.  Knfln  Oalus  Julius  As|>er  fut  consul  pour  la  première  fois  en  192. 
V.  WaddlnRlon,  Fattft  dfs  prwincés  asiatiques  de  l'empire  romain,  p.  248 
et  258. 

2.  Hub  llllarlano  pracsido  cum  de  arels  sepuUurarum  nostrarum  adclamas- 
scnt  :  Areao  non  sint  1  aroae  Ipaorum  non  f^erunt.  Tertull.  Ad.  Scap.,  3. 

3.  Tertull..  Apoiog,,  9-37. 


L'éGLISB   D'AFRIQUE   SOUS  SBPTIME  SÉVÈRE.  283 

n'épargna  pas  plus  les  unes  que  les  autres  dans  la  période  dont 
nous  parlons.  La  licence  pouvait  se  donner  pleine  carrière.  Les 
outragés  ne  réclamaient  pas,  crainte  de  pis,  et  l'autorité  ne  son- 
geait pas  à  les  couvrir.  Elle  ne  garda  pas  même  la  neutralité.  Un 
édit  de  Sévère,  promulgué  en  Palestine,  venait  d'intervenir,  qui 
interdisait  la  propagande  chrétienne.  Si  équivoque  que  fût  cette 
ordonnance  prise  à  la  lettre,  elle  était  une  indication  des  senti- 
ments du  prince.  Il  ne  voulait  pas  que  la  semence  chrétienne 
s'étendît  et  fructifiât.  Le  meilleur  moyen  de  couper  court  aux 
progrès  inquiétants  du  christianisme  et  à  l'extension  de  la  secte, 
n'étaitK»  pas  de  supprimer  les  convertisseurs,  et  pour  que  l'arbre 
n'eût  pas  de  rejetons  et  de  pousses  nouvelles,  de  brûler  ou  d'am- 
puter ses  racines?  Il  voulait  que  le  christianisme  s'éteignît.  On 
servait  donc  son  intention  et  son  dessein  final  en  frappant  les 
chrétiens*. 

La  police  fut  lancée  et  dut  aider  les  dénonciateurs  volontaires 
et  les  accusateurs  ofiicieux.  Nous  n'avons,  il  est  vrai,  ni  dans  les 
Actes  qai  se  rapportent  aux  martyrs  de  ce  temps,  ni  dans  aucune 
des  œuvres  de  Tertullien,  la  moindre  mention  del'édit  de  Sévère, 
mais  le  traité  de  la  fuite  dans  la  persécution  et  le  Scorpiaque, 
écrits  l'un  et  l'autre  entre  202  et  205,  nous  paraissent  attester 
et  manifester  une  aggravation  dans  la  situation  légale  des  chré- 
tiens. Ils  étaient  suspects,  ils  sont  proscrits  :  on  attendait  des 
accusateurs  pour  les  punir  ;  on  les  recherche,  et  on  les  poursuit. 
En  dépit  de  mauvaises  rumeurs  et  parfois  d'avanies,  ils  allaient 
et  venaient  mêlés  à  la  population  et  se  réunissaient  entre  eux 
avec  une  suffisante  liberté  :  maintenant  ils  se  cachent,  se  voient 
et  s'assemblent  de  nuit,  ou  suspendent  leurs  réunions  et  s'en- 
fuient. Tertullien,  qui  s'enfonçait  chaque  jour  davantage  dans  les 
exagérations  montanistes,  reproche  aux  chrétiens  de  n'avoir 
gardé  mémoire  que  du  passage  de  l'évangile  qui  semble  autoriser 
la  fuite*.  C'est  alors  aussi  que  s'établit  la  pratique  dont  nous 


1.  Il  est  remarquable  que  nuUe  part  Tertullien  n'incrimine  la  bonne  Tolonté 
de  Sévère.  Dans  sa  Lettre  à  Scapula  il  ne  cite  de  sa  part  que  des  traits  de 
bienveillance  à  l'égard  des  chrétiens.  Ou  il  ne  connaît  pas  Tédit  de  202,  ou 
il  feint  de  ne  pas  le  connaître.  Avec  ses  seuls  ouvrages  on  ne  saurait  évidem- 
ment le  deviner. 

2.  Ifnssitant  scripturas  emigrare,  sarcinas  expedire,  fugae  accingi  de  civitale 
in  dvitatem;  nuUam  enim  aliam  Evangelii  (S.  Matth.,  X,  23)  memoriam  curant. 
Le  corona^  \,  C(,  De  fuga  in  persectU,,  passim. 


284  B.  aubM. 

avons  parlé  déjà  :  le  rachat  de  rarrestation.  On  se  sauve  à  prix 
d'argent.  Les  chrétiens  riches  payent  pour  eux  et  pour  leurs 
amis  :  des  groupes  se  cotisent,  les  évêques  mêmes  s'entremettent 
auprès  des  soldats  ou  des  agents  de  la  police  romaine.  Ce  ne 
sont  pas  encore  les  libellatici^.  Ces  affaires  se  traitent  clandes- 
tinement. Les  agents  supérieurs  les  ignorent  ou  ferment  les  yeux 
sur  un  trafic  qui  leur  allège  une  odieuse  besogne.  Ce  sont  les 
fruraentaires,  ou  les  soldats,  ou  les  dénonciateurs  officieux,  les 
limiers  de  la  haute  et  basse  pohce,  dont  on  soudoie  la  bonne 
volonté  et  dont  on  achète  le  silence  par  des  sommes  données  de 
la  main  à  la  main  et  sans  doute  renouvelées  et  constituant  une 
sorte  de  loyer  convenu. 

En  ce  temps  cependant  (202-206),  plusieurs  chrétiens  furent 
livrés  aux  tribunaux,  soit  par  suite  de  la  mauvaise  foi  d'agents 
deux  fois  traîtres,  soit  par  l'impossibilité  où  ils  étaient  de  satis- 
faire la  rapacité  des  persécuteurs,  soit  par  l'effet  d'inimitiés 
privées  que  l'argent  ne  pouvait  étouffer,  soit  encore  et  plutôt 
parce  qu'ils  se  refusaient  à  de  pareils  marchés  et  aimaient  mieux 
payer  de  leur  sang.  On  peut  signaler,  avec  Rutilius  que  nous 
avons  mentionné  déjà  et  que  Tertullien  appelle  très  saint  martyr*, 
Castus  et  ^Emilius,  qui,  après  avoir  renié  leur  foi,  rentrés  en  eux- 
mêmes,  s'offrirent  de  nouveau  aux  juges  et  l'attestèrent  dans  les 
supplices^;  Celerina,  Laurentius  et  Ignatius,  la  première  aïeule, 
les  deux  autres  oncles  d'un  Celerinus  ordonné  prêtre  et  lecteur 
par  saint  Cyprien,  au  milieu  du  troisième  siècle*.  C'est  par 
simple  conjecture  que  nous  plaçons  ces  trois  derniers  martyres 
dans  la  période  qui  s'étend  de  202  à  205  ou  206.  Saint  Cyprien- 


1 .  Les  libellatici  n'apparaissent  guère  qu'an  temps  de  Cyprien.  C'étaient  des 
chrétiens  qui,  à  prix  d'argent  ou  autrement,  obtenaient  des  autorités  des  certi- 
ficats attestant  quils  avaient  sacrifié  et  satisfait  aux  édits,  c'est-à-dire  de  véri- 
tables billets  de  confession  païenne,  qui  Ie§  dispensaient  de  comparaître  et  d*étre 
interrogés  en  personne.  En  règle  de  la  sorte  arec  le  pouToir,  ils  n'en  gardaient 
pas  moins  leurs  sentiments  intimes.  Or,  ces  billets  étant  lus  en  public  consti- 
tuaient en  somme  des  certificats  d'apostasie,  s'ils  étaient  Trais;  d'hypocrisie  et 
de  lâcheté,  s'ils  étaient  faux.  Il  n'y  a,  que  nous  sachions,  trace  de  rien  de  sem- 
blable sous  SéTère,  et  les  faits  dont  parle  Tertullien  dans  le  De  faga  sont  d'nn 
autre  ordre. 

2.  De  fuga  in  persec.,  5. 

3.  S.  Cjpriàmde  lapsis.  Corp,  scr^L  eccL  lot.  Ed.  Hartel.  Vienne  1871,  t  I, 
p.  40.  L'ancien  calendrier  de  Garth.  marque  leurs  martyres  à  l'an  2Q4.  V.  Miinter, 
op.  cit.,  p.  252,  note  10. 

4.  S.  Gyr.  Ep.  38,  p.  586  de  l'édit.  citée. 


l'^glisb  d'afkiqub  sous  sbptimb  sévère.  285 

en  parle  comme  d'anciens  martyres*;  et  puisqu*en  remontant  dans 
le  passé  à  partir  du  temps  de  saint  Cyprien,  nous  ne  trouvons  en 
Afrique  de  persécution  notable  que  sous  Septime  Sévère,  qu'il 
n'y  en  a  point  eu  dans  ce  pays  avant  son  règne,  et  que,  d'autre 
part,  la  persécution  de  Maximin  est  trop  insignifiante  et  surtout 
trop  voisine  du  temps  de  Cyprien  pour  que  les  termes  dont  il  se 
sert  puissent  s'y  rai)porter,  il  suit  que  les  personnages  qu'il 
mentionne  ont  soufiert  sous  Sévère.  Mais  à  quelle  date  précise? 
nous  ne  le  savons  pas  certainement.  Nous  supposons  qu'ils  ont 
été  exécutés  entre  202  et  206,  parce  que  à  partir  de  202  la  persé- 
cution fut  plus  violente,  et  prit  si  Ton  peut  dire  alors  un  carac- 
tère officiel.  Mais  il  est  possible  que  ces  martyres  appartiennent 
à  la  fin  du  règne  et  aient  eu  lieu  sous  le  proconsulat  de  Scapula 
Tertullus. 

Les  deux  faits  les  plus  mémorables  de  la  période  qui  nous 
occupe  sont  le  martyre  du  groupe  de  fidèles  dont  Félicité  et 
Perpétue  faisaient  partie,  lequel  eut  lieu  en  202  sous  le  gouver- 
nement intérimaire  du  procurateur  Flavianus  Hilarianus,  et 
l'exécution  d'une  vierge  chrétienne  nommée  Guddene,  Tannée 
suivante  203,  sous  le  proconsulat  d'Apuleius  Rufinus. 

De  ce  dernier  événement  nous  savons  peu  de  chose.  Les  Actes 
de  sainte  Guddene  ont  péri,  s'ils  furent  écrits.  Son  nom  paraît 
révéler  une  origine  punique  et  fait  penser  à  cette  Namgedde  dont 
M.  Léon  Renier  a  si  heureusement  expliqué  l'inscription*,  pieuse 
et  tendre  mère  qui  avait  suivi  jusque  sur  les  côtes  de  l'Armorique 
son  fils  Caius  Flavius  Januarius,  officier  de  la  flotte  de  Bretagne, 
et  y  mourut  si  loin  de  son  beau  ciel  d'Afrique^. 

Cette  Guddene  était  vraisemblablement  de  condition  servile.  Il 
est  difficile  en  effet  de  supposer  que  le  proconsul  eût  agi  avec  un 

1.  Sic  ^ic  Casto  el  ilijnilio  aliquando  Dcus  ignovit,  sic  in  prima  congrcssione 
deTictos  victores  in  secundo  praclio  reddidit  Cyprien,  De  laps.,  p.  246, 
6dit.  citée. 

2.  Léon  Renier,  Mélanges  d'épigraphie.  XII.  Sur  une  inscription  latine  con- 
servée dans  Véglise  du  bourg  de  Corseult,  dép.  des  Cùles-du-Nord.  XIII.  Sur 
quelques  noms  puniques  à  Voccasion  de  l'inscription  de  Corseult. 

3.  11  faut  pour  cela  supposer  que  la  première  syllabe  du  nom  de  Guddene  a 
été  mal  écrite  et  qu*on  a  mis  un  u  au  lieu  d'un  a,  d'un  e  ou  d*un  i,  II  semble 
qu'avec  la  correction  Gaddene,  Geddene  ou  Giddene,  le  nom  de  la  mère  de 
Januarius  de  Tinscription  de  Corseult,  et  celui  de  la  jeune  martyre  de  203, 
loleiit  identiques.  Assurément  Geddene  ressemble  fort  à  Geddeneme,  qui  revient 
à  Namgedde,  et  qui  est  le  nom  d'une  nourrice  carthaginoise  dans  le  Poenulus 
de  Plante. 


286  B.  1CJB<. 

pareil  sans-gêne  de  barbarie  envers  une  personne  de  naissance 
et  de  condition  libre.  On  nous  dit  en  effet  qu'elle  fut  à  quatre 
reprises  étendue  et  tirée  sur  le  cheyalet,  et  horriblement  déchirée 
par  les  ongles  de  £er  avant  d'être  décapitée  ^ 

Nous  avons  plus  de  détails  sur  le  mart3nre  de  Félicité,  de  Per^ 
pétue  et  de  leurs  compagnons.  On  trouve  «ces  détails  dans  un 
très  antique  récit  que  Perpétue  et  Sature,  deux  des  plus  illustres 
victimes,  auraient  écrit  eux-mêmes.  L'exécution  eut  lieu  à 
Carthage  pendant  les  jeux  célébrés  pour  fêter  l'anniversaire  de 
la  nomination  de  Geta,  second  fils  de  Sévère,  à  la  dignité  de 
César». 

On  avait  arrêté  plusieurs  catéchumènes,  Révocatus  esclave, 
Satuminus  et  Secundulus,  Félicitas,  jeune  esclave  alors  grosse 
de  huit  mois,  et  avec  eux  une  jeune  femme  de  naissance  libre  et 
de  bonne  famille,  Vibia  Perpétua,  libéralement  mariée  et  ayant 
un  enfant  qu'elle  nourrissait  encore.  Ils  avaient  été  saisis 
ensemble  d'un  seul  coup  de  filet.  Saturus,  autre  néophjrte, 
absent  lors  de  l'arrestation,  voulut  s'associer  à  leur  sort  et  se 
livra  lui-même,  lorsqu'il  apprit  que  ses  amis  étaient  dans  les 
mains  de  la  justice.  La  capture  de  Vibia  Perpétue,  trouvée 
dans  ce  milieu  de  petites  gens,  cache-tp-elle  un  drame  de  famille? 
On  peut  le  supposer.  Dans  les  Actes  il  n'est  pas  soufflé  mot  de  son 
mari,  ce  qui  permet  de  croire  qu'il  était  païen.  Le  père  de  Per- 
pétua rétait  évidemment.  Pour  sa  mère  et  ses  frères,  la  chose  est 
incertaine ^  Or  la  foi  chrétienne  clandestinement  entrée  au  foyer 


1.  On  lit  dan»  lo  Martyrologe  d'Adon,  au  v  kal.  de  juiUet  (27  juin)  :  Apnd 
OartbaKlnom  Natal  Ia  Sanctao  Guddones  yirginis,  quae  Plutiano  et  Zêta  (PÏao- 
tiann  et  (lOta)  conAulibuH,  JuhsI  RuHni  proconsulis,  guater  diversis  temporibus 
equulol  oxtiMiAlono  vexata,  H  ungularum  borrenda  laceratione  cruciala,  carceris 
otiam  Hqualoro  diuliaaiino  afllicta,  novissime  gladio  caesa  est.  CL  BoU.,  t  18, 
Jul.,  p.  a.VJ. 

'2.  Ia^  tcxlo  dcA  Actes  doa  SS.  Perpétue  et  Félicité  porte  :  Natale  tune  Getae 
Caenarift.  X  7,  in  fine,  W  faut  entendre  par  là  le  Jour  anniyersaire  de  la  nomina- 
tion de  (lOta  ronune  (^>^Mr,  qui  eut  lieu  au  printemps  de  l'an  198.  Les  quin- 
quennalia  du  Ci^Kar  iWUk  loiulMnt  bien  en  ^0^  C*est  à  cette  date  que  Morcelli 
(Afi\  (-/t.,  tome  II,  p.  58  et  nuir.)  place  le  martyre  dont  nous  parlons;  plusieurs 
cependant  le  metlent  en  *203. 

;).  httiio  SS,  /Vt7H*^  H  Fel,  Cf.  deux  passages  desquels  on  peut  tirer  les 
deux  at1irin;i(ionA  rontradirtoirc»  :  t*  Ces  nmts  du  père  :  aspice  fratres  tuos, 
aspire  lutUivui  tuaui  et  umterterAiu,  |  I.  —  2*  Le  passage  du  même  paragraphe 
où  IVr|MMue  dit  :  Kt  e|t«)  dtUebam  quod  solus  (pater)  passione  mea  gavisurus  non 
essot  de  toto  génère  meo.  -  t>  dernier  passage  est  en  contradiction  sTec  un 


L'feUSB  d'AFUQUB   socs  SKPTIHB   S8?iRK.  287 

domestique,  quand  le  père  ou  le  mari  ne  la  partageait  pas,  était 
une  source  de  querelles,  de  divisions  et  de  déchirements  qu*ou 
devine  aisément.  La  fenmie  chrétienne  unie  à  un  mari  demeuré 
païen  avait  quantité  de  secrets  qui  devaient  exciter  les  soupçons 
et  la  colère  de  son  mari.  Nous  ne  parlons  pas  seulement  des 
secrets  du  for  intérieur,  mais  des  pratiques  personnelles.  Elle  se 
levait  la  nuit  pendant  le  sonuneil  de  son  mari,  elle  avait  des 
sorties  avant  le  jour,  dont  il  lui  fallait  cacher  les  vraies  et  inno- 
centes raisons;  elle  avait  des  accointances  qu'il  lui  fallait  dissi- 
muler avec  des  inconnus,  et,  selon  son  mari,  avec  des  gens  sans 
aveu,  avec  ceux  mêmes,  s'il  savait  quelque  chose,  qui  lui  avaient 
ravi  le  cœur  de  sa  femme  et  continuaient  à  égarer  sa  raison,  à 
troubler  son  esprit,  à  l'écarter  de  ses  devoirs  quotidiens  d'épouse, 
de  mère  et  de  maîtresse  de  maison.  On  comprend  les  jalousies  et 
les  défiances  chez  ceux  qui  ne  savaient  rien  ;  les  mouvements  de 
rage  chez  ceux  qui  soupçonnaient  la  vérité,  l'enfer  domestique 
qui  devait  résulter  d'un  pareil  ménage,  où  l'àme  de  l'épouse 
faisait  tant  de  réserves  et  était  si  souvent  loin  du  foyer*.  Vibia 
Perpétue  était  hors  du  domicile  conjugal ,  en  conversation  avec 
ses  amis  secrets,  lorsqu'elle  fut  prise  avec  eux.  S'il  répugne  de 
croire  que  son  mari  l'eût  dénoncée,  peut-être  avait-il  dénoncé 
ceux  qu'elle  fréquentait.  Peut-être  voulait-il  la  sauver  de  leur 
contagion  funeste?  Par  hasard,  quand  on  les  arrêta  au  lieu 
indiqué,  elle  se  trouvait  avec  eux  et  fut  enunenée. 

Ce  qui  est  plus  certain,  c'est  que  Vibia  Perpétue  et  ses  amis 
appartenaient  au  parti  des  chrétiens  exaltés  et  inhabiles  aux 
transactions,  qui  faisaient  peu  de  cas  de  toutes  les  attaches  ter- 
restres, et,  dès  ici-bas,  professaient  qu'il  faut  apprendre  à  les 
briser  ;  qui  considéraient  la  fuite  comme  une  apostasie,  et  toutes 
les  précautions  comme  des  lâchetés,  et  loin  de  craindre  de  mourir 
pour  leurs  croyances,  le  désiraient  ardemment.  Si  c'est  une 
preuve  de  montanisme  de  blâmer  ceux  qui  se  cachent  ou 
s'enfuient  pendant  la  persécution,  que  dire  de  Saturus  qui  se 
dénonce  et  se  livre  lui-même*?  Enfin  l'atmosphère  de  visions  où 
Perpétue  se  meut,  sa  naïve  prétention  de  converser  familièrement 


Mtre  da  {  3  :  tabeiccbam  ideo  qaod  illos  (matrero  et  fratrem)  tabescere  yide- 
nm  mei  beneficio. 

1.  Tertoll.,  Apolog.,  3.  Ad  uxorem,  II,  4.  Cr.  Miinter,  op.  cit,,  p.  1S4-185. 

2.  Ascendit  autem  Satarus  prior  qai  posiea  se  propter  nos  uUro  tradiderat. 
Poss.  SS.  Perp.  et  Felicit,  {  5. 


288  B.    AUB^. 

avec  Dieu,  et  la  croyance  où  l'on  est  dans  son  entourage  qu'elle 
communique  directement  avec  lui  S  Tétat  extatique  qui  est  à  tel 
point  son  état  naturel  et  celui  de  Félicité,  qu'il  dure  jusque  dans 
l'arène*,  tout  cela  permet  d'affirmer  que  le  groupe  de  catéchu- 
mènes dont  nous  parlons  avait  embrassé  pleinement  les  idées  des 
montanisants. 

Les  Actes  de  Perpétue  et  de  Félicité  sont  plus  intéressants  peut- 
être  pour  le  psychologue  que  pour  l'historien.  Celui-ci  cepen- 
dant peut  y  relever  plus  d'un  trait  digne  d'être  relevé  et  retenu, 
d'un  caractère  général  ou  local.  Nous  noterons  l'entassement  des 
chrétiens  arrêtés  dans  une  prison  sans  air  ni  lumière^,  l'inter- 
vention spontanée  et  sans  risque  des  diacres,  obtenant  à  prix 
d'argent  des  gardiens,  pour  leurs  frères  captifs,  la  permission  de 
respirer  quelques  heures  par  jour  dans  une  enceinte  plus  vaste  et 
plus  saine,  dans  l'intérieur  de  la  prison  *.  Nous  noterons  encore,  à 
titre  de  détail  anecdotique  et  typique  à  la  fois,  les  diverses  entre- 
vues du  père  païen  et  de  la  fille  chrétienne.  Des  opinions  reli- 
gieuses du  père,  il  n'y  a  pas  trace.  L'auteur  des  Actes  n'a  mis  en 
jeu  que  la  tendresse  paternelle  et  les  sentiments  d'honneur  mon- 
dain et  de  dignité  civile  d'un  Romain  bien  posé  redoutant  la 
flétrissure  qu'une  condamnation  judiciaire  va  imprimer  à  son 
nom  et  à  sa  famille^.  Il  ne  se  déchaîne  pas  contre  les  idées  nou- 
velles dont  sa  fille  s'est  engouée.  Il  est  de  ceux  qui  craignent 
l'opinion  et  suivent  docilement  la  loi. 

Il  va  donc  trouver  sa  fille  qui  vient  d'être  arrêtée,  et  la  trou- 
vant obstinée,  et  jusqu'au  manque  de  respect,  si  l'on  ose  dire,  il 
la  maltraite  d'abord  ;  puis  discute  avec  elle  sans  rien  gagner.  Il 
revient  quelques  jours  plus  tard  dans  la  prison,  l'âme  navrée, 
essaie  de  la  fléchir,  fait  appel  à  sa  tendresse  :  «  Aie  pitié  de  mes 

1.  Tune  dixit  mihi  frater  meus  :  Domina  soror,  jam  tu  in  magna  dignatione  es  ; 

et  tanta  ut  popules  visionem Et  ego  quae  sciebam  fabulari  cum  domino 

Id.,  §  4  init 

2.  Et  quasi  a  somno  expergita  (adeo  in  spiritu  et  in  extasi  fuerat)  circumspi- 
cere  caepit Id.,  g  20. 

3.  Excipimur  in  carcerem  ;  et  expavi  quia  nunquam  experta  eraro  taies  tene- 
bras.  Odiem  asperum,  aestus  Yalidus  turbarum  beneficio,  concussurae  milituml 
Id.,  8  3. 

4.  Ibi  Tertius  et  Pomponius  benedicti  diaconi  qui  nobis  ministrabant  consti- 
tuerunt  praemio  ut  paucis  bons  emissi  in  meliorem  locum  carceris  refrigerare- 
mus.  Id.,  §  3. 

5.  Ne  me  dederis  in  dedecus  hominum ne  uniyersos  nos  extermines; 

nemo  enim  nostnim  libère  loquetur  si  tu  aliquid  fueris  passa.  Id.,  !  5. 


L^feLISE   D'aFHIQUE  SOUS  SBPTIMB  S^viEB.  289 

cheveux  blancs,  dit-il,  aie  pitié  de  ton  père.  S'il  est  vrai  que  de 
ces  mains  que  tu  vois,  je  t'ai  élevée  jusqu'à  cette  fleur  de  ton  âge, 
si  je  t'ai  préférée  à  tous  mes  autres  enfants,  ne  me  livre  pas  à  la 
honte  et  à  l'opprobre.  Songe  à  tes  firères,  à  ta  mère,  à  la  mère 
de  ton  mari,  songe  à  ton  fils  qui  ne  pourra  pas  vivre  si  tu  n'es 
plus  là,  adoucis  tes  fiers  sentiments,  ne  nous  perds  pas  tous  avec 
toi.  Qui  de  nous  osera  se  montrer  et  ouvrir  la  bouche,  après  que 
le  bourreau  t'aura  touchée?  »  En  parlant  ainsi,  dans  l'efiusion  de 
sa  pieuse  tendresse,  il  me  baisait  les  mains,  se  roulait  à  mes 
pieds,  et  tout  en  larmes,  il  m'appelait,  non  «  ma  fille  »,  mais 
«  madame  ».  Et  moi  j'étais  pénétrée  de  douleur  à  la  vue  de  ses 
cheveux  blancs,  et  j'essayais  de  relever  son  cœur  en  disant  :  «  Il 
arrivera  devant  le  tribunal  ce  que  Dieu  aura  voulu.  Sache  bien 
en  effet  que  nous  ne  dépendons  pas  de  nous,  mais  de  lui  seul^  » 

Le  père  fait  un  suprême  effort  au  moment  de  l'interrogatoire. 
Cet  interrogatoire  est  sommaire  à  l'excès.  «  Nous  étions  en 
train  de  manger,  dit  l'auteur  des  Actes,  lorsqu'on  vint  nous 
prendre  pour  nous  mener  à  l'audience.  Et  la  nouvelle  s'étant 
répandue  que  nous  allions  comparaître,  un  peuple  immense 
accourut  autour  du  tribunal.  Nous  montâmes  sur  l'estrade. 
Interrogés,  tous  les  autres  avouèrent.  Mon  tour  arriva,  et  tout  à 
coup  mon  père  apparut  avec  mon  enfant.  Il  me  tira  à  part,  et 
d'un  accent  suppliant  :  «  Aie  pitié  de  ton  enfant,  »  me  dit-il.  Et 
Hilarianus,  qui  alors,  à  la  place  du  proconsul  MiniciusTiminianus 
mort  en  charge,  avait  reçu  le  droit  du  glaive  :  «  Épargne,  dit-il, 
la  vieillesse  de  ton  père,  épargne  l'enfance  de  ton  fils,  sacrifie 
pour  le  salut  des  empereurs.  »  —  Et  moi  je  répondis  :  «  Non  je  ne 
sacrifie  pas.  — Et  Hilarianus  :  Tu  es  donc  chrétienne?  dit-U.  — 
Et  je  répondis  :  Oui,  je  suis  chrétienne.  »  Et  comme  mon  père  était 
là  debout  près  de  moi,  tâchant  encore  de  vaincre  ma  résolution, 
Hilarianus  ordonna  de  l'écarter,  et  on  le  frappa  d'une  verge.  Et 
je  sentis  le  coup  qu'il  reçut  comme  si  je  l'avais  reçu  moi-même; 
et  je  plaignais  sa  malheureuse  vieillesse.  Alors  le  juge  prononce 
sur  nous  tous  en  une  seule  sentence  et  nous  condamne  aux  bêtes. 
Et  pleins  d'allégresse  nous  redescendîmes  à  la  prison  *.  » 

Il  est  encore  question  deux  fois  du  père  de  Perpétue.  Celle-ci, 
après  l'arrêt  prononcé,  ramenée  à  la  prison,  se  souvient  qu'elle  est 


1.  Id.,  I  5. 

2.  Id.,  1 6. 

Rev.  Histor.  XL  2«  pasc.  19 


2M  t.  aqbI 

mère  et  nourrice,  et  fait  redemanda  aon  enfimt  par  le  diacre 
Pomponitis.  On  imagine  que  ce  dénier  fat  malaccoâllL  L'auteur 
des  Adeê^  Perpétoe  eUennneme  dit-on,  écrit  id  :  «  Mon  père  ne 
consentit  pas  à  me  rendre  mon  enfant  et  Diea,  par  bonhear,  Toofait 
qn^il  ne  demandât  pas  le  sein  et  qœ  je  ne  foaae  pas  incommodée 
de  mon  lait.  Ainsi  j'eos  Tesprit  libre  de  ce  côte  et  je  ne  soaffirîs 
pas'.  » 

Cependant  les  condamnés  ont  été  transfisrés  dans  la  prison 
militaire  près  de  l'amphithéâtre  où  ils  deraient  combattre,  et 
rigourensement attachés.  On  avait  fait  croire  au  tribun  préposé  à 
la  prison  qu*i]s  pourraient  bien  être  délivrés  par  le  moyen  de 
la  magie  dans  laquelle,  disait-on,  les  chrétiens  étaient  passés 
maîtres*.  Cependant,  sur  les  aères  réclamations  de  Perp^e,  le 
tribun  les  traite  plus  humainement,  et  accorde  libre  accès  auprès 
d*6ux  aux  parents  et  aux  frères  qui  viennent  les  voir,  leur 
porter  de  la  nourriture,  et  échanger  avec  eux  des  paroles  d'espé- 
rance et  de  consolation.  En  même  temps,  le  geôlier  Pudens,  que 
la  grAco  avait  touché,  leur  rendait  toute  sorte  de  bons  offices. 
C*est  là,  pou  de  jours  avant  le  tragique  dénouement,  que  le  père 
do  Perpétue  fait  à  sa  fille  la  suprême  visite.  «  Conmie  approchait 
le  jour  dos  spectacles,  voici  que  je  vois  mon  père  venir  à  moi 
dans  la  prison.  Il  était  profondément  accablé.  Je  le  vis  alors 
8*arrncher  la  barbe,  se  jeter  contre  terre,  la  face  sur  le  sol;  il 
nmudiRsait  Ma  vio  qui  avait  trop  duré  et  disait  mille  choses 
oapablos  do  nnnuor  jusqu'aux  entrailles  toute  créature  humaine. 
Kit  j*ôtaiB  bien  émue  de  douleur  et  de  pitié  pour  sa  vieillesse  infor- 
tunée^'. » 

PurnU  les  vivions  qui  remplissent  les  Actes^  et  dont  la  plupart 
roulont  sur  les  imagos  de  la  béatitude  céleste  qui  ravissent  ces 
A\\\^H^  oxRlt(H>s,  ct>llo  do  Saturus  fait  allusion  aux  divisions  des 
tUUMi^  ot  a\ix  disputes  qui  déchiraient  alors  Téglise  d'Afirique. 
Salunis  ot  si>s  a>m|>agnons,  après  leur  passion,  se  sont  vu 
tmnvHiH)rtor  dans  un  janlin  de  délices  et  revêtir  de  blanches 
n>lHHi  \^v  {\k^  angles.  Us  trouvent  à  la  porte,  des  deux  côtés, 
rtWoquo  (>ptatus  ot  lo  pivtn^  di>cteur  Aspasius,  le  visage  triste, 
ot  m^ivanV»  Tuu  do  Tautro,  qui  se  jettent  à  leurs  pieds  dès  qu^ils 

t.  la.,  1 6. 

).  QttU  <^i  adnhHiitkHiitm^  honkinam  vaaissiMonni  ^erAatw  m  •■^trabih 
3.  Kl.,  I  ^ 


k. 


l'église  d'Afrique  sous  septimb  s^yère.  291 

les  aperçoivent,  et  les  supplient  de  mettre  entre  eux  la  paix.  Les 
bienheureux  s'entretenaient  avec  eux  lorsque  des  anges  s'appro- 
chent et  les  rudoient  :  «  Laissez  ces  saints  se  réjouir  librement, 
leur  disent-ils  ;  si  vous  avez  ensemble  quelque  différend,  tâchez 
de  vous  céder  l'un  à  l'autre.  »  Et  ils  dirent  à  Optât  :  «  Corrige  les 
fidèles  dont  tu  as  la  garde,  car  ils  sont  toujours  avec  toi  comme 
s'ils  sortaient  du  cirque  et  se  querellaient  pour  les  tactions 
auxquelles  ils  se  sont  donnés.  »  Et  il  nous  parut  que  les  anges 
voulaient  leur  fermer  la  porte  du  divin  séjour*. 

Au  repas  qui  eut  lieu  le  soir  du  jour  qui  précédait  les  jeux, 
repas  servi  d'habitude  aux  condamnés,  une  foule  curieuse  se 
pressait  autour  des  confesseurs,  foule  sympathique  et  que  la 
fureur  devait  animer  le  lendemain.  Les  martyrs  la  gourmandent 
et  la  menacent  des  vengeances  divines. 

n  importe  de  recueillir  quelques  traits  qui  suivent.  Les  confes- 
seurs extraits  de  la  prison  sont  conduits  à  l'amphithéâtre.  Là  on 
veut  les  forcer  à  changer  de  vêtement  pour  revêtir,  les  hommes 
l'habit  des  prêtres  de  Saturne,  les  femmes  le  costume  des  prêtresses 
de  Cérès  ;  ils  s'y  refusent  vivement.  Ils  disaient  en  effet  :  «  Nous 
sonmies  venus  de  nous-mêmes  ici  justement  pour  que  notre  liberté 
ne  fut  pas  violée.  Si  nous  avons  sacrifié  nos  vies,  c'est  pour  n'avoir 
rien  de  pareil  à  souffrir.  Nous  sommes  convenus  de  tout  cela  avec 
vous*.  »  L'injustice  reconnut  le  bon  droit  et  le  tribun  consentit  à  ce 
qu'ils  parussent  dans  l'arène  simplement  tels  qu'ils  étaient.  De  ce 
texte  il  paraît  résulter  que  les  fidèles  dont  nous  parlons  s'étaient 
livrés  eux-mêmes.  Or  ceci  est  en  contradiction  avec  ce  qui  est  dit 
plus  haut  dans  les  mêmes  Actes  y  qu'ils  avaient  été  arrêtés  et  que 
Saturus,  par  amour  pour  ses  amis,  s'était  offert.  Il  semble  du 
reste  extraordinaire  que  des  hommes  traités  en  ennemis  publics  et 
plus  cruellement  suppliciés  que  les  criminels  mêmes  de  lèse-ma- 


1.  Et  dum  loquimur  cum  eis,  dixerunt  illis  angeli  :  sinite  illos^  réfrigèrent  : 
et  si  qnas  habetis  inler  vos  dissensiones  dimittlte  vobis  inyicem,  et  conturbare- 
rnnt  eos.  £1  dixerunl  Oplato  :  «  corrige  plebem  tuam,  quia  sic  ad  te  conTeoiant 
quasi  de  circo  redeuntes,  et  de  factionibus  certantes.  •  Et  sic  nobis  visum  est 
quasi  Tellent  clauderc  portas.  Id.,  §  13. 

2.  Et  cura  delati  essent  in  portam  et  cogerentur  habitas  induere,  riri  qni- 
dem  sacerdotum  Saturni,  feminae  vero  sacratanim  Cereri,  generosa  illa  in  finem 
nsqoe  constantia  repugnavit.  Dicebant  enim  :  c  Ideoad  hoc  sponte  pervenimus, 
M  libellas  nostra  obduceretur.  Ideo  animas  nostras  adduximus,  ne  taie  aliqnid 
fceeremns  :  hoc  Tobiscum  pacli  suinus.  »  Id.,  g  iS.  Ruinart  donne  :  abdnceretor, 
M  plus  toin  :  addiximus.  Nous  ayons  suivi  le  texte  de  Miinter. 


1 1 


m  t.  Ani. 

jesté*  aient pa  &îi«  ainsi  knn  (x>iMiitk)Ds  à  lean ji^^es,  a^ 
euasent  été  arrèbés  et  défiêrés  aux  tribunaux  par  d'antres,  aoit 
qu'ils  se  fus&sni  présentés  Tc^ntairemenL 

Cependant  ils  entrent  dans  rarène.  Perpétne  chantaiL  Bevo- 
catos,  Satnrninos  et  Satoros  menaçaient  le  peuple  dn  geste  et  de  la 
TcÂx.  Sec^aûdulus  était  mort  dans  la  prison.  En  défilant  devant  la 
loge  d'Hilarianus,  ils  lui  crièrent  :  «  Tu  nous  juges  id-^ias,  maïs 
Ueu  aussi  te  jugera.  »  Et  le  peuple,  irrité  de  cette  inacdence, 
demauda  qu'on  les  fit  passer  par  les  fouets,  œ  qui  fut  fidt,  œ 
semble*.  Les  bêtes  furent  lâchées  ensuite  :  Satuminus  et  Bero- 
catus  furent  déchirés  par  un  léopard  et  un  ours,  Satums  ne  fut 
déchiré  qu'à  la  seconde  reprise,  et  la  foule  le  voyant  tout  oouTert 
de  sang  s'écria  par  deux  fois  :  «  Bonne  baignade'!  »  Perpétue  et 
Félicité  furent  exposées  aux  atteintes  d'une  vache  furieuse.  Les 
martyrs  n'étaient  que  blessés,  l'épée  des  gladiateurs  les  acbeva 
sur  la  demande  du  peuple. 

Trois  ou  quatre  ans  après,  la  persécution  s'était  lassée  et  parais- 
sait éteinte  en  Afrique.  Sous  main,  peut-être,  la  police  reçut 
l'ordre  de  modérer  son  zèle  et  de  cesser  les  poursuites.  Les  procès 
criminels  faits  aux  chrétiens  devinrent  rares  et  les  interrogatcHres 
ne  furent  plus  poussés  jusqu'à  la  dernière  rigueur.  Julius  Asper, 
proconsul  en  205  ou  206,  jugeant  un  chrétien,  ne  voulut  pas  le 


1.  TertuU.,  Ad  Scapul. 

t  Et  atiqae  illi  gratulati  suai  qaod  aliqaid  et  de  dominicis  pasaûmibiis  esseot 
consecoti.  Pau.  SS.  Perp,^  !  18. 

3.  L'aolenr  des  Actes  des  SS,  Perpétue  et  FûicUé  toU  dans  cette  acdamatk» 
populaire  c  Salvum  lotum^  Salvum  lotum  »  one  allusion  ironique  an  baptême 
chrétien.  Il  est  possible  que  nul  n'y  pensât,  ou  bien  peu,  parmi  la  foule  des 
spectateurs. 

L'acclamation  Salvum  lotum  ou  lutum  est  une  sorte  de  salutation  adressée  à 
celui  qui  vient  de  prendre  un  bain,  et  reyient  à  l'expression  :  Loto  féliciter  — 
que  le  bain  te  soit  propice!  On  récrivait  parfois  sur  le  seuil  des  salles  de  bain. 
A  Brescia,  sur  un  dallage  antique  en  mosaïque  disposée  en  trois  cadres,  on  a  pu 
lire  sur  un  compartiment  BENE  LAVA,  et  sur  un  autre  nos  deux  mots  SALVUM 
LOTUM.  Voir  Corp.  Inscript.  Lat.,  t.  V,  n'  4500.  Au  tome  XXIII,  p.  3î2  des 
Notices  et  extraits  des  manuscrits,  on  lit  l'expression  grecque  équivalente  : 
KaX£)c  êXoudov  Kupie.  Salvum  lotum  domine,  et  en  note  :  f  Le  sens  de  cette 
exclamation  est  donc  celui-ci  :  c  Quel  bon  bain  tu  as  pris,  6  mon  maître,  rien 
n'y  manque.  » 

Ce  cri  arraché  au  peuple,  à  la  vue  de  Saturus  inondé  de  sang  des  pieds  à  la 
télé,  est  une  ironie  cruelle  sans  doute,  mais  n'est  pas  nécessairement  une  allu- 
sion moqueuse  au  premier  baptême.  Il  veut  dire  :  Te  voilà  bien  baigné,  ou  : 
Que  ce  bain  te  soit  doux,  que  ce  bain  te  porte  bonheur! 


l'église  d*afrique  sous  septime  sMke.  293 

contraindre  à  sacrifier,  et,  dans  son  entourage  officiel,  ne  cacha 
pas  son  ennui  d'avoir  à  prononcer  en  pareilles  afiaires  *.  Au  temps 
où  TertuUien  écrivit  l'agréable  et  un  peu  long  badinage  intitulé 
Depallio,  c'est-à-dire  à  la  fin  de  l'année  208,  l'église  était  tran- 
quille. L'orateur  impatient  de  repos  tournait  sa  verv^e  vers  les  enne- 
mis intérieurs  et  s'amusait  à  réfuter  Marcion,  qui,  mort  depuis  long- 
temps, ne  pouvait  répliquer.  En  face  des  païens  il  avait  désarmé. 
Il  célébrait  la  paix  qui  règne  partout  et  la  prospérité  de  l'empire 
sous  le  sceptre  uni  et  aimé  de  Dieu  des  trois  Augustes,  libres  de 
toute  guerre  et  débarrassés  des  intrigues  d'amis  équivoques  *. 

Cet  état  dura  jusqu'à  la  fin  du  règne.  On  ne  sait  pour  quel 
motif  la  trêve  tacite  fut  rompue  la  dernière  année  de  Sévère.  En 
fait,  en  211,  la  guerre  recommença  contre  les  chrétiens  dans  les 
provinces  d'Afrique.  Les  poursuites  suspendues  reprirent  et  en 
même  temps  les  actes  de  délation  et  d'exaction'.  Les  vieilles 
accusations  se  réveillèrent  :  le  sacrilège,  c'est-à-dire  l'impiété 
effective  et  militante  allant  jusqu'à  la  profanation  et  au  pillage  des 
objets  sacrés*  ;  le  crime  de  lèse-majesté,  c'est-à-dire  le  refus  obs- 
tiné de  s'associer  aux  prières  et  aux  sacrifices  ofierts  pour  la  santé 
et  la  conservation  des  empereurs  ;  le  crime  de  faction,  de  commun 
mauvais  vouloir  et  d'hostilité  envers  l'état  *.  En  Numidie  et  en  Mau- 
ritanie, on  se  contenta  de  punir  les  chrétiens  par  le  glaive*.  Dans 
la  province  proconsulaire  que  gouvernait  alors  Scapula  TertuUus, 
la  mort  simple  ne  suffit  pas  ;  les  chrétiens  furent  torturés,  jetés 
aux  bêtes  et  brûlés  vifs''.  L'ardeur  de  la  foi  fut  égale  aux  vio- 
lences. On  vit  encore  des  fidèles  se  présenter  d'eux-mêmes  aux 
bourreaux  pour  soutenir  le  saint  combat  et  accueillir  avec  plus 
de  joie  leur  condamnation  que  leur  mise  en  liberté^. 

1.  Loc.  cit.  Ad.  Scapul,y  5. 

2.  Pacis  et  annonae  otio...  Ab  imperio  et  a  coelo  bene  est  De  jHiUio,  1... 
praeseotis  imperii  triplex  Tîrtus,  Deo  tôt  Aagustis  in  unuin  fa  vente.  Id.,  ch.  2. 

3.  Provinciae  quae  visa  inteotione  tuÀ  obnoxia  facta  est  concuuifmibus  et 
militnm  et  inimicorom  suorum  cujusque.  Ad  Scap.,  V. 

4.  Nos  quos  sacrilegos  existiroatis  nec  in  furto  unquam  deprehenditis.  Omnes 
aotem  qui  templa  despoliant.  Ad.  Se,  2.  Ce  texte  explique  bien  le  sens  précis 
do  crime  de  sacrilège. 

5.  Singuli  forte  noti  raagis  quam  omnes,  nec  aliunde  noacibiles  quam  de 
emendatione  viUorum  pristinorum.  Ad.  5c.,  2. 

6.  Et  nunc  a  praeside  legionis  et  a  praeside  Mauritaniae  vezatur  hoc  nomen, 
ied  gladio  tenus,  sicut  et  a  primordio  mandatnm  est.  Id.,  IV. 

7.  Pro  ianta  innocentia,  pro  tanta  probitate,  pro  JusUtia,  pro  pudicitia,  pro 
ftde,  pro  reritale,  pro  Deo  vivo  cremarour.  Id.  4. 

a.  In  bai  pngnas  accedamus,  ea  quie  Deus  repromittit  oonsequi  optantes.  Id.,  1 . 


294  B.    AUBé. 

Tertullien  ne  manqua  pas  à  la  défense  des  chrétiens  persécutés. 
La  lettre  qu'il  adressa  en  211  à  Scapula  est  remarquable.  On  y 
trouve  au  commencement  une  ferme  revendication  des  droits  de  la 
conscience  et  la  proclamation  des  éternels  principes  en  cette 
matière*.  L'auteur,  en  son  écrit,  garde  constamment  le  ton  d'un 
homme  qui  ne  doute  ni  des  droits  de  ceux  qu'il  défend  ni  du 
triomphe  définitif  de  sa  cause.  Ce  n'est  pas  la  pitié  qu'il  demande, 
mais  la  justice.  On  dirait  qu'il  supplie,  non  pour  les  opprimés,  qui 
ne  souhaitent  que  la  mort  et  la  reçoivent  avec  allégresse,  mais 
pour  les  cités  sur  lesquelles  Dieu  vengera  ses  fidèles*.  Sa  colère 
déjà  s'est  manifestée  par  des  phénomènes  qui  ont  efira  jé  Carthage 
et  Utique.  Scapula  lui-même  n'a-t-il  pas  payé  sa  cruauté  ?  Après 
le  supplice  de  Mavilus  d'Adrumète,  livré  aux  bêtes,  il  a  été  atteint 
de  soufl5reinces  qui  sont  un  premier  avertissement  d'en  haut.  A  la 
fin,  Tertullien  usait  d'un  argument  plus  à  la  portée  d'un  honame 
politique  et  d'un  homme  d'état  :  les  chrétiens  sont  beaucoup  plus 
nombreux  qu'il  ne  pense.  11  ne  s'agit  pas  de  quelques  enfants 
perdus  de  la  cité,  ils  sont  partout,  dans  toutes  les  classes  et  à  tous 
les  degrés  de  l'échelle  sociale.  Veut-il  mettre  Carthage  à  feu  et  à 
sang,  décimer  la  curie,  jeter  le  deuil  dans  toutes  les  familles, 
répandre  le  sang  de  ses  amis  et  de  ses  proches  ^  ? 

La  persécution  de  l'an  211,  qui  suscita  la  lettre  à  Scapula,  fut 
sans  doute  très  violente  et  très  courte.  A  l'exception  de  Mavilus 
d'Adrumète,  nous  ne  connaissons  par  son  nom  aucun  martjnr  de 
ce  temps.  Dans  la  persécution  d'Afrique,  comme  dans  les  autres, 
il  faut  réserver  une  page  aux  martyrs  inconnus  *. 


Ad  hoc  solam  yideamur  enimpere,  ut  hoc  ipsiun  probemus,  nos  haec  non 
timere  sed  oUro  vocare.  Id.,  5.  Absit  ut  indigne  feramus  ea  nos  pati  quae  opta- 
mus.  Ib.,  2.  Cum  omni  sacvitia  yeslra  concertaraus,  etiam  oltro  erumpentes, 
magisque  damnati  quam  absolaii  gaudemus.  Id.,  i. 

i.  Tamen  hamani  jnris  et  naturalis  potestatis  est  nnicuique  qnod  putaverit 
colère,  nec  aUi  obest  ant  prodest  alterius  religio.  Sed  nec  religionis  est  cogère 
religionem,  quae  sponte  suscipi  debeat,  non  tI,  cum  et  hostiae  ab  animo  libenti 
expos tulentur.  Id.,  2. 

2.  Doleamus  necesse  est  quod  nulla  ciyitas  impune  latura  sit  sanguinis  nostri 
effusionem.  Id.,  3.  Parce  tibi;  si  non  nobis;  parce  Carthagini,  si  non  tibi.  Parce 
proTinciae.  Id.,  5. 

3.  Quod  faciès  de  tantis  millibus  hominum...  Quantis  ignibus,  quantis  gladiis 
opus  erit?  Quid  ipsa  Carthago  passura  est,  decimanda  a  te,  cum  propinquos,  cum 
contubemales  suos  illic  unusquisque  cognoyerit,  cum  yiderit  illic  fortasse  et  toi 
ordinis  yiros  et  malronas  et  principales  quasque  personas  et  amicorum  tuonun 
yel  propinquos  ycl  amicos?  Id.,  5. 

4.  Au  6  janyier,  dans  le  Martyrologe  ronu^^  on  lit  :  In  Afrïca  commemo- 


l'église  D'iFRIQUB  SOUS  SEPTIME  stfviRE.  295 

Nous  avons  présenté  le  tableau  des  premières  épreuves  que 
subirent  les  chrétiens  de  l'Afrique  romaine  à  la  an  du  n*  siècle  et 
au  commencement  du  m",  en  essayant  d'en  déterminer  la  suite  et 
Tordre  chronologique  ;  les  affirmations  tranchantes  et  absolues 
sur  ce  dernier  point  seraient  téméraires  et  hasardées.  Il  n'est  per- 
mis d'arriver  qu'à  une  approximation  plus  ou  moins  probable  et 
fondée.  Nous  avons  cependant  quelques  points  de  repère.  Tout 
d'abord,  il  est  incontestable  que  les  faits  de  persécutiom  racontés 
dans  ce  chapitre  appartiennent  au  temps  de  Septime  Sévère,  car 
ils  sont  les  actes  de  proconsuls  que  nous  savons  certainement 
avoir  gouverné  la  province  sous  le  règne  de  ce  prince,  et  c'est 
dans  des  traités  de  Tertullien,  qui  ont  vu  le  jour  entre  197  et  211 , 
qu'on  en  peut  presque  uniquement  puiser  le  détail.  Ces  traités, 
depuis  l'exhortation  atix  Martyrs  jusqu'à  la  lettre  à  Scapula, 
bien  qu'assez  pauvres  en  noms  propres  et  en  indications  capables 
de  nous  renseigner  sur  les  temps,  les  lieux  et  les  personnes,  sont 
des  documents  historiques  de  premier  ordre  ;  ils  ont  été  écrits  sous 
la  pression  des  faits  contemporains,  dans  le  feu  de  la  lutte,  et  res- 
pirent, si  l'on  peut  dire,  YactiuUité.  C'est  la  persécution  qui  les 
a  suscités,  c'est  la  persécution  qui  les  explique.  Us  n'ont  pas  de 
sens  si  on  la  nie,  et,  pour  la  nier,  il  faut  les  effacer,  ce  qui  n'est 
pas  possible.  Donc,  s'il  y  a  lieu  de  contredire  la  tradition  au  sujet 
de  la  persécution  chrétienne  en  Italie  ou  en  Gaule,  on  est  forcé  de 
l'admettre  dans  l'Afrique  romaine. 

Or  il  nous  a  paru  que  la  comparaison  des  textes  de  Tertullien 
avec  les  autres  monuments  littéraires  ou  épigraphiques  pouvait 
nous  permettre  d'introduire  quelque  ordre  dans  la  confusion  des 
faits  et  de  les  étager,  si  nous  pouvons  parler  ainsi,  dans  les  qua- 
torze ans  qui  les  enferment.  La  persécution,  pendant  cet  inter- 
valle de  temps,  ne  fut  pas  universelle,  car  nombre  de  chrétiens 
connus  pour  tels  y  échappèrent.  Elle  n'eut  pas  constamment  le 
même  d^^  de  rigueur  :  nombre  de  faits  en  témoignent  ;  enân 
elle  ne  fut  pas  continue,  mais  intermittente,  coupée  d'années  de 
paix  ou  de  trêve.  Il  n'y  a  pas  de  terreur  qui  ait  duré  ni  qui  puisse 
durer  quatorze  ans.  Les  situations  violentes  dans  l'histoire  sont 

ratio  plDrimoram  Sanctorum  Ifartynira  qui  in  peraecotione  SeTeri  ad  palmn 
ligati  igné  coosumpti  sont.  On  Ignore  à  quei  temps  ils  appartiennent,  ni  qoeU 
ils  sont.  Tertullien,  dans  son  Apologétique^  parle  anssi  de  ceax  qne  les  païens 
appelaient  Sarmentidos  et  Senuuciot  pour  indiquer  le  genre  de  leur  supplice, 
liais  de  ces  deux  indications  on  ne  peat  rien  tirer  de  prteis. 


296  B.  liJBB. 

courtes,  et  d'autant  plus  courtes  qu'elles  sont  plus  violentes.  La 
foreur  des  oppresseurs  ou  la  patience  des  opprimés  s'use  et  se  lasse 
forcément  avec  le  temps.  Et  si  l'on  dit  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  de 
foreur,  mais  de  politique,  celle-ci  change  nécessairement  avec  ceux 
qui  l'appliquent.  Or  dans  les  provinces  proconsulaires  les  gouver- 
neurs se  succédaient  d'ordinaire  tous  les  ans.  Tous  n'avaient  pas 
même  caractère  et  mêmes  visées.  Le  nouveau  venu  n'était  pas 
obligé  d'épouser  les  antipathies  ou  les  maximes  de  gouvernement 
de  son  prédécesseur.  Beaucoup  préféraient  sans  doute  le  maintien 
de  la  paix  et  de  la  tranquillité  présente  au  vague  fantôme  d'un 
ordre  à  venir  et  douteux  à  assurer  par  des  mesures  qui  produi- 
saient un  désordre  et  un  trouble  réel,  certain  et  présent. 

Dans  l'histoire  de  la  persécution  de  l'église  d'Afrique  sous 
Sévère,  nous  croyons  donc  pouvoir  distinguer  diverses  périodes 
qui  sont  les  trois  suivantes  : 

La  première  s'étend  de  l'an  197  à  l'an  200.  Elle  comprend  les 
violences  populaires,  huées,  voies  de  fait,  dispersion  tumultuaire 
des  assemblées,  attaques  des  maisons  et  quelques  condamnations 
légales  prononcées  sur  des  dénonciations  et  accusations  privées  ; 
faits  amplement  attestés  par  l'écrit  de  Tertullien  attx  Martyrs, 
les  deux  livres  aux  Nations  et  Y  Apologétique.  Sous  les  coups 
de  la  force  brutale,  la  majorité  des  chrétiens  courbe  le  dos  ;  les 
plus  avancés  et  les  plus  ardents,  parla  plume  de  TertuUien, 
rendent  guerre  pour  guerre  et  répondent  aux  violences  par  de 
virulents  écrits  qui  ressemblent  à  des  provocations  ou  à  des  bra- 
vades :  le  traité  des  Spectacles  et  le  traité  de  V Idolâtrie.  Les 
condamnations  capitales  ne  commencent  que  sous  le  proconsulat 
de  Saturninus  (198).  Dans  cette  première  période  se  place  l'exé- 
cution de  Namphamo  et  de  ses  compagnons  et  celle  des  fidèles 
appelés  martjrrs  scillitains. 

La  seconde  période  va  de  202  à  205  ou  206. 

Après  une  trêve  de  près  de  deux  ans,  la  persécution  renaît  sous 
le  vice-proconsulat  de  Flavianus  Hilarianus  et  s'aggrave  lorsque 
redit  promulgué  par  Sévère  en  Palestine  est  officiellement  connu 
en  Afrique.  Les  poursuites  d'office  commencent.  La  violence  de 
cette  persécution  et  l'exaltation  des  chrétiens  puritains  sont 
attestées  par  les  traités  de  Tertullien  intitulés  De  corona  militis, 
De  fuga  in  persecutione  et  Scorpiace.  Beaucoup  de  chrétiens 
se  cachent,  prennent  la  foite,  ou  achètent  la  liberté  de  leur  cons- 
cience. C'est  au  commencement  de  cette  période  que  se  doit  placer 


l'<6lisb  d^afkiqub  sous  sbptimb  séviRE.  297 

Texécution  de  Félicité,  de  Perpétue  et  de  leurs  compagnons.  Sous 
le  proconsulat  de  Julius  Âsper,  la  persécution  languit  et  s'éteint 
insensiblement. 

La  troisième  période  commence  et  s'achève  dans  Tannée  211. 

La  paix  qui  durait  depuis  cinq  ans  a  été  rompue  sous  le  pro- 
consulat de  Scapula  Tertullus.  Les  chrétiens  sont  frappés  du 
glaive  en  Numidie  et  en  Mauritanie  et  plus  cruellement  encore 
dans  la  province  proconsulaire.  Cette  persécution  est  attestée  par 
la  courte  et  vive  lettre  de  Tertullien  à  Scapula.  On  ne  connaît 
certainement  dans  cette  période  que  le  nom  du  martyr  Mavilus 
d'Adrumète.  Avec  la  tradition,  on  peut  croire  que  l'église  retrouva 
la  paix  dès  212.  Les  mauvais  règnes  et  les  époques  troublées  ont 
été  heureux  pour  le  christianisme  dans  l'empire  romain. 

B.  Aube. 


LA  DIPLOMATIE  FRANÇAISE 


ET  rESPÀ&NE 

DE  1792  A  1796. 


I.  —  LA  GUERRE  ET  LES  NÉGOCIATIONS 

ENTRE  LA  FRANGE  ET  L'ESPAGNE 

EN  1793  ET  1794. 


I. 

Relations  de  la  France  et  de  V Espagne  sous  l'ancien 
régime.  —  Idée  que  l'on  s'en  faisait  en  France.  — 
Affaire  de  Nootka-Sun.  —  Rupture  entre  la  Répu- 
blique française  et  V Espagne. 

1789-1793. 

Avant  1789,  la  France  et  l'Espagne  étaient  liées  par  le  traité 
dit  Pacte  de  famille  qui  unissait  les  deux  branches  de  la  mai- 
son de  Bourbon.  C'était  un  traité  d'alliance  générale,  offensive 
et  défensive,  de  garantie  et  de  commerce.  Il  avait  été  signé 
le  15  août  1761,  au  plus  fort  de  la  guerre  de  sept  ans;  la 
France,  épuisée,  avait  dû  à  cette  diversion  de  ne  pas  suc- 
comber entièrement.  Lorsque,  vingt  ans  après,  la  France  cher- 
chait à  prendre  sa  revanche  contre  l'Angleterre  et  soutenait 
l'indépendance  des  États-Unis,  l'Espagne  fit  cause  commune 
avec  son  alliée,  malgré  les  craintes  très  légitimes  que  l'émanci- 
pation des  colonies  anglaises  lui  faisait  concevoir  pour  ses  propres 
colonies.  Enfin,  en  1787,  quand  la  guerre  menaça  de  nouveau 
entre  la  France  et  l'Angleterre  à  propos  des  affaires  de  Hollande, 


LA    DIPLOHinB   F&A:<(ÇiISE  ET  L  Bn'ACm. 

TEspagne  anna  et  se  montra  prête  à  exécuter  les  couâitioi^  ôl 
traite.  Cette  constance  à  remplir  les  engagements  retai:  pu 
méconnue  en  France  ;  tandis  que  le  système  de  FalliBiioe  antr^ 
chienne  était  l'objet  de  critiques  si  vives  et  si  générales,  le  Pacze 
de  famille  était,  au  moins  en  son  principe,  universeUement  aj»- 
prouvé.  Cest  que  la  nature  des  choses,  les  conditions  mêmes  de  la 
géographie,  semblaient  unir  les  deux  Etats,  a>mme  la  commit- 
nauté  du  sang  unissait  les  deux  dynasties.  La  France  et  l'Espagne 
n^avaient  point  d'intérêts  opposés  sur  le  continent,  et  elles  avaient 
sur  les  mers  et  dans  les  colonies  un  intérêt  commun  et  principal  pour 
chacune  d'elles,  qui  était  de  lutter  contre  leur  rivale  et  leur  enne- 
mie acharnée,  l'Angleterre.  Si  l'on  faisait  au  traité  des  critiques, 
c'étaient  des  critiques  de  détail,  et  elles  procédaient  des  idées, 
d'ailleurs  assez  justes ,  que  l'on  avait  de  l'Espagne  et  de  la 
nation  espagnole. 

Malgré  les  efforts  qu'avaient  faits  Charles  III  et  ses  ministres 
pour  relever  l'état  intérieur  de  l'Espagne,  rétablir  ses  forces,  la 
remettre  au  ton  de  l'Europe  du  xvm*"  siècle,  et,  comme  on  disait 
alors,  pour  la  tirer  de  sa  léthargie,  l'Espagne  était  en  décadence 
et  nul  ne  pouvait  se  faire  à  cet  égard  aucune  illusion.  Charles  III 
avait  porté  la  marine  de  guerre  espagnole  à  l'apogée  de  sa  puis- 
sance :  en  1778  elle  comptait  67  vaisseaux  de  ligne  et  32  fré- 
gates^ ;  cette  flotte  était  une  nécessité  pour  l'Espagne,  car,  tirant 
toutes  ses  ressources  des  colonies,  elle  avait  à  la  fois  à  en  défendre 
les  côtes  contre  l'ennemi  en  temps  de  guerre,  à  en  protéger  le 
commerce  contre  la  guerre  ruineuse  que  lui  faisait  en  temps  de 
paix  la  contrebande  anglaise  et  hollandaise,  et  à  transporter  en 
Europe  l'or  des  mines  américaines.  Mais  la  marine  de  guerre,  qui 
assurait  ainsi  le  principal  revenu  de  l'État,  en  absorbait  la  plus 
grande  part.  Il  n'y  avait  point  de  marine  de  commerce.  L'Es- 
pagne, ne  travaillant  pas,  importait  des  lingots  de  ses  colonies 
et  y  exportait  de  moins  en  moins  de  denrées  et  de  produits  fabri- 
qués. Dans  la  Méditerranée,  son  cabotage  se  faisait  sous  ])avillon 
étranger  :  le  fret,  la  commission  et  le  change  eu  nlusorbaient  tous 
les  bénéfices.  A  l'intérieur,  faute  do  canaux  et  do  routes,  il  n'y 
avait  pas  d'échanges;  on  ne  pouvait  aller  chen^lior  le  blé  Ih  où 
il  était,  de  sorte  que  l'agriculture  se  ruinait  fnutt>  do  dèkmohés, 
et  que  sur  les  côtes  on  était  forcé  d'importt^r  des  blé»  êtrangt^rsi. 

t.  Rosseuw  Saint'Uilaire,  BUioirê  dUMimgi^,  Xlll,  |i.  1IN 


300  ALBERT  SOaEL. 

D'ailleurs  l'esprit  d'indépendance  des  différentes  provinces  et 
leur  autonomie  relative  maintenaient  entre  elles  les  douanes  inté- 
rieures. On  reprochait  aux  Espagnols  de  ne  point  cultiver  leurs 
terres:  ayant  peu  de  besoins  et  jugeant  le  travail  d'ordre  subal- 
terne, ils  perdaient  beaucoup  de  richesses  naturelles;  mais  il  ne 
fallait  point  exagérer  ces  richesses.  «  Un  tiers  de  ce  pays  est 
cultivé,  écrivait  Favier  en  1773;  un  autre  tiers  pourrait  à  la 
rigueur  l'être  avec  du  temps,  des  soins  et  de  grandes  dépenses; 
le  reste  est  et  sera  toujours  incultivable*.  »  Favier  estimait  au 
contraire  que  les  ^  matières  premières  »  existaient  en  abondance 
et  étaient  de  la  première  qualité;  mais  les  Espagnols  étaient 
«  moralement  et  physiquement  incapables  de  les  mettre  en 
œuvre.  »  Les  causes  qui  faisaient  languir  l'agriculture  empê- 
chaient l'industrie  de  se  développer.  Le  pays  se  dépeuplait  par 
l'effet  des  mœurs  et  de  l'amollissement  général,  par  l'abus  des 
majorats  et  l'excès  du  développement  des  ordres  monastiques. 
Favier  définissait  les  Espagnols  une  nation  «  romanesque,  peu 
prévoyante,  »  haïssant  les  étrangers,  gouvernée  par  les  moines, 
indolente  et  arrogante,  «  de  deux  cents  ans  en  arrière  des  autres 
nations  policées.  »  Une  administration  «  incorrigible,  »  multipliant 
les  impôts  et,  à  mesure  que  les  charges  augmentaient,  multipliant 
les  agents,  par  suite  les  vexations,  percevait  d'autant  plus  mal 
qu'elle  voulait  percevoir  davantage.  Tous  les  efforts  de  Charles  III 
avaient  amené  en  1788  la  population  à  11  millions  d'habitants 
et  la  recette  totale  à  200  millions  de  francs.  La  ressource  prin- 
cipale, c'était  le  trésor  formé  des  lingots  d'Amérique  et  accu- 
mulé en  vue  de  la  guerre  :  ressource  précaire,  car  elle  ne 
produisait  pas,  et  la  guerre  maritime  pouvait,  en  coupant  la 
route  des  colonies,  en  empêcher  le  renouvellement.  D'ailleurs 
les  revenus  de  l'Amérique  diminuaient  à  mesure  que  se  fai- 
saient plus  sentir  les  effets  du  détestable  régime  d'exploitation 
auquel  les  colonies  étaient  soumises  et  les  conséquences  de 
l'affaiblissement  de  la  métropole.  Déchirées  sourdement  par  les 
luttes  de  race,  travaillées  par  l'esprit  de  révolte  qui  commençait 
à  souffler  des  Etats-Unis,  opprimées  et  épuisées,  sans  commerce 
entre  elles  et  avec  les  étrangers,  elles  participaient  à  toutes  les 
causes  de  la  décadence  de  l'Espagne,  sans  avoir  en  elles-mêmes 


1.  Conjectures  raisonnées;  article  xn  :  de  l'Espagne.  Édition  de  M.  Boutaric, 
dans  la  Correspondance  secrète  de  Louis  XV,  Paris,  1866. 


LA  DIPLOMATIS  PRilfÇAISE  ET  L'eSPAGHB.  304 

la  force  de  résistance  passive  que  l'Espagne  puisait  dans  son 
passé  et  dans  ses  traditions.  Ainsi  l'Espagne,  qui  vivait  aux 
dépens  de  ses  colonies,  les  ruinait  et  se  ruinait  elle-même  en  les 
exploitant.  Enfin,  faute  d'hommes  et  faute  d'argent,  l'armée 
espagnole,  beaucoup  trop  négligée  d'ailleurs  par  l'Etat,  n'avait 
repris  sous  Charles  III  qu'une  consistance  apparente  et  à  coup 
sûr  très  insuffisante. 

Telles  étaient  les  données  qui  s'offraient  aux  hommes  d'Etat  et 
aux  publicistes  qui  étudiaient,  au  début  de  la  Révolution,  les 
relations  de  la  France  et  de  l'Espagne.  On  considérait  comme 
probable  une  révolte  des  colonies*,  mais  on  ne  croyait  point  im- 
possible de  prévenir  l'événement  et  même,  en  réformant  les  rela- 
tions des  colonies  et  de  la  métropole,  de  le  faire  tourner  à  l'avan- 
tage de  l'Espagne.  On  s'exagérait  les  ressources  de  ce  pays  et 
par  suite  la  facilité  d'y  rétablir  le  commerce,  l'agriculture, 
l'industrie  et  les  finances.  En  dehors  même  de  ces  illusions  et  de 
ces  espérances,  on  concluait  de  l'expérience  des  dernières  guerres 
et  de  la  situation  générale  des  deux  pays,  que  si  le  secours  des 
flottes  espagnoles  était  infiniment  utile  à  la  France  contre  l'An- 
gleterre, le  secours  de  la  France  était  indispensable  à  l'Espagne 
pour  défendre  ses  colonies.  «  Ce  sont,  écrivait  Favier  en  1773, 
des  liaisons  naturelles,  nécessaires  et  indissolubles,  fondées  sur 
l'intérêt  commun  et  invariable  des  deux  puissances,  d'où  dépend 
réciproquement  leur  sûreté  extérieure  et  maritime,  ou  sûreté  de 
conunerce.  »  Peyssonel,  ancien  consul  de  France  et  publiciste 
distingué  de  l'école  de  Favier,  déclarait  en  1789  que  le  Pacte 
de  famille  serait  regardé  toujours  «  conune  l'instrument  sacré 
de  la  félicité  publique  *.  »  Ségur  le  proclamait  indispensable,  en 
1790.  C'était  donc  un  principe  de  la  politique  extérieure,  mais 
on  entendait  que  dans  cette  alliance  la  France  eût  le  premier 
rôle.  C'est  ainsi  que  Charles  III,  plus  Bourbon  qu'Espagnol], 
l'avait  conçue  et  appliquée.  Il  en  devait  être  ainsi  et  l'Espagne 
devait  rester  vassale  de  la  France.  «  La  mode,  »  disait  Favier, 
que  je  cite  avec  intention,  car  il  fut  le  grand  théoricien  et  le  pré- 
cepteur de  toute  la  diplomatie  de  la  Révolution,  «  la  mode  doit 

1.  Voir  Raynal,  Histoire  philosophique  et  politique  dês  deux  Indes,  Ut.  VIII, 
ch.  xxzv  :  c  La  domination  espagnole  a-t-eUe  une  base  solide  dans  le  Nou- 
veau-Monde f  » 

2.  Situation  politique  de  la  France  :  vues  et  développements  des  avantages 
que  le  Pacte  de  famille  peut  donner  à  la  France,  NenfchAtel,  1789. 


302  ILBBRT  SOaEL. 

être  passée  de  laisser  influer  TEspagne  sur  la  France  ;  le  besoin 
et  Tinfériorité  réelle  de  puissance  font  une  loi  à  la  branche  cadette 
de  se  remettre  à  sa  place.  C'est  à  l'autre  à  diriger  en  lui  donnant 
l'exemple  et  à  reprendre  en  quelque  sorte  son  droit  d'aînesse.  »  On 
s'accordait  à  réclamer  certains  développements  et  certaines  modi- 
fications dans  les  articles  relatifs  au  commerce.  L'Espagne  devait 
traiter  le  commerce  français  avec  plus  de  douceur  et  se  départira  son 
égard  «  de  l'esprit  jaloux  et  prohibitif  »  auquel  elle  s'était  livrée, 
et  qui  avait  en  quelque  sorte  annulé  l'exécution  des  articles  24, 
25  et  26  du  Pacte  de  famille.  C'était  là  un  objet  de  la  plus 
haute  importance  pour  l'industrie  française.  On  estimait  en  1790 
que  «  sur  200  millions  de  denrées  de  toute  espèce  que  les  colonies 
espagnoles  demandent  à  leur  métropole,  elle  ne  peut  leur  en 
fournir  en  somme  que  70  environ  ^  »  La  contrebande  anglaise 
comblait  en  partie  la  lacune,  au  grand  détriment  des  revenus  de 
l'Espagne  ;  la  France  avait  intérêt  à  obtenir  des  conditions  et  des 
tarifs  qui  permissent  à  ses  armateurs  et  à  ses  négociants  de  s'as- 
surer le  monopole  de  ce  trafic. 

Cependant,  malgré  tant  de  motifs  de  rester  fidèle  à  l'alliance 
espagnole  et  de  reconnaître  les  services  rendus  par  l'Espagne,  il 
y  avait  dans  les  relations  des  deux  nations  un  point  extrêmement 
sensible  et  douloureux,  c'était  la  Louisiane,  qu'on  avait  cru  devoir 
céder  à  l'Espagne  à  titre  de  dédommagement  en  1763.  C'avait 
été  un  déchirement  pour  la  colonie  et  pour  la  métropole.  Les 
Français  ne  l'avaient  pas  oublié.  «  Il  a  fallu  sauver  la  gloire 
de  l'Espagne  et  l'honneur  de  son  ministère  en  lui  abandonnant 
ce  débris  de  notre  naufrage,  écrivait  Favier.  Elle  avait  perdu  la 

Floride,  nous  avions  tout  perdu  nous-mêmes Elle  a  cent  fois 

plus  de  terrain  en  Amérique  qu'elle  n'en  saurait  cultiver  ni 
défendre.  Cependant  on  a  dû  non-seulement  lui  céder,  mais  lui 
livrer  de  force  la  Nouvelle-Orléans.  Ces  fidèles  Français  ont 
subi  le  joug  espagnol  ;  tirons  le  rideau  sur  cette  tragédie  :  les 
nouveaux  maîtres  y  ont  gagné  à  leur  ordinaire  un  désert  de 
plus  •.  »  Et  le  rhéteur  par  excellence  des  passions  et  des  utopies 
de  son  temps,  Raynal  s'écriait^  :  «  De  quelque  manière  que  la 

1.  Projet  de  discours  de  Mirabeau  sur  les  meDices  de  l'Aiigleterre  contre 
l'Espagne.  Mémoires  de  Mirabeau,  VII,  p.  422. 

2.  Bouteric,  II,  p.  218. 

3.  Livre  XVI,  ch.  vu.  Il  y  a  une  proftopopée  des  habitants  de  la  Louisiane 
protestant  contre  la  cession. 


U  DIPLOMATIE  FElIfÇilSB  BT  L'ESPAGUB.  308 

politique  veuille  envisager  cet  événement,  ce  sera  toujours  au 
tribunal  de  la  morale  un  crime  d'avoir  vendu  ou  donné  des 
citoyens  à  une  puissance  étrangère.  De  quel  droit,  en  effet,  un 
prince  dispose-t-il  d'un  peuple  qui  ne  consent  pas  à  changer  de 
maître  ?. . .  Que  signifie  le  droit  des  gens  ?  N'est-il  que  le  droit  des 
princes?  »  etc. 

Ces  détails  rétrospectifs  étaient  nécessaires  pour  l'intelligence 
de  la  négociation  que  je  me  propose  d'exposer  ici.  La  direction 
qui  y  fut  imprimée  par  le  Comité  de  salut  public  semblerait  sur- 
prenante si  l'on  ne  se  rendait  pas  compte  de  l'opinion  que,  d'après 
les  publicistes  les  plus  lus  et  les  plus  considérés  du  temps,  les 
honmies  éclairés  se  faisaient  des  relations  de  la  France  et  de 
l'Espagne. 

Cette  opinion  eut,  dès  la  seconde  année  de  la  Révolution, 
l'occasion  de  se  manifester.  En  1790,  la  guerre  étant  sur  le  point 
d'éclater  entre  l'Espagne  et  l'Angleterre  à  propos  de  la  posses- 
sion de  la  baie  de  Nootka-Sun,  le  gouvernement  espagnol  requit 
de  la  France  le  secours  stipulé  par  le  Pacte  de  famille.  Pour 
faire  exécuter  ces  armements,  le  roi  demanda  un  subside,  et 
rAssemt)lée  nationale  se  trouva  saisie  de  la  question.  Elle  com- 
mença par  discuter,  en  principe,  le  droit  de  paix  et  de  guerre; 
au  cours  même  de  cette  discussion  (mai  1790),  on  vit  se  déclarer 
la  volonté  de  secourir  les  Espagnols  s'ils  étaient  attaqués  par  les 
Anglais.  Mirabeau  avait  même  préparé  un  discours  dans  le  sens 
de  la  guerre  ^ .  Toutefois,  le  Pacte  de  famille^  en  tant  qu'œuvre 
dynastique  et  monarchique,  fut  vivement  attaqué  dans  la  presse. 
L'opinion  publique  était  entraînée  et  aveuglée  par  la  haine  du 
passé  et  la  manie  de  détruire;  l'Assemblée  nationale  était  sous  le 
coup  des  illusions  qui  lui  faisaient  croire  que  l'avènement  de  la 
liberté  en  France  mettrait  à  jamais  fin,  au  moins  pour  les 
Français,  aux  guerres  européennes.  Les  passions  anarchiques  et 
les  illusions  les  plus  généreuses  conspiraient  ainsi  à  détruire  une 
œuvre  que  les  esprits  les  plus  sages  et  les  plus  portés  vers  les 
idées  nouvelles  considéraient  naguère  encore  conmie  indispen- 
sable à  la  défense  de  notre  marine  et  de  nos  colonies.  Mirabeau 
s'en  émut  ;  il  conféra  sur  ce  sujet  avec  le  comte  de  Ségur .  Tous 
deux  tombèrent  d'accord  que  le  seul  moyen  de  sauver  cette 
alliance  et  de  couper  court  à  Topposition  irréfléchie  qui  n'en 

1.  Frcjetf  cité  ciniastiif. 


304  ÀLBsaT  soaKL. 

considérait  que  la  forme  et  en  méconnaissait  le  fond,  c'était  de 
réviser  le  traité  et  de  le  mettre  d'accord  avec  la  nouvelle  consti- 
tution. «  Ce  traité  dicté  par  le  ministre  d'un  roi  absolu,  écrivait 
Ségur,  doit-il  rester  tel  qu'il  est  lorsque  la  nation  est  devenue 
libre,  lorsque  cette  nation  a  abjuré  tous  les  principes  d'une  poli- 
tique ambitieuse,  lorsque  les  Français  ont  déclaré  à  tout  l'uni- 
vers qu'ils  n'attenteraient  à  la  liberté,  à  la  propriété  d'aucun 
peuple?.. .  Non  sans  doute. . .  il  doit  être  modifié  pour  la  forme  et 
pour  le  fond.  Le  Pacte  de  famille  doit  disparaître.  Un  Pacte 
national  doit  le  remplacer.  Les  articles  qui  renferment  quelques 
stipulations  offensives  doivent  être  effacés;  mais  tous  ceux  qui 
stipulent  l'engagement  d'une  défense  réciproque  doivent  être  en 
même  temps  renouvelés,  resserrés,  consacrés  par  le  vœu  natio- 
nal...^  »  Mirabeau  conseilla  à  Louis  XYI  de  négocier  dans  ce 
sens-là  '  ;  c'est  dans  cet  esprit  qu'il  parla  dans  le  Comité  diplo- 
matique. Sur  son  rapport,  l'Assemblée  nationale  décréta,  le 
25  août  1790,  l'exécution  des  engagements  défensifs  du  traité  et 
l'armement  de  45  vaisseaux.  Elle  invita  le  roi  à  négocier  avec  le 
gouvernement  espagnol  la  révision  du  Pacte  en  supprimant  les 
clauses  offensives,  en  développant  les  stipulations  défensives  et 
les  arrangements  commerciaux.  L'accord  se  rétablit  entre  l'Es- 
pagne et  l'Angleterre  ;  il  y  eut  transaction  et  la  guerre  n'éclata 
pas.  Il  n'en  était  pas  moins  utile  de  poser  nettement  les  idées  des 
hommes  de  1789  sur  cette  question  de  l'alliance  espagnole.  Ces 
idées  subirent  bientôt  une  révolution  complète,  et  c'est  par  une 
voie  détournée  et  après  des  épreuves  sanglantes  que  la  France  et 
l'Espagne  devaient  quelques  années  après  reprendre  cette  négo- 
ciation. 

Charles  III  était  mort  en  1788,  Charles  IV  régnait,  sa  femme, 
Marie-Louise  de  Parme,  gouvernait,  et  don  Manuel  Godoy,  son 
amant,  dirigeait,  en  secret  d'abord,  puis  bientôt  publiquement, 
le  roi,  la  reine  et  toute  l'Espagne.  En  1790-1791,  le  comte  de 
Florida-Blanca  occupait  le  ministère.  Bien  que  parvenu  et  de 
souche  bourgeoise,  —  il  était  fils  d'un  notaire  et  avait  commencé 
par  être  avocat,  —  Florida-Blanca  était  un  adversaire  déclaré 

1.  Examen  par  le  comte  de  Ségur  d'un  ouvrage  intitulé  :  Extrait  du  Pacte  de 
famiUe,  1790,  réimprimé  dans  la  Politique  des  cabinets  de  l'Europe,  édition 
de  1825,  tome  II,  p.  306. 

2.  Troisième  note  pour  la  cour^  23  Juin  1790.  Correspondance  de  Mirabeau 
et  La  Marck,  II,  p.  45. 


Li   DIPLOMATIE   FRiRÇAISB  ET  L'bSPAGNE.  305 

de  la  Révolution.  Il  entra  dans  toutes  les  combinaisons  qui  se 
nouèrent,  en  1791,  avant  et  après  Varennes,  pour  intervenir  en 
faveur  de  Louis  XVI .  Il  s'ensuivit  un  refroidissement  très  marqué 
entre  l'Espagne  et  la  France.  En  février  1792,  au  moment  où  la 
crise  européenne  semblait  sur  le  point  d'éclater,  le  parti  de  la 
prudence  l'emporta  en  Espagne;  Florida-Blanca  fut  remplacé 
par  Aranda.  Ancien  ministre  de  Charles  III,  ancien  ambassa- 
deur à  Paris,  Aranda  était  un  «  ministre  éclairé  »  ;  il  avait  essayé 
de  réformer  le  gouvernement  et  les  universités;  enfin  il  avait 
expulsé  les  Jésuites.  Aussi  le  nommait-on  le  vertueux  Aranda, 
vertueux  comme  on  était  honnête  homme  sous  Louis  XIV,  c'est- 
à-dire  dans  le  ton  du  siècle,  ainsi  que  le  «  vertueux  »  Mœllendorf 
en  Prusse,  «  le  philosophe  »  Bernstorf  en  Danemark ,  Pombal  à 
Lisbonne  et  Manfiredini  à  Florence.  Il  essaya  de  rétablir  sinon  la 
confiance,  au  moins  la  bonne  entente  entre  les  deux  Etats.  La 
révolution  du  10  août  déconcerta  tous  ses  efforts.  lie  ministre 
de  France  Bourgoing  le  mit  en  demeure  d'opter  entre  la  guerre 
et  la  reconnaissance  de  la  République.  Charles  IV  était  resté 
très  Bourbon;  il  ne  voulait  ni  reconnaître  la  République,  ni 
abandonner  Louis  XVI.  Aranda  se  retira  et  fut  remplacé  le 
15  novembre  1792  par  Godoy,  devenu  duc  de  la  Alcudia.  Le 
nouveau  ministre  contint  le  parti  qui  demandait  la  guerre,  espé- 
rant, parla  neutralité,  sauver  la  vie  de  Louis  XVI.  Le  chargé 
d'affaires  d'Espagne  à  Paris,  Ocaritz,  fit  le  26  décembre,  auprès 
du  ministre  des  affaires  étrangères  Lebrun,  une  démarche  oflS- 
cielle;  la  Convention  en  fut  saisie  le  27.  Ocaritz  revint  à  la 
charge  le  17  janvier  1793.  Ces  démarches  ne  firent  qu'irriter 
la  Convention.  Bourgoing  fut  chargé  de  notifier  à  l'Espagne 
que  «  si  elle  ne  désarmait  pas  sur-le-champ,  la  guerre  serait 
déclarée.  >  L'Espagne  était  effrayée  par  la  propagande  révo- 
lutionnaire :  elle  refusa.  Le  23  février  1793,  Bourgoing 
quitta  Madrid  *,  et  le  7  mars  1793,  sur  le  rapport  de  Barrère,  la 
Convention  déclara  la  guerre  à  l'Espagne.  «  Il  faut,  disait  le 
rapport,  que  les  Bourbons  disparaissent  d'un  trône  qu'ils  ont 
usurpé  avec  les  bras  et  les  trésors  de  nos  pères,  et  que  le  plus 
beau  climat,  le  peuple  le  plus  magnanime  de  l'Europe,  reçoive  la 
liberté  qui  semble  faite  pour  lui.  > 

1.  Voir  les  pièces  de  ces  négociations  et  le  récit  du  dernier  entretien  entre 
Godoy  et  Boargoing,  dans  les  Mémoire$  du  prince  de  la  Paix,  traduction  fran- 
çaise. Paris,  1836,  tome  I,  ch.  ▼  à  yui. 

ReV.   UlSTOR.    Xi.   2«  FA8G.  W 


806  ALBERT  SORBL. 


II. 


Caractère  de  la  guerre  entre  la  France  et  V Espagne,  — 
Alliance  de  V Espagne  et  de  V Angleterre.  —  Tentative 
de  négociation  secrète  à  Copenhague. 

Mars  1793-février  1794. 

L'Espagne  n'avait  aucun  désir  de  recevoir  le  prétendu  bien- 
fait que  la  Convention  lui  imposait  les  armes  à  la  main,  et  les 
déclarations  de  Barrère  n'eurent  d'autre  effet  que  de  réveiller 
dans  la  nation  espagnole  les  passions  haineuses  que  les  moines  y 
entretenaient  et  qui  n'étaient  qu'endormies  au  temps  de  l'union 
intime  des  deux  dynasties*.  Il  y  eut  alors  comme  un  premier 
épisode  de  la  guerre  nationale  de  1808-1809.  Les  moines  offrirent 
de  lever  des  troupes  et  apportèrent  de  l'argent.  Les  paysans 
s'armèrent';  mais  cet  élan  populaire,  qui  aurait  pu  suflSre  à 
arrêter  le  premier  effort  des  émissaires  jacobins  et  de  cohortes 
indisciplinées,  ne  pouvait  suflSre  longtemps  contre  une  révolution 
qui  allait  si  promptement  prendre  à  l'égard  des  étrangers  le 
caractère  d'une  puissance  militaire,  formidable  à  la  fois  par  son 
organisation  et  par  l'ardeur  dont  elle  était  animée.  La  flotte 
espagnole  était  redoutable,  mais  n'ayant  guère  les  moyens  de  se 
mesurer  avec  elle,  la  France  la  craignait  moins  qu'elle  ne  l'aurait 
fait  au  temps  des  grandes  guerres  maritimes.  L'armée  espagnole 
était  presque  nulle.  Ce  pays,  qui  armait  80  vaisseaux  de  ligne, 
put  mettre  à  peine  35,000  hommes  sous  les  armes.  Si  insuffisante 
que  fût  cette  force,  elle  dépassa  d'abord  celle  que  la  France  fut 
en  mesure  d'y  opposer  ;  mais  au  bout  de  peu  de  temps  les  propor- 
tions, les  conditions  surtout  se  modifièrent,  et  Ton  vit  paraître  les 
causes  qui  devaient  finalement  assurer  le  succès  de  l'une  des 
deux  armées  et  la  défaite  de  l'autre.  Ces  causes  ont  été  étudiées 
avec  une  rare  pénétration  par  l'historien  de  la  campagne  des 
PjTénées,  le  colonel  Fervel  ^.  L'armée  espagnole  était  restée  ce 

1.  Conjectures  raisonnées  de  Fayier,  Observations  cuiditionnelles  sur  l'ar- 
ticle XII  :  de  l'Espagne.  I.  De  la  haine  nationale.  Boataric,  II,  p.  38. 

2.  Rosseaw  Saint-Hilairef  t.  XIII,  p.  249. 

3.  Campagnes  de  la  Révolution  française  dans  les  Pyrénées-Orientales,  par 
J.  N.  Fervel.  2*  édit.  Paris,  1861,  tome  I.  Introduction,  p.  3. 


LA  DIPLOMITIB  PRiRÇAISB  BT  L'bSPAGUB.  807 

qu'elle  était  au  temps  de  la  guerre  de  trente  ans,  disciplinée,  dure 
aux  fatigues,  ferme  au  combat,  mais  lente  en  ses  mouvements, 
n'avançant  qu'avec  tous  ses  bagages  et  ne  combattant  que  der- 
rière des  retranchements.  Cette  tactique  et  cette  méthode  lui 
avaient  assuré  un  siècle  auparavant  la  supériorité  contre  les 
attaques  fougueuses  de  troupes  sans  ordre  et  sans  organisation  ; 
elles  la  rendaient  fort  inférieure  aux  troupes  du  xviii*  siècle, 
mieux  formées  et  plus  mobiles.  Charles  III  avait  essayé  de  rajeu- 
nir cet  instrument  suranné;  ses  réformes  avortèrent  en  grande 
partie.  «  Aussi,  conclut  Fervel,  allons-nous  retrouver  en  1793 
les  Espagnols  du  xvf  siècle.  Rapprochement  singulier!  Les 
bataillons  de  volontaires  de  la  République  auront  aussi  plus  d'une 
ressemblance  avec  leurs  ancêtres,  ces  bandes  indisciplinées  et 
pleines  de  fougue  qui  allaient  à  Pavie  se  briser  contre  les  lourdes 
phalanges  péninsulaires.  Mais  une  campagne  malheureuse  sufSra 
à  nos  jeunes  soldats  révolutionnaires  pour  éclairer  leur  rapide 
intelligence,  pour  discipliner  leurs  tumultueux  élans;  et  alors  on 
verra  tomber,  comme  par  enchantement,  devant  les  légers 
essaims  de  nos  mobiles  tirailleurs,  ces  lourdes  masses  espagnoles, 
ces  immobiles  machines  de  guerre,  qui  n'auront  rien  changé  à 
leur  antique  pesanteur*.  » 

Prêts  avant  la  France,  les  Espagnols  prirent  l'offensive  le 
17  avril  1793,  et  leur  général,  Ricardo,  se  porta  sur  Perpignan. 
Il  battit  les  Français  le  20  mai,  et  le  23  juin  s'empara  de  Belle- 
garde.  La  fin  de  la  campagne  fut  désastreuse  pour  la  France.  Mais 
tandis  que  les  armements  étaient  poussés  en  France  avec  une 
véritable  fi^nésie,  l'Espagne,  épuisée  par  son  succès  même,  sen- 
tait les  ressources  lui  manquer;  le  découragement  s'empara  de 
ses  officiers  et  de  ses  hommes  d'Etat.  C'est  que  les  conditions  de 
Tentreprise  dans  laquelle  l'Espagne  était  engagée  étaient  telles, 
que  des  esprits  éclairés  se  demandaient  si  la  victoire  finale  de  la 
coalition  ne  serait  pas  plus  ruineuse  pour  la  monarchie  espa- 


1.  Cette  petite  armée  de  la  frontière  espagnole  eut  u  large  part  d'honneur 
dans  les  grandes  luttes  du  temps.  Je  renvoie  le  lecteur  qui  désirerait  connaître 
ces  faits  trop  ignorés  au  livre  de  Fervel;  il  y  trouvera,  au  milieu  de  détails 
techniques  savamment  groupés,  plus  d'une  page  héroïque.  Voir  aussi  les  Saute- 
nirs  du  général  de  Pelleport^  Paris,  1857,  et  les  études  de  Sainte-Beuve  : 
Causeries  du  Lundi,  tome  XIII,  Nouveaux  Lundis,  tome  II.  Je  dois  me  bor- 
ner ici  A  résumer  les  causes  générales,  et  je  m'en  tiens  à  ce  qui  est  indispensable 
pour  l'intelligence  des  négociations. 


308  ALBERT  SOaEL. 

gnole  que  la  dé&ite  de  ses  armées  et  le  triomphe  de  la  Répu- 
}>lique.  L'Espagne  avait  été  par  la  force  des  choses  entraînée  à 
traiter  avec  l'Angleterre  et  à  se  lier^avec  cette  ennemie  naturelle 
de  sa  marine  et  de  ses  colonies.  Une  alliance  offensive  et  défensive 
avait  été  signée  le  25  mai  1793,  et  Ton  vit  aussitôt  l'Angleterre 
élever  la  prétention  de  ne  secourir  énergiquement  l'Espagne  que 
si  elle  consentait  à  conclure  un  traité  de  commerce.  Ce  traité, 
qui  aurait  livré  aux  Anglais  les  colonies  espagnoles,  était  la 
terreur  du  cabinet  de  Madrid.  Ce  cabinet  comprenait  d'ailleurs 
que  les  défaites  maritimes  de  la  France  nuiraient  autant  à 
l'Espagne  qu'à  la  France  même.  Aucun  État  plus  que  l'Espagne 
n'avait  à  redouter  la  prépotence  de  l'Angleterre.  Il  en  résulta 
beaucoup  de  froideur  dans  les  négociations  et  fort  peu  d'en- 
tente dans  les  opérations.  La  seule  qui  fut  tentée  en  com- 
mun, la  prise  de  Toulon,  mit  le  comble  à  la  mésintelligence  des 
deux  gouvernements  :  l'Espagne  aurait  voulu  proclamer  la 
régence  de  Monsieur,  le  comte  de  Provence,  et  occuper  Toulon 
au  nom  de  Louis  XVII;  l'Angleterre  voulait  le  garder  et  en  faire 
un  Gibraltar  provençal.  La  reprise  de  la  place  par  les  Français 
(17  décembre  1793)  laissa  les  deux  alliés  divisés  et  irrités  l'un 
contre  l'autre  :  il  n'était  plus  question  de  traité  de  commerce; 
l'alliance  du  25  mai  périclitait,  et  de  part  et  d'autre  on  ne  mon- 
trait nul  désir  d'en  exécuter  les  conditions. 

La  coalition  maritime  de  l'Angleterre  et  de  l'Espagne  se  dis- 
solvait à  peine  formée,  par  les  mêmes  conflits  d'intérêts  et  de 
traditions  qui  paralysaient  au  même  moment  la  coalition  conti- 
nentale de  l'Autriche  et  de  la  Prusse.  Les  divisions  des  puissances 
allemandes,  la  fragilité  de  leur  union,  les  causes  qui  préparaient 
et  les  symptômes  qui  annonçaient  déjà  la  défection  de  la  Prusse, 
n'étaient  un  secret  pour  aucune  des  chancelleries  de  l'Europe. 
On  s'en  rendait  compte  à  Madrid,  et  dès  le  mois  d'août  1793 
Godoy  avait  parlé  de  paix  ;  l'analogie  de  la  situation  de  l'Espagne 
avec  celle  de  la  Prusse  l'avait  frappé,  il  cherchait  à  se  rappro- 
cher de  cette  puissance  *.  A  l'automne  de  1793,  au  moment  où  à 
Toulon  les  rapports  s'aigrissaient  de  plus  en  plus  entre  les  Espa- 
gnols et  les  Anglais,  une  occasion  se  présenta  pour  Godoy  de 
sonder  le  gouvernement  français  ;  il  y  consentit  d'autant  plus 


1.  R  G  Ue  Spaniens  iur  Zeit  der  Franzœsischen  Révolution^ 

p.        4ttD.  j      m. 


LA  DIPLOMATIE   FEANÇAISB   BT  L*BSPA6!fB.  309 

aisément,  que  Touverture  venait  du  Danemark,  et  que  si  une 
négociation  s'en  suivait,  on  pouvait  croire  que  la  Prusse  y  serait 
associée  :  c'était  là  pour  Godoy  une  considération  importante, 
car  il  ne  se  sentait  point  le  courage  et  le  crédit  nécessaires  pour 
prendre  l'initiative  d'une  négociation  isolée  et  porter  seul  la  res- 
ponsabilité d*une  défection  à  la  cause  des  monarchies. 

Un  envoyé  de  France,  Grouvelle,  était  arrivé  en  Danemark  au 
mois  d'août  1793.  Il  y  était  incognito  :  le  Danemark  avait  à 
ménager  sa  neutralité  et,  tout  en  recevant  fréquemment  l'agent 
français,  le  ministre  des  affaires  étrangères,  le  comte  de  Berns- 
torf,  avait  cru  devoir  attendre,  pour  lui  reconnaître  un  caractère 
oflSciel,  qu'une  des  grandes  puissances  en  guerre  avec  la  Répu- 
blique eût  reconnu  le  nouveau  gouvernement  français*.  Ily  avait 
alors  à  Ck)penhague  un  ministre  d'Espagne,  M.  de  Muzquiz,  qui, 
sans  avoir  noué  des  relations  avec  l'envoyé  de  la  République,  — 
les  représentants  des  États  en  guerre  avec  la  France  ne  le  pou- 
vaient ni  ne  l'osaient,  —  s'était  cependant  fait  remarquer  par  la 
«  décence  et  la  modération  »  avec  lesquelles  il  s'exprimait  sur  la 
Révolution.  C'était,  dit  Grouvelle,  un  homme  probe,  €  pourvu 
des  lumières  de  la  philosophie,  >  élevé  en  Angleterre,  «  né 
presque  plébéien  ;  »  bref  un  disciple  d'Aranda,  un  ami  de  Berns- 
torf,  et  l'homme  qu'il  fallait  pour  inspirer  confiance  à  un  envoyé 
de  la  République*.  Grouvelle  avait  été  averti  que  Muzquiz  mon- 
trait discrètement  des  dispositions  à  un  rapprochement.  Au  com- 
mencement de  décembre  1793,  le  secrétaire  de  la  légation  de 
France,  Framery,  fut  invité  à  se  rendre  dans  une  maison  tierce 
où,  lui  disait-on,  il  recevrait  une  communication  importante.  Il 
y  trouva  Muzquiz,  qui  lui  demanda  de  ménager  une  entrevue 
secrète  entre  lui  et  Grouvelle.  L'entrevue  eut  lieu,  avec  un  appa- 
reil romantique  et  dans  un  décor  bien  fait  pour  cette  scène 
étrange  qui  rapprochait  ainsi,  pour  la  première  fois,  un  représen- 
tant des  Bourbons  d'Espagne  et  un  envoyé  de  la  Convention.  Ils 
se  rencontrèrent  «  la  nuit,  dans  un  lieu  très  écarté,  »  où, 
«  malgré  un  vent  très  violent,  »  la  conversation  dura  deux 
heures.  Grouvelle  avait  pris  la  précaution  de  se  faire  accompa- 
gner par  «  l'honnête  Framer}'  ».  Sous  ce  régime  de  terreur,  de 

1 .  Sur  Grouvelle,  Bernslorf  et  l'intervention  du  Danemarli  dans  les  premières 
négociations  avec  la  Prusse,  voir  la  Revue  historique^  tome  V,  ii,  p.  270  et  suiv. 

2.  Ces  détails  et  le  récit  qui  suit  d'après  le  rapport  de  GrooTelle,  du  20  fri- 
maire an  II  (tO  décembre  1793).  ArcMve$  dês  A/fairêt  étrangères. 


348  ALRIT  SOUL. 

suspicion  et  de  dénonciation  générales»  la  précaution  n'était  pas 
superflue.  Muzquiz  dit  qu'après  TarriTée  de  GrouYelle,  il  avait  eu 
ridée  de  demander  à  Madrid  Tautorisation  de  se  rencontrer  avec 
lui,  ajoutant  que  si  l'Espagne  voulait  négocier,  il  proposait  de 
faire  passer  ces  négociations  par  M.  de  Bemstorf.  Le  ministère 
espagnol  n'avait  répondu  que  par  un  simple  accusé  de  réception. 
Muzquiz  l'avait  considéré  comme  un  consentement  tacite,  «  parce 
que,  disait-il,  si  cette  proposition  avait  déplu,  on  n'eût  pas  man- 
qué de  lui  défendre  textuellement  de  voir  Grouvelle,  ainsi  que 
l'avait  fait  la  cour  de  La  Haye  au  chargé  d'affaires  de  Hollande, 
et  la  Suède  à  son  agent.  »  Muzquiz  manifesta  de  l'admiration 
pour  la  République  :  il  ne  doutait  pas  du  succès  final  de  la  France  ; 
la  guerre,  selon  lui,  était  impolitique  et  désastreuse  pour 
l'Espagne,  et  si  au  début,  ajoutaitr-il,  on  n'avait  pas  précipite  les 
choses,  on  aurait  pu  obtenir  la  neutralité  du  cabinet  de  Madrid, 
n  conclut  en  demandant  à  Grouvelle  quelles  étaient  à  cet  égard 
les  intentions  de  la  République.  Grouvelle  était  fort  embarrassé  ; 
il  n'avait  pas  d'instructions,  et  déjà,  le  8  octobre,  il  avait  écrit 
à  Paris  pour  se  plaindre  de  ne  recevoir  aucune  direction  ^  «  Mes 
présomptions,  même  sur  les  plans  de  la  République,  étaient  fort 
bornées,  »  rapporte-t-il.  Il  fit  une  réponse  dilatoire,  insinuant 
que  la  République  avait  en  général  et  à  priori  peu  de  goût  pour 
les  médiations;  il  tâcha  de  savoir  à  son  tour  si  l'Espagne  désirait 
négocier  une  paix  séparée  et  la  négocier  directement.  Il  rendit,  le 
10  décembre  1793,  compte  de  cette  conversation  à  Deforgues, 
alors  ministre  des  affaires  étrangères.  La  réponse  qu'il  reçut 
quelque  temps  après  à  sa  dépêche  du  8  octobre  n'était  pas  faite 
pour  l'éclairer.  Deforgues  lui  écrivait  de  Paris  le  10  fiimaire 
an  II  (30  novembre  1793)  : 

«  En  attendant  que  notre  gouvernement  révolutionnaire  soit  orga- 
nisé dans  toutes  ses  branches  et  qu'un  plan  général  pour  les  négocia- 
tions à  suivre  pendant  Thiver  soit  définitivement  arrêté,  je  ne  puis 
que  me  référer  à  la  lettre  que  je  t'ai  écrite  le  22  brumaire.  > 

Cette  lettre  du  22  brumaire  traitait  du  Danemark  et  de  la 
Suède,  du  désir  que  Ton  avait  de  les  engager  à  faire  une  diver- 
sion, et  ne  contenait  aucune  indication  sur  les  négociations 
générales.  Grouvelle  crut  donc  devoir  s'entourer  de  la  plus 

t.  GroaTelle  à  Deforgues,  8  octobre  1793.  Affaires  étrangères. 


LA  DIPLOMATIE  FIANÇAISB  BT  L*B8PAGIIB.  SU 

grande  réserve  lorsqu'à  la  fin  de  décembre  il  eut  avec  Muzquiz 
une  nouvelle  entrevue,  au  même  lieu,  à  la  même  heure  et  dans  le 
même  mystère.  Muzquiz  laissa  entendre  qu'il  ne  s'agissait  dans 
sa  pensée  que  de  la  paix  générale,  mais  qu'en  ce  cas  il  désirerait 
connaître  les  intentions  de  la  République  envers  l'Espagne. 
Grouvelle,  après  avoir  eu  soin  de  déclarer  que  ses  paroles  devaient 
être  considérées  comme  un  discours  sans  atUorité  et  sans  con- 
séquence^  répondit  que,  selon  son  opinion  personnelle,  la  paix 
générale  était  impossible,  mais  qu'une  paix  séparée  lui  semble- 
rait facile.  —  Une  paix  séparée,  répartit  Muzquiz,  présenterait 
deux  difficultés  :  l'Espagne  répugnerait  à  reconnaître  la  pre- 
mière la  République;  de  plus,  si  elle  faisait  la  paix,  elle  désirerait 
conclure  en  même  temps  une  alliance,  et  elle  se  demandait  si  une 
alliance  serait  compatible  avec  la  nouvelle  politique  de  la  France. 

—  «  Je  n'avais  pas,  écrit  Grouvelle,  la  moindre  idée  de  la 
manière  dont  le  gouvernement  républicain  pourrait  envisager 
ces  deux  objections.  »  —  La  République,  dit-il,  sera  bientôt 
reconnue  par  plusieurs  puissances,  l'Espagne  et  la  France  ont 
les  mêmes  ennemis.  —  Il  se  renferma  dans  ces  assertions  vagues. 
Muzquiz  laissa  paraître  le  désir  que  Grouvelle  fût  autorisé  à  rece- 
voir des  ouvertures.  Grouvelle  répondit  à  cette  insinuation  qu'il 
désirerait  savoir  auparavant  si  Muzquiz  était  autorisé  à  en  faire*. 
Ce  fut  Bernstorf  qui  se  chargea,  quelques  jours  après,  de  l'édai- 
rer  sur  ce  point.  Grouvelle  écrivait  à  Deforguesle  11  nivôse  an  II 
(31  décembre  1793)  : 

«  On  ne  peut  plus  douter,  citoyen,  que  les  premières  démarches 
dont  j'ai  rendu  compte,  n'aient  un  but  réel  et  ne  donnent  lieu  d'espérer 
des  suites  heureuses.  M.  de  Bernstorf  entama  lui-même  la  matière 
en  me  disant  que  M.  de  Muzquiz,  ministre  d'Espagne,  lui  avait  fiait 
part  de  ses  entrevues  avec  moi  et  de  l'objet  qui  nous  avait  rapprochés. 

—  Je  dois  et  je  puis  vous  dire,  poursuivit-il,  que  vous  pouvez  lyouter 
une  foi  entière  à  tout  ce  qu'il  vous  a  dit.  Je  connais  ses  instructions, 
il  me  les  a  montrées.  Comme  il  ne  peut  convenablement  vous  les 
communiquer  et  que  néanmoins  il  est  important  que  vous  sachiez 
jusqu'à  quel  point  il  est  autorisé,  il  fidiait  qu'il  y  eût  un  témoin  qui 
vous  servit  de  garantie.  Je  me  suis  chargé  d'être  ce  témoin  pour 
authentiquer  vis-à-vis  de  vous  ses  oufertures.  Je  suis  pleinement 
autorisé  à  le  faire.  > 

1 .  GroQTeUe  A  Deiorgnes.  4  nifAM  ta  II  (?4  déoonbre  1793).  Àlfaàrm  éirtmgère$. 


342  ALBERT   SOISL. 

Toutefois  Bernstorf  ne  voulait  pas  s^avancer  dayantage;  il 
entendait  écarter  tout  ce  qui  donnerait  à  ces  pourparlers  le 
caractère  d'une  médiation  ou  même  d'une  entremise  officielle.  Il 
craignait  d'ailleurs  que  Muzquiz  ne  pût  suivre  l'afiaire,  car  on 
l'avait  nommé  au  poste  de  Stockholm  et  son  successeur  à  Copen- 
hague venait  d'arriver.  Grouvelle  demanda  à  être  autorisé  à 
profiter  des  bons  offices  de  Bernstorf,  ajoutant  avec  raison  que  si 
la  Prusse  donnait  l'exemple,  on  détacherait  facUement  l'Espagne 
de  la  coalition.  Il  croyait  ne  pas  pouvoir  se  refuser  plus  long- 
temps à  entrer  publiquement  en  relations  avec  l'envoyé 
d'Espagne^  ;  mais  ne  recevant  pas  d'instructions,  il  fut  pris  de 
scrupules  ou  de  craintes,  et  il  cessa  de  voir  M.  de  Muzquiz,  jus- 
qu'à ce  qu'il  y  fût  autorisé*.  Bien  lui  en  prit,  car  le  13  pluviôse 
an  II  (l*'  février  1794),  Deforgues  lui  écrivait  que  l'on  tenait  à 
Paris  les  ouvertures  de  l'Espagne  pour  insignifiantes,  que  le 
cabinet  de  Madrid  s'était  réservé  le  moyen  de  désavouer  son 
agent  et  qu'on  avait  peu  de  confiance  dans  ce  que  disait  Muzquiz. 
On  approuvait  la  réserve  de  Grouvelle.  Le  gouvernement  était 
disposé  à  écouter  les  propositions  de  paix,  mais  il  se  méfiait; 
c'était  à  l'Espagne  de  s'expliquer.  Le  Comité  de  salut  public 
trouvait  le  ministre  danois  trop  optimiste  et  trop  porté  à  attri- 
buer aux  coalisés  une  modération  qu'ils  n'avaient  pas.  Il  impor- 
tait de  savoir  si  les  ouvertures  de  M.  de  Bemstorf  étaient 
spontanées  ou  si  elles  lui  avaient  été  suggérées  par  l'Espagne. 
«  Le  Comité  de  salut  public,  disait  Deforgues,  est  très  sensible  à 
la  délicatesse  avec  laquelle  M.  de  Bemstorf  s'est  conduit  dans 
cette  circonstance.  Le  Comité  est  persuadé  que  toutes  les  fois 
qu'il  s'agit  de  stipuler  les  intérêts  de  l'humanité  et  de  la  philoso- 
phie, M.  de  Bernstorf  est  l'homme  sur  lequel  la  République 
firançaise  peut  compter  comme  confident  et  comme  auxiliaire.  » 
Deforgues  ajoutait  qu'en  ce  moment  d'ailleurs  le  Comité  de  salut 
public  ne  pensait  qu'à  la  guerre. 

Ceux  des  coalisés  qui  avaient  eu  des  velléités  de  paix  en  arri- 
vaient à  la  même  conclusion.  C'est  ce  que  Bemstorf  déclarait  à 
Grouvelle  dans  les  derniers  jours  de  février  1794.  Muzquiz  était 
parti  ;  son  successeur.  Normandes,  était  en  mesure  de  suivre  les 
conversations  commencées  par  Muzquiz;  Bernstorf  croyait,  et  le 


1.  Groayelle  à  Deforgaes,  11  nivôse  an  II.  Affairei  étrangères, 

2.  Id.,  id.,  25  ni?dse  an  II  (14  janvier  17d4).  Id. 


LA   DIPLOMATIE  FRANÇAISE  ET  l'bSPAGXB.  343 

langage  de  Normandes  dans  ses  entretiens  avec  Grouvelle  confir- 
mait cette  conjecture,  que  l'Espagne  était  désireuse  de  la  paix  et 
fatiguée  de  l'alliance  anglaise.  Quant  à  la  paix  générale,  Bems- 
torf  en  avait  eu  la  première  idée,  il  avait  sondé  les  cabinets,  il 
avait  rencontré  des  dispositions  et  il  ne  s'en  était  ouvert  à  Grou- 
velle que  quand  cette  pensée  «  était  devenue  non  une  simple 
hypothèse,  mais  une  mesure  susceptible  de  quelque  effet,  du 
moment  qu'elle  paraîtrait  ne  devoir  point  être  repoussée  par 
nous.  >  Mais  depuis  lors,  ajoutait  le  ministre  danois,  les  circons- 
tances ont  changé  :  on  ne  parait  plus  songer  qu'à  la  guerre  ^  La 
guerre  en  effet  reprenait  partout  avec  acharnement  et  il  ne  fut 
plus  question  des  ouvertures  de  M.  de  Muzquiz. 

m. 

