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Full text of "Revue historique"

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ParalBsant tous les deux mois. ^^^^Ê 

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Paraissant tons le« deux moISf 
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I. — BepMiBbra-CkQtflbre 1607. 
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ANCIENNE LIBRAIRIE OERUER RAILUËRZ ci C- 

FEUX ALCAM, Éditeur 

108, iiOri.SVADIi SAlKT-0£aUilX 
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B. Xmimtnn. Oto liUtorllctni Sobtlftsullnrol A«* G- Ailflln* Potllo. <Cb. LAcri- 

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J. lUviDi. Dii) (runz»iiUi^li'i>pHiiiii['.lii- Alllaru, l7!HI'tH07. [Q. OesderiMa du 

De»rt > 
A. Bsrtuk». L'anltt)ntl ilv ta Niiitvpllti-CnlÉilontr. |L. MalavloUo.l 

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BdW. CuMiitiNr.. Tlm tliilted Stnija nf Atiierlc*, t:rib-WA. IJ. Dnreitg.l 
Br> Aiuvs- Tb» lin ni «ifiliuUon uud dtcay |01i- Selgnobna.) 
1.4. SWJtT. torouilinn de la puliUitue t>riluBiii<|Ui-. (&■ Gnlltu>â.| 



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H. Du CansD. Li! clu<|uiâuin Di}r|i» lin l'uriiiAe d'IUII« bo I85'J. 
Paat Fobro Lnx lUtlriniDlnas il* l'fiillls* ronialuo »*anl ChnrlnintiBno 
Fr. Panck Bnenlikai). KntSM «iir le» coatuiUM iIe Phu) Corgtiarl at iln ttivËs, 
Honrl Hubert. Ktudn nnt Ia rAraiiilbm iIm tttaU de rK^IUi!. 
C. JnUlao. I.'urganltalioa el le gnuvvrauiuimt •In U Gaulu {iitr Et»»t, AiiKimln at 

Qh.-V. LMoglalB. ItiiiTilmtnIt rnUlir» tt l'tilittotm ilc l'rAncc iin temi» lU Phllliipt) le 

iMl. Il Diii^iiliiTiiti itrntio"*U> 
UAvre. Lu IIau ik la rtufootre ik> ('riiniii el iki WiRÛioitu lur lu boni* ia Gktn, 

H. HarloB. \M* débuts di- l'affaira d» BreUgn« (ITtiS-ITni]. 

a. MoDod. Lal^Keniln île la toi 8tll>|nopl la tuue«Mian no irAoi Ja Fnnue auuT*!. 

X. Hoafliniiiin. |ji Prnat^ eu AlaM<! aprAn U paix dn W«!ili>lkall«. 

P. do Hocva. Lut AiNtiuliUss pollUquâi iliiitt la Ruulo itacjcnn*. Ikuxtàmt nrticla : 

Altrwi Starn. ObariR* Ëngitlhi^rl t'Kliiier', noilee biogr«i>hti|Do. 



LA REVUE HISTORIQUE 

PAturr tdcs lks dbcx uou par kasciculks an 15 a 16 FBCjnxKs 

m POHME THOIS VOtOMES PB ÔOft PAGES BKVmO» PAR AH. 



Aboitnrmntls ré JdmiitittraCioit : Ubrairio Piux Amax, PtrU. 
Btàmfi Jt ''1 ilVifiurfiijH, lIM.IiiiulcturJ Kaijit-i'iflmiaiu (librairie Peux Auuh). 
U «H wHïerl le vondrodi, do î heures 1/2 à 5 beum. 

- CONDraONS DB LA SOnSCRIPTION -. 

On oumin) . 6 fr. 

Cn an jjinir PariK, 30 Ir. — DÉ)ULrteiiioQts et Ëtrauyer, 33 Ir. 
LftxniiAii* tt(.'()uln<« fm vfodonl «cp&rôio&Dt 30 francs, el par fuoieutes de 
8 fmnoa. I.bk rasmr.nli-* ili; la )ir<--inHVD annne dc vcojpni 9 franu. 

La rt^iiniJucUrm i^t. Ia indutMJxm dos travRui •!« la HEVUË HlSTOdlQtJB 
sont liildrditei. 

n seraretidu cuin|iieil«U)uili!K (luvragM M publicaUmti' pèriodiqno» dont il 
sera euvayi^ un exoni[ilaire au bureau tla la RHVUE. 

Lu tifcrttiW» /"fi/.T ilM.iy •* Mûryn ifr frumir franeo à domlalt. à ftirù, 
m (iruujn» «f li l'!lntn<ftr. toiu lei livru fiuhli/i yar Iti iliffrrrnti fdft«tin dâ 
Paru, aut pris dt eatalogue. 

N. B. ttU. lu Uhriitru-édikvr$ ffAlUjinisnt utut prîfx d'adrtitrr la lient 

fmir fa (Itvtm sniitiBiiiiie iiit «tirrfli'intnl à la Ubr&lria PéUx Aluui, Mil par 
'inttnmdialrf <b M. Kax Sab», {ifiroii-^'i'dRrur d Leiinig. 



REVUE 



HISTORIQUE 



REVUE 

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HISTORIQUE 



Paraissant tous les deux mois. 



N% quid falsi audeat, ne quid veri non audeat historia. 

CicÉROH, de Orat., II, 15. 



VINOT-DBUXlâMB ANNÉE. 



TOMB SOIXANTE-CINQUIÈME 



Septembre-Décembre 1897. 



PARIS 

ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE kt C* 

FEUX AliGAN, âditeur 

108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN 
AU COIN DE LA BUB HAOTEFBUILLB 

1897 



DES 



TENTATIVES DE LOUIS XIV 



POUR 



ARRIVER A L'EMPIRE 



La vision de FEmpire a exercé sur Fâme de nos plus grands 
hommes d*État français une constante obsession. Les plus sages, 
Henri IV, Richelieu ont voulu l'annuler et le détruire; les autres 
s'y installer. Les rois de France étaient les fils aînés de l'Église, 
les héritiers de Charlemagne. Us .possédaient un Etat compact, 
qui dès le début du xrv* siècle avait déjà bien avancé l'œuvre de 
son unité territoriale. L'Empire, bien qu'il eût été presque tou- 
jours donné à des princes allemands depuis Otton le Grand, était 
saint et romain autant que germanique. C'était une dignité catho- 
lique, oecuménique, européenne, où tous les princes chrétiens 
semblaient pouvoir aspirer. On y avait vu appeler un Alphonse 
de Castille, un Richard de Cornouailles. Conmient un roi de 
France aurait-il été déplacé sur le trône des Césars chrétiens? 
L*opinion ne repoussait nullement cette hypothèse. Si des papes 
non italiens pouvaient porter les clefs de saint Pierre, des empe- 
reurs non germaniques pouvaient ceindre le diadème. Cette ambi- 
tion fut caressée longuement par Philippe le Bel et par Philippe 
de Valois, par Charles VIII et par François P', peut-être par 
Henri III, pour qui la couronne de Pologne n'était que le prélude 
d'une fortune plus haute. Louis XIV, à trois reprises, acheta les 
électeurs qui acceptèrent de se vendre, pour se frayer les voies à 
l'Empire. Napoléon le confisqua à son profit. Ce sont donc les 
plus puissants de nos souverains qui ont eu l'ambition d'arriver 
à l'Empire. Mais, s'ils devaient subir un maître, les princes alle- 
mands préféraient un maître allemand à un maître étranger. 
Quand les électeurs portèrent la couronne hors d'Allemagne, sur 
Rbv. Hutor. LXV. !•' PA8C. 1 



2 H. VA8T. 

la tête d'un Castillan ou d'un Anglais, ils se donnèrent à dessein 
un fantôme d'empereur. Nos rois échouèrent à cause de leur 
puissance même. Leurs chances de succès étaient en raison 
inverse de leur prestige. 

Louis XIV aspirait à la monarchie universelle. Avant d'ob- 
tenir la succession d'Espagne, il rechercha l'Empire. Mazarin 
voulut l'y élever lors de l'élection de 1658. En 1670 et 1679, le 
roi entama pour le même objet des négociations étendues. L'his^ 
toire diplomatique de la succession d'Espagne est connue dans 
ses plus grands détails. Les relations de la France avec les diffé- 
rentes cours d'Allemagne ont été au contraire plus négligées*. 
En étudiant de très près la correspondance politique aux archives 
du ministère des Affaires étrangères, nous avons trouvé la trace 
multipliée des efforts de la diplomatie française pour préparer 
l'élection du roi. Quelques documents nouveaux nous permettront 
d'appuyer notre récit. C'est d'abord, en 1658, un libelle sous 
forme de lettres échangées entre Francfort et Rome pour recom- 
mander la candidature du roi de France. Ces lettres, en plusieurs 
langues, et répandues sans doute en un assez grand nombre 
d'exemplaires, furent écrites par quelque publiciste au service 
de Mazarin 2. Ce sont, en 1664 et en 1670, les articles secrets 
des traités de Ratisbonne et de Munich conclus pour la même fin 
avec les électeurs de Saxe et de Bavière. Ce sont surtout les trai- 
tés secrets signés en 1679 avec les électeurs de Brandebourg et 
de Saxe pour assurer à Louis XIV les voix de ces deux princes. 
Pomponne, dans ses mémoires, Puffendorff, dans son histoire 
de Frédéric-Guillaume, ont révélé l'existence de ces traités 3. 
MM. Droysen et Onno Klopp en Allemagne, MM. Legrelle et 
Auerbach en France en ont parlé d'après Pomponne et Puffen- 
dorf. Nous en avons copié les instruments originaux. Nous nous 
proposons de publier ici le traité conclu avec le Brandebourg, 
dont celui de Saxe est la reproduction presque littérale. 

1. Voir LegreUe, Louis XIV et Strasbourg. Paris, 1883; Auerbach, la Diplo- 
maiie française et la cour de Saxe de 1641 à 1680. Paris, 1887; DroyseD, 
Geschichte der pretusischen Politik (1870) ; Onno Klopp, Der Fall des Hauses 
Stuart. Vienne, 1875-1888 ; Pribram, Franz- Paul- Freiherr von Lisola (1613- 
1674) und die Politik seiner Zeit, Vienne, 1888. On trouvera dans ces diffé- 
rents ouvrages des listes bibliographiques très complètes. 

2. Voir Correspondance politique, Allemagne, t. 137, fol. 768 à 781. 

3. Amauld de Pomponne, Mémoires, éd. Mavidal. Paris, 1868 ; Puffendorf, 
De rébus geslis Frid, WUhelmi Eleci. Brandeburgensis, 1694. 



, DES TENTATIVES DE LOUIS XIY POUR ARRIYER A l'eUPIRB. 3 

I. 

La guerre de Trente ans a mis la France en contact étroit 
avec l'Allemagne. Elle a eu pour résultat de détacher de l'Em- 
pire l'Alsace pour l'annexer au territoire français. Le mode sui- 
vant lequel devait avoir lieu cette annexion a donné naissance à 
de longues discussions. Deux systèmes étaient en présence : ou 
bien Louis XIV recevrait l'Alsace conmie terre d'Empire et n'y 
exercerait que les droits reconnus aux anciens landgraves; dès 
lors, il devenait prince du saint Empire, comme landgrave d'Al- 
sace, pouvait envoyer ses députés aux diètes germaniques, exer- 
cer sa part d'influence dans la préparation des élections impé- 
riales et causer un grave préjudice à l'action, jusqu'alors 
prépondérante, de la maison d'Autriche. L'autre système consis- 
tait à séparer à jamais l'Alsace de l'Empire et à l'attribuer au 
roi de France en toute souveraineté; l'intégrité de l'Empire rece- 
vait par cette solution une atteinte sérieuse ; mais la maison de 
Habsbourg était délivrée des craintes d'empiétement de la maison 
de France et gardait intacte son autorité sur les princes alle- 
mands. 

La question est nettement posée par les plénipotentiaires fran- 
çais dans une dépêche de Munster du 9 juillet 1646 : 

< II y en a qui croient (el plusieurs Allemands sont de cette opinion) 
qu'il seroit plus avantageux au Roi de retenir les pals qu'on laisse à 
Sa Majesté en fief et de relever de l'Empire, à condition d'avoir 
séance et voix dans les diètes, que de les posséder en toute souverai- 
neté et ne point dépendre de l'Empereur. — Us disent que cela nous 
donneroit plus de familiarité avec les Allemands, qui nous considé- 
reroient à l'avenir comme leurs compatriotes et comme membres de 
TEmpire ; qtie cette qualité pourroit un jour servir de degré à nos rois 
pour monter à r Empire et pour Voter à une maison dont la gran- 
deur nous est suspecte, — Que cela donneroit moien aux princes 
d'Allemagne de traiter plus librement avec nos rois toutes sortes de 
confédérations et d'unions, sans que l'Empereur le pût trouver mau- 
vois ni l'empêcber ; ce qui n'arrivera pas de même tandis qu'on ne 
pourra les considérer que comme princes étrangers, qui ne possèdent 
rien dans l'Empire. — Que, pouvant envoler des députez dans toutes 
les diètes, nous aurons moien de savoir tout ce qui s'y passera, de 
traverser les desseins de la maison d'Autriche et de remédier de 



4 H. YAST. 

bonne heure à ceux qui pourront être formez contre la France. — Que 
Toffre de laisser au Roi en toute souveraineté les païs qui lui seront 
cédez est bien avantageuse aux empereurs et aux princes de sa mai- 
son ; mais elle n'est pas si agréable au reste de l'Empire que si l'on 
ne faisoit pas ce démembrement. — Que l'appréhension que nos 
ennemis ont témoignée de nous voir prendre aucun établissement 
dans TEmpire doit être un puissant motif pour ne le pas négliger, 
parce qu'ils ont fort bien reconnu que divers princes et presque tout 
le parti catholique commençoit de jeter les yeux sur le Roi pour leur 
servir à l'avenir de protecteur plus puissant et plus assuré que n*ont 
été ceux qu'ils ont eus jusques à présent. 

« Ceux qui soutiennent l'opinion contraire disent qu'il n'y a point 
d'avantage qui puisse être égalé à celui de ne dépendre de personne 
et d'être souverain et absolu , que le voisinage et le pouvoir de faire 
du bien aux princes voisins fera autant rechercher l'amitié de nos rois 
que s'ils étoient princes de TEmpire ; que, si les affaires étaient un 
jour disposées à faire accorder r Empire à nos rois, il leur serviroit 
autant de posséder des provinces en Allemagne, quoique souveraine- 
ment, que si elles rele voient encore de l'Empereur, puisqu'en effet 
elles seroient toujours estimées faire partie de l'Empire, ou même 
que, dans l'étendue des païs cédez, il restera des villes impériales et 
des princes souverains qui en relèvent ] que la Uberté d'envoyer aux 
diètes n'est pas si avantageuse qu'elle paroit, puisque le plus souvent 
elles ne sont convoquées que pour résoudre des impositions sur l'Em- 
pire et pour quelques autres affaires de cette nature, et, qu'en tout 
cas, quand il y aura apparence qu'on y puisse traiter quelques affaires 
plus importantes, où les princes voisins sont intéressez, nos rois 
pourront y envoler des ambassadeurs, qui paroîtront et agiront avec 
plus d'autorité de la part d'un grand roi que s'ils n'étoient que de 
simples députez d'un landgrave d'Alsace, à qui on ne sauroit donner 
un rang digne de la grandeur du Roi dans l'assemblée, ce qui a empê- 
ché bien souvent le roi de Danemark d'y envoyer les siens comme 
duc de Holstein; qu'encore que peut-être il fût plus agréable aux 
États de l'Empereur de n'en démembrer point ledit païs, on est obligé, 
dans les grandes résolutions, de considérer plutôt ce qui est com- 
mode, avantageux et honorable, que ce qui est agréable aux étrangers ; 
que si les impériaux ont mieux aimé ne voir point nos rois dans 
l'Empire, c'a été de crainte que nous n'ayons une prétention à laquelle 
on ne songe points et que ce n'est pas la première fois que, pour 
divers respects, une même chose a contenté les deux parties ^ » 

1. Négociations secrètes de Munster et d*Otnabruckf t. III, p. 244-245. 



DBS TENTATIVES DE LOUIS XIV POUR ARRIVER A L^EMPIRE. 5 

Ce mémoire, fortement motivé, indique nettement les argu- 
ments en faveur de chacune des deux solutions. Au point de vue 
que nous envisageons spécialement, on ne songeait pas pour l'ins- 
tant à ménager au roi les voies à TErapire ; mais on s'arrêtait 
avec plaisir à l'éventualité qui pourrait un jour « faire accorder 
l'Empire à nos rois, > et l'on semblait croire que leur qualité de 
landgrave d'Alsace pourrait beaucoup les y servir. L'empereur 
voulait avant tout empêcher le roi de prendre part aux affaires 
d'Allemagne et de lui disputer la direction des affaires politiques 
de l'Empire. Dès le 13 septembre 1646, nos plénipotentiaires, 
réunis chez le comte de Trautmannsdorf, acceptèrent en consé- 
quence le projet dressé par les médiateurs, en vertu duquel le roi 
de France obtiendrait la pleine souveraineté de la province cédée. 
Le 17 septembre 1746, ils mandèrent à la reine que « Sa Majesté 
avait, non seulement étendu les limites de la France jusques à ses 
plus anciennes bornes, mais encore acquis deux places très 
importantes sur le Rhin (Brisach et Philipsbourg) et que cette 
dangereuse communication des forces de la maison d'Autriche 
qui a donné tant de crainte à nos pères se trouve rompue et dis- 
continuée*. > Ainsi la France se trouvait substituée à tous les 
droits exercés auparavant par l'Empire en Alsace. Mais cela ne 
faisait pas le compte des États de l'Empire, ni surtout des villes 
libres d'Alsace, qui craignaient de se voir enlever par le roi leurs 
libertés municipales, comme il avait été fait à Metz, Toul et Ver- 
dun. Pendant toute l'année 1647, on discuta avec les représen- 
tants des princes allemands qui voulaient refuser à Louis XIV 
le Supremum dominium en Alsace. D'Avaux et Servien 
n'étaient pas défavorables aux demandes des princes, « parce 
que le roi même y avait avantage, devenant capable d'être élu 
empereur, > Les princes allemands tenaient à pouvoir opposer 
sans cesse les intérêts de la maison de Bourbon à ceux de la mai- 
son de Habsbourg. A la veille même de la signature du traité, ils 
s'agitaient encore à ce sujet : « Les députez, avant que sortir, 
me demandèrent fort soigneusement sy Leurs Majestés ne persis- 
toient pas encore dans la résolution où elles ont esté de prendre 
l'Alsace en fief de l'Empire. Us taschèrent de me persuader par 
diverses raisons que ce seroit l'avantage de la France et me con- 
fessèrent ingénument que ce seroit aussy le leur; parce que, s'ils 

1. /M., p. SOO. 



6 H. VA8T, 

avoient à Tadvenir un député d'un roy dans la diète pour rompre 
les desseins et les caballes de celuy d'Espagne, tous les princes 
de l'Empire auroient plus de moyens de conserver leur liberté et 
de se garantir de l'oppression que la maison d'Autriche leur veut 
faire*. > 

Finalement, la question fut résolue par une équivoque dont 
chacune des deux parties espérait tirer profit pour plus tard^. Le 
landgraviat de haute et de basse Alsace, le Sundgau et la préfec- 
ture des dix villes impériales (non compris Strasbourg) furent 
cédés avec « toute espèce de juridiction, de supériorité et de sou- 
verain pouvoir > au roi de France ; la cession fut faite à perpé- 
tuité par l'empereur et par l'Empire (art. 75 et 76). Mais, en 
vertu de l'article 87, le roi de France était tenu de laisser la 
ville de Strasbourg, les princes possessionnés d'Alsace et les dix 
villes impériales « dans cette liberté et immédiateté envers l'Em- 
pire, dont elles avaient joui jusque-là de telle façon toutefois que 
rien ne soit considéré comme distrait par cette déclaration de tout 
le droit de souverain pouvoir qui a été accordé plus haut. » Ainsi, 
le roi de France obtenait la pleine souveraineté de l'Alsace, et 
cependant la noblesse d'Alsace devenue française continuerait de 
siéger dans les diètes de l'Empire, ce qui permettrait au roi d'in- 
tervenir dans les affaires de l'Allemagne. L'empereur avait pro- 
mis de rayer l'Alsace du matricule de l'Empire et en reconnais- 
sait l'incorporation à la couronne de France; mais il ne lui 
déplaisait pas de garder un droit éminent sur la province perdue. 
Les Etats allemands se ménageaient un moyen de rattacher à 
l'Empire une province que la fortune de la guerre les avait forcés 
à abandonner. La noblesse et les villes libres d'Alsace espéraient 
sauvegarder leurs privilèges locaux en opposant l'un à l'autre le 
patronage de l'empereur à celui du roi de France. L'ambiguïté 
voulue de ces clauses consolait de tous les sacrifices et ne mettait 
obstacle à aucune espérance^. 

1. Servien au roi, 17 août 1648 (Corresp, poUL, Allemagne , t. 109, fol. 186). 

2. C'est l'avis exprimé par Arnauld de Pomponne. Il parle de quelques articles 
des traités de Westphalie qui n'ont pas toujours été assez nettement expliqués, 
a peut-être dans le dessein qu'ont eu les parties de se prévaloir selon les occa- 
sions des contrariétés qu'ils y avaient glissées i {Mémoires, t. I, p. 170). 

3. Voir la discussion relative aux articles du traité de Munster prêtant 
matière à contestation dans Legrelle, Louis XIV et Strasbourg^ p. 150 et suiv., 
et dans notre premier fascicule des Grands traités du règne de Louis XJV, 
p. 6, 39 et 44. 



DES TENTATIVES DE LOUIS XIV POUR ARRIVER A L'eMPIRE. 7 

Le traité de MuDster fut en effet un texte à réclamations. Les 
villes d'Alsace soutenaient que l'empereur avait cédé au roi, en 
Alsace, la LandurgHe, c'est-à-dire ses droits comme landgrave, 
et non la Reichurgtie, c'est-à-dire ses droits comme empereur. 
Le roi de France prétendait s'inmiiscer toujours plus avant dans 
les affaires de l'Empire pour arriver à en disposer à son gré. 
Vautorte, envoyé de Mazarin à la diète de Ratisbonne, déclara 
que, pour témoigner de la bonne volonté du roi, il avait ordre 
de consentir à ce que l'Alsace redevînt fief de l'Empire, si les 
États le demandaient, « à condition que le roi obtînt, dans les 
diètes allemandes, une place convenable à sa dignité. > Comme 
cette solution n'était souhaitée ni par l'empereur ni par le roi, les 
choses traînèrent en longueur et le recez du 17 mai 1654 confirma 
purement et simplement le traité de Munster ^ 

Pour régler les différends suscités par la question d'Alsace, le 
roi prit l'habitude d'envoyer des ministres spéciaux qui le repré- 
sentaient auprès des diètes allemandes. Ces ministres saisirent 
toutes les occasions de gagner à la politique du roi les électeurs 
et les princes les plus influents. L'argent jouait son oflSce et les 
négociations dégénéraient souvent en négoces. Le prétexte, à 
partir de 1648, était de forcer l'empereur à refuser tout secours 
aux Espagnols pour ne pas prolonger la guerre. Dès l'année 
1651, les électeurs de Trêves et de Cologne, l'évêque de Munster 
et le duc de Neubourg signèrent à Francfort une première ligue 
avec le roi de France. Après la mort du fils aîné de l'empereur, 
le prince Ferdinand, qui avait été proclamé roi des Romains, 
cette ligue fut renouvelée à Cologne (15 décembre 1654). Les 
traités de Westphalie avaient institué pour les princes allemands 
le droit nouveau de conclure des alliances entre eux et même 
avec des princes étrangers sans le consentement de l'empereur. 
Mazarin ne songeait pas encore à préparer la candidature du roi 
à l'Empire ; mais c'était beaucoup déjà de pouvoir opposer au 
parti autrichien une ligue de princes dévoués aux intérêts 
français. 

L'empereur Ferdinand ni fut surpris par la mort le 2 avril 
1657, avant d'avoir eu le temps de faire élire son fils roi des 
Romains, ni de lui faire épouser l'infante Marie-Thérèse, héritière 

1. Voir les articles de M. Mossmann, la France en AUace après le traité de 
Westphalie, parus dans la Revtte historique aux t. Ll, LII et LUI. 



8 H. VAST. 

de la couronne d'Espagne. L'occasion s'oflfrait pour Mazarin 
d'user des avantages déjà acquis pour en acquérir de nouveaux. 
La ligue formée avec les princes ci-dessus énumérés pouvait ser- 
vir à déposséder de l'Empire la maison de Habsbourg en faveur 
d'un prince allemand client de la France, peut-être même en 
faveur du jeune roi Louis XIV. Dès que la nouvelle fut connue à 
la cour de France, Mazarin promit aux électeurs « toute l'assis- 
tance dont ils auroient besoin contre l'Autriche pour les sauver 
de l'oppression. > Gravel fut chargé d'une tournée circulaire 
auprès des électeurs de Mayence, de Trêves et de Cologne, puis 
à la diète de Francfort et auprès de l'électeur palatin. Ses ins- 
tructions lui enjoignaient de disposer les électeurs à s'unir au roi 
de France et à ne point porter leurs suffrages sur un prince de 
la maison d'Autriche, ce qui rendrait les Espagnols encore plus 
maîtres en Allemagne que par le passé. L'empereur défunt avait 
cherché « à faire revivre en la personne de son fils toute la puis- 
sance de Charles-Quint. » Gravel devait empêcher et l'élection 
de Léopold et son mariage avec l'infante. Il devait conseiller 
d'élever à l'Empire le duc de Neubourg ou à son défaut l'électeur 
de Bavière. Deux électeurs avaient même proposé de faire nom- 
mer le roi. Mazarin se garda bien de repousser cette avance ; 
mais il recommanda d'observer à cet égard le plus grand secret ^ 
Gravel n'était qu'un émissaire d'avant-garde : les représen- 
tants officiels du roi, le duc de Gramont et Hugues de Lionne, 
partirent pour Francfort bien avant que la diète électorale fut 
ouverte. Leurs instructions, datées du 10 juillet 1657, furent 
rédigées par Servien d'après les notes écrites de la main même 
de Mazarin 2. On y ht ce passage caractéristique : « Dieu, qui 
voit dans le fond des cœurs et qui tient par sa bonté ceux des 
rois en sa main, connaît fort bien que tous les desseins que Sa 
Majesté a formés dans la conjoncture présente et toutes les dili- 
gences qu'elle fait pour tirer, s'il est possible, l'Allemagne d'op- 
pression et délivrer les princes qui en sont voisins de leurs justes 
craintes, ne procèdent point d'une ambition particulière ni d'au- 



1. Corresp. polit., Allemagne, t. 135 (join 1657). 

2. Ces instractioDS se trouvent en double exemplaire dans la Corresp, polit, , 
Allemagne, t. 135 et 136. On lit en tète de ce second exemplaire : c Cette 
instruction a été faite par M. Servien sur les mémoires que je lui ai donnés et 
sur les dépêches écrites en divers lieux et à Limoges sur celte matière, i Cette 
note est de la main même de Mazarin. 



DBS TEIfTATIVBS DE LOUIS XIY POUR ARRIVER A l'eMPIRB. 9 

cune jalousie contre la grandeur des autres souverains, ayant 
(grâces à la bonté divine) de quoi se contenter de ce qu'il pos- 
sède, mais seulement de Tanaour qu'un roi très chrétien doit avoir 
pour la paix et de l'obligation où il est d'embrasser tous les 
moyens qui la peuvent obtenir et affermir, afin de pouvoir gou- 
verner avec justice et faire vivre en repos tous les peuples qui 
sont soumis à son obéissance. U ne restera lieu à personne de 
douter de cette vérité lorsque chacun verra que Sa Majesté ne 
désire point la dignité impériale pour Elle, mais seulement d'y 
voir élever quelque prince qui, n'ayant point d'autres intérêts à 
considérer et à suivre que ceux de l'Empire, n'ait d'autre objet 
que de le gouverner en paix selon les lois anciennes, sans l'en- 
gager à tous propos dans des querelles étrangères, comme on a 
fait depuis quelque temps, et sans employer à troubler et oppri- 
mer la chrétienté une puissance qui n'a été établie que pour sa 
défense et pour y conserver le repos. » Si l'on dépouille ce docu- 
ment, écrit d'ailleurs en belle langue, de la rhétorique habituelle 
aux chancelleries, il signifie que sans doute Louis XIV, comme 
entrée de jeu, ne va pas poser sa candidature à l'Empire; qu'il 
travaillera tout d'abord à y porter quelque prince allemand bien 
docile à ses volontés; mais qu'il ne repoussera aucune avance et 
qu'il accepterait la douce violence qui lui serait faite du fardeau 
de la couronne impériale. Pourquoi donc, s'il avait seulement 
voulu évincer la maison d'Autriche, Mazarin songea-t-il à sou- 
tenir comme prétendant le duc de Neubourg * , un fort petit prince, 
d'ailleurs suspect pour son ambition remuante et que son ennemi 
intime, son cohéritier rival pour la succession de Juliers, l'élec- 
teur de Brandebourg, ne pouvait accepter à aucun prix? Pour- 
quoi ne pas appuyer de tout le poids de l'influence française ce 
Ferdinand-Marie, duc de Bavière, dont le père, Maximilien, 
avait été l'âme de la ligue catholique durant toute la guerre de 
Trente ans? Par son illustration, par le crédit des princes ses 
parents, dont l'un, Maximilien-Henri, était électeur de Cologne 



1. Le dac Pbilippe-Guillaome de Neubourg succéda à son père en 1653. II 
arait conclu arec Louis XIV un traité d'assistance réciproque pour la garantie 
du traité de Munster. Il entra dans la ligue du Rhin. Louis XIV lui fit rendre 
par le traité des Pyrénées la place de Juliers, que les Espagnols détenaient à 
ses dépens depuis près de quarante ans. Plus tard, Louis XIV songea à le pous- 
ser au trône de Pologne (1666-1668). Voir Saint-Prest, Hist. des traités de paix, 
t. I, p. 507, et Farges, Recueil d'instructions , etc. Pologne (année 1666). 



'lO H. VAST. 

et l'autre, Charles-Louis, électeur palatin, le duc de Bavière 
pouvait seul, avec quelque succès, être opposé à la maison de 
Habsbourg. S'il ne ftit proposé aux suffrages amis de la France 
qu'en seconde ligne et comme pis- aller, c'est que Mazarin 
espérait que les princes allemands appelleraient d'eux-mêmes 
Louis XIV. 

Les envoyés français multiplièrent les démarches : ils étaient 
déjà assurés de l'appui des électeurs de Trêves et de Cologne, 
grâce à la ligue signée en 1651 et en 1654, que Gravel fit con- 
firmer à nouveau le 24 septembre 1657. L'électeur palatin fit 
grande fête à Gramont et à Lionne dans sa résidence, bien que 
presque en ruines, d'Heidelberg. D promit de donner sa voix à 
tel prince que désignerait le roi de France < sans désobliger la 
maison d'Autriche. » Pour s'engager davantage, il voulait être 
assuré, non pas seulement de recevoir une somme d'argent, mais 
d'être soutenu par les armes françaises en cas d'attaque de l'Au- 
triche. Sa voix en faveur du candidat français fut achetée 
60,000 écus comptants. L'électeur de Mayence, Jean-Philippe 
de Schœnborn, qui avait déjà pris une grande part à la paix de 
Munster, voulait compléter son œuvre en terminant la guerre 
entre la France et l'Espagne. Les questions de l'élection à l'Em- 
pire et de la paix entre les Bourbons et les Habsbourg étaient 
pour lui inséparables. En vain Colbert le jeune, intendant d'Al- 
sace, fut envoyé en mission spéciale auprès de lui pour obtenir 
qu'il contribuât à faire entrer Louis XIV dans le corps germa- 
nique comme membre du Cercle du Haut-Rhin. L'électeur pen- 
sait que la maison d'Autriche « feroit toutes ses cabales » pour 
empêcher jusqu'à l'examen des offres de la France. Il donnait le 
conseil au roi de demander à tenir l'Alsace en fief de l'Empire 
pour pouvoir envoyer ses délégués aux diètes. Enfin, il déclara 
que la candidature du duc de Neubourg n'avait aucune chance 
de succès à cause de l'hostilité du margrave de Brandebourg et 
que l'on devait concentrer tous ses efforts pour faire réussir 
l'électeur de Bavière * . 

La candidature du duc de Neubourg ne pouvait être prise au 
sérieux. Celle du duc de Bavière dut être abandonnée bientôt. 
Ferdinand-Marie, fils de l'illustre Maximilien, le héros de la 



1. Corresp. polit., Allemagne, t 136, 29 août, 4 septembre 1657; t. 138, 
29 juillet, 12 août et 3 septembre 1657. 



DBS TENTATIVES DE LOUIS XIY POUR ARRIVEB A l'EMPIBE. 'I'I 

guerre de Trente ans, était un prince indécis et timoré, incapable 
d'une initiative hardie. Il n'osait ni se porter franchement comme 
candidat, ni voter ouvertement contre la maison d'Autriche. Il 
n'avait pas encore quitté Munich au mois de décembre. Gramont 
alla l'y voir pour chercher à vaincre ses irrésolutions et n'en 
obtint que de vagues assurances de se prêter aux désirs du roi 
pour écarter de l'Empire la maison d'Autriche. Il ne put pas rap- 
porter un engagement ferme du duc de Bavière*. La mollesse de 
ce prétendant malgré lui devait décourager tous ceux qui étaient 
tentés de lui donner leurs voix. L'électeur de Mayence commen- 
çait à fléchir : il prétendait vouloir s'occuper exclusivement de la 
paix au moment même où le ministre autrichien Volmar soute- 
nait, au contraire, que le seul but de la diète devait être d'élire 
un empereur. 

C'est alors que Mazarin, peut>-être sans beaucoup d'espoir, eut 
l'idée de faire reporter sur Louis XIV lui-même les voix qui se 
seraient égarées sur tout autre concurrent. La danse des écus 
commença pour acheter ou pour affermir les bonnes volontés*. 
L'électeur palatin avait reçu 60,000 écus; on lui en promit 
40,000 après l'élection. Le margrave de Brandebourg ne se laissa 
gagner qu'au prix de 100,000 écus. Comme il témoignait encore 
quelque mauvaise humeur de l'intervention du roi de France dans 
les affaires d'Allemagne, Mazarin menaça d'arrêter les paie- 
ments, ce qui acheva de le rendre docile. L'électeur de Cologne 
était favorable grâce à ses deux conseillers, les deux comtes 
Égon de Furstenaberg, Guillaume et François, qui reçurent, pour 
prix de leurs bons oflSces, l'un l'évêché de Metz, d'un revenu de 
12,000 écus, l'autre Tabbaye de Saint-Arnould, qui rapportait 
4,000 écus. L'électeur de Trêves reçut aussi des sommes consi- 
dérables. On essaya de ramener l'électeur de Mayence par la 
promesse de 40,000 rixdales. Les paiements étaient difficiles, les 

1. Corresp. polit., Allemagne, t. 138, 27 décembre 1657. 

2. c Nous n'arons pas d'argent, mande Mazarin à Gramont, mais, qnand je 
derrais rendre ma vaisselle et engager tont ce que j'ai, roas n'en manqueriez 
pas pour cette affaire, i et un an plus tard : < Quoi qu'on ait pu dire, il m'a 
toujours été impossible de m'empécher d'avancer jusqu'au dernier quart d'escu 
de mon argent quand j'ai cru de pouvoir faire par ce moyen quelque chose 
d'avantageux pour le service du roi i (Corresp. polit. \ Allemagne, 1. 137, 20 juil- 
let 1657; et t. 140, 21 juillet 1658). On n'est pas forcé de prendre à la lettre 
l'assertion de Mazarin. Il était fort économe de ses propres deniers. Mais il ne 
ménagea pas en cette circonstance ceux de l'État. 



12 ■. TAsr. 

banquiers allemande n'étant pas habitoés à an s gros manie- 
OK^ût de fonds. Ils ne poaraient rerser à la fois pins de 10,000 écas. 
Qaelqoes-ans redisaient de traiter pooriaToriserrexclnsion d*im 
prince autrichien. Pour peser plos forteoient encore sur les hési- 
tants, le roi fit on rojage à Metz en octobre 1657. Il o£Erait de 
Caire rentrer 1* Alsace dans le matricule de l'Empire. 

Enfin, une véritable « campagne de presse > fut entamée pour 
soutenir les prétentions de Louis XIY. Un document, intitulé Rai- 
sonnement sur les affaires présentes d Allemagne^ y ^osetLeX-- 
tement la candidature du roi de France à TEmpire. < Les princes 
que Ton peut proposer pour cette dignité, y est-il dit, sont les ducs 
de Bavière et de Xeubourg, et, au cas que le premiar la refuse et 
que le second ne soit pas agréable aux électeurs, le roi pourroit 
accepter la couronne au cas qu'elle lui fut ofierte. » Or, il est 
avéré que le duc de Bavière refuse, que le duc de Neubourg est 
récusé par l'électeur de Brandeboui^. « n semble donc qu'il ne 
reste plus que le roi sur qui jeter les yeux si l'on veut ôter cette 
dignité a la maison d'Autriche. » Peut-on reprocher à Louis XIV 
d'être un prince étranger à l'Empire? Mais il descend de Charle- 
magne ; il ne serait pas le premier prince étranger choisi par les 
électeurs, puisque Alphonse de Castille et Richard de Comouailles 
ont porté la couronne impériale. D'ailleurs, pour devenir prince 
allemand, le roi n'a qu'à tenir l'Alsace conune fief de l'Empire; 
« et il y a apparence que le roi ne refusera pas, pourvu que ce 
soit aux mêmes conditions que le roi d'Espagne tient la Franche- 
Ck)mté. » Ce * raisonnement, » qui émane sans doute de Gravel, 
de Lionne ou d'un de leurs secrétaires, a dû être communiqué 
aux représentants des princes et faire le tour des chancelleries 
des états allemands. 

Mais il y eut aussi des documents imprimés répandus dans le 
public afin de préparer l'opinion à accepter l'idée de la candida- 
ture de Louis XIV. Nous signalerons en particulier trois lettres 
échangées entre un patriote de Francfort et un gentilhomme 
romain au sujet de la prochaine élection impériale'-. De ces trois 

1. Corresp. polit., Allemagne, t. 137, fol. 765 et sair. Écrit anonyme, mais 
classé dans ce volome de Suppléments avec cette mention : c D'Allemagne, 
envoyé avec la lettre du 10 septembre 1657. i 

2. Corresp, polit., Allem^agne, t. 137^ septembre 1657, fol. 768 à 781. La pre- 
mière lettre de l'Allemand est manuscrite et en italien. La réponse du gentil- 
homme italien romain est imprimée en italien et traduite en français ; elle est 



DBS TENTATIVES DE LOUIS XIT POUR ARRIVER A l'EMPIRE. 43 

documents, récrit du gentilhomme romain est de beaucoup le 
plus intéressant, parce qu'il contient la théorie française sur 
l'élection. L'auteur pose en principe qu'aucune affaire n'est plus 
grave pour l'Europe entière que le choix d'un empereur, mais 
que jamais l'élection n'a été plus malaisée. A n'écouter que le 
collège électoral, deux candidats seuls ont des chances : c'est le 
duc de Bavière et le roi de Hongrie (le futur empereur Léopold). 
Ce dernier doit être exclu à cause de son âge et de son inclination 
pour l'Espagne. Le duc de Bavière manque d'initiative, il est 
aveuglément gouverné par sa mère et son chancelier, Curtz. Il 
faut donc choisir un empereur en dehors du corps électoral. Plu- 
sieurs princes pourraient prétendre à se faire élire : en Italie, le 
duc de Savoie, s'il avait plus de maturité ; le grand-duc de Tos- 
cane, s'il aimait moins ses aises ; le duc de Modène, qui descend 
d'une race illustre ; en France, le duc d'Orléans est paré de toutes 
les vertus. Le duc de Neubourg serait le seul qui pût être nommé 
si les électeurs s'acharnaient à choisir un prince allemand. Mais 
aucun de ces princes n'a la puissance sufSsante pour soutenir la 
dignité impériale dans le lustre qui lui convient. Il faut éviter 
avant tout que le prestige de l'Empire soit diminué, qu'il devienne 
un objet de mépris pour l'étranger. Dès lors, l'Empire ne peut et 
ne doit tomber que dans les mains du roi d'Espagne ou du roi de 
France. « Or, la Providence de Dieu nous a devancez, puisque, 
l'Empire étant depuis trois cents ans dans la maison d'Autriche, 
Dieu a permis que le roi des Romains soit mort et l'empereur 
ensuite, dans un temps où le roi de France est puissamment armé, 
afin que les électeurs soient en pleine liberté d'interrompre à la 
maison d'Autriche cette possession longue et désormais trop péril- 
leuse en laquelle elle menace déjà de se vouloir maintenir par la 
force des armes. » Sans doute, le choix pourrait se porter sur 
l'archiduc Léopold ^ Mais les partisans de la maison d'Autriche 
voudraient faire de ce prince un simple dépositaire de l'Empire, 

saiyie d'ane seconde lettre du correspondant de Francfort, celle-ci en français 
seulement. Le seul indice sur l'auteur de ces écrits de propagande est donné 
dans la seconde lettre en ces termes : c II me souvient qu'en 1637 j'eus ordre 
du feu cardinal de Richelieu d'examiner les nullités qui se rencontroient en 
l'élection de PEmperenr, qui étoit mort... » L'auteur était donc un de ces publi- 
cistes aux gages de Richelieu qui était passé au service de Mazarin. Cet écrit 
fut répandu en Allemagne en plusieurs langues, comme le fut plus tard le 
Traité de$ droits de la reine sur divers États de la monarchie espagnole. 
1. Le vaincu de Lens, l'oncle dn jeune Léopold qui fut élu empereur. 



44 H. VAST. 

jusqu'au jour où son neveu, devenu roi des Romains, serait en 
état de prendre la place de l'oncle. Les partisans de l'Autriche 
font craindre à l'Empire une guerre éternelle si la dignité impé- 
riale est enlevée au chef de leur maison. Mais n'est-ce pas cette 
même maison qui a perpétué la guerre, soit en s'associant depuis 
trente ans à toutes les entreprises des Espagnols en Italie contre 
les Français, soit en cherchant à unir de force la Pologne à ses 
États? * Enfin, je dis que, pour rendre à l'Europe le repos après 
lequel elle soupire il y a si longtemps, il faut séparer l'Empire de 
la maison d'Autriche et luy laisser démesler sur son compte ses 
entreprises et conduire toute seule les machines qu'elle dresse de 
tous costés. Qu'elle demeure avec ses amis et avec ses ennemis, 
et, si cela se fait cet hiver, la paix se fera. La maison d'Autriche 
ayant ainsi reçu l'exclusion, il ne reste que le roi de France 
capable de soutenir le poids et la dignité de l'Empire; et je crois 
véritablement qu'en ces temps diflSciles et malheureux Dieu a fait 
naîtrt) ce prince-là pour la gloire, le rétablissement et les délices 
dos hommes. » 

Suit un éloge pompeux du roi, de sa taille, de sa figure, de sa 
beauté, de son port, de ses lumières, de ses vertus ; un éloge du 
cardinal Mazarin, qui rendra l'Allemagne « puissante, victo- 
rieuse et jouissante d'une profonde paix... Ceux de l'Eglise 
roumine et les ecclésiastiques seront contents et satisfaits de son 
gouvernemont et ceux de la protestante ou réformée n'en senti- 
ront pas moins de douceur, de repos et de sûreté, pouvant les uns 
et les auti^es juger de ce qu'on fera en leur faveur par ce qui se 
pratique eu France... La guerre contre le roi d'Espagne n'a rien 
do commun avec l'Empire, sinon en ce qu'on fut contraint de 
ron)pi*e avec l'Empire pour défendre les droits et le bien de l'élec- 
teur de Trôves ; et il semble que la justice de Dieu et celle des 
honunes veuille que celui-là soit empereur qui est protecteur de 
l'Empire et de ses libertés... Concluez de là qu'il est au pouvoir 
dos Espagnols d'avoir la paix, s'ils la veulent, puisque les Fran- 
çiûs ont envoyé jusqu'à Madrid pour la demander. Chacun sait 
pi*ésontement sur quel article s'est rompu le traité et d'où est venu 
l'obstacle. Le monde, qui ne pouvoit avant cela se persuader que 
la France voulût la paix, en rejette d'une commune voix l'éloi- 
gnement sur les Espagnols. Ce n'est pas mon intention d'en juger ; 
mais, sachant comme je sais, par des raisonnements infaillibles, 
celle du cardinal Mazarin et connaissant la générosité de la 



DBS tbutativbs de Lons xrv pour arbiver a l'empire. ^15 

France, j'oserois bien assurer que la première action que feroit 
le roi, s'il étoit élevé à l'Empire, seroit de rendre ses propres 
électeurs les juges des différens qu'il a avec le roi d'Espagne et 
les arbitres de la guerre et de la paix entre les deux couronnes. » 

Ainsi, ce manifeste cherche à faire voir en Louis XIV le can- 
didat de la paix générale, le protecteur de la liberté de conscience, 
le défenseur des libertés germaniques; il insinue même l'intention 
d'élever les électeurs à la dignité de médiateurs des traités et 
d'arbitres entre les couronnes. On ne pouvait employer d'argu- 
ments plus décisifs pour persuader les électeurs et pour gagner 
l'opinion. Pour insister encore plus fortement sur cette considé- 
ration toute-puissante de l'intérêt des électeurs, l'auteur de la 
seconde lettre adressée de Francfort au gentilhomme romain pro- 
pose de passer de la politique à l'histoire pour prouver que la 
maison d' Autriche n' a travaillé depuis trois cents ans quà 
se rendre l'Empire héréditaire et qu'elle a violé pour cela 
toutes sortes de droits. L'Empire a été florissant tant que sa 
puissance a été tempérée par celle des électeurs; sitôt que la mai- 
son d'Autriche s'en est emparée, elle n'a plus songé qu'à ses inté- 
rêts particuliers ! Les empereurs n'ont réussi à se perpétuer qu'en 
faisant nommer de leur vivant leur fils comme roi des Romains. 
Auparavant, les maisons de Saxe, de Franconie et de Souabe se 
sont succédé à l'Empire, puis les Luxembourg ont disputé le 
trône aux Habsbourg. Les électeurs doivent saisir l'occasion de 
briser leurs chaînes et de donner la paix à l'Europe. 

Malgré l'argent reçu, les électeurs ne montrèrent pas beau- 
coup d'empressement en faveur du roi. Ils voulaient bien l'oppo- 
ser au maître qu'ils se donneraient. Ils ne voulaient pas l'avoir 
pour maître. L'électeur de Mayence déclarait à Gravel qu'il ne 
voulait pas prostituer sa voix; il s'entendait secrètement par 
l'entremise de son confesseur avec le confesseur du jeune archi- 
duc Léopold. Il avait donné des gages aux deux partis pour ne 
pas se trouver pris au dépourvu, quel que fut le choix des élec- 
teurs. L'électeur de Trêves redevenait favorable à la maison 
d'Autriche ; l'électeur de Saxe n'avait jamais cessé de s'en mon- 
trer partisan. Le margrave de Brandebourg songeait à se tour- 
ner du côté vers lequel penchait de plus en plus la balance. 

Les électeurs arrivèrent à Francfort du 19 mars au 1®' mai. 
Léopold, roi de Hongrie, fils de Ferdinand III, s'y fit accompa- 
gner par son oncle, l'archiduc Léopold. Les électeurs de Bavière 



et de Brandebooi^ se fireoi représenter par des enrorés. Le 
ministre esp3Lgnoi Peoaraoda et laotridiien Yc^mar firent tous 
leurs e&Mis poor réduire le rôle de la diète aa dKHX « d*an bon 
anpereur. > Ils s'opposerait à toutes les teatatiTes de Félecteiir 
de Ma jence pour faire traiter en niême ten^^ la question de la 
paix. Les candidatures des ducs de BaTÎère et de Neoboorg 
étaient définitiTement écartées. Le saocês de rarcfaidnc Léopold 
n'était pas doateox. 

Mazarin savait faire bonne mine à maoTais jea. Toat ai refii- 
sant leurs Toix au prince français, les électears n'étaient pas 
fâchés tie profita* de son appoi pour restreindre une fois de plus 
les prâx^atives da prince aotrichien qu'ils allai^it éierer à 
TEmpire. Les négociateurs français, abandonnant résolument la 
candidature du roi, ne songèrent plus dès lors qu'à imposer au 
futur empa'eur des capitulations qui lui enlèreraient toute auto- 
rité en Allemagne et à grouper en une ligue placée sous le patro- 
nage français tous nos alliés d'Allemagne. Le 15 mai 1658, Gra- 
mont et Lionne firent adopter par la diète un condusum en vartu 
duquel il était interdit à l'empereur de fournir aucun secours aux 
Espagnols, soit contre la France, soit même contre ses alliés les 
Anglais, ce qui a « esté le fort de la difficultés > Léopold, ayant 
accepté les capitulations (15 juillet 1658), fut enfin élu à Franc- 
fort le 18 juillet 1658. 

Quelques semaines plus tard (15 août), la ligue du Rhin fut 
conclue. La question s'était posée au dernier moment de savoir 

1. Corresp. polit, Allemagne, t. 141, fol. 118 et 120. Peoannda oflErit jusqu'à 
100,rKiO écus au comte Égon de Fnrstemberg, conseiller de réiecteur de Cologne, 
à condition qu'il consentit à supprimer du amclusum les seuls mots c foedera- 
tos Galliae. i Le nonce du pape ne voulait pas non plus que cette défense s éten- 
dit aux Anglais. L'électeur de Brandebourg faillit tout faire manquer en deman- 
dant que le futur empereur fût tenu de même de n'assister ni directement ni 
indirectement les ennemis du roi de Suède. L'électeur palatin fit de violentes 
sorties contre le duc de Bavière, à qui il ne pouvait pardonner d'avoir dépouillé 
son père d'une partie du Palatinat, en vertu du traité de Munster. Comme le 
docteur Oxel, chargé de représenter le duc de Bavière, répliquait que la confis- 
cation était juste, puisqu'elle avait été décrétée à la suite de la mise au ban de 
l'Empire de l'électeur palatin, celui-ci, pour défendre la mémoire de son père, 
jeta son encrier à la tête de son contradicteur. Procédés peu diplomatiques ! Ce 
qui était plus conforme à la tradition, ce fut le dîner de 150 couverts en deux 
tables offert à l'occasion du condusum par le maréchal de Gramont aux 
membres du congrès. 11 est, d^ailleurs, sans cesse question, dans toute cette 
négociation, d'argent payé et de c longues buveries. i Le conclusum en question 
est devenu Tarticle 14 de la capitulation de Léopold. 



DES TENTATITBS DB LOUIS XIV POUR ARRIVER A l'bMPIRE. H 

si la France devait ou non entrer dans la ligue défensive des 
princes et électeurs de l'Empire pour l'observation du traité de 
Munster*. On alléguait en faveur de la négative que le nouveau 
traité ne pouvait donner à la France plus de garanties que le 
traité de Munster, qui avait été odieusement violé ; qu'on désobli- 
gerait la Suède et le Brandebourg et que l'on courait le risque 
d'en venir aux mains avec nos plus anciens et plus sûrs alliés, si 
les Suédois attaquaient quelque Etat de l'Empire que nous nous 
serions obligés à défendre ; que la France, ayant les mains liées, 
ne pourrait plus attaquer le nouvel empereur autrichien ; qu'enfin 
cette crainte de voir les Français porter la guerre en Allemagne 
était un des plus puissants motifs pour les électeurs de ne pas 
choisir un prince autrichien. On faisait remarquer, d'autre part, 
que la France avait un puissant intérêt à attacher à sa fortune 
des princes qui lui fourniraient les secours stipulés dès la pre- 
mière réquisition ; que ces alliés seraient très nécessaires au roi 
pour lui permettre d'attaquer l'empereur s'il était choisi dans la 
maison d'Autriche ; que le nouveau traité serait comme une con- 
firmation nouvelle de l'acquisition de l'Alsace et qu'il pourrait 
servir à la défendre en cas d'attaque. 

La contre-partie de l'élection de Léopold, qui assurait à l'Au- 
triche la prolongation de sa préséance en Allemagne, fut donc 
précisément la conclusion du traité de garantie mutuelle' des 
traités de Westphalie en vue d'assurer aux contractants l'inté- 
grité de leurs Etats et de les prémunir contre les passages de 

1. Voir Corresp. poUt.y Allemagne, t. 138, fol. 279. L'électear de Mayence, 
l'on des principaux promotears de la ligne du Rhin, avait en d'abord l'idée de 
constituer un État fédéral allemand en dehors de l'Empire. 11 comprit que sa 
ligue n'avait aucune chance de durée si elle ne se mettait sous la protection de 
l'Autriche ou de la France. Il choisit celle de la France comme plus efficace. 

2. Voir Pribram, Beiirag zur Geschichte des Bheinèundes von 1658, et Joa- 
chim, Die Entwickelung des Rheinbundes von 1658. Les Allemands soutiennent 
que la ligue du Rhin fut une œuvre exclusivement allemande ; qu'elle n'a été 
souhaitée ni par Louis XIV ni par Mazarin et que l'organisation de cette ligue 
ne fut pas un triomphe pour la politique française. Sans doute, pendant toute 
la période électorale, du mois d'avril 1657 au mois de juillet 1658, Graroont et 
Lionne retardèrent ou arrêtèrent la conclusion de la ligue, parce que Louis XIV 
voulait à ce moment se faire donner l'Empire. Mais, de 1651 à 1657, Gravel 
avait été chargé de conclure contre l'empereur des ligues de princes des deux 
religions et, après Télection de Léopold, Mazarin n'eut plus en vue que de res- 
treindre son pouvoir. La lecture de la Correspondance politique ne laisse 
aucun doute à ce sujet. Voir un compte-rendu de M. A. Waddington dans la 
Revue historique, t. XLII, p. 415. 

Rbv. Histor. LXV. i" PA8C. 2 



48 H. VIST. 

troupes, les logements et les réquisitions des gens de guerre. Les 
différents pactes de 1651 , de 1654 et de 1657 furent les premières 
ébauches de cette garantie nouvelle. Le roi de Suède avait conclu 
une alliance défensive sur des bases analogues avec les trois ducs 
de Brunswick-Lunebourg et le landgrave de Hesse-Cassel (1651). 
La ligue du Rhin du 15 août 1658 est, pour ainsi dire, la fusion 
des deux ligues particulières des catholiques et des protestants 
sous la protection du roi de France. Les princes allemands y font 
une place à la France parce que son roi est un puissant patron, 
qu*il maintiendra leur indépendance contre un retour offensif de 
la maison d'Autriche et que, d'ailleurs, il les paie bien. Ainsi, 
depuis Wismar et Brème jusqu'à Heidelberg et Neubourg , en 
j^ssant par le Brunswick, la Uesse, les Etats de Cologne, de 
Trêves et de Mayence, une chaîne ininterrompue de confédérés 
entrait dans la clientèle du roi de France. 

Jamais encore la France n'avait exercé, à l'occasion d'une 
élection impériale, une influence aussi prépondérante. Mazarin 
eut l'espoir d'arracher aux Habsbourg cette dignité impériale 
qui semblait fixée héréditairement dans leur maison depuis plus 
de trois siècles. Comme dans une élection pontificale, il eut ses 
candidats français, les ducs de Neubourg et de Bavière, qu'il 
soutint longtemps. Il caressa même un moment le rêve de Caire 
asseoir sur le trône de Charles-Quint celui à qui il préparait, 
d'autre part, le colossal héritage de la couronne d'Espagne. La 
propagande en faveur de Louis XIV fut active et habile. Faire 
de l'élévation à l'Empire de cet héritier de Charlemagne le gage 
de la paix pubhque en Europe, du respect de tous les cultes chré- 
tiens et de l'indépendance des électeurs, quels arguments pou- 
vaient aller plus directement au cœur de ces princes si soucieux 
de leur prestige et de leur indépendance? Mais Louis XIV fut 
bien vite devenu pour eux un maître plus autoritaire et plus 
redoutable que l'héritier dégénéré de Charles-Quint. Ils crai- 
gnirent d'être réduits au même état de dépendance que la noblesse 
française. Ils nommèrent Léopold. Le sage Mazarin réussit du 
moins à lui imposer des conditions et à placer sous le patronage 
de la France les princes de l'Allemagne rhénane qui formèrent 
jusqu'à l'époque de la Révolution de petits États tampons entre 
les deux puissantes monarchies des Habsbourg et des Bourbons. 
Us étaient grassement payés pour être bien protégés contre tout 
empiétement de la maison d'Autriche. Leur ambition n'allait pas 
plus loin. 



DBS TBRTITIYBS DB LOUIS XI? POUB ABRIYBB A L^BMPIBB. 49 

IL 

Hugues de Lionne fut très attentif à toutes les relations avec 
les princes de l'Empire. U les connaissait bien pour les avoir 
pratiqués lui-même, soit à l'aurore de sa carrière diplomatique, 
lorsque en 1641 Mazarin l'emmena comme secrétaire à Munster, 
soit surtout lorsqu'il représenta la France à Francfort lors de 
l'élection de Léopold. D crut que la France devait surveiller de 
près les afiaires d'Allemagne, s'y attacher une clientèle nom- 
breuse et puissante, y contre-balancer l'influence de la maison 
d'Autriche. Avant la ligue du Rhin, les électeurs qui traitaient 
avec la France s'engageaient à seconder « les desseins que Sa 
Majesté avait formés pour le bien de l'Empire, » formule très élas- 
tique qui pouvait se prêter à toutes les ambitions de Louis XIY ^. 
Depuis la conclusion de la ligue de Mayence, l'effort du ministre 
se porta à étendre et à renouveler cette ligue. A deux reprises, 
le 31 août 1661 et le 25 janvier 1663, l'abbé de Gravel la fit 
proroger à Francfort, chaque fois pour une nouvelle période de 
trois ans. Mais déjà la défiance augmente de la part des Alle- 
mands. Louis XIY est obligé de consentir à des sacrifices plus 
lourds. Le traité de Paris, conclu le 6 mai 1664 avec l'électeur 
de Brandebourg, le traité de Saint-Germain du 22 octobre 1666 
avec l'électeur de Cologne, et celui de Wurzbourg du 28 février 
1667 avec l'électeur de Mayence, ne parlent plus que pour 
mémoire de la ligue du Rhin, mais règlent en détail les subsides 
que devra fournir le roi et les levées qui pourront être faites sur 
les terres des électeurs ou les contingents qu'ils devront mettre à 
son service. Ce sont des alliances isolées qui se substituent à un 
faisceau d'alliances. Quelques-uns des alliés gardent une fidélité 
à toute épreuve : les électeurs de Cologne et de Bavière en parti- 
culier. D'autres sont volages au gré de leurs intérêts, reçoivent 
de toute main et tournent à tous les vents : ainsi le margrave de 
Brandebourg et l'électeur palatin 2. 

L'électeur de Saxe, Jean-Georges II, avait montré en 1658 

1. Voir dans Saint-Prest, Hist. des trailés de paix, les traités codcIds avec 
les électeurs entre 1648 et 1657 et spécialement le traité a?ec Télectear pala- 
tin, t I, p. 497. 

2. Voir tous ces traités soit dans Saint-Prest, HUt det traités de paix, 1. 1, 
Ut. IV, chap. xii, et dans Du mont, t. VI, part. 11 et lu, et t. VII, part. i. 



M 



20 H. VAST. 

beaucoup de loyalisme autrichien. Cependant, il ne fat pas 
récompensé de son zèle selon ses espérances. L'empereur Léopold 
refusa d*épouser sa fille. Par dépit, Jean-Georges songea à se 
rapprocher de la France. Il voyait l'électeur de Brandeboui^ 
multiplier les coquetteries envers Hugues de Lionne depuis 1662 
et se préparer à accéder à la ligue du Rhin; l'électeur de Bavière 
sollicitait l'honneur d'en faire partie. Il était dangereux pour la 
Saxe de rester isolée et même de se laisser prévenir. Jean-Georges 
envoya à Paris son nouveau ministre, Clengel, fort hostile à 
l'Autriche, pour demander de l'argent et offrir en retour l'enga- 
gement de n'assister « personne qui résisterait aux intérêts de 
Sa Majesté très chrétienne. » Il reçut en même temps à Ratisbonne 
un envoyé français, Robert de Gravel, seigneur de Marly. L'au- 
dience, en présence du ministre suédois Gersdorf, que l'électeur 
ne voulait pas mettre dans son secret, fut d'une froideur banale. 
Mais, au moment de se séparer : « Je vous prie, dit-il à Gravel, 
de bien me recommander aux bonnes grâces du roi votre maître; 
je vous en dirai davantage un de ces jours. » Après ce témoi- 
gnage de dispositions favorables, Gravel pouvait imposer ses 
conditions. « Pourvu qu'il ne demande aucun argent, il ne sau- 
rait arriver aucun mal de traiter une alliance avec lui relative- 
ment à celle du Rhin, » écrivait Gravel au roi. Jean-Georges 
traita sans en référer aux États saxons, en prince absolue U 
nomma le chanoine Reiffenberg président de son conseil et le 
chargea de signer avec Gravel un traité qui porte la date du 
2-12 avril 1664. Ce traité est un corollaire de celui de Munster 
et fait prévoir l'accession prochaine de l'électeur à la ligue du 
Rhin 2. Il est complété par les articles secrets que nous publions 
ci-contre d'après l'original des archives des Affaires étrangères^. 

Traité de Ratisbonne^ du 42 avril 4664^ entre Louis XIV 
et l'Électeur Jean-Georges II de Saxe. 

ARTICLES SECRETS. 

\ . Le Roi s'engage à secourir TËlecteur en cas qu'il vint à être 

1. Voir Allemagne, t. 172, la correspondance de Gravel a?ec le roi. Tonte 
cette négociation a été exposée par M. Auerbach, la Diplomatie française ei 
la cour de Saxe de 1641 à 1680, p. 117 et suiv. 

2. Damont, t. VI, part, m, p. 7. 

3. Le traité est en deux langues, allemand et français. Les signatures soQt en 



DES TETTATITES DE LOUrS XIV POUR ABRITER A l'bMPIRE. 2\ 

attaqué à l*occasioQ de la présente alliance « ou sous quelque autre 
prétexte que ce puisse être. » 

2. Le Seigneur Électeur voulant aussy donner au Roy des témoi- 
gnages réels du désir qu'il a de lier une estroite amitié et d'entretenir 
une ferme correspondance avec Sa Majesté et luy donner suject d'une 
entière conflance de sa conduite, s'oblige, en foy et paroUe d'Électeur 
et de prince, de ne rien faire ny par luy-mesme, ny par ses ministres, 
dans toutes les assemblées qui se pourront tenir dans l'Empire, soit 
généralles, soit particulières, ou sous quelque autre nom qu'on leur 
puisse donner, qui puisse estre contraire ou tourner au préjudice du 
service du Roy et de sa couronne, et promet de donner en toutes 
choses son suffrage ou de le faire donner par ses ministres dans les- 
dites assemblées, conformément aux bonnes intentions du Roy, les- 
quelles luy seront toujours sincèrement conûées de la part de Sa 
Majesté. 

3. S. A. É. se promet, qu'en considération des grandes despenses 
qu'Elle a esté obUgée de faire depuis quelques années en ça et jusques 
à ce qu'Elle ay t pu remettre ses flnances en meilleur estât. Sa Majesté 
aura agréable d'accorder à Madite Dame PÉlectrice et à M. le Prince 
Électoral quelque gratiûcation annuelle, laquelle Sadlte Altesse Élec- 
torale laisse à la générosité de Sa Majesté. 

Signé : Robert de Geayel, Phil.-Louis baron de Reiffeivberg. 

Ces articles secrets contiennent un engagement que Lionne 
n'avait pas osé insérer dans la ligue du Rhin, c'est la promesse, 
de la part de l'électeur, de donner son suffrage < conformément 
aux bonnes intentions du roy. » Si le roi se portait candidat à 
l'Empire, Jean-Georges s'engageait à voter en sa faveur. Ainsi 
recommence à percer dans les négociations nouvelles le désir du 
roi d'obtenir la couronne impériale. 

L'engagement obtenu de l'électeur de Bavière, Ferdinand- 
Marie, le 17 février 1670, fut encore plus strict. La candidature 
de Louis XIV y était posée nettement. C'était le moment où l'Eu- 
rope commençait à s'inquiéter de l'ambition croissante du roi et 
esquissait contre lui une première ébauche de coalition. Si l'An- 
gleterre et la Suède se tournaient contre la France, il était urgent 
de regagner en Allemagne de nouveaux amis. Hugues de Lionne 
venait d'opérer avec l'Autriche ce rapprochement qui avait 

double, c'est-à-dire aa bas de chacan des deux textes. La ratification a été don- 
née par l'électeur le 14 aTril 1664. 



22 H. YiST. 

amené le traité Grêmonville du 20 janvier 1668 pour le partage 
éventuel de la succession d'Espagne entre les deux principaux 
intéressés. Le duc de Bavière ne pouvait bouder la France sans 
rester isolé; il ne risquait pas, en répondant à ses avances, de se 
brouiller avec l'Autriche. Le prince Ferdinand-Marie, électeur 
de Bavière depuis le 27 septembre 1 651 , époux de la belle Henriette- 
Adélaïde de Savoie, qui était toute déclarée en faveur du parti 
français, s'engagea dans la nouvelle alliance plus à fond peut-être 
que ne semblaient le comporter les traditions de sage pondération 
habituelles à sa politique. La raison de cette volte-face, c'était le 
projet de mariage de sa fille avec le dauphin*. Le traité du 17 fé- 
vrier 1670 contient les promesses ordinaires d'alliance défensive, 
de subsides, d'indemnité territoriale, dans le cas où la France 
partagerait avec l'Autriche la succession d'Espagne, de mariage 
du dauphin avec la princesse de Bavière lorsque tous deux 
auraient l'âge 2. Le duc de Bavière s'engageait, en outre, à fet^o- 
riser l'élection de Louis XIV à l'Empire : 

Article séparé et secret signé de la part du Roy Louis XIV 
avec [^Électeur de Bavière^ le 47 février 4670. 

Quamvis in articule quinto secundi membri^ tractatus nomine 
Christianissimi Régis et serenissimi Bavariae Electoris 47® februarii 
anno 4670 Monachy initi, in terminis tantum generalibus inter par- 
tes contrahentes adveniente Imperatorls morte conventum sit, ut in 
puncto futurae Ëlectionis Régis Romanorum aut Imperatoris conjunc- 
tis consiliis et viribus id procuretur quod ad utriusque partis pacis- 
centis intentionem suc tempore videbitur esse consul tum, hoc tamen 

1. Voir Corresp. polU,, Bavière, t. IV, et A. Leboo, ReciteU des instructions, 
Bavière, etc. (Instructions de Gravel, année 1668). 

2. Le traité da 17 février, étant secret, n'a pas été connu de Dumont. Il est 
indiqué par Saint-Prest, Hist, des traités de paix, t. I, p. 484. Nous en avons 
copié sur l'instrument original les stipulations relatives à l'élection de Louis XIV 
à TEmpire. 

3. L'article 5 de la seconde partie du traité publié portait ceci : a Ad casum 
mortis Imperatoris quod attinet, sicut ille ex duplici capite taies differentias 
causare potest, quae sufBcientes sint ad Imperium Romanum et totam Chris- 
tianitatem novis turbis implicandam, nirairum ratione Ëlectionis novi Impera- 
toris, et successionis in Provincias Austriacas, ita inter contrahentes partes 
conventum est, ut in puncto futurae ëlectionis Régis Romani aut Imperatoris 
conjunctis consiliis et viribus, id procuretur quod ad utriusque partis pacis- 
centis intentionem suo tempore videbitur esse consultum. i 



DBS TBIfTATITfiS DE LOUIS XIT POUR A&RITBa ▲ L*£MPTRE. 23 

praesenti, separato, et secreto articulo qui ejusdem ac praedictus trac- 
tatus vigoris et virtutis erit, ita utrinque declaratur, quod circa nego- 
liura futurae electionis Régis Romani, Rex Ghristianissimus et Sere- 
nissimus Elector Ravariae in hoc consentiant ad praecavendas novas 
dissentiones et turbas in Imperio plurimum profùiurum, ut conjunc- 
tis consiliis impediant, ne, ineunte Imperatore, Rex Romanorum eli- 
gatur, nisi praeter utriusque partis praesentem intentionem quo tem- 
pore praegnantissimae causae aliud suadeant, de quo inter se fide- 
lissime communicabunt et convenient ; Imperio autem per mortem 
Imperatoris vacante, utraque pars pro viribus suis allaborabit, ut 
Electorale coUegium pro Ghristianissima Sua Majestate in Imperato- 
rem, et Serenitate Sua Electoral! in Regem Romanum eligendis dis- 
ponatur, nisi rationabiliter, et quasi pro certo videant omnem 
utriusque operam inutilem fore, de quo utrinque ubi supradictum 
sincera et bona flde communicabunt et inter se convenient. In quo- 
rum omnium fidem haec declaratio foederis ab utriusque Partis ple- 
nipotentiariis..., etc. 

Signé : Robert de GaiVEL, Hermann-Egon de Furstembe&g, 

Gaspar ScHMiD ^ 

Ainsi, le rêve de l'Empire se précisait dans la pensée de 
Louis XrV. Ses ministres le traduisaient en formules politiques, 
en engagements nettement définis. Le roi avait trouvé, pour ainsi 
dire, dans l'héritage de Mazarin le souvenir des tentatives avor- 
tées de 1658. Il songeait à les recommencer à l'occasion avec de 
nouvelles chances de succès. Empêcher l'empereur Léopold d'as- 
surer dans sa famille l'héritage de la couronne impériale par la 
désignation anticipée d'un roi des Romains; s'il venait à mourir, 
obtenir des électeurs qu'ils portassent leurs voix sur le roi de 
France, telle fut, pendant plus de vingt ans, la politique de la 
cour de France. Mazarin, Hugues de Lionne et Arnauld de Pom- 
ponne l'ont pratiquée avec la même suite obstinée toutes les fois 
qu'une conjoncture favorable semblait se produire. Si la guerre 
de Hollande rejeta pour un avenir plus lointain ces espérances de 
domination impériale, elles furent reprises dès que la paix de 
Nimègue fut signée. Louis XIV était convaincu que ce traité 
marquait pour jamais la déchéance de l'Empire. Il crut le moment 
venu de le confisquer au profit de la France. 

1. Ratifié le 28 aTril 1670. 



24 H. YAST. 



m. 



Louis XIV, dit Saint-Simon, « ne considérait ni Etat, ni vie, 
ni repos public, ni foi jurée à l'égal de son honneur... » A partir 
de la fin de la guerre de Hollande, il mit son honneur à vouloir 
imposer partout son autorité. L'Europe était à ses pieds ; il con- 
sidérait comme son devoir de la gouverner en maître, pour le plus 
grand bien du monde chrétien, afin d'y faire régner à jamais une 
paix qui ne serait plus troublée. Louis XIV n'a pas, comme 
Napoléon, consigné par écrit ses grands desseins. Les souverains 
de son temps ne tenaient pas la plume. D'ailleurs, c'est le plus 
souvent l'œuvre des hommes d'État en retraite d'écrire leurs con- 
fidences pour la postérité. Louis XIV n'a jamais goûté les loisirs 
ou plutôt subi la lassitude de la retraite. Mais, mieux on connaît 
ses actes, plus on peut aflSrmer qu'il aspirait réellement, après la 
paix de Nimègue, à la monarchie universelle. 

Bien que forcé de reculer devant les Hollandais, puisqu'il leur 
rendait Maëstricht et abolissait les tarifs protecteurs du commerce 
français, il continuait de se poser comme leur protecteur et le 
défenseur de leurs libertés ^ Il tenait l'Angleterre par l'argent et 
par l'intrigue. Charles II tendait la main et au besoin le chapeau. 
A une époque où la politique personnelle était tout, où la diplo- 
matie n'invoquait jamais les principes, mais faisait agir les 
influences, Louis XIV avait, pour défendre ses intérêts à la cour 
de Westminster, la petite bretonne Louise de Kéroualle. Elle 
approchait son royal amant à toute heure; elle allait prendre son 
mot d'ordre auprès de l'ambassadeur français, qu'il s'appelât 
Colbert, Ruvigny, Courtin ou Barillon. Elle avait obtenu de 
Louis XIV le tabouret; elle espérait encore être reconnue à Ver- 
sailles duchesse d'Aubigny; elle était l'âme du parti français. 
Courtin, si habile à manier les femmes, s'était acquis une grande 
situation personnelle dans un royaume qui était devenu le refuge 
de toutes les femmes brouillées avec leurs maris. Barillon, qui 
avait plus de confiance dans l'argent, exigeait de rigoureuses 

1. < Sa Majesté a toujours conservé un sincère désir de rendre auxdits sei- 
gneurs États Généraux sa première amitié et eux tous les sentiments de respect 
pour Sa Majesté et de reconnaissance pour les obligations et les avantages con- 
sidérables qu'ils ont reçus d'EUe et des rois ses prédécesseurs... i (Préambule 
du traité de Nimègue avec les États Généraux.) 




DBS TBNTATITBS DE LOUIS XIV POUB ABRiVBB ▲ l'bMPIRB. 25 

quittances de son royal créancier et connaissait le tarif de chaque 
conscience parlementaire. Beaucoup de Français de distinction 
étaient établis à Londres ou trouvaient bon d'y faire de longs 
séjours : Saint-Evremond , Sessac, Canaples, Louis de Duras, 
Gramont; Pontac y débitait ses vins des grands crus. Faire le 
voyage d'Angleterre sentait alors son gentilhomme et faisait 
partie du bel air. Louis XIV croyait que l'Angleterre était défi- 
nitivement inféodée à la politique française. Il conservait l'espoir 
prochain d'y voir refleurir la religion catholique et la monarchie 
absolue. 

L'Espagne était une troisième fois vaincue. Louis avait obtenu 
avec la Franche-Comté un nouvel avancement d'hoirie en atten- 
dant la succession complète. Il comptait bien avoir aussi à sa 
dévotion la cour de Madrid, grâce à la nouvelle reine, Marie- 
Louise d'Orléans, sa nièce. L'ambassadeur Villars devait être 
son mentor. Mariée au frêle Charles II, qui jusqu'à l'âge de cinq 
ans était resté « dans les bras de sa nourrice et en suçait le lait, » 
elle avait peu de chances de devenir mère. Elle pouvait contri- 
buer à éteindre les haines entre les deux peuples si longtemps 
ennemis et incliner son faible époux vers la politique française. 

En Italie, l'influence espagnole était seule à redouter. Elle 
avait fait triompher à Rome le vertueux cardinal Odescalchi. 
Louis XIV avait cru devoir montrer à ce pontife sa puissance en 
se ralliant le dernier à son choix. L'ayant fait attendre à la porte 
du Vatican, il espérait le tenir à sa discrétion et régler à son gré 
les démêlés relatifs à la Régale. Ses cardinaux et ses ministres, 
qui s'inclinaient si bas pour laisser passer à Versailles « la viande 
de Sa Majesté, » savaient parler haut et ferme à Rome au nom 
de leur maître. Le reste de l'Italie ne comptait plus. Les Véni- 
tiens, devenus de simples dilettanti de la politique, continuaient 
de recevoir les fines relazioni de leurs ambassadeurs pour se 
donner encore le spectacle de la comédie politique européenne 
sans y jouer leur rôle. Quant aux ducs de Mantoue, de Modène, 
de Parme et de Savoie, Louis XIV les traitait en valets d'un 
maître tout-puissant. En 1677, la duchesse régente de Savoie fut 
obligée, sur l'ordre de Louis XIV, de renoncer à recevoir un 
ambassadeur espagnol. Louis préparait déjà l'occupation de 
Casai. C'était, avec Pignerol, Tune des deux clefe de l'Italie 
du Nord. 

La paix continentale allait permettre de tourner contre les 



26 H. VAST. 

barbaresques toutes les forces navales françaises. Plus heureux 
que Charles-Quint, le roi devait réussir, dans cette nouvelle croi- 
sade, à purger de la piraterie la Méditerranée. Il espérait en feire 
un lac français. Cependant, il prétendait ne pas se brouiller avec 
les Turcs pour les jeter au besoin sur la Hongrie et sur l'Empire. 
Il entretenait soigneusement, grâce à l'argent semé par des 
agents fidèles, le mécontentement des patriotes hongrois contre 
l'Autriche. 

La Pologne avait une reine française, Marie d'Arquien, femme 
de Sobieski. Son beau-frère, le marquis de Béthune, ambassadeur 
français, avait été plusieurs années l'arbitre des grâces et des 
faveurs. Sans doute, les deux sœurs s'étaient brouillées et Sobieski 
s'était rapproché de l'empereur. Mais cette brouille pouvait n'être 
que passagère. On avait l'espoir à Versailles qu'il suflSrait de 
créer au bon moment le marquis d'Arquien duc et pair. On pour- 
rait ensuite faire entrer dans une même ligue Varsovie, Bude et 
Constantinople contre Vienne. 

Grâce au roi de France, la Suède était sortie intacte de la 
guerre de Hollande. Créqui, par une dernière campagne, l'avait 
sauvée d'un démembrement. Mais Louis méprisait la Suède affai- 
blie ; s'il avait tenu à honneur de lui faire rendre ses provinces 
conquises par le margrave de Brandebourg, c'était pour ne pas 
abandonner une alliée fidèle à sa fortune. La Suède n'était plus 
à ses yeux qu'une parente pauvre qu'il faut nourrir sans profit. 
Il la traita désormais en quantité négligeable. 

Ainsi, de quelque côté qu'il jetât les yeux, Louis XIV ne 
voyait que des motifs d'espérance, des assurances de nouveaux 
agrandissements. Dans le congrès de Nimègue, il avait refusé de 
laisser mettre en discussion ses droits sur l'Alsace*. Il s'apprêtait 
à en compléter la conquête par l'occupation de Strasbourg. Dans 
sa pensée, les stipulations des traités de Nimègue n'étaient pas 
définitives. Ces traités devaient être enregistrés dans les cours de 
parlement. Le roi invite les magistrats à faire leurs remontrances, 
à propos des articles qui laisseraient, en dehors des territoires 
cédés, des domaines qui en auraient été les dépendances à une 
époque plus ancienne. Louis XIV doit à sa famille de rechercher 
si la propriété qui lui est remise en mains n'a subi aucune atteinte. 



1. Voir à ce propos la protestalion des ministres de Fempereur à Nimègue, le 
3 février 1679, dans Dumont, t. VII, part, i, p. 382. 




DES TBNTATITBS DE LOUIS XIV POUR ARRIVER A L'eMPTRE. 27 

Les hommes de loi sont aptes à cette besogne ; ils ont établi qu'il 
n'y a jamais prescription pour les aliénations du domaine royal. 
Ils ont le devoir de rechercher jusqu'où il doit s'étendre. Si la 
tâche est trop ardue, de nouveaux conJ6rères les y aideront. 
Louis XIY ajoute, en effet, au parlement de Metz une chambre 
dite de réunion. Les rôles de cette cour sont plus chargés que 
tous les autres ^ Louis XIY, dans l'infatuation de son orgueil, 
perd la notion da contrat. Il croit qu'il peut interpréter tout seul 
des clauses qui sont à son désavantage, sans aucun recours à celui 
qui les a arrêtées de bonne foi avec lui. 

Louis XIV avait toujours eu des vues sur l'Empire. Le moment 
semblait venu de s'en préparer plus directement les voies. L'em- 
pereur Léopold était un prince inerte et sans ressort. Avec sa 
taille chétive et sa grosse lèvre pendante, il manquait du prestige 
nécessaire à un souverain. Élevé pour l'Église par les Jésuites, 
il n'avait jamais su s'affranchir de leur tutelle. Il s'était réservé 
seulement le gouvernement de la cour, où il faisait régner dans 
toute sa rigueur la minutieuse étiquette espagnole. Les impôts 
rentraient mal ; les troupes étaient trop faibles pour agir sans le 
secours des contingents allemands dans une grande guerre euro- 
péenne, n n'était même plus capable de protéger contre la France 
les princes vassaux de l'Empire. En concluant le traité de 
Nimègue sans y comprendre l'électeur de Brandebourg, il avait 
laissé Frédério-Guillaume exposé sans défense aux vengeances du 
grand roi. Il avait manqué ainsi la plus belle occasion d'étendre 
et d'affirmer son autorité en Allemagne. Son crédit était tombé à 
rien dans l'Empire. Sa puissance était toujours menacée dans ses 
États héréditaires par le Turc et le Hongrois. Louis XIV conti- 
nuait de payer des subsides aux mécontents hongrois, bien qu'il 
eût promis de ne plus assister les ennemis de l'empereur. En le 
forçant à tourner toujours les yeux vers la Theiss et le Danube, il 
détachait son attention des bords du Rhin. Sans doute, la succes- 
sion impériale ne paraissait pas devoir s'ouvrir de sitôt. Léopold, 
né le 9 juin 1640, avait près de deux ans de moins que Louis XIV. 
Son fils aîné, Joseph, âgé seulement d'un peu plus d'un an, ne 
pouvait de longtemps devenir même roi des Romains^. 

1. Voir France f t. 422. La dernière moitié da volume est remplie par les arrêts 
de réanion des chambres de Metz, de Brisach et de Besançon. 

2. Voir France, t. 417, relation du ministère du marquis de Pomponne, 
foL 1 à 5. 



28 H. YAST. 

Louis XrV négocia à l'avance avec les électeurs pour le cas 
où la vacance de l'Empire se produirait. Il envoya au delà du 
Rhin ses meilleurs agents, les deux frères de Gravel, qui ne quit- 
taient guère l'Allemagne depuis plus de vingt ans, Veijus de 
Crécy, le cardinal de Furstemberg, Golbert de Groissy. Les élec- 
teurs ecclésiastiques entraient volontiers, depuis le traité de 
Munster, dans la clientèle de la France. Cependant, le nouvel 
électeur de Mayence, Anselme-François-Frédéric d'Ingelheim, 
qui venait de succéder à Charles -Henry de Metternich, reçut 
froidement les avances du roi. Il refusa de discuter avec l'agent 
français Foucher les propositions qui venaient de Versailles, fai- 
sant porter seulement la délibération sur les prétendus griefs du 
roi contre l'Empire et acceptant de s'entendre avec lui pour 
garantir la sûreté de l'Empire*. L'électeur de Trêves, Jean- 
Hugues d'Horsbeck, n'était pas mieux disposé; il est vrai que 
l'électorat avait été assez maltraité pendant la guerre ; le mar- 
quis de Rochefort et La Feuillade y avaient levé d'écrasantes 
contributions 2. Cette mauvaise volonté n'était pas de nature à 
entraver les projets du roi. Il pouvait employer, le moment venu, 
des arguments sonnants pour la faire fléchir. L'électeur de 
Cologne, Maximilien -Henri de Bavière, avait, au contraire, 
montré depuis son intronisation, en 1650, un très vif attachement 
pour le roi de France. Signataire de la ligue du Rhin, dont il 
avait accepté toutes les prorogations jusqu'en 1667, il s'était lié 
d'une façon encore plus étroite au roi lors de la guerre de Hol- 
lande, en livrant aux troupes françaises le passage à travers ses 
Etats. Il n'y a pas moins de quatorze traités signés par les 
ministres français avec cet électeur, soit seul, soit réuni aux 
évêques de Munster et de Liège pendant les années 1672-1673^. 
Tous ces traités sont destinés à faciliter la marche des armées 
françaises en Hollande. A la suite du traité de Nimègue, cette 
bonne entente continua. Il est vrai que la peur y entrait pour 
autant que l'amitié. La prise de Strasbourg, les empiétements du 
roi aux dépens de l'Empire, en Lorraine et dans le Luxembourg, 
ne firent qu'augmenter, dans l'âme du prélat pusillanime qui 
occupait le siège de Cologne, la crainte de se brouiller avec le roi 



1. Voir Corresp. polH.y Mayence, 1680-1683, fol. 109-147. 

2. Voir France, t. 417, fol. 20 à 23. 

3. Voir Saint-Prest, Hist. des traités de paix, t. I, p. 471-479. 



DBS TENTITITES DE LOUIS XI? POUR IBRlYBa A L^EMPIRB. 29 

de Fraac6. Cest dans ces circonstances que Guillaume-Egon de 
Furstemberg , envoyé à Ciologne, fut chargé de négocier avec 
rélecteur la future élection de Louis XIV à l'Empire (1682). Sa 
mission ne réussit qu*à demi. Maximilien-Henri s'engagea « à 
terminer, à la satisfaction commune du roi et de TEmpire^ les 
dififérends pendants ; » comme évêque de Liège, il promit de lais- 
ser le roi tenir garnison dans les villes de Bouillon, Dinant et 
Thuin, et de prendre, comme coadjuteur pour l'évêché de Liège, 
Guillaume de Furstemberg. Clément de Bavière devait être 
nommé coadjuteur pour le siège de Cologne. « L'électeur de 
Cologne s'excusa de s'obliger par écrit pour ce qui concernoit 
l'élection d'un empereur ou d'un roi des Romains, parce que la 
chose étoit éloignée et pouvoit attirer à sa personne et à ses États 
une persécution terrible ; mais que, si l'un des deux cas arrivoit, 
il prendroit le parti qui lui pourroit conserver la bienveillance de 
Sa Majesté... Guillaume de Furstemberg assura en même temps 
le roi que cet électeur lui donneroit sa voix, pourvu qu'il fust 
assuré qu'elle fist au moins la quatrième. Il demandoit pour cela 
200,000 écus et qu'on fist l'électeur de Bavière vicaire général 
de l'Empire*. » L'année suivante, l'évêque de Strasbourg, au 
nom de ce même électeur de Cologne, négocia avec Colbert de 
Croissy une alliance encore plus étroite : le roi pouvait, moyen- 
nant subsides, faire des levées dans l'électorat; l'électeur promet- 
tait de refuser aux Hollandais le même avantage, de s'opposer 
dans la diète à toutes les mesures prises contre le roi de France, 
à moins qu'il n'y eût un consentement unanime à lui déclarer la 
guerre. Enfin, par des articles très secrets, l'électeur de Cologne 
promettait d'agir auprès de l'électeur de Trêves pour le ramener 
au parti du roi (1683)^. En somme, ce prince ecclésiastique était 
un ami de la France, mais qui ne voulait pas se compromettre 
inutilement, ni surtout agir comme chef de file. Il ne demandait 
qu'à se rallier à la candidature du roi, pourvu que cela fût pos- 
sible. Louis XIV se montra satisfait de ces assurances. C'était 
beaucoup déjà, en présence d'une éventualité si lointaine, que de 
faire admettre et discuter la possibilité de son élection. 

Les électeurs laïques étaient plus puissants, moins exposés aux 
atteintes du roi de France. U semblait plus difficile de les gagner. 



1. Voir France, t. 422, fol. 425-430. 

2. Voir ftance, i. 422, foi. 440-446. 



30 H. VA8T. 

C'est auprès d'eux cependant que la négociation relative à l'élec- 
tion du futur empereur sembla obtenir le plus de succès. Non pas 
sans doute auprès de l'électeur palatin Charles-Louis. Le roi 
espérait l'avoir mis dans ses intérêts en faisant épouser la fille de 
ce prince à son frère Philippe, duc d'Orléans (janvier 1671). 
Mais l'Alsace et le Palatinat étaient limitrophes : des conflits de 
frontière et de souveraineté éclataient à tout moment. Charles- 
Louis chercha aide et protection à Vienne. Dès le début de la 
guerre de Hollande, il ne voulut s'engager ni dans l'alliance du 
roi, ni même dans l'observation de la neutralité. Ses États furent 
dès lors en proie aux passages de troupes, et, comme il refusait 
avec hauteur toute indemnité, ils furent odieusement ravagés. 
Sans plus vouloir consentir en 1678 qu'en 1672 à aucun traité, 
il garda en face de Louis XIV une attitude de neutralité maus- 
sade qui dissimulait mal son désir de plaire à l'Autriche. 

D n'en était pas de même de la branche cadette des Wittelsbach, 
qui régnait à Munich. L'électeur de Bavière, Ferdinand-Marie, 
avait subi toujours plus complètement l'influence de sa femme, la 
belle Adélaïde de Savoie. Le projet de mariage de sa fille avec le 
dauphin, négocié dès 1670, la perspective de voir cette jeune prin- 
cesse s'asseoir un jour sur le trône de France avait complètement 
détaché de l'Autriche la cour bavaroise. Cependant, la mort subite 
de Ferdinand-Marie, frappé d'apoplexie le 26 mai 1679, altéra l'in- 
timité de ces bons rapports. Le fils, Maximilien II Emmanuel, ne 
devait atteindre sa majorité qu'au bout de quelques mois. Le gou- 
vernement passa aux mains de son oncle, le duc Maximilien- 
Philippe, qui, à l'exemple de la plupart des cadets de famille sou- 
veraine, avait suivi une ligne politique contraire à celle de son 
aîné. Il recevait de Vienne toutes ses inspirations. Louis XIV, 
inquiet de ce changement politique, envoya à Munich un négo- 
ciateur de choix, Golbert de Croissy, pour rappeler et renforcer 
au besoin le traité de 1670. Il s'agissait en apparence d'une 
ambassade extraordinaire pour conclure le contrat de mariage 
de Marie-Anne-Christine-Victoire, sœur du nouvel électeur, avec 
le dauphin. Colbert devait proposer en outre l'union de Maximi- 
lien II avec la nièce du roi, Marie-Louise, fille du duc d'Orléans* . 

1. Elle épousa quelques mois plus tard le roi d'Espagne, Charles II, tandis 
que l'électeur Maximilien II se maria à l'archiduchesse Marie-Antoinette. C'est 
de ce chef que le prince électoral Ferdinand-Joseph fut plus tard prétendant à 
la succession d*Espagne. 




DKS TBTTATireS DE LOUIS XIV POUR ARRITER A l'bMPIRB. 34 

C*eût été cimenter par un double mariage Tamitié des deux 
dynasties. L*objetle plus délicat de cette importante mission était, 
pour Golbert, de s'enquérir avec une extrême discrétion des inten- 
tions du régent relativement aux engagements pris en 1670 à 
Munich en faveur de la candidature de Louis XIV à l'Empire. 
Ces engagements très secrets n'étaient pas connus du représentant 
ordinaire à Munich, La Haye-Vantelet, et c'est pour les rappeler 
et les confirmer qu'un diplomate aussi habile et d'aussi haut rang 
dans la carrière que Colbert de Croissy avait été choisi. Ses ins- 
tructions, rédigées avec le plus grand soin*, montrent clairement 
comment Louis XIY entendait préparer son élection. « Le traité 
que le sieur Colbert devra négocier touchant l'Empire se peut 
moins dire un nouveau qu'une continuation du premier et se 
réduit à deux points principaux, l'un d'empêcher l'élection d'un 
roi des Romains en faveur du jeune archiduc; l'autre, en cas 
qu'elle ne se puisse détourner ou que l'empereur mourût, de faire 
tomber le choix des électeurs sur Sa Majesté ou sur Mgr le 
dauphin. 

« Tous les avis d'Allemagne ^ parlent du dessein de l'empereur 
de convoquer une assemblée du collège électoral et d'y proposer 
l'élection de roi des Romains pour son fils. Bien qu'il soit âgé 
d'un an seulement, on prétend qu'une pareille disposition n'est 
pas sans exemple dans l'Empire, et, pour adoucir ce qu'elle auroit 
d*extraordinaire, on propose de lui donner un conseil de quelques 
électeurs et princes sans lequel il ne pourroit agir jusqu'à ce qu'il 
fût en état de gouverner par lui-même. » Colbert devra obtenir 
de l'électeur de Bavière : 1*" qu'il s'oppose à la réunion du collège 
électoral ; 2^ s'il ne peut l'empêcher, qu'il fasse désigner comme 
roi des Romains, soit Louis XIV, soit le dauphin, soit un prince 
agréé par le roi de France, dans le cas où ni lui ni son fils ne 
pourraient réussir à se faire nommer ; 3° que, si la mort de l'em- 
pereur arrivait sans qu'un roi des Romains eût été nommé, le 
nouvel électeur fit tout le possible pour faire élire Louis XIV. 

1. c II a reçu ses ÎDStractions de mes maios, i écrit Arnaaid de Pomponne, et 
il ajoute : c Les choses estoient en cest estât lorsque ma mauvaise fortune ou 
les mauvais offices qui m'avoient été rendus m'éloignèrent d'auprès de Sa 
Hajesté. i Ce fut précisément Colbert de Croissy qui prit sa place {France, 
t. 417, fol. 439). 

2. Cette assertion ne nous semble nullement justifiée ; Verjus de Crécy, envoyé 
du roi à la diète de Ratisbomie, ne signale aucun projet de ce genre pendant 
les années 1G79-1681. Voir Mémoires et documenUy Allemagne, t. XXXVIIl. 



32 B. TIST. 

« Ce cas a été prévu dans le traité de 1670 ; rengagement que 
Sa Majesté demanderoit aujourd'hui de l'électeur seroit le même 
que son père avoit avec Elle. Il y auroit cette seule différence que 
Sa Majesté étant élue empereur devoit consentir alors que ce 
prince fut roi des Romains ; sa mort a changé cette condition, et 
il ne faudroit point la rappeler en faveur de son fils. » Ainsi, 
Louis XIV voulait tout obtenir et ne rien concéder. En excluant 
rélecteur de Bavière du titre de roi des Romains, il voulait évi- 
demment faire décerner ce titre au dauphin et préparer ainsi pour 
sa postérité la succession de l'Empire. 

Afin de justifier le choix du roi de France, Colbert devra mon- 
trer qu'il est seul capable de sauver l'Empire des entreprises des 
Turcs. Afin de rassurer les électeurs, Louis XIV prend à l'avance 
l'engagement exprès de maintenir tous les droits et privilèges des 
princes allemands tels qu'ils sont fixés par la Bulle d'Or. « On 
ne peut douter que l'on ne demande en Bavière le dernier secret 
sur un semblable traité. Le sieur Colbert le promettra impéné- 
trable et pareil à celui qui a été gardé depuis 1670. Il ne s'expli- 
quera point même que Sa Majesté songe à prendre de semblables 
mesures avec d'autres électeurs, mais, en cas que l'on lui fît voir 
qu'elles seroient nécessaires pour seconder les bonnes intentions 
de Monsieur de Bavière, il témoignera que Sa Majesté y travail- 
lera volontiers, de concert avec ce prince, ainsi qu'EUe a fait 
avec rélecteur de Saxe dans toutes les négociations qui se sont 
faites à Munich et depuis par ses ministres auprès de Sa Majesté. 
Il évitera seulement de faire connoître qu'il y ait quelque négo- 
ciation avec Brandebourg par la jalousie naturelle que presque 
tout l'Empire a contre cet électeur*, p 

Une addition aux instructions recommandait à Colbert de ne 
s'ouvrir tout d'abord de la partie secrète de sa mission qu'au 
chancelier Schmid, chef du parti français à Munich, « pour con- 
noître de lui la sûreté ou le péril qu'il y auroit à se déclarer au 
duc Maximilien des vues de Sa Majesté pour l'Empire. Suivant 
le jugement que le sieur Colbert pourra faire de ce qui lui aura 



1. Ces instructions, datées de Saint-6ermain-en-Laye, 18 octobre 1679, se 
trouvent au t. XXX de la Corresp, polit., Bavière, Elles ont été publiées in 
extenso par M. André Lebon dans le Recueil des instructions, Bavière. Paia- 
tinat, Deux- Ponts, p. 54. Le traité secret signé avec le Brandebourg est du 
25 octobre et celui de la Saxe du 15 novembre. Les négociations avec les trois 
principaux électeurs allemands ont donc été simultanées. 



DBS TBNTATITBS DB LOUIS tIV POUR iRRIVBR A L^EMPIRB. 3â 

été dit par le ministre, il dépêcheroit aussitôt un courrier à Sa 
Majesté, laquelle, suivant le compte qu'il lui en rendroit, lui 
feroit savoir sa volonté et s'il devroit s'ouvrir ou ne pas s'ouvrir 
de cette affaire ^ » 

On voit combien cette négociation était délicate ; la mort de 
rélectrice Adélaïde, très attachée à la France, avait porté un 
premier coup à l'influence française (1676) ; l'administrateur pro- 
visoire, le duc Maximilien-Philippe, lui était absolument défavo- 
rable. D'ailleurs, la négociation fut écourtée. Arnauld de Pom- 
ponne, ayant été disgracié le 18 novembre 1679, eut pour 
successeur précisément Colbert de Groissy. Celui-ci eut hâte de 
revenir en France, se contentant de négocier le mariage de la 
princesse de Bavière* avec le dauphin. Eut-il même le temps de 
s'ouvrir à Munich des instructions secrètes qu'il portait avec lui? 
Il est permis d'en douter 3. Aucun traité nouveau ne fut conclu. 
Les stipulations de 1670 restaient en vigueur. Louis XIV cons- 
tatait avec peine un refroidissement dans ses relations actuelles 
avec la cour de Munich ; mais il usa des plus grands ménage- 
ments à l'égard de Maximilien II, et l'ambassadeur ordinaire à 
cette cour, La Haye-Vantelet, fut chargé de ramener le jeune 
électeur à de meilleures dispositions envers le roi. Aucun espoir 
ne semblait perdu de ce côté. 

Les négociations avec les électeurs de Brandebourg et de Saxe 
réussirent mieux parce qu'elles eurent lieu à Saint-Germain-en- 

1. A. LeboD, p. 67. 

2. c L'honnear d'ane si grande alliance achevait de l'attacher (l'électeur de 
Barière) inyiolablement à la France et mettait à la tête du parti qui pouvait 
senrir le roi en Allemagne un des plus puissants princes de l'Empire > (Pom- 
ponne, Mémoires, I, 249). Cependant, l'hésitation était grande à Versailles, la 
princesse était laide : on ne vantait au dauphin que ses vertus. Il se rési- 
gna cependant. Son contrat fut signé le 30 décembre 1679. 

3. Il est très probable que Colbert de Croissy n'eut le temps de s'occuper 
que du mariage du dauphin. La Corresp. polit., Bavière, t. I, p. 53-61, ne 
signale aucune autre négociation entamée par Colbert. M. A. Lebon ne publie 
rien en dehors des Instructions. Pomponne, dans ses Mémoires, I, p. 257, 
déclare ceci : a J*ai su depuis que le duc Maximilien tint ferme à ne point 
engager durant son administration le mariage de l'électeur, son neveu, et refusa 
de promettre par un traité que lorsqu'il serait majeur il ne s'allierait que dans 
une maison qui serait agréable à la France. > Colbert de Croissy a donc pu 
faire quelques ouvertures à propos du mariage éventuel de Télecteur avec Marie- 
Louise d'Orléans, mariage qui devait être Tun des objets de sa négociation. Il 
a dû ne pas même aborder la question de l'élection de Louis XIV à TEmpire. 

RbV. lilSTOH. LXV. !•' FA8C. 3 



M H. ViSÎ. 

Laye sous les yeux du roi, qui était alors dans tout son prestige. 
On sait quel fut, dans la guerre de Hollande, le grand rôle joué 
par rélecteur de Brandebourg Frédéric-Guillaume. C'était le plus 
puissant prince d'Allemagne après l'empereur depuis qu'il était 
duc souverain de Prusse et de Glèves, ce qui étendait son influence 
depuis les bords du Rhin jusqu'en Pologne. Il n'avait pu obtenir 
du roi de garder les conquêtes qu'il avait faites aux dépens de la 
Suède dans la Poméranie. Il rendit Stettin le cœur gros et ne 
conserva que la petite ville de Garz. Mais il n'avait été contraint 
à ces restitutions si douloureuses que par l'abandon de l'empe- 
reur. Il voulait s'en venger. Il y trouvait cet avantage d'entrer 
dans la clientèle du plus puissant et du plus généreux monarque 
de l'Europe. D'ailleurs, Louis XIV se montrait disposé à appuyer 
ses revendications en Silésie aux dépens de l'Autriche. C'était 
une compensation à ce qu'il avait dû rendre en Poméranie à une 
vieille alliée de la France, que Louis XIV ne pouvait abandon- 
ner sans honte. Toutes ces considérations réunies poussèrent Fré- 
déric-Guillaume à entrer dans une alliance plus intime avec 
Louis XIV et à lui ofi*rir sa voix pour la plus prochaine élection 
à l'Empire. Le margrave avait déjà joué avec assez de promesses 
et de traités pour n'être pas gêné par un engagement nouveau 
dont il n'était déterminé à tenir compte que dans la mesure de 
ses intérêts*. 

Minders, qui partageait sa faveur avec le baron de Schwerin, 
venait de signer avec la France le traité public de Saint-Germain, 

1. Voir France, t. 417, fol. 53 et suiv., et l. 422, fol. 500 à 510. L'importance 
de l'alliance de l'électeur de Brandebourg pour la France avait été déjà signa- 
lée par Hugues de Lionne dans un rapport au roi du 1'' octobre 1669 : « Ce qui 
nous en a paru est que Votre Majesté n'a point aujourd'hui d'affaire plus 
importante que de gagner, à quelque prix que ce puisse être, Mgr l'électeur de 
Brandebourg ; je dis presque autant que le roi d'Angleterre ; parce que, quand 
y. M. auroit mis ledit roi dans tous ses intérêts et dans le même dessein d'at- 
taquer les Hollandais conjointement a?ec V. M., je ne sais si Elle jugeroit à 
propos d'en venir à l'exécution, si lesdits Hollandais pouvoient attendre la pro- 
tection de tout le corps de l'Empire, comme il arriveroit infailliblement si 
Mgr de Mayence pouYoit porter à sa conclusion le projet qu'il médite. Au lieu 
que si Y. M. pouYoit engager Mgr l'électeur de Brandebourg, l'éTêque de Muns- 
ter et d'autres électeurs et princes de l'Empire dans le dessein d'attaquer avec 
Elle les Hollandais, il suffiroit, ce me semble, à V. M. que l'Angleterre lui eût 
promis d'être neutre pendant toute cette guerre > {France, t. 416, p. 158). Et 
plus loin (fol. 163) : a II est bien plus important de gagner Mgr de Brandebourg 
que Mgr de Bavière, i 



DKS TENTATIYBS DE LOUIS XIV POUR ARRIVEE A L^BMPIRB. 35 

du 29 juin 1679. Il continua son séjour à la cour, où il fut com- 
blé des plus grands égards, et négocia très secrètement avec 
Amauld de Pomponne le traité du 25 octobre 1679, que nous 
croyons devoir publier ici dans sa teneur complète : 

Traité secret entre le Roy Louis XIV et V Électeur de Brandebourg^ 
à Saint'Germain-en-Laye^ le 25 octobre 4679. 

Le Roy très chrestien ayant repris, avec la paix qu'il a conclue avec 
l'Électeur de Brandebourg, les mesmes sentiments d'estime et d'ami- 
tié qu'il a eu cy-devant pour ce prince, et Son Altesse Électorale luy 
ayant fait tesmoigner * qu'Elie ne désiroit rien davantage que d'y res« 
pondre par un attachement et une affection sincère et zélée pour sa 
personne et pour ses intérests. Sa Majesté est entrée avec plaisir dans 
la pensée de restabiir non seulement ses anciennes alliances avec 
Sadite Altesse Électorale, mais de les affermir encore par des liaisons 
plus particulières et plus estroites. 

C'est pour ce sujet qu'Ëlle a commis le sieur Arnaud chevalier, 
seigneur de Pomponne, conseUler en tous ses conseils et secrétaire 
d'Estat et des commandemens de Sa Majesté, pour traitter avec le 
sieur Meinders, conseiller et ministre d'État de Sadite Altesse Élec- 
torale, muni d'un pouvoir sufûsant de sa part sur tout ce qui pour- 
roit regarder cette nouvelle liaison, lesquels, après Teschange réci- 
proque de leurs pleinpouvoirs, dont les copies sont insérées cy-après, 
sont convenus des articles suivans : 

4. Il y aura à l'advenir entre Sa Majesté très chrestienne et Son 
Altesse Électorale de Brandebourg une amitié sincère et parfaite intel- 
ligence, laquelle sera cultivée et observée, tant de la part de Sa Majesté 
que dudit Électeur, avec tout le soin et Texactitude qui peuvent con- 
tribuer davantage à entretenir une bonne et estroite alliance, mesme 
à l'avantage réciproque de leurs Estats. 

2. Les sujets de part et d'autre pourront exercer en toute liberté le 
commerce dans les terres, royaumes et pais de Sa Majesté très chres- 
tienne, comme aussy dans les Estats et pais de Son Altesse Électo- 
rale et dans les havres et ports qui leur appartiennent. 

3. Gomme Sa Majesté très chrestienne a tousjours eu particulière- 
ment à cœur d'entretenir et de faire observer les traittés de Westphalie, 
lesdits traittés seront le fondement le plus solide de celuy-cy, et Sa 

1. Voir la lettre du 16-26 mti 1679 {Actes de la paix de Nimègue, U IV, 
p. 4S1-4S3}. 



36 H. VAâT. 

Majesté et Son Altesse Électorale promettent réciproquement de con- 
tribuer tout ce qui sera en eux pour les maintenir dans toutte leur 
force et dans toutte leur estendue, à Pexception seulement de ce qui 
a esté changé ou dérogé auxdits traités de Westphalie par le traitté 
de Nimmègue du 5 février, par celuy de Zell du 5 février et par celuy 
de Saint-Germain du 29 juin de la présente année, signé entre Sa 
Majesté et Sadite Altesse Électorale. 

4. En vertu du présent article, Sa Majesté très chrestienne promet 
de maintenir TËlecteurde Brandebourg dans tous les droits et Estats 
qui luy sont acquis par lesdits traittés. Comme Sadite Altesse Élec- 
torale s'oblige d'agir autant qu'Ëlle en seroit requise par Sa Majesté 
très chrestienne pour faire observer à son esgard tout ce qui luy est 
acquis tant par les susdits traittés de Westphalie et de Saint-Germain 
que par ceux de Nimmègue. 

5. Et par ce que le traitté conclu à Nimmègue entre Sa Majesté très 
chrestienne et l'Empire et celuy qu'elle a signé ensuite avec Son 
Altesse Électorale de Brandebourg ont establi une amnistie entière 
sur tout ce qui s'est passé durant la guerre, Sa Majesté veut bien pro- 
mettre d^assister Sadite Altesse Électorale en cas qu'elle fust inquié- 
tée par quelque prince ou Estât de l'Empire que ce peust estre qui 
prétendroit satisfaction ou réparation des pertes et dommages que 
ses trouppes auroient faits dans leurs terres et provinces, soit par des 
marches, contributions ou quartiers d'hyver durant ou à Toccasion 
de la guerre. 

6. L'Électeur de Brandebourg ayant fait tesmoigner à Sa Majesté 
très chrestienne qu'il a une prétension très juste et très bien fondée 
contre PËmpereur sur le sujet du duché de Jaegendorf *, qui a, depuis 
plus d'un siècle, appartenu à la maison électorale de Brandebourg, 
Sa Majesté promet de Tappuyer par ses ofQces et son entremise à la 
cour de l'Empereur, afûn de luy faire obtenir la justice et la satisfac- 
tion qu'il prétend luy estre deues. 

7. Sa Majesté très chrestienne, comme guarante du traitté d'Olive, 
veut bien employer de mesme ses offices auprès du Roy et de la Répu- 
blique de Pologne, afOn que ledit traitté et celuy de Bromberg^ soient 

1. Le duché de Jaegerndorf est un des qaatre duchés de Silésie que réclamera 
plus tard Frédéric II. Donné par Louis, roi de Hongrie, au margrave Georges 
de Brandebourg, ce duché fut confisqué par Tempereur Ferdinand II pour punir 
Jean-Georges de Brandebourg d^avoir soutenu contre sa maison Télecteur pala- 
tin Frédéric V, en 1620. L'in?estiture de ce duché fut donnée au prince de 
Lichtenstein. Voir Saiut-Prest, Hist, des traités de paix, t. II, p. 397. 

2. Le traité de Bromberg fut signé le 6 no?embre 1657, à la suite d'une entre* 



DES TENTATIVES DE LOUIS XIV POUR iRRIVER A L^EMPIRE. 37 

ponctuellement observés et exécutés de part et d'autre en tout ce qui 
regarde ledit Roy et la République de Pologne et TÉlecteur de Bran- 
debourg. 

8. En cas que Sa Msyesté très chrestienne eust besoin de faire pas- 
ser quelques trouppesen Allemagne ou ailleurs par les terres et pro- 
vinces de rËlecteur de Brandebourg, Sadite Altesse Électorale promet 
d'accorder non seulement ce passage, mais aussy la faculté de pou- 
voir faire des magasins dans ses provinces, dans tels lieux qui 
seroient jugés convenables, mesme d'accorder auxdites trouppes de 
Sa Majesté très chrestienne retraite et entrée dans ses places fortes 
en cas de nécessité, à condition touttefois que Sa Majesté très chres- 
tienne feroit observer une exacte discipline et toutte sorte de bon 
ordre dans lesdits passages et feroit payer ponctuellement ce qui 
auroit esté fourny pour la subsistance des trouppes par les sujets de 
Son Altesse Électorale, comme aussy qu'EUe feroit pourvoir à la sub- 
sistance de celles qui seroient reçeues en cas de nécessité dans les 
plans de Sadite Altesse Électorale et en tel nombre que la seureté des- 
dites places ne peut courir aucun danger. 

9. Comme Sa Majesté et Son Altesse Électorale ont un intérest 
commun à procurer le repos et l'avantage de la Pologne, Elles y con- 
tribueront par toutes les voyes qui seront en Elles. Mais, autant que 
Sa Majesté très chrestienne désire, par son affection et pour le bien 
de cette couronne, qu'elle demeure longtemps entre les mains du 
Roy qui la porte si dignement aujourd'huy\ autant Elle a cru de sa 
prudence de prévenir les cas qui pourroient arriver de sa mort. C'est 
pour ce sujet, qu'en cas que ce malheur arrivât avant que ce prince 

Yue entre le roi Jean-Casimir Wasa et l'électear Frédérîc-Gaillaume. Ce traité 
confirma le traité de Vehlaa, par lequel l'électear s'était affranchi de l'hom- 
mage qa'il de?ait à la couronne de Pologne pour son duché de Prusse. L'élec- 
tear de Brandebourg se fit céder les bailliages de Lowenbourg et de Butow et 
la Tille d'Elbing. Par ces concessions, le roi de Pologne détacha l'électeur de 
Brandebourg de Palliance suédoise. Cependant, la clause relative à la cession 
d'Elbing ne fut pas exécutée. Le roi de Pologne, au traité d'Oliva, se fil garan- 
tir la possession de cette place. Voir Saint-Prest, Hist. des traités de paix, 
t. II, p. 512, et Francey t. 422, fol. 502. 

1. Jean Sobieski, grand maréchal de Pologne, élu roi en 1674, avait épousé 
une Française, M"* de la Grange d'Arquien. Le marquis de Bélhune, beau-frère 
de cette princesse, était ambassadeur de Louis XIV en Pologne. Il avait d'abord 
excité le roi Sobieski à envahir la Russie pour venir à l'aide de la Suède. Le 
rétablissement de la paix entre la France et le Brandebourg fut donc aussi le 
point de départ d'un rapprochement entre le Brandebourg et la Pologne. La 
Prusse cessa d'être menacée d'une invasion polonaise. \o\r Recueil des insintc- 
tions, Pologne j par Louis Farges, p. lil-145. 



38 H. YAST. 

eust pu faire eslire le prince son fils pour son successeur, l'Électeur 
de Brandebourg promet conjointement avec Sa Majesté d*emplo;^ 
tous ses soins et le crédit qu'il a par ses amis en Pologne pour pro- 
curer Teslection de ce prince. Que, si Elle ne pouvoit réussir, il s'en- 
gage à Sa Majesté de concourir par tous ses ofQces, par ses amys et 
par touttes les habitudes et crédit qu'il a en Pologne pour faire tom- 
ber l'eslection sur le prince qui seroit porté par Sa Majesté et pour 
s'opposer à l'eslection d un sujet qui ne luy seroit pas agréable ^ 

40. Pour une plus grande marque du désir de Son Altesse Électo- 
rale de se lier estroitement avec Sa Majesté dans touttes les occasions 
qui pourroient naistre, mesme pour le bien de l'Empire, et que nulle 
autre ne peut estre si importante que celle qui luy peust donner un 
chef, soit dans l'eslection d'un empereur, soit dans celle d'un roy des 
Romains, il a esté convenu par les présens articles des mesures qui 
seront gardées en Tun et en l'autre cas entre Sa Majesté et Son Altesse 
Électorale. 

44. Et parce que le dessein que l'Empereur peut avoir de faire 
eslire son fils roy des Romains^ demande avant touttes choses quHl 
fasse assembler le collège électoral, et que cette assemblée ne peut 
estre formée sans le consentement des électeurs, Son Altesse Électo- 
rale de Brandebourg, soit par le reffus qu'il fera du sien, soit en se 
deffendant d'admettre aucune délibération en faveur d'un enfant, 
soit par tous les autres empêchements qu'il pourra y apporter, tas- 
chera de faire en sorte que le collège électoral refiFuse de s'assembler 
sur cette affaire et empeschera en cette sorte que l'Empereur ne 
puisse réussir dans le dessein de faire élire l'archiduc son fils. Que 
si, non obstant ses soins, le collège électoral prenoit la résolution de 
s'assembler, soit pour délibérer sur Teslection de l'archiduc, soit dans 
une autre occasion quil jugeast nécessaire d'asseurer un successeur 
à l'Empereur, alors Son Altesse Électorale agira en la manière qui 
sera dit dans l'article ci-dessous pour faire réussir l'eslection d'un 
roy des Romains en faveur du Roy très chrestien ou de monseigneur 
le dauphin. 

1. Après la mort de Sobieski, le prince de Coati chercha, sans succès, à se 
faire élire roi de Pologne. 

2. Ce fils, qui fut plus tard l'empereur Joseph I*% né en 1678, était encore au 
berceau (voir les instructions du marquis de Vitry, dans le Recueil des instruc' 
tionSj Autriche, par A. Sorel, p. 72). Léopold proposait de former à son fils 
un conseil d'électeurs et de princes qui gouvernerait TEmpire s'il mourait lui- 
même avant que son fils, proclamé roi des Romains, fût en âge de gouverner 
par lui-même. Joseph ne fut nommé roi des Romains qu'en 1690. 



DBS TENTATIVES DE LOCJIS XIV POUR ARRIVER A l'eMPIRE. 39 

42. Son Altesse Électorale promet en ce cas de ne donner son suf- 
frage à nul autre qu^au Roy très chrestien, et si Télection ne pouvoit 
réussir pour Sa Majesté, qu'à monseigneur le dauphin \ et d'agir par 
son crédit et par ses ofQces les plus efficaces auprez des autres élec- 
teurs pour les porter à se joindre avec luy dans ce dessein. Si, tout- 
tefois, il trouvoit une telle opposition que, malgré tous ses efforts, 
Tesiection ne peut réussir ny en faveur de Sa Majesté ny en faveur de 
monseigneur le dauphin, alors Sadite Altesse Électorale s'engage de 
ne donner jamais son suffrage que de concert avec Sa Majesté et en 
faveur de tel prince qu^elle concerteroit avec luy qui luy seroit 
agréable et le plus capable de porter la couronne impériale pour la 
dignité et le bien de TBmpire^. 

43. Mais si, selon l'ordre de la providence divine, la mort de l'Em- 
pereur arrivoit sans qu'il y eust un roy des Romains, Son Altesse 
Électorale s'engage et promet de s'employer, tant par son propre suf- 
frage que par ceux qu'Ëlle tascheroit de procurer des autres électeurs, 
de donner tous ses soins pour faire tomber l'eslection ^ sur la per- 
sonne de Sa Majesté très chrestienne comme plus capable que tout 
autre, selon le sentiment de Son Altesse Électorale, par ses grandes 
et héroïques vertus et par sa puissance de soustenir la couronne 
impériale, de restablir l'Empire dans son ancienne splendeur, de le 
maintenir dans toutte sa dignité et de le deffendre contre le voisinage 
et les entreprises tousjours si périlleuses du Turc. 

4Â. Que si, aprez tous les efforts que Son Altesse Électorale auroit 
faits, l'eslection ne pouvoit réussir en la personne de Sa Majesté, 
alors Sadite Altesse Électorale les employroit avec mesme application 
et mesme zèle [)our faire eslire monseigneur le dauphin empereur, 
en qui les mesmes raisons du bien et de la deffense de l'Empire se 
trouveroient, tant par les assistances qu'il tireroit de Sa Majesté que 
par celles qu'il sera un jour en estât de luy donner luy-mesme par 
le mérite et les grandes qualités qui sont en ce prince. 

t. La coar d'Aatriche songeait alors à faire épouser à ce prince une archi- 
duchesse. Louis XIV maria son fils à une princesse de Bavière (?oir mêmes 
ÎDstructions, p. 73). Le contrat de ce mariage fut dressé le 30 décembre 1679 
(Toir Recueil des insiructianSf Bavière, par A. Lebon, p. 54). Ici, dans le traité 
secret de Saxe, cette peUte addition : c Suivant, en l'un et l'autre cas, la bulle 
c d'or et les constitutions de l'Empire. » 

2. Voir dans le Recueil des instructions, Bavière, par A. Lebon, p. 62, des 
instructions en termes presque identiques à ceux des art. 12 à 16, données à 
Colbert de Croissy. 

3. c Conformément à la bulle d'or et aux constitutions de l'Empire i (traité 
de Saxe). 



40 H. VAST. 

45. Si, selon la disposition des présents articles, le cas arrivoit 
que Sa Majesté ou monseigneur le dauphin fust esleu empereur. Sa 
Majesté promet, tant pour Elle que pour mondit seigneur, de con- 
server * les privilèges et les libertés des électeurs, comme aussy des 
autres princes et Estats de PËmpire, tant dans les affaires de reÛgîon 
que politiques, et la bulle d'or en son entier^. 

4 (). Mais, si Feslection ne pouvoit succéder ny en la personne de 
Sa Majesté ny en la personne de monseigneur le dauphin, alors Son 
Altesse Électorale s'engage de ne concourir ny par luy ny par ses 
amys à l'eslection d'aucun autre prince, que de concert avec Sa 
Majesté, qui ne luy fust agréable et capable de porter la couronne 
impériale, tant pour le bien de l'Empire que pour entretenir tous- 
jours une bonne intelligence avec la France. 

M. Pour plus grande seureté des engagements que Son Altesse 
Électorale de Brandebourg prend avec Sa Majesté très chrestienne 
par les présens articles, il a esté expressément convenu qu'en cas 
qu'en haine du présent traitté Elle fust attaquée^ par quelque prince 
ou Estât que ce peust estre, alors Sa Majesté l'assistera de ses forces 
et fera réparer les dommages qu'il aura soufferts. 

48. Sa Majesté, pour donner à Son Altesse Électorale une marque 
particulière de son amitié, veut bien, durant le terme de dix années, 
luy faire payer ^ par chacun an une somme [ajouté postérieurement 
d'une autre main et d'une autre encre : de cent mille livres tournois*, 

1. Dans le traité de Saxe, la fin de Tarticle 6 est rédigée ainsi qu'il suit : 
a De conserver les souverainetés, prérogatives, privilèges et libertés des élec- 
c teurs, des autres princes et États de l'Empire, tant dans les affaires de la 
c religion que politiques, et la bulle d'or, les capitulations impériales et toutes 
c les autres constitutions et lois de TEmpire en leur entier... i 

2. Le respect de la bulle d'or est mentionné de même dans les instructions 
de Golbert de Groissy. 

3. Dans le traité de Saxe, l'article 8 porte la petite addition qui suit : 
c Inquiétée ou troublée en ses droits, Estats, provinces et ditions et leurs 
<c appartenances, et les droits parties et terres dont jouissent les princes ses 
c frères en ses Estats... i 

4. Dans le traité de Saxe, les stipulations relatives aux subsides sont ainsi 
conçues : c Payer aussy tost aprez l'eschange des ratiflications du présent 
« traitté, à Leipzig, à ses frais, la somme de 30,000 escus en espèce (sic) et de 
c luy faire fournir en la mesme ville, à ses despens, par chascun an, durant 
< le terme de quatre ans, que le présent traitlé doit durer, à compter du jour 
« de la date dUceluy, la somme de 20,000 escus en espèces, lesquels S. If. 
c promet... s> 

5. C'est le même subside que Lionne proposait au roi de payer au duc de 
Bavière, pour s'assurer sa voix électorale, dès 1669 (voir Mémoires et docU' 



DBS TEIYTiTIVES DE LOUIS IIV POUR ARRIVER A l'eMPIRE. Â4 

laquelle Sa Majesté promet de luy faire délivrer ponctuellement d'an- 
née en année, à commencer le premier payement un an après i'es- 
change des ratiûcations du présent traitté]. 

49. Il a aussy esté convenu que les présents articles, qui sont de 
part et d'autre une asseurance bien expresse d'une amitié réciproque 
entre Sa Majesté très chrestienne et Son Altesse Électorale de Bran- 
debourg, demeureront de part et d^autre dans un extrême secret * et 
que les ratifications^ en seront eschangées dans le terme [comme 
plus haut : de deux mois ou plus tost si faire se peut, à compter du 
jour de la signature du présent traitté. 

Fait à Saint-Germain-en-Laye, ce vingt-cinquième jour d'octobre] 
mil six cents soixante et dix-neuf. 

[Signé :] Arnauld, Fr. Meinders. 

(Au-dessous de chaque signature le cachet du signataire.) 

On remarquera que les termes de ce traité secret sont à peu 
près identiques à ceux des instructions remises à CJolbert de 
Croissy lors de sa mission à la cour de Munich en 1679. Us ne 
difierent que très peu aussi du traité secret signé par Arnauld de 
Pomponne et Wolframsdorf , représentant de Jean-Georges de 
Saxe, le 15 novembre 1679, à Saint-Germain-en-Laye 3. Les 
trois documents sont taillés sur le même patron pour tout ce qui 
concerne la préparation de Télection à TEmpire de Louis XIV 
ou du dauphin. Les articles particuliers relatifs aux intérêts des 
trois cours et le prix du marchandage diffèrent seuls. Louis XIV 
avait donc le dessein bien arrêté de devenir le maître de l'AUe- 

menU, France, t. 416, fol. 161). Dans ce même mémoire au roi Lionne mon- 
trait c l'importance de gagner l'alliance de l'électeur de Brandebourg si Ton 
Teut attaquer la Hollande. » 

1. Cette même condition du secret est recommandée à Colbert de Croissy pour 
ses négociations à Munich en 1679. Voir Recueil des instructions, Bavière, par 
A. Lebon, p. 63. 

2. La ratification de ce traité secret fut signée à Potsdam par Télecteur de 
Brandebourg le 21 no?embre 1679. 

3. Nous a?ons déjà donné en notes les très petites variantes que Ton constate 
dans les articles communs aux deux traités de Brandebourg et de Saxe. Voici 
une note qui permet d'établir la correspondance complète : 

Le traité secret conclu avec l'électeur de Saxe le 15 novembre 1679, signé 
par Amauld et Wolframsdorf, avec le cachet de ces deux diplomates, contient 
dix articles. Il débute par ces mots : c Outre les articles contenus au traité 
conclu et signé aujourd'hui de la part de S. M. très chrestienne et de S. A. É. 
de Saxe, on est encore convenu de ce qui suit i (la plupart des articles sont la 



42 H. YAST. 

magne. Cette politique fut appliquée par Arnauld de Pomponne 
avec la gravité rigide, avec la conscience scrupuleuse qu'il appor- 
tait à Texécution des volontés de son maître. Golbert de Croissy 
était parti pour Munich; Frédéric-Guillaume avait donné son 
adhésion en stipulant ses avantages particuliers en Silésie et en 
Prusse. L'électeur de Saxe ne voulait pas se trouver isolé. Il avait 
besoin de l'assistance française pour la satisfaction de la maison 
de Saxe dans le sempiternel litige des duchés. Pomponne ne vou- 
lut pas engager sur ce point Taction de la France au delà des 
termes du traité de Munster. Il ajouta toutefois qu'au cas de nou- 
velles contestations l'appui de la France ne serait pas refusé à 
l'électeur. Wolframsdorf, à ce propos, échangea deux correspon- 
dances avec sa cour, l'une publique et fort anodine, destinée à 
être placée sous les yeux du conseil et des Etats de Dresde ; l'autre 
soigneusement cachée, qui ne devait être connue que de l'électeur 
seul. Pomponne exigea de Dresde, comme de Munich et de Ber- 
lin, une adhésion sans réserves aux ambitions de son maître. Ce 
fut d'ailleurs son testament politique. Il fut disgracié le 18 no- 
vembre pour des causes restées en partie mystérieuses, et l'on 
peut se demander si Louis XIV ne patienta pas, pour se séparer 
de lui, jusqu'au moment où aurait été menée à bien la négocia- 
tion entamée depuis le printemps \ 

reproduction exacte da traité signé avec l'électeur de Brandebourg. Nous éta- 
blissons ici la concordance) : 

Traité de Brandebourg. Traité de Saxe, 

Article 10 Article 1 sans changement. 

— 11 — 2 id. 

— 12 — 3 avec une petite addition. 

— 13 - 4 id. 

— 14 ~ 5 sans changement. 

— 15 — 6 avec quelques compléments. 

— 16 — 7 sans changement. 

— 17 — 8 avec petite addition. 

— 18 — 9 avec différences notables pour les questions 

des subsides. 

— 19 — 10 sans changement. 

La ratification en latin du traité d'alliance et des articles secrets a été signée 
à Dresde, par l'électeur Jean-Georges II, le 30 novembre 1679. Elle forme une 
pièce annexe des deux traités. Nous avons donné, en note, les diverses additions 
et modifications à mesure qu'elles se présentaient. 

1. Voir le détail de toute la négociation entre les cours de Saint-Germain et 
de Dresde dans la thèse de M. Auerbach, déjà citée. M. Auerbach analyse le 



DES TKNTITITBS DE LOUIS XVf POUR AREIVBR A l'bMPIRE. 43 

Ainsi Tambition de Louis XIV, tout en restant encore cachée 
au grand public, se dévoilait en particulier et sous le secret à 
chacun des princes qui pouvaient la servir à un moment précis. 
Il avait préparé les électeui*s ecclésiastiques à Tidée de sa candi- 
dature; il avait acheté à l'avance les voix des trois plus puis- 
sants électeurs laïques ; il semblait tenir en main un chapelet 
continu d*Etats allemands qui assuraient son influence depuis le 
Danube par la Bavière, la Saxe, le Brandebourg et la Prusse 
jusqu'à la Baltique. Qu'allaient devenir les Habsbourg de Vienne 
resserrés entre les deux bras de cet étau formidable : la Hongrie, 
avantr-garde des Turcs et les trois électorats laïques, sentinelles 
avancées de la France? Il semblait que l'Empire, déjà miné par 
les ligues partielles qu'y avaient fondées d'abord des princes 
allemands indépendants, puis de fidèles clients de la France, fût 
à la veille de passer de la tutelle bénigne des descendants de 
Charles-Quint sous la domination altière du glorieux petit-fils de 
Henri IV . Celui-ci s'engageait à augmenter le lustre de la dignité 
impériale, et cette promesse il saurait la tenir ; mais que devien- 
drait cet autre engagement de respecter les privilèges et libertés 
des grands vassaux de l'Empire? Le sort de l'Alsace était un 
enseignement de ce que l'avenir réservait aux princes allemands. 
Depuis 1648, les empiétements des agents français aux dépens 
des franchises locales n'avaient pas cessé ; et voici précisément 
qu'au lendemain de ses succès obtenus par les voies détournées 
de la diplomatie secrète, Louis XIV, se croyant sûr de l'Alle- 
magne, voulait réduire l'Alsace entière à la condition de toutes 
les autres provinces françaises. Il préparait la soumission de 
Strasbourg, dont il n'avait pas voulu laisser discuter le sort dans 
les négociations de Nimègue ^ 

Louis XIV, roi tout-puissant en France, héritier de la cou- 
ronne d'Espagne, maître de la Méditerranée, tenant à sa discré- 
tion l'Angleterre, croyait avoir réussi à s'inféoder l'Allemagne. 
Empereur et roi, il eût gouverné directement la moitié de l'Eu- 
rope. Il eût cherché à rétablir, non pas seulement en France, 

traité secret d'après l'instraraent des archives de Dresde. Noas avons fait nos 
citations d'après l'instrument original conservé aux archives du ministère des 
Affaires étrangères. 

1 . Voir, pour la question de l'Alsace, les articles déjà cités de H. Mossmann et 
le hel ouvrage de M. Legrelle, Louiê XIV et Stroêbaurg. 



44 H. VAST. 

mais dans toute TEurope, cette unité du culte que Bossuet et 
Leibnitz songeaient à réaliser par une entente conunune. Il fut 
devenu l'arbitre souverain de toutes les querelles, le juge des têtes 
couronnées, la providence des peuples, le pacificateur du monde. 
Qui sait s'il ne caressait pas le rêve de Sully? Henri 17, Riche- 
lieu, Mazarin lui avaient ouvert la carrière. Vainqueur des Bar- 
baresques, ne pouvait-il pas aussi chasser les Infidèles des lieux 
saints, repousser les Turcs hors d'Europe? Henri IV avait eu, 
dit-on, quelque idée de la croisade. A quoi Louis XIV ne pou- 
vait-il pas aspirer? 

Mais Charles-Quint et Philippe II ont eu les mêmes pensées. 
Comme eux, Louis XIV est le représentant d'un passé qui dispa- 
raît. Comme eux et pour les mêmes raisons, il va échouer. Un 
monde nouveau d'idées et de sentiments naît autour de lui auxquels 
il reste étranger. Les Hollandais ont défendu contre lui les droits 
de la patrie et de la conscience. Les Anglais ne sont pas disposés 
à courber leur liberté sous le joug français. Ils échappent de plus 
en plus à leur roi. Les Espagnols hésitent à se donner; le pape à 
recevoir trop de services. 

L'Allemagne surtout s'éloigna vite. L'annexion de Stras- 
bourg fit courir parmi les princes un long frémissement de 
stupeur. Louis XIV pouvait sans doute fonder de grandes 
espérances sur les traités secrets qu'il leur avait arrachés. Mais 
il se faisait illusion sur leur sincérité. C'étaient les traditions 
des électeurs de faire trafic de leurs voix. Chacun d'eux avait à 
sa cour des conseillers du parti français et du parti autrichien. 
Suivant que le prince accordait sa faveur aux uns ou aux autres, 
il déplaçait l'équilibre politique. Mais il lui suffisait de changer 
de personnes pour oublier les traités signés et accepter des enga- 
gements contraires. Le jeune duc Maximilien II se déroba, sur 
le conseil de son oncle, et accepta de prendre pour femme une 
archiduchesse autrichienne au lieu de Marie-Louise d'Orléans, 
qui épousa le roi d'Espagne. L'électeur de Saxe, Jean-Georges II, 
mourut en 1680; son traité secret, pacte purement platonique de 
sa part, n'avait eu d'autre efiet que de lui ménager quelques res- 
sources. L'électeur de Brandebourg, qui songeait à se faire le 
représentant de l'idée de la patrie allemande, oscillait volontiers 
de l'alliance autrichienne à l'alliance française. Préparer l'unité, 
soit par l'appui des Autrichiens, soit par le secours du roi de 



DBS TBIITATIVBS DB LOUIS XIT POUR iRRIYER A L*EMPIRE. 45 

France, ou plutôt s'assurer successivement tous les concours, 
recevoir de toute main, se ranger dans le parti le plus fort, telle 
a toujours été la politique des Hohenzollern ; il y a eu des entre- 
vues de Biarritz avant celle de 1865 et l'histoire est un éternel 
recommencement. Les électeurs ecclésiastiques, qui étaient les 
plus menacés par les progrès du roi de France, s'étaient tenus sur 
la réserve. Ils se retirèrent de lui de plus en plus. 

D'ailleurs, l'occasion attendue ne se présenta pas. Léopold ne 
provoqua pas la réunion du collège électoral pour faire élire son 
fils roi des Romains. Il survécut lui-même jusqu'en 1705. Mais 
il serait mort juste à point que bien probablement Louis XIV 
n'aurait pas obtenu le trône de Charlemagne et des Ottons. C'eût 
été la destruction des Etats distincts de TEurope moderne, la 
reconstitution de l'unité chrétienne du moyen âge sous un maître 
absolu. Les peuples ont l'instinct de la conservation ; ils ne se 
suicident jamais. 

H. Vast, 



LES 



IDÉES POLITIQUES DE DIDEROT 



Il est diflScile de trouver dans les œuvres de Diderot un corps 
de doctrines très net : Diderot n*a pas écrit de traité politique; il 
n'a tenu le rôle ni d'un Montesquieu ni d'un Rousseau. Cepen- 
dant, sa curiosité infatigable n'est restée étrangère à aucun des 
problèmes qui, à son époque, préoccupaient les esprits. S'il n*a 
point créé, en politique, de théorie générale, au moins reflète-t-il 
les systèmes contemporains ; il nous en donne comme la moyenne 
et la synthèse, car cet admirable vulgarisateur veut rendre toutes 
ces idées accessibles au public qui lira l'Encyclopédie. En quoi 
consiste cette synthèse? C'est ce qu'il est intéressant d'examiner, 
car c'est elle que portent en eux les hommes qui feront la Révo- 
lution. — D'ailleurs, Diderot n'est pas seulement l'écho de 
Voltaire, de Montesquieu et de Rousseau ; souvent il a des vues 
personnelles, originales et lucides; il juge nettement et saine- 
ment, quoi qu'on ait dit, la réalité des faits ; parfois aussi, sa 
clairvoyance et l'inspiration qui soutient son génie lui font devi- 
ner quelque coin de l'avenir. Enfin, chez lui, comme chez les 
autres philosophes du xvm® siècle, nous pouvons observer que, 
si ses théories sont souvent très hardies, il montre une très grande 
prudence dès qu'il songe aux applications pratiques*. 



I. 



L'idée fondamentale de Diderot, c'est qu'il faut secouer le joug 
de l'exemple, de la tradition, de l'autorité; il remarque que telle 
est la tendance du siècle, où la philosophie conmience à l'em- 

1. C'est ce qu'a démontré, avec beaucoup de force, M. Edme Ghaiopion, dans 
son Esprit de la Révolution française. Paris, 1887, p. 5 et suiv. 



LB8 ID^ES POLlTrQUSS DE DIDEROT. 47 

porter, « où son ton est le ton dominante > Plus que qui que ce 
soit, il â une confiance absolue dans la force de l'esprit humain, 
dans la raison, qui a créé les sciences et qui doit transformer le 
monde*. — Or, quelle est la puissance qui représente le plus for- 
tement l'autorité, la tradition, et qui, selon lui, s'oppose le plus 
résolument au triomphe de la raison? C'est l'Eglise. Il faut donc 
afiEaiblir son prestige. 

Une idée chère à Diderot, c'est que les souverains doivent se 
défier avant tout des prêtres : « Le prêtre bon ou mauvais, 
écrit-il à Catherine II, est toujours un sujet équivoque, un être 
suspendu entre le ciel et la terre... Tandis que le peuple n'ap- 
prouve guère que ce qui est bien, le prêtre, lui, n'approuve guère 
que ce qui est mal. » Sous sa main toute-puissante, le roi et le 
serf sont égaux, car il ne songe qu'à la domination universelle 
de l'Eglise^. Le catholicisme est particulièrement dangereux et 
néfaste; il remarque que l'instruction est bien meilleure dans les 
pays protestants que dans les pays catholiques, car, en ceux-ci, 
le clergé, qui est maître de l'enseignement, « est entièrement 
opposé aux progrès de la lumière et de la raison^. » 

U est vrai que parfois il semble se contredire. M. Champion 
nous fait observer qu'il célèbre avec émotion la pompe de la 
Fête-Dieu, et que, dans ses Pensées philosophiques, il Êiit une 
véritable profession de foi catholique : « Je suis né, dit-il, dans 
l'Eglise catholique, apostolique et romaine, et je me soumets à 
toutes ses décisions...; je veux mourir dans la religion de mes 
pères : voilà ma profession de foi^. » Mais ce n'est qu'une décla- 
ration incidente, jetée au milieu d'une pensée, dans laquelle il 
malmène fort les dévots et déclare qu'il attend d'eux toutes les 
calomnies*. D'ailleurs ses Pensées philosophiques, dans l'en- 

1. Cf. V àr{\c\e Enqfclopédie, de l'Encyclopédie (Diderot, Œuvres complètes, 
éd. Asftezat, t. XIV, p. 424). 

2. Dans l'Entretien d'un père avec ses enfants, il soutient que la raison de 
l'espèce humaine est autrement sacrée que la raison du législateur (t. V, p. 301). 
Cependant seul, le sage, en qui s'incarne la raison, peut se mettre au-dessus 
des lois. 

3. Plan d'une Université pour le gouvernement de Russie, 1775-76 (éd. Asse- 
Mt, t. III, p. 510-511). Cf. Caro, la Fin du XVIW siècle : Diderot. 

4. Essai sur les Études en Russie (éd. Assezat, t. III, p. 415). 

5. Edme Champion, op. cit., p. 32. 

6. c II y a longtemps, dit-il dans la même pensée, que les dévots ont damné 
Descartes, Montaigne, Locke et Bayle ; et j'espère qu'ils en damneront bien 
d'antres. Je leur déclare cependant que je ne me pique d'être ni plus honnête 



48 HE^fll siK. 

semble, so&t nettement déistes, et n'attribuent q[aelqae raison et 
quelque durée qu'à la religion naturelle, qui est le résidu et 
le fondement de toutes les autres religions, et qui se suffit à 
soi-même*. 

Dans les articles que Diderot a écrits pour l'Encyclopédie, on 
pourrait relever plus justement quelques contradictions : à l'ar- 
ticle Célibat y il blâme le célibat des prêtres, tandis qu'à l'article 
Christianisme il lui attribue de grands avantages. Dans ce 
dernier article, il proclame encore que le christianisme est la 
meilleure des religions. Mais il faut bien se rendre compte que 
rEocyclopêdie, dont la publication dépend de la bienveillance du 
pouvoir, est tenue aux plus grands ménagements et fait toujours 
preuve d'une singulière réserve. 

D'ailleurs, jamais Diderot n'a prétendu qu'il fallait supprimer 
toute religion établie : « Un culte révélé est nécessaire aux 
hommes, déclare-t-il ; c'est le seul frein qui puisse les arrêter*. » 
Voilà une pensée sincère et qui correspond à ses conceptions 
véritables. Au point de vue social, il serait dangereux de détruire 
la religion, car elle constitue une sorte de garde-fou dont on ne 
saurait se passer : « Je garderais des prêtres, dit-il, non conune 
des précepteurs de gens sensés, mais comme les gardiens des 
fous, et leurs églises, je les laisserais subsister comme l'asile ou 
les petites maisons d'une certaine espèce d'imbéciles qui pour- 
raient devenir furieux si on les négligeait entièrement 3. » N'est-ce 
pas une preuve delà prudence pratique des Philosophes? L'impé- 
tueux Diderot est aussi circonspect qu'un Montesquieu ou qu'un 
Voltaire. 

Mais, si l'Église doit subsister, il faut prendre contre elle des 
garanties sérieuses : la première, c'est que les institutions poli- 



homme, ni meilleur chrétien qae tons ces philosophes... > Sait la prétendue 
profession de foi {Pensées, n* LVIII, éd. Assezat, t. I, p. 153). 

1. Voy. notamment Pensées philosophiques, n* LXII, t. I, p. 155. — Cette 
pensée, il l'a développée Tannée saivanle, en 1747, dans son petit traité De la 
suffisance de la religion naturelle (t I, p. 261 et suiv.) : c Tout ce qui a com- 
mencé aura une fin, déclare-t-il ; et tout ce qui n'a point eu de commence- 
ment ne finira point. Or, le christianisme a commencé; or, le judaïsme a com- 
mencé; or, il n'y a pas une seule religion sur la terre dont la date ne soit 
connue, excepté la religion naturelle ; donc elle seule ne finira pas et toutes les 
autres passeront > (ibid., p. 268). 

2. Art. Christianisme de l'Encyclopédie (éd. Assezat, t. XIV, p. 143 et suiv.), 

3. Plan d'une Université (ibid., t. III, p. 517). 



LES IDjfsS POLITIQUES DE DIDEROT. 49 

tiques et civiles échappent complètement à son autorité et même 
à son influence ; le législateur, tout respectueux qu*il est de la 
religion, doit « rendre les lois principales, soit constitutives, soit 
civiles, indépendantes du culte et des dogmes religieux*. » C'est 
une idée de réforme précise dont on sentait la nécessité à une 
époque où TEglise intervenait constamment dans les questions 
politiques et même purement civiles, et cette réforme sera lune 
des premières qu'accomplira la Révolution. 

Contre l'ambition de TÉglise, la meilleure garantie, c'est encore, 
pour Diderot, que l'État la soumette étroitement à son autorité, et 
il ne le pourra qu'en transformant les prêtres en fonctionnaires : 
« S'il est diflScile de se passer de prêtres partout où il y a une reli- 
gion, il est aisé de les avoir paisibles s'ils sont stipendiés par 
FEtatj et menacés, à la moindre faute, d'être chassés de leurs 
postes, privés de leurs fonctions et de leurs honoraires et jetés dans 
l'indigence^. — Un prêtre stipendié, dit-il encore, n'est qu'un 
homme pusillanime qui craint d'être chassé etruiné^. » Comment 
la royauté devra-t-elle opérer cette transformation? Ce n'est pas 
en attaquant les privilèges du clergé, procédé injuste et surtout 
dangereux qui ébranlerait les titres de la couronne, mais bien en 
exigeant de lui des dons gratuits qui l'obligent à contracter des 
emprunts onéreux et qui le ruinent^. — Ainsi, l'Église ne for- 
mera plus une caste privilégiée ; elle ne possédera plus les biens 
qui assurent son indépendance; les prêtres ne seront plus que 
des salariés de l'État et leur traitement dépendra de son bon plai- 
sir; tel est à peu près le régime auquel, par son concordat, 
Napoléon soumettra l'Église. — Déjà nous voyons se dessiner 
chez Diderot une tendance que nous retrouvons non seulement chez 
les économistes, mais chez la plupart des philosophes du xym® s.; 
c'est d'attribuer à l'État, sur certaines questions d'intérêt géné- 
ral, une autorité pour ainsi dire absolue. 

n. 

Cependant, Diderot n'hésite pas, et dans l'Encyclopédie même, 
à discuter le fondement de l'autorité. Comme Rousseau, il remonte 

t. Art. Législateur de l'Encyclopédie (ibid., t. XV, p. 425). 
Z Plan d'une Université (t. III, p. 517). 

3. Discours d'un philosophe à un roi (t. IV, p. 36). 

4. Ibid., p. 33 et siUt. 

Rsv. HtSTOR. LXV. !•' fasc. 4 



à ce qa'il croit être la loi naturelle : « Aucun homme n'a reçu 
de la nature le droit de commander aux autres. » L'autorité ne 
dérive donc pas d'un principe supérieur ; elle ne peut avoir que 
deux sources : ou la violence de celui qui s'en est emparé, « ou 
le consentement de ceux qui s'y sont soumis par un contrat £siit 
ou supposé entre eux et celui à qui ils ont déféré l'autorité. » Le 
prince ne saurait légalement être un maître absolu, car l'autorité 
qu'il exerce sur ses sujets, c'est d'eux qu'il la tient : « Cette auto- 
rité est bornée par les lois de la nature et de l'Etat. » Suivant 
ces principes, Diderot combat encore l'idée que le gouvernement 
puisse être la propriété particulière du souverain : « Le gouverne- 
ment même héréditaire n'est pas un bien particulier, mais un bien 
public, qui, par conséquent, ne peut jamais être enlevé au 
peuple, à qui seul il appartient essentiellement et en toute 
propriété^. » 

Historiquement, les choses ne se sont point passées ainsi : le 
roi exerce l'autorité dans son royaume comme un seigneur du 
moyen âge l'exerçait dans son domaine, en vertu d'un droit de 
propriété; et, à ne considérer que la tradition, c'est à bon droit 
que Louis XIY considérait qu'il pouvait disposer de tous les biens 
de ses sujets. — Mais Diderot s'en tient au droit naturel; il exa- 
mine moins ce qui avait dû se passer au début des sociétés que 
ce qui avait été sous-entendu ou ce qui aurait dii l'être au moment 
où s'étaient fondés les gouvernements réguliers 2. 

C'est toute la théorie du Contrat social. Diderot Ta-t-il em- 
pruntée à Rousseau? C'est ce que l'on ne saurait affirmer. Remar- 
quons que l'article de TEncyclopédie où ces idées sont émises a 
été imprimé en 1751^, onze ans avant l'apparition du Contrat 
social . On assure que Diderot a suggéré à Rousseau l'idée de son 
Discours sur les sciences et les arts; n'a-t-il pu aussi contri- 
buer à débrouiller en son esprit la théorie du contrat^ ? Quoi qu'il 



1. Art. Autorité de l'Encyclopédie (éd. Assezat, t. XIII, p. 392 et saiv.]* 

2. Il dit nettement que le contrat, qui lie le sonveraio et ses sujets, est on 
c contrat fait ou supposé entre eux > (art. Autorité). C'est ainsi que Rousseau 
entendait le contrat social^ sans le dire aussi nettement que Diderot. 

3. Cf. rédltionde l'Encyclopédie de 1751, 1. 1, p. 898 et suiv. 

4. Rousseau reconnaît lui-même, dans ses Confessions, que Diderot a colla- 
boré à ses premiers écrits, et il s'en plaint amèrement. Nous savons d'ailleurs 
que tout un passage du Discours sur V Inégalité est de la main de Diderot 
(Assezat, t. IV, p. 100 et suiv.). 



LES IDl^ES POLITIQUES DE DIDEROT. 54 

CD soit, ce sont chez les deux écrivains mêmes principes et mêmes 
tendances. 

Mais Diderot ne pousse pas la théorie jusqu'à ses dernières 
conséquences. Il déclare que les sujets, comme le souverain, 
doivent respecter le contrat, se montrer soumis et respectueux; 
même s'ils sont gouvernés par un roi violent et injuste, ils ne 
doivent pas se révolter contre lui, car les résistances < n'ont 
jamais corrigé les princes ni aboli les impôts ; » elles ont toujours 
eu pour résultat d'accroître la misère*. 

Dans la pratique, il n'invoque en aucune façon la souverai- 
neté du peuple. Il se montre partisan d'une monarchie constitu- 
tionnelle et se rapproche visiblement de Montesquieu. Le grand 
danger, c'est qu'un seul homme concentre entre ses mains tous 
les pouvoirs : « Sa Majesté impériale, écrit-il à Catherine II, 
concevra combien la législation mise sous la sauvegarde d'un 
seul homme est de peu de durée^. » Pour assurer même la liberté 
civile, il faut que le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif soient 
toujours séparés ; il convient aussi que le pouvoir judiciaire soit 
indépendant des deux autres^. Il faut que le roi donne une 
constitution à ses sujets pour qu'il puisse écouter leurs vœux. Il 
les invitera à lui déléguer des représentants. Que seront ces 
représentants? « Des citoyens plus éclairés que les autres, répond 
Diderot, plus intéressés à la chose publique, que leurs possessions 
attachent à la patrie, que leur position mette à portée de sentir 
les besoins de l'Etat, les abus qui s'introduisent et les remèdes 
qu'il convient d'y porter. > Ainsi, les propriétaires seuls devront 
être représentés; les paysans, il est vrai, auront le droit de vote, 
car ils possèdent la terre. Mais, en somme, c'est une sorte de suf- 
frage censitaire que réclame Diderot. Il consent même à mainte- 
nir dans l'assemblée la distinction des ordres^. 

III. 

En matière sociale, ses idées sont plus radicales, et l'on devine 

1 . Art. Autorité de l'Encyclopédie, loc. cit. 

2. Essai historique sur la police, 1773, publié par H. Toarneox, dans la 
Revue historique, t. XXV, p. 300. — Cf. ibid. : c Poar assurer Tezéculion de 
la loi, les Français déposent entre les mains du roi la toute-puissance publique. 
Voilà la première faute, le péché originel, i 

3. Cf. l'art. Liberté civile de l'Encyclopédie (éd. Assezat, t. XV, p. 510). 

4. Art. Représentants de TEncyclopédie (éd. Assezat, t. XVI, p. 16). 



52 HENRI SÉE. 

pourquoi : il ne doit rien à ses parents ; il a été pauvre ; un 
jour, dans sa jeunesse, il a manqué mourir de faim ; jusque dans 
sa vieillesse, pour subvenir aux besoins de sa famille, il a dû 
fournir un énorme labeur. On comprend qu'il partage contre les 
privilèges les antipathies du tiers état. « Que la nation récom- 
pense les services, déclare-t-il, mais que cela ne soit jamais par 
des privilèges exclusifs, par des exemptions, par tous ces moyens 
iniques, qui sont autant d'infractions à la loi générale et de sur- 
charges pour les hommes laborieux et utiles qui ne sont point 
titrés. » Voilà qui vise directement les privilèges de la noblesse. 
— Il souhaite aussi que les inégalités de fortune disparaissent de 
plus en plus. A-t-il prêché cependant une égalité parfaite? A-t-il 
été socialiste? Ses œuvres sont émaillées de déclarations huma- 
nitaires, mais d'un ordre tout sentimental. Comme M. André 
Lichtenberger l'a démontré, ce ne sont que des boutades sans 
grande portée; en réalité, il respecte la propriété privée, qui 
a pour origine « la prise de possession par le travail * , » il 
admire les théories des physiocrates et considère que l'égalité 
absolue est chose chimérique 2. 

Il n'en est pas moins vrai qu'il s'est intéressé très réellement 
aux classes méprisées de la société, aux artisans par exemple ; 
en écrivant tant d'articles dans l'Encyclopédie sur les arts méca- 
niques, il s'est proposé, non seulement de les réhabiliter aux 
yeux des lettrés et des gens du monde, mais encore d'ennoblir 
ceux qui les pratiquent 3. 

Cependant, à entendre quelques historiens, Diderot aurait émis 
les doctrines les plus subversives : « Retour à la nature, c'est- 
à-dire abolition de toute société; » tel est, selon Taine, le cri de 
guerre de Diderot, comme de tous les encyclopédistes^. Il est 
certain que, dans quelques-uns de ses ouvrages, et notamment 
dans le Supplément au voyage de Bougainville , Diderot 
vante le bonheur de l'état de nature; à Taïti, on ne connaît ni 
contrainte ni morale conventionnelle; aussi les hommes y sont- 



1. Cf. André Lichtenberger, le Socialisme au XVIII* siècle, Paris, 1895, 
p. 250 et suiv. Voy. aussi l'article Citoyen de TEncyclopédie (l. XIV, p. 193). 

2. Voy. VEntretien d'un père avec ses enfants (t. V, p. 297) : t Mon frère. 
Et qu'est-ce qui fonde donc la propriété ? — Moi. PrimltlYement, c'est la prise 
de possession par le trayail. i 

3. Cf. d*Aleml)ert, Discours préliminaire à t Encyclopédie. 

4. Cf. Taine, C Ancien régime, p. 287 et suiv. 



LES IDl^ES POLITIQUES DE DIDEROT. 53 

ils tout à la fois heureux et vertueux : « J'en appelle à toutes les 
institutions politiques, civiles et religieuses ; examinez-les pro- 
fondément, et je me trompe fort ou vous verrez l'espèce humaine 
plièe de siècle en siècle au joug qu'une poignée de fripons se per- 
mettait de lui imposer... » Voilà une déclaration qui nous paraî- 
trait singulièrement révolutionnaire si elle n'était isolée et si le 
même homme ne nous disait en un autre endroit que l'état de 
nature n'est préférable en aucune façon à la civilisation ^ Ce 
sont boutades d'un homme d'imagination ; mais on peut affirmer 
hardiment que Diderot n'est pas un révolté. 

Ce n'est pas non plus un conservateur : au besoin, pour réfor- 
mer les institutions qui lui paraissent défectueuses, il ne recule- 
rait pas devant des moyens énergiques ; il pense qu'il ne faut pas 
hésiter à provoquer une perturbation momentanée pour accom- 
plir 4c un grand bien qui dure. » Réformer le droit, les institu- 
tions judiciaires de la France, ce serait ébranler tout l'ordre 
social ; cependant, il ne faudrait pas hésiter à le faire*. — Il est 
révolutionnaire encore en ce sens qu'il considère les institutions 
du passé comme le plus grand obstacle à tout progrès ; mieux 
vaut la table rase que tant de ruines gênantes : « Qu'un peuple 
est heureux, s'écrie-t-il, lorsqu'il n'y a rien de fait chez lui ! Les 
mauvaises et surtout les vieilles institutions sont un obstacle 
presque invincible aux bonnes. » Le malheur de la France, c'est 
que son ordre social s'est établi au hasard et sans plan^. 

IV. 

De grandes réformes sont nécessaires. Mais qui pourra les 
accomplir? Diderot, non plus que les penseurs les plus originaux 
de son temps, ne peut s'affranchir complètement de toute tradi- 
tion. Or, il n'y a encore jamais eu qu'un pouvoir qui se soit 

1. Voy. A. Lichtenberger, op. cit., p. 250 et soît. 

2. Cf. Essai historique sur la police (Revue historique, t. XXV, p. 302) : 
c La France est condamnée à n'avoir jamais de code. Notre droit coutamier 
est immense. Il est lié avec l'état et la fortune de tous les particuliers. Celui 
qui projetterait le renversement de ce colosse monstrueux ébranlerait toutes les 
propriétés. Il n'achèverait pas son entreprise sans commettre une foule d'injus- 
tices criantes. Il soulèverait infailliblement les divers ordres de l'État. Je le 
ferais pourtant, car je pense qu'il faut faire un grand mal d'un moment pour un 
grand bien qui dure. > 

3. Plan dune Université (Assezat, t. m, p. 441). 



54 HgNRT Sl^E. 

préoccupé quelc[uefois du bien public et qui se soit montré» en 
certaines occasions, supérieur aux intérêts de castes ou de cor- 
porations; c'est la royauté, et c*est elle encore qui a dégagé peuà 
peu la notion de l'État. Aussi comprend-on que les Philosophes» 
tout en vantant les bienfaits de la liberté, songent encore à s'adres- 
ser à la toute-puissance d'un monarque, mais d'un monarque 
intelligent et dégagé de préjugés ^ Et surtout si ce monarque 
dispose d'un pays neuf, à peine ouvert à la civilisation, quels 
bienfaits ne peut-on en attendre? Catherine II est libre de ses 
mouvements; elle n'a pas à compter avec de vieilles institutions 
encombrantes, — nos philosophes du moins se l'imaginent, — 
elle peut tailler sur le vif et réaliser le gouvernement idéal 2, 

Ainsi s'expliquent les relations de Diderot avec l'impératrice 
de Russie. Il a pour elle plus que de la reconnaissance; il l'ad- 
mire et la vénère. Elle a « la tête forte, l'âme grande, les vues 
étendues. » Elle est le Messie attendu par les philosophes : 
4c C'est pour elle et pour elle seule, je crois, que Montesquieu a 
écrit. C'est elle qu'attendaient les philosophes qui ne méditent 
que pour le temps où naîtra un grand prince^. » En 1774, mal- 
gré son peu de goût pour les voyages, il gagne la Russie ; pen- 
dant tout son séjour, l'enthousiasme possède son âme; il est 
tellement ébloui par la souveraine que, malgré ses facultés d'ob- 
servations, il ne voit rien de la Russie ni de ses institutions ; ce 
n'est qu'en ce pays, où règne en réalité une inquisition terrible, 
« qu'il pense enfin en homme libre. » Après comme avant son 
voyage, à tout instant il envoie à Catherine de nouveaux plans 
de gouvernement : l'impératrice ne les exécute pas, elle lui 
déclare même formellement qu'avec « tous ces grands prin- 
cipes, » si beaux dans les livres, elle ne ferait que de très pitoyable 
besogne; il ne se décourage pas^. 

1. c La théorie a deax faces, dit Taine, et, tandis que, d'un côté, elle con- 
duit à la démolition perpétuelle du gouvernement, elle aboutit de l'autre à la 
dictature illimitée de l'État > (l'Ancien régimcy p. 319). — Cette contradiction 
n'est qu'apparente : les Philosophes ne songent à détruire le gouvernement que 
parce quMl opprime la pensée et ne veut accorder aucune liberté ; ils soutien- 
draient un État vraiment moderne, qui supprimerait les abus et protégerait les 
droits des individus. 

2. Cf. le Plan d'une Université (t. III, p. 441) : c Point de vieilles institu- 
tions qui s'opposent à ses vues ; elle a devant elle un champ vaste, un espace 
libre de tout obstacle sur lequel elle peut édifier à son gré. » 

3. Essai historique sur la police {Rev. hist.^ t. XXV, p. 305). 

4. Cf. Ducros, Diderot. Paris, 1894, p. 121 et suiv. — Entre autres plans 



LBS IDl^BS POLITIQUES DE DIDEROT. 55 

Sa confiance en Catherine II est si grande qu'il irait jusqu'à 
lui sacrifier l'indépendance de la pensée. Sa Majesté pense que la 
croyance à l'existence de Dieu et que la crainte des peines à 
venir ont une grande influence sur les actions des hommes. 
Eh bien ! il est à propos que l'enseignement de ses sujets se con- 
forme à sa façon de penser : aux écoliers de Russie, les profes- 
seurs démontreront les deux substances, l'existence de Dieu, 
l'immortalité de Tàme et la certitude d'une vie future ^ 

Il est vrai qu'à d'autres moments, Diderot paraît se défier sin- 
gulièrement des souverains, et surtout des souverains éclairés : 
« Méfiez-vous, s'écrie-t-il, d'un souverain qui sait par cœur 
Aristote, Tacite, Machiavel, Montesquieu*. » Il contredit Helvé- 
tius qui se montre partisan du despotisme éclairé : « Le gouver- 
nement arbitraire d'un prince juste et éclairé est toujours mau- 
vais. Ses vertus sont la plus dangereuse et la plus sûre des 
séductions : elles accoutument insensiblement un peuple à aimer, 
à respecter, à servir son successeur, quel qu'il soit, méchant et 
stupide. » Le peuple oublie ses privilèges essentiels^. — Voilà 
une contradiction évidente chez Diderot, et qui ne peut s'expli- 
quer que par la mobilité de ses impressions. Il est probable qu'en 
écrivant ces lignes, il songe à Frédéric II de Prusse, dont la 
philosophie ne lui inspire qu'une médiocre confiance : la monar- 
chie militaire que cet étonnant génie a fondée lui paraît peu 
compatible avec les progrès de la raison. 

Quoi qu'il en soit, il est incontestable que Diderot ne craindrait 
pas de fortifier l'autorité et surtout les attributions de l'État : 
l'Eglise, a-tr-on vu, doit lui être soumise, au point que les prêtres 
ne soient plus que des fonctionnaires. L'enseignement sera une 
institution nationale. Et l'on en voit clairement la raison : l'État 
seul est capable de créer un enseignement démocratique. Consi- 
dérons sa définition d'une Université : « Une Université, c'est une 
école dont la porte est ouverte indistinctement à tous les enfants 
d'une nation, et où les maîtres, payés par l'Etat, les initient à la 



adressés à Catherine II, il faut citer le Plan d'une Université, qui date de 
1775-76. En 1773, il lai arait enroyé son Es$ai historique sur la police, que 
nous avons mentionné à plasienrs reprises, 
t. Plan d'une Université (t. III, p. 390). 

2. Principes de politique des souverains (1775), n* LXIII (t. II, p. 472). 

3. Réfutation de Vouvrage d^Hdvélius, intUulé c l'Homme, > 1773-74 (t. II, 
p. 381). 



56 HEIVRT S^B. 

connaissance élémentaire de toutes les sciences ^ — Je dis indis- 
tinctement j ajoute-t-il, parce qu'il serait aussi cruel qu'absurde 
de condamner à l'ignorance les conditions subalternes de la 
société. » La Convention n'aura pas d'autre idéal. Diderot con- 
damne, en effet, l'enseignement purement formel, qui ne peut 
être utile qu'à un petit nombre de jeunes gens ; il demande, pour 
la masse des écoliers, une éducation intégrale, utilitaire, profes- 
sionnelle, une sorte d'enseignement moderne, tel qu'on Fa créé 
de nos jours*. Pour le peuple, il faut un enseignement obliga- 
toire, gratuit, et surtout laïque, « car les prêtres sont rivaux par 
état de la puissance séculière. » Les enfants indigents devront 
même recevoir « du pain et des livres^. > — De telles réformes, 
on le conçoit aisément, l'État seul sera en mesure de les accomplir 
et d'en assurer l'exécution. 

Comme la plupart des penseurs contemporains, Diderot désire 
la suppression des anomalies existantes, la régularité administra- 
tive, l'uniformité des institutions. Ce qui lui parait surtout 
absurde, c'est que la législation diffère, non seulement d'une pro- 
vince à l'autre, mais suivant les corporations et les conditions 
sociales : « La loi des roturiers, remarque-t-il, n'est point celle 
des nobles. Le clergé a des constitutions particulières à son état. 
Il en est de même du militaire, de l'ecclésiastique et du magistrat^. » 
Qui pourra opérer cette vaste refonte des coutumes et des consti- 
tutions, qui pourra substituer au chaos l'uniformité et l'ordre, si 
ce n'est l'État? 

Mais l'État, que rêvent Diderot et les autres Philosophes, ce 
n'est pas la monarchie de l'ancien régime, c'est un État dégagé 
des préjugés et des liens innombrables de la tradition ; un Etat 
qui n'ait pour but que de servir les intérêts de la nation, dont la 
raison d'être soit de veiller au salut public. En un mot, leur idéal, 
c'est l'État tel que la Révolution essaiera de l'établir, dont elle 
posera au moins la définition. 

1. Voy. Plan (Uune Université (t. III, p. 433). 

2. lbid.<, passim. Cf. Caro, la Fin du XVIIP siècle, et Liard, l'Enseignement 
supérieur en france. Paris, 1888, t. I, p. 99 et suiv. 

3. Plan d'une Université (t. III, p. 519). 

4. Essai historique sur la police, ioc. cit., p. 302. 



LB8 IDÏES POLITIQirES DE DIDEROT. 57 



V. 



Pour Taine, l*esprit classique a imposé sa marque à tout le 
xvni* siècle; il a empêché les écrivains de concevoir sainement 
la réalité. Personne ne recherche et ne décrit les faits précis, 
typiques, qui révèlent à l'esprit le caractère véritable d'une insti- 
tution, la vie d'une société. On construit de beaux systèmes, 
mais qu'inspire seulement la logique : on se contente d'abstrac- 
tions vagues et vides. 

La théorie de Taine, si séduisante qu'elle soit, ne rend pas 
compte de tous les faits ; elle est trop systématique pour corres- 
pondre exactement à la réalité. — Diderot est là pour le prouver. 
Il n'est pas historien ; il n'a fait aucune étude approfondie des 
questions sociales ou politiques. Cependant, nous le voyons juger 
très sainement les événements contemporains et se rendre compte 
de leur portée véritable. Au moment où Maupeou supprime le 
Parlement, Diderot saisit admirablement les conséquences pro- 
bables de la réforme et comprend très bien la faute que commet 
le gouvernement. 

€ Le premier tort de la royauté, déclare-t-il, c'est d'avoir 
laissé une autorité politique au Parlement, d'avoir fait inter- 
yenir un grand corps de l'État dans les choses étrangères à son 
institution. » En effet, « cette concession faite par le souverain 
d'une partie de son autorité devient, avec le temps, la loi fonda- 
mentale de l'État, la plus essentielle. » Le peuple se croit libre. 
Attaquer cette concession, c'est déjà le premier pas du despo- 
tisme ; l'annuler, cela paraît en être le dernier ; cela incline à 
croire qu'on atteint à « l'époque la plus voisine de la chute d'un 
empire, surtout si cette innovation se fait sans effusion de sang, 
car alors il n'y a plus de nerfs, tout est relâché, tout est avili*. > 
Voilà une vue singulièrement juste : la suppression du Parle- 
ment a semblé à tous les contemporains un acte de despotisme ; 
elle a produit une agitation, qui n'a pas été sans influence sur 
l'avènement de la Révolution. 

Bien des gens, en effet, se faisaient illusion sur la valeur poli- 
tique des Parlements. Diderot voit très bien qu'ils songent moins 

1. Estai historique sur la police^ p. 303. 



58 HENRI S^E. 

au bien public qu'aux intérêts de leur corporation, qu'ils repré- 
sentent Tesprit de routine et qu'ils sont les ennemis de toute 
réforme : « Le Parlement, dit-il, était resté gothique dans ses 
usages, opposé à toute bonne réforme, trop esclave des formes, 
intolérant, bigot, superstitieux, jaloux du prêtre et ennemi du 
philosophe, partial, vendu aux grands,... embarrassant tout, 
brouillant tout, tracassier, petit, tirant à lui les affaires de poli- 
tique, de guerre, de finance, ne s'entendant à rien hors de sa 
sphère, et toujours pressé d'en sortir, voyant le désordre partout, 
excepté dans ses lois, dont il n'essaya jamais de débrouiller le 
chaos, vindicatif, orgueilleux, ingrate. . » Voilà un portrait par- 
faitement exact, ou peu s'en faut, et aujourd'hui même, après 
tant d'études sur le xviii® siècle, on ne saurait mieux dire. 

Non seulement Diderot juge sainement les faits contemporains, 
comme un homme qui perçoit la réalité ; mais encore il est très 
bien renseigné sur les mœurs et sur les institutions, non seule- 
ment de la France, mais des pays voisins. — Il possède des 
notions très précises sur l'état de l'enseignement en France, sur 
la faiblesse de l'enseignement secondaire et de l'enseignement 
supérieur : « Notre Faculté de droit est misérable, » déclare-t-il, 
on n'y enseigne ni le droit civU, ni le droit criminel, ni les cons- 
titutions des états, « rien de la liberté, rien de la propriété*. » 
Son Essai sur les Études en Russie montre aussi que Diderot 
connaissait d'une façon très exacte la nature de l'enseignement 
en Allemagne, à tous les degrés^. Il a vu aussi avec une éton- 
nante lucidité quelles seraient les réformes à réaliser dans l'ensei- 
gnement. Est-ce le fait d'un esprit qui ne se complaît que dans 
les abstractions? 

Diderot a encore dégagé, avec beaucoup de netteté et de pro- 
fondeur, les traits caractéristiques des monarchies militaires, 
dont la Prusse de Frédéric II lui fournissait un remarquable 
exemplaire : tout sacrifier à l'état militaire, même la subsistance 
de ses sujets ; être le premier soldat de son armée ; faire peu de 
cas des sciences, des arts, de la philosophie ; considérer que « la 
science de la guerre est la seule utile ; » tout subordonner à la 

1. Essai historique sur la police, p. 309 et saiv. 

2. Plan d'une Université (t. III, p. 436 et suiv.). — Cf. Liard, op. cit., t. I, 
p. 47 et suiY. 

3. Éd. Assezat, t. III, p. 415 et saiv. 



LIS ID^ES POUTIQITES DE DIDSIOT. 59 

discipline militaire : telles sont les maximes que prête Diderot au 
souverain d*an État militaire ^ — Il comprend fort bien que « la 
discipline militaire, la plus parfaite de toutes, est bonne partout 
et possible partout^. » Par conséquent, toute la force du despo- 
tisme, en tous pays, réside enTarmée; € les victoires en imposent 
autant au dedans qu'au dehors^. » Il conçoit aussi que la seule 
garantie de la liberté, sous toute espèce de gouyemement, ce 
serait la nation armée, l'armée composée de citoyens qui seraient 
autre chose que des soldats^. Voilà des vues justes, profondes, et 
qui reposent sur l'observation. 

Cette intelligence des faits contemporains et des institutions a 
parfois donné à Diderot comme l'intuition de l'avenir. Â ce point 
de vue, l'article Législateur de l'Encyclopédie mérite d'être 
signalé. Il est probable, déclare Diderot, que le patriotisme sera 
afiEaibli par les relations commerciales et intellectuelles, qui 
deviendront de plus en plus fi!*équentes entre les nations : en se 
comparant les uns aux autres, « les peuples trouveront si peu de 
raison de se préférer à d'autres que, s'ils conservent pour la 
patrie cet amour qui est le fruit de l'intérêt personnel, ils n'au- 
ront plus du moins cet enthousiasme qui est le fruit d'une estime 
exclusive. » On fera moins de conquêtes. — Cette prophétie se 
réalisera peut-être quelque jour. Mais voici une prédiction moins 
lointaine et plus frappante. La paix ne s'établira que difScilement, 
ajoute Diderot : « Ce qui embrasera encore l'Europe, c'est la dififé- 
rence des gouvernements.. . L'esprit des républiques est pacifique, 
maisl'amour delà liberté, une crainte superstitieuse de la perdre, 
porteront souvent les États républicains à faire la guerre pour 
abaisser ou pour réprimer les États monarchiques; cette situation 
de l'Europe entretiendra l'émulation des vertus fortes et guer- 
rières^. » N'est-ce pas comme une prévision des guerres que la 
France révolutionnaire soutiendra contre l'Europe monarcWque ? 

t. Voy. Principes de politique des souverains (t. II, p. 478 et smv.), n*' XCI, 
XCIX, CI, Cil. 

2. Jbid,, p. 481, n* CXXI. 

3. Jbid,, p. 500, n* CCXIV. 

4. IMd,, p. 473, n* LXVII : c Soas quelqae gooTernement que ce fût, le fteal 
moyen d'être libre serait d'être tous soldats ; il faudrait que dans chaque con- 
dition le citoyen eût deux habits, l'habit de son état et l'habit militaire. Aucun 
souverain n'établira cette éducation, i Cf. encore ibid,, n* LXVIII : c II n'y a de 
bonnes remontrances que celles qui se feraient la baïonnette au bout du fusil. » 

5. Art. Législateur de l'Encyclopédie (éd. Assezat, t. XV, p. 434 et suir.). 



60 HENBI siE. — LBS ID^ES POLITIQUES DE DIDEEOT. 

En somme, si Diderot n'a créé aucun système politicpie origi- 
nal, il nous présente comme la synthèse des idées de son temps : 
avec Voltaire, il demande que la société civile et politique s'af- 
franchisse du pouvoir ecclésiastique; comme Rousseau, il discute 
le fondement de l'autorité, mais sa conception delà pratique gou- 
vernementale paraît le rapprocher de Montesquieu. Par éduca- 
tion et par instinct, il est démocrate : il ne combat pas le prin- 
cipe de la propriété, mais il désire la diminution de l'inégalité. 
— Plus qu'aucun de ses contemporains, il a eu une confiance 
illimitée dans la raison, dans la puissance de l'esprit humain. 
Aussi ses théories sont-elles parfois hardies ; mais son exemple 
montre, une fois de plus, combien les Philosophes étaient pru- 
dents, dès qu'ils songeaient aux applications pratiques de leurs 
idées. Comme eux, Diderot n'hésiterait pas à accroître les attri- 
butions de l'État, mais d'un Etat régénéré, vraiment national et 
démocratique, qui ferait triompher les principes de la raison et 
les droits de l'humanité. 

Enfin, nous avons vu que Diderot n'est pas seulement un 
homme d'imagination, enthousiaste de la logique : c'est aussi un 
observateur qui sait juger, de façon précise, les faits et les insti- 
tutions. Les penseurs du xvm" siècle n'ont pas été, comme on 
l'a trop souvent répété, de simples créateurs d'abstractions. 

Henri Séb. 



MÉLAN&ES ET DOCUMENTS 



LA BATAILLE DE HASTINGS. 



La controverse qui s'est engagée autour de la bataille de Hastings 
a pour origine ce fait que le récit qu'en a donné feu M. Freeman, 
professeur d'histoire à Oxford, reconnu comme le chef-d'œuvre de son 
volumineux ouvrage sur la Conquête de T Angleterre par les Normands, 
est devenu l'objet de vigoureuses critiques et de non moins ardentes 
apologies. Le sujet d'érudition pure s'est ainsi étrangement compliqué 
par la question de savoir jusqu'à quel point on pouvait admettre 
Tautorité de M. Freeman. De là aussi l'âpreté de la discussion, âpreté 
dont s'étonnent les gens à qui la question de fait seule importe et aux 
yeux de qui le sujet ne valait pas la peine qu'on y mit tant de pas- 
sion. Aucun historien anglais n'en pouvant parler sans un soupçon 
de partialité, il est heureux qu'un érudit allemand, le D' Spatz, ait 
abordé le sujet en pleine indépendance, assisté de M. Delbruck, pro- 
fesseur à rUniversité de Berlin ^ Qu'on accepte ses conclusions ou 
qu'on les rejette^ au moins on n'accusera pas l'auteur d^avoir un 
parti pris. 

La méthode suivie par les érudits continentaux, beaucoup plus 
systématique qu'en Angleterre, où tout est livré au hasard et à l'in- 
dividualisme, a porté d^excellents fruits dans cette étude; les argu- 
ments y sont présentés en bon ordre et le sujet étudié sous toutes ses 
faces. D'autre part, il est à craindre qu'on n'en arrive à une sorte de 
rigidité mécanique, quand on voit l'auteur classer ses sources en trois 
groupes, uniquement d'après leur ordre chronologique. Par exemple, 
il range la chronique de Tabbaye de la Bataille dans le second groupe, 
avec les chroniques rédigées vers le même moment, sans réfléchir que 
le souvenir de la bataille a dû se maintenir très vivant pendant de 
nombreuses années au lieu même où la bataille avait été livrée. 

1. IHe SehladU van BasUngs. Berlin, Bbering, 1896, 69 p. in-8*. 



62 MELANGES ET DOCUMENTS. 

Néanmoins, la manière dont il a étudié les sources est, non seule- 
ment méthodique, mais loyale et logique d*un bout à l'autre. M. Free- 
man insistait sur la nécessité de déterminer tout d^abord la valeur 
relative des sources ; mais, de fait, dans le récit actuel de la bataille, il 
a utilisé les écrivains postérieurs, comme s'ils pouvaient presque, ou 
même tout aussi bien servir à son propos. En fait, comme Pa mon- 
tré M. Spatz, il a choisi arbitrairement ses textes, selon qu'ils con- 
venaient le mieux à son dessein ^ En théorie cependant, il est d^ac- 
cord avec M. Spatz pour placer au premier rang Guillaume de Poitiers, 
les poèmes de Gui, évêque d'Amiens, et de Baudri, abbé de Bourgueii^ 
et la Tapisserie de Bayeux^, excepté pour ce qui concerne Baudri, 
que, selon toute apparence, il n^a pas connu ^. Le seul point essentiel 
où rérudit allemand se sépare de Freeman, c'est en ce qui concerne 
le Roman de Bon. Dans mon étude sur Wacc*, j^ai discuté la valeur 
et les sources du Roman pour ce quMl dit sur la bataille de Hastings; 
M. Spatz, qui le relègue dans le dernier groupe de ses sources et au 
degré le plus inférieur, explique pourquoi l'autorité de Wace lui 
parait, comme à moi, contestable ; il déclare même que les détails 
qu'il donne sont sans valeur historique^, et il reproche à M. Freeman 
d'accorder beaucoup trop de poids à son témoignage. Distinguons ! 
Freeman, il est vrai, place le Roman à la tête de ses « sources sub- 
sidiaires^, » mais ailleurs il dit simplement que Wace « reproduit 
des traditions incertaines près d'un siècle après les derniers événe- 
ments qu'il raconte. » Il n'avait pas fermé les yeux sur les anachro- 
nismes et les erreurs qui sont si manifestes dans le Roman de Rou^ 
mais il ne sut pas sans doute échapper à l'influence des historiens 
pré-scientiflques qui avaient cité Wace comme leur principale source, 
parce qu'elle était la plus abondante. Malgré ses principes de critique, 
il ne put résister à la tentation d'utiliser librement un auteur dont 
les détails, s'ils ne sont pas exacts, sont du moins pittoresques et 
nombreux. 

Me faisant scrupule de revenir ici sur des faits connus de tout le 
monde, je me bornerai à discuter les points nouveaux qui ont été 



1. Spatz, p. 57. Comp. Feudal England, p. 376-379. 

2. Ce sont aussi ces qaatre sources que j*ai qualifiées de « leading authori- 
lies 1 {Quarierly Review, juillet 1893, p. 77). 

3. Selon Freeman, et le premier rang appartient à la Tapisserie et à Guillanme 
de Poitiers i (t. 111, p. 378) ; son récit est Uré surtout c de la Tapisserie, de 
Guillaume de Poitiers et de Gui i {Ibid., p. 757). 

4. Master Wace, dans Feudal England, p. 399-418. 

5. c Uistorisch wertios, i p. 18-20. 

6. Norman Conquest, t. 111, p. 378, 757. 



LA BATAILLE DE HASTÎNGS. 63 

soulevés en ce qui concerne la bataille. Je commencerai donc par 
étudier la stratégie qu'on a déployée pendant la campagne, sans 
toucher à la tactique suivie dans la bataille même, le seul objet dont 
je me sois occupé jusqu'ici. 

M. Spatz tourne en ridicule cette opinion de Freeman que Harold 
« songea, dès le début, à occuper la colline de Senlac. » Il a raison, 
assurément, de critiquer Tenthousiasme puéril avec lequel Freeman 
célèbre le génie et la perspicacité de son héros *, mais il ne rend pas 
assez justice, je pense, à la force de la position anglaise^ bien qu'il 
ait, parait-il, visité personnellement les lieux. Il estime que c^est 
uniquement par hasard que la bataille fut livrée là où elle eut lieu, 
les Anglais débouchant de la forêt vers le nord du champ de bataille, 
au même temps à peu près où Guillaume et son armée, venant de 
Hastings, atteignaient les hauteurs de Telham, de Tautre côté de la 
vallée. Je voudrais, pour mon compte, insister plutôt sur les condi- 
tions générales du problème. Évidemment, Guillaume ne pouvait 
songer à pénétrer au cœur d'un pays ennemi, en rendant à chaque 
pas plus longue et plus dangereuse sa ligne de communication. Il 
resta donc à Hastings (où des moines de Fécamp avaient des biens 
même avant la conquête), et il y fortifla sa base maritime. L'initia- 
tive appartenait donc à Harold ; son intérêt lui commandait non moins 
évidemment de forcer Guillaume à quitter sa base, ou, sUl s*en rap- 
prochait, d'attendre, avant de l'attaquer, qu^il eût réuni des forces 
supérieures en nombre à celles de l'envahisseur. De ces deux plans, 
Harold n'en adopta aucun. Il se hâta, il se précipita pour atteindre 
Guillaume, et cela, disent les sources anglaises, avec des forces très 
inégales. Freeman justifle cette précipitation en alléguant les ravages 
systématiques opérés par les troupes normandes. Ces ravages, 
dit-il, avaient pour but de forcer Harold à combattre, et c'était pour 
c en garantir son peuple » qu'Harold a risqua sa vie et son 
royaume ^ > Or, sans revenir sur le &it que, comme je l'ai démon- 
tré, Freeman avait mal lu son Domesday et imaginé que ces 
ravages avaient duré beaucoup plus qu'ils ne firent en réalité^, il est 
clair que Harold, comme roi, n^avait pas à « risquer » son royaume 
et la cause nationale afin de mettre quelques paysans à l'abri des 
ravages de l'ennemi. Freeman se livre à la déclamation pure quand 
il écrit : c Un profond sentiment du devoir lui commandait d'aller 
de l'avant et de mettre fin aussitôt que possible aux ravages impi- 



i. Norman Conquest, t III, p. 414. 

2. Comparer Norman ConqueU, t. III, p. 413-414, 435, 741, et Feudal 
England, p. 150-152. 



64 MÉLANGES ET DOCUMENTS. 

toyables qui désolaient son royaume et réduisait son peuple à la 
misère. » Harold se hâta donc d'arriver en Sussex par ce qu'on doit 
appeler, si les calculs de Freeman sont justes, une marche forcée. H 
fait quitter Londres à Harold le jeudi i2 octobre et n'hésite pas à 
affirmer que Harold « atteignit Senlac la veille de la bataille, c'est-à- 
dire le vendredi iS octobre ^ » S'il en est ainsi, les Anglais durent 
combattre le matin du 44, après avoir parcouru une vingtaine de lieues 
pendant les deux jours précédents. Il ne s'agissait pas de devancer les 
Normands pour s'emparer de la position; M. Freeman admet qu'ils 
n'avaient aucun désir de Toccuper. Pourquoi donc cette marche for- 
cée? Guillaume de Poitiers et Guillaume de Jumièges sont d^accord 
pour affirmer que Harold espérait surprendre Guillaume*. Freeman 
écarte leur témoignage parce qu'il contredisait sa propre opinion que 
Harold, dès le début, voulait forcer Guillaume à Pattaquer sur la 
colline de la Bataille; mais il est remarquable qu'un chroniqueur 
sympathique à Harold, celui de Waltham, affirme également que le 
roi voulait attaquer les Normands « impremunitos ^. » Il l'accuse 
encore de précipitation et d'une confiance exagérée en soi^, accusation 
que d'après Freeman lui-même^ le caractère du roi ne rend pas 
invraisemblable. Si l'on se rappelle, comme l'a dit Freeman, que « sa 
marche en Northumberland eut pour but de surprendre l'envahis- 
seur^ » et qu'elle fut brillamment exécutée, il ne parait pas du moins 
impossible de croire que Harold espérait répéter à Hastings son heu- 
reux coup de Stamfordbridge. 

La théorie de Freeman est très simple; elle est vigoureusement 
présentée, avec une confiance caractéristique : 

Le plan réel de Harold était d'occuper un poste où les Normands 
devraient l'attaquer avec un grand désavantage et où il pourrait se 
défendre avec un grand avantage. C'est aussi ce qu'il fit, et ce fut 
Tœuvre d'un véritable homme de guerre de l'avoir réalisé... Il n'est pas 
douteux que la marche tout entière n'ait été exécutée pour cet objet spé- 
cial. Du moment où Harold fixa un jour pour la bataille, il en fixa cer- 
tainement aussi le lieu. Il connaissait sans doute bien Sussex, et dès le 
commencement il avait choisi dans son esprit le lieu où il livrerait 

1. Op. c«., p. 745. 

2. c Accelerabat... rex furibandus...; noctumo etiam incursu ant repentino 
minus cautos opprimere cogitabat. i — « Ducem incautum accelerans preocco- 
pare, iota nocte equitans, in campo belli apparaît mane » {Op, cit., p. 441). 

3. Ibid., p. 435. 

4. c Nimis preceps et de virtute sua presumens. i 

5. Ibid,, U, 47. 

6. Ibid., 111, 442. 



LA BATAILLE DE HASTUfGS. 65 

bataille. Sa marche eut pour but précis le lieu môme où la bataille 
devait être donnée ^ 

M. Spalz tourne cette théorie en ridicule', mais il ne touche pas le 
point essentiel. Ce que prétend Freeman, c*est que Harold força Guil- 
laume à combattre au lieu choisi par lui-même et « qu'aucun autre 
lieu ne pouvait être plus favorable à la défense anglaise, plus défa- 
vorable à l'attaque normande. » Mais comment et pourquoi les Nor- 
mands furent-ils c obligés » d'attaquer cette position? Écoutons 
encore Freeman : 

Il (Harold) suivit la ligne de la grande route de Londres à la côte 
méridionale. Il s'arrêta en un endroit qui commandait cette route 
et qui commandait aussi la grande route à Test de la position en ce 
moment occupée par Guillaume... C'était un poste près duquel Guil- 
laume ne pouvait passer sans Tattaquer (p. 443-444)... Les envahisseurs 
ne pouvaient demeurer inactifs ; ils ne pouvaient non plus passer près 
des positions anglaises sans attaquer (p. 448). 

A tout cela, il suffit de répliquer que les Normands n'étaient nulle- 
ment forcés de passer près de la position occupée par Harold. Même 
après son triomphe, le Conquérant ne tenta pas de marcher vers 
Londres à travers l'épaisse « Andredesweald, » mais longea la côte 
jusqu'à Douvres, où il atteignit la grande voie historique qui mène à 
Londres. A fortiori^ n'aurait-il pas fait la folie de s'ouvrir la route 
de Londres^ à travers trente milles de forêt, avant d'avoir réglé 
son compte avec l'armée anglaise. En outre, la position occupée par 
Harold ne pouvait l'empêcher de marcher vers Test. C'est seulement 
au sens moderne du mot que la colline pouvait « commander » une 
roule éloignée de Harold d'environ deux milles. Il ne pouvait atta- 
quer Guillaume en marche qu'à condition de quitter sa position, ce 
que précisément, ex hypothesi^ il ne pouvait faire. 

Il nous reste à découvrir pourquoi Guillaume fut, comme on le 
prétend, « contraint » de livrer bataille sur la position même choisie 
par Harold^. Le Conquérant était resté à Hastings pendant une quin- 
zaine et n'était évidemment pas pressé par le temps. Harold, d'autre 
part, avec une forêt derrière lui et devant lui un pays épuisé, ne 
pouvait tenir longtemps. Freeman admet que « ce n'était pas un 
endroit où un grand rassemblement d'hommes pût rester long- 

1. P. 441-443. 
a. p. 41-43. 

3. L'eiiftteoce même d'une grande ronte à travers la forêt est pins que don- 
tease. Elle est inconnae des arcbéologaea locaux. 

4. Op. cit., p. 444. 

RbV. HiSTOR. LXV. i«r FA8G. 5 



66 MJUXGES ET DOCUllEIfTS. 

temps*. » Guillaume aurait donc pu attendre à Hastings que Harold 
marchât de l'avant en abandonnant la colline ou ramenât ses troupes 
en arrière. J'en conclus que l'initiative appartenait à Guillaume et 
que, s'il attaqua, c'est qu'il le voulut bien et non parce qu'il y fut 
« contraint. » 

L'arrivée de Harold avec son armée sur le champ de bataille, la 
veille au soir du combat, est une pure supposition de Freeoian ; elle 
ne repose sur aucune autorité. Wace, a sans valeur » comme d'ordi- 
naire, les fait, en un endroit, arriver le V2 et, dans un autre, le 
matin du 44. Les meilleures sources, comme le remarque M. Spatz, 
favorisent cette dernière conclusion. Seul, Freeman place l'arrivée 
le 43, bien qu'il reconnaisse lui-même que « la bataille suivit presque 
aussitôt l'arrivée de Harold à Senlac^. » A vrai dire, il avait besoin 
de trouver « le temps nécessaire pour les deux manières différentes 
de passer la nuit, » pour « les derniers messages échangés entre 
Guillaume et Harold » et pour les prétendues fortifications élevées 
par Harold sur la colline. Mais, si tous ces épisodes sont légendaires, 
ou du moins hypothétiques, il n'y a pas lieu d'en trouver « le temps. » 
Il faut, selon moi, prêter attention à un mot qui a été omis par l'his- 
torien anglais et dont l'importance n'a pas été, je pense, aperçue par 
M. Spatz lui-même. Freeman suppose que Guillaume savait que 
Harold avait occupé la colline, qu'il avait même communiqué avec 
lui dans cette position, qu'il marcha pour l'y attaquer le matin du 
H et qu'arrivé à la colline de Telham « il vît les Anglais campés 
en face, sur la hauteur de Senlac » (p. 456). Ce qui suit doit être, 
pour plus d'exactitude, rapporté dans les termes mêmes de Fauteur : 

Alors le duc, tout armé, se mit à examiner le camp anglais. A ce 
moment, Vital, un serviteur de son frère l'évêque, un de ceux dont le 
nom est inscrit dans le Domesday, s'avança à cheval vers son souverain. 
Il était de ceux qu'on avait envoyés en avant pour épier Tarmée anglaise. 
Guillaume lui demanda ce qull avait vu et où Ton devait trouver l'usur- 
pateur anglais. Vital lui conta que Harold était au milieu des rangs 
épais qui couronnaient le sommet de la colline, car là, croyait-il, il 
avait vu Tétendard royal (p. 438). 

Voilà un bel exemple de l'habileté avec laquelle Freeman jonglait, 
c'est le mot propre, avec ses autorités. Si l'on remonte à sa source, 
on ne trouve rien sur Vital que ces mots de la Tapisserie : « Willelm 
dux interrogat Vital si vidisset exercitum Haroldi^. » Peut-K)n eu 

1. P. 448. 

2. p. 448. 

3. T. III, p. 763. 



LA BATAILLE DE HA8TI5G8. 67 

conclure autre chose, sinon que Guillaume ignorait où se trouvait 
l'armée de Harold ? 

Maintenant les deux armées sont en présence ; nous arrivons à la 
bataille que M. Spatz est d'accord avec moi pour appeler bataille de 
Hastings *. Je ne voudrais pas servir de nouveau une crambe repetita^ 
ayant déjà exposé mes idées sur la bataille dans mon livre intitulé 
Feudal England^, En somme, Térudit allemand est d'accord avec 
moi sur les points bien connus où je diffère de Freeman; mais il 
va plus loin, en rejetant plusieurs parties du récit de Freeman que 
j'accepte ou que je ne conteste point. 

Voyons d'abord les points sur lesquels nous sommes d'accord. La 
prétendue « palissade » ou « barricade » construite sur le front de 
l'armée anglaise, qui occupe une si large place dans le récit de Free- 
mann, est étroitement liée avec la disposition qu'il donne aux troupes 
et avec tout son récit de la bataille. Car, tant que ces « remparts de 
bois, » ces « solides barricades » n'étaient pas renversés, les cheva- 
liers normands, écrit-il, « ne servaient absolument à rien \ » c'eût 
été « pure folie » pour eux d^attaquer^. En outre, ce fut seulement 
cette palissade qui permit à Freeman de disposer les Anglais de sorte 
que les ailes, à droite et à gauche, fussent composées de paysans; si 
Ton supprime cette palissade, tout le récit croule*. Je ne répéterai 
pas mes arguments'; mais je voudrais montrer aux lecteurs de la 
ReviAe historique l'exacte vérité au sujet du passage de Wace com- 
mençant par les mots : « Fet ore devant els wcus » (vers 78>l 5-7826), 
sur lesquels seuls s'appuient mes contradicteurs. Il y a de bonnes 
raisons pour rejeter absolument, comme le fait M. Spatz, le témoi- 
gnage de Wace, même si le sens de ces vers était tout à fait clair. 
Mais il s'en faut bien qu'il le soit; car, dans sa seconde édition, 
qu'il « prépara, » dit-il, lui-même, « avec un soin minutieux et où 
il corrigea ou améliora tout ce qui lui paraissait demander correction 
ou amélioration, » Freeman déclare, dans le seul passage où il a 
cité ces vers, quUls donnaient une excellente description « de la 

1. p. 16 : c Wir jedoch schliessen uns Roand's Ausfiihrungeii in der Qwxr^ 
terly Beview^ t. GLXXV, 1892, an und behalten den ersteren Namen bei, 
baapttôchlich da die Schlacht nnn einmal unler ibm allgemein bekannt gewor- 
den ist... t 

2. Feudal England^ p. 332-398. M. Spatz ne parait pas avoir connu celte 
étude. Voir aussi English histor. Review, t. IX, p. 209-259, et National Review, 
janvier 1897, p. 687-695. 

3. Norman Conquest, t. ni, p. 467-468. 

4. Spatz, p. 44, nie absolument l'existence de la palissade. 

5. Feudal England, p. 340-352. 



68 



irfLANGES ET DOCUMENTS. 



formation du mur de boucliers ^ , » tandis qu'il les avait compris 
d^abord au contraire comme désignant une [palissade. L'interpréta- 
tion qu'en ont donnée MM. Paul Meyer et Gaston Paris' ne peut pré- 
valoir contre les termes mêmes dont Preeman s'est servi '. 

Gomme MM. Meyer et Paris ont donné leur opinion (qu'on a invo- 
quée avec tant de complaisance) sans avoir connu mes arguments^, 
je voudrais que ces éminents érudits pussent s'expliquer après 
avoir pris connaissance de mes raisons ; j'ai surtout prétendu que 
« l'obscurité » que, selon M. Paul Meyer, présente le passage de 
Wace, a pour origine une erreur de Wace interprétant à tort, eomme 
il l'a fait encore ailleurs, un passage de Guillaume de Malmesbury 
où est indiquée l'ancienne disposition anglaise du « mur de bou- 
cliers. » Voici les deux passages en regard l'un de l'autre : 



Pedites omnes cum bipennibus 
conserta ante sescuiorum testudine 
impenetrabilem cuneum faciunt; 
quod profecto illis ea die saiuti 
fuisset, nisi Normanni, simulata 
fuga more suo, confertos manipu- 
los taxassent. 

(8 241.) 



Geldons Engleis bâches portoent 
£ gisarmes qui bien trenchoent. 
Fait orent devant eis escuz 
De fenestres e d'aitres fuz, 
Devant els les orent levez 
Gomme cleies joinz e serrez ; 
Fait en orent devant closture, 
N'i laissierent nuie jointure 
Par onc Normant entr*els venist 
Qui descontire les volsist. 
D*escuz e d'eis s'avironoent, 
Issi dépendre se quidoent; 
Et sll se fussent bien tenu, 
la ne fussent lejor vencu. 

(Vers 7813-7826.) 

J'ai donné dans Feudal England (p. 409-446) plusieurs exemples 
semblables de la manière dont Wace arrange le texte de Guillaume, 
et ma théorie, si on l'accepte, expliquera l'origine de ce passage même 



1. « Array of Ihe shield-wall, i Norman Conquestj t. III, p. 763-764. C'est 
toujours à la seconde édilioa que je renvoie. 

2. English hisiorical Review, t. IX, p. 260. J'ai démontré {Ibid., p. 231-232 
et 237) que M. Freeraan et son principal apologiste, M. Archer, ont, à eux deux, 
donné quatre traductions différentes de ce passage, toutes différentes de ma 
propre opinion. 

3. Cette contradiction que je relève chez Freeman ne surprendra pas ceux 
qui savent combien, chez lui, la précipitaUon nuisait à la logique. Il s'est con- 
tredit au sujet de la disposition des troupes légères {Feudal England, p. 364) 
et de rétendue du « mur de boucliers » {Ibid., p. 365), comme, de l'aveu même 
de ses apologistes, il s'est contredit sur la situation respective de Tétendard et 
de la palissade (EnglUh hislor, Review, t. IX, p. 61, 64-65, 251-254). 

4. English hUior. Review, t. IX, p. 260. 



LÀ BATAILLE DE HASTINGS. 69 

pour ceux qui, comme H. Spatz et moi, n'attachent aucune autorité 
aux détails fournis par Wace. 

En dehors de cette question de la palissade, H. Spatz, pour les 
mêmes raisons que moi-même, rejette Topinion de Freeman que le 
centre de l'armée anglaise était composé de troupes pesamment 
armées (thegns et hotise^carls) et les deux ailes de paysans grossiers 
sans armure défensive^; cette opinion ne s^appuie sur aucun texte 
et suppose, comme je Tai indiqué, une tactique si absurde, que le 
« général consommé » de Freeman aurait condamné son armée à la 
défaite^. 

Je puis passer rapidement sur la première phase de la bataille 
parce que, si la « palissade » est rejetée, comme elle Test par M. Spatz 
et par moi, il ne peut plus être question de montrer, avec Freeman, 
a rinfanterie française à Tassant de la colline, cherchant à rompre 
la palissade » (III, 477) pour « ouvrir le chemin aux charges de la 
cavalerie » (III, 467). 11 sufQra de remarquer que Freeman n^a pu 
imaginer cette première phase sans altérer le sens de ses autorités^. 

C'est quand nous arrivons à la seconde phase de ce grand conflit^ 
que commencent les réelles difQcultés. Tenant que la palissade et le 
« mur de boucliers » élevé en arrière d'elle étaient encore aux mains 
des Anglais, Freeman a consacré environ 70 pages à cette seconde 
attaque, dirigée par le duc en personne. H. Spatz consacre à peu près 
autant de lignes à réfuter ce récit, dont il ne laisse rien subsister 
(p. 67-68). Beaucoup de ses critiques peuvent être acceptées sans 
réserve. Quand Freeman résume le résultat de la « seconde attaque » 
comme un triomphe remporté « seulement sur des poutres de bois n 
et à la suite duquel « la barricade fut maintenant en partie renversée » 
(m, 486-487) , H. Spatz montre aisément, commeje Tai fait moi-même, 
que le passage allégué par Freeman ne fait nulle mention d'une barri- 
cade'. D'autre part, les deux épisodes caractérisés par Thistorlen anglais 
comme étant l'un « la résistance des Anglais sur la colline détachée, » 
Tautre « le grand massacre des Français dans le ravin de Touest, » 
que rejette M. Spatz, ont été Tobjet d'une critique plus approfondie 
dans ma section intitulée « The fosse disaster » que dans Touvrage 

1. Spatz, p. 44. 

2. Feudal Englandy p. 359 et 8. Il faut se rappeler que le seul point absolu- 
ment certain est que l'étendard de Haroid était planté au centre, au sommet 
de la colline où fut élevé plus tard le maitre-autel de Tabbaye de la Bataille. 

3. Feudal England, p. 373. 

4. Freeman l'appelle c a new act in the awful drama of tbat day » (p. 483) ; 
M. Spatz t die zweite Episode aus dem Kampfe i (p. 67). 

5. P. 54. 



70 MIÎUNGES ET DOCUMENTS. 

allemande J'y ai montré avec quelle dextérité Freemaa adaptait les 
textes à ses théories^. Enfin, quand on arrive aux détails de la grande 
manœuvre par laquelle, selon Freeman, fut décidée la fortune de 
la journée, H. Spatz n'a pas de peine à montrer que rhislorien anglais 
a confondu d'une façon inextricable les renseignements fournis 
par les sources avec ses conjectures personnelles. Il reprend le récit 
de Freeman (p. 488) et répète, sans avoir connu mes critiques, « qu'il 
a construit une légende que rien ne justifie^. » Le passage qui nous 
montre les Normands emportant enfin, à la droite de Harold, la col- 
line abandonnée par son aile droite, qui poursuivait les Bretons à 
Faile gauche française, a ne se trouve nulle part dans les sources, » 
comme je Pai déjà soutenu moi-même. De plus, comme il le fait jus- 
tement remarquer, il serait peu vraisemblable que le duc eût confié 
la manœuvre délicate d'une fuite simulée à une aile qui aurait déjà 
été, ex hypothesi, démoralisée par une déroute réelle (p. 64). 

En résumé, partout où je diffère d'opinion avec Tauteur delà ATor- 
man Conquest sur le récit de la bataille, M. Spatz est d'accord avec 
moi. Si nous avons raison, toutes les histoires qui se sont appuyées 
sur ce récit devront être refaites. Cependant^ dans son œuvre de cri- 
tique négative, il va beaucoup plus loin que moi. Ceci vient presque 
entièrement de l'idée quUl énonce dans son paragraphe sur la « tac- 
tique des deux armées » et qui forme, en réalité, sa seule contribu- 
tion nouvelle à la controverse. H prétend que les deux armées étaient 
composées d'hommes habitués aux combats singuliers et incapables 
d'agir ensemble ; qu'elles n^étaient rien de plus que des foules armées. 
Il refuse, par conséquent, d'admettre que les troupes anglaises fussent 
capables de dresser un « mur de boucliers » ou de toute autre 
formation et il n'admet pas que les chevaliers normands aient pu exé« 
cuter cette grande fuite simulée, qui est peut-être l'épisode le plus 
connu dans l'histoire de la bataille. C'est un exemple extrême de cette 
tendance à bâtir des théories en dehors des faits, à laquelle l'esprit 
allemand est souvent trop enclin. Plus pratique, un Anglais, au 
lieu de disserter sur des a corps tactiques, » se demandera simple- 
ment ce que les forces anglaises et normandes étaient actuellement 
appelées à faire. 

Prenons d'abord le « mur de boucliers, » sur lequel je suis absolu- 

1. Feudal England, p. 374-380. 

2. J'ai toujours eu l'impressiou que l'idée que Freeman s'est faite de la bataille 
a été largement influencée par l'importance qu'il attribuait à la c petite colline 
détachée » (ill, 770), colline que M. Spatz dit n'avoir jamais pu découvrir (p. 40, 58). 

3. Feudal England, p. 380, 387. Cf. Spatz : < Fiir dièse Worte lasst sich 
kein Beleg in den Quellen finden > (p. 57). 



U BATAILLE DE HASTINGS. 71 

ment d'accord avec Freeman^ et laissons la barricade imaginée par 
Freeman en avant de ce « mur, > dont M. Spatz et moi nous nions 
Texistence. Ce « mur de boucliers, > M. Spatz le rejette également, 
en vertu de son idée fixe qu'aucune des deux armées n'était capable 
d'une formation tactique quelconque (p. 45). Selon moi, tout ce qu'on 
demandait aux Anglais, c^était de se tenir comme une masse pré- 
sentant « un front continu et inébranlable à l'attaque normande'. » 
Il n'était pas nécessaire, pour cela, d'habileté <c tactique^. » Comme 
dans les batailles qui ont précédé ou suivi celle de Hastings^ la ligne ou 
les lignes de front devaient être naturellement composées des troupes 
les mieux armées, des « house-carls » mercenaires, « placés en ordre 
compact et formant un mur avec leurs boucliers'*. » On sait que cette 
formation nationale c rendait difficile de reformer la ligne quand elle 
était brisée', » et c'est justement pour cela que Pobjet des Normands 
fut de la désorganiser et de la briser. Jusque-là, il ne pouvait naître 
aucune nécessité de mouvements tactiques. Quant à la formation du 
« mur de boucliers, » elle devait s'opérer toute seule, par le fait 
que les « house-carls » se tenaient en ligne épaule contre épaule, et 
Ton ne peut échapper au témoignage de la Tapisserie de Bayeux, qui 
les montre se formant ainsi dès le début de la bataille, avant que la 
ligne fût brisée^. Les chroniqueurs insistent sur cette formation com- 
pacte des troupes anglaises 7. 
Qu'on me permette de me citer moi-même : 

Aucun trait de la grande bataille n'est plus complètement au-dessus de 
toute discussion. C'est l'épaisseur des lignes anglaises qui frappa le plus 
fortement leurs ennemis. Comme iEthelred les décrit à la bataille de 

1. Feudal England, p. 354 et saiy. 

2. Hont, Norman Britain, p. 79, et Feudal England, p. 355. 

3. M. Spatz, pour cela, fait remarquer que, < d'après Freeman, le mur de 
boucliers permet évidemment d'opérer un changement de front i (p. 45). Mais, 
pour ma part, je ne partage pas cette opinion du feu professeur. 

4. Hunt, ut supra. 

5. Ibid. 

6. La théorie à laquelle M. Spatz est réduit, que les c house-carls > n'étaient 
pas, comme on le croit en Angleterre, un corps de troupes de la garde, mais 
ressemblaient plutôt au c corps d'officiers i prussien, est absolument contredite 
par le témoignage de la Tapisserie et par tout ce que nous savons de ces mer- 
cenaires. 

7. « Maxime conferti...; densius conglobati...; nimia densitas i (Guillaume 
de Poitiers); c spissum nemns Angligenarum..., densissima turba » (Gui 
d'Amiens); c consertos... cuneum densatur in unum > (Baudri de Bourgueil); 
« spissum agmen » {Brevis rdatio); c in una acie strictissime i (Henri de 
Hnntingdon ) ; c impenetrabilem cuneum faciunt > (Guillaume de Malmes- 
bury), elc. 



72 MELANGES ET DOGUMElIfTS. 

rËtendard (1138) : « Scutis scuta junguntur, latera lateribus conjnn- 
guntur^ » Ils s'entassèrent si étroitement les uns contre les autres que 
les blessés ne purent bouger ni môme les cadavres tomber. 

M. Spatz admet que les Anglais se tenaient en « masses profondes » 
et parle des « masses des combattants anglais » (p. 54) ' ; mais il nie 
que les « house-carls, j> avec leurs boucliers et leur armure défen- 
sive, formassent la ligne de front, comme nous le prétendons, 
M. Oman et moi, avec les paysans derrière eux, pour la raison que 
ces derniers n'auraient servi à rien (p. 46). Mais, si Ton adopte une 
formation en masse, il faut quMl y ail eu des rangs d'arrière-garde 
et, si ces derniers n'étaient pas composés des paysans, il fout bien 
qu'ils l'aient été des « house-carls » pesamment armés, les meilleures 
troupes étant ainsi placées en un lieu où ex hypothesi elles ne pou- 
vaient rendre aucun service I Le même fait, incontestable, de la for- 
mation en masse justiOe l'opinion de Freeman et de M. Oman ^ que 
les Anglais, armés de la hache'*, combattirent a rangés en une masse 
compacte. » M. Spatz eût mieux fait de se contenter de combattre, 
comme il le fait, la théorie que le général Kœhler a présentée de la 
formation anglaise. Que les théoriciens se dévorent l'un l'autre, mais 
ne sacrifions pas les renseignements fournis par les textes et par 
Tanalogie, uniquement parce quMls dérangent nos idées préconçues. 

Aucun observateur impartial ne niera que la Tapisserie de Bayeux 
ne peigne très exactement la formation du « mur de boucliers, » 
ligne de combattants se protégeant l'un l'autre par leurs boucliers. 
Il est remarquable que M. Spatz, ayant rejeté cette formation, est 
hors d^élat de suggérer aucune formation intelligible des Anglais au 
lieu de celle-là (p. 44). Ses arguments ne sont pas moins tirés par les 
cheveux quand ils s'appliquent aux chevaliers normands : qu'ils 
eussent Thabitude de combattre, que ce fût leur véritable vocation, 
il ne peut le nier ; mais il refuse d'admettre qu'ils pussent se battre 
autrement qu'en combats singuliers. 11 hasarde même cette étrange 
assertion que la féodalité, par sa tendance à la désintégration, con- 
duisait à cette condition anarchique. Eh bien, sans rappeler ce fait 
que le système féodal était essentiellement un organisme qui liait 
entre eux le seigneur et ses hommes, j'ai montré dans mes recherches 
qu'il fut organisé en Angleterre et qu'il l'avait été de même aussi, à 
ce qu'il semble, en Normandie, sur le principe de l'unité de l'armée 

1. 11 dit encore : c la unum cuneam sapienlissime conglomerantur. i 

2. Les sources disent clairement que les Anglais formaient une seule masse. 

3. Art of war in ihe Middle âges, p. 24 ; Feudal England, p. 356-357. 

4. La Tapisserie de Bayeux montre bien comment un de ces guerriers pou- 
yait manier sa longue hache derrière le bouclier d'un autre. 



LA BATAILLE DE HASTIffGS. 73 

féodale en action, la « constabularia » de dix chevaliers ^ Cette unité 
avait à sa tète un ofQcier ou connétable; un nombre variable d'unités 
de ce genre suivaient la bannière de chaque grand chef. Tout ce que 
les chevaliers étaient, par conséquent, appelés à faire était de suivre 
rélendard de leur chef, distingué par certains signes tels qu^on en 
voit sur la Tapisserie de Bayeux. L'armée de Guillaume avait été 
sous les armes, rappelons-le-nous, depuis environ trois mois, temps 
largement suffisant pour l'organisation de troupes qui étaient déjà 
plus ou moins composées de guerriers de profession. Elle ne se décom- 
posait pas seulement en sections minuscules ; M. Spatz admet que, le 
jour de la bataille, Tarmée était rangée en trois corps, selon les 
régions d'où venaient les combattants. 

Ainsi, tout comme il ne pouvait y avoir, dans la pratique, aucune 
difficulté pour les Anglais de former le « mur de boucliers, » il 
était très simple pour le comte Eustache de Boulogne de conduire ses 
chevaliers dans une direction particulière^ si le duc lui en donnait 
Tordre. Selon le témoignage de la chronique de Tabbaye de la Bataille, 
c'est ce qu'il flt en commandant la grande manœuvre par laquelle les 
Anglais furent surpris au milieu de leur poursuite désordonnée^. 
M. Spatz déclare que cette manœuvre était impossible « fûrein Heer 
von Einzelkâmpfern d (p. 56) ; pour ma part, je proteste contre la 
légèreté avec laquelle on repousse TafQrmation d'une autorité excel- 
lente, uniquement parce qu'elle contredit une opinion préconçue et 
pour le moins douteuse. 

Arrivons à l'épisode bien connu de la fuite simulée^. M. Spatz, 
dans son accès soudain d'incrédulité, reste absolument seul. Cela ne 
veut pas dire qu'il ait tort. La grosse difficulté à laquelle il se heurte, 
ce n'est pas que tous les historiens modernes aient admis cette fuite 
simulée, c'est qu'elle joue un rôle important dans le récit de Guil- 
laume de Poitiers, chroniqueur que M. Spatz lui-même place au pre- 
mier rang des sources contemporaines. Disons tout de suite, à la 
louange du critique, qu'il commence son paragraphe en citant tout 
au long le passage en question. Les termes dont se sert notre chro- 
niqueur sont des plus précis; tout au plus peut-on faire remarquer 
que Guillaume attribue le stratagème aux « Normanni soclaque 
turba, » auxquels Freeman substitue le duc lui-même. Des sources 
secondaires paraissent autoriser cette substitution^, mais Guillaume 

1. Feudal England, p. 259-271. Cette conclasioo est maintenant acceptée par 
les énidits. 

2. Fetidal England, p. 381-382. 

3. Voir Feudal England, p. 380-382. 

4. Ainsi Henri de Huntingdon écrit : c Docait dux Willeimos genti sae fagam 
simulare. i 



74 irfLANGES ET DOGUMBlTrS. 

de Poitiers ne la justifie nullement, comme Freeman voudrait le ftJre 
croire (p. 488). Si Ton se rappelle que Guillaume de Poitiers est le 
panégyriste enthousiaste du Conquérant, il faut attacher la plas 
grande importance à ses expressions dans ce passage. A cette excep- 
tion près, nous pouvons dire hardiment que le fameux épisode de la 
fuite simulée repose sur des autorités de première comme de seconde 
importance ^ et qu'on ne saurait le rejeter que si le témoignage de 
Guillaume était contredit par une autorité au moins égale, ce qui 
n*est pas. M. Spatz ne peut lui opposer que son opinion préconçue, 
à savoir que les Normands, comme les Anglais, étaient incapables 
de mouvements d'ensemble. Il est remarquable que Guillaume 
de Poitiers lui-même, son autorité favorite, avait, quelques lignes 
plus haut, raconté l'exploit accompli par Robert de Beaumont, « cum 
legione quam in dextro cornu duxit. » Et cependant, on veut nous 
faire croire que Tarmée du duc n^était capable que de combats singu- 
liers! M. Spatz estime que Guillaume de Poitiers doit avoir mal com- 
pris les mouvements exécutés par certains chevaliers isolés et dont 
il aura fait une action combinée à grande portée. C'est là vraiment 
écrire Thistoire, non pas sans documents, mais en dépit des sources. 

La seule critique nouvelle qui reste à examiner porte sur la décharge 
finale de flèches que le duc ordonna à ses archers de lancer en tir 
plongeant, a Aucun autre expédient imaginé par le rusé duc en cette 
journée, » a dit Freeman, a ne produisit un plus terrible effeL » 
M. Spatz le rejette, parce qu'il est rapporté seulement par Henri de 
Huntingdon et aussi, bien entendu, parce que les archers étalent 
incapables d'une action concertée. Je pense, avec Freeman, que la 
Tapisserie de Bayeux confirme plutôt l'histoire ; mais l'incident peut 
être abandonné au sentiment individuel, parce qu'il nMmporte pas 
essentiellement à l'idée que nous nous faisons de la bataille. 

Concluons. Les traits principaux de cette fameuse bataille sont 
assez clairs et certains. La faiblesse des Anglais résidait dans ce sys- 
tème tactique qui, en face de l'armée française, les condamna à la 
défense passive. D^autre part, bien que les assaillants eussent l'avan- 
tage de TofTensive, ils échouèrent tout d'abord dans une attaque 
directe contre cette étonnante infanterie qui se tenait comme un mur 
autour de son roi. C'est seulement quand, par leur fuite simulée, ils 
eurent amené les Anglais à briser leur invincible formation et à les 
poursuivre dans la vallée, qu'ils emportèrent sur eux Tavanlage. La 
gloire de l'infanterie disparut entièrement avec le résultat de cette 
lutte mémorable pour revivre seulement bien plus tard, lorsque Tem- 

1 . La tradition locale, par exemple, qui a été recueillie par la chronique de 
Tabbaye de la Bataille , parle de c fugam cum exercitu duce simulante. » 



LA BATAILLE DE HASTINGS. 75 

ploi des armes à feu et la combinaison des mouvements des fantassins 
avec ceux de la cavalerie permirent de l'employer utilement et de 
retrouver Pimportance de sa solide formation. 

Le réel intérêt de ia bataille, pour Tbistorien, réside donc plutôt 
en ce qu'elle fait comprendre la méthode suivie par Freeman, sa puis- 
sance et sa faiblesse. Des étrangers comprendront difQcilement la 
situation extraordinaire que cet bistorien a occupée en Angleterre et 
qui est due surtout aux critiques impitoyables dont il poursuivit 
Fronde, Pearson et autres pour leur absence d'esprit critique. On 
devait en conclure que son ouvrage se distinguait par Texactitude 
la plus scrupuleuse du détail. L'opinion commune fut exprimée par 
le Salurday Reuiew parlant en ces termes de la Norman Conquest : 

Il n'y a aucune raison de croire que les travaux des historiens futurs, 
quels qu'ils soient, diminueront la réputation d'érudit exact et de pro- 
fond chercheur que lui assure cette grande œuvre. 

Cette croyance devint en Angleterre une véritable superstition, 
d'autant plus que Freeman lui-même, comme on Ta fait observer der- 
nièrement, « manifestait un parfait mépris pour ceux qui se hasar- 
daient à mettre en doute l'absolue vérité des récits prodigués 
dans sa Conquête normande*, » La terreur qu'il inspirait était 
si grande que j*ai eu beaucoup de peine à faire accepter dans la 
presse mes observations critiques. Aujourd'hui encore, ceux qui 
ne veulent pas admettre qu'ils se sont gravement trompés main- 
tiennent que son exactitude n'a pas été sérieusement mise en doute'*, 
et cependant personne n^a osé répondre à mon étude sur « le Conqué- 
rant à Exeter, 4 067 3, » où j'ai prouvé que, sur le domaine où il est 
le plus solide, l'ouvrage de Freeman manque de toutes les qualités 
essentielles à l'histoire et en particulier de cette exactitude minu- 
tieuse dans les détails, sans laquelle il n'y a pas de véritable œuvre 
d'érudition. 

Pour nous en tenir à la bataille de Hastings, nous avons tout 
récemment rencontré une nouvelle preuve du modm operandi de 
Freeman. M. James, général du génie, qui, n'étant encore que capi- 
taine, fut chargé par Freeman, en 4869, de dresser pour lui le grand 
plan de la bataille qui fîgure dans la Norman Conquest ^ nous a 
donné un témoignage direct sur la manière dont travaillait Free- 

1. Moméng Post. 21 janvier 1897. 

2. Voir Stephens, Life and leUers ofE. A. Freeman; et M. Herbert Fisher 
a déclaré que Freeman a fourni le plus parfait modèle d'une exacte érudition 
(Fminightly Review, déc. 1894, p. 804-805). 

3. Fcudal England, p. 43M55. 



76 M^LÀ^rCfiS ET DOCfJMEim. 

man^ en montrant la hâte et la négligence avec lesquelles se for- 
maient ses conceptions. Selon Wace, 

Héraut (Haroid) a li lieu esgardé; 
Clore Ta fet de boen fossé ; 
De treiz parz laissa treiz entrées 
Ki a garder sont comandées. 

M. Freeman croyait que ce fossé était tout à fait indépendant de 
sa palissade el à une certaine distance d'elle, car il écrit : 

Les Normands avaient traversé le fossé anglais et étaient maintenant 
au pied de la colline, avec les palissades et les haches droit devant eux 

(p. 476). 

Et, cependant, il paraphrasait les vers de Wace cités plus haut : 

Il l'entoura (la colline), sur toutes ses faces accessibles, d'une triple 
palissade avec une triple porte d'entrée et la défendit vers le sud au 
moyen d'un fossé artificiel (p. 447). 

Wace ne parle ici que de ce ce fossé artificiel tracé dans le bas, » mais 
on voit que Freeman lui fît aussi parler d'une palissade établie sur la 
colline, à laquelle il transporta les « treiz entrées. » Puis il découvrît 
(il ne dit pas comment) que cette palissade était a triple, » et ce sont, 
parait- il, seulement les remontrances du général James qui l'empê- 
chèrent de la marquer en triple sur son plan. Le général nous explique 
ainsi aujourd'hui ce qu'il affirme avoir été Fidée de Freeman : 

La ligne défensive était triple et aucune armée ne pourrait mieux se 
retrancher même de nos jours. 

Il ne s'aperçoit pas que Freeman doit avoir été averti de son erreur, 
car le mot a triple » a été effacé de la seconde édition (p. 447), bien 
que la « triple palissade » subsiste encore, pour notre confusion, 
p. 467. 

Le général publie la lettre suivante qu'il possède de Freeman : 

Elle (la palissade) avait trois entrées à des endroits quelconques ; il 
se peut aussi bien qu'elles aient été aux points oii vous les placez qu'à 
tout autre. Toutes les sources parlent de « silva i et de « nemus. » 
J'imagine que tout le pays était couvert de bois, moins ce que les deux 
armées en auraient coupé pour leurs besoins personnels, etc. 

Cela peut passer pour une réponse à une objection que j^avais for- 
mulée en ces termes : comment une colline nue pouvait-elle fournir 
le bois nécessaire pour une barricade longue de près d'un mille'? 

1. Morning Post, 25 janvier 1897; écrit pour défendre ie récit de Freeman. 

2. Qttarterly Review, jaîUet 1892, p. 13. 



LA BATAILLE DE HASTIXGS. 77 

Mais, quand nous remontons aux sources pour y chercher ce 
« nemus, > ceite « silva » qui ont fourni sur les lieux le bois néces- 
saire à la palissade, Freeman ne nous donne qu'une citation de Gui 
d'Amiens : « Spissum nemus Angligenarum, » y ajoutant : « La 
métaphore (sic) de « nemus » ou de « silva » a pénétré dans la des- 
cription de Gui tout entière M > Il a donc fait d'une simple méta- 
phore une réalité, de même qu'il a pris pour un réel rempart le 
métaphorique « quasi castellum » appliqué par Henri de Huntingdon 
aux troupes de Harold^. 

Ces erreurs singulières ont pour cause une précipitation et une 
légèreté incroyables qui ont amené Freeman, non seulement à com- 
prendre les textes de travers, mais à se contredire lui-même^; elles 
proviennent aussi de cette disposition d'esprit, si fâcheuse chez un 
historien, qui consiste à aborder un sujet avec des opinions précon- 
çues *, ou bien on ne s'aperçoit pas que les textes ne les soutiennent 
pas, ou bien on contraint les textes à s'harmoniser de force avec elles. 
Quand on constate de telles erreurs dans des épisodes pour lesquels 
il était le mieux préparé, comme la bataille de Hastings ou le siège 
d^Exeter, on comprend avec quelle précaution il faut s'aventurer dans 
les autres parties de son magnum opus. C'est une opinion qui com- 
mence à se répandre en Angleterre, bien qu'elle ose à peine se faire 
jour en pubUc*, il est bon d'en prévenir les érudits français, que cette 
histoire touche de si près. Aussi ai-je accepté avec empressement 
l'occasion qui m'était offerte d'attirer sur ces délicats problèmes l'at- 
tention des lecteurs de la Revue historique. 

J.-H. RouifD. 

1. Comparez ce Tere joU de Baudri : 

c Nam, nisi Inceret, lancea silTa fait. » 

2. Voici tont le passage de Henri : « Quam ergo Haraidns iotam gentem 
snam in una acie strictissime locasset et qnasi casteilam inde constrnxisset, 
impenetrabiles erant Normannis. > Et voici comment l'interprète Freeman : 
c He... fortified... a post of great natural strength wliich he made into what 
is distinctly spoken of as a castle » (p. 444). « The work of that day was to 
défend a fortress.. and to strike down at once any roan who strore to make his 
way within its wooden wails » (p. 472). 

3. Voir plus haut, p. 68, note 2, et Peudal England, p. 446 et passim. 



78 KJUKGBS BT DOCUHBnTS. 



SILHOUETTES MILITAIRES DE LA RÉVOLUTION 

ET DU PREMIER EHPIRE. 



LE GÉNÉRAL VERGÉS 

BT 

LES DERNIERS JOURS DE GHARETTE EN VENDÉE 

(24-29 MARS 4796). 



« La véritable histoire nationale, écrivait jadis Augustin Thierry, 
est encore enfouie dans la poussière des chroniques contemporaines 
et nous réimprimons chaque jour des compilations sans valeur, que 
nous décorons du titre d'histoire de France. » 

Sans doute, si Augustin Thierry revenait en ce monde, il trouve- 
rait que la situation s'est heureusement modifiée, que la critique a 
imprimé à nos récits modernes une valeur que l'histoire écrite ne 
possédait point de son temps, qu'enfin nous sommes plus méfiante, 
plus exigeants dans le contrôle des sources et des documente sur les- 
quels nous basons désormais nos relations historiques. 

Mais que de légendes encore à détruire I que de pointe sur les- 
quels, faute d'éclaircissements certains, nous laissons flotter une 
ombre douteuse I que de coins du grand tableau restent à mettre à 
ce point définitif que nous pourrons arrêter d'une façon certaine ne 
varietur! 

Pour parler seulement d'une période bien proche de nous, de cette 
Révolution et de ce premier Empire, dont quelques témoins, rarissimes 
à la vérité, vivent encore, combien d'erreurs ont-elles été écrites, 
qui se perpétuent, se colportent, se réimpriment encore tous les 
jours, qu'il serait important de ranger une bonne fois dans le 
domaine des légendes ! 

Sous ce rapport, le nombre considérable de mémoires publiés 
depuis quelques années nous aura fait faire un pas sérieux en avant. 
Sans doute, ils sont loin d'être tous véridiques, ces mémoires. Bon 
nombre sont apocryphes, et la plupart de ceux qui sont réellement 
originaux nous disent plus de mensonges que de vérités \ mais l'éru- 



LE GÉH^RAL TERGiS. 79 

dit, le chercheur n'a pas de peine à démêler, dans celle moisson 
abondante, le bon grain du mauvais, à reconnaître les renseignements 
véridiques des détails suspects fournis par la trop vive imagination 
d'un Marbot ou d'un Goignet. 

Ce qui, pour l'authenticité de Thistoire, est supérieur à ces 
mémoires, écrits à la vérité par des témoins oculaires, mais rédigés, 
la plupart, de longues années après les événements, remaniés à tète 
reposée, retouchés, tronqués souvent avec préméditation, ce sont les 
lettres intimes écrites le jour même ou le lendemain du jour où ont 
eu lieu les faits qu'ils décrivent, rédigées non pas pour la postérité, 
mais pour un parent ou un ami, avec cette bonhomie, cette véracité, 
cette bonne foi dont les allures sont si facilement reconnaissables. 

Nous parlions tout à Theure des lacunes nombreuses qui restent 
encore à combler dans l'histoire de la Révolution. Qui croirait qu'on 
ignore encore le nom du personnage réel qui, le 24 mars 4796, mit 
la main sur Gharette dans les taillis de la Chabotterie? Sans doute 
ce n'est pas là un point d'une importance telle qu'il ait mérité des 
recherches spéciales ou qu'il ait pu inciter les chercheurs à des 
investigations minutieuses. Cependant tout le monde savait, en 
4796, à l'armée de Hoche le nom de cet officier, et le Directoire lui- 
même l'avait distingué. Gomment ce nom n'a-t-il pas été sauvé de 
Toubli, sinon par ses propres mérites, tout au moins par la célébrité 
du partisan fameux auquel les hasards de la lutte l'avaient accolé? 
C'est une question que nous nous étions posée à diverses reprises, 
quand des recherches faites récemment par nous dans les archives 
municipales d'un village perdu au fond des Pyrénées nous amenèrent 
inopinément à satisfaire notre curiosité à cet égard. 

Nous tombâmes précisément sur deux lettres intimes de ce soldat 
heureux, écrites comme il le dit lui-même, « la terre lui servant de 
fauteuil et le genouil de table, » sans aucune prétention littéraire, 
avec des fautes de français et d'orthographe qui ont leur prix * . En 
poussant nos investigations plus loin, nous sommes arrivé à mettre 
en lumière cette flgure peu connue, qui, à vrai dire, a moins d'intérêt 
par elle-même que par les circonstances qui la mirent un moment 
en vue. C'est le résultat de ces recherches, corroborées par le texte 
des deux lettres dont nous venons de parler, que nous donnons ici, 
estimant qu'il y a là un document d'intérêt général qui mérite d'être 
signalé. 

1. Ces deux lettres nous ont été communiquées par le sarant abbé Grabé, 
l'archéologue bien connu, dont les traTaux sont si appréciés des érudits de la 
région pyrénéenne. 



80 HiLANGES ET D0GDHBNT8. 

Jean-Marie Vergés était né à Saint-Pé, dans le comté de Bigorre, 
le 4 2 juin -1 757. Saint-Pé, aujourd'hui chef-lieu de canton du dépar- 
tement des Hautes-Pyrénées, est une petite ville sans physionomie 
particulière, que rien ne signalerait à Tattention du voyageur, si sa 
situation à quelques lieues de Lourdes, à mi-flanc d'une vallée ver- 
doyante au fond de laquelle bouillonne le gave de Pau, si les ruines 
d'une abbaye célèbre de Bénédictins et le siège de rétablissement 
congréganiste le plus important de la région pyrénéenne n'en &i- 
saient un point d'arrêt forcé pour le touriste qui visite cette partie 
pittoresque de la vallée de TAdour. 

Vergés appartenait à une de ces familles honorables de paysans 
bigourdans, qui possèdent encore des archives, — ce que Ton appe- 
lait alors des livres de famille, — remontant à trois siècles et chez 
lesquelles les sentiments d'indépendance et de fierté nationales étaient 
développés à un point que la génération actuelle ne connaît plus. 

Bien que le goût du métier militaire ne fût pas alors plus répandu 
dans les populations pyrénéennes qu'il ne Test aujourd'hui, il se trou- 
vait, en Bigorre comme ailleurs, des jeunes gens qui faisaient excep- 
tion à la règle, et c'est en suivant son penchant pour la carrière des 
armes que le jeune Jean-Marie s'engagea en 4778 au régiment de 
Penthièvre. 

La vie militaire était à cette époque beaucoup moins mouvementée 
qu'elle ne l'est aujourd'hui. Non seulement l'existence matérielle y 
était large et facile, mais nos soldats jouissaient alors de loisirs 
qui paraîtraient aujourd'hui excessifs aux plus oisifs de nos officiers. 
S'il en faut croire un calcul, très digne de foi, établi il y a plus de 
cent ans par un témoin oculaire \ la journée du soldat se décompo- 
sait, sous le règne de Louis XVI, de la façon suivante : sommeil, 
sept heures; repas, une heure; sieste, deux heures; exercice, quatre 
heures; temps libre, dix heures. 

De toutes les carrières que pouvait embrasser à cette époque un 
jeune homme, aucune très probablement ne demeurait aussi peu 
occupée. 

On s'explique ainsi que des recrues qui avaient fait quelques 
études, qui étaient assez sages pour ne point sacrifier tout au plai- 
sir, profitassent de ces loisirs considérables pour se livrer au tra- 
vail intellectuel qui commençait à être en honneur dans les régi- 
ments. Les écoles régimentaires avaient été instituées en i 784 ; Vergés 
en fut probablement un des élèves, et, grâce à son intelligence, il 
put, en un petit nombre d'années, s'assimiler heureusement, non 

1. Voy. Babeaa, la Vie miUUUre sous l'Ancien régime. — Les Soldats, 



LE Gi^RÀL VERGES. Si 

seulement les notions rudimentaires qui composaient alors le pro- 
gramme, mais acquérir encore certaines connaissances générales 
ou tactiques, qui devaient être plus tard pour lui du plus grand prix. 
Il ne fondrait pas d'ailleurs juger du degré d'instruction auquel Verges 
s'était élevé par Torthographe des deux lettres qu^on lira plus loin. 
Au xTiu'' siècle^ on n'attachait aucune importance à des règles de 
grammaire qui n'avaient encore été formulées d'une façon précise 
dans aucun traité, et chacun écrivait suivant la forme qui lui plai- 
sait, sans que personne s'en formalisât. Voltaire orthographiait cou- 
ramment la première personne du futur : j'aur^, j'écrir^, je dire. 
« Ils m'ont mis hier de La Cadémie, n écrivait le maréchal de Saxe 
à Tun de ses amis, le lendemain du jour où il avait été admis dans 
le sein de Tillustre compagnie, et ni l'ami ni personne ne trouvaient 
à redire à cette orthographe du nouvel académicien, de l'auteur 
illustre de Mes rêveries qui, aujourd'hui sans doute, eût échoué 
piteusement à un examen de simple baccalauréat. 

Vergés avait donc perfectionné son instruction générale d'une 
fecon appréciable et commencé avec succès son instruction tech- 
nique quand il rentra à Saint-Pé, quelques mois avant la Révolu- 
tion, son congé expiré. Nous ne savons rien sur la façon dont il 
employa son temps pendant les années qui précédèrent la déclaration 
de guerre de 4792, mais il dut à cette date, comme la plupart des 
anciens militaires qui vivaient alors dans leurs foyers, être choisi 
pour instructeur dans les corps de volontaires organisés sur tous les 
points du territoire, et c'est ainsi qu'il fut nommé capitaine au batail- 
lon de chasseurs de montagnes dans lequel fbt incorporé le contin- 
gent de SaintrPé^ 

A cette époque critique, c'était devant l'ennemi que les officiers 
avaient à faire l'éducation de leurs soldats. A peine organisé^ le 
bataillon des chasseurs d'Argelès fut désigné pour aller rejoindre 
l'armée dite des Pyrénées-Occidentales, et c'est dans le val de Baztan 
que nous trouvons Vergés en i 793, à la tète d'une compagnie franche 
dite des éclaireurs de montagne. On sait que cette armée, que com- 
mandait le général Muller, dont l'histoire a oublié le nom, mais dans 
laquelle figuraient des hommes dont la renommée allait bientôt 
grandir, Moncey, Harispe, l'un et l'autre futurs maréchaux de 
France, Marbot*, La Tour d'Auvergne, Merle, etc., soutint vaillam- 
ment, sur cette frontière, la fortune de nos armes et infligea aux 

1. Le département des Hautes-Pyrénées leva à cette époque cinq bataiUons, 
le 1*' et le 2* le 12 férrier 1792, le 3' en septembre, le 4*, dit 2* d'Argelès, le 
26 féTrier 1793, le 5* le 21 octobre de la même année. 

2. C*est le père de l'auteur des mémoires. 

Rbv. EIistor. LXV. l** PA8C. 6 



S2 H^LAlfGES ET D0GUHBNT8. 

Espagnols de sérieux échecs. Le combat de San-Mardai, la prise de 
Toiosa, celle de Saint-Sébastien, la bataille de Lecumberry^ la prise 
de Yitoria et de Bilbao furent des succès à la fois glorieux an 
point de vue militaire et importants sous le rapport des résultats, 
puisqu'elles amenèrent TEspagne à adhérer à la paix de Bâle, et 
ramenèrent pour de longues années la paix sur notre frontière 
du sud. 

Dans cette campagne en Navarre, en Guipuzcoa, en Biscaye, Ver- 
gés eut occasion de montrer, à diverses reprises, rintelligence et la 
bravoure dont il était doué, et, bien que l'histoire militaire n^ait pas 
enregistré sa conduite dans toutes les actions de guerre auxquelles 
il eut occasion de prendre part, elle a retenu cependant quelques 
détails qui le mettent honorablement en vue. 

C'est ainsi qu'au combat de San-Marcial, on le voit s'emparer de 
deux drapeaux; à la prise de Toiosa, il enlève plusieurs canons; 
à Lecumberry, il éteint, au péril de sa vie, la mèche d'une mine qui 
allait faire sauter une poudrière. 

Finalement, il s'était distingué à diverses reprises et avait déjà la 
réputation d'un soldat éprouvé quand il passa, avec son régiment, à 
l'armée de Vendée au mois de germinal an IV (mars 4795). 

A l'époque où Vergés arrivait dans l'Ouest, l'armée chargée de la 
paciûcation se trouvait, vis-à-vis de l'insurrection, dans l'état le plus 
précaire. 

Il est à peine besoin de rappeler ici que l'incapacité de généraux 
tels que San terre. Rossignol, Léchelle avait compromis la situation, 
si bien qu'elle était presque considérée comme désespérée. L'arrivée 
de Thureau, les excès de toutes sortes commis par les colonnes 
infernales portant^ comme l'écrit Vergés, des « chapelets faits de 
bouts de tétons de femmes, » avaient encore empiré les choses et 
exalté les fureurs à ce point que la guerre ne paraissait pouvoir se 
terminer que par Textermination de l'un des deux partis. 

Heureusement, la Convention comprit combien les militaires 
avaient fait fausse route en combattant par la violence des hommes 
auxquels l'ignorance, bien plutôt qu'une résistance intentionnelle au 
régime nouveau, mettait les armes à la main. Les instructions don- 
nées à Hoche, le nouveau commandant en chef, furent rédigées dans 
ce sens, et l'on vit avec une rapidité surprenante les résultats les 
plus heureux confirmer l'excellence de ce nouveau système. D'autre 
part, les discussions graves qui séparaient, à cette époque, Gharette 
et Stofflet, les deux seuls chefs insurgés qui eussent alors une véri- 
table influence en Vendée, Tabandon dans lequel les tenait TAngle- 
terre malgré les promesses les plus formelles, TindifTérence mani- 



LE GtfiflÎRiL VERG&S. 83 

festée par Louis XYIII et par le comle d'Artois vis-à-vis d'hommes 
qui sacrifiaient naïvement pour eux leur vie, avaient porté les Ven- 
déens à des idées de pacification, de soumission, dont il était habile 
de profiler. 

La Convention fit œuvre de politique sage en ofiVant elle-même la 
paix à ses ennemis et ceux-ci agirent avec habileté en acceptant des 
propositions qui, sans leur donner une entière satisfaction, étaient 
cependant notoirement à leur avantage. 

Par quelle suite d'événements cette paix ne fut-elle qu'une trêve? 
nous n'avons pas à le dire ni à le rechercher ici. Ce qu'il importe de 
rappeler, c'est que, quelques mois après le traité dont nous venons 
de parler, l'Angleterre parvenait à fomenter de nouvelles intrigues 
dans nos provinces de l'Ouest et provoquait notamment le soulève- 
ment qui aboutit au désastre de Quiberon. Il semblait que cette 
épouvantable catastrophe dût arrêter définitivement les royalistes*, il 
n'en fut rien. Sur de nouvelles promesses de l'Angleterre, Charette 
et Stoffiet se remirent en campagne, à la fin de mars 4795, fondant 
les plus grandes espérances sur le débarquement en Vendée du comte 
d'Artois, qu'on leur faisait envisager comme imminent. Cet espoir 
fut, comme on le sait, le rêve de quelques jours. Le prince, pour 
des raisons qui n'ont jamais été divulguées, mais qui, quelles qu'elles 
soient, pèsent lourdement sur sa mémoire, déclara péremptoirement 
qu'il ne voulait pas « chouaner, » et, après avoir louvoyé quelques 
jours en foce de la côte où Charette anxieux l'attendait à la tête de 
40,000 Vendéens, il donna Tordre à Tamiral anglais de regagner les 
côtes d'Angleterre. Ce fut alors que Charette, désespéré, écrivit à 
Louis XVIU la lettre célèbre qui commence par ces mots : « Sire, 
la lâcheté de votre frère a tout perdu. Je n'ai plus qu'à mourir inu- 
tilement pour votre service. » 

Efllectivement, sans avoir perdu encore tout espoir, il comprenait 
que sa position n'avait jamais été aussi compromise. Non seulement 
Hoche, qui usait envers les paysans d'une douceur pleine d'habileté, 
déployait contre les bandes en armes une activité, une vigueur aux- 
quelles les Vendéens n'avaient pas été habitués jusque-là, mais il 
semblait que l'antique foi, qui avait animé jadis cette contrée d'un 
souffle si vivace, fût définitivement éteinte. Malgré ses appels les plus 
pressants, Charette n'arrivait plus à grouper autour de lui que des 
contingents insuHlsants, presque dérisoires, en face des colonnes de 
Hoche, dont l'efTectif allait chaque jour grandissant. 

Cette situation des deux partis en présence est bien exprimée dans 
la lettre suivante, écrite par Vergés en février 4796, à l'un de ses 
parents de Saint-Pé, lettre qui, dans sa forme incorrecte, a toute la 



84 H^UNGBS ET D0(:UMB1ITS. 

saveur d'un documenl vécu. Nous la donnons , avec ses fautes de 
français et d'orthographe, nous bornant à ajouter quelques accents et 
quelques virgules : 

De PoQt de Vie, le mardy gras en 4«. — Vergés, commandant les 
chasseurs de Montagne, au citoyen X... — Sachant bien que vous aimez 
à politiquer, je mets la plume à la main exprès pour vous donner matière 
sur l'état actuel de la Vendée, qui est très exact. 

Nous sommes dans une partie du pays où des colonnes de vingt mille 
(hommes) n'avaient jamais pu pénétrer et qui avaient toujours eu la 
déroute complette; cependant, notre demi-brigade seule occupe et par- 
court toute cette contrée, nuit et jour, sans cesse à la poursuite de 
Gharette, avec le général Travaux (sic), qui voudrait avoir la gloire de 
le prendre. 

Aussi, malgré la pluie qui nous accable, et les rivières qu'il nous 
faut passer dix fois le jour jusqu'au menton, ne présentent aucun obs- 
tacle à l'ardeur qu'il y met. Mais Gharette, qui est aussi adroit que 
connesseur dans le pays (y ajouter qu'il est bien monté), a toujours 
l'adresse de nous éviter, vu qu'il n^a pas pu réussir à mettre la déroute 
dans les troupes qui viennent d'Espagne, car ici on ne parle que de 
ces défaites. Au seul nom de brigands et de leur arrivée, suffisait pour 
mettre en déroute complette nos armées composées de cent mille 
hommes. 

Santerre, venant ici avec ce même nombre, c'est trouvé attaqué à 
la tête, au centre et à la queue, marchant par le flanc et dérouté com- 
plettement. Voilà la raison du silence qu'on a gardé à son égard pen- 
dant son généralat à la Vendée. Jamais il ne prenait une position qui 
ne fut désigné^ par Gharette, d'après les rapports que les aides de 
camp de ce dernier nous ont faits ; de même de toutes les trahisons de 
tant d'autres généraux. Bref, il existe aujourd'hui que Gharette est sans 
armée, qu'une grande partie des habitans sont rentrés chez eux et 
rendu les armes. Les uns croient qu'ils nous ont rendu les mauvaises 
et gardé les bonnes pour en faire uzage au premier signal que Gha- 
rette pourra leur faire; je ne le crois pas. 

Si ce chef de brigands n'a pas abandonné tout à fait la Vendée, ce 
qu'il a donné sa parolle à d'Artois qu'il ne quitterait pas la Vendée sans 
ses ordres. Pendant qu'ils étaient à l'Isle-Dieu, ils ont fait une mani- 
faiste pour le faire passer dans nos armées, afin d'attirer nos soldats de 
leur côté, qui ne pouvait manquer de nous faire du tort, s'il avait été 
lu dans nos armées. 

Il y reste maintenant une cinquantaine d'hommes de cavalerie avec 
Gharette, qui sont tous des chefs; quand nous en prenons quelqu'un, 
c'est des officiers. 

Maintenant, j'ignore si elle ne ressuscitera pas comme elle a déjà 

1. Sans doute dépistée. 



LE Gi^ÉKÀL TERGÈS. 85 

fait, 8*il est vrai qu'elle ait été finie comme aujourd'hui; nous avons 
tant d'ennemis en France qui ont tant d'intérêt à perpétuer la guerre ! 
Si rhabitant de la Vendée a commis tant d'excès contre nos armées, 
sa n'a été qu'après s'être vu tuer, piller, violer, incendier; aussi c'était 
fait à dessin pour allumer la torche de la discorde dans toutes les par- 
ties du monde. Jamais tableau n'a été plus hideux que celui de toute 
cette contrée où il n'a pas une seule habitation pour se mettre à l'abri 
du mauvais temps; tout est dévoré par les fiâmes, fruit des travaux de 
l'armée dite révolutionnaire. Il s'en faut de beaucoup que les pays con- 
quis ayent éprouvé les horreurs qui ont été exercées sur cette portion 
de la France ; l'on a vu des soldats porter chapelets forts longs avec des 
bouts de tétons de femmes; c'est ce qu'il y a de moindre à citer. Je 
désire de tout mon cœur que cela soit fini, car une position pareille 
affecte considérablement le physique et le moral. Salut et fraternité. 
Bien des choses à Madame votre épouse, ainsi qu'à la mienne. 

Au 4 février, c'est-à-dire à l'époque où Vergés écrivait cette 
curieuse lettre. Hoche avait déjà disposé ses colonnes tout autour du 
pays occupé par Charette. Les opérations de l'armée républicaine 
furent menées avec tant de vigueur qu'en quelques semaines le chef 
vendéen, resserré dans un cercle étroit de quelques lieues, entre la 
Roche-sur- Yon, Bournezeau et le Voutris, dut songer à combattre 
non plus pour obtenir le succès flnal qu'il avait jadis entrevu, mais 
pour conserver sa liberté. Un découragement extrême avait envahi 
presque tous ceux qui l'entouraient, et la plupart de ses derniers 
partisans commencèrent à émettre devant lui des idées de soumis- 
sion. Inébranlable dans sa foi, ayant déjà fait le sacrifice de sa vie, 
Charette repoussa péremptoirement ces insinuations. Au jeune de 
Laroberie qui, à la fin de février i 796, lui apportait, de la part de ses 
principaux officiers, un mémoire où Timpossibilité de continuer la 
lutte était démontrée, il dit rudement : « Se peut-il que vous, Laro- 
berie, qui vous êtes couvert de gloire en tant d'occasions, consentiez 
à perdre en un jour la réputation que vous vous êtes acquise si jus- 
tement? » — « Général, n lui répondit Laroberie, « si je vous ai fait 
cette proposition, conjointement avec un grand nombre d'officiers de 
l'armée, c'est que je pensais qu'il n'y avait ni lâcheté ni déshonneur 
à la faire-, je vous prouverai que je n^ai pas changé. » 

Et, efifectivement, il se fit tuer le lendemain. 

Quant à Charette, continuant à donner des ordres pour des levées 
qui ne s'efi*ec tuaient plus, prescrivant à ses lieutenants des concen- 
trations impossibles à réaliser, prenant lui-même Tofiensive avec une 
poignée d'hommes qui eût été insuffisante même pour couvrir une 
retraite, il essayait de donner le change à ses adversaires et d'inspi- 



86 MELANGES ET DOGUMEUTTS. 

rer, aux débris qui le suivaient encore, un espoir que, cerbdne- 
ment, il n'avait plus lui-même. 

II avait, comme nous l'avons dit, ikit le sacrifice de sa vie et se 
considérait lié à ce point, par le serment qu'il avait Ikit de vaincre 
ou de mourir, qu'il refusa le sauf-conduit que lui fit offrir Hoche 
pour se rendre, en compagnie de tous ses officiers, en un point de la 
côte où un bâtiment Teùt transporté en Angleterre. 

Ce fut quelques jours après ce refus définitif de Gharette de quit- 
ter la Vendée que la colonne du général Travot, à Tavant-garde de 
laquelle combattait Vergés, eut avec le chef vendéen, à la Bégaudière, 
le dernier engagement sérieux de cette lutte fratricide. Gharette per- 
dit, dans cette rencontre, son frère aîné, la plupart de ses officiers. 
Tunique cheval qui lui restait et son portemanteau contenant toute 
sa correspondance avec le comte d'Artois. C'est cette affaire de la 
Bégaudière que raconte Vergés dans la lettre suivante, qu'on ne lira 
pas sans doute avec un intérêt moindre que la première : 

Armée des côtes de l'Océan, division du sud. — A Pont de Vie, le 
7 ventôse au soir an IV (26 février 1796). Vergés au citoyen Z... fils. 
— Lorsque je vous ai écrit, citoyen, le 29 dernier, au sujet de l'am- 
barquement de Gharette^; nous avons été commandez le lendemain 
pour marcher sur lui, n'ayant pas effectué les ordres du gouvernement. 
Après trois lieues de marche, nous le trouvâmes dans un vilage, 
accompagné de 150 hommes de cavalerie, environ cent d'ynfanterie 
que nous mimes dans une déroute complette, quoique nous ne fussions 
que cent cavaliers et cent cinquante chasseurs sous mes ordres. Nous 
tuâmes Gharette l'aîné, l'abbé Reimon, commissaire général, et le chef 
de division Gailloux^; nous ne savons pas le nom des autres qui ont 
resté sur le carreau. Ils avaient des 200 louis doubles dans leurs poches. 

Nous manquâmes Gharette cadet (le général) de bien peu de chose; 
il ne doit son salut qu'au mauvais chemin où nous étions et au retard 
que nous mîmes à sabrer toute sa cavalerie. Voyant qu'il allait subir le 
môme sort, il descendit de cheval et se sauva tête nue dans le bois, car 
nous avions déjà son chapeau à l'Henri IV avec une grosse fleur de 
lys formant le nœud de sa cocarde blanche. 

Mon détachement était presque tout monté avec ses chevaux. Moi je 
me trouve maintenant aussi monté fort bien au dépens de Gharette. 
Nous prîmes Mademoiselle Goûteux et une autre dame de calité de sa 
suite qui sont superbes, mais il fallut les sabrer un peu, ne voulant 
pas se rendre. Gharette était à recommencer sa levée lorsqu'il fut ren- 



1. Vergés fait allusion ici anx propositions qu'avait faites Hoche à Charette 
pour lui permettre de passer en Angleterre. 

2. C'est le divisionnaire Gaillau. 



LE Gtflf^RAL VBRGÈS. 87 

contré par nous; il anmène les habitans par force avec lui, ou il les 
fait fusiller. Mais comme nous le suivons de proche, il n'en a guère le 
tems. Aujourd'hui, le général Travot a voulu sortir rien qu'avec sa 
cavalerie pour aller à sa poursuite (attendu qu'il veut toute la gloire 
pour les chasseurs à cheval qui sont avec lui). Mais Gbarette lui a montré 
les dents, et ils ont rentré honteux comme des péteux; il vient de nous 
commander pour marcher demain matin. L'on prétend que les forces 
de Gbarette sont un peu augmentées depuis six jours. 

Vous savez sans doute que Stofflet est pris^; et si vous ne le savez 
pas, je vous l'apprens. J'oublie de vous dire que le grand-prévôt de 
Gbarette a été tué aussi. Il se battit pendant six minutes avec sept 
cavaliers des nôtres. Get homme était celui qui sabrait tous les prison- 
niers français. Je pourrais bien vous donner des nouvelles de cette 
armée tout de suite si nous avions la faculté de la poste, mais c'est que 
nous n'en avons pas. Nous sommes toujours éloignés du genre humain 
et les routes interceptées, obligées d'attendre qu'il y aie une correspon- 
dance afin de pouvoir envoyer notre facteur à la ville la plus voisine. 

Soyez bien assuré que je ne manque pas de bonne volonté à vous 
instruire, ne fusse-ce que pour vous témoigner combien je vous suis 
attaché. 

Mes respects, je vous prie, à Madame votre épouse et au citoyen votre 
père, sans oublier ceux de la lettre dernière. Salut et fraternité : Yerqès. 

Lorsque je vous écris, la terre me sert de fauteuil et le genouil de 
Uble. 

Vous me fairez le plaisir de faire passer cette lettre chez moi, afin 
qu'on ne si réjouisse pas de ma mort encore. 

J'avais oublié encore qu'ayant pris le cheval de Gbarette nous trou- 
vâmes toute sa correspondance, tant avec l'empereur que l'Angletère, 
que tout le reste. 

Comme on le voit par cette lettre, Gharette, enfermé dans son der- 
nier refuge, donnait encore de temps en temps un coup de boutoir, 
mais ce n'était plus là que les derniers efiforts d'une résistance déses- 
pérée, arrivée à ses limites extrêmes. 

Traqué de village en village, errant à pied de ferme en ferme, il 
avait passé la nuit du 23 mars au hameau de la Prénillëre, sur la 
commune de Saint-Sulpice, quand il reçut Tavis que trois colonnes 
parties dans la nuit, Tune du Luc, la deuxième de Saint-Philibert, 
la troisième du Poiré, — cette dernière dans laquelle se trouvait 
Vergés, — marchaient sur la métairie où il avait été signalé et 
qu'elles n^étaient plus qu'à quelques centaines de mètres. Il se jeta 
dans une première direction, espérant encore s'échapper avec les 

1. Il fut pris le 25 février par le chef de bataillon Loutil dans one métairie 
de la Portevinière et fasillé quelques jours après. 



S8 MELANGES ET DOCdMENTS. 

trente-deux hommes qui lui restaient, mais la retraite leur fut cou- 
pée et il dut rétrograder sur la Prénillère. En se heurtant à la coiomie 
qui venait de lui barrer la route, il avait dû faire le coup de feu et 
il avait laissé dix morts sur le terrain ; il en était donc réduit à vingt- 
deux fidèles. Il s^enfonça alors dans les taillis de la Ghabotterie, tout 
près de Saint-Sulpice, mais il n'avait pas fait cent pas dans cette 
direction, qu'entouré par les chasseurs de Vergés, il dut faire encore 
un crochet. Ses ennemis se lancèrent aussitôt à sa poursuite et alors 
commença, entre les deux troupes, une véritable chasse à l'homme 
où Ton combattit souvent corps à corps. 

Harassé de fatigue, blessé à la main et à la tête, Charette parvînt 
encore à marcher pendant quatre heures, soutenu par quelques 
braves déterminés à mourir avec lui. Il pouvait entendre la voix de 
Vergés qui criait à ses chasseurs : « Prenez-le, mais ne le tuez pas! i 
11 allait encore, teignant le taillis de son sang^ témoignant, dans ces 
derniers instants, d'une énergie surhumaine. Le jeune Laroche-Davo 
fut tué à ses cotés ainsi qu^un soldat qui, l'instant auparavant, avait 
eu le sublime dévouement de lui donner son chapeau et de prendre 
le sien garni d'un panache blanc. Enfm, épuisé de lassitude, exsangue, 
il s'affaissa au pied d'un arbre, au moment où les chasseurs de Ver- 
gés étaient déjà en vue. Son domestique, nommé Bonard, voulant le 
relever, reçut un coup de feu qui retendit mort à ses pieds. Un der- 
nier Vendéen, qui restait près de lui, voulut le charger sur son dos 
et l'emporter à travers le bois, mais il tomba, frappé d'une balle, au 
moment où il l'enlevait dans ses bras. Au même instant Vergés, à 
la tête de quelques chasseurs, se précipitait en avant, et, quelques 
minutes après, le capitaine mettait la main sur son célèbre pri- 
sonnier. 

Charette, à peu près sans connaissance, fut aussitôt conduit au 
général Travot, qui le fît immédiatement transporter au château de 
Pont-de-Vic; on sait qu'embarqué sur la Loire le lendemain, il fut 
fusillé à Nantes le 27 mars. 

Sans vouloir enlever au général Travot le mérite de cette capture, 
dont le succès revenait à ses combinaisons militaires et qu'il devait 
d'ailleurs payer assez cher vingt ans après *, on peut réclamer pour 
Vergés la partie matérielle de l'opération, puisque ce fut lui qui mit 
la main sur le fameux partisan. Sa coopération à cet acte, qui eut à 
cette époque un retentissement considérable et des résultats décisifs, 
fut d'ailleurs publiquement constatée par le général Hoche; d'autre 

1. Condamné à mort en 1816, le général Trarot vit sa peine commuée en 
une détention de vingt ans au château de Ham. 



LE GJNlJRiL YBRCis. 89 

parly le grade de chef de bataillon, qui lui fut accordé par le Directoire, 
vint attester Timportance du service qu'il avait alors rendu à la 
paciBcation. Mais d'autres témoignages confirment Texactitude des 
faits que nous venons d'exposer. 

Le général Duthil, qui commandait alors la place de Nantes, écri- 
vit quelques jours après au maire de Saint-Pé pour afflrmer la part 
prise par Verges dans Tévénement dont parlait la France entière, et 
la municipalité s'empressa d'écrire au nouveau chef de bataillon pour 
le féliciter de sa conduite au 24 mars. Il existe trace de cette lettre 
dans les archives de la ville de Saint-Pé qui contiennent, à la date 
du 4 4 floréal an lY (24 avril i 796) , la délibération suivante : 

Séance du 11 floréal an quatrième de la République. 

Le président Pierre Lassalle dépose sur le bureau une lettre du 
citoyen Dutilh, général de brigade, natif de Tarbes, commandant de 
la force armée, qui annonce que la prise de Gharette... est due à Téner- 
gie et au courage du citoyen Jean-Marie Vergés, capitaine de chasseurs 
de montagnes, né à Saint-Pé, commune du département des Hautes- 
Pyrénées..., ensemble un arrêté du Département portant qu'il sera 
écrit au citoyen Jean-Marie Vergés et à ses parents une lettre de féli- 
citation et que le citoyen Dutilh sera remercié de son attention à lui 
faire part de cette action glorieuse que les journaux ont attribué par 
erreur au citoyen Travot, chef de brigade de l'armée de l'Ouest. 

Le commandant Vergés devait continuer avec succès une carrière 
dans laquelle il avait eu des débuts modestes, mais qui, grâce aux 
aptitudes spéciales dont il avait fait preuve déjà, devait le porter à 
une situation élevée. Il prit part, dans le nouveau grade qu'il venait 
de conquérir, aux campagnes de i 797 et i 799 en Italie, et fut la même 
année promu au grade de chef de brigade, c^est-à-dire de colonel. 
Blessé grièvement deux fois devant Modène et au combat de Chia- 
vari, il fut cité à Tordre de l'armée pour avoir, à Novi^ à la tête d'un 
escadron, coupé la ligne ennemie, s'être emparé de deux pièces de 
canon et avoir, par sa conduite, contribué puissamment à assurer la 
retraite. 

Vergés fut nommé officier de la Légion d'honneur en 4804 et 
devint général de brigade en 4806, après léna, bataille au cours de 
laquelle il avait encore reçu une blessure. Baron de l'Empire et com- 
mandeur de la Légion d'honneur en 4840, il quitta alors le service et 
se retira à Melun, où il mourut au commencement de Tannée 4830. 

Ainsi s'éteignit un homme qui, parti de rien, s'était élevé, grâce 
à son seul mérite, grâce à un concours de circonstances exception- 



90 MiLllIGBS ET DOGUmnfB. 

nellement favorables, à une des situations les plus en vue de son pays. 

Toutefois on ne peut s'empêcher de faire, sur la tombe de Vergés, 
une réflexion, qui vient à l'esprit à propos de nombre de généraux 
de la Révolution el du premier Empire, à savoir que, chez la plupart, 
le caractère ne fut pas à hauteur des qualités militaires. 

Vergés républicain sous la Révolution, prétorien au 48 Brumaire, 
était devenu bonapartiste convaincu sous l'Empire; il se montra, 
sous la monarchie, royaliste ardent. 

Quand, en 4825, il sollicita et obtint de Charles X (le même qu'il 
appelait « d'Artois » en 4796] le grade de lieutenant général hono- 
raire, où étaient ses convictions de l'an II? 

A moins pourtant qu'il ne fût sincère et que, vers ses derniers 
jours, ce vieux diable ne fût devenu ermite. 

Ce serait, après tout, une hypothèse très admissible. 

Arthur de GiFcifiEBS. 



CHARLES ENGELBERT OELSNER. 



NOTICE BIOGRAPHIQUE 

ACCOMPAGNÉE D£ FRAGMENTS DE SES MÉMOIRES RELATIFS A L^HISTOULB DK LA 

RÉVOLUTION FRANÇAISE. 

(Suite K) 



LI. 

9 mars 1791. — Les tantes du roi, Mesdames Adélaïde et Victoire, 
ont entrepris un voyage à Rome. Les opinions sont partagées sur la 
cause de leur départ : est-ce leur dépit contre la Révolution qui blesse 
leurs préjugés les plus invétérés? Est-ce Tennui de voir leur influence 
anéantie? Est-ce la crainte de Texcommunication pontificale ou un pro- 
jet hostile de la cour dont elles auraient connaissance? Probablement 
tous ces motifs y ont contribué. Si la cour connaissait son véritable 

1. Voir Bévue hiitorique, t. LXIII, p. 72 et 297. 



CHARLES ENGELBERT OELSNER. 9i 

intérêt, elle se serait opposée de toute son autorité à l'entreprise insen- 
sée de ces dames. La désapprobation générale, les députations des loca- 
lités voisines de leur résidence, qui ne voulaient pas perdre deux per- 
sonnes qui font tant de dépenses, les motions au club des Jacobins et 
les représentations de la municipalité nationale à TAssemblée ainsi qu'au 
roi pouvaient ouvrir les yeux sur les conséquences de ce voyage. Mais 
il parait que la cour est aveugle sur sa véritable situation et sur la con- 
duite qu'elle doit tenir. Le roi a répondu en alléguant les droits de 
rhomme : il n^y a rien à lui objecter, à la vérité, sinon qu'il est quel- 
quefois sage et nécessaire de ne pas user de son droit. La municipalité 
a été trop timide pour le lui dire. — Pendant ce temps, Mesdames rece- 
vaient les visites assidues des poissardes et des fruitières et trouvaient 
bon, non pas précisément pour leur rendre leurs politesses, de retarder 
plusieurs fois leur voyage. Enfin elles réussirent à s'écbapper. La vigi- 
lance de quelques dames patriotes de la halle qui, un sapeur à leur 
tête, bravèrent le froid de la nuit et la fatigue de la marche, fut déjouée 
par la vigilance plus grande de Lafayette ; les oiseaux étaient envolés 
lorsque le cortège arriva à Meudon ou à Bellevue. Heureusement, ils 
avaient oublié, dans leur hâte, un bon repas préparé pour le voyage; 
rien ne pouvait mieux faire diversion et refroidir Tardeur dévorante 
des amazones fatiguées. — Trois jours après cet événement. Monsieur, 
frère du roi, fit également mine de partir. Immédiatement la foule se 
porta au Luxembourg et Tinvita à abandonner son projet et à rester à 
Paris. Il nia l'intention de partir, promit de rester et fut conduit au 
Louvre en triomphe. 

Barnave prit occasion de cette rage de voyager de la famille royale 
pour demander une loi sur la résidence de la dynastie, loi nécessaire, 
mais qui, si les gens de sang froid ne préviennent pas le mal, pourrait 
être trop rigoureuse, parce que les circonstances ont excité les esprits et 
qu'un certain parti y trouverait son compte. Barnave, qui est aussi grand 
amateur des mesures coercitives que des lois de circonstances, n'en est 
pas resté là, il a demandé une loi contre l'émigration en général. 

•Même si une telle limitation de la liberté naturelle de l'homme était 
permise dans certaines circonstances extraordinaires, la loi serait d'une 
exécution impossible; car, d'abord, on ne pourrait l'appliquer sans recou- 
rir à dos moyens qui dégénéreraient facilement en tyrannie; ensuite, 
elle serait infailliblement éludée dans un état où beaucoup de citoyens 
ne sont pas propriétaires fonciers, mais commerçants et capitalistes, 
où il y a toute espèce de richesses mobilières. £>e plus, dans le cas par- 
ticulier des émigrés français, l'Assemblée nationale ne pourrait pas faire 
une loi de ce genre sans se déshonorer au plus haut point. Par la décla- 
ration des droits de l'homme, elle a consacré le principe que chacun 
peut rester où il lui plait et aller où il veut. Les émigrants, à l'excep- 
tion des fonctionnaires, se donnent pour des étrangers qui ne prétendent 
à aucun droit politique et qui demandent seulement à conserver leur 
fortune. Enfin, l'Assemblée nationale est impuissante à donner à plu- 



92 M1ÎLA5GBS ET BOGUIUNTS. 

sieurs d'entre eux la sécurité nécessaire à leur repos, non parce qae les 
détenteurs du pouvoir public ne sont pas disposés à les protéger, mais 
parce qu41s ne sont pas encore assez maîtres de la machine pour 
pouvoir arrêter tous ses mouvements ; et les émigrants, avec peu de raison 
à la vérité, n'accordent aucune confiance à la garde nationale, la tiennent 
pour hostile et ne se croient pas en complète sécurité avec elle. — Je 
crois bien que beaucoup de Français émigrés ont le désir de la vengeance, 
que leur séjour en pays étranger leur fournit peut-être les moyens de 
le satisfaire, et il est clair qulls emportent hors du royaume une masse 
énorme d'argent monnayé ; mais je crois aussi que, môme en s*exposant 
à un danger, on doit rester ûdèle aux principes ; or, ceux-ci défendent 
de punir personne pour des opinions et des désirs. Ah I dès qu'on aura 
en main des preuves convaincantes des actes hostiles des émigrés, la loi 
pourra se déchaîner contre eux : ils seront ouvertement des traîtres à 
la patrie, dont les biens ni les personnes ne méritent d'être garantis. 

Cependant, les clubs et les places publiques en jugèrent tout autre- 
ment. Mesdames, qui ne s'étaient laissé retenir par aucune raison 
d'ordre moral, avaient été arrêtées par les bourgeois de Moret, puis 
remises en liberté grâce à l'irruption violente des chasseurs lie Lorraine 
sur le territoire de cette municipalité. Les dévotes voyageuses poursui- 
virent leur voyage jusqu'à Arnay-le-Duc, où elles furent de nouveau 
arrêtées et durent consentir à rester, parce qu'il n'y avait dans le voisi- 
nage aucune troupe pour les secourir. Il y a eu jeudi huit jours, la nou- 
velle de cet événement arriva à TAssemblée nationale, la question fut 
débattue longuement et avec chaleur; Charles Lameth eut la naïveté 
de dire que le roi, ayant de la peine à se passer de la société accoutu- 
mée de ses tantes, ne désirait rien plus que subir une douce violence. 
Mais aucune loi existante n'empêchait les royales citoyennes de voyager, 
et aucune véritable nécessité politique ne s'opposait à leurs pro- 
jets. Sur la proposition de Mirabeau, on abandonna donc la décision 
au bon plaisir du roi. A peine cela fut-il connu qu'une troupe de pois- 
sardes, rassemblée à la hâte dans la rue Saint-Honoré, se rendit aux 
Tuileries pour prier le roi de prendre une décision agréable au peuple 
et de rappeler ses tantes. Les forts de la halle qui se trouvaient rassem- 
blés dans le voisinage, soi-disant par hasard et à l'occasion d'un procès 
perdu, leurs femmes et leur entourage de gueux et de curieux gros- 
sirent la troupe. Le maire fit avancer la cavalerie, et les gardes natio- 
naux parurent de tous côtés. Si un courtisan indiscret n'avait pas éloi- 
gné le roi de la fenêtre, la bande furieuse, satisfaite d'un salut, se serait 
peut-être dispersée sans dilïiculté. On eut de la peine à l'y contraindre. 
Le crépuscule ne permettait pas de bien voir. Les uns affirmaient, 
car la fuite du roi est l'éternel épouvantail, qu'on avait montré au peuple 
un mannequin, un Louis empaillé, que le véritable roi avait disparu; 
d'autres certifiaient que ses tantes avaient emmené le dauphin, que 
l'enfant que l'on promenait était le fils de M. de Saint-Sauveur. Dans 
cette confusion de volontés et d'opinions, peu de gens pouvaient savoir 



CHARLES ENGBLBERT OKLSPTER. 93 

d'où venait le mouvement et où il conduirait. Lafayette et Bailly s'en- 
tendirent adresser beaucoup de grossièretés et s'exposèrent à de grands 
dangers; on craignait la promulgation de la loi martiale; enfin, on par- 
vint par la douceur à faire sortir la foule des Tuileries. 

Le lundi 28 février, le décret sur Témigration vint à Tordre du jour. 
Le comité constituant déclara toute loi de ce genre incompatible avec 
la Constitution française; pour obéir cependant aux ordres de l'Assem- 
blce nationale, mais surtout pour lui enlever toute envie d'un tel décret, 
il en proposa un, tellement cruel et absurde, que personne ne voulut 
l'écouter jusqu'à la fin. Mirabeau appuya le comité, lut à l'Assemblée 
Texcellent passage sur l'émigration de sa lettre au roi Frédéric-Guil- 
laume, passage qui cependant ne s'appliquait peut-être pas exactement 
au cas, et s'éleva avec une force particulière contre toutes les lois de 
circonstance qui violent ordinairement les principes et frayent la voie 
aux tyrans. Déjà, dans une séance précédente, il avait dénoncé à l'As- 
semblée certains factieux; maintenant il menaçait, en sa qualité d'ad- 
ministrateur, de déjouer leurs plans ambitieux. 11 démasqua si bien les 
protecteurs et les investigateurs de l'anarchie que personne ne s'y 
trompa et que beaucoup de gens eussent volontiers quitté la séance. 

Une trentaine d'ambitieux, notoirement anciens courtisans pour la 
plupart, cherchent c per fas et nefas » à mettre sous leur domination 
la municipalité de Paris, le général et la majorité de l'Assemblée 
nationale, les ministres y étant déjà. Peut-être ne sont-ils que de purs 
enthousiastes, mais on peut être à la fois enthousiaste et trompeur. Les 
occasions peuvent manquer, les Gromwells ne manquent jamais. Ces 
gens-là se donnent pour les seuls, pour les sincères amis du peuple, 
s'efforcent de rendre suspects les patriotes les plus respectables, les 
véritables auteurs de la Révolution, que menaçaient les gardes du des- 
potisme pendant qu'eux-mêmes cabalaient contre la liberté; ils prêchent 
la résistance à tout détenteur du pouvoir public, comme si l'on était 
encore aux premiers jours de la Révolution et que le peuple n'eût ni 
lois ni magistrats élus par lui-même. 

La société des Jacobins, qui a rendu des services importants à la 
Révolution, qui en rend encore quelquefois et qui pourrait contribuer 
au rétablissement de la paix autant qu'autrefois au renversement des 
abus surannés, dégénère, par la.fatale influence de ces intrigants, en une 
faction dangereuse. On en a ouvert les portes à des fanatiques qui vou- 
draient pourfendre même l'ombre de leurs adversaires, à de bonnes 
gens, des naïfs, qui croient tous les contes, les répètent et sont au moins 
capables de répandre l'angoisse et la terreur. Il s'y est introduit une 
foule de chevaliers d'industrie et d'ambitieux avides de jouer un rôle, 
qui, pour obtenir du crédit, aifichent un patriotisme bruyant et prêtent 
la main à tout projet extravagant. Des bruits tumultueux et des paroles 
amères y étouffent la voix de la modération éclairée et en ont chassé 
beaucoup de gens clairvoyants, mais timides ou d'une susceptibilité 
inopportune, de sorte que la société deviendrait un instrument dont on 



94 MlÎLiNGBS BT DOGUlfKim. 

aurait tout à craindre si de braves gens, et Mirabeau avec eux, ne gar- 
daient pas le courage d'y rester pour attaquer les scélérats dans leurs 
propres retranchements. On n'épargne actuellement aucune peine pour 
le dégoûter de cette conduite aussi hardie qu'habile, mais on ne pour^ 
rait rien contre sa supériorité si Ton voulait la combattre la visière 
levée; on recourt donc à la ruse, on le calomnie, on le fait calomnier, 
on rend impopulaires ses meilleures lois, on excite les soupçons contre 
chacune de ses démarches, on le décrie comme aristocrate quand il 
recommande Tordre. Nul moyen d'arriver à la popularité ne leur paraît 
trop mauvais, ils flattent la foule ignorante et rampent devant les jour- 
nalistes qui sont à leur solde. 

Gomme leur avantage exige qu'ils restent dans les coulisses et que, 
sauf les frères Lameth, ils ne comptent guère parmi eux de talent sail- 
lant, ils ont su procurer à Barnave une réputation incroyable afin d'op- 
poser un champion à Mirabeau. Ce jeune homme a un esprit pénétrant, 
une grande facilité d'élocution, beaucoup de méthode, et, ce qui est 
rare jusqu'ici en France, assez de sang-froid et de prudence pour ne 
parler que lorsque toutes les différentes opinions ont été entendues et 
qu'on pressent celle qui doit l'emporter et la manière dont elle triom- 
phera. D'autre part, il lui manque tout ce que Mirabeau a en plus d'es- 
prit inventif pour être original, d'imagination pour n'être jamais froid, 
d'esprit pour n'être jamais sec, de tact pour n'être jamais dur. La variété 
des connaissances et la maturité des vues politiques lui font également 
défaut. Il est regrettable que la cabale l'ait mis en avant trop tôt. Un 
succès prématuré et extraordinaire peut facilement égarer un grand 
homme naissant, le rendre téméraire, l'aveugler sur sa vraie valeur et 
l'amollir. Jusqu'ici on a eu pour lui une espèce d'engouement, mais 
enfin l'opinion commence à se faire plus équitable. Je fonde de grandes 
espérances sur ce revirement, car Barnave semble unir une grande fer- 
meté de caractère à l'ambition. 

Je connais assez bien les Jacobins maintenant et je sais trop le pea 
de tolérance que rencontre tout ce qui est contraire à l'opinion publique 
pour ne pas prévoir des scènes violentes. Mirabeau avait joué plus d'an 
mauvais tour aux meneurs : la mission donnée à Lafayette, sa procla- 
mation contre les factieux, enfin son attitude à l'Assemblée nationale, 
tout déjouait leurs projets les plus chers. 

Le projet de ne laisser aux émigrants que le huitième de leurs biens 
s'ils ne rentraient pas en France dans le délai fixé devait plaire aux 
factieux autant que la loi agraire plaisait aux portefaix de Rome et 
mettre le comble à leur popularité. Le duc d'Aiguillon et les frères 
Lameth, ces nouveaux Gracques, l'avaient fait publier par leurs émis- 
saires sur les places publiques et envoyé des lettres et des messagers 
aux sociétés affiliées. 

Mirabeau devait dîner ce même jour chez le duc d'Aiguillon; il s'y 
rendit après la séance; l'entrée de la maison lui fut interdite; on espé- 
rait l'intimider et on pensait qu'il n'aurait pas le courage de venir au 



CH1RLB8 EUGBLBBRT OELSNEE. 95 

club dans la soirée ; on lui tendait un piège, espérant par là ruiner plus 
facilement son crédit, mais Mirabeau n'est pas poltron, il connaît ses 
adversaires, il vint, et ce que j'avais prévu arriva. 

Duport monta à la tribune et fit une sortie violente contre Mirabeau 
et Lafayette, autrefois son meilleur ami; il montra en eux des traîtres, 
les pires ennemis de la patrie ; il accusa Lafayette de dégoûter la garde 
nationale du service par ses levées constantes, Mirabeau de vouloir élu- 
der la question de la résidence royale en combattant la loi sur les émi- 
grés, et tous deux de favoriser la fuite au roi et la contre-révolution. 
Ces accusations étaient cruelles, mais les applaudissements qui accueil- 
lirent les traits les plus amers et les plus noirs en dépit des grands ser- 
vices rendus par Mirabeau à la cause de la Révolution furent plus 
cruels encore. Duport quitta la tribune. Mirabeau, assis en face de lui 
pendant toute Tattaque, se leva, voulut répondre, et, chose qui ne lui 
était encore jamais arrivée à cette place, tous se déchaînèrent contre 
lui, ie dépit chez un grand nombre devint de la fureur, et la plus grande 
partie de l'assemblée ressemblait à des groupes d'aliénés. A la fin cepen- 
dant, son geste et sa voix surent se faire écouter. Dès qu'il put prendre 
la parole, il déroba Lafayette aux coups de la multitude par une 
manœuvre habile et triomphante, bien qu'il ne fût pas son ami, secoua 
les flèches d'un adversaire qui n'était pas de taille à lui tenir tète et 
le lapida de son éloquence. Mais un second orage bien plus violent 
l'attendait. Alexandre Lameth ne pouvait voir tomber son frère d'armes 
sans le venger; il a beaucoup d'esprit, parle facilement, quoique avec 
moins de verve que son frère Charles; son style, avec moins de natu- 
rel et de mordant peut-être que celui de Charles, a plus de solidité. Il 
passe pour le plus grand intrigant de l'Assemblée nationale et, ce 
jour-là, il déploya une rare habileté à mettre à profit la disposition 
d'esprit oii le discours de Duport avait porté l'Assemblée. Il attaqua 
son adversaire au défaut de la cuirasse, n'épargna ni ses folies de jeu- 
nesse, ni les fautes de son âge mûr, ni les torts que la calomnie et des 
soupçons malveillants lui prêtaient. Il s'efforça de le rendre à la fois 
odieux et ridicule et il ne réussit que trop à être tour à tour mordant 
et pathétique; à mesure qu'éclataient les frénétiques applaudissements 
de son auditoire furieux, les traits de son éloquence devenaient plus 
perfides et plus acérés. 

Certes, il fit preuve d'un rare talent; jamais, non jamais, je n'avais 
soupçonné en lui autant de perfidie, je trépignais, je tempêtais, lorsque 
finalement on exprima la crainte de voir pendre, non les factieux, 
mais ceux qui oseraient en parler ainsi. Quiconque connaît la tactique 
de ces messieurs sait ce que signifient de telles expressions, et les 
attaques dont Mirabeau fut l'objet le lendemain sur la terrasse des 
Feuillants prouvèrent avec quelle facilité les craintes de Lameth 
anraient pu se réaliser. Je crus avoir pénétré toute l'hostilité de ses 
intentions et vu toute la noirceur de sa haine qui déversait son venin 
sur les actes les plus louables. Sa cruauté et la joie exultante de la 



96 MifLANGBS KT D0GUllBI!fT8. 

majorité de rAssemblée me rendirent malade poar quelques joars; 
saisi de dégoût tandis que, de tous les côtés de la salle, on invectivait 
Mirabeau et que le président cberchait, par une vile partialité, à l'éloi- 
gner de la tribune et à lever la séance, je désespérais de voir Mirabeaa 
rester maître de lui et capable de donner la réplique qu'exigeaient sa 
situation et sa dignité blessée. Le chemin de la gloire, pensai-je, est 
en vérité semé d'épines, sous un gouvernement despotique, il te faut 
ramper, dans une république, il faut te battre, et, lorsque tu as mérité 
la reconnaissance de tous, Tostracisme t'envoie en exil. Mirabeau était 
sur le point d'en faire l'expérience ou, plutôt, il la faisait : tout autre 
que lui eût succombé; seule, sa grande âme ne succomba pas; j'avais 
eu bien tort de trembler pour elle, car c'est précisément dans Torage 
qu'elle grandit. Non seulement il avait gardé son sang-froid jusqu'au 
bout de cette longue et sanglante attaque, mais il avait eu assez de pré- 
sence d'esprit pour se faire une arme défensive avec les floches de l'en- 
nemi. Il y eut un combat acharné, il eut recours à toutes les ressources 
de son génie pour vaincre son jeune et habile adversaire ; il étreignit 
Lameth et ses amis d'une main de fer, d'une main de feu, leur arracha 
le masque et leur fit des blessures mortelles. Une colère bouillante cou- 
vrit de son écume tout ce qui s'était déchaîné contre lui, il lança de sa 
voix de tonnerre des vérités inouïes à l'Assemblée; sa témérité, l'allure 
sublime de son éloquence inspirèrent un étonnement mêlé de stupeur, 
et c'est ainsi qu'il dompta les fous furieux et à tous, quels qu'ils fussent, 
il arracha, sinon des applaudissements, du moins des cris d'admiration. 
Mirabeau n'a pas eu de plus beau moment dans l'Assemblée nationale. 
Je regrette que les limites de cette lettre ne me permettent pas d'en- 
trer dans des détails et de rendre compte de toutes les impressions 
ineffaçables que cette mémorable soirée a laissées dans mon âme. Ce 
qui m'enthousiasma le plus, ce fut la pleine possession de lui-même, 
avec laquelle, abandonnant ses adversaires terrassés et toutes les ques- 
tions personnelles, il reprit les discussions politiques les plus hautes. 



LU. 

Pendant ce temps, des scènes d'un autre genre avaient lieu au châ- 
teau des Tuileries. Il semblait qu'on y complotât de faire du 28 février 
un jour néfaste de l'histoire de France. Le danger a été prévenu par la 
conduite courageuse de Mirabeau, par la vigilance du Directoire et par 
le courage réfléchi de Lafayette. 

Gomme il n'y a plus de cours de justice criminelle, les prisons de 
Paris se remplissent de telle sorte qu'on peut craindre des maladies 
épidémiques. Pour les prévenir, il a été permis à la municipalité de 
transformer en prison le donjon de Yincennes. Depuis deux ou trois 
mois, elle y occupe des ouvriers; là-dessus, un mensonge stupide et 
dangereux s'est répandu et ne trouve que trop de créance : on dit 



CHARLES BN6BLBBRT OELSIfBE* 97 

qu'une nouvelle Bastille se construit aux portes de Paris et qu'il faut 
la renverser si l'on ne veut pas être mis en état de siège. 

Le 23 février, on dénonça un projet de contre-révolution qu'il fallait 
déjouer par la destruction dudit donjon. Le président Reubel, contrarié 
de cette inepte dénonciation, voulait lever la séance. « S'il se produit 
des désordres, dit-il, on nous les imputera. » Barnave en jugea autre- 
ment, réprimanda le président et renoua le fil de la discussion. Le résul- 
tat de cette afiaire fut la résolution de ne pas quitter des yeux le châ- 
teau des Tuileries, au cas où il y aurait des troubles dans une partie 
de la ville, ce qui pouvait bien devenir Toccasion d'un soulèvement. 

Dans la nuit du 27 au 28 février, le Directoire acquit la certitude 
qu'il existait un complot contre le donjon de Vincennes. Les démolis- 
seurs devaient commencer leur travail entre six et sept heures. Lafayette 
donna ordre au commandant du bataillon Saint- Antoine de marcher à 
quatre heures sur Vincennes; lui-même s'y trouva vers sept heures 
avec 6 à 8,000 hommes. Si Santerre lui avait obéi, tout malheur eût 
été prévenu. Mais il trouva bon de faire beaucoup de bruit avant le 
départ, de partir tard, de marcher avec une lenteur impardonnable, de 
tolérer que ses soldats tirassent sur deux adjudants de Lafayette et les 
contraignissent à descendre de cheval et à retourner à Vincennes. Sans 
exécuter aucune des manœuvres prescrites, il vit réduire en cendres 
une partie de l'édifice et brûler les meubles. Lafayette trouva les choses 
dans cet état, et s'il n'en eût imposé à tous par sa résolution et sa pré- 
sence d'esprit, il y aurait eu un conflit sanglant entre les volontaires 
qu'il commandait et les troupes de Santerre. Les provocations ne man- 
quèrent pas; un chasseur fut tué à ses côtés; mais il se contenta de 
faire soixante prisonniers. 

A l'heure même où ceci se passait à Vincennes, un individu, armé 
d^un stylet et d'un pistolet, fut arrêté près de la chambre du Dauphin. 
La rumeur publique, comme on peut le penser, prêta des couleurs 
effrayantes à cet incident, qui pouvait venir d'une simple distraction. 
Les sentinelles avaient déjà été doublées autour du château au départ 
de Lafayette ; elles furent décuplées. Vers huit heures du soir, on remar- 
qua une foule extraordinaire dans la chambre de la reine. Il y avait 
beaucoup de visages étrangers, et le petit nombre des gens connus y 
étaient habillés comme on ne l'est pas habituellement pour paraître à 
la cour, c'est-à-dire en frac et en bottes ; aucune sentinelle ne les avait 
vus passer, ils devaient être entrés dans le château par des portes secrètes. 
Cette troupe tint des propos blessants devant la garde nationale et laissa 
même voir des armes. Les gardes commencèrent à murmurer ; M. Gou- 
vion fut chargé de faire des représentations au roi. Le roi l'écouta de 
bonne grâce et ordonna à ses hôtes de déposer leurs armes. Lafayette 
parut lorsque l'opération allait commencer; à la vue de quelques vau- 
riens bien connus, comme, par exemple, les meurtriers du malheureux 
Bazincourt, de toutes ces physionomies étrangères, de ces armes meur- 
Rev. Histor. LXV. i» PASC. 7 



98 . MANGES ET DOGUMBIITS. 

trières, à la pensée des intentions et des suites que pouvait avoir cette 
réunion, il ne put contenir Tamertume de son mécontentement; il 
traita les chefs de la domesticité royale, MM. Yilléquier et Dnras, cou- 
pables de tout ce désordre, comme méritaient leurs mauvais desseins 
ou leur étourderie; du reste, il s'efforça de modérer rirritation de la 
garde nationale et de protéger les courtisans pour qui un conflit aurait 
pu devenir dangereux. Les uns surent se contenir; d'autres, avec le 
ci-devant prince de Poix, cherchèrent derrière un escalier un abri 
contre toute éventualité fâcheuse. Quelques furieux seulement s'avi- 
sèrent de faire une résistance que leurs stylets et leurs pistolets de 
poche rendaient d'autant plus suspecte et qui donna à la garde natio- 
nale un prétexte désiré pour oublier pendant quelques minutes les 
exhortations de son général et pour attaquer, non pas la vie de ses 
gens-là, mais ce qu'ils appellent l'honneur de leur caste. Ni étoile, ni 
cordon d'ordre, ni calotte ne les protégèrent contre les bourrades, les 
horions, les coups de pied, surtout dans cette partie du corps que la 
nature a laissée sans armes défensives. MM. d'Espremesnil, d'Agoult, 
de Montlozier sauraient vous raconter, mieux que personne, de quelle 
manière ils ont passé dans la classe des plébéiens. L'incident a reçu 
différents noms ; on l'appelle la soirée des chiquenaudes, la nuit des 
soufflets, la fête des coups de pieds au derrière, le dernier jour de la 
noblesse. 

Lin. 

19 avril 1791. — Il est inconcevable que la cour ne connaisse pas 
l'esprit du temps qu'elle contrarie. Elle doit savoir qu^on n'existe que 
par l!opinion et par quelques restes de foi, que dans tous les temps et 
sous toutes les zones, ceux-là seuls ont régné qui ont su gagner le suf- 
frage public sans lequel personne, chez un peuple libre, ne peut se 
maintenir longtemps à une place élevée. Je parle d'un peuple libre : 
mais les sultans mêmes ne peuvent s'en passer. Leur toute-puissance 
s'évanouit dès que l'opinion que le peuple a de leur force cesse d'être 
plus grande que cette force; et aucun souverain, ni en Asie ni en 
Europe, ni dans l'antiquité ni dans les temps modernes, pas même les 
rois de Prusse, qui sont allés à cet égard jusqu'aux dernières limites, 
n'est parvenu à voir à ses ordres autant de force active que de force 
passive. Il n'y a pas de constitution qui ne doive s'écrouler dès qu'elle 
porte le poids d'une certaine masse de discrédit. L'histoire le montre 
dans des milliers de pages impérissables; la philosophie l'a prouvé; 
mais la philosophie et l'histoire sont bannies des cours; tout au plus 
y paraissent-elles avec un masque, et si jamais, soit nécessité, soit 
hasard, elles s'y montrent en pleine lumière, le roi et son entourage 
ne comprennent pas leur langage. Eux, pour qui le livre des temps et 
de la raison est particulièrement écrit, ils sont, de tous leurs frères 



CHARLES EUGBLBERT OELSIflR. 99 

mortels, les plus incapables d'en tirer parti. Ils voient à peine le jour, 
car la tromperie et l'illusion les entourent depuis le berceau. L'éduca- 
tion du mendiant n'est pas, à beaucoup près, aussi misérable que celle 
des princes. Il apprend de bonne beure ce qu'il est et doit être, tandis 
que, devant l'enfant qui doit hériter du trône, toute idée juste s'écarte, 
tout sentiment vrai se déguise, tout compagnon de jeu est hypocrite. 
Ceux qui l'entourent semblent avoir juré de faire de lui un être hors 
nature, de lui inoculer des opinions et des prétentions fausses; bref, il 
devient incapable de se voir lui-môme autrement qu'à travers un prisme. 
Dans les temps ordinaires, où les choses suivent l'ornière tracée, cela 
passe encore, mais si l'équipage du vaisseau, instruit par de longues 
épreuves, est devenu plus sage que son pilote assoupi, si la nation a 
pris le sentiment de sa force et la connaissance de ses droits, alors que 
le ciel fasse miséricorde à ce mélange de dieu et de crétin! Daclos 
dit que la puissance papale tombe avec le mouvement accéléré des 
masses pesantes. On pourra en dire autant en France de la dignité 
royale, qui ne se soutient peut-être plus que par rattachement pour 
celui qui en est revêtu, si la cour n'arrive pas à comprendre sa situa- 
tion. Tout autour d'elle un esprit nouveau condamne ce qu'elle admi- 
rait autrefois, réclame ce qu'autrefois elle n'eût pas permis; et aux yeux 
de la liberté qui est toujours ombrageuse, mais qui Test surtout aux pre- 
miers jours de son existence, les démarches étourdies paraissent équi- 
voques, les démarches équivoques hostiles. Il peut y avoir une foule de 
souvenirs douloureux pour la cour; une nécessité pressante ordonne de 
les oublier, impose un air satisfait, commande d'obéir, non seulement 
par force, mais de bon gré, à l'opinion publique et de la prévenir quand 
c'est possible. Mais on ne veut pas voir cela, on ne sait pas se défaire 
des anciennes formes, qui conviennent le moins à la situation, on croit 
en imposer par elles. Quelle erreur! Le peuple n'est plus fasciné par 
l'éloignement et la hauteur du sultan. La cour devrait dissimuler avec 
le plus grand soin le désir de dominer comme autrefois. Elle devrait se 
contenter de jouir en silence de son pouvoir quand elle peut le ressaisir 
et ne pas laisser voir prématurément des prétentions détestées, qui 
font infailliblement échouer les tentatives les mieux conçues. Les gens 
perfides, qui guettent ses faux pas, cherchent à les provoquer, et savent 
en profiter, sont nombreux. Sur quatre partis actifs, trois peuvent deve« 
nir également dangereux pour le roi. 

Le premier se compose de tous ceux qui haïssent franchement la 
Révolution, soit parce qu'ils ne la comprennent pas, soit parce qu'elle 
n'a pas marché suivant leurs vues, soit parce qu'elle a détruit les 
charges, les titres, la supériorité, la renommée qu'ils possédaient ou 
auxquels ils se promettaient d'arriver. Ce parti comprend tous ceux 
qu'on appelle communément aristocrates ; ci-devant nobles, philosophes, 
évêques, conseillers au Parlement, pensionnés; leurs sentiments à 
l'égard du roi sont aussi honnêtes que ceux du cardinal de Rohan et 






400 MIÎLANGES ET DOCUMENTS. 

de ses pareils à l'égard de la religion : ils cherchent en lui un palla- 
dium contre la rébellion. L'opinion accorde peu d'importance à ce 
parti. On se moque des philosophes à gages. La noblesse et les parle- 
ments sont oubliés, on pense tout au plus à eux quand on pense à Tin- 
solence et aux exactions; le fanatisme paraît chaque jour une arme 
plus misérable. On peut juger des ressources intellectuelles de ce parti 
par la conduite qu'il a tenue jusqu'ici; les sources de sa richesse sont 
taries. Étant ainsi dépourvu de crédit et réduit aux expédients, on peut, 
sans injustice, accuser de folie ou de déloyauté ceux qui voudraient y 
rattacher le roi. C'en est fait de lui si le malheur veut qu'il se jette dans 
leurs bras, car il ne serait plus qu'un doge, surveillé par une aristocra- 
tie jalouse, si celle-ci triomphait ; si, au contraire, elle était vaincue, 
ce qui arriverait selon toute probabilité, le sang des Bourbons cesse- 
rait d'être sacré au peuple irrité. En effet, Tamour qu'on porte au roi 
est extrême (il est môme inconcevable qu'on sache si peu en tirer parti 
et qu'on laisse échapper des occasions favorables qui ne reviendront 
pas), mais, quiconque connaît le fanatisme de la masse, quiconque a vu 
quelles violences menaçantes excite l'amour de la liberté chez les plus 
braves gens sur un soupçon, même sans fondement, sait que je n'affirme 
rien d'exagéré. 

Le second parti est celui des ennemis des princes. Il tient tous les 
rois pour des mangeurs d'hommes et voudrait en voir la race entière 
extirpée de la terre. Sans intrigue, et fondant des espérances à longue 
échéance sur les fautes de la cour et le rapide progrès des lumières, il 
ne porterait pas le deuil si la cour se perdait dans l'opinion publique. 

Le troisième parti est celui des ennemis de la paix. U se compose, 
pour une partie, de gens chez qui la liberté est une fièvre chaude, qui 
courent dans toutes les directions sans avoir aucun système, qui 
découvrent partout des conspirations, qui entrent en campagne avec 
fureur contre tout détenteur du pouvoir, qui tiennent les moyens les 
plus extrêmes pour insuffisants et qui se laissent entraîner au delà de 
ce que demande l'utilité générale. Il comprend, d'autre part, des ambi- 
tieux pleins d'astuce qui savent jouer, avec une habileté particulière, le 
rôle d'amis du peuple, qui diffament, non pas la dignité royale, mais 
le roi, qui donnent incessamment l'alarme sur des crises qu'ils ont eux- 
mêmes provoquées, qui s'attroupent et se font passer pour des anges 
protecteurs dans le danger. Cette fraction, composée en majeure partie 
des anciens courtisans les plus favorisés, a trop souvent passé par 
l'école des antichambres de ministres et des salons de favorites pour 
qu'on puisse croire à la sincérité de son zèle, à la pureté de ses inten- 
tions ; elle est trop habile en intrigues pour ne pas trouver dans l'autre 
moitié du parti un instrument utile. On l'accuse d'avoir abandonné le 
drapeau de la cour parce qu'il n'est pas le drapeau de la victoire et que 
le peuple a ébranlé le trône; on l'accuse d'aspirer au gouvernement 
sous prétexte du bien général, pour créer une nouvelle aristocratie; 



:< ..- ... 



CHARLES E^CGBLBERT OBLSIfER. \Ù4 

d'autres croient qu'elle travaille pour un certain prince. Si cette der- 
nière accusation est, comme je le crois, une calomnie, ces gens-là n'ont 
pas à se plaindre, car on récolte ce qu'on a semé. Cette faction, opposée 
en particulière Lafayette, parait posséder, parmi les familiers mêmes du 
roi, de fidèles adhérents et semble être admirablement servie. 

Le seul parti auprès duquel le roi peut trouver le salut est celui des 
vrais amis de la Constitution, non ceux qui s'en donnent le nom, mais 
ceux qui le sont réellement. Ce parti, si on peut nommer ainsi la partie 
la plus éclairée et la plus nombreuse d'une nation, a senti et appris à 
connaître toute l'atrocité de l'ancienne constitution abolie et n'en désire 
certainement pas le retour. Il aime Tœuvre de ses représentants, mais 
il veut le repos et la concorde sans lesquels, à son avis, le nouvel ordre 
de choses ne peut prospérer, et il exagère peut-être un peu la nécessité 
d'une tranquillité qui n'est peut-être pas possible ou utile après une si 
violente tempête. Mais je l'approuve complètement quand il dit qu'on 
doit laisser le temps corriger les défauts inhérents à la Constitution, 
défauts inévitables dans les circonstances où elle a été faite, surtout 
quand il s'agit d'institutions sur lesquelles l'opinion n'est pas encore 
mûre et qui n'ont pu s'établir sans compromettre pour plusieurs géné- 
rations les bénéfices qu'on en attend. Ainsi, il tient au système de la 
monarchie héréditaire, moins par conviction de sa nécessité et de ses 
bienfaits que par conviction du danger qu'il y aurait à la renverser 
maintenant, c'est-à-dire à faire Une seconde révolution; et comme, 
malgré la calomnie, il trouve à Louis XVI des mérites utiles au bien 
public et croit reconnaître en lui une bonne volonté sincère, il le 
défendra vigoureusement contre tous ceux qui pourraient attaquer le 
temple de la Constitution que ce prince habite à présent. Il faut seu- 
lement que le roi finisse par être franc et par dire clairement ce qu'on 
peut attendre de lui. 

Lrv. 

En dehors de ceux qui n'ont rien à perdre ou qui ne voient de salut, 
comme les partisans de Catilina, que dans l'incendie et la dévastation, 
tous les capitalistes et tous les propriétaires devraient comprendre ce 
que peut leur rapporter le nouvel ordre de choses. Mirabeau a laissé un 
livre sur les lacunes et les perfectionnements nécessaires de la Consti- 
tution française ^ Il n'approuvait pas la trop grande part du pouvoir 
public accordée aux municipalités, ni leur nombre trop considérable 
qui complique et entrave le fonctionnement de la machine. Il voulait 
aussi diminuer ces assemblées électorales qui, revenant trop fréquem- 

1. Il s'agit peot-étre de la célèbre Quarante- septième note de Mirabeau pour 
la cour. (Cf. Bacoort : Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte 
de la Marck, 1851, vol. II.) 



402 M1ÎLANGBS BT DOCUMBRTS. 

ment et darant trop longtemps, deviennent à charge à la partie pins 
laborieuse de la nation ou sont abandonnées par sa négligence à l'in- 
trigue. Les conditions auxquelles on peut être électeur du second 
degré doivent être aggravées; au contraire, il faut rendre plus faciles 
les conditions pour être éligible ou citoyen actif. Il faut faire dans les 
élections des dépenses que tout le monde ne peut pas supporter. A la 
vérité, la richesse obtient par là des privilèges qui ne lui appartiennent 
pas de droit, mais le mal serait encore plus grand si l'État payait les 
électeurs, parce que ce serait favoriser Tavidité et l'intrigue et que cela 
occasionnerait en outre une augmentation de dépense de trente mil- 
lions. D^autre part, il est révoltant que, d'après les lois actuelles, un 
Jean- Jacques dans la pauvreté soit inéligible. Notre organisation bour- 
geoise est un mauvais compromis entre une perfide aristocratie et une 
démocratie inexpérimentée. Mirabeau blâmait aussi les dispositions qui 
ont fixé le sort de l'ancien et du nouveau clergé. Si la folie du premier 
n'eût pas donné des armes aux Jansénistes, son traitement eût été 
moins réduit, et pourtant les frais du culte, qui se monteront encore à 
soixante millions lorsque toutes les pensions et les anciennes dettes 
seront éteintes, auraient été diminués de cinq à six millions. 

LV. 

Quand le Dauphin, un gamin de six à sept ans, va se promener aux 
Tuileries, il est accompagné de trois ou quatre dames d'honneur, d'au- 
tant de chambellans, d'une demi-douzaine de laquais et d'autant de 
gardes; le peuple se précipite pour voir le jeune prince, qu'il voit 
cependant tous les jours, le matin et l'après midi; on reste chapeau 
bas et dans le silence le plus respectueux devant lui. Les sentinelles se 
mettent au port d'armes, on bat le tambour ; l'enfant est chargé d'étoiles 
et de cordons d'ordres ; on lui apprend à s'avancer d'un air guindé et 
hautain. Pourquoi? pourquoi toutes ces parades? L'éducation des 
princes a été la même de tout temps. Eux et nous, disait la comtesse 
de Rochecbouart, sommes pareillement amollis et gâtés, les princes et 
les femmes n'entendent jamais la vérité ou l'entendent trop tard. Le 
duc de Villeroi disait à Louis XV en lui montrant d'une fenêtre des 
Tuileries une grande foule de peuple : « Sire, tout cela est à vous. » 
Le gouverneur de Louis XVI faisait une affaire d'État de l'invention 
d'une figure de menuet réglée de telle façon que les jeunes seigneurs 
puissent danser avec le dauphin sans lui tourner le dos. Ce môme gou- 
verneur, M. de la Vauguyon, ne le quittait jamais après l'avoir mis au 
lit sans lui dire : « Bonsoir, Louis-Âuguste de Bourbon, héritier pré- 
somptif du premier trône du monde, issu de la race la plus auguste qui 
soit entre toutes les races royales. » C'est ce qui faisait dire à un frère 
du roi, le comte d'Artois : c A la manière dont on nous a élevés, nous 
avons du mérite à ne pas être devenus des tigres. » 



CHiRLBS B^TGELBERT OELSNER. 408 



LVI. 

Quoi d'étonnant si les princes se croient nés pour commander quand 
les peuples sont assez niais pour le croire? Quoi de surprenant, a dit 
Ck)ndillac, si un prince gâté par les bassesses de sa cour et enivré par 
les fumées du despotisme se prend pour un grand homme digne de 
régner et dont les fantaisies, les caprices sont autant de lois sacrées 
dont l'observation importe essentiellement au bien de ces États, puisque 
ses sujets sont des esclaves assez habitués au joug pour en être aussi 
persuadés? Ahl comme il est vrai que la liberté a encore plus à se 
plaindre des esclaves que des tyrans I 

Lvn. 

La Révolution a accéléré les progrès de Tesprit humain de la manière 
la plus extraordinaire; une foule de vérités et d'opinions qui, il y a 
quelques années, vous faisaient considérer comme un penseur que son 
originalité conduisait à la table des grands, sont maintenant monnaie 
courante et sont devenues, dans les têtes des gens pratiques et sans 
préjugés, plus claires et plus solides que lorsqu'elles n'étaient que pures 
spéculations ou jeu d*esprit. Les causeurs les plus agréables de l'an- 
cienne société se flattaient de recueillir à la tribune des lauriers qu'ils 
n*ont pas obtenus, parce que le talent de la conversation, trop délicat, 
ne fait pas d'impression dans un milieu qui demande plus d'énergie 
que d'élégance. Par exemple M. de la Harpe, l'élève de Voltaire, un des 
premiers littérateurs de France, après quelques vaines tentatives, a 
abandonné pour toujours la tribune, sans avoir cependant, comme 
beaucoup de ses confrères, abjuré la Révolution. 

Lvra. 

M. de Broglie a depuis quelque temps l'effronterie de parler à l'As- 
semblée nationale d'une armée, forte de 240,000 hommes, postée le long 
du Rhin. Les gens comme lui savent qu'un mensonge manifeste 
devient vraisemblable quand il est attesté avec audace par un homme 
à qui on suppose la connaissance des choses. Mais le public éclairé no 
se laisse pas égarer par dos bruits de ce genre. Les princes allemands 
comprennent assurément trop bien leur véritable intérêt pour se mêler 
à des affaires étrangères où ils auraient beaucoup à perdre et peu à 
gagner. Les gardes nationaux, particulièrement dans les départements 
de la frontière, sont aussi bien exercés que les meilleures troupes sol- 
dées; la nation française n'a jamais manqué de courage, et la violence 
de quelques incidents montre ce qu'elle ferait pour la défense de ses 



\ÙÂ MELANGES ET DOCUMENTS. 

foyers. Elle chercherait en outre par tous les moyens possibles à porter 
la désobéissance et la désertion dans Tarmée ennemie. Je vous laisse à 
juger si cela serait difficile, si les pandours et les cosaques, quand ils 
résisteraient à la vision sereine de la liberté et aux douceurs d'un trai- 
tement plus humain, ne seraient pas gagnés par une solde double de 
celle du soldat allemand. Jusqu'à présent, les princes n'ont eu aucun 
prétexte, même médiocre, pour chercher querelle à la France, car cha- 
cun, je pense, est maître dans sa maison. Môme si les comités, par une 
avarice inopportune, lésaient les propriétaires à indemniser en Alsace, 
pour pousser Pempire allemand à une rupture que la partie militaire et 
aristocratique de l'Assemblée nationale paraît désirer, je ne vois pas 
quel intérêt auraient les princes allemands à s'attirer des désagréments 
encore plus grands. La Révolution française répand une vapeur de 
soufre qu'il faut avoir de bons poumons pour supporter, à peine les 
Anglais pourraient-ils l'avaler sans danger. Le gouvernement anglais 
est cependant le seul qui ait à craindre quelque chose du peuple fran- 
çais, non que celui-ci soit intéressé à lui déclarer la guerre, qui serait 
bien chanceuse, mais il a intérêt à entretenir des troubles en Angle- 
terre et surtout des difQcultés entre la mère patrie et ses colonies pour 
arriver peut-être à prendre celles-ci comme la France a déjà pris 
Avignon. 

Alfred Stebn. 

(Sera continué.) 



BULLETIN HISTORIQUE 



FRANCE. 

L*i6RéGATi0iX d'histoire. — Le conseil supérieur de rinslruction 
publique vient d'adopter une nouvelle modiOcation dans Torganisa- 
lion du concours d^agrégation d'histoire. On a supprimé la leçon dite 
leçon de thèse, qui devait être tirée du mémoire présenté pour le 
diplôme d'études supérieures. On a pensé que Textrême variété et le 
caractère parfois très spécial de ces mémoires rendaient difûcile le 
choix et surtout la comparaison de ces leçons. On les a donc suppri- 
mées et on a remplacé une des leçons d'histoire par une épreuve d'un 
caractère particulier, une épreuve pédagogique. On donnera à tous 
les candidats des sujets de leçons tirés du programme d^une même 
classe et ils devront indiquer de quelle manière le sujet devra être 
traité pour les élèves de cette classe, à quelles interrogations, à quelles 
lectures, à quels devoirs il pourrait donner lieu. U faudra voir dans 
la pratique quels résultats donnera celte épreuve qui, à première vue^ 
risque d'avoir un caractère un peu factice et de tourner dans un cercle 
assez monotone de considérations toujours les mêmes. Nous aurions 
préféré voir adopter la proposition d'un des membres du conseil qui 
aurait voulu introduire dans les épreuves une explication d'un texte 
tiré d^un des grands historiens grecs ou latins, préparé en vingt- 
quatre heures. Il n'aurait, d'ailleurs, pas fait opposition au maintien 
de l'épreuve pédagogique, mais il aurait vu, et nous aussi, un réel 
avantage à remplacer au concours d'agrégation la leçon de thèse par 
une épreuve accordant une certaine place à Térudition et permettant aux 
candidats de faire preuve de qualités intellectuelles autres que celles 
manifestées par les leçons. L'ancienne agrégation, qui comprenait un 
premier degré d'admissibilité avec quatre épreuves écrites-, un second 
degré d^admissibilité avec une leçon d'érudition dont le sujet était 
pris dans une thèse choisie un an d'avance par le candidat sur une 
liste dressée par le jury ; enfin, trois explications de textes grec, latin 
et français, et deux leçons de lycée, l'une d'histoire, l'autre de géo- 
graphie-, cette ancienne agrégation, quels que fussent ses défauts, 
avait le grand avantage, grâce à la variété de ses épreuves, de per- 



406 BULLETIN HISTORIQUE. 

mettre de juger à peu près à coup sûr la valeur intellectuelle des can- 
didats. Ceux qui, comme moi, ont suivi pendant vingt ans de très 
près les épreuves, en connaissant d'avance les meilleurs candidats et 
de la Sorbonne et de TÉcole normale, peuvent attester que les mal- 
heurs d'examen étaient très rares, que les bons candidats réussissaient 
presque à coup sûr et à peu près au rang que leurs maîtres leur auraient 
assigné eux-mêmes. L'agrégation actuelle, en supprimant les explica- 
tions d'auteur, a encouragé les futurs professeurs d'histoire à négli- 
ger les langues anciennes et l'histoire ancienne; elle a réduit tout 
Toral à une série de leçons dont la monotonie fatigue l'attention du 
jury et qui ne permettent guère aux candidats de faire preuve que 
d'un seul ordre de qualités : la mémoire, l'art de composer une teçon, 
la facilité d'élocution. La véritable valeur intellectuelle, l'originalité, 
la pénétration, la force du jugement s'y manifestent plus difBcilement 
ou, du moins, s'y font plus difficilement apprécier. L'originalité peut 
même y être un écueil. La leçon de thèse, qui, d'ailleurs, va être sup- 
primée, n'y joue qu'un rôle tout secondaire. On a voulu, je le sais, 
et cette préoccupation est louable, faire de l'agrégation un examen 
professionnel qui mette en évidence les candidats les mieux doués 
pour l'enseignement. Nous craignons qu'il n'y ait là une illusion. 
Jamais un examen ne permettra de dégager vraiment les aptitudes 
professorales. Un stage prolongé devant de vrais élèves peut seul le 
faire. Aussi, en Allemagne, n'est-ce pas Pexamen d'état, le Staats 
Examen, mais l'année d'épreuve, la Probe-Jahr, qui décide de l'ave- 
nir d'un professeur de lycée. Un examen ne permet guère de consta- 
ter que les connaissances et la capacité intellectuelle d'un jeune 
homme. Je me demande si l'agrégation nouvelle, avec ses épreuves 
d'une seule nature, toutes de vulgarisation et de mémoire, est bien 
faite pour mettre avec sûreté aux premiers rangs les candidats les 
plus capables; si l'agrégation d'histoire, ayant un caractère plus 
terre à terre, plus secondaire que les autres agrégations, ne perdra 
pas de son prestige, d'autant plus qu'on sera obligé de ne plus en 
tenir autant de compte qu'autrefois pour le choix des professeurs de 
facultés. On devra prendre ceux-ci avant tout parmi ceux qui, après 
avoir brillamment conquis le diplôme d'études supérieures, auront 
fait de bonnes thèses de doctorat, qu'ils aient ou non réussi au con- 
cours d'agrégation. Le système proposé au conseil supérieur en oppo- 
sition à celui qui a prévalu avait l'avantage de varier davantage les 
épreuves orales, de permettre au jury de juger les candidats à des 
points de vue plus divers et de ramener l'attention de nos futurs pro- 
fesseurs d'histoire vers l'étude de l'antiquité, trop délaissée. 
D'ailleurs, tous ces changements n'ont peut-être pas l'importance 



FlUIfCE. 407 

qu'on leur attribue, ou plutôt ils ne sont qu'une étape dans les chan- 
gements bien plus importants dont la nécessité commence à apparaître 
à beaucoup de bons esprits et que nous avons déjà, plus d'une fois, 
tait pressentir. Il est tout à fait anormal que, tandis que dans d^autres 
pays, aux États-Unis et en Allemagne par exemple, les études de 
droit et de sciences sociales sont étroitement unies à celles d'histoire, 
en France un professeur d^histoire puisse être un ignorant en ces 
matières, tandis qu'on l'oblige à avoir sur les questions de géogra- 
phie physique des connaissances aussi approfondies que superflues 
et qu'on oblige aussi de purs géographes à faire des études historiques 
qui seraient avantageusement remplacées pour eux par de l'astrono- 
mie, de la minéralogie, de la botanique, etc. Il me parait certain 
qu'avant qu'il soit longtemps la géographie physique sera étudiée et 
enseignée par des naturalistes ; il n'en restera dans l'enseignement 
historique que ce qui est strictement nécessaire pour comprendre la 
géographie politique et économique, et dans les examens d'histoire 
la place prise aujourd'hui par la géographie physique sera occupée 
par l'histoire du droit et par Téconomie politique. C'est par là que 
l'agrégation d'histoire retrouvera la variété qu'elle a perdue et que 
l'érudition y reprendra la place subordonnée, mais utile, qu'elle doit 
; tenir. Par là aussi on fera pénétrer dans les esprits cette idée que 
les sciences sociales, pour être étudiées avec fruit, doivent l'être au 
point de vue historique, bien plus qu'au point de vue philosophique, ou 
même qu'au point de vue juridique. Il est vraiment fâcheux que, 
quand on veut introduire dans notre haut enseignement des chaires de 
science sociale, on y crée des chaires de philosophie sociale^ ce qui 
est à mes yeux, je dois le dire, une expression vague et ambitieuse, 
au lieu d'y créer des chaires d'histoire sociale^ qui seules pourraient 
être bienfaisantes au point de vue scientifique, pratique et politique. 

G. MoffOD. 
BiBLTOGRiPHi£. — Le Cùtaloçue général des manuscrits des biblio- 
thèques de France vient de s'augmenter de trois nouveaux volumes : 
tome XXVI (le principal morceau est Lille) ; tome XXIX (deuxième 
volume d'Avignon ; ce sont surtout des documents d'archives) *, enfin 
tome XXXII [{""^ volume de Besançon). Ce dernier, précédé d'une 
excellente préface de M. Delisle, est l'œuvre du regretté bibliothé- 
caire, A. Gastan. Il n'est point rédigé sur le plan adopté pour le 
reste de la collection, et l'auteur, lors de la mise sous presse, n'était 
plus là pour modifier son premier travail. De là une abondance de 
détails, peut-être superflus, sur des manuscrits tout modernes et 
parfois sans grand intérêt; le second volume réservé à la fameuse 
collection Granvelle sera, par contre, beaucoup plus important. 



408 BULLETIN HISTORIQUE. 

En même temps que Tinventaîre des manuscrits, le ministère de 
rinstruction publique a entrepris un catalogue général des incu- 
nables des bibliothèques de France et en a conOé la rédaction à 
M"® Pellechet; le premier volume, qui vient de paraître, renferme 
les articles Ahano-Biblia^ , Pour cet inventaire, il a fallu rédi- 
ger un catalogue unique pour tous les dépôts, quitte à indiquer 
à chaque article les bibliothèques qui possèdent Touvrage décrit. La 
préparation d'un pareil répertoire a été, on le conçoit, extrêmement 
laborieuse; même en utilisant les travaux antérieurs, manuscrits ou 
imprimés, il a fallu, avant de réduire à une seule ces descriptions 
toutes différentes, comparer les exemplaires et faire une foule de véri- 
fications de détails. Le plan suivi est celui du Reperiorium de Hain ; 
on y a toutefois ajouté nombre de références, soit à des travaux plus 
modernes, soit à des recueils de fac-similés. L*auteur, qui connaît 
fort bien les anciennes impressions, a pu également émettre beau- 
coup d'hypothèses personnelles sur la provenance des ouvrages sans 
nom de ville ou d'imprimeur. C'est donc, en même temps que l'in- 
ventaire de Tune des meilleures parties de nos richesses bibliogra- 
phiques, un complément indispensable à l'ouvrage de Hain, c'est-à- 
dire à Tun des meilleurs travaux de ce genre qui aient jamais paru. 
Bien mieux, Hain n'avait pu voir tous les ouvrages énumérés par 
lui ; plus heureuse. M"® Pellechet a eu entre les mains au moins un 
exemplaire de chaque édition^ et de là, dans le signalement de tous 
ces volumes, une précision que le savant allemand n^avait pu tou- 
jours atteindre. 

Publications de textes. — L'histoire en langue vulgaire parait en 
France dès le xii** siècle, à la cour des ducs de Normandie, rois 
d'Angleterre; nous trouvons d'abord des poètes tels que Wace et 
Benoit de Sainte-More, qui mettent en français les vieux récits latins 
de Dudon de Saint-Quentin et de Guillaume de Jumièges. Puis la 
prose historique naît, et le xiii'' siècle produit non seulement les mé- 
moires personnels de Villehardouin, Robert de Clary, Joinville, etc., 
mais encore des histoires générales de la monarchie française, dont 
la plus ancienne connue était jusqu'ici celle du ménestrel d'Alfonse de 
Poitiers, composée vers l'an 4260. Un peu antérieure est la chro- 
nique que vient de publier M. F. W. Bourdillon^. De cet ouvrage il 
existe deux manuscrits, Tun en dialecte saintongeais, l'autre en fran- 
çais ; c'est, semble- t-il, la traduction par un prêtre de Saintes ou des 



1. Paris, Picard, 1887, in-8». 

2. Tote listoirê de ffance (chronique saintODgeaise). Londres, Natt, 1897, 
in-^*. (Avec préface en français par M. G. Paris.) 



FRANCE. 409 

environs d'une de ces mauvaises compilations latines mal digé- 
rées, qu'on a en si grand nombre, essais informes et mal venus 
d'histoire générale de la France. Si nulle que fût la compilation pri- 
mitive, le traducteur français, par ses contresens, ses bourdes et ses 
âneries, en a encore diminué la valeur; il a mal compris et mal lu le 
texte qu'il avait sous les yeux, estropié la plupart des noms propres, 
en un mot commis les confusions les plus réjouissantes. Au point de 
vue historique, le texte n'a donc aucune valeur; il n'en reste pas 
moins très curieux pour la langue, et il témoigne chez les laïques du 
XIII* siècle d'une curiosité qui allait bientôt trouver de meilleurs ali- 
ments. Enfin l'auteur anonyme a connu certaines traditions épiques 
ayant cours dans son pays d'origine, traditions très particulières et 
encore aujourd'hui mal connues. On doit donc remercier M. Bourdillon 
d*avoir publié ce curieux document; s'il n'a pas la valeur littéraire 
d^Aueassin et Nicolette^ dont le même auteur nous a tout récemment 
donné une édition excellente, ce n'en est pas moins un texte fort 
curieux pour l'historiographie du xin* siècle. 

Des volumes publiés par la Société de l'histoire de France en 4896, 
trois se rapportent au moyen âge ; la Revue historique a déjà parlé 
du Richard Lescot de M. Lemoine; nous n^avons pas à rendre compte 
de l'étude sur Brantôme de M. Lalanne, complément impatiemment 
attendu de la grande édition du célèbre écrivain, mais VHistoire de 
Gaston IV ^ comte de Foix, par Guillaume Leseur, et le Journal de' 
Jean de Roye sont tout à fait de notre province. Sur la première de ces 
deux chroniques nous pouvons être assez brefs; nous en avons déjà 
Caiit ressortir suffisamment l'intérêt. Gaston de Foix a joué un rôle 
de premier ordre dans l'histoire militaire et politique de la France 
au temps de Charles VII et de Louis XI et a été mêlé aux plus 
grandes afiaires; aussi la chronique de Leseur fourmiile-t-eile 
de renseignements tout nouveaux sur la fin des guerres anglo- 
françaises, sur la conquête de la Catalogne par Louis XI^ enfin sur 
la politique de ce dernier prince en Navarre et en Espagne. L'ou- 
vrage était resté à peu près inconnu jusqu'ici ; l'édition de M. Cour- 
TEiULT le met désormais aux mains de quiconque s'occupe de l'his- 
toire du XV* siècle. Non moins important est le Journal de Jean 
de Roye; non seulement M. B. de Mindrot nous donne un texte 
lisible et correct de la célèbre Chronique scandaleuse^ enfin rendue 
au véritable auteur, mais encore il y ajoute les interpolations de Jean 
Leclerc^ jadis étudiées et en partie publiées par J. Quicherat. Ce 
second chroniqueur s'attache surtout à mettre en lumière le rôle du 
grand-maître de France, Antoine de Chabannes, sous le règne de 
Louis XI ^ quelques-uns des détails fournis par lui paraîtront peut- 



140 BULLETIN HISTORIQUE. 

être un peu sujets à caution ; ce sont des traditions de famille con- 
servées dans la maison de Ghabannes, mais Jean Leclerc a eu entre 
les mains beaucoup de lettres et d'actes originaux, et il a eu soin d'en 
donner le plus souvent le texte intégral. C'est donc, à proprement 
parler, une histoire documentée et des plus curieuses. Le tout a été 
annoté avec beaucoup de diligence par le nouvel éditeur, qui connaît 
à merveille les choses et les hommes du xv* siècle. 

Froissart dit dans ses chroniques avoir consacré dix semaines 
consécutives à lire au comte de Foix, Gaston Phœbus, un grand 
roman en vers de sa composition, Méliador; sept feuillets par soir, 
telle était la mesure. Cette production du fécond écrivain passait pour 
perdue; M. Longnon en ayant retrouvé quelques fragments sur un 
registre des Archives nationales a pu, à Paide de ces débris, recon- 
naître le Méliador dans un manuscrit jusqu'ici mal décrit de la 
Bibliothèque nationale, et il vient d'en faire paraître le texte sous 
les auspices de la Société des anciens textes française L'œuvre est 
importante et l'éditeur y a joint une intéressante préface. Froissart 
vivait de sa' plume, et on sait par ailleurs qu'il était assez dépensier, 
aimant les fêtes, les nobles compagnies, les voyages de plaisance, etc. , 
ne dédaignant même pas les tavernes et les fréquentant volontiers 
quand le vin était bon. Aussi, en homme industrieux, tirait-il tout 
le parti possible de ses écrits, et ce fut le cas pour Méliador. Ce 
poème, vrai roman de la Table- Ronde, fut composé primitivement vers 
4365-, il remporte à la cour de Wenceslas de Luxembourg, qui rem- 
place sa première protectrice, la reine Philippine de Hainaut, morte 
en 4369. Il le remanie, le développe probablement, et y insère, flat- 
terie délicate, les poésies de son nouveau maître, Wenceslas, moyen 
infaillible de les transmettre à la postérité ; plus tard, avec ce même 
roman il charmera les veillées de son hôte, le comte de Foix, et ce 
noble auditeur lui paiera une bonne somme la lecture de cette œuvre 
un peu bien fastidieuse pour nous autres modernes. C^est, en effet, 
M. Longnon le fait remarquer, un de ces romans de chevalerie inter- 
minables, pleins d'épisodes, de combats et d'aventures, que TArioste 
devait plus tard imiter dans son Orlando furioso et dont Cervantes 
a fait la parodie. Il n'y est parlé que de chevaliers errants, d'entre- 
prises amoureuses, de délivrances de belles captives, etc. Où Frois- 
sart a-t-il pris toutes ces billevesées? On serait fort en peine de le 
dire, et le fil qui rattache tous ces héros à l'ancien cycle d'Arthur 
parait souvent bien ténu \ M. Longnon suppose que Froissart a mis 

1. Deux Yolumes ont para (exercice 1895); le troisième et dernier est sous 
presse. 



paiPTCB. 4 H 

en OBQvre des traditions recueillies par lui dans l'Angleterre septen- 
trionale et en Ecosse, lors de son voyage à la cour de David Bruce. 
Méliador serait le nom adouci de Mériadoc, un des héros de la cour 
d* Arthur, et la ville royale de Sinandon serait la fobuleuse Snowdon 
de Galles, confondue de bonne heure avec Slirling, résidence des 
souverains d^Écosse. Tout, sans doute, dans ce long roman n'est pas 
lisible, mais ne le méprisons pas trop ; la langue en est bonne, et, 
dans certains épisodes, Froissart analyse avec un réel bonheur d'ex- 
pression les sentiments d'amour de ses héros; il avait lui-même 
assez souvent éprouvé cette passion et savait la peindre en termes 
choisis et délicats. 

Le chartrier et la bibliothèque de la vieille abbaye de Silos en Cas- 
tille ont eu à subir bien des vicissitudes-, les manuscrits, aujourd'hui 
dispersés, ont trouvé en partie asile à la Bibliothèque nationale et au 
Musée britannique; quant aux archives, longtemps laissées à l'aban- 
don, pillées à outrance durant les guerres de l'Indépendance, puis 
lors des luttes entre Carlistes et Ghristinos, elles ont éprouvé des 
pertes irréparables. Les Bénédictins français ayant tout récemment 
trouvé un asile dans le vieux cloître de Santo-Domingo ont voulu 
réparer ces désastres ; ils ont fait des recherches un peu partout, 
dans les dépôts publics comme dans les collections privées de la 
Péninsule, et, pour mettre à l'abri de tout danger les précieux docu- 
ments ainsi recueillis, l'un d^eux, D. Marins F^rotin, en a entrepris 
la publication. Grâce à Tappui de M. de Rozière, décédé Tan dernier, 
il a pu faire imprimer ce cartulaire factice à Tlmprimerie nationale, 
et cette collection de chartes d'Espagne se trouve ainsi paraître sous 
les auspices du gouvernement française Silos n'ayant eu avec la 
France du moyen âge aucun rapport, il ne faut pas chercher dans ce 
volume des renseignements sur l'histoire de notre pays, mais le 
recueil n^en est pas moins des plus curieux et des plus importants. 
Non seulement on peut y relever nombre de renseignements sur 
l'histoire et la géographie de Tancienne Espagne, mais encore on 
pourra, grâce à lui, étudier la diplomatique espagnole, la langue 
latine telle qu'on l'écrivait aux xi** et xii* siècles dans la Péninsule, 
^. On a peu de recueils aussi riches pour Tbistoire de l'Espagne au 
moyen âge, et surtout, il faut bien l'avouer, il n'en est guère depuis 
les publications du xviii* siècle qui soient aussi satisfaisants. D. Féro- 
Uo connaît les règles observées hors d'Espagne pour Tédition des 
textes diplomatiques; il sait que quiconque publie des documents 

1. Rêciieil des chartes de Pabbaye de Silos. Paris, Leroux, 1897, ^r. in-8*, 
612 p., carte. 



442 BULLETIN HISTORIQUE. 

anciens doil s'attacher à être à la fois exact et intelligible, deux qua- 
lités dont les éditeurs transpyrénéens n'ont pas toujours assez souci. 
Un recueil pareil ne saurait être analysé; qu'il suffise d'y signaler 
en passant de belles chartes des rois de Castille et de Léon, plusieurs 
actes curieux pour l'histoire des communes, enOn une des deux 
seules pièces connues au nom du fameux Rodrigo Diaz, le Cid Cam- 
péador; c'est une donation dans laquelle est également citée la 
femme du héros, la célèbre Chimène. 

Histoire géni^rale. — La Bibliothèque scientifique internationale 
(Paris, Alcan) vient de s'augmenter d'un nouveau volume : Forma- 
tion de la nation française par M. G. de Mortillet. Ce titre est un 
peu énigmatique; on le comprendra mieux tout à l'heure. L'auteur 
a voulu, en s'aidant des découvertes préhistoriques faites dans ce 
siècle, remplacer par des faits précis, pour ainsi dire matériels, ce 
qu'il appelle dédaigneusement le roman historique. De là deux par- 
ties dans l'ouvrage : tout d'abord un exposé critique et ironique 
des systèmes des historiens modernes touchant l'histoire primi- 
tive de l'Europe occidentale aussi bien que des théories des diflTé- 
rents linguistes, puis un exposé des notions précises fournies par 
la science préhistorique. Malheureusement, dans la partie négative 
de l'ouvrage, Pauteur se montre assez peu au courant des derniers 
résultats acquis; il parait même n'avoir qu'une connaissance bien 
superficielle de la littérature antique qu'il écarte tout entière avec 
tant de dédain. Rejeter sans examen les témoignages d'écrivains tels 
qu'Hérodote et Aristote, faire d'Ammien Marcellin un auteur du 
VI* siècle, un contemporain de Grégoire de Tours, ce sont là des 
fautes qui prouvent une connaissance insuffisante du sujet. Pour la 
littérature moderne de la question , même manque d'informations ; 
M. de Mortillet ignore l'ouvrage classique de Zeuss, il ne cite point 
les travaux de MullenhofT et écarte sans plus d'explication, par une 
fin de non-recevoir, ceux de M. d'Arbois de Jubainville. Évidemment, 
il n'a de toutes ces questions difficiles qu'une connaissance confuse 
et inexacte; il croit encore à la réalité des expéditions de Sigovèse et 
Bellovèse, mais il accuse candidement Hérodote d'erreur grossière 
pour avoir fait naître l'Ister en terre celtique, alors qu'au temps de 
César des Volces occupaient encore la partie méridionale de la Forêt- 
Noire. Mêmes négations téméraires en ce qui touche les doctrines 
linguistiques modernes sur la parenté des langues indo-européennes-, 
on peut se moquer des dissentiments qui divisent les auteurs tou- 
chant le berceau de la race dite arienne, mais comment M. de Mor- 
tillet explique-t-il la parenté indéniable entre la langue celtique, pour 
n'en citer qu'une, et les idiomes de l'Inde primitive? 



FRAIfCB. 443 

Ainsi donc l'auteur n^est ni linguiste ni historien, et, étant don- 
nées ses dispositions malveillantes pour ces deux races de savants, 
il prendra sans doute ce reproche pour un éloge. Par conopensation 
il a la passion du préhistorique, cl la seconde partie du volume ren- 
ferme un exposé généralement clair et^ en somme, intéressant des 
découvertes de cet ordre faites sur le sol français ou aux alentours 
de la France depuis quarante ans. La lecture de cette partie est, 
disons-nous, fort intéressante, mais toute personne non prévenue se 
sentira quelque peu troublée par la distance qui sépare les prémisses 
posées par l'auteur des conclusions tirées par lui de ces mêmes pré- 
misses. Sans parler de certaines théories bien hasardées sur l'ori- 
gine simienne de Thomme, que M. deMortiliet énonce comme vérités 
démontrées, on y trouve des réflexions parfois singulières. Con- 
clure de l'examen de quelques crânes et des dessins sur ossement 
de rennes que les hommes de cette époque avaient la physionomie 
fine et narquoise nous parait quelque peu aventureux ^ . Enfin, et c^est 
ainsi que M. de Mortillet explique le titre énigmatique donné à son 
livre, la race française actuelle n'est point pour lui, comme on Ta 
cru jusqu'ici, une race composite, mélange de Celtes, de Romains et 
d'Allemands, mais une race à peu près pure que vingt invasions 
successives ont à peine entamée. Cette race, représentée à Forigine 
par les habitants des cavernes, s'est lentement développée en dépit 
de la tyrannie d'envahisseurs étrangers qui n'ont pu la réduire, et, 
— ici nous citons, — « c'est ce mélange qui a formé le fond de la 
population française, c'est lui qui, malgré l'adjonction successive des 
éléments les plus divers, a de lout temps, et surtout pendant la 
période protohistorique, constitué la base essentielle de la popula- 
tion sédentaire. On peut dire que c'est le noyau de la démocratie 
française. » Ainsi, en Tan de grâce 4897, M. de Mortillet expose 
avec de nouveaux arguments une théorie fort semblable au roman 
imaginé il y a quelque soixante-dix ans par Augustin Thierry; This- 
toire de France n'est pour lui que l'histoire de la lutte entre une 
population autochtone opprimée et des étrangers oppresseurs. 

Aucun des reproches que l'on est en droit de faire au travail de 
H. de Mortillet, informations insuflisantes, conclusions trop géné- 
rales dépassant les prémisses, ne saurait être adressé à l'ouvrage 

1. Oo peut rappeler ici la conclusion quelque peu folâtre d'un autre amateur 
de préhistorique. Les femmes figurées sur ces anciens os sculptés sont affec- 
tées de ce qu*on appelle la siéatopygie^ autrement dit elles ont l'air de Hotten- 
totes. Cette conformation se retrouvant parfois à un moindre degré chez la 
Téce française moderne, l'amateur en question en conclut gravement que les 
Fnaçais d'aujourd'hui descendent directement de ces races primiti?es. 

ReV. HiSTOE. LXV. {•' FA8G. 8 



444 BULLETIN HISTORIQUE. 

de M. Maurice Peou : la Gaule mérovingienne^* C'est un livre de 
vulgarisation, sans prétentions scientifiques, mais Tauteur connaît 
admirablement le sujet et tout lecteur non érudit qui voudra se 
donner la peine de lire cet exposé clair et solide prendra de Tbis- 
toire de la Gaule barbare une idée exacte et bien différente de celle 
qu'on s'en fait d'ordinaire. Le plan est fort simple : tout d'abord un 
résumé de l'histoire de la Gaule du v® au vin® siècle, puis une étude 
sommaire du gouvernement central, de l'administration provinciale 
et de la justice. M. Prou montre ensuite la place occupée par l'Église 
dans la nouvelle société, et expose la condition des personnes et des 
terres; un dernier chapitre traite des lettres et des arts. La doctrine 
est excellente -, l'auteur est tout à fait au courant des progrès de la 
science historique, et, sur nombre de points, il exprime des idées 
personnelles et émet des réflexions fort justes. En un mot, c'est ainsi 
que devraient être toujours faits les livres de vulgarisation. Les con- 
clusions de M. Prou étonneront sans doute beaucoup de lecteurs, 
ceux-là même qui ont pratiqué les historiens mérovingiens, et pour- 
tant ces conclusions semblent tout à fait équitables. Presque toujours, 
en comparant la misère mérovingienne et la splendeur impériale, on 
oublie inconsciemment les défauts du système romain, sans voir les 
avantages du nouveau régime. La transition dut être terrible pour 
les générations du début du v^ siècle. La Cité de Dieu de saint Augus- 
tin, les lettres de saint Jérôme témoignent des angoisses de tous les 
esprits cultivés du temps. Mais une fois les Barbares établis en Gaule 
et en dépit des misères sociales, misères que nos habitudes délicates et 
raffinées nous font peut-être exagérer, la masse de la population parait 
avoir plutôt gagné à la chute de l'ancien ordre de choses. La paix 
romaine était devenue bien lourde, le mécanisme administratif étouf- 
fait les provinces ; une fois allégée de cette charge pesante, la Gaule 
respira un peu. La société était pauvre, mais également pauvre, les 
mœurs extrêmement brutales et grossières, les arts en décadence, les 
lettres amoindries et languissantes, mais, par malheur, un peuple ne 
vit pas seulement d'art et de littérature, et, sans aucun doute^ les 
classes serviles, les habitants pauvres des villes ont été moins 
malheureux au vi" et au vu*» siècle qu'au iv*. Une nouvelle société 
aurait-elle pu naître de la société gallo-romaine? c'est ce qu'il est 
impossible d'afQrmer. Celle qui se forme alors a au moins l'avenir 
devant elle; à une centralisation excessive s'est substitué un état de 
choses tout différent, l'individu et surtout les groupes d'individus se 
meuvent plus aisément, et de ce chaos, si déplaisant à nos yeux de 

i. Paris, librairie May, 1897, iii-8*. 



FSlIf CE. i i 5 

modernes, sortira plus tard une civilisation brillante et originale. 
M. Prou a donc raison au fond-, sur les détails, on pourrait bien lui 
foire quelques objections ; Tère mérovingienne n'a rien apporté en 
somme à la civilisation générale et, durant ces trois siècles, l'abais- 
sement intellectuel a été vraiment extraordinaire. Mais que sont 
trois siècles dans Thistoire? à peine un instant; Thumanité a subi et 
subira peut-être prochainement d'aussi terribles épreuves. 

L'éditeur du recueil des chartes de Tabbaye de Silos signalé plus 
haut, D. F^ROTiN, a publié en même temps une Histoire de ce monas- 
tère ^ Silos, fondé probablement avant la conquête arabe, est nommé 
pour la première fois en 949 dans une charte du grand comte de Cas- 
UUe, Fernan Gonzalès. Comme celle de la plupart des établissements 
religieux, l'histoire de cette abbaye est assez monotone; longtemps 
elle a à souffrir des incursions des Maures, puis, au xi® siècle, un 
saint abbé, le fameux Domingo (f 4073), donne un nouveau lustre à 
la maison. Ce sont ensuite des luttes incessantes avec le clergé de la 
petite ville qui s'est formée autour des bâtiments conventuels, avec 
d'autres ordres religieux plus jeunes et entreprenants, enfln avec les 
barons du voisinage, en général peu respectueux des privilèges des 
moines. Unie en 4542 à la congrégation de Saint-Benoit de Yallado- 
lid, Tabbaye végète ensuite plus ou moins obscurément jusqu'à nos 
jours*, elle a été défînitivement supprimée en 4836 et les Bénédictins 
français, qui l'habitent aujourd'hui, s'efforcent de lui rendre son 
ancienne prospérité. Dans le long exposé de D. Férotin, on pourrait 
noter au passage nombre de faits intéressants pour l'histoire poli- 
tique et sociale de l'Espagne, mais beaucoup plus importants pour 
les lecteurs français sont les appendices. Citons d'abord le chapitre 
consacré à l'histoire littéraire de Silos. Durant tout le moyen âge, 
Tabbaye a eu un Scriplorium très actif, et, jusqu'au xviii** siècle, 
la communauté aompta parmi ses membres des lettrés et des 
érudits. Nommons seulement, pour le xvi'' siècle, le célèbre théolo- 
gien Antonio Ferez, pour le xviii*, le P. Domingo de Ibarreta, qui 
Toulait doter TEspagne d'un traité diplomatique analogue au grand 
ouvrage de Mabillon, et un excellent archiviste, le P. Llciliano Saez. 
D. Férotin parle ensuite longuement de l'ancienne bibliothèque de 
Silos; cette riche librairie, sauvée du pillage en 4835, a été mise en 
Tente à Paris en 4877, et les débris s'en retrouvent aujourd'hui à 
Silos même et surtout à la Bibliothèque nationale et au Musée bri- 
tannique. On y remarquait une curieuse suite de manuscrits en écri- 
ture visigothique, dont beaucoup datés, de bons exemplaires des 

t. Paris, Leroux, 1897, gr. in-8% pi. 



446 BULLETIN HISTORIQUE* 

ouvrages des Pères, des recueils de Vies de saints, enfin la série à 
peu près complète des livres liturgiques de Tancienne église d'Es- 
pagne ; l'ouvrage du savant bénédictin se clôt par la série des ins- 
criptions du monastère et par une élude archéologique sur les anciens 
bâtiments claustraux. 

M. A. d'Herbohez, dont la Reviie historique a signalé récemment 
un excellent ouvrage sur les châtelains de Tournai, avait, en 4893, 
étudié dans le Bulletin de la Commission royale d'histoire de Bel- 
gique les relations entre Philippe le Bel et la commune de cette 
même ville. Il avait montré, à Taide d'un très grand nombre de 
documents inédits, comment ce roi avait aidé de tout son pouvoir 
les habitants de Tournai à s^affranchir de la domination de Tévèque 
et des châtelains et contribué à faire de cette ville une république 
presque indépendante, fidèle alliée de la royauté française, poste 
avancé vers le pays flamand. Ces actes prouvent la souplesse et Tin- 
telligence politique de Philippe et de ses conseillers ; dans leurs rap- 
ports avec les villes et seigneurs de France, ils se montrent volon- 
tiers entreprenants et tyranniques; ici, au contraire, ils savent 
tempérer leur humeur autoritaire et respecter les droits des Tour- 
naisiens, de ces précieux alliés. A ce premier fascicule de pièces 
authentiques, M. d'Herbomez vient d'ajouter un riche supplément de 
documents^ analogues, tout récemment découverts dans les riches 
archives de Tournai. 

Le règne de Philippe le Long passe généralement pour un des plus 
insignifiants de l'histoire de France; à part quelques érudits qui en 
ont pris quelques épisodes pour objets de leurs travaux, nul ne 
paraît se douter que ce prince a exercé une influence personnelle sur 
le développement du pouvoir royal. M. Paul Lehugedr avait pris 
pour sujet de sa thèse de doctorat ce règne de six ans; malheureu- 
sement, il a dû couper son ouvrage en deux volumes, la Faculté des 
lettres n'acceptant pas volontiers des ouvrages en plusieurs tomes*. 
Dans ce premier volume, seul paru, M. Lehugeur étudie pour ainsi 
dire l'histoire externe du règne, c'est-à-dire les rapports de la royauté 
au temps de Philippe le Long avec les puissances étrangères et avec 
les diflerents corps de la nation. Le tome II sera consacré à Tétude 
de Padministration proprement dite. Il nous faut tout d'abord louer 
l'auteur de sa persévérance \ très occupé par ailleurs, il a eu le courage 
d'employer ses loisirs durant de longues années au dépouillement des 
archives et des bibliothèques, et il a pu ainsi rassembler une quantité 

1. Même recueil, 1897. 

2. Histoire de Philippe le Long. T, l : le Règne, Paris, Hachette, in-8'. 



FRANCE. -in 

énorme de documents, la plupart inédits^ dont l'étude jette un jour 
tout nouveau sur Thistolre de ce règne si court. Sans être aussi com- 
plètes que celles d'Aragon, de Rome ou d'Angleterre, les archives de 
la monarchie française sont dès lors fort considérables; certains de 
ces actes prouvent déjà Tamour de la paperasserie bureaucratique, 
mais, en les réunissant et en les comparant, on peut se faire une idée 
exacte de la politique extérieure et intérieure de la royauté. L'étude 
de ces actes administratifs est d^autant plus nécessaire pour le début 
du xiY* siècle que les chroniques françaises du temps sont d'une rare 
insignifiance; ce sont, pour la plupart, de sèches annales en partie 
officielles, dont les auteurs se copient effrontément les uns les autres 
et rivalisent de banalité. Ces écrivains peignent Philippe V comme un 
prince de caractère indécis, peu actif, sans volonté personnelle. Tout 
autre il apparaît dans les actes étudiés par M. Lehugeur ; quelques 
historiens estimaient déjà que c'avait été le véritable successeur de 
Philippe le Bel, le continuateur de la politique de ce dernier; le fait 
ne pourra plus être contesté, et, du coup, ce souverain mal connu 
prend une place honorable dans la suite des rois qui ont créé le 
régime monarchique avec ses qualités et ses défauts. 

L'étude de ces actes renouvelle donc entièrement l'histoire du 
règne de Philippe V. Peut-on diaprés eux connaître d'une manière 
quelque peu précise le caractère même du prince? la chose paraît 
douteuse; ces documents font connaître les résultats de l'action plu- 
tôt que faction elle-même. On dira que Philippe V fut habile et 
pieux à la fois, qu'il sut diviser ses ennemis, triompher de ses adver- 
saires dans l'affaire de la régence et un peu plus tard dans celle de 
la succession au trône. On le voit éloigner les conseillers de son frère 
Louis X, rappeler ceux de son père Philippe IV; il a déjà quelques 
projets curieux pour son temps, c'est ainsi qu'il rêve l'unification 
des monnaies, des poids et des mesures. Enfm, il convoque fréquem- 
ment les États du royaume, consulte ses sujets sur des questions de 
haute importance et suit parfois leurs avis. Tout cela donne bien 
quelques indications, mais il y aurait quelqu'exagération à soutenir 
que nous connaissons le personnage inttis et in cute. 

Un premier point sur lequel les recherches de M. Lehugeur ont 
apporté des notions toutes nouvelles, c'est la politique extérieure de 
Philippe. Ce prince parait toujours avoir eu plus de goût pour les 
négociations que pour la guerre; c'est en négociant qu'il obtient la 
paix avec la Flandre; il emploie la même méthode pour pacifier l'Ar- 
tois déchiré par des luttes intestines entre la comtesse Mahaut et le 
neveu de celle-ci, le fameux Robert; enfin, c'est de la même façon, 
sans recourir à la force, qu'il dissout les ligues féodales de Cbam- 



448 BULLETIN HISTOUQUB. 

pagne et fait reconnaître son autorité par les grands barons d*abord 
hostiles. 

Si jamais, en effet, Philippe fit preuve d^habileté, ce ftit bien à la 
mort de Louis X. Ses droits à la régence étaient douteux; cette haute 
fonction était réclamée à la fois par son oncle, Tincapable Charles de 
Valois, et par le duc de Bourgogne; par un coup hardi, il déconcerte 
ses adversaires, qui n^ont pas su s'entendre, et les place tout d'abord 
en face d'un fait accompli. Mais de régent il fkllait devenir roi; la 
mort du petit Jean V"^ vient à point pour lui faciliter Taocession au 
trône; seule la fllle de Louis X aurait pu lui être opposée, mais, 
d'une part, on doutait de la légitimité de cette princesse, et, d*autre 
part, on avait depuis longtemps quelque répugnance à laisser la 
couronne de France tomber en quenouille, Texemple des grands fiefs 
étant là pour montrer les dangers du système. Philippe, qui détient 
le pouvoir, fait sans peine triompher un principe nouveau; on déclare 
les femmes inhabiles à succéder à la couronne, et, en faveur de ce 
principe, qui s'appliquera encore en 4328, les légistes trouveront 
plus tard des arguments et allégueront la loi salique, qu'au surplus 
nul d'entre eux n'a connue ni lue et qui ne dit rien de semblable. 

A peine installé, au temps même de sa régence, Philippe change 
entièrement l'orientation de la politique royale. Par faiblesse et par 
sottise, Louis X s'est fait l'instrument de la réaction féodale et a 
servi les rancunes des grands seigneurs soulevés contre la politique 
de Philippe lY. Le nouveau maître rappelle les légistes persécutés, 
leur rend leurs biens, fait enterrer honorablement le misérable 
Enguerrand de Marigny et change la composition du conseil suprême 
qui entoure le souverain. C'est toute une révolution pacifique. Comme 
ses ancêtres, qui ont su admirablement diviser pour régner, Phi- 
lippe s'appuie sur la bourgeoisie des villes, lui demande des con- 
seils, la flatte et la comble de faveurs et réduit ainsi à l'impuissance 
la coalition féodale. Alors comme toujours on voit agir les causes 
profondes du succès de la monarchie; seule elle a une politique sui- 
vie, en face d'une bourgeoisie à l'esprit étroit, envieuse de la classe 
noble dont elle jalouse les privilèges, et d'une aristocratie turbulente 
et inquiète, dénuée de tout esprit politique et trop dédaigneuse de la 
classe moyenne pour jamais s'appuyer sur elle. En un mot, la 
royauté a dû le succès de son œuvre plutôt encore à Timpuissance et 
à la sottise de ses adversaires qu'à l'intelligence des princes qui l'ont 
représentée; dès le xiv* siècle, Tœuvre est à peu près achevée; elle 
subsistera en dépit de l'incapacité des Valois et des désastres valus 
au pays par cette incapacité. 

Le travail de M. Lehugeur est donc fort intéressant et en grande 



FRANGE. 4\9 

partie nouveau. La mise en œuvre est satisfaisante. L'auteur sans 
doute n'a pu, autant qu'il l'aurait désiré, varier l'exposition des 
faits, et le récit paraîtra parfois un peu monotone en dépit des efforts 
faits pour l'agrémenter; c'est là un inconvénient inévitable quand on 
traite un pareil sujet toujours forcément un peu aride. On pourrait 
également chicaner l'auteur sur quelques-unes de ses divisions ; ainsi 
le chapitre sur les classes maudites et les misères publiques forme 
un peu comme une sorte de caput fnortuum, qui ne se rattache pas 
par des liens bien visibles aux sections précédentes. EnOn, dès ce 
premier volume, Tauteur est amené à parler de l'histoire adminis- 
trative qu'il doit traiter plus à fond dans le prochain. Mais ce sont 
là critiques de détails sur lesquelles nous nous reprocherions dinsis- 
ter. 11 faut avant tout reconnaître à l'ouvrage ce grand mérite de 
détruire une légende bien vieille et de combler une lacune dans notre 
histoire. Il est le fruit de longues années de travail et de recherches 
persévérantes, et on doit savoir grand gré à l'auteur de n'avoir épargné 
ni temps ni peine pour remettre en meilleur jour la figure curieuse^ et 
à tout prendre sympathique, de Philippe V. Ce prince avait les défauts 
de son temps et de sa condition. S'il était inférieur à Philippe le Bel, 
il s'élevait bien au-dessus de tous ceux qui Tentouraient. Il était sans 
doute ambitieux et sans scrupules, mais sa cause a été un moment 
celle du bien public, et, quelles qu^aient été plus tard les folies de la 
royauté, le triomphe de celle-ci au début du xi?** siècle épargnait au 
pays les misères de Panarchie féodale. 

Denys le Chartreux, né en 4402, mort en 4â74j compte au nombre 
des plus féconds auteurs du xv* siècle. Dernier représentant de Técole 
acolastique du moyen âge, il résume dans ses ouvrages les recherches 
de tous les écrivains antérieurs et s'occupe à la fois d'exégèse, de 
science théologique et de philosophie. Copiste infatigable, il écrit de 
sa main une énorme quantité de traités théoriques et pratiques, donne 
son avis sur toutes les questions intéressant l'Église de son temps 
et prend personnellement une part active à la tentative de réforme 
des Églises allemandes par le célèbre Nicolas de Cusa. Ce fut donc 
une existence bien remplie et partagée également entre la méditation, 
la science et la polémique. La ?ie de ce curieux écrivain, de ce pen- 
seur remarquable a été souvent écrite. Un chartreux, le P. A. Mon- 
GBL, s'étant imposé la tâche assez lourde de mettre au jour une nou- 
velle édition des œuvres de Denys, a commencé par publier une vie 
abrégée de l'auteur^ ; c'est à la fois un bon résumé des travaux anté- 

i. Denys le Chartreux, sa vie, son râle, une nouvelle édition de ses oeuvres. 
MonIreuil-sar-Merf iinpr. de la Chartreuse, 1896, in-8*. 



420 BULLETIN HISTORIQUE. 

rieurs et le fruit d*une étude personnelle des ouvrages du célèbre 
écrivain, que le futur éditeur connaît naturellement mieux que per- 
sonne. Mais, sans vouloir aucunement décourager le P. Mougel, on 
peut craindre que cette édition complète d'œuvres en grande partie 
vieillies, même pour des théologiens, ne soit une entreprise difficile 
à mener à bonne fin. L'édition primitive est sans doute assez rare au- 
jourd'hui, mais combien d'érudits ou même de théologiens éprouvent 
le besoin de la consulter? Consacrer quarante-huit volumes in-4® à 
deux colonnes à un auteur scolastique du xv* siècle, n'est-ce pas 
excessif? Les quelques ouvrages personnels de Denys le Chartreux 
intéressants pour l'histoire des idées et de Téglise de son temps ne 
risquent-ils pas d'être comme noyés dans une masse indigeste devant 
laquelle reculeront les lecteurs les plus intrépides? Loin de nous 
l'idée de décourager Téditeur*, nous lui souhaitons au contraire 
bonne chance, tout en regrettant qu'il ne se soit pas résigné à faire 
un choix discret dans cette immense quantité d'écrits. 

M. L. Dorez s'occupe depuis longtemps d'une nouvelle biographie 
du célèbre Pic de la Mirandole. De son côté, M. L. Thuasi^e, l'éditeur 
du Diarium de Burchard, a retrouvé à Rome une curieuse correspon- 
dance du grand humaniste*, les deux chercheurs ont mis ensemble 
le fruit de leurs recherches personnelles et viennent d'en tirer la 
matière d'un élégant volume intitulé : Pic de la Mirandole en France^ 
i485'i488*. Pic vint à deux reprises en France; une première fois 
c'était pour étudier l'enseignement de la célèbre Université de Paris 
et comparer la vieille scolastique et l'humanisme qu'il avait appris 
à connaître à Florence. Puis, en ^487, il s'y réfugie pour échapper 
aux poursuites de la cour pontificale. Dans l'intervalle en effet, il 
a publié les fameuses Conclusiones , les thèses qui ont fait vivre 
son nom, mais la curie y a découvert des assertions hérétiques, 
il a été condamné et il vient chercher un asile au delà des 
Alpes. Les protections ne lui manquent pas; arrêté en route par le 
comte de Bresse, il est incarcéré quelques semaines au donjon de 
Vincennes, mais bientôt relâché, et les nonces pontificaux ne réus- 
sissent point à faire accepter par la cour de France la condamnation 
prononcée à Rome. Pic peut ainsi attendre de meilleurs jours, il 
obtiendra bientôt aisément d'AlexandreVI, successeur d'Innocent VIII, 
l'absolution que ce dernier lui a obstinément refusée. L'épisode est 
curieux; on y voit Pic, avec une maladresse qui lui fait honneur, 
rompre en visière à la fois aux humanistes et aux scolastiques; il a 
échoué dans ses tentatives pour concilier Platon, dieu unique des let- 

1. Paris, Leroux, 1897, in-18. (Petite bibliothèque d'art et d'archéologie.) 



FRINGB. 424 

très italiens, et Aristote, maître incontesté, bien que mal compris, 
des philosophes français; mais, en somme, il a donné un excellent 
exemple, et le premier il a introduit dans Texégèse Tusage des 
langues orientales*, à cet égard, c'est vraiment un précurseur. 

Le dernier volume paru de la Vie privée d'autrefois^ de M. A. 
Feirxlin (Paris, Pion), est consacré aux animaux; il se compose de 
deux parties : en premier lieu, un résumé de la zoologie du moyen 
âge d'après les anciennes encyclopédies. Cette zoologie est pour le 
fond empruntée aux ouvrages de Técole aristotélicienne, mal tra- 
duits et mal compris, mais elle s'est fort enrichie en route; on y a 
ajouté toutes sortes de fables et de légendes bizarres, dont beaucoup 
ne sauraient sans injustice être mises sur le compte des grands natu- 
ralistes grecs de Tépoque d'Alexandre. A ces légendes d'origine dou- 
teuse, — un bon nombre paraissent provenir de rOrient, — ajoutons 
les explications allégoriques des Pères de PÉglise et des anciens écri- 
vains ecclésiastiques ; il y a eu toute une zoologie théologique, et les 
animaux réels ou imaginaires ont servi de symboles, ont figuré dans 
les sermons et les exempla des prédicateurs. Sauf de bien rares 
exceptions, les savants du moyen âge n'ont point su observer la 
nature, et, comme les autres sciences naturelles, la zoologie n'a fait, 
durant cette longue suite de siècles, aucun progrès sensible. A ces 
notions générales, M. Franklin ajoute quelques chapitres où il parle 
des animaux domestiques durant les derniers siècles du moyen âge 
et réunit sur le sujet un certain nombre de textes pris un peu par- 
tout. On y voit que Tamour des bêtes est une vertu, une manie si 
Ton veut, d'origine très ancienne. Isabeau de Bavière s'entourait 
d'oiseaux, de singes et de chats; le duc de Berry affectionnait les 
ours-, d'autres, Gaston Phœbus par exemple, chasseur émérite, avaient 
pour les chiens une véritable passion. Éprouvait-on dès lors pour ces 
frères inférieurs, comme a dit Michelel, cette affection un peu senti- 
mentale dont témoignent quelques personnes aujourd'hui? on ne 
saurait le dire; mais l'amour pour les animaux ne saurait passer 
pour un vice, et si vice il y a, nos ancêtres en étaient atteints comme 
nous. — Un autre volume de la même série, intitulé : la Vie de 
Paris sous la régence, renferme une sorte do guide à l'usage des 
étrangers, œuvre de Joachim-Chrislophe Nemeitz, conseiller du 
prince de Waldeck, lequel servit plusieurs fois de mentor à de jeunes 
nobles allemands envoyés à Paris pour voir du pays et se former 
à la vie élégante. Ce guide, publié d'abord en allemand en 4748, fut 
traduit en français dès 4 727, et c'est cette traduction que M. Franklin 
s'est donné la tâche de remanier et de réimprimer. L'ouvrage est 
curieux, on y trouve d'abord la description de Paris et des monu- 



422 BULLETIN HISTORIQUE. 

ments de celte ville au début du xviii* siècle, puis une foule de con- 
seils utiles aux étrangers sur les conditions matérielles de Texistence, 
les dangers de toute sorte à éviter, les usages de la vie mondaine, les 
règles de la politesse et du savoir-vivre. Beaucoup des remarques de 
Nemeitz paraîtront un peu puériles; elles sont tout au moins expri- 
mées avec bonhomie et sous une forme naïve qui n'est point pour 
déplaire. Bien plus, certaines de ces remarques portent sur des 
détails qui échappent à un habitant du pays, car ils lui sont trop 
familiers; seul un étranger peut y faire attention. Enfin, Touvrage 
prouve une fois de plus quel attrait exerçait dès lors Paris sur l'ima- 
gination des étrangers; ils venaient déjà chercher dans cette ville, 
humide et passablement saie et boueuse, des plaisirs de toute espèce. 
L'auteur est très réservé sur certains chapitres, mais à travers ses 
réticences on devine que Paris est pour lui comme pour beaucoup de 
ses imitateurs modernes à la fois un séjour enchanteur et un lieu de 
perdition. 

L'Exposition nationale suisse, ouverte à Genève en -1 896, compre- 
nait, comme toutes les exhibitions analogues de France, d'Allemagne 
ou de Belgique, une section réservée à l'art rétrospectif. Cette section 
n'a pas été la moins visitée, et les organisateurs, pour en conserver 
le souvenir, viennent de publier un recueil de soixante-dix planches 
intitulé : VArt ancien à V Exposition nationale suisse*. Le recueil 
est fort intéressant; il s^ouvre par des bronzes romains trouvés sur 
le sol de Tancienne Helvétie et se clôt par une tapisserie des Gobe- 
lins représentant Louis XIV et les représentants de la confédération 
jurant à nouveau l'alliance franco-suisse. Dans ces planches, on 
trouve un peu de tout : peintures, ivoires, miniatures, orfèvrerie, 
vitraux, broderies, œuvres de céramique, bois, armes, etc. C'est 
toute une histoire figurée de l'art en Suisse depuis le haut moyen âge 
jusqu'au xvii^ siècle; nous disons art en Suisse et non art suisse, ce 
pays ayant à cet égard subi le plus souvent Tinfluence étrangère et 
surtout rinfluence allemande. Cette dernière apparaît principalement 
dans la peinture et la sculpture, et c'est par l'Allemagne que la 
Suisse a connu la Renaissance. L'art du verre lui-même, si florissant 
au XVI® et au xvii® siècle, porte des traces indéniables de cette imita- 
tion. Mais si Tart suisse ancien n'est pas à proprement parler origi- 
nal, il n'en est pas moins des plus curieux. Ce sont surtout les can- 
tons allemands qui l'ont vu fleurir; là, dès le xv* siècle, vivaient des 
patriciens assez riches qui, sans renoncer aux vieilles qualités de la 



1. Genève, 1896, in-fol. L* explication des planches se trouve dans le Cata- 
logne spécial du groupe 25. 



FRANCE. ^123 

race, courage et simplicité de mœurs, aimaient à s^eutourer d^objets 
d'art à l'imitation de leurs émules de Souabe el de Franconie. Bahuts 
sculptés, vitraux, peintures, ils entassaient dans leurs logis tout ce 
qui pouvait flatter leur goût, et, allemands de langue et d'esprit, 
s'adressaient naturellement pour leurs commandes à des artistes 
allemands ou élèves d'allemands. L'album que nous annonçons fera 
donc mieux connaître cette province de Part germanique, et les 
planches sont assez exactes, le texte descriptif assez soigné, pour 
remplacer le plus souvent la vue des objets eux-mêmes. 

Histoire locale. — La Société des études historiques avait indiqué 
comme sujet de concours pour le prix Raymond une étude sur les 
anciennes justices seigneuriales; le Mémoire couronné, dû à M. Â. 
GoMBiBR, président honoraire du tribunal de Laon, vient de paraître 
sous le titre suivant : les Justices seigneuriales du bailliage de Ver- 
mandais^ avec une courte introduction de M. J. Flach. Le sujet est 
fort intéressant, mais encore aujourd'hui des moins connus; il faut 
en effet un certain courage pour dépouiller les archives judiciaires, 
et, d'autre part, beaucoup d'érudits, attachés aux anciens partis, 
éprouvent, semble-t- il, quelque répugnance à mettre en lumière un 
des côtés les plus défectueux de Tancien régime. M. Combier n'a 
point reculé devant la tache, et sa monographie, fruit d^un dépouil- 
lement complet des archives du greffe de Laon et du dépôt départe- 
mental de TAisne, permet au lecteur de se prononcer en connaissance 
de cause sur ce point d'histoire. Les anciennes juridictions seigneu- 
riales au moyen âge étaient sans doute fort défectueuses, toutefois ces 
dé&uts devaient moins choquer en un temps où la justice royale 
elle-même était à peine organisée. Mais les imperfections qui appa- 
raissent dès le XIV* siècle ne font que se développer avec le temps, et 
la justice prend de plus en plus le caractère d'une exploitation doma- 
niale des justiciables. Le système réunissait tous les défauts : len- 
teurs excessives, frais disproportionnés, vénalité et indignité des 
officiers; les conflits étaient incessants, les circonscriptions judi- 
ciaires mal réglées; en un mot, un homme raisonnable se devait à 
lui-même de n'avoir, avec ces singuliers représentants de l'action 
publique, que les rapports strictement inévitables, et tout procès 
civil ou criminel devenait un fléau, entraînant presque toujours la 
ruine des plaideurs. On peut s'étonner que cette singulière organisa- 
tion se soit perpétuée jusqu'en 89; mais à qui a un peu réfléchi sur 
l'histoire de l'ancienne France, le fait ne paraîtra point surprenant; 
la royauté, même sous Louis XIV, a toujours été trop occupée des 

1. Paris, Fontemoing, 1897, ia-8*. 



424 BULLETIN HISTOIIIQUB. 

affaires extérieures pour tenter sérieusement la réforme du système 
politique et administratif de la France. Certains historiens, qui sou- 
tiennent aujourd'hui que i^ancien régime était un paradis, s'abs- 
tiennent fort prudemment de parler des justices seigneuriales ; on 
aurait sans doute quelque peine à faire Téloge sans réserve de notre 
administration judiciaire moderne, mais que sont les défauts de ce 
lourd mécanisme à côté des abus qui pullulaient encore en i 789 dans 
des milliers de cours baronales? 

L'ancien diocèse de Senlis, aujourd'hui partie du département de 
l'Oise, est vraiment pour les archéologues une terre bénie. Jadis, les 
anciens monuments civils et religieux y abondaient, et, si le temps 
et les hommes n'en ont fait que trop disparaître, beaucoup sub- 
sistent encore et rappellent le temps où cette petite ville servait de 
résidence aux premiers rois capétiens. M. l'abbé Eugène Muller, 
auquel on doit de nombreux travaux sur Phistoire et l'archéologie de 
ce petit coin de France, vient de publier sous ce titre : Senlis et ses 
environs*, un intéressant volume consacré à l'histoire et aux anti- 
quités de l'ancien diocèse. L'auteur n'a voulu ni faire un guide ni 
composer une histoire suivie de Senlis et de ses alentours; l'ouvrage 
rappelle plutôt ce qu'on appelait autrefois des promenades. Le genre 
est un peu vieilli, et dans pareille composition il est souvent bien 
difficile de trouver des transitions pour relier les différents para- 
graphes. Le plus sage est peut-être de s'en passer, et c'est à ce parti 
que s'est arrêté M. Pabbé Muller. Il prend le lecteur à l'arrivée à Sen- 
lis, lui fait parcourir les rues de la ville, étudie avec lui les monu- 
ments encore debout, indique ceux qui ont disparu et rapporte de 
temps à autre quelques anecdotes, quelques traits historiques au fur 
et à mesure qu'ils reviennent à sa mémoire. L'ouvrage a donc les 
allures d'une conversation à bâtons rompus, et il n'est ni sans charme 
ni sans intérêt. Senlis possède encore aujourd'hui des monuments 
intéressants, dont le meilleur est la cathédrale, belle construction 
commencée au xiii® siècle \ beaucoup de vieilles maisons fort curieuses 
et des débris parfois importants d'anciennes églises ou chapelles. 
Aux environs, même abondance de monuments. Si l'on n'a plus que 
des ruines, fort pittoresques d'ailleurs, des anciennes abbayes de 
Chaalis et de la Victoire, par contre chaque petite ville, chaque vil- 
lage de ce beau pays possède soit une église intéressante, parfois 
même plus qu'intéressante (exemple : Saint-Leu-d'Esserent),soit un 
château plus ou moins restauré mais encore curieux; ailleurs on 
notera des ruines imposantes, reUgieuses ou civiles, le tombeau 

1. Senlis, Th. Nouvian, 1896, gr. in-8% gray. 



FRANCE. 425 

d'un personnage historique, des meubles d'église, des tableaux, etc. 
Au texte, M. Tabbé Muller a joint un grand nombre de dessins d'ar- 
chéologie qui amusent et retiennent Toeil. En un mot, sans être un 
livre scientifique, au sens rigoureux du mot^ ce volume peut passer 
pour un bon résumé de l'histoire artistique de Pancien diocèse de 
Senlis. 

M. Beautemps-Beaupré vient de publier le dernier volume de son 
grand ouvrage : Coutumes et institutions de V Anjou et du Maine^ ; 
c'est sous le titre de Preuves un recueil de 227 actes du xiii® au 
xvi« siècle. La plupart sont fort intéressants ; Téditeur les a empruntés 
aux archives parisiennes et départementales, à la Bibliothèque natio- 
nale, et n'a choisi au cours de ses longs dépouillements que les pièces 
éclairant un point spécial de coutume ou de procédure. Il y aurait 
bien quelques réserves à faire sur la manière dont l'éditeur a rem- 
pli sa tache; il a sans doute résolu les dates, d'ailleurs fort simples, 
mais il ne semble pas s'être imposé de règles bien strictes pour 
rétablissement et la préparation des textes. Le plus souvent il publie 
des pièces, souvent fort longues, sans y ajouter aucun titre, si bien 
que pour savoir à quelle affaire, à quelle localité se rapporte chaque 
document, quels personnages y sont mentionnés, le lecteur est obligé 
de parcourir l'acte tout entier. Bien plus, toutes ces pièces ne sont 
point inédites, d'autres sont indiquées dans des répertoires connus, 
et, en consultant ces derniers, M. Beautemps-Beaupré se serait épar- 
gné certaines erreurs. Tel est le cas pour la pièce n** 9. C'est un acte 
de Philippe- Auguste, de septembre 4204, énumérant les droits et 
obligations du sénéchal d'Anjou, le fameux Guillaume des Roches ; 
elle est datée du lieu de Senon,^ ce que tout le monde traduira par 
Sens; mais M. Delisle a depuis longtemps corrigé 5tnon^^ aujourd'hui 
Ghinon, car le roi n'était pas alors à Sens en Bourgogne» mais occupé 
à la conquête de l'Anjou et de la Touraine sur Jean sans Terre. Ce 
sont là des corrections tout à fait nécessaires, quand on n'a que des 
copies modernes d'actes anciens, et le soin de faire ces corrections 
incombe nécessairement à l'éditeur. Pour conclure, recueil fort inté- 
ressant pour les historiens comme pour les juristes» mais qui aurait 
gagné à être préparé avec plus de méthode et à être présenté au 
public avec tous les éclaircissements jugés aujourd'hui indispen- 
sables. 