Campagne  de  1794.  —  Politique  de  Godoy,  —  Ouvertures 
de  paix  à  V armée  des  Pyrénées  orientales. 

Février-novembre  1794. 

La  prise  de  Toulon  avait  rendu  la  confiance  et  l'élan  aux 
troupes  de  la  République.  Sur  la  frontière  espagnole,  la  campagne 
de  1794  fut  une  lutte  corps  à  corps  au  pied  des  montagnes. 
«  L'illustre  et  vertueux  Dugommier  »  arriva  de  Toulon  avec 
10,000  hommes  aguerris  et  prit  le  commandement  de  l'armée 
qu'avant  lui  Dagobert  dirigeait  avec  plus  d'héroïsme  que  de  cir- 
conspection. La  réorganisation  de  l'armée  des  Pyrénées,  jointe 
à  la  nouvelle  des  succès  des  armées  du  Nord,  fit  réfléchir  les 
Espagnols.  Le  28  février,  le  3  et  le  14  mars  1794,  des  délibérations 
orageuses  eurent  lieu  à  Madrid.  Il  se  formait  un  parti  de  la  paix 
à  la  tête  duquel  se  trouvait  naturellement  Aranda.  Cet  ancien 
ministre  représentait  à  ses  amis  les  forces  croissantes  des  Fran- 
çais, leur  élan,  l'épuisement  financier  et  militaire  de  l'Espagne. 
On  ne  l'écouta  point,  on  l'exila  même,  et  le  parti  de  la  guerre, 
représenté  par  Godoy,  l'emporta  encore  une  fois.  Mais  ce  n'était 
qu'une  victoire  factice  :  au  fond,  Godoy  comprenait  que  la  conti- 
nuation de  la  guerre  était  impossible;  il  la  soutenait  parce 
qu'elle  était  encore  populaire,  et  qu'il  voulait  asseoir  son  autorité 

1.  Grouvelle  A  Deforgaes,  4  ?entÔM  an  II  (22  fév.  1794).  Affaires  étrangireê. 


344  ILBBET  80KBL. 

par  la  guerre,  en  attendant  le  moment  opportun  pour  l'affermir 
davantage  en  rendant  la  paix  au  pays  ^  En  effet,  les  finances  de 
l'Espagne  étaient  épuisées  ;  les  impôts,  multipliés,  ne  rendaient 
plus,  et  les  emprunts,  qui  étaient  ruineux,  devenaient  de  plus  en 
plus  difficiles.  L'Espagne  n'avait  ni  l'énergie,  ni  le  fanatisme, 
ni  les  ressources  extraordinaires  qui  permirent  à  la  France  de 
suppléer  à  la  perte  de  son  crédit  et  à  la  banqueroute  de  ses 
finances.  Les  armées  se  balançaient  au  début  de  la  campagne  de 
1794;  mais  c'était  une  infériorité  pour  l'Espagne,  qui  s'affai- 
blissait à  mesure  que  l'armée  française  se  renforçait*.  Dugom- 
mier  parvint  à  tourner  les  Espagnols,  les  battit  le  1^  mai  1794 
et  les  força  de  repasser  la  frontière.  Le  26  mai  (7  prairial  an  II), 
Navarro  capitula  dans  CoUioure  avec  7,000  hommes.  La  capi- 
tulation accordait  à  la  garnison  les  honneurs  de  la  guerre  et  le 
droit  de  se  rendre  en  Espagne  sous  la  réserve  de  ne  plus  servir 
contre  la  France  ;  l'Espagne  devait  rendre  un  nombre  égal  de 
prisonniers  français  et  livrer  les  émigrés  qui  avaient  soutenu  la 
cause  espagnole.  Cette  stipulation  parut  déshonorante  au  général 
en  chef  espagnol,  et  comme  Dugonunier  n'avait  pas  eu  la  pré- 
caution de  f&ire  ratifier  par  lui  la  capitulation  signée  par  son 
lieutenant,  il  refusa  de  l'exécuter.  Cependant  Navarro  et  sa 
division  étaient  rentrés  en  Espagne;  aucun  prisonnier  français 
ne  fut  restitué,  et  il  en  résulta  entre  les  généraux  en  chef  des 
deux  armées  un  débat  très  aigre  qui  donna  à  la  suite  de  la  cam- 
pagne un  caractère  d'animosité  et  de  violence  que  la  guerre 
n'avait  pas  eu  jusque-là.  Le  23  thermidor  (10 août  1794) ,  la  Con- 
vention décréta  la  guerre  à  mort  avec  l'Espagne  ;  elle  décida  que 
tant  que  la  capitulation  de  CoUioure  ne  serait  pas  exécutée,  «  il 
ne  serait  plus  fait  de  prisonniers  espagnols  »  et  qu'il  ne  pourrait 
être  question  de  paix  avec  l'Espagne.  Dugonmiier  notifia  en 
conséquence  au  général  espagnol  La  Union  qu'il  ne  correspon- 
drait plus  avec  lui  qu'à  coups  de  canon,  et  poussa  les  mouvements 
de  son  armée.  Il  avançait,  lentement  à  la  vérité,  mais  chaque 
jour  refoulait  les  Espagnols  vers  leur  frontière  '.  Cette  frontière 
était  entamée  à  l'ouest  par  l'armée  des  Pyrénées  occidentales. 

1.  Voir  les  Mémoires  du  prince  de  la  Paix,  I,  ch.  xvii-xxi,  et  sortoot 
BiQmgarten,  Geichiehte  Spaniens  xur  Zeit  der  firanMœiUchen  RevoluUon, 
p.  504  et  %mi. 

2.  Baamgarten,  519.  —  Fenrel,  H,  p.  16-17. 

3.  Fenrel,  ch.  xvu  et  xyiii. 


LÀ   DIPLOMITIB  FRANÇAISE  ET  L^ESPIGNE.  345 

Fontarabie  avait  capitulé  le  1*'  août;  Saint-Sébastien  ouvrit  ses 
portes  peu  de  jours  après  :  les  Français  étaient  maîtres  du 
Guipuscoa. 

Ces  nouvelles  jetèrent  la  perturbation  dans  Madrid.  Le  peuple 
des  provinces,  surtout  en  Biscaye,  fanatisé  par  les  moines,  se 
soulevait  et  se  préparait  à  la  guerre  de  guérillas  ;  mais  le  peuple 
des  villes  était  las  de  la  guerre  et,  voyant  l'Espagne  menacée, 
reprochait  violemment  au  gouvernement  l'impuissance  de  la 
flotte,  l'incapacité  des  généraux  et  la  ruine  du  pays.  Une  agita- 
tion révolutionnaire  se  mêlait  à  ces  ressentiments.  Les  émissaires 
français,  les  brochures  surtout,  appelaient  les  Espagnob  à  la 
paix,  déclarant  que  le  peuple  français,  ne  désirant  point  de  con- 
quêtes, ne  voulait  que  rendre  la  liberté  à  l'Espagne.  Il  fallut 
prendre  des  mesures  militaires  à  Madrid  et  dans  les  grandes 
villes  pour  y  maintenir  l'ordre.  Toute  la  fureur  populaire  se 
tournait  contre  Godoy.  Ce  ministre  qui,  au  mois  de  mars,  avait 
soutenu  le  parti  de  la  guerre  à  outrance  parce  qu'il  y  voyait  le 
moyen  de  se  maintenir  dans  la  faveur  du  peuple,  jugea  que 
désormais  le  rétablissement  de  la  paix  était  la  condition  de  la 
durée  de  son  pouvoir.  C'était  pour  la  reine  une  considération 
décisive  * .  Les  événements  qui  se  passaient  en  Europe  contribuaient 
d'ailleurs  à  décourager  l'Espagne  de  la  guerre.  La  France  était 
victorieuse  partout,  le  bruit  courait  que  des  négociations  étaient 
entamées  avec  la  Prusse,  et  c'était  un  argument  nouveau  en 
faveur  de  la  capitulation  de  conscience  vers  laquelle  les  souve- 
rains espagnols  se  sentaient  entraînés.  Les  victoires  des  armées 
françaises  du  Nord  et  de  l'Est  permettaient  à  la  République  de  ren- 
forcer ses  armées  des  Pyrénées.  Ainsi  au  moment  où  la  propagande 
révolutionnaire  commençait  à  agir  en  Espagne,  l'armée  d'inva- 
sion aUait  recevoir  de  nouveaux  renforts.  L'Espagne  se  sentait 
incapable  d'y  opposer  une  résistance  sérieuse.  Enfin  la  révolution 
qui  s'était  opérée  à  Paris  le  9  thermidor  permettait  d'espérer 
l'établissement  en  France  d'un  gouvernement  régulier  avec 
lequel  il  serait  possible  de  traiter.  La  vie  des  enfants  de 
Louis  XVI  détenus  au  Temple  ne  sembla  plus  menacée  ;  non 
seulement  on  crut  pouvoir  les  sauver,  mais  on  conçut  même 
l'espérance  illusoire  d'une  restauration  de  la  royauté.  —  La 
nouvelle  de  la  chute  de  Robespierre,  écrivait  l'envoyé  de  Prusse, 

1.  Baningirten,  529-S32. 


346  ALBERT   SOREL. 

a  causé  à  la  cour  autant  de  joie  qu'une  bataille  gagnée.  «  Main- 
tenant, s'écria  la  reine,  le  bourreau  de  la  République  est  mort.  » 
On  se  décida  donc  à  négocier;  mais  connue  il  fallait  à  la  fois 
imposer  du  respect  à  l'ennemi,  parer  à  une  reprise  des  hostilités, 
éviter  d'éveiller  la  colère  des  Anglais  et  ménager  la  partie  du 
peuple  des  montagnes  qui  se  soulevait  à  l'appel  des  moines  pour 
résister  aux  étrangers,  Godoy  prit  ostensiblement  des  mesures 
de  défense,  lança  une  proclamation  de  guerre  à  outrance  et  ne 
risqua  les  premières  ouvertures  de  paix  que  dans  le  plus  grand 
secret  et  avec  toutes  les  précautions  possibles*. 

n  n'était  point  aisé  d'entamer  ces  négociations.  La  principale 
ressource,  les  parlementaires  et  les  communications  verbales  entre 
les  généraux,  faisait  défaut  :  toute  correspondance  avait  cessé 
entre  les  armées  depuis  la  notification,  par  Dugonnnier,  du  décret 
du  23  thermidor.  Godoy  dut  donc  chercher  une  voie  détournée. 
Il  y  avait  en  Espagne  un  agent  français,  Simonin,  qui  était 
chargé  de  payer  aux  prisonniers  français  leur  solde  de  captivité. 
C'est  à  lui  que  le  gouvernement  espagnol  s'adressa  dès  le  1®'  sep- 
tembre 1794,  par  l'intermédiaire  du  général  en  chef,  La  Union, 
qui,  à  plusieurs  reprises,  s*était  prononcé  dans  le  sens  de  la  paix. 
La  Union  ne  voulait  point  se  découvrir;  Simonin,  connaissant 
les  terribles  décrets  de  la  Convention  et  la  manière  expéditive 
avec  laquelle  on  jugeait  les  agents  suspects  de  connivence  ou 
même  de  modérantisme  dans  leurs  relations  avec  l'ennemi, 
avait  grand'peur  de  se  compromettre.  Il  se  décida  à  parler  par 
symboles  et  il  eut  recours  à  un  expédient  classique  qui  peint  bien 
les  mœurs  du  temps.  Il  inséra,  dans  la  marge  d'une  lettre  qu'il 
écrivit  à  Dugommier,  une  feuille  d'olivier.  La  lettre,  datée  de  la 
Risballle  4® jour  des  sans-culottidesde  l'an  n  (20  septembre  1794), 
était  ainsi  conçue*  : 

«  Dès  Tînstant  où  il  ne  m'a  plus  été  possible  de  secourir  nos  fîrères 
d'armes  prisonniers  en  Espagne,  je  n'ai  aspiré  qu'au  plaisir  de 
retourner  dans  ma  patrie.  Toutes  mes  lettres  le  prouvent  ma  sollici- 
tude à  cet  égard.  Uniquement  occupé  de  ce  doux  espoir,  je  ne  m'atten- 
dais pas  à  recevoir,  dans  un  pays  où  je  n'ai  aucune  connaissance,  la 
visite  qu'on  m'y  a  faite  le  4  5  fructidor  et  que  Ton  a  réitérée  hier  de 


1.  Baamgarteo,  533-534. 

2.  Ce  docament  et  tous  ceox  que  je  citerai  sans  en  iodiqner  la  provenance 
sont  inédits  et  tirés  des  Archives  nationales.  —  Directoire  exécutif  :  Espagne. 


Ll  DIPLOMATIB   FRAIfÇâlSB  ET  l'eSPAGNE.  347 

la  part  d'une  personne  des  plus  distinguées.  Je  m'attendais  encore 

moins  qu'on  m'engagerait  à  te  faire  des  propositions  de Je 

m'arrête  ;  un  décret  que  je  respecte  m'impose  le  plus  profond  silence; 
le  rameau  que  tu  trouveras  ci-joint  y  suppléera.  Si  rien  ne  s'oppose 
à  la  réception  du  symbole  qu'il  renferme,  la  personne  de  la  part  de 
laquelle  on  est  venu  me  parler  se  montrera  à  découvert  et  aura 
distinctement  avec  moi,  ou  tel  autre  citoyen  que  l'on  jugera  conve- 
nable de  nommer,  une  ouverture  franche  sur  tout  ce  que  cet 
emblème  peut  te  faire  pressentir,  b 

Tandis  que  cette  missive  s'acheminait  vers  le  quartier  général 
de  Dugoramier,  l'armée  des  Pyrénées  orientales  obtenait  un  nou- 
veau succès.  Le  17  septembre  1794,  Bellegarde  capitulait.  C'était 
le  dernier  point  que  l'ennemi  occupât  sur  le  sol  de  la  France,  et 
la  condition  préalable  posée  par  la  Convention  à  tout  pourparler 
de  paix,  la  libération  du  territoire,  était  remplie  avec  l'Espagne 
comme  avec  tous  les  autres  coalisés.  Dugommier  et  les  représen- 
tants du  peuple  Delbrel  et  Vidal,  qui  étaient  délégués  auprès  de 
son  armée,  pensèrent  que  la  joie  causée  à  Paris  par  cette 
nouvelle  les  excuserait  d'avoir  tempéré  dans  l'exécution  le  san- 
guinaire décret  du  23  thermidor.  Bellegarde  avait  donc  été  admise 
à  capituler  et  les  prisonniers  n'avaient  pas  été  massacrés.  L'état  de 
l'armée  le  commandait  d'ailleurs;  si  elle  avait  obtenu  un  grand 
succès,  elle  n'était  pas  en  mesure  de  le  soutenir  longtemps. 
«  Notre  armée  était  dans  la  détresse,  écrivait  Dugonunier; 
70,000  EIspagnols  menaçaient  de  ravitailler  Bellegarde,  et  nos 
divisions  n'avaient  à  leur  opposer  que  l'énergie  du  petit  nombre*. 
L'ennemi  réduit  au  désespoir  eût  pu  faire  sauter  ces  murs  que  je 
m'étais  tant  efforcé  de  rendre  intacts'à  la  République.  >  Enfin,  et 
Delbrel  le  représenta  au  Comité,  ou  avait  dû  craindre  d'afireuses 
et  inévitables  représailles  envers  les  prisonniers  français*.  Tel 
était  l'état  des  choses  au  quartier  général  français,  lorsque  le 
4  vendémiaire  an  III  (25  septembre  1794)  un  trompette  espagnol 
y  apporta  une  dépêche  pour  le  général  en  chef.  L'usage  était  de 
lire  à  haute  voix,  en  présence  de  l'état-major  rassemblé,  les 
communications  de  l'ennemi.  Dugommier  se  préparait  à  en  agir 
ainsi,  lorsqu'on  ouvrant  la  dépèche  il  aperçut  le  rameau  d'olivier. 


1 .  Le  chiffre  est  exagéré  ;  c'est  par  homaniié  que  Dugommier  groMit  le  dan- 
ger, très  réel  d^ailleurs,  qae  pouvait  courir  soo  armée. 

2.  Ferrel,  U,  p.  163. 


348  albut  sokbl. 

n  était  trop  de  son  siècle  et  trop  versé  dans  la  littérature  classique 
pour  douter  un  instant  du  sens  de  ce  symbole  ;  il  lut  la  lettre 
à  récart,  et,  justement  préoccupé  de  l'importance  de  cette  commu- 
nication, il  s'empressa  d'en  donner  connaissance  à  Delbrel.  Ce 
fiit  ce  conventionnel  qui  dicta  la  réponse  que  Dugommier  adressa 
le  5  vendémiaire  (26  septembre  1794)  à  Simonin.  Cette  réponse 
était  faite  pour  couper  court  à  toute  négociation.  Dugonmûer 
signifiait  de  nouveau  que  «  le  gouvernement  eût  à  se  hâter  de 
nous  donner  satisfaction  sur  toute  la  capitulation  de  Collioure, 
sinon  jamais  de  paix  avec  l'Espagne,  jamais  aucun  traité  quel- 
conque tant  que  nous  aurions  sous  les  yeux  l'exemple  d'une  félo- 
nie. »  Sous  le  coup  des  décrets  de  la  Convention  et  après  l'infrac- 
tion que,  par  prudence  et  par  humanité,  ils  venaient  eux-mêmes 
d'y  apporter  à  Bellegarde,  Delbrel  et  Dugonmûer  ne  pouvaient 
pas  répondre  autrement  aux  ouvertures  espagnoles'.  Mais  l'un 
et  l'autre  sentaient  l'intérêt  qu'il  y  aurait  à  entamer  une  négo- 
ciation. Leurs  forces  pouvaient  Caire  illusion  aux  Espagnols; 
elles  ne  pouvaient  leur  faire  illusion  à  eux-mêmes.  L'armée 
était  considérablement  afiaiblie  par  les  combats,  par  la 
maladie,  par  la  désertion.  La  cavalerie,  cantonnée  trop  loin,  ne 
pouvait  seconder  utilement  l'ofiiensive,  et  plus  près  on  ne  pouvait 
la  nourrir.  Les  transports  manquaient.  Il  n'y  avait  point  d'habil- 
lements; la  poudre  faisait  défaut  «  pour  accomplir  quelque  chose 
de  brillant.  »  On  vivait  sur  le  pays  qui  était  ruiné.  Cependant,  si 
triste  que  fut  cette  situation,  celle  de  l'ennemi  était  pire  :  les 
troupes  se  fondaient  et  ne  se  renforçaient  point;  les  progrès  des 
Anglais  en  Amérique  efirayaient  les  Espagnols^.  La  paix  sem- 
blait donc  utile,  et  le  moment  pour  la  négocier  favorable.  Dugom- 
mier jugea  nécessaire  d'éclairer  entièrement  le  Comité  de  salut 
public  sur  cette  situation.  Sa  dépêche  est  datée  du  5  vendémiaire 
an  m  (26  septembre  1794). 

c  Je  reçus  hier  une  dépèche  de  Simonin,  payeur  des  prisonniers 
français  en  Espagne;  je  vous  en  envoie  la  copie  ainsi  que  celle  de  ma 
réponse.  J'ai  cru  que  cette  dépèche  renfermait  un  objet  d'une  assez 
haute  importance  pour  vous  expédier  un  courrier  extraordinaire, 
après  en  avoir  donné  connaissance  au  représentant  du  peuple  Delbrel. 
En  répondant  à  Simonin,  j'ai  parié  en  général  en  chef  qui  soutient 

1.  Fdn,  ManuscrU  de  Ta»  ///,  p.  22-23.  —  Ferrel,  U,  p.  167. 

2.  Dugommier  ao  Comiië,  25  septonbre  1794. 


LA  DIPLOMATIB  nUNÇilSB  ET  l'BSPAGNE.  349 

la  cause  de  l'armée  qu'il  commande  ;  mais  je  vous  renvoie  la  branche 
d*olivier.  G^est  à  vous  de  décider  Taccueil  ultérieur  que  je  dois  lui 
faire.  Je  ne  me  permettrai  aucune  réflexion  relative  :  cependant,  je 
croirais  manquer  à  mon  devoir  si  je  ne  vous  exposais  avec  vérité  la 
situation  présente  de  cette  armée  et  des  départements  qui  Tavoisinent. 
Ce  tableau  peut  éclairer  la  marche  qu'exige  l'intérêt  de  la  patrie  dans 

une  pareille  circonstance Si  le  gouvernement  n'a  aucune  vue  sur 

la  Catalogne,  comme  il  s'en  est  expliqué  dans  ses  précédentes 
dépêches,  si  l'Espagnol  nous  laisse  la  Gerdagne,  Fontarabie  et  le  port 
(te  Passage,  ne  serait-il  pas  avantageux  d'écouter  les  propositions  de 
paix?  9 

Lorsque  cette  dépêche  arriva  à  Paris,  le  Comité  de  salut  public 
n'avait  pas  encore  organisé  sa  correspondance  diplomatique  et 
s'était  fort  peu  occupé  de  négociations.  La  réponse  qui  fut  faite 
aux  ouvertures  de  Simonin  se  ressent  encore  de  l'arrogance  des 
déclarations  de  la  tribune  ;  mais  sous  cette  rhétorique,  on  voit 
percer  déjà  le  dessein  que  le  Comité  poursuivra  dans  toute  sa 
négociation  avec  l'Espagne.  Ce  dessein  était  en  quelque  sorte 
arrêté  d'avance.  Les  membres  du  Comité  en  trouvaient  les  éléments 
dans  leurs  lectures  et  dans  leurs  souvenirs.  De  même  que  le 
gouvernement  espagnol,  battu  et  épuisé,  était  amené  à  la  paix 
par  la  crainte  de  la  prépondérance  anglaise,  le  nouveau  gouver- 
nement français  était  par  ses  succès  mêmes  conduit  à  exiger  de 
l'Espagne  non  seulement  la  paix,  mais  la  dépendance  politique. 
TeUe  était  la  force  des  circonstances  et  tant  il  est  vrai  que  les 
relations  des  États  ont  aussi  leurs  lois  qui  dérivent  de  la  nature 
des  choses,  que  l'on  voyait  à  Madrid  le  roi  Bourbon  entraîné 
malgré  lui  à  se  placer  à  l'égard  de  la  Convention  nationale  dans 
les  rapports  où  il  était  avec  Louis  XVI,  et  à  Paris  un  gouver- 
nement formé  d'honmies  d'Etat  improvisés,  issus  de  la  bourgeoisie, 
tout  nouveaux  à  la  diplomatie,  portés  à  parler  du  cabinet  de 
Madrid  comme  aurait  pu  le  faire  le  ministère  de  Louis  XIV .  De 
part  et  d'autre  —  et  après  le  sanglant  intermède  d'une  guerre  de 
dix-huit  mois  —  on  reprenait  les  choses  au  point  où  les  avait 
laissées  l'ancien  régime.  La  dépêche  du  Comité,  datée  du  16  ven- 
démiaire an  III  (7  octobre  1794),  était  adressée  non  à  Dugom- 
mier,  mais  aux  représentants  en  mission  près  l'armée  des  Pyrénées 
orientales*. 

1.  Minate  de  Merlin  de  Douai.  —   Bien  qne  celte  dépêche  lit  été  en  partie 


S20  ILBBET  SOUL. 

c  Le  peuple  français  ne  (kit  point  la  paix  avec  un  ennemi  qui 
occupe  une  partie  de  son  territoire*,  mais  il  pèse  dans  sa  sagesse  les 
propositions  d*un  ennemi  vaincu,  obligé  de  ftiir  sur  son  propre  sol. 
La  nation  espagnole  possède  au  suprême  degré  Tart  de  cacher  ses 
desseins.  Elle  est  en  possession  de  proposer  et  de  différer  pour  profiter 
des  coi\jonctures.  Pour  la  déjouer,  il  faut  continuer  de  la  battre.  La 
terreur  est  dans  toutes  les  armées  des  despotes  coalisés.  Chaque  jour 
les  Français  se  signalent  par  des  victoires  de  nature  à  étonner  l'uni- 
vers. Si  l'Espagnol  députe  près  de  vous,  citoyens  collègues,  déployez 
la  dignité,  la  grandeur  et  la  fermeté  qui  conviennent  à  un  peuple 
vraiment  digne  de  la  liberté.  La  position  topographique  de  TEspagne 
lui  impose  Tobligation  de  solliciter  Tindulgence  et  le  retour  de 
Famitié  de  la  France.  Son  intérêt  conunercial  le  veut  impérativement. 
Un  orgueil  de  fomille  lui  a  fait  oublier  ses  traités  et  ses  calculs.  Nos 
conquêtes  doivent  rappeler  son  gouvernement  à  un  système  mieux 
entendu.  Le  souvenir  des  guerres  sanglantes  avec  rAngieterre,  le 
plan  évident  de  cette  nation  de  dominer  sur  la  Méditerranée,  la  crainte 
fondée  de  TEspagne  de  perdre  toute  son  existence  politique  si  elle 
persévère,  rendent  très  vraisemblable  ce  que  contient  la  lettre  de 
Simonin  à  Dugommier.  La  réponse  à  cette  lettre  doit  être  Êdte  par 
le  général  Dugommier  et  conçue  en  ces  termes  :  —  La  France  mr/ 
foui  ce  qui  s'accorde  avec  son  intérêt  et  sa  dignité.  Ecoute  et  trans- 
mets  ces  propositions.  Toute  démarche  doit  être  faite  auprès  des 
représentants  du  peuple  près  de  r  armée  que  je  commande;  ta  corres- 
pondance ne  peut  s'engager  quarec  e%r^  tes  principes  Fordonnent. 
—  Instruisez-vous.  Observez  bien  que  tout  ceci  doit  se  passer,  de 
votre  part,  en  conférences  et  que  c'est  au  Comité  de  salut  public  à 
poser  les  bases.  L^intention  de  TEspagne  ne  doit  pas  être  connue, 
les  dispositions  ofE^nsives  doivent  se  foire  avec  plus  d'activité  que 
jamais.  Amis!...  sous  peu  de  jours  le  Rhin  sera  notre  barrière.  La 
nation  n'a  jamais  été  plus  grande.  » 

Ces  instructions  répondaient  parCadtement  aux  sentiments  du 
représentant  Delbnîl.  Ce  conventionnel,  qui  fut  un  des  plus  éner- 
giques émules  de  Meriin  de  Thionville,  était  avant  la  Révolutioià 
avocat  à  Moissac.  Il  s*élait  «urôlê  en  1792.  Nommé  député  à  la 
Convention,  il  vota  la  mort  de  Louis  X'NT  et  fut  envové  à 
Tannée  du  Non!  où  son  activité  contribua  beaucoup*  parait-il.  à 
la  victoire  de  Hondschoote.  Il  venait  d*arriver  à  rarmèe  des 

poUkip  par  FerrcI  ;ll.  p.  t(SS\  je  cm»  Mccasaire  à'tm  rvfwodwre  id  le»  pusaieiK 


LA  DfPLOMiTIB  FEANÇilSB  ET  L  BSPAGIfB.  324 

Pyrénées  orientales  lorsque  les  négociations  commencèrent.  Le 
24  vendémiaire  an  III  (15  octobre  1794),  il  répondit  au  Comité 
de  salut  public  : 

«  J'ai  remis  au  général  en  chef  le  projet  de  lettre  qu'il  doit  écrire 
à  Simonin.  Gomme  le  général  avait  déjà  fait  à  cet  homme  une 
réponse  dont  vous  avez  reçu  copie,  lui  envoyer  une  seconde  réponse 
avant  qu'il  eût  écrit  une  seconde  fois  eût  été  témoigner  trop  d'em- 
pressement. C'eût  été  une  espèce  d'avance,  et  une  grande  nation 
victorieuse  n'en  doit  point  (kire  à  des  esclaves  vaincus.  Nous  avons 
donc  pensé  que  pour  faire  usage  du  projet  que  vous  nous  avez 
adressé,  il  fallait  attendre  que  Simonin  écrive  encore,  ce  qui  ne  peut 
tarder.  Si  d'ailleurs  le  gouvernement  espagnol  veut  traiter  et  qu'il  le 
veuille  franchement,  il  commencera  par  exécuter  la  capitulation  de 
Collioure-,  ce  doit  être,  selon  moi,  le  préliminaire  de  toutes  les  négo- 
ciations. B 

Delbrel  n'attendit  pas  longtemps  la  missive  de  Simonin; 
elle  arriva  le  jour  même  où  il  adressait  cette  dépêche  au  Comité. 
La  lettre  de  Simonin,  datée  du  12  octobre  1794,  témoignait  de  la 
déception  qu'avait  éprouvée  son  interlocuteur  espagnol  en  appre- 
nant que  l'exécution  de  la  capitulation  de  CoUioure  était  la  con- 
dition préalable  de  toute  négociation.  Simonin  rapportait,  mot 
pour  mot,  les  paroles  de  la  personne  qui  lui  avait  fait  les  premières 
ouvertures. 

«  En  exigeant  ces  préliminaires,  ce  n'est  pas,  dit-elle,  le  moyen  de 
se  rapprocher,  ce  serait  d'ailleurs  la  compromettre  vis-à-vis  de  sa 
cour  à  rinsu  de  laquelle  elle  parait  vouloir  opérer  cette  réconciliation. 
Cependant,  pour  ne  pas  te  laisser  sans  une  réponse  concluante  sur 
cette  importante  affaire,  elle  m'a  foit  dire  de  t'écrire  —  que  les  seuls 
préliminaires  de  paix  qu'elle  pourrait  offrir  étaient  les  articles  de 
celle  même  paix  -,  que  si  tu  convenais  dans  ces  principes  et  que  vous 
soyez  parfaitement  d'accord  l'un  et  l'autre  sur  ces  préliminaires, 
viendrait  naturellement  le  traité,  en  grand,  de  paix.  Ensuite  vous 
les  proposerez  à  vos  deux  nations  respectives  pour  avoir  leur  assen- 
timent, et  ce  le  plus  promptement  possible  ;  ou  il  faudrait  y  renoncer, 
parce  que,  dit-elle,  tout  retard  l'exposerait  et  la  mettrait  à  découvert 
vis-à-vis  de  son  souverain,  de  l'Angleterre  et  des  autres  puissances 
alliées  qui  exigeraient,  à  l'instant,  une  réparation  proportionnée  au 
mépris  fait  au  traité  qui  les  unit.  » 

Le  négociateur  espagnol,  ajoutait  Simonin,  «  est  persuadé  que 
l'Angleterre  cherche  à  détruire  l'Espagne  et  la  France,  et  c'est 

UeV.    IIiSTOR.    XI.    2«   FA8C.  '21 


822  ALBERT  SOREL. 

pour  déjouer  rambition  de  cette  commune  rivale  qu'il  voulait 
hâter  le  traité  de  paix.  Il  s'agissait  d'une  réconciliation  perpé- 
tuelle. »  Pour  tourner  la  difficulté  relative  à  CoUioure,  il  propo- 
sait un  échange  général  de  prisonniers 

Delbrd  fit  répondre  par  Dugommier  conformément  aux  instruc- 
tions du  16  vendémiaire*  et  l'on  poussa  vivement  la  reprise  des 
hostilités.  Les  conditions  étaient  désastreuses;  toute  l'ardeur  du 
général  en  chef  et  des  représentants  du  peuple  n'y  pouvait  remédier . 
Malgré  les  menaces  du  conventionnel  Vidal,  qui  parcourait  les 
départements  d'alentour,  l'agriculture  ruinée  et  les  paysans 
abattus  par  le  régime  de  la  Terreur  ne  pouvaient  procurer  aux 
troupes  ni  les  fournitures  ni  les  vivres  dont  elles  manquaient. 
On  n'en  marcha  pas  moins  :  conquérir  étant  en  définitive  le  seul 
moyen  de  vivre*.  A  l'autre  extrémité  des  Pyrénées,  les  Français 
avaient,  le  16  octobre,  rejeté  les  Espagnols  à  quelques  lieues  de 
Pampelune. 

Ce  que  l'on  sait  du  gouvernement  espagnol  à  cette  époque 
ne  montre  que  le  désordre,  l'incapacité,  la  confusion.  L'irrita- 
tion croissait  contre  Godoy,  et  Godoy  se  consumait  en  efibrts 
stériles,  en  déclarations  vaines,  en  démarches  contradictoires  ;  il 
nous  apparaît  à  la  fois  éperdu  et  infatué,  et  cet  état  d'esprit  peut 
seul  expliquer  les  oscillations  de  sa  politique.  Le  27  octobre  1794 
il  posait  au  conseil  d'État  la  terrible  alternative  d'une  paix  oné- 
reuse ou  d'une  guerre  ruineuse.  Il  voyait  les  Français  triomphant 
partout.  «  Ils  vont,  disait-il  à  un  diplomate  étranger,  conquérir 
une  grande  partie  de  l'Allemagne  et  de  l'Espagne:  l'Afrique 
seule  et  peut-être  l'Amérique  pourront  leur  opposer  une  barrière.  > 
En  même  temps  et  sur  la  foi  de  rapports  d'espions  ou  d'agents  de 
l'émigration,  il  se  représentait  le  Midi  de  la  France  prêt  à  se  sou- 
lever pour  rétablir  les  rois,  et  il  négociait  avec  l'Angleterre  la 
reconnaissance  de  Monsieur  comme  régent  de  France^.  Il  redou- 
tait assez  la  République  pour  juger  la  paix  nécessaire,  et  il 
croyait  la  France  assez  divisée  pour  accepter  une  paix  qui  détrui- 
rait la  République*.  C'est  ainsi  qu'il  fut  conduit  à  faire  passer  à 


1.  Delbrel  aa  Comité,  29  vendémiaire  (20  octobre  1794). 

2.  Fervel,  II,  p.  170-175. 

3.  Baumgarlen,  535-537. 

4.  Cf.  Mémoires  du  prince  de  la  Paix,  ch.  xxv.  Je  n'ai  pas  besoin  de  dire 
que  Je  n'use  de  cet  ouvrage  apologétique  et  rédigé  à  distance  qu'avec  les  plus 
grandes  réserves.  Tout  le  récit  des  négociations,  entre  autres,  y  est  dénaturé. 


Ll   DIPLOMATIB   FRl!fÇAISE  ET  l'bSPAGNB.  323 

Simonin  cet  étrange  ultimatum  que  l'agent  français  transmit 
sans  commentaire  aux  représentants  Ddbrel  et  Vidal,  par  une 
lettre  datée  de  Figuières  le  4  novembre  1794  : 

«  <«  L'Espagne  reconnaîtra  le  système  ou  forme  de  gouvernement 
qu'a  adopté  ou  adoptera  la  France  ;  —  2*  La  France  mettra  de  suite 
à  la  disposition  de  FEspagne  les  deux  enfants  de  Louis  XVI;  —  3*  La 
France  rendra  au  fils  de  Louis  XVI  les  provinces  limitrophes  de 
l'Espagne,  dans  lesquelles  il  régnera  souverainement  et  gouvernera 
seul  en  roi.  Cet  établissement  sera  fait  d'accord  avec  les  deux  puis- 
sances. » 

Cet  ultimatum  produisit  l'effet  qu'en  aurait  dû  attendre  l'obser- 
vateur le  moins  pénétrant  de  la  France  et  de  la  Convention.  11 
raUuma  la  colère  et  réveilla  le  fanatisme  des  représentants.  Vidal, 
qui  était  alors  à  Montpellier,  fut  le  premier  qui  en  eut  connais- 
sance. Il  transmit  à  son  collègue  Delbrel  les  propositions  «  dépla- 
cées et  insolentes  »  de  l'Espagne,  puis  dans  une  lettre  du 
24  brumaire  (14  novembre  1794)  portant  en  épigraphe  ces  mots  : 
Liberté,  égalité,  guerre  aux  tyrans,  paix  aux  peuples,  il 
écrivit  au  Comité  : 

«  Dans  ma  lettre  à  mon  collègue,  je  lui  dis  qu'il  est  temps  enfln 
"(le  faire  cesser  toute  espèce  de  correspondance,  qu'il  ne  peut  y  en 
avoir  d'autre  entre  des  républicains  et  des  esclaves  que  du  canon  et 
de  la  bayonnettc,  que  ce  Simonin  me  parait  beaucoup  trop  oflicieux, 
qu'une  pareille  persévérance  sonne  très  mal  et  est  propre  à  faire 
naître  des  soupçons,  qu'enfin  lorsqu'un  ennemi  battu  de  tous  côtés  a 
encore  rorgucilleuse  prétention  de  vouloir  imposer  des  lois  à  son 
vainqueur,  il  ne  reste  qu'à  le  terrasser  encore  davantage  et  le  mettre 
lui-même  sous  le  joug  qu'il  prétend  imposer  aux  autres.  » 

Delbrel  ne  fut  pas  moins  indigné  des  propositions  espagnoles. 
«  Mon  âme  en  est  trop  révoltée  pour  que  je  puisse  en  parler  plus 
longtemps,  écrivait-il  au  Comité  le  26  brumaire  (16  novem- 
bre 1794).  Demain  nous  répondrons  d'une  manière  digne  de  la 
République,  demain  nous  répondrons  à  coups  de  canon  et  de 
bayonnette.  >  Le  Comité  partagea  ces  sentiments  et  écrivit  le 
4  frimaire  (24  novembre  1794)  aux  deux  représentants*  : 

Mais  on  trouve,  au  début  même  de  ce  récit,  un  passage  où  les  iUusions  de  Godoy 
sont  assez  TÎTement  rclracées,  et  c'est  à  ce  passage  que  Je  renvoie, 
l.  Publié  par  Fcrvcl,  II,  p.  t75. 


«  LlnfignatioD  est  an  eomlik  en  fisanl  Péorîl  ijifi— »^  qpe  iws 
nous  afez  transmis.  D  est  diiBdfe  de  eoneeroir  m— nmt  on  Fraznis 
apo  traeer  des  lignes  qoi  présentent  des  idées  aossi  ootraseantes 
poor  sa  nation.  (Test  à  notre  artîDene  à  répondre  aiec  un  fen  bien 
soutenu.  Disposez  tont  et  frappez.  Le  Français  TîetorieQx  traite  sans 
orgueil  Feunemî  qui  se  présente  arec  Fattitode  qui  fan  eonrient:  fl 
Toue  au  mépris  k  ¥aincn  qui  ose  fan  proposer  des  lois.  Prenez  <fes 
mesures  pour  fiiire  refenir,  sur-le-«lamp,  Sïmnnîn  d^Kqpagiy.  D 
compromet  la  cfignité  du  peuple  français.  » 

Cette  lettre,  dit  Fenrd,  n'était  pas  encore  sortie  du  bureau  où 
die  aTait  été  écrite,  que,  répondant  d^aranœ  à  rati^uratîiXL  du 
Comité  de  salut  public,  Farmée  des  Pjrrénées  orientales  avait 
dgà  frappé.  Poursuirant  énergiquement  son  offendre  sur  le 
territoire  ennemi,  Dugonmiier  avec  36,000  bommes  arait  atta- 
qué les  Espagnols  fiotls  de  46,000  et  retiancbés  dans  des  positions 
défensives  autour  de  Figuières.  Les  OMubats  oommenoèr»it  le 
17  noremlR^.  La  première  journée  frit  crudle  pour  la  France  : 
Dugcxnmier  frit  tué  sur  le  cbamp  de  bataille.  Arec  lui  disparais- 
sait l'un  des  plus  nc^iles  (HÎginaux  de  cet  âge  béroîque  des  années 
firançaises.  Le  premier  mot  d'ordre  que  Bonaparte  donna  en  qualité 
de  {Hremier  consul  frit  :  Frédéric  II  et  Dugonunier;  Tune  des 
demims  pensées  de  Napoléon  à  Saint-Hélène  frit  pour  <  ce 
brave  éi  intriq)ide  générale  >  Pérignon  prit  le  ocxnmandement 
en  cbef  et  conduisit  vigoureusement  les  opérations.  Le  28  novem- 
bre 1794,  Figuières  capitula.  L'armée  y  trouva  des  vivres  et  des 
munitions  en  abondance  :  «  les  soldats,  que  la  faim  avait  pousses 
au  combat,  dit  Fervel,  ne  purent  résister  à  l'ivresse  d'un  chan- 
gement à  brusque,  ^  ils  se  livrèrent  à  des  excès  dont  la  plaine 
de  l'Ampurdan  garde  encof^  la  trace'.  »  Il  Csillut  une  nouvdle 
attaque  des  Espagnols^de  nouvdles  misères  pour  raidre  à  l'armée 
sa  dignité  et  son  ressort.  Pérignon  avait  commencéle  siège  de  Rases; 
Finvestissement  frit  achevé  le  24  novembre  et  cette  opération 
occupa  la  fin  de  la  campagne.  Les  Français  avaient  été  moins 
heureux  aux  Pyrénées  occidentales,  et  après  une  pointe  malheu- 
reuse sur  Pampelune,  ils  frirent  contraints  de  prendre  leurs 
quartiers  d'hiver  dans  le  Guipuscoa. 

t.  Qoalrième  codkâne  ao  testamat,  24  afril  18^1.  —  Voir  Ferrel,  D,  p.  196> 

196. 
t.  Voir  les  dépêches  de  Delbrd.  Ferrel,  D,  ch.  zzir. 


LA   DIPLOMATIE   FBANÇAISB  ET  l'B8PAG!(B.  325 


IV. 


La  cour  de  Madrid.  —  Nouvelles  tentatives  de  négociations. 

Novembre  1794-janvier  1795. 

A  Madrid ,  la  cour  cherchait  à  s'étourdir  ;  Godoy  se  divertissait  et 
perdait  son  temps  en  intrigues  aussi  vaines  que  compliquées  avec  les 
émigrés  et  leurs  agents  dans  le  sud  de  la  France,  avec  la  Russie 
à  laqueUe  il  demandait  Tenvoi  d*une  flotte  dans  la  Méditerranée, 
avec  l'Angleterre  à  laquelle  il  promettait  de  continuer  la  guerre 
si  on  lui  faisait  espérer  seulement  des  subsides.  Cachait-il  son 
jeu?  cherchait-il  à  dissimuler  aux  alliés  de  l'Espagne  la  défection 
qui  se  préparait  ?  Il  est  difficile  de  le  décider,  et  le  plus  probable 
est  qu'il  inclinait  tantftt  vers  la  guerre,  tantôt  vers  la  négo- 
ciation, suivant  les  vicissitudes  des  opérations  militaires,  les 
revirements  de  l'opinion,  les  mouvements  des  partis  à  la  cour  et 
les  calculs  incertains  d'une  ambition  égoïste  qui  ne  cherchait 
dans  la  paix  comme  dans  la  guerre  qu'un  moyen  de  conserver  le 
rang  de  ministre  et  l'état  de  favori  auxquels  la  passion  de  la  reine 
l'avait  si  scandaleusement  élevé.  Après  Aranda  qui  avait  payé 
de  l'exil  son  opposition  à  Godoy,  Campomanès,  survivant  dis- 
gracié du  règne  heureux  de  Charles  III,  et  Valdès,  le  ministre  de 
la  marine,  élevaient  hardiment  la  voix  en  faveur  de  la  paix. 
Cette  résistance,  qui  irritait  Marie-Louise  et  Godoy,  les  rejetait 
vers  la  guerre;  mais  les  conditions  dans  lesquelles  cette  guerre 
se  présentait,  les  dangers  qu'ils  y  apercevaient  pour  leur  règne 
et  pour  l'État  les  ramenaient  bientôt  au  parti  de  la  paix.  De  là 
les  continuelles  contradictions  de  leur  langage  et  les  variations 
de  leur  politique. 

Tandis  que  des  tendances  révolutionnaires  se  manifestaient  dans 
les  villes  et  provincesenvahiesou  menacéesd'invasion,  la  Navarre, 
la  Biscaye,  la  Catalogne  surtout,  irritées  contre  le  gouvernement, 
toujours  prêtes  à  ressaisir  leur  ancienne  indépendance,  organi- 
saient des  juntes  secrètes,  levaient  des  milices  et  se  préparaient  à 
la  fois  à  résister  à  l'étranger  et  à  s'affranchir  du  joug  de  la 
royauté,  détestant  d'une  haine  égale  la  république  française  et  la 
monarchie  espagnole.  Il  fallait  régler  ce  mouvement.  Le  géné- 
ral I^  Union  avait  péri  comme  Dugommier  dans  les  combats 


326  ALBERT  SOREL. 

de  Figuières;  son  successeur,  Don  José  Urrutia,  s'efforça  de 
concentrer  l'ardeur  des  Catalans  :  la  province  leva  20,000  mique- 
lets  et  20,000  hommes  de  réserve  qui  renforcèrent  l'armée  espa- 
gnole. Mais  cet  effort  était  insuffisant;  il  aurait  fallu  de  bien 
autres  ressources  pour  repousser  définitivement  et  écraser  les 
Français.  Ces  ressources  manquaient  :  la  guerre  avait  coûté 
déjà  1500  millions;  l'Angleterre,  avant  de  parler  de  subsides, 
demandait  à  voir  des  soldats.  «  Les  moyens  ne  sont  pas  encore 
trouvés,  disait  Godoy  au  ministre  anglais  Jakson  qui  le  pressait, 
mais  je  ne  m'en  tourmente  pas  :  les  levées  commenceront  en 
février,  nous  ferons  un  plan,  et  je  vous  le  communiquerai.  »  En 
attendant,  Urrutia  avait  ordre  de  reprendre  les  pourparlers  tout 
en  s'efforçant  de  rétablir  l'armée.  «  Mes  rapports  doivent  vous 
faire  une  impression  singulière,  écrivait  en  février  1795  l'agent 
prussien  Sandoz,  j'y  passe  alternativement  du  noir  au  blanc  !  La 
reine  veut  la  paix,  le  roi  ne  veut  rien  du  tout  ;  Godoy,  jeune  et 
sans  expérience,  s'imagine  qu'on  peut  faire  la  paix  et  la  guerre 
avec  les  mêmes  moyens  et  attend  je  ne  sais  d'où  une  décision.  » 
On  recueillait  avec  une  curiosité  impatiente  les  bruits  qui  com- 
mençaient à  courir  sur  les  négociations  engagées  secrètement  entre 
la  France  et  la  Prusse  ;  on  espérait  trouver  là  un  prétexte  de  faire 
la  paix  avec  moins  d'humiliation  et  de  sortir  de  la  coalition,  sinon 
avec  honneur,  au  moins  en  bonne  compagnie.  Godoy  correspon- 
dait avec  Cabarrus,  le  père  de  madame  Tallien,  et  Cabarrus 
insinuait  d'après  ses  lettres  de  Paris  que  la  France  traiterait 
sans  cession  de  territoire  et  sous  la  seule  condition  que  l'Espagne 
se  séparerait  de  l'Angleterre.  On  cherchait  à  deviner  les  intentions 
de  la  Prusse,  on  aurait  voulu  s'entendre  avec  elle.  Sans  s'être 
entendu,  on  employait  les  mêmes  procédés  et  on  agissait,  bien 
qu'avec  moins  de  suite  et  de  résolution,  de  la  même  manière^ 

L'envoyé  de  Prusse,  Harnier,  avait  quitté  Paris  le  9  janvier  1795 
après  avoir  décidé  l'ouverture  des  négociations  officielles;  le 
13  janvier,  le  général  espagnol  Urrutia  conviait  de  nouveau  la 
France  à  négocier,  par  une  lettre  adressée  au  général  français 
Pérignon.  Cette  lettre  qui,  pour  le  ton,  rappelle  celles  qu'en 
décembre  1794  Meyerinck  et  Mœllendorf  adressaient  à  Bâcher^, 

1.  Banmgarten,  543-550.  —  Voir  pour  les  négociations  préliminaires  avec  la 
Pmsse  :  La  paix  de  Bâle,  Revîie  historique,  tome  V,  ii,  et  tome  VI,  i. 

2.  Revue,  tome  VI,  i,  p.  57.  La  lettre  d'Urrutia  a  été  publiée,  en  traduction, 
par  Fain,  p.  52. 


LÀ   DIPLOMATIE   FRANÇAISE   ET   l'eSPAG^TE.  327 

commençait  par  des  considérations  d'humanité;  elle  exprimait 
le  désir  que  Ton  ne  combattit  que  les  soldats,  «  qu'on  respectât  le 
laboureur,  qu'on  le  laissât  tranquille  dans  sa  chaumière,  »  enfin 
que  la  guerre  perdît  le  caractère  sauvage  qu'elle  avait  pris, 
surtout  après  la  capitulation  de  Figuières*. 

a  Plût  au  ciel,  poursuivait  Urrutia,  que  ce  conflit  cessât  et  que 
deux  nations  faites  naturellement  pour  être  amies  revinssent  à  Tètre  ! . . . 
Notre  rivalité  n'a  pas  encore  un  but  direct,  qu'elle  s'exerce  donc  à 
des  objets  plus  dignes  que  celui  de  répandre  le  sang  !  Le  voisinage 
de  TEspagne  et  de  la  France  rendra  toujours  ces  deux  nations  insé- 
parables en  commerce  et  en  amitié.  Pourquoi  donc  travaillent-elles 
avec  tant  d^eflbrts  à  se  détruire?  Pourquoi  nos  ruines  doivent-elles 
être  le  ciment  sur  lequel  une  autre  puissance,  peut-être,  élèverait 
rédiflce  fastueux  de  sa  grandeur?. . .  Je  te  demande  que  tu  me  répondes 
sur  ce  point  avec  la  ft*anchlse  dont  je  te  donne  l'exemple;  nous  ne 
sommes  autorisés,  toi  et  moi ,  qu'à  nous  fkire  la  guerre.  Faisons-la 
sans  manquer  à  nos  devoirs,  mais  cherchons  en  même  temps  les 
moyens  de  faire  la  paix.  » 

Le  parlementaire  qui  portait  cette  lettre  était  chargé  d'en 
remettre  à  Pérignon  une  autre  qui,  par  son  caractère  noble  et 
touchant,  mérite  d'être  citée  et  qui  se  rattache  à  l'un  des  épisodes 
les  plus  singuliers  de  ces  temps  héroïques.  Il  y  avait  à  Madrid 
un  gentilhomme  qui  portait  l'un  des  plus  beaux  noms  de  France, 
M.  de  CriUon,  ancien  lieutenant-général  fiançais,  passé  au 
service  de  l'Espagne,  en  1761,  lors  du  Pacte  de  famille,  et  fait 
duc  de  Mahon  à  la  suite  de  la  prise  de  Minorque  en  1782.  Son 
fils,  Louis  de  Crillon-Mahon,  servait  en  qualité  de  brigadier  dans 
l'armée  espagnole  ;  il  fut  fait  prisonnier  dans  un  des  combats  autour 
de  Figuières,  et  on  le  prit  d'abord  pour  un  émigré  ;  dès  que  l'on 
connut  son  nom  et  sa  qualité,  on  lui  rendit  son  épée.  Âugereau, 
qui  avait  servi  sous  ses  ordres  dans  les  gardes  wallones,  le 
reconnut  et  le  fit,  sur  sa  demande,  interner  à  Montpellier.  Son 
frère,  qui  était  resté  Français,  avait  siégé  dans  les  Assemblées 
parmi  la  noblesse  libérale.  Arrêté  sous  la  Terreur,  il  venait 
à  peine  d'être  rendu  à  la  liberté.  Le  vieux  CriUon  s'adressa 
à  Pérignon  et  lui  demanda  que  son  fils  Louis  fût  renvoyé  à 
Madrid  sur  parole;  il  priait  en  même  temps  le  général  fran- 

I.  Cf.  Fervel,  II,  ch.  xxnr,  le  rapport  de  Delbrel  sur  le  sic  de  Figoières. 


328  ALBERT   80REL. 

çais  de  faire  parvenir  au  prisonnier  la  lettre  suivante ,  datée  du 
30  décembre  1794*  : 

«  Nous  vous  avons  cru  mort  pendant  plus  de  quinze  jours,  n'ayant 
de  vos  nouvelles  que  vous  étiez  prisonnier  et  en  bonne  santé  que  par 
des  déserteurs  auxquels  je  suis  accoutumé  à  avoir  peu  de  foi  ;  et  dans 
cette  affreuse  incertitude,  jugez  de  l'état  de  votre  bonne  maman  et  de 
notre  chère  Virginie.  L'état  de  convulsion  ou  d'une  morne  douleur 
dans  laquelle  je  les  vois  alternativement,  redoublait  la  mienne  et 
devenait  plus  amère  par  les  efforts  que  je  faisais  pour  la  cacher  et  les 
rassurer  sur  de  fausses  apparences.  Mais,  vous  le  dirai-je,  mon 
cher  enfant?  je  suis  moms  à  plamdre  qu'elles  *,  mon  amour  pour  vous, 
aussi  tendre  que  le  leur,  trouvait,  de  temps  en  temps,  des  moments 
de  consolation  dont  elles  ne  jouissaient  pas  avec  moi,  par  la  justice 
que  vous  a  rendue  toute  l'armée,  ainsi  qu'aux  braves  soldats  du  pre- 
mier bataillon  d'Espagne  à  la  tète  duquel  vous  avez  resté  prisonnier. . . 
Il  me  semble  que  mes  forces  qui  ne  m'ont  pas  encore,  comme  tu  le 
sais,  tout  à  fait  abandonné,  se  renouvellent  telles  que  je  les  avais  il  y 
a  soixante  ans,  à  ma  première  campagne^,  lorsque  j'ai  un  reste  d'es- 
poir de  voir  finir  cette  monstrueuse  guerre  à  mes  yeux,  pour  en 
recommencer  encore  une  nouvelle  où  je  pourrais  encore  espérer  de 
combattre  avec  les  Français  unis  aux  Espagnols  contre  les  vrais 
ennemis  de  nos  deux  nations,  et  sur  lesquels  j'ai  toujours  eu  des 
avantages  personnels  à  moi  ^  car  enfin  nous  nous  ressemblons  toi  et 
moi  par  la  fortune,  n'ayant  jamais  eu,  comme  toi,  que  de  légères 
blessures;  mais  en  quoi  nous  différons,  c'est  qu'en  soixante  et  tant 
d'actions  de  guerre  où  je  me  suis  trouvé,  la  déroute  plutôt  que  la 
bataille  de  Rosbach  est  la  seule  où  je  me  suis  vu  obligé  de  tourner  le 
dos  à  l'ennemi  —  soit  étant  au  service  de  France,  soit  depuis  que  je 
suis  à  celui  de  l'Espagne...  Je  t'embrasse  et  je  t'adore  comme  ton 
bon  papa,  ton  meilleur  ami,  quoique  ton  ri?a]  de  la  gloire  que  tu 
acquiers,  tandis  que  je  reste  destiné  à  ne  faire  des  vœux  que  pour  la 
paix.  » 

U  y  avait  un  peu  de  Thidalgo  dans  cette  lettre,  dans  la  forme 
surtout,  mais  il  y  avait  au  fond  une  chaleur  d'àme  et  une  géné- 
rosité de  sang  français  dont  un  gentilhomme  libéral  et  un  ancien 


1.  J'en  respecte  la  forme,  assez  étrange  et  étrangère,  mais  j'ai  cru  devoir 
rétablir  l'orUiographe  qui  est  absolument  fantasque  dans  l'original. 

2.  Né  en  1718,  Grillon  éUit  entré  au  serTice  en  1731  et  avait  fait,  sous  Villars, 
la  campagne  d'Italie  en  1733. 


Ll   DIPLOMATIE    FRINÇAISB   ET  L^ESPAGIfB.  329 

officier  des  années  de  Louis  XVI,  comme  Tétait  Pérignon,  devait 
être  touché.  Le  vieux  Grillon  et  lui  étaient  de  la  même  race; 
comme  de  Fiers,  comme  Dagobert  de  Fontenille,  comme  Dugom- 
mier,  Pérignon  était  noble  et  avait  conquis  ses  grades  sous  l'an- 
cien régime.  Il  semblait  en  vérité  que  cette  armée  des  Pyrénées, 
destinée  à  combattre  sur  la  terre  classique  des  épopées  chevale- 
resques, eût  le  privilège  de  rassembler  ces  Français  de  grand 
cœur  et  de  noble  race  qui,  après  avoir  applaudi  aux  premières 
espérances  de  la  Révolution,  ne  s'étaient,  lors  de  la  tyrannie  et  des 
proscriptions,  souvenus  que  d'une  chose,  c'est  qu'ils  étaient  B'ran- 
çais  et  que  la  France  courait  le  même  danger  qu'au  temps  des 
invasions  anglaises,  des  factions  d'Armagnac  et  de  Bourgogne, 
des  maillotins  et  des  jacqueries;  comprenant,  pour  l'honneur  de 
la  vieille  France  et  le  salut  de  la  France  nouvelle,  qu'il  fallait 
agir  non  pour  le  siècle,  mais  pour  l'avenir,  que  le  premier  devoir 
était  de  maintenir  l'intégrité  de  la  France,  et  qu'on  ne  pouvait 
la  maintenir  qu'en  combattant  pour  la  République;  réalisant 
enfin,  par  instinct  plutôt  que  par  calcul,  l'hypothèse  où,  selon 
l'étrange  et  pénétrant  aveu  de  Joseph  de  Maistre,  un  philosophe 
inspiré  aurait  dicté  aux  armées  françaises  la  conduite  qu'elles 
devaient  tenir  en  cette  crise  suprême  de  leur  patrie*. 

La  lettre  d'Urrutia  et  la  lettre  de  Grillon  furent  communiquées 
aux  représentants  du  peuple  près  l'armée  des  Pyrénées.  Ils  pen- 
sèrent qu'à  des  titres  divers,  ces  deux  lettres  témoignaient  de 
dispositions  dont  le  Gomité  de  salut  public  devait  être  instruit,  et 
les  deux  lettres  furent  envoyées  à  Paris,  le  16  janvier  1795.  Mais, 
suivant  les  dernières  instructions  du  Gomité  de  salut  public,  con- 
vaincus qu'il  fallait  forcer  l'Espagne  à  «  demander  ouvertement 
la  paix  »  et  rêvant  de  la  «  dicter  dans  Barcelone  »,  ils  avaient 
fait  adresser  à  Urrutia,  par  Pérignon,  le  15  janvier,  une  lettre 
qui  ne  correspondait  en  rien  ni  aux  sentiments  élevés,  ni  aux 
tendances  pacifiques  dont  le  général  espagnol  s'était  inspiré*. 

«  Je  connais  comme  toi  les  lois  de  l'humanité.  Je  connais  celles  de 
la  guerre  et  je  saurai  me  renfermer  dans  le  cercle  qu'elles  me  pres- 
crivent; mais  je  connais  aussi  l'amour  de  mon  pays,  et  partout  où 
je  trouverai  des  hoounes  armés  contre  sa  liberté,  mon  devoir  est  de 

1.  Voir  de  Maistre,  Considérationt  tur  la  France,  1797,  ch.  u. 

2.  Pérignon  an  Comité,  les  représentants  an  Comité,  27  vent^  an  III  (16  jan- 
▼ier  1794). 


330      ALBERT  SOREL.  —  LA  DIPLOMATIE    FRANÇAISE  ET  L'ESPAGNE. 

les  combattre,  même  jusque  dans  les  chaumières...  Je  n'ai  pas  le 
droit  dé  m'ériger  en  conciliateur;  je  ne  suis  ici  que  pour  me  battre. 
Si  le  gouvernement  espagnol  a  des  propositions  à  faire  à  la  Républi- 
que, c'est  à  la  Convention  nationale  ou  à  son  Comité  de  salut  public 
qu'il  doit  s'adresser  directement  ^  > 

Cette  lettre  péremptoire  était  loin  de  répondre  aux  dispositions 
dans  lesquelles  se  trouvait  le  Comité  de  salut  public  lorsqu'il  en 
eut  connaissance. 

Albert  Sorel. 

{Sera  continué.  ) 


1.  Fain,  p.  56.  C'est  par  erreur  que  Fain  donne  à  cette  lettre  la  date  du 
26  mars  an  III. 


MELANGES  ET  DOCUMENTS 


DÉPORTATIONS  DE  PRÊTRES 

sons  LE  PREMIER  EMPIRE. 
I. 

Au  début  de  Tannée  4  84  4 ,  le  conflit  engagé  entre  Napoléon  et  le 
pape  était  depuis  longtemps  arrivé  à  son  état  le  plus  aigu.  Pie  Vil, 
après  avoir  protesté  contre  Toccupation  des  États  pontificaux,  après 
avoir  lancé  l'excommunication  contre  Napoléon,  avait  été  enlevé  de 
Rome,  conduit  à  Grenoble,  puis  à  Savone,  où  il  vivait  séquestré, 
sans  conseillers,  sans  rapports  avec  quiconque  au  dehors,  sous  la 
surveillance  de  M.  de  Chabrol,  préfet  de  Montenotte,  et  de  Tofflcier 
de  gendarmerie  Lagorse  ;  on  lui  avait  enlevé  jusqu'à  ceux  de  ses 
domestiques  en  qui  il  paraissait  avoir  confiance.  On  avait  arrêté  et 
conduit  à  la  forteresse  de  Fenestrelles  le  valet  de  chambre  qui  lui 
servait  de  barbier.  On  avait  perquisitionné  jusque  dans  son  apparte- 
ment de  prisonnier -,  on  avait  forcé  son  secrétaire;  on  Tavait  obligé 
à  remettre  au  gendarme  Lagorse  «  l'anneau  du  pêcheur  ».  Il  avait 
obéi,  et  il  avait  livré  l'anneau,  après  l'avoir  brisé  en  deux  morceaux. 

Le  sacré-collège  avait  été  amené  en  poste  à  Paris.  On  avait 
intimé  aux  cardinaux  Tordre  d'habiter  la  capitale  de  Tempire-,  on 
avait  fixé  leur  traitement  à  30,000  firancs,  et  on  leur  avait  (kit  com- 
prendre qu'il  serait  imprudent  de  refuser  cet  argent  Les  cardinaux 
di  Pietro  et  Gabrielli  étaient  détenus  à  Vincennes;  des  évêques,  des 
prêtres  allaient  prochainement  passer  par  la  même  prison.  Un  certain 
nombre  de  cardinaux  ayant  osé  s'abstenir  d'assister  en  grand 
costume  à  la  messe  de  mariage  de  Napoléon  et  de  Marie-Louise,  cette 
protestation  contre  le  second  mariage  célébré  par  l'empereur  du 
vivant  de  sa  première  femme  avait  été  considérée  conune  une  néga- 
tion anticipée  de  la  légitimité  desenfknts  à  naître  de  cette  union-,  les 
cardinaux  qui  avaient  ainsi  laissé  entendre  qu'à  leur  sens,  le  futur 
roi  de  Rome  serait  un  bâtard,  avaient  été  conduits  chez  le  ministre 
de  la  police,  incarcérés,  dégradés  de  leurs  dignités  ecclésiastiques, 
enfin  confinés  par  groupes  de  deux  ou  trois  dans  différentes  villes  de 
Tempire,  avec  obligation  de  se  vêtir  d'une  soutane  noire  comme  de 


332  HéLANGES   ET  DOGUMBUTTS. 

simples  prêtres,  ce  qui  les  fit  désigner  longtemps  sous  le  nom  de 
a  cardinaux  noirs  ».  D'un  bout  à  Tautre  de  Timmense  empire,  ce 
n'étaient  que  prêtres  mis  en  prison,  séminaristes  envoyés  dans  les 
régiments  :  cela,  malgré  la  docilité  épouvantée  avec  laquelle  dans 
presque  tous  les  diocèses  le  clergé  catholique  accueillait  les  ordres  du 
despote. 

Pourtant  le  pape  continuait  la  lutte  :  son  arme  principale  était  le 
refus  de  l'institution  canonique  aux  évêques  nommés  par  l'empereur, 
refus  qui  allait  mettre  ce  dernier  dans  la  nécessité  de  convoquer  un 
concile  national,  pour  arriver  à  créer  un  modus  vivendi.  L'arche- 
vêque de  Paris,  Maury  (i'ex-orateur  de  la  Constituante),  non  institué 
par  le  pape,  ne  pouvait  arriver  à  se  faire  reconnaître  par  son  chapitre 
métropolitain.  L'abbé  d'Astros,  armé  d'un  bref  papal,  menait  l'oppo- 
sition contre  lui  ;  Maury  ne  s'était  débarrassé  de  cet  adversaire  qu'en 
le  conduisant  lui-même  dans  sa  propre  voiture  chez  le  ministre  de 
la  police  générale,  pour  le  faire  mettre  en  prison. 

Malgré  la  surveillance  incessante  du  duc  de  Rovigo,  les  brefs  du 
pape  refusant  l'institution  aux  évêques  récemment  nommés  circu- 
laient en  France,  colportés  d'un  diocèse  à  l'autre  par  des  associations 
occultes. 

La  guerre  ainsi  s'éternisait;  elle  avait  pris  un  caractère  particu- 
lièrement violent  en  Italie;  dans  la  Toscane  (alors  sous  la  domination 
d'une  sœur  de  Napoléon,  la  princesse  Elisa),  où  M.  d'Osmond,  cvêque 
non  institué,  avait  affaire  à  un  clergé  très  soumis  aux  prescriptions 
des  récents  brefs  pontificaux,  et  dans  les  territoires  enlevés  au  pape, 
où  tout  l'ancien  gouvernement  ecclésiastique  vivait  dans  un  état  de 
sourde  insurrection,  ne  touchant  pas  les  appointements  offerts  par  la 
nouvelle  autorité,  vivant  de  ressources  dont  l'empereur  était  furieux  de 
ne  pouvoir  découvrir  l'origine,  et  se  refusant  à  prêter  serment  au  «  gou- 
vernement intrus  ».  Les  documents  que  l'on  va  lire,  et  qui  tous 
proviennent  des  archives  du  ministère  de  la  Marine,  font  connaître 
un  important  épisode  de  cette  lutte  des  clergés  romain  et  toscan 
contre  Napoléon. 

De  484^1  à  4844,  un  grand  nombre  de  prêtres  italiens  furent,  par 
l'ordre  direct  de  l'empereur,  transportés  en  Corse  et  à  Caprera,  soit 
pour  avoir  protesté  contre  Pinvasion  des  États  romains,  et  refusé  le 
serment  aux  nouvelles  autorités,  soit  pour  s'être  rangés  du  côté  du 
pape  dans  sa  lutte  contre  les  évêques  non  institués.  M.  d'Hausson- 
ville  dans  son  important  travail,  VÊglise  romaine  et  le  premier 
empire^  a  connu  le  fait  de  cette  déportation;  il  a  retrouvé,  on  le  sait, 
un  grand  nombre  de  lettres  de  l'empereur  (non  insérées  dans  la 
correspondance  de  Napoléon  I*')  parmi  lesquelles  trois,  très  courtes, 


D<PORTATIOIfS  DE  PRÊTRES  SOUS  LE   PREMIER  EMPIRE.  333 

sont  relatives  à  renlëvement  du  clergé  romain,  toscan  et  parmesan  ^ 
Les  recherches  que  j'ai  pu  faire  dans  la  correspondance  du  ministère 
de  ]a  Marine  me  permettent  d'entrer  dans  le  détail  de  ce  curieux 
chapitre  de  la  tyrannie  impériale.  Les  trois  lettres  citées  par 
M.  d'Haussonville  donnaient  à  penser  que  la  déportation  prescrite  par 
Tempereur  avait  dû  frapper  environ  deux  cents  prêtres,  et  n'avait 
sévi  que  de  février  à  mars  4844.  On  va  voir  que  la  proscription 
s'étendit  sur  un  nombre  beaucoup  plus  considérable  d'individus,  et 
qu^elle  ne  subit  aucune  interruption,  depuis  janvier  4844,  jusqu'à 
l'entrée  des  alliés  à  Paris. 

Disons  d'ailleurs  que  pendant  le  consulat  et  l'empire,  la  Corse  ne 
cessa  guère  d'être  un  lieu  de  relégation.  La  marine  fut  successivement 
chargée  d'y  transporter  «  le  nommé  Jean-Baptiste  Ornano,  frère  du 
législateur  de  ce  nom  »,  amené  pour  cela  par  la  gendarmerie,  de 
Lyon  à  Toulon  (an  IX),  puis  «  les  réfugiés  malthais  »,  que  l'on  ne 
semble  pas  avoir  consultés  bien  sérieusement  sur  la  question  de  savoir 
s'il  leur  convenait  d'aller  cultiver  des  concessions  en  Corse  (an  X), 
puis  de  nombreux  noirs  faits  prisonniers  à  Saint-Domingue  et  dans 
d'autres  colonies,  pour  lesquels  des  bagnes  furent  créés  en  Corse  et 
à  Tile  d'Elbe^.  Napoléon,  en  ordonnant  l'internement  des  prêtres 
italiens  dans  différentes  îles  de  la  Méditerranée,  continuait  donc  sim- 

1.  Voici  le  texte  des  trois  pièces  citées  par  M.  d'HaassonvilIe  (tome  III, 
Pièces  justificatives)  : 

L'empereur  au  ministre  des  cuUes. 

3  février  1811. 
M.  le  comte,  donnez  ordre  au  préfet  du  département  du  Taro  de  choisir  les 
SO  prêtres  les  plus  mauvais  qui  sont  à  Parme  et  50  des  plus  mauvais  de  Plai- 
sance... Ces  prêtres  doivent  être  embarqués  pour  la  Corse. 

Idem  à  idem. 

17  février  1811. 

Quant  aux  sieurs  Boni,   Ascensi  et  Toni,  qui  n'ont  pas  prêté  serment, 

dirigez-les  sur  Toulon,  et  là  seulement  vous  leur  ferez  signifier  qu'ils  vont  en 
Corse.  Vous  donnerez  des  ordres  pour  leur  embarquement. 

Idem  à  idem. 

2  mars  1811. 
M.  le  comte,  je  désire  que  100  autres  prêtres  des  plus  mauvais  soient  dirigés 
de  Parme  et  de  Plaisance  sur  la  Spezzia^  et  de  là  embarqués  pour  la  Corse. 
Faites  part  de  ces  mesures  au  ministre  de  la  police  et  envoyez  en  Corse  les  fonds 
nécessaires.  Écrivez  au  général  Morand,  pour  que  tous  ces  prêtres  soient  débar- 
qués à  Bastia  et  réunis  tous  sur  un  seul  point. 

2.  Je  trouve  dans  les  contrôles  de  ces  bagnes,  où  les  détenus,  tous  déportés 
c  administrativement  i  par  les  gouverneurs  des  colonies,  étaient  employés  à  des 
travaux  de  terrassement  sous  les  ordres  du  génie  militaire,  des  noirs  qui  avaient 
été  officiers  supérieurs  dans  les  armées  de  la  République.  J'y  trouve  le  nègre 
Annecy,  ex-membre  du  conseil  des  Anciens,  honoré  en  l'an  VII  des  fonctions  de 
secrétaire  de  cette  assemblée  ;  il  était  accusé  (par  une  lettre  du  général  Leclerc) 
d'avoir  participé  c  par  ses  discours  •  à  l'insurrection  de  Saint-Domingue. 


334  MELANGES  ET  DOCUMENTS. 

plement  à  donner  à  ces  parties  de  son  empire  une  affectation  qu'elles 
avaient  reçue  depuis  longtemps-,  on  s'explique  du  reste  un  pareil 
choix  quand  on  songe  aux  risques  de  guerre  que  les  déportations 
exécutées  dans  des  contrées  plus  lointaines  faisaient  courir  aux 
navires  de  la  marine  impériale  ^ 

Les  premiers  ordres  de  Tempereur  motivèrent  entre  la  police 
générale  et  la  marine  d'abord,  entre  le  ministère  de  la  marine  et  ses 
divers  agents  italiens  ensuite,  un  échange  de  lettres  qu'il  faut  lire. 
Elles  montrent  bien  la  soumission,  l'obéissance  en  quelque  sorte 
militaire  qui  accueillaient,  du  haut  en  bas  de  PécheUe  administrative, 
les  ordres-  les  moins  avouables  du  gouvernement.  Pendant  plus  de 
trois  années,  des  prêtres  sont  arrêtés  par  centaines,  sans  jugement, 
jetés  sur  des  navires,  déportés  uniquement  pour  avoir  laissé  percer 
des  opinions  différentes  de  celles  de  l'empereur  en  matière  de  disci- 
pline ecclésiastique,  ou  tout  au  plus  pour  avoir  reftisé  de  prêter 
serment  aux  autorités  de  l'empire  dans  des  territoires  tout  récemment 
envahis^  une  foule  de  fonctionnaires  militaires  et  civils  sont  appelés 
à  prêter  les  mains  à  cette  exécution  sommaire  qu'aucune  loi  n'auto- 
risait, et  dans  la  volumineuse  correspondance  dont  on  va  lire  le 
résumé  on  ne  trouve  pas  trace  d'un  reftis  de  concours,  pas  trace  de 
Tobservation  la  plus  timide,  pas  trace  d'une  absence  de  zèle;  tant  il 
est  vrai  que  dix  ans  de  despotisme  césarien  avaient  abaissé  les 
caractères. 

Je  ne  serai  ici  qu'un  éditeur  de  documents.  On  comprendra  que  je 
m'en  tienne  à  ce  rôle  :  raconter  ce  qui  va  suivre,  sans  appuyer  mes 
dires  sur  des  textes  authentiques,  serait  m'exposer  au  soupçon 
d'avoir  exagéré  les  faits  si  peu  connus  dont  je  dois  parler;  et  je  ne 
saurais  entourer  ces  textes  des  considérations  générales  et  des 
réflexions  particulières  qu'ils  sont  de  nature  à  suggérer  sans  dépas- 
ser, d'une  façon  notable,  les  proportions  habituelles  d'un  article 
de  revue.  D'ailleurs  le  dossier  que  j'apporte  est  si  compact,  les  pièces 
qui  le  composent  se  lient  si  étroitement  les  unes  aux  autres,  elles 
suivent  si  rigoureusement  l'ordre  chronologique,  que  par  elles-mêmes 
elles  constituent  le  récit  le  plus  clair  et  le  plus  logiquement  conduit-, 
la  narration  parallèle  dont  je  serais  tenté  de  l'accompagner  ne  pour- 
rait qu'en  alourdir  la  marche.  L'historien,  c'est  là  l'important,  trou- 
vera dans  ce  travail  les  moyens  d'ajouter,  à  notre  histoire  générale, 
une  page  intéressante  et  neuve.  Ma  tâche  se  réduit  à  lui  en  offrir  les 
éléments. 


i. 

sait  que  les  deux        i 

|ui             à  transporter  aux  tles  Séchelles 

une 

de        Dro8crits  répuoj 

^  ni^     e  furent  pris  et  coulés  par  les 

Angl 

uehist.,t  ' 

in          r,) 

DEPORTATIONS  DB  PRETEES  SOUS  LE  PRBIIIBR  EMPIEB.  835 

Voici  les  lettres  ministérielles  qui  annoncent  la  nouvelle  dépor- 
tation, et  qui  en  organisent  Fexécution  : 

Le  ministre  de  la  Police  générale  au  ministre  de  la  Marine. 

Cabinet  du  ministre. 

Paris,  4  janvier  1811. 
Monsieur  le  comte,  8a  Majesté  m'ayant  fait  connaître  que  son  inten- 
tion était  d'éloigner  du  continent  les  prêtres  turbulents  et  perturbateurs 
des  départements  de  Rome  et  du  grand-duché  de  Toscane,  et  de  les 
envoyer  en  Corse,  j'ai  invité  8.  A.  I.  M™«  la  grande-duchesse  de  Tos- 
cane et  M.  le  gouverneur  général  des  États  romains  à  les  faire  conduire, 
pour  ce  qui  regarde  la  Toscane,  à  Livourne  ou  à  la  8pezzia,  et  pour  les 
départements  de  Rome,  à  Civita-Vecchia.  Mais  le  service  des  bâtiments 
destinés  au  transport  de  ces  individus  en  Corse  dépendant  du  ministère 
de  V.  £.,  je  la  prie  de  vouloir  bien  donner  des  ordres  pour  qu'il  soit 
organisé,  et  elle  m'obligera  de  m'indiquer  à  quelle  époque  ces  bâtiments 

pourront  être  disponibles. 

Le  duc  DE  RoviGo. 

En  marge,  le  ministre  de  la  Marine  écrit  cette  note  :  «  A  M.  Jurien  : 
voir  les  bâtiments  dont  on  peut  disposer  sur  les  lieux.  » 

Marine  à  Police  générale. 

10  janvier  1811. 

Monsieur  le  duc,  j'ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur 
de  m'écrire  le  4  de  ce  mois,  par  laquelle  V.  E.  me  prévient  que  d'après 
des  ordres  de  l'empereur,  des  prêtres  turbulents  et  perturbateurs  des 
ci-devant  États  romains  et  du  grand-duché  de  Toscane  devant  être  éloi- 
gnés du  continent  seront  conduits  à  la  8pezzia,  â  Livourne  et  à  Civita- 
Vecchia  pour  être  envoyés  en  Corse. 

J'ai  prescrit  aux  commissaires  do  la  marine  dans  chacun  de  ces  trois 
ports  de  se  concerter  immédiatement  avec  les  autorités  auxquelles  ces 
prêtres  seront  remis,  jusqu'au  moment  de  leur  embarquement,  afin 
qu'ils  règlent  les  dispositions  relatives  à  leur  transport  sur  le  nombre  de 
personnes  qui  seront  à  envoyer  en  Corse. 

Il  conviendrait  donc  que  V.  E.  voulût  bien  ordonner  â  ces  fonction- 
naires de  s'entendre  à  cet  égard  avec  les  commissaires  do  la  marine 
auxquels  ils  devront  remettre  des  listes  nominatives  des  individus  à 
transporter  en  Corse,  ainsi  que  les  dépêches  adressées  aux  autorités  de 
cette  île,  sous  la  surveillance  desquelles  ces  prêtres  devront  être  placés. 

Les  bâtiments  qui  pourront  être  destinés  â  ce  transport  seront  choisis 
parmi  ceux  qui  sont  constamment  employés  â  la  protection  de  la  côte 
et  du  cabotage  ;  ainsi  leur  expédition  (en  partant  de  la  Spezzia  ainsi 
que  de  Livourne)  ne  devra  point  éprouver  de  retard,  attendu  que  s'il  ne 
s'en  trouvait  pas  dans  le  port  au  moment  de  la  réception  de  mes  ordres, 
on  y  rappellerait  ceux  qui  seront  jugés  convenables  pour  cette  opération. 

Mais  comme  il  n'existe  à  Civita-Vecchia  que  des  canonnières  ou  de 


336  miSlangbs  et  documents. 

très  petits  avisos,  j'ai  prescrit  au  commandant  et  au  commissaire  de  la 
marine  de  demander  immédiatement  à  Livourne  le  bâtiment  qui  pour- 
rait être  nécessaire,  dans  le  cas  où  ceux  qui  sont  aujourd'hui  à  leur 
disposition  ne  seraient  point  jugés  propres  à  un  tel  service. 

PRÊTRES  A  FAIRE  TRANSPORTER  EN   CORSE. 

Marine  à  MM.  Lebas  de  Sainte -Croix,  commandant  militaire  de  la 
marine,  et  Stamaty,  commissaire  de  marine,  à  Givita-Vecchia. 

Paris,  10  janvier  1811. 
Pour  vous  seuls. 

Je  vous  préviens,  Messieurs,  que  des  prêtres  turbulents  et  perturba- 
teurs des  ci-devant  États  romains  doivent,  d'après  des  ordres  de  l'em- 
pereur, être  éloignés  du  continent  et  envoyés  en  Corse  :  ils  seront  con- 
duits à  Civita-Vecchia  pour  être  transportés  à  leur  destination. 

Vous  devrez  en  conséquence  vous  entendre  avec  les  autorités  mili- 
taires ou  civiles  auxquelles  ces  prêtres  seront  remis,  afin  de  connaître 
le  nombre  de  ceux  au  transport  desquels  vous  aurez  à  faire  pourvoir  et 
de  concerter  les  mesures  convenables  pour  leur  translation  à  bord  du 
bâtiment  sur  lequel  ils  devront  être  embarqués. 

Vous  aurez  soin  de  demander  à  ces  autorités  de  doubles  listes  des 
prêtres  qui  seront  à  transporter  en  Corse  ;  ces  listes,  qui  devront  indi- 
quer les  prénoms,  nom,  âge  et  qualité  de  chaque  personne,  seront 
remises  par  vous  au  commandant  du  bâtiment  qui  en  laissera  une  à 
Tofficier  militaire  ou  civil  auquel  il  remettra  ces  prêtres  lors  de  leur 
débarquement  en  Corse,  et  il  rapportera  l'autre  liste  à  la  suite  de  laquelle 
sera  le  récépissé  de  cet  officier;  vous  m'adresserez  une  copie  de  ces  listes. 

Ces  mêmes  autorités  devront  également  vous  remettre  les  dépêches 
adressées  aux  fonctionnaires  supérieurs  en  Corse,  sous  la  surveillance 
desquels  ces  prêtres  seront  placés,  et  le  capitaine  du  bâtiment  sera  por- 
teur de  ces  dépêches  qu'il  remettra  sur  récépissé  au  chef  militaire  ou 
civil  du  port  où  il  abordera. 

Comme  il  ne  se  trouve  à  Civita-Vecchia  que  des  chaloupes  canon- 
nières ou  de  petits  bâtiments  qui  pourraient  ne  pas  convenir  pour  ces 
transports,  je  vous  autorise  à  faire  la  demande  au  commissaire  de 
marine  chargé  du  service  à  Livourne,  d'un  bâtiment  propre  pour  cette 
opération  ;  vous  lui  en  désignerez  l'espèce,  d'après  les  renseignements 
que  vous  aurez  obtenus  sur  le  nombre  d'individus  au  transport  desquels 
vous  aurez  à  faire  pourvoir.  Je  préviens  à  l'avance  le  commissaire  de 
Livourne  de  la  demande  que  vous  pourrez  avoir  à  lui  adresser  à  cet  égard. 

Dès  que  vous  serez  fixé  sur  le  bâtiment  qui  devra  être  employé  à  ce 
transport,  vous  en  informerez  les  autorités  locales  en  leur  faisant  con- 
naître l'époque  à  laquelle  il  sera  à  votre  disposition  et  vous  m'en  ren- 
drez compte. 

Une  ration  sera  délivrée  par  jour  à  chacun  des  prêtres  passagers  aux- 
quels je  vous  autorise  à  faire  payer  en  outre  une  somme  de  2  fr.  par 


DlfpORTlTIONS  DB   PRÊTRES  SOUS  LB   PRBMÎBR  EMPIRE.  337 

jour  à  compter  de  celui  où  ils  seront  embarqués  jusqu'au  jour  de  leur 
débarquement.  Je  n'ai  pas  besoin  de  vous  observer  que  ces  individus 
ne  devront  être  conduits  à  bord  que  lorsque  le  b&timent  sera  absolument 
prêt  à  mettre  sous  voiles. 

A  moins  que  les  vents  ou  l'ennemi  ne  le  contrarient  dans  sa  route, 
le  commandant  devra  atterrir  sur  la  côte  orientale  et  débarquer  les  pas- 
sagers à  Bastia,  si  toutefois  il  n'est  pas  forcé  de  mouiller  entre  ce  port 
et  le  cap  Corse,  et  aussitôt  qu'il  les  aura  remis  à  la  disposition  des 
autorités  locales,  il  devra  revenir  à  Givita-Vecchia  et  m'adresser  un 
compte-rendu  de  sa  mission. 

Veuillez  apporter,  Messieurs,  la  plus  grande  célérité  dans  les  dispo- 
sitions que  vous  aurez  à  prendre  d'après  celles  contenues  dans  cette 
dépêche,  afin  que  les  ordres  de  S.  M.  n'éprouvent  aucun  retard  dans 
leur  exécution  ;  il  importe  surtout  que  vous  ne  perdiez  pas  un  seul 
moment  dans  la  demande  que  vous  avez  à  faire  d*un  bâtiment  à 
Livourne,  si,  comme  je  le  présume,  vous  n'en  avez  point  de  convenable 
à  votre  disposition  à  Givita-Vecchia. 

Je  vous  renouvelle  au  surplus  la  recommandation  de  me  tenir  exac- 
tement informé  de  tout  ce  que  vous  ferez  relativement  à  ces  transports, 
afin  que  je  sois  en  état  de  rendre  à  S.  M.  des  comptes  prompts  et  exacts 
sur  ces  opérations. 

Marine  à  M.  le  commissaire  principal  de  marine  à  la  Spezzia,  à  M.  le 
commissaire  de  marine  à  Livourne,  à  M.  I^bas  de  Sainte-Groix,  com- 
mandant militaire,  et  à  M.  Stamaty,  commissaire  de  la  marine,  à 

Givita-Vecchia. 

Paris,  le  12  janvier  1811. 

Je  confirme,  Messieurs,  les  ordres  que  je  vous  ai  adressés  le  10  de  ce 
mois  sur  les  dispositions  que  vous  avez  à  prendre  pour  faire  transporter 
en  Corse  des  prêtres  turbulents  et  perturbateurs  que  l'intention  de  S.  M. 
est  d'éloigner  du  continent. 

J'ajoute  à  ces  premiers  ordres  que  des  conscrits  réfractaires  pourront 
aussi  être  mis  à  vos  dispositions  pour  être  également  envoyés  en  Corse, 
et  8.  M.  veut  qu'aussitôt  que  les  autorités  militaires  ou  civiles  auront 
réuni  un  nombre  suffisant,  soit  de  prêtres,  soit  de  conscrits,  à  trans- 
porter en  Corse  pour  composer  l'expédition  d'un  bâtiment  (aviso,  brick, 
ou  autre  petit  bâtiment),  vous  fassiez  embarquer  aussitôt  les  [lassagers 
et  que  vous  fassiez  partir  le  bâtiment  pour  sa  destination  sans  attendre 
de  nouveaux  ordres. 

En  marge  de  la  minute  de  cette  lettre  je  trouve  ces  mots  :  «  Ordre 
de  l'empereur  du  11  janvier  1811.  » 

A  marine. 

La  Spezzia,  le  ...  janvier  1811. 
Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  d'accuser  réception  à  V.  £.  de  ses  deux  dépêches 
Hev.  IIistor.  XL  '2«  fasc.  tl 


338  MlÎLiNGES  ET  DOCUMENTS. 

secrettes,  et  par  l'estafette,  en  date  des  10  et  12  de  ce  mois,  concernant 
le  transport  à  effectuer  en  CSorse  de  prêtres  turbulents  et  perturbateurs 
des  ci-devant  États  romains  et  du  grand-duché  de  Toscane,  ainsi  que 
de  conscrits  réfractaires  qui  doivent  être  remis  ici  aux  autorités  mili- 
taires et  civiles;  l'une  m'est  parvenue  le  18  au  soir  et  Tautre  seulement 
ce  matin. 

Ces  autorités  avec  lesquelles  V.  E.  m'a  ordonné  de  m'entendre  à  ce 
sujet,  n'ont  encore  aujourd'hui  aucune  connaissance  du  nombre  à 
embarquer,  ni  même  le  moindre  avis  de  cette  expédition  ;  néanmoins 
j'ai  prescrit  toutes  mesures  préparatoires  possibles  dans  la  circonstance 
pour  que  les  bâtiments  de  l'État,  dont  ce  port  peut  disposer,  soyent 
prêts  à  recevoir  ces  passagers  dès  qu'il  y  en  aura  un  nombre  suffisant 
pour  l'un  d'eux  au  moins,  et  qu'il  mette  aussitôt  à  la  voile  pour  sa  des- 
tination. 

J'aurai  l'honneur  de  rendre  compte  à  V.  £.  des  résultats  au  fur  et  à 

mesure  qu'il  y  aura  lieu. 

Le  commissaire  principal, 

Pernetti. 
  marine. 

Livoume,  le  19  janvier  1811. 
Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  d'accuser  réception  à  V.  E.  de  ses  dépêches  secrètes 
du  10  du  courant. 

....  Je  ne  peux  disposer  pour  le  moment  que  des  bâtiments  ci-après 
(suit  rénumération  de  ces  navires). 

Un  de  ces  bâtiments  sera  envoyé  à  Givita-Vecchia  aussitôt  que 
MM.  Lebas  Sainte-Croix  et  Stamaty  m'en  auront  fait  la  demande.... 

Je  me  conformerai,  au  surplus,  à  toutes  les  dispositions  prescrites 
par  ces  dépêches,  et  j'aurai  l'honneur  de  rendre  compte  à  V.  E.  des 
expéditions  qui  seront  faites  de  Livoume. 

Le  commissaire-chef  maritime, 

Bérard. 
A  marine. 

Livourne,  le  26  janvier  1811. 
Monseigneur, 

MM.  Lebas  Sainte-Croix  et  Stamaty  venant  de  me  faire  la  demande 
de  la  goélette  l'Éclair,  j'ai  l'honneur  de  rendre  compte  à  V.  E.,  confor- 
mément à  sa  dépêche  du  10  courant,  que  je  donne  aujourd'hui  l'ordre  à 
M.  Marquis,  commandant  cette  goélette,  de  faire  voile  pour  Civita- 
Yecchia,  où  il  sera  à  la  disposition  de  MM.  Sainte-Croix  et  Stamaty. 

D'après  une  lettre  que  j'ai  reçue  par  le  courrier  de  ce  jour,  cette  goé- 
lette se  trouvait  le  15  à  San-Stefano. 

J'adresse,  à  l'administrateur  de  la  marine  de  ce  quartier,  l'ordre  pour 

M.  Marquis  et  j'en  envoyé  une  expédition  à  l'île  d'Elbe,  parce  qu'il  est 

possible  que  depuis  il  se  soit  rendu  à  Porto-Ferrajo. 

Bérard. 


DEPORTATIONS  DE  PRÊTRES  SOUS  LE   PREMIER  EMPIRE.  339 

Marine  à  Lohas  Sainle-Croix  et  Stamaty. 

4  février  1811. 

....  Vous  avez  vu  par  mes  dépôches  des  10,  12,  30  ot  31  janvier  der- 
nier, qui  toutes  sont  relatives  au  transport  en  Corse  de  prôtres  et  de 
conscrits  réfractaires,  que  des  dépenses  do  cette  nature  vont  avoir  lieu 
à  Civita-Vecchia. 

Vous  voudrez  bien  m'en  adresser  l'état  au  l»  juillet  prochain  pour 
le  [•'  semestre  de  la  présente  année  1811,  et  successivement  de  six  mois 
en  six  mois. 

Cet  état  devra  être  divisé  en  deux  parties  :  la  première  comprendra 
les  dépenses  pour  affrètement  de  navires  du  commerce,  et  la  seconde, 
les  dépenses  pour  rations  fournies  sur  des  bâtiments  de  S.  M.  à  des 
passagers  étrangers  à  la  marine. 

Je  crois  n'avoir  pas  besoin  de  vous  observer  que  Tenvoi  périodique  et 
régulier  des  états  dont  il  s'agit  ne  doit  pas  vous  dispenser  de  me  rendre 
successivement  compte  des  transports  de  conscrits  et  de  prêtres  réfrac- 
taires effectués  en  Corse,  et  je  me  réfère  à  cet  égard  à  mes  dépêches 
déjà  citées  des  10,  12,  30  et  31  du  mois  dernier. 

Personnes  à  transporter  de  Gênes  et  de  la  Spezzia  en  Corse. 

Marine  à  police. 

4  février  1811. 

J'ai  oublié,  mon  cher  collègue,  de  vous  prévenir  qu'il  sera  convenable 
que  vous  pourvoyez  (sic)  à  ce  qu'il  soit  embarqué  des  couvertures  et  des 
matclats  pour  vos  50  voyageurs  et  qu'on  leur  fasse  aussi  embarquer 
quelques  vivres  frais,  attendu  que  quelques  mesures  (jue  je  prenne,  je 
ne  pourrais  leur  procurer  que  la  ration  de  mer  sur  d^aussi  petits  bâti- 
ments. 

Bureau  particulier  du  ministre. 

A  marine. 

Gênes,  le  11  février  1811. 
Monseigneur, 

J'ai  rer.u  la  dépôclie  secrète  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'adrcs- 
ser  le  4  de  ce  mois  ;  voici  les  dispositions  que  j'ai  faites  pour  assurer 
l'exécution  des  ordres  qui  en  font  l'objet. 

L'Adomx  et  le  Janus  étaient  prêts  à  mettre  mer  pour  transporter  des 
conscrits  en  Corse.  J'avais  affrété  un  navire  particulier  qui  en  aurait 
pris  140  et  (jui  aurait  mis  à  la  voile  sous  l'escorte  des  deux  bricks.  J'ai 
annulé  l'alTrètement  de  ce  navire,  qui  n'avait  fait  aucune  dépense,  et 
j'ai  changé  la  destination  des  deux  bricks. 

Le  Janus  va  se  rendre  à  la  Spezzia  ;  il  sera,  ainsi  que  le  brick  la 
Ligurie  et  la  mouche,  employé  au  transport  des  passagers  qui  doivent 
être  dirigés  sur  ce  port. 

Je  réserve  ici  l'Adonis.  Le  Renard  ne  doit  pas  tanler  à  rentrer.  Ils 


S4D  viLA5GBS  ET  DOCUMENTS. 

seront  l'un  et  Tautre  employés  au  transport  des  passagers  qui  doivent 
être  dirigés  sur  Gènes.  M.  le  préfet  et  M.  le  commissaire  général  de 
police  ne  sont  pas  encore  fixés  sur  Tépoque  de  l'arrivée. 

V.  E.  peut  être  assurée  que  je  me  conformerai  exactement  à  ses  ins- 
tructions et  qu'on  aura  pour  les  passagers  tous  les  égards  que  comporte 

leur  situation. 

Le  commissaire  principal^ 

FONTAINB. 

SecretU. 

A  marine. 

La  Spezzia,  le  i5  février  1811. 
Monseigneur, 

Dès  la  réception  de  la  dépêche  dont  V.  E.  m'a  honoré  le  4  de  ce  mois 
au  sujet  des  50  passagers  à  embarquer  ici  pour  la  Corse  à  leur  arrivée, 
j'ai  prévenu,  ainsi  qu'il  m'était  ordonné,  M.  le  commissaire  général  de 
police  à  Gènes,  des  mesures  préparatoires  qu'il  convenait  qu'il  voulût 
bien  prendre,  et  me  suis  concerté,  pour  le  bâtiment  surtout,  avec  M.  le 
commissaire  principal  de  ce  chef-lieu,  de  qui  j'apprends  que  M.  Joly 
Clerc  se  rend  lui-même  à  la  Spezzia  pour  y  recevoir  et  me  remettre  ces 
passagers. 

Je  prie  V.  E.  d'être  bien  persuadée  d'avance  que  je  m'entendrai  avec 
cette  autorité  pour  le  succès  de  sa  mission  et  que  j'exécuterai  et  ferai 
exécuter  d'ailleurs,  par  tous  les  moyens,  toutes  autres  dispositions  y 
relatives  qui  peuvent  dépendre  plus  particulièrement  du  service  que 
vous  m'avez  confié. 

Les  mêmes  50  passagers,  sans  doute,  viennent  de  m 'être  annoncés 
directement  par  une  dépêche  du  5  de  S.  E.  M.  le  ministre  des  Cultes. 

J'aurai  l'honneur  de  rendre  compte  à  V.   E.,  dans  le  temps,  des 

résultats. 

Pernbtti. 

Ainsi,  toutes  les  mesures  sont  prises  pour  assurer  Texécution  des 
ordres  de  l'empereur.  Les  prêtres  amenés,  soit  à  Livourne,  soit  à  la 
Spezzia,  soit  à  Civita-Veochia,  vont  être  envoyés  au  lieu  de  leur  relè* 
gation.  La  lecture  des  nombreux  documents  qui  constatent  les  départs 
successifs  de  ces  bannis  serait  fisistidieuse.  Je  prendrai  dans  cette 
correspondance  de  quatre  années  tout  ce  qui  peut  servir  à  indiquer 
la  nature  des  moyens  employés,  tout  ce  qui  peut  aider  à  évaluer  [k 
peu  près  exactement)  le  nombre  des  personnes  frappées;  enfînj  em- 
prunterai à  ces  lettres  les  très  rares  incidents  qu'elles  relatent  de 
loin  en  loin.  Pour  le  reste,  une  simple  analyse  sufQra.  Quant  à 
demander  à  ces  dossiers  autre  chose  que  des  Mis,  des  chiffres  et  des 
dates,  il  n'y  ikut  pas  songer.  Ils  ont  la  sécheresse  administrative  que 


DiSP0RTATI0!I8  DE  PEÊTEBS  SO0S  LE  PRSMIBR  EMPIRE.  341 

• 

l'on  doit  nécessairement  attendre  d'une  série  de  procès-verbaux 
émanés  d'agents  secondaires  et  irresponsables.  Ce  qui  leur  donne  de 
l'intérêt,  c'est  qu'ils  fixent  avec  précision  les  contours  d'un  événement 
que  l'on  ne  connaissait  jusqu'à  présent  que  par  les  brèves  énonciations 
contenues  en  dix  lignes  de  la  correspondance  inédite  de  Napoléon. 
La  déportation  corse  entre  désormais  dans  Tbistoire  générale  de 
l'empire,  avec  l'aspect  d'illégalité  flagrante  et  d'inqualifiable  bruta- 
lité qui  est  le  caractère  constant  de  la  conduite  tenue  par  le  gouver- 
nement impérial  envers  les  membres  des  divers  partis  opposants 
qu'il  a  successivement  frappés. 
Mais  lisons  les  pièces  : 

A  marine. 

Livoume,  le  9  février  1811. 
....  M.  le  commissaire  général  de  police  m'a  prévenu  que  des  prêtres 
appelés  Minucci  et  BastiancUi  sont  arrivés  et  qu'il  m*en  sera  fait  remise 
lorsque  d'autres  prêtres  qu'il  attend  de  Florence  et  de  Rome  seront  éga- 
lement ici.  La  goélette  la  Levrette  est  prête  à  les  recevoir. 

Bérard. 

Idem  à  idem. 

17  février  1811. 

...  Le  brick  le  Renard  expédié  de  Gènes  pour  porter  à  BastiaTO  cons- 
crits, ayant  relâché  ici,  j'ai  profité  de  cette  occasion  pour  faire  embar- 
quer les  trois  prêtres  Minucci,  Bastianelli  et  Pacini,  qui  m'ont  été 
remis  par  M.  le  commissaire  général  de  police  et  dont  la  liste  est  ci- 
jointe. 

Ce  brick,  parti  aujourd'hui  avec  un  vent  favorable,  devant  repasser 
à  Livourne,  M.  Daudin,  qui  le  commande,  rendra  compte  de  sa  mission 
à  V.  E.  aussitôt  qu'il  sera  de  retour,  d'après  les  instructions  qui  lui  ont 
été  données  conformément  à  votre  dépêche  du  10  janvier. 

Bérard  envoie   le  rapport  du   capitaine  du  Renard,   Voici  ce 

document  : 

A  bord  du  brick  de  S.  M.  le  Renard,  en  rade 
de  Livourne,  le  20  février  1811. 

Rapport  à  S.  E.  Mgr  le  ministre  de  la  Marine  sur  la  translation  en 

Corse  de  prêtres  turbulents. 

Monseigneur, 

J  avais  appareillé  de  Gênes  le  5  du  courant  afin  de  chasser  pour  la 
deuxième  fuis  depuis  quinze  jours  un  brick  ennemi  qui  avait  paru  près 
de  la  Spezzia,  et  j'avais  embarqué  en  même  temps  un  détachement  de 
70  conscrits  réfractaircs  destinés  pour  la  Corse.  Après  avoir  croisé  pen- 
dant cinq  jours  sans  rien  rencontrer,  je  fus  contraint  par  les  vents  de 


342 


MELANGES  ET    DOCUMENTS. 


S.  0.  de  mouiller  à  Livourne,  où  je  reçus  de  M.  le  chef  militaire  l'ordre 
de  transporter  en  Corse  les  trois  prêtres  dont  les  noms  sont  portés  sur 
la  liste  ci-jointe.  Les  vents  contraires  ayant  retardé  mon  départ,  je  ne 
pus  recevoir  ces  individus  à  bord  que  le  17,  à  2  heures  après  midi,  et 
le  lendemain,  à  la  pointe  du  jour,  je  les  avais  débarqués  à  Bastia  et 
remis  à  la  disposition  de  M.  le  préfet  du  département  du  Golo.  Je  ne 
me  suis  point  arrêté  à  Bastia,  et  ayant  prolongé  ma  bordée  jusque  sous 
Pile  Januti  et  le  mont  Argental,  point  de  croisière  ordinaire  des  cor- 
saires ennemis,  je  suis  revenu  mouiller  aujourd'hui  sur  la  rade  de 
Livourne,  en  passant  par  le  canal  de  Piombino,  sans  rien  rencontrer.  Je 
continue  ma  route  pour  Gênes,  où  je  dois  prendre  de  nouveaux  déta- 
chements de  conscrits  réfractaires  également  destinés  pour  la  Corse. 

Gh.  Baudin  des  Ardennes. 

Commissariat  général  de  police  ^ 

Livourne,  le  15  février  1811. 
État  nominatif  des  ecclésiastiques  mis  à  la  disposition  de  M.  le  commis- 
saire-chef maritime  pour  être  transportés  à  l'île  de  Corse  par  ordre 
supérieur. 


Noms. 

Prénoms. 

Aqe 

30 

48 

34 

Qualités. 

Lieu 
naissance. 

X  de 
domicile. 

MiNUCGI 

Ferdinand 

chanoine 

Florence 

Florence 

Bastianelli 

Jean-Baptiste 

curé  à  Regollo 

et  secrétaire 

du  comité 

de  vaccine 

Regello 

Regello 
(Arno) 

Pagiw 

Augustin 

ex-religieux  de 
l'ordre  de  S»- 
Augustineten 

dernier  lieu 
curé  de  l'église 
deS*-Augustin 

Pistoja 

Arrezo 
(Arno) 

Certifié  par  le  soussigné,  auditeur  au  Conseil  d'État,  commissaire 

général  de  police  à  Livourne. 

Signé  :  Delamalle. 

Pour  copie  conforme,  le  commissaire  chef  maritime, 

Bérard. 

Nota.  —  Ces  prêtres  ont  été  embarqués  le  17  février  sur  le  brick  le 
Renard,  qui  a  mis  à  la  voile  le  même  jour  pour  Bastia. 

(Le  22  février,  le  Renard  était  de  retour  à  Grênes.) 

1.  Un  mot  sur  les  quelques  listes  de  déportés  qui  vont  suivre-  J'ai  fait  le 
possible  pour  en  prendre  des  copies  correctes;  il  faut  cependant  noter  que  j'ai 


DEPORTATIONS  D£  PEèTRBS  SOUS  LB  PREMIEl  EMPIRE.  343 

Gènes  à  Marine. 

22  février  1811. 

....  Le  brick  l'Adonis  a  mis  ce  matin  à  la  voile  ayant  à  son  bord 
25  des  passagers  *  annoncés  par  votre  dépêche  du  4  de  ce  mois.  19  d'entre 
eux  sont  arrivés  ici  avant-hier  au  soir.  Le  surplus  fait  partie  d'un 
second  convoi  de  12,  arrivé  hier  au  soir.  Il  en  reste  ici  6  qui  partiront 
avec  ceux  composant  un  troisième  convoi  que  l'on  attend.  Ces  25  der- 
niers embarqueront  sur  le  Renard  aussitôt  après  son  retour  à  Gènes.  Ce 
brick,  contrarié  par  les  vents,  a  été  obligé  de  relâcher  à  Livoume,  d'où 
il  est  sorti  le  17,  ayant  pris  à  son  bord  3  passagers  de  môme  espèce 
que  lui  a  donnés  M.  Bérard. 

J'ai  tout  lieu  d'espérer,  à  raison  de  l'activité  du  capitaine  Baudin, 
que  ce  brick  ne  tardera  pas  à  faire  son  retour  à  Gènes,  et  que,  par  con- 
séquent, ceux  des  passagers  qui  restent  à  embarquer  ne  seront  pas 
retardés  ici. 

Quoi  qu'il  en  soit,  si  ce  retard  avait  lieu,  il  n'aurait  pas  dépendu  de 
moi  de  l'empêcher,  puisque  je  n'ai  aucun  bâtiment  qui  puisse  en  ce 
moment  8er\'ir  à  leur  transport. 

J'aurais  pu  en  affréter  un  ;  mais,  indépendamment  de  ce  qu'un  bâti- 
ment de  commerce  n'offrirait  pas  la  sûreté  désirable,  il  aurait  fallu  y 
placer  un  détachement  de  troupes  et  le  faire  escorter  par  un  bâtiment 
armé,  c'est-à-dire  par  V Adonis^  le  seul  que  j'eusse  à  ma  disposition. 
Comme  la  totalité  des  50  passagers  n'est  pas  arrivée  et  qu'on  n'est  pas 
mémo  encore  fixé  sur  l'époque  à  laquelle  arriveront  les  19  qui  se  trouvent 
en  arrière,  le  départ  de  l'Adonis  eût  été  nécessairement  plus  ou  moins 
retardé,  ce  que  j'ai  cru  devoir  éviter. 

....  J'attends  la  gabarre  l'Expéditive,.,.  Je  ne  lui  donnerai  la  môme 
mission  qu'à  l'Adonis  que  dans  le  cas  où  quelque  événement  me  prive- 
rait de  la  ressource  du  Renard^ 

Le  commissaire  principal, 

Fontaine. 

P.  S.  Au  moment  où  je  ferme  cette  lettre,  le  brick  le  Renard  entre 
dans  le  port. 

eu  parfois  affaire  à  des  écritures  difficilement  déchiffrables;  beaucoup  de 
noms  de  lieux  sont  évidemment  défigurés;  de  plus,  la  plupart  des  person- 
nages étrangers  portés  sur  les  listes  sont  profondément  obscurs,  et  je  n'ai  pu 
contrôler  par  d'autres  documents  la  véritable  orthographe  de  quelques  noms 
propres.  Cette  observation  porte  particulièrement  sur  la  lettre  initiale  de  ces 
noms.  Les  érudits  italiens  qui  suivent  la  Revue  historique  n'auront  sans 
doute  aucune  peine  à  rétablir  les  incorrections  qui  ont  pu  m'échapper;  j'accueil- 
lerai leurs  errata  avec  reconnaissance;  ils  me  seront  précieux  à  utiliser  pour  le 
travail  d'ensemble  que  je  prépare  sur  les  déportations  de  la  Révolution,  du 
Consulat  et  de  l'Empire. 
1 .  Je  n'ai  pas  trouvé  la  liste  de  ces  déportés.  ' 


344  M^UNCfiS   ET   DOCUMENTS. 

Secrette. 

La  Spezzia  à  Marine,  23  février  1811. 

J'ai  l'honneur  de  rendre  compte  à  V.  E.,  ainsi  qu'elle  me  Ta  prescrit 
par  ses  dépêches  des  10,  14  janvier  et  4  février  courant,  que  48  prêtres 
seulement,  au  lieu  de  50  annoncés  et  arrivés  successivement  par  convois 
de  15  et  18,  les  19,  20  et  22  de  ce  mois,  à  la  Spezzia,  transférés  de  suite 
au  lazareth  de  Yarignano,  de  concert  avec  M.  Joliclerc,  commissaire 
général  de  police  ici  présent,  venu  exprès  pour  les  recevoir  et  me  les 
remettre,  m*ont  été  effectivement  remis  ce  jour  par  cette  autorité.  Ils 
ont  été  embarqués  en  nombre  égal  sur  les  bricks  de  S.  M.  le  Janus, 
commandé  par  M.  le  lieutenant  de  vaisseau  Sivori,  et  la  Ligurie,  com- 
mandée par  l'enseigne  de  vaisseau  Serra,  qui  ont  mis  à  la  voile  en 
notre  présence,  ce  matin  à  11  heures,  par  un  bon  vent  de  N.  E.,  accom- 
pagnés de  la  mouche  n*  22,  chargée  des  malles  des  passagers  qui  n'ont 
pu  être  reçues  à  bord  des  bricks. 

V.  E.  trouvera  ci-joint  une  liste  des  passagers  mis  à  bord  de  chacun 
de  ces  deux  bricks,  présentant  tous  les  renseignements  demandés  et 
signée  de  M.  Joliclerc. 

J'ai  donné  aux  capitaines  des  instructions  particulières  et  secrettes  à 
ouvrir  en  mer,  sur  la  destination  et  l'objet  de  leur  mission,  et  leur  ai 
transmis  les  recommandations  d'avoir  pour  leurs  passagers  des  égards 
et  de  bons  procédés  et  de  défendre  toute  communication  avec  les  équi- 
pages. 

En  adressant  à  V.  E.  le  compte  que  ces  bâtiments  rendront  de  leur 
mission  à  leur  retour,  j'aurai  l'honneur  de  lui  faire  passer  la  liste  qu'ils 
auront  rapportée  avec  le  récépissé  des  autorités  en  Corse,  ainsi  que 
celui  détaillé  des  papiers  et  dépêches  qui  leur  ont  été  confiés. 

Quoique  ces  personnes  soient  arrivées  un  peu  plus  tôt  et  d'une  manière 
différente  qu'elles  n'avaient  été  annoncées  ou  que  le  présumait  M.  le 
commissaire  général  de  police,  tout  s'est  passé  dans  le  plus  grand  ordre 
et  la  plus  grande  tranquillité,  ainsi  que  M.  Joliclerc  le  fait  sans  doute 
connaître  à  8.  E.  le  ministre  de  la  Police  générale. 

Ce  commissaire  général  n'ayant  pu  se  procurer  que  20  matelats  et 
aucuns  vivres  frais,  j'ai  l'honneur  d'informer  V.  E.  que  j'ai  cru  devoir 
prescrire  aux  capitaines  de  se  charger  de  la  nourriture  de  ces  passagers 
dès  leur  arrivée,  en  leur  accordant  les  2  francs  et  la  ration  par  jour, 
conformément  à  lun  des  paragraphes  de  la  dépêche  du  10  janvier,  et 
faire  prêter  des  magasins  de  la  marine  le  surplus  des  effets  nécessaires 
pour  la  traversée  ;  à  charge  par  le  ministère  de  la  police  de  rembourser 
les  avances  faites  pour  la  nourriture  et  de  payer  les  dégradations  d'effets, 
s'il  y  a  lieu,  sur  les  états  qui  en  seront  formés  dans  le  temps  et  certifiés 
par  qui  de  droit. 

Pernetti. 


DjfPORTATIOIfS  DE  PRÂTRBS  SOUS  LE   PREMIER  EMPIRE. 


343 


Le  Janus. 

État  nominatif  de  24  prisonniers  d'État,  remis,  d'ordre  de  8.  E.  le  duc 
de  Rovigo,  ministre  de  la  police,  par  moi  soussigné,  commissaire  géné- 
ral de  police  de  Gènes,  à  M.  Pernetti,  commissaire  principal  de  marine 
à  la  Spezzia,  et  par  lui  au  s^  Sivori,  commandant  le  brick  de  S.  M. 
I.  et  R.  le  Janus  ;  lesdits  prisonniers  devant  ôtre  embarqués  sur  ce  bâti- 
ment et  conduits  au  lieu  qui  sera  désigné  dans  une  dépêche  cachetée 
et  jointe  au  présent,  laquelle  ne  sera  ouverte  par  M.  le  commandant 
Sivori  qu'en  mer  et  à  5  lieues  à  l'est  de  Tile  Palmaria. 


Noms,  Prénoms. 


MiGHELiNi  (Jacquin) 
Urbani  (Vincent) 
MicHELi  (Sauveur) 
Ermini  (Joseph) 
GiORoi  (Pierre) 
PiTORRi  (Franc. -Marie) 
MisTicHELLi  (André) 
ToRTOLiNi  (François) 
Brooi  (Antoine) 
CiPRiANi  (François) 
PiNi  (Dominique) 
Du  A  (Christophe) 
TiRATERRA  (François) 
Urbani  (Louis) 
Parca  (Pancrace) 
Ranucci  (Félix) 
Anouillara  (Bernardin) 
Terbuzi  (Marc) 
Negretti  (Charles) 
MoRiANi  (Joseph) 
Spaonoli  (Anastase) 
Felli  (Fabria) 
Drizi  (Joseph) 
RiscALDATi  (Dominique) 


Aqe. 

50 
47 
43 
47 
41 
41 
41 
43 
42 
38 
33 
35 
44 
43 
46 
34 
39 
48 
50 
45 
44 
44 
44 
48 


Lieu  de  naissance. 


Qualités. 


Rome  (Tibre) 
Soriano  (id.) 
Roccadipapa  (Trasimène) 
CoUe-Piccolo  (Tibre) 
Rome  (id.) 
Id.  (id.) 
Id.  (id.) 
Id.  (id.) 
Id.  (id.) 

Norcia  (Trasimène) 
Rome  (Tibre) 
Solero  (Marengo) 
Vallerano  (Tibre) 
Soriano  (id.) 
Tigliano  (Trasimène)  < 
Soriano  (Tibre) 
Canipina  (id.) 
Terre  de  Serrono  (id.) 
Ce  va  (Stura) 
Cauterano  (Tibre) 
Puganigo  (Tibre) 
Ricetto  (id.) 
Ficulle  (Trasimène) 
Sucano  (id.) 


cure 

chanoine-curé 

curé 

id. 

id. 

chanoine 

id. 

curé 

id. 

id. 

id. 

id. 

id. 

chanoine 

curé 

id. 

chanoine 

curé 

id. 

id. 

id. 

id. 

id. 

id. 


Le  présent  état  nominatif  fait  quadruple  et  clos  à  la  Spezzia  le 
23  février  1811. 

Le  commissaire  général  de  police  de  Gènes, 

JOUCLERC. 


1.  Peai-étre  Sigliano. 


346 


MELANGES  ET  DOCUMEIITS. 


N.  B.  —  On  joint  à  cet  état  une  lettre  adressée  à  Tautorité  à  laquelle 
les  prisonniers  susnommés  doivent  être  consignés. 

JOLIGLERC. 

Vu  par  le  commissaire  principal  de  marine,  au  Varignano,  golfe  de 

la  Spezzia,  le  23  février  1811. 

Peilnetti. 

La  Ligurie, 

État  nominatif  de  24  prisonniers  d'État,  remis  d*ordre  de  8.  E.  le  duc 
de  Rovigo,  ministre  de  la  police,  par  moi  soussigné,  commissaire 
général  de  police  de  Gènes,  à  M.  Pernetti,  commissaire  principal  de 
marine  à  la  Spezzia,  et  par  lui  au  s'  Serra,  commandant  le  brick  de 
8.  M.  I.  et  R.  /a  Ligurie  ;  lesdits  prisonniers  devant  être  embarqués 
sur  ce  bâtiment  et  conduits  au  lieu  qui  sera  désigné  dans  une  dépêche 
cachetée  et  jointe  au  présent,  laquelle  no  sera  ouverte  par  M.  le  com- 
mandant Serra  qu'en  mer  et  à  5  lieues  à  Test  de  Pile  Palmaria. 


Noms  et  Prénoms. 

Aqe. 
46 

Lieu  de  naissance. 

Qualité 
ET  Profession. 

Delsole  (Onufre-Marie) 

Rome  (Tibre) 

curé 

Valleriani  (Ferdinand) 

38 

Piensano  (id.) 

archiprêtre-curé 

Boni  (Louis-Marie) 

49 

Segni  (id.) 

curé 

Fiorelli  (Grégoire) 

47 

Sellano  (Trasimène) 

id. 

Onelli  (Prosper) 

36 

Calcade  (Tibre) 

chanoine 

Rabu  (Joseph) 

52 

Rome  (id.) 

curé 

Calmet  (Michel-Ange) 

39 

Pianiano  (id.) 

archiprêtre-curé 

Gasconi  (Louis) 

55 

Rome  (id.) 

curé 

Basilici  (Anselme) 

42 

Oanemorto  (id.) 

id. 

Landuzzi  (Thomas) 

39 

Rome  (id.) 

id. 

Pezzi  (Thomas) 

55 

Albano  (id.) 

chanoine 

Loberti  (Jean-Baptiste) 

45 

Id.  (id.) 

id. 

Austini  (Vincent) 

48 

Ganino  (id.) 

id. 

ViTALi  (Charles) 

24 

Aquapendente    (  Trasi- 
mène) 

curé 

De  Anqelis  (Philippe) 

53 

Ricetto  (Tibre) 

id. 

Sebastiani  (Isidore) 

36 

Azzano  (Trasimène) 

id. 

Gecghi  (Charles) 

51 

Rome  (Tibre) 

id. 

PiLom  (Pascal) 

39 

Patrica  (id.) 

id. 

Battisti  (Marc- Antoine) 

34 

Roiate  (id.) 

id. 

Cicci  (Paul) 

57 

Rome  (id.) 

id. 

Fratelli  (Dominique) 

43 

Gotte-Baccaro  (Tibre) 

id. 

Fazzini  (Bernard) 

53 

Rome  (id.) 

id. 

Graziosi  (Arcange) 

41 

Valle-Pietra  (id.) 

id. 

Testa  rPaul) 

41 

Ricetto  (id.) 

id. 

DÉPORTITIOXS  DE  PRÊTRES  SOUS  LE  PREMIER  EMPIRE.      347 

Le  présent  état 'nominatif  fait  quadruple  et  clos  à  la  Spczzia,  le 

23  février  1811. 

Le  commissaire  général  do  police  de  Gènes, 

JOLICLBRC. 

N.  B.  —  On  joint  à  cet  état  une  lettre  adressée  à  Tautorité  à  laquelle 
les  prisonniers  susnommés  doivent  être  consignés. 

JOLICLERC. 

Vu  par  le  commissaire  principal  de  marine. 
Golfe  de  la  Spczzia,  au  Varignano,  le  28  février  1811. 

Pernetti. 
Marine  à  police  générale  (à  Son  Excellence  elle-même),  8  mars  1811. 

Le  ministre  fait  part  à  son  collègue  des  envois  de  prêtres  en 
Corse,  effectués  pendant  le  mois  de  février  : 

La  Bpezzia  à  marine. 

10  mars  1811. 

Cinq  jours  après  le  départ  de  ce  port  de  M.  le  commissaire  général 
de  police  de  Gc^nos  et  celui  des  bâtiments  chargés  de  transporter  en 
Corse  les  48  prêtres  dont  j'ai  eu  Thonneur  d'adresser  la  liste  à  V.  E.  le 
23  février,  deux  autres  sont  encore  arrivés  ici  sans  y  être  attendus, 
quoique  complétant  les  50  qui  m'avaient  été  annoncés.  Ils  ont  été  jus- 
qu'aujourd'hui à  la  charge  de  M.  le  maire  de  la  ville  qui  m'en  a  fait  la 
remise  ce  matin  pour  être  embarqués  sur  la  gal>arre  l'Expéditive,  ayant 
même  destination  et  passant  devant  ce  port.  Cette  opération  a  eu  lieu, 
ce  bâtiment  étant  sous  voile,  ainsi  que  j'en  étais  convenu  avec  M.  Fontaine. 

V.  E.  trouvera  ci-jointe  la  liste  de  ces  2  prêtres. 

Etat  nominatif  de  2  prisonniers  remis  d'ordre  de  S.  E.  le  duc  de  Hovigo, 
ministre  de  la  police,  par  moi  soussigné,  commissaire  général  de 
police  de  Gênes,  à  M.  Pernetti,  commissaire  principal  de  marine  à  la 
Spozzia.  Lesdits  prisonniers  devant  être  embarqués  et  conduits  le 
plus  tôt  possible  au  lieu  qui  sera  désigné  dans  une  dépèche  cachetée 
ot  jointe  au  présent,  laquelle  ne  sera  ouverte  par  le  commandant  du 
navire  qu'en  mer  et  à  5  lieues  au  8.  E.  de  l'ile  Palmaria. 


Noms,  Prénoms. 

AOB. 

Lieux  de  naissance 

Profession. 

Testa  (Félix) 
Testa  (Joseph) 

10  mai  1782 
octobre  1742 

Ricetto  (Rome) 
Id.        (id.) 

curé  de  Ricelto 
cure  de  Rigatti 

Le  présent  état  nominatif  fait  quadruple  et  clos  à  Gênes  le  4  mars  1811. 

Le  commissaire  général  de  police, 

JOUCLERC. 

On  joint  à  cet  état  et  dans  le  pli  que  le  commandant  du  navire  de 
trans[)ort  ne  doit  ouvrir  qu'en  mer,  une  lettre  adressée  à  l'autorité  à 
la({uelle  les  prisonniers  susnommés  doivent  être  consignes. 

JOLICLERG. 


348  MELANGES  ET  DOCUMENTS. 

Reçu  les  passagers  ci-dessus  dénommés  pour  être  embarqués  sur  la 

gabarre  de  S.  M.  VExpéditive^  à  la  voile  devant  le  golfe. 

La  Spezzia,  le  10  mars  1811. 

Le  commissaire  principal, 

Pernetti. 

Je  soussigné,  lieutenant  de  vaisseau,  commandant  la  gabarre  de  S.  M. 

l'Expéditive^  reconnais  avoir  reçu  à  bord  les  susnommés.  En  mer,  le 

10  mars  1811. 

GuiLLON,  lieutenant  de  vaisseau. 

Gênes  à  Marine. 

11  mars  1811. 

...  Les  bricks  le  Renard  et  l'Adonis  sont  rentrés  en  ce  port,  le  premier 
le  7,  et  le  second  le  10  de  ce  mois,  après  avoir  rempli  leur  mission  en 
Corse  et  y  avoir  déposé  51  prêtres  et  3  domestiques. 

Tous  ces  prêtres  ont  été  nourris  à  la  table  des  officiers.  Je  ferai  dres- 
ser un  état  de  la  dépense  faite  pour  leur  subsistance... 

La  gabarre  l'Expéditive  est  partie  le  9  de  ce  mois  ayant  à  son  bord 
265  conscrits  et  34  soldats  du  2«  bataillon  du  dépôt  colonial...  J'ai  donné 
ordre  au  capitaine  de  cette  gabarre  de  recevoir,  lors  de  son  passage 
devant  la  Spezzia,  3  prêtres^  que  M.  Pernetty  m'a  annoncé  y  être 
arrivés  après  le  départ  des  autres. 

Le  préfet  du  département  de  Montenotte  m'en  a  annoncé  un  qua- 
trième. Si,  jusqu'à  l'époque  de  son  arrivée  à  Gênes,  il  ne  se  présente 
pas  d'occasions  pour  lui  faire  suivre  sa  destination,  j'expédierai  la 

felouque  la  Gazelle  pour  le  porter  en  Corse. 

Fontaine. 

Marine  à  Cultes  (direction  du  personnel). 

11  mars  1811. 

Monsieur  le  comte,  j'ai  l'honneur  de  prévenir  V.  E.  en  réponse  à  sa 
dépêche  du  4  de  ce  mois,  que  j'avais  donné  le  même  jour  au  commis- 
saire principal  de  marine  à  la  Spezzia  l'ordre  de  faire  pourvoir  au  trans- 
port en  Corse  de  100  prêtres  qui  devaient  être  dirigés  de  Parme  et  de 
Plaisance  sur  ce  port. 

L'empereur,  en  me  faisant  connaître  ses  intentions  à  cet  égard, 
n'avait  point  fixé  le  point  de  la  Corse  sur  lequel  ces  prêtres  devaient 
être  débarqués.  Je  vois  par  la  dépêche  de  V.  E.  que  S.  M.  veut  qu'ils 
le  soient  à  Bastia  et  je  m'empresse  d'en  informer  le  commissaire  prin- 
cipal de  marine  à  la  Spezzia... 

J'aurai  l'honneur  d'annoncer  à  V.  E.,  dès  qu'il  m'en  aura  été  rendu 
compte,  le  départ  des  bâtiments  sur  lesquels  seront  embarqués  les 
100  prêtres  dont  il  s'agit. 

1.  Elle  n*en  a  embarqué  que  deux.  V.  la  lettre  de  M.  Pernetty  du  tO  mars. 
(Note  du  ministère  de  la  marine.) 


DiPORTlTIOffS  DE   PRÊTRES  SOUS   LE   PREMIER   EMPIRE.  349 

Gônes  à  Marine. 

12  mars  1811. 

Je  reçois  à  l'instant  deux  de  vos  dépêches  en  date  du  4  de  ce  mois. 

Par  Tune,  V.  E.  m'annonce  que  100  passagers  destinés  pour  la  Corse 
et  dirigés  sur  la  Spezzia  doivent  arriver  incessamment  en  ce  port,  et 
que,  pour  me  mettre  en  état  de  faire  effectuer  leur  transport,  vous  avez 
donné  ordre  au  port  de  Toulon  de  m'expédier  de  suite  deux  bricks  ou 
un  brick  et  une  felouque... 

La  gabarre  l'Expéditive  est  arrivée  ici  le  28  au  soir. 

....  N'ayant  aucune  mission  pressée  à  donner  au  Renard,  j'ai  profité 
de  celte  circonstance  pour  lui  permettre  de  réparer  son  grément,  qui 
en  avait  besoin... 

Ce  brick  n'est  donc  pas  en  état  de  mettre  à  la  mer,  il  le  sera  sous 
8  jours,  et  je  ne  présume  pas  que  les  passagers  attendus  à  la  Spezzia 
puissent  y  arriver  pour  cette  époque.  Le  Renard  sera  donc,  suivant  toutes 
les  apparences,  assez  tôt  prêt  pour  être  employé  à  leur  transport. 

....  L'Adonis  sera  certainement  rendu  à  la  Spezzia  avant  l'arrivée  des 
passagers. 

J'ai  appris  que  le  Janus^  la  Ligurie  et  la  mouche  n^  22  sont  retenus 

à  Porto-Ferrajo  par  la  présence  de  l'ennemi  et  qu'ils  n'avaient  pas 

encore  opéré  le  débarquement  de  leurs  passagers  en  Corse.  J'ai  tout 

lieu  de  supposer  qu'ils  auront  rempli  leur  mission  assez  à  temps  pour 

concourir  au  transport  des  passagers  attendus... 

Fontaine. 

La  Spezzia  à  Marine. 

13  mars  1811. 

Je  reçois  par  l'Estafette  les  deux  dépêches  en  date  du  4  courant,  dont 
V.  E.  m'a  honoré  pour  me  prévenir  que  100  prêtres  et  des  conscrits 
réfractaires  doivent  incessamment  do  nouveau  arriver  en  ce  port  pour 
y  être  embarqués. 

Les  trois  bâtiments  chargés  de  transporter  les  48  prêtres  et  leurs 

effets,  partis  le  23  février  dernier,  n'étant  pas  de  retour  et  ne  pouvant 

l'être  avant  plusieurs  jours  vraisemblablement,  étant  encore  retenus  à 

Porto- PYrraïo  le  8  courant  par  le  temps  et  l'ennemi  ;  le  brick  VEndimyon 

n'ayant  pu  terminer,  en  ce  moment  aussi,  ses  réparations  à  Gênes,  où 

il  est  depuis  trois  mois  à  cet  effet  ;  n'ayant  conséquemment  pas  ici  une 

seule  barque  propre  à  cette  opération  et  sachant  d'ailleurs  combien 

M.  le  chef  maritime  à  Gênes,  avec  lequel  je  me  concerte,  a  lui-même 

peu  de  moyens  à  me  fournir  en  ce  genre,  j'ai  l'honneur  d'informer  V.  E. 

que  j'ai  cru  devoir  en  prévenir  M.  le  préfet  du  Taro,  chargé  d'expédier 

ces  prêtres,  d'après  l'avis  que  m'en  donne  S.  E.  le  ministre  des  Cultes, 

et  le  prier  de  vouloir  bien,  afin  d'éviter  les  inconvénients  peut-être 

graves  qui  pourraient  résulter  du  défaut  de  moyen  d'exécution  ici,  ne 

les  mettre  en  route  qu'au  fur  et  à  mesure  que  ces  moyens  me  seraient 

assurés  et  que  je  l'en  aurais  prévenu. 

Pernbtti. 


356  siLA^KGEs  rr  iwmxmi.vis 

Prftns  me  «ir  le  texte  dies  mincses». 

Marioe  à  Bjlioe  geaterale  ta  S.  £.  eile-niéme». 

Pln5,  il  mar?  ISll. 

....  Taî  lllOQnear  de  preTeoir  V.  £.  que  ^  aatres  persixiaes  oa&  été 
embaïquées  ea  œ  dernier  p'>rt  (Géaes.  sur  &  Rtnard  et  que  œ  brî^rk  a 
appareillé  p»jar  Ea  C«>r5e  le  ?î  feTrier  d<*»niier. 

î\  per«t>aiies  »>qc  «^ealemeQC  été  embarquées  à  Cirita-Veechia  sur 
VÈKiair,  et  cette  goélette  a  appareillé  poor  la  Corse  Le  ^1  du  même  mois  i^. 

Pr^treâ  *t  orucriti  à  iwyyy'rr  en  Oyne. 

Gènes  à  Mariae. 

{h  mars  1^11. 

Je  a'ai  p»>mt  ae^etiKé  de  tous  a»Iresser  les  Listes  des  pasi«a|eers  qae  les 
bricks  fÂdonû  et  U  Renard  oat  tran5p<3rtes  ea  G>rse.  >tiL»  j'ai  cm 
dev*>ir,  avant  de  tous  tes  faire  pArrenir.  attendre  Le  retour  fie  ces  bdû- 
ments  afin  de  pouToir  relater  sur  ces  listes  le  récépissé  fourni  par  M.  le 
^néral  c»m mandant  en  G>rse. 

D'ailtears  la  mesure  relative  à  ces  passa^^ers  étant  secrète,  j  ai  peue 
qu'il  convenait  asissi  d'attendre  qu'elle  fàt  exécutée  pour  Êiire  transcrire 
ces  listes. 

J'ai  l'honneur  de  vous  annoncer  que  le  brick  iÀ'ityitù  est  rentre  hier 
au  *oir.-. 

Le  Janus,  ia  Lifpàne  et  la  mouche  n'ont  p«3int  eno>re  ete  sijrcules.  Ces 
troL*  bâtiments,  qui  marchent  fort  maL  ont  appareiiie  Le  T  de  œ  mois 
fie  P'jrtû-Ferrajo.  Ayant  épmuve  des  iialmes  après  leur  ?»:'rûe,  ils  étaient 
encure  en  vue  de  œ  p«jrt  Le  >  au  matin.  Je  présume  qu'ils  ne  tarde n: ut 
pas  à  être  de  retour  à  la  Spexaii.  Dans  «re  «ras  Lis  prendront,  o:njointe- 
ment  avec  l'Ati,}nii.  les  !•»  passagers  qui  ^ont  attendus.  I>ins  le  «:as 
cuntraire,  'CAdonii  prendra  Les  ô*)  premiers  arrives,  et  U  Rfimini,  qui 
appareillera  le  l'î  au  matin,  prendra  Le  reste.  Ces  deux  derniers  bâti- 
ments feront  certainement  rendus  à  Leur  poste  a  vint  L'arrivée  des  pas- 
sa^ rs,  à  moins  t|ue  les  vents  ne  deviennent  contraires.  yixi<  ilans  ce  cas 
ils  ne  pourraient  pas  plus  mettre  à  La  voiLe  de  La  Spezzia  que  de  Gènes... 

D'après  ces  disp«3sitions,  L'eiei:ution  de  vos  onires,  pour  ce  «^ui  con- 
cerne Les  !•»  passa^rs,  n'éprouvera  aucun  retani... 

Livourne  à  Marine. 

lô  mars  l>ll. 

M.  le  ci>mmi:?saire  générai  de  poIi«.*e  m  ayant  écriï  'ju'il  mettait  à  ma 
disposition^  pour  *?tre  trjjisp«.>rtfs  eu  Cor^se,  Les  sieurs  T«'.)reLLo  Gatteschi, 

1.  Je  a  JÛ  pu  n>truav«r  JLms  le»  Jiwsiers  ni  la  comMpuoiiaiice  «iitîs  oiçenLf  ée  la 
Buriiw  refative  4u.\  <iéparts  «les  prètn>s  iodiqnes  ici  par  le  miaislnî.  ni  les  list«is 
«tes  déportés:  la  leitr^  qui  suit  setubie  indiquer  du.  r«;>te  que  le  oiiiiistn;  <hî  serait 
pfaint  «fuM  Bân^ii^efice  duos  l^avot  «ie  quelques  iKK'UJueDls. 


DEPORTATIONS   DE  PR^T&SS  SOUS  LE   PREMIER  EMPIRE.  354 

capucin,  et  Arrezzo,  archevêque,  et  qu'il  convenait  de  les  faire  partir 
le  plus  tôt  possible,  surtout  à  cause  du  dernier  qui  se  faisait  trop  remar- 
quer du  public,  je  les  ai  fait  embarquer  aujourd'hui  sur  la  goélette  la 
Levrette,  qui  a  pris  en  même  temps  28  militaires  destinés  pour  File 
d'Elbe. 

M.  Taillade,  commandant  cette  goi'lette,  a  ordre  de  se  rendre  à  Bastia 
aussitôt  qu'il  aura  débarqué  ces  28  soldats  à  Porto-Ferrajo  et  de  faire 
sans  délai  son  retour  à  Livourne.  Il  est  parti  ce  matin  par  un  vent  favo- 
rable. Je  joins  ici  copie  de  la  liste  de  ces  prêtres. 

Bêrard. 

Commissariat  général  de  police, 

Livourne,  le  15  mars  1811. 

État  nominatif  des  ecclésiastiques  mis  à  la  disposition  de  M.  le  com- 
missaire-chef maritime  pour  être  transportés  à  Bastia  (en  Corse)  et 
être  mis  à  la  disposition  de  M.  le  préfet  par  ordre  supérieur. 


Noms. 

Prénoms. 

AOE. 

55 
55 

QuALfrés. 

Ln 

DE  NAISSANCE. 

ÎUX 
DE  DOMICILE. 

ToRBLLO 

(Gattcschi) 

Angelo 

Antonio 

Pasquale 

ex-capucin 
etcoadjuteur 
de  Torrinieri 

Poppi  (Amo) 

• 

Torrinieri 
(Ombrono) 

Arezzo 

Thomas 

archevêque 

in  partions 

de  Seleucia 

en  Asie 

Orbitello 

(état 
de  Rome) 

Florence 
(Arno) 

L'auditeur  au  conseil  d'État,  commissaire  général  de  police, 

Signé  :  Delamallb. 

Les  deux  individus  portés  dans  l'état  ci-dessus  sont  arrivés  dans  ce 
port  et  ont  été  débarqués  à  Bastia,  cejourd'hui,  19  mars  1811. 

Le  préfet  du  département  du  Golo, 

Signé  :  Piétri. 

Pour  copie  conforme, 

Le  capitaine  de  la  goélette  de  S.  M.  to  Levrette, 

Taillade. 

Un  mol  au  sujet  d' Arezzo  dont  le  nom  figure  sur  l'état  que  l'on 
vient  de  lire.  Ce  personnage  était  depuis  plusieurs  années  connu  de 
l'empereur.  En  4806,  Arezzo  se  trouvait  à  Dresde  lorsque  M.  de 
Thiard,  ministre  de  France  en  Saxe,  lui  fit  savoir  que  Napoléon,  par 
une  lettre  du  12  novembre,  Tinvitait  à  se  rendre  immédiatement  à 
Berlin  (c'était  après  la  campagne  d'Iéna).  Arrivé  dans  cette  ville, 


352  MiLANGES  BT  IKNnJME.TTS. 

Arezzo  se  rendit  à  la  résidence  de  Napoléon,  lequel  commença  par 
lui  demander  ce  qu'il  Daisait  à  Dresde.  Le  prélat  répondit  qu'il  était 
nonce  du  pape  à  Saint-Pétersbourg^  qu'un  refroidissement  dans  les 
relations  était  survenu  entre  Rome  et  la  Russie,  à  l'occasion 
d'un  Français,  M.  de  Vernègues,  protégé  de  la  Russie,  et  expulsé  de 
Rome  sur  la  demande  de  Napoléon;  que  la  cour  de  Saint-Pétersbourg 
ayant  retiré  son  résident  à  Rome,  la  cour  pontiflcale  avait  dû  en  faire 
autant  de  son  côté;  qu'il  avait  donc  quitté  la  capitale  russe,  et  qu'il 
habitait  Dresde  en  attendant  que  les  difficultés  pendantes  fussent 
aplanies,  et  quil  pût  aller  reprendre  son  poste. 

Sur-  cette  réponse,  l'empereur,  qui  était  alors  fort  mal  avec  le  tsar 
et  qui  ne  lui  avait  pas  encore  fait  signer  le  traité  de  Tilsitt,  fit  à 
Arezzo  une  de  ces  scènes  furibondes  qui  étaient  dans  son  tempéra- 
ment :  «  Les  chiffres  diplomatiques  de  Rome  sont  connus...  Je  puis 

vous  montrer  vos  dépêches Croyez-vous  que  je  ne  sache  pas  que 

vous  êtes  mon  ennemi  ?  etc.,  etc.  »  Puis  il  ajouta  :  «  Je  veux  que  le 
pape  accède  à  la  confédération  (la  confédération  de  la  France  et  de 
ses  alliés  contre  l'Angleterre  et  à  ce  moment  aussi  contre  la  Russie)  -, . . . 

vous  allez  quitter  Dresde  et  vous  rendre  à  Rome »  En  un  mot  il 

le  chargea  d'aller  faire  connaître  au  pape  l'intention  où  il  était  de 
l'amener  de  gré  ou  de  force  à  le  suivre  dans  sa  politique  extérieure. 

Arezzo  partit;  sa  mission  auprès  du  pape  ne  réussit  aucunement; 
peut-être  Arezzo  fùt-il  lui-même  pour  quelque  chose  dans  cet  insuccès 
d'une  démarche  au  but  de  laquelle,  en  tant  que  prélat  romain,  il 
était  personnellement  fort  opposé.  On  possède  de  lui  un  récit  de  son 
entrevue  avec  l'empereur  {Relazione  delmio  ahbocamento  colV  itnpe- 
ratore  Napoleone^  \  2  novembre  i  806)  qui,  lors  de  Tinvasion  des  États 
pontificaux  par  Napoléon,  a  été  trouvé  dans  les  papiers  du  pape  au 
Quirinal.  M.  d^Haussonville,  dans  son  livre  déjà  cité  au  début  de  cette 
étude,  a  publié  une  traduction  de  ce  document.  Un  passage  de  cette 
pièce  me  permet  de  rectifler  l'état  du  commissaire  de  police  de 
Livourne,  en  ce  qui  concerne  le  lieu  de  naissance  de  ce  personnage  : 
l'état  publié  plus  haut  indique  Arezzo  comme  étant  né  à  Orbitello,  il 
y  a  là  une  erreur  évidente,  car  dans  le  récit  trouvé  au  Quirinal, 
Arezzo  dit  expressément  de  lui-même  :  «  ma  famille  est  sicilienne, 
mais  je  suis  né  à  Naples^  et  dès  l'âge  de  huit  ans  j'ai  été  élevé  et  j'ai 
vécu  à  Rome.  » 

Reprenons  l'analyse  de  la  correspondance  ministérielle. 

La  Spezzia  à  Marine.  18  mars  1811.  Pemetti  annonce  au  ministre 
l'arrivée  à  Dastia,  le  9  mars,  du  Janus  et  de  la  Ligurie^  avec  les 
48  prêtres  (on  en  a  lu  la  liste  plus  haut)  que  ces  navires  transpor- 
taient. Ils  ont  été  remis  entre  les  mains  du  général  Morand,  gouver- 


DjfPORTlTIOFVS  DE   PRÊTRES  SOUS  LE  PREMIER  EMPIRE.  353 

ncur  de  l'île.  On  va  s'occuper  activement  du  départ  des  iOO  nouveaux 
passagers  t  qui  doivent  avoir  semblable  destination.  J*al  de  suite  écrit 
et  fait  toutes  dispositions  auprès  de  (jui  il  appartenait  pour  que  cette 
opération  fût  différée  le  moins  possible.  » 

Livourne  à  Marine.  "22  mars  1811.  — Taillade,  capitaine  de  la  Levrette, 
annonce  que  le  IS  mars  il  a  mis  «  à  la  disposition  de  M.  le  pn'fet  de 
liastia  deux  ecclésiastiques  dont  un  archevé(}ue,  ancien  gouverneur  de 
Rome,  »  qu'il  avait  embarqués  à  Livourne.  On  a  lu  plus  haut  les  noms 
de  ces  deux  prêtres. 

Marine  à  Police  (à  8.  E.  elle-même).  25  mars  18il.  —  Ije  ministre 
tient  son  collègue  au  courant  des  envois  de  prêtres  effectués  depuis  sa 
dernière  lettre. 

Livourne  à  Marine.  27  mars  1811.  —  Le  chef  militaire,  G.  Delacou- 
<lray,  déclare  qu'il  vient  de  recevoir  l'ordre  de  la  grande-duchesse  de 
Toscane  d'envoyer  croiser  les  bâtiments  de  la  flotille  qui  se  trouvent  à 
Livourne.  c  Je  n'ai  pas  négligé  de  faire  connaître  à  S.  A.  que  les  bâti- 
ments étaient  destinés,  par  ordre  de  V.  E.,  à  transporter  des  conscrits 
et  des  prêtres  en  Corse  et  que  S.  M.  l'empereur  voulait  qu'ils  ne  séjour- 
nassent pas  plus  de  24  heures  à  Livourne.  »  Cette  lettre  paraît  émouvoir 
le  ministre,  si  j'en  juge  par  les  annotations  suivantes  que  je  trouve  en 
marge  :  •  Voir  les  ordres  de  l'empereur  des  4  et  8  avril  ;  rapport  fait  à 
8.  M.  le  10  avril  ;  répondu  (à  Delacoudray)  le  11  avril  ;  écrit  le  même 
jour  à  M.  le  commandant  militaire  de  la  marine  à  Civita-Vecchia.  » 

Gênes  à  Marine.  27  mars  1811.  Compte-rendu  à  S.  M.  le  10  avril. 
....  Le  préfet  du  Taro  écrit  au  commissaire  principal  de  la  8pezzia, 
sous  la  date  du  20  de  ce  mois,  ({u'on  lui  a  bien  transmis  l'ordre  de  S.  M. 
en  vertu  duquel  100  prêtres  romains  doivent  être  dirigés  sur  ce  port, 
mais  qu'il  n'a  encore  reçu  aucune  instruction  à  ce  sujet  de  la  part  do 
S.  E.  le  ministre  de  la  police  générale,  et  que  ces  100  prêtres  ne  sont 
pas  encore  désignés. 

Voilà  15  jours  que  les  quatre  bâtiments  destinés  à  les  transporter 
sont  rendus  à  la  Spezzia,  et  il  s'en  écoulera  peut-être  autant  avant  que 
ces  passagers  y  parviennent. 

Fontaine. 

Marine  à  Police  générale  (à  8.  E.  elle-même).  —  Par  trois  lettres  des 
28  mars,  \  et  8  avril,  le  ministre  continue  à  tenir  son  collègue  au  cou- 
rant des  départs  de  prêtres  pour  la  Corse. 

Gênes  à  Marine,  8  avril  1811.  —  Le  Renard  e^t  rentré  a  Gênes.  Il  a 
été  retenu  plusieurs  jours  à  Bastia  {rnr  la  présence  de  l'ennemi  qui 
paraît  avoir  établi  sa  croisière  entre  la  Corse  et  l'île  d*Elbe.  On 
emploiera  désormais  de  bons  voiliers  au  transport  des  prêtres,  afin  de 
ne  pas  compromettre  les  bâtiments. 

Marine  à  Civita-Vecchia.  15  avril  1811.  —  Lebas  et  Stamaty  ont 

prié  le  ministre  de  donner  des  ordres  à  Livourne  pour  leur  fournir  un 

bâtiment  afin  de  faire  partir  des  prêtres  et  des  conscrits  pour  la  Corse. 

Le  ministre  leur  rappelle  qu'ils  doivent  s'entendre  directement  avec 

Hev.  Histor.  XL  2«  fasc.  23 


354 


iriLANGIS  ET  DOGUHBNTS. 


Livourne,  c  car  rintention  de  Tempereur  sur  l'embarquement  immédiat 
de  CBB  individus  ne  serait  point  remplie  si,  pour  être  en  mesure  de 
pourvoir  à  leur  transport  en  Corse,  vous  deviez  attendre  Teffet  des 
ordres  que  je  donnerais  sur  cet  objet.  » 

Marine  à  Cultes.  18  avril  iSli.  —  Les  Cultes  ont  communiqué  à  la 
Marine  une  dépêche  de  la  police  générale,  en  date  du  il  avril,  relative 
c  aux  100  personnes  destinées  à  être  envoyées  en  Corse  et  qui  doivent 
être  dirigées  de  Parme  sur  la  Spezzia.  »  La  marine  accuse  réception. 
Des  ordres  ont  déjà  été  donnés  à  ce  sujet  à  la  Spezzia. 

Gènes  à  Marine.  23  avril  1811.  —  Le  brick  l'Adonis  est  parti  pour  la 
Spezzia,  où  il  sera  employé  au  transport  des  100  passagers.  «  Les 
100  passagers  attendus  depuis  si  longtemps  à  la  Spezzia  vont  enfin  y 
arriver.  » 

Livourne  à  Marine,  29  avril  1811.  —  «  J'ai  fait  embarquer  sur  VEndy- 

mion  deux  prêtres  que  M.  le  commissaire  général  m'a  remis.  »  En  voici 

la  liste  : 

Commissariat  général  de  police. 

Livourne,  le  25  avril  1811. 

État  nominatif  des  ecclésiastiques  mis  à  la  disposition  de  M.  le  com- 
missaire de  marine,  chef  du  service  maritime  à  Livourne,  par  M.  le 
commissaire  général  de  police  en  cette  ville,  pour  être  conduits  en 
Corse  par  ordre  supérieur  et  être  mis  à  la  disposition  de  M.  le  préfet 
du  département  du  Grolo  à  Bastia. 


Noms. 

Prénoms. 

Aqe. 
54 

Qualités. 

Lu 
de  naissance. 

BUX 
DE  DOMICILE. 

Betti 

Francesco 

curé  de 

Mungona 

Saint- Pierre 

Saint- Pierre 

(Arno) 

à  Sieve 

59 

à  Sieve. 

Dblbiamgo 

Michel-Marie 

prévost  de 

Empoli 

Empoli 

Saint -André 

(Arno) 

(Arno) 

■ 

à  Empoli 

Certifié  par  nous,  auditeur  au  Conseil  d'État, 

commissaire  général  de  police  soussigné, 

Del  AM  ALLE. 

Pour  copie  conforme. 

Le  commissaire  chef  maritime, 

Béb 

ARD. 

Le  préfet  du  département  du  Grolo  certifie  que  M.  Laurent,  lieutenant 
de  vaisseau  commandant  le  brick  de  S.  M.  l'Endymion^  a  fait  débarquer 
ce  matin  à  Bastia  les  sieurs  Delbianco  (Michel-Marie)  et  Betti  (Fran- 
cisco), tous  deux  ecclésiastiques  déportés  en  Corse  par  ordre  de  S.  A. 
Madame  la  grande-duchesse. 

Bastia,  le  4  mai  1811. 

Signé  :  Piétri. 


DEPORTATIONS   DR   PRKTRES  SOUS  LE   PREMIRR  EMPIRE. 


355 


Marine  à  Cuites. 


(Direction  du  personnel.) 


2  mai  1811. 


Monsieur  le  comte,  j*ai  reçu  la  dépêche  que  V.  E.  m'a  fait  l'honneur 
de  m'adresser  le  29  avril  dernier  relativement  à  MM.  Debonis  et  Toni, 
ex-généraux  d'anciens  ordres  monastiques,  dont  l'empereur  a  ordonné 
l'envoi  de  Toulon  en  Corse. 

Il  ne  m^était  encore  par^'enu  aucun  avis  sur  cette  translation  ;  mais 
je  m'empresse,  d'après  celui  contenu  dans  la  dépêche  de  V.  E.,  de 
donner  à  M.  le  préfet  maritime  de  Toulon  l'ordre  de  pourvoir  au  trans- 
port en  Corse  de  ces  deux  individus. 

J'ai  toutefois  l'honneur  de  vous  prévenir  que  le  passage  de  ces  deux 
personnes  en  Corse  pourra  éprouver  quelques  retards,  attendu  que  le 
nombre  des  croiseurs  ennemis  apporte  dans  la  saison  actuelle  beaucoup 
d'obstacles  à  la  navigation. 

La  8pezzia  à  Marine. 

3  mai  1811. 

....  I^  brick  de  8.  M.  le  Zèbre  a  mis  ce  matin  à  la  voile  pour  la 
Corse,  ayant  à  bord  51  prêtres  dont  ci-joint  l'état  nominatif. 

Avant  son  départ,  le  capitaine  de  ce  bâtiment  m'a  fait  des  observa- 
tions sur  le  mauvais  état  de  son  é<iuipage,  sur  son  beaupré  qui,  n'étant 
pas  bien  as8un\  ne  {lourrait  soutenir  un  coup  de  vent,  enfm  sur  l'arme- 
ment entier  du  brick  qui,  disait-il,  n'était  point  fini  lorsqu'il  est  parti 
de  Toulon.  Je  n'ai  pas  cru  devoir  avoir  égard  à  ces  obserNations,  d'aa- 
tant  moins  que  j'ai  supposé  que  l'on  n'avait  envoyé  ce  bâtiment  ici  que 
parce  qu'il  a  été  jugé  en  état  de  remplir  la  mission  dont  il  est  chargé. 

Pernetti. 

État  nominatif  de  51  prisonniers  d'État  remis,  d'ordre  de  S.  E.  le  duc 
de  Ilovigo,  ministre  de  la  Police,  par  moi  soussigné,  commissaire 
général  de  police  de  (iênes,  à  M.  Pernetti,  commissaire  principal  de 
marine  à  la  Bpezzia,  et  pour  lui  au  sieur  Piquet,  commandant  le  brick 
de  8.  M.  I.  et  R.  le  Zèbre^  lesdits  prisonniers  devant  être  embarqués 
sur  ce  bâtiment  et  conduits  au  lieu  qui  sera  désigné  dans  une  dépêche 
cachetée  et  jointe  au  présent,  laquelle  ne  sera  ouverte  par  M.  le  com- 
mandant IMquet  qu'en  mer  et  à  5  lieues  au  8.  E.  de  1  ile  Palmaria. 


Noms,  Prhnoms. 

AOE. 

29 
33 
32 
31 

Lieux  de  naissance. 

Ui'ALrr^:8. 

(iioRD.\M  (Antoine) 
ANNOV.\y-zi  (Vinœnl) 
BoR\cciATTi  (Joseph) 
TiLLi  (Jean) 

Poggio-Bustone  (Tibn») 
Civita-Vecchia  (id.) 
RicU  (id.) 
Orvieto  (Trasimcne) 

curé 

chanoine 
curé 
id. 

356 


miSlaivges  bt  docdmbnts. 


Noms,  Prénoms. 


Ergole  (Léonard) 
GiANcoLiNi  (Louis) 
Pesciaroli  (Mariani) 
GoNTi  fViiicent) 
GioLi  (Paul) 
SiMEONi  (Simon) 
Gassandri  (Sauveur) 
Ferrari  (François) 
RiccARDi  (Glément) 
LuccHESi  (Stanislas) 
Marzolini  (Vincent) 
Fasi  (Joseph) 
Santori  (Barthélémy) 
Aloïsi  (Pascal) 
NoDOLER  (Paul) 
Fabi  (Louis) 
Pasquiih  (François) 
Géra  (Jacques) 
Traditi  (Bernard) 
Frattini  (Jean-Baptiste) 
Mjniugchi  (Pierre) 
G\puccETTi  (Vincent) 
Leuci  (Jean-Baptiste) 
NiscETTi  (Jean) 
Gasparri  (Gabriel) 
Parasacchi  (Pierre) 
Tarenzi  (Gaétan) 
Tassi  (François) 
Pagelli  (Paul) 
ËRGOLB  (Jean-Baptiste) 
Gavaqlîbri  (Joseph) 
Monteverde  (Joseph) 
Gardarelu  (Dominique) 
Sebastiani  (Louis) 
Racchetti  (Michel) 
Rensi  (Joseph) 
Gatalucci  (Vincent) 
Zuccm  (Jean-Baptiste) 
Garborbri  (Gas      il) 


Aoe. 

34 

34 

33 

34 

34 

34 

34 

40 

50 

56 

48 

35 

35 

37 

37 

31 

36 

39 

39 

41 

36 

40 

36 

32 

57 

38 

42 

42 

56 

54 

43 

39 

32 

27 

56 

47 

36 

60 

40 


Lieux  de  naissance. 


Sarasinesco  (Tibre) 

Vitorchiano  (id.) 

(]!anepino  (id.) 

Montecalvetto  (id.) 

Narni  (Tibre) 

Rieti  (id.) 

Toffia  (id.) 

Sanvito  (id.) 

Rome  (id.) 

Id.  (id.) 

Rieti  (id.) 

Rignano  (id.) 

Pruceno  (Trasimène) 

Torre  (Tibre) 

Toscanetta  oo  Toscanella  (id. 

Magliano  (id.) 

Ami  (Tibre) 

Trevi  (id.) 

Penna  (Trasimène) 

Sambuci  (Tibre) 

Rocca  Sinibalda  (id.) 

Proceno  (Trasimène) 

Riccia  (Tibre) 

Ficulle  (Trasimène) 

Rome  (Tibre) 

Olevano  (id.) 

Bettona  (Trasimène) 

Assisi  (id.) 

Vallerano  (Tibre) 

Id.  (id.) 

Feminga  (Trasimène) 

Spetto  (id.) 

Nocera  (id.) 

Gave  (id.) 

Gradoli  (Tibre) 

Id.  (id.) 

Id.  (id.) 

Marino  (id.) 

Monastero  (id.) 


QuALrrés. 

curé 
id. 

chanoine 
curé 
id. 
id. 
id. 

chanoine 
curé 
id. 

chanoine 
curé 
id. 

chanoine 
)  cure 
id. 
id. 
id. 
id. 
id. 
id. 
id. 

chanoine 
curé 
id. 
id. 

chanoine 
id. 
curé 
chanoine 
id. 
id. 
curé 
id. 

chanoine 
id. 
id. 
id. 
|id. 


DI^PORTATIONS   DE   PR^^TRES   SOrS   LE   PREMIER   EMPIRE. 


Noms,  Prénoms. 

Age. 

LlElX    DE   NAISSANCE. 

(JrALITKS. 

HoNCALLi  (Jean-Martin) 

Kolipno  (Trasimène) 

chanoine 

pROspERi  (Joan-F'ranr.oip) 

U1 

Id.  (id.) 

id. 

F'alcini  (Joseph) 

48 

C^ntipliano  (Tibre) 

id. 

Bracgi  (Philippe) 

46 

Vipnarello  (id.) 

id. 

MoRKLLi  (Jean) 

48 

Civitta-Castellana  (Tibre) 

id. 

Mariotti  ((iharles) 

r»2 

Panicale  (Trasimène) 

id. 

Gassetti  (Vincent) 

52 

Gontigliano  (Tibre) 

id. 

SiKFREDi  (Jacques) 

39 

Santo-Stefano  (Mont<>nottc) 

ex-moi  ne 

Le  présent  état  fait  quadruple  et  clos  à  la  Spezzia  le  l**"  mai  i8!1. 

I^e  commissaire  générai  de  police  de  Gènes, 

JOLICLERC. 

N.  B.  On  joint  à  cet  état  une  lettre  adressée  à  Tautorité  à  laquelle 
les  prisonniers  susnommés  doivent  être  consignes. 

JoLICLERC. 

Bon  à  embarquer  conformément  à  Tonirc  donné  le  28  avril. 

Varignano,  golfe  de  la  Spezzia,  le  l»'  mai  i8l!. 
Le  commissaire  principal  chef  maritime, 

Pernetti. 

Vu  embaniué  les  5!  passagers  ci-dessus  dénommés  à  la  présente  liste, 
à  bord  du  Zrbre,  le  i*'  mai  1811. 

Le  commissaire  de  marine  chargé  des  armement**, 

NfoUTIER. 

Les  prêtres  désignés  dans  le  préseul  état,  conduits  en  Corse  par  le 
brick  le  Zèbre,  ont  débanjué  à  Bastia  le  î>  mai. 

Bastia,  le  9  mai  1811. 

\a*  général  de  division  gouverneur  de  la  Corse, 

Morand. 

Marine  à  (Îivita-Vecchia. 

r>  mai  1811. 

Vous  m'avez  rendu  compte  du  retour,  le  14,  à  Civita-Vecchia,  de  la 
guelette  VÈclatr^  qui  avait  transporté  en  Corse  des  personnes  dont  la 
liste  est  jointe  à  votre  lettre  *. 

Je  vous  observe  qu'on  n'y  a  point  porté  l'état  supplémentaire  des 
personnes  remises  à  la  disposition  de  la  marine  par  M.  le  commissaire 
général  de  police  à  Civita-Vecchia,  postérieurement  à  la  formation  de 


1 .  J*ai  dit  plas  haut  que  je  n'avais  pas  trouvé  cette  liste. 


358 


V1LÂ5GIS  rr  BoariETis. 


la  première  liste,  el  que,  par  snite  de  cette  omiasioo  qn'il  était  &cile 
de  remarquer,  M.  le  général  commandant  la  ^  division  militaire  a 
donné  à  M.  Marqnis,  enseigne  de  vaisseau  commandant  l'Éclair,  Le 
récépissé  de  ?1  personnes  an  bas  d'nne  liste  qui  n'en  comprend  que  17 
dont  une  même  tie  s^  Venance  Mariotti,  porté  sous  le  n*  lOf  avait  été 
débarquée  à  Civita-Veccbia  avant  le  départ  de  cette  goélette. 

Vous  voudrez  bien.  Messieurs,  faire  prendre  note  de  cette  erreur  qui 
a  été  découverte  par  le  rapprochement  de  la  liste  que  vous  m  avez 
adressée.  le  14  avril,  des  personnes  débarquées  de  i Éclair .  en  Corse, 
avec  celle  dont  vous  m'avex  fait  lenvoi,  le iî  février  dernier,  des  mêmes 
personnes  embarquées  sur  le  même  bâtiment  à  Civita-Vecchia. 

Je  vois  que  l'Éclair  a  dû  partir  de  nouveau  pour  la  Corse  dans  la  nuit 
du  18  au  19  avril,  et  vous  m'avez  transmis  les  listes  nominatives  de 
6  personnes  et  de  16  militaires  qui  ont  été  embarqués  sur  ce  bâtiment*. 

Marine  à  Police  générale  ^à  S.  E.  elle-mémei.  6  mai  fSll.  —  Avise 
son  collègue  des  deux  transports  de  prêtres  effectués  par  l'Kdair  dont 
il  vient  d'être  parlé  dans  la  lettre  précédente. 

La  Spezzia  à  Marine.  6  mai  fSll. 

Cinquante  déportés  viennent  d  être  embarqués  sur  VAdomis.  pour 
la  Corse.  En  Toid  la  liste  : 

État  nominatif  de  ôO  prisonniers  d*État  remis  d'ordre  de  S.  E.  le  duc 
de  Rovigo,  ministre  de  la  Police,  par  moi  soussigné,  commissaire 
général  de  police  à  Gènes,  à  M.  Pemetti.  conmiissaire  principal  de 
marine  à  la  Spezzia,  et  pour  lui  au  sieur  Lebas.  commandant  le  brick 
de  S.  M.  I.  et  R.  l'Adonis,  lesdits  prisonniers  devant  être  embarques 
sur  ce  bâtiment  et  conduits  au  lieu  qui  sera  désigne  par  une  dépêche 
cachetée  et  jointe  au  présent.  Laquelle  ne  sera  ouverte  par  M.  le  com- 
mandant Lebas  qu'en  mer  et  à  5  lieues  au  S.  E.  de  Tile  Paimaria. 


Noms.  Prénoms. 

Age. 
35 

LlEtri    DE   >"AISSA>CK- 

pRCfESSîOKS 

Vecchiarelli  «Paul» 

Orte  (Tibre/ 

cure 

ScoBZOM  «Michel-Ange» 

44 

Bevagna  (Trasimène) 

chanoin»» 

Cbucia5i  I Félicien» 

49 

Trevi  (id.) 

id. 

Garigos  (François  » 

56 

Cometo  (Tibre; 

id. 

Rossi  Julien) 

il 

Supino  (id.) 

id. 

Depaoli  'Cunstantini 

49  |.Marino  (id.) 

id. 

Mancixi  I  Biaise»  * 

53 

Fenne  rid.) 

id. 

1.  Cette  liste  me  manque  également. 

î.  Je  pense  qa1l  s'aeit  id  de  Mancini,  chanoine  do  chapitre  de  Fk>rrace.  qai 
fot,  avec  on  de  ses  confrère»,  arrête  et  conduit  à  la  citadelle  de  Fene>trelle 
par  ordre  de  la  grande-docbesse  Elisa,   pour  avoir  publié  le  bief  concernant 


DI^PORTinOIfS  DE  PRÊTRES  80DS  LB  PREMIER  EMPIRE. 


359 


Noms,  Prénoms. 

AOB. 

33 

Lieux  db  naissance. 

Professions 

Teophli  (Bernardin) 

Gesi  (Trasimène) 

chanoine 

Boni  (Camille) 

42 

Segni  (Tibre) 

id. 

BiNAGO  (Vincent) 

33 

Id.  (id.) 

id. 

SoLiDATi  (Philippe) 

38 

Gontigliano  (id.) 

id. 

Atenni  (Dominique) 

52 

Ariccia  (id.) 

id. 

EoiDDi  (Bernardin) 

50 

Gontigliano  (id.) 

id. 

Galloni  (Pierre) 

54 

Id.  (id.) 

id. 

Fautoroni  (8auveur) 

41 

Nepi  (id.) 

id. 

Paziblli  (Julien) 

35 

Gaprarola  (id.) 

id. 

RusPANTOii  (Philippe) 

31 

Grotte  (id.) 

id. 

GoRDELLi  (François) 

43 

Id.  (id.) 

id. 

Lbonori  (Gabriel) 

51 

Cbrchiano  (id.) 

id. 

Fbatoni  (Louis) 

30 

Valmontone  (id.) 

id. 

Caramaniga  (Michel-Ange) 

47 

Id.  (id.) 

id. 

Magghiogchi  (Louis) 

49 

Id.  (id.) 

id. 

Puzzi  (Joseph) 

44 

Id.  (id.) 

id. 

Orlandi  (Jean) 

29 

Orte  (id.) 

curé 

CiOTTi  (Jacquin) 

22 

Amelia  (Trasimène) 

chanoine 

Fbrrari  (Dominique) 

32 

Id.  (id.) 

id. 

GiAMPE  (Gaétan) 

53 

Assisi  (Trasimène) 

id. 

Manni  (Dominique) 

40 

Gondoli  (Tibre) 

id. 

CoLONNA  (Philippe) 

52 

Rome  (id.) 

id. 

GiANuzzi  (Vincent)  • 

59 

Onagni  (id.) 

id. 

Trente  (Jean) 

30 

Fiorentino  (id.) 

id. 

NoLLi  (Vincent) 

30 

Id.  (id.) 

id. 

Pereira  (François- Xavier) 

52 

Rome  (id.) 

id. 

Betti  (Paul) 

36 

Givita-Vecchia  (id.) 

id. 

Nardi  (Ange) 

41 

Toffia  (id.) 

id. 

RuBiNi  (Vincent) 

38 

Grotte  (id.) 

id. 

Trovarelli  (Pierre-Louis) 

54 

Rieti  (id.) 

id. 

(]ioiA  ou  GisiA  (Gésar) 

59 

Rome  (id.) 

id. 

Grispoltiii  (Grispolde) 

60 

RieU  (id.) 

id. 

8anisi  (Philippe) 

63 

Id.  (id.) 

id. 

Papei  (Virgile) 

49 

Valmentone  (id.) 

id. 

Bonagorsi  (Pierre) 

57 

Rome  (id.) 

id. 

Fallerini  (Barthélémy) 

38 

Rieti  (id.) 

id. 

M.  d'Oftinood,  archeTèquede  Florence,  non  insUlué  par  le  pape.  Voyei  la  VéêépiS' 
eopale  de  M.  d*Osmond,  citée  par  d'HaasioBTiHe,  t.  III,  p.  455. 


360 


MliLiNGBS   ET   DOGDIfEF(TS. 


Noms,  Prénoms. 

ÂGE. 

57 

Lieux  de  naissangb. 

Professions 

Rossi  (Raphaël) 

Pérouse  (Trasimène) 

chanoine 

TiTi  (Baltasar) 

53 

Id.  (id.) 

id. 

Baghega  (Flave) 

51 

Grotte  di  Castro  (Tibre) 

id. 

Ladi  (Joseph) 

58 

Orvieto  (Trasimène) 

id. 

Leonardi  (Jacques) 

40 

Gannara  (id.) 

curé 

Smeraldi  (Louis) 

57 

Viterbe  (Tibre) 

id. 

Gaesi  (François) 

40 

Id.  (id.) 

id. 

Le  présent  état  nominatif  fait  quadruple  et  clos  à  la  Spezzia,  le 
5  mai  1811. 

Le  commissaire  général  de  police  de  Gênes, 

JOLIGLERG. 

N.  B.  On  joint  à  cet  état  une  lettre  adressée  à  l'autorité  à  laquelle 
les  prisonniers  susnommés  doivent  être  consignés. 

JOLIGLERC. 

Vu  bon  à  embarquer  sur  le  brick  de  8.  M.  VAdonis. 

Varignano,  le  6  mai  1811. 
Le  commissaire  principal  chef  maritime, 

Pernbtti. 

Vu  embarquer  les  50  passagers  dénommés  à  la  présente  liste. 
A  bord  du  brick  de  S.  M.  I.  et  R.  l'Adonis,  le  6  mai  1811. 

Le  commissaire  des  armements, 

MOUTIER. 

Reçu  une  dépêche  de  M.  le  commissaire  de  police  de  Gênes. 

Le  général  de  division  gouverneur  de  la  Corse, 

Morand. 
Reçu  les  50  prêtres  dénommés  au  présent  état. 

Bastia,  le  10  mai  1811. 

Le  général  de  division  gouverneur  de  la  Corse, 

Morand. 

La Spezzia  à  Marine.  7  mai  \%\\.  Confirme  le  départ  qui  a  eu  lieu 
le  3  mai  sur  le  Zèhre^  et  le  6  mai  sur  Y  Adonis^  de  cent  prêtres  plus 
un  ex-moine,  ce  dernier  «  venant  de  Gênes  ». 

Idem  à  idem.  13  mai  4841.  Le  Zèbre  et  V Adonis  sont  de  retour  de 
leur  mission;  «  malgré  la  présence  continuelle  de  l'ennemi  et  le  peu 
de  vent,  ils  ont  eu  une  traversée  heureuse  et  assez  courte.  » 

Même  date.  Rapports  de  A.  Picquet,  commandant  le  Zèhre^  et 
A.  Lebas,  conunandantrAdonts,  sur  leur  voyage.  Avant  de  se  rendre 


DéPORTATIOXS  DE  PRÊTRES  SOCS   LE   PREMIER  EMPIRE.  364 

en  Corse,  les  deux  capitaines  ont  mouillé  à  Porto-Ferrajo,  Picquet 
i<  pour  remettre  difTérents  objets  dont  il  était  chargé,  Lebas,  à  cause 
de  la  présence  de  l'ennemi,  et  aussi  à  raison  de  la  fatigue  qu'éprou- 
vèrent les  passagers  par  une  mer  assez  houleuse,  et  le  vent  d'ouest 
directement  contraire.  » 

Marine  à  police  générale  (à  S.  E.  elle-même),  46  mai  4844,  envoi 
de  renseignements  sur  les  départs  de  prêtres. 

Marine  à  cultes.  Deux  lettres  des  48  mai  et  3  juin  4844.  Envoi  de 
renseignements  sur  le  même  objet. 

Marine  à  police  (à  S.  E.  elle-même).  3  juin  4844.  Autre  envoi  de 
renseignements  sur  Tétat  des  déportations. 

Marine  à  Civita-Vecchia.  40  juin  4844.  Le  ministre  accuse  récep- 
tion de  différentes  lettres  relatives  aux  départs  de  prêtres  et  de  cons- 
crits réfractaires  envoyés  en  Corse.  Des  maladies  contagieuses  se  sont 
déclarées  à  bord  des  navires  qui  transportaient  a  de  ces  individus  », 
la  source  de  ces  maladies  parait  devoir  être  attribuée  aux  exhalaisons 
de  leurs  habits  portés  en  prison.  U  faudra  donc  désormais  renouveler 
rhabillement  des  conscrits  avant  de  les  embarquer. 

Idem  à  idem.  4  juillet  4844.  Le  ministre  accuse  réception  d'une 
lettre  du  47  juin  annonçant  le  départ  pour  la  Corse,  sur  la  goélette 
YÈclair^  de  conscrits  réfractaires  et  de  cinq  personnes  mises  à  la 
disposition  de  la  marine  par  le  commissaire  général  de  police  à  Civita- 
Vecchia. 

Marine  à  police.  Même  date,  avis  de  ce  même  envoi  de  cinq  per- 
sonnes en  Corse*. 

Marine  à  Police.  12  août  1811. 

Une  personne,  mise  à  la  disposition  de  la  marine  par  M.  le  commis- 
saire général  de  police  à  Livourne,  a  été  embarquée  en  ce  port  pour  la 
Corse,  le  25  juillet  dernier,  à  bord  du  brick  le  Renard^. 

Marine  à  Civita-Vecchia.  42  août  4844.  Accusé  de  réception  d'une 
lettre  du  4  9  juillet,  le  ministre  a  trouvé  joint  à  cette  lettre 

L'état....  des  dépenses  faites  à  Civitta-Vecchia  pour  le  transport  en 
Corse,  pendant  le  premier  semestre  de  la  présente  année  1811,  de  pas- 
sagers étrangers  à  la  marine. 

Cet  état  comprend  :  31  ecclésiastiques 

38  conscrits 


Total  :  69  individus 


1 .  Je  ne  relroo?  e  ni  U  lettre  de  CiTÎU-Vecchia  relatif  e  à  ce  départ  de  XÉdair, 
ni  la  liste  des  cinq  déportés. 

2.  Je  ne  trouve  pas  la  correspondance  relalîTe  à  ce  départ. 


362  MELANGES   ET   DOCOMBIfTS. 

Il  a  été  distribué  à  ces  69  individus  431  rations  de  journalier  et  504 
rations  de  campagne  qui,  à  raison  de  0  fr.  90  par  ration  de  journalier 
et  1  fr.  10  par  ration  de  campagne,  font  942  fr.  30 

Le  traitement  de  table  alloué  à  raison  de  2  fr.  par  jour 
et  pendant  toute  la  durée  de  l'embarquement  aux  31  ecclé- 
siastiques envoyés  en  Corse,  s'élève  à  1,018         • 

Total  :      1,960  fr.  30 
Marine  à  Lebas  et  Stamaty,  à  Civita-Vecchia. 

19  août  1811. 

J'ai  reçu,  Messieurs,  votre  lettre  du  31  juillet  dernier.  Vous  me  ren- 
dez compte  que  M.  le  général  commandant  à  Tîle  d'Elbe  n'a  pas  voulu 
recevoir  les  24  individus  dirigés  de  Rome  sur  Civita-Vecchia  par  M.  le 
directeur  de  la  police  en  cette  ville  et  qui  avaient  été  embarqués  le 
17  juillet  à  bord  de  la  goélette  de  S.  M.  l'Éclair, 

Je  regrette  que  vous  ne  m'ayez  pas  fait  connaître  les  motifs  du  refus 
de  cet  officier  général  et  que  vous  ne  m'ayez  pas  transmis  la  lettre  dans 
laquelle  il  a  sans  doute  exprimé  ce  refus  à  M.  Marquis,  commandant 
l'Éclair, 

Je  vois  que  cette  goélette  a  ramené,  le  30  juillet,  à  Civita-Vecchia, 
les  24  individus  dont  il  s'agit  et  que  vous  les  avez  mis  à  la  disposition 
de  M.  le  commandant  d'armes  ^ 

Dans  sa  lutte  contre  le  clergé  italien,  Napoléon  devait  nécessaire- 
ment s*attendre  à  trouver  les  habitants  des  couvents  au  nombre  de 
ses  adversaires  les  plus  déterminés.  L'empereur  haïssait  les  moines, 
et  ne  laissait  pas  échapper  une  occasion  de  leur  manifester  son  anti- 
pathie. Si  les  prêtres  romains  lui  gardaient  rancune  de  Tenlèvement 
du  pape,  de  son  invasion  dans  les  États  de  TÉglise,  de  son  intention 
de  réduire  à  quatre  les  nombreux  évêchés  «  suburbicaires  »  et  de  sa 
tentative  d'installation  d'évêques  non  institués  canoniquement,  les 
moines  pouvaient  ajouter  à  ces  griefs  la  suppression  pure  et  simple 
des  ordres  religieux.  Il  avait  vidé  les  couvents;  le  couvent  de  la  Cer- 
vara  fit,  il  faut  le  croire,  une  résistance  particulièrement  désespérée. 

1.  Je  ne  trouve  aucun  autre  document  sur  cet  incident.  Le  fait  de  l'envoi  de 
ces  24  déportés  à  l'Ile  d'Elbe  au  lieu  de  Ttle  de  Gqrse  semblerait  indiquer  peut- 
être  qu'il  serait  quesUon  ici,  non  de  prêtres,  mais  de  c  conscrits  réfractaires  t . 
Ces  envois  de  conscrits  des  États  romains  à  l'Ile  d'Elbe  et  en  Corse  sont  (je  le 
vois  par  les  dossiers)  continuels,  et  portent  sur  un  nombre  très  considérable 
d'individus.  Us  ont  lieu  concurremment  avec  les  envois  de  prêtres,  et  souvent 
par  les  mêmes  navires.  Il  est  fort  probable  d'ailleurs  que  parmi  ces  c  conscrits 
réfractaires  i  des  États  romains,  figurent  des  ennemis  politiques  du  nouvel  ordre 
de  choses,  ennemis  dont  on  s'est  débarrassé,  en  les  affublant  bon  gré  mal  gré 
d'une  capote  d'uniforme  (on  sait  combien  Napoléon  employait  fréquemment  cette 
forme  particulière  de  *  lettre  de  cachet  i). 


DRPORTATIOXS   DE   PRÊTRES   SODS   LE   PREXIRE   EMPIRE.  363 

Les  lettres  qui  suivent  nous  apprennent  par  quels  moyens  Tempereur 

finit  par  avoir  raison  de  ces  religieux,  Tépisode  est  curieux  et  vaut 

qu'on  s'y  arrête  : 

Police  générale  à  Marine. 

Paris,  le  5  août  1811. 

M.  le  comte,  j'ai  l'honneur  de  prévenir  V.  E.  qu'en  exécution  des 
ordres  de  8.  M.  les  trapistcs  {sic)  du  couvent  de  la  C^rvara,  dont  l'arres- 
tation a  été  onionnée  par  décret  du  28  juillet  dernier,  doivent  être 
envoyés  dans  Tile  de  Caprara,  pour  y  être  détenus  dans  la  tour.  Je  viens 
de  charger  M.  le  Directeur  de  la  police  au  delà  de^  Alpes,  de  prendre 
les  mesures  convenables  pour  faire  transférer  ces  détenus  à  cette  desti- 
nation, et  de  se  concerter  à  cet  effet  avec  les  autorités  militaires  et 
maritimes. 

Je  prie  V.  E.  de  vouloir  bien  donner  les  ordres  et  instructions  néces- 
saires pour  leur  embarquement  et  leur  transport  dans  l'île  désignée 
]ÏSLT  8.  M.... 

Le  duc  DE  RoviQO. 

Ordre  donn^  sur  U  transport  à  Vile  de  Caprara  des  trapistes  du  œuvent 

de  la  Cervara. 

Marine  à  Police. 

Paris,  9  août  1811. 

M.  le  duc,  j'ai  reçu  la  dépêche  du  5  de  ce  mois  par  laquelle  V.  Ë.  me 
fait  rhonneur  de  me  prévenir  que  les  trapistes  du  couvent  de  la  Gervara 
doivent  être  envoyés  dans  l'île  de  Caprara  pour  y  être  détenus  dans  la 
tour. 

Je  regrette  que  V.  E.  ne  m'ait  fait  connaître  ni  le  nombre  de  ces 
religieux,  ni  surtout  le  point  de  leur  embarquement,  mais  comme  elle 
m'annonce  qu'elle  a  donné  des  instructions  à  cet  égard  à  M.  le  Direc- 
teur de  la  police  au  <lelà  des  Alpes,  j'ai  lieu  de  croire  que  ces  individus 
seront  dirigés  sur  Gênes  et  sur  la  Spezzia,  car  s'ils  avaient  dû  l'être 
sur  Livourne  ou  sur  Civita-Vecchia,  V.  E.  aurait  adressé  les  ordres 
<|ui  leur  sont  relatifs  à  M.  le  Directeur  de  police  du  grand  duché  de 
Toscans»  ou  à  M.  le  Directeur  de  la  police  à  Rome. 

J'ai  en  consèjuence  chargé  MM.  les  commissaires  princi()aux  de 
nîarin(%  à  Gênes  et  à  la  Spezzia,  de  pourvoir  au  transport  à  Caprara 
des  trapistes  du  Couvent  de  la  Gervara,  dans  le  cas  où  ils  seraient,  ainsi 
que  je  dois  le  penser,  dirigés  sur  l'un  ou  l'autre  de  ces  deux  ports. 

Police  à  Marine. 

Paris,  21  août  1811. 
M.  le  comte,  V.  E.  m'informe  par  la  lettre  qu*elle  m'a  fait  l'honneur 
de»  m'adresser  le  9  du  courant,  en  rt^ponse  à  ma  dépêche  du  5  du  même 
mois,  qu'elle  a  chargé  MM.  les  commissaires  principaux  de  marine  à 
(lêues  et  à  la  8p<'zzia  de  pourvoir  au  transport  à  Caprara  des  trapistes 
du  couvent  de  la  Gervara.  Je  vous  remercie  de  cette  communication. 


364  MliLiNGES  ET  DOGUMBlfTS. 

J'avais  pensé,  ainsi  que  V.  E.,  que  ces  individus  devaient  être  en  effet 
embarqués  par  Tun  ou  Tautre  de  ces  ports,  comme  étant  ceux  qui  se 
trouvaient  le  plus  à  proximité  du  lieu  où  ils  étaient  détenus.  Cependant 
M.  le  Directeur  général  de  la  police  des  départements  au  delà  des  Alpes, 
en  me  rendant  compte  des  dispositions  qu'il  a  faites  pour  le  transfère- 
ment  de  ces  hommes,  m'a  annoncé  qu'il  allait  les  diriger  sur  Livoume. 
Je  lui  ai  écrit  sur  le  champ  pour  désapprouver  ce  parti,  et  lui  ordonner 
de  les  faire  embarquer  par  les  côtes  de  la  Ligurie.  Cependant  comme  il 
serait  possible  que  cet  ordre  ne  lui  parvînt  pas  assez  à  temps  pour  qu'il 
pût  le  faire  mettre  à  exécution,  je  crois  devoir  prier  V.  E.  de  vouloir 
bien  donner  des  ordres  à  Livoume,  pour  que  rembarquement  de  ces 
trapistes  n'éprouve  point  de  difficultés  slls  y  sont  conduits. 

Le  duc  DE  Rovioo. 

Ordres  donnés  pour  le  transport  à  Caprara  des  trapistes  du  couvent  de  la 

Cervara. 

Marine  à  Police. 

26  août  1811. 

M.  le  duc,  j'ai  Thonneur  de  prévenir  V.  E.,  en  réponse  à  sa  dépêche 

du  21  de  ce  mois,  que  j'ai  chargé  le  chef  militaire  et  le  commissaire  de 

la  marine  à  Livoume  de  pourvoir  au  transport  à  Caprara  des  trapistes 

du  couvent  de  la  Cervara,  dans  le  cas  où  ils  seraient  dirigés  sur  ce 

premier  port. 

La  Spezzia  à  Marine. 

22  août  1811. 

M.  le  général  commandant  d'armes  à  la  Spezzia  vient  de  me  commu- 
niquer une  lettre  du  préfet  du  département  des  Âppenins,  par  laquelle 
il  annonce  que  27  religieux  de  la  Trappe  doivent  être  transportés  de  la 
Spezzia  dans  Tisle  de  Cappraîa.  Il  m'annonce  en  même  tems  que  ces 
trappistes  sont  arrivés,  et  m'invite  à  donner  des  ordres  pour  leur  trans- 
port. N'en  ayant  pas  reçu  de  V.  E.  à  cet  égard,  je  n'ai  pas  cru  devoir, 
Mgr,  accéder  à  l'invitation  de  M.  le  général  Saudeur;  je  m'y  suis  en 
conséquence  refusé. 

J'espère  que  V.  E.  daignera  approuver  mon  refus,  auquel  je  tiendrai 
jusqu'à  l'arrivée  de  ses  ordres  qui  probablement  se  croiseront  avec 
cette  lettre. 

N'ayant  ici  aucun  bâtiment  propre  à  remplir  cette  mission,  je  viens 

d'écrire  au  port  de  Gênes  pour  qu'un  de  ceux  de  ce  port  soit  mis  à  ma 

disposition  lorsque  le  cas  le  requièrera. 

Pbrnetti. 

Trapistes  à  embarquer  à  la  Speziia. 

Gênes  à  Marine. 

23  août  1811. 

J'ai  reçu  la  dépêche  secrette  que  V.  E.  m*a  fait  l'honneur  de  m'adresser 
le  9  de  ce  mois,  et  en  même  temps  une  expédition  de  cette  même 
dépêche  destinée  pour  le  commissaire  principal  de  marine  à  la  Spezzia. 


DÉPOETATIONS  DE  PR^'RBS  SOCS  LE  PREMIER  EVPIRE. 


3r>5 


Ayant  été  prévenu  hier  au  soir  par  M.  le  commissaire  générai  do 
police  que  les  passagers  dont  est  question  dans  cette  dépêche  ont  été 
dirigés  sur  la  Spezzia,  j*ai  aussitôt  transmis  à  M.  Pcrnetti  Texpitlition 
qui  lui  était  dostinéo,  et  j'ai  mis  à  sa  disposition  un  des  3  bricks  qui  so 
trouvent  retenus  à  la  Spezzia  par  la  présence  du  vaisseau  ennemi  qui 
depuis  trois  jours  croise  devant  le  golphe.  Ce  sont  l'Endyniion,  l'Adtmis 
et  le  Renard  qui  reviennent  de  Corse  où  ils  ont  transporté  des  conscrits. 

Le  Commissaire  principal, 
Fontaine. 

Varignano  à  Marine. 

25  août  1811. 

J'ai  reçu  hier  au  soir,  par  l'entremise  de  M.  le  chef  de  l'arrondisse- 
ment, la  dépêche  du  9  août  par  laquelle  V.  E.  me  prescrit  de  pourvoir 
au  transport  des  trappistes  du  couvent  de  la  Cervara  pour  Tisle  de 
Capraia. 

AussitiH  après  sa  réception,  j*ai  écrit  au  commandant  du  24«  e<|uipage 
de  flottille,  pour  le  prier  do  m'envoyer  ici  un  hAtiment,  n  ayant  que  la 
Ligtirie,  très  impropre  à  ce  genre  de  service. 

Jo  suivrai  dans  cette  nouvelle  circonstance,  Mgr,  les  dispositions 
prescrites  par  la  dépêche  du  10  janvier,  et  j'aurai  l'honnour  de  rendre 
compte  à  V.  E.  de  l'arrivée  des  trappistes  à  leur  destination. 

Pernetti. 

Varignano  à  Marine. 

29  août  1811. 

...  Les  vingt-sept  trappistes  annoncés  ont  été  embarqués  aujourd'hui 
sur  le  brick  de  S.  M.  le  Renard;  aussitôt  que  le  temps  le  permettra,  ce 
bâtiment  fera  voile  pour  l'île  de  Capraia.  Je  présume  que  ce  dé{>art  aura 
lieu  domain  dans  la  journée  au  plus  tard. 

Je  joins  ici  une  liste  de  ces  religieux  revêtue  du  récépissé  du  cap. 
Baudin.  Au  retour  de  sa  mission,  j'aurai  l'honneur  d'en  transmettre  à 
V.  E.  une  seconde,  avec  le  reçu  de  l'autorité  commandant  l'isle  de 
(^praïa  et  le  compte  à  rendre  de  cette  mission  {>ar  le  cap.  du  brick. 

Pernetti. 

État  nominatif  de  27  trappistes  du  couvent  de  la  Cervara  détenus  à  la 
Spezzia,  tiré  de  celui  de  M.  Paris,  capitaine  de  gendarmerie  im|»ériale 
à  Chiavari. 


Numéro!  1 
(Tordre.  1 

Noms. 

PRKNOMS. 

Lieux  de 
naissance. 

Départe- 
ments. 

AoB. 
42 

Professions. 

i 

FlORE 

Philil)ert-I)*H)dato 

Nonos 

Pô 

sacerdot  profès 

2 

Maliola 

Piern»-Antoine- 
Ktienne-Marie 

Hielle 

8(*sia 

56 

id. 

3 

Vise  A 

Etienne-Colombo 

Turin 

Pô 

41 

clerc  profès 

366 


MliLAXGES   ET   DOCIJlfE7fT8. 


Namérodl 
d'ordre.  | 

Noms. 

Prénous. 

Lieux  de 

naissance. 

Départe- 
ments. 

Age. 
48 

Professions. 

\ 

ViET 

Augustin-Bonoit- 

Gisors 

Eure 

clerc  profès 

Joseph 

5 

ROMGO 

Vincent-Hillarione 

Trino 

Sesia 

34 

6 

BODRATI 

François-Benoît 

Ovada 

Gênes 

43 

laïque  profès 

7 

Clavanio 

Mathieu-Louis- 
Placide 

Turin 

Pô 

26 

s.-diacre  profès 

8 

PUONANI 

Fortuné-Placide 

id. 

id. 

27 

laïque  profès 

9 

Reta 

Charles 

Gônes 

44 

id. 

10 

Deblon 

Hippolyte-Louis- 
Jean 

Naples 

31 

s.-diacre  profès 

il 

Straker 

Antoine-Marie 

Stropzer 

47 

sacerdot  profès 

12 

Stanislas 

• 

François-Charles 

Rione 

40 

convers  profès 

13 

De  Gerondci 

Jean-Robert 

Nice  de 
la  Paille 

40 

id. 

14 

8toqlio 

Joseph- Antoine- 
Bernard-Marie 

dlvrée 

Piémont 

34 

15 

Bessonb 

François 

Coni 

Sture 

49 

16 

Dole. 

Jean-Jacques- 
Brunone 

Strasbourg 

Bas-Rhin 

54 

17 

ZiNO 

Jacques 

Gônes 

28 

18 

TASSKTrA 

Iliaciuto- 
Séraphique 

Comiana 

Pô 

43 

19 

FORCH 

Augustin 

Moravia 

44 

20 

QUARELLO 

Fidèle 

Portofino 

24 

21 

Arsënio 

Raymonde 

Cheracco 

Sture 

51 

22 

Gërvais 

Louis-Marie 

Lyon 

33 

tertiaire  maître 
des  enfants 

23 

Masnata 

Joseph 

Gènes 

30 

id. 

24 

Sanine 

AndrtVCharles 

Narsole 

48 

novice  du  chœur 

2r> 

POLLl 

Simon 

Trento 

27 

frère  donné 

2(; 

JOSAS 

Joan-Pierre 

S.Hiilaire 

Ariège 

49 

prêtre  novice 
du  chœur 

27 

PURNO 

I-Aurcnt 

Piverone 

Sosia 

33 

postulant 

Certifié  Total  ci-<lossus  par  nous  sinissignè,  commissaire  de  police  de 
hi  Spozzia,  conforme  à  celui  de  M.  Paris,  capitaine  de  la  gendarmerie 
impériale  à  Chiavari. 

La  Si>ezzia,  le  27  aoiU  1811. 

Crozza  (Ciésar). 


DéPOETATIOIfS  DE  PRÊTRES  SOCS  LE  PREMIER  EMPIRE.  367 

Bon  à  embarquer  sur  le  brick  le  Renard  les  27  trappistes  cy-dénommés. 
Variguano,  golfe  de  la  Spezzia,  le  29  août  1811. 

Le  commissaire  principal  chef  maritime, 

Pbrnbiti. 

Ni  M.  le  commissaire  de  police,  ni  autres  autorités  ne  m'a  remis  de 
papiers  à  faire  passer  au  commandant  de  Gapraja. 

Bàudin. 

Le  lieutenant  de  vaisseau  commandant  le  brick  le  Renard  certifie 
avoir  reçu  les  27  trappistes  ci-dénommés  à  son  bord. 

Varignano,  le  29  août  1811. 

Charles  Baudin. 

A  embarquer  le  dit  jour,  le  commissaire  aux  armemens, 

MUUTIER. 

Police  à  Marine. 

Paris,  le  1-i  septembre  1811. 

M.  le  comte,  S.  M.  a  ordonne  que  lo  s.  Hugues  Burdot,  ex-supérieur 
des  trapistes  de  la  Cervara,  condamné  à  10  ans  de  bannissement,  par 
jugement  d'une  commission  militaire,  le  17  du  mois  dernier,  serait 
conduit  en  Corse,  pour  y  rester  détenu. 

Je  prie  V.  E.  de  vouloir  bien  donner  les  ordres  pour  l'embarquement 
et  le  transport  de  cet  individu,  qui  est  actuellement  dans  la  {irison  de 
Gènes.  Il  devra,  à  son  arrivée  en  Corse,  être  mis  à  la  disposition  de 
M.  le  comte  Berthier,  commandant  de  cotte  isle,  que  je  préviens  de 
cette  disposition. 

M.  le  Directeur  général  de  la  police  des  départements  au  delà  des 
Alpes  est  chargé  de  se  concerter  avec  les  préposés  du  ministère  de  V.  E. 
pour  la  remise  qui  doit  leur  être  faite  du  détenu. 

Le  duc  de  Hovigo. 
Ministre  de  la  Marine  à  Police. 

Boulogne,  le  21  septembre  1811. 

M.  le  duc,  j'ai  l'honneur  de  prévenir  V.  E.  en  réponse  à  sa  dépêche 
du  14  de  ce  mois,  que  je  charge  M.  le  Commissaire  principal  de  marine, 
à  Gênes,  de  se  concerter  avec  M.  le  Directeur  général  de  la  police  des 
déiKirtemenU  au  delà  des  Alpes,  ()Our  faire  effectuer  le  trans(»ort  en 
Corse  du  s.  Hugues  Bunlet,  ex-supérieur  des  trapistes  de  la  Cervara, 
condamné  à  10  ans  de  bannissement. 

J'ai  l'honneur,  à  ce  sujet,  d'annoncer  à  V.  E.  que  les  27  autres 
trapistes  du  même  couvent  de  la  Cervara,  qui  sont  l'objet  de  ses  dépê- 
ches des  T)  et  21  août  dernier,  ont  été  embarqués  le  29  du  même  mois, 
à  la  8{>ezzia,  sur  le  brick  le  Renard^  et  que  le  31  ils  ont  été  remis  à  la 
dis{K)sition  du  commandant  de  Pile  de  Caprara. 


ZM  mttAja»  Et  wacnïïm, 

Miniitre  de  la  3fahiie  à  Police. 

Amsterdam,  ^  octobre  1811. 

M,  le  duc,  j'ai  eo  Thonnear  de  préTeoir  V.  E.  le  21  septembre  dernier, 
en  répTifine  à  mi  dépêche  da  14,  qae  j'avais  chargé  M.  Fontaine^  corn- 
miuftaire  principal  de  marine,  à  Gènes,  de  se  concerter  avec  M.  le 
directeur  général  de  la  police  des  départements  an  delà  des  Alpes,  poor 
faire  effectaer  le  transport  en  Corse  du  s.  Hugues  Burdet,  ex-supérieur 
df«  trapistes  de  la  Cervara  condamné  à  10  ans  de  bannissement. 

M,  Fontaine  me  rend  compte  que  le  s.  H.  Burdet  a  été  embarqué  le 
W  du  m^e  mois  pour  cette  Ile,  à  bord  du  brick  de  8.  M.  le  Faune, 
qui  i;st  parti  le  m6me  jour  pour  la  Corse. 

Hignalement  du  s.  Uugues  Burdet,  ex-supérieur  du  couvent  supprimé 
des  trapistes  de  la  Cervara,  où  il  était  connu  sous  le  nom  de  François 
de  Halle»;  embarqué  le  26  septembre  1811,  sur  le  brick  de  8.  M.  le 
Faune,  pour  ôtre  transporté  en  Corse,  et  remis  à  8.  E.  le  comte  César 
lierthier,  gouverneur  général  de  la  dite  ile. 

Burdet  (flugueH),  fils  do  feu  Charles;  ex-trapiste  du  couvent  supprimé 
do  la  Cnrvara,  natif  de  Anse,  département  du  Rhône,  dernièrement 
domicilié  dans  lo  département  des  Appennins,  prêtre,  ex-moine,  âgé 
de  42  ans,  taille  de  1  mètre  et  685  millimètres,  cheveux,  sourcils  et 
harhe  châtains,  front  découvert,  yeux  châtains,  visage  ovale,  nez  gros 
et  long,  bouche  grande,  menton  rond,  corpulence  ordinaire,  ayant  une 
cicAtrir.o  au  miliou  du  front;  condamné  à  Gènes,  le  17  août  1811,  par 
la  commission  militaire  extraordinaire,  à  la  peine  de  10  ans  de  bannis- 
snnnnit  (M.  aux  frain  do  la  procédure,  comme  convaincu  du  crime  de 
provocation  lï  la  rnhollion. 

Lo  |)rÔHont  Hignahnnout  fait  quadruple  et  clos  à  Gènes,  le  26  sep- 

tomhro  IHII. 

Lo  Commissaire  général  de  police  de  Gênes, 

JOLICLERG. 

N.  n.  Oit  joint  À  co  signalement  une  lettre  adressée  à  l'autorité  à 
Inquollo  lo  dit  prisonnier  doit  être  consigné. 

Iloyn  do  M.  lo  commandant  lo  brick  do  S.  M.  le  Faune,  le  s.  Hugues 
BunhM,  ox-suporiour  du  couvent  de  la  Cervara. 

Ikslia,  VM  octobre  1811. 

L'rtdjudant-gi'»nôral,  commandant  la  première  subdivision 

do  la  Corse, 

Chorié. 

J\ii  drt,  pour  h  clarté  du  nWl,  grou|)cr  les  pièces  relatives  à  cette 
affiiin^  du  otnnenl  do  la  Cervara.  Mais,  pendant  que  s'exécutait  la 
dé|H>rlalion  dos  trappistes,  d'autres  |icrsonnages  étaient  Tobjet  de 
mo5Utvs  analogues.  Je  reviens  n  ces  derniers  et  je  reprends,  en 
remonUinl  ^luolque^  semaines  en  arrière,  l'analyse  de  la  correspon- 
danoo  ntinislèrieUo. 


I)JP0RTATI0?f8  DE   PRÊTRES  BOUS  LE   PREMIER  EMPIRE.  369 

Marine  à  Police. 

9  septembre  1811. 
...  Le  s.  Louis  Muzzi,  mis  à  la  disposition  de  la  Marine,  par  M.  le 
Commissaire  général  de  police  à  Livoume,  est  parti  de  ce  port  pour  la 
Corse,  le  18  août  dernier,  à  bord  du  brick  de  S.  M.  l'Abeille,  il  a  été 
débarqué  à  Bastia  le  20  du  même  mois. 

Livourne  à  Marine. 

17  septembre  1811. 
...  J*ai  envoyé  à  Bastia  par  le  chebeck  de  S.  M.  la  Sirène,  parti 
aujourd'hui  pour  retourner  en  Corse,  le  prêtre  Jean-Michel  Majola. 

Le  Commissaire  chef  maritime, 

Bêrard. 

Commissariat  général  de  police.  —  Livourne. 

État  nominatif  des  individus  ecclésiastiques  mis  à  la  disposition  de 
M.  le  chef  maritime  à  Livourne,  par  M.  le  Commissaire  général  de 
police  en  cette  ville,  pour  être  conduits  en  Corse  par  ordre  supérieur. 


Qualités 

dans la  hiérarchie 

DE  l'Église. 


Noms  et  Prénoms. 


Majola 
(Jean-Michel) 


Age. 
56 


prêtre 


Lieux 


de  naissance. 


Valico  ou 
GarfagntDO  (sic) 
états  Lucquois 


de  domicile. 


Livourne. 


Livourne,  le  17  septembre  1811, 

Certifié  par  l'auditeur  au  conseil  d'État  commissaire  général  de  police. 

Signé  :  Delamalle. 

Marine  à  Police.  14  octobre  1811.  Avis  de  l'envoi  en  Corse  de  Jean 
Michel  Majola. 

Gênes  à  Marine. 

6  novembre  1811. 

J'ai  l'honneur  de  vous  adresser  ci-joint  une  feuille  de  signalement 
du  s.  Nervi,  procureur  général  de  l'ordre  des  Théatins,  embarqué  le 
G  octobre  dernier  sur  la  goélette  de  S.  M.  le  Goèlan,  pour  être  trans- 
porté en  Corse... 

Fontaine. 

Signalement  du  sieur  Nicolas  Nervi,  ex-procurcur  général  de  l'ordre 
des  Théatins,  embarqué  le  6  octobre  1811  sur  la  goélette  de  S.  M.  le 
Goèlan,  pour  être  transporté  en  Corse  et  remis  à  8.  E.  le  comte  César 
Berthier,  gouverneur  général  de  la  dite  île. 

Nervi  (Nicolas),  fils  de  feu  Eugène;  ex-procureur  général  de  l'ordre 
des  Théatins,  prêtre,  &gé  de  59  ans,  né  à  Gênes,  dernièrement  domi- 
cilié à  Gênes,  taille  d'un  mètre  680  millimètres,  cheveux  blancs, 
sourcils  gris,  barbe  id.,  front  découvert,  chauve,  yeux  châtains,  nez 
Rev.  Histor.  XI.  2«  PASC.  2i 


370  MÉLANGES   ET  DOCUMENTS. 

bien  fait,  bouche  moyenne,  menton  rond,  visage  ovale,  corpulence  assez 
forte.  Marques  visibles  :  un  petit  signe  au  dessus  du  sourcil  gauche. 
Le  présent  signalement  fait  triple,  à  Gênes,  le  6  octobre  1811. 

Le  Commissaire  général  de  police  de  Gênes, 

JOLICLBRC. 

On  joint  au  présent  une  lettre  à  l'adresse  de  Monseigneur  le  comte 
César  Berthier,  gouverneur  général  de  la  Corse. 

JOLIGLERG. 

Marine  à  Police. 

22  novembre  1811. 

...  Le  s.  Nervi,  ex-procureur  général  de  Tordre  des  Théatins,  mis  à  la 

disposition  de  la  marine  par  M.  le  Commissaire  général  de  police  à 

Gênes,  a  été  embarqué  en  ce  port,  le  6  octobre,  à  bord  de  la  goélette  de 

S,  M.  le  Goëlan,  et  a  été  débarqué  le  11  du  même  mois  à  Bastia. 

Marine  à  Police. 

9  décembre  1811. 

M.  le  duc,  j'ai  l'honneur  de  prévenir  V.  E.  qu'à  la  réception  de  sa 

dépêche  du  29  novembre  dernier,  j'ai  prescrit  à  M.  le  Commissaire 

principal  de  marine  à  Gênes,  de  se  concerter  avec  M.  le  Directeur 

général  de  la  police  à  Turin,  pour  faire  effectuer  le  transport  en  Corse 

du  s.  Alvi,  ancien  chanoine  de  Todi,  qui  doit  être  dirigé  de  Milan  sur 

Gênes. 

Gênes  à  Marine. 

28  décembre  1811. 

J'attendais  l'arrivée  à  Gênes  de  Tex-chanoine  Aldi*,  qui  doit  être 
transporté  en  Corse,  pour  rendre  compte  à  V.  E.  de  l'exécution  de  ses 
ordres  du  5  de  ce  mois  ;  cet  ecclésiastique  n'ayant  pas  encore  été  con- 
duit ici,  quoique  M.  le  Directeur  de  la  police  des  départements  au  delà 
des  Alpes  m'ait  annoncé  qu'il  y  serait  bientôt  rendu,  je  crois  devoir 
prévenir  V.  E.  que  les  intentions  de  S.  M.  n'ont  pu,  jusqu'à  présent, 
être  remplies... 

Je  ne  sais  si  j'aurai  la  facilité  de  faire  promptement  transporter  le 

s.  Aldi  dans  cette  île  lorsqu'il  aura  été  amené  à  Gênes... 

Fontaine. 
Gênes  à  Marine. 

29  janvier  1812. 

J'ai  l'honneur  de  vous  annoncer  la  rentrée  en  ce  port,  depuis  hier 

après  midi,  du  brick  le  Coureur  et  de  la  goélette  la  Biche,  qui  étaient 

allés  à  Bastia  de  conserve  avec  VAdonis..,  Un  furieux  coup  de  vent  a 

assailli  les  deux  bricks  et  la  Biche  au  moment  de  l'entrée  à  Bastia  ;  ils 

se  sont  heureusement  tirés  de  la  position  dangereuse  où  ce  coup  de 

vent  les  jeta,  mais  les  bricks  ont  fait  des  avaries.  Le  Coureur  a  eu  sa 

home  cassée,  un  cable  rogné  et  sa  yole  emportée.  L'Adonis  a  aussi 

perdu,  dit-on,  son  canot  de  l'arrière.  Je  n'ai  pas  encore  reçu  le  rapport 

du  capitaine  Lebas. 

1.  Alviy  probablement,  dont  il  vient  d'être  parlé. 


DEPORTATIONS  DE  PRÊTRES  SOCS  LE  PREMIER  EMPIRE. 


37< 


V.  E.  recevra  ci-joint  le  récépissé  de  Tex -chanoine  Alvi,  transporté 

en  Corse  sur  le  Coureur,,. 

FoirrAiNE. 

Le  chanoine  Alvi  avait  fait,  comme  on  voit,  un  assez  dangereux 
voyage.  Ce  même  accident  arriva  à  d'autres  déportés;  une  lettre  du 
40  février  4842,  du  ministre  de  la  Marine,  à  Civita-Veccbia,  nous 
apprend  que  V Éclair  et  la  Fortune  (ce  dernier  était  un  bâtiment  de 
commerce  frété  pour  activer  les  transports),  partis  le  46  janvier  de 
Civita-Vecchia,  furent,  le  23,  séparés  par  un  coup  de  vent.  La  Fortune 
fut  obligée  de  relâcher  à  Antibes;  elle  avait  à  bord,  outre  474  cons- 
crits réfiractaires  et  49  militaires,  34  «  individus  embarqués  par 
ordre  du  ministre  de  la  police  générale  ».  V Éclair^  sans  doute,  put 
arriver  à  sa  destination,  puisque  le  ministre  ne  s'en  préoccupe  pas. 
Cette  dernière  goélette  transportait  à  Bastia  les  individus  portés  sur 
les  deux  listes  suivantes  : 

Police,  —  Mairie  de  Civita-  Vecchia. 

État  nominatif  des  individus  embarqués  sur  la  goélette  de  8.  M.  l'Éclair, 
capitaine  Marquis,  pour  être  déportés  dans  Tisle  de  Corse,  en  vertu 
des  décrets  de  S.  M.  et  des  décisons  de  8.  E.  le  ministre  de  la  police 
général  de  l'empire. 


Noméroi  1 
d'ordre.  | 

Noms  et  Prénoms. 

Age. 
54 

Lieux  de  na 
(Communes. 

I8RA.NCE 
I)ÉP«». 

Fonctions 

qu'ils  EXERÇAIENT. 

1 

Orenoo  ou  Grenoo 

Rome 

Rome 

curial 

0 

3 

(Joachim) 

BoNHOLi  (Thomas) 

Ceccacci  (Louis) 

52 
52 

id. 
Guercino 

id. 
id. 

id. 
id. 

4 

DiSSEL  ou  DiNBL 

45 

Rome 

id. 

id. 

5 

OU  DiRBL  (Antoine) 
Benbdetti 

54 

Genazzano 

id. 

id. 

6 
7 
8 

(Luc-Antoine) 
GioRoi  (Philippe) 
Defeligi  (Antoine) 
Salvati  (Antoine) 

45 
34 
47 

Rome 
id. 
id. 

id. 
id. 
id. 

id. 

id. 

ancien  employé  dans 

9 
40 

< 
FoRTi  (Cajetan) 

Petrelli  (Camille) 

60 
49 

id. 
id. 

id. 
id. 

le  mont  de  la  piété 

de  Rome 

id. 

id. 

14 

BoNAGURi  (Louis) 

45 

CÏTiU-Vtoehia 

id. 

cx-passionnista 

Civita-Vecchia,  le  12  janvier  1812. 

Ortifié  véritable  lo  présent  état. 
Le  viaire,  Capalti. 


372  MliLANGES  ET   DOCUMENTS. 

Police,  —  Mairie  de  Civita^Vecchia. 

Ëtat  nominatif  supplémentaire  des  individus  embarqués  sur  la  goélette 
de  S.  M.  VÉclair,  capitaine  Marquis,  pour  être  transportés  dans 
Tîle  de  Corse,  au  dépôt  des  pionniers  colonials^  et  faire  part  du 
second  bataillon  des  dits  pionniers  en  vertu  de  la  décision  de  S.  E. 
le  ministre  da  la  police  général  de  l'empire. 


Numéros 
d'ordre 

Noms  et  Prénoms. 

Époque 
de  la  naissance. 

Signalements. 

1 

ToRiNi  (Paul) 

l'an  1786,  à  Rome, 
départem'  de  Rome 

fils  de  Laurent 
et- de  Rose  Castelli 

2 

Tkjei  (André) 

l'an  1774,  à  Rome, 
départem*  de  Rome 

fils  de  Pierre 
et  de  Faustine  Giunti 

3 

Albert  (Louis) 

7  septembre  1780, 
à  Breda 

fils  de  Antoine 
et  de  Gristine 

Civita-Vecchia,  le  12  janvier  1812. 

Le  maire,  Gapalti. 

Marine  à  police  générale.  24  février  1812.  Avis  de  Tarrivée  en 
Corse  (20  janvier)  du  chanoine  AIvi,  «  remis  à  la  disposition  de  M.  le 
sous-préfet  de  Bastia  ». 

Marine  à  M.  Serval,  capitaine  de  frégate,  commandant  militaire  de  la 

marine  à  Civita-Vecchia. 

23  avril  1812. 
Je  vous  accuse  la  réception.  M.,  pour  Tordre  de  la  correspondance 
des  lettres  que  vous  m'avez  adressées  jusqu'au  G  de  ce  mois. 

Elles  sont  principalement  relatives  au  transport  de  prêtres  et  de  cons- 
crits de  Civita-Vecchia  en  Corse. 

Je  vois  que  le  brick  de  S.  M.  l'Adonis  et  le  navire  affrété  l'Espérance, 
partis  de  ce  port  le  26  mars  dernier,  ont  débarqué  le  31  du  même  mois 
à  Bastia 

9  prêtres; 

2  individus  déportés  par  ordre  du  général  Miolis  et  destinés  au 

30  bataillon  étranger; 
i      idem        idem    et  destiné  au  2«  bataillon  de  pionniers  colo- 
niaux ; 
201  conscrits  réfractaires. 

213  hommes,  et  que  l'Adonis  a  effectué  le  4  de  ce  mois  son  retour  à 
Civita-Vecchia. 


1.  Je  n'ai  pas  besoin  de  faire  remarquer  que  ces  c  pionniers  t  sont  de  purs 


DéPORTATlOIfS  DE  PRÊTRES  S0D8  LE   PREMIER  EMPIRE 


373 


Vous  m'avez  également  annoncé  que  le  navire  affrété  la  Fortune  y 
est  rentré  le  5.  Ce  bfttiment  était  parti  depuis  le  16  janvier  de  Civita- 
Vccchia^  et  il  a  transporté  en  Corse  20!  individus,  savoir  : 
160  conscrits  réfractaires; 
1i  déserteurs  pour  le  3«  bataillon  étranger; 
30  déportés  pour  le  2«  bataillon  colonial. 

Total  :  201  hommes. 

Policé.  —  Mairie  de  Civita^Vecchia. 

État  nominatif  des  individus  embarqués  sur  le  brick  de  S.  M.  l'Adonis, 
capitaine  Le  Bas,  pour  être  déportés  dans  Tîle  de  Gone^  en  vertu 
des  décisions  de  8.  E.  le  ministre  de  la  police  général  de  l'empire 
en  diverses  dates. 


Noms  et  Prénoms. 

ÂOE. 

36 

Lieux  de  i 
Communes. 

«lAlSSANCE. 

Départ**. 

fo.nctions 
qu'ils  exerçaient. 

1 

GoLONNA  (Philippe) 

Rome 

Rome 

ex-directeur 

des  catéchumènes 

0 

Garli  (Bernardin) 

55 

id. 

id. 

3 

Spoletini  (Joseph) 

53 

id. 

id. 

4 

Laurizi  (Joseph) 

38 

diocèse 
deSpoleto 

Trasimène 

curé 

5 

LïRONi  (Jean-Bapt*«) 

4i 

id. 

id. 

id. 

6 

Fblici  (Bernardin) 

4i 

id. 

id. 

id. 

7 

GoRTESiNi  (Bernard) 

53 

id. 

id. 

id. 

8 

Aroenti  (Vincent) 

30 

id. 

id. 

id. 

9 

UimuscHiif  I  (Riphaêl) 

24 

Gènes 

Gênes 

diacre 

Civita-Vccchia,  14  mars  1812. 

Pour  le  maire  absent  : 

Vincent  Bianghi,  adjoint. 

Marine  à  Police. 

23  avril  1812. 

Le  ministre  avise  son  collègue  de  rarrivée  en  Corse  des  neuf  prê- 
tres transportés  sur  l'Adonis  :  «  ces  neuf  individus  ont  été  remis  à 
la  disposition  de  TofOcier  supérieur  commandant  à  Bastia  la  2*  subdi- 
vision de  la  Corse.  » 


et  simples  déportés.  Il  suffit  pour  s'en  convaincre  de  remarquer  l'âge  de  deai 
de  ces  prisonniers  (32  et  38  ans),  âge  qui  devait  régulièremeot  les  mettre  â  l'abri 
de  la  conscription. 
1 .  C'est  ce  navire  (v.  pins  haut)  qui  avait  dû  relâcher  â  Antibes. 


374 


MELANGES   ET   D0CDME!!fT8. 


Marine  à  Police. 

il  mai  1812. 

...  Le  demi  chebeck  le  Bamberg,  parti  le  20  avril  dernier  de  Livourne 
pour  la  Corse,  avait  embarqué  en  ce  port  trois  ecclésiastiques  (les  sieurs 
Félicien  et  Nicolas  Viena,  Joachim  Baldi)  et  leur  domestique  (le 
nommé  Louis  Ghelardi)  ...  ces  quatre  personnes  ont  été  débarquées  le 
2i  du  même  mois  à  Bastia. 

Marine  à  Livourne. 

16  juillet  1812. 

...  Vous  m*avez  rendu  compte  que  la  corvette  le  Mohawck,  partie  le 
10  juin  de  ce  port  pour  la  Corse,  avait  embarqué  3  ecclésiastiques,  les 
sieurs  Joseph  Capua,  Mario  Lancia  et  Natale  Astolfi. 

Vous  avez  été  sans  doute  informé  que  le  Mohawck  est  arrivé  le  16  du 
même  mois  à  Bastia... 

Marine  à  police.  16  juillet  1812.  Avis  de  Tarrivée  en  Corse  du 
Mohawck. 

Marine  à  Police. 

24  septembre  1812. 

Le  brick  de  S.  M.  V Adonis,  parti  le  16  août  de  Gênes  pour  la  Corse, 
avait  embarqué  en  ce  port  trois  prisonniers  d'état  dont  la  liste  nomi- 
native est  ci-jointe ^..  Ces  trois  prisonniers  ont  été  le  19  du  même 
mois  remis  à  la  disposition  du  général  commandant  à  Bastia. 

Marine  à  Civita-Vecchia. 

9  novembre  1812. 

Accusé  de  réception  d'une  lettre  à  laquelle  était  joints  les  contrôles 
nominatifs  de  conscrits  réfractaires,  de  25  individus  destinés  au  2«  batail- 
lon colonial  et  de  7  déportés  partis  le  19  octobre  de  Civita-Vecchia 
pour  la  Corse,  à  bord  de  l'Éclair. 

Police.  —  Mairie  de  Civita-Vecchia. 

État  nominatif  des  individus  embarqués  sur  la  goélette  de  S.  M. 
l'Éclair,  capitaine  Marquis,  pour  être  déportés  en  Corse  en  vertu  des 
ordres  supérieurs. 


-■ — 

"S -S 

3  o 


1 


Noms  et  Prénoms. 


GiORGi  (Philippe- 
Marie) 


ÂQE. 


»)) 


Lieux  de  naissance 
Communes  Départ*». 


Velletri 


Rome 


Observations. 


ex-chanoine 


par  décision  de  S.  E. 
le  ministre  de  la  police 
générale  de  l'empire. 


1.  Je  n'ai  pas  retrouvé  cette  liste. 


DJPORTATIOÏTS  DE  PRÊTÉES  SOUS  LE  PEEMIBB  EXPIEE. 


375 


îé 
■§1 

Noms  et  Prénoms. 

AOE. 

f  » 

41 
41 

54 
30 

Lieux  de 
Communes 

naissance 
Départ»». 

Fo.NCTlONS 

QU*1LS 
EXERÇAIENT. 

Observations. 

0 

Martini 

Monto- 
Fiascone 

id. 

prtHre 

id. 

3 

(^ASACCO  (Joseph) 

Graiioli 

id. 

ex -religieux 

id. 

4 

Vineri  (Benoît) 

Home 

id. 

id. 

par  ordre  de  S.  M. 

provoqué  par  8.  M. 

(sic)  le  ministre  des 

cultes 

5 

GiROLAMi  (Prospor) 

i(l. 

id. 

id. 

id. 

6 

VlNTURINI 

Franrois-Xavier 

id. 

id. 

id. 

id. 

i 

Graziani 

uo 

Corse 

par  une  décision  par- 
ticulière de  M.  le 

directeur  général  de 
la  police  à  Rome 

Civita-Vecchia,  le  19  octobre  1812. 

Le  Commandant  militaire  de  la  marine, 

Serval. 

Les  lettres  suivantes  laissent  entrevoir  les  obsessions  auxquelles 
furent  en  butte  les  déportés  pendant  leur  séjour  en  Corse.  Exilés 
pour  un  rcAis  de  serment,  ils  trouvaient  dans  le  lieu  de  leur  exil  un 
fonctionnaire  qui  réclamait  d'eux  ce  même  serment.  Refusaient-ils? 
ce  fonctionnaire  en  référait  au  ministère  de  la  police  et  en  attendait 
«  des  ordres  ». 

Le  général  comte  César  Berthier*,  commandant  en  chef  la  Corse,  au 

ministère  de  la  Marine. 

10  septembre  1812. 
Le.**  prôtrcs  déportés  sont  tous  arrêtés  (arrivés?),  aucun  n'est  disposé 

1 .  Le  nom  de  ce  personnage,  que  nous  avons  déjà  rencontré  plusieurs  fois,  a? ait 
été  précédemment  mêlé  à  un  autre  incident  de  la  querelle  de  Napoléon  et  du  |>ape. 
Au  moment  où  Pie  Vil  arrivait  à  Savone,  l'empereur  avait  Tait  une  tentative 
INNir  dissimuler  l'état  de  détenUon  dans  lequel  il  comptait  tenir  son  prisonnier. 
Il  afait  organisé  auprès  de  sa  personne  une  sorte  de  cour  dans  laquelle  figura 
un  instant  le  comte  César  Berthier,  avec  le  titre  de  maire  du  palais  du  pafte. 
Mais  bientôt  les  rapports  se  tendirent  de  plus  en  plus  entre  les  deux  adversaires. 
Cette  apparence  de  maison  princière  disparut.  C'est  alors  que  le  comte  César 
Berthier  fut  enfoyé  en  Corse.  Il  était  le  frère  cadet  du  prince  de  Wagrain. 


376  MELANGES  ET  DOGUMEIVTS. 

à  prêter  le  serment.  J'attends  des  ordres  de  S.  E.  le  ministre  de  la 
police  générale  à  leur  égard.  H  serait  essentiel  que  ceux  qui  ont  prêté 
serment  puissent  retourner  sur  le  continent,  ce  qui  ferait  bon  effet  vis- 
à-vis  des  autres. 

Marine  à  M.  le  baron  Lhermitte,  contre-amiral,  préfet  maritime 

à  Toulon. 

19  novembre  1812. 

M.  le  contre-amiral,  je  suis  informé  par  le  ministre  des  Cultes,  que 
les  ecclésiastiques  des  départements  romains  qui  avaient  été  dirigés  sur 
la  Corse  par  mesure  de  police,  et  qui  depuis  ont  prêté  serment,  doivent 
être  renvoyés  dans  ces  départements. 

Je  charge  M.  le  capitaine  de  vaisseau  Donnadieu  de  faire  pourvoir 
au  transport  de  ces  individus;  mais  vous  ne  devrez  pas  moins  lui 
donner  des  ordres  à  ce  sujet. 

Marine  à  Cultes. 

19  novembre  1812. 
M.  le  comte,  j'ai  l'honneur  de  prévenir  V.  E.,  en  réponse  à  sa  dépêche 
du  13  de  ce  mois,  que  j'ai  donné  des  ordres  pour  le  transport  de  la 
Corse  à  Civita-Vecchia  des  ecclésiastiques  des  départements  romains 
qui  avaient  été  dirigés  sur  cette  île  par  mesure  de  police  et  qui  depuis 
ont  prêté  serment. 

Ajaccio  à  Marine. 

7  décembre  1812. 

J'ai  reçu  la  dépêche  que  V.  Ë.  m'a  fait  l'honneur  de  m'adresser  le 
19  novembre  dernier. 