M. l'abbé Guillotin de Courson , auteur d'un Fouillé historique du 
diocèse de Rennes, vient de publier le premier volume d'un nouveau 
travail intitulé : Les grandes seigneuries de Haute- Bretagne^. Ce 

1. Paris, Pedone, 1897, iii-8*. 

2. Rennes, Plihon, 1897, in-8*. 



426 BULLETIN HISTORIQUE. 

volume renferme la description des châtellenies comprises dans le 
département actuel d'Ille- et- Vilaine. On appelait châtellenie en 
Bretagne les terres nobles auxquelles était attaché Texercice du droit 
de haute justice-, beaucoup étaient de mince importance, les domaines 
des familles féodales ayant été morcelés à Tinôni dans la suite des 
temps, et certains détenteurs de ces terres nobles n'étaient que des 
gentilshommes de campagne, parfaitement obscurs et ne jouant qu'un 
rôle effacé dans leur province natale. M. Guillotin de Courson a 
dépouillé les archives d'Ille-et-Vilaine et de Loire-Inférieure, con- 
sulté le fonds des Blancs-Manteaux à la Bibliothèque nationale et 
quelques cartons et registres des Archives nationales. A chaque châ- 
tellenie est consacrée une notice plus ou moins étendue, donnant 
l'analyse des anciens aveux et la généalogie des propriétaires succes- 
sifs jusqu'à la On de Tancien régime. La lecture du volume ne laisse 
pas d'être fort intéressante et instructive; on y trouve une foule de 
renseignements sur le régime des terres, la condition des personnes, 
les droits féodaux, les rapports entre les paysans et leurs seigneurs. 
On peut toutefois regretter que Fauteur, au lieu de répéter les mêmes 
détails en vingt endroits différents, n'ait pas adopté un autre plan; il 
aurait peut-être mieux fait d'abréger chacune des notices particu- 
lières et de résumer en une cinquantaine de pages les faits recueillis 
par lui au cours de ses lectures ; une pareille introduction aurait été 
fort utile et aurait fait mieux connaître l'état des campagnes bre- 
tonnes durant les derniers siècles de la monarchie. M. Guillotin de 
Courson nous promet encore deux volumes, réservés Tun aux baron- 
nies et autres seigneuries titrées d'IUe-et- Vilaine, l'autre aux châ- 
tellenies et baronnies de Loire-Inférieure; espérons qu'à l'un ou 
l'autre de ces deux tomes il joindra l'étude générale qu'on est en 
droit d'attendre de lui. 

M. J. Berthel^, avant d'être archiviste de l'Hérault, avait occupé 
les mêmes fonctions dans le département des Deux-Sèvres et avait 
publié dans diverses revues locales beaucoup de courtes notes sur 
les antiquités des pays de Saintonge et de Poitou. 11 vient de réunir 
tous ces mémoires sous le titre de Carnet de voyage d'un antiquaire 
poitevin*. L'analyse d'un volume de ce genre est impossible; qu'il 
suffise d'indiquer sommairement les articles les plus importants. 
M. Berthelé décrit un certain nombre d'églises de ce pays, si riche en 
monuments du moyen âge : Aulnay, Lhoumois, Ghantecorps, Saint- 
Hilaire de Poitiers, etc. Une étude attentive du donjon de Niort lui 
permet de rapporter ce très curieux monument au xn* siècle et d'en 
attribuer la construction à Henri II Plantagenet; on trouvera encore 

1. Paris, Lechevalier, 1896, in-8*. 



paiNCE. 127 

dans ce volume quantité de notes sur les anciennes cloches existant 
dans cette région de la France et la description très soignée d'une 
foule de petits monuments archéologiques. 

Cet ouvrage rentre en somme à peine dans le cadre de nos études. 
La Revue historique^ par contre, peut insister plus longuement sur 
un autre travail du même auteur. M. Berthelé et M. Castets, maire 
de Montpellier et doyen de la Faculté des lettres de cette ville, se sont 
réunis pour publier Tinventaire des archives de la ville de Montpel- 
lier ^ Ces archives sont particulièrement riches et importantes; de 
bonne heure les bourgeois de cette grande ville ont gardé leurs 
chartes et privilèges avec un soin jaloux, et certaines séries, celles 
des comptes, par exemple, et des registres de délibérations, ne pré- 
sentent que peu de lacunes. De plus, à dater du xiv* siècle et jusqu'au 
début du xvi^, les états de la province de Languedoc, n'ayant point de 
charlrier, déposaient leurs titres à Thôtel de ville de Montpellier, 
sachant bien qu'ils y seraient en toute sûreté. Â plusieurs reprises, 
les consuls Ûrent exécuter aux frais de la ville des inventaires des 
archives communales, et c'est par l'étude et la publication de ces 
inventaires que MM. Berthelé et Castets ont jugé utile de commencer 
leur travail. Le premier fascicule renferme une notice fort curieuse 
et très étudiée sur les anciens classements du dépôt de Montpellier ; 
on en a des inventaires partiels datant du xiii« siècle, d'autres du uy% 
le meuble contenant la partie ancienne des archives remonte au moins 
à 4495, et on a eu le bon esprit de nos jours de conserver l'ancien 
classement, sans chercher à appliquer au dépôt la classiûcation mo- 
derne. On ne pouvait prendre meilleur parti, car on possède un excel- 
lent inventaire, exécuté en 4662 par Pierre Louvet, polygraphe et 
historien bien connu. Ce dernier, d^abord régent de collège, Onit par 
se donner tout entier à l'érudition, et dépensa la majeure partie de 
sa vie en courses vagabondes, allant de ville en ville dépouiller les 
archives, copier des textes anciens et mettre au service de qui en 
avait besoin ses talents de paléographe et de chercheur. G^est l'in- 
ventaire de Louvet, fort détaillé et de haute valeur, malgré quelques 
erreurs et quelques confusions, que publient MM. Berthelé et Castets. 
Louvet avait vraiment le goût de l'histoire, et il a pris soin de noter 
dans les chartes analysées par lui beaucoup de détails qu'un feudiste 
ordinaire aurait certainement négligés. C'est donc à la fois un travail 
d'archivé et un travail d'histoire-, grâce à lui, on retrouvera sans 
peine tous ces actes, classés encore aujourd'hui dans le même ordre 
qu'au XVII* siècle, et il rend inutile un inventaire à la moderne, qui 

i. Montpellier, Serre et Roamégoas, iii-4*, 1895 et 1896. 



428 BULLETIN HISTORIQUE. 

serait peut-être plus parfait, mais qui n'aurait ni le même caractère 
ni le même attrait. 

Les archives municipales de Bordeaux, autrefois si riches, ont 
presque entièrement disparu lors du grand incendie de 4862. Fort 
heureusement, les parties les plus importantes avaient été, au 
xviii® siècle, soumises à un grand travail de dépouillement; de 4754 
à 4789, plusieurs archivistes, dont le principal fut François Joachim 
Allien, avaient dressé la table détaillée des registres de la Jurade 
de 4520 à 4783, et on possède encore aujourd'hui 34,000 fiches 
relevées par Allien et ses collaborateurs dans cette immense série de 
volumes. Ces fiches, pour la plupart très convenablement rédigées, 
peuvent, dans une certaine mesure, remplacer les textes originaux 
aujourd'hui détruits, et la Commission des archives municipales de 
Bordeaux s'est décidée à faire imprimer ce vaste répertoire. Le pre- 
mier volume, qui vient de paraître par les soins de M. Dast Le Vaches 
DE BoisviLLE^ compte 708 pages in-4**et ne renferme que la lettre A 
du travail d' Allien ; la publication comptera donc au moins dix à 
douze volumes de même force. Les fiches étant classées par ordre 
alphabétique, l'éditeur a ajouté à ce premier volume une table chrono- 
logique des actes et une table alphabétique des noms propres et des 
principales matières. La première de ces deux tables et les tables sem- 
blables des prochains volumes permettront de reconstituer pour ainsi 
dire les volumes de la Jurade aujourd'hui disparus et de faire l'his- 
toire politique et administrative de Bordeaux durant ces deux cent 
soixante ans. Le rôle joué par cette grande ville est un sûr garant 
de l'intérêt historique d'une pareille publication. Espérons que la 
municipalité bordelaise ne ménagera pas ses subsides à cette entre- 
prise de longue haleine et qu'elle trouvera pour les prochains volumes 
des éditeurs aussi soigneux que M. de Boisville. 

Depuis qu'une mesure libérale a ouvert aux travailleurs de tous 
les pays les archives du Vatican, chaque année voit paraître de nou- 
veaux recueils de documents pontificaux. Encore un peu de temps et 
rËcole française de Rome aura achevé la publication de tous les actes 
du XIII® siècle, de 4246 à 4304, et déjà quelques savants commencent 
à entamer le xiv® siècle. La tâche ici est immense, car dès lors le 
nombre des bulles s'accroît dans des proportions incroyables, les 
séries de volumes se multiplient, et il est souvent difficile de se 
retrouver dans cette complication de registres originaux et de copies. 
La Société des archives historiques de la Gascogne, sans s'effrayer 

1. Inventaire sommaire des registres de la Jurade, de 1540 à 1783. (Archives 
municipales de Bordeaux, t. YI.) Bordeaux, Grouaomlhou, 1896, in-4*. 



FRANCE. 429 

de la longueur du travail, a entrepris la publication des Doett^ 
ments poiUifieaux relatifs à cette province, et un premier fascicule 
vient de paraître par les soins de M. Tabbé L. GuÉAÀRD^ Il ren- 
ferme ^160 documents, pour la plupart inédits et du plus haut inté- 
rêt, appartenant aux cinq premières années de Jean XXII (4 3^1 %-i 322) ; 
réditeur se propose de conduire la publication au moins jusqu'à 4334, 
date de la mort de ce pontife. Le volume s'ouvre par une introduc- 
tion étendue sur les registres pontiOcaux du xi?^ siècle; le sujet est 
difficile, car de ces registres il existe plusieurs séries parallèles toutes 
très considérables, et il faut avoir la clef des anciens répertoires et 
des tables modernes pour être sûr d'avoir épuisé la matière et pour ne 
pas copier plusieurs fois la même pièce. M. l'abbé Guérard énumère 
les différents inventaires existants, les tables manuscrites indiquant la 
manière de se servir de tous ces instruments de recherche. Â la suite 
viennent les documents, qu'accompagnent des notes nombreuses et 
étendues. Ces actes sont pour la plupart fort intéressants : Jean XXU 
était originaire de Cahors et s^intéressait tout particulièrement aux 
affaires du sud-ouest de la France, dont il connaissait à merveille les 
hommes et les choses. Le recueil renferme donc nombre de textes 
curieux pour l'histoire de la noblesse gasconne, pour celle des riva- 
lités entre la France et l'Angleterre, des guerres féodales qui agitent 
presque constamment ce malheureux pays encore à demi sauvage et 
mal pacifié. Le tout est du plus haut intérêt à la fois pour l'histoire 
de la province et pour celle des relations entre la cour de France et 
celle d'Avignon. 

A. MOLINIBB. 

Publications diverses. — M. R. de Haulde La Glayière a fait diver- 
sion à ses grands travaux sur Louis XII en écrivant les Mille et une 
nuits d'une ambassadrice de Louis XIV (Hachette). C'est un extraor- 
dinaire roman d'aventure que celui de cette demoiselle Petit, ramas- 
sée en 4702 dans un tripot de la rue Mazarine par un Marseillais, 
M. Fabre, « député de la nation » à Constantinople, qui, après avoir 
réussi à jouer en Turquie le rôle d'un agent diplomatique, avait eu 
rhabileté de se faire donner par Pontchartraiu une mission moitié 
diplomatique, moitié commerciale, en Perse. Arrêtés à Alep par les 
intrigues de M. de Ferriol, aventurier sans scrupules qui avait obtenu 
par sa belle-sœur, maîtresse deTorcy, l'ambassade de Constanlinople 

1. %• série, fasc. II. Paris, Champion, 1896, in-8*. — La publication a pu 
être entreprise grâce à un généreux subside des archevêques et é?éques de 
ranelenne Gascogne. 

RbV. HiSTOB. LXV. 1«' PA8G. 9 



430 BULLETIN HISTORIQUE. 

et auprès de qui vivait M"® Fabre dans des relations fort suspectes, 
Fabre et M"® Petit allèrent se réfugier à Constant! nople même, dans 
l'ambassade de Perse, et repartirent de là, sous la protection de Tam- 
bassadeur persan, pour Ispahan, par Erzeroum et Érivan. Fabre y 
meurt d'un accès de fièvre le -1 6 août 4 706, et c'est alors que M"® Petit, 
qui avait scandalisé Alep par ses extravagances, qui avait voyagé 
sous le nom de M"*® du Hamel, comme femme du cuisinier de Fabre, 
montra tout à coup une extraordinaire énergie, conquit les bonnes 
grâces du khan d'Èrivan et prétendit se mettre à la tête de l'ambas- 
sade pour la conduire à Ispahan. Elle y eût peut-être réussi, sans un 
autre Marseillais, nommé Michel, dévoué à M. de Ferriol, qui, avec 
l'appui de l'évêque de Babylone, entreprit de se substituer à elle 
et de lui enlever le jeune Joseph Fabre, que sa mère lui avait 
confié. Elle lutta pied à pied, réussit à pénétrer jusqu'à la cour du 
Chah, mais il finit par la renvoyer à Constantinople après lui avoir 
promis le remboursement de tout ce qu'elle avait sacrifié pour le ser- 
vice du roi. Tenue dans une demi-prison par M. de Ferriol, qu'elle 
finit par amadouer, elle ne rentra en France que pour être empri- 
sonnée et être accusée de trahison et d'escroquerie par Michel, qui 
avait bien obtenu, en 4708, un traité avec la Perse, mais un traité 
qui ne fut guère suivi d'effet. Il contribua cependant à faciliter, en 
4743, les négociations reprises avec le Chah par Tabbé Richard, 
que secondait cette fois le nouvel ambassadeur de France en Turquie, 
M. des AUeurs. W^^ Petit fut alors remise en liberté, ruinée et malade; 
mais c'était elle, en somme, qui avait été l'âme de toute l'entreprise 
de Fabre, qui lui avait fourni les premiers fonds, qui l'avait entraîné 
à travers l'Asie Mineure et, en conquérant l'appui du khan d'Ërivan, 
avait rendu possibles toutes les négociations ultérieures. M. de Maulde 
a raconté à merveille ce conte des Mille et une nuits, et il est trop 
modeste quand il prétend que le mauvais génie qui a poursuivi 
M"® Petit lui a porté le dernier coup en le chargeant d'être son bio- 
graphe. L'appendice sur l'ambassade de Riza-Bey, qui vint représen- 
ter la Perse auprès de Louis XIV en 4745, après des aventures aussi 
surprenantes que celles de M"® Petit, dont la mission à Versailles fut 
une étonnante mascarade, et qui s'en retourna par Dantzig à Érivan 
avec une M"® d'Épinay, qu'il avait enlevée, donne une amusante 
contre-partie des voyages de M"® Petit. On se figure volontiers la 
diplomatie comme la partie la plus solennelle de la politique et le 
gouvernement de Louis XIV comme un modèle de décorum. Le 
volume de M. de Maulde nous montre tout un côté de la diplomatie 
du grand roi où la fantaisie la plus dévergondée se donne lÛ)re car- 



FaiNGE. 434 

rière^ où toutes les affaires sont aux mains d'ayenturiers, et de che- 
valiers d'industrie et de coquines. 

Le recueil d'articles récemment publié par M. le duc de Broglie 
sous le titre Histoire et politique (G. Lévy) contient, entre autres, 
trois morceaux d'histoire de grande valeur intitulés : la Constitution 
de i875, Vingt-cinq ans après et i8i5. On trouvera dans le premier de 
ces travaux des détails précieux à recueillir sur la manière dont fut 
âdte par des monarchistes la constitution de 4875 et en particulier 
sur l'organisation du pouvoir présidentiel. M. de Broglie y développe, 
avec malice et avec force, cette idée que les procédés employés pour 
empêcher la présidence de la République d'être une menace pour la 
liberté ont eu pour résultat d'annuler le président et avec lui le pou- 
voir exécutif tout entier, et que, tandis que dans une monarchie la 
médiocrité du souverain n'est qu'un accident, et un accident corrigé 
d'ordinaire par le sentiment héréditaire des devoirs de la charge, 
dans la République française actuelle, la médiocrité du président est 
presque une nécessité, le président ne pouvant jouer qu^un rôle 
effacé, même s'il est un homme supérieur. — Dans Vingt-cinq ans 
après, M. de Broglie juge la politique extérieure de la France pendant 
la troisième République, et il prononce un jugement sévère sur l'at- 
titude prise par M. Waddington au congrès de Berlin. Il lui reproche 
deux choses : d'avoir pris la défense des intérêts de la Grèce et 
d'avoir demandé que la question d'Egypte fût soustraite aux délibé- 
rations du congrès. Sur le premier point, malgré les dangers que 
l'attitude de M. Waddington pouvait offrir, elle nous semble avoir 
été conforme à la fois à nos intérêts et à nos traditions, et je ne puis 
comprendre que M. de Broglie appelle l'acquisition de la Thessalie et 
d^Arta par la Grèce une rectification de frontières insignifiante. Pour 
la question d'Egypte, je crois bien que tout le monde aujourd'hui 
donnera raison à M. de Broglie et que tout notre effort doit tendre à 
fidre reconnaître par l'Europe le caractère international et européen 
de la question d'Egypte. Mais je ne vois pas quVn 4878 personne ait 
clairement indiqué au gouvernement français la politique à suivre sur 
ce point. On reprochait même au gouvernement d'avoir admis le 
eondominium. Je ne suis pas sûr qu'avec des ministres plus clair- 
voyants et des Chambres moins incapables le eondominium anglo- 
flrançais n'eût pas pu durer ; et les deux coups les plus funestes por- 
tés à notre puissance en Afrique, ceux qui nous ont ôté tout moyen 
de négocier utilement avec l'Angleterre au lendemain de la prise de 
Tell-el-Kébir, ont été l'abandon à l'Angleterre du Niger et des actions 
du canal de Suez possédées par le khédive. Si nous avions eu ces 



^132 BULLETIN HISTORIQUE. 

deux armes dans les mains (et ce n'est pas M. Waddington qui les a 
livrées), la conversation diplomatique avec les Anglais serait plus 
facile qu'elle ne Test. Quant aux observations pénétrantes et élo- 
quentes de M. de Broglie sur notre politique coloniale, elles ont une 
grande portée; mais, si de nombreuses fautes ont été commises, sur- 
tout à Madagascar, il faut dire aussi que la France ne pouvait pas 
s'abstenir de toute action coloniale, et dans son œuvre, s'il y a des 
parties très contestables, comme le Congo et le Dahomey, d'autres, 
comme le Tonkin et la Tunisie, paraissent au contraire très avanta- 
geuses. Le chapitre sur 4845 est la plus belle partie de ce volume, où 
tout est intéressant. M. de Broglie y fait ressortir avec autant de déli- 
catesse que de précision ce qu'il y a d'excessif et d'incomplet dans le 
livre de M. H. Houssaye ; le caractère éminemment libéral et équitable de 
la Restauration de 4844, la seule restauration monarchique qui n'ait 
été accompagnée d'aucune vengeance ; le prix immense que le prin- 
cipe de la légitimité a eu pour la France au lendemain de ses désastres 
en lui permettant d'appeler ses ennemis mêmes à la défense de son 
territoire; enfin, la justesse des vues de Talleyrand au congrès de 
Vienne. Jamais on n'a mieux montré en si peu de pages combien 
l'alliance prussienne et russe eût été funeste à la France et comment 
c'est, au contraire, à l'alliance austro-anglaise conclue par Talleyrand 
que nous avons dû de ne pas payer plus sévèrement le crime commis 
par Napoléon lorsqu'il est revenu de Tile d'Elbe. M. de Broglie fait 
bien sentir la vérité des paroles prononcées, le 44 octobre 4834, par 
son noble père, paroles qui restent le jugement de l'histoire : a L'évé- 
nement des Cent jours fut un crime de lèse-nation et une mique folie. 
C'a été l'œuvre d'une ambition effrénée exploitant un enthousiasme 
aveugle. » 

Au lieu du mot ambition, on pourrait dire égoïsme. Ce caractère 
égoïste de la politique de Napoléon et de sa famille ressort en traits 
accablants du livre si remarquable de M. Frédéric Masson, Napoléon 
et sa famille (Ollendorf), dont le premier volume nous conduit jus- 
qu'en 4802. Personne ne connaît l'intimité de la famille Bonaparte 
comme M. Masson et, grâce à lui, les figures de la mère, des frères 
et des sœurs de Napoléon demeureront gravées d'une manière ineffa- 
çable dans l'esprit de tous les lecteurs. Ces traits ne sont guère flat- 
teurs et Ton ne pourrait éprouver un peu de sympathie que pour la 
mélancolie maladive et mécontente de Louis, si Ton ne démêlait en 
lui une sorte d'envie et de rancune contre un frère qui l'avait aimé 
et s'était dévoué à lui quand il était encore enfant comme il ne le fit 
pour personne. Les autres sont ou des êtres frivoles comme Pauline, 



FRANCE. ^133 

OU des êtres médiocres et avides comme Joseph, ou des ambitieux 
brouill(ms et sans scrupule comme Lucien. Napoléon était, son 
génie merveilleux mis à part, de beaucoup le meilleur de tous, 
capable de dévoûment, aux siens tout au moins, capable aussi d'ai- 
mer la France le jour où il Ta identifiée avec lui-même. Mais, malgré 
la grandeur à laquelle s'élève Napoléon, au moins pendant un temps, 
son ascension au pouvoir a tous les caractères de la conquête d'un 
pays par une bande d'étrangers. La France fut le butin, la proie des 
Bonaparte, c Us sont un clan, dit M. Masson, et Napoléon est l'homme 
du clan... C^est là sa mission et son devoir : assurer au clan des 
places, des grades et des emplois... Ce ne sont plus là les liens de 
famille tels qu'on les trouve en France-, c'est quelque chose qui par- 
ticipe en quelque façon de la société secrète, quelque chose qui serait 
inexplicable sans Tesprit de clan par qui, aujourd'hui comme il y a 
un siècle, comme il y a dix siècles, la Corse est agitée, dirigée et gou- 
vernée. » M. Masson admire Napoléon avec enthousiasme, mais sans 
illusions et sans rien celer de la vérité. On trouvera dans ce volume 
des pages admirables sur ses relations avec Joséphine, sur les jalou- 
sies de la famille Bonaparte contre Joséphine, sur le 48 Brumaire, 
que Ton comprend bien mieux quand on y voit, avec M. Masson, un 
complot de famille servi par les intérêts et les passions de lout un 
peuple. M. Masson montre très bien que Napoléon avait une supé- 
riorité d^esprit qui lui faisait regarder avec dédain les petits proOls 
du pouvoir qui attiraient surtout ses frères *, mais il n^a garde de le 
croire plus scrupuleux qu'eux. Il est convaincu qu'au retour de la 
première campagne dltalie Napoléon rapportait non 300,000 francs, 
comme il l'a prétendu, mais trois millions, et qu'il savait piller comme 
les autres pour son propre compte ; mais Pargent était pour lui un 
moyen, non un but. On voudrait que M. Masson eût pu nous donner 
les preuves de son travail et la documentation de ce livre d'un inté- 
rêt si puissant. Il faut le croire sur jyarole. J'ajouterai que la pré- 
cision de ses dires, leur concordance avec tout ce que les documents 
nous permettent de constater, la connaissance familière qui se révèle 
à chaque page de tous les détails de la vie de Napoléon apportent 
la conviction au lecteur. 

M. Léon Lecestrb achève de nous faire connaître le caractère de 
Napoléon, ses instincts tyranniques, son mépris absolu de Thuma- 
nité et de la justice quand il voulait faire triompher sa volonté, par 
la publication de Lettres inédites de Napoléon de 4800 à 4815 (Pion). 
Il a réuni les pièces que le prince Napoléon avait écartées de la corres- 
pondance générale, parce qu'elles n'étaient pas de celles qui pou- 



434 BULLETIN HISTORIQUE. 

valent montrer Napoléon tel qu'il aurait voulu être vu par la posté- 
rité. C'est peut-être sur les affaires religieuses que les volumes de 
M. Lecestre apportent les documents les plus curieux et où le mépris 
de Napoléon pour les droits de la conscience se manifeste le plus crû- 
ment. Mais tout est curieux dans ces volumes : les rapports de Napo- 
léon avec ses frères, les affaires d'Espagne, les questions de police, 
les rapports avec la presse, Napoléon faux monnayeur, Napoléon 
plaçant secrètement ses fonds personnels dans l'emprunt prussien à 
A i 0/0 contracté pour payer l'indemnité due à la France et voulant 
se faire encore donner une commission parce qu'il versera comptant; 
il y a là des traits de comique et de tragique incomparables, mais 
qui laissent épouvanté à la pensée de la puissance d'un pareil régime 
pour fausser et abaisser les caractères. 

G. MONOD. 

P.-5. — M. RocQUAiN vient de faire paraître le troisième et der- 
nier volume de son grand ouvrage sur la Cour de Rome et P esprit de 
réforme avant Luther (Fontemoing). Nous ne pouvons aujourd'hui 
que signaler Tachèvement d'une œuvre qui nous donne pour la pre- 
mière fois en France un tableau complet, puisé aux sources mêmes, 
de l'histoire de TÉglise catholique depuis Grégoire VII jusqu'à 
Sixte lY, et du puissant mouvement des esprits et des consciences, 
qui devait aboutir à la fois au schisme protestant et à la réforme du 
catholicisme. Ce dernier volume comprend cinq livres : le grand 
schisme, les conciles généraux, la réaction de la papauté, la défaite 
définitive des conciles, les papes princes italiens et les approches de 
la réforme. Nous avons déjà dit l'intérêt et les mérites des précédents 
volumes. Celui-ci est digne de ses aînés. 

G. MONOD. 



fiELGIQUE. 435 



BELGIQUE. 

4886-4895. 

Le dernier bulletin belge de la Betme historique date de 4887 et 
a trait aux années 1884-4885. M. Paul Fredericq, absorbé par le 
soin d'importantes publications, n'a plus pu se charger de la tâche 
qu'il accomplissait avec une rare compétence depuis la création de la 
Revue, en 4876. Nous inspirant de son exemple, nous essaierons de 
donner un aperçu du mouvement historique de notre pays pendant 

les années 4886-4895. 

* 

Durant ces dix années, le nombre des publications a été considé- 
rable. De tout temps, d'ailleurs, un goût très vif s'est manifesté en 
Belgique pour l'étude de l'histoire. Si ce zèle n'a pas toujours été suf- 
fisamment éclairé, et si bien souvent la préparation scientifique des 
écrivains n'a pas été en rapport avec leur ardeur, nous pouvons cons- 
tater cependant une amélioration sensible de cet état de choses. Elle est 
due au mouvement qui a surgi dans les universités grâce à l'initiative 
de quelques professeurs, au premier rang desquels nous devons citer 
MM. G. Kurth, P. Fredericq, P. Willems, Ch. Mœller, L. Van der 
Kindere, M. Philippson et H. Pirenne. Les séminaires ou cours pra- 
tiques, créés il y a moins de vingt ans à titre privé, sont aujourd'hui 
consacrés par la loi, et il en est sorti un certain nombre de jeunes 
gens formés aux bonnes méthodes et doués d'un zèle ardent ; ils ont 
déjà fait leurs preuves et publié des travaux qui nous font concevoir 
pour l'avenir les plus vives espérances. 

Nous aurons à citer des recueils considérables de documents con- 
cernant notre histoire nationale, recueils composés avec beaucoup de 
sagacité critique et une activité qui ne s'est pas démentie ; beaucoup 
de mémoires importants sur des points spéciaux des annales du pays, 
et même de puissantes synthèses historiques dont les jurys quin- 
quennaux se sont plu à reconnaître les mérites. Si c'est toujours dans 
le domaine de l'histoire nationale que se déploie surtout l'activité de 
nos érudits, nous voyons cependant se faire jour des tendances moins 
particularistes qu'autrefois; on isole moins l'histoire de la Belgique 
de celle des nations voisines, on se rend mieux compte des influences 
rédproques qui se produisent dans la politique générale, et l'on com- 
prend que notre pays n'y a pas été plus soustrait dans le passé qu'il 
ne Test de nos jours. 



436 BULLETIN HISTOaiQUB. 

D*autre part, les sociétés historiques provinciales et locales, déjà 
nombreuses, se sont développées et multipliées ; elles comptent beau- 
coup d'hommes intelligents et instruits, et elles comprennent que 
leur activité doit s'exercer surtout à éclaircir d'une manière com- 
plète le passé des régions où elles vivent. Leurs publications ont été 
particulièrement nombreuses et beaucoup méritent des éloges. 

Nous avons le regret d'enregistrer la disparition d'une revue qui 
avait vécu pendant soixante-treize ans, le Messager des sciences his^ 
toriques de Belgique^ qui mit au jour bien des travaux de mérite et 
où maint historien belge fît ses premières armes ^ ; mais nous pou- 
vons aussi annoncer la naissance de plusieurs autres recueils pério- 
diques qui ont déjà fourni à la science historique d'utiles et notables 
contributions : les Analecia Bollandiana^ les Annales des sociétés 
archéologiques de Bruxelles, de Malines et de Nivelles, les Annales 
et le Bulletin du cercle archéologique et historique de Gand, enfin le 
Mvtëéon^, 

Nous constatons aussi avec satisfaction que ce n'est plus l'État seul 
qui encourage les publications historiques par de larges subsides. Les 
administrations provinciales et communales sont entrées dans la 
même voie et, grâce à leur généreux patronage, un grand nombre de 
collections de textes et de documents ont vu le jour pendant ces der- 
nières années. 

NÉCROLOGIE. — Depuis 4886, la mort nous a ravi un grand nombre 
d'hommes qui ont laissé dans le domaine historique la trace d'une 
action laborieuse et féconde. Ce fut d'abord M. F. Tielemans, ancien 
ministre de l'Intérieur, premier président de la cour d'appel de 
Bruxelles [f 4887], qui, dans son Répertoire de l'administration et 
du droit administratifs ouvrage de longue haleine et d'une science 
étonnante, avait intercalé un grand nombre de dissertations histo- 
riques. M. F. Laurent, professeur à l'Université de Gand [f 4887], 
juriste célèbre, dont les Études sur F histoire de r humanité^ ont mar- 
qué dans la philosophie de Thistoire, et ont été traduites en plusieurs 
langues. M. J. Van Praet [f 4887], conseiller des rois Léopold P' et 
Léopold II, portait dans l'examen des questions de philosophie his- 
torique ses éminentes qualités d'homme d'État. Il fut un des premiers 

1. Par exemple Âltmeyer, Bakhuisen Van den Brink, Blommaert, Ad. Da 
Bois, Borgnet, P. de Decker, 0. Delepierre, Ducpetiaux, L. Gachard, Gachet, 
de Gerlache, Gheldolf, Ferdinand et Victor Van der Haeghen, Hclbig, F. Hénaux, 
A. Henné, Kervyn de LeUenhove, F. Nèye, L. Polain, Schayes, J.-J. de Smet, 
J. Stecher, Warnkoënig, Alph. Waulers, etc. 

2. Voy. dans la Revtte historique le sommaire de ces revues. 

3. Bruxelles, Lacroix, 1855-1870, 18 yoI. in-8-. 



BELGIQUE. ^137 

à étudier le passé de la Belgique dans ses rapports avec l'histoire 
générale, et ses Études sur l'histoire des derniers siècles \ indépen- 
damment de leur haute valeur politique, se distinguent par un rare 
mérite littéraire. M. Th. Juste [f 4888] avait contribué plus que per- 
sonne, par ses innombrables publications, à répandre dans notre pays 
le goût et la connaissance de Thisloire nationale. M. M.-N. Leclercq 
[f ^ 889], ancien ministre de la Justice et procureur général à la cour 
de cassation, avait publié un grand nombre de nos anciennes cou- 
tumes. M. Gh. RuBLENS [f ^1890] était l'auteur d'importants travaux 
de bibliographie. M. le baron B. Kerytiv de LETTEifHOVE [f ^1894] fut 
un des historiens belges les plus féconds et les plus connus à l'étran- 
ger. Ses éditions des Chroniques de Froissart^ des Œuvres de Georges 
Chastellain, des Lettres et négociations de Philippe de CommineSy 
des Commentaires de Charles-Quint attirèrent l'attention du monde 
savant, ainsi que son Histoire de Flandre, les Huguenots et les 
Gueux, étude sur vingt^cinq années du XVI* siècle^ et Marie Stuart^ 
Vceuvre puritaine^ le procès, le supplice^ qui ont été appréciés dans 
la Revue historique à plus d'une reprise. M. É. Maillt [f 4894], 
astronome de mérite, avait consacré plusieurs volumes à des études 
consciencieuses et suggestives sur l'histoire intellectuelle de la Bel- 
gique. Son Histoire de V Académie impériale et royale des sciences et 
belles^ettres de Bruxelles ^ est une œuvre très neuve, d'une réelle 
valeur. M. J.-J. Thonissept [f 4894], membre de l'Institut de France, 
ancien ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique, professeur 
à l'Université de Louvain, était à la fois un juriste de premier ordre 
et un historien distingué. La science économique et la science sociale 
ont fait de sa part l'objet d^études savantes et approfondies, dans les- 
quelles la sagacité scientifique est servie par un lumineux talent 
d'exposition. Son Histoire de la Belgique sous le règne de Léopold /•', 
enrichie de précieux documents, ses nombreux mémoires sur l'orga- 
nisation judiciaire et le droit pénal de l'antiquité, ses travaux sur la 
loi salique lui avaient conquis une éclatante notoriété. M. P. de Dec- 
ker [f 4894], homme politique marquant, avait fait dans le domaine 
historique quelques incursions intéressantes. Nous rappellerons ses 
Études historiques et critiques sur les monts-de-piété en Belgique^ 
et ses Épisodes de r histoire de l'art en Belgique*. M. Emile de 



1. Bruxelles, firaylanl, 1867, 1874, 1883, 3 vol. m-8*. 

2. Mémoires de l'Académie royale de Belgique, coll. in-8% XXXIV-XXXV, 
720, 428 p. 

3. Bruxelles, 1844. 

4. Ibid., 1883. 



^138 BULLETIN HISTORIQUE. 

Layelete [f -1892], membre de llnstitut de France, professeur à 
rUniversité de Liège, élait, sans conteste, le plus éminent de nos 
publicistes, et Ton appréciait hautement en Belgique comme au dehors 
la richesse d'aperçus, le charme de style, l'étendue et la variété d'éru- 
dition de ses œuvres. Auteur de livres célèbres sur réconomie poli- 
tique et le droit public, il fut à ses heures historien original et 
profond. Son dernier ouvrage notamment, le Gouvernement dans 
la démocratie^ relevait de Phistoire autant que de la politique. 
M. A.-J. Namêche [t ^893], ancien recteur de TUniversité de 
Louvain, avait travaillé toute sa vie à un grand Cours d'histoire 
nationale, en trente volumes, dont nous parlerons plus loin. M. Ch. 
Stallaert [f 4 893] était l'auteur d'une Histoire de Jean /" de Bra- 
dant, écrite en néerlandais, et de travaux importants sur la vieille 
langue juridique des Pays-Bas méridionaux. M. Ch. Faidkr [t ^^93], 
ancien ministre de la Justice et procureur général à la cour de cassa- 
tion, avait activement collaboré à Tœuvre de la Commission royale 
pour la publication des anciennes lois et ordonnances de la Belgique, et 
étudié les anciennes constitutions des Pays-Bas dans une solide disser- 
tation encore aujourd'hui consultée avec fruit. M. F. Nève [f i 893] , pro- 
fesseur à r Université de Louvain, était Tauteur de nombreux mémoires 
sur l'histoire des sciences et des lettres dans les Pays-Bas. M. Ch. 
Laurent [f 4894], conseiller à la cour de cassation, était un laborieux 
éditeur de nos anciennes coutumes judiciaires. Le lieutenant général 
P. Henrard [f 4896] avait publié sur Charles le Téméraire, sur Marie 
de Médicis, sur Henri IV et la princesse de Condé des ouvrages hau- 
tement estimés. M. Edm. Van der Straeten [f 4896] s'était surtout 
occupé de l'histoire de la musique et du théâtre. M. A. Wagenbr 
[f 4896], philologue distingué, professeur à TUniversité de Gand, 
avait fait œuvre d'historien par son Recueil d'inscriptions grecques 
de l'Asie Mineure et par son Mémoire sur la symphonie des anciens*. 
Nous citerons enfin M. Al. Henné [f 4896], le savant collaborateur 
de M. Alph. Wauters pour ï Histoire de la ville de Bruxelles^ et 
l'auteur de V Histoire du règne de Charles F^, un des ouvrages qui 
font le plus d'honneur à l'érudition belge et qui fut à juste titre loué 
par les critiques les plus compétents de TAUemagne. 

L Travaux sur l'histoire nationale. — Documents. — Le bon 
exemple donné depuis de longues années par la Commission royale 
d'histoire a porté ses fruits, et nous pouvons constater avec satisfac- 

1. Mémoires de l'Académie royale de Belgique, coU. in-4% XXX^ XXXI. 

2. Bruxelles, Périchon, 1845, 3 vol. in-S\ 

3. Ibid., Rosez, 1865, 10 yoI. in-S*. 



BELGIQUE. ^139 

lion raœroissement considérable des matériaux historiques extraits 
des archives et soigneusement édités par de nombreux érudits. 

Citons d'abord l'infatigable archiviste de la ville de Bruxelles, 
M. Alph. WiUTsas, qui a presque terminé sa précieuse Table chro" 
nologique des chartes et diplômes concernant l'histoire de Belgique* . 
Dans les tomes VU, VIII et IX, il analyse plus de 4,000 chartes du 
xiY* siècle; un grand nombre ont trait aux démêlés de Boniface YIII 
avec Philippe le Bel, à la suppression des Templiers, à Thérésie des 
Bégards, etc. De savantes préfaces sont consacrées à Tétude de la 
situation politique des Pays-Bas durant cette période de l'histoire 
médiévale. 

Cette publication a donné lieu à une âpre controverse entre l'édi- 
teur et le chanoine Reusbns. S'il faut en croire ce dernier, M. Wau- 
ters aurait commis des erreurs graves de chronologie et de linguis- 
tique ^ L'archiviste attaqué a vertement relevé certaines bévues 
échappées à son sévère critique^. M. E. Gailliard a publié la Keure 
d'Hazebrouck de 4336^ et M. E. Bâcha les Chartes de r abbaye de 
Val-Dieu^ du xiii* et du xiv* siècle. Le comte T. db Limburg-Stirum 
nous a donné le tome II du Codex diplomaticus Flandriœ ^. Ce 
recueil éclaire d'un jour nouveau le règne agité de Guy de Dampierre 
et fournit des renseignements importants sur Thistoire financière 
de la Flandre au xiii" siècle. M. J. Yutlsteke, qui s'est fait une 
spécialité de l'histoire gantoise, a édité les Comptes de la ville ^ pour 
les années 4376 à 4389, qui comprennent le gouvernement de Phi- 
lippe van Artevelde. C'est une source de premier ordre pour la con- 
naissance des annales de la remuante cité ; malheureusement, une 
grande partie des archives a été détruite pendant les guerres civiles 
qui ensanglantèrent le règne de Louis de Mâle. M. A. d^Herbomez en 
a fait autant pour les Comptes de la ville de Tournai des années 1240- 

1. Bruxelles, Hayez, in-4% t. VII, 1889, 595 p.; t. VIII, 1892, 929 p.; t. IX, 
1896, 933 p. 

2. Questions de chronologie et d'histoire, à propos de la publication du 
tome VIII de la Table chronologique {Analectes pour servir à l'histoire ecclé- 
siastique de la Belgique, t. XXIV), tiré à part. Louvaio, Peeters, 155 p. 

3. Note en réponse aux critiques dont la Table chronologique a été Vobjet 
[Bulletin de la Commission royale d'histoire, 5* série, t. III), tiré à part. Hayez, 
39 p. r- Reusens, Examen de la note en réponse, etc. {Ibid., t. V), tiré à 
part Hayez, 37 p. 

4. De Keure van Hazebroeck van 1336. Gand, Siffer, 1894, 410 p. 

5. Bulletin de la Commission royale d'histoire, 5* série, IV, Uré à part. 
Bruxelles, Hayez, 1894, 90 p. 

6. Bruges, de Zutter, 1888, in-4% 432 p. 

7. Rekeningen der stad Gend. Tydvak van Philips van Artevelde. Gand, 
Hoste, 1893, 540 p. 



440 BULLETTC HISTO&IQUB. 

42i3\ découverts par lui. Celte trouvaille présente d'autant plus 
d'intérêt, que la plupart des comptes communaux qui ont été conser- 
vés dans les autres villes remontent rarement au delà de la fin du 
xin« siècle. M. J. Hosdet a fourni une précieuse contribution à This- 
toire du droit ancien de la Flandre maritime^ en publiant, d'après 
un manuscrit de la bibliothèque de Bourgogne, le texte du « Mont » 
d'Hazebrouck et en y joignant un commentaire aussi judicieux qu'éru- 
dit. La publication baptisée par son auteur du nom peu compréhen- 
sible le Cotton, manuscrit Galba, est empruntée à un registre du 
British Muséum et comprend 488 pièces, datées des années 4404 et 
4 405, qui ont trait aux négociations ouvertes à Calais entre la Flandre 
et la France. M. Gilliodts-Van Severen Ta complétée par divers 
documents inédits tirés des archives de Bruges ^. Nous trouvons beau- 
coup de renseignements sur la noblesse et la bourgeoisie gantoise 
dans YOhituaire de V église Saint- Jean^ à Gand*, édité par M. N. de 
Pauw d'après un manuscrit de la bibliothèque de l'Université. M. Féli- 
cien Cattier^ a publié le Premier registre aux plaids de la cour féo- 
dale du comté de Hainaut (4333-4405). Il y a joint une préface très 
instructive et un excellent glossaire. Nous devons à M. P. Genakd la 
mise au jour d'un registre qui contient les procès-verbaux des assem- 
blées échevinales d'Anvers^ pendant les années 4450 à 4484. Le 
Mémoire du légat Onufritts sur les affaires de Liège en 4468'^ nous 
fournit des renseignements circonstanciés sur un des événements 
les plus mémorables de l'histoire de Belgique. L'auteur, envoyé par 
le pape Pie II pour rétablir la paix dans le pays de Liège, vit ses 
efforts échouer par suite des exigences de Charles le Téméraire. 
M. J'abbé A. Gauchie a eu la bonne fortune de découvrir aux archives 
du Vatican des instructions secrètes de Léon X au nonce Campeggi, 
accrédité auprès de Maximilien d'Autriche dans les Pays-Bas^, toute 

1. Bulletin de la Commission royale d'histoire^ 5* série, III, 140 p. 

2. Essai sur le statut du Mont ou Hoop d'Bazebrouck et sur ses rapports 
avec l'ancien droit franc, Dankerque, Michel, 1890, 200 p. 

3. Collection des documents inédits publiés sous les auspices de la Commis- 
sion royale d'histoire. Bruxelles, Hayez, 1895, 552 p. 

4. Bulletin de la Commission royale d'histoire, 4* série, XVI, tiré à part, 
1889, 88 p. 

5. Bruxelles, 1893, 465 p. 

6. Bet register van den dachvaerden {Bulletin des archives d'Anvers, t. XIX), 
1893, 500 p. 

7. Publié par M. St. Bormans. Bruxelles, Hayez, 1886, 202 p. 

8. Les Desseins politiques de Léon Xàson avènement, et la mission de Laur 
rentio Campeggi en Flandre en \biZ (Bulletin de la Commission royale d'his- 
toire, 5» série, I), tiré à part, 1891, 21 p. 



BELGIQUE. 4 4^1 

une série de Documents inédits concernant le règne de Charles-Quint 
dans les Pays-Bas ^ , et des lettres diplomatiques qui font mieux com- 
prendre la brusque retraite opérée par François P' au Cateau-Cam- 
brésis dans la nuit du 4 au 5 novembre ^1543^. M. A. de Riddbr a 
traduit de l'espagnol et annoté avec soin un manuscrit de Jean Sigo- 
ney contenant les Règlements de la cour de Charles^Quint^ . A ce 
même règne se rattachent les Mémoires inédits de Vianesius Alber- 
gatis, écrivain distingué, prélat contemporain de Léon X et d'Adrien VI. 
M. E. BicHA les a copiés à la bibliothèque Corsini^ M. G. Piot a 
repris et achevé l'édition de la Correspondance de Granvelle^^ com- 
mencée par feu Edmond PouUet. Les tomes V à XII ont vu le jour 
depuis 4886; ils renferment des milliers de lettres et de documents 
relatifs aux années 4574 à 4586. Ces lettres émanent du cardinal, du 
roi, de Tempereur Maximilien II, de Marguerite de Parme, de Don 
Juan d'Autriche, de Farnèse, etc., elles démontrent l'insouciance, 
l'inertie et l'ingratitude du souverain, et nous apportent quantité de 
renseignements nouveaux sur l'assassinat du Taciturne, sur les Mal- 
contents, sur le projet dû à Granvelle de soulever l'Ecosse et Tlrlande 
contre Elisabeth, sur les prétentions de l'infante Isabelle à la cou- 
ronne de France. M. Piot a également fait paraître des mémoires sur 
Y Histoire des troubles des Pays-Bas^ ^ œuvre de Renon de France, 
président du conseil d'Artois. Ce magistrat, admirateur passionné de 
Philippe II, expose par le menu les démêlés de Don Juan avec les 
États, et enregistre des particularités inédites sur les attentats de Jean 
Jaureguy et de Balthazar Gérard contre Guillaume de Nassau, sur la 
furie française à Anvers, sur l'indiscipline des soldats espagnols. Ce 
n'est pas un contemporain qui parle, et ses dires sont souvent sujets 
à caution. Le capitaine bolonais Ferdinand di Marchi, attaché à la 
personne de Marguerite de Parme, entretint une correspondance sui- 
vie avec Daniel de Bomalès, Navarrais fixé à Anvers ; celui-ci, roya- 
liste à l'esprit très indépendant, observait de près les troubles des 
Pays-Bas et faisait part de ses impressions à son ami ; il ne dissimu- 

1. Analectes pour servir à Ihistoire ecclésiastiqtie de la Belgique, t. XXXIl, 
Uréà part, 1891, 115 p. 

2. Deux épisodes de la ItUte de François l" avec Charles- Quint {Bulletin 
de la Commission royale d* histoire, 5* série, I), 1891. 

3. Messager des science* historiques, t. LXVIII, Uré à part, 1894, 51 p. 

4. Bulletin de la Commission royale d'histoire, 5' série, I, tiré à part, 
1891, 65 p. 

5. T. V, 1886. Bruxelles, Hayez, iii-4% 724 p.; t. VI, 1887, 651 p.; t. VII, 
1889, 684 p.; t. VIII, 1890, 669 p.; t. IX, 1892, 827 p.; t. X, 1893, 722 p.; t. XI, 
1894, 770 p.; t. XII, 1896, 682 p. 

6. Bruxelles, Hayez, 1886-1891, 3 vol. in4% 670, 682, 550 p. 



442 lULLSTIN HISTORIQUE. 

lait pas les fautes du gouvernement et il répugnait aux persécutions 
religieuses. M. Tabbé A. Gauchie a retrouvé ces lettres aux archives 
farnésiennes de Naples ^ M. le chanoine Ad. Delvigne a traduit les 
Mémoires de Del Rio sur les troubles des Pays-Bas durant l'admi- 
nistration du comte de Fuentès^ et en a rétabli le texte original, 
devenu très rare. Nous signalerons spécialement l'importance des 
chapitres consacrés à TArmada et à la campagne de France. Le baron 
Kervtn de Lettbnhove a poursuivi l'impression des Relations poli^ 
tiques des Pays-Bas et de l'Angleterre sous le règne de Philippe IP. 
La mort Ta enlevé au moment où il venait de terminer le tome X, et 
son œuvre demeure incomplète. Les tomes Y à X ont trait aux années 
1567 à 4578, et contiennent d'importantes lettres du duc d'Albe sur 
les affaires des Pays-Bas, de France et d^Écosse, des rapports de con- 
seillers d'Elisabeth, un mémoire justificatif du prince d'Orange, les 
instructions rédigées par Philippe II pour Don Juan, où éclate à 
chaque page la duplicité du roi. Un index alphabétique général serait 
indispensable pour que cette importante collection rendit tous les 
services qu'on peut en attendre. M. Ë. Bachi a fait connaître un 
manuscrit précieux de la bibliothèque de Bourgogne ^. G^est un recueil 
de pièces extraites des archives de la cathédrale de Liège et dont les 
originaux sont aujourd'hui perdus. 11 contient plusieurs bulles 
d'Alexandre VI, de Sixte IV et de Pie U. Nous comprenons mie.ux 
les négociations ouvertes par les États généraux des Pays-Bas avec le 
duc d'Alençon à Plessis-lès-Tours depuis la publication des pièces 
diplomatiques par M. P. Genakd'. MM. Muller et Diegeeick^ ont 
réuni un grand nombre de documents inédits qui éclairent d^un jour 
nouveau Thistoire assez peu connue de la courte souveraineté du duc 
d'Anjou dans les Pays-Bas. Le jeune et ambitieux duc nous apparaît 
aussi incapable que présomptueux et perûde. Les éditeurs ont joint à 
leurs textes des notes pleines d'intérêt, au cours desquelles ils recti- 

1. Correspondance de Daniel de Bomalès avec Ferdinand di Marchi {Ana' 
lectes pour servir à l'histoire ecclésiastiqiie de la Belgique, t. XXIIl), tiré à 
part, 1892, 41 p. 

2. Bruxelles, Schepens, 1892, 128 p. 

3. Bruxelles, Hayez, 6 vol. in-4% 1886-1891, 763, 871, 616, 500, 580, 588 p. 

4. Documents d'histoire liégeoise {Bulletin de la Société d'art et d'histoire 
du diocèse de Liège, Yl), tiré à part, 1892, 32 p. 

5. Documents relatifs à l'élection du duc d'Anjou et d'Alençon à la souve^ 
raineté des Pays-Bas (Bulletin de la Commission royale d histoire, 4* série, 
XVII), tiré à part, 1890, 35 p. 

6. Documents concernant les relations entre le duc d* Anjou et les Pays-Bas , 
1576-1583 {Publication de la Société historique d'Utrecht). La Haye, Nijhoff, 
1889-1891, 3 YoL, 503, 654, 694 p. 



BIIiGIOUE. 443 

fient et complètent souvent les travaux de M. Kervyn de Letlenbove. 
A cette époque se rattache aussi la Correspondance générale de 
P. 'P. Rubens\ dont le premier volume a paru par les soins de 
G. RiTBLBNS. On y découvre beaucoup d'indications utiles tant pour 
l'histoire de la politique que pour celle des arts. M. A. de Ridder a 
emprunté à un manuscrit des archives héraldiques du ministère des 
Affaires étrangères une Relation inédite de Vinauguration des archi- 
ducs Albert et Isabelle aux Pays-Bas^. On a des raisons de croire 
que ce manuscrit est Tœuvre du roi d'armes Maurissens. M. E. de 
MiRNEFFE a entrepris de recueillir les documents concernant les rap- 
ports politiques et diplomatiques de la principauté de Liège avec les 
Pays-Bas au xyi"^ siècle^, pendant les règnes d'Érard de la Marck, de 
Corneille de Berghes et de Georges d'Autriche. Le texte est reproduit 
avec soin, mais on en attend la suite depuis huit ans. La Commis- 
sion royale pour la publication des anciennes lois et ordonnances de 
la Belgique continue son œuvre avec une louable activité. M. L. Gil- 
liodts-Van Seybren a édité la Coutume de la prévôté de Bruges* y 
ainsi que les Coutumes d'Ardenbourg, Biervliet et Blankenberghe^ ^ 
puis celles de Sysseele, Thourout et Watervliet^ ; M. C. Casier, les 
Coutumes d'Aerschot^ Neder-Assent et Caggevinne'^ ; MM. A. Du Bois 
et DE HoNDT, le tome II des Coutumes de la ville de Gand^. Le docu- 
ment le plus important de ce volume est la concession Caroline de 
4540, dont les deux textes, français et flamand, sont également ori- 
ginaux et ont été promulgués en même temps. MM. Casier et Crahat 
ont publié les Coutumes du duché de Limbourg et du pays d'outre- 
Meuse^, M. C. Laurent a fourni un Deuxième supplément aux coU" 
tûmes du Luxembourg et du comté de Chiny^^, Le même juriscon- 
sulte a rendu un grand service aux chercheurs en comblant les lacunes 
nombreuses de la Liste des édits émanés de Charles-Quint *\ que feu 

1. Anvers, de Backer, 1887, t. I, in-4% 440 p. 

2. Messager des sciences historiques, LXVII, tiré à part. Gand, Van der Hae- 
ghen, 1893, 140 p. 

3. Eai Principauté de Liège et les Pays-Bas au XVI* siècle» Liège, Grand- 
mont, 1888-1889, 3 vol., 390, 504, 390 p. 

4. Bruxelles, Gobbaerts, 1888, % vol. in-4*, 588, 312 p. 

5. Ibid., 1890, in-4% 626 p. 

6. Ibid., 1892, in-4% 525 p. 

7. Ibid., 1894, in-4% 232 p. 

8. Ibid., 1888, in-4% 736 p. Le tome I a été pnbUé en 1868 par Gheldoif. 

9. Ibid., 1889, in-4«, 452 p. 

10. Ibid., 1888, in-4*, 485 p. Les deux volumes et le premier supplément ont 
été pubUés par M. M. N. Le Clercq en 1867, 1868, 1878. 

11. Ibid., 1885, in-8% 377 p. — Supplément. Ibid., 1890, 142 p. 



444 BULLETIN HISTORIQUE. 

L. Galbsloot avait dressée en ^1885. 11 avait aussi commencé le 
Retmeil des ordonnances de Charles-Quinte Le tome I comprend 
les édits portés de 4506 à 4509; plusieurs ont trait à la ques- 
tion des indulgences. Le fameux siège de Gbarleroi de 4693 ne nous 
était connu que par les écrits de témoins français. M. G. Piot a 
découvert dans les archives une relation due, selon toute vraisem- 
blance, à Don Francisco de Castilo Taxardo, qui dirigea la défense 
de la place ^. M. G. Piot a donné le tome Yl et M. J. Delbcourt le 
tome VU du Recueil des ordonnances des Pays-Bas autrichiens^, qui 
contiennent les édits de 4744 à 4 756. 

Le marquis de Botta -Adorno fut ministre plénipotentiaire à 
Bruxelles de 4749 à 4753. Ses papiers, très utiles pour la connais- 
sance des faits politiques de Tépoque, sont conservés à la bibliothèque 
Ambrosienne de Milan. M. A. Gauchie en a donné un aperçu assez 
détaillé^. 

Le ministère autrichien désirait améliorer la législation pénale des 
Pays-BaS; et notamment adoucir la procédure en vigueur. Mais, avec 
sa prudence habituelle, Timpératrice Marie-Thérèse voulait, avant 
de décréter des réformes, amener la magistrature à adopter ses vues. 
En conséquence, Gbarles de Lorraine fit rédiger par un magistrat dis- 
tingué, G. de Fierlant, un mémoire préconisant la suppression de la 
torture et l'envoya aux Gonseils de justice en demandant leur avis. 
La presqu' unanimité des juges fit aux projets du Gouvernement une 
opposition désespérée. L'auteur de ce bulletin a retrouvé dans les 
archives ce mémoire inédit, ainsi qu'un autre écrit dans lequel G. de 
Fierlant s'occupe de la création de maisons de force, et il les a publiés 
avec une introduction historique et des notes ^. 

M. le chanoine E. Reusens^ a réuni une importante collection de 
Documents relatifs à r histoire de r Université de Louvain (4426- 
4797). On sait que l'histoire de la célèbre Aima Mater des Pays-Bas 

1. Bruxelles, Goemaere, 1894, in-fol., 762 p. 

2. Le Siège de Charleroi en 1693 {Bulletin de la Commission royale d'his- 
toire, 5« série, IV). 

3. T. VI, Ibid., 1888, in-fol., 660 p.; t. Vil, Ibid., 1890, in-fol., 590 p. Les 
cinq premiers volumes ont été publiés par Gachard en 1860, 1867, 1873, 1877, 
1882. 

4. les Papiers d^État du maréchal de Botta-Àdomo (Bulletin de la Commis» 
sion royale d'histoire, 5* série, IV), tiré à part, 1894, 40 p. 

5. E. Hubert, Vn chapitre de l'histoire du droit criminel dans les Pays- 
Bas autrichiens au XVIII* siècle; les Mémoires de Goswin de Fierlant, 
Bruxelles, Hayez, 1895, 102 p. 

6. Louvain, Peeters, 1886, 533 p. 



BELGIQUE. 445 

n'a jamais été faite. Des travaux préparatoires comme ceux de M. Reu- 
sens sont donc de la plus haute utilité. M. de Garcia de la Vega nous 
rapproche de Tépoque contemporaine par les tomes XIV et XV du 
Recueil des traités et conventions concernant le royaume de Bel' 
gique*^ qui contiennent les actes datés de 4844 à 'l 894. 

Nous devons signaler aussi un grand nomhre de documents spé- 
cialement relatifs à l'histoire ecclésiastique. Tels sont les travaux de 
M. Redsexs, Collection de documents sur les XLIV collèges de rUni' 
versité de Louvain^^ et sur les Chartes et privilèges de l'Université 
de Louvain^ ; de M. G. Piot, Documents relatifs à P abbaye de 
Solières^ ; de M. Van Spilbeeck, Obituaire de l'abbaye de Soleil^ 
mont^ de V ordre de Citeaux^; de Dom Ursmer Berlière, Documents 
inédits pour servir à l'histoire ecclésiastique de la Belgique^, Ce der- 
nier ouvrage contient de nombreuses chartes des abbayes de Flo- 
rennes, Lobbes, Brogne; une chronique du xv* siècle de Tabbaye de 
Saint-Jacques de Liège; les procès-verbaux des chapitres généraux 
tenus par les moines bénédictins dans les provinces de Reims et 
de Sens depuis 4299 jusqu^en 4440; une chronique d^Eenaemedu 
XV* siècle, et le Nécrologc de Pabbaye de Saint-Martin de Tournay ; de 
M. Recsexs, Documents relatifs à l'abbaye norbertinede Heylissem'^ . 
M. J. Halkix a publié les Statuts de la collégiale Saint-Pierre, à 
Liège^; M. Ë. de Marneffe le Tableau chronologique des dignitaires 
du chapitre de Saint-Lambert, à Liège^ ; enfin M. Taimister le 
Nécrologe du clergé diocésain de Liège, 1801 à 1894, précédé de la 
biographie des dignitaires de la collégiale de Saint-Paul^ de 960 
à 4798'^. 

La période décennale écoulée a vu mettre au jour un grand nombre 
de cartulaires. Nous mentionnerons le Cartulaire de l'église Saint- 

1. Narnur, Delvaux, 1893, 2 vol., 45t, 430 p. 

2. Louvain, Peelcrs, 1889, 556 p. 

3. Analecles pour servir à l'histoire ecclésiastique de la Belgiqiie, XXV. 

4. Bulletin de la Commission royale d'histoire, t. lY, tiré à part, 1894, 
34 p. 

5. Documents et rapports de la Société archéologique et paléonUdogique de 
Charleroi, XXIV, tiré à part, 1894, 96 p. 

6. MaredAous, 1894, 325 p. 

7. Analectes pour servir à l'histoire ecclésiastique de la Belgique, XXV, tiré 
à part, 1895, 82 p. 

8. Bulletin de la Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège, X, tiré à 
part, 1895, 46 p. 

9. Analectes pour servir à l'histoire ecclésiastique ds la Belgique, XXV, tiré 
à part, 1895, 53 p. 

10. Liège, Grandroont, 1894, 371 p. 

R£V. BiSTOR. LXV. 1" FA8G. 10 



^146 BULLETIN HISTORtQ0B. 

Lambert^ à Liège\ par MM. S. Bormans et E. Schoolmebsters, dont 
les deux premiers volumes contiennent 890 actes datés de 826 à 4 300 ; 
un grand nombre de ces pièces sont d'une importance considérable pour 
l'histoire territoriale et politique de la principauté. Le Cartulaire des 
comtes de Hainaut^^ par M. Léop. Devillers, va jusqu'à la fin du 
règne de Jacqueline de Bavière (4 436) . M. Léon La Hâte a fait paraître 
le Cartulaire de la commune de Walcourt^^ le t. IV du Cartulaire 
de la commune de Dinant (4556-1620) ^, le t. I du Cartulaire de la 
commune d'Andenne [\ \ 04-4 650) ^^ et le Livre des fiefs de la prévôté 
de Poilvache^. M. Ch. Laurent a édité la deuxième partie du Cartu- 
laire de la commune de Houffalize"^^ qui comprend les actes des 
années 4457 à 4556. MM. J. Buisseret et de Prelle de la NiBPPBont 
dressé le Cartulaire de la ville de Nivelles^ ^ où nous remarquons le 
texte roman de la fameuse charte de Gortenberg de 4342, qui était 
demeuré jusqu'à présent inédit. M. E. de Marneffe a commencé l'édi- 
tion du Cartulaire de l'abbaye d'Afflighem et des monastères qui en 
dépendaient^, M. de la Grange a aussi fait œuvre utile en donnant 
de volumineux Extraits analytiques des registres des consaïUx et de 
ceux av^ publications de la ville de Tournai*^, MM. Van Naemen^* et 
DE Prelle de la Nieppe *2 ont respectivement relevé les inscriptions 
tombales du pays de Waes et de la ville de Nivelles. 



1. BruxeUes, Hayez, 1894-1895, 2 vol in-4% 699 et 672 p. M. le chanoine 
Reusens a consacré à cette importante publication une étude critique : Une 
publication de la Commission royale d'histoire. Examen critique du cartu- 
laire de l'église Saint-Lambert de Liège de MM. Bormans et Schoolmeesters 
{Analectes pour servir à l'histoire ecclésiastique de la Belgique, XXV), tiré à 
part, 1894, 118 p. — M. Bormans a riposté avec beaucoup de yenre : la Com" 
mission royale d'histoire et son détracteur. Liège, Ponceiet, 1894, 32 p. M. Reu- 
sens n'a plus insisté. 

2. Bruxelles, Hayez, t III, 1886, in-4*, 639 p.; t. IV, 1889,764 p.; t. V, 1891, 
787 p.; t. VI, 1895, 1050 p. 

3. Namur, Wesmael, 1889, 329 p. 

4. Ibid., 1891, 387 p. 

5. Ibid., 1893, 317 p. 

6. Namur, Douifils, 1895, 510 p. 

7. Annales de l'Institut archéologique de Ltucembourg, 1887. 

8. NiveUes, Guignarde, 1892, 118 p. 

9. Analectes pour servir à l'histoire ecclésiastique de la Belgique^ 2* série, I. 

10. Dans les Mémoires de la Société historique de Tournai, XXIII, tiré à 
part, 1893, 396 p. 

11. Épitaphier Waesien {Annales du Cercle archéologique du pays de Waes, 
XIV), tiré à part, 1894, 52 p. 

12. Épitaphier de NiveUes {Annales de la Société archéologique de Nivelles^ 
II et IV), tiré à part, 1891, 100 p. — Supplément en 1893, 89 p. 



BELGIQUE. 447 

HisToraE niTioifALE. ÉpoQUE ROMAINE. — Cette période de notre his- 
toire a fait éclore dMntéressantes monographies de M. Harrot\ qui 
place à Limbourg, près de Yerviers, la fameuse Aduatuca, qui a déjà 
causé tant d'insomnies à nos archéologues, de M. A. de Ylaminck^, 
de MM. A. deCeuleneer^, H. Scbuermapts^, J.-P. Waltziiig*, Bequet*, 
Mahibu^ VAïf Neuss^, Bamps*, Van BiSTELAER*^, et Keelhoff**. 

MoTBN AGE. — M. P. ALBBRDiNGK-TfliJM*^ s'cst occupé d'unc époque 
généralement négligée par nos historiens. Il a prouvé que la division 
de la Lotharingie en deux duchés distincts ne fut pas l'œuvre de 
saint Brunon et qu'il y a lieu de remanier la liste des ducs de 
Basse-Lotharingie, attendu que Ton a souvent confondu plusieurs 
de ces personnages. L'ouvrage de M. Gh. Dcviyier^^ a obtenu 
en 4897 le grand prix quinquennal d'histoire nationale; il renou- 

1. Lei Èhurons à Limbourg. La véritable Aduatuca-Castellum de César, 
Namar, Lambert, 1889, 108 p. 

2. Le Territoire des Aduatiqties (Messager des sciences historiques, LXI), tiré 
à part. Gand, Van der Haegheo, 1887, 63 p. 

3. La Défaite des Tongres par les Sicambres^ les Usipètes et les TencfUres, 
en 53 av. J.-C. (en néerlandais). Louvain, Van Linthoret, 1892, 26 p. 

4. L'Invasion des Chauques, en 176 {Bulletins des Commissions royales d'art 
et d archéologie, XXIX), tiré à part. Bruxelles, 1890, 17 p. — Épigraphie 
romaine de la Belgique [Ibid., XXIX-XXXI), tiré à part, 1891-1893, 127 p. — 
Les Antiquités romaines trouvées en Belgique {Ibid.y XXIX), tiré à part. 
Bruxelles, 1891, 63 p. — /Les Remparts d'Arlon et de Tongres (Ibid., XXVIII), 
tiré à part, 1889, 47 p. 

5. Vne inscription inédite découverte à Foy (Bulletin de V Académie royale 
de Belgique, 3* série, XXIV), tiré à pari, 1892, 24 p. 

6. Les Cimetières de la forteresse d'Éprave (Annales de la Société archéo" 
logique de Namur, XIX), Urê à part. Namur, 1892, 32 p. 

7. Les Villas bdgo-romaines de Maellen (Ibid.), 48 p. 

8. Découverte d'une villa belgo^omaine sur la limiie des territoires de 
Neerharen et de Reckheim (Bulletins des Commissions royales d'art et d'ar- 
chéologie, XX VIII), tiré à part. Bruxelles, Muquardl, 1889, 50 p. 

9. Le Limbourg primitif, ou aperçu sur les découvertes d'antiquités faites 
dans le Limbourg belge. Hasselt, Klock, 1889, 66 p. 

10. Les Cimetières belgo-romains de CourceUes et de Forges-lez-Chimay 
{Documents et rapports de la Société archéologique et paléonlologique de 
Charleroi, XIX), tiré à part, 1893, 45 p. 

11. Notices historiques et archéologiques sur l'ancienne église et les villcu 
romaines de Neerharen. Bruxelles, 1889, 47 p. 

12. Les Ducs de Lotharingie et spécialement ceux de Basse- Lotharingie au 
X* et au XI* siècle, depuis lavènement de Brunon, en 953, jusqu'à la mort 
de Godefrol le Pacifique, en 1023 (Mémoires de V Académie royale de Bel- 
gique, coll. in-8% LIU), lire à part, 340 p. 

\Z. Les Influences française et germanique en Belgique au XIII* siècle. La 
querelle des d'Avesnes et des Dampierre jusqu'à la mort de Jean d'Avesnes 
(1257). Bruxelles, Falck, 1894, 2 toI., 330, 666 p. 



^148 BULLETIN HISTORIQUE. 

velle entièrement Thistoire très compliquée de la fameuse querelle 
des d'Avesnes et des Dampierre, qui fut, au xiii* siècle, pour les 
Pays-Bas et pour les provinces voisines la source de troubles prolon- 
gés. Il en fait nettement saisir les importantes conséquences poli- 
tiques : la concentration des provinces belges retardée de deux siècles, 
raffaiblissement de la puissance des comtes au profit de la politique 
d'expansion de la France, Tâpre désir des d*Avesnes de corriger par 
tous les moyens Piniquité du partage opéré par saint Louis. Le côté 
juridique du différend est également traité d^une façon magistrale. 
L'auteur fait preuve d'une érudition aussi exacte qu'abondante et, 
avec un esprit critique remarquable, il rectiOe à chaque page des 
erreurs qui se sont glissées dans les ouvrages antérieurs, depuis les 
chroniques contemporaines jusqu'aux études les plus récentes. Le 
tome II contient 325 documents d'archives, dont 4 55 sont inédits et 
dont les autres ont fait l'objet d'une revision sévère. 

M. Ed. PoNCELET * a démontré la fausseté de la tradition d'après 
laquelle le vol d'une vache, perpétré par le bailli du Condroz, officier 
de justice liégeois, au détriment d'un habitant du village namurois 
de Jallet, aurait été la cause des hostilités qui éclatèrent en ^1275 
entre l'évêque de Liège Jean d'Enghien, d'une part, les comtes de 
Namur, de Flandre et de Luxembourg, d'autre part. Commentant 
avec beaucoup de sagacité les documents de Tenquète faite en 4278 
par les arbitres, il établit que le point de départ de la sanglante 
guerre dite « de la Vache » fut l'inféodation de la seigneurie de 
Goesmes, faite par Jean de Beaufort au comte de Namur, au mépris 
des droits de l'élu de Liège, Henri de Gueldre. 

M. F. DE PoTTER^ a puisé dans les poésies satiriques du xrri^ et 
du xiV' siècle, c'est-à-dire à une source passablement suspecte, les 
éléments d'une esquisse, intéressante du reste, des mœurs de la 
société flamande. S'il faut en croire l'auteur, le niveau moral de cette 
époque aurait été singulièrement bas. La partie de l'œuvre la plus 
curieuse et la plus digne de confiance concerne les habillements, les 
jeux et les fêtes. 

Au commencement du xiv*' siècle, la Flandre était dans une situa- 
tion pleine de dangers : les rois de France la menaçaient, les com- 
munes étaient désolées par la guerre civile, le pape Jean XXII jetait 
l'interdit sur le comté, la discorde régnait jusque dans la famille du 

1. La Guert-e dite « de la Vache de Ciney » {BuUetin de la Commission 
royale d'histoire, 5* série, III), tiré à part, 1893, 120 p. 

2. Les Mœurs et coutumes de notre peuple au XI W et au XIV* siècle, 
d'après les poésies de Vépoque (en néerlandais). Anvers, Bouchery, 200 p. 



BELGIQUE. 449 

comte. On ne connaissait pas le détail de ces cruelles péripéties. 
H. Va?! der Linden a trouvé aux archives de Paris des documents, 
grâce auxquels il a pu exposer d'une manière claire et complète la 
politique de Robert de Béthune^ 

L'histoire du dévouement des 600 Franchimontois à Tépoque de 
la prise de Liège par les troupes franco-bourguignonnes, comman- 
dées par Louis XI et Charles le Téméraire, a donné lieu à une con- 
troverse animée entre MM. J. Demarteau^ et G. RilHL^. 

XYi* SIÈCLE. — M. Gh. McELLER a reconstitué, à propos d'une bio- 
graphie ^ le tableau vivant et pittoresque de la cour des Pays-Bas au 
xv!"* siècle. Dans cette œuvre considérable, rien n'est abandonné à la 
fantaisie; Fauteur n'avance rien qui ne soit établi par des documents 
recherchés avec une rare patience dans les archives les plus diverses, 
et mis en œuvre avec une remarquable sagacité. Nous trouvons, outre 
l'histoire émouvante des amours d'Éléooore d'Autriche avec le prince 
Frédéric, fîls du Palatin, quantité de détails inédits sur la jeunesse 
de Charles-Quint, son éducation, et les personnes de son entou- 
rage. On a dit, avec raison, que le livre de M. Mœller est un modèle 
d'étude diplomatique. M. A. de RiDDERest Tauteur d'une série d'études, 
puisées aux meilleures sources, sur l'histoire politique et diploma- 
tique des règnes de Philippe le Beau et de Charles-Quint^. Il expose 
aussi d'une manière intéressante la vie intime de la cour des Pays-Bas ^. 

M. E. Van Arenbergh est un littérateur de mérite, mais ses tra- 
vaux d'histoire pèchent par le défaut de sens critique -, l'auteur ne 
distingue pas suffisamment la valeur relative des témoignages, et ses 
appréciations manquent parfois d'équité^. M. E. Gossart a fait con- 
naître, d'après les documents de Simancas, l'existence de deux filles 
naturelles de Charles-Quint : Thaddée, née à Bologne en 4523, et 



1. Let Relations polUiqties de la Flandre avec la France au XIV siècle 
{Bulletin de la Commission royale d'histoire, 5* série, III), tiré à part, 1893, 73 p. 

2. Les 600 Franchimontois. Liège, Demarteau, 1892, 41 p. 

3. L'Expédition des 600 Franchimontois à Sainte-Walburge, le 30 octobre 
1468 (Bullelin de la Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège, IX). 

4. Éléonore d'Autriche et de Bourgogne, reine de France. Un épisode de 
thàstoire des cours au XVI' siècle. Paris, Thorin, 1895, 348 p. 

5. Les Pays-Bas pendant les règnes de Philippe le Beau et de Charles-Quint, 
d'après tes ambassadeurs vénitiens (Magasin littéraire de Gand), tiré à part. 
Gand, 1887, 48 p. — Les Droits de Charlet-QtUnt au duché de Bourgogne. Un 
chapitre de Chisloire diplomatique du XVI* siècle. Louyain, Peeters, 1890, 
160 p. 

6. La Cour de Charles- Quint. Bruges, Desclée, 1889, 175 p. 

7. Don Juan. Bruges, Desclée, 1889, 124 p. — Charles-Quint. Ibid., 1890, 
2 ToL, 194, 209 p. 



^150 BULLETIIf HISTORIQUE. 

Juana, née dans la Yieille-Castille au cours de la même année ^ . 

M. G. Rahlenbeck a fait une élude comparée des procédés de gou- 
vernement de Marguerite d'Autriche, de Marie de Hongrie et de Mar- 
guerite de Parme, qui présidèrent successivement aux destinées des 
Pays-Bas ^. 

On a eu i'beureuse idée de réunir un certain nombre de travaux 
historiques publiés par Gachard, à diverses époques, dans les Bulle- 
tins de l'Académie royale de Belgique et dans les Bulletins de la 
Commission royale d histoire. Nous y remarquons notamment ses 
dissertations bien connues sur Don Juan, sur Jeanne la Folle, sur Ben- 
tivoglio, etc.^. Mais on les a réimprimées intégralement. Il est cepen- 
dant probable que les découvertes faites durant oes dernières années 
auraient modifié quelques-unes des conclusions du savant archiviste. 

Le mémoire de M. H. Lonchay, couronné par l'Académie royale de 
Belgique, est une œuvre de sérieuse valeur. L'auteur a particulière- 
ment étudié les papiers d'Étal^. Les chapitres concernant Marie de 
Hongrie et Corneille de Berghes, ainsi que la conspiration des 
Lamarck, abondent en curieuses révélations. M. Ë. Gossart a recouru 
aux sources espagnoles pour corriger les nombreuses erreurs aocré- 
dilées parmi les historiens belges au sujet de la tentative de débar- 
quement en Angleterre des troupes de Philippe II *. 

XVII* et xnii* SIÈCLES. — M. A.-J. Namêche a écrit pendant les 
années ^886 à ^892 la dernière partie de son grand Cours d'his^ 
toire nationale^. Ces treize volumes correspondent à la période 
qui s'étend depuis le gouvernement général de Don Louis de Reque- 
sens jusqu'à Pavènement de Napoléon P"" à l'Empire. L'auteur a visé 
à être très complet, et s'est occupé à la fois de la politique, de la 
guerre, de la religion, des sciences, des arts, des lettres et des ques- 
tions économiques. 11 ne s'attache pas aux points controversés, et met 

1 . Deux filles naturelles de Charles-Quint, Thoddee et Juana (Revue de Bel- 
gique, LXXII), tiré à part, 1892, 60 p. 

2. Les Trois régentes des Pays-Bas, 1507-1567 {Revue de Belgique, LXX-LXXI), 
lire à part. Bruxelles, 1892, 45 p. 

3. Études et notices concernant Ihistoire des Pays-Bas, Braxelles, Hayez, 
1890, 3 vol., 520, 466, 612 p. 

4. De l'attitude des souverains des Pays-Bas à V égard du pays de Liège au 
XVP siècle. Hayez, 1888, 231 p. 

5. L'Invincible Armada {Revue de Belgique^ LU), tiré à part. Bruxelles, 
1886, 48 p. 

6. Louvain, C. Fonteyn, 1886, t. XVII, 464 p.; t. XVIII, 413 p. — 1887, t. XIX, 
439 p.; t. XX, 418 p. — 1888, t. XXI, 394 p.; t. XXII, 452 p.— 1889, t. XXIH, 
393 p.; t. XXIV, 397 p. — 1890, t. XXV, 386 p.; t. XXVI, 396 p. — 1891, 
t. XXVII, 430 p.; t. XXVIII, 391 p. — 1892, t. XXIX, 199 p.; t. XXX, Index 
général, 503 p. 



BELGIQUE. 4 5^1 

en œuvre, avec beaucoup de soin^ les matériaux accumulés par Téru- 
ditioQ moderne. Souvent il se borne à reproduire purement et simple- 
ment les documents et les travaux antérieurs; il a d'ailleurs la 
loyauté de déclarer dans sa préface que, « s'il est un livre fait avec 
d'autres livres, c'est assurément le sien. » On lui a reproché d'avoir 
laissé en dehors de ses recherches les ouvrages allemands et hoUan- 
daiS; dont l'importance est cependant capitale. D'autre part, son 
œuvre est trop touffue et les vues d'ensemble y font défaut. Le style 
est clair, correct, assez froid, mais sans sécheresse. Les jugements 
sont en général marqués au coin d^une modération relative ; aussi 
est-on surpris de rencontrer (tome XXI, 239) une tentative de réha- 
bilitation de Balthazar Gérard et un plaidoyer en faveur des proscrip- 
tions du roi d'Espagne. Les chapitres les plus intéressants de cette 
vaste compilation sont ceux que M. Namêche consacre à Thistoire 
intellectuelle des Pays-Bas. M. G. Rahlenbeck a décrit, sous descou- 
leurs moins brillantes qu^on ne le fait d'ordinaire en Belgique^ la 
société belge du temps des archiducs Albert et Isabelle ^ De tout 
temps, il y eut entre les Pays-Bas et la principauté épiscopale de 
Liège des rapports suivis et intimes. Ces rapports avaient été expo- 
sés le plus souvent d'une manière superficielle, et beaucoup d'histo- 
riens belges, négligeant les documents diplomatiques et les papiers 
d'État, avaient échafaudé leurs appréciations sur des écrits du temps 
peu dignes de confiance. M. H. Lonchat^ a procédé tout autrement. 
S'attachant à dépouiller les correspondances importantes que con- 
tiennent les archives de France et de Belgique, il y a trouvé de véri- 
tables révélations sur notre histoire durant les deux derniers siècles, 
notamment sur les intrigues françaises à Liège, et il a complété son 
œuvre par une revision sévère des sources et une critique serrée des 
travaux antérieurs. La Ruelle, le fameux bourgmestre de Liège, sort 
très amoindri de l'enquête minutieuse à laquelle notre auteur a sou- 
mis son orageuse carrière. Nous constatons dans le livre de M. Lon- 
chay une grande liberté d'esprit et un vif désir d'impartialité. Le P. L. 
Delpuce^ s'est attaché à une des périodes les plus troublées de nos 
annales. Après avoir exposé très clairement le mécanisme des insti- 
tutions de l'ancien régime, pour lequel il ressent une admiration pro- 



i. Les Wiltz et les Berlaymonl {Revue de Belgique, t. III), tiré à part. 
Bruxelles, 1886, 20 p. 

2. La Principauté de Liège, la France et les Pays-Bas au XV IP et au 
XVIIP siècle. Bruxelles, Uayez, 1890, 190 p. 

3. Joseph II et la révolution brabançonne. Bruges, Beyaert^ 1890; 2* édiU, 
1891, 200 p. 



152 inrULETO mSIDUQUE. 



ÔMide. i Tmque xvee one sérârité parfois justifiée, mais souvent 
«xcesëivi^. -i)ii5 .es projets reformaUMirs de Joseph II; il a le tort de 
ne 3a:r îî^ringnpr ^fffRsHnmcni Les innovatioas iiâtives et incoDSti- 
txitionneiles Jes normes peat-<tre prématurées, mais à coup sûr 
iu3pir?es lar e souc la aiei publie et tjae rexpérience d'un siècle 
■fnûer i jcunienam ;uaiâeesw «lecte severîte surpraid d'autant plus 
le Lecteur rue joire ^crivaiu ;eite un voile indulgent sur le caractère 
seàitieux ies urtes Je 'S ^ppoâtion, 5ur Le uianque d'esprit poli tique des 
àuuisies s ior Jes -fixcee ^. les folies tie la révolution brabançonne. 
}k>u^ ievon;^ s^naier m ippendice bibiloeraphique très complet. 

^ •ariiffiu il^ ?raudtean«^ ôic L'ulversaire le plus déterminé et 
le jius iciiï ieî :-*Mbrne:^ ^tsdetïia^ùques tentées par le gouvernement 
juurlehiea lu setrie ieriler. M. A. VsiSAEfio* lui a consacré un 
-jaueftrvrirue iniervîsuic ^- isâàomie ou L'on trouvera la version 
caiiwiique ie l'histoir» s vMutrjver^ee les règnes de Marie-Thérèse 
et le Joéepii H laiTs .es j?iys>fias. M. E. Di5Caiuj[s'7 q^ appartient 
1 une jJUQ iuur? a»ie. i îuunii une «^oauribotion également très inté- 
reâsuiLvî 1 L histoire m xirl ^onckiste et «iu clergé (feraocrate pen- 
dmit .i\ revijîucoa bnûaai.*tiuiie. Un .snad nombre d^écrivains ont 
étudie 1 occupaiioa â-iui;3i<e id la Belgique à la fin du xvm' siècle. 
Egalement insçin?< jor Le seucimiaic patrlotii{ue« leurs livres sont 
Xune laleur jres iiiïereice et iHsaucuup .^génèrent parfois en déda- 
madocs. Les dliïfereaûes brx'ïîurî< le M. P. VEUiiEii£5^ sont le 
fhilc le r^-iienriies eeuscieuceuseï^ M. L Mathot a Eût paraître, 
500:^ le psettiioajîne vie vi^>i RirasLPWHn. plusieurs ouvrages con- 
cercaau la :recoaiie partie du vmf siècle \ Ou vient de les rééditer. 
Ce sont des oeuvres ab^solumeac partiales d*où tout esprit critique 



t . Le C<xniêmii Mrm-Simri ér Ft^ncîtend^ry, Brades. Desclée, 429 p. 
i. flom.fitfcF ef c.t<Mi» iitf Iti rvnMn^ifit VtidunwvnjM ^Mevme de BHgique, 
LlV-LVi, Un» A port. Bnuiïileïs^ Î5;^^. cO p. 

3. Estai ivr 6i Ud^ne >ie U pnaae em BeitféfHf dunimt la dmiUnatùm firan- 
çaae ,17^^-IStV \Afi!^es ée U SiKiete ojxheêlo^w 'it BruxeUes, W), Uré 
à part. Bniieih», tS^^:. U p. ^ U Tnàmmai rtvotiUwtmain ie Bruxelles 
JbkL, Vir, lire à part. BnueUek ISW. 33 p. — le Frocés et la mortdeP.-J. 
d Herbe, de Bm^jes. fmsiiU à AnurW/tfs le IT octoàrt 17^ '^Messager des sciences 
historiqHes, LXVIII, ISlU). 

4. Maria Theresia. AoTers^ De Koainckx, IS91, ÎOO p. — Gesckiedenis der 
Vaderlands, De PafriaUentijd. Kdzer Josef II, De Brabantseke omiretiUeling 
(aiUoire nationale. L'époqne des Patriotes. L'empereur Joseph II, la Révo- 
lution brabançonne]. Gaod. Siffer, 1S94, oi5 p. — De troebeie i^d. Belgie 
onder de fransche republiek, Boerenkrijg-Kerkvercolging {Les temps troublés, 
La Belgique tous la République française. Guerre des Pagsans. Persécution 
religieuse). Anwen, 1889, 190 p. 



BELGIQUE. i 53 

est absent. M. Stabs a fait Thistoire du gouvernement incapable 
issu de la révolution brabançonne \ qui succomba bientôt sous le 
poids de ses fautes. M. H. Schuermins a écrit un chapitre très neuf 
et très attachant de l'histoire de l'occupation française en Belgique^. 
Le livre du P. Delplige^ est plus important. C'est un tableau d'en- 
semble des misères et des souffrances que nous valut la conquête 
française depuis la bataille de Jemmapes jusqu'à la chute du Direc- 
toire. Les travaux de MM. Seyens'* et Vin Laeken^ sont d'une valeur 
inOniment moindre. Dans les Conscrits belges^, M. A. Thts fait un 
récit détaillé de la guerre soutenue contre les armées françaises par 
les paysans flamands et campinois qui se refusaient à subir la 
conscription. Ce livre ne fera pas oublier la Guerre des paysans^ 
d'A. Orts -, il contient cependant des données nouvelles, mais l'au- 
teur tombe souvent dans l'enflure. 

Citons enfln de curieux souvenirs de contemporains sur les événe- 
ments de la fln du xyiii** et le commencement du xix** siècle^. 

iix* SIÈCLE. — M. l'abbé S. Baliu est très bien au courant des tra- 
vaux imprimés; il met à proflt les mémoires les plus récents aussi 
bien que les monographies les moins connues pour retracer l'histoire 
de nos provinces sous la domination impériale®. Son livre n'aurait 
rien perdu à être débarrassé de certains hors-d'œuvre qui ne pré- 
sentent pour rhistoire de la Belgique qu'un intérêt secondaire. La 
partie vraiment neuve et d'un puissant intérêt, même après les tra- 
vaux de Thiers et de Charras, est l'étude des faits militaires, pour- 
suivie avec l'aide d'un collaborateur spécialement compétent, M. le 
chevalier de Selliers de Morauville, major au corps royal d'état- 
mayor belge. M. P. Poullet* s'est livré à de patientes recherches 

1. De helgische republiek van 1790. Anvers, Jannssens, 1891, 290 p. 

2. Le Perron républicain et A,'J. Janson {Bulletin de l'Institut archéola^ 
gique liégeois), XXIV, tiré à part. Liège, de Thier, 1894, 40 p. 

3. La Belgique et la Révolution française. Louvain, Istas, 1895, 260 p. 

4. 0ns vaderland t{jdens de fransche overheerscMng op het einde der 
XV m* eeuw 1792-1802 {Notre patrie sous la domination française à la fin 
du XVllI* siècle). Courtrai, Beyaert, 1894, 180 p. 

5. De Sans Kulotten in Vlaanderen, of de heldenstrijd der boeren in 1798 
{Les Sans- Culottes en Flandre ou la lutte héroïque des Paysans en 1798). 
Bruxelles, Vergaert, 1894, 200 p. 

6. De belgische ConscriU in 1798-1799. Louyain, Peeters, 1890, 430 p. 

7. X. Van den Steen de Jehay, Souvenirs de François Garnier (1746-1846). 
Liège, Grandmont, 1886, 2 vol., 458-508 p. 

8. La Belgique sous l'Empire et la défaite de Waterloo, 1804-1815. Louvain, 
C. Fonteyn, 2 vol. 280-311 p. 

9. L'Esprit public en Belgique pendant la domination française {Messager 



^54 BULLETIN flISTOEIQUE. 

sur cette même époque et a tiré des documents les plus authen- 
tiques, notamment des rapports secrets de la police impériale, 
la preuve de l'antipathie des Belges pour le régime français et des 
regrets que leur inspirait le souvenir de la maison d'Autriche. La 
domination française ne fut populaire en Belgique que pendant Ja 
période du Consulat et les premiers temps de l'Empire, alors que 
l'on avait conOance dans la durée de la paix d'Amiens. La mesure 
qui contribua le plus à faire naître cette popularité fut, après la con- 
clusion du Concordat, la transformation du port d'Anvers. Le lieu- 
tenant général P. Wiuyermins^ a exposé en détail les projets que 
Napoléon avait conçus pour le développement de notre métropole 
commerciale. M. Ad. Dubois a fourni quelques éclaircissements sur 
V Expédition de Walcheren^ en ^809, d'après les rapports de Gor- 
nelissen au comte d'Houdetot, préfet du département de FEscaut. 
A cette même époque se rattache un procès célèbre qui nous édifie 
sur les abominables procédés judiciaires de l'Empire^. Le maire 
d'Anvers, Weerbrouck, accusé de détournement des deniers publics, 
acquitté par la cour d'assises des Deux-Néthes, vit son acquittement 
annulé par un sénatus-consulte, au mépris des stipulations du code 
d'instruction criminelle; traduit à nouveau devant la cour de Douai, 
il mourut en prison avant d'avoir été jugé. Le Conseil d'État réhabi- 
lita sa mémoire après une admirable plaidoirie de Berryer. Nous 
devons à M. P. Poullet'' une esquisse largement dessinée de l'his- 
toire du royaume des Pays-Bas pendant les années \%\^{%\%. Il a 
surtout étudié les correspondances des ministres de France et d'Au- 
triche, accrédités auprès du roi Guillaume P'; il discute avec une 
impartiaUté complète les questions délicates qui surgirent à cette 
époque, notamment les difficultés que présenta l'adoption de la loi 
fondamentale. 
M. P. Bergmans* a rendu d'une manière intéressante la physiono- 



des sciences historiques, LXVII-LXIX), tiré à part. Gand, Van der Haeghen, 
1893-94, 125 p. 

1 . Napoléon et Carnot. Épisode de l'histoire militaire d'Anvers, Bruxelles, 
Maqnardt, 1888, 264 p. 

2. Messager des sciences historiques, LXVIII, tiré à part. Gand, Van der 
Haeghen, 1894, 36 p. 

3. A. Thys, Un drame judiciaire en 1813. Anyers. Kennes, 1894, 133 p. 

4. Les Premières années du royaume des Pays-Bas (Revue générale, 1894- 
1895), tiré à part. Braxelles, Schepens, 1895, 92 p. 

5. Étuée sur Véloquence parlementaire sous le régime hollandais {Mémoires 
de V Académie royale de Belgique), coll. in-8% XLVI, tiré à part, Bruxelles, 
Hayez, 56 p. 



BELGIQUE. \ 55 

mie agitée des assemblées parlementaires de cette même époque. 
Nous y voyons naître, avec la nouvelle monarchie, la question des 
langues, qui devait jouer un rôle si important dans les prélimi- 
naires de la révolution de ^830. Les Mémoires de G. Beegmànn\ 
écrits avec beaucoup de simplicité et de fine bonhomie, contiennent 
de curieux détails sur la vie privée et publique de la bourgeoisie fla- 
mande du XIX* siècle; le chapitre relatif aux années 4845->l830 est 
particulièrement digne d'attention, ainsi que les pages consacrées 
aux débuts de l'Université de Gand en iSil. M. A. Hock a fait une 
étude analogue sur la bourgeoisie wallonne à cette époque^. 

Un livre de Tabbé S. Biliu^, arrivé à la quatrième édition, et qui 
témoigne d^un labeur considérable, nous conduit dans Thistoire tout 
à fait contemporaine. C'est un réquisitoire très vif contre la politique 
du parti libéral belge; les dernières éditions présentent des amélio- 
rations sensibles de Touvrage primitif et se rapprochent davantage 
du ton qui convient à Thistoire. L'auteur s'est livré à des recherches 
patientes et il expose avec clarté beaucoup de choses peu connues et 
qui méritaient d'être tirées de l'oubli. Mais il ne fait pas l'histoire 
des idées politiques et de l'évolution de nos partis, due à l'influence 
exercée par les proscrits du coup d'État d'une part, de l'autre aux 
encycliques de Pie IX et au concile du Vatican; Timportance des 
questions économiques n'est pas assez mise en lumière ^ enfln, 
M. Balau ne s'afl'ranchit pas toujours sufflsamment de l'esprit de 
parti, et il passe parfois sous silence des faits de grande importance, 
mais qui gênent sa thèse et sont au désavantage de ses amis. 

M. P. WiUYBEMiifS'* nous a donné le portrait des principaux de ces 
exilés français : Bancel, Madier de Montjau, Hetzel, etc. Il n'a vu 
que l'influence exercée par ces hommes de lettres sur la vie intellec- 
tuelle de la Belgique ; il n^a pas plus examiné que M. Balau l'action 
de ces ennemis du césarisme sur l'orientation du parti libéral belge. 
C'est de leur propagande par les cours et les conférences que date la 
naissance du parti radical en Belgique. MM. P. Htmins et A. Del- 
cROiiconimiXQtiiV Histoire parlementaire de la Belgique^, qui est 
un résumé absolument exact et précis des débats de la Chambre des 

1. Uit Vader Bergmann't gedenkschriften, Gand, Vaylsteke, 1895, 232 p. 

2. Mœurs et coutumes bourgeoises à liège sous le régime hollandais, Liège, 
VaiUant, 1891, 188 p. 

3. Soixante-dix ans d'histoire contemporaine de la Belgique. Lou?aia, Fon- 
teyn, 4* éd., 1890, 447 p. 

4. Les Réfugiés du Coup d'État en Belgique {Magasin littéraire, XVI), tiré 
à part. Gand, Siffer, 1891, 70 p. 

5. Années 1891-1892. Bruxelles, Bniylant, 1894, 290 p. 



456 BULLETIN HISTORIQUE. 

représentants et du Sénat. Nous devons mentionner aussi le livre de 
M. Vin Hoorebeke\ qui nous rapproche encore davantage du temps 
présent, mais c'est un recueil d'articles de journaux qui tournent 
parfois à la divagation. Nous recommandons surtout au lecteur 
impartial la relation, par M. Van Hoorebeke, de la controverse qui 
surgit en 4894-'! 892 entre les Bollandistes d'une part, et MM. Wage- 
ner et Pirenne d'autre part, à propos de Galbert de Bruges^. 

Biographies. — L'étude scientiGque de la vie des grands hommes 
a contribué pour une forte part au progrès de la science historique. 
Nous applaudissons donc à la continuation de la Biographie natio- 
nale^, publiée par l'Académie royale de Belgique. On peut citer 
parmi les monographies les plus étudiées celles des ducs Henri de 
Brabant (par M. Alph. Wauters), de Henri de Gueldre (par M. H. 
Pirenne), de Philippe de Homes (par M. Th. Juste), des Jean d'Avesnes 
(par M. Alph. Wiuters), de Jacqueline de Bavière (par M. G. Piot), 
de Jansenius (par M. A. Le Rot), de la Kethulle de Rijhove (par 
MM. Paul Fredericq et H. Vin der Linden), de Saint-Lambert (par 
M. G. Kurth), de La Ruelle (par M. H. Lonchat), de Joseph Lebeau 
(par M. A. Freson), de Léopold I" de Belgique, de Léopold II d'Au- 
triche (par M. Th. Juste), de Leys (par M. M. Rooses), de Saint-Lié- 
vin (par M. H. Pirenne), du prince de Ligne (par M. Alph. Wauters), 
de Juste Lipse (par M. L. Rqersch), de Louis de Bourbon (par M. A. 
Lonchat), de Louvrex (par M. A. Le Rot), de Mandeville (par M. H. 
Pirenne), d^E. de Mansfeldt (par le lieutenant général Henrard), des 
Lamarck (par MM. de Ghestret de Haneffe, Le Rot et Lonchat), de 
Marguerite d'Autriche, de Marguerite de Constantinople et de Mar- 
guerite de Parme (par M. Alph. Wauters), de Marie de Bourgogne et 
de Marie de Hongrie (par M. Ë. de Borchgrave), de Jean de Marnix 
(par M. D. Jacobs), de Philippe de Marnix de Sainte- Aldegonde (par 
M. H. Van der Linden). 

En dehors de cette publication de l'Académie, nous devons men- 
tionner un grand nombre d'études biographiques, plus ou moins 
considérables, d'inégale valeur, mais en général instructives et inté- 
ressantes; celle d'Éginhard, par M. E. Bagha^ ; du chroniqueur Pierre 

1. Quatre ans d'évoluUon. Relation des principaux faits politiques et 
sociaux accomplis en Belgique de 1890 à 1894. Band, Sifier, 1894, 484 p. 

2. Voy. l'histoire véridique de cette controverse dans la Revue historique, 
L, 456, 457. 

3. Bruxelles, Brnylant, t. IX, 1886-87, 395 p.; — t. X, 1888-89, 400 p.; — 
t. XI, 1890-91, 465 p.; — t. XII, 1892-93, 422 p.; — t. XIII, 1894-95, 482 p. 

4. Étude biographique sur Éginhard. Liège, Demarteaa, 1888, 80 p. 



BELGIQUE. à 57 

d*Herenthals, par D.-U. BERLiiBE^; du héros brabançon Everard 
TSerclaes^y par M. Boghaert-Vagh^, qui a renouvelé par l'étude des 
documents une page importante de l'histoire des Pays-Bas; les tra- 
vaux de MM. Alph. Widtbrs, N. de Piuw et du P. Delehatb sur 
le célèbre philosophe Henri de Gand^ ; la vie de Renard de Schônau, 
sire de Schoonvorst, financier et diplomate du xv* siècle, par le 
baron de Ghestbet de Haneffe'*; du littérateur et chroniqueur Jean 
Lemaire de Belges, par M. J. Stbgher^; les biographies de Phi- 
lippe Chifflety chancelier de la Toison d'or sous le règne des 
archiducs Albert et Isabelle, par le lieutenant général P. Hbnrard® ; 
celle du Gantois Gilles de Hase, généralissime de la république de 
Venise, par M. N. de Pauw^ ; celle du savant musicien Roland de 
LassuSy par M. J. de Clètes®; celle de Thistorien brabançon Jacques 
Le Roy, par M. de Raadt*; l'autobiographie de Juste Lipse, judi- 
cieusement annotée par M. P. Bergmans^^. 

Si nous nous rapprochons de l'époque contemporaine, le flot des 
écrits de Tespèce monte encore et force nous est de faire un choix. 
L'Académie a conservé la pieuse tradition de retracer dans son 
annuaire la carrière de ses membres disparus. Or^ nous le constations 
au début de cet article, la mort a fauché impitoyablement, depuis 
quelques années, dans le monde des arts, des sciences et des lettres. 
L'annuaire précité nous fournit des études détaillées et approfon- 
dies sur la vie et les œuvres de philologues comme Heremans^^ et 
Rœrsch^ *, de philosophes comme A. Van Weddingen ^ ^, d'orientalistes 

1. Annales de la Société archéologique de Namur, XYIII, 1890. 

2. Bruxelles, Lebègue, 1894, 190 p. 

3. De le Haye, Nouvelles recherches sur Henri de Gand {Messager des sciences 
historiques, UV), tiré à part. Gand, 1886, 127 p. — Id., Ibid., LVl, tiré à part, 
35 p. — N. de Pauw, le Vrai nom de Henri de Gand (Bulletin de la Commis- 
sion royale d'histoire J 4* série, XV, Uré à part. Bruxelles, Hayez, 1889, 11 et 
112 p.). — Aiph. Waulers, IMd., XVI. 

4. Mémoires tn-8« de i* Académie royale de Belgique, t. XL VI, tiré à part 
Bruxelles, Hayez, 1893, 72 p. 

5. Paris, Bouillon, 1891, 107 p. 

6. Annales de l'Académie d'archéologie de Belgique, XLI, 1896. 

7. Bulletin de la Commission royale d'histoire, 5* série, 11, tiré à part. 
Bruxelles, Hayez, 1892, 108 p. 

8. Mons, Loret, 1894, 244 p. 

9. Nimègue, 1891, 111 p. 

10. Messager des sciences historiques, LXIII, tiré à part. Gand, Van der Hae- 
ghen, 1890, 70 p. 

11. Par M. L. Roersch, Annuaire de 1886. 

12. Par M. P. Willems, Ibid., 1893. 

13. Par M. T. Lainy, Ibid., 1890. 



458 BULLirrm bistortqub. 

comme F. Nève\ de publicistes comme L. Hymans*, de littérateurs 
comme J. Van Beers^ et Ad. Mathieu ^ d'historiens comme Gachard*, 
Jusle^, Alph. Van den Peereboom^, Kervyn de Lettenhove*, J. Van 
Praet*, J.-J. Thonissen*^, d'artistes comme les peintres Ganneell*^ 
G. Verlat ^^ N. Dekeyser*% A. Robert**, les sculpteurs G. et J. Geefs*« 
et E. Simonis**, les musiciens A. Vieuxtemps*^, de jurisconsultes 
comme M. N. Leclercq*», P. Tielemans*», G. Faider^o, G. Nypels^*, 
d'économistes comme P. De Decker ^^ et Emile de Laveleye^a, qui fut 
en même temps un historien de grand mérite et un publiciste d'une 
merveilleuse fécondité, de savants comme le paléontologiste L. De 
Koninck^*, l'astronome J.-G. Houzeau^s, le mathématicien Liagre*^, 
le chimiste J.-S. Stas^^, Tingénieur H. Maus^^, etc. 

Le monde politique a fourni également des sujets aux biographes. 
Nous devons à M. E. Discàilles deux études intéressantes, Tune sur 
le socialiste français Victor Gonsidérant*^, Tautre sur le député répu- 

1. Par M. T. Lamy, Annuaire de 1886, tiré à part. Bruxelles, Hayez, 86 p. 

2. Par M. J. Stecher, Ibid., 1894, id. Ibid., 126 p. 

3. Par le même, Ibid., 1889, id. Ibid., 72 p. 

4. Par M. Alph. Wauters, Ibid.j 1879, rééd. en 1891. Mons, Dequesne, 137 p. 

5. Par M. G. Plot, Annuaire de 1888, id. Ibid., 44 p. 

6. Par le lieutenant général P. Henrard, Ibid., 1889, id. Ibid., 44 p. 

7. Par M. Al. Henné, Ibid., 1888, id. Ibid., 32 p. 

8. Par le lieutenant général P. Henrard, Ibid., 1893, id. Ibid., 65 p. 

9. Par M. Alph. Wauters, Ibid., 1889, id. Ibid., 33 p. — Yoy. aussi la Bio- 
graphie de J. Van Praet, par M. P. de HaulleTille, dans la Revue générale, 
1889, tiré à part. Bruxelles, Schepens, 83 p. 

10. Par M. Lamy, Annuaire, 1892, id. Ibid., 101 p. — Yoy. aussi la Notice 
bur J.^J. Thonissen, par M. A. Nyssens. Louvain, Van Linthout, 1889, 31 p. 

11. Par M. Stallaert, Annuaire de 1893. 

12. Par M. M. Rooses, Annuaire de 1894, tiré à part. Bruxelles, Hayez, 52 p. 

13. Par M. H. Hymans, Ibid., 1889, id. Ibid., 111 p. 

14. Par M. H. Hymans, Ibid., 1895, id. Ibid., 98 p. 

15. Par M. Marchai, Ibid., 1886 et 1888, id. Ibid., 44 et 52 p. 

16. Par le même, Ibid., 1886, id« Ibid., 60 p. 

17. Par M. J.-Th. Radoux, Ibid., 1891, id. Ibid., 182 p. 

18. Par M. G. Faider, Ibid., 1890, id. Ibid., 68 p. 

19. Par le même, Ibid., 1889, id. Ibid., 59 p. 

20. Par M. F. Giron, id., 1893; id. Ibid., 122 p. 

21. Par M. Loomans, Ibid., 1888, id. Ibid., 48 p. 

22. Par M. G. Piot, Annuaire de 1892, tiré à part. Bruxelles, Hayez, 70 p. 

23. Par le comte Goblet d'Alviella, Id., 1894, id. Ibid., 104 p. 

24. Par M. E. Du Pont, Id., 1891, id. Ibid., 47 p. 

25. Par M. J. Liagre, Id., 1890, id. Ibid., 104 p. 

26. Par le lieutenant général Brialmonl, Id., 1892, id. Ibid., 54 p. 

27. Par M. W. Spring, Id., 1893, id. Ibid., 160 p. 

28. Par le lieutenant général Brialmont, Id., 1895, id. Ibid., 48 p. 

29. Le Socialiste français Victor CoMidérant en Belgique {Bulletin de VAca^ 



BELGIQUE. 459 

blicain A. Castiau * ; M. T. Sevens a fait revivre la physionomie sym- 
p)athique du chanoine de Haerne, le doyen du parlement belge ^. 
M. DE Lbtn a fait de même pour le chanoine Andries, ancien membre 
du Congrès national, fondateur de la Société historique d'émulation 
de Bruges, auteur d'estimables travaux d'histoire locale et d'archéo- 
logie^. D'autre importance est le livre remarquable où M. A. Nys- 
SEXS a exposé le rôle joué dans la politique belge par Ë. Pirmez *j 
le représentant par excellence du libéralisme gouvernemental. Le 
biographe n'a pas négligé de montrer, à côté du parlementaire, le 
savant, le jurisconsulte et l'économiste. Voici enfin un autre livre 
de valeur, mais plus important encore parce qu'avec la vie de Témi- 
nent homme d'État Charles Rogier^^ qui donne à l'œuvre son carac- 
tère d'unité, M. H. Disgailles déroule à nos regards toute l'histoire 
contemporaine de la Belgique et une notable partie de Thistoire poli- 
tique générale. Le tome I traite de la carrière de Rogier avant la 
Révolution; le tome II expose les péripéties de la crise de 4830 à 
4835; les tomes III et IV, surtout, abondent en révélations tantôt 
graves, tantôt piquantes, sur les mystères de l'action gouvernemen- 
tale, spécialement sur les difficultés de la question militaire, sur les 
rapports de Léopold I" avec ses ministres libéraux, rapports souvent 
très tendus pour des causes futiles, sur les complications de la politique 
étrangère à l'époque de l'attentat d'Orsini; puis lorsque se constitua 
le royaume d'Italie; pendant la guerre austro-prussienne de 4866, 
à l'occasion de la question du Luxembourg en 4867, etc. Signalons 
des pages éminemment instructives sur les négociations qui ame- 
nèrent l'affranchissement de l'Escaut en 4863. M. Discailles a eu à sa 
disposition tous les papiers de Rogier, la plupart inédits, émanant 
de nos deux rois et d'un grand nombre d'hommes politiques, et il 
les a mis en œuvre avec beaucoup d'habileté, une grande probité et 
toute l'impartialité possible quand il s'agit de matières aussi déli- 
cates, intervenant discrètement et laissant presque toujours parler 
les faits et les documents. Ces quatre volumes fourmillent de rensei- 
gnements curieux qui éclairent singulièrement l'histoire des partis 
et des ministres belges, et qui modifieront profondément l'opinion 

demie royale de Belgique, 3* série^ XXIX), tiré à part. Braxelles, Hayez, 
1895, 44 p. 

1. Un précurseur, Adelson C<utian, ancien député de V arrondissement de 
Tournai. Sa carrière parlementaire et ses écrits. Gand, Hoste, 1893, 94 p. 

2. CoDrtrai, Bogaert, 1891, 135 p. 

3. Bruges, de Plancke, 1892, 232 p. 

4. Eudore Pirmez. Bruxelles, Schepens, 1893, 394 p. 

5. Bruxelles, Lebègue, 1891-1895, 4 vol., 210, 446, 440, 390 p. 



460 BULLETIN HTSTOniQUK. 

qu'on s'était faite sur les hommes et les événements. M. Discailles a 
porté la lumière sur maint fait obscur, complété et rectifié en bien 
des points les travaux antérieurs, comme ceux de T. Juste, Tho- 
nissen, Hymans, etc. On a reproché au biographe de Charles Rogier 
d'avoir conçu un plan trop vaste; l'œuvre aurait gagné si les deux 
premiers volumes avaient été plus condensés, si l'auteur avait laissé 
de côté des détails par trop abondants sur la jeunesse de son héros, 
lesquels ne présentent guère d'intérêt historique, et pourraient sans 
inconvénient demeurer réservés au domaine de la piété familiale. 
Quoi qu'il en soit, ces quatre volumes se lisent facilement, grâce à 
l'incontestable intérêt du sujet, et aussi parce qu'ils sont écrits d'un 
style clair et nerveux, et que M. Discailles a fait preuve d'un réel 
talent d'exposition. 

Nous citerons enfin une étude très fouillée de M. Max Rooses sur 
l'écrivain J.-P. Willems*, qui fut un des protagonistes du mouve- 
ment flamand en Belgique, et l'intéressante Histoire du règne de 

Léopold II, par M. J. Tobfs^. 

Ëug. Hubert. 
(Sera continué.) 

1. Jan-Frans Willems, Gand, Vuylsteke, 1893, 144 p. 

2. Leopold II, zyn leven en zyne werken. Gand, Van der Poorten, 1893, 1. 1, 
288 p. 



EORXEMAIflf : DIE HISTOR. SCHRIFTSTBLLEREI DBS C. iSINIUS POLLIO. 464 



COMPTES-RENDUS CRITIQUES. 



Ernst RoRNEM ANN . Die historische Schriftstellerei des G. Asinins 
Pollio; zugleich ein Beitrag zur Quellenforschung ûher Appian 
und Plutarch, (Extrait du XXIP tome supplémentaire des 
Jahrbiicher fur classische Philologie,) Leipzig, Teubner, 4896. 
434 pages. 

Parmi les personnages de second ordre, à la fin de la République 
romaine, il y en a peu de plus intéressants que G. Asinius Pollio, et 
Touvrage qu'il avait écrit sur les guerres civiles est certainemenl une 
des pertes les plus regrettables que nous ayons faites. Les jugements 
qu'il renfermait ont exercé une influence considérable sur les généra- 
tions suivantes. Aussi a-t-on souvent essayé de reconstituer la vie et 
Tœuvre de Pollion. Dans un travail fondamental (De Àsinio Pollione. 
Leyde, 1820), Thorbeke s'était surtout attaché aux caractères extérieurs 
des Histoires, sans rechercher quel usage Appien (Guerres civiles) et 
Plutarque (Vies de César et de Pompée) avaient fait de Pollion, qui a été 
une de leurs principales sources. C'est donc la reconstitution de Tœuvre 
et du personnage qu'a tenté de faire M. K. avec une érudition et une 
perspicacité remarquables, mais souvent aussi avec une hardiesse 
excessive. Son travail comprend naturellement deux parties; dans la 
première, il essaie de découvrir ce que les historiens postérieurs 
doivent à Pollion; dans la seconde, il met en œuvre les matériaux 
ainsi obtenus pour caractériser l'historien et son livre. 

M. K. étudie d*abord les récits d'Appien et de Plutarque de Tannée 
60 av. J.-G. à la mort de César; il n'a pas de peine à démontrer, d'ac- 
cord avec Bailleu contre Thouret, que ces deux historiens ont utilisé 
Pollion comme source directe et immédiate; mais peut-être ont-ils eu 
aussi à leur disposition une traduction grecque de Pollion qui explique- 
rait les ressemblances littérales qu'on constate entre leurs textes; en 
tout cas, il est inutile de supposer avec Thouret, Judeich, Otto, qu'il y 
a eu une source grecque intermédiaire, les Hypomnemata, aujourd'hui 
perdus, de Strabon; les contresens sur les institutions romaines et les 
exagérations de toutes sortes qu'il y a dans Appien lui appartiennent 
en propre; ses erreurs chronologiques, topographiques et géographiques, 
sa partialité, son habitude de grouper artificiellement les faits peuvent 
être mises sur le compte de Pollion. 

Sur remploi fait de Pollion par Plutarque en d'autres endroits {Vie 
d'Antoine, ch. 4-9, 2; Vie de Brutus, ch. 7-13; Vie de Caton le Jeune en 
différents passages), par Dion Cassius (de l'année 60 à l'année 44) et par 
d'autres historiens, M. K. accepte en général les conclusions de Bailleu : 

RbV. HiSTOR. LXV. i«r FA8G. 11 



«162 GOMPTES'RENDUS CaiTIQUBS. 

Plutarque, Suétone, Valère-Maxime, Velleius Paterculus ont utilisé 
Pollion directement et par l'intermédiaire de Tite-Live; Dion Gassius 
ne l'a connu que par Tite-Live; Nicolas de Damas a utilisé à la fois 
Plutarque, Appien et Tite-Live. Pollion avait dû se servir lui-même 
de toutes les sources contemporaines, en particulier de César et de 
Gicéron. Il est difficile d'arriver à la certitude dans ces questions de 
sources où l'hypothèse peut se donner libre carrière; cependant, les 
résultats auxquels arrive M. K. dans cette première partie sont très 
vraisemblables. 

G'est dans la seconde partie qu'il nous parait avoir fait rendre aux 
textes beaucoup plus qu'ils ne pouvaient donner. La netteté et la pré- 
cision excessives de cette restauration du personnage et de l'œuvre 
nous inspirent une certaine défiance ,^ quoique nous devions recon- 
naître quel merveilleux parti M. K. a su tirer d'Appien, de Plutarque 
et de quelques fragments authentiques conservés de Pollion. La vie, le 
caractère et les idées politiques de Pollion forment le premier para- 
graphe. Pollion est un vieux Romain, patriote, vertueux, républicain, 
mais ennemi de l'oligarchie et qui ne se résigne à la monarchie que 
représentée par son ami personnel César; il se retire de la vie politique 
quand il n'a plus qu'à choisir entre Antoine et Octave. Le second para- 
graphe expose les traits caractéristiques des Histoires de Pollion pour 
la période comprise entre 60 et 44. L'historien met souvent en relief, 
exagère même son rôle personnel ; il aime la vérité, il critique sévère- 
ment les événements et les hommes, même César, il cherche à expli- 
quer la conduite des principaux personnages par leur caractère, et, en 
cela, il est parent de Salluste et de Tacite, tout en faisant une très large 
part à la fatalité, en particulier dans la défaite de Pompée et les succès 
de César; il veut être impartial, il ne maltraite guère de parti pris que 
les oligarques, il déplore les guerres civiles, il est plein du vieil orgueil 
romain à l'égard des étrangers, il croit à la mission divine des Romains, 
tout en portant les jugements les plus sévères sur la décadence de son 
pays et la populace romaine; enfin, il a introduit dans l'histoire l'élé- 
ment dramatique, il fait des guerres civiles un véritable drame dont les 
protagonistes sont César et Pompée, qu'il anime en reproduisant des 
paroles fameuses, des discours de ses personnages, en multipliant les 
petits détails, les épisodes, les citations de vers, en usant des procédés 
de rhétorique, des contrastes, de l'ironie; en un mot, Pollion est une 
première ébauche de Tacite. L'analyse, sans doute très fidèle, que fait 
Horace de l'œuvre de Pollion {Odes, 2, 1), confirme cette appréciation 
générale; l'étude que M. K. consacre à cette ode d'Horace dans le troi- 
sième paragraphe est particulièrement intéressante. 

Les quatrième et cinquième paragraphes sont consacrés à la seconde 
partie des Histoires de Pollion, qui, d'après M. K., devait aller non 
seulement jusqu'à la bataille de Philippes, comme on le pense généra- 
lement, mais jusqu^à celle d'Actium. Elle a encore été la source exclu- 
sive d'Appien dans les livres HI-Y des Guerres civiles, mais Plutarque 



CH. BifvONT : RÔLES GASCONS. ^163 

Ta complétée dans les Vies de Bnitus et d'Antoine avec d'autres livres. 
Elle offre d'ailleurs exactement les mômes caractères que la première 
partie, avec cette différence que PoUion n'est plus maintenant témoin 
oculaire et se sert davantage des documents écrits. 

Dans une annexe, M. K. réfute aisément Thypothèse de Landgraf et 
de Wôlfflin, que PoUion serait Tauteur du de bello Africo; sa démons- 
tration est excellente. Il dresse ensuite, en appendice, la liste des pas- 
sages ou des renseignements qu'on peut attribuer à PoUion, d'après 
les principes posés au début, dans Plutarque, Appien, Yalère-Maxime 
et Suétone. 

Tel est le contenu de ce travail intéressant qui, malgré les réserves 
que nous avons faites, peut passer pour un modèle de reconstitution 
historique. 

Gh. LicRiVAiif. 



Rôles gascons, transcrits et publiés par Charles BÏMOifT. Supplé- 
ment au tome P% ^254-4255. (Collection de documents inédits 
sur r histoire de France.) Paris, 4896. In-4°, cxxxiii-249 pages. 

On sait la conscience et la rigueur de méthode que M. Charles 
Bémont apporte dans tous ses travaux, il y joint une connaissance appro- 
fondie de l'histoire d'Angleterre au moyen âge. Le Comité des travaux 
historiques ne pouvait mettre en de meilleures mains la continuation de 
la publication des Rôles gascons commencée par Francisque-Michel. Si 
l'on ajoute que M. Paul Meyer a été nommé commissaire responsable 
de la pubUcation, Ton comprendra qu'avec la meilleure ou la plus 
mauvaise volonté du monde (comme on voudra), il est difficile de cri- 
tiquer le volume que nous avons étudié avec le plus grand intérêt et le 
plus grand soin. L'ouvrage s'ouvre par une importante introduction 
s'appUquant au tome I^'' tout entier, y compris la partie publiée par 
Francisque-Michel. Les trois premiers chapitres sont consacrés à la 
désignation, à l'aspect matériel et à la diplomatique des Rôles, P. ii, 
M. Bémont écrit : « On a classé dans un fonds commun, celui des 
Karly chancery rolls, certains rôles peu importants ou se rapportant 
aux relations extérieures. » Tous les Rôles gascons sont cotés au Record 
Office : Early chancery rolls. 

Le chapitre iv contient un précieux itinéraire du roi Henri lU et du 
prince Edouard en Gascogne. P. xxvii, à la date des 4-17 août 1242, 
ne faut-il pas écrire Gironde, arr. et cant. de la Réole, au lieu de c au 
camp sur la Gironde^? » Les itinéraires des souverains anglais sont 

1. A la date da 12 août 1253 c apad Comineys, » M. Bémont ajoute en note : 
ff non identifié. » Dans an article récent, le Blœtu continental sous Philippe 
le Bel {Revue des Questions historiques, oct. 1896), M. Bourel de la Roncière cite, 
d'après an texte publié par Ghampoliion-Figeac (Lettres de rois, reines, 1, 392), 



464 COMPTES-RENDUS CRITIQUES. 

particulièrement utiles parce que leurs actes sont datés des années de 
leurs règnes, sans autre indication, et, lorsqu'il s'agit des Edouard, 
par exemple, la paléographie n'est souvent pas un guide sûr pour 
marquer s'il s'agit d'Edouard h^ ou d'Edouard II, d'Edouard II ou 
d'Edouard HI. 

La deuxième partie de l'introduction comprend la longue série d'ad- 
ditions et de corrections* aux rôles imprimés par Francisque-Michel. 
Celui-ci avait établi son texte sur une copie figurée qui lui avait été 
fournie par l'administration du Record Office; on imagine la quantité 
d'erreurs qui se sont glissées dans son texte, surtout parmi les noms 
propres dont les Rôles gascons fourmillent. 

La troisième partie est consacrée à la valeur historique des Rôles gas- 
cons. L'importance des rôles est considérable, surtout au point de vue 
topographique. On y trouve aussi des indications précises sur l'admi- 
nistration anglaise, l'action des sénéchaux, connétables, contrôleurs, 
bailes et prévôts; enfin des indications intéressantes sur des chartes 
de coutumes, en particulier pour les bastides. 

Le chapitre ii de cette troisième partie contient une étude très pré- 
cise sur le gouvernement du prince Edouard en Gascogne; ce sont des 
pages fermes et solides, où chaque ligne est appuyée d'un texte. Peut- 
être ne sommes-nous pas entièrement d'accord avec M. Bémont sur la 
manière dont il apprécie les luttes intestines à Bordeaux. M. Bémont 
trouve une différence essentielle entre les luttes sociales à Bayonne et 
à Bordeaux : « A Bordeaux, icrit-il, l'inimitié divisait des familles 
également riches et influentes; à Bayonne, elle armait deux classes 
l'une contre l'autre. » Nous croyons qu'à Bordeaux il en était exacte- 
ment comme à Bayonne, seulement à la tète des deux classes étaient 
placées deux familles. C'est le coup d'oeil que nous offre Florence. La 
rivalité des Donati et des Cerchi divise à Florence toute la ville ; les 
Cerchiont pour eux les marchands et la noblesse gibeline, c.-à*d. le patri- 
ciat; les Donati sont à la tête des métiers et des grands guelfes, c.-à-d. 
du parti populaire. Ce sont les Rlancs (Cerchi) et les Noirs (Donati). 
A Bordeaux, les Cerchi s'appellent les Soleriens, aussi nommés les 
Hostaing, à cause du prénom de Hostan, Rostaing, fréquemment porté 
par les chefs de la famille del Soier; les Donati sont à Bordeaux les 
Colombins, marchant sous la direction de la famille Colomb, qui four- 
nit à plusieurs reprises au peuple de Bordeaux de véritables dictateurs 
populaires. Dans le courant du xiv'^ siècle, quand les excès de plusieurs 
des Colomb eurent compromis la situation de leur famille, ils furent 
remplacés à la tête de la faction populaire par une famille qui les 

Dne c fontaine de Kimenoys » près du cap Saint-Mathieu, en Bretagne. Ces 
deux noms paraissent être identiques. On ne les trouve d'ailleors ni sur 
la carte de l'état- major, ni sur celle de Cassini. 

1. Une au moins de ces corrections était inutile : au no 1173, il fallait con- 
server Sanzaner, nom propre à la région du sud-ouest, et qu'on pourrait tassi 
bien écrire Sanz Aner (lat. Sanctius Anerius; cf. Loup-Aner, etc.]. 



CH. BlfuONT : RÔLES GiSGONS. 465 

avait activement secondés jusque-là, les Gaillau; Bordeaux fut alors 
divisé en c Soleriens » et c Gailiavins. » 

Le 22 novembre 1261, le prince Edouard, pour mettre fin aux fac- 
tions qui déchiraient Bordeaux, prit la mairie de la ville dans ses 
mains. M. Bémont écrit à ce propos : « Une fois de plus l'histoire 
montrait que Tanarchie mène droit au coup d'État. • Cette situation 
n'était pas, nous semble-t-il, de Tanarchie, mais la lutte de deux par- 
tis très fortement organisés dans les cadres d'une hiérarchie familiale. 
Anarchie implique l'absence d'organisation et de direction; ici c'était 
peut-être une organisation et une direction excessives. En outre, la con- 
duite du prince Edouard n'était pas un coup d'État, mais elle était 
rigoureusement conforme au rôle qui lui incombait, c'était son devoir. 
Les villes du sud-est, qui n'avaient pas de suzerain vigilant et puis- 
sant, comme les villes du nord, du centre et du sud-ouest de la France, 
appelaient d'elles-mêmes, en de semblables circonstances, souvent de 
l'étranger, d'Italie, des personnages nommés podestats qui jouaient 
alors exactement le rôle que joua en 1261, à Bordeaux, le prince 
Edouard, représentant du duc d'Aquitaine. 

P. cxix, M. Bémont donne une liste des sénéchaux d'Aquitaine de 
1242 à 1272. Ces listes rendent de très grands services à cause du 
grand nombre de documents relatifs à l'administration anglaise en 
Aquitaine qui sont dépourvus de date, entre autres cette admirable 
série des Gascon Pétitions. On ne peut les dater que par la mention des 
officiers qui y figurent et, principalement, des sénéchaux. Nous croyons 
qu'il faut appeler ces officiers sénéchaux d'Aquitaine plutôt que séné- 
chaux de Gascogne. Ils sont, il est vrai, désignas le plus souvent dans 
les actes sous le titre de senescallus Vasconie, mais l'expression senescallus 
Aquitanie apparaît aussi, et elle est historiquement plus exacte. Le 
sénéchal qui siégeait à Bordeaux était à la fois sénéchal d'Aquitaine et 
sénéchal de Gascogne. Comme sénéchal de Gascogne il était, pour 
ainsi dire, subordonné à lui-même, de la manière dont lui étaient 
subordonnés les sénéchaux d'Agenais, de Saintonge et de Périgord. 
Ces derniers jouissaient d'une certaine indépendance vis-à-vis du séné- 
chal d'Aquitaine et n'étaient tenus que de lui soumettre la ratification 
de certains actes et de certaines nominations ; les petites sénéchaussées 
inférieures, la sénéchaussée des Landes par exemple, lui étaient au 
contraire soumises entièrement. Cette organisation était assez compli- 
quée, comme on voit, et l'on ne saurait, pour la désigner, apporter 
trop de précision dans les termes dont on se sert. 

Pour ce qui était de la fonction de lieutenant du roi en Aquitaine, 
M. Bémont, se bornant au règne de Henri III, estime qu'elle pouvait 
se substituer à celle du sénéchal. Le lieutenant du roi venait en Aqui- 
taine en lieu et place de son souverain et agissait comme le roi aurait 
agi, muni de pouvoirs étendus. H pouvait en cette qualité révoquer 
tous les officiers en charge, en nommer d'autres, les révoquer sans les 
remplacer, comme le roi aurait pu le faire, mais ce n'était pas par le 



466 COMPTBS-EBI!n)US CRITIQUES. 

fait de sa nomination que le sénéchal était supprimé. Le lieutenant 
du roi n'était pas non plus, nécessairement, un grand seigneur, un 
membre de la famille royale : c'était un homme choisi dans les cir- 
constances exceptionnelles, particulièrement en cas de guerre extérieure 
ou de luttes intestines pour rétablir l'ordre, muni des pouvoirs les plus 
étendus. Les lieutenants du roi furent souvent de très grands seigneurs, 
d'autres fois de simples chevaliers en lesquels le roi d'Angleterre pla- 
çait une confiance particulière. De nombreux lieutenants du roi furent 
sénéchaux avant ou après avoir rempli cette fonction. 

M. Bémont est le premier à identifier le nom du célèbre sénéchal 
Jean de Grilly (Grilly, pays de Gex, dans l'Ain). Il serait peut-être 
préférable également, au lieu de Roger de Leyburn, d'imprimer : 
Libourne. 

L'introduction est suivie de l'impression des Rôles pour les années 
1254-1255. Le texte dont nous avons eu beaucoup à nous servir est 
d'une correction parfaite. Peut-être, aux n®* 4623, 4654, faut-il corriger 
W. Chikat, au lieu de W. Ghiket. — Tel était, du moins, le nom de 
la famille, une des premières de Bordeaux. 

M. Bémont n'a pas suivi les érudits qui, publiant des documents de 
paléographie anglaise, reproduisent la majuscule F par Ff. C'était en 
effet pour les scribes anglais un simple signe graphique marquant la 
majuscule; de môme qu'ils écrivaient un double a, un double b, pour 
A, B. Mais ils unissaient, dans ces derniers cas, davantage les deux 
lettres Tune à l'autre. C'est donc une erreur de le reproduire par l'im- 
pression. Nous avons trouvé plus d'une fois, dans une même phrase, 
le même mot commençant la phrase par une majuscule, c'est-à-dire 
par Ff, puis répété dans l'intérieur de la phrase avec une minuscule, 
c'est-à-dire avec une seule f ; ce qui est la démonstration de cette opi- 
nion, qui est d'ailleurs également celle des archivistes du Record 
Office, que nous avons consultés à ce sujet. Le détail a de l'importance 
à cause de la place dans les tables alphabétiques des noms propres com- 
mençant tous par une majuscule. Quand nous aurons dit que le 
volume de M. Bémont se termine par une table importante de noms 
de lieux, de personnes et de matières embrassant le tome qu'il a publié 
et celui de Francisque-Michel, nous aurons montré combien l'ouvrage 
que nous avons sous les yeux représente de travail, de soins et quels 
services il rendra à l'érudition. 

Puisque nous parlons des Rôles gascons, pouvons-nous exprimer le 
vœu que l'édition des Rôles soit accompagnée ou suivie de celle des 
Gascon Pétitions? Elles sont au nombre de 651 (Rec, Off., Ancient péti- 
tions 14000-14650, files 274-286) ; en outre, une quinzaine ont été clas- 
sées dans le fonds de l'Échiquier (Ancient pétitions £ 249-261); puis 
on trouve un certain nombre de pétitions relatives à la Gascogne, dis- 
séminées dans le reste du fonds (Ancient pétitions). Nous les avons lues 
une à une. Elles constituent une source admirable pour l'histoire des 
mœurs, des conditions économiques, de la vie vivante en Aquitaine 



MATEB : DIB FRlNZOBSISCH-SPiNISCHE ALLUNZ ^96-4 806. ^167 

aux XIII* et XIV* siècles ; elles sont, à ce point de vue, le complément 
des Rôles et beaucoup plus intéressantes, s'il est vrai que les Rôles ont 
plus d'importance pour Thistoire politique. 

Frantz Fungk-Brentano. 



D' Julius MiTER. Die A!*aiizœ8i8ch-spani8che Allianz in den 
Jahren 1796-1807. ITheil (n96-4806). Linz, F. J. Ebenhôch'sche 
Buchhandlung (Heinrich Korb), 4895. 

M. le De Julius Mayer, professeur au lycée de jeunes filles de 
Linz, a voulu résumer les négociations qui se sont poursuivies entre la 
France et l'Espagne depuis la paix de Bàle jusqu'à Tété de 1806. Quoique 
très court (64 pages), son résumé est très complet. 

L'auteur a divisé son étude en quatre chapitres : !<» La paix de Bàle, 
l'alliance franco -espagnole jusqu'à la première guerre de Portugal. 
2^ La paix de Badajoz, la neutralité de l'Espagne en 1803-1804. 3o Le 
prince de la paix et Napoléon, la princesse des Asturies. 4» Les pro- 
jets de partage du Portugal. Cette division correspond assez exactement 
aux principales phases de la grande lutte diplomatique qui eut lieu 
entre la France et l'Espagne de 1796 à 1806. Cependant, le chapitre 
relatif au prince de la paix est peut-être mal placé en troisième lieu ; il 
est assez étonnant de lire dans les quarante-deux premières pages d'un 
livre le nom d'un homme qu'on ne vous présente qu'à la quarante-troi- 
sième page. Le premier chapitre, qui va de 1795 à 1802, est trop long; 
M. Mayer n'a pas marqué assez nettement le changement profond qui 
se manifeste dans les relations de la France et de l'Espagne au lende- 
main du dix-huit Brumaire. C'est vraiment une ère nouvelle qui com- 
mence. Malgré ses brusqueries de langage, le Directoire traitait avec l'Es- 
pagne comme avec un pays indépendant. Dès ses premières dépèches, 
Bonaparte parle en maître. Le dernier paragraphe ne saurait être non 
plus intitulé : Projets de partage du Portugal, puisque depuis 1793 il 
n'est question que de démembrer ce malheureux pays. 

M. Mayer a surtout consulté des ouvrages français : la Correspon- 
dance de Napoléon, celle de Talleyrand, celle de Mallet du Pan, les 
Mémoires du roi Joseph et du comte Miot de Mélito, les ouvrages de 
M. Pallain sur le ministère de Talleyrand sous le Directoire et de lung 
sur Lucien Bonaparte. Il a tiré grand parti de l'ouvrage de M. Albert 
Sorel : l'Europe et la Révolution française, et du livre de M. Geoffroy 
de Grand maison : V Ambassade française en Espagne pendant la Révo- 
lution. Ce dernier ouvrage a été entièrement composé à l'aide des rap- 
ports officiels de nos ambassadeurs à Madrid, il présente un réel inté- 
rêt, malgré le parti pris évident de l'auteur. 

M. Mayer a naturellement usé des ouvrages allemands relatifs à la 
question, comme l'Histoire d'Espagne au temps de la Révolution fran- 



468 COMPTES-RENDUS CRITIQUES. 

çaise de Baumgarten, THistoire de TEurope pondant la Révolution de 
Sybel, TExposé authentique des relations entre l'Espagne et le Portu- 
gal de Frédéric de Gentz. Il s'est également servi des documents 
extraits des archives de TÉtat prussien et a utilisé quelques lettres de 
Gennotte, chargé d'affaires à Madrid, lettres conservées aux archives 
impériales de Vienne. 

Gomme sources espagnoles, M. Mayer ne cite guère que l'Histoire 
générale d'Espagne de Lafuente. Quoique le Portugal occupe presque 
tout le temps l'attention du lecteur, pas un livre portugais ne paraît 
avoir été consulté. 

Il y a là, croyons-nous, une lacune fâcheuse. Gomment, par exemple, 
parler de Godoy si l'on n'a pas lu au moins ses Mémoires et si l'on ne 
sait pas ce qu'ont pensé de lui ses compatriotes ? Dans un pays comme 
l'Espagne, chez un homme comme le prince de la paix, les motifs poli- 
tiques n'expliquent pas tout. Il faut, pour être vrai, tenir compte de 
beaucoup d'autres éléments. L'apathique entêtement de Charles IV et 
son conservatisme superstitieux, les haines et les amours de la reine, 
la semi-imbécillité du régent de Portugal, les intrigues des courtisans, 
les manœuvres des ambassadeurs étrangers, les contradictions et les 
caprices de l'opinion publique en Espagne, les passions barbares de la 
masse populaire, toutes ces choses ont influé sur l'esprit de Godoy, 
expliquent ses tergiversations, ses changements, ses coups de tête. Se 
borner à ranger dans un ordre chronologique irréprochable des pièces 
diplomatiques, d'ailleurs intéressantes et bien choisies, n'est point vrai- 
ment écrire l'histoire de l'alliance franco- espagnole. M. Mayer pour- 
rait répondre qu'il n'a entendu dresser qu'une sorte de répertoire do 
documents officiels; mais alors pourquoi consacrer presque le quart de 
son étude à la peinture du caractère de Godoy? Ce chapitre est presque un 
hors-d'œuvre s'il ne s'agit que d'un résumé chronologique et, s'il s'agit 
d'une histoire, il est insuffisant. Avant de donner son opinion sur 
Godoy, M. Mayer rapporte les jugements portés sur lui par un certain 
nombre de personnes qui l'ont particulièrement connu. Lucien Bona- 
parte le trouve charmant, mais, comme le fait remarquer M. Mayer, il 
est bien possible qu'un jugement si favorable s'explique en partie par 
les grandes richesses amassées en Espagne par Lucien. M»« d'Abrantès 
dit qu'avec ses qualités Godoy aurait pu faire un très bon ministre, 
mais que Dieu ne l'a pas permis, et que son ministère a coûté bien 
des larmes à l'Espagne ; le témoignage de M™« d'Abrantès ne nous en 
apprend pas beaucoup sur le compte du prince de la paix. — Le baron 
de Barante trouvait Godoy emphatique, mais tous les Espagnols sont 
emphatiques; c'est la langue qui le veut. — Junot est ravi du prince de 
la paix, mais Junot devait avoir l'enthousiasme assez facile. Bien 
autrement caractéristique est le portrait de Godoy tracé par l'ambassa- 
deur d'Angleterre Hookham Frère et cité par M. Mayer, d'après la Vie 
de lord Liverpool de Young. Au rapport de l'ambassadeur anglais, 
M. Mayer aurait pu ajouter ceux des ambassadeurs de France, Péri- 



HÂTER : DIE FRANZCESISCH-SPiXISCHB ALLIANZ HQO-'ISOe. ^169 

gnon, Truguet, Guillemardet, Âlquîer, Beurnonville, de l'ambassadeur 
de Prusse Sandoz-Rollin, de Tambassadeur de Russie Zinoviev, qui 
s'accordent tous à représenter le prince de la paix comme le plus léger 
et le plus inconséquent des hommes d'Ëtat. A l'aide de tous ces ren- 
seignements, M. Mayer nous aurait donné un Godoy plus vrai et plus 
vivant. Il n'eût pas été non plus hors de propos de chercher à caracté- 
riser les principaux personnages qui apparaissent un peu comme des 
abstractions, au cours du récit, sans qu'il soit possible de les voir dis- 
tinctement. 

Gomme répertoire méthodique, l'étude de M. Mayer présente un 
véritable intérêt. Pendant dix ans, d'incessantes négociations eurent 
lieu pour entraîner et maintenir l'Espagne dans l'alliance de la France. 
Toutes les phases de cette longue lutte diplomatique sont bien mar- 
quées et clairement présentées ; quelques points importants ont été bien 
mis en lumière. 

Les affaires de Portugal ont été notamment expliquées avec le plus 
grand soin. Il est intéressant de voir que, dès 1798, Talleyrand n'était 
point partisan d'une intervention armée de la France et de l'Espagne 
en Portugal. M. Mayer s'est attaché avec raison à démontrer l'impor- 
tance du changement de front opéré en mars 1801 par Napoléon, au 
sujet de cette même affaire de Portugal. Le traité de Madrid, qui con- 
tient implicitement une déclaration de guerre au Portugal, est du 
29 janvier 1801. Le 2 mars, le premier consul semble abandonner toute 
idée de conquête. Pourquoi? C'est que Napoléon, sûr de l'appui du 
tzar, médite une attaque directe contre l'Angleterre; il vaut donc 
mieux avoir le Portugal pour allié que de perdre son temps à le con- 
quérir. Mais l'assassinat du tzar Paul I«', dans la nuit du 23 au 
24 mars, la rupture de l'alliance russe, les progrès des Anglais en 
Egypte modifient subitement la situation. Pour contraindre l'Angle- 
terre à la paix, il faut la terrifier. Napoléon songe à l'expulser du Por- 
tugal; l'Espagne, poussée l'épée dans les reins, déclare la guerre au 
Portugal et signe presque aussitôt avec lui le traité de Badajoz (6 juin 
1801). Napoléon peut à peine contenir sa fureur et fait attendre plus de 
trois mois sa ratification. Les événements européens expliquent sa 
colère en juin comme ils expliquent sa mansuétude en mars. 

Dans le dernier chapitre de son étude, M. Mayer revient sur la ques- 
tion portugaise, énumère les différents projets de démembrement et 
rapporte en détail, d'après Lafuente, les négociations secrètes pour- 
suivies entre Napoléon et Godoy par l'entremise d'Izquierdo. 

Nous attendons avec impatience la seconde partie du travail de 

M. Mayer, où il aura à retracer l'histoire encore très obscure des années 

1806 et 1807. 

G. Dbsdevises du Dezert. 



'ITO COKPTBS-RENDUS CRITIQUES. 

Augustin Bernard. L* Archipel de la Noavelle-Galédonle. Thèse 
présentée à la Faculté des lettres de Paris. Paris, Hachette, ^1894. 
In-8*, xxiv-460 pages, avec 47 cartes et gravures dans le texte et 
2 grandes cartes hors texte, la carte géologique et la carte hypso- 
métrique à ^/800,000. 

La thèse française de M. Augustin Bernard est avant tout un travail 
de géographie, et de géographie scientifique. C'est une étude des plus 
remarquables. Plus de la moitié de l'ouvrage, l'Introduction et les deux 
premières parties, est étrangère à l'histoire. Il suffira d'en résumer ici 
la conclusion générale. De l'étude du sol, du relief sous-marin, du cli- 
mat, de la flore et de la fauue, il résulte que Tarchipel de la Nouvelle- 
Calédonie a fait jadis partie, avec la Nouvelle-Zélande, d'un continent 
australasien, dont il était la limite orientale le long des abîmes du Paci- 
fique. Ces deux groupes se seraient séparés de l'Australie, par disloca- 
tion et effondrement, vers la fin de l'époque secondaire, et, uu peu plus 
tard, tout à fait à la fin de cette ère, auraient été isolés l'un de l'autre 
de la môme façon. La Nouvelle-Calédonie n'est pas une région tropi- 
cale, mais plutôt subtropicale et tempérée. Elle est un intermédiaire 
quelque peu indécis entre les deux zones. 

La troisième partie, « l'Homme, » intéresse davantage l'historien. Les 
indigènes, les Canaques, appartiennent à la race mélanésienne, mais 
avec un mélange de polynésiens. Ils ne sont pas autochtones, mais 
sont venus par mer, non pas de l'Amérique, mais probablement de 
l'Asie indienne. A l'état naturel, ils menaient une vie misérable et for- 
maient une société des plus primitives. Aujourd'hui, ils disparaissent 
devant le blanc, comme les Australiens et les Maoris, sans métissage 
possible ni désirable, car ils ne peuvent rendre aucun service. L'avenir 
de la Nouvelle-Calédonie est donc exclusivement dans la colonisation 
européenne. M. B. consacre un chapitre à l'histoire de la découverte de 
l'Archipel depuis Cook (1778) jusqu'à la prise de possession de la 
France, après de nombreux tâtonnements (1853) ; c'est un résumé bien 
fait, complet, clair et précis, mais qui n'a la prétention de contenir et 
ne contient rien de nouveau. Il montre ensuite que l'Européen peut 
parfaitement s'acclimater en Nouvelle-Calédonie et qu'il y a intérêt, 
puisque le pays, sans être très riche, contient d'importantes mines de 
cuivre, de fer, de chrome, de houille, surtout de nickel ; qu'il offre, en 
outre, des ressources, sinon exceptionnelles, du moins suffisantes, dans 
la pêche, l'agriculture, l'exploitation des forêts, l'élevage, certaines cul- 
tures industrielles, notamment le café, et peut devenir un pays de petite 
culture, de petits paysans propriétaires. Malheureusement, jusqu'ici, on 
en a tiré un médiocre parti. Il y a eu dans la mise en valeur de cette 
colonie des hésitations, des fautes, dont la plus grave est évidemment 
la colonisation pénale, contre laquelle M. B. prononce dans ses trois 
derniers chapitres un réquisitoire qui parait défier toute réplique. Sa 



JEIIKS : THB HISTORT OF THB AUSTRiLlSIiN GOLONRS. A7i 

conclusion, appuyée sur des arguments solides, est que la Nouvelle- 
Calédonie peut et doit se suffire à elle -môme et même devenir un 
centre d'approvisionnement pour les petits archipels du Pacifique; 
qu'elle se prête à la vie civilisée ; qu'elle peut devenir une colonie de 
petits propriétaires, une sorte d'Auvergne ou de Bretagne d'outre-mer, 
vivant de pèche et d'agriculture, ayant même dans ses mines l'emploi 
de grands capitaux et des sources sérieuses de profit. Pour cela, il lui 
faut des moyens de communication, des routes et des chemins de fer, 
des services de navigation plus fréquents, et notamment des relations 
directes avec l'Indo-Ghine et le Pacifique, Papeete et San-Francisco, 
surtout des bras et des colons libres. Il faut supprimer la colonisation 
pénale, qui gêne sans profit la colonisation libre, et développer celle-ci. 
A ces conditions, TËden des forçats pourra devenir l'Éden des honnêtes 
gens. 

Tel est le résumé des principales idées de cet excellent travail. Mais 
ce que ne peut rendre une analyse aussi rapide, c'est la précision, la 
méthode, la sûreté, l'évidente clarté de l'ensemble et de détails de cha- 
cun des chapitres de l'ouvrage. Quoique l'auteur, à son grand regret, 
n'ait pas visité le pays et que sur bien des points il ait eu, de son propre 
aveu, des renseignements insuffisants, ses descriptions, ses déductions 
et ses démonstrations laissent pourtant dans l'esprit du lecteur une 
parfaite certitude et une entière conviction. On pourra ajouter des 
détails à ce tableau. Il semble difficile qu'on en puisse jamais modifier 
les grandes lignes et les principales conclusions. 

L. Malaviallb. 



The History of the Aostralasian Colonies {from iheir foundation 
to the year -1893). By Edward Jexks, M. A., professor of Law in 
University Collège Liverpool...; formerly Dean of the Pacuity of 
Law in the University of Melbourne. Cambridge, University Press, 
-1893. -1 vol. in-42, xvi-d52 pages, avec cartes. [Cambridge Histo- 
rieal Séries,) 

La nouvelle série de manuels que M. Prothero commence de publier 
à Cambridge comprendra, par volumes séparés, l'histoire des pays euro- 
péens depuis le xv« siècle et celle de leurs colonies plus récentes, de 
manière à faciliter l'intelligence des questions actuelles de la politique, 
c dont les racines plongent dans le passé. » — M. J. ouvre la série par 
un travail fort instructif et d'une parfaite compétence^ sur l'Australasie, 
qu'il connaît personnellement pour l'avoir habitée comme doyen de la 

1. L'auteur écrit à tort c Pérouse i (p. 29) pour c La Pérouse. » — Est-il 
bien vrai que, « pendant un demi-siècle, après les voyages de Dampier, l'es- 
prit de découverte semble avoir sommeillé? i (p. il). Le voyage d'Ànson a, ce 
nous semble, produit une certaine impression en Europe, surtout en France. 



472 COMPTES-RENDUS CRITIQUES. 

Faculté de droit de Melbourne. L'Australasie est encore trop neuve 
pour avoir une histoire qui saisisse Timagination. Sauf deux ou trois 
émeutes de convicts ou de cliercheurs d'or et la guerre contre les Maoris 
de la Nouvelle-Zélande, pour qui l'auteur montre autant de justice que 
de sympathie, on ne nous raconte guère ici que des événements cons- 
titutionnels. M. J. n*a pas négligé sans doute les voyages d'explorations 
à travers le continent australien ni la découverte des mines d'or ; mais 
il s'est renfermé dans d'étroites limites que lui imposait peut-être le 
programme de la série qu'il inaugure. Cependant il n'eût pas été, 
croyons-nous, inutile de nous montrer d'un peu plus près cette curieuse 
société australienne, dont l'antipathie pour les convicts explique préci- 
sément l'attitude hostile et soupçonneuse à l'égard de la France voi- 
sine en Nouvelle-Calédonie. Toutes les fois qu'un peuple fait un effort 
violent pour éliminer des individus ou des institutions qui le gênent, 
il lui en reste une défiance qui s'effarouche au moindre symptôme 
d'une réaction possible. Le caractère fréquemment agressif de la poli- 
tique américaine contre TAngleterre, de la République française contre 
le conservatisme appuyé des souvenirs de l'ancien régime, de l'Aus- 
tralie contre le travail de la déportation, procède d'un même senti- 
ment. Il importe de le comprendre, si l'on veut adopter une ligne de 
conduite rationnelle pour désarmer, dans la mesure nécessaire, cette 
ombrageuse susceptibilité. 

Pas davantage, M. J. ne parle des étranges expériences socialistes qui 
se poursuivent maintenant en Australasie et dont le succès ou l'échec 
ne manquera pas de se répercuter en Europe. Il se borne à noter que 
les Australasiens, si avancés qu'ils soient, n'ont fait que développer 
des idées importées d'Europe, sans y rien ajouter de leur fonds, et que, 
sur certains points, ils ont atteint déjà le terme du radicalisme poli- 
tique à tel degré que l'élaboration d'un programme de surenchère élec- 
torale devient le cauchemar des jeunes politiciens. La partie écono- 
mique de ces expériences lui semble étrangère à son sujet. Nous ne lui 
en ferons pas un reproche, puisqu'il est libre assurément d'écrire et de 
circonscrire son livre à sa guise; mais, pour la plupart des lecteurs, 
cette lacune sera profondément regrettable. 

L'Australie se développe avec une rapidité singulière, qui tient le 
miUeu, nous dit l'auteur, entre la routine européenne et la fébrilité 
américaine. Ce pays perdu, il y a deux cents ans, dans les brumes de 
l'inconnu, à l'endroit même ou Swift plaçait son île de Lilliput; cette 
terre, dont les produits de la faune et de la flore émerveillaient Napo- 
léon l^^ à la Malmaison, et dont il aurait souhaité que la France occu- 
pât au moins une partie ^ promet de devenir un important facteur de 

1. M. J. rappelle en passant la carieuse tentative d'un Français, le baron de 
Thierry, poar se créer une souveraineté indépendante en Nouvelle-Zélande, 
sons la suzeraineté de FAngleterre, qui refusa, puis de la France, qui faillit 
accepter. — Une tentative plus récente, étouiOfée en germe, fut celle du 



JBNKS : THE HISTORT OF THE AUSTRALASIAIf COLONIES. 473 

la politique générale. Mais les deux grands problèmes qui se posent en 
ce moment pour elle sont de savoir si, d'une part, les colonies austra- 
liennes se confédéreront en une sorte de république relevant nomina- 
lement de TAngleterre, et si, d'autre part, le climat et la nature tropi- 
cale du Queensland et de TÂustralie Nord n'amèneront pas une séparation 
marquée par des traits constitutionnels différents de ceux de l'Australie 
Sud. A la première question, M. J. répond que a la fédération austra- 
lienne est un de ces projets trop sérieux pour éveiller l'enthousiasme 
populaire, à moins de circonstances imprévues... Tout ce que Ton peut 
affirmer est que certaines gens avisés ont confiance dans l'avenir d'une 
politique fédérale et qu'il n'existe point de sentiment populaire à ren- 
contre. On ne saurait rien dire de plus » (p. 301). Quant à la seconde 
question, il estime que le Queensland, du moins, ne saurait se con< 
tenter d'un seul chef-lieu administratif; mais il est impossible d'obtenir 
à cet égard des informations précises (p. 311). Évidemment, l'Australie 
n'a pas encore sa cristallisation définitive. 

fin signalant ce livre aux lecteurs réfléchis, nous ne saurions trop 
leur conseiller d'étudier les procédés de colonisation de l'Angleterre 
lorsqu'elle opère notamment, en quelque sorte, sur une table à peu près 
rase. On y verra, contrairement à l'opinion courante de nos journaux, 
combien l'action du gouvernement assiste et facilite la prise de posses- 
sion du sol. Il y aurait énormément à écrire sur ce point pour redres- 
ser les erreurs que la presse, en ce moment, s'efforce de répandre chez 
nous, sous le prétexte de réveiller et d'activer l'énergie individuelle. 
Nous nous contenterons d'observer qu'en Australasie ce sont fréquem- 
ment les agents de l'État, encouragés par lui, fonctionnaires ou mili- 
taires, qui ont mis l'exploitation de la colonie dans sa vraie voie en 
opérant pour leur compte personnel. C'est à un officier retiré du ser- 
vice, Mac Arthur, que l'on doit les débuts de l'élevage du mouton et le 
développement de la culture vinicole. C'est un chirurgien de la marine, 
Bass, qui a découvert les mines de charbon. L'Angleterre môme, 
comme le remarque avec insistance M. J., n'a pas dépensé moins de 
250 millions pendant les trente premières années de son installation. 
A notre tour, choisissons avec soin nos agents coloniaux ; exigeons, au 
besoin, qu'ils possèdent des notions agricoles ou industrielles. Ils par- 
tiront sans inquiétude trop vive du lendemain, grâce à la certitude d'un 
traitement. Ils étudieront les lieux ; et, sûrs de leur avenir, ils pourront 
un jour, abandonnant l'administration, s'établir en colons sur une terre 

M'* de Rays, qui demanda au gouyernement anglais Tantorisation d'établir sa 
colonie de Port-Breton sur la côte ouest de PÀustralie, dans le bassin de la 
rivière Gascoyne, et qui ne se décida à transporter ailleurs son projet malheu- 
reux que devant la réponse qu'il lui fallait, en ce cas, se plier aux lois qui 
régissaient la constitution des autres colonies australiennes. Avec un peu de 
sens et de persévérance, rétablissement projeté sur ce terroir serait peut-être 
maintenant en possession de champs d'or qui l'eussent dédommagé de la sté* 
lilité relative du pays. 



474 GOHPTES-RBI^DUS GBITIQUBS. 

dont ils connaîtront à fond les ressources. Ce n'est pas là seulement 
l'histoire de l'Australie, c'est l'histoire de toutes les Compagnies à charte 
de TAngleterre auxquelles elle délègue une partie de ses pouvoirs. 
Autant dire que c'est l'histoire de presque toutes ses colonies, 



The United states of America, 1765-1865, by Edward GhinutiNG. 
Cambridge, University press, -1896. 

Comme l'ouvrage de M. Jenks, ce volume fait partie de la série his- 
torique publiée par M. G.-W. Prothero. Le caractère de ce genre de 
livres est d'être courts, substantiels, au courant des travaux les plus 
modernes, mais clairs et sans recherche d'érudition. Telles sont préci- 
sément les qualités de l'ouvrage de M. Edward Ghanning; son livre, 
qui comprend 350 pages, est accompagné de cartes et d'une bibliogra- 
phie des sources d'autant plus précieuses que l'ouvrage, par sa dimen- 
sion et la limpidité de sa langue, nous est plus accessible. 

L'auteur étudie les États-Unis depuis l'année où Grenville propose 
son impôt sur le timbre, origine de la révolte, jusqu'à celle où une 
nouvelle nation sort de la guerre de 1861-65. L'unité de cette période, 
c'est l'idée générale du livre qui l'exprime; pendant ce siècle, ce sont 
les États-Unis d'aujourd'hui qui sont en formation. Le livre pourrait 
s'intituler : Origines des États-Unis contemporains; qui veut comprendre 
le présent doit connaître l'histoire de ce passé. — Gomment ce pays, 
composé au commencement des colonies hétérogènes, s'est-il unifié? 
Par quelles vicissitudes, d'une petite nation agricole cliente de l'Europe, 
est-il devenu une grande nation industrielle et commerçante, se suffi- 
sant à elle-même et prête à absorber par ses capitaux le nouveau 
monde? Telles sont les questions auxquelles M. Ghanning s'est chargé 
de répondre. Visiblement, les dix chapitres de son livre se répartissent 
en trois groupes, correspondant aux grandes crises de l'histoire des 
États-Unis. La première partie (chapitres i, ii, m et rv) embrasse les 
années 1765-1789. C'est la lutte contre la métropole qui entrave le 
développement économique de sa colonie par des impôts onéreux ou 
des monopoles plus onéreux encore : cette lutte est constitutionnelle 
d'abord et devient une prise d'armes ensuite. C'est enfin, après l'indé- 
pendance, l'établissement de la constitution de 1787 qui donne à la 
nouvelle nation ses titres et son gouvernement. Cette période est assez 
bien connue en France, parce que la France s'est mêlée intimement à 
l'histoire de l'indépendance américaine. Presque ignorée chez nous est 
la seconde période, tout aussi importante que la première pour le 
développement ultérieur des États-Unis; elle va de 1799 à 1828 et com- 
prend les chapitres v, vi et vn. Les luttes de partis commencent, mais 
M. Ghanning a fort bien noté que, semblables aux whigs et aux tories 
anglais, républicains et fédéralistes et plus tard whigs, républicains et 



BROOKS ADAHS : THE LAW OF GITILISATION l^D DEGAT. «175 

démoerates se distinguent à peine par les opinions; il y a entre eax 
des diflerences de sentiment, — ceux-ci, par goût ennemis de la fouie, 
amis d'un pouvoir respecté, ceux-là, partisans de l'autonomie des états 
particuliers, par sympathie pour le commun, — ou simplement, comme 
d'habitude en Amérique, des conflits d'ambitions. L'histoire extérieure 
est signalée par la seconde guerre de l'Indépendance (1812-1814) entre- 
prise pour secouer le joug commercial de la Grande-Bretagne. Cette 
guerre, dont les causes disent les importantes conséquences, a pour 
résultat immédiat une période d'union et de prospérité sous le prési- 
dent Monroê (the era of good feeling), pendant laquelle les États-Unis 
marquent déjà nettement la direction de leur politique, leurs visées sur 
l'Amérique centrale et méridionale. Mais il y a une troisième crise à 
traverser (chapitres viii, ix et x), la plus grave : M. Ghanning nous y a 
préparés en traçant, au début des deux premières parties de son livre, 
un tableau du développement matériel des États-Unis. — En fait, cette 
nation était divisée en deux groupes profondément différents : les états 
du nord, qui vivaient du travail libre et fournissaient à Touest ses 
colons; les états du sud, dont l'existence économique était fondée sur 
l'esclavage et la culture extensive du coton. Les grands propriétaires 
d'esclaves, plus riches et plus oisifs, détenant le pouvoir, ont voulu en 
user à leur profit et s'emparer de ce domaine encore libre de l'ouest : 
c'était la ruine du nord ; à ce moment les anciens partis disparaissent ; 
deux intérêts sont en présence. La guerre de Sécession s'en est suivie, 
une des plus terribles et des plus dramatiques de l'histoire contempo- 
raine. — Les États-Unis en sont sortis transformés. — M. Ghanning, 
au terme de son livre, a laissé aux lecteurs américains le soin de réflé- 
chir sur ce grand événement et d'en tirer toutes les conséquences. — 
Le complément et la conclusion même de cet ouvrage eût été une 
rapide esquisse des États-Unis contemporains, état véritablement 
homogène, puissance industrielle et commerciale formidable. G'est la 
seule lacune que nous constatons dans cet intelligent manuel. 

J. DURENG. 



Brooks Adams. The law of ciTilUation and decay. Londres et 
New- York, Swan Sonnenschein, ^895. In-8% x-302 pages. 

Ce livre, comme l'indique le sous-titre (An essay on history)^ est un 
ouvrage, non d'histoire, mais de philosophie de l'histoire. En étudiant 
l'histoire de la colonie du Massachusetts, l'auteur a été amené à remon- 
ter à la Réforme et, d'étape en étape, jusqu'aux croisades. Il a cru 
découvrir une i relation précise entre le système ecclésiastique et l'ar- 
chitecture » et constater « qu'aucune pure école d'architecture n'a vécu 
dans une atmosphère mercantile, i II a admis que • le commerce est 
antagoniste de l'imagination » et que c l'intérêt économique choisit 
pour s'exprimer l'intermédiaire de la monnaie. » Ce qui l'a amené à 



no COMPTES-REIYDnS CaiTIQUBS. 

chercher la loi suivant laquelle la société humaine passe de la barba- 
rie à la civilisation et inversement. La voici. L'énergie de la pensée 
humaine prend surtout deux formes, la crainte, qui stimule l'imagina- 
tion, crée la foi à l'invisible et le corps sacerdotal, la cupidité (greed), 
qui dissipe l'énergie dans le commerce. Dans les sociétés barbares, 
c'est-à-dire peu concentrées, la crainte domine, l'imagination est vive 
et le type dominant est religieux, militaire, artistique. Â mesure que 
la société se civilise, c'est-à-dire se centralise, la cupidité remplace la 
crainte et « l'organisme économique supplante l'émotionnel, l'artis- 
tique, le martial, » l'énergie accumulée s'épuise alors, la société centra- 
lisée passe sous la domination du capital, enûn arrive la désintégration 
c sous la pression de la concurrence économique, parce que l'énergie 
de la race a été épuisée. » Les survivants restent inertes en attendant 
d'être pourvus d'une énergie nouvelle « par l'infusion de sang barbare, i 

Pour établir sa thèse, l'auteur passe en revue les événements les 
plus caractéristiques de cette évolution : Chute de l'Empire romain, 
haut moyen âge, croisades et suppression des Templiers, réforme 
anglaise et suppression des couvents, éviction des yeomen, conquête de 
rinde et, dans un dernier chapitre sur la centralisation contemporaine, 
il conclut à la décadence de notre société où la classe agricole a décliné, 
ot t lé type d'homme économique » domine, où, sous les formes du 
gouvernement populaire, les capitalistes sont les vrais maîtres, défen- 
dus par une police salariée, où la famille est dissoute, où l'imagination 
est méprisée et l'homme d'imagination réduit à mourir de faim, c L'art 
semble présager la désintégration prochaine, » c'est-à-^ire la barbarie 
qui viendra régénérer le monde. 

Les informations historiques sont de valeur très inégale, comme les 
ouvrages d'où l'auteur les a tirées ; car il cite indifféremment Niebuhr 
et Fustel, Montalembert et les excellents travaux d'histoire ecclésias- 
tique du P. Gasquet. Aucun indice de critique personnelle. 

L'auteur applique aux faits, — sans le savoir probablement, — la 
méthode socialiste de « l'interprétation économique de l'histoire, » 
mise à la mode par Karl Marx et dont Loria a donné la formule la plus 
extravagante. A tout fait il cherche une cause économique. Par exemple, 
la secte chrétienne ne devint nombreuse que sous Néron, a au moment 
où apparaissent les premiers signes de la détresse produite par l'avi- 
lissement du denarius. Le christianisme fut d'abord socialiste, et sa dif- 
fusion parmi les pauvres fut apparemment causée par la pression de la 
concurrence... Mais le socialisme... disparut quand la valeur vénale du 
miracle augmenta et procura la richesse à l'Église i (p. 37). — « Les Loi- 
lards étaient du type économique moderne et rejetaient le miracle 
parce que le miracle coûtait cher et donnait un rendement incertain » 
(p. 150). — « La Réforme fut éminemment un phénomène économique » 
(p. 153). Elle consista à c remplacer les fétiches coûteux de l'âge ima- 
ginatif par des écrits qui pouvaient être consultés gratis. Cet expédient 
fut évidemment l'invention d'une communauté mercantile i (p. 151), 



SEELBT : THB GROWTH OF BRITlSB POLICT. ^177 

Ce n*e8t pas Toffice de la Revtte historique de discuter en détail une 
thèse de philosophie de Thistoire, et il serait injuste de traiter légère- 
ment une œuvre faite de bonne foi qui représente la pensée de toute 
une vie d'étude et de réflexion. Mais on ne peut s'empêcher d'avertir 
M. Brooks Adams qu'il est sur une voie dangereuse pour un historien. 

On ne peut admettre ni sa façon de poser les questions ni sa méthode 
pour déterminer les causes des faits. 

lo La question fondamentale à laquelle tout son livre prétend être la 
réponse est posée en termes si vagues qu'il serait impossible de la 
discuter. L'imagination aurait dominé chez les gens du xi« siècle et 
se serait affaiblie chez ceux du xix«. Qu'est-ce que cette imagination? 
Est-ce la faculté d'imaginer? A mesurer par la quantité et la qualité 
des choses imaginées en tout genre, n'a-t-elle pas été plus répandue 
depuis le xvii* siècle qu'au xi«? Y a-t-il moins d'imagination dans une 
science que dans des formes traditionnelles de religion ? Qu'est-ce que le 
greedf cette passion caractéristique des modernes, c'est la passion du 
gain. Peut-on dire qu'elle ait été plus faible au moyen âge? Qu'est-ce 
que l'énergie martiale? Gomment mesurer si elle a baissé entre le 
temps des croisés et celui des soldats de la Révolution? La notion 
même c d'une provision d'énergie accumulée par la conquête » et qui 
s'épuise graduellement n'est qu'une métaphore mystique. Quel est le 
peuple civilisé d'Europe dont on puisse affirmer que son énergie est 
moindre qu'au xi« siècle? 

2o Pour déterminer quel événement historique on peut considérer 
comme cause d'un autre, il faut tenir compte de Vensemble des phéno- 
mènes d'une civilisation, tout au moins des plus importants. Mais que 
penser d'une méthode qui consiste à ne considérer dans une société 
que deux ou trois phénomènes, la religion, le cours de la monnaie, 
l'architecture, et à admettre que leur évolution doit s'expliquer par une 
cause commune? 

Gh. Seiqnobos. 



J. R. Seilbt. The Orowth of British policy, an historical essay, 
with a Memoir of G. W. Prothbro. Cambridge, at the Universîty 
Press, 4895. 2 vol., xxii-436 et 403 pages. 

Formation de la politique britannique, par Sir John Robert See- 
LET. Traduction du colonel Baille, avec une notice biographique 
par G. W. Prothbro. A. Colin. 2 vol. in<42, xxix-427 et 394 pages. 

En affirmant que l'histoire digne de ce nom ne doit être qu'une his- 
toire politique, Seeley n'avançait rien de bien nouveau, mais il était 
parvenu à faire de cette idée, dans ses ouvrages, quelque chose de tout 
à fait personnel par le caractère absolu qu'il lui donnait et par les 
conséquences qu'il en tirait. 

Rbv. Histor. LXV. !•' fasc. 12 



478 COMPTES-RENDUS CRITIQUES» 

Il ne tolérait, en effet, aucune intrusion de Timagination dans le 
domaine historique : « L'histoire, disait-il, n*est que la science de 
l'État... Politique et histoire ne sont que deux aspects d'un même 
sujet... L'histoire est la politique passée et la politique Thistoire du 
présent... L'histoire ne doit viser qu'à raconter des guerres, des négo- 
ciations diplomatiques, qu'à scruter les causes de la formation et de la 
décadence des empires; tout le reste, ce qu'on nomme vulgairement 
l'histoire de la civilisation, doit être abandonné aux littérateurs, etc. ^ » 

Or, Seeley ne se rendait pas compte qu'en combattant avec cet 
acharnement « l'habitude romantique de vivre par l'imagination 
dans le passé » et qu'en prohibant absolument c les tragédies, dans 
lesquelles l'intérêt historique finit par se perdre dans l'intérêt person- 
nel » (The Growth of British policy, I, p. 106), il en arrivait tout sim- 
plement à supprimer la vie en histoire. 

Il ne voyait pas que, s'il est vrai que les grands courants historiques 
sont déterminés par des nécessités supérieures, il n'en est pas moins 
vrai que ces courants sont modifiés par les puissantes individualités. 
L. de Ranke, qui croyait, comme Seeley, que l'histoire doit être surtout 
la science de l'État, ne craignait pourtant pas de nous révéler, lorsqu'il 
parlait de Catherine de Médicis, a qu'elle avait le teint olivâtre, les yeux 
saillants et les lèvres relevées du pape Léon X, son grand-oncle, > car, 
par ce portrait physique, il pensait nous aider à mieux comprendre la 
politique de l'Italienne. 

Mais Seeley se faisait de l'histoire une tout autre idée que Ranke. 
Pour lui, elle ne devait viser qu'à une fin : donner des idées claires sur 
la politique du jour. « L'histoire, disait-il, doit préparer le citoyen & 
accomplir ses devoirs civiques... L'étude de l'histoire forme une théo- 
rie des affaires humaines nécessaire à tout homme... L'histoire est une 
école de sentiments publics et de patriotisme... Notre université doit 
être la pépinière d'hommes politiques, etc.^. » 

A cette première conséquence qu'il tirait de sa conception de l'his- 
toire, Seeley en joignait une seconde, à savoir que l'historien doit 
s'occuper avant tout de l'époque moderne. 

Pour Seeley, en effet, si les expériences politiques ont toujours été 
un peu les mêmes dans tous les temps et si l'histoire des grands peuples 
politiques, — celle de Rome par exemple 3, — est encore riche en 
enseignements, rien ne vaut cependant l'étude des peuples modernes. 

Ces idées, que Seeley a développées dans quelques ouvrages histo- 
riques qui sont parmi les plus originaux de notre époque, viennent de 
recevoir une nouvelle illustration dans un brillant essai posthume sur 
la Formation de la politique britannique. 

1. Voy. Lectures and Essays. London, 1895. The Teaching of Politics et 
The Expansion of England, 1884, p. 184. 

2. Lectures and Essays, X. The Teaching of Politics, p. 325-328. 

3. Voy. Lectures and Essays, I. Roman imperialism. Londres, 1895. 



SEBLBT : THE 6B0WTH OF BRITISH POLICT. ^179 

Od peut s'étonner qu'un auteur qui n*aime en histoire que les résul- 
tats et n'apprécie que les leçons directes se soit arrêté au problème 
des origines. L'intention de Seeley était d'abord d'écrire une histoire 
tout entière de cette politique, ou tout au moins celle de ses grands 
siècles, le xvin« et le xix«. En 1886, au moment où il commençait ce 
travail, c'était le zvm« siècle qui l'occupait (A short life of Napoléon J, 
Préface, p. ix). Mais, en avançant dans son étude, l'auteur sentit la 
nécessité de remonter aux origines et, comme il arrive à tout inves- 
tigateur scrupuleux, son sujet finit par s'élargir tellement que ce qui 
ne devait d'abord être qu'une introduction prit les proportions d'un 
ouvrage entier. 

Est-ce là une véritable œuvre historique? Elle dénote sans doute des 
recherches approfondies. Dix ans de travaux l'attestent. L'auteur aussi 
ne s'est point contenté d'ouvrages de seconde main : il a recouru aux 
documents originaux ^ C'est donc, sur bien des points, une inves- 
tigation nouvelle et, quoique Seeley soit sobre de détails, qu'il 
cherche surtout à dégager les grandes lignes de son sujet, chaque idée 
s'appuie sur des faits qu'il a vérifiés à leur source^. 

Ce qu'il y a d'abord d'admirable dans cet ouvrage, c'est la manière 
dont la politique anglaise est étudiée, non dans sa structure intime et 
dans son développement constitutionnel, mais dans ses rapports avec 
les autres états. Pour Seeley en effet, les destinées d'un état dépendent 
moins de ses institutions que de sa position dans le monde. Plus un 
état est puissant, plus sa politique est universelle et plus par consé- 
quent son histoire doit être étudiée au point de vue universel. 
L'histoire politique et l'histoire internationale, dit-il, se confondent 
(Introduction, p. i). 

Étudiée à la lumière de cette idée, l'histoire d'Angleterre au xvi« et 
au xvii« siècle s'élargit considérablement. Les grands actes de cette 
politique paraissent sous un tout autre jour, et l'on voit en même 
temps clairement le contre-coup des grands faits de la politique euro- 
péenne (contre- réforme, guerres continentales, etc.) sur le développe- 
ment de la politique nationale. 

En même temps, les figures des souverains et des hommes d'état 
prennent d'autant plus de relief que ces personnages ont joué un rôle 
plus considérable dans la politique européenne : de là l'importance 
toute particulière que Seeley donne en Angleterre à Elisabeth, à 
Cromwell et à Guillaume III; en France à Henri IV, à Richelieu, à 
Mazarin : les portraits politiques de ces hommes sont parfaits. 

Mais il y a plus encore ; en élargissant les questions politiques, Seeley 

1. Il écrivait en 1886, au moment où il entreprit cet ouvrage : c Being enga- 
gea opon a EUtory of English Foreign Policpt I draw roy Information at first 
hand from tbe manascript despatches preserved at the Record Office, i A 
short Ufêy Préface, p. ix. 

^ Voy. Lectures and Essayé, 1. The great Roman révolution. 



480 GOMPTBS-aBNDUS CRITIQUES. 

est amené à être plus équitable pour les hommes. Les jugeant moins 
sur ce qu'ils sont en eux-mêmes, comme Garlyle, ou ne les considérant 
point seulement comme représentants d*un groupe politique, comme 
Macaulay, il les voit sous le véritable angle de leur activité. A cet 
égard, son Charles II et son Jacques II étudiés au point de vue de la 
politique générale de l'Europe sont traités d'une manière plus équitable 
que dans Macaulay, qui les jugeait au point de vue strictement consti- 
tutionnel et religieux. 

Esprit éminemment philosophique, Seeley, qui avait débuté par un 
essai de morale religieuse, Ecce homo (1865), et qui écrivit une étude 
sur la Religion naturelle (1882), excelle à rendre en tableaux synthé- 
tiques les mouvements politiques, moraux et sociaux d'une époque. 
Il faut remarquer surtout à cet égard le dessin qu'il trace des grandes 
formes typiques du christianisme, depuis la chrétienté latine de Gyprien 
et de saint Augustin jusqu'au christianisme anglais, en passant par le 
christianisme teuton de Luther et le catholicisme espagnol de Philippe, 
d'Albe, de Loyola et de Galderon (I, p. 82-83). Les meilleurs chapitres 
de son ouvrage sont ceux qu'il a consacrés à l'Angleterre militaire et 
religieuse de Gromwell, à la contre-réforme, au développement de la 
France bourbonienne, au règne de Guillaume III. 

L'histoire, pour Seeley, se présente sous la forme de problèmes. Il 
énonce d'abord la question, celle-ci, par exemple : a Gomment doit-on 
considérer la Révolution de 1688? » Ou bien celle-ci : t Gomment la 
France catholique devint-elle l'alliée de princes protestants? i Puis il 
tente la démonstration. Viennent enfin les corollaires et les consé- 
quences. Et tout cela chez Seeley est si méthodique et si uniforme qu'on 
pourrait presque définir sa manière en histoire : c L'application des pro- 
cédés mathématiques à l'élucidation des problèmes historiques. » 

L'inconvénient ne serait pas grand si Seeley se contentait d'appliquer sa 
méthode à la discussion des questions qui attendent encore de la critique 
une solution. Mais il n'en est rien. Seeley l'applique indistinctement à 
tous les problèmes, les connus et les inconnus, les importants et les 
insignifiants. Exemple : il s'agit du problème de la Révocation de l'édit 
de Nantes. On croit que Seeley va se contenter de rappeler en quelques 
lignes que cette Révocation fut un acte politique dirigé autant contre 
le papisme que contre le protestantisme. Eh bien! non, il en refait 
une démonstration copieuse : « Louis XIV n'était pas papiste. A ce 
moment il était le véritable ennemi du Saint-Siège (II, p. 252). » Pais 
quelques lignes plus bas : « En frappant le protestantisme, Louis XIV 
voulait écraser le papisme (p. 252). L'opposition à la papauté est le 
fond de la politique religieuse de Louis XIV (p. 253). G'est le gallica- 
nisme naissant, non l'ultramontanisme qui amena la Révocation de 
l'édit de Nantes (p. 254). La politique de Louis XIV était dirigée contre 
le pape (p. 259). La persécution ne fut pas l'acte d'une puissance 
papiste, c'était l'acte d'un nouveau Henri VIII (p. 260). Le système 
catholique français ne peut point être considéré comme du papisme 



SBELBT : THE GROWTH OF BRITISH POLICT. 484 

(p. 264). L'auteur de la Révocation n'était pas en réalité un catholique, 
mais un schismatique (p. 265). Louis est regardé par le pape comme 
le plus dangereux et le plus cruel ennemi de l'Église (p. 266). Louis 
était un ennemi public, un fléau à la fois pour le monde catholique et 
le monde protestant (p. 267), etc., etc.^.. » 

Or, cette manière argumentativo à l'excès, qui ne laisse de côté 
aucune considération si minime soit-elle, cette insistance à reprendre 
en termes identiques la même question, comme s'il s'agissait d'en 
épuiser la démonstration, finit par engendrer la monotonie^. Dans 
cette œuvre, il y a beaucoup de redites et de longueurs. Il semble que, 
pour l'art, Seeley soit ici inférieur à ce qu'il était dans ses œuvres pré- 
cédentes. En qualifiant lui-même son travail d'essai historique (Intro- 
duction, p. 3), il s'engageait plus ou moins à s'abstenir de développe- 
ments inutiles, à faire tout au moins ce qu'il avait fait pour VExpansion 
de l'Angleterre, où deux siècles de grande histoire sont resserrés en 
un court volume. Peut-être aussi l'auteur, qui fut surpris par la mort 
avant la fin de son travail, eût-il supprimé quelques longueurs s'il 
avait pu mettre la dernière main à son manuscrit. 

Antoine Guilland. 

1. Autres exemples : la Révolution de 1688 fut d'an bout à Taotre dominée 
par des influences continentales, entre autres celle de la France. Cette idée, 
Seeley la développe abondamment (vol. II, p. 171-220). Puis il y revient en par- 
lant d'antre chose : c Son principal auteur fut Louis XIV (p. 221). L'ennemi 
du peuple anglais fut alors Louis XIV (p. 307). La restauration de Jacques II 
aura impliqué la dépendance de l'Angleterre à la France (p. 308). La Révolution 
de 1688 ne doit pas être considérée à un point de vue national (p. 331). La Révo- 
lution de 1688 n'est pas une pure révolution anglaise (p. 332). La seconde Révo- 
lution... est une résistance contre Tascendant de la France (p. 333). • Et, de 
la page 334 à 344, développement de la même idée, puis résumé final. — 
Ailleurs encore : c Le règne de Jacques I"* nous donna la paix (I, p. 263). Dès 
les premières années du règne de Jacques I*' une ère de paix commence 
(p. 263). Considérons la pacification que donna Jacques I". La pacification 
occupa les premières années du règne de Jacques I*"" (p. 269). La première 
période de Jacques est remplie par la pacification (p. 271). » 

2. La démonstration par l'absurde n'y manque même pas. Essayons d'imaginer, 
dit-il, ce qu'il serait advenu si Elisabeth avait accepté la couronne des Pays-Bas. 
Elle eût sans doute... Tout ceci pour renforcer sa démonstration et aboutir 
à la conclusion : c Donc elle ne pouvait agir autrement qu'elle n'a fait. • 



482 RECUEILS Pl^RIODIQUES. 



RECUEILS PÉRIODIQUES ET SOCIÉTÉS SAVANTES. 



1. — La Révolution ft>ançaise. 1897, 14 juin. — A. Lightenber- 
GER. John Oswald, Écossais, jacobin et socialiste. — A. Debidour. 
L'Église et l'État sous Louis- Philippe, de Lamennais à Montalem- 
bert, 1830-1840 (des progrès accomplis par le clergé catholique et en 
particulier des Jésuites sous le régime libéral et parlementaire). — 

F. BoissY d'Anqlas. Boissy d'Anglas en prairial an UI (qu'il se soit ou 
non découvert devant la tête de Féraud, il est certain que Boissy d* An- 
glas fit preuve d'un grand courage pendant la séance du 1«>" prairial). 
— AuLARD. Appel nominal sur Marat (vote du 13-14 avril 1793 sur la 
question de savoir s'il y avait lieu de mettre Marat en accusation) ; suite 
le 15 juillet; fin le 14 août. =: 14 juillet. E. Pariset. L'idée de consti- 
tution avant le serment du Jeu de Paume (critique certains points de 
l'étude consacrée à ce sujet par M. Robinson). — Henri Carré. La Révo- 
lution au parc de Blossac à Poitiers, 1790-1798. — Paul Gottin. Siège 
de Toulon; l'Angleterre et les princes, 1793, d'après des documents 
inédits (montre que ce sont les Anglais qui ont empêché le comte de 
Provence de venir à Toulon). — Robin-Massé. La mort de Buzot et de 
Pétion (prouve, d'après des documents nouveaux, que Buzot et Pétion 
se sont bien brûlé la cervelle). — Aulard. Les représentants en mis- 
sion depuis le 11 oct. 1793 jusqu'au 28 février 1794. = 14 août. 
A. Brette. Les dépenses des assemblées électorales en 1789 (neuf et 
encore obscur ; l'auteur se contente de résumer la correspondance ren- 
fermée dans le carton B^ 88 des Archives nationales). — A. Lods. 
L'attitude du clergé catholique à l'égard des protestants en 1789 (montre 
les dernières résistances opposées par le clergé catholique à l'admission 
des protestants à tous les droits civiques et politiques). — J. Gorgellb. 
Le registre des engagés volontaires de 1793 à Hauteville, Ain. — 

G. Bloch. Une enquête sur l'état des paroisses en 1788 (publie les 
réponses des deux municipalités de Ghaingy et de la Ghapelle-de- 
Saint-Mesmin à une circulaire demandant des renseignements sur la 
population, l'agriculture, le commerce, etc., de la province). — La 
situation religieuse dans la Haute-Garonne au début du Gonsulat 
(publie une lettre du citoyen Richard, préfet de la Haute-Garonne, au 
ministre de la police générale, 9 juillet 1800). 

2. — Revue d'histoire diplomatique. Année XI, 1897, n® 3. — 
M. van Ypersele de Strihou. Marguerite d'Autriche et Jean Le Veau 
(publie une lettre de ce diplomate à la régente, datée de Mantoue, 
17 août 1512). — Fr. Funck-Brentano. Documents relatifs aux formes 
diplomatiques aux xm« et xiv« siècles; fin (mission de Robert de Ville- 



RECUEILS PifRIODIQUES. 483 

neuve, bailli d'Amiens, envoyé en octobre 1311, par Philippe le Bel, 
roi de France, à la cour de Flandre). — Vicomte M. Boutry. Le cardi- 
nal de Tencin au conclave de Benoît XIV; fin. — G. Salles. L'insti- 
tution des consulats; son origine, son développement au moyen âge 
chez les différents peuples; suite (uniformité d'attributions des con- 
suls; exercice et contrôle de l'autorité consulaire). — Louis Passy. Le 
voyage de François Vettori, ambassadeur de la république florentine 
près de l'empereur Maximilien, 27 juin 1507-13 mars 1508; suite. 

3. — Mélanges d'archéologie et d'histoire. Année XVII, 
fasc. 2-3. Mars-juin 1897. — M. Besnier. Note sur une inscription 
inédite trouvée à Rome (• Sancto Silvano sacrum Gallus Ck)cceius 
Eros ex viso fecit »). — G. Daumet. Étude sur les relations d'Inno- 
cent VI avec D. Pedro I", roi de Gastille, au sujet de Blanche de 
Bourbon (d'après les registres du Vatican; montre que seul le pape 
intervint, sans succès d'ailleurs, en faveur de la malheureuse reine). 
— P. Fabre. La perception du cens apostolique en France en 1291- 
1293 (publie le livre des recettes d'Albert de Grondola qui contient des 
renseignements curieux sur la valeur des monnaies, sur le nom des 
officiers ou dignitaires des églises et monastères de France au jour 
indiqué par la date des quittances). — G. de Puybaudet. Une liste 
épiscopale d'Angouléme. — G. de Manteter. Les mss. de la reine 
Christine aux archives du Vatican (avec une liste de concordance entre 
les 72 mss. de la reine donnés aux Archives et leurs cotes successives). 

4. — Revne archéologique. 1897, mars-avril. — Sausse. Le tumu- 
lus de Fontenay-le-Marmion. — £dm. Le Blant. Paléographie des 
inscriptions latines, du iii« siècle à la fin du vii« ; suite. — Ph.-E. Le- 
orand. Biographie de Louis-François-Sébastien Fauvel, antiquaire et 
consul, 1753-1838; suite. — E. Blochet. Les inscriptions de Samar- 
kand. I : le Goûr-i-mir, ou tombeau de Tamerlan; épitaphes de 
Timoûr et de plusieurs princes timoûrides ; suite. — Clerhont-Gan- 
NBAU. Notes d'archéologie orientale; suite (sceau sassanide au nom do 
Ghahpoûrh, intendant général de Yezdegerd II; inscriptions romaines 
d'Abila de Lysanias ; inscription romaine d'Héliopolis ; le sceau d'Ela- 
mac, fils de Elichou ; le lychnarion arabe de Djerach); suite en mai-juin 
(la mosaïque de Medaba; la géographie médiévale de la Palestine 
d'après des documents arabes; amulette au nom du dieu Sasm; 
l'apothéose de Neteiros ; le nom palmyrénien de Taibol). = Mai-juin. 
René Dussaud. Voyage en Syrie, octobre-novembre. 1896. Notes 
archéologiques. — A. de RmoER. La poignée de mains sur les bas- 
reliefs funéraires antiques. — Ph.-E. Leorand. Biographie de Louis- 
François-Sébastien Fauvel, antiquaire et consul, 1753-1838; suite. 