Conformément  à  ce  qu'elle  me  prescrit,  j'ai  pris  les  ordres  de  M.  le 
général  comte  Berthier  pour  le  transport  dans  leurs  départements  des 
ecclésiastiques  romains  qui  ont  prêté  serment.  Il  m'a  informé  qu'ils 
s'y  étaient  rendus  avec  leurs  propres  moyens. 

...  La  mouche  n*  21  était,  le  1«'  de  ce  mois,  sur  le  point  de  transporter 
de  Bastia  à  l'île  Caprara  sept  ecclésiastiques  condamnés ^.. 

Le  capitaine  de  vaisseau,  commandant  la  marine  en  Corse, 

Donnadieu. 

Ajaccio  à  Marine. 

10  décembre  1812. 

J'ai  l'honneur  de  rendre  compte  à  V.  E.  que  M.  le  général  comte 

l.  Je  n'ai  pu  me  procurer  les  noms  de  ces  prêtres.  Il  est  permis  de  supposer 
qu'il  s'agit  ici  de  quelques-uns  de  ces  déportés  qui  avaient  refusé  au  comte  César 
Berthier  le  serment  déjà  refusé  en  Italie,  et  au  sujet  desquels  ce  fonctionnaire 
demandait  (v.  plus  haut)  des  ordres  au  ministre  de  la  police.  Il  n'est  pas  impos- 
sible que  ces  ordres  aient  été  d'envoyer  ces  prêtres  rejoindre  dans  la  tour  de 
Caprara  les  trappistes  du  couvent  de  la  Cervara. 


DtfPOETATlO!!»  DE   PEÊTEES  SOCS   LE  PEEXIEE  BMPIEE.  377 

Borthier,  ayant  été  informé  que  Thomas  d'Arezzo,  archovôquo  do 
Séleucie,  qui  était  détenu  à  Gorte  par  mesure  de  police,  n'en  était  évadé 
et  qu'il  paraissait  qu'il  devait  s'embarquer  sur  l'un  des  points  de  la  côte 
entre  File  Rousse  et  Saint-Florent,  j'ai  expédié  le  chebeck  la  Fortune 
pour  aller  explorer  la  côte  sur  ces  parages,  ainsi  que  celle  comprise 
entre  Sagone  et  l'île  Rousse. 

J*ai  en  outre  donné  Tordre  à  M.  l'enseigne  de  vaisseau  Lecamus  de 
visiter  tous  les  bateaux  qu'il  rencontrera,  afin  de  pouvoir  découvrir 
l'individu  et  dans  ce  cas  de  l'arrêter  et  de  le  conduire  à  l'île  Rousse, 
conformément  aux  intentions  de  M.  le  général  comte  Rerthier,  où  il 
devrait  le  remettre  au  commandant  de  la  gendarmerie  du  lieu. 

Le  chebeck  ia  Fortune  appareilla  le  7  de  ce  mois  pour  cette  mission... 

DONNADIEU. 

Nous  arrivons  à  cette  funèbre  année  4813.  Parti  pour  la  Russie  à 
la  tête  de  tout  ce  que  TEurope  occidentale  et  centrale  a  pu  lui  fournir 
de  soldats,  Napoléon  en  est  revenu  traînant  après  lui  un  ramas 
d'hommes  exténués  et  sans  armes,  un  pële-mêle  d'individus  encadrés 
au  hasard  des  incidents  de  la  déroute.  Il  s'est  dérobé  à  cette  foule 
qui  n'a  plus  ni  la  consistance  ni  l'aspect  d'une  armée,  et  il  a  ftii  en 
poste  jusqu'à  Paris.  Derrière  la  voiture  qui  l'emporte  en  France, 
l'Europe  s'est  soulevée.  L'empereur  vient  demander  à  la  France  ses 
derniers  soldats. 

Il  serait  des  lors  naturel  de  supposer  que  le  despote  vaincu,  occupé 
d'objets  plus  pressants  que  d'assurer  sa  domination  sur  quelques 
centaines  de  prêtres  italiens,  laissera  dormir  cette  question  du  ser- 
ment refUsé  par  une  partie  du  clergé  des  États  romains. 

Une  circonstance  d'ailleurs  va  se  produire  qui  devra,  semble-t-il, 
mettre  fin  aux  mesures  violentes  prises  contre  les  partisans  du  pape. 
En  janvier  4843  en  effet,  la  réconciliation  s'opère,  ofTlciellement, 
entre  Pie  VII  et  Napoléon.  Un  nouveau  concordat  est  signé;  par  une 
clause,  l'empereur  s'engage  «  à  rendre  sa  faveur  aux  cardinaux, 
évêques,  prêtres  et  laïques  qui  avaient  encouru  sa  disgrâce  depuis 
quelques  années  ». 

Or,  rien  de  tel  n'arriva,  et  Pie  VII,  que  l'espoir  de  tirer  de 
prison  ses  adhérents  avait  finalement  décidé  à  accepter  un  con- 
cordat dont  les  bases  principales  lui  répugnaient,  en  fût  pour 
sa  signature.  Deux  mois  après  la  conclusion  de  ce  contrat,  le 
pape  écrivit  à  l'empereur  pour  lui  déclarer  solennellement  qu'il 
retirait  l'approbation  donnée  précédemment  au  nouveau  concordat; 
mais  ce  dernier,  tenant  la  rétractation  du  pape  pour  non  avenue,  se 
hâta  de  publier  le  concordat  du  mois  de  janvier,  et  de  lui  donner 
force  de  loi.  M.  d'Haussonville,  qui  dans  son  livre  suit  pas  à  pas  les 


378  M^LA^TGES  ET  DOCUMEIITS. 

incidents  de  cette  longue  lutte  de  l'empire  et  de  la  papauté,  dit  qu*à 
répoque  du  second  concordat  quelques  «  cardinaux  noirs  »  virent 
alors  cesser  leur  exil,  mais  que  pour  la  plupart  des  prêtres  détenus, 
la  clause  du  concordat  qui  promettait  leur  mise  en  liberté  resta 
illusoire.  L'assertion,  sur  ce  point,  de  M.  d'Haussonvîlle  me  parait 
d'autant  plus  exacte,  que  les  pièces  suivantes  la  justifîent  ample- 
ment. Non  seulement  à  partir  de  4843  les  déportations  de  prêtres 
reprennent  avec  la  même  intensité  que  pendant  les  années  pré- 
cédentes, mais  encore,  on  pourrait  penser  qu'elles  n'ont  pas  été 
interrompues,  sauf  peut-être  du  25  janvier  au  24  mars  4843,  c'est- 
à-dire  pendant  les  deux  mois  qui  s'écoulèrent  entre  la  signature  du 
concordat  de  Fontainebleau  et  la  rétractation  du  pape.  C'est  du  moins 
ce  que  Ton  sera  amené  à  déduire  des  lettres  suivantes,  lettres  qui 
nous  conduisent  immédiatement  au  mois  de  juin  de  cette  année  4843, 
mais  qui  parlent  de  la  déportation  en  Corse  comme  d^un  objet  en 
quelque  sorte  a  courant  ».  De  janvier  à  juin,  des  communications 
que  je  ne  retrouve  pas  ont  été  probablement  échangées  entre  les 
différentes  autorités  administratives  sur  cette  question  du  transport 
des  prêtres  en  Corse,  et  des  transports  ont  dû  avoir  lieu  ^  s'il  n'en 
avait  pas  été  ainsi,  et  s'il  y  avait  eu  une  interruption  de  six  mois 
dans  les  départs,  on  aurait  peine  à  s'expliquer,  par  exemple,  que 
l'agent  de  la  Marine  à  Civita-Yecchia  annonçât  un  envoi  de  déportés 
dans  les  termes  que  Ton  va  lire.  Évidemment  cet  agent  ne  fait  que 
tenir  le  ministre  au  courant  des  détails  d'un  service  dès  longtemps 
organisé  et  en  plein  fonctionnement. 

Givita-Vecchia  à  Marine. 

il  juin  1813. 

En  marge  de  la  lettre,  cette  noie  du  ministre  :  Rendu  compte  à  S.  M. 

le  30  juin  (événements  de  m£r). 

Monsieur  le  Duc, 
J'ai  l'honneur  d'adresser  à  V.  E.  4  états  nominatifs  ^ 

le  i»'  de  175  conscrits, 
le  2«  pour  les  pionniers  18 

le  3°  pour  le  bataillon  colonial  7 

le  4«  prêtres  ou  autres  individus  déportés       17 
garnison  20 

Total        237 

qui  ont  été  embarqués  et  partis  hier  iO  du  courant  à  6  heures  du 

t.  Je  ne  trouve  pas  ces  états. 


DÉPORTATIONS   DB   PRETRES  SOUS  LE  PREMIER  EMPIRE.  379 

matin  sur  le  pinqiie  du  commerce  la  Sainte-Catherine,  capitaine  Jean- 
François  Gianoni,  pour  l'île  de  Corse,  sous  l'escorte  de  la  goiUette  do 
8.  M.  la  Levrette,  qui  a  embarqué  à  son  bord  les  6  premiers  déportés 
compris  dans  l'état  n*  4.  Ce  bâtiment  a  aussi  sous  sa  protection  un 
convoi  do  46  voiles  destiné  pour  les  ports  de  8.  O.  J'ai  donné  au 
capitaine  Taillade  la  mouche  de  S.  M.  le  Petit^Page,  pour  l'aider  à 

maintenir  l'ordre  et  à  rallier  son  convoi. 

Serval. 

Gènes  à  Marine. 

"1  septembre  1813. 

...  Le  9  août  VEndymion  et  la  gabarrc  la  Ciotat  ont  mis  sous  voile,  le 

premier  pour  Bastia,  ayant  à  bord  14  prêtres  et  des  conscrits...  Le  29, 

VEndymion^  l'Adonis  et  la  Biche  sont  rentrés,  les  deux  premiers  venant 

de  porter  en  Corse  des  prêtres,  des  conscrits  et  de^  pionniers  coloniaux  i... 

Fontaine. 
Civita-Vecchia  à  Marine. 

20  septembre  1813. 
En  marge,  note  du  ministre  :  Rendu  compte  à  S.  M.  (événements  de  mer). 

J'ai  Phonneur  de  rendre  compte  à  V.  E.  que 

Conscrits  réfractaires  170 

Individus  destinés  pour  les  pionniers  8 

Garnison  10 


Total        197  hommes 

ont  été  embarqués  sur  la  goélette  du  commerce  la  Fortune,  le  17  de 
ce  mois,  et  sont  partis,  hier  19,  pour  l'isle  de  Corse,  sous  Pescorte  do 
la  goélette  de  8.  M.  la  Torché,  sur  laquelle  ont  été  embarqués  6  prêtres 
et  deux  autres  individus  déportés  dans  cette  isle  par  ordre  de  8.  Ë.  le 
ministre  de  la  police  générale. 
Je  joins  à  ma  lettre  3  états  nominatifs  do  tous  ces  individus^. 

Serval. 

Civita-Vecchia  à  Marine. 

6  octobre  1813. 
Les  déportés  de  la  Torche  ont  été  débarqués  en  Corse  le  22  sep- 
tembre. 

Civita-Vecchia  à  Marine. 

22  novembre  1813. 

En  marge,  note  du  ministre  :  Rendu  compte  à  S.  M.  le  i2  décembre 

lévénements  de  mer). 

...  206  conscrits  réfractaires  destinés   pour  Pile  de  Corse,  et  une 
garnison  de  12  hommes,  ont  été  embarqués  le  18  de  ce  mois,  sur  la 

t.  Je  De  trouTe  pas  U  liste  de  ces  prêtres. 
2.  Je  ne  trouve  pas  ces  états. 


380  MÉLANGES  ET  DOGUMEIITS. 

goélette  du  commerce  la  Fortune,  et  sont, partis  le  20,  sous  l'escorte  de 
la  goélette  de  S.  M.  la  Levrette,  qui  avait  elle-même  à  son  bord  6  indi- 
vidus dont  2  prêtres,  déportés  dans  cette  île  par  ordre  du  gouvernement. 
Gi-joint  les  états  nominatifs ^ 

Sbbval. 

Police  à  Marine. 

3  décembre  1813. 

M.  le  duc,  j'ai  l'honneur  de  prévenir  V.  £.  que  cent  cinquante  prêtres 
romains,  qui  sont  détenus  dans  la  ville  d'Alexandrie,  département  de 
Marengo,  doivent  d'après  les  ordres  de  l'empereur  être  envoyés  dans 
l'île  de  Corse. 

Je  prie  V.  Ë.  de  vouloir  bien  me  faire  connaître  sur  quel  port  ils 
doivent  être  dirigés,  et  d'y  donner  les  ordres  pour  assurer  leur  prompt 
transport  à  cette  destination. 

Le  duc  DE  RoviQO. 

Marine  à  Police. 

6  décembre  1813. 

M.  le  duc,  j'ai  l'honneur  de  prévenir  V.  Ë.  en  réponse  à  sa  dépêche 
du  3  de  ce  mois,  que  le  port  de  Gênes  étant  le  plus  voisin  d'Alexandrie, 
c'est  sur  ce  point  qu'il  convient  de  diriger  les  150  prêtres  romains  qui 
sont  détenus  en  cette  dernière  ville  et  dont  l'empereur  a  ordonné  l'envoi 
en  Corse. 

Je  charge  M.  le  Commissaire  principal  de  marine  à  Gênes  de  faire 
pourvoir  promptement  au  transport  de  ces  individus  et  de  se  concerter 
à  ce  sujet  avec  M.  le  Commissaire  général  de  police  en  ce  port. 

Civita-Vecchia  à  Marine. 

6  décembre  1813. 
Les  déportés  de  la  Levrette  ont  été  débarqués  en  Corse  le  27  novembre. 

Civita-Vecchia  à  Marine. 

20  décembre  1813. 

J'ai  l'honneur  de  rendre  compte  à  V.  E.  qu'en  suite  de  l'invitation 
qui  m'a  été  faite  par  M.  le  colonel  commandant  d'armes  de  cette  ville, 
par  l'ordre  de  S.  Ë.  le  lieutenant  du  gouverneur  général,  en  date  du 
8  décembre  dernier,  de  faire  transporter  de  suite  en  Corse,  par  la 
goélette  de  S.  M.  la  Torche,  les  différents  prisonniers  d'état  détenus  à 
Civita-Vecchia,  cette  goélette  est  partie  samedi  dernier,  18  du  courant^ 
ayant  à  son  bord  9  prisonniers  dont  6  prêtres,  desquels  j'ai  l'honneur 
de  soumettre  à  V.  E.  la  liste  nominative. 

Serval. 

1 .  Je  oe  trouve  pas  les  états. 


D]fP0ETlT10:iS  DB   PRÈTHES  80DS  LE  PtBMIBE  EMPIEB. 


384 


Commissariat  spécial  de  police  de  Civita-Vecchia. 

État  nominatif  de  9  individus  qui  par  décision  de  8.  E.  M.  le  lieute- 
nant du  gouverneur  général  de  Rome  doivent  être  relégués  en  Corse. 
Givita-Vecchia,  i7  décembre  1813. 


Noms  et  Prénoms. 

âqe. 
33 

Lu 
de  naissance. 

ÎUX 

DE   DOMICILE. 

QUALITKS 

ET  Professions 

MoLAJONi  (Joseph) 

Rome 

prêtre  ex-pas- 
sionniste 

Canali  (Joseph) 
GiovANNOLi  (Jean) 

33 
46 

Gesano(Rome) 
Rome 

Rome 

prêtre 
prêtre  ex-fran- 
ciscain 

Maninooni  (J.-Bapt*«) 
MucciOLi  (Pierre) 
Gesari  (Joseph) 

38 
29 
63 

id. 

id. 

Tivoli  (Rome) 

prêtre 
id. 
prêtre  ex-do- 
minicain 

Barthoi.tni  (Philippe) 

Gentofanti  (Barthél.) 

Zeroa  (François) 

36 
40 

Givita-Vecchia 
id. 
•• 

Clivita-Vecchia 
id. 
id. 

marchand 

propriétaire 

huissier  de 

justice  de  paix 

Le  Gommissaire  spécial  de  police, 

Mallbval  (?) 

Vu  débarquer  à  Bastia,  le  23  décembre  1813  au  soir. 

Le  Ghargé  du  service  de  la  marine, 

Butta  Fuoco. 

Le  sous-préfet  de  l'arrondissement  de  Bastia  certifie  que  les  9  indi- 
vidus dénommés  au  présent  état  ont  été  débarqués  en  ce  port  de  Bastia, 
hier  après  midi,  par  la  goélette  de  S.  M.  la  Torche. 

Fait  à  Bastia,  le  24  décembre  1813. 

(niisible.) 

Police  à  Marine. 

20  décembre  1813. 

M.  le  duc,  un  décret  rendu  au  quartier-général  de  Vérone,  en  date 
du  21  novembre  dernier,  porte  que  tous  les  prêtres  romains  relégués 
d'après  les  ordres  de  S.  M.  dans  la  ville  de  Bologne  et  autres  communes 
du  département  du  Reno,  seront  incessamment  dirigés  sur  Florence  et 
Livoume  pour  être  embarqués  et  conduits  dans  Tile  de  Gorse. 

8.  A.  L  le  prince  vice-roi  d'Italie  ayant  spécialement  chargé  le  Direc- 
teur général  de  police  à  Milan  de  me  communiquer  cette  mesure,  j'ai 
fait  aussitôt  les  dispositions  convenables  pour  en  assurer  l'exécution, 
toutefois  après  en  avoir  prévenu  V.  £.  Je  la  prie  de  vouloir  bien  expé- 
dier le  plus  tôt  possible  des  ordres  pour  que  rembarquement  de  ces 


382  mMlinges  et  DOcoMEifrs. 

prêtres  ne  souffre  pas  de  retard,  attendu  qu'il  est  très  vraisemblable  que 
plusieurs  convois  sont  déjà  parvenus  à  Livoume. 

Le  duc  DE  RoviQO. 
(En  marge  de  cette  lettre,  le  ministre  de  la  marine  écrit  :) 

€  Prendre  les  ordres  de  l'empereur,  attendu  qu'un  décret  de  Vérone 
et  un  avis  de  la  police  ne  sont  pas  des  autorités  pour  moi.  » 

(Puis  plus  bas  :) 

f  Voir  le  rapport  ftiit  le  22  décembre  à  S.  M.  » 

Marine  à  Police. 

23  décembre  1813. 

M.  le  duc,  j'ai  Thonneur  de  prévenir  V.  E.,  en  réponse  à  sa  dépêche 
du  20  de  ce  mois,  que  j'ai  chargé  les  chefs  de  la  marine  à  Livoume 
do  faire  pourvoir  au  transport  en  Corse  des  prêtres  romains  qui  avaient 
été  relégués  dans  le  département  de  Reno  et  qu'elle  m'a  annoncé 
devoir  être  dirigés  par  Florence  sur  ce  port,  pour  suivre  cette  desti- 
nation. 

m. 

Maintenant  c'est  4844.  C'est  la  fîn.  Au  commencement  de  janvier 
de  cette  année,  les  alliés  sont  en  France.  En  Italie  la  situation  s'est 
profondément  modifiée.  Murât,  à  la  tête  de  ses  Napolitains,  s'est 
emparé  des  États  romains,  dans  l'espoir  sans  doute  de  se  faire  un 
titre  auprès  de  la  coalition  de  cet  acte  d'invasion  sur  des  pays 
formant  partie  intégrante  de  l'empire  de  Napoléon,  et  pour  obtenir 
des  alliés  le  maintien  sur  sa  tête  de  la  couronne  de  Naples. 

Furieux  de  voir  un  de  ses  lieutenants  se  joindre  à  ses  ennemis, 
Tempereur  (20  janvier)  a  fait  écrire  au  pape  qu'il  est  disposé  à  traiter 
avec  lui,  sur  les  bases  d'une  restitution  des  États  pontificaux.  Refus 
du  pape.  Le  22  janvier  on  a  vu  les  Cosaques  rôder  dans  les  environs 
de  Montereau;  Napoléon  craint  que  l'ennemi  ne  lui  enlève  son  prison- 
nier, le  pape  est  mis  en  voiture,  et  le  commandant  Lagorse  reçoit 
l'ordre,  en  feignant  de  le  reconduire  dans  ses  États,  de  le  ramener  à 
Savonc  à  très  petites  étapes,  et  en  évitant  la  route  directe.  Cependant 
les  événements  se  précipitent;  le  40  mars,  alors  qu'il  n'est  plus  en 
son  pouvoir  de  foire  marcher  sur  Rome  un  caporal  et  quatre  hommes, 
Napoléon  signe  un  dt'crot  rétablissant  le  pouvoir  temporel  du  pape. 
Le  47  mars  Pie  VII  est  libre.  Le  20  avril,  à  Fontainebleau,  Napoléon 
détrA«^  w'-md  congé  de  f^    '*'4|WP8  adhérents. 

iw.  -^n^t  étOQP--  '"'IB^  ^'^  ^^^  ^^  rinvasion,  on  passe 
er-  '  -  -  àd^  ^Sp*  U  ^^  vrai  gue  ropération 


V 


DéPORTATIOIVS   DB   PEÊTRBS  SOUS   LE  PEBMIBE  EMPIEB.  383 

prend  un  nouvel  aspect;  ce  n'est  plus,  à  proprement  parler,  la  dépor- 
tation selon  le  sens  donné  ordinairement  à  ce  mot  dans  la  langue 
politique,  c'est  plutôt  une  mesure  d'évacuation  des  prisonniers  d'État 
des  départements  envahis  sur  ceux  qui  ne  le  sont  pas  encore.  Napo- 
léon est  l'homme  aux  longues  rancunes.  En  4844,  quand  une  ville 
eàt  menacée,  l'empereur  oublie  rarement  de  faire  ramener  dans 
l'intérieur  les  prisonniers  politiques  que  cette  ville  peut  contenir. 
Les  routes  sont  sillonnées  par  de  longues  files  de  ces  malheureux. 

Voici  les  dernières  lettres  adressées  au  ministre  de  la  Marine  de 
l'empire  par  ses  agents  en  Italie,  sur  ce  double  objet  de  la  déportation 
des  prêtres  et  de  l'évacuation  des  prisonniers  politiques. 

(Îivita-Vecchia  à  Marine. 

17  janvier  1814. 

...  131  conscrits  réfractaires  et  tO  individus  destinés  pour  les  batail- 
lons coloniaux,  ont  été  embarqués  le  12  de  ce  mois,  sur  le  pinque  la 
Conception,  cap.  J.-Bapt.  Cavarra,  et  sont  partis  le  même  jour  pour  l'île 
de  Corse,  sous  Fescorte  de  la  got*lette  de  S.  M.  la  Torche,  qui  avait 
elle-même  à  son  bord  3  prisonniers  déporU*»8  dans  cette  île  par  ordre 
de  S.  Ë.  le  ministre  de  la  police  générale. 

Uno  grande  partie  de  ces  conscrits  n'était  pas  habilb'e;  mais  vu 
l'urgence,  M.  le  lieutenant  du  gouvomeur  général  a  ordonné  qu'ils 
fussont  embarqués  tels  quels...  Je  joins  à  ma  lettre  les  états  nominatifs 
soit  des  conscrits,  soit  des  individus  destinés  pour  los  bataillons  colo- 
niaux, soit  de  ceux  embarqués  sur  la  goélette  la  Torche*. 

Serval. 

Géucs  à  Marine. 

17  janvier  181  i. 

En  marge,  note  du  ministère  :  Rendu  omiptc  à  S,  M.  /c  16  février 

{événements  de  mer). 

...  Los  bricks  l'Alacrity,  l'Endymion  et  f Adonis,  ainsi  i\uo  la  go<*lette 
la  Biche,  ont  mis  hier  en  mer,  sous  le  commandement  de  M.  le  capitaine 
de  frégate  de  Mackau. 

Ces  quatre  bâtiments  se  rendent  à  Bastia  et  y  transi>ortent,  le  premier, 
cinquante  prêtres,  les  deux  autres  brigs  150  soldats  illyriens,  et  la 
goélette  r>2  hommes  destinés  puur  le  bataillon  colonial  et  7  conscrits 
réfractaires. 

La  Biche  ne  pouvant  prendre  un  aussi  grand  nombre  de  {mssagers 
avec  son  équipage  actuel,  je  lui  en  ai  fait  laisser  une  partie  sur  le 
station  naire. 

11  y  a  encore  ici  vingt-cinq  prêtres,  et  un  certain  nombre  de  conscrits. 
Voyant  que  le  départ  de  cette  flotille  se  trouvait  retardé  par  les  vents 

1.  Je  n'ai  pas  ces  états. 


384  MELANGES  ET  DOCDHEITTS. 

contraires  et  la  grosse  mer,  j'ai  cherché  à  affréter  un  navire  du  com- 
merce pour  faire  partir  tous  ces  passagers  dans  un  même  convoi.  Je 
n'en  ai  trouvé  qu'un  d'environ  100  tonneaux  qui  eût  consenti  à  faire 
ce  voyage;  il  m*a  demandé  15,000  fr.  de  fret  et  il  a  constamment  refusé 
de  réduire  ses  prétentions  ;  dès  lors  je  me  suis  décidé  à  ne  pas  l'affréter. 
V.  E.  trouvera  ci-joint  les  états  numératifs  et  nominatifis  de  tous  les 

passagers  partis  hier^ 

Fontaine. 

Gênes  à  Marine. 

21  janvier  1814. 

...  Les  3  brigs  dont  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  annoncer  la  sortie  par 
ma  lettre  du  17  de  ce  mois,  ont  été  forcés  de  rentrer  le  18. 

La  grosse  mer  occasionnant  un  violent  roulis  aux  bàtimens,  même 
dans  le  port,  j'ai  fait  débarquer  les  prêtres,  attendu  qu'ils  ont  été  cons- 
tamment malades  depuis  la  sortie  des  bâtiments  jusqu'au  moment  de 
leur  débarquement. 

[Is  ne  seront  embarqués  qu'au  moment  du  départ. 

Fontaine. 

Gênes  à  Marine. 

29  janvier  1814. 

En  marge,  note  du  ministère  :  Rendu  compte  à  S.  M,  le  2  mars 

(événements  de  mer). 

J'ai  l'honneur  d'informer  V.  E.  que  les  brigs  l'Alacrity,  l'Endymion 
et  l'Adonis,  ainsi  que  la  goélette  la  Biche,  ayant  à  leur  bord  les  soldats 
illjTiens,  les  hommes  du  dépôt  colonial,  les  conscrits  et  les  prêtres, 
dont  les  listes  sont  jointes  à  ma  lettre  du  17  de  ce  mois,  mirent  en  mer 
le  26,  pour  se  rendre  en  Corse,  lieu  de  leur  destination. 

M.  le  capitaine  de  frégate  de  Mackau,  commandant  cette  division,  se 
trouvant  le  27  devant  le  golphe  de  la  Sperzia,  reçut  par  un  canot  que  lui 
expédia  M.  le  chef  militaire  de  la  Spezzia  Tavis  que,  suivant  le  rapport 
d'un  patron  arrivant  de  Livourne,  ce  port  était  menacé,  et  il  apprit  par 
d  autres  patrons  venant  de  Tile  d'Elbe  qu'il  y  avait  huit  bâtiments 
ennemis  dans  le  canal  de  la  Corse,  et  la  présence  de  ces  bâtiments 
n'ayant  pas  permis  à  un  navire  chargé  de  bled  pour  la  Corse  et  escorté 
par  la  goélette  la  Torche,  de  se  rendre  à  sa  destination,  on  avait  été 
obligé  de  décharger  ce  navire  à  l'île  d'Elbe. 

Ces  avis  et  un  autre  portant  que  quelques  jour?  auparavant,  vingt- 
cinq  bâtiments  de  guerre  avaient  été  apperous  par  le  travers  de  Saint- 
Florent,  déterminèrent  M.  de  Mackau  à  virer  de  bord  et  à  faire  route 
pour  Gênes:  il  y  est  entré  hier. 

Je  reçus  moi-même  hier,  de  M.  le  commandant  De  la  Coudrav,  une 
lettre  portant  la  date  du  24,  à  laquelle  était  joint  copie  des  dispositions 

1.  Je  ne  trooTe  pis  ces  états. 


DÏPOKTATIO^S  DE   PEÊTKBS  SOUS  LE   PKEMIBK  EMPIRE.  385 

qui  lui  ont  été  prescritos  le  22  par  8.  A.  I.  M»«  la  grando-duchesse,  et 
par  laquelle  il  m'engage  à  ne  pan  expédier,  quant  à  présent,  de  bâti- 
ment pour  Livourne. 

D'après  ce,  j'ai  pris  le  parti  de  faire  débarquer  les  prêtres  et  les  mili- 
taires passagers  sur  les  trois  brigs  et  la  goêlctto. 

Fontaine. 

Gônes  à  Marine. 

15  février  1814. 

En  marge,  note  du  ministère  :  Rendu  œmpte  à  S.  M.  le  23  février 

{événements  de  mer). 

...  A  la  demande  de  S.  A.  I.  le  prince  gouverneur,  j'ai  fait  embarquer 
aujourd'hui  sur  l'Adonis  30  prisonniers  d'état  provenant  du  château  de 
Compiano,  et  dirigés  sur  le  château  d'If. 

L'Adonis,  qui  vient  de  mettre  à  la  voile,  les  transportera  à  Toulon,  où 
il  mettra  ces  prisonniers  à  la  disposition  du  Commissaire  général  de 
police,  qui  leur  fera  suivre  leur  destination  par  terre. 

...  Les  instructions  à  l'Adonis  portent  qu'il  doit  éviter  tout  engagement 
dont  la  faiblesse  de  son  équipage  pourrait  rendre  l'issue  douteuse. 

V.  E.  trouvera  ci-joint  les  états  numératif  et  nominatif  de  ces  trente 

prisonniers  ^ 

Fontaine. 

Gênes  à  Marine. 

2  avril  1814. 

...  Le  !•'  (mars)  le  brig  V Adonis,  expédié  le  15  du  mois  de  février 

pour  porter  des  prisonniers  d'État  â  Toulon,  est  rentré  après  avoir 

rempli  sa  mission. 

Fontaine. 

Ici  prennent  fin  les  documents  que  j*ai  eus  entre  les  mains  sur  la 
déportation  en  Corse.  Le  lecteur  a  sous  les  yeux  tout  ce  qu'il  m'a  été 
possible  de  découvrir  dans  le  riche  fonds  du  ministère  de  la  Marine. 
Est-ce  à  dire  que  tout  soit  connu  désormais  sur  ce  point?  il  s'en  fout, 
très  certainement,  de  beaucoup.  D'autres  dé}H)ts  possèdent  proba- 
blement des  pièces  dont  la  divulgation  pourrait  compléter  celles  que 
je  viens  de  publier.  Pour  ma  part,  j'ai  pu  me  convaincre  que  des 
documents  en  assez  grand  nombre  m'ont  échappé.  Il  me  manque 
plusieurs  listes  de  déportés.  Je  vois  en  outre  par  les  annotations 
portées  en  marge  des  minutes  de  la  correspondance,  annotations  qui 
indiquent  fort  exactement  les  dates  de  départ,  d'arrivée,  les  réponses 
faites,  les  recherches  prescrites  dans  les  bureaux  du  ministère,  etc., 
que  plusieurs  lettres  ne  m'ont  point  passé  sous  les  yeux,  soit  que  je 

t.  Je  n'ai  pas  ces  états. 

Rbv.  Histor.  XL  2*  fasg.  25 


386  MELANGES  ET  DOCUMENTS. 

n'aie  pas  su  les  découvrir,  soit  qu'elles  n'existent  plus  dans  les 
dossiers. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  fecile  de  s'assurer,  par  l'examen  des  pages 
qui  précèdent,  que  la  déportation  en  Corse  porte  sur  plus  de  cinq 
cents  personnes,  prêtres  pour  la  plupart;  si  l'on  ajoute  à  ce  chiffre, 
déjà  si  considérable,  les  fort  nombreuses  arrestations  ordonnées  par 
l'empereur  sur  les  membres  du  clergé  français,  arrestations  dont  tes 
plus  récents  travaux  publiés  sur  l'empire,  et  particulièremeat  le  livre 
si  instructif  de  M.  d'Hausson ville,  permettent,  du  moins  en  partie,  de 
faire  le  dénombrement,  on  arrive  à  un  total  qui  contredit  singuliè- 
rement l'audacieuse  allégation  produite  par  Bonaparte  dans  l'ouvrage 
intitulé  Mémoires  de  Napoléon  ;  «  Le  fiât  est,  ne  craint-il  pas 
«  d'affirmer,  qu'il  n'y  a  jamais  eu  plus  de  cinquante-trois  prêtres 
«  retenus  par  suite  des  discussions  avec  Rome.  Us  l'ont  été  légitime- 
«  ment.  »  Il  faut  avoir  eu  une  singulière  confiance  dans  les  dépêches 
«  secrètes  »,  dans  les  lettres  «  à  son  excellence  elle-même  »  et  dans 
les  rapports  «  confidentiels  ».  Il  faut  aussi  n'avoir  pas  prévu  l'éven- 
tualité de  recherches  sérieuses  faites  dans  les  archives,  pour  s'être 
permis  d'imprimer  cet  insoutenable  mensonge. 

Au  reste,  pendant  tout  son  règne,  Bonaparte  seinble  avoir  caressé 
avec  prédilection  cette  idée  de  déporter  des  prêtres.  Il  est  vrai 
qu'après  l'affaire  de  la  machine  infernale  du  3  nivôse  an  IX,  quelques 
conseillers  d'État  ayant  parlé  peu  favorablement  des  royalistes  et 
des  prêtres,  il  avait  crié  très  fort  :  «  On  ne  me  donnera  pas  le 
change!...  Veut-on  que  je  déporte  des  prêtres?...  des  vieillards!  » 
Mais  il  avait  besoin  alors  de  l'appui  du  parti  catholique,  et 
il  tenait  fort  aussi,  ce  jour-là,  à  obtenir  la  déportation  de  -130  ré- 
publicains. Mais  un  peu  plus  tard,  pendant  les  négociations  du 
concordat;  Thibaudeau  (Mémoires  sur  le  Consulat)  lui  entendit 
exprimer  en  ces  termes  sa  manière  de  comprendre  le  gouvernement 
des  choses  religieuses  :  a  ...  le  premier  consul  nomme  les  évêques, 
le  pape  les  institue;  il  nomme  les  curés,  l'État  les  salarie.  Ils  prêtent 
serment,  on  déporte  ceux  qui  ne  se  soumettent  pas...  »  Plus  tard 
encore  il  écrivait  au  grand  juge  d'arrêter  des  prêtres  qui  avaient  fait 
mine  de  résister  au  concordat  :  <  Dans  le  diocèse  de  Liège,  il  faut 
également  faire  arrêter  dix  des  principaux.  Je  veux  bien  encore  être 
indulgent  et  consentir  à  ce  que  ces  prêtres  soient  déportés  à 
Rimini...  »  (Correspondance  de  Napoléon  I",  IX,  340.)  C'était,  on  le 
voit,  un  système. 

Ce  qui  était  encore  un  système,  c'était  de  ne  jamais  se  servir  des 
armes  fournies  par  les  lois  répressives  en  matière  de  politique  ou  de 
religion.  On  trouverait  peu  d'exemples,  sous  l'empire,  de  gens  con- 


DéPOKTATIONS  DE   PRÊTRB8  SOUS  LE  PEESIIER  EXPIRE.  387 

damnés  pour  fkits  politiques,  par  les  tribunaux  réguliers;  quand  il  y 
a  jugement,  c'est  très  généralement  un  jugement  rendu  par  une 
commission  militaire.  Particulièrement  en  ce  qui  concerne  les  dépor- 
tations eiïcctuécs  à  cette  époque,  on  remarquera  que  les  juges  mili- 
taires eux-mêmes  ne  sont  jamais  consultés  :  en  brumaire  an  VlU, 
déportation  de  républicains,  par  arrêté  des  consuls  provisoires;  en 
nivôse  an  IX,  déportations  de  républicains,  par  un  sénatus-consulte; 
en  4804,  déportation  de  républicains,  par  un  ordre  de  Tempereur; 
de  4844  à  4844,  déportations  de  prêtres,  par  ordre  de  Tempereur. 

En  relisant  d'un  bout  à  l'autre  la  longue  liste  des  gens  déportés 
par  ordre  de  l'empereur  pour  une  cause  politique  ou  religieuse,  je  ne 
trouve  qu'un  homme  qui  soit  sous  le  coup  d'un  jugement  :  c*est  le 
père  Burdet,  supérieur  des  trappistes  de  la  Cervara,  condamné 
(voy.  plus  haut)  par  une  commission  militaire;  encore  la  peine  qu'on 
lui  fait  subir  n'est-elle  pas  celle  qui  lui  est  applicable,  car  il  a  été 
condamné  à  40  ans  de  bannissement  et  on  le  déporte  dans  une  Ile 
française. 

Les  périodes  révolutionnaire  et  républicaine  ont  eu,  elles  aussi,  leurs 
déportations.  Des  lois  prononcèrent  successivement  omette  peine 
contre  les  prêtres  réfractaires,  lorsque  ces  prêtres  se  trouvaient  placés 
dans  certaines  conditions  prévues  et  déterminées;  puis  après  le 
48  fructidor  an  V,  contre  plusieurs  catégories  de  citoyens.  Les  tri- 
bunaux criminels  avaient  en  outre  la  foculté  d'appliquer  cette  pénalité 
aux  fauteurs  de  certains  délits.  L^homme  politique,  l'historien  peuvent 
discuter  ces  mesures,  mais  ils  seront  obligés  de  reconnaître  que  ceux 
qui  en  étaient  atteints  tombaient  du  moins  sous- le  coup  des  pres- 
criptions nettes  et  précises  d'articles  de  lois  votés  par  les  représentants 
réguliers  de  la  nation.  Détail  curieux  à  noter  :  le  consulat  et  l'empire 
ont  fhippé  de  déportation  un  plus  grand  nombre  d'individus  que  ne 
l'avaient  foit  les  régimes  précédents.  Les  lois  de  déportation  n'ont 
jamais  reçu  d'application  pendant  la  période  révolutionnaire  propre- 
ment dite,  si  ce  n'est,  en  Tan  111,  contre  les  représentants  Billaud- 
Varennes  et  Gollot  d'Herbois.  L'ordre  donné  sous  la  Convention  de 
déporter  les  mendiants  et  vagabonds  n'a  pas  été  exécuté;  les  con- 
damnés politiques,  particulièrement  les  prêtres  insoumis,  ont  été 
incarcérés  en  très  grand  nombre,  ils  n'ont  pas  été  eflectivement 
déportés.  Les  départs  (en  exceptant,  comme  je  viens  de  le  dire,  l'em- 
barquement do  Billaud  et  Collot)  ne  commencent  qu'en  l'an  VI  ^  à  la 

l.  Je  n'ignore  pas,  qu'antérieurement  à  cette  date,  et  postérieurement  auwi, 
beaucoup  de  personnes  (principalement  des  prêtres),  furent  Jetées  sur  le  terri- 
toire étranger,  surtout  sur  les  territoires  suisse  et  espagnol.  Le  nom  de  dêpor- 


388  II<LA56BS   ET  OOCUMENTS. 

suite  des  événements  du  4  8  fructidor.  J'ai  sous  les  yeux  les  listes  offi- 
cielles et  complètes  des  individus  transportés  à  la  Guyane  (seule 
colonie  qui  ait  reçu  des  condamnés)  jusqu'au  \9  brumaire  an  YIII  : 
322  noms  y  figurent;  si  j'ajoute  à  ce  chiffre  une  cinquantaine  de 
condamnés  pris  en  mer  par  les  Anglais,  avec  le  navire  qui  les  trans- 
portait, et  enfin  quatre  condamnés  à  la  déportation  dans  Taifaire  de 
Babeuf  (qui  ne  furent  embarqués  d'ailleurs  que  sous  l'empire)^ 
j'arrive  à  un  total  de  moins  de  400  individus.  Ce  total  comprend 
non-seulement  les  déportés  politiques  et  les  prêtres,  mais  encore 
quelques  forçats  du  temps  de  l'ancien  régime,  dont  la  peine  avait  été 
commuée  par  les  tribunaux  criminels,  sur  leur  demande  en  révi- 
sion de  procès.  J'ose  afQrmer  que  de  nouvelles  recherches  dans  nos 
dépôts  publics  ne  fourniraient  pas  le  moyen  de  grossir  bien  sensible- 
ment ces  chifires.  Le  consulat  et  l'empire  (en  ne  tenant  compte 
que  des  documents  publiés  ici  même  dans  un  précédent  article  et 
des  pièces  produites  au  cours  du  présent  travail)  ont  déporté  effeeti* 
vement  650  personnes  environ  pour  des  causes  uniquement  poli- 
tiques ou  religieuses.  Je  me  contente  d'ajouter  que  ce  résultat  est 
provisoire*. 

Jean  Dbstbem  . 

tation  que  les  autorités  d'alors  donnèrent  à  ces  expulsions  est  évidemment  videux, 
et  l'on  ne  saurait  considérer  comme  déportés  ceux  qui  furent  l'objet  de  ces  mesures 
de  bannissement. 

1.  C'est  ainsi  que  je  trouve  dans  les  dossiers  de  la  marine  la  trace  de  deux 
individus  déportés  sous  le  Consulat  à  Saint-Domingue  par  mesure  de  simple 
police.  Plusieurs  autres  étaient  destinés  au  même  exil;  le  triomphe  de  l'insur- 
rection des  noirs  empêcha  le  départ  de  ces  bannis.  Les  dossiers  parlent  également 
de  deux  mameloucks  du  premier  consul  dont  on  semble  pressé  de  se  débarrasser 
à  tout  prix,  en  les  envoyant  aux  colonies  sous  bonne  et  sûre  garde,  etc.,  etc. 
Quant  aux  projets  non  suivis  d'exécution,  ils  sont  nombreux  :  projet  de  coloniser 
avec  des  déportés  accom|)agnés  de  leurs  familles  les  extrêmes  limites  de  nos  pos- 
sessions en  Guyane;  projet  de  déporter  dans  la  Louisiane  (un  moment  française) 
cinq  ou  six  cents  bohémiens,  etc. 


BULLETIN   HISTORIQUE 


FRANCE. 


L'époque  de  Tannée  où  nous  nous  trouvons  est  toujours  marquée, 
au  point  de  vue  historique,  par  une  assez  grande  stérilité-,  mais 
jamais  les  publications  qui  se  rattachent  à  nos  études  n'avaient  été 
aussi  rares  que  depuis  notre  dernier  bulletin.  Cette  vérité  surprendra 
peut-être  ceux  de  nos  lecteurs  qui  ne  se  rendent  pas  compte  des  limites 
que  la  Retme  est  obligée  de  se  tracer,  sous  peine  de  compromettre  son 
autorité,  et  qui  pensent  qu'elle  doit  accorder  son  attention  à  tous 
les  ouvrages  qui  s'occupent  du  passé.  C'est  parce  que  la  He9me  ne  peut 
étendre  son  domaine  jusqu'aux  bornes  de  la  science  historique  aussi 
largement  comprise,  que  la  pénurie  dont  nous  parlons  est  réelle  et 
que  le  bulletin  qu'on  va  lire  est  aussi  sommaire. 

Le  tome  IV  et  dernier  des  Mémoires  de  Thomas  du  Fossé  * ,  par 
exemple,  échappe  presque  entièrement  à  notre  compétence  ;  les  élé- 
ments purement  historiques  qu'il  renferme  se  réduisent  presque  à 
des  détails  sur  la  famine  de  4693  et  sur  les  habitudes  de  maraudage 
de  l'armée.  En  même  temps  que  ce  volume  et  l'introduction  de  l'édi- 
teur, M.  Bouquet,  la  Société  de  l'Histoire  de  Normandie  distribue  le 
tome  premier  de  V Histoire  de  Vahbaye  de  Saint-Michel  du  Tréport, 
par  Dom  Coquelin'.  Nous  reviendrons  sur  ce  volume  lorsque  nous 
aurons  entre  les  mains  la  fin  de  Touvrage  et  l'introduction  de 
M.  Lormier,  à  qui  cette  publication  a  été  confiée.  —  C'est  également 
sous  les  auspices  d'une  société  savante  de  province  que  M.  Em.  Pilot 
de  Thorey  a  publié  le  Cartulaire  de  l'abbaye  bénédictine  de  Notre- 
Dame  et  Saint-Jean-Baptiste  de  Chalais^  au  diocèse  de  Grenoble'. 
Les  cinquante-cinq  chartes  que  M.  Pilot  a  réunies  sous  ce  titre  ne 
présentent  guère  qu'un  intérêt  local,  et  la  façon  dont  elles  sont  éditées 
laisse  îx  désirer.  —  M.  Eug.  Halphen  n'a  pas  apporté  non  plus  tous  les 
soins  désirables  au  recueil  de  documents  inédits  qu'il  vient  de  publier 

1.  1  Tol.  iii-^*,  Rouen. 

2.  1  vol.  in-8%  Rouen. 

3.  1  Tol.  in-8%  Grenoble.   Extrait  du  bulletin  de  la  Société  de  sUtislique  de 
l'Isère. 


390  BULLETIN   HISTORIQUE. 

sur  le  règne  de  Henri  IV*.  Ce  recueil  se  compose  H** de  trois  projets  de 
Pallocution  que  Henri  IV  devait  prononcer  au  lit  de  justice  du  24  mai 
4597,  du  texte,  déjà  publié,  des  paroles  que  le  roi  fit  en  effet  entendre 
au  Parlement  et  d'un  procès-verbal  de  la  séance  ;  2®  de  six  lettres  de 
Henri  à  Hurault  de  Maisse,  ambassadeur  à  Venise;  3»  de  trois  autres 
lettres  du  roi.  Tune  au  comte  de  Brienne,  Tautre  à  M.  de  Beauvoir, 
la  troisième  à  Fabbesse  de  Soissons  ;  4°  de  lettres  de  Nicolas  Rapin  et 
de  son  fils.  Ces  documents  sont  intéressants.  L'éditeur  aurait  dû  y 
introduire  une  ponctuation  meilleure,  des  apostrophes,  mettre  de 
grandes  lettres  aux  noms  propres,  multiplier  davantage  les  notes, 
déterminer  d'une  façon  certaine  l'auteur  du  procès-verbal  et  comparer 
ce  procès- verbal  à  celui  du  registre  original  du  Parlement. 

Nous  signalerons  brièvement  les  Esquisses  marchoises^  de  M.  Louis 
Duval,  qui,  sous  une  forme  décousue  et  prolixe,  dénotent  un  sens 
critique  exercé  et  une  connaissance  approfondie  de  l'histoire  locale, 
et  les  études  de  M.  Ernest  Lavisse  sur  l'histoire  de  Prusse^,  que  nous 
avons  déjà  appréciées  à  fur  et  à  mesure  qu'elles  paraissaient  dans  la 
Revue  des  Deux-Mondes  et  qui,  sans  faire  étalage  d'érudition,  avec 
leur  forme  alerte  et  brillante,  nous  offrent  une  véritable  philosophie 
de  l'histoire  de  Prusse. 

Il  ne  faut  demander  à  M.  le  comte  Jules  Delaborde  ni  la  pénétra- 
tion, ni  le  talent  qui  distinguent  le  livre  de  M.  Lavisse,  mais  ses 
ouvrages  reposent  toujours  sur  des  recherches  patientes  et  fécondes. 
Dans  le  premier  volume  de  sa  biographie  de  Coligny  ^,  les  documents 
tiennent  la  première  place  et  cependant  l'ouvrage  porte  une  empreinte 
très  personnelle.  Les  documents  mis  au  jour  par  M.  Delaborde  ont 
un  prix  et  un  intérêt  singuliers.  S'ils  ne  nous  révèlent  pas  un  Coligny 
inconnu,  ils  accentuent  davantage  les  traits  de  cette  belle  et  sereine 
figure,  ils  nous  font  entendre  le  simple  et  fier  langage  de  cette  grande 
âme,  si  fortement  imbue  du  sentiment  du  devoir,  si  pleine  d'abnéga- 
tion, si  supérieure  à  son  temps.  Aux  lettres  de  Coligny  s'en  ajoutent 
d'autres  dont  on  appréciera  l'importance  quand  on  saura  qu'elles 
sont  signées  de  Henri  II,  d'Anne  de  Montmorency,  de  d'Andelot,  de 
François  de  Lorraine,  etc.  M.  Delaborde  n'a  voulu  ni  analyser,  ni 

1.  Harangues  et  lettres  inédites  du  roi  Henri  IV  stUvies  de  lettres  inédites  du 
poète  Nicolas  Rapin  et  de  son  fUs,  publiées  d'après  les  ms.  de  la  Bibliothèqoe 
nationale.  In-4*',  Lille. 

2.  Esquisses  marchoiseSy  superstitions  et  légendes,  histoire  et  critique,  1  vol. 
in- 18.  Champion. 

3.  1  vol.  in-8°.  Hachette. 

4.  Gaspard  de  Coligny,  amiral  de  France,  1  vol.  gr.  in-8".  Sandoz  et 
Fischbacher. 


FRANCE.  394 

mutiler  des  documents  où  un  simple  mot  peut  avoir  la  valeur  d'un 
trait  de  caractère.  11  a  eu  raison.  C'est  surtout  à  ce  souci  et  à  ce  res- 
pect des  documents  que  son  livre  doit  son  intérêt  et  son  importance. 
Quant  à  Tesprit  dans  lequel  il  est  écrit,  il  est  un  peu  étroit,  un  peu 
sectaire.  Non  que  la  ferveur  protestante  de  Fauteur  ait  eu  pour 
résultat  de  grandir  outre  mesure  Goligny,  mais  elle  fausse  un  peu  le 
ton  du  récit,  elle  lui  donne  quelque  chose  de  sec  et  de  tendu,  et  elle 
entraine  parfois  l'auteur  à  méconnaître  certains  faits  et  à  en  affirmer 
d'autres  sans  preuve.  C'est  ainsi  qu'après  avoir  parlé  de  la  prise 
d'armes  arrêtée  en  4560  entre  Gondé  et  le  roi  de  Navarre,  il  nous 
présente  le  premier  comme  innocent  du  crime  de  lèse-majesté  (476- 
502)  ;  ailleurs,  nous  ne  savons  sur  la  foi  de  quelle  autorité  il  attribue 
au  duc  de  Guise  et  au  cardinal  de  Lorraine  la  pensée  de  se  débarras- 
ser en  4560  de  «  tous  les  réformés  français,  à  quelque  rang  de  la 
société  qu'ils  appartinssent  »  (480).  Plusieurs  lettres  que  M.  Dcla- 
borde  donne  pour  inédites  avaient  déjà  été  publiées  par  M.  Jules 
Tessier  dans  une  étude  remarquable  sur  Coligny^  que  l'auteur 
semble  n'avoir  pas  connue  et  à  laquelle,  d'ailleurs,  il  n'aurait  pu 
emprunter  que  peu  de  chose,  car  il  s'arrête  dans  ce  premier  volume 
à  redit  de  4562.  La  partie  la  plus  neuve  de  ce  volume  consiste 
peut-être  dans  l'exposé  des  négociations  avec  l'Angleterre,  qui  se 
terminèrent  par  la  restitution  de  Boulogne,  et  de  celles  que  Goligny 
poursuivit  avec  Gharles-Quint  et  Philippe  II  pour  la  libération  des 
prisonniers  de  guerre. 

La  Société  de  l'Histoire  de  France  vient  de  distribuer  le  premier 
volume  des  Mémoires  de  Nicolas  GoulaSy  c^est-à-dire  la  partie  com- 
prise entre  4627  et  la  régence  d'Anne  d'Autriche '.  Ces  mémoires, 
on  le  sait,  ont  été  écrits  par  un  serviteur  de  Gaston  d'Orléans;  c'est 
donc  principalement  de  ce  prince,  de  ses  intrigues  stériles,  de  ses 
complots  avortés  qu'ils  nous  entretiennent;  c'est  dire  qu'ils  ne 
peuvent  avoir  l'intérêt  de  ceux  qui  nous  initient  à  la  politique  de 
Richelieu  ;  toutefois  les  conspirations  dont  Gaston  fût  l'àme  se  ratta- 
chent tellement  à  l'exécution  des  grands  desseins  du  ministre  par  les 
obstacles  qu'elles  ont  semés  sur  sa  route,  qu'elles  forment  une  partie 
considérable  de  l'histoire  de  son  ministère.  Goulas  est  un  narrateur 
Adèle  et  impartial  des  compétitions  qui  divisaient  la  cour  de  Gaston, 
des  complots  auxquels  il  prêta  l'appui  de  son  nom.  Ses  mémoires, 
publiés  pour  la  première  fois  d'après  le  ms.  original,  contribueront 


1.  L'anUral  OoUçtuf,  étude  historique.  1  vol.  in-S*.  Sandoz  et  Fischbacber. 

2.  Mémoires  de  Nie.  Goulu,  gentilhomme  ordinaire  de  U  chambre  da  dac 
d'Orléans,  publiés  par  Charles  Constant.  1  toI.  in-S*.  Renouant. 


392  BULLETIN  HISTORIQUE. 

dans  une  large  mesure  à  nous  fkire  connaître  le  centre  de  mesquines 
intrigues  auquel  Gaston  présidait  et  qu'il  ne  faut  jamais  perdre  de 
vue  quand  on  étudie  le  gouvernement  du  cardinal. 

Le  titre  compliqué  et  quelque  peu  bizarre  que  M.  le  comte  de 
Martel  a  donné  à  son  livre  ^  en  indique  bien  le  caractère  décousu  et 
discursif.  On  comprendra  à  quel  point  l'auteur  s'est  affranchi  des 
règles  de  la  composition,  quand  on  saura  que  de  ces  deux  volumes 
qui  se  présentent  comme  une  étude  sur  Fouché,  le  second  s'occupe  à 
peine  de  ce  personnage  et  est  consacré  pour  la  plus  grande  partie  aux 
événements  du  9  thermidor,  dans  lesquels,  de  Taveu  de  l'auteur,  le 
futur  duc  d'Otrante  ne  joua  qu'un  rôle  tout  à  fait  secondaire.  M.  de 
Martel  est  un  chercheur  patient,  passionné,  qui  se  laisse  entraîner 
hors  de  son  sujet  par  les  documents  variés  que  des  recherches  entre- 
prises d'abord  dans  un  but  déterminé  font  passer  sous  ses  yeux.  Ne 
nous  en  plaignons  pas  :  tout  ce  qui  dans  cet  ouvrage  est  étranger  à 
Fouché  n'en  forme  pas  la  partie  la  moins  intéressante.  Ce  qu'on  y 
trouve  sur  l'administration  de  Fouché  dans  ses  différentes  missions 
a  moins  d'intérêt  et  de  nouveauté,  à  nos  yeux,  que  le  récit  circons- 
tancié, puisé  aux  meilleures  sources,  de  la  lutte  de  la  Commune 
contre  la  Convention  et  les  Comités.  L'organisation  de  la  force  armée 
à  Paris,  au  moment  où  s'ouvrait  la  lutte,  n'avait  jamais  été  présentée 
d'une  &çon  aussi  claire  et  aussi  complète.  Ce  livre,  qui  prête  tant  à  la 
critique  par  ses  digressions,  ses  redites,  ses  réflexions  oiseuses,  ne 
mérite  que  des  éloges  si  on  le  considère  comme  un  recueil  de  docu- 
ments et  de  faits  ^.  Immédiatement  au-dessous  des  livres  bien  faits 
il  faut  placer  les  livres  utiles,  et  nous  croyons  qu'aucun  de  ceux  qui 
s'occupent  de  la  période  révolutionnaire  ne  contestera  ce  titre  au 
livre  de  M.  de  Martel. 

L'histoire  proGtera  beaucoup  moins  de  l'ouvrage  consacré  par 
M"*  la  marquise  de  Blocqueville  à  la  mémoire  de  son  père,  le  maré- 
chal Davout^,  mais  il  faut  reconnaître  que  le  second  volume  de  cet 
ouvrage  est,  comme  composition,  très  supérieur  au  premier^.  Sans 
prendre  encore  décidément  parti  entre  une  biographie  homogène  et 


1.  Types  révolutionnaires,  —  Etude  sur  Fauché,  l'*  partie  :  Nantes,  Nevers, 
Lyon,  le  communisme  dans  la  pratique  en  1793.  2*  partie  :  Fouché  et  Robes- 
pierre,  le  9  thermidor,  les  rois  révolutionnaires.  2  vol.  in- 12.  Pion. 

2.  Un  trail  particulier  à  l'auteur,  c'est  qu'il  ne  tient  aucun  compte  des  traTaax 
de  ses  deranciers;  ainsi,  l'ouvrage  de  M.  d'HéricauIt  sur  le  9  thermidor,  celui 
de  M.  Mège  sur  le  proconsulat  de  Couthon  en  Auvergne,  ne  sont  pas  cités. 

3.  Le  maréchal  Dawut,  prince  d^Eckmûhl,  racontée  par  les  siens  et  par  M- 
même  :  années  de  commandement,  1  toI.  in- 8*.  Didier. 

4.  Cf.  Revue  hist.,  X,  124. 


AN6LETBREB.  393 

un  recueil  de  documents,  M"*  de  Blocqucville  est  venue  bien  plus 
rarement  que  dans  le  premier  interrompre  par  des  réflexions  plus 
filiales  qu'intéressantes  la  série  des  lettres  beaucoup  plus  nombreuses 
qui  forment  le  fond  de  sa  publication.  Ces  lettres  ont  presque  toutes 
un  caractère  privé,  domestique*,  elles  sont  adressées  à  la  maréchale, 
née  Leclerc,  et  n'ajouteront  que  bien  peu  de  chose  à  Thistoire  roili* 
taire  qui  semblait  surtout  devoir  s'enrichir  par  la  publication  de  la 
correspondance  de  Davout.  Elles  ne  sont  cependant  pas  dénuées 
d'intérêt;  sous  les  détails  vulgaires  dont  elles  nous  entretiennent, 
apparaît  une  âme  simple,  tendre,  pénétrée  du  sentiment  du  devoir, 
l'âme  d'un  héros  personnifiant  la  patrie  dans  l'empereur,  mais  ayant, 
à  défout  de  sagacité  politique,  toutes  les  vertus  militaires.  C'est  par 
cet  intérêt  psychologique  que  ces  lettres  se  feront  pardonner  la  déce[>- 
tion  qu'on  éprouvera  si  Ton  y  cherche  des  renseignements  nouTcaux 
sur  les  opérations  militaires  ou  l'histoire  générale  du  temps. 

G.  Fag.xiez. 


ANGLETERRE. 


TEMPS    MODERNES. 


Peu  de  livres,  publiés  dans  ces  derniers  temps,  ont  excité  un  intérêt 
aussi  varié  que  la  vie  du  prince  Albert,  dont  le  4*  vol.,  relatif  aux 
années  4857-59,  vient  de  paraître  ^  La  majorité  des  lecteurs  sera 
probablement  attirée  par  la  vie  privée  si  pure,  par  Tintelligcnce  si 
cultivée  que  nous  révèlent  les  détails  rapjtortés  par  le  biographe,  et 
surtout  les  belles  lettres  du  prince  à  sa  fille,  lettres  qui  suffisent,  à 
elles  seules,  à  jeter  un  grand  charme  sur  le  livre  tout  entier.  D'autres 
seront  fï*api)és  des  connaissances  variées  de  Phomme  et  de  l'intérêt 
qu'il  montrait  pour  les  choses  les  plus  diflerentes.  Un  jour,  il  discute 
avec  une  raison  supérieure  quelque  question  d'État  avec  les  ministres 
de  la  cfouronne-,  un  autre,  il  est  absorbé  par  quelque  idée  philanthro- 
pique et  il  cherche  les  moyens  d'aider  ceux  qui,  déshérités  des  avan- 
tages de  ce  monde,  ont  de  la  peine  à  s'aider  eux-mêmes.  Il  peut 
causer  sur  le  pied  de  l'égalif')  avec  les  artistes  et  les  savants;  une 
fois  même  un  industriel,  qui  vint  pour  s'entendre  avec  lui  sur  l'ins- 
tallation d'un  candélabre  au  palais,  quitta  le  prince  en  lui  avouant 


1.  The  Hfe  of  B,  R,  H.  ihe  Prinee  Cantort,  bj  Théodore  MaHin.  Vol.  IV. 
Londres,  Smith,  Elder  et  C%  t879. 


382  MELANGES   ET   DOCOMEIH'S. 

prêtres  ne  souffre  pas  de  retard,  attendu  qu'il  est  très  vraisemblable  que 
plusieurs  convois  sont  déjà  parvenus  à  Livourne. 

Le  duc  DE  Rovioo. 
(En  marge  de  cette  lettre,  le  ministre  de  la  marine  écrit  :) 

€  Prendre  les  ordres  de  l'empereur,  attendu  qu'un  décret  de  Vérone 
et  un  avis  de  la  police  ne  sont  pas  des  autorités  pour  moi.  » 

(Puis  plus  bas  :) 

t  Voir  le  rapport  fait  le  22  décembre  à  S.  M.  » 

Marine  à  Police. 

23  décembre  1813. 

M.  le  duc,  j'ai  Tbonneur  de  prévenir  V.  E.,  en  réponse  à  sa  dépêche 
du  20  de  ce  mois,  que  j'ai  chargé  les  chefs  de  la  marine  à  Livourne 
de  faire  pourvoir  au  transport  en  Corse  des  prêtres  romains  qui  avaient 
été  relégués  dans  le  département  de  Reno  et  qu'elle  m'a  annoncé 
devoir  être  dirigés  par  Florence  sur  ce  port,  pour  suivre  cette  desti- 
nation. 

lU. 

Maintenant  c'est  iSiÂ.  C'est  la  un.  Au  commencement  de  janvier 
de  cette  année,  les  alliés  sont  en  France.  En  Italie  la  situation  s'est 
profondément  modifiée.  Murât,  à  la  tête  de  ses  Napolitains,  s'est 
emparé  des  États  romains,  dans  l'espoir  sans  doute  de  se  faire  un 
titre  auprès  de  la  coalition  de  cet  acte  d'invasion  sur  des  pays 
formant  partie  intégrante  de  l'empire  de  Napoléon,  et  pour  obtenir 
des  alliés  le  maintien  sur  sa  tête  de  la  couronne  de  Naples. 

Furieux  de  voir  un  de  ses  lieutenants  se  joindre  à  ses  ennemis, 
l'empereur  (20  janvier)  a  fait  écrire  au  pape  qu'il  est  disposé  à  traiter 
avec  lui,  sur  les  bases  d'une  restitution  des  États  pontificaux.  Refus 
du  pape.  Le  22  janvier  on  a  vu  les  Cosaques  rôder  dans  les  environs 
de  Montereau;  Napoléon  craint  que  l'ennemi  ne  lui  enlève  son  prison- 
nier, le  pape  est  mis  en  voiture,  et  le  commandant  Lagorse  reçoit 
l'ordre,  en  feignant  de  le  reconduire  dans  ses  États,  de  le  ramener  à 
Savone  à  très  petites  étapes,  et  en  évitant  la  route  directe.  Cependant 
les  événements  se  précipitent  ^  le  4  0  mars,  alors  qu'il  n'est  plus  en 
son  pouvoir  de  faire  marcher  sur  Rome  un  caporal  et  quatre  hommes. 
Napoléon  signe  un  décret  rétablissant  le  pouvoir  temporel  du  pape. 
Le  4  7  mars  Pie  VU  est  libre.  Le  20  avril,  à  Fontainebleau,  Napoléon 
détrôné  prend  congé  de  ses  derniers  adhérents. 

Détail  vraiment  étonnant  :  pendant  ces  mois  de  l'invasion,  on  passe 
encore  le  temps  à  déporter  des  Italiens.  Il  est  vrai  que  l'opération 


oéPOETATIONS   DE    PRÊTRES   SOUS   LE   PREMIER  EMPIRE.  383 

prend  un  nouvel  aspect;  ce  n'est  plus,  à  proprement  parler,  la  dépor- 
tation selon  le  sens  donné  ordinairement  à  ce  mot  dans  la  langue 
politique,  c'est  plutôt  une  mesure  d'évacuation  des  prisonniers  d'État 
des  départements  envahis  sur  ceux  qui  ne  le  sont  pas  encore.  Napo- 
léon est  l'homme  aux  longues  rancunes.  En  4844,  quand  une  ville 
eàt  menacée,  l'empereur  oublie  rarement  de  f^'re  ramener  dans 
l'intérieur  les  prisonniers  politiques  que  cette  ville  peut  contenir. 
Les  routes  sont  sillonnées  par  de  longues  files  de  ces  malheureux. 

Voici  les  dernières  lettres  adressées  au  ministre  de  la  Marine  de 
l'empire  par  ses  agents  en  Italie,  sur  ce  double  objet  de  la  déportation 
des  prêtres  et  de  l'évacuation  des  prisonniers  politiques. 

Civita-Vecchiâ  à  Marine. 

17  janvier  1814. 

...  131  conscrits  réfractaires  et  10  individus  destinés  pour  les  batail- 
lons coloniaux,  ont  été  embarqués  le  12  de  ce  moi:^,  sur  le  pinque  la 
Conception,  cap.  J.-Bapt.  Cavarra,  et  sont  partis  le  môme  jour  pour  l'île 
de  Corse,  sous  Tescorte  de  la  goi'lette  de  S.  M.  la  Torche,  qui  avait 
elle-même  à  son  bord  3  prisonniers  déportés  dans  cette  île  par  ordre 
de  S.  E.  le  ministre  de  la  police  générale. 

Une  grande  partie  de  ces  conscrits  n'était  pas  habillée;  mais  vu 
Turgence,  M.  le  lieutenant  du  gouverneur  général  a  ordonné  qu'ils 
fussent  embarqués  tels  quels...  Je  joins  à  ma  lettre  les  états  nominatifs 
soit  des  conscrits,  soit  des  individus  destinés  pour  les  bataillons  colo- 
niaux, soit  de  ceux  embarqués  sur  la  goélette  la  Torche*. 

Serval. 

Gônes  à  Marine. 

17  janvier  I81i. 

En  marge,  note  du  ministère  :  Rendu  amipte  à  S.  M.  le  \ù  février 

{événements  de  mer). 

...  Les  bricks  l'Alacrity,  l'Endymion  et  l'Adonis,  ainsi  que  la  goélette 
la  Biche,  ont  mis  hier  en  mer,  sous  le  commandement  de  M.  le  capitaine 
de  frégate  de  Mackau. 

Os  quatre  bâtiments  se  rendent  à  Bastia  et  y  transportent.  If»  premier, 
cinciuanto  prêtres,  les  doux  autres  brigs  15G  soldats  illyriens,  et  la 
gOi'Iette  52  hommes  destinés  pour  le  bataillon  colonial  et  7  conscrits 
réfractai  res. 

La  Biche  ne  pouvant  prendre  un  aussi  grand  nombre  de  passagers 
avec  son  équipage  actuel,  je  lui  en  ai  fait  laisser  une  partie  sur  le 
stationiiaire. 

Il  y  a  encore  ici  vingt-cinq  prêtres,  et  un  certain  nombre  de  conscrits. 
Voyant  que  le  départ  de  cette  flotille  se  trouvait  retardé  par  les  vents 

1 .  Je  n'ai  pas  ces  étals. 


384  MELANGES  ET  OOCOMENTS. 

contraires  et  la  grosse  mer,  j'ai  cherché  à  affréter  un  navire  du  com- 
merce pour  faire  partir  tous  ces  passagers  dans  un  môme  convoi.  Je 
n*en  ai  trouvé  qu'un  d'environ  100  tonneaux  qui  eût  consenti  à  faire 
ce  voyage;  il  m'a  demandé  15,000  fr.  de  fret  et  il  a  constamment  refusé 
de  réduire  ses  prétentions  ;  dès  lors  je  me  suis  décidé  à  ne  pas  l'affréter. 
V.  E.  trouvera  ci-joint  les  états  numératifs  et  nominatifs  de  tous  les 
passagers  partis  hier^ 

Fontaine. 

Gênes  à  Marine. 

21  janvier  1814. 

...  Les  3  brigs  dont  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  annoncer  la  sortie  par 
ma  lettre  du  17  de  ce  mois,  ont  été  forcés  de  rentrer  le  18. 

La  grosse  mer  occasionnant  un  violent  roulis  aux  bàtimens,  même 
dans  le  port,  j'ai  fait  débarquer  les  prêtres,  attendu  qu'ils  ont  été  cons- 
tamment malades  depuis  la  sortie  des  bâtiments  jusqu'au  moment  de 
leur  débarquement. 

[Is  ne  seront  embarqués  qu'au  moment  du  départ. 

Fontaine. 

Gênes  à  Marine. 

29  janvier  1814. 

En  marge,  note  du  ministère  :  Rendu  compte  à  S.  M.  le  2  mars 

[événements  de  mer). 

J'ai  l'honneur  d'informer  V.  E.  que  les  brigs  l'Alacrity,  VEndymion 
et  l'Adonis,  ainsi  que  la  goélette  la  Biche,  ayant  à  leur  bord  les  soldats 
illyriens,  les  hommes  du  dépôt  colonial,  les  conscrits  et  les  prêtres, 
dont  les  listes  sont  jointes  à  ma  lettre  du  17  de  ce  mois,  mirent  en  mer 
le  26,  pour  se  rendre  en  Corse,  lieu  de  leur  destination. 

M.  le  capitaine  de  frégate  de  Mackau,  commandant  cette  division,  se 
trouvant  le  27  devant  le  golphe  de  la  Spezzia,  reçut  par  un  canot  que  lui 
expédia  M.  le  chef  militaire  de  la  Spezzia  l'avis  que,  suivant  le  rapport 
d'un  patron  arrivant  de  Livourne,  ce  port  était  menacé,  et  il  apprit  par 
d'autres  patrons  venant  de  l'île  d'Elbe  qu'il  y  avait  huit  bâtiments 
ennemis  dans  le  canal  de  la  Corse,  et  la  présence  de  ces  bâtiments 
n'ayant  pas  permis  à  un  navire  chargé  de  bled  pour  la  Corse  et  escorté 
par  la  goélette  la  Torche,  de  se  rendre  à  sa  destination,  on  avait  été 
obligé  de  décharger  ce  navire  à  l'île  d'Elbe. 

Ces  avis  et  un  autre  portant  que  quelques  jours  auparavant,  vingt- 
cinq  bâtiments  de  guerre  avaient  été  apperçus  par  le  travers  de  Saint- 
Florent,  déterminèrent  M.  de  Mackau  à  virer  de  bord  et  à  faire  route 
pour  Gênes;  il  y  est  entré  hier. 

Je  reçus  moi-même  hier,  de  M.  le  commandant  De  la  Coudray,  une 
lettre  portant  la  date  du  24,  à  laquelle  était  joint  copie  des  dispositions 

1.  Je  ne  trouve  pas  ces  états. 


DiPOlTATIONS  DE  PEÊT1B8  SOUS  LB  PIBMIBE  BMPIEB.      385 

qui  lui  ont  été  prescrites  le  22  par  8.  A.  I.  M»«  la  grande-duchesse,  et 
par  laquelle  il  m'engage  à  ne  pas  expédier,  quant  à  présent,  de  bâti- 
ment pour  Livoume. 

D'après  ce,  j'ai  pris  le  parti  de  faire  débarquer  les  prôtres  et  les  mili- 
taires passagers  sur  les  trois  brigs  et  la  goëletto. 

Fontaine. 

Gènes  à  Marine. 

15  février  1814. 

En  marge,  note  du  ministère  :  Rendu  compte  à  5.  M.  le  23  février 

(événements  de  mer). 

...  A  la  demande  de  S.  A.  I.  le  prince  gouverneur,  j'ai  fait  embarquer 
aujourd'hui  sur  l'Adonis  30  prisonniers  d'état  provenant  du  château  de 
Ck)mpiano,  et  dirigés  sur  le  château  d'If. 

L'Adonis,  qui  vient  de  mettre  à  la  voile,  les  transportera  à  Toulon,  où 
il  mettra  ces  prisonniers  à  la  disposition  du  Commissaire  général  de 
police,  qui  leur  fera  suivre  leur  destination  par  terre. 

...  Les  instructions  à  l'Adonis  portent  qu'il  doit  éviter  tout  engagement 
dont  la  faiblesse  de  son  équipage  pourrait  rendre  l'issue  douteuse. 

V.  E.  trouvera  ci-joint  les  états  numératif  et  nominatif  de  ces  trente 

prisonniers  ^ 

Fontaine. 

Gènes  à  Marine. 

2  avril  1814. 

...  Le  l*'  (mars)  le  brig  V Adonis,  expédié  le  15  du  mois  de  février 

pour  porter  des  prisonniers  d'État  à  Toulon,  est  rentré  après  avoir 

rempli  sa  mission. 

Fontaine. 

Ici  prennent  fin  les  documents  que  j'ai  eus  entre  les  mains  sur  la 
déportation  en  Corse.  Le  lecteur  a  sous  les  yeux  tout  ce  qu'il  m'a  été 
possible  de  découvrir  dans  le  riche  fonds  du  ministère  de  la  Marine. 
Est-ce  à  dire  que  tout  soit  connu  désormais  sur  ce  point?  il  s'en  fkut, 
très  certainement,  de  beaucoup.  D'autres  dépôts  possèdent  proba- 
blement des  pièces  dont  la  divulgation  pourrait  compléter  celles  que 
je  viens  de  publier.  Pour  ma  part,  j'ai  pu  me  convaincre  que  des 
documents  en  assez  grand  nombre  m'ont  échappé,  il  me  manque 
plusieurs  listes  de  déportés.  Je  vois  en  outre  par  les  annotations 
portées  en  marge  des  minutes  de  la  correspondance,  annotations  qui 
indiquent  fort  exactement  les  dates  de  départ,  d'arrivée,  les  ré{)onscs 
faites,  les  recherches  prescrites  dans  les  bureaux  du  ministère,  etc., 
que  plusieurs  lettres  ne  m'ont  point  passé  sous  les  yeux,  soit  que  je 

1.  Je  n'ai  pas  cea  états. 

Rbv.  IIistor.  XL  2*  fasc.  '25 


S98  BULLBTI^r  HI8T01IQUE. 

a  doimi  au  public  des  extraits  de  la  correspondance  des  Hatton^ 
publiés  aree  aoin  par  M.  E.  Maunde  Thompson,  qui  aujourd'hui 
occupe  dignemeni  le  poste  de  conservateur  (keeper)  des  manuscrits 
au  British  Muséum,  en  remplacement  de  M.  Bond,  nommé  adminis- 
trateur général  (principal  librarian)  ;  ce  dernier  s'était  déjà  distingué 
en  augmentant  les  facilités  du  travail  pour  le  public  sérieux,  et  en 
supprimant  des  règlements  surannés  ou  vexatoires  que  les  employés 
semblaient  souvent  prendre  plaisir  à  aj^liquer  avec  rigueur.  La 
correspondance  dont  il  est  ici  question  est  composée  en  grande  partie 
de  lettres  adressées  à  lord  Hatton,  et,  à  Texception  de  quelques-unes 
au  commencement  du  livre,  elles  sont  écrites  après  la  Restauration, 
les  dernières  étant  de  4704.  Ces  lettres  sont  pleines  d'intérêt;  elles 
font  bien  connaître  au  lecteur  la  cour  et  la  société  de  Charles  II  et  de 
ses  successeurs. 

L'autre  volume  publié  pour  la  Société,  et  par  mes  soins,  n'a 
aucune  prétention  à  être  amusant^;  cependant  les  notes  prises  par 
un  grefOer  du  parlement  sur  les  débats  de  la  chambre  des  Lords 
en  4624,  Tannée  où  T Angleterre  rompit  avec  TEspagne,  et  en  4626, 
l'année  où  Buckingham  fut  mis  en  accusation,  ne  laissent  pas  de 
présenter  une  réelle  valeur  historique. 

Un  autre  volume  du  Calendar  des  papiers  d'État  de  la  République, 
par  Madame  Green,  nous  conduit  de  déc.  4  652  à  la  fin  de  juin  4  653  '. 
Il  contient  pour  Thistorien  une  mine  d'informations  ;  mais,  comme 
les  autres  Galendars  de  cette  période,  il  ne  peut  rivaliser,  pour 
l'intérêt  dramatique,  avec  ceux  de  la  Monarchie.  11  y  a  peu  de  ces 
documents  qui  n'aient  un  caractère  ofTiciel.  Pour  la  correspondance 
privée  du  temps,  qui  tient  une  si  grande  place  dans  les  papiers  d'État 
de  Charles  P%  il  nous  faut  chercher  ailleurs. 

Bien  que  le  volume  de  M.  Hamilton  soit  encore  sous  presse,  on 
sait  qu'il  contient  des  matériaux  d'un  intérêt  exceptionnel.  Le  pro- 
blème de  la  dissolution  du  Court-Parlement,  le  5  mai  4640,  est  enfln 
résolu;  Clarendon  raconte  que  cette  dissolution  eut  pour  cause  la 
persistance  de  Yane  à  demander  douze  subsides  ;  mais  il  exagère  une 
cause  secondaire  pour  en  faire  un  motif  déterminant.  La  cause  véri- 
table fut  la  résolution  prise  par  le  parlement  de  prendre  en  main  les 
intérêts  de  l'Ecosse  et  de  prier  le  roi  de  faire  la  paix  avec  ceux  qu'il 
traitait  de  rebelles.  S'il  n'y  a  pas  dans  le  volume  d'autre  révélation 


1.  Correspondence  ofthefamUy  of  Haiton,  1601-1704.  1878. 

2.  Noies  ofthe  debates  in  the  House  of  Lords,  publ.  par  S.  Rawson  Gardiner 
pour  la  Camden  Society,  1879. 

3.  Calendar  of  State  papers;  domestic  séries,  1652-1653  (Rolls  séries).  1878. 


iDssrs.  899 

égale  en  importance  à  celle-ci,  nous  y  trouvons  des  détails  sur  la 
désastreuse  expédition  du  roi  dans  le  Nord;  nous  voyons  grandir  sous 
nos  yeux  la  résistance  à  ses  entreprises;  nous  lisons  jour  par  jour 
les  nouvelles  de  l'armée,  qui  nous  parlent  de  soldats  mutinés,  de 
bourgeois  mécontents,  de  Timpossibilité  de  trouver  de  Targent  pour 
les  troupes,  enOn  de  l'invasion  triomphante  des  Écossais,  qui  conduit 
à  la  honteuse  déroute  de  Newbury. 

S.  Rawson  Gaadinee. 


RUSSIE. 


NécioLOGiR.  —  L'érudition  a  perdu  en  4877  deux  travailleurs 
infatigables,  dont  les  nombreuses  publications  ont  beaucoup  contribué 
au  progrès  des  études  historiques  en  Russie,  MM.  Popov  et  Bodiansky. 
Le  premier  a  fait  paraître,  à  des  époques  différentes  et  dans  plusieurs 
revues,  un  grand  nombre  d'études  remarquables  sur  l'histoire 
moderne  de  notre  pays.  Un  de  ses  meilleurs  travaux  est  l'Histoire  des 
relations  de  la  cour  russe  avec  le  pape  Grégoire  XVL  11  est  aussi 
l'auteur  d^une  monographie,  laissée  inachevée,  sur  la  guerre  de  4842. 
M.  Bodiansky,  mort  le  6  septembre  4877,  avait  été  professeur  de  phi- 
lologie slave  à  l'université  de  Moscou  et  secrétaire  de  la  «  Société  de 
l'histoire  et  antiquités  »  de  Moscou.  G^est  sous  sa  direction  que 
parurent,  de  4846  à  4877,  cent  volumes  des  publications  de  cette 
société.  11  était  né  en  4808,  dans  le  gouvernement  de  Poltava,  d'une 
famille  ecclésiastique.  En  4834,  à  l'âge  de  23  ans,  il  entra  à  l'univer- 
sité de  Moscou  ;  il  y  entretint  des  relations  intimes  avec  Stankevitch 
et  ses  amis,  et  subit  fortement  l'influence  du  professeur  Katchenovsky, 
représentant  de  l'école  sceptique  dans  l'historiographie  russe.  En  4  835 
il  publia  sa  thèse  pour  la  licence  «  sur  les  opinions  concernant  l'origine 
de  la  Russie  »  \  avec  Katchenovsky,  il  prétendait  que  les  Varègues 
descendent  des  Slaves  baltiques,  que  Novgorod  est  une  de  leurs 
colonies  et  que  le  nom  Roussje  appartient  à  la  Russie  méridionale, 
qui  le  reçut  des  Russes  de  la  mer  Noire,  d'origine  turque.  En  4  837  il  fût 
chargé  d'une  mission  scientiOque  à  l'étranger.  De  retour  à  Moscou 
en  4842,  il  fut  nommé  professeur  d'histoire  et  de  littérature  slaves, 
et  occupa  la  chaire  devenue  vacante  après  la  mort  de  Katchenovsky. 
En  4845  il  Alt  élu  secrétaire  de  la  «  Société  de  l'histoire  et  des  anti- 
quités  »,  annexée  à  l'université  de  Moscou ,  et  depuis  il  consacra 
tout  son  temps  à  cette  société.  Sous  sa  direction,  les  travaux  de  cette 
société,  qui  se  faisaient  souvent  attendre,  parurent  sous  la  forme 


400  BULLETIN  HISTORIQUE. 

d'une  revue  périodique,  intitulée  :  «  Lectures  de  la  Société  de  Thistoire 
et  antiquités  ».  Vingt-trois  livraisons  des  «  Lectures  »  furent  publiées 
de  4  845  à  4  848  ;  elles  contiennent  de  nombreuses  études  de  Bodiansky, 
des  documents  publiés  par  lui,  avec  préfaces,  remarques,  etc.,  et 
relatifs  tant  à  rhistoire  ancienne  de  la  Russie  qu'à  Thistoire  moderne. 

Une  de  ces  publications  devint  la  cause  d'une  catastrophe  pour  la 
Revue,  malgré  son  caractère  tout  à  fait  spécial  et  scientifique  :  en  4  848 
on  y  imprima  la  ^  "  livraison  de  l'ouvrage  de  Fletcher  «  L'empire  russe 
au  xvi*"  siècle  ».  La  vente  de  la  traduction  fut  à  l'instant  interdite,  la 
société  reçut  une  réprimande,  son  président  et  son  secrétaire  furent 
obligés  de  se  retirer^  de  plus,  Bodiansky  reçut  l'ordre  de  passer  dans 
une  autre  université.  Karamzine  avait  cependant  déjà  publié  par 
extraits  presque  tout  l'ouvrage  de  Fletcher,  dans  les  tomes  IX  et  X  de 
son  Histoire  de  l'empire  russe.  Bodiansky  refusa  de  changer  de  rési- 
dence et  préféra  donner  sa  démission.  Il  resta  un  an  sans  place,  mais 
à  la  fin  de  l'année  4  849  il  fut  de  nouveau  nommé  professeur  à  Moscou 
par  ordre  impérial,  et  plus  tard,  en  i  858,  réélu  secrétaire  de  la  société. 
Les  «  Lectures  »,  dont  la  publication  avait  été  suspendue,  reparurent 
alors  en  livraisons  trimestrielles.  Le  caractère  n'en  fut  pas  modifié, 
mais  la  partie  historique  fût  encore  plus  élargie,  grâce  à  une  plus 
grande  liberté  laissée  à  la  presse.  Cette  publication  rendit  un  grand 
service,  car  ^Ue  était  alors  en  Russie  la  seule  de  son  espèce.  Les  Lec- 
tures sont  divisées  en  trois  parties  *.  les  Mémoires,  les  Documents  sur 
l'histoire  russe,  slave  et  étrangère,  et  les  Variétés,  qui  comprennent 
des  articles  ou  documents  de  peu  d'étendue. 

Congrès  archiîologiques.  —  Le  congrès  archéologique  de  Kazan, 
le  quatrième  des  congrès  convoqués  en  Russie,  a  donné  beaucoup  à 
espérer.  11  était  difficile  de  trouver  une  place  plus  propice  en  fait 
d'histoire  et  d'archéologie.  Kazan  est  le  centre  de  la  partie  de  la 
Russie  où  se  rencontrent  les  nationalités  les  plus  diflîérentes,  où 
les  Tchérémisses,  les  Mordves,  les  Tartares  et  les  Slaves  vivent 
cote  à  côte,  et  où  les  vieilles  croyances  et  les  vieilles  coutumes  se 
sont  conservées  presque  intactes.  De  plus,  Kazan  est  située  aux  bords 
du  Volga,  et  c'est  sur  les  rives  de  ce  fleuve  et  de  ses  afQuents  que 
s'étendit  la  colonisation  slavo-russe,  propagée  surtout  par  les  habi- 
tants de  Novgorod.  Enfhi,  nous  trouvons  à  Kazan  des  savants  sérieux, 
voués  à  l'étude  de  la  vie  russe,  du  système  de  colonisation  et  des  par- 
ticularités ethnographiques  de  la  population.  En  dépit  de  ces  cir- 
constances ftivorables,  le  congrès  a  déçu  en  grande  partie  les 
espérances  qu1l  a\'ait  fkit  naître.  Il  n  a  été  supérieur  aux  congrès 
précédents  qu'à  deux  points  de  vue  :  d'abord,  il  a  été  précédé  par  des 
travaux  préparatoires,  d     i  i  connaître  la  contrée  où  il  se 


iDssnt.  404 

réunissait,  et  ensuite  les  procès-verbaux  des  séances  ont  été  publiés 
sans  délai,  au  cours  mérae  de  la  session. 

Les  travaux  préparatoires  présentent  un  grand  intérêt.  Outre  l'édi- 
tion publiéeen  4  877parrAcadémieecclésiastiquedeKazandes  «Extraits 
des  terriers  de  Kazan  pour  4556-4558  »,  le  professeur  Chpilevsky  a 
ikit  paraître  un  livre  très  intéressant,  intitulé  :  «  Villes  anciennes  et 
autres  monuments  bulgaro-tartares  dans  le  gouvernement  de  Kazan  y>, 
4877.  Cette  monographie  est  dédiée  au  IV'  congrès  archéologique  et 
présente  un  résumé  complet  de  tout  ce  qui  se  rapporte  aux  monu- 
ments bulgaro-tartares.  Elle  se  divise  en  trois  parties.  [>a  première 
contient  un  aperçu  des  sources  musulmanes  sur  les  villes  bulgares  ; 
la  seconde,  un  résumé  de  tout  ce  qui  a  été  écrit  sur  les  Bulgares  dans 
les  chroniques  russes  *,  et  la  troisième,  une  nomenclature  des  fortifi- 
cations anciennes,  des  tumuli  et  des  places  où  on  a  fkit  des  décou- 
vertes archéologiques,  avec  la  description  des  objets  trouvés.  M.  Solo- 
viev  a  publié  en  4  877  un  répertoire  bibliographique  des  articles  qui  ont 
paru  sur  les  antiquités  du  gouvernement  de  Kazan.  Il  est  à  regretter 
que  cet  ouvrage  ne  soit  pas  complet;  M.  Soloviev  n'a  parcouru  que 
quatorze  recueils  périodiques,  encore  ne  les  a-t-il  même  pas  dépouillés 
en  entier.  L'ouvrage  est  accompagné  de  deux  cartes  :  Tune  des  villes 
anciennes,  tumuli,  etc.,  du  gouvernement  de  Kazan,  et  l'autre,  des 
lignes  de  défenses  établies  au-delà  de  la  Kama.  La  carte  archéologique 
du  gouvernement  de  Kazan  a  été  présentée  au  congrès;  les  erreurs 
en  ont  été  signalées  dans  un  mémoire  de  M.  Iznoskov,  qui  a  composé 
en  collaboration  avec  M.  Zolotnitzky  une  carte  ethnographique  du 
gouvernement  de  Kazan.  M.  Platon  Zarinsky  a  écrit  une  description 
de  Kazan  au  xvi*  siècle,  avec  un  plan  de  la  ville,  Kazan,  4877. 
L'auteur  s'est  donné  pour  but  de  rétablir  la  topographie  de  la  ville 
telle  qu'elle  était  au  temps  où  elle  fût  prise  par  le  tsar  Ivan  IV  (4  552)  ; 
il  nous  donne,  de  plus,  d'après  les  terriers  et  autres  sources  locales, 
des  renseignements  détaillés  sur  l'administration,  la  population,  les 
édiflces,  sur  le  siège  et  la  prise  de  Kazan.  Sur  une  des  questions 
proposées  par  le  comité  préparatoire  du  congrès,  la  question 
relative  à  l'auteur  du  Slovo  ô  Polkou  Igorevo  et  le  caractère  de 
cette  œuvre  poétique,  M.  Vsevolod  Miller,  professeur  à  l'Université 
de  Moscou,  a  publié  en  4877  une  des  meilleures  monographies 
qui  ait  paru  sur  ce  sujet  si  controversé.  M.  Miller  soutient  que 
la  chanson  d'Igor  a  été  composée  non  par  une  sorte  de  barde, 
comme  on  le  croyait  jusqu'à  présent,  mais  par  un  homme  de  la 
cour,  assez  instruit  du  reste,  qui  connaissait  la  littérature  de  son 
temps,  et  même  les  œuvres  d'Homère.  Il  peignit  d'un  coloris 
poétique  une  époque  peu  éloignée  de  la  sienne;  il  se  servit  seulement 

ReV.    HlSTOR.    XI.   2*  FA8C.  % 


402  BULLBTI?!  HI8TOEIQ0B. 

des  anciennes  croyances  pour  orner  son  poème  ;  peut-être  même 
était-ce  un  prêtre,  un  confesseur  du  prince.  Quant  au  poète  russe 
Boyan,  il  n'a  jamais  existé.  Ces  conclusions,  si  différentes  de  Topinion 
reçue  et  qui  était  entrée  dans  les  manuels  scolaires,  ont  dû  néces- 
sairement soulever  des  contradictions  passionnées-,  M.  Miller  y  a 
répondu  avec  beaucoup  de  talent  dans  un  article  de  la  Revue  du 
ministère  de  Tinstruction  publique.  Cette  polémique  a  fait  plus 
d'honneur  au  patriotisme  des  adversaires  de  M.  Miller  qu'à  leur 
méthode  scientifique. 

Suivant  Texempie  de  la  plupart  des  congrès  scientifiques,  le  congrès 
de  Kazan  s'est  divisé  en  sections;  elles  étaient  au  nombre  de  sept, 
dont  voici  les  titres  :  4^  Antiquités  préhistoriques,  2^  géographie  his- 
torique et  ethnographie,  3^  monuments,  4^  vie  domestique  et 
publique,  5<»  vie  religieuse,  6^  langue  et  littérature,  et  7°  antiquités 
orientales.  Il  y  a  eu  en  tout  vingt-cinq  séances. 

La  section  la  plus  importante  a  été  celle  des  antiquités  préhistoriques. 
Plusieurs  communications  intéressantes  ont  été  faites  sur  les  tumuli 
et  les  tombes  anciennes  des  gouvernements  de  Kiev  et  Poltava,  de 
Pétersbourg  et  laroslav,  des  contrées  baltiques  et  de  la  Sibérie,  et  sur 
les  tombes  du  Caucase.  On  a  appelé  l'attention  du  congrès  sur  les 
découvertes  d'objets  de  l'âge  de  la  pierre  dans  le  district  de  Mourome 
(gouv.  de  Vladimir),  par  le  comte  Ouvarov  et  le  prince  Galitzin; 
sur  les  fouilles  faites  par  M.  Samokvassov  en  4875  dans  les  dis- 
tricts de  Pereiaslav,  au  gouvernement  de  Poltava,  de  Kaniev  et  de 
Tcherkassy ,  au  gouvernement  de  Kiev  ;  sur  la  découverte  d'un  ancien 
cimetière  dans  la  ville  de  Kiev  en  4876,  et  sur  les  fouilles  de  tumuli 
de  formes  différentes,  faites  par  M.  Popovsky  dans  le  bassin  du  fleuve 
Ross  ;  dans  un  de  ces  tumuli ,  on  trouva  près  de  cinquante  vases 
contenant  des  cendres  humaines. 

Le  professeur  Antonovitch  a  étudié  d'après  les  tumuli  de  la  Russie 
méridionale  les  différents  modes  d'ensevelissement.  11  établit  en  tout 
cinq  types  H°  le  plus  ancien  :  les  squelettes  sont  couchés  profondé- 
ment sous  la  terre  dans  la  position  horizontale;  il  n'y  a  auprès 
d'eux  aucun  objet;  quelquefois  ils  sont  enveloppés  d'écorce; 
2*  les  tombes  avec  plusieurs  squelettes ,  de  deux  à  neuf,  et  des 
instruments  de  pierre,  ou  à  la  fois  de  pierre  et  de  métal;  3**  les 
tombes  de  l'âge  de  bronze  ;  les  morts  sont  consumés,  leur  cendres 
sont  conservées  dans  des  vases;  il  y  a  d  s  tumuli  qui  ne  contiennent 
que  des  objets  de  bronze  ;  l'arche  2  3  danois  Worsae  a  donc  eu 
tort  de  souten"     '"«^      Russie  lie  n'avait  pas  connu  l'âge 

de  bronze  ^tenant  à  un  peuple  d'une 

culture  h  1     )que  où  les  habi- 


V 


RD88IK.  403 

tants  commençaient  à  entrer  dans  l'âge  de  bronze  ;  on  >  trouve  des 
objets  de  bronze,  de  fer,  des  vases  de  terre  cuite,  du  verre,  de  Tor, 
de  la  cornaline,  du  soufre,  etc.-,  5°  les  tombes  de  Tâge  du  fer,  qui 
présentent  quatre  formes  différentes  suivant  le  genre  d'ensevelisse- 
ment. On  trouva  dans  une  de  ces  tombes  un  vase  en  cuivre,  avec 
l'image  des  quatre  évangélistes. 

Un  nouveau  congrès  archéologique  doit  se  réunir  àTiflis,  dans  le  Cau- 
case, en  août  4880.  A  l'exemple  des  savants  de  Kazan,  les  savants 
du  Caucase  ont  à  l'avance  publié  des  ouvrages  qui  ont  pour  but 
de  faire  connaître  à  la  Russie  les  antiquités  du  pays.  M.  Wyroubov  a 
imprimé  la  première  livraison  des  «  Objets  antiques  du  musée  de  la 
Société  des  amateurs  d'histoire  archéologique,  Tiflis,  4877  ».  Cette 
société  n'existe  que  depuis  4874,  mais  elle  a  déjà  recueilli  près  de 
600  objets.  La  livraison  actuelle  contient  la  description  de  4  39  d'entre 
eux,  avec  l'indication  de  la  place  où  ils  ont  été  trouvés.  En  4873, 
M.  Bakradze,  à  la  suggestion  de  l'Académie  des  Sciences,  entreprit 
un  voyage  en  Gourie  et  dans  les  districts  de  Tchourouk-Sou  et 
d' Adtchara,  dans  le  but  de  recueillir  les  inscriptions  du  pays.  Ce  voyage 
a  eu  pour  résultat  un  livre,  publié  en  4  878  à  Saint-Pétersbourg,  et 
intitulé  :  c  Voyage  archéologique  en  Gourie  et  à  Adtchara  ».  Il  nous 
fkit  connaître  la  population  de  ces  contrées,  ses  particularités 
ethnographiques,  etc.,  et  nous  décrit  les  trouvailles  archéologiques 
faites  par  l'auteur.  Les  inscriptions  sont  traduites  en  langue  russe. 
A  la  fln  se  trouve  un  index  des  noms  propres  et  des  noms  géogra- 
phiques. En  outre,  l'orientaliste  Sakinine  prépare  une  édition 
d'actes  concernant  Thistoire  de  la  Grouzie  (Géorgie). 

Pour  ce  qui  concerne  les  congrès  précédents,  nous  ne  ferons  que 
mentionner  les  «  Travaux  du  II*  congrès  archéologique  à  Saint- 
Pétersbourg  »,  tome  i,  qui  contient  des  articles  sur  l'archéologie  en 
général  et  l'archéologie  russe  en  particulier,  et  2®  les  «  Travaux  du 
1II«  congrès  archéologique  en  Russie  convoqué  à  Kiev  au  mois 
d'ao&t  4874  »,  2  tomes. 

Ethnographie.  —  Ici,  peu  de  travaux,  mais  ces  travaux  sont 
remarquables.  Plusieurs  sociétés  géographiques  et  juridiques,  surtout 
celle  de  Moscou,  et  beaucoup  de  savants  isolés,  ont  publié  des  pro- 
grammes qui  ont  fourni  des  matériaux  très  précieux  pour  Tétude  de 
l'ethnographie  et  du  droit  coutumier,  de  la  possession  communale 
des  terres,  etc.  Le  tome  VII  des  «  Mémoires  de  la  Société  géogra- 
phique impériale  russe  »,  paru  en  4877  sous  la  direction  de 
M.  Maikov,  contient  trois  grands  articles.  Nous  ne  nous  arrêterons 
pas  sur  le  premier  :  c  Les  côtes  de  la  mer  Glaciale  et  de  la  mer 
Blanche,  avec  leurs  fleuves  i>,  parce  qu'il  sort  un  peu  de  notre  cadre, 


404  BULLETIN  HI8T0KIQUB. 

mais  nous  appeDerons  Tattention  sur  les  deux  autres.  L^article  de 
M.  Ralinsky  sur  le  calendrier  russe  donne  des  détails  minutieux  sur 
les  coutumes  et  les  traditions  qui  se  rattachent  aux  fêtes  religieuses 
et  populaires.  Le  mémoire  «  Sur  les  costumes  et  ajustements  des  Rous- 
sines  ou  Russes  dans  la  Galicie  et  la  Hongrie  du  nord  »,  a  été  déjà 
imprimé  en  4867  dans  les  «  Mémoires  de  la  Patrie  »*,  il  repa- 
rait à  présent  dans  une  nouvelle  édition,  revue,  corrigée  et  com- 
plétée par  l'auteur,  et  suivie  de  dessins  faits  à  Vienne  et  à  Prague. 
Le  tome  VIII,  paru  sous  la  direction  de  M.  Matveïev,  est  divisé  en 
trois  parties  :  coutumes  juridiques  du  peuple  russe,  coutumes  juri- 
diques des  peuplades  étrangères  qui  habitent  la  Russie,  et  remarques 
sur  le  droit  coutumier.  Dans  la  première  partie  nous  trouvons  les 
articles  suivants  :  «  Recherches  sur  le  contrat  de  service  des  pâtres  », 
par  M.  Efimenko^  c  Sur  la  censure  des  mœurs  chez  le  peuple  »,  par 
M.  Ristiakovsky  5  a  Mœurs  juridiques  dans  le  gouvernement  de 
Samara  »,  par  M.  Matveïev,  avec  Tindication  des  sources  et  des 
ouvrages  relatifs  à  cette  question.  La  seconde  partie  contient  la 
description  des  «  Coutumes  juridiques  des  Lopares,  Rorels  et 
Samoyèdes  du  gouvernement  d'Arkhangel  »,  par  M"®  Efimenko,  qui 
étudie  avec  beaucoup  de  talent  Tethnographie  des  peuplades  étran- 
gères de  la  Russie  du  nord.  Dans  le  présent  ouvrage,  M"'*'  Efimenko 
examine  le  droit  civil,  le  droit  criminel,  la  vie  publique,  la  justice  et 
la  pénalité  de  ces  peuples.  Ces  recherches  sont  suivies  de  documents 
tirés  des  archives  des  églises  et  monastères  du  gouvernement 
d'Arkhangel.  Il  faut  encore  signaler  Tarticle  de  M.  Ibrahimov  :  «  Re- 
marques sur  la  justice  chez  les  Kirguises  »  ;  celui  de  M.  le  prince 
Rostrov  :  «  Coutumes  juridiques  deslakoutes  »,  etc.  La  3«  partie  du 
livre  contient  de  petits  articles  sur  différentes  questions  de  droit 
coutumier. 

On  trouvera  aussi  d'abondantes  et  précieuses  informations  dans  les 
deux  tomes  IV  et  V  (deux  livraisons)  des  «  Travaux  de  la  section 
ethnographique  de  la  Société  impériale  des  amateurs  de  Thistoire 
naturelle,  anthropologie  et  ethnographie  à  TUniversité  de  Moscou  », 
parus  en  4877.  Dans  le  tome  IV  sont  publiés  les  procès- verbaux  des 
séances  de  la  société,  du  44  novembre  au  47  avril  4877.  Ils  con- 
tiennent beaucoup  de  renseignements  intéressants  sur  des  documents 
ethnographiques  etsontsuivis  dedouze  appendices  dont  nous  indiquons 
le  titre  :  4  °  Croyances  et  cérémonies  chez  les  habitants  du  gouvernement 
de  Mohilev,  les  Biélorusses,  ou  Russes  blancs,  par  M.  Zenkovitch; 
2*^  Pierre  le  Grand  dans  les  traditio  )opi  res  et  les  contes  du  pays  du 
nord,  V  ]  3"^  Ob    "  inographiques  faites  pendant 

un  voyage  et  *'  Nefedov  ;  4"  "  *  "^niver- 


il.  ■ 

1 


1US8IB.  405 

saire  du  nouvel  an,  et  le  nouvel  an  dans  le  district  de  Mourome,  par 
M.  Dobrinkine,  complété  par  M.  Barsov;  ^^  Cérémonies  célébrées 
à  la  naissance  et  au  baptême  des  enfants  sur  TOrel,  par  M.  Barsov, 
6^  Aperçu  des  matériaux  ethnographiques  donnés  dans  les  huit  tomes 
du  Recueil  de  Nijni  Novgorod,  par  M.  Koudriavtzev  \  7®  La  vie  des 
enfants  de  la  campagne  dans  le  gouvernement  de  Kazan  suivant 
leurs  jeux,  petits  vers  et  chansons,  par  M.  Mojarovsky  -,  9*  Noces 
chez  les  paysans  dans  le  district  de  Mtzensk ,  par  H.  Apos- 
tolsky,  40^  Tradition  bachkire  sur  la  lune  dans  ses  rapports 
avec  les  traditions  des  autres  peuples,  par  M.  Lossievsky;  W  Ori- 
gine des  croyances  primitives  d'après  la  théorie  de  Herbert 
Spencer,  par  M.  Apostolsky  -,  et  42^  Affinité  d'un  conte  russe  avec  la 
littérature  populaire  de  TOrient  et  de  TOccident,  par  M.  V.  Miller.  Les 
deux  livraisons  du  tome  Y  ont  paru  sous  la  direction  de  H.  Popov. 
Elles  sont  composées  de  matériaux  ethnographiques  sur  la  population 
russe  du  gouvernement  d'Arkhangel,  recueillis  par  M.  Eflmenko  avec 
Faide  de  plusieurs  habitants  de  ce  gouvernement,  et  surtout  de 
M.  Ivanov,  qui  ont  travaillé  suivant  les  programmes  envoyés  par  le 
comité  statistique  du  gouvernement  d'Arkhangel. 

Parmi  les  ouvrages  consacrés  à  l'ethnographie,  nous  signalerons 
encore  les  «  Antiquités  >,  t.  VII,  livr.  4  -,  les  travaux  de  la  Société 
archéologique  de  Moscou,  parus  en  4878  sous  la  direction  du  secré- 
taire de  la  société,  M.  Roumiantzev,  qui  contiennent  entre  autres  la 
suite  d'un  travail  important  de  M.  le  comte  Ouvarov,  sur  les  monu- 
ments mégalitiques  ;  la  «  Russie  vagabonde  i,  par  M.  Maximov,  et 
une  série  d'éditions  provinciales,  dont  nous  parlerons  plus  loin.  Le 
livre  de  M.  Maximov  est  écrit  avec  talent  et  se  lit  avec  beaucoup 
d'intérêt.  G^est  un  tableau  vivant  de  la  vie  des  vagabonds,  si 
nombreux  en  Russie,  et  qui  forment  un  des  traits  les  plus 
originaux,  les  plus  caractéristiques  de  la  vie  russe.  L'auteur 
décrit  d'une  manière  artistique  les  vagabonds  qu'il  a  rencontrés 
dans  ses  nombreux  voyages  \  il  nous  raconte  leur  vie  en  général, 
leur  répartition  géographique,  leur  origine,  leur  position  actuelle, 
leurs  traits  distinctifs,  etc.  Citons  enfin  la  «  Civilisation  ancienne 
des  Finnois  de  l'ouest,  suivant  les  données  de  leur  langue  >,  recueil 
d'articles  publiés  en  4877,  par  M.  Maikov,  dans  la  «  Revue  du  minis- 
tère de  l'instruction  publique  ».  Ce  sont  des  extraits  de  l'ouvrage 
du  professeur  d'Helsingfors  Alquist,  qui  connaît  si  bien  les  peu- 
plades finnoises;  l'auteur  a  complété  ces  extraits  par  des  notes  ethno* 
graphiques. 

CiTiLOGUEs  ET  I^TVBNTiiRES.  —  Ou  s'cst  mis  daus  CCS  dcmières 
années  à  publier  de  nombreuses  descriptions  de  manuscrits.  Il  con- 


406  BULLETIN  HISTOaiQDB. 

vient  de  parler  en  premier  lieu  des  mss.  russes  et  slaves  de  la 
Bibliothèque  impériale,  décrits  par  M.  Bytchkov,  directeur  de  cette 
bibliothèque,  et  savant  éminent.  C'est  un  ouvrage  très  remar- 
quable et  très  érudit.  Il  paraîtra  sans  interruption  par  livraisons,  et 
chaque  volume  contiendra  une  table  des  noms  de  personnes  et 
matières.  La  première  livraison  contient  la  description  de  quarante- 
trois  manuscrits.  Cette  description  est  très  exacte  et  très  détaillée.  Au 
même  genre  de  travaux  se  rapporte  l'ouvrage  de  M.  Victorov,  direc- 
teur des  Archives  de  Moscou  (Archives  de  la  Salle  d'armes),  intitulé  : 
a  Inventaire  des  carnets  et  papiers  des  anciens  prikazes  (départe- 
ments) de  la  cour  en  4584-4725  »  (livr.  I,  Moscou,  4877);  mais  cet 
inventaire  a  un  défaut,  il  est  souvent  trop  bref.  On  y  trouve  l'indica- 
tion des  documents  relatifs  aux  prikazes  de  la  couronne,  à  Tatelier  du 
tsar  (masterskala  palata)  et  de  la  tsarine,  celle  des  livres  des  recettes  et 
dépenses  du  trésor,  des  marchandises,  etc.  Plusieurs  de  ces  documents 
ont  été  déjà  publiés,  soit  en  entier,  soit  en  partie,  dans  les  ouvrages 
de  MM.  Zabieline,  Savaltov,  et  dans  le  recueil  des  documents  sur 
Pierre  le  Grand,  qu'on  préparait  pour  le  jubilé  de  ce  prince,  et  qui  a 
disparu  on  ne  sait  comment,  ni  pourquoi. 

Deux  livraisons  d'un  a  Inventaire  des  affaires  et  documents  con- 
servés dans  les  archives  du  Synode  »  ont  été  publiées  en  4878.  Pour 
accélérer  l'édition,  l'ouvrage  a  été  divisé  en  deux  parties,  et  on  a  fkit 
paraître  la  seconde  partie  avant  la  première.  Cet  inventaire  est  un  des 
meilleurs  de  ce  genre  -,  il  ne  laisse  rien  à  désirer  pour  le  détail  et  la 
précision  des  analyses,  ni  pour  l'importance  des  extraits.  A  la  fin  du 
volume  sont  publiés  en  entier  des  documents  d'un  intérêt  biogra- 
phique ou  historique,  et  chaque  tome  est  accompagné  d'une  table  des 
noms  de  personnes  et  des  matières.  Citons  encore  le  troisième  volume 
de  r«  Inventaire  des  édits  (oukases)  et  ordonnances,  conservés  dans  les 
archives  du  Sénat  de  Saint-Pétersbourg,  pour  le  xviii«  siècle  (4740- 
4762)  »,  par  Baranov.  Il  renferme  les  édits  et  ordonnances  publiés 
depuis  la  mort  de  l'impératrice  Anne  jusqu'à  l'avènement  de  Cathe- 
rine II,  en  tout  4280  pièces.  L'auteur  analyse  brièvement,  en  suivant 
l'ordre  chronologique,  chacun  des  documents  ;  il  indique  la  page  et 
le  livre  où  se  trouve  l'acte  authentique,  et  les  numéros  des  articles 
correspondants  du  Recueil  complet  des  lois  ;  ses  chiffres  sont  placés 
entre  j>arenthèses  à  la  fîn  de  chaque  article.  De  ces  4280  oukases, 
3742  ne  font  pas  partie  du  Recueil,  il  n'y  en  a  que  538  qui  s'y  trouvent. 
Dans  la  préface,  M.  Barano?  a  donné  un  aperçu  très  intéressant  de 
l'histoire  du  sénat  pondant  cette  époque,  et  une  liste  des  sénateurs 
depuis  son  institution.  Le  volume  se  termine  par  une  table  détaillée 
des  matières,  des  noms  propres  et  des  noms  de  lieux.  Mentionnons 


RUSSIE.  407 

enfln  V  «  Inventaire  des  Archives  du  ministère  de  la  marine,  depuis 
le  milieu  du  xvii^  siècle  jusqu'au  commencement  du  m*  »,  par 
F.  Vessélago,  auteur  d*une  histoire  de  la  marine.  Depuis  leur  fonda- 
tion en  4748,  ces  archives  ont  été  le  dépôt  central  de  tous  les  papiers 
relatifs  à  la  marine.  Ils  se  trouvaient  dans  un  désordre  complet,  et 
Tabsence  d'inventaires  méthodiques  les  rendait  impossibles  à  consul- 
ter. Pour  remédier  à  ces  inconvénients,  on  nomma  une  commission, 
chargée  d'analyser  en  détail  les  pièces  contenues  dans  chaque  liasse, 
en  mettant  à  part  les  documents  les  plus  intéressants  et  en  disposant 
le  texte  de  l'inventaire  de  manière  à  fkciliter  les  recherches.  Le  pre* 
mier  volume  de  cet  inventaire  contient  l'analyse  très  détaillée  des 
pièces  qui  se  rapportent  à  l'époque  antérieure  à  Pierre  le  Grand  ou 
au  commencement  de  son  règne,  celle  des  papiers  du  Trésor  général , 
de  la  prikaznaïa  paiata  d'Azov,  du  Tsarskj  chaiêr  à  Voronej,  de 
4693  à  4708-,  de  la  marine  militaire,  de  4654  à  4748;  de  la  chancel- 
lerie de  l'amirauté,  de  4697  à  4728  -,  du  comte  Apraxine,  de  4742  à 
4726.  La  plupart  de  ces  documents  se  rapportent  au  règne  de 
Pierre  le  Grand  et  ont  trait  à  la  marine  ;  mais  on  en  trouve  aussi  d'un 
genre  tout  à  foit  différent,  par  exemple  le  journal  d'un  gentilhomme 
de  l'ambassade  russe  à  Florence,  Likhatchev,  en  4  659-60,  des  enquêtes 
de  toutes  sortes  à  propos  de  vols,  brigandages,  etc.  Pour  faciliter  les 
recherches,  on  a  placé  à  la  On  du  livre  trois  tables  :  une  des  matières 
et  des  noms  de  lieux  ;  une  autre  des  noms  de  personnes  ;  enfln  une 
table  des  documents  par  ordre  chronologique  ;  on  y  a  même  joint 
neuf  foc-simiiés  des  écritures  employées  dans  les  manuscrits  que 
décrit  l'inventaire.  M.  Petrov,  professeur  à  l'académie  ecclésiastique 
de  Kiev,  a  de  plus  commencé,  en  4877,  la  publication  d'un  in?entaire 
descriptif  des  mss.  de  la  bibliothèque  de  l'Académie. 