6. — Revue celtique. 1897, juillet. — S. Reinach. Tarvos Trigara- 
nus (étude sur le taureau divin, l'arbre cosmique et les trois grues des- 
sinés sur Tautel des c Nautae » de Paris ; indique quelques analogies 
d'ordre mythologique). — Whitley Stokes. Les annales de Tigemach; 



484 RECUEILS PERIODIQUES. 

suite 1088-1178. — J. Loth. Bretons insulaires en Irlande (note plu- 
sieurs faits certains des luttes engagées par les Bretons contre les Gaèls 
d'Irlande). — H. d'Arbois de Jubainyille. Sur quelques inscriptions en 
caractères grecs de la Gaule narbonnaise. 

6. — Nouvelle Revne historique de droit. 1897, mai-juin. — 
P.-F. Girard. La date de la loi iEbutia (elle a été décrétée entre 605 
et 630 av. J.-G.). — D*Arboi8 de Jubainville. La clientèle en Irlande. 

— E. FoDRNOL. Sur quelques traités de droit public du xvi« siècle (ana- 
lyse les théories présentées par François Baudouin, Jean Bodin et Hot- 
man). — L. de Yalroqer. Mœurs et institutions de l'ancienne Islande 
(d'après l'Islande avant le christianisme d'A. Gefifroy et la Saga de Niai 
trad. par Dareste). — Ed. Meynial. Encore Irnerius (analyse les publi- 
cations récentes d'Esmein, de Fitting, de Fr. Schupfer, de Fed. Patetta 
et de Pescatore). = Comptes-rendus : H, Besta. L'opéra d'Irnerio (bon). 

— P. Del Giudice, Enciclopedia giuridica per uso délie scuole (résumé 
clair et précis de l'ensemble de la science juridique). =: Juillet-août. 
J. Toutain. L'inscription d'Henchir-Mettich. Un nouveau document 
sur la propriété agricole dans l'Afrique romaine (texte, traduction et 
commentaire). — G. Gornil. Contribution à l'étude de la patria potes" 
tas. — Paul FouRNiER. La propriété des églises dans les premiers 
siècles du moyen âge (résume les idées présentées sur le sujet par le 
prof. Stutz). — J. Preux. Dictionnaire de l'histoire du droit slave 
(annonce la publication d'un dictionnaire de ce genre, entrepris par 
M. H. Jireiek). 

7. — Revue de Thistoire des religions. Tome XXXV, no 3, 
mai-juin 1897. — G. Maspero. La table d'offrandes des tombeaux égyp- 
tiens ; l»*" art. — I. GoLDzraER. Du sens propre des expressions « Ombre 
de Dieu, Khalife de Dieu, » pour désigner les chefs dans l'Islam. = 
Comptes-rendus : W. Flinders Pétrie. Koptos (bon). — Id. et Quibell. 
Nagada and Ballas (ouvrage d'une importance exceptionnelle, l'auteur 
ayant retrouvé dans ses fouilles des traces d'une civilisation ignorée, 
d'une race qui conquit l'Egypte vers la IV* dynastie. Amélineau com- 
bat ces conclusions). — I-Tsing. A record of the Buddhist religion as 
practised in India and the Malay archipelago, 671-695; trad. par/. Ta- 
kakusu. — E, Ciaceri. Come e quando la tradizione Troiana sia entrata 
in Roma (beaucoup de faits qui méritent l'attention). — Kretzschmar, 
Die Bundesvorstellung im Alton Testamente in ihrer geschichtlichen 
Entwickelung (étude approfondie sur le sens et l'histoire de l'idée d'al- 
liance dans l'Ancien Testament). 

8. — Revue de TOrient chrétien. Année II, 1897, n» 2. — Comte 
CouRET. La prise de Jérusalem par les Persans en 614 (publie 1<> le 
texte grec avec une traduction française de VÉlégie ou Ode anacréon' 
tique où saint Sophronios, patriarche de Jérusalem, avait déploré la 
ruine de la ville sainte. Ce texte important, qui était considéré comme 
perdu, a été retrouvé par le comte Riant à la Bibliothèque nationale; 



RECUEILS PERIODIQUES. 483 

2o un récit en arabe, du môme événement, qui a peut-être été traduit 
du grec, mais qui est fortement imprégné d'éléments légendaires). — 
Baron d'Avril. La Bulgarie chrétienne; suite. — P. Michel. Les mis- 
sions latines en Orient (chap. xi-zin, la constitution Orientalium digni- 
tas; du mode d'action qui s'impose aux missionnaires latins et de 
l'avenir des missions catholiques en Orient). — Blochet. Note sur une 
lettre du sultan Bajazet II au roi de France Charles VIII (cette lettre, 
destinée à accréditer Antonio de Rericho auprès du roi de France 
paraît être authentique). 

9. — Revue des études Juives. 1897, avril-juin. — S. Poznanski. 
Meswi Al-Okbari, chef d'une secte juive du ix« s. — L. Goldsghmid. 
Les impôts et droits de douane en Judée sous les Romains. — 
S. Krauss. Apiphior, nom hébreu du pape (ce mot, qui se trouve déjà 
dans le Taimud, vient du grec icaTcic{ac, étymologie que Th. Reinach, 
dans une note qui suit cet article, tient pour inadmissible). — J. Bauer. 
La peste chez les Juifs d'Avignon (leurs souffrances; terreur que la 
peste leur inspirait ; persécutions dont ils furent en butte à l'hôpital de 
la part des infirmiers et aumôniers dominicains qui déployèrent tout 
leur fanatisme pour essayer de les convertir). — D. Kaufmann. Contri- 
butions à l'histoire des Juifs de Corfou; pièces justificatives; fin. — 
N. RouBiN. La vie commerciale des Juifs comtadins en I^anguedoc au 
zvin* s. — Th. Reinach. Encore un mot sur le « papyrus de Claude » 
(dans le procès qui s'engagea devant l'empereur Claude entre le roi 
Agrippa et deux antisémites alexandrins, Wilcken proposait de lire : 
cv xoiç AoxouXXiQcvoiç xY)isoi;; l'auteur propose IkpouiXiavoïc ; ce serait donc 
dans les « horti Serviliani » que ce jugement a été rendu, non dans 
les jardins de Lucullus). — M. Schwab. Les inscriptions hébraïques de 
la France. — D. Kauffmann. Une pièce diplomatique vénitienne sur 
Sabbataî Cevi, 18 mars 1666. 

10. — Revue de géographie. 1897, avril. — J. Crozals. La con- 
quête d'El-hadji-Omar (biographie d'un marabout sénégalais qui fonda 
dans le Soudan un grand empire, détruit par le colonel Faidherbe) ; 
suite dans les livraisons suivantes. — Baron de Baye. De Moscou 
à Krasnoîarsk; souvenirs d'une mission en 1869. — P. Barbé. La 
pénétration européenne en Asie et la délimitation des frontières des 
colonies et états indépendauts; suite en mai, fin en juin. = Juin. H. Bar- 
risse. Sébastien Cabot, pilote major d'Espagne, considéré comme car- 
tographe (du planisphère dressé par S. Cabot en 1544; c'est sans 
doute c l'œuvre cartographique la plus imparfaite qui ait été exécutée 
an milieu du xvi« s., en Espagne ou ailleurs; elle ne présente d'autre 
intérêt que son extrême rareté »); fin en juillet. — Rouire. Le Maroc; 
positions respectives des puissances européennes dans la question maro- 
caioe; le traité franco-marocain de 1845 et l'avenir du Maroc; fin en 
juillet. =: Août. A. Froide vaux. Un projet d'acquisition de Tranque- 
bar par la France en 1669. — Rouire. L'Ethiopie ; la paix d'Addis- 



186 MËCOtVLS n^UODIQUIS. 

Ababa ; la question des frontières éthiopiennes ; TaTenir de l'Ethiopie. 

— F. FiLoa. L'ingénienr Lamblardie, sacce^eor de Perron^ à FEcole 
des ponts et chaussées et fondateur, avec Monge, de TÉcoIe des tra- 
vaux publics (Ëcole polytechnique), 1747-1797. 

11. — Revne internationale des Archives, des Bibliothèques 
et des Musées. N*» 9 et dernier. — V. et Ch. Mortet. Des catalogues 
collectifs ou communs à plusieurs bibliothèques (tentatives qui ont été 
faites eu France et à l'étranger). — X. Jorga. Les bibliothèques de 
Roumanie. = Comptes- rendus : W. Heyd. Bibliographie der Wûrttem- 
bergiscben Geschichte (bon). — Horvath. Catalogus bibliothecae musei 
nat. hungarici, t. I : Incunabnla. — D^ E. Bodemann. Die Leibniz- 
Ilandschriften der k. ôffentlichen Bibliothek zn Hannover. 

12. — Bolletin critique. 1897, n« 17. — Br, Krusch. Passiones 
vitacque sanctorum aevi merovingici et antiquorum aliquot (L. Du- 
chesne traite ici de sainte Âfra et du martyrologe hiéronymien et com- 
bat l'hypercriticisme de l'éditeur allemand). := N« 18. ÀbbéPUt, Histoire 
de l'Ancien Testament, d'après le manuel allemand du D' Schœpfer 
(le manuel allemand a été très remanié et la bibliographie mise au 
courant des dernières recherches historiques et archéologiques). — 
P. Pichot. De l'origine du pouvoir, par Taparelli d'Azeglio (rouvrage 
de Taparelli a paru en 1850; à quoi bon le traduire aujourd'hui?) = 
Variétés : G. Cihot. Erreur d'historien ou mensonge d'hérétique? (dans 
son Liber ad Damasum, Priscillien nie que le concile de Saragosse, tenu 
vers l'an 380, ait condamné quatre de ses partisans; Sulpice Sévère 
l'afûrme. C'est sans doute Priscillien qui a menti). = N<» 19. M. Schtoab, 
Vocabulaire de l'Ange lologie (liste alphabétique des dénominations 
mystérieuses appliquées aux anges et aux démons par la superstition 
juive, surtout par la Kabbale). =: N® 20. Br. Krusch, Passiones vitae- 
que sanctorum aevi merovingici (3« art. de L. Duchesne, consacré à 
saint Plorian ; soutient que la passion de saint Florian doit remonter 
au v« et peut-être au iv« siècle). — Chronique d'Italie. Antiquité et 
moyen âge par A. Dubourcq. = Variétés : A. de Barthélémy. Le bonnet 
phrygien, le bonnet rouge, le bonnet de la liberté. = N« 22. Br. Krusch, 
Passiones vitaeque sanctorum aevi merovingici (4^ art. de L. Duchesne, 
concernant saint Loup de Troyes, dont Krusch rejette la vie comme 
entièrement fausse; or, elle est certainement authentique). — Dom 
U. Berlière, Monasticon belge, t. T, \^ livr. Province de Namur et 
province du Hainaut (excellent). 

13. — Joarnal des Savants. 1897, juin. — R. Dareste. Histoire 
du droit privé de la république athénienne (à propos de Touvrage en 
4 vol. de M. L. Beauchet sur ce sujet) ; l»** art.; fin en juillet. — Albert 
SoREL. Les correspondances des agents diplomatiques étrangers en 
France avant la Révolution (à propos du rapport pubUé par M. Flam- 
mermont dans les Nouvelles archives des Missions scientifiques, t. VIII). 

— H. Wallon. Le roi de Rome (sur Touvrage de M. Welschinger), 



RBCUBILS PERIODIQUES. 4H7 

!" art.; suite en juillet. = Juillet. Blanchard. Tombouctou la mysté- 
rieuse (fia de l'analyse de Touvrage de F. Dubois. Histoire de la fonda- 
tion et de la prospérité commerciale et intellectuelle de Tombouctou ; 
causes de sa décadence). 

14. — Revue critique d'histoire et de littérature. 1897, n» 22. 

— Riant et Kohler. Études sur T histoire de l'église de Bethléem (excel- 
lent). — H, Lavoix. Catalogue des monnaies musulmanes de la Biblio- 
thèque nationale. Egypte et Syrie (bon, avec de bonnes tables). — 
/>' d'Amico. Suir assedio di Akragas del 406 a. G. (bon). — U. Pedroli, 
Il regno di Pergamo (bon résumé de Tétat de la science). — E. de Rug- 
giero. Le colonie dei Romani (article substantiel; exposé complet du 
droit colonial). — Ed. Le Blant, 750 inscriptions de pierres gravées 
inédites ou peu connues (excellent). — L. Clédat. Le théâtre au moyen 
âge (bonne analyse d'une vingtaine de pièces ; mais pourquoi Tauteur 
ne dépasse-t-il pas le xiv« s.? Car c'est au xv« s. que le théâtre du 
moyen âge a trouvé son apogée). — Perrens. Les libertins en France 
au xvn* 8. (intéressant mais superficiel). — M. Wolf. L'éducation natio- 
nale. Le problème de l'éducation moderne et l'université (remarquable). 

— y. Preux. La loi du Vinodol, traduite et annotée (excellente traduc- 
tion). =: No 23. fl. Heisterbergk. Die Bestellung der Beamten durch das 
Los (dissertation judicieuse et bien documentée, mais prolixe et con- 
fuse). — L. Relier. Die Anfaenge der Reformation und die Ketzerschu- 
len (accorde beaucoup trop d'importance à l'influence vaudoise dans les 
origines de la Réforme). — Catalogue de la bibliothèque de feu M. le 
baron Jérôme Pichon (nouveau chapitre de l'histoire, par H. Harrisse, 
des déprédations commises à la Colombine de Séville). =: No 24. Jek 
Blake et E, Sellers. The elder Pliny's chapters on the history of art (la 
traduction, par miss Jek Blake, est excellente; les notes archéolo- 
giques et l'introduction, par miss Sellers, sont des plus utiles; les ques- 
tions relatives aux sources de Pline sont exposées avec beaucoup de 
clarté et une érudition consommée). — G. KaufPmann. Die Gescbichte 
der deutschen Universitseten ; Bd. II (très intéressant et utile). = N^ 25. 
Pr, Delitssch. Die Entstehung des aeltesten Schriftsystems (ouvrage 
magistral). — Harper. Assyrian and babylonian letters, 3« et 4» parties. 

— Eisenlohr. Ein altbabylonischer Felderplan (important pour l'étude 
des mesures de surface chez les Babyloniens). =: N» 26. //. Boos. Ge- 
schichte der rheinischen Stadtcuitur, mit besonderer Berûcksichtigung 
der Stadt Worms (excellent). — L. Dorez et L Thuasne. Pic de la 
Mirandole en France, 1485-1488 (intéressant). — //. Lonchay. La riva- 
lité de la France et de l'Espagne aux Pays-Bas, 1635-1700 (bon). — 
B, Croce. Studî storici suUa rivoluzione napoletana del 1799 (bon). = 
No 27. E. BacLsch. Die Hansestaedte und die Barbaresken (bonne étude 
sur les relations de Hambourg avec le dey d'Alger et le sultan de 
Maroc, de 1750 à 1830). — La France chrétienne devant l'histoire 
(article à noter, signé Laicus). = No 28. J. Paquier. Jérôme Aléandre 
et la principauté de Liège, 1514-1540. — Schubart. François de Théas, 



488 RECUEILS PERIODIQUES. 

comte de Thoranc, Gœthes Kœnigslieutenant (l'auteur a reconstitué 
avec beaucoup de bonheur la biographie de ce lieutenant du roi dont 
Goethe parle si longuement dans ses Mémoires. A. Ghuquet ajoute 
dans son article beaucoup de faits inédits). = N© 29. E, Lambrecht, 
Catalogue de la bibliothèque de l'École des langues orientales vivantes. 
Tome I. — /. E. Sandys. Demosthenes ; the first Philippic and the 
Olynthiacs (excellente édition). =: N® 30. E. Siecke, Die Urreligion der 
Indogermanen (l'auteur prétend démontrer que tous les grands-dieux 
européens remontent au couple Soleil-Lune, au Ciel, ou à toute autre 
puissance naturelle). — Ingold. Bossuet et le jansénisme (Bossuet n'a 
jamais été janséniste; le P. Ingold le prouve. Mais A. Gazier montre 
à son tour que Bossuet a combattu de toutes ses forces la théologie 
et la morale des Jésuites). =z N© 31-32. T. W. Arnold. The preaching 
of Islam ; a history of the propagation of the muslim faith (intéressant ; 
copieuse bibliographie). — A. Réville. Jésus de Nazareth (la critique 
des sources, si délicate en un pareil sujet, n'a pas été faite avec toute 
la largeur de vue nécessaire). — F, Picavet, Gerbert (bon). 

15. — Le Correspondant. 25 mai 1897. — Froment. Le duc d'Au- 
male. — V. d'Yerville. Le régime civil et le régime militaire à Mada- 
gascar (cet article, où l'auteur, témoin oculaire, fait un juste éloge de la 
politique du général Galliéni, est malheureusement tout imbu du pré- 
jugé religieux qui cherche à identifier la cause française avec celle des 
missions jésuites dont l'intolérance est pour le gouvernement un embar- 
ras continuel ; il répète même de pures fables, comme celle du pré- 
tendu soufflet donné à M™« Laroche par la sœur de Ranavalo). — 
V. Pierre. Une consultation royale en l'an VI de la République, 
1797-98 (ce très intéressant article complète ce qu'on savait sur les 
causes de la persécution religieuse du Directoire. Louis XVIII avait 
demandé aux évoques émigrés de faire agir les missions de prêtres 
réfractaires qu'ils entretenaient en France en faveur d'une restauration, 
en affirmant que Ton ne pouvait être bon catholique qu'en étant roya- 
liste et en autorisant les catholiques à prêter le serment de haine à la 
royauté pour pouvoir entrer dans les corps électoraux et électifs. Les 
évêques, très sagement, répondirent que l'on ne pouvait permettre un 
faux serment et que l'on ne pouvait rendre la religion absolument soli- 
daire d'une forme de gouvernement. Ils ajoutaient pourtant que les 
missionnaires regardaient comme un devoir essentiel de ramener le 
peuple à son légitime souverain). = 10 juin. Lecanut. Montalembert, 
M. Thiers et la question d'Orient (très curieuse correspondance entre 
Montalembert et Thiers pendant le voyage que le premier fit en Orient 
en 1840. Il revint très hostile à Méhémet Ali et à la politique de guerre. 
Intéressant témoignage sur les sentiments catholiques de Thiers en 
1839). — La France et le Siam (l'annexion de Siam est devenue une 
nécessité pour la France). — Biré. Une statue à un émigré (spirituel 
article sur les démêlés de Beaumarchais, qui fut en effet un émigré de 
1793 à 1795, avec les autorités révolutionnaires). =: 10 juillet. Comte 



RECUEILS PÉRIODIQUES. ^189 

Joseph Grabinski. Victor-Emmanuel II et Napoléon III; suite le 25 juil- 
let (d'après les très curieux souvenirs du général Délia Rocca qui fut 
mêlé aux négociations préliminaires de la guerre de 1859, comme il prit 
part aussi aux opérations militaires. On y trouvera les détails les plus 
précis sur Magenta et Solférino et la nécessité où l'attitude de la Prusse 
mit Napoléon III de faire la paix. Il ne faut attacher aucune impor- 
tance à ce qui est dit dans ces articles sur Mazzini et Orsini. Celui-ci 
est représenté comme ayant commis son attentat malgré lui, par ordre 
de Mazzini. C'est le contraire de la vérité). — Vicomte de Noailles. 
Mgr Macaire. Création du patriarcat copte en 1895. Ambassade auprès 
de Ménélik en 1896. = 25 juillet. R. P. Raoey. Le concile anglican de 
Lambeth. I (essai de création en Angleterre d'un système conciliaire 
uni à un patriarcat national). — Carry. La Russie et le Vatican sous 
Léon XIII. — H. DE Gardonne. Strasbourg ou Alexandrie (pas d'alliance 
anglaise ou allemande. Il faut une politique expectante, appuyée sur 
l'alliance russe). 

16. — Études publiées par les Pères de la Compagnie de 
Jésus. 1897, 20 avril. — Ë. Gornut. Montalembert; suite le 5 mai. == 
20 juin. H. Ghérot. Le duc d'Aumale. 2^ article. — A.-M. de la Broise. 
Juifs et Romains ; commentaire historique d'un chapitre des Maccha- 
bées, I, vin. = 5 juillet. J. DoizÉ. Bulletin d'histoire ecclésiastique du 
moyen âge (Études d'histoire du moyen âge dédiées à G. Monod; 
Mélanges d'histoire du moyen âge publiés sous la direction de M. Lu- 
chaire; ouvrages sur le grand schisme). =: 5 août. A.-M. de la Broise. 
Les dernières années de la sainte Vierge. — T. Pépin. Les origines de 
la boussole marine (l'aiguille aimantée a été employée dans la Médi- 
terranée avant le xin« s. et sans doute dès le x«; la suspension de l'ai- 
guille sur pivot s'est faite, au plus tard, dans le courant du xiii*. Ni les 
Chinois ni les Arabes n'ont participé à ce perfectionnement). 

17. — La Revue de Paris. 1897, 15 juin. — Comte A. de Cib- 
COURT. Berlin pendant les Barricades (récit des événements accomplis 
pendant les deux journées du 18 et du 19 mars; action personnelle de 
l'ambassadeur qui, en s'interdisant de donner aux insurgés la moindre 
marque d'approbation ou de sympathie, pense avoir pour beaucoup 
contribué à empêcher la Révolution de renverser le gouvernement). — 
Léonce Pinqagd. JBemadotte et les Bourbons, 1812-1814 (des menées 
auxquelles se livra Bernadette dans l'espoir de succéder à Napoléon ; 
négociations avec Louis XVIII, avec les généraux de Napoléon ; pré- 
cautions qu'il prend contre le retour des Bourbons et conseils qu'il 
donna à ceux-ci quand décidément la Restauration fut faite). := l®' juil- 
let. Nassau W. Senior. M«« Cornu et Napoléon III (anecdotes piquantes 
et touchantes recueillies de la bouche de M^^" Cornu qui, républicaine, 
ne put pardonner au prince, son ami et son confident, le Coup d'État, 
mais qui finit par se réconcilier avec lui par amour pour le prince impé- 
rial). = 15 juillet. Bbrthelot et Renan. Correspondance, 1847-1892 



190 KECUEILS n^UODIQCES. 

(important, sartoat pour ce qui concerne la âtoation de Fltalie et en 
particalier de Rome en 1849-1850) ; soite le l*' août. — Les Russes devant 
Gonstantinople, 1877-1878 (pourquoi les Russes ne sont-ils pas entrés 
à Coustantinople et à Gallipoli ? Pourquoi se sont-ils arrêtés à San- 
Stefano ? A cause des irrésolutions de l'empereur, des rivalités entre 
Tétat-major et Gortchakoff, des jalousies de l'Angleterre et de TAu- 
triche. L'auteur, anonyme, analyse le Mémorial de la dernière guerre 
d'Orient écrit sous la dictée du grand-duc Nicolas, commandant en 
chef de l'armée russe, et publie plusieurs dépêches officielles. Important). 

18. — Académie des sciences morales et politiques. Séances 
et travaux. Compte-rendu. 1897, juin. — Achille Luchaibe. Notice 
sur la vie et les travaux de M. Geffroy. — Ch. Waddikgton. Aristote, 
écrivain et moraliste. == Juillet. Lachelier. Notice sur la vie et les 
travaux de M. Barthélemy-Saint-Hilaire. — A. DESJAaonis. Les prin- 
cipes fondamentaux de la constitution russe (d'après le c Manuel de 
l'homme d'Ëtat pour la Russie, » par M. de Koulomzine, ouvrage qni 
vient de paraître en anglais). 

19. — Académie des inscriptions et belles-lettres. (]omptes- 
rendus des séances de Tannée 1897. Bulletin de mars-avril. — Carte 
mosaïque découverte à Mâdaba par le R. P. Gléophas, bibliothécaire 
au patriarcat grec de Jérusalem (cette carte reproduit la Palestine et 
une partie de la Basse-Egypte ; elle est très précise et contient un grand 
nombre de noms géographiques en grec. Fac-similé). — R. Gaokat. 
Inscription d'Henchir-Mettich (fac-similé et traduction de ce long docu- 
ment en latin gravé par ordre de Trajan. C'est un règlement concer- 
nant l'administration d'un f fundus » appartenant à l'empereur; il est 
promulgué par deux procurateurs sur le modèle de la Lex Manciana. 
— C. JuLLiAN. Tablette magique de Chagnon, Charente-Inférieure (fac- 
similé photographique de ce diptyque de plomb, composé de deux 
tablettes semblables;, transcription et commentaire. L'inscription ren- 
ferme une exécration prononcée par un Romain ou une Romaine 
contre deux adversaires en justice). — J. Oppert. Le boisseau septi- 
malou Méthétès chaldéen. -^ Max van Bergheii. Ëpigraphie des Assas- 
sins (commente plusieurs inscriptions relevées par MM. Fossey et 
Dussaud). — Paul Tanner y. Une correspondance d'écolâtres du xi« s. 
(commente huit lettres échangées vers 1025 entre Regimboldus, grand 
écolâtre de Cologne, et Radulfus, écolàtre de Liège; il y est traité de 
quelques questions élémentaires de géométrie). — D** Jules Routier. 
Note sur un poids antique de Béryte, Phénicie. — R. P. de la Croix. 
Monuments gallo-romains explorés à Berthouville, Eure (Berthouville 
est l'emplacement où Ton a trouvé le trésor improprement dit de Ber- 
nay). — Fr. Thureau-Danqin. Inscription de la stèle des Vautours 
(l'auteur est parvenu à déchiffrer cette inscription, fort importante pour 
la période reculée de l'histoire orientale qui précède l'œuvre d'uni- 
fication accomplie par Sargon l'Ancien et qui doit être placée vers 
l'an 4000 avant notre ère. Traduction). 



RECUEILS PifaiODIQUBS. ^194 

80. — Société de l^histolre du protestantisme fk*a]içais. Bul- 
letin historique et littéraire, 1897, 15 juin. — fi. Lehr. Le siège de 
Chartres par Gondé en 1568 ; 1" art.; fin le 15 juillet. — Abel Lefbanc. 
Les idées religieuses de Marguerite de Navarre, d'après son œuvre poé- 
tique ; suite. — N. W. Pourquoi Mélanchton ne vint pas à Paris en 1535 
(publie un passage extrait d'un recueil de censures formulées par la 
Sorbonne ; il en ressort qu'en 1535 François I"»*, à la demande de Mar- 
guerite de Valois, invita Mélanchton à une conférence contradictoire à 
Paris ; que même on fit choisir douze docteurs pour cette conférence ; 
mais la Faculté de théologie représenta a que ceste conférence vocale 
seroit périlleuse et qu'elle se feroit avec moins de danger par escrit. » 
L'affaire en resta là). — Pr. Falqairolle. La démolition du temple de 
Villevieille en 1685. — Alph. Falquière. Le pasteur François de Gines- 
tans, seigneur de Montdardier, 1629-1697. Sa préparation et ses débuts 
dans le ministère évangélique racontés par lui-même. = 15 juillet. 
J.-R. Montmitonnet. Les de la Gardie, d'après des archives de famille 
conservées à lourev, Dorpat. — N. W. La maison où est né Calvin à 
Noyon et l'église Sainte-Godeberte où il a été baptisé; nouveaux docu- 
ments. — H. Dannreuther. L'évéque de Grenoble, Etienne Le Camus, 
au sujet du temple de Grenoble, 24 déc. 1684. — A. Benêt. Curés tolé- 
rants qui mariaient les nouveaux convertis à Caen. 

21. — Société de l*histoire de Paris et de l'Ile-de-France. 

Bulletin. 1897, 2« livr. — E. Roussel. La bénédiction du Lendit au 
xrv« s. (d*après les pontificaux de l'évêché de Paris, avec un fac-similé 
et le texte de V • Ordo in die benedictionis Indicti t ). — Eug. Déprez. 
Les enfants d'Etienne Marcel (d'un premier mariage avec Jeanne de 
Dammartin, morte avant 1344, Marcel n'eut qu'une fille, morte en bas 
âge ; sa seconde femme, Marguerite des Essarts, lui donna sans doute 
sept enfants, dont un posthume, et qui ont dû tous mourir en bas âge). 

22. — Annales de Bretagne. Tome XII, n» 4. Juillet 1897. — 
A. DE LA Borderie. La chronologie du cartulaire de Redon ; seconde 
partie, 1<"' article (travail précieux qui permettra d'utiliser avec une 
sécurité beaucoup plus grande les chartes publiées dans le cartulaire). 
— Jean Leiioine. La révolte dite du Papier timbré ou des Bonnets 
rouges en Bretagne, en 1675 ; suite (la révolte â Carhaix et dans le reste 
de la Basse-Bretagne. Sébastien Le Balp, chef des révoltés ; ses pro- 
jets ; il fut tué par le marquis de Montgaillard, qu'il menaçait de faire 
mettre â mort s'il ne le suivait pas). — J. Loth. Une chanson inédite 
sur le combat de Saint-Cast, 1758. — P. Hémon. Les prêtres assermen- 
tés dans les Côtes-du-Nord. 

23. — Annales de TEst. 1897, juillet. ^ L. Jérôme. Les élections 
et les cahiers du clergé des bailliages de Nancy, Lunéville, Blamont, 
Rosières, Vézelise et Nomeny aux états généraux de 1789 (1«' article 
d'un mémoire qui promet d'être très important). — J. Kruo- Basse. His- 
toire du parlement de Lorraine et Barrois ; suite, chap. xi â xiii. — Le 



492 RECUEILS PERIODIQUES. 

peintre J.-J. Walter et sa « Chronique strasbourgeoise » ; texte et trad. 
en français par R. Reuss ; suite (opérations militaires de Turenne en 
1674 et bataille d'Enzheim. Description de l'armée brandebourgeoise. 
Inaction du général Bournon ville, commandant Tarmée impériale). — 
Diplôme d'études supérieures : le roi Ghilpéric, 5G1-584, par M. Ernest 
Roussel (analyse détaillée de ce mémoire, avec d'abondants renvois aux 
sources). = Bibliographie : H. Baumont. Étude historique sur l'abbaye 
de Luxeuil, 590-1790 (utile). — Didrit, Étude archéologique et histo- 
rique sur Sion-Vaudémont en Lorraine (bon). — Beitrœge zur Landes- 
und Volkeskunde von Elsass-Lothringen. Bd. III-IV (mémoires sur les 
Armagnacs en Alsace, 1439-1445 : la c sainte forêt t de Haguenau, 
Kléber, les rapports du duché de Lorraine avec l'Empire depuis 1542 ; 
les Allemands et les Gelto- Romains en Lorraine après les grandes inva- 
sions; la forteresse de Bitche, etc.). 

24. — Mémoires de la Société éduenne. Tome XXIY (1896. 
Autun, Dejussieu). — J.-G. Bulliot. Fouilles de Beuvray, 1894 (aque- 
duc de la Gome-Chaudron) . — Abbé A. Martinet. Note sur le sceau de 
la collégiale de Saint-Georges de Chalon-sur-Saône, trouvé à Saint- 
Denis-de-Vaux. — A. de Charmasse. Note sur le droit d'usage dans la 
forêt de Planoise accordé aux habitants de l'abergement de la Porche- 
resse par les ducs Hugues IV et Eudes IV, en 1231 et en 1325. — Alph. 
DE MoNARD. François de la Chaise et les origines du Creuset. — A. de 
Charmasse. Jean-Louis Gouttes, évoque constitutionnel du département 
de Sa6ne-et-Loire, et le culte catholique à Autun pendant la Révolu- 
tion ; suite. — Paul Montarlot. Correspondance du maréchal de Brézé, 
1632-1642 ; suite et fin. — F. Courtois. Notes historiques sur la fabrique 
de dentelles à la main établie au Creuset, 1844-1866. — Abbé L.-C. 
Berry. Les monastères de la Visitation Sainte-Marie dans le diocèse 
d'Autun; fin. 

25. — La Province du Maine. 1897, avril, no 4. — Ambr. Ledru. 
La folie de Charles VI. Le voyage du roi et le drame de la forêt ; suite 
en juin; tin en juillet. =: Mai, q9 5. Menjot d'Elbenne. Beillé. — Alb. 
Coutard. Les seigneurs de Vallon. = Bibliographie : Liger, La ville de 
Crouciatonnum, à Beuzeville-au-Plain, Manche; réponse à M. Lepin- 
gard (bon). = Juin, n^ 6. A. Legendre. Les croisés du Maine; suite. 
— Alb. Coutard. L'évéque Guillaume Roland ; à propos des fouilles de 
Tabbaye de Champagne (montre les confusions dans lesquelles on est 
tombé au sujet de cet obscur prélat, mort entre 1258 et 1261). =: N® 7. 
L. Froger. De l'action morale des doyens sur le clergé et sur les fidèles 
au xvn« s. 

26. — Revue de PAgenais. 1897, n« 3. — G. Tholin. Le château 
de Sauveterre-Lémance, avec un plan. — Bladé. Les comtes carolin- 
giens de Bigorre et les premiers rois de Navarre; suite. — T. de L. 
Notice biographique sur Ed. de Cazenove de Pradines. — Abbé 
Durengues. Vie de Mgr Hébert, évôque-comte d'Agen ; suite. — Baronne 



REGUBIIS PERIODIQUES. 493 

DE Gervain. Un ministre de la marine et son ministère sons la Restau- 
ration, le baron Portai ; snite. — G. Tholin. Notes sur la féodalité en 
Agenais ao milieu du xm« s.; suite (châteaux cités dans les hommages 
de 4286-1287; Tinfluence anglaise et les moulins fortifiés au xin« s.). 

— Al. NicoLAÏ. A propos de Tembouchure de F Avance; réponse à 
M. Camille JuUian (étude de géographie historique; montre que le lit 
de la Garonne, vers Tembouchure de l'Avance, a été très modifié dans 
la suite des siècles. U n'était certainement pas tel, vers le iii« s. de notre 
ère, qu'il est aujourd'hui. Considérations à retenir pour la question de 
savoir où étaient placées les stations de Fines et é*Ussubio). = Biblio- 
graphie : Abbé P. Dubourg. Monographie ou histoire du prieuré et de 
la ville de Layrac, depuis le xi* s. jusqu'au xix*. 

27. — Revne de Gascogne. 1897, juillet-août. — Ph. Lauzun. 
Valence-sur-Balse, avec photogravure et plan. — A. de Batz. Un che- 
valier gascon au combat des Trente (Manaud de Batz, sur lequel on sol- 
licite des renseignements). — T. de L. Testament et acte de décès de 
Glaire d'Albret, avec appendice sur les dames de Flamarens. — Tierny. 
Coutumes de Comeilhan, 1442 (des coutumes f en vieux language du 
pais d'Armaignac • sont signalées comme existant à cette date dans une 
pièce de procédure de 1488). 

M. — Revne des nnlTersités dn Midi. 1897, juillet-septembre. 

— A. BoocHé-LECLBRGQ. Le règne de Séieucus II Callinicus et la cri- 
tique historique ; 2« article (signale les dangers de la méthode inaugurée 
par Niebuhr et appliquée par ses disciples, en particulier par Droy- 
sen. U faut s'en tenir aux textes et, dans l'espèce, savoir tirer un sage 
parti de Justin). — Bulletin historique régional : L.-G. Pélissier. Aude. 

29. — Revne de Saintonge et d*Annis. 1897, l"' mai. — L. A. 
Bernard Palissy à Sedan, 1573-75. — Audiat. Le colonel Faure du Ver- 
court de la Curaterie, 1759-1839 (émigré qui fit toutes les campagnes 
de l'armée de Condé). — Ch. d'Avone. Le séminaire de Saintes; fin. = 
l*' juillet. DuPLAis DES Touches. Les Chadeau de la Clocheterie. — 
L. Audiat. Inscription chrétienne de Tan 374 (fragment où se trouvent 
désignés l'empereur Gratien et Equitius, consuls). — D** G. Le monu- 
ment gallo-romain de Chagnon, Charente-Inférieure (description de 
cette pile; objets qu'on a rencontrés dans les fouilles). — Le fanum et 
les tablettes magiques de Chagnon (reproduit en grande partie le 
mémoire consacré à ces monuments par M. C. Jullian). — J. Pellis- 
soH. Notes sur les enseignes, le commerce et l'industrie en Saintonge 
et en Aunis). — L. A. Dercie (paroisse de Tarchiprôtré de Marennes ; 
histoire du château et des seigneurs). 

30. — Société archéologiqne de Tam-et-Garonne. Bulletin 
archéologique et historique. 1896, 4* trim. — Le rôle des rentes fon- 
cières à Moissac en 1313, au profit du seigneur laïque (texte en langue 
vulgaire ; ce rôle contient 473 articles. Publié avec une double table 
alphabétique, l'une des noms de lieu, l'autre des noms de personne). — 

Rbv. HiSTOE. LXV. 1« PASC. 13 



494 UCCUBILS PiUODIQUlS. 

Commandant Roques. A propos d'antiquités cadnrciennes. = 1897, 
i«' trim. Abbé G. Dadx. La confrérie des pèlerins de Mgr saint Jacques 
de Moissac en Quercy (cette confrérie, fondée en 1523, obtient des lettres 
patentes de protection royale en 1615; analyse de ses plus anciens 
registres). — Sémézies. Jeanne d'Albret et la gnerre civile (discours de 
circonstance sur le livre de M. de Ruble). — Abbé F. Galabert. Prin- 
cipaux capitaines du Montalbanais durant les troubles du xyi« s. = 
Bibliographie : L. de Santi et A. Vidal. Deux livres de raison, 1517-50. 
— Bladé. Influence des métropolitains d'Eauze et de leurs ayants droit, 
les archevêques d*Auch, en Navarre et en Aragon. — Procès-verbaux 
des séances de la Société ; Acte d'hommage de Hugues de la Motte à 
Arnaud de Garmaing, seigneur de Négrepelisse, 6 octobre 1387. 



31. — Byzantinische Zeitschrift. Bd. VI, Heft 2, mai 1897. ^ 
J.-B. BuBY. Jean Malalas; le texte du cod. Baroccianus (publie un 
nombre considérable de variantes). — K. Pb^eghteb. L'abrégé chrono- 
graphique de Nicéphore (publie quelques variantes fournies par le ms. 
de Vienne, suppl. graec. n9 91). — G. de Boor. La chronique du Logo- 
thète (étudie les rapports de cette chronique avec celle de G^i^os 
Monachos et des emprunts que lui ont faits les chroniqueurs posté- 
rieurs. Des rapports entre le Logo thète et Siméon le Logo thète). — 
6. Wartbnberq. Léon le Diacre et les chroniqueurs (étudie les rapports 
de Gédrénus, Zonaras et Glykas; ils sont indépendants de Léon le 
Diacre). — J. Laubent. Skylitzès et Nicéphore Phocas (conclut, contre 
G. Wartenbergy qu'il est impossible de disculper Nicéphore du reproche 
d'avoir fait sur les blés, pour remplir sa caisse nécessiteuse, un bénéfice 
peu compatible avec les obligations et la dignité impériales). — E. Pat- 
zio. De quelques sources de Zonaras. — J. Bidez et L. Pabmentieb. La 
tradition manuscrite de la vie de saint Théodose par Théodore, d'après 
le Patmiacus 273. — A. Semenov. Une inscription avec le nom de Tem* 
pereur Justinien provenant de la presqu'île de Taman. = Gomptes-ren- 
dus : A. Heisenberg, Nicephori Blemmydae curriculum vitae et car- 
mina (édition précieuse, avec une introduction qui nous fait connaître, 
pour la première fois en entier, la vie et les œuvres de cet écrivain ; 
mais il y a beaucoup de critiques à faire à l'éditeur). — E, Martini. Gata- 
logo di mss. greci esistenti nelle biblioteche italiane. — Tr. E. Evang^" 
lidès. Gennadios II, premier patriarche oecuménique après la prise de 
Gonstantinople (estimable. L'ouvrage est écrit en grec). — A. Oster^ 
mann. Karl der Grosse und das byzantinische Reich (simple esquisse 
sur les rapports politiques entre les deux empires). — A. Carrière, La 
légende d'Abgar dans l'histoire d'Arménie, de Moïse de IChoren. — 
Chalatianz. Das armenische Ëpos in Moses von Ghorenes G^schichte 
Arméniens (important). — Aegyptische Urkunden aus den k. Museen 
zu Berlin. Arabische Urkunden. Bd. I, Heft 1. 

32. — Historisches Jahrbnoh. Bd. XVIU, Heft 3. — K.-Al. 
Kopp. Pierre-Paul Vergerio le Vieux; contribution à l'histoire des 



1BGUBIL8 F^EIODIQUBS. 495 

débats de rhumanisme ; saite et fin. — Al. de Sghkid. Jean-Adam 
Mœhler et son développement intellectuel ; suite et fin. — Fr. Dkkajip. 
La biographie de l'archevêque André de Gésarée dans le cod. Athous 129 
(publie le texte de cette biographie, qui n'a pas vingt lignes). — G. Rat- 
ziNGER. Les annales de Passau (quelques détails biographiques sur 
Albert Bœheim). — K. Eubel. Sortilèges au commencement du xrv« s. 
(publie deux procès-verbaux datés du 9 février et du il septembre 1320 
et relatant des tentatives faites par Matteo et Galeazzo Visconti pour 
amener la mort du pape Jean XXII par voie d'envoûtement. Le nom 
de Dante se trouve mêlé à cette affaire). — Sauerland. Additions à l'iti- 
néraire de Jean XXII dressé par le P. Ëubel et le ]> Schmitz. — 
R.-P. Kneller. Quand parut pour la première fois le catéchisme de 
saint Pierre Ganisius ? (en 1555). 

33. — ArchlT ttiv katholisches Klrchenrecht. Bd. LXXVII, 

Heft 1, 1897. — Stiegler. La dispense ecclésiastique et son développe- 
ment historique jusqu'au ix« s.; suite dans Heft 2. — Roesgh. La bina- 
tion dans les temps anciens et d'après le droit aujourd'hui en vigueur 
(par le terme de bination, l'on entend l'acte par lequel le même prêtre 
offrait plusieurs fois, le môme jour, le sacrifice de la messe). = Gomptes- 
rendus : BmchbelL Die Professiones fidei der Paepste (bon). — Thamm. 
Albercius Gentilis (bon). = Heft 2. Ehrmann. La procédure canonique 
d'après la Collectio Dacheriana, — Silbernagl. La procédure criminelle 
chez les Bénédictins bavarois au xviii" s. (d'après le cod. lat. 1936 de la 
bibliothèque de la ville à Munich). — Hollwegk. Du droit par les papes 
de désigner leur successeur (critique le mémoire de Holder au t. LXXVI 
de VArchiv), — Wahrmund. Du droit d'exclusion exercé par les États 
dans les élections pontificales (combat l'opinion exprimée par Saegmûl- 
1er au t. LXXVI de VArchiv), =: Gomptes-rendus : Pfeilschifîer, Der 
ostgothische Kônig Theodorich der Grosse und die katholische Kirche 
(bon). — Knecht, Die Religions-Politik Kaiser Justinians I (bon). — 
Stutz, Geschichte des kirchlichen Bénéficiai- Wesens (bon). 

34. — Deutsche Zeltschrift flir Klrchenrecht. Bd. YI, Heft 3, 
1897. — Koehler. De la possibilité du droit canonique (combat les idées 
de Sohm, d'O. Mejer et de Rieker; il n'y a pas de contradiction entre 
l'essence de l'Église et le droit canonique). — Halban. Pour servir à 
l'étude des ouvrages relatifs à l'histoire du droit canonique (expose les 
obligations qu'il faut remplir pour étudier ce domaine d'une manière 
scientifique. L'auteur propose de dresser un catalogue général de toutes 
les œuvres canoniques qui se trouvent dans les bibliothèques publiques). 
— • Friedbero. Des publications récentes relatives à l'étude du droit 
canonique. 

36. — Stndien and Mittheilongen ans dem Benedictiner- and 
Gistarcienser-Orden. Jahrg. XVIU, Heft 1, 1897. — Plaine. Le 
culte de la sainte Vierge et son histoire. — Vecte. Les martyrologes 
des Grecs ; suite (recherches sur la manière dont les textes de ces mar- 



496 ftSGUBILS pMuODIQUBS. 

tyrologes sont parvenus jusqu'à nous). — Pohsghas. Le • Liber ponti- 
ficalis » de Tévêque d'Ëichstaett, Gundekar II, et le bienheureux Utto 
de Metten (cherche à prouver que ce dernier a été pendant un certain 
temps honoré à Ëichstaett comme le patron du diocèse). — Oambikb, 
L'administration des études supérieures dans Tordre bénédictin ; suite. 
— Gasser. Le ci-devant monastère bénédictin de Schamitz-lnnichen en 
Tirol de 763 jusqu'à nos jours. — Wagner. Gillon le Muisi, abbé de 
Saint- Martin de Tournai; sa vie et ses œuvres; suite. — D. Leistlb. 
Les lettres et les arts au monastère de S.-Magnus de Fûssen ; suite. — 
WiTTMAKN. Jean Nibling, prieur d'Ëbrach, et ses œuvres; suite. — 
Renz. Contributions à l'histoire de Tabbaye de Saint-Jacques et du 
prieuré bénédictin f Weih S^ Peter, i» à Ratisbonne; suite du catalogue 
des actes, n^ 305-339, 1452-1479. — D. Grillrbbrobr. Sources pour 
servir à Thistoire de Tordre cistercien (sur un ms. du monastère de Wil* 
hering). 

36. — Zeitschrift fUr 'wissenschaftliche Théologie. Jahrg. XL, 
Heft 1, 1897. — A. ELiloenfeld. Les prétendues lettres de saint Paul à 
Timothée et à Tite (dans la forme où elles nous sont parvenues, ces 
lettres appartiennent au temps où florissait le gnosticisme. L'auteur 
cherche à montrer que ces lettres sont un remaniement d'un texte plus 
ancien, mais que ce texte plus ancien môme ne peut être Tœuvre de 
saint Paul). — 0. Voot. Philippe de Mélanchton considéré comme 
réformateur; fin dans Heft 2. = Comptes-rendus : E. Meyer, Die Ent- 
stehung des Judenthums (important). — Zoeckler. Askese und Mœnch- 
thum ; 2« Aufl., Haelfte I (excellent). =: Heft 2. Asmus. Un trait d'union 
entre la « Gohortatio ad Graecos v du pseudo-Justin et le traité de Tem- 
pereur Julien a contre les Galiléens t (le douzième discours de Dion 
Ghrysostome est la source de ces deux écrits). — Franz Gtcbrrbs. Le roi 
Reccared le Catholique et le judaïsme (détails sur les édits antisémi- 
tiques promulgués par ce roi wisigoth en 586-601). — ELilqenfbld. L'ins- 
cription d'Abercios (nouvelle édition d'après la lecture restituée par 
A. Dieterich). = Compte-rendu : Duhm. Das Geheimnis in der Religion 
(livre qui fait penser). 

37. — Hermès. Bd. XXXU, Heft 2, 1897. — Dittenberoer. L'am- 
pbyctionie de Delphes en 178 av. J.-C. (étude approfondie sur Tinschp- 
tion delphique publiée par Foucart dans le Bullet, de corresp, kelUn., 
VU, 1883, p. 427, n® 6. L'auteur rejette Tinterprétation donnée par 
Foucart dans ce Bulletin et par Pomtow au t. GXLIX des Jahrbùcher 
far Philologie, L'inscription montre qu'en cette année l'influence de la 
ligue étolienne était déjà en quelque mesure affaiblie; cette ligue avait 
dû se résigner à un compromis entre ses prétentions et les prétentions 
de la puissance macédonienne, qui devenait prédominante. La ligue éto- 
lienne, comme telle, était alors déjà séparée de Tamphyctionie del- 
phique; d'autre part, les Dorions, les Locriens, les Ëniens, qui se trou- 
vaient encore dans Tamphyctionie, faisaient partie de la Ugue étolienne. 



RBCUBILS PERIODIQUES. 497 

Les représentants de ces trois peuples dans Tamphyctionie furent dési« 
goés par la ligue étolienne). — Detlefsen. Pour servir à la connaissance 
de l'antiquité sur les côtes de la mer du Nord (étudie les passages de 
Pline, Nat. hist,, 37, 35, et 4, 94, et Sénèque, Suas., i, 15. Les « Guiones » 
cités par Pline-Pythéas sont identiques aux c Ingaevones; » « Bauno- 
nia » à « Helgoland. » Rectifie les hypothèses de Miillenhoff). — H. Ymz. 
Le Ck)dex Nazarianus de Salluste (ce ms. était considéré comme perdu ; 
il faut ridentifier avec le Codex Vaticanus 889). — P. Meyer. Pour ser- 
vir à la chronologie des c praefecti Âegypti, » au u« s. ap. J.-G. (fournit 
de nombreux détails sur ces fonctionnaires, d'après des inscriptions 
récemment découvertes et des fragments de papyrus). — H. de FarrzE. 
Oû>a( (recherches sur la signification et l'origine de cet antique sacrifice 
grec. OjXai est le mot consacré pour désigner Torge destinée au sacrifice. 
Détails sur les différentes formes de ce sacrifice. Le sacrifice des oOXaC 
remonte à la plus ancienne forme de la civilisation, qui ne connaissait 
pas l'usage du pain). — Bardt. Gomment s'est formé le recueil des 
lettres de Cicéron Àd familiares (une partie de ces lettres a été imagi- 
née par Gicéron; un certain nombre ont été remaniées par Cicéron 
avant d'être publiées). — A. Sghulten. Un contrat d'achat romain de 
l'an 466 ap. J.-G. (ce contrat est fourni par le papyrus 229 du British 
Muséum et a été publié pour la première fois par Thompson dans YAr- 
chsologia, t. LIV. Interprétation approfondie de cet important docu- 
ment). — Wbrnigkb. Satyres et silènes (les satyres étaient des démons 
à figure de bélier qui protégeaient les troupeaux et qui célébraient par 
des danses les puissances mystérieuses de la terre nourricière. L'origine 
de leur culte doit être cherchée en Arcadie. Les danses des satyres, qui 
se pratiquaient en l'honneur du dieu Dionysos, furent importées en 
Attique au v« s. Jusqu'au milieu du v« s., le chœur du drame satyrique 
se composa de béliers ; à partir de cette époque, la fantaisie populaire 
imagina de mêler aux démons à forme de bélier les vieux compagnons 
attiques de Dionysos, les silènes. Enfin, les satyres disparurent com- 
plètement devant les silènes). — Wissowa. Sur un passage de Gicéron, 
De leg.. Il, 42, 29 (commentaire et correction de ce passage important 
pour l'histoire des institutions religieuses des Romains). — G.-J. Neu- 
MANN. De quelques passages des histoires de Salluste (4o Silius Itali- 
ens XII, 355-375, a utilisé les histoires de Salluste; 2^ le discours de 
Licinius Macer et les idées de Salluste sur le principat). 

38. — BCittheilungen des k. deotschen archœoloc^schen Ins- 
tltais. Athenische Abtheilung. Bd. XXI, Heft 3. — H. Schradeb. Les 
fouilles sur le versant occidental de l'acropole d'Athènes; 3« art. (rela- 
tion très détaillée des inscriptions, sculptures, constructions et autres 
antiquités qu'on a trouvées sur l'emplacement du Dionysion. Important 
pour la topographie athénienne et pour l'histoire des cultes religieux 
de l'Attique, en particulier du culte d'Asklépios). — Lollino. Sikelia, 
près d'Athènes (cet intéressant mémoire d'un archéologue, mort depuis, 
a paru d'abord dans la Néa "EXXàc, I, 4874, journal aujourd'hui disparu). 



198 UGUBILS PfRIODIQU». 

— H. DE Fritze. Des bas-reliefs où sont représentés des repas offerts à 
des morts (ces bas-reliefs avaient une destination sépulcrale ; les repré- 
sentations ont pour objet de montrer le mort transformé en héros et 
goûtant dans Tau-delà les joies d'un étemel banquet. Détails sur un 
bas-relief d'Eleusis où se trouve figuré un semblable festin fanéraire). 

— WoLTBRS. Un mode d'ensevelissement chez les Grecs (c'était un 
usage dans la Grèce antique de placer un bandeau autour du menton du 
mort. Signale divers bandeaux en or, servant à cet usage, qu'on a trou- 
vés dans des tombes). — Rapport sur les inscriptions et antiquités 
récemment trouvées en Grèce, en Turquie et dans TÂsie Blineure ; suite 
dans Heft 4. =: Heft 4, 1896. Wide. Âphidna, dans le nord de l'Attique 
(rapport sur une nouvelle campagne de fouilles exécutées aux environs 
d'Aphidna ; on y a découvert entre autres un grand tumulus avec des 
objets d'art de l'époque prémycénienne. Considérations sur le dévelop- 
pement du plus ancien art grec et sur ses rapports avec Tart mycénien). 

— Kretschmer. Recherches sur l'histoire de l'alphabet grec. — A. Wil- 
HELM. Inscriptions de l'Attique (quatre pièces). — FRiSNKEL. Mélanges 
épigraphiques (i<> sur l'inscription dite de Kamo, publiée par Rœhl, 
/. G, A.j 324; détails sur l'usage de sacrifier un porc aux mariages; 
2° une inscription de Mégare; 3° inscriptions d'Olympie). — Kgerte. 
Un jeton de vote attique (ce 4^oc a été trouvé en 1892 sur le versant 
de l'acropole. Détails sur l'organisation judiciaire à Athènes et sur la 
manière de voter dans les tribunaux athéniens). — Hiller de G^rtrin- 
GEN. Pour servir à l'histoire de Karpathos (analyse de l'ouvrage récent 
de Mamolakis sur cette île ; publie quatre inscriptions). = Rœmisehê 
Abtheilung. Bd. XI, Heft 3, 1896. Gh. Huelsen. Recherches sur la topo- 
graphie du mont Palatin ; b^ art. (pense que le temple d'Apollon pala- 
tin se trouvait à l'angle oriental de la colline, sur la hauteur de 
8.-Sebastiano). — Id. Une peinture antique (trouvée en 1668 par Bar- 
toli et reproduite par G.-P. Bellori dans ïlchnographia veteris Romne; 
elle offre une description de la Rome antique). — Id. Mélanges épigra- 
phiques ; suite (!<> article très détaillé sur les marques à jouer chez les 
Romains ; 2° inscription de Gasalbordino relative au légat Fuficius Gor- 
nutus d'environ 140-146 ap. J.-C; 3<> inscription trouvée dans les 
thermes de Tarente). — Petersen. Rapport sur des objets antiques 
récemment découverts en Italie. =: Heft 4. A. Mau. Le temple de la 
Fortuna-Augusta à Pompéi. — Id. Le temple des Lares à Pompéi. — 
Petersen. Le monument d'Adamklissa dans la Dobroudja (ce monument 
fut consacré en 109 ap. J.-G.; les scènes guerrières qui y sont figurées 
appartiennent à l'époque qui précéda les guerres de Trajan contre les 
Daces. Important pour l'histoire des guerres de cet empereur). — Ros- 
TowzEW. Anabolicum (ce terme désignait un impôt romain sur le verre, 
le lin, le chanvre, le papier, etc., que l'auteur montre avoir existé du 
i*' au ni« siècle). 

39. — Neue Jahrbflcher fOr Philoloc^e and Pœdagosik. 

Bd. GLV-GLVI, Heft 2, 1897. — A. Wilms. Le champ de bataiUe dans 



RBCUBILS PtfRIODlQUBS. <I99 

la forêt de Teutobourg; suite, fin dans Heft 3 (après un examen très 
minutieux des témoignages fournis par les auteurs classiques, l'auteur 
cherche à montrer que l'endroit oit se trouvait le camp de Yarus était 
sur remplacement actuel de Detmold. C'est près de Detmold, au sud 
de la colline d'Osning, à « Grotenburg, » qu'a eu lieu la destruction 
de l'armée romaine en l'an 9 après J.-C. CSombat les hypothèses de 
Knoke sur la localisation de la bataille). — F. Yooel. La retraite de 
Xerxès après la bataille de Salamine (approuve les idées exprimées par 
Welzhofer et attire l'attention sur un passage de Xénophon, Anah., I, 
2, 9, sur la construction par Xerxès de la forteresse de Kelainai). — - 
NiEMEYER. Explication de quelques passages d'Ammien Marcellin, 
livres XV-XXXI. =: Heft 3. G. Friedrich. L'œuvre historique de 
Thucydide; !•' art. — Fulda. L'oracle de Celaeno dans Virgile, Enéide, 
m, 209 et suiv. 

40. — Philologus. Bd. LV, Heft 3, 4896. •— Heisterberok. Muni- 
ceps (étudie le sens et la situation juridique des c municipes » romains. 
 l'origine, il y eut deux groupes très différents de o municipes : » 
i» les ff peregrini » émigrés à Rome, qui prenaient part à quelques 
« munera » ou prestations pour l'État, mais qui ne pouvaient exercer 
aucune fonction publique ; 2» les magistrats des colonies latines et des 
viUes alliées appelés « municipes • parce qu'ils étaient revêtus de fonc- 
tions publiques et comptaient comme citoyens romains. Cette seconde 
catégorie de c municipes i s'accrut rapidement par le seul fait qu'elle 
comprenait tous les fonctionnaires, anciens et nouveaux ; elle prit le 
nom de c municipium, » qui peu à peu servit à désigner ces colonies 
et ces villes alliées. Les « municipes » latins dans les provinces, sur- 
tout en Espagne, étaient ainsi nommés parce que, possédant le droit 
latin, leurs magistrats c municipes » reçurent, avec leur famille, l'ac- 
cès au droit de cité; sous le nom de « municipium, t ils constituèrent 
la plus importante partie de la population dans ces villes). — G. Wey- 
MAHN. Contributions à l'histoire de la littérature chrétienne primitive 
(lo sur quelques passages du discours d'action de grâces de Gregorius 
Thaumaturgus à Origène ; 2<> sur les sermons de l'évêque de Ravenne 
Petrus Chrysologus ; 3^ de l'époque où a été composée la Vita Martini 
de Sulpice Sévère; h9 traces de la lecture des classiques dans la litté- 
rature romaine postérieure). -~ Baunack. Nouveaux fragments des lois 
de Gortyne, texte et commentaire. — Th. Zielinski. Les Trachiniennes 
(étude sur l'histoire du mythe d'Hercule). — O. Crusius. Les mss. illus- 
trés de Térence (les scènes comiques dessinées sur certains mss. de 
Térence remontent à l'antiquité). — lo. La danse des Ménades. — 
Krasghbninnikoff. Epigraphica (correction aux inscriptions C, I. L, I, 
603; IX, 3513; IX, 4549). = Heft 4. A. de Premerstein. La mytho- 
logie dans l'Hélène d'Euripide (dans ce drame deux sources ont été 
fondues ensemble : le fond a été fourni par le mythe raconté par 8té- 
sichore; Euripide a combiné avec cette fable les mythes qu'il avait 
imaginés lui-môme dans son Iphigénie à Tauris). — O.-E. Sghhidt. 



2M ucniLs 

I>» mja, des Lettres de CLcénxL 4 Aiûcai •> ood. Medienu doit élre 
pris 0!>maie Timiq^Le base poor réttbiissefneal da lexte*. — J.-L. Hb- 
toA. Nodces poisite dans les biUîoihwpaes irnss. grecs de Plaisance, 
BemuDe, Mûni-Cassia, Venise; mss. de Safile à laRodléienup. Piiblîe 
an catàlûçtae ancien de la bibUûthêqae de i'Archi^îo di S. Pietro à 
Ki>me . ~ H. â< Jons. Sur i'iiistoire d'Athènes il* du mode d'élection 
des stnuégi» athéniens: t^ sur Drakontidês, homme d'État et sHatége 
aihéniea, 4^-404». 

41. — ZettachHIt Ar Assyriolosie. Bd. XI, Heft 4, 1897. — 
E. Lrmiâsa. Le peuple des Galias •complète et corrice V Histoire des 
Galku, texte éthiopien publié par Schleicher; fooniit de nombreuses 
variantes d'après an m?, de la bibliothèque de Vienne^. — Reishbb. 
Mesures de superficie usitées à Babylone i contre Oi^ierti. — Sgbeil. 
Une brique de Sennachérib avec mention probable du nom du meur- 
trier de ce roi. — Thcbeac-Dasgr. Quelques mots de métrologie. — 
C.-F. Lehxa5ï. Le cycle intercalaire en osase chez les Babyloniens 
i répond aux critiques d'Oppert dans les Comptes-rendus et au t. XI, 
Heft Z, de cette Zeitsehriftj. — Id. Le système chronologique de Bérose 
(combat les hypothèses de Gutschmid et de Peiser). 

42. — - Zeitachrift thr WBgyptïache Sprache and Altertlram»- 
knnde. Bd. XXXIV, Heft i, 18%. — W. Spiegelbeig. L'inscription 
triomphale du pharaon Memeptah sur la stèle découverte par Flinders 
Flétrie (publie le texte hiéroglyphique, avec une traduction et un com* 
mentaire). — H.-O. Lahge. Deux inscriptions des princes d'Hermon- 
this (no 1 au musée Carlsberg de Copenhague; n« 2 au musée de Ber- 
lin. Elles proviennent d'un tombeau de la Xl« dynastie à Louqsor. 
Texte, traduction et commentaire). — Grifffth. La c doctrine d'Ame- 
nemhat • (texte, traduction et commentaire de ce document, qui est 
le testament politique du roi Amenemhat, adressé à son fils Ouserte- 
seu). — Steirdorff. Quatre tombeaux du temps d'Aménophis IV au 
musée de Gizeh. — L. Borchardt. Dessins de l'antique Egypte repré- 
sentant des plans d'architecture. — Cari Schmidt. Une étiquette de 
momie en langue grecque. — C. Pœhl. Un dernier mot sur la statue 
A 93 du Louvre (réfute les observations présentées par A. Baillet au 
t. XXXIII de cette Zeiischrift). — Bruqsch-Bey. Notices (1« une ins- 
cription tumulaire; 2^ poids de pierre). — Grum. Une malédiction 
(texte, traduction et commentaire d'un ms. copte). z= Heft 2. Ventre- 
Pacha. Crues modernes et crues anciennes du Nil. — G. Steindorff. 
Maison et temple (le plan fondamental de la maison égyptienne a fourni 
le modèle pour la construction du temple égyptien et plus tard aussi 
des tombes en pierre). — Legrain. Textes gravés sur le quai de Kar- 
nak. — Id. Les crues du Nil depuis Sheshong I*' jusqu'à Psamétique. 
— L. Borchardt. Pour servir à Thistoire du temple d'Ammon à Louq- 
sor (d'après la notice explicative des ruines de ce temple par G. Da- 
ressy). — H.-O. Lange. L'aspect du texte des inscriptions gravées sur 



RBCUBILS PERIODIQUES. 204 

les pyramides (d'après les estampages qui se trouvent à la Bibliothèque 
nationale de Paris). — Ad. Eamar. Les obélisques de Tépoque impé- 
riale (étudie les inscriptions des deux obélisques de Bénévent). — 
H. ScHiBFER. Antiquités de Negadeh au musée de Berlin. — Eutino. 
Inscription hébraïque d'Antinoë, du i*** s. ap. J.-G. 

43. — ZeitschHft ftir romanische PhUoloi^e. Bd. XXI, Heft i, 
4897. — H. Peters. La langue et la versification de la chronique de 
Fioreffe (avec une étude sur la formation et sur l'auteur de cette chro- 
nique). — BoRiNSKi. Le canzone de Dante en Thonneur de l'empereur 
Henri VII (ce poème n'est pas Tœuvre de Dante, mais sans doute de 
Gino de Pistoie. Donne une nouvelle édition critique du poème ainsi 
que du poème de Gino sur la mort de l'empereur Henri VU). — Ph.-A. 
BfiCKER. Le manuel de la comtesse Duoda (publié en 4887 par Bondu- 
rand. Recherches sur la famille de la comtesse; analyse du manuel et 
recherches sur les sources). = Heft 2. Bloetb. Le chevalier au cygne 
historique (cherche à répondre aux deux questions suivantes : !<> Gom- 
ment en est-on venu à faire de Geoffroi de Bouillon et de ses frères les 
descendants d'un chevalier au cygne ? Quels sont les traits les plus 
anciens de la légende ? Cest le mariage du jeune frère de Geoffroi de 
Bouillon, Baudoin de Boulogne, avec Godehilde de Toêni, qui a donné 
naissance à la légende. Le grand-père de cette Godehilde, Roger de 
Toéni, mort vers 1040, avait, pendant sa vie, fourni la matière de la 
légende du chevalier au cygne). — 0. Schultz-Gora. Les lettres de 
Rambaut de Vaqueiras (répond aux critiques de Zenker et de Suchier). 
= Supplementhefk XVHI (Bd. XVHI, Heft 5), 4897. — A. Schulzb. 
Bibliographie romane pour Tannée 1893 (4,206 numéros; embrasse 
aussi l'histoire de la civilisation et le folk-lore). 

44. — Mittheilangen ans dem germanischen Nationalmiiseam 
in Nllrnberg. 1896. — Bauch. Un élève oublié d'Albert Durer (Georges 
Schlenk, mort en 1557. Biographie d'après des documents inédits). — 
Hampe. Les mémoires de Georges-Frédéric Bezold, pasteur à Wilden- 
thierbach, dans le territoire de la ville impériale de Rothenburg (vers 
1750. Ges mémoires contiennent de nombreuses copies de feuilles 
volantes, de pamphlets et d'articles de journaux du temps). — Hampe. 
Un traité sur la peste de 1482 (par Hans Falz; extraits). — G. ScHiE- 
FEB. La collection de monnaies nurembergeoises formée par le cheva- 
lier Jean-Ghristophe-Sigismond de Kress (commencée au xvm* siècle, 
elle est aujourd'hui en la possession du musée national). — Hampe. 
Pèlerins allemands à Saint-Jacques de Gompostelle au moyen âge 
(publie entre autres le journal du nurembergeois Sebald Œrtel, qui y 
fit un pèlerinage en 4524-1522). 

46. — Zeiischrift flir deotsches Alterthum and deotsche Li- 
tarator. Bd. XLI, Heft 1, 1896. — LiBMMERHrirr. Riidiger de Bechla- 
ren (l'origine du margrave Riidiger de Bechlaren qui joue un rôle 
important dans la légende héroïque de l'Allemagne est encore obscure; 



202 uscimiLs périodiques. 

on Ta souvent considéré comme nne figure de l'olympe germanique. 
Le margrave est sans doute une création poétique imaginée au x" siècle 
par l'évèque de Passau, Piligrim; elle était étrangère à l'ancienne 
légende héroïque de l'Allemagne; Tauteur se proposa sans doute de 
personnifier la situation de l'Ostmark et de ses rapports si variables 
avec l'empire d'Allemagne et avec les pays voisins de Test au ix« et au 
X* siècle). — £. Sghrobder. La légende héroïque de l'Allemagne dans 
les Annales Quedlinburgenses (les données fournies par cette chronique 
sur les héros légendaires de l'Allemagne sont d'origine anglo-saxonne ; 
la source est un exemplaire interpolé et glosé de la chronique univer- 
selle de Bède. Ce même texte a été utilisé par la Chronique de Wurz- 
bourg rédigée vers 1050, et publ. Mon, Germ, Scriptor,, VI, 17-31). — 
NiEDNER. Recherches sur TEdda (étudie entre autres la question de 
savoir si les poèmes de l'Edda sont d'origine purement germanique et 
payenne ou s'ils reposent sur des idées chrétiennes et si une partie de 
ces poèmes a été composée dans le Groenland). — Much. Les « Asca- 
rii » (nommés parmi les troupes auxiliaires dans la Noiitia dignitatum ; 
c'était une troupe germanique qui tirait son nom de son arme natio- 
nale, la lance, ask), — Id. Le nom du roi Gapt (ce nom a été porté par 
le plus ancien roi des Goths; la forme primitive était sans doute Gaut). 
=: Comptes-rendus : Hauffen. Die deutsche Sprachinsel Gottschee (bon). 

— Holz. Die germanische Vôlkertafel des Ptolemaeus (peu satisfaisant; 
nombreuses critiques par Much). — Geiger, Berlin, 1688-1840 (insuffi- 
sant). — Usener, Gœtter-Namen (remarquable). =: Heft 2. Much. Les 
villes dans la description de la Germanie par Ptolémée (étude sur Téty- 
mologie du nom et identification d'un grand nombre de villes citées 
par Ptolémée. Important pour montrer l'extension de l'élément cel- 
tique en Allemagne). — Henning. Le roi anglo-saxon Sceaf (on a pré- 
tendu que ce roi avait été introduit à tort et par suite d'un contre-sens 
dans les généalogies anglo-saxonnes; cette opinion est erronée. Re- 
cherches sur ces généalogies anglo-saxonnes). — Sebbiubllbr. Un 
poème historique sur l'empereur Frédéric III et sur ses luttes contre 
Christoph Wolfsauer (de 1441 ; texte et commentaire). — Pbem. Un 
poème satirique sur les paysans, du xv« siècle. — R.-M. Meyer. Le 
géant Ymi dans la mythologie allemande (combat les idées d'E.-M. 
Meyer). — Wrbde. Rapports sur les résultats consignés dans les plus 
récentes cartes de l'Atlas linguistique de l'empire allemand dressé par 
Wenker. = Comptes-rendus : Lœwe. Die Reste der Germanen am 
Schwarzen Meere (important; critiques présentées par Tomaschek). — 
Reeb, GermanischeNamenauf rheinischeinschriften (sans grande valeur). 

— Olrik. Hilderne til Sakses oldhistorie (important). — Schnorr. Eras- 
mus Alberus (important). — Becker, Der mittelalterliche Minne-Dienst 
in Deutschland (n'est pas autrement important). 

46. — Zeitschrift des deotschen Palœstina Vereins. Bd. XIX, 
Heft 1, 1896. — Blangkenhorn. Origine et histoire de la Mer morte 
(recherches sur la topographie des villes situées autrefois sur les bords 



RECUEOS PERIODIQUES. 208 

de cette mer et sar les causes qui amenèrent leur ruine). — Gutb. Le 
tombeau des patriarches à Hébron en 1119 (addition au mémoire publié 
Bd XVII, p. 238 et suiv. de la Zeitschrift), — Rcehright. Notices rela- 
tives à la topographie de la Palestine, qui se trouvent dans l'œuvre 
historique de Makrizi. =: Heft 2. Id. Le pèlerinage de Christian Per- 
band de Kœnigsberg à Jérusalem, 1614-4616 (extraits de son journal 
de voyage, conservé dans un ms. de la bibliothèque royale de Berlin). 

— M. Van Berchem. Inscriptions arabes de la Syrie. — Prasek. Un 
pèlerin bohémien en Palestine du xv« siècle (Martin Kabatnik, membre 
de r Unité des frères bohèmes, fut chargé par TUnité, en 1490, de par- 
courir la Palestine et TÉgypte, de recueillir des renseignements sur les 
communautés chrétiennes qui y étaient établies et de nouer avec elles 
des relations. Brève analyse de sa relation de voyage). = Heft 3. 
H. VON HiTROwo. De la nécessité de prendre de nouvelles vues photo- 
graphiques des ruines de Palestine et de Syrie. — Rectifications et 
additions à la carte des environs immédiats de Jérusalem au t. XVIII 
de cette Zeitschrift. — - ScmcK et Benzinger. Carte des environs à longue 
distance de Jérusalem (localités et routes antiques; liste détaillée des 
noms et commentaire). — A. Sghlatter. Résultats des fouilles récentes 
entreprises par J. de Niese en ce qui concerne la topographie antique 
de la Palestine. 

47. — ZeitschHft flir Ethnoloirle. Jahrg. XXIX, Heft 1, 1897. 

— Sghoetbnsack. La préhistoire dans l'Italie méridionale et à Tunis 
(notices sur les antiquités préhistoriques conservées dans les musées 
de Rome, Naples, Tarente, Bari, Girgenti, Palerme, Tunis, Cagliari, 
et dans un certain nombre de collections particulières ; avec de nom- 
breux dessins). := Comptes-rendus : Tappeiner. Der europaeische Mensch 
und die Tiroler (bon). — Niederle. Ueber den Ursprung der Slaven 
(excellent). 

48. — Anglia. Bd. XIX, Heft 1, 1896. — Holthausen. Recettes, 
prières et exorcismes d'après deux mss. de Stockholm. =: Heft 3, 1897. 
G. Sarrazin. La salle de Heorot dans la légende de Beowulf (étudie avec 
soin quel est le fondement historique des combats décrits dans cette 
légende ; important pour faire connaître les plus anciens rapports entre 
les Danois et les peuples allemands voisins). — Id. Le culte du dieu 
Baldr dans l'île de Séeland (addition au précédent mémoire). 

49. — Nord und Sfld. 1897, mars. — Kuntze. Que signifie le mot 
c Deutsch? f (étudie les désignations diverses qui, pendant le moyen 
âge, ont été appliquées aux différents peuples allemands, telles que 
Franci, Germani, Teutones, etc., ainsi que l'histoire et les significations 
différentes du mot « diutisk i). — C. Blind. La question irlandaise, 
selon Gœthe et Heine. — A. Wuerscue. Jeux allemands au moyen âge. 
=: Avril. F. KuNZB. La soie à la lumière de l'histoire de la civilisation. 
=: Mai. Beiling. Paris après le siège et pendant la Commune (d'après 
les souvenirs de l'auteur qui demeurait à cette époque dans un lycée 



204 IBGUBILS P<1I0D1QUB8. 

de Paris; fin en juin). — E. Sghwartz. Les codes civils en Allemagne 
et lears antenrs (histoire des efforts accomplis au xvm« et au xix* siècle 
pour codifier le droit civil de l'Allemagne et des États particuliers). = 
Juin. AcHELis. Mythologie et démographie (la linguistique ne suffit pas 
à elle toute seule pour résoudre les problèmes mythologiques; une 
étude complète des problèmes mythologiques doit avoir Tethnographie 
pour base essentielle). 

50. — - K. Baierische Akademie der "Wisseiischafteii. Sitzungs- 
berichte der philosophisch-philologischen und historischen Classe. 
1897, Heft 1. — W. Geigbr. La langue des Rodiyas à Geylan (le 
peuple et la langue des Rodiyas sont étroitement apparentés avec ceux 
des Cingalais). — 6. Cueistenser. Les sources du poème byzantin sur 
Alexandre-le-Grand (composé entre 1200 et 1350; la principale source 
de l'auteur est le pseudo-Cal listhène ; il en utilisa d'autres, telles que 
Georgius Monachus. Recherches très approfondies sur les diverses 
rédactions et versions du roman du pseudo-Callisthène qui montrent 
de l'analogie avec le poème). =: Heft 2. Alf. Dove. Étude sur la pério- 
dologie; 2« art. (parait dans les Àbfiandlungen), — H. Riggauer. Un 
numismate ignoré du xvi« siècle (Jean-Baptiste Fickler, directeur du 
cabinet des médailles de Télecteur Maximiiien de Bavière depuis 1597. 
Sa vie et ses travaux). — G.-F. Unoer. Sur Flavius Josèphe; suite 
(4o histoire de la république de Jérusalem de 57-47 av. J.-C., contenant 
un exposé détaillé de l'histoire juive à cette époque; b^ l'histoire per- 
due de Josèphe ; c'était une histoire détaillée de la Syrie depuis l'expé- 
dition d'Alexandre-le-Grand contre les Perses jusqu'en 90 av. J.-C.). 
— L. Traubb. La règle de saint Benoît ; histoire du texte (paraît dans 
les Àbhandlungen), — FuRTWiENGLER. Adamklissi (répond aux critiques 
de Peterseu, Cichorius et Benndorf ; maintient que ce monument a été 
érigé en 28 av. J.-C. pour célébrer la victoire de Crassus sur les Bas- 
tarnes, et qu'il a été consacré à nouveau et agrandi par Trajan). — 
Id. Athena Lemnia (les clérouques athéniens à Lemnos ont Mt, comme 
on sait, ériger par Phidias une statue à la déesse Athèna sur l'acro- 
pole d'Athènes ; une copie de ce monument perdu est fournie par un 
bas-relief qui a été récemment trouvé dans le sanctuaire d'Asclépios à 
Ëpidaure). 

51.— K. Prenssische Akademie der 'Wissenschaften. Sitzungs- 
berichte. Jahrg. 1897, Stûck27. — A. Weber. Études védiques; suite 
(le boudhisme avait enseigné que l'homme doit se délivrer des souf- 
frances de la vie sans un aide extérieur et divin ; en conséquence, il a 
subordonné les dieux à l'homme. Il trouva des points d'attache pour 
cette doctrine dans le brahmanisme et dans les Yédas. Le développe- 
ment du rituel védique avait amené à ceci que les prêtres, connaissant 
la manière de gagner l'assistance divine, prétendaient forcer cette assis- 
tance par leurs formules et leurs rites et commander ainsi aux dieux). 
=: Stûck 29. Conze. Rapport annuel sur les travaux de l'Iiistitut archéo- 



RBCUBILS PERIODIQUES. 205 

logique allemand. =: Stûck 31. Erman. Une iûscription sur tablette 
d'argile de l'antique Babylone (lettre du roi de Babylone Hammurabi 
au roi de Larsam Sinidiunam). — E. Ziebarth. Nouvelles inscriptions 
d'hypothèques trouvées à Athènes (22 d'Athènes et 2 d'Amorgos; 
remarques sur la forme, le contenu et la signification de ces documents 
appelés 5poi; important pour la connaissance du droit hypothécaire 
à Athènes). ^ Stûck 33. Yahlbn. Discours pour l'anniversaire de la 
naissance de Leibnitz (les travaux philosophiques de Leibnitz ; ce qu'il 
a tiré de son propre fond, et les influences qu'il a subies). — Koser et 
Lbnz. Discours de réception. = Stiick 35. Borghardt. L'âge du sphinx 
de Giseh (il appartient à l'époque dite du moyen empire, vers 2000 ans 
av. J.-G. Entre les pattes du sphinx il y avait une statue de divinité). 

— Ad. Harnagk. Les « Ordinationes • des papes dans le Livre pontiû- 
cal (on n'a pas encore étudié jusqu'ici les données fournies par cha- 
cune des biographies de ce livre sur les ordinations de prôtres faites 
par les papes. L'auteur montre, en s'appuyant sur des observations 
internes et sur une lettre du pape Gélase, qu'une partie de ces données 
est tirée d'une liste officielle de ces ordinations. Cette liste est sûre à 
partir de Tan 468 et va jusqu'en 536. On attendait toujours qu'il y eût 
un grand nombre de vacances dans le clergé romain avant que le pape 
procédât â de nouvelles ordinations). 

62. — Beitrœge zar Oeschichte der Stadt BachholB in Sach- 
sen. Heft 1, 1895. — Bartscu. Origines de la ville de Buchholz (vers 
1501 ; publie le privilège électoral pour la commune de Buchholz de 
1501). — Bernharot. La société de tir de Buchholz, de 1535 jusqu'à 
nos jours. *— Bartsch. Établissement d'un marché hebdomadaire à 
Buchholz en 1512. — Id. L'ordonnance minière de Buchholz en 1507; 
suite dans Heft 2. =: Heft 2. lo. La brasserie et les débits de boisson 
à Buchholz en 1501-1550. — Id. Rapports de Buchholz avec le monas- 
tère cistercien de Griinhain, 1501-1514. 

63. — BeitrsBge sur Qeschichte des Stiftes "Werden (Rheinpro- 
Yinz). Heft 5, 1896. •— Jacobs. Annales du chapitre de Werden (pré- 
cieux recueil des sources narratives que l'on possède pour l'histoire de 
ce chapitre; édition critique; art. de 240 p.). 

54. — Beitrage srar Oeschichte des Niederrheins. Jahrbuch 
des Dûsseldorfer Geschichts-Vereins. Bd. XI, 1897. — Schaarsghmidt. 
Portraits princiers dans la galerie de l'Académie des arts de Dussel- 
dorf. — KuBGH. Contributions à l'histoire de l'art de Dusseldorf (l"* le 
tombeau du duc Guillaume UI en 1599 ; 2<> histoire de la construction 
de l'église Saint-André au xvu« et au xvm« s.). — Paul-Marie de Loe. 
Tentatives pour réformer le monastère dominicain de Wesel, 1460-1471. 

— O.-R. Rbdugh. La politique française dans la vallée du Rhin infé- 
rieur au commencement du xvi* siècle (expose les efforts tentés par le 
roi Louis XU pour conclure une étroite alliance avec les ducs de Juliers 
et de Clèves et pour les opposer à la politique des Habsbourg; son 



206 RECUEILS piSriodiques. 

moyen principal était d'amener ces ducs à vivre en bons termes avec 
le duc de Gueidre Charles. Par contre, l'empereur Maximilien s'efforça 
de fomenter les hostilités entre Gueidre, Glèves et Juliers. Par l'in- 
fluence de la France, fut formé le plan d'un mariage entre le duc de 
Gueidre Charles et la princesse Anne de Glèves; ce projet occupa, 
durant sept années, les hommes d'État de Juliers et de Glèves. Eu 1519, 
Juliers et Glèves se détournèrent de Talliance française et s'unirent à 
Gharles-Quint. Publie six documents importants des années 1514-1516). 
= Gomptes-rendus : Das Martyrium der thebaeischen Jungfrauen in 
Kœln (insuffisant). — Halkin. Étude historique sur la culture de la 
vigne en Belgique (très bon). — Binz. Johann Weyer, der erste Be- 
kœmpfer des Hexenwahns (très important). 

55. — Beitrœge zur Geschichte Dortmnnds nnd der Graf- 
schaft Mark. Heft 7. — Gronemeyer. Procès- verbaux du conseil 
municipal de Dortmund, 1604-1617. — Ruebel. La guerre et le recrute- 
ment à Dortmund au xvni<» s. (art. très intéressant, d'après des docu- 
ments inédits). — B^oeker. Le procès du syndic Beurhaus contre le 
conseil de Dortmund, 1763-1828 (intéressant pour l'histoire des mœurs). 
— Ruebel. Le dernier hommage prêté à l'empereur par la ville impé- 
riale de Dortmund, 1742. — Id. L'histoire des postes au xvru« s. = 
Heft 8. L). Inventaire des archives municipales de Dortmund (53 p.). 

56. — Bonner Jahrbacher. Heft 100, 1896. — E. Renard. Les 
constructions des électeurs de Gologne Joseph-Glément et Glément- 
Auguste ; contribution à l'histoire du style rococo en Allemagne ; suite, 
1725-1760 (art. de 102 p. avec de nombreux dessins). — G. Sghuhmachbr. 
Des différentes périodes de la céramique romaine. — Jcerres. Superi- 
Ubii (les noms a Super • et c Superinius » appartiennent d'une manière 
frappante surtout aux personnes qui vivaient dans les environs de 
Gologne. Le peuple des « Superi » est identique à celui des « Ubii. » 
Le nom germain de « Superi i a été communiqué à Gésar par ses 
interprètes gaulois sous la forme c Ubii i avec une racine celtisée et 
une terminaison celtique). — Knigkenbero. Antiquités romaines trou- 
vées à Bonn dans le Rhin et près du Rhin (sont-ce des restes d'un pont 
romain?). — Id. Tombeaux romains trouvés à Bonn. — Rapports sur 
les travaux de la commission des monuments historiques de la pro- 
vince rhénane en 1893-1896. — Rapports sur les travaux des musées 
provinciaux de Bonn et de Trêves en 1895-1896. — Rapports sur les 
travaux des sociétés historiques et sur les accroissements des collec- 
tions des villes et des sociétés de la province rhénane. = Gomptes- 
rendus : Die Sammlung rômischer Alterthûmer von G. -A. Niessen in 
Kœln (important). — Piper, Burgen-Kunde (excellent). — A. Mûller. 
Das Martyrium der hl. Ursula und ihrer Gesellschaft (manqué). 

57. — Braanschweigisches Magasin. Bd. U, 1896. — Vgobs. 
Gontributions à la préhistoire du pays de Brunswick. — Andrée. 
Objets de Tépoque du cuivre au musée municipal de Brunswick. — - 



RBCUBIL8 PiRIODlQUES. 207 

0. DB Hbinemann. Le prétendu meurtre du dernier seigneur de Ham- 
burg et le transfert de sa seigneurie à la maison de Brunswick (le récit 
du meurtre ne repose sur aucun témoignage historique ; on aura sans 
doute confondu cet événement avec un événement semblable du com- 
mencement du xui« siècle). — Zimmbriiann. Quand et où le duc Chris- 
tian de Brunswick a-t-il appris à connaître la reine Elisabeth de 
Bohême ? (à Wolfenbuttel, en 1620). — Dedekind. Lettres écrites par 
Emperius, directeur du musée de Brunswick, et par sa ûUe, de Paris, 
en 1815 (Ëmperius avait été chargé de ramener à Brunswick les objets 
d'art transportés à Paris. Publie 19 lettres intéressantes pour Thistoire 
de cette année-là). — Kgbrber. La principauté de Blankenburg et les 
derniers jours de son indépendance, 1819-1820. — R. Fruebling. De 
la part prise par les troupes brunswicoises à la bataille de Vendôme, 
le 31 déc. 1870). — Bringkmann. L'artillerie brunswicoise aux batailles 
de Vendôme et du Mans en 1870. — Eooblin. Anne- Amélie de Saxe- 
Weimar, née princesse de Brunswick, 1739-1807 (mère du grand-duc 
Charles- Auguste de Weimar; biographie détaillée). — Zimmermanm. 
Kant appelé à T Université de Helmstadt en 1794 (le duc de Brunswick, 
Charles-Guillaume, s'opposa à cette nomination). — H. Pfeifbr. Le 
monastère cistercien d'Amelungsborn et son église. — Gerloff. Les 
fortifications de la ville de Brunswick au xvii* et au xvm* siècle. — 
KoLDEWEY. Les projets de J.-H. Campe pour la réforme scolaire en 
Brunswick, 1785. 

58. — Hansische Geschichtsblœtter. Jahrg. 1895. Leipzig, 1896. 
— F. F^iuppi. ff Weichbild. » (étude approfondie sur l'origine et la 
signification du « Weichbild; » cette institution juridique se rencontre 
d'abord en Westphalie et à la fin du xu« s. C'est à l'origine le droit de 
concéder une rente foncière ; ce droit se distingue en plusieurs points 
essentiels de la concession de terre à titre héréditaire qui était alors 
d'un usage général ; plus tard, le mot fut étendu aux établissements 
urbains qui furent créés sur la base de ce droit de Weichbild. Expose 
les développements divers qu'a reçus ce droit dans les diverses régions 
de l'Allemagne du Nord). — Brehmer. Un procès en cour de Rome à 
la fin du xiv*" siècle (procès d'un prêtre de Rostock, Michel Hildensen, 
contre le conseil de Rostock, en 1371; le demandeur avait été accusé 
par le conseil d'avoir, par des mixtures empoisonnées, produit la peste 
de 1350 et avait été fort maltraité à cette occasion. Le procès montre 
les mauvais côtés des tribunaux ecclésiastiques à cette époque). — 
Rbbse. L'industrie du lin à Bielefeld, du xv* au xix* siècle. — H. Keus- 
SBif. Le diplomate pontifical Minucci et la Hanse (dans les papiers de 
ce diplomate, qui ont été en grande partie achetés en 1892 pour l'ins- 
titut historique de Prusse, et fournissent d'importantes indications pour 
l'histoire de la Hanse en 1580-1589. Détails sur l'histoire de la Hanse, 
ses luttes avec l'Angleterre et les plans du duc d'Alençon en 1582). -— 
KuMBE. Statuts de la guilde des mariniers de Harlem se rendant à l'île 
de Schonen, 1416. — Brums. Histoire des joyaux de comptoir hanséa- 



ûq-x de î^KZfa liite àes vases fix <c d'ar^eKt qae I» marchands de 
Berpn TesdirRi: % fd^ poor fabT»cir aox frais de la gnerrei. — 
JuMaA5;â ec Rzzl3acm. I>>::i:a«:» reiaiifs u c Scahliiof > de Londies, 
i^i'à'l^ti. — E. Baajcs. Pcor lerrir à Ilii<;ûtxe dv serrîee lathérien 
à LiÂbo2i>?. I'!i-1TI5. — Kr33z. R&p{ti3rt ssr on voyage d^ècodes pour 
Vhisti^ir^ 'le la Rar.« à L^^ck. M^ckleohocrg et la Poméranie. — 
L. Snzs. Fup;^jn sur en Tcjaf? senibJabie en basw Saxe et en Prusse. 
= G-jBipu»-r»::d:is : Béhmé. Da5 Ob«r-Suii;bacii der Sudi Lôbeck 
limportan:,. — T:rr\«tni. ]>i« HizdlciLzsbwch des Vieko Ton Gelder- 
§ez, importas.: . — Khr^^i^rç, HamrTurgpad KiigUnd im Zeitalter der 
Kiïaijdn Elisabeth •Lofiiffisaiit;. — TK, Pyl. Pommerische Genealogîeii. 
Bd. rv u. V .boa». 

se. — Jahrbaek des historisekea Terefas IMlliBs«^ J^dug. IX, 
1^7. — A. DcEaiw^scHTEa. L'histoire da ihéàtre chez les Jésuites 
t d'après des ms«. provenant da colley des Jésuites de Dillingen). — 
C-M. Matei. Les rectears de ITniversité de Dillinsen, de 1548 à 1665. 

— Al. Wagiiee. Mathis Gemng. peintre soaabe da xn« siècle; sa Tie 
et ses œovres. — M. Kcksig. L'oraison fonèbre da cardinal Pierre de 
Schammberç, évéqne d'Aagsboorg, par maître Heinrich Lnr, 1469. — 
Bauhofeb. La ci-devant abbaye bénédictine d'Echenbnum, 1177-1773. 

— A. ScHiŒDEa. L'évëqne d'Aagsboarg, Christophe, et la pahlication 
de la balle Exurge, Domine, en 1520 (détails sar l'expansion da lathé- 
ranisme dans le diocèse d'Aassbourg à cette époque. Pablie 24 lettres 
échangées à propos de cette pahlication entre les évéqnes d'Aagsboarg, 
de Freising et d'Eichststt, le D^ J. Eck et Heinrichmann, vicaire gêné* 
rai d'Aagsboarg), — M. Schelles. Résultats des noavelles fouilles 
exécutées sur remplacement de Tancien camp romain de Faimingen. 

— KiRCHMAxx et Haibauer. Le cimetière alaman de Schretiheim. — 
Scm«£CHT. Réception de l'empereur Frédéric m à Ulm dans Tété de 
1473. — Id. Réception du légat pontifical, le cardinal S. Marco BartM), 
à Geislingen eu 1474. — Schlecht. Pour servir à rhistoire de TUni* 
versité de Dillingen 11» sur la liste perdue des gradués de cette Univers 
site ; 2o le « diarium alumnatus utriusque, tam pontificii qoam épis- 
copalis, » 1773-1776). 

80. — mttheiliingen an die MitgUeder des TereiBS fl&r Haa- 
sische Geschichte and Landeskande. Jahrg. 1894. — Baron db 
GiLSA. Pour servir à Thistoire de la guerre de Sept ans (opérations 
militaires en Hesse). — Eioenbrodt. Le chroniqueur Lambert de Hers- 
feld (son portrait, sources et valeur littéraire de ses Annales). — Wbngk. 
Conrad de Gelnhausen et sa politique ecclésiastique. — Lohmeyer. 
Liste des publications récentes relatives à Thistoire de la Hesse en 1894 
(367 no*). =: Jahrg. 1895. C. de Stamford. La campagne de Germaai- 
eus dans le pays des Chattes en 15 ap. J.-C. et la destruction de Mat- 
tium. — Lange. L'histoire ancienne du château de Schartenberg. — 
G. DE SrAicroaD. La campagne de Drusus et la bataille d'Arbalo en 



RECUEILS PERIODIQUES. 209 

il av. J.-G. — LoHMEYER. Liste des publications relatives à l'histoire 
de la Hesse en 1895 (374 n<»). 

61. — Mittheilongen ans dem Stadtarchiv von Kœin. Heft27, 
1896. — Keussen. Inventaire des lettres adressées à la ville de Cologne 
au XIV* et au xv« s.; suite, n»» 1028-1684. — Knipping. Inventaire des 
documents écrits sur papier du ly^ s. et des registres où étaient trans- 
crits les documents, de 1210 à 1450. 

62. — Mittheilungen des anthropologischen Vereins in Schles- 
-wlg-Holstein. Heft 9. Kiei, 1896. — G. Brubghmann. Une trouvaille de 
l'ancienne époque de la pierre (à Marienbad, dans le golfe de Neu- 
stadt, on a trouvé des armes et des vases nombreux de cette époque). 

— Mestorf. Couteaux en bronze avec figures trouvés en Hoistein. — Id. 
Monnaies arabes trouvées à Tembouchure de la Schlei. -~ Splieth. Os et 
crânes de Tépoque des grandes migrations trouvés dans Tile de Fœhr. ^ 
Heft. 10, 1897. Koell. Le cimetière de Pœtterberg dans la principauté 
de Lubeck (on y a trouvé des urnes de l'époque des grandes invasions). 

— Mestorf. Ceintures holsteinoises (décrit cinq ceintures de fer et de 
bronze en forme de chaîne; cette sorte de ceinture n'a encore été ren- 
contrée qu'en Uolstein; leur fabrication et leurs ornements présentent 
un mélange assez particulier des éléments de l'art à l'époque de La 
Tène et à celle de Hallstatt). 

63. — Mittheilongen des Vereins flir die Geschichte and 
Alterthnmsknnde von Erftart. Heft 18, 1896. — P. ZscmESCHE. La 
culture et le commerce du pastel à Erfurt (art. de 70 p., avec des pièces 
justificatives, de 1351 à 1733). — Œrgel. La « Bursa pauperum i à 
rUniversité d'Erfurt, 1418-1816, d'après des documents inédits. 

64. -~ Mittheilungen des Vereins fur die Geschichte nnd 
Landesknnde von Osnabrflck. Ed. XXI, 1896. — Mburer. François 
Guillaume, évoque d'Osnabrûck; suite, 1634-1662. — A. de Dubrino. 
liste des localités de l'ancien diocèse d'Osnabruck. — Prejawa. 
Recbercbes sur les chemins en planches construits pour traverser les 
marais sur les frontières d'Oldenbourg et de la Prusse et à Mellinghausen 
dans le district de Sulingen (étude très complète sur ces chemins, sur 
les différences qu'il y a entre ces chemins à Tépoque romaine et au 
moyen âge. Avec des cartes et des plans). — Plathner. Glissements 
survenus à des chemins en planches dans le « Dievenmoor » entre 
Domme et Hunterburg (ces ghssements proviennent de l'affaissement 
du marais lui-même; l'auteur estime que, depuis Tépoque romaine, 
ces chemins ont glissé vers l'est d'environ 180 mètres). — Hagke. L'Os- 
terberg, ancienne forteresse à l'est de Neuenhaus (elle est sans doute 
d'origine romaine). — Schuchhardt. Le prétendu camp de Yarus dans 
le Habichtswald (combat les hypothèses de Knoke). — Knoke. RJ,plique 
à l'article précédent. — Hamm. I^e cimetière des légions de Yarus dans 
le Habichtswald près de Leeden (combat les hypothèses de Knoke). — 
Khoke. Réplique à Tarticle précédent. 

Rev. Histor. LXY. 1«' pasc. 14 



240 EEGUEILS PéRIODIQUBS. 

65. — Monatsblœtter hgg. von der GefldUsohapft fllr Pom- 
mersche Geschichte und Alterthamskimde. Jahrg., 1896, n^* i-12. 

— G. Stephani. La corporation des orfèvres à Stettin aux xv«-xvn« s. 

— M. W. La généalogie de l'évéque Jean X de Gamin, 1343-1370 (ses 
rapports de parenté avec la maison princière de Poméranie). — BAmt- 
FELDT. Deniers trouvés à Fiddichow en Poméranie (14 deniers orien- 
taux et 30 deniers allemands et français du x« s.). — M. W. Les Tem- 
pliers en Poméranie (des possessions de l'ordre; elles reviennent pour 
la plupart à l'ordre de Malte). — Wehhmann. Pour servir à Thistoire 
de la famille Bugenhagen à Wollin (à cette famille appartient le réfor- 
mateur de la Poméranie, Bugenhagen, 1485-1558). — STUBEmuncH. 
Les tombeaux de Gumbin dans le cercle de Stolp, de l'époque du fer 
préromaine. — Id. Tombeaux préhistoriques à Bublitz ayant subi l'in- 
fluence romaine. — Wehrmann. Quel était le jour anniversaire de saint 
Otton en Poméranie? (c'était déjà au xm« s. le 1«' oct.). — Id. Le duc 
Gasimir V, seigneur de Dobrin de Bromberg, 1345-1370. — Stubeh- 
RAucH. Fortifications wendes près de Dramburg. — Weermann. Les 
écoles en Poméranie au xiv<> et au xv« s. — Id. La mort du duc Gasi- 
mir IV de Poméranie-Stettin en 1372 (intéressant pour rhistoire des 
luttes entre la Poméranie et le Brandebourg à cette époque). •— Id. 
Johann Willekini, évéque de Gamin, 1385-1386. 

66. — Neoe Heidelberger Jahrbflcher. Jahrg. YIII, Heft 1, 

1897. — Hausrath. Philippe Mélanchthon (simple esquisse). — Gomte 
DU MouLiN-EcKART. Treitschke et l'Alsace (dans les œuvres poétiques 
de sa jeunesse, Treitschke s'est beaucoup occupé de l'Alsace ; depuis 
1870 il porta son attention sur les affaires politiques de TAlsace et sur 
son histoire). — Fr.-Ëd. Sghmeegans. La légende populaire et la poé- 
sie héroïque de l'ancienne France (leçon pour l'habilitation comme 
privat-docent à l'Université de Heideiberg. La légende populaire n'est 
pas le fondement de l'ancienne épopée française, mais elle Ta souvent 
modifiée et enrichie. Gombat les hypothèses de Voretzsch, qui admet 
l'existence en France d'une légende héroïque indépendante). — Baron 
Max de Waldberq. Lettres de Jacques et Guillaume Ghmm, Lach- 
mann, Greuzer et J. de Lassberg à F.-J. Mone, 1817-1850 (important 
pour rhistoire de la philologie et des antiquités allemandes). — G. Helm. 
La légende de l'archevêque Udo de Magdebourg (publiée pour la pre- 
mière fois d'après un ms. de Munich. Le poème a été composé en 1325; 
il s'occupe du gouvernement et du meurtre de l'archevêque de Magde- 
bourg, Burchard lU, mort en 1325). 

67. — Neue BOttheilungen ans dem Gebiet historlBOh-anil- 
qaarischer Forschangen. Bd. XIX, Heft 3, 1897. — J. FasasTS- 
MANN. Fragment d'un registre municipal de la ville de Bemburg, dans 
la principauté d'Anhalt, 1401-1420. — G. Schceppe. Pour servir à l'his- 
toire de la ville de Naumbourg pendant la guerre des Paysans en 
Thuringe (article important, avec des extraits des registres munid- 



RECUEILS PERIODIQUES. 244 

paux). — G. Heine. Wichmann de Seeburg, archevôqae de Magde- 
boarg, 1152-1192. — Neubauer. La correspondance des villes et princes 
saxons et thuringiens conservée aux archives de l'État à Zerbst. ~ 
G. Bauch. La correspondance du Nurembergeois Christophe Scheurl 
(publiée par F. de Soden et G. Knaake; elle constitue, comme on sait, 
une source importante pour l'histoire du xvi« s. Gette édition offre 
cependant de nombreuses lacunes que Tauteur comble en donnant 
l'analyse d'un grand nombre de lettres de 1507 à 1521). — G. Liebe. 
Réquisitions faites par l'électeur de Saxe Jean-Frédéric à l'arsenal de 
Moritz-Burg, à Halle, en 1547. 

68. — Neues Archiv ftir die Geschichte der Stadt Heidelberg 
nnd der rheinischen Pfalz. Bd. U, Heft 1-4, 1894. — A. Mays et 
G. Ghrist. Liste des habitants du quatrième quartier de Heidelberg en 
1600 (art. détaillé de 260 p.). = Bd. IH, Heft 1, 1895. M. Hdpfschmid. 
Le château de Heidelberg depuis sa construction jusqu'à la fin du 
xvi« s. (rectifie, avec l'aide de pièces d'archives, l'histoire de ce château 
par Koch et Seitz; art. de 86 p.). =: Heft 2, 1896. G. Ghrist. Les armes 
et les couleurs de la ville de Heidelberg. — G. Obser. Les plus anciens 
journaux parus en Bade. — Thorbecke. Notes prises sur les registres 
ecclésiastiques de Heidelberg, xvi«-xvii« s. 

69. — Qoartalblœtter des historischen Vereins ftIr das 
6ro8sherzo|^iim Hessen. Bd. H, n» 3, 1896. — Koehl. Décou- 
vertes préhistoriques récemment faites à Worms et aux environs (de 
l'époque du bronze et du cuivre). — > Roesghen. Les souffrances du 
district de Midda et la destruction de Lissberg en 1796 par les troupes 
de Jourdan. — Otto. L'obligation de la milice bourgeoise au moyen 
âge (d'après les archives municipales de Butzbach et de Babenhausen). 
=: N» 4. E. Otto. Le D' Markus zum Lamb et son Thésaurus piciura^ 
rum (cet ouvrage, en 32 vol., a été composé dans la seconde moitié du 
xvi« s. et se trouve à la bibUothèque de la cour, â Darmstadt. Il con- 
tient de nombreux portraits de savants, d'anciennes impressions, des 
feuilles volantes, de vieilles gazettes, des notes sur les événements du 
temps; l'auteur, mort en 1606, était un théologien de Palatinat domi- 
cilié à Heidelberg). 

70. — Sammelblatt des historischen Vereins Eichstœtt. 

Jahrg. XI, 1896. — Rieder. Les quatre offices héréditaires du chapitre 
d'EichsUBtt; suite (histoire des familles qui exercèrent la charge héré- 
ditaire de maréchal, du xiii^s. au xix«). — J.-B. Gqetz. Liste du clergé 
séculier du diocèse d'Eichstœtt en 1761. — DnERRW^ECHTER. Histoire 
du théâtre au collège des Jésuites d'Eichstaett; suite. — Enolert. 
Fouilles exécutées sur le territoire de l'ancien château romain de Nas- 
senfels. — Sghlbght. Histoire des évoques élus d'Ëichstœtt (additions 
aux listes dressées par Popp et Sax). 

71. — Schlesiens Vorseit in BUd nnd IVort. Bd. VU, Heft 2, 
1897. — J. Epstein. Les orfèvres de Breslau de 1470 à 1753 (listes des 



242 ■■CPlIfi» P^KIODIQUIS. 

membres de cette corporation). — Seger. Les joyaux de la confrérie des 
tireurs à Bresiao, xy«-xix* s. — H. ScmiLz. Une corbeille de mariage 
princière ^inventaire des bijoux offerts à la margravine de JaBgemdorf, 
Eve-Christine, née duchesse de Wurtemberg, 1610). — Grempler. 
Objets en bronze trouvés à Lorzendorf près de Namslau, du v« au rv« s. 
av. J.-C. — Klose. Le cimetière de Goslawitz près d'Oppeln, de 
répoque récente du bronze. — Seger. Liste des découvertes archéolo- 
giques récemment faites en Silésie. 

72. — Schriflen der physikalisch-cakonomischeii Gesellschaft 
sa KoBiligsberg. Jahrg. XXXVII, 1896. — Jentzsch. Rapport sur 
ladministration du musée provincial de la Prusse orientale en 1893- 
1895 (données sur l'histoire primitive de la Prusse). — F. Rubhl. Les 
principes de la chronologie byzantine. — In. Le calendrier suédois au 
xviu« s. 

73. — Schriften des Oldenbnrger LsAdesTereins fllr Aiter- 
thumskunde und Landesgeschichte. Bd. XV. — Brcerdio. Le 
c Saterland • (pays situé sur la frontière occidentale du duché d'Olden- 
bourg; la population est d'origine frisonne. Description très détaillée 
du pays, de ses habitants, de leur situation économique, de leurs 
mœurs et usages, etc.; art. de 148 p., avec des illustrations). 

74. — Schriften des Vereins fllr die Geschichte Berlin. 

Heft 33, 1897. — F. Holtze. Un enterrement à Berlin en 1588 (publie 
un poème de Philippe Agricola surTenterrementdu chancelier brande- 
bourgeois Lampert Distelmeier). — lo. Pour servir à Thistoire du droit 
à Berlin (analyse les mémoires réunis dans une « Festschrift zum 
deutschen Anwaltstag, 1896 »). — Bolte. Le poème d'André Tharaeus 
intitulé : « la Complainte de l'orge et du lin • (de 1609 ; texte de ce 
poème, curieux pour la vie rurale dans la Marche de Brandebourg). 

75. — Schriften des Vereins fftr die Geschichte der Nenmark. 

Heft 5, 1897. ~ Galland. Gornelis Rychwart, architecte de la cour 
électorale de Brandebourg (détails sur les travaux qu'il dirigea, en par- 
ticulier sur la construction de la forteresse de Kûstrin, d'après des 
documents inédits de 1667 à 1693). — Gcetze. La Nouvelle-Marche à 
l'époque préhistorique (article très approfondi d'après des découvertes 
archéologiques, avec de nombreuses illustrations). 

76. — Schriften des Vereins fllr Sachsen- Meiningische Ge- 
schichte und Landeskunde. Heft 24, 1896. — Jacob. La préhistoire 
du duché de Meiningen (découvertes préhistoriques, forteresses, tom- 
beaux, etc.). — HuMAN. Les voyages de Jean-Gaspar Rœhrig, de Bir- 
kenfeld à Hildburghausen, en 1768-1776. 

77. — 'Warttembergische VierteUahrshefte fur Landosge- 
schichte. Neue Folge. Jahrg. V, Heft 1-2, 1896. — Th. Khapp. Le 
village de Hannshelm en Souabe (contribution intéressante à l'histoire 
de la classe des paysans en Allemagne du milieu du xv« s. jusqu'au 



RBGITEILS P^RIODIQITBS. 243 

commeDcement du xix<^; des rapports entre le servage et la possession 
du sol par les paysans, d'après un grand nombre de pièces d'archives. 
Art de 62 p.). — Joachimsohn. Les débuts de l'humanisme en Souabe 
(d'après de nombreux documents inédits. La vie, la correspondance et 
l'activité littéraire de Ludwig Rad, Niklas de Wyle, Theobald Seide- 
ner, Albrecht de Bonstetten, Heinrich Steinhœwel et autres huma- 
nistes souabes du xv" s.); suite dans Heft 3-4 (publie 36 lettres de 1449- 
il63). — - Merkle. Correspondance de la grande duchesse Catherine 
Paulowna, reine de Wurtemberg, avec le prof. J.-G. Millier de SchafiT- 
house (ce dernier était frère du célèbre historien Jean de Mûller; il 
avait d'étroites relations avec la reine, qui s'entretenait avec lui de 
questions religieuses et politiques. Publie un certain nombre de lettres 
échangées entre eux de 1814 à 1817). — W. Lang. Rudolf Lohbauer, 
1802-1873 (ofûcier dans sa jeunesse, puis artiste et littérateur, il se 
mêla activement depuis 1831 au mouvement révolutionnaire dans le 
sud de l'Allemagne; en 1832, il s'enfuit à Strasbourg et à Paris; de 
1846 à 1848, il publia à Berlin VAllgemeine Zeitung; depuis 1848, il 
professa à l'école militaire de Thouno. Extraits de sa correspondance 
inédite). — E. von Lcepfler. La t Gartengesellschaft » d'Ulm, 1789- 
1823 (détails sur le mouvement révolutionnaire à Ulm à la fin du 
xvni" s.). — C. Weller. Gottfried et Conrad de Hohenlohe au service 
de l'empereur Frédéric II et de ses fils Henri et Conrad IV, 1225-1256. 

— Schilling. Procès sur des vols de grand chemin de 1622 à 1634 (ces 
procès montrent l'insécurité des routes en Wurtemberg à cette époque). 

— DiEHL. Une charte inédite pour le monastère de Salem (la charte 
publiée dans le Codex diplomaticus Salemitanus sous le n^ 1032 appar- 
tient soit à l'année 1292, soit à 1307). = Heft 3-4, 1897. Nestlé. 
Remarques sur quelques noms propres gallo-romains sur des inscrip- 
tions romaines trouvées en Wurtemberg. — Josenhans. Une satire 
contre le gouverneur autrichien de Wurtemberg, comte de Sultz^ et le 
pillage du château de Stuttgart, 1638 (texte et notes explicatives). — 
Wintterlin. Le droit coutumier de Gûrtlingen, village voisin de 
Nagold, de 1405. — Th. Khapp. Remarques sur le servage dans l'Alle- 
magne du sud-ouest (en Bavière et à Heilbronn au xvnf« s.). — Steo^f. 
Analyse des articles de revue récemment publiés sur l'histoire du 
Wurtemberg — Mehring. Bulles pontificales relatives à l'histoire du 
Wurtemberg (catalogue de 81 actes de 1211-1306 extraits pour la plu- 
part des Registres de^ papes publiés par l'École française de Rome). — 
IiEiBius. Liste des livres et mémoires sur l'histoire du Wurtemberg qui 
ont été publiés en 1895. 

78. — Zeitschrift der historischen Gesellschaft f&r die Pro- 
vinz Posen. Jahrg. XI, Heft 1-2, 1896. — H. Zeghlin. La bataille de 
Fraustadt (entre les troupes suédoises et saxonnes, le 13 févr. 1706. 
Détails abondants sur l'organisation de l'armée saxo-polonaise de 
cette époque et sur les conséquences politiques de la bataille); fin 
dans Heft 3-4. — Kuswnino. La sériciculture et Tindustrie de la soie 



244 BEGUEILS PâllODIQUES; 

dans le district de la Netze de 1773 à 1805; fin. — Feilghenfeld. L'or- 
ganisation intérieure des communautés juives à Posen au xvn« et au 
XYiii^ s. — Wehrmann. Gammin et Gnesen (histoire des rapports entre 
l'évôché de Gammin en Poméranie, fondé en 1140, et rarchevèché de 
Gnesen ; expose les efforts réitérés par les archevêques pour faire recon- 
naître par révôché de Gammin leurs droits de métropolitains. D'après 
des documents inédits). — 0. Hbinemann. Une addition à la chronique 
des secrétaires municipaux de Posen (brèves notices de 1506-1520). — 
— Pruemebs. Tableau des services et obligations dus par les habitants 
du village de Tharlang, 1758. — Meisner. L'auteur de la traduction 
latine du coutumier provincial de Prusse (cette traduction était desti- 
née aux parties polonaises du territoire prussien; détails sur le prédi- 
cateur Pappelbaum, à qui l'on doit la traduction de ce coutumier). — 
Warschauer. Revue des publications relatives à Thistoire de la province 
de Posen parues en 1895. =: Heft 3-4. Hassengamp. Les intrigues de 
Philippe Guillaume, comte palatin de Neubourg, pour obtenir la cou- 
ronne de Pologne (1655-1669. Des documents inédits ou récemment 
publiés permettent de suivre les négociations diplomatiques suivies 
entre Berlin et l'étranger, entre le comte palatin et les magnats polonais, 
et de montrer le lien qui les rattache à la politique générale de l'Eu- 
rope). — M. Beheim-Sghwarzbagh. Histoire de la ville de Filehne et 
de son territoire, du xn« au xix« s. — Warschauer. Les registres muni- 
cipaux de la province de Posen au moyen âge (statistique et brève ana- 
lyse). — Pruemers. L'école mixte de Schokken en 1800 (expose les 
idées du gouvernement prussien en ce qui concerne l'importance de 
rélément confessionnel dans les écoles polonaises à cette époque). — 
KoHTE. Les débuts de Part dans la province de Posen. — Pruemers. 
Les journaux à Posen en 1794. — Kiewnino. La ville de Lissa de 1656 
à 1793. 1= Jahrg. XII, Heft 1, 1897. — Kohte. Histoire de la construction 
des églises protestantes dans la province de Posen, xvi«-xix« siècles. — 
R. Pruemers. Arrestation de fonctionnaires prussiens dans la guerre 
insurrectionnelle de 1794. — Gruenhagen. Une réquisition militaire 
dans la Prusse méridionale en 1794 (ordonnée pour l'armée prussienne 
en lutte contre les insurgés polonais ; cette réquisition donna lieu à des 
détournements dont furent accusés certains fonctionnaires prussiens; 
cette accusation n'est d'ailleurs sans doute pas fondée). — A. War- 
schauer. Les registres municipaux de la province de Posen au moyen 
âge ; suite. — Hubert. Diplôme du roi de Pologne Sigismond IH con- 
cernant les armoiries de Jean Thodescus de Pisnonibus. — Pruemers. 
Charges militaires supportées par le village de Goilmûtz en 1806-1815. 
= Comptes-rendus : 0, von Leltow-Vorbeek. Der Krieg von 1806-1807 ; 
Bd. III (important). — Wezyk. Der Aufstand des Kônigreichs Polen, 
1830-1831 (intéressant). 



79. — ArchsBologisch-epigraphische Mittheilungen ans Œs- 
terreich-Ungarn. Jahrg. XIX, Heft 2, 1896. — Rostowzew. Une 




RECUEILS PERIODIQUES. 245 

nouvelle inscription d'Halicamasse (importante pour Thistoire douanière 
des provinces romaines. L*auteur montre que, dans le courant du i*** s. 
ap. J.-G., les grandes compagnies fermières des douanes, des c publi- 
cains, • disparurent de plus en plus et qu'ils furent remplacés par de 
riches particuliers). — Groao. Patricii et III viri monetales (de Vespa- 
sien à Alexandre Sévère, tous les patriciens dont la carrière nous est 
connue ont commencé par les fonctions de triumvirs monétaires ; Tau- 
tcur cherche Tcxplication de ce fait). — Arthur Stein. Deux inscriptions 
lyciennes (de Fan 240 ap. J.-C, relatives à Honorata, fille de Ti. Pol- 
lenius Armenius Peregrinus). — Id. L'Egypte et le soulèvement d'Avi- 
dius Gassius (étude sur Maccianus, a juridicus Aegypti, » personnage 
qui s'associa à ce soulèvement et qui y trouva la mort en 175. Ge 
juridicus • a été identifié à tort avec le juriste L. Volusius Maecia- 
nus; ce dernier fut préfet d'Egypte en 150). — Gompebz. Y a-t-il jamais eu 
des rois chrétiens à Édesse? (vraisemblablement non. Vers 230 ap. J.-G., 
la religion païenne dominait encore à Ëdesse. Le roi Abgar IX n'était 
sans doute pas chrétien). — Id. Une inscription sépulcrale de Mylasa 
en Carie. — Nowotny et Sticotti. De Liburnie et distrie (les deux 
auteurs ont été chargés en 1893, par le séminaire archéologique et épi- 
graphique, d'une mission vers le Quarnero pour rechercher les anti- 
quités de l'île de Veglia, le « Gurictae • des Romains. Publie des ins- 
criptions, des marques de potier, etc.). — 0. Bennoobf. Adamklissi 
(l'auteur avait placé la construction du monument triomphal retrouvé 
dans cette localité en l'année 109. Furtwœngler émit ensuite l'opinion 
qu'il rappelait les victoires de M. Licinius Macer en 29-27 av. J.-G. 
Gette hypothèse est inadmissible. L'auteur combat également les opi- 
nions exprimées par Petersen sur les scènes historiques figurées sur le 
monument). — Maionica. Quatre inscriptions d'Aquilée. — E. Bormann. 
I^ grande inscription latine qui se trouve dans la collection Olivieri à 
Pesaro (addition au mémoire publié dans Heft 1. Gette inscription pro- 
vient d'Urbisaglia, l'ancienne Urbs Salvia, en Picenum). — 'Tocilescd. 
Nouvelles inscriptions romaines et grecques de Roumanie (95 numéros). 
— Bormann. Quatre inscriptions de Philippopoli. — H. et K. Skorpil. 
Inscriptions provenant de l'ancienne Bulgarie (onze inscriptions grecques, 
dont quelques-unes sont importantes pour l'histoire de l'ancien empire 
bulgare et des guerres des Bulgares contre Byzance). 

80. — Archiv des Vereins fllr Siebenbflrgische Ijandeskunde. 

Bd. XXVII, Heft 2, 1897. — Teutsgh. Les travaux de Schlœzer sur 
l'histoire des Allemands en Transylvanie (publie 35 lettres relatives aux 
travaux historiques de Schlœzer). — Zimmermann et Wattenbach. Pour 
servir à l'histoire d'un voïvode valaque, Wlad IV, 1456-1462 (une rela- 
tion sur les actions de ce voïvode se trouve dans un ancien imprimé 
du XV* s. Wattenbach a signalé une nouvelle source pour l'histoire de 
ce voïvode dans le ms. 327 du chapitre de Lambach en Autriche). — 
R. ScuuLLEB. La famille patricieune des Polner à Schaessburg, 1450-1514 
(plusieurs membres de cette famille ont joué un rôle très important 



246 ËMCcms ptfuoMocis. 

daiLs l'histoire de la Hongrie et de la Transylvanie. Publie 15 docamente 
de 1480 à 1513i. — Duldseb. Poar servir à l'histoire du transfert de la 
Transylvanie à la maison de Habsbourg lexpoee en détail les négocia- 
tions da prince transylvain Assaô et des États de Transylvanie avec 
l'An triche concernant la conclusion d'à ne alliance et les rapports de la 
Transylvanie avec la Turqaie en 16S6'. — H. HEasERT. T..es corps de 
métier à Hermannstadt an temps de Temperenr Charles IV (d'après des 
documents inédits;. 

81 . — Berichte and Mittheiliinfi^n des AlterthnniSTereins su 
'Wien. Bd. XXXV, 1S96. — Th. Wi£dema55. Pour servir à l'histoire 
da monastère de femmes de Saint-Jacques à Vienne, uT*-xvm« s. — 
Bœheim. Orfèvres à Wiener-Neustadt au xv* s. (article très détaillé, 
d'après des documents inéditst. 

82. — Mittheilimfi^n des Nordbœhmischen Excnrsioiis-Gltibs. 

Jahrg. XIX, 1896, Heft 14. — H. Ksothe. Les plus anciens possesseurs 
de la ville de Schirgiswalde, du xiv« au xvm« s. — C. Jahxel. Le che- 
valier Joachim de Meltzan. sire de Graupen et de Teplitz, 1500-1556. 

— Pandler. Pour servir à Thistoire du domaine de Meistersdorf, dans 
la Bohême septentrionale, d'après des documents inédits. — Id. Les 
c Miscellanea » du moine augustin A. Jeschke d'Oschitz (composés 
vers 1713; extraits de cette chronique relatifs aux années 1349-1713). 

— Ankert. Un projet pour Tamélioration de la navigation sur l'Elbe 
(dressé en 1687-1688 par Josef Pfalz d'Ostritz). — Kgegler. La bataille 
de Kulm, le 30 août 1813 (d'après les récits des habitants des environs). 

— KiRscH.NER. Histoire de la garde civique d'Aussig, 1814-1863. — 
VoGEL. Ponr servir à Thisloire des domaines nobles de Hermansdorf. 

— Elger. Documents tirés des archives municipales de Reichstadt, 
xvu*-xviii« s. = Jahrg. XX, Heft 1, 1897. Hantsghel. Découvertes 
archéologiques de Tépoque préhistorique faites dans ces derniers temps 
dans le nord de la Bohême. — Jahnel. EUstoire des barons, plus tard 
comtes d'Ogilv^'. — R. de Weinzierl. Objets préhistoriques découverts 
à Grossczernosek et à Gastorf. — Klapp. La croyance aux revenants 
dans le nord de la Bohème. 

83. — Zeitschrift des Vereins filr die Geschichte Msahrens 
nnd Schlesiens. Jahrg. I, Heft 1, 1897. — Bretuolz. Les Tartares en 
Moravie et la fabrication moderne des documents (les cinq premiers 
volumes du Codex diplomaticus et epistolaris Moraviae contiennent un 
grand nombre de documents faux qui ont été fabriqués par l'éditeur, 
Ant. Boczek. Pour donner une idée frappante de l'importance de ces 
falsifications, fort habilement faites, l'auteur soumet à une critique 
minutieuse les documents publiés par Boczek sur l'invasion des Tar- 
tares en Moravie; tout un groupe de onze documents est faax. Présente 
un récit nouveau de cet épisode d'après les sources contemporaines qui 
sont authentiques. Cette invasion a été sans importance réelle; elle n*a 
été qu'une opération préliminaire de brigandage). — J. Loserth. Por- 



aECUBILS P1ÎRIODIQ0BS. 247 

traits du temps de la Réforme en Moravie (1* biographie du D** Martin 
Gœschl, prévôt du monastère de femmes de Kanitz, qui fut exécuté en 
1528 comme anabaptiste; 2<> biographie de l'anabaptiste morave Oswald 
Glayt, exécuté en 1545). — Grolio. La chronique du monastère fran- 
ciscain de Brûnn (composée au xv« s.; texte de cette chronique). = 
Comptes-rendus : Loserth. Briefe und fjrkunden aus der Zeit Kœnig 
Wenzels II (important). — Mueller. Geschichte der Stadt Olmiitz (sans 
valeur). — Trautenberger. Chronik der Stadt Brûnn; Bd. IV (bon). = 
Heft 2. F. VON Krones. Bertha de Liechtenstein et la légende de la 
« Dame blanche • à Neuhaus, Teltsch et autres lieux (biographie de 
Bertha de Rosenberg, 1430-1476, qui, en 1449, épousa Hans de Liech- 
tenstein. C'est seulement au xvii« s. que des historiens appartenant à 
Tordre des Jésuites, en particulier Bohuslav Baibin, lancèrent dans le 
monde la légende suivant laquelle cette Bertha revenait après sa mort 
dans les châteaux de Neuhaus et de Teltsch sous la forme d'une a dame 
blanche > et comme Tesprit protecteur de la famille. D'après des docu- 
ments inédits). — Baron A. de Helfert. La diète morave de Brûnn en 
1848 et les armoiries de la Moravie (le conflit qui fut alors soulevé pour 
savoir quelles seraient les couleurs du pays n'est pas encore terminé). 

— Ë. BoFFÉ. Un recueil inédit de chansons au monastère de Raigem 
(chansons du xvn« et du xviii« s., quelques-unes de caractère historique; 
une, par exemple, se rapporte à la capitulation de la garnison française 
d'Ingoistadt en 1743). — Grolio. Tentatives pour introduire la culture 
des vers à soie en Moravie en 1624. — lo. Ce que coûta un jour de repos 
en Tan 1685 (publie le compte des frais occasionnés par l'entretien des 
officiers d*un régiment de cavalerie autrichienne qui, revenant de la 
guerre contre les Turcs, s'arrêtèrent à Trùbau, en Moravie). — Id. Du 
temps des guerres contre les Turcs (publie une lettre d'Ungarisch Brod 
àTrûbau concernant les opérations militaires contre les Turcs en 1663). 

— J. DE Beck et J. Loserth. Documents relatifs à l'histoire du mouve- 
ment hussite et en particulier des mercenaires moraves; suite. := 
Compte-rendu : Jirehh, Das bœhmische Kron Archiv (recueil d'environ 
650 documents imprimés par analyse ou in extenso), 

84. — Archeog^afo Triestino. Nouv. série, vol. XXI, fasc. 1-2, 
1896-1897. — Benedetti. Le musicien Giuseppe Tartini; biographie, 
1692-1770. — ToMAsm. Notes historiques relatives à l'histoire des 
monastères franciscains de « Santa Maria del Soccorso » et de « Cella 
Vecchia » à Trieste et de « Santa Maria di Grignano. » — Costa. Étu- 
diants du Frioul, de Trieste et d'Istrie à l'Université de Padoue; suite : 
1683-1742. — MoRTEANi. Le conflit relatif à la dizaine d'CGl, entre 
révéque de Capodistria, le clergé et la population de Pirano, 1220. — 

— PuscHi. Découverte d'une construction romaine à Barcola. — Mor- 
PUROO. Olimpia Morata (biographie détaillée de cette célèbre poétesse 
italienne, 1526-1555). — Maionica. Études sur l'histoire d'Aquilée; 
suite (publie des inscriptions romaines, n»* 51-80). — Yram. Recherches 
sur les crânes trouvés dans les fouilles de Barcola. — Puschi. Rapport 



248 IIGUBILS P<AIODIQUES. 

sur les antiquités romaines trouvées à Trieste et dans les environs de 
1887-1896. 

85. — Bulletin intematioiial de rAcadémie des sciences de 
GracoTie. Ck)niptes-rendus des séances de l'année 1897, avril. — PU- 
kasinski. La chevalerie polonaise au moyen âge (cette histoire remonte 
jusqu'au vni« s.; elle commence à être connue à partir du marctiand 
Samo, qui, après un règne de 35 ans sur les Slaves, mourut en laissant 
22 fils. L'auteur a étudié le nom et Thistoire de 1,769 familles nobles). 
=: Mai. B. Dembinski. Compte-rendu des recherches faites dans les 
archives de Paris et de Londres (sur la période de 1790-1794). 



88. — The english historical Review. 1897, juillet. — Prof. 
BuRY. Les Turcs au yi^ siècle (corrige, à l'aide des historiens grecs, 
certaines erreurs de détail commises par E. H. Parker). — J. £. Mos- 
Ris. lies archers à Grécy (dans toutes les batailles du xrv« s., les Anglais, 
observant la même disposition tactique, placèrent les hommes d'armes 
en ordre serré au centre, avec les archers sur les ailes). — Biiss 
M. Sellbrs. York aux xvii« et xvni« s. — Basil Williams. Le duc de 
Newcastle et l'élection de 1734 (d'après la correspondance deNewcastle 
au British Muséum). — W. H. Stevenson. Burh-geat-setl (on a vu 
dans ce terme, bien connu de ceux qui étudient les institutions anglo- 
saxonnes, un mot composé signifiant c une maison située à la porte » ou 
c sur la rue du bourg. » En réalité, ce sont deux mots séparés : burgeai, 
signifiant un château ou burh manorial, et setl, dont l'équivalent latin 
est villula). — J. H. Round. La tenure militaire avant la conquête 
(M. Maitland paraît supposer qu'avant la conquête, le service militaire 
des principaux feudataires, par exemple de l'évèquc de Worcester, 
était d'un guerrier pour cinq bides de terre; ainsi, l'évoque devait 
60 chevaliers pour 300 bides. Mais les textes ne justifient point cette 
manière de voir et Round maintient sa théorie que le service militaire 
des chevaliers fut introduit en Angleterre seulement après la conquête). 
— F. A. Gasquet. Un fragment inédit d'un ouvrage de Roger Bacon 
(sorte d*abrégé de VOpus majus, avec une introduction indiquant briè- 
vement les circonstances dans lesquelles cet ouvrage fut composé). — 
Walter E. Rhodes. L'inventaire des bijoux et de la garde-robe de la 
reine Isabelle, femme d'Edouard II, 1308. — W. Webster. Un traité 
inconnu passé entre Edouard IV et Louis XI, 1482 (signalé dans le 
t. 1 des Registres gascons de Rayonne). — E. M. Lloyd. Deux dépêches 
relatives à la bataille de Fontenoy (réédite la lettre du duc de Saxe au 
comte d'Argenson et publie une lettre de sir John Ligonier à lord Har- 
rington). = Comptes-rendus : R. Hildebrand. Recht und Sitte auf den 
verschiedenen Kulturstufen (de vastes lectures bien digérées ; l'auteur 
prouve que ni le mariage par capture ni la matriarchie ne peuvent être 
considérés comme des institutions primitives). — E, Nys. Études de 
droit international et de droit politique (remarquable). — L. Whibley. 



aiCUBILS P^BIODIQUES. 249 

Greek oligarchies, their character and organisation (bon). — Munro, 
Anderson, Milne et Haverfield. The roman town of Doclea, in Monténé- 
gro (bonne étude historique et archéologique avec un excellent index). 

— Gibbon. The history of the décline and fall of the roman empire ; 
nouv. édit. par J. B, Bury; vol. II. — R. Beazley. The dawn of modem 
geography (consciencieuse histoire des explorations et de la science géo- 
graphique, depuis la conversion de l'empire romain au christianisme 
jusqu'à la fin du ix^ s.; il y a des fautes assez nombreuses). — Geo. H. 
Putnam. Books and their makers duringthe middle âges; vol. I (bon). 

— W. 0. Wakeman. An introduction to the history of the church of 
England (excellent tableau du développement historique de l'Église en 
Angleterre). — Lincolnshire records. Abstracts of final concords temp. 
Rie. I-Hen. III; vol. I. — York PowelL The taie of Thrond of Gâte, 
commonly called faereyinga saga (très bonne traduction, avec une intro- 
duction instructive sur l'histoire des îles Ferœ et de leur conversion au 
christianisme). — T. F. Kirby. Wykeham's register; vol. I (documenta 
utiles publiés avec quelque négligence). — M. Oppenheim. Naval accounts 
and inventories of the reign of Henry VII, 1485-1488 and 1495-1497 
(bonne édition). — Cheyney. Social changes in England in the xvi^^ cen- 
tury, as reflected in contemporary literature; part I : rural changes 
(agréable et instructif). — Marti. La questione délia riforma del calen- 
dario nel quinto concilie Lateranense, 1512-1517 (bon). — Leach, 
English schools at the Reformation, 1546-1548 (important recueil de 
documents relatifs à la suppression des « chanteries • sous Henri VUI 
et Edouard VI, avec une introduction sur les écoles du moyen âge et 
les réformes ordonnées par Edouard VI). ^ Burghardi du Bois. The 
suppression of the african slave trade in the United States of America, 
1638-1870 (excellent et fort bien renseigné). — Grant of Laggan. Diary 
of sir Archibald Warriston, 1639 ; the Préservation of the honours of 
Scotland, 1651-52; lord Mar's legacies, 1722-27; letters concerning 
Highland affairs, in the xviii^^ century (utiles documents publiés pour 
la Société de Thistoire d'Ecosse). — Dickson. The jacobite attempt 
of 1719, letters of James Butler, second earl of Ormonde, relating to 
cardinal Alberoni's project for the invasion of Great Britain (important). 



87. — R. Deputasione di storia patria per le proTincie di 
Romai^a. Atti e Memorie. 3« série, t. XIV, fasc. 4-6, juillet-déc. 
1896. — P. AcGAME. Notices et documents pour servir à l'histoire dos 
rapports de Gènes avec Bologne (du xni« au xvi« s.; publie trente et un 
documents inédits). — L. Aldrovandi. Acta Sancti Oflicii Bononiae, 
1291-1309 (publie ce document, précieux pour l'histoire de l'Inquisi- 
tion). — G.-B. Salvioli. Sur la valeur de la livre bolonaise (publie et 
commente plusieurs documents sur la fabrication monétaire à Bologne 
en 1291, 1296 et 1305. Étude sur la valeur en or de la livre de Bologne, 
depuis 1264 jusqu'à la frappe du florin d'or de Bologne en 1380). 



220 RBCUErLS P<1I0DIQUB8. 

88. — Boletin de la R. Academia de la Historla. T. XXVm, 

1896, janv.-juin. — Gristobal Ferez Pastob. Testament de D. Alvaro 
de Bazàn, premier marquis de Santa Cruz {accompagné de l'analyse de 
plusieurs autres documents relatifs au marquis et extraits également 
des Archives des Protocoles à Madrid). — A. Sanchez Mooubl. Compte- 
rendu du livre de M. Torres Gampos : Estudios geogrdfieos, — A.-M. 
Fabié. Compte-rendu d*un chapitre de l'ouvrage de M. E. Habler 
{Documents pour l'histoire de la S<ixe)^ relatif au conflit entre la Hanse 
et TEspagne au commencement du xv« s. Extrait d'un chapitre de œ 
même livre sur Conrad Rott et ses négociations commerciales à Lis- 
bonne au xvi« s. — E. Spenser Dogson. Inscriptions basques (modernes). 

— F. FiTA. Le monastère de Sainte-Glaire à Barcelone; suite (docu- 
ments et notes relatifs à l'infant d'Aragon, D. Juan, archevêque de 
Tolède). — M. Danvila. Manuscrit de la Bibliothèque nationale de 
Madrid sur le mouvement communal, attribué à Gonzalo de Ayora 
(M. Danvila en publie un chapitre où 6gure une pièce de circonstance, 
en vers, jouée à Valladolid, à propos de l'élection de Charles-Quint à 
Tempire). — F. Fita. L'architecture barcelonaise au xiv« s.; documents 
inédits sur la construction de Santa-Maria del Pino et de Santa-Maria 
de Pedralbes (renseignements précis et intére-ssants). — A. RonaiouEz 
Villa. D. Francisco de Rojas, ambassadeur des rois catholiques (très 
bonne notice biographique sur ce personnage important, avec de nom- 
breuses lettres inédites). — F. Fita. Le concile de Tarragone en 1318 
(notes complémentaires aux actes de ce concile). — E. Ballesterds. Le 
cimetière juif d'Avila (contribution à Tétude de la communauté juive 
de cette ville). — F. Fita. Pierres visigothiques de Guadix, Cabra, 
Vejer, Bailén et Madrid (inscriptions du vii« s.). — R. Chabas. Trêve 
entre D. Jaimc II d'Aragon et le noble D. Juan Manuel, fils de l'infant 
D. Manuel, en 1296 (publication de ce document inédit d'après l'origi"- 
nal). — J.-M. AsENsio. Compte-rendu de l'ouvrage de D. José de Santiago 
y Gomez sur Tllistoire de Vigo et de sa province. — N. Herqueta. Les 
Juifs d'Albelda (près Logrono) au xiii* s. (documents sur les impôts 
qu'ils payaient). — F. Fixa. D. Martin Gonzalez, évêque de Galahorra 
et d'Astorga (notes pour compléter sa biographie). — M. Danvila. 
Jugement critique sur le règne de Charles III (conclusion de sa grande 
histoire de Charles III). =i Dans les Variedades : R. Chabas et F. Ftta. 
Testament d'Arnaldo de Vilanova et observations. — B. Oliver y Estbl- 
ler. Document indiquant des Cortes à Tarragone en février 1177. — 
F. Fita. Note sur l'église de Badalona. — Fr. Vera y Chiuer. Inscrip- 
tion romaine chrétienne trouvée à Tanger. — A.-M. Fabié. Sur les 
commencements de l'esclavage en Amérique, d'après un essai de 
M. K. Habler. — F. Ffia. Inscriptions romaines et visigothiques. ^ 
Dans les Noticias : relevé de diverses inscriptions ; note nécrologique 
sur D. Rafaël Romero y Barros; note explicative pour la cantiga LXIII 
d'Alphonse le Sage; sur les Juifs à Rioja et en Portugal; voie romaine 
de Mérida à Villafranca de Los Barros. = T. XXIX, juillet^éc. 18%. 

— A. RoDRiouEz Villa. D. Francisco de Rojas, ambassadeur des Rois 



RECUEILS PIÎRiaDIQUBS. 224 

Catholiques (suite des pièces justificatives). — Le sac de Rome et le 
couronnement de l'empereur Charles-Quint (d'après le Diario di Mar- 
cello Alberini et les documents de la famille de Khevenhiller). — 
Fr. Codera. A propos d'un ms. du t. JH de la Tecmila de Ahen Alab- 
bar (recueil de biographies). — Manuscrit autographe de Thistorien 
Aben Alkhadi. — F. Fita. Douze bulles inédites de Lucius II, 
Alexandre III, Lucius ILE, Célestin III, Innocent IV et Alexandre IV, 
relatives à l'histoire de Tarragone (de 1144 à 1259). — Fr. Simon y Nibto. 
Le monastère de Sainte-Claire de Astudillo (près Palencia). Extrait de 
ses archives (58 pièces in-extenso ou analysées). Nouveaux renseigne- 
ments sur I> Maria do Padilla, qui a construit ce couvent. — J.-6. de 
Arteche. Comptes-rendus du livre de M. Marmottan : le Royaume 
d'Étrurie, et des Mémoires du marquis de Ayerbe (époque de Ferdi- 
nand VII). — J.-F. RîaRo. Notice nécrologique sur J.-B. Rossi. — 
A. -M. Fabié. Élude sur l'organisation et les coutumes du pays basque 
à l'occasion de l'examen des œuvres de MM. Echegaray, Labairu, etc. 
(étendue et intéressante, avec quelques documents inédits intercalés). 

— £. Saavedra. La communication des deux mondes par l'Atlantis 
avant le déluge (compte-rendu d'un livre de M. Patroclo Campanakis). 

— F. Fita. La communauté juive de Belorado, prov. de Burgos (docu- 
ments historiques). — N. Heroueta. Fueros inédits de Girueîia (dans 
la Rioja), en Tan 972. — G. Fernandez-Duro. Lettre sur l'origine de 
l'image de Notre-Dame de Guadalupe, au Mexique, écrite par Joaquin 
Garcia Icazbalcela. — La légende de la découverte de l'Amérique par 
Cousin et Pinzon (d'après un article de M. Ch. de la Roncière). — 
M. Pano. Deux documents inédits (xii« et xiii* s.) relatifs à l'Aragon. 

— M. Danvila. Appréciation de l'ouvrage du P. J. Teixidor et du 
I> D.-R. Chabas : Antiquités de Valence. — F. Fita. Arcos de la Fron- 
tera. Excursion épigraphique (à propos du livre : Documents pour Vhis' 
toire d' Arcos de la Frontera, par D. M. Mancheno y Olivares). — Épi- 
graphie romaine de Vejerde la Frontera. — J.-M. Macanaz. Compte-rendu 
du livre de M. Fouché-Delbosc : Bibliographie des voyages en Espagne 
et en Portugal. — G. Fernandez Duro. Perte de la cité de Bougie en 
Afrique, en 1555, rapportée par un prêtre biscayen, témoin oculaire 
^document provenant de la bibliothèque de l'Ëscurial). — F. Fita. Ins- 
cription romaine de Riolobos (circonscription de Goria). — V. Barran- 
tes. Compte-rendu de l'ouvrage de D. José de AlcÂzar : Histoire des 
possessions espagnoles en Océanie. =: Dans les Variedades : N. Heroueta. 
Document relatif à la communauté juive et à l'abbaye de San Millan 
de la Cogolla, ainsi qu'à la bataille de Najera. — F. Fita. Épigraphie 
romaine et visigothique. — Inscriptions anciennes de Tanger, Jerez et 
Arcos de la Frontera. — T. A. de Gussbme. Document du xviii« s. sur 
les mines de Turdeto (près d' Arcos de la Frontera). = Dans les Noti" 
dos : Notes épigraphiques et bibliographiques; privilège de Ferdi- 
nand IV à la ville d'Ampudia, prov. de Palencia, en 1311 ; édition des 
Legis Romanae Wisigothorum fragmenta. 



89. ^Tke AsericaB kMtoricalBeview. YoL IL, if 3, aynl td97. 
— JoQQ W. Bciû£$s. La sâaicB poliuqne et Thiftoife (sept pages de 
considérations eea^ralei>;. — Jaxoes Scxxitas. Mazsile de Pftdone et 
Gaiilaame d'Ockham : l<r aitieie «il est inexact de dire que Mamle de 
Padi>ae ail piii<é dans Ockham ses idées sar l'Église et llStat; leurs 
idées et leurs aspirations étaient très diflerentest. — William W. Rool- 
HiLL. Missions diplomatiques à la coor de Chine : la question d'éti- 
quette: {^ article îles orientaux n'ont jamais compris que les ambas- 
saiiears d'an souverain étranger représentassent la personne même de 
ce souverain : de là, des malentendus constants dans leurs rapports avec 
l'Occident: c'est seulement en 1ST3 que les ambassadeurs forent dis- 
pensés en C'nine de la cérémonie de la prosternation. Produit un ca^ 
tain nombre de témoignages, recoeillis depuis Tantiquité, sur eette 
•piestion d'étiqaetiei. — Edward G. Bour^tb. Les auteurs du Federûiùt 
fon ne connaît pas exactement tons les écrivains à qui Ton doit les 
numéros de ce journal, la plus importante publication sur la science 
politique qui ait paru aux Etats-Unis. M. Boume montre la part qu'y 
prit Madisom. — Frederick W. Moorb. La représentation des âats 
séœssionistes au congrès national, 1861-1865 ; ^ article. — G. H. Pikth. 
Deux lettres concernant l'émigration du Yorkshire an West Jersey, 
1677. — Fred. J. Tub^œr. Une lettre du baron Garondelet, gouvemeor 
des provinces de la Louisiane et de la Floride occidentale ladressée le 
l*'' déc. 1794 au duc d'Alcudia et concernant les préparatiSs faits par le 
gouverneur pour repousser Tattaque des Français contre la Nouvelle- 
Orléans). =: Comptes-rendus critiques : J. F. Mae Lennon. Studies in 
ancient history; 2^ séries, comprising an inquiry into tbe origin of 
exogamy (contient beaucoup d'observations utiles, mais il n'y a pas 
d'index). — Bow et Uigh, A history of Rome to tbe death of Ga»ar 
(excellent). — 0. J. Thatcher et F. SchwilL Europe in tbe middle âges 
(plan défectueux; erreurs très nombreuses; précis très insuffisant). — 
Spots. Die Scblacht von Hastings (art. de J. H. Round pro donw), — 
M. À, S, Hume. The year after tbe Armanda and other hisiorical studies 
(recueil de neuf mémoires sur autant de points relatifs à Tbistoire de 
l'Angleterre et de TEspagne pendant le xvi* s.). — P. Bigelow, History 
of the german struggle for liberty (insuffisant). — W, A. P, Martin, 
A cycle of Gathay (souvenirs personnels sur Pékin et la Chine depuis 
1860, par un des Européens qui connaissent le mieux le pays et les 
hommes, après un séjour de quarante années). — Thwaites, The Jesuit 
relations and allied documents. Travels and explorations of the Jesuit 
missionnaires in New France, 1610-1791; vol. I-lII. Acadia, i610-i6i6 
(très importante réimpression). — Ed. Eggleston. The beginners of a 
nation; a history of the source and rise of the earliest english settle- 
ment in America; 1. 1 (ouvrage très consciencieux, mais qui apporte 
peu de nouveau). — Sainsbury et J. W. Fortescue. Calendar of state 
papers. Colonial séries; America and West Indies, 1677-1680. — 
Byington, The Puritan in England and New Ëngland (suite d'essais sur 
rhistoire du puritanisme ; agréable, mais partial et peu approfondi). «^ 



RBGDBILS PERIODIQUES. 223 

W. D. Northend. The Bay Golony, 1624-1650 (excellent résumé de 
choses déjà connues). — S. G. Fisher. Pennsylvania, colony and com- 
mun wealth (attrayant, mais écrit trop vite et d'après des autorités de 
médiocre valeur). — L. H, Boutell. The life of Roger Sherman (bonne 
biographie d'un homme d'État de second rang). — W. Wilson. G. Was- 
hington (brillante esquisse). — P. L. Ford. The true G. Washington 
(beaucoup de faits nouveaux ; charmante biographie). — J. J. Boudinot, 
The life, public services, addresses and letters of Elias Boudinot, pre- 
sidcnt of the continental Gongress (correspondance d*Ë. Boudinot, 
publiée par sa veuve). — S. B, Harding. The contest over the fédéral 
constitution in the state of Massachusetts, 1788 (bon). — G. T. Curtis, 
Gonstitutional history of the United States from their déclaration of 
indépendance to the close of their civil war; vol. II (très utile). — 
H^. E, B. Du Bois. The suppression of the african slave trade in the 
United States of America, 1638-1870 (très intéressant). — D. Fr. Hous- 
ton. A critical study of nuUifîcation in South Garolina (bon). — E. B. 
Andrews. The history of the last quarte r-centur y in the United States, 
1870-1895 (exposé brillant, rapide et hardi). — J, G, Bourinot. The his- 
tory of Ganada (bon résumé). 

90. — Political science Qnarterly. T. X, n» 4, déc. 1895. -^ 
Monroe Sierra. Quatre jurisconsultes allemands; l^* part. : Ihering; 
suite et fin en juin 1896. =i T. XI, n» 1, mars 1896. J. B. Moorr. La 
doctrine de Monroe. — Fr. Bancroft. La France au Mexique (des rai- 
sons multiples qui poussèrent l'empereur à faire l'expédition : désir de 
contenter TAutriche et le pape, de fermer la bouche à l'opposition 
républicaine en frappant un grand coup de politique, d'étendre le com- 
merce français. Négociations avec les États-Unis après la fin de la 
guerre civile. Bien que la presse invoquât sans cesse la doctrine de 
Monroe, celle-ci n'apparaît dans aucun document officiel émané du 
gouvernement de Washington). — W. A. Dunhinq. Bodin et la souve- 
raineté du peuple. = No2, juin. Ashley. Le système de clan en Galles 
selon Frédéric Seebohm (expose admirablement l'organisation des tri- 
bus galloises au xm« s.; mais, de ce que des documents certains nous 
font connaître pour cette époque, il tire des conclusions moins certaines 
pour répoque antérieure. Enfin, quand il pense que l'organisation par 
tribas nous présente une des formes les plus anciennes et les plus répan- 
dues du groupement social dans les civilisations primitives, il laisse 
un trop libre champ à l'hypothèse purement subjective). = Bibliogra- 
phie : Buckler. The origin and history of contract in roman law down 
to the end of the Republican period (étude très consciencieuse). ^ N« 3, 
sept. H. Brunnbr. L'histoire de la loi anglaise par MM. PoUock et Mait- 
iand (analyse très élogieuse de ce grand ouvrage). ^ N<> 4, déc. Gid- 
Dnios. Les destinées de la démocratie. 



ââ4 oionQCi n BiiuoGUPnB. 



CHRONIQUE ET BIBUOGRÀPHIE. 



— M. Edmond Le Blast, qui vient de monrir à l'âge de 
soixance-dix-cenf ans, a renonTeié la science des antiquités chrétiennes 
dans cotre pays et loi a donné de solides bases par son grand ouTrage 
sur les l^ucriptions chrétiennes de la Gaule antérieures au VII I^ stède 
(^ vol.. 1>Ô6-I>61' : il a publie en outre un certain nombre de mémoires 
remarquables par la précision des faits et la sûreté de la méthode sur 
la condition des chrétiens au temps des persécutions et sur les actes de 
certains martyrs. Il était membre de l'Académie des inscriptions et 
belles-lettres et avait dirigé pendant six années l'École d'archéologie 
française à Rome. 

— Quarante candidats se sont présentés à l'examen pour l'obtention 
du diplôme d*êtudes supérieures (histoire et géographie) devant la 
Faculté des lettres de l'Université de Paris en juin 1897. Vingt-neuf 
ont été reçus. Un seul candidat avait présenté un mémoire de géo- 
graphie pure. Voici la liste des vingt-huit mémoires historiques qui 
ont été agrées : 

Barrai- > Éttàde sur le règne de Ferdinand /% rot de Castille et de Lion 
i 1037-1 1)65 1. — Brière, Étude critique sur le tombeau de Henri II et 
de Cath^ine de Mêdicis à Saint- Denis. — Cha^tbon, Histoire de la biblio- 
thèque de l'Université depuis sa fondation (1763) jusqu^à nos jours (mai 
1897). — Descamps, V Expédition de Carthagène (1697). — Ënaclt, la 
Société au moyen âge d'après les actes des Conciles. — Ferey, les Origines 
et les débuts de la Paulette. — Fosseyeux, le Collège du cardinal Lemoine 
\xiv*-xviir siècle) (1302-1793). — Gavrilovitch, Étude sur le traité de 
J?jp passé à Paris entre Louis II, roi de France r et Henri III, roi d^An^ 
gUterre. — Georqe, la Discussion des biens du clergé à VAssemblée cons^ 
tituante (avril 1789-mai 1790). — Girard, Coîbert et la Hollande. — 
Heinrigh, f Alliance franco-algérienne auIVh siècle (1533-1610). — Lakieb, 
Recherches sur la vie et les fonctions de Tristan termite, seigneur de Mou» 
lifis et du Bouchet, conseiller des rois Charles VII et Louis IL — La Pré^ 
voté des maréchaux de France et la prévôté de l'Mtel du roi pendant le 
IV* siècle, — Lesne (abbé), les Métropolitains à l'époque carolingienne 
(742-822). — L'HÔPITAL, Essai sur l'organisation de l'ordre de Malte en 
France, Sa situation, sa décadence dans le royaume au IVIII* siècle. Sa 
suppression par la Législative et la Convention (sept.-déc. 1792-juill. 
1793). — Maury, Thomas de Lancastre, chef de V opposition parlement 
taire sous Edouard IL — Mellié, les Sections de Paris pendant la Révo^ 
lution (leur organisation, leur fonctionnement). — Michel, les Missions 
de Charnacé de 1629 à Î63Î. — Passerai, Campagne de l'amiral Dupe» 



CHRONIQUE BT BIBLIOGRAPHIE. 22$ 

tit'Thouars dans le Pacifique (1841-1843). — Petit de Julleville, l'Expé- 
dition française de Hongrie et la bataille de Saint-Gothard (1664). — Pic- 
QUENARD, le Parti jacobin parisien sous le Directoire. — Pierre, Prague 
pendant l'occupation française (1741-1743). — Pisan, Étude sur la forma- 
tion et la constitution de la deuxième ligue athénienne. — M^^* Prompt, 
Négociations de Masarin sur les Pays-Bas. — Rodoet, Eudes Rigaut, 
archevêque de Rouen (1248-1275). — Téodoro, la Navarre sous Philippe 
le Del. — Thibault, la Jeunesse de Louis II. — Essai sur la préface du 
règne (1423-1456). — Toudouze, la Défense des côtes de France, de Dun- 
kerque à Rayonne, au XVI h siècle. — Ziw, le 13 Vendémiaire an IV. 

II n^est pas sans intérêt de constater que, sur les huit mémoires qui 
ont été particulièrement remarqués, ceux de MM. Barrau, Brière, 
Gavriiovitch, Lanier, Lesne, Petit de Julleville, Thibault et Toudouze, 
cinq sont relatifs à des questions d'histoire du moyen &ge. 

— Par le capitulaire de Servais en 853, Charles le Chauve divisa à 
nouveau son royaume en Missatica, chacune de ces circonscriptions 
renfermant un certain nombre de comtés et de pagi. On comprend Tin- 
térét d'un pareil texte pour la géographie historique. M. Vander Kin- 
dere a essayé d'en expliquer à nouveau les deux paragraphes relatifs à 
l'ancienne Flandre et aux terres voisines (le Capitulaire de Servais et les 
origines du comté de Flandre. Bruxelles, Hayez, 1897, in-8<>). Voici ses 
conclusions : le Pagus Flandrensis ne comprenait à cette date que la 
côte du pays, la partie marécageuse, sorte de Marche créée contre les 
pirates normands ; le Mempisque était distinct de la Flandre propre- 
ment dite ; enfin le pagus Leticus est le pays de la Lys, entre ce fleuve 
et TEscrebieu; à ce dernier cours d'eau, il a emprunté le nom de pagus 
Scarbeius, sous lequel il est parfois désigné. 

— M. Tabbé Amoot, après avoir démontré la fausseté d'un acte 
de 1158, jadis publié par Ménage, vient de retrouver aux archives de 
la préfecture de Laval trois exemplaires de l'acte faux lui-même, avec 
correction du faussaire. Dans une nouvelle brochure (les Croisés et les 
premiers seigneurs de Mayenne ; Laval, 1897, in-8«), il s'attache à prou- 
ver que l'auteur de la supercherie est bien, comme il l'avait avancé, 
un certain M. de Goué, et corrige quelques vieilles erreurs, aujourd'hui 
encore fort répandues, sur l'origine des seigneurs de Mayenne. 

— M. A. ViDiER vient de publier, dans le Moyen Age, la seconde 
année de son très utile Répertoire méthodique du moyen âge français 
(Paris, Bouillon, 1896, in-8<>). 11 y indique tous les ouvrages et 
mémoires parus en 1895 touchant l'histoire, la littérature et les beaux- 
arts en France avant 1500. Cette année il atteint le chiffre de 
5,135 numéros; il est bien probable qu'on ne saurait aller beaucoup 
plus loin. Ce total prouve l'accroissement continu, d'année en année, 
de la production historique. Les livres importants sont assez rares, 
mais, par contre, que de mémoires, que de brochures! Encore cin- 
quante ans, et il sera matériellement impossible à un érudit de con- 

Rbv. Histob. LXV. 1«' fasc. 15 



226 CHRONIQUE ET BIBLIOGftAPHIl, 

naître toute la littérature sur un point quelconque de rhistoire du 
moyen âge. 

— Notre-Dame de Biran est un lieu de pèlerinage du diocèse d'Auch. 
M. Tabbé Gazauran vient de faire à la fois Thistoire du sanctuaire et 
celle de la paroisse où il s*élève (Auch, Gocharaux, 18%, in-12). Sui- 
vant une ancienne tradition, on aurait jadis trouvé à Biran une image 
miraculeuse de la Vierge, mais le pèlerinage ne devint guère célèbre 
en Gascogne qu'au xyu*" siècle, quand eut été apportée d'Espagne une 
reproduction de la fameuse Vierge del Pilar. — Du même auteur, 
signalons une notice sur les anciens catéchismes de la province d'Auch 
(Bagnères, Peré, 1897, in-12), où Ton trouve quelques renseignements 
bibliographiques sur ces livres d'enseignement fort rares aujourd'hui. 

— Le célèbre hôtel de Bourgtheroulde fut construit pour la famille 
Leroux, famille anoblie vers le temps de Louis XI et qui essaima 
dans toute la province de Normandie. M. G. Prévost, dans une inté- 
ressante brochure intitulée : Une Famille normande et la Renaissance en 
haute Normandie (Ëvreux, Hérissey, in-8*>), montre comment presque 
tous les membres de la famille Leroux furent au xvi<> siècle de grands 
bâtisseurs, élevant ici un château, là une chapelle, jouant, en un mot, 
dans des proportions plus modestes, le rôle de leurs émules, les Beaune 
de Samblançay et les Robertet. 

— M. GouRET a retrouvé et publie un texte assez curieux sur le siège 
d'Orléans en 1428 et 1429 (un Fragment inédit des anciens registres de 
la prévôté d'Orléans. Orléans, 1897, in-8o). Lps troupes de secours 
avaient été logées aux frais de la ville chez différents hôteliers. Une 
fois le danger passé, on montra peu d'empressement à payer les 
dépenses, et les aubergistes réclamaient encore une partie de leurs 
déboursés en 1447. 

— M. JoiiON DES LoNGRAjs vieut de publier un bon travail sur le Duc 
de MerccBur (Saint-Brieuc, 1895, in-8®). L'auteur avoue avoir commencé 
ses recherches dans le but de réhabiliter ce personnage peu sympa- 
thique. Très loyalement, il reconnaît que la chose est impossible; il 
prouve, il est vrai, que le duc ne rêva jamais la restauration du duché 
indépendant de Bretagne, mais en somme il apporte de nouveaux 
documents à la thèse courante. Mercœur fut un ambitieux vulgaire, 
sans talent ni politique ni militaire, et dont l'action eut pour tout 
résultat d'introduire les Espagnols en Bretagne et de maintenir ce 
malheureux pays, durant plusieurs années, dans une complète anar- 
chie. Ge fut, à tous égards, le plus médiocre des princes lorrains. 

— M. Georges Doublet, dont la Revue a signalé un bon travail sur 
le célèbre Gaulet, évoque de Pamiers, nous envoie quatre nouveaux 
mémoires sur le môme prélat. En voici la liste : les Protestants à 
Pamiers sous Vépiscopat de Caulet, extrait des Annales du Midi (le grand 
réformateur janséniste s'y montre, comme tous ses confrères de Tépis- 



CHRONIQUE ET BtBLIOGRiPHIl. 227 

copat français, persécuteur insigne et parfois de mauvaise foi) ; le Cou- 
vent des dames de Salenques, extrait de la même revue (lutte entre Gau- 
iet et ce couvent de femmes, alors fort relâché, et qui aurait eu grand 
besoin d'une réforme) ; un Diocèse pyrénéen sous Louis II V, extrait de la 
Revue des Pyrénées (tableau peu flatteur des mœurs des populations pyré- 
néennes) ; enfin François de Caulet et la vie ecclésiastique dans un dio» 
cèse ariégeois sous Louis II V, extrait du Bulletin de la Société ariégeoise 
(on y voit que le clergé du diocèse de Pamiers était loin d'être exem- 
plaire ; ses mœurs valaient celles des ouailles qu'il avait à guider et à 
instruire). 

— J. Marchand, inspecteur d'Académie de Vaucluse, nous envoie 
une notice sur la Faculté des arts de V Université d'Avignon (Paris, Picard, 
i897, in-8°). Cette Faculté fut créée assez tardivement, en i675, mais 
elle n'en joua pas moins un rôle important dans lestudium d'Avignon; 
Tauteur est amené par son sujet à entrer dans quelques détails sur les 
rapports entre les Jésuites et l'Université, et complète ainsi, sur cer- 
tains points, l'excellent ouvrage du P. Ghossat, dont la Revue histo^ 
rique a tout récemment (LXTII, 124) fait l'éloge. 

— M. A. Grémieux, professeur au lycée de Gh&teauroux, publie sous 
le titre de Étude sur l'histoire de Vinstruction publique dans le départe- 
ment de l'Indre (Ghûteauroux, 1896, in-8<>) une analyse de l'enquête faite 
en 1791 et 1792 par le Comité d'instruction publique de la Législative. 
Les conclusions de l'auteur sont assez pessimistes, et pour l'enseigne- 
ment secondaire comme pour l'enseignement primaire cette région 
parait avoir été extrêmement en retard sur les pays avoisinants. 

— A signaler une note de M. A. Bardon sur l'Usine de vitriol de 
Saint-Julien de Valgalgues (Nîmes, 1896, in-8o). L'exploitation date 
d'environ 1600 et se continua jusqu'au début du xix« siècle; elle ne 
cessa d'être lucrative qu'à la suite des progrès des sciences chimiques. 

— La Société nationale d'encouragement à l'industrie et au com- 
merce, de Paris, sur le rapport de M. Griiner, vient de décerner un 
prix de quinze cents francs, avec médaille d'honneur et diplôme, à 
M. Emile Garnault, pour son Histoire du commerce Rochelais, d'après 
les archives de la Chambre de commerce, publiée par la Chambre de com- 
merce. Ce travail, qui n'est pas encore terminé, a une très grande 
valeur documentaire, et il est à souhaiter que sa publication ne soit pas 
interrompue. Deux volumes sont encore nécessaires pour conduire, 
jusqu'à la Révolution, l'histoire économique. 

L'auteur a, de plus, en portefeuille une Histoire de l'hydrographie, des 
capitaines de la marine marchande, du pilotage, du courtage, etc., et des 
Biographies des arm^iteurs rochelais. Quant à l'histoire générale du com- 
merce, elle a été, depuis longtemps, entreprise par M. Georges Musset, 
archiviste paléographe et bibliothécaire de la Rochelle, qui vient de 
publier la monographie de l'église de Femoux (planches d'Ë. Gouneau). 



228 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 

— Tous les inventaires des archives départementales^ communales et 
hospitalières de la Charente-Inférieure sont aujourd'hui publiés par les 
soins du diligent archiviste, M. de Righemond, et Tin ven taire de la sec- 
tion judiciaire est sous presse. Divers généreux donataires, parmi les- 
quels figure le comte de Clervaux, ont enrichi ce dépôt de fonds inté- 
ressants pendant le dernier exercice, et le rapport annuel de l'archiviste 
signale rintérêt historique des nouveaux documents analysés. 

— L'auteur d'un des plus beaux romans parus dans ces dernières 
années (Passé l'Amour), M. A. Le Goffic, vient de faire paraître un 
recueil d'études sur la vie de nos populations maritimes qui offrira de 
l'intérêt aux historiens : Gens de mer. Sur la côte (Goiin), Les chapitres 
sur les derniers baleiniers, sur les pêcheurs de Terre-Neuve etd'Islande, 
sur l'île de Sein, sur le Follet, sur les pilleurs d'épaves peignent des 
mœurs qui se modifient rapidement et qui forment une partie de notre 
psychologie nationale. — L'étude sur Charles Cornic, d'après des doca-* 
ments inédits, nous offre un exemple caractéristique de la vie des 
officiers sous l'ancien régime. Il n'est pas de tableau plus saisissant 
des abus et des préjugés qui, à quelques égards, se sont perpétués à la 
Révolution tout en se transformant. 

— Depuis le 10 avril dernier paraît à Paris la Revue de VArt ancien et 
moderne, sous la direction de M. Jules Comte. Le programme en est très 
varié : philosophie de l'art et archéologie, fouilles et découvertes, his- 
toire de l'art et de ses applications, musées et collections de France et 
(le l'étranger, monuments anciens et modernes, biographies d'artistes, 
expositions de toutes sortes, écoles de beaux-arts et de dessin, œuvres 
des artistes et œuvres de l'industrie, mouvement musical. Chaque mois 
la Revue de l'Art ancien et moderne apportera à ses lecteurs des études 
variées sur tout ce qui relève de son domaine. 

— Le Collège libre des sciences sociales (8, rue de Toumon, à Paris) 
reprendra ses cours le lundi 8 novembre 1897. Parmi les matières 
enseignées, qui sont au programme, nous signalerons : Les Études 
ethniques, leurs méthodes et les études sociales, par M. Louis Marin. 

— L'Application de la méthode historique aux sciences sociales, par 
M. Seignobos. — L'Histoire du droit moderne, par M. E. Tarbouriegh. 

— L'Histoire du travail et des doctrines relatives à son organisation, par 
M. A. Mktin. — L'Application des données géographiques à quelques pro^ 
blêmes pratiqttes d'économie sociale, par M. Jean Bruhnes. — La SocUh 
logie d'après Auguste Comte, par M. le D' E. Delbet, député. — Les 
Doctrines sociales allemandes, par M. Ch. Andler. — Les Doctrines 
sociales anglaises, par M. André Lightenberqbr. — Les Questions colO' 
niales, par M. Maurice Wahl. — La Russie économique et sociale, par 
M. Maixime Kovalevski. 

Alsace. — Le D^* Schneeqams a été nommé professeur extraordinaire 
de philologie romaine à l'Université de Strasbourg. 

Allemagne. — Le 20 mai dernier est mort à Berlin l'architecte 



CHROlflQUE ET BIBLIOGRAPHIB. 229 

Franz Mebtens; il était né en i808à Dusseldorf. Il s'était fait connaître 
par d'importantes études sur les origines de Tarchitecture gothique et 
par sa Denkmalskarte des Occidents, — Le 23 juin est mort à Munich le 
Di" Louis, baron de Trost, auteur de nombreux ouvrages sur l'histoire 
de la Bavière; il avait soixante ans. 

— Le D' Garl Oldenbero a été nommé professeur d'économie natio- 
nale à l'Université de Marbourg. — Le D' Tanql a été nommé profes- 
seur des sciences auxiliaires de l'histoire à l'Université de Berlin. — 
Le D'' Cari Nbumann a été nommé professeur extraordinaire d'histoire 
de l'art à l'Université de Heidelberg. — Le D^ Richard Ehrenbebo a 
été nommé professeur des sciences politiques à l'Université de Gœt- 
tingue. 

— I-A Société royale de Gœttingue prépare, comme on sait, une édi- 
tion critique des bulles pontificales jusqu'à Innocent III. Le prof. Kehr, 
chargé de ce travail, a déjà exploré, avec le D' Luigi ScmAPARELLi et 
le D*" Klingerberg, les plus importantes archives de la haute Italie; ces 
érudits les continueront par d'autres voyages en automne. Le travail 
préparatoire dans cette région sera terminé l'année prochaine. 

— L'Académie des sciences a voté les subventions suivantes à de 
grandes entreprises scientifiques : 6,000 m. à MM. Schmoller et Koser 
pour continuer l'édition de la Correspondance politique du grand Fré- 
déric; 3,000 m. à M. Kirchhoff pour le recueil des inscriptions grecques ; 
800 m. au prof. Finke, de Munster, pour lui permettre de terminer son 
édition des Acta concilii Constantiensis ; 1,000 m. au prof. Hansen, 
archiviste à Cologne, pour une Histoire de l'Inquisition en Allemagne; 
i,800 m. au D^ J. Paczkowski pour la suite de ses recherches sur l'his- 
toire agraire; i,000 m. au prof. ScmBMANN pour les travaux préparatoires 
d'une histoire de Nicolas l^^ de Russie ; 750 m. au D' Hans GrM' 
ven pour une édition complète des diptyques en ivoire de l'antiquité; 
500 m. au I> Richard Sghmidt pour une traduction du Kâmasûtram ; 
i,000 m. au prof. Fausboell, de Copenhague, pour une édition du sep- 
tième livre de son Livre de Jataka. 

— La 38« réunion plénière de la Commission d'histoire instituée au 
sein de l'Académie des sciences de Bavière a eu lieu les li et 12 juin. 
Dans l'exercice précédent ont paru : i^ AUgemeine deutsche Biographie, 
t. XLI, fasc. 2-5, et t. XLII, livr. 1-3; 2» le t. V des chroniques 
souabes, consacré à Augsbourg; 3<> le t. VIII et dernier des Recesse und 
andere Akten der Hansetage, Î256'î(i30. On annonce la publication très 
prochaine du t. II des Jahrbiicher des deutschen Reiches sous Frédéric II; 
il contiendra les années 1228-1233. De même, les t. X et XI des Reichs- 
i€Lgsakten der œlteren Série paraîtront bientôt ; ils atteindront à Tannée 
1435. On a réuni les matériaux pour le t. III des Reichstagsakten der 
Reformationsseit et poussé activement les travaux préparatoires pour la 
Correspondance des Wittelsbach. 



— Le f!) JTxilIec & été fiixidé à Marbonrg un Comité pour Fhistoiie de 
la H«âë<î ec de Waûieck. A la uHe de ce Comité figurent les prof. Below, 
Weock. Schroeder. ¥oa der Ropp, Hflehlhtom, ie 1> Haapt, direeteor 
de la bibliochéqne de Giesen, rarchinste Kceniiecke, le bibliothéeaire 
Scherer. Oa a em poar président le baron Ton der Ropp et pour ^fiee- 
prèkdecc le !>* Hoehlraam. professeur à Giessen. Les premiers travaux 
du Comib? contiendronc les Ré^estes des landgraves de Hesse josqn'à 
Piiilippe le Magnanime, les chroniques de Hesse et de Waldeck da 
xiT* au xTi< s. . les actes des Etats pro^incianx de Hesse, un cartuiaire 
de Fiilda« on Dictionnaire des noms de lien pour la Hesse et la prind- 
paaté de Waldeck. 

— Le conseil manicipal de Berlin a recn il y a quelques années, avec 
les papier? de G. Friedlsnder, une riche collection d'ouvrages relatîfis 
à l'histoire des mouTements libéraux, radicaux et révolutionnaires en 
Allemagne jusqu'en 1866 environ; le conseil a fait récemment impri- 
mer un catalogue de cette intéressante bibliothèque. 

— Dans les fouilles au castellum d'Aiteburg sur le c limes i romain, 
près de Holzhausen« en Nassau, on a trouve un fragment d'une belle 
inscription romaine, gravée sur bronxe en lettres dorées, consacrée à 
l'empereur Caracalla après sa victoire sur les Alamans, en 313. 

— Aux archives provinciales de Wiesbaden ont été classés à part 
les documents relatifs aux affres de la principauté de Nassau ; ils pas- 
seront au grand-duché de Luxembourg. 

— L* Institut historique de la Prusse à Rome publiera one revue 
annuelle de deux fascicules chez Loescher, à Rome, sous le titre 0iie(- 
Icn wui Forschungen aus itcUienùchen Archiven, 

— Aprôs la more du prof. A. Nacdé., la direction des Porschungen 
zur l^andenburgischen und fh'eussischtn Gejchichte a passé au D^ 0. 
UiNTZB, privat-docent à Berlin. 

— Lo 16* Jahr^bericht der GtselUchaft fur rheinische Geschichtskund» 
(1896i contient la suite, rédigée par A. Tille, de Tlnventaire des petites 
archives de U province rhénane; il comprendra les archives des cercles 
de Gladbach, Grevenbroich, Bergheim et Dusseldorf. 

— Uu assez important fragment du Marmor Parium a été trouvé par 
M. Krispis à l^rikia, île de Paros; il fournit de précieux renseigne- 
meuts sur Thistoire des années 336-229. Étudié par Krispis et A. Wil- 
helm, il paraîtra dans les Mittheilungen d. d. archjBologischen Instituts. 

— Signalons deux articles dans les f Beilage » de VAllgemeine Zei- 
tung. ïv^* 162 et 163, sur les rapports de la civilisation des peuples clas- 
siques de Tantiquité avec les peuples celto-scandinaves du Nord, par 
Fr. Marx, 

— La librairie Bruckmann, de Munich, a mis en vente, au prix de 
300 m., la reproduction photographique, en 128 planches, des bas-reliefs 



GHROniQCB ET BtBLIOGliPHIE. 231 

qui oracnt la colonne de Marc-Aurèle à Rome. Le texte qui accompagne 
ces reproductions, si importantes pour l'histoire des antiquités germa- 
niques, a été rédigé par Petersen (introduction et description des bas- 
reliefs), Th. MoMMSEN (la guerre des Marcomans sous Marc-Aurèle), 
Galderini (l'architecture de la colonne) et Domaszewski (explication des 
bas -reliefs). 

— Le P. Bemhard ScmiiD vient de publier une biographie de l'abbé 
de Rancé : Armand-Jean le Bouthillier de Rancé, Abt und Reformator 
von la Trappe (Ratisbonne, Nationale Verlagsanstalt, in-8«, x-437 p. 
Prix, 3 m. 60). 

— Les membres et les amis du Collège allemand à Rome ont célébré 
le 1i« centenaire de la fondation du cimetière des Allemands par une 
Pestschrift dédiée au directeur actuel, Mgr de Waal (Fribourg, Herder, 
in-4«, xii-307 p.). Parmi les mémoires qui composent ce volume, nous 
citerons seulement : les Édifices du culte chrétien avant Constantin, 
par J.-P. Kirsch; le Pallium romain, par le P. Grisar; l'Itinéraire du 
second général des Dominicains, Jean de Saxe, par le P. Reighert; les 
Nominations de cardinaux par le pape Célestin V en sept, et oct. i294, 
par P. -M. Baumoarten; les Évôchés créés au xrv« s. sur le terrain des 
missions dominicaines et franciscaines, par le P. Eubel; l'Itinéraire do 
Jean XXIU se rendant au concile de Constance, 1414, par G. Sghmid ; 
Pour servir à l'histoire de la Table de Peutinger, par K. Mouler; etc. 

— Parmi les PhUologisch-historische Beilrxge publiés pour fêter le 
60« anniversaire de la naissance de Curt Wachsmxjth (Leipzig, Teubner, 
vni-218 p. Prix, 8 m.), nous signalerons les articles suivants : les Bas- 
reliefs du monument d'Adamklissi, par Conrad Cighorius ; les Routes 
dans la Cappadoce orientale, par W. Ruge ; des Fragments d'Etienne 
de Byzance, par Sakolowski ; la Liste des rois de Cappadoce par Dio- 
dore, par Ad. Buchholz; sur les secrétaires d'État à Athènes, par 
E. Drerup. 

— La môme librairie vient de publier en 2 vol. Die geschichlliche Lit- 
tenUur ùber die rômische Kaiserzeil bis Theodosius I und ihre Quellen, 
par le D' Hermann Peter (xii-478 et vi-410 p. Prix de chaque volume, 
12 m.). 

Livres nouveaux. — Histoire locale. — M. Brann. Geschichte der Jaden 
in Schlcftien; t. II. Breslau, Jacobson. Prix : 1 m. 50. — H, J. Kappen. Cle- 
mens Augast, Erzbischof von Kœln. Munster, Aschendorflf, 1897, in-8*, viii- 
240 p. Prix : 3 m. — Baumann et TumbilU. Quellenzur Geschichte des fûrstl. 
Hanses Fiirstenberg, 1510-1559. Tabingne, Lanp, in-8*, xiv-656 p. — Westfœ- 
liftcbes Urkundenbnch. Vol. VI : die Urkonden des Bisthnms Minden, 1201- 
1300, p. p. Hoogeweg. Munster, Regensberg, in-4% 320 p. Prix : 5 m. — Urkun- 
denbuch der Stadt Liibeck. Lûbeck, Schmersahl. — Stieda et Metiig. Schragen 
der Gilden und Aemter der SUdt Riga bis 1621. In-8% xv-758 p. Prix : 16 m. 
— H. Bungers, Beitrœge zur inittelalterlichen Topographie, Rechtsgeschichte 
und Sozialstatistik der Stadt Kœln. Leipzig, Duncker et Hamblot, x-125 p. 
Prix : 3 m. 40. 



232 GBionorE fT ■iBUOOAPm. 

Histoire gettérale. — Hirxk-Geremûu Stadiea zv Geschichte der Kreni- 
ZBgsidee nach den Kmizzûgeo. Miuûdi, LwMbooig, Tni-176 p. Prix : 6 m. 40. 
~ F. X Ami. Kîrclieiif»diichtlich« AbbaBdlongeo aad Untersachangeo ; 1. 1. 
Paderborn, SchœuDgli, îb-^, ti-516 p. — F. SniU. Dor Neosser Krieg, 1474- 
1475. Booa. Hansteto, m-8% 138 p. Prix : 2 m. ~ C. Spidnumn. Karl tob 
Ibeil, 1780-1834. Wiesl»dea. Kreidel, iii-8*, xi-271 p. Prix : 4 m. — H. Frieir 
jung. DtT Kampf am die Vorherrschaft in Dealschûnd, 1859-1866; 1. 1. SUitl- 
gart, CotU, iii-8% xvi-438 p. Prix : 10 m. — H. Kiefnting. NnntiaUir des Pal- 
lotto, 16*28-1630: t II. Berlin, Bath, iB-8*, lxxix-464 p. Prix : 25 m. — 
R. Lœre. Die Reste der Germanen aïo Sehwancn Xeer. Halle, Nlemeyer, 
în-8% TiO p. Prix : 8 m. — Jf. Siem. Die israeKtisehe BeTôlkerang der deot- 
schea SUedte. T. III : Xômberg im Mittelalter. Kiel, Salfeld, in-8% vi-338 p. 
Prix : 10 m. 

AjmQuiTB. — H. Drutwar. Untersnchnngen ober Joseplins. Marboarg, Ton 
Hamel (Dissertation]. — Fr. Stein. Die Vôlkerttlmme der Germanen nadi 
romischer Darstellung. Schweinfdrt, Stoer, in-8*, yu-203 p. Prix : 1 m. 80. 

Aatriche. — M. le chevalier d^ârxeth, qui vient de moarir à l'âge 
de soixante-dix-huit ans, s'était acquis une réputation plus qu'euro- 
péenne par ses importants travaux sur l'histoire de FAutriche au xvui*8., 
en particulier sur celle de Marie-Thérèse et de sa fille, Marie- Antoinette. 
Après avoir joué en 1848 un rôle politique assez important, il entra aux 
archives de la maison d'Autriche, dont il devint le directeur en 1868. 
Cette situation lui permit de rendre les plus signalés services à la 
science historique, soit par les documents de tout premier ordre qu'il en 
tira lui-même, soit par l'assistance qu'il donna aux travailleurs étran- 
gers. Nous reviendrons plus au long sur l'homme et sur ses œuvres. 

— Le 12 juin est mort à Vienne Jacques db Falke, ancien directeur 
du Musée d'art et d'industrie, âgé de soixante-treize ans. Parmi ses 
travaux, nous citerons : DU deutsche Trachten-und Modewelt (2 vol., 
1858); Zur CostùmgeschichU des MitUlalters (1861); Die ritterliehe Gesell- 
scliaft im Zeitalter des Frauenkultus (1863); Geschichte des fûrstlichen 
Hanses Liechtenstein (1868). 

— Le D'' Wilhelm Kubitsghek a été nommé professeur extraordinaire 
d'histoire romaine à l'Université de Vienne. — Le D' P. de Bibnkowski 
a été nommé professeur extraordinaire d'archéologie classique à l'Uni- 
versité de Cracovie. 

— La Société des Antiquaires de Vienne a entrepris de puhlier une 
série de Sources relatives à l'histoire de la ville de Vienne; deux 
volumes ont déjà paru. Le t. III contiendra des régestes tirés des 
archives du chapitre de Sainte-Dorothée et des Archives impériales. 
On prépare aussi une édition des livres commerciaux des industries de 
la ville. On songe enfin à composer une histoire de Vienne d'après les 
travaux les plus récents et avec une illustration copieuse, sous la direc- 
tion de Henrich Zoimermann. Le t. I paraîtra hientôt. 

— La bibliothèque du fidéi-commis de la famille impériale à Vienne 
sera prochainement unie à la bibliothèque de la cour. Elle contient, 



GHRONIQIIB BT BIBLIOGRAPHIE. 233 

entre autres, une collection de portraits fondée par Tarchiduc François 
de Toscane en 1784, laquelle contient actuellement plus de 100,000 por- 
traits. 

— M. J.-B. Tkal(^ig vient de publier, avec une introduction en langue 
croate, le t. III des Monumenta historica liberae regiae civitatis Zagra- 
biae, metropolis regni Dalmatiae, Croatiae et Slavoniae ; il contient les 
Diplomata, de 1500 à 1526 (Âgram, librairie de l'Imprimerie par actions, 
vi-cxix-368 p. Prix, 6 m.). 

Angleterre. — L'excellent Historical Atlas, publié par M. R. L. 
PooLE, continue de paraître régulièrement (Oxford, Glarendon press). 
Les quatre derniers fascicules mensuels contiennent les cartes sui- 
vantes : fasc. 6, Ecosse; ses divisions ecclésiastiques au moyen &ge, 
par M. Gregory SMrrH; les Royaumes francs à l'époque carolingienne, 
par M. Poole; les Royaumes espagnols, 1263-1492, par feu M. Burke; 
— fasc 7 : Europe, 565-720, par M. J. B. Bury; l'Angleterre au temps 
d'Edouard I«', par M. J. Tout; la Russie depuis ravènement des Ro- 
manov, par M. Nisbet Bain ; — fasc. 8 : TEurope en 962, par M. Poole; 
la France en 1429, par M. Tait; Tltalie vers Tan 600, par M. Bury; — 
fasc. 9 : Plrlande au xvn« siècle, par M. Dunlop; la France, la Lor- 
raine et la Bourgogne aux xi« et xii« siècles, par M. W. E. Rhodes; le 
Royaume espagnol depuis 1513, par M. Bubke (voir Revue historique, 
LXIV, 137). 

— Sous les auspices de la R. historical Society, M. J. S. Leadam a 
publié un document très important pour Thistoire de la propriété fon- 
cière au xvi« s. : The Domesday of inclosures, 1517-1518 (Longmans, 
1 vol. en 2 t., 715 p. in-8®). Nous y reviendrons prochainement. Pour 
la même Société, M. Tout prépare l'édition d'un important, document 
trouvé par M. Hall au P. Record office ; c'est le rouleau où ont été 
transcrits les actes du procès intenté aux juges du roi compromis dans 
le scandale de 1289-1290, procès dont il a déjà été question dans la 
Préface du Red book of the Exchequer. 

— Le Rév. W. K. Riland Bedpord a donné une seconde édition, très 
augmentée, de The Blazon of episcopacy, avec un millier de dessins 
représentant les armes des archevêques et évéques de l'Angleterre et 
du pays de Galles (Oxford, at the Glarendon press, in-4<», xu-274 p. 
Prix, 36 sh. 6 p.); précieux instrument de travail pour les archéo- 
logues et les bibliographes, les historiens y trouveront aussi les dates 
de chaque épiscopat. G'est un très utile supplément à l'ouvrage do 
W. Stubbs : Episcopal succession of England qui, lui aussi, vient de 
paraître en une seconde édition entièrement refondue (Oxford, ibid., 
xvi-248 p. in.40. Prix : 10 sh. 6 p.). 

— M. Ghr. Wordsworth vient de donner les Statutes of Lincoln 
cathedral, 2* partie, dont la publication avait été préparée par feu 



234 ODUHIQrE ET tIBLIOGlAPlIl. 

Heniy BaAi>SHAW Cambridge* at the UoiTersity press, 2 vol. îii-8«, 
ccxc-160 et xxTi-tôl-9i5T p.>. Cette seconde partie contient les anciennes 
contâmes de Lincoln, avec des documents concernant Salisbnry, York, 
Lichôeld. Herefoni et Tniro. Noos y reTiendrons. 

— Social Knçland. publié sons la direction de M. Teaul, Tient de se 
terminer a^ec le t. VI, qui Ta de fdi5 à iS^ fCassell, Tm-700 p. in-8<»). 

— Le t. XI des oublications de la Selden SocietT contient les Select 
pUas in the co*àn of Admiraity, t. II, 1547-160?, pnbliés par M. Régi- 
nald G. Marsde5 Londres, Quaritch, L£LXTi-24f p.i. Sur le t. I, Toyex 
la Rev. Mit., i. LXIV, p. 1*26. 