A  côté  de  ces  inventaires  viennent  les  catalogues  analytiques  des 
livres  anciens.  On  comprendra  l'intérêt  qu'ils  présentent,  si  l'on  se 
rappelle  à  quel  point  le  progrès  intellectuel  a  été  lent  en  Russie,  et 
combien  le  goût  des  livres  y  était  peu  répandu.  Deux  publications 
nous  arrêteront.  C'est  en  premier  lieu  un  «  Catalogue  descriptif  des 
livres  slavo- russes,  imprimés  en  caractères  cyrilliques,  de  4494  à 
4730  1,  par  M.  Korataev.  Ce  volume  paraîtra  en  deux  livraisons; 
dans  la  première,  M.  Korataev  décrit  447  livres,  de  l'an  4494  à  4600. 
Parmi  tous  les  livres  anciens,  ce  sont  les  plus  rares,  les  plus  intéres- 
sants et  les  moins  connus  (non  moins  de  35  ne  se  trouvent  pas  à  la 
Bibliothèque  impériale)  ;  c'est  pourquoi  l'auteur  les  décrit  en  détail,  il 
en  donne  des  extraits  curieux,  pour  en  fticiliter  la  comparaison  avec 
les  autres  éditions  du  même  texte;  de  plus,  il  en  publie  les  prébces 
et  les  conclusions  :  enfln  il  indique  les  dépôts  où  ils  sont  conservés. 


408  BULLETIN   HISTORIQUE. 

Dans  la  seconde  livraison,  Tauteur  promet  de  décrire  près  de  4600 
livres  anciens,  de  Fan  1 604  à  4  730,  mais  presque  tous  déjà  connus. 
Elle  sera  suivie  de  tables  alphabétiques  des  titres  de  livres,  des 
noms  des  villes  ou  des  monastères  où  ces  livres  ont  été  publiés,  etc. 

Citons  en  second  lieu  les  «  Matériaux  pour  servir  à  la  biblio- 
graphie russe,  aperçu  chronologique  des  livres  russes  rares  et 
remarquables  du  lYin^  siècle,  publiés  en  Russie  de  4725  à  4800  », 
par  A.  Guberti.  Moscou,  4878.  L'auteur  ne  commence  qu'en  4725, 
parce  que  les  livres  publiés  antérieurement  ont  été  déjà  décrits  par 
M.  Pekarsky  dans  son  ouvrage  intitulé  :  a  La  science  et  la  littérature 
en  Russie  sous  Pierre  P'  >  (4862).  La  première  livraison,  seule 
parue  jusqu'ici,  contient  la  description  de  200  volumes  analysés 
dans  Tordre  chronologique  -,  chaque  titre  est  suivi  de  Tindica- 
tion  des  sources.  Suit  une  description  plus  ou  moins  détaillée  du 
livre  et  de  sa  préface.  Si  cette  dernière  offre  un  intérêt  particu- 
lier, M.  Guberti  la  donne  en  entier;  si  elle  ne  sert  qu'à  indiquer 
le  but  et  le  plan  de  Touvrage,  il  se  contente  de  citer  les  passages 
les  plus  propres  à  indiquer  le  contenu  du  livre  ;  mais  il  ne  dit  pas^  et 
c'est  là  une  lacune  grave,  dans  quelle  bibliothèque  se  trouvent  les 
livres  rares  qu'il  décrit. 

Enfin,  nous  parlerons  ici,  bien  qu'il  ne  se  rattache  pas  directe- 
ment à  ce  qui  précède,  de  l'ouvrage  intitulé  :  «  Aperçu  général 
des  travaux  de  la  Commission  de  publication  des  décrets  et  traités,' 
instituée  auprès  des  Archives  principales  du  ministère  des  affaires 
étrangères  à  Moscou  »,  4877.  Cet  Aperçu  a  été  composé  par  feu 
M.  Ammonov.  Il  est  suivi  d'extraits  des  comptes-rendus  publiés  par 
les  Archives.  Ces  extraits  nous  font  connaître  la  composition  des 
archives,  leur  but  et  leur  utilité. 

PcBLiciTioxs  DE  TEXTES.  —  L'histoirc  ancienne  de  la  Grande  et 
de  la  Petite  Russie  s'est  enrichie  de  nombreux  documents.  La  Com- 
mission archéologique  a  publié  les  vol.  IV  et  Y  de  la  «  Bibliothèque 
historique  russe  »  ;  nous  avons  autrefois  parlé  des  volumes  précé- 
dents [Rev.  hist.  II,  246;  V,  457).  Le  quatrième  volume  contient  des 
matériaux  relatifs  aux  discussions  religieuses  dans  la  Russie  occi- 
dentale, principalement  pendant  le  xn«  et  le  xvn*  siècle.  Voici  ce 
qu'on  y  trouve  :  I**  Procès- verbaux  du  concile  de  Mina  ^4509  ;  ils  ont 
été  déjà  imprimés  deux  fois,  mais  seulement  en  partie  :  c*est  ici  qu'ils 
sont  publiés  en  entier  pour  la  première  fois:  2"'  Concile  de  Kiev  A  640), 
d'après  le  récit  de  l'apostat  Sakovitch;  c*est  le  seul  renseignement 
complet  que  nous  possédions  sur  ce  concile;  3*  Journal  de  Tabbé 
Afanasi  Filippovitch  de  Berestei,  mis  à  mort  par  les  Polonais  en 
4  646  et  rangé  au  nombre  des  saints  ;  4*  La  défense  de  TOunia  {Union; , 


1US8IE.  409 

par  rarchimandrile  Lev  Rrevsa,  imprimée  en  4647;  5*  Palinodia  ou 
livre  de  la  défense  catholique,  écrit  en  4624-22,  par  le  moine-prêtre 
Zacharie  Ropystenski,  un  savant  de  Kiev;  livre  assez  connu,  mais 
imprimé  ici  pour  la  première  fois;  6*  Messages  du  père  Artemj,  qui 
f\it  condamné  par  le  concile  des  Cinq-Cents  et  enfermé  dans  le 
monastère  de  Solovetzk,  mais  qui  de  là  s'enfUit  en  Lithuanie.  A  la  fin 
du  volume  est  placé  un  index  où  l'on  trouve  des  explications  sur  des 
noms  peu  connus,  différents  renseignements  nécessaires  pour  vcrifler 
les  citations,  et  des  remarques  sur  la  signification  des  documents  con- 
tenus dans  le  volume.  Le  tome  V  contient  les  décrets  du  patriarche 
Nicon  et  d'autres  prélats,  d'après  les  copies  ou  les  actes  authentiques 
conservés  au  monastère  d'Iver,  ainsi  que  les  lettres  des  autorités 
monastiques  adressées  aux  patriarches  et  autres  personnes,  et  con- 
servées dans  les  archives  du  monastère.  Ces  papiers  n'ont  pas  seule- 
ment de  l'intérêt  pour  l'histoire  monastique,  ils  aident  aussi  à  carac- 
tériser Factivité  du  patriarche  Nicon  après  son  départ  de  Moscou 
en  4658,  lorsqu'il  se  retira  des  affaires  publiques  et  ne  s'occupa  plus 
que  des  monastères.  Outre  ces  documents,  on  trouve  dans  le  livre  un 
résumé  de  l'histoire  du  monastère  d'Iver.  On  voit  que  les  moines  y 
avaient  une  imprimerie,  et  que  quelques-uns  d'entre  eux  étaient 
occupés  à  traduire  en  langue  russe  les  chroniques  polonaises,  lithua- 
niennes et  autres  ouvrages. 

La  Commission  archéologique  a  en  outre  publié,  en  4878,  les 
tomes  IX  et  X  des  «  Actes  relatifs  à  l'histoire  de  la  Russie  méridio- 
nale et  occidentale  ».  Le  tome  X  sert  de  complément  au  tome  III 
publié  en  4862.  Il  concerne  les  négociations  pour  l'annexion  de  la 
Petite  Russie  à  la  Grande  Russie.  Le  gouvernement  de  Moscou  avait 
demandé  sur  la  Petite  Russie  des  renseignements  détaillés  qui  lui 
furent  envoyés.  En  même  temps  il  reçut  des  différentes  parties  de 
cette  contrée  des  pétitions  pour  le  maintien  de  différents  droits,  etc. 
Ce  sont  ces  pièces,  conservées  aux  Archives  du  ministère  des  affaires 
étrangères,  qui  forment  la  matière  du  t.  X.  Il  contient  en  outre  les 
négociations  de  4653,  la  résolution  prise  par  le  Zemskj  Sobor  (états 
généraux),  à  propos  de  la  déclaration  de  guerre  au  roi  Jean  Casimir 
et  de  l'assujettissement  à  la  Mosco?ie  de  Bogdan  Chmelnitzky  et  de 
toute  l'armée  petite  russienne,  ainsi  que  les  registres  de  recensement 
de  tous  les  habitants  des  villes  soumises.  Le  tome  IX  a  été  rédigé  par 
un  savant  éminent  M.  Kostomarov,  et  contient  des  documents  relatifs  à 
l'histoire  de  la  Petite  Russie  pendant  le  gouvernement  de  l'hclman 
Demian  Dorochenko  jusqu'à  l'élection  du  nouvel  hetman  Ivan 
Samollovitch.  L'Oukraine  occidentale,  rendue  à  la  Pologne  par  le 
traité  d'Androussov,  élait  ravagée  par  les  quenelles  continuelles  entre 


4  \  0  BULLETIN  HISTORIQUE. 

les  deux  helmans  Pierre  Dorochenko  et  Mihallo  Hanenko,  ainsi  que  par 
les  excursions  des  Polonais,  desTurcs  et  des  Tartares.  Dorochenko  vou- 
lait à  tout  prix  assurer  son  autorité  sur  la  rive  gauche  du  Dnieper  et 
réunir  la  Petite  Russie  sous  un  seul  hetman,  ce  qui  souleva  Tani* 
mosité  entre  TOukraine  de  la  rive  gauche  et  celle  de  la  droite,  et  excita 
la  haine  des  Polonais  contre  la  Russie.  Les  documents  les  plus  curieux 
sont  ceux  qui  se  rapportent  à  la  chute  de  rhetman  Mnogogriechnj  et 
aux  relations  des  savants  de  Kiev  :  Innokenty  Guisel,  losif  Tou- 
kalsky,  Lazar  Baranovitch  et  Jvanniky  Goliatovsky,  avec  Moscou.  En 
les  lisant,  nous  voyons  d^un  coté  combien  Tartde  Timprimerie  avait 
fait  peu  de  progrès  en  Moscovie,  et  de  l'autre  quels  obstacles  s'oppo- 
saient à  la  propagation  de  la  science.  A  la  fin  du  livre  se  trouve  une 
table  des  noms  et  des  matières. 

Au  même  genre  de  travaux  se  rapportent  :  4®  les  a  Matériaux 
historico-juridiques,  extraits  des  registres  administratifs  des  gouver- 
nements de  Vitebsk  et  de  Mohiiev  »,  conservés  aux  Archives  centrales 
de  Vitebsk,  et  publiés  par  M.  Sazonov.  Le  premier  tiers  du  livre  con- 
tient les  registres  des  recettes  et  dépenses  de  Mohiiev,  les  deux 
autres  tiers  les  actes  de  la  magistrature  de  cette  ville.  Pris  dans 
leur  ensemble,  ces  actes  présentent  un  tableau  très  intéressant  de  la 
vie  municipale  pendant  le  x?i*  et  le  xvn«  siècle,  avec  tous  ses  côtés 
faibles  et  forts.  On  y  remarque  aussi  Textrème  confusion  qui  régnait 
alors  dans  les  rapports  entre  les  paysans  de  religion  grecque  et  leurs 
maîtres  catholiques.  Les  différentes  classes  de  la  société  s'efforcent 
d'imiter  les  mœurs  des  villes  allemandes;  les  ouvriers  de  toute  sorte 
envoient  des  pétitions  pour  demander  d'être  organisés  en  corpora- 
tions. Mais  le  plus  grand  nombre  des  documents  se  rapportent  à 
la  vie  de  famille  et  aident  à  faire  connaître  la  juridiction  criminelle 
de  l'époque.  Le  lecteur  est  frappé  de  la  sombre  sévérité  des  arrêts, 
qui  condamnent  également  à  mort  pour  vol  et  pour  sacrilège,  pour 
meurtre  et  pour  adultère.  On  est  étonné  aussi  de  la  facilité  des 
divorces^  la  publication  de  M.  Sazonov  contient  une  foule  de  rensei- 
gnements sur  ce  sujet-,  2°  «  Chronique  d'un  témoin  oculaire 
(Samovidietz),  publiée  d'après  des  copies  nouvellement  découvertes  ». 
Cette  chronique  a  déjà  été  publiée  en  4846,  mais  on  en  a  trouvé 
depuis  deux  copies,  qui  ont  permis  de  rétablir  le  texte  véritable  et 
de  corriger  les  fautes  de  la  première  édition.  Après  une  préface 
instructive,  M.  Levitzky  analyse  la  chronique,  indique  l'époque^  le 
lieu  où  elle  a  dû  être  composée,  les  différentes  copies  qui  en  ont 
été  faites,  son  importance  pour  Thistoire  de  la  Petite  Russie,  dont 
elle  dépeint  l'époque  la  plus  remarquable.  Le  volume  se  termine 
par  un  tableau  abrégé  de  la  Petite  Russie,  qui  sert  à  compléter 


HVSSIB.  4  H 

la  chronique,  un  mémoire  de  Loukomsky,  qui  raconte  Thistoire 
de  la  Petite  Russie  depuis  Tépoque  de  Guédimine  jusqu'à  la  fln  du 
XVI*  siècle,  et  la  chronique  de  Ghmelnitzky,  enfin  par  un  dictionnaire 
des  mots  peu  connus  et  une  table  des  noms  de  personnes  et  de  lieux. 
Les  ouvrages  suivants  se  rapportent  exclusivement  à  l'histoire 
de  Moscou  :  \^  Liste  des  terriers  de  Kazan  et  de  son  district, 
publiée  à  Toccasion  du  congrès  archéologique  de  Kazan,  4877; 
2*  Lois  du  grand-duc  Ivan  Vassilievitch  et  code  de  lois  du  tsar  et 
grand-duc  Ivan  Vassilievitch,  avec  les  oukases  complémentaires,  par 
la  Commission  de  publication  des  édits  et  traités  dont  nous  avons 
parlé  plus  haut.  C'est  une  nouvelle  édition  (les  lois  ont  été  déjà 
publiées  en  4  84  9)  corrigée  d'après  les  textes  originaux.  La  même  Com* 
mission  a  fait  aussi  paraître  une  nouvelle  édition  des  «  Poésies  russes 
anciennes,  recueillies  par  Kircha  Danilov  »,  des  «  Monuments  litté- 
raires russes  du  xw  siècle  i ,  publiés  par  Kalaidovitch,  et  elle  imprime 
un  catalogue  chronologique  des  livres  de  la  bibliothèque  des  Archives 
centrales  de  Moscou  de  4547  à  4824;  3*  c  Matériaux  pour  servir  à 
l'histoire  du  schisme  (raskol)  à  la  première  époque  de  son  existence  », 
par  M.  Soubotine,  t.  III,  Moscou,  4878.  Les  deux  premiers  volumes, 
publiés  en  4875-76,  contenaient  les  dossiers  des  personnes  jugées  par 
le  concile  de  4666-67  et  les  procès- verbaux  de  ce  concile;  le  troi- 
sième, paru  en  4878,  contient  les  documents  relatifs  à  l'émeute 
de  Solovetzk  ;  4o  <x  Récits  apocryphes  sur  les  personnages  et  les  évé- 
nements du  Vieux-Testament,  d'après  les  mss.  du  monastère  de 
Solovetzk  »,  par  M.  Porfiriev,  St-Pét.,  4877.  Les  manuscrits  de  cette 
bibliothèque  ne  contiennent  que  des  apocryphes  déjà  connus,  et 
même  les  copies  qui  s'y  trouvent  ne  sont  pas  très  anciennes.  Mais  les 
variantes  sur  des  textes  plus  anciens,  qu'on  y  rencontre  parfois,  sont 
très  intéressantes,  et  servent  à  expliquer  et  à  corriger  les  phrases 
incompréhensibles  des  manuscrits.  De  plus,  les  anciens  manuscrits 
renferment  une  foule  de  petits  récits,  souvent  très  courts,  qui  ne  sont 
que  des  extraits,  des  abrégés  ou  des  remaniements  des  apocrjphes 
imprimés,  ou  d'autres  qui  n'ont  pas  été  conservés  en  entier.  Tous  ces 
récits  ont  été  copiés  par  M.  Porfiriev,  et  publiés  dans  Tordre  des  évé- 
nements auxquels  ils  se  rapportent.  On  y  trouve  des  récits  sur  la 
création,  la  chute  des  anges,  le  paradis,  l'arbre  de  la  vie,  etc.  On 
aimait  à  les  lire,  et  les  idées  qu'ils  contenaient  se  répandaient  fiicile- 
ment  dans  le  peuple  en  influant  sur  ses  opinions,  son  esprit  et  ses 
œuvres  poétiques.  L'historien,  qui  cherche  à  s'expliquer  les  opinions 
po|)ulaires  de  Tépoque,  est  obligé  de  s'arrêter  devant  ces  apocryphes 
et  de  les  étudier;  aussi  doit-il  remercier  H.  Porfiriev  de  la  peine 
qu'il  a  prise  de  les  publier. 


4  \  2  BULLETIN  HISTORIQUE. 

Pour  ce  qui  concerne  Tbistoire  du  xtiii*  et  du  xix»  siècle ,  il  faut 
mentionner  en  premier  lieu  des  publications  déjà  connues  aux  lecteurs 
de  la  Revue  :  celle  des  archives  du  prince  Vorontzov,  par  M.  Barte- 
niev,  et  celle  de  la  Société  historique  de  Saint-Pétersbourg.  En  4  877 
ont  paru  les  tomes  XI  et  XII  des  «  Archives  »,  qui  contiennent  la  cor- 
respondance du  comte  Semen  Romanovitch  Vorontzov  avec  difiTérentes 
personnes,  de  n97  à  4802-,  ainsi  avec  le  comte  Nikita  Petrovitch 
Panine,  ambassadeur  extraordinaire  à  Berlin,  puis  vice-chancelier  et 
chancelier,  avec  N.  Novosiltzev,  qui  voyageait  alors  en  Europe 
et  devint  ensuite  président  du  Conseil  de  l'État,  etc.;  2  lettres 
du  prince  Bezborodko  au  comte  Panine  ^  22  rescrits  et  ordonnances 
de  Tempereur  Paul  P'  au  comte  N.  Panine  ;  et  en  appendice,  6  docu- 
ments de  \  802-4  805,  concernant  différentes  affaires,  et  des  remarques 
très  curieuses  de  Louis  XVI  à  propos  du  livre  de  Rulbière  sur  l'avè- 
nement au  trône  de  Fimpératrice  Catherine  II,  remarques  commu- 
niquées en  copie  par  Soulavie  au  comte  A.  Vorontzov,  en  4803,  pour 
être  présentées  à  l'empereur  Alexandre  P'.  La  plus  grande  partie  de 
la  correspondance  a  pour  objet  la  coalition  que  le  gouvernement  russe 
s'efforçait  de  former  pour  mettre  une  digue  aux  entreprises  guer- 
rières de  la  République  française^  les  intrigues  des  cours  de  Berlin  et 
de  Vienne,  et  le  rôle  que  les  ambassadeurs  et  chanceliers  russes 
jouaient  dans  ces  intrigues.  Dans  les  lettres  du  comte  Panine,  on 
trouve  des  détails  très  curieux  sur  la  vie  de  la  cour  impériale  et  des 
aristocrates  russes  de  l'époque-,  de  plus  elles  caractérisent  parfaite- 
ment les  deux  correspondants.  La  première  partie  du  tome  XII  est 
remplie  de  lettres  d'hommes  d'état  tels  que  Zavadovsky,  Trostchinsky 
etc.,  qui  se  trouvaient  au  centre  du  gouvernement  et  connaissaient  le 
côté  secret  des  affaires.  Elles  se  rapportent  aux  années  4770-4807,  à 
l'époque  où  la  réaction  était  à  son  apogée  sous  le  règne  de  Paul  P',  et  à 
celle  du  progrès  et  des  nouvelles  réformes  sous  Alexandre  P'. 
Ces  lettres  sont  très  intéressantes,  car  elles  sont  pleines  de  remarques 
justes  et  spirituelles  sur  les  affaires  du  temps.  En  parlant  des  chan- 
gements continuels  dans  les  armées,  des  dépenses  formidables,  du 
manque  d'ordre  dans  le  gouvernement,  Zavadovsky  ajoute  :  «  Mais 
cette  machine  demande  une  force  intellectuelle.  Le  destin  recule 
l'époque  du  pouvoir  et  de  la  gloire  de  la  Russie.  Tu  désires  en  savoir 
les  causes  ?  Tu  dois  te  contenter  d'une  seule  :  le  malheureux  choix  des 
gens...  L'intrigue  et  la  ruse  jouent  tranquillement  leur  rôle  à  la  cour. 
La  trahison  est  récompensée  au  même  titre  que  le  dévouement...  Un 
grain  d'espritchez  le  favori  est  compté  pour  un  soleil  resplendissant.  » 
Ces  lettres  nous  font  connaître  aussi  les  opinions  et  les  idées  de 
cet  homme  d'état  remarquable  sur  les  différentes  questions  de  la 


RUSSIE.  448 

politique  intérieure  et  extérieure,  sur  le  partage  de  la  Pologne  et  Tad- 
ministration  russe  dans  ce  pays,  sur  la  question  des  laboureurs 
libres  (projet  qu'il  est  loin  d'approuYer),  etc.  Parmi  les  autres 
documents  imprimés  dans  ce  volume  et  qui  se  rapportent  à 
répoque  réformatrice  d'Alexandre  P%  le  plus  intéressant  est  un 
mémoire  anonyme  sur  le  sénat.  Sous  les  règnes  précédents,  le 
sénat  avait  perdu  tout  son  prestige  et  a?ait  été  complètement 
soumis  aux  ministres,  aux  fkvoris,  à  des  gens  dépourvus  souvent 
de  toute  capacité.  «  Le  sénat  rétabli  dans  sa  situation  primi* 
tive  »,  dit  l'auteur  du  mémoire,  c  sera  non  seulement  le  dépôt  des 
lois,  mais  pourra  être  aussi^  en  beaucoup  d'occasions,  une  sorte  de 
pouvoir  intermédiaire  entre  Tempereur  et  son  peuple;  il  servira  ainsi 
souvent  à  adoucir  et  à  atténuer  les  rigueurs  du  gouvernement 
ancien,  qui,  comme  je  lésais,  sont  loin  déplaire  à  l'empereur.  >  Plus 
loin  Tauteur  fait  les  remarques  suivantes  :  «  La  sécurité  des  personnes 
et  radoucissement  des  rigueurs  administratives,  qui  souvent  n*ont 
pas  d'autres  causes  que  des  abus,  peuvent  être  obtenus  sans  dimi- 
nuer en  rien  le  pouvoir  nécessaire  au  monarque.  L'établissement  d'un 
pouvoir  intermédiaire  entre  l'empereur  et  ses  siyets  serait  un  premier 
pas  dans  cette  voie.  D'autres  lois  indispensables  au  bien-être  général 
pourraient  être  empruntées  à  l'Angleterre,  telles  que  la  grande  charte 
et  l'habeas  corpus,  qui  garantissent  la  sécurité  personnelle  de  chaque 
citoyen  et  qu'on  devrait  nommer  des  lois  fondamentales.  On  pourrait 
retirer  tout  de  suite  beaucoup  d'avantages  de  ces  deux  lois,  en  les 
mettant  en  harmonie  avec  les  mœurs  de  notre  pays  et  la  situation 
actuelle.  Si  ces  deux  fondements  nous  étaient  donnés,  notre  tran- 
quillité commencerait  à  se  consolider.  » 

Du  recueil  de  la  Société  historique  de  Saint-Pétersbourg  on  a  fait 
paraître  les  tomes  XX  à  XXV.  Le  tome  XX  contient  les  rapports 
adressés,  de  4697  à  4740,  par  Bonet,  Fitzthum,  Lors,  Linard,  Lefort, 
Petnold,  Zoum  et  Walter  au  roi  Auguste  II  et  au  comte  de  Bruhl,  la 
correspondance  du  baron  Manteufel  avec  le  comte  Flemming,  du  baron 
Kaiserllng  avec  Bruhl,  et  différentes  lettres  concernant  le  voyage 
de  Pierre  I"  à  l'étranger,  la  guerre  du  Nord,  le  tsarévitch  Alexis, 
les  événements  qui  suivirent  la  mort  de  Pierre  le  Grand,  l'aflkire  de 
Sinklcr,  de  Golitzin,  de  Volinsky,  etc.  Les  lettres  sur  le  voyage  de 
Pierre  I"  sont  parfois  très  intéressantes.  Les  rapports  de  Linard  nous 
donnent  des  renseignements  curieux  sur  le  caractère  de  l'adminis- 
tration de  l'impératrice  Anne.  «  L'argent  sert  ici  de  fondement  à 
toutes  les  négociations  »,  dit  Linard,  et  il  ajoute  la  liste  des  cadeaux 
offerts  lors  de  la  conclusion  des  traités,  par  ex.  42,000  roubles  à  la 
femme  de  Biren,  etc.  Un  autre  rapport  décrit  le  mécontentement  qui 


444  BULLETIN  HISTORIQUE. 

régnait  partout  en  Russie  à  la  un  du  règne  d'Anne.  Ces  documents 
sont  suivis  de  la  correspondance  de  Catherine  U  avec  Frédéric  II,  de 
4762  à  4784.  Ces  lettres  sont  pleines  d'amabilités,  de  témoignages 
d'admiration  mutuelle,  de  protestations  d^amitié,  de  complaisances, 
mais  on  voit  que  les  correspondants  sont  toujours  sur  leurs  gardes 
et  tout  occupés  à  défendre  leurs  intérêts.  Une  grande  partie  de  la 
correspondance  est  relative  aux  afiaires  de  Pologne  et  de  Turquie.  Les 
lettres  de  Maria  Fedorovna  et  du  grand  duc  Paul  à  K.  J.  Saken 
traitent  pour  la  plupart  d'afTaires  privées.  Nous  trouvons  encore  dans 
ce  volume  :  un  projet  pour  l'organisation  des  villageois  libres  *,  un 
mémoire  du  secrétaire  d'état  Olienine  sur  la  séance  du  conseil  d'état  qui 
suivit  la  nouvelle  de  la  mort  d'Alexandre  I*%  et  l'article  de  K.  Groth 
sur  les  articles  publiés  par  Catherine  II  dans  la  Revue  de  la  princesse 
DachkoY  le  Sobiesednik,  Le  tome  XXI  a  été  publié  pour  le  jubilé 
d'Alexandre  P'  et  ne  contient  que  des  pièces  relatives  à  ce  règne, 
telles  que  les  rapports  adressés  de  France  par  A.  Tchernychov  et  le 
prince  Roural^ine  à  Alexandre  P'  et  au  chancelier  comte  Roumiantzev 
avant  la  guerre  de  4  84  2,  le  compte-rendu  de  Speransky  à  l'empereur, 
le  44  février  4844,  publié  en  extraits  dans  la  «  Vie  du  comte  Spe- 
ransky »,  par  M.  Korff.  Les  rapports  de  Tchernychov  et  de  Kourakîne 
traitent  en  grande  partie  des  affaires  et  des  malentendus  qui  ont 
amené  la  rupture  de  la  Russie  avec  la  France  ;  ils  s'occupent  aussi 
de  la  question  polonaise,  des  affaires  politiques  de  la  Turquie,  de  la 
Suède  et  de  la  Prusse,  des  relations  de  la  France  avec  les  pays  voi- 
sins, etc.  Comme  complément  à  ces  matériaux,  on  peut  indiquer  les 
lettres  de  l'ambassadeur  russe  à  la  cour  de  Stockholm,  le  baron  Suck- 
telen,  à  l'empereur  Alexandre  P"",  concernant  les  rapports  de  la  Suède 
avec  la  Russie  et  la  France.  Les  tomes  XXII  et  XXIII  se  rapportent 
aux  premières  années  du  règne  de  Catherine  II.  Le  t.  XXII  contient 
les  rapports  du  comte  Solms  à  Frédéric  II  et  les  réponses  du  roi,  en 
4763-66.  C'est  un  complément  à  la  correspondance,  citée  plus  haut, 
qu'elle  explique  et  commente.  Le  tome  XXIII  est  consacré  à  la  corres- 
pondance de  Catherine  II  avec  Grimm. 

Les  deux  volumes  suivants  nous  transportent  à  une  autre  époque 
de  l'histoire  russe.  Le  tome  XXIV  est  tout  entier  composé  de  pièces 
tirées  des  archives  hollandaises.  Ce  sont  les  rapports  des  ambassa- 
deurs hollandais,  envoyés  à  la  cour  de  Moscou  au  x?n«  s.  Une  copie 
de  cette  correspondance  fut  envoyée  à  Saint-Pétersbourg  dès  4  845  ;  la 
reine  Anne  de  Hollande  en  fit  alors  présent  à  l'empereur  Nicolas  I®»-. 
Mais  elle  n'a  été  publiée  que  23  ans  plus  tard.  Ces  documents  jettent 
une  lumière  nouvelle  sur  l'histoire  des  relations  commerciales  de  la 
Moscovie  avec  l'Occident  au  xvii«  s.  Les  relations  commerciales  avec 


ussn.  445 

la  Hollande  n'ont  commeDoé  qu'à  partir  de  la  seconde  moitié  du 
XTi*  8.^  à  cette  époque,  malgré  l'opposition  la  plus  vive  des  Anglais, 
une  compagnie  hollandaise  de  commerce  obtint  les  privilèges  et  les 
droits  d'une  nation  privilégiée.  Dès  le  xyii^  s.  les  relations  commer- 
ciales devinrent  régulières,  et  c'est  alors  aussi  que  commencèrent  les 
relations  diplomatiques  de  la  Hollande  avec  la  Russie.  La  première 
ambassade  hollandaise  f\it  envoyée  à  Moscou  sous  le  règne  de  Michel 
Romanov,  le  fondateur  de  la  dynastie  aujourd'hui  régnante.  11  s'agis- 
sait d'un  emprunt  que  le  tsar  cherchait  à  contracter  et  d'une  interven- 
tion entre  la  Russie  et  la  Suède.  L'ambassade,  arrivée  en  4645  et 
composée  de  Reinhaupt,  Brederode,  Joachim,  etc.,  reftisa  l'emprunt, 
mais  consentit  à  jouer  le  rôle  de  médiatrice;  elle  prit  ainsi  part  à  une 
série  de  conférences  qui  se  terminèrent  par  la  paix  de  Stolhovo 
(4647).  Les  rapports  sur  ces  conférences  occupent  la  plus  grande 
partie  du  volume  dont  nous  nous  occupons.  Le  reste  est  consacré  à 
ceux  des  ambassades  postérieures.  Ces  documents  sont  d'une  grande 
importance  pour  les  nombreux  détails  qu'ils  fournissent  sur  la  vie 
économique  et  les  mœurs  russes  au  xvii*  s.,  si  singulières  alors  pour 
les  étrangers.  Le  tome  XXV  contient  les  papiers  relatifs  au  ministère 
du  comte  Boris  Gheremetiev,  de  4704  à  4722. 

On  a  publié  en  4  878  le  tome  lU  des  archives  du  Conseil  d^Ëtat. 
L'inventaire  méthodique  de  ces  archives  a  été  commencé  en  4868, 
par  MM.  Kalatchov  et  Tchistovitch.  En  4 869  a  paru  le  tome  I;  en  4  874, 
le  II;  le  présent  tome  termine  la  première  série  de  cette  publication. 
Il  commence  par  l'oukase  (édit)  de  4804,  qui  prescrit  la  réforme  du 
Conseil  d'Ëtat  et  la  dissolution  de  l'ancien  Conseil,  formé  en  4708. 
Ce  nouveau  Conseil  eut  à  discuter  non  seulement  les  questions  d'état, 
mais  aussi  les  affaires  qui  relevaient  exclusivement  de  l'empereur, 
et  à  se  prononcer  sur  l'utilité  de  telle  ou  telle  institution.  C'est  ainsi 
qu'à  ses  débuts  on  lui  avait  soumis  la  question  de  la  censure  ;  les 
opinions  exprimées  à  ce  sujet  sont  parfois  très  intéressantes.  Le 
Conseil,  estimant  que  la  Révolution  française  avait  été  la  première 
cause  de  l'établissement  de  la  censure,  déclare  :  4<>  que,  dans  l'état 
présent  des  affaires,  cette  mesure  n'avait  pas  les  mêmes  raisons 
d'être  qu'au  moment  où  elle  f\it  prise;  2"  que  lors  même  que  ces 
raisons  subsisteraient,  la  mesure  n'en  serait  pas  moins  inefficace, 
parce  qu'on  peut  toiyours,  même  sous  la  législation  la  plus  restric- 
tive, se  procurer  les  livres  défendus  ;  3®  que  les  personnes  auxquelles 
les  livres  défendus  pourraient  nuire  ne  sont  pas  assez  cultivées  pour 
pouvoir  les  lire  et  ne  les  liront  pas;  4®  qu'en  même  temps  cette  insti- 
tution tout  à  bit  inutile  coûte  annuellement  au  gouvernement,  pour 
les  seuls  frais  de  service,  33,500  roubles.  Le  conseil  croit  donc  utile 


4  {  6  BULLETIN  HISTORIQUE . 

de  supprimer  cette  institution,  et  de  donner  le  droit  de  censure  aux 
administrateurs  civils  pour  les  imprimeries  privées,  et,  pour  les 
imprimeries  de  la  couronne,  aux  administrateurs  desquels  elles  dépen- 
dent. Cependant  en  même  temps  il  trouve  nécessaire  de  former  des 
agents  capables  d'examiner  les  livres,  et  quatre  ans  plus  tard,  en  \  806, 
il  croit  utile  de  frapper  d'amendes  les  livres  et  journaux  étrangers 
non  présentés  à  la  censure.  Tous  ces  avis  du  Conseil  d*État  sont 
publiés  intégralement  dans  les  «  Archives  »  *,  les  procès-verbaux  des 
séances  sont  imprimés  dans  Tordre  méthodique,  suivant  le  système 
du  code  de  lois.  A  la  fin  du  volume  se  trouvent  des  tables  alphabé- 
tiques des  matières,  des  noms  de  personnes  et  de  lieux. 

En  4878  également,  M.  Martens,  professeur  à  TUniversité  de  Saint- 
Pétersbourg,  a  publié  la  première  partie  du  tome  IV  de  sa  Collection 
des  traités  et  conventions  conclus  avec  les  pouvoirs  étrangers.  Il  con- 
tient les  traités  avec  F  Autriche,  de  4845  à  4849,  en  tout  448.  A 
chaque  acte  Tauteur  ajoute  des  commentaires  rédigés  avec  beaucoup 
de  soin,  sur  les  relations  diplomatiques  et  les  événements  histo- 
riques qui  s'y  rattachent.  Les  documents  sont  publiés  dans  le  texte 
original,  en  langues  russe  et  française.  La  première  partie  de  l'ou- 
vrage commence  par  le  traité  de  la  Sainte-Alliance  et  se  termine  par 
la  convention  du  29  mai  4849,  relative  aux  approvisionnements  de 
l'armée  russe  entrée  en  Autriche  pour  réprimer  la  révolte  hongroise. 
Notons  enfin  la  publication,  dans  la  Bousskaja  Starina,  des 
Mémoires  de  Madame  Passek  ^  ils  contiennent  beaucoup  de  rensei- 
gnements intéressants  sur  Hertzen,  ses  amis  et  autres  pecsonnes,  et 
sur  le  mouvement  intellectuel  et  semi-politique  qui  se  produisit  à 
Moscou  sous  le  règne  de  Nicolas. 

L'histoire  provinciale  de  la  Russie  s'est  enrichie  de  plusieurs  revues 
locales  où  paraissent,  non  seulement  des  mémoires  sur  des  questions 
historiques,  ethnographiques  et  sociales,  mais  encore  des  listes 
d'articles  du  même  genre,  parus  dans  les  différentes  publications 
officielles.  Il  est  très  difficile  de  recueillir  ces  articles  dispersés  dans 
des  journaux  locaux,  qui  se  distribuent  à  un  petit  nombre  d'exem- 
plaires^ aussi  beaucoup  restent-ils  tout  à  fait  inconnus,  et  ne  sont 
pas  même  nommés  dans  les  listes,  malgré  tout  leur  intérêt  scienti- 
fique. Il  en  est  de  même  pour  des  livres  publiés  par  les  comités  de 
statistique  et  les  comités  des  zemstvos*,  souvent  personne  ne  les  lit 
ou  les  achète,  et  l'on  ne  peut  les  trouver  qu'à  grand'peine,  et  à 
titre  de  rareté  bibliographique.  En  premier  lieu  nous  avons  à  nommer 
le  Recueil  de  Nijni  Novgorod,  rédigé  par  M.  A.  Gatzisky,  secrétaire 
du  comité  de  statistique,  un  des  érudits  provinciaux  les  plus  dili- 
gents et  les  plus  habiles.  Le  tome  VI  du  Recueil,  paru  en  4877, 


RDSSIB.  417 

contient  :  la  description  historique  de  Vassilsoursk,  ville  du  gou- 
vernement de  Nijni  Novgorod,  par  Koudriavtzev,  un  tableau  de 
la  ville  de  Kniaguinine  et  de  son  district,  par  A.  Rorotkine;  des 
notices  statistiques  sur  quelques  villages^  les  cérémonies  nuptiales 
du  pays  de  Vetlouga  dans  le  district  de  iMakaricv,  par  M.  Paspietov  ; 
la  fête  de  saint  Jean  Baptiste  à  Novi  Likeev,  village  du  district 
de  Nijni  Novgorod,  par  le  prêtre  Borissovsky;  le  commerce  des 
images  dans  le  district  de  Loukoianov,  par  L.  Gouliaev  ;  des  ren- 
seignements sur  Tagriculture  et  le  climat  dans  quelques  endroits  du 
gouvernement  de  Nijni  Novgorod.  En  4878,  le  comité  statistique 
de  Vladimir  a  publié  le  tome  I  de  son  Annuaire;  les  articles  les  plus 
importants  se  rapportent  à  l'histoire  et  Tarchéologie,  tels  que  la 
description  des  images  anciennes  d'un  village  du  district  deSchoula, 
par  Iakov,  évêque  de  Mourome-,  un  article  sur  les  gravures  popu- 
laires imprimées  sans  autorisation,  par  M.  Golishev,  etc.  D'anciens 
actes  tout  aussi  intéressants  sont  insérés  dans  le  volume,  tels  que 
rinventaire,  dressé  en  4660,  du  monastère  de  Spasso  Evflmiev  de 
Souzdal.  A  la  fin  de  l'Annuaire  nous  trouvons  le  compte-rendu 
annuel  du  comité  de  statistique  de  Vladimir  et  une  liste  des  articles 
publiés  dans  la  partie  non  officielle  du  journal  du  gouvernement  de 
Vladimir,  en  4866-77.  —  La  même  année,  en  4877,  M.  Pouparev, 
secrétaire  du  comité  de  statistique  d'Orlov,  a  fait  paraître  le  tome  I 
des  «  Matériaux  pour  servir  à  l'histoire  et  à  la  statistique  du  gouverne- 
ment d'Orlov  »;  cet  ouvrage,  très  estimable  et  très  consciencieux, 
continue  en  quelque  sorte  le  «  Recueil  d'Orlov  »,  publié  par  le  même 
auteur  et  contenant  des  documents  historiques  et  statistiques  sur  le 
gouvernement  d'Orlov  au  iviii*  s.  La  présente  publication  se  com- 
pose des  articles  suivants  :  4*^  La  ville  d'Orel  avant  d'être  devenue 
chef-lieu  du  gouvernement,  avec  un  plan  de  ses  faubourgs,  dressé 
en  4744  ;  2©  la  ville  d'Eletz  au  commencement  de  ce  siècle;  3®  les 
villes  anciennes  et  les  tumuli  du  gouvernement  d'Orlov,  liste  de 
toutes  ces  villes  et  tumuli  suivant  les  districts,  avec  une  description 
minutieuse  de  leur  position  et  de  leur  état  actuel;  4"  nouveaux  maté- 
riaux pour  l'histoire  de  l'instruction  publique  dans  le  gouvernement 
d'Orlov;  et  S*"  table  chronologique  des  documents  publiés  dans  la 
partie  non  ofRciellc  du  journal  du  gouvernement  d'Orlov,  de  4830 
à  4875.  Cette  table  est  malheureusement  incomplète,  parce  qu'il  a 
été  impossible  de  retrouver  dans  les  archives  d'Orel  plusieurs  des 
numéros  du  journal.  Le  volume  contient  encore  quatorze  tableaux 
statistiques  de  l'étendue  du  gouvernement  et  du  mouvement  de  la 
population,  en  4872-75;  du  nombre  des  habitants  suivant  les  classes 
et  les  religions,  en  4875;  du  nombre  des  édiflces  et  des  églises  dans 
Hev.  IIistor.  xi.  2«  ka8c.  *27 


4*18  BUIXETI!!  HISTOIIQUE. 

les  villes,  de  leurs  recettes  et  dépenses,  du  nombre  des  écoles,  des 
ouvriers,  des  fabriques,  des  incendies,  des  morts  violentes  et  des 
crimes  commis  dans  le  gouvernement,  en  4875.  —  Le  tome  IV  des 
«  Travaux  du  comité  de  statistique  du  gouvernement  d'Astrakhan  », 
paru  en  4875,  est  divisé  en  deux  parties  :  4*^  les  mémoires,  et  2?  les 
tableaux  de  statistique.  La  première  contient  une  série  d'articles,  tels 
que  :  «  la  pêche  au  gouvernement  d'Astrakhan  »,  par  le  D'  Oldkop; 
€  aperçu  historique  de  la  vinification  à  Astrakhan  »,  par  A.  Golo- 
vatchenko;  «  matériaux  pour  l'histoire  de  l'instruction  publique  », 
par  Lopatine;  «  sur  les  tumuli  et  les  villes  anciennes  du  gouverne- 
ment d'Astrakhan  »,  par  S.  Golovatchenko-,  et  une  liste  des  articles 
publiés  dans  la  partie  non  officielle  du  journal  du  gouvernement 
d^Astrakhan,  de  4838  à  4873.  —  En  4876  a  paru  la  fin  du  tome  I 
du  a  Vocabulaire  géographique  et  statistique  du  gouvernement  de 
Perm  »,  composé  par  N.  Tchoupine;  ce  tome  I  s'achève  par  la 
lettre  Y.  L'auteur  décrit  le  pays  non  seulement  au  point  de  vue 
géographique,  mais  aussi  au  point  de  vue  historique,  ethnographique, 
géologique,  etc. ,  et  accompagne  toutes  ses  explications  d'indications 
bibliographiques.  C'est  un  livre  écrit  avec  grand  soin  et  une  connais- 
sance profonde  du  sujet.  Il  nous  fournit  des  matériaux  très  riches 
et  très  intéressants  et  occupe  une  des  meilleures  places  dans  la  litté- 
rature historique  russe.  —  En  4  878  on  a  encore  publié  trois  annuaires, 
des  gouvernements  de  Vilna,  Kovno  et  Grodno.  La  plus  grande  partie 
de  ces  livres  est  occupée  par  l'adresse-calendrier  du  gouvernement, 
l'autre  nous  donne  des  renseignements  statistiques  sur  le  nombre 
des  sociétés  scientifiques,  des  institutions  d'instruction,  des  biblio- 
thèques, etc. 

PiîBLicATîONs  DIVERSES.  —  Si,  après  avoir  passé  en  revue  les  publi- 
cations de  textes  et  les  mémoires  sur  des  points  d'histoire  locale,  qui 
témoignent  d'une  très  louable  activité  scientifique,  nous  passons  à 
rhistoire  générale  de  la  Russie,  nous  trouvons  peu  d'ouvrages  dignes 
d*être  signalés.  Nous  ne  parlerons  que  des  deux  nouveaux  volumes 
de  «  rilistoire  de  la  Russie  »,  par  notre  infatigable  et  savant  histo- 
rien M.  Soloviev.  La  suite  des  ouvrages  de  MM.  Zabieline  et  Ilovaïsky, 
dont  nous  avons  parlé  dans  notre  précédent  Bulletin,  se  fkit  encore 
attendre. 

Les  tomes  XXVII  et  XXVHI  de  «  l'Histoire  de  la  Russie  »  se  rap- 
lK)rtont  à  Tune  des  époques  les  plus  intéressantes  et  les  plus  impor- 
tantes do  rhistoire  russe,  au  xtiii*  s.  Ils  racontent  les  premières 
années  du  ri^gne  de  Catlierine  II  île  L  XXVII,  —  de  4766  à  68,  et  le 
1.  XXVIU,  —  de  n6S  à  72\  cest-à-dire  la  période  des  réformes. 
Dans  le  premier  chapitre  du  t.  XXVII,  M.  Soloviev  nous  peint 


RUSSIE.  410 

de  très  sombres  couleurs  la  siluation  de  Tempire  :  dans  toutes  les 
parties  de  la  Russie,  le  règne  de  Tarbitraire  est  absolu.  Les  paysans 
commencent  à  se  soulever  en  masse  contre  la  tyrannie  de  leurs 
maîtres,  contre  les  abus,  qui  ne  leur  donnent  pas  de  relâche  et 
les  font  languir  dans  une  misère  extrême.  Ces  soulèvements  ftirent 
apaisés  à  Taide  des  commissions  militaires,  mais  les  esprits  n*en 
restèrent  pas  moins  troublés.  Les  mauvais  traitements  que  les  pro- 
priétaires se  permettaient  envers  leurs  paysans,  les  intendants  les  fai- 
saient subir  aux  forçats  et  aux  déportés  en  Sibérie,  qu'ils  tourmentaient 
à  loisir  et  auxquels  ils  volaient  leur  pain  et  leur  argent.  D'autre  part 
les  missionnaires  russes  baptisaient  de  force  les  peuplades  finnoises  et 
barbares  converties  à  la  religion  orthodoxe  par  l'eau-de-vie  ou  les 
supplices  ',  souvent  aussi  ils  se  servaient  de  la  religion  pour  extorquer 
des  présents.  La  vénalité  était  générale  dans  toutes  les  parties  de 
Tadministration.  Catherine  II  se  donna  la  tâche  de  corriger  ces  abus  ; 
il  n*y  en  eut  qu'un  auquel  elle  ne  voulut  pas  toucher  :  ce  fut  le  servage. 
Elle  resta  fidèle  à  la  déclaration  qu'elle  avait  faite  de  soutenir  <  l'auto- 
rité des  propriétaires  sur  les  paysans  ».  Les  fondements  de  la  nou- 
velle organisation  sociale  devaient  reposer  sur  le  nakaze,  ou 
nouveau  code  de  lois,  que  M.  Soloviev  examine  dans  les  chapitres  4 
et  2  du  tome  XXYII.  Le  tome  XXVIII  présente  un  intérêt  tout  à 
fkit  différent  :  il  est  tout  entier  consacré  à  l'histoire  extérieure  de  ki 
Russie  et  aux  deux  événements  les  plus  importants  du  règne  de 
Catherine  II  :  la  guerre  de  Turquie  et  le  partage  de  la  Pologne. 
La  plus  grande  partie  de  ce  volume  ne  fait  que  reproduire  Fautre 
ouvrage  de  M.  Soloviev  sur  Thistoire  des  partages  de  la  Pologne. 

Parmi  les  monographies,  la  première  place  appartient  de  droit  aux 
œuvres  de  deux  jeunes  savants,  MM.  Sokolovsky  et  Ditiatine,  à 
cause  de  leur  mérite  scientifique  et  de  l'intérêt  des  questions  dont 
ils  traitent.  Les  deux  livres  de  M.  Sokolovsky  :  <  Aperçu  de  This- 
toire  de  la  commune  agricole  au  nord  de  la  Russie  »,  Saint-Péters- 
bourg, 4877,  et  la  <c  Vie  économique  de  la  population  agricole  en 
Russie  et  colonisation  des  steppes  du  sud-est  avant  le  serrage  »,  ibid. 
4878,  se  rapportent  à  Thistoire  des  classes  rurales.  Le  livre  de 
M.  Ditiatine  :  a  Autonomie  des  villes  en  Russie»,  1. 1  (jusqu'à  4870), 
iaroslav,  4877,  concerne  Thistoire  des  populations  urbaines.  Ces 
ouvrages  sont  écrits  avec  un  grand  savoir  et  beaucoup  de  talent; 
mais  ceux  de  M.  Sokolovsky  présentent  le  plus  d'intérêt.  Le  premier 
décrit  l'histoire  de  la  commune  agricole  du  nord  de  la  Russie;  le 
second,  sa  situation  économique,  sa  vie,  etc.  Ces  monographies  ne 
sont  pas  les  premières  de  ce  genre.  MM.  Tchitchérine  et  Pobiedo- 
nostzev  ont  écrit  des  ouvrages  qui  ne  sont  pas  dénués  d'un  certain 


420  BULLETIN  HISTORIQUE. 

mérite  sur  Thistoire  des  paysans,  et  M.  Bieliaev  a  même  composé 
une  histoire  complète  de  la  classe  des  paysans,  un  des  meilleurs 
livres  sur  ce  sujet.  Mais  ces  ouvrages  ont  un  défont  grave  :  ils  ne 
s'occupent  guère  de  la  vie  économique  des  paysans,  de  Torganisation 
intérieure  de  la  commune  et  des  changements  que  le  progrès  de  la 
civilisation  y  a  créés.  Cette  lacune  est  comblée  par  les  livres  de 
M.  Sokolovsky,  rédigés  à  l'aide  de  nombreux  documents  ^  L'intérêt 
qu'ils  présentent  est  tel  que  nous  croyons  devoir  leur  accorder  un 
article  spécial,  auquel  nous  renvoyons  le  lecteur.  La  question  de  la 
propriété  communale  est  en  effet  d'une  importance  capitale  pour 
l'Europe  comme  pour  la  Russie.  Ici,  nous  nous  contenterons  de 
donner  un  aperçu  général  des  deux  ouvrages.  Le  premier  décrit  avec 
beaucoup  de  détail  la  situation  économique  des  paysans  du  ix^  s. 
au  xvp,  leur  position  en  face  de  leurs  maîtres,  leurs  impôts  et 
leurs  budgets.  Les  derniers  chapitres  sont  consacrés  spécialement  à 
la  description  de  la  commune.  Le  chapitre  VUl  décrit  le  mode  de 
possession  et  l'usage  des  terres  en  Russie  en  général  aux  ix*,  x*  et 
XI"  siècles.  Le  second  ouvrage  se  rapporte  à  l'époque  la  plus  impor- 
tante dans  l'histoire  de  la  Russie  et  des  paysans,  aux  xv«-x7ii«  siècles. 
<  Cette  période,  dit  l'auteur  dans  sa  préface,  se  distingue  des  autres 
surtout  en  ce  que  c'est  l'époque  où  se  posent  et  se  montrent  nette- 
ment les  fondements  de  notre  système  politique  et  social,  tel  qu'il 
s'est  conservé  jusqu'à  nos  jours.  Le  pouvoir  absolu  du  tsar,  la  cen- 
tralisation administrative,  la  formation  des  classes,  la  séparation 
entre  les  villes  et  les  villages,  tout  cela  naît  alors  et  reçoit  son 
entier  développement.  C'est  alors  aussi  que  le  droit  coutumier 
est  remplacé  dans  toute  la  Moskovie  par  le  droit  écrit.  Au  point 
de  vue  économique,  les  xv*-xvii*  siècles  ont  la  même  signification 
et  la  même  importance.  A  cette  époque  la  pêche  et  la  chasse  sont 
remplacées  par  l'agriculture,  qui  devient  l'occupation  dominante  des 
paysans.  Les  modes  de  possession  et  l'usage  des  terres  acquièrent 
dans  cette  période  de  temps  le  caractère  qu'ils  ont  conservé  dans 
leurs  traits  principaux  jusqu'à  présent.  C'est  alors  que  les  terres 
furent  distribuées  en  propriétés  individuelles  et  que  la  situation  des 
agriculteurs  envers  leurs  propriétaires  se  précisa,  sous  forme  de 
métayage,  de  redevances  en  argent  et  de  corvées.  Vers  la  fin  de  cette 
période,  la  glebae  adscriptio  des  paysans,  sanctionnée  par  la  loi  dans 
les  dernières  années  du  xvi*  s.,  se  transforma  nécessairement  en 
servage.  Ce  qui  nous  intéresse  le  plus  dans  ce  livre,  c'est  la  descrip- 

1.  En  1877  et  78  a  fiaru,  par  livraisons,  l'ouTrage  de  M.  SeraeTsky  sur  Thistoire 
des  paysans;  nous  allendrons,  pour  en  rendre  compte,  qu'il  ail  paru  en  volume. 


lOSsiE.  421 

lion  minutieuse  de  toutes  les  phases  par  lesquelles  a  passé  la  pro- 
priété, et  de  l'aggravation  graduelle  du  sort  des  paysans.  <  Avant  le 
servage,  dit  Tauteur,  la  situation  économique  des  paysans  dans  la 
Moskovie  s'aggravait  de  plus  en  plus.  Les  causes  de  cette  décadence 
résidaient,  non  dans  la  nature  du  sol,  qui  présente,  au  contraire,  les 
conditions  les  plus  favorables  au  progrès  économique,  ni  dans  les 
qualités  intellectuelles  et  physiques  du  peuple,  qui  avait  donné  des 
preuves  de  son  caractère  entreprenant  et  laborieux  en  colonisant  des 
espaces  considérables,  mais  dans  les  conditions  de  la  vie  politique. 
La  décadence  commence  dès  que  le  système  semi-féodal  se  développe 
et  que  le  paysan  est  devenu  taillable  à  merci;  le  paysan  est  alors 
obligé  d'abandonner  ses  anciennes  coutumes  et 'des  usages  qui 
existaient  depuis  des  siècles-,  mais  il  n'y  renonce  pas  sans  luttes,  et 
en  effet,  pendant  toute  cette  période  il  cherche  à  échapper  par  tous 
les  moyens  possibles  aux  exigences  toujours  croissantes  de  TÉtat.  La 
taille  tombait  principalement  sur  la  terre;  et  voilà  que  les  paysans 
ou  renoncent  à  la  terre,  ou  choisissent  le  lot  le  plus  petit;  ou  bien,  et 
c'est  le  cas  le  plus  fréquent,  ils  prennent  la  fuite  et  vont  chercher  un 
asile  dans  les  steppes  libres.  » 

Le  livre  de  M.  Ditiatine,  «  l'Autonomie  des  villes  en  Russie  »,  est 
la  suite  d'un  ouvrage  publié  en  4874  sous  le  titre  <  Organisation  et 
administration  des  villes  en  Russie  ».  L'auteur  expose  les  différentes 
lois  concernant  l'administration  sociale  des  villes,  depuis  i  785  jusqu'à 
l'ordonnance  de  4870*,  il  examine  la  façon  dont  ces  lois  étaient  appli- 
quées et  l'état  intérieur  des  villes;  il  étudie  tous  les  essais  de  réfor- 
mes, tentés  pendant  les  vingt  dernières  années.  Ce  n'était  pas  là  une 
tâche  facile;  pour  la  mener  n  bonne  fin,  l'auteur  a  du  fouiller  les  ar- 
chives, consulter  une  masse  considérable  de  documents  historiques 
et  juridiques;  c'est  ce  qu'il  a  fkit  avec  beaucoup  de  succès.  Son  livre 
nous  éclaire  sur  le  passé  des  villes  russes.  En  4785  Catherine  II 
donna  aux  villes  une  charte  où  elle  élargissait  leurs  droits.  Paul  P' la 
révoqua  et  la  remplaça  par  des  règlements  tout  contraires.  Alexandre  P' 
la  remit  en  vigueur.  Mais  cette  charte  ne  traitait  que  des  principes 
généraux  de  l'administration  municipale,  laissant  de  côté  plusieurs 
des  questions  les  plus  importantes;  celles,  par  ex.,  qui  concernaient 
les  finances  municipales,  les  impots  et  octrois;  ce  n'est  qu'au 
XIX''  s.  qu'elles  furent  successivement  résolues  par  le  moyen  de 
règlements  particuliers;  mais  là  le  gouvernement  se  montra  très 
défavorable  à  la  liberté  des  villes  ;  il  les  maintint  sous  sa  tutelle,  et 
se  réserva  l'action  prépondérante  dans  toutes  les  branches  de  l'admi- 
nistration. On  conçoit  les  résultats  d'un  pareil  système  :  l'indifférence 
complète  qui  régnait  parmi  les  électeurs  et  dans  les  conseils,  et  le 


422  BULLETIN  HISTORIQUE. 

peu  de  scrupule  qu'on  apportait  dans  le  maniement  des  finances. 
M.  Ditiatîne  décrit  tout  cela  avec  beaucoup  de  talent;  son  livre  est 
plein  de  renseignements  très  intéressants  et  même  parfois  très 
piquants. 

Après  ces  monographies,  nous  n'avons  à  nommer  que  très  peu 
d'ouvrages  d'importance  réelle,  tels  que  ceux  de  M.  Antonovitch  : 
a  Histoire  de  la  principauté  de  Lithuanie  »,  dont  la  première  livraison 
seule  a  paru  ;  «  La  sorcellerie  dans  la  Russie  méridionale,  contenant 
une  série  de  procès  intentés  aux  sorcières  »,  et  son  article  sur  le  sou- 
lèvement des  paysans  au  xyiii^  siècle,  imprimé  déjà  en  i  876,  mais  qui 
ne  put  être  mis  en  vente,  parce  qu'on  l'avait  trouvé  dangereux,  on  ne 
sait  pourquoi. 

Citons  encore  une  «  Histoire  de  l'Académie  russe  »,  par  M.  Sou- 
khomlinov,  St-Pétersbourg,  3«  partie,  4876,  et  4«  partie,  4878.  Cette 
histoire  est  divisée  en  trois  périodes  :  Tépoque  de  Catherine  II, 
celle  de  Paul  I«'  et  celle  d'Alexandre  I«'.  L'auteur  raconte  dans 
quelle  intention  tat  fondée  l'Académie^  et  comment  elle  fut  fondée*, 
il  finit  en  donnant  la  biographie  des  membres  et  des  élèves  de 
l'Académie.  Le  tome  I,  publié  en  4874,  contient  vingt  biographies;  le 
tome  I(,  paru  en  4875,  trois;  le  tome  III,  cinq;  et  enfin  le  tome  IV, 
trois.  L'auteur  parle  rarement  en  son  propre  nom  ;  aussi  ses  biogra- 
phies sont-elles  moins  une  peinture  des  personnages  et  de  leur 
époque,  qu'une  collection  de  matériaux,  mais  nous  possédons  si  peu 
de  renseignements  sur  l'Académie  et  sur  ses  membres,  que  nous 
devons  savoir  gré  à  M.  Soukhomlinov  de  son  livre.  —  «  La  vie  et  les 
œuvres  de  Stroev  »,  par  Barsoukov,  St-Pétersbourg,  4  878,  est  un  livre 
composé  avec  beaucoup  de  soin  et  de  talent  ;  il  nous  donne  une  bio- 
graphie détaillée  d'un  des  plus  ardents  promoteurs  des  recherches 
archéologiques  en  Russie,  homme  qui  a  consacré  toute  sa  vie  à  la 
science,  et  qui  n'a  reçu  pour  récompense  ni  honneurs,  ni  moyens  de 
vivre.  Le  livre  contient  en  outre  de  nombreux  renseignements  sur 
beaucoup  de  savants  de  notre  temps  et  de  l'époque  précédente,  qui  ont 
été  en  relations  scientifiques  ou  personnelles  avec  Stroev.  — Les  «  Cos- 
tumes historiques  russes  du  x*  au  xni*  siècle  »,  par  Strekalov,  avec 
préfeee  de  Kostomarov ,  4  877,  première  livraison,  ont  pour  but  de 
faire  connaître  aux  peintres  historiques,  aux  littérateurs,  aux  acteurs, 
etc.,  «  les  parures  et  ajustements  russes  dès  Tépoque  la  plus 
reculée  ».  Le  texte  est  accompagné  de  dessins  d*habits  et  de  difTé- 
rentes  parties  du  costume,  lithographies  chez  Lemercier  à  Paris.  C'est 
une  très  riche  et  très  belle  publication  ;  il  est  seulement  regrettable 
que  le  texte  n'ait  pas  été  revu  avec  soin;  c'est  une  compilation 
rédigée  sans  méthode  et  déparée  par  des  fautes  qui  auraient  pu  être 


RUSSIE.  423 

corrigées. — «  Renseignements  donnés  par  al-  Békri  sur  la  Russie  et  les 
Slaves  »  ;  première  partie.  L'œuvre  de  Tarabe  al-  Békri  est  une  com- 
pilation, fondée  principalement  sur  les  livres  d'Ibrahim-ibn-Jacoub, 
juif  du  X*  siècle,  et  ensuite  sur  ceux  de  Massoudi,  d'ibn-Dasti,  etc. 
Ibrahim  a  visité,  d'après  ce  qu'il  dit,  toutes  les  terres  slaves,  à  Tex- 
ception  de  la  Bulgarie;  il  raconte  ce  qu'il  y  a  vu,  décrit  les  mœurs,  la 
condition  des  femmes,  la  langue,  le  commerce,  indique  le  prix  des 
marchandises,  etc.  La  traduction  russe  est  accompagnée  de  notes,  fkites 
par  les  éditeurs  et  par  l'orientaliste  connu,  M.  Gouet,  et  des 
recherches  de  l'académicien  Kunik  sur  l'époque  où  vécut  Ibrahim, 
sur  la  parenté  des  Hagano-Bulgares  avec  les  Tchouvaches,  d'après 
l'Imenik  slavo-bulgare,  et  sur  Tidentité  des  Russes  idolâtres  avec  les 
Normands,  d'après  le  message  du  pape  Nicolas  I*^  Le  <  Recueil  de  la 
section  de  langue  russe  et  de  littérature  de  l'académie  des  sciences  », 
t.  XVII,  contient  entre  autres  trois  mémoires  qui  ont  été  déjà 
publiés  séparément  :  les  «  Récits  apocryphes  sur  les  personnes  et 
é?énements  de  la  Bible  d'après  les  manuscrits  du  monastère  de 
Solovetzk  »,  par  Porfiriev  *,  «  Jérusalem  et  la  Palestine  dans  la  littéra- 
ture russe,  la  science,  la  peinture,  et  les  traductions  i>,  par  M.  Pono* 
marev,  et  les  «  Remarques  sur  le  langage  et  la  poésie  populaire  dans 
l'idiome  de  la  Grande-Russie  »,  avec  des  renseignements  sur  les  gou- 
vernements de  Novgorod,  Olonetzk,  Yiatka,  Vladimir,  Souzdal, 
laroslav,  Arkhangel^  Vologda  et  Perm.  Le  volume  renferme  ensuite 
un  extrait  des  procès-verbaux  de  la  section  de  l'Académie  de  no- 
vembre 4875  à  février  1877,  des  renseignements  bibliographiques, 
un  rapport  sur  les  ouvrages  des  membres  de  cette  section  pour  4876^ 
et  une  notice  sur  M.  Stroev,  par  M.  J.  Sreznevsky.  —  Le  «  Recueil  des 
matériaux  et  articles  pour  servir  à  l'histoire  des  provinces  baltiques  », 
1. 1,  Riga,  4877,  est  divisé  en  deux  parties  :  la  première  consacrée  à 
l'histoire  ancienne  des  pro?inces,  et  la  seconde  à  celle  du  xviii*  et  du 
XIX*  siècle.  Les  articles  les  plus  importants  de  la  première  partie 
sont  :  «  Les  provinces  baltiques  et  leurs  populations  avant  l'arrivée 
des  Allemands  »,  par  Rutter,  et  la  «  Chronique  livonienne  »,  de 
Henrich  Latichsky.  Cette  chronique  se  rapporte  aux  années  4  484- 
4220,  alors  que  le  christianisme  commençait  à  se  propager  en 
Lithuanie,  et  que  la  lutte  était  engagée  entre  les  évéques  chrétiens  et 
le  peuple  païen.  C'est  un  des  documents  les  plus  importants  pour 
l'histoire  ancienne  du  pays-,  il  présente  un  tableau  animé  des  mœurs 
et  de  la  vie  de  l'époque.  La  seconde  partie  renferme  les  lettres, 
oukases  et  ordres  de  Pierre  le  Grand  et  de  Catherine  II  concernant  la 
Lithuanie,  les  mémoires  de  Néiendal  et  de  Roulmering  où  nous  trou- 
vons des  renseignements  sur  l'administration  des  villes,  la  chronique 


424  BULLETIN  HISTORIQDB. 

de  la  ville  de  Riga  pour  i  783-97  et  quelques  biographies  publiées  sous  le 
ti  Ire  de  «  Noms  à  deml-oubliés  ». — La  biographie  de  Samuel  Miloslavsky , 
métropolitain  de  Kiev,  parPeodor  Rojdestvensky,  Kiev,  4877,  décrit 
fort  bien  les  mœurs  ecclésiastiques  et  monastiques  à  Tépoque  où  vivait 
ce  prélat,  l'éducation  et  l'instruction  qu'on  recevait  alors  à  TAcadémie 
ecclésiastique  de  Kiev,  les  rapports  des  prêtres  et  des  moines  avec  les 
laïques,  les  recettes  et  dépenses  des  monastères,  etc.  Tous  ces  détails 
sont  tirés  des  manuscrits  conservés  dans  la  bibliothèque  et  le  musée 
de  rAcadémie  ecclésiastique  de  Kiev,  la  bibliothèque  de  Lavra,  les 
archives  du  consistoire  et  du  monastère  de  St-Michel.  —  La  «  Biogra- 
phie du  comte  Vladimir  Orlov-Davydov ,  composée  par  son  petit- 
fils  »,  Saint-Pétersbourg,  4878,  nous  raconte  la  vie  d'un  des 
contemporains  de  Catherine  II,  directeur  de  Tacadémie  des  sciences 
de  n66  à  n94;  Fauteur  publie  beaucoup  de  lettres  d'un  grand 
intérêt,  qui  fournissent  de  curieux  détails  sur  la  vie  privée  des  sei- 
gneurs russes  à  cette  époque.  —  «  Les  curiosités  russes  »,  publiées 
par  M.  Martynov,  Moscou,  4877,  ont  paru  en  deux  volumes.  C'est 
une  assez  bonne  description  des  curiosités  de  l'ancienne  capitale  de 
la  Russie,  Moscou,  surtout  de  celles  qui  sont  d'un  intérêt  général 
pour  la  Russie^  cet  ouvrage  est  accompagné  de  planches.  —  Signalons 
enfin  de  ces  livres  1'  <f  Histoire  du  droit  de  la  Moscovie  »,  par  M.  Za- 
goskine,  t.  1,  Kazan,  4877,  et  1'  «  Histoire  du  droit  russe  »,  par 
Samokvassov,  t.  I,  Varsovie,  4878.  Le  premier  mérite  seul  d'attirer 
l'attention.  C'est  le  commencement  d'un  grand  ouvrage,  qui  com- 
prendra six  volumes,  et  contiendra  l'histoire  du  droit  moscovite  de 
4462  à  n03,  et  une  partie  du  cours  professé  par  M.  Zagoskine  à 
l'université  de  Kazan.  Le  tome  I"  est  consacré  à  Tétude  bibliogra- 
phique du  sujet  et  à  la  méthode  qu'il  convient  de  suivre  dans  ces 
études. 

Nous  terminerons  ce  bulletin  en  parlant  des  œuvres  posthumes  de 
nos  historiens.  De  Stroev,  la  Commission  archéologique  a  publié 
les  «  Listes  des  prélats  et  abbés  des  monastères  de  l'Église  russe  », 
Saint-Pétersbourg,  4877.  Ce  livre  est  le  fruit  de  longues  et 
pénibles  recherches,  faites  par  l'auteur  dans  les  différentes  archives 
de  l'empire.  Les  listes  sont  continuées  jusqu'à  notre  époque  et  dis- 
posées suivant  les  quarante-huit  diocèses,  dans  Tordre  indiqué  par 
l'auteur.  A  la  fin  se  trouvent  les  listes  des  prélats  et  abbés  des 
diocèses  aujourd  hui  supprimés,  et  la  table  alphabétique  des  noms  de 
monastères  et  de  personnes,  avec  des  détails  chronologiques  et  bio- 
graphiques sur  les  personnes  nommées  dans  l'ou\Tage.  On  a  égale- 
ment publié  un  recueil  des  œuvres  de  Maximovitch,  en  deux  tomes, 
Kiev,  4876,  et  des  œuvres  de  Samarine,  Moscou,  4878.  Les  œuvres 


RUSSIE.  425 

de  Maximovîtch,  professeur  à  Tuniversité  de  Kiev,  contiennent  des 
études  sur  des  sujets  très  divers.  On  y  trouve  des  articles  sur  l'his- 
toire russe,  Tethnographie,  Tarchéologie,  la  géographie  historique, 
des  correspondances,  des  discours,  etc.  Les  principaux  articles 
insérés  dans  le  premier  volume  se  rapportent  à  Fhistoire  de  la  Russie 
des  plus  anciens  temps  jusqu'au  xiii*  siècle,  à  Thistoire  de  la  Li- 
thuanie  russe,  et  à  celle  des  Cosaques  peUts-russiens.  Le  second 
volume  est  presque  entièrement  consacré  à  des  recherches  sur  la  ville 
de  Kiev  et  ses  environs,  sur  la  principauté  de  Kiev,  Pereiaslav, 
Volygme,  et  sur  des  questions  d'archéologie  et  d'ethnographie. 

Jean  Loutchiskt. 


426  COMPTES-RENDOS   CRITIQDE8. 


COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 


Untersuchungen  auf  dem  Gebiete  der  rœmischen  Verwaltunss- 
geschichte  Yon  Otto  Hirschfeld.  Erster  Band  :  Die  kaîserliehen 
Verwaltungsbeamten  bis  auf  Dioclelian.  Berlin,  Weidmann,  4876. 

Le  livre  qui  se  présehte  sous  ce  titre  modeste  est  un  des  plus  remar- 
quables qui  aient  paru  depuis  longtemps  sur  Thistoire  de  TËmpire. 
Avec  celui  de  M.  Mommsen  sur  le  principat,  il  la  fait  voir  sous  un 
jour  vraiment  nouveau.  Ce  n'est  pas  sans  raison  que  nous  rapprochons 
ces  deux  ouvrages.  Ils  procèdent  de  la  môme  idée,  s'inspirent  de  la 
même  méthode  et  aboutissent  à  des  conclusions  semblables.  Quand  on 
essaie,  d'après  la  plupart  des  historiens  modernes,  de  se  représenter  les 
institutions  de  PËmpire  dans  la  longue  période  de  leur  développement, 
on  retire  de  cette  étude  une  impression  singulière.  D'un  côté  il  semble 
que  le  régime  établi  par  Auguste  a  été  une  rupture  violente,  absolue, 
avec  l'ancien  ordre  de  choses  ;  de  l'autre,  on  dirait  que  ce  régime, 
achevé  dès  le  principe,  est  resté  immuable  durant  des  siècles,  que 
d'Auguste  à  Claude,  de  Claude  à  Yespasien,  de  Vespasien  à  Hadrien, 
d'Hadrien  aux  Sévères,  les  règles  du  gouvernement  ont  toujours  été  les 
mêmes,  que  l'application  seule  en  a  varié  suivant  le  caractère  de  chaque 
empereur.  C'est  seulement  vers  la  fin  du  ni«  siècle  avant  J.-C.  que  l'on 
voit  surgir  un  régime  nouveau  qui  ne  paraît  pas  plus  sortir  du  précé- 
dent que  le  précédent  n'avait  paru  sortir  du  régime  républicain.  Ainsi 
l'histoire  politique  et  administrative  de  l'Empire,  demeurant  comme 
immobile  entre  ces  deux  brusques  secousses,  se  trouve  soustraite  à  cette 
double  loi  de  la  continuité  et  du  changement  qui  régit  la  marche  de 
toute  société. 

Il  faut  convenir  que  les  historiens  anciens  n'ont  pas  peu  contribué  à 
répandre  ce  préjugé.  Nous  ne  parlons  pas  de  Tacite,  qui  dans  les  événe- 
ments ne  s'attache  guère  qu'à  l'élément  moral  et  dramatique,  encore 
moins  de  Suétone  qui  n'y  cherche  que  des  anecdotes,  mais  d'Appien  et 
surtout  de  Dion  Cassius,  les  seuls  qui  aient  exposé  quelques  vues  théo- 
riques sur  la  nature  du  gouvernement  impérial.  Mais  ni  Appien,  ni 
Dion  Cassius  n'avaient  les  connaissances  nécessaires  pour  traiter  un  pareil 
sujet.  Tous  deux  de  nationalité  étrangère,  l'un  Égyptien,  l'autre  Asia- 
tique, ils  étaient  trop  ignorants  de  l'ancien  droit  de  Rome,  trop  imbus 
des  idées  monarchiques  gréco-orientales  pour  saisir  ce  qu'il  y  avait  de 
profondément  original  dans  cette  création  d'Auguste  qui  ne  formulait 
aucun  principe  nouveau  et  qui  pouvait,  par  un  spécieux  mensonge,  être 
présentée  comme  un  retour  à  la  constitution  abolie  par  César  et  les 


HIESCHFBLD   :   lOBM.    YBIWALTO.IGSGESCHICHTB.  427 

triumvirs.  En  môme  temps,  cette  ininteliigence  de  l'œuvre  du  premier 
empereur  ne  leur  permettait  pas  d'en  suivre  les  altérations  successives. 
Ck)mme  ils  écrivaient  à  une  époque  où  l'Empire  s'était  déjà  sensible- 
ment écarté  de  son  type  primitif  pour  se  rapprocher  de  la  monarchie 
pure,  ils  durent  croire  qu'il  avait  eu  ce  caractère  dès  l'origine.  Aussi  le 
fameux  discours  de  Mécène  à  Auguste  ressemble-t-il  beaucoup  plus  à 
un  plan  de  gouvernement  proposé  par  un  conseiller  d'Alexandre  Sévère 
qu'à  un  programme  imaginé  au  lendemain  d'Actium. 

Si  les  documents  littéraires  sont  à  ce  point  insufOsants  ou  trom- 
peurs, il  faudra  chercher  ailleurs  Thistoire  des  transformations  qui 
ont  dénaturé  l'œuvre  d'Auguste.  Cette  histoire  de  l'Empire ,  plus 
vivante  et  plus  vraie,  les  documents  épigraphiques  l'ont  écrite  au 
jour  le  jour  et  la  racontent,  pour  peu  qu'on  sache  les  interroger,  avec 
autant  de  précision  que  de  sincérité.  Ce  sont  donc  les  documents 
épigraphiques  qui  constituent  le  fond  solide  et  incontestable  des  livres 
de  MM.  Mommsen  et  Hirschfeld.  Les  personnes  peu  au  courant  de  ces 
sortes  de  travaux  seront  étonnées  de  voir  tout  ce  qu'on  peut  tirer  de 
l'étude  patiente  et  du  rapprochement  ingénieux  de  ces  textes,  si  secs  en 
apparence.  Ce  sont  d'innombrables  faits  particuliers  qui,  établis  avec 
une  méthode  rigoureuse  et  groupés  avec  art,  conduisent  aux  larges 
vues  d'ensemble.  Quant  à  ceux  ({ui  ont  l'habitude  de  se  servir  de  ces 
documents,  ils  trouveront  au  bas  de  chaque  page  des  renvois  exacts  et 
multipliés  qui  leur  permettront  de  contrôler  les  assertions  de  l'auteur, 
et  au  boitoin  de  pousser  leurs  recherches  sur  un  point  déterminé  plus 
loin  que  l'auteur  lui-même  ne  l'a  fait. 

Le  livre  de  M.  Mommsen  démontre  de  la  manière  la  plus  éclatante 
cette  loi  de  filiation  qui  rattache  si  étroitement  le  régime  impérial  au 
régime  républicain.  Ce  livre  est,  comme  on  sait,  un  des  volumes  du 
grand  Manuel  d'antiquités  romaines,  commencé  à  Leipzig,  en  1843, 
par  M.  Becker,  achevé  en  1867,  par  M.  Marquardt  et  dont  M.  Momm- 
sen, de  concert  avec  ce  dernier,  a  entrepris  une  rédaction  nouvelle 
très  différente  de  la  première.  Ijes  deux  collaborateurs  se  sont  par- 
tagé la  ulche.  Tandis  que  M.  Man]uardt  se  chargeait  des  antiquités 
financières,  militaires,  religieuses  et  privées,  M.  Mommsen  se  réser- 
vait tout  ce  qui  touchait  au  droit  public.  Un  premier  volume  est 
consacré  à  la  théorie  générale  des  magistratures,  considérées  dans 
leur  principe  et  dans  les  règles  qui  leur  sont  communes.  Un  second 
volume  traite  de  chacune  des  magistratures  prise  à  part.  Le  tome 
relatif  au  principat  forme  la  deuxième  ])artie  de  ce  deuxième 
volume.  Ainsi  la  place  occupée  dans  l'ensemble  de  Pouvrage  par 
cette  dernière  étude  montre  déjà  quel  en  est  l'esprit.  Dans  le  prin- 
cipat, M.  Mommsen  ne  voit  qu'une  magistrature  extraordinaire,  une 
expression  nouvelle  de  l'ancien  droit  public,  la  dernière  conception 
enfantée  par  le  génie  politique  de  Home.  Après  ce  suprême  etTort,  la 
force  créatrice  résidant  au  sein  des  vieilles  institutions  de  la  cité  latine 


428  COMPTES-RENDUS   GRITIQDES. 

est  épuisée.  Tout  ce  qui  vient  ensuite  ne  porte  plus  au  même  degré 
Tempreinte  exclusive  de  Tesprit  romain. 

C'est  là  ridée  dominante  exposée  dans  la  préface  et  suivie  avec  une 
grande  force  de  déduction.  Non  pas  que  M.  Mommsen  n'ait  pas  vu 
aussi  l'autre  face  de  la  question  et  ne  Tait  pas  mise  en  lumière.  Les 
deux  points  de  vue  sont  inséparables,  et  qui  a  saisi  le  premier  ne  peut 
pas  ne  pas  saisir  le  second.  Toutefois  il  est  vrai  que  ce  deuxième  point 
de  vue  est  moins  accusé,  et  cela  pour  deux  raisons  :  d'abord  il  faudrait 
un  exposé  historique  auquel  le  caractère  didactique  du  livre  se  prête 
difficilement.  Ensuite  M.  Mommsen  traite  de  la  nature  du  pouvoir 
impérial  et  les  altérations  de  l'œuvre  d'Auguste  sont  plus  profondes 
dans  le  domaine  administratif  que  dans  le  domaine  purement  politique. 
Ce  n'est  pas  la  nature  du  pouvoir  impérial  qui  a  changé.  Il  n'a  pas  été 
beaucoup  moins  absolu  au  temps  d'Auguste  qu'au  temps  de  Septime 
Sévère.  Mais  il  s'est  étendu  au-delà  des  limites  qu'il  s'était  primitive- 
ment fixées.  C'est  la  compétence  de  ce  pouvoir  qui  s'est  élargie  et  qui 
a  fini  par  tout  absorber. 

Le  livre  de  M.  Hirschfeld,  paru  peu  de  temps  après  celui  de  M.  Momm- 
sen, mais  depuis  longtemps  entrepris  d'après  les  conseils  du  maître  et, 
malgré  quelques  divergences,  tout  pénétré  de  son  esprit,  démontre,  avec 
une  grande  abondance  de  renseignements,  ce  que  M.  Mommsen  n'a  fait 
qu'indiquer.  Il  se  compose  d'une  série  d'articles  où  l'auteur  aborde  suc- 
cessivement les  sujets  les  plus  variés,  dans  un  ordre  qui,  sans  être 
rigoureux,  n'a  cependant  rien  d'arbitraire.  Ses  recherches  se  portent 
d'abord  sur  la  distinction  qui  s'établit  entre  les  deux  trésors  publics, 
Vaerarium  et  le  fisc  ou  trésor  de  l'empereur,  sur  les  attributions  et  la 
hiérarchie  des  fonctionnaires  attachés  à  ce  trésor,  ou  chargés  de  la  per- 
ception de  certains  impôts  qui  l'alimentent,  tels  que  le  vingtième  des 
héritages,  ou  préposés  à  certaines  entreprises  qui  en  dépendent,  telles 
que  les  exploitations  minières.  De  là,  nous  passons  à  l'administration 
proprement  dite,  et  spécialement  à  celle  qui  concerne  Rome  et  l'Italie, 
aux  routes,  aux  travaux  publics,  à  l'annone,  aux  institutions  alimen- 
taires, à  la  police  de  la  ville,  aux  jeux,  aux  bibliothèques.  Enfin  nous 
pénétrons  dans  la  chancellerie  impériale.  On  comprend  que  les  limites 
qui  nous  sont  imposées  ne  nous  permettent  pas  de  suivre  M.  Hirschfeld 
à  travers  tant  de  questions  traitées  avec  une  compétence  toute  particu- 
lière '.  Il  vaut  mieux  montrer  quel  est  l'intérêt  de  ces  études  de  détail, 
quelle  est  l'idée  générale  qui  se  dégage  peu  à  peu  de  ces  fragments  sans 
lien  apparent  et  qui  en  constitue  l'unité.  EUle  est  tout  entière  dans  ce 
fait  :  la  concentration  de  tous  les  pouvoirs  administratifs  entre  les  mains 
de  l'empereur,  au  moyen  de  ses  agents  particuliers,  les  affranchis  et  les 
procurateurs.    Un   tableau  de  Torganisation  des  fonctions  équestres, 

1.  M.  Hirschfeld,  qui  est  qd  des  collaborateors  du  Corpus,  âoW  publier  pro- 
chainement, le  recueil  des  inscriptions  de  U  Gaule. 


HIRSCHFELD   :    lOEM.    yERWALTDffGSOBSCHICHTB.  429 

tableau  bien  incomplet  encore,  mais  le  premier  qui  ait  été  esgayé,  forme 
un  appendice  naturel  aux  chapitres  qui  précèdent.  Il  est  lui-m^me 
suivi  d'une  sorte  de  conclusion  où  Fauteur  résume  les  résultats  acquis, 
et  qui  mérite  une  rapide  analyse. 

Ce  n'est  pas  une  monarchie  qu'Auguste  a  voulu  fonder.  C'est,  pour 
employer  l'expression  dont  se  sert  M.  Mommsen,  une  dyarchie.  Bien 
différent  de  César  qui  avait  prétendu  tout  faire  par  lui-môme,  Auguste 
ne  put  se  résoudre  à  écarter  le  sénat  de  l'administration.  Il  lui  fit  sa 
part  en  Tan  27.  Il  la  fit  considérable,  ne  gardant  pour  lui  que  les 
légions  et  les  provinces  où  elles  étaient  stationnées.  Dans  ce  système, 
il  était  le  chef  do  l'armée  et  le  premier  magistrat  de  la  République.  Il 
n'en  était  pas  le  souverain  et  unique  administrateur.  Mais  l'événement 
montra  qu'il  avait  trop  préjugé,  et  de  l'empereur,  et  du  sénat,  en  fai- 
sant reposer  sur  l'accord  de  ces  deux  pouvoirs  tout  l'édifice  politique. 
Le  sénat  ne  sut  pas  défendre  le  terrain  qui  lui  était  réservé,  l'empereur 
ne  sut  pas  le  respecter,  et  l'empire  constitutionnel  se  trouva  bientôt 
transformé  en  un  despotisme  militaire.  Le  sénat  d'ailleurs  n'était  pas 
à  la  hauteur  de  sa  tAche.  Auguste  lui-même  sembla  le  reconnaître  en 
créant  les  grandes  curatelles  détachées  de  la  censure,  en  instituant  un 
préfet  des  vigiles  et  un  préfet  de  l'annoue,  etc.  La  retraite  de  Tibère  à 
Capréo  fut  un  nouveau  coup  porté  au  dualisme  qu'avait  rêvé  le  fonda- 
teur de  l'empire.  Entre  un  empereur  inactif  et  un  sénat  incapable,  l'État 
tomba  dans  une  désorganisation  qui  ne  put  être  arrêtée  que  par  un 
changement  complet  de  système.  Ce  fut  l'œuvre  de  Claude,  ou  plutôt  de 
ses  affranchis  Pallas  et  Narcisse.  Ces  deux  hommes,  à  qui  l'histoire  n'a 
pas  rendu  justice,  entreprennent  et  mènent  à  bonne  fin  une  grande 
réforme.  Ils  font  passer  l'administration  aux  mains  des  fonctionnaires 
impériaux,  qui  sont,  dans  les  provinces,  les  procurateurs,  à  Rome,  les 
affranchis,  ces  derniers  placés  à  la  tête  de  toute  l'administration  cen- 
trale, et  préposés  à  un  nouveau  trésor  impérial,  distinct  de  celui  du 
sénat,  et  qui  devient  bientôt  le  principal  trésor  de  l'Empire.  Procura- 
teurs et  affranchis  entrent  en  possession  de  la  juridiction  civile.   La 
chute  de  la  dynastie  des  Jules,  qui  amène  au  pouvoir  un  prince,  hon- 
nête et  modéré,  ne  rond  pas  au  sénat  la  situation  qu'il  a  perdue.  Le 
dualisme  d'Auguste  est  bien  mort.  Le  mensonge  qui  était  au  fond  l'a 
tué.  Mais  une  réaction  se  produit  contre  le  gouvernement  des  affranchis. 
Elle  est  accompagnée  d'une  nouvelle  organisation  administrative,  due 
au  plus  grand  empereur  peut-être  que  Rome  ait  jamais  eu,  à  Hadrien. 
Instruit  des  besoins  de  l'Empire  par  ses  voyages  à  travers  tout  le  monde 
romain,  Hadrien  a  compris  qu'une  administration  qui  devenait  plus 
compliquée  de  jour  en  jour  exigeait  la  création  d'un  personnel  de  fonc- 
tionnaires très  nombreux,  largement  rétribué  et  soumis  à  des  règles 
rigoureuses.  Ces  fonctionnaires,  il  ne  les  cherche  ni  parmi  les  sénateurs, 
toujours  suspects  d'opposition,  ni  parmi  les  affranchis,  que  l'on  avait 
vus  associés  à  toutes  les  hontes  et  à  tous  les  excès  de  la  tyrannie  tom- 
bée. Il  les  prend  dans  l'ordre  équestre,  sûr  de  trouver  là  des  agents 


430  COMPTES-RENDUS   CRITIQUES. 

intègres,  capables  et  dociles.  La  présence  des  affiranchis  aux  affaires 
avait  encore  un  autre  inconvénient,  elle  établissait  une  confusion 
fâcheuse  entre  le  gouvernement  de  la  maison  de  i'emperenr  et  celui  de 
la  chose  publique.  Cette  confusion  était  inévitable  à  Torigine  :.elle  avait 
favorisé  les  premiers  empiétements  du  pouvoir  impérial.  Elle  devait 
disparaître  maintenant  que  la  révolution  était  accomplie.  Les  affranchis, 
relégués  dans  la  domesticité  de  cour,  cèdent  donc  la  place  aux  cheva- 
liers. Ce  sont  des  chevaliers  qui  dirigent  maintenant  les  bureaux  de 
l'administration  centrale,  et  le  plus  important  de  tous,  celui  des  finances. 
Enfin  l'extension  des  attributions  de  la  préfecture  du  prétoire,  devenue 
la  plus  haute  institution  civile,  la  formation  d'un  conseil  d'État,  où  les 
chevaliers  tiennent  le  premier  rang,  toutes  ces  mesures  montrent  clai- 
rement que  Hadrien  veut  rendre  l'ordre  équestre  apte  aux  hautes  fonc- 
tions que  le  sénat  s'est  montré  inhabile  à  remplir.  Arrive  Septime 
Sévère  dont  le  règne  est  décisif.  Cet  empereur,  né  en  Afrique,  parlant 
à  peine  le  latin,  porté  au  pouvoir  par  les  armées  des  provinces,  au 
milieu  desquelles  il  a  grandi,  n'est  pour  l'Italie  et  pour  Rome  qu'un 
étranger.  Le  sénat  ne  lui  inspire  que  de  l'aversion  ;  il  se  propose  deux 
objets,  qui  sont  au  fond  identiques  :  supprimer  la  situation  privilégiée 
de  Rome  et  de  l'Italie  et  enlever  au  sénat  ce  qui  lui  reste  encore  de 
pouvoir.  Déjà  Hadrien  avait  chargé  du  gouvernement  de  la  péninsule 
quatre  consulaires  à  la  nomination  de  l'empereur.  Sévère  établit  une 
légion  aux  portes  de  Rome  et  ouvre  la  garde  prétorienne  à  toutes  les 
nationalités  étrangères.  D'un  autre  côté  il  attribue  les  revenus  des  pro- 
vinces sénatoriales  au  fisc,  dont  les  administrateurs  obtiennent,  ainsi 
que  les  préfets  et  les  magistri  équestres,  le  titre  de  Vir  perfectissimtu. 
Les  autres  procurateurs,  et  en  général  les  chevaliers  qui  se  sont  distin- 
gués dans  l'armée  ou  ailleurs,  prennent  celui  de  Vir  egregius.  En  même 
temps  les  intérêts  de  Tordre  équestre  et  de  l'armée  sont  confondus.  Les 
officiers  qui  ont  rempli  les  grades  équestres  forment  dans  la  vie  civile 
un  ordre  privilégié  où  les  centurions  mêmes  sont  admis.  Les  chevaliers 
et  les  soldats  doivent  être  les  deux  points  d'appui  de  la  nouvelle  dynas- 
tie. Un  tel  système  amène  nécessairement  l'unification  de  toutes  les 
parties  de  l'Empire.  Aussi  Garacalla,  qui  étend  le  droit  de  cité  à  toutes 
les  provinces,  n'est-il  en  réalité  que  le  continuateur  de  l'œuvre  pater- 
nelle ;  mais  cette  œuvre  est  menacée  par  Alexandre  Sévère.  Cet  excel- 
lent prince,  élevé  à  Home  sous  la  tutelle  d'un  conseil  de  régence  tout 
composé  de  sénateurs,  rompt  d'une  manière  absolue  avec  la  politique 
de  sa  famille.  11  gouverne  avec  et  par  le  sénat.  Il  lui  laisse  la  nomina- 
tion du  préfet  de  la  ville  et  des  gouverneurs  des  provinces  sénatoriales, 
la  confirmation  des  gouverneurs  des  provinces  impériales.  Il  choisit 
dans  son  sein  le  préfet  du  prétoire  ;  il  veut  faire  rentrer  le  fisc  dans  ses 
anciennes  limites.  Ce  fut  le  rêve  d'un  moment,  une  tentative  généreuse 
et  chimérique  à  laquelle  coupa  court  une  émeute  de  caserne.  Le  m*  s. 
voit  s'accomplir  deux  grands  événements  qui  portent  le  dernier  coup  à 
l'ancien  dualisme  :  les  sénateurs  sont  exclus  des  hautes  positions  gou- 


HIBSCRFSLD   :    BCBM.    VERWILTIJNGSGBSGHICHTE.  431 

vernementales,  et  la  séparation  des  pouvoirs  civils  et  militaires  amène 
une  transformation  complète  dans  Tsulministration  des  provinces.  L'Em- 
pire, miné  à  l'intérieur  par  des  maux  sans  nombre,  assailli  au  dehors 
par  les  Barbares,  a  besoin  d'une  forte  organisation  du  pouvoir  impérial. 
C'est  le  but  poursuivi  par  les  grands  empereurs  illyriens  :  Aurélien 
commence  cette  œuvre  achevée  par  Dioclétien  et  par  Constantin.  L'Italie 
n'est  plus  qu'une  province,  Rome  n'est  plus  qu'une  ville  comme  toutes 
les  autres.  Le  centre  de  gravité  de  l'Empire  est  transporté  en  Orient. 
Le  système  d'Auguste  a  vécu. 

Telle  est  la  théorie  de  M.  Hirschfeld.  Vraie  dans  son  ensemble,  sin- 
gulièrement pénétrante  dans  beaucoup  de  ses  détails,  elle  provoquera 
sans  doute  plus  d'une  objection.  Nous  nous  bornons  à  la  suivante  : 
M.  Hirschfeld  émet  sur  le  règne  de  Vespasien  une  opinion  qui  nous 
parait  manquer  à  la  fois  de  clarté  et  de  justesse.  Tout  en  reconnaissant 
que  cet  empereur  ne  revint  jamais  sur  aucune  des  réformes  accomplies 
par  Claude  et  ses  ministres,  qu'il  ne  fut  pas  un  maître  moins  absolu 
que  ses  prédécesseurs,  que  moins  que  personne  il  était  fait  pour  com- 
prendre et  appliquer  les  combinaisons  artificielles  d'Auguste,  M.  Hirsch- 
feld admet  néanmoins  qu'il  fit  au  sénat  certaines  concessions,  qu'il 
renonça  en  sa  faveur  à  quelques-uns  des  droits  usurpés  par  Claude  et 
par  Néron.  Il  est  difficile  de  concilier  les  deux  termes  de  cette  proposi- 
tion, il  ne  l'est  pas  moins  de  trouver  une  preuve  à  l'appui  de  cette  pré- 
tendue renonciation.  M.  Hirschfeld  invoque  le  document  fameux  connu 
sous  le  nom  de  Lex  regia  de  imperio  Vespasiani,  Il  y  voit  un  acte  sans 
précédent,  un  contrat  intervenu  à  nouveau  entre  les  deux  pouvoirs,  à 
la  suite  d'une  crise  qui  avait  bouleversé  toutes  les  idées  et  tous  les 
principes.  Il  semble  au  contraire  que  la  Lex  regia  était  un  acte  parfai- 
tement régulier  qui  se  renouvelait  à  chaque  changement  de  règne.  Il 
est  vrai  que  nous  ne  possédons  que  la  loi  concernant  Vespasien.  Il  est 
vrai  aussi  qu'il  n'y  a  pas  dans  les  auteurs  de  texte  où  il  soit  question 
expressément  d'un  acte  de  ce  genre,  mais  en  revanche  ils  disent  fré- 
quemment que  l'empereur  était  mis  en  possession  de  l'Empire  par  une 
loi,  et  cette  loi  quelle  est-elle,  sinon  celle  que  nous  fait  connaître  le 
monument  du  Latran  ?  Nous  dirons  plus,  une  lecture  attentive  de  ce 
document  fait  croire  que  loin  d'avoir  restreint  les  droits  de  l'empereur 
il  les  a  plutôt  étendus.  M.  Mommsen  (Str.  II,  p.  882)  fait  remarquer  que 
dans  l'article  conférant  à  l'empereur,  sans  aucune  restriction,  le  droit 
de  recommander  les  candidats  à  toutes  les  magistratures,  la  formule 
f  Ita  uti  licuit  divo  Aug.  Ti.  Julio  Cacsari  Aug.,  etc.,  >  est  absente, 
d'où  l'on  peut  conclure  que  ce  même  droit  n'avait  pas  encore  reçu  une 
telle  extension.  Il  y  aurait  encore  bien  d'autres  observations  à  faire. 
Par  exemple,  on  se  demandera  si  M.  Hirschfeld  n'a  pas  exagéré  quel- 
quefois l'importance  des  procurateurs  et  des  affranchis,  je  ne  dis  pas 
aux  dépens  du  sénat,  mais  aux  dépens  des  sénateurs.  Jusqu'au  m*  s. 
l'ordre  sénatorial  fournissait  les  commandants  des  légions  et  les  gou- 
verneurs de  toutes  les  provinces.  Ce  n'était  pas  une  prérogative  insigni- 


432  COMPTES-REIfDns   CRITIQUES. 

fiante.  Enfin,  on  se  demandera  peut-être  si  cette  vaste  synthèse  n'est 
pas  prématurée.  Malgré  les  grands  progrès  accomplis  par  les  recherches 
épigraphiques,  l'histoire  de  l'Empire  n'est  pas  faite  encore  ;  elle  ne  le 
sera  pas  tant  qu'on  n'aura  pas  fait  celle  de  chaque  empereur.  Des  mono- 
graphies dans  le  genre  de  celle  du  regretté  de  La  Berge  sur  Trajan  sont 
la  condition  préalable  de  toute  étude  d'ensemble.  Le  grand  règne  d'Ha- 
drien, celui  d'Alexandre  Sévère,  dont  M.  Hirschfeld  a  saisi  le  caractère 
avec  beaucoup  de  finesse,  ne  sont  pas  assez  connus.  Que  dire  de  la 
période  postérieure  où  les  sources  épigraphiques  sont  presque  aussi 
pauvres  que  les  sources  littéraires  ?  Ces  réserves  n'enlèvent  rien  à  la 
haute  valeur  des  pages  où  M.  Hirschfeld  a  résumé  ses  conclusions.  C'est 
un  effort  qui  en  appelle  d'autres  et  qui  montre  la  voie  où  il  faut  doré- 
navant marcher. 

G.  Blogh. 

Études  critiques  sur  Thistoire  de  la  période  des  Vikinss  (I. 

Ragnar  Lobdrok  et  RoUon),  par  le  D'  Gustave  Storm,  professeur  à 
l'Université  de  Christiania*.  Christ.,  4878,  Société  des  éditeurs 
norvégiens,  2\9  p.  in-8**. 

Les  deux  études  qui  composent  ce  volume  sont  précédées  d'une  intro- 
duction (p.  1-33)  *  où  l'auteur  expose  les  principes  critiques  de  P.  A. 
Munch,  Jessen  et  J.  Steenstrup  plutôt  que  les  siens  propres  ;  ses  vues 
sur  les  premières  expéditions  des  corsaires,  dont  il  place  le  commence- 
ment à  la  fin  du  viii'  siècle ,  sur  la  vraie  signification  des  noms  de 
Northinanni  et  Nordmand,  qui  varia  selon  les  temps  et  les  lieux  ;  enfin 
les  causes  des  courses  des  Vikings,  qu'il  attribue,  non  pas  à  un  excès 
de  population,  mais  au  désir  de  s'enrichir,  soit  en  pillant,  soit  en  levant 
des  contributions  sur  les  vaincus,  soit  en  se  mettant  à  la  solde  des 
princes  étrangers. 

La  première  étude  sur  Ragnar  Lodbrok  et  ses  fils  (p.  34-129  et  appen- 
dice, p.  194-210)  est  une  nouvelle  édition  révisée  d'un  mémoire  publié 
d'abord  dans  la  Revue  de  la  Société  historique  norvégienne  •.  Le  savant 
auteur  s'est  efforcé  avec  un  louable  zèle  d'améliorer  son  premier  travail, 
mais  sans  le  remanier  et  en  ne  lui  faisant  subir  que  de  courtes  suppres- 
sions ou  additions,  quelques  changements  de  dates,  des  retouches  de 
style.  Il  n'y  a  donc  pas  lieu  de  revenir  sur  ce  mémoire  dont  nous  avons 
déjà  parlé  *  ;  réservons  la  place  dont  nous  pouvons  disposer  à  l'examen 
de  la  seconde  étude  :  Goengu-Hrolf^  et  V établissement  des  Scandinaves  en 

1.  Kritiske  Bidrag  til  Vtkingetidem  Historié  (I.  Ragnar  Lodbrok  og  Gange- 
Rolv)  af  D'  G.  Slorm. 

2.  Déjà  publiée  dans  Nyt  norsk  Tidsskrift,  1. 1,  p.  140-160  et  388-401. 

3.  Historisk  Tidsskrift  udgivet  af  den  norske  historiske  Porening,  2*  séries 
t.  I,  p.  371-491.  Aussi  tiré  à  pari. 

4.  Revue  historique,  3*  année,  t.  VIII,  septembre-octobre  1878,  p.  188-191. 

5.  Nous  mettons  ici  la  forme  islandaise  qui  est  la  plus  ancienne,  de  même  que 


STORM  :  ETUDES  SDR  l'hISTOIRE  DE  Li  PISrIODE  DES  VIKINGS.         433 

Normandie  (p.  130-191  et  append.  p.  210-8),  sujet  qui  tient  de  près  à 
notre  histoire  nationale.  M.  St.  passe  d'abord  en  revue  les  notions  rela- 
tives à  Rollon  ;  celles  que  l'on  trouve  dans  les  annales  latines  et  les 
documents  contemporains  étant  extrêmement  maigres  et  insuffisantes, 
il  attache  une  grande  importance  aux  allusions  contenues  dans  le 
Planctus  super  mortem  Vilhelmi*,  complainte  qu'il  croit  avoir  été  com- 
posée par  un  ecclésiastique,  peu  après  la  mort  de  Guillaume  Longue- 
Épée  (17  décembre  942),  et  il  en  tire  un  excellent  parti  pour  montrer 
que  ce  prince  était  né  outre-mer  et  que,  lors  de  sa  naissance,  son  père 
était  encore  payen  et  sa  mère  chrétienne.  A  partir  de  la  fin  du  x«  siècle, 
les  documents  latins  deviennent  plus  nombreux,  mais  ils  ne  sont  guère 
satisfaisants  en  ce  qui  concerne  Rollon.  Richer  commet  de  si  graves 
erreurs  à  propos  de  Charles  le  Simple  que  Ton  ne  peut  guère  se  fier  à 
lui  pour  le  reste  ;  Adhémar  de  Ghabannes,  qui  donne  le  nom  de  Rosus 
au  chef  des  Normands,  nous  a  transmis  de  curieux  détails  sur  ce  per- 
sonnage ;  Dudon  de  Saint-Quentin  est  un  rhétoricien  fort  porté  à  gran- 
dir ses  héros  ;  il  ne  s'inquiète  guère  de  la  chronologie,  mêle  les  tradi- 
tions, attribue  à  Rollon  les  exploits  d'autres  chefs  normands  et  il  est 
d'ailleurs  mal  renseigné.  La  chronique  de  Fontenelle  donne  une  courte, 
mais  importante  esquisse  de  la  vie  de  Rollon.  Guillaume  de  Jumièges 
suit  Dudon,  en  l'abrégeant  et  en  omettant  certains  faits  qu'il  regardait 
sans  doute  comme  erronés.  Guillaume  de  Malmesbury,  qui  puisait  à  des 
sources  anglaises  et  normandes,  doit  avoir  tiré  de  ces  dernières  ce  qu'il 
dit  de  Rollon ,  les  premières  ne  contenant  rien  sur  l'histoire  ancienne 
des  Normands.  Voilà  un  résumé  des  appréciations  de  M.  St.  relative- 
ment aux  écrivains  occidentaux  qui  ont  traité  de  son  sujet.  Ce  qu'il  dit 
des  chroniques,  sagas  et  généalogies  septentrionales  est  moins  connu 
chez  nous  et  a  droit  à  l'attention  particulière  de  nos  historiens. 

Les  plus  anciens  ouvrages  danois  où  il  soit  question  de  Rollon  et  de 
la  Normandie  datent  des  xn*  et  xiii*  siècles  ;  ce  ne  sont  guère  d'ailleurs 
que  des  échos  très  affaiblis  d'Adam  de  Brème  et  d'autres  écrivains 
latins,  comme  le  prouve  le  nom  de  Rollo  au  lieu  de  Hrolvus.  Leur  insi- 
gnifiance dénote  qu'il  n'y  avait  pas  de  tradition  nationale  eu  Danemark 
à  ce  sujet.  Les  sources  norvégiennes  au  contraire,  malgré  leur  concision 
à  regard  d'événements  qui  s'étaient  passés  à  l'étranger  et  restaient  en 
dehors  de  leur  cadre,  renferment  quelques  traits  fort  caractéristiques. 
L'Historia  Norvegiae^  écrite  vers  l'an  1200  en  Ecosse  ou  dans  les  Orcades, 
appelle  Rodulf  le  personnage  que  ses  compagnons  nommaient  Gongu- 
rolfer.  M.  St.,  qui  admet  cette  assimilation,  n'a  pas  fait  la  remarque 

lorsqu'il  s'agit  de  rendre  eo  français  un  nom  latin,  nous  devons  nous  attacher  à 
reproduire,  aussi  exactement  que  possible,  la  forme  primitive  et  non  la  forme 
italienne,  à  moins  que  le  nom  n'ait  déjà  été  francisé.  Dans  le  cas  présent  nous 
n'aurions  aucun  scrupule  d'écrire  Rollon,  si  ce  n'était  préjuger  la  question  en 
admettant  l'identification  de  Gœngu-Urolf  avec  le  premier  duc  de  Normandie, 
t.  Publié  dans  la  Bibliothèque  de  V École  des  chartes,  1870,  p.  389-406. 

Rev.  HisTon.  XL  '2*  pasc.  28 


430  COMPTES-RBNDDS   CRITIQUES. 

intègres,  capables  et  dociles.  La  présence  des  affiranchis  aux  affaires 
avait  encore  un  autre  inconvénient,  elle  établissait  une  confusion 
fâcheuse  entre  le  gouvernement  de  la  maison  de  l'empereur  et  celui  de 
la  chose  publique.  Cette  confusion  était  inévitable  à  Torigine  :.elie  avait 
favorisé  les  premiers  empiétements  du  pouvoir  impérial.   Elle  devait 
disparaître  maintenant  que  la  révolution  était  accomplie.  Les  affranchis, 
relégués  dans  la  domesticité  de  cour,  cèdent  donc  la  place  aux  cheva- 
liers. Ce  sont  des  chevaliers  qui  dirigent  maintenant  les  bureaux  de 
Tadministration  centrale,  et  le  plus  important  de  tous,  celui  des  finances. 
Enfin  l'extension  des  attributions  de  la  préfecture  du  prétoire,  devenue 
la  plus  haute  institution  civile,  la  formation  d'un  conseil  d'Ëtat,  où  les 
chevaliers  tiennent  le  premier  rang,  toutes  ces  mesures  montrent  clai- 
rement que  Hadrien  veut  rendre  Tordre  équestre  apte  aux  hautes  fonc- 
tions que  le  sénat  s'est  montré  inhabile  à  remplir.  Arrive  Septime 
Sévère  dont  le  règne  est  décisif.  Cet  empereur,  né  en  Afrique,  parlant 
à  peine  le  latin,  porté  au  pouvoir  par  les  armées  des  provinces,  au 
milieu  desquelles  il  a  grandi,  n'est  pour  l'Italie  et  pour  Rome  qu'un 
étranger.  Le  sénat  ne  lui  inspire  que  de  l'aversion  ;  il  se  propose  deux 
objets,  qui  sont  au  fond  identiques  :  supprimer  la  situation  privilégiée 
de  Rome  et  de  l'Italie  et  enlever  au  sénat  ce  qui  lui  reste  encore  de 
pouvoir.  Déjà  Hadrien  avait  chargé  du  gouvernement  de  la  péninsule 
quatre  consulaires  à  la  nomination  de  l'empereur.  Sévère  établit  une 
légion  aux  portes  de  Rome  et  ouvre  la  garde  prétorienne  à  toutes  les 
nationalités  étrangères.  D'un  autre  côté  il  attribue  les  revenus  des  pro- 
vinces sénatoriales  au  fisc,  dont  les  administrateurs  obtiennent,  ainsi 
que  les  préfets  et  les  magistri  équestres,  le  titre  de  Vir  perfectissimus. 
Les  autres  procurateurs,  et  en  général  les  chevaliers  qui  se  sont  distin- 
gués dans  l'armée  ou  ailleurs,  prennent  celui  de  Kir  egregius.  En  même 
temps  les  intérêts  de  l'ordre  équestre  et  de  l'armée  sont  confondus.  Les 
officiers  qui  ont  rempli  les  grades  équestres  forment  dans  la  vie  civile 
un  onlre  privilégié  où  les  centurions  mêmes  sont  admis.  Les  chevaliers 
et  les  siildats  doivent  être  les  deux  points  d'appui  de  la  nouvelle  dynas- 
tie. Un  tel  svstème  amène  nécessairement  l'unification  de  toutes  les 
parties  de  l'Empire.  Aussi  Caracalla,  qui  étend  le  droit  de  cité  à  toutes 
les  provinces,  n'est-il  eu  réalité  que  le  continuateur  de  Fœuvre  pater- 
nelle ;  mais  cette  œuvre  est  menacée  par  Alexandre  Sévère.  Cet  excel- 
lent prince,  élevé  à  Home  sous  la  tutelle  d'un  conseil  de  régence  tout 
comjMjs*^  do  stMiateurs,  rompt  d'une  manière  absolue  avec  la  politique 
de  sa  famille.  Il  gouverne  avec  et  \^r  le  sénat.  Il  lui  laisse  la  nomina- 
tion du  préfet  do  la  ville  et  dos  gv^uvernours  des  provinces  sénatoriales, 
la  confirmation  dos  gouverneurs  dos  provinces  impériales.  Il  choisit 
dans  Si>n  s^mu  lo  pr^*fot  du  protoiro  ;  il  veut  faire  rentrer  le  fisc  dans  ses 
auciennos  Unùtos.  Ce  fut  lo  rêve  d'un  momeut^  une  toutaiive  généreuse 
ot  chimoriquo  à  lav|uollo  ivujia  court  une  omouto  do  caserne.  Le  m*  s. 
voit  s'acvvmpUr  doux  grands  ovènomoats  qui  portent  lo  dernier  coup  à 
l'aucioa  dualisme  .  los  souaiours  s<*ut  exclus  des  hautes  p^^itioos  gou- 


HIISCHFELD   :    RCBM.    VBRWALTfJ!fGS6BSCHICDTB.  434 

vernementales,  et  la  séparation  des  pouvoirs  civils  et  militaires  amène 
une  transformation  complète  dans  Tadministration  des  provinces.  L'Em- 
pire, miné  k  Tintérieur  par  des  maux  sans  nombre,  assailli  au  dehors 
par  les  Barbares,  a  besoin  d'une  forte  organisation  du  pouvoir  impérial. 
C'est  le  but  poursuivi  par  les  grands  empereurs  illyriens  :  Aurélien 
commence  cette  œuvre  achevée  par  Diocléticn  et  par  Constantin.  L'Italie 
n'est  plus  qu'une  province,  Rome  n'est  plus  qu'une  ville  comme  toutes 
les  autres.  Le  centre  de  gravité  de  l'Empire  est  transporté  en  Orient. 
Le  système  d'Auguste  a  vécu. 

Telle  est  la  théorie  de  M.  Hirschfeld.  Vraie  dans  son  ensemble,  sin- 
gulièrement pénétrante  dans  beaucoup  de  ses  détails,  elle  provoquera 
sans  doute  plus  d'une  objection.  Nous  nous  bornons  à  la  suivante  : 
M.  Hirschfeld  émet  sur  le  règne  de  Vespasien  une  opinion  qui  nous 
parait  manquer  à  la  fois  de  clarté  et  de  justesse.  Tout  en  reconnaissant 
que  cet  empereur  ne  revint  jamais  sur  aucune  des  réformes  accomplies 
par  Claude  et  ses  ministres,  qu'il  ne  fut  pas  un  maître  moins  absolu 
que  ses  prédécesseurs,  que  moins  que  personne  il  était  fait  pour  com- 
prendre et  appliquer  les  combinaisons  artificielles  d'Auguste,  M.  Hirsch- 
feld admet  néanmoins  qu'il  fit  au  sénat  certaines  concessions,  qu'il 
renonça  en  sa  faveur  à  quelques-uns  des  droits  usurpés  par  Claude  et 
par  Néron.  Il  est  difficile  de  concilier  les  deux  termes  de  cette  proposi- 
tion, il  ne  l'est  pas  moins  de  trouver  une  preuve  à  l'appui  de  cette  pré- 
tendue renonciation.  M.  Hirschfeld  invoque  le  document  fameux  connu 
sous  le  nom  de  Lex  regia  de  imperio  Vespasiani,  Il  y  voit  un  acte  sans 
précèdent,  un  contrat  intervenu  à  nouveau  entre  les  deux  pouvoirs,  à 
la  suite  d'une  crise  qui  avait  bouleversé  toutes  les  idées  et  tous  les 
principes.  Il  semble  au  contraire  que  la  Lex  regia  était  un  acte  parfai- 
tement régulier  qui  se  renouvelait  à  chaque  changement  de  règne.  Il 
est  vrai  que  nous  ne  possédons  que  la  loi  concernant  Vespasien.  Il  est 
vrai  aussi  qu'il  n'y  a  pas  dans  les  auteurs  de  texte  où  il  soit  question 
expressément  d'un  acte  de  ce  genre,  mais  en  revanche  ils  disent  fré- 
quemment que  l'empereur  était  mis  en  possession  de  l'Empire  ])ar  une 
loi,  et  cette  loi  quelle  est-elle,  sinon  celle  que  nous  fait  connaître  le 
monument  du  Latran  ?  Nous  dirons  plus,  une  lecture  attentive  de  ce 
document  fait  croire  que  loin  d'avoir  restreint  les  droits  de  l'empereur 
il  les  a  plutôt  étendus.  M.  Mommsen  (8tr.  II,  p.  882)  fait  remarquer  que 
dans  l'article  conférant  à  l'empereur,  sans  aucune  restriction,  le  droit 
de  recommander  les  candidats  à  toutes  les  magistratures,  la  formule 
ff  Ita  uti  licuit  divo  Aug.  Ti.  Julio  Caesari  Aug.,  etc.,  t  est  absente, 
d'où  l'on  peut  conclure  que  ce  même  droit  n'avait  pas  encore  reçu  une 
telle  extension.  11  y  aurait  encore  bien  d'autres  observations  à  faire. 
Par  exemple,  on  se  demandera  si  M.  Hirschfeld  n'a  pas  exagéré  quel- 
quefois l'importance  des  procurateurs  et  des  afTranchis,  je  ne  dis  pas 
aux  dépens  du  sénat,  mais  aux  dépens  des  sénateurs.  Jusqu'au  in*  s. 
l'ordre  sénatorial  fournissait  les  commandants  des  légions  et  les  gou- 
verneurs de  toutes  les  provinces.  Ce  n'était  pas  une  prérogative  insigni- 


432  COMPTBfi-RBIfDUS   CRITIQUES. 

Gante.  Enfin,  on  se  demandera  peut-être  si  cette  vaste  synthèse  n'est 
pas  prématurée.  Malgré  les  grands  progrès  accomplis  par  les  recherches 
épigraphiques,  l'histoire  de  TEmpire  n'est  pas  faite  encore  ;  elle  ne  le 
sera  pas  tant  qu'on  n'aura  pas  fait  celle  de  chaque  empereur.  Des  mono- 
graphies dans  le  genre  de  celle  du  regretté  de  La  Berge  sur  Trajan  sont 
la  condition  préalable  do  toute  étude  d'ensemble.  Le  grand  règne  d'Ha- 
drien, celui  d'Alexandre  Sévère,  dont  M.  Hirschfeld  a  saisi  le  caractère 
avec  beaucoup  de  finesse,  ne  sont  pas  assez  connus.  Que  dire  de  la 
période  postérieure  où  les  sources  épigraphiques  sont  presque  aussi 
pauvres  que  les  sources  littéraires  ?  Ces  réserves  n'enlèvent  rien  à  la 
haute  valeur  des  pages  où  M.  Hirschfeld  a  résumé  ses  conclusions.  C'est 
un  effort  qui  en  appelle  d'autres  et  qui  montre  la  voie  où  il  faut  doré- 
navant marcher. 

G.  Blogh. 

Études  critiques  sur  l'histoire  de  la  période  des  Vildngs  (L 

Ragnar  Lobdrok  et  Rollon),  par  le  D'  Gustave  Storm,  professeur  à 
rUniversité  de  Christiania*.  Christ.,  4878,  Société  des  éditeurs 
norvégiens,  249  p.  in-8°. 

Les  deux  études  qui  composent  ce  volume  sont  précédées  d'une  intro- 
duction (p.  1-33)  ^  où  l'auteur  expose  les  principes  critiques  de  P.  A. 
Munch,  Jessen  et  J.  Steenstrup  plutôt  que  les  siens  propres  ;  ses  vues 
sur  les  premières  expéditions  des  corsaires,  dont  il  place  le  commence- 
ment à  la  fin  du  vm*  siècle ,  sur  la  vraie  signification  des  noms  de 
Northmanni  et  Nordmand.  qui  varia  selon  les  temps  et  les  lieux  ;  enfin 
les  causes  des  courses  des  Vikings,  qu'il  attribue,  non  pas  à  un  excès 
de  iH)pulation,  mais  au  désir  de  s'enrichir,  soit  en  pillant,  soit  en  levant 
dos  contributions  sur  les  vaincus,  soit  en  se  mettant  à  la  solde  des 
princes  étrangers. 

Lia  première  étude  sur  Bagnar  Lodbrok  et  ses  fiis  (p.  34-1*29  et  appen- 
dice, p.  194-210)  est  une  nouvelle  édition  révisée  d'un  mémoire  publié 
d'abord  dans  la  Rev^ue  de  ia  Société  historique  norvégienne  '.  Le  savant 
auteur  s  est  efforcé  avec  un  louable  zèle  d'améliorer  son  premier  travail, 
mais  sans  le  remanier  et  en  ne  lui  faisant  subir  que  de  courtes  suppres- 
sions ou  additions,  quelques  changements  de  dates,  des  retouches  de 
style.  Il  n*y  a  doue  pas  lieu  de  revenir  sur  ce  mémoire  dont  nous  avons 
déjà  parle  *  ;  n»servons  la  place  dont  nous  pouvons  disposer  à  Texamen 
de  la  seconde  étude  :  Goengu^llrolf^  et  Vétablissetnent  lies  Scandinaves  en 

1.  Kritiske  Bidrag  tU  YiktHgetideiu  Historié  {h  Ragnar  Lodbrok  og  Gange^ 
RoIt)  af  D'  G.  Storm. 

2.  Déjà  publiée  dans  Syt  non*  Tidsskrifl,  1. 1,  p.  140-160  et  38S401. 

3.  Historis  T^dsskrift  udgivet  af  dti%  marske  Kistoriske  Forenimg,  2*  série, 
t.  1,  p.  371-491.  Aussi  tiré  À  part. 

4.  Rerue  hkstohquey  3*  année,  t.  VUl,  septembre-octobre  187S.  p.  ISS- 191. 

5.  Nous  mettons  ici  la  forme  islandaise  qui  est  la  plus  ancienne,  de  nMteie  qu« 


STORM  :  ETUDES  SDR  l'hISTOIRE  DE  Li  PISrIODE  DES  VIKINGS.         433 

Normandie  (p.  130-191  et  appond.  p.  210-8),  sujet  qui  tient  de  près  à 
notre  histoire  nationale.  M.  St.  passe  d*abord  en  revue  les  notions  rela- 
tives à  RoUon  ;  celles  que  l'on  trouve  dans  les  annales  latines  et  les 
documents  contemporains  étant  extrêmement  maigres  et  insuffisantes, 
il  attache  une  grande  importance  aux  allusions  contenues  dans  le 
Planctus  super  mortem  Vilhelmi*,  complainte  qu'il  croit  avoir  éu'^  com- 
posée par  un  ecclésiastique,  peu  après  la  mort  de  Guillaume  l-iongue- 
Épée  (17  décembre  942),  et  il  en  tire  un  excellent  parti  pour  montrer 
que  ce  prince  était  né  outre-mer  et  que,  lors  de  sa  naissance,  son  père 
était  encore  payen  et  sa  mère  chrétienne.  A  partir  de  la  fin  du  x«  siècle, 
les  documents  latins  deviennent  plus  nombreux,  mais  ils  ne  sont  guère 
satisfaisants  en  ce  qui  concerne  Rollon.  Richer  commet  de  si  graves 
erreurs  à  propos  de  Charles  le  Simple  que  Ton  ne  peut  guère  se  lier  à 
lui  pour  le  reste  ;  Adhémar  de  Ghabannes,  qui  donne  le  nom  de  Rosus 
au  chef  des  Normands,  nous  a  transmis  de  curieux  détails  sur  ce  per- 
sonnage ;  Dudon  de  Saint-Quentin  est  un  rhétoricien  fort  porté  à  gran- 
dir ses  héros  ;  il  ne  s'inquiète  guère  de  la  chronologie,  mêle  les  tradi- 
tions, attribue  à  Rollon  les  exploits  d'autres  chefs  normands  et  il  est 
d'ailleurs  mal  renseigné.  La  chronique  de  Fontenelle  donne  une  courte, 
mais  importante  esquisse  de  la  vie  de  Rollon.  Guillaume  de  Jumièges 
suit  Dudon,  en  l'abrégeant  et  en  omettant  certains  faits  qu'il  regardait 
sans  doute  comme  erronés.  Guillaume  de  Malmesbury,  qui  puisait  à  des 
sources  anglaises  et  normandes,  doit  avoir  tire  de  ces  dernières  ce  qu'il 
dit  de  Rollon,  les  premières  ne  contenant  rien  sur  l'histoire  ancienne 
des  Normands.  Voilà  un  résumé  des  appréciations  de  M.  St.  relative- 
ment aux  écrivains  occidentaux  qui  ont  traité  de  son  sujet.  Ce  qu'il  dit 
des  chroniques,  sagas  et  généalogies  septentrionales  est  moins  connu 
chez  nous  et  a  droit  à  l'attention  particulière  de  nos  historiens. 

Les  plus  anciens  ouvrages  danois  où  il  soit  question  de  Rollon  et  de 
la  Normandie  datent  des  xii*  et  xni«  siècles  ;  ce  ne  sont  guère  d'ailleurs 
que  des  échos  très  affaiblis  d'Adam  de  Brème  et  d'autres  écrivains 
latins,  comme  le  prouve  le  nom  de  Rollo  au  lieu  de  Hrolvus.  Leur  insi- 
gnifiance dénote  qu'il  n'y  avait  pas  de  tradition  nationale  en  Danemark 
à  ce  sujet.  Les  sources  nor\'égiennes  au  contraire,  malgré  leur  concision 
à  l'égard  d'événements  qui  s'étaient  passés  à  l'étranger  et  restaient  en 
dehors  de  leur  cadre,  renferment  quelques  traits  fort  caractéristiques. 
Ij  Historia  Norvegiae^  écrite  vers  l'an  1200  en  l'Ecosse  ou  dans  les  Orcades, 
appelle  Rodulf  le  personnage  que  ses  compagnons  nommaient  Gongu- 
rolfer.  M.  St.,  qui  admet  cette  assimilation,  n'a  pas  fait  la  remarque 

lorsqu'il  s'agit  de  rendre  en  français  on  nom  latin,  nous  devons  noas  attacher  à 
reproduire,  ausfti  exactement  que  possible,  la  forme  primitive  et  non  la  forme 
italienne,  à  moins  que  le  nom  n'ait  déjà  été  francisé.  Dans  le  cas  présent  nous 
n'aurions  aucun  scrupule  d'écrire  Rollon,  si  ce  n'était  préjuger  la  question  en 
admettant  l'identification  de  Gœngu-Hrolf  avec  le  premier  duc  de  Normandie, 
t.  Publié  dans  la  Bibliothèque  de  l'École  des  chartes,  1870,  p.  389-406. 

Rev.  HisTon.  XI.  2«  f.\sc.  28 


434  COMPTES-REXDDS  CaiTlQUBS. 

que  le  nom  de  Rodulf  n^était  pas  usité  en  Norvège  dans  les  temps 
payens  ;  Raudulf,  qui  vivait  au  temps  de  saint  Olaf,  était  un  Suédois, 
et  les  premiers  Hrodolfs  cités  en  Norvège  ou  en  Islande  étaient  chré- 
tiens et  même  évéques.  Le  plus  ancien  d'entre  eux  fut  surnommé  en 
Islande  Budu-^lf  ou  Loup  de  Rouen,  parce  qu'il  était  de  cette  ville 
(Ruda).  Ne  serait-ce  pas  à  l'occasion  de  la  prise  de  la  grande  cité  neus- 
trienne  que  Hrolf  aurait  reçu  le  surnom  de  Rudu-ulf^  différent  de  celui 
de  Hrodolf,  bien  que  tous  deux  se  transcrivent  de  même  en  latin  ?  Il 
n'était  pas  rare  chez  les  Norvégiens  qu'un  nom  de  lieu,  suivi  d'un 
substantif  ou  d'un  adjectif,  devînt  un  nom  ou  un  surnom  d'homme 
(Bjœrn  Hitdwlakappé,  Bjœm  Breidvikingakappé,  Gudrune  Lundasol,  Olaf 
Geirstada-^lf^  Sigurd  Jorsalafaré^  etc.,  etc.);  de  même  en  Danemark, 
un  corsaire  qui  avait  fait  une  expédition  en  Gallicie  fut  appelé  Galliciu- 
ulf,  en  latin  Ulvo  Gallicianus.  Cette  digression  n'était  pas  superflue, 
puisqu'elle  explique  pourquoi  RoUon  porte  deux  noms  dans  VHistoria 
Norvegiae,  sans  compter  le  nom  chrétien  qu'il  reçut  au  moment  de  son 
baptême  (Robert).  La  même  source  ajoute  qu'il  ne  pouvait  aller  à  cheval 
à  cause  de  sa  taille  colossale  ;  qu'il  était  du  nombre  des  corsaires  appar- 
tenant à  la  famille  de  Ragnvald  et  établis  dans  les  Orcades,  d'où  ils 
faisaient  des  courses,  tantôt  en  Angleterre,  tantôt  en  Ecosse  ou  en 
Irlande;  qu'il  prit  Roda  (Rouen)  par  un  singulier  stratagème;  qu'il 
épousa  la  veuve  du  comte  de  cette  ville  et  qu'il  en  eut  un  fils  nommé 
Guillaume  ;  qu'il  attaqua  plus  tard  les  Frisons  et  qu'il  fut  tué  en  Hol- 
lande par  son  beau-fils.  M.  St.  regarde  la  plupart  de  ces  traits  comme 
historiques  ;  il  doute  pourtant  que  Guillaume  fût  fils  de  la  veuve  du 
comte  de  Rouen,  puisque,  d'après  la  Complainte,  il  était  né  outre-mer, 
et  il  pense  que  la  fin  do  Rodulf  est  confondue  avec  la  mort  de  son  fils 
Guillaume,  qui  fut  tué  par  un  comte  de  Flandre.  UHùtoria  Norvegiae 
nous  donne  la  tradition  norvégienne  qui  avait  cours  chez  ceux  des 
compagnons  de  Rollon  qui  étaient  restés  dans  les  îles  situées  au  nord 
de  la  Grande-Bretagne  ;  la  tradition  norvégienne  proprement  dite  n'a 
été  conservée  que  dans  le  Landnâmabok  et  quelques  sagas  islandaises, 
notamment  la  Heiinskringla  de  Snorré  Sturluson. 

M.  St.  qui,  dans  le  premier  mémoire  du  présent  volume,  attribuait 
dos  tendances  intéressées  aux  généalogistes  islandais  et  les  représentait 
comme  des  faussaires,  leur  rond  mieux  justice  maintenant  qu'il  a  besoin 
de  leur  secours  ;  il  regarde  donc  comme  vrai  ce  qu'ils  disent  de  la 
famille  de  Rollon,  et  il  se  sert  surtout  d'eux  pour  reconstituer  l'histoire 
de  ce  personnage  ;  mais,  malgré  ses  recherches  étendues,  il  fait  tenir 
dans  une  seule  page  tout  ce  qui  lui  semble  digne  do  foi.  Il  termine  en 
réfutant  la  théorio  do  M.  Steonstrup*,  et  il  emploie  à  cette  fin  plusieurs 
des  arguments  que  nous  avions  fait  valoir  ;  qu'on  nous  permette  de  le 


1.  Expasée  dans  la  Revue  historique,  2*  année,  t.  IV,  juillet-août  1877, 
p.  424-430. 


DUPOURMiTTELLS  :    LA   MiRINB   FRANÇAISS  iU    XIY*  SiftCLB.         435 

constater,  car  ce  n'est  pas  une  médiocre  satisfaction  pour  nous  que 
d'être,  cette  fois,  d'accord  avec  un  savant  si  estimable. 

E.  Beauvois. 


Tbrrier  dk  Loray.  Jean  de  Vienne,  amiral  de  France.  Paris, 
librairie  de  la  Société  bibliographique,  4878. 

DuFODRMANTELLE.  La  marine  fk*ançaise  an  commencement  de  la 
guerre  de  Cent  Ans.  (Extrait  du  Spectateur  militaire,  4878,  et  à 
part,  aux  bureaux  de  cette  Revue.) 

Il  y  a  déjà  quelque  temps,  M.  Terrier  de  Loray  faisait  paraître  un 
livre  sur  Jean  de  Vienne,  Amiral  de  France;  et  presquen  mémo 
temps,  M.  Gh.  Du  fou  rman  telle,  archiviste  de  la  Corse,  publiait  dans  le 
Spectateur  militaire  un  grand  article  sur  la  marine  française  au  com- 
mencement de  la  guerre  de  Cent  Ans.  Il  nous  a  semblé  qu'en  réunissant 
ces  deux  ouvrages  dans  le  même  compte-rendu,  nous  arriverions  à 
mettre  mieux  en  relief  les  faits  nouveaux  qu'ils  livrent  au  public.  Nous 
nous  résignons  ainsi  à  négliger  une  partie  du  livre  de  M.  de  Loray,  car 
l'amiral  Jean  de  Vienne  trouva,  dans  des  expéditions  toutes  continen- 
tales, plus  d'une  occasion  de  prouver  aux  ennemis  de  la  France  et  do 
la  chrétienté,  que  la  guerre  maritime  n'était  pas  la  seule  qu'il  entendit. 

L'article  du  Spectateur  militaire  porte  un  titre  très  général,  et  en 
effet,  un  grand  nombre  de  questions  intéressantes  y  sont  posées.  Mais, 
ce  qui  en  fait  la  valeur  principale  pour  nous,  et  aussi,  croyons-nous, 
pour  les  maîtres  éminents  qui  eurent  l'occasion  de  l'examiner  et  de  le 
juger,  c'est  la  découverte  d'un  document  intitulé  :  Information^^  civita- 
tis  Massilie.  Ce  texte  précieux  était,  comme  tant  d'autres,  perdu  dans 
l'un  des  fonds  de  la  Bibliothèque  nationale.  Il  a  été  retrouvé  au  f^227  v® 
du  recueil  connu  sous  le  nom  de  Compilation  d^ ordonnances  et  d'actes 
relatifs  aux  finances  de  l'État,  faite  à  la  Chambre  des  comptes  (xiv«  s.). 

Le  commentaire  des  Informationes  Massilie  aurait  pu  fournir  à  lui 
seul  la  matière  d'une  étude  de  72  pages,  comme  colle  dont  nous  nous 
occupons,  et,  si  nos  souvenirs  sont  fidèles,  l'autour  n'a  pas  renoncé  à 
en  reprendre  l'explication  détaillée.  Réduit,  par  retendue  de  son  plan, 
à  n'écrire  qu'un  chapitre  sur  les  bâtiments  ^  M.  I).  a  cependant  trouvé 
l'occasion  d'éclaircir  bien  dos  points  obscurs  de  l'archéologie  navale.  Nous 
avons  remarqué  que  le  texte  des  Informationes  Massilie  conGrme  presque 
toujours  les  opinions  de  Jal  ;  ainsi,  en  cette  matière  tout  au  moins, 
réminent  historiographe  peut  être  encore  considéré  comme  une  autorité. 

Les  documents  qui  ont  servi  à  M.  D.  pour  le  reste  do  son  ouvrage  ne 
me  paraissent  avoir  ni  la  nouveauté  ni  l'importance  dos  informationes 
Massilie,  quoiqu'il  en  ait  su  tirer  des  conclusion.^  fort  intéressantes. 

1 .  Page  te. 


436  COMPTBS-aENDDS  CaiTIQDBS. 

Peut-être  seulement  s'est-il  laissé  entraîner  à  trop  préciser  et  à  trop 
généraliser. 

n  est  bon  de  donner  des  chiffres  quand  on  peut  dire  au  juste  ce 
qu'ils  expriment  ;  mais  lorsqu'ils  sont  évidemment  inexacts  et  que  les 
limites  extrêmes  de  l'erreur  restent  inconnues,  ne  vaut-il  pas  mieux  se 
contenter  des  formules  élastiques  du  langage  et  disposer  son  récit  de 
manière  à  laisser  le  lecteur  au  degré  d'incertitude  où  Ton  est  malheu- 
reusement soi-même  ? 

Citons  un  exemple  : 

On  trouve,  pages  il  et  12  de  la  brochure  que  j'ai  sous  les  yeux,  une 
addition  des  navires  appartenant  en  propre  au  roi.  L'auteur  donne  les 
chiffres  suivants  :  onze  nefs,  deux  galées,  dix  barges,  soit,  en  tout, 
vingt-trois  bâtiments,  et  pour  arriver  à  ce  résultat  il  a  consulté  :  les 
chroniques  de  Saint-Denis,  les  actes  normands,  les  Normands  au  combat 
de  VÉdttse,  de  A.  Gaix,  les  titres  scellés  de  Glairambault,  où,  de  son 
propre  aveu,  l'on  trouverait  bien  d'autres  mentions  de  navires  royaux 
si  l'on  avait  le  temps  de  procéder  à  un  dépouillement  complet.  M.  D., 
qui  puise  à  des  sources  si  variées,  est-il  sûr  de  n'avoir  pas  fait  de 
doubles  emplois?  D'autre  part,  à  combien  estime-t-il  le  nombre  des 
bâtiments  dont  la  collection  Glairambault  aurait  pu  lui  révéler  l'exis- 
tence ?  Si,  comme  je  le  crains,  le  total  23  n'est  ni  un  minimum  ni  un 
maximum,  que  nous  sert-il  de  le  connaître  ? 

J'aurais  mieux  aimé  qu'abandonnant  les  chiffres  et  se  pénétrant  de 
l'esprit  général  des  textes,  l'auteur  eût  caractérisé  en  quelques  mots 
cette  marine,  ou  plutôt  ce  «  navire  »  du  roi,  comme  on  disait  alors. 
Gela  constituait-il  une  flotte  capable  d'engager  une  bataille  navale  en 
pleine  mer  contre  une  autre  flotte,  ou  n'étaient-ce,  comme  le  dit  M.  de 
Loray,  que  «  des  forces  navales  »  destinées  c  à  protéger  le  commerce 
fort  actif  qui  empruntait  la  voie  de  la  mer  et  à  garantir  les  populations 
maritimes  des  incursions  auxquelles  elles  étaient  exposées  même  en 
temps  de  paix  ?  • 

L'intérêt  de  la  question  est  là,  et  nous  sommes  fort  tentés  de  nous 
rallier  à  l'opinion  de  M.  de  Loray.  Nous  recommandons  même  très 
vivement  la  lecture  de  l'excellent  chapitre  où  il  la  développe*. 

Gette  discussion  nous  conduit  au  point  principal  de  l'article  du  Spec- 
tateur militaire  :  «  Nous  essayerons  de  prouver,  dit  l'auteur,....  qu'il  y 
avait  sous  Philippe  de  Valois  une  véritable  organisation  maritime,  que 
le  roi  possédait  des  navires  en  propre  et  que,  par  conséquent,  il  existait 
déjà  un  commencement  d'armée  permanente^....  »  Et,  à  la  fin  de  son 
travail,  après  avoir  étudié  la  bataille  de  l'Écluse,  il  conclut  ainsi  : 
i  Gette  défaite  porta  un  coup  terrible  au  développement  de  notre 
marine...  aussi  se  passa-t-il  quarante  années  avant  que  notre  pavillon 
reparût  dans  l'Océan,  arboré  sur  des  vaisseaux  français.  • 

1.  Chap.  III,  p.  66. 

2.  Page  6. 


DDFODRMA NIELLE  :    LA   MiRLNB   FRANÇAISE   AU  XIT^  SIÈCLE.         -{37 

Nous  citons  les  propres  termes  de  M.  D.,  parce  que  nous  ne  voulons 
pas  lui  faire  un  procès  de  tendance,  et  nous  reconnaissons  volontiers 
que  ses  propositions  sont  exprimées  avec  une  telle  réserve  de  langage, 
qu'il  est  difficile  de  démontrer  rigoureusement  la  fausseté  d'aucune 
d'elles.  Nous  croyons  cependant  qu'il  ne  faut  pas  avoir  sur  la  marine 
française  en  1340  Tidée  que  les  conclusions  de  M.  D.  laissent  dans 
l'esprit. 

Qu'il  y  eût  une  «  véritable  organisation  maritime,  »  cela  est  vrai,  à 
la  rigueur  ;  mais  à  quoi  se  réduisait  cette  organisation  ?  Le  roi  do 
France  possédait  à  Rouen  un  magasin,  un  arsenal,  plus  ou  moins  abon- 
damment pourvu  des  c  abillements,  armeures,  artillerie  et  garnisons  » 
nécessaires  pour  convertir,  lors  des  grands  armements  militaires,  des 
bâtiments  de  commerce  en  vaisseaux  de  guerre. 

Voilà  le  principal  caractère  du  clos  des  galées  sous  Philippe  VI. 

C'était  bien  encore,  si  l'on  veut,  un  chantier  de  construction  ;  mais, 
jusqu'à  Charles  V,  le  nombre  des  navires  qui  y  furent  bâtis  est  insigni- 
fiant. 

En  effet,  si  l'on  néglige  les  quelques  barges  ou  galères  chargées  de 
poursuivre  les  corsaires  anglais  et  barbaresques,  le  roi  ne  possédait  pas 
môme  une  escadre.  Quel  est  son  contingent  à  la  bataille  de  l'Écluse, 
où  combattirent  au  moins  197  vaisseaux  français  ?  Trois  galères,  six 
nefs  et  quatre  barges.  Encore  des  six  nefs  faut-il  en  retrancher  quatre 
qui  avaient  été  prises  récemment  aux  Anglais  et  qui  étaient  tournées 
maintenant  contre  eux.  Quant  aux  autres  bâtiments  construits  en 
France,  ils  ne  sortaient  pas  tous  de  l'arsenal  de  Rouen,  le  roi  s'adres- 
sant  souvent  aux  charpentiers  de  quelques  autres  ports,  comme  Leure. 

Il  est  fort  à  croire  que  les  six  nefs,  les  trois  galées  et  les  quatre 
barges  eurent  leur  bonne  part  dans  le  désastre  de  l'Écluse.  Mais  peut- 
on  sérieusement  attribuer  à  la  perte  de  cette  petite  division  la  ruine 
de  notre  marine  naissante  ?  Ce  qui  nous  porta  un  coup  terrible,  ce 
fut  la  destruction  de  ces  nombreux  bâtiments  réquisitionnés  dans  les 
ports  de  commerce,  qui,  en  réalité,  composaient  toute  la  flotte.  Quant 
au  navire  royal,  il  échappa,  par  son  insignifiance  même,  aux  graves 
conséquences  de  la  défaite. 

L'organisation  maritime  de  la  France  sous  Philippe  VI,  la  seule  qui 
soit  assez  sérieuse  pour  fixer  l'attention  des  historiens,  celle  qui  avait 
donné  au  roi,  suivant  la  vive  expn^ssion  de  Jehan  le  Bel,  c  un  si  grant 
povoir  sur  mer,  »  c'est  l'ensemble  des  coutumes,  des  conventions,  des 
droits  qui  lui  permettaient  de  disposer  du  navire  de  ses  sujets.  L'auteur 
nous  en  dit  bien  quelques  mots,  mais,  préoccupé  de  retrouver  au 
xiv«  siècle  quelque  chose  d'analogue  à  notre  centralisation  moderne,  il 
semble  en  avoir  grandement  méconnu  l'importance.  La  défaite  de 
l'Écluse,  c'est  en  quelque  sorte  une  bataille  de  Bouvines  livrée  sur  mer, 
dont  l'issue  fut  malheureuse,  un  grand  effort  national  dirigé  par  le 
souverain.  Ce  n'est  pas,  comme  cm  serait  tenté  de  le  croire  après  avoir 
lu  l'article  du  Spectatrur  militaire,  la  ruine  d'une  flotte  royale  ré^juliè- 


438  COMPTES-RENDUS  CEITIQUES. 

rement  constituée,  en  un  mot,  un  premier  désastre  de  la  fiougue. 

Je  passerai  rapidement  sur  plusieurs  points  de  l'étude  de  M.  D.  qui 
m'ont  paru  contestables.  Ge  qu'il  dit  de  l'Amiral  est  obscur.  Le  rap- 
prochement qu'il  fait,  sur  la  foi  d'un  seul  texte,  entre  le  droit  d'arrière- 
ban  et  rinscription  maritime  n'est  guère  admissible. 

Pour  bien  comprendre  ce  qu'était  l'office  d'Amiral  de  France,  il  fau- 
drait, je  crois,  distinguer  d'abord  nettement  les  deux  acceptions  du  mot, 
l'une  générale,  car  on  donnait  ce  titre  à  tout  commandant  d'une  division 
maritime  ;  l'autre  spéciale,  puisque  Ton  désignait  ainsi  l'un  des  officiers 
de  la  couronne.  De  cette  manière,  les  trois  noms  d'Ayton  Doria,  de 
Quieret  et  de  Behuchet  ne  se  trouveraient  plus  sur  la  môme  ligne. 

Quant  aux  prérogatives,  nous  pensons  que  la  comparaison  de  cet 
office  avec  les  grands  offices  féodaux  mettrait  en  relief  de  très  curieuses 
analogies,  et  jetterait  une  vive  lumière  sur  la  question. 

Pour  ce  qui  est  de  l'inscription  maritime,  nous  ferons  observer  que 
si  l'on  prétend  en  trouver  l'origine  dans  l'arrière-ban  carlovingien,  on 
devra,  à  bien  plus  forte  raison,  rattacher  au  même  droit  la  loi  militaire 
de  1873  qui  établit  le  service  obligatoire.  La  lecture  d'une  brochure  sur 
les  classes,  publiée  par  M.  de  Grisenoy,  modifiera  sans  doute  considéra- 
blement l'opinion  de  M.  D.,  et  il  arrivera  à  reconnaître  qu'entre  l'ins- 
cription maritime  et  l'arrière-ban,  il  y  a  autant  de  différence  qu'entre  le 
recrutement  normal  de  l'armée  et  la  levée  en  masse. 

Reportons-nous  maintenant  à  l'époque  spécialement  étudiée  par 
M.  de  Loray,  nous  pourrons  admettre  une  partie  des  conclusions  de 
M.  D.  La  thèse  qu'il  soutient  pour  1340  n'est  vraie  que  pour  1378,  et 
la  défaite  de  l'Écluse,  à  laquelle  il  attribue  la  ruine  prématurée  d'une 
marine  toute  prête  à  devenir  formidable,  est  peut-être,  au  contraire,  le 
point  de  départ,  le  principe  des  progrès  dont  M.  de  Loray  nous  montre 
l'accomplissement  sous  le  règne  de  Charles  V. 

Si,  dans  cette  journée,  la  perte  personnelle  du  roi  ne  fut  rien,  celle 
du  commerce  français  fut  au  contraire  énorme,  et  la  domination  des 
Anglais  sur  nos  côtes,  après  leur  victoire,  empêcha  le  rétablissement 
de  notre  marine  marchande.  Il  est  permis  de  croire  que  Charles  V  ne 
se  décida  à  construire  une  flotte  qu'après  avoir  constaté  l'insuffisance 
des  ressources  que  ses  sujets  pouvaient  lui  offrir. 

Quoi  qu'il  en  soit,  voici  les  faits  : 

Dès  1368,  le  roi  se  préoccupa  de  faire  construire  des  vaisseaux.  Mais  c'est 
surtout  depuis  le  jour  où  la  garde  du  clos  des  galées  fut  confiée  à  Albert 
Staucon  qu'une  activité  inconnue  régna  dans  les  chantiers.  Staucon 
comprit  que  les  circonstances  étaient  très  favorables  au  développement 
du  service  dont  il  était  chargé  ;  il  sentit  qu'il  avait  quelque  chose  à 
créer,  et  que  s'il  laissait  échapper  l'occasion,  elle  ne  se  représenterait 
peut-être  pas  de  longtemps,  ni  pour  lui,  ni  pour  ses  successeurs.  Aussi 
le  voyons-nous  travailler  avec  ardeur,  recrutant  partout  d'habiles 
ouvriers,  les  payant  même  de  ses  propres  deniers,  t  afin  d'avancier  et 
d'apprester  de  tout  son  povoir  !§  navire  du  roi,  lequel,  se  très  grantpro^ 


DCFODRMANTELLE  :    LA    MiRHE    FRA^ÇilSE   AU    XIV*^  SIKCLB.         43'J 

vidence  ne  y  est  mise  brièvement,  ne  pourra  être  parfaict  de  ci  à  très  long- 
temps * .  • 

Grâce  à  ces  efforts  désintéressés,  f  le  roi  de  France,  dit  M.  de  Loray, 
au  printemps  de  1377,  avait  sur  mer  trente-cinq  grosses  nefs  construites 
pour  la  guerre,  ....  sans  compter  les  navires  de  plus  petites  dimensions 
empruntés  au  commerce,  etc....  »  Nous  sommes  loin  des  treize  bâti- 
ments de  Philippe  VI,  parmi  lesquels  no  se  trouvaient  que  six  nefs, 
dont  quatre  prises  aux  Anglais. 

La  flotte  de  Charles  V  répandit  une  telle  terreur  sur  les  côtes  anglaises 
qu'après  son  retour  «  deux  barges  armées  qui  continuaient  à  parcourir 
la  Manche  •  suffirent  à  maintenir  les  ports  ennemis  dans  une  sorte  de 
blocus. 

Ces  succès  permirent  au  roi  de  rendre  son  armée  navale  chaque  jour 
plus  nombreuse  et  plus  redoutable.  Voici  un  second  texte  de  M.  de 
Loray  qui  vient  si  bien  à  l'appui  de  notre  opinion,  que  nous  le  citerons 
en  entier.  Il  s'agit  de  l'évaluation  des  flottes  française  et  anglaise  qui 
se  sont  rencontrées  au  combat  de  Cherbourg  (1378).  t  La  flotte  fran- 
çaise paraît  avoir  été  moins  nombreuse,  même  en  ayant  égard  aux 
pertes  subies  par  les  Anglais  devant  Honfleur....  car  nulle  réquisition 
ne  semble  avoir  été  faite  de  la  marine  marchande,  et  la  force  dont  l'ami- 
ral disposait  se  composait  seulement  du  navire  du  roi,  auquel  se  joignaient 
les  huit  galées  de  l'escadre  castillane.  Mais,  inférieure  par  le  nombre, 
elle  était  très  supérieure  par  la  force  des  bâtiments  construits  sur  la 
plus  grande  dimension  de  cette  époque  '.  » 

Nous  n'ajouterons  rien  à  cette  citation  ;  nous  nous  bornerons  à  recom- 
mander très  vivement  la  lecture  des  quatre  ou  cinq  chapitres  que  M.  de 
Loray  a  consacrés  aux  expéditions  maritimes  de  Jean  de  Vienne.  Tout 
cela  est  loin  d'être  inédit,  mais  la  plupart  des  questions  intéressantes 
de  l'histoire  de  notre  marine  sous  Charles  V  y  sont  incidemment  étu- 
diées avec  beaucoup  de  prudence  et  de  bon  sens.  On  y  voit  très  nette- 
ment ce  que  nous  dûmes  alors  à  l'Espagne,  comment  notre  nouvelle 
flotte  fut  bâtie  sur  un  grand  modèle,  de  manière  à  se  rapprocher  des 
types  adoptés  par  nos  alliés.  I^es  causes  de  rinfériorité  des  Anglais  sont 
aussi  fort  bien  déduites,  et  le  tableau  de  la  consternation  répandue  par 
nos  vaisseaux  sur  toute  la  côte  ennemie  est  vivement  tracé  d'après  des 
documents  étrangers.  Enfin,  on  sent  à  chaque  ligne  que  l'écrivain  pos- 
sède et  domine  son  sujet. 

La  France  que  Charles  V  laissa  à  Charles  VI  était  aussi  glorieuse  par 
ses  victoires  navales  que  par  .ses  récentes  conquêtes  et  sa  prospérité 
commerciale.  Tant  de  biens  périrent  entre  des  mains  débiles,  et,  parmi 
les  ruines  entassées  par  cette  cruelle  guerre  de  Cent  Ans,  celle  de  la 
marine  royale  ne  fut  pas  la  moins  déplorable. 

Quel  que  soit  le  mérite  du  livre  de  M.  do  Loray  et  l'intérêt  des  pièces 

1.  Jean  de  Vienne  (p.  78).  Voir  aussi  le  Clos  des  Galées,  par  Beaarepairp. 

2.  Jean  de  Vienne  (p.  127). 


440  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

inédites  qu'il  y  a  jointes,  il  y  avait  encore  matière  à  un  beau  travail 
sur  la  marine  de  Charles  V.  Nous  savons  qu'il  a  été  entrepris  récem- 
ment et  nous  en  attendons  impatiemment  la  publication. 

Didier  Neuville. 


Scriptores  remm  Danicamm  medii  »vi,  partim  hactenusinediti, 
partim  emendatius  editi,  quos  collegit  et  adornavit  Jacobus  Lan- 
GEBEK.  Ejus  vero  post  mortem  recognoverunt,  illustrarunt  et  publici 
juris  fecerunt  primum  Pet.  Frid.  Suhm  deinde  Laur.  Engelstoft 
et  Er.  Ghr.  Werlauf.  Nunc  denique  locupletissimis  adjectis  indi- 
cibus  opus  absolvendum  curaveriint  legati  Hjelmstjerne-Rosencro- 
niani  curatores.  Tomus  IX,  Hafniae,  4878.  Typis  officinae  Bianci 
Luni.  Pagg.  xii-834.  In-folio. 

Le  tome  IX  des  f  Historiens  du  Danemark  »  contient  la  table  des 
huit  volumes  précédents,  et,  dans  la  préface,  le  conservateur  des 
archives  royales,  G.-F.  Wegener,  qui  en  a  surveillé  la  publication, 
déclare  que  ce  volume  termine  l'ouvrage  commencé  par  les  savants 
danois  il  y  a  un  siècle.  Langebek  publia  les  vol.  I-III  de  1772  à  1774; 
Suhm,  surtout  d'après  les  manuscrits  de  son  prédécesseur,  les  vol.  IV- 
Vn,  de  1776  à  1792;  Engelstoft  et  Werlaufif  le  vol.  Vm,  en  1834.  Gin- 
quante  ans  après  environ,  le  vol.  IX  vient  s'ajouter  à  ses  aînés  et  com- 
pléter cette  grande  œuvre.  Sans  doute  il  y  a  quelque  danger  à  terminer 
après  un  temps  aussi  long  un  livre  qui  porte  toute  l'empreinte  d'une 
époque  éloignée.  La  méthode  pour  la  publication  des  sources  histo- 
riques a  fait  de  grands  progrès.  On  demande  aujourd'hui  à  celui  qui 
publie  une  chronique  d'en  collationner  tous  les  manuscrits  et  toutes 
les  variantes;  de  montrer  les  rapports  des  différentes  chroniques  entre 
elles  ;  on  veut  que  des  caractères  typographiques  viennent  indiquer  la 
date  de  la  composition;  enfin  les  in-folios  sont  jugés  incommodes.  Les 
Scriptores  R.  I),  étaient  pour  leur  temps  un  ouvrage  hors  ligne,  mais  la 
façon  dont  ils  ont  été  publiés  est  aujourd'hui  condamnée.  Aussi  plusieurs 
de  ces  mômes  textes  ont-ils  été  publiés  ailleurs  d'une  manière  plus 
satisfaisante.  Gependant  les  auteurs  de  la  table  ne  pouvaient  la  dresser 
que  sur  le  fond  qui  existait,  en  y  ajoutant  çà  et  là  quelques  corrections. 
Les  savants  qui  y  ont  travaillé  simultanément  ou  successivement  : 
MM.  Jon  Sigurdson,  Olaf  Nielsen,  Ghr.  Plesner,  Jul.  Fridericiaet  sur- 
tout M.  Fr.  Krarup,  ont  donné,  il  nous  semble,  un  ouvrage  qui  satis- 
fait aux  exigences  des  lecteurs.  Assurément  certaines  parties  semblent 
moins  bien  traitées  que  d'autres,  et  il  y  a  des  articles  qui  appellent  la 
critique  :  au  mot  Francia,  par  exemple,  il  aurait  fallu  distinguer  entre 
les  Francs,  la  Gaule  et  la  Franconie  ;  le  franc-piège  (le  freo-borh)  des 
Anglo-Normands,  à  cette  place,  n'a  rien  à  faire.  En  somme,  le  volume 
nous  semble  d'un  usage  commode,  complet  et  surtout  bien  rédigé. 


LUCHilRE   :    ALilN   LE  GlAND,    SUE   d'ALBEET.  444 

On  ne  saurait  nier  rimportance  d*un  tel  ouvrage,  qui  comble  une  lacune 
dans  la  littérature  danoise.  Non  seulement  les  chroniques,  mais  encore 
de  grands  recueils  de  chartes,  ont  été  publiés  sans  la  moindre  table.  Il 
n'existe  pasde  bibliographie  générale  danoise,  et  on  ne  possède  aucun  do  ces 
vocabulaires  des  anciens  noms  de  lieux  ou  de  personnes,  qui  sont  aussi  in- 
dispensables pour  le  philologue  que  pour  Thistorien.  Le  volume  que  nous 
annonçons  remédiera  en  partie  à  cette  indigence;  non  seulement  il 
deviendra  un  guide  indispensable  pour  les  recherches  purement  histo- 
riques, mais  il  servira  aussi  de  supplément  aux  recueils  de  mots  et 
d'expressions  de  notre  ancienne  langue.  Pour  donner  une  idée  de 
rétendue  du  livre,  nous  ferons  remarquer  que  six  colonnes  environ  sont 
consacrées  à  Valdemar  IV  ;  on  y  trouve  des  indications  générales,  puis 
des  notices  sur  chaque  année  de  son  règne  avec  des  renvois  et  des 
explications.  Sur  Hafnia  (Copenhague),  on  trouvera  toutes  les  formes  de 
son  nom,  et  dans  six  colonnes  dos  subdivisions  relatives  à  la  topogra- 
phie de  la  ville,  à  ses  différentes  rues  et  foires,  aux  privilèges,  procon- 
suls, consuls,  châteaux,  églises,  à  l'université,  à  Thistoire  de  la  ville, 
etc.  Cet  ouvrage  fait  donc  honneur  à  ses  auteurs  et  à  la  fondation 
lIjolmstjerne-Roscncrone  qui  en  a  payé  les  frais  considérables. 

Johannos  Steenstrup. 


Alain  le  Orand,  sire  d'Albret,  Tadministration  royale  et  la  féodalité 
du  Midi  (4440-1522),  par  Achille  Ldchaire,  ancien  élève  de  l'École 
normale  supérieure,  agrégé  d'histoire,  docteur  ès-lettres.  Paris, 
Hachette,  in-8o,  4877,  240  pages. 

L'étude  de  M.  Luchaire  peut  passer  pour  un  des  meilleurs  travaux 
dont  l'histoire  provinciale  ait  été  l'objet  depuis  quelques  années.  Le 
sujet,  intéressant  par  lui-mémo,  a  été  traité  avec  soin  par  Tauteur,  qui 
a  réuni  des  renseignements  d'autant  plus  nouveaux  qu'il  n'a  guère 
employé  que  de^  documents  inédits. 

L'histoire  de  la  seigneurie  d'Albret,  le  dernier  des  grands  fiefs  qui 
ait  subsisto  on  France,  est  fort  curieuse  à  l'époque  d'Alain  le  Grand. 
Les  documents  abondent  sur  cette  période.  La  collection  Doat  à  la 
Bibliothèque  nationale  contient  une  grande  partie  des  anciennes  archives 
de  Nérac,  Auch  et  Rodez;  le  fonds  de  Navarre,  aux  archivos  dos 
Iksses- Pyrénées,  renferme  nombre  de  pièces  curieuses;  enfin  M.  L.  a 
consulté  avec  fruit  la  collection  Legrand  sur  Ix)uis  XI.  £n  faisant 
un  emploi  judicieux  do  toutes  ces  sources,  M.  L.  a  pu  recueillir  beau- 
coup do  faits  nouveaux  et  de  précieuses  indications. 

Alain  le  Grand,  grâce  à  une  prudence  qui  ne  se  démentit  qu'une 
fois  dans  sa  longue  carrière,  grâce  aussi  à  ses  rapports  amicaux  avec 
Louis  XI,  put  éviter  les  périls  que  tous  les  grands  seigneurs  eurent  à 
courir  à  la  fin  du  xv«  siècle;  il  ne  prit  part  qu'à  une  seule  révolte,  celle 
iW  i486,  et  après  s'en  être  tiré  sans  trop  do  désavantage,  sinon  très 


442  COMPTES-RBIfDUS  CRITIQUBS. 

honorablement,  il  garda  dès  lors  une  attitude  aussi  humble  et  aussi  effa- 
cée que  possible.  Pourtant,  malgré  sa  soumission,  il  ne  laissa  pas  de 
léguer  à  son  petit-fils,  après  soixante  ans  de  règne,  une  autorité  dimi- 
nuée et  des  états  amoindris.  En  effet,  l'autorité  royale,  dans  ses  empié- 
tements sur  les  principautés  féodales,  suit  à  cette  époque  un  cours 
marqué  d'avance,  presque  fatal.  La  grande  machine  de  centralisation, 
inventée  par  les  légistes  du  xm«  et  du  xrv«  siècle,  restaurée  par 
Charles  VII  et  perfectionnée  par  Louis  XI,  accomplissait  son  œuvre 
pour  ainsi  dire  mécaniquement.  Tout  conspire  à  cette  époque  à  Tagran- 
dissement  du  pouvoir  royal;  les  résistances  des  grandes  seigneuries  ne 
peuvent  que  le  retarder,  il  n'est  pas  de  bourgeois,  de  paysan  en  France 
qui  ne  veuille  devenir  homme  du  roi.  L'administration  féodale  est  si 
mauvaise,  que  celle  du  roi  paraît  irréprochable. 

S'il  y  eut  jamais  personnage  peu  sympathique,  ce  fut  assurément 
Alain  d'Albret,  que  l'histoire  a,  nous  ne  savons  pourquoi,  décoré  du 
surnom  de  Grand.  Il  eut  à  peu  près  tous  les  vices  de  cette  race  célèbre; 
avide,  dur,  cruel,  fourbe,  débauché,  il  est  le  vrai  type  du  souverain  féodal 
de  l'époque,  et  ce  que  M.  L.  raconte  de  lui  fait  comprendre  le  désir  de  ses 
sujets  d'échapper  à  son  autorité;  citons  seulement  sa  conduite  en  1490, 
lors  de  la  reddition  de  Nantes,  sa  trahison  envers  le  maréchal  de  Gié,  son 
ami  intime,  dont  il  trahit  honteusement  la  confiance.  Favori  de  Louis  XI, 
il  jouit  de  moins  de  faveur  auprès  de  Charles  VIII  et  de  Louis  XII; 
Anne  de  Bretagne  fut  son  ennemie  personnelle;  mais  sauf  sa  révolte 
de  1486,  il  sut  toujours  éviter  la  lutte  ouverte  et  se  tenir  à  l'écart,  en 
attendant  un  retour  de  faveur. 

Aussi  n'est-ce  pas  avec  le  roi  qu'il  eut  le  plus  de  démêlés,  mais  avec  les 
parlements  du  roi.  Obligé  de  suivre  à  la  fois  jusqu'à  70  procès,  d'entretenir 
à  Bordeaux,  à  Toulouse,  à  Paris,  des  solliciteurs,  des  hommes  d'affaires 
pour  soigner  ses  intérêts,  presser  les  magistrats,  parler  aux  gens  de  la  cour, 
il  voyait  ses  revenus  fondre  en  frais  de  procès,  ses  états  diminuer  et  ses 
droits  s'amoindrir.  Aussi  quelle  terreur  tous  ces  légistes  inspirent-ils 
aux  derniers  princes  féodaux  !  Il  faut  lire  dans  M.  L.  la  lettre  d'un 
agent  d'Alain,  qui  l'avertit  de  ne  pas  laisser  un  homme  de  loi  acheter 
une  terre  voisine  de  l'un  de  ses  fiefs;  s'il  le  laisse  s'établir  près  de  lui, 
il  se  verra  accablé  de  procès,  ses  droits  seront  contestés  et  les  tribunaux 
royaux  interviendront  perpétuellement  dans  ses  affaires.  Pour  résister 
à  cette  action  continuelle  et  destructive  des  parlements,  Alain  ne  peut 
s'appuyer  que  sur  la  faveur  royale,  chose  essentiellement  changeante. 
Ajoutons  qu'un  ordre  du  roi  ne  suffit  pas  toujours  pour  faire  lâcher 
prise  aux  gens  de  loi.  L'histoire  du  comté  de  Gaure  en  est  un  exemple 
frappant;  donné  aux  Albret  par  Charles  VII  en  1425,  ce  fief  resta 
entre  leurs  mains  jusqu'en  1465.  A  cette  date,  une  révolte,  soutenue  par 
le  parlement  do  Toulouse,  éclate  à  Fleurance,  capitale  de  la  seigneurie  ; 
elle  est  cruellement  réprimée,  mais  les  parlements  n'en  continuent  pas 
moins  leurs  procédures.  Le  roi  Charles  VIII  confirme  le  don  de  1425 
on  faveur  d'Alain,  ce  qui  n'empêche  pas  le  parlement  de  Toulouse  de 


STRICKLBR  :  ACTENSAMMLUNG  Z.  SCHWBIZ.  RBrOlMlTIOXSGBSCH.        443 

réunir  le  comté  au  domaine  de  la  couronne  (1488).  Enfin,  après  mille 
péripéties,  profitant  d'un  moment  où  Alain  est  en  disgrâce,  cette  même 
cour  fait  prendre  possession  du  pays  (1506).  Le  procès  avait  duré  qua- 
rante ans,  mais  Tavantage  était  resté  aux  gens  du  roi. 

Les  quelques  faits  que  nous  venons  de  citer  prouvent  quel  intérêt  offre  le 
livre  de  M.  L.  Nous  ferons  cependant  quelques  reproches  à  l'auteur.  Son 
livre  est  beaucoup  trop  court  pour  le  sujet  ;  le  récit  est  un  peu  sec,  et  nous 
croyons  que  M.  L.  eût  pu  tirer  des  pièces  qu'il  cite  en  note  beaucoup 
plus  de  détails  et  de  renseignements.  En  outre,  pourquoi  n'avoir  pas 
donné  quelques  pièces  justificatives?  Les  copies  des  pièces  françaises  dans 
la  collection  Doat  sont,  il  est  vrai,  assez  défectueuses,  mais  les  archives 
des  Basses-Pyrénées  contiennent  nombre  d'actes  qui  auraient  mérité 
les  honneurs  de  l'impression.  En  outre  la  division  du  livre  en  chapitres 
parait  un  peu  confuse.  Ainsi  les  chapitres  III  {Les  procès  d^Albret  et  la 
justice  royale)  et  V  (Les  gens  du  roi  et  les  pouvoirs  féodaux)  auraient  dû 
être  réunis.  Presque  tout  le  chapitre  IV  (Lutte  du  sire  d'Albret  contre 
les  municipalités)  aurait  encore  pu  rentrer  dans  le  chapitre  V.  En  outre, 
M.  L.  aurait  pu,  en  donnant  plus  de  développement  à  l'histoire  de 
la  vie  d'Alain  le  Grand,  y  faire  rentrer  beaucoup  des  faits  qu'il  place 
dans  les  chapitres  suivants,  tels  que  le  procès  du  comté  de  Castres,  son 
intervention  dans  la  guerre  privée  du  Languedoc,  les  aflaires  do 
Navarre,  etc. 

Malgré  ces  réserves,  nous  ne  pouvons  que  donner  des  éloges  à  l'ouvrage 

de  M.  L.  et  souhaiter  qu'il  continue  ses  études  sur  le  sud-ouest  de  la 

France,  dont  jusqu'ici  l'histoire,  il  faut  le  reconnaître,  a  été  un  peu 

négligée  par  nos  érudits. 

A.  M. 


ActansammloDg  sur  sch'weiflerisohen  Reformationsi^clilohta 
in  den  Jahren  1621-1532,  im  Anschluss  an  die  gleichzeitigen, 
zeitgenoessischen  Abschiede  bearbeitet  und  herausgegeben  von 
D' Johann  Strickler,  Staatsarchivar  des  Cantons  Zurich.  Erster 
Band.  4524-4  528.  Zurich,  Meyeru.  Zeller,  4878.  vu,  724  p.  in-8^ 
Prix  :  25  ft-. 

M.  J.  Strickler,  l'archiviste  en  chef  du  canton  de  Zurich,  vient  d'en- 
treprendre un  travail  aussi  méritoire  qu'il  est  long  et  pénible.  On  con- 
naît la  collection  monumentale  des  Becès  de  la  Confédération  suisse,  dont 
un  assez  grand  nombre  de  volumes  ont  paru  dans  les  vingt  dernières 
années.  Elle  ne  contient  que  les  pièces  officielles  des  différentes  diètes, 
marches,  etc.,  des  Eidgenossen;  mais  les  archives  suisses  renferment 
naturellement  une  quantité  considérable  de  documents,  intéressant 
l'histoire  du  pays  et  même  l'histoire  générale,  qui ,  tout  en  s'y  ratta- 
chant à  des  degrés  divers,  n'ont  pu  cependant  entrer  dans  la  collection 
officielle.  C'est  donc  un  complément  à  ce  grand  recueil  que  M.  8tr.  a 
voulu  nous  offrir,  en  réunissant  dans  les  archives  des  différents  cantons 


444  comptes-ebudiis  critiques. 

et  les  dépôts  municipaux  du  pays,  les  pièces  diplomatiques,  correspon- 
dances diverses,  comptes,  etc.,  qui  lui  ont  paru  présenter  un  intérêt 
majeur.  C'est  pour  une  partie  seulement  de  Thistoire  suisse  qu'il  a 
voulu  faire  ces  longues  et  fatigantes  recherches,  car  il  ne  commence 
qu'à  l'année  1521,  avec  les  débuts  de  la  Réforme  helvétique,  et  son  tra- 
vail prendra  fin  avec  l'année  1532,  date  de  la  mort  de  Zwingle  et  de  la 
défaite  de  Gappel.  L'ouvrage  complet  comprendra  quatre  volumes  et 
l'auteur  espère  le  mettre  au  jour  d'ici  à  l'été  de  l'année  1881.  Le  pre- 
mier volume,  qui  embrasse  les  années  1521-1528,  ne  renferme  pas 
moins  de  2232  numéros;  ce  chiffre  seul  suffit  à  donner  une  idée  du 
labeur  de  M.  S.  La  plupart  de  ces  documents  sont  donnés  sous  forme 
de  régestes,  les  plus  importants  seuls  figurent  in  extenso.  L'orthographe 
a  été  modifiée  par  l'auteur,  qui  a  ramené  de  môme  toutes  les  dates 
citées  au  nouveau  calendrier.  L'historien  suisse  ne  sera  pas  le  seul  à 
trouver  du  nouveau  dans  les  huit  cents  pages  de  Térudit  zurichois  ;  on 
y  rencontre  des  pièces  nombreuses  relatives  à  la  France,  à  l'Allemagne 
du  Sud,  au  Tyrol,  à  la  Savoie.  Mais  l'intérêt  du  volume  se  concentre 
tout  naturellement  sur  les  documents  ayant  rapport  à  l'histoire  inté- 
rieure de  la  Suisse,  à  l'expansion  du  protestantisme,  à  la  répression 
qu'il  rencontre  dès  ses  premiers  moments,  aux  luttes  naissantes  entre 
les  confédérés  de  croyances  divergentes,  etc.  Il  manque  malheureuse- 
ment à  ce  volume,  pour  le  rendre  tout  à  fait  utile,  un  bon  nombre  de 
notes  qui  renseigneraient  les  travailleurs  du  dehors  sur  des  centaines 
de  noms  inconnus  apparaissant  dans  le  cours  du  recueil.  Il  lui  manque 
surtout  un  registre  général  et  détaillé  que  l'auteur  réserve  pour  le 
dernier  volume;  nous  craignons  fort  que,  jusque-là,  le  livre  de 
M.  Strickler  ne  ressemble  un  peu  trop  à  un  trésor  caché,  aux  yeux 
de  bien  des  gens,  qui,  pour  y  chercher  un  renseignement  incertain, 
n'auront  jamais  le  courage  de  parcourir  un  dossier  de  dimensions  aussi 

respectables. 

R. 


La  discipline  ecclésiastique  du  pajrs  de  Béam,  publiée  pour  la 
première  fois  par  Ch.  L.  Frossird,  pasteur-auxiliaire  du  consis- 
toire d'Orthez,  archiviste  du  synode,  etc.  Paris,  4877.  In-8*, 
69  pages. 

Le  document  publié  par  M.  Frossard  est  en  partie  l'œuvre  du  pasteur 
J. -Raymond  Merlin,  ami  de  Calvin  et  conseiller  de  Jeanne  d'Albret, 
reine  de  Navarre.  Quand  celle-ci  eut  rompu  avec  l'Église  romaine  et 
substitué  le  calvinisme  au  culte  catholique,  en  1563,  elle  voulut  régler 
la  discipline  de  la  nouvelle  Église  et  compléter  son  organisation.  Merlin 
se  chargea  de  ce  soin  ;  il  demanda  conseil  à  Calvin,  mit  à  profit  ses 
souvenirs  et  son  expérience  de  Genève,  et  nul  doute,  le  style  du  docu- 
ment publié  par  M.  Frossard  en  fait  foi,  que  la  majeure  partie  de  celte 
compilation  ne  doive  lui  être  attribuée.   Pourtant  il  est  probable  que 


POULLBT   :    CORABSPONOANCS   OB   GEA!fTBLLB.  445 

le  travail  de  Merlin  ne  nous  est  pas  parvenu  sans  altération.  Quand,  en 
1631  et  1637,  TËglise  réformée  de  Béarn  eut  été  unie  à  celle  de  France, 
certains  articles  durent  être  modifiés,  d'autres  supprimés,  et  de  là  deux 
rédactions  différentes  de  ce  document. 

Le  travail  du  nouvel  éditeur  permet  du  reste  de  se  rendre  un  compte 
exact  de  ces  modifications.  Son  texte  a  été  établi  sur  quatre  manuscrits; 
Tun,  qu'il  a  suivi  constamment  et  avec  raison,  est  de  la  fin  du 
xvi«  siècle  ;  les  trois  autres  se  composent  d'extraits  plus  ou  moins  éten- 
dus ;  deux  au  moins  de  ces  derniers  sont  postérieurs  à  Tunion  des  deux 
Églises.  L'éditeur  a  pris  soin  de  relever  tous  les  changements  que  ces 
copies  ont  fait  subir  au  texte  primitif,  changements  au  nombre  des- 
quels il  faut  mentionner  nombre  de  suppressions  qui  ne  laissent  pas 
d'être  caractéristiques  *.  Il  y  a  donc  lieu  de  remercier  M.  F.  d'avoir 
mis  au  jour  ce  petit  texte,  intéressant  tout  à  la  fois  pour  l'histoire  du 
Béarn  et  pour  l'étude  de  la  constitution  de  l'ancienne  Église  réformée. 

X. 


itrennes  géneToises.  Hommes  et  choses  du  temps  passé.  Deuxième 
série^  par  M.  Amédée  Rogbt.  Genève,  Garey,  4878.  484  p.  in-42. 

Nous  avons  rendu  compte  autrefois  de  la  première  série  de  ces 
Étrennes  genevoises  dues  à  la  plume  d'un  des  plus  savants  connaisseurs 
du  passé  de  la  petite  république.  Ce  second  volume  ne  le  cède  point  en 
intérêt  au  premier.  Nous  signalerons  surtout  l'étude  sur  les  Syndics  de 
Genève,  faite  sur  les  registres  du  Conseil  ;  l'épisode  si  curieux  de  l'his- 
toire ecclésiastique  de  Genève,  au  début  du  xvn«  siècle,  intitulé  le 
Gâteau  des  Rois,  et  le  travail  sur  Henrt  I Y  et  les  Genevois  à  Sainte-Cathe- 
rine, 1600.  Nous  espérons  que  l'accueil  favorable  fait  par  la  population 
genevoise  aux  Étrennes  de  son  érudit  compatriote,  engagera  M.  Roget 
à  continuer  par  la  suite  la  publication  de  ses  petits  mais  attrayants 

volumes. 

R. 

Correspondance  du  cardinal  de  Granvelle,  4565-4586,  publiée 
par  M.  Edmond  Poullet,  faisant  suite  aux  Papiers  d'État  du 
cardinal  de  Granvelle  publiés  dans  la  Collection  de  documents 
inédits  sur  l'histoire  de  France.  Bruxelles,  F.  Hayez,  imprimeur 
de  l'Académie  royale  de  Belgique.  Tome  I*%  4877,  lxxyi  et  638  p. 
in-4^ 

Tous  les  historiens  qui  ont  choisi  comme  champ  de  leurs  études  le 
XVI*  siècle  connaissent,  pour  les  avoir  souvent  maniés,  les  neuf  volumes 
des  Papiers  d'État  du  cardinal  de  Granvelle,  publiés  sous  les  auspices  du 
ministère  de  l'Instruction  publique  dans  la  grande  Collection  de  docu- 

1.  Voir  DotamiiieDt  p.  26,  «ri.  2. 


446  COMPTES-RENDUS   CEITIQUES. 

tnents  inédits  sur  l'histoire  de  France.  D'où  vient  qu*une  publication 
portant  un  titre  tout  semblable  à  celle  que  nous  avons  vue  s'imprimer 
sous  nos  yeux  par  une  commission  d'érudits  d'une  de  nos  grandes  villes 
de  province,  nous  arrive  aujourd'hui  de  Belgique  ?  Cela  demande  quel- 
ques mots  d'explication.  Le  tome  IX  des  Papiers  d'État,  dont  le  contenu 
ne  dépasse  pas  le  mois  de  novembre  1565,  parut  en  1852.  Depuis  lors 
le  ministère  renonça  à  livrer  à  la  publicité  les  documents  qui  lui  avaient 
été  remis  par  la  commission  instituée  à  Besançon  dès  Tannée  1834  pour 
procéder  au  triage  et  à  l'impression  de  ces  grandes  archives  diploma- 
tiques. D'après  les  renseignements  que  donne  l'éditeur  belge  de  la  Cor" 
respondance  de  Granvelle^  la  brusque  suspension  d'une  entreprise  si 
importante,  qui  avait  occupé  pendant  une  vingtaine  d'années  un  groupe 
d'érudits  distingués  et  coûté  à  l'État  une  somme  assez  ronde,  aurait  été 
motivée  par  le  a  peu  de  rapports  avec  l'histoire  de  France  »  que  les 
documents  préparés  par  la  commission  de  Besançon  semblaient  pré- 
senter à  partir  de  l'époque  où  s'arrête  le  tome  IX  des  Papiers  d'État. 
On  peut  se  demander,  à  vrai  dire,  si  d'autres  considérations  n'ont  pas 
influé  sur  la  décision  que  le  ministère  a  cru  devoir  prendre,  car  il 
semble  à  première  vue  assez  étrange  que  pour  la  période  comprise  entre 
les  années  1565  et  1586  (date  de  la  mort  de  Granvelle)  la  collection  de 
Besançon  ne  fournisse  rien  qui  ait  trait  à  l'histoire  de  France  ainsi  qu'à 
l'histoire  générale  de  l'Europe,  laquelle  est,  à  juste  titre,  largement 
représentée  dans  les  neuf  volumes  publiés.  En  tout  cas^  et  quelque 
légitimes  qu'aient  pu  être  les  motifs  de  cette  interruption,  il  convenait 
au  moins  de  ne  pas  abandonner  cette  longue  série  de  documents  avant 
de  l'avoir  munie  de  la  c  table  générale  des  faits  les  plus  importants  et 
des  noms  propres  d'hommes  et  de  villes  »  jadis  promise  dans  la  notice 
préliminaire  de  la  collection.  Privés  de  ce  complément,  les  neuf  volumes 
des  Papiers  d'État  ne  peuvent  pas  rendre  à  l'historien  tous  les  services 
qu'il  est  en  droit  d'en  attendre,  d'autant  plus  que  les  annotateurs*  des 
documents  ont  été  très  sobres  pour  tout  ce  qui  sort  des  limites  de  la 
Franche-Comté  et  de  la  France,  et  qu'un  bon  nombre  de  noms  propres 
étrangers  n'ont  pas  été  identifiés  dans  le  texte.  Ces  imperfections,  que 
devaient  sentir  les  éditeurs  eux-mêmes,  auraient  pu  être  corrigées  dans 
cette  table  générale,  à  laquelle  le  ministère  a  malheureusement  renoncé. 
Parmi  les  historiens  particulièrement  intéressés  à  la  publication  des 
papiers  politiques  de  Granvelle,  il  faut  nommer  en  première  ligne  les 
érudits  belges.  En  effet,  pendant  une  grande  partie  de  sa  vie,  Antoine 
Perrenot  s'occupa  des  affaires  des  Pays-Bas,  soit  pour  y  intervenir 
directement,  quand  il  exerça  les  fonctions  de  conseiller  de  Marguerite 
d'Autriche,  soit  pour  éclairer  Philippe  II  et  ses  ministres  sur  la  poli- 
tique à  suivre  dans  ces  provinces  de  par  de  çà,  quand  il  cessa  lui-même 
d'y  résider.  Le  dernier  volume  publié  des  Papiers  d'État  s'arrête  préci- 
sément à  un  moment  palpitant  de  l'histoire  des  Pays-Bas.  La  fin  de 
l'année  1565  est,  on  le  sait,  marquée  par  un  événement  capital,  l'expé- 
dition de  la  fameuse  dépêche  de  Philippe  II,  datée  du  bois  de  Ségovie, 


POULLBT  :    CORRESPONDANCE   DE    GRANVELLB.  447 

le  17  octobre,  qui  mit  le  feu  aux  poudres,  en  provoquant  la  signature  du 
Compromis  et  par  suite  le  déchaînement  de  la  grande  révolte  politique 
et  religieuse.  On  peut  penser  si  nos  voisins,  et  surtout  les  membres  de 
la  Commission  d'histoire  de  TAcadémie  de  Belgique,  attendaient  avec 
impatience  Tapparition  du  volume  qui  devait  renfermer  toutes  les  infor- 
mations recueillies  par  Granvelle  sur  ces  événements  décisifs.  Ils  ont 
attendu  longtemps.  Lassés  enfin,  ils  ont  pris  le  parti  de  s'adresser  à 
notre  gouvernement  pour  obtenir  que  la  publication  abandonnée  pût 
être  continuée  par  eux.  I^  négociation  menée  par  M.  Gachard  fut  cou- 
ronnée d'un  plein  succès.  Notre  ministère  n'autorisa  pas  seulement 
l'Académie  de  Belgique  à  poursuivre  la  mise  au  jour  des  archives  de 
Granvelle,  il  remit  aussi  à  ce  corps  savant  toute  la  copie  déjà  préparée 
de  la  commission  de  Besançon,  et  c'est  ainsi  que  la  Correspondance  du 
cardinal  de  Granvelle^  dont  nous  annonçons  ici  le  premier  volume,  est 
venue  prendre  la  suite  des  anciens  Papiers  d'État,  ce  qui  doit  s'entendre 
en  ce  sens  que  TAcadémie  belge  a  repris  la  publication  à  l'époque  où 
elle  a  été  arrêtée  dans  les  Papiers  d'État  et  compte  la  mener  jusqu'à  la 
mort  de  Granvelle,  mais  il  va  de  soi  que  le  plan  adopté  par  la  commis- 
sion de  Besançon  a  dû  subir  quelques  modifications.  Ce  n'est. plus  l'his- 
toire de  France  qui  est  en  jeu,  mais  celle  des  Pays-Bas,  et  en  second 
lieu  l'histoire  générale.  Tout  ce  qui  sort  de  ce  cadre,  tout  ce  qui  est 
exclusivement  français  ou  franc-comtois,  ou  ne  touche  qu'aux  détails 
de  famille  du  cardinal,  est  éliminé.  Ce  changement  de  point  de  vue, 
qui  se  comprend  facilement,  demandait  à  être  signalé,  afin  que  le  public 
érudit  fût  averti  dès  maintenant  que  la  Correspondance  de  Granvelle 
n'épuisera  pas  les  richesses  de  la  collection  de  Besançon,  qu'on  trouvera 
encore  à  y  recueillir,  après  les  travaux  de  nos  voisins,  bien  des  détails 
précieux  sur  l'histoire  de  France  et  plus  spécialement  sur  l'histoire 
politique  et  religieuse  do  la  Franche-Comté  pendant  la  seconde  moitié 
du  XVI*  siècle. 

L'éditeur  de  la  Correspondance  de  Granvelle  choisi  par  la  Commission 
d'histoire  de  l'Académie,  M.  Edmond  PouUet,  professeur  à  l'université 
de  Louvain,  a  exposé  en  détail  le  plan  qu'il  a  fait  adopter  par  ses  col- 
lègues. Ce  plan  est  fort  bien  conçu.  M.  Poullet  a  vu  tout  de  suite  qu'il 
importait  de  combler  les  lacunes  de  la  collection  de  Besançon  à  l'aide 
de  divers  fragments  de  la  correspondance  du  cardinal  conserves  dans 
d'autres  dépôts,  et  dont  une  partie  seulement  a  été  imprimée  dans  des 
collections  généralement  peu  accessibles.  C'est  ainsi  qu'il  s'est  décidé 
à  faire  rentrer  dans  la  Correspondance  les  lettres  de  Granvelle  copiées 
par  M.  Gachard  à  Simancas,  les  lettres  du  même  publiées  dans  les 
Bulletins  de  la  Commission  d'histoire  de  Belgique  et  dans  les  Mémoires  de 
la  Sodété  d'émulation  du  Jura  ;  enfin  la  bibliothèque  de  Bruxelles,  la 
Barberine  à  Rome,  les  archives  de  Naples  et  du  Vatican  ont  encore 
fourni  au  savant  éditeur  de  précieux  suppléments  K  II  est  facile  de  voir 

1 .  La  commistioD  d'histoire  s'est  aussi  adressée  à  M.  Auguste  Caatao,  cotiser- 


44S  GOMPTES-RBNDUS   CRITIQUES. 

combien  la  nouvelle  publication  gagnera  en  intérêt  et  en  valeur  à  être 
ainsi  complétée  par  tant  de  documents  émanés  de  Granvelle,  qui,  pour 
une  raison  ou  pour  une  autre,  n'ont  pas  été  réunis  aux  archives  de 
Besancon. 

Le  premier  volume  édité  par  M.  PouUet  comprend  cent  vingt-quatre 
lettres,  du  20  novembre  1565  au  29  septembre  1566,  plus  un  appendice 
de  vingt-neuf  lettres  comprises  entre  les  dates  du  10  juillet  1561  et  du 
17  octobre  1565.  Les  lettres  écrites  par  Granvelle  sont  au  nombre  de 
trente-neuf  dans  le  corps  du  texte  :  elles  sont  adressées  soit  à  Philippe  II, 
soit  au  ministre  Gonzalo  Ferez,  soit  à  divers  personnages  des  Pays-Bas. 
L'appendice  contient  vingt-trois  lettres  du  cardinal,  pour  la  plupart 
adressées  aux  légats  du  saint-siège  près  le  concile  de  Trente.  Parmi  les 
correspondants  de  Granvelle,  celui  qui  occupe  ici  la  place  d'honneur, 
tant  par  le  nombre  de  ses  lettres  que  par  l'importance  des  informations 
qu'elles  renferment,  est  Maximilien  Morillon,  prévôt  d'Aire,  vicaire 
général  du  cardinal  pour  l'archevêché  de  Malines. 

Une  telle  collection,  on  le  conçoit,  échappe  à  l'analyse.  Pour  donner 
à  nos  lecteurs  une  légère  idée  des  principales  questions  politiques  et 
religieuses  traitées  dans  cette  correspondance,  il  faudrait  remplir  bien 
des  pages,  et  encore  ne  serait-on  pas  sûr  de  ne  pas  omettre  ce  qui  pour 
tel  ou  tel  érudit  peut  avoir  un  intérêt  majeur.  Qu'il  nous  suffise  de  dire 
que  la  lecture  de  ce  premier  volume  de  la  Correspondance  de  Granvelle 
s'impose  à  toute  personne  désireuse  de  connaître  dans  ses  détails  intimes 
et  par  les  sources  contemporaines  le  grand  soulèvement  des  Pays-Bas 
contre  Philippe  II.  M.  PouUet  a  mis  beaucoup  de  soin  à  éclairer  ces 
documents  d'une  intelligence  souvent  difficile  ;  ses  notes  nombreuses  et 
nourries  satisferont  même  les  plus  exigeants,  et  il  n'est  pas  besoin 
d'être  particulièrement  versé  dans  l'histoire  des  Pays-Bas  au  xvi*  siècle 
pour  pouvoir  apprécier  le  mérite  exceptionnel  de  ce  commentaire. 

Les  lettres  en  espagnol  et  les  traductions  qui  en  ont  été  données 
laissent  çà  et  là  quelque  peu  à  désirer.  Nous  croyons  rendre  un  service 
à  l'éditeur  en  lui  signalant  plusieurs  passages  qui  ont  été  ou  incorrec- 
tement transcrits  ou  inexactement  traduits.  P.  83,  l.  5  du  bas  :  que  se 
haria  sin  razon  grande  (perjuidoj  à  V,  Mag^  de  sembrar  taies  œsas. 
L'addition  de  perjuicio  est  inutile,  il  faut  lire  en  un  mot  sinrazon,  qui 
signifie  «  injustice  ».  La  même  faute  a  été  commise  p.  153,  1.  10  du 
bas.  Dans  les  deux  cas  la  traduction  doit  être  rectifiée.  —  P.  84,  1.  12 
du  bas  :  por  no  les  parecer  que  V.  Mag^  quiera  su/prir  doit  être  traduit  : 
f  car  ils  voient  bien  que  V.  M**  ne  veut  pas  soufifrir.  »  —  P.  136,  l.  2 
et  3.  Il  faut  rétablir  le  texte  ainsi  :  Maravillome  que  no  haya  recebido 
V.  S.  7//°^»  mis  carias  de  20  de  hehrero.  A  Aguilon  las  di.  No  creo  que  se 

valeur  de  la  bibliothèque  et  des  archives  de  la  ville  de  Besançon,  pour  réviser 
et  coinpléler  la  copie  de  l'ancienne  commission.  Notre  savant  collaborateur  s'est 
acquitté  de  cette  tâche,  dit  M.  PouUet,  c  avec  un  zèle,  un  dévouement  el  un 
tact  inteUigent  au-dessus  de  tout  éloge  >. 


HIIILY  :  FORMATION  TBRIITORIILB  DES  ÏTATS  DE  L^BUROPB  CBlfTRALB.    449 

havràn  perdido.  Les  lettres  n'ont  pas  été  écrites  à  Âguilon,  mais  lui  ont 
été  remises.  CSet  Âguilon  n'était  qu'un  courrier.  —  P.  180,  1.  il  et  10  du 
bas.  Le  texte  doit  être  lu  ainsi  :  quien  esta  con  temor,  como  de  raion, 
quien  con  las  orejas  attentas  para  cobrar  :  pasa  la  mayor  confusion  del 
mundo.  —  P.  181,  l.  9  du  bas.  Lire  :  d  Su  Alteza,  como  solian,  quando 
salia.  —  P.  213,  1.  2.  L'addition  de  para  que  est  inutile  et  contraire  à 
la  grammaire.  Il  faut  un  point  après  envié.  —  P.  216,  1.  H  du  bas 
maza  ne  signifie  pas  c  faction  »,  mais  «  guenille  ».  —  P.  217,  1.  4 
para  con  n*a  jamais  eu  le  sens  de  a  parce  que  >.  —  P.  221,  1.  2  du  bas 
«  Qu'il  fusse  »  n'est  pas  français.  —  P.  471,  1.  6.  Lire  :  teniendo  los 
viages  de  principes  grandes  en  primavera  esta  opinion  ;  y  el  invierno...  et 
traduire  en  conséquence.  —  P.  485,  1.  1  du  bas  :  tuvo  de  Phelippeville 
ne  peut  pas  signifier  c  il  a  eu  le  commandement  de  Philippeville  >.  Il 
faut  rétablir  tuvo  el  gobierno  ou  quelque  chose  d'analogue. 

Il  y  a  dans  ces  pièces  espagnoles  beaucoup  d'autres  fautes  d'impres- 
sion et  d'accentuation  <,  surtout  dans  les  lettres  de  Gastillo,  lequel  savait 
bien  mal  sa  langue  et  se  laissait,  en  écrivant,  influencer  par  le  fran- 
çais ^  :  nous  jugeons  inutile  de  les  relever,  mais  nous  demanderons  à 
M.  Poullet  d'apporter  à  l'avenir  un  peu  plus  de  soin  à  cette  partie  de 
son  travail  ainsi  qu'aux  traductions,  qui  pourraient  être  facilement  plus 
françaises  sans  cesser  d'être  littérales.  La  partie  fondamentale  de  cette 
publication  est  excellente,   on   voudrait  que  l'accessoire  ne  fût  pas 

négligé. 

Alfred  Morbl-Fatio. 


Histoire  de  la  formation  territoriale  des  itats  de  I^Borope  cen- 
trale, par  H.  Auguste  Hiiilt,  professeur  de  géographie  à  la  faculté 
des  Lettres  de  Paris.  Paris,  Hachette,  4876',  2  vol.  in-S*",  de  xvi- 
499  et  535  p.  Prix  :  45  fr. 

C'est  un  embarras  pour  la  critique,  mais  en  même  temps  une  satis- 
faction qui  lui  est  rarement  donnée,  quand  elle  se  trouve  en  présence 
d'un  grand  livre,  fruit  d'une  longue  et  patiente  méditation,  dont  le  plan 
est  excellent,  dont  toutes  les  parties  sont  bien  pondérées,  où  tous  les 
faits  sont  tirés  directement  des  sources,  où  l'exposition  est  nette  et 
claire,  où  le  style  est  sobre  autant  que  ferme.  Ils  sont  peu  nombreux 
aujourd'hui  les  savants  qui,  sûrs  de  leur  force  et  dédaigneux  d'une  vaine 
popularité,  prennent  le  temps  pour  collaborateur  de  leur  œuvre,  et  la 
laissent  vieillir  dans  leur  tiroir,  la  polissant  sans  cesse  et  la  repolissant, 
plus  sévères  pour  eux-mêmes  que  ne  serait  la  critique  la  plus  difficile. 


1.  Pourquoi  écrire  toujours  tuvà,  vinà,  etc.? 

2.  11  va  jusqu'à  écrire  une  fois  (p.  401}  huvren  pour  ààran. 

3.  C'est  par  des  circonstances  indépendantes  de  notre  volonté  que  ce  compte- 
rendu  parait  si  tardivement.  —  Réd, 

ReV.    lIlSTOR.    XI.    2«   PASC.  i\i 


450  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

Ce  livre  est  le  résumé,  la  quintessence  d'une  partie  du  cours  que 
M.  H.  professe  depuis  longues  années  à  la  Sorbonne;  et  ses  anciens 
auditeurs  auront  le  plaisir  d'y  retrouver  des  leçons  qu'ils  ont  entendues. 
Un  cours  est  comme  la  première  édition  d'un  livre  ;  le  professeur  voit, 
la  leçon  faite,  si  un  développement  était  trop  étendu,  si  un  fait  impor- 
tant était  laissé  dans  l'ombre,  si  l'ensemble  était  lâche  ou  trop  serré. 
Et  quand  on  a  eu  plusieurs  fois  l'occasion  de  traiter  le  môme  sujet, 
complétant  et  améliorant  chaque  fois,  on  apporte  au  public  une  œuvre 
supérieure  à  celle  qui  sortirait  du  silence  du  cabinet.  Mais  M.  H.  s^était 
préparé  depuis  plus  longtemps  encore  à  sa  tâche,  comme  l'atteste  sa 
thèse  sur  le  Saint-Empire  romain  de  nation  germanique  (Paris,  1849), 
dont  certains  chapitres  de  son  livre  sont  comme  le  développement  et  la 
continuation. 

V Histoire  de  la  formation  territoriale  des  Étals  de  l'Europe  centrale  est 
une  partie  de  l'enseignement  de  M.  H.,  partie  que  l'auteur  nous  promet 
de  compléter  plus  tard  pour  le  reste  de  l'Europe.  C'est  peut-être  la 
partie  la  plus  intéressante,  par  l'importance  que  les  récents  événe- 
ments ont  donnée  à  l'Allemagne,  par  la  résurrection  de  l'Empire  ger- 
manique, et  par  les  éventualités  que  cette  résurrection  rend  possibles. 
Si  les  Français  avaient  mieux  connu  l'Allemagne,  sa  géographie  et 
son  histoire,  ils  auraient  eu  la  crainte  réelle  d'une  unité  que  préparaient 
les  professeurs,  les  économistes  et  la  politique  déjà  vieille  de  la  Prusse  ; 
ils  n'auraient  pas  eu  l'espoir  chimérique  de  voir  la  «  nation  hano- 
vrienne  »  secouer  le  joug  d'une  «  conquête  étrangère  i  ou  l'Allemagne 
du  sud  s'isoler  de  l'Allemagne  du  nord.  L'étude  de  la  géographie  et  de 
l'histoire  de  l'Allemagne  leur  aurait  montré  un  processus  historique  et 
nécessaire,  analogue  à  celui  qui  a  fait  la  France  depuis  le  moyen  âge 
jusqu'au  dernier  siècle,  avec  les  résistances  locales  et  passagères,  sans 
contre-coup  dans  l'avenir,  qui  sont  comme  les  bouillonnements  de  la 
cuve  où  fermente  un  vin  généreux.  Il  n'y  a  pas  par  exemple  de  meil- 
leurs Français  aujourd'hui  que  les  Lorrains  et  les  Francs-Comtois;  et 
pourtant  tout  historien  sait  quelle  résistance  les  Français  trouvèrent 
dans  ces  nouvelles  provinces,  quelles  rigueurs  ils  y  exercèrent  (en  Lor- 
raine tout  au  moins;  voir  l'histoire  de  M.  d'Haussonville)  et  quelles 
rancunes  accompagnèrent  longtemps  le  nouveau  régime  ^ 

Maintenant  que  l'Allemagne  est  faite,  les  Français  n'ont  pas  un 
moindre  intérêt  à  étudier  aujourd'hui  ce  qu'ils  ignoraient  hier.  Cette 


1.  Voici  an  exemple  assez  amasant,  qui  ne  parait  pas  ayolr  été  relevé  par  les 
historiens,  de  la  haine  de  la  France  et  des  Français  qui  persistait  après  l'annexion 
de  la  Franche-Comté  :  c  Un  homme  de  Pohgny  recommanda  dans  son  testament, 
en  dictant  ses  dernières  volontés,  qu'on  Tenterrât  la  face  contre  terre  et  le  der- 
rière élevé,  pour  marquer  le  mépris  qu'il  faisait  du  nouvel  ordre  de  choses.  » 
Monnier,  Notice  sur  le  Jura,  Mémoires  de  la  Société  des  Antiqttaires  de  France, 
t.  IV,  p.  341.  —  M.  de  Montalembert  a  fait  allusion  à  cette  histoire  dans  l'exorde 
de  son  discours  de  réception  à  l'Académie  française. 


HIMLT  :  FORMlTIOïV  TBRRITORIiLB  DSS  BTITS  DE  l'bDROPB  CBNTIALB.    154 

histoire  et  les  grands  souvenirs  qu'elle  renferme  sont  un  des  éléments 
et  une  des  forces  de  la  politique  allemande.  On  s'est  quelquefois  étonné 
en  France  du  caractère  ambitieux  des  ouvrages  de  géographie  et  d'his- 
toire mis  entre  les  mains  des  enfants  dans  les  écoles  et  les  collèges  :  on 
s'est  étonné  d'y  voir  entrer  la  Suisse,  la  Uollando,  la  Belgique  comme 
€  États  extérieurs  n  de  l'Allemagne*  ;  d'y  voir  rappeler  que  c  Lybn  et 
Marseille  ont  été  des  villes  allemandes  i ,  d'y  voir  évoquer  l'ancien 
royaume  d'Arles,  avec  cette  preuve  à  l'appui  que  les  vieux  bateliers  du 
Rhône  appellent  encore  la  rive  gauche  du  fleuve  c  côté  de  l'empire  », 
—  ce  qui  d'ailleurs  est  vrai.  Dans  ces  vieux  souvenirs  de  l'ancien 
empire  d'Allemagne  qu'on  trouve  à  chaque  page  des  ouvrages  scolaires 
d'outre-Rhin,  on  a  voulu  voir  des  projets  machiavéliques,  quand  il  y 
a  seulement  là  une  façon  différente  de  sentir  l'histoire  du  passé.  Mais 
c'est  justement  cette  différence  dont  les  Français  doivent  se  rendre 
compte,  et  ils  doivent  d'autant  plus  s'y  appliquer  qu'il  leur  faut,  pour 
V  arriver,  faire  tout  à  fait  abstraction  de  leurs  idées  françaises. 

Le  peuple  français,  pris  dans  son  ensemble,  a  perdu  la  conscience 
de  son  histoire  et  le  souvenir  de  ses  gloires  passées  :  la  Révolution  et 
l'Empire  ont  été  pour  lui  l'eau  du  Léthé.  Tout  lien  a  été  brisé  entre 
l'ancienne  France  et  la  France  nouvelle,  et  ces  termes  mêmes,  — 
ancienne  France,  France  nouvelle,  —  disent  assez  quel  abîme  s'est 
ouvert  dans  notre  histoire!  La  société  française  date  de  1789;  elle  pré- 
tend reposer  non  plus  sur  la  tradition,  sur  le  passé,  mais  sur  des 
théories,  sur  des  principes,  sur  une  conception  abstraite  des  droits  de 
l'homme.  Rien  de  semblable  avec  les  Allemands  :  ils  n'ont  pas  eu  de 
crise  violente  et  soudaine  qui  les  ait  frappés  d'amnésie;  ils  ont  gardé 
la  conscience  de  toute  leur  histoire,  la  tradition  de  leur  plus  vieille 
littérature,  le  culte  de  leurs  grands  souverains,  et  surtout,  couronnant 
comme  un  dôme  tout  leur  passé  national,  le  souvenir  de  l'Empire  ger- 
manique. Le  droit  historique  est  pour  eux  le  droit  par  excellence.  C'est 
ainsi  que  toute  discussion  au  sujet  de  l'Alsace  est  parfaitement  inutile 
entre  un  pur  Français  et  un  pur  Allemand  :  l'un  parlera  droit  naturel, 
l'autre  droit  historique,  chacun  tenant  ses  arguments  chose  indiscu- 
table et  sacrée.  C'est  par  suite  de  cotte  façx)n  do  comprendre  l'histoire 
que  beaucoup  d'Allemands  regarderaient  comme  un  événement  tout 
ordinaire,  comme  une  sorte  de  réparation  historique,  do  voiries  cantons 
suisses  rentrer  dans  l'Empire  dont  ils  étaient  sortis  à  la  suite  de  malen- 
tendus avec  les  baillis  des  Habsbourgs,  ou  bien  encore  de  voir  les  petits 
rois  de  Hollande,  de  Belgique  (et  de  Danemark  même)  prendre  place 
à  côté  des  rois  de  Saxe,  de  Bavière  et  de  Wurtemberg  parmi  les  vas- 
saux et  les  caudataires  de  l'empereur  d'Allemagne. 

Cette  considération  nous  ramène  à  l'ouvrage  de  M.  H.,  qui,  tout  en 
instruisant  l'iiistorien,  permet  au  politique,  à  l'homme  curieux  de 
suivre  d'une  façx)n  intelligente  les  événements  du  monde,  de  se  rendre 

1.  Deuitcke  AutMemiaaten  ou  encore  Nebeniitnder. 


452  COMPTES-RBIKDUS  CRITIQUES. 

compte  des  origines  et  de  Tétat  présent  de  l'Europe  centrale,  c  est-à- 
dire  des  pays  où  domine  la  race  germanique.  M.  H.  y  est  tour  à  tour 
géographe  et  historien.  Dans  un  vaste  tableau,  où  Ton  sent  planer 
l'esprit  de  Ritter,  il  décrit  la  géographie  physique  de  la  région,  les 
barrières  qu'y  élèvent  les  montagnes,  les  chemins  que  creusent  les 
fleuves,  l'influence  de  ces  faits  naturels  sur  la  distribution  des  races 
latine,  germanique  et  slave,  dont  les  Alpes  sont  comme  le  carrefour,  et 
l'antithèse  des  plaines  de  la  basse  Allemagne  avec  les  plateaux  du 
centre  et  la  région  montagneuse  du  sud,  qui  a  eu  de  si  grandes  consé- 
quences ethnographiques  et  historiques.  Cette  étude,  qui  est  le  livre  I, 
forme  près  de  200  p.  Le  livre  II  est  l'histoire  de  la  race  germanique 
depuis  l'origine,  en  passant  par  l'invasion  des  Barbares  et  la  fondation 
de  la  monarchie  franque  pour  continuer  par  le, Saint-Empire  romain  de 
nation  germanique.  C'est  la  première  fois,  à  notre  connaissance  du 
moins,  que  ce  sujet  a  été  traité  en  français  avec  cette  précision  et 
cette  clarté.  Après  la  disparition  de  cet  empire,  au  commencement  du 
siècle,  M.  H.  poursuit  jusqu'après  la  guerre  de  1870  l'histoire  des  états 
qui  l'avaient  formé. 

Après  cette  étude  générale,  M.  H.  prend  chaque  état  en  particulier, 
rattache  à  l'histoire  de  sa  dynastie  et  de  sa  politique  les  accessions  de 
territoire  dont  il  s'est  agrandi,  soit  par  mariage,  soit  par  héritage,  soit 
par  conquête,  soit  par  élection  des  états.  Le  nombre  considérable  des 
petits  états  de  l'Allemagne,  le  manque  d'unité  et  de  centralisation  dans 
le  plus  grand  de  ces  états,  fondé  par  les  Habsbourgs,  rend  par  endroits 
sa  marche  difficile  à  suivre  pour  le  lecteur,  et  exigent  toute  l'attention 
de  celui-ci  pour  suivre  l'enchevêtrement  et  l'entrecroisement  de  ces 
héritages  et  de  ces  intrigues  qui  sont  pourtant  une  histoire  nécessaire 
à  connaître.  M.  H.  a  très  bien  résumé  l'esprit  de  sa  méthode  :  «  Expli- 
quer l'organisation  territoriale  de  l'Europe  contemporaine  tant  par  les 
conditions  inhérentes  à  la  nature  du  sol  que  par  les  vicissitudes  de 
l'histoire,  mettre  en  saillie  les  grands  faits  géographiques  et  historiques, 
ethnographiques  et  statistiques  qui  ont  eu  pour  résultante  l'ordre  de 
choses  présent,  en  un  mot,  commenter  et  illustrer  la  carte  actuelle  de 
notre  continent,  tel  est  le  but  que  je  m'étais  proposé  en  commençant  et 
que  je  me  suis  efiforcé  de  ne  jamais  perdre  de  vue.  Aussi,  tout  en  remon- 
tant aux  premières  origines  des  états  modernes  et  en  étudiant  d'âge  en 
âge  la  suite  complète  de  leurs  transformations  territoriales,  ai-je  cru 
devoir  insister  davantage  sur  les  temps  les  plus  rapprochés  de  nous  et 
n'accorder  un  développement  analogue  aux  événements  des  siècles  plus 
reculés  que  pour  autant  que  leurs  conséquences  se  font  sentir  jusqu'au- 
jourd'hui. 1  C'est  ainsi  que  pour  chacun  des  états  aujourd'hui  existants 
dans  la  région  dont  il  s'occupe,  il  raconte  son  origine,  la  réunion  de 
ses  groupes  fondamentaux,  ses  agrandissements  et  ses  pertes  territo- 
riales, enfin  sa  situation  présente  au  point  de  vue  géographique,  ethno- 
graphique et  politique. 

Les  deux  grands  états  autrichien  et  prussien  occupent  à  eux  seuls 


HIMLT  :  FORMITIOII  TBBRITORIiLE  DES  ÉTATS  DE  L'BCROPE  CENTRALE.    453 

le  tiers  de  l'ouvrage  entier  et  à  bon  droit,  puisqu'eux  seuls  aujourd'hui 
comptent  dans  TEurope  centhile.  C'est  leur  histoire  résumée,  mais 
résumée  dans  ce  qu^elle  a  d'essentiel  et  d'important  au  point  de  vue  de 
la  politique  et  de  l'histoire  générale  de  l'Europe.  Les  états  secondaires 
du  nouvel  empire  forment  un  livre  particulier  sous  le  nom  heureuse- 
ment trouvé  de  petite  Allemagne,  bien  petite  aujourd'hui  en  effet!  La 
Suisse,  les  Pays-Bas  et  la  Belgique  terminent  l'ouvrage.  M.  H.  n'y  a 
pas  fait  entrer  le  Danemark.  En  effet,  si  ce  pays  est  rattaché  physique- 
ment à  l'Europe  centrale  et  à  la  basse  Allemagne,  on  ne  peut  le  déta- 
cher de  la  Scandinavie  à  laquelle  il  tient  par  son  histoire  et  par  son 
caractère  ethnographique.  On  ne  saurait  non  plus  blâmer  M.  H.  de 
laisser  les  pays  Scandinaves  en  dehors  de  son  ouvrage;  malgré  leur 
caractère  germanique,  les  nations  qui  les  habitent  ont  été  séparées  du 
gros  de  leur  race  du  jour  où  les  Slaves,  venant  s'établir  dans  le  nord  de 
l'Allemagne  après  l'invasion  des  Barbares,  rompirent  la  continuité  et 
l'unité  du  monde  germanique/ 

M.  H.  a  très  justement  défini  sa  tâche  quand  il  dit  pour  terminer 
qu'il  a  voulu  familiariser  ses  lecteurs  c  avec  des  pays  et  des  nations 
dont  l'histoire  et  la  géographie  ont  toujours  passé,  non  sans  raison, 
pour  offrir  par  leur  étrange  complexité  des  difficultés  toutes  spéciales  ». 
(jràce  à  lui,  le  lecteur  français  a  un  guide  dans  ce  dédale.  L'ouvrage 
de  M.  H.  ne  s'adresse  pas  seulement  aux  historiens,  mais  à  quiconque 
s'intére-sse  aux  destinées  de  l'Europe  et  aux  événements  de  la  politique 
étrangère. 

Ce  n'est  qu'au  point  de  vue  matériel  que  nous  avons  quelques  cri- 
tiques à  adresser  à  M.  H.  Il  s'est  justifié  dans  sa  préface  de  supprimer 
toute  note  et  tout  appareil  d'érudition,  ce  qui  eût  été  doubler  l'étendue 
de  son  livre  et  en  élever  le  prix  ;  il  s'est  borné  à  donner  la  liste  des 
principaux  ouvrages  que  Tétudiant  pourrait  consulter  pour  connaître 
plus  en  détail  les  questions  traitées.  Les  livres  et  chapitres  ont  des 
sommaires  clairs  et  détaillés  où  l'on  trouve  comme  un  résumé  de  l'ou- 
vrage. Mais  nous  regrettons  l'absence  d'un  index  et  de  tableaux  histo- 
riques; !•  index  des  noms  d'hommes  et  de  lieux,  qui  permette  de  trouver 
à  l'instant  et  d'isoler  en  quelque  sorte  un  fait,  un  homme,  une  pro- 
vince; supposons  par  exemple  qu'on  veuille  voir  en  un  instant  l'histoire 
et  les  vicissitudes  de  la  Styrie  ou  de  la  Carniole  avant  son  entrée  dans 
la  monarchie  autrichienne,  on  sera  forcé  de  chercher  dans  les  chapitres 
relatifs  à  l'Autriche,  lorsque  la  mention  de  quelques  pages  éviterait 
cette  peine;  2*  des  tableaux  historiques  où  l'on  verrait  d'un  coup  d'œil 
s'insérer  à  leur  date  les  différentes  accessions  de  territoire  d'un  état. 
Des  tableaux  de  ce  genre  ne  sont  que  des  sommaires,  mais  des  som- 
maires instructifs  par  leur  disposition  même.  M.  H.  nous  dira  qu'il  a 
voulu  faire  un  livre  d'études,  non  de  références,  mais  on  peut  faire 
l'un  et  l'autre  sans  déroger  à  la  sévérité  scientifique,  et  nous  nous  per- 
mettons de  lui  demander  cet  appendice  le  jour  où  son  livre  passera  par 
une  seconde  édition.  fl.  Gaidoz. 


454  COMPTES-RENDUS  CBITIQUBS. 

Voltaire  Kaarle  XII  :  nen  historian  kirjoittajana,  esittaenyt  Joh. 
Rîcb.  DifiiELsoN.  Helsingissœ,  J.  G.  Frenckeirin  ja  Pojan  kirja- 
painossa,  4878,  54  s.  in-8*^ 

Dans  cette  thèse  soumise  à  la  faculté  philosophique  de  T Université 
de  Helsingfors,  Tauteur,  après  avoir  donné  une  brève  notice  de  l'œuvre 
en  question,  examine  les  principales  sources  d'où  elle  est  tirée,  la  méthode 
d'après  laquelle  elle  a  été  composée,  les  faits  particuliers  qui  y  sont  rap- 
portés, enfin  l'influence  qu'elle  a  exercée  sur  la  tradition.  La  plus  grande 
partie  de  son  travail  est  consacrée  à  éplucher  THistoire  de  Charles  XII. 
Il  y  a  relevé  un  certain  nombre  d'erreurs  :  en  sa  qualité  de  Finnois,  il 
était  fort  bien  placé  pour  connaître  les  travaux  des  Scandinaves,  des 
Allemands  et  des  Russes  sur  le  môme  sujet  ;  il  a  diligemment  comparé 
les  récits  des  contemporains  avec  ceux  de  Voltaire  ;  aussi  ses  remarques 
pourront-elles  être  utilisées  dans  des  commentaires  accompagnant  une 
sérieuse  édition  du  chef-d'œuvre  français.  Il  a  montré  que  le  grand 
écrivain  a  puisé  à  d'autres  sources  que  celles  énumérées  dans  sa  réponse 
aux  critiques  de  l'abbé  Des  Roches  de  Parthenay,  savoir  :  les  mémoires 
de  Fabrice,  les  rapports  de  M.  de  Groissy,  ambassadeur  de  France,  les 
lettres  de  MM.  de  Fierville,  de  Villelongue  et  du  comte  de  Poniatowski. 
A  ces  documents  manuscrits  il  faut  ajouter,  suivant  M.  Danielson, 
plusieurs  imprimés,  surtout  V Histoire  de  Suède  sous  le  règne  de  Charles  XII, 
par  de  Limiers  (Amsterdam,  1721,  6  vol.  in-8»),  mauvaise  compilation 
tirée  surtout  des  Lettres  historiques  publiées  périodiquement  à  La  Haye, 
et  les  Voyages  en  Europe,  Asie  et  Afrique^  par  la  Motraye  (1727,  2  vol. 
in-foL).  Voltaire  a  en  outre  fait  quelques  emprunts  à  VÉtat  présent  de 
la  grande  Russie,  traduit  de  l'anglais  de  Jean  Perry  (Paris,  1718,  in-S»)  ; 
aux  Considérations  sur  Vétat  de  la  Russie  sous  Pierre  le  Grand,  qui  lui 
furent  communiquées  en  1737,  mais  qui  ne  furent  publiées  qu'en  1791, 
à  Berlin  ;  à  VÉtat  présent  de  la  Suède,  traduit  de  l'anglais  de  Robinson 
(Amsterdam,  1720,  in-S*)  ;  aux  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de 
l* empire  russien  sous  le  règne  de  Pierre  le  Grand ^  par  Weber  (La  Haye, 
1725),  et  à  un  pamphlet  allemand  publié  en  1727*,  où  on  lit  :  a  Ein 
solches  Erb-Mxdchen  (serve  héréditaire)  nun  war  auch  die  leibliche 
Mutter  der  (Hzaarin.  »  Voltaire  a  traduit  ce  passage  (L.  V)  par  :  «  Sa 
mère  était  une  malheureuse  paysanne  nommée  Erb-Magden  (dans 
d'autres  éditions  :  Erb-Marden),  »  sans  s'apercevoir  qu'il  faisait  un  nom 
propre  du  mot  désignant  la  position  sociale  de  la  mère.  M.  Danielson 
n'a  pas  relevé  cette  erreur,  mais  il  en  reproche  beaucoup  d'autres  à  l'his- 
torien, et  il  lui  en  a  même  attribué  qu'il  n'a  pas  commises.  C'est  lui  au 
contraire  qui  s'est  trompé  en  affirmant,  d'après  Von  Engel  (Geschichte  der 
Ukraine  und  der  Cosaken,  Halle,  1796,  p.  288),  que  la  célèbre  anecdote  sur 

1.  Voltaire  considéré  comme  historien  de  Charles  XII ^  par  J.-R.  Danielson. 
Helsingfors,  imprimerie  de  J.-G.  Frenckell  et  fils,  1878,  51  p.  in-8*. 

2.  Die  verUabelste  und  genaueste  Nachricht  von,,..  Czaarin  Catharina 
Àlexieitna,  in-4%  sans  lieu  d'impre^ion. 


ZUR   GES€H1CHTE   KOENIGS   FRIEDRICHS   DBS  GROSSBIf.  455 

l'intrigue  amoureuse  de  Mazeppa  était  sans  fondement.  Il  est  sans  doute 
impossible  aujourd'hui  de  savoir  au  juste  si  elle  est  vraie  ou  non,  mais 
il  suffit,  pour  justifier  notre  grand  historien,  de  rappeler  qu'elle  se 
trouve  avec  de  légères  différences  dans  les  mémoires  fort  estimés  du 
gentilhomme  polonais  Jean-Chrysostôme  Passek  *  ;  or  cet  écrivain  est 
d'autant  plus  digne  de  foi  qu'il  connaissait  personnellement  Mazeppa 
et  qu'il  s'était  même  querellé  avec  lui  dans  l'antichambre  du  roi  Jean- 
Casimir.  —  Si  l'on  examine  les  erreurs  reprochées  à  Voltaire,  on  trou- 
vera en  général  qu'elles  portent  sur  des  anecdotes  ou  sur  des  faits  trop 
minimes  ou  trop  intimes  pour  pouvoir  être  établis  d'une  façon  positive. 
Le  grand  écrivain  a  sans  doute  pris  des  libertés  poétiques  dans  la  tra- 
duction des  bons  mots  attribués  à  ses  personnages  et  dans  l'arrangement 
des  scènes  dramatiques  ;  mais  il  n'a  ni  inventé  ni  altéré  les  faits  essen- 
tiels ;  il  a  au  contraire  soigneusement  révisé  ses  éditions  successives,  de 
sorte  que  son  critique,  d'ailleurs  équitable  et  bienveillant,  est  forcé 
d'avouer  (p.  49)  que  c  l'Histoire  de  Charles  XII,  toute  romanesque 
qu'elle  soit  dans  la  plupart  de  ses  particularités,  peint  cependant  très 
bien,  vivement  et  fidèlement,  la  physionomie  de  son  héros.  » 

Eug.  Beauvois. 


Mlscellaneen  sur  Geschlchte  Kœnigs  Friedrichs  des  Grotsan, 

herausgegeben  auf  Veranlassung  der  K.  preussîschen  Archiv. 
Vcrwaltung.  Berlin,  4878.  Siegfried  Mittler.  i  vol.  in-8«,  490  p. 