Suisse. — \L Jacques Bcbckhamot, professeur à TUniTersité de 
&\le. Tient de mourir à Tâee de quatre- Tingts ans. Le Journal de 
Gfnm du 11 août denier lui a consacré une intéressante notice bio- 
graphique dont nous reproduirons les parties principales : 

i La plus grande partie de sa Tie s'est écoulée à Bàle^ la ville natale 
du savant. Ne au mois de mai fSiS, il fréquenta nos écoles et étudia à 
fiàle, Berlin et Bonn. Au bout de quelques semestres, il abandonna la 
théolofrie pour Thistoire générale et l'histoire de Part. Cest en 1844 qu'il 
fit pour la première fois des cours à notre UniTcrsité. Dès lors, sauf 
trois ans passés à Zurich ec quelques voyages d'études, surtout en Ita- 
lie, il est constamment resté parmi nous. Professeur à rUniversité et 
dans une partie de nos écoles supérieures, il ne se retira complètement 
de l'enseignement qu'en 1893. 

« Il n est pas facile de retracer, même très superficiellement, les traits 
caractéristiques de cette physionomie. Son renom, qui a dépassé de 
beaucoup les frontières de la culture littéraire allemande, est dû en pre- 
mière ligne à quelques ouvrages capitaux : le Cicérone, que tout voya- 
geur en Italie devrait avoir étudié à fond, l'Époque de Constantin le 
Grand et la Renaissance en Italie. Au premier de ces livres, Tanteur 
lui-même avait donné pour sous-titre : c Manuel pour la jouissance des 
œuvres d*art en Italie. • C'est un traité complet de Fart et de l'histoire 
de Tart où Burckhardt commente avec la même autorité les œuvres de 
la sculpture et de Tarchitecture romaines, les fresques de Sienne et les 
tableaux célèbres du xm« siècle. Dans ses deux autres ouvrages, il traite 
avec une compétence incontestée l'histoire de la civilisation de deux 
époques intéressantes entre toutes. Rien n'échappe à ses investigations. 
L art, la littérature, la vie de famille et la vie publique, la guerre et la 
paix forment sous sa plume les éléments divers d'un tableau vivant 
dont les traits, résultat de savantes déductions, peuvent être considérés 
comme définitifs. 

c Mais les livres de Jacques Burckhardt, si remarquables qu'ils soient, 
n'ont pas été Tœuvre principale de sa vie. Une fois la renommée acquise, 
l'enseignement est devenu de plus on plus son unique préoccupation. 
Chargé, au début, de la chaire d'histoire, il décrivit toutes les époques 
et tous les pays avec la vivacité et la couleur qui ne naissent que de la 



CflaOIflQUB ET BIBLIOGRAPHIE. 235 

lecture des docaments originaux. Peu à peu il se spécialisa dans l'his- 
toire de Tart, et c'est cette discipline qu'il a enseignée le plus longtemps, 
jusqu'en 1893. Gomme ses livres, ses cours universitaires, — celui qui 
écrit ces lignes peut en parler en connaissance de cause, ayant suivi 
tous les principaux, — étaient des œuvres d'art achevées. Bien que, 
depuis son retour de Zurich, il écrivit et parlât toujours d'abondance et 
sans le secours du manuscrit, sa langue était l'allemand le plus clas- 
sique. Ceux qui possèdent des sténogrammes complets, par exemple de 
son Histoire de la Révolution française ou de son Histoire de la culture 
hellénique, possèdent des livres d'une haute valeur. Jacques Burckhardt 
avait peu d'élèves proprement dits : ce n'était pas son ambition de for- 
mer des historiens spécialistes. Aussi comptait-il parmi ses auditeurs 
des étudiants de toutes les facultés. Il disait volontiers que son but était 
d'éveiller le goût de l'histoire et l'intelligence du passé, interprété soit 
dans ses événements politiques soit dans ses œuvres d'art. 

c Cette tendance le mit, dès le début de sa carrière, en contact avec 
le grand public. Dans un temps où l'on ne songeait pas encore aux con- 
férences populaires ni aux cours académiques à l'usage d'un public 
mixte, — qu'on nous prodigue maintenant tous les hivers, — il assem- 
blait autour de lui B&lois et Bàloises pour leur exposer des séries de 
chapitres historiques. Après l'institution des cours publics, Jacques 
Burckhardt fut un de ceux qui occupèrent le plus fréquemment la 
chaire pour parler des sujets les plus intéressants. Pendant l'hiver de la 
guerre franco-allemande, il traita dans un cours de trois conférences la 
question de la Grandeur historique; lorsque, pendant l'hiver de 1883, 
le kronprinz allemand visita les cours italienne et espagnole, il raconta 
à ses auditeurs, sous le titre de Voyage d'une fiancée impériale, les tri- 
bulations tantôt pénibles tantôt plaisantes d'une infante espagnole du 
XVII* siècle se rendant de Madrid à Vienne, voyage qui ne s'accomplit 
qu'avec force incidents pénibles et ridicules. Tantôt il peignait Talley- 
rand d'après ses mémoires, tantôt il donnait un résumé, — pas toujours 
impartial, — des publications nouvelles sur Napoléon I^, qu'il haïssait 
de toute la haine que l'humaniste peut éprouver pour un barbare. Et 
avec quelle netteté et quelle puissance d'évocation il savait décrire les 
toiles d'un Rembrandt, d'un Rubens, d'un Van Dyck ! Nous n'en fini- 
rions pas si nous voulions seulement énumérer toutes les époques de 
l'art, toutes les périodes historiques qu'il a fait revivre dans ces confé- 
rences accessibles à tout le monde et comprises par chacun. 

c Et ce savant vraiment extraordinaire, ce professeur que les plus 
grandes universités nous enviaient en vain, était d'une simplicité et 
d'une modestie touchantes. Resté célibataire, il vivait dans deux 
chambres étroites. Ce n'est que ces dernières années que, cédant aux 
instances de ses amis, il loua bien à contre-cœur un appartement plus 
confortable. > 

Les principales publications de Burckhardt sont : IHe Zeit Constantins 
des Grossen (1852); Der Cicérone (1853; trad. fr. par Gérard); Eribischof 



236 CHRONIQUE BT BIBLIOGIAPHII. 

Andréas von Krain und der letzte Koniiliarversueh in Basel, i4^-i4S4 
(1850); Studien ûber der Dom in Chur (1856-1857); Die Kultur der 
Renaissance in Italien (1860 ; trad. fr. avec des additionB de (reiger) ; Die 
Geschichte der Renaissance in Italien (i867). 

— M. J. BiECHTOLD, professeur de littérature allemande à TUniversité 
de Zurich, est mort le 8 août dernier à l'âge de qoarante-neuf ans. II 
laisse une étude sur Hans Salât, chroniqueur et poète suisse de la pre- 
mière moitié du XV h siècle, et une remarquable Histoire de la littéra- 
ture allemande en Suisse. U a publié en outre dans la Bibliothek xlterer 
Schriftsteller der deutschen Schweiz la chronique de Strettling et les 
œuvres de Nicolas Manuel. 

— L*abbé Jean Gremaud est mort à Fribourg le 20 mai dernier. Il 
était né à Riaz, près Bulle, en 1823 ; il fit ses études à Fribourg et fut 
ordonné prêtre en i847. Dès 1850, le goût des études historiques se 
développa chez lui, il s'y livra avec passion. En 1856, il était appelé 
comme professeur d'histoire au collège de Fribourg; en 1870, il fut 
nommé bibliothécaire cantonal et en 1875 professeur d'histoire au sémi- 
naire diocésain; en 1888, il quitta le collège pour occuper une chaire 
d'histoire dans la nouvelle Université de Fribourg; il était recteur 
lorsque la mort l'a frappé. Il a beaucoup écrit et il est à souhaiter que 
la bibliographie de son œuvre soit faite ; il a publié des travaux dans le 
Mémorial de Fribourg, dans les Étrennes fribourgeoises, dans les Archives 
de la Société d'histoire de Fribourg, Citons de lui sa Préface au Fribourg 
artistique (l^^ année, 1890) et de nombreuses monographies dans le 
même recueil, divers articles dans le Bulletin de la Société suisse de 
numismatique^ entre autres un sur les Premières monnaies de Fribourg 
(l*"® année, 1882, p. 140-148); le Nécrologe des églises cathédrales de Lau- 
sanne et de Sion et de l'église paroissiale de Granges, dans les Mémoires 
et documents publiés par la Société d'histoire de la Suisse romande 
(t. XVIII, 1863); il a publié, dans cette même collection, deux volumes 
(t. XXII et XXIII, 1867 et 1869) contenant les Monuments de l'histoire 
du comté de Gruyère et d'autres fiefs de la maison souveraine de ce nom, 
rassemblés par J.-J. Hisely, et dans le t. XXXIV (1879, p. 467 et suiv.) 
le Nécrologe de la chartreuse de la Lance. Mais son œuvre capitale est la 
publication, également dans la même collection, des Documents relatifs 
à l'histoire du Vallais, qui forment déjà sept volumes (t. XXIX-XXXIII, 
XXXVII et XXXVIII, 1875, 1876, 1878, 1880, 1884, 1893, 1894), com- 
prenant les années 300 à 1431 ; il corrigeait les épreuves du huitième 
volume lorsque la mort l'a surpris. MM. Max de Diesbach {Gazette de 
Lausanne du 24 mai et Semaine littéraire du 5 juin) et J. Mayor {Jour-- 
nal de Genève du 25 mai) ont esquissé le portrait de cet homme t ferme, 
juste et droit, » de cet ami sûr, de cet érudit consciencieux, de ce col- 
lègue à l'esprit fin et parfois malicieux. C'était un caractère et une 
autorité. 

— t Un peuple doit toujours avoir à cœur la conservation des objets 



CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 237 

antiques qui appartienDent soit à son histoire, soit à son culte, soit à sa 
vie privée, soit à l'art. Ces objets font eux-mêmes partie de son his- 
toire et méritent d'être conservés, les uns pour leur forme et leur tra- 
vail, les autres pour les souvenirs qui s'y rattachent. • Cette pensée de 
Tabbé Gremaud aurait pu servir d'épigraphe à la belle publication inti- 
tulée : VArt ancien à l'exposition nationale suisse. Album illustré (GeDèye^ 
i896, in-foL). On sait que la section la plus remarquée de cette exposi- 
tion a été le groupe de Tart ancien. La Revue a signalé Fan dernier l'im- 
portant Catalogue qui en a été fait. VAlbutn, qui vient d'être publié par 
les soins et sous la direction de M. Camille Favre, président du groupe, 
contient 75 planches d'une belle exécution reproduisant les spécimens 
les plus intéressants des diverses branches de l'art ancien suisse. Il est 
superflu d'insister sur la valeur archéologique de cet ouvrage. 

— M. Jacob NuEscH vient de publier un ouvrage intitulé : Das Schwei' 
zersbild, eine Niederlassung aus pal«Bolitischer und neolitischer Zeit (publié 
aux frais de la Société helvétique des sciences naturelles, forme le 
t. XXXV des Nouveaux mémoires de cette Société. Zurich, 1896, in-4o 
de 328 p. avec une carte, 25 pi. et 8 fig.). Ce volume contient, outre le 
travail de M. Nuesch, des mémoires spéciaux de divers naturalistes 
sur l'importante station préhistorique découverte près de SchafiThouse 
en 1891. 

— Nous devons à M. Hunziker un volume contenant des récits con- 
temporains des troubles des années 1794 à 1798 dans le canton de Zurich. 
Cette publication, augmentée de nombreuses pièces en appendice, forme 
le t. XVII des Quellen zur Schweizer Geschichte : ZeitgeruBSsische Darstel' 
lungen der Unruhen in der Landschaft Zurich (Bâle, Geering, 1897, in-8« 
de xxiii et 358 p.). On pourrait reprocher à ce volume d'être d'un inté- 
rêt un peu local pour la collection dans laquelle il a paru ; mais M. Hun- 
ziker répond à cela que, dans aucun autre canton, les préliminaires de 
la révolution n'ont eu un caractère aussi bien déterminé et que l'his- 
toire n'en sera que plus frappante, limitée qu'elle est à un seul canton. 

— Il n'existe pas encore d'histoire vraiment scientifique du Valais ; 
Tabbé Gremaud en accumulait les matériaux; M. R. Hoppeler n'a pas 
entrepris de l'écrire, mais il en publie aujourd'hui quelques chapitres 
plus spécialement consacrés au Bas- Valais jusqu'au commencement du 
xiv« siècle : Beitrxge zur Geschichte des Wallis im Mittelalter (Zurich, 
Orell-Fuessli, 1897, rv-291 p.). C'est un louable effort dont il faut lui 
être reconnaissant. 

— f Le XVIII» siècle forme dans l'histoire de Genève une période bien 
distincte, caractérisée par une vie politique intense, dont témoignent 
les milliers d'imprimés contemporains. » C'est la Bibliographie histo- 
rique de Genève au XVII !• siècle, que vient de publier M. Emile Ri voire 
(t. XXVI et XXVII des Mémoires et documents publiés par la Société 
d'histoire et d'archéologie de Genève. Tirage à part. Genève, JuUien, Georg ; 
Paris, Alph. Picard, 1897, 2 vol. in-8» de xi-586 et 509 p.). On trouve 



2^ cn^^on n b 

'tizi -y» drraz T'^Lomes «es â:re» <i<î pliu <ie 'SdflêapaicnW oa oamç», 
iiûiTU :•> l'indication •!« la. bibiiûC2ièq:ie od ik ae tnvfCBt et de noies 

iiii>v>rii7~:^ : la VjZJGiz^zioR dit '^ec osTrue e^ ÎKililée par deux tables, 
: .:ii^. îa uh.e d^ ûtres. i'3jz:r?. la ubîe alphabécîqne des maôëfes. — 
M. ii.TÀrti ^ fait renir»r dans «a Bibiù>;rsphie Les brochniesec les dian- 
aoQ.^ pr^Liciixaés. Lie^ •^Zê, ri^Leinea:^. '>rdocinaix£es. Les poblicatioQS offi- 
ciai. es. les réeîLî de fèces. Les -iiseocrs ec sermons de ciroonscacoe, les 
b;:.'=r^na de tov^. les paÀê^p^jftâ, er^., plus quelques écrits relatî& anx 
aff<iir>^ eci^lésiajwiqaes. à I instmidûa paoU'ipie. aax arts et à rindas- 
the o'i à de* particulier?. Ces exoelienis Trolames, conçus sor on plan 
trè^ clair, stjnt aae source ai>ja^iaxite de reaseignements précis à laqndie 
devront palier itjns ceax qoi «'Oi:caperc>at du xyo* siècLe genevois, aussi 
biea au point de Tne hlstohqne qa'aa point de vue de l'histoire litté- 
raire oa de i'hisUiire des mœars. 

— La Société suisse des traditions populaires, fondée dq>ais on an, 
â'e«t réunie le 30 mai dernier à Zurich. Deax travaux ont été commu- 
niqués à la seanee. l'un de M. le professeur Ernest Hrsjst sor la légende 
de la reine Eterthe. l'autre de M. Uoffva^x-Krateb relatif à l'histoire 
de la gorcellerie à la an du moven àee. Ces deux mémoires serait 
publiés dans les Àrehitts de La Société. 

LirhES y'jZTLxzT. — A'. D3tndUker. Ortsgeâchickte and historiscàe Hen 
matkande in Wisseoâchalt and Schnle. Zurich, IS97, in-8% i^-WZ p. fcoatfmnt, 
p. 90-110, one intéressante liste des oarrages relatifs an eanton de Zurich}. ~ 
J, Magor. La Tour de l lie [^ Genève^, brere notice. Genève, ^arrjs, ISS?, 
in-8% 26 p., avec fig. 

Italie. — M. Giovanni de Castro, historien distingué, particulière- 
ment par ses excellents ouvrages écrits pour les classes, vient de mourir 
à fieliagio à Tàge de soixante ans. 

— Il \ient de paraître (Bologne, éd. Zanicheliii un volume très inté- 
ressant de souvenirs personnels sur la période de la révolution ita- 
lienne, c'est VAutobiografia di un veterano; ricordi storici e aneddotiei 
del générale Enrico Délia Rocca, qui vient d*atteindre Tâge de quatre- 
vingt-onze ans. Le volume paru \495 p.) va de 1807 à 1859. 

— L'éditeur F. Vallardi, de Milan, a commencé la publication par 
fa.scicules d^une grande Histoire politique d'Italie. L'ouvrage compren- 
dra neuf volumes; Thistoire préromaine sera traitée par M. firizio, 
l'histoire romaine par M. Bertolini, Thistoire du moyen âge et des 
temps modernes par MM. Gianani, Romano, Orsi, Caliegari, Franchetti, 
(le Castro et Giovagnoli. — A côté de cette Histoire politique, le même 
éditeur publiera aussi une Histoire littéraire d'Italie, due également 
à plusieurs écrivains spécialistes. 

Pays-Bas. — M. Roooe a publié trois lettres de Hugo Grotius à sa 
femme, Maria van Reigersbergh, dans Oud Holland (t. XIV, 4). 

— A l'Académie royale d'Amsterdam (séance de février), M. Rogoe 



GHaONtQUB BT BIBLlOGaiPHIK. 239 

a exposé l'incobéreace et la défectuosité des Lettres et Mémoires du 
comte d'Estrades, publiés pour la première fois en 1709, d'après une 
collection de documents, par A. de Wicqucfort. M. Rogge, en com- 
parant ces Lettres et Mémoires à la collection presque complète des 
papiers d'Estrades, qui se trouve aux Archives du Ministère des 
Afl'aires Etrangères à Paris, a émis le vœu qu'un supplément aux 
Lettres et Mémoires fût publié. A cette occasion, M. Blok a 6xé 
l'attention de M. Rogge sur la collection Glairambault à la Bibliothèque 
nationale à Paris, qui contient une partie des papiers d'Estrades. 

— Dans la séance de mars, M. Mac Gall-Thbal a prononcé un dis- 
cours sur les sources de l'histoire sud-africaine. 

— Les négociations de Munster en 1643-1648 ont donné naissance à 
une littérature très abondante de pamphlets néerlandais. Cette littérature 
a été traitée par M. Blok dans la séance d'avril. M. Blok a démontré 
l'importance de ces pamphlets, qui font connaître l'opinion publique 
sur les négociations, opinion qui se tourna décidément en faveur de la 
paix en 1646. 

— Pour l'histoire de l'époque ot Jean de Witt fut grand«pensionnaire, 
les papiers de Hans Bontemantel, régent d'Amsterdam jusqu'à 1672, sont 
d'un grand intérêt. C'est à M. Kernkamp que nous sommes redevables 
de cette publication importante, dont le t. I, traitant la régence d'Ams- 
terdam, a paru dans les œuvres de la Société d'histoire à Utrecht. 

— Une thèse très remarquable de Leyde intitulée De Patriottentyd 
est due à M. Colenbrander, qui a étudié les temps troublés de 1776- 
1787 dans les archives de la Haye, de Wolfenbûttel, de Berlin, de 
Paris, de Londres. Le tome I*' nous mène jusqu'à 1784 ; le tome II 
traitera les trois années de 1784-1787. 

— Dans la revue De Tydspiegel (mars-avril), M. van dbn Brqegk (mort 
depuis) étudie les premiers établissements des Portugais dans les Indes - 
Orientales. Dans la même revue (mai), M. Domela-Nieuwenhuis public 
des mémoires de son grand-père, qui ne manquent pas d'intérêt pour les 
dernières années du xvui« siècle. 

— Quelques lettres de Thorbecke, l'homme d'état qui occupa la plus 
grande place dans l'histoire des Pays-Bas pendant le troisième quart de 
notre siècle, ont été publiées par M. Berckenhofp dans le Gids de mars. 
Ces lettres, écrites durant le séjour de l'auteur en Allemagne, font 
connaître les sentiments et pensées intimes de Thorbecke avant son 
entrée dans la carrière de savant et de politique. La manière dont la 
Compagnie des Indes-Orientales a perdu l'ile de Formose est racontée 
par M. Kalff dans le Gids d'avril. 

-* M. VAN DER Kemp coutlnue ses études documentées sur les causes du 
soulèvement de Dipanegara (voir Revue historiqtie de mars 1897) dans 
le t. XL VII des publications de l'Institut royal de philologie, etc., des 
Indes-Orientales. 



240 cHEO^iQUi rr buliog&aphib. 

— La cession du cap de Bonne-Espérance par le gouvernement 
néerlandais aux Anglais en 1814 a suscité plnsieurs fois de véhémentes 
critiques qui ont taxé cette vente de honteuse; M. Hberbs a entrepris 
encore une fois de réfuter ces accusations, à l'aide de documents 
nouveaux ou peu connus, à la séance d'avril de la Société de philo- 
logie néerlandaise (section d'histoire) à Leyde. Le même sujet est 
discuté par M. van der Kemp dans les publications de Tlnstitut royal 
de philologie, etc., des Lides-Orien taies (t. XL VIE); ses conclusions 
diffèrent quelque peu de celles de M. Heeres; s'il nie, lui aussi, 
la vente, il constate néanmoins que le gouvernement néerlandais 
a montré trop peu de fermeté envers le ministère anglais et 8*est rési- 
gné trop facilement aux sacrifices des colonies demandées par les Anglais 
en acceptant, en guise de dédommagement, de fortes sommes dont on 
avait besoin pour former une ligne de défense suffisante contre la 
France. 

— L'assemblée générale des membres de la Société d'histoire à 
Utrecht s'est réunie le 20 avril. M. de Beaufort y a raconté l'arresta- 
tion du baron de Gôrtz à Arnhem en 1717, d'après des recherches dans 
nos dépôts et en utilisant les résultats acquis nouvellement par M. Syve- 
ton (voir Revue d'hût. diplom,, IX-X). 

— Est-il possible de classifier les peintres hollandais du xvn« siècle 
d'après des écoles locales? M. Hofstede de Groot a posé cette question 
et y a répondu négativement ; il estime qu'une classification chronolo- 
gique offrirait de moindres obstacles. 

— M. MuLLER, de Leyde, a traité l'étude de l'histoire générale des 
Pays-Bas et de l'histoire locale, en constatant qu'en Hollande, depuis 
une vingtaine d'années, l'histoire locale a été étudiée de préférence. 
Sans méconnaître les mérites de ces études, il faut aussi, au sentiment 
de M. Muller, que les historiens mettent à profit les documents, qu'on a 
déjà publiés en si grand nombre, pour composer des œuvres d'ensemble 
sur plusieurs périodes. 

— Le rapport sur les recherches provisoires entreprises, snr l'ordre 
du gouvernement néerlandais, par M. Blok dans les dépôts de Paris^ 
afin de trouver et de signaler les collections qui contiennent des pièces 
importantes pour l'histoire des Pays-Bas, a paru récemment. 

— M. RoosEQAARDE-BisscHOP, chargé de rechercher aux archives de 
r « India Office t à Londres les pièces intéressant l'histoire des Indes- 
Orientales, a rendu compte de son travail dans les mémoires de 
l'Institut royal de philologie, etc., des Indes-Orientales (t. XL VU). 



L'un des propriétaires^érants, G. Monod. 



Nogent-le-Rotrou, imprimerie Daupeley-Gouverneur. 



L'ASTROLOGIE 



DANS LE HONDE ROMAIN' 



Entre les précurseui^s , les partisans ou collaborateurs et les 
adversaires de Tastrologie en Grèce, il n'y a aucune solution de 
continuité : on ne saurait distinguer dans l'histoire de la doctrine 
des périodes successives de formation, de lutte, de triomphe. Les 
théories astrologiques restèrent toujours objet de discussion, et 
c*est par la discussion même qu'elles ont été sollicitées à élargir 
leurs principes, à combler leurs lacunes, à remanier les raison- 
nements ou les pratiques qui prêtaient aux objections. On n'est 
pas étonné d'apprendre que les astronomes, ceux qui étaient à 
même d'apprécier la valeur scientifique des dogmes chaldéens, se 
sont tenus sur le pied d'hostilité avec des concurrents qui préten- 
daient réduire l'astronomie au rôle de servante de l'astrologie et 
la consigner à la porte du laboratoire où les nombres et les figures 
fournies par l'observation se transformaient en oracles infaillibles, 
en décrets du Destin. Cicéron cite Eudoxe, Ânchialus, Cassandre 
et Scylax d'Halicarnasse parmi ceux qui faisaient fi des prédic- 
tions astrologiques*. Hipparque, au dire de Pline, croyait ferme- 
ment à la « parenté des astres avec l'homme, et que nos âmes 
« sont une partie du ciéP » ; mais cette foi, qui pouvait l'amener 
peut-être à prendre, son catalogue d'étoiles fixes pour une liste 
d'âmes divinisées, l'éloignait plutôt de l'astrologie considérée 
comme moyen de divination. Il tenait sans doute pour infranchis- 
sable la ligne de démarcation tracée par Âristote entre l'agitation 
du monde sublunaire et la paix divine des sphères supérieures. 

1. [Cet article forme le chapitre xvi et dernier d'an ouvrage destiné à paraître 
prochainement, l'Astrologie grecque. L'auteur a supprimé ici et réserve pour le 
lirre les notes abondantes qui éclairent et commentent le texte, se bornant, 
en fait de références, à l'indispensable. N. D. L. R.] 

^ Cic. Divin. Il, 42. 

3. PUn. HUL Nal. U, { 95. 

EUv. HiSTOR. LXV. 2« fabg. 16 



242 Â. BOUGHé-LGCLBRCQ. 

Dans les écoles philosophiques, l'astrologie avait l'encontré, 
partout ailleurs que chez les Stoïciens, un accueil assez dédai- 
gneux. Les Epicuriens Técartaient par une fin de non-recevoir 
pure et simple ; les Péripatéticiens avaient divisé la science de 
la Nature en une série de compartiments autonomes soustraits à 
la tyrannie des nombres pythagoriciens, aux exigences de l'har- 
monie et de la solidarité universelles, postulats indispensables 
de l'astrologie à prétentions scientifiques ; la nouvelle Académie, 
répudiant en bloc tout le mysticisme pythagoricien dont s'amu- 
sait la fantaisie de Platon, n'avait gardé de l'héritage du maître 
que le goût de l'éristiqueet criblait d'objections toutes les doctrines, 
connues ou possibles, qui donnaient leurs conclusions comme cer- 
taines, à plus forte raison comme infaillibles. L'astrologie aurait 
été éliminée du monde où l'on raisonne et réduite à la clientèle 
des âmes simples, d'ailleurs incapables de la comprendre, si elle 
n'avait rencontré dans les Stoïciens des alliés et des collaborateurs 
infatigables, rompus à toutes les finesses de la dialectique, qui 
avaient lié leur cause à la sienne et l'approvisionnaient au fur 
et à mesure d'arguments, de réponses, de distinctions, d'échap- 
patoires. Cette alliance s'était conclue dès l'origine, au moment 
où Bérose importait en Grèce les dogmes chaldéens et où Zenon 
fondait l'école du Portique. Depuis lors, les Stoïciens, dogma- 
tiques par nature et attachés à leur orthodoxie particulière, ne 
voulaient ni ne pouvaient renier l'astrologie systématisée , qui 
était faite en grande partie de leurs doctrines. Panétius seul se 
sépara sur ce point de ses maîtres et de ses disciples*. D'autres, 
reculant devant un schisme, cherchaient des transactions. Dio- 
gène de Séleucie sur le Tigre, dit « le Babylonien », disciple de 
Chrysippe, réduisait l'astrologie au rôle de la physiognomonie, 
c'est-à-dire à discerner les aptitudes naturelles de chacun^. Évi- 
demment, Diogène avait été intimidé et Panétius convaincu par 
les arguments du redoutable Carnéade, qui n'avait pas son pareil 
pour démolir les systèmes les mieux construits. Mais Posidonius, 
l'homme au savoir encyclopédique, était venu arrêter le stoïcisme 
sur la pente des concessions ; il avait revisé tout l'ensemble des 
théories astrologiques, consolidant les parties ébranlées, comblant 

1. Cic. Divin. II, 42. 

2. Cic. Divin, II, 43. Son compatriote et contemporain, le c Ghaidéen » Séleo* 
eus, astronome, physicien et géographe, avait tout à fait rompu arec l'aslio- 
logie. Cf. S. Rugc, Der ChalcUler Seleukos. Drcsden, 1865. 




L* ASTROLOGIE DANS LE MONDE ROMAIN. 248 

les lacunes, trouvant pour relier entre elles les assertions les plus 
disparates des associations d'idées à longue portée^ qu'il était dif- 
ficile de réfuter par l'analyse et qui déconcertaient les adversaires 
aussi sûrement ou mieux que des raisons en forme. C'est lui peut- 
être qui a construit ou achevé la forteresse astrologique autour 
de laquelle s'est usé, des siècles durant, Tefifort des sceptiques, des 
moralistes invoquant le libre arbitre, des théologiens luttant pour 
leur foi, tous inhabiles à démêler le sophisme dans les arguments 
captieux qu'ils connaissaient mal et suspects d'ignorance quand 
ils s'avisaient, de guerre lasse, d'en appeler au sens commun, 
telum imbelle, sine ictu^. 

Sous la garantie d'un savant aussi réputé, qui eut, comme 
professeur, la clientèle de l'aristocratie romaine, les gens du 
monde, jusque-là défiants ou indifiérents, purent s'avouer adeptes 
de l'astrologie. Celle-ci une fois à la mode, la curiosité des dilet- 
tantes fit surgir une foule de praticiens qui ne voulaient plus 
avoir rien de commun avec les « Chaldéens » de carrefour, des 
gens experts à manier les chifi*res et les figures géométriques et 
qui réclamaient derechef le titre de « mathématiciens », tombé 
en déshérence depuis la disparition des écoles pythagoriciennes. 
L'astrologie n'avait eu jusque-là pour aliment que les disputes 
philosophiques et la foi inintelligente du vulgaire; elle avait 
trouvé enfin, entre ces deux extrêmes, le terrain sur lequel elle 
allait s'asseoir et prospérer, une société riche, lettrée, ayant 
atteint sans le dépasser ce degré de scepticisme où les vieilles 
croyances qui s'en vont laissent la place libre aux nouveautés 
qui arrivent. C'est la Grèce qui fournit les astrologues; les 
Romains, habitués de longue date au rôle de disciples, les 
admirent, les consultent et les payent. 

I. 

Il y avait longtemps déjà que des charlatans, dont on ne peut 
plus reconnaître la nationalité sous leur nom générique de « Chal- 
déens », exploitaient à Rome la crédulité populaire. On ne se trom- 
perait guère en pensant que ces Chaldéens étaient des Grecs attirés 
parla vogue naissante de l'hellénisme. La littérature et l'astrolo- 

1. Sur Posidonius comme soncce principale de la Tétrahible de Ptolémée, 
Toy. l'étude magistrale de Fr. Boll, Studien Uber Clauditu Plolemaus (Jahrbb. 
t kl. Philol. Snpplbd. XXI [1894|, p. 49-244). 



244 A. BOOGH^-LEGLERCa- 

gie grecques étaient entrées ensemble» visant à conquérir, celle-ci 
la plèbe, Tautre Taristocratie. Les lettrés n'eurent d'abord que 
dédain pour les diseurs de bonne aventure, « les astrologues de 
« cirque ». Caton défendait à son fermier de consulter les Chal- 
déens*. 

En 139 av. J.-G., le préteur pérégrin Cn. Cornélius Hispalos 
crut devoir intervenir. En vertu de son droit de juridiction sur 
les étrangers, il « ordonna par édit aux Chaldéens de sortir de la 
« ville et de l'Italie dans les dix jours, attendu que, au nom d'une 
« fallacieuse interprétation des astres, ces gens jetaient par leurs 
« mensonges, dans les esprits légers et incapables, un aveugle- 
< ment lucratif- ». Nous n'avons pas là sans doute le fond de la 
pensée du magistrat ; le souci de la bourse des citoyens pouvait 
bien n'être qu'un prétexte. 

Le danger des consultations non surveillées allait apparaître 
plus nettement à mesure que la foi à l'astrologie gagnerait les 
hautes classes. Cet envahissement, que l'on a cru pouvoir attri- 
buer plus haut, pour une bonne part, à l'influence de Posidonius, 
paraît avoir été assez rapide. Par le temps de révolutions et de 
péripéties soudaines qu'inaugure la poussée démagogique des 
Gracques, on ne croyait plus à l'équilibre providentiel, à la 
logique qui lie les conséquences aux actes volontaires, mais à la 
Fortune, hasard pour les uns, prédestination pour les autres. 
Quand Cn. Octavius fut égorgé par les sicaires de Marius, on 
trouva sur lui, dit-on, « un diagramme chaldéen », sur la foi 
duquel il était resté k Rome^. Cependant, les astrologues n'avaient 
pas encore évincé des meilleures places les haruspices toscans, 
qui, du reste, leur firent toujours concurrence, empruntant au 
besoin à l'astrologie de quoi rajeunir l'haruspicine. On cite les 
haruspices attitrés de C. Gracchus, de Sylla, de J. César; on ne 
leur connaît pas d'astrologues familiers. Mais nous savons par 
Cicéron que les grands ambitieux de son temps prêtaient l'oreille 
aux faiseurs d'horoscopes. « Que de choses, dit-il, ont été, à ma 
« connaissance, prédites par les Chaldéens à Pompée, combien à 
€ Crassus, combien k César lui-même : qu'aucun d'eux ne mour- 
« rait, sinon en grand âge, sinon en paix, sinon avec gloire ! C'est 
« au point que je suis stupéfait qu'il se trouve encore quelqu'un 

1. Cic. Divin. I, 58. Cato, De Agricult. I, 5, 4. 

2. Val. Maxim. EpU, I, 3, 3. 

3. Plut. Matins, 42. 



l'astrologie Dans le monde ROMILN. 245 

« pour croire des gens dont on voit les prédictions démenties 
« chaque jour par la réalité des événements* ». 

Il n'y a d'étonnant ici — soit dit en passant — que Tétonne- 
ment de Cicéron. Les hommes croient toujours ce qu'ils espèrent, 
et la foi échappe toujours aux démentis de l'expérience. S'il s'est 
rencontré des astrologues assez avisés pour aflSrmer à Sylla que 
la Vénus dont il se croyait le favori, à César que la Vénus dont 
il se disait le descendant^ c'était la planète aimable et favorable 
entre toutes et qu'elle leur garantissait longue vie et prospérité, 
il est probable que ces esprits forts ont cru, sans plus ample 
informé, à leur étoile. Cicéron lui-même, qui, conmie philosophe, 
bafoue les astrologues, leur emprunte, comme rhéteur, des expres- 
sions dogmatiques. Quand il place les âmes des grands hommes 
dans la Voie Lactée, il ne fait qu'exploiter un vieux mythe plato- 
nicien ; mais, quand il appelle la planète Jupiter « un flambeau 
prospère et salutaire au genre humain » et la planète Mars « un 
feu rouge et redouté sur terre », il met dans la bouche du premier 
Africain des aphorismes astrologiques*. 

C'est que les idées astrologiques commençaient à entrer dans 
la circulation banale, à se glisser dans le bagage intellectuel des 
esprits de culture moyenne. Elles y entraient, astronomie et 
astrologie mêlées, par la littérature, où les « catastérismes » 
multipliés à satiété par les Alexandrins, les descriptions du ciel 
à la mode d'Aratus paraissaient aux Romains des sujets tout 
neufs et stimulaient leur imagination rétive; elles y entrèrent 
surtout, et par une plus large ouverture, lorsque l'encyclopédiste 
de l'époque, Varron, et son contemporain P. Nigidius Figulus, 
adepte fervent de toutes les sciences occultes, eurent mis à la 
portée du grand public les principales règles de l'art des « mathé- 
€ maticiens ». La comète qui parut à la mort de César dut hâter 
singulièrement la propagande. En tant que « prodige », le phé- 
nomène fut interprété officiellement par les haruspices ; mais les 
astrologues, on peut le croire, ne manquèrent pas de dire leur 
mot, et c'est à eux surtout que profitèrent les graves débats ins- 
titués à ce propos sur la destinée de Rome, la durée probable de 
son existence passée et future, le renouvellement possible de 
toutes choses par une échéance ultime, peut-être celle de la 
« grande année » astrologique, échéance à laquelle les Stoïciens 

1. Cic. Divin, II, 47. 

2. Cic. Bep, VI, 17. 



246 1. BOUCHIÎ-LBCLBRCQ. 

avaient attaché leur àxoxaT(i(jTa<itç ou « restauration » de l'oni- 
vers. L'héritier de César choisit Texplication la plus conforme 
aux traditions littéraires et la plus propre à établir le système de 
Tapothéose dynastique : il « voulut que la comète fût Tâme de 
« son père^ » ; mais il ne lui déplaisait pas que les haruspices ou 
des oracles sibyllins annonçassent l'avènement d'un nouvel ordre 
de choses. Il gardait par-devers lui l'idée que cet astre était aussi 
son étoile à lui, l'horoscope de la nouvelle naissance qui le faisait 
fils adoptif de César. L'astrologue qui lui procura cette < joie 
« intérieure* » était probablement ce Théagène qui était déjà le 
confident et qui devint par la suite presque le collaborateur du 
maître. C'est à l'astrologie, en effet, qu'Auguste demanda une 
preuve, assurément originale, de la légitimité de son pouvoir. 
« Il eut bientôt », dit Suétone, « une telle confiance dans sa des- 
« tinée qu'il publia son thème de géniture et frappa la monnaie 
« d'argent au signe du Capricorne, sous lequel il était né* ». 

En ce qui concernait la comète de l'an 44, l'événement donna 
raison à tout le monde, à ceux qui glorifiaient César et son fils 
adoptif comme à ceux qui annonçaient, au nom des doctrines tos- 
canes, un siècle nouveau^, ou, au nom de l'orthodoxie astrolo- 
gique, des bouleversements et guerres sanglantes. Si les époques 
de crise, en déroutant les prévisions rationnelles, poussent au 
fatalisme et à la superstition, les Romains durent faire, entre les 
ides de mars 44 et la bataille d'Actium, de rapides progrès dans 
la foi aux sciences occultes. Cette foi, l'astrologie et l'haruspicine 
se la disputaient à chances à peu près égales. L'une avait pour 
elle son antiquité, l'autre sa nouveauté. Les Grecs étaient bien 
ingénieux, mais les Toscans étaient bien habiles. Inférieurs à 
leurs rivaux quand il s'agissait de tracer le plan de toute une 
vie, les haruspices reprenaient l'avantage dans le détail de l'exis- 
tence, surtout en présence de ces avis surnaturels appelés « pro- 
diges », pour lesquels il n'y avait point de place dans les mathé- 
matiques. Aussi se trouva-t-il des amateurs pour essayer de com- 
parer et peut-être de combiner les deux disciplines. C'est ce que 
faisait déjà Nigidius Figulus, et Varron, qui savait tout, était 



1. Serv. ad Virg. Ed. IX, 47. Aen. VIII, 681. 

2. Plin. Hist. Nat. II, g 94. 

3. Suet. Aug. 94. 

4. Cf. mon Histoire de la Divination, IV, p. 91 sqq., et rtrticle Haruspices 
dans le DicL des Antiquités de Darembourg et SagUo. 



L^iSTROLOGIB DA^S LE MONDE ROMAIN. 247 

homme à tout mélanger. Son ami et Tami de Cicéron, Tarutius 
(le Firmum, l'astrologue éminent qui fit et refit le thème de nati- 
vité de Rome S devait être — son nom l'indique — un Toscan 
dont la curiosité avait dépassé les ressources de l'haruspicine. Il 
y a eu à Rome contact, rivalité, adultération réciproque entre la 
divination étrusque et l'astrologie, sans qu'on puisse dire au juste 
dans quelle mesure elles ont réagi l'une sur l'autre. Rappelons seu- 
lement qu'elles se rencontraient nécessairement sur des domaines 
communs, par exemple, l'interprétation des foudres et autres phé- 
nomènes « célestes », et la localisation des influences divines ou 
astrales dans les viscères. 

Sous le principat d'Auguste, l'astrologie est décidément à la 
mode. Tout le monde se pique d'en avoir quelque teinture, et 
les écrivains multiplient des allusions qu'ils savent devoir être 
comprises même des gens du monde. 

Jamais les astres n'ont tenu tant de place dans la littérature. 
Le catastérisme ou translation dans les astres, suivant la formule 
alexandrine, devient la conclusion normale de quantité de légendes 
et la forme ordinaire de l'immortalité promise aux grands hommes ; 
on retouche les portraits des devins épiques, des Mélampus, des 
Tirésias, des Calchas et des Hélénus^ pour leur attribuer « la 
« science des astres », sans laquelle ils eussent paru au-dessous de 
leur réputation. En fait d'astronomie, l'auteur des Géorgiques 
est hors de pair ; mais Horace lui-même met une sorte de coquet- 
terie à montrer qu'il est quelque peu frotté d'astrologie. Ce n'est 
plus un fidèle d'Apollon , mais un disciple des Chaldéens qui se classe 
lui-même parmi les « hommes de Mercure », qui félicite Mécène 
d'avoir échappé, par la protection de Jupiter, à l'influence meur- 
trière de Saturne et qui, dérouté sans doute par le désordre du 
calendrier avant la réforme julienne, se demande s'il est né sous 
la Balance, le Scorpion, « portion dangereuse d'un horoscope », 
ou le Capricorne, « tyran de la mer d'Hespérie ». Mécène et lui 
avaient dû consulter quelques praticiens, qui avaient trouvé 
« incroyablement concordants » les thèmes de géniture des deux 
amis. Properce ne se contente plus, comme Horace, d'allusions 
faites en passant aux arcanes de la nouvelle science. Il met en 

1. Cic. Divin. II, 47. 

2. Cf. Virg. Aen. III, 360. SUt. Theh, III, 558, etc. Properce (V, 1, 109] 
dédaigne Calchas, qui ne savait pas l'astrologie. 



248 A. BODGHé-LBGLERCQ. 

scène un astrologue, fils du « Babylonien Horops », qui connaît 
4c rétoile heureuse de Jupiter, celle du violent Mars, et l'astre de 
« Saturne, qui pèse sur toute tête, et ce qu'apportent les Poissons, 
€ le signe impétueux du Lion et le Capricorne baigné par Tonde 
« d'Hespérie ». Son mathématicien est de ceux qui s'entendent à 
4c flaire tourner sur la boule d'airain les signes », les « signes 
« redoublés de la route oblique », et qui, pour inspirer confiance, 
tonnent contre la mauvaise foi des charlatans. Ce personnage 
donne à Properce une consultatio^i qu'il termine en l'avertissant 
de redouter « le dos sinistre du Cancer* ». Le poète plaisante 
peut-être moins qu'il ne veut en avoir l'air ; il se pourrait qu'il 
ait emporté cette menace de quelque cabinet d'astrologue et qu'il 
la prenne au sérieux. L'auteur de VIbis, étalant le thème de géni- 
ture de son ennemi, parle le langage des hommes du métier. « Tu 
« es né malheureux », s'écriet-il, « et aucune étoile n'a été propice 
« et légère à ta naissance. Vénus n'a pas envoyé ses rayons à 
« cette heure, ni Jupiter; ni le Soleil ni la Lune n'ont été en lieu 
« convenable, et celui que la brillante Maïa a engendré du grand 
« Jupiter n'a pas disposé ses feux de façon utile pour toi. Sur toi 
« ont pesé l'astre de Mars, qui ne présage que choses brutales et 
« jamais rien de paisible, et celui du vieillard à la faux. Ton jour 
« natal, pour que tout fût à la tristesse, apparut vilain et noirci 
« d'une couche de nuages^ ». Il n'y aurait qu'à ajouter des chiffres 
à ce morceau pour en faire un document professionnel. 

La description des astres, de phénomènes célestes réels ou ima- 
ginaires, de prodiges de ce genre interprétés, tend à devenir une 
manie littéraire. A la cour du Palatin, qui donnait le ton à la 
bonne société, la science des astres trouvait des clients et même 
des disciples. Germanicus employait ses loisirs à traduire en vers 
— comme l'avait fait avant lui Cicéron — les Phénomènes 
d'Aratus, ou même à corriger son modèle; et c'était, sans nul 
doute, pour les plus hauts cénacles que Manilius écrivait son 
poème des Astronomiques y mélange singulier de foi enthousiaste 
et de science douteuse, qui mérite de survivre comme œuvre lit- 
téraire au discrédit des doctrines apprises à la hâte par cet astro- 
logue de rencontre. Nous ignorons, du reste, si le poète avait pris 
là le meilleur moyen de faire sa cour à Auguste ou à l'héritier 

1. Propert. V, 1, 75-108. 

2. Ovid. Ibis, 207-216. 



l'astrologie dans le monde romain. 249 

présomptif d'Auguste, et si la plume ne lui fut pas arrachée des 
maiDS par la peur de tomber sous le coup des mesures décrétées 
contre les « Chaldéens » par Tibère. 

On commençait, en effet, à s'apercevoir que l'astrologie, aris- 
tocratique par essence, semblait faite pour éveiller et nourrir les 
grandes ambitions. Tibère le savait, dit-on, par sa propre expé- 
rience, ajoutée à celle de son père adoptif. On racontait que, 
tombé en disgrâce et exilé à Rhodes, il avait pris des leçons du 
« mathématicien Thrasylle » et que, plus tard, il avait deviné 
dans Galba l'homme « qui goûterait un jour à l'Empire* ». La 
légende s'en mêlant, on finit par croire qu'il avait créé une sorte 
de cabinet noir, où des rabatteurs d'horoscopes apportaient les 
secrets des particuliers et d'où, après examen des thèmes de géni- 
ture fait par lui-même ou par Thrasylle, il frappait à coup sûr 
les têtes marquées pour de hautes destinées 2. De même qu'il 
s'était créé autour des oracles une foison d'anecdotes tendant à 
montrer leur infaillibilité et l'inanité des efforts faits par l'homme, 
même prévenu, pour échapper à sa destinée, de même l'astrolo- 
gie, une fois en crédit, est censée marquer d'avance aux person- 
nages historiques les étapes de leur existence, et c'est une joie 
pour les croyants de voir les prédictions se réaliser, en dépit des 
doutes, des précautions, ou tout autrement qu'on ne l'avait sup- 
posé. C'est ainsi que, au rapport de Tacite, Tibère ayant quitté 
Rome en l'an 26, « les connaisseurs des choses célestes assuraient 
« que Tibère était sorti de Rome sous des mouvements d'astres 
« tels que le retour lui était impossible. Ce fut la perte d'une 
« foule de gens qui crurent à sa mort prochaine et en répandirent 
« le bruit; ils ne prévoyaient pas, en effet, tant le cas était 
« incroyable, que onze ans durant il s'exilerait volontairement 
« de sa patrie. On vit par la suite combien l'art confine de près 
« à Terreur et comme le vrai s'enveloppe d'obscurité. L'annonce 
« qu'il ne rentrerait pas dans la ville n'était pas une parole en 
« l'air; le reste, les gens qui agirent ainsi l'ignoraient ^ ». 

Les consultations astrologiques envahissent l'histoire livrée 
aux compilateurs de curiosités et aux psychologues qui dissertent 
sur des bruits d'antichambre. Tantôt c'est Caligula, à qui le 



1. Tac. Ann. VI, 21. Dio Cass. LVI, II. LVII, 19. Cf. Soet. Tiber. 14. 

2. Dio Cass. LVII, 19. 

3. Tac. Ann, IV, 58. 



25d 1. ioccMi-f.ifr.fBfg. 

rriâthématlciea Salla < affirme qne sa mort approdie très œrtaine- 
« meLt- > : tântùt c'^st Xéroa. à qui < des matfaànaticîens avaient 

< preiiit jâ-ils qu'il lui arriverait on joor d'être destitué >, oaà 
propos 'juqrjel des Chai iéenâ avaient répoada à sa mère Agrippine 

< qu'il aurait l'empire et tuerait sa mère », Néroa, qui attend, 
pour ^ proclamer empereur. < le moment CaiTorable indiqué par les 

< ChaMêeùi » ou qui détourne les menaces d'une comète par des 
ei^utior-s ordonnées comme équivalent de sacrifices humains, sur 
le coriseil de l'astrologue Balbillns*. Tacite sait que « le boudoirde 
« P'>ppée avait entretenu quantité de mathématiciens» détestaUe 
^ arneî^blement d'un mér.age de princes* ». C'est là peut-être qu'on 
des familiers de la mais^jn. <3thon, avait rencontré l'astrologoe 
Ptoléraêe, qui l'accompagna en Espagne et le poussa à se révol- 
ter contre Galba. Puis viennent les Flaviens, tous trois avant 
leurs a.stri>logues à eux et ne voulant tolérer à Rome que oeux-là : 
Vespasien, auprès duquel nous retrouvons le conseiller de Néron, 
Balbillus^; Titus, qui était assez savant pour étudier par lui-même 
la géniture de deux ambitieux et assez généreux pour leur par- 
donner, en les avertissant même < d'un danger qui leur viendrait 

< plus tard et de la part d*un autre^ >; Domitien, qui, comme 
autrefois Tibère, < examinait les jours et heures de nativité des 
« premiers citoyens » et frappait à côté, car il mettait à mort Met- 
tius Pompusianus, qui déjà, sous Yespasien. passait pour avoir 
« une géniture impériale >, et il épargnait Nerva, parce qu*un 
astrologue lui garantit que le vieillard n*avait plus que quelques 
jours à vivre ^. Il ne savait pas que Xerva n'aurait pas besoin de 
vivre bien longtemps pour lui succéder. Un homme qui cherche 
à tuer son successeur est parfaitement ridicule, et l'histoire s*égaie 
ici aux dépens de Domitien. On racontait encore que, avant fait 
arrêter « le mathématicien Asclétarion », coupable sans doute 
d'avoir prédit la mort prochaine du tjTan, il voulut à tout prix 
le convaincre d'imposture et que l'épreuve tourna à sa confusion. 
^ Il demanda à Asclétarion quelle serait sa an à lui-même ; et, 
« comme celui-ci assurait qu'il serait bientôt mis en pièces par 

1. Suet. Calig. 57. 

2. Suet. Nero 36 et 40. Tac. Ann. XII, 68. 

3. Tac. Hist., I, 22. 

4. Dio Cas». LXVI, 9. 

5. Suet. Titus, 9. 

6. Suet. Vespas. 14. Domit. 10. Dio Cass. LXYIl, 15. 



l'astrologie Dim le mopcde romain. 254 

« des chiens, il ordonna de le mettre à mort sans retard, mais, 
€ pour démontrer la frivolité de son art, de Tensevelir avec le 
« plus grand soin. Comme on eicécutait ses instructions, il advint 
« qu'un ouragan soudain renversa le bûcher et que des chiens 
<( déchirèrent le cadavre à demi brûlé* *. Au dire de Suétone, il 
savait depuis longtemps Tannée, le jour et l'heure où il mourrait. 
« Il était tout jeune encore quand des Chaldéens lui avaient pré- 

< dit tout cela, si bien qu'un jour à dîner, comme il ne touchait 
« pas aux champignons, son père s'était moqué de lui ouverte- 
« ment, disant qu'il connaissait bien mal sa destinée, s'il ne crai- 
« gnait pas plutôt le fer^ ». En effet, la veille de sa mort, il fit 
parade de sa science astrologique, en annonçant « que le lende- 
« main la Lune se couvrirait de sang dans le Verseau et qu'il 
« arriverait un événement dont les hommes parleraient dans tout 

< l'univers ». 

La liste des consultations impériales n'est pas close, tant s'en 
faut, avec les biographies de Suétone. Comme lui, ses continua- 
teurs, les rédacteurs de ï Histoire Auguste, ont soin de tempérer 
par des racontages de toute sorte l'ennui qu'exhale leur prose 
à demi barbare, et l'astrologie n'est pas oubliée. Voici Hadrien, 
qui, curieux de toutes choses et encore plus occupé de lui-même, 
ne pouvait manquer d'apprendre l'astrologie pour son propre 
usage. « Il s'imaginait savoir l'astrologie au point qu'il mettait 
« par écrit aux calendes de janvier tout ce qui pouvait lui arriver 
« dans toute l'année; ainsi, l'année où il mourut, il avait écrit ce 
« qu'il feraitjusqu'à l'heure même où il trépassa^ ». Le chroniqueur 
emprunte ce détail à Marins Maximus, un écrivain que, sur cet 
échantillon, nous pouvons ranger dans la catégorie des mystifica- 
teurs. Si, comme il le dit, Hadrien admettait des astrologues dans 
le cercle de savants, de lettrés, d'artistes, au milieu duquel il vivait, 
c'était sans doute pour se donner le plaisir de les mettre aux prises 
avec Favorinus, l'ergoteur le plus subtil de l'époque, qui exer- 
çait volontiers sa verve mordante sur les dogmes astrologiques. 
On nous parle encore de Marc-Aurèle consultant les Chaldéens 
sur les secrets de l'alcôve de Faustine et se décidant, sur leur 
conseil, à £siire baigner Faustine dans le sang du gladiateur qui 

1. Saet. Domit. 15, et — avec quelques variantes — Dio Cass. LXVII, 16. 

2. Suet. Domit. 14. 

3. Spartian. Hadrian. 16. Helius, 3. 



252 A. BOUGHé-LBCLERGQ. 

fut le père de Commode*. C'est le moment où Ton commence à 
confondre les astrologues avec les magiciens. Puis, c'est Septime- 
Sévère, qui, n'étant encore que légat de la Lugdunaise, « étudiait 
4t les génitures des filles à marier, étant lui-même très expert en 
€ astrologie. Ayant appris qu'il y en avait une en Syrie dont la 
4c géniture portait qu'elle épouserait un roi , il la demanda en 
« mariage — c'était Julia — et il l'obtint par l'entremise de 
« quelques amis- ». Comme on voit, l'astrologie, science univer- 
selle, perfectionnait l'art d'arriver par les femmes. Elle facilitait 
aussi singulièrement l'art de surpasser ses rivaux pour un homme 
qui connaissait d'avance le terme assigné à leur destinée. Sévère 
connaissait assez bien la sienne pour savoir, en partant pour la 
Bretagne, qu'il n'en reviendrait pas, et cela surtout par son thème 
de géniture, qu'il avait fait peindre au plafond de son prétoire'. 
On répète pour Caracalla les contes faits sur Tibère, les meurtres 
ordonnés d'après des « diagrammes de positions sidérales^ >. 
Alexandre Sévère est encore un adepte de l'astrologie, pour 
laquelle il fonda, dit-on, des chaires rétribuées par l'Etat avec 
bourses pour les étudiants^. L'histoire anecdotique fait de lui un 
pédant et lui donne un peu l'attitude de l'astrologue qui, les yeux 
au ciel, tombe inopinément dans un puits. « Le mathématicien 
« Thrasybule, son ami intime, lui ayant dit qu'il périrait néces- 
« sairement par le glaive des Barbares, il en fut d'abord enchanté, 
« parce qu'il s'attendait à une mort guerrière et digne d'un empe- 
« reur; puis il se mit à disserter, montrant que tous les hommes 
« éminents avaient péri de mort violente, citant Alexandre, dont 
« il portait le nom. Pompée, César, Démosthène, Cicéron et 
« autres personnages insignes qui n'avaient pas fini paisiblement, 
* et il s'exaltait au point qu'il se jugeait comparable aux dieux 
« s'il périssait en guerre. Mais l'événement le trompa, car il périt 
« par le glaive barbare, de la main d'un boufibn barbare, et en 
« temps de guerre, mais non pas en combattant^ ». Les deux 
premiers Gordiens n'eurent pas le temps de régner, mais ils con- 



1. Capitolin. M. Anton. Phil. 19. Il s'est trouTé des gens pour croire à ces 
odieui bavardages. 

2. Spartian. Sever, 3. 

3. Dio Cass. LXXVI, 11. 

4. Dio Cass. LXXVIII, 2. 

5. Lamprid. Al, Sever. 44. 

6. Lamprid. Al. Sever, 62. 



L^ISTROLOGIE DANS LB MONDB ROMAIN. 253 

naissaient, parait-il, leur destinée. « Gordien le vieux consultant 
« un jour un mathématicien sur la géniture de son fils, il lui fut 
« répondu que celui-ci serait fils et père d'empereur et empereur 
« lui-même. Et, comme Gordien le vieux riait, on dit que le 
« mathématicien lui montra l'agencement des astres et cita des 
« passages de vieux livres, pour prouver qu'il avait dit la vérité. 
« Il prédit même, au vieux et au jeune, le jour et le genre de leur 
« mort, et les lieux où ils périraient, et cela avec la ferme con- 
« fiance d'être dans le vrai* ». 

Nous pourrions éliminer de l'histoire ces fastidieuses redites, 
anecdotes suspectes, mots forgés après coup, et en garder le 
bénéfice, c'est-à-dire juger par là de l'état de l'opinion et des 
dangers que pouvait ofirir une méthode divinatoire réputée infail- 
lible au point de vue de la sécurité des gouvernants. L'exacti- 
tude matérielle des faits importe peu ici : ce qui compte comme 
fait à coup sûr réel et de plus grande conséquence, c'est l'idée 
qu'on en a, celle qui précisément se fixe dans les légendes et tend 
à se traduire en actes par voie d'imitation. Ce ne fut pas par 
simple caprice de tyran que Tibère mit sa police aux trousses des 
Chaldéens. Déjà, un demi-siècle plus tôt, au temps où l'imminence 
du conflit prévu entre Antoine et Octave surexcitait les imagina- 
tions. Agrippa avait « chassé de la ville les astrologues et les 
« magiciens* ». A la fin de son règne, Auguste avait interdit à 
toute espèce de devins les consultations à huis clos ou concernant 
la mort, même sans huis clos^. La mesure était sage, aussi utile 
aux familles qu'au pouvoir, mais inapplicable. C'est à la suite du 
procès de Drusus Libo (16 ap. J.-C.) que Tibère se décida à sévir. 
Libo était un jeune écervelé dont les devins — les Chaldéens 
comme les interprètes de songes et les nécromanciens — avaient 
exploité l'ambition. « Des sénatus-consultes furent rendus pour 
« chasser d'Italie les mathématiciens et les magiciens : l'un d'eux, 
« L. Pituanius, fut précipité de la roche; quant à L. Marcius, 
« les consuls le conduisirent hors de la porte Esquiline, et là, 
« après avoir fait sonner les trompettes, ils lui infligèrent le sup- 
« plice à la mode antique^ ». Les astrologues apprirent à se 
cacher un peu mieux. Quatre ans plus tard, le procès de Lépida 

1. Capitolin. Gordiani ires, 20. 

2. Dio Cass. XLIX, 43, ad ann. 33 a. Ghr. 

3. Dio Cass. LVI, 25. 

4. Tac. Ànn. II, 27-32. 



254 A. BOUCH^-LICLEieO. 

révéla que cette grande dame, adultère et empoisonneuse, avait 
aussi « consulté, par le moyen de Chaldéens, sur la famille de 
« César- ^, S«jus le régne de Claude, nouveaux scandales. LoUia, 
qui avait disputé à Agrippine la main de Claude, est, à l'instiga- 
ti:-:* de celle-ci, accusée d'avoir consulté « les Chaldéens, les 

• magiciens, et posé des questions à une statue d'Apollon Clarien 

* sur le mariage de l'empereur ». Scribonianus fut exilé sous 
raccusatioa banale < d'avoir cherché à savoir par les Chaldéens 

• la ni: de l'existence du prince ». Là-dessus, on décida une fois 
:? pîus de chasser d'Italie les mathématiciens, et il fut fait à ce 
sujet « u:: séiiatus-consulte rigoureux et inutile* ». 

rersëcutês, les astrologues devinrent aussitôt des gens intéres- 
>a!.ts, et, même expulsés d'Italie, on pouvait les consulter par 
cont^i^nlaLce, Tacite nous parle d'un de ces exilés, Pammène, 

* re::ommè dans l'iîrt des Chaldéens et engagé par là-même dans 
u::e fjule de liaisons », qui recevait des messages et envoyait les 
c^v^.sulîations à des Romains de Rome, Anteius et Ostorius Sca- 
pula, lesquels furent dénoncés à Néron comme conspirant et 

♦ scrutant la destinée de César ^ ». Les mathématiciens mon- 
treîY:;t do l'esprit — ou on leur en prêta — le jour où ViteUius, 
}\ur les punir d'avoir encouragé Othon, « rendit un édit leur 

♦ ordonnant de sortir de la ville et de l'Italie avant les calendes 
*. d\vtohiv. Un lilvUe fut aussitôt aflSché, faisant défense, de la 

♦ part des Chaldéens, à ViteUius Germanicus d'être où que ce 

* lut ce même jour des calendes* >. Les rieurs purent se parta- 
jrer, car ViteUius dépassa de trois mois l'échéance indiquée. Les 
exj ulsiv^ns recommencèrent sous Vespasien, qui, ayant ses astro- 
logues h lui, n'entendait pas laisser les autres exploiter le 
public: sous Domitien, qui fit aux astrologues l'honneur de les 
chasstT de Rome en même temps et au même titre que les philo- 
sophes ^ 

U va sans diiv que tout ce bruit à vide, ces tracasseries inter- 
mittentes et mollement i>oussées, loin de discréditer l'astrologie, 
accruivut s<.m pivstige et élargirent la place qu'elle tenait dans 
les prt\H.vupations du public. Des doctrines qui effrayaient à ce 

1. Tac. An», 111, *2. 

•:. T.\c. Ann, Xll. ^2 (40 p. Chr.\ 5'2 (ô'i p. Chr.), 

:î. Tac. Ann. XVl. 14 ,66 p. Chr.). 

4. Suct. MUIL 14. 

5. Dio Oass, LXVl, 9 , Vespasien) ; Suidas, s. v. Ao^utiavô;. 



l'astrologie dans le monde romain. 255 

point les gouvernants ne pouvaient plus passer pour des jeux 
d'imagination. C'est ainsi que les femmes les plus frivoles, les 
plus incapables de comprendre même les rudiments de l'astrolo- 
gie, s'éprirent du grand art suspect à la police. Elles ne renoncent 
pas à leurs autres superstitions, dit Juvénal, « mais c'est dans 
« les Chaldéens qu'elles ont le plus de confiance. Tout ce que dira 
« l'astrologue passera à leurs yeux pour venir de la source d' Am- 
« mon , puisqu'à Delphes les oracles se taisent et que l'espèce 
« humaine est condamnée à ignorer l'avenir. Mais celui-là prime 
« les autres qui a été souvent exilé, dont l'amitié et le grimoire 
« grassement payé ont causé la mort du grand citoyen redouté 
« d'Othon. On a confiance en son art si sa main droite et sa 
« gauche ont fait tinter les chaînes de fer, s'il a séjourné long- 
ue temps dans quelque prison militaire. Nul mathématicien n'aura 
« de succès s'il n'a pas été condamné, mais bien celui qui a failli 
« périr, qui a eu à grand'peine la chance d'être envoyé dans 
« une Cyclade et qui est enfin revenu de la petite Sériphos. Voilà 
« l'homme que ta Tanaquil consulte sur la mort bien lente de sa 
« mère, atteinte de la jaunisse, et sur son compte tout d'abord. 
« Quand enterrera-t-elle sa sœur et ses oncles? Est-ce que son 
« amant doit lui survivre? C'est là la plus grande faveur que 
€ puissent lui accorder les dieux. Encore celle-ci ignore ce qu'ap- 
« porte de menaces l'étoile lugubre de Saturne, en quelle position 
« Vénus se montre favorable, quels mois sont voués aux pertes 
« et quels moments aux gains. Mais fais bien attention à éviter 
« même la rencontre de celle que tu vois manier des éphémérides 
« qui ont pris entre ses mains le poli gras de l'ambre; celle-là ne 
« consulte plus, on la consulte. Que son mari parte pour la guerre 
€ OU pour son pays, elle n'ira pas avec lui si les calculs deThra- 
€ sylle la retiennent. Qu'il lui prenne envie de se faire voiturer, 
« ne fût-ce qu'à un mille de Rome, elle demande l'heure à son 
« livre ; si le coin de l'œil, trop frotté, lui démange, elle inspecte 
« sa géniture avant de demander un collyre. Elle a beau être 
« malade et au lit, elle ne prendra de nourriture qu'à une certaine 
« heure propice, celle que lui aura indiquée Pétosiris* ». 

Juvénal est coutumier de l'hyperbole, mais on peut l'en croire 
quand il ne fait que vanter l'attrait du fruit défendu. Attaquer et 
plaisanter sont un signe de popularité : c'est la « réclame » de 

1. Javen. SaL VI, 553-581. 



256 1. BOUGH^-LECLGICQ. 

répoque. On rencontre, dans les épigrammes de Lucillos, an 
contemporain de Néron, qui aime à plaisanter sur le compte des 
astrologues, quelques traits de bonne comédie, par exemple, le 
trait de Tastrologue Âulus qui, trouvant qu*il n'avait plus que 
quatre heures à vivre, se pend à la cinquième, par respect pour 
Pétosiris*. 

Ce Pétosiris qui devient ainsi Toracle des adeptes de l'as- 
trologie passait pour avoir été en son temps — sept siècles au 
moins avant notre ère — un prêtre égyptien, collaborateur du 
non moins fabuleux roi et prophète Néchepso. Le livre, un gros 
livre, qui se débitait ainsi en extraits, sous forme d'éphémérides 
ou almanachs, était censé avoir été retrouvé dans les archives 
hiératiques de l'Egypte*. En réalité, il avait dû être £abriqué à 
Alexandrie, comme tant d'autres apocryphes, par des faussaires 
qui voulaient profiter de la vogue croissante des cultes et des tra- 
ditions venus des bords du Nil pour confisquer, au profit de 
rÉgypte, le renom de la science dite jusque-là chaldéenne. Qu'il 
ait été publié vers le temps de Sylla ou un siècle plus tard, tou- 
jours est-il que depuis lors l'astrologie, considérée comme l'héri- 
tage des deux plus antiques civilisations orientales, eut une 
garantie de plus et s'enrichit d'une branche nouvelle, l'iatro- 
mathématique ou astrologie appliquée à la médecine. Toute doc- 
trine, science ou religion, qui peut se convertir en art médical 
va au succès par la voie la plus courte. A peine connues, les 
recettes du « roi Néchepso > procurèrent une belle fortune au 
médecin Crenas, de Marseille, qui « en réglant l'alimentation de 
4c ses clients sur les mouvements des astres, d'après une éphémé- 

< ride mathématique, et en observant les heures, laissa tout der- 
« nièrement dix miUions de sesterces, après avoir dépensé autant à 

< bâtir des remparts à sa ville natale et à d'autres constructions^ ». 



1. Anthol. Palat. XI, 164. Cf. 159-161, et, dans Apulée (itfetam. II, 12),rhis- 
toire du c Chaldéen » Diophane, qui fait fureur à Corinthe et qui, dans an 
moment de distraction, avoue avoir failli périr dans un naufrage qu'il n'avait 
pas su prévoir. 

2. Voy. les Nechepsonis et Petosiridis fragmenta, coUigés par Riess (Jahrbb. 
f. PhUol. Supplbd. VI [1891-93], p. 325-394). Il y a dissentiment entre £. Riess 
et Fr. Boll (cf. ci-dessus, p. 243, 1) sur la date de l'apparition de ToBUvre apo- 
cryphe de Néchepso et Pétosiris, Riess tenant pour 80-60 a. Ghr., Boll pour 
une époque postérieure, parce que Pétosiris lui semble familier avec la litté- 
rature hermétique. 

3. PUn. Ui$t. NaU XXIX, § 9. 



L^ASTROLOCrE DANS LB MONDE ROMAIN. 257 

Pline, qui n*aime ni les médecins ni les astrologues, atteste, en 
le déplorant, Tengouement de ses contemporains pour Tastrolo- 
gie, devenue la religion de ceux qui n'en ont plus d'autre. D'un 
bout du monde à l'autre, dit-il, on invoque à tout moment la 
Fortune. « Mais une partie de l'humanité la bafoue, elle aussi, et 
« fonde son avenir sur Tastre qui fait loi à la naissance, pensant 
« que la divinité a décidé une fois pour toutes sur tous les hommes 
« k naître et ne s'occupe plus du reste. Cette idée a commencé à 
« s'asseoir, et la foule, gens instruits ou sans culture, s'y préci- 
se pite à la course^ ». L'astrologie se fait toute à tous. Dans ce 
troupeau ({ui se rue du côté où le pousse le goût du jour, il en est 
qui la prennent pour une science naturelle, d'autres pour une 
religion, d'autres pour un perfectionnement de la vieille magie, 
tous flattés, au fond, de frayer de si près avec les astres et d'avoir 
leur étoile au ciel. Les plus simples croyaient, à la lettre, que 
chacun était représenté là-haut par une étoile d'éclat gradué 
selon sa condition, étoile qui naissait avec lui et tombait de la 
voûte céleste à sa mort^. Ceux qui avaient une idée sommaire de 
la marche des astres et des moments opportuns qu'elle fait naître 
trouvaient leur pâture dans des éphémérides adaptées à toute 
espèce d'usages. Enfin, les hommes cultivés, ceux qui voulaient 
tout ramener à des principes rationnels, eurent toute satisfaction 
lorsque, au milieu du siècle des Ântonins, le plus grand astro- 
nome de l'époque, Claude Ptolémée d'Alexandrie, eut fait entrer 
l'astrologie, ordonnée et épurée par lui, dans un corps de doc- 
trines scientifiques où les faits d'expérience se groupaient en théo- 
ries empruntées aux plus ingénieuses spéculations des philo- 
sophes pythagoriciens, péripatéticiens et stoïciens'. 

Devant cet entraînement général, les jurisconsultes appliquaient 
ou laissaient sommeiller, suivant les cas, les lois répressives. 
Depuis la publication de la Tétrabïble de Ptolémée, il leur était 
difficile de soutenir — comme le fait encore Ulpien par habitude 
professionnelle^ — que tous les « mathématiciens et Chaldéens » 
étaient des imposteurs exploitant des imbéciles. Mais une science 
peut être de bon aloi et être dangereuse. C'était même parce qu*on 

1. Plin. Hi$L Nai. II, ( 22. 

2. Plin. op. cit, II, { 28. 

3. La Terp^i^o;, la Bible des astrologues, est probablement le dernier 
OQfrage de TiUustre astronome : c'était la capitulation de la science. 

4. Ulpian. in. Mos. et Rom, leg, collât. XV, 2, 1. 

Rbv. B18TOB. LXV. 2« PA8G. 47 



239 1. BOCCHÏ-f.FrmBflQ, 

croyait à la puissance des calculs astrologiques que Von s'en 
défiait si fort. Aussi, eu Sait de diTÎnatioD, la juri^rudoioe hési- 
tait. On avait d'abord pensé que Ton ne pouvait pas punir la 
science, mais seulement l'exercice du métier. Puis, après des 
accès d'indulgence, on avait considéré comme contrerenants et 
les devina et leurs clients, et gradué les peines suivant TimpcNT- 
tance de la consultation, la peine capitale étant applicable à qui- 
conque consulterait < sur la santé du prince^ ». Sous le règne de 
Commode^ S. Sévère avait failli être condamné conmie coupable 
d*un crime de ce genre'. Au fond, ce qui empêchait les légistes 
de classer l'astrologie parmi les sdences inc^Esnsives ou même 
utiles, en dépit des protestations de tous ses docteurs, c'est que 
le public s'obstinait de plus en plus à la confondre avec la magie, 
celle-ci antisociale par essence, étant Tart de suspendre, pour 
les violer, toutes les lois, divines, humaines, naturelles. < Chal- 
déens > et « mages > avaient été synonymes dès Torigine, et 
les « Egyptiens », avec leurs pharmacopée et chimie uiagiques, 
méritaient mieux encore le renom de sorciers. C'est après la prise 
d'Alexandrie (296), où pullulaient les professeurs et livres de 
sciences occultes, que Dioclétien rendit un édit conservé en subs- 
tance par les légistes de Justinien : < Il est d'intérâ public que 
« Ton apprenne et exerce l'art de la géométrie. Mais l'art mathé- 
« matique est condamnable, et il est absolument interdit^ ». Les 
souverains du Bas-Empire renouvellent de temps à autre les 
édits qui frappent indistinctement tous les devins consultants : 
les mathematici figurent dans le nombre, conune doublant ou 
remplaçant l'appellation de « Chaldéens », c'est-à-4ire magi- 
ciens. Parfois, l'astrologie est seule visée, conune dans Tédit 
de 409, daté de Ra venue, qui ordonne de brûler < sous les yeux 
« des évêques » les livres des mathématiciens et expulse « non 
« seulement de Rome, mais de toutes les villes », ceux d'entre 
les praticiens susdits qui ne se convertiraient pas à la religion 
catholique ^ 

Le zèle religieux que trahit ici Honorius n'est pas le mobile 
qui d'ordinaire met en émoi la chancellerie impériale, mais bien 

1. Op. cit., XV, 2, 2-3. Paul. Sent. V, 21. 

2. Sparlian. Sever. 4. 

3. Cod. jQftt. I, 18, 2. 

4. Édita de 357 (Cod. Theod. IX, 16, 4), de 358 (IX, 16, 6), de 365 (IX, 16, 8), 
de 409 (IX, 16, 12). 



l'astrologie Dii^S LE MONDE ROHillf. 259 

la peur des prévisions à l'usage des ambitieux et des envoûte- 
ments de la famille régnante. Les astrologues avaient pourtant 
imaginé un moyen radical de calmer les inquiétudes delà police. 
C'était d'enseigner que l'empereur, vicaire de Dieu sur terre, 
n'est pas soumis aux décrets des astres, qui sont des dieux de 
moindre envergure. L'honnête Firmicus, qui dédie son traité 
d'astrologie à un fonctionnaire arrivé sous Constantin et Cons- 
tance aux plus hautes dignités, fait de son mieux pour accréditer 
cette doctrine : < Vous donnerez vos réponses en public », dit-il 
à son lecteur, « et vous aurez soin de prévenir ceux qui viendront 
« vous interroger que vous allez prononcer à haute voix tout ce 
« que vous avez à dire sur leurs interrogatoires, afin qu'on ne 
« vous pose pas de ces questions qu'on n'a pas le droit de faire 
« et auxquelles il est interdit de répondre. Prenez garde de rien 
« dire, au cas où on vous le demanderait, sur la situation de 
« l'Etat et la vie de l'empereur; car il ne faut pas, nous ne 
« devons pas parler, mus par une curiosité coupable, de l'état de 
« la république. Celui qui répondrait à des questions sur la des- 
€ tinée de l'empereur serait un scélérat, digne de tous les châti- 
« ments, attendu que, sur ce sujet, vous ne pouvez ni rien dire 
« ni trouver quelque chose à dire. Il est bon, en effet, que vous 
« sachiez que, toutes les fois que les haruspices sont consultés 
« par des particuliers sur l'état de l'empereur et qu'ils veulent 
« répondre à la question, les entrailles à ce destinées et lesarran- 
« gements des veines les jettent dans une inextricable confusion. 
« De même, jamais mathématicien n'a pu rien affirmer de vrai 
« sur la destinée de l'empereur, car, seul, l'empereur n'est pas 
« soumis aux mouvements des étoiles, et il est le seul sur la des- 
« tinée duquel les étoiles n'aient pas le pouvoir de se prononcer. 
« En effet, comme il est le maître de l'univers entier, son destin 
« est réglé par la volonté du Dieu suprême, et, la surface de toute 
« la terre étant soumise à la puissance de l'empereur, il est lui- 
« même classé parmi ces dieux que la divinité principale a com- 
4L mis pour faire et conserver toutes choses. C'est la raison 
« majeure qui embrouille les haruspices : en effet, quel que soit 
« l'être surnaturel invoqué par eux, celui-ci, étant de puissance 
♦ moindre, ne pourra jamais dévoiler le fond de cette puissance 
« supérieure qui réside dans l'empereur* ». 

1. Firmic. Mathes. II, 28, 4-10, éd. Sittl. Opinaniur quidam fatum vinci 
principU polestate vd fieri (Amm. Marc. XXVIII, 4, 24). 



260 A. BOUCH^-LBGLEaCO* 

Le raisoQDement est admirable et à classer parmi ceux que le 
langage populaire appelle des malices cousues de fli blauc. Fir- 
micus Tavait peut-être emprunté aux Gnostiques, qai disaieat 
les chrétiens émancipés, par le baptême, de la domination des 
astres, ou aux théologiens qui soutenaient que Jésus-Christ n'y 
avait jamais été soumis. Le difficile était de le faire accepter et 
même d y croire. Firmicus a l'air d'oublier que, dans la pré&ce 
de son livre, il a passé une revue de grands hommes, et montré 
des maitres du monde, comme Sylla et J. César, menés par les 
décrets des astres; après quoi, il adresse une oraison émue au 
Soleil, à la Lune et aux cinq planètes pour les prier de conserver 
l'empire à perpétuité à Constantin et à sa postérités Si les astres 
n'ont aucun pouvoir sur l'empereur, pourquoi leur demander ce 
qu'ils ne peuvent ni donner ni ôter? 

Évidemment, ces finesses d'avocat ne firent illusion à personne, 
et ceux qui faisaient semblant de les prendre au sérieux avaient 
sans doute intérêt à affecter la naïveté. Après comme avant, 
les livres astrologiques — ceux du moins qui circulaient sous 
le manteau — continuèrent à s'occuper avec prédilection des 
souverains et des prévisions utilisables en politique. Le bon sens 
voulait que la destinée des rois fut écrite au ciel de préférence à 
celle des savetiers, et le grand art eut perdu son prestige à s'in- 
terdire les risques glorieux. Ne pouvant ni ne voulant se dessai- 
sir de leur omniscience, les astrologues préféraient s'entourer 
d'ombre et de mystère; ils faisaient prêter à leurs disciples le 
serment de ne rien révéler aux profanes des secrets de leurs 
méthodes; ils affectaient d'assimiler leurs enseignements à une 
initiation religieuse ou aux doctrines ésotériques de Pythagore et 
do Platon'. Il y avait, dans ces allures, autant de coquetterie 
que de prudence. Au iv° siècle, l'astrologie ne peut plus guère 
être surveillée, car elle est partout : elle s'infiltre dans toutes les 
méthodes divinatoires, et bien des gens se persuadent que même 
les dieux inspirateurs des oracles ne connaissent l'avenir que par 
les astres. De temps en temps, quelque scandale avertit que les 
astrologues ne savent pas toujours prévenir la chute de leurs 
protecteurs. Quand le préfet d'Egypte, Parnasius, fut disgracié 

1. Firiuic. I, S-10. 

2. Voy. les forroales de serment dictées par Veltius Valens d'Antioche (ap. 
Fabric. BiOL graec. tom. IV, p. 147 éd. Harles). Cf. Firmic. II, 28, 18. VII, 
praef. 



l'astrologie dans le MOIVDE ROMAIN. 261 

SOUS Constance, ce fut probablement pour avoir consulté un astro- 
logue « sur des choses que la loi ne permet pas d'apprendre^ ». 
Julien n'eut pas besoin d'astrologue pour apprendre Theure de la 
mort de Constance, s'il était capable d'interpréter lui-même ce 
que vint lui dire un fantôme nocturne, k savoir, que Constance 
mourrait quand Jupiter entrerait dans le Verseau et Saturne dans 
le 25** degré de la Vierge*. 

Dans le célèbre procès de 371 figure un astrologue, Héliodore, 
mais presque uniquement comme délateur : la « consultation sur 
« l'empereur futur >, qui exaspéra si fort Valens, avait été don- 
née par une table magique et un anneau tournant^. Nous sommes 
mal renseignés sur le détail des révolutions de palais entre Théo- 
dose et Justinien ; mais l'astrologue Palchos nous apprend que, 
en 483, l'usurpateur Léontius avait choisi son moment après 
consultation de deux « mathématiciens^ », et c'est une raison de 
croire que les astrologues continuaient à avoir l'œil, comme 
autrefois, sur l'étoile des ambitieux. 

En somme, l'astrologie, qui ne peut jamais avoir de prise 
directe sur les classes populaires, a eu dans le monde gréco- 
romain toute la fortune qu'elle pouvait avoir, et la persécution, 
plus virtuelle que réelle, qu'elle a subie n'y a pas nui. Si l'on 
veut mesurer le chemin parcouru depuis le temps de Juvénal 
jusqu'à celui d' Ammien Marcellin, en ce qui concerne les Romains 
de Rome, c'est-à-dire de la ville où l'on avait le plus tracassé 
les astrologues, il sufBt de rapprocher les témoignages de ces 
deux auteurs, en faisant la part de l'exagération chez l'un et de 
la mauvaise humeur chez l'autre. Ammien Marcellin, venu à 
Rome vers 380, est scandalisé des vices de l'aristocratie romaine, 
amollie, adonnée au jeu, stérilisée, incrédule et superstitieuse. 
« Beaucoup de gens parmi eux nient qu'il y ait des puissances 
« supérieures dans le ciel ; mais ils ne se montrent pas en public, 
« ne dînent ni ne se baignent sans avoir au préalable consulté 
« attentivement l'éphéméride, pour savoir, par exemple, où est 

1. Liban. Orat. XIV. 

2. Amm. Marc. XXI, 2, 2. 

3. AmiD. Marc. XXIX, 1, 5; 2, 13. 

4. Fr. CaiDont, FAttrolague Palchos (Rev. de l'Iostr. pobl. en Belgique, 
XL [1897], p. t-14. Cf. la consultation astrologique sur Tempire arabe et les 
successeurs de Mahomet, mise sous le nom d'Etienne d'Alexandrie, contempo- 
rain d'Héraclius, dans H. Usener, De Stephano Alexandrino (Bonnae, 1880), 
p. 17-32. 



262 A. BOUGHé-LECLEBGQ. 

« le signe de Mercure, ou quelle partie du Cancer occupe la Lune 
« dans sa course à travers le ciel* ». Au dire de notre sévère pro- 
vincial, les hommes en sont juste au point où en étaient les 
femmes au temps de Juvénal. Une certaine foi à l'astrologie fait 
partie du sens commun, et il n'y a plus qxie Texcès qui passe pour 
superstition. 

IL 

Il ne faudrait pas croire toutefois que l'astrologie ne se soit 
heurtée qu'à des résistances inspirées par l'intérêt social, et que, 
soit comme science, soit comme religion, elle ait paisiblement 
envahi les intelligences cultivées, où elle trouva son terrain d'élec- 
tion, sans rencontrer d'adversaires. L'absence de contradiction 
suppose l'indifférence, et les doctrines qu'on ne discute pas meurent 
de leur belle mort. L'astrologie grecque, façonnée et pourvue de 
dogmes rationnels par la collaboration des Stoïciens, n'avait pu 
être considérée par les philosophes des autres écoles comme une 
superstition négligeable. Elle avait été introduite, dès l'origine, 
dans le cénacle de la science, à une place qu'elle eut non pas à 
conquérir, mais à garder. Elle eut affaire tout d'abord aux dia- 
lecticiens de la nouvelle Académie, plus tard aux sceptiques, 
néo-pyrrhoniens et épicuriens, aux physiciens qui la repoussaient 
comme superfétation charlatanesque de l'astronomie, aux mora- 
listes qui jugeaient son fatalisme pernicieux, enfin aux théolo- 
giens qui la trouvaient incompatible avec leurs dogmes. 

De Carnéade aux Pères de l'Eglise, la lutte contre l'astrologie 
n'a pas cessé un instant; mais ce fut, pour ainsi dire, un piétine- 
ment sur place, car les premiers assauts avaient mis en ligne 
presque tous les arguments qui, par la suite, se répètent, mais 
ne se renouvellent pas. Il n'est pas question de suivre ici pas à 
pas, époque par époque, la stratégie des combattants et la filia- 
tion des arguments. Il nous suflBra de classer ceux-ci dans un 
ordre quelconque et d'en examiner la valeur logique. Peut-être 
verrons-nous que, faute d'avoir su distinguer du premier coup 
dans une construction aussi compliquée les parties maîtresses, 
qui étaient en même temps les plus ruineuses, les adversaires de 
l'astrologie n'ont guère fait que suggérer aux astrologues des 

1. Amm. Marc. XXVIII, 4, 24. 



l'aSTBOLOGIB dans le monde ROMAIIf. 263 

perfectionnements de leurs méthodes, et, pour avoir continué à 
employer des arguments qui ne portaient plus, ont fait de plus en 
plus figure d'ignorants. 

Nous laissons de côté provisoirement, pour éviter des redites, 
le souci qui domine et perpétue le débat, le besoin de dégager la 
liberté humaine du fatalisme astrologique. L'astrologie grecque 
n'est ni plus ni moins fataliste que la philosophie stoïcienne dont 
elle a emprunté les théories, et, contre les moralistes, elle pouvait 
s'abriter derrière des moralistes de haute réputation. 

Ce sont les Stoïciens qui ont mis pour ainsi dire hors d'atteinte 
le principe même, la raison première et dernière de la foi astro- 
logique. La solidarité de toutes les parties de l'univers, la res- 
semblance de la fraction au tout, la parenté de l'homme avec le 
monde, du feu intelligent qui l'anime avec les astres d'où est des- 
cendue pour lui l'étincelle de vie, les affinités du corps humain 
avec les éléments dans lesquels il plonge et qui subissent l'in- 
fluence des grands régulateurs célestes, la théorie du microcosme 
enfin, fournissait une réserve inépuisable de réponses à des atta- 
ques hésitantes ^ Mais, entre le principe et les conséquences, il 7 
avait place pour bien des objections. L'astrologie chaldéenne 
avait vécu sur un fond d'idées naïves : elle datait du temps où le 
ciel n'était que le couvercle de la terre, où tous les astres étaient 
rangés à petite distance sur cette voûte, et où les planètes se pro- 
menaient au milieu des étoiles comme des bergers inspectant 
leurs troupeaux. La science grecque ayant dilaté le monde, l'in- 
fluence des astres reculés à d'énormes distances n'était plus un 
postulat de sens commun. Les planètes sont trop loin, disait Cicé- 
ron, au moins les planètes supérieures, et les fixes sont encore 
au delà. Les astrologues répondaient que la Lune et le Soleil sont 
loin aussi, et que pourtant ils soulèvent les marées'. Sans doute, 
les Chaldéens ne savaient pas le monde si grand ; mais les pla- 
nètes, qu'ils croyaient plus petites, étaient reconnues infiniment 
plus grosses, et il y avait compensation. Il suffisait, pour main- 
tenir le dogme astrologique, d'identifier l'action sidérale à la 
lumière : là où arrive la lumière pénètre aussi l'action. 

Il y avait, dans cette réponse victorieuse, un point vulnérable 

1. Voy. le ch. i de l'Astrologie grecque (publié dans la Revue de l'Hisl, des 
Religions, XXXV [1897], p. 17S-204)et le ch. m, inUtolé : les Dogmes astrolo- 
giques. 

2. Cf. Cic. Divin, II, 43. Ptolem. Tetrab. I, 2. 



264 A. BOUGHlE-LECLERCQ. 

que les assaillants n'ont pas su découvrir. Si la lumière d'un 
astre rayonne tout autour de lui, pourquoi son action astrolo- 
gique ne se produit-elle que sous certains angles ou aspects? Les 
astrologues n'eussent pas été à court de réponses, mais il leur 
fallait les prendre dans l'ordre mystique. De même qu'il y a sept 
planètes, de même, en vertu de l'harmonie générale, chaque pla- 
nète agit dans sept seus ou aspects et non plus. Les purs logiciens 
n'étaient pas convaincus, sans doute, par un argument de oe 
genre ; mais les astrologues avaient pour eux les Pythagoriciens 
et tous les amateurs de raisons absconses. Mais est-il certain 
qu'il n'y ait que sept planètes, et, s'il y en a davantage, les cal- 
culs des astrologues, qui n'en tiennent pas compte, ne sont-ils 
pas faussés par là-même * ? Les astrologues pouvaient ou écarter 
l'hypothèse ou répondre que l'action de ces planètes était négli- 
geable quand elles restaient invisibles, et qu'elle était soigneuse- 
ment appréciée quand elles apparaissaient sous forme de comètes. 
Sans doute, il eût été préférable que l'on pût faire entrer dans 
les calculs les positions de tous les astres, au lieu de se borner 
aux planètes et aux signes du Zodiaque ; mais de quelle science 
exige-t-on qu'elle atteigne son idéal ? Les astronomes modernes 
ne peuvent pas non plus faire entrer dans leurs formules le réseau 
infini d'attractions que suppose la théorie de la gravitation uni- 
verselle. 

La discussion ébranlait peut-être, mais laissait debout l'idée 
que les astres agissent sur la terre, et même l'idée plus précise 
que les astrologues, s'ils ne calculaient pas toutes les influences 
célestes, visaient au moins les principales. Mais là surgit le point 
délicat, une question redoutable dont les adversaires de l'astrolo- 
gie tirèrent un assez médiocre parti. Comment prétendait-on 
déterminer la nature des influences astrales*? D'où savait-on que 
telles planètes étaient bienfaisantes, telles autres malfaisantes, 
et plus ou moins suivant les cas? Comment justifier les ridicules 

1. Favorin. ap. Gel). XIV, 1, 11-13 : doute exprimé déjà par Artémidore 
d'Éphèse (Senec. Quaest. Nat VII, 13), repoussé corome subversif de rharmo- 
nie des sphères par les platoniciens (cf. Théo Smyrn. p. 200 Hiller). Les astro- 
logues ont toujours des philosophes de leur côté. 

2. S'il y a une action des astres, elle est pour nous quelque chose de àxarà- 
Xyitctov (Sext. Empiric. Adv. AstroL § 95, p. 353). C'est l'objection de fond, 
celte à laquelle on revient quand les autres ont cédé. Ptolémée la réfute de son 
mieux, par des analogies vagues et des raisons à côté, au commencement de sa 
Téirabible (ch. i. "Oxi xaTaXr,iiTiXT| t; ôi* &(rrpovo|i{ac yvôai; xat |iixpi tCvoç). 



L'iSiaOLOGIE DkHS LE MONDE ROMllIf. 265 

associations d'idées attachées à la forme purement imaginaire des 
figures du Zodiaque, Tinfiuence réciproque des planètes sur les 
signes et des signes sur les planètes, alors que celles-ci — on le 
savait depuis longtemps — sont à grande distance des constella- 
tions et n'y paraissent logées que par un effet de perspective ? Les 
astrologues avaient le choix entre divers genres de réponses. 
Aux esprits positifs, ils affirmaient que les connaissances suspec- 
tées se fondaient sur l'expérience, sur une série d'observations 
continuées pendant des siècles ou même durant des périodes 
entières de la vie cosmique, de celles qui, achevées, se recom- 
mencent. On avait beau retrancher aux chiffres fabuleux invo- 
qués par les Chaldéens, il en restait toujours assez pour consti- 
tuer une tradition respectable. Cicéron le sent si bien qu'il s'abrite 
derrière Panétius pour attaquer : « Quand on vient dire, écrit-il, 
« que les Babyloniens ont employé quatre cent soixante-dix 
« mille ans à faire des essais et des expériences sur les enfants qui 
< venaient de naître, c'est une duperie : car, si on avait pris 
« l'habitude de le faire, on n'aurait pas cessé ; or, nous n'avons 
« aucun garant qui dise que cela se fait ou sache que cela se soit 
« fait^ ». L'argumentation est assez molle : il n'est pas néces- 
saire qu'un usage se continue pour qu'il ait été pratiqué dans le 
passé ; et, quant k ce passé, les astrologues ne se faisaient pas 
faute de soutenir que les documents chaldéens existaient^ et qu'il 
ne suffit pas d'ignorer une tradition pour la supprimer. 

Ils étaient plus k l'aise encore avec les mystiques, qui déri- 
vaient de la révélation divine tout ce que les hommes n'avaient 
pu inventer eux-mêmes. Il y avait sur ce point des traditions de 
toute sorte, d'autant plus confuses^ qu'on ne distinguait pas entre 
astrologie et astronomie. Une idée chère aux Grecs était que, la 
prévision de l'avenir ayant pour but, avoué ou non, de déranger 
l'ordre prévu, la divination avait été enseignée aux hommes par 
les dieux détrônés et révoltés, par Atlas, fils d'Ouranos ou du 
Titan Japetos, père des Pléiades et des Hyades, ou par Promé- 
thée, fabricateur et éducateur de l'espèce humaine, ou encore par 
le centaure Chiron, catastérisé dans le Sagittaire du Zodiaque, 

1. Cic. Divin. Il, 46. Cf. I, 19. De môme, Favorinus ap. Gell. XIV, 1, 2. 

2. Épigèiie citait les DCCXX M annorum observationes siderum coctUibut 
latercuiis inscriptas (Plin. Hist. Nat, VU, l 193). 

3. Le claftsement de ces légendes et les références aaz textes ont été suppri- 
més ici, comme impedimenlum trop encombrant. 



266 A. BOUCflé-LBCLBRCQ. 

à moins que» sur la foi des Orphiques, on ne sobstitoât à ces 
révélateurs Orphée, ou Musée, ou Eumolpos. Le brevet d'inTen» 
leur de Tastrologie était à l'encan et adjugé par les mythographes. 
Mais les droits de la Chaldée et de TÉgypte ne se laissaient pas 
éliminer ainsi. Les néo-Ëgyptiens invoquaient les révélations de 
leur Hermès (Thoth) ou de leur Asclépios (Eschmoun) par les- 
quels auraient été instruits Néchepso et Pétosiris. Les Chaldéens 
tenaient la leur, au dire des évhéméristes, d'une Istar ou Vénus 
quelconque qui aurait enseigné l'astrologie à Hermès, celui-€i 
trait d'union entre la Chaldée, l'Egypte et le monde gréco-romain. 
Toutes ces légendes, brassées et repétries par des agioteurs enché- 
rissant les uns sur les autres, se prêtaient à toutes les fantaisies. 
La palme que se disputaient Egyptiens et Chaldéens pouvait leur 
être ravie par les Ethiopiens, sous prétexte qu'Âtias était un 
Libyen ou un fils de Libya. En faisant d'Héradès-Melqart un 
disciple d'Atlas, on se procurait une espèce de commis-voyageur 
en astrologie, qui implantait la doctrine partout où il plaisait 
aux mythographes de le promener. Par ses attaches phéniciennes, 
la légende d'Hercule rentrait à volonté dans le cercle d'attraction 
de la Chaldée. Les Juifs eux-mêmes — ceux d'Alexandrie proba- 
blement — apportèrent leur appoint aux prétentions chaldéennes, 
en s'attribuant, au détriment des Egyptiens, Phéniciens et Ca- 
riens, le rôle de propagateurs de la science des corps célestes. 
Suivant eux, Abraham avait apporté cette science de la Chaldée, 
sa patrie, en Egypte; et les Phéniciens, instruits par les Hébreux, 
l'avaient importée par Cadmos en Béotie, où Hésiode en avait 
recueilli quelques parcelles. En un mot, tous les dieux, héros, 
rois et ancêtres de peuples étaient mis à contribution, pour la 
plus grande gloire de l'astrologie et de l'astronomie, presque tou- 
jours confondues sous le même nom et se prêtant un mutuel appui. 
Toute foi engendre elle-même ses preuves et n'hésite pas au 
besoin, dans l'intérêt de la bonne cause, à leur donner l'air d'an- 
tiquité qui convient. A l'appui de ces belles inventions, les fabri- 
cants d'apocryphes écrivaient des traités de science astrale sous 
les noms d'Orphée, d'Hermès Trismégiste, des plus anciens 
patriarches ou philosophes. Les partisans de la révélation et de 
la tradition ininterrompue, ainsi retranchés, n'avaient plus rien 
à craindre des rares sceptiques que l'exemple du grand astronome 
et astrologue Claude Ptolémée n'aurait pas convertis. C'était 
une espèce de consentement universel, assis à la fois sur la rêvé- 



L*1STB0L06IB DANS LE MONDE ROMillf. 267 

lation et Texpérience, qui avait défini la nature, qualité et quan- 
tité, des effluves ou influences sidérales. Les associations d'idées 
les plus ineptes se trouvaient justifiées de cette façon. Plus elles 
étaient bizarres, plus il devenait évident, pour certaines gens, 
qu'elles avaient dû être connues par révélation. 

Les principes généraux de Tastrologie une fois admis, les objec- 
tions ne servent plus guère qu'à suggérer aux astrologues des 
perfectionnements de leurs procédés. Cicéron assure que les astro- 
logues ne tiennent pas compte des lieux, mais seulement du temps, 
et que, pour eux, tous ceux qui naissent en même temps en n'im- 
porte quel pays ont même destinée. Favorinus et Sextus Empi- 
ricus en disent autant*. Il est probable que Cicéron n'était pas 
au courant des progrès de l'astrologie à son époque, et ceux qui 
répètent son objection étaient à coup sûr dans l'erreur. On sait 
assez quelle place tient dans le poème de Manilius et dans tous 
les traités d'astrologie postérieurs à l'ère chrétienne la question 
des « climats » et des ascensions obliques ((ivaçopa() variant sui- 
vant les climats, pour dire que les astrologues avaient mis la cri- 
tique à profit et ne la méritaient plus. Il n'est même pas sûr 
qu'elle fût juste, adressée aux anciens Chaldéens de Chaldée. 
Ceux-là n'avaient peut-être pas idée des climats; mais, en 
revanche, ils croyaient que l'influence d'un astre n'était pas par- 
tout la même au même moment. Us écrivaient sur leurs tablettes : 
« Si la lune est visible le 30, bon augure pour le pays d'Accad, 
< mauvais pour la Syrie ^ ». Mais le progrès des connaissances 
géographiques et historiques fournit la matière d'un argument à 
détente multiple, fort embarrassant, qui doit avoir été mis en 
forme par Carnéade. Ramené à ses éléments les plus simples, il 
peut se résumer comme il suit : 1^ il y a des individus qui, nés 
dans des circonstances différentes, ont même destinée ; 2** inverse- 
ment, il y a des individus qui, nés dans des circonstances sem- 
blables, ont des aptitudes et des destinées différentes. Voyons 
l'usage qui a été fait de cet engin de guerre. 

Si chaque individu a sa destinée particulière, déterminée par 
sa géniture, d'où vient que l'on voit périr en même temps, dans 
un naufrage, un assaut, une bataille, quantité d'individus qui 



1. Cic. DMn. II, 44. Favorio. ap. Gell. XIV, 1, 8. S. Empir. Adv. AstroL 
i83,p. 351. 

2. Voy. le ch. ii de YAitrologie grecque. 



268 i. BOUGHB-LBCLBRCQ. 

De sont nés ni dans le même temps ni dans le même lieu ? Est-ce 
que, dit Cicéron, tous ceux qui ont péri à la bataille de Cannes 
étaient nés sous le même astre ^ ? Â cela les astrologues répondaient 
que les influences universelles (xaOoXixi) dominent les influences 
plus restreintes qui façonnent les génitures individuelles. Les 
tempêtes, guerres, pestes, fléaux collectifs de tout genre, pré- 
valent sur les résultats des calculs de moindre envergure. Aussi, 
Ptolémée recommande expressément de laisser une marge, dans 
les génitures particulières, pour les cas de force majeure prove- 
nant des phénomènes de portée catholique. La riposte était habile; 
la prédominance du général sur le particulier, du tout sur la 
partie, paraissait une vérité de sens commun. Mais l'argument 
offensif n*était pas épuisé. Comment se fait-il, disait Carnéade, 
qu*il y ait des peuples entiers où les individus ont même tempé- 
rament et mêmes mœurs? Tous les individus de même race sont 
donc nés sous le même signe'? Si la Vierge fait la peau blanche 
et les cheveux lisses, répétait encore trois siècles plus tard Sex- 
tus Empiricus, aucun Éthiopien ne naît donc sous le signe de la 
Vierge^? Au temps de Sextus Empiricus, la brèche qu'avait pu 
faire la question de Carnéade était réparée, et le pyrrhonien 
aurait pu prendre la peine de lire Ptolémée, qui cite précisément, 
pour montrer qu'il y a répondu, l'exemple de l'Ethiopien à peau 
invariablement noire et du Germain ou Galate k peau invariable- 
ment blanche^. Les astrologues invoquaient encore la prédomi- 
nance des influences générales, non plus seulement accidentelles, 
mais fixes, agissant d'une façon continue et créant ainsi les types 
ethniques. Ils transposèi^ent à leur usage une théorie très vieille 
et très moderne*'', si moderne qu'on la croirait née d'hier, celle 
qui suppose l'homme façonné par le < milieu » où il vit et s'y 



1. Cic. Divin, II, 47. Argument répété à saliété par Favorinas (ap. Gell. XIV, 
1, 27), S. Empiricus [Adv. Astrol. § 91-93, p. 353), Grégoire de Nysse {De fato, 
p. 165, 169) etc., et dont Calvin usait encore contre les astrologues de son 
temps (Junctinus, SpeciU. astral,^ p. 3). 

2. Carnéade dirigeait surtout cet argument contre la morale, qu'il montrait 
variable d'un peuple à l'autre, prouvant son dire par les v6(iiiia Bap6apixà (cf. Fr. 
BoU, op. cit,), 

3. S. Eropir. op. d^ p. 355. 
1. Plolem. Tetrah, IV, 9. 

5. Elle remonte au moins à Uippocrate, dont le traité nep\ àépa>v, OSdrciiv, 
t6ic(i>v a mis cette idée à la portée de tous les esprits cultivés. Polybe (IV, 21) 
résume très bien la théorie du « milieu » (to icepUxov). 



L^lSTaOLOGIB DANS LB MONDE R0MAI5. 269 

adaptant, sous peine de disparaître. Il sufSsait d'ajouter à la série 
des causes un chaînon de plus, en rapportant à l'influence des 
astres les qualités du sol, des eaux, de Fair, et les aptitudes héré- 
ditaires qu'elles déterminent, ce qui était aussi difScile à réfuter 
qu'à démontrer. Nous avons montré ailleurs * que, pour préciser 
leurs idées et pouvoir répondre aflBrmativement à la question 
jadis si embarrassante : « Tous les individus de même race naissent 
« donc sous le même signe? » les astrologues avaient confec- 
tionné des cartes géographiques des influences astrales. Ils comp- 
taient sans doute que la patience des critiques n'irait pas jusqu'à 
leur demander de justifier par le menu cette répartition, et ils ont 
été, en efiet, si peu inquiétés de ce chef qu'ils n'ont pas eu besoin 
de s'accorder entre eux pour adopter un système unique. 

La race étant expliquée par le milieu et le milieu par les astres, 
il semblait que la querelle fut vidée ; mais la théorie même de 
l'influence du milieu, afSrmée contre les astrologues alors qu'ils 
ne la partageaient pas encore, fut niée contre eux quand ils s'y 
furent ralliés. Il y a un argument historique que ressassent à 
l'envi tous les polémistes chrétiens depuis Bardesane^ : si la race 
est façonnée par les influences terrestres et astrales exercées sur 
son habitat, comment expliquer que certains groupes, comme la 
race juive, ou la secte des chrétiens, ou encore les < mages 
« perses » conservent en tous climats les mêmes mœurs et les 
mêmes lois? Le Juif échappe-t-il donc à l'influence des astres 
qu'il porte partout la « tache de nature? > dira encore Grégoire 
de Nysse^. L'argument était de poids, et on ne l'afiaiblissait guère 
en disant que Juifs et Chrétiens emportaient partout avec eux 
leur loi, car c'était assurer que la loi était plus forte que les 
astres. Bardesane le renforçait encore en faisant observer qu'un 
despote ou un législateur peut changer sur place les mœurs d'une 
nation, bien qu'elle reste soumise aux influences supposées par 
la théorie du milieu. Mais les astrologues n'étaient pas seuls visés 

1. Dao9 les Mélanges Graux (Paris, 1884), p. 341-351, et dans le présent 
oQfrage, V Astrologie grecque, ch. xi). 

2. Nous ayons encore l'argumentation attribuée à Bardesane (contemporain 
de Marc-Aurèle) dans Eusèbe (Praep. Ev, VI, 10), et une traduction syriaque 
du livre écrit sous le nom de Bardesane dans le Spicilegium Syriacum by 
W. Cureton (London, 1855). Cf. A. Hilgenfeld, Bardesanes der letUe Gnosliker. 
Leipzig, 1864. Bardesane ne combat dans Tastrologie que le fatalisme : il croyait 
lux esprits résidant dans les planètes et chargés d'entretenir la vie cosmique. 

3. Gregor. Nyss. De fato, p. 169 B. 



270 A. BOUGHi-LBGLBEGQ. 

par cett6 argumentation, dirigée contre toute espèce de fatalité 
scientifique, et, au fond, ils n'en étaient guère plus embarrassés 
qu*un darwiniste moderne à qui on demanderait pourquoi les 
diverses races conservent leurs caractères spécifiques en dehors 
de leur habitat primitif ou peuvent évoluer sur place. Ds avaient 
même avantage à faire des concessions à leurs adversaires, afin 
de se garer de l'accusation de &talisme étroit. Il sufSsait que 
l'hérédité ethnique pût être rapportée à une origine qui dépendait 
elle-même des astres *. 

Cette discussion concernant les conditions physiques de la vie 
et les rapports du milieu avec les astres fit surgir d'autres difCi- 
cultés et d'autres solutions. Le raisonnement fait pour les races 
d'hommes était applicable aux espèces animales, qui, soit disper- 
sées, soit confinées dans leurs pays d'élection, étaient plus dépen- 
dantes encore des fatalités naturelles. « Si >, dit Cicéron, < l'état du 
« ciel et la disposition des astres a tant d'influence à la naissance 
« de tout être vivant, on est obligé d'admettre que cette influence 
« s'exerce non seulement sur les hommes, mais aussi sur les bêtes : 
« or, peut-on dire quelque chose de plus absurde* »? Favorinus 
s'amusait à demander l'horoscope des grenouilles et des mouche- 
rons, et Sextus Empirions rit de l'embarras d'un astrologue qu'il 
suppose en face d'un homme et d'un âne nés sous le même signe*. 
Il faut être prudent dans l'emploi du mot « absurde ». Il y eut 
un temps sans doute où l'on disait des esclaves et des petites gens 
ce que nos logiciens disent ici des animaux; où l'on trouvait 
absurde que leur destinée fut écrite au ciel ou qu'ils prétendissent 
à l'immortalité. Le progrès des idées démocratiques avait reculé 
la barrière, plantée maintenant entre l'homme et l'animal. Les 
astrologues hésitaient à la renverser : et pourtant la logique les y 
poussait, même leur logique particulière. Pourquoi, par exemple, 
les types animaux, qui remplissaient la majeure partie du Zodiaque 
et tendaient à produire sur terre des types semblables, n'auraient^ 
ils eu action que sur l'homme? Finalement, les praticiens, sinon 
les docteurs de l'astrologie, acceptèrent bravement cette consé- 



1. Les astrologues ayaient encore ici un sapplément de ressources dans Tho- 
roscope des cilés, qui introduisait un élément commun dans la destinée de tous 
les citoyens. Cicéron {Divin, II, 47) le trouvait absurde. Il ne l'était pas plus que 
la foi à l'efficacité des cérémonies constituant t l'inauguration » d'une cité par 
son fondateur. 

2. FaTorin. ap. Gell. XIV, 1, 31. S. Empir. op. cit, p. 353. 



l'astrologie dans lb monde romain. 274 

quence de la sympathie universelle, et ils eurent pour eux les 
âmes sensibles, qui faisaient tirer rhoroscope de leurs chiens, ou 
les éleveurs de bétail, qui consultaient sur les aptitudes de leurs 
produits. Les mauvais plaisants qui apportaient à Tastrologue, 
sans l'avertir, un thème de géniture dressé pour un animal, sor- 
taient émerveillés si le praticien avait reconnu de quel client il 
s'agissait*. Le raisonnement fut étendu, sans qu'on en rît désor- 
mais, au règne végétal et minéral, justifiant ainsi, pour le règne 
végétal, les vieux calendriers des laboureurs, et préparant du 
côté du règne minéral les ambitions extravagantes des alchimistes 
qui chercheront les conjonctions d'astres propres à engendrer les 
métaux ou les pierres précieuses. 

Ainsi, la série de difficultés nées de cette simple question : 
« Pourquoi des groupes d'individus ont-ils même tempérament 
« ou même destinée? » avait amené les astrologues à se faire sur 
les races humaines, sur les espèces animales, sur le rôle du milieu 
et de l'hérédité, des théories qui leur valaient la réputation de 
savants. Ds eurent facilement raison de l'objection inverse, celle 
qui demandait pourquoi des individus nés dans les mêmes cir- 
constances avaient des aptitudes ou des destinées si différentes. 
Gomment se fait-il, disait-on, que, entre tant d'hommes venus au 
monde sous les mêmes planètes, il ne naisse pas quantité d'Ho- 
mères, de Socrates, de Platons*? L'argument pouvait avoir 
quelque valeur au temps de Cicéron, mais Favorinus aurait dû 
savoir qu'il était depuis tout à fait usé. Avec la précision exigée 
par les méthodes de l'astrologie savante, il était hautement impro- 
bable qu'il y eût jamais deux thèmes de géniture identiques. Les 
éléments du calcul, les sept planètes et leurs aspects réciproques, 
les douze signes du Zodiaque, leurs aspects et leurs rapports avec 
les planètes, les décans, dodécatémories, etc., tout cela mesuré 
au degré et à la minute suffisait à des millions de combinaisons, 
arrangements et permutations mathématiques. Si, comme on va 



1. Augostia. Civ. Dei. V, 7. Cf. Confess. VII, 6. Origen. ap. Euseb. Praep. Ev. 
VI, 11, 1. FabriciQS (ad Sex. Eropir. p. 353) i trouvé quatre thèmes géoé- 
thliaques de féaux dans an traité & Astrophysique publié à Cologne en 1706. 
Rien ne se perd. 

2. Cic. Divin, II, 47. Fa?orin. ap. Gell. XIV, 1, 29. S. Empir. op, cit. p. 352. 
Pourquoi ne nait-il pas des rois tous les jours? disait S. Basile. Ou encore, 
pourquoi les fils de rois règnent-ils, quel que soit leur horoscope? (Hexaem. 
VI, 5-7). Mais les astrologues contestaient les prémisses mêmes dn raisonnement. 



272 A. BOUGH^-LEGLEaCQ. 

le voir, des jumeaux même n'avaient pas le même horoscope, à 
plus forte raison des individus nés en des temps ou des lieux diffé- 
rents. Les astrologues stoïciens auraient pu promettre à Favori- 
nus (le nouveaux Socrates et de nouveaux Platons quand rdcîuoxa- 
Ti<r:a<r.ç aurait fait recommencer au monde l'existence déjà vécue. 
En attendant, il y avait place pour une diversité presque infinie 
de génitures. 

C'est là que les raisonneurs attendaient les astrologues. On 
connaît, par la célèbre comparaison de la roue du potier*, la 
façon dont les astrologues expliquaient comment deux jumeaux 
pouvaient avoir parfois des destinées si différentes. Les exemples 
étaient nombreux de jumeaux dont Tun mourait en bas âge et 
l'autre atteignait à l'extrême vieillesse, et la difficulté avait fort 
tourmenté les hommes de l'art. Ils expliquaient le fait par la 
rapidité de la rotation de la voûte céleste, rapidité telle que les 
horoscopes des jumeaux sont séparés sur le cercle zodiacal par 
un intervalle appréciable. Mais ils soulevaient par là un concert 
de récriminations. On leur demandait s'ils étaient capables d'at- 
teindre dans la pratique à cette précision idéale d'où dépendait, 
de leur propre aveu, l'exactitude de leurs pronostics. Ici, Sextus 
Empirions, sentant qu'il est sur un terrain solide, pousse une 
charge à fond contre les astrologues. Il suppose à l'œuvre une 
équipe de deux Chaldéens, dont l'un surveille l'accouchement, 
prêt à frapper sur un disque de bronze pour avertir son confrère 
posté sur une hauteur, et il se fait^ fort de démontrer l'inanité de 
leurs précautions. 

D'abord, dit-il, la condition préalable pour préciser le moment 
horoscopique fait défaut. Ce moment cherché n'existe pas. Ni la 
parturition, ni même la conception ne sont des actes instantanés 
ou dont l'instant puisse être déterminé. De plus, si le moment 
horoscopique existait, les astrologues ne pourraient le saisir. 
Étant donnée la faible vitesse du son, il faut du temps au Chaldéen 
en faction près de l'accouchée pour transmettre l'avis nécessaire 
à l'observateur, du temps à celui-ci pour observer, et, pendant 
ces retards inévitables, le point horoscopique s'est envolé. L'ob- 
servation est encore faussée par les erreurs dues au déplacement 
de l'horizon vrai par l'altitude du lieu d'observation ou par des 

1. Due, dit-on, à Nigidias, surnommé pour cette raison Figultu (AagasUo. 
Civ, Dei. V, 3). 



l'astrologie dans le monde romaîn. 273 

hauteurs qui barrent la perspective ou par la réfraction atmos- 
phérique, au plus ou moins d'acuité de la vue de l'observateur, 
à l'impossibilité de voir les étoiles dans le jour, et, même la nuit, 
à la difficulté de saisir des divisions idéales qui ne correspondent 
pas le plus souvent à des étoiles. C'est pis encore si, au lieu de 
viser directement l'horoscope, on a recours au calcul du temps 
par la méthode des ascensions (àvaçopa{). Alors on a affaire à des 
clepsydres dont le débit est nécessairement variable suivant la 
fluidité de l'eau et la résistance de l'air. A supposer même que 
les gens du métier fussent capables d'écarter toutes ces chances 
d'erreur, à coup sûr les ignorants qui consultent les Chaldéens 
ne l'ont pas fait et n'apportent aux astrologues que des données 
suspectes, d'où ceux-ci tirent des pronostics erronés*. 

Ces objections sont très fortes, et elles produiraient plus d'im- 
pression encore, si notre philosophe avait pris la peine de les 
ranger en progression d'énergie croissante, au lieu de mettre en 
tête les plus fortes et de s'affaiblir ensuite en consentant à discu- 
ter des hypothèses déjà rejetées. 

Le premier argument, à savoir l'impossibilité de préciser le 
moment delà naissance, était écrasant pour les imprudents qui, à 
force de subtiliser, parlaient de moment indivisible et de frappe 
instantanée. A quelle étape d'une parturition parfois longue pla- 
cer la naissance? Si les jumeaux avaient des horoscopes si diffé- 
rents, on pouvait appliquer le même raisonnement à une nais- 
sance unique et soutenir que la tête et les pieds d'un enfant ne 
naissent pas sous le même astre ^. On avait beaucoup disserté 
entre philosophes, physiologistes, moralistes même, sur le mys- 
tère de la vie, vie organique, vie consciente, sur le moteur qui 
lui donne l'impulsion initiale, et les astrologues pouvaient emprun- 
ter des théories toutes faites, celle par exemple qui faisait com- 
mencer la vie « humaine » proprement dite au moment où le 
nouveau-né respirait pour la première fois et recevait ainsi le 
premier influx du monde extérieur. Mais le plus sûr était pour 
eux de laisser planer un certain vague sur des questions où la 



1. s. Empir. op. cit. p. 345-352. 

2. Le raisonnement a été fait, tout an moins par deg modernes, qui, sans 
doQte, le tenaient de la tradition (Toy. Janctinus, op. cit., p. 3. Salroasius, De 
annis climactericis, p. Tl\). Les astrologues pouvaient ou le déclarer absurde, 
au nom du sens commun, ou l'accepter et s'en servir pour expliquer comme 
quoi un cerveau puissant se trouve souvent porté par des jamt)es débiles. 

Rbv. Hirtor. LXV. 2« pasc. 18 



'm 



274 A. BOUGH^-LBCLEECQ. 

rigueur logique faisait seule Tobscurité. Le sens commun les 
trouvait beaucoup moins compliquées : il ne yoTait pas de diflfi- 
culté à compter la naissance d'un enfant pour un £ait simple et la 
naissance de deux jumeaux pour un fait double, composé de deux 
actes distincts et discernables. On a vu* que, pour en finir avec 
les logiciens, Ptolémée avait pris le parti de ne plus cbercher le 
moment exact de la naissance, mais de régler le calcul de l'ho- 
roscope sur d'autres considérations. 

Mais, ce qu'il importe de constater, c'est que, l'argument fûtr-il 
sans réplique, il n'atteint que les astrologues et leurs méthodes 
pratiques, laissant debout lastrologie, avec ses principes et ses 
tliœries. On en dira autant, et à plus forte raison, des difficultés 
soulevées à propos des erreurs d'observation. Quand il serait avéré 
qu'il est impossible de faire une seule observation parfaitement 
exacte, cela ne prouverait pas que la vérité qu'on veut atteindre 
n'existe pas. Les erreurs des savants ne sont pas imputables à la 
science. Avec leurs instruments perfectionnés et leurs formules 
(le a)rrection, nos astronomes et physiciens modernes n'atteignent 
pas non plus à l'exactitude idéale, mais ils en approchent. Les 
astrologues anciens s'évertuaient aussi de leur mieux à en appro- 
cher, et on ne pouvait raisonnablement pas leur demander davan- 
tage. Leur contradicteur oublie d'ailleurs qu'ils n'étaient plus 
obligés de faire en un instant, comme il le dit, toutes les consta- 
tations qui entraient dans un thème de géniture. Avec leurs 
tableaux et canons de toute espèce, ils pouvaient, un seul point 
du cercle ou moment de la durée étant fixé, déterminer à loisir 
la position simultanée des signes et planètes, comme le pourraient 
faire aujourd'hui nos astronomes avec la Connaissance des 
temps^ sans avoir besoin de regarder le ciel. 

Ainsi, l'assaut sans cesse renouvelé contre les pratiques fon- 
dées sur la détermination de l'horoscope instantané ne Élisait 
pas (le brèche appréciable dans la théorie. Eût-il été victorieux 
que l'astrologie, abandonnant la plus connue et la plus savante 
de ses méthodes, aurait continué à prospérer en se rabattant sur 
les procédés plus populaires qui suffisaient aux neuf dixièmes de 
sa clientèle, notamment le calcul des opportunités ou xaTafJxo^'. 

Que restait-il encore à objecter ? Que la chaîne des causes et 

1. Voy. l'ÀUrologie grecque, ch. xu. 

2. Voy. l'Astrologie grecque^ ch. xnr. 



l'aSTROLOGIB DAfCS LE MONDE ROMAIN. 275 

des effets étant contiDue, la destinée des enfants devait être vir- 
tuellement incluse dans celle des parents, et ainsi de suite, avec 
régression jusqu'à l'origine première de l'espèce ? Cela, non seule- 
ment les astrologues l'accordaient, mais ils avaient peut-être été 
les premiers à y songer. Dans tout thème de géniture, il y a la 
case des parents, où peuvent se loger des conjectures rétrospec- 
tives, celle des noces et celle des enfants, où est prédéterminée la 
descendance future de l'enfant qui vient de naître. Aussi repro- 
chait-on aux astrologues non pas de décliner cette tâche, mais 
de la croire possible en vertu de leurs principes. Favorinus n'y 
manquait pas. Il avait bâti là-dessus un raisonnement extrême- 
ment captieux, trop subtil pour être efficace. Il commence par 
exiger que la destinée de chacun ait été marquée par les étoiles à 
chaque génération, dans la lignée des ancêtres, depuis le com- 
mencement du monde. Or, dit-il, comme cette destinée, toujours 
la même, a été bien des fois prédéterminée par des dispositions 
d'étoiles différentes — aucun thème de géniture n'étant identique 
à un autre — il résulte de là que des combinaisons différentes 
peuvent aboutir au même pronostic. Si l'on admet cette conclu- 
sion, il n'y a plus ni principes ni méthode en astrologie : tout 
croule par la base. Ainsi, en vertu de leur doctrine, les astro- 
logues sont obligés d'admettre un postulat contradictoire avec 
leur doctrine'. Il faudrait la patience d'un scolastique pour ana- 
lyser cette mixture sophistiquée, et il n'y a pas un grand intérêt 
à le faire, puisque la prédestination est une question qui n'inté- 
resse pas seulement les astrologues et que ceux-ci ne prétendaient 
pas pousser leurs enquêtes dans le passé ou vers l'avenir au delà 
des bornes de l'intelligence humaine. Disons seulement que le 
spirituel improvisateur tombe dans l'absurde en voulant que le 
thème généthliaque d'un ancêtre ait contenu explicitement, c'est- 
à-dire, ait été en réalité celui de chacun de ses descendants, 
tout en restant le sien. Gela reviendrait à demander que les astres 
fassent chacun au même instant dans plusieurs positions diffé- 
rentes, ou que le grand-père, par exemple, fut son propre 
petit-fils. 

Nous en avons fini avec les raisonneurs qui ne font appel qu'à 
la raison, avec ceux qui cherchent à détruire l'astrologie et non 
à la remplacer par la foi qui leur agrée. Après Sextus Empirions, 

l. FaYorin. ap. Gell. XI V, 1, 20-22. 



276 A. BOnCHi-LEGLBtCQ. 

la logique pure n'est plus représentée ; on ne rencontre plus que 
(les tliéologiens. La bataille engagée contre l'astrologie au nom 
(le la raison raisonnante n'aboutit pas. Elle laissa subsister l'idée 
que les erreurs des astrologues étaient imputables aux imperfec- 
tions d'une science perfectible, et que les astres influent réelle- 
mciit sur la destinée de l'homme en vertu d'une énergie physique 
connue par Texpérience^ énergie qu'il est peut-être difficile, mais 
non pas impossible de définir et de mesurer. La polémique menée 
par les théologiens — néo- platoniciens et chrétiens — sera 
moins efScace encore; car les adversaires ne sont plus séparés 
que par des nuances, et ils ont moins souci d'abattre l'astrologie 
que de la rendre orthodoxe. 



m. 



Sur les confins de la science et de la foi, participant de l'une 
et de l'autre, mais peu affectée par les progrès de l'une et les 
variations de l'autre, et surtout plus indépendante qu'on ne croit 
des moralistes, est assise la morale, reliquat et résumé des habi- 
tudes de l'espèce humaine. C'est une question qui restera toujours 
indécise que de savoir si l'astrologie était, par essence ou en fait, 
contraire à la morale ; ce qui est certain, c'est qu'elle a paru 
telle à bon nombre de moralistes, et que, sur ce terrain conunun 
à tous, il n'y a pas lieu de distinguer entre rationalistes et mys- 
tiques. Un coup d'œil jeté sur la querelle visant le fatalisme 
astrologique sera une transition commode pour passer des uns 
aux autres. 

La morale présupposant le libre arbitre, toute doctrine qui 
tend à représenter nos actes comme déterminés sans l'interven- 
tion de notre volonté est légitimement suspecte aux moralistes. 
Toutes les méthodes divinatoires sont dans ce cas, et l'astrologie 
n'est prise à partie de préférence que parce que ses affirmations 
sont plus tranchantes et les conséquences de ses principes plus 
aisées à découvrir. Mais, d'autre part, il y a, dans les conditions 
et obstacles qui entravent le libre exercice de la volonté, une 
somme de fatalité que les moralistes raisonnables ne songent pas 
à contester. Tel est, par excellence, le fait de naître en un cer- 
tain temps et un certain lieu, avec certaines aptitudes physiques 
et intellectuelles, fait que l'astrologie avait fa prétention non pas 



• •. •• ••• • 



L^ISTROLOGIB DA!<VS LE MONDE ROMAlIf. 277 

de créer, mais d'expliquer et d'exploiter pour la préyision de 
Tavenir. 

Nous avons dit et répété que l'astrologie grecque avait pris 
immédiatement conscience du fatalisme inhérent à ses principes 
au sein de l'école stoïcienne, et qu'elle avait pu se croire récon- 
ciliée par ces mêmes Stoïciens avec la morale. Panétius mis à 
part, il n'y a guère parmi les Stoïciens que Diogène qui ait mis 
en doute le caractère fatal des pronostics astrologiques. Encore 
était-il d'avis que les astrologues pouvaient < dire d'avance de 
« quel tempérament serait chacun et à quel office il serait parti- 
« culièrement propre* ». En général, on concédait volontiers 
aux astrologues que les astres peuvent agir sur le corps. Ceci 
posé, suivant l'idée qu'on se faisait de la solidarité de l'âme et 
du corps, on était conduit à admettre une influence médiate, plus 
ou moins efficace, sur la volonté. C'était aux philosophes de 
débattre sur ce point : l'astrologie s'accommodait de tous les sys- 
tèmes. Aussi les partisans de la liberté absolue. Epicuriens et 
sceptiques, se gardaient d'ouvrir cette fissure au déterminisme, 
ou, si l'opinion courante leur forçait la main, ils se hâtaient de 
dire que l'influence des astres, au cas où elle serait réelle, échap- 
perait à nos moyens d'investigation. On voit bien cependant 
qu'ils hésitaient. Favorinus accepterait, à la rigueur, que l'on 
pût prévoir « les accidents et événements qui se produisent hors 
de nous » ; mais il déclare intolérable que l'on ait la prétention 
de faire intervenir les astres dans nos délibérations intérieures et 
de transformer l'homme, animal raisonnable, en une marionnette 
dont les planètes tiennent les fils. Conçoit-on que le caprice d'un 
homme qui veut aller au bain, puis ne veut plus, puis s'y décide, 
tienne à des actions et réactions planétaires^? Cela est fort bien 
dit; mais nos actes les plus spontanés peuvent dépendre, et étroi- 
tement, des circonstances « extérieures ». Que l'on suppose notre 
homme apprenant que la salle de bains où il voulait se rendre 
s'est écroulée par l'effet d'un tremblement de terre, amené lui- 
même par une certaine conjonction d'astres, dira-t-on que les 
astres n'influent en rien sur sa décision ? 

Favorinus croit avoir arraché aux astrologues l'aveu que les 
astres ne règlent pas l'existence humaine jusque dans l'infime 



1. Cic. Divin. II, 43. 

2. FaTorin. ap. Gell. XIY, 1, 23. 



278 1. BOUCH^-LBGLERCQ. 

détail, et il se retourne aussitôt contre eux en soutenant que oela 
est contradictoire, et que, si Ton peut prédire Tissue d'une 
bataille, on doit pouvoir aussi bien prévoir la chance au jeu de 
dés ou à la roulette*. Il se bat ici dans le vide, car il ne man- 
quait pas de charlatans prêts à lui donner satisfaction^, et il ne 
lui aurait pas suffi, pour avoir gain de cause, de constater leurs 
méprises, celles-<îi étant toujours imputables à Tignorance des 
praticiens et non pas à l'astrologie elle-même. 

Sextus Empiricus recourt à la vieille logomachie philoso- 
phique, jadis employée pour ou contre la divination en général, 
disant que, comme les événements procèdent de trois causes, la 
Nécessité, la Fortune ou Hasard et le libre arbitre, il est inutile de 
prévoir ce qui doit nécessairement arriver et impossible de fixer 
d'avance soit le jeu du hasard soit l'orientation de la volonté. Ce 
qu'il reproche à l'astrologie, ce n'est pas d'être fataliste, c'est de 
supposer une fatalité qui n'existe pas ou ne règne que sur un 
domaine restreint. 

Tous ces dialecticiens plus ou moins sceptiques se préoccu- 
paient fort peu du critérium moral proprement dit, lequel con- 
siste à juger des doctrines par leurs applications et à rejeter 
comme fausses celles qui sont réputées immorales. Ils étaient 
gens à penser que, au cas où une vérité scientifiquement démon- 
trée irait contre la morale, ce serait aux moralistes à réviser leurs 
principes et à tracer autrement la distinction du bien et du mal. 
Du reste, tant que le stoïcisme fut debout, il prouvait par le fait, 
argument irréfutable en morale, que le fatalisme n'est pas incom- 
patible avec la vertu virile et agissante. Il en alla autrement 
quand les théologiens néo-platoniciens et chrétiens s'attaquèrent 
au fatalisme, représenté principalement par l'astrologie. Ceux-là 
considéraient le fatalisme comme impie à double titre, parce que 
la responsabilité dont il dépouille l'homme, il la reporte sur Dieu, 
devenu auteur du mal comme du bien. 

Les astrologues avaient eu le temps de se préparer à la lutte. 

1. Favorin. ap. Gell. XIV, 1, 24. La réponse qu'il prévoit et réfute : magna 
sciuntf parva nesciunt, n'est pas si mauvaise. Tout est écrit là-haut; mais on 
déchifTrc mieux les gros caractères que les petits. 

2. Les astrologues indiquaient Qui mensis damnis, quae dentur ttmpora 
lucro (Juven., Sai., VI, 571), et les compilations astrologiques (inédites pour 
la plupart) sont pleines de recettes ou ci initiatives • (xarapxaQ pour réussir 
dans les moindres entreprises, pour prévoir qui gagnera la partie à la guerre, 
au cirque, au jeu, etc. 



l'astrologie dans le monde romain. 279 

Us se rendaient très bien compte de la difficulté qu'il y a à main- 
tenir la responsabilité humaine en regard des échéances fatales 
prévues et annoncées à Tavance. Le problème n'était pas neuf et 
on l'avait assez souvent posé à propos des « oracles infaillibles » 
d'ÂpoUon. Il avaient pris le parti fort sage de transiger aux 
dépens de la logique, de ne pas désavouer leurs doctrines et de 
s'en tenir pourtant à la morale de tout le monde. Us parlaient de 
l'inexorable destin, de la nécessité et des crimes qu'eUe fait com- 
mettre. « Ce n'est pas une raison », s'écrie Manilius, « pour 
« excuser le vice ou priver les vertus de ses récompenses. Peu 
« importe d'où tombe le crime; il faut convenir que c'est un 
« crime. Cela est fatal aussi, d'expier sa destinée elle-même^ ». 
Le bon sens de ce Romain — qui était peut-être un Grec — va 
droit au refuge ultime ouvert en tout temps à ceux qui ont une 
foi en deux principes logiquement inconciliables, au paradoxe 
sauveur de la morale en péril. Ptolémée se garde bien de poser 
l'antithèse aussi nettement. Il connaît l'écueil vers lequel la 
logique pousse invinciblement ceux qui lui obéissent et donne le 
coup de barre à côté. A l'entendre, la plupart des prévisions 
astrologiques sont, comme toutes les prévisions scientifiques, 
fatales et conditionnelles à la fois, c'est-à-dire qu'elles s'accom- 
plissent fatalement, si le jeu des forces naturelles calculées n'est 
pas dérangé par l'intervention d'autres forces naturelles non 
visées dans le calcul. Mais il dépend souvent de l'homme de 
mettre en jeu ces forces intercurrentes et de modifier la destinée. 
C'est ce qui se passe quand un médecin enraye par l'emploi de 
remèdes opportuns la marche d'une maladie qui, sans cela, 
aboutirait fatalement à la mort. Au pis aller, quand intervient la 
fatalité inéluctable, la prévision de l'avenir donne à l'homme — 
disons, au stoïcien — le temps de se préparer à recevoir le choc 
avec calme et dignité^. Ptolémée est allé jusqu'à la limite extrême 
des concessions, sans autre souci que de revendiquer pour l'as- 
trologie le nom de science « utile ». On ne saurait dire que la 
morale y gagne beaucoup, carie fatalisme mitigé peut être beau- 
coup plus dangereux que celui qui prêche la résignation com- 
plète. Tous les crimes qu'on prétend commis à l'instigation des 



1. Manil. Aêtron. IV, 107-118. Il toarne le fatalisme eo consolation pour les 
pauTres : le DesUn, lui au moins, ne se laisse pas corrompre (IV, 89 sqq.). 

2. Ptolem. Tetrab, I, 3. 



280 A. BOUCH^-LBCLBRGQ. 

astrologues ont eu pour but de modifier l'avenir prévu. Le feta- 
lisme absolu laisse, au contraire, les choses en Tétat, et, comme 
le bon sens pratique n'en tient nul compte, il se réduit à a*être 
qu'une conception métaphysique. 

Tel était l'état de la question morale quand les théologiens s'en 
emparèrent. Le nom de théologiens*, appliqué même aux néo- 
platoniciens, paraîtra justifié à tous ceux qui savent jusqu'où va 
dans leurs doctrines l'obsession du divin et du démoniaque, qpi 
remplace pour eux l'idée de loi naturelle et de force mécanique. 
Il ne leur a même pas manqué l'habitude caractéristique des 
théologiens, celle d'invoquer des textes réputés infaillibles et de 
mettre l'autorité au-dessus de la logique. Au nT siècle de notre 
ère, la littérature mystique, fabriquée dans des officines incon- 
nues, foisonnait de toutes parts, étoufiantle libre essor de l'intel- 
ligence et diminuant la dose de sens commun nécessaire à l'équi- 
libre de la raison. Dans ces livres dictés par des dieux, des fils 
do dieux, des rois, des prophètes ou des sibylles, l'astrologie avait 
sa part, et sa bonne part. La vogue était telle que les Chaldéens, 
reculés au plus loin de la perspective par les traditions judaïques 
et chrétiennes, passaient pour avoir eu en dépôt les plus anciennes 
révélations, les oracles les plus divins. Un certain « Julien le 
« Clialdéen » ou le « Théurge » fit avec ces prétendus « oracles 
« en vers » (Ai^ta Si èzûv) un pot-pourri de toute espèce de 
superstitions orientales, un mélange de magie, de théurgie, de 
métaphysique déhrante, qui séduisit même des esprits rebelles à 
Tastrologie et relégua au second plan, dans le rôle de comparses, 
los dieux grecs et leurs oracles. Ce livre devint le bréviaire des 
néo-platoniciens; ils le plaçaient^ comme résumé de la sagesse 
divine — un résumé qu'ils se chargèrent de délayer amplement 
— au-dessus même du Timée de Platon, œuvre excellente de la 
sagesse humaine*. 

L'école néo-platonicienne, issue de la tradition pythagori- 
cienne et se développant dans un pareil milieu, ne pouvait être 



1 . n nVM pcut-^tre pas inutile d'avertir que le nom de theoloçi a été appU- 
quô d'abord, et notamment par les chrétiens (cf. Tertull. Ad nat.y II, 1. Amob. 
IV, 18. V, 100), aux i>oètes et hiérographes polythéistes, ii^quitheologi nomi' 
nnniur (Cic. Nal, Deor. III, 21, 53). 

2. Voy. Lohcck, Aglaophamus, p. 98-111, 224-226; les textes réunis par 
(î. WoliV, Porphyrii de philosophia ex oraculis haurienda. Rerolin., 1865, et 
G. Kroll, De oraculis chaldaicis (Bresl. Philol. Abhandl. VII, 1 [1894], p. 1-76). 



l'astrologie dans le monde romain. 284 

hostile à rastrologie. Seulement, pour assurer l'unité de son 
système métaphysique, elle devait retirer aux astres la qualité 
de causes premières, efficientes, que leur reconnaissait l'astrolo- 
gie systématisée par les Stoïciens, à plus forte raison l'astrologie 
polythéiste engendrée par le sabéisme chaldéen. Plotin ne crut 
même pas pouvoir leur laisser le rang de causes secondes ; il les 
réduisit au rôle de signes divinatoires, comparables aux signes 
interprétés dans les autres méthodes, ramenant ainsi par sur- 
croît à l'unité la théorie de la divination inductive ou révélation 
indirecte, acceptée par lui sans objection et tout entière. Il ensei- 
gnait donc que « le cours des astres annonce pour chaque chose 
l'avenir, mais ne le fait pas* ». En vertu de la sympathie uni- 
verselle, chaque partie de l'Être communique avec les autres et 
peut, pour qui sait y lire, renseigner sur les autres ; la divination 
inductive ou conjecturale n'est que la « lecture de caractères 
< naturels- ». Il ne faut pas suivre plus avant les explications de 
Plotin, si l'on veut garder une idée nette de sa doctrine, qui 
devait, à son sens, atténuer le fatalisme astrologique et sauve- 
garder la liberté humaine. Cette doctrine fut de grande consé- 
quence, car, en permettant de considérer les astres comme de 
simples miroirs réfléchissant la pensée divine, et non plus comme 
des agents autonomes, d'assimiler leurs positions et configura- 
tions à des caractères d'écriture, elle rendit l'astrologie compa- 
tible avec toutes les théologies, même monothéistes. Les Juifs 
même, que scandalisaient les dieux-planètes ou dieux-décans et 
qui abominaient les idoles dessinées dans les constellations, 
purent rapporter sans scrupule à Hénoch ou à Abraham les règles 
de déchifirement applicables à cette kabbale céleste. 

Les successeurs de Plotin s'attachèrent à domestiquer, pour 
ainsi dire, l'astrologie, à la faire entrer dans leur système, non 
pour le dominer, mais pour lui servir de preuve et de point d'ap- 
pui. Porphyre, partisan décidé du libre arbitre, conserva tou- 
jours une certaine défiance à l'égard de l'astrologie. Il commença 
et finit par la déclarer science excellente, sans doute, mais inac- 
cessible à l'homme et au-dessus même de l'intelligence des dieux 
et génies du monde sublunaire. Cependant, son respect religieux 

1. ÔTi T) T(5v àoTpwv 90pà (Tr^\Lalsti irepl Ixavrov xk 2<r6|i£vs, oXX' orjx aM^ irdcvra 
icoiel, b>c tôt; iroX>ot< So^Crrai (Plotio. Ennead. II, 3). 

2. &yàYv(i>ffic 9ufftxfi>v Ypa{&|idT(i)v (Plotin. Ennead, III, 4, 6). 



282 A. BOUGHlî-LEGLBRCQ. 

pour le Tintée l'empêchait de briser la chaîne qui unit l'homme 
aux astres, et il est amené par là à s'expliquer à lui-même» 
c'est-à-dire à justifier bon nombre de théories astrologiques» 
celles précisément qui heurtent le plus le sens commun. A l'en- 
tendre, Platon concilie le fatalisme efiectif, celui qu'enseignent 
« les sages égyptiens », autrement dit les astrologues, avec la 
liberté, en ce sens que l'âme a choisi elle-même sa destinée avant 
de s'incarner, ayant été mise là-haut, dans la « terre céleste » 
où elle a passé sa première existence, à même de voiries diverses 
destinées, humaines et animales, écrites dans les astres c conmie 
sur un tableau ». Une fois choisie, la destinée devient inchan- 
geable : c'est l'Atropos mythique. C'est ce qui explique qu'il 
puisse naître sous le même signe des hommes^ des femmes, des 
animaux. Sous le même signe, mais non pas au même moment. 
Les âmes munies de leur lot (xXfjpoç) et descendues des sphères 
supérieures attendent, pour entrer dans notre monde sublunaire, 
que la machine cosmique ait en tournant réalisé les positions 
astrales prévues par leur lot. Qu'on imagine à l'Orient, à T « horos- 
cope », un troupeau d'âmes en appétit d'incarnation, devant un 
étroit passage alternativement ouvert et fermé par le mouvement 
de la grande roue zodiacale, celle-ci percée d'autant de trous 
qu'elle compte de degrés. Au moment voulu, poussée par la Jus- 
tice, qu'on appelle aussi la Fortune, telle âme, l'âme d'un chien, 
par exemple, passe par le trou horoscopique, et, l'instant d'après, 
une âme humaine par un autre trou*. 

On a peine à tenir son sérieux en face de ces graves élucu- 
brations : on croit voir s'allonger à la porte du théâtre de la vie 
cette queue de figurants qui attendent leur tour et présentent au 
contrôle de la Justice leur carte d'entrée estampillée de carac- 
tères astrologiques. Porphyre ne dit pas si ces âmes, une fois 
entrées par l'horoscope, vont animer des embryons ou des corps 
tout faits, dans lesquels elles se précipitent avec la première ins- 
piration d'air atmosphérique. Mais il connaît les deux variantes 
du système, et il montre qu'on peut les combiner dans une solution 
élégante, qui dispense de recourir à l'exhibition préalable et adjudi- 
cation des lots dans la « terre céleste » . 11 suflSt pour cela de supposer 
que l'âme fait choix d'une condition au moment où elle voit pas- 

1. Voy. l'extrait IIopçupiou Tiepl tou è<p* yjjiîv daas Stobée (Ed. Phys,, II, 7, 
39-42 [T. II, p. 103-107 Meineke]). 



L*ASTROLOGIE DANS LE MOIfDE ROMAIN. 283 

ser devant elle un horoscope de conception ; elle entre alors dans 
un embryon, et l'horoscope de naissance, où commence la « seconde 
« vie », ne fait plus que manifester le choix antérieur. Voilà de 
quoi satisfaire et les astrologues et les physiologistes qui les ont 
obUgés à calculer l'horoscope de la conception en affirmant que 
rembr}'on ne peut vivre sans âme. 

Par ce qu'admet Porphyre, l'esprit fort de l'école néo-platoni- 
cienne, on peut juger de la foi d'un Jamblique ou d'un Proclus, 
de mystiques affamés de révélations et qui eussent été des astro- 
logues infatigables si la magie, sous forme de théurgie, ne leur 
avait offert une voie plus courte et plus sûre pour communiquer 
avec l'Intelligence divine. 

Ainsi, le premier et dernier mot de la doctrine néo-platoni- 
cienne concernant l'astrologie est que les astres sont les « signes » 
(<jT|pL£Îa-(n)pL(xvTix^) et non les « agents >► (xoiY)Ttxiv) de la destinée; 
moyennant quoi les âmes sont libres, n'obéissant pas à une néces- 
sité mécanique, mais seulement à une prédestination (e^^Lappi^vY)) 
qu'elles se sont faite à elles-mêmes par libre choix. 

Ainsi comprise, l'astrologie devient plus infaillible encore que 
conçue comme étude des causes : c'est le déchiffrement, d'après 
des règles révélées, d'une écriture divine. Les astrologues devaient 
même aux néo-platoniciens la première explication logique de la 
frappe instantanée de l'horoscope, leur dogme le plus anti- 
pathique au sens commun. Aussi n'est-on pas peu étonné de voir 
l'astrologue Firmicus traiter Plotin en ennemi, en ennemi de la 
Fortune ou fatalité astrologique, et faire un sermon sur l'horrible 
fin de cet orgueilleux savant, qui mourut de la mort des impies, 
voyant son corps gangrené tomber en lambeaux et devenir sous 
ses yeux une chose sans nom ^ Il faut croire, si la mort de Plotin 
était réellement si « fameuse », que certains astrologues avaient 
considéré comme un affront fait à leurs divinités la distinction 
métaphysique entre les signes et les causes, et que Plotin avait 
attiré sur sa mémoire les foudres de Yodium theologicum. 

Ils pouvaient se rassurer : infaillibilité et fatalité, quand il 
s'agit de l'avenir, sont des termes synonymes, et nous allons 
assister à de nouvelles batailles livrées autour de cette idée maî- 
tresse par des théologiens qui sont à la fois les disciples, les alliés 
et les ennemis des néo-platoniciens. 

1. Finnic. Mathe$. I, 8, 21-30. 



284 A. BOUCHB-LEGLEECQ. 

Nous avons dit, répété, et, ce semble, démontré que l'astrologie 
était à volonté, suivant le tour d'esprit de ses adeptes, une reli- 
gion ou une science. Comme science, elle pouvait s'accommoder 
de toutes les théologies, moyennant un certain nombre de para- 
logismes que les astrologues du xvi® siècle surent bien retrouver 
quand ils cherchèrent et réussirent à vivre en paix avec l'Église. 
Comme religion — Firmicus l'appelle de ce nom et parle du 
sacerdoce astrologique* — l'astrologie tendait à supplanter les 
religions existantes, soit en les absorbant, soit en les éliminant. 
La vieille mythologie s'était facilement laissé absorber : les 
grands dieux avaient trouvé un refuge honorable dans les pla- 
nètes ou les éléments, et les légendes avaient servi à peupler le 
ciel de « catastérismes ». La démonologie platonicienne n'était 
pas plus capable de résistance. L'astrologie offrait même à ses 
myriades de génies, confinés dans le monde sublunaire ou débor- 
dant au delà, un emploi tout trouvé, l'oflSce d'astrologues, qui 
lisaient dans les astres, de plus près que l'homme, l'écriture 
divine et dispensaient ensuite la révélation par tous les procédés 
connus. Quant aux religions solaires, elles croissaient sur le ter- 
rain même de l'astrologie, qui, loin de les étouffer, aidait à leurs 
progrès. Les cultes solaires et les dogmes astrologiques formaient 
une religion complète, qui prenait conscience de sa force chez 
certains astrologues au point de les pousser à une propagande 
offensive. « Pourquoi, ô homme », s'écrie le pseudo-Manéthon, 
« sacrifies-tu inutilement aux bienheureux? Il n'y a pas ombre 
« de profit à sacrifier aux immortels, car pas un ne peut changer 
< la géniture des hommes. Fais hommage à Kronos, à Ares et à 
« Cythérée et à Zeus et à Mené et au roi Hélios, Ceux-là, en effet, 
« sont maîtres des dieux, sont maîtres aussi des hommes et de 
« tous fleuves, orages et vents, et de la terre fructifiante et de 
« l'air incessamment mobile* ». C'est le langage d'un apôtre qui, 
pour le commun des mortels, ressemblait singulièrement à un 
athée. En général, les astrologues évitaient ces accès de zèle 
imprudent. Loin de déclarer la guerre à une religion quelconque, 
Firmicus assure que l'astrologie pousse à la piété en enseignant 
aux hommes que leurs actes sont régis par les dieux et que l'àme 
humaine est parente des astres divins, ses frères aînés, dispensa- 



1. Finnic. Malhes. 11, 28, 3. 

'2. Maiieth. Apotelesm. I, 196-207. 



l'aSTEOLOGIB DAIVS LE MOITDE ROMAIN. 285 

leurs de la vie*. Toutes les religions, même les monothéistes, 
pour peu qu'elles tolérassent la métaphore, pouvaient accepter 
ces formules élastiques. 

Toutes, sauf le christianisme, tant qu'il resta fidèle à l'esprit 
judaïque qui l'avait engendré et qu'il vit dans l'astrologie une 
superstition païenne. A vrai dire, il est diflBcile de trouver, soit 
dans le judaïsme alexandrin, soit dans le christianisme primitif, 
si vite encombré de spéculations gnostiques et platoniciennes, 
une veine de doctrine absolument pure de toute compromission 
avec l'obsédante, insinuante et protéiforme manie qui était deve- 
nue une sorte de maladie intellectuelle. Le ferment déposé dans 
la cosmogonie de la Genèse, que règle le nombre septénaire, 
échauffait les imaginations mystiques et les poussait du côté des 
rêveries chaldéennes. C'est aux environs de l'ère chrétienne que 
parut le livre d'Hénoch^, relatant les voyages du patriarche 
dans les régions célestes, d'après les 366 livres écrits par Hénoch 
lui-même. On y rencontre une description des sept cieux où cir- 
culent les sept planètes. Dieu réside dans le septième, remplaçant 
ainsi Anou-Bel ou Saturne. Le paradis se trouve dans le troi- 
sième, probablement celui de Vénus, tandis qu'il y a des anges 
coupables dans le deuxième et le cinquième, sans doute dans 
Mercure et Mars. Les sphères célestes hébergent les âmes, qui 
préexistent au corps, comme dans les systèmes platoniciens. 
L'homme a été formé par la Sagesse de sept substances, à l'image 
du monde, et le nom du premier homme, Adam, est l'anagramme 
des quatre points cardinaux^. 

Ce n'est pas une métaphore indifférente, mais une réminiscence 
du livre d'Hénoch qui tombe de la plume de saint Paul, quand il 
écrit aux Corinthiens qu'il a été « ravi au troisième ciel, au 

1. Firroic. Mathes, I, 6, H-15; 7, etc. Cf. les beaux yers de Manilius (II, 
105, 115-116) que Gœthe inscriTit sur le registre du Brocken, le 4 sept. 1784 : 

Q\iis dubitei post haec kominem conjungere caelo ? 

Quis caelum possU nisi caeli munere noue, 

Et reperire deum, nisi qiU pars ipse deorum est f 

2. Cf. Ad. Lods, le Livre d'Enoch^ fragments grecs découTcrts à Akhmtm, etc. 
Paris, 1895. R. H. Charles et W. R. Morttll, The Book of ihe secreU of Enoch, 
translated from tbe SiaTonic. Oxford, 1896. Le lirre d'Hénoch était connu jus- 
qu'ici (depuis 1821) par la version éthiopienne. C'est un composé de pièces de 
différentes dates, antérieures et peut-être postérieures à l'ère chrétienne. 

3. 'A(vaTO>i^), A(u<yi;), 'A(pxTo;), M(e<ni|i6p{a). 



286 1. BOUGH^-LEGLERGQ. 

« paradis^ ». L*apôtre connaît aussi des créature» qui ont besoin 
d'être rachetées, « soit celles qui sont sur terre, soit celles qui 
« sont dans les cieux^ », des « esprits méchants dans les lieux 
« célestes 3 », ce qui ne peut guère s'entendre que du ciel visible. 
C'est bien, du reste, de ce ciel que tomba un jour Satan, visible 
lui-même « comme un éclair* ». Les nombres astrologiques 
s'étalent à l'aise dans V Apocalypse. Le voyant s'adresse à sqpt 
Églises, au nom de sept Esprits; il a vu sept candélabres d'or et 
au milieu une figure semblable au Fils de l'homme, qui tenait 
dans sa droite sept étoiles. Le Livre a sept sceaux, l'Agneau sept 
cornes et sept yeux, la Bête sept têtes ; on entend retentir sept 
tonnerres, et les sept trompettes des sept anges qui vont ensuite 
répandre sur le monde sept fioles pleines de la colère de Dieu. 
Quant au nombre douze, c'est le nombre même des étoiles qui 
entourent la tête de la femme, « vêtue de soleil et ayant la lune 
« sous ses pieds ^ », le nombre aussi des portes de la Jérusal^n 
céleste et des fondements des murailles, lesquels fondements sont 
faits de douze espèces de pierres précieuses; l'arbre de vie planté 
au milieu de la ville céleste porte douze fois des fruits en une 
année. Sans doute, tout cela n'est pas de l'astrologie; mais c'est 
du mysticisme pareil à celui qui alimente ailleurs la foi astro- 
logique. 

On sait avec quelle intempérance les Gnostiques prétendaient 
infuser dans la doctrine chrétienne une métaphysique grandilo- 
quente et incohérente, faite avec des débris de toutes les supers- 
titions internationales. Nous ne nous attarderons pas à analyser 
les chimères écloses dans les cerveaux de ces Orientaux que toutes 
les Églises chrétiennes ont reniés et que nous rejetterions volon^ 
tiers hors de la civilisation gréco-romaine. Les nombres et les 
associations d'idées astrologiques y sont semés à profusion. 
Les 365 cieux de Basilide sont dominés par le grand Abrasax ou 
Abraxas®, nom fait avec des chififres dont la somme vaut 365, et 



1. I Cor. XII, 2-4. 

2. Coloss. I, 20. 

3. Ephes. VI, 12. Cf. m, 10. 

4. Luc. X, 18. 

5. Mulier amicta sole, et luna sub pedibus ejus, et in capite i^jus eorona 
stellarum duodecim (Apocal. xii, 1), type conservé par Ticonographie catho- 
lique pour la Vierge Marie. 

6. Philosophum. VII, 1, p. 361 Gruice. 



L^iSTROLOGlB DANS LE MONDE ROMAIN. 287 

Ton y trouve en bon lieu, entre autres combinaisons, une Dodé- 
cade et une Hebdomade. Au dire de l'auteur des Philosophu- 
mena, la doctrine des Pératiques ou Ophites était tout impré- 
gnée de théories astrologiques et, pour cette raison, extrêmement 
compliquée*. Les Manichéens comparaient, dit-on, le Zodiaque 
à une roue hydraulique pourvue de douze amphores, qui puise la 
lumière égarée dans le monde d'en bas, le royaume du diable, la 
reverse dans la nacelle de la Lune, laquelle la déverse dans la 
barque du Soleil, lequel la reporte dans le monde d'en haut^. 
Tous ces rêveurs, ivres de révélations et émancipés du sens com- 
mun, torturaient, défiguraient, combinaient en mélanges innom- 
mables des traditions et des textes de toute provenance, assai- 
sonnés d'allégories pythagoriciennes, orphiques, platoniciennes, 
bibliques, évangéliques, hermétiques. Leurs bandes mystiques 
menaient le carnaval de la raison humaine, faisant pleuvoir de 
tous côtés sur la foule ahurie les communications célestes, oracles 
et évangiles apocryphes, recettes magiques et divinatoires, talis- 
mans et phylactères. Tous n'étaient pas des partisans de l'astro- 
logie systématisée, puisqu'on a pu attribuer au plus chrétien 
d'entre eux, le Syrien Bardesane, une réfutation du fatalisme 
astrologique; mais certains comptaient précisément attirer à eux 
les astrologues en faisant place dans leurs doctrines aux dogmes 
« mathématiques ». Les « Pératiques » susmentionnés firent des 
prodiges d'ingéniosité dans ce but, et notamment convertirent les 
catastérismes traditionnels en symboles judéo-chrétiens. 



IV. 



Il faut attendre que tout ce tumulte soit apaisé pour distinguer 
le courant de doctrine chrétienne qui deviendra l'orthodoxie et 
avoir afiaire à des docteurs qui aient marqué leur empreinte sur 
le dogme destiné à durer. 

Ce dogme ne sortit pas de la crise aussi simple qu'il était 
autrefois; il avait fallu trouver des réponses à toutes les ques- 



1. Op. cU. V, 2, p. 185-208 Cruice. 

2. Cf. J.-H. Kortz, Lehrb. d. KirchengescMehte, { 26, 2. Les nombres astro- 
logiques et les génies sidéraux, protecteurs des mois, jours et heures, tiennent 
une grande place dans les religions orientales. Il y a en échange d'influences, 
actions et réactions, entre elles et l'astrologie. 



288 1. BOUCHJ-LECLERGQ. 

tiens soulevées, et, à défaut de textes révélés, les emprunter à 
la philosophie, à la seule qui fût encore vivante et mêoie rajeunie, 
au platonisme. Fascinés par la merveilleuse épopée de Târae que 
Platon leur montrait descendant des sphères célestes et y retour- 
nant au sortir de sa prison d'argile, les docteurs chrétiens recon- 
nurent en Platon et en Socrate des précurseurs de la Révélation 
messianique. Sans doute, ils se réservaient le droit de faire uq 
triage dans ce legs et même de se tenir sur le pied de guerre avec 
los pliilosoi)hes platoniciens ; mais ils étaient désarmés plus qu*à 
demi contre le foisonnement des hypostases et émanations de 
toute sorte, contre la démonologie, la magie et théurgie qu'ac- 
cueillait sans résistance l'école néo-platonicienne. En thèse géné- 
rale, ils tenaient les méthodes divinatoires, et, plus que toute 
autre, l'astrologie, pour des inventions diaboliques, ce qui était 
une façon de les reconnaître pour efficaces et d'exalter peut-être 
le goût du fruit défendu*. Encore ne pouvaient-ils pousser cette 
thèse à fond, car le démon ne sait guère que parodier les actes 
divins, et il fallait se garder, en condamnant les fausses révéla- 
tions, de discréditer les véritables. Or, il était constant que Dieu, 
créateur des astres, dont il avait voulu faire des signes '% s'en 
était servi parfois pour révéler ses desseins, témoin le recul de 
Tombre sur le cadran solaire d'Ezéchias, l'étoile des rois mages, 
l'obscurcissement du soleil à la mort du Christ et les signes 
célestes qui devaient annoncer son retour. 

Le cas des rois mages fut pour les exégèses et polémistes chré- 
tiens un embarras des plus graves. C'était l'astrologie, la vraie, 
celle des Chaldéens ou Mages ^, installée en belle place et dans 
son office propre, à la naissance du Christ, dont l'étoile annonce 
la royauté. Un horoscope, mêmeroj'^al, pour Jésus-Christ, c'était le 
niveau de la fatalité commune passé sur l'Homme-Dieu ; c*était 
aussi, puisque le signe avait été compris des hommes de l'art, un 

1. Voy. Histoire de la DivinatioUy t. I, p. 92-104. 

2. C'est le texte de la Genèse : Fiant luminaria in firmamento caelL,, et sint 
in signa ettempora (i, 14. Cf. Psalm. cxxxv, 7-9), qui a motiYé les concessions 
de Philon et d'Origène à l'astrologie. 

3. S. Jérôme conTient franchement que ces Mages — dont on n'avait pas 
encore fait des liois — étaient des astrologues authentiques : philosophi Chat' 
daeorum (Ilieronym. In Daniel, 2), et même : docti a daemonibus (Iliero- 
nym. In Esaiam, 19). Saint Justin et TertuUien les considéraient comme des 
magiciens arabes : les PP. du iv* siècle hésitaient entre mages de Perse et 
mages de Chaldée. 



l'astrologie dans le monde romain. 289 

certificat de véracité délivré à l'astrologie, et par Dieu même, 
qui avait dû en observer les règles pour rendre le présage intel- 
ligible. Dire que Dieu s'était servi d'un astre pour avertir les 
Mages simplement parce qu'ils étaient astrologues* n'affaiblit 
pas la conclusion. Ils avaient été avertis; donc ils comprenaient 
les signaux célestes, et les astrologues ne mentaient pas en 
disant qu'on peut les comprendre. 

Il y avait une transaction tout indiquée, et c'est celle dont 
s'avisèrent d'abord les docteurs chrétiens : c'était, puisque l'as- 
trologie était une pratique inventée ou un secret dérobé par les 
démons et que Jésus-Christ était venu mettre fin au règne des 
démons, c'était, dis-je, d'admettre que l'astrologie ou magie avait 
été véridique jusqu'à la naissance du Christ et qu'elle était venue 
abdiquer, pour ainsi dire, dans la personne des Mages païens, 
au berceau du Rédempteur. C'est l'explication à laquelle s'ar- 
rêtent saint Ignace et TertuUien^. Les gnostiques valentiniens 
avaient creusé le sujet plus avant, et ils avaient fait sortir de là 
une théorie des plus séduisantes. Suivant Théodote, l'étoile des 
Mages avait « abrogé l'ancienne astrologie » en lui enlevant sa 
raison d'être ; la grâce du baptême « transportait ceux qui ont 
« foi au Christ du régime de la prédestination sous la providence 
« du Christ lui-même ». Le chrétien, surtout s'il est gnostique, 
échappe à la fatalité et à la compétence de ses interprètes^. Soit! 
mais, à ce compte, l'astrologie était reconnue véridicjue pour le 
passé, et elle aurait continué à l'être pour la clientèle païenne ; 
les astrologues contre qui il s'agissait de lutter n'en demandaient 
sans doute pas davantage. On leur concédait le fond du débat, et 
ils pouvaient prendre en pitié l'orgueil de gens qui se mettaient 
eux-mêmes hors la nature. 

Il arrive parfois aux Pères de l'Église du siècle suivant de 
répéter que la prédestination et l'astrologie sont exclues du régime 
de la loi nouvelle^; mais ils sentaient bien que cet argument, 
d'orthodoxie suspecte, ne résolvait pas la difficulté et en soule- 

1. lo. Chrys. Homil. III in Epist. ad TUum. 

2. Ignat. Epist. ad Ephes. 19. Tertall. De idoloL 9. 

3. Clem. Alexandr. Excerpt. ex Theodoto § 68-69. Les théarges, troavaiit que 
leurs charmes Yalaieot bien le baptême, eo disaient autant de leurs disciples 
(lo. Lyd. Mens. II, 9), et Amobe (II, 62) raillait en bloc tons ces vaniteux per- 
sonnages. 

4. J.*G. &oTpoXoY(flEV tkyjotf xcù el{&ap(iiw)v dcvetXe, xat 8oi((Mvac Iice<rr6|ii9e, 
X. T. X. (lo. Chrysost. HomU. VI in Math,), 

Hbv. Histor. LXV. 2« fabg. 19 



290 A. BOUCHé-L£CLBEGQ. 

vait de plus grandes. Ils cherchèrent d'autres raisons. Ils firent 
remarquer que l'étoile des Mages n'était pas une étoile ordinaire, 
ni fixe, ni planète, ni comète ; qu'elle avait marché autrement 
que tous les astres connus, puisqu'elle avait conduit les Mages à 
Bethléem et n'était, par conséquent, nullement assimilable à une 
étoile horoscope. L'horoscope astrologique sert à prédire la des- 
tinée des enfants qui naissent, et non pas à annoncer les nais- 
sances. En un mot, l'étoile des Mages avait été un flambeau 
miraculeux, peut-être un ange ou même le Saint-Esprit, et, 
comme telle, elle n'appartenait pas au répertoire des données 
astrologiques*. Le raisonnement n'est pas très serré et pouvait 
être aisément retourné. Il restait avéré que des astrologues avaient 
deviné juste en observant le ciel, et, si l'astre était nouveau, il 
eu fallait admirer davantage la sûreté des méthodes qui avaient 
suffi à un cas tout à fait imprévu 2. C'est sans doute parce qu'ib 
avaient vu l'astre miraculeux s'écarter de la route ordinaire des 
planètes qu'ils l'avaient suivi, et cela par calcul ; car, s'ils avaient 
obéi à une suggestion divine — eux instruits par les démons, au 
dire de saint Jérôme — on ne voit pas pourquoi Dieu s'était adressé 
de préférence à des savants. 

La preuve que le débat ne tournait pas nécessairement à la 
confusion des astrologues, c'est que l'auteur chrétien de VHer- 
mippics se prévaut du récit évangélique concernant les Mages 
pour montrer que la confiance en l'astrologie est compatible avec 
la foi chrétienne, à la seule condition de prendre l'étoile pour 
signe et annonce, non pour cause de la « naissance du dieu 
« Verbe ». Il s'interrompt, il est vrai, pour recommander de 
mettre le verrou aux portes, sachant que son opinion n'est pas 
pour plaire à certaines gens^. 

Nous voyons reparaître une fois de plus ici le scrupule qui 
excite le zèle des docteurs et qui, une fois calmé par la distinction 
entre les signes et les causes, les laisse dépourvus de raisons 
péremptoires ou même disposés à l'indulgence en face des autres 



1. Basil. Homil. XXV y p. 510. lo. Chrys. loc. cit. Anonym. Hermippui, î, 9, 
51, p. 12 éd. Kroll et Viereck (Lips. 1895). 

2. Varron rapportait qu'Énée avait été conduit à Laurente par l'étoile de 
Vénus, laquelle disparut lorsqu'il y fut arrivé (Serv. Aen, II, 801). Ce genre de 
miracle n'était donc pas tout à fait inconnu au temps où écrivaient les évan- 
gélistes. 

3. Anonym. Hermippus, l, 8, 48, p. 11 éd. KroU. 



L^iSTROLOGTB DAPTS LE MO!<rDE ROMAIN. 294 

prétentions de l'astrologie. Que les astrologues renoncent à dire 
que les astres règlent la destinée; que, comme Platon, Philon et 
les néo-platoniciens, ils leur attribuent seulement le rôle de signes 
indicateurs, d'écriture divine, et plus d'un adversaire posera les 
armes, persuadé qu'il n'y a plus alors de fatalisme astrologique 
et que la conduite du monde est remise, comme il convient, à 
Dieu seul. Au fond, Origène ne leur demande pas autre chose ^ 
n n'oublie pas de faire valoir contre les astrologues les objections 
connues, l'argument des jumeaux, l'argument inverse tiré des 
races, voire la précession des équinoxes, enfin l'impossibilité où 
ils sont de satisfaire aux exigences de la théorie ; mais, contre 
l'astrologie elle-même, conçue comme interprétation de signes 
divins, il n'a rien à dire, sinon qu'elle est au-dessus de l'intelli- 
gence humaine. Encore n'est-il pas très ferme sur ce terrain ; car 
enfin Dieu ne fait rien en vain. Pour qui ces signes révélateurs, 
qui, n'étant pas causes, seraient inutiles comme signes s'ils 
n'étaient pas compris? Pour les « puissances supérieures aux 
€ hommes, les anges? » Mais les « anges » (orffeXoi) sont, par 
définition, les messagers de Dieu, et les prophéties prouvent que 
Dieu ne dédaigne pas de révéler parfois l'avenir aux hommes. Du 
reste, on n'a pas besoin de pousser Origène aux concessions ; il 
ne refuse aux hommes que la connaissance « exacte » du sens des 
signes célestes. Toutes réserves faites sur la pratique, il croit à 
l'astrologie pour les mêmes raisons que les néo-platoniciens, et il 
lui apporte même, à ses risques et périls, le renfort de textes tirés 
de TEcriture sainte 2. 

En dépit de l'infortune posthume qui, au iv® siècle, le retrancha 
du nombre des docteurs orthodoxes, on sait combien fut grande, 
dans l'Église grecque surtout, l'autorité d'Origène. Aussi n'est-on 
pas étonné d'apprendre que nombre de chrétiens, même des 
membres du clergé, croyaient pouvoir accepter les doctrines ou 
s'adonner aux pratiques de l'astrologie. On raconte que l'évêque 
d'Émèse, Eusèbe, était dans ce cas et qu'il fut par la suite déposé 
de son siège pour ce fait^. Saint Athanase, si rigide pourtant sur 

1. Origen. ap. Easeb. Praep, Evang. VI, 11. 

2. Origène, partant des luminaria signa de la Genèse (ci-dessus, p. 288, 2), 
en venait à croire les astres yÎYants, car le Psalmiste dit : laudale eum, $ol et 
luna. 11 se demande même s'ils n'ont pas péché, atteodo qne Job dit : et stellae 
non suni mundae in conspectu ijuSy et s'ils ont eo part à la Rédemption, opinion 
qui, de Tavis de S. Pamphile {Apclog. pro Orig. 9), n'était nullement hérétique. 

3. Socrat. Hist. Eccl, II, 9. Sozomen. Hi$t. Eccl, III, 6. 



292 À, BODCHlé-LBCLBRCQ. 

le dogme, trouve dans le livre de Job là trace et, par conséquent, 
la confirmation d'une des théories les plus caractéristiques de 
Tastrologie, celle des otxoi ou domiciles des planètes*. Eusèbe 
d'Alexandrie constate et déplore que les chrétiens se servent cou- 
ramment d'expressions comme : « Peste soit de ton étoile ! * ou : 
« Peste soit de mon horoscope !» ou : « Il est né sous une bonne 
« étoile ! » 11 ajoute que certains vont jusqu'à adresser des prières 
aux astres et dire, par exemple, au Soleil levant : « Aie pitié de 
< nous y>y comme font les adorateurs du Soleil et les hérétiques*. 

Le danger était là, en effet. L'Eglise ne se souciait pas d'entrer 
en lutte contre l'astrologie d'allure scientifique; mais elle ne pou- 
vait laisser remonter à la surface le fonds de religion, le sabéisme, 
qui avait engendré l'astrologie et qui, à mesure que baissait le 
niveau de la culture générale, tendait à reprendre sa force origi- 
nelle. C'est ce qui explique la reprise des hostilités, d'ailleurs 
assez mollement menées , dont nous avons donné un aperçu à 
propos de l'étoile des Mages. Les Pères du rv® siècle finissant ne 
purent que recommencer, sans y jeter un argument nouveau, la 
lutte contre l'astrologie, au nom de la morale menacée par son 
fatalisme 3. Comme origénistes, ils n'osent plus employer contre 
elle les armes théologiques, et, comme dialecticiens, ils sont bien 
au-dessous de leurs devanciers. Ils répètent à l'envi que, si la 
destinée humaine était préfixée par les astres. Dieu, qui a fait les 
astres, serait responsable de nos actes, même mauvais. Leur 
argumentation peut se résumer dans le mot de saint Éphrem : 
« Si Dieu est juste, il ne peut avoir établi des astres généthliaques, 
« en vertu desquels les hommes deviennent nécessairement 
« pécheurs^ ». C'était le langage du bon sens; mais le bon sens, 
fait de postulats empiriques, n'est pas plus admis dans les démons- 
trations en forme que le coup de poing dans l'escrime savante. 
Ces docteurs qui, pour laisser entière notre responsabilité, ne 
veulent pas connaître de limites à notre liberté ferment les yeux 
pour ne point voir les redoutables questions soulevées par la foi 

1. Athanas. ap. Anal, sacra, \, 1, p. 25 Pitra [Paris.-Rom. 1888J. 

2. lo. Carol. Thilo, Ëuiebii Alexandrini Oratio ll£p\ à(rrpov6(ii(ov e Cod. Reg. 
Par. primum édita [Progr. Halae, 1834J, p. 19. 

3. Nous avons encore le Katà ei(iiap(iivy]c de Grégoire de Nysse : le traité 
homonyme de l'évoque Diodore de Tarse est perdu, sauf quelques fragments 
(ap. Phot. Cod. ccxxiii). 

4. Ephrem. Carmina Nisibena (en syriaque), lxxii, 16. De même, Isidore de 
Séville (Orig, III, 70, 40). 



l'astbologib dans le monde romain. 293 

en la prescience de Dieu et les diflScultés qu'ajoute à ce problème 
général, insoluble, le dogme chrétien lui-même. Le péché origi- 
nel, la grâce, et l'obligation d'accorder ces formes de la fatalité 
avec l'idée de justice, sont des arcanes auprès desquels le fata- 
lisme astrologique parait souple et accommodant. En outre, ces 
mêmes docteurs s'attaquaient imprudemment à la science elle- 
même, au nom de l'orthodoxie. S'ils n'avaient pas de textes pré- 
cis à opposer à l'astrologie, ils en trouvaient, et plus d'un, qui 
leur défendait d'admettre que la terre fut une sphère et leur 
imposait de croire qu'il y avait en haut du firmament des réser- 
voirs d'eaux célestes. Ils étalaient ainsi à nu leur naïveté, déjà 
tournée en intolérance, et se mettaient sur les bras des cjuerelles 
inutiles ou utiles seulement aux astrologues. Ceux-ci, en efiet, 
gardaient le prestige de la science grecque, et ils auraient aussi 
bien trouvé leur compte au triomphe de la cosmographie ortho- 
doxe, qui était celle des anciens Chaldéens^ 

La lutte, ainsi élargie, dévoyée, dispersée, fut reprise et comme 
concentrée en une dernière bataille, livrée par le plus grand tac- 
ticien, le plus impérieux et le plus écouté des docteurs de l'Eglise, 
saint Augustin. Celui-là est d'une autre trempe que les origénistes 
de l'Eglise d'Orient. Il dédaigne les précautions de langage, les 
arguments de moralistes, comme le souci du libre arbitre humain, 
qu*il écrase dans la doctrine de la grâce et de la prédestination ; 
et, s'il emploie la raison raisonnante, c'est comme arme légère, 
se réservant d'employer, pour briser les résistances dans les 
rangs des chrétiens, l'affirmation hautaine et l'autorité du dogme. 
Il ne faut pas s'attendre à trouver chez lui une logique serrée, et 
il n'est même pas aisé de distinguer du premier coup le but qu'il 
poursuit. Ce n'est pas pour la liberté humaine qu'il combat. Loin 
de faire cause commune avec ses défenseurs, il les considère 
comme des athées. Il trouve détestable la négation de la pres- 
cience divine opposée comme fin de non-recevoirpar Cicéron aux 
partisans de la divination^. Il admet donc, sans ombre de doute, 

1. Voy. le mémoire de Letronnc, Des opinions co%mographiques des Pères 
de r Église, 1835 [Œuvres choisies, II* série, t. I, p. 382-414]. Lactance {Inst. 
Div. III, 24) tronve absorde la sphéricité de la Terre; Diodore de Tarse la 
réfote, et S. Augustin défend qu'on y croie. 

2. Augustin. Civ. Dei, V, 9. Il juge aYec raison qu'un Dieu qui ne connaî- 
trait pas Tayenir ne serait pas Dieu. Suivant lui, Dieu a tout prévu de tonte 
éternité, même nos volitions ; mais nous sommes libres dans tons les cas où 
il a Youlu quq nous le fussions et prévu que nous le serions {ibid. V, 10). C'est 



294 1. BOUGH^-LECLEBCQ. 

la possibilité de la révélation de ravenir «- sans quoi il fondrait 
nier les prophéties — et même il ne considère pas comme des 
superstitions nécessairement illusoires et mensongères les pra- 
tiques divinatoires. Mais il abomine d'autant plus ces inventions 
des démons, qui, toujours aux aguets, épient les signes extérieurs 
de la pensée divine et s*emparent ainsi de quelques bribes de 
vérité qu'ils mêlent, quand il leur plait, à leurs mensonges. Saint 
Augustin accepte toute la démonologie cosmopolite qui minait 
depuis des siècles l'assiette de la raison, et nul esprit ne fut jamais 
plus obsédé par la hantise et le contact du surnaturel. Manichéen 
ou orthodoxe, il ne voit dans le monde, dans l'histoire conune 
dans la pratique journalière de la vie, que la lutte entre Dieu et 
le diable, entre les anges de lumière et les esprits de ténèbres, 
ceux-ci imitant ceux-là, opposant leurs oracles aux prophéties 
divines, disputant aux songes véridiques l'âme qui veille dans le 
corps endormi, luttant à coups de sortilèges magiques avec les 
vrais miracles. L'astrologie bénéficia pourtant du goût qu'il s'était 
senti pour elle et de l'étude qu'il en avait foite*. Ce n'était pas là 
un de ces pièges vulgaires tendus par le démon aux âmes simples, 
mais l'extension abusive, orgueilleuse, athée, d'une science qui 
était à certains égards le chef-d'œuvre de l'esprit humain. Si l'as- 
trologie n'était pas athée, si les « mathématiciens » consentaient 
à ne voir dans les astres que des signes — non plus des causes 
— saint Augustin hésiterait à condamner une opinion partagée 
par des gens très doctes. Mais, telle qu'elle est et que la com- 
prennent la plupart de ses partisans, elle a la prétention de subs- 
tituer la fatalité naturelle, mécanique, à la volonté de Dieu; elle 
est donc dans la voie du mensonge, et le champion du Tout-Puis- 
sant s'attaque, avec sa fougue ordinaire, à ces « divagations 
impies* ». 

Les armes théologiques étant depuis longtemps émoussées, 
c'est à la dialectique qu'il a recours. Il reprend tous les argu- 
ments mis en ligne depuis Carnéade, mais il n'y ajoute guère que 
sa véhémence, des sarcasmes et un peu de sophistique. La fasti- 
dieuse querelle élevée à propos des jumeaux — avec variante 

ce libre arbitre qu'il oppose au fatalisme astrologique {De continent. 14), 
lequel suppose une fatalité mécanique, inintelligente, immorale. 

1. Augustin. Confess. IV, 3. 

2. Jain eiiam mathematicorum fallaces divinationes et impia délira- 
mênta rejeceram (Augustin. Confess. VII, 6). 



l'iSTBOLOGIE dans LB monde ROMAin. 295 

pour les jumeaux de sexe différent — n'est pas plus tranchée par 
rexemple d'Esaù et Jacob que par celui des Dioscures ; l'attaque 
et la riposte en restent au même point. Il le sent si bien lui-même 
qu'il a recours à des artifices de rhétorique et à des pièges de 
mots. Étant donnés, dit-il, deux jumeaux, ou bien ils ont même 
horoscope, et alors tout doit être pareil chez eux, ce qui n'est 
pas, l'expérience le prouve ; ou bien ils ont, à cause de la petite 
différence de temps qui sépare les deux naissances, des horoscopes 
différents, et alors « j'exige des parents différents, ce que des 
« jumeaux ne peuvent pas avoir* ». Avec de telles exigences, on 
ne comprendrait pas que les mêmes parents puissent avoir jamais 
plus d'un enfant, absurdité dont l'astrologie n'est aucunement 
responsable. Ces mêmes jumeaux sont malades « en même temps ». 
Le fait est expliqué par la similitude des tempéraments, suivant 
Hippocrate; par celle des thèmes de géniture, suivant Posidonius. 
Saint Augustin ne se contente pas de préférer l'explication du 
médecin à celle de l'astrologue : il veut que l'expression < en 
« même temps » indique une coïncidence mathématiquement 
exacte, et il s'écrie : « Pourquoi étaient-ils malades pareillement 
«c et en même temps, et non pas l'un d'abord, l'autre ensuite, 
€ puisque aussi bien ils ne pouvaient être nés simultanément? 
« Ou, si le fait d'être nés en des temps différents n'entraînait pas 
€ qu'ils fussent malades en des temps différents, pourquoi sou- 
« tient-on que la différence de temps à la naissance produit des 
« diversités pour les autres choses 2? » Les astrologues avaient 
vingt façons d'échapper à ce dilemme, sans compter la ressource 
de ne pas endosser jusque dans le détail la responsabilité des opi- 
nions de Posidonius. L'astrologie, avertie par des siècles de dis- 
cassions, ne disait pas ou ne disait plus que les destinées des 
jumeaux dussent être de tout point semblables ou de tout point 
différentes. Mais saint Augustin ne veut pas ainsi abandonner la 
partie. Il se cramponne à Posidonius. Celui-ci prétendait que les 
jumeaux malades, s'ils n'étaient pas nés au même moment mathé- 
matique, avaient été conçus en même temps ; il expliquait ainsi 
les ressemblances dans la destinée des jumeaux par la simultanéité 

1. Aagastin. Civ. Dei, \, 2. Il veut dire que si tout est pareil avec même 
horoscope, tout doit être différent avec horoscopes ditTérents. Mais alors des 
enfants nés de mêmes parents en des temps divers ne devraient avoir rien de 
commun entre eux, pas même les parents. 

2. Augustin. Civ. J>ei, V, 5. 



296 A. BOUGH^LBCLBllGQ. 

de conception et les dissemblances par la non-^imultanéitë dfis 
naissances. Il se mettait dans un mauvais cas, et saint Augustin 
daube à son aise sur cette conception simultanée qui produit des 
jumeaux de sexe opposé et de destinées contraires; mais cette 
volée d'arguments passe à côté des astrologues assez avisés pour 
tirer un voile sur le mystère de la conception et se contenter de 
spéculer sur l'horoscope de la naissance. H a raison aussi, mais 
aussi inutilement, quand il signale une certaine incompatibilité 
logique entre la méthode généthliaque, qui suppose tout préfixé 
au moment de la naissance, et celle des xaTapx.a(, qui prétend 
choisir pour nos actions le moment opportun * . Ce sont des théo- 
ries différentes, qui coexistaient et se combinaient parfois, sans 
que personne se fût soucié de les ramener à l'unité. Saint Augus- 
tin s'imagine toujours avoir affaire à une doctrine arrêtée, immo- 
bilisée dans une orthodoxie qui permette de la saisir sous une 
forme précise et de la terrasser. Mais, hydre ou protée, l'astrolo- 
gie échappe de toutes parts à son étreinte. Il fallait l'atteindre 
dans son principe, nier résolument l'influence des astres ou sou- 
tenir que, s'il y en avait une, on n'en pouvait rien savoir. Cela, 
saint Augustin le fait, mais sans conviction, avec des réserves et 
dos concessions qui rendent à l'adversaire le terrain conquis. H 
dôclaiv l'astrologie athée, celle qui enseigne « que les astres 
« décident de nos destinées sans la volonté de Dieu », inaccep- 
table même pour de simples rationalistes*. Mais il ménage l'opi- 
nion transactionnelle, qu'il sait avoir été celle de Plotin et d'Ori- 
j;one, et on s'aperçoit tout à coup, non sans surprise, que, au 
fond, c*est la sienne. Il clôt la discussion en disant que, si les 
astrologues « font si souvent des réponses admirablement vraies », 
co n'est pas par l'effet de leur art chimérique, mais par l'inspira- 
tion des démons. Il pense avoir ruiné l'astrologie en tant que 
science humaine, et voilà qu'il la restaure comme révélation 
démoniaque, revivifiant du même coup son dogme fondamental, 
car, si les démons lisent l'avenir dans les astres, c'est qu'il y est 
écrit. C'était la recommander aux païens, pour cjui les démons 
de saint Augustin étaient des dieux, sans intimider les chrétiens 
qui faisaient la part moins large aux démons ou qui, en mettant 

1. Augustin. Civ. Dei. V, 7. Ptolémée avait évité cette contradiction en ne 
s'occupant pas des xaTapx^^ méthode populaire, qu'il estime sans donte au-des- 
sous de la dignité des c mathématiques ». 

2. Augustin. Civ. Dei, V, 1. 



l'àstbologib dahs le monde romain. 297 

des patriarches dans le Zodiaque et des anges dans les planètes, 
pensaient avoir convenablement exorcisé l'outillage astrologique 
jadis manié par les païens*. 

En fin de compte, la polémique chrétienne contre l'astrologie 
n'aboutit pas plus qu'autrefois celle des sceptiques. Les chrétiens 
qui ne croyaient pas aux horoscopes redoutaient, comme tout le 
monde, les éclipses et les comètes à cause des malheurs qu'elles 
annonçaient, et il ne fut jamais entendu une fois pour toutes que 
l'on ne pouvait être chrétien sans abhorrer l'astrologie. L'auteur 
chrétien du dialogue intitulé Hermippus fait valoir, au contraire, 
l'excellence et la valeur morale d'une science qui élève l'intelli- 
gence humaine vers les choses célestes et, bien loin de pousser au 
fatalisme, nous apprend que l'âme spirituelle échappe à l'influence 
matérielle des astres 2. 

Comme il n'y eut pas de doctrine arrêtée, ni approbation, ni 
improbation expresse, il n'y eut pas non plus de mesure générale 
décrétée au nom de l'Eglise catholique en ce qui concerne les 
croyances ou les pratiques astrologiques. En Orient, on s'habitua 
à considérer l'astrologie comme une dépendance plus ou moins 
contestable de l'astronomie, classée dans la catégorie des opinions 
libres dont l'Eglise n'avait pas à s'occuper. En Occident, l'auto- 
rité de saint Augustin et la lutte contre les Manichéens et Pris- 
cillianistes fit prévaloir l'idée, vraie au fond, que l'astrologie était 
une des formes de la magie, une religion idolâtrique qui adressait 
ses hommages aux démons implantés dans les planètes et les 
décans du Zodiaque, la mère de toutes les pratiques de sorcellerie 
appliquées à la médecine, à la chimie, ou, pour mieux dire, 
répandues comme une obsession diabolique sur toutes les voies 
ouvertes à la pensée et Tactivité humaines. Mais personne ne 
tenait la magie et l'astrologie pour de pures chimères, et l'astro- 
logie gardait, malgré qu'on en eût, le prestige de la science astro- 
nomique qui lui fournissait les données de ses calculs. Les doc- 

1. Les Priftcillianistes accommodaient ainsi l'astrologie; c'est à eux surtout 
que songe S. Augustin en s'attaquant aux astrologues. 