Co  volume,  qui  est  une  sorte  de  complément  aux  œuvres  publiées  de 
Frédéric  II,  contient  trois  ouvrages  différents  :  1*  une  bibliographie 
des  éditions  des  ouvrages  de  Frédéric  et  des  différentes  traductions  qui 
en  ont  été  faites  (p.  1  à  109).  Ce  catalogue  est  suivi  d'un  index  alpha- 
bétique qui  facilite  les  recherches.  —  2*  Le  testament  militaire  de  Pré- 
déric  le  Grand,  publié  ot  commenté  par  M.  de  Taysen,  officier  du  grand 
état-major.  C'est  la  partie  militaire  du  Testament  politique,  encore  iné- 
dit, que  Frédéric  composa  en  1768  à  Sans-Souci.  Le  texte  de  Frédéric 
est  intitulé  :  Du  militaire,  des  arrangements  militaires  et  tout  ce  qui 
regarde  cette  ])artie  (p.  119-158).  Ce  testament  militaire  osi  écrit  en  fran- 
çais. Il  résume  et  complète  les  écrits  spéciaux  de  Frédéric  et  notam- 

1.  Denktrurdigkeiten  des  /.  Chr.  Pauekf  poloisch  henusgegebeo  vom  Grafen 
Eduard  Raczyoski,  deutsch  too  D'  G.  A.  Stenzel.  Breslau,  1838,  p.  249  et  s.  — 
Dès  1841,  le  profond  historien  danois,  Fr.  Schiem,  faisait  la  remarque  que  cet 
ouvrage  confirmait  ce  que  dit  Voltaire  de  la  jeunesse  aventureuse  du  célèbre 
hetman  des  Cosaques  (Voy.  Hisiorisk  Tidsskrift,  udgivet  af  den  danske  histo- 
riske  Forening,  redigeret  af  Chr.  Molbecb.  T.  III,  livr.  I,  p.  294  n).  —  Puisque 
nouK  en  sommes  sur  le  chapitre  des  erreurs,  relevons-en  one  autre  qu'a  commise 
M.  Danielson  :  il  donne  le  nom  de  Rocker  de  Parthenay  à  Des  Roches  de  P., 
qui  est  pourtant  bien  connu  dans  le  Nord  par  son  histoire  de  Danemark  et  sa 
traduction  fran^se  des  proverbes  danois. 


456  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

ment  les  Principes  généraux  de  la  guerre  appliqués  à  la  tactique  et  à  la 
discipline  des  troupes  prussiennes^  qui  ont  été  publiés  dans  le  t.  XXVIII 
de  la  grande  édition  des  Œuvres  de  Frédéric  le  Grand,  Cet  opuscule 
môme  était  le  développement  d'une  Instruction  pour  les  généraux, 
écrite  en  4746  et  qui  était  également  annexée  au  Testament  politique  de 
1768^  Frédéric  avait  fait  depuis  l'expérience  de  la  guerre  deSept-Ans. 
Le  texte  publié  par  M.  de  Taysen  peut  donc  être  considéré  comme  la 
pensée  définitive  de  ce  grand  capitaine.  Le  commentaire  de  M.  de  T. 
est  écrit  en  allemand  (p.  159-204). 

3*  Éclaircissements  pour  Thistoire  des  travaux  littéraires  de  Frédéric 
par  M.  Max  Posner.  Ce  travail  (p.  208-313)  porte  sur  la  composition 
des  Mémoires  de  Brandebourg  et  de  VHistoire  de  mon  temps.  C'est  une 
monographie  des  plus  curieuses  pour  ceux  qui  veulent  savoir  comment 
travaillait  le  royal  écrivain,  à  quelles  sources  il  puisait  et  quels  étaient 
ses  procédés  de  critique.  Le  paragraphe  il,  relatif  à  la  collaboration  de 
Voltaire  aux  Mémoires  de  Brandebourg ,  mérite  particulièrement  l'atten- 
tion (p.  257-262).  Les  notes  marginales  de  Voltaire  (p.  263-282)  nous 
le  montrent  directement  à  l'œuvre,  et  on  voit  par  les  corrections  que 
fit  Frédéric  après  avoii  lu  ces  notes,  avec  quelle  attention  il  écoutait 
ces  conseils  et  dans  quelle  mesure  il  s'y  conformait.  Je  signalerai  aussi 
le  paragraphe  12,  qui  est  une  description  du  manuscrit  des  Mémoires 
de  Brandebourg.  M.  Posner  a  fait  suivre  cette  étude  critique  d'une  série 
de  documents  relatifs  à  la  composition  des  deux  ouvrages  dont  il  s'oc- 
cupe (p.  313-490)  :  correspondances,  mémoires,  notices,  projets,  correc- 
tions et  variantes.  —  Le  travail  de  M.  Posner,  qui  occupe  plus  de  la 
moitié  du  volume,  en  est  pour  nous  la  partie  la  plus  intéressante,  non 
seulement  parce  qu'il  apporte  un  complément  nouveau  à  l'histoire  de 
Voltaire,  mais  surtout  parce  qu'il  fournit  de  précieux  éléments  de  cri- 
tique à  l'étude  des  œuvres  du  plus  illustre  des  étrangers  qui  ont  écrit 

dans  notre  langue. 

A.  8. 


Essai  sur  le  ministère  de  Turgot,  thèse  présentée  à  la  Faculté  des 
lettres  de  Paris  par  M.  Poncin.  Paris,  Germer-Baillière,  i  vol.  gr. 
in-80  de  622  p.,  4877. 

M.  F.  se  propose  d'étudier  Turgot  comme  MM.  Clément  et  Rousset 
ont  étudié  Colbert  et  Louvois,  mais  un  pareil  travail  est  impossible  avec 
«  des  loisirs  bornés  et  des  moyens  d'investigation  restreints.  »  Poiir 
mener  à  bien  une  telle  entreprise,  il  faut  plusieurs  années  et  surtout  le 
séjour  de  Paris.  En  attendant,  M.  F.  a  voulu  prendre  possession  du 
sujet  et  pour  ainsi  dire  poser  ses  jalons  ;  il  a  mis  à  contribution  tous 
les  travaux  publiés  jusqu'à  ce  jour  sur  Turgot,  il  a  tiré  des  archives 
municipales  ou  départementales  de  Bordeaux  et  même  de  nos  archives 

1.  Ayertissement  de  l'éditeur  :  Œuvres  de  Frédéric  le  Grand,  t.  XXVIII,  p.  xi. 


FONCm    :    ESSll  SOR   LE  MIAISTÈRR   DB  TORGOT.  457 

nationales  une  soixantaine  de  lettres  et  autres  pièces  inédites,  et  le 
résultat  de  ces  études  préliminaires  est  un  énorme  volume  de  620  pages. 

Cet  Essai  sur  le  ministère  de  Turgot  est  remarquable  à  tous  les  points 
de  \ue^  et  les  juges  les  plus  compétents  ont  reconnu  sa  grande  valeur  ; 
M.  F.  a  traité  ce  sujet  difficile  d'une  façon  très  heureuse  ;  il  a  su  rendre 
intelligibles  les  questions  toujours  si  délicates  de  finances,  de  législa- 
tion et  d'économie  politique  ;  en  un  mot,  il  a  compris  et  fait  comprendre 
à  ses  lecteurs  les  projets  de  ce  grand  ministre,  qui  ne  mérita  pas  moins 
que  Vauban  le  titre  glorieux  de  patriote.  Mais  puisque  cette  «  ébauche  », 
comme  rappelle  M.  F.  lui-même,  est  destinée  à  devenir  plus  tard  un 
tableau  de  grandes  dimensions,  il  n'est  peut-être  pas  inutile  de  mêler 
aux  éloges  les  observations,  les  critiques,  les  chicanes  même  que  sug- 
gère une  lecture  attentive  de  cet  ouvrage. 

Et  d'abord  la  méthode  qu'a  préférée  M.  F.  est-elle  la  meilleure  ?  N'y 
a-t-il  pas  de  nombreux  inconvénients  à  suivre  rigoureusement,  comme 
il  a  cru  devoir  le  faire,  l'ordre  chronologique,  mois  par  mois  et  pour 
ainsi  dire  jour  par  jour?  Ainsi  M.  F.  consacre  un  chapitre  d'ailleurs 
excellent  à  1  epizoolie  du  Midi  (p.  i3i),  puis  il  s'interrompt  pour  reve- 
nir, trente  pages  plus  loin,  à  cette  malheureuse  épizootie  que  nous 
retrouverons  à  de  longs  intervalles,  p.  316  et  p.  483.  De  même  «  l'affaire 
du  pays  de  Gex  »,  une  bien  petite  affaire  après  tout,  quoique  Voltaire 
y  ait  été  mêlé,  est  traitée  longuement  en  deux  fois  (p.  327  et  471),  et 
l'on  a  parfaitement  oublié  le  début  quand  il  s'agit  de  connaître  la  con- 
clusion. N'eût-il  pas  mieux  valu  traiter  séparément  et  en  une  seule 
fois  ces  différentes  questions?  Si  le  ministère  de  Turgot  avait  duré 
plus  de  vingt  ans,  comme  ceux  de  Richelieu  ou  de  Golbert,  on  pourrait 
hésiter  ;  mais  quoi  !  Turgot  n'a  pas  été  ministre  plus  de  vingt-deux 
mois,  du  19  juillet  1774  au  13  mai  1776,  et  il  semble  que  dans  ces  con- 
ditions on  trouverait  avantage  à  suivre  un  par  un,  sans  interruption, 
ses  divers  projets  de  réforme. 

Il  est  regrettable  aussi  que  M.  F.,  toujours  si  soigneux,  si  minutieux 
même,  ait  négligé  la  partie  bibliographique  de  son  travail.  Beaucoup 
do  lecteurs,  même  instruits,  ignorent  que  les  Mémoires  de  Dachaumont, 
cités  presque  à  toutes  les  pages,  ne  sont  nullement  de  cet  auteur,  mort 
en  1770,  mais  bien  de  Pidanzat  de  Mairobert,  dont  \o  Journal  historique 
de  la  révolution  opérée  dans  la  œnstitution  de  la  monarchie  française  par 
M,  de  Maupeou,  chancelier  de  France  (Londres,  7  vol.  iu-r2,  2«édit.,  1776) 
est  passé  tout  entier  dans  les  Mémoires  dits  de  Bachaumont  ;  et  des 
personnes  très  au  courant  des  études  historiques  ne  savent  en  aucune 
façon  ce  que  c'est  que  la  Correspondance  de  Métra,  D'ailleurs  tous  ces 
mémoires  secrets  et  ces  correspondances  du  temps  n'ont  (|u*une  impor- 
tance relative,  et  il  vaudrait  mieux  ne  pas  les  citer  quand  il  s'agit  de 
documents  officiels.  Ainsi  M.  F.,  suivant  en  cela  l'exemple  de  M.  H. 
Martin,  cite,  d'après  Mairobert,  un  petit  discours  de  Louis  XVI  au  Par- 
lement, lors  du  lit  de  justice  tenu  à  Versailles  le  5  mai  1775,  pendant 
la  guerre  des  farines,  et  la  phrase  principale  de  ce  discours  est  tout  autre 


458  COMPTES-RBPTDUS   CRITIQUES. 

dans  le  procès-verbal  officiel  qui  fut  imprimé  alors  (14  p.  in-4%  Impr. 
royale).  Louis  XVI  ne  dit  pas  :  t  Je  compte  que  vous  ne  mettrez  point 
d'obstacle  ni  de  retardement  aux  mesures  que  j'ai  prises,  afin  qu'il 
n'arrive  pas  de  pareil  événement  pendant  le  temps  de  mon  règne.  »  Il  dit, 
ce  qui  est  fort  différent  :  «  Je  compte  sur  votre  fidélité  et  votre  soumis- 
sion dans  un  moment  où  j'ai  résolu  de  prendre  des  mesures  qui  m'as- 
surent que,  pendant  tout  mon  règne,  je  ne  serai  plus  obligé  d'y  avoir 
recours  »  (Proc.  verb.,  p.  11).  Enfin,  pour  achever  ce  qui  touche  à  la 
bibliographie,  M.  F.  ne  parait  pas  connaître  (p.  110)  l'auteur  d'un 
ouvrage  «  savant  et  curieux  t ,  intitulé  Considérations  sur  l'inaliénabilité 
du  domaine  de  la  couronne;  Barbier  déclare  (I,  116)  que  cet  auteur  est 
Vergennes  en  personne.  Le  nombre  des  ouvrages  que  M.  F.  a  cités  est 
très  considérable  ;  il  eût  été  bon  de  faire  connaître  en  quelques  pages 
et  la  valeur  des  sources  et  le  mérite  plus  ou  moins  grand  des  travaux 
modernes  que  M.  F.  a  mis  à  profit.  M.  Debidour,  dans  sa  remarquable 
thèse  sur  la  Fronde  angevine,  a  eu  l'heureuse  idée  de  procéder  ainsi,  et 
c'est  un  exemple  à  suivre. 

Arrivons  maintenant  aux  critiques  de  fond  ;  elles  seront  presque 
nulles,  tant  M.  F.  a  bien  pris  ses  mesures.  Il  a  tout  vu,  tout  vérifié,  il 
sait  au  juste  ce  que  Turgot  a  dit  et  fait  à  tel  moment  précis  de  sa  vie 
ministérielle  ;  il  nous  dira  que  tel  jour  le  contrôleur-général  était  retenu 
au  lit  par  un  accès  de  goutte,  et  nous  saurons  à  quelle  heure  partaient 
les  diligences  en  1775  ;  nous  saurons  également  que  celle  d'Arras  met- 
tait quatre  jours  pleins  là  où  le  chemin  de  fer  met  3  h.  35  minutes.  Le 
moyen  de  prendre  en  faute  un  historien  si  exact  !  Cependant  M.  F.  ne 
paraît  pas  avoir  résolu  d'une  manière  tout  à  fait  satisfaisante  une  des 
grosses  questions  du  ministère  de  Turgot.  L'émeute  de  mai  1775  est 
même  à  ses  yeux  «  un  problème  sans  solution,  un  procès  toujours 
ouvert  devant  l'histoire.  »  Les  deux  chapitres  que  M.  F.  a  consacrés  à 
la  guerre  des  farines  sont  excellents,  mais  peut-être  l'auteur  s'est-il 
montré  trop  indulgent  pour  Turgot  et  trop  dur  pour  des  hommes  tels 
que  le  prince  de  Gonti  et  le  ministre  Sartines.  La  question  des  blés 
avait  préoccupé  très  vivement  les  prédécesseurs  de  Turgot,  et  puisque 
le  peuple  français  s'était  malheureusement  habitué  à  compter  sur  le 
gouvernement  pour  avoir  son  pain  quotidien,  il  était  nécessaire  de  le 
lui  assurer  avant  de  proclamer  la  liberté  absolue  du  commerce  des 
grains.  Il  fallait  procéder  avec  lenteur  à  une  pareille  réforme,  mais 
Turgot  ne  savait  pas  attendre,  et  ce  n'est  pas  lui  qui  eût  trouvé  ce  mot 
si  profond  dans  sa  simplicité  :  «  Le  temps  et  moi.  »  Il  voulut  aller 
trop  vite,  et  ses  excellentes  lois  sur  le  commerce  des  grains  produisirent 
tout  naturellement,  on  1775,  une  disette  factice  et  des  émeutes.  L'arrêt 
du  Conseil,  du  13  septembre  1774,  proclame  la  liberté  absolue  de  ce 
commerce  ;  il  permet  à  toutes  personnes  de  vendre  et  acheter  des  grains 
et  farines  en  quelques  lieux  que  ce  soit,  de  les  garder  et  voiturer  à  leur 
gré  (art.  1)  ;  il  défend  d'arrêter  les  transports,  t  comme  aussi,  dit  l'art.  2, 
de  contraindre  aucun  marchand,  fermier,  laboureur  ou  autres,  de  porter 


Fo:<rcix  :  KS81I  sur  le  Mnisr^BE  de  tcrgot.  450 

des  grains  ou  farines  au  marché  >  {Lettres  patentes....  du  2  nov.  1774  ; 
12  p.  in-4%  p.  11).  Qu'arriva-t-il  ?  Une  sorte  de  journal  ms.  du  temps, 
que  j'ai  entre  les  mains  et  que  M.  F.  ne  pouvait  pas  connaître,  va  nous 
l'apprendre  mieux  que  n'ont  fait  les  relations  imprimées  :  c  L*arrét  du 
conseil  du  13  septembre  1774  a  eu  tous  les  mauvais  effets  qu'on  en 
avait  craints  ;  les  abus  sont  nés  à  l'instant  do  cotte  liberté  indétiuie. 
Chacun  des  avides  d'argent  a  fait  dos  magasins  de  blé  pour  s'enrichir 
au  premier  moment  de  cherté  et  pour  pmduiro  cette  cherté  afin  de 
s'enrichir.  Les  fermiers  et  les  meuniers,  sûrs  du  débit,  n'ont  plus 
apporté  que  rarement  au  marché,  et  chez  eux  ils  ont  refusé  de  vendre 
à  petite  mesure.  Par  là  le  peuple  s'est  vu  hors  d'état  d'avoir  du  grain, 
soit  par  sa  cherté,  soit  par  sa  rareté....  On  s'est  ému  de  toutes  parts; 
le  peuple  a  fait  violence  dans  les  marchés,  sur  les  routes,  chez  les  fer- 
miers et  les  meuniers,  dans  les  châteaux  même,  pour  s'emparer  des 
grains  et  des  farines.  L'esprit  de  dégât  et  de  pillage,  celui  de  mutinerie, 
de  révolte  et  de  menace,  dos  placards  affichés,  etc.,  s'y  sont  joints. 
Pout-élre  aussi  d'autres  intérêts,  des  rivalités,  des  mécontentements,  des 
vindictes,  y  ont  influé...  Il  y  a  eu  dans  ces  ravages  des  nuances  diffé- 
rentes. Les  uns  se  faisaient  donner  pour  12  livres  la  mesure  de  blé  por- 
tée aujourd'hui  à  32,  et  payaient  encore  ce  qu'ils  prenaient  ;  d'autres 
enlevaient  tout  sans  rien  payer.  Des  gens  ont  ameuté  des  villages  pour 
venir  enlever  des  grains  dans  les  fermes,  p>endant  qu'ils  n'en  prenaient 
pas  pour  eux,  etc.  >  (Journal  ms.  d'Adrien  Le  Paige,  avocat  au  Parlement 
et  bailli  du  Temple.) 

Au  lieu  d'expliquer  ainsi  par  des  causes  naturelles  l'émeute  de  mai  1775, 
M.  F.  cherche  des  coupables,  et  nous  avons  vu  qu'il  désigne  comme 
particulièrement  suspects  le  prince  de  Gonti  et  l'ancien  lieutenant  de 
police  Sartines.  M.  F.  maltraite  fort  ces  deux  personnages,  surtout 
le  premier,  parlementaire  décidé,  qui  s'était  fait  disgracier  en  1770  pour 
avoir  soutenu  contre  Louis  XV  l'inamovibilité  des  cours  souveraines  ; 
mais  il  semble  que  Gonti  et  Sartines,  Conti  surtout,  ne  sauraient  être 
accusés  sans  injustice.  J'ai  sous  les  yeux  quelques  documents  contem- 
porains d'une  certaine  importance,  et  il  on  résulte  clairement  que 
l'émeute  no  doit  pas  être  imputée  à  Conti.  Une  lettre  adressée  le  2  mai 
à  M.  Le  Paige,  bailli  du  Temple  dont  le  prince  était  grand  prieur,  et 
homme  de  confiance  de  ce  prince,  contient  ce  qui  suit  :  •  ...  Je  crois 
nécessaire  de  vous  donner  avis  sans  délai  que  les  révoltés  sur  l'affaire 
des  grains,  qui  sont  dos  méchants  tous,  qui  no  meurent  point  de  faim 
puisqu'ils  ont  montré  400  hmis  d'or  à  Gones.««e,  qui  n'ont  |)as  besoin  do 
pain  puisqu'ils  ont  jeté  le  blé  qu'ils  ont  pillé  sur  la  rivière  d'Oise  dans 
la  rivière,  que  ces  gens-là  disent  très  haut  que  ces  pillages  se  font  par 
onire  do  M.  le  prince  de  Conti  ;  que  ce  fait  incroyable  a  été  dit  hier 
chez  M.  de  Sauvetorre,  ancien  conseiller  honoraire  de  l'ancien  grand 
conseil,  et  chez  la  femme  Barbier,  commissionnaire  à  la  Halle.  Vous 
savez  combien  la  gloire  du  prince  m'est  chère  et  vous  ne  pouvez  conce- 
voir l'indignation  qu'a  excitée  en  moi  une  pareille  calomnie.  Comme 


460  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

ces  deux  faits  me  sont  venus  d'assez  bonne  part,  j'en  ai  pris  note  et  je 
vous  en  fais  part  sans  délai.  L'intrigue  est  méchante  et  diabolique.  » 
A.  Le  Paige,  à  qui  cette  lettre  est  adressée,  dit  dans  son  journal  ms. 
que  ce  bruit  si  déraisonnable  s'était  répandu  jusqu'à  Versailles,  et  qu'il 
était  bientôt  tombé.  Aussi  ajoute-t-il  que  l'instruction  du  roi  aux  curés 
reproche  aux  auteurs  de  l'émeute  c  la  profanation  des  noms  les  plus 
respectables  t.  Une  autre  lettre  de  la  même  époque,  lettre  bien  curieuse, 
car  elle  émane  d'un  fermier  de  la  Brie  qui  dut  vendre  aux  émeutiers 
140  «  septiers,  mesure  de  roy  »  à  raison  de  12  livres  l'un,  s'étonne  qu'il 
soit  arrivé  a  un  tumulte  si  étrange  dans  une  des  commanderies  de  S.  A.  8. 
Mgr  le  Prince  de  Conti  ».  Si  les  émeutiers  avaient  été  soudoyés  par  le 
prince,  se  seraient-ils  ainsi  attaqués  à  ses  propres  fermiers  ?  Ceux  de 
Paris  auraient-ils  cherché  à  forcer  l'enclos  du  Temple  pour  dévaliser 
les  deux  boulangers  qui  s'y  trouvaient,  boulangers  que  Conti  parvint  à 
protéger  et  dont  l'un  fit  jusqu'à  onze  cuissons  ce  jour-là  pour  secourir 
les  Parisiens  ?  (Journal  rns.) 

M.  F.  ajoute  que,  le  5  mai,  pendant  le  Lit  de  justice,  c  Conti,  comme 
se  désignant  lui-même  aux  soupçons,  protesta  vivement.  Un  conseiller 
fit  de  même  ;  on  leur  imposa  silence  »  (p.  202).  Ce  détail  n'est  pas 
exact,  et  la  Relation  à  la  suite  des  mémoires  sur  Terray ,  relation  qui  est 
très  certainement  de  Mairobert,  car  elle  fait  partie  de  son  Journal  hiS" 
torique  (tome  YU,  p.  292),  ne  dit  point  que  les  choses  se  soient  passées 
de  la  sorte.  «  M.  de  Miromesnil,  lisons-nous  p.  308,  allant  aux  voix 
pour  la  forme,  on  remarqua  que  M.  le  prince  de  Conti,  seul  entre  les 
grands,  et  M.  Fréteau,  seul  entre  les  membres  du  Parlement,  parlèrent 
et  discutèrent  leur  avis....  Ces  opinions  particulières  ne  firent  point 
changer  le  monarque  de  résolution.  »  Mais  voici  qui  est  plus  précis  : 
A.  Le  Paige  a  consigné  dans  son  journal  ms.  les  paroles  de  Conti  : 
f  En  voici,  dit-il,  les  propres  termes  que  ce  prince  m'a  confiés  :  Je 
pense  que  plus  on  est  dans  le  cas  de  faire  exécuter  la  sévérité  des  lois 
avec  rigueur,  moins  c'est  celui  de  dépouiller  les  juges  naturels  et  légi- 
times et  de  sortir  des  règles  établies.  Je  pense  que  le  pouvoir  donné 
aux  prévôts  a  des  conséquences  qui  peuvent  plutôt  échauffer  les  esprits 
que  les  calmer,  ainsi  je  n'en  suis  pas  d'avis,  i  Ce  ne  sont  nullement 
les  paroles  d'un  séditieux,  d'un  homme  qui  se  désigne  aux  soupçons, 
et  si  Conti  fut  soupçonné  en  mai  1775,  n'oublions  pas  qu'il  se  trouva  des 
gens  pour  accuser  de  la  guerre  des  farines,  etTurgot,  et  même  Louis  XVI. 
Conti  d'ailleurs  est  peu  connu  des  historiens,  et  l'on  pourrait,  si  de 
telles  discussions  n'étaient  ici  déplacées,  montrer  preuves  en  mains  que 
sa  vie  et  sa  mort  ont  été  on  ne  peut  plus  mal  jugées  ;  il  n'a  pas  vécu 
en  frondeur,  il  n'est  pas  mort  en  philosophe. 

Pour  revenir  à  Turgot,  M.  F.  ne  paraît  pas  avoir  assez  insisté  sur  les 
causes  multiples  qui  ont  amené  sa  chute.  La  première  de  toutes  c'est 
que  Turgot,  si  grand  dans  son  cabinet,  n'était  nullement  un  homme 
d'État,  c'est-à-dire  en  définitive  un  homme  d'action.  Il  ne  connaissait 
l'humanité  que  par  les  livres  et  il  n'eut  jamais  l'art  de  mener  à  bien 


F0.1T1INB  DE  RESBBCg  :   L'iNSTaOCTIO?!  PRIMilRB  Afin  \7^9,       464 

des  entreprises  difficiles.  Ses  réformes  devaient  nécessairement  lui  atti- 
rer Tanimosité  des  privilégiés,  de  la  cour,  des  financiers,  du  parlement 
et  du  clergé  ;  il  ne  fît  pas  le  moindre  effort  pour  mettre  la  division 
parmi  ses  ennemis,  et  sa  maladresse  eut  pour  eOet  de  les  réconcilier  les 
uns  avec  les  autres.  L*avocat  général  Séguier  s'écria  en  plein  Parlement, 
le  7  septembre  1775  :  «  Le  moment  est  arrivé  où  le  clergé  et  la  magis- 
trature doivent  se  réunir,  et,  par  un  heureux  accord,  écarter  les  atteintes 
que  des  mains  impics  voudraient  porter  au  trône  et  à  Tautel  >  {Arrêt  de 
la  cour  du  Parlement..,  4  p.  in-4»). 

Turgot  fit  connaître  les  prodigalités  de  la  cour  et  les  malversations 
des  fermiers  généraux  ;  il  s'opposa  de  tout  son  pouvoir  au  retour  du 
Parlement  et  ravit  à  ce  corps,  en  mai  1775,  le  droit  de  rendre  la  justice 
au  nom  du  roi  ;  il  inquiéta  vivement  le  clergé  par  le  radicalisme  de  ses 
projets,  séparation  de  l'Église  et  de  TÈlat  (F.,  p.  562),  enseignement 
laïque  (561),  enterrements  civils  (562),  et  suppression  des  formules 
gothiques  du  sacre  des  rois  (251),  projets  plus  ou  moins  bons,  comme 
l'avenir  la  démontré,  mais  que  Turgot  avait  le  tort  de  présenter  tous 
ensemble  sans  se  préoccuper  de  leur  opportunité.  Le  contrôleur-général, 
qui  voulait  aller  trop  vite,  fut  considéré  comme  un  brouillon  ;  tous  les 
privilégiés  se  réunirent  pour  tramer  sa  perte,  et  que  lui  restait-il  contre 
eux  ?  Le  seul  Louis  XVL  En  vérité  ce  n'était  pas  assez.  La  chute  de 
Turgot  a  été  certainement  un  malheur  pour  la  France,  mais  il  faut 
avouer  que  ce  grand  économiste  n'était  point  fait  pour  être  premier 
ministre.  Le  grand  ouvrage  que  prépare  M.  F.  ne  saurait,  ce  me  semble, 

aboutir  à  une  autre  conclusion. 

A.  Gazibr. 


Histoire  de  nnstmctlon  primaire  avant  1789  dans  les 
commones  qui  ont  formé  le  département  da  Nord,  par  le 
comte  DE  FoirriiNE  de  Resbecq,  membre  de  la  conmiission  histo- 
rique du  Nord.  1  vol.  in-S^.  Paris,  Champion;  Lille,  Quarré, 
4878. 

M.  de  Tocqueville  est  le  premier,  pensons-nous,  qui,  avec  sa  grande 
et  légitime  autorité,  ait  rattaché  la  France  moderne  à  la  France  de 
l'ancien  régime.  Ce  que  l'illustre  historien  a  fait  pour  nos  institutions 
politiques  et  administratives,  d'autres  l'ont  fait  au  point  de  vue  écono- 
mique, pédagogique,  etc. 

C'est  à  ce  dernier  point  de  vue  que  se  rattache  l'ouvrage  de  M.  de 
Resbecq,  qui  traite  de  l'instruction  primaire,  avant  1789,  dans  la  contrée 
qui  a  depuis  formé  le  département  du  Nord,  (^tte  tâche  devait  tenter 
M.  de  Resbecq.  D  abord  il  connaissait  la  matière  pour  l'avoir  pratiquée; 
en  second  lieu,  originaire  de  ce  département,  membre  de  la  Commission 
historique  siégeant  à  Lille,  il  devait  être  tenté  d'appliquer  à  son  pays 
natal  ses  lumières  spéciales.  Ajoutons  que  son  livre  contient  une  partie 
historique  qui  appelle  directement  notre  critique.  Après  avoir  rappelé 


462  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

brièvement  les  capitulaires  de  l'époque  carolingienne  qui  obligent  les 
prêtres  à  tenir  des  écoles  dans  les  bourgs  et  les  villages,  les  décrets 
du  concile  de  Latran,  les  prescriptions  d'Innocent  UI  et  de  Gré- 
goire IX;  après  nous  avoir  montré,  à  partir  du  xii»  siècle,  la  con- 
currence qui  s'établit  pour  la  cause  de  l'éducation  populaire  entre  le 
clergé  et  les  puissantes  communes  de  Flandre,  la  décadence  à  la 
fin  du  XV*  siècle  de  renseignement  du  peuple,  Thistorien  nous  fait 
assister  à  sa  renaissance  dans  les  Pays-Bas  pendant  et  surtout  après 
l'orageuse  période  de  la  réforme  et  des  troubles  religieux.  Cette 
renaissance  naît  de  la  nécessité  pour  le  catholicisme  de  se  défendre. 
Luther  et  Calvin  ayant  fait  descendre  dans  la  profondeur  des  couches 
populaires  la  parole  de  l'évangile,  le  clergé  catholique  leur  répond  en 
poussant  la  foule  dans  les  écoles,  où  le  dogme  lui  sera  enseigné.  Les 
synodes  de  Saint-Omer,  d'Ypres,  d'Arras,  de  Cambrai,  les  placards  des 
souverains,  les  ordonnances  des  magistrats  des  copmunes,  tout  s'unit 
pour  relever  l'enseignement  des  a  bonnes  doctrines  et  mœurs,  de  la 
f  droicte  et  honneste  manière  de  vivre.  »  L'obligation  est  érigéo  en 
maxime  d'état.  Les  pères  et  mères,  maîtres  et  maîtresses  sont  tenus 
d'envoyer  leurs  enfants  à  l'école  dominicale  t  sur  paine  de  griefve 
pugnition  arbitraire,  t  l'amende  d'abord,  puis  la  punition  corporelle,  à 
la  discrétion  des  échevins.  Gens  de  loi  et  baillis  de  village  envoient  par 
les  rues  leurs  sergents  pour  «  contraindre  et  mener  par  force,  en  les 
chastiant  au  besoin,  i  les  enfants  récalcitrants.  Les  écoles  quotidiennes 
pour  les  familles  en  état  de  payer  la  rétribution  mensuelle  de  quatre  ou 
cinq  patars,  les  écoles  dominicales  pour  les  pauvres  se  multiplient  rapi- 
dement. Alexandre  Farnèse,  qui  apparaît  dans  l'histoire  du  xvi*  siècle 
comme  un  Taciturne  au  rebours,  puisqu'il  fit  rentrer  toute  la  Belgique 
actuelle  sous  le  joug  espagnol,  veut  qu'il  y  en  ait  t  en  chascun  villaige  ». 
Les  congrégations  enseignantes  viennent  en  aide  aux  maîtres  nommés 
d'ordinaire  par  le  magistrat,  quelquefois  aussi  par  le  seigneur  ou  l'as- 
semblée paroissiale  du  lieu,  mais  toujours  après  approbation  de  Téco- 
lâtre.  Ces  maîtres  sont  placés  sous  la  double  surveillance  de  l'autorité 
religieuse  représentée  par  les  curés,  les  doyens  de  chrétienté,  les 
vicaires  généraux,  et  de  l'autorité  laïque  personnifiée  dans  les  échevins 
et  les  t  caritables  i.  Tout  d'ailleurs  est  réglementé,  jusqu'au  costume  du 
Magister,  habillé  de  noir,  orné  de  la  longue  queue  pendante  et  portant 
sur  son  chef  vénérable  le  bicorne  galonné  d'argent,  signe,  disent  naïve- 
ment les  ordonnances,  de  son  autorité  souveraine  (oppergezig). 

Le  concile  de  Trente  s'étant  proposé  de  faire  de  renseignement  popu- 
laire une  arme  contre  l'hérésie,  la  religion  est  la  base  de  celui-ci. 
Les  leçons  cependant  ne  se  bornent  pas  au  catéchisme.  Après  l'A  B  C, 
«  l'enfance  du  chrestien,  »  les  oraisons  en  latin  et  en  français,  et  «  la 
petite  civilité  puérile  et  honneste,  »  l'enfant  apprend  t  à  lire,  escrire, 
cilTrer,  compter  i.  Puis,  il  apprend  la  grammaire  et  en  certains  cas, 
surtout  dans  les  écoles  de  filles,  t  quelque  mestier  ou  art  pour  gaigner 
sa  vie  »  ;   au  xviii®  siècle,  on  arrive  de  progrès  en  progrès  à  des  mé- 


PONTAIlfB  DE  RB8BECQ  :  L'MSTBUCTION  PBIlflIRB  ITiTT  HSO.       463 

thodes  raisonnées,  à  des  prescriptions  bien  coordonnées  et  enchaînées. 
A  ce  point  de  vue,  nous  appelons  l'attention  du  lecteur  sur  le  règle- 
ment donné,  il  y  a  un  siècle,  par  1  evéque  de  Saint-Omer  à  l'école  de 
chanté  de  Merville  (Nord). 

Quels  furent  les  résultats  de  tant  d'efforts  poursuivis  pendant  trois 
siècles  par  l'église,  les  rois  de  Franco  et  d'Espagne,  les  villes  et  les 
communautés  rurales  ?  En  d'autres  termes,  quelle  était  vers  1789  la 
situation  de  l'instruction  populaire  dans  les  provinces  belgiques  conquises 
par  Louis  XIV  ? 

M.  de  Resbecq  termine  son  livre  par  une  statistique  des  plus  curieu- 
ses. C'est  le  relevé  du  nombre  des  conjoints  et  conjointes  qui,  dans  le 
Nord,  ont  signé  leurs  actes  de  mariage  de  1750  à  1790.  D'après  ce  tra- 
vail qui  s'étend  à  toutes  les  paroisses  du  département  actuel  du  Nord, 
la  moyenne  pour  les  hommes  sachant  signer  serait  de  TiS,  13  */o  et, 
pour  les  femmes,  de  37,  28  •/©.  A  ce  compte,  l'instruction  populaire, 
51  on  la  ramène  à  ce  point  de  vue  étroit  de  la  capacité  de  signer,  aurait 
été,  vers  1789,  plus  avancée  dans  le  département  actuel  du  Nord  que 
pendant  les  soixante  premières  années  de  ce  siècle,  et  ce  n'aurait  été 
que  depuis  la  fin  du  second  empire  que  la  supériorité  se  serait  défini- 
tivement prononcée  en  faveur  de  l'époque  où  nous  vivons. 

Certes,  cette  conclusion  a  quelque  chose  d'inattendu.  Nous  savons 
bien,  comme  le  fait  observer  l'auteur  lui-même,  qu'il  ne  s'agit  pas  de 
la  France  considérée  en  son  ensemble,  mais  d'une  province  placée  dans 
une  situation  privilégiée  par  sa  richesse,  son  organisation  et  ses  tradi- 
tions spéciales.  Malgré  cela,  le  résultat  est  de  ceux  que  lieaucoup  de 
personnes  ne  peuvent  se  résoudre  à  admettre  sans  résistance.  Ne  sait- 
on  pas  que,  parmi  les  hommes  de  la  grande  n>quisition  de  1793,  bon 
nombre  ne  savaient  ni  lire,  ni  écrire,  ni  signer  *?  Cela  est  si  vrai  que  le 
recrutement  des  sous-officiers  fut  fort  dinicile  dans  les  armées  de  la 
république,  du  consulat  et  de  l'empire.  Qu'étaient-ils,  co»  grognards^  dont 
beaucoup  portaient  la  croix  de  la  Légion  d'honneur  et  qui  n'auraient  pu 
ni  déchiffrer  ni  tracer  la  première  lettre  de  leur  nom?  précisément  les 
débris  de  la  grande  réquisition.  Victor  Hugo  qui,  dans  son  roman  des 
Misérables^  nous  les  montre  à  Waterloo  marchant,  comme  à  la  manœuvre, 
sur  l'artillerie  anglaise,  nous  dit  ou  à  peu  près  :  «  ces  hommes  de  fer 
avaient,  dans  leur  première  jeunesse,  semé  le  blé  des  abbayes.  »  On  a 
peine  dès  lors  à  s'expliquer  comment,  dans  la  Flandre  française,  on 
peut  arriver  vers  1789  à  un  contingent  aussi  considérable  d'hommes  et 
de  femmes  sachant  signer. 

Habitant  presque  constamment  le  département  du  Nord,  nous  avons 
été  témoin  des  incertitudes  de  l'opinion  en  face  du  livre  et  des  conclu- 
sions de  M.  de  Resbecq  ;  plusieurs  de  nos  amis,  par  exemple,  auraient 
voulu  que  l'on  examinât  les  actes  des  tabellionages  et  que  l'on  s'assur&t 
si  les  signatures  y  étaient  dans  la  proportion  signalée  par  M.  de  Hes- 

1.  Nous  ne  parlons  pas,  bien  entendu,  des  folontaires. 


464  COMPTES-RBIVDUS  CRITIQUES. 

becq.  Nous  leur  avons  dit  et  nous  répétons  ici  que  ce  ne  serait  pas  là  un 
contrôle  sérieux. 

Pourquoi,  en  effet,  ces  hommes  et  ces  femmes  ayant  signé  leur  acte 
de  mariage  n'auraient-ils  pas  ensuite  signé  les  actes  où  ils  auraient  été 
parties  ?  Une  autre  objection,  d  une  portée  différente,  a  été  faite  au  sein 
de  l'académie  des  sciences  morales  et  politiques,  au  moment  où  le  livre 
de  M.  de  Resbecq  lui  était  présenté  par  Tun  de  ses  membres  éminents, 
M.  Charles  Giraud;  comme  elle  émane  d'un  homme  considérable,  d'un 
ancien  ministre  de  l'instruction  publique  (M.  Jules  Simon),  nous  devons 
l'examiner  avec  l'attention  qu'elle  mérite  *. 

M.  Jules  Simon  paraît  avoir  voulu  s'inscrire  en  faux,  non  point  tant 
contre  les  conclusions  elles-mêmes  de  M.  de  Resbecq,  que  contre  les 
inductions  qu'on  pourrait  en  tirer  au  point  de  vue  de  la  somme  générale 
des  connaissances  que  comporte  l'instruction  populaire,  et,  par  consé- 
quent, au  point  de  vue  des  résultats  généraux  que  cette  instruction  a  dû 
donner  tant  vers  1780  que  vers  1850  ou  1860.  «  Beaucoup  de  ces  gens, 
dont  parle  M.  de  Resbecq,  a  dit  ou  semblé  dire  M.  Jules  Simon, 
savaient  signer  sans  savoir  écrire,  i  Ou  en  d'autres  termes,  lorsque  Ton 
veut  comparer  l'état  de  l'instruction  populaire  en  1780  à  l'état  qu'elle 
offre  70  ans  plus  tard,  on  a  tort  de  prendre  pour  base  ou  pour  point  de 
comparaison  la  signature,  c'est-à-dire  la  plus  élémentaire  de  toutes  les 
notions  ou  capacités.  Si  l'on  allait  au-delà,  on  trouverait  que  les  résul- 
tats de  1850  sont  fort  supérieurs  à  ceux  de  1780. 

Avant  de  suivre  le  savant  académicien,  remarquons  d'abord  que  le 
livre  de  M.  de  Resbecq  est  désormais  hors  du  débat.  De  quoi  y  est-il 
question?  de  signatures.  Qu'a-t-il  voulu  démontrer?  que  les  hommes 
ou  femmes  ayant  signé  leurs  actes  de  mariage  vers  1780  égalaient  en 
nombre  ceux  ou  celles  ayant  signé  les  mêmes  instruments  d'état  civil 
vers  1850  ?  Sur  ce  terrain  étroit,  trop  étroit  peut-être,  sa  démonstration 
a  été  aussi  satisfaisante  que  possible. 

Revenons  maintenant  à  l'objection  de  M.  Jules  Simon,  ou  plutôt  à  la 
pensée  qui  s'y  trouve  implicitement  contenue. 

Nous  ferons  observer  d'abord  que,  sur  ce  nouveau  terrain,  la  preuve 
est  impossible  ;  beaucoup  de  personnes  penseront  que  M.  Jules  Simon 
a  raison,  mais  comment  le  prouveraient-elles  ?  Oui,  assurément,  il  y  a 
aujourd'hui,  surtout  dans  la  classe  des  ouvriers  de  campagne,  des  gens 
qui  savent  signer  sans  savoir  écrire  ;  et  il  en  existait  déjà  avant 
1789  ^.  Mais  là  n'est  pas  la  question,  il  faudrait  prouver  qu'il  y  a  cent 

t.  Faisons  observer  cependant  que  nous  n'avons  pu  consulter  les  procès-verbaux 
de  racadémie.  Nous  raisonnons  d'après  les  comptes-rendus  des  journaux  le  Temps 
et  les  Débals. 

2.  Le  lecteur  comprendra  la  cause  de  ce  fait.  Un  individu  qui  ne  sait  pas  signer 
ne  peut  prendre  part  à  aucune  convention  sous  seings  privés  et  doit  en  toute 
occasion  recourir  au  ministère  d'un  notaire,  qui  authentique  la  convention.  C'est 
pour  échapper  à  ces  frais  que  des  illettrés,  en  nombre  assez  considérable, 
apprennent  à  signer,  sans  apprendre  à  écrire. 


FONTAINE  DE   RESBBCQ  :  L'iNSTaCCTION  PRIMllBE  AVANT  4789.      40^ 

ans,  le  nombre  des  individu»  sachant  seulement  signer  était  plus 
considérable  qu'il  ne  l'était  en  1850  ou  en  1860  ;  or,  cette  preuve  nous 
parait  impossible  à  fournir.  Et  cette  impossibilité  subsistera  tant  que 
la  législation  n'aura  pas  été  réformée,  tant  que  le  législateur  n'aura  pas 
ordonné  d'interpeller  les  citoyens  non  seulement  sur  la  question  de 
savoir  s'ils  savent  signer,  mais  encore  sur  celle  de  savoir  s'ils  savent 
écrire.  Que  si  nous  restons  sous  l'empire  des  lois  actuelles,  il  sera, 
dans  60  ans,  tout  aussi  impossible  de  comparer,  au  point  de  vue  de  la 
capacité  d'écrire,  et  en  conservant  pour  base  les  actes  de  l'état  civil, 
l'état  de  l'instruction  primaire  en  1880  avec  celui  où  il  sera  parvenu  en 
1920,  et  cependant,  si  Ton  raisonne  à  priori,  on  admettra  que  cet 
état  a  dû  progresser. 

En  résumé,  deux  éléments  spéciaux  déterminent  l'état  de  l'instruc- 
tion populaire,  abstraction  faite  des  circonstances  ambiantes  :  le  nombre 
et  le  savoir  des  maîtres  ;  de  là  nous  semblent  résulter  les  conséquences 
suivantes. 

Si  l'on  s'en  tient  aux  notions  élémentaires,  telles  que  la  signature, 
l'écriture,  les  premières  règles  du  calcul,  on  doit  penser  que  l'état  de 
l'instruction  populaire  en  1780  était,  dans  le  département  actuel  du 
Nord,  à  peu  près  le  même  qu'en  1850,  et  cela  pour  deux  raisons  :  1*  Le 
nombre  des  maîtres  était  des  deux  côtés  à  peu  près  égal,  chaque  vil- 
lage de  cette  contrée  ayant  alors  son  magister  comme  il  a  aujourd'hui 
son  instituteur  (cela  résulte  du  travail  de  M.  de  Resbecq)  ;  2*  pour  les 
notions  élémentaires  ci-dessus  indiquées,  la  capacité  des  magisters 
était  aussi  efficace  que  l'était  en  1850  celle  des  instituteurs. 

Mais  si  l'on  veut  s'élever,  si  Ton  prend  pour  points  de  comparaison  le 
style,  l'histoire,  la  géographie,  la  géométrie,  le  calcul  algébrique,  oh  ! 
alors  il  faut  admettre,  en  dehors  de  toute  preuve,  que  le  niveau  de  1850 
était  supérieur  à  celui  de  1780,  par  cette  raison  fort  simple  que  les 
instituteurs  de  la  première  époque  étaient  déjà  fort  supérieurs  à  leurs 
devanciers  de  l'ancien  régime.  C'est  là,  si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi, 
une  vérité  de  bon  sens. 

Enfin,  à  ceux  qui  seraient  tentés  de  combattre  cette  distinction, 
nous  rappellerons  un  phénomène,  dont  l'histoire  et  l'économie  politique 
établissent  la  réalité  avec  une  force  irrésistible,  c'est  que  toute  grande 
perturbation  politique,  toute  grande  commotion  sociale  est,  toujours  et 
chez  tous  les  peuples,  accompagnée  d'une  non  moins  grande  déperdition 
de  forces,  soit  matérielles,  soit  intellectuelles  et  morales.  8ous 
Charles  V,  à  la  fin  du  règne  de  Charles  VII,  sous  Louis  XI,  Louis  XII, 
François  I**,  notre  sol  est^mieux  cultive,  plus  fertile  et  se  vend  plus 
cher  qu'à  l'avènement  de  Henri  IV,  ou  à  la  fin  du  règne  de  Louis  XIV, 
ou  enfin  lors  de  la  chute  du  Directoire  *.   I^  niveau   de  l'instruction 


t.  OU  a  été  péremptoirement  démontré,  au  nnoment  où  le  gouvernement  du 
«econd  empire  eot  la  fâcheaae  inspiration  de  vouloir  faire  convertir  en  rentes  sur 

Hev.  IIistor.  XI.  2*  FASc.  ;iO 


466  GOMPTBS-aSxXDUS  CRITIQUBS. 

populaire  suit  le  mouvement  ascensiomiel  ou  descensionnel  ;  tous 
ces  phénomènes  se  tiennent  et  s'expliquent  l'un  par  l'autre.  Gela 
aidera  à  comprendre  comment  notre  pays  a  été  aussi  longtemps  à 
se  remettre,  au  point  de  vue  de  l'instruction  populaire,  de  notre  révolu- 
tion, dont,  sur  d'autres  points,  les  effets  ont  été  aussi  considérables 
qu'immédiats  ^ 

Gh.  Paillard. 


Le  comte  de  Fersen  et  la  cour  de  France.  Extraits  des  papiers  du 
grand-maréchal  de  Suède  comte  Jean  Axel  de  Fersen,  publiés  par 
son  petit-neveu  le  baron  R.  M.  de  Klinckowstroem,  colonel  suédois. 
2  vol.  in-80.  Paris,  Pirmin  Didot,  4878. 

Petit-neveu  du  célèbre  comte  de  Fersen  et  dépositaire  de  ses  papiers, 
M.  le  colonel  de  K.  a  eu  l'heureuse  pensée  d'emprunter  à  ces  archives 
de  famille  quelques  extraits  intéressants  pour  l'histoire  de  France.  On 
ne  saurait  trop  remercier  M.  de  K.,  d'autant  plus  qu'il  a  eu  l'attention 
délicate  de  faire  cette  publication  en  français  et  d'en  former  comme  un 
complément  aux  trois  volumes  de  MM.  d'Arneth  et  Geffroy  sur  Marie- 
Antoinette.  Dans  ces  conditions,  la  critique  est  nécessairement  désar- 
mée; à  défaut  du  sentiment  des  convenances,  l'intérêt  des  études  histo- 
riques nous  empêcherait  de  traiter  comme  un  éditeur  de  profession  le 
gentilhomme  si  bien  inspiré  qui  consent  à  ouvrir  ses  galeries  et  à  faire 
lui-même  les  honneurs  de  son  musée  domestique.  Aussi  ne  demande- 
rons-nous pas  à  M.  de  K.  s'il  a  publié  la  totalité  des  lettres  et  documents 
qui  concernent  la  reine  de  France  et  s'il  n'aurait  pas  mieux  fait  d'inti- 
tuler son  livre  :  Fersen  et  Marie^ Antoinette,  puisque  la  cour  de  France 
et  Louis  XVI  occupent  si  peu  de  place  dans  ces  deux  gros  volumes  ;  en 
un  mot,  nous  ne  ferons  pas  à  M.  de  K.  la  moindre  chicane  et  il  nous 
suffira  de  montrer  quelle  est  la  valeur  historique  de  cet  ouvrage,  valeur 
très  réelle,  hâtons-nous  de  le  dire. 

On  ne  doit  pas  s'attendre  à  trouver  ici  beaucoup  de  faits  nouveaux  et 
de  révélations  importantes,  car  les  grands  travaux  de  MM.  Feuillet  de 
Gonches  et  Geffroy,  faisant  suite  à  des  publications  innombrables,  ne 
permettent  plus  d'espérer  de  véritables  découvertes  sur  l'histoire  de 
Marie-Antoinette.  Gependant  on  verra  dans  le  journal  et  dans  la  corres- 
pondance de  Fersen  la  confirmation  de  certains  faits  ou  peu  connus  ou 
éclaircis  jusqu'à  ce  jour  d'une  manière  insuffisante.  Ainsi  la  fuite  de 
Varennes,  que  l'on  a  pu  croire  amenée  par  la  scène  déplorable  du 


rÉtal  le  produit  de  l'aliénation  des  biens  immeubles  appartenant  aux  hospices, 
fabriques  et  autres  établissements  de  bienfaisance. 

1.  Faut-il  aussi  rappeler  ici  quel  était  l'état  de  rinstruction  primaire  avant  la 
grande  loi  de  1834  ?  Et  il  ne  suffit  pas  d'édicter  une  telle  loi,  il  faut  encore 
l'appliquer. 


kLfNCKOWSTROBM   :  LE  COMTE  DE  FSRSEN  BT  Là  COUR  DE  PRINCE.      467 

18  avril  1791,  était  irrévocablement  décidée  au  mois  de  février*  :  «  Tout 
ce  que  j'ai  mandé  au  roi  [de  Suède]  comme  des  idées  à  moi  sur  le 
départ  du  roi  de  France  et  de  la  reine  de  France...  est  un  plan  qui 
existe  et  auquel  on  travaille;  tout  le  monde  l'ignore,  et  il  n'y  a  que 
quatre  Français  dans  la  confidence...  »  (Lettre  du  7  mars  1791  ^.)  — 
«  LL.  MM.  se  sont  déterminées  à  faire  changer  [leur  position]  par  tous 
les  moyens  possibles  :  ayant  en  vain  employé  ceux  de  la  patience,  des 
sacrifices  de  tout  genre  et  de  la  douceur,  elles  se  sont  résolues  à  tenter 
ceux  de  la  force  ;  mais  l'Assemblée  ayant,  par  ses  opérations,  détruit  ou 
affaibli  tous  ceux  qu'elles  auraient  pu  trouver  en  France,  elles  ne  les 
croient  pas  suffisants  s'ils  ne  sont  pas  combinés  avec  des  secours  et  des 
bons  offices  des  puissances  étrangères.  LL.  MM.  sont  assurées  d'un 
parti  considérable  en  France  et  d'un  lieu  de  retraite  à  portée  de  la  froo* 
tière  du  Nord.  C'est  M.  de  Bouille  qui  dirige  tout  cela.  Elles  sont  assu- 
rées des  dispositions  favorables  et  des  secours  de  l'Empereur,  de 
l'Espagne,  de  la  Sardaigne  et  de  la  Suisse,  etc.  i  (Lettre  du  1« avril  1791  \) 
Beaucoup  de  passages  analogues  montrent  avec  la  dernière  évidence, 
et  l'horreur  que  Marie-Antoinette  avait  pour  les  émigrés  en  général, 
mais  plus  particulièrement  pour  les  princes,  et  l'entente  complète  de  la 
cour  de  France  avec  les  puissances  étrangères,  et  le  caractère  antifran- 
çais de  la  reine,  qui  ne  cessa  jamais  de  se  considérer  comme  une  Autri- 
chienne exilée  et  qui  poussa  le  roi  à  feindre  de  suivre  les  constitution- 
nels pour  mieux  les  réduire.  «  Pour  endormir  les  factieux  sur  ses 
véritables  intentions,  dit  Fersen  dans  une  lettre  au  baron  de  Breteuil, 
le  roi  aura  l'air  de  reconnaître  la  nécessité  de  se  mettre  tout  à  fait  dans 
la  Révolution,  de  se  rapprocher  d'eux  ;  il  ne  se  dirigera  que  par  leurs 
conseils  et  préviendra  sans  cesse  le  vœu  de  la  canaille^  afin  de  leur  ôter 
tout  moyen  et  tout  prétexte  d'insurrection,  et  afin  de  maintenir  la  tran- 
quillité et  leur  inspirer  la  confiance  si  nécessaire  pour  la  sortie  de 
Paris  *.  >  L'année  suivante,  Fersen  écrivait  au  roi  de  Suède  une  lettre 
chiffrée  où  se  trouvent  ces  mots  :  «  Il  a  fallu  avoir  l'air  de  se  livrer 
entièrement  à  la  marche  indiquée  par  les  constitutionnels  ;  il  a  fallu, 
pour  mieux  les  endormir,  adopter  les  démarches  proposées  par  eux,  et, 
pour  les  empêcher  de  se  réunir  aux  républicains,  il  a  fallu  avoir  l'air 
d'être  de  bonne  foi  dans  leur  parti,  d'être  dans  le  sens  de  la  Constitu- 
tion et  décidé  à  la  soutenir  et  à  marcher  uniquement  par  elle...  LL.  MM. 
ne  se  sont  jamais  fiées  aux  rebelles,  ni  aux  assurances  d'attachement 
qu'ils  n'ont  cessé  de  lui  donner...  LL.  MM.  m'ont  fait  l'honneur  de  me 
dire  qu'il  n'y  avait  que  l'extrême  nécessité  qui  ait  pu  les  déterminer  à 


1.  Tomel*',  p.  84. 

2.  Boaillé  dans  ses  mémoires  dit  même  que  la  coar  y  songeait  dès  le  mois 
d'octobre  1790.  —  Mém.,  ch.  IX. 

3.  Ibid.,  p.  89. 

4.  1  avril  1791.  Tome  I,  p.  98. 


468  coMrrBS-fts^rDiis  gutiqucs. 

l'avilissement  de  traiter  avec  d'aassi  grands  scélérats  *...  •  (Test  en  ces 
termes  que  le  roi  et  la  reine  de  France  traitaient,  devant  des  étrangers, 
les  hommes  qui  avaient  le  plus  à  cœur  de  sauver  la  monarchie,  et  leurs 
actes,  surtout  ceux  de  Marie- Antoinette,  étaient  en  harmonie  avec  leurs 
paroles.  La  reine  écrivait,  le  5  juin  1792,  à  Fersen  qui  se  trouvait  alors 
à  Bruxelles  :  «  Il  y  a  des  ordres  pour  que  Lukner  attaque  incessamment  ; 
il  s'y  oppose,  mais  le  ministère  le  veut.  Lts  troupes  manqttent  de  tout  et 
sont  dans  le  plus  grand  désordre  '.  >  Elle  pressait  les  Autrichiens  et  les 
Prussiens  d'envahir  la  France  au  plus  tôt,  et  le  manifeste  de  Bmnsvirick. 
était  en  partie  Touvrage  de  Fersen  et  le  sien'.  La  pauvre  femme  est 
fÎEU^ile  à  défendre  assurément,  car  la  vie  qu'elle  menait  à  Paris  depuis 
trois  ans  était  effroyable,  mais  ne  jugera-t-on  pas  aussi  que  la  haine  du 
peuple  et  de  l'assemblée  contre  Veto  et  contre  l'Autrichienne  qui  tra- 
hissaient la  patrie  avait  quelque  raison  d'être?  Egarés  ou  non,  les 
Français  de  1792  avaient  le  droit  de  ne  point  se  laisser  châtier  comme 
des  sujets  rebelles  par  les  puissances  étrangères,  et  tout  s'explique,  le 
20  juin  comme  le  10  août,  lorsque  l'on  voit  la  cour  faire  ainsi  cause 
commune  avec  les  envahisseurs.  De  cette  publication  ressortent  donc 
de  nouvelles  charges  contre  Marie-Antoinette  et  aussi  contre  Louis  XVI 
qui  a  provoqué  l'invasion  de  1792  et  qui  a  nié,  lors  de  son  procès,  un 
fait  d'une  si  haute  gravité.  Ce  n'est  pas  assurément  pour  conduire  ses 
lecteurs  à  de  pareilles  conclusions  que  M.  de  K.  a  publié  ces  deux 
volumes,  et  peut-être  le  chevaleresque  Fersen,  qui  avait  pour  Marie- 
Antoinette  un  dévouement  si  pariait,  disons  plus,  une  affection  si 
tendre,  n'eût-il  point  consenti  à  l'impression  de  ces  extraits.  Quoi  qu'il 
en  soit,  la  vérité  continue  à  se  faire  jour  et  la  mémoire  de  cette  famille 
infortunée  ne  gagne  pas  à  tant  de  révélations  posthumes.  On  s'aperçoit 
que  l'esprit  de  vertige  s'était  emparé  de  tout  le  monde,  mais  surtout  de 
Marie-Antoinette  :  trois  mois  après  la  mort  du  roi,  en  avril  1793,  elle 
espérait  encore  que  Dumouriez  et  les  coalisés  allaient  non  seulement 
lui  sauver  la  vie  et  la  faire  sortir  de  prison,  mais  encore  placer  son  fils 
sur  le  trône  et  la  proclamer  régente  ! 

Fersen  d'ailleurs  partageait  lui-même  la  plupart  de  ces  illusions 
funestes,  et  si  la  publication  de  ces  documents  fait  honneur  à  la  bonté 
de  son  cœur,  elle  ne  montre  pas  sous  un  jour  aussi  favorable  la  justesse 
de  son  esprit.  Comme  Louis  XVI,  le  14  juillet,  Fersen  n'a  vu  dans  la 
Révolution  française  qu'une  révolte  de  bourgeois,  et  ses  jugements  sur 


1.  21  mars  1792.  Tome  II,  p.  212.  Hfarie-Antoinette  écrivait  à  Fersen  ces  propres 
paroles  :  c  Je  crois  que  la  meilleore  manière  de  dégoûter  de  tout  ceci  est  d'avoir 
l'air  d'y  être  entier;  cela  fera  bientôt  voir  que  rien  ne  peut  aller....  Fias  noas 
avancerons  et  plus  ces  gaenx-ci  sentiront  lears  malhears  ;  peut-être  en  vien- 
dront-ils à  désirer  eux-mêmes  les  étrangers...  »  I,  192. 

2.  Tome  II,  289. 

3.  Ilnd.,  332,  337,  338. 


VICHEROT  :    FRAGMENTS   LITT^RilRES   DE   P.    F.    DUBOIS.  469 

les  hommes  et  sur  les  choses  sont  le  plus  souvent  d*unc  inconcevahle 
fausseté.  Il  dit  (t.  I,  p.  79)  que  Neckor  a  fait  le  malheur  de  la  France 
et  trahi  le  roi  ;  il  appelle  La  Fayette  un  pauvre  scélérat  qui  heureuse- 
ment ne  sait  Tétre  qu'à  demi,  et  il  Taccusc  de  trembler  aisément  (ibid. 
p.  80)  ;  il  déchire  la  réputation  de  M"»«  de  Staél  avec  un  véritable 
acharnement,  etc.  ;  en  un  mot,  il  parle  de  la  Révolution  française 
comme  aurait  pu  le  faire  un  Galonné  ou  un  comte  d*Artois. 

Mais  il  ne  serait  pas  juste  d'insister  plus  longuement,  car  c'est  aux 
érudits  qui  emploient  les  documents  de  celte  nature  à  faire  la  part  des 
exagérations  ou  des  erreurs  et  à  se  mettre  en  garde  contre  les  écarts  où 
la  passion  peut  jeter  un  témoin  qui  dépose.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai 
que  la  publication  de  ces  deux  volumes  est  du  plus  haut  intérêt  et  que 
M.  de  K.  a  droit  à  notre  reconnaissance.  Il  s'est  proposé  surtout  d'éle- 
ver un  monument  impérissable  à  la  mémoire  de  son  grand-oncle,  mais 
en  même  temps  il  a  rendu  aux  études'  historiques  un  service  signalé. 
Complets  ou  non,  ces  extraits  sont  précieux,  et  c'est  une  bonne  fortune 
pour  l'historien  de  trouver  parmi  d'autres  pièces  importantes  toute  une 
correspondance  secrète  entre  la  reine  Marie-Antoinette  et  l'homme  qui 
avait  si  parfaitement  sa  confiance,  qui  payait  si  généreusement  la  dette 
qu'il  avait  contractée  en  se  laissant  porter  sur  le  fameux  Livre  roug$. 

A.  Gazier. 


Fragments  littéraires  de  M.  P.  F.  Dubois  (de  la  Loire-Inférieure). 
Articles  extraits  du  Globe ^  précédés  d'une  notice  biographique  par 
E.  Vacherot,  de  l'Institut,  et  accompagnés  d'éclaircissements  his- 
toriques. Paris,  Thorin,  4879.  2  vol.  in-8*.  1,  cxxtiii  et  427  p., 
II,  459  p. 

Le  journal  le  Globe  tient,  comme  on  sait,  une  place  importante  dans 
l'histoire  de  la  Restauration.  La  publication  des  principaux  articles 
faits  par  celui  qui  a  fondé,  organisé,  dirigé,  inspiré  le  journal,  est  des 
plus  intéressantes.  Les  témoignages  d'un  contemporain  sont  toujours 
précieux  par  eux-mômes  ;  mais  iU  augmentent  singulièrement  de  valeur 
quand  le  témoin  était  un  esprit  aus.si  ferme,  aussi  élevé,  aussi  péné- 
trant que  l'était  Dubois. 

Paul-François  Dubois  était  né  à  liennes  le  2  juin  1793;  après  avoir 
fait  ses  études  au  collège  de  Rennes,  il  entra  à  l'École  normale  on 
18l"2,  et  il  resta  dans  l'enseignement  jusqu'en  1821,  où  Gorbière, 
président  du  Gonseil  de  l'instruction  publique ,  le  mit  en  congé 
de  non-activité  avec  suspension  de  traitement  pendant  cinq  ans. 
Dubois  s'afBlia  à  la  Gharbonnerie  et  fut  délégué  des  ventes  cen- 
trales de  l'Ouest  au  congrès  général  de  la  société*.  On  sait  que  le 

1.  M.  Duvergier  de  Haunime,  en  parlant  de  la  fondation  dn  Globe  {BisMre 
du  gouvememetU  parlementaire  en  France^  VIII,  144),  rapporte  ce  fait,  d'aprè» 


470  GOMPTES-REÏtrOUS  CRITIQUES. 

succès  de  la  guerre  d'Espagne  et  raffermissement  qui  en  résulta  pour 
le  gouvernement  de  la  Restauration,  contribua  à  détourner  la  jeunesse 
de  la  voie  des  conspirations  pour  l'engager  dans  la  lutte  à  ciel  ouvert 
sur  le  terrain  de  la  légalité.  Des  gens  qui  avaient  risqué  leur  tète  ne 
furent  pas  empêchés  pour  résister  à  l'arbitraire  d'un  ministre  ou  d'un 
préfet.  Dubois  fonda,  en  1824,  le  Globe,  d*abord  comme  journal  exclu- 
sivement philosophique  et  littéraire,  la  loi  de  1822  exigeant  l'autorisa- 
tion royale  pour  la  fondation  d'un  journal  politique.  Le  premier 
numéro  du  Globe  parut  le  15  septembre  1824.  Dubois  a  exposé  ainsi  le 
plan  qu'il  avait  conçu  (II,  24)  :  «  Lorsque  le  Globe  commença  de 
paraître,  le  public  était  habitué  à  des  feuilles  légères  remplies  de  mille 
petits  articles  malins  et  où  les  discussions  sérieuses  et  un  peu  étendues 
n'étaient  pas  de  mise.  Nous  avions  conçu  un  tout  autre  plan  :  nous 
voulions  amener  à  des  études  sévères  et  réfléchies;  nous  voulions 
poursuivre  le  développement  du  principe  de  liberté  dans  les  arts,  dans 
la  littérature,  dans  la  philosophie,  comme  dans  la  politique;  nous  vou- 
lions offrir  aux  générations  dont  nous  faisons  partie,  non  pas  un 
exemple  (à  Dieu  ne  plaise  que  nous  ayons  cet  orgueil  I),  mais  une  expres- 
sion fidèle  de  quelques-uns  des  traits  de  leur  caractère;  nous  aspirions, 
enfin,  à  mettre  sous  les  yeux  de  la  jeunesse,  si  vive,  si  dévouée,  de  nos 
départements,  le  tableau  des  travaux  patients  et  de  l'énergie  modérée 
de  la  jeunesse  de  la  capitale.  Pour  arriver  à  ce  but,  il  fallait  être  ce  que 
nous  étions,  c.-à-d.  graves,  prenant  toujours  les  choses  par  le  c6té  utile, 
cherchant  de  toutes  parts  l'instruction,  réunissant  des  faits,  essayant 
des  théories,  combattant  avec  ardeur  les  préjugés  que  nous  n'avions 
pas.  »  La  loi  du  18  juillet  1828  n'imposait  plus  que  le  cautionnement  et 
quelques  autres  formalités  à  l'établissement  d'un  journal  politique.  Le 
16  août  1828,  le  Globe  acquit  le  droit  d'aborder  la  discussion  des  ques- 
tions politiques  et  des  actes  du  gouvernement.  Le  15  janvier  1830,  il 
devint  grand  journal  quotidien.  La  révolution  de  juillet  dispersa  la 
rédaction,  qui  entra  dans  le  gouvernement  et  dans  l'administration,  et 
le  Globe  passa  aux  Saint-Simoniens  le  14  août  1830  ^  Dubois  continua  à 
soutenir  à  la  Chambre  des  députés,  où  il  représentait  le  premier  arron- 
dissement de  Nantes  ^,  et  dans  l'Université  où  il  fut  d'abord  inspecteur 

des  reoseignemaits  fournis  par  Dubois  lui-même.  Dubois  racootait  qu*il  avait 
mis  le  général  Berton  en  diligence  pour  Saumur  et  lui  avait  prédit  le  sort  qui 
Tattendait.  C'est  à  sa  prudence  et  à  sa  dainroyance  que  beaucoup  de  membres 
des  ventes  de  l'Ouest  ont  dû  leur  salut. 

I.  La  notice  historique  sur  le  Gioàe  (I,  lxxxi  et  suiv.)  n'indique  pas  arec 
précision  quand  le  Globe  est  devenu  saint-sîmonien.  Le  numéro  du  14  août  1830 
est  le  dernier  qui  porte  la  signature  :  P.  Dubois,  gérant.  Le  numéro  du  lende- 
main, 15,  est  signé  :  P.  Leroox,  Kénni,  et  contient  un  article  intitulé  :  Caroctères 
de  la  ré^*'*^'^  «nnoette»  et  **'<*.  fwonnan  les  doctrines  et  le  langage  de  Técole 
saint-«i>-  -  -  Un  jr*"^       *iilw  d'allusions  répandues  dans  les  articles  de 

Dubi*-  -""^  ■■11—. 

9  -ifii^  prindpalenenl  de  petits  commerçants. 


ViCHE&OT  :    FBIGMENTS   LlTT^EiiaES   DB   P.    F.    DUBOIS.  474 

général,  puis  conseiller  de  l'Université  et  directeur  de  TËcole  normale, 
les  principes  de  liberté  sage  et  réglée  qu'il  avait  toujours  défendus.  La 
révolution  de  1848  le  retira  de  la  politique,  le  coup  d'état  du  2  décembre 
l'enleva  à  l'Université.  II  est  mort  le  16  juin  1874.  L'âge  ne  l'avait 
rendu  ni  inerte,  ni  indifférent,  ni  peureux;  il  garda  jusqu'à  la  fin 
l'esprit  actif,  ouvert,  courageusement  libéral*. 

Le  Globe  ne  fut  journal  politique  que  dans  le  dernier  tiers  de  son 
existence.  C'est  de  1824  à  1828  qu'il  eut  son  vrai  caractère  et  qu'il 
exerça  son  action.  L'inintelligente  législation  del822,  en  ne  permettant 
qu'aucun  journal  politique  nouveau  pût  s'établir  à  côté  d'un  petit 
nombre  de  journaux  anciennement  établis,  laissait  la  liberté  à  la  dis- 
cussion des  questions  littéraires,  morales  et  philosophiques;  en  d'autres 
termes,  elle  laissait  libre  de  discuter  la  question  religieuse,  qui  était 
alors  le  fond  de  la  politique.  «  Dés  le  lendemain  de  l'ordonnance  du 
5  septembre,  »  disait  Dubois  en  1830  (II,  369),  •  il  s'est  formé  à  côté 
du  pouvoir  une  ligue  qui  se  vante  d'être  appuyée  de  l'héritier  du  trône 
et  oppose  son  nom  au  nom  du  roi.  Moitié  religieuse  et  moitié  politique, 
dirigée  par  des  prélats  et  des  hommes  d'Ëtat,  parmi  lesquels  se  distingue 
un  grand  génie  qui  prêche  de  bonne  foi  la  liberté  au  milieu  d'hypo- 
crites qui  veulent  Tétoufifer,  cette  ligue  publie  des  journaux,  tonne  dans 
les  chaires,  organise  des  bandes.  Le  clergé,  jusque-là  acteur  secondaire, 
parait  sur  le  premier  plan.  Son  esprit  d'unité,  de  hiérarchie,  d'associa- 
tions jésuitiques,  passe  dans  le  parti  royaliste,  qui  reprend  ses  habi- 
tudes de  conspiration,  ses  œuvres  et  ses  cercles  de  com^spondance, 
comme  au  temps  de  l'émigration.  Des  sociétés  secrètes  à  mille  titres 
divers,  mais  toutes  rattachées  à  un  môme  centre,  qu'audacieusement 
on  nomme  le  pavillon  Marsan,  Us  Bannerets,  les  Francs  régénérés, 
enlacent  la  France  comme  d'un  réseau.  >  La  prédication  religieuse 

Dubois  avait  conservé  de  tes  rapports  avec  ses  électeurs  un  souvenir  plein 
d'estime  pour  leur  modération,  leur  sagesse,  leur  libéralisme,  leur  esprit  politique. 
Le  cens,  qui  avait  donné  dans  les  petites  villes  et  les  campagnes  un  corps  élec- 
toral profondément  égoïste,  insouciant  de  l'intérêt  public,  accessible  à  la  corrup- 
tion administrative,  avait  eu  Tinfluence  la  plus  heureuse  dans  les  grandes  villes. 
Malheureusement  le  gouvernement  s'entendait  mieux  avec  les  électeurs  des 
campagnes. 

1.  La  notice  biographique  de  M.  Vacberot  présente  un  portrait  fidèle  et  vivant 
de  Dubois.  Les  indications  de  faits  ne  sont  pas  toujours  assez  précises.  Ainsi  il 
ne  suffit  pas  de  dire  aujourd'hui  (p.  xlv)  qu'  «  un  jour,  dans  la  vivacité  de  la 
lutte,  il  fut  frappé  de  suspension  par  un  ministre  irrité  du  1 1  octobre.  >  Il  faut 
absolument  apprendre  aux  générations  de  notre  temps  que,  le  6  mars  1833,  le 
lendemain  d'une  séance  où  Dubois  avait  réclamé  très  vivement  contre  les  pen- 
sions maintenues  à  ceux  qui  avaient  servi  dans  les  rangs  des  émigrés  et  des 
Vendéens,  Guizot  fit  insérer  au  Moniteur  un  avis  portant  que  c  par  arrêté  de 
M.  le  ministre  de  l'instruction  publique,  M.  Dubois  (de  la  Loire-Inférieure)  a 
r>essé  d'exercer  les  fonctions  d'inspecteur  général  de  l'instruction  publique.  • 
Guizot  rend  compte  de  cette  affaire  dans  ses  Mémoire$,  III,  197  et  w\w.  Il 
n'était  pas  irrité,  il  céda  aux  passions  de  la  majorité. 


472  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

élait  politique.  Dubois  écrivait  le  25  mars  1826,  à  propos  des  sermons 
du  jubilé  (I,  155)  :  «  Que  nous  soyons  au  pied  de  la  chaire  de  Saint- 
Sulpice  ou  de  Saint-Thomas-d'Aquin,  à  Notre-Dame  ou  au  château, 
dans  la  chapelle  royale...  partout  nous  retrouvons  le  même  langage  : 
M.  Guyon  et  M.  Fayet,  M.  de  Hauzan  et  M.  Mac-Garthy  n'ont  qu'une 
voix  :  c'est  toujours  la  Révolution  et  la  liberté  qu'ils  mettent  en  cause, 
nulle  part  la  religion  ne  vient  qu'en  seconde  ligne,  i 

Nul  n'était  mieux  préparé  que  Dubois  à  la  discussion  des  questions 
religieuses  par  son  origine  bretonne  et  provinciale  et  par  les  tendances 
naturelles  de  son  esprit.  Son  enfance  avait  été  élevée  dans  une  province 
profondément  pieuse.  Il  sentait  combien  la  dévotion  de  1826  était  loin 
de  R  la  religion  qui  nous  fut  enseignée  par  nos  mères  et  par  nos  pas- 
teurs revenus  de  l'exil.  Les  prêtres  de  l'empire*,  tout  en  rendant  à 
César  plus  qu'il  n'appartenait  à  César,  avaient  du  moins  élevé  notre 
enfance  dans  des  pensées  chrétiennes  ;  ils  ne  nous  façonnaient  pas  à 
cette  piété  théâtrale  qui  meurt  aussitôt  après  la  représentation  et  qui 
ne  laisse  qu'un  amer  dédain  après  un  fol  enthousiasme.  Quelque  chose 
de  grave  et  de  sérieux  nous  est  resté  dans  Tàme;  et  même  émancipés 
de  sa  tutelle,  la  foi  de  nos  jeunes  années  est  chère  à  nos  souvenirs  > 
(I,  154).  Dubois  rendait  justice  au  clergé  de  la  Restauration.  Il  trouvait 
(I,  66)  qu'on  était  «  beaucoup  trop  disposé  à  accuser  les  prêtres  de 
mauvaise  foi.  Les  esprits  forts  ne  peuvent-ils  donc  concevoir  qu'on 
croie  ce  qu'ils  ne  croient  pas  ?  Il  s'en  faut  cependant  qu'ils  aient  donné 
à  leurs  objections  contre  le  christianisme  cette  évidence  entraînante 
qui  ne  laisse  plus  de  place  au  doute;  et  quand  même  ils  y  parvien- 
draient, il  resterait  au  moins  permis  de  se  tromper.  Malgré  la  faveur 
que  plusieurs  circonstances  promettent  à  l'état  ecclésiastique,  nos 
mœurs  répugnent  tellement  à  cette  profession  qu'elle  n'est  pas  commu- 
nément embrassée,  surtout  dans  les  classes  de  la  société  qui  ont  reçu 
de  1  éducation...  Ardent  sur  des  intérêts  qu'il  prend  pour  des  devoirs, 
le  clei^  est  peut-être  tiède  sur  le  dogme,  mais  il  est  croj-ant;  sa  con- 
duite le  prouve,  elle  est  encore  régulière  ;  ses  mœurs  sont  encore  pures  : 
le  malheur  est  qu'il  manque  de  lumières  et  d'élévation.  La  littérature 
ecclésiastique  en  fait  foi  :  quelle  déplorable  absence  de  talent,  d'esprit, 
d'instruction!  A  l'exception  de  M.  l'abbé  de  La  Mennais,  dont  l'exces- 
sive orthodoxie  a  produit  une  espèce  de  schisme,  où  irouverez-vous 
ailleurs  des  esprits  plus  communs  et  plus  superficiels?  Aucun  bon  livre 

1 .  Ce  que  Dubois  dit  (I.  145)  du  recrutefuent  du  clergé  de  Fempire  est  curieux  : 
t  Où  se  recrute  U  milice  sacerdotale  dispersée,  détruite  par  l'orage  ?  Dans  les 
derniers  rangs  de  la  société.  Ce  sont  des  fils  de  paysans  que  la  peur  de  la  mort 
et  le  défaut  d'ambition  précipitent  dans  un  état  dont  ils  ne  conçoivent  ni  U 
dignité  ni  la  haute  mission.  Quelles  études^  les  y  prépaient  ?  une  ou  deux  années 
d'instruction  kiàtive,  la  lecture  du  bréviaire  et  leur  catéchisme  à  peine  expUqfué. 
Véritables  conscrits  armés  en  courant,  ils  revéient  Tèlote  sacrée  ;  et  le  premier 
peuple  du  monde  reçoit,  pour  lui  enseigner  ses  deroirs  et  sa  morale^  des  komme» 
à  peine  capables  de  se  conduire  eui-mémes.  » 


VACUBROT  :    FaiGMB.TTS   LITTERAIRES   DR   P.    F.    DOBOIS.  473 

de  morale,  aucun  traité  de  théologie,  aucune  recherche  philosophique 
de  quelque  mérite  n'est  sortie  depuis  bien  longtemps  des  mains  d'un 
prêtre.  On  a  cité  quelques  sermons;  mais  aucun  jusqu'ici  n'a  pu  sup- 
porter répreuve  de  l'impression.  L'Église  de  France  est  tombée  dans 
une  telle  pénurie  d'écrivains ,  qu'elle  en  est  venue  à  saluer  comme  un 
de  ses  défenseurs,  presque  comme  un  père  do  l'Église,  l'illustre  auteur 
(TAtala  et  des  Martyrs.  »  Dubois  discernait  d'ailleurs  très  bien  le 
caractère  de  nouveauté  des  doctrines  de  De  Maistre,  La  Mennais  et 
de  leur  école;  il  voyait  (I,  iOO)  que  «  les  de  Maistre  et  les  La  Mennais 
bouleversaient  toutes  les  idées  qu'on  se  faisait  jadis  en  France  du 
catholicisme...  »  c  C'est  un  nouveau  catholicisme  »,  dit-il  ailleurs  (I, 
102),  d  qui  aspire  à  gouverner  le  xix*  siècle,  ou  plutôt  c'est  le  xix*  s. 
qui  se  fait  voir  dans  le  catholicisme,  comme  tous  les  siècles  s'y  sont 
introduits  successivement  avec  leur  savoir  ou  leur  ignorance,  avec 
leurs  vertus  ou  leurs  vices  et  leurs  diverses  inclinations  politiques.  » 

11  prévoyait   l'avenir  qui  attendait  le  néo-catholicisme;  il  écrivait  le 

12  février  1825  (I,  61)  :  «  La  guerre  pour  nous  n'est  pas  à  faire  sur  le 
terrain  de  la  politique  et  de  nos  chambres  législatives,  où  deux  géné- 
rations presque  épuisées  sont  en  présence  :  une  milice  tout  aussi  vive 
que  nous  sort  des  séminaires  et  des  associations  mystiques  avec  les 
livres  de  la  Législation  primitive,  du  Pape  et  de  V Indifférence,  pour  évan- 
gile et  pour  code;  elle  infecte  de  ses  doctrines  nos  collèges  et  nos  écoles 
élémentaires  et  cherche  à  faire  germer  son  fanatisme  dans  le  cœur  de 
l'enfance.  Encore  deux  ou  trois  ans,  nous  posséderons  tous  dans  la 
société  droits  et  rang.  > 

Il  appréciait  avec  exactitude  l'état  des  esprits  en  ce  qui  touchait  la 
religion  (I,  102)  :  •  Si  le  siècle  repousse  les  opinions  du  siècle  dernier, 
il  n'a  point  d'affection  pour  ce  qui  est  plus  vieux  encore;  il  doute,  et 
dans  le  doute,  sa  religion  est  la  liberté;  parce  que  c'est  le  seul  dogme 
qui  permette  à  chacun  de  8ui\Te  ce  qui  lui  plaît  aujourd'hui,  de  le 
rejeter  demain.  »  Il  repré.<;entait  combien  les  conditions  de  la  propaga- 
tion des  idées  étaient  changées  (I,  165)  :  c  Une  arme  à  l'épreuve  des 
condamnations  et  des  mesures  de  la  loi  est  aujourd'hui  entre  les  mains 
de  toutes  les  sectes  :  la  presse  vient,  dans  le  sanctuaire  le  plus  sacré 
des  familles,  apporter  des  doutes,  des  systèmes  ;  elle  fait,  elle  fera, 
quoi  qu'on  essaie,  à  toutes  les  heures  de  la  journée,  ce  que  la  prédica- 
tion des  religieux  et  des  philosophes  pouvait  à  peine  faire  à  de  longs 
inter>'allcs.  Du  fond  de  son  cabinet  un  homme  communique  avec  des 
millions  d'hommes;  et  tous  voulez  une  foi  commune!  vous  ne  sentez 
pas  que  tout  au  plus  il  vous  reste  la  puissance  de  graduer  les  transi- 
tions de  la  domination  d'une  croyance  à  la  liberté  de  toutes!  » 

De  cet  état  de  choses  Dubois  tirait  hardiment  la  conséquence,  c'est 
que  (I,  98)  c  ce  qu'il  importe  d'enseiguér  à  la  France,  ce  n'est  point  un 
dogme,  une  forme  religieuse  quelconque...  C'est  de  lui  apprendre  le 
respect  de  tous  les  dogmes  et  de  toutes  les  formes  ;  c'est  de  constater  le 
droit  qu'ont  toutes  les  croyances,  négatives  ou   positives,   de   vivre 


474  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

ensemble  et  égales  sous  la  protection  de  la  même  loi.  Réclamer,  comme 
le  font  quelques  journaux,  l'exécution  des  arrêts  parlementaires  contre 
les  Jésuites,  c'est  se  rendre  coupable  de  jésuitisme.  »  Cette  liberté,  il 
la  voulait  entière  (I,  336)  :  c  la  liberté  des  cultes  entraine  nécessai- 
rement la  liberté  de  ne  professer  aucun  culte.  »  (II,  144)  :  c  Pourvu 
qu'il  n'y  ait  pas  provocation  directe  à  la  révolte,  à  la  destruction  de 
Tordre  établi,  ou  atteinte  aux  mœurs,  les  doctrines  du  jésuitisme  ne 
peuvent  pas  plus  être  condamnées  que  les  systèmes  d'Helvétius  et 
de  Spinosa,  de  Cabanis  et  des  physiologistes  modernes,  du  socinien  ou 
du  déiste  pur.  » 

Dubois  n'entendait  pas  d'ailleurs  que  les  jésuites  fussent  soustraits  à 
la  loi  commune.  Quand  ils  se  plaignaient  des  ordonnances  de  1828  sur 
les  petits  séminaires  et  les  écoles  secondaires  ecclésiastiques,  et  récla- 
maient la  liberté  d'enseignement  contre  le  monopole  universitaire, 
Dubois  leur  rappelait  (II,  157)  les  persécutions  infligées  à  TUniversité, 
c  quatorze  ans  de  dénonciations,  d'intrigues  tour  à  tour  patelines  ou 
violentes,  de  corruption  des  doctrines  et  de  destruction  des  méthodes. 
D'abord  tous  les  anciens  recteurs  d'Académie  chassés,  presque  tous 
remplacés  par  des  prêtres  ;  les  trois  quarts  des  provisorats  de  collèges 
royaux,  toutes  les  principautés  de  collèges  communaux,  occupés  par 
des  prêtres  ;  tous  les  professeurs  indépendants,  ou  non,  afâhés  aux  con- 
grégations, chassés  de  leurs  chaires;  l'École  normale  détruite;  ses 
élèves  poursuivis  dans  toutes  les  directions  ;  le  haut  enseignement  de 
la  capitale  éteint  ;  toutes  les  facultés  des  lettres  et  des  sciences  dans  les 
provinces,  ou  fermées  ou  réduites  à  des  leçons  insignifiantes  ;  les  chaires 
d'histoire  supprimées;  l'enseignement  de  la  philosophie  ramené  à  une 
théologie  en  latin  barbare;  les  élections  du  Collège  de  France  violen- 
tées ou  foulées  aux  pieds  avec  mépris;  l'École  de  médecine  désorga- 
nisée et  recomposée  selon  le  vœu  de  la  faction;  enfin  l'instruction 
primaire  partout  étouffée,  ou  livrée  aux  ignorantins  ;  ajoutez  la  dilapi- 
dation des  fonds  universitaires,  le  scandale  de  pensions  accordées  à  des 
hommes  étourdiment  placés ,  et  que  le  désordre  de  leur  administration 
forçait  à  chasser;  la  demi-solde  de  deux  ou  trois  professeurs  sans 
emploi  autour  d'une  chaire;  la  multiplication  des  sinécures  du  Conseil 
royal,  pour  y  faire  entrer  des  ecclésiastiques;  enfin  la  dispensation 
arbitraire  de  l'impôt  en  faveur  des  établissements  des  Jésuites,  et  par 
conséquent  l'épuisement  des  ressources  des  collèges  royaux;  voilà  ce 
que  nous  avons  vu  pendant  quatorze  ans.  •  Dubois  n'en  combattait  pas 
moins  comme  inutile  et  comme  inconstitutionnelle  (II,  259)  la 
mesure  qui  imposait  à  tous  les  membres  du  corps  enseignant,  prêtres 
et  laïques,  le  serment  de  non-affiliation  à  une  corporation  religieuse 
non  reconnue. 

Les  éditeurs,  ne  pouvant  distinguer  avec  certitude  ce  qui  appartenait 
à  Dubois  dans  lo  journal  devenu  quotidien,  n'ont  extrait  que  l'article 
inséré  le  15  février  1830,  sous  le  titre  :  la  France  et  les  Bourbons,  qui  fit 
condamner  lautcur  par  le  tribunal  de  police  correctionnelle  (6*  chambre) 


BOBB&T   :    IXTEHTIIRB  DBS   BIBLIOTHÈQUES   DE   PBiFfCE.  475 

à  quatre  mois  d'emprisonnement  et  2,000  fr.  d'amende.  Le  gouverne- 
ment vit  une  menace  plutôt  qu'un  avertissement  loyal  dans  ce  tableau 
rapide,  où  l'histoire  de  la  Restauration  est  retracée  à  grands  traits  et  en 
traits  saisissants  de  vérité.  Toute  la  polémique  de  Dubois  est  déjà  de 
l'histoire,  et  montre  avec  évidence  que,  s'il  faut  être  contemporain  des 
faits  pour  bien  les  connaître,  il  n'est  pas  nécessaire  d'appartenir  à  la 
postérité  pour  les  bien  juger.  Le  temps  ne  donne  pas  l'impartialité  à 
qui  la  nature  l'a  refusée. 


Invaiitaire  sommaire  des  mannscrits  des  bibliothèqaas  de 
France  dont  les  eatalogaes  n^ont  pas  été  imprimés,  publié 
par  Ulysse  Robebt.  Premier  fascicule  :  Agen,  Aire,  Aix,  Ajaccio, 
Alençon,  Alger,  Arbois,  Argentan,  Arles,  Arsenal  (Paris).  A  Paris, 
chez  Picard,  libraire.  4879.  xxxvi  et  428  p.  in-8''. 

L'utilité  de  la  publication  entreprise  par  M.  Ulysse  Robert  n'a  pas 
besoin  d'être  démontrée,  elle  est,  on  peut  le  dire,  criante.  Donner  des 
inventaires  sommaires,  exacts  et  complets,  des  richesses  manuscrites 
dispersées  sur  le  sol  de  la  France  et  de  ses  colonies,  dont  aucun  cata- 
logue n'a  encore  signalé  l'importance  ou  même  constaté  l'existence, 
n'est-ce  pas  le  meilleur  service  que  puisse  rendre  à  la  science  un  érudit 
voué  aux  études  bibliographiques  ?  A  ceux  qui  en  douteraient  nous 
n'avons  qu'à  recommander  la  lecture  des  pages  préliminaires  du  livre 
que  nous  annonçons  :  les  faits  fort  tristes  qui  y  sont  révélés  leur 
démontreront  l'urgence  d'une  telle  entreprise;  car  il  faut  bien  l'a  vouer, 
il  ne  s'agit  pas  ici  seulement  de  mettre  à  la  portée  de  tous  la  descrip- 
tion de  grandes  collections  de  documents  historiques  et  littéraires,  il 
s'agit,  hélas!  avant  tout  de  préserver,  en  les  révélant,  des  trésors 
exposés  tous  les  jours  à  la  rapacité  ou  à  Tincurie  de  beaucoup  d'admi- 
nistrations municipales. 

A  plusieurs  reprises,  et  dès  l'année  1834,  le  ministère  de  l'Instruction 
publique  s'est  occupé  d'assurer  la  bonne  conservation  des  manuscrits 
existant  dans  les  villes  des  départements  en  réclamant  des  bibliothé- 
caires les  inventaires  de  leurs  dépôts,  t  Sauf  quelques  exceptions,  fort 
regrettables,  nous  dit  M.  Robert,  parce  qu'elles  portent  sur  des  fonds 
très  importants,  les  instructions  ministérielles  ont  été  rigoureusement 
exécutées  ;  il  a  été  envoyé  au  ministère  de  l'Instruction  publique  une 
collection  considérable  de  catalogues  d'imprimés  et  de  manuscrits  qui 
témoignent  du  dévouement  et  du  zèle  des  conservateurs  des  biblio- 
thèques. • 

Malheureusement  l'administration  n'a  pas  su  tirer  le  parti  qu'il  fal- 
lait des  matériaux  qui  lui  avaient  été  remis,  c  Pour  des  raisons  diverses 
que  nous  n'avons  pas  à  apprécier,  continue  M.  Robert,  les  catalogues 
de  manuscrits  n'ont  pas  été  publiés,  de  sorte  que  les  mesures  si  intel- 


476  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

iigentes  qui  avaient  été  prises  pour  mettre  les  collections  manuscrites 
à  Tabri  de  spoliations  coupables,  sont  demeurées  tout  à  fait  inefficaces. 
Aussi  a-t-on  pu  voir  des  bibliothèques  dilapidées  avec  autant  d'audace 
que  d'impunité.  A  Gluny,  par  exemple,  après  les  prélèvements  faits  au 
moment  de  la  Révolution  au  profit  d'autres  bibliothèques,  il  restait 
encore  295  manuscrits,  comme  on  peut  en  juger  par  l'inventaire  dressé 
le  l<w  fructidor  an  IX.  Lorsque  Buchon  fut  chargé  d'inspecter  les  biblio- 
thèques de  l'est  et  du  centre,  vers  1830,  le  nombre  de  ces  manuscrits 
devait  déjà  avoir  diminué  et  n'être  pas  supérieur  à  250.  La  bibliothèque 
et  les  archives  de  l'ancienne  abbaye  étaient  pillées  en  détail  par  les 
élèves  et  les  professeurs  du  collège  établi  dans  les  bâtiments  conven- 
tuels. On  cite  entre  autres  un  professeur  qui  faisait  en  grand  le  com- 
merce de  la  librairie  et  qui  se  créa,  en  vendant  des  livres  et  des  manus- 
crits, une  véritable  aisance  I  Des  ventes  de  livres  provenant  de  la 
bibliothèque  se  faisaient  par  les  soins  de  l'administration  municipale, 
et  il  ne  se  trouvait  personne  pour  protester  contre  de  pareils  abus  ! 
Aussi  un  état  publié  dans  le  Journal  de  VInstruction  publique  du 
15  novembre  1854  ne  donne-t-il  plus  à  Gluny  que  132  manuscrits. 

c  A  Castres,  il  reste  deux  manuscrits;  au  commencement  de  ce  siècle, 
il  y  en  avait  plus  de  cent.  Ce  qui  est  arrivé  à  Cluny  et  à  Castres  a  pu 
arriver  ailleurs,  dans  des  proportions  moins  vastes  sans  doute  ;  mais 
ces  détournements,  qui  n'ont  même  pas  été  faits  au  profit  d'autres 
bibliothèques  publiques,  eussent  pu  être  facilement  évités,  s'il  eût  été 
dressé  et  publié  une  simple  liste  sommaire  des  manuscrits  existant 
dans  chaque  bibliothèque  dont  il  n'y  a  pas  de  catalogue  imprimé.  Ce 
que  l'administration  aurait  dû  faire  alors,  à  défaut  des  municipalités  à 
qui  incombe  réellement  cette  obligation,  nous  estimons  qu'il  est  urgent 
de  l'entreprendre  pour  empêcher,  autant  que  possible,  le  retour  de 
pareilles  .déprédations.  > 

M.  Robert,  qui  a  pu  disposer  des  archives  du  ministère  et  qui  a 
obtenu  de  divers  bibliothécaires  et  érudits  d'utiles  communications, 
nous  offre  dans  ce  premier  fascicule  les  inventaires  des  bibliothèques 
suivantes  :  Agen  (21  numéros  ;  communication  de  M.  Tholin,  archi- 
viste de  Lot-et-Garonne)  ;  Aire  (4  numéros)  ;  Aix  (972  numéros;  ;  Ajac- 
cio  (145  numéros;  communication  de  M.  Touranjon,  bibliothécaire); 
Alençon  (177  numéros  ;  beaucoup  de  manuscrits  anciens  :  communica- 
tions de  M.  Daulne  et  L.  Delisle)  ;  Alger  (1446  numéros,  en  arabe  : 
communication  de  M.  Maupas,  conservateur-adjoint  de  la  bibliothèque- 
musée  d'Alger)  ;  Arbois  (35  numéros  :  communication  de  M.  Jacque- 
nod,  conservateur  de  la  bibliothèque)  ;  Argentan  (1  numéro)  ;  Arles 
(105  manuscrits  :  communication  de  M.  Gibert)  ;  Arsenal  de  Paris.  Ce 
dernier  inventaire,  qui  occupe  ici  les  pp.  66  à  128,  c'est-à-dire  la  moi- 
tié environ  du  fascicule,  n'est  pas  encore  terminé  :  nous  nous  réservons 
d'en  parler  plus  tard,  mais  nous  ne  pouvons  moins  faire  que  de  trans- 
crire ici  une  note  annexée  au  présent  fascicule  et  qui  vise  les  mentions 


ROBERT   :    IIYTEIfTAIRB   DBS   BIBLIOTHÈQUES   DE   FRANCE.  477 

manque,  qu'il  a  fallu  inscrire  en  regard  de  bien  des  numéros  de  cet 
inventaire  : 

c  La  bibliothèque  de  TArsenal  tient  rigoureusement  note  des  numé- 
ros manquant  sur  les  rayons.  Pour  ce  qui  regarde  les  manuscrits,  les 
dates  approximatives  de  disparition,  généralement  anciennes,  seront 
données  dans  un  état  spécial  publié  dans  notre  second  fascicule  à  la  fin 
de  cet  inventaire,  i  C'est  le  cas  de  dire  :  avis  à  qui  de  droit. 

Terminons  en  félicitant  le  savant  directeur  du  Cabinet  historique  de 
son  utile  et  courageuse  entreprise.  Puisse-t-il  être  soutenu,  dans  le  long 
travail  qu'il  a  entrepris,  à  la  fois  par  la  faveur  du  public  érudit  et  par 
le  zèie  de  ses  collaborateurs,  les  bibliothécaires  des  villes  des  dépar- 
tements ! 

A.  M.-F. 


478  EBCUEILS  PBRIODIQUBS. 


RECUEILS  PÉRIODIQUES  ET  SOCIÉTÉS  SAVANTES. 


I.  — Revue  des  Questione  historiques.  !•' octobre.  —  YroouROux. 
L'invasion  de  Sennachérib  et  les  derniers  jours  du  royaume  de  Juda.  — 
Gallery.  Origines  de  l'impôt  royal,  et  des  États  généraux  et  provin- 
ciaux sous  Tancienne  monarchie  (art.  important;  suivant  l'auteur,  il 
n'y  a  pas  eu,  avant  la  seconde  moitié  du  xiv*  s.,  d'impôts  royaux  pro- 
prement dits.  Au  XIII'  s.,  commence  à  s'introduire  l'usage  de  plus  en 
plus  répandu,  de  substituer  un  paiement  en  argent,  dit  at^lium,  sub^ 
sidium,  exercitus,  finacio,  ayde  de  Vost,  au  service  militaire  personnel 
dû  par  le  seigneur  à  son  vassal;  cette  indemnité,  perçue  d'abord  à 
titre  d'amende,  Test  ensuite,  et  surtout  depuis  Philippe  III,  à  titre  de 
redevance  régulièrement  levée  en  temps  de  guerre.  La  royauté  avait 
intérêt  à  cette  substitution,  qui  lui  fournissait,  de  son  côté,  l'argent 
nécessaire  à  l'entretien  de  troupes  permanentes,  au  lieu  des  contingents 
féodaux.  Philippe  le  Bel  convoque  les  premiers  États  généraux  pour 
leur  faire  décider  si  les  seigneurs  et  villes  tenus  au  service  militaire 
feraient  le  service  en  personne,  ou  s'ils  préféraient  payer  l'aide  de  l'ost. 
Les  États  accordent  l'aide  ;  le  même  fait  se  représente  souvent,  après 
1302,  dans  les  mêmes  circonstances,  mais  la  façon  de  lever  l'aide  change 
constamment,  et  ceux  qui  l'ont  accordée  se  réservent  de  la  lever  à  leur 
façon.  Peu  à  peu  ces  levées  deviennent  une  charge  annuelle,  et  à  partir 
de  1360,  la  royauté  réussit  à  s'en  réserver  la  perception,  confiée  à  ses 
propres  agents.  C'est  seulement  alors  que  l'impôt  royal  prend  naissance. 
Cette  étude  approfondie  semble  en  plusieurs  points  plus  spécieuse 
qu'exacte  ;  mais  elle  mérite  d'attirer  l'attention  des  érudits.  L'auteur 
annonce  d'autres  études  sur  cette  difficile  question  de  notre  ancienne 
administration  financière).  —  Duchesne.  Le  Liber  Pontificalis  (réponse 
aux  critiques  de  M.  Waitz  dans  le  Neues  Archiv).  —  R.  du  Casse.  Un 
épisode  de  la  campagne  de  1813;  l'affaire  de  Kulm  (rejette  sur  Napo- 
léon I«'  la  faute  du  désastre  éprouvé  par  Vandamme,  qui  n'a  fait 
qu'exécuter  à  la  lettre  les  ordres  de  l'empereur).  —  Cherbonneau.  Cons- 
tantine  et  ses  antiquités.  —  Courriers  anglais  et  romain. 

n.  —  Le  Cabinet  historique.  Mai-juin.  —  Morel-Fatio.  Lettres 
écrites  de  Madrid,  en  1666  et  1667^  par  Muret,  attaché  à  l'ambassade 
de  George  d'Aubusson,  archevêque  d'Embrun  (très  curieux  détails  sur 
les  mœurs  espagnoles).  —  P.  Margheqay.  Documents  sur  la  justice 
criminelle,  tirés  du  chartrier  de  Thouars,  1486-1549.  —  Ul.  Robert. 
Inventaire  des  armoiries  des  villes,  bourgs,  etc.  contenues  dans  l'ar- 


EBcrBiLs  pi{riodiqdes.  479 

morial  général  de  d'Uozier;  suite  :  Lyonnais,  Normandie,  Orléanais, 
Paris,  Picardie,  Poitou. 

III.  —  Revue  des  Docomenta  historiques.  Juin.  —  Acte  de 
translation  du  corps  de  sainte  Hélène,  mère  de  Ck)nstantin,  le  7  mai  1410  ; 
texte  et  fac-similé.  —  Lettre  de  Bernadotte  à  Kellermann,  du  18  pluv. 
an  V,  8  mars  1797  (Bernadotte  vient  d'arriver  à  l'armée  d'Italie;  il 
écrit  :  a  J'épouze  la  gloire  de  l'armée  d'Italie;  je  m'attache  à  celle  de 
son  jeune  général.  Je  désire  qu'il  ne  soit  pas  ingrat,  car  son  bonheur 
me  tient  fortement  au  cœur  »).  —  Lettre  de  Jean  sans  Peur,  relative  à 
ses  vins  de  Beaune  et  de  Nuits.  —  Les  bals  masqués  à  Paris  en  1834. 

IV.  —  Revue  historique  nobiliaire.  Mai  et  juin.  —  Les  chevaliers 
de  Tordre  de  Saint-Michel.  —  C««  de  Marsy.  Les  décorations  militaires 
du  musée  d'artillerie.  —  Sandrbt.  Une  opposition  à  des  lettres  patentes 
d'anoblissement  (n'indique  ni  le  nom  de  Tanobli,  sous  prétexte  que  sa 
famille  existe  encore  aujourd'hui,  ni  la  date  de  l'opposition,  ni  les 
collections  d'où  sont  tirées  les  pièces  publiées.  C'est  trop  de  scrupules!) 

—  LouvBT.  Anciennes  remarques  de  la  noblesse  beauvaisine;  fin.  — 
Samdret.  Répertoire  généalogique  et  héraldique  ;  suite. 

V.  —  Revue  celtique.  Vol.  IV,  n»  1.  —  Vallentin.  Les  dieux  de 
la  cité  des  Allobroges,  d'après  les  monuments  épigraphiques  (très  esti- 
mable monographie).  —  Fustel  de  Ck)ULAMaEs.  Ck)mment  le  druidisme 
a  disparu  (art.  important  ;  montre  que  le  druidisme  n'a  pas  été  aboli 
par  les  empereurs  en  tant  que  religion;  les  successeurs  d'Auguste  n'ont 
proscrit  que  certains  rites  abominables,  comme  celui  des  sacrifices 
humains,  ou  certaines  prati(]ues  de  magie;  mais  si  le  druidisme  persiste 
sous  l'Empire  romain,  il  a  du  moins  perdu  ce  qui  faisait  sa  force  véri- 
table, c.-à-d.  son  organisation  et  sa  hiérarchie.  Ainsi  détruit  comme 
corps,  le  druidisme  disparut  lentement  et  de  lui-même  pour  faire  place 
au  christianisme).  —  Comptes-rendus  :  De  Valroger.  I^es  Celtes  et  la 
Gaule  celtique  (un  des  meilleurs  ouvrages  qui  aient  été  écrits  sur  les 
choses  celtiques).  —  Bulliot  et  Roidot.  La  cité  gauloise  selon  l'histoire 
et  selon  les  traditions  (bon).  —  Pryce,  The  ancient  british  church; 
(intéressant,  mais  incomplètement  informé).  —  Nedelec,  Cambria  sacra 
(sans  valeur).  —  Vallentin.  Essai  sur  les  divinités  indigètes  du  Vocon- 
tium  d'après  les  monuments  épigraphiques  (bon). 

VI.  — Revue  critique.  N*  33.  —  Barges.  Recherches  archéologiques 
sur  les  côtes  phéniciennes  établies  sur  le  littoral  de  la  Celtoligurie  (bon). 

—  Guillouard.  Étude  sur  les  Golliberts  (n'étaient  pas  des  serfs,  mais 
d'anciens  serfs  alTranchis  par  le  même  maître,  et  pouvant  être  proprié- 
taires du  sol,  analogues  aux  «  buri  •  du  Domesday  book;  étude  ingé- 
nieuse, malgré  une  connaissance  insuffisante  du  bas-latin).  «  N*  35. 
De  Grammont.  Histoire  du  massacre  des  Turcs  à  Marseille,  en  1620; 
(réimpression  très  soignée  d'un  imprimé  fort  rare  de  1621  ;  forme  la  3« 
des  Plaquettes  gontaudaises).  z=  N«  37.  Delattre,  Les  inscriptions  histo- 
riques de  Ninive  et  de  Babylone  (bon).  —  Lecky.  A  history  of  England 


480  RECUEILS  PERIODIQUES. 

in  the  xvinth  cent,  (écrit  avec  conscience  et  avec  talent).  —  ChérueL 
Histoire  de  France  pendant  la  minorité  de  Louis  XIV  (remarqués 
intéressantes  à  propos  de  cet  excellent  livre).  =  N«  38.  Fœrster.  De  fide 
Flavii  Vegetii  Renatii  (bon;  conclusion  sévère  pour  Végèce).  —  Napp. 
De  rébus  ab  imperatore  M.  Aurelio  Antonino  gestis  (confus  et  vide). 
=  N*  39.  C!ommunication  de  M.  d^Arbois  de  Jubainville  sur  la  Ger- 
manie de  Tacite  (établit  que  chez  les  Trévirés  la  classe  dominante  était 
celtique).  =r  N*  40.  Hillebrand.  Zeiten,  Vœlker  und  Menschen;  vol.  IV 
(recueil  intéressant  d'articles  de  revue). 

YII.  —  Noavelle  Revne  historiqae  de  droit.  N*  4.  —  Théventn. 
Contributions  à  l'histoire  du  droit  germanique  (nie  l'existence  de 
«  l'acte  formel  »,  admis  par  M.  Sohm  comme  base  juridique  sur  laquelle 
repose  la  théorie  de  la  procédure  d'exécution  ;  explique  le  mot  adhra- 
mire,  dans  les  textes  mérovingiens  et  carolingiens,  non  par  c  promettre 
solennellement  t ,  et  en  employant  la  festuca,  mais  seulement  :  tirer  à  soi, 
reprendre  possession  (d'une  chose),  produire  (des  témoins,  etc.),  tous 
sens  qui  excluent  Tidée  d'une  procédure  personnelle  d'exécution,  dernier 
vestige  qu'on  a  prétendu  reconnaître  dans  le  droit  primitif  des  Francs, 
d'une  époque  où  régnait  le  pur  droit  de  la  force).  —  Klipffbl.  Étude 
sur  le  régime  municipal  gallo-romain,  2«  et3«  période  ;  suite. 

VIII. —  Revne  générale  dn  droit.  4«  livr.  -—  Bonserqbnt.  La  légis- 
lation sur  la  presse  en  Angleterre.  —  Labatut.  L'édit  des  édiles;  fin.  — 
Degourteix.  La  liberté  provisoire  et  la  prison  préventive  depuis  les 
origines  du  droit  jusqu'à  nos  jours;  suite.  — (Ilomptes-rendus  :  Hervieu. 
Recherches  sur  les  premiers  États  généraux  (bon).  —  Vacher.  Essai 
historique  sur  le  Conseil  privé  ou  des  parties  (brochure  assez  instruc- 
tive). 

IX.  —  Revne  philosophiqne.  Juillet-oct.  1879.  —  Baudoin.  His- 
toire critique  de  Vanini  (excellents  articles,  qui  jettent  un  jour  tout 
nouveau  sur  le  personnage  si  intéressant  de  Vanini,  et  sur  le  mouve- 
ment des  idées  au  commencement  du  xvii«  s.). 

X .  —  Revne  historiqne  et  archéologiqne  dn  Haine.  —  T.  YI, 

1"  livr.  —  Kerviler.  Le  Maine  à  l'Académie  française  :  François  de 
la  Mothe  le  Vayer;  fin.  —  Aloufs.  Le  Mans  au  mois  d'oct.  1562  (publie 
un  f  procès- ver  bal  d'information  faite  à  la  requête  d'André  Guillart  du 
Mortier  »  sur  des  injures  et  menaces  proférées  contre  ledit  seigneur, 
membre  du  conseil  privé  du  roi,  et  des  vols  importants  dont  il  fut  la 
victime).  —  L'abbé  Froger.  Fondation  du  prieuré  du  Boulay,  dépendant 
du  monastère  d'Étival-en-Chamie.  —  Bibliographie  du  Maine  pour  1878. 

XI.  —  Revne  dn  Lyonnais.  Août.  —  Du  Puitspelu.  Le  testament 
d'un  Lyonnais  au  xvii»  s.;  fin.  =  Sept.  M.  de  Boissieu.  Un  baptême  à 
Lyon  au  xvii«  s.  —  P.  de  Varax.  Notice  historique  sur  la  seigneurie  de 
Montcoy.  —  Condamin.  Histoire  du  couvent  des  Minimes  de  Lyon. 

XII.  —  Revue  de  Gascogne.  Aoùt-sept.  —  Abbé  Ducruc.  Les 
archiprêtres  de  Gabarret  et  de  Barbotan.  —  Laverqne.  Les  chemins  de 


RECUEILS  PERIODIQUES.  484 

Saint-Jacques  on  Gascogne.  —  Carsalade  du  Pont.  Trois  barons  do 
Poyanne.  I,  Bertrand  de  Poyanno;  suite.  —  T.  de  L.  Trois  lettres 
inédites  de  B.  d'Échaus,  évoque  de  Bayonne.  —  Une  lettre  du  vicomte 
d*Échaus. 

XIII.  —  Bulletin  archéologique  de  Tarn-et-Garonne.  T.  VII, 

n«  2.  —  Forkstié-Nevku.  Étymologio  du  nom  de  Montaultan,  et  origine 
de  ses  armoiries;  les  sceaux  de  l'abbaye  de  Montauriol  et  des  chapitres 
de  Montauban.  —  Barbier  de  Moxtault.  Inventaire  du  pape  Paul  IV 
en  1559;  fin.  —  Skatelli.  Compte-rendu  des  publications  de  la  section 
historique  de  Tlnstitut  grand-ducal  du  Luxembourg. 