2. 11 a soin de mettre le libre arbitre à Tabri de l'influence des astres. C'est 
le seul point qui importe. Huet, qui s'y connaissait, dit d'Origène que, si ce 
docteur croyait à la révélation de l'avenir par les astres, in eariem esset causa 
ac Apotelesmatici omnes et hodierni astrologiae patrani, quorum sententia, 
intégra modo servetur libertas arbUrii, haereêeos nota immunis est (P. Danielis 
Huetii Origenianorumy lib. II, Quaest. VIII, De astris, in Patrol. Migne, Origen. 
opp. tom. vu, p. îy73-989). 



296 1. BOUGHé-LECLERCQ. 

de conception et les dissemblances par la non-simultanéité des 
naissances. Il se mettait dans un mauvais cas, et saint Augustin 
daube à son aise sur cette conception simultanée qui produit des 
jumeaux de sexe opposé et de destinées contraires; mais cette 
volée d'arguments passe à côté des astrologues assez avisés pour 
tirer un voile sur le mystère de la conception et se contenter de 
spéculer sur l'horoscope de la naissance. H a raison aussi, mais 
aussi inutilement, quand il signale une certaine incompatibilité 
logique entre la méthode généthliaque, qui suppose tout préfixé 
au moment de la naissance, et celle des xaTap^aC, qui prétend 
choisir pour nos actions le moment opportun*. Ce sont des théo- 
ries différentes, qui coexistaient et se combinaient parfois, sans 
que personne se fût soucié de les ramener à l'unité. Saint Augus- 
tin s'imagine toujours avoir affaire à une doctrine arrêtée, immo- 
bilisée dans une orthodoxie qui permette de la saisir sous une 
forme précise et de la terrasser. Mais, hydre ou protée, l'astrolo- 
gie échappe de toutes parts à son étreinte. Il fallait l'atteindre 
dans son principe, nier résolument l'influence des astres ou sou- 
tenir que, s'il y en avait une, on n'en pouvait rien savoir. Cela, 
saint Augustin le fait, mais sans conviction, avec des réserves et 
des concessions qui rendent à l'adversaire le terrain conquis. Il 
déclare l'astrologie athée, celle qui enseigne « que les astres 
« décident de nos destinées sans la volonté de Dieu », inaccep- 
table même pour de simples rationalistes*. Mais il ménage l'opi- 
nion transactionnelle, qu'il sait avoir été celle de Plotin et d'Ori- 
gène, et on s'aperçoit tout à coup, non sans surprise, que, au 
fond, c'est la sienne. Il clôt la discussion en disant que, si les 
astrologues « font si souvent des réponses admirablement vraies », 
ce n'est pas par l'effet de leur art chimérique, mais par l'inspira- 
tion des démons. Il pense avoir ruiné l'astrologie en tant que 
science humaine, et voilà qu'il la restaure comme révélation 
démoniaque, revivifiant du même coup son dogme fondamental, 
car, si les démons lisent l'avenir dans les astres, c'est qu'il y est 
écrit. C'était la recommander aux païens, pour qui les démons 
de saint Augustin étaient des dieux, sans intimider les chrétiens 
qui faisaient la part moins large aux démons ou qui, en mettant 

1. Aui;u8tin. Civ, Dei. V, 7. Ptolémée arait évité cette contradiction en ne 
s'occupant pas des xaxapxaf, méthode populaire, qu'il estime sans doute au-des- 
sous de la dignité des c mathématiques ». 

2. Augustin. Civ. Dei, V, 1. 



l'astrologie dans le monde romain. 297 

des patriarches dans le Zodiaque et des anges dans les planètes, 
pensaient avoir convenablement exorcisé Foutillage astrologique 
jadis manié par les païens*. 

En fin de compte, la polémique chrétienne contre l'astrologie 
n'aboutit pas plus qu'autrefois celle des sceptiques. Les chrétiens 
qui ne croyaient pas aux horoscopes redoutaient, comme tout le 
monde, les éclipses et les comètes à cause des malheurs qu'elles 
annonçaient, et il ne fut jamais entendu une fois pour toutes que 
l'on ne pouvait être chrétien sans abhorrer l'astrologie. L'auteur 
chrétien du dialogue intitulé Hermippus fait valoir, au contraire, 
l'excellence et la valeur morale d'une science qui élève l'intelli- 
gence humaine vers les choses célestes et, bien loin de pousser au 
fatalisme, nous apprend que l'âme spirituelle échappe à l'influence 
matérielle des astres 2. 

Comme il n'y eut pas de doctrine arrêtée, ni approbation, ni 
improbation expresse, il n'y eut pas non plus de mesure générale 
décrétée au nom de l'Eglise catholique en ce qui concerne les 
croyances ou les pratiques astrologiques. En Orient, on s'habitua 
à considérer l'astrologie comme une dépendance plus ou moins 
contestable de l'astronomie, classée dans la catégorie des opinions 
libres dont l'Eglise n'avait pas à s'occuper. En Occident, l'auto- 
rité de saint Augustin et la lutte contre les Manichéens et Pris- 
cillianistes fit prévaloir l'idée, vraie au fond, cjue l'astrologie était 
une des formes de la magie, une religion idolâtrique qui adressait 
ses hommages aux démons implantés dans les planètes et les 
décans du Zodiaque, la mère de toutes les pratiques de sorcellerie 
appliquées à la médecine, à la chimie, ou, pour mieux dire, 
répandues comme une obsession diabolique sur toutes les voies 
ouvertes à la pensée et l'activité humaines. Mais personne ne 
tenait la magie et l'astrologie pour de pures chimères, et l'astro- 
logie gardait, malgré qu'on en eût, le prestige de la science astro- 
nomique qui lui fournissait les donnas de ses calculs. Les doc- 

1. Les Priscillianistes accommodaient ainsi l'astrologie; c'est à eux surtout 
que songe S. Augustin en s'attaquant aux astrologues. 

2. Il a soin de mettre le libre arbitre à Tabri de l'influence des astres. C'est 
le seul point qui importe. Huet, qui s'y connaissait, dit d'Origène que, si ce 
docteur croyait à la révélation de l'avenir par les astres, in eadem esset causa 
ac Apotelesmatici omnes et hodierni astrologiae patroni, quorum sententia^ 
intégra modo servetur liherias arbilrii^ haereseos nota immunis est (P. Danielis 
Huetii Origenianorum^ lib. H, Quaest. VIII, De astris, in Patrol. Migne, Origen. 
opp. tom. vil, p. 973-989). 



298 1. bodghM-leclercq. 

leurs orthodoxes du moyen âge né veulent pas se faire soupçonner 
d'ignorance en proscrivant une science qui faisait la gloire des 
Byzantins et des Arabes. Us endorment leurs scrupules dans 
l'opinion moyenne que les astres influent sur l'homme, mais ne 
forcent pas sa volonté, opinion (jui implique une adhésion for- 
melle au principe générateur de l'astrologie. 

Ce qui a tué l'astrologie, ce ne sont pas les arguments de toute 
sorte, philosophiques et théologiques, dirigés contre elle au cours 
des siècles. La philosophie, elle l'avait eue pour auxiliaire ; les 
dogmes, elle les avait forcés à composer avec elle*. Elle renais- 
sait plus hardie que jamais, à l'aurore des temps modernes, lors- 
qu'elle reçut le coup mortel, un coup qui n'était pas dirigé contre 
elle et qui la frappa de côté, par une incidence imprévue. Tant 
que la science astronomique s'était contentée de dilater l'univers 
en laissant à la Terre sa position centrale, les idées naïves qui 
avaient engendré l'astrologie et s'étaient soudées en un tout com- 
pact dans la théorie du microcosme conservaient la force persua- 
sive d'une tradition à la fois intelligible et mystérieuse, clef de 
l'inconnu, dépositaire des secrets de l'avenir. La géométrie astro- 
logique continuait à asseoir ses constructions sur leur base origi- 
nelle, amoindrie sans doute, mais demeurée au point de conver- 
gence de tous les influx célestes. Une fois la Terre réduite à l'état 
de planète et lancée dans l'espace, la base se dérobant, tout 
l'échafaudage croule du même coup. Il n'y a d'incompatible avec 
l'astrologie que le système proposé jadis par Aristarque de Samos, 
repris et démontré depuis par Copernic. L'incompatibilité est telle 
qu'elle n'a pas besoin d'être mise en forme logique. Elle se sent 
mieux encore qu'elle ne se comprend. Le mouvement de la Terre 
a rompu comme fils d'araignée tous les liens imaginaires qui la 
rattachaient aux astres — des astres tout occupés d'elle — et ce 
qui en reste, le concept général de l'attraction, ne suffirait pas 
au sophiste le plus intrépide pour les renouer. 

Mais des idées qui ont fait partie du sens commun pendant des 
milliers d'années ne se laissent pas éliminer en un jour. La défaite 
de l'astrologie fut retardée par l'intervention d'une alliée qui, en 

1. Les traités d'astrologie du xvi* siècle sont souvent dédiés à des princes de 
l'Eglise. Celui de Fr. Junctinus {Spéculum Astrologiaef 2 vol. fol. Lngduni 
1581), outre une dédicace à l'évéque de Spire, est muni d'une lettre très 
humble ad Reverendissimos antistites ac Révérendes Inquisitores haereticae 
pravitatis, dont l'auteur invoque le patronage. 



l'astrologie dans le monde romain. 299 

défendant l'ancienne conception de l'univers au nom de textes 
sacrés ', faisait par surcroît les affaires de gens qu'elle avait tou- 
jours été tentée d'anathématiser. En interdisant à Galilée, par 
l'organe du Saint-OflSce, d'enseigner le mouvement de la Terre, 
l'Eglise obéissait à ce qu'il y a de plus infaillible en elle, à l'ins- 
tinct de conservation. La foi religieuse ne se sent à l'aise que 
couvée, pour ainsi dire, sous l'abri d'un ciel étroitement uni à la 
terre, et, bien que la dignité du « roseau pensant » ne soit pas 
logiquement liée à la primauté de la planète qui le porte, il semble 
qu'il soit moins qualifié pour être le centre d'un plan divin depuis 
qu'il se sait logé sur un atome et emporté, avec le système solaire 
tout entier, dans le silence des espaces infinis. 

A. Bouché-Leglergq. 



1. Il faat reconnattre que les théologiens d'alors interprétaient d'une façon 
irréprochable, entre autres textes, celui du Psalmiste : Qui fundasti terram 
in slabiliiatem stuim, non incUnabitur in saeculum saeculi (Ps. civ, 5). De 
même autrefois, le stoïcien Cléanthe aYait voulu faire condamner Aristarque de 
SaiDos pour impiété envers la vénérable Hestia ou foyer du monde (Plut. De 
fade in orbe lunae^ 6). C'est par respect pour l'Écriture que Tycho-Brahé 
s'arrêta à nne transaction qui, au point de vue de la mécanique céleste, est 
plus absurde que le système ancien. 



MÉLAN&ES ET DOCUMENTS 



NOTICE SUR LES CHARTES 

DE COUTUMES 

DE POUY-CORGELART ET DE BIVÈS 

POUR SERVIR A L^HISTOIRB DE LÀ FORMATION DES VILLES*. 



La question de Torigine des villes est de celles qui ont le plus 
préoccupé les érudits depuis quelques années. M. Henri Pirenne a 
publié ici même, sur VOrigine des constitutions urbaines au moyen 
dge^, des travaux, remarquables de tous points, où il a résumé d'une 
manière complète et précise les conclusions des différents écrivains, 
en y ajoutant des idées qui lui étaient personnelles. Depuis lors, de 
nouvelles théories se sont produites, et il s'en produira d'autres 
encore avant que les auteurs se soient mis d'accord et que la lumière 
se soit faite dans les esprits. 

Peut-être les historiens ont-ils, jusqu'ici, concentré trop exclusi- 
vement leur attention sur les grands centres urbains où, sous l'im- 
pulsion du commerce et de l'industrie, s'est fait, aux xii® et xiii® siècles, 
un mouvement prodigieux. Assurément, les grandes villes de Flandre, 
du nord de la France et des pays rhénans présentent, au xii* siècle, 
un tout autre intérêt que les petites communautés d'habitants de Gas- 
cogne et de Languedoc ; mais, si nous nous préoccupons des origines, 
il en est autrement. On sait quels remarquables progrès la linguis- 
tique a réalisés par Fétude du langage des enfants et des peuplades 
primitives. Au xiii® siècle, dans des villes comme Bruges ou Stras- 
bourg, ne subsistaient que des vestiges vagues de l'organisation pre- 

1. Cette étude était écrite et déposée à la Revue historique lorsque parut le 
livre de M. Paul Dogaon, les Institutions politiques et adminUitratives du pays 
de Languedoc. Les notes où il est question de ce livre ont été ajoutées sur les 
épreuves en placards. 

2. Revue historique, LUI (1893), 52-83; LVll (1895), 57-98, 293-327. 



CHARTES DE COUTUMES DE POUT-CORGBLÂRT ET DE BTVès. 304 

mière — à cause des transformations rapides qu'imprime aux cou- 
tumes la vie même des centres industriels ou commerciaux — tandis 
que, en Aquitaine, sous la chaude lumière du soleil, les petites villes, 
dans la stagnation de la vie agricole, avaient conservé les usages du 
vieux temps, immobiles d'âge en âge comme la vie rurale. D*autre 
part, la similitude de plusieurs traits essentiels, conservés par les 
grands centres à Tépoque du plein épanouissement, montre que, dans 
ses éléments fondamentaux, le travail de formation avait été iden- 
tique. Quoi qu'il en soit, à défaut de documents contemporains de 
l'époque de formation pour les grandes cités, les documents du 
XIII* siècle, nous montrant les petites villes conservées dans Tétat 
ancien, fournissent à l'observation non plus un champ d^hypothèses, 
— rhypothèse ne peut jamais être scientifique, — mais un champ 
d'inductions, et l'induction maniée avec rigueur peut aboutir à des 
conclusions certaines. 

POUT-CORGELIRT. 

Pouy-Corgelart^, dans l'ancienne vicomte de Lomagne, forme 
aujourd'hui, réuni à Roquelaure, la commune de Pouy-Roqueiaure 
(330 habitants), dans le département du Gers, canton et arrondisse- 
ment de Lectoure. La charte qui va nous occuper a été rédigée le 
4 septembre 4303, dans l'église Saint-Pierre de Pouy-Corgelart, par 
Fortaner de Lauzerte, notaire public à Agen, en présence des sei- 
gneurs et des bourgeois du lieu, déclarant et fixant les coutumes en 
vigueur afin d'éviter à Tavenir toute contestation. 

Le texte, en langue d'oc, a été imprimé, d'après une copie du 
XY* siècle, malheureusement extrêmement incorrecte, par M. Octave 
Beylot dans le tome XYII des Archives historiques de la Gironde^, 
Notre cher maître, M. Paul Meyer, a bien voulu nous aider, avec sa 
grande compétence, et en revoyant le texte sur le manuscrit, à 
retrouver le sens exact dans les passages les plus altérés. 

Ce sont des coutumes vivantes, nous voulons dire qui reproduisent 
la vie réelle des habitants de Pouy-Gorgelart àTépoque où elles furent 
rédigées, et non des coutumes artificielles, comme les coutumes de 
nombreuses bastides, qui furent calquées sur la charte de quelque loca- 
lité voisine ou lointaine et données aux habitants de la ville nouvelle 
sans préoccupation de la mesure où elles pouvaient convenir à leurs 

1. M. Beylot écrit Pony-Carréjelart ; le Dictionnaire des postes donne la forme 
Pony-Gorgelart 

2. Arehivei historiques de la Gironde, XVII (1877), 1-47. 



302 MELANGES ET DOCUMEIfTS. 

mœurs réelles. La distinction entre les coutumes vivantes et les coa- 
tûmes artificielles est d'ailleurs un des points de l'histoire communale 
dans le Midi les plus délicats et les plus difficiles à traiter, d'autant 
que des similitudes de faits, voire des similitudes de rédaction, 
peuvent ne pas être des guides sûrs. Il sera toujours difficile de dire 
si deux textes semblables ont dû leurs analogies à ce fait que, dans 
les deux localités, les mœurs étaient semblables, ou à cet autre fait 
que les deux chartes ont été rédigées sur un modèle commun, ou 
bien que Tune des deux a été imitée de Tautre. Bien plus, un notaire 
se trouvant, pour la rédaction d'une charte de coutume, en présence 
de mœurs semblables à celles qui étaient en vigueur dans une autre 
cité, a pu emprunter jusqu'aux expressions de la charte de cette ville, 
sans qu^il soit exact de dire que cette dernière charte ait été Torigine 
de la charte nouvellement rédigée, puisque le notaire mettait ces pas- 
sages dans sa rédaction, non parce qu'ils se trouvaient dans une 
charte antérieure, mais parce qu'ils étaient l'expression de coutumes 
en vigueur dans la localité pour laquelle il écrivait. Il est vrai que, 
dans d'autres cas, la filiation d'une coutume à l'autre est réelle : c'est 
la distinction entre Tun et Tautre cas qu'il est souvent très difficile 
de faire. 

Nous allons rechercher tout d'abord quel était l'aspect de Pouy-Gor- 
gelart, dans la mesure où nous pouvons le reconstituer d'après la 
charte de coutume, puis nous rechercherons quelles étaient les 
diverses catégories de personnes qui demeuraient dans la petite 
ville, enfin nous signalerons quelques traits de mœurs. 

Notons, tout d'abord, que la ville s'appelle le château, castet. Les 
bourgeois s'appellent les châtelains, castlas. On sait que, dans les 
chartes de coutume des villes méridionales rédigées en langue d'oïl 
ou en latin, la ville est souvent appelée le château*^ les bourgeois 
sont appelés castellani^. Ce sont les mêmes expressions que b(mrg 
et bourgeois dans le Nord. Ainsi est indiquée d'une manière indiscu- 
table l'origine de ces mots. Burg signifie, en allemand, château fort. 
Le bourg est donc le château et le château se confond avec la ville •, 
les bourgeois sont les habitants des châteaux, les châtelains. Ces rap- 
prochements sont très importants pour l'histoire de la formation des 
villes. 

La partie essentielle de Pouy-Gorgelart est formée par l'enceinte. 
C'est une muraille avec un fossé où, de place en place, sont des portes 



t. Voy., par exemple, la charte de Dires, citée ci-dessoas (Bladé, Couiumes 
municipales du département du Gers, l" série, p. 17). 
2. Jacques Flach, les Origines de Vancienne France, II, 273. 



CHARTES DE COUTUMES DE POUT-CORGELIRT ET DE Bivis. 303 

fortifiées. Ces portes sont en pierre et en bois. Elles sont construites 
et entretenues à frais communs par les deux seigneurs de la ville, 

— nous parlerons plus loin de ces deux seigneurs, — et par les 
bourgeois (châtelains). Notons Fexpressîon qui les désigne : les portes 
communales du château * . 

Ces portes sont gardées par des portiers : personnages importants 
et très intéressants. Ils doivent prêter serment, en présence des 
seigneurs ou de leurs lieutenants et des consuls et des bour- 
geois, qu^ils seront bons et loyaux aux seigneurs et aux bourgeois et 
garderont les portes loyalement et en bonne foi. Ils recevront chaque 
année, de chaque bourgeois, une mesure de froment et une mesure 
de méteil. Ils seront francs de toute taille et corvée, de toute chevau- 
chée et du service de l'ost. Us auront le droit de prendre une bûche 
de toute charge de bois à brûler qui passera sous la porte. Les 
portes doivent être fermées à la nuit. Et s'il arrive que, par faute du 
portier, des bestiaux se perdent, le portier en doit rembourser la 
valeur. « Et, quand les ponts seront faits, s'il s'y trouve un trou qui 
puisse être bouché d'un morceau de bois ou d'une pierre et que, par 
faute de ce trou, malheur advienne à du bétail, le portier en sera pa- 
iement responsable. » En temps de guerre, le portier préside à la 
défense de la porte, qui devra être garnie d^hommes et de munitions 
aux frais de la commune. Ces portes fortifiées, — de vraies bastilles^ 

— servaient également de prison, et, comme le gouverneur de la Bas- 
tille, le portier était tenu de nourrir et entretenir ses hôtes aux 
dépens de ces derniers ; il avait le droit de prélever sur chacun d'eux 
quatre deniers morlans par jour (environ 4 fr. de valeur actuelle). 

A l'intérieur de cette enceinte s'étendait le château, c'est-à-dire la 
ville : une réunion de petits châteaux forts et d'autres maisons avec 
de petites prairies où l'on voyait des bestiaux. Une grande place, 
qui est appelée : la place communale du château '. Un article de 
la charte^ exige que les propriétés à Tintérieur de Pouy-Gorgelart 
soient encloses de palissades et de murailles. G^est par là, et par 
rétendue beaucoup moindre, qu'elles paraissent s'être surtout 
distinguées des propriétés que les bourgeois de Pouy-Gorgelart 
possédaient dans la campagne. 

Tout autour des murailles et jusqu'à une certaine distance s^éten- 
daient l'Aonn^vr et le détroit (district) des seigneurs, c^est-à-dire le ter- 
ritoire sur lequel s^exerçait la juridiction des seigneurs, se confondant 

1. « Portais del castel communaU. » 

2. c La plaça communal deldit castet • 
3.16. 



304 irfLlXGBS ET DOCUm^lTS. 

avec celle de la ville ^ . C'étaient des campagnes avec des maisons 
habitées par des cultivateurs et des maisons fortifiées appartenant à 
des chevaliers et à des bourgeois de la ville ou bien à des bourgeois 
qui n'avaient d'autre résidence que leur domaine du district'. 

A la tète de Pouy-Corgelart étaient placés ses deux seigneurs. Us 
sont nommés dans la charte Arnaut de Florensan et Amat de Pouy. 
Notre localité avait donc deux seigneurs. On sait que ce n'était pas 
là un fait exceptionneP. Il suffit de parcourir le texte de la coutume 
pour s'apercevoir qu'aucune hostilité n'existait entre les seigneurs et 
les bourgeois ; bien au contraire. On voit qu'il leur eût été difQcile 
de se passer les uns des autres. Les seigneurs et les habitants ont, 
sur leurs terres, réciproquement, droit à Peau, à la feuille et à l'herbe, 
mais sans s'occasionner de dommages^. 

Les habitants du district ont le droit de prendre sur les terres des 
seigneurs l'herbe nécessaire à leurs bestiaux et le bois sec pour les 
besoins de leurs foyers^. En cas de guerre ou d'alerte, les seigneurs 
sont à la tête de la défense, conduisent les bourgeois armés. Les 
bourgeois font le guet aux endroits de la ville où ils ont coutume de 
le faire et les seigneurs font faire le guet aux postes de garde*. Les 
bourgeois ne sont tenus de prendre les armes à la voix des seigneurs 
qu'en cas de guerre. Dans ces expéditions, tout ce que les bourgeois 
prennent leur appartient, sauf les prisonniers, qui doivent être 
remis aux seigneurs moyennant les sommes accoutumées^; mais, 

1. c Ea tota la honor els destres dels seahors; o — « el destrec et en la 
hoQor de Poy-Carreyalart. > — c Honor, écrit M. Dognon, implique l'idée de 
possession et signifie le fonds de terre possédé » (p. 35, n. 1). Cette définition est 
inexacte. L'honneur était l'ensemble des terres bâties ou non bâties sur les- 
quelles s'étendait une juridiction. Dans la même note, M. Dognon obsenre qu'en 
Rouergue et autres pays c'est le mot c mandement > qui domine pour désigner 
Vhonor, L'honneur était l'ensemble des lieux sur lesquels pouvait s'étendre 
le mandement. 

2. C'est à cette catégorie que parait devoir s'appliquer Texpression casilas 
bezialhs du g 14. 

3. Voy., dans le même tome (XVII) des Archives historiques de la Gironde^ 
les coutumes de Pujols en Agenais (p. 49-76). Pujols a également deux seigneurs. 

4. Voici la traduction du { 7, qui, dans le texte, pourrait paraître obscure : 
« 11 est établi par coutume que les seigneurs et les voisins (nous revenons pins 
loin sur cette expression) ont la feuille et l'berbe et l'eau en tout le district de 
Pouy-Corgelart, Tun sur l'autre, sans mal faire, et, s'il y a du dégât, que celui 
qui l'aura constaté en soit cru sur serment. • 

5. g 86. 

6. § 87. — c Gayta, • poste de garde. — Sur le sens de ce mot, voy. Dognon, 
op. ciLj p. 103, note 1. 

7. La coutume de Tonneins-Dessus et celle de Casteljaloux, citées par M. Do- 
gnon (p. 38, note 1), éclairent ce passage, qui pourrait paraître obscur : c Si 



CHARTES DE COUTUMES DE POUT-CORGELIRT ET DE Bivis. 305 

si les bourgeois vont en guerre « par eux-mêmes, » butin et prison- 
nier, tout leur appartient * . 

Si l'un des bourgeois de Pouy-Gorgelart est victime de quelque 
coup de force en dehors des limites du château et de sa juridiction 
(de la ville et de son district), les seigneurs, ou leur lieutenant, ou les 
consuls de la ville, doivent exiger justice, et, si justice est refusée, les 
seigneurs à la tète des bourgeois s'efforcent d'obtenir justice par tous 
moyens^. Cet article met en lumière le rôle protecteur des seigneurs, 
rôle considérable, à Tépoque antérieure surtout, époque de troubles 
continus et de violences, où nulle autorité n^était respectée en dehors 
de ces groupes locaux, seigneuries ou villes; Findividu isolé était 
perdu. Alors les villes n'étaient pas encore formées; à Tintérieur de 
Tenceinte commune les citoyens n^étaient pas unis entre eux ; seuls, 
les chefs militaires étaient capables d'assurer le travail et le com- 
merce^. 

Telle était la protection à main armée ; la protection civile — si 
nous pouvons parler ainsi — n'était pas moins importante. « Il est 
établi par coutume, lisons-nous à Tarticle 3i , que les seigneurs et les 
chevaliers et les bourgeois, et les autres qui ne sont pas bourgeois, 
doivent, chacun, garantie et protection à leurs feudataires dans les 
fiefs qu ils tiennent d'eux-mêmes ou d'autres. Et, si débat est mû 
par autre personne contre ledit feudataire devant le suzerain supé- 
rieur (et du seigneur et du vassal) , le seigneur doit garantir son vas- 
sal à son pouvoir pour le fief qui relève de lui et pour lequel ledit 
vassal est attaqué, et, s'il n'y parvient pas, il doit donner à son vas- 
sal un autre fief de même valeur^ et, s'il ne Ta pas, quMl lui donne la 
valeur du fief à l'estimation du conseil (des consuls) de la cité ^. » Ces 
détails sont du plus grand intérêt et bien conformes à ce que nous 
devons croire des rapports entre les seigneurs et leurs vassaux à 



un bourgeois de la Tille prend un chevalier, ou un bourgeois, ou un yilain en 
bataille, il doit les livrer au seigneur, l'un pour 100 sols, l'autre pour 30, le 
troisième pour 5. • 

1. g 16. — Ce passage eût fait voir à M. Dognon qu'il ne s'agit pas de la 
bataille judiciaire dans les coutumes citées par lui page 38, note 1. 

2. i 12. 

3. Cf. la coutume de Meilhan (ch.-l. de cant. dans le Lot-et-Garonne), 
Archives historiques de la Gironde, XX V, 139, et la note qui lui est consacrée 
dans la Revue de la Soc. des Études historiques , année 1897, n* 2. 

4. K 31. — 11 est regrettable que le texte de cet article si remarquable et si 
intéressant ne soit pas très correct, ce qui le rend obscur par endroits. Nous 
comprenons le texte comme nous l'indiquons ci-dessus et serions reconnaissant 
de tonte correction qui nous serait signalée 

Rbv. Hmtor. LXV. 2« PA8C. 20 



306 MELANGES ET DOCUMENTS. 

répoque de formation ; on voit que la vie communale ne leur avait 
rien ôté de leur caractère. 

En retour des services rendus, les seigneurs percevaient des rede- 
vances. Les bourgeois de Pouy-Gorgelart tenaient leurs terres et 
leurs maisons en francs-fiefs ^ Les seigneurs n'avaient droit que : 
4^ à une demi-mesure d'avoine chaque année, exigible de chaque chrf 
de famille^ ; 2° à une journée de labour à Tépoque des semailles, exi- 
gible de chaque propriétaire d^une paire de bœufs ou d'autres ani- 
maux propres au labour^. 

Ces redevances étaient minimes. Dans d'autres coutumes on voit 
les seigneurs rendre aux bourgeois des services plus importants : ils 
prenaient sur eux, par exemple, d^assurer le service militaire requis 
des bourgeois par le duc d'Aquitaine, ce qui permettait aux bourgeois 
de vaquer tranquillement à leurs affaires^ ; aussi les redevances per- 
çues par les seigneurs étaient-elles plus grandes. 

L'article i i contribue à mettre en lumière le caractère des relations 
entre les seigneurs et les habitants : a Les seigneurs dudit château 
(ville) ont crédit sur les châtelains (bourgeois) dudit château et autres 
habitants du château et du district, durant un mois, pour achats de 
viande à leur usage ou à l'usage de leur mesnie; mais, durant ce 
temps, ils devront tenir leurs bestiaux attachés, selon l'usage, et four- 
nir de bons gages ou de bons répondants aux créanciers. Les cheva- 
liers ont les mêmes droits pendant quinze jours. Et si, à l'expiration 
de ces termes, la dette n'est pas payée, le créancier peut vendre le 
gage ou faire saisir le répondant. i> 

Les deux seigneurs réunis exerçaient une autorité commune sur la 
ville tout entière et sur tout le district; mais, outre cette autorité 
générale, chacun d'eux exerçait une autorité spéciale sur une partie 
du territoire*. 

Les deux seigneurs étaient représentés à Pouy-Corgelart, en leur 
absence^ par leurs lieutenants et, en tout temps, par leurs beyles ou 
baillis. Ceux-ci étaient des officiers de justice. Ils étaient afiOranchis 
de toute taille et de toute corvée^. 

Au-dessous des seigneurs, aussi bien dans la ville que dans le dis- 

1.8 6. 

2. « Gascus habitants..., qui teadra foeg viu el dit castet, » | 83. Le texte 
publié par M. Beylot est incorrect. 

3. i 84. 

4. Yoy. les coutumes de Pujois, Archives historiques de la Gironde, XXV, 
49, et celles de Meilban, Ibid.y p. 139. 

5. g 18. 
6.2 88. 



CHARTES DE COUTUMES DR POUT-CORGRLIRT RT DR Biyis. 307 

Irict, apparaissent les chevaliers ^ Les chevaliers étaient directement 
attachés aux seigneurs par le lien féodal ; plus directement et plus 
exclusivement que les bourgeois. Ils ne flgurent pas dans les assem- 
blées délibérantes, où ils sont représentés, lors des affaires même les 
plus graves, par les seigneurs ou leurs lieutenants. Les chevaliers 
sont privés de certains droits municipaux, privilèges des bourgeois ; 
ils sont soustraits à certaines charges financières et sans doute que, 
en retour, les charges militaires sont pour eux plus fortes. Nous 
voyons que les bourgeois sont consultés pour les travaux publics à 
faire dans Tintérêt de la commune et pour rétablissement des tailles; 
les chevaliers, bien qu'ils aient à payer leur quote-part, ne sont pas 
consultés'. Les bourgeois reçoivent le serment des consuls, les che- 
valiers ne le reçoivent pas ^. 

Puis viennent les châtelains (caselas, castlas), c'est^-dire les bour- 
geois. Dans un des articles de la charte le mot « comunals, » 
membres de la commune, est donné comme synonyme du mot « cas- 
tlas^. » Ailleurs, ils sont appelés' « castlas francz-juratz, • les bour- 
geois francs -jurés, les francs -bourgeois. Ce sont les personnages 
importants de Pouy-Corgelart; c^est entre eux, d^une part, et les 
deux seigneurs, de Tautre, que la charte de coutume est établie sous 
serment, en garantie de leurs droits réciproques. Nous avons les 
noms de ces bourgeois à la fin de la charte, ils sont au nombre de 
42 ; peut-être quelques-uns manquaient-ils, mais rien ne Tindique. 
Ces 42 personnages étaient les chefs de famille. Les mêmes noms, 
les Joglar, les Bergunh, les Capot, reviennent plusieurs fois. Une 
trentaine de familles formaient ainsi la bourgeoisie de Pouy-Corge- 
lart. C'était lepatriciat. Les droits que celui-ci possédait dans la ville 
étaient considérables et fortement établis. Ce patriciat n'était pas une 
caste fermée. Nous voyons* qu'un homme queslal, c'est-à-dire sou- 

1. c GaYoers. • 
2.1 3. 

3. §1. 

4. §3. 

5. ) 21. 

6. { 21. — Le texte de cet article très important est malheoreosemeDt altéré 
comme celui de bien d'antres ; Yoici comment nous le traduisons : c II est établi 
par coutume que, si aucun bomme on femme questal des seigneurs, ou des cbe- 
Taliers et des lieutenants de cbeyaliers, ou des bourgeois de la Tille de Pouy- 
Corgelart, arec tous ses biens-meubles ou partie, roulait être châtelain franc-juré, 
qu'il soit sous la protection des seigneurs et sons la sauvegarde des bourgeois, 
défendu en tons temps, comme bourgeois, contre toutes personnes, et contre 
le seigneur sur le territoire duquel il sera venu, ainsi que tous ses biens 
et sa mesnie, et les siens s'il n'a pas de roesnie. Mais qu'il ait auparavant payé 
pour toute une année la qneste et le service dus au seigneur qu'il quitte; en 



308 MiLANGBS ET DOCUMENTS. 

mis à une redevance servile, pouvait devenir franc-bourgeois en 
venant s'établir dans le château; mais deux conditions semblent 
requises : ne payer aucune redevance servile en dehors de la ville et 
jouir d*une certaine fortune. 

Ces bourgeois, domiciliés dans le château, sont des cultivateurs. 
Us ont des champs et du bétail. Leurs redevances aux seigneurs sont 
une mesure d'avoine et une journée de laboura Nous avons vu qu'à 
l'occasion ils étaient aussi des hommes de guerre. Ils tenaient leurs 
terres en francs-fiefs et pouvaient eux-mêmes être suzerains de terres 
à redevances serviles. Il est parlé à plusieurs reprises des hommes 
questaux des bourgeois. 

A la tète des bourgeois sont les deux consuls. Ils ont le sceau de 
la commune et forment le conseil de ville. « Et d'abord, lisons-nous 
à l'article ^®^ car université ne peut être bien gouvernée sans conseil 
bon et loyal, est établi par coutume ancienne au château de Pouy- 
Corgelart, à la tête de toute l'université dudit château, conseil de 
deux prud^hommes, personnes bonnes et loyales et de bon témoignage 
qui veilleront au commun profit des majores et des minores et des 
seigneurs 2, à savoir deux châtelains (bourgeois) qui jureront chaque 
année sur les Évangiles touchés de leurs mains, le lundi de Pâques, 
en présence des seigneurs dudit château et de leurs lieutenants et en 
présence des châtelains (bourgeois) dudit château, ou de la majeure 
partie, qu'ils seront bons et loyaux aux seigneurs dudit château et à 
l'ensemble des habitants, et qu'ils défendront et garderont les droits 
des seigneurs çt des bourgeois, et qu'ils ne se laisseront corrompre 
par dons ni promesses. » Chaque année, le lundi de Pâques, les deux 
consuls sortant de charge éliront les deux consuls leurs successeurs. 
Les consuls sortant ne pourront rentrer en charge avant trois ans et 
ils ne pourront élire père, fils ou frère de ceux qui auront été consuls 
l'année précédente^. L'autorité des deux consuls était, à la fois, judi- 

retour, il sera libre de toute contribution dans la ville durant un an et un jour, 
si, auparavant, il n'était pas bourgeois. Et que toutes les terres et vignes ques- 
tales demeurent au seigneur ou à la dame quitté, avec queste et services, telles 
qu'il les tenait le jour où il est parti. » 

1. Ces chartes de coutume confirment d'une manière précise ropinion de 
M. Giry : c Les villes étaient des bourgs ruraux et les citadins étaient des pay- 
sans qui labouraient aux environs » (Histoire générale^ Lavisse et Rambaud, 
II, 415). 

2. c Dels majors e dels minors e dels senhors. » Ces expressions sont très 
intéressantes, car elles sont la répétition de celles qui désignaient, à la même 
époque, les classes sociales dans les grandes villes de Flandre. A Pooy-Corge- 
lart, les majores sont les chevaliers et les bourgeois; les minores sont les 
« voisins » et les hommes questaux. 

3. Archives historiques de la Gironde^ XVII, 15-16. 



CHIETES DE COUTiniES DE POUT-CORGELART ET DE BIVlS. 309 

ciaire, Onancière el administrative. Dans les circonstances impor- 
tantes, ils devaient prendre l'avis des bourgeois ; les deux seigneurs, 
au contraire, ne paraissent jamais tenus de prendre Tavis des che- 
valiers. 

Les deux consuls élisent eux-mêmes leurs successeurs : c'est le sys- 
tème patricien; mais, comme ils ne peuvent choisir ni leurs parents, 
ni ceux des consuls de Tannée précédente, ni rentrer eux-mêmes au 
consulat avant trois ans, la majeure partie des 25 ou 30 familles 
bourgeoises était assurée d'avoir son rôle dans le gouvernement du 
château. 

En dehors des affaires militaires, auxquelles présidaient les deux 
seigneurs et pour lesquelles il y avait des redevances fixes et coutu- 
mières, et des affaires judiciaires, auxquelles présidaient les deux 
consuls et pour lesquelles il y avait des redevances fixes et coutu- 
mières ajoutées aux amendes infligées aux coupables, l'administra- 
tion publique se réduisait à peu près à Tentretien des routes et à l'ou- 
verture des voies nouvelles, et, conséquemment, c'est à ces routes 
que se bornaient presque toutes les dépenses communales. Aussi le 
paragraphe qui leur est consacré éclaire-t-il entièrement la partie 
administrative et financière de la vie commune à Pouy-Gorgelart. 

« Item, le conseil (c'est-à-dire les deux consuls), avec l'assemblée 
des châtelains (c'est-à-dire des bourgeois), ou la majeure partie, 
et avec les seigneurs (on voit que les chevaliers sont exclus), ont 
pouvoir de faire et réparer et ouvrir les routes communales et dans 
Vkonneur et le destroit (district) desdits seigneurs, dedans et dehors 
(c'est-à-dire à l'intérieur des murailles de la ville et à l'extérieur, dans 
le ressort de la juridiction du château), ils ont pouvoir de faire ces 
routes et les autres choses profitables à l'ensemble des hommes et des 
châtelsûns (bourgeois) dudit château. Et toutes les dépenses qui seront 
biles pour ces choses, en dessous de 30 sous morlans (30 sous mor- 
laas représentaient environ 37.5 francs de monnaie actuelle), pour- 
ront être levées sur les châtelains (bourgeois) et les voisins (nous 
reviendrons tout à l'heure sur cette expression) dudit château, et les 
tailles seront établies de bonne foi, avec le conseil de quatre pru- 
d'hommes dudit château, hommes jurés, choisis comme bons et 
loyaux. Et si ces dépenses exigent une taille qui s'élève au-dessus 
de 30 sous, mais demeure en dessous de 60, la taille sera faite 
avec le conseil des quatre prud'hommes qui, alors, prêteront serment, 
la main sur l'Évangile, de donner loyal conseil sur ladite taille, en 
toute sincérité, sans fraude ni mal engien, ouïes les requêtes d'un 
chacun. Et si les dépenses s'élèvent au-dessus de 60 sous (au-dessus 
de 700 francs de valeur actuelle), elles se feront de l'avis des sei- 



340 MÉLANGES ET DOCUM£!TTS. 

gneurs et des châtelains (bourgeois) ou des lieutenants des seigneurs 
et de la majorité des bourgeois. Quant aux chevaliers et aux lieute- 
nants de chevaliers, qui ne sont pas les seigneurs, ils paieront dans 
la proportion fixée par la coutume V » 

Ce paragraphe fourmille de détails curieux et caractéristiques; nous 
n'en voulons relever que deux. Le premier est relatif à rindication 
de ces chiffres correspondant à 375 et à 700 francs de notre monnaie, 
montrant l'importance qu'avait alors Pouy-Gorgelart et celle des 
dépenses communales qui y étaient faites. Un autre trait très inté- 
ressant est celui-ci : quand les dépenses deviennent plus importantes, 
l'adjonction aux consuls de quatre bourgeois choisis par les consuls 
eux-mêmes parait aux habitants une garantie suffisante; en effet, 
étant donné le nombre des familles bourgeoises, 25 ou 30, qui étaient 
alliées entre elles, six bourgeois de la ville appartenant à des familles 
différentes représentaient en fait les intérêts de la majeure partie des 
familles de la cité. 11 suffisait que les deux consuls s'adjoignissent 
quatre prud'hommes, choisis par les consuls eux-mêmes, pour que 
la majeure partie des bourgeois fût rassurée^. 

L'article suivant montre comment se répartissaient ces tailles : il 
est établi par coutume que chaque bourgeois déclare, sous serment, 
ses biens-meubles, les biens-fonds ^ qu'il possède sous la juridiction 
du château et tous les biens qu'il possède ailleurs. G^était l'impôt sur 
le revenu établi sur la déclaration du contribuable; au point de vue 
démocratique, les châtelains de Pouy-Corgelart étaient en avance 
sur les Français de i 897. 

Auprès des bourgeois, appelés dans la charte les châtelains, nous 
trouvons une catégorie de personnes nettement distinctes des bour- 
geois et qui sont appelées les « voisins^. » Ce terme n'est pas singu- 
lier dans l'histoire du moyen âge. Dans de nombreuses villes, à 
Bayonne *, par exemple, et, à l'autre extrémité de la Gaule, à Gologne*, 
il désignait les bourgeois eux-mêmes^. 

Nous nous sommes demandé si, à Pouy-Gorgelart, les voisins 
représentaient les habitants de la banlieue, ceux qui demeuraient 

t. § 3. — Cet article de la coutame de Pouy-Ck)rgelart est cité, mais inter- 
prété d'une manière inexacte, par M. Dognon, p. 106, note 3. 

2. Coutume semblable à Montcuq, citée par M. Dognon (p. 108), qui en tire 
une conclusion tout opposée à l'opinion ci-dessus. 

3. a Sa heretat. > 

4. c Bezis. • 

5. Giry, les Établitsements de Rouen, I, 153-154. 

6. Klippfel, les Paraiges messins, p. 10. 

7. On sait qu'en italien et en espagnol vicino^ vecino, signlGe aujourd'hui 
encore habitant. « Jo sono vicino da Torino, je demeure à Turin. » 



CHIETBS DE COUTUMES DE POUT-CORGEURT ET DE BITis. Z\\ 

SOUS la juridiction du château, mais en dehors des murs, ou bien 
dos habitants du château, c^est-à-dire de la ville, ne jouissant pas du 
droit de bourgeoisie, ceux qui, dans d^autres chartes de coutume, 
sont appelés les manants. C'est à cette seconde manière de voir que 
nous nous sommes arrêté. Les voisins étaient des habitants de Pouy- 
Gorgelart payant leurs impôts, mais n'ayant aucun des droits de la 
bourgeoisie. Non seulement ils étaient exclus du consulat et des assem- 
blées délibérantes où entraient les bourgeois, mais ils n'avaient pas 
le pouvoir, comme les francs-bourgeois, de tenir des fiefs nobles. 
L'article 24 des coutumes contient même à ce sujet des indications 
intéressantes. Nous le traduisons mot à mot : « Item, est établi par 
coutume que tout homme et toute femme voisin peut arrière-féoder 
une partie de son fief à une autre personne, mais en retenant par 
devers soi la pièce de terre * qui forme la tête et en payant la valeur 
du service que le feudataire doit faire pour le fief à son seigneur. • 
Voyons ces faits dans la réalité : le voisin est fermier d'une terre 
pour laquelle il doit au suzerain des redevances en espèces, en nature 
ou en corvées, quelquefois les trois réunies. Il lui est permis de 
mettre une partie de ce domaine en sous-location, pourvu qu'il con- 
serve dans ses mains le morceau qui forme la tête du Qef et acquitte 
vis-^-?is du seigneur toutes les redevances, loyer et service person- 
nel, que le fief lui doit. 

La dernière catégorie de personnes que nous trouvons à Pouy-Gor- 
gelart est celle des hommes questaux, c'est-à-dire des hommes sou- 
mis à une redevance servile^; cette redevance peut être due par eux 
aussi bien aux seigneurs qu'aux chevaliers et aux bourgeois. Leques- 
tal peut se faire recevoir franc-bourgeois du château s'il en a les 
moyens; pour cela il doit se transporter au château avec sa famille et 
ses biens, après avoir payé au suzerain qu'il quitte le montant de la 
queste d'une année, les terres et vignes soumises à la redevance demeu- 
rant la propriété du suzerain quitté ; en retour, à Pouy-Gorgelart, il est 
affranchi de toutes contributions pour une année. C'est ainsi que les 
seigneurs de Pouy, d accord avec les bourgeois, favorisaient l'extinc- 
tion du servage et le développement de la ville. Si, en quittant les 
terres qu'ils occupaient moyennant redevances, les questaux devaient 
verser au suzerain une année de loyer, en retour, le suzerain ne pou- 
vait évincer son questal sans des motifs graves confirmés par une sen- 
tence de justice. En outre, le seigneur était tenu de soutenir son questal, 

1. c Casai. > 

2. Les articles de la charte où il est question des hommes questaux sont les 
i 20-21, 30-31. 



342 MELANGES ET DOCUMENTS. 

de le protéger et de lui prêter assistance en toute circonstance. Si, 
par faute du suzerain, le questal perdait sa terre ou ses biens, le 
suzerain était tenu de l'en indemniser par valeur égale, au jugement 
des consuls du château. C'était un contrat avec des engagements réci- 
proques et, si on veut le comparer aux contrats locatifs de notre 
temps, on verra qu'il était tout à l'avantage du questal. 

Les deux seigneurs et leurs lieutenants, les chevaliers, les bour- 
geois (ciiâtelains), les voisins et les hommes questaux, telles sont les 
différentes classes de personnes que nous trouvons à Pouy-Gorge- 
lart. Nous avons dit que les bourgeois étaient des agriculteurs. On 
ne trouve guère au-dessous d'eux que des paysans et des ouvriers 
agricoles. Comme dans toutes les chartes de commune, un certain 
nombre d'articles sont consacrés aux métiers. Par ces articles on voit 
que Pouy-Corgelart était tout à fait au début de sa formation; on n'y 
rencontre que des charpentiers, des tâcherons, des bouchers, des bou- 
langers et des marchands de vin ; toutes professions que l'on trouve 
exercées dans un village. En dehors de leurs beyles, chargés d'attri- 
butions judiciaires et dont nous parlerons plus loin, les seigneurs ne 
nomment d'autres officiers municipaux que les crieurs publics, les 
messiers (gardes champêtres) et les arpenteurs *, offices qui cadrent 
encore avec la vie agricole. Les seigneurs, d'accord avec les consuls, 
peuvent aussi nommer des notaires publics chargés d'enregistrer les 
contrats. L'article 45 porte que les « manœuvres, tâcherons et char- 
pentiers » ne sont pas tenus de travailler, pour homme ou femme, 
avant qu'on leur ait payé leur salaire « sur la place communale du 
château ou dans leurs maisons ^. » 

« Les bouchers qui vendront de mauvaise viande ou de la viande 
d'un animal mort de maladie paieront 5 sous aux seigneurs et la 
viande sera donnée aux pauvres^. — Les bouchers qui vendront de 
la truie pour du porc, ou de la brebis pour du mouton, paieront 
5 sous aux seigneurs. Ils paieront 20 sous morlaas s'ils débitent de 
la viande d'un animal tué ja veille, de la Pentecôte à la fin d'août'. 
— Les bouchers qui mêleront, sur l'étal, la viande de truie à celle de 
porc paieront 5 sous au seigneur®. — L'article 70 fixe aux bouchers 
le maximum du prix de vente ^; l'article 74 fixe un maximum aux 

1. §8. 

2. §2. 

3. Archives historiques de la Gironde, XYII, 30-31. 

4. § 67. 

5. §68. 

6. g 69. 

7. 1 70. 



CflABTBS BB COUTUMES D£ POUT-CORGELABT ET DE BIVis. 343 

boulangères, si elles le dépassent elles paieront 20 deniers au sei- 
gneur et tout le pain exposé en vente sera donné aux pauvres V — 
Le marchand de vin qui mouille son vin, ou qui le vend à un prix 
supérieur à celui quil a fait crier, paie 5 sous d^amende. Celui qui 
vend du vin dont il n'a pas fait crier le prix paie 20 deniers^. » 

Enfln^ à Tarticle 78, il est question de domestiques. 

Il nous reste à parler de la justice. C'était, après l'obligation de 
défendre la ville à main armée, la principale fonction des seigneurs. 
« Il est établi par la coutume, dit l'article 40^, que les seigneurs 
exercent la justice dans ledit château, c'est-à-dire dans la ville, sur 
hommes et femmes et sur les habitants de Vhonneur et du destroit 
dudit château et qu'ils prennent les amendes et gages ci-après dési- 
gnés. » 

Les ofQciers de justice des seigneurs sont les beyles. L'un de ces 
bej'les est particulièrement chargé du maintien de Tordre. « Les sei- 
gneurs nomment et présentent aux consuls et aux châtelains unbejfle 
qui doit fkire serment devant les consuls de respecter loyalement les 
coutumes dudit château et les droits des seigneurs et des bourgeois, 
et de ne faire tort ni violence, de ne laisser faire tort ni violence à 
homme ni femme de Pouy-Corgelart ou de la juridiction^. » 

La cour des seigneurs, où les seigneurs sont assistés de leurs 
beyles, siégeait dans la ville. Aux seigneurs et à leurs beyles sont 
adjoints les deux consuls. Telle est la composition de la cour de 
Pouy-Corgelart. Il y entrait encore quelques autres personnages 
qui ne sont pas désignés ^. 

Voyons, à présent, les cas qui étaient soumis à la cour du châ- 
teau : 

4® Si l'un des deux seigneurs fait tort à l'autre^ à Tintérieur du 
château, c'est-à-dire de la ville, ou dans le ressort de la juridiction, 
celui qui est lésé doit porter plainte devant les consuls, et ceux-ci 
doivent en adresser une observation au seigneur coupable dès qu'il 
se trouvera dans la ville. Si le seigneur coupable ne veut pas se sou- 
mettre à la sentence des consuls et de la cour du château, les consuls, 
les chevaliers et les châtelains (bourgeois) devront prendre le parti 
de celui qui aura été lésé^. 

i. 8 71. 
2.8 73. 

3. Archives historiques de la Gironde, XYII, 18. 

4. l 79. 

5. i 51. 

6. M4. 



314 MiLi!ius ET Mcnoons. 

Cet arikk, très carieux, montre les consuls, représentants des 
bourgeois, jn^es et arbitres entre les deux sdgneurs. 

lî* Si l'un des seigneurs lèse Tun des chevaliers ou des bourgeois, 
Tautre seigneur, assisté des consuls, doit fiadre r^dre justice, et, si 
le seigneur coupable refuse de se plier à leur avis, Fautre seigneur 
et les consuls et les bourgeois doivent soutenir celui qui a été lésé ^ 

3o Si Tun des habitants, chevalier, bourgeois ou voisin, cause tort 
ou dommage à Tun des seigneurs, les seigneurs ne doivent pas pour 
cela user de violence dans la ville, mais recourir aux consuls, qui 
informent. L*enquéte terminée, le coupable doit se soumettre au 
jugement de la cour, et, s*il s'y refuse, les chevaliers, les bourgeois 
et les voisins doivent prêter main-forte aux seigneurs'. 

4^ Quant aux différends entre habitants, ils ressortissaient natu- 
rellement à la cour du château, composée conmie nous venons de 
le dire. 

Les sentences de la cour pouvaient donner lieu à appel aux juri- 
dictions supérieures accoutumées, par exemple à la cour du haut 
suzerain, le roi d'Angleterre, duc d'Aquitaine, représenté par son 
sénéchal. Si l'un des seigneurs ne se trouvait pas engagé dans le 
débat, c'est-à-dire si le différend existait entre habitants de la ville 
ou de la juridiction, — c*était, comme bien on pense, le cas le plus 
fréquent, — les deux seigneurs de Pouy-Corgelart formaient un 
premier degré d'appeP. 

U ne nous reste plus qu'à parler des traits de mœurs relevés dans 
les chartes de coutume de Pouy-GorgelarL Quelques-uns sont très 
importants. Tout habitant qui en frappera un autre, ou le tirera par 
les cheveux ou par son habit, ou crachera sur lui, sera puni d'une 
amende de vingt deniers morlaas^. Celui qui appellera son voisin 
traître, ladre et parjure, ou voleur, sera puni d'une amende de cinq 
sous morlaas'. Il faut noter que c'est une amende trois fois plus 
forte. 

L'article 63 dit : « Celui qui dépucelera de force une fille du château 
de Pouy-Corgelart ou de la juridiction, Tépousera si elle est de sa 



i. î 45. 

'2. 1^ 15, 17, 80. 

3. g 52. — M. Dognon (p. 118) dit à tort que la cour consolaire était sans 
appel, c II y a sept coulâmes en tout, écrit-il, qui préroient Tappel et qui l'au- 
torisent. > 11 y en a au moins huit : Yoici la coutume de Pouy-Corgelart, que 
M. Dognon ne cite pas, et il y en a d'autres. 

4. 8 57. 

5. I 64. — Peut-être le texte original portait-il « 5 deniers morlaas, » au 
lieu de « 5 sous. > 



CHARTES DE COUTUMES DE POUT-COEOELA&T ET DE BIyIs. 345 

valeur (c'est-à-dire de son rang, de sa classe sociale) , et, si elle n'est 
pas de sa valeur, il lui trouvera un mari, à ses frais et à Festimation 
des seigneurs et des consuls. Et, s'il n'y parvient pas, il sera puni 
au jugement des seigneurs et des consuls ^ » Ce passage — qui 
se retrouve dans presque toutes les coutumes de cette époque et de 
cette région — montre combien profondes étaient déjà, dans ces 
villes embryonnaires, les démarcations entre les classes sociales, 
seigneurs, chevaliers, bourgeois, voisins et hommes questaux^. 



Nous voyons donc devant nous, dessinée d^une manière claire et 
précise, une localité qui est encore un village et qui est déjà une 
ville; elle a tous les traits essentiels des agglomérations qui, à la 
même époque, constituent des villes importantes. Par la fixité de la 
vie agricole, où les coutumes se transmettent immuables, elle a con- 
servé la physionomie des premiers temps. Cette physionomie, les 
plus grandes villes l'ont eue, identique. Que manque-t-il à Pouy-Cor- 
gelart pour être une ville comme Gand, Bruges, Lille, Blois, Ghâ- 
teaudun, Ëtampes, Montpellier ou Montauban? — que l'activité des 
habitants, secondée par l'emplacement et les circonstances, ait fait 
prospérer le travail commercial et industriel. Tous les germes qui, 
sous la puissance du mouvement commercial et industriel, se sont 
développés, quelquefois d'une manière si redoutable, dans les grandes 
villes, s'y trouvent fermes et précis. Supposez un instant que les 
efforts faits par les seigneurs et les bourgeois de Pouy-Gorgelart 
pour développer la ville aient réussi, que des industries s'y soient 
établies, que des marchés s'y soient ouverts, vous aurez, non seule- 
ment les grandes villes du xiii'' siècle, mais vous en aurez l'histoire 
même, les révolutions et les tourmentes. 

Les seigneurs, qui ont favorisé le développement de la ville et qui 
y ont présidé, voudront, quand la ville sera devenue grande, conti- 
nuer d'y percevoir droits et redevances, continuer d^y exercer la jus- 
lice avec tous les profits qui y sont attachés; mais les patriciens, à la 
tête d'une cité puissante par les hommes et la richesse et qui, depuis des 
années, n'a plus besoin de la protection des seigneurs, trouveront ces 
droits et ces redevances abusifs et voudront s'en affranchir. A la tête 



1- 2 63. 

2. Noos croyons aUle de rappeler que les obseryatioas et traductioas qui 
précèdent sont faites, non sur le texte, altéré par endroits, publié par M. Beylot, 
mais sur le manuscrit lui-même. 



346 MELANGES ET DOCUMENTS. 

de leurs clients, ils entreront en lutte armée contre les seigneurs, el 
ceux-ci, appuyés sous leurs vassaux, les chevaliers, et leurs arrière- 
vassaux, revendiqueront leurs droits séculaires les armes à la main. 
Voilà toute l'histoire de ce que l'on a appelé la révolution communale^ 
qui se place au xii* siècle. Les patriciens triomphent. Ils deviennent 
maîtres des villes. Héréditairement, ils ont dans les mains le gouver- 
nement municipal, les artisans en sont exclus; héréditairement, ils 
dirigent le mouvement commercial, les artisans en sont exclus. Sous 
leur direction féconde, la ville a pris un grand développement indus- 
triel et commercial. Tel est le spectacle dans toutes les grandes villes 
du xiri» siècle. Mais voici que la classe des « voisins », des manants, 
qui est exclue du patriciat et n'entre pas dans sa clientèle, qui, 
avec le développement industriel, a pris une redoutable extension, 
acquiert la conscience de sa force et de son utilité. En face du patri- 
ciat a grandi le commun. L'industrie de la ville est prospère, des 
débouchés sont ouverts dans tous les marchés, les coutumes sont 
établies, les citoyens ont gagné le sentiment de leur solidarité, les 
patriciens ne rendent plus les services qu'ils rendaient aux premiers 
temps et, à son tour, le commun trouve abusifs les privilèges poli- 
tiques et commerciaux que le patriciat s'est arrogés. Appuyé sur sa 
clientèle, le patriciat les défend, comme, auparavant, les seigneurs 
avaient défendu leurs privilèges héréditaires. C'est la grande lutte 
démocratique qui remplit la fin du xiii® et le xiv* siècle et qui se ter- 
mina par le triomphe des métiers à la veille de la Renaissance. 

Gomme on le voit, cette histoire était en germe, tout entière, dans 
les petites coutumes de Pouy-Gorgelart. Placé dans des conditions 
semblables à celles des grandes villes, Pouy se serait développé d'une 
manière semblable et aurait connu les mêmes révolutions. 



BivÈs. 

Bivès est une humble commune du département du (îers, arrondis- 
sement de Lectoure, canton de Saint-Clar. Elle compte aujourd'hui 
340 habitants. Elle faisait partie de l'ancienne vicomte de Lomagne, 
comme Pouy-Corgelart, dont nous venons de parler, l^a coutume* 
de Bivès a été rédigée par le notaire Guillaume Barrau, clerc de 
Cologne^, et confirmée sous serment par les seigneurs et les bour- 

t. Publiée par M. J.-F. Bladé, Coutumes municipales du département du 
GerSy première série (Paris, 1864, in-8*), p. 17-27. 
2. Gh.-1. de cant. dans le dép. du Gers, arr. de Lombez. 



CHiRTES OB COUTOVES DE POUY-CORGBLART ET DE BtVÈS. 347 

geois de la localité, le 6 décembre 4283, au château de Bivës^ Ce 
qui dislingue esseatiellement la coutume de Bivès de celle de Pouy- 
Corgelart, c'est que cette dernière est la rédaction des coutumes qui 
étaient en vigueur dans la petite ville (il y est d'ailleurs également 
question des rapports entre les seigneurs et les habitants), tandis que 
la coutume de Bivès est un acte émanant des seigneurs pour fixer 
d'une manière inaltérable leurs rapports avec les habitants ; il n^y est 
guère question d'autre chose. Le texte indique que, en dehors de cet 
acte, existaient des « establissemens faits par les habitans et par tous 
les jurats avec les habitans^. » Nous allons voir quel précieux apport 
nous fournit ce texte pour fixer l'état des petites villes d'Aquitaine à 
cette époque de notre histoire. 

La coutume de Bivès, telle qu'elle est parvenue jusqu^à nous, est 
rédigée en langue d'oil — c'est une traduction ; — elle a les rapports 
les plus étroits avec la coutume de Polastron^. Gomme le texte donné 
par M. Bladé est extrêmement défectueux, par endroits inintelli- 
gible, la coutume de Polastron nous a été d'un grand secours pour 
l'éclairer. 

La localité est appelée dans le texte tantôt la ville^ tantôt, et beau- 
coup plus souvent, le château. Autour du château, les fausbourgs^ 
expression que nous ne trouvons pas dans la coutume de Pouy, et 
autour des faubourgs le destroit (district) , aussi appelé, comme dans 
la charte de Pouy, V honneur ou les apartenances. 

La ville est close d'une enceinte avec une porte gardée par un por- 
tier. Ce portier est nommé par les seigneurs. Voici l'article de la 
coutume semblable à la coutume de Pouy : « Le portier doit garder 
la porte^ du soleil levé jusques au soleil couché, bien et loyalment, à 
bonne foi. Si dommage y arrivait ou beste se perdait par faute du 
portier, qu'il restitue le dommage et la beste par estimation des pre- 
miers (nous reviendrons sur cette expression) du lieu. Si aucun dudil 
château avait à faire, ou veuille aller, avant jour, que le portier se lève, 
qu'il lui ouvre la porte et puis qu'il la ferme ^. » 

Bivès est un centre exclusivement agricole, comme Pouy. Il n'est 
question dans la coutume que de blé et de foin, de bœufs et de pou- 
lets. Le seul métier dont l'exercice y est librement pratiqué est 
celui de charpentier. Le forgeron-maréchal-ferrant est un fonction- 
naire public, à la nomination des seigneurs. Voici le très curieux 



t. L'ancien château fort de Bivès subsiste encore aujourd'hui. 

2. l XLVI. 

3. Gers, arr. de Lombez, cant. de Samatan (éd. Bladé, op. cit., p. 67-81). 

4. i xiz et XX. 



348 M<LiN6B8 ET DOCUIIBRTS. 

artide de la charte qui le concerne * : « Tout homme qui aura une 
paire de bœufs donnera par an au maréchal une mesure de froment, 
celui qui n'aura qu'un bœuf lui donnera une demi-mesure; les autres 
proportionnellement. En retour^ le maréchal ferrera les bœufs gra- 
tuitement et fera les autres travaux à un taux fixé. » 

Pouy-Corgelart avait deux seigneurs; Bivès en avait cinq. Ce 
sont : Guillaume de Vives, Gaillard de Ville-Longe, Pelegry de Vives, 
Arnaud de Vives et Raimond de Vives. Trois d'entre eux parlent en 
leur nom et au nom de leurs fils. Ils portent les titres de c écuyers 
et seigneurs du château de Vives en Lomagne. » Il est très impor- 
tant, pour l'histoire de la formation des villes, de noter que les cinq 
seigneurs réunis exerçaient une autorité générale sur la ville et que, 
en outre, chaque seigneur avait son autorité spéciale sur un quar- 
tier^. C'est ce qui avait également lieu à Pouy-Gorgelart. L'un de ces 
seigneurs — c'était à cette époque Guillaume de Vives — portait le 
titre de a le premier du château. > Il avait une autorité supérieure. 
Ailleurs, il est question des premiers du château. C'étaient^ sans 
doute^ le seigneur en question et les consuls. Nous n'avons d'ailleurs, 
pour la raison marquée ci-dessus, que très peu d'indications sur les 
catégories de personnes à Bivès. Nous ne voyons que les seigneurs 
d'une part, les habitants de l'autre. A Bivès, tous les habitants sont 
nommés les voisins^ tandis que, à Pouy, ce terme servait à désigner 
les habitants ne jouissant pas des droits de bourgeoisie. Enfin, il est 
question dans la coutume de jurais, de consuls^ de conseil dudit lieu, 
de la commune dudit lieu ^, sans autres indications. Nous ne savons 
même pas si les consuls et les jurats étaient les mêmes personnages 
ou si les consuls étaient les chefs des jurats. La réunion des jurats 
ou des consuls formait le conseil^ et l'ensemble des habitants la 
commune. Nous voyons aussi mentionnée la « justice » dudit lieu^, 
très nettement distincte des jurats et des consuls ; c'était la réunion 
des officiers de justice des seigneurs; enfin, la cour du château^, tri- 
bunal supérieur qui se composait, sans aucun doute, des offîciers de 
justice représentant les seigneurs, et peut-être des seigneurs eux- 

1 . § XXI. — Le texte est altéré et tronqué ; pour le comprendre, il faut se 
reporter au passage correspondant de la coutume de Polastroo. 

2. L'article xlv ne laisse aucun doute à cet égard : c Tout homme qui n'a 
pas place de maison en prenne dans le château, et, s'il ne peut en avoir dedans, 
que le seigneur sous qui il demeurera lui en donne au faubourg jusqu'à ce qu*il 
ait son plein, c'est à savoir la maison de vingt-quatre rasières de long et douze 
de large. » 

3. l XLVI. 

4. Ibid. 

5. 8i. 



CHiBTES DE COUTUMBS DE POUT-COEGBLIET ET DK BIYÈS. 349 

mêmes, el des consuls ou des jurats représentant les habitants. 
EnQn, les fonctionnaires publics étaient, outre les officiers de justice, 
le portier, un garde champêtre (messier), un forgeron, un boulanger 
et des porchers et garde-moutons sur le nombre desquels nous ne 
sommes pas fixés. Tous ces fonctionnaires étaient à la nomination 
des seigneurs et rétribués par eux. Il est enfin question d'un maître 
maçon \ mais nous ne savons pas si le métier était exercé librement, 
conmie celui de charpentier, ou si c'était une fonction à la nomination 
des seigneurs, comme celui de forgeron. 

Une première charge des seigneurs est donc d'assurer la garde de 
la porte du château, c^est-à-dire de la ville, puis d'assurer par eux- 
mêmes, et par leurs messiers, la garde des jardins^ et des prairies des 
habitants, la garde du foin et de la paille appartenant aux habitants', 
enfin, la garde des pourceaux et des brebis, que les pasteurs, nommés 
et payés par les seigneurs, conduisent aux champs. « Et, si beste se 
perdoit lorsque le seigneur les fera garder, le pasteur la doit rendre 
si par sa faute se perd^. » Enfin, la grande obligation des seigneurs 
est d'assurer, armes à la main, la protection des habitants contre 
les violences et les revendications du dehors : « Si aucun faisoit tort 
à l'habitant dudit château, lesdits seigneurs le doivent relever et tenir 
sous leur protection, jusques que le tort lui soit esmandé'. Si quel- 
qu'un vouloit se changer à quelque autre lieu, les seigneurs le 
devront accompagner l'espace d'une lieue, en quelque part qu'il 
veuille aller *. » 

Ces obligations d'assistance étaient, naturellement, réciproques: «Si 
personne hors dudit château faisoit tort au seigneur ou à quelque sei- 
gneur dudit château, tous les habitants du même château se doivent 
tenir avec ce dernier et l'en doivent défendre à leur pouvoir et suivre — 
milice ou cavalerie —par l'espace d'un jour^. »G'est la seule circonstance 
où les habitants soient tenus de suivre le seigneur : quand on lui a 
bit « tort manifeste. » « Et si, par avanture, le seigneur les menoit 
plus loin (que par l'espace d'un jour), avec leur volonté, de là en 
avant doit faire la dépense à la milice ou à la cavalerie, doit leur 

1. { zzxv. 

2. { XII. — Le seas du mot ctual, dans ces chartes de coutame, est nette- 
ment établi par le passage suivant de la coutume de Polastron : c ... des jar- 
dins on casauxy savoir de .l. brassées de long et de quatre brassées de large • 
(Bladé, op, cU., p. 68). 

3. { XXXIV. 

4. { XXXI. 

5. { xxxvi. 

6. { XXXV. 

7. î XXXVI. 



320 irfLlxXGBS ET D0CIJMB!fT8. 

donner cher el boire jusque soient retornés audit chasteau. » Il foui 
examiner cet ensemble de faits de très près, et Ton verra combien 
d^erreurs contiennent les idées généralement reçues sur les caractères 
de la féodalité et sur la formation des villes ^ 

Quand nous aurons dit que les habitants de la ville et du district 
avaient droit, eux et leurs bêtes, « de quel poil qu'elles soient, » à 
V a entrée el jouissance des pâtures, feuilles, herbes et franchises » 
dans tout le ressort de la juridiction ^, et ajouté que les seigneurs 
étaient tenus de donner à chaque habitant un terrain, d^une étendue 
déterminée, dans la ville, ou du moins — sll ne leur était pas pos- 
sible dans la ville — dans les faubourgs, et un autre terrain, si 
Thabltant en exprimait le désir, dans la campagne, nous aurons 
donné une idée des obligations des seigneurs vis-à-vis des habitants 
de Bivès^. En retour, ils percevaient des droits et des redevances : 
pour les terrains concédés, quatre deniers morlaas (une somme 
insignifiante, ^ fr. 25 d'aujourd'hui) paran*. Pour la garde des bes- 
tiaux, ceux des habitants qui donnaient leurs botes à garder — car ils 
n'y étaient pas obligés — payaient un demi-denier (environ fr. 20 
d'aujourd'hui) par mois pour chaque paire-, en outre, quand la truie 
mettait bas, le seigneur avait le droit de se choisir un cochonnet'. 

Comme redevances générales, chaque chef de famille seulement 
devait aux seigneurs chaque année une carterée de froment et une 
autre de méteil, une pinte de bon vin et, à Noël, une charge de bois*. 
Ceux qui faisaient des fromages devaient en donner par an, au seigneur, 
une douzaine, non des meilleurs ni des moindres*^. Celui qui faisait 
faucher devait au seigneur sept charges d'hommes, celui qui vendait 
un porc à la boucherie lui devait un denier. Enfin, les seigneurs 
étaient propriétaires du four banal pour cuire le pain; mais chaque 
habitant avait le droit d'avoir chez soi un four pour les besoins de sa 
maison®. Aux redevances en argent s'ajoutaient les corvées : tout 
propriétaire d'animaux de labour doit mettre une paire de bœufs, ou 
de mulets, ou d'ânes, ou de chevaux à la disposition des seigneurs, 
au moment des semailles; s'il n'a pas de bêtes, il doit aider lui-même. 

1. II faut natureUement faire bien des exceptions et, notamment, tirer hon 
de pair l'admirable livre de M. Flach sur les Origines de l^andenne France, 
t. II, les Origines communaleSj la Féodalité et la Chevalerie. 

2. i XXXII. 

3. i XLV-XLVI. 

4. § XLVI. 

5. l XXXI. 

6. 2 XVI et XVII. 

7. § XXVIII. 

8. 2 XXX. 



CHARTES DE COUTUIIES DE POUT-CORGELiET ET DE BIVÈS. 32^1 

En retour le seigneur doit aux laboureurs leur dépense ^ A Tépoque 
des vendanges, chaque feu doil au seigneur une journée de travail ; 
le seigneur doit également leur dépense aux vendangeurs^. « Item, 
que tout homme, qui a monture qui ne soit bête de bât ni bête de labour, 
aide avec sa monture et avec lui-même, sept jours, au seigneur, et 
le seigneur avec qui il chariera lui doit faire la dépense en ces jours^. » 

Cette charte de coutume de 4283, donnée par les seigneurs aux 
habitants de Bivès, parait d'ailleurs avoir été un adoucissement de 
coutumes antérieures, comme en témoigne l'article xxv : « Item, que 
tous manans et habitans, dedans et dehors, donne et soit tenu de 
donner une géline qui fasse des œufs, à chaque feste de Noël, et, s'il 
n'en a, qu'il ne soit tenu d'en donner, ni n'en doit; et, si par aven- 
ture il y avoit quelqu'un qui ne voulût pas payer (donner) ladite 
géline, ainsi comme dit est, que celui-là ne soit quitte, ni absent des 
semures^, ni des bouhades^, ni des courbées^, ni d'autres servitudes 
qu'alors faisoient les habitants de la fasson et des temps qui sont 
passés et quand les coutumes (furent) octroyées. » 

Les seigneurs recevaient enfin une part sur les amendes : soixante 
sous morlaas de ceux qui avaient été condamnés pour vol, cinq sous 
de ceux qui avaient été condamnés pour fausse mesure, etc.^. 

Quant aux rapports des seigneurs avec les habitants au point de 
vue des conflits qui pouvaient surgir entre eux, ils étaient Oxés par 
des coutumes semblables à celles de Pouy-Gorgelart. 11 est interdit 
aux seigneurs de se faire justice eux-mêmes, ils doivent s'adresser à 
la cour du château. « Et, si les seigneurs, ou seigneur, fesoient ofTence, 
tort ou force à aucun habitant dudit château, que la justice dudit 
château, à la requête dudit forcé, cherche et prenne loyale inquisition 

1. { XXU. 

2. l XXIII et XXIV. 

3. { XXVII. — Un article très intéressant, mais malheureusement extrêmement 
obscur à cause de la mauvaise qualité du texte, est le suivant : c Si les sei- 
gneurs vouloient travailler ou travail en sale ou en muraille dud. château, que 
aie le comun de chaque maison un homme à nostre œuvre un jour de chaque 
semaine, tant que l'œuvre durera, à connaissance du maître maçon, et le seigneur 
ou voisin qui fera l'œuvre qu'il donne à goûter aux hommes qui seront au tra- 
vail. 1» 2 XXXV. — Il semble bien qu'il s'agisse de travaux faits, dans Tintérét 
de la ville entière, aux murailles ou dans des salles servant à un usage commun. 

4. Semure, ensemencement. Il s'agit ici d'une corvée qui obligeait le tenan- 
cier à ensemencer les terres du seigneur ; ce sens du mot n'est pas indiqué dans 
le dictionnaire de Godefroy. 

5. Coutume qui obligeait le tenancier à faire la lessive pour son seigneur. Le 
mot n'est pas dans le dictionnaire de Godefroy. 

6. Coutume qui obligeait le tenancier à cultiver les terres de son seigneur. 

7. { m et IV. 

Rbv. Uistor. LXV. 2« fasc. 21 



322 MéLiNGBS BT DOCUMENTS. 

de cette force, et, s'il se trouvait que lesdits seigneurs eussent fait 
tort, qu'ils amendent le tort, et, s'ils ne le voulaient faire, que tous 
les autres habitants dudit lieu se joignent avec lui (avec celui qui 
aura subi le dommage) jusqu'à ce que la force lui soit défaite et le 
tout amendée » 

Les habitants sont d^ailleurs tenus de vendre aux seigneurs ce qui 
est nécessaire à leur subsistance et à celle de leurs mesnies, mais 
contre argent comptant et à des prix fîxés. Si le seigneur ne peut 
payer immédiatement, il doit donner des gages, et si, après un mois, 
il n'a pu s'acquitter, le gage peut être vendu. La géline sera payée 
par le seigneur deux deniers morlaas, le poulet un denier, l'oie trois 
deniers, de Pâques jusqu'à la Saint-Jean^. « Et si les seigneurs, ou 
le seigneur, avoient besoin pour hostes (pour des hôtes qu'ils rece- 
vraient chez eux) de géiines, poulets ou oies, ils doivent charger la 
justice de les leur procurer, et la justice doit aller par le château, 
par toutes les maisons Tune après l'autre, et que, par amour ou ran- 
cune, elle ne laisse d'en prendre, mais que le seigneur paie tout 
d'abord douze deniers et donne, pour le surplus, cautions et gages ^ » 

Les articles de cette charte de coutume, bien que ne traitant presque 
exclusivement, comme nous l'avons dit, que des rapports des seigneurs 
avec les habitants de Bivès, n'en éclairent pas moins d'une vive 
lumière l'état social de cette petite communauté d'habitants à la fin 
du xrir® siècle. Bivès est encore dans des conditions plus primitives, 
plus rapprochées de l'état agricole que Pouy-Gorgelart, et cependant 
Bivès n'est plus un village. 

Ces chartes de coutumes communales dans les pays de Languedoc 
sont nombreuses, et l'étude attentive que les érudits en feront 
renouvellera ce qui a été écrit sur l'origine et la formation des villes 
dans notre civilisation. Il ne faudra pas négliger pour elles les 
grandes cités arrivées au plein épanouissement; mais ces petites 
villes d'Aquitaine, tranquillement assises dans la vie rurale, mon- 
treront les premières étapes de la glorieuse carrière fournie par 
leurs sœurs puissantes et actives. On saisira les points de contact : 
les hypothèses si nombreuses émises sur la formation des villes 
trouveront dans cette étude une pierre de touche précise. Du domaine 
de la conjecture, on entrera dans celui de la science. 

Frantz Funci-Brentuto. 

1. § XXXVII. 

2. l IX. 

3. § XXXIII. 



LB COXGRis DBS HISTOEIBFfS ALLEMiNDS A INNSBEUCK. 828 



LE CONGRÈS DES HISTORIENS ALLEMANDS 

A INNSBRUGK 
ET LA SCIENCE DE L'HISTOIRE EN ALLEMAGNE. 



M. Pirenne a déjà, dans un élégant article, mis les lecteurs de la 
Beime historique au courant des vives polémiques qui passionnent 
aujourd'hui les historiens allemands. J^ai moi-même, en rendant 
compte de la Deutsche Geschichte de Lamprecht, insisté sur quelques- 
uns des griefs adressés à la nouvelle école qui s'inspire plus ou moins 
ouvertement de lui. Ces polémiques^ instructives, quoique parfois un 
peu confuses, n'ont pas encore pris fin. Nous voudrions dire ici 
quelques mots d'une des réunions où elles ont eu l'occasion de se 
produire, du congrès des historiens allemands à Innsbrùck, congrès 
que la Revue s'est jusqu'ici bornée à signaler, mais sur lequel il nous 
parait d'autant plus intéressant de donner quelques détails que nous 
n'avons point en France malheureusement de réunions analogues. 
Il a été pour ceux qui ont eu la bonne fortune d'y assister une occa- 
sion excellente de voir et de juger les courants ou les tendances qui 
entraînent aujourd'hui les principaux historiens des pays de langue 
germanique. 

Cent vingt personnes (professeurs, archivistes ou érudits) ont pris 
part à ce congrès, dont les séances fort bien dirigées par M. de Zwie- 
dineck-SQdenhorst, professeur à Graz, ont alterné avec des réunions 
plus familières et quelques excursions dans les environs. Les com- 
munications qui y ont été présentées ont toutes offert un véritable 
intérêt. Nous réservant d'insister sur celles qui ont provoqué les plus 
vives discussions, nous nous bornerons à donner d'abord un bref 
aperçu des autres. 

Le professeur Redlich (de Vienne) a apporté un excellent travail 
sur l'Institut des sciences historiques d'Autriche. Inauguré en 4855, 
il a compté parmi ses maîtres des hommes dont le nom fait autorité 
dans la science. Albert Jaeger et Théodore Sickel furent ses premiers 
directeurs. C'est de lui que sont sortis Ottokar Lorenz, F. de Rro- 
nesy H. de Zeissberg, J. von Zahn, Thausing, Horawitz, H. Brun- 
ner, Tbaner, Arnold de Luschin, etc. On ne peut mieux en donner 



324 MELANGES ET DOCUMErfFS. 

une idée qu'en disant qu'il a été organisé à Tinstar de notre École 
des chartes (à laquelle M. Redlich a rendu d'ailleurs en passant un 
très bel hommage). Les études comportent trois années : une année 
préparatoire et deux années d'études historiques proprement dites. 
Mais il faut ajouter que les candidats doivent avoir déjà passé trois 
ans dans une Université. On n'admet chaque année que six élèves, 
qui reçoivent chacun de l'État un subside de 480 florins. M. Redlich 
a insisté sur les services vraiment considérables rendus par l'Institut 
autrichien surtout depuis ^894. C'est avec son concours que Helfert 
et d'Arneth ont entrepris une réorganisation des archives de FÉtat, 
avec l'espoir de voir aussi les archives particulières livrées aux inves- 
tigations des travailleurs. 

La communication du professeur H. Prutz (de Rœnigsberg) sur 
les desiderata des historiens vis-à-vis de l'administration des archives 
a soulevé de vifs débats. M. Prutz demande que les archives s'ouvrent 
aux travailleurs avec la plus grande libéralité. Rappelant Topposition 
à laquelle se heurta Pufendorf, il y a deux siècles, lorsqu'il voulut 
écrire son ouvrage sur le grand Électeur et les réclamations éner- 
giques de Leibnitz, il montre les progrès qui ont été faits depuis. Et 
pourtant, un de ses collègues se voyait refuser, à Cassel, en 4 866, 
la communication de pièces qui remontaient à deux cent cinquante 
ans, et naguère encore Oncken ne trouvait-il pas portes closes à 
Londres pour étudier l'histoire des années -18^3-18^4? Tout en for- 
mulant des propositions très libérales, Prutz est néanmoins embar- 
rassé pour indiquer la date en deçà de laquelle l'accès des archives 
cesserait d'être libre, et ses conclusions sont vivement attaquées par 
Stieve, de Weech et SchmoUer. Il faut d'après eux distinguer sui- 
vant les dépôts, il faut aussi, quoi qu'en ait dit Prutz, reconnaître 
aux archivistes eux-mêmes certaines prérogatives pour l'utilisation 
des documents; il faut en tout cas regarder Tannée 4840 comme une 
limite maximum, en deçà de laquelle on ne peut réclamer une pleine 
liberté. SchmoUer, allant beaucoup plus loin, a fait remarquer que 
l'intérêt supérieur de l'État commande parfois une très grande réserve. 
Aujourd'hui, disait-il, l'Allemagne est unifiée; la bonne harmonie 
règne entre les petits princes de l'ancienne confédération germanique. 
Mais il y a dans beaucoup d'archives allemandes des documents dont 
la publication pourrait raviver les vieilles haines éteintes. Il y a 
aussi des documents du siècle dernier que la dynastie des Hohenzol- 
lern ne doit pas laisser publier. Il y a toute une série d'anecdotes 
scandaleuses sur les cours, — SchmoUer parla spécialement de la 
cour de Russie, — qu'il vaut beaucoup mieux ne pas produire au 
grand jour. Aussi le congrès s'est-il rallié à la motion du professeur 



LE CONGRIs DBS HISTOEfENS ALLEMANDS A INNSBRUCK. 325 

von Tbudichum (de Tubingue) en demandant toutes les facilités 
possibles pour utiliser les documents contenus dans les archives 
publiques, pourvu que Pintérêt de TËtat ne s'y oppose pas. 

Nous ne dirons que quelques mots des communications des pro- 
fesseurs Richter (de Graz), Heigel (de Munich) et Him (dlnnsbrûck). 

Hirn a fait une conférence de circonstance, très documentée et 
très claire sur Tbistoire de la ville d'Innsbruck. 

Le professeur Heigel, dont la communication a été complétée par 
le savant directeur des archives de Karlsruhe, P. de Weech, a mon- 
tré, en fort bons termes, l'importance que pourrait avoir l'union 
des Académies, et indiqué quelques-unes des entreprises qui pour- 
raient se faire en commun. Il a insisté notamment sur l'utilité que 
pourrait avoir un effort collectif pour donner un tableau complet de 
la colonisation des pays slaves par les Allemands. 

Richter a parlé d'une façon fort intéressante de l'utilité qu'aurait 
un atlas historique de la région des Alpes. Cet atlas devrait être 
exécuté pour chaque pays d'après un programme spécial, ici la ques- 
tion des circonscriptions judiciaires ayant une importance capitale, 
là, au contraire, la question d'organisation administrative restant au 
premier plan. Il faudrait par suite renoncer à adopter une échelle 
uniforme. Cette entreprise serait particulièrement utile à ceux qui 
veulent étudier l'histoire du régime de la propriété foncière dans les 
pays de montagnes. Nous reviendrons nous-mêmes, en parlant du 
livre de Meitzen [Siedelung und Agrarwesen der Weslgennanen 
und Ostgermanen] sur Timportance de cette question. 

Mentionnons enfln la communication du professeur Luscbin de 
Ebengreuth (de Graz) sur l'origine des Landstànde, Il s'agit là d^une 
institution propre à la seconde partie du moyen âge, et qui n'a pu se 
former tant que le comté, la marche, le duché conservèrent leur 
caractère de fonctions. Mais, en Autriche, où la Landesherrlichkeit 
se développa de bonne heure, on voit, dès le xii* siècle, une partie 
du clergé et de la noblesse territoriale se mêler au gouvernement. 
On peut même dire que les Landstànde restèrent toujours ce qu'ils 
furent dans le début, non pas les représentants de tout le pays, mais 
les représentants de certaines classes privilégiées, qui en vinrent à 
réclamer la participation aux affaires du pays comme un droit. Cette 
conférence a provoqué d'importantes observations du professeur 
Georges de Below protestant contre cette idée que les Landstànde 
n'auraient pas été la représentation du pays. Ils se donnaient cepen- 
dant eux-mêmes pour tels, et il ne faut pas oublier que nos idées 
actuelles sur ce qu'est « le peuple » n'étaient pas entrées alors dans 
les esprits. Comparables à la chambre des seigneurs actuelle, les 



326 MéUNGBS ET DOCOMBifTS. 

Landstànde devaient défendre non point leurs intérêts propres, mais 
ceux du pays tout entier. Ce n'est pas non plus la propriété fon- 
cière qui doit être regardée comme le critérium d'après lequel s'éta- 
blissait l'aptitude à faire partie des Landstànde. C'est au point de 
vue de la capacité militaire qu'il faut se placer. Les chevaliers étaient 
précisément appelés à y figurer comme possesseurs d'une forteresse, 
et les associations de paysans y figurèrent aussi dans les pays où, 
comme le Tyrol, elles étaient aptes à porter les armes. 

De toutes les communications présentées au Congrès, nulle ne pro- 
voqua plus de discussions que celle, d'ailleurs très modérée en elle- 
même, du professeur Rodolphe de Scala sur < Tindividualisme et le 
socialisme en histoire. » Aucun de ceux qui les ont entendues n^ou- 
bliera rechange de vues auquel elles donnèrent lieu entre des hommes 
tels que Ci. Schmoller. E. Gothein, J. Stieve, W. Michael, L.-M. Hart- 
mann, etc. Ces discussions se rattachèrent naturellement à des 
|v)oinique!S déjà anciennes. En effet, dès A 889, à la suite de deux 
ronvirquable$ brochures de Dietrich Schaefer et d'Eberhard Gothein, 
on .ivAi: dis^-utè la question de savoir ce que devait être aujourd'hui 
rh;s:oîrv de U dvîlisation. on s^était même demandé s'il ne conve- 
m;; ivisxie cwer ^lins les Universités des chaires spéciales d'histoire 
,îi^ î,^ <t\;;;N*::v>a. l.'ai^vwlion de la Deutsche Geschichtede K. Lam- 
vA\^; ec letii iK^mbnfux articles qu elle avait provoqués avaient 
.'ttw^uw K^ Kt^i^ti en lelarsTissanl. On devait s'attendre à voir des 
Wi;,\!^AîxK:< ei>er^qiiesii se produire quand ce dernier, trop dédai- 
<*WA jwir ^li^s ,iet:3iacier?, venait déclarer que l'histoire n^étsût pas 
,s.wvv ù* v^ que SkHt o5jet était mal défini et son programme oonftis, 
v\;V'Va,v; Urti^îa'vi ;i\\t(vible d établir des lois et que ses fonde- 
«svcs ^«kN'^ys ,^;Jl>^c; ei\^Mr\^ i établir*. 

Vm><v v^M.v«>Mijk Aurau l«f^ |^«r^ i>N>Miles diâ^erUUoas de Lunprecht celles 
1^... ,s«.. Avv Jia.ii^ u y^ii^-^W /.''«estr.in.'l /^ GesckiditsK-issensekaft, t89S-97^ 
.V.. > ,M >Q^Mo^;u^'4 «* ^. *<^" .^ Mv'MUbldtt 1-:^, 3-4. Ces articles ren- 
t\H<.^. ii,<^ \»\«iik M^^^KV^s i4\ ch;^««» jJrv$sèe$ à l'autear par Raehfahl^ 
^si-Vv , jv*«*i«k-K( ««»* i;>fri.^;« b>«!W:UM«/fatfiiii9} ; SdiBârer (dans le 
ikvi-«*h>Ka U'ij'^s^k 4tr ^'>^r^MïjftMtfujcAa;\ tS97. p. S$-U6]. La plus Ti?e 
\M.- ,\' s iv Jksi^^x»^ sVH i,^tv^uy> est v>fUi^ d^ H^nnaiiB Oncken, dans les PreuS' 
v.>* K I..K •*..oK « . t \\\t\ ' .^^\ v^ S^ : /«r QmHienamaiifse modemster 
rf^.»k.K« ^x4«*i.fKx^>»<>*» «if« tjL r>^(^Nfci^ dir Limprachl dans le fasdcnle soi* 
\.«.,. .\ SX «iN^uK^ «^iK' i». >%S '^wiMMtl ^ ^<« fonde de certaines critiques. 
• A. .>«M«.;« |«i\\ ASit sV <«ii <^M vK^ î Vb$4w>f ^4itii(ae. il a pillé ses devan- 
« . . v*.«<« •«v'ti.x 4«»\^«i<««\iv :< jA^tt:K'c !;à {Nfiae de les Itiv aiec soin. Son his- 
« s NX. «vil \i.AHM,èKia« Ji\v^>«*^ ï'^^^ îv.MUf U partie pn>prenient politiqae, 
'-. v*;, <\\«^. «s' vx«. \^v^i Mv^iiic ^NvôMwWtt 1 d<» KcftMxlikes personnelles et à 
i..,,^Mx ^^.!«xv;)u\ i.>> ^HM^HUiiiN ^^1 âkil jttA Mtnî» attestent dn moins une 
^:m t.t\ KvXiv.t. «' <\\« .-a H>>Miiuv i ' Hive de^nnf ttiw bLÎ>t4Mre de la civilisatioB 



LE GORGEES DES HI8T0EIBNS ILLBKAPTDS A ITrNSBRUCK. 327 

On a pu ramener à deux courants principaux les tendances qui 
ont inspiré les historiens contemporains de TAUemagne. On a qualifié 
d'individualiste le courant qui a surtout suivi Timpulsion de Ranke. 
Les historiens qui suivent la même voie que lui (sans avoir le même 
talent) sont volontiers portés à faire de Tespèce humaine deux parts, 
l'une où ils placent les hommes célèbres, ou ceux qui ont eu, diaprés 
eux, une action prépondérante sur la marche des choses, Tautre 
dans laquelle ils rejettent la foule des inconnus, en même temps que 
les mille petits faits qui n^attîrent point Tattention. C'est pour la 
première catégorie quMls réservent toute leur sollicitude, concentrant 
la lumière sur quelques personnages choisis, et laissant volontiers 
les autres dans une obscurité qu'ils ont tout intérêt à faire aussi 
profonde que possible pour obtenir de plus puissants effets ^ 

Parmi les historiens modernes, Lehmann et Schaefer se rattachent 
à cette doctrine : « L'historien, dit celui-ci, conçoit avant tout Thomme 
comme une individualité et non comme le représentant de son espèce. 
Ce qu'il étudie et décrit ce sont en définitive les actes libres^ qui font 
sortir Tindividu du milieu dans lequel il se meut, et font de lui un 
guide ou un adversaire. L'historien, sans doute, ne néglige pas 
l'étude des milieux, autrement il ne comprendrait pas l'individu, 
mais il n'y a véritablement de faits historiques que là où l'acte indi- 
viduel s'élève au-dessus des actes uniformes et insignifiants de la 
foule. » 

Lamprecht est d'un tout autre avis. C'est une erreur d'après lui 
de mettre l'individu au premier plan^ Tindividu reçoit du groupe 
social auquel il appartient sa manière d'être. C'est dans le groupe 
social, c'est-à-dire dans la nation, qu'il fkut chercher l'esprit collectif 
dont l'individu n'est qu'une émanation. Voilà comment au courant 
individualiste s'oppose un courant collectiviste ou socialiste vers 
lequel s'orientent aujourd'hui bon nombre d'esprits. Ceux-ci estiment 
que l'humanité, considérée dans son ensemble, se développe par la 
vertu d'une force intime comparable à celle qui oblige un homme ou 

qu'il s'attache. C'est ici qu'on ne peut lui refuser, alors même qu'on n'accepte 
pas ses idées, une remarquable puissance d'esprit. On pourra lire à ce sujet le 
récent article de K. Lory, PoliUsche GeschicfUe und KuUurgeschichte^ dans la 
reme Umschau de Bechtold, 26 juin 1897, p. 464. 

1. C'était déjà là le sentiment de Carlyle disant que « l'histoire uniyerselle 
n'était, en fin de compte, que Phistoire des grands hommes, qui araient été les 
conducteurs des autres, et, dans un sens large, les créateurs de tout ce que la 
masse des hommes a pu s'efforcer de faire. • Toutes les choses qui s'étaient 
accomplies dans le monde ayaient été, à ses yeux, la réalisation pratique des 
pensées qui aTaient habité l'esprit des grands hommes. L'âme de l'histoire 
n'était que l'âme de ceux-ci. 



328 MÉLANGES ET DOCUMEFTTS. 

un animal à atteindre une certaine taille, à créer une certaine forme, 
à réaliser un certain type. L'étude des sciences naturelles, qui a exercé 
une si grande influence sur le courant intellectuel contemporain, a 
eu une réaction visible sur les tendances et Torientation d'esprit d'un 
grand nombre de jeunes historiens. 

Les disciples plus ou moins fidèles de Ranke, les Jungrankianer^ 
comme on les appelle, n'ont pas manqué de protester. La longue 
discussion qui suivit la conférence de R. de Scala (qui avait mis en 
relief la nécessité pour l'historien de se placer à un point de vue 
subjectif) fut dominée par l'écho de ces vives discussions. Ce fut 
Gothein d'abord qui défendit les tendances individualistes, en mon- 
trant avec une remarquable netteté d'expressions le rôle que jouent 
en histoire ces facteurs intellectuels un peu dédaignés, à rencontre 
des facteurs économiques, et aussi l'importance de l'élément indivi- 
duel à rencontre des caractères généraux. Sans adopter toutes les 
idées de Ranke ou de ses disciples, il déclara qu'à son avis l'étude 
de l'histoire du monde prouve que l'humanité était menée par des 
idées plus que par des faits, et que les grands hommes avaient une 
part prépondérante dans l'évolution des peuples. L'histoire de l'hu- 
manité, comme l'a si bien dit ensuite 6. Schraoller, ne doit pas être 
regardée comme une marche purement mécanique. Partisan de la 
méthode expérimentale, ce dernier veut sans doute que l'observation 
fournisse à l'historien les matériaux à l'aide desquels il construira 
son édifice. Mais il ne faut pas lui demander de renoncer à chercher 
en lui-même une façon de concevoir le monde qui reste après tout 
son œuvre propre, individuelle, et le fruit de sa liberté. 

Poussant plus loin que Lamprecht la conception « matérialiste » de 
l'histoire, L.-M. Hartmann déclara au contraire qu'à ses yeux l'histoire, 
pour être vraiment « une science, » devait répudier tout ce qui ne repo- 
sait pas sur des prémisses scientifiquement acquises, qu'elle devait par 
suite exclure tout préjugé, toute hypostase, toute conception à priori 
de l'humanité. La conception que l'historien doit se faire du monde 
ne doit reposer que sur des observations purement scientiflques et se 
tenir en dehors de toute idée transcendantale. Ranke, avec son idéa- 
lisme, est un mystique, parce qu'il croit que l'histoire est guidée par 
des idées qui planent au-dessus des choses et des faits, des idées qui 
viennent de Dieu, et qui par suite ont forcément quelque chose de 
métaphysique. Aux yeux de Hartmann, vouloir, au nom de notre 
prétendue liberté, se faire une conception de l'histoire qui ne repo- 
serait pas sur des « recherches exactes, » mais serait le résultat 
d'une sorte de foi ou d'une conception transcendantale préconçue, 
c'est agir d'une fiçon anti scientifique. Il faudrait du moins séparer 



LB CONCaBS DBS HISTORIEHS ALLEMIIYDS À INIISBRUCK. 329 

soigneusement dans les livres d'histoire, — mais cette séparation 
est-elle toujours possible? — ce qui est scientifîquement établi, et 
ce qui ne repose au contraire que sur des appréciations personnelles, 
des conceptions purement subjectives. Cette partie-là devrait être 
mise en appendice, ou au moins reléguée au second plan : elle per- 
drait vite alors de son importance. 

On voit par ce bref aperçu combien d^idées importantes ont été 
agitées dans ce congrès. Peut-être ne serait-il pas impossible de cher- 
cher dans une opinion intermédiaire une sorte de conciliation entre 
des adversaires qui sont quelquefois plus près de s^entendre que le 
ton de leurs polémiques ne le laisserait supposer. C'est bientôt fait 
d'accuser Ranke de mysticisme. Mais ne reconnaît-il pas dans son 
Histoire universelle que la nécessité l'emporte finalement sur les 
volontés individuelles, quelque fortes que soient ces dernières ? Il ne 
faut pas le rendre responsable des exagérations de quelques-uns de 
ses disciples dont l'individualisme est certainement outré. Dans le 
mouvement de marée intellectuelle qui élève le niveau de Tâme 
humaine, les plus grands hommes, les plus beaux génies peuvent 
être comparés à une vague un peu plus haute qui précède les autres, 
mais qui ne dépasse guère en définitive la ligne que celles-ci allaient 
atteindre. Que certaines individualités aient beaucoup fait pour le 
progrès, voilà ce qu'il ne faut pas nier, mais si Ton envisage dans 
son ensemble Tbistoire de Thumanité, la part de progrès qui peut 
être donnée comme leur œuvre propre est en somme peu de chose à 
coté de celle qui s'effectue en silence par suite de l'effort collectif et 
de l'universel concours. En étudiant par exemple, comme je l'ai fait 
depuis quelques années, l'histoire des populations rurales et du 
régime de la propriété, et la partie considérable de l'histoire de la 
civilisation qui touche à ces questions, on est amené à reconnaître 
que la civilisation se compose en définitive d'une multitude de petits 
gains accumulés. Les grands hommes agissent, il est vrai, sur la 
société, mais c'est un peu celle-ci qui les fait ce qu'ils sont; et ils 
ne font le plus souvent que rendre ce qu'ils ont reçu. 

Mais il ne faut pas dire d'une façon absolue, comme le fkit Lam- 
precht, que les individus ne méritent pas même d'être regardés 
comme des facteurs du développement historique. Il faut, à côté des 
grandes créations de la force populaire, qui sont de beaucoup les 
plus nombreuses, reconnaître aussi qu'il y a des créations impor- 
tantes qui se rattachent à un homme ou à quelques individualités. 
Ni Charlemagne ni Napoléon n'ont été les produits de leur temps, 
et il me parait impossible de leur faire l'application de cette idée que 
les créations organiques que nous étudions dans l'histoire sont « le 



330 MELANGES Et DOcnnciTS. 

fruit (Tune vie plus haute dont les individus ne sont qu'une mani- 
festation. > 

L'étude des sciences natnreUes a eu sur certains historiens d^heu- 
reux effets, mais il est permis de croire que la logique joue dans les 
sciences naturelles un rôle plus consid^able que dans les sciences 
historiques. On aura beau accentuer l'importance du côté collectif 
dans l'histoire, il n'en restera pas moins toujours vrai que l'histoire 
se compose d'actes accomplis par les individus. Et ce que montre 
une analyse minutieuse, c'est que chacun des acteurs du drame his- 
torique agit à la fois comme homme € général » et comme honune 
€ particulier. » 

C'est, je crois, Lamprecht lui-même qui a dit quelque part que 
les destinées de l'humanité tournent autour de deux pôles : la 
liberté et la nécessité. Pour donner à chacun son importance, on a 
tenté de séparer Thistoire des personnages éminents de l'histoire 
des faits. Dans le premier groupe, c'est le pôle c liberté » qui exerce 
la force d'attraction principale; dans le second, c'est le pôle c néces- 
sité. » Et chacun de ces deux groupes aurait même, ajoute-t-on, 
sa méthode particulière. Mais cette séparation est-elle possible? 
N'est-elle pas, en tous cas, bien factice? Ce n'est pas seulement dans 
l'histoire du peuple, c'est dans l'histoire de chaque homme que se 
retrouvent ces deux pôles autour desquels gravitent toutes les actions 
humaines. 

On oublie aussi, me semble-t-il, que tout homme a une action sur 
le milieu social où il s'agite. Les plus forts, les plus habiles, les plus 
énergiques font rayonner leur action sur un cercle plus large. Que 
les grands hommes soient des récepteurs, soit ! mais ils réunissent, 
condensent, amènent à leur maximum d'intensité les actes, les idées, 
les tendances éparses chez leurs contemporains. Et puis n'est-il pas 
des époques du sein desquelles on ne voit émerger aucun de ces 
hommes dont on dit quelquefois qu'ils sont des conducteurs de 
peuples? N'y en a-t-ii pas d'autres, au contraire, où certaines person- 
nalitésy — les croyants les appellent des hommes providentiels, — 
marquent fortement leur empreinte? Au risque d'être taxé d'éclec- 
tisme, nous croyons que ce n'est ni par l'individualisme ni par le 
collectivisme que le véritable historien doit se laisser guider. C'est 
dans une combinaison féconde de ces deux tendances qu'il doit 
chercher l'équilibre entre ces deux pôles dont nous venons de parler. 
C'est entre eux qu'oscillera toujours la vie des peuples comme celle 
des individus. 

Georges Biondel. 



LE CONGaËS DBS HISTORIENS ALLEMANDS A INNSBEUGK. 334 



APPENDICE. 



Le congrès d'Innsbrûck a provoqué le dépôt d'un certain nombre de 
mémoires et de rapports qui n'ont pas été discutés en séance publique, 
mais dont quelques-uns offrent un véritable intérêt et qu'il convient 
de signaler ici. 

Deux rapports des professeurs Kôcher et Prutz insistent sur l'utilité 
qu'il y aurait pour les historiens à compléter les répertoires de Wal- 
ther et de Koner qui s'arrêtent à Tannée 1851. Kôcher pense qu'on 
pourrait simplifier le travail en se bornant aux périodiques et aux tra- 
vaux des grandes sociétés historiques. Mais le répertoire devrait embras- 
ser tous les pays ayant fait partie de l'ancien empire allemand (par 
conséquent les parties allemandes de l'Autriche, la Suisse, les Pays- 
Bas). On pourrait se borner à un index unique (par noms de personnes, 
de lieux et de matières). 

Le professeur Darpe, dont le travail a provoqué des contre-rapports 
de Lamprecht et d'Aloys Schulte, a insisté sur l'utilité de la publica- 
tion des registres indiquant les revenus des propriétés foncières depuis 
le moyen âge. Il y aurait là une source précieuse d'informations pour 
l'histoire des Bauernhôfe ou domaines de paysans, pour l'étude de la 
vie économique, des cultures, des communes, des diocèses, de l'orga- 
nisation administrative, etc. Lamprecht a demandé que des cartes 
fussent autant que possible adjointes à ces publications, qu'elles fussent 
pourvues de glossaires très détaillés, que jusqu'au xiii« siècle inclu- 
sivement les documents fussent publiés in extenso. Il faudrait aussi, 
comme l'a dit Schulte, des indications sur la valeur relative des prix, 
des monnaies, etc. Ces publications se heurtent à de grosses difficultés 
dont il faudra toute l'opiniâtreté des Allemands au travail pour triom- 
pher. 

Lœrsch et Schrœder se sont occupés de la meilleure façon de publier 
la Weistûmer, et surtout de faire des publications qui fussent compa- 
rables entre elles. 

La commission historique de Styrie a envoyé le récit d'un intéres- 
sant voyage d'études fait en Garinthie et dans le Tyrol par M. Loserth. 
L'auteur a fouillé notamment les archives de Klagenfurth, où il a 
trouvé des documents importants pour l'histoire de l'Autriche centrale 
et de la Styrie. La môme commission a envoyé un travail de topono- 
mastique sur l'importance des noms de maisons, de champs, de forêts, 
de fossés, de rivières, travail qui met en relief l'intérêt de cette étude 
pour l'histoire de la civilisation, et spécialement pour l'histoire des 
luttes de l'homme avec la nature. 

Le fascicule de la Zeitschrift fur Sosial-und Wirthschaflsgeschichte 
offert en hommage au congrès renferme de bons articles. Celui de 



332 MELANGES ET DOCUMENTS. 

J. Peisker sur Thistoire sociale de la Bohême contient une vive cri- 
tique du grand ouvrage de Julius Lippert. Il en ressort aussi que This- 
toire de la Bohême de Palacky n'a plus guère de valeur pour l'étude 
de la vie sociale. L'article de Mell nous renseigne sur les différentes 
mesures en usage dans la Styrie, ainsi que sur les prix, et aussi sur 
les noms que portaient les différentes propriétés. Très important sur- 
tout Particle de M. G. de Below sur Torigine des métiers en Allemagne. 
On y trouve des détails fort précis sur l'organisation de l'industrie dans 
les seigneuries et les couvents. L'auteur repousse la théorie d'après 
laquelle les artisans des villes auraient eu pour origine les ouvriers 
employés dans les seigneuries foncières, et celle aussi d'après laquelle 
l'organisation des corps de métiers pourrait être rattachée au Hofreeht 
(jus curiae). On a jusqu'ici, d'après lui, placé dans la catégorie des 
ouvriers seigneuriaux des ouvriers auxquels ce qualificatif ne peut con- 
venir et on a donné une extension trop considérable aux corporations 
seigneuriales. On a exagéré l'isolement économique (die (leschlossenheit) 
des seigneuries foncières. Il est bien établi aujourd'hui que les Grund' 
herrschaften participaient assez largement à la vie économique et com- 
merciale et faisaient venir beaucoup de produits du dehors. L'industrie 
telle qu'elle se pratiquait dans les seigneuries foncières s'est forcément 
complétée au dehors pour ce qui était industrie métallurgique et indus- 
trie textile. C'est une erreur aussi de prétendre que les artisans libres 
ont commencé par être des artisans serfs. Sans doute à une époque où 
il n'y avait pas encore de villes, les métiers ont commencé par avoir le 
caractère de métiers ruraux : les artisans du moyen âge furent plus ou 
moins des cultivateurs. C'est probablement l'inégalité de la fortune 
(consistant alors en terres) qui poussa beaucoup de gens à embrasser un 
métier. Mais le rôle que joua ici le développement des seigneuries fon- 
cières ne doit pas être exagéré, et il est probable que les ouvriers des 
Fronhôfe furent d'abord moins habiles que les autres. C'est dans une 
seconde période de leur histoire, qu'il faut distinguer soigneusement 
de la première, que l'activité industrielle des seigneuries foncières 
grandit et que l'industrie fit de notables progrès. 

L'article de L.-M. Hartmann sur les propriétés collectives et les 
exploitations en commun, d'après des chartes italiennes, mérite aussi 
d'être signalé. Il s'agit de documents des vi« et vii« siècles montrant 
des cas d'exploitation en commun par plusieurs Socii. L'auteur, étu- 
diant la question des partages entre frères, croit pouvoir affirmer qu'en 
dépit de partages en nature (Realteilungen)^ ceux-ci possédaient en 
général leurs biens en commun. Cette pratique viendrait, d'après lui, 
du droit romain qui n'a point été jusqu'ici assez étudié au point de vue 
de l'interprétation économique dont il est susceptible. Les documents 
utilisés par M. Hartmann ne nous renseignent malheureusement pas 
sur l'organisation intérieure de ces communautés et sur le mode d'ex- 
ploitation. 

Le fascicule des Miitheilungen fur œsterreichische Geschichtsforschung 



LK CONGRÈS DES HISTORIENS ALLEMANDS A INNSBRUCK. 333 

offert également au congrès renferme, lui aussi, d'importants articles : 
celui de J. Jung d'abord sur l'organisation de l'Italie à partir de l'époque 
d'Auguste, avec d'intéressantes considérations sur la révolution écono- 
mique qui se produisit en Italie à l'époque de sa plus grande puissance, 
sur la ruine de quelques contrées (comme i'Étrurie et le Samnium), sur 
la formation à partir de cette époque de nouveaux centres économiques, 
sur le développement des voies de communication et la police des 
grandes routes. 

La conclusion de l'étude très pénétrante de J. Ficker sur le pays 
d'origine de la loi des Ripuaires, c'est qu'il ne faut pas le chercher 
dans la région du bas Rhin. Cette loi nous fait connaître le droit en 
vigueur dans la haute vallée de la Moselle, dans une contrée qui devait 
faire partie de la Lorraine supérieure. 

K. Uhlirz a fait une étude spéciale des lettres de fidélité (Treubriefe) 
adressées par les citoyens de Vienne en 1281 et 1288 à Rodolphe de 
Habsbourg et à son fils Albert. Ces lettres ou Reversa, dont plusieurs 
sont reproduites in extenso, sont des documents très précieux pour l'his- 
toire de l'établissement de la dynastie des Habsbourg. 

Signalons enfin l'article de J. Hirn qui renferme plusieurs documents 
inédits sur Wallenstein ; celui de M. Mayr-Adlwang reproduisant une 
lettre curieuse de Catherine, baronne de Spaur, supérieure du couvent 
de Buchau sur le Federsee (1628). Cette lettre, adressée à l'archiduc 
Léopold, régent du Tyrolet du Vorarlberg, invite Léopold à faire assas- 
siner Wallenstein. Le travail de M. H. de Zwiedineck-Siidenhorst 
concerne le rôle de la brigade Thierry au combat d'Abensberg (19-20 avril 
1809) et renferme quelques documents inédits. 



BULLETIN HISTORIQUE 



FRANGE. 

Publications de documents. — 11 est très difficile de formuler un 
jugement équitable et compétent sur l'ouvrage dont M. A. Layertu- 
JON vient de nous donner le premier volume ^ Cet homme distingué, 
qui s'est fait une place particulièrement honorable dans la politique, 
d'abord comme journaliste et directeur de la Gironde^ puis comme 
député, diplomate et sénateur, par son intégrité, son désintéresse- 
ment, l'élévation de ses idées, la constance de ses opinions, s'est 
épris, il y a de longues années, d'un bel amour pour Sulpice Sévère, 
un méridional du sud-ouest comme lui, le premier des grands chro- 
niqueurs ecclésiastiques et des grands hagiographes de notre pays, 
le biographe de saint Martin l'apôtre des Gaules. Il a été choqué de 
l'oubli où était ensevelie la mémoire d^un écrivain qui avait en effet 
de la science, du talent, de l'éloquence, voire même de l'esprit, et 
il a été jaloux que l'Allemagne ait été dotée avant nous, grâce à 
M. Halm, d'une édition correcte de ses œuvres. Ne pouvant guère 
prétendre donner, d'après le ras. unique du Vatican, un meilleur 
texte, il a du moins voulu y ajouter une traduction et des commen- 
taires étendus qui feraient de son édition une sorte d'encyclopédie 
de l'histoire des mœurs et des idées de la Gaule chrétienne jusqu'au 
V® siècle. Cette œuvre, où chaque volume est précédé de prolégo- 
mènes, introductions, études critiques, et suivi d'essais, notes et 
notules, doit comprendre cinq volumes, deux pour la chronique, un 
pour la vie de saint Martin, un pour les lettres et les dialogues, enfin 
un volume complémentaire, où prendra place la traduction des 
onze traités de Priscillien. Ce qui fait la principale originalité 
de cet ouvrage, indépendamment de sa composition, c'est que 
l'auteur, positiviste fervent et pénétré des idées de Comte sur le 
rôle de l'Église au moyen âge, a élevé un monument à la sain- 
teté, qu'il considère comme un des facteurs importants, je crois 
bien même comme le facteur le plus important de l'histoire. 
M. Lavertujon, en consacrant des années de sa vie à l'étude mhiu- 
tieuse de son auteur et de toute la littérature chrétienne des premiers 

1. La Chronique de SepUme Sévère^ t. I. Hachette, in-8«. 



FRADfCB. 335 

siècles, est devenu un érudit à la foçon des hommes du xvi® et du 
xni* siècle. Il a ramené à son auteur tout ce qu'il sait, tout ce qu'il 
pense, et en tire, ou plutôt y rattache, toute une philosophie de Phis- 
toire. Il ne faut pas lui demander un ordre bien rigoureux dans l'ex- 
position ni se scandaliser s'il place les renseignements sur les manus- 
crits et les éditions de Sulpice non en tête du texte, mais dans les 
notes de la page 262 à la page 274 , ou s'il mêle des détails autobio- 
graphiques à sa critique des éditions. Ses prolégomènes sur la valeur 
historique des œuvres de Sulpice, sur leur place dans la littérature 
latine, sur les qualités intellectuelles de Sulpice, sur le rôle de saint 
Martin, ses notes sur les conceptions religieuses de Sulpice (péché 
originel, cosmographie catholique, sainteté, angélologie, fétichisme, 
diable, miracle, foi, sacerdoce, sacriQces humains, idée de la divinité, 
intolérance, antisémitisme, socialisme) sont la conversation très atta- 
chante, très instructive, très originale, parfois paradoxale, et tou- 
jours abondante en digressions, d'un homme fort érudit, fort intelli- 
gent, mais qui ne ménage ni notre temps ni notre peine, ni le sien 
ni la sienne du reste. On lira particulièrement avec fruit, dans les 
prolégomènes, les motifs pour lesquels, avec raison, selon nous, 
H. Lavertujon estime assez haut la portée d'esprit de Sulpice; dans 
les notes, toutes celles où il arrive à préciser, avec une ingéniosité 
vraiment remarquable, ce qu'il y eut d'original dans ses conceptions 
religieuses, et aussi les analogies nombreuses entre les conceptions 
païennes et les conceptions chrétiennes. Il va, à notre avis, trop loin 
dans cette voie, et l'on hésitera à admettre que l'idée de la sainteté 
fût une idée empruntée par le christianisme à Thellénisme. Mais il y 
a vraiment un grand proût à écouter un homme qui a vécu des années 
dans la familiarité d'un auteur. Il trouve la marque de sa personna- 
lité même dans une œuvre aussi traditionnelle qu'une chronique 
universelle; il y voit une foule de choses que personne n^a vues 
avant lui. Parmi ces choses, il y en a bien un certain nombre qu'il 
y a mises lui-même; mais il en reste beaucoup qui s'y trouvaient 
véritablement et qu'il a découvertes. 

Le tome II du Cartulaire général de l'ordre des Hospitaliers de 
Saint^Jean de Jérusalem (B. Leroux), publié avec tant de soin et de 
luxe par M. J. Dëlayillb Le Roulx, contient les actes relatifs aux 
soixante premières années du xiti* siècle (4204 à 4260). Nous assis- 
tons aux développements rapides des Hospitaliers dans les pays de 
l'Europe qui ont le plus d'intérêt à la lutte contre les înfîdèles, les 
royaumes espagnols en particulier, TAragon, où Pierre II et Jacques P' 
les comblent de donations et de privilèges, le Portugal, où Alphonse II 
est leur zélé protecteur, la Moravie, la Bohême, la Pologne, la Hon- 



336 BULLETIN HISTORIQUB. 

grie, surtout au temps de Bêla lY. Frédéric II leur accorde de nom- 
breux privilèges, mais il a aussi des difficultés avec Tordre à cause 
de sa préférence pour les Teutoniques. Henri III les chérit entre tous, 
et les favorise en Angleterre. Les rois de France, au contraire, ne 
fournissent à ce volume qu'un nombre insigniûant de diplômes. En 
Palestine, malgré les jalousies qu'ils excitent chez les prélats de 
terre sainte ou chez des seigneurs comme Bohémond lY d'Ântioche, 
on est obligé de leur remettre la garde d^une foule de villes et de 
châteaux que seuls ils peuvent efOcacement défendre. Les papes du 
xiii* siècle, Innocent III, Honorius III, Grégoire IX, Innocent IV, 
Alexandre IV, leur accordent infatigablement des avantages nou- 
veaux ou leur confirment leurs privilèges anciens. Ils sont obli- 
gés de sévir parfois contre eux quand ils abusent par trop de 
leur situation exceptionnelle, comme il arriva à Honorius III quand 
il leur interdit de faire célébrer la messe par des prêtres excommu- 
niés (n° >I703), ou à Grégoire IX, quand il leur enlève Thôpital de 
Mormant (n°" >I887, >I954), et quand il les oblige à ne pas refuser le 
baptême à leurs esclaves d'Orient (n® 24 68) S ou à Alexandre IV, 
quand il règle, en 4256, leurs exemptions (u9 2805); mais le plus 
souvent nous les voyons défendre les Hospitaliers contre les attaques 
incessantes dont ils sont l'objet de la part des évoques. Ceux-ci 
veulent les soumettre à des exactions financières de tout genre ou 
leur imposer indûment leur juridiction^ ils pratiquent chez eux le 
droit de gîte d^une manière abusive; ils veulent les empêcher d'exer- 
cer les fonctions de la prêtrise; ils s^opposent à ce que les fidèles se 
fassent ensevelir dans leurs cimetières ; ils prétendent avoir le droit 
de les excommunier, et, quand la papauté le leur dénie, ils excom- 
munient leurs vassaux, leurs serviteurs, ceux qui vont moudre à 
leur moulin ou presser à leur pressoir. Les papes, qui n'avaient pas 
les théories de Tolstoï sur la non-résistance au mal, autorisaient 
expressément les Hospitaliers à résister par la force à toutes les 
attaques (n"" 2405); mais ils étaient obligés d'intervenir quand les 
Hospitaliers et les Templiers, en procès, tournaient les uns contre 
les autres les armes qu'ils auraient dû n'employer que contre les 
infidèles (n'' 2420). Les actes intéressants abondent dans ce beau 
recueil. Citons les statuts d'Alphonse de Portugal (4204-4206), dont 
l'éditeur nous donne les textes français et latin, et a dû malheureu- 
sement laisser inédits les textes provençal, catalan, italien et alle- 
mand. Il n'a pu également donner que le texte français d'un docu- 

1. Voy. aussi le n" 2139, où Grégoire IX intervient poar les empêcher de 
persécuter ceux qui leur sonl hostiles par des citations abusives en justice. 



FRANGE. 337 

ment des plus précieux, les « esgarts » (jugements ou plutôt règles 
de droit) et coutumes de THôpitai du milieu du xin« siècle (entre 4239 
et 4290). La charte de commune de Provenca a Nova donnée en mars 
-1244 par Rodrigo Gil, prieur de l'Hôpital en Portugal, les privilèges 
accordes le 20 juin 4253 aux Hospitaliers par Henri III, méritent 
également une mention spéciale-, de même les actes relatifs à des 
donations de juifs (n^* 4220, 4325, 4356, etc.). M. Delaville Le Roulx 
a ajouté de nombreux actes inédits à ceux que Pauli avait déjà publiés 
sur Tabbaye de Mout-Thabor. 

Le Recueil de voyages et de documents ^ , publié par la librairie 
Leroux sous la direction de M. Gh. Schefer, vient de s'enrichir d'un 
nouveau volume. M. H. Hauskr, professeur à l'Université de Glermont, 
qui poursuit avec un zèle si heureux ses études sur Thistoire reli- 
gieuse et l'histoire économique du xvp siècle^, et qui avec M. Des- 
devises du Dezert a mis sur un si bon pied l'enseignement historique 
à rUnîversité de Glermont, a retrouvé dans un des manuscrits du 
fonds Dupuy le texte italien du Voyage de Philippe du Fresne» 
Canaye dans le Levant^ resté inédit jusqu'à ce jour, bien que les 
dictionnaires de Moreri, de Laianne et bien d'autres prétendent que 
ce voyage a été publié sous le nom d*Éphémérides. Du Fresne-Ganaye 
avait fait ce voyage en 4572, âgé seulement de vingt ans. Il était allé 
de Raguse à Gonstantinople par voie de terre avec l'ambassadeur de 
France auprès de Sélim II, M. de Noailles, et il était revenu par voie 
de mer à ses risques et périls. Son récit, sans être tout à fait origi- 



1. Cette collection comprend les importants ouTrages de H. Harrisse sur 
Jean et Sébastien Cabot (l. I), sur les Corte Real (III et 111 Mi), sur Christophe 
Colomb (VI et VII), les éditions par M. Schefer du Voyage de la saincte cyté de 
Jérusalem fait l'an 1480 (II), des Navigations de Jean Parmeniier (IV), du 
Voyage de M. (i'ilramon par Chesneau (VIIl), des Voyages de Louis Varthéma 
(IX), du Voyage de terre sainte par Possot et Philippe (XI), du Voyage d'outre- 
mer par M. de la Broquière (XII), de la Description de l'Afrique par Léon 
l'Africain (XIII-XV), et enfin a last but non least, • les Voyages en Asie du 
frère Odoric de Pordenone^ publiés par H. Cordier (X). 

2. H. Ilauser poursuit avec méthode, dans ses cours et ses travaux particu- 
liers, cette double enquête, qui offre tant de points communs. On en trouvera 
des fragments dans des leçons publiées par la Revue des cours et conférences 
de 1897, dans des articles du Bulletin de la Société de P histoire du protestan- 
tisme français (1896, mars et mai : Nouveaux documents sur la captivité et 
la délivrance de F. de la Noue; 1807, mai : Ntmes, les Consulats et la Réforme) 
et dans des arUcles de la Revue de sociologie parus en 1894, 1895 et 1897 sur 
des Grèves d'ouvriers imprimeurs au XVP siècle et sur le Travail des femmes 
au XV' et au XVI* siècle. On Terra dans ce dernier article le r61e important 
joué par la main-d'œuvre féminine et comment les femmes pouvaient, elles 
aoMÎ, arriver à la maîtrise. 

Rev. Histob. LXV. 2« fasc. 22 



S38 BiTLtirrni histouqui. 

nal^ car, comme le montre M. Hauser, il emprante plus d*mi pas- 
sage aux relations antérieures * , surtout à celles de Ramberti et de 
Nicolai. est Tœuvre d'un esprit yif et observateur, dont la curiosité 
est exempte des préjugés de race et de religion qui offusquaient la 
vue de beaucoup d'hommes de ce temps. Il sait apprécier les quali- 
tés des Turcs, et, sans méconnaître la cruauté de leur gouvernement 
et leurs violences à regard des populations chrétiennes, il les juge 
et décrit leurs mœurs avec impartialité. M. Hauser a donné le texte 
italien et une très exacte traduction française du Voyage de Du Fresne- 
Canaye. 11 a accompagné la traduction de notes historiques et géo- 
graphiques excellentes et l'a fait précéder d^une introduction biogra- 
phique où il complète et rectifie les renseignements très erronés 
donnés par les biographes qui ont parlé de Du Fresne-Canaye. 

Le second volume des Voyages de Montesquieu (Picard), publiés 
par le baron Albert de Mo.tfesquieu, contient la fîn du voyage en 
Italie d'avril à juin 4729, le voyage en Allemagne et en Hollande 
de 4729, des mémoires sur les mines de la même époque, une lettre 
sur Gènes de 4754, des notes sur les habitants de Rome et sur les 
musées de Florence, des notes sur la cour de Stanislas Leczinski de 
4754, enfin des pages assez faibles sur la manière gothique. Ces car- 
nets de voyages sont comme les précédents d'un extrême intérêt. 
Montesquieu est peu sensible aux beautés de la nature. Naples même 
et rincomparable baie de Baia ne lui arrachent pas un accent d'émo- 
tion. Quant aux Alpes, il les juge comme son ami des Brosses : elles ne 
lui inspirent que de Thorreur. « Tout ce que j'ai vu du Tyrol, depuis 
Trente jusqu'à Innspriick, m'a paru un très mauvais pays... » Hais 
il est un amateur (je ne dis pas un connaisseur) passionné de pein- 
ture et de sculpture. Il y apporte le même scrupule du détail et de 
l'exactitude qu'il met à évaluer la population des villes, l'importance 
do leur commerce, ou les procédés d'extraction des mines. A Florence, 
il dresse un véritable catalogue des statues antiques et sa descrip- 
tion de la Vénus de Médicis est d'un homme qui en a analysé chaque 
membre, chaque courbe du modelé, chaque pli de la chair avec uo 
œil d'amoureux, mais d'un amoureux qui aurait des habitudes de 
commissaire-priseur. Il y a une page sur les fesses de la Vénus qui 
est d'une minutie désopilante. — Où Montesquieu est vraiment supé- 
rieur, c'est dans ses notes sur Péconomie politique et sur les mœurs 
des pays qu'il traverse. L'universalité de sa curiosité est admirable, 
et il sait recueillir les anecdotes caractéristiques. Ces carnets de 

1. M. Hauser donne en appendice une utile bibliographie des Voyages dans 
le Levant publiés de 1480 à 1608. 



PRINCE. 389 

voyage auraient fait le bonheur de Taine. Ses jugements, il est vrai^ 
sur les hommes, dans des voyages aussi rapides, n'étaient pas tou- 
jours sûrs. Voici en quels termes il parle de Frédéric-Guillaume P' : 
c Sa puissance va tous les jours tomber d'elle-même. La pauvreté 
est dans ses États et le ridicule sur sa personne. Le prince royal 
(Frédéric II) troquerait bien sa qualité de prince contre dix bonnes 
mille livres de rentes. » 

Le Recueil de documents relatifs à la période révolutionnaire, 
publié par les soins du Comité des travaux historiques, s'est aug- 
menté de deux nouveaux volumes. Le tome X du Recueil des actes 
du Comité de salut public, publié par M. Aulird avec une compé- 
tence et un zèle auxquels nous avons plus d'une fois rendu hommage, 
comprend les procès-verbaux du Comité et du Conseil exécutif pro- 
visoire ainsi que la correspondance ofûcieile des représentants en 
mission, du 4®' janvier au 8 février 4794. L'impression pénible que 
donnait la lecture du tome IX ne fait que s'accroître avec ce nouveau 
volume. A côté des Actes du Comité qui témoignent de son zèle pour 
la défense du territoire et aussi de ses efforts pour introduire un peu 
de discernement dans les mesures de répression et de suspicion contre 
les aristocrates et les fédéralistes ou soi-disant tels, et pour maintenir 
un semblant de liberté et de tolérance à l'égard du catholicisme, on 
trouve surtout ici les preuves de tout ce qui fut déployé de férocité, 
de bêtise et de cupidité par les représentants en mission dans l'orga- 
nisation de ce qu'on appelait le gouvernement révolutionnaire. La 
lettre de Javogues, du 4 février >I794, adressée à Collot d'Herbois, 
est à cet égard cruellement significative. On y voit trop clairement, 
eonmie dans maintes autres lettres, que la richesse était un crime 
suffisant pour être jugé digne de mort et que les accusations d'inci- 
visme étaient avant tout un moyen pour le gouvernement révolution- 
naire de se procurer l'argent que les impôts ne fournissaient plus. 
L'hypocrisie se mêlait à la tyrannie. La lettre de Lequinio au Comité, 
sur sa manière de concevoir la liberté religieuse, en est un curieux 
témoignage. La liberté religieuse consistait pour lui dans l'interdic- 
tion de tout exercice du culte, en permettant d'ailleurs aux citoyens 
de croire ce quMls voudraient. La plupart des représentants en mis- 
sion (il y avait quelques exceptions, comme Paganel, Blutel, etc.) 
avaient de la liberté religieuse la même conception que Lequinio, et 
quand on voit le peu de souci qu'eut le Comité d'exiger l'application 
du décret du 44 frimaire et des instructions du 28 nivôse, on se 
demande sMl n'était pas au fond d'accord avec les représentants. Il 
suivait à l'égard du catholicisme la politique que Louis XIV avait 
suivie à l'égard des protestants et avait sur la liberté religieuse les 



340 BULLETIN HISTORIQUE. 

mêmes idées que le clergé catholique avait de tout temps professées, 
ne voyant, comme Anacharsis Clootz, dans la tolérance, qu'un mal 
nécessaire. 

On éprouve quelque soulagement quand on passe au tome III des 
Procès-verbaux du C4omité d'instruction publique de la Convention 
nationale, publiés par M. J. Guillaume. Ce volume comprend la 
période du 27 novembre -1793 au 20 mars 4794. On y trouve sans 
doute aussi bien des preuves de l'abaissement intellectuel et moral 
qui avait été pour les plus distingués des hommes de ce temps le 
résultat naturel du régime de la Terreur. On souffre à entendre Gré- 
goire parler de Henri IV comme d'un tyran a dont les prétendues 
vertus, comparées à celles des autres despotes, sont dans le rapport de 
la méchanceté à la scélératesse, » ou Monge qualifier de « régénéra- 
tion du Comité des poids et mesures » la mesure abominable qui en 
avait arraché Lavoisier pour le mettre en accusation comme ancien 
fermier général. Mais on suivra avec intérêt et émotion le travail 
acharné auquel s'est livré le Comité d'instruction publique, malgré 
l'anarchie qui régnait alors et la difficulté à trouver de l'argent pour 
autre chose que la guerre, afin de réparer les ruines que la Révolution 
avait faites, et d'organiser un enseignement à tous les degrés qui 
fût en harmonie avec les principes de la France nouvelle. On com- 
mence à organiser l'enseignement primaire et on forme les premiers 
projets d'enseignement secondaire et supérieur, malgré les protesta- 
tions de ceux qui considèrent les études supérieures comme subver- 
sives et entachées d'aristocratie ^ on s'ingénie à créer des fêtes civiques 
qui devront remplacer les fêtes religieuses abolies-, on jette les pre- 
mières bases du Muséum, d'un conservatoire de musique-, on s'ef- 
force de préserver les monuments et les œuvres d'art de la destruc- 
tion dont les menace le vandalisme révolutionnaire. C'est Grégoire 
qui prononce le premier ce mot qui devait faire fortune et qui, pour 
ne pas pouvoir s'appliquer au gouvernement républicain, n'en est 
pas moins justifié si on l'applique à la nation elle-même. 

M. AuLARD a achevé avec le tome VI son précieux recueil de docu- 
ments sur la Société des Jacobins (Collection de documents relatifs 
à l'histoire de Paris pendant la Révolution française, publiée sous le 
patronage du conseil municipal). Il contient les derniers actes de la 
célèbre société de mars 4 794 à sa dissolution par ordre de la Con- 
vention les V2'H novembre. On y trouvera les débats auxquels donna 
lieu le procès des Dantonistes et l'on y verra les Jacobins, terrorisés 
par Robespierre et Couthon, et se solidarisant encore avec eux du 7 
au 9 thermidor, se retourner contre eux avec la même ardeur dès le 
4 \ thermidor et ne plus appeler Robespierre que le nouveau Catillna 



FRANGB. 344 

OU ce scélérat de Robespierre. Dénonciations, épurations, telle est T his- 
toire des derniers mois de ce club qui avait joué dans la Révolution 
un rôle tour à tour si glorieux et si odieux. Les procès-verbaux du 
8 au 44 thermidor ont existé. Courtois les a eus entre les mains. Mais 
il ne les a sans doute pas restitués, car M. Aulard n'a pu en décou- 
vrir aucune trace. L'ensemble des documents mis au jour par 
M. Aulard dans ces six volumes, avec une conscience irréprochable, 
permet de préciser beaucoup de points de Fhistoire révolution- 
naire et ajoute beaucoup de traits intéressants à la psychologie de 
répoque. 

M. le comte Bodlat de la Meurtbe a ajouté deux volumes supplé- 
mentaires (t. IV et V) à son recueil important de Documents sur la 
négociation du Concordat et sur les autres rapports de la France 
at^ec le Saint-Siège en 1800 et 180 i (E. Leroux). On trouvera dans 
ces volumes tous les documents relatifs à la reconstitution de l'épis- 
copat, à rétablissement du budget des cultes, à l'opposition du Sénat 
et du tribunat contre le Concordat, à Tadoption fînale du projet de loi 
sur les cultes par le Corps législatif et le Tribunat, enfîn à la promul- 
gation du Concordai et des articles organiques qui en ont été, comme 
le fait remarquer M. Boulay de la Meurthe, le passeport nécessaire. 
L^habi le éditeur a su rendre la lecture de ces documents intéressante 
et leur maniement commode non seulement par les excellentes notes 
dont il les a illustrés, mais par leur classement méthodique qui lui 
a permis de faire suivre ses volumes do tables précieuses : table des 
matières par chapitres qui font de ces documents une véritable his- 
toire, table chronologique des documents, index des noms propres, 
enfln table analytique du Concordat avec renvoi aux pages des volumes 
correspondant à chaque détail. M. Boulay de la Meurthe a su faire 
preuve même dans un recueil de documents de ce don de précision 
lumineuse et élégante qui distinguait, avec des qualités littéraires de 
premier ordre, ses ouvrages sur l'expédition d'Egypte et sur le duc 
d'Enghien. 

L'ardeur de curiosité pour tout ce qui concerne l'époque napoléo- 
nienne ne se limite pas à la France. Les historiens de toutes les 
nations se sentent attirés vers cette période dramatique et poétique 
entre toutes, dont on peut aujourd'hui parler sans partialité et qui 
a exercé sur les institutions et l'histoire do tous les peuples une si 
profonde influence. Partout on trouve un public de lecteurs avides 
de mieux connaître l'homme extraordinaire qui a pétri de ses mains 
et foulé aux pieds l'Europe moderne. M. Auguste FooRfviEa, profes- 
seur à Prague, a publié sur Napoléon, en 4890, un ouvrage concis et 
nourri, puisé aux meilleures sources, qui a mérité d'être traduit en 



342 BULLETIN HISTORIQUE. 

français. On dit beaucoup de bien du Napoléon de M. Sloane, pro- 
fesseur à TUniversité de Princeton (États-Unis), que nous ne connais- 
sons pas encore. Les documents et mémoires inédits sur TEmpîre sont 
l'objet d'une faveur universelle. L'Italie ne pouvait pas ne pas prendre 
une part active à cette renaissance littéraire du napoléonisme. Elle 
considère avec raison les Bonapartes comme des compatriotes et elle 
n'oublie pas tout ce que Tunité italienne doit au fondateur du royaume 
d'Italie. Un jeune historien, M. A. Lumbroso, tient le premier rang 
parmi ces fervents de l'époque napoléonienne ^ et il a en quelques 
années accompli une besogne si prodigieuse qu'on ne peut qu'énu- 
mérer ses travaux sans avoir le twnps de les analyser ni de les juger. 
Il s'est d'ailleurs jusqu'ici borné presque entièrement au métier de 
bibliographe et d'éditeur. Le seul ouvrage proprement dit qui soit, 
à ma connaissance, sorti de sa plume est un Essai sur le blocus 
continental {Napoleone I e Vlnghilterra^ saggio suite origini 
del hlocco continentale e suite sue conseguenze economiche, Roma, 
Modes et Mendel; Paris^ Picard), qui est un excellent compendium 
de l'histoire des relations commerciales entre la France et PAngle- 
terre de \ 783 à 4 8>l 5, et de tout ce qui a été écrit sur les résultats 
de la guerre économique des deux pays soit pour eux soit pour les 
autres peuples; mais Fauteur se borne presque au rôle de rapporteur 
et conclut par l'adage : adhuc suh judice lis est. Il a ajouté à cet 
admirable exposé de la question un appendice où il reproduit les 
débats du parlement brilannique au sujet du blocus et des lois de 
navigation édictées par l'Angleterre, lois qui codifiaient les pratiques 
de piraterie usitées de tout temps par les Anglais, et quelques 
documents français -, il donne enfin une excellente bibliographie pour 
servir à l'histoire de cette lutte économique. Dès i 894 , il a commencé 
la publication d'un Essai de bibliographie napoléonienne (Saggio di 
una bibliografia ragionata per servire alla storia delV epoca napo- 
leonica (Rome, Modes et Mendel), dont nous avons reçu les tomes I 
à V, et qui n'arrive encore qu'à la lettre B (Bernays). Ce colossal 
travail est en même temps un travail fait avec un soin extrême. 
Le mot a ragionata » n'est pas une vaine étiquette. Nous trouvons 
presque sur chaque auteur et chaque livre cité des renseignements 
précis. Pour les documents rares, M. Lumbroso indique le dépôt où 
ils se trouvent. Certains articles sont de petits mémoires critiques 
très piquants. Béranger est l'objet d'une charmante étude de 34 p.^ 



1. M. J. Garsoii publiait peu après une étude presque semblable, Béranger 
et la légende napoléonienne (Bruxelles^ Weissenbruch, 48 p.) qui est un frag- 
ment d'une histoire de la légende napoléonienne. 



FaiNC£. 343 

Outre celte Bibliographie si copieuse, M. Lumbroso a entrepris la 
publication d'un recueil de Miscellanea Napoleonica (Rome et Paris). 
Ces Miscellanées comprennent déjà les mémoires et documents sui- 
yants : général Jouax, Souvenirs militaires, léna-Dresde, 4806-4843. 
— Commandant Bûcher, Erlebnisse aus den /. 4809. — F. OaiOLi, 
Ricordi sullo stato Romano nei tempi napoleonici, — G. Poleastro, 
la Napoleonide, poema. — Lettres à S. von Buol (4755-4804). — 
M&AN, Lettres sur la campagne de Russie, — Chauyignt, Projet 
éPassassinat de Napoléon (4844). — P.-J. Proudhon, Lettre sur 
Napoléon (4858). — Pons db l'Hérault, l'Ile d'Elbe pendant la 
Révolution et l'Empire^ publié par L.-G. Pélissier. — Major Gal- 
LARDO DE Mexdoza, Mémoires (4803-4806), publiés par MM. Chenu et 
R. Petrb. — Quelques sonnets révolutionnaires de la fin du siècle 
dernier. — M. Schiaparelli a en outre publié deux documents arabes 
communiqués par M. Lumbroso. Ce sont deux manifestes musul- 
mans, Tun contre les Français et Taulre contre les Russes, fabriqués, 
le premier, par Tambassade anglaise de Constantinople en 4795, 
Tautre, en 4807, à Tinstigation de Sébastiani, alors ambassadeur de 
France auprès de la Porte. 

Les Mémoires du baron d' Haussez (C. Lévy), publiés et très soi- 
gneusement annotés par MM. db Circodrt et de Putmaigrb, qui les 
ont fait précéder d'une importante notice biographique, sont avant 
tout une galerie de portraits, portraits peu flattés et même légèrement 
poussés à la caricature, mais dessinés d'un trait vigoureux et spiri- 
tuel par un physionomiste très pénétrant. Le roi Louis XVIII 
n'échappe pas plus à la malice clairvoyante de ce zélé royaliste que 
M. Royer-CoUard ou le général La Fayette. Je ne citerai qu'un 
exemple de la manière de M. d^Haussez : « M. de Marcellus ne man- 
quait pas de moyens réels, mais il leur donnait un vernis de ridicule 
qui nuisait à l'effet qu'il voulait produire. Humble et désintéressé, il 
aspirait à tout et demandait tout; mais c'était pour la plus grande 
gloire de Dieu. Ces sentiments pieux l'ont conduit à la Chambre des 
pairs et ont valu à son fils un avancement rapide dans la diplomatie. » 
On trouvera dans ces deux volumes les efOgies vivantes de tous les 
hommes politiques qui ont marqué de 4845 à 4830 tracées avec le 
même relief et la même bienveillance. A côté de ces portraits, pour 
lesquels M. d'Haussez se sentait évidemment un talent tout spécial, 
on trouvera dans ses Mémoires des détails intéressants sur son rôle 
comme préfet dans les Landes^ le Gard, l'Isère et la Gironde, et le 
récit détaillé de son rôle pendant le ministère Polignac et la crise qui 
a emporté la monarchie des Bourbons. M. d'Haussez était un remar- 
quable administrateur; il en a donné la preuve dans ses diverses 



344 BULLETI^r HISTORIQUE. 

préfectures et surtout dans la préparation si rapide et si heureuse de 
l'expédition d'Alger. Il avait infiniment d'esprit et de perspicacité : 
le tableau qu'il fait du ministère Polignac, les critiques acerbes qu'il 
adresse à l'incohérence de vues, à l'imprévoyance qui ont caractérisé 
toutes ses démarches, en sont la preuve. Mais il était, lui aussi, un 
pauvre politique; il s'était formé à la vie publique sous l'Empire; il 
était de ces innombrables membres de l'ancienne noblesse que, de 
HOA à >I8U, Napoléon I/"" eut soin de placer dans tous les postes 
administratifs comme pour préparer en vue de la monarchie légitime 
un personnel prêt à le trahir. Il considérait les lois qui régissaient 
la France en 4828 comme un excès de licence qui ne pouvait être 
toléré; il avait été le premier à conseiller un coup d'État à Charles X-, 
s'il avait fait des objections aux Ordonnances de juillet, c'est parce que 
rien n'avait été combiné pour les faire triompher. Dans sa vieillesse, 
il soutient encore que le parti libéral est seul coupable de la chute de 
la monarchie. Cet aveuglement et l'excès de sévérité de tous ses juge- 
ments sur les hommes nous mettent en défiance même sur son exac- 
titude à rapporter les faits. On le surprend plus d'une fois en flagrant 
délit d'exagération ou d'erreur. Mais, s'il est un témoin passionné et 
prévenu, il n'en a pas moins laissé dans ses Mémoires un document 
historique très précieux, et par ce qu'il nous apprend sur les choses 
et les hommes qu'il a connus et par la confession sincère qu'il nous 
off're de l'état d'âme d'un des plus capables et des plus libres d'es- 
prit parmi les membres du parti royaUste sous la Restauration. 

Histoire moderne. — M. Félix Frank, l'éditeur érudit des Margue- 
rites de la Marguerite des princesses et de VHeptaméroriy avait, comme 
tant d'autres, laissé échapper le manuscrit des Dernières poésies de 
Marguerite d'Angoulême, que M. A. Lefranc nous a récemment fait 
connaître en majeure partie. Mais il était réservé à M. Frank, par 
une étude plus précise des manuscrits, de nous apporter des lumières 
nouvelles sur les derniers temps de la vie de la reine de Navarre et 
des vers inédits que les précédents éditeurs avaient négligés. On lira 
avec un vif intérêt sa brochure intitulée Dernier voyage de la reine 
de Navarre Marguerite d'Angouléme avec sa fille, Jeanne d^Albret, 
aux bains de Cauterets, 4549, etc, (Toulouse, Privât; Paris, Lecheva- 
lier). M. Frank, qui ajoute à sa brochure un appendice à la fois éruditet 
piquant sur l'histoire de Cauterets et de ses bains et qui nous renseigne 
avec précision sur les cures qu'y faisait Marguerite d'Angoulême, établit 
avec certitude que la reine de Navarre fît sa dernière cure à Cauterets 
en avril-mai >f549. Sa fîlie Jeanne, mariée un peu malgré sa mère, 
était d'abord restée à Pau avec son père et son mari, et écrivit de là à 
sa mère une lettre en vers que M. Frank publie pour la première fois. 



FBÂNCE. a45 

Dans le courant de mai, sa mère l'appelle auprès d'elle, et une épitre 
également inédite jusqu'ici d'une personne de leur entourage nous 
renseigne sur un incendie qui éclata aux bains de Gauterets. Dans 
une épitre de Marguerite du Si mai 4549, que M. Lefranc n^a pas 
publiée et que M. Ed. Frémy, dans son travail sur les Poésies iné- 
dites de Catherine de Médicis, de même que M. P. Paris dans son 
Catalogue des manuscrits, avaient crue de la femme d'Henri 11^ nous 
trouvons une peinture très vive de Tamour de la reine pour sa fille 
et de Jeanne pour Antoine de Bourbon. Sept autres épitres, que 
M. Lefranc a publiées, mais a crues de ^1 548^ quatre de Marguerite et 
trois de Jeanne, sont écrites après la séparation des deux princesses, 
en juin ; elles manifestent la douleur qu'éprouvait Marguerite de cette 
séparation, douleur à laquelle Jeanne répondait bien un peu; mais sa 
douleur était dominée par son amour pour son mari. A cause de lui, 
elle ne devait pas revoir sa mère. M. F. Frank fait, au sujet du 
ms. 883 du fonds français de la Bibliothèque nationale, auquel tous 
ces morceaux sont empruntés, des observations assez piquantes. 
M. Ed. Frémy avait publié sept de ces dix pièces en les attribuant à 
Catherine de Médicis et à sa fille Elisabeth ; M. de Ruble, qui a fait 
une charmante publication des Mémoires et poésies de Jeanne d'Al- 
bret, n'a pas fait figurer dans son recueil les pièces du ms. 883 ni 
celles du ms. 24298 qui émanent de cette princesse. M. Aboi Lefranc, 
qui a consulté le ms. 883, et qui lui a emprunté les sept pièces publiées 
par M. Frémy en les attribuant à leurs véritables auteurs, les a crues 
inédites et a de plus négligé de prendre dans le même manuscrit les 
deux épitres de Marguerite et de Jeanne que M. Frank publie pour la 
première fois. Enfin, M. Baguenault de Puchesse, qui avait démon- 
tré en 4883 Tabsurdité de l'attribution à Catherine de Médicis et à 
Elisabeth, n'a point paru se douter, dans l'article publié par lui sur 
le volume de M. Lefranc, qu'on y retrouvait à leur vraie place les 
pièces de vers pour lesquelles il avait si justement bataillé. — Cette 
série d^erreurs et d^omissions commises par des hommes aussi cons- 
ciencieux et aussi érudits que M. Frank, M. Frémy, H. Lefranc et 
M. de Puchesse, peut nous enseigner à tous, éditeurs et critiques, 
l'humilité et Tindulgence. 

M. G. Fagxiez vient d'écrire, sur VÉconomie sociale de la France 
sous Henri IV (Hachette), un livre qui est un modèle d'histoire éco- 
nomique. Il est impossible de traiter de matières plus ardues avec 
plus de clarté, et j'ajouterai plus d'agrément. L'ordre lumineux 
dans lequel il a classé les innombrables faits de détail sur lesquels 
repose son travail, Thabileté avec laquelle il a su montrer toujours 
le rapport de ces faits économiques avec l'histoire générale, avec les 



346 BULLETIN HISTORIQUE. 

mœurs et avec les hommes, la précision élégante du style qui donne 
un tour littéraire à une exposition souvent minutieusement techniquei 
toutes ces qualités sont d'un historien et d'un écrivain vraiment 
maître de son art. Certes, l'ouvrage de M. Pagniez sur le P. Joseph 
était une œuvre d'un rare mérite, mais dont la solidité un peu mas- 
sive avait plus de force encore que de charme, et était plus persua- 
sive qu'entraînante. Au contraire, en parlant de l'agriculture, de 
l'industrie et du commerce intérieur et extérieur de la France sous 
Henri IV, M. Fagniez a su si bien distribuer la lumière sur toutes 
les parties de son sujet qu'il leur a donné le relief et la vie, et qu'il a 
ajouté des traits essentiels et définitifs à la figure de Henri IV et à 
l'image de son règne. Poirson, dans son ouvrage trop vanté sur 
Henri IV, méritoire néanmoins pour le temps où il fut écrit, avait 
bien indiqué les grandes lignes du sujet traité par M. Fagniez; tou- 
tefois, ce quMl en avait dit était, non seulement très incomplet, mais 
à la fois exagéré, vague et inexact. M. Fagniez nous donne un tableau 
fidèle et vivant de la condition des paysans, des artisans et des com- 
merçants, de leurs habitudes et de leurs aptitudes; de la misère et 
du désordre où les guerres avaient réduit la France ; du relèvement 
durable du pays à la fois par l'initiative personnelle de Henri IV, par 
l'action de ses collaborateurs, et par Ténergie de son peuple. Le 
grand mérite de M. Fagniez est d'avoir su ne rien outrer, de tout 
mettre exactement au point, et, sans hausser la voix, d'arriver dans 
sa conclusion à rendre au roi, à Sully et à B. LafTémas un hommage 
d'autant plus émouvant que la rhétorique n'y a aucune part, que 
tout y est vrai, finement exact et solidement prouvé. En agriculture, 
si Henri IV a encouragé les méthodes perfectionnées préconisées par 
0. de Serres, et a, d'accord avec Sully, montré aux cultivateurs une 
sollicitude paternelle, il a surtout servi le pays par la sécurité qu'il 
lui a rendue. II a facilité le commerce des grains, mais n'a pu lui 
donner la liberté dont il admettait pourtant le principe. Les préjugés 
et l'indolence de ses sujets l'ont empêché de réaliser ses projets 
pour le dessèchement des marais. En industrie, l'œuvre de Henri IV 
nous apparaît plus variée et moins efficace à la fois qu'on ne Pa dit. 
Les mesures prises par lui ont souvent été inspirées par de purs 
intérêts fiscaux et ont été plus nuisibles qu'utiles i on peut y ranger 
les créations d'offices de contrôleurs, l'augmentation du nombre des 
maîtrises, Textension du régime des jurandes. Les efforts de Henri FV 
pour développer la sériciculture, sur lesquels M. Fagniez fournit les 
détails les plus complets, n'ont pas eu tout le succès que Ton pou- 
vait espérer-, même la verrerie n'a pas fait sous son règne les pro- 
grès qu'on attribue d'ordinaire à son intervention. Mais Henri IV 



FBÂIfCE. 347 

avait néanmoins préparé, par la protection accordée à Claude Dan- 
gon^ l'inventeur du métier à la tire, le relèvement des soieries lyon- 
naises, et, par sa sollicitude pour toutes les branches de l'industrie, 
par les subventions, les primes et les monopoles qu'il accordait 
libéralement, il avait donné une impulsion toute nouvelle à Tindus- 
trie des tapisseries, à celle des toiles, des bas de soie et de laine. 
Il avait compris l'importance des ouvriers d'art, et ceux qu'il avait 
installés au Louvre jouissaient de privilèges qui exerçaient une 
influence sur la France entière. Enfin la création de la Commission 
de commerce témoignait de la volonté de donner à l'industrie et au 
commerce des encouragements permanents et une direction éclairée. 
C'est pour le commerce, qui avait été presque arrêté par le désordre 
des règnes précédents et par la timidité même de l'esprit national, 
que l'intervention de Henri IV fut le plus profitable. Il eut beaucoup 
à lutter pour protéger le commerce extérieur contre la rivalité sou- 
vent déloyale des Anglais ou des Hollandais, mais il réussit pour- 
tant à relever un peu notre marine marchande, à donner un élan à 
nos entreprises coloniales au Canada, à conserver à la France et à 
Marseille leur prépondérance dans le Levant. A l'intérieur, l'œuvre 
accomplie par l'administration des ponts et chaussées pour l'amélio- 
ration des voies fluviales et le rétablissement des communications 
terrestres est immense. Il faut chercher dans le livre de M. Fagniez 
les détails si intéressants sur les formes de l'activité commerciale à 
cette époque et surtout ce que flt Henri IV pour rendre conflance aux 
commerçants, pour réprimer les abus, pour améliorer la législation 
et la juridiction commerciales. M. Fagniez n'oublie pas les ombres 
du tableau ; il montre que le gouvernement de Henri IV, s'il réussit 
à diminuer les tailles, accrut considérablement d'autres charges pour 
le pays, qu'en 4603 et 4604 Sully lui-même avoue qu^on se plaint, 
et avec raison, et qu'on souffre. Mais il montre aussi que Henri IV 
employait les ressources quMl demandait au pays, non seulement à 
lui assurer une bonne armée et un trésor de guerre, mais aussi à 
réparer les maux causés par les guerres civiles et à fournir à la 
France tous les instruments de sa prospérité future. Un rapide et 
brillant portrait de Henri IV, où tous les mots portent, résume admi- 
rablement tout ce que M. Fagniez a dit de son œuvre, en puisant 
tous ses renseignements aux sources mêmes et en les éclairant par 
une critique pénétrante et par une vive intelligence de l'époque tout 
entière * . 

1. Il faot lire tout ce portrait, ainsi que ceox de Laffémas et de Sully. 
M. Fagniez cite de Sully un texte bien curieux et digne d'être signalé au sujet 



338 BULLETIN HISTORIQim. 

nal, car, comme le montre M. Hauser, il emprunte plus d'un pas- 
sage aux relations antérieures * , surtout à celles de Ramberti et de 
Nicolaï, est Tœuvre d*un esprit vif et observateur, dont la curiosité 
est exempte des préjugés de race et de religion qui offusquaient la 
vue de beaucoup d'hommes de ce temps. Il sait apprécier les quali- 
tés des Turcs, et, sans méconnaître la cruauté de leur gouvernement 
et leurs violences à regard des populations chrétiennes, il les juge 
et décrit leurs mœurs avec impartialité. M. Hauser a donné le texte 
italien et une très exacte traduction française du Voyage de Du Fresne- 
Ganaye. 11 a accompagné la traduction de notes historiques et géo- 
graphiques excellentes et l'a fait précéder d'une introduction biogra- 
phique où il complète et rectifie les renseignements très erronés 
donnés par les biographes qui ont parlé de Du Presne-Canaye. 

Le second volume des Voyages de Montesquieu (Picard), publiés 
par le baron Albert de Montesquieu, contient la fin du voyage en 
Italie d'avril à juin ^729, le voyage en Allemagne et en Hollande 
de ^1729, des mémoires sur les mines de la même époque, une lettre 
sur Gênes de 4754, des notes sur les habitants de Rome et sur les 
musées de Florence, des notes sur la cour de Stanislas Leczinski de 
n54, enfin des pages assez faibles sur la manière gothique. Ces car- 
nets de voyages sont comme les précédents d'un extrême intérêt. 
Montesquieu est peu sensible aux beautés de la nature. Naples même 
et rincomparable baie de Baia ne lui arrachent pas un accent d'émo- 
tion. Quant aux Alpes, il les juge comme son ami des Brosses : elles ne 
lui inspirent que de l'horreur. « Tout ce que j'ai vu du Tyrol, depuis 
Trente jusqu'à Innsprùck, m'a paru un très mauvais pays... » Mais 
il est un amateur (je ne dis pas un connaisseur) passionné de pein- 
ture et de sculpture. Il y apporte le même scrupule du détail et de 
l'exactitude qu'il met à évaluer la population des villes, l'importance 
de leur commerce, ou les procédés d'extraction des mines. A Florence, 
il dresse un véritable catalogue des statues antiques et sa descrip- 
tion de la Vénus de Médicis est d^un homme qui en a analysé chaque 
membre, chaque courbe du modelé, chaque pli de la chair avec un 
œil d'amoureux, mais d'un amoureux qui aurait des habitudes de 
commissaire-priseur. Il y a une page sur les fesses de la Vénus qui 
est d'une minutie désopilante. — Où Montesquieu est vraiment supé- 
rieur, c'est dans ses notes sur l'économie politique et sur les mœurs 
des pays qu'il traverse. L'universalité de sa curiosité est admirable, 
et il sait recueillir les anecdotes caractéristiques. Ces carnets de 

1. M. Hauser donne en appendice une utile bibliographie des Voyages dans 
le Levant publiés de 1480 à 1608. 



PEAIfCE. 339 

voyage auraient fait le bonheur de Taine. Ses jugements, il est vrai, 
sur les hommes, dans des voyages aussi rapides, n'étaient pas tou- 
jours sûrs. Voici en quels termes il parle de Frédéric-Guillaume !•' : 
« Sa puissance va tous les jours tomber d'elle-même. La pauvreté 
est dans ses États et le ridicule sur sa personne. Le prince royal 
(Frédéric II) troquerait bien sa qualité de prince contre dix bonnes 
mille livres de rentes. » 

Le Recueil de documents relatifs à la période révolutionnaire, 
publié par les soins du Comité des travaux historiques, s'est aug- 
menté de deux nouveaux volumes. Le tome X du Recueil des cLctes 
du Comité de salut public, publié par M. Aulird avec une compé- 
tence et un zèle auxquels nous avons plus d'une fois rendu hommage, 
comprend les procès-verbaux du Comité et du Conseil exécutif pro- 
visoire ainsi que la correspondance officielle des représentants en 
mission, du 4*' janvier au 8 février n94. L'impression pénible que 
donnait la lecture du tome IX ne fait que s'accroître avec ce nouveau 
volume. A côté des Actes du Comité qui témoignent de son zèle pour 
la défense du territoire et aussi de ses efforts pour introduire un peu 
de discernement dans les mesures de répression et de suspicion contre 
les aristocrates et les fédéralistes ou soi-disant tels, et pour maintenir 
un semblant de liberté et de tolérance à l'égard du catholicisme, on 
trouve surtout ici les preuves de tout ce qui fut déployé de férocité, 
de bêtise et de cupidité par les représentants en mission dans l'orga- 
oisation de ce qu'on appelait le gouvernement révolutionnaire. La 
lettre de Javogues, du 4 février 4794, adressée à Collot d'Herbois, 
est à cet égard cruellement significative. On y voit trop clairement, 
comme dans maintes autres lettres, que la richesse était un crime 
sufBsant pour être jugé digne de mort et que les accusations d'inci- 
visme étaient avant tout un moyen pour le gouvernement révolution- 
naire de se procurer l'argent que les impôts ne fournissaient plus. 
L^hypocrisie se mêlait à la tyrannie. La lettre de Lequinio au Comité, 
sur sa manière de concevoir la liberté religieuse, en est un curieux 
témoignage. La liberté religieuse consistait pour lui dans l'interdic- 
tion de tout exercice du culte, en permettant d'ailleurs aux citoyens 
de croire ce qu'ils voudraient. La plupart des représentants en mis- 
sion (il y avait quelques exceptions, comme Paganel, Blutel, etc.) 
avaient de la liberté religieuse la même conception que Lequinio, et 
quand on voit le peu de souci qu'eut le Comité d'exiger l'application 
du décret du 44 frimaire et des instructions du 28 nivôse, on se 
demande sll n'était pas au fond d'accord avec les représentants. Il 
suivait à l'égard du catholicisme la politique que Louis XIV avait 
suivie à l'égard des protestants et avait sur la liberté religieuse les 



850 BULLETIN HISTORIQ0B. 

Voltaire, qui est un chef-d^œuvre dans son genre, écrit, chose rare, 
par un homme qui a lu tout Voltaire et le connaît sur le bout des 
doigts, a eu Texcellente idée de tirer des cahiers de 4789 un tableau 
de la France sous Louis XVI (la France d'après les cahiers de 4789. 
Colin). Ce tableau, que M. Paul Boiteau nous avait déjà tracé sur un 
plan plus vaste et avec des détails plus complets, nous permet de con- 
clure, avec M. Champion, que la Révolution était rendue nécessaire 
par l'absence de toute constitution politique et par Teffroyable 
désordre des institutions administratives; que, d'autre part, leâ 
vœux des hommes de 89 étaient modérés et que les violences révo- 
lutionnaires eussent pu, peut-être, être évitées, si la royauté avait 
su prendre en main la réalisation des réformes nécessaires. Mais le 
pouvait-elle? M. Champion aurait dû ajouter à son volume un cha- 
pitre sur la déclaration des droits de Thomme, où il aurait montré 
à quel point elle répondait à tous les abus dont se plaignent les 
cahiers si bien analysés par lui. a II est tout à fait erroné, écrivions- 
nous en 4889, de représenter les droits de Phomme proclamés en 
4789 comme des principes purement abstraits et métaphysiques. 
Chacun des articles de la déclaration a une face concrète et une face 
abstraite. Il est rafûrmation d'un principe abstrait, mais aussi la 
négation d'un fait concret. Quand on disait que les hommes naissent 
libres et égaux en droit, on protestait contre une société où les 
lettres de cachet menaçaient la liberté et où le privilège était la règle. 
Quand on affirmait que tous les citoyens ont le droit de concourir à 
la formation de la loi, on protestait contre la formule : « Si veut le 
« Roi, si veut la Loi. i> Quand on affirmait Tégalité de la loi pour tous, 
Tadmissibilité de tous à tous les emplois, on protestait contre les 
privilèges de juridiction et contre l'exclusion des roturiers d'une 
foule de fonctions. Il n'est pas une ligne de la déclaration qui ne 
soit la condamnation d'un abus » (Rev. hist., XLI, 335). 

G. MoifOD. 
Histoire goi^temporaii^e. — La collection des documents pour ser- 
vir à l'histoire de la Révolution française dans la ville d'Amiens, 
entreprise par le conseil municipal de cette ville, vient de s'enrichir 
d'un troisième volume ^ Il est consacré aux délibérations du conseil 
municipal et du conseil général d'Amiens en 4790. Son importance 
pour rhistoire locale est considérable, et certains détails (notamment 



1. Documents pour servir à rhistoire de la Révolution française dans la 
ville d'Amiens, T. HT. Registre a%kx délibérations de l'administration munici- 
pale du {*' janvier 1789 au 18 brumaire an VIII, Année 1790. Paris, Picard, 
1897, iQ.8« de 434 p. 



PRAIfCB. 354 

tout ce qui est relatif à l'organisation et au fonctionnement des ate- 
liers de charité) sont d'un intérêt plus général. On peut regretter 
que ce volume n'ait pas été allégé par quelques suppressions bien 
faites qui n'auraient rien eolevé à sa valeur réelle. 11 est très bon 
d^mprimer des documents inédits d'histoire locale, mais il importe 
de plus en plus de le faire avec choix et discrétion. 

Le volume dans lequel M. Gomel achève Y Histoire financière de 
r Assemblée constituante sera consulté avec fruité II faut louer Tau- 
leur de s'être appliqué à rattacher intimement Thistoire financière 
à l'histoire générale et d^avoir montré quelle influence la lutte des 
partis exerça sur l'œuvre financière de l'Assemblée. Il est fâcheux 
que M. Gomel se soit fié parfois à des livres de seconde main sans 
valeur et trop souvent aux correspondances et aux mémoires parti- 
culiers. Les documents officiels et les pièces d'archives qu'il a négli- 
gés à peu près complètement lui auraient permis de contrôler fré- 
quemment l'effet des mesures de l'Assemblée et auraient donné plus 
de poids à son jugement^. 

M. Adurd apporte quelques documents précieux pour établir 
l'histoire d'une des périodes les moins bien connues de la Révolu- 
tion française^. Il publie trois rapports de Pouché, ministre de la 
police, sur la situation de la République on l'an VIII, rapports qui 
résument ceux que lui adressaient ses agents. Il a ensuite fondu 
en un seul tableau une série de pièces rédigées au début de l'an IX, 
dans les bureaux du ministre de l'intérieur, sur l'esprit public, sur 
divers fonctionnaires, sur les émigrés, etc. Tous ces documents sont 
importants. 

Le général Souham est une des figures secondaires des guerres 
de l'Empire et de la Révolution. Brave soldat et pauvre caractère, 

• 

1. Charles Gomel, Histoire financière de r Assemblée constiitiante, t. H : 1790- 
1791. Paris, Guillaumin, 1897, io-8* de 586 p. 

2. Je fais, à propos du volume de M. Gomel, une remarque qui peut s'appli- 
quer à la plupart des Uvres d'histoire. Elle est relative à la manière dont nos 
écrivains traitent la particule de précédant un nom propre de famille. M. Gomel 
écrit Cazalès (p. 468) avec raison ; mais presque au même endroit il écril à tort 
de Noailles et de Gouy d'Arsy (p. 469). P. 471, le même individu est appelé 
soecessivement de Gussy et Cussy. On semble oublier qu'il existe un usage 
qui, je crois, n'a jamais été abrogé. Le titre ou la formule c Monsieur de • 
n^étant pas employé, on supprime la particule, sauf si le nom propre est mono- 
syllabique, ou commence par une voyelle oo un h muet. On écrit donc cCHnlst, 
Cazalès et Noailles, et Gouy d'Arsy. 

3. Société de Thistoire de la Révolution française. L'État de la France en 
ran VIII et en Van IX, avec une liste des préfets et des sous-préfets au 
moment du Consulat. Documents publiés par F. -A. Aulard. Paris, au siège de 
h Société, 1897, in-S** de iv-159 p. 



352 BULLETIN HISTORIQUE. 

tel nous le connaissions auparavant ; tel il reste après le livre de 
M. Fage^ Son biographe n'a pas essayé de l'idéaliser, et il a bien 
fait. Il a résumé, en y ajoutant quelques pièces inédites, ce que 
divers historiens avaient déjà dit de son héros. Son livre constitue 
un état de services largement suffisant de Souham; on peut regretter 
qu'il ne l'ait pas consacré à un personnage plus intéressant. 

Je signale le deuxième volume de la relation d'O'Meara sur la cap- 
tivité de Napoléon à Sainte-Hélène*. Rien à dire de l'édition, qui 
est sans valeur. Quant au récit d'O'Meara, on connaît assez tout son 
intérêt. Remarquons que les rapports récemment publiés du com- 
missaire russe à Sainte-Hélène sont très favorables au docteur irlan- 
dais et corroborent de la manière la plus écrasante ses imputations 
contre sir Hudson Lowe. 

La Restauration et la Monarchie de Juillet continuent à passion- 
ner assez peu nos historiens. Rappelons que le cinquième volume 
des mémoires de la comtesse Dash, auquel on a donné comme sous- 
titre, on ne sait pourquoi. Souvenirs anecdotiques sur le second 
Empire^ y nous parle des hommes et des choses des dernières années 
de la Monarchie de Juillet. Il offre le même genre d'intérêt que les 
précédents. 

Ceux du général Fleury* pourront être de quelque utilité aux his- 
toriens. Ruiné par ses folles de jeunesse, Fleury chercha un homme 
capable de faire sa fortune; le duc d'Aumale ayant eu la v faiblesse o 
de préférer rintérêt de la France à celui de sa dynastie, il se jeta 
dans les bras de Louis Napoléon et suivit sa fortune avec un dévoue- 
ment qui fut sans doute amplement récompensé, mais qui ne se 
démentit pas dans l'adversité. Les mémoires de Fleury, écrits pour 
ses enfants, ont aussi pour but de réfuter les erreurs des « histo- 
riens » (lisez les écrivains bonapartistes) et des « pamphlétaires • 
(ce sont tous les autres). Lamoriclère y est accusé d'avoir « donné 
le signai de la rébellion » en donnant sa démission après le message 
présidentiel du 40 décembre; ceux qui résistèrent au coup d'État 
furent des « maniaques*, » en particulier Trochu, Glais-Bizoin et 

1. René Page, le Général Souham, 1760*1837. Paris, Picard, 1897, in-8* de 
vii-204 p. 

2. Complément du mémorial de Sainte-Hélène, Napoléon en exil.,,, par le 
docteur Barry E. O'Meara ; introduction et notes de Désiré Lacroix. T. II. 
Paris, Garnier, in-18 de 502 p. 

3. Mémoires des autres, par la comtesse Dash. Souvenirs anecdotiques sur 
le second Empire, Paris, Librairie illustrée, in-18 de 252 p. 

4. Souvenirs du général comte Fleury, T. 1 : 1837-1859. Paris, Pion et Nour* 
rit, 1897, in-8- de viii-433 p. 



FRANCE. 353 

Jules Favre sont de « misérables révolutionnaires; » le premier est, 
en plus, un traître, un incapable, un bavard et un vaniteux. Fleury 
n*a pas de termes assez enthousiastes pour célébrer Tempereur et im- 
pératrice (voir, par exemple, p. 304). Ces mémoires, sans impartia- 
lité, généralement mal écrits, et empreints d^une préoccupation aga- 
çante de mettre la personne de Tauteur en relief, contiennent beaucoup 
de détails curieux et inconnus sur la cour impériale, dont Fleury fut le 
majordome, et principalement sur cette figure si singulière de Tem- 
pereur. Le temps n'est plus où, pour décrire Napoléon III, il suffi- 
sait de le qualifier de monstre. Les mémoires de Fleury contiennent 
de nombreuses preuves de cette indécision bonasse et humanitaire 
qui fut un des traits dominants de son caractère ; il fut la proie ~ 
sans parler des femmes — de quelques hommes avides, ambitieux 
et sans scrupule qui firent la plus grande part de la grandeur et cau- 
sèrent la majeure partie de ses fautes. Dans les petites choses 
comme dans les grandes, il se laissa mener souvent « comme un 
mari dans son ménage » (p. 343), et il fut peut-être encore moins 
responsable de son avènement (le coup d'État fut imaginé, différé et 
réglé par son entourage) que de sa chute. 

C'est également la personne de Tempereur qui tient la première 
place dans le volume de souvenirs de M. Emile Ollivier^ Sans être 
exempt d'erreurs, il relève quelques-unes de celles que renferment 
les mémoires de Fleury, et je me bâte de dire que sa valeur est 
tout autre. Nous n'avons pas ici à juger le rôle de M. É. Ollivier, 
qui est nul daos l'époque qu'il nous décrit. Son livre est celui d'un 
dialecticien distingué et d'un écrivain de haut mérite. Bien quil soit 
plus une œuvre de polémique que d'histoire, et que bien des juge- 
ments ou des théories en soient au moins discutables, des historiens 
auront à en tenir grand compte. Pour ne parler que des chapitres 
consacrés au coup d'État, il est certain que la malice mordante et 
ironique de M. Ollivier lui a fait souligner certains traits qui, pour 
n'être pas pour plaire aux écrivains républicains, doivent être rap- 
pelés par l'histoire impartiale. 

On lira également avec intérêt le volume que M. Thodvenel vient 
d'écrire sur la question d'Orient de 4856 à 4859, d'après les papiers 
de son père, alors ambassadeur de France à Constantinople. Nous y 
suivons, presque jour par jour, les intrigues des diverses puissances 
européennes auprès de la Porte au sujet de la question de Porgani- 
sation des principautés de Moldavie et de Valachie, où la France 

1. Emile Ollivier, V Empire libéral. Études, réeUs, êouvenirs. LmUs- Napoléon 
el le coup (TÉtaU Paris, Garnier, 1 vol. in-18 de 554 p. 

Rbv. Hiatob. LXV. 2« pabc. 23 



354 BULLETIN HISTORIQUE. 

joua alors un rôle fort honorable. On trouvera dans le livre de 
M. ThouveneH, en même temps que le récit des faits, un tableau 
très vivant de la cour et du gouvernement des sultans. Ce tableau 
reste d'une véritable actualité. La question d'Orient se transforme 
sans cesse, mais les nouveaux acteurs gardent la a tradition » de 
leurs prédécesseurs. Souvent Ton ne sait plus s'il s'agit du traité de 
paix avec la Grèce et de l'organisation de la Crète en 4897 ou vrai- 
ment de celle des principautés en 4856. U y a des réflexions de 
M. Thouvenel qui ont l'air datées d'aujourd'hui, et d'autres ont des 
allures de prophéties^. Ajoutons que la lecture de ce volume est 
fort agréable, grâce à la plume alerte et précise de celui qui rédigea 
la plupart des documents qui y ûgurent, et à celles que manièrent 
quelques-uns de ses correspondants. 

L Histoire contemporaine de M. Samuel Denis^ se recommande 
par d'autres qualités. Le premier volume, qui vient de paraître, 
décrit la chute de TËmpire et les débuts du Grouvernement de la 
Défense nationale. L^auteur ne produit pas de documents nouveaux. 
Il se réfère volontiers à des ouvrages de seconde main, d'ailleurs 
généralement bien choisis, et parait au courant de la littérature de 
son sujet. Il faut louer chez lui une méthode claire et précise et 
surtout un grand effort d'impartialité. On sent un désir tout à fait 
désintéressé de dégager la vraie physionomie de chacun des acteurs 
du drame et de discerner les responsabilités. Peut-être la lon- 
gueur des citations et des dissertations est-elle un peu exagérée. 
Peut-être aussi l'auteur est-il malgré lui trop sévère pour les partis 
avancés. Toujours est-il que Ton ne saurait lui dénier le sens histo- 
rique et Tindépendance d'esprit. Les pages qu'il a consacrées à Jules 
Favre et à Trochu lui font honneur et sont presque excellentes. 

M. DoNioL était préfet de Nancy au moment de l'occupation prus- 
sienne de 4874-4872. U a rendu de grands services par la fermeté et 
la prudence avec lesquelles il a su rester administrateur français 
sous la domination même de Tétranger. Il a réuni, dans un volume 
intéressant, bien qu'un peu monotone par sa nature même, les docu- 
ments qui se rapportent à la libération du territoire et dont il a pu 
avoir communication. Ce volume se compose surtout des correspon- 

1. L. ThouTenel, Trois années de la question d'Orient, 1856-1859, d'après 
les papiers inédits de M. Thouvenel. Paris, Calmann-Lévy, in-8* de vi-386 p. 

2. Voy., par exemple p. 247, one dissertation sur les Grecs et les Turcs. 
Cf. p. 325 et 336. 

3. Samuel Denis, Histoire contemporaine, La chute de V Empire. Le gouver» 
nement de la Défense nationale. L'Assemblée nationale^ t. 1. Paris, Pion et 
Nourrit, 1897, in-8- de iv-5l6 p. 



nuNGB. 355 

daooes échangées entre MM. Thiers, de Saint- Vallier et de Manteuf- 
fel^ Ces documents, fort importants par eux-mêmes, auraient gagné 
à être émondés un peu et encadrés dans un récit plus complet, où 
les actes de M. Thiers et de M. de Manteuffel auraient été exposés 
d'une manière plus objective et en laissant au lecteur le soin de leur 
accorder les éloges qu'ils méritent. Sans doute, le premier fut un 
excellent patriote et le deuxième un ennemi fort courtois. Mais on 
ne saurait subir sans un sentiment pénible Tavalanche de compliments 
dont H. Thiers et ses amis accablaient le général prussien, quand 
bien même celui-ci n'était pas en reste de protestation, d^admiration 
et de sympathie. M. Doniol aurait ajouté encore à la valeur histo- 
rique de son volume en évitant toute apparence de panégyrique et 
en évitant de forcer notre admiration et notre reconnaissance. 

L'histoire d'Angleterre a suscité plusieurs travaux fort intéres- 
sants à des titres divers. II faut citer en premier celui de M. Demo- 
LiifsS qui a eu un grand succès de presse. 11 le mérite par beaucoup 
de qualités. Il est plein d'observations ingénieuses, de comparaisons 
intelligentes, de réflexions piquantes ou pénétrantes. Il est exempt 
de tout chauvinisme, signale beaucoup de nos défauts, et tâche d'ex- 
pliquer pourquoi quelques-uns manquent à nos voisins. C^est un 
bon livre de pédagogie nationale, dont l'influence peut être excel- 
lente. Comme œuvre scientiGque, sa valeur est moindre. M. Demo- 
lins est le chef d'une école qui regarde comme des dogmes des pro- 
positions au moins contestables et qui prétend les vérifîer par 
l'histoire. Aussi ne faut-il pas s'étonner si celle-ci est parfois sin- 
gulièrement interprétée. M. Demolins distingue les sociétés à forma- 
tion particulariste (type anglo-saxon) et les sociétés à formation 
communautaire (type celte). Les premières sont, pour lui, essen- 
tiellement perfectibles et leur nom même devient synonyme de per- 
fection morale et sociale^. Les autres sont les mauvaises. M. De- 
molins trouve la preuve de ces affirmations dans l'étude de la société 
anglaise. Aussi peut-on glaner dans son volume nombre d'afflrma- 
Uons qui étonnent et d^arguments précipités. Les jingoes les plus 
ardents n'oseraient traiter avec le dédain de M. Demolins les formi- 

1. Henri Doniol, M. Thiers^ le comte de Saint-ValUer, le général de Man- 
tmiffèl. La libération du territoire^ 1871-1873. DocnmenU inédils. Paris, Armand 
Colin, 1897, in-18 de xvMSl p. 

2. Edmond Demolins, A quoi tient la supériorité des Anglo-Saxons? Paris, 
Didot, in-12 de iv412 p. 

3. Je n'exagère pas : d'après M. Demolins, one partie des ouvriers de la 
classe inférieure de Londres n'appartiennent pas à la formation particulariste, 
à « cause de leurs vices personnels » (p. 292). 11 est curieux de voir le vice et 
la verta érigés en critérium social. 



956 BULLETIH HIST0EIQU8. 

dables progrès industriels et commerciaux de l'Allemagne moderne. 
— On croit rêver quand on lit (p. 4731 que l'aristocratie anglaise 
actuelle est une importation de Guillaume le Conquérant, étrangère 
au type anglo-saxon. Son organisation date du xyiii^ siècle, et elle 
est essentiellement un produit indigène. — Ailleurs (p. 4 80) : « Le 
gentleman est la forme saxonne (lege particulariste) de la classe 
supérieure, comme le noble, le lord, en est la forme normale {lege 
communautaire). » M. Demolins semble en être resté à Augustin 
Thierry. — Le particulariste anglo-saxon, dit M. Demolins, est par- 
ticulièrement apte à s'élever; comme exemple il cite M. Cleveland, 
qui a été garçon épicier puis président des États-Unis : et le commu- 
nautaire Félix Faure? — Il y a un chapitre intitulé : a Pourquoi les 
Anglo-Saxons sont plus réfractaires au socialisme que les Allemands 
et que les Français. » Est-il bien sûr qu'ils y soient si réfractaires 
que cela? N'y a-t-il pas, dans le pays du self help et d'Herbert Spen- 
cer, quelques vieux levains socialistes et beaucoup de jeunes? 
M. Demolins ignore- t-il, comme il semble, les tendances des nou- 
veaux trade unions? Et oublie-t^-il qu'en dehors de l'Angleterre et 
de l'Amérique il existe un autre pays anglo-saxon, l'Australie, où 
fleurit un socialisme qui, pour n'être pas exactement celui des Pha- 
raons, comme l'insinue (p. 275) M. Demolins d'une manière un peu 
trop générale, n'en mérite que plus d'attention ? Et croit-il sérieuse- 
ment que l'Allemagne, même socialisée, jouerait, vis-à-vis de l'An- 
gleterre, le rôle des Peaux-Rouges en face des Yankees (p. 284) ? — 
On pourrait multiplier et beaucoup ces points d'interrogation. Il est 
très fâcheux que M. Demolins, dans sa volonté de systématiser et 
de simplifier, ait contribué à vulgariser autant d'idées fausses. S'il 
s'était contenté de nous présenter ses observations sur les Anglais 
au lieu de prétendre nous donner les causes de leur supériorité, son 
livre serait une réunion d'articles tout à fait intéressants. Sans 
doute, ses défauts ont contribué pour une bonne part à son succès 
en lui donnant plus de clarté et de force ; il faut les regretter et les 
signaler d'autant plus vivement que ce succès a été plus grand et 
que les très réelles qualités de l'ouvrage auraient sufû pour l'assurer. 
Le volume de M. Pierre Lerot-Beaulieu sur les Nouvelles sociétés 
anglo-saxonnes^ et celui de M. Métin sur le Socialisme en Angle- 
terre^ peuvent servir à réfuter nombre des assertions de M. Demo- 
lins. M. Pierre Leroy-Beaulieu a fait le tour du monde en homme 

1. Pierre Leroy-Beaulieu, Les nouvelles sociétés anglo-saxonnes. Australie 
et Nouvelle-Zélande. Afrique australe. Paris, Armand Colin, 1897, in- 18 de 
viii-493 p. 

2. A. Métin, le Socialisme en Angleterre, Paris, Alcan, 1897, in-12 de 309 p. 



FRANCE. 357 

qui sail voir et regarder. Il a donné un volume d'observations judi- 
cieuses et précises, faites sans aucun parti-pris, laissant discrètement 
apparaître les opinions de l'auteur, borné à des conclusions modé- 
rées et aussi objectives que possible. Le lecteur le suit avec agré- 
ment, avec conûance et avec intérêt. Son aversion pour le socia- 
lisme ne Tempêche pas d'en décrire le fonctionnement en Australie 
sans déclamation ni pessimisme outré; son admiration pour le déve- 
loppement du Gap sous Tadminislration de M. Gecil Rhodes ne le 
gène en rien pour juger et le ministre et la situation des Anglais 
dans l'Afrique centrale. Il décrit avec un égal intérêt les transfor- 
mations — inQniment diverses — du « type anglo-saxon i dans 
Tunivers. Quelques pages importantes sur la question de la « Grea- 
ter-Britain > et sur l'avenir de l'empire colonial anglais terminent 
cet ouvrage, qui est un bon livre d'histoire et de géographie écono- 
mique, au sens le plus large de ce terme. 

M. Métin nous raconte l'histoire du socialisme anglais. Son récit 
est méthodique, net, précis, plein de faits. Il est parfaitement au 
courant de son sujet et semble connaître les hommes aussi bien que 
les doctrines. Tous ces chapitres sont munis de bonnes bibliographies. 
U n^existait aucun ouvrage analogue en France; le sien remplit très 
bien une lacune importante dans notre littérature sociale; il peut 
rendre des services aux lecteurs anglais eux-mêmes. Visiblement 
sympathique au socialisme, M. Métin n'en a pas exagéré Timportance 
de Tautre côté de la Manche. On pourrait peut-être lui reprocher un 
peu de sécheresse. J'avoue que j^aurais aimé quMl dit un mot des 
doctrines communistes qui, avant notre siècle, se sont souvent mani- 
festées en Angleterre. Ces précédents ont de l'importance dans un 
pays où la tradition est si respectée. Je suis convaincu que bien des 
socialistes chrétiens actuels ont leurs précurseurs directs parmi 
quelques-uns des saints de Gromwell; je ne suis pas absolument 
certain que tel avocat socialiste anglais ne se souvienne pas que, 
juridiquement, depuis Guillaume le Gonquérant, c'est PËtat qui est 
Punique propriétaire absolu du sol dans le pays où l'individualisme 
s'est le plus pleinement épanoui. Ge sont là de menus regrets, dont 
je n'ai garde d'exagérer l'importance. Le livre de M. Métin est très 
bon et très utile. 