XIV.  —  Revne  da  Daaptainé.  Juillet-août.  —  J.  Roman,  (iinq 
lettres  de  Chorier  à  Guichenon.  —  Compte-rendu  de  la  quarante- 
sixième  session  du  congrès  archéologique  de  France,  tenue  à  Vienne, 
du  2  au  8  sept.  1879. 

XV.  —  Revue  des  Deux-Mondes.  15  août.  —  Lauoel.  Un  histo- 
rien américain  :  J.  Lothrop  Motley.  =:  l*'  sept.  Geffroy.  L'histoire 
monumentale  de  Rome  et  la  première  Renaissance  ;  les  ruines  de  Rome 
pendant  le  moyen  âge;  suite  le  15  sept.  :  du  soin  des  édifices  à  Rome 
pendant  le  xv«  s.  —  A.  Leroy-Beauliei-.  L'empire  des  tsars  et  les 
Russes;  la  réforme  judiciaire  ;  suite.  =  15  sept.  Maury.  I^s  assemblées 
du  clergé  en  France  sous  l'ancienne  monarchie;  suite  (expose  en  détail 
les  rapports  de  cette  assemblée  avec  Mazarin  pendant  la  Fronde,  surtout 
pendant  la  longue  session  de  1655  à  1657;  l'opposition  de  rassemblée  à 
la  politique  du  ministre  ne  fléchit  que  devant  Tordre  formel  de 
Louis  XIV).  =  l»'  oct.  C^ucheval-Clariony.  Ix)rd  Beaconsfield  et  son 
temps  ;  l'Angleterre  après  le  bill  de  réforme.  —  Boissier.  Promenades 
archéoiogiciues  ;  suite  :  les  peintures  d'Herculanum  et  de  Pompéi.  — 
Janet.  Ixî  socialisme  au  xix*  s.;  suite  :  Charles  Fourier.  —  Montéout. 
Le  maréchal  Davoul;  sa  jeunesse,  sa  vie  privée. 

XVI.  —  Le  Correspondant.  25  août.  —  PiNr.Aun.  Un  ministre  de 
Louis  XVI  :  Terrier  de  Monciel  (ministre  de  l'intérieur  pendant  trois 
semaines,  du  18  juin  au  9  juillet  179*2,  Monciel  était  un  do  ces  consti- 
tutionnels dont  la  reine  Marie- Antoinette  découragea  lo  dévouement. 
Émigré  après  le  10  août,  il  se  réfugia  en  Angleterre,  puis  en  Suisse; 
en  1814  il  travailla,  auprès  du  comte  d'Artois,  »  la  n'stauration  des 
Bourbons,  mais  ne  put  jamais  rentrer  aux  atTaircs.  Il  mourut  ignon* 
en  1831  i.  —  F'ournel.  I^  i»atriote  Palloy  et  les  vainqueurs  de  la  Bas- 
tille; suite,  lin  le  *25  sept.  =:  10  sept.  Lacomre.  Le  comte  de  Serre; 
suite  :  la  loi  électorale  de  18*20.  =>  *25  août  et  10  sept.  C<«  de  BAn.LON. 
M«  de  Montmon»ncy. 

XVIL  —  Revne  de  France.  15  août.  —  II.  Pey.  M.  de  Bismarck 
et  ses  jugements  sur  Ihs  événements  et  les  hommes  de  1870-1871.  — 
Fr.  Le.normant.  La  monnaie  anti(|ue  et  ses  types.  =  15  sept.  Barbier. 
Londres,  la  corporation  de  la  Cité  (intéressant).  =  1«  oct.  L'alliance 

ReV.    lIlSTOR.    XI.   *2«  FASC.  31 


482  RECUEILS  PéaiODIQUBS. 

austro-française  au  xvui«  s.  :  les  traités  du  1^  mai  1756  (montre  bien 
que  ce  traité  fut  le  résultat  de  nécessités  d'ordre  supérieur  ;  mais  n'in- 
siste pas  assez  sur  les  concessions  faites  par  la  France  en  cette  occasion, 
par  exemple  sur  l'abandon  déguisé  de  la  Turquie,  etc.).  —  G.  Duruy. 
Une  cause  célèbre  au  xvi«  s.  :  les  procès  des  neveux  du  pape  Paul  IV. 
(très-intéressant). 

XYIII.  —  Journal  des  Savants.  Août  et  sept.  —  F.  de  Saulcy. 
Étude  sur  la  géographie  comparée  de  la  rive  occidentale  du  lac  de 
Génézareth.  —  Hanotaux.  Études  sur  des  maximes  d'état  et  des  frag- 
ments inédits  du  cardinal  de  Richelieu  (art.  important). 

XIX.  —  Revae  chrétienne.  5  sept.  —  De  Richemono.  La  Rochelle 
d'Outremer  :  Jean  Jay,  1745-1829  (J.  Jay,  celui  qui  rédigea  en  1774  la 
fameuse  adresse  des  Américains  au  peuple  anglais,  descendait  d'une 
famille  rocheloise  chassée  de  France  par  Tédit  de  Nantes.  Le  petit-lils 
de  l'ami  de  Washington  est  actuellement  ambassadeur  des  États-Unis 
à  Vienne). 

XX.  —  Le  Spectateur  militaire.  15  août.  —  Souvenirs  d'un 
officier  du  5«  corps,  armée  d'Italie,  1859.  —  Lort-Sérignan.  Guil- 
laume, m  ;  suite,  voy.  aussi  15  sept.  =  15  sept.  Compte-rendu  :  Choppin, 
Histoire  générale  des  dragons,  depuis  leur  origine  jusqu'à  r£mpire 
(bon). 

XXI.  —  Académie  des  Sciences  morales  et  politiqaes.  Compte- 
rendu  des  séances.  8«  et  9*  livr.  —  A.  du  Chatellier.  L'Église  pendant 
la  Révolution  ;  suite  :  application  de  la  loi  du  12  juillet  1790  sur  la 
nouvelle  organisation  du  clergé  constitutionnel. 

XXII.  —  Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  Comptes- 
rendus  officiels  des  séances.  Avril-juin.  —  N.  de  Wailly.  Sur  un  livre 
d'heures  donné  par  l'impératrice  Marie-Louise  à  la  duchesse  de  Monte- 
bello  (imprimé  vers  1500  par  G.  Anabat,  imprimeur,  pour  les  Hardouyn, 
libraires  à  Paris  ;  orné  de  belles  miniatures,  et  conservé,  depuis  son 
apparition  jusqu'à  Marie-Louise,  dans  la  maison  de  Lorraine).  —  Lettre 
de  MM.  Mariette  et  Ern.  Desjardins,  sur  deux  stèles  d*Abydos  et  une 
stèle  de  Saqqarah  nouvellement  découvertes.  —  Delisle.  Note  sur  un 
livre  d'heures  appartenant  à  M.  le  Bo»  d'Ailly  (ayant  appartenu  à  Jean 
de  Berry;  on  connaît  aujourd'hui  85  vol.  de  la  bibliothèque  de  ce 
prince,  qui  en  comptait  environ  300).  —  Guérin.  Sur  la  topographie  de 
l'ancienne  Tyr.  —  M>8  d'Hervey  de  Saint -Denis.  Sur  une  notice 
d'Aug.  Strindberg  concernant  les  relations  de  la  Suède  avec  la  Chine 
et  les  pays  tartares,  depuis  le  milieu  du  ivii®  s.  jusqu'à  nos  jours.  = 
Séances.  Lecture  de  M.  Viollet  sur  le  caractère  des  coutumes  de  Tou- 
raine-Anjou  et  d'Orléans  au  xiii*  s.,  et  sur  les  éléments  canoniques, 
romains  et  germaniques,  qui  ont  contribué  à  la  formation  de  ces  cou- 
tumes (16  août)  ;  —  de  M.  de  Rozière,  sur  le  gouvernement  et  la  légis- 
lation de  Théodoric  le  Grand  (22,  29  août);  —  de  M.  Delisle,  sur  trois 


REGOEILS  P^aiODIQDBS.  483 

mss.  de  la  bibl.  de  Leyde  (un  psautier  de  saint  Louis;  i original  do 
VUistoria  de  Guill.  de  Jumiègcs;  l'original  du  ms.  de  Paris,  lat.  14663). 

XXIII.  —  Bulletin  de  la  Société  de  Thistoire  du  protestan- 
tisme français.  15  sept.  —  0.  Doukn.  Le  ministre  Mathiou  Malzac,  dit 
Bastide,  Molan  et  de  Lisle.  —  Discours  des  choses  advenues  en  la  vilh» 
de  Lyon  pendant  que  M.  de  Soubise  y  a  commandé  (1562-1503).  — 
Extraits  de  la  gazette  de  llaarlem  sur  les  persécutions  dirigées  C4)ntre 
les  protestants  fniuçais  de  1679  à  ir>85.  —  Acte  de  consécration  à  Dieu, 
de  Paul  Ducros,  de  Ganges  (lA  déc.  1757).  —  Compte-rendu  :  Lesens. 
Histoire  de  la  Reformation  à  Dieppe,  par  (ruillaume  et  Jean  DuvaK 
depuis  les origi nés jus(| n'en  1657  (intéressant;  pour  lesderuièn's  années 
dont  il  fait  le  récit,  le  livre,  écrit  par  deux  contemporains,  a  la  valeur 
d'un  document  original). 

XXIV.  —  Bolletin  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Norman- 
die. T.  IX,  l*'  fasc.  — A.  Gasté.  Daniel  Huet  et  les  échevins  de  Caen. 
—  Lb  Cointe.  De  la  sépulture  de  Charles  de  Dourgueville,  sieur  de 
Bras.  —  Charma  et  Noël.  Rapports  sur  les  fouilles  archéologiques 
exécutées  au  Val-ès-Dunes  (on  a  constaté  la  présence  d'un  cimetière 
mérovingien  non  loin  du  lieu  où  se  livra  vrais<'mblal)lement  la  bataille 
mémorable  de  l'an  1047).  —  E.  de  Beaurepaire.  De  quelques  antiquités 
récemment  signalées  en  Normandie. 

XXV.  —  Revue  des  Sociétés  savantes.  (>•  fasc.  t.  VIII.  Sept.- 
déc.  1878.  —  M.  Lamothe  publie  six  lettres  relatives  à  l'expédition  du 
duc  de  Guise  à  Naples,  et  h  son  emprisonnement  en  Esjwigne;  une  de 
ces  lettres,  émanée  de  Louis  X[V,  à  la  date  du  6  (►et.  1647,  est  certai- 
nement antidatée  (dit  M.  Chéruel),  et  cela,  pour  éviter  qu'il  fût  mis  à 
mort  comme  rebelle.  —  In.  Liste  des  protestants  de  Nîmes  émigrés  à  la 
suite  de  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes.  —  M.  Tartière.  Lettre  de 
Cori.<uinde  d'Andouins,  la  future  maîtresse  de  Henri  de  B«'arn,  aux 
jurats  de  Saint-Sever,  i)our  les  inviter  à  assister  aux  obsèques  de  son 
mari,  Philibert  de  Gramont-Uuiche,  f  1580.  —  M.  Finot  communique 
deux  chartes  du  xiv*  s.  éman»*es  de  Jean  de  Vienne.  —  J.  Desnoyers; 
rapport  sur  une  communication  de  M.  13.  de  Molandon,  relative  à  un 
procès  fait  à  des  pourceaux,  aux  assises  tenues  par  le  l>ailli  d'Orléans, 
le  16  oct.  1368  (cf.,  même  fasc.  p.  '207,  un  nipport  de  M.  Jounlain  sur 
des  faits  analogues).  —  .M.  Prarond.  Note  émanant  d'un  témoin  ocu- 
laire, qui  relate  re.xécution,  à  .\bbeville,  l*»  juill.  176<»,  du  cheva- 
lier de  la  Barre  («  on  ne  vit  sur  son  visage  aucune  maripie  de  crainte, 
de  n»gret,  de  douleur,  de  repentance  ni  de  confusion  j»I.  —  Lastevrib. 
Note  sur  Tépitaphc  du  duc  de  Saint-Simon  communiqués^  (>ar  M.  Bus- 
tin.  —  Darcel.  Notice  archéologique  sur  le  baron  de  Guilhermy. 

XXVI.  —  Le  Temps.  —  M.  Seinguerlet  publie  dans  ce  journal 
d'intéressants  nn^its  alsaciens  :  Strasbourg  pendant  la  Révolution 
(n«  des  li,  21,  "23  et  31  août,  7,  13,  20  sept.). 


484  tECUBILS   PBEIODIQOBS. 

XXVII.  —  Rallie  d'Alsace.  Juill.-sept.  —  Ch.  Grad.  Histoire  et 
statistique  de  l'industrie  de  la  laine  en  Alsace.  —  Dam.  Documents 
inédits  pour  servir  à  l'histoire  de  Tancienne  seigneurie  du  Ban  de  la 
Roche.  —  Rbuss.  L'Alsace  pendant  la  Révolution  française  ;  suite.  — 
Fischer.  Le  comté  de  la  Petite-Pierre  soos  la  domination  palatine; 
suite.  —  Babth.  Notes  biographiques  sur  les  hommes  de  la  Révolution 
à  Strasbourg  et  dans  ses  environs. 


XXVIII.  —  The  Academy.  2  août.  —  Poley.  Records  of  the  english 
province  of  the  society  of  Jésus;  vol.  V.  (ce  volume  termine  dignement 
une  histoire  de  la  société  de  Jésus  en  Angleterre,  faite  d'après  de  nom- 
breux documents  inédits).  =.  9  août.  I  diarii  di  Marino  Sanudo.  T.  I, 
{^  part,  (la  Revue  a  déjà  appelé  lattention  sur  cette  importante  publi- 
cation). —  O'Grady,  History  of  Ireland;  the  heroic  period;  vol.  I 
(insuffisant).  =  30  août.  Seventh  report  of  the  royal  commission  on 
historical  mss.  (non  moins  de  22  collections  sont  décrites  dans  ce 
volume,  qui  intéresse  surtout  l'histoire  de  la  guerre  civile  en  Angleterre 
au  xvn'  s.)  —  RendalL  The  emperor  Julian  (excellent).  —  Louise 
Creighton,  Life  of  John  Churchill,  dukeof  Marlborough  (bon).  =  6  sept. 
Morley,  Burke  (les  deux  premiers  tiers  sont  excellents  ;  dans  le  dernier 
on  peut  relever  de  nombreuses  erreurs).  —  Gayangos.  Galendar  of 
letters,  despatches,  etc.  preserved  in  the  Archives  at  Simancas  ;  vol.  IV, 
i«*  partie,  1529-1530  (une  des  plus  importantes  publications  de  la  col- 
lection du  Maître  des  rôles).  =  27  sept.  Bigelow.  Placita  anglo-norma- 
uica;  law  cases  from  William  I  to  Richard  I  (intéressant  pour 
l'histoire  de  la  jurisprudence  en  Angleterre  sous  les  rois  normands).  — 
Le  testament  de  sir  Thomas  Gumberworth  du  15  fév.  1401  (v.  st.), 
publié  par  M.  Peacock  (curieux  au  point  de  vue  des  sentiments  reli- 
gieux qui  y  sont  exprimés,  et  des  détails  bibliographiques  qu'il  fournit). 

XXIX.  —  The  Athenœam.  9  août.  —  Lancey,  History  of  New- York 
during  the  revolutionary  War,  by  Th.  Jones  (l'auteur  de  cet  ouvrage 
remarquable  était  juge  à  la  cour  suprême  de  New- York;  il  resta  dans 
cette  ville  pendant  toute  la  guerre  de  l'indépendance,  et  connut  la 
plupart  des  personnages  célèbres  de  l'époque  ;  ses  indications  sont  sou- 
vent neuves  et  instructives).  —  Guest.  Lectures  of  the  history  of  England 
(inutile).  =:  23  août.  Mac  Donnell.  The  Ulster  civil  war  of  1641  (réagit 
contre  les  jugements  passionnés  de  M.  Froude;  montre  que  la  révolte 
de  rUlster,  en  1641,  a  eu  pour  cause  principale  les  confiscations  de  terres 
décrétées  par  la  royauté,  mais  sans  insister  assez  sur  cette  cause  qui 
est  la  seule  véritable).  —  Mackensie.  History  of  the  clan  Mackensie  (esti- 
mable). —  Vine.  English  municipal  institutions  1835-1879  (contient 
d'utiles  statistiques).  =  6  sept.  Caulfield.  The  council  book  of  the  cor- 
poration of  Youghal  1610-1800  (curieux  détails  sur  les  événements  de 
1641).  =  Hcndcrson.  The  Annals  of  Dunfermline  1069-1878  (recherches 
consciencieuses).  =  20  sept.  La  chronique  anglo-saxonne  =  27  sept. 


RECUErtS   PERIODIQUES.  485 

Brown.  The  annals  of  Newark-upon-Trent  (insuffisant).  —  DanielL  Tho 
history  ofWarminster  (estimable).  =4  oct.  Schwabe.  Richard  Cobdon; 
notes  sur  ses  voyages;  correspondances  et  souvenirs  (intéressant). 

XXX.  —  The  fortnightly  Review.  !•'  oct.  —  White.  Le  gouver- 
nement parlementaire  en  Amérique.  —  Dicey.  Antonio  Scialoja  (brève 
étude  sur  ce  patriote  italien,  mort  récemment,  d'après  sa  biographie 
par  8.  de  Gesare). 

XXXI.  —  The  nineteenth  Gentnry.  Oct.  —  Hillbbrand.  Lettres 
familières  sur  l'Angleterre  contemporaine.  —  "Wilso.n.  Lucrezia  Borgia 
(refait  le  procès  de  Lucrèce,  et  la  condamne  énergiquement). 

XXXII.  —  Macmillan's  Mafi^asine.  Oct.  —  Seeley.  Histoire  et 
politique  (s'élève  très  justement  contre  l'immixtion  de  la  politique  dans 
l'histoire,  comme  chez  Macaulay,  par  e.xpmple,  et  s'efforce  de  faire  com- 
prendre •  comment  l'étude  sérieuse  de  l'histoire  peut  modifier  nos 
opinions  préconçues  sur  le-s  événements  et  les  hommes  de  notre  pays  »). 


XXXIII.  —  Forschnngen  sur  deatschen  Gfreschichte.  Vol.  XIX, 
3*  fasc.  —  Krebs.  Le  comte  Georges- Frédéric  de  Ilohenlohe  et  la  bataille 
de  la  Montagne-Blanche  près  de  Prague.  —  Miiller.  Étude  sur  quelques 
sources  du  xrv*  s.  (montre  que  VAnonytnus  Leobiensis,  la  chronique  de 
Henri  de  Hervord ,  le  chronicon  Sampetrinum ,  Werner  de  Liège  et  la 
Vita  VI  Benedxcti  XII,  ont  mis  à  profit  une  source  commune,  aujourd*hui 
penlue,  qui  était  une  histoire  des  papes  jusqu'à  Benoît  XII.  lia  chro- 
nique de  Henri  de  Hervord  et  le  chron.  Sampet.  sont  les  sources  de  la 
Chronographia  swnmorum  pontificum  de  Gonrad  de  Halberstadt,  d'où 
procèdent  à  son  tour  les  vies  des  pa])es  de  Pierre  de  Herentals).  — 
WiNTER.  De  la  part  prise  par  Strasbourg  à  la  lutte  entre  Adolphe  de 
Nassau  et  Albert  d'Autriche  (montre  qu'aussitôt  après  la  mort  de 
Rodolphe  de  Habsbourg,  Strasbourg  entretint  avec  Albert  d'Aulriclie 
une  alliance  secrète,  et  qu'elle  l'aida  de  tout  son  pouvoir  à  conquérir  la 
couronne  impériale).  —  Hegel.  Les  comtes  de  Rieneck  et  de  Ixk>z 
comme  burgraves  de  Mayence,  aux  xn«  et  xiii*  s.  —  Kr.\use.  I^  chroni- 
queur Matthias  i)œring  1420-1464  (ce  Matthias  fut  immatriculé,  honoris 
causa,  sur  les  registres  de  l'Université  de  Rostock,  le  20  oct.  1434).  — 
Id.  Dietrich  de  Niem,  Gonrad  de  Vechta,  Gonrad  de  Soltau,  évé<|ues  do 
Verden,  1395-1407.  —  Pannenboro.  I-ies  vers  dans  Vllistoria  Constantin 
nopolilana  et  le  poète  du  Ligurinus  (propose  diverses  corrections  aux 
vers  de  l'Historia,  et  insiste  sur  l'identiu'^  du  poète  du  Ligurinus  avec 
magister  Guntherus  Elnonensis,  identitt'  autrefois  comlmttue  par  M.  G. 
Paris).  —  Wbiland.  Le  Pactum  de  Henri  [I  avec  Benoit  VIII,  en  1020 
(ajoute  une  preuve  de  plus  à  son  authenticité).  —  Jastrow.  Les  esclaves 
considérés  comme  une  propriété  et  comme  capables  d'être  propriétaires, 
d'après  les  coutumiers  germaniques. 

XXXIV.  —  ZeiUchHIt  fUr  KirehenffeMhlchte.  T.  HL  3'  livr.  — 


486  RECUEILS   PÉRIODIQUES. 

Gass.  Contribution  à  la  symbolique  de  rÉglise  grecque.  —  Ad.  Hârnack, 
Le  fragment  de  Muratori  et  l'origine  d'une  collection  d'écrits  aposto- 
liques catholiques.  —  Th.  Zindner.  Le  pape  Urbain  VI  (!«•  article).  — 
Max  Lenz.  Zwingli  et  le  landgrave  Philippe.  —  Victor  Schultzb.  Revue 
critique  des  travaux  relatifs  à  l'archéologie  religieuse  publiés  dans  les 
années  1875-1878  (dernier  article).  —  Analectes.  Druffel.  Remarques 
nouvelles  sur  le  moine  augustin  Jean  Hoffmeister.  —  Brieger.  Maté- 
riaux pour  la  correspondance  de  Gontarini  pendant  sa  légation  en  Alle- 
magne d'après  les  Monumenti  de  Beccadelli. 

XXXV.  —  Jenaer  Literatorzeitung.  N*  34.  —  Fernandez- 
Guerra.  Arquelogîa  cristiana  (publie  une  inscription  du  v«  s.  décou- 
verte près  de  Loja).  —  Id,  Nuevos  descubrimientos  en  epigrafîa  y  anti- 
guëdades  (bon).  =  N*  35.  Detlefsen,  Varro,  Agrippa  und  Augustus,  als 
Quellen  des  Plinius  (bonne  étude  sur  les  sources  des  données  géogra- 
phiques qui  se  trouvent  dans  Pline).  —  Schweder.  Beitraege  zur 
Kritikd.  Ghronographie  d.  Augustus,  2«  part.  (mauvais).=N'»  37.  Herzog, 
Abriss  d.  gesammten  Kirchengeschichte  in  3Theilen,  2«  part.  (bon).  — 
MûLLKR.  Der  Kampf  Ludwigs  d.  Baiern  mitd.  rœmischen  Gurie.  Vol.  I 
(œuvre  d'érudition  pure;  très  instructif).  =  N«  38.  Simonsfeld.  Vene- 
tianische  Studien.  Vol.  I.  Das  Ghronicon  Altinat«  (la  première  et  la 
plus  considérable  partie  de  cette  chronique  a  été  rédigée  au  x*  s.;  détails 
inédits  sur  le  congrèsde  Venise  en  1177).  =N<>  39.  Duncker.  Geschichte 
d.  Alterthums.  Vol.  I  et  II  (5®  édition,  très  augmentée;  cet  excellent 
ouvraige  est  ainsi  tout  à  fait  au  courant  de  la  science). 

XXXVI.  —  Gœttingische  gelehrte  Anzeigen.  N*  32.—  Hillebrand. 
Geschichte  Frankreichs.  II  :  1837-1848  (annonce  pour  paraître  très  pro- 
chainement le  3®  vol.,  depuis  le  24  fév.  jusqu'au  2  déc).  —  Lôher. 
Geschichte  des  Kampfes  um  Paderborn  1597-1604  (bonne  étude  sur 
l'époque  de  la  contre-réformation).  — Kleinschmidt.  Jacob  III  Markgraf 
zu  Baden  und  Hochberg,  der  erste  regierende  Convertit  in  Deutschland 
(étude  consciencieuse,  faite  d'après  les  sources;  style  déclamatoire).  — 
Wolf.  Geschichtliche  Bilder  aus  OEsterreich.  I,  1526-1648  (intéressant). 
—  Sauer.  Das  Leben  des  Arnold  Greveld,  Priors  zu  Marienkamp,  bei 
Esens  (texte  intéressant  pour  l'histoire  de  la  Frise  orientale  dans  la 
première  moitié  du  xv«  s.;  mais  publié  d'une  façon  très  incorrecte). 

XXXVII.  —  Nachrichten  von  d.  k.  Gesellschaft  d.  VTissens. 
zu  Gœttingen.   —  Pauli.   Ecclésiastiques  allemands  en  Angleterre 

au  x«  et  au  xi«  s. 

XXXVIU.  —  Deutsche  Rundschaa.  Oct.  —  H.  von  Sybel.  L'an- 
cien régime  et  la  Révolution  en  France  (fait  un  grand  éloge  des  2  vol. 
de  M.  Taine  sur  les  origines  de  la  France  contemporaine;  constate  avec 
satisfaction  que  plusieurs  des  conclusions  auxquelles  il  était  arrivé 
auparavant  se  retrouvent  dans  ces  vol.).  —  Contributions  à  l'histoire  de 
la  dernière  insurrection  polonaise.  —  Kapp.  Les  gazettes  publiées  à 
Berlin  au  siècle  dernier. 


RECrEILS  Pl^aiODIQUES.  487 

XXXIX.  —  Hermès.  Vol.  XIX  ;  fasc.  3.  — J.  Schmidt.  Los  Evocati 
(expose  en  détail  Thistoire  do  cette  institution  militaire.  II  n'y  a  pas 
de  différence  essentielle  entre  les  evocati  de  la  république  et  de  l'em- 
pire ;  les  premiers,  qui  étaient  toujours  maintenus  dans  leur  corf)s  ;  les 
seconds  qui,  après  avoir  obtenu  la  7/u'wio,  rentraient  dans  l'armée. 
Depuis  Auguste,  la  qualité  iVevocatus  est  un  privilège  réservé  aux  pré- 
toriens, étendu  rarement  aux  emcriti  des  légions,  et  jamais  aux 
troupes  auxiliaires.  Sous  l'empire,  les  rvocati  ne  furent  i)as  réunis 
en  sections  indépendantes,  mais  ils  furent  individuellement  mêlés 
aux  soldats  plus  jeunes  comme  vice-centurions).  —  II.  IIaupt.  Nou- 
velles contributions  sur  les  fragments  de  Dion  Gassius  (rejette  les 
passages  apocryphes  et  indique  des  fragments  nouveaux  dans  Tzetzès  ; 
étude  des  sources  de  Zonaras).  —  Hihsciifeld.  Les  ancêtn»s  de  Milhri- 
datc  de  Pergame  (étaient,  ainsi  qu'il  résulte  d'une  inscription  de  Les- 
hos,  tétrarques  du  peuple  des  Trocmi). 

XL.  —  PhUologas.  Vol.  XXXVIII  ;  fasc.  3,  1879  (Gœttingue).  — 
Ahrk.ns.  L'inscription  d'Olympie  n«  111  (explication  détaillée».  —  G. 
F.  Unukr.  Les  archontes  attiques  des  ol.  119,  A  à  1*23,  \  (recherches 
chronologiques  très  approfondies  sur  Tordre  dans  lequel  étaient  faites 
les  intercalations  dans  le  calendrier  attique,  et  sur  la  détermination  de 
l'époque  où  régnèrent  les  successeurs  d'Alexandn»  le  (irand  en  Macé- 
doine et  en  Thessalie).  —  IlERnsT.  Revue  des  livres  et  mémoires  relatifs 
à  Thucydide  (jui  ont  paru  dans  ces  dix  dernières  années. 

XLL— Neae  Jahrbûcher  f.  Philologie  u.  Paedagogik.  Vol.  G\IX, 
fasc.  5  et  6,  1879  (Leipzig).  —  Roscher.  Sur  l'usage  du  XMr.jia  (le  syn- 
thema,  en  latin  te.ssera,  signum,  correspondait  assez  exactement  au 
mot  d'ordre  du  moyen  âge  ;  presque  toujours  on  choisissait  pour  cela 
des  noms  de  divinités  ;  liste  des  synthemata  que  l'on  connaît).  — 
JuNOHAHN.  Études  sur  Thucydide  (l'auteur  montre,  en  s'appuyant  sur 
l'étude  de  la  langue,  que  l'ouvrage  de  Thucydide  a  subi  un  rema- 
niement postérieur).  —  Peter.  De  ({uelques  écrivains  du  nom  de  Pol- 
lion  (l*  Asinius  Pollio  Romanus  ;  2«  Asinius  Pollio  Trallianus; 
3*»  Valerius  Pollio  Alexandrinus,  contemporain  d'Adrien  ;  i*  Pollio 
grammatirus  Latinus,  contemporain  de  Marc-Aurèle  ;  .V  Asinius  Pollio, 
contemiM)rain  de  saint  Jérôme). 

XLII.  —  Jahresbericbt  Ober  d.  Fortscbritte  d.  dass.  Alter- 
tbomswissenschalt.  1G«  année  (1878),  fasc.  (^-9,  vol.  XV.  —  Lir- 
8IUS.  Revue  des  travaux  relatifs  aux  antiquités  grecques  pour  les  années 
1874-1877  (parle  entre  autres  des  ouvrages  suivants  :  Ikloch.  Sulla  cos- 
tituzioue  p<.ditica  dell'  Elide  ;  l>on  travail  publié  dans  la  Hivista  di  iilo- 
logia;  —  divers  travaux  sur  les  Ephètes  et  l'an'mpage,  de  Philippin 
Schamann^  Forchhammer  ;  —  Se^liger  et  Zurbanj^  der  Ostrakismos  des 
liyperbolos;  —  Schirll^  de  extraonlinariis  quibusilam  magistratihus 
Atheniensium  ;  bon.  — Haf/lrr^  de  nomothesia  attica  ;  mémoire  d'un 
débutant  inexpiTi mente.  —  Thalheim^  Frxnkcl,  Snixfer,  zur  Dokima- 


488  RECUEILS  PERIODIQUES. 

sie  der  attischen  Beamten  ;  etc.).  —  Voigt.  Revue  des  travaux  relatifs 
aux  antiquités  privées  et  sacrées  des  Romains  pendant  les  années  1877 
et  1878  (cite  avec  éloges  :  Cipolla^  dei  prischi  Latini  e  dei  loro  usi  e 
costumi.  —  Labatut.  Les  funérailles  chez  les  Romains.  —  Nissen.  Pom- 
pejanische  Studien  zur  Staedtekunde  des  Alterthums.  —  Lord  Acton. 
Histoire  de  la  liberté  dans  l'antiquité  et  le  christianisme,  etc.).  —  Jor- 
dan. Revue  des  publications  les  plus  récentes  relatives  à  la  topographie 
de  Rome.  —  Schiller.  Revue  des  travaux  relatifs  à  l'histoire  et  à  la 
chronologie  romaine  de  1876  à  1878.  Un  grand  nombre  des  travaux 
analysés  dans  ces  revues  ont  paru  sous  forme  d'articles  dans  divers 
recueils,  et  il  serait  souvent  difficile  d'en  connaître  l'existence  si  Ton 
n'avait  ce  guide  abondant  et  bien  informé. 

XLIU. — Berichte  flber  d.  Verhandlongen  d.  k.  Saachs.  Gesell- 
schaft  d.  'Wissens.  (Leipzig).  Vol.  XXX,  1878.  —  Hirschfeld. 
Étude  topographique  sur  la  ville  du  Pirée.  —  Zarncke.  Sur  deux  nou- 
velles rédactions  latines  de  la  lettre  du  prêtre  Jean  ;  suite  (la  traduc- 
tion anglaise  de  la  lettre  a  pour  fondement  le  texte  du  ms.  de  Hildes- 
heim  ;  publie  la  version  anglaise).  —  Voiot.  De  la  Clientèle  et  de  la 
Libertinilé  chez  les  Romains  (à  l'origine,  les  libertini  sont  deve- 
nus des  clients;  la  séparation  des  deux  classes  s'est  faite  plus  tard. 
Le  patronat  a  son  origine  dans  cette  ancienne  clientèle,  quoique 
aussitôt  le  nom  de  client,  appliqué  dans  ce  sens,  ait  disparu  et  que 
les  devoirs  de  ces  nouveaux  patrons  ou  affranchis  aient  éprouvé 
des  modifications  essentielles.  Sous  les  nouveaux  clients,  se  cache 
le  parasitisme  des  Grecs  transplanté  à  Rome.  Pour  cette  division  de 
la  clientèle  en  deux  institutions  juridiques  différentes,  le  moment 
décisif  arriva  où  les  petits-fils  des  manumissi  et  leurs  descendants 
furent  déliés  de  la  clientèle). — Ebert.  Petites  contributions  à  l'his- 
toire de  la  littérature  carolingienne  (1*  Théodulf;  Î^Théodulf  et  Raban 
Maur;  3<»  Walahfrid  Strabo). 

XLIV.  —  Monatsschrift  f.  d.  Gesch.  'Westdentschlands ;  pub. 
p.  PicK  (Trêves),  1879  ;  fasc.  3-5.  —  Schneider.  Routes  militaires  des 
Romains  entre  l'Yssel  et  la  Ruhr  (avec  une  carte).  —  K.  von  VErrH. 
Les  combats  de  Labiénus  contre  les  Trévires,  54-53  av.  J.-C.  (histoire 
des  Trévires.  A  la  fin  de  l'automne  de  54,  Labiénus  établit  des  quar- 
tiers d'hiver  près  de  la  Semois  et,  dans  les  premiers  jours  de  53, 
près  d'Arlon  ;  la  même  année,  en  mai,  il  livra  bataille  aux  Trévires 
près  de  l'Alzette,  dans  le  voisinage  immédiat  de  Luxembourg).  — 
Christ.  Noms  de  peuples  allemands  (les  Nervii  de  l'ancienne  Gaule 
étaient  de  race  germanique,  et  venaient  de  la  péninsule  cimbrique. 
Étymologie  du  nom).  —  Schneider.  La  guette  de  Schwienumshof  (les 
postes  fortifiés  par  les  Romains  sur  la  frontière  tout  le  long  du  Rhin 
furent  en  partie  confiés  à  des  propriétaires  germains,  dont  les  maisons 
et  les  enclos  se  trouvent  en  grand  nombre  dans  le  voisinage  de  ces  for- 
tifications). —  Hirschfeld.  Histoire  et  topographie  du  Rhin  et  de  ses 


RBCDBILS  PERIODIQUES.  489 

rives  de  Mayence  juRqu*en  Hollande.  (A  Tépoque  romaine  et  aupara- 
vant, le  niveau  du  fleuve  était  beaucoup  plus  bas  qu'aujourd'hui, 
comme  le  prouvent  les  vestiges  de  châteaux,  de  conduits,  de  pierres 
milliaires,  etc.,  trouvés  dans  le  lit  actuel  du  Rhin.  A  la  même  époque, 
ce  qu'on  appelle  le  Binger  Loch,  ou  tourbillon  de  Bingen,  était  infran- 
chissable.) —  PoHL.  Le  Rhin  en  1697  ;  histoire  et  politique  (parle  des 
négociations  qui  ont  précédé  la  paix  de  Ryswick,  d'après  les  relations 
originales,  jusqu'ici  inconnues,  de  P.  Zimmermann,  amba.ssadeur  de 
l'évoque  de  llildesheim).  —  Christ.  Le  Liigenfeld  (champ  du  Mensonge) 
en  Alsace  (ce  nom  ne  vient  pas  de  la  défection  et  de  l'apostasie  des  hls 
de  Louis  le  Pieux,  mais  il  dérive  d'un  ruisseau  ((ui  coule  non  loin  de 
là,  le  Logelbach).  —  Sauer.  Documents  relatifs  à  l'histoire  de  l'insur- 
rection de  Munster  en  1534  (extraits  des  archives  d'Idstein).  —  Rap- 
ports sur  les  fouilles,  découvertes  de  monnaies,  etc.,  dans  la  forêt  de 
Teutobourg,  près  de  Dûsseldorf,  Cologne  et  Aix-la-Chapelle. 


XLV.  —  Archiv  fur  OBstarreichiscbe  Geschichta.  Vol.  LVill, 
lr«  partie,  1879  (Vienne).  —  Von  Zeissberq.  I^  lutte  pour  la  succes- 
sion autrichienne  après  la  mort  de  Ladislas  le  IV)sthume  (l'imiiortance 
de  cette  lutte  consistait  surtout  en  ceci  que  pour  la  première  fois  on 
brisait  l'unité  des  domaines  autrichiens,  considérés  jusqu'alors,  dans 
leur  intégrité,  comme  un  fief  d'empire.  Les  états  obser>'èrent  dans 
cette  circonstance  une  conduite  très  prudente,  mais  dangereuse,  et 
cherchèrent  à  empêcher  la  division  du  pays.  L'auteur  a  mis  largement 
à  profit  le  c  Copeybuch  •  de  Vienne  qu'il  signale  comme  la  source  la 
plus  importante  pour  les  événements  racontés  par  lui).  —  Zwiedimeck- 
SuDENHORST.  Lcs  ambassades  d'obédience  des  empereurs  d'Allemagne 
à  la  cour  de  Rome  aux  xvi*  et  xvii*  s.  |à  l'occasion  des  «  legationes 
obedientiae  d  envoyées  au  pape  par  Ferdinand  I  et  Maximilion  II,  les 
ambassadeurs  impériaux  prétendirent  avec  opiniâtreté  que  remi)ereur 
n'était  pas  tenu  d'accorder  au  pape  une  obéissance  absolue,  et  que 
l'empereur  n'avait  pas  besoin  de  la  «  huila  confirmationis  v  jusque-là 
en  usage.  Léopold  I  négligea  le  premier  d'envoyer  ces  ambassadeurs 
extraordinaires,  et  fut  imité  en  cela  par  ses  succt»sseurs,  qui  donnèrent 
leurs  instructions  en  conséquence  à  leurs  aml)a.<isadeurs  réguliers  à 
Rome).  —  Zeissberq.  Fragments  d'un  nécrologe  du  monastère  de  Reun 
en  Styrie.  =:  2'  partie.  Hblfert.  Témoignages  relatifs  à  Marie-Caro- 
line, reine  de  Naples  (d'après  des  sources  inédites  ;  traite  de  la  période 
17G8-1790,  en  insistant  sur  les  rapports  de  l'Espagne  avec  la  cour  napo- 
litaine). —  STEINWE.NTER.  Ctmtributious  à  l'histoire  des  lAH)poldins 
(traite  de  l'histoire  d'Ernest,  le  duc  de  fer,  né  en  1377;  trace  les  rap- 
ports de  l'Autriche  avec  le  Frioul,  Venise,  et  l'empereur  Sigismond. 
En  lUl,  Ladislas  Jagellon  ménage  une  tnWe  entre  Ernest  et  Sigis- 
mond ;  une  réconciliation  finale  s'ensuivit  en  1113). 

XLVI.  —  Mlttheilvnipeii  d.  Vereins  f.  Gesob.  d.  Deatocban  in 
Bohmen.  17»  année  (1879),  n^  3.  —  Kaufmax.n.  —  L'élection  de  Sigis- 


490  RECUEILS   PERIODIQUES. 

mond  de  Hongrie  comme  roi  des  Romains.  II  (l'idée  de  soumettre  Sigis- 
mond  à  une  seconde  élection,  en  1411,  avait  été  proposée  par  les  arche- 
vêques de  Mayence  et  de  Cologne  qui  cherchèrent  à  gagner  aussi  Wen- 
ceslas  en  faveur  de  son  frère.  Sigismond  s'opposa  à  ce  projet  et  tint  la 
première  élection  pour  valable  ;  il  ne  consentit  qu'avec  peine,  et  à  la 
dernière  extrémité,  à  faire  renouveler  Tacte  d'élection).  —  H.  von  Wiese. 
Les  juges  libres  du  comté  de  Glatz  (ils  descendent  des  anciens  juges 
qui,  au  xiii«  s.,  furent  mis  en  Silésie  à  la  tête  des  colonies  allemandes 
nouvellement  fondées  ;  lorsque  ces  juges  se  furent  dispensés  d'exercer 
en  personne  leur  office,  ce  qui  arriva  bientôt,  ils  réussirent  à  conserver 
leur  liberté  contre  toutes  les  attaques,  et  à  se  qualifier  d'hommes  libres 
sur  leurs  «  terres  de  juges  ».  Recherches  approfondies  sur  la  germani- 
sation de  la  Silésie).  —  Kittel.  Eger  dans  la  seconde  partie  du  xvii«  s. 
—  LosERTH.  La  nationalité  de  Charles  IV  (c'était  un  Allemand  par 
l'éducation  et  la  langue,  non  un  Tchèque).  =  N*  4.  Goehlert.  La 
population  de  la  Bohême  depuis  un  siècle  (nombreuses  tables  statis- 
tiques). —  Hasse.  L'émigration  des  évangéliques  de  Bohême  en  Saxe 
(d'après  des  actes  de  1666  et  1667).  —  Bisghoff.  Les  premiers  seigneurs 
de  Schwanberg.  —  Stocklobw.  Les  propriétaires  de  francs-alleux  en 
Bohème  (ils  n'appartenaient  à  aucune  classe,  et  relevaient  directement 
du  roi.  En  1630,  Ferdinand  II  mit  sous  la  surveillance  du  fisc  royal 
les  propriétaires  de  francs-alleux  contre  qui  sévissait,  depuis  1620,  une 
persécution  générale  de  la  part  de  la  noblesse). 


XLVII.  —  Archivio  storico  italiano.  1879,  4*  fasc.  —  Minieri- 
Riccio.  Le  règne  de  Charles  d'Anjou  ;  suite,  du  l**  janv.  au  21  oct. 
1281.  —  Saltini.  D'une  visite  que  François  Ide  Médicis,  encore  enfant, 
fit  à  Gênes  à  Philippe  d'Espagne,  fils  de  Charles-Quint.  —  Bazzoni. 
Correspondance  de  l'abbé  Galiani  avec  le  marquis  Tannucci  ;  suite,  du 
27  juin  au  8  août  1768.  —  Banchi.  Piccinino  dans  l'état  de  Sienne  et 
la  ligue  italienne,  1455-1456.  —  Reumont.  La  bibliothèque  de  Gorvin 
(histoire  de  la  formation,  de  la  dispersion  et  de  la  reconstitution  par- 
tielle de  cette  célèbre  collection  de  mss.).  —  Ambrosi.  Le  moyen  âge  à 
Trente.  —  Aar.  Les  études  historiques  dans  la  terre  d'Otranto.  — 
Clomptes-rendus  :  Gebhart.  Les  origines  de  la  renaissance  en  Italie 
(analyse  sympathique).  —  Helbig,  Die  Italiker  in  der  Poebene  (instruc- 
tif). —  Livi.  Il  Guicciardini  e  Domenico  d'Amorotto  (bon).  —  W,  Sickel. 
Geschichte  der  deutschen  Staatsverfassung  (travail  soigné,  mais  aven- 
tureux). —  Liste  des  livres  relatifs  à  l'Italie  imprimés  en  Angleterre. 

XLYUI.   —  Archivio  storico   per   le  provincie   napoletane. 

4«  année  ;  fasc.  2.  —  Volpicella.  Notices  extraites  des  archives  et  des 
bibliothèques  :  rapport  adressé  au  duc  de  Médina  de  las  Terres,  vice-roi 
de  Naples,  par  son  prédécesseur,  le  comte  de  Monterey,  sur  la  situation 
dans  le  royaume  de  Naples,  30  nov.  1637. —  Racioppi.  La  table  et  les  cou- 
tumes d'Amalfi  (la  partie  de  cette  table  qui  est  en  latin  a  été  rédigée 


RECUEILS  PERIODIQUES.  494 

officiellement  à  Tépoque  angevine  et  même  après  1274  ;  la  partie  rédigée 
en  italien  est  de  la  seconde  moitié  du  xiv*  s.,  mais  elle  n'est  pas  tout 
entière  de  la  môme  main,  ni  de  la  môme  date.  Le  mot  tabula  ne  veut 
pas  dire  que  ces  coutumes  aient  été  écrites  sur  la  pierre,  le  bronze  ou 
le  bois  ;  elles  étaient  transcrites  sur  un  parchemin  ou  sur  du  papier 
tendu  sur  une  plaquette  de  bois,  et  exposées  ainsi  aux  yeux  du  public). 
—  Del  Giudice.  La  famille  du  roi  Manfred  ;  suite.  —  Gorrei^pondance 
diplomatique  entre  le  marquis  Tanucci  et  le  prince  Albertini  ;  suite. — 
MiNiBRi-Riccio.  Détails  historiques  sur  les  académies  qui  ont  fleuri  à 
Naples. 

XXiIX.  —  R.  Istltato  lombarde  (Milan).  Séance  du  5  juin.  — 
C.  Cantù.  Le  couvent  délie  Grazie  à  Milan  et  le  saint-office  ;  l'*  partie 
(histoire  de  ce  monument  religieux  et  artistique  au  xvi«  s.). 

L.  —  R.  depntazione  dl  storia  patria  (Modène).  Séance  du 
17  mai.  —  Bertolotti.  Monographie  sur  Dart.  Marliani,  archéologue 
de  Vcrceil  au  xvi«  s.  ;  la  principale  de  ses  œuvres  fut  la  Topographia 
iirbù  Romae^  publiée  en  1534  et  plusieurs  fois  réimprimée  depuis, 
piôme  à  l'étranger.  =  31  mai.  Ferrato.  Mémoire  sur  Camilla  Faa  de 
Casale,  sur  son  mariage  avec  l'ex-cardinal  Ferdinand  Gonzague,  et  sur 
le  divorce  qui  suivit  (1616-1662). 

LL  —  Rivista  enropea.  l*'  août.  —  Gapasso.  Fra  Paolo  Sarpi  et 
l'interdit  de  Venise  ;  suite.  —  Salvioli.  L'instruction  publique  en 
Italie  aux  viir-x«  s.  ;  suite.  =  16  août.  Adehollo.  Le  comte  Gorani  et 
ses  récents  biographes.  —  De  Jonoh.  Les  archives  de  l'état  à  Florence. 
=  16  sept.  Les  études  de  M.  â.  Dertolotti  sur  la  famille  Genci  (impor- 
tant pour  l'histoire  des  mœurs  italiennes  au  xvi«  s.). 

IjIL  —  Nnova  Aniologia.  15  juill.  —  Gust.  Les  plus  anciens  monu- 
ments épigraphiques  dans  l'Inde  septentrionale  ;  les  inscriptions  du  roi 
Açoka.  —  NovELLi.  Sur  un  ms.  de  la  Bibl.  Angelicade  Rome  (contient 
deux  lettres  autographes  du  Tasse,  déjà  publiées  par  Guasti  d'après  des 
copies  ;  quelques  remarques  sur  la  langue  parGuarini,  également  auto- 
graphes, etc.  =  l*""  août.  Do.NGHi.  Goriolan  (excellente  étude  sur  l'his- 
toire et  la  légende  de  Goriolan).  —  Ghiala.  Les  confidences  politiques 
de  deux  hommes  de  bien  (lettres  de  M.  d'Azeglio  et  d'Alph.  La  Mar- 
niora  sur  les  événements  politiques  de  1849)  ;  suite  au  n*  suiv.  a 
15  août.  Tararrini.  Les  voyages  de  Gino  Gapponi.  —  Fiorentiso.  Vie 
et  œuvres  d'Andréa  Gesalpino  (quelques  documents  nouveaux).  —  Del 
Lu.Hoo.  Florence  guelfe  dans  les  premières  années  du  xiv^  s.  (extrait  du 
livre  :  Dino  Compagnx  e  la  sua  Cronica), — Pioorini.  La  paleoetnographie 
véronaise  et  son  fondateur  P.  Marti nati. 


LIIL  —  Jahrbueli  fttr  SobweiBergeschichte.  Bd.  IV,  1879. 
—  F.  RoHRBR.  Le  prétendu  concordat  de  Waldmann  (démontre 
que  ce  concordat,  unique  en  son  genre  par  les  concessions  que 
le   saint- siège   aurait   faites   à   It   ville   de   Zurich,   n'est  au   fond 


492  tECunts  pi^uodiquss. 

qu'une  fable,  mais  que  les  magistrats  zurichois  n'en  savaient  pas  moins 
faire  très  bien  valoir  vis-à-vis  de  leur  clergé  les  droits  souverains  de 
rÉtat).  —  J.  L.  Aebi.  Sur  les  causes  de  la  guerre  de  Zurich.  —  E. 
Bloesch.  La  construction  de  la  viUe  de  Versoix,  1706-1777  (documents 
tirés  des  archives  de  Berne,  qui  témoignent  de  Tanxiété  avec  laquelle 
le  gouvernement  bernois  suivait  les  projets  réels  ou  supposés  de  la 
France  à  Tégard  de  Genève  et  du  pays  de  Vaud).  —  E.  ŒmjiANN.  Les 
passages  des  Alpes  au  moyen  âge,  2«  partie  :  le  Bernardin  et  le  Septi- 
mer  ;  le  Brenner  ;  les  Alpes  orientales,  etc. 

LIV.  —  Der  Geschichtsfrennd.  Bd.  XXXIV,  1879.  —  ScHiFFiCANif. 
Notice  sur  les  travaux  d'Aloîs  Lùtolf  (cf.  Rev.  hist,^  X,  512.  Nous  ajoutons 
aujourd'hui  que  M.  Lu tolf  s'était  chargé,  avec  M.  le  professeur  Busson, 
d'Innsbruck,  d'achever  ï Histoire  des  alliances  fédérales,  de  J.-E.  Kopp. 
M.  Lûtolf  avait  pris  pour  sa  part  l'histoire  des  années  1330-1336.  Mal- 
heureusement, le  manuscrit  déjà  très  volumineux  qu'il  a  laissé  est 
encore  loin  d'être  terminé).  —  J.-G.  Meyer.  Notes  sur  l'histoire  du 
chapitre  rural  de  Zurich.  —  A.  Keiser.  La  famille  Muos  de  Zug  (épi- 
sode de  la  guerre  de  Morée  au  xvii*  siècle).  —  Le  R.  P.  A.  Schubiqeiu 
Les  Antonins  et  leur  maison  d'Uznach.  —  M.  Estermann.  Le  livre  des 
fiefs  du  chapitre  de  Beromûnster  (Possessiones  et  decitne  pertinentes  ad 
feoda  prebendalia  Ecclesie  Beronensis,  registre  du  milieu  du  xiv*  s.).  — 
B.  AjfBKRO.  Antiquités  romaines  et  alémaniques  de  Kottwil  (Lucerne). 

LV.  —  Mlttheiloiigen  der  antiquarischen  OesellBChaft  in 
Zurich.  Bd.  XX,  1.  Theil,  Heft  3,  1879.  —  F.  Keller.  Établissements 
lacustres,  8«  rapport. 

LVl.  -^  Thnrgaoische  Beitraege  zur  vateria.endl8clien  Gesch. 
Heft  XIX,  1879.  —  H.  G.  Sulzberoeb.  Matériaux  pour  servir  à  l'his- 
toire politique  et  religieuse  de  la  Thurgovie  au  temps  de  la  Réforma- 
tioD.  —  Sghmid.  Épreuves  d'un  pasteur  thurgovien  pendant  les  années 
de  guerre  1798-1800. 

LYII.  —  Jahrbncb  des  Sch^weizer-Alpenclob.  XFV.  Jahrgang, 
1879.  —  G.  Meyer  von  Knonau.  Un  voyaye  impérial  à  travers  les 
Alpes  (résume  d'une  façon  ingénieuse  ce  qu'on  peut  savoir  de  l'appa- 
reil dans  lequel  les  monarques  allemands  franchissaient  les  Alpes  au 
xri«  siècle  pour  aller  se  faire  couronner  à  Rome  ou  pour  défondre  en 
Italie  les  droits  du  saint-empire).  —  H.  Duby.  Les  Sarasins  et  les 
Hongrois  dans  les  Alpes. 

LVIII.  —  Mémoires  et  Documents  publiés  par  la  Société  d'Iiis- 
toire  de  la  Suisse  romande.  T.  XXXIY,  2«  livraison,  1879. 
Mélanges.  —  G.  de  Charrière.  Notice  biographique  sur  Louis  de  Ghar- 
rièro  (auteur  de  monographies  estimées  sur  les  anciennes  familles  sei- 
gneuriales du  pays  de  Vaud).  —  Gh.  Morel.  Notice  sur  le  milliaire  de 
Vich.  —  A.  Morel-Fatio.  Fragments  d'une   histoire   monétaire   do 


RICDBILS   PIÎRIODIQOIS.  493 

Lausanne  (1394-1476).  —  J.  Gremaud.  Nécrologe  de  la  chartreuse  de  la 
Lance. 

LIX.  —  Mémoires  de  rinstitut  national  genevois.   T.  XJV, 

1879.  —  H.  Fazy.  Procès  de  Valentin  Gentilis  et  de  Nicolas  Gallo, 
1558,  public  d'après  les  documents  originaux  (cf.  Rev.  hist.^  VII,  '238). 
—  Id.  La  Saint-Barthélémy  et  Genève  (renseignements  abondants  et 
de  première  main  sur  l'impression  produite  à  Genève  par  la  nouvelle 
de  la  Saint-Barthéicmy,  les  mesures  de  précaution  et  de  défense  que  la 
ville  crut  devoir  prendre,  l'accueil  sympathique  qu'elle  fit  aux  réfu- 
giés, etc.). 

LX.  —  Mémoires  et  documents  publiés  par  la  Société  d'his- 
toire et  d'archéologie  de  Genève.  T.  XX,  i^  livr.,  1879.  —  Gh. 
MoEEL.  Genève  et  la  colonie  de  Vienne  sous  les  Romains,  i**  partie 
(mémoire  d'une  ordonnance  un  peu  disproportionnée,  mais  fort  inté- 
ressant, dans  lequel  M.  Morel  s'est  proposé  d'éclairer  les  inscriptions 
latines  trouvées  à  Genève,  soit  par  l'étude  des  inscriptions  provenant  de 
tout  le  pays  qui  dépendait  de  la  colonie  de  Vienne,  soit  par  les  rensei- 
gnements que  les  auteurs  anciens  ou  les  inscriptions  d'autres  contrées 
nous  fournissent  sur  les  cités  de  Tempire  romain.  11  a  été  ainsi  amené 
à  élargir  le  cadre  de  son  travail,  où  Genève  n  occupe  plus  eu  apparence 
qu'une  place  assez  restreinte.  Les  institutions  de  Vienne,  métropole 
des  AUobrogcs  et  chef-lieu  de  l'organisation  municipale  dont  Genève 
dépendait,  sont  devenues  l'objet  essentiel  des  recherches  de  M.  M.  ; 
et  comme   les    institutions    municipales    des    Romains ,  dans    leur 
infinie  variélé,  sont  fort  peu  connues,  il  a  cru  devoir  donner  aussi 
une  certaine  extension  aux  généralités  et  aux  résumés  historiques.  Le 
mémoire  est  jusqu'à  présent  divisé  en  six  chapitres,  dont  voici  les 
titres  :  I.  Genève  et  les  ÂUobroges.  Esquisse  historique  de  la  conquête. 
État  général  de  la  province  Narbonnaise  jusqu'à  Jules  César  et  Au- 
guste, p.  5.  IL  Différents  droits  et  titres  accordés  aux  villes  et  aux 
diverses  localités  de  l'empire,  municipes,  colonies,  etc.  Vici,  castella  et 
pagi  ;  leur  position  relativement  au  chef-heu,  p.  19.  IIL  Origine  de  la 
colonie  de  Vienne.  Examen  des  sources.  Vienne  colonie  latine,  puis 
municipe  romain.  Date  probable  de  sa  constitution  définitive  en  colonie 
romaine,  p.  \b.  IV.  Les  magistrats  viennois  d'après  la  première  cons- 
titution. Inscriptions  qui  les  concernent,  p.  60.  V.  I^s  magistrats  vien- 
nois d'après  la  nouvelle  constitution.  Inscriptions  qui  les  concernent. 
Ordre  hiérarchique  des  magistrats,  p.  68.  VI.  Attributions  des  magis- 
trats de  Vienne  sous  la  seconde  constitution,  p.  79-97).  —  Gh.  Le  Fobt. 
Une  société  de  Jésus  au  xv«  siècle  (lettres  adressées,  de  1 16i  à  1466, 
aux  syndics  et  conseil  de  Genève  par  Gérard  Deschamps,  personnage 
assez  mal  famé  qui  fut  le  principal  instigateur  de  la  société  fondée,  le 
29  juin  1159,  par  le  pape  He  II,  dans  le  but  de  faire  la  guerre  aux 
Turcs  et  de  propager  It  foi  chrétienne.  M.  Le  Fort  a  joint  aux  lettres 
de  Deschamps  une  page  du  secrétaire  intime  du  pape,  Gobcllinus,  qui 


494  RECUEILS  PlflIODIQUES. 

ne  laisse  pas  d'en  affaiblir  singulièrement  la  valeur  ;  mais  on  sait  si 
peu  de  chose  de  cette  compagnie  de  Jésus  qu'il  faut  remercier  Téditeur 
d'avoir  ajouté  quelques  pièces  nouvelles  aux  trois  documents  publiés 
par  M.  Gastan  dans  la  Revue  des  sociétés  savantes  de  4876).  —  lîi.  Du- 
FouR.  Notes  sur  le  couvent  de  Sainte-Claire  à  Genève  (acte  de  1500  qui 
donne  les  noms  de  26  religieuses  de  Sainte-Glaire;  renseignements 
nouveaux  sur  les  diverses  éditions  du  Levain  du  Calvinisme  ;  fragments 
de  l'ouvrage  du  P.  Fodéré  qui  peuvent  servir  à  compléter  le  nècit  de 
Jeanne  de  Jussie,  etc.).  —  Bulletin  :  Gh.  Le  Fobt.  Louis  Sordet,  ancien 
archiviste.  Notice  nécrologique.  —  Id.  Huit  jours  à  Genève  en  4595 
(extrait  du  journal  de  voyage  de  Thomas  Flatter  le  jeune).  —  Gh.  Da.ii- 
DiER.  Pierre  Mouchon  et  VÉmile  de  Rousseau.  —  Th.  Dufour.  Ouvrages 
sur  rhistoire  de  Genève  publiés  du  l'**  janvier  4875  au  34  décembre 
4878  (renferme,  entre  autres,  p.  199-246,  toute  la  littérature  du  cente- 
naire de  Rousseau). 


LXL  —  Hlstorîsk  Tldsskrift.  5*  série,  t.  I,  fasc.  2.  —G.  P. 
Brick  A.  t  Dies  soteriorum.  »  —  Id.  Hans  Stenvinkel,  architecte  de 
Ghristian  lY.  —  Nellemann.  Remarques  sur  la  bénédiction  nuptiale 
considérée  comme  condition  du  mariage  légal  en  Danemark.  —  Nyrop. 
L'industrie  de  la  verrerie  en  Danemark  avant  1750.  —  Gomptes-rendus  : 
Barner.  La  famille  de  Rosenkrantz  (utile).  —  Daae,  Les  saints  de  Nor- 
vège. —  Id.  Le  droit  de  patronage  dans  Téglise  norvégienne  (bons).  — 
Michelsen.  Vorchristliche  Gultusstaetten  (fantaisies  sans  valeur).  —  Les 
ouvrages  parus  à  l'étranger  en  1878  sur  l'histoire  de  Danemark. 

LXIL  —  Klrkehistoriske   Samlinger.  3«  série,  t.  II,  fasc.   3. 

—  WuLFF.  La  légende  de  saint  Glément.  —  Robrdam.  Notices  et  extraits 
de  l'almanach  de  Peder  Ghristensen.  1584-95.  —  Koch.  Les  piétistesen 
Jutland  au  commencement  du  xix*  s. 

LXIU.  —  Aarbœger  for  Nordisk  Oldkyndighed.  1879,  fasc.  1. 

—  Kornerup.  Le  monastère  d'Esrom  et  ses  rapports  avec  Clairvaux.  — 
JoERGENSEN.  L'aucien  écu  armoriai  des  rois  de  Danemark.  —  Henr^- 
Petersen.  La  pierre  tombale  de  Timgaard  (non  celle  de  Dyveke,  mais 
celle  de  sa  mère  Sigbrit). 

LXIV.  —  Historisk  Archiv.  1879.  I,  fasc.  5.  —  Steenstrup. 
Notice  sur  quelques  lettres  adressées  en  1753-57  par  M™«  Ogier,  femme 
de  l'ambassadeur  de  France  à  Copenhague,  à  M.  de  Gideville,  ami  de 
Voltaire,  à  Rouen  ;  elles  sont  conservées  dans  les  archives  de  l'Aca- 
démie de  Rouen;  ses  remarques  sur  la  littérature  danoise  sont  inté- 
ressantes. 


CBROXIQDB   ST   BIBLIOGRAPHIE.  495 


CHRONIQUE  ET  BIBLIOGRAPHIE. 


France.  —  Le  prix  Bordin  (3,000  fr.)  a  été  décerné  par  TAcadémio 
des  Beaux-Arts  à  M.  Eug.  Muntz,  pour  son  ouvrage  intitulé  Us  Arts  à 
la  cour  des  papes. 

—  Par  arrêté  du  15  septembre,  une  chaire  de  géographie  historique  a 
été  créée  à  l'École  des  Hautes-Études  pour  notre  collaborateur  M.  Aug. 
Lo.NUNON.  M.  Longnon  fera  deux  conférences  par  semaine  :  il  étudiera 
dans  Tune  Torigine,  la  signification  et  les  transformations  des  noms  de 
lieux,  dans  l'autre  il  exposera  les  divisions  territoriales  de  la  Gaule 
franque  du  vi*  au  x*  siècle. 

—  Voici  les  sujets  des  compositions  écrites  qui  ont  été  donnés,  cette 
année,  aux  candidats  pour  l'agri'gation  d*histoire  :  Histoire  ancienne  : 
donner  une  analyse  raisonnée  des  Antiales  et  des  Histoires  de  Tacite; 
discuter  la  question  de  Tautorité  de  Tacite  comme  historien  d'après  ces 
deux  ouvrages.  —  Histoire  du  moyen  âge  :  exposer  les  principaux 
résultats  des  Croisades.  —  Histoire  moderne  :  la  Fronde;  exposer  briève- 
ment le  récit  des  faits,  en  distinguant  avec  soin  les  diverses  périodes; 
énumérer  et  caractériser  les  principaux  ouvrages  qui  nous  instruisent 
à  ce  sujet  ;  apprécier  les  diflerentes  opinions  qui  ont  été  exprimées  sur 
le  degré  de  gravité  qu  a  offert  cet  épisode  au  point  de  vue  de  l'histoire 
générale.  —  Géographie  :  faire  connaître  le  littoral  méditerranéen  de  la 
France.  A  la  suite  des  épreuves  écrites  et  orales,  ont  été  nommés  agrégés 
MM.   DuHois,  Lacour,  Labroue,  Sgubffer,  Gat,  Gardon,  Grkhamub, 

GUYON,   WOLTERS,  PoiRIER,  GaZES. 

—  M.  Aug.  HuuuET,  sénateur  du  Pas-de-Calais,  vient  de  fonder  un 
prix  de  i.OOO  fr.,  qui  sera  décerné  eu  1881  à  l'auteur  du  meilleur  abrégé 
de  l'histoire  de  Boulogne-su r-Mer,  à  l'usage  des  élèves  des  écoles  pri- 
maires. L'ouvrage  devra  être  un  choix  de  lectures  sur  les  principaux 
événements  de  cette  histoire,  rattachés  entre  eux  et  reliés  à  l'histoire 
générale  du  pays  par  de  courts  sommaires;  il  se  composera  de  récits 
détaillés  sur  les  événements  importants  dont  iioulogne  et  le  Boulon- 
nais ont  été  le  théâtre  jusqu'à  la  fin  de  la  guerre  avec  l'Allemagne,  en 
1871.  La  Société  académique  de  l'arrondissement  de  Boulogne  a  décidé 
de  créer  de  son  c6té  un  prix  de  400  fr.  en  faveur  de  l'ouvrage  classé  le 
second  dans  le  concours. 

—  La  librairie  Picard  vient  de  mettre  en  vente  le  Cartulaire  de 
l'abbaye  de  Conques  en  Rouerguc,  publié  par  M.  Gustave  DBSJARoms. 
On  jugera  de  l'importance  de  ce  vol.  par  ce  seul  fait  qu'il  contient  le 
texte  de  581  chartes,  pour  la  plupart  inédites,  dont  9  du  ix«  s.,  125  du 


496  CHRONIQUE   ET  BIBLIOGRAPHIE. 

X*,  plus  de  350  du  xi«  et  les  autres  du  xii«.  Ces  documents,  publiés  avec 
soin,  sont  précédés  d'une  introduction,  où  l'éditeur  étudie  Fhistoire  de 
Conques,  décrit  le  cartulaire,  expose  les  principaux  renseignements 
qu'on  en  peut  tirer  relativement  à  l'administration  des  biens  de  Tabbaye, 
et  suivis  d'un  index  chronologique  des  documents,  enfin  d'une  table 
générale  des  noms  de  personnes  et  de  lieux.  Cette  dernière  occupe  une 
centaine  de  pages.  Cet  important  ouvrage  a  été  entrepris  aux  frais  de 
la  société  de  l'École  des  chartes;  il  fait  partie  de  la  série  des  Documents 
historiques  publiés  par  cette  société,  et  que  doit  clore  la  présente  publi- 
cation. —  La  société  a  résolu  d'employer  autrement  ses  ressources 
disponibles;  elle  a  entrepris  de  publier  par  fascicules  un  recueil  de  fac- 
similés  photographiques  propres  à  faciliter  Tétude  de  la  paléographie. 
Le  premier  fasc.  contiendra  27  pièces  accompagnées  de  leur  transcrip- 
tion ;  la  photographie  et  l'impression  sont  déjà  terminées  pour  26  d'entre 
elles;  ce  premier  fasc.  paraîtra  donc  bientôt. 

—  M.  Gaston  Raynaud  vient  de  publier  chez  Picard  un  intéressant 
petit  volume  intitulé  :  Voyage  de  Charles- Quint  par  In  France,  poème 
historique  de  René  Macé.  Ce  René  Macé,  originaire  de  l'Anjou,  moine 
bénédictin  de  la  Trinité  de  Vendôme,  et  prieur  de  Beaurain  (Nord), 
fut  le  chroniqueur  et  le  poète  attitré  de  François  I*""  (il  dut  mourir  peu 
après  1540).  Il  a  composé  plusieurs  ouvrages,  en  latin  ou  en  français, 
—  car  Macé  était  poète  en  l'une  et  l'autre  langue,  —  dont  M.  Raynaud 
nous  donne  la  liste.  Le  poème  sur  le  célèbre  voyage  de  Charles-Quint 
en  France,  en  1539-1540,  s'il  n'est  pas  un  chef-d'œuvre  de  poésie,  il 
est  loin  cependant  d'être  sans  valeur.  L'auteur  en  effet  décrit  ce  qu'il 
avait  sous  les  yeux  et  l'histoire  pourra  faire  son  profit  de  maints  détails; 
il  accueillera  de  plus,  comme  la  très  bien  venue,  une  bibliographie, 
dressée  avec  soin  et  méthode  par  M.  Raynaud,  des  pièces  publiées  au 
XVI*  s.  sur  cet  important  événement.  Cette  bibliographie  est  divisée  en 
3  parties  :  la  l"  (14  pièces)  est  relative  aux  Entrées  de  Charles-Quint; 
la  2«  (14  pièces)  à  un  certain  nombre  de  pièces  historiques;  la  3«  (11  p.) 
aux  chansons,  et  en  général  à  toutes  les  productions  littéraires  qu'a  pu 
faire  naître  sur  son  passage  l'empereur  d'Allemagne. 

—  La  deuxième  livraison  du  bel  et  excellent  ouvrage  de  M.  Léon 
Palustre  sur  la  Renaissance  en  France  (Quantin)  est  consacrée  au 
département  de  l'Oise.  On  y  trouve  les  plus  intéressants  détails  sur  les 
sculptures  des  portes  de  la  cathédrale  de  Beauvais,  sur  les  châteaux  de 
Sarcus,  de  Verneuil  et  de  Chantilly,  sur  le  sculpteur  Jean  le  Pot,  sur 
l'architecte  Jean  de  Brosse  en  qui  M.  Palustre  voit,  avec  beaucoup  de 
vraisemblance,  le  père  de  Salomon  de  Brosse,  l'architecte  du  Luxem- 
bourg. Les  belles  eaux-fortes  de  M.  Sadoux  sont  dignes  d'illustrer  le 
texte  de  M.  Palustre,  où  le  goût  artistique  s'allie  à  l'érudition  archéo- 
logique. 

—  M.  Bérenger-Féraud,  médecin  en  chef  de  la  marine,  vient  de 
publier  sur  les  Peuplades  de  la  Sênégambie  (Leroux)  un  livre  rempli 


CHROXIQDE   ET    BIBLIOGRiPBIB.  497 

d'observations  personnelles  qui  seront  utiles  aux  futurs  historiens  de 
l'Afrique. 

—  M.  Chodzko,  chargé  de  cours  au  (>)llège  de  France,  vient  de  tra- 
duire en  français  les  Chants  historiques  de  l'Ukraine  et  les  Chansons  des 
Latijches  des  bords  de  la  Dvina  occidentale  (Leroux).  Ces  chants  sont  d'un 
grand  intêr<>t,  mais  le  commentaire  qui  les  accom{)agne  n  est  pas  tou- 
jours suffisant  pour  en  faire  pénétrer  le  sens  et  en  faire  apprécier  la 
valeur  historique. 

—  M.  U.-D.  de  Grammont  commence  une  série  d'études  sur  leii  Relu" 
lions  entre  la  France  et  la  Régence  d'Alger  au  XVIh  5.  (Alger,  Jourdan) 
par  une  très  intéressante  plaquette  (47  p.)  sur  les  deux  canons  de  Simon 
Dansa f  volés  par  ce  corsaire  quand  il  abandonna  le  8er\'ice  barbaresque 
et  qui  furent  cause  d  une  rupture  entre  Alger  et  la  France,  qui  dura  de 
1610  à  1628.  Les  nombreux  documents  inédiu  que  publie  M.  de  G. 
donnent  une  vive  image  des  conditions  d'insécurité  dans  lesquelles 
s'exerçait  alors  le  commerce  de  la  Méditeiranée. 

—  M.  J.  Delaville  le  Roulx  vient  de  dtVcrire  et  de  commenter  avec 
soin,  dans  une  Notice  sur  les  Chartes  originales  relatives  à  la  Touraine 
antérieures  à  l'an  mil  (Tours,  imp.  Rouillé-Ladovèze),  vingt  documents 
dont  la  plupart  ont  un  intérêt  historique.  Nous  voudrions  voir  plus 
souvent  nos  archivistes  entreprendre  des  travaux  semblables  de  paléo- 
graphie et  de  diplomatique  qui  fournissent  un  si  grand  nombre  de  ren- 
seignements utiles  sur  l'histoire,  la  géographie,  la  chronologie,  les 
institutions,  etc.  M.  D.  L.  R.  a  donné  un  bon  exemple  qui,  nous  l'espé* 


rons,  sera  suivi. 


—  La  Société  héraldique  et  généalogique  de  France  fait  paraître  depuis 
le  1*'  janvier  dernier  un  bulletin  bi-mensuel  (s'adresser  à  M.  Woog, 
2,  place  du  Danube,  à  Paris.  5  fr.  par  an). 

—  M.  G.  Henry  vient  de  publier  sous  le  titre  de  Un  érudit,  homme  du 
monde,  homme  d'église,  homme  de  cour  (Hachette),  une  série  de  lettres 
adressées  à  Huet  par  M"»«  de  Lafayette,  M«"«  Dacier,  Bossuet,  Fénèlon. 
11  en  est  de  très  curieuses,  en  particulier  celles  de  M°>«  de  Lafayette  et 
de  Bossuet. 

—  M.  Lanob,  professeur  au  collège  Rollin,  vient  de  publier  (Fisch- 
bacher)  une  intéressante  étude  sur  un  trouvère  allemand  du  xni«  s., 
Walther  von  der  Vogelweide.  Quoique  ce  volume  sorte  en  partie  du 
cadre  do  la  Revue^  nous  tenons  au  moins  à  l'annoncer,  parce  qu'il  se 
rattache  par  plusieurs  points  à  l'histoire  générale  ;  ainsi  le  chapitre  H 
étudie  Walther  comme  homme  politique,  et  le  montre  dans  ses  rela- 
tions avec  Philippe  de  Soualn*,  Othon  de  Brunswick,  Frédéric  H  ;  le 
chapitre  HI  le  considère  dans  ses  rapports  avec  l'Ëglise  et  les  papes 
Innocent  HI  et  Grégoire  IX.  C'est  une  curieuse  histoire  qui  nous  fait 
pénétrer  dans  les  sentiments  et  les  passions  de  l'époque  où  vécut  celui 
qui  en  est  le  héros. 

Rev.  HisTOR.  XI.  2«  PASC.  32 


498  CHMO^nouv  et  iituoftiAPm. 

— Trois  nonvelles  revues  vont  parai tre  chez  Leroux,  k  Paris  :  une  Retue 
éffjfpiologique,  sous  la  direction  de  MM.  BauoscH-BEY,  Chabas  et  Revil- 
LOGT  ;  les  Archives  de  l'Orient  latin,  sous  le  patronage  de  la  société  de 
rOrient  latin;  et  une  Revue  de  l'histoire  des  religions,  sous  la  direction 
de  M.  GcDiET. 

—  Le  même  éditexir  annonce  les  ouvrages  suivants,  déjà  parus  ou  à 
paraître  dans  la  collection  formée  par  TÉcole  des  langues  orientales 
vivantes  :  voL  XH,  Recherdies  arehéoloçiques  et  historiques  sur  Pékin  et 
ses  environs,  par  M.  Gollo  de  Pulsci  (voy.  ranal3rse  de  ce  vol.  dans  la 
Revue  critique  du  4  oct.,  n*  40);  vol.  XIII^  Histoire  des  reimtUms  de  la 
Chine  avec  l'Ânnam,  du  lYI*  au  III*  s.^  par  M.  DEVÉaui;  voL  XIV, 
Éphtmérides  daces,  ou  histoire  au  jour  le  jour  de  la  guerre  de  quatre  ans 
(1736-^),  entre  les  Turcs  et  les  Russes,  par  Constantin  Dupontès, 
texte  grec  publié  par  M.  Legeaxd  ;  la  traduction  française  formera  le 
¥ol.  XV;  vol.  XVI,  Recueil  de  documents  sur  l'Asie  centrale,  par 
M.  IxBAULT'HuAaT  ;  vol.  XVll  et  XVIII,  Histoire  universelle,  traduite 
de  l'arménien,  par  M.  DuLAumisa:  voL  XIX,  Histoire  du  bureau  des 
interprètes  de  Fékin,  par  M.  DsvÉaLk. 

—  La  fin  de  l'année  verra  paraître  un  certain  nombre  d'ouvrages 
historiques^  qui  seront  des  oeuvres  de  science  en  même  temps  que  de 
beaux  livres.  Nous  citerons  chez  Didot  :  Histoire  du  Mont  Saint^Michei, 
par  Tabbé  Bbec,  l'evéque  de  Coutances,  et  M.  G^aRorsa;  chez  Durnoolin  : 
Saint  Vincent  de  Paul,  par  M.  Arthur  Loth,  et  le  Costume  en  France 
d'après  les  sceaux,  par  M.  Germain  Dexit.  Après  une  introductioa 
étendue  où  sont  étudiées  toutes  les  •:îuestions  que  soulève  la  sigUlogra- 
phie,  Tautear  de  ce  dernier  ouvrage  met  sous  les  yeux,  à  l'aide  de  la 
plume  et  du  crayon,  toutes  Les  données  iconographiques^  si  abondantes 
et  si  précises,  que  fournissent  les  sceaux.  Il  reproduit  et  commente  les 
types  que  les  sceaux  ont  successivement  donnés  aux  trois  personnes 
divines,  à  La  Vierge,  aux  anges,  aux  saints,  aux  rois,  aux  darnes^  aux 
chevaliers,  et  enfin  les  types  héraldiques. 

Angleterre.  —  La  librairie  Hors!  et  Biackett  prépare  une  édition  en 
•  vol.  des  conversations  de  feu  M.  Nassau  Sestob  avec  des  personnages 
distingues  pendant  le  second  empire  \  tS60-IS63^  :  on  en  connaît  déjà 
plusieurs  fragments  publies  dans  diverses  revues  anglaises.  Elles  sont 
publiées  par  M"»  Simpson,  filie  de  M.  Senior. 

—  La  collecàon  du  Mainre  des  rôles  vient  de  senricnir  des  violâmes 
suivants  :  le  t.  U  du  C^ileruîar  of  home  office  paper^  pour  le  règne  de 
Geonjes  III  17*56-1761}'  :  le  t.  m  du  Calendar  of  ducurrunts  relatin^  Ut 
[reland  iliS5-li9«';  un  nouveau  volume  des  Tntisury  paperi,  allant  de 
1708  à  17U- 

—  M.  Arthur  J.  Jsvkbs  prépare  une  edidon  des  registres  de  la  paroisse 
de  Sains<x^tonib~>Li;or»  ea  CcraouoiUes:  ces  r?«jnscres  commencent  en 
tôo'J  :  Lis  codîieaueiis  de  •n."»iiibrvux  renseignements  sur  Les  fttmiiles- 
Arundell,  Vvwan,  Carew,  Courtenav. 


CHRONIQnS   ET   BIBLIOGRAPHIE.  499 

—  M.  SwEET  imprime  en  ce  moment  une  version  en  ancien  anglais, 
par  le  roi  Alfred,  de  Thistoire  universelle  d'Orose  (pour  la  société  des 
anciens  textes  anglais). 

—  La  librairie  Longmans  annonce  les  ouvrages  suivants  :  Corres- 
pondance de  Gilbert  EUiot,  premier  comte  de  Minto,  gouverneur 
général  de  l'Inde,  de  1807  à  181  i,  pour  faire  suite  aux  lettres  de  lord 
Minto  déjà  publiées  en  i87i;  50  ans  de  la  constitution  anglaise,  par 
Shehlon  Amos;  une  bistoire  de  l'ancienne  Egypte  par  RA>\Lm80N;  le 
4«  vol.  de  ÏHistory  of  England  de  Spencer  Walpolb,  183*2-1841. 

—  La  librairie  Macmillan  annonce  le  4»  et  dernier  vol.  de  VHistory  of 
the  english  people,  par  M.  Green  ;  le  6*  et  dernier  vol.  de  la  vie  de  Milton, 
par  M.  Masson;  une  3«  série  d7/ii/onoo/  Essays,  par  M.  Frebman;  une 
tlhiory  of  the  huguenots  of  the  dispersion,  i^ar  M.  Poole;  la  4«  série  des 
Cameos  from  english  history,  par  M**«  Yonoe. 

—  La  librairie  Trùbner  annonce  la  2«  part,  du  vol.  IV  de  la  History 
of  India  from  the  earliest  âges,  consacré  au  règne  d'Aurenzeb,  le 
I^uis  XIV  de  Tlnde  au  xvii*  s. 

Allemagne.  —  M.  VoLQUARnsBN,  professeur  d*histoire  ancienne  à 
Kiel,  vient  de  passer  à  l'Université  de  Gœttingue. 

—  M.  Heioel,  sous-arcbiviste  de  TÉtatà  Munich,  vient  d'ôtre  nommé 
professeur  à  l'Université  de  cette  mémo  ville. 

Autriche-Hongrie.  —  M.  Mathias  Pangerl,  professeur  à  l'Univer- 
sité de  Prague,  né  en  1834,  mort  le  10  janv.  1879,  s'est  fait  connaître 
par  de  nombreux  travaux  sur  l'histoire  de  la  8tyrie  et  l'édition  des 
cartulaires  de  Ilohenfurt  et  de  Goldenkron;  son  dernier  ouvrage  est 
l'édition  du  liuch  der  Malerzeche  in  Prag, 

—  M.  David  Kuh,  publiciste,  membre  du  landtag  bohémien,  né  en 
1819,  mort  le  25  janv.  1879,  prit  part  en  1848  à  l'insurrection  hongroise 
et  fut  condamné  à  un  long  emprisonnement;  amnistié  en  1850,  il  fonda 
la  Ihrager  Zeitscfinft,  Chronik  fûr  œsterreichische  Literatur,  Kumt  und 
Geschichte  et  le  Tagesboten  aus  Hœhmen.  En  lutte  constante  avec  le  parti 
tchèque,  et  surtout  avec  Ilanka  et  Palacky,  il  fut  un  des  représentants 
les  plus  distingués  du  mouvement  allemand  en  Bohême.  Il  attira  vive- 
ment sur  lui  l'attention  en  démontrant,  en  1859,  la  fausseU^  des 
prétendus  monuments  de  la  littérature  tchèque  reproduits  par  Ilanka. 

—  Programmes  de  g>'mnases  autrichiens  :  BmMENTRrrr.  Der  Tratato 
anonimo  iiber  den  Aufstand  d.  Communeros  gegen  Karl  V  ;  traduction 
et  commentaire.  Leitmeritz  1878.  —  G.  Burohm'Sf.r.  Einleitung  zu 
einer  Geschirhte  den  Baseler  Friedens  von  1795.  Kamotau  1878.  — 
Pandler.  Studien  zur  nordlnebmischen  specialgeschichte.  Leipa  1878. 

Italie.  —  Le  "28  août  dernier  est  mort  à  Palerme  le  comm.  Isidoro 
I^A  LrMiA,  surintendant  général  des  archives  de  Sicile.  Il  avait  publié 
sur  l'histoire  de  cette  île  des  travaux  remarquables  dont  plusieurs  ont 
paru  dans  VArchivio  storico  italiano  et  dans  la  Suora  Antnhjgia.  Va  des 


500  CHROJVIQUE   ET   BIBLIOGRAPHIE. 

plus  estimables  est  le  livre  intitulé  la  Sicilia  sotto  Vittorio  Amadeo  di 
Savoia^  dont  il  a  été  question  dans  la  Revue  historique^  VI,  420. 

—  On  annonce  sérieusement  que  Ton  songe  au  Vatican  à  faciliter 
aux  érudits  l'accès  des  archives  pontificales.  Puisse  ce  projet  se  réaliser 
promptement  I 

—  Le  travail  de  M.  Isidore  del  Lungo,  Dino  Compagni  e  la  sua  Cro^ 
nica,  attendu  depuis  si  longtemps,  vient  enfin  de  paraître  (Florence, 
Le  Monnier).  La  1"  partie  seule  (45  chapitres)  du  vol.  I  a  paru;  la 
seconde  paraîtra  avant  la  fin  de  Tannée.  Le  vol.  I  contient  Thistoire 
de  la  vie  de  Dino,  de  son  époque  et  de  sa  chronique,  depuis  le  3Lrv«  s. 
jusqu'à  nos  jours.  Le  second  vol.  contient  le  texte  de  la  chronique  avec 
de  copieuses  annotations  et  le  fac-similé  héliographique  du  ms.  Asburn-' 
ham  du  xv«  s.  signalé  par  M.  Paul  Mbyer. 

—  Une  société  d'érudits,  sous  la  direction  de  M.  Adolfo  Bastoli,  a 
entrepris  de  publier  une  table  complète  des  mss.  italiens  de  la  Biblio- 
thèque nationale  de  Florence  (sections  Magliabecchiana,  Palatina,  Ric- 
cardiana).  Cette  publication  sera  divisée  en  deux  grandes  parties  : 
poésie  et  prose  ;  on  commencera  par  la  poésie.  La  mise  en  vente  du 
1"  fasc.  est  imminente.  lia  suite  paraîtra  régulièrement  par  fascicules 
mensuels  de  66  p.  in-8<>;  le  prix  d'abonnement  pour  les  souscripteurs 
est  de  48  fr.  par  an. 

—  Au  mois  de  sept,  dernier,  un  congrès  de  plusieurs  sociétés  ita- 
liennes d'histoire  s'est  tenu  à  Florence  pour  donner,  si  possible,  une 
direction  uniforme  aux  études  et  aux  publications  des  diverses  sociétés. 
On  décida  de  publier,  avec  la  coopération  de  toutes  ces  sociétés,  un 
catalogue  exact  de  toutes  les  sources  de  l'histoire  de  chaque  région 
italienne. 

Suisse.  —  M.  le  professeur  Louis  Vulliemin  est  mort  le  10  août,  à 
Lausanne,  à  l'âge  de  82  ans. 

J'ai  eu  l'occasion  d'indiquer  ici  même  (Revue,  V,  393)  le  mérite  de 
son  dernier  livre,  V Histoire  de  la  Confédération  suisse  de/puis  les  plus 
anciens  âges  jusqu'à  notre  temps  K  Mais  aujourd'hui  que  l'auteur  n'est 
plus,  il  me  semble  que,  sans  manquer  à  aucune  convenance,  je  puis 
ajouter  quelques  mots  qui  serviront  peut-être  à  faire  mieux  connaître 
le  vénérable  historien. 

M.  Vulliemin  était  avant  tout  un  narrateur  de  premier  ordre,  un 
écrivain  d'un  rare  talent,  et  bien  qu'il  ait,  dans  le  cours  de  sa  longue 
carrière,  publié  nombre  de  pièces  inédites  2,  le  métier  de  Geschichtsfor~ 

1.  Lausanne,  Bridel,  1875-77  ;  deux  volumes  in-1^. 

2.  Voir,  par  exemple,  Le  Chroniqueur,  recueil  historique  et  journal  de 
VBdvéUe  romande  (Lausanne,  1835-36,  in-4),  dans  lequel  M.  Y.  s'était  proposé 
de  retracer,  de  quinze  jours  en  quinze  jours,  les  incidents  trois  fois  séculaires 
de  la  Réformation  de  ce  pays  ;  —  ou  bien  encore  le  mémoire  qui  a  pour  titre  : 
VHisloire  suisse  étudiée  dans  les  rapports  des  ambassadeurs  de  France  avec 
leur  cour.  Siècle  de  Louis  XIV.  (Archiv  fiir  schw.  Greschichte^  Bd.  V-VllI, 
Zurich,  1847-51.) 


CHROXIQOB   ET   BIBLIOGRIPHIB.  504 

scher  n'était  pas,  à  proprement  parler,  sa  vocation  spéciale.  La  critique 
était,  chez  lui,  tenue  en  échec  par  des  goûts  d'artiste  «  que  de  sévères 
études  n'avaient  pas  corrigés  •  ;  la  précision  du  détail  lui  importait 
moins  que  l'harmonie  de  l'ensemble.  Je  sais  môme  de  bons  juges  qui, 
pour  ce  motif,  ont  longtemps  préféré  à  ses  trois  volumes  sur  l'Histoire 
de  la  Confédération  suisse  dans  le  xvi*  et  le  xvii«  siècle  *  son  essai  plus 
populaire  sur  Ghillon  ',  ou  ses  admirables  portraits  du  doyen  Bridel  ' 
et  du  landammann  Pidou  *.  Pourtant,  lorsqu'en  1873  il  fut  tenté  do 
résumer  dans  un  rapide  récit  ce  qu'on  peut  savoir  de  plus  certain  de 
nos  antiques  annales,  il  comprit  bien  vite  qu*il  fallait  bon  gré  mal  gré 
se  ranger  sous  la  loi  des  nouvelles  méthodes.  «  L'histoire  suisse, 
disait-il,  ne  présente  plus  les  aspects  qu'elle  offrait  aux  temps  où  Jean 
de  Mùller  écrivait  ;  les  recherches  ont  poursuivi  leur  cours.  La  cri- 
tique a  fait  son  œuvre.  A  nous  d'en  accepter  les  résultats,  persuadés 
que  toute  conquête  de  la  vérité  est  une  force  pour  la  patrie,  v  Ainsi 
fit-il  d'un  bout  à  l'autre,  sans  que  jamais  l'âge  rempèchàt  de  s'acquit- 
ter lestement  de  mille  lectures  où  une  vieillesse  moins  alerte  que  la 
sienne  se  fût  bientôt  épuisée.  L'ouvrage  publié,  M.  VuUicmin  gardait 
cependant  un  scrupule.  Ce  livre,  préparé  avec  tant  d'amour,  était-il 
vraiment  digne  du  succès  qu'il  avait  obtenu  ?  La  première  partie  sur- 
tout, qui  traite  des  origines  et  du  développement  de  la  (bn fédération 
suisse,  ne  portait-elle  pas  trop  souvent  la  trace  de  son  c  incompétence  v  ? 
Ce  fut  dès  lors  son  grand  souci,  son  unique  préoccupation  de  la  retou- 
cher pendant  qu'il  était  temps  encore,  et  aux  amis  qui  l'assistaient 
dans  cette  t&che  il  ne  cessait  de  demander  qu'on  le  mit,  par  une  entière 
franchise,  en  mesure  de  se  corriger.  Celui  qui  écrit  ces  lignes  a  été 
trop  activement  mêlé  à  l'entreprise  pour  entrer  dans  aucun  détail  ; 
mais  il  ose  affirmer  que  les  personnes  qui  voudront  bien  comparer 
l'édition  nouvelle  du  tome  I  *  avec  la  précédente  trouveront  presque  à 
chaque  page  la  preuve  du  soin  minutieux  avec  lequel  elle  a  été  revue. 
Être  succinct  sans  cesser  d'être  clair,  et  rigoureusement  exact  sans 
cesser  d'être  intéressant  :  tel  est,  en  face  d'un  sujet  complexe  entre 
tous,  le  problème  que  l'auteur  d'un  précis  d'histoire  suisse  doit  résoudre. 
M.  Vulliemin  l'a  résolu  autant  qu'il  est  possible  d'y  n^ussir.  On  pourra 
faire  autrement  que  lui  ;  on  chercherait  en  vain  à  mieux  concilier  les 
exigences  de  l'art  et  les  droits  de  la  science,  le  respect  pour  les  choses 
d'autrefois  et  l'observation  toujours  plus  stricte  des  devoirs  qu'impose 
la  poursuite  de  la  vérité. 

1.  Paris  et  Genève,  1841-42.  (Tomes  XI-XIII  de  V Histoire  de  la  confédération 
$%Use,  de  J.  de  Mttller,  R.  Gluti-Blotibeim  et  J.^.  Hottinger,  traduite  et  coo- 
tinuée  par  Ch.  Monoard  et  L.  Vulliemin.)  —  Ces  volumes,  dépassés  et  vieillis 
pour  l'époque  de  la  Réformalloo,  o'eo  renferment  pas  moins,  sur  l'histoire  du 
zvii*  siècle,  de  très  précieux  renseignements. 

2.  Lausanne,  1861  ;  3*  édiUon,  1863. 

3.  76.,  1855. 

4.  76.,  1860. 

5.  Lausanne,  Bride],  1879  (ne  se  vend  pas  séparément). 

Rbv.  Uibtoii.  XL  2*  fasc.  32* 


502  CBftONIQDE   ET   BIBLIOGRAPHIE. 

D'autres  ont  dit  déjà  ^  ce  qu'était,  aux  heures  de  loisir,  cette  sereine 
et  spirituelle  physionomie,  —  ce  causeur  plein  de  bonhomie  et  de 
malice,  qui,  de  son  mince  filet  de  voix,  murmurait  à  notre  oreille 
attentive  tant  de  curieuses  ou  de  plaisantes  anecdotes,  —  ce  chrétien 
si  convaincu  et  néanmoins  si  libre,  qui  ne  se  souvenait  pas  c  d'avoir 
jamais  abordé  les  livres  saints  comme  une  œuvre  étrangère  aux  lois  de 
rhistoire  »,  —  ce  Vaudois  vénéré  de  tous,  qui,  mieux  encore  que  le 
doyen  Bridel,  unissait  aux  goûts  littéraires  d'un  autre  âge  le  culte 
instinctif  de  la  patrie  et  de  la  nature  suisses.  Pour  moi  qui,  durant 
quatre  années,  ai  eu  l'honneur  d'être  le  correspondant  le  plus  assidu 
de  l'illustre  octogénaire,  je  n'ai  voulu  témoigner  aujourd'hui  que  d'une 
chose  :  c'est  qu'après  avoir  travaillé  toute  sa  vie  à  entretenir  dans  nos 
cantons  romands  le  flambeau  de  l'histoire  nationale,  il  n'a  pas  hésité  à 
se  faire  à  son  tour  le  disciple  d'une  génération  plus  jeune,  afin  de  con- 
sacrer le  reste  de  ses  forces  au  service  des  études  qu'il  nous  avait  lui- 
môme  appris  à  aimer. 

Deux  citations  encore,  et  je  m'arrête.  J'emprunte  la  première  à  la 
lettre  où  M.  Vulliemin  m'annonçait,  le  8  mai,  la  maladie  à  laquelle  il 
devait  succomber  trois  mois  plus  tard  :  c  Ma  vie  n'est  pas  prochaine- 
ment menacée  ;  elle  peut  se  prolonger  des  années,  mais  jamais  plus 
sans  souffrance.  Il  faut  apprendre  à  vieillir,  apporter  des  ménagements 
dans  le  travail,  dans  le  parler  ;  eh  !  bien,  c'est  à  quoi  je  m'essaye. 
Venez  voir  si  je  suis  supportable  encore.  »  La  seconde  est  tirée  du  dis- 
cours prononcé,  le  12  août,  sur  sa  tombe  par  M.  le  professeur  Yiguet,  le 
successeur  de  M.  Vulliemin  dans  sa  chaire  d'histoire  ecclésiastique  à 
l'école  libre  de  théologie  de  Lausanne  :  c  Le  jour  de  sa  mort,  il  avait 
voulu  se  mettre  au  travail  comme  de  coutume  ;  puis,  se  sentant  plus 
faible,  il  s'étendit  sur  son  lit.  Quand  la  mort  vint,  il  ne  dit  rien,  mais 
croisa  les  mains  sur  sa  poitrine  et  regarda  le  ciel.  »  (P.  Vaccher.) 

—  La  Société  générale  d'histoire  suisse  a  tenu  à  Soleure  le  22  sept, 
dernier  sa  réunion  annuelle  et  y  a  célébré  le  25*  anniversaire  de  la 
nomination  de  M.  G.  de  Wyss  comme  président  de  la  Société.  M.  de 
Wyss  a  tracé  un  aperçu  vivant  et  ému  de  l'histoire  de  cette  société 
qui,  malgré  ses  faibles  ressources,  a  déjà  fourni  tant  de  travaux  et  de 
publications  de  documents  importants  et  qui  est  en  Suisse  le  vrai 
centre  de  l'activité  scientifique  pour  les  études  historiques.  M.  de  Wyss, 
par  l'autorité  et  le  charme  de  son  caractère  comme  par  sa  grande  éru- 
dition et  la  sûreté  de  sa  critique,  a  contribué  plus  que  personne  aux 
progrès  de  la  société  et  à  l'excellente  direction  donnée  à  ses  travaux. 
Parmi  les  mémoires  lus  cette  année  à  Soleure,  nous  signalerons  celui 
de  M.  Bernoulli  sur  la  valeur  historique  du  témoignage  de  la  chro- 
nique de  Kœnigshofcn  au  sujet  de  la  bataille  de  Sempach,  celui  de 
M.  Amiet  sur  le  lieu  où  l'armée  de  Théodoric  II,  roi  d'Âustrasie,  com- 


t .  Voir  l'article  de  rc  Debrit  dans  le  Joun      de  t2  août,  el 

la  lettre  de  M.  Marc  Ji  s  le  Joumai  àe$ 


LISTE  DES  LIVBES  DÉPOSAS  >(]  BCEEAr  IlE  LA  REVIE.  503 

battit  les  Âlamans  en  610,  et  celui  de  notre  collaborateur  M.  Vaucher 
sur  les  débuts  de  Zwingle. 

—  M.  Gust.  ScHBRER  prépare  le  catalogue  des  incunables  de  Tabbaye 
de  Saint-Gall,  qui  ne  possède  pas  moins  de  4650  volumes  de  ce  genre. 


LISTE  DES  LIVRES  DÉPOSÉS  AU  BUREAU  DE  LA  REVUE. 

(Nous  n'indiquoru  pas  ceux  gui  ont  été  jugés  dans  les  Bulletins 

et  la  Chronique,) 

Dambstb.  Histoire  de  la  Restauration.  2  toI.  PIoo.  ^  Massbaas.  Un  essai 
d'empire  au  Mexique.  Charpentier.  Pr.  :  3,50.  —  Rbnan.  L'Église  chrétienne 
(6*  Tol.  de  l'Histoire  des  origines  du  Christianisme).  Calmann  LéTy.  Pr.  :  7,50. 

—  Wallon.  Histoire  de  l'esclaTage  dans  l'antiquité,  toI.  III,  2*  édit.  Hachette. 
Pr.  :  7,50. 

Baumgartbn.  a  traTers  la  France;  scènes  de  mœurs.  Cassel,  Kay  (1880).  — 
Bresslau  et  IsAACsoHN.  Der  Fall  zweier  preuss.  Minister,  des  Oberpraesidenten 
Kberhard  von  Donl^elmann  (1697),  u.  des  Grosskanzlers  Fûrst  (1799).  Berlin, 
Wcidroann.  Pr.  :2  m.  ~  Foumnier.  Genti  und  Cobenzl;  Geschichte  der  oester. 
Diplomatie  1801-1805.  Vienne,  Braumuller  (1880).  —  G<kkobns.  Arabische 
Quellenbeitnege  zur  Gesch.  der  Kreuzziige;  1*'  toI.,  zur  Geschichte  Salah-ah 
dtn's.  Berlin,  Weidroann.  —  IIryd.  Geschichte  des  Le?antehandeU  im  Hittelalter  ; 
2*  Toi.  Stuttgart,  CotU.  —  Hillbbiund.  Geschichte  Frankreichs  ;  2*  toI.  1838- 
1848.  Gotha,  Perthes.  ~  Krausb.  Ilelius  Eobanus  Hessus;  sein  Leben  und 
seine  Werl^e,  2  Tolumes.  Gota,  Perthes.  —  Ongkbm.  Allgemeine  Geschichte  in 
Einzeldarstellungen  :  Peter  der  Grosse,  par  A.  Brugknbi,  2  fasc.  Geschichte  Ton 
Elias  und  Rom,  par  Hertcbeio.  3  fasc.  Prix  :3  m.  chaque  fasc.  Berlin,  Grote. 

—  Plangk.  Das  deutscbe  GerichtsTerfahren  im  Hittelalter.  Vol.  I  en  2  part,  et 
II.  Brunswick,  Schwetschke.  —  A.  Ton  Gonzbnbacb.  Der  General  Hans  Ludwig 
Ton  Erlach  Ton  Castelen  ;  ein  Lebens-  und  Charakterbild  aus  den  Zeiten  des 
30  jœhr.  Krieges.  r*  part.,  avec  1  toI.  de  documents.  Berne,  Wyss.  ~  Uinii. 
Die  Bernische  Politik  in  den  Kappelerkriegen.  2*  édit.  Ibid. 

Arnold.  The  roman  System  of  proTincial  administration,  to  the  accession  of 
Conslantine  the  great.  Londres,  Macmillan. 

BiANCBi.  Storia  délia  monarchia  piemontese  dal  1773  sino  al  1861.  Vol.  II  et  III. 
Turin,  Bocca.  —  Carutti.  Storia  délia  diplomazia  délia  oorte  di  SaToia,  toI.  III, 
1663-1730.  Turin,  Bocca.  —  Ciampi.  Innocenzo  X  Pamiili  e  la  sua  oorte;  storia 
di  Roma  dal  1644  al  1655.  Rome,  1878  (tip.  dei  GaleaU,  à  ImoU).  Pr.  :  6  lire. 


Erratum  du  prkgAdent  numéro. 

P.  228,  I.  20,  au  lieu  de  :  San  Francisco,  lire  :  saint  François.  Le  père  Har- 
oellino  de  CiTezxa  est  en  effet  l'historiographe  de  l'ordre  des  Mineurs  ;  il  a  fait 
le  tour  de  l'Europe  il  y  a  deux  ou  trois  ans,  pour  réunir  les  documents  propres 
à  dresser  une  bibliographie  franciscaine. 


504  TIBLE   DBS   MATliRES. 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


ARTICLES  DE  FOND. 

A.  Thomas.  Les  États  provinciaux  de  la  France  centrale  sous 

Charles  Vn;  fin 1 

G.  DEPPmo.  Un  banquier  protestant  en  France  au  xvu*  siècle; 
Barthélémy  Herwarth,  contrôleur  général  des  finances  ; 
fin 63 

B.  AuBÉ.  L'Église  d'Afrique  et  ses  premières  épreuves  sous  le 

règne  de  Septime  Sévère 241 

Albert  Sorel.  La  guerre  et  les  négociations  entre  la  France  et 

l'Espagne  en  1793  et  1794 298 

MÉLANGES  ET  DOCUMENTS. 

Baron  du  Casse.  Documents  inédits  relatifs  au  premier  Em- 
pire :  Napoléon  I«'  et  le  roi  Joseph;  fin  (1814-1841)  .  81 
H.  DE  Sybel.  La  propagande  révolutionnaire  en  1793  et  1794  .          103 
Jean  Destrem .  Documents  sur  les  déportations  de  prêtres  sous 

le  I*'  Empire 331 

BULLETIN  HISTORIQUE. 

France.  —  (G.  Faqnibz) 117,389 

Angleterre.  —  Temps  modernes  (S.-R.  Gardiner) 393 

Belgique.  —  (Paul  Frêdérigq) 160 

Orient.  —  Revue  des  principaux  ouvrages  et  articles  relatifs  à 

l'Orient  ancien  (Maspero) 128 

Russie.  —  (J.  Lodtchisky) 399 

COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

Bachmann.  Bœhmen  und  seine  Nachbarlœnder  unter  Georg 

von  Podiebrad  (Bezold) 193 

BoissiÈRE.  Esquisse  d'une  histoire  de  la  conquête  et  de  Tadmi- 
nistration  romaines  dans   la  province  de  Numidle 

(Guiraud) 183 

Campori.  Rairaondo  Montecuccoli  (Arminoaud) 196 

Danielson.  Voltaire  Kaarle  XII  (Bbauvois) 454 

DuFOURMANTELLE.  La  marine  française  au  commencement  de 

la  guerre  de  Gent-Ans  (Neuville) 435 

DuM.   Entstehung    u.    Entwickelung   d.    spartan.    Ephorats 

(Lallier) 179 


TABLE  OIS  MITIIaSS.  505 

Pmm 

FoNCiN.  Essai  sur  le  ministère  de  Turgot  (Gazibr) 456 

Fontaine  de  Resbegq.  L'instruction  primaire  avant  89  dans  les 

pays  qui  ont  formé  le  département  du  Nord  (Paillabd)  461 

Frossard.  La  discipline  ecclésiastique  au  pays  de  Béam     .     .  444 

Gérard.  L'ancienne  Alsace  à  table 194 

GoLL.    Untersuchungen  z.   Gesch.    d.    bœhmischen   Brûder 

(Bezold) 192 

IIildebrand.  Svenskt  diplomatarium,  t.  VI  (Beauvois)  ...  191 
HiMLY.  Histoire  de  la  formation  territoriale  des  États  de  l'Eu- 
rope centrale  (Gaidoz) 449 

Hirsghpeld.  Untersuchungen  z.  rœm.  Verwaltungsgeschichte 

(Bloch) 426 

Hoffmann.  Geschichte  der  Inquisition,  t.  II 194 

Klinckowstroem.  Le  comte  de  Fersen  et  la  cour  de  France 

(Gazier) 466 

Lbbedev.  IjR  dernière  lutte  des  Slaves  de  l'Elbe  contre  la  ger« 

manisation  (Léger) 189 

LucHAiRE.  Alain  le  Grand,  sire  d'Âlbret 441 

Miscellaneen  z.  Gesch.  Kœnigs  Friedricbs  d.  Grossen    .     .     .  455 

Von  Ollbch.  Geschichte  des  Feldzuges  von  1815 205 

PouLLET.  Correspondance  du  cardinal  de  Granvelle  (Morel- 

Fatio) 445 

De  Pressensè.  La  vie  des  chrétiens  aux  ii*  et  iti«  s.  (Sabatier)  186 
Robert.  Inventaire  des  mss.  des  bibliothèques  dont  les  cata- 
logues n'ont  pas  été  imprimés 475 

RooET.  Ëtrennes  genevoises 445 

Scriptores  rerum  danicarum  medii  acvi,  t.  IX(Steen8trup).     .  440 

SiLFN'ERSTOLPB.  Sveuskt  diplomatarium,  t.  I  (Beauvois)  .     .     .  190 

Storm.  Ragnar  Lodbrok  og  Gange-Rolv  (Id.) 432 

Btrigklbr.  Âctonsammlung  z.  Schweiz.  Reformationsgesch.  .  443 
Terrier  de  Loray.  Jean  de  Vienne,  amiral  de  France  (Neu- 
ville)   435 

Vacuerot.  Fragments  littéraires  de  P.-F.  Dubois  (Gh.  Thurot).  469 

LISTE  ALPHABÉTIQUE  DES  RECUEILS  PÉRIODIQUES 

KT   DES   SOCIÉTÉS   SAVANTES. 
FRANCE. 

1.  Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres    ....        212,482 


2.  Académie  des  Sciences  morales  et  politiques. 

3.  Annales  de  la  Faculté  des  lettres  de  Bordeaux 

4.  Bibliothèque  de  TÉcole  des  chartes 


211,482 

212 

206 

5.  Bulletin  archéologique  et  historique  de  Tam-et-Garonno       211, 481 

6.  Bulletin  de  la  Société  archéologique,  etc.,  de  Béziers  .        211 

7.  Bulletin  de  la  Société  d'Histoire  de  France     ....        210 

8.  Bulletin  de  la  Société  d'Hist.  du  Protestantisme  franr.        210,483 

9.  Bulletin  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Normandie .        483 
10.  Le  Cabinet  historique 478 


506  TABLE  DES  MATIBBBS. 

11.  Les  Chroniques  du  Languedoc 210 

12.  Le  Correspondant 209, 48! 

13.  Journal  des  Savants 208,482 

14.  Nouvelle  Revue  historique  de  droit 208,480 

15.  Revue  archéologique 207 

16.  Revue  celtique 479 

17.  Revue  critique 207, 479 

18.  Revue  chrétienne 482 

19.  Revue  de  France 209,482 

20.  Revue  de  Gascogne 209, 480 

21 .  Revue  des  Deux-Mondes 208, 482 

22.  Revue  des  Documents  historiques 206,  479 

23.  Revue  des  Questions  historiques 206, 478 

24.  Revue  des  Sociétés  savantes  des  départements    .     .     .  211,483 

25.  Revue  du  Dauphiné  et  du  Vivarais 209, 482 

26.  Revue  du  Lyonnais 209, 480 

27.  Revue  générale  de  Droit 208,480 

28.  Revue  historique  et  archéologique  du  Maine  ....  480 

29.  Revue  historique  nobiliaire 479 

30.  Revue  philosophique 480 

31.  Le  Spectateur  militaire 209,482 

32.  Le  Temps 483 

ALLEMAGNE   ET  AUTRICHE. 

1.  Akademie  der  Wissenschaften  (Berlin)  ;  Monatsbericht.  217 

2.  —  —  —        Abhandlungen  217 

3.  —  —  (Munich);  Sitzungsber.  224 

4.  Alemannia 217 

5.  Annalen  d.  histor.  Vereins  fiir  den  Niederrhein.     .     .  221 

6.  Annalen  d.  Vereins  fiir  Nassauische  Alterthumskunde  223 

7.  Archiv  d.  histor.  Vereins  von  Unterfranken  ....  223 

8.  Archiv.  f.  œsterreische  Geschichte 225,489 

9.  Archiv  f.  Saechsische  Geschichte 220 

10.  Bœhmische  Gesellschaft  d.  Wissens.  Sitzunsgsberichte  225 

11.  Bœmisches  Jahrbuch 219 

12.  Deutsche  Rundschau 215, 486 

13.  Forschungen  zur  deutschen  Geschichte 485 

14.  Freiburger  diœcesan  Archiv 221 

15.  Geschichtsblaetter  f.  Magdebourg 218 

16.  Gœttingische  gelehrte  Anzeigen 215, 486 

17.  Hansische  Geschichtsblaetter 219 

18.  Hermès 216,487 

19.  Historische  Zeitschrift 214 

20.  Jahrbucher  d.  Vereins  f.  Mecklenburg.  Geschichte  .    .  218 

21.  Jahresbericht  d.  Gesellschaft  f.  nûtzliche  Forschungen  223 

22.  Jahresb.  d.  histor.  Vereins  von  Oberbayem   ....  224 

23.  Jahresb.  ûber  d.  Fortschritte  d.  class.  Alterthumswiss.  487 

24.  lenaer  Literaturzeitung 215,486 


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