Il a consacré en passant un paragraphe aux idées sociales de Rus- 
kin. M. R. de la Sizeranne a étudié le prophète de la beauté dans 
un volume excellente Je sais peu de biographies littéraires où l'auteur 
ait apporté autant de soin à s'identiGer avec son héros et en ait 

1. Robert de la Sizeranne, Ruskin et la religion de la beauté. Paris, Hachette, 
in-16 de 360 p. 



358 BULLETIN HISTORIQUE. 

exposé les doctrines avec autant d^objectivité et à la fois dHntelli- 
gente sympathie. Ruskia n^avait jusqu^ici pas eu de vrai biographe 
en France; il n'est pas probable qu'il en ait de sitôt un autre que 
M. de la Sizeranne. Ajoutons que son livre est plein de clarté, qua- 
lité qui n'est pas méprisable quand il s^agit de théories aussi nébu- 
leuses que sont parfois celles de Ruskin^ que le style en est presque 
toujours très bon, et quelquefois même d'un coloris, d'une « plasti- 
cité » qui rappellent ceux de son modèle. 

Le volume que M. Andlbr a consacré aux origines du socialisme 
d'État en Allemagne \ s'il est d'une lecture plus ardue, est un tra- 
vail de grand mérite. Nous n'avons pas en France d^histoire du 
socialisme satisfaisante. M. Andler en a écrit fort bien quelques cha- 
pitres importants. Il s'est attaché non à analyser successivement 
l^ensemble des théories de chaque écrivain socialiste, mais à étudier 
isolément les dogmes principaux du socialisme, à montrer comment 
peu à peu ils se sont formés^ précisés et complétés grâce au travail 
d'un certain nombre de penseurs. Dans le volume qu'il vient de 
publier et qu'un deuxième complétera, il a étudié la conception 
socialiste du droit, de la production et de la répartition de la richesse. 
Son livre se compose d'analyses pénétrantes, substantielles et géné- 
ralement claires. La méthode observée par l'auteur le rend forcé- 
ment d'une certaine monotonie et difOcile à suivre. Il fout une grande 
confiance dans la puissance de la logique pure pour ne pas éprouver 
une certaine lassitude à cette lecture, et il est possible que le volume 
soit plus loué que lu. Mais tous ceux qui seront à même d'en juger 
les qualités réelles reconnaîtront que personne n'en avait écrit d'ana- 
logue et que peu d'hommes étaient en état de l'écrire. M. Andler a 
une connaissance à peu près parfaite de son sujet et il a admirable- 
ment accompli l'utile travail qu'il s'était imposé. 

La Bohême contemporaine nous est fort mal connue, encore que 
bien des liens rattachent les Tchèques à la France. Je ne crois pas 
qu'en France personne autre que MM. Léger et Denis s'occupe de 
son histoire; et ils nous ont donné peu de détails sur sa vie actuelle. 
L'étude que M. Bourlier vient de lui consacrer doit donc être accueillie 
avec faveur^. Elle est malheureusement un peu décevante. La par- 
tie où il raconte l'histoire politique de la Bohême depuis 4864 est 
assez complète. Mais la deuxième moitié du volume nous décrit fort 
insufOsamment la Bohême d'aujourd'hui. Particulièrement, le cha- 

1. Les Origines du socialisme d'État en Allemagne, Paris, Alcan, 1897^ iii-8* 
de 495 p. 

2. Jean Bourlier, les Tchèques et la Bohême contemporaine. Essai d'histoire 
et de politique. Paris, Alcan, 1897, ia-12 de x-263 p. 



FRANCE. 359 

pitre consacré à Texposé du mouvement intellectuel en Bohême nous 
satisfait très mal. M. Bourlier s'est borné à un exposé fort sec, parfois 
à une simple énumération de noms, parfois inexacts, qui sont rangés 
par ordre de mérite comme dans les vieux précis de littérature. Il 
n'y a, je crois, ni une analyse détaillée ni une citation. Mieux aurait 
valu nous donner un catalogue moins complet de la littérature 
tchèque et nous faire mieux comprendre ce qu'elle est. 

Une plume autorisée a déjà dit dans cette revue le haut mérite de 
V Histoire politiqtie de l'Europe contemporaine dQ M. Gh. Seignobos^ 
Je tiens également à la rappeler. Nos meilleurs historiens craignent 
et dédaignent à la fois d'écrire des livres d'histoire générale; ils le 
craignent par excès de scrupules historiques-, ils le dédaignent, 
estimant pouvoir faire œuvre plus utile que de coordonner les tra- 
vaux de leurs prédécesseurs. Ils ont tort, M. Seignobos vient de le 
prouver. Son œuvre, en même temps qu'un excellent précis, est une 
œuvre synthétique admirable. 

André LiCHTEIfBERGER. 

P.'S, M. Welschinger, dans une lettre fort courtoise, se plaint que 
dans mon dernier bulletin j'aie taxé de « partialité > et de « bonapar- 
tisme 1 Vautour du Divorce de Napoléon et d\xDuc d'Enghien, Je lui 
donne bien volontiers acte de cette protestation devant les lecteurs 
de la Revue historique. Us jugeront si ma critique est dénuée de 
fondement à l'égard de certains passages du Roi de Rome, — A. L. 

M. G. DuQUET vient de faire paraître le tome IX de son grand 
ouvrage, je dirais plutôt de sa grande enquête sur la guerre de 4 870 : 
Paris, Second échec du Bourget et perte d'Avron, 9-34 décembre 
(Fasquelle). L'Académie française, sur la proposition de M. Emile 
Ollivier, lui a décerné le grand prix Berger de 42,000 fr. pour le 
meilleur ouvrage sur l'histoire de Paris. M. Duquet a certainement 
mérité cette récompense exceptionnelle par l'énormité du travail 
auquel il s'est livré, par le soin avec lequel il a minutieusement 
étudié et raconté les opérations militaires et reproduit tous les docu- 
ments qui font revivre l'état d'âme des acteurs de ce lugubre drame. 
Dans ce volume nous retrouvons les mêmes qualités que dans les 
précédents. Les récits de la seconde bataille du Bourget et du bombar- 
dement du plateau d'Avron reproduisent toutes les péripéties de ces 
deux lamentables désastres, où l'incapacité et l'incurie de nos chefs 
militaires, ainsi que l'héroïsme individuel des officiers et des soldats, 
se sont manifestés avec tant d'éclat; les souffrances du siège, les 

1. Ch. Seignobos, Histoire politique de l'Europe contemporaine. Paris, 
AnniDd Colin, 1897, in-8- de xii-Si4 p. Cf. Rev. hist,, LXIV, 373. 



360 BULLETIN HISTORIQUE. 

folies des clubs, les incohérences des gouvernants nous sont rendues 
sensibles par une abondance et même une surabondance de citations 
empruntées aux journaux de l'époque et aux récits des témoins ocu- 
laires. Si ce volume a les mêmes qualités que les précédents, il a 
aussi les mêmes défauts. Le récit est noyé dans une masse de docu- 
ments de toute nature et de valeur très inégale-, il est coupé par des 
digressions, des apostrophes, des tirades virulentes sur la politique 
contemporaine, sur la tactique, sur les maux du parlementarisme, 
sur la haute banque, etc., etc. M. Duquet prend texte des fautes et 
des sottises commises pendant la guerre pour donner libre cours à 
toutes ses passions politiques, à toutes ses haines, et elles sont vives 
et variées. M. Emile Ollivier, qui occupe dans l'Académie une place 
à part, et qui, lui aussi, a des aversions tenaces et des rancunes 
durables, a dû se réjouir malicieusement en faisant couronner par 
ses confrères un ouvrage où beaucoup d'entre eux auront, après 
coup, été étonnés de trouver M. Henri Rochefort exalté, les ban- 
quiers parisiens accusés d'avoir subventionné les chefs socialistes, 
M. Ed. Gharton traité de traître, le maréchal Mac-Mahon d'âne, 
M. de Freycinet de fat et de mauvais génie de Gambetta. Les géné- 
raux Trochu et Ducrot méritent assurément les sévérités de l'histoire 
pour avoir dirigé la défense de Paris et livré des batailles sans avoir 
voulu la victoire parce qu'ils ne la croyaient pas possible. Mais que 
dire d'insinuations comme celle-ci? « C'est le moment que MM. Tro- 
chu et Ducrot choisirent pour paraître vouloir sortir. Avec une 
inconscience rare, si Von ne veut pas croire à une coupable intention 
de prévenir l'ennemi^ le soir même, une affiche annonçait que, le 
lendemain, toutes les portes de Paris seraient fermées à midi; » et 
plus loin il accuse le général Trochu d'avoir voulu au Bourget « prou- 
ver qu'une armée française pouvait être mise en échec par quelques 
compagnies prussiennes (p. 55); » il le trouve odieux (p. iU) et lui 
refuse les vertus privées aussi bien que les talents militaires. Ces 
exagérations passionnées et les pages où M. Duquet soutient que 
la guerre de francs-tireurs et la sortie torrentielle pouvaient sauver 
la France et Paris seraient de nature à faire mettre en doute la sûreté 
critique de ses appréciations sur les opérations militaires. De plus com- 
pétents que nous en jugeront; mais, autant qu'une lecture attentive 
nous a permis de nous former une opinion, c'est peut-être la partie 
militaire et stratégique des récits de M. Duquet qui nous paraît la 
plus solide et la plus remarquable. Seulement, ici comme partout, il 
ne tient jamais compte des circonstances atténuantes. 

M. Louis FusTER est un étudiant en médecine de Montpellier qui, 
entraîné par les souvenirs des guerres de l'indépendance hellénique, 



FRANCE. 364 

est allé, avec quelques compagnons d^armes, se mettre au service de 
la Grèce dans sa lutte contre la Turquie. Il nous a raconté ses expé- 
riences dans son Journal d'un volontaire (Fontemoing) avec une 
naïveté enthousiaste qui nous est une garantie de sincérité. Ce Jour- 
nal mérite d'être lu. C'est un document irrécusable et navrant de la 
légèreté et de Tincurie avec lesquelles le gouvernement hellénique a 
provoqué une guerre qu'il savait ne pouvoir soutenir et où le simu- 
lacre d'opérations militaires auquel il s'est livré n'avait d'autre objet 
que de mettre la dynastie à l'abri d'une révolution et de provoquer 
l'intervention de l'Europe. On y verra comment furent accueillis à 
Athènes les jeunes philhellènes, comment on les laissa un mois sans 
direction, ni armes, ni uniformes, comment on les engageait à s'en 
aller faire le coup de feu et le coup de main en Macédoine pour pous- 
ser les Turcs à déclarer la guerre, comment la légion philhellène fut 
lancée en avant sans aucun plan, puis abandonnée sans ordre. Les 
récils de la déroute de Larissa, de la retraite sur Pharsale et sur 
Dhomokos sont d'une dramatique simplicité et criants de vérité. Ils 
sont d'ailleurs confirmés par tout ce que nous ont appris les témoins 
oculaires de celte incroyable campagne où les troupes turques, d'ail- 
leurs mal organisées et mal dirigées, elles aussi, étaient stupéfaites 
des succès qu'elles remportaient à si bon marché, sauf à Véleslino, 
où les troupes de Smolenski ont montré ce qu'auraient pu faire les 
Grecs s'ils avaient été commandés. Les réflexions générales qui ter- 
minent cet opuscule sont fort attristées et fort sévères. Leur sévérité 
a le tort de s'adresser au gouvernement seul. Le peuple, l'armée et 
surtout l'Hétairie ont leur part de responsabilité dans cette doulou- 
reuse aventure, dont l'Europe tout entière, la civilisation et l'huma- 
nité auront longtemps à souffrir, et qui met à une si dure épreuve 
notre sympathie, pourtant toujours vivante, pour Thellénisme. 

Nous raviverons cette sympathie en lisant le joli livre de M. L. de 
Ladnat, un géologue voyageur, sur les Grecs de Turquie (E. Cor- 
nély). Il nous fera visiter Lesbos, Lemnos, Thasos, le Mont Athos, 
Salonique, la Thessalie, et en entremêlant ses récits de souvenirs 
d'histoire, de mythologie et d'art, il nous fera aimer ces douces 
populations grecques de l'Archipel et même envier leur sort, dans 
ces lies a où les Turcs sont censés maîtres et travaillent à enrichir 
leurs esclaves grecs, plus intelligents, plus habiles, auxquels, sous 
un apparent despotisme tempéré par le bakschich, ils laissent en 
réalité toute liberté. » M. de Launay juge d'ailleurs avec sévérité la 
corruption, la négligence et l'esprit de tracasserie inintelligente de 
Padministration turque. Mais il est un spectateur impartial malgré 
son chaleureux philhellénisme et ses jugements sur les conséquences 



362 BULLETIN HISTORIQUE. 

de Tannexion de la Thessalie à la Grèce laissent foir tout ce que le 
nouveau régime a encore de défectueux. 

Deux des hommes qui ont le plus fait pour nous initier au monde 
russe viennent de publier deux recueils d'articles qui méritent toute 
notre attention. M. Anatole Lerot-Beiulieu a réuni sous le titre 
d'Études russes et européennes (G. Lévy) des articles sur les empe- 
reurs Alexandre II et Alexandre III et sur la visite de Nicolas II à 
Paris, auxquels il a joint des essais sur Crispi, Gladstone, Léon XUI, 
et deux études importantes sur la triple alliance et les rapports delà 
France et de T Allemagne. On sait avec quelle compétence, quel 
patriotisme et quelle clairvoyance prudente M. Leroy-Beaulieu juge 
les affaires européennes. Personne n'a parlé de TalUance russe avec 
une sympathie plus éclairée que lui. Il est de ceux dont les conseils 
doivent être écoutés et suivis, surtout ceux qui se trouvent entre 
les lignes. — Le volume de M. Léger, Russes et Slaves (Hachette), 
est le cinquième volume de mélanges slaves du savant professeur. 
On y retrouvera la verve accoutumée, la profonde connaissance de 
toutes les parties du monde slave que possède seul à ce degré émi- 
nent celui qui a ouvert la voie à tous nos slavisants et russisanls. 
Et il apporte à ses études une rare impartialité, ne croit nécessaire 
ni d'immoler aux Russes les autres Slaves ni de maudire la prépon- 
dérance russe au nom de l'autonomie des petits peuples des Balkans. 
Il tient compte des conditions spéciales de civilisation de chacune de 
ces nations. Nous recommandons particulièrement aux historiens un 
essai très court, mais très substantiel, sur le Développement intel^ 
lectuel de la Russie, une charmante étude sur Vizine et la comédie 
russe au xnii* siècle, enfln une belle biographie de Stoianov, une 
des plus héroïques figures de la Bulgarie contemporaine, un des 
fondateurs de son indépendance. 

Nous avons eu souvent occasion de signaler à nos confrères le 
recueil rétrospectif de caricatures de M. Graiyd-Cârteret, qui s'est 
fait avec une véritable érudition Thistorien de Timage. Son Napoléon 
en images (F. Didot) est un catalogue illustré et raisonné des 
estampes anglaises sur Napoléon. La verve des grands caricaturistes 
du commencement du siècle, Gillray, Rowlandson, Cruikshank, 
leur humour féroce, leur imagination endiablée, ont donné une 
expression d'une intensité singulière à toutes les passions du peuple 
anglais à cette période critique de leur histoire. — Le récent volume 
consacré par M. Grand-Carteret à la Crète en caricatures donnera à 
nos neveux une piteuse idée de Thabileté et de la générosité des 
grandes puissances dans Timbroglio oriental. M. Grand-Carteret, 
comme les caricaturistes eux-mêmes, est du parti des faibles contre 



FRANGE. 368 

les forts, car la caricature, impitoyable et le plus souvent cruelle- 
ment injuste quand elle fait de la politique intérieure, se pose d^or- 
dinaire en vengeresse de la justice et de Tidéal moral quand elle 
juge les grandes questions internationales. 

Ouvrages divers. — Histoire de l'art. — Histoire religieuse. — 
M. É. MoLinfiBR vient de nous donner le second volume de son His^ 
toire générale des arts appliqués à Vindustrie (E. Lévy). Il traite des 
Meubles au moyen âge et à la Renaissance^ des Sculptures micros- 
copiques et des Cires. Nous n'avons pas à redire ici ce que nous 
avons déjà dit, à propos du premier volume, sur la beauté des hélio- 
gravures et la bonne exécution (à très peu d^exceptions près, par 
exemple la médaille en cire de Louis XIV) des gravures qui accom- 
pagnent le texte de M. Molinier, ni sur les qualités exceptionnelles 
d'érudit et d^archéologue-artiste qui lui donnent une autorité à peu 
près unique dans le domaine qu'il a choisi. Les Meubles offraient 
des difficultés spéciales. Il n'entrait pas dans le plan de Touvragede 
faire une histoire du mobilier; il fallait se borner scrupuleusement 
à étudier la part de talent, de goût et d'invention artistique qui entre 
dans l'industrie du meuble. Aussi M. Molinier, sauf dans un ou deux 
cas, a-t-il entièrement laissé de côté les représentations de meubles 
qui se trouvent dans des miniatures ou des bas-reliefs pour s'en 
tenir aux meubles eux-mêmes, ce qui, pour le moyen âge, limitait 
forcément beaucoup le champ de ses investigations. 11 a eu raison 
d'agir ainsi, mais il a peut-être jugé trop sévèrement l'emploi fait 
par Yiollet-le-Duc des représentations figurées de meubles. Qui- 
conque fera une histoire ou un dictionnaire du mobilier devra y 
avoir recours. Le seul tort de Viollet-le-Duc est ici, comme partout, 
d'avoir mis trop de hardiesse romantique et une critique insuffisante 
dans ses restitutions. Une autre difficulté a été de déterminer exac- 
tement où commence et où finit le meuble. Une porte, des boiseries 
sont-elles des meubles ? M. Molinier les a, je crois avec raison, fait 
rentrer dans son ouvrage, car elles se rattachent au meuble par la 
nature du travail comme par les ouvriers qui Texécutent. Enfin 
il est bien plus difficile pour le meuble que pour d'autres objets 
d art d'établir des distinctions tranchées d'écoles et de pays. Les 
imitations sont trop nombreuses, et les diverses régions se sont trop 
souvent emprunté leurs ouvriers. Pour le moyen âge en particulier, 
il est très difficile de donner une caractéristique précise des tendances 
de chaque pays. Avec la Renaissance italienne, on est sur un terrain 
plus solide, et M. Molinier a montré de la manière la plus intéres- 
sante l'influence de l'Italie sur les meubles français du commence- 
ment du XVI* siècle et la transformation du meuble français par les 



364 BULLETIN HISTORIQUE. 

influences classiques et les tendances propres du génie national. Il 
n'a fait avec raison qu'une place tout à fait restreinte aux divisions 
géographiques auxquelles M. Bonaffé a attribué une valeur exagérée. 
Le chapitre intitulé : les Sculptures microscopiques constitue une 
division un peu factice, car les objets de petite dimension (plutôt 
que microscopiques] dont il traite pourraient le plus souvent être 
rattachés soit à l^art du médailleur, soit à celui du sculpteur; mais 
M. Molinier a réuni sous cette rubrique une foule d^objets d'orne- 
mentation ou de toilette exécutés sur des matières autres que le 
bronze et l'ivoire. La sculpture et ciselure en bois y tient naturelle- 
ment une grande place. On lira avec un vif intérêt le chapitre sur les 
Cires^ qui nous conduit jusqu'au xviii® siècle, et en particulier la dis- 
cussion sur la célèbre tète de cire du musée Wicar, où M. Molinier 
ne voit qu'une sculpture italienne de second ordre et quMl se refuse 
absolument à considérer comme un moulage retouché fait sur le 
modèle vivant ou sur un cadavre. 

Bien que l'ouvrage de M. Auguste Sabatier, Esquisse d'une philo- 
sophie de la religion d'après la psychologie et Vhistoire (Pischba- 
cher), soit avant tout un livre de philosophie et de théologie, et 
même, à quelques égards, une sorte de profession de foi d'un carac- 
tère éminemment subjectif, il mérite, à plus d'un titre, d'attirer 
l'attention des historiens. On y trouve en effet toute une philosophie 
de l'histoire religieuse de l'humanité, depuis les premiers frissons, 
les premières terreurs, les premières espérances, les premiers bégaie- 
ments de l'âme des hommes primitifs en présence de la nature et de 
ses mystères, jusqu'aux aspirations conscientes de Pâme moderne 
qui se sent dépendante de forces et de lois supérieures qu'elle se sait 
impuissante à comprendre et à définir. Je doute quMl existe dans 
aucune langue un exposé aussi complet, aussi profond, aussi lumi- 
neux de révolution religieuse, où les divers éléments de la croyance 
et des organismes ecclésiastiques soient analysés avec autant de 
pénétration, avec une piété aussi ardente et en même temps avec 
une pareille liberté scientifîque. Bien des croyants, qui s'imaginent 
être fidèlement attachés à des doctrines traditionnelles vieilles de dix- 
neuf siècles, seront forcés de reconnaître, en lisant ces clairvoyantes 
analyses, que toutes choses, même la théologie des églises qui se 
croient infaillibles, subissent cette loi de l'évolution, sous peine de 
périr; que ni la notion de la révélation, ni celle du miracle, ni celle 
de la prière ne sont pour les hommes d'aujourd'hui ce qu'elles étaient 
au moyen âge, aux premiers siècles du christianisme, ou dans l'an- 
tiquité juive ou païenne. Ils seront frappés surtout de l'histoire du 
dogme qui remplit tout le troisième livre de l'ouvrage de M. Saba- 



FRANCE. 365 

tier et avoueront au fond de leur cœur que pour eui^ comme pour 
lui les dogmes dont ils répètent les formules ne sont que les sym- 
boles inadéquats de sentiments religieux ou, si Ton veut même, de 
vérités religieuses qui échappent, par leur nature même, à toute 
défmition exacte et à toute connaissance positive. Les chapitres sur 
rbébraisme, le christianisme, le catholicisme et le protestantisme 
sont d^admirables chapitres d'histoire où sont résumés avec une 
large impartialité et avec une grande précision les traits caractéris- 
tiques de ces divers moments de la vie religieuse de l'humanité. Le 
livre de M. Sabatier me parait marquer lui-même un de ces moments, 
un point tournant pour une des grandes formes du christianisme, 
réglise protestante, et en particulier Téglise protestante de France. 
Pendant ces dernières années, une des fractions importantes de cette 
église, celle qui s'intitulait protestante libérale, qui admettait la 
libre critique des dogmes et des livres sacrés, et prétendait ne con- 
server du christianisme que sa substance religieuse et morale, et ne 
plus voir dans les confessions de foi que des documents historiques, 
paraissait avoir perdu toute influence. Il semblait que l'église pro- 
testante tout entière fût revenue à une orthodoxie mitigée. Or, le 
livre de M. Sabatier est Texposé le plus conséquent et le plus hardi 
qui ait été fait de la doctrine libérale; non seulement il n'attribue au 
dogme qu'une valeur purement symbolique et élimine entièrement 
de la religion la notion du miracle, mais il relègue même au second 
plan les idées du péché, de Texpiation et du salut, qui ont été pendant 
des siècles la pierre angulaire de la dogmatique protestante, pour 
réduire toute la religion au sentiment de la dépendance filiale de 
l'homme envers Dieu. Or, chose remarquable, bien qu'on ait à 
divers points de vue trouvé le livre de M. Sabatier incomplet ou 
même erroné, il a été accueilli en général avec faveur, admiration, et 
même avec édification par le monde protestant. Il n'a à aucun degré 
fait scandale, et cet accueil semble la preuve d'une modification pro- 
fonde dans la conscience religieuse et les conceptions théologiques du 
protestantisme français. On peut se demander seulement ce qui restera 
du christianisme, ou du moins de l'église chrétienne, au sens primitif 
et spécifique de ces mots, quand les idées de M. Sabatier auront 
triomphé. M. Sabatier dit lui-même que les éléments constitutifs 
d'une église sont le sentiment religieux, les doctrines et l'autorité. 
Le protestantisme tel qu'il le conçoit est privé d'autorité et même de 
doctrines ; car quelle valeur peuvent avoir des doctrines qu'on sait 
n'être que des symboles, et des symboles éphémères et changeants ? Les 
mots mêmes d'âme et de Dieu ne sont plus que des symboles expri- 
mant des aspirations morales et qui peut4tre à leur tour devien- 



366 BULLETIN HISTOEIQUB. 

dront surannés. Et de quel droit alors dire que le christianisme est 
la religion parfaite, éternelle et suprême, donner au Christ une place 
unique dans l'histoire, si le christianisme ainsi compris se confond 
avec l'aspiration générale de Thumanité vers un idéal d'ordre, de 
sainteté et d'amour? Le livre de M. Sabatier me paraît être la pro- 
clamation de Tavènement de la religion individuelle sur les ruines 
des diverses églises chrétiennes. Si les églises protestantes accep- 
taient sa conception du christianisme, PÉglise catholique, qui impose 
au sentiment religieux des formules dogmatiques immuables au nom 
d'une autorité visible et vivante, qui perpétue le miracle dans Phis- 
toire et la nature, aurait seule droit au nom d'Église. Ses adhérents 
ne se font pas faute d'ailleurs de prendre dans ses symboles ce qui 
leur convient, de leur donner le sens qu'il leur plaît et d^en faire 
l'expression des sentiments religieux les plus individuels. Aussi le 
livre de M. Sabatier interprète-t-il, à mes yeux, sous la forme la 
plus savante et la plus éloquente, Tétat d'âme des milliers d'hommes 
qui, aujourd'hui, dans toutes les églises et hors des églises, con- 
servent une conception religieuse de la vie et de l'univers, mais ne 
peuvent accorder aucune valeur objective aux doctrines qui ont servi 
jusqu'ici d'expression à la foi chrétienne. J'ajouterai que chacun des 
chapitres de M. Sabatier est suivi d'une bibliographie méthodique et 
raisonnée dressée de la manière la plus scientifique. Cette bibliogra- 
phie, composée par un homme d'une immense érudition et qui con- 
naît tous les livres qu'il cite, forme un catalogue excellent d'une 
bibliothèque philosophique et théologique, où rien d'essentiel n'est 
omis. Nulle part on ne trouvera, classée avec une pareille précision, 
la bibliographie de l'histoire du christianisme. 

La collection des Grands Écrivains français (Hachette) publiée 
par M. J.-J. JussERAND, qui vient de s'augmenter de trois excellents vo- 
lumes, Marivaux de M. G. Desghaups, Malherbe de M. le duc de Bao- 
GLiE et Beaumarchais de M. A. Hillats, a inspiré à M. H. Joli l'idée dp 
consacrer une collection semblable aux Saints (Lecoffre). lia lui-même 
tracé la Psychologie des Saints, terrain de fantaisie psycho-théologo- 
philosophique où nous ne nous aventurerons pas. Il y a saints et 
saints, depuis les saints qui n'ont jamais existé que dans Timagination 
populaire et depuis ceux dont les vertus sont fort incertaines comme 
saint Léger ou sainte Bathilde, jusqu'aux saints incontestés devant 
lesquels l'humanité tout entière s'incline avec respect, comme saint 
Louis ou saint Vincent de Paul. Il y a des saints, comme des héros, 
de tous les tempéraments et de tous les caractères, et la psychologie 
de la sainteté est aussi difficile à tracer que celle de l'héroïsme. Le 
défaut de la manière adoptée par les collaborateurs de M. Joly parait 



FRANCE. 867 

devoir être de raconter la vie des saints avec un parti pris d'admira- 
tion et sur un ton d'attendrissement dévot qui leur enlève leur origi- 
nalité en les transformant tous en images pieuses. L'érudition et la 
sévérité critique de M. Kurth ne Font pas empêché d'écrire l'histoire 
de sainte Glotilde dans un style qui nous ramène aux temps de Méze- 
ray et de Tabbé Velly. Nous y voyons une « humble femme, péné- 
trée par l'amour conjugal et Famour de la patrie, vouée aux obliga- 
tions de la famille, à la pratique assidue de la charité, exerçant sur 
son mari une influence discrète, mais bienfaisante, etc. » Le Saint 
Augustin de M. Hitzfsld a plus de réalité historique, mais je le 
trouve lui aussi un peu conventionnel. Peut-être est-ce que nous 
avons quelque peine à voir le spirituel professeur et l'admirable 
lexicographe^ qu'est M. Hatzfeld sous les traits d'un hagiographe. 
Reconnaissons d'ailleurs qu'il s'est acquitté de sa tâche avec le goût 
et la solidité d'esprit que nous pouvions attendre de lui. Protestons 
seulement contre la prétention d^enrégimenter à un degré quelconque 
saint Augustin parmi les saints français sous prétexte que Bône, 
ville française, est bâtie sur les ruines de l'ancienne Hippone. S'il 
est un terrain sur lequel il est permis, et même obligatoire, d'être 
résolument cosmopolite, c'est celui de l'hagiographie. Nous goûtons 
beaucoup le Saint Augustin de Canterbury du P. Brou, S. J. Il a bien 
rendu les traits de cet incomparable apôtre et de ses compagnons et 
le caractère de la première église anglo-saxonne, et en même temps 
il a su blâmer l'injuste dureté dont les chefs de cette église ont 
usé à regard des églises celtiques. Nous ne reprocherons pas à 
M. Florxot d'avoir fait de Saint Bernardin de Feltre un portrait 
édulcoré. Il nous a donné un portrait assez fidèle de ce saint véhé- 
ment, à l'éloquence enflammée, qui fut au xv« siècle un des princi- 
paux propagateurs des Monts-de-Piété. Malheureusement, M. Flor- 
noy partage toutes les passions de son saint, même les mauvaises 
passions, et il a fait de son petit livre un pamphlet anti sémite d'une 
violence odieuse. On y trouve non seulement Fapologie de la persé- 
cution contre les Juifs dans le passé, mais un appel direct à la per- 
sécution actuelle contre les Juifs. Non seulement il insulte à la vérité 
et au bon sens en prétendant que les Juifs se firent médecins et usu- 
riers parce qu'ils voulaient exploiter la faiblesse de l'homme devant 
la maladie et la faiblesse, alors quMl sait bien que la médecine et le 
commerce de l'argent étaient les seules professions permises aux 



1. Le beau Biciùmnaire général de la langue française (Delagraye), qu'il a 
préparé avec M. Arsène Darmesteter et qu'il publie aujourd'hui avec M. A. 
Tbomas, arrive déjà, avee le 21* fascicule, à la lettre P. 



368 BULLETIN HISTORIQUB. 

Juifs et qu^on obligeait les Juifs à ne prêter qu'à un taux inférieur à 
celui exigé par les chrétiens, mais il répète comme des vérités cer- 
taines toutes les stupides accusations lancées contre les Juifs par la 
superstition populaire. Il est déplorable de voir une collection comme 
celle que vient d'entreprendre M. Joly, et à laquelle des hommes 
universellement aimés et respectés collaborent, devenir dès son 
début une œuvre de passion et de haine. Un membre respecté de 
rinstitut catholique de Paris, M. Alix, a cependant eu le courage de 
prévenir ses coreligionnaires que la campagne antisémitique entre- 
prise par des spéculateurs de presse et des agitateurs politiques 
était un danger social dont ils seraient les premières victimes. Un 
écrivain sympathique à TÉglise et dont Fesprit de modération et 
d'équité est partout reconnu, M. A. LEROT-BBAULiBcr, a écrit une 
admirable petite brochure : l'Antisémitisme (C. Lévy), où il a fait 
entendre les mêmes avertissements. Rien n'y fait. L'abbé Gatraud, 
dans un volume intitulé : r Antisémitisme de saint Thomas éFAquifij 
a mis tout un plan de persécution sous le patronage du plus grand des 
docteurs du moyen âge, qui était bien excusable de partager les préju- 
gés de son temps et qui d'ailleurs cherchait plutôt à modérer Phostî- 
lité de ses contemporains contre les Juifs. Les suggestions haineuses 
trouvent un accueil trop facile dans les âmes ignorantes et envieuses 
et risquent de devenir,el deviennent même sous nos yeux, conseillères 
d'iniquités et de crimes. On a le droit de demander à un professeur 
de rUniversité comme M. Joly de ne pas mettre une entreprise de 
science et de piété au service de ces passions meurtrières et anti- 
sociales. 

M. R. PicHON vient de publier une Histoire de la littérature laiine 
(Hachette) qui est digne par sa valeur scientifique comme par sa 
valeur littéraire d'être mise à côté de l'Histoire de la littérature 
française de M. Lanson. 

G. MONOD. 



BBLGIQÏÏB. 369 



BELGIQUE. 

4886-4895. 

( Suite ^.) 

Histoire des msTiTUTioNS et du droit. — L'histoire des instilulions 
préoccupe de jour en jour davantage les érudits belges; c'est d'ail- 
leurs un sujet d'études attachant entre tous, et peu de pays offrent 
en cette matière un champ d'observation aussi riche que le nôtre. 

Dans son Introduction à Vhistoire des institutions de la Belgique 
au moyen âge jusqu'au traité de Verdun^ j M. L. Vipï der Kinderr 
présente un résumé excellent de l'état de la science historique sur la 
question de nos origines, et il consacre la majeure partie de son 
livre à exposer Torganisation et la constitution du royaume franc. Il 
est parfaitement au courant des résultats acquis par l'érudition étran- 
gère, ce qui est assez rare en Belgique; son manuel se distingue 
d^ailleurs par une méthode d'une précision rigoureuse, et par l'abon- 
dance des indications bibliographiques. On lui a cependant reproché 
d'avoir traité trop sommairement l'histoire de Pintroduction du chris- 
tianisme dans les Pays-Bas, et de n'avoir pas donné un relief suftisant 
aux particularitésconstitutionnellesdelaBelgiquedurantle haut moyen 
âge. Quoi qu'il en soit, c'est actuellement, parmi les hvres écrits en 
langue française, un des plus complets. Le même historien a présenté 
à PÂcadémie royale de Belgique une synthèse de la période féodale^ 
dont les conclusions méritent d^être notées. Pour M. L. \a^ der Kirr- 
DBRB, la féodalité a constitué dans l'Europe occidentale une force 
morale sufQsante pour permettre à la société de se développer d'une 
manière normale; elle a sauvé l'unité de l'empire germanique, qui 
aurait péri d'inanition sans les grands domaines; la grande pro- 
priété a créé la richesse et amené une expansion vers le bien-être et 
l'essor du commerce, qui, en fécondant la vie communale, a marqué 
le commencement d^une ère nouvelle. 



1. Voir Revue historique, LXV, p. 135. 

2. Braxeiles, Lebègae, 1891, 303 p. 

3. La Féodalité (BulUtin de V Académie royale de Belgique, 3* série, XXIX), 
1895. 

Rsv. HisTOR. LXV. 2« pasg. 24 



370 BULLETIN HISTORIQUE. 

M. L. WoDON n^a pas reculé devant les difficultés sans nombre 
dont est hérissée Tétude du droit franc. Son livre sur la Forme et la 
garantie dans les contrats francs^ témoigne de sérieuses connais- 
sances juridiques et diplomatiques. C'est une contribution impor- 
tante à l'histoire du droit. M. L. Tierentetn a porté ses investigations 
sur la même époque et établi, avec une grande richesse de preuves 
et une sévère méthode, les rapports des comtes francs avec le roi, 
avec le clergé et avec la population germanique et romane*. M. A. 
DE Vlaminck a consciencieusement étudié les Origines de la ville de 
Gand^ et fait impitoyablement justice de quantité de légendes qui 
ont été propagées par les chroniqueurs sur cette question. Il fait con- 
naître en détail l'organisation primitive de la célèbre commune fla- 
mande, ses privilèges et ses accroissements au xi® et au îiii® siècle; 
il termine par une dissertation intéressante sur les châtelains de 
Gand et la châtellenie du vieux bourg. M. H. Pirexne, dans un 
livre très remarqué, décrit la constitution de Dinant depuis ses 
origines mérovingiennes jusqu'au xviii® siècle^. Il explique très 
clairement l'organisation militaire et financière de la commune, la 
naissance et le développement du commerce et de Tindustrie et spé- 
cialement du fameux métier des batteurs de cuivre, l'affiliation de 
Dinant à la Hanse, ses rapports avec Liège. Il use surtout de la 
méthode comparative, établit d'ingénieux rapprochements entre l'or- 
ganisation de Dinant et celle de nombreuses villes de France et d'Al- 
lemagne. M. H. Pirenne a ensuite élargi son sujet et recherché 
VOrigine des constitutions urbaines au moyen dge. Ce remarquable 
travail, où il fait preuve d'un sens critique exercé et d'une connaissance 
précise des sources, aussi bien que des travaux modernes, a été 
inséré dans la Revue historique^. iM. H. Van der Lindeft, élève dis- 
tingué de M. H. Pirenne, s'est inspiré de la méthode de son maître : 
se guidant d'après les textes, évitant les conjectures hasardeuses, 
pour exposer les origines, le développement et le résultat de la lutte 
entre la haute bourgeoisie et les artisans de Louvain®; puis, dans 



1. Malines, Godeaae, 1894, 240 p. 

2. Les Comtes francs depuis Clovis jusqu'au traité de Verdun. Gand, VuyU- 
teke, 1893, 150 p. 

3. Mémoires de l'Académie royale de Belgique, coll. iii-8», XLV, tiré à part. 
Bruxelles, Hayez, 1891, 127 p. 

4. Histoire de la constitution de la ville de Dinant au moyen âge. Gand, 
Clemra, 1889, 119 p. 

5. Tomes LUI, LVII. 

6. La Révolution démocratique du XVI* siècle à Louvain. Louvain, Fonteyn, 
1890, 44 p. 



BELGIQUE. 374 

une seconde dissertation*, il étudie les origines de cette turbulente 
commune brabançonne et fait, à ce propos, une critique serrée du 
système, à son avis, trop absolu de Sohm. Il démontre que te fond 
de la bourgeoisie urbaine est constitué, non par des marchands éta- 
blis sur des terres relevant directement du seigneur, mais par d'an- 
ciens censitaires se trouvant primitivement sous le Hofrecht. Il dis- 
cute aussi avec beaucoup de sagacité les conclusions de von Maurer 
et de Runtze. 

M. J. Frederighs a fait sur le Grand Conseil créé par Philippe le 
Bon^ une étude solide et complète qui a donné naissance à une 
savante controverse entre lui et le P. Firmin BRiBAin'^. 

L'Académie royale de Belgique a couronné deux mémoires consa- 
crés à rétude des Origines, du développement et du rôle des officiers 
fiscaux près les conseils de justice dans les anciens Pays-Bas depuis 
le XV* siècle jusqu'à la fin du XV 111% Tun est dû à M. P. Tierex- 
TET!f, Pautre à M. P. Alexandre^. 

Ce dernier a retracé d'une manière très complète, mais assez terne, 
d'après les documents des archives, V Histoire du conseil privé, qui 
exerça sur la politique des Pays-Bas une influence considérable et 
fut un des ressorts les plus importants de l'organisation gouverne- 
mentale'. L^ Académie royale de Belgique a jugé ce mémoire digne 
du grand prix de Stassart. 

H. Gallet-Mirt a étudié l'organisation et Tactivité des États de 
la Flandre pendant les périodes espagnole et autrichienne^, M. C. de 
BoRiiA!f s'est livré à un travail de bénédictin pour rechercher dans 
les documents authentiques l'organisation de Téchevinage liégeois et 
dégager son rôle politique de Thistoire générale du pays. Il est par- 
venu à dresser la liste des échevins depuis 4247 jusqu'à 44G8 en 
indiquant d^une manière précise les actes essentiels de chacun d'eux; 
il signale beaucoup de traits intéressants pour l'histoire de la vie 
sociale, des curiosités héraldiques et généalogiques, et rectifie fré- 



1. Histoire de la commune de Louvain au moyen âge. Gand, Engelcke, 
1892, 194 p. 

2. Le Grand conseU ambulant des ducs de Bourgogne et des archiducs d'Au- 
triche {Bulletin de la Commission royale d'histoire, 4* série, XVII), tiré à 
part. Bruxelles, Hayez, 1890, 76 p. 

3. Étude sur les conseils des ducs de Bourgogne {Ibid., 5* série, 1). — J. Fre- 
dericbs, Suite à une notice {Ibid.). 

4. Mémoires de l'Académie royale de Belgique, coll. in-8«, XLV, tiré à part. 
Bruxelles, llayez, 1891, 276, 164 p. 

5. Même collection, LU, tiré à part. Bruxelles, Hayez, 1895, 420 p. 

6. Gand, Vuylsteke, 1892, 156 p. 



372 BULLETIN HISTOaiQUB. 

quemment des erreurs commises par les historiens Abr^ et P. Hénaux * . 
Ce premier volume comprend tout le moyen âge jusqu'au sac de 
Liège en 4468. M. Alph. Wauters a recensé patiemment les éche- 
vins bruxellois antérieurs à Tan 4339^. M. E. Peudeomme a traité 
avec beaucoup de soin un sujet analogue^ pour le Hainaut. M. E. 
Mathieu a bien expliqué VOrganisation de Vavotierie de Mons*. M. A. 
d'Herbomez a publié une Histoire des châtelains de Tournai de la mai- 
son de Mortagne^ tout à fait neuve, fruit de minutieuses recherches 
dans les archives de France et de Belgique. Il étudie très méthodique- 
ment la généalogie des châtelains, la nature de leur pouvoir, leure 
relations avec la France, le chapitre, les monastères, etc., depuis 
Evrard I" en 4075 jusqu'à Philippe le Bel; peut-être apprécie-t-il 
trop favorablement la politique de ce prince. De nombreux docu- 
ments inédits sont joints à ce mémoire suggestif et bien écrit. 

M. A. Gattier est l'auteur de deux bonnes dissertations relatives 
à l'histoire du droit hennu^er. Dans la Guerre privée et le comté de 
Hainaut au XI 11^ et au XI V*^ siècle^, il montre le développement 
des institutions féodales et insiste sur l'institution du Fourjur^ qui 
restreignait la guerre privée au seul coupable et en exemptait sa 
famille. Dans VÊvolution du droit pénal en Hainaut jusqt^au 
AF® siècle'^ y il recherche les principes généraux du droit de punir 
et expose avec beaucoup d^érudition la procédure et les pénalités. 
Dans la même catégorie rentrent le travail estimable de M. L. WoDoif 
sur le Droit de vengeance dans le comté de Namur^; V Étude sur le 
droit criminel en vigueur dans la ville de Tournai et le Tournai- 
sis au XI P siècle, par M. de N^donchel^; la Justice criminelle 
dans V ancien pays de Liège ^ par M. J. Fréson*^; la Législation de 



1. Les Échevins de la souveraine justice de Liège, Liège, Grandroont, 1. 1, 
gr. in-4% 504 p. 

2. Les plus anciens échevins de Bruxelles {Annales de la Société archéolo^ 
gique de Bruxelles, VIII). 

3. Les Échevins et leurs actes dans la province de Hainaut {Mémoires et 
publications de la Société des sciences^ des arts et des lettres du Hainaut, 
5' série, II), tiré à part. Mons, Dequesne, 1891, 598 p. 

4. Annales de l'Académie d'archéologie de Belgique, XLI. 

5. Mémoires de la Société historique de Tournai, XXIV, XXV, tiré à part. 
Tournai, Vasseur, 1895, 2 vol., 347-359 p. 

6. Bruxelles, Weissembruch, 1890, 93 p. 

7. Mémoires de la Société des arts, des sciences et des lettres du Hainaut, 
5* série, VII, tiré à part. Mons, Dequesne, 1894, 241 p. 

8. Bruxelles, Weissembruch, 1890, 80 p. 

9. Mémoires de la Société historique de Tournai, XXIV. 

10. Liège, Desoer, 1889, 204 p. 



BELGIQUE. 373 

r ancienne principauté de Stavelot-Malmédy, par M. P. de Noue*. 

Le procureur général Ch. Vax Sghoor a consacré plusieurs de ses 
mercuriales à nos anciennes inslltulions judiciaires : les Séances 
solennelles de rentrée des parlements et cours de justice belges^; le 
Chancelier de Bradant^ ; les Êpices*; la Basoche^, Il y a là une 
somme considérable de recherches présentées sous une forme ori- 
ginale et vivante. Citons enfin l'intéressant volume de M. P. Claets : 
le Bourreau de G and, sa mission^ ses fonctions^ ses privilèges^. 

Ouvrages g^n^raux. — M. Ed. Poullbt, Téminent professeur de 
l'Université de Louvain, décédé prématurément en 4882, avait laissé 
inachevé son grand traité d'histoire politique nationale^, aux mérites 
duquel H. Paul Fredericq a rendu ici même un hommage mérité^. 
La mort avait brisé sa plume entre ses mains vaillantes, au moment 
où il analysait, avec Térudition consciencieuse qui lui était habi- 
tuelle, les chartes glorieuses arrachées à Marie de Bourgogne par les 
États généraux de 4477. Son fils, M. P. Poullbt, vient d'apporter 
à l'œuvre paternelle le complément nécessaire*; il s'est acquitté de 
sa tâche avec beaucoup de distinction. Les nouveaux chapitres traitent 
de la société et des institutions monarchiques, des rapports de l'État 
et de l'Église, de la révolution du xvi* siècle, des démembrements 
subis par les Pays-Bas, enfin de l'organisation politique au xviii® siècle 
jusqu'à la conquête française. Ainsi achevé, l'ouvrage présente une 
incontestable valeur, et on ne peut lui reprocher que de n'avoir pas 
été toujours parfaitement mis au courant des découvertes de la science 
allemande. Le Manuel du P. Firmin Brabaxt^^ est de proportions 
infiniment plus modestes, mais c'est un guide clair et méthodique. 
L'Histoire du peuple belge et de ses institutions^^, par M. G. Verca- 
HER, est un tableau assez complet de l'état civil^ politique, religieux 

1. Annales de l'Académie d^ archéologie de Belgique, XL VI, Uré à part. 
AoYert, de Backer, 1891, 298 p. 

2. Bruxelles, Larcier, 1886, 68 p. 

3. Ibid., 1888, 50 p. 

4. Ibid., 1891, 56 p. 

5. Ibid., 1892, 61 p. 

6. Messager des sciences historiques, LIV-LVI, tiré à part. Gand, Vaylsteke, 
1890, 188 p. 

7. Histoire politique nationale. Origines, développements et transformations 
des institutions dans les anciens Pays-Bas, 2* édit. Loarain, Peeters, 1882, 
U I, 600 p.; t. II, 46 p. 

8. Revue historique, XXXIV, 1887. 

9. LouTain, Peeters, 1892, 579 p. 

10. Histoire politique interne de la Belgique, Namar, Wesmael, 1892, 223 p. 

11. Bruxelles, Lebègue, 1894, 240 p. 



374 BULLETIN fllSTORIQUB. 

et économique de notre pays à travers les âges. Malheureusement 
l'auteur a travaillé d'après des ouvrages surannés, et son style est 
souvent déclamatoire. 

On a réédité en 4894 V Histoire de la Belgique depuis les temps 
primitif s jusqu' à nos jours, par M. Th. Juste ^ Ce n'est pas un 
ouvrage d'érudition, mais il est vivant, écrit dans un style clair, 
rapide, imagé, et jusqu'à un certain point au courant des travaux 
modernes. M. Mirguet a écrit sur VHistoire des Belges et de leur 
civilisation^ un gros volume qui témoigne d'un labeur consciencieux 
et qui contient, pour la partie moderne, bien des pages intéressantes. 
Malheureusement l'auteur semble ignorer les grands travaux qui ont 
renouvelé nos connaissances sur l'époque médiévale, et il a puisé 
beaucoup de renseignements inexacts dans les ouvrages vieillis et 
depuis longtemps dépassés. 

HisTorRE RELIGIEUSE. — Ici cncorc la moisson a été abondante. 
Nous avons parlé plus haut de la création des Analecta Bollandiana; 
nous indiquerons encore dans le domaine hagiographique VÊtude 
historique sur Saint-Boniface de Bruxelles^ par le P. Kieckexs^, 
Y Étude historique et critique sur saint Materne^ sa mission et son 
culte* ^ par M. l'abbé A. Servais, celle de M. J. Deharteau sur 
saint Remacle^; et surtout l'édition de la Vita s. Huberti, par le 
P. Gh. DE Smedt^, qui est un modèle de méthode et d'érudition. M. E. 
DoNY a prouvé que les vies de saint Adelphe, de saint Amat, de saint 
Romaric et de saint Arnulf sont de la même main. Leur auteur était 
contemporain des événements qu'il a consignés dans ses écrits^. 
D. Berliere compte exécuter pour la Belgique un travail analogue à 
la G allia christ iana. Le Monasticon belge y tel est le titre de son 
œuvre, donnera la bibliographie complète de chaque abbaye belge, 
la liste de ses prélats, une esquisse de son action intellectuelle 
et religieuse. Le premier fascicule*, qui a paru en 4890, est 
de tous points excellent; il concerne trente-deux communautés 
namuroises obéissant à la règle de saint Benoît; les plus célèbres 
sont FlorefFe, Gembloux et Waulsort. La dissertation doctorale 



1. Bruxelles, Brnylaat, 3 vol. m-4% 352, 380, 438 p. 

2. Bruxelles, Lebègue, 1895, 650 p. 

3. Bruxelles, Schepeas, 1892, 206 p. 

4. Namur, Delvaui, 1890, 390 p. 

5. Liège, Demarteau, 1894, 39 p. 

6. Acia Sanctorum Novembre^ t. I. 

7. L'Auteur unique des vies des saints Amat, Romaric, Adelphe et AmtUf, 
Liège, Demarteau, 1888, 80 p. 

8. Bruges, Desclée, 152 p. — Le 2* fascicule a paru en 1897. 



BELGIQUE. 375 

de M. J. Deselye sur l'école monastique d^Elnon^ est une œuvre 
sérieuse et le fruit de consciencieuses recherches. Nous y trouvons 
retracée l'histoire de cette école fondée dans Tabbaye de Saint- 
Amand-en-Puelle à la suite des décrets de Charlemagne; l'auteur 
nous donne beaucoup de détails très nouveaux sur les études lit- 
téraires, objet d'une prédilection spéciale de la part des moines de 
Saint-Amand, sur la dispersion des religieux par les Normands, sur 
la restauration de l'école au x** siècle. Nous trouvons en appendice de 
précieux catalogues de manuscrits rédigés au xii^ siècle et plusieurs 
documents inédits. M. A. Gauchib a fait revivre la curieuse physio- 
nomie d'un hérésiarque aujourd'hui oublié, Nicole Serrurier y augus- 
tin de Tournai, champion déterminé des ordres mendiants dans leur 
lutte contre le clergé séculier, condamné par le concile de Constance 
en 4448'. Il s'est occupé aussi des origines de la fameuse procession 
de la peste de Tournai^. 

M. Paul Frbdebicq a élucidé certains points de la biographie du célèbre 
Lambert le Bègue, ce prêtre liégeois, à qui Ton attribue la fondation 
des béguinages^; M. Van Wintkbshovepî a fait des recherches sur le 
plus ancien béguinage des Pays-Bas fondé, suivant la tradition, en 
4479 par Lambert^. Notons aussi une controverse intéressante entre 
MM. Paul Fredericq* et E. Van Even^ sur une hérésiarque braban- 
çonne du XIII* siècle, Blœmardinne. Elle prêchait une sorte de mys- 
ticisme sensualiste que le zèle apostolique de Ruusbroec ne parvint 
pas à déraciner. M. A. Gauchie nous a donné le résultat de cons- 
ciencieuses recherches sur la part prise à la querelle des investitures 
par le clergé des diocèses de Liège et de Cambrai^. M. J. Daris a ter- 
miné l'ouvrage considérable qu'il avait entrepris sur le développe- 

1. De schola Elnonensi Stmcti Amandi a sxculo IX ad sœculum XII. Lou- 
▼lin, Pectcrs, 1890, 209 p. 

2. Analecies pour servir à V histoire ecclésituiique de la Belgique, XXIV, 
tiré à part. Louyain, Peeters, 1893, 96 p. 

3. La Grande procession de Tournai. LouTain, Peeters, 1892, 187 p. 

4. Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3* série, XXIX, 1895. 

5. Noies et documents concernant l'ancien béguinage de Saint-Christophe y à 
Liège {An€Uectes pour servir à V histoire ecclésiastique de la Belgique, 
XXIII, 1892). 

6. L'Hérésiarque Blœmardinne (en néerlandais; Bulletin de l'Académie 
royale des Pays-Bas^ 3* série, XII). 

7. Bloemardinne, l'h&ësiarque bruxelloise et ses disciples jusqu'au XV* s. 
(en néerlandais; Bulletin de l* Académie royale flamande, X). 

8. La Querelle des investitures dans les diocèses de Liège et de Cambrai, 
Les réformes grégoriennes et les agitations réactionnaires. Le schisme. Loa- 
Tain, Peeters, 1890-91, 342 p. 



376 BULLETIN HISTORIQUE. 

ment de la civilisation liégeoise dans les siècles passés ^ Dans le 
premier en dale des quatre volumes que l'infatigable chanoine a fait 
paraître au cours de la dernière période décennale^ nous voyons 
exposée la période la plus agitée et la plus malheureuse de rhisloire 
de Liège, le xv* siècle, marqué par les guerres civiles, par les inva- 
sions bourguignonnes, par la destruction de la capitale et de Dînant, 
par les règnes sanglants de Jean sans Pitié et de Louis de Bourbon. 
D'autre part, Thisloire du diocèse présente un intérêt spécial par les 
nombreuses questions religieuses qui furent soulevées durant ce siècle 
où se prépara le travail réformateur du siècle suivant. C'est ainsi 
que nous trouvons dans ce volume beaucoup de renseignements 
curieux sur les rapports de Liège avec le concile de Bâle et sur l'éta- 
blissement dans la ville épiscopale d'un grand nombre de couvents 
et spécialement des Frères de la vie commune. En général, Fauteur 
apprécie avec une impartialité et une sincérité louables les fautes des 
princes-évêques et il ne cherche pas à dissimuler leurs écarts de 
conduite. On lui a cependant reproché d^être un peu trop indulgent 
pour le détestable Jean de Bavière. M. Daris nous a donné ensuite le 
résultat de ses recherches sur les origines de la principauté et du 
diocèse^. Il suit l'ordre des règnes jusqu'en l'an 4200. Ce nouveau 
livre témoigne, comme les précédents, d'une vaste érudition, mais il 
est d'une lecture fatigante à cause des multiples détails d'histoire 
pohtique, diplomatique et surtout religieuse qui y sont véritablement 
entassés. D'autre part, l'esprit critique y fait souvent défaut, et beau- 
coup de questions importantes, relatives aux premiers évêques, sont 
restées dans l'ombre. Un troisième volume est consacré au xiii® et au 
xrv^ siècle*. C'est l'époque troublée de Henri de Gueldre, d'Adolphe 
et d'Engelbert de la Marck, de Jean d'Arckel, d'Arnould de Horn, 
des émeutes fomentées par Henri de Dinant, de la fameuse paix de 
Fexhe de i3\ 6, de la guerre des Awans et des Waroux. L^histoire du 
diocèse est traitée avec une prédilection marquée, parfois aux dépens 
de Phistoire de la principauté. L'auteur a minutieusement exploré 
les archives liégeoises, mais le manque de notes rend les vérifications 
difficiles. Enfin M. Daris a couronné son œuvre de longue haleine 

t. Voy. le Bulletin belge de M. Paul Fredericq dans la Revue historique, 
XXXIV, 1887. 

2. Histoire du diocèse et de la principauté de Liège pendant le XV siècle. 
Liège, Demarleau, 1887, 712 p. 

3. Histoire du diocèse et de la principauté de Liège depuis les origines juS' 
qu'au XIIP siècle. Liège, Demarleau, 1890, 761 p. 

4. Histoire du diocèse et de la principauté de Liège pendant le XIII* et le 
XIV siècle. Liège, Deraarteau, 1891, 620 p. 



BELGIQUE. 377 

par une étude sur la carrière du dernier évêque de Liège, Théodore 
de Montpellier^ mort en 4879^ La partie la plus intéressante de ce 
travail est l'histoire des doctrines philosophiques et théologiques 
enseignées à Louvain vers i 860 par Laforêt, Tils, Lefebvre, Ubaghs, 
etc. Ce dernier, accusé de professer Tontologisme et le traditiona- 
lisme, fut déféré à la congrégation romaine compétente ; fut-il absous 
ou condamné? on ne saurait le dire après avoir lu M. Daris; ce qui 
est certain, c'est qu'on usa de procédés étranges à Tégard du philo- 
sophe louvaniste. Au cours de ce dernier ouvrage, Fauteur fait dans 
le domaine de la politique des incursions plus ou moins heureuses et 
oublie à certains moments qu'il prétend faire œuvre d'historien et 
non de polémiste. 

L'histoire de l'Inquisition dans notre pays est encore à faire. A part 
l'ouvrage insufOsant et prématurément vieilli d'AUmeyer sur les 
précurseurs de la Réforme, quelques bons articles d'Ed. Poullet dans 
la Revue générale, des notices de Duverger, et le livre de Claessens, 
dont nous parlerons plus loin, il n'y a que des fragments épars dans 
les œuvres d'auteurs belges. Personne jusqu'ici n'a exposé ex-pro- 
fesso l'action des placards et des inquisiteurs s'exerçant dans les 
vingt-sept provinces des Pays-Bas. Le sujet est très intéressant, mais 
d'une étendue à faire reculer les plus actifs chercheurs, d'autant plus 
que la plupart des documents sont encore inédits ou enfouis dans des 
collections peu explorées. Ce travail, M. Paul Fredericq Ta entrepris 
avec le concours de ses élèves. Deux volumes dlntroduction ont paru' 
et forment une importante collection de 648 documents datés de ^025 
à 4549, qui sont comme les pièces justiQcatives d'une histoire de 
l'Inquisition néerlandaise. Les auteurs ont dépouillé plus de 200 col- 
lections de monuments imprimés et une vingtaine de fonds inédits. 
Le tome I a fait ici même l'objet d'un compte-rendu détaillé par 
M. Ch. Mollnier^. Le tome II nous apporte des pièces de nature 
diverse : bulles pontiflcales, sentences des cours de justice laïques et 
ecclésiastiques, listes d'hérétiques livrés aux supplices ; des textes 
nouveaux concernant les béguines et les bégards, les danseurs 
et les flagellants, et les multiples sectes de la période de la démence 

1. Le Diocèse de Liège sous l'épiscopai de Mgr Th. de Montpellier. Liège, 
Demarteaa, 1892, 209 p. — M. Ad. Deivigne a complété et rectifié l'ouvrage de 
M. Daris dans son intéressante brochure : les Dodrines philosophiques de Lou- 
vain et les congrégations romaines^ 1834-1866. Vne page d histoire crmtempo' 
raine. Bruxelles, Schepens, 1892, 42 p- 

2. Corpus documentorum inquisilionis hxreticx pravitatis neerlandicx. 
Gand, Yuylsteke, t. I, 1889, 640 p.; t. Il, ibid., 411 p. 

3. T. XUII, 161-171 p. 



378 BULLBTnV HISTORIQUE. 

mystique du xiu* et du xiv* siècle. L'auteur y a joint beaucoup 
d'éclaircissements pleins d'intérêt. On a, de divers côtés, exprimé 
le regret de ce que M. Fredericq se soit servi de la langue néer- 
landaise^ qui n'est guère connue en dehors de la Belgique et de la 
Hollande, et ait ainsi rendu son remarquable ouvrage moins acces- 
sible à une grande partie du monde savant. 

M. Fredericq a ensuite procédé à la mise en œuvre de ses docu- 
ments. Dans son Histoire de r Inquisition aux Pays-Bas jusqu'à sa 
réorganisation som Charles-Quint^ il étudie les décrets portés contre 
les dissidents des Pays-Bas jusqu^à la fîn du xii® siècle et expose en 
détail les péripéties de la campagne menée par FÉglise pour obtenir 
le concours du bras séculier, complétant sur bien des points les tra- 
vaux de Ficker, Havet, Lea, etc. 11 n'avance rien qui ne soit claire- 
ment établi, et garde dans la discussion une mesure parfaite. 

Un élève de M. Fredericq, M. J. Frederighs, a fait connaître une 
secte assez ignorée, celle des Loïstes ou Libertins anversois*, qui 
compta de nombreux adeptes en Flandre et en Brabant, et dont les 
doctrines panthéistes furent dénoncées à la fois par les catholiques 
et par Luther lui-même comme dangereuses pour Tordre social. Le 
livre de M. le pasteur Heds est une œuvre de propagande religieuse, 
passablement passionnée, mais sans prétention scientiflque^. M. le 
chanoine Glaessens est aussi Pauteur d'une étude sur ^Inquisition^ 
qui témoigne de recherches étendues, mais qui n'est ni complète ni 
objective. L'écrivain expose d'ailleurs très franchement ses principes 
en cette matière : « Si l'Église n'a pas le droit de contraindre les infl- 
dèles à embrasser la foi en Jésus-Christ, elle possède un incontes- 
table droit sur ceux qui, s^étant soumis à son autorité par la récep- 
tion du baptême, violent la foi qu'ils ont acceptée; ceux-ci peuvent 
être obligés par des moyens matériels d'accomplir ce qu'ils ont 
promis. » 

Nous devons à M. de Schrevbl un travail considérable, fait avec 
beaucoup de soin d'après les documents des archives, sur VUistoire 
des premières années du séminaire de Bruges *, érigé presqu'en même 

1 . Geschiedenis der InquisUie in de Nederlanden tat aan hare herinrichting 
onder Keizer Karel V (1025-1520). Gand, Vuylsteke, 1892, 114 p. 

2. De secte der LoUten of antwerptche Libertynen (1525-1545). Gand, Vuyls- 
teke, 1891, 64 p. 

3. Histoire de l'intolérance, de l'inquisition et de la liberté en Belgique. 
Bruxelles, Bouton, 1895, 403 p. 

4. L'Inquisition et le régime pénal pour la répression de Vhérésie dans Us 
Pays-Bas. Turnhoul, Spiichal, 1887, 325 p. 

5. Annales de la Société d'émulation pour l'histoire et les antiquités de la 
Flandre, t. XXXVIII, tiré à part. Bruges, de Piancke, 977 p. 



BELGIQUE. 379 

temps que l'évèché, et une étude sur les Troubles religietix du 
XVI* siècle au quartier de Bruges^. On y voit un curieux mémoire 
jusliûcatif adressé au roi d'Espagne parle magistrat de Bruges, après 
les excès dont la Flandre fut le théâtre en ^566-4568. Â la même 
période se rattache l'histoire de la ville de Gand pendant la domina- 
tion calviniste^, de M. E. Aelbrbcht. M. G. Rahlenbeck a utilisé des 
documents inédits sur l'histoire, encore assez peu claire, de la 
réforme dans le pays de Namur^. Il s'est. occupé également des pro- 
testants de Valenciennes ^ et des réformés flamands réfugiés en 
Angleterre*. 

C'est aussi après des recherches poursuivies avec patience dans les 
dépôts d'archives que M. l'abbé Stoure.n a écrit la curieuse Histoire 
de f ancien ban d'Olne et de la domination des Calvinistes dans ce 
territoire^, La paix de Weslphalie ayant laissé indécise la possession 
de Dalhem, dont Olne était une dépendance, les États généraux de 
Hollande y envoyèrent des troupes qui protégèrent les Protestants et 
firent subir aux Catholiques beaucoup de petites vexations. Il s'établit 
cependant un modus vivendiy et même depuis ^649 jusqu'en 4848 
l'église servit simultanément aux deux cultes -, il est vrai que ce ne 
fut pas sans froissements et sans récriminations de part et d'autre. 
Le synode évangélique belge a publié un Liber memarialis'' qui con- 
tient des notices historiques consacrées par les pasteurs aux origines 
et aux vicissitudes des églises protestantes wallonnes et flamandes 
depuis le xvi** siècle jusqu'à nos jours. 

Un intéressant débat s'est produit au sujet du testament spirituel 
de Jansénius*. Faut- il admettre l'authenticité de ce testament 
publié par Galenus et Fromondus en tête de VAugustintis? Feu 

1. Annales de la Soc. démxd. pour Vhist, de la Flandre, t XXXVIII, 515 p. 

2. Gent onder de Calvinisten van de eerste protestante predikingen tôt 
aan de overgaaf der stad aan Alexander van Par ma die den katholischen 
godsditnst herttelde, Gand, Siffer, 1894, 129 p. 

3. Les Gueux namurois {Revue de Belgique, 2e série, XV). 

4. Les Chanteries de Valenciennes. S. 1. n. d., 68 p. 

5. Notes sur les réformés flamands et wallons du XVI* siècle en Angleterre, 
Lymington, King, 1892, 123 p. 

6. Bulletin de la Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège, VII, tiré à 
part. Liège, Grandroont, 1892, 218 p. 

7. Célébration du jubilé cinquantenaire du synode évangélique de Belgique, 
Bruxelles, Verhavert, 1890, 450 p. 

8. JanseniuSf évéque d Ypres. Ses derniers moments, sa soumission au Saint- 
Siège, d'après des documents inédits. Étude de critique historique par des 
membres du séminaire d^histoire ecclésiastique établi à l'Université catho^ 
lique de Louvain, Louvain, Vao Lintliout, 1893, 228 p. 



380 BULLETIN fllSTORÎQUB. 

M. Alph. Van dën Pëereboom, dans le lome VI de ses Ypriana, 
avait soutenu que non, et son opinion avait prévalu. Les élèves 
du séminaire d'histoire ecclésiastique de l'Université de Louvain 
ont repris l'étude de la question et se sont livrés à un immense 
travail de recherches dans les archives d'Ypres, de Malines et 
de Bruxelles, ainsi qu'à une critique très serrée des témoignages 
contemporains. Ils rejettent la conclusion d'Alph. Van den Pëere- 
boom et ils produisent un témoignage nouveau, celui de la reli- 
gieuse qui soigna Jansénius jusqu'à sa mort. Peut-être exagèrent-ils 
même l'importance de cet élément introduit dans le débat ; en effet, 
la garde-malade atteste que l'évêque a tracé quelques lignes en tête 
du manuscrit de YAugustinm, mais elle ne connaît ni la lettre ni le 
sens de cet écrit suprême dont l'original n'a d'ailleurs jamais été pro- 
duit. D'autre part, les auteurs ont vraiment abusé de la conjecture, 
leur argumentation est parfois d'une subtilité extrême et elle dégé- 
nère à certains moments en un plaidoyer où l'on pourrait relever des 
contradictions. Malgré son incontestable mérite, l'œuvre n'est pas 
déQnitive. Il y a une partie faible, c'est celle où Ton étudie les senti- 
ments intimes de Jansénius à divers moments de sa carrière. 

M. J. KùxTziGER* a mis en relief, avec beaucoup d'érudition, 
l'influence considérable que les doctrines de Fébronius exercèrent 
sur l'esprit de Joseph II et la place importante que les écrits du 
sufl*ragant de Trêves occupèrent dans les débats théologiques du 
xviii* siècle. 

Le livre de M. A. Teis^ donne beaucoup de détails intéressants 
sur les persécutions que subit le clergé anversois pendant le gouver- 
nement du Directoire. Les recueils de MM. Ttck^ et Vos^ abondent 
en renseignements utiles sur l'histoire ecclésiastique de la Belgique 
pendant l'époque contemporaine. M. le chanoine Barbier s'est ^it 
une spécialité des recherches sur les anciennes abbayes du Namurois. 
Parmi les contributions de réelle valeur qu'il a fournies à Thistoire 
monastique, nous citerons les histoires du Chapitre de Sclayn^^ du 



1. Fébronius et le Fébronianisme {Mémoires de V Académie royale de Bel^ 
gique, coU. in-8°, XLIV, tiré à part Bruxelles, Hayez, 1889, 240 p. — Voy. 
Revue historique, XLII, 175). 

2. De geestelijkheid van Àntwerpen in 1798-1799 {le Clergé d'Anvers en 
1798-1799). Anyers, Kennes, 1894, 238 p. 

3. Notices historiques sur les congrégations et communatUés religieuses de 
la Belgique au XIX* siècle. Louvain, Peeters, 1892, 415 p. 

4. Le Clergé du diocèse de Tournai depuis le Concordat de ISOi jusqu^à 
nos jours. Braine-le-Comte, Zech, 1887-1893, 5 vol., 216-340-359-307-315 p. 

5. Namur, Delvaux, 1889, 386 p. 



BELGIQUE. 384 

Monastère de Géronsart ^^ de V Abbaye de Malonne^, de V Abbaye de 
Floreffe^. Viennent ensuite ThisLoire de Tabbaye de Tongerloo*, par 
M. VA?f Spilbeeck, qui est fatigant à force d'enthousiasme continu, 
et qui exagère quelque peu l'importance, réelle du reste, du rôle que 
cette abbaye a joué dans Thistoire de la Belgique; puis les Études 
sur l'abbaye de Waulsort^, de M. L. Li Haye, qui ont amené une 
controverse très animée entre Fauteur et M. Sackur. On y reconnaît 
de sérieuses qualités de plan et de méthode, mais Tauteur a puisé 
des textes dans des éditions fautives, ce qui Ta conduit à de regret- 
tables erreurs d'interprétation. Puis encore Thistoire de Tabbaye 
bénédictine d'ÂRlighem, par M. D. Bernard^, et celle de Wevelghem, 
par M. CouLON^. 

Le bénédictin Dom Berlière est Fauteur d'une longue série de tra- 
vaux d'histoire religieuse dont les principaux sont : une Dissertation 
chronologique sur le fondateur de l'abbaye de Brogne^^ où il dis- 
cute les travaux de Schultze, Sackur et Holder-Egger ; P Ordre béné- 
dictin en Belgique^ réformes des XV* et XVI* siècles^ ; Mathieu 
Moulart, abbé de Saint-Ghisloin et évêque d'Arras^^^ avec beaucoup 
de détails nouveaux sur le gouvernement de Don Juan, les revendi- 
cations des Malcontents, sur l'histoire intérieure de la célèbre abbaye 
et les rivalités ambitieuses des moines ; la Congrégation bénédictine 
des exempts de Flandre ^^ y qui expose les réformes introduites par 
l'action du concile de Baie. M. J. Halki.x a également fait des 
recherches sur l'histoire d'un important prieuré clunisien, celui de 
Saint-Séverin-en^Condroz **. M. V. Van der Haeghen a recueilli plu- 
sieurs centaines de pièces d'archives qui contiennent presque toute 
Y Histoire du couvent de Ten- Walle et de V abbaye dite du Grœnen- 
Brilj à Gand^^. Nous citerons aussi V Histoire des Franciscains à 



1. Narour, Douxfils, 1886, 360 p. 

2. Ibid., Delvaux, 384 p. 

3. Ibid., 2 ?ol., 548, 384 p. 

4. De abdij van Tongerloo. Louvain, Peeters, 1889, 657 p. 

5. Namur, Wesmael, 1890, 350 p. 

6. Geschiedenis der benedictynen von Af/Ughem. Gand, Siffer, 1891, 382 p. 

7. Histoire de Wevelghem et de ton ancienne abbaye, Broges, De Haeoe, 
1890, 378 p. 

8. Revue bénédictine de l'abbaye de Maredsous, IX, 1892. 

9. Ibid., XI, 1894. 

10. Ibid., XI. 

11. Ibid., XII, 1895. 

12. Bulletin de la Commission royale d'histoire, 5* série, IV. 

13. GaDd, Annool, 1888, 370 p. 



$82 BULLimi HISTORIQUE. 

Malines\ de M. Viiv Puthbroegk; une étude de M. G. Toussaiht sur 
Wibald, abbé de Stavelot , du Mont-Cassin et de la Nouvelle-Corbie * ; 
des recherches sur V Établissement de la Compagnie de Jésus aux 
Pays-Bas^, par 0. P. et par le P. Delplace* ; les tomes XIV et XV 
des Notices historiques sur les églises du diocèse de LiègCy de M. J. 
Daris'; V Histoire de V église collégiale Saint-PatU, à Liège ^ de 
M. TfliMisTER*-, V Histoire du chapitre de Tongres, de M. Thts^, très 
touffue, mais très complète, et dont nous noterons un chapitre remar- 
quable sur la réforme du xyi® siècle ; l'Histoire du chapitre noble de 
Nivelles^ de M. J. FRES0?f®, et celle du Chapitre noble de Sainte^ 
Beyge, à Andenne, par le baron Misson* ; enfin V Histoire des Réeol- 
lets, du P. Mets*^, et la monographie de M. Hutijt sur l'abbaye de 
Carlsbourg^ autrefois Saussure ^^. 

Histoire militaire. — Une intéressante controverse s'est élevée au 
sujet de la bataille de Gourtrai, au ii juillet ^302, entre MM. Fungk- 
Brentaxo**, PiREiNNE*^ et J. Frederichs**. Elle nous a valu une série 
d'études critiques de haute valeur sur Timportance relative des 
sources de Thistoire flamande au xiii^ et au xiv^ siècle. Le général 
Henrard a écrit l'histoire détaillée du célèbre siège d'Ostende, de 4601- 
4604, et y a fait preuve d'une double compétence militaire et histo- 
rique. Il a utilisé les écrits des contemporains en les contrôlant sans 
cesse au moyen des archives, et spécialement des papiers d*État et 

1. De Franciscanen te Mechden. Gand, Hemelsoet, 1895, 420 p. — Da même 
auteur, une étude sur les Franciscains gantois : Eenige bladzijden uit de 
geschiedenis van het voormalig franciscanen Kloosier te Gent^ 1224-1788. 
Ibid., 352 p. 

2. Namur, Delvaux, 1892, 161 p. 

3. Précis historique, XXXII, tiré à part. Bmxelies, Yroroant, 1886, 114 p. 

4. L'Établissement de la Compagnie de Jésus à Tournai dans le courant du 
XVI* siècle, et son travail de propagande contre la Réforme, Ibid., XL, tiré 
à part. Ibid., 1891, 174 p. 

5. Liège, Deraarteau, 1893-95, 245, 230 p. 

6. Liège, Grandmont, 1891, 655 p. 

7. Annales de V Académie d'archéologie de Belgique, XLIII, XLIV, tiré à 
part Anvers, De Hacker, 1889, 2 Yoi., 566 et 579 p. 

8. Nivelles, Guignardé, 1890, 455 p. 

9. Namur, Delvaux, în-4*, 633 p. 

10. Geschiedenis van de orde der Minderbroeders, Gand, SiiTer, 1893, 256 p. 

11. Aiost, Procure des Frères, 1893, 435 p. 

12. A la séance de l'Académie des inscriptions da 16 janvier 1891. 

13. £a Version flamande et la version française de la bataille de Courtrai 
{BuUetin de la Commission royale é^histoire, 5* série, I, tiré à part. Bruxelles, 
Hayez, 1892, 39 p.). 

14. Les derniers travaux sur l'histoire et f historiographie de la baUUUe de 
Courtrai {Messager des sciences historiques, LXVn). 



BELGIQUE. 383 

de Taudience conservés à Bruxelles ^ M. le colonel Moiynier a décrit 
la Bataille de Fleurus^, du 29 août ^622, et le Combat de Leuze\ 
du ^9 septembre 4694. M. J. Poswick a fait paraître sur V Histoire 
des troupes liégeoises pendant le XV IW siècle^ un ouvrage consi- 
dérable, rédigé d'après les documents des archives de Liège et de 
Vienne. Nous devons citer aussi V Histoire des bataillons de tirail- 
leurs francs en Belgique^ de M. le major Cuvëlieb, dont les révéla- 
tions au sujet de Tindiscipline de certains corps belges pendant les 
campagnes de 4830-4834 laissent une impression pénible^ et qui 
contient d'utiles leçons. Enfin VHistoire de l'École militaire de 
Belgique^, parle commandant Déguise^ caractérise avec une parfaite 
compétence renseignement et les méthodes de cet établissement et 
met en lumière l'action qui y a été exercée par des hommes émi- 
nents comme Ghapelié, Liagre et Brialmont. 

Histoire écoxoMiQOE et financière. — M. P. Errera^ a consacré 
deux volumes à des recherches sur quelques vestiges de formes 
anciennes de la propriété en Belgique, et il a découvert des traces 
nombreuses d'anciennes propriétés collectives. M. N. Van Wèryekb 
a étudié les Finances de la ville de Luxembourg pendant le règne 
de Philippe leBon^, Le travail de M. Helns^ nous fournit un grand 
nombre de renseignements puisés aux meilleures sources sur le com- 
merce, Tindustrie et la population des villes de Bruxelles, Anvers, 
Gand et Liège depuis le xv*" siècle jusqu'au xviii^. Une communica- 
tion de M. G. PioT*^ à la Commission royale d'histoire expose lex 
Relations qui existèrent entre les Pays-Bas et la Hanse teuto- 
nique au XVP siècle. Nous mentionnerons aussi quelques études 
intéressantes sur les anciennes corporations^ comme celle de 
M. P. DoNNET sur les Raffineurs de sucre à Anvers du XV^ au 
XIX* siècle^^, de M. E. Gbudens sur la confrérie des merciers*^, et 

1. Histoire du siège d*Ostende, 1601-1604. Bruxelles, Falk, 1891, 148 p. 

2. Charleroi, Van Hoider, 1892, 51 p. 

3. Tournai, Blanquart, 170 p. 

4. Liège, Graadmont, 1894, in4% 221 p. 

5. Bruxelles, Deprez, 1894, 208 p. 

6. Bruxelles, Polleunis, 1895, 343 p. 

7. Les Masuirs. Bruxelles, Weissembruck, 1891, 2 toL, 545-320 p. Voy. aussi 
l'excellente dissertation de M. P. Errera sur les Waréchaix {Annales de la 
Société archéologique de Bruxelles, Vlll, 1894). 

8. Publications de l'Institut historique du Luxembourg, XLIV, 1895. 

9. Les Étapes de l'histoire sociale des quatre grandes villes de la Belgique 
{Revue de Belgique, Xni, XIV), Uré à part. Gand, Heins, 1893, 148 p. 

10. BuUeiin de la Commission royale d'histoire, 5« série, V, 1895. 

11. Anvers, Engels, 1892, 93 p. 

II. Het Hoofdambacht der Meerseniers. Angers, Delamontagne, 1892, 180 p. 



384 BULLETIN HISTORIQUE. 

surtout les travaux consciencieux et complets de M. J. Halkin sur la 
culture de la vigne et le métier des vignerons ^ M. A. Wnrs a écrit 
une monographie très complète de la Connétablie des boulangers de 
Mons^; il connaît bien les sources et sait les utiliser, mais il pèche 
un peu par Penthousiasme et n'aperçoit pas assez les défauts du sys- 
tème corporatif. M. G. Crutzen a vu plus clair dans sa solide étude 
sur les Principaux défauts du système corporatif dans les Pays-Bas 
autrichiens à la fin du XVI [ h siècle^; il analyse, avec beaucoup de 
sagacité, les causes multiples qui ont fdli supprimer Torganisation 
ancienne et décrété la liberté du travail. M. L. Righald a publié une 
vaste étude de statistique sur les recettes et les dépenses de la ville 
de Bruxelles, de ses faubourgs et des chefs -lieux des provinces 
belges^. Nous signalerons aussi V Histoire du commerce et de Vin' 
dustrie en Belgique depuis les temps les plus reculés jusque à Véman* 
cipaiion de Charles-Quint^^ de M. P. Hutbrechts. 

Histoire coloniale. — M. E. Baxning^, un des collaborateurs les 
plus distingués du roi Léopold II dans Tœuvre africaine, a exposé 
en détail Tœuvre du Congrès de Berlin auquel il prit part. Son livre 
est une vraie mine d'informations vérifiées avec Texactitude la plus 
scrupuleuse. Nous devons mentionner aussi VHistoire de l'établis^ 
sèment des Anversois aux Canaries au XVI* siècle, par M. F. Doîf- 
net ^. On y trouve surtout à propos d'histoire coloniale beaucoup de 
détails biographiques et généalogiques et la rectification de nom- 
breuses légendes créées par la vanité des familles. 

Histoire des lettres, des sciences et des beaux-arts. — Lbttrbs. 
— Le mémoire de M. Auger, couronné par PAcadémie, nous initie à 
révolution de la Mystique dans les Pays-Bas au moyen âge^. L'au- 

1 . Étude historique sur la culture de la vigne en Belgique {Bulletin de la 
Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège, IX), Uré à part. Liège, Grand- 
mont, 1895, 146 p. — Le Bon métier des vignerons de la cité de Liège et le 
métier des vignerons et cotteUers de la viUe de Namur. Liège, VaUlant-Car- 
monae, 1895, 126 p. 

2. Mémoires de la Société des sciences, des arts et des lettres du HainatU, 
5* série, VII, Uré à part Mons, Dequesne, 1894, 151 p. 

3. Revue de Vinstruction publique en Belgique, XXX, XXXI, tiré à part. 
Gaadf Van der Haeghen, 64 p. 

4. Les Finances communales en Belgique, Bruxelles, Rosez, 1892, 4 toI., 
120-156-150-162 p. 

5. Bruges, Maertens, 1888, 236 p. 

6. Le Partage politique de V Afrique d'après les transactions intemoUo-- 
nales les plus récentes, Bruxelles, Falk, 1888, 181 p., traduit en allemand par 
le D' Pfungst : Die polUische Theilung Afrika's. BerUn, Walther, 1890, 210 p. 

7. Anvers, De Backer, 1895, 219 p. 

8. Mémoires de V Académie royale de Belgique^ coll. in-8% XL VI, tiré à part, 
Bruxelles, Hayez, 1892, 353 p. 



BELGIQUE. 385 

leur scrute d'une manière approfondie la vie et les œuvres des chefs 
de récoie, tels que J. de Ruysbroeck, Rupert de Deutz, Hugues de 
Saint-Victor, Gérard Groote, Thomas de Gantimpré, Thomas à Kem- 
pis, etc. M. De Wulf, dans un mémoire également couronné par 
l'Académie V s'est attaché à mettre en relief Tinfluence exercée sur 
le mouvement des esprits par des maîtres tels que Henri de Gand^ 
Pierre et Georges de Bruxelles, DuUaert, etc., et il a exposé très 
clairement Taction, sur les études philosophiques, de la Renaissance, 
des luttes religieuses du xvi* siècle, des doctrines cartésiennes, de 
renseignement des Jésuites, etc. M. G. Mo:vchamp a retracé d'une 
manière complète VHistoire du Cartésianisme en Belgique^. Il n'a 
pas borné ses recherches aux ouvrages philosophiques et théolo- 
giques du xYii*' et du xviii'' siècle; il a notamment exhumé les thèses 
défendues à TUniversité, dans les cloîtres et au séminaire de Liège, 
ce qui fournit une intéressante contribution à Thistoire générale des 
doctrines cartésiennes. Un des cartésiens belges les plus distingués 
fut Louis Geulincx; M. V. Van der Haeghen^ lui a consacré une 
solide monographie qui contient beaucoup de choses neuves sur le 
mouvement scientifîque à Louvain et à Leyde durant le xyii« siècle. 
Il ne nous reste guère de chansons historiques antérieures aux 
troubles de la Réforme, une centaine au plus. M. P. Fredericq^ a 
montré comment elles contribuent à faire comprendre les mœurs, 
les idées et les aspirations du peuple des Pays-Bas au moyen âge. 
M. P. NàvB a consacré un beau livre à la Renaissance des lettres et 
r essor de V érudition ancienne en Belgique^, l\ s'y trouve des cha- 
pitres particulièrement suggestifs sur Érasme, Thomas Morus et 
I humaniste Nicolas Cleynaerts. Nous devons à M. A. Hamelius une 
Histoire politique et littéraire du mouvement flamand^ y où Ton 
pourrait relever certaines lacunes et certaines inexactitudes de détail ; 
mais elle rend bien compte de la grave question de l'emploi des 

1. Histoire de la philosophie scoUutique dans les Pays-Bas et la princi- 
pauté de Liège jusqu'à la Révolution française (Mémoire de l'Académie 
royale de Belgique, coîl. ia-8% LI), tiré à part. Bruxelles, Hayez, 1894, 404 p. 

2. Mémoires couronnés de l'Académie royale de Belgique, coll. in-8*, XL. 
Bruxelles, Hayez, 1896, 691 p. 

3. L. Geulincx, sa vie et ses ouvrages, Gand, Hoste, 1886, 230 p. 

4. Onze historische volksliederen van voor de godsdienstige beroerten der 
XVI* eeuw {Nos Chansons populaires historiques avant les troubles religieux 
du XVI* siècle), Gand, Yuylsteke, 1894, 120 p. — La Chanson historique en 
langue néerlandaise dans les Pays-Bas avant les troubles religieux du 
XVI* siècle {Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3- série, XXVII). 

5. LouTain, Peeters, 1890, 440 p. 

6. Bruxelles, Rosez, 1894, 239 p. 

RbV. HlSTOR. LXV. 2« FA8G. 25 



$S6 BULLETIN HISTOEIQCB. 

langues qui a donné lieu en Belgique à tant de débats passionnés. 

Sciences. — M. A. Srf?ART * a fait connaître la poursuite et la 
condamnation, par les autorités académiques de Louvain^ d'un pro- 
fesseur d'astronomie, Martin Van Velden, qui, en ^69^ , avait soutenu 
publiquement le système de Galilée. Pour éviter de nouveaux désa- 
gréments, Van Velden dut enseigner la théorie du mouvement des 
planètes autour du soleil, en affeclant de ne plus y comprendre la 
terre. M. G. Monchamp^ a complété et rectifié, en certains points, 
M. Stévart. Il a établi que, si le rôle des congrégations romaines a 
été malheureux, le xyu* siècle n'a cependant pas été pour nos pro- 
vinces une période de complète torpeur intellectuelle. Le même éru- 
dit a publié le texte de la lettre du nonce de Cologne^, Garafa, signi- 
fiant aux professeurs de sa circonscription la condamnation de 
Galilée et leur défendant d'enseigner encore les doctrines copemi- 
ciennes. D.-L. Jannssens^ est revenu sur le même sujet. D'autre 
part, M. G. Monchamp' a fourni une intéressante contribution à 
l'histoire intellectuelle des Pays-Bas en nous faisant connaître les 
rapports épistolaires du grand Huygbens avec Grégoire de Saint- Vin- 
cent, de Sarasa, Hesius et autres savants belges du xviii® siècle. 

Beaux-Arts. — Le travail le plus important publié sur l'histoire 
des beaux-arts depuis ^ 886 est, sans contredit, VŒw)re de Rubens^^ 
par M. Max Rooses, qui comprend plusieurs centaines de monogra- 
phies consacrées chacune à un tableau. L'auteur y fait preuve d'un 
sens artistique pénétrant et d'une érudition prodigieuse; il s'est 
borné à faire un catalogue scientifique et ne s'est pas assigné pour 
but d'apprécier l'œuvre générale du maître, ni de faire ressortir son 
influence sur PÉcole flamande. Nous devons au même écrivain un 
mémoire, couronné par TAcadémie, sur Plantin et l'imprimerie 
piantinienne'^ ; le Musée Plantin^ fait Tobjet d'une étude intéres- 
sante par M. RossEEL. M. J. Helbig s'est acquitté avec beaucoup de 
distinction de la tâche difficile de retracer la vie et les travaux de 

1. Copernic et Galilée devant V Université de Louvain. Procès de Martin- 
Etienne Van Velden, Liège, Vaillant, 1891, 213 p. 

2. Galilée et la Belgique. Essai sur les vicissitudes du système de Copernic 
en Belgique au XVIP et au XVIII* siècle. Saint-Trond, Moreau, 1892, 422 p. 

3. Notification de la condamnation de Galilée, datée de liège le 20 Mp- 
tembre 1633, publiée par le nonce de Cologne. Ibid., 1893. 

4. Galilée et la Belgique [Revue bénédictine, IX, 1892). 

5. Les Correspondants belges du grand Huygens {Bulletin de l* Académie 
royale de Belgique, 3« série, XXVII, 1894). 

6. Anvers, Maes, 1886-1892, 5 vol. in-4*, 410, 400, 430, 425, 470 p. 

7. Plantijn en de plantijnsche drukkerij, Anvers, Buschmann, 2* éd., 206 p. 

8. Het Huis van Christoffel Plantijn, Anvers, Maes, 1886, 156 p. 



BELGIQUE. 387 

Lambert Lombard, peintre et architecte (4 505-4 566); nous disons 
tâche difficile : en effet, il ne reste aujourd'hui de cet artiste fameux 
que de rares tableaux, quelques dessins, études et esquisses*. M. Hel- 
big a fhit paraître aussi une deuxième édition de sa remarquable 
Histoire de la sculpture et des arts plastiqtAes au pays de Liège ^. 
Citons aussi l'importante étude de M. H. Htmans sur Lucas Voster- 
man^. Enfin parmi les livres consacrés à Thistoire des arts indus- 
triels, qui attire de plus en plus Tattention des archéologues, nous 
devons une mention à la consciencieuse monographie de M. E. Soil : 
les Tapisseries de Tournai^ les tapissiers et les haute-lisseurs de cette 
ville. Recherches sur l'histoirCy la fabrication et les produits des 
ateliers de Tournai*. 

Archéologie. — Les revues des sociétés provinciales contiennent 
de nombreuses dissertations sur des points de détail. On trouvera un 
intéressant tableau des études archéologiques en Belgique depuis 
4830 dans le mémoire du lieutenant général P. Wauveemins'. Les 
travaux de M. H. Sghuermins sur les Verres façon de Venise fabriqués 
aux Pays-Bas et sur les Verres à courses de char de Couvin^ révèlent 
une profonde érudition. On a déterré à Tabbaye de Villers, en 4894, 
des ardoises couvertes de caractères du xiii** siècle, sur lesquelles, 
entre autres curiosités, on a déchiffré des instructions sur la manière 
de faire marcher les clepsydres du monastère. M. Sheridar a com- 
menté ces inscriptions avec beaucoup de sagacité^. M. le chanoine 
E. REUSB!<fs a fait paraître en 4886 une nouvelle édition de son excel- 
lent Manuel d'archéologie chrétienne^. 

Gé^rfALOGiB ET Héraldique. — Nous relevons sous cette rubrique 
quelques travaux de valeur : Pt^rr^ l'Ermite et la famille Lhermite 
éTAnvers^j par M. F. Doiyptet, qui passe au crible d'une critique 
impitoyable les prétentions généalogiques et nobiliaires d'une famille 
anversoise^ qui se déclare issue de Pierre TËrmite; V Armoriai ancien 



1. Bruxelles, Baertsoeo, 1893, 209 p. 

2. Bruges, Desclée, 1893, gr. in-4% 212 p. 

3. Bruxelles, Bruyiant, 1893, gr. in-4% 270 p. 

4. Tournai, Vasseur, 1892, 460 p. 

5. Le Cinquantenaire de l'Académie d'archéologie de Belgique {Annales de 
l'Académie d'archéologie de Belgique, XL Vil). 

6. Bulletin des Commissions royales d'art et d: archéologie, XXXÎl , tiré 
à part. Bruxelles, Gobbaerts, 1893, 175 p. 

7. Les inscriptions sur ardoise de rabbape de ViUers (Annales de la Société 
archéologique de Bruxelles, IX). 

8. Louvain, Peeters, 2 vol., 576, 622 p. 

9. Aovers, De Backer, 1893, 102 p. 



388 BULLETIN HISTORIQinS. 

et moderne de la Belgique* de M. J. Bosmans, qui fourmille malheu- 
reusement d'omissions, d'inexactitudes et de descriptions fautives; 
V Histoire généalogique de la maison de Diesbach^^ par M. dé Ghel- 
LiNCK ; les Armoiries des chevaliers de la Toison-d'Or^, par M. Alb. 
Dutry; le Dictionnaire des figures héraldiques* ^ de M. de Renesse, 
en cours de publication; et surtout la remarquable Histoire généalo- 
gique de la maison de Rumigny^Florennes^ de M. Roland. Citons 
encore V Annuaire de la noblesse belge ^, qui paraît depuis un demi- 
siècle et qui contient de nombreuses notices sur les principales 
familles du pays. 

NnmsMATiQUE. — Cette précieuse science auxiliaire de l'histoire a 
fait l'objet de travaux de mérite. La Revue belge de numismatique y 
qui est arrivée à son dixième volume, publie beaucoup d'articles 
sérieux sur des matières d'ordre secondaire. Nous devons mention- 
ner avec éloge l'ouvrage considérable de M. de Witte sur V Histoire 
monétaire des comtes de Louvain, ducs de Brabant et marquis du 
Saint-Empire romain"^; l'auteur y fait preuve de vastes connais- 
sances techniques; il étudie spécialement les affinités qui existent 
entre les monnaies et les sceaux. Le baron de Chestret de Haneffb 
a résumé, dans un livre magistral, toute la Numismatique de la 
principauté de Liège^, depuis ses origines jusqu'à la fin de l'ancien 
régime. Il donne des détails abondants et inédits sur la législation, 
le poids et le titre des espèces, la fabrication, sur la vie des graveurs, 
et il a eu l'heureuse idée de rattacher l'histoire monétaire à l'histoire 
générale du pays. 

Géographie. — M. Gh. Ruelens a entrepris de rééditer VAtlas des 
villes des Pays-Bas au xvi® siècle de Jacques de Deventer; chaque 
localité fait l'objet d'une notice très soignée, due à un spécialiste. 
C'est ainsi, pour n'en citer qu'une, que l'étude de M. Gilliodts Vapc 
Severeiv sur Bruges^ abonde en renseignements inédits puisés aux 
meilleures sources et intéressant à la fois l'histoire, l'archéologie, la 
numismatique, etc. M. Alph. Wauters a poursuivi l'œuvre considé- 



1. Bruxelles, Bosmans, 1889, 800 p. 

2. Gand, SiflFer, 1889, in-foL, 474 p. 

3. Ibid., 1889, 107 p. 

4. Bruxelles, Schepens, 1892-97, 1500 p. 

5. Annales de la Société archéologique de Namur, XVII, Uré à part. Namur, 
Wesmael, 1891, 246 p. 

6. Bruxelles, Mosmans, 1896, 50* année, 490 p. 

7. Anvers, De Backer, 1894, gr. in-4', t. I, 214 p. 

8. Bruxelles, Hayez, 1. 1, 1888, in-4% 249 p.; t. Il, 1890, 466 p. 

9. Bruges ancienne et moderne^ tiré à part. Bruxelles, Falk, 1891, 81 p. 



BELGIQUE. 389 

rable qu'il avait commencée ayec la collaboration de feu J. Tarlier 
sur la Géographie et Vhistoire des communes belges, La monogra- 
phie du Canton de Léau* a été rédigée d'après des documents de 
première main et présente un intérêt historique réel. Le lieutenant 
général P. Wadtermins a publié un Essai sur l'histoire de Vécole 
cartographique anversoise au XV [^ siècle* qui, à côté de choses inté- 
ressantes et neuves, contient beaucoup de digressions et d'affirma- 
tions hasardées. Le travail du général Hennbquin est d'une bien autre 
valeur^. Notons aussi le très utile Dictionnaire encyclopédique de 
géographie historique du royaume de Belgique* de MM. Jourdain, 
Va?i Stalle et db Heusch. Nous devons citer enfin deux bons dic- 
tionnaires provinciaux : le Dictionnaire géographique^ historique, 
archéologique^ biographique et bibliographique du Hainauty par 
M. Bernier', et les Communes de la province de Liège^ par le baron 
A. DE Rtciel^'; tous deux contiennent d^excellentes notices histo- 
riques. 

Bibliographie. — M. F. Vaiv der Haeghen a entrepris une histoire 
de rimprimerie dans les Pays-Bas. La Bibliotheca belgica doit com- 
prendre la description de tous les livres imprimés dans les Pays-Bas 
au x?** et au x?i® siècle, ainsi que celle des principaux ouvrages 
publiés depuis ^600 jusqu'à nos jours. Il y joindra même les livres 
importants publiés à l'étranger, mais écrits par des Belges ou des 
Hollandais, de même que les ouvrages concernant les Pays-Bas, 
imprimés en dehors des limites de l'ancienne monarchie des ducs de 
Bourgogne et de Charles-Quint, enfin la bibliographie des impri- 
meurs néerlandais établis à l'étranger. On a pu craindre au début 
que le plan de cette publication fût trop vaste, que les forces de 
M. F. Van der Haeghen et de ses éminents collaborateurs MM. Arxold 
et Van den Berghe trahissent leur courage. Heureusement, il n'en 
a pas été ainsi : cent quarante et une livraisons ont paru^ avec une 
parfaite régularité. Toutes les éditions des ouvrages de chaque 
auteur sont décrites avec un soin et une érudition qu'on ne trouve 

1. Bruxelles, Hayez, 1887, 243 p. 

2. Bulletin de la Société de géographie d Anvers, XVI- XVII, tiré à part. 
Anvers, 1894, 273 p. 

3. Étude historique sur V exécution de la carte de Ferraris et l'évolution de 
la cartographie en Belgique depuis la publication de la grande carte de 
Flandre de Mercator (1549) jusqu'à ces derniers temps, Bruxelles, Van der 
Auwera, 1891, 132 p. 

4. Bruxelles, Bruylant, 1894-95, 2 toI., 736, 814 p. 

5. Mons, Monceaux, 1891, in-4*, 604 p. 

6. Liège, Demarteau, 1892, 664 p. 

7. Gand, Van der Haeghen. 



390 BULLETIN HISTOEIQUB. 

jamais en défaut ; une biographie souvent détaillée et neuve en bien 
des points y est jointe. Plus Tœuvre avance, et plus elle acquiert de 
valeur; les articles consacrés ajuste Lipse, aux martyrologes pro- 
testants, à Érasme, sont de véritables livres pour lesquels on a 
mis à contribution toutes les bibliothèques de l'Europe. Le grand 
prix quinquennal d^histoire a été décerné à la Bibliotheca belgica 
en 4894. On a dit avec raison que ce gigantesque ouvrage rendra 
dans notre pays, pour Tépoque qui commence avec la Renaissance, 
des services analogues à ceux que rend pour le moyen âge V Histoire 
littéraire de la France, Le P. C. Sommeryogbl a, lui aussi, abordé 
une tâche colossale quMl mène rapidement à bien. Il a réédité et 
complété Touvrage des PP. De Backer, la Bibliothèque de la Com- 
pagnie de Jésus\ réunissant ainsi tous les renseignements néces- 
saires pour mettre en relief la grande part que, depuis sa fondation 
jusqu'à nos jours. Tordre des Jésuites a prise au mouvement intel- 
lectuel de rhumanité. Il joindra à cette vaste encyclopédie une édi- 
tion revue et augmentée du livre publié en 4864, par le P. Garaton, 
Bibliographie historique de la Compagnie de Jésus^ répertoire impor- 
tant de tout ce qui a été écrit pour ou contre les Jésuites à tous les 
points de vue; viendra enfin une table méthodique, une table des 
anonymes et une table géographique. Ce sera un des plus beaux 
monuments bibliographiques de notre siècle. M. H. Pieenne a rendu 
un grand service aux travailleurs en faisant pour Thistoire de 
Belgique ce que Dahlmann et Waitz ont fait pour Thistoire de 
TAllemagne, et M. G. Monod pour l'histoire de France^. Il a sur- 
monté les difficultés résultant du manque d'unité ethnographique et 
géographique et de Tinstabilité des frontières des anciens Pays-Bas. 
MM. L. La Haye et H. Fbancotte avaient commencé la publication 
d'un Répertoire bibliographique de Vhistoire nationale^y qui devait 
comprendre tous les ouvrages parus de 4S30 à 4882. Le premier 
fascicule contient une histoire, très bien présentée, de Thistoriogra- 
phie belge. Ce travail, qui aurait été si utile, n'a pas été continué. 
M. F. De Potter a commencé un recueil bibliographique d'un carac- 
tère plus général pour les livres et brochures rédigés en néerlan- 
dais^. D^autres travaux du même genre, mais plus spéciaux, ont été 

1. Bruxelles, Schepens, 1890-96, 6 vol. gr. m-4% 1938, 1964, 1984, 1966, 1960, 
1991 p. 

2. Bibliographie de l'histoire de Belgique. Gand, Engelcke, 1893, 231 p. 

3. Liège, Grandmont. 

4. Vlaamsche bibliographie. Lijst der boeken, vlug en tijdschriften, musieh' 
werkeriy Kaarten, platen en tabellen in Belgié van 1830 toi 1890 verschenen, 
Gand, Siffer, 1894, 458 p. 



BELGIQUE. 394 

publiés par MM. Diais^ et Dotbn^. Une autre bibliographie^ men- 
tionne les publications de tout genre qui ont vu le jour en Belgique 
de 4830 à 4880; elle est assez complète, mais elle est encore loin 
d'être terminée et se poursuit avec une lenteur regrettable. M. P. Berg- 
MA!Vs a dressé un utile Répertoire méthodique décennal des travaux 
bibliographiques parus en Belgique de 4884 à 4890*. M. E. Bâcha 
est Tauleur d'un essai intéressant sur les Bibliographies métho^ 
diques^, énumération rationnelle des recueils et revues bibliogra- 
phiques, de nature à faciliter les recherches. Nous devons citer aussi 
un excellent répertoire historico-bibliographique de tous les monas- 
tères ayant existé dans les Pays-Bas avant le xii« siècle, c'est la 
Belgique monastique de M. Hosdet^. Sa publication est malheureu- 
sement interrompue par la disparition du Messager des sciences his- 
toriques, M. Olthoff a commencé une importante étude sur les 
Éditeurs et libraires d* Anvers depuis les origines de l'imprimerie 
jusqu'à nos jours''. C'est une suite de biographies fort bien docu- 
mentées avec des portraits, des marques typographiques et de nom- 
breuses indications bibliographiques d'aulant plus intéressantes 
qu'Anvers occupe une place distinguée dans l'histoire de la typogra- 
phie; le musée Plantin-Moretus témoigne encore aujourd'hui de 
la remarquable activité de nos éditeurs d'autrefois. M. Beoeckaeet 
s'est occupé d'un domaine plus restreint; il nous a donné la liste 
complète des publications parues à Termonde avec une esquisse bio- 
graphique des éditeurs^. Nous y constatons que, tandis qu'on impri- 
mait à Bruges dès 4476, la presse ne fit son apparition à Termonde 
que vers 4707. On peut faire la même remarque pour Bouillon, 
Arlon, Slavelot, Tirlemont, Lierre, Wavre, Ostende, Saint-Trond 
et Diest. Nous mentionnerons enfin un curieux article de M. Rom- 
BERG, les Journaux à Gand en 4845^. C'est une histoire anecdotique 
de la petite cour bourbonienne réfugiée en Flandre; on y trouve 

1. Histoire littéraire des Frères Mineurs de l'observance de Saint-François 
en Belgique et dans les Pays-Bas. AoTers, De Wolf, 1886, 454 p. 

2. Bibliographie namuroise. Namur, Godenne, 1884-1890, 2 toI., 810-360 p. 
— Nous y joindrons J. Ghalon, Essai monographique sur les périodiques namu^ 
rois {Annales de la Société archéologique de NamWy XI X, 1892). 

3. Bruxelles, Weissembruch, 1886-1897, 3 vol., 638, 738, 599 p. 

4. Uège, Vaillant, 1892, 76 p. 

5. Bruxelles, Économie financière, 1892, 83 p. 

6. Messager des sciences historiques^ LXI. 

7. De boekdrukkersy boekverkoopers en uUgevers in Antwerpen sedert de 
uitvinding der boekdrukkunst lot op onze dagen. 

8. Dendermondsche Drukkers. Termonde, Ducopi, 1891, 210 p. 

9. Revue de Belgique, 2* série, XV, 1895. 



392 BULLETIN HISTORIQUE. 

des analyses très curieuses des étranges organes de la royauté 
légitime. 

Critique des sources. — M. Gh. Moeller a fait paraître, à Pusage 
de ses élèves, un Traité des études historiques * comprenant une intro- 
duction critique à l'histoire moderne, un chapitre sur les archives, 
d'importants relevés bibliographiques, des conférences sur la méthode 
historique, etc. Il présente aux débutants, sous un volume relative- 
ment mince, une foule de renseignements utiles, notamment pour 
ce qui concerne la littérature historique et les sciences auxiliaires. 

On a cru longtemps à Tauthenticité d'un diplôme du roi franc 
Thierry III, conservé à la bibliothèque de TUniversité de Gand, et 
portant concession d'immunité à Tabbaye de Saint-Bertin pour ses 
domaines d'Attin. M. H. Pirenne, d'accord avec Bresslau et J. Havet, 
a établi la fausseté de ce document^. Le P. H. Delehaye, bollan- 
diste, a fait une remarquable étude critique sur Guibert de Gem- 
bloux^. M. G. KuRTH s'est livré à un travail très approfondi pour 
dégager des surcharges de Gilles d'Orval une Vita Notgeri due à un 
écrivain anonyme du xii® siècle, et qui présente un intérêt capital 
pour l'histoire du grand évêque liégeois^. Il a fait revivre aussi la 
physionomie presque oubliée du chanoine Maurice de NeufmousUer, 
Tarai de Gilles d'Orval et le reviseur de sa Chronique^ le seul chro^ 
niqueur du moyen âge qui nous ait renseigné sur les derniers jours 
de Pierre l'Ermite. M. Kurth a établi que l'histoire de Neufmoustier 
n'a été écrite que sous forme d'interpolation à Gilles d'Orval et à 
Albéric de Troisfontaines par le chanoine Maurice'*. On croyait perdu 
le manuscrit d'après lequel M. Van de Putte avait publié, à la suite 
des Annales blandinienses, un livre important de traditions concer- 
nant la période qui s'étend du vu® au xii® siècle. M. H. PiRÉNfrB Fa 
retrouvé aux Archives générales du royaume et en a fait l'objet d'une 
notice détaillée^. L'érudit professeur de l'Université de Gand a fait 
une étude critique sur les Sources de C histoire de la Flandre au 

1. LouTain, Peeters, 1892, 673 p. 

2. Note sur un diplôme du roi franc Thierry III {Bulletin de la Commis- 
sion royale d^istoire, 5* série, III, 1893). 

3. Guiberti Gemblacensis epistula de sancto Martino et alterius GuiberU 
item Gemblacensis carmina de eodem {Analecta Bollandiana, VU, 1888). 

4. Une biographie de l'évêque Notger au XH* siècle {Bulletin de la CommiS' 
sion royale d'histoire, 4* série, XVII, 1890). 

5. Documents historiques sur Vabbaye de Neufmoustier près de Huy {Ibid., 
5* série, I, 1892). — Cf. Maurice de Neufmoustier {Bulletin de l'Académie 
royale de Belgique, 3* série, XXiil). 

6. Note sur un m>anuscrit de l'abbaye de Saint-Pierre de Gand {Bulletin de 
la Commission royale d'histoire, 5* série, V, 1895). 



BELGIQUE. 393 

moyen dge^. Il s'est surtout occupé des vies de saints et des chro- 
niques. Il a aussi déterminé la valeur historique de la Rymkronyk 
van Vlaenderen^. Enfin il a édité avec beaucoup de soin, d'après les 
manuscrits d'Arras et de Paris, la Chronique de Galbert de Bruges, 
la plus importante des sources de Thistoire du meurtre de Charles 
le Bon'. Il a donné, dans sa préface, la biographie de Técrivain, 
rectiGé certaines erreurs courantes, et indiqué les défauts des éditions 
de Galbert faites par Kôpke et par les Bollandistes. M. H. Dussart a 
retrouvé, dans le manuscrit 730 de la bibliothèque de Saint-Omer, 
des fragments considérables d'un mémorial tenu au jour le jour par 
le greffier du chapitre de Saint- Donatien à Bruges pendant les 
années iÂ9i à 4498. Il démontre l'importance de ce témoignage 
émanant d^un homme bien informé qui enregistre avec émotion les 
misères et les horreurs qui se passent sous ses yeux*. M. Âlph. Wau- 
TERS a fait une étude très suggestive sur Le peu de créance que 
méritent quelques-unes de nos sources historiques^, M. Tabbé Ciu- 
cfliB a montré l'importance que présentent, pour la connaissance de 
rhistoire de Belgique au xviii^ siècle, les Papiers d'État du maré- 
chal de Botta-Adorno * conservés à la bibliothèque ambrosienne de 
Milan. 

AVENTURES. — M. Vah Wervere a coUigé de nombreuses chartes 
luxembourgeoises dispersées dans un grand nombre de dépôts d'ar- 
chives de TEurope^. M. A. Reipters a fait un travail analogue pour 
les manuscrits de Tancienne abbaye dTchternach conservés à la 
Bibliothèque nationale à Paris®. De même, M. A. d'Herbomez, pour les 
Manuscrits relatifs à l'histoire de Tournai^ ^ et M. de la Grange 
pour les Sources de rhistoire du Tournaisis^^, M. H. Stein a publié 
deux Inventaires des manuscrits du musée Plantin à Anvers^^ datant, 
Tun de 4592, Tautre de 4650. M. E. Bâcha a retracé rhistoire de la 

1. Annales du cercle historique et archéologique de Gand, I, 1894. 

2. BMeiin de la Commission royale d'histoire, 4* série, XV, 1888. 

3. Histoire du meurtre de Charles le Bon, comte de Flandre, par Galbert 
de Bruges, Paris, Picard, 1891, 202 p. 

4. Fragments inédits de Romboudt de Doppere. Chronique bruçeoise de 
1491 à 1498. Bruges, de Plaocke, 1892, in-4*, 138 p. 

5. Bulletin de V Académie royale de Belgique, 3* série, XXVIII, 1894. 

6. Braxelles, Pollemln, 1895, 32 p. 

7. ttudês sur les chartes luxembourgeoises du moyen âge [Publieations de 
t Institut du Luxembourg, XLI), tiré à part. Luxembourg, Brûck, 1894, 267 p. 

8. Ibid., XL. 

9. BulUtin de la Société historique de Tournai, XXIII-XXV, 1894. 

10. Mémoires de la Société historique de Tournai, XXIV, 1892. 

11. Messager des sciences historiques, LIV, 1886. 



394 BULLETIN HISTORIQUE. 

Collection Moreau à la bibliothèque nationale de Paris* et a montré 
quel parti nos historiens pourraient en tirer. Il a fait un travail ana- 
logue pour les Archives famésiennes de JSaples^; M. Tabbé Gauchib 
a dressé un inventaire sommaire de ces mêmes archives'. Les 
archives du Vatican ont été également l'objet des recherches de ces 
deux érudits^ On s^est souvent plaint avec raison en Belgique de la 
pénurie d'inventaires imprimés de nos dépôts d'archives. Depuis 
quelques années, on semble avoir compris la nécessité de faire con- 
naître mieux les richesses de Tespèce que possèdent le gouverne- 
ment et les villes'. Nous signalerons l'Inventaire des chartes des 
comtes de Namur de M. C. Piot«; V Inventaire des cartulaires eon-- 
serves dans les dépôts des archives de VÈtat en Belgique'' ; Vlnven^ 
taire des archives de PÉtat à Luxembourg^ de M, Bonnaedot; 17»- 
ventaire des archives du chapitre noble de Munsterbilsen de 
M. H. Vax Nedss, qui est un modèle du genre*; V Inventaire ana* 
lytique des pièces et dossiers contenus dans la Correspondance du 
conseil provincial et du procureur général de Namur ^^ de MM. Là 
Hatb et DE Radiguès; le recueil de M. d'Hoop sur la Flandre orien- 
tale et ses anciennes archives ^^; Y Inventaire analytique et chrowH 
logique des archives de la ville de Saint-Trond^^ de M. F. Steaven ; 
ï Inventaire analytique des archives de la ville de Mons de M. L. De- 
viLLERS*^; V Inventaire des archives de la ville d'Alost de M. d'Hoop**; 
enûn V Inventaire des cartulaires et autres registres de la ville de 
Bruxelles de M. Alph. Wauters*^. 

1. Bulletin de la Commission royale d'histoire, 4* série, XVII, 1890. 

2. Ibid.y XVII. 
3,Ibid. 

4. A. Gauchie, Mission aux archives vaticanes. Rapport à M. le ministre de 
l'Intérieur {Bulletin de la Commission royale d'histoire, 5* série, II), tiré à 
part. Bruxelles, Hayez, 1892, 180 p. — Notes sur quelques sources manuscrites 
de l'histoire belge à Rome. Ibid,, II. — E. Bâcha, les Collections historiques 
des archives du Vatican. Ibid., 4* série, XVI, 1889. 

5. MM. Langlois et Stein ont rendu un grand seryice aux travailleurs belges 
en donnant un inrentaire sommaire des archives de Belgique dans le troisième 
fascicule de leur excellent livre sur les Archives de Vhistoire de France, 

6. Bruxelles, Hayez, 1890, in-4% 520 p. 

7. Bruxelles, Hayez, 1895, 123 p. 

8. Publications de l'Institut du Luxembourg, XLI, 1894. 

9. Hasselt, BiUen, 1888, 207 p. 

10. Namur, Delvaux, in-4% 372 p. 

11. Gand, Vander Meulen, 1887, 236 p. 

12. Saint-Trond, Moreau, 1888-95, 5 vol., 471, 488, 320, 410, 160 p. 

13. Mons, Dequesne, 1882-95, 3 vol., 285, 364, 344 p. 

14. Alost, Van Brantaghem, 1889, 125 p. 

15. Bruxelles, Baertsoen, 1888-94, 588 p. 



BELGIQUE. 395 

HisToïKB PROTinciALE ET LOCALE. — La moisson a été très abon- 
dante en ce qui concerne Thistoire de nos provinces et de nos villes. 
Toutefois, les travaux sont de très inégale valeur, et Ton doit sou- 
vent regretter le manque de connaissances générales et d'éducation 
scientifique de nos historiens régionaux. Beaucoup se perdent dans 
les détails et poussent la statistique rétrospective jusqu'à une puérile 
minutie ; d'autres sMnspirent de préoccupations étroitement locales, 
et attachent une égale attention à des choses d'importance très 
diverse; la plupart ont eu le mérite de faire des recherches patientes 
dans les archives, mais ils ne sont familiarisés ni avec la paléo- 
graphie, ni avec la diplomatique, et la bibliographie leur est 
demeurée étrangère. Cependant, il se manifeste depuis quelques 
années une amélioration que nous constatons avec plaisir et qui, 
nous l'espérons, s'accentuera rapidement. 

AnvEBS. — M. P. Genaed a mené à bonne On une vaste publica- 
tion sur la ville d'Anvers^ \ elle emprunte une grande partie de son 
intérêt à de superbes illustrations : portraits, fac-similés d'anciens 
plans et de manuscrits, reproduction d'œuvres d'art de toute espèce. 
M. PoFFÉ a tracé un tableau très vivant de la ville d^Anvers au 
XVIII* siècle^ et a extrait des archives communales un grand nombre 
de faits curieux concernant les mœurs, les plaisirs du peuple, le 
commerce, l'industrie et Tadministration de la justice. Une autre 
monographie anversoise, dont les éléments sont également tirés des 
archives, est celle de M. Geddens, consacrée au célèbre hôpital de 
Saint- Julien', un des établissements charitables les plus importants 
des Pays-Bas, qui abritait jusqu'à 2,000 vo)rageurs chaque année. 
Parmi les nombreuses histoires de localités rurales nous en signale- 
rons une d'un vrai mérite, celle de la commune de Schelle par 
MM. De Raadt et Stockmakts^. M. de Raadt est l'auteur de beaucoup 
d'études très soignées sur VHistoire des seigneuries du pays de 
Matines, Notons aussi une étude consciencieuse de M. H. ComifCKx : 
Malines sous la république française^. 

BaABA.NT. — MM. H. et P. Htmans ont complété l'œuvre de vulga- 
risation brillante commencée par M. L. Hymans : Bruxelles à ira- 



1. Anvers à travers les âges, Bruxelles, Bruylant, s. d., 2 vol. gr. in-4*, 
564-616 p. 

2. ArUwerpen in de XV IIP eeuw voor den inval der Franschen. Gand, Sif- 
fer, 1895, 326 p. 

3. LHôpUal Saint' Julien et les asiles de nuit à Anvers depuis le XIV siècle 
jusqu'à nos jours, AoTers, Van Ael, 1889, 221 p. 

4. Geschiedenis der gemeente Schelle, Lierre, Van In, 1893, 208 p. 

5. Bulletin du cercle archéologique de Malines, III, 1892. 



396 BULLETm HISTORIQUE. 

vers les âges^ ; on trouve dans le tome III comme dans les deux 
premiers volumes la reproduction d'une foule de gravures et de des- 
sins rares et curieux. M. Ed. Van Eyen a mené à bonne fin un livre 
de grande valeur : Louvain dans le passé et dans le présent^. Le 
sous-sol, la formation de la ville, les événements importants dont 
Tancienne capitale du Brabant fut le théâtre, la topographie, les 
monuments sont successivement étudiés avec une extrême abondance 
et une grande sûreté d'informations. Les chapitres traitant de l'en- 
seignement, de la bienfaisance et des œuvres d'art sont particuliè- 
rement instructifs. L^histoire de Diest, à la fin du xviii» siècle, par 
M. DiMARTiXELLi^ conticut des détails intéressants sur rorganisation 
des gildes locales. M. G. Willame a traité d'une manière attachante 
un épisode de Thistoire de Nivelles*, d'après les traditions orales, 
les journaux et les archives. 

Flandre. — MM. de Potter et Brceckaert ont conçu, il y a plus de 
vingt-cinq ans, le plan d'une description et d'une histoire générale 
des communes de la Flandre et ils ont travaillé avec courage à sa 
réalisation. Une quarantaine de volumes ont paru; on y trouve des 
notices sur les familles seigneuriales, sur les administrations com- 
munales, sur le clergé séculier et régulier, les institutions de bien- 
faisance, les hommes célèbres, les coutumes locales, les légendes, etc. 
C^est une immense compilation qui rendra des services, mais qui 
porte visiblement les marques d'un labeur précipité, et qui fourmille 
d'erreurs. La plus importante de ces monographies est VHistoire de 
la ville de Gand^ ; M. J. Voïlsteke a relevé un grand nombre de 
méprises et de bévues « dans le tome V. Ce même spécialiste a eu 
l'heureuse idée de réunir en volume une série d'études gantoises 
dans lesquelles il fait preuve à la fois d'un remarquable talent litté- 
raire et d'une connaissance approfondie des sources^. Citons aussi 
les curieuses Pages d'histoire locale gantoise de M. P. Claets^. 
M. GiLLioDTs Van Severen a écrit un gros mémoire sur la question 
de Bruges port de mer^. Il y a rassemblé une foule de particula- 

1. Bruxelles, Bruylant, 1887-89, t III, gr. in-4o, 532 p. 

2. Louvain, A. Fonteyn, 1891-95, gr. in-4% 684 p. 

3. Diest in den Patriottentyd. Gand, Siffer, 1892, 252 p. 

4. La Révolution de 1830 à Nivelles {Annales de la Société archéologique 
de NiveUeSy V, 1895). 

5. Gent van den vroegstentyd tôt heden. Gand, Hoste, 1882-93, 5 toI. 

6. Een hondvol misslagen. Gand, Vuyisteke, 1894, 48 p. 

7. Verzamelde prozaschriften. Gand, Hoste, 1891, 288 p. 

8. Gand, Vuyisteke, 1894, 3- série, 247 p. 

9. Annales de la Société d'émulation de Bruges, XLIV, tiré à part. Bmges, 
de Piancke, 1895, 540 p. 



BELGIQUE. 397 

rites techniques, économiques et juridiques, très neuves, mais pré- 
sentées avec un désordre qui déroute et fatigue le lecteur. Nous 
avons aussi les histoires des villes de Dixmude', par M. Pieters-, de 
Ninove, par M. Plis'; de Comines', par M. Messuen-, des communes 
de Waerschoot^, par M. de CRAEifE; de Gheluwe*, par M. Huis; de 
Moorslede*, par M. Van de?i Weghb; d'Eenaeme^, par M. Beaucirnb. 

Hainaut. — M. L. Devillers a complété ses laborieuses recherches 
sur Thistolre peu connue du Hainaut sous la régence de Maximi- 
lien d'Autriche^. M. A. d'Herbomez a élucidé le passé du Tournaisis 
dans diverses monographies bien documentées et pleines de faits 
nouveaux*. M. Lejeune a écrit une Histoire de la ville de Binche^^ 
et M. Dbmanbt nous a donné le résultat de ses Recherches histo- 
riques sur la ville et la seigneurie de Fontaine-l'Évêque^K 

Liège. — Le baron de Chestret de Haneffe est l'auteur de nom- 
breuses études historiques qui se distinguent par une vaste érudition 
et un extrême souci de l'exactitude; il est souvent amené à rectifier 
les écrivains antérieurs avec une rigueur impitoyable. 11 a retracé 
l'histoire de la conspiration ourdie à Liège, de 4540 à 4544, contre 
Charles-Quint par les trois sires de Lamarck^', et il a réuni en 
volume une série de dissertations relatives à l'histoire économique, 
juridique et religieuse de Tancienne principauté*^. M. Th. Gobert*^, à 

1. GesehiedetUs van Dixmude. Dixmude, Desinyler, 1886, 348 p. 

2. Bladen uil de geschiedenis van Ninoven. Ninove, Jacobs, 1890, 260 p. 

3. Histoire chronologique, politigue et religieuse des seigneurs et de la ville 
de Comines. Courtrai, Nys, 1893, 3 toI., 413, 509, 542 p. 

4. Waerschoot sedert, 1830. Gaod, Siffer, 1893, 145 p. 

5. Gescfiiedenis van Gheluwe. Courtrai, Nys, 1893, 360 p. 

6. Geschiedenis van Moorslede, Ypres, Calewaert, 1894, 358 p. 

7. Histoire de la commune d'Eename. Gand, Van der Poorten, 1895, 2 vol., 
120, 520 p. 

8. Bulletin de la Commission royale d'histoire y 4' série, X-XVI, tiré à part. 
Bruxelles, Hayez, 538 p. 

9. Géographie historique du Tournaisis {Bulletin de la Société royale belge 
de géographie, XVl, 1892). — LÉvéché de Toumai-Noyon {Messager des 
sciences historiques, LX, 1892). — Comment la commune de Tournai s'agran- 
dit aux dépens des comtes de Hainaut {Annales du cercle archéologique de 
Mons, XXUI, 1893). — PhUippe le Bel et les Tournaisiens {Bulletin de la 
Comm. royale d'histoire, 5' série, III), Uré à part. Bruxelles, Hayez, 1893, 178 p. 

10. Mons, Manceaux, 1887, 460 p. 

11. Ibid., Dequesne, 1886, 391 p. 

12. Les Conjurations des Lamarck formées à Liège contre Charles^Quint 
{Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3* série, XXI, 1891). 

13. Éludes historiques et archéologiques sur l'ancien pays de Liège, Uège, 
de Thier, 1894, 195 p. 

14. Les Rues de Liège, Liège, Demarteau, 1884 ; 3 vol. gr. in-4* ont paru : 
638, 641, 192 p. 



398 BULLETIN HISTORIQUE. 

propos du nom des rues de Liège, accumule une quantité de maté- 
riaux, fournis par les archives et par les traditions populaires, qui 
seront d^une haute utilité pour les historiens futurs. Certaines de ses 
notices ont une réelle valeur scientifique et témoignent d^un esprit 
critique exercé. M. A. Hock, qui s'est donné pour mission de Caire 
revivre la vieille cité épiscopale aux diverses phases de son histoire, 
nous a donné deux nouveaux volumes pleins de révélations curieuses 
sur les traditions populaires ^ Le livre de M. Dubois, Huy sous la 
républiqtie et Vempire^y ne nous fkit grâce d'aucun détail quelque 
insignifiant qu'il puisse être. Par contre, nous avons à mentionner 
plusieurs travaux bien conçus : YHistoire du comté de FcUlais de 
M. E. PoswicK^; YHistoire de la paroisse de Visé de M. Cetssens^; 
une monographie considérable de M. S. Balau, sur la Seigneurie^ 
paroisse et communauté de Modave^^ fruit de longues recherches et 
contenant beaucoup de détails entièrement neufs, qui présentent de 
Tintérêt même pour l'histoire générale, à cause du rôle important 
que jouèrent les comtes de Marchin et les Montmorency, seigneurs 
de Modave, dans les événements du xvii« siècle. Citons aussi les 
études de M. E. Poncblet sur le Comté de Beaurieu^y et de M. G. 
SiMOXis sur la Seigneurie et comté d^Esneux'^. 

LiMBouRG. — MM. Bamps et Geraets ont ressuscité le Hasselt de 
jadis^, M. C. Rahlenbeck a écrit l'histoire des Pays d* outre-Meuse^, 
c'est-à-dire des comtés de Dalhem, Fauquemont et Rolduc, dont une 
partie seulement est demeurée à la Belgique après \ S30. On consul- 
tera surtout avec proût les chapitres relatifs à Thérésie et à la sor- 
cellerie. 

Luxembourg. — L'Institut archéologique de Luxembourg a entre- 
pris une vaste histoire de la province et en a commencé Pexécution. 
Une partie générale comprendra la géographie historique, l'histoire 
des institutions politiques et administratives, de l'agriculture, de 
l'industrie et du commerce, la topographie médicale, Torganisation 

1. Liège au X/AT* iiècle, Liège, Vaillant, 1886, 327 p. — Croyances et remèdes 
populaires au pays de Liège, Ibid., 1888, 587 p. 

2. Huy, Degrâce, 1889, 210 p. 

3. Bulletin de f Institut archéologique liégeois, XIX, tiré à part. Liège, de 
Thier, 1890, 329 p. 

4. Bulletin de la Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège, VI, tiré à 
part. Liège, Grandmont, 1890, 220 p. 

5. Liège, Grandmont, 1894, 320 p. 

6. Bulletin de l'Institut archéologique liégeois^ XXIV, 1895. 

7. Ibid. 

8. Hasselt, Klock, 1895, 217 p. 

9. Bnixelles, Weissembrnch, 1888, 280 p. 



BELGIQUE. 399 

de renseignement, etc. La partie spéciale donnera la description 
géographique, historique et statistique de chaque localité. Plusieurs 
volumes ont paru; ils laissent à désirer, tant au point de vue de la 
disposition et de Tordre que sous le rapport de la méthode et de la 
critique ^ Nous sommes obligés de faire les mêmes réserves pour 
Touvrage de M. Felsenhart, Études historiques sur le duché de 
Luxembourg et le comté de Chiny, Relations de la province de 
Luxembourg avec le gouvernement général des Pays-Bas autri- 
chiens^, 

Eugène Hdbebt. 
{Sera continué.) 

1. Tandel, les Communes luxembourgeoises. Arlon, Brûck, 1889-95, 4 vol., 
^9, 678, 744, 1313 p. 
% Ibid., 1890, 329 p. 



400 GOMPTBS-RBlfDnS CUTIQUES. 



COMPTES-RENDUS CRITIQUES. 



Angelo MiUEl. I cittadini lavoratori dell* Attlca nei secoli V» e 
ivo a. G. Milan, Hœpli, i 895. In-S^ 96 pages. Prix : 3 lire. 

M. Mauri a voulu montrer la place qu'occupait le travail libre dans 
rindustrie et dans Tagricultare de Tancienne Attique. La question avait 
déjà été abordée avant lui, notamment dans Tétude de Frobberger, De 
opificum œnditione apud veteres Grxcos, dont il 8*est beaucoup servi ; 
mais elle méritait d'élre reprise. Nous possédons sur le sujet des ren- 
seignements assez nombreux qui permettent de rectifier sur bien des 
points les idées courantes, et il serait beureux que ces documents 
fussent examinés de près. M. M. aurait pu se cbarger de cette besogne ; 
mais il est visible que son livre n'est guère qu*une esquisse. Ce n'est 
pas qu'il soit fait avec négligence ou qu'il contienne de graves erreurs. 
L'auteur a vu les différents problèmes qu'il avait à se poser ; il a connu 
les principaux textes et il en a tiré un parti convenable ; mais il s'est 
contenté de défricber le terrain, laissant à d'autres le soin d'approfon- 
dir davantage. 

P. G. 



Alcibiade e la mntilazione délie Erme, Contributo alla Staria 
délia democrazia ateniese^ par Giovanni Oberzinbe. Genova, 
Donath, 489^ In-8% 425 pages. 

M. Oberziner a écrit tout un long mémoire sur Alcibiade et la muU- 
lation des Hermès. Ce travail atteste une connaissance exacte des sources 
et des publications antérieures sur la question ; il se lit agréablement, 
mais n'apporte guère de nouveau. 

C'est la faute du sujet plus que de l'auteur. Le procès des Hermoco- 
pides est un de ces mystérieux épisodes de l'bistoire qui ont le don 
de réveiller périodiquement la curiosité de la critique sans jamais 
livrer entièrement leur secret. Depuis cinquante ans, beaucoup d'his- 
toriens et d'hellénistes se sont attaqués tour à tour à ce problème* ; et 
cependant le mystère subsiste. Aujourd'hui encore, l'on peut répéter 

1. On trouvera la bibliographie complète de cette question dans la noavelle 
édition du Manuel d^Hermann, tome I, StacUsalterthUmer, 1892, p. 71S-717. 
^ Cf. de Tascher, le Procès des Hermocopides, dans le tome XX (1886) de 
V Annuaire des Éludes grecques; H. Weil, les Hermocopides et le peuple 
d^ Athènes, dans la Revue des Études grecques, tome VI (1893), p. 317-321. 



OBBRZI!fER : AtCTBtADE E LÀ MUTÎLÀZIOïfB DKLLB BRMB. 404 

avec Thucydide : t Le champ est ouvert aux conjectures; personne, ni 
alors, ni depuis, n'a pu dire rien de certain sur les auteurs de Tatten- 
tot 1 (VI, 60; cf. ibid., 27-29, 53, 61). C'est en vain qu'on a voulu en 
remontrer à Thucydide. En réalité, c'est toujours à son récit qu'il faut 
en revenir. Sur le fond même de la question, on ne trouve rien de 
décisif ni dans les inscriptions du temps {Corp, inscr. att,, I, 274 et 
suiv.; IV, 274», 277»), ni dans Plutarque (Alcib,, 18 et suiv.), ni môme 
dans le curieux discours d'Andocide Sur les mystères. Car les docu- 
ments épigraphiques se rapportent seulement à des confiscations de 
biens; Plutarque n'a fait que compiler les narrations antérieures ; quant 
à Andocide, il avait été fort compromis dans l'aventure, et il parlait 
seize ans plus tard pour se justifier; il avait trop d'intérêt à l'afTaire 
pour ne pas chercher à l'embrouiller, et trop d'habileté pour n'y point 
réussir. Aussi, quand on a écarté tous les témoignages suspects et les 
vaines hypothèses, on se retrouve fatalement en face du récit de Thu- 
cydide, qu'on est réduit à paraphraser; on peut le compléter sur quelques 
points secondaires; mais, sur l'essentiel de l'affaire, on ne peut rien 
ajouter de certaine 

C'est ce que l'on constate aisément, une fois de plus, dans le mémoire 
de M. O. Quand il refait à son tour (p. 82-103) l'histoire du procès des 
Hermocopides et de la profanation des mystères, il ne peut que suivre 
la narration de Thucydide, en y insérant seulement quelques détails 
empruntés à Andocide ou à Plutarque. De ce récit, l'auteur croit pou- 
voir tirer des conclusions fermes (p. 104 et suiv.). Les Hermès ont-ils 
été renversés à la suite d'un complot oligarchique? Les auteurs du sacri- 
lège se proposaient-ils de détruire le crédit d'Alcibiade en l'impliquant 
dans l'affaire? M. O. n'hésite pas à l'affirmer. Thucydide, qui était bien 
placé pour connaître la vérité, et qui n'a point coutume de la cacher, 
Thucydide nous dit seulement que le peuple athénien croyait à une 
conspiration oligarchique et tyrannique (VI, 60; cf. 27), que les enne- 
mis d'Alcibiade exploitèrent contre lui tous ces événements (ibid., 
28-29), et que ce fut l'occasion de sa disgrâce (ibid., 53, 61). On voit 
que toute la tactique de M. O. consiste à conclure du fait à l'intention, 
de la croyance populaire à la réalité historique. Mais cela, comme au 
temps de Thucydide, c'est une simple hypothèse. 

Plus encore que le procès des Hermocopides, ce qui préoccupe M. O. 
dans cette étude, c'est l'histoire de la démocratie athénienne à cette 
époque. L'affaire des Hermès et des mystères remplit à peine le quart 
du mémoire (ch. v). Tout le reste est consacré à des dissertations ou à 
des récits qui ne manquent point d'intérêt, mais qui ont le tort de res- 
sembler à des hors-d'œuvre : développement du sentiment religieux 

1. L'explication la plus Tralsemblable est encore celle de M. Weil, suivant 
qui les meneurs du complot oligarchique c avaient voulu se garantir contre les 
trahisons en obligeant tous les affiliés à tremper dans le même délit • (Ibid., 

p. n\). 

Rbv. Histor. LXV. 2« pasc. 26 



402 COMPTBS-RBNDUS G&ITIQUB8. 

chez les Grecs (ch. ii), progrès de La démocratie et importance des 
Hétairies (ch. m), biographie d'Alcibiade (ch. iv), désastres et ruine 
d'Athènes (ch. vi). li y a là évidemment un défaut de proportions et de 
méthode. Sans doute, le procès des Hermocopides eut une grande impor- 
tance politique et des conséquences funestes; il était nécessaire de le 
rattacher aux événements qui précédèrent ou qui suivirent, surtout à 
l'expédition de Sicile et à la révolution des Quatre-Cents; pour expli- 
quer l'aËTolement des Athéniens et le contre-coup de cette enquête sur 
l'histoire du temps, il était utile de bien connaître la situation inté- 
rieure et le rôle d'Alcibiade. Mais tout cela devait être esquissé à grands 
traits, tandis que l'auteur s'y arrête compiaisamment. Et ces dévelop- 
pements parasites ont le tort de reléguer au second plan l'objet princi- 
pal de cette étude sur Alcibiade et la mutilation des Hermès. 

Paul Monceaux. 



Geschichte des kirchlichen Beneflzial't^esens von seinen Anton* 
gen bis aaf die Zeit Alexanders III, par le D^ Ulrich Stdtz. 
Berlin, H.-W. MûUer, 4895. ln-8% 374 pages. 

L'auteur du travail que nous signalons ici se révèle comme nn des 
connaisseurs les plus pénétrants de l'histoire de TÉglise et de Torgani- 
sation ecclésiastique pendant la première partie du moyen âge. Il a 
entrepris, sous le titre à! Histoire des bénéfices ecclésiastiques depuis Us 
origines de l'Église jusqu'au pontificat d'Alexandre JJI, une œuvre consi- 
dérable où il se propose de décrire, à l'aide des documents originaux, 
tout ce qui touche à l'origine, au développement et à la décadence de 
l'institution encore imparfaitement connue du beneficium ecclesiasticum. 
C'est là un sujet qui, depuis les savantes recherches de Thomassin, 
n'avait guère été repris par les érudits contemporains; et pourtant 
depuis cette époque on a publié quantité de documents propres à jeter 
une vive lumière sur des points restés obscurs. 

Tous ceux qui étudient la vie sociale du moyen âge savent quelle 
place y tiennent les institutions ecclésiastiques et à quel point le monde 
clérical et le monde séculier se pénétraient réciproquement. On se plaît 
d'ordinaire à montrer que l'Église tentait de tout ramener à l'unité et 
on ne manque pas de faire remarquer que c'était surtout pour ce motif 
qu'elle prétendait vivre d'après le droit romain, droit regardé par elle- 
même comme émanant de la justice éternelle. Mais, en somme, c'est à 
l'unité de foi surtout que songeait l'Église, et, dans son organisation 
matérielle, sous l'influence de l'esprit d'individualisme germanique, il 
y eut de très grandes diversités. C'est une de ces diversités que M. S. 
met en lumière avec une grande abondance de preuves. Dans le monde 
romain, l'Église, prenant à la lettre la maxime : c Vous n'amasserez 
pas de trésors sur la terre, » avait conservé le caractère de mission. 



STUTZ : GESCBrCHTB DES KIRCHLICHE!^ BBFfEFlZIALWBSENS. 403 

Elle n'avait d'autre propriété privée que le local où se rôunipsaient les 
iidèles, et le cimetière. 

Ces idées se modifient dans le monde germanique; les églises y 
apparaissent comme susceptibles d'appropriation privée, idée nouvelle 
qui a eu pour le développement des institutions ecclésiastiques du 
moyen âge des conséquences incalculables. On distingue encore aujour- 
d'hui dans le droit ecclésiastique moderne les évéchés ordinaires et les 
évéchés de mission. Ce sont ces derniers qui rappellent le plus exacte- 
ment les évéchés du monde romain. L'ôvéque y a les pouvoirs les plus 
étendus; les prêtres et les diacres, qui avaient conservé d'abord une 
certaine indépendance, ne sont plus que ses collaborateurs, et le clergé 
du diocèse dépend entièrement de lui. La constitution ecclésiastique, 
en un mot, revêt dans un évéché de mission un caractère monarchique 
beaucoup plus accentué. 

Au v« siècle, après une première période de tâtonnements, l'unité 
constitutive, c'est Tévéché : en principe, il y a un évêque dans chaque 
civittu, et autour de lui un clergé composé de fonctionnaires ecclésias- 
tiques nommés par lui. Or, la civitas ne forme pas seulement une unité 
au point de vue religieux, c'est-à-dire au point de vue du soin des 
âmes; il s'y constitue en outre un domaine ecclésiastique dont la pro- 
priété appartient à l'Église et dont l'évéque a l'administration. Mais 
voici, à partir du jour où le christianisme pénètre en Germanie, le 
caractère que revêt l'organisation des églises : le culte primitif des 
Germains était essentiellement un culte domestique. Ce culte se con- 
centra peu à peu dans des édifices spéciaux, dont la construction dut 
être au début laissée au bon vouloir de chacun. L'Église ne tarda pas 
à perdre son caractère proprement familial; on fréquentait avec sa 
famille le temple construit par d'autres, et aux rapports purement per- 
sonnels se substituèrent d'autres liens juridiques (sachenrechtliche) avec 
une organisation nouvelle du clergé et de la propriété ecclésiastique 
elle-même. Le temple, après avoir été simplement domestique (Haus- 
tempel), devint temple-propriété (Eigentempel), 

M. S. a étudié avec beaucoup de soin l'histoire de ces transforma- 
tions; il croit pouvoir comparer la propriété ecclésiastique à la pro- 
priété seigneuriale, notamment à celle des moulins seigneuriaux (p. 91). 
Des temples comme des moulins dépendait une certaine étendue de 
terre, mais les édifices seuls restaient à la libre disposition d'un sei- 
gneur, qui pouvait en disposer à son gré. Nous sommes surtout pas- 
sablement renseignés sur cette organisation des temples -propriétés 
pour les pays du nord de l'Europe et du monde Scandinave (notam- 
ment ilslande), mais M. 8. montre que cette organisation se répandit 
dans toute l'Europe centrale; il la suit chez les Wisigoths, chez les 
Suèves, chez les Lombards, chez les Francs, chez les Burgondes. Plu- 
sieurs lettres d'Avitus permettent d'établir une différence entre le 
régime des églises catholiques et celui des églises ariennes (p. 109 à 
il2). Quant aux églises royales, leur régime juridique était le même 



4i4 €BmmsHXja9^ 



•71e '»7î' iifii ^sçjises mi£2iSïLraliS^ s&û il âxcs les &tiiigiier avec soin 
d«î >*^A-r^. >>» le ::.{ir r j/'lEj^4.4fn . La> eccr n^syaat pas de résidence 
£x^. Il 3:c.Knf:^>:c ies élises seîçK^irûIis aTût été dictée par le 
d-i^ir -il* <aij<âir<* mx be«4:'{j::» reiLZKcx «i»» popolatiocK, là où elles rési- 
»iai«L: ^ ■»c .•?* ço-irroTa:!* d-» secte» î«» rsssoorc» indispensables. 
Cf. r-.T.^ ce IL*» >r«C7^y:.ih p&f enire > dooaine de i'Élat ei le domaine 
^TÏT-î. .•» e:riâe« rQjajes ji:«!ic ;raiM»s par les soaTerains oomme nne 
pnçne<«ï prÏT-ée. L^ priçrietaire es4 même soaveni on membre fémi- 
nin ie ^ -Ami > roTaJe. Aprâs l'aTèoemect de Pépin, les domaines 
pn7>?s d*» la :arn:l> des Ar^clnnzxens* avec les éelises oonstroites snr 
ces doT.air.t»aw euz^ deTen:^ propdeiés dn fisc, cette conception reçoit 



enoGre ane force couvetie. 



L est îrzpcsiÂbife de «iiÎTre dans tont leur développement les recherches 
de M. S., qai présente sa thèse avec une grande abondance de preaves. 
PeGi-4cre, à partir da cx« siècle, les explications sont-elles moins 
pére2:pU}Lres :p. 2^ et sniv.). Une idée joste par elle-même pent, si on 
l'exagère, conduire à des resaltats £inx. Xons attendrons avec impa- 
tience la fin de son travail pour porter nn jugement définitif; mais noos 
doutons que l'église allemande du moyen âge se rattache aussi ^roite- 
ment qu'il le prétend aux idées primitives de la Germanie encore 
païenne. Il est certain, du moins, et M. S. ne parait pas en tenir assez 
compte, qu'à partir du vn< siècle des conceptions nouvelles se tirent 
jour, surtout à mesure que les paroisses rurales se multiplièrent. La 

m 

formation du patrimoine de l'Eglise nous semble avoir été moins 
simple que Fauteur ne le prétend. Dans les dissensions et les guerres 
civiles du ix* siècle, beaucoup de terres furent enlevées par des princes 
aux églises et attribuées par eux à des laïques à titre de bénéfice. L'Église 
chercha à rentrer dans ses biens, et on peut relever de curieuses négo- 
ciations dans les actes du règne de Charles le Chauve. On voit aussi de 
grands propriétaires ériger une église sur leurs domaines et y établir, 
avec Fassentiment de lévéque (au moins en principe), un prêtre. Le 
seigneur reste le « patron, • et on voit se former peu à peu Topposition 
entre le curé primitif et le curé subalterne; beaucoup de bénéfices 
ecclésiastiques n'ont d'autre origine que Tusage d'attacher pour toujours 
à certaines églises des terres dont les revenus devaient servir de rétrir 
bution aux clercs qui Les desservaient. 

On verra du moins avec intérêt, dans Les paragraphes 20 et 21, com- 
ment les églises épiscopales primitives {Bisthumskircken) se transfor- 
mèrent en églises privées épiscopales {bischôfîiehe Eigenkirchen) et 
comment il se forma ainsi un droit particulier de propriétés ecclésias- 
tiques (Eigenkirchenrecht) qui eut d'ailleurs des conséquences néfastes. 

L'auteur, qui se réserve dans un second volume de combattre les 
idées de J. Ficker, s'est surtout borné jusqu'ici à étudier les résultats 
de l'évolution des idées germaniques; il a fourni des matériaux d'une 
importance de premier ordre à ceux qui voudront, comme il le dit, étu-* 
dier c comment les églises ont perdu leur personnalité dans le droit 
ecclésiastique du moyen âge allemand. » 



0. HeiNBHAIIN : DIPLOHATIK VON HILOESHEm. 405 

M. S. a développé quelques-unes de ses idées dans l'intéressante dis- 
sertation par laquelle il s'est fait habiliter comme privat-docent à l'Uni- 
versité de Bâle^ II a surtout mis en relief cette idée qu'il y avait déjà 
un droit ecclésiastique allemand avant la transformation ultérieure de 
ce droit en droit canonique classique. Il trouve la preuve de Texistence 
de ce droit dans l'organisation de la Eigenkirche telle qu'elle apparaît 
chez les Germains immédiatement après l'entrée de ceux-ci dans le 
christianisme. Il montre comment plus tard la conception de l'église- 
propriété pénétra dans les rapports des membres élevés du clergé et 
des abbayes et comment elle se retrouve dans toute la théorie des 
investitures. Cette idée allait s'étendre à la papauté elle-même lorsque 
le mouvement fut arrêté par la réaction qui suivit la mort de l'empereur 
Henri IH. 

Au cours de cette remarquable leçon, M. S. montre nettement les 
différentes conceptions juridiques qui ont régi l'organisation des églises 
chrétiennes, au moins en Occident : la conception romaine, la concep- 
tion germanique et celle en6n qui s'est formée à l'époque de la Renais- 
sance et qui, par une lente évolution, a abouti dans notre siècle seule- 
ment à la conception de notre état moderne. Sous ces trois types, 
l'Église n'a cessé de faire preuve d'une grande vitalité; elle ne s'est 
solidarisée avec aucun des régimes qui, dans l'ordre laïque, se sont 
succédé, montrant qu'aucun d'eux n'était indispensable à son fonction- 
nement, mais elle n*a pu se soustraire à l'influence que devait exercer 
sur elle l'organisation de la société temporelle et spécialement son 
organisation juridique. Le droit ecclésiastique n'est en effet qu'une 
partie du droit général. M. 8. s'est efforcé surtout de montrer l'in- 
fluence, trop peu remarquée jusqu'ici, que les conceptions juridiques 
des peuples germaniques ont eue sur l'Église chrétienne. Ces concep- 
tions ont eu, d'après lui, une influence considérable pendant plus de 
cinq cents ans, et c'est seulement avec la renaissance du droit romain 
au xvi« siècle qu'une bonne partie de ces vieilles idées germaniques a 

disparu. 

Georges Blohdbl. 



Beitr»|pe sur Diplomatik der sBlteren Bischœfe von Hlldesheim 
H 4 30 -^ 246), von Otto Hewbmann, D' phil. Marburg, Elwert, 
4895. In-8% x-476 pages. 

Fondée vraisemblablement par Charlemagne après ses victoires sur 
les Saxons, Hildesheim est de toutes les villes de l'Allemagne du Nord 
celle qui a encore aujourd'hui le mieux gardé son antique physiono- 
mie. Ses évêques ont joué un rôle considérable pendant tout le moyen 

1. Die Eigenkirche aU Elément des nUltdalterlieh-çermanUehen Kirehen- 
reehtês, Berlin, H.-W. Mûller, 1895, in-8% 45 p. 



406 COMPTES-RB.^DOS CRITIQUES. 

âge. Dès le x« et le xi« siècle, Bernhard et Godehard en faisaient un 
centre important au point de vue politique comme au point de vue 
artistique, et Tempereur Frédéric II reconnaissait à leurs successeurs 
le titre et les prérogatives de princes souverains. Près de cinq cents 
chartes concernent l'époque comprise entre les épiscopats de Bernhard !•» 
et de Conrad II (4130 à 1246). M. Otto Heinemann, dont le travail a 
été fait sous la direction du si regretté Steindorff, nous donne sur ces 
diplômes une étude technique que tous les chartistes liront avec fruit. 
Âpres un examen méticuleux de récriture, examen qui le conduit à 
une division en plusieurs groupes, il étudie la manière dont chaque 
partie du diplôme est traitée (suscription, préambule, exposé, dispo- 
sitif, clauses finales, indication des témoins, etc.). Voici quelles sont 
ses principales conclusions : les documents étudiés sont Tœuvre tantôt 
de scribes épiscopaux, tantôt de rédacteurs agissant sous la direction 
des destinataires eux-mêmes (c'est fréquemment le cas lorsque ceux-ci 
sont des établissements religieux ou des couvents). La ressemblance 
des écritures paraît démontrer d'autre part l'existence dès cette époque 
d'une chancellerie épiscopale dont M. H. ne peut malheureusement 
nous dire quelle était l'organisation intérieure. Les chanceliers étaient- 
ils en même temps de hauts fonctionnaires de Tévêque? C'est ce qu'on 
ne peut affirmer. Ce furent eux d'abord qui rédigèrent et écrivirent les 
diplômes; ils se contentèrent ensuite de la rédaction première, puis se 
bornèrent à apposer le sceau épiscopal, car ils eurent tout un person- 
nel de scribes sous leurs ordres. La chancellerie épiscopale parait avoir 
suivi les mêmes phases dans son développement que la chancellerie 
impériale si bien décrite par H. Bresslau et par F. Philippi {Die ReiehS" 
kanzlei unter den Staufern) et dont les titulaires s'étaient élevés de 
plus en plus en dignité, si bien que la charge avait fini par être pure- 
ment honorifique. 

L'étude un peu sèche, mais du moins fort claire, de M. H. est inté- 
ressante par ses conclusions. Elle renferme les listes soigneusement 
dressées des notaires épiscopaux et des destinataires, et d'utiles indica- 
tions bibliographiques. On trouve en appendice la liste des diplômes 
étudiés et la reproduction d'une dizaine d'entre eux. 

Georges Blondbl. 



Peler Kirsch. Die pœpstlichen KoUectorien in Deatsehland 
waehrend des XIV Jahrhunderts. 3^ vol. des Quellen und For- 
schunyen ans dem Gebiete der GeschichtCy publiées par la Gcerres- 
Gesellschaft, Paderborn, Schœning, ^894. In-8*, Lxxyiii-562 pages. 

M. Kirsch, professeur d'histoire ecclésiastique à l'Université de Fri- 
bourg (Suisse), a passé plusieurs années à Rome comme secrétaire de 
la Gœrres'GeseUschaft et, dans la publication que nous anuonçons, il 
nous donne en partie le résultat de ses recherches aux archives vati- 



KIRSCH : DIE PiEPSTLICHEN KOLLECTORIBN IFf DSUTSCHLAND. 407 

canes. Il s'est consacré à Tétude des finances pontificales au xiy« siècle 
et, pour cela, il a fait porter ses investigations sur le fonds de la 
chambre apostolique. Malgré les tentatives de Garampi pour en classer 
les nombreuses richesses, il est dans un ordre encore incertain, et 
M. Kirsch a dû commencer par inventorier Tune des grandes séries 
qui le composent, les Collectoriae, tandis que M. Glasscbrœder invento- 
riait Tautre, les Introitus et exitus. Ces catalogues rendront les plus 
grands services aux érudits de tout pays, quand ils seront publiés. 
Aujourd'hui, M. Kirsch nous donne les comptes des collecteurs qui 
ont été envoyés en Allemagne dans le courant du xiv* siècle. 

L'édition en est faite avec le plus grand soin; chaque document est 
précédé d'une étude bibliographique; les variantes et môme les erreurs 
de copie sont scrupuleusement notées; enfin, un index des noms de 
personnes et de lieux permet au chercheur de se retrouver dans la 
multiplicité des détails. M. Kirsch a mis en tête de sa publication une 
introduction nette et précise sur les finances pontificales au xiv« siècle. 
Le sujet est des plus importants : n'est-ce pas une question financière 
qui a mis aux prises, vers la même époque, Philippe le Bel et Boni- 
face VIII? C'est que la papauté suivait la même évolution que la 
royauté capétienne; elle précisait de plus en plus son administration; 
Jean XXII lui donnait un caractère plus administratif; et pour entre- 
tenir les fonctionnaires qu'elle envoyait dans toute la chrétienté, elle 
devait se créer des ressources à peu près fixes et adopter ces tendances 
fiscales que Philippe le Bel avait imprimées à la monarchie française. 
De là ces impôts de plus en plus réguliers que le Saint-Siège levait sur 
l'Église universelle, et de même que Philippe le Bel finissait par rendre 
rétablissement des aides presque permanent, les papes du xiv« siècle 
percevaient sur les biens du clergé des décimes répétés. Réservée d'abord 
pour la défense des lieux saints, cette contribution servit dans la suite 
aux intérêts politiques de la papauté. Bientôt, les annates, les grâces 
expectatives procurèrent de nouvelles ressources au trésor pontifical; 
le droit de dépouilles fut exigé avec rigueur. Le sacré collège et les 
employés de la curie prélevèrent de leur côté des « servitia > sur les 
nouveaux titulaires de bénéfices. Enfin, pour régulariser la rentrée de 
tout cet argent, la chambre apostolique étendit sur l'Europe chrétienne 
le réseau de plus en plus serré de son administration financière; des 
collecteurs furent envoyés dans les différents royaumes, on leur adjoignit 
des sous-collecteurs, on leur désigna les maisons de banque, la plupart 
lombardes, florentines ou siennoises, où ils déposaient et changeaient 
leurs recettes; surtout on exigea d'eux des comptes rigoureux qui, 
après avoir été soigneusement contrôlés, devaient être déposés aux 
archives du Saint-Siège. Ce sont ces comptes qui remplissent les (7o/- 
lectoriae, et, en publiant ceux qui furent présentés par les collecteurs 
envoyés en Allemagne, M. Kirsch a rendu un vrai service à l'érudi- 
tion; car, grâce à son livre, nous voyons fonctionner cette administra- 
tion financière de la papauté. Pour nous aider à en bien voir les rouages. 



408 COMPTES-aB!fO0S CaiTIQUES. 

il fait dans la préface une étude spéciale de chacune de ces redevances, 
de leurs modes de perception et de transmission, enfin des différentes 
monnaies employées dans ces livres de comptes. 

Une pareille publication a un autre genre d'intérêt : elle peut 
nous renseigner sur la valeur et Timportance de tel bénéfice, sur le 
mode dont on y pourvoyait aux vacances. Souvent aussi les comptes 
mentionnent les titulaires des charges ecclésiastiques, et ainsi ils peavent 
nous permettre de retrouver la carrière de plus d*un personnage 
important. 

Il serait à souhaiter que l'exemple de M. Kirsch fût suivi par l'éni- 
dition française. Nous avons parcouru nous-mème plusieurs volumes 
de CoHectoriae concernant la Gascogne, le Languedoc et en particulier 
les diocèses de Narbonne, Carcassonne, Alet et Saint-Papoul, et nous 
y avons puisé plus d'un renseignement sur Torganisation ecclésiastique 
de ces pays au xiv« siècle. Que serait-ce si nous pouvions librement 
disposer de toutes les CoHectoriae de France! En attendant, souhaitons 
que M. Kirsch continue ses intéressantes études et qn'il publie ces 
volumes, dont il annonce la prochaine apparition. 

Jean Guirauo. 



"Weitiner nnd "Wittelsbacher, so^wie die Niederlaa&dtz, im 
XIV Jahrhimdert, von D^ Waldemar Lippert, k. Slaatsarchi- 
var. Dresden, Baeiisch, 4894. In-8**, xvi-344 pages. 

Pour être un peu spéciale au premier abord, l'histoire de la Lusace 
n'en offre pas moins un vif intérêt, car c'est une des régions de l'Alle- 
magne où Ton peut étudier, avec le plus de profit, la lutte de l'élément 
slave contre Télément germanique pendant de longs siècles. 

La Ilaute-Lusace, située entre la Queiss, à l'est, et la Pulsnitz, à 
Touest, était occupée au vii« siècle par la tribu slave des Milziéniens. 
Soumise dès la fin du x« siècle par le margrave de Misnie, elle fut 
incorporée au Saint-Empire et, sauf quelques périodes d'intermittences, 
fut assez rapidement germanisée. 

L'histoire de la Basse-Lusace est moins connue. Quelques travaux 
intéressants ont été publiés au cours de ce siècle, à l'instigation de 
diverses sociétés savantes locales, mais ils ne concernent généralement 
que la période antérieure au xi« siècle. Et pourtant l'histoire de la 
Basse-Lusace, où se retrouvent encore aujourd'hui d'importants débris 
de populations wendes, est particulièrement intéressante pour nous 
montrer les efforts persévérants de la race germanique pour dépasser 
dans la direction de lest les limites du Regnum Teutonicum primitif. 

La Basse-Lusace, comprise entre la Bober et rO<ler, à l'est, et TElster 
noire, à l'ouest, doit son nom à la tribu slave des Lusici, soumis en 
963 par le margrave Gero. Elle forma une marche particulière et resta, 
jusqu'en 1303, dans la possession de la maison de Wettin. 



W. LIPPEET : WETTIPrER UXD WfTTBLSBÀGHBR. 409 

M. Lippert s'est livré à de consciencieuses recherches dans les docu- 
ments fort nombreux et peu utilisés jusqu'à ce jour qui peuvent nous 
renseigner sur l'histoire de cette contrée au xiv« s. Son livre n'est pas 
un ouvrage déânitif, mais c'est un excellent travail préparatoire qui 
sera fort utile pour l'historien qui voudra un jour embrasser dans un 
tableau d'ensemble l'histoire de ce pays. Ses recherches minutieuses 
dans des documents inédits l'ont amené à s'étendre un peu trop sur des 
questions de détails et ont fait perdre à son livre une partie de son 
intérêt; c'est souvent après de longs détours que le lecteur retrouve le 
fil conducteur du récit et les deux idées principales sur lesquelles se 
greffent une partie des développements, à savoir : les efforts de la mai- 
son de Wettin pour maintenir la Basse-Lusace en sa possession et les 
luttes des Empereurs contre les divers seigneurs féodaux. Dès le début, 
nous voyons les Ascaniens du Brandebourg s'emparer d'un pays qu'ils 
trouvaient d'autant plus à leur convenance qu'il formait un lien natu- 
rel entre leurs possessions du nord et celles du midi. C'est en vain que 
les margraves de la maison de Wettin cherchent à reconquérir la 
Lusace en s'appuyant sur plusieurs seigneurs du pays. Frédéric le 
Joyeux et son tils, faits prisonniers à Grossenhain, sont obligés de 
signer un acte de renonciation à la Lusace; mais le désarroi que laisse 
en 1321 la succession de Waldemar le Grand, margrave de Brande- 
bourg, permet aux Wettin de faire valoir leurs vieilles prétentions. La 
Lusace devient alors l'enjeu de la lutte engagée pour la succession à la 
couronne impériale entre Frédéric de Habsbourg, duc d'Autriche, et 
Louis de Wittelsbach, duc de Bavière. Louis triomphe en 1323, et 
c'est alors que, pour accroître sa puissance dans le nord, il donne en 
fief à son fils aine, Louis, le Brandebourg et la Lusace; mais il tâche en 
même temps de conserver l'amitié de la maison de Wettin en accor- 
dant la main de sa fille au jeune margrave Frédéric, le reconnaissant 
en même temps comme tuteur de Louis de Brandebourg et lui confé- 
rant sur la Lusace une sorte de protectorat (dont les conditions nous sont 
d'ailleurs très imparfaitement connues). Frédéric et Louis semblent s'être 
partagé le pouvoir; les documents officiels de cette époque émanent de 
l'un et de l'autre. Mais le pays passe bientôt en d'autres mains. En 
1328, il est donné en gage à Rodolphe de Saxe; mais Louis, qui s'était 
réservé un droit de rachat pendant douze ans, use de cette clause en 
1339, et alors jusqu'en 1350 se succèdent diverses conventions s'annu- 
lant les unes les autres, sans parler du trouble jeté dans le pays par 
l'apparition d'un faux Waldemar de Brandebourg, qui obtient d'abord 
l'appui de l'empereur Charles IV de Luxembourg, mais est bientôt 
supplanté dans les faveurs de celui-ci par Louis de Brandebourg, 
réconcilié avec son suzerain. 

M. Lippert expose assez clairement (c'est une des meilleures parties 
de son livre) les événements qui, en 1350-1353, mirent de nouveau la 
Lusace entre les mains des Wettin. Les Wittelsbach devaient de grosses 
sommes à ces derniers; ne pouvant acquitter leurs dettes, ils leur 



440 COMPTES-RENDUS CRITIQUES. 

remirent la Lusace en gage, puis la dette augmentant toujours, ils 
consentirent à leur vendre le pays en se réservant une faculté de rachat. 
La situation financière du Brandebourg se trouvant alors très difficile, 
la vente semblait devoir être définitive. Se considérant comme proprié- 
taire absolu, Frédéric III de Wettin, pour fortifier son pouvoir, adjoignit 
à la Lusace quelques territoires avoisinants et se fit donner par Tem- 
pereur l'investiture féodale de tout le pays. Un de ses frères épousa une 
nièce de Tempereur, et la paix semblait rétablie dans tout le pays 
lorsque la lutte se ranima là où on s'y attendait le moins. L'empereur 
Cbarles IV, qui était en même temps roi de Bohême, cherchant à 
s'agrandir du côté du nord, avait épousé une fille du duc de Schweid- 
nitz, Bolko. Il imagina de se faire concéder, par une série de traités 
conclus avec les margraves de Brandebourg, la propriété de la Lusace 
entière en promettant de payer les dettes de ceux-ci. Ces arrangements 
s'étaient faits sous le couvert de Bolko, que Charles avait reconnu pour 
son héritier. Aussi à sa mort, en 1370, la Lusace fut-elle rattachée à la 
Bohême, tandis que la maison de Wettin, qui perdait peut-être plus 
en apparence qu'en réalité, se consolidait dans la Misnie. 

La Lusace fut soumise au même régime que la Bohême, et les empe- 
reurs durent ratifier les privilèges lors de leur couronnement. L'organi- 
sation judiciaire de la Bohême fut étendue à sa nouvelle annexe, et les 
dispositions minutieuses qui concernent la Lusace dans les documents 
de cette époque montrent quel prix l'empereur Charles attachait à la 
possession de ce pays. 

C'est ici que s'arrêtent les recherches entreprises par M. Lippert. Il 
se borne dans un dernier chapitre à indiquer brièvement quelles furent 
les destinées ultérieures de la Lusace. La puissance de la maison de 
Luxembourg s'effondra à la mort de Charles IV comme la puissance 
des Wittelsbach s'était effondrée à la mort de l'empereur Louis. La 
famille de Wettin ayant pu reconquérir une partie de la Basse-Lusace, 
elle s'empressa, dès qu'elle fut parvenue au trône ducal de Saxe, de 
faire revivre les prétentions de la maison ascanienne et chercha à son 
tour, comme l'avait fait jadis Frédéric le Joyeux, à se faire donner la 
Lusace en gage. Ses efforts furent contrecarrés au milieu du xv* siècle 
par les Hohenzollern d'abord, puis par les rois de Bohême. Les ducs de 
Saxe n'atteignirent leur but qu'à la faveur de la guerre de Trente ans, 
et ce fut la paix de Prague en 1635 qui les rendit maîtres définitifs 
de toute la Lusace. On sait comment le congrès de Vienne leur enleva 
la Basse-Lusace pour la donner à la Prusse. 

M. Lippert, qui a reproduit en appendice (p. 219 à 311) un certain 
nombre de chartes et de documents intéressants, a eu l'heureuse idée 
d'insérer à la suite de son travail une courte étude sur les avoués qui 
gouvernèrent la Basse-Lusace soit pour le compte des margraves de la 
maison de Wettin, soit pour le compte de Bolko. Les trois avoués des 
princes Hermann de Golssen, Conrad de Wurtzbourg et Nicolas de 
Kôckritz furent choisis, non pas tant à cause de leur talent et de lear 



DAEIVBLL : DIB KCKLNËR KONFCEOBaiTION 4367. 444 

énergie que parce qu'ils étaient créanciers du margrave, et la charge 
qui leur fut confiée nous apparaît comme une sorte de gage. Ils n'ont 
pas de résidence fixe, mais séjournent de préférence dans les villes qui 
sont sous la dépendance immédiate du margrave. Ils ont des comptes 
rigoureux à rendre lorsqu'ils sortent de charge et comparaissent à cet 
effet devant les plus hauts fonctionnaires de la cour, le chancelier, le 
maréchal, le grand juge et divers conseillers secrets ; mais, dans l'exer- 
cice de leurs fonctions, ils représentent pleinement le margrave, ont 
des pouvoirs de police très étendus et touchent des revenus proportion- 
nés à ces pouvoirs. M. Lippert a résumé en somme beaucoup de faits 
et de documents, et si la lecture de son livre manque un peu d'attrait, 
si la composition laisse à désirer, s'il est parfois difficile de se retrouver 
dans la masse des faits et l'abondance des citations, il faut du moins 
rendre hommage aux efforts de ce savant archiviste pour jeter quelque 
lumière sur une des parties les plus obscures et les plus mal connues 
de l'histoire de TAllemagne dans la seconde moitié du moyen âge. 

Georges Blondbl. 



Die Kœlner Konfœderation vom Jahre 1367 and die Schoni- 
Bchen PfàndschafteD (Hansisch-Dânische Gescbichte 4367- 
4385), von E. R. Daenell. Leipzig, Duncker et Huaiblot, 4894. 
ln-8®, xiv-474 pages. 

Bien que les questions dont il est parlé dans ce travail eussent déjà 
maintes fois attiré l'attention des savants allemands et Scandinaves 
(Scbaefer notamment en avait fait l'objet d'une substantielle étude 
dans les Hansische Gesehichtsblàtter)^ jamais elles n'avaient provoqué des 
recherches aussi complètes et aussi pénétrantes. M. Daenell ne s'est 
pas borné, comme ses prédécesseurs, à fouiller le riche trésor des Han» 
serectsse et à dépouiller les collections d'actes ou de chartes d'ailleurs 
fort importantes qui touchaient à son sujet. Il a tiré un merveilleux 
parti d'un élément d'information très négligé jusqu'alors et qui, dans 
ce travail, prend sinon la place prépondérante, au moins une impor- 
tance considérable, nous voulons dire des renseignements numériques 
contenus dans les chartes ou diplômes dont on n'avait jusqu'ici cherché 
à extraire que la trame historique proprement dite. Un long appendice 
donne une idée de la méthode et des conceptions fort ingénieuses de 
l'auteur. Son étude tout entière repose d'ailleurs sur les sources, qu'il 
connaît à merveille et dont il sait fort bien dégager les idées générales 
dans une période de l'histoire qui est fort embrouillée. Nous voyons se 
dessiner d'un côté la physionomie de Waldemar et de la grande reine 
Marguerite, de l'autre celle des Mecklembourgeois et des Hanséates. Il 
serait trop long de rechercher tous les points nouveaux mis en lumière 
dans ce travail. L'auteur insiste avec raison sur l'importance qu'eut dans 



Â\2 COMPTES-RENDUS CRITIQUES. 

ces luttes la partie méridionale de la péninsule Scandinave, la Scanie 
{Schonen, Skane)^ et sur les cessions sous forme de gages (Sch4)nische 
Pfandschaften) qui en furent faites. Cette région fut longtemps un objet 
de discussion entre le Danemark et la Suède et ne fut définitivement 
réunie à celle-ci qu'à la paix de Roeskilde en 1658. On y parle encore 
un dialecte très voisin du danois. La politique des Hanséates dans ce 
pays, à partir de 1365, est intéressante à suivre. Il semble certain que 
la ligue conclue le 19 septembre 1367, à la suite d*une grande réunion 
tenue à Cologne où s'assemblèrent les plénipotentiaires de Liibeck, 
Rostock, Stralsund, Wismar, Kulm, Thorn, Elbing, Kampen, Elborg, 
Harderwijk, Amsterdam et Briel, fut une idée prussienne, mais réa- 
lisée par les villes wendes. Ce n'était pas une simple ligue défensive, 
mais un véritable traité d'alliance dirigé contre les rois de Danemark 
et de Norvège et qui devait aboutir à une expédition militaire au prin- 
temps de Tannée 1368. C'est aux efforts de la ville de Lûbeck, qui prit 
la direction du mouvement, qu'est due l'entente qui se fît, entre des 
princes jusque-là désunis, contre Waldemar. 

Dans la seconde partie du livre, on suit avec intérêt Taccroissement 
du pouvoir de Marguerite. Une bonne partie du peuple danois, la 
noblesse et la reine elle-même soutenaient au fond les pirates. Quant 
aux villes, préoccupées du tort que toute action militaire causait à leur 
commerce, elles se montrèrent, en somme, contrairement à ce qu'on a 
répété, timides et conciliantes, attendirent souvent la dernière extré- 
mité pour agir : elles ne se souciaient nullement d'aller chercher les 
pirates jusque dans leurs repaires. Marguerite, comme le prouve 
M. Daenell (p. 142 et suiv.), se montra en défînitive supérieure à la 
Hanse. Elle força celle-ci à renoncer à son influence politique directe 
sur le Danemark, à livrer les châteaux qui lui servaient de base d'opé- 
rations, à renoncer à un grand nombre de péages. Et nous voyons 
enfin comment tomba la confédération de Cologne, dont l'existence 
n'eut de raison d'être que tant que la Hanse maintint les conquêtes 
qu'elle avait faites. Ses efforts furent en définitive stériles. Après 
comme avant, les marchands hanséates eurent à subir de grandes 
pertes dans toutes les eaux danoises; ils durent se soumettre à des 
péages illégaux, s'incliner devant l'application la plus large du droit 
d'épave, et voir même leur cargaison partagée entre les pirates, la reine 
et les nobles. 

La dissertation de M. Daenell est le premier fascicule d'une série 
publiée sous la direction de trois professeurs éminents, Arndt (mort 
aujourd'hui et remplacé par Buchholz et Seeliger), Marcks et Lam- 
precht. Elle a été élaborée dans le séminaire de ce dernier. Puissent 
les fascicules de cette publication être dignes du premier! M. Daenell 
semble mûr aujourd'hui pour des travaux de premier ordre. 

Georges Blondel. 



H. MUBLLBE : HISTOIRE DE JBANNB d'ABG. 443 

D' H. MuLLER, professor am Gymnasium zu Heidelberg. Histoire de 
Jeanne d'Arc, dans la Schulbibliothek Franzosischer und Engli* 
scher Prosaschriften. Berlin, R. Gaerlner, 4896. Petit in-8*. 

Malgré les progrès qui, depuis plusieurs années, ont été réalisés chez 
nous ponr les livres classiques, il n'est pas inutile de s'occuper de ceux 
qui se publient à l'étranger, principalement en Allemagne, surtout lors- 
qu'il s'agit de l'enseignement de notre langue. Uédition que M. H. Mûller a 
récemment donnée de l'Histoire de Jeanne d'Arc, par M. de Barante, nous 
parait répondre parfaitement à son objet. La disposition en est claire, 
le commentaire judicieux et ne craint pas de répondre avec une préci- 
sion vraiment scientifique à toutes les curiosités historiques, linguis- 
tiques, littéraires qui peuvent solliciter Tattention d'un élève intelligent. 
L'auteur a consulté non seulement les travaux de Quicherat, de Beau- 
court, Vallet de Viriville, etc., mais les mémoires spéciaux des Orléa- 
nais Boucher de Molandon et Beaucorps. L'ouvrage est accompagné 
de tableaux généalogiques, de cartes, de plans, d'indications bibliogra- 
phiques. Les notes, ayant un caractère plus spécial d'érudition, ont été 
réunies dans un appendice publié à part qui contient aussi un Itinéraire 
de Jeanne d'Arc, étudié avec le plus grand soin et ajoutant plus d'un 
renseignement utile aux travaux de Berryat Saint-Prix et de Quiche- 
rat sur le même sujets Enfin, l'on y trouve, comme on devait s'y 
attendre dans un livre allemand, une table alphabétique des noms 
propres. Cet usage n'est pas encore aussi général en France qu'il 
devrait l'être, et il est bon de saisir toutes les occasions de le recom- 
mander aussi bien aux auteurs qu'aux éditeurs. II est vrai qu'en Alle- 
magne les livres classiques n'ont pas à craindre l'espèce de défaveur 
qui s'attache trop souvent encore chez nous à des publications dans 
lesquelles la critique semble décidée d'avance à ne voir que des œuvrer 
de vulgarisation, dans le sens le plus défavorable du mot. Le choix 
fait du récit de Barante peut nous étonner, mais il s'explique; on 
tenait à mettre entre les mains des jeunes allemands le récit d'un épi- 
sode célèbre de notre histoire, qui ne pût faire naitre que de beaux 
sentiments et qui fût à la fois un livre d'instruction et de morale. 
Aucun sujet ne convenait mieux que la vie de Jeanne d'Arc. On vou- 
lait, d'autre part, un livre suffisamment court et écrit dans une langue 
correcte, académique au besoin, mais simple et usuelle. C'est cette der- 
nière raison qui a sans doute fait écarter le récit de Michelet. 

R. Pbyre. 

1. Cet itinéraire e^t rédigé en français. M. H. Mûller a d'ailleurs écrit dans 
notre langue pins d'un opuscule sur l'histoire da xv* siècle. 



444 COMPTES-RENDUS CRITIQUES. 

Mairyar Hadtœrténelmi Emiékek (Monuments de l'Histoire mili- 
taire hongroise), par le D' Szendbei. Budapest. Gr. in-8* illustré, 
945 pages. Prix : 6 florins. 

Le ministère hongrois du Commerce avait confié à M. le Di" Jean 
Szendrei, dont beaucoup de voyageurs français ont pu apprécier la 
complaisance et le savoir archéologique pendant qu'il dirigeait la par- 
tie historique de l'Exposition millénaire, la publication d'un fort beau 
volume illustré, qui vient de paraître à Budapest. Même en attendant 
que Ton puisse en consulter une édition allemande ou française, la 
série extrêmement abondante des dessins met sous les yeux du lec- 
teur une véritable histoire de l'art militaire en Hongrie depuis avant 
Tan mil jusqu'au siècle dernier. Ce ne sont pas seulement les armes 
anciennes ou modernes qui constituent cette galerie, mais toutes les 
parties du costume militaire ou de Téquipement du cavalier, les tentes 
turques si curieuses, les anciens dessins de batailles ou de places fortes, 
les statues tombales des guerriers, etc. C'est une contribution des plus 
utiles à l'histoire générale de l'Europe orientale. 

E. Sayous. 



Lorenzo de^ Medici and Florence in the flfteenth centnry, by 

E. Armstrong, m. a., fellow of Queens Collège, Oxford. London, 
G. P. Putnam's Sons, 1896. i vol. in-42, xv-449 pages. 

Ce volume fait partie d'une collection qui en est à ses débuts et qui 
pourra comprendre, selon le caprice des auteurs et de l'éditeur, tous ceux 
que celui-ci appelle a les héros des nations. > Le moindre danger n'en 
sera pas de ranger sous cette dénomination équivoque autant qu'ambi- 
tieuse des hommes qui y ont des titres trop divers ou qui même n'y 
ont aucun titre. Parmi les volumes qui ont déjà paru, qui vont bientôt 
paraître ou qui sont en préparation, se trouvent, — nous citons dans 
l'ordre du prospectus, — Nelson, Gustave-Adolphe, Périclès, Théodo- 
ric, sir Philip Sidney, Jules César, Wyclif, Henry de Navarre, Gicéron, 
Abraham Lincoln, prince Henry de Portugal, Julien le Philosophe, 
Louis XIV, Charles XII, Jeanne d'Arc, Saladin, le cid Gampeador, 
Charlemagne, Cromwell, Alfred le Grand, Bruce, Moltke, Hannibal, 
l'empereur Frédéric II, Alexandre le Grand, Charles le Téméraire, 
Judas Macchabée, O'Connell, Henry V, Bismarck. Ne disputons pas 
sur ces choix, quoiqu'il y en ait d'étonnants. Ne réclamons pas pour 
les absents; on nous répondrait que leur tour viendra. Mais, que répon- 
dra-t-on si nous nous bornons à dire que, parmi ces grands person- 
nages, plusieurs ne sont pas des héros, et que d'autres le sont d'un 
parti, d'une secte, nullement d'une nation? 

Comment, en particulier, a-t-on pu introduire dans cette galerie 



▲RH8TR0NG ! LORE^fZO DE* MEOIGI. 445 

Lorenzo des Medici? Il n'est un héros en aucun sens, et, sous sa 
fiunille, la Toscane est un État, une province italienne, elle n'est pas 
ane nation. Lui-môme, par la transformation qu'il a fait subir à sa 
glorieuse petite patrie, il l'a plus que personne acheminée dans les voies 
de la décadence. M. Armstrong reconnaît que « son héros n'est pas un 
héros > (préf., p. 5), et il fait bien, puisqu'il en est réduit à l'excuser 
de n'avoir jamais paru sur un champ de bataille ; mais il veut voir en 
lui l'équivalent d'un héros, c'est-à-dire un homme qui a tous les 
mérites, sauf la valeur guerrière. Pour s'autoriser à ce virement risqué, 
voici comment il raisonne : « Si Ton avait demandé à Henry VII ou à 
l/ouis XI quel était l'homme le plus remarquable d'Italie, ils auraient 
nommé Lorenzo. b Belle justification, qui repose sur une hypothèse en 
l'air, purement gratuite, et sur cette idée fausse que Thomme le plus 
remarquable d'une nation, à un moment donné de son histoire, même 
à un des plus déshérités, est remarquable non pas relativement, mais 
d'une manière absolue et digne d'être considéré comme un des héros 
de cette nation I 

Tel est, chez notre auteur, le premier défaut de la cuirasse. C'en est 
un second que, pour justifier son choix et porter son homme aux nues, 
il doit s'inscrire en faux contre ceux des contemporains qui, n'étant 
pas de flatteurs courtisans, ont osé montrer en Lorenzo l'égorgeur des 
libertés publiques, l'usurpateur du pouvoir, le mécène économe jusqu'à 
la ladrerie, si peu entendu aux arts dont il affectait d^ètre le protec- 
teur, qu'il laissa tous les plus grands artistes s'exiler, porter ailleurs 
leur génie, ne montrant pour aucun plus de prédilection que pour Ver- 
rochio. Ces contemporains sévères, mais justes, préféraient de beaucoup 
à Lorenzo son père Gosimo, Gosme l'Ancien. De celui-ci pourtant per- 
sonne, jusqu'à ce jour, ne s'est avisé de faire un héros des nations. 

Seuls, les souverains étrangers de ce temps-là ont pu préférer le fils 
an père. Auprès d'eux, Lorenzo bénéficiait de l'éloignement. Dans l'es- 
pace comme dans le temps, l'éloignement relègue dans l'ombre ce qui 
pourrait faire ombre au tableau, et l'on est plein d'indulgence pour les 
laideurs, pour les vices qui ne choquent qu'indirectement les yeux, 
pour les abus, pour les maux dont on n'a pas à souffrir soi-même. 
(Tétait d'ailleurs pour les tètes couronnées un spectacle agréable que 
celui de ce bourgeois qui, pour devenir prince, renonçait aux procédés 
plus discrets de son père et imitait chaque jour davantage ceux des 
monarques en possession du pouvoir absolu ou qui s'y acheminaient à 
grandes guides. 

Quant à M. Armstrong, par la position qu'il avait prise en faisant 
entrer Lorenzo dans la collection, il était fatalement conduit à emboî- 
ter le pas aux apologistes les plus déterminés. Il a entendu le son de 
plusieurs cloches; il n'a écouté que colles qui plaisaient à son oreille. 
Si c'était un simple portrait, passe encore : le peintre n'est tenu à 
reproduire son modèle que comme il le voit ; tant pis pour lui et pour 
son modèle s'il le voit mal. Mais, dans une monographie, dans une 



4i(3 COlfPTBS-aBNDIJS CRITIQUES. 

histoire, on est tenu sinon de voir, tout au moins de chercher la vérité. 
L'excuse, ici, c'est que le livre ne prétend à rien établir; il vulgarise 
ce quHl croit établi. L'auteur se sert de ceux qui ont été publiés avant 
le sien; il les nomme dans sa préface c une fois pour toutes, » et Ton 
chercherait en vain dans ses nombreuses pages la moindre référence. 
Les très rares notes qu'on y rencontre çà et là ne sont consacrées qu'à 
des observations de détail, d'intérêt pour la plupart très secondaire. H 
était sage de ne prétendre à aucune originalité sur ce sujet. L'ouvrage 
magistral de M. de Reumont est de nature à décourager toute espé- 
rance. C'est aussi une entreprise d'apologiste, mais plus prudent, parce 
que l'apologiste allemand est doublé d'un historien. 

Pour justifier son héros quand il se sent réduit à ne pas le glorifier, 
M. Armstrong a plus d'une corde à son arc. Tantôt il rétorque brave- 
ment les accusations portées par ses devanciers, tantôt il rompt la 
chaîne des faits, ce qui empêche d'en voir la connexion. Ainsi, loin de 
montrer comment, après avoir reconquis la paix par son voyage à 
Naples, Lorenzo en profite aussitôt pour réformer l'Etat dans Tiotérét 
de sa domination de plus en plus absolue, il met entre ces deux faits 
connexes tout un chapitre de guerres qui dissimule le machiavélisme du 
banquier en passe de devenir prince. Ce machiavélisme, le monographe 
et même le portraitiste, avait le devoir de le mettre en lumière, car 
c'est assurément ce qu'il y a de plus caractéristique dans la vie de 
Lorenzo. Si l'on se borne à dire : il alla à Naples, il y fut bien reçu, il 
modifia les institutions, on parle en chroniqueur peu soucieux de 
montrer les rapports de cause à effet, ou même en avocat trop habile, 
qui disjoint ce qui doit être joint, avec ou sans dessein de dérol)er ces 
rapports à la vue. Est-ce donc un plaidoyer ou une oraison funèbre 
qu'on a entendu nous mettre sous les yeux? 

M. Armstrong a pris son parti. Ces réformes constitutionnelles qu*il 
fallait démasquer, il les approuve (voy. p. 246). Mais quoi! n'approuve- 
t-il pas toutes choses? Les autres panégyristes passent condamnation 
sur les obscénités qui déparent certaines poésies de Lorenzo ; lui, pour 
le couvrir, il évoque la Grèce, Rome antique, le moyen âge à la fête 
des fous. Point ne lui chaut de la différence des temps et des civilisa- 
tions. Il n'y a qu'un article sur lequel nous relevions quelque sévérité : 
c'est la gestion financière. Le fellow d'Oxford s'entend mieux que ce 
Médicis aux questions de doit et avoir (voy. p. 272). 

A ces critiques, qui se ramènent, on a pu le voir, à une seule, — les 
conséquences d'un choix mal inspiré, — joignons-en quelques autres 
de moindre importance. L'ordre chronologique, ce bon fil conducteur, 
est suivi plus en apparence qu'en réalité. Il est commode de mettre 
deux dates extrêmes en tête d'un plus ou moins grand nombre de pages ; 
on peut ensuite se mouvoir en toute liberté, au risque de mettre la 
charrette devant les bœufs, sans le moindre souci de la préséance chro- 
nologique et logique d'un fait sur l'autre. Beaucoup trop rares sont les 
réflexions personnelles qui les expliquent ou en tirent la morale, et 



▲RlfSTROPfG : LOKEmO DE* MEDICI. 447 

l'on ne peut cependant se plaindre, puisque toutes celles qu'on ren- 
contre tendent à l'apologie, puisque, quand il veut réfuter un des 
devanciers qui lui servent de béquilles, notre auteur prend un trait 
malicieux pour un argument en forme, le Pirée pour un homme. Peut- 
(>tre, en revanche, aimc-t-il trop à rapprocher des choses du xix<' siècle 
celles du xvi»; ce n'est pas sans quelque étonnement que nous voyons 
dans Lorenzo « le plus grand des opportunistes. • Le chapitre consacré 
aux beaux-arts regorge de détails qu'il convenait d'épargner au lec- 
teur. Il ne s'agissait pas d'énumérer un grand nombre de chefs-d'œuvre, 
il s'agissait de montrer dans quelle mesure le banquier les avait encou- 
ragés ou simplement compris. On serait tenté de croire que c'est là une 
diversion pour cacher une faiblesse; mais noni Cette faiblesse est si 
peu sentie qu'on essaie d'établir qu'elle a été injustement imputée au 
c mécène > florentin. 

Nous regretterons en6n qu'à ces 440 pages il n'y ait pas un mot de 
conclusion. L'ouvrage finit en queue de poisson par une mention de 
Squarcialupi et de la musique, et par une citation traduite en anglais, 
où l'auteur cité parle de lauriers ; mais, cet auteur, c'est le courtisan 
Politien. 

Ces réserves étaient nécessaires. Nous sommes maintenant libre pour 
l'éloge. L'ouvrage est bien composé, bien écrit dans cette manière 
impersonnelle qui n'est pas rare en Angleterre, d'une lecture facile et 
courante, d'un intérêt soutenu, sauf peut-être quand il est question de 
ces guerres minuscules, qui ont si peu de prix aux yeux de la postérité. 
M. Armstrong a mis dans son travail plus de soin que n'en apportent 
souvent les vulgarisateurs. Bien qu'il avoue loyalement avoir travaillé 
do seconde main, il a l'excellente habitude de ne pas en croire ses 
guides sur parole; il vérifie souvent les sources; même, en un endroit 
(p. 93), il dit avoir remonté sur un point particulier jusqu'aux manus- 
crits. Trouve-t-il un de ses auteurs en défaut, il a soin de le dire, et 
nous l'en louerons volontiers : sur les moindres points, il est bon d'éta- 
blir ou de rétablir la vérité *. 

Un des attraits, et non le moindre, d'un livre si agréable à manier, 
comme tant de livres anglais, ce sont ses nombreuses et belles illustra- 
tions. Il y a des vues, des dessins, des tableaux, des médailles en 
quantité respectable et jusqu'à seize portraits. Au choix qu'il en a fait, 
à la reproduction qu'il en a surveillée, M. Armstrong n'a pas apporté 
moins de soin qu'à la vérification des faits. Les moindres de ses illus- 
trations ont leur prix ; mais le prix de ses portraits est tout particulier. 
Il a fait choix des plus beaux ou des plus vivants parmi les cbefs- 

1. Sealement, en la rétablissant, il ne faudrait pas d'an œuf faire un bœuf, 
et, par exemple, quand un historien a ré?oqaé à tort en doute tel détail d'une 
conspiration, parce qu'il lui avait échappé dans sa lecture des contemporains, 
dire qu'il a révoqué en doute la conspiration tout entière (voy. p. 58), ce qui 
est une erreur absolue, comme il est facile de s'en assurer. 

Rbv. Histor. LXV. 2« fasc. 27 



448 GOKFTES-RBNDUS CRITIQUES. 

d'œuvre du xyi« siècle, et les photographies qu'il en a tirées, d'après les 
originaux des galeries publiques ou privées de tout pays, sont assez 
bien réussies pour qu'on croie avoir le personnage en face de soi et 
qu'on ait envie de lui parler. Notons un acte de vrai courage. Le 
c héros » n'a pas moins de deux portraits, qui accusent l'un et l'autre 
sa laideur peu sympathique : ne reculons pas devant cette épithète que 
nous avons empruntée aux Italiens et dont nous abusons comme eux. 
Un seul portrait permettrait de croire que le peintre a enlaidi son 
modèle; deux nous ôtent cette illusion. 

En nous montrant si bien les hommes et les femmes, les c palais • 
et les villas qu'ils habitaient, on nous fait pénétrer plus avant dans la 
connaissance d'un temps fort mêlé, mais qui a eu ses jours de gran- 
deur et de gloire. C'est par là surtout que le livre de M. Armstrong 
mérite d'avoir hors d'Angleterre le succès que nous lui souhaitons. 
Sans ces illustrations, il serait inutile à la France, qui a traduit M. de 
Reumont, et plus encore à l'Italie, qui n'a pas même eu besoin de le 
traduire, l'allemand étant devenu pour nos voisins, au midi des Alpes, 
comme une seconde langue maternelle. 

F. T. P. 



RBGUIILS PjfRIODIQUBS 449 



f f 



RECUEILS PÉRIODIQUES ET SOCIETES SAVANTES. 



1. «- Revae des Questions historiques. Janv. i897. — Cabra de 
Vaux. L'Islam, d'après un livre récent (conteste les appréciations trop 
favorables de M. de Gastries sur Tlslam). — D.-J.-M. Besse. L'Exercice 
de Garcias de Gisneros et les Exercices de saint Ignace (saint Ignace a 
connu et imité l'Exercice de Garcias de Gisneros, mais il a aussi son 
originalité). — V. Pierre. La justice révolutionnaire du 10 thermidor 
an II au 18 fructidor an V (les thermidoriens et le Directoire ont entouré 
lexercice de la justice de garanties qui n'existaient point jusqu'alors, 
mais ces garanties n'ont été appliquées ni aux prêtres ni aux émigrés. 
Une terreur distillée remplace la terreur répandue à flots). — BrrrARo 
DES Portes. Un conflit entre Louis XVIII et Ferdinand VII (à propos 
de l'asile accordé à Mina par la France). — Dedouvres. Le P. Joseph 
polémiste (maintient avec acrimonie, contre M. Fagniez, au P. Joseph 
la paternité de tous les pamphlets qu'il lui a attribués). — Vacandard. 
Les origines de la fête de la conception de la Vierge en Normandie 
et en Angleterre (elle existait en Angleterre dès le xi« s. On ne la cons- 
tate en Normandie qu'au xn«). — Froidevaux. Débuts de l'occupation 
française à Pondichéry (étude sur Bellanger de Lespinay, premier rési- 
dent français à Pondichéry, dont M. F. a publié les Mémoires). — 
Baouenault de Puchesse. Le siège de Saint-Quentin et la bataille de 
Saint-Laurent (à propos du beau volume publié par la Société acadé- 
mique de Saint-Quentin sur la Guerre de Î557 en Picardie). — Tamizey 
DE Larroque. Deux livres de raison du xvi« s. (analyse l'excellente 
publication, par MM. de Santi et Vidal, des livres de raison d'Eutrope 
Fabre et de Guilhem Masenx). — J.-P. Martin. Talleyrand et la prin- 
cipauté de Bénévent (des papiers trouvés par hasard ont permis de 
reconstituer l'administration du duché du 15 juin 1806 au 22 mars 1809). 

— Spont. Courrier anglais (ce courrier, excellent et très complet, a le 
tort de ne pas mentionner la date des ouvrages mentionnés). — Pélis- 
siER. Gourrier italien. — Ghronique. — Périodiques. — Gomptes-ren- 
dus. = Avril 1897. Baouenault de Puchesse. Gatherine de Médicis et 
les conférences de Nérac (l'érudit à qui est confiée la continuation de 
la publication de la correspondance de Gatherine de Médicis expose, 
d'après des lettres qui paraîtront au t. VI, les conférences tenues par 
la reine mère en février 1579, à Nérac, avec Henri de Navarre et les 
chefs et ministres protestants, pour établir une pacification religieuse). 

— GLÈMENT-SmoN. La vie seigneuriale sous Louis XIII. Le vicomte de 
Pompadour, lieutenant du roi en Limousin, et Marie Fabry, vicomtesse 
de Pompadour (ce qui fait l'intérêt des correspondances sur lesquelles 



420 E£GU£ILS PERIODIQUES. 

s'appuie et que cite M. G. -S., c'est que Marie Fabry était fille d'un 
riche bourgeois parisien qui, après avoir noblement marié sa fille, con- 
sacra tous ses soins à relever la fortune de son gendre. Marie Fabry s'y 
montre à nous comme une maîtresse femme et, une fois de plus, Tal- 
lemant, qu'on cite toujours et bien à tort comme une autorité, sans le 
contrôler, est convaincu de grossière imposture). — Spont. La milice 
des francs-archers, 1448-1500 (l'étude minutieuse de M. 8. prouve que 
la mauvaise réputation des francs-archers n'était pas usurpée, qu'ils 
étaient pillards, insubordonnés et souvent lâches, mais que pourtant on 
crut devoir les conserver longtemps et qu'on s'en servit pour garder les 
places). — Vacandard. La scola du palais mérovingien (pour M. V., il 
n'y a pas eu d'école du palais sous les Mérovingiens; la scola était l'en- 
semble des fonctionnaires du palais. Pour nous, la scola est la garde 
royale dont parle le moine de Saint-Gall : « Scola, vacationis semper 
ignara, » où les jeunes nobles faisaient l'apprentissage des armes). — 
Mërlet. Réponse à quelques objections relatives à l'origine franque de 
Robert le Fort (maintient, à tort selon nous, qu'il était fils de Guillaume, 
comte de Blois). — Spont. La France dans l'Italie du Nord au xv« s. 
(sur les ouvrages de Jarry, Perret, Pélissier, Kohler). — Vicomte de 
RicHEMONT. Une page de la correspondance de l'abbé de Salamon (récit 
de la fête donnée aux Suisses de Ghâteauvieux. M. de R. a retrouvé au 
Vatican toute la correspondance de Salamon avec le cardinal secrétaire 
d'État et démontré l'exactitude du rôle de nonce officieux qu'il se donne 
dans ses Mémoires). — Ghérot. Le bienheureux Pierre Ganisius (d'après 
sa correspondance, dont le !«' vol., de 1541 à 1556, vient de paraître). 

— Tamizey de Larroque. Les Bénédictins de Saint-Maur à Saint-Ger- 
main-des-Prés (analyse l'excellent Nécrologe avec notices de l'abbé 
Vanel. M. T. de L. apporte d'importantes corrections ou additions). — 
Gomte DE LuçAY. Le gouvernement local de l'Angleterre (à propos du 
livre de M. Vauthier). — Delescluze. Gourrier belge. — Bbauvois. 
Gourrier du Nord. — Ghronique. — Périodiques. — Gomptes-rendus. = 
Juillet 1897. Delattre. Les dernières découvertes aux pays bibliques. — 
Sepet. Le théâtre en France avant Gorneille. — A. de Boislisle. La rébel- 
lion d'Hesdin. Fargues et le premier président Lamoignon (première partie 
d'une étude tout à fait neuve et intéressante, faite en grande partie 
d'après les archives de Gondé, sur ce major de la place d'Hesdin, qui 
livra en 1658 cette place à Gondé et aux Espagnols. Gontrairement à ce 
que dit Saint-Simon, il ne joua aucun rôle dans les troubles de Paris). 

— A. DE Ganniers. La campagne de Russie. De Paris à Vilna en 1812 
(d'après les souvenirs de Socrate Blanc, aide-major de la Grande Armée). 

— F. Gabrol. L'abbaye de Silos en Espagne (analyse du recueil des 
chartes de Silos et de l'Histoire de Silos par dom Férotin). — Vagandard. 
La Vie de saint Bernard et ses critiques (réponse à M. Deutsch, à 
dom Morin, à l'abbé Juste). — Kurth. Le troisième volume de l'Histoire 
des papes de M. Pastor (intéressant compte-rendu). — Bernard. Le 
second procès instruit par l'Inquisition de Valladolid contre Fr. Luis 



RBCUBILS PERIODIQUES. 424 

de Léon (le poète fat accusé sans raison, traité avec une injuste rigueur 
et finalement absous après que la sentence des premiers juges eut été 
cassée). — A. de Ganniers. Le général Trochu (jugement bien indul- 
gent). ^ Comte DE PuYMAiGRE. La légende des sept infants de Lara 
(d'après le bel ouvrage de Menendez Pidal). — T. de Larroque. Les 
œnvres inédites de Grandidier (au sujet de l'édition de M. Ingold). — 
8pont. Courrier anglais. — Chronique. — Périodiques. — Comptes- 
rendus. 

2. — BibUothèqne de TÉcole des chartes. T. LYm, 1897 ; mai- 
jain. — Ph. Lauer. La numérotation grecqpie des Annales de Flodoard 
(tous les mss. de ces Annales renferment une môme numérotation 
grecque dont chaque chiffre correspond à un paragraphe d'année ; elle 
8e trouve dans tous les mss., donc elle doit provenir de Toriginal. Le 
point de départ de cette numérotation est Tannée 893; il faut donc 
supposer que les Annales renfermaient à l'origine des mentions rela- 
tives aux années 893-918). — H. Omont. Un traité de physique et d'al- 
chimie du XV* s. en écriture cryptographique (transcription avec fac- 
similé). — A. Lefrang. Marguerite de Navarre et le platonisme de la 
Renaissance. — P. Fournier. Les collections canoniques attribuées à 
Yves de Chartres; suite (la Panormia, compilation très célèbre au 
moyen âge ; elle n'est guère qu'un abrégé du Décret attribué à Yves. 
Elle a été rédigée vers 1095, très peu de temps après le Décret. Elle est 
sûrement l'œuvre d'Yves, qui est très probablement aussi l'auteur du 
Décret, ainsi que des deux premières parties de la Tripartita. Le savant 
évéque s'était sans doute proposé, en composant son recueil, de prépa- 
rer les esprits à la réforme ecclésiastique en vue des conciles présidés 
par Urbain II). = Bibliographie : Aug. Molinier. (]k)rre8pondance admi- 
nistrative d'Alphonse de Poitiers ; t. I. — Sécheret^Cellier, Histoire de 
mon village; études historiques sur RaucourtetHaraucourtetlarégion 
avoisinante (bon). — J. Chevalier. Essai historique sur l'église et la ville 
de Die; t. I (beaucoup de recherches, mais prolixe). — A, Geffroy. L'Is- 
lande avant le christianisme, d'après le Gragas et les Sagas. 

8. — I«a Correspondance historiqne et archéologiqne. 1897, 
25 juin. — J. Chavanon. Une ancienne relation sur Madagascar, 1650; 
suite; fin le 25 juillet. = 25 août. J. Momméja. Saint-Simon collection- 
neur et les portraits de Gaston de Foix (en 1750, on vola à Saint-Simon 
un tableau qu'il attribuait à Raphaël et qu'il considérait comme le por- 
trait de Gaston de Foix. En réalité, c'était seulement une copie ou un 
pastiche, probablement par Pietro délia Vecchia, du San Libérale peint 
par Giorgione, en 1504, à Caslelfranco). — Testament de hault et puis- 
sant seigneur messire Guillaume de Lamoignon, 20 oct. 1676. — Hya- 
cinthe Marie. Imitation de J.-C. (rappelle à T. de L. les raisons qui 
établissent que l'auteur de l'Imitation est Thomas a Kempis). — 
L. MiROT. Un document inédit sur Bertier de Sauvigny, intendant de 
Paris (publie une lettre où son serviteur Levillain expose les mesures 



422 RBGUBILS PJÎRIODIQnBS. 

que Bertin avait songé à prendre pour s'échapper avec une partie de sa 
fortune). == 25 sept. Rapport au président de la Répui)Iique française 
sur les bibliothèques communales. — Fr. Funck-Brentano. La deuxième 
conférence bibliographique internationale de Bruxelles. — F. Bodrnon. 
Commission nommée par le Directoire du département de Paris pour 
rapporter des monuments d'art et de science de Tabbaye de Saint-Denis, 
1" oct. 1791. — T. DE L. L'imitation de J.-G. (ne peut être de Thomas 
de Kempen, car le style de l'Imitation est tout différent du style employé 
par Thomas dans ses nombreux écrits authentiques). — H. Grand. Un 
droit féodal : < Le cheval court » (dans un acte de 1485 provenant de 
l'abbaye de N.-D. de Blanche-Couronne). 

4. — Nouvelle Revue rétrospective. T. I, juill.-déc. 1894. — 
Mémoires du maréchal duc de Croy-Solre (extraits de ces Mémoires 
militaires en 40 vol., s'étendant de 1720 à 1784, conservés à la bibl. de 
l'Institut. Les extraits de 1745 à 1761 concernent Fontenoy, Lawfeld, 
le siège de Berg-op-zoom, etc.; le récit de Fontenoy est important). — 
Lettres de Charles de Constant (1796. Tableau piquant, à force de candeur, 
de la société de Paris sous le Directoire). — Les explosifs au xviii« s. 
(documents sur l'aventurier Donep, sur Dupré, inventeur d'un feu gré- 
geois, etc.). — Documents sur le séjour de Napoléon à l'île d'Elbe ; fin 
dans le t. Il (tirés des papiers de Pons de l'Hérault. Les notes du sel- 
lier Vincent sont curieuses). — Paris en 1790. Souvenirs de voyage de 
Kotzebue; fin dans t. II (très curieux). =: T. II, janv.-juin 1895. Campagne 
de Madagascar, 1825-30; journal de M.Warnier de Wailly, enseigne de 
vaisseau (détails sur les mœurs des Hovas et sur la campagne, aussi inco- 
hérente qu'inutile, dirigée par le capitaine de vaisseau Gourebeyre). — 
Un épisode de la guerre d'Espagne. Évasions des prisonniers du ponton 
la Vieille-Castille (1810). — Mémoires du comte de Langeron (extraits 
sur Âusterlitz, la retraite de Russie, la bataille de Paris de 1814. Le 
récit de la retraite de Russie est un chef-d'œuvre d'horreur. On s'étonne 
que ces Mémoires si importants n'aient pas encore trouvé d'éditeur). — 
Le comte de Charolais et la demoiselle Delisle (curieux et effrayant 
tableau des mœurs princières du xviii<» s. Ce fou malfaisant, qui était 
petit-fils de Louis XIV et du grand Condé, trouvait dans la police et 
la justice des instruments de ses vices et de ses vengeances). =: T. UI, 
juill.-déc. 1895. Mémoires du duc de Croy sur les cours de Louis XV 
et Louis XVI; suite et fin dans les t. IV et V (nouvelles au jour le jour 
de la cour de 1727 à 1784 ; important sur Choiseul). — Épilogue de 
l'histoire du cœur de Louis XVI (est enfin entre les mains du duc de 
Madrid). — Les Cent jours; passage de l'empereur à Grenoble (journal 
du colonel de gendarmerie Jubi). — Notes prises par Louis Planât 
de la Faye à Vichy en 1819 et en 1827. — Le 4 septembre 1870 et 
le combat de Chàtillon (documents qui disculpent le général de Caus- 
sade des accusations portées contre lui). — Placet d'un galérien de 
Brest (1846; témoignage effroyable sur les mœurs du bagne tolérées 
par l'administration). — Le siège de Paris et la Commune (lettres 



RECUEILS PERIODIQUES. 423 

d'Hippolyte Lucas). — Victoires et conquêtes d'un hussard de i805 (ce 
ne sont que des conquêtes féminines ; documents précieux pour la psy- 
chologie des hussards de l'Empire). — La Société populaire de Donne- 
marie, Seine-et-Marne, en 1793; fin dans le t. IV (important). = T. IV, 
janv.-jnin 1896. Mémoire de M«<» Boucher Saint-Sauveur contre Marat 
(1790). — Bataille de Waterloo (trois relations inédites d'un officier 
général français, d'un officier anglais et d'un bourgeois de Bruxelles). 
= T. V, juill.-déc. 1896. Campagne de Russie, 1812-1813. Mémoires 
de Jean-François Bourgogne, sergent aux grenadiers d'élite de la garde ; 
suite dans le t. VI (ces mémoires sont d'un intérêt dramatique excep- 
tionnel sur rincendie de Moscou et ta retraite de Russie). — F. Funck- 
BREifTANO. Voltaire, Beaumarchais et la Bastille (raconte les démarches 
faites par Voltaire pour obtenir une lettre de cachet contre une demoi- 
selle Travers, qui fut reconnue innocente des violences dont on l'accu- 
sait, et celles de Beaumarchais contre son laquais et prête-nom Le Sueur, 
qui, prétendait-il, l'avait volé). 

6. — La Révolution française. 1897, 14 sept. — Gh.-L. Ghassin. 
L'expédition de l'île d'Yen en 1795; le comte d'Artois et le général 
Hoche (chap. du t. II des Pacifications de V Ouest, qui vient de paraître). 
— Ad. Gbémieux. L'Ëcole centrale de l'Indre. — Aulard. L'organisa- 
tion municipale de Paris pendant la réaction thermidorienne (quelques 
documents sur la Commission de police qui fonctionna pendant plu- 
sieurs décades depuis la suppression de la Commune de Paris jusqu'à 
la création du bureau central du canton de Paris). — Souvenirs de 
J.-A. Le Sourd sur la journée du 10 août 1792 (écrits soixante ans après 
les événements et dans un esprit hostile à la Révolution). 

6. — Bnlletin critique. 1897, 2-23. — 0. Seeck. Die Ërhebung des 
Maximian zum Augustus (excellent). — W, Martens, Gregor VII, sein 
Leben und Wirken (ouvrage très érudit, composé par un homme à 
l'esprit original et indépendant, bon catholique, mais qui trouve Gré- 
goire Vn un peu compromettant et qui ne montre pas bien la nature 
et la légitimité de son ambition). — C. Mirbt. Die Publizistik im Zeit- 
alter Gregors VII (remarquable article à noter de Paul Foumier). =z 
N*» 24. Krusch. Passiones vitaeque sanctorum aevi Merovingici (L. Du- 
chesne : Krusch a donné de la vie de saint Eptade un texte erroné en 
plusieurs endroits et a eu le tort de lui assigner une basse époque; elle 
est de l'époque mérovingienne). — 0, Seeck, Die Anfaenge des Constan- 
tin's des Grossen. Die Zeitfolge der Gesetze Constantins. Die impera- 
torischen Acclamationen im iv Jahrh. (discussion assez serrée de ces 
trois articles). =: N<> 25. Krusch. Passiones vitaeque sanctorum aevi 
Merovingici (L. Duchesne : la vie de saint Cybar d'Angoulême est cer- 
tainement de l'époque mérovingienne ; il n'y a pas conflit, comme le 
dit Krusch, entre Grégoire de Tours et l'auteur de cette vie. Quant à 
l'auteur de la vie de sainte Geneviève, les raisons que Krusch donne 
pour en faire un hagiographe du ix« s. ne tiennent pas debout). — 



424 aBCUBiLS périodiques. 

L. Audiat, L'instruction primaire gratuite et obligatoire avant 1789 
(remarquable). — Id. Deux victimes des septembriseurs : P.-L. de la 
Rochefoucauld, dernier évoque de Saintes, et son frère, évêque de 
Beauvais (bon). = N® 26. /. Chavanon, Chronique d'Adémar de Gha- 
bannes (bon texte; l'identification des noms de lieu laisse fort à désirer, 
et il y a des erreurs de chronologie). — Dragomanof, Correspondance 
de Michel Bakounine. Lettres àHerzen et à Ogarofif, 1860-74; trad. par 
Stromberg (très intéressant). z= No27. M.-A. Roger, Fragments d'histoire 
(deux études intéressantes sur la révolte du Languedoc sous Louis XIII 
et sur l'histoire de Tempereur Postumus). — B. Zeller. La minorité de 
Louis XIII, 1612-1614 (bon). = No 28. Arbois de Jubainville. Études 
sur le droit celtique (quelques remarques de détail par E. Ernault). — 
A. Geffroy, L'Islande avant le christianisme (intéressant). — M. Delpit, 
Journal et correspondance (journal très intéressant sur la présidence de 
Thiers et l'Assemblée nationale). 

7. — Journal des Savants. 1897, sept. — L. Delisle. Catalogue 
des mss. de Besançon (sur le 1. 1 du Catalogue de Castan). — G. Paris. 
Histoire de la langue française (trace le plan idéal d'une histoire vrai- 
ment scientifique de la langue à l'occasion du livre de M. Brunot). 

8. — Polybiblion. 1897, sept. — Don U. Ferreiroa, Histèria apolo- 
gética de los papas; 5 vol. (ouvrage très consciencieux et bien informé). 

— Brûck. Histoire de l'Église (bon manuel à l'usage des séminaires; la 
traduction, trop littérale, a été imprimée avec négligence ; la bibliogra- 
phie, exclusivement allemande, aurait dû être remaniée). — I. del Lungo. 
Florentia. Uomini e cose del quattrocento (livre bourré de faits et de 
documents sur Ange Politien). — G. Bazin, L'Allemagne catholique au 
xix<> s. Windthorst, ses alliés et ses adversaires (excellent). 

9. — Revue critique d'histoire et de littérature. 1897, n<» 33-34. 

— Niles. Kalendarium manuale utriusque ecclesiae, orientalis et occi- 
dentalis; 1. 1 (nouvelle édition; remarquable). — Bœhtlingk. D' M. Luther 
und Ignaz von Loyola ; eine geschichtliche Parallèle (simple conférence 
sans intérêt). — Novati. Epistolario di Coluccio Salutati; vol. III (très 
important pour les années 1394-1403). — J.-R. Serres. Histoire de la 
Révolution en Auvergne (pamphlet fastidieux et rempli d'erreurs), 
zi: No» 35-36. E. Champion. La France d'après les cahiers de 1789 (excel- 
lent). = No» 37-38. Chantepie de la Saussaye. Lehrbuch der Religions- 
geschichte; 2« éd. (excellent). — Abbé L Guérard. Documents pontifi- 
caux sur la Gascogne, d'après les archives du Vatican. Pontificat de 
Jean XXII, 1315-1334; 1. 1 (ce vol. contient le texte presque complet 
de 160 lettres secrètes de 1316 à 1321). = N»» 39-40. J. Réville. Les ori- 
gines de répiscopat (art. intéressant de l'abbé P. Batiffol). — W. Bund. 
The celtic church of Wales (la thèse présentée par l'auteur est radica- 
lement fausse; ce qu'il y a de vrai dans l'ouvrage est connu depuis 
longtemps; les erreurs graves y sont fréquentes; mais il y a par-ci par- 
là quelques aperçus ingénieux). 



EBCUBILS PERIODIQUES. 425 

10. — Revue archéologique. 1897, juillet-août. — Â. Pératé. 
Edmond Le Blant (notice nécrologique, à laquelle manque la bibliogra- 
phie des travaux accomplis par Téminent archéologue). — Gâuckler. 
Les mosaïques de l'arsenal de Sousse (elles paraissent ôtre des premières 
années du iP s.; plusieurs sont reproduites en photogravures). — Blo- 
GHBT. VAvesta de J. Darmesteter et ses critiques (Darmesteter estimait 
que l'Avesta n'avait été rédigé qu'après l'invasion d'Alexandre ; cette 
théorie a été accueillie avec les plus fortes réserves. Cependant, elle est 
en parfait accord avec ce que nous apprennent les documents officiels 
des rois de Perse et l'Avesta lui-môme). — Ph.-E. Leqrand. Biogra- 
phie de Louis-François-Sébastien Fauvel, antiquaire et consul, 1753- 
1838; suite. — Ed. Cuq. 'Enapxo; «Pc^ixtic 

11. — Annales de TÉcole libre des sciences politiques. 1897, 
15 mai. — F. Grenârd. La Chine, l'Angleterre et la Russie dans l'Asie 
centrale. — G. Cahen. Louis Blanc et la commission du Luxembourg, 
1848; suite; fin le 15 juillet. =: 15 sept. Paul Matter. L'organisation 
constitutionnelle dans les colonies anglaises, d'après A. Todd. 

12. — Annales de géographie. 1897, 15 juillet. — P. Vidal de la 
Blache. La zone frontière de l'Algérie et du Maroc, d'après de nou- 
veaux documents. — K de Martonne. Établissements humains dans la 
vallée ardennaise de la Meuse. — L. Gallois. Le territoire contesté 
entre le Venezuela et la Guyane anglaise. = 15 sept. Bibliographie de 
1896 (travail des plus importants, à la fois très complet et présenté avec 
ane méthode rigoureusement scientifique). 

13. — Revue maritime. 1897, février. — Loir. La livraison de 
Toulon aux Anglais en 1793 (intéressant exposé); suite en mars. = 
Juillet. H. Maqon de la Giclais. Le contre -amiral Magon (biogra- 
phie de cet amiral, qui fut tué à Trafalgar); fin en août. = Sept. 
Gabarra. L'ancien port de Capbreton (montre que, jusqu'au xvi* s., 
rentrée maritime de i'Adour était à Capbreton; expose la rivalité entre 
Capbreton et Bayonne quand il s'agit de creuser au fleuve son ouverture 
actuelle vers la mer; suit jusque sous le règne de Napoléon III l'idée 
de créer un port à Capbreton). 

14. — Revue générale du droit. 1897, mars-avril. — Jos. Wil- 
LEMs. La date et la portée de la Lex Aquilia (la loi doit ôtre assignée à 
l'époque comprise entre 186 et 178 avant J.-C. Explication du chap. ii). 
=r Mai. René Gonnart. Les corporations d'artisans sous la république 
romaine (les associations primitives d'artisans se formèrent librement 
et durèrent huit siècles ; reconnues et réglementées par l'État, elles se 
mêlèrent aux luttes politiques et succombèrent enfin sous l'empire de 
quatre causes : la concurrence servile, l'esprit de parti, la décadence 
du sentiment religieux, l'intervention de l'État qui les supprima et les 
restreignit quand le pouvoir central eut repris force et vigueur). 

16. — Le Correspondant. 10 août 1897. — Grabinski. Victor- 



426 RECUEILS PERIODIQUES. 

Emmanuel II et Napoléon III (fin de l'analyse des Mémoires de Délia 
Rocca. Récit des violentes scènes auxquelles la paix de Villafranca 
donna lieu entre Victor-Emmanuel et Gavour; sur l'amour de Victor- 
Emmanuel pour Marie- Adélaïde, en dépit de ses habituelles infidélités). 

— Gany. La captivité des Italiens en Abyssinie (cet article impartial et 
qui rend hommage à la conduite du Négus contredit les accusations 
aussi injustes qu'impolitiques lancées contre les Italiens par le prince 
Henri d'Orléans). — Ragey. Le concile anglican de Lambeth; fin le 
25 août (récit des tristes intrigues qui ont amené la suppression de la 
Revue anglo-romaine et l'échec définitif des tentatives de rapproche- 
ment entre les Anglicans et Rome). = 25 août. Un Ancien Dn»LOMATE. 
Le duel anglo-allemand. — G. Derouet. La fédération nationale des 
Ganadiens français. — Druon. Une fausse légende. Le poète Gilbert; 
fin le 10 sept. (Gilbert n'a point été une victime des encyclopédistes. 
Il n'est point mort de misère. D'après les manuscrits inédits de 
M. Schmit). = 15 sept. Vicomte de Richemont. La première rencontre 
du pape et de la République française. Bonaparte et Galeppi à Tolen- 
tino (important article rédigé d'après les papiers de Galeppi, conservés 
au Vatican. Ges documents inconnus jusqu'ici mettent en lumière l'ha- 
bile énergie avec laquelle, malgré la faiblesse du médiateur espagnol, 
Nicolas d'Azara, Pie VI et son représentant Galeppi luttèrent contre 
Saliceti, Gacault et Bonaparte, et résistèrent héroïquement aux préten- 
tions du Directoire qui voulait que le pape désavouât tous les actes du 
Saint-Siège relatifs à la France de 1791 à 1796. Bonaparte, fort habi- 
lement, mit de côté toutes les revendications religieuses pour assurer 
au Directoire des provinces et de l'argent). -rE. Daudet. Le duc d'Au- 
male. I. Les années de jeunesse. Le premier exil (très intéressante bio- 
graphie empruntée tant à des souvenirs des témoins de la vie du duc 
qu'aux papiers de Broglie, d'Eau sson ville et du baron de Ghabaud- 
Latour). z= 25 sept. Id. Le duc d'Aumale. II. La fin de l'exil, 1870. Pro- 
logue du retour. — Ghosh. Les troubles politiques de FInde jugés par 
un Indien (se plaint de l'impunité absolue dont jouissent les Anglais 
qui assassinent les Hindous ou violentent les femmes hindoues ; réclame 
pour les Hindous la possibilité de devenir officiers de cipayes et d'entrer 
dans Tadministration civile. Le Mysore e^t le mieux administré des 
États de l'Inde depuis le rétablissement de l'administration indigène). 

— Fraser. Un ami de Ghateaubriand. L'intimité d'un grand homme. 
Lettres inédites (les lettres de Ghateaubriand et surtout celles de M'^« de 
Ghateaubriand à M. Fraser Frisell sont charmantes et d'un grand inté- 
rêt biographique). 

16. — Études pnbliées par les Pères de la Compagnie de 
Jésus. 1897, 20 août. — T. Pépin. Les origines de la boussole; suite 
(à qui doit-on l'introduction de la boussole chinoise en Europe ? Sans 
doute aux Italiens; du moins l'usage de la boussole azimutale était-il 
familier aux pilotes italiens dès le xn° s., tandis que les navigateurs 
des mers du Nord étaient encore réduits à l'aiguille flottante des Ghi- 



RECUEILS PERIODIQUES. 427 

nois. Les noms de la « rose des vents » sont aussi italiens. Et en Italie, 
c'est sans doute à Amalû que revient l'honneur d'avoir fait connaître 
aux navigateurs européens l'usage de l'aimant dans la direction des 
navires) ; fin le 5 sept, (l'invention des Amalfitains resta secrète jusqu'en 
1268. C'est encore un pilote amalfitain qui, au commencement du xiv<> s., 
imagina une boussole où la rose des vents était placée sur l'aiguille et 
tournait avec elle ; en outre^ placée près du gouvernail, sous l'œil du 
timonier, elle cesse d'être secrète. C'est cette boussole qui dirigea les 
grandes expéditions maritimes du xs^ s.). = 20 sept. Méghineau. La 
bible d'Ethiopie. — Burnichon. La supériorité des Anglo-Saxons. = 
5 oct. D. DE M. Un écrit inédit de Joseph de Maistre (il est intitulé : 
c Arnica CoUatio, ou Échange d'observations sur le livre français inti- 
tulé : Du Pape, » 1820). — R.-M. de la Broise. Histoire et description 
des mss. et des éditions originales des ouvrages de Bossuet. 

17. — Revne de Paris. 1897, 15 août. — Larroumet. Waterloo 
(intéressante étude à la fois littéraire et historique; critique des récits qui 
ont été donnés de la bataille par les grands écrivains de notre temps : 
Byron, Stendhal, Victor Hugo. Hugo a pris la substance de son célèbre 
chapitre des Misérables dans le simple a Récit d'un officier » ; cet offi- 
cier, qui plus tard se fit aubergiste, est l'Anglais Cotton. L'épisode des 
cavaliers de Milhaud s'écrasant dans un chemin creux n'a existé que 
dans l'imagination du poète). =: 1" sept. Ch.-V. Lanqlois. Louis IX 
(charmant portrait du roi, d'après les sources contemporaines). = 
i^r oct. Aug. Lauoel. Le duc d'Aumale. — Commandant Rousset. 
L'art de Napoléon (avec deux plans). 

18. — Académie des inscriptions et belles-lettres. Comptes- 
rendus des séances de l'année 1897. 4« série, t. XXV ; Bulletin de mai- 
juin. — Devéria. Estampages d'inscriptions chinoises provenant de la 
mission de MM. Dutreuil de Rhins et Grenard. — H. d'Arbois de 
JuBALNviLLE. Les Sikèlcs (sont un rameau des Ligures). — J. Oppert. 
Éclaircissements sur quelques points relatifs à la dernière période de 
l'empire assyrien (questions de chronologie et de calendrier ; réponse à 
des objections formulées par M. Lehmann). — Héron de Villefosse. 
Diplôme militaire de l'année 139 découvert en Syrie (avec un fac- 
similé. Transcription, traduction et commentaire. Ce diplôme est rela- 
tif à l'armée de Judée et se rapporte au temps de la révolte de Bar- 
kokéba). 

19. " Société de Thistoire de Paris et de rile-de-France. 

Bulletin. 1897, livr. 4 et 5. — A. d'Herbomez. L»a maison de la ville de 
Tournai à Paris (achetée en 1323 par les magistrats de Tournai à 
l'usage de ses magistrats, procureurs et messagers qui auraient 
affaire à Paris. Saisie par arrêt du Parlement en 1332 et restituée en 
1334, elle fut aliénée moins de quarante ans après). — Léon Le Grand. 
La veuve d'Etienne Marcel (expose, d'après des documents nouveaux, 
les difficultés qu'elle rencontra pour se faire réserver une part de la 



428 &BCUBILS PERIODIQUES. 

fortune de son mari, qui avait été confisquée. Elle épousa plus tard 
Jean Jacquinet et depuis on n'entend plus parler d'elle. A consulter un 
tableau généalogique des ancêtres de la famille de Marcel, qui contient 
des faits nouveaux). — A. Gérard. La démolition de la Maison-aux- 
Piliers, 1530. — Gouderg. M"« de Montpensier et le combat du fau- 
bourg Saint-Antoine, 2 juillet 1652 (publie une lettre de Mademoi- 
selle où elle dit que son père lui < comanda d'aler à l'Otel de ville 
pour fere consentir ses Messieurs à envoler du secours à M. le Prinse; » 
publie aussi Tordre écrit que Monsieur, sur les supplications de sa fille, 
consentit à envoyer à Thôtel de ville. Mademoiselle n'était plus, d'ail- 
leurs, à la Bastille quand on y tira le canon sur les troupes royales). 

20. — Société de rhistoire du protestantisme français. Bul- 
letin historique et littéraire. 1897, n®» 8-9. — A. Lods. Bonaparte et 
les églises protestantes de France (montre comment ces églises se sont 
rouvertes à la faveur du Goncordat et avec quel enthousiasme les pro- 
testants célébrèrent les bienfaits du nouveau régime. Il est vrai qu'ils 
sortaient à peine des persécutions de la Terreur succédant de si près 
aux persécutions de la royauté). — Abel Lefrang. Les idées religieuses 
de Marguerite de Navarre, d'après son œuvre poétique; suite (montre 
en particulier l'influence considérable exercée par Gl. Marot sur la 
Réforme, par exemple sur Renée de France et sur Marguerite). — 
AuBERT, Bernus et N. W. L'organisation des Églises réformées de 
France et la Gompagnie des pasteurs de Genève, 1561 (d'après une liste 
conservée à la bibliothèque publique de Genève et divers autres docu- 
ments). — G. Pascal. Mariages illégitimes et moraux : La Rochefou- 
cauld, 1694 (publie une lettre de l'évêque d'Angoulême dénonçant deux 
mariages de « nouveaux convertis, » qui venaient d'avoir lieu à la 
Rochefoucauld c sans publications de bans, sans recevoir la bénédic- 
tion nuptiale, » et signalant ces faux catholiques à la rigueur des lois). 
— F. BoREL. Papiers inédits de l'époque du Désert en Languedoc et en 
Dauphiné; suite : trois colloques du Queyras, 1782-1784. — N. Weiss. 
La Seine et le nombre des victimes parisiennes de la Saint^Barthé- 
lemy (dans les premiers jours de septembre on enterra plus de 
1,800 cadavres de huguenots qui avaient été jetés à la rivière. Ge 
chiffre peut être considéré comme formant à peu près la moitié des 
victimes que la Saint-Barthélémy fit dans Paris). — Gh. Frossard. 
Jacob de Gassion-Bergeré (biographie du frère du maréchal; né à Pau 
le 3 avril 1608, il mourut à Paris le 29 oct. 1647). 

21. — Annales dn Midi. 1897, avril. — Tamizey de Larroque. 
Lettres inédites de Marguerite de Valois à Pomponne de Bellièvre. — 
Edmond Michel. Jean Nicot et sa famille. — G. Doublet. Gaulet, 
évêque de Pamiers, et les Jésuites; fin en juillet. — Gh. Douais. Gharte 
de fraternité de Tabbaye de Quarante et du prieuré de Gassan, 2 févr. 
1282. = Gomptes-rendus : P, Dognon. Quomodo Très Status Linguae 
Occitanae, ineante xv saec. inter se convenire consueverint (excellent; 



RECUEILS PERIODIQUES. 429 

donne le catalogue des sessions des États de Languedoc de 1403 à 1443). 

— Falgairolle. Jean Nicot, ambassadeur de France en Portugal au 
ZYi* s.; sa correspondance diplomatique (fait trop vite; c'est une simple 
copie, semée d'erreurs cependant, des lettres de Nicot, éparses à Paris 
et à Saint-Pétersbourg; l'auteur n'a pas réussi à en faire un livre). =: 
Juillet. — F. Pasquier. Coutumes du Fossat dans le comté de Foix, 
d'après une charte de 1274 ; texte latin et roman (avec un fac-similé 
en photogravure du texte roman; les deux textes se complètent et 
s'éclairent réciproquement. Texte édité avec soin, expliqué et com- 
menté). — G. Douais. Deux chartes du xii« s. Gamarès et Toulouse 
({'* accord sur un partage de biens à Gamarès, 1174; 2» vente d'une 
terre voisine de Toulouse, 1194). — L.-G. Pêlissier. Une lettre iné- 
dite de Voltaire adressée à un correspondant méridional inconnu, 
10 janv. 1768. = Gomptes-rendus critiques : J. Chavanon, Adémar de 
Ghabannes (bon texte; l'identification des noms de lieux laisse fort à 
désirer). — L. Guibert, Documents, analyses de pièces, extraits et notes 
relatifs à l'histoire municipale des deux villes de Limoges, t. I (fort 
utile; corrections de détail présentées par A. T.). — Ckampeval de Vyes, 
Le Bas-Limousin seigneurial et religieux (bon, quoique emphatique 
çà et là). 

22. — Bnlletin de r Académie royale des sciences, des lettres 
et des beaux-arts. 1897, n» 2. — Gompte-rendu : F, Cumont, Textes 
et monuments figurés relatifs aux mystères de Mithra (très remar- 
quable). = N<> 4. E. GossART. Notes pour servir à l'histoire du règne 
de Gharles-Quint (d'après des documents inédits tirés des archives). — 
£. GoBLET o'AviELLA. Los Grecs dans l'Inde, essai de restitution histo- 
rique. — Ad. Prins. De la santé morale dans les lettres et les arts de 
notre temps. — F. vam der Habohen. Rapport sur les travaux de la 
commission de la biographie nationale. = Gomptes-rendus : J. Nem" 
virth. Forschungen zur Kunstgeschichte Bôhmens. Der Bildercyklus 
des Luxemburger Stammbaumes aus Karlstein (très important pour 
rhistoire des arts). — A. Jacquot. Le peintre lorrain Glande Jacquard. 

— Un protecteur des arts : le prince Gharles de Lorraine (intéressant). 

23. — Bulletin de la Commission royale d'histoire de Bel- 
gique. 5« série, t. VII, l'« livr. — H. Pirenne. Documents relatifs à 
l'histoire de la Flandre pendant la première moitié du xiv« s. (inven- 
taire des héritages des Flamands tués à la bataille de Gassel en 1328). 

— La question des fortifications après le traité d'Arqués. — La Flandre 
et Edouard III en 1340. — A. d'Herbomez. Philippe le Bel et les Tour- 
naisiens (24 chartes, dont 19 inédites découvertes aux archives de la 
ville de Tournai). =: 2* livr. L. van der Kindere. Le capitulaire de 
Servais et les origines du comté de Flandre (le roi y trace les règles 
que ses missi auront à suivre pour la recherche et la punition des mal- 
faiteurs; se basant sur les indications que contient ce document, l'auteur 
trace la carte des Pagi et des Missatica en 853). 



430 RECUEILS pfolODIQUBS. 

24. — Balletin de la Société royale belge de géographie. 
T. XXI, 3« fasc. — J. Leclerq. Le Congo et Java (étude sur les débou- 
chés que l'industrie belge pourrait trouver au Congo). — J. de Windt. 
Recherches sur la constitution des îles (intéressant travail de géogra- 
phie physique). — F. Hachez. Voyage de François Vinchant en France 
et en Italie (curieuses observations sur ces pays au xvn« s.). 

25. — Revue belge de numismatique. 1897, 2« livr. — M. Bahr- 
FELDT, Les deniers consulaires restitués par Trajan (revision de l'ouvrage 
de Babelon sur ce point). — A. de Witte. Les jetons et les médailles 
d'inauguration frappés par ordre du gouvernement général aux Pays-Bas 
autrichiens, 1717-1792 (détails intéressants sur les règnes des Habsbourg 
d'Autriche). — A. de Mennynck. Les médailles de l'école des beaux-arts 
de la ville de Lille (études sur les origines de cet établissement). — J. Bou- 
ger. Le nom de Jésus employé comme type sur les monuments numis- 
matiquesdu xv« s., principalement en France et dans les pays voisins. 
— B. DE JoNGHE. Le sceau de Burckard, seigneur de Fénestrange (inté- 
ressant pour l'histoire du xrv« siècle). = Compte-rendu : H. Sauvaire. 
Matériaux pour servir à l'histoire de la numismatique et de la métro- 
logie musulmanes (important). := 3« livr. B. de Jonghe. Un denier 
frappé à Mayence par l'empereur Lothaire I«' avant le traité de Verdun 
de 843. — MuBAREK Ghalib bey. Deux monnaies ilkJianiennes. — 
C.-F. Traghsel. Deux testons inédits de Sébastien de Montfaucon, 
évêque de Lausanne et prince du Saint-Empire (xvi« siècle). — Ter 
Gouw. Les fausses monnaies (suite ; relevé des fausses monnaies répan- 
dues dans l'archipel indien). — E. van Hende. Pierre Lorthior, gra- 
veur des médailles du roi (xvm« siècle). = Comptes-rendus : Babelon. 
Les origines de la monnaie considérée au point de vue économique et 
historique (excellent). — H. de la Tour. Catalogue des jetons de la 
Bibliothèque nationale (très bien dressé). — Bahrfeldt. Nacbtràge und 
Berichtigungen zur Mûnzkunde der rômischen Republik (rectifie sou- 
vent Babelon). — L. Blancard. Sur les monnaies du roi René (bon). — 
H. Lavoix. Catalogue des monnaies musulmanes de la Bibliothèque 
nationale (il y manque une étude d'ensemble du monnayage musulman 
en Egypte et en Syrie). — Ch. Rodgers. Catalogue of the coins of the 
Indian Muséum (bon travail descriptif). 

26. — Analecta BoUandiana. T. XVI, fasc. 2. ^ Eusebii Caesa- 
riensis « de martyribus Palaestinae » longioris libelli fragmenta. — 
S. Macarii, monasterii Pelecetes hegumeni, Acta graeca. — G. Kurth. 
Le Pseudo-Aravatius (Aravatius et saint Servais, patron de la ville de 
Maestricht, ne sont qu'un seul et même personnage). — B. Duhr. Une 
lettre inédite du b. Pierre Faber (intéressante pour l'histoire des 
troubles du diocèse de Cologne en 1543). — Une lettre du baron Henri- 
Jules de Blum au P. Henschenius sur le martyrologe hiéronymien 
(d'après les mss. 11322-26 de la Bibl. royale de Bruxelles). = Comptes- 
rendus ; G. Pfeilschifter. Der Ostgotenkônig Theoderich der Grosse 



RBCUBILS PlÎRIODIQnBS. 434 

Qnd die katholische Kirche (connaissance approfondie des sources, 
esprit sagace et pénétrant). — F, Emmerich. Der h. Kilian (fruit de 
recherdies sérieuses; marque un réel progrès sur les monographies 
consacrées jusqu'ici à l'apôtre de la Franconie). — C. Plummer, L'his- 
toire ecclésiastique de Bède le Vénérable (excellente édition critique). 

— M, Férotin. Histoire de l'abbaye de Silos (solide et neuf). — E, Hau- 
viller. Ulrich von Gluny (c'est une œuvre de valeur, mais les procédés 
critiques ont quelque chose de trop absolu). — E. van Even. La bien- 
heureuse Marguerite de Louvain; sa légende, son culte, sa chapelle 
(excellent). 

27. — Analectes pour servir à Thistoire ecclésiastiqne de 
la Belgique. 2« série, t. X, 3« livr. — A. de Sghrevel. Approbation 
des statuts du chapitre d'Harlebeke par l'of&cial de Térouanne (collé- 
giale fondée en 1063 par Baudouin de Lille, comte de Flandre). — 
Rotulus ou liste de professeurs et de suppôts de l'Université de Lou- 
vain, demandant des bénéfices au Saint-Siège en 1496 (cette liste, 
extraite des archives du Vatican, présente un grand intérêt, parce 
qu'elle appartient aux premières années de l'Université de Louvain). 

— £. DE Marneffe. Tableau chronologique des dignitaires du chapitre 
de Saint-Lambert à Liège (suite; va de 1302 à 1793). 

28. — Bulletin de la Commission de l'histoire des églises 
'wallonnes. T. VII, 2® livr. — E. Bourlier. Biographie de W.-N. du 
Rieu (savant bibliothécaire de TUniversité de Leyde, f 1896). — 
W. Meyer. L'Église wallonne de Leeuwarden (détails intéressants sur 
les vicissitudes de cette communauté aux xvni« et xtx^ siècles). — 
L.-M. Rollin-Gouquerque. Généalogie de la famille Pichot (cette famille 
a joué un rôle important dans l'histoire du protestantisme néerlan- 
dais). — Rapport annuel de la Gommission de l'histoire et de la biblio- 
thèque des églises wallonnes pour Tannée 1896. 

29. — Revue bénédictine de Tabbaye de Maredsous. 1897, 
4* livr. — Comptes-rendus : Lina Eckenstein. Woman under Monasti- 
cism. Ghapters on saint-lore and couvent life between 500 and 1500 
(trop de généralisations sans preuves). — J.-M. Rigg, S. Anselm of 
Ganterbury (impartial et sérieux). — A. Regnault. Le procès de Gui- 
chard, évoque de Troyes, 1308-1313 (bon). — /. Haller. Goncilium 
Basiliense. Studien und Quellen zur Geschichte des Goncils von Basel 
(important). — D, Férotin. Recueil des chartes de l'abbaye de Silos; 
Histoire de l'abbaye de Silos (remarquable ampleur d'informations et 
de renseignements). — Ingold, Bossuet et le jansénisme (c'est une apo- 
logie). = 5« livr. D.-G. Morin. L' « Ëpistula ad virginem iapsam » de 
la collection de Gorbie (intéressante étude de diplomatique). = O** livr. 
U. Berlière. La congrégation bénédictine de la Présentation Notre- 
Dame. L'abbaye de Saint-Ghislain (d'après les documents des archives). 

— R. Proobt. La Nouvelle-Zélande (beaucoup de détails sur l'histoire 
religieuse de ce pays). = Gomptes-rendus : P. Allard. Le christianisme 



432 ABCUBILS PERIODIQUES. 

et l'empire romain de Néron à Théodose (excellente synthèse). — 
E. Bourgeois. Les martyrs de Rome, d'après Thistoire et rarchéologie 
chrétiennes (bon). = 7« livr. Comptes-rendus : T. W. Allies. The monas- 
tic life (pas de recherches originales ni d'aperçus nouveaux). — P. C. 
Woodhouse. Monasticism ancient and modem (important; l'auteur est 
un anglican absolument impartial). — De Broglie. Questions bibliques 
(remarquable). = 8« livr. G. Morin. L'origine des Quatre-Temps (le for- 
mulaire antique des Quatre-Temps reproduit, en les christianisant, les 
pensées et les préoccupations qui présidaient à la solennité païenne). — 

— A. P. Le 13« centenaire de l'arrivée de saint Augustin en Angle- 
terre (étude sur les prédications du saint en 597). — U. Berlière. 
Contributions à l'histoire de Tordre bénédictin (statuts de l'abbaye de 
Saint- Vaast, 1232; chapitre provincial d'Erfurt, 1259; visite de l'ab- 
baye de Saint-Jacques de Liège, 1447 ; statuts . du cardinal de Cusa 
pour l'abbaye de Saint-Trond, 1451). = Comptes-rendus : Funk, Kir- 
chengeschichtliche Abhandlungen und Untersuchungen (érudition 
solide et grande clarté d'exposition). —E. Hubert, La torture aux Pays- 
Bas autrichiens pendant le xvni« siècle. Son application, ses partisans 
et ses adversaires, son abolition. — E. de Mameffe, Tableaa chronolo- 
gique des dignitaires du chapitre de Saint-Lambert à Liège (très utile). 

30. — Revue de l'Art chrétien. T. VIII, 1«» livr. — J. Helbig. 
Fra Giovanni Angelico da Fiesole, sa vie et ses ouvrages (d'après 
£. Beissel). = Comptes-rendus : E. Gurlitt. Die Baukunst Frankreichs 
(bon). — i4. Cargeault. Hagiographie poitevine (intéressant). — F. Vigou- 
roux. Dictionnaire de la Bible (important). 

31. — Messager des sciences historiques de Belgique. 1896, 
3« et 4« livr. — P. Beromans. Les imprimeurs belges à l'étranger 
(expose la part importante que la Belgique a prise à la diffusion de l'art 
typographique à ses débuts). — P. Glaeys. La princesse de Condé aux 
Pays-Bas. Son séjour à Gand en 1653 (curieux détails d'histoire locale). 

— A.-K. R. Un fils de Ryhove (notice biographique sur Louis de la 
Kethulle, partisan distingué du Taciturne). — Ad. Dubois. Au sujet 
d'un dictionnaire flamen-françois du xvi^' siècle (contribution intéres- 
sante à l'histoire intellectuelle du xvi« siècle en Belgique). —Van Spil- 
BEEGK. Iconographie norbertine (important pour l'histoire artistique et 
reli^euse des Pays-Bas). — P. Claeys. L'hôpital de Gand en 1796 
(d'après les documents des archives). 

32. — Le Muséon et la Revue des religions. Études historiques, 
ethnologiques et religieuses, XVI, 2» livr. — E. Tachelle. Les anciens 
Pauliciens et les modernes Bulgares catholiques de la Philippopoli- 
taine ; suite (d'après les archives des presbytères de Davidjova et de 
Kalaschly). — £. Bbauvois. Les animaux domestiques chez d'anciens 
peuples de l'Amérique du Nord (pour la domestication de la plupart 
des espèces animales, les Américains du Centre et du Nord ont eu 
comme initiateurs les Papas-Toltecs, et c'est là un des indices les plus 



RBCUBILS PIÎRIODIQUES. 433 

frappants de Tinflaence exercée chez eux par des immigrants européens 
dès les temps précolombiens). — H. Grant. La superstition dans le 
Highland écossais (intéressante étude de folk-lore). —H. de Gharengey. 
L'historien Sabagun et les migrations mexicaines (étude critique du texte 
de Sahagun ; relève ses confusions et ses contradictions). — H. P. Tel-el- 
Amama (étude sur Timportance des fameuses tablettes découvertes à 
Tel-el-Amama, sur le Nil, en 1888; elles sont en langue babylonienne 
et ont rapport à la Palestine et aux pays environnants). = Gomptes- 
rendus : E, Chavannes. Les mémoires historiques de 8ze-Ma-Tsien (édi- 
tion d'une haute valeur scientifique). — H, Usener. Gôttemamen, Ver- 
such einer Lehre der religiôsen Begrififsbildung (les dieux dont les 
noms avaient une signification bien définie ont successivement été 
subordonnés à ceux qui portaient des noms plus vagues. Les noms de 
ceux-ci, primitivement des dieux indépendants, sont devenus plus tard 
les surnoms des dieux de l'Olympe). — Allan Menzies. History of Reli- 
gion (l'auteur aurait fait œuvre plus utile s'il s'était attaché davantage 
à considérer les faits dans leur réalité objective et s'était moins préoc- 
cupé de les adapter au cadre de ses idées philosophiques). — J, Halévy, 
Recherches bibliques. L'histoire des origines d'après la Genèse (très 
important au point de vue de la géographie biblique). — Ropes. Die 
Sprûche Jesu die in den kanonischen Evangelien nicht ûberliefert 
sind (discute assez longuement l'origine de l'Évangile des Hébreux, 
sans arriver à des conclusions bien nettes). — HoUzmann. Lehr- 
buch der Neutestamentlichen Théologie (abonde en renseignements sur 
l'évolution de la critique dans tes diverses écoles de théologie protes- 
tante). — Tiske. The idea of God, as affected by modem knowledge 
(range à tort saint Augustin parmi les théologiens anthropomorphites). 
— H. C. Lea. A history of auricular confession and indulgences in the 
latin Ghurch (détails très circonstanciés). — A. Lineke. Die neuesten 
Rûbezahiforschungen (Rûbezahl, personnage mythique qui figure dans 
les légendes des Riesengebirge, est un dieu des vents, une des mul- 
tiples formes de Wotan, à demi confondu avec le dieu de l'orage, 
Donar). — H. Pirenne, Le livre de l'abbé Guillaume de Ryckel, Polyp- 
tyque et comptes de l'abbaye de Saint-Trond au milieu du xni« s. (ren- 
seignements importants pour l'histoire économique, administrative et 
religieuse des Pays-Bas). = 3* livr. Minas-Tchéraz. L'église arménienne, 
son histoire, ses croyances (étude sur la conversion de l'Arménie en 
302; sera continuée). — FI. de Moor. La Geste de Gilgamès, confrontée 
avec la Bible et avec les documents historiques indigènes (étude cri- 
tique sor une légende chaldéenne remontant au xvii*» s. avant l'ère chré- 
tienne). — P. Laoeuze. La conversion de Luther (d'après les travaux 
de Hausroth). = Gomptes-rendus : P. AUard. Le christianisme et l'em- 
pire romain de Néron à Théodose (excellente synthèse de l'histoire des 
persécutions). — F. Lehmann. Die Katechetenschule zu Alexandria 
(aperçus fort intéressants sur son histoire extérieure, son organisation, 
ses méthodes et ses maîtres les plus renommés). — U, Berlière. Monas- 
Rev. Histor. LXV. ?• FASC. 28 



434 RECUEILS ^^RIODIQUBS. 

ticon belge (érudition effrayante (sic) et critique de bon aloi). — Lydia 
Schischmanor. Légendes religieuses bulgares (très curieuses à cause des 
influences bogomiles et manichéennes qu'on y remarque), 

33. — Revue de rinstrnction publique en Belgique. 1897, 
2« livr. — F. GuMONT. L'inscription d'Abercius et son dernier exégète 
(combat la thèse d'Albrecht Dieterich). — Gh. Huyqhens. Tanchelm 
(réfutation du travail de Wauvermans. H. aboutit à cette conclusion 
que le rôle de Tanchelm ne fut pas un rôle politique, mais bien social 
et religieux. Sa secte, née des idées gnostiques et manichéennes, influen- 
cée par les doctrines naissantes des Cathares, provoqua un mouvement 
important, parce que Tanchelm flattait les passions avides des masses). 
= Comptes-rendus : Pauly, Realencyclopàdie der Altertumswissen- 
schaft, t. Il, 2« partie (informations précises et abondantes. Il y manque 
une topographie d'Athènes). — Callinicus. De vita s. Hypatii liber, éd. 
seminarii philologorum Bonnensis sodales (si l'œuvre de Callinicus n'est 
pas tout à fait éclaircie, elle est devenue d'une lecture infiniment plus 
aisée). — E. Gossart. Charles-Quint et Philippe II. Étude sur les ori- 
gines de la prépondérance politique de l'Espagne en Europe (bon travail 
fait d'après les documents). — H. Lonchay. La rivalité de la France et 
de l'Espagne aux Pays-Bas, 1635-1700 (étude importante d'histoire 
diplomatique et militaire, d'après les archives de Paris et de Bruxelles). 

— /. Flammermont, Album paléographique du Nord de la France 
(excellent choix de documents). — E. Gardner, Handbook of greek sculp- 
ture (excellent). —'Amelung. Fiihrer durch die Antiken in Florenz (bon). 

— L. Beauchet. Histoire du droit privé de la république athénienne (est 
moins une histoire qu'un traité du droit attique). — Bormans et School' 
meesters. Liber officiorum ecclesiae Leodiensis (curieux renseignements 
sur le mobilier ecclésiastique, l'entretien et la garde de l'église et les 
fonctionnaires attachés à ces services). — P.E. Richter, Bibliotheca 
geographica Germaniae. Litteratur der Landes- und Volkskunde des 
deutschen Reichs (rendra de grands services). = 3» livr. Comptes-ren- 
dus : E. Leblant. 750 inscriptions de pierre gravées inédites ou peu con- 
nues (remarques sagaces et rapprochements instructifs). — A, Rigault. 
Le procès de Guichard, évêque de Troyes, 1308-1313 (ce livre présente 
l'intérêt du plus noir et du plus fantastique des romans). — R. Ehreri" 
berg, Das Zeitalter der Fugger. Geld-Kapital und Creditverkehr im 
16 Jahrhundert (fait d'après les archives de la famille Fugger; très 
important). — Mirguet. Histoire des Belges et de leur civilisation (con- 
tient des théories vieillies et des renseignements sujets à caution). — 
Lanzac de Laborie. La domination française en Belgique (excellent). — 
Prou. La Gaule mérovingienne (bon). — Pk. Wagner. Gillon le Muisi 
Abt von S'-Martin in Tournai, sein Leben und seine Werke (excellente 
monographie). — L. Demllers. Les bans de police de la ville de Mons 
du xiii° au xv« s. (intéressant). — F. van der Haeghen. Bibliotheca eras- 
miana (très important). = 4« livr. Comptes-rendus : de Ridder. De l'idée 
de la mort chez les Grecs à l'époque classique (l'auteur manque d'ori- 



aEGCETLS PERIODIQUES. 435 

ginalité et, là où sa thèse est nouvelle, elle n'est rien moins que con- 
vaincante). — G. Foucart, De libertorum conditione apud Âthenienses 
(excellent). — H, van der Linden. Les Gildes marchandes dans les Pays- 
Bas (important). — Dom U, Berlière, Monasticon belge. Provinces do 
Namur et de Hainaut (composé avec beaucoup de soin et de méthode). 

— /. Paquier. Jérôme Aléandre et la principauté de Liège, 1514-1540 
(patientes recherches, mais graves défauts de méthode). — J. Marchand. 
La Faculté des arts de l'Université d'Avignon (travail intéressant, mais 
qui aurait dû être mis plus en rapport avec l'histoire générale). — 
/T. Bàbler, Die Geschichte der Fugger'schen Handlung in Spanien 
(bonne contribution à l'histoire économique du xvi« s.). — P. Fredericq. 
De Secten der Geeselaers en der Dansers in de Nederlanden tijdens de 
XIV* eeuw (plein d'intérêt). 

84. — Revue de l'Université de Bruxelles. T. II, 6* fasc. — 
L. Lbclèrb. La question arménienne (d'après des documents de pre- 
mière main). = Compte-rendu : H. Lonchay. La rivalité de la France et 
de l'Espagne aux Pays-Bas, 1635-1700 (excellent). 

85. — Revue générale de Belgique. 1897, 5* livr. -^ Comptes- 
rendus : Barras. Mémoires (d'une incontestable valeur pour l'histoire 
psychologique de la Révolution). — Roland. Orchimont et ses fiefs 
(modèle de monographie locale), zz 6« livr. J. Nèvb. L'arbre de la croix 
avant Jésus-Christ (étude sur cette légende d'après un manuscrit de la 
bibliothèque royale de Bruxelles). — Commandant Grandin. Souvenirs 
militaires (détails intéressants sur la guerre de 1870-71 et spécialement 
sur le blocus de Metz). 

36. — Annales de rinstitnt archéologique du Luxembourg. 
i897. T. XXXI, i'« livr. — J. Michaelis. La dévastation de la terre de 
Chassepierre en 1635-38 (épisode de l'histoire des exactions des troupes 
françaises dans le Luxembourg, d'après les archives de la seigneurie). 

— Les archives de Bras (bon inventaire). — De Leuze. Âmberloux 
(étude d'histoire locale). — J.-B. Douret. Les ouvrages composés par 
des écrivains luxembourgeois (bonne bibliographie provinciale). — • 
J.-B. SiBBNALER. La numismatiquo luxembourgeoise et les origines 
d'Arlon. — H. Goffinet. Le pays de Luxembourg avant la fondation de 
l'abbaye de Saint-Hubert (beaucoup de recherches). — D' Seeliian. 
Gomment j'ai retrouvé les Saxons déportés par Charlemagne. — J. Van- 
nerus. Un projet d'émigration en Hongrie de familles de Musson, 
Halanzy, Habay-ia- Vieille et Tintigny (épisode curieux de l'histoire du 
xvm« siècle). 

87. — Aunales de la Société d^archéologie de Bruxelles. 

T. XI, 2« livr. — J. VAN Malderghem. Les fresques de la Leugemeete, 
leur découverte en 1846, leur authenticité (dissertation intéressante sur 
cette œuvre d'art, considérée comme un des plus précieux documents 
qui existent pour l'histoire militaire du moyen âge. L'auteur doute de 



436 RECUEILS PlîaiODIQUES. 

l'authenticité de ces fresques). — G. Gomont. Théodore van Berckel, 
graveur général de la monnaie de Bruxelles (intéressant pour l'histoire 
du XVIII® s.). — J.-Th. DE Raadt. La bataille de Bàsweiler, du 22 août 
1371 (liste des combattants, d'après les documents des archives de 
Bruxelles). — G. Gumont. Documents relatifs aux rapports de Wences- 
las, duc de Brabant, avec le célèbre chroniqueur Jean Froissart (ordon- 
nances de paiement trouvées aux archives du royaume à Bruxelles). 

38. — Annales de la fédération archéologique et historique 
de Belgique. T. XI, l'® livr. — H. van Duyse. Aperçu historique sur 
le château des comtes à Gand (spécimen remarquable de l'architecture 
militaire du moyen âge). == 2« livr. A. Rutot. Étude des modifications 
du sol des Flandres depuis que Thomme a pu y établir sa demeure. 

— Gh. Gilles de Pélichy. Les stations préhistoriques de la Flandre 
occidentale. — F. de la Villenoisy. La formation de la race belge 
actuelle (étudie spécialement les traces laissées par les diverses occu- 
pations étrangères jusqu'aux temps modernes). — Gh, Gilles de Péli- 
CHY. Les tumuli de la Flandre occidentale (indique les endroits demeu- 
rés intacts et qui, semble-t-il, pourraient être fouillés utilement). 

— G. Desmarez. L'origine de la propriété allodiale à Gand (on rattache 
généralement l'alleu que nous rencontrons dans les villes aux xii«, xni« 
et XIV® s., à l'alleu de la période franque; c'est une erreur : l'alleu 
urbain est un phénomène nouveau). — P. Beromams. Les imprimeurs 
belges à l'étranger (il y en a eu un grand nombre dans presque tous les 
pays de l'Europe). — A. Faidherbe. De l'histoire médicale flamande 
(cette histoire devrait être écrite; indication des sources). — F. de Pra- 
tere. La ville de Gand et la ligue hanséatique (les relations de Gand 
avec la ligue ont été fort importantes). — J.-Th. de Raadt. Le c Viel 
rentier » d'Oudenarde (notice sur un manuscrit de la bibliothèque 
royale de Bruxelles contenant des détails intéressants pour l'histoire 
rurale du xm» s.). — G. Snaegk. Les instruments de musique en usage 
dans les Flandres au moyen âge. — A. de Vlamingk. L'ancien château 
féodal de Termonde. — E. Mathieu. L'instruction obligatoire en Bel- 
gique sous Tancien régime (l'Église a tenté d'introduire l'instruction 
obligatoire dans les Pays-Bas au xvi« s.). 

39. — Annales de la Société d^émulation pour l'étude de 
rhistoire et des antiquités de la Flandre. T. XLVI, 2« et 3« livr. 

— J. Glaerhout. Le cimetière païen de Pitthem (cimetière franc très 
intéressant découvert en 1896). — Lettre de Marguerite de Parme à 
Philippe II du 19 août 1566 (relation inédite et détaillée des dévasta- 
tions exercées en Flandre par les Iconoclastes). — De Schrevbl. Pré- 
sentation de candidats pour l'évêché de Gand en 1730 (documents iné- 
dits contenant des appréciations sur un grand nombre de personnages 
marquants). — Id. Notes et documents pour servir à la biographie de 
Rémi Drieu, deuxième évêque de Bruges (important pour l'histoire 
religieuse du xvi« s.). 



aSCUEILS PÉRIODIQOES. 437 

40. — Annales de l'Académie d^archéologie de Belgique. 

4« sér., t. X, 2* et 3« livr. — Kieckens. Pierre de Thimo, avocat pen- 
sionnaire de la ville de Bruxelles, chanoine et trésorier de Sainte- 
Gudule, 1393-1474; suite et fin. — P. Errera. Un contrat social en 
1620 (étude curieuse sur la constitution de New-Plymouth dans le Mas- 
sachusetts de 1620). — F. Donnet. Les poteries acoustiques du couvent 
des Récollets à Anvers. — J. Nève. Quelques portraits de la galerie 
d'Aremberg (détails historiques à propos des personnages représentes). 

41. — Bulletin des archives de la ville d^ Anvers. T. XX, 

2« livr. — P. Genard. Het Register van den dachvaerden (documents 
échevinaux intéressants pour l'histoire sociale du xv« s.). 



42. — Historische Zeitsohriffc. Bd. XLII, Heft 1. — Sghulten. 
Le colonat romain (développement du colonat avant le iv« siècle. Le 
colonat après Constantin. Précise et complète sur quelques points la 
théorie de Fustel de Couianges^ à laquelle il rend pleinement hommage ; 
y voit surtout un mode d'exploitation rurale). — D. ScHiEFER. lie mas- 
sacre des Saxons par Gharlemagne (maintient contre Bippen, cf. Deut- 
sche Zeitschrift f. Geschichtsw., I, 75, la réalité du massacre des Saxons. 
Place avec lui, en 785, la Gapitulatio de partibus Saxonicis). — Knapp. 
Les droits seigneuriaux dans le nord-ouest de l'Allemagne (leur sup- 
pression au xix« siècle). — Hintze. La conception individualiste et la 
conception collectiviste de l'histoire. — Rfiter. Une conception de l'his- 
toire d'Allemagne au temps de la Réforme. = Comptes-rendus, chro- 
nique et bibliographie. ^ Heft 2. Sghroeder. Nouvelles recherches sur 
rhistoire franque (critique du tome VII de Dahn, Kœnige der Germa- 
nen; partage ses vues sur la personnalité des lois; conteste celles sur 
l'identité du thunginus et du centenicr et sur la distinction du graûo 
et du comes). — Waltz. Défense de l'historien F. Guichardin. — 
Glaoau. Vingt-huit Bulletins sur le Comité de salut public (ces rapports, 
publiés dans le tome II des Dropmore papers par la commission anglaise 
des manuscrits historiques, ne sont à aucun degré dignes de foi). — 
Comte DU MouLiN-EcKART. Sur la politique badoiseen 1801-1804 (d'après 
la correspondance du duc Charles -Frédéric de Bade, publiée par 
Erdmannsdœrfer et Obser. La politique extérieure du duc fut faible et 
incertaine, mais il travailla avec succès à la prospérité intérieure de 
l'État, en particulier à la réorganisation de TËglise catholique). — 
Loserth. Pour servir à l'histoire de la contre-réformation en Autriche 
(4 lettres relatives à l'expulsion do J. Kepler de Gratz). = Comptes- 
rendus, chronique et bibliographie. = Heft 3. P. Bailleu. Le prince 
régent et la réforme de l'organisation militaire allemande (il essaya en 
vain de faire adopter par la confédération les principes d'après lesquels, 
depuis 1859, il réforma l'armée prussienne; il refusa d'ailleurs de 
soumettre l'armée prussienne à un général nommé par la confédération). 
— Klebs. Une théorie française de l'histoire (conteste la conception de 



438 RECUEILS PÉaiODIQUES. 

Thistoire comme science présentée par M. Lacombe). — LuscmN von 
Ebengreuth. L'origine des États territoriaux, Landstœnde (remonte au 
xm« siècle; mais c'est au commencement du xv« siècle qu'ils deviennent 
permanents en Autriche et peu à peu dans d'autres territoires). — 
Kehr. Plan d'une édition des diplômes pontificaux jusqu'à Innocent III, 
publié par l'Académie de Gœttingue. — F. von Westphalen. Le direc- 
teur général de la police von Hinkeldey et le ministre de l'intérieur von 
Westphalen (conteste les assertions du journal de Bernhardi qui pré- 
tend que Westphalen redoutait en Hinkeldey un successeur possible et 
n'a pas cherché à empêcher le duel avec Rochow où Hinkeldey fut tué; 
publie un rapport de Westphalen à Frédéric-Guillaume IV sur le duel 
et la réponse du roi). = Comptes-rendus, chronique et bibliographie. 

43. — Deutsche Zeitschriffc fur Geschichtsvsrissenschaft. 1896- 
1897. Vierteljahrhefte, Heft 1. — Bernheim. Conceptions politiques du 
moyen âge d'après les vues de saint Augustin (montre l'influence exercée 
par les idées de saint Augustin exprimées par les mots : pax, justitia, 
obedientia, rex justus, discordia, superbia, inobedientia, tyrannus, regi- 
men justi pastoris, libertas regni ecclesiae romanae). — Rietsghel. Sur 
la date des trois plus anciens recueils juridiques strasbourgeois (le pre- 
mier Stadtbuch est des dernières années du xn« siècle ; le second de 1214 ; 
le troisième de 1214-1219). — G. Schmoller. Le testament politique 
de Frédéric-Guillaume I«"^ en 1722 (fait de Frédéric-Guillaume I«' l'idéal 
d'un prince!!!). — Maurer. Pour servir à l'histoire des villes Scandi- 
naves (au sujet de la publication du Gottenburgisches Recht et du Garten-^ 
recht), — Friedensburg. L'auteur du Pro memoria ad Hadrianum VI de 
depravatione ecclesiae Romanae (l'auteur est Campeggi et non Egidius de 
Viterbe). =:Heft2. Lamprecht. Qu'est-ce que l'histoire de la civilisation? 
(c'est l'histoire de la collectivité sociale et non l'archéologie du bric-à- 
brac). — Grotefend. La pierre-calendrier de Stiirzelbronn-in-Lothrin- 
gen. — Pannenberq. Addition à la chronique monastique de Lambert 
deHersfeld (on trouve un fragment du second livre de cette chronique sur 
Tévéque Burchard II de Halberstadt, dans un ms. de Wolfenbiittel ; au 
xvi" siècle, Wigand Gerstenberg a aussi connu le ms. complet de Lam- 
bert). — Sander. Contribution à la critique de Pierre Harer (signale un 
récit inédit de la guerre des paysans dû à Eberhardt, comte d'Espach. 
Il est identique à la Beschreiburg des Bauern Krieges attribué à tort 
à Pierre Harer). — Maurbr. Éclaircissements sur la paix de Kiel (la 
Suède en 1814 voulait une incorporation de la Norvège. Mais Berna- 
dotte fit changer cette incorporation en une cession au roi de Suède). 
= Heft 3. MoMMSEN. Les évêques romains Liberius et Félix II (l'ins- 
cription funéraire que M. de Rossi a rapportée à Liberius se rapporte en 
réalité à Félix H). — E. Mayer. La dignité ducale de i'évêque de Wurz- 
bourg et les tribunaux locaux franconiens (importante étude sur les 
droits de justice de l'évoque, des seigneurs et de l'empereur). — Hassen- 
GAMP. Des tentatives du comte Palatin Philippe-Guillaume pour réta- 
blir Charles II d'Angleterre sur le trône (en 1655. Le comte s'entremit 



aBGUBILS PtfaiODIQUBS. 439 

pour assorer à Charles l'appui du pape). — Davidsohn. C!oQSules et boui 
homines (maintient contre Santini ses vues sur le consulat considéré 
comme dérivant des boni homines). =z Heft 4. Brandenburo. Luther, 
la Saxe électorale et Magdebourg en 1541 et 1542 (avec 6 lettres iné- 
dites de Luther). — WrrKOwsKi. Le Faust de l'histoire (George Faust, 
Dé à Knittlingen à la tin du xv« siècle, connu par Tritheim comme 
magicien, par Maximilien, séjourna à Wurzbourg, à Heidelberg, à 
Erftirt, à Wittemberg, a connu Mélanchthon, a soigné François I*»" ; il 
était mort en 4539. Série de témoignages sur Faust). — Fester. La 
prétendue descendance féminine de toutes les dynasties princières d'Eu- 
rope (d'après M. R. Sudermann elles descendraient toutes de Jeanne 
(+ 1357) et Marguerite de Ferrette (f 1366), mariées au duc Albert II 
d'Autriche et au margrave Frédéric III de Bade). — Koehne. La pro- 
phétie de l'année 1401 (prophétie sur la restauration de TËgUse romaine 
par un prince, composée avant 1401 en Italie). — Chaque numéro est 
suivi d'une bibliographie méthodique de toutes les publications nou- 
velles. == 3fonat5d/a?^(er. Heft 1-2. Heiqel. Frédéric le Grand et Torigine 
de la guerre de Sept ans (soutient que l'Autriche aurait attaqué Frédé- 
ric si celui-ci n'avait pas pris l'initiative). = Heft 3. E. Marcks. Henri 
de Treitschke (éloge enthousiaste de l'homme et du savant). ^ Heft 4. 
Doren. Travaux récents sur la statistique de la population et des con- 
ditions sociales aux xv« et xvi« siècles (travaux de F. Eulenburg et de 
Bûcher; jusqu'ici les contradictions n'ont pu être évitées; on peut pour- 
tant beaucoup espérer de la méthode historico-statistique). =: Heft 5. 
Bbrnheim. Opinion ou preuve ? (soutient avec raison contre Kurze que 
les Annales Einhardi sont la source de la Yita Karoli et non la Vita 
celle des Annales). ^ Heft 6-8. Breysiq. Sur l'histoire évolutioniste 
(très remarquable travail oii M. Breysig cherche à ramener l'histoire à 
on point de vue strictement déterministe, évolutioniste et collectiviste). 
= Heft 9. Kurze. Opinion ou preuve? (réponse à l'article de Bernheim; 
se contente de la déclarer fausse sans la réfuter). = Heft 10. Salomon. 
Nouvelles recherches sur l'histoire d'Angleterre au xvm* siècle (critique 
approfondie de l'ouvrage de Wolfgang Michael, Englische Geschichte im 
18. Jahrh. Bd. I. zz Heft 11-12. Geffcken. La notion germanique de 
l'honneur (cherche à déterminer la conception juridique de l'honneur 
et comment les Germains ont pu concevoir la défense juridique de 
l'honneur. La notion nous parait comporter encore beaucoup d'incerti- 
tude). — Chacun des numéros du Monatsheft est consacré en majeure 
partie à des comptes-rendus, parfois très développés, et à des nouvelles 
et notices très intéressantes. 

44. — Gœttingisclie gelehrte Anzeigen. Jahrg. 1897, mars. -^ 
Welti. Die Stadtrechnungen von Bern, 1375-1384 (important. Il y a un 
glossaire, mais pas de table des noms propres). — Deutsche Reichstags- 
akten unter Karl V. Bd. I, hgg. von Kluckhohn; Bd. II, von A. Wrede 
(important; beaucoup de documents inédits et, dans le nombre, de très 
importants). := Mai. G. Stomi. Historisk-topografiske skrifter om Norge 



440 RECUEILS PlîaiODIQUES. 

og Norske Landsdele (six mémoires importants pour rhistoire de la 
Norvège au xvi« siècle). = Juin. Corpus papyrorum Raineri, archidu- 
cis Austriae. I. Griechische Texte, hgg. yonC. Wessely. Bd. I, Urkun- 
den (important; mais les transcriptions n'ont pas été faites avec tout 
le soin désirable). = Juillet. Kampers. Die deutsche Kaisersidee in 
Prophétie und Sage (excellent). — A, Maitzen. Wanderungen, Anbau 
und Agrarrecht der Vôlker Europas nôrdlich der Alpen (ouvrage con- 
sidérable, dont la science allemande peut s'enorgueillir). — Rauschen. 
Jahrbiicher der christlichen Kirche unter dem Kaiser Theodosius dem 
Grossen (refait les Annales de Baronius pour les années 378-395). =z 
Août. Bertholet. Die Stellung der Israeliten und der Juden zu den 
Fremden (bon). — J, Marquardt, Fundamente israelitischer und jiidi- 
scher Geschichte (beaucoup de science, des vues originales, mais pas 
de méthode). — Hommel. Die altisraelitische Ueberlieferung in inschrift- 
licher Beleuchtung (beaucoup de choses intéressantes, originales, mais 
aussi beaucoup d'hypothèses hasardées). = Septembre. Kahl. Lehrsys- 
tem des Kirchenrechts und der Kirchenpolitik. !• Hœlfte (cette pre- 
mière moitié ne contient que l'exposé de la méthode suivie par l'au- 
teur, dans l'histoire du droit ecclésiastique, et des principes dont il 
s*est inspiré). — Dœrpfeld et Reisch. Das griechische Theater (E. Bethe 
estime que la thèse de Dœrpfeld ne concorde ni avec les textes ni avec 
les monuments; son livre est « le tombeau de sa théorie •). — C. Binz. 
Dr. J. Weyer, ein rheinischer Arzt, der erste Bekaempfer des Hexen- 
wahns; 2« édit. (très intéressant). 

45.— Historisch-politische Blœtter ffir das katholische Deut- 
schland. Bd. GXX, 1897. — Chanoine Roehm. L'Église orthodoxe 
grecque (ses plaintes contre l'Église catholique; cause du schisme entre 
les deux Églises ; le culte orthodoxe) ; suite dans Heft 2 et 3 ; fin dans 
Heft 4. =: Heft 2. Grauert. Dante en Allemagne (influence exercée par 
ses écrits au xiv« siècle en Allemagne) ; suite dans Heft 3 et 5. = Heft 4. 
A. ZiMMERMANN. Lcs causcs profoudes de la guerre de l'Indépendance 
des États-Unis, 1775-1783 (rien de neuf). 

46. — Noues Archiv der Gesellschaft fûr œltere deutsche 
Geschichtskunde. Bd. XXHI, Heft 1. — J. Sghwalm. Rapports sur 
des missions exécutées en 1894-96 (recherches pour le t. U des « Gons- 
titutionee » dont les Mon. Germ. histor. ont entrepris l'édition. Publie 
une a Ordinacio de soUempnitate coronacionis régis, » un c Ordo ad 
reginam noviter benedicendam, » des chartes des rois d'Allemagne et 
plusieurs documents concernant l'administration judiciaire, de 1270 à 
1312). — Fr. VoGEL. Recherches sur la chronologie d'Ennodius (1» le 
synode tenu à Rome sous le consulat d'Avienus en 501 ; 2® Faustus, fils 
d'Avienus, fut préfet de la ville en 502-503, questeur en 505-506, pré- 
fet du prétoire en 508-512). — K. Zeumer. Deux lois visigothiques 
récemment découvertes (l® loi du roi Theudis sur les frais de procédure, 
24 novembre 546; 2° le t de Nuptiis incestis » du Cod. Euricianus). — 




RECUEILS PERIODIQUES. 444 

Meyeb, Bresslau et Blogh. Additions aux deux premiers volumes des 
« Diplomata t (un diplôme omis de Henri I<"^; diplômes d'Otton 1^' 
pour Walpert et de Henri IV pour Ordulf Lôwenberger; privilège 
d'immunité d'Otton I"'' pour Parme; fragment d'un diplôme original 
du même; le « Syntagma de constructione cœnobii Gandesiani > de 
Bodo et les diplômes impériaux qui s'y trouvent transcrits; le diplôme 
d'Otton lU pour le monastère de Saint-Jean à Liège et la fondation du 
chapitre de Saint-Adalbert à Aix-la-Chapelle; deux diplômes d'Ot- 
ton UI pour révôché et pour Saint- Martin de Worms). — A. Baghmann. 
Sur Jordanis (corrige un passage de Jordanis, Getica, I, 6-7). — Win- 
TERFELD. Vers sur Louis le Germanique. — K. Hampe. Lutte d'Hinc- 
mar de Reims avec son prédécesseur et ses partisans (montre à Taide 
de quels éléments a été forgée la fausse bulle de Grégoire IV, JaËfé 
n® 2583 ; publie des fragments d'une lettre inédite du pape Nicolas I«'' 
à Charles le Chauve). — Holder-Egger. Le texte du traité de Hincmar 
« de Villa Novelliaco » (publie de nouvelles variantes). — E. Schaus. 
Additions aux régestes pontificaux du xn*) siècle. — E. Dueiimler. Vers 
et satires sur Rome. — Gueterbock. Les chartes de Corio; contribu- 
tion à l'histoire de la ligue lombarde (relève de nombreuses erreurs 
dans les chartes insérées par Corio dans son histoire de Milan. Travail- 
lant sous les auspices de Ludovic le More, il a connu et copié beaucoup 
de documents aujourd'hui perdus; il faut s'en défier). — G. Caro. Actes 
du podestà impérial de Savone en 1250. — B. Sepp. Quand fut publiée 
la seconde édition de la chronique de Martin de Troppau ? (en 1276, 
entre la mort de Grégoire X et celle d'Innocent V). — Holder-Eoger. 
Brèves annales de Holstein, 1225-1341. — LEmiNGER. Un ms. inconnu 
jusqu'ici de la a Descriptio Theutoniae, Sueviae et civitatis Ulmcnsis t 
par Félix Fabri. — W. Sghmitz. L'enseignement des notes tironiennes 
au moyen âge. 

47. — Deutsche Rundschau. 1897, juin. — 0. Seeck. Les origines 
de la monnaie métallique. — Egeluaaf. Un ouvrage sur la délivrance 
du Slesvig-Holstein (celui de Jansen, publié et complété par Samwer, 
SchleswiÇ'Holsteins Befreiung ; les auteurs ont le tort de défendre la per- 
sonne et la politique du duc Frédéric et de s'attaquer seulement à la 
politique et aux rancunes de Bismarck). ^ Août. L. FRiEDLiCNDER. La 
persistance de l'antiquité dans le moyen âge (!<> la langue, la littérature et 
la philosophie grecques; 2<>la langue et la littérature latines; l'explica- 
tion allégorique do l'Ancien Testament; 3^ les sept arts libéraux; 
h? modèles romains imités par la poésie et l'histoire) ; suite et fin en 
septembre (5^ la mythologie et l'histoire de l'antiquité; les légendes 
d'Alexandre, de Virgile et de Troie; 6® l'architecture, la sculpture, la 
musique, les jardins et le sentiment de la nature; 7o croyance et culte; 
la monarchie universelle et la capitale du monde; le droit romain). — 
P. DE BojANOwsKi. Uu parlementaire français à Weimar, J.-J. Meu- 
nier, 1795-1801. 

48. — Zeitschrilt der Vereine fQr Orts-nnd Heimathslninde 



442 RBGUBILS PJÎIUODIQUBS. 

im Kreise Recklinghansen. Bd. VI, 1896. — ësgh. La seigneurie 
de Recklinghausen mise en gage par l'archevêque Dietricht, de Cologne, 
en 1446. — Id. Les plus anciens béguinages et le monastère de reli- 
gieuses augustines à Recklinghausen, xiv«-xvni« s. — Strotkœtter. 
Les propriétés de paysans possédées par la ville de Dorsten, xiv«-xvin« s. 

— EscH. Le domaine noble de Henrichenburg (avec Thistoire développée 
de ses possesseurs depuis le xni« s., des tables généalogiques et des 
armoiries). 

49. — Zeitschriffc des Aachener Greschichtsvereins. Bd. XYIII, 
1896. — G. VON Below. De la part prise par le district de Wassenberg 
aux travaux de fortification exécutés à Juliers en 1576 (d'après des notes 
prises par un contemporain et dont on publie ici des extraits ; ces notes 
sont importantes pour l'histoire sociale et économique du xvi° s.; elles 
contiennent d'intéressants détails sur la distribution du sol, la réparti- 
tion topographique des métiers, les privilèges de la grande propriété 
foncière, etc.). — E. Pauls. Le Lousberg, près d'Aix-la-Chapelle (his- 
toire et recueil des légendes et des poésies qui se rattachent à cette col- 
line). — Th. LiNDNER. La légende de l'ensevelissement de Charlemagne 
(contre le mémoire de Grauert dans le Histor. Jahrbuch, année 1893. 
L'auteur maintient sa première opinion que Charlemagne n'a pas été 
mis au tombeau assis, mais que son corps reposait dans un sarcophage). 

— Veltman. Procès soutenus par des gens d'Aix-la-Chapelle devant 
le tribunal de la Chambre aulique; \^ partie (inventaire de tous les 
procès qui ont été suivis devant cette chambre du xvi« au xvin« s.; cet 
inventaire contient 1,521 numéros). — Sghoop. Histoire des institutions 
municipales de Dûren de 1457 à 1692. — F.-W.-E. Roth. Une corres- 
pondance du prévôt de Steinfeld, Ulrich, du xn« s. (publie 73 lettres de 
1150 à 1170 environ; elles sont très importantes pour l'histoire locale 
et pour celle des mœurs). — Redligh. Pour servir à l'histoire des 
reliques de sainte Anne à Diiren (ces reliques furent dérobées en 1500 
à l'église du chapitre de Saint-Ëtienne à Mayence et conduites à Diiren. 
Détails sur les négociations qui ont été engagées pour le retour de ces 
reliques. Publie sept documents inédits de 1505 à 1517). — Oppenhoff. 
Pour servir à l'histoire de la « Sternzunft » à Aix-la-Chapelle (additions 
faites par l'auteur à son mémoire publié au t. XV de la ZeitschrifX), — 
Bellbsheim. Professeurs et étudiants d'Aix-la-Chapelle à Paris au xiv* 
et au XV* s. — Lau. Les droits de l'abbaye de Kornelimiinster et du 
duc de Juliers dans le village de Kastenholz. — F.-W.-E. Roth. Notes 
tirées des mss. des monastères de Burtscheid et de Steinfeld (ces mss. 
se trouvent aujourd'hui à la bibliothèque de la cour à Darmstadt; notes 
qui se rapportent à l'histoire de ces monastères). — Bellesheim. Le 
nonce Bonomi, évêque de Verceil, à Aix-la-Chapelle en 1585 (d'après 
ses dépêches, publiées par Ehses et Meister). 

50. — Zeitschrift des historisohen Vereins fQr Soh'wabeii und 
Neubnrg. Jahrg. XXIII, 1896. — Lor. Wbrner. Une collection de 



aEGU£ILS PERIODIQUES. 443 

portraits d'Augsbourgeois connus et célèbres (formée au commencement 
da ux« s. par Benedict de Paris, aujourd'hui possédée par la Société 
historique d'Augsbourg. Elle est d'une grande valeur). — Fr. Weber. 
La préhistoire et les débuts de l'histoire dans la région du Lech; suite. 

— Jean Mueller. La répartition des impôts impériaux vers le milieu 
du XVI* s. (comme on sait, depuis le commencement du xvi« s., des 
contributions régulières furent payées par les princes, comtes, prélats, 
chevaliers et villes de l'empire d'Allemagne pour entretenir l'armée 
impériale ; mais la répartition en était très inégale : les princes étaient 
taxés très peu; les comtes, seigneurs et villes frappés très fort. La 
diète de Ratisbonne, en 1541, entreprit de réformer cette répartition; 
la réforme fut opérée en 1545. En conséquence, les charges des villes 
furent sensiblement diminuées. Cette réforme ne fut possible que par 
la menace d'une guerre religieuse qui força la main aux princes). — 
JoACHiMsoHN. Lcs écolcs d'Augsbourg du xv« au xix" s. — Mollwo. La 
famille des Welser aux Canaries au xvi« s. — Schreiber. Liste des 
nouvelles acquisitions du musée d'Augsbourg en objets romains et pré- 
historiques. 

61. — Zaitschrift des Vereins fQr Greschichte und Alterthum 
Schlesiens. Bd. XXXI, 1897. — C. Gruenhaoen. Le voyage du roi 
Frédéric-Guillaume II en Silésie pour recevoir les hommages de la pro- 
vince, en 1786. — L. Geiqer. lettres de C.-F. Manso, philologue et 
historien, à C.-A. Bœttiger, 1808-1825 (35 numéros. Intéressant pour 
la connaissance de la vie publique et de la littérature à cette époque). 

— Fbchner. Les fouilles entreprises par Herzer pour rechercher du 
cobalt à Kupferberg en Silésie, 1766-1767 (entreprises à la demande de 
Frédéric le Grand. Herzer et ses compagnons profitèrent de l'entreprise 
pour opérer d'énormes escroqueries). — G. Bauch. Contributions à 
rhistoire de l'humanisme en Silésie; 3« part, (étudie la vie et les œuvres 
des humanistes Vincentius Longinus Eleutherius, Grégoire Ritsch, 
Nicolas Fabri, Wigand de Salza, Jean Borscus, Fabien et Mathias 
Funck, Wieprecht Schwab, Wenceslas Neander, Bernhardin Bogen- 
tantz, Heinrich Riebisch). — J. Krebs. La conduite des Silésiens lors 
de l'invasion des Danois et du comte Mansfeld en 1626 (d'après les 
documents, inexplorés jusqu'ici, des archives comtales d'Oppendorff à 
Oberglogau). — C. Faulhaber. Contribution à l'histoire de la produc- 
tion de l'or dans le territoire de Reichenstein, du xiv« au xvin» s. — 
Knostel. Le poète Fritz Reuter, prisonnier d'État à la forteresse de 
Glogau en 1837. — Wehrmann. Le duc Jean d'Oppeln, évoque de Cam- 
min, 1394-1398. — H. Wendt. La Silésie dans la lutte entre le roi 
Mathias et l'empereur Frédéric III (publie une lettre du roi Mathias à 
Georges de Stein, du 3 juin 1482 ; elle fournit d'utiles renseignements 
sur la politique silésienne du roi Mathias ainsi que sur les électeurs do 
Saxe et de Brandebourg à cette époque). — Franzkowski. Les anciennes 
possessions de Tévéché de Breslau dans le territoire de Wartenberg. — 
H. Sghtjbebt. Sigismond-Just Ehrhardt (contributions à sa biographie, 



444 RECUEILS PÉaiODIQUES. 

publiée au t. XXVIII de la Zeitschrift; elles se rapportent aux travaux 
d'Ehrhardt sur Thistoire religieuse de la Silésie). — A. Kcenio. Le con- 
trôle des viandes au xv« s. (d'après les ordonnances inédites des évêques 
de Breslau). — Soffner. Une liste des ordinations de pasteurs protes- 
tants à Brieg de 1564 à 1573. — G. Gruenhâoen. Le ministre silésien 
comte Hoym et Tédit sur la censure pour la Silésie en 1793 (le ministre 
s'efforça d'y tempérer les sévérités de la censure prussienne). — 
Ghrzaszgz. Pour servir à l'histoire de Peiskretscham (publie une charte 
de révoque de Breslau, Thomas, de 1256). — Hirsch. Le nom de lieu 
Ziegenhals (vient du polonais Zegnalce). — L. Schmidt. Un ms. inconnu 
de la « Vita sanctae Hedwigis > (trouvé à la Bibliothèque royale de 
Dresde). 

52. — Zeitschrift fur die Geschichte des Oberrheins. Neue 
Folge. Bd. XII, Heft 2, 1897. — H. Witte. La « forôt sacrée » et ses 
plus anciens propriétaires (on désigne par ce nom, depuis les plus 
anciens temps, un district forestier d'Alsace qui s'étend entre la Sauer 
et laModer et des premiers contreforts des Vosges jusqu'au Rhin; plus 
tard, il s'est aussi appelé forôt de Haguenau. Récit très détaillé de 
l'histoire ancienne de cette forêt au x« et au xi* s. Elle était sans doute 
à l'origine une dépendance du domaine royal de Schweighausen ; en 
968, elle devint la possession d'Adélaïde, femme de l'empereur Otton ; 
à la fin du xi« s., elle appartenait à trois propriétaires différents, les 
Saliens, les Staufen et les comtes de Montbéliard-Lûtzelburg ; au xn«, 
elle devint la possession indivise de la maison de Staufen. Études 
généalogiques approfondies sur l'histoire de la maison de Montbéliard. 
Art. de 51 p.). — Th. Ludwio. Un volume retrouvé de la chronique de 
l'archevêché de Mayence par le comte Guillaume Werner de Zimmem 
(des cinq volumes de cette chronique, on n'en connaissait jusqu'ici que 
trois; Tun des volumes manquants a été retrouvé par l'auteur à la 
bibliothèque de l'Université de Giessen ; il contient Thistoire des évô- 
chés de Gonstance, Halberstadt et Augsbourg. Gette partie de la chro- 
nique repose en grande partie sur la chronique de l'humaniste Jacques 
Manlius ; mais, par contre, la chronique du comte de Zimmem est une 
source de première importance pour le chroniqueur Gaspar Brusch). — 
F. DE Wbech. Documents tirés des archives du Vatican (1® analyse des 
papiers laissés par le cardinal Giuseppe Garampi; ce dernier fut en 
1749 préfet des archives du Vatican, en 1772 nonce à Varsovie, en 1774 
nonce à Vienne. Ses papiers, qui forment 251 volumes, sont importants 
pour l'histoire des années 1750-1790, en particulier pour l'histoire reli- 
gieuse de l'Allemagne à cette époque. 2^ Additions à l'histoire de la 
conversion du margrave de Bade Jacques III en 1590. 3® Pour servir à 
la biographie de Johannes Pistorius; publie des bulles inédites de papes 
et autres documents des années 1600-1605). — H. Funck. Notes recueil- 
lies par Lavater sur son premier séjour à Garlsruhe en 1774. — 
E. Margkwald. Publications sur l'histoire d'Alsace parues en 1894 et 
en 1895 (liste très soignée et très complète qui comprend 935 numéros). 



REGUBILS PI^RIODIQUBS. 445 

— A. Sghulte. La f Constitntio de ezpeditione romana > (l'auteur con- 
ûnne Thypothèse de SchelTer-Boichorst, que cette constitution est fausse 
et a été fabriquée dans le monastère de Reichenau ; Texpression « curia 
Gallorum, » qui s'y trouve, équivaut à • Ghurwalchen t et désigne 
l'Italie). — Obseh. Le tombeau du margrave Georges-Frédéric de Bade- 
Durlach (il fut enseveli à Strasbourg en 1638; son corps fut transporté 
à Pforzheim en 1650). — Gartellieri. Les sources de Thistoire du haut 
Rhin dans la Bibliotheca historica d'A. Potthast ; additions et corrections. 

— Inventaire sommaire des archives des localités situées dans les dis- 
tricts d'Emmendingcn et de Wiesloch, des communes d'Ëdingen et de 
Kiechlinsbergen et du château de Neuweier, près de Bûhl. 

53. — Zeitschriffc des Vereins fur Hessische Greschichte und 
Landeskonde. N. F. Ed. XX. Gassel, 1895. — Garl Heldmann. Uis- 
toire du bailliage de Hesse possédé par Tordre des chevaliers teutoniques ; 
contributions à l'histoire des conditions juridiques des domaines de 
Tordre à Marbourg et à Schiffenberg (exposé très minutieux basé sur 
des pièces d'archives; art. de 191 p., avec des tables copieuses qui sont 
d'un grand intérêt pour Thistoire économique de Tordre). — G. de Stam- 
FORD. Journal de Tofficier hessois Hans-Éphraîm de Stamford pour la 
campagne de France en 1792 (47 p.; détails sur la part que les troupes 
hessoises ont prise à cette campagne). — A. Heldmann. Pour servir à 
Thistoire de la juridiction judiciaire de Viermûnden et de ses familles 
nobles; suite (note 405 documents relatifs à Thistoire des sires de 
Hohenfels de 1174 à 1618; histoire et généalogie de cette famille; 158 p.). 

— C. Weidemann. Henri I»'', landgrave de Hesse ; ses rapports avec Tar- 
chevêché de Mayence (d'après des documents inédits, 70 p.). =: Bd. XXI. 
Gassel, 1896. A. Heldmann. La ville de Hhense-sur-le-Rhin, pendant 
qu'elle fut donnée en gage à la Hesse, xvi«-xvnie s. — G. de Stamford. 
Le landgrave de Hesse Guillaume IV à Strasbourg, 1546 (il était alors 
prince héritier de son père, le landgrave Philippe le Magnanime ; quand 
éclata la guerre de Schmalkade, il fut envoyé à Strasbourg pour y vivre 
en sécurité; il y resta de juillet 1546 à avril 1547). — Vabqes. La légion 
hessoise en 1809 (copieux détails sur l'organisation et Thistoire de ce 
corps, qui fut formé en 1809 pour combattre Napoléon, de concert avec 
l'Autriche. Art. de 103 p., avec des pièces justificatives). — Kretzsghmar. 
Le plus ancien registre matriculaire de l'Université de Marbourg, 
1577-1584. 

64. — Zeitsohrilt fUr vaterlœndische Oeschichte und Alter- 
ihumskande, hgg. von dem Verein fur Geschichte und Alterthums- 
kunde Westfalens. Bd. LIV, 1896. — Zurbonsen. Apparitions d'ar- 
mées combattantes, présageant des guerres futures en Westphalie 
(signale un grand nombre d'apparitions et de traditions de cette nature 
depuis le xv* s. jusqu'au temps présent). — M. Jansen. Notes sur This- 
toire des institutions et de la civilisation tirées de la chronique de 
Levold de Northof (milieu du xiy« s.). — Zuhorn. Histoire des établis- 
sements de bienfaisance à Warendorf; suite (d'après des documents 



4M acmoLâ PÉuujMiiin». 



îxiédiC9>. — f I —Éiw L» prëffTfanwiTîf vMiaaipiuiIfffnff <fe Tordre des 
Franciscains à la Sn (in anyoL àoe timportanc srâcfe oà sont atiiisés 
de noinbreax ssmûns inwfitff; utile pour Unstnir^ «i^ [& prédicatioa et 
de la lits reliaiense an X7« et an tw^ S.J.. — BusHJiXT. Un prêtenda 
temple poûni ?n ^i^estphaiie leciierdie <{iieQe eift Tcff^iae de la cha* 
peiie de Drôsgeice à Soest : eile est du xn* on diL su* s.; elle a été 
eooscniis snr le rrw prfg**^ du saint aépaicre à JertiaaieniL A^ec de nom- 
breuses iîlnstraoons:. — OnrasBEBui. Le maitxe des mnnnati^i^ Pierre 
&Kan à Miiuatei il nit eséence «îo. i33fè pour crinie de oisie monnaie. 
DéOLs sur son procès). — Kjokz. Les chemins de imis oa ponts de 
manii o:-C2trzî& par les EUmxains isis les marais de L'AÛetnagne dn 
Sorc reçtii^^ae axx memiùr^ pniiiié par MM. !$ardiiaif et Westho^ an 
t. IITT ai cette /AÈRTÂrv?. Oinails snr les '^aançmnes de Germanicns 
«1 Aljanasne ^ snr les t pontes langi » de Domicins^ ^H utilisa dans 
cece drcc-nâcanœ) . — Tsss^àms. Le munmnent de Lisnar, arcfaeTêque 
de Brème, éîeve dans îa oaàlezzaie de Vmiffli mort en. IIiHy œ prélat 
fai enferre à Brème : À. Vroden. <in Im. âîeva ^saiemisit un monument 
pcor rapgeîer Jes Hiwrâft?^ iimt il ayait ^raone cetoe collégiale). — 
H. F333. La etsre àis é-^^qpes ailemanits an p^e Gré^ire YII, dn 
ti ;azLT>er l^*?) :n a eyr^e des iuuîEs snr L^anthentigité des noms 
iff^T^nes ^xi tint scoscnt •» iocument ; L'anteor pconrre qpe ces sous- 
crizàscs^ scii£ axiàenciines et (^oe Te^èque Lnad de Padôtem a ^a- 
leoed sc^scrû a. lecrst- — WaBiasT^r.ri. La Qusîlenbarg à Munster 
tix7ifi:Aî^ in««i x:! -riiagiae ie la «atiieùraie ; publie une description 
rt xTiz^ 5w ^ — Cjnue ButiaoLis-^JLâssRrBiK Conizibixtiûas à Thistoire 
âjt» kcLiiiets;^ -DinTiirrres :*t repaires xabies &caes szr les terres de Tab- 
îiàxff- uLT^îTsije ie Ctirsey art. crès détaille de 436 p.« d'après des docu- 



Bd. WEL Heft 3-4. — Ad. Uszza. Le duc de 
^Pinn>c**icti^ :K : imi)«ssaiie itt comfie GoHts. ianTi^^Tril 177^ t^^ire 
i»!^ ^nf^iOCtitCLua^ pimrsoi^tes par Fnaderic II auprès dn duc de Deux- 
F*iti£$ 4tt :$ttitit itt :a :9ii»»§stoa de Bawre. Ptibiie nn long rapport du 
\,vittQ» m n/t ittte ie Beriin le t9 aTrti 177$). — Ad. fiksa. Affûres 
<KV\H«$t<6$i2i{m)is^ ^n Aatnche^ i^t6^j$4^ d'après des documents d'ar- 
(^i>it)«$^ <<- hk'4dL HcvaL;Sï$oii. De la manière d'estimer les « minuta ser- 
>i(;t4^ « 0^ 4 :»nitta > ;sintt certaùns rede^rances (pi^ii allait payer aux 
pi^ai:^. p^or "^ap^iditioa de certains actes émanés de La chanceilerie 
p\>umicale. Montre comment «étaient tasées ces redevances depois la fin 
du xiii* :>.; publie un dtkret de Paul II. Î3 xiot. U7vH. — W. Altmaioi. 
Uucuuieui^ relatifs à rtùstoire de lempereur Si^ismond. — Mashics. 
Le style d%inbard inote dans la Vita Garoli et dans les Annales Lau- 
rissonsos un certain nombre de centons empruntés à la Vulgate, à 
rUistoire auguste et à IXctys de CrèteL — H. Orro. Les préliminaires 
de Caao$sa en janvier 1077 (il est inexact de représenter le roi d'Aile- 



REGUBILS PERIODIQUES. 447 

magne attendant pendant trois jours et pieds nus, en dehors du château, 
le moment d^être reçu par le pape. Il a attendu le résultat de ses négo- 
ciations avec Grégoire VII au pied du rocher que couronnait le château, 
entouré des siens, mais sans pompe royale. Il ne faut pas lui donner 
une attitude plus humiliée). — Kretschmayr. Une lettre de Maxim i- 
lien n à Ferdinand I«', do Linz, 11 mai 1562. = Comptes-rendus : 
/. Lippert, Socialgeschichte Bœhmens in vorhussitischer Zeit ; Bd. I 
(travail très compréhensif et consciencieux; mais beaucoup de faits 
avancés sans preuve et de nombreuses erreurs de détails). — L.^M. Hart" 
mann, Ecclesiae 8. Mariae in Via Lata Tabularium (publie 80 pièces 
de 921 à 1045, tirées des archives jusqu^ci presque inaccessibles de 
S. Maria in Via lata; les données chronologiques ne sont pas toujours 
exactement analysées). — Diemand. Das Geremoniell der Kaiserkrô- 
nungen von Otto !•' bis Friedrich n (très intéressant). — Fr. Leist. 
Die Notariatssignate (bon travail basé sur un nombre très considérable 
de pièces d*archives). — Fœrstemann. Novae constitutiones audientiae 
contradictarum in curia romana promulgatae a. D. 1375 (publie le texte 
de ces Constitutiones, dressé par 1' « auditor contradictarum » Pierre 
de Sortenac, évoque de Viviers). — R. Fester. Regesten der Markgrafen 
von Baden- und Hachberg, 1050-1515 (ces régestes ne comprennent pas 
moins de 5,722 numéros). — Id, Markgraf Bernhard I und die Anfaenge 
des Badischen Territorialstaates (excellent). — Jos, Kopallik. Regesten 
zur Geschichte der Erzdiôcese Wien (important; les documents ne se 
rapportent d'ailleurs qu'à l'histoire moderne, Tévéché de Vienne n'ayant 
été institué qu'en 1469). — J. Scfiwertfeger, Papst Johann XXIII und 
die Wahl Sigismonds zum romischen Kônig (très utile contribution à 
l'histoire préliminaire du concile de Constance). — Fromme. Die spa- 
nische Nation und das Constanzer Goncil (complète sur un point impor- 
tant le grand ouvrage de Finke). — Th, Ludwig, Die Konstanzer Ge- 
schichtschreibung bis zum 18 Jahrh. (bon). — P, Joachimsohn. Die 
humanistiche Geschichtschreibung in Deutschland (utile). — Luschin 
von Ebengreuth, Œsterreichische Reichsgeschichte ; 2« partie (excellent). 
— Beitraege zur Geschichte der niederœsterreichischen Statthalterei, 
1501-1896 (ouvrage considérable). — Programmes historiques des écoles 
moyennes de l'Autriche pour 1896. — Revue des publications relatives 
à l'histoire de la Hongrie, qui ont paru en 1896. 

66. — Bulletin international de TAcadémie des sciences de 
Gracovie. Comptes-rendus des séances de l'année 1897. Juillet. — 
Morawski, Les débuts de l'étude du droit romain à l'Université de 
Jagellon (expose la renaissance des études juridiques dans l'Europe 
orientale depuis le xv« siècle et l'influence exercée par certains pro- 
fesseurs italiens pendant la première moitié du xvi« siècle). — Pieko^ 
sinski, La plus ancienne charte relative à la Pologne expliquée par 
l'histoire du droit (c'est une notice du pape Jean XV publiée par Mura* 
tori an t. XV des Antiq, ital. medii aevi). 



448 ftECUEILS PERIODIQUES. 

57. — The Academy. La nouvelle direction de cette Revue ayant 
interrompu l'échange avec la Revne historiqae, nous cesserons d'en don- 
ner l'analyse. Nos lecteurs trouveront d'ailleurs une bibliographie très 
abondante dans le dépouillement de i'Âthenaeam. 

58. — The AthensBom. 1897, 22 mai. — Ramsay. The cities and 
bishoprics of Phrygia. Vol. I, part n : West and West-central Phrygia 
(beaucoup de résultats intéressants). — G. L. Fenwick. A history of 
the ancient city of Ghester (ouvrage fort bien imprimé, mais d^une éru- 
dition plus qu'inexpérimentée). — J. W. Brown. The life and legend of 
Michael Scot (intéressante biographie d*un savant fameux au xm« s., 
mort en 1230 ; mais l'auteur s'est trop souvent contenté de bâtir son 
étude sur des conjectures arbitraires). =: 29 mai. Escott, Social transfor- 
mations of the victorian âge (fort intéressant, bien qu'écrit à un point 
de vue très optimiste). — Cap. W. Cool. With the Dutch in the East; 
an outline of the military opérations in Lombock, 1894, etc. ; trad. par 
E. J. Taylor (en dehors de l'histoire militaire, ce livre est encore inté- 
ressant en ce qui concerne l'architecture, l'aménagement du sol, les 
mœurs et l'histoire de l'introduction de l'islamisme et de l'hindouisme 
dans l'île). — Beazley. The dawn of modem geography (remarquable). 
^ 5 juin. J. Mac Carthy. A history of our own times from 1880 (cet 
ouvrage tient plus du journalisme que de l'histoire). — Le P, Ayroles. 
La vraie Jeanne d'Arc, t. III (important ; bonne étude des sources ; tire 
un bon parti de la chronique de Morosini). — Ch. Rampini. A history 
of Moray and Nairn (erroné et incomplet). — Une prétendue erreur du 
Bède (il a, dit-on, mal interprété le passage de VExcidium où Gildas 
indique son âge. Anscombe propose de traduire les mots « quique qua- 
dragesimus quartus annus... t par c et par là la quarante-quatrième 
année... •; autre explication donnée par Nicholson au numéro suivant; 
la polémique se poursuit de numéro en numéro jusqu'au 24 juillet). 
=: 12 juin. /. W, Clark, The observances of the S* Augustin priory 
of Barnwell, Gambridgeshire (cette règle, écrite en 1295-1296, trace 
l'intéressant tableau d'une grande maison religieuse. Bonne édi- 
tion, avec une traduction en anglais très méritoire). =: 19 juin. 
/. W. Bund. The celtic church of Wales (étude critique importante 
faite surtout au point de vue celtique et à l'aide des documents plutôt 
gallois que latins). — Général Ch, Gough, The Sikhs and the Sikh 
v^ars (remarquable). ^ 26 juin. Zoltan Ferenczi. Mémoires de Petôfi 
(3 vol. pleins de documents fort curieux sur la vie du grand poète hon- 
grois, tué en 1849, en combattant les Russes). — Head. Catalogue of 
the greek coins in the British muséum : Caria, Cos, Rhodos, etc. (très 
important). =z 3 juillet. La littérature continentale (revue du mouve- 
ment littéraire de l'année en Belgique, Bohème, Danemark, France, 
Allemagne, Grèce, Hollande, Hongrie, Italie, Norvège, Pologne, Rus- 
sie, Espagne). z= 10 juillet. Waliszewski. Peter the Great, trad. par 
M. Loyd (remarquable). — Putnam. Books and their makers during the 
Middle âges (compilation sans valeur). — Conway, Lives of the breth- 



RECUEILS PERIODIQUES. 449 

ren of the order of preachers, 1206-4259 (traductioo de Gérard de Fra- 
chet). zz 17 juillet. Sir Hugh Gough. Old memories (souveairs intéres- 
sants sur la révolte des cipayes). — Leadam. The domesday of inclosures, 
1517-1518 (documents fort importants pour l'histoire de la révolution 
agraire qui s'opéra sous les Tudors). — Aston. Nihongi; chronicles of 
Japan from the earliest times to 697 (excellente traduction d'un recueil 
d*anecdotes qui n'a pas une grande valeur de composition, mais qui est 
cependant une des sources essentielles de Thistoire ancienne du Japon). 
— Firth, Scotland and the Commonwealth (publie environ trois cents 
lettres et documents concernant le gouvernement de l'Ecosse par les 
Anglais, d'août 1651 à décembre 1653). — R. Munro. Prehistoric pro- 
blems (études anthropologiques assez intéressantes, suivies d'études 
archéologiques de médiocre valeur). — Baring-Gould, English mins- 
trelsie; a national monument of english song. Vol. Vil. = 24 juillet. 
Dictionary of national biography. Vol. II : 8cofBn-8heares. — 
H. Pearse. The Grimean diary and letters of lieu t. -gênerai Sir Gharles 
Ash Windham (ces documents sont intéressants pour l'histoire de l'as- 
saut malheureux du grand Redan en sept. 1855 et de la défense de 
Gawnpore en 1857). — Rigg. Saint Anselm of Ganterbury (bon). — 
Withley. The charters and mss. of Goventry (inutile). — W, Farrer. 
The court rolls of the honor of Gliteroe, in the county of Lancaster. 
Vol. I (bon). — Records of Buckinghamshire. Vol. V (un des articles 
de ce volume concerne de fausses généalogies sur la descendance de 
Simon de Montfort). = 31 juillet. S. R, Gardiner. What Gunpowder 
plot was (prouve, contre le P. Gérard, que le Gomplot des poudres n'est 
pas une fiction). — A. T. Quill. The history of P. Gornelius Tacitus 
(bonne traduction). — Oppenheim. A history of the administration of 
royal navy and merchant shipping in relation to the navy. Vol. I, 
1509-1600. Naval accounts and inventories 1485-88, 1495-97 (deux 
ouvrages importants et qui en partie se complètent). — J, R. Tanner, 
The discourses of the navy, 1538, i659, by John Hollond. — PrescoU, 
The register of the priory of Wetherhal (très intéressant). =: 7 août. 
Mojor A, G. Chesney. Historical records of the Maltese corps of the bri- 
tish army. — Th, BlashilL Sutton-in-Holdernesse ; the manor, the 
Berewic and the village community (bonne monographie). — Wahe^ 
man. An introduction to the history of the church of England (excel- 
lent manuel, écrit à un point de vue strictement anglican). z= 14 août. 
M. C, Tyler. The literary history of the american révolution, i 763-83 
(nouveau, savant, écrit avec agrément; les jugements sont parfois 
influencés par un patriotisme excessif). — Courthope, A history of the 
english poetry, t. II (incomplet, l'auteur ne remontant pas plus haut 
que Ghaucer; exclusif, l'auteur jugeant toute la littérature anglaise à 
la mesure de la perfection classique ; intéressant d'ailleurs dans de si 
étroites limites). — Hingeston-Randolph, Episcopal registers : Exeter, 
1331-60 (documents très intéressants). — Le rapt de Gécile Ghaumpaigne 
par Ghaucer (R. Sharpe signale, dans les archives de la Gité, trois docu- 
Rbv. Histor. LXV. 2* fàsc. 29 



4^0 lECirEII.S PfUODiQirES. 

méats qui panassent bi«i se rapporter à cet érénement). ^ 21 août. 
Gmrtiiwr^t Broéû, Letters and papers o£ the reign of Henry Viil |t. XV, 
cocnpn»aarLt Les niots de jaarâr à la an d'août 1540 et relatif aa mariage 
et à La rapcure da noriage du roi a^ec Anne de QèTes). — Admirai 
Sir L 6~ Baaix. Lec&Bs ârom the Black: sea dnring tbe Crimean war, 
l>>4-3ô ia^^cesgass/. — Siii. âoorces for greek history^ 480-35 (beau- 
coap aamditiaa - — *'. Budsan, How the city of Norwich grew into 
5ûift^ jaui et Qua Livra. i= iS août. TraiU, Social ËoglaDd. VoL VI 
Ki3i»iCL- -TTîij^t xaceas d exixilejites parties). — Tyrrell et Purser, The 
vKrrfsaooiiitice oc M. Taiiiii» Qcero. VoL V (boane éditioa avec un 
.kLiLir-uitf itjoinieaG&iret. — Rit^utrdsQa. The national morement in 
su* r^ucL jc Hîflirv [V nnhiiucreu — Les ûls d'Edmond Côle-de-Fer: 
iSLRT* «jiBCdii par £. W. B. Nlcnolsoaj. = 4 sept. A, J, Masan. The 
3mâ»ua n ^ Ajsriiscine in Ëngiand^ according to the original doca- 
3iiim^ rrfcumJL ii» iucumencsv iiomplet à ooe exception près : on a omis 
jbï» :}Jcr:iLC2k piftT rux mume de Waitby» de la vie de Grégoire le Grand 
ja Stidii X pui2se :uiit ce i^a il a. dit sor saint Augustin. Ce recueil est 
iuivi ae 'ioitfir^ diâ^ctations sur autant de points diâoents de la mis- 
:st!un iii . ipôsr? du K^ntî. — S. Champion, La. France, d après les 
vi^mior^ ie ITSi^ ttxuviienu miéme à l'on ne partage pas toujours les 
^(làmua;^ il} J lutteur. — firs^rtmius. History of the city of Rome in 
uttf Midule ièçetï^. "xm. p<tr J. HamUUm, VoL IV. — Sir John Evans, 
th^ 4ucteui >tuue4mpiemeucsK weapons and omaments of Great Bri- 
'jiua iMaucoup i'aitirmacions àans preuve^ des parties très faibles). = 
(1 :^4p&. .Ofku i^arry. An oid soidiers memories t mémoires fort curieux 
d'uu aïKitm othcier qui a Longtemps servi en Birmanie, pendant la 
^at.>rf^ àe Crimée^ dans le contingent turc, et pendant la révolte des 
cip<àye^. — ijlisvtitand, Woman onder the engiish law (bonne étude de 
druit Ji;>tunt{ue>. — Lady Arabella Stuart lËug. Levi publie quelques 
r^us<?i^u%>uieiii2> uouveaux sur cette pauvre femme, tires des lettres iné- 
ditt^ i Otuivtaiio Loiti^ secrétaire tloreutiu à Londres, de 1603 à 1614). 
— ^r Itioma:!^ Maiury uA T. Martin signale un testament qui parait 
bieu èire ceiui de l'auteur de la Jforto d* Arthur; si ce testament est 
bieu le :>ieu> il serait mort entre mars et sept. 1469). — La tombe du 
roi David art. par Clennouo^^anneau). := l^ sept. Cft. Rieu. Supplé- 
ment 10 ;4ie catalogue of the IfVrsian mi$s. in the British Muséum. — 
(i. l^rthi/nn. A catalogue of the persiaa mâs. in the hbrary of the uni- 
versity of Cambridge. 



CHBOIflQUE BT BIBLlOGfilPHIB. 454 



CHRONIQUE ET BIBUOGRAPHIE. 



i. — Nous nous contenterons aujourd'hui d'annoncer la mort 
de M. Léon Gautier, professeur de paléographie latine à TËcole des 
chartes, Tauteur très connu et très lu des Épopées françaises et de la 
Chevalerie. Nous reviendrons plus au long sur son œuvre et les ser- 
vices qu'il a rendus aux études médiévales dont il a été un des plus 
zélés champions. Il est décédé prématurément le 25 août dernier à 
l'âge de soixante-cinq ans. 

— M. Alfred Duméril, mort le 19 août dernier à l*&ge de soixante- 
deux ans, a composé, outre ses thèses de doctorat {De senatu romano sub 
imperatoribus Augusto Tiberioque. Étude sur Charles V, 1856), divers 
mémoires qui ont été pour la plupart insérés dans les Mémoires de 
l'Académie des sciences de Toulouse; dans ces dernières années, il 
était revenu aux études d'histoire romaine qu'il avait abordées au 
temps de son doctorat et publia divers articles sur Tibère et le sénat 
romain (1888), Auguste et la fondation de l'empire (1890), Histoire de 
V empire romain sous le second Empire (1896), etc. 

— M. Ëlie Berger a été nommé professeur de paléographie à l'École 
des chartes en remplacement de M. Léon Gautier, décédé. 

— Voici le programme de l'agrégation d'histoire et de géographie 
pour le concours de 1898 : Histoire ancienne. Les Phéniciens. Histoire 
de la Grèce depuis les origines jusqu'à la fin des guerres médiques. 
Histoire et civilisation des colonies grecques. La civilisation athénienne 
aux v« et iv» siècles : religion, vie privée, industrie, commerce, lettres 
et arts. Histoire extérieure de Rome depuis la première guerre punique 
jusqu'en l'an 133 av. J.-G. Histoire intérieure et extérieure de Rome 
depuis la mort de Sylla jusqu'en Tan 27 av. J.-G. Histoire de l'empire 
romain depuis la mort d'Auguste jusqu'à la mort de Marc-Aurèle. — 
Moyen âge. L'empire franc, son histoire, ses institutions, sa civilisa- 
tion, depuis les dernières années du v« siècle jusqu'au traité de Ver- 
dun. L'empire d'Orient et la civilisation byzantine depuis la mort de 
Justinien jusqu'à la première Groisade. La papauté et l'Empire, l'Italie 
et l'Allemagne depuis Otton I^^* jusqu'à la fin des Hohenstaufen. La 
France depuis la mort de saint I^ouis jusqu'à la fin de la guerre de Gent 
ans. L'Angleterre depuis la mort d'Henri III jusqu'à la fin de la guerre de 
Gent ans. — Histoire moderne. L'Église catholique depuis la fin du 
grand schisme jusqu'au concile de Trente inclusivement. La monar- 
chie espagnole depuis l'avènement de Ferdinand et d'Isabelle jusqu'à 
la mort de Philippe U. Richelieu et Mazarin. Louis XIV et l'Europe 



452 GHROfTIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 

(1661-1715); histoire diplomatique. L'art français de 1648 à 1774. His- 
toire constitutionnelle de l'Angleterre depuis 1688 jusqu'en 1832. La 
Prusse depuis les traités de Westphalie jusqu'à la mort de Frédéric II. 
La Russie au xvni« siècle. Les institutions de la France en 1789; l'As- 
semblée nationale constituante. Les États-Unis d'Amérique de 1774 à 
1815. La question d'Orient depuis la paix de Passarowitz jusqu'au con- 
grès de Paris. La France et l'Europe de 1802 à 1815; histoire diploma- 
tique et militaire (étudier spécialement les batailles d'Austerlitz, d'Iéna, 
d'Ëylau, de Waterloo). Les constitutions de la France de 1814 à 1875. 
Les puissances européennes en Asie au xis:» siècle. L'Allemagne et l'Ita- 
lie de 1848 à 1871. — Géoqraphie. La forme et les divisions de la terre. 
Les mers et les courants marins. Les formes du relief terrestre et les 
différents types de montagnes. Les zones de végétation. La répartition 
des populations à la surface du globe. Productions animales et indus- 
tries extractives dans le monde. L'empire russe. La Péninsule des Bal- 
kans. L'empire ottoman. L'Australie, la Nouvelle-Zélande, les îles de 
la Sonde. Les États-Unis. Le Chili et la RépubUque argentine. Les 
explorations africaines depuis 1850, y compris Madagascar. La France, 
géographie physique. Le Maroc, l'Algérie et la Tunisie. Les explora- 
tions polaires boréales au xix« siècle. 

— On trouvera dans le n» du 15 septembre 1897 de la Revue interna' 
tionale de Renseignement^ dont M. Pigavet vient de prendre la direction, 
une série de rapports tous intéressants sur la manière dont les examens 
en vue du diplôme d'étude supérieur d'histoire et de géographie ont été 
examinés dans les diverses Universités et à l'École normale. On recon- 
naîtra que cet examen a produit les meilleurs résultats et promet de 
contribuer efficacement au progrès des études historiques. En lisant ces 
rapports, qui prouvent avec quelle conscience ces examens ont été pra- 
tiqués, on ne peut s'empêcher de se demander si, tout en laissant à 
chaque Université une très grande liberté dans l'organisation de l'exa- 
men, on ne pourrait pas cependant éviter de trop grandes différences 
dans la manière dont Texamen est compris. Alors que dans une Uni- 
versité un seul candidat est tenu sur la sellette pendant deux jours, 
matin et soir, dans un autre chacun des candidats n'est guère interrogé 
que pendant une heure, et il semble entendu qu'une thèse bien faite 
suffit à compenser la faiblesse de l'examen oral quelque grave qu'elle 
puisse être. Dans plusieurs Universités, les questions spéciales ont été 
remplacées par des questions très étendues sur lesquelles il est difficile 
d'exiger une préparation approfondie et qui ne peuvent donner lieu qu'à 
un examen superficiel. Enfin, presque partout l'épreuve d'explication 
de textes porte sur un des textes déjà étudié dans la thèse, et cette 
épreuve n'a pas eu pour résultat, comme l'avait voulu la commission 
qui a préparé la réforme, de pousser les professeurs d'histoire à consa^ 
crer une de leurs conférences à l'exercice si fructueux des explications 
de textes. 

— En tète de VAnnuaire de l'École pratique des hautes études pour 



CHRONIQUE ET BIBLIOGBAPHIE. 453 

1898, M. A. Carrière a donné un mémoire sur Un chapitre de Grégoire 
de Tours relatif à V histoire d'Orient. Il y établit que Grégoire a utilisé 
des renseignements d'origine orientale, oraux, sur Tavènement de 
Tempereur Justin (574), sur les dévastations commises à Antioche et à 
Apamée par les Perses (573), sur la révolte des Persaméniens en 571. 
Ces renseignements, corroborés par d'autres témoignages, sont sûrs ; ils 
permettent, par voie d'analogie, de dater un quatrième fait, celui d'une 
ambassade envoyée par Sigebert à Justin, qui doit être placé en 575. 
— Dans ce même Annuaire, outre les rapports sur les conférences pré- 
sentées par les maîtres de conférences, il faut signaler certains rapports 
de boursiers : ceux de M. Millet sur les antiquités de Mistra et sur les 
peintures murales du mont Atbos; de M. Vidier sur les documents bis- 
toriographiques émanés de l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire au Vati- 
can; de M. Déprez sur les documents relatifs aux rapports de Cbarles V 
avec les papes Urbain V, Grégoire XI et Clément VII; de M. Ddpont- 
Ferrier sur les documents relatifs aux bailliages et aux sénéchaussées, 
dans la seconde partie du xv« siècle. Les érudits ne devront pas omettre 
la lecture de cet Annuaire, 

— Le charmant discours prononcé par M. Babelon à la séance géné- 
rale du Congrès des Sociétés savantes le 24 avril 1897 est un exposé 
érudit et brillant des services que la numismatique peut rendre à la 
connaissance du passé, à l'histoire politique comme à celle de l'écono- 
mie politique, des mœurs et des arts. 

— On tirera un mince profit de V Étude que M. Marin Démétresco a 
composée sur les rapports politiques de Philippe^ Auguste avec Richard 
Cour de Lion, 1189-1199 (Leipzig, Brockhaus, 60 p.). Les textes relatifs 
à ce sujet ont été réunis et analysés avec un soin méritoire ; mais ce 
n'est en somme qu'un travail d'élève auquel a manqué une révision 
sévère sous l'œil d'un maître exercé, sachant bien le français et capable 
d'identifier les noms de lieu fournis par les chroniqueurs du xn" siècle 
et par Rymer, si souvent erroné. 

— M. A. DE RuBLE a achevé avec le t. IX le texte de V Histoire uni" 
verselle d' Agrippa d'Aubigné (Société de l'Histoire de France). Un t. X 
donnera Tintroduction et l'index analytique des matières. La même 
Société a distribué le t. X des Chroniques de Froissart. M. G. Raynaud, 
qui a pris au t. VUI la succession de M. Luce, hâte, en y apportant 
tout le soin possible, l'achèvement de cette œuvre commencée il y a 
vingt-huit ans et qui n'atteint encore que l'année 1382. M. Ludovic 
Lalanne a complété sa belle édition de Brantôme par une notice sur sa 
Vie et ses écrits, qui forme tout un volume, le XU«. Dans cette notice, 
M. Lalanne a moins visé à l'art qu'à l'exactitude. Il a suivi pas à pas 
la vie de Brantôme, dont il a fixé la naissance entre 1535 et 1542 
(dans son Dictionnaire de la France, M. Lalanne disait déjà : vers 1540, 
date reproduite par Vapereau, Dictionnaire de littérature; la dernière 
édition de Dézobry a naturellement conservé la date fausse tradition- 



454 GH&ONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 

nelle de 1527) ; il trace d'après lui le tableau de la cour des Valois, le 
portrait de ses amis et de ses maîtresses. Il fait en un mot de cette bio- 
graphie une sorte de guide à travers les œuvres mêmes de Brantôme. 
Il est dommage que l'index analytique qui remplit le t. XI n'ait pas 
pu donner aussi le répertoire de la notice sur la Vie de Brantôme. 

— M. Albert "Waddinoton a terminé son importante étude sur la 
République des Provinces" Unies, la France et les Pays-Bas espagnols, de 
1630 à 1650 (Annales de l'Université de Lyon. Paris, Masson; t. II, 
x-433 p., avec une carte). Ce volume contient les chapitres suivants : 1» le 
renouvellement de l'alliance française, 1643-1644; 2^ les derniers jours 
de l'alliance ; les négociations de Munster, 1645-1647; le traité de 
garantie de 1647; S^la paix de Munster; 4ole stathouder Guillaume II, 
1647-1650; 5® conclusion. Dix-neuf pièces justificatives terminent le 
volume. 

— Dans un excellent article sur la Mort de Madame, qu'a donné la 
Revue encyclopédique de Larousse (25 septembre 1897), notre collabora- 
teur M. Frantz Funck-Brentano, utilisant, pour la première fois peut- 
être, toutes les sources anglaises et françaises qui se rapportent au tra- 
gique événement du 30 juin 1670 et s'appuyant sur l'opinion de 
médecins éminents, a montré que la sœur de Charles II fut emportée 
par une péritonite suraiguë, conséquence immédiate d'une perforation, 
par ulcère simple, de l'estomac. C'est la conclusion à laquelle s'était 
arrêté Littré et que viennent corroborer les documents les plus con- 
cluants. L'hypothèse du poison, récemment reprise par le D' Légué 
(Médecins et empoisonneurs, voy. Rev. hist., t. LXII, p. 143), doit être 
absolument écartée. 

— Les t. IV et V des Discours et opinions de Jules Ferry (A. CoHn), 
publiés par M. Paul Robiquet, comprennent la fin des discours relatifs 
aux questions scolaires et tous ceux qui furent prononcés à l'occasion des 
affaires de Grèce, de Tunisie, d'Afrique et du Tonkin. La lecture de 
ces derniers documents est à bien des égards humiliante, car si le Sénat 
a eu en général un sentiment juste et vif de l'honneur national, la 
Chambre des députés a été, on peut le dire, traînée à la remorque par 
le grand ministre, qui lui a pour ainsi dire imposé la conquête de nos 
deux plus belles colonies. On ne peut lire sans douleur et sans colère 
le compte-rendu de cette séance du 30 mars 1885 où, sans nul souci 
des intérêts du pays, les rancunes et les ambitions parlementaires ont 
profité de l'échec de nos troupes à Lang-Son pour renverser le minis- 
tère qui à ce moment même signait avec, la Chine le traité qui nous 
abandonnait tout le Tonkin. 

— Les Annales de géographie, dont nos lecteurs connaissent la valeur, 
viennent de publier dans une livraison à part, formant un volume d'en- 
viron 300 pages (A. Colin), une bibliographie des principaux travaux 
relatifs à la géographie qui ont été édités en 1896. Cette bibliographie 
est la sixième parue. Depuis leur fondation, les Annales de géographie 



CHRONIQUE ET BIBLIOGElPfllB. 455 

ont ainsi passé en revue chaque année, en les analysant et les appré* 
ciant, les travaux publiés Tannée précédente. Ce travail est l'œuvre en 
collaboration de savants français et étrangers qui font autorité en Europe 
et en Amérique. Cette bibliographie se compose de deux parties : d'abord 
une partie générale, comprenant l'histoire de la géographie et les trois 
aspects principaux, mathématique, physique, politique, sous lesquels 
se présente la science ; puis une partie régionale dans laquelle se groupent 
les écrits ayant un caractère local. Chaque partie est elle-même subdi- 
visée de façon à rendre les recherches faciles. Les articles sont numé- 
rotés, ce qui permet d'y renvoyer aisément. Enfin un index alphabé- 
tique des auteurs analysés et cités termine Touvrage. Tout a été combiné 
pour faire de ce recueil un instrument de travail commode et facile à 
manier. Chaque écrit cité est accompagné d'une appréciation ou d*un 
résumé analytique qui en indique la portée. 

— La Société archéologique de Bordeaux vient de décider la publi- 
cation d'une série de répertoires des objets et monuments historiques 
du département de la Gironde; ces répertoires renferment des fac- 
similé accompagnés d'une description et de commentaires, s'il y a lieu. 
On a déjà arrêté la publication des volumes suivants : !<> Inscriptions 
du moyen âge et de la Renaissance; 2<> Sculptures de l'époque romaine ; 
3» Monuments mégalithiques et objets préhistoriques; 4^ Numisma- 
tique de Bordeaux et du Bordelais; 5<> Sculptures et bas-reliefs gallo- 
romains et mérovingiens. Ce dernier recueil sera édité par M. Camille 
JuLLiAN (Académie des inscriptions et belles-lettres, Bulletin de mai -juin 
1897, p. 320). 

— MM. Lèbre et Lajsoughère viennent de fonder une Revue des 
grandes journées parlementaires (83, boulevard Soult. 15 francs par an) 
mensuelle, qui reproduit les principaux débats de nos assemblées poli- 
tiques depuis 1789. Ce recueil, qui sera précieux à consulter pour 
l'homme d'État comme pour l'historien, comprenait dans ses cinq pre- 
miers numéros les discussions de la Constituante sur les droits civils et 
politiques des Juifs; les débats et les documents relatifs à la conspira- 
tion de Babeuf; les délibérations d'oili sortit la création de la Banque do 
France et les débats parlementaires auxquels a donné lieu la proroga- 
tion, le maintien et l'exercice de son privilège. 

Allemagne. — Le 8 août est mort le D** P. Pfotbnhauer, archiviste 
à Breslau, auteur de travaux remarqués sur l'histoire de la Silésie; il 
avait cinquante-cinq ans. — Le 12 août est mort le prof. A. van der 
LiNDE, directeur de la bibliothèque de Wiesbaden, âgé de soixante- 
quatre ans. Né à Haarlem, il réfuta, dans un écrit paru en 1870, De 
Haarlemsche Costerlegende, les prétentions du Hollandais Coster à la 
découverte de l'imprimerie. En 1886 parut sa Geschichte der Erfindung 
der Buchdruckerkunst en 3 vol.; on lui doit encore de nombreux ouvrages 
historiques, parmi lesquels nous citerons : Le Duel (1862) ; Histoire des 
guerres de la Moscovie (2 vol., 1866); David Joris (1867); Geschichte und 



456 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 

Literatur des Schachspiels (2 vol., 1874); Kaspar Hauser (2 vol., 1886); 
M. Servet (1890); Antoinette Bourignon (1895). — Le 13 sept, est mort le 
D' W. PuEGKERT, professeur extraordinaire à Leipzig; on lui doit un 
savant ouvrage intitulé : Kurfûrstliche Neutralitêst wxhrend des Basler 
Concils (1858). — Dans les premiers jours de septembre est mort le 
D' G. ScHEPSs, professeur au gymnase de Spire, à l'âge de quarante- 
quatre ans. On lui doit d'avoir retrouvé les écrits de Priscillien, qu'il a 
édités en 1889 dans le a Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum; » 
il a publié aussi de remarquables études sur l'histoire de l'humanisme 
et de l'enseignement au moyen âge. Il laisse une édition des œuvres 
de Boèce, dont l'impression était déjà commencée. 

— Le 20 sept, est mort à Francfort-sur-le-Mein, en rentrant de 
Suisse à Berlin, le célèbre médiéviste W. Wattenbach, à l'âge de 
soixante-dix-huit ans. La science des sources historiques et la paléo- 
graphie perdent en lui un de leurs plus illustres représentants. Après 
avoir d'abord enseigné la philologie classique, il fut associé de bonne 
heure aux travaux des Monumenta Germaniae historica. Archiviste à 
Breslau en 1855, professeur à Heidelberg en 1862, il fut appelé en 1873 
à l'Université de Berlin. Il était membre de l'Académie des sciences de 
Berlin et de la direction générale des Monumenta. Son ouvrage Deut- 
schlands Geschichtsquellen im Mittelalter, dont la 6« édition a paru en 
1893, est depuis longtemps classique. Ses Anleitungen zur griechischen 
und lateinischen Paléographie et son histoire de l'écriture au moyen 
âge jouissent d'une estime méritée. Ses autres ouvrages se rapportent 
surtout à l'histoire de la littérature savante et à celle des sectes reli- 
gieuses au moyen âge. Nous mentionnerons seulement un petit écrit 
sur Alger (1867) et sa populaire et médiocre Geschichte des rômischen 
Papstthums (1876). Il dirigeait cette grande entreprise de traductions 
de textes du moyen âge ; Geschichtschreiber der deutschen Vorzeit, qui a 
tant fait pour répandre le goût des antiquités nationales dans un pays 
qui professe au plus haut degré le culte de son passé. 

— Le D' Reinhard de Kdgler, professeur à l'Université de Tubingen, 
doit prochainement donner sa démission pour des raisons de santé. — 
Le D' Aug. CoNRADvaété nommé professeur extraordinaire de langues 
de l'Asie orientale à l'Université de Leipzig; le comte Du Modlin- 
EcKART, professeur extraordinaire d'histoire moderne à l'Université 
d'Heidelberg; le D»" Bruno Sader, professeur extraordinaire d'archéolo- 
gie et d'histoire de l'art à l'Université de Giessen. — Le D' Hbyd, l'au- 
teur bien connu de l'Histoire du commerce dans le Levant, directeur 
de la bibliothèque royale de Stuttgart, a été mis à la retraite; il a été 
remplacé par le D"f Wintterlin. — Le D' Oscar Bulle a été chargé 
de diriger les t Beilage » de VAllgemeine Zeitung en remplacement du 
prof. DovE. 

-^ L'Académie des sciences de Berlin a voté au prof. Conze 12,000 m. 
pour un relevé topographique de Pergame et 18,000 m. au prof. 
Saghau pour une édition de l'histoire de l'Islam parIbn-Saad; 1,000 m. 



CHKOniQUE BT BIBLIOGRiPHIE. 457 

au D' Konrad Plath pour des fouilles au château royal de Kirchheim 
en Alsace. — Elle a élu comme correspondants MM. G. Maspero, de 
Paris, et Girolamo Vitblli, de Florence. 

— Le 28« congrès des anthropologistes allemands a tenu ses séances 
à Lubeck du 3 au 5 août. Parmi les lectures qu'on y a faites, men- 
tionnons celles de Rudolf Virchow, sur les plus anciens rapports entre 
Allemands et Slaves; de Freund, sur l'histoire primitive de Lubeck; 
de Splieth, sur le « Dannewerk » en Slesvig-Holstein ; de Kgehl, sur 
les cimetières préhistoriques et romains découverts dans les environs 
de Worms; de H. Hildebrand, sur les antiquités de Tile suédoise 
d'Œland; de Montelius, sur les urnes en forme de maison et avec des 
figures humaines; du baron d*Andrian, sur les représentations cosmo- 
goniques chez les peuples non civilisés; de J. Ranke, sur les variations 
individuelles de la conformation crânienne; de Montelius, sur les diffé- 
rentes périodes de Tâge du bronze en Scandinavie. — Le prochain 
congrès se tiendra à Brunswick. 

— Sous le titre de c Thûringische historische Commission • s*est 
formée une association libre des sociétés d'histoire et des archivistes 
des états thuringiens; elle se propose de diriger d'une façon métho- 
dique le travail commun et d'entreprendre de grandes publications 
scientifiques. Elle a pris pour organe la Z&itschrift des Ver&ins fur 
thûringische Geschichte und ÀUerthumskunde et a mis à sa tète le 
D** Rosenthal, professeur à léna. 

— La bibliothèque de l'Université de Heidelberg vient d'acheter une 
riche collection de papyrus égyptiens, hébreux, grecs et latins. 

— Dans les fondations de la cathédrale de Schleswig on a trouvé une 
pierre avec des inscriptions runiques. 

— Les leçons sur la politique, professées pendant de longues années 
parTreitschke, ont été recueillies par la sténographie; on les imprimera 
prochainement. 

— Le t. m des Libelli de lite imperatorum et pontificum, saec. X! et 111 
conscripti, vient de paraître (Hanovre, Hahn) ; il contient bon nombre 
de morceaux inédits. 

Aatriche-Hongrie. — Le 21 septembre a péri, dans le naufrage du 
navire à vapeur c Ika, » près de Fiume, le D** Joseph Kopallik, pro- 
fesseur d'histoire ecclésiastique à l'Université de Vienne; il avait qua- 
rante-neuf ans. On lui doit une Biographie des Cyrillus Alexandriniu 
(1881), une Chronologie des Mittelalters (1885) et divers mémoires sur des 
points de l'histoire d'Autriche. 

— Le successeur d'Alfred d'Arneth comme directeur des archives de 
l'État à Vienne est le D' Gustave Wimter, fort apprécié de tous ceux 
qui ont fréquenté ce riche dépôt. 

— La médaille d'honneur pour l'art et la science a été conférée au 
savant JAOïi et à l'égyptologue Reinisgh. 



458 CHRONIQUE ET BIBLI06RAPHIB. 

— Les professeurs Benndorf et Niemann ont été désignés pour conti- 
nuer les fouilles de Tantique Éphèse. 

Suisse. — M. Fr.-Jos. Schiffman, directeur de la bibliothèque can- 
tonale et de la bibliothèque des bourgeois à Lucerne, est mort le 
30 septembre dernier. Érudit et bibliophile distingué, il a publié dans 
le Geschichtsfreund, dans V Indicateur d'histoire suisse, dans le Jahrbuch 
fUr Schweizer Geschichte, etc., de nombreux mémoires relatifs, pour la 
plupart, à des questions de bibliographie et d'histoire littéraire. 

— La Société générale d'histoire suisse a eu sa 52« réunion annuelle 
à Trogen (cant. d^Appenzell, Rhodes extérieures) le 6 et le 7 septembre 
dernier. Plusieurs communications ont été faites à la séance familière 
du 6 septembre au soir; M. J. Dierauer, entre autres, a présenté le 
tome IV, qui va être terminé, du Cartulaire de Vabbaye de Saint-Gall, 
et a signalé l'importance de cette œuvre magistrale due à M. H. Wart- 
mann, de Sadnt-Gall. Le lendemain, en ouvrant la séance, le président 
M. Meyer de Knonau a rappelé le souvenir de J.-G. Zellweger, le grand 
historien appenzellois qui fonda la Société il y a cinquante-deux ans, 
et il a parlé de la scission du canton d'Appenzell, décrétée il y a juste 
trois cents ans. En souvenir de cet anniversaire, il a été distribué à 
tous les assistants une brochure de M. K. Rftter intitulée : Die Teilung 
des Landes Âppenzell im Jahre 1591 (Trogen, imp. Knebler, 1897, in-8**, 
80-Lix p.). M. le pasteur Euoster a lu un important mémoire sur l'en- 
trée d'Appenzell dans la Confédération en 1513, et M. le professeur 
G. ToBLER a fait un exposé très nouveau du rôle joué en Suisse par le 
ministre français Reinhard en 1800 et en 1801, tel qu'il semble ressor- 
tir de documents tirés du dernier volume des Actes de VHelvétique et 
d'archives de famille. 

— M. Jean Strigkler vient de publier le tome VI de VAmtliche 
Sammlung der Acten aus der Zeit der helvetischen Republik (Berne, 1897, 
in-4o, 983 p.). Ce volume comprend la période d'août 1800 à mai 1801. 

— M. le professeur Pierre Vaucher vient de donner de ses Esquisses 
d'histoire suisse une seconde édition (Lausanne, Mignot, 1898, in-8o, 
198 p.) dont le texte a été soigneusement revu et dans quelques cas 
notablement modifié. Pour faire de cet excellent volume un ensemble 
plus homogène, il a supprimé les études sur l'histoire de la Réforma- 
tion et a restreint ses Esquisses aux années 1291-1513. 

Angleterre. — M. W. H. Hutton a réuni et publié sous le titre 
Sketches of travel in Normandy and Maine un certain nombre de courts 
articles publiés par Freeman dans certaines revues anglaises (Macmil- 
lan, 243 p.). Freeman n'était pas, comme on sait, un savant de cabinet 
qui tire seulement sa science des livres; il voulait encore lire l'histoire 
dans les lieux où elle s'est faite, dans les monuments où elle a mis son 
empreinte; c'est pourquoi il vint plusieurs fois chercher en France 
la trace des ducs normands et angevins. Après chaque voyage, il 



CHRONIQUE BT BIBUOGRIPHIB. 459 

notait ses souvenirs, précisés encore par des croquis dont plusieurs ont 
été reproduits dans le présent volume, et s'empressait de les publier. 
Us sont encore agréables à lire aujourd'hui et parfois instructifs. Citons 
les endroits où il nous invite à nous arrêter avec lui : Falaise, les cathé- 
drales de Bayeux, Coutances et Dol, les vieux champs de bataille nor- 
mands (Val-ès-dunes et Mortemer), Fécamp, Saint-Lô, Hauteville-le- 
Guichard (patrie de Robert Guiscard), Mortain et Argentan, Exmes et 
Almenèches, Laigle et Saint-Évroul, Tillières (qu'on a le tort de placer 
sur VArve) et Verneuil, Beaumont-le-Roger, Jublains, Chartres et le 
Mans. Il est curieux de voir la comparaison qu'il établit entre les cathé- 
drales du Mans et de Chartres. Ses raisons pour préférer le Mans à 
Chartres sont surtout de sentiment; il est plein d'enthousiasme et 
comme de piété pour l'ancienne Normandie, pour l'ancien Maine ; il 
ne parle des choses et des gens de France qu'avec froideur, pour ne pas 
dire plus. Mais il est toujours bon d'écouter la parole d'un ennemi. 

— L'École des sciences économiques et politiques de Londres a ins- 
titué, depuis la Pentecôte de 1896, un cours de paléographie et de 
diplomatique. C'est M. Hubert Hall, du P. Record Office, dont les lec- 
teurs de la Revue historique connaissent le nom et les travaux, qui en a 
été chargé. Il a divisé son enseignement en deux classes, l'une pour les 
commençants, l'autre pour les étudiants qui possèdent déjà les éléments 
de cet enseignement; il se propose de constituer peu à peu un album 
paléographique dont l'intérêt dépassera sans nul doute le cercle étroit 
des auditeurs auquel il s'adresse. 

Italie. — M. Umberto Beniqni nous a adressé son livre VEconomia 
sociale cristiana avanti Costantino (Gênes, Fassicomo et Scotti, 1897), 
qui ne peut être accueilli qu'avec intérêt par les personnes qui souhaitent 
voir le clergé italien s'ouvrir à la culture historique. Il y a encore trop 
de rhétorique dans le style de M. Benigni, çà et là les traces d'un 
esprit que la phrase que voici (p. 104) suffirait à caractériser : c Renan in 
cui è tanto raro trovare la buona fede e la serietà... » Mais M. Benigni 
a une solide connaissance des éléments de l'histoire littéraire chrétienne 
antérieure à Constantin. Il a lu les textes pour y recueillir tous les 
passages ayant trait de près ou de loin à la sociologie. Est-il arrivé 
ainsi à établir que l'Église avait dès l'origine une « doctrina écono- 
mico-sociale? 1 Nous avons grand peur que non. M. Benigni traite ses 
textes un peu à la manière des théologiens italiens, c'est-à-dire 'en les 
interprétant selon les pensées d'une époque tout autre que celle où ils 
furent écrits. Il a pu ainsi dire de la Didachè que « i lineamenti econo- 
mico-sociali délia società pagana, passata e présente, vi sono scolpiti 
da mano maestra » (p. 118), et que « non v' è un tratto nel Nuovo Tes- 
tamento che realmente condanni una bene intesa attività economica » 
(p. 75). On voit à des traits de ce genre que M. Benigni est capable de 
s'échauffer et de s'illusionner. 

Espagne et Portugal. -— La mort de M. Camovas del Castillo est 



460 CHBOinQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 

une perte sérieuse pour les études historiques en Espagne. A toutes les 
époques de sa vie, et môme lorsque la direction des affaires publiques 
absorbait son activité presque entière, Téminent homme d'État trouvait 
encore le temps de s'occuper du passé et d*y chercher des enseigne- 
ments : une solennité académique, une séance d'ouverture de TAthé- 
née de Madrid lui servaient de prétexte pour exposer ses idées sur tel 
ou tel problème de l'histoire nationale. Ses amis disent qu'il préférait 
à tout les heures dérobées à la politique qu'il passait au milieu de ses 
livres. En tant qu'historien, il n'avait pas encore donné sa mesure dans 
quelque grand ouvrage d'ensemble, il s'était contenté de répandre la 
monnaie de ses connaissances et de ses réflexions dans des études, des 
essais, des conférences et des discours. La période de Thistoire d'Es- 
pagne qu'il connaissait le mieux et sur laquelle il a spécialement con- 
centré son attention est celle du xvi« et du xvii® siècle, la période autri- 
chienne. Aucun Espagnol de nos jours ne l'a étudiée avec autant 
d'amour et ne l'a mieux comprise. Dégagé à la fois des théories décla- 
matoires de l'école libérale et des préjugés des traditionnalistes, il a 
très sainement jugé la politique des derniers rois autrichiens et montré 
avec force qu'une des principales causes de la décadence espagnole 
tient aux sacrifices trop lourds et inutiles qu'ont imposés à la nation 
l'avènement à l'Empire du roi d'Espagne et l'alliance de famille qui en 
fut la conséquence : la puissance espagnole, déjà ébranlée par les luttes 
en Itahe et l'extraordinaire aventure américaine, sombra par l'éparpil- 
lement de ses forces aux Pays-Bas et en Allemagne; l'unification de 
tous les États de la Péninsule, la défense de la ligne des Pyrénées, la 
destruction des principautés barbaresques et l'établissement de quelques 
colonies militaires sur la côte d'Afrique, tel aurait dû être le programme 
de la politique espagnole depuis la mort des rois catholiques. Ces idées 
inspirent l'écrit le plus remarquable de Gânovas del Gastillo, celui qui 
donne l'idée la plus exacte de son talent d'historien, nous entendons 
parler de l'article, malheureusement peu accessible, qu'il a consacré à 
la Casa de Austria dans le Dicdonario gênerai de politica y administra'* 
don, t. I (Madrid, 1868), p. 834 à 973. A cet article il faut joindre, 
comme le complétant et le creusant plus profondément, les Estudios del 
reinado de Felipe IV (Madrid, 1888, 2 vol.), dont il a été parlé dans cette 
Revue, puis quelques morceaux du tome I*' des Problemas contempora- 
neos (Madrid, 1884). Grand orateur, comme le sont volontiers les 
hommes politiques espagnols et surtout les Andalous, Gânovas se res- 
sent, en écrivant, des habitudes contractées à la tribune; sa phrase 
imprimée, que ne soutiennent plus la voix et le geste, a parfois quelque 
chose d'empâté et de diffus qui empêche de goûter autant qu'on le 
voudrait la pensée toujours nette et vigoureuse de l'historien érudit et 
du ministre rompu aux grandes affaires. Mais ce n'est pas seulement 
comme écrivain que Gânovas servait tes intérêts de l'histoire : ses 
hautes fonctions politiques et académiques lui donnaient les moyens de 
proléger très efficacement des études qui en Espagne encore plus qu'ail- 



GHROrnQUB BT BIBLIOGRiPHIE. 464 

leurs réclament Tappui de TËtat. Il a encouragé et soutenu de son auto- 
rité diverses entreprises utiles, il est venu en aide à maint érudit. 
A cet égard aussi, sa mort sera vivement regrettée, car on ne voit 
guère par qui il pourra être remplacé dans cet office de protecteur 
éclairé des sciences historiques. Alf. M. -F. 

— M. le comte de Moucheron a consacré tout un volume^ à une 
étude sur la vie de sainte Elisabeth d'Aragon, qui, par son mariage 
avec le roi Denis, devint reine de Portugal. Le sujet est des plus inté- 
ressants et il ressort du travail même de M. le comte de Moucheron 
que cette pieuse princesse joua dans les affaires politiques de son temps 
un rôle très actif et très considérable. Malheureusement son récent his- 
torien n'a pas su ou n'a pas pu trouver les documents, rares sans doute 
et difficiles à découvrir, qui pourraient nous faire connaître avec un peu 
plus de précision quelle influence exerça sainte Elisabeth dans les con- 
seils du roi son époux et quelle fut sa part personnelle dans les négo- 
ciations diplomatiques auxquelles elle fut mêlée. Il y avait là une 
recherche à entreprendre, longue et malaisée, mais qui eût fait hon- 
neur à M. de Moucheron et lui eût permis de nous donner une œuvre 
originale, en le mettant à môme, sinon d'écarter, du moins de contrô- 
ler et de critiquer certaines sources historiques d'une date trop posté- 
rieure à la vie de sainte Elisabeth pour être acceptées sans un plus 
sérieux examen. Signalons en terminant une légère erreur : il faut 
écrire Inès ou Inez de Castro et non liiez ou Ignez. 

1. Sainte Élisaheth d'Aragon, reine de Portugal, et son temps, par le comte 
de MoacheroD. Paris, Firmin-Dldot, 1896, in-8*. 



Erratum du précédent numéro. 

L'article de M. Round sur la bataille de Hastings a soulevé des protestations 
de la part de M. Archer et de Mademoiselle Kate Norgate. Écartant résoloraent 
toat ce qui, dans ce débat, peut prendre un caractère d'animosité personnelle, 
nous accueillerons seulement la protestation de M"* Norgate, sur deux points 
de fait. Elle nous écrit : c 1* M. Round parle {Rev. hist., sept. 1897, p. 67) du 
(f passage de Wace commençant par les mots Fet orent devant elz escuz, sur 
c lesquels seuls s'appuient nos contradicteurs. • Ceci est une erreur de fait. 
Les défenseurs d'une barricade à Senlac ne s'appuient pas seulement sur ces 
cinq mots. Je le déclare en mon propre nom, étant un de ces contradicteurs, 
comme au nom de M. Archer, de qui je suis autorisée. 2* M. Round affirme 
(p. 68, n. 3) que, c de Taveu même de ses apologistes, il (Freeman) s'est con- 
c tredit sur la situation relative de l'étendard et de la barricade {Engl, hist, 
« RevieWy IX, p. 61, 64-65, 251-254). » Le dernier renvoi que nous venons de 
transcrire (p. 251-254) fait allusion à un article de M. Round lui-même; les 
antres renvoient à des passages d'un article dont je suis l'auteur. Je nie absolu- 
ment avoir fait, ni dans les pages citées, ni ailleurs, un aven semblable à 
celui que M. Round m'attribue. » 



462 



mUEX BIBLIOGRAPHIQUE. 



INDEX BIBLIOGRAPHIQUEV 



ANTIQUirB. 

Ceuleneer {A. de), La défaite de Ton- 

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jogicfues sur l'ancieDDe église et les 

Tillas romaines de Neerharen, 147. 
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stellerei des G. Asinias Pollio, 161. 
Mahieu. Les villas belgo-romaines de 

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Mauri [Angelo). I cittadini laTora- 

tori deli' Attica v-iv sec, 400. 
Neuss {Van). Découverte d'une Tilla 

belgo-romaine, 147. 
Oherziner. Alcibiade e la mutilazione 

délie Erme, 400. 
VlamiTick [A. de). Le territoire des 

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politiques de Philippe-Auguste avec 
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Aulard. Recueil des actes du Comité 
de Salut public. T. X, 339. 

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en Tan IX, 351. 

Barante (de). Histoire de Jeanne 
d'Arc, éd. MiUler, 413. 



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Julien de Valgalgues, 227. 

Beauiemps- Beaupré. Coutumes et 
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125. 

Bémont {Charles). Rôles gascons. Sup- 
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Bernard {Augustin). L'archipel de la 
Nouvelle-Calédonie, 170. 

Berthelé. Carnet de vovage d'an an- 
tiquaire poitevin, 126. 

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de la ville de Montpellier, 127. 

Boulay de la Meurtke (comte). Docu- 
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BourdiUon. Tote l'isloire de France 
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Boumon {F.). La Bastille, 349. 

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— Moulineaux et le château de Ro- 
bert le Diable, 348. 

Castets, Voy. Berthelé. 

Cazauran (abbé). Notre-Dame de 

Biran, 226. 
Champion {Edme). Voltaire, 350. 

— La France d'après les cahiers de 
1789, 350. 

Chronique scandaleuse, éd. B. de 
Mandrot. 109. 

Circourt (de). Voy. Haussez. 

Compter. Les justices sei^euriales du 
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Couret. Un fragment inédit des an- 
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Crémieux {A.). Etude sur l'histoire 
de rinstruction publique dans le 
dép. de l'Indre, 227. 

Dask (comtesse). Mémoires des autres. 
T. V, 352. 

Dast le Vacher de Boisville, Inven- 
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Jurade de Bordeaux. T. I, 128. 

Documents pour servir à l'histoire de 
la Révolution française dans la ville 
d'Amiens. T. III, 350. 

Doniol. La libération du territoire, 
1871-73, 355. 

Doublet {Georges). Les protestants à 
Pamiers sous i'épiscopat de Caulet, 
226. 



1. Nous indiquons ici, outre les ouvrages qui ont été l'objet d'un compte- 
rendu spécial, ceux qui sont appréciés dans les BuUetins et dans la Chronique. 



INDEX BÎBLIOGfilPHIQUB. 



463 



DeubUi (Georaes). François Oaalet et 
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Ferry (Jules). Opinions et discours, 
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Fleury (générai comtej. Sou?enirs. 352. 

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Franklin (A.), La Tie privée d'autre- 
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— La vie de Paris sous la Régence, 121 . 
Fresne^anaye (Philippe du). Voyage 

dans le Levant, p. p. H, Hauser, 
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Lumbroso. Pfapoleone 1 e l'inghil- 
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Libelli de lité imperatorum et pontifi- 

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T\rr» 




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bifiçmla il m. ^^anaa^ 23ft. 



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— et Vimrf JMgjù g» j^ Cartnlaîrt de 
r^sfisie SûiS-LaBbert. à Uèfie^ t4d. 

L aniariiàl ancôBa «t bi>- 
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Schuermans (H,). L'inyasion des Ghau- 
ques en 176, 147. 

— Le Perron républicain et A.-J. Jan- 
son, 153. 

— Les yerres façon de Venise fabri- 
qués aux Pays-Bas. 387. 

Servais (abbé A.). Étude historique 
et critique sur saint Materne, 374. 

Sevens, 0ns vaderland tijdens de fran- 
schc oYerheersching (1792-1802), 
153. 

— Le chanoine de Haeme, 159. 
Sheridan. Les inscriptions sur ardoise 

de l'abbaye de Vilters, 387. 
Simonis. La seigneurie et le comté 

d'Esmeux, 398. 
•Soi/. Les tapisseries de Tournai, 387. 
SpUbeeck (van). Obituaire de l'abbaye 

de Soleilmont, de l'ordre de Gtteaux, 

145. 

— De abdij Tan Tongerlo, 381 . 
Staes. De belgische republiek van 1790, 

153. 

Stalle (van). Voy. Jourdain, 

Stecher. Jean Lemaire de Belges, 157. 

Sieen de Jehay {van den). Souvenirs 
de François Garnier, 1746-1846, 153. 

Stein (H,). Inventaires des mss. du 
musée Plantin à Anvers, 393. 

Stévart. Copernic et Galilée devant 
rUniversité de Louvain, 386. 

Stouren. Histoire de l'ancien ban d'Olne 
et de la domination des Calvinistes 
dans ce territoire, 386. 

Straven. Inventaire analytique et chro- 
nologique des archives de Saint- 
Trond, 394. 

Tandel. Les communes luxembour- 
geoises, 399. 

Thimister. Nécrotoge du clergé diocé- 
sain de Liège, 1801-1894, 145. 

— Histoire de l'église collégiale Saint- 
Paul à Liège, 382. 

Thys. De belgische conscrits, 1798-99, 



nys. 
153. 



— Un drame judiciaire en 1813, 154. 

— De geestelifkheid van Antwerpen, 
1798-99, 380. 

— Histoire du chapitre de Tongres, 382. 
Tierentyn. Les comtes francs depuis 

Clovis jusqu'au traité de Veraun, 
370. 

— Les origines, le développement et 
le rôle des officiers fiscaux près les 
conseils de justice dans les anciens 
Pavs-Bas, 371. 

Torfi. Leopold II ; zyne leven en zyne 
werken, 160. 

Toussaint. Wibald, abbé de Slavelot, 
de Mont-Gassin et de la Nouvelle- 
Corbie, 382. 

Tyck, Notices historiques sur les 
congrégations et communautés reli- 
gieuses de la Belgique au xix* siècle, 
380. 






Ret. Histor. LXV. 2* fasg. 



Vercamer. Histoire du peuple belge 

et de ses institutions, 373. 
Verhaegen (A,). Le cardinal J.-H. de 

Franckenberg, 152. 
Verkaegen (P.). Essai sur la liberté 

de la presse en Belgique durant la 

domination française, 152. 

— Le tribunal révolutionnaire de 
Bruxelles, 152. 

Vianesius Albergatis. Mémoires iné- 
dits, p. p. E. Bâcha f 141. 

Vlaminck {A. de). Les origines de la 
ville de Gand. 370. 

Vos, Le clergé au diocèse de Tournai 
depuis le Concordat, 380. 

Vuylsteke. Rekeningen der stadl Gent 
(1376-1389). 139. 

— Verzamelde prozaschriften, 396. 
Waddington {Albert). La République 

des Provinces-Unies de 1360 à 1650, 

454. 
WaltUng. Une inscription inédite 

découverte à Foy, 147. 
Wauters {Alph.). Table chronologi(][ue 

des diplômes concernant l'histoire 

de Belgique, 139. 

— Henri de Gand, 157. 

— J. van Praet, 158. 

— Les plus anciens échevins de Bru- 
xelles. 372. 

— La géographie et l'histoire des com- 
munes belges, 388. 

— Le peu de créance que méritent 
quelques-unes de nos sources histo- 
riques, 393. 

Wauvermans. Napoléon et Carnot. 
Épisode de l'histoire militaire d'An- 
vers, 154. 

— Les réfugiés du coup d*État en Bel- 
gique, 155. 

— Le cinquantenaire de TAcadémie 
d'archéologie de Belgique, 387. 

— Essai sur l'histoire de l'école car- 
tographique anversoise au xvi* siè- 
cle, 389. 

Weghe (van den), Geschiedenis van 
Moorsiede, 397. 

Werveke (N. van). Les finances de la 
ville de Luxembourg pendant le 
règne de Philippe le Bon, 383. 

— Études sur les chartes luxembour- 
geoises du moyen âge, 393. 

WUlame. La Révolution de 1830 à 
Nivelles, 396. 

Wins. La connétablie des boulangers 
de Mons, 384. 

Mlntershoven (van). Notes et docu- 
ments concernant l'ancien béguinage 
de Saint-Christophe, à Liège, 375. 

Witte {de). Histoire monétaire des 
comtes ae Louvain, ducs de Brabant 
et marquis du saint Empire romain, 
388. 

Wodon. La forme et la «aranlie dans 
les contrats francs, 370. 

30* 



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rniWftii «t •nropiîiujK:^. iéi 
— L iotivmitisnK». 2t.j^. 



INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. 



474 



Mëtin (A,), Le socialisme en Angle- 
terre, 357. 

Mailler (Ch.). Traité des études his- 
toriques, 392. 

Monchamp, Histoire du cartésianisme 
en Belgique, 385. 

Sabotier l Auguste ). Esquisses d'une 
philosopnie de la reli^on d'après la 
psychologie de l'histoire, 364. 

Sizeranne {Robert de la). Ruskin et 
la religion de la beauté, 357. 

GÉOGRAPHIE ET VOYAGES. 

Annales de géographie, 454. 

Freeman (Edw. A,). Sketches of 
travel in Normandy and Wales; 
éd. Huttofiy 458. 

Hennequin. Etude historique sur l'exé- 
cution de la carte de Ferraris et 
révolution de la cartographie en 
Belgique depuis 1549, 389. 



Poole {R. I.). Historical atlas of mo- 
dem Europe, 233. 

HISTOIRE DE l'aRT. 

Art (1') ancien à l'Exposition nationale 

suisse. Album illustré, 122, 237. 
Grand-Carteret. Napoléon en images, 

362. 
— La Crète en caricature^ 362. 
Molinier {Emile), Histoire générale 

des arts appliqués à l'industrie. T. II, 

363. 

HISTOIRE LITTÉRAIRE. 

Broglie (duc de). Malherbe, 366. 
Deschamps (Gaston). Marivaux, 366. 
Hallays (A.). Beaumarchais, 366. 
Pichon [R.]. Histoire de la littérature 
latine, 368. 



<^ 



TABLE DES MATIERES. 



ARTICLES DE FOND. ? 

A. BijcnHE-LaiLaBai. L'iscoioeie 'ians le mande ramaiii . . ^41 

H. SfiH. Les idées louxuries le Diderot 46 

H- Vast. Les îBiiiati^Tes de Lûms XTV pour arriver i FEm- 

pire l 

MÉLANGES ET DOCTMEXTS. 

G. Blosdbl. Le ouucrés des hiatoriens allemands i Imxs- 

brack . tS96. ' 323 

Fr. FncK-BBHaTAao. Nboce sur les chartes de coimmies de 

Pouy-Corgelart « de Bivès 300 

A OE Gajsisrs. Le oénéral Verscès et les derniers lonrs de 

Charette en Yaidée •î4-?î mars 1796 1 78 

H. J. RocTD. La bataille de Hastings 61 

AIL Steui. Charles Eogelbert Œlsner: mite 90 

BCLLBTDî HISTORIQUK 

Bel8f4iw (1886-1896. par Eog. HuBEBT 135.369 

Fraaee, par A. LicsiEsoncai, A Mousieb. G. Moiiod . . 107,334 
— Lagrégation d'histoire^ par G. Moboo 105 

œMPTES-ElENDUS CRITIQUES. 

Br. Adjlms. The law of dTÎiisation and decay. iSrtgnatw.) . 175 

E. AaMffraoae. Lorenzo de' Medid 414 

Ch. Bfafoar. Rôles gascons. IFr. Futek-Brentano. » ... 163 
A. BEBarARD. L'archipel de la Noayelle-Calédonie. jlfala- 

▼UUe.) 170 

£. CHAKfiHG. The United States of America. (Bvreii^.^ . . 174 

E.-R. DiEHELL. Die Kôlner Konfcederation (1367-1385) ... 411 
O. HEOfEif Aif?(. Beitraege znr Diplomatik der slteren Bischœfe 

von Hildesheim. (Georges Blondel.) 405 

E. Jenks. The history of the Anstrala8ian colonies .... 171 
P. Kirsch. Die pmpBtlichen Kollectorien in Dentschland . ( J. Gai- 

raud.) 406 

E. KoRNEMANif. Die historische Schriftstellerei des G. Asinius 

Pollio. (Lécrivain.) 161 

W. LiPPERT. Wettiner und Wittelsbacher in xrv Jahrh. 

(Georges Blondal.) 408 



TABLE DES MITI^RES. 473 

Piges 

A. Mauri. I cittadini lavoratori dell' Attica nei sec. v e iv. 

(P. G.) 400 

J. Mayer. Die fraDzôsisch-spanische Allianz, 1796-1807. (Des- 
devises du Dezert.) 167 

H. MuELLER. Histoire de Jeaane d'Arc. (R. Peyre.) ... 413 

Giov. Oberziner. Alcibiadee la mutilazione délie Erme. (Paul 

Monceaux.) 400 

J. B. Seeley. Formation de la politique britannique. (Ant. 

Guilland.) 177 

U. Stutz. Geschichte des kirchlichen Benefizialwesens. 

(Georges Blondel.) 402 

J. Szendrei. Magyar Hadtœrténelmi Emlékek. (Sayous.) . . 414 

LISTE ALPHABÉTIQUE DES RECUEILS PÉRIODIQUES 

ET DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 
FRANCE. 

1. Académie des inscriptions et belles-lettres 190,427 

2. Académie des sciences morales et politiques .... 190 

3. Annales de Bretagne 191 

4. Annales de géographie 425 

5. Annales de l'École libre des sciences politiques . . . 425 

6. Annales de l'Est 191 

7. Annales du Midi 428 

8. Bibliothèque de TËcole des chartes 421 

9. Bulletin critique 186,423 

10. La Correspondance historique et archéologique . . . 421 

11. Le Correspondant 188,425 

12. Études publiées parles PP. de la Compagnie de Jésus. 189,426 

13. Journal des Savants 186,424 

14. Mélanges d'archéologie et d'histoire 183 

15. Nouvelle Revue historique de droit 184 

16. Nouvelle Revue rétrospective 422 

17. Polybiblion 424 

18. La Province du Maine 192 

19. La Révolution française 182,423 

20. Revue archéologique 183,425 

21. Revue celtique 183 

22. Revue critique d'histoire et de littérature 187, 424 

23. Revue de Gascogne 193 

24. Revue de géographie 185 

25. Revue d'histoire diplomatique 182 

26. Revue de l'Agenais 192 

27. Revue de l'Histoire des religions 184 

28. Revue de TOrient chrétien 184 

29. Revue de Paris 189,427 



474 TllU BIS MATISUS. 

30. Revae de Saintonge et d'Aonis 193 

31. ReYoe des Étades juives 185 

32. Re?ae des Questions historiques 419 

33. Revue des Universités du Midi 193 

34. Revue générale du droit 425 

35. Revue internationale des archives, bihlioth. et musées. 186 

36. Revue maritime 425 

37. Société archéologique de Tam-et-Garonne 193 

38. Société de Tffistoire de Paris et de ille-de-France . . 191,427 

39. Société de l'Histoire du protestantisme français . . . 191,428 

40. Société éduenne 192 

ALLEMAGNE. 

1. K. Akademie der Wissenschaften (Berlin) 204 

2. K. Akademie der Wissenschaften (Munich) .... 204 

3. Anglia 203 

4. Archiv f. katholiscbes Kirchenrecht 195 

5. Beitraege zur Geschichte der Stadt Buchholz .... 205 

6. Beitraege zur Geschichte des Niederrheins 205 

7. Beitraege zur Geschichte des Stiftes Werden .... 205 

8. Beitraege zur Geschichte Dortmunds 206 

9. Bonner Jahrbûcher 206 

10. Braunschweigisches Magazin 206 

11. Byzantinische Zeitschrift 194 

12. Deutsche Rundschau 441 

13. Deutsche Zeitschrift fur G-eschichtswissenschaft. . . 438 

14. Deutsche Zeitschrift fur Kirchenrecht 195 

15. Gœttingische gelehrte Anzeigen 439 

16. Hansische Geschichtsblaetter 207 

17. Hermès 196 

18. Historisch-politische Blaetter f. d. kathol. Deutschland. 440 

19. Historische Zeitschrift 437 

20. Historisches Jahrbuch 194 

21. Jahrbuch des histor. Vereins Dillingen 208 

22. Mittheilungen an die Mitglieder d. Vereins f. Hess. 

Geschichte 208 

23. Mittheilungen aus d. germanischen Nationalmuseum . 201 

24. Mittheilungen aus d. Stadtarchiv von Kœln .... 209 

25. Mittheilungen d. anthropol. Vereins in Schleswig . . 209 

26. Mittheilungen d. d. Palaestina Vereins 202 

27. Mittheilungen d. k. archaeologischen Instituts ... 197 

28. Mittheilungen d. Vereins f. d. Geschichte von Osna- 

brùck 209 

29. Monatsblsetter f. Pommersche Geschichte 210 

30. Neue Heidelberger Jahrbûcher 210 

31. Neue Jahrbûcher fur Philologie und Paedagogik. . . 198 



TIBLB DBS MATliRES. 475 

Pages 

32. Neue Mittheilangen aus d. Gebiet historischer For- 

schungen 210 

33. Neues Archiv 440 

34. Neues Archiv f. d. Geschichte d. Stadt Heidelberg. . 211 

35. Nord und Sud 203 

30. Philologus 199 

37. Quartalblaîtter d. histor. Vereins f. Hessen .... 211 

38. Sammelblatt d. histor. Vereins Ëichstaett 211 

39. Schlesiens Vorzeit 211 

40. Schriften d. œkonomischeD Gesellschaft zu Kôoigsberg. 212 

41. Schriften d. Oldenburg. Landesvereins 212 

42. Schriften d. Vereins f. d. Geschichte Berlins. . . . 212 

43. Schriften d. Vereins f. Geschichte d. Neumark . . . 212 

44. Schriften d. Vereins f. Sachsen-Meiningische Gesch. . 212 

45. Studien u. Mittheilungen aus d. Benedictiner Orden . 195 

46. Wurttembergische Vierteijahrshefte 212 

47. Zeitschrift d. Aachener Geschichtsvereins. .... 442 

48. Zeitschrift d. histor. Gesellschaft f. d. Provinz Posen . 213 

49. Zeitschrift d. histor. Vereins f. Schwaben 442 

50. Zeitschrift d. Vereine f. Recklinhausen 441 

51. Zeitschrift d. Vereins f. Geschichte Schlesiens . . . 443 

52. Zeitschrift d. Vereins. f. Hessische Geschichte . . . 445 

53. Zeitschrift fiir segyptische Sprache 200 

54. Zeitschrift fur Assyriologie 200 

55. Zeitschrift fur deutsches Alterthum 201 

56. Zeitschrift fur die Geschichte des Oberrheins. . . . 444 

57. Zeitschrift fur Ethnologie 203 

58. Zeitschrift fur romanische Philologie 201 

59. Zeitschrift fur vaterlsendische Geschichte 445 

60. Zeitschrift fur wissenschaftliche Théologie .... 196 

AUTRIGHE-HONQRIE . 

1. Archœologisch-epigraphische Mittheilungen .... 214 

2. Archeografo triestino 217 

3. Archiv d. Vereins f. Siebenbûrgische Landskunde . . 215 

4. Berichte d. Alterthums vereins zu Wien 216 

5. Bulletin de l'Académie des sciences de Cracovie. . . 218,447 

6. Mittheilungen d. Instituts f. œsterr. Geschichtsforsch. 446 

7. Mittheilungen d. Nordbœhmischen Excursionsclubs . 216 

8. Zeitschrift d. Vereins f. d. Geschichte Maehrens. . . 216 

ILES BRrrANNIQUBS. 

l.TheAcademy 448 

2. TheAthenaeum 448 

3. The English historical Review 218 

BELGIQUE ET LUXEMBOURG. 

1. Académie d'archéologie 437 



476 TABLE DES VlTiitES. 

2. Académie rovale des sciences, lettres et beaux-arts. . 4^9 

3. Analecta Boilandiana 430 

4. Analecte? pour servir à l'histoire ecclésiastique ... 431 

5. Annales de la féd-iraiion archéoîosiqut? 436 

6. Annales do l'Institut archéologique du Luxembourg . 435 

7. Annales de la Société d'archtîologie de Bruxelles . . i35 

8. Annales de la Société d'émulation de la Flandre. . . 436 

9. Bulletin de la Société de gétjffraphie 430 

10. Bulletin des archives de la ville d'Anvers 437 

11. Commission royale d'histoire 4*29 

lî. Commission de l'histoire des églises wallonnes ... 431 

13. Messager des sciences historiques i3*2 

14. Le Muséon 43*2 

15. Revue bénédictine de l'ab bave de Mared sous . . . . 431 

16. Revue de l'Art chrétien 432 

17. Re\T3e de l'Instruction publique 433 

18. Revue de l'Université de Bruxelles 435 

19. Revue générale de Belgique 435 

tO. Revue de numismatique 430 

IT.\LIE. 

1. R. Deputazione di storia patria iRomagnai .... 219 

ESPAGNE. 

1. Bolctin de la r. Academia de la historia 220 

ÉTATS-US 15. 

1. The american historical review 222 

2. Political science Quarterly 223 

Chronique et Bibliographie 224,451 

Erratum 461 

Index bibliographique 462 



L'un des propriéiair espérants, G. Moxod. 



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i. Hkimi. t KltUiliui luvoralnri M\' Alilra nel socoll v e iv. (P. G | 
QiuT. Oormcinvu. Alrittimlu h U tiiullUiinric delln Krnio. (P. lAoac»anx.| 
V, Sm£. Caicttlcble iltu kircUllcbeii Benetlzlalneseos. |Q. Blondel.) 

0. Hci^SHUm. B«iirir^ xHr Di|>li>iiiat!k dar eltcreo DiKcliûIi; «un IJilliMbeim. 
p Knumn. Dia l'niputlk&vii Kalli'clorien S» DeulKcbtaud. |J. Qalraad.) 

V. hivvmn. Wettiner und WilltUliacber. •(iwiuriii'.lAunUi im xiv jahrh. IG.Bloi 
Si-R< l>A«uti'- D'9 KnilnRr Knnfatleratiun von 3. 1397 und ilio Schonlicben || 

icfianKii. (Xd.) 

Iti ltTnu.t.fln. Ilittoim ilo JeAnno d'Arc par H. de Basaktb. (R. P«yre.| 

1. Stsaicuiu. Hagr«r tUdlwrtéuelniI Emtëkek. |E. Soyon»,) 

K. Adhstuunu . [.omniii àe' Uedki and Flateoce ia the XV"> centur}. 



LES PROCHAINS NUMÉROS CONTIENDRONT : 

L Auvray. Us ci^finr.iDtloniï de la jniIx d« Ban Oertnana itntri! FriMtlc H-afl 

floiii- IX (I3!!>'I33Q), d'upt&t ds iioiiTuiuix ducomt'iil). 
R. Dn Cass* Le uinquièmu curp» de t'arinéc d'Italie «u 1653. 
Faal Fabre Lhb patrliuuiiNï d« l'^Bllse romaine sraot Cliaflttnagne. 
Heurt Hubert. Ëtude sur la foraiMlJon de» Elnts do l'ËKlla». 
G. JoUlan. l.'nrgonlutlon *t 1« gourorncHient de U Oauln par dut, Anui 

Cb- Kobler. litudn nrftl(|o« »nr lu vie du v*lntn Genoviètu. 

Ch.-V. Langlola, Duniimeiits reUtlf» A l'blsinlre de Fraoce ,vi Uiuips da Phflf 

Ut)]. II OuoimiBnta nrniioiiaU. 
Uèvra. I.r Dqu d« la rtncoulre <Iei« Pr«n(,« fi des Wisigollii sur ]«« liurili di 

«u 507. 
M. Marlon. Uk d^biiU <ie ralAIn: de DrcUgnc (1763-I76t). 
G. If onod. La Itt^Dfls de la Loi Snliijua ei ta »uix.Miioa au trAai! de Franre ai 
X. Hoitsniann. La France en AUace uprèH la pali de We«t|ilialie. 
P. da l\occa. Lci Ax^embtèe.-i puUti<)ue« daas la Russie ïDcleuua. Beuxlimw d 

kl SuburH. 
Alfrod Stern. Cliarlc« Kngnlliprt IJElsnrr; nolir.c liiogrDi>hlr]ui;. 

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oera envoyé tin exemplair» nu Iniroau d<i la RECVUK. 

